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Full text of "Revue générale des sciences pures et appliquées"

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Revue générale 


D SClences 


pures et appliquées 


TOME DOUZIÈME 


Revue générale 


des Sciences 


pures et appliquées 


PARAISSANT LE 15 ET LE 30 DE CHAQUE MOIS 


Directeur : Louis OLIVIER, Docreur Ès ScrencEs 


TOME DOUZIÈME 
1901 


AVEC NOMBREUSES FIGURES ORIGINALES DANS LE TEXTE 


Librairie Armand Colin 


5, rue de Mézières, Paris 


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12: ANNÉE 


N74 


15 JANVIER 1901 


Revue générale 


Des ScCienc 


pures el appliquées 


DIRECTEUR : 


LOUIS OLIVIER, Docteur ès sciences. 


Adresser tout ce qui concerne la rédaction à M. L, OLIVIER, 22, rue du Général-Foy, Paris, — La reproduction et la traduction des œuvres et des travaux 
publiés dans la Revue sont complètement interdites en France et dans tous les pays étrangers, y compris la Suède, la Norvège et la Hollande. 


CHRONIQUE ET CORRESPONDANCE 


$ 1. — Distinctions scientifiques 


La séance annuelle de lAcadémie des 
Sciences de Paris — Le lundi17 décembre dernier, 
l'Académie des Sciences a tenu sa séance publique an- 
nuelle. Après une magistrale allocution du Président, 
M. Maurice Lévy, sur les progrès de la Science au cours 
du xx° siècle, le Secrétaire perpétuel a proclamé les 
noms des lauréats des divers prix de l'Académie. 

Le sujet du concours pour le Grand Prix des Sciences 
mathématiques était le suivant: Perfectionner en 
quelque point important la recherche du nombre des 
classes de formes quadratiques à coefficients entiers et 
de deux indéterminées. L'auteur du Mémoire couronné 
est M. Marnias LercH, professeur à l'Université de 
Fribourg. 

Le Prix Francœur a été attribué à M. En. MAlLLeT. 

Le Prix Poncelet a été décerné à M. L. LecorNu pour 
l'ensemble de ses travaux sur la Mécanique. 

Le Prix extraordinaire de six mille franes a été 
partagé comme suit: trois mille francs à M. Maxime LAUBEUF 
pour ses études qui ont fait faire un grand pas à la 
navigation sous-marine; mille francs à M. le Capitaine 
CHarBonnier pour son « Traité de Balistique intérieure 
théorique »; mille francs à M. AugussoN DE CAVARLAY 
pour son « Cours d'Electricité » professé à l'Ecole 
d'Application du Génie maritime; mille francs à M. A. 
Gnasser pour son ouvrage : « La Défense des côtes ». 

Le Prix Montyon (Mécanique) a été décerné à M. le 
colonel LEROSEY pour ses nombreux travaux concernant 
l'arme du Génie. 

Le Prix Plumey a été attribué à M. MoissenET pour 
les services que ses appareils rendent à la navigalion. 

Le Prix Lalande a été décerné à M. Gracogint pour 
ses observations sur les comètes. 

Le Prix Damoiseau à été attribué à M. J. vox Hee- 
vERGER, professeur à l'Université de Graz, pour son vaste 
travail sur la comète de Biéla. 

Le Prix Valz à été décerné à l'abbé VERSOHAFFEL, 
directeur de l'Observatoire d’Abbadia, pour ses études 

_ méridiennes. 

Le Prix Janssen a été attribué à M. Barnaro, astro- 

nome à l'Observatoire Lick. 


REVUE GÉNÉRALE DES SCIENCES, 1901. 


Le Prix Montyon (Statistique) a été décerné à M. P. ou 
Maroussem. Des mentions honorables ont été accordées 
à M. Barras et à M. ParcHas. 

Le Prix Jecker a été décerné à M. A. BÉuaL, pour 
l'ensemble de ses travaux de Chimie. 

Le Prix Desmazières a été attribué à M. H. Brucu- 
MANN pour son travail sur les prothalles et les plantules 
de plusieurs Lycopodes européens. M. G. Isrvanrr à 
obtenu une mention très honorable. 

Les Prix Montagne ont été partagés comme suil: 
mille francs à M. G. Decacroix pour ses recherches de 
Pathologie végétale, et cinq cents francs à M. A. Boisrez 
pour sa « Flore francaise des Lichens ».. 

Le Prix Thore a été décerné à M. SEURAT pour ses 
recherches sur les larves parasites entomophages des 
Hyménoptères. 

Le Prix da Gama Machado à été partagé entre: 
Mu: la comtesse pe LiNDEN pour ses recherches sur la 
coloration de l'aile des Insectes, M. Pauz CarNoT pour 
ses études sur le mécanisme de la pigmentation, M. Mi- 
CHEL SIENLECKI pour ses observations sur la fécondation 
chez les Sporozoaires, et M. L. Borpas pour ses recher- 
ches sur les organes reproducteurs mâles des Coléop- 
tères. 

Le Prix Montyon (Médecine et Chiruryie) à été 
partagé entre: MM. Harcoreau et LEreppe pour leur 
« Traité de Dermatologie », M. GuiILLEMINOT pour ses 
applications médicales des rayons X, et M, Juzes Soury 
pour son ouvrage sur « Le Système nerveux central ». 
Des mentions sont attribuées à MM. Nogécourr, SABRAZÈS 
et PAuL GALLOIs. 

Le Prix Barbier a été décerné à M. MARAGE pour sa 
théorie de la formation des voyelles, et à M. Guinann 
pour son étude pharmacodynamique de la morphine et 
de l’apomorphine. 

Le Prix Bréant a été partagé entre MM. Aucrarr el 
REMLINGER. 

Le Prix Godard a été décerné à M. Léon BErxano. 

Le Prix Parkin a été attribué à M. H. Cour. 

Le Prix Bellion a été partagé entre MM. les D BrauLr, 
S. Gace, Knopr et LÉON JACQUET. 

Le Prix Dusgate a été décerné à M. le D' Icarp pour 
son ouvrage: « La Mort réelle et la Mort apparente ». 


1 


2 CHRONIQUE ET CORRESPONDANCE 


Le Prix Lallemand a été partagé entre MM. Maurice 
DE FLEURY et DE NaBias. 

Le Prix du baron Larrey a été décerné à MM, Ner 
et LavaL ; une mention honorable à M. Fine. 

Le Prix Montyon (Physiologie) a été partagé entre 
M. Pachon (études sur le mécanisme cardiaque et 
vasculaire) et Mlle Jorevyro (fatigue du muscle). 

Le Prix Pourat est attribué à MM. Bercont et 
SIGALAS. 

Le Prix Martin-Damourette a été décerné à M. Er. 
Loc. 

Le Prix Philipeaux a été partagé entre M. DELEZENNE 
pour ses travaux sur les subtances anticoagulantes et 
M. Niccoux pour ses recherches sur l'élimination de 
l'alcool dans l'organisme. 

Le sujet de concours pour le Prix Gay était: « Appli- 
quer à uve région de la France ou à une portion de la 
chaîne alpine l'analyse des circonstances géologiques 
qui ont déterminé les conditions actuelles du relief el 
de l'hydrographie ». Le prix a été attribué à M. Maurice 
Luceon, professeur à l'Université de Lausanne. 

Le Prix Montyon (Arts insalubres) a été partagé 
entre M. A. Trircar (désinfection par la formaldéhyde) 
et MM. SÉvène et Canex (emploi du sesquisulfure de 
phosphore dans la fabrication des allumettes). 

Le Prix Cuvier a été décerné à M. A. FritscH, pro- 
fesseur à l'Université de Prague. 

Le l’rix Wilde a été attribué à M. M. DerÉpine. 

Le l’rix Varllant à été partagé entre M. Henri Gau- 
rer (fusibilité des alliages, poids atomique du bore) et 
M. FE. Osmoxo (métallographie microscopique). 

Le /’rix Trémont a été décerné à M. Cu. FRÉMONT. 

Le l’rix Gegner à été attribué à Mwe Curie pour les 
admirables travaux que connaissent nos lecteurs. 

Le Prix Delalande-Guérineau à été partagé entre 
MM. les capilaines MauraIn et LAcouBe. 

Le Prix Gérome Ponti a été décerné à MM. P. Giro» 
et E. MasséÉnar. 

Le Prix Tchihatchef a été attribué à M. ne Loczx, 
professeur à l'Université de Budapest. 

Le Prix Houllevique a été décerné à M. Wazrerawr. 

Le l’rix Boileau, destiné à encourager les travaux 
sur l'hydraulique, à été partagé entre MM. SAUTREAUX, 
Juces Decenmer et Nau. 

Le Prix Cahours a été divisé en trois parties: deux 
parts égales ont été attribuées à MM. Mouxeyrar et 
Merzxer et une subvention a été accordée à M. DEracoz. 

Le l’rix Saintour est décerné à M. DeBurAUx. 

Le Prix de Laplace est attribué à M. Macaux. 

La /ievue est heureuse de voir figurer parmi les 
lauréats plusieurs de ses collaborateurs ; elle s'empresse 
de leur adresser, à cette occasion, ses bien vives féli- 
citations. 

La séance s'est (erminée par la lecture d'une Notice 
de M. Berthelot sur la vie et les travaux de M. F-Ch. 
Naudin. 


$ 2. — Physique 


Nouvelle détermination de la vitesse de la 
lumière à l'Observatoire de Nice.— Avant d’en- 
trer dans le détail des expériences que M. Perrotin a 
entreprises depuis plus d’un an, à l'Observatoire de 
Nice, dans le but de déterminer la vitesse de la lumière 
avec plus de précision qu'on ne l'avait fait jusqu'à ce 
jour, nous rappellerons brièvement les quelques ré- 
sullats auxquels sont parvenus les physiciens qui se 
sont occupés de la question, sans nous étendre sur les 
méthodes employées à cet effet. La méthode du miroir 
tournant, inventée par Foucault, fut employée par lui 
dès 1862 : on trouva, par cette méthode, le nombre 
298.000 kilomètres pour la vitesse de la lumière, avec 
une erreur estimée inférieure à 500 kilomètres. Michel- 
son, en 1879, obtint par cette méthode 299.910 kilomè- 


tres à près; puis, plus tard, en 1882, par une 


10.000 
détermination, en un autre point, il trouva 299.853 kilo- 
mètres : ainsi qu'on le voit, ces deux valeurs concordent 


assez bien. Newcomb, en 1885, obtenait, au moyen de 
la méthode de Foucault, et après une discussion très 
minutieuse, le nombre 299.860 kilomètres, avec une 
erreur possible de + 30 kilomètres. 

L'expérience de Fizeau, entre Montmartre et Suresnes, 
uniquement effectuée pour faire une vérification de la 
méthode de la roue dentée, donna en 1849 une vitesse 
de 315.000 kilomètres par seconde pour la propagation 
de la lumière. La méthode Fizeau comporte une tech- 
nique fort délicate, et la lenteur dans les variations 
d'intensité de l'image de retour constitue une difficulté 
qui restera presque insurmontable pour les approxima- 
tions successives. En 1872, entre le Mont Valérien et 
l'Ecole Polytechnique, M. Cornu trouva pour la vitesse 
de la lumière 298.500 kilomètres, avec une approxima- 


tion de _ environ; plus tard, entre l'Observatoire de 
Paris et la tour de Montlhéry, M. Cornu, utilisant les 
éclipses du 3° au 21° ordre, arriva à la valeur de 
300.400 kilomètres, avec une erreur relative de 300 kilo- 
mètres: ainsi qu'il est facile de le voir, lesnombres suc- 
cessifs de M. Cornu sont forts discordants. En 1882, 
Young et Forbes appliqueut la même méthode d’une 
facon très ingénieuse, sinon à l'abri de toute critique, 
et obtiennent 301.382 kilomètres, avec des résultats 
singuliers, et encore incomplètement expliqués, sur les 
lumières de couleurs différentes. 

C'est encore la méthode de la roue dentée de Fizeau, 
mais avec les perfectionnements qu'y avait apportés 
M. Cornu, qui a servi à M. Perrotin pour sesexpériences. 
Dans les nouvelles mesures faites depuis un. an à !'Ob- 
servatoire de Nice, la lunette d'émission, de six pouces 
d'ouverture, avec la roue dentée et le chronographe 
enregistreur, étaient établis dans l'angle sud-ouest du 
grand équatorial de Nice, tandis que le collimateur à 
miroir argenté, de trois pouces, était installé dans le 
village de La Gande, sur la rive droite du Var, à un 
peu moins de 12 kilomètres de l'Observatoire. La source 
lumineuse était le filament d'une lampe électrique de 
seize bougies sous 102 volts. 

La distance a été déterminée avec un soin tout parti- 
culier par un astronome de l'Observatoire de Nice, 
M. Simonin, au moyen de deux triangulations indépen- 
dantes, qui l'ont conduit, l’une au nombre 11.862,27 
et l'autre au nombre 11.862,17 : on a adopté la 
moyenne de ces valeurs : 11.862,22, 

C'est avec ce nombre que les observations failes par 
MM. Perrotin et Prim ont été réduites. Ces observalions, 
effectuées avec la roue légère de cent cinquante denis, 
sont, pour chaque ordre, la moyeone : 


5 (V+v) 


Y représentant la moyenne des valeurs obtenues en 
vilesse croissante et y en vitesse décroissante. 

On est arrivé, pour la vitesse de la lumière, au 
nombre 299.900 +0,08 ; cette valeur, qui résulte de 
1.500 mesures environ, n'a pas exigé moins d'une année 
de travail. 

Le nombre 299.900 kilomètres, auquel M. Perrotin 
est parvenu, est donc du plus haut intérêt, car ilne dif- 
fère plus essentiellement des nombres obtenus jusqu'à 
ce jour. Il est très voisin de celui auquel M. Michelson 
a été conduit dans ces dernières anntes, par la mé- 
thode du miroir tournant de Foucault, mais s'éloiyne 
davantage de celui de M. Cornu, tout en restant, à bien 
peu de chose près, dans les limites que tolèrent les 
erreurs moyennes des mesures. 

En résumé, cette nouvelle détermination est tout à la 
louange du talent expérimental de M. Perrotin qui, par 
une tout autre méthode, se rencontre avec un physicien 
aussi habile etingénieux que M. Michelson. s 

Le véritable avenir, pour la détermination de la vitesse 
de Ja lumière, nombre si important dans les théories 
scientifiques modernes, appartient incontestablement 
aux méthodes astronomiques. 


sai th der 


CHRONIQUE ET CORRESPONDANCE 3 


Il est à regretter que l'on ne s'efforce pas de créer, | 
dans ce but, une coopération universelle; malheureu- 
sement, si les coopérations sont uliles et fructueuses, 
elles diminuent en apparence l'influence de chaque 
observateur. Le travail en commun parait moins pro- 
fitable : la Science trouve sa limite dans l’égoisme et 
les ambitions personnelles. 


$ 3. — Chimie 


La grandeur moléculaire et la densité de 
la vapeur du soufre. — La question de la grandeur 
moléculaire du soufre aux diverses températures est 
l'une de celles qui ont provoqué le plus de travaux de 
la part des physiciens et des chimistes. 

Tandis que l’on est d'accord pour considérer la va- 
peur du soufre à haute température (de 900° à 1.700°) 


TABLEAU I. — Relations entre la pression et la densité 
de la vapeur du soufre à diverses températures. 


PRESSION DENSITÉS DE VAPEUR (O?=—1 
cn AE 
mm, de Me | 49400 | 1—262 | 1236 | 1=914 | «= 192 
—— | — À = 
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comme composée de molécules à deux atomes, on ne 
s'entend plus en ce qui concerne la grandeur molécu- 
laire du soufre vers 500° et au-dessous. La densité de 
vapeur augmente graduellement à mesure que la tem- 
pérature s'abaisse et l'existence de molécules à 5,6 ets 
(peut-être 9) atomes a été successivement souteuue et 
combattue. Aujourd'hui, on peut admettre comme dé- 
montrée (grâce surtout aux belles recherches cryosco- 
piques de Beckmann) la présence de molécules à huit 
atomes dans le soufre dissous, mais l'incertitude règne 
encore pour le soufre à l’état gazeux, dont la molécule 
paraît se dissocier progressivement. 

Deux chimistes autrichiens, MM. Otto Bleier et Léopold 
Kohn, viennent de donner une solution, qui paraît déli- 
nitive, à cette question, à la suite d’une longue série de 
recherches qu'ils ont communiquées à l'Académie des 
Sciences de Vienne’. L'étude attentive de toutes les 
recherches faites antérieurement sur le sujet, ainsi que 
quelques expériences préliminaires les avaient amenés 
à la conviction (partagée par Ostwald), que la détermi- 
nation des isothermes de dissociation du soufre aux 
températures les plus basses possible donnerait seule 
une réponse à la question. Comme la détermination des 
densités de vapeur est la seule méthode qui permette de 


1 Monatshelte für Chemie, vol. XXI, n° 7, 1900. 


travailler commodément et exactement aux basses 
pressions et par conséquent au-dessous du point d'ébul- 
lition, les auteurs l'ont employée à suivre quaulitative- 
ment les phénomènes de dissociation. Ges expériences 
ont été très délicates et compliquées; après avoir écarté, 
autant que possible, les causes multiples d'erreur, 
MM. Bleier et Kohn sont arrivés aux résullats que donne 
le tableau LE. 

L'examen de ce tableau montre clairement que, pour 
cinq températures différentes, les isothermes de disso- 
ciation du soufre s’'approchent asymplotiquement de la 
mème valeur, qui est égale à 8. Crtte valeur corres- 
pond à la plus srande molécule qui se trouve dans le 
mélange dont se compose la vapeur de soufre. IL est 
donc prouvé que Ja molécule de soufre non dissociée 
contient huit atomes. 

Ces résultats sont en contradiction avec ceux de Biltz, 
qui ont servi de base à l'hypothèse de Riecke. D'après 
cette dernière, la densité de vapeur du soufre conserve- 
rait constamment la valeur 6 dans un certain intervalle 
de pressions. Or, parmi les expériences de MM. Bleier et 
Kohn, celles qui unt été faites à 310° ne montrent aucun 
arrêt correspondant de l'isotherme de dissociation; la 
courbe semble continuer directement dans la direction 
de la valeur 5 sans être modifiée au voisinage de la 
valeur 6. De nouvelles expériences, faites à une tempé- 
rature légèrement supérieure, permetiront d'éluciier 
complètement ce point, mais elles ne modifieront pas 
le résultat essentiel de ce travail, à savoir que la gran- 
deur moléculaire du soufre est égale à 8. 


$S 4. — Métallurgie 


L'Aluminothermie.— Le 28 décembre, a eulieu, à 
la Société d'Encouragement pour l'Industrie Nationale, 
une conférence fort intéressante de M. Guillet, au cours 
de laquelle l'auteur a expliqué les principes du procédé 
Goldschmidt relatif à l'aluminothermie et les applica- 
tions de ce procédé aux industries métallurgiques et de 
transport. Nous avons déjà plusieurs fois entretenu nos 
lecteurs de cette importante question; si nous y 
revenons aujourd'hui, c'est pour bien marquer le gros 
intérêt qui s'y attache et qu'a rendu encore plus 
manifeste l'exposé de M. Guillet. 

Après avoir montré la très grande quantité de corps 
dont les oxydes peuvent être réduits et déplacés par 
l'aluminium, en raison de la place élevée que ce dernier 
corps occupe dans l'échelle des chaleurs développées 
par la combustion des différents métaux avec un atome 
d'oxygène, M. Guillet s'est arrêté longuement sur les 
précautions qu'il y à à prendre dans les différentes 
phases des opérations d’aluminothermie : 

1°. Préparation du mélange d'aluminium el d'oxyde. 
—_ Ces deux corps doivent être réduits en une poudre 
de grosseur identique et bien déterminée; ils doivent 
surtout être bien débarrassés de leur humidité. 

2, Préparation du creuset où se fera la réaction. 
— Deux corps réfractaires seuls peuvent être utilisés: 
l'alumine ou la magnésie; c'est à cette dernière qu'on 
s'arrête. Il y a lieu, dans ce cas, de bien choisir la 
qualité de la magnésie. La magnésie calcinée à basse 
température éprouve un {rop grand retrait; la magnésie 
calcinée à haute température ne tient pas. L'agglomé- 
rant qui reliera la pâle peut d’ailleurs avoir de graves 
inconvénients. Le meilleur procédé consiste à prendre 
un mélange convenable des deux qualités de magnésie 
dont il vient d'être question, et à s'abstenir de tout 
agglomérant, en donnant à la pâte la consistance 
nécessaire au moyen d'une pression énergique. 

3%, Préparation de la poudre d'amorçage. — On 
prend généralement un mélange d'aluminium et d'un 
oxyde très inflammable, comme le peroxyde de 
baryum. f 

4, Jxécution de la réaction. — On commence 
par mettre, dans le creuset, une petite quantité du mé- 
lange thermique, soit, par exemple, s'il s’agit de pré- 
parer du chrome pur, un mélange de sesquioxyde de 


4 CHRONIQUE ET CORRESPONDANCE 


chrome et d'aluminium ; on répand avec précaution, à 
la surface de ce mélange, la poudre très inflammable 
dont nous avons dit la composition, puis on jette une 
allumette. La réaction s'amorce aussitôt; et, quand le 
mélange proprement dit entre en ébullition et projette 
des étincelles, on achève de verser le restant par peliles 
doses; le culot de mélalse réunit dans le fond du creuset, 
et la scorie consistant en alumine ou corindon surnage. 

Il est à remarquer que, dans la réaction conduite de 
celte facon, aucune parcelle de carbone ne peut être 
insérée dans le métal préparé, qui, par suite, jouit de 
propriétés tout à fait spéciales; on peut ainsi obtenir des 
aciers très chromés et cependant pas trop durs. 

La préparation du manganèse, du tungstène et de 
beaucoup d’autres métaux à l'état pur, qui sont de 
plus en plus employés en mélallurgie, se fera avec les 
mêmes facilités. 

L'autre application de l’aluminothermie se rapporte 
à l'obtention des haules températures partout où ces 
dernières entrent en jeu pour déterminer les réactions 
et, par exemple, lorsqu'il s’agit de faire une soudure 
autogène entre deux pièces d'acier. Pour cela, on 
emploie un mélange type d'aluminium et de peroxyde 
de fer dit fhermite, ce mélange devant correspondre 
par ses proportions à une chaleur de combustion 
que requiert la température déterminée que l’on veut 
atteindre. 

On place bout à bout les pièces à souder et on 
entoure toute la partie qui doit former joint d’un petit 
barrage en terre réfractaire ; on prépare d'un autre 
côté la fusion du mélange thermique dans un creuset, 
et l’on en verse le contenu à l'intérieur du barrage. 
Puis on attend environ dix minutes avant de procéder 
au démoulage. 

Il est-à remarquer que les premières parlies de 
liquide qui s'écoulent de la surface du bain dans le 
creusel sont constituées par de l’alumine. Ce corps 
forme. au contact du métal, une faible couche bientôt 
solidifiée, sur laquelle la thermite peut passer et sé- 
journer jusqu'à refroidissement complet, sans qu'il y 
ait à craindre pour cela qu'elle fasse corps avec les 
deux morceaux qu'on cherche à souder ou vienne en 
détériorer la forme. 

L'intérêt de la séance a été fortement accru par 
l'exécution, en présence des nombreux auditeurs, de 
plusieurs expériences de soudage qui ont parfaitement 
réussi. Deux tubes de chaudière et deux rails de 
tramway (type Broca) ont été très bien soudés bout à 
bout. Néanmoins, nous restons persuadé que le véri- 
table champ d'action de l'aluminothermie est la 
préparation des métaux rares à l'état pur, fabrication 
qui peut supporler un prix de revient relativement 
élevé en raison de la valeur des produits obtenus. 


$ 5. — Biologie 


Introduction de la Mante religieuse aux 
Etats-Unis. — On sait qu'un certain nombre d'espèces 
ont été, dans le courant de ce siècle, transportées acci- 
dentellement d'Amérique en Europe ou vice versa; elles 
se sont naturalisées dans leur nouvelle patrie, grâce à 
la ressemblance du climat américain et de celui de 
l'Europe centrale. L'Amérique nous à donné le trop 
sameux Phylloxera et le Doryphora de la Pomme de 
terre; mais, pour ne pas être en reste, nous lui avons 
rendu la Mouche de Hesse (Cecidomya destructor), 
la Piéride du Chou, le Diplosis Tritiei, l'Ocneria 
dispar, elc., qui causent aux Etats-Unis des dommages 
considérables. M. Slingerland ! vient de signaler l'intro- 
duction récente d’un Insecte de grande taille, bien 
connu en France, la W/antis religiosa. Cet Orthoptère 
a été découvert en 1899 dans une petite zone autour de 
Rochester (N.-Y.), renfermant les trois villes de Char- 


The common european praying Mantis, a new beneficial 
Insect in American, Bulletin Cornell Univ. Agric. Exp. 
Station, 185, Ithaca, Novembre 1900. 


lotte, Sammerville et Irondequoit, et il y est, paraït-il, 
devenu très commun; il s’'avance beaucoup plus au nord 
que les Mantes américaines (Stagimomantis carolina el 
dimidiata), que l'on rencontre 320 à 480 kilomètres plus 
au sud. 

La Mante religieuse est bien acclimatée, car on a 
trouvé couramment ses oothèques, si caractéristiques, 
attachées aux herbes ou aux troncs d'arbres. En Europe, 
cette espèce pond ses œufs en septembre, ef ceux-ci 
éclosent en juin de l'année suivante. Les observations 
de M. Slingerland montrent qu'il en est de même dans 
l'Etat de New-York, jusqu'à présent du moins. 

Il est très probable que ce sont des oothèques qui ont 
élé introduites par quelque pépiniériste importateur; 
Rochester est justement un grand centre de pépinières, 
où l'on importe quantité de jeunes arbres d'Europe. 
M. Slingerland se félicite de l'introduction de cet Insecte 
carnassier, et espère qu'il se multipliera aux Etats-Unis 
aux dépens des Insectes herbivores nuisibles aux plantes 
cultivées. - 


Sur l’enseignement de l’'Embryologie à 
l'Université de Nancy. — Dans deux articles 
parus, l’un dans le numéro du 15 septembre 1900 de la 
Revue générale des Sciences, l’autre, plus récent, dans 
le Journal de l'Anatomie (numéro 6, novembre- 
décembre), M. le Dr G. Loisel insiste sur la nécessité de 
la création d'un enseignement de l'Embryologie dans 
les Universités francaises et fournit quelques docu- 
ments sur la manière dont cet enseignement est orga- 
nisé à l'Etranger. J'ai lu avec beaucoup d'intérêt ces 
articles, mais je regrette que M. Loisel, qui a poursuivi 
son enquête jusque dans l'Uruguay, ne se soil qu'im- 
parfaitement renseigné en ce qui concerne certaine 
partie de notre propre pays. J'espère qu'il ne m'en vou- 
dra pas d'indiquer brièvement qu'on peut trouver, 
même en France, un enseignement d’Embryologie 
« véritablement organisé ». 

L'Embryologie est, depuis au moins dix ans, enseignée 
régulièrement et spécialement dans la Faculté de Méde- 
cine à laquelle j'ai l'honneur d’appartenir. 

Il y a quatre ans que je fais moi-même ce cours, d'ail- 
leurs bénévolement. J'y consacre pendant le semestre 
d'hiver environ vingl lecons. Chacune d'elles est suivie 
de la démonstration d'un certain nombre de prépara- 
tions correspondant au sujet qui vient d'être traité. 
Le programme comprend l'Embryogénie, soit : Produits 
sexuels, maturation, fécondation, segmentation, for- 
mation des feuillets primaires, ébauche des principaux 
organes, annexes fœtales, le tout étudié autant que 
possible chez les Vertébrés et particulièrement chez 
l'Homme. Ces cours sont suivis par les étudiants en 
Médecine de première année; maisilest clair qu'ils 
sout ouverts à tous les autres. 

Les élèves sont interrogés sur les matières du cours, 
successivement à l'examen semestriel qu'ils subissent 
après leur deuxième inscription et à l'examen oral de 
doctorat, c'est-à-dire au milieu de la deuxième année. 
Cette doutle sanction n’a jamais fait l’objet d’un règle- 
ment solennel; néanmoins, elle est acceptée par tous 
sans avoir à aucun moment donné lieu à la moindre 
récrimination. Nos étudiants ont vite compris l'impor- 
tance de l'Embryologie et les avantages qu'ils en reti- 
rent. Ils la considèrent comme le préliminaire obliga- 
toire de l'Anatomie et de l'Histologie. 

Indépendamment de ces conférences spéciales, j'ai 
l'habitude, ainsi que cela se fait presque partout, d'é- 
tudier dans le cours d’Anatomie le développement des 
systèmes ou organes qui figurent au programme, et, 
comme les agrégés chargés des conférences complémen- 
taires d’Anatomie en font autant, il s'ensuit que l'orga- 
nogénèse est enseignée entièrement, ou peu s’en faut, 
dans le courant de la scolarité anatomique. 

Il ne manque, en définitive, à cet enseignement 
qu'une chose : des travaux pratiques. Jusqu'à présent 
je n'ai pas pu en faire, d'abord faute des fonds néces- 
saires, et ensuite parce que le temps des élèves de 


PE EEE RS SPP RE 


CHRONIQUE ET CORRESPONDANCE 5 


première année est presque entièrement accaparé en 
hiver par d’autres exercices. Je me demande. d'ailleurs, 
s'il serait possible et réellement fructueux d'essayer 
de leur apprendre à fous à réaliser les préparations 
longues et minutieuses, d'une étude souvent difficile, 
qu'exige ordinairement l’'Embryologie. Je crois que des 
démonstrations de préparations de choix sont préfé- 
rables, et, si quelques élèves d'élite veulent sérieuse- 
ment s’'adonner à ce genre de recherches, il y a tou- 
jours de la place pour eux au laboratoire. 

Je me dispenserai de discuter l'avantage qu'il y aurait 
à rattacher cet enseignement aux Facultés des Sciences 
plutôt qu'aux Facultés de Médecine. S'il ne s'agit pas 
seulement de créer dans celles-là de nouveaux débou- 
chés et d'improviser de nouvelles chaires, on peut 
tiouver dans les Facultés de Médecine un personnel 
tout préparé à cette besogne, des professeurs, titulaires 
ou agrégés, qui, pour n'être pas zoologistes, ne sont 
cependant, pour ainsi dire, pas médecins et se conten- 
tent d'être anatomistes. Les besoins des étudiants en 
Médecine ne sont, d’ailleurs, pas les mêmes que ceux 
des étudiants en Sciences naturelles. 

A. Nicolas, 


Professeur d'Anatomie 
à l'Université de Nancy. 


$S 6. — Hygiène publique 


Les Sanatoria d'arrondissement : Le futur 
Sanatorium de Versailles. — En annoncant, il y 
a quelques mois, aux lecteurs de la Æevuet, le mouve- 
ment qui se dessinait à Versailles en faveur de la créa- 
tion dun sanatorium populaire pour tuberculeux 
adultes, nous insistions sur l'importance considérable 
de cette manifestation pour l'avenir de la lutte contre la 
tuberculose en France. 

Nos prévisions se trouvent justifiées dans des con- 
ditions sur lesquelles nous croyons utile d'appeler tout 
particulièrement lattention de nos lecteurs par un 
court historique de la question et par l'exposé de son 
élat actuel. 

Lors des dernières élections municipales, un certain 
nombre d'ouvriers de Versailles prirent, à la suite d’une 
Conférence {de notre collaborateur le D° Romme, l'ini- 
tiative de porter la questinn sur le terrain électoral, 
pour lui donner droit de vie et de cité, et pour consa- 
crer dès l’origine son caractère intercommunal. 

C’est alors que M. le D' Fleury, de Versailles, se rendit 
en Allemagne pour étudier les sanatoria qui y ont été 
créés. À son retour, un Comité d'initiative fut formé et, 
dans une Conférence donnée le 25 novembre, M. le D" 
Fleury exposa l’état d'iufériorité où la France, qui 
perd 150.000 tuberculeux par an, se trouve à Légard 
de l'Allemagne qui, avec dix millions d'habitants de 
plus que notre pays, a 76 sanaloria pour tuberculeux 
adultes, ouverts, contre 2 dans notre pays. Et sa con- 
clusion fut que, si la France à un devoir national et 
social à remplir dans Ja lutte contre la tuberculose, ce 
devoir lui deviendrait facile par le groupement régional 
des Municipalités. 

Huit jours après, le corps médical de Versailles pre- 
nait l'importante décision que voici : 

« Le corps médical de Versailles, considérant comme 
un devoir professionnel d'affirmer la nécessité de la 
création d'un sanatorium populaire pour les tubercu- 
leux adultes, a décidé, d'accord avec le Comité d'ini- 
liative, d'appuyer cette création de son aulorilé. 

« À cet effet, les médecins de Versailles, réunis le 
3 décembre 1900, ont décidé de faire directement et 
individuellement un appel à la générosité privée. 

« Dans ce but, ils s'adressent à leurs concitoyens en 
les priant de leur faire connaître le montant des sous- 
criptions qu'ils seraient disposés à verser ultérieure- 
ment, après constitution, dans une forme définilive, du 
groupement des Municipalités intéressées. » 


1 Voyez la Revue du 15 mai 1900, page 625. 


| 
| 


Si les médecins de Versailles ont pensé faire seule- 
ment œuvre de dévouement et d'humanité, la Ztevue 
générale des Sciences est heureuse, en leur adresssant 
l'hommage de sa profonde sympathie pour le grand 
exemple qu'ils donnent, d'affirmer que leur décision 
est d’une portée bien plus haute : Lorsque, à la suite de 
leurs confrères de Seine-et-Oise, les médecins de France 
auront compris qu'ils ont, tous et partout, le devoir et 
le pouvoir d'intervenir avec une autorité prépondérante 
et souveraine dans les questions d'Hygiène publique. 
la routine administrative laissera la place à la Science 
seule dans la défense de la santé publique. — Il était 
donc tout particulièrement opportun que, dans un cas 
d'ordre général comme celui de la lutte contre la 
tuberculose, le corps médical fit acte d'autorité. Les 
médecins de Versailles ont donné d'abord un exemple 
d'ordre général excellent; ils ont, en ouire, tracé la 
voie la plus vraie, la plus pratique et la plus sûre, pour 
la lutte nationale contre la tuberculose. Et leur initia- 
live, qu'attend un rapide succès, sera, nous l’espérons, 
rapidement imitée. 

En mème temps’ qu'il adressait son appel à l1 généro- 
sité privée, le corps médical de Versailles s'est adressé 
à tous les médecins de l'arrondissement pour leur 
demander de se joindre à lui. 

D'autre part, les Municipalités de l'arrondissement, 
pressenties oflicieusement, ont déjà manifesté en grand 
nombre leurs sympathies pour le projet du « Groupe- 
ment des Municipalités intéressées », en vue duquel le 
corps médical s'adresse aux habitants de l'arrondis- 
sement de Versailles. Des hommes d'initiative et de 
haute intelligence se sont mis à la tête du mouvement, 
et tout permet de croire que, dans une réunion géné- 
rale des maires de l'arrondissement, qui doit se tenir 
prochainement, il sera pris des résolutions définitives, 
assurant la création rapide du sanatorium par un syndi- 
cat intercommunal constitué sous le régime de la loi de 
1890-1893. 

S'il en est ainsi, l'arrondissement de Versailles aura 
fourni la meilleure solution que permette notre régime 
administratif et social pour la lutte contre la tubercu- 
lose. 

Si, en effet, on l'examine telle qu'elle se présente dans 
ce cas initial, au point de vue de l'arrondissement de 
Versailles, on est tout de suite frappé de la facilité de 
l'effort total, En supposant que les Municipalités, — qui 
peuvent, aux termes de la loi de 1890-1893, recourir 
pour celte espèce aux centimes additionnels, — puissent 
songer à créer le sanatorium à leurs seuls frais, elles 
n'auraient, pour la lotalité de l'arrondissement, à four- 
nir qu'une somme de 2 francs par tête d'habitant, 
répartie sur 2 ou 3 exercices. Mais la générosité privée 
devant intervenir dans une large mesure, et les sub- 
ventions du Pari mutuel étant presque certaines en 
pareille matière, les Municipalités n'auront, en réalité, 
à fournir qu'une quote-part totale, égale au plus à { franc 
par têle d’habitant. Il n'est pas une commune, si pauvre 
et si petite qu'elle soit, dont le budget ne permette, 
dans un tel cas, exceptionnel et unique, une contribu- 
tion totale et maxima de { franc par habitant, soit de 
0 fr. 50 par an pour deux ans, ou mème de 0 fr. 33 pour 
trois ans. 

Par la double intervention du corps médical, puis 
des Municipalités syndiquées, le mécanisme de la créa- 
lion du sanatorium qui, pour 100 lits, comporte une 
dépense d'environ 600.000 francs, se trouve ainsi pres- 
que automatique. 

L'entretien, qui demande un effort moindre, mais 
continu, représenté par une dépense globale de #francs 
par lit et par jour, se trouve en même temps considé- 
rablement simplifié. 

Dans le cas d’un sanatorium comme celui de l’arron- 
dissement de Versailles, il est à prévoir qu'un quart au 
moins des lits seront réservés à des malades payants. 
L'entretien à assurer ne porterait que sur 75 lits. Ür, la 
ville de Versailles, qui perd à elle seule 200 tuberculeux 
par an, a 20 ou 25 lits occupés en permanence à son 


6 CHRONIQUE ET CORRESPONDANCE 


hôp:tal — en plein centre de la cité! — par les vic- 
times du fléau. En supposant qu’elle en dirige la moitié 
seulement sur le sanatorium, eile y occupera 10 lits, 
presque sans augmentation de dépenses, en faisant 
seulement un déplacement de chapitres budgétaires. 
Qu'on admette la même proportion pour les autres hô- 
pitaux de l'arrondissement, on voit que #0 à 50 lils se 
trouveront occupés, sans surcroît de frais pour l’arron- 
dissement. — En fait, la dépense supplémentaire, 
comme frais d'assistance publique globaux, pe portera 
que sur 25 à 30 lits, c’est-à-dire ne dépassera pas 
40 à 45.000 francs pour l'arrondissement entier, somme 
dont la répartition sur l’ensemble des communes 
appelées à intervenir est tellement insignifiante qu'en 
faisant même abstraction des demandes certaines des 
arrondissements voisins, la difficulté sera surtout de 
satisfaire aux demandes locales. 

Si la question de l'entretien, dans le cas du sanato- 
rium intercommunal, devient ainsi d’une remarquable 
simplicité financière par la substitution partielle du 
sanatorium municipal à l'hôpital municipal, une autre 
question, beaucoup plus délicate, se trouve en même 
temps presque résolue : celle des secours de maladie à 
la famille. 

Nous n'avons pas et nous n’aurons sans doute pas de 
longtemps de loi d'assurances contre l'invalidité du 
travail, comme en Allemagne. Mais nous avons plus et 
mieux avec l’admirable et puissante organisation de 
nos Sociétés de secours mutuels. — Que se passe-t-il 
actuellement pour le mutualiste tuberculeux ? Pendant 
toute la durée de sa longue agonie, la Société dont il 
fait partie lui sert des allocations dont le montant 
devient si élevé que certaines Sociétés vont jusqu'à 
exclure la tuberculose de leurs prévisions statutaires. 
On avait songé à envisager les mutualités comme pou- 
vant jouer en France, dans la création et l'entretien 
des sanatoria, le rôle des Sociétés d'assurances alle- 
mandes; mais il faut bien s'en garder en présence de 
la solution intermunicipale — qui, par les liens mul- 
tiples, étroits, existant partout entre les Mutualités et 
les Muuicipalités, conduit, directement et normale- 
ment, à beaucoup mieux : à l'affirmation statutaire, 
dans la constitution du syndicat intercommunal, d'un 
privilège en faveur du mutualiste appelé à faire béné- 
ficier sa famille, pendant son traitement, d'un secours 
de maladie. Que cette disposition résulte, à défaut de 
clauses préalables dans les statuts des Sociétés exis- 
tantes, de l'adoption par leurs sociétaires d'une nou- 
velle clause, ou de la création de sociétés spéciales, 
peu importe. 

La situation en présence de laquelle se trouveront 
les Sociétés de secours mutuels deviendra alors telle- 
ment avantageuse, matériellement et socialement, 
qu'elle ne peut pas ne pas être appréciée par toutes; 
actuellement, elles dépensent pour le sociétaire tuber- 
culeux 800, 1.000, 1.500 francs, et même davantage, sui- 
vant les statuts, pendant la durée de l’évolution totale 
de sa maladie. Elles n'auront plus qu'à dépenser 
200 francs en secours de maladie, à la famille, pour 
les sociétaires tuberculeux en traitement de 100 jours, 
300 francs au plus pour un traitement de 150 jours. 
Sur 100 tuberculeux de première période, pour lesquels, 
actuellement, leur dépense totale est en moyenne de 
100.000 francs, pendant la durée complète de l'évolu- 
tion, 3 ans environ, elles ne dépenseront plus que 
44.000 francs, en ne perdant que 20 sociétaires, au lieu 
de 80 ou 90 au moins, si l’on accepte le résultat moyen 
de 20 guérisons et 60 ajournements. Non seulement 
elles réaliseront ainsi un gain matériel de plus de 
90 p.100, mais, en s'engageant, elles asureront à leurs 
sociétaires un privilège de priorité de traitement, dont 
aucun ne méconnaitra l'importance. 

Il faut donc que Versailles complète son œuvre, et 
que le sanatorium de Seine-et-Oise, qui, par l’interven- 
tion du corps médical affirmant son autorité, par l'in- 


tervention des Municipalités affirmant leur solidarité 
sociale, donne à la France entière un exemple salutaire, 
devienne l'exemple décisif, par la solution pratique de 
la question subsidiaire, mais essentielle : celle des 
secours de droit à la famille du tuberculeux en traile- 
ment. 

Quand, répondant à l'appel du corps médical, les 
maires de l'arrondissement se réuniront à Versailles, 
qu'ils sachent bien que, de tous côtés, partout où l’on 
sent, où l’on voit le dauger poignant de la tuberculose, 
on attend avec confiance leur décision. On attend avec 
confiance la création par eux du sanalorium inter- 
communal, et par eux aussi la création de l'assurance 
de maladie pour la famille du travailleur tuberculeux, 
dans la seule forme compatible avec le génie de notre 
race : celle de l'intervention des Mutualités, réservant 
à leurs sociétaires un droit privilégié au traitement 
gratuit en sanatorium communal, mais rendant elles- 
mêmes le traitement possible et efficace par les secours 
à la famille. 

Si Versailles, et les communes, grandes ou petites, 
qui se groupent dans cette œuvre féconde, l’accomplis- 
sent jusqu'au bout, les médecins qui sont si géné- 
reusement intervenus en corps constitué et les maires 
qui les ont si activement secondés, en se préparant à 
prendre eux-mêmes en mains l’action décisive, auront 
accompli une œuvre dont ils auront le droit d'êlre 
fiers, 


$ 7. — Géographie et Colonisation 


Fondation du Prix du Commandant Lamy. 
— La Soriété de Géographie et le Comité de l’Afrique 
française ont eu l'excellente pensée de consacrer le 
souvenir du Commandant Lamy par la fondation, au 
1°" Tirailleurs algériens, d'un « Prix du Commandant 
Lamy », destiné à récompenser chaque année un ancien 
tirailleur distingué par ses bons services. 

En faisant part à ses lecteurs de la souscription ou- 
verte à cet effet à la Société de Géographie (184, bou- 
levard Saint - Germain), et au Comité de l'Afrique 
Francaise (15, rue de la Ville-l'Evêque), la /?evue sort 
de ses habitudes d'abstention en matière de souscrip- 
tions. Elle le fait volontiers, non seulement à cause de 
l'importance exceptionnelle des deux grandes œuvres 
auxquelles restera attaché le nom du Commaadant 
Lamy : traversée du Sahara, de l'Algérie au Tchad — 
et destruction de l'empire de Rabah au Tchad — 
mais aussi parce qu'en prenant l'initiative de cette 
souscription, MM. Foureau et Ch. Dorian ont bien 
rendu l'hommage qui convenait à la mémoire d'un 
soldat dont les hautes traditions d'esprit militaire res- 
teront dans le souvenir de tous ceux qui l'ont connu. 
— Comme son second, le Commandant Reibell, qui, six 
semaines après son retour du Tchad, repartait pour le 
Touat à la tête de son bataillon, sans souci des fatigues 
de la dure campagne de deux ans poursuivie au Sahara 
et au Tchad, le Commandant Lamy était de ces hom- 
mes dévoués avant tout au « bien du service » qui sont 
l'honneur d'une armée. — C’est avec le dévouement 
absolu et supérieur au «bien du service » qu'on 
accomplit de grandes œuvres, comme cette marche 
héroïque de la mission Foureau - Lamy, qui, dans 
l'histoire des découvertes géographiques, constitue un 
faitsans précédent, — et le Commandant Lamy méritait 
que son dévoûment eût la sanction la plus haute qu'il 
eût ambhitionnée : celle de l'association de son nom à 
la consé-ration du dévoñment des vieux Llirailleurs de 
son régiment au bien du service. 

Tout en conseillant à ses lecteurs d'envoyer de pré- 
férence leurs souscriptions à la Société de Géographie 
ou au Comité de l'Afrique française, la levure se met 
à la disposilion de ceux d’entre eux qui le désireraient 
pour transmettre leurs souscriptions à la Société de 
Géographie. 


EL. METCHNIKOFF — LES POISONS CELLULAIRES ri 


LES POISONS CELLULAIRES 
(CYTOTOXINES) 


Tandis que, dans l’ancienne Médecine, les médi- 
caments d’origine animale jouaient un très grand 
rôle, la Pharmacologie perfectionnée du xIx° siècle 
les avait plus ou moins complèment abolis. Au lieu 
d'administrer des humeurs ou des organes de toute 
sorte d'animaux, la Médecine prescrivait, pour 
guérir les maladies, les substances les plus diverses, 
bien définies au point de vue chimique, comme les 
alcaloïdes, les composés du carbone des séries 
grasses el aromatiques, les substances miné- 
rales, etc. 

Au milieu de ce mouvement, qui portaitle cachet 
d'une remarquable précision scientifique, il s'est 
produit tout d'un coup un revirement étrange vers 
la pharmacologie animale. Presque en même temps, 
MM. Richet et Héricourt d'un côté, et Brown- 
Séquard de l’autre, signalèrent l'importance de 
substances provenant d'organes (testicules) ou du 
sang, dans la lutte contre les maladies. MM. Richet 
et Héricourt obtinrent des résultats satisfaisants, 
pour empêcher l’éclosion d'une maladie expéri- 
mentale, à l’aide du sang des animaux réfractaires. 
Un peu plus lard (1889), Brown-Séquard préconisa 
l'extrait Lesticulaire eontre la faiblesse sénile. 

A la suite de ces travaux, il se développa toute 
une direction nouvelle qui amena la création de la 
Sérothérapie et de l'Organothérapie (ou Opothéra- 
pie), comme deux puissants moyens dans la lutte 
de l'homme contre les maladies. 

Nous n'avons pas besoin d’insister ici longue- 
ment sur les conquêtes brillantes obtenues par les 
deux nouvelles méthodes. Tout le monde, même 
les gens qui sont loin d’être « du métier », con- 
nait la belle découverte des antitoxines, faite 
par Bebring, et ses nombreuses applications. Le 
sérum antidiphtérique, qui a sauvé des milliers de 
malades el a préservé un grand nombre de per- 
sonnes contre la contagion, est sorli victorieuse- 
ment de loutles les épreuves el occupe aujourd'hui 
la première place dans la thérapeutique des mala- 
dies infectieuses. A côté de lui se rangent plusieurs 
autres sérums, dont l'importance est plus ou moins 
grande. En ce moment où la peste s'allume dans 
des foyers disséminés sur toutes les parties du 
globe, la principale arme scientifique consiste dans 
l'emploi du sérum antipesteux. Capable de guérir 
la peste humaine en pleine évolution, ce sérum est 
aussi efficace pour empêcher l’éclosion de la mala- 
die chez les personnes exposées à la contracter. 

Le sérum antilélanique, quoique peu actif dans 


la guérison du lélanos déclaré, rend cependant de 
très grands services pour prémunir l’homme et 
le cheval contre cette maladie, Le sérum anti- 
venimeux est le meilleur remède contre la morsure 
des serpents, et le sérum antistreptococcique se 
répand de plus en plus dans la lutte contre la fièvre 
puerpérale et plusieurs autres maladies, provoquées 
par le même microbe. 

Mais, il faut bien l'avouer, la sérothérapie actuelle 
reste encore impuissante contre toute une série de 
maladies et des plus graves, par exemple la tuber- 
culose. On à bien préparé une quantité de sérums 
antiluberculeux, mais aucun d'eux n'est capable de 
remédier à ce mal terrible. 

Il est très probable que, pour plusieurs maladies 
infectieuses, on trouvera des sérums appropriés ; 
pour atteindre ce but, il faut encore vaincre beau- 
coup d'obstacles difficiles à surmonter. 

Dans les infections où le rôle des microbes est 
tout à fait évident, c'est la sérothérapie qui occupe 
la première place. Au contraire, dans certaines ma- 
ladies, dont l’étiologie est encore très obscure, 
l'organothérapie a donné des résultats d’une réelle 
valeur. Mais c'est tout spécialement pour ce qui 
concerne le myxædème, cette maladie bizarre, 
occasionnée par l'atrophie de la glande thyroïde, 
que le succès par le lraitement opothérapeulique 
est assuré. Dans le traitement, par l'extrait testicu- 
laire, de l’affaiblissement de l'organisme dans des 
essais thérapeutiques contre les maladies des reins 
par le suc de cet organe et dans beaucoup d'autres 
exemples analogues, les tentatives, très nom- 
breuses, n'ont abouti qu'à des résultats dou- 
teux. 

Un champ très vaste est donc ouvert encore aux 
recherches qui auront pour but de porter remède à 
de nombreuses maladies dans lesquelles ni la 
sérothérapie, ni l’'organothérapie n'ont pu résoudre 
le problème. 

Parmi les tentatives nombreuses faites dans ce 
but, je désire attirer l'attention du lecteur sur une 
série de nouvelles recherches, poursuivies dans ces 
trois dernières années avec beaucoup de zèle et qui 
ont pour objet l'étude des poisons cellulaires ou 
cylotoxines ”. 


1 J'ai abordé incicemment quelques-unes de ces questions 
dans un précédent article : L'état actuel de la question de 
limmunité dans les maladies infectieuses, paru dans la 
Revue générale des Sciences du 30 novembre 1900, tome XI, 
p. 1210 et suivantes. 


8 EL. METCHNIKOFE — LES POISONS CELLULAIRES 


Il 


Sous ce nom de cytoloxines, on a proposé de 
réunir des poisons contenus dans des organes et 
des humeurs de l’homme et des animaux. Ces poi- 
sons, d'origine cellulaire, sont en même temps des 
substances qui empoisonnent les cellules. 

Quoique connues depuis longtemps, les cyto- 
toxines n'ont été bien étudiées que dans ces der- 
niers temps. C'est M. Bordet* qui, dans un travail 
exécuté à l'Institut Pasteur, a décrit pour la pre- 
mière fois l’action toxique du sérum de cobayes, 
préparé avec des injections de sang de lapin, vis- 
à-vis des globules rouges de cette dernière espèce 
animale. Tandis que le sérum d’un cobaye normal 
laisse les hématies de lapin intactes ou à peu près, 
le sérum sanguin d’un cobaye ayant subi plusieurs 
injections de sang de lapin, dissout les globules 
rouges des lapins avec une grande intensité. 

Il est donc bien facile d'obtenir artificiellement 
une hémotoxine, ou hémolysine, dirigée contre les 
hémalies d'une espèce animale déterminée. M. Bor- 
det a démontré, en plus, que cette hémotoxine est 
constituée par deux substances différentes, dont 
l’ane — alexine — est très peu stable et est dé- 
truite par un chauffage peu prolongé à 55-56, 
tandis que l’autre — la substance sensibilisatrice — 
résiste bien à celte température et n’est détruite 
que par un chauffage à 65-68°. 

Le concours de ces deux substances est néces- 
saire pour que l’action hémolytique soit énergique ; 
il faut donc, pour qu’un sérum détruise activement 
les hématies, qu'il contienne à la fois ces deux ma- 
tières. 

La substance sensibilisatrice, ou, d’après notre 
nomenclature, la philocytase, n'existe en abon- 
dance que dans le sérum des animaux traités au 
préalable par les injections de sang (sérum actif). 
Au contraire, l'alexine, ou cytase, existe tout aussi 
bien dans le sérum des animaux neufs, n'ayant 
subi aucune injection, que dans celui des animaux 
traités. Il suit de là qu’un sérum d'animal neuf ac- 
quiert un pouvoir hémolytique intense lorsqu'on 
l'additionne de substance sensibilisatrice, c'est-à- 
dire lorsqu'on y ajoute une certaine dose de sérum 
d'animal, préparé par les injections de sang. Sous 
l'influence de cette addition, le sérum neuf est 
« activé ». L'expression « activer le sérum neuf » 
(expression dont je serai amené à me servir dans 
la suite) signifie donc : ajouter au sérum neuf la 
substance sensibilisatrice. Comme cette dernière 
résiste à l'action d'une température de 55°, on 
peut très bien activer un sérum neuf en l’addition- 
nant de sérum actif qui à été chauffé à 55° et qui a 


1 Annales de l'Institut Pasteur, 1898, p. 688. 


été dépouillé ainsi de sa cytase propre, el par con- 
séquent de son pouvoir hémolytique propre. 

La substance sensibilisatrice a été ainsi dénom- 
mée par M. Bordet parce que cet observateur ad- 
met que cetle matière, qui par-elle-mème ne détruit 
pas les globules, fonctionne en les rendant très 
sensibles à l'action destructive de l’alexine. 

Il résulte de ces notions que, soumis aux injec- 
tions de globules étrangers, l'organisme réagit en 
sécrétant une substance qui favorise l’action des- 
tructive, sur ces globules, d'une autre matière que 


cel organisme possédait déjà avant le traitement. 


La découverte de l’hémotoxine a ouvert la voie 
à un grand nombre de recherches qui se pour- 
suivent surtout dans les deux directions suivantes: 
D'une part, on cherche à approfondir le mécanisme 
de l'action des cytotoxines sur les éléments cellu- 
laires correspondants. D'autre part, on essaye 
d'obtenir des cylotoxines vis-à-vis des cellules les 
plus diverses, dans le but de résoudre certains 
problèmes de Pathologie et de Thérapeutique géné- 
rales. à 
Dans la première catégorie de travaux, il y a 
surtout à signaler les importantes recherches de 
MM. Ehrlich el Morgenroth", qui ont démontré que 
la substance sensibilisalrice de Bordet ou, comme 
ils la désignent, la substance intermédiaire 
(Zwischenkürper), se fixe sur le globule rouge du 
sang correspondant. Ils ont pu fournir la preuve 
de ce fait par l'expérience suivante : Un sérum 
hémolytique, chauffé à 55° et par conséquent privé 
de la cytase (ou complément, d'après la nomen- 
clature de M. Ehrlich), est mis en contact avec les 
hématies, vis-à-vis desquelles l’hémotoxine se 
montre active. La substance sensibilisatrice ou 
intermédiaire, incapable de dissoudre à elle seule 
les hématies, se fixe sur ces cellules. Aussi, lors- 
qu'on sépare ces éléments et qu'on leur ajoute du 
sérum normal, renfermant de la cytase, les héma- 
lies se dissolvent avec rapidité. D’un autre côté, 
le sérum, chauffé à 55° et débarrassé des hématies 
qui avaient fixé la substance sensibilisatrice, ne 
possède plus sa propriété d'activer un sérum nor- 
mal qui ne contient que de la cytase et qui, à lui 
seul, est incapable de dissoudre les globules 
rouges. 

Les fails que je viens de résumer sont généra- 
lement acceptés et rentrent dans le domaine des 
vérités bien établies el définitives. Par contre, on 
n'est pas d'accord sur le mécanisme intime de 
l’action des deux substances qui constituent l'hé- 
motoxine ; sur les hématies, MM. Ehrlich et Mor- 
genroth admettent que la substance intermédiaire 
agit en contraclant des combinaisons chimiques 


1 Berliner klinische Wochenschrift, 1899, no 1. 


EL. METCHNIKOFF — LES POISONS CELLULAIRES 9 


véritables et que sa molécule possède deux grou- 
pements haptophores. Par un de ces groupements, 
la molécule se fixe sur l'hématie, tandis que par 
l’autre, elle se combine avec la cytase. À la suite 
de cette double affinité, la cytase peut s'intro- 
duire dans le globule rouge, sur lequel elle agit 
comme un véritable dissolvant. Sans l’action de 
la substance intermédiaire, la cytase est impuis- 
sante à se combiner avec la substance de l’hématie. 

La conception de M. Bordet ne s'accorde pas 
bien avec cette manière de voir. Pour lui, il n'existe 
aucun fait démontrant que la substance sensibili- 
satrice se combine avec la cytase. Il admet que 
cette matière sensibilisatrice, retenue par le glo- 
bule, exerce sur lui une action de mordancage, 
grâce à laquelle le globule absorbe la cytase des- 
tructive. Cette dernière s’'attacherait au globule 
sensibilisé, comme une couleur s’altache à un 
élément mordancé, ou, comme on dit en histologie, 
qui à été soumis à la fixation. D'après ses recher- 
ches, les globules sensibilisés absorbent la cytase 
et la font disparaître du liquide ambiant, tandis 
que les globules non sensibilisés ne la fixent pas. 
Mais, d'autre part, la comparaison avec les phéno- 
mènes de teinture se justifie en ce que l’absorp- 
tion de l’alexine par les globules sensibilisés ne 
suit pas les lois élémentaires des combinaisons 
chimiques, notamment celle des proportions défi- 
nies. Ce sont les stromas des globules qui ont la 
propriété d'absorber ainsi les matières actives du 
sérum hémolytique. 

M. Nolf', dans un travail récent, a lâché de 
préciser le rôle des deux substances dans l'hémo- 
lyse. Pour lui aussi, la philocytase joue, dans la 
dissolution des globules rouges, le mème rôle que 
les mordants en teinture. Fixée sur l'hématie, celte 
substance la rend plus avide de la cytase, comme 
le mordant facilite la fixation de la couleur sur 
la fibre du tissu. Dans ces conditions, la cytase, se 
trouvant en forte quantité dans l'intérieur du 
globule rouge, exerce sur celui-ci son action hydra- 
tante, ce qui amène la diffusion de l'hémoglobine 
et souvent même la dissolution du stroma globu- 
laire. 

Quant au mode de l’action dissolvante de la 
cylase sur l'hématie, M. Nolf le compare à celui de 
certains sels minéraux, comme le chlorure ammo- 
nique. Il refuse d'accepter la comparaison des cy- 
tases avec des ferments protéolytiques, compa- 
raison qui avait été souvent formulée, el soutenue 
notamment par M. Buchner. 

M. Nolf passe en revue les diverses propriétés 
des eytases et les trouve très analogues à l’action 
dissolvante de plusieurs sels. Mème cette parlicu- 


1 Annales de l'Institut Pasteur, 1900, p. 656. 


D 


larité des cytases de rester inactives à la tempé- 
rature de 0°, est partagée par le chlorure ammo- 
nique, qui, seul parmi tous les sels étüdiés par 
M. Nolf, n'exerce aucune action dissolvante à la 
température de la congélation de l’eau. Mais il à 
été impossible à M. Nolf de pousser plus loin ces 
analogies, et notamment de sensibiliser par la 
substance intermédiaire les globules rouges à 
l'action des doses par elles-mêmes inactives de 
chlorure ammonique ou de n'importe quel autre 
sel. Au contraire, dans l'histoire des vrais ferments 
solubles, nous trouvons des exemples de sensibi- 
lisation très comparables aux phénomènes de 
l'hémolyse. Ainsi, d'après la découverte très inté- 
ressante de M. Chepowalnikoff, faite sous la direc- 
tion de M. Pawloff, le suc intestinal du chien ren- 
ferme un ferment qui, par lui-même, est inactif vis- 
à-vis des substances albuminoïdes, mais qui facilite 
leur digestion par le ferment pancréalique d'une 
façon vraiment remarquable. 

L'idée que l'hémotoxine est un mélange de deux 
enzymes et que la cytase se comporte comme un 
ferment soluble, ne peut nullement être considérée 
comme réfutée par M. Nolf. Cette idée s'accorde, au 
contraire, très bien avec l’ensemble des faits 
connus, sur une partie desquels nous devrons 
revenir plus tard. 

Toutrécemment, M.London',àSaint-Pétersbourg, 
a publié un travail sur l'hémolyse. Il y soutient la 
théorie d'après laquelle l'action de l'hémotoxine 
serait purement chimique. Bien que confirmant les 
expériences de M. Bordet qui avaient amené ce 
dernier à comparer l’action de l'hémotoxine au 
mordancage des tissus, il n'en accepte pas l'inter- 
prélation. 

Il nous est impossible d'entrer ici dans des 
détails à ce sujet. IL nous suffit de dire que le 
mécanisme de l'action intime de l'hémotoxine et 
de ses deux parties constituantes n'est pas encore 
suffisamment éclairei pour qu'on puisse en parler 
comme d'une acquisition définitive. 


Il 


Le désir d'approfondir la question de l'hémo- 
loxine à amené seulement de nombreux 
travaux dans le but d'établir sa composition et le 
mécanisme de son action; il a suggéré aussi des 
recherches sur l'origine de l’hémotoxine. D'où 
vient ce poison cellulaire, et comment se répar- 
tissent les deux substances qui le composent? 

Pour répondre à cette question, j'ai entrepris” 
une série d'expériences, exécutées sur des cobayes, 


non 


4 Archives des Sciences biologiques, Saint-Petersbourg. 
1900 {en russe). 
2'Annales de l'Institut Pasteur, 1899, p. 131. 


10 EL. METCHNIKOFF — LES POISONS CELLULAIRES 


auxquels j'injectai du sang défibriné d'oie. Les 
hématies de ce volatile, introduites dans le péri- 
toine de cobayes, y sont plus ou moins rapidement 
saisies par les leucocytes mononucléaires, les 
macrophages. Dans l’intérieur de ces cellules, les 
globules rouges subissent une véritable digestion 
intracellulaire, qui doit ètre attribuée à une action 
fermentative des sues des phagocytes. Celte diges- 
tion est tout à fait comparable à l'hémolyse qu'on 
observe 12 vitro sous l'influence de l'hémotoxine. 
C'est pourquoi il est si difficile de refuser l'ana- 
logie entre ce poison des globules rouges et le ou 
les ferments digestifs des macrophages. L'analyse 
de faits nombreux nous a amené à cette conclusion 
que l'hémotoxine est un produit phagocytaire qui 
se retrouve dans le sérum. Maïs, tandis que la 
substance sensibilisatrice, ou, comme l’a désignée 
M. London, le « desmon », est déjà chez l'animal 
vivant excrétée dans le plasma sanguin, l’alexine 
reste, pendant la vie des phagocytes, renfermée dans 
le corps de ces cellules. Mais, lorsque lesleucocytes 
éclatent en dehors de l'organisme, lors de la for- 
malion du sérum, ou bien lorsqu'ils subissent une 
avarie grave à la suite des injections de liquides 
dans le péritoine, une partie des alexines s’en 
échappe et passe dans les humeurs. En raison de 
ces circonstances, il se présente des cas où l’hémo- 
lyse se produit très facilement dans le sérum, 
recueilli en tubes, mais n'a point lieu dans l'orga- 
nisme vivant. 

On peut affirmer d'une facon générale que plus 
la phagocylose des hématies est prononcée plus 
il y a d'hémotoxine qu'on retrouve dans le sérum 
sanguin. Dans certains cas, par exemple lorsque 
l'on injecte du sang d'oie, non pas dans le périloine, 
mais sous la peau de cobayes, une partie des glo- 
bules rouges se dissout dans le liquide, en dehors 
des phagocytes qui n'interviennent que tardive- 
ment. Dans ces circonstances, la quantilé d'hémo- 
toxine dans le sang est notablement plus faible 
que dans le cas où la digestion des hématies se 
fait exclusivement ou presque exclusivement dans 
l'intérieur des phagocytes. 

Lorsque, au lieu d'injecter du sang d'espèce 
étrangère, on introduit des globules sanguins ap- 
partenant à la mème espèce animale, ces éléments 
passent dans le sang sans subir de dissolution. 
Mais aussi, dans ce cas on n'obtient pas, d'hémo- 
toxine artificielle dans le sérum de ces animaux. 
Pour arriver à un résullat positif, MM. Ebrlich et 
Morgenroth ‘ ont dû injecter des globules sanguins 
préalablement avariés par l'addition d’eau. Dans 
ces conditions, les hémalies détruites sont englo- 

| 


bées par les phagocytes et y subissent une diges- 


! Berliner klinische Wochenschrift, 1900, p. 453. 


tion intracellulaire, ce qui a pour conséquence 
l'apparition de l'hémotoxine dans le sérum. Les 
expériences de M. Bordet ont démontré que l'in- 
jection des stromas des globules rouges suffit déjà 
pour provoquer la formation de l’hémotoxine. 
M. Nolf avait d'abord affirmé le contraire; mais, 
après avoir repris le sujet, il est arrivé à des résul- 
lats conformes à ceux de M. Bordet. 

Somme toute, on peut dire, en résumé, que l’'hé- 
motoxine est un poison des globules rouges, qui 
souvent est préformé dans le sérum de beaucoup 
d'animaux et qui, dans ce cas, ne manifeste pas de 
spécificité pour les hématies d'une espèce déter- 
minée. L’hémotoxine artificielle, qu'on peutobtenir 
facilement à l'aide d’injections de sang d'espèce 
étrangère, est, au contraire, spécifique dans son 
action vis-à-vis des globules rouges de l'espèce 
qui à fourni le sang injecté. L'hémotoxine est un 
poison cellulaire constitué par deux substances 
différentes : la cylase et la philocytase ou substance 
sensibilisalrice, intermédiaire, ou desmon. Ces deux 
substances ressemblent à des ferments et servent 
pour la digestion des hémalies. Elles représentent 
très probablement les ferments digestifs des pha- 
gocytes, dont l'un, la cytase, reste renfermé dans 
les phagocytes, sauf des cas particuliers, tandis 
que l’autre est excrété en parlie dans le plasma 
sanguin et passe dans les exsudals et les transsu- 
dats. 


III 


Après la découverte de l’hémotoxine artificielle, 
plusieurs savants, indépendamment les uns des 
autres, ont eu l'idée de rechercher s’il est possible 
d'obtenir des poisons analogues agissant sur 
d'autres éléments cellulaires. J'ai exposé d’abord! 
un programme d'études dans cette direction et je 
me suis mis à préparer un sérum contre les leuco- 
cyles et un autre contre les spermatozoïdes. Bientôt 
après, M. Landsleiner, à Vienne, publia une Note 
sur un sérum qui immobilise les spermatozoïdes 
de taureau”. Ce sérum avait élé obtenu à la suite 
d'injections de sperme de cet animal à des lapins. 

Tous les deux, M. Landsteiner et moi, Nous 
avons pu préparer des sérums spermotoxiques 
qui, au bout de peu de temps, paralysaient les 
mouvements des spermatozoïdes, mais qui étaient 
incapables de dissoudre ces éléments, mème après 
un contact très prolongé. M. Moxter*, le regretté 
jeune savant attaché à l’Institut de Koch, à Berlin, 
a pu confirmer ces données et y ajouter le fait que 
le sérum spermotoxique, lui aussi, est constitué 
par deux substances différentes: la eytase et une 


1 Archives russes de Pathologie, février 1899, 


? Centralblalt für Bakteriologie, 1899, p. 546. 
3 Deutsche medicinische Wochenschrift, 1900, n° #, p. 62, 


EL. METCHNIKOFF — LES POISONS CELLULAIRES 


substance intermédiaire ou sepsibilisatrice (philo- 
cytase). D'après Moxter, non seulement la cylase 
de la spermotoxine serait identique à celle de 
l'hémotoxine, mais aussi sa seconde partie consti- 
tuante, la substance intermédiaire, agiraiten même 
temps contre les spermatozoïdes et contre les hé- 
maties. Cette manière de voir, opposée au principe 
de l'action spécifique des poisons cellulaires, a 
rencontré, de notre part’, une opposition appuyée 
par des expériences qui prouvent la différence 
entre la spermotoxine et l'hémotoxine. 

Les sérums leucotoxiques que nous avons ob- 
tenus avaient élé préparés dans le but de trouver 
une substance capable d’arrêter les macrophages 
dans leur œuvre destruclive, lors des processus 
atrophiques dans l'organisme. Mais nous avons pu 
constater que le sérum obtenu à la suite des injec- 
tions de ganglions lymphatiques de lapins, détrui- 
sait non seulement les macrophages de ce rongeur, 
mais aussi ses leucocytes polynucléaires. Ajouté 
en pelite quantité, ce sérum immobilisail presque 
instantanément les leucocytes de lapins et les 
transformait en vésicules rondes, qui devenaient 
transparentes et laissaient facilement apercevoir 
le noyau. 

La découverte d'un sérum leucotoxique a été 
utilisée par M. Delezenne” dans ses études intéres- 
santes sur le mécanisme des actions anticoagu- 
lantes dans l'organisme. Il a pu établir que le 
sérum leucotoxique empêche la coagulation du 
sang. comme le font les injections de peptlone, et 
que, dans les deux cas, intervient le foie qui retient 
la substance coagulante échappée à la suite de la 
destruction des leucocytes. 

M. Funck a préparé aussi un sérum leucotoxique 
et a confirmé le fait que ce sérum agit en même 
temps contre les leucocytes mono et polynucléés. 

M. von Dungern * a publié une note très inléres- 
sante sur un sérum qui immobilise les mouve- 
ments des cils vibratils. Ge sérum avait été obtenu 
avec des injections de la muqueuse de la trachée 
de bœuf à des cobayes. 

M. Lindemann a préparé, dans mon laboratoire, 
des cobayes, auxquels il injectait de la substance 
rénale de lapin. Au bout de quelque temps, le 
sérum de ces cobayes manifestait une action 
toxique sur les reins de lapin, occasionnait une 
albuminurie et des phénomènes de néphrite aiguë. 
M. Schütze f, au contraire, avait vainement injecté 
des reins et du foie broyés à des animaux, sans 


? Annales de l'Institut Pasteur, 1900, p. 369. 

2 Comptes rendus de l'Académie des Sciences, 

3 Centralblatt für Bakteriologie, 1900. 

3 Munchener medicinische Wochenschrilt, 1899, n° 38. 
5 Annales de l'Institut Pasteur, 1900, p. 48. 

5 Deutsche medicinische Wochenschrift, n° 21, p. 431. 


| jamais réussir à avoir un sérum néphrotoxique ou 


hépatotoxique. IL est incontestable que M. Schütze 
ne préparait pas ses animaux d'une facon suff- 
sante, car la découverte de la néphrotoxine arlili- 
cielle a pu être confirmée par M. Nefedieff dans 
mon laboratoire, et celle de l'hépatotoxine à pu 
être faile indépendamment par M. Delezenne et 
M. Deutsch ‘. Ces deux observateurs ont obtenu, à 
la suite des injections de foie d'espèce étrangère, 
des sérums qui agissent sur les cellules hépatiques 
d'une facon nécrosante très prononcée. 

Dans ces recherches des divers poisons cellu- 
laires, les plus grandes difficultés avaient été 
éprouvées pour la préparation de sérums agissant 
contre les centres nerveux. Pour arriver à un 
résultat positif, neus nous sommes appliqués, 
M Metchnikoff el moi, à injecter à des rats et à 
des cobayes des cerveaux et des moelles émul- 
sionnés, provenant de pigeons. Comme ces oiseaux 
supportent assez bien les opérations cérébrales, 
nous leur avons introduit dans les gros hémis- 
phères du sérum ainsi oblenu, parallèlement à 
celui des rats et des cobayes non préparés. Dans 
plusieurs expériences, l'effet toxique du sérum des 
animaux trailés avec de la matière des centres 
nerveux de pigeons à été très manifeste; dans 
d'autres, au contraire, le sérum des animaux pré- 
parés se montrait peu actif. Ces différences indi- 
quaient une variabilité individuelle considérable 
des Rongeurs dans la production de la névroloxine, 
ce qui demandait une étude plus approfondie el 
plus prolongée du sujet. Pendant que nous étions 
occupés de ces recherches, M. Delezenne nous fit 
part de ses expériences sur lanévrotoxine qu'il avait 
pu obtenir en injectant des centres nerveux émul- 
sionnés de chiens dans le péritoine de canards”. 
L'introduction de très petiles quantilés de sérum 
de ces oiseaux ainsi traités, dans les hémisphères 
cérébraux de chiens, les tuait presque instanla- 
nément ou provoquait des troubles graves, qui, 
parfois, présentaient une analogie frappante avec 
des attaques épileptiques. 

Ces recherches si intéressantes couronnent la 
série des travaux sur les poisons cellulaires artifi- 
ciels. Il est donc hors de doute qu'il est possible 
d'obtenir des cytotoxines spécifiques, capables 
d'agir au choix sur n'importe quel système cellu- 
laire. Il reste à compléter ces études sur les poisons 
artificiels des organes entiers el, sous ce rapport, 
il y a lieu de cherchér un poison cardiaque artifi- 
ciel, qu'on pourrait oblenir à la suite de l'injection 
de cœur broyé et émulsionné. Comme cel organe, 


1 Comptes rendus de l'Académie des Sciences, 13 août 
1900, et Comptes rendus du Congrès International de Méde- 
cine, à Paris. 

? Annales de l'Institut Pasteur, 1900, p. 686. 


chez certains Vertébrés à sang froid, peut être pen- 
dant longtemps isolé de l'organisme, on comprend 
tout l'intérêt que pourrait présenter l'étude de son 
fonctionnement sous l'influence d’un sérum car- 
diotoxique artificiel. 


IA“ 


Dans les trois chapitres précédents, il n'a été 
question que de poisons cellulaires qu'on obtient 
eu injeclant à des animaux des éléments prove- 
nant d'espèces étrangères. Dans la Nature, les con- 
ditions pour la production de ces poisons, qu'on 
désigne sous le nom d’hétérocylotoxines, ne doivent 
pas se rencontrer facilement. Comment, en effet, 
concevoir la possibilité de l'introduction, dans les 
tissus de l'organisme animal, d'organes ou d'hu- 
meurs appartenant à d'autres espèces? Au contraire, 
il arrive souvent, dans les conditions naturelles, 
que du sang ou des éléments d’autres humeurs ou 
d'organes subissent une résorption dans le sein de 
l'organisme même. Ainsi, le sang extravasé, les 
exsudats divers sont facilement résorbés, quelque- 
fois même en un espace de lemps très court. Cer- 
lains tissus sont également résorbés dans des 
processus atrophiques, fréquents dans beaucoup de 
maladies. Eh bien, dans ces conditions, se fait-il 
igalement une production de cytoloxines ? C'est 
cetle question que se sont posés MM. Ehrlich et 
Morgenroth dans leur troisième Mémoire sur 
l'hémolyse!. Dans l'intention de la résoudre, ils ont 
injecté du sang de chèvre à d'aulres individus de 
même espèce. Lorsque le sang injecté avait été 
préalablement traité avec de l’eau, afin de détruire 
un certain nombre d'hémalies, il amenait la pro- 
duction d'une hémotoxine qui dissolvaitles globules 
rouges des chèvres autres que celles qui avaient 
reçu les injections. MM. Ehrlich et Morgenroth on! 
conclu de ce fait à la formation d’une isotoxine, 
c'est-à-dire d'une hémotoxine qui agit non plus sur 
les hématies d'espèce étrangère, mais bien sur les 
globules rouges de même espèce. Au courant de 
leurs recherches sur ce sujet, ils n’ont jamais ren- 
contré d'autotoxines, c’est-à-dire de poisons spéci- 
fiques agissant sur les cellules du même organisme 
dans lequel s'était produite la résorption. 

Comme celle question des autotoxines présente 
un grand intérêt, non seulement au point de vue 
purement théorique, mais aussi par rapport au pro- 
blème pratique des aulo-intoxications, M. Metalni- 
koff, dans un travail exécuté dans mon laboraloire, 
lui a consacré une atlenlion toule particulière *. 
Seulement, au lieu de chercher une aulohémotoxine, 


? Berliner klinische Wochenschrilt, 4900, n° 21, p. 453. 
? Annales de l'Institut Pasteur, 4900, p. 557. 


EL. METCHNIKOFF — LES POISONS CELLULAIRES 


il s'est mis à préparer une aulospermotoxine. Dans 
ce but, il injectait à des cobayes mäles du sperme 
de même espèce. Au bout de peu de temps, le sérum 
sanguin d'animaux ainsi traités immobilisait les 
spermatozoïdes de cobayes en quelques minutes. 
Celle action toxique se manifestait non seulement 
vis-à-vis des spermatozoïdes d'individus étrangers, 
mais aussi vis-à-vis de ceux que fournissaient les 
cobayes soumis aux injections de sperme. Voici 
done un exemple d'une vraie aulocytoloxine, pro- 
duite à la suite de la résorplion des cellules de 
méme espèce. Ce poison se trouve dans le sang et 
sa présence est dénotée par l’action du sérum 
préparé en dehors de l'organisme. Seulement, et 
ceci est très remarquable, les spermatozoïdes d'un 
cobaye, dont le sérum sanguin est très spermo- 
toxique, vivent très bien dans les organes génilaux 
du même animal. On les relire des épididymes de 
ce cobaye dans un état de mobilité extraordinaire. 
Mais, lorsque in vitro on leur ajoute une goutte de 
sérum sanguin de même individu, les spermalo- 
zoïdes s'arrètent au bout de peu de temps. Celte 
différence d'action s'explique très facilement, si 
l'on admet que, dans le sang vivant, ne cireule 
qu'une seule parlie constituante de la spermotoxine: 
la philocytase où desmon. L° second élément de 
la spermotoxine, la cytase, resle .confiné dans 
l'intérieur des leucocytes. Lorsque ces cellules sont 
vivantes, comme dans le sang circulant, les deux 
substances ne se mélangent pas; il en résulte que 
la mobililé el la vie des spermatozoïdes restent 
intactes. Mais, lorsque, dans le sang retiré de l'orga- 
nisme, les leucocyles avariés cèdent, en même 
temps que le fibrine-ferment, leur eytase, celle-ci, 
sous l'influence de la substance sensibilisatrice, 
immobilise aussitôt les spermatozoïdes. En pour- 
suivant ses études, M. Metalnikoff est arrivé à la 
conclusion que celte substance sensibilisatrice 
circule réellement dans le sang et pénètre dans les 
organes mâles. Lorsqu'en effet on soumetles sper- 
matozoïdes de cobaye, dont le sérum est autosper- 
moloxique, à l'influence de sérum sanguin d'un 
cobaye neuf, on constate qu'ils s'immobilisent beau- 
coup plus rapidement que les éléments mâles d'un 
cobaye lémoin non traité. 

Cette série de faits nous montre qu'un organisme 
peut développer une autotoxine dont les deux 
parties conslituantes restent séparées chez l'animal 
vivant; c'est gräce à cela qu'il ne se produit pas 
d'auto-inloxication. Mais, supposons qu'à la suite 
d'une circonstance quelconque les leucocytes’ d'un 
organisme aulotoxique subissent une avarie, la 
cylase, jusqu'alors reteaue dans l'intérieur des 
cellules, s'échappera au dehors. Elle pourra facile- 
ment, sous l'influence de la philocylase qui circule 
dans le plasma, produire une auto-inloxicalion. 


EL. METCHNIKOFF — LES POISONS CELLULAIRES 


13 


Aussi on peut prévoir que, dans des cas de phagolyse 
chez un cobaye autospermotoxique, les spermalo- 
zoïdes pourront facilement être immobilisés !. 

Nous touchons ici à un des problèmes de patho- 
logie qui présentent un grand intérêt général. On à 
depuis longtemps attiré l'attention des médecins 
sur les auto-intoxications dans les diverses mala- 
dies et on a fait des tentatives nombreuses pour 
démontrer la présence des autoloxines. On est 
arrivé à cette conclusion, je m'en rapporte en cela 
aux nombreux travaux de M. Bouchard et de ses 
élèves, qu'à côté des Loxines, produites par les mi- 
crobes vivant dans le tube digestif, il en existe 
d'autres, élaborées par les cellules de l'organisme 
même. On a voulu aussi préciser la nature de ces 
poisons, sans arriver cependant à des conclusions 
définitives. Eh bien, il y a lieu de se demander si, 
parmi ces poisons, ne figurent pas les vraies auto- 
cvlotoxines, développées à la suite de la résorption 
des cellules. Il existe déjà certaines indicalions 
en faveur de cette supposition. M. Néfedieff a con- 
tinué dans mon laboratoire l'étude de la néphro- 
toxine obtenue par M. Lindemann. M. Néfedieff a 
confirmé les données de ce dernier et il leur a 
ajouté un fait intéressant. Le sérum sanguin de 
lapins auxquels on a lié un des uretères, devient, 
après un certain temps, manifestement néphro- 
toxique pour les lapins neufs. La néphrotoxine, dans 
ce cas. se développerait à la suite de l’atrophie des 
éléments rénaux du côté de la ligature et présente- 
rait un exemple d'isocylotoxine ou probablement 
même d'une autocytoloxine. Dans ectte même caté- 
gorie peut être rangée une observalion de M. Lin- 
demann *. Il a vu que le sérum sanguin de chiens, 
auxquels on a produit une néphrile par le chromate 
de potassium, devient néphrotoxique pour des 
chiens neufs. Cette action ne dépend pas du chrome; 
dont on ne retrouve aucune (race dans le sang des 
chiens empoisonnés. M. Lindemann lui-même con- 
clut à une néphrotoxine, analogue à celle qu'il a 
obtenue après l'injection de substance rénale. 
MM. Widal et Lesné‘ ont observé le même fait. 

En présence de ces faits, il ya lieu de rechercher 
si, dans l’urémie, il ne se produirail pas également 
une autotoxine qui, sous l'influence de conditions 


! Dans une des dernières séances de la Société de Médecine 
iuterne, à Berlin (Semaine médicale, 1900, n° 47, p. 394, et 
Münchener medic. Wochenschr.. 1900, n° 46, p. 1685) 
M. Michaïlis a décrit un cas d'hémoglobinurie qu'il attribue 
à la production d'une autohémotoxine, consécutive à un 
épanchement sanguin dans le péritoine. Bien que cette inter- 
prétation ne soit pas appuyée sur des arguments probants, 
elle paraït en somme très vraisemblable. Cet exemple nous 
montre que la nolion des cytotoxines commence déjà à 
pénétrer dans le domaine de la médecine clinique. 

? Centralbatt für allgemeine Pathologie, 1900, p. 308. 

* Communication au Congrès international de 
Giazctte des Hôpitaux, 1900, p. 979. 


| 
| 


particulières, manifesterait son action dans l'orga- 
nisme qui la développe. On sait que des tentatives 
très nombreuses pour déceler un poison urémique 
ont échoué. On l'avait longtemps cherché dans les 
diverses parties constiluantes de l'urine, mais sans 
résultat suffisant, Alors, on s'est mis à éludier le 
sang des urémiques, dans l’espoir d'y découvrir le 
poison en question. Eh bien, malgré l'emploi de 
méthodes perfectionnées, comme l'injection intra- 
cérébrale d’après le procédé de Roux et Borrel, le 
succès n'a pas couronné les efforts. MM. Lesné et 
Widal' ont démontré que le sérum des urémiques, 
comme celui des éclamptiques, n’est pas plus loxi- 
que pour le lapin que le sérum humain normal. 

Si, dans l’urémie, il ya intervention des autocyto- 
toxines, il est lout naturel de supposer que ces 
poisons sont spécifiques au même titre que les cy- 
totoxines en général. Il n'y a donc rien d'étonnant 
à ce que le sérum des urémiques ou des éclampti- 
ques ne soit pas toxique pour le lapin ou une espèce 
quelconque, autre que l'homme. Cette dernière 
considération semble présenter une ‘grande diffi- 
culté dans l'étude des maladies dues aux intoxi- 
cations. Comment, en effet, oser injecter du sérum 
toxique à l'homme, le seul être qui y soit sensible? 
Pour tourner la difficulté, on pourrait essayer 
d'introduire dans l'organisme humain non pas des 
sérums aulocytotoxiques, mais plutôt des sérums 
antitoxiques. Celte hypothèse a pour base le fait 
précis que les cylotoxines sont capables de provo- 
quer la production des anlicytotoxines, ainsi que 
je tàcherai de le démontrer dans le chapitre suivant. 


V 


M. Bordet” a établi le premier que l'hémotoxine 
naturelle du sang de poule, injectée à des lapins, v 
provoque la formation d’une antiloxine. Ce fait a 
élé confirmé par MM. Ebrlich et Morgenroth pour 
plusieurs autres hémotoxines. J'ai pu moi-même 
préparer une antispermotoxine contre une toxine 
artificielle qui immobilise les spermatozoïdes de 
lapin. Le fait a donc une portée générale. 

Dans leurs études sur les propriélés intimes de 
leurs anlihémoloxines, M. Bordet d'un côté 
MM. Ehrlich et Morgenroth de l’autre, ont établi que 
la partie principale de ces corps est représentée par 
les anticytases. M. Bordet a bien vu qu'à la suite des 
injections de l’hémotoxine il se produit aussi une 
certaine quantité d’antidesmon, ou antiphilocylase 
(substance qui neutralise l'effet de la substance sen- 
sibilisatrice), mais il est impossible d'accepter l'af- 


et 


! Lesné : Etude de la toxicité de quelques humeurs de 
l'organisme. Paris, 1899. Comptes rendus de la Soc. de Bio- 


Paris. | Jogie, 1899. 


? Annales de l'Institut Pasteur, 1900, p. 257. 


EL. METCHNIKOFF — LES POISONS CELLULAIRES 


firmation de M. Schütze que, dans ce cas, cette subs- 
lance soit la seule active dans l’antihémotoxine. 

Dans le but de trouver l’origine des anticyto- 
toxines, j'ai éludié l’antispermotoxine chez le lapin. 
Le fait, confirmé à plusieurs reprises, à savoir que 
les lapins màles châtrés, les lapines, les lapins tout 
jeunes des deux sexes, sont capables de produire, 
à la suile des injections de spermotoxine, une sub- 
stance qui neutralise l'effet de ce poison sur les 
spermalozoïdes de lapin, a démontré qu'il faut 
chercher la source de l’antispermotoxine ailleurs 
que dans les organes génitaux. 

L’absoplion facile de la spermotoxine par les 
leucocytes indique que ces cellules doivent servir 
à la production de l’antitoxine. Il est plus difficile 
d'établir si d'autres éléments contribuent également 
à la préparation de cette substance dans l’orga- 
nisme. 

Dans le courant de ces recherches, j'ai pu consla- 
ler que le rat, espèce animale sur les sperma- 
tozoïdes de laquelle la spermotoxine du cobaye n'a 
pas de prise, est néanmoins capable de produire de 
l'antiltoxine qui neutralise ce poison dans son effet 
immobilisant sur les spermatozoïdes de lapin. Ce 
fait établit en principe qu'une espèce étrangère peut 
produire une anticytoloxine contre un poison qui 
est toxique pour les cellules d'une autre espèce. 

Dans le cas où il ÿ aurait nécessité de préparer 
une anli-autotoxine pour préserver les éléments hu- 
mains, on pourrait donc se servir d’une espèce de 
mammifère quelconque. 


VI 


Je n’ai pas besoin d'insisler sur ce que ce 
chapitre des cytotoxines et des anlicytotoxines ne 
présente qu'une première ébauche et qu'il reste 
encore beaucoup de faits importants à établir et à 
préciser. Pour le moment, on ne peut que pres- 
sentir l'intérêt et la place que ce chapitre doit 
prendre dans la Physiologie et la Médecine. 

S'il est légilime de supposer que, dans certaines 
maladies, on devra plus tard avoir recours aux 
anticytotoxines, il est possibie que, dans d'autres 
cas, on puisse se servir de cytotoxines mêmes. 
Déjà, dans ma première publication à ce sujet, j'ai 
exprimé l'opinion que, dans des maladies dues au 
développement excessif de certaines cellules, comme 
dans les néoplasies malignes, un sérum anticyto- 
toxique spécifique pourrait rendre des services dans 
la lutte contre l’envahissement par la tumeur. Cette 
mème pensée à été exprimée par M. von Dungern 
à propos de sa découverte d'un sérum qui immobi- 
lise les cils de l'épithélium vibratil. M. Ebrlich!, 


! Semaine Médicale, 4899, p. 411. 


dans son discours à l'inauguration de son nouvel 
Instilut de Thérapeulique expérimentale à Francfort, 
a accepté et développé cette hypothèse. On fait, 
dans plusieurs laboratoires, des essais dans cette 


voie, mais on est encore loin de la solution du. 


problème. 

Dans la même publication à laquelle je viens de 
faire allusion, j'ai émis la supposition que, dans 
certains processus atrophiques, un sérum leuco- 
toxique pourrait arrêter l’envahissement des tissus 
par des macrophages qui détruisent des cellules 
nobles affaiblies. Plus tard, la constatation de ce 
fait que les sérums leucotoxiques agissent non 
seulement contre les macrophages, mais aussi 
contre les leucocytes polynucléés ou microphages, 
m'a démontré l'impossibilité de résoudre le pro- 
blème dans la voie supposée. En tournant la 
question, je me suis alors arrêté à celle autre 
hypothèse que les petiles doses de cytotoxines 
pourraient peut-être servir pour stimuler l’action 
des éléments spécifiques. Il est de notion courante 
que certains poisons, employés en petite quantité, 
non seulement ne produisent pas leur effet toxique, 
mais, au contraire, servent pour renforcer l'activité 
des organes et des tissus. C'est en vertu de cetle 
loi qu'on prescrit de petites doses de digitaline 
dans les maladies de cœur ou qu'on augmente le 
rendement de l'alcool par des quantités non toxi- 
ques d'acide fluorhydrique, ajoutées à la levure. 

Pour vérifier cette hypothèse, mes collaborateurs, 
MM. Cantacuzène ‘ et Besredka*, se sont mis à 
étudier l'influence des petites quantités d'hémo- 
toxine et de leucotoxine sur les globules rouges 
et blanes du sang chez les animaux de laboratoire. 
Leurs résultats ont été confirmatifs, en ce sens que 
de faibles doses de ces deux poisons cellulaires 
augmentent réellement le nombre des éléments 
correspondants. 

Il restait à voir si le même principe est appli- 
cable à l'organisme humain. Dans ce but, nous 
avons, M. Besredka et moi’, injecté à des lépreux 
des doses croissantes de sérum toxique pour les 
globules rouges humains. Nous avons constaté, 
sous l'influence du sérum, une augmentation incon- 
testable du nombre d'hématies et surtout de la 
quantité d'hémoglobine chez nos patients. La ques- 
tion posée a reçu donc par loutes ces données une 
réponse favorable. En outre, nous avons pu voir 
que les sérums leucotoxiques, stimulant l'activité 
des leucocyles, peuvent être essayés dans la lulte 
contre cerlaines maladies infectieuses, dont l'agent 
étiologique reste encore inconnu. 

Comme il est définitivement établi par des 


1 Annales de l'Institut Pasteur, 1900, p. 315. 
2 Jhid., 1900, p. 390. 
3% Jhbid., 1900, p. 402. 


dd Boni at mnt À hé Ut ét. de a dé tn de 


EL. METCHNIKOFE — LES POISONS CELLULAIRES 


15 


recherches nombreuses, résumées dans les cha- 
pitres précédents, que des cytotoxines spécifiques 
peuvent être préparées contre toute sorte d'élé- 
ments cellulaires, il y a lieu de chercher si leur 
emploi en petites doses peut être appliqué dans la 
Thérapeutique. 

Dans un grand nombre de maladies chroniques, 
on observe des éléments nobles, des plus difré- 
renciés, comme les cellules nerveuses, hépatiques 
ou rénales, envahis par les macrophages. Souvent 
on voil ces phagocytes s'accumuler autour des 
éléments qui se présentent au microscope encore 
intacts au point de vue morphologique. Cette 
destruction de cellules très importantes pour la 
vie normale de l'organisme, par des macrophages, 
constitue la base des phénomènes scléreux, dans 
lesquels les phagocytes mononucléaires remplacent 
les éléments atrophiés par du tissu conjonctif. 

Ces scléroses des tissus nobles sont tellement 
répandues que très souvent on les prend pour un 
processus normal qui s’accomplit dans le courant 
de la vie et qui caractériserait l’atrophie sénile. 
Autrefois, on considérait aussi les maladies de la 
dentition et plusieurs autres maladies des enfants 
comme tout à fait naturelles et inévitables. Avec 
les progrès de la Médecine scientifique, on à bien 
compris toute l'erreur de cette opinion. Il en sera 
de même pour les maladies de la vieillesse, lors- 
qu'on les connaîtra mieux qu'actuellement. L'étude 
de l’atrophie sénile nous prouve qu'il s’agit ici, non 
pas de phénomènes réguliers, mais bien de quelque 
chose qui manifeste un caractère anormal et pré- 
coce. M. Matchinsky a fait, dans mon laboratoire, des 
recherches minutieuses sur les tissus des vieux 
chiens au point de vue histologique. Ces obser- 
valions donnent des résultats beaucoup plus précis 
que l'élude des modifications des tissus chez les 


vieillards, car les vieux chiens peuvent être sacrifiés 
au moment nécessaire, ce qui permet de conserver 
leurs organes dans des conditions meilleures que 
chez l'homme. 

Eh bien, l'étude des tissus de vieux chiens dé- 
montre que leur atrophie est loin de présenter 
une marche concordante et régulière. Tandis que 
les cellules du cerveau et d'autres centres nerveux 
subissent un envahissement progressif par des 
macrophages (phénomène qui s'observe, quoique 
moins constammeut, dans les reins el le foie), les 
cellules des testicules, de la rate et des ganglions 
lymphatiques accusent un état de prolifération 
tout à fait remarquable. Il y a donc, dans l'organisme 
de tous ces vieux chiens, des éléments qui pros- 
pèrent à une époque de la vie où certaines cellules 
nobles se trouvent déjà en voie d’atrophie com- 
plète. La dégénérescence sénile de l’homme pré- 
sente les mêmes particularités et doit être également 
considérée comme quelque chose de prématuré 
et d'anormal. 

Un avenir prochain nous apprendra certainement 
si les cytotoxines nombreuses et spécifiques qu'on 
sait préparer sont réellement capables de remédier 
aux maladies atrophiques de tous les âges. Alors 
seulement on saura si, à côté de la sérothérapie 
proprement dite et de l’organothérapie, il y aura 
encore une thérapie par les cytotoxines, c'est-à-dire 
par des sérums obtenus à la suite de l'injection 
des organes émulsionnés. Mais, dès à présent, on 
a le droit d'affirmer que, dans l'étude scientifique 
de la vie normale et pathologique, les cytotoxines 
constituent un chapitre aussi nouveau qu'inlé- 
ressant. 

El. Metchnikoff, 


Chef de Service à l'Institut Pasteur. 


16 D: TRABUT — L'ÉTAT ACTUEL DE LA CULTURE DE L’OLINVIER EN ALGÉRIE 


D'ÉTAT ACTUEL 


DE LA CULTURE DE L’OLIVIER EN ALGÉRIE 


I. — LES ORIGINES. 


L'Olivier est l'arbre des rives méditerranéennes. | 


Son histoire se lie aux anciennes civilisations 
qui y ont surgi et s’y sont éteintes depuis trente 
siècles. En Grèce, l'Olivier était l’arbre de la Paix, 
l'arbre qui fait vivre; 
mais ce sont les Ro- 
mains qui ont su don- 
ner à la culture de 
l'Olivier une exten- 
sion considérable 
vers l'Ouest, et, pen- 
dant les six siècles de 

la domination laline, 

le nord de l'Afrique 
était couvert d'oli- 
vettes. Les forêts d'O- | 
liviers sorlaient de | 
celte terre si propice 
par le fait d’une vo- 
lonté qui ne connut 
pas d'obstacle, et sut 
maitriser les besoins 

du moment pour or- 
ganiser la prospérilé 
des générations à 
venir. 

On a beaucoup dis- 
culé sur l'indigénat 
de l'Olivier en Afri- 
que. Il est cerlain que 
celle espèce est spon- 
tanée en Algérie; 
mais la forme vrai- 
ment sauvage est l'O- 
léastre vrai à lrès pe- 
tits fruits (fig. L) dont il est très difficile de retirer 
de l'huile pour un usage courant. 

Les noyaux des Oliviers cullivés ont donné nais- 
sance à beaucoup d'Oliviers sauvages qui sont à 
tort confondus avec le vérilable Oléastre, ou forme 
primitive, laquelle se reconnait facilement à son 
port et surtout à ses fruits très petits, sans chair. 

Certains de ces Zeboudj, ou Oliviers sauvages, 
se couvrent de fruits, parfois assez volumineux 
pour être récollés et donner une bonne huile, mais 
en faible quantité. 

Les Phéniciens imporlèrent probablement les 
races déjà cullivées en Orient; ces races améliorées 


Fig. 1. — Oléastre. 


se propagèrent de là Cyrénaïque au Maroc et mème 
en Espagne. Le nom arabe de l'Oléastre est Zeboudÿ, 
tandis que l'Olivier cullivé est nommé en arabe 
Ziloun; d'où l'espagnol Aceytuno. En kabyle, 
l'Olivier cullivé se nomme Azemmourt. Ce nom 
berbère n'a pas d'analogue de même racine dans 
les langues de la ré- 
giondel'Olivier; cetle 
dénomination indi- 
que donc une inlro- 
duction très an- 
cienne. 

Les traditions, ain- 
si que les documents 
historiques,semblent 
bien établir que les 
Carthaginois, comme 
les Romains, ont pro- 
voqué, par des me- 
sures administrati- 
ves, la plantation des 
immenses  olivettes 
qui s'élendaient de 
Sfax aux rives de l'O- 
céan, En Kabylie, une 
légende attribue à un 
conquérant venant de 
l'Est, la mise en eul- 
ture de l'Olivier dans 
| Lous les terrains pro- 

pices; en quelques 
années, ce puissant 
bienfaiteur aurait fait 
mettre en terre les 
millions  d'Oliviers 
qui, depuis lors, ali- 
mentent le pays. Il 
serait à désirer qu'une nouvelle intervention du 


mème genre obligeât les Kabyles d'aujourd'hui à 
5 5 3 ] 


réparer les vides qui se sont produits dans leurs 
plantations. 

C'est M. Bourde qui, dans un mémorable apport 
sur Ja culture de lOlivier dans le centre de Ja 
Tunisie (1893), a établi, par des observalions nom- 
breuses et des textes très clairs, que l'Olivier avail 
élé, pendant la période si heureuse de l'occupation 
romaine, l'agent presque unique de la prospérité 
de la Tunisie. 

Il est non moins certain que, dans une grande 
partie du littoral algérien, l'Olivier a joué autrefois 


dti tue 


PRE PR CP 


D' TRABUT — L'ÉTAT ACTUEL DE LA CULTURE DE L'OLIVIER EN ALGÉRIE 17 


un rôle beaucoup plus important que de nos jours. 

Dans le massif du Chenoua, entre deux anciennes 
villes qui ne comptaient pas moins de 60.000 habi- 
tants, Tipaza et Cherchell, on trouve encore les 
ruines de nombreuses huileries romaines, et ce- 
pendant l'Olivier y est devenu rare, et les quelques 
arbres témoins ne sont même plus exploités. Dans 
la région de Tebessa, les ruines d'huileries sont 
importaates. M. Gsell nous a communiqué les 
photographies et plans d’une usine très remar- 
quable et encore debout (fig. 2), à une trentaine 
de kilomètres au sud de Tébessa. 

On attribue aux grandes invasions arabes la 
destruction des forêts d'Olivier. Dans le massif de 
l'Aurès, une légende rend aussi responsable de 
cette destruction la Kahena, héroïne qui comman- 
dait dans cetle région lors de la sixième invasion 
arabe. La Kahena 
pensait décourager 
l’envahisseuren 
ruinant le pays: 
tous les arbres frui- 
üers furent abattus 
par ses ordres. En- 
fin, il est probable 
que, l'exportation 
sur Rome et Cons- 
tantinople devenant 
plus difficile, la mé- 
vente découragea à 
ce moment déjà 
plus d’un produc- 
teur. 

Depuis plus de six 
siècles, la culture 
de l'Olivier s’est localisée dans quelques sites plus 
particulièrement favorables, comme la Kabylie. 

Actuellement la production de l'huile est bien 
loin de suffire à la consommation locale, car l'Algé- 
rie importe tous les ans plus de douze millions de 
litres d'huile comestible. 

Au moment de la conquête francaise, la fabrica- 
tion de l'huile, par des procédés primitifs, était con- 
finée en Kabylie, et, dès les débuts de notre occu- 
pation, les immigrants jetèrent leurs vues sur l'in- 
dustrie de l'huile. Les Oliviers sauvages de la ban- 
lieue d'Alger furent greffés, et, déjà en 1832, trois 
moulins importés de France avaient été montés par 
MM. Nadaud, Lacrouts et P. Raynaud. Ces premiers 
essais démontrèrent que les olives d'Alger pou- 
vaient donner une huile fine comparable à celle de 
Provence et d'Italie. En 1833, plus de 10.000 Oli- 
viers étaient greffés, et M. Fougeroux en plantait 
2.000 venus de France. En sept ans, 60.000 Oliviers 
furent greffés dans la banlieue d'Alger. À Bône, le 
même élan était donné. 


REVUE GÉNÉRALE DES SCIENCES, 1901. 


Fig. 2.— Huilerie romaine, près de Tébessa 
(Photographie de M. Gsell). 


Mais, malgré le concours de toutes les adminis- 
trations locales, en 1846, la situation était peu 
brillante : à peu près toutes les espérances étaient 
décues ; des lois douanières antilibérales refusaient 
d'ouvrir le marché français aux produits d'origine 
ulgérienne.Cependant,lAdministrationlocale avait. 
dès les premiers jours, soutenu l'effort des colons, 
et le Jardin d'Essai ou Pépinière centrale ne pou- 
vant fournir des greffes en suftisante quantité, il 
fut créé une importante collection d'Oliviers. 

Pour cela, on fit appel aux agents consulaires 
de France, en Espagne et en Italie; en 1845, un 
premier envoi d'Espagne comprenait 200 rejets de 
souches, 200 boutures de souches d'Olivier nain, 
dit Arbeca, et des plants de Palma etde Séville. 

En 1846, 72 plants et 18 variétés furent intro- 
duits d'Italie. En 1847 et 1848, le Jardin d'Essai 
recevait de France 
deux envois, et 27 
variélés de Pro- 
vence venaient s'a- 
jouter aux collec- 
tions espagnoles et 
italiennes. En 1854, 
celte collection 
élait, d'après M. J. 
Duval, un des plus 
beaux et des plus 
précieux ornements 
du Jardin d'Essai ; 
des sujets étaient 
envoyés à Misser- 
ghin et à Bône. Une 
instruction détaillée 
sur le greffage des 
Oliviers élait rédigée par M. Hardy, directeur du 
Jardin d'Essai, et distribuée largement. 

Les premiers moulins créés à Alger n'avaient pu 
continuer, car non seulement les huiles algériennes 
étaient grevées de droits à leur entrée en France, 
à titre de produits exotiques, mais une ordonnance 
du 2 février 1848 accordait aux produits des 
graines oléagineuses étrangères entreposées à 
Marseille, la faveur de l'importation en franchise 
dans les ports de la Colonie. 

L'accès en franchise du marché national n’a été 
accordé aux huiles et autres produits agricoles que 
par la loi du 11 janvier 1851. À ce moment, le Gou- 
vernement fut poussé à primer les greffes; mais 
l'Administration jugea qu'il valait mieux encourager 
la création de nombreux moulins européens, et des 
primes importantes furent accordées. Le meilleur 
encouragement à donner élait de fournir aux colons 
les moyens de tirer parti des récoltes obtenues. On 
y arriva par des primes aux meilleurs moulins. En 
1853, M. J. Duval estimait à 2 millions de litres 

1" 


18 D' TRABUT — L'ÉTAT ACTUEL DE LA CULTURE DE L'OLIVIER EN ALGÉRIE 


l'exportation en huile d'olive par le port d'Alger, et: 


s'exprimait ainsi à ce sujel: « On expédie en US 
à vil prix, des huiles d'olive de qualité supérieure 
en échange d'huiles très inférieures et très chères. 
Le commerce s'enrichit à ce va-et-vient, mais la 
production s'y ruine ». À ce moment, la province 
d'Alger comptait 18 moulins; la province de Cons- 
tantine, 20: la province d'Oran, 11. L'importance 
de ces moulins était très variable; les uns avaient 
coûté 50.000 francs d'installation, d’autres 4 à 
5.000 francs. La force motrice était empruntée à 
des chutes d’eau. Le moulin Picot, établi en 1850 à 
Miliana, et le moulin Castelbon, à Fouka, étaient 
actionnés par le vent; beaucoup de ces usines 
avaient des manèges. 

Le mouvement en faveur de l'Olivier était gé- 
néral ; el, partout où la colonisation pénétrait après 
la pacification complète du pays, des efforts considé- 
rables étaient faits. En 1850, la Compagnie des 
Mines de Mouzaia faisait greffer les nombreux Oli- 
viers de sa concession par les soldats greffeurs du 
capitaine Bréauté, el aujourd’hui encore on trouve, 
dans cette région qui fut longtemps abandonnée 
après la fermeture des usines métallurgiques, des 
Oliviers donnant de bonnes olives et formant une 
véritable station d'essai où il sera possible de 
choisir les races qui se comportent le mieux. A 
Saint-Denis du Sig, dès 1852, 40.000 Oliviers élaient 
plantés. L'élan gagnait la bee indigène, et, 
dans la région de Mascara, les Beni-Chougran, qui 
avaient dès 1844 reçu des maïîtres-greffeurs envoyés 
par le général Bugeaud, greffaient 2.000 pieds par 
an avec l’aide des soldats. Le même travail s’effec- 
tuait dans la région de Sidi-bel-Abbès. 

Après ce premier effort, qui est trop souvent 
méconnu, l'Algérie avait, en 1854, 23.000 hectares 
d'Oliviers en rapport, possédait 50 moulins euro- 
péens, et arrivait à une production évaluée appro- 
ximativement à 11 millions de litres d'huile, dont 
près de 3 millions étaient exportés. Les chiffres 
cités sont tirés d’un important mémoire de M. J. Du- 
val et basés sur des renseignements officiels. Il 
varaît donc évident que, depuis 1854, l'Oléiculture 
n’a fait en Algérie que des progrès assez lents; en 
1894, le nombre des moulins européens était de 
158; et, en 1899, de 195. Quant à la production, 
il est impossible de l'évaluer exactement avec 
les renseignements recueillis; elle doit être de 
200.000 hectolitres au plus, dont 25.000 sont 
exportés. 

En 1893, M. Bourde, directeur de l'Agriculture en 
Tunisie, adressait au Résident général un très 
remarquable Rapport sur la culture de l'Olivier 
dans le centre de la Tunisie. Ce travail, très docu- 
menté, fut un événement dans l’agriculture du Nord 
de l'Afrique. En Tunisie, l'élan fut considérable et 


de très importantes plantations furent faites, no- 
tamment dans la région de Sfax ‘ 

Le Rapport de M. Bourde ne fut pas sans effet en 
Algérie, et bien des colons se sont de nouveau pré- 
occupés des avantages que présente, dans certains 
sites, la culture de l'Olivier; beaucoup d'oléastres 
sont greffés tous les ans et des plantations sont 
faites dans les trois départements. 


IT. — LA RÉGION DE L'OLIVIER. 


L'Olivier caractérise en Algérie une zone natu- 
relle très étendue comprenant le littoral, les plaines 
qui y aboutissent, et reparaissant dans l’intérieur, 


quand l'altitude estinférieure à 900 mètres; dansles 


vallées qui descendent des massifs montagneux du 
Tell. 

L'Olivier paraît se plaire à une altitude de 300 à 
600 mètres. Des peuplements considérables d’Oli- 
viers sont en pleine production; mais il est facile 
de constater que beaucoup de vides pourraient 
être comblés soit par des greffages, soit par de nou- 
velles plantations. 

Toute la zone littorale n’est pas également propre 
à la culture de cet arbre. 

Les grès de Numidie el les gneiss sont surtout 
boisés de chênes. Ce sont les alluvions des vallées 
et les formalions marneuses ou calcaires qui sont 
occupées par les Oliviers; ces arbres s'avancent 
jusque dans le Sud, sur les versants de l'Aurès, à 
Batna, et dans la vallée de l'Oued Chabro, près de 
Tébessa. Les hautes plaines de Constantine, Sétif, 
Batna, Aïn Beida sont trop élevées et froides pour 
l'Olivier, que l’on retrouve très abondant à Guelma, 
dans toute la vallée de la Seybouse, à Gastu et Jem- 
mapes, à El Kantour, à Philippeville. Un petit 
peuplement s'observe dans le massif des Dréats, 
mais c’est dans la vallée de la Soummam et les 
vallées secondaires qui en dépendent que l'on 
retrouve les plus impor!antes plantations. On éva- 
lue à quatre millions et demi le nombre des Oli- 
viers greflés dans ce département. Cetle richesse 
est, en majeure, partie entre les mains des indi- 
gènes. 

Dans le département de Constantine, la région 
de La Calle ne présente l’Olivier qu'à l'état épars, 
les arbres ne sont pas greffés; les fruits sont cepen- 
dant récoltés par les indigènes, ge en fabriquent 
une huile de leur goût. 

Dans le voisinage immédiat de la mer, comme 
dans les environs d'Alger et de Bougie, l'Olivier a à 


! Voyez, à ce sujet : Vte pe L'EspINASSE-LANGEAGC : La culture 
de l'Olivier en Tunisie, dans la Revue générale des Sciences 
du 15 décembre 1896, t. VIT, p. 1105 et suiv.; — et Lours Our- 
vien: Notes sur la Tunisie, dans la /tevue au 15 juillet 1900, 
t. XI, p. 827 et suivantes. 


D° TRABUT — L'ÉTAT ACTUEL DE LA 


CULTURE DE L'OLIVIER EN ALGÉRIE 19 


subir les attaques de nombreux parasites: le ver de 
l'olive détruit une si grande partie de la récolte 
que les arbres greffés dès 1854 ont été en grande 
partie abandonnés. Les rendements en huile sont 


Fig. 3. — Adjcraz. 


aussi bien différents d’une contrée à l’autre et sou- 
vent à une faible distance. Le rendement en huile 
est beaucoup plus élevé à Relizane, Saint-Denis du 
Sig que dans les olivettes de la base de l'Atlas, 
dans la Mitidja. Quand 100 kilos d'olives donnent 
de 16 à 18 litres d'huile à Saint-Denis du Sig, on 
n'obtient que 14 litres dans le Sahel et dans la 
Mitidja. C'est un fait, du reste, bien connu que le 
rendement en huile augmente à mesure que l’on 
avance vers les régionsles plus chaudes. 

Dans le département d'Alger, la Kabylie est le 
centre principal de la culture de l'Olivier. La base 


des massifs qui bordent les vallées de la Mitidja et 


du Chélif est le plus souvent peuplée d'Oliviers; cet 
arbre s'avance jusqu'à Médéa, remonte sur les rives 
des affluents du Chélif. On évalue à un million el 
demi le nombre des Oliviers greffés,. 

Dans le département d'Oran, la région de l'Olivier 
comprend toules les plaines et les vallées, de la 
mer à la limite des steppes; Mostaganem est envi- 
ronné de peuplements considérables, Relizane et 
Saint-Denis du Sig sont remarquables par de très 
belles plantations en terres indigènes. 

De Chougran à Mascara se trouvent aussi de 
nombreuses oliveltes; mais Tlemcen est le centre 
le plus important : l'Olivier peuple le pays jusqu'à 
la frontière du‘ Maroc d’un côté, et jusqu’à la mer 
de l’autre. La statistique accuse pour ce départe- 
ment 500.000 Oliviers greflés, appartenant, pour la 
plus grande partie, aux colons. 

III. — LES VARIÉTÉS LOCALES DE L'OLIVIER. 

Tous les auteurs qui ont écrit sur l'Olivier se 
sont trouvés aux prises avec la difficulté de la 
déterminalion des races locales et surtout de leur 


4. — Bouchok. 


Fig. 


assimilation avec les variétés déjà décrites dans 
les autres contrées. Ce fait avait déjà frappé l'abbé 
Rozier qui, dans son Cours d'Agricullure, indi- 
quait, il y a un siècle, le moyen de remédier à cette 
situation : 

« Il y aurait un moyen sûr de parvenir à une 


20 D' TRABUT — L'ÉTAT ACTUEL DE LA CULTURE DE L'OLIVIER EN ALGÉRIE 


bonne classification de ces espèces jardinières de 
’Olivier : il faudrait réunir dans un champ les prin= 
cipales variétés et les comparer, élablir une syno- 
nymie sûre. Il est élonnant que 
les États de Provence et de Lan- 
guedoc n'aient pas encore tenté 
cette opération. 

« Sans une synonymie exacte, 
comment se faire entendre d'un 
bout de la province à l’autre? Dè 
lors, il faut se contenter d'écrire 
des généralités, et les généralités 
sont peu instructives. 

« N’est-il pas singulier que, dans 
toutes les provinces du Royaume, 
on ait élabli des pépinières d'Or- 
meaux, de Müriers, de Peupliers, 
d'arbres fruitiers, tandis que, dans 
celles qui ont, par leur position, 
le privilége d'élever l'Olivier, l'Ad- 
ministration n'ait pas encore songé 
ou voulu en établir de semblable 
pour un arbre dont le produit cons- 


_ 


Fig. 5, — Chemlal de l'Oued Aïssi. 


titue un revenu qu'aucun autre canton du royaume 
ne peut lui enlever. Il faut donc conclure que les 
lumières que l’on a sur l'Olivier sont purement 
locales de village à village, et il n’y a point d'’en- 
semble pour la généralité d'une région. Preuve sans 


réplique de la nécessilé d'établir une nomenclature 
afin que les cullivateurs puissent s'entendre, savoir 
par l'expérience quelles sont les conditions qui 


Fig. 6. — Grosse Aberkan des Beni-Aïdel. 
conviennent à chaque espèce. » Depuis, nous 
n'avons pas fail grand progrès. Les auteurs espa- 
gnols nous ont fait connaître leurs Oliviers, les 
Italiens en ont décrit aussi, la France n’est pas res- 
tée en retard : tout récemment, une nomenclature 
des Oliviers tunisiens a été établie; enfin, je m'ef- 
force, depuis quelques années, de déterminer et de 
décrire nos races algériennes; mais ce travail est 
assez long. 

Les déterminations, pour être rigoureuses, néces- 
sitent des comparaisons; il faut donc constituer une 
collection vivante : c'est ce qui a été tenté récem- 
ment à la Station botanique de Rouïba. 

Les variétés d'Oliviers cultivées en Algérie sont 
assez nombreuses; chaque région a ses formes par- 
ticulières, et il est impossible de comparer ces Oli- 
viers aux races connues dans les autres centres de 
culture de cet arbre. Les noms indigènes n’ont pas 
une grande fixilé et des races très différentes ont 
une même dénomination. Il y a cependant lieu d’a- 
dopter la nomenclature indigène, qui seule permet- 
tra de retrouver facilement les variélés indiquées. 


D' TRABUT — L'ÉTAT ACTUEL DE LA CULTURE DE L'OLIVIER EN ALGÉRIE 


21 


La difficullé de bien caractériser les variétés 
d'Oliviers ne doit pas conduire à nier leur existence ; 
ces races locales ont bien leur importance, et un 
travail complet qui mettra en lumière, avec les 
caractères morphologiques, les qualités propres à 
chaque forme, sera une œuvre des plus utiles pour 
la colonisation algérienne. 


il est avantageusement remplacé par l'Adjeraz, qui 
est peu fertile dans la plaine. 

Dans les plantations, il est donc très important 
de ne pas accueillir trop facilement les Oliviers dont 
on ne connait pas bien les aptitudes à supporter 
les particularités du sol ou du climat. 

Les Oliviers sont souvent, dans un but pratique 


Fig. 1. — Limli de Seddouk. 


Le tempérament de chaque race d'Olivier doit | 
êlre bien connu quand on veut faire des planta- 
tions. 

Certains Oliviers ne donnent pas de récoltes 
s'ils ne sont pas arrosés, d’autres aiment les allu- 
vions des vallées et ne donnent rien dans les 
marnes. Le Chemlal, qui est si beau dans le fond de 
la vallée de l'Oued Sahel, jaunit et dépérit quand il 


est placé sur les versants du crétacé à Seddouk, où 


divisés en deux seclions : les Oliviers à gros fruits 
pour conserve; les Oliviers à huile. 

Jusqu'à ce jour, la culture des Oliviers pour con- 
serve a été très limitée; on prélève sur les grosses 
olives ce que la consommation locale exige. 

Il y aurait cependant grand intérêt à cultiver, 
dans de bonnes conditions, les grosses olives qui 
existent déjà chez nous, mais à l'état de ra- 
reté : il faudrait aussi introduire d'Espagne, de 


22 D' TRABUT — L'ÉTAT ACTUEL DE LA CULTURE DE L'OLIVIER EN ALGÉRIE 


Grèce et d'Asie Mineure, les belles olives à confire. |  Chemlal de Sfax. 


_: N : Le es 230 Chemlal de Djerba 

Ù res À ses (fig. 3à 9 Eee 

Les olives à huile sont nombreuses (5g 3 à 9), He Tal A E OT boue 

et, bien que l'étude n'en soit pas achevée, on peut Limli de Seddouk (fig. 7). 

trouver déjà les éléments suffisants pour les plan- | (rosse Aberkan des Beni-Aïdel (fig. 6). 
AUS VE | Petite Aberkan de Seddouk. 

RONDE SAUT ES Aaleth des Beni-bou-Melek (fig. 8). 


4] 
s 


Fig. 8 — Aalceth des Beni-bou-Melek 


Adjeraz de Seddouk, Adjeraæz des Beni-bou-Melek, Bou hamar ou Asgouart de la région de Gouraya. 
grosse Adjeraz d'Ali-Cherif, gros fruit pesant plus de Azoubaï, fruit allongé Beni-bou-Melek. 
8 grammes (fig. 3). Boudiss, se rapproche du Zeboudj, est cependant re- 
Bouchok(fig. 4), Chemlal de Kabylie, Chemlal grosse | collé, constitue un excellent porte-greffe. 
précoce de Tazmalt, très belle variété très fertile. Ardou, Beni-bou-Melek. 
Chemlal blanche d'Ali Chérif, Mchiada, Beni-bou-Melek. 
Petite Chemlal pendante. Ziza, Beni-bou-Melek. 
Chemlal de l'Oued Aïssi (fig. 5. Youm, Beni-bou-Melek. 


D' TRABUT — L'ÉTAT ACTUEL DE LA CULTURE DE L'OLIVIER EN ALGÉRIE 23 


Aberkan, région de Gouraya. 

Arkani, petite noire. 

Aabeche, Tizi-Ouzou. 

Azibli, Tizi-Ouzou, forme à demi-sauvage, peu es- 
timée. 

Akerma, Akbou. 

Bonicher, Akbou. 

Tefab, olive forme pomme, 7 grammes (fig. 9). 

Olive de Saint-Denis du Sig. 

Olive rouge de Rio Salado, olive ronde, rouge cerise, 
en terre sèche. 

Corni Cabra, olive longue courbe. Pandoulier de 
Provence. 


IV. — CULTURE DE L'OLIVIER. 


La culture de l'Olivier en Algérie est faite avec 
beaucoup de soins sur quelques points du territoire 
de colonisation; mais elle est très négligée dans 
la plus grande étendue du domaine de cet arbre. 

Les anciennes olivettes présentent de nombreux 
vides que personne ne songe à combler, et, sur 
bien des points, aucune plantation, aucun greffage 
n'ont été effectués depuis des siècles. Les indigènes, 


Fig. 9. — Tefab. 


Olive de Mascara, olive régulière ovoide, produit 
beaucoup. 

Olive moyenne de Safsaf. 

Olive petite de Bréa-Tlemcen. 

Olive moyenne de Bréa,. 

Grosse olive de Bréa. 

Olive de Gastu. 

Olive du Hamma de Constantine, grosse, pour con- 
serve. 


En dehors des Oliviers que l’on peut considérer 
comme indigènes, on trouve dans les plantations 
quelques Oliviers introduits, tels que le Pigale, le 
Pandoulier, le Rouget. 


qui détiennent la plus grande partie des Oliviers, 
se bornent à récolter, et laissent souvent l'Olivier 
sans soins. La récolte se fail à la gaule; l'arbre 
n'est pas soumis à la taille, ne reçoit aucune 
fumure et n’est mème pas cultivé au pied, 

Sur d’autres points, l'Olivier est mieux traité et 
est l’objet d'une véritable culture. Le solest labouré, 
et les sillons, tracés horizontalement, permettent à 
l'eau des pluies d'imbiber le sol. l’eau de pluie est 
même amenée par des sillons dans une cuvette, au 
pied de l'arbre; mais on ne voit pas, comme en 


19 
ra 


D' TRABUT — L'ÉTAT ACTUEL DE LA CULTURE DE L'OLIVIER EN ALGÉRIE 


Tunisie, de meska ou surface de réception des eaux 
de pluie destinées à être conduites dans les bas- 
fonds plantés en Oliviers. | 

On a de tout temps fait quelques cultures dans 
les olivettes. Les céréales y prospèrent, mais au 
détriment des Oliviers. En Tunisie, les ensemence- 
ments qui avaient envahi les oliveltes sont inter- 
dits, et deux labours sont obligatoires. 

Dans les régions qui recoivent en hiver suffisam- 


ment d’eau 
la culture de 
la fève ct 
de quelques 
autres Lé- 
gumineuses 
ne peut qu’é- 
tre conseil- 
lée. 

Bien que 
l'Olivier 
s'accommo- 
de de terres 
pauvres en 
pays secs, il 
vient encore 
mieux dans 
les terres ri- 
ches avec ir- 

rigalion. 


1. Sol,-L'O- 


livier occu- 
pe les sols 
les plus dif- 
férents et 


prospère 
dans les 
gneiss des 


terrains pri- 


mitifs de la Kabylie, dans 
les grès et dans les terres 
marneuses, dans les schis- 
les, ou sur des calcaires 
travertineux. Les rende- 
ments varient beaucoup suivant la nature du sol; 
le maximum est obtenu dans les terres très cal- 
caires et les climats secs et chauds. 

La multiplication de l'Olivier est facile; cepen- | M. 
dant, cet arbre est assez rare dans les pépinières et 
le prix en est resté élevé. Les semis sont rarement 
pratiqués, les races ne se conservant pas par ce 


dans un sol bien préparé et bien arrosé l'été. Si le 
bois qui a fourni les boutures était très sain et très 
vigoureux, l'enracinement se fait {rès bien; si les 
boulures sont prises sur des arbres souffreteux, 
la reprise est très difficile. Si les boutures sont 
placées dans un sol bien défoncé et fumé, après 
trois ans elles forment un arbre bon à mettre en 
place et qui vaut 2 francs à 2 fr. 50. 

En Tunisie, les Oliviers sont généralement francs 
de pied et 
multipliés 
au moyen 
d'éclats dé- 
tachés de la 
base renflée 
des vieux 
arbres. L'é- 
clat est dé- 
posé au fond 
d'un trou de 
60 centimè- 
tres de pro- 
fondeur et 
de 50 de cô- 
té; on jette 
25 cenlimè- 
tres deterre 
par-dessus, 

Au prin- 
temps, les 
rejets se 
montrent et 
le trou se 
comble naturellement. 
Ces plantations sont ar- 
rosées trois fois pendant 
les deux premiers étés. 
Ce procédé n'est pas 
employé en Algérie: 
quand les indigènes 
étendent leurs olivet- 
tes, c'est par la greffe 
sur les Oléastres; les 
Européens greffent 
aussi ou plantent des arbres élevés en pépinière. 

Les jeunes Oliviers de boulure bien soignés se 
développent assez rapidement. Nous avons vu, chez 
Bertrand, à l'Arba, de très beaux sujels non 
irrigués (fig. 10), qui, à la sixième année, donnaient 
une moyenne de 32 kilos d'olives par arbre. 


Fig. 10. — Olivier de 6 ans de bouture, chez M. Bertrand, 
à l'Arba. 


moyen; les semis ne donnent cependant pas lou- 2. Greflage. — Le greffage des Oléastres est, 


jours des individus inutilisables. Aussi le boutu- 
rage est-il le procédé le plus employé; on bouture 
généralement des branches vigoureuses, coupées 
en fragments de 30 centimètres, qu'on plante droits 


pour beaucoup de localités, le moyen le plus éco- 
nomique de propager l'Olivier; des versants boisés 
présentent l'Olivier sauvage en très grande abon- 
dance. Ailleurs, les sujets sont rares et réunis seu- 


D' TRABUT — L'ÉTAT ACTUEL DE LA CULTURE DE L'OLIVIER EN ALGÉRIE 25 


lement dans les bas-fonds. Suivant les circons- 
tances, les Oléastres se présentent très gros, très 
vigoureux, ou bien, au contraire, fortement en- 
dommagés, réduits à de vieilles souches don- 
nant des rejets. 

Les beaux Oli- 
viers ont depuis 
longtemps attiré 
l'attention et, de- 
puis cinquante 
ans, les colons en 
greffent un cer- 
lain nombre. 

Quand les ar- 
bres sont sains 
et bien consti- 
lués, on greffe 
en couronne sur 
les grosses bran- 
ches. 

En Algérie et 
en Tunisie, les 
indigènes prali- 
quent la greffe 
en écusson; pour 
cela, les Oléas- 
tres sont coupés à ras terre et, au printemps sui- 
vant, les trois ou quatre plus belles pousses sont 
greffées en écusson. Les Kabyles délachent les 
écussons en 
contournant le 
bourgeon, avec 
la pointe du 
greffoir ; l'écor- 
ce est coupée 
perpendiculai - 
rement à la sur- 
face et conserve 
sur les bords 
touteson épais- 
seur; ils enlè- 
vent ensuite 
l'écorce avec 
l'œil adhérent, 
sans se soucier 
du bois; il est 
rare que l'œil 
se vide; l’écus- 
son est placé 
dans une incision en T et assez bas, ra- 
meaux sont rabatlus à mesure que le bourgeon 
se développe; trois ou quatre ans après le gref- 
fage, les jeunes Oliviers commencent à donner des 
fruits. 

Chez M. Dufour, à Ighzer-Amokran, les Oléastres 
à greffer sont d'abord nettoyés, préparés et même 


les 


| 


Fig. — 11. Olivier greffé sur souche d'Oléastre (6 ans), dans la propriété 
de M. Dufour, à Ighzer-Amokran, en Kabylie, 


| 
| 
| 
| 
| 


sevrés par l’amputation des racines autour du pied; 

ces sujels, greffés en écusson sur place, sont, 

l'année suivante, transplantés dans les olivettes en 
création (fig. 11). 


3. Plantation. — Les 
anciennes planta- 
lions d'Olhiviers 
sont très irrégu- 
lières : tantôt les 
arbres sont les 
uns sur les au- 
tres, formantune 
véritable forêt 
qui ne recoit le 
jour que par le 
des ar- 
bres; tantôt des 
vides importants 
se sont manifes- 
tés et les arbres 


sommet 


sont isolés. Il est 
facile de consta- 
ter, notamment 
dans la vallée de 
la Soummam, 
que ces forêts denses d'Oliviers (fig. 12) sont d'un 
médiocre rapport; qu'au contraire, dans les mêmes 
lerrains, les arbres isolés .sont remarquablement 
fertiles. 

Dans les sols 
non irrigables, 


20 Oliviers à 


l'hectare pa- 
raissent suffi- 
sants ; en ter- 


rain irrigué, On 
plante souvent 
80 4100 arbres; 
mais 66 parais- 
sent 
donner de meil- 
leurs résultats ; 
les arbres sont 
à A0" "mètres 
dans des lignes 
distantes de 15 
mètres. Pour beaucoup de raisons, il est utile 
que le terrain soit tenu très propre sous les Oli- 
viers. Les arbres qui restent entourés de brous- 
sailles, comme cela arrive quelquefois, sont peu 
fertiles et sujets aux attaques de nombreux para- 
sites. surtout du ver ou Dacus. La perméabilité du 
sol sous les Oliviers est nécessaire pour faciliter 
l'aération et aussi l'imbibilion. Dans la Kabylie de 
Bougie, les indigènes labourent les Oliviers en tra- 


devoir 


Fig. 12. — Olivette d'Adjeraz, dans 
les marnes du Crétacé, à Seddouk. 


26 


D' TRABUT — L'ÉTAT ACTUEL DE LA 


CULTURE DE L'OLIVIER EN ALGÉRIE 


çant, autant que possible, des sillons horizontaux, 
qui retiennent les eaux de pluie; à Tlemcen et sur 
bien d’autres points, l'arbre est entouré d’une cu- 
vette qui reçoit les eaux de pluie qui s’écouleraient 
dans les bas-fonds. 

Ces cuvettes sont parfois diposées en V et peu- 
vent, si elles sont bien entrelenues, jouer un rôle 
considérable, car l'Olivier végète dans les régions 
à pluies peu abondantes, et cependant il ne craint 
pas les bonnes irrigations. Le terrain doit toujours 
être préparé pour retenir toute l’eau tombée et pour 
la conduire aux racines. 

En Tunisie, dans les pays mamelonnés où il ne 
tombe pas plus de 250 millimètres de pluie par an, 
les Oliviers sont plantés dans les fonds, el les pen- 
tes des mamelons sont disposées pour recevoirl’eau, 
qui est conduite par de petits canaux au pied des 


fourrage abondant, en même temps qu'une fu- 
mure. 


4. Fumure. — Un kilo d'olives contient plus de 
7 grammes de potasse, près de 3 grammes d’azote, 
et 1 gramme d'acide phosphorique; d'un autre 
côté, on sait que la potasse domine dans les bonnes 
terres à Olivier; à Sfax, d'après M. Bertainchand, 
les terres des oliveltes contiennent 3 à 4°/, de po- 
tasse. La potasse est donc l'élément principal que 
l'on doit s’efforcer de restituer à l'Olivier. Les 
marqines où morges, qui sont généralement sans 
emploi, contiennent la plus grande partie de potasse 
que l’Olivier a enlevée au sol; il est donc indiqué, 
quand cela est possible, de ramener ces liquides 
de déchet dans les olivettes avec les irrigalions. 
: On pourrait aussi les évaporer. Il ne faut pas 


Fig. 13. — Plantation d'Oliviers, à Saint-Denis du Sig. 


arbres. Cette surface de réception se nomme une 
meska; il est bien reconnu que les oliveltes qui sont 
pourvues d’une meska donnent des rendements 
plus réguliers. Celle disposition a une très grande 
importance et devrait être imitée en Algérie sur 
bien des points où la culture de l’Olivier procure- 
rait l’aisance, sinon la richesse. 

C'est dans l'Oranie que l'on trouve les plus 
anciennes plantations d'Olivier à l'irrigation; à 
Saint-Denis du Sig, Relizane, elles sont en pleine 
prospérité (fig. 13) et s'étendent autant que la mul- 
tiplicalion des Oliviers ie permet. 

Ces plantations sont failes de préférence en terre 
légère, à raison dé 100 arbres à l’hectare. On donne, 
en temps ordinaire, au moins cinq irrigalions; 
l’eau est amenée dans de larges cuvettes, au pied 
des arbres. Quand les hivers sont peu pluvieux, 
on donne deux irrigalions en hiver et quatre en 
été; chaque irrigation est suivie d’un binage. 

Certaines légumineuses comme les Vigna, Soja, 
Mucuna pourraient avec avantage être cultivées 
entre les lignes pendant l'été et donneraient un 


perdre de vue que ce sont les sols calcaires qui 
produisent les fruils riches en huile et que l'huile 
des régions calcaires est de meilleure qualité. 

L'usage des engrais verts peut rendre de grands 
services pour la fumure des Oliviers. 

La fumure polassique et phosphorique sera appli- 
quée à la légumineuse choisie, et la récolte enfouie 
en tolalité ou en partie dans le sol. Sous les Oliviers, 
on peut, en hiver, suivant les condilions locales, 
culliver le trèlle d'Alexandrie. 


5. Taille. — La taille des Oliviers n’est faite mé- 
thodiquement que dans quelques cultures diri- 
gées par des colons; elle consiste à évider les arbres 
en gobelels. Chez les indigènes, souvent on ne pra- 
lique aucune taille, surtout dans les tribus qui 
récoltent au moyen du gaulage. Au contraire, dans 
les pays où les olives sont ramassées à la main, les 
femmes chargées de ce soin abattent tous les ans, à 
coups de hachette, un certain nombre de branches; 
elles cherchent surtout à donner à l'arbre une forme 
rendant la récolle plus facile. 


D' TRABUT — L'ÉTAT ACTUEL DE LA CULTURE DE L'OLIVIER EN ALGÉRIE 27 


En Tunisie, il existe des lailleurs qui, pendant 
longtemps, ont reçu comme rémunération le bois 
qu'ils abattaient. Aussi trouve-t-on souvent dans 


ce pays des ar- 
bres qui sont ré- 
duits par la taille 
à un véritable té- 
tard. Des lailleurs 
brevetés ont été 
formés depuis 
l'Occupation et 
doivent seuls tæil- 
ler les Oliviers. 


6. Cueïllette. — 
La cueillette des 
olives commence 
dès octobre pour 
les olives vertes 
de conserve, qui 
sont vendues 
en assez grande 
quantilé sur les 
marchés. 


Ces olives doivent 


Fig. 14. — Cucillette des olives, en Kabylie, 


être cueillies très vertes: 


production; pour le moment, les seules plantations 
d'Adjeraz de la région d'Akbou Seddouk, ou les 
olives de Saint-Denis-du-Sig, 


de Relizane, pour- 


raient alimenter 
une usine. 

Les olives pour 
l'huile sont cueil- 
lies de deux ma- 
différen- 
tes : par le gau- 


nières 


lage ou à la main. 
Le gaulage n'est 
facile que si les 
olives sont bien 
mûres; il à le 
grand 
nient de briser 


inconvé- 


beaucoup de brin- 
dilles qui de- 
vraient porter les 
olives l’année sui- 
vante. Dans les 
tribus plus labo- 
rieuses, qui ont 


plus de soin des Oliviers, la récolte est faite à la 


elles donnent dans ces conditions un bon produit. | main; les Kabyles appellent cette opération : traire 


On trouvera 
quelques dif- 
ficultés pour 
acheter aux 
indigènes ces 
fruits cueillis 
avant matu- 
rité ; il fau- 
dra proba- 
blement l'ap- 
pèt d'un prix 
élevé pour 
les décider à 
oublier un 
préjugé bien 
établi. 

Ces olives 
sont  desli- 
nées à la con- 
sommation 
familiale et 
arrivent ra- 
rement dans 
les condi- 
lions que re- 
quiert une 
bonne prépa- 


ration pour le commerce. Si l'industrie des con- 
serves d'olive devait un jour s'établir en Algérie, 
une usine devrait être organisée sur les lieux de 


Fig. 15. — Jeunes Kabyles employées à la cucrllette des olives. 


les olives. Ce 
sont les fem- 
mes et les 
enfants qui 
se chargent 
de faire la 
récolte (fig. 
14145, 16): 
Les olives 
sont portées 
dans des pa- 
niers en ro- 
seau el en 
brindilles 
d'Olivier. 
Les olives 
cueilhespeu- 
ventavoiral- 
teint trois 
degrés de 
maturité, qui 
sontindiqués 
par la cou- 
leur du fruit: 
les olives en- 
core vertes 
donnent une 


huile fruilée qui a une légère amertume et se con- 
serve bien. Les olives violettes donnent une huile 
fine fruitée, généralement très appréciée el de con- 


28 D' TRABUT — L'ÉTAT ACTUEL DE LA CULTURE DE L'OLIVIER EN ALGÉRIE 
servaiion facile. Les olives noires donnent une | elles sont soumises à une manipulation qui a pour 


huile très douce, mais plus sujette au rancisse- 
ment. Il est très important, quand on recherche la 
qualité, de faire cueillir chaque variété d'olive sui- 
vant le degré de maturité qu'elle exige pour attein- 
dre son maximum de rendement en quantité et en 
qualité. Les olives qui tombent et les olives 
piquées doivent être traitées séparément; non seu- 
lement leur rendement est inférieur, mais la qua- 
lité laisse beaucoup à désirer. 

Depuis quelques années, une grande partie de la 
récolte est livrée aux moulins européens établis à 
la portée. Les olives sont alors vendues à la mesure 
ou au poids; la mesure est le double décalitre, qui, 
rempli normalement, 
doit 16 kilos. 
Parfois, l'acheteur exi- 
ge une chechia qui 
s'élève aussi haut que 
possible au-dessus de 
la mesure. 

Les « prix 
beaucoup suivant les 
rendements et oscil- 
lententre 5et11 francs 
les 100 kilos. Dans les 
cultures européennes, 
il faut prendre des ou- 
vriers pour faire la ré- 
colte; le quintal d’o- 
lives, à Saint-Denis 
du Sig, coûte 1 fr. 25 
à 1 fr. 50 de frais de 
récolte: ces frais de 
main-d'œuvre sont 
parfois considérables : 
ils atteignent 2 francs 
les 100 kilos; certains colons en sont effrayés et 
pensent que les frais de cueillette annulent les 
bénéfices réalisables avec les prix très bas des 
bonnes huiles d'olive. C’est aussi pour atténuer, 
autant que possible, ces dépenses que les grasses 
olives seront loujours recherchées pour les cultures 
irriguées et exploitées par les colons. 

En Tunisie, en raison de l'impôt prélevé par 
l'État, la cueillette est faite à des époques réglées. 
Les Tunisiens ont adopté un procédé particulier, 
qui consiste à se garnir l'extrémité des doigts avec 
des cornes de chèvre et à peigner les rameaux 
avec la main ainsi armée; les olives tombent et 
sont ramassées dans des corbeilles. 

Les olives cueillies pendant la saison froide se 
conservent assez bien, à condilion de ne pas être 
mises en las trop élevés, d'être étendues sur des 
planchers sous une épaisseur de 25 à 30 centi- 
mètres. Pendant ce temps, dans beaucoup d'usines, 


peser 


varient 


Fig. 16. — Femmes kabyles portant les olives à une huilerie. 


but de séparer les feuilles apportées avec les fruits. 
Chez les indigènes, les olives sont souvent con- 
servées pendant plusieurs mois avant d'êlre tritu- 
rées et pressées. Dans quelques tribus, dès que les 
olives sont arrivées à la maison, elles sont plon- 
gées dans l’eau bouillante, puis étalées, et enfin 
mises en tas et recouvertes de feuilles et de bran- 
chages. Toutes ces olives ainsi conservées subissent 
des fermentations qui augmentent le goût du fruit 
et déterminent un rancissement qui est très re- 
cherché par les consommateurs indigènes. Les 


Kabyles sont convaincus que les olives ainsi 
traitées rendent plus d'huile que les olives frai- 
chement récoltées. 
D'après eux, celte ma- 
turation  délermine- 


rait l'augmentation du 
taux de l'huile et ren- 
drait son extraction 
plus facile. La conser- 
vation des olives dans 
lesusinesestune ques- 
tion qui présente un 
certain intérêt. Le plus 
souvent, dans lesmou- 
lins à l'huile, on cher- 
che à éviter, autant 
que possible, l’encom- 
brement causé par les 
livraisons, qui se font 
parfois d'une manière 
irrégulière. 


V. — EXTRACTION 
DE L'HUILE. 


L'extraction de l'huile est la plus ancienne 
industrie du Nord de l'Afrique; même elle avait 
acquis, sous la domination romaine, un degré élevé 
de perfection, si l’on en juge par les vestiges que 
l'on retrouve dans toute la région de l'Olivier. 


1. /luileries romaines. — Les huileries romaines 
différaient peu de nos huileries modernes; les bâti- 
ments étaient parfois très grands et faits avec un 
véritable luxe, comme l'huilerie de Bir Oum Ali 
près de Tébessa. Les Romains employaient au dé- 
trilage des olives des meules qui permettaient 
d'écraser la pulpe et le noyau ou la pulpe seule. 
Le premier modèle était le plus fréquent; il est 
toujours en usage. Le moulin qui n'écrasait que la 
pulpe était plus rare; il en existe un (fig. 17), assez 
bien conservé, à Tipaza, dans la propriété Tré- 
maux ; il se compose d’une grande vasque en pierre 
du pays porlant, au milieu, une colonnette; sur 


D' TRABUT — L'ÉTAT ACTUEL DE LA 


cette partie était fixé le pivot sur lequel était 
appuyée une barre en bois qui traversait les deux 
meules ainsi suspendues. Les olives élaient dé- 
pulpées et broyées sans que la pression fût assez 
forte pour écraser les noyaux. Ces moulins por- 
taient le nom de Trapetum. Le lrapète était évi- 
demment destiné à la prépa- 
ration de l’huile fine, car les 
Anciens savaient déjà que 
l'huile des olives dépulpées 
était supérieure. Les meules 
roulaient sur les olives et 
écrasaient la pulpe 
et le noyau, comme 
cela se pratique en- 
core de nos jours. 
Les Anciens avaient 
encore d’autreslypes 
de moulins, entre 
autres le Zudicula, 
qui était formé d'un 
cône de pierre sur 
lequel roulait une 
meule qui s'emboitait. Les pressoirs étaient géné- 
ralement constitués par deux poteaux verlicaux 
entre lesquels s’engageait une longue poutre (/in- 
gula) faisant levier; au-devant, sur une dalle 
munie d’une rigole circulaire, étaient placés les 
cabas (liscinæ oleariæ). Ces fiscines élaient rem- 


Fig. 


17. — Trapetum 


CULTURE DE L'OLIVIER EN ALGÉRIE 


29 


que l’on retrouve partout et qui sont encore en 
usage dans la région méditerranéenne. 

Des vestiges nombreux de l'industrie ancienne 
des huiles, on peut conclure que l'extraction se 
faisait avec beaucoup de soin, et surtout que les 
Anciens ont opéré sur de grandes quanlités. 


2. Huileries des indigènes 
actuels. — Chez les indi- 
gènes, la fabrication de 
l'huile est la plus impor- 
tante industrie; l'outillage 
est parfois très rudi- 
mentaire. Dans le 
cercle de La Calle, 
les olives sauvages 
en forêt 
cueillies et traitées 
par l'eau chaude, 
puis écrasées,; l'huile 
qui surnage est 
cueillie. Des procé- 
dés plus compliqués 
sont en usage dans le pays où l’Olivier est cultivé; 
cependant, toutes les manipulalions des indigènes 
sont défectueuses, car elles tendent à obtenir une 
huile rance qu’ils aiment, mais qui est d’une valeur 
très inférieure pour le commerce, qui la paie 50 ?/, 
moins que les huiles de mêmes olives failes par 
les procédés modernes. 


sont re- 


LES 
romain, à Tripaza. 


Lig. 18. — Claie d'un pressoir à huile de l'époque 
romaine, à Thala (Tunisie). 


placées par de véritables claies en pierre comme 
celle de Thala (fig. 18), trouvée en Tunisie ; l’ex- 
trémilé du levier devait être abaissée au moyen 
d’un treuil ou d’une vis. 

Les liquides s'écoulaient du pressoir dans des 
bassins placés en avant; là devaient s'opérer la 
décantation et la séparation des margines. L'huile 
était ensuite reçue dans de grandes jarres (fig. 19), 


Fig. 19. — Jarre à huile (époque romaine). 


Chez les Kabyles de la région de Tizi-Ouzou, on 
extrait encore l’huile suivant les anciennes tradi- 
tions dans toutes les tribus ; mais, cependant, la plus 
grande partie des olives est portée chez des indus- 
triels français qui préparent une huile très recher- 
chée. Dans les tribus moins bien outillées, les 
femmes sont presque uniquement chargées de la 
préparation de l'huile. 


30 D' TRABUT — L'ÉTAT ACTUEL DE LA 


CULTURE DE L'OLIVIER EN ALGÉRIE 


A mesure que les olives rentrent, elles sont sou- 
mises à l'ébullition, puis mises en tas. Après une 
quinzaine de jours, ces olives ont perdu une partie 
de leur eau : elles sont séchées, puis réduites en 
pâte par le piétinement. Ces opérations se font 
souvent sur des surfaces rocheuses creusées de 
trous (fig. 20). La pâte laisse suinter l'huile, qui 


est recueillie ; on place aussi la pâte dans des vases | 


percés de trous par où l'huile 
s'écoule lentement. 

Quand la pàle a élé ainsi 
triturée plusieurs fois, elle est 
portée à la rivière, où elle est 
traitée par l’eau froide dans 
de petits bassins dits ahadoun. 
L'eau est détournée du ruis- 
seau par une seguia, qui rem- 
plit le bassin; la pâte d'olive, 
apportée dans des jarres et des 
plats, est délayée dans l’eau; 
pour cela, les femmes, trous- 
sées jusqu'au dessus des genoux, foulent la pulpe 
avec les pieds (fig. 21); pour achever la mise en 
suspension, l’eau est vivement agilée au moyen 
d'un petit' bâton (fhisrouitt}. L'écume qui se pro- 
duit alors à 
la surface 
(thachela- 
bots) con- 
tient l'huile 
abandonnée 
par la pulpe: 
elle est re- 
cueillie dans 
un vase spé- 
cial; cette 
opération 
est recom- 
mencée tant 
que l’écume 
est grasse; 
puis l'aha- 
doun est ou- 
vert el sou- 
vent le li- 
quideesten- 
trainé dans 
un bassin 
plus grand qui reçoit les résidus de tous les’ aa- 
doun particuliers. Ce bassin appartient à la com- 
munauté. 

L'huile obtenue dans les bassins est très forte et 
de qualité inférieure. 

Les olives sont aussi écrasées sur un rocher plan, 
au moyen d'une pierre que deux femmes poussent 
alternativement (fig. 22 et 23); ce mouvement 


Fig. 20.— Trous dans la roche pour la trilu- 
ration des olives, en Kabylie. 


Fig. 21.— Extraction de l'huile par l’eau froide dans des trous (Ahadoun), en Kabylie. 


écrase les olives et forme bientôt une pulpe hui 
leuse. 

Dans beaucoup de tribus, cette pierre (aberrai) 
est remplacée par une grande meule qui tourne 
(ar'arel) dans une cuvetle en maconnerie, Cette 
meule est traversée par une 
longue perche qui aboutit à 
un arbre vertical, situé au 
centre de la cuvette et muni 
d'un pivot en fer roulant dans 
une crapaudine ; l'extrémité 
supérieure est maintenue par 
une traverse en bois posée sur 
deux montants; souvent, c'est 
un mulet ou un bœuf qui est 
altelé à ce manège, mais on y 
voit aussi des femmes. 

Lorsque les olives sont ré- 
duiles en pâte, on en remplit 
des escourtins d’alfa ({hisena- 
thim) qui sont empilés sur la 
table d'un pressoir en bois. Les grignons sont 
ensuite traités à la-rivière dans l’ahadoun. Cette 
installation est celle qui existait dans la Provence 
au Moyen-Age. 

3. Moulins 
des  Euro- 
péens. 
Partout où 
l'Olivier est 
abondant. 
on trouve 
des moulins 
modernes 
avec un ou- 
tillage per- 
fectionné 
permettant 
de traiter 
rapidement 
les olives 
à mesure 
qu'elles ar- 
rivent. Les 
olives sont 
achetées 


nes,souvent 
à la mesure, qui est le double décalitre, qui, bien 
coiffé, représente 16 kilos et est payé des prix très 
variables ; suivant l'abondance du produit, la matu- 
rité, la teneur en huile, les prix oscillent entre 5 et 
11 francs les 100 kilos. 
Les moulins sont assez nombreux pour que les 
indigènes puissent trouver, dans les achats, une 
certaine concurrence qui leur est avantageuse. Ils 


aux indigè- 


D' TRABUT — L'ÉTAT ACTUEB DE LA CULTURE DE L'OLIVIER EN ALGÉRIE 31 


- 


savent du reste très bien qu'en dehors de l'huile 
dont ils ont besoin pour leur propre consommation, 
ils ont intérêt à ne pas fabriquer, puisque, pour 
la vente, leur huile 
ne vaut pas celle 
qui est obtenue par 
les moulins moder- 
nes, qui est vendue 
toujours 50 °/, plus 
cher, et est deman- 
dée de plus en 
plus. 

En Tunisie, au- 
eune usine ne dé- 
pulpe les olives. Un 
industriel qui pro- 
cède au dénoyau- 
lage, M. Epinal, à 
Mehdia, a obtenu 
130 franes des hui- 
les au dépulpeur, 
tandis que ses hui- 
les de fabrication 
courante ne se ven- 
daient que 90 fr. 
IL y aurait donc à 
faire quelques essais pour obtenir une plus-value 
très sensible. Les grandes usines marchent à la 
vapeur et ont 
un assez grand 
débit qui per- 
met d'éviter 
l’'encombre- 
ment et la fer- 
mentation des 
olives. Aussitôt 
livrées, les oli- * 
ves sont sou- 
misesautriage; 
les feuilles, tou- 
jours très nom- 
breuses, sont 
enlevées; c'est 
une bonne pré- 
caution, car la 
feuille triturée 
avec l’olive lui 
communique 
une saveur dé- 
sagréable, une 
grande amer 
t{ume. 

Aucune huilerie algérienne ne peut être compa- 
rée à quelques grandes usines de Tunisie; cepen- 
dant, d'importants progrès ontété réalisés dans ces 
dernières années, et il est maintenant bien établi 


Fig. 22. — Meule, en Kabylie. 


Fig. 23. — Meule, en Kabylie. 


que les olives peuvent, en Algérie, donner des 
huiles très fines, si toutes les minutieuses précau- 
tions sont prises pour la fabrication. 

Les manipula- 
tions, après le tri- 
turage et le pres- 
sage, sont assez dé- 
licates pour bien 
priver les huiles 
d'eau el de morge; 
la chambre des pi- 
les est souvert 
chauffée, ce qui 
permet à l'huile de 
déposer plus faci- 
lement. La filtra- 
tion est une impor- 
tante opération qui 
doit être faite aus- 
sitôt que la décan- 
lation est termi- 
née. Les filtres au 
coton sont généra- 
lement préférés; il 
serait à désirer que 
quelques progrès 
fussent réalisés dans les appareils en usage. 

La filtration débarrasse les hu les d'impuretés 

L quicontribuent 

au rancisse- 

ment. Les gri- 
gnons sont par- 
fois vendus à 
Marseille au 
degré; ils sont 
utilisés pour la 
nourriture des 
porcs ou même 
comme com 
bustibles. L’ex- 
traction de 
l'huile au 
fure de carbone 
n'est installée 
nulle part en 
Algérie. Les 
margines sont 
sans emploi et 
jetées. Cepen- 
dant, M. Ber- 
tainchand a ré- 
cemment  ap- 
pelé l'attention sur la composition de ce liquide, 
qui est riche en matières minérales : 1 litre donne 
24 grammes de cendre contenant plus de 12 gram- 
mes de potasse. Les margines peuvent donc être 


sul- 


D° TRABUT — L'ÉTAT ACTUEL DE LA 


32 


CULTURE DE L'OLIVIER EN ALGÉRIE 


assimilées aux vinasses des distilleries. Par éva- 
poration et calcinalion, on a obtenu à Tunis un 
salin d’une valeur de 22 à 23 francs les 100 kilos. 
La potasse retirée des margines pourrait être uti- 
lisée sur place à la préparation des savons, les 
autres résidus constiluant des engrais. 


VI. — RENDEMENTS. 


Il est difficile d'évaluer le rendement de l'Oli- 
vier ; cet arbre est susceptible de se montrer d'une 
fertilité extraordinaire; il peut aussi, dans des con- 
ditions moins avantageuses, resler à peu près sans 
rapport. Ce n'est que vers la sixième année que 
l'Olivier commence à rapporter; à Sfax, d'après 
M. Bourde, l'Olivier ne donnerait à cet âge que 
2 ou 3 litres d'olives. Chez M. Bertrand, à l'Arba, 
j'ai vu une plantation de six ans dans de bonnes 
conditions, mais non irriguée, donner 32 kilos 
d'olives par arbre, ce qui représente, à 100 arbres 
à l'hectare, un rendement de 448 litres d'huile. 

Des Oliviers, greffés par M. Dufour à Ighzer 
Amokran, dans des pentes assez rocailleuses, ren- 
dent, à six ans, 6 kilos d'olives: à dix ans, 20 kilos. 

Dans les olivettes de Saint-Denis-du Sig, on 
obtient, d'après M. Deloupy, à six ans, 20 kilos; à 
dix ans, 40 kilos, à vingtans, 80 kilos, ce qui repré- 
sente, dans cette région, un rendement en huile de 
160 litres, 640 litres, 4.280 litres à l’hectare. Il 
faut se rappeler aussi que l'Olivier saisonne et 
qu'on ne peut pas compter tous les ans sur ce ren- 
dement. 

Il paraît évident que, pour l’Olivier, comme pour 
beaucoup d’autres plantes de nos cultures, les ren- 
dements peuvent devenir très élevés quand on 
arrive à réaliser toutes les meilleures conditions 
quant au choix du sol, à la variété, et au mode de 
culture. Il est aussi certain que l’Olivier, tout en 
étant l'arbre des terrains secs, donne des pro- 
duits abondants surlout quand on lui fournit un 
peu d’eau. 

L'arbre ne porte pas régulièrement ses fruits : 
il saisonne; une bonne année est généralement 
suivie d'une médiocre et d'une mauvaise, si bien 
qu'on ne compte qu'une bonne récolte et demie en 
trois ans. La taille bien conduite, les labours fré- 
quents, les irrigations ont pour effet de régulariser 
la production. La valeur des olives varie plus 
encore que la quantité; on ne lient compte, pour 
l'apprécier, que du rendement en huile. Ce rende- 
ment varie de 8 à 20 °/,. La moyenne obtenue 
généralement est de 12 à 45 °/,, c'est-à-dire 13 à 
16 litres d'huile pour 100 kilos d'olives. 

Le tourteau pressé ou grignon, qui représente à 
peu près la moitié du poids des olives, contient 
encore 10 °/, d'huile. 


| prendre la densité des olives, qui est très variable, 


Il serait intéressant de pouvoir apprécier rapide- 
ment la quantité d'huile contenue dans les olives. 
Une méthode sûre et rapide d'appréciation régle- 
rait les achats faits dans les usines. J'ai essayé de 


et d'établir une relation entre cette densité et la 
quantilé d'huile. Je ne peux pas, sans les avoir 
vérifiés plusieurs fois, donner des chiffres précis; 
mais on peut, je le crois, admeltre que, moins une 
olive est dense, plus elle contient d'huile. Pour 
apprécier celle densité, il suffit d'avoir des éprou- 
vettes contenant, les unes de l’eau pure, les autres" 
de l'eau avec un sel qui augmente la densité. J'ai 
employé le nitrate de soude; la densité du liquide 
est facile à prendre au moyen d'un densimètre: 
quand les olives restent à peu près en équilibre, 
c'est qu'elles ont la même densité. J'ai noté comme 
densité extrême 1,145 pour une petite Chemlal, et 
j'ai trouvé dans les Beni-bou-Melek des olives 
moins denses que l’eau. 

Des analyses d'olives ont été faites avec beau- 
coup de soin en Tunisie par M. Berlainchand, 
directeur de la Station Agronomique. De ces ana- 
lyses il résulte que les olives de quelques variétés 
ne contiennent que 7 °/, d'huile dans leur pulpe, 
tandis que les bonnes races, comme le Chemlal dé 
Sfax, Nab Djemel, donnent à l'analyse jusqu'à 
30 °/, d'huile. 

Les olives des régions chaudes sont plus riches: 
le rendement est plus considérable dans le Chélif 
que dans la Mitidja. 


VII. — Huice. 


L'huile algérienne fut longtemps connue surtout 
par l'huile kabyle, fabriquée, comme nous l'avons" 
vu, par une population qui recherche l'huile forte 
et qui va jusqu à conserver des levains de margine 
rance d'une année à l’autre. 

Les usines modernes ont beaucoup amélioré la 
réputation des huiles d'Afrique, mais il reste encore 
beaucoup à faire pour obtenir des produits aussi 
fins qu'en Provence et qu'en certaines contrées de 
l'Italie où la fabrication est très soignée. Les dégus- 
lateurs d'huile d'olive reconnaissent aux huiles 
certains caractères importants, qui sont: le goût, 
l’odeur, la couleur, la pâte. 

Le goût est doux généralement, et souvent d'une 
manière très nette; mais il y a aussi des échantil= 
lons amers; celle amertume peut tenir à un défaut 
de maturité, à un mélange de feuilles. L'odeur a 
une importance assez grande et se confond avec 
le goût; la rancidité se manifeste par une mauvaise 
odeur. 

Pour obtenir des huiles n'ayant pas d’odeur, il 
faut beaucoup de précautions dans le triage des 


D' TRABUT — L'ÉTAT ACTUEL DE LA 


CULTURE DE L'OLIVIER EN ALGÉRIE 33 


olives et dans toutes les manipulations, l'huile | 
fixant avec la plus grande facilité les parfums déve- | 


loppés par les moisissures ou toute fermentation 
complexe. La filtration faite le plus tôt possible est 
une bonne précaution contre les odeurs suscep- 
tibles de provenir des liquides aqueux restant en 
contact avec l'huile. 

La couleur est très variable et les consommateurs 
ont des goûts différents. Les huiles vert clair sont 


généralement peu recherchées : on préfère les | 


huiles ambrées ; avec certaines variétés de Chemlal, 
on obtient, dans la vallée de la Soummam, des 
huiles blanches très remarquables. 
La limpidité est obtenue par des décantations et 
filtralions ; c'est une qualité trop souvent négligée. 
La pâte désigne l'impression onctueuse, vis- 


queuse, que laisse dans la bouche une huile dégus- | 


tée; on dit aussi qu'une huile est grasse quand elle 
a de la pâte. 
Les huiles surfines, devant être consommées sans 


coupage, ne doivent pas avoir de pâle; les huiles de | 


Chemlal sont dans ce cas. Mais la pâte est quelque- 
fois recherchée par lé commerce pour faire des 
coupages; l'huile grasse d'Adjeraz convient pour 
améliorer les huiles de coton démargarinées, si 
abondantes sur le marché. 

En dehors de ces caractères, on trouve, dans les 
huiles comme dans les vins, des crus. La nature 
des terrains, la variété cultivée, le mode de fabri- 
cation et de conservation jouent alors un rôle pré- 
pondérant. La densité des huiles d'olive algé- 
riennes varie de 0,917 à 0,915, à 15°. 

La détermination et le dosage des acides gras 
des huiles algériennes n’ont pas encore été faits 
avec le même soin el la même précision qu'en 
Tunisie; mais il est déjà évident que les huiles 


algériennes contiennent, comme les huiles tuni- | 


siennes, peut-être à un degré moindre, une assez 
forte proportion d'acides gras concrets, qui explique 
une tendance exagérée à se solidifier sous l'in- 


fluence des basses températures. En général, la | 


solidilication de l'huile d'olive ne se produit 
qu'entre 0° et + 4°; les huiles algériennes se figent 
parfois à une température plus élevée. Certaines 
variétés d'olives donnent des huiles plus margari- 
nées, et il y aurait intérêl à déterminer pour chaque 
variété le taux des acides gras concrets. L'acidité 
_ des huiles est parfois assez élevée, mais c’est là un 
résullat dû à une mauvaise conservation. On 
évite l'acidité par une fabricalion rapide et soignée 
et par la filtration faite aussitôt que possible. 

Les huiles d'olive sont classées en deux catégo- 
ries : les huiles comestibles et les huiles indus- 
trielles, mais chacun de ces groupes se subdivise. 
Les huiles comestibles sont loin d'avoir la même 
valeur : Les huiles de première pression sont dites 


REVUE GÉNÉRALE DES SCIENCES, 1901. 


« huiles vierges », surfine et fine, et vendues de 
120 à 140 francs. Les huiles de deuxième pression 
sont : mi-fine, ordinaire, mangeable, kabyle, et se 
vendent de 80 à 100 francs. Les huiles industrielles 
ou lampantes sont, en grande partie, produites 
par les indigènes et proviennent d'une mauvaise 
fabrication; le mauvais goût provient de la fer- 
menlation des olives et du rancissement; elles 
peuvent devenir très fortement acides et convien- 
nent alors (rès bien pour la savonnerie ; elles valent 
encore de 70 à 80 francs. 

Les huiles de ressence, d'enfer, de crasse, sont 
utilisées par les industries et valent 50 francs, 
mais les grignons ne sont pas traités par le sulfure, 
el une importante part de la matière grasse des 
olives est perdue, car les grignons sont peu utilisés 
pour l’alimentalion des animaux ; l'huile de pulpe, 
obtenue par le traitement au sulfure, n’est pas 
acide et est très propre au graissage des machines. 

La production de cette huile tend à se généra- 
liser dans le pays de l'Olivier: il est à désirer que 
les industriels algériens examinent les avantages 
que celte nouvelle manipulation pourrait leur 
donner. Un certain nombre vendent leurs grignons 
au degré; le prix est généralement 0 fr. 30 le degré. 


VIII. —- Commerce. 


L'Algérie est loin de produire la quantité d'huile 
nécessaire à sa consommalion ; plus de 120.000 hec- 
tos d'huile de graines y sont importés tous les ans 
et consommés par une population qui, à prix égal 
ou peu supérieur, préférerait l'huile d'olive. 

Les meilleures huiles produites dans les prin- 
cipaux centres oléicoles sont exporlées, mais 
12.000 hectos sur une production de 200.000 repré- 
sentent encore une faible exportation. 

Les pays producteurs de l'huile d'olive versent 
annuellement dans la consommation environ 8 mil- 
lions d'hectos d'huile; 7 millions d'hectos sont 
consommés dans les régions productrices et 1 mil- 
lion d'hectos environ exportés dans les contrées 
dépourvues d'Oliviers. Celte proportion est encore 
faible, et il est probable que la facilité croissante des 
relations commerciales étendra, dans de notables 
proportions, les (transactions sur celte marchan- 
dise. 

La France importe plus de 250.000 hectos, qu’elle 
achète en Italie (100.000 hectos), en Espagne 
(55.000 heclos) et, depuis quelques années, en 
Tunisie (100.000 hectos). La production totale de 
l'huile d'olive est assez limitée et, à mesure que les 
bons procédés de fabrication démontreront de plus 
en plus que l'huile d'olive est la plus fine et la plus 
comestible de toutes les huiles, la consommation 
augmentera. 

1 


34 


D° TRABUT — L'ÉTAT ACTUEL DE LA CULTURE DE L'OLIVIER EN ALGÉRIE 


Les pays étrangers qui importlent le plus d'huile 
d'olive sont : la Grande-Bretagne, la Russie et les 
Amériques du Nord et du Sud. 

L'Angleterre importe près de 200.000 hectos 
d'huile d'olive provenant, en grande partie, d'Italie 
et de Turquie; ces huiles ne sont soumises à 
aucun droit. Les Anglais recherchent les huiles 
fines et douces sans goût marqué de fruit; aussi 
les bonnes marques de l'Algérie trouveraient-elles 
cerlainement un débouché en Angleterre si elles y 
étaient mieux connues. 

Les États-Unis importent près de 50.000 hectos 
d'huile d'olive; ce produit y est très apprécié. La 
Californie plante beaucoup d'Oliviers, mais fait 
surlout des olives de conserve, dont la vente est 
plus rémunératrice; les droits d'entrée sont de 
55 franes l’hecto. 

L'Amérique du Sud consomme environ 70.000 hec- 
tos; les huiles fruitées y sont le plus souvent re- 
cherchées. Le Mexique, l'Urugay ont fait des 
plantations. L'huile de coton est partout entrée 
dans la consommation courante. 


IX. — MESURES PROPRES A ASSURER L'EXTENSION 
DE LA CULTURE DE L'OLIVIER. 


Depuis longtemps, les meilleurs amis de la co- 
lonie donnent le conseil d'étendre la cullure des 
Oliviers; mais ce bon conseil n’est pas toujours 
suivi avec empressement, parce que cette culture 
réclame du temps et des capitaux. C'est avec le 
concours de l'élément indigène qu'elle a pris tant 
d'extension depuis quelques années en Tunisie, 
sous l'impulsion donnée par M. Bourde, alors 
directeur de l'Agriculture. En Algérie, c'est aussi 
par les indigènes qu'elle peut récupérer son 
ancienne prépondérance. 

Dans les olivettes actuellement en rapport, il 
existe des vides qui ne sont jamais réparés. Les 
arbres sont séculaires; il est très rare d'en trouver 
qui aient été plantés récemment. 

Il serait facile de favoriser la reconstitution des 
oliveltes par la création de pépinières à portée des 
régions à repeupler; si l'Administration délivrait 
des Oliviers bons à planter, les Kabyles creuseraient 
facilement les trous ei mèneraient à bien les 
nouvelles plantations qu'ils ne manqueraient pas 
de faire. Ces pépinières peurraient facilement être 
dirigées par le Service forestier, qui poursuivrait 
ainsi une œuvre de reboisement vraiment ulile. 
Souvent les jeunes sujets pourraient être greflés 
en forêt et livrés ensuite aux tribus avoisinantes, 


qui n'auraient qu'à arracher et à opérer le trans- 
port. Un vœu dans ce sens fut adopté par le Conseil 
supérieur en 1899. Depuis 1900, des primes sont 
promises aux agriculteurs qui auront créé des 
oliveltes. La prime allouée par arbre ne pourra 
dépasser 1 franc, et la prime tolale pour la même 
personne ne dépassera pas 500 francs. Une Com- 
mission spéciale sera chargée de vérifier la valeur 
des plantations effectuées, et, lorsqu'elles seront 
en rapport, fera des propositions. Ce système, qui 
assure un remboursement de 4 franc par Olivier, 
pourrait être très onéreux pour l'État, si tous les 
planteurs qui jusqu'ici ne demandaient rien, 
visaient maintenant la prime promise; mais il a 
le grave inconvénient de ne constituer qu'un 
remboursement, alors que généralement le colon 
a plutôt besoin d'avance. La pépinière régionale 
délivrant, gratuitement ou à bas prix, des sujets 
bien adaptés à la région, provoquerait certaine- 
ment plus de plantations que la promesse d’une 
prime à percevoir au moment où l'arbre entre 
en rapport et doit rembourser par ses produits 
les dépenses faites. 

M. Marès, professeur départemental d'Alger, a 
organisé à Orléansville une pépinière d’Oliviers 
qui est appelée à rendre de grands services dans 
celle région. 

Chez l'indigène, l'Olivier, quel que soit le prix de 
vente, donne toujours des bénéfices et lui assure 
un élément important de sa nourriture; c'est pour 
ce motif qu'il n’a aucune crainte à avoir, ni de 
méventes ni de surproduction. 

Chez le colon, les conditions sont un peu diffé- 
rentes, car il doit payer des frais de main-d'œuvre 
qui augmentent sensiblement le prix de revient des 
olives récoltées; aussi ne peut-il les vendre, sans 
perte, au-dessous de 11 francs les 100 kilos, ce qui 
porte le prix de l'huile à 90 francs. 

L'indigène peut facilement s’accommoderdetoutes 
les fluctuations du marché, et il fait le plus souvent 
de l'huile défectueuse, qu'il ne vend que 50 à 70 fr. 

Il semble donc que, dans l’état actuel du marché, 
l'indigène doive toujours planter: les olives lui 
seront toujours achetées par les moulins européens 
à un prix en rapport avec la valeur des huiles. 

L'Algérie importe plus de 12 millions de litres 
d'huile pour sa consommation; elle devra, par 
l'augmentation de sa production, faire face à ce 
besoin. 

D' Trabut, 


Professeur à l'École de Médecine d'Alger. 


E. BOUTY — LES GAZ ENVISAGÉS COMME DIÉLECTRIQUES 3) 


LES GAZ ENVISAGÉS COMME DIÉLECTRIQUES 


Dès l'origine de la science électrique, les gaz ont 
été caractérisés comme des isolants parfaits. 
Cependant, les premiers électriciens savaient que 
l'air se laisse traverser par des décharges élec- 
triques. Ces premières notions ne se sont précisées 
que très lentement, et l'étude vraiment scientifique 
des lois de l'isolement par les gaz est encore 
extrêmement imparfaile. C'est ce qui résultera 
d'une étude rapide dans laquelle nous nous propo- 
sons de résumer l’état actuel de nos connaissances 
sur ces sujets délicats. 


I. — ÉTUDE DU POUVOIR DIÉLECTRIQUE. 


La première étude systématique de l'isolement 
par l'air est due à Coulomb, dont les travaux sur 
la déperdition de l'électricité sont longtemps 
demeurés classiques. 

Coulomb ne considérait pas l'air comme un isola- 
teur absolu. « L'air, dit-il, peut être regardé comme 
composé d'une infinilé d'éléments en parlie idio- 
électriques, en partie conducteurs... Chaque molé- 
cule de l'air qui touche un corps électrisé se 
charge de l'électricité de ce corps plus ou moins 
rapidement, suivant que la densité électrique du 
corps est plus ou moins grande et que l'air est 
plus ou moins chargé d'humidité ou de parties 
conductrices de l'électricité; dès Finstant qu'une 
molécule de l’air est chargée d'électrieité, elle est 
chassée du corps électrisé et remplacée par une 
autre qui s’éleclrise et est chassée à son tour; 
chacune de ces molécules emportant une partie 
de l'électricité du corps qu'elles enveloppent, la 
densité électrique diminue plus ou moins rapide- 
ment suivant l’état de l'atmosphère. » 

Les expériences récentes ont profondément 
modifié celte manière de voir de Coulomb. 
MM. Warburg, Nahrwold ont prouvé que l'air plus 
ou moins humide, mais bien dépouillé de toute 
trace de poussière, isole d'une manière parfaite, 
tout au moins tant que la densité électrique à la 
surface des corps isolés n’alteint pas une valeur 
trop considérable. Dans les conditions ordinaires, 
les poussières seules jouent le rôle des petits 
conducteurs envisagés par Coulomb. 

On n'a d'abord songé à établir, entre les corps 
isolants, d'autre distinction que celle qui résulte- 
rait d'une conductivité plus ou moins imparfaite 
assignée à ces corps. Faraday, devancé, à son 
insu, par le génie inventif de Cavendish, intro- 
duisit dans la Science la notion nouvelle de pouvoir 
inducléur spécifique où pouvoir diélectrique. La 


charge d'un condensateur dépend essentiellement 
de la nature du corps isolant qui sépare les arma- 
tures. Si ce corps est de la benzine, le condensa- 
teur se chargera 2, 3 fois plus que si c’est de l'air. 
Si c'est du mica, il se chargera 8 fois plus, etc. 
On nomme habituellement constante diélectrique 
d'un corps le rapport de la charge d’un condensa- 
teur dont la lame isolante est constituée par ce 
corps, à la charge que prendrait, dans les mêmes 
condilions, un condensateur identique, à cela près 
que la lame isolante serait remplacée par un vide 
parfait entre les armatures. Celte constante sert de 
mesure au pouvoir diélectrique. 

Faraday ne manqua pas d'essayer de caractériser 
les gaz par leur constante diélectrique espérant 
trouver, dans ce cas, des résultats d'une grande 
simplicité, tandis que les isolants liquides ou so- 
lides ne fournissaient que des résultats compliqués, 
parfois même incohérents. Il ne put cependant 
arriver à différencier les gaz sous ce rapport. L'air 
sec ou humide, à haute ou à basse pression, les 
gaz les plus divers, lui parurent identiques au 
point de vue de la charge des condensateurs. C'est 
qu'en réalilé les constantes diélectriques des gaz 
sont extrêmement voisines de l'unité. Les diffé- 
rences qu'il s'agissait de manifester étaient très 
inférieures à la limite des erreurs expérimentales 
dans les conditions où opérait Faraday. 

Les mesures ne devinrent possibles que le jour 
où Maxwell, guidé par les idées mêmes de Faraday, 
eut jeté les fondements de la théorie électro- 
magnétique de la lumière. On sait que, d'après 
celte théorie, la constante diélectrique K d'un 
isolant doit être égale au carré de son indice de 
réfraction 2. Or, l'indice de réfraction de l'air à la 
pression atmosphérique est, d'après M. Mascart, 
égal à 1,0002927, c'est-à-dire ne diffère de l'unité 
que de moins de un trois millième. Son carré, 
1,0005863, et par conséquent la constante diélec- 
trique de l'air à la pression atmosphérique, égale 
à ce carré, ne différera de l'unité que de un peu 
plus de un demi-millième. On voit done que pour 
manifester l'influence de l'air sur la charge d’un 
condensateur, il faudra pousser au delà du 
dix millième la précision de mesures électro- 
statiques, ce qui constitue une très grosse diffi- 
culté. 

M. Boltzmann, en Autriche; MM. Ayrton et 
Perry, au Japon, parvinrent à peu près simultané- 
ment et d'une manière indépendante, à en trion- 
pher et à manifester les différences qui avaient 
échappé à Faraday. Les expériences de M. Bollz- 


36 E. BOUTY — LES GAZ ENVISAGÉS COMME DIÉLECTRIQUES 


mann, réalisées en 1875, resteront comme un mo- 
dèle classique de ce genre de mesures délicates. 
Elles ont été complétées depuis par M. Klemencic 
et par M. Lebedew, qui ont aussi étudié un certain 
nombre de vapeurs. 

Toutes ces expériences, exécutées par des mé- 
thodes variées, ont cela de commun qu'on doit 
réaliser, à l’aide d'un même appareil, une mesure 
différentielle très délicate, la mesure de la varia- 
tion de charge d'un condensateur à lame gazeuse 
quand on fait varier la pression du gaz, et la 
mesure absolue de la charge principale de ce con- 
densateur, plusieurs milliers de fois supérieure à 
cette varialion. On tourne la difficulté en mesurant 
non la charge du condensateur elle-même, mais 
une partie alicote bien déterminée de cette charge, 
par exemple son trois-centième. Les causes d’er- 
reur, qu'on ést habilué à considérer comme tout à 
fait négligeables, prennent ici une importance con- 
sidérable et masqueraient entièrement le phéno- 
mène principal, si l’on ne soumettait les plus mi- 
nimes détails des expériences à une crilique rigou- 
reuse. 

En ce qui concerne les résultats obtenus, on 
peut dire que la loi de Maxwell s'applique exac- 
tement aux gaz communs : hydrogène, oxygène, 
anhydride carbonique, ete. La vérification se fait 
au degré même de précision des expériences. 

Il n’en est pas de même pour la plupart des 
vapeurs étudiées. La constante diélectrique de la 
vapeur se montre, en général, supérieure au carré 
de l'indice, et cela d'autant plus que la loi de 
Maxwell s'applique plus mal au liquide corres- 
pondant. Aucune formule empirique connue ne 
permet, d'ailleurs, de calculer à priori la constante 
diélectrique de la vapeur en fonction de la con- 
stante diélectrique du liquide. 

On doit à M. Lang une observation fort curieuse. 


K—1 


Le quotient » où s désigne la somme des 


valences des atomes contenus dans la molécule, 
possède, pour les gaz communs, une valeur sensi- 
blement constante. Cette somme de valences est 
2 pour l'hydrogène, 4 pour l'oxygène, 8 pour 
l’'anhydride carbonique; et, en effet, l'excès de la 
constante diélectrique sur l'unité est 2 fois plus 
grand pour l'oxygène, 4 fois plus grand pour 
l’anhydride carbonique que pour l'hydrogène. 
Malheureusement cette relalion si curieuse ne se 
maintient plus pour les vapeurs. 

Si nous ajoutons qu'on n'a étudié les constantes 
diélectriques des gaz ni à des températures un peu 
éloignées de la température ordinaire, ni aux pres- 
sions élevées, ni aux pressions très basses des 
tubes de Crookes, on sera forcé de reconnaitre que 
ce qui est fait, au point de vue expérimental, est 


peu de chose par rapport à ce qui reste à faire. 

Au point de vue théorique, on est, s'il se peut, 
encore moins avancé. 

Deux théories bien différentes ont été proposées 
pour expliquer la propriété fondamentale des 
diélectriques. 

La première et la plus ancienne, proposée par 
Mossotti et développée par Clausius, est pour ainsi 
dire calquée sur la théorie du magnétisme ima- 
ginée par Poisson. Elle consiste à supposer les 
diélectriques formés de deux sortes de molécules 
ou d'éléments, les uns parfaitement inertes au 
point de vue électrique, les autres conducteurs. 
Tous ces petits conducteurs, englobés comme dans 
un ciment non conducteur, subissent, chacun pour 
son compte, l'influence du champ électrique, et 
l’on comprend, sans qu'il soit nécessaire de faire 
usage du calcul, qu'au point de vue de ses actions 
extérieures, une masse ainsi constituée se compor- 
tera à peu près comme le ferait un conducteur de 
même forme et de volume plus petit. Introduite“ 
entre les plateaux d’un condensateur, elle provo- 
quera une augmentalion de la capacité électrique, 
et sera d'autant plus efficace à cet égard que le 
volume des éléments conducteurs formera une 
fraction plus grande du volume total. 

Sans doute l’on arrive ainsi à se rendre compte, 
tout au moins d'une facon grossière et approxima- 
tive, des principales propriétés des diélectriques 
liquides ou solides. Mais cette théorie n'est certai- 
nement pas applicable aux gaz. Il paraît en effet im- 
possible de considérer ces corps comme possédant 
des molécules conductlrices au sens ordinaire du 
mot. La théorie cinétique des gaz, et, si l’on ne veut 
parler de (héorie, le fait, purement expérimental, 
de la diffusion des gaz, nous montre les molécules 
gazeuses en mouvement, et cela même en dehors 
du champ électrique. La conductivité de certaines 
molécules gazeuses aurait donc l'effet décrit par 
Coulomb, pour expliquer la déperdition électrique. 
Un conducteur placé dans un gaz ne pourrait con- 
server aucune charge d’une manière durable, et 
nous savons, au contraire que, dans les gaz bien 
dépouillés de poussières, les charges électriques 
se conservent pour ainsi dire indéfiniment. 

On pourrait, il est vrai, reculer la difficulté au 
delà des molécules telles que les envisage la théorie 
cinélique, et même au delà des atomes chimiques, 
en attribuant à ces derniers une structurecomplexe. 
Peut-être pourrait-on invoquer, en faveur de ce 
transport à l'atome des propriétés diélectriques, 
l'observation de M. Lang, d'après laquelle chaque 
valence apporte avec elle un accroissement fixe du 
pouvoir diélectrique, quelle que soit la nature des 
valences auxquelles elle se trouve associée. 

Un autre argument pourrait être tiré du mode 


E. BOUTY — LES GAZ ENVISAGÉS COMME DIÉLECTRIQUES 


de dissocialion de la matière en éléments très 
petits par rapport aux ions électrolytiques vulgaires, 
que semblent impliquer les propriétés les plus ré- 
cemment étudiées des rayons cathodiques, et la 
conductivilé que ces rayons, comme les rayons de 
Rüntgen et les rayons uraniques, communiquent 
effectivement à l’air. Il parailra sans doute inutile 
d'insister sur ce que de semblables considéralions 
auraient, tout au moins, de prématuré. 

La deuxième théorie des diélectriques est en 
germe dans les travaux de Faraday, et à été 
développée par Maxwell. On sait qu'elle consiste 
à considérer les diélectriques comme des corps 
opposant aux forces électromotrices une élasticité 
électrique, qu'on doit comparer à l’élaslicité vul- 
gaire, celle que les solides, par exemple, opposent 
aux forces mécaniques. De même que divers solides 
diffèrent par leur coefficient d'élaslicité, de même 
divers isolants ou diélectriques diffèrent par leur 
constante diélectrique. 

L'indépendance des molécules gazeuses les unes 
par rapport aux autres, leur élat de mouvement 
ne semblent pas constituer de diflicullés insur- 
monlables pour transporter aux gaz la théorie 
élastique de Maxwell. L'éther, c'est-à-dire notre 
vide absolu; jouit, en effet, au suprème degré, de 
la propriété diélectrique. C'est le corps électri- 
quement élastique par excellence. On peut supposer 
que les molécules gazeuses n'interviennent que 
pour modifier, en la diminuant plus ou moins, 
l’élasticité électrique de l’éther. Le vague même 
que Maxwell laisse planer sur sa théorie, dont il 
n'a jamais voulu ou pu donner d'illustration mé- 
canique, lui est favorable dans le cas actuel, et 
nous verrons qu'elle se prête très bien à l’inter- 
prélation de la seconde catégorie de faits dont 
nous avons à nous occuper dans cel article. 


IT. — LiMITES DU POUVOIR DIÉLECTRIQUE. 


Dans ce qui précède, nous avons cherché com- 
ment se comporte un gaz quand il isole. Quand 
cesse-t-il d'isoler ? 

On sait, depuis longtemps, que la charge con- 
servée dans l'air par un conducteur isolé est 
d'autant moindre que la pression est plus faible. 
Poisson et Biot en concluaient que la charge élec- 
trique d’un corps est maintenue à sa surface par 
la pression atmosphérique. Faraday s'élève vive- 
ment contre celte conception grossière, et prouve 
que le pouvoir d'isolement d’un gaz est une pro- 
priété véritablement spécifique, à l'évaluation de 


laquelle il attache la plus grande importance. «Tous: 


les effels qui précèdent la décharge, dit-il, sont 
inductifs, et le degré de tension nécessaire pour 
que l'étincelle passe est, au point de vue où 


j'envisage l’induclion, un point très important. 
C'est la limite de l'influence que le diélectrique 
exerce pour résister à la décharge. C'est donc une 
mesure du pouvoir conservateur du diélectrique, 
qui, à son tour, peul être considéré comme une 
mesure et une représentation des forces électri- 
ques en activilé. » 

Voici comment opérait Faraday. Il plaçait dans 
deux gaz différents deux couples de boules ou de 
micromètres à élincelles. L'un des couples A est 
logé dans une cloche destinée à recevoir les dif- 
férents gaz; ses boules sont, l’une par rapport à 
l’autre, dans une situation invariable. Le second 
couple B est placé à l'air libre et l'on fait varier 
la distance des boules jusqu'à ce que, les deux 
couples A et B étant en dérivalion, l’étincelle éclate 
indifféremment en A ou en B. Plus le gaz de la 
cloche A est capable d'isoler une charge considé- 
rable, c'ést-à-dire plus est grand le champ électri- 
que que peut supporter le gaz sans livrer passage 
à l'étincelle, plus les boules B devront êlre écar- 
tées. 

Faraday a été ainsi conduit à ranger les gaz dans 
l'ordre suivant, du gaz dont le pouvoir d'isolement 
est le plus faible, à celui dont le pouvoir est le plus 
considérable : 

Hydrogène; 

Gaz d'éclairage; 
Oxygène ; 

Azote; 

Anhydride carponique; 
Ethylène; 

Acide chlorhydrique. 


Cet ordre n’est pas celui des densilés, puisque 
l'azote s'inlercale entre l'oxygène et l'anhydride 
carbonique, de même que l’éthylène entre ce der- 
nier et l'acide chlorhydrique. On peut remarquer 
aujourd'hui que c’est à peu près l'ordre des con- 
slantes diélectriques, telles qu’elles ont élé trou- 
vées par MM. Boltzmann et Klemencié. Ainsi l’ordre 
dans lequel les fils métalliques se placent pour leur 
résistance à la ruplure n'est pas sans analogie avec 
l’ordre de leur résistance à l'allongement. 

Maxwell, comme Faraday, attache la plus grande 
importance à la mesure du pouvoir d'isolement des 
gaz, où à ce qu'il nomme leur electrical strenght. 

Malheureusement, les innombrables recherches 
inslituées depuis Faraday pour l'étude des dis- 
tances explosives n’ont pas amené, sur ce sujet 
difficile, le degré de clarté que l’on devait altendre. 
Les résullals diffèrent d’un expérimentateur à un 
aulre, d'une manière qu'on peut qualifier de sur- 
prenante, eu égard au talent incontesté des savants 
qui ont fait ces mesures. Aucun coefficient ne parait 
se maintenir constant. Faraday observait déjà, et 
on a reconnu depuis, que de nombreuses circons- 


38 E. BOUTY — LES GAZ ENVISAGÉS COMME DIÉLECTRIQUES 


lances influent sur la valeur des distances explo- 
sives; nous signalerons : 

1° L'effet des poussières qui peuvent se trouver 
en suspension dans le gaz ou déposées sur les 
électrodes ; 

2 La modification permanente apportée à la sur- 
face des électrodes, et la modification temporaire 
produite dans le gaz par le passage d'une première 
décharge ; 

3° L'action de la lumière ultra-violette provenant 
d'aigrettes ou d’étincelles produites dans d’autres 
portions du même circuit ou dans des circuits 
voisins, si les électrodes ne sont pas protégées 
par des écrans convenables, etc. 

De toute facon, la complication des phénomènes 
s'est révélée telle que de forts bons esprits, notain- 
ment M. J.-J. Thomson, le célèbre professeur de 

Cambridge, se sont demandé s’il était utile de 
conserver dans la Scienee une notion aussi éloignée 
des réalités expérimentales que leur a paru être 
celle de l’electrical strenght de Maxwell et de 
Faraday. 

IL est clair que beaucoup de causes perturbatrices 
disparaitraient et que l’on obtiendrait des résultats 
plus simples si l'on pouvait supprimer les élec- 
trodes. Or, M. Moser, M. J.-J. Thomson ont prouvé 
qu'un tube à gaz raréfié s'illumine quand on le 
place dans un champ électrique variable, par 
exemple au voisinage des pôles d’une bobine d’in- 
duction, ou à l'intérieur d’une courte spirale tra- 
versée par la décharge d'une bouteille de Leyde, 
[ls ont prouvé que ces tubes sans électrodes se 
comportent bien comme s'ils étaient traversés par 
des courants. Ainsi, si l’on prend deux tubes à gaz 
raréfié concentriques, contenant le même gaz à la 
même pression, le tube extérieur peut agir sur le 
tube intérieur à la façon d’un écran électrique : le 
tube extérieur seul s'illuminera. MM. Moser et 
J.-J. Thomson en ont conclu que les gaz raréfiés 
deviennent réellement conducteurs à partir d'une 
pression suffisamment faible. 

M. J.-J. Thomson a même pu fonder sur cette 
observation un procédé de mesure de la conducti- 
vité altribuable au gaz. À cet effet, il remplace le 
tube à gaz extérieur par une éprouvelte dans la- 
quelle il introduit de l’eau acidulée par des addi- 


lions plus où moins considérables d'acide sulfu- . 


rique. Tant que l’eau acidulée est faible, le tube 
à gaz intérieur s’illumine à chaque décharge de la 
bouteille de Leyde; mais quand on à ajouté une 
proportion suffisante d'acide sulfurique, le tube à 
gaz cesse de s'illuminer. À ce moment, le tube exté- 
rieur à eau acidulée constitue un écran électrique 
aussi efficace que l'était, dans l'ancienne expé- 
rience, le tube à gaz extérieur. On est donc con- 
duit à admettre que la conductivité propre au gaz 


raréfié qui remplissait ce tube est égale à celle de 
l'eau acidulée qui, dans la dernière expérience, 
constitue un écran électrique équivalent. 

La conductivité d’un gaz ainsi évaluée commence 
à devenir sensible à partir d’une pression de quel- 
ques millimèlres de mercure, croît jusqu'à un 
maximum à peu près égal à la conductivité de 
l’eau acidulée la plus conductrice, puis décroit 
indéfiniment et tend vers zéro. 

On ne peut s'empêcher de s'étonner d’un résultat 
aussi extraordinaire. Toute notre éducation scien- 
tifique nous a habitués à voir dans les gaz, même 
raréliés, des types de corps isolants et non seule- 
ment les voila conducteurs, mais, si l’on rapporte 
leur conductivité à la masse et non au volume, on 
se trouve conduit à leur assigner une conductivité 
au moins égale à celle des métaux à l'état solide. 

Comment s’expliquera-t-on alors la grande résis- 
tance qu'opposent au passage de l'électricité Les 
tubes à gaz raréfiés pourvus d’électrodes? On est 
réduit à imaginer que l'obstacle réside à la surface 
même des électrodes, c’est-à-dire que l'électricité 
ne peut passer d’un métal à un gaz raréfié ou in- 
versement, sans rencontrer au passage de fun 
dans l'autre une résistance considérable. 

Cela élant admis, on n’est pas encore au bout 
des difficultés, car, même dans les tubes sans élec- 
trodes, il est des circonstances où les gaz raréliés 
isolent. | 

J'ai élé conduit à chercher ce qui se passe 
quand on place un tube à gaz raréfié dans un 
champ électrostatique uniforme, c'est-à-dire entre 
les plateaux d'un condensateur plan. Si, entre les 
plateaux d'un condensateur, on place un corps 
conducteur, par exemple un ballon plein de mer- 
cure, la capacité du condensateur augmente, 
comme si l’on avait rapproché les plateaux d'une 
certaine quantité. On peut remplacer le mercure 
par de l'eau acidulée, même par de l’eau distillée, 
de l’alcool, etc. La lrès faible conductivité électro- 
lytique de ces substances suffit pour laisser passer 
la quantité d'électricilé nécessaire, et on constate le 
même accroissement de capacité du condensateur. 

Si un tube à gaz raréfié est conducteur, il se 
comportera comme le ballon plein d'eau ou de 
mercure. S'il est parfaitement isolant, il ne pro- 
duira aucun effet, ou plus exactement il ne pro- 
duira que l'effet très faible dû au verre du ballon 
et qui n'est, par exemple, que la vingtième partie 
de l'effet du mercure ou de l’eau. Une conductivité 
non seulement de l'ordre de celle que M. J.-J. 
Thomson assigne aux gaz raréfiés, mais même un 
milliard de fois plus faible serait manifestée à coup 
sûr par celte expérience. 

Or, voici le premier résullat que j'ai obtenu, en 
faisant usage des tubes à gaz raréfiés que j'eus 


E. BOUTY -— LES GAZ ENVISAGÉS COMME DIÉLECTRIQUES 


39 


d'abord sous la main. Avec un tube donné, si l'on 
charge le condensateur à des différences de poten- 
tiel variables, on constate que pour toutes les diffé- 
rences de potentiel inférieures à une cerlaine 
limite, le tube à gaz demeure absolument sans 
effet. Pour les différences de potentiel supérieures, 
il se comporte au contraire comme un ballon plein 
de mercure. Au voisinage immédiat de Ja limite, 
tantôt il est sans effet, tantôt il se comporte comme 
le ballon plein de mercure. 

En d’autres termes, placé dans un champ élec- 
trostalique inférieur à une certaine limite critique, 
le gaz isole; dans un champ supérieur, il livre 
passage à l'électricité, il conduit. On reconnait là 
les mêmes conditions essentielles que l’on obser- 
_ vait déjà avec les tubes munis d’électrodes. Pour 
| des différences de potentiel trop faibles, ils isolent; 

pour des différences de potentiel plus fortes, ils 

livrent passage à la décharge, La différence entre 
les deux cas réside dans l'effet propre des élec- 
_trodes, lesquelles jouent certainement dans la dé- 
charge un rôle actif, mais dont l'importance rela- 
tive est inconnue. 

A la différence de potentiel minimum caractéri- 
sant une distance explosive déterminée, correspond 
un champ critique également déterminé. A l’elec- 
trical strenght de Faraday et de Maxwell, corres- 
pondra ce que je propose d'appeler la cohésion 
diélectrique du gaz. Quand le champ est insuffisant 
pour vaincre celte cohésion, le gaz isole. Quand le 
champ acquiert une valeur assez grande, l’élasticité 
électrique du gaz est dépassée. Le gaz cède, 
comme un fil trop tendu se rompt. 

On voit que la cohésion diélectrique et l'elec- 
teical strenght ont la même signification essentielle. 
L’electrical strenght a toujours été évaluée à l’aide 
des distances explosives. Sa mesure est viciée, par 
l'effet propre des électrodes, dans un rapport in- 
connu à priori. Les mesures de la cohésion diélec- 
trique sont à l'abri de cette cause d'erreur dont 
l'expérience seule peut faire connaitre l'importance. 

L'étude de la cohésion diélectrique est encore 
trop récente pour avoir fourni les résultats qu'on 
doit en attendre. Pour un gaz ou une vapeur 
donnés, et à partir d'une pression de quelques 
millimètres de mercure, la cohésion diélectrique 
croit proportionnellement à la pression. Le coeffi- 
cient de variation est une constante spécifique qui, 
pour les corps étudiés par Faraday, varie dans le 
même sens que le pouvoir d'isolement mesuré par 
ce savant. Cette constante est plus faible pour 
l'hydrogène que pour l'air, plus grande pour l’anhy- 
dride carbonique, plus grande encore pour les 
vapeurs de divers liquides organiques volatils. 

Pour des pressions suffisamment basses, la 
cohésion diélectrique croit au lieu de décroitre 


quand la pression décroit. Elle passe done par un 
minimum pour une certaine valeur de la pression. 
Au-dessous de ce minimum, l'ordre dans lequel se 
placent les gaz pour leur cohésion diélectrique est 
souvent renversé : c’est ce qui se passe notamment 
pour l'hyarogène, l'air et l'anhydride carbonique. 
L'hydrogène, le moins isolant aux pressions éle- 
vées, devient le plus isolant des trois gaz à très 
basse pression, tandis que l'anhydride carbonique 
devient le moins isolant. 

On peut se demander si le mécanisme en verlu 
duquel l'électricité traverse les gaz, quand on dé- 
passe le champ critique, est plus ou moins ana- 
logue au mécanisme de la conduclivité électroly- 
tique, à laquelle M. J.-J. Thomson veut l’assimiler. 
Les données, pour résoudre celte question, nous 
font défaut. 

Si l’on résout cette question par l’affirmative, on 
sera conduit à admeltre qu'un même gaz, à une 
même température, peut subsister sous deux étals 
différents, suivant la valeur du champ électrique 
auquel il se trouve soumis : l'état isolant et l’état 
électrolytique. Le faible écart que présentent sou- 
vent les valeurs du champ critique mesurées dans 
deux expériences consécutives et dans des condi- 
tions en apparence identiques, serait comparable à 
l'écart que présentent les lempératures de solidifi- 
calion observées sur un même corps, dans plu- 
sieurs expériences de surfusion successives. 

Ce ne sont là, bien entendu, que des induclions 
dénuées de preuves et qui tombent d’'elles-mêmes 
si la conductivité des gaz n'est qu'apparente, ce 
que personne, à l'heure actuelle, n'est en mesure 
d'affirmer ou d'infirmer sans restriction. 

Nous avons dit que, dans l'hypothèse élastique 
de Maxwell, le passage de l'électricité à travers un 
gaz raréfié, pour des champs supérieurs au champ 
critique, est analogue au phénomène de la rupture 
d'un fil élastique soumis à des traclions progressi- 
vement croissantes. 

L'élasticité électrique de l'éther est sans doute 
infiniment grande; l'éther est le diélectrique par 
excellence ou, si l'on veut, le seul isolant absolu. 
Les molécules gazeuses rompent la continuité de 
l'éther; elles y créent, en quelque sorte, des points 
faibles, par où peut s'opérer la rupture. On com- 
prend donc à merveille que la cohésion diélectrique 
de l'éther perlurbé par les molécules gazeuses 
diminue d’abord rapidement quand la pression 
croit, ainsi que l'expérience nous l’a enseigné. 

Si l’on veut ensuite expliquer l'augmentation de 
la cohésion diélectrique au delà de son minimum, 
il faut admettre que le changement d’allure du 
phénomène tient à l'action réciproque des molé- 
cules gazeuses, quand celles-ci sont suffisamment 
rapprochées les unes des autres. Leurs actions 


40 E. BOUTY — LES GAZ ENVISAGÉS COMME DIÉLECTRIQUES 


doivent donc être supposées dans un sens tel que 
la cohésion diélectrique de l’éther est de moins en 
moins diminuée, ou, si l’on veut s'exprimer autre- 
ment, dans un sens tel qu'une nouvelle cohésion 
diélectrique, appartenant en propre au gaz, fait 
alors son apparition. 

Voilà bien des questions posées et non éclair- 
cies, et nous devons encore en trouver bien 
d’autres, relatives, par exemple, au rôle exact des 
électrodes. 

On ne saurait contester que celles-ci ne jouent 
un rôle considérable dans la décharge, puisque 
l'examen spectroscopique des tubes à gaz révèle, 
au moins dans certaines régions des tubes, la pré- 
sence de raies caractéristiques du métal dont les 
électrodes sont formées. Si des particules solides 
sont arrachées aux électrodes, volatilisées, trans- 
portées à travers la masse du gaz, ce ne peut être 
sans qu'un certain travail soit consommé à cet 
effet. La différence de potentiel nécessaire pour 
provoquer la décharge doit s'en trouver modifiée. 
Et, en effet, mes expériences donnent pour les 
champs criliques des valeurs inférieures à celles 
des champs explosifs mesurés jusqu'ici. 

Essayons de pénétrer plus intimement les effets 
de cette différence et examinons ce qui doit se 
passer, dans les tubes pourvus d'électrodes, lorsque 
le champ prend une valeur intermédiaire au champ 
critique et au champ explosif. Le champ critique 
étant dépassé, il n’est pas douteux que le gaz livrera 
passage à une première quantité d'électricité, qui 
se portera à la surface des électrodes; il n’en ré- 
sulte nullement que le gaz sera traversé par ce que 
nous nommons proprement une décharge. Les pre- 
mières traces d'électricité qui passent doivent, en 
effet, modifier les surfaces métalliques qui les re- 
coivent et y produire un effet plus ou moins ana- 
logue à la polarisation observée dans les électro- 
lyses. À cetle polarisation correspond aussitôt un 
abaissement de la différence de potentiel des élec- 


trodes, laquelle se trouvera ramenée au-dessous 
du champ critique. L'électricité cessera done de 
passer. Il n'y aura pas plus de décharge complète 
à travers ces tubes qu'il n'y a de courant continu 
dans l'électrolyse d'un sel, quand la différence de 
potentiel maintenue entre les électrodes est infé- 
rieure à un certain minimum. 

À la différence de ce qui se produit dans l'élec- 
trolyse des liquides, il faudrait d'ailleurs admettre 
que les forces électromotrices de polarisation dans 
les gaz sont susceptibles d'acquérir des valeurs 
énormes, hors de toute proportion avec celles que 
l’on observe dans les électrolyses ordinaires. 

Si la mesure des constantes diélectriques des 
gaz était une opération courante, aussi facile, par 
exemple, que la mesure d’une distance explosive, 
il y aurait lieu d'essayer immédiatement cette me- 
sure pour des champs compris entre le champ cri- 
tique et le champ explosif. Dans ces limites, on 
devrait trouver une constante diélectrique appa- 
rente supérieure à la constante normale, puisque 
le gaz, n'isolant plus suffisamment par lui-même, 
aurait partiellement cédé. Mais quand pourra-t-on 
entreprendre une recherche aussi ardue ? 

Momentanément, au moins, nous en sommes 
réduils à nous contenter d’hypothèses, ce qui 
n'offre, d’ailleurs, que peu d'inconvénients si nous 
avons la sagesse de ne pas nous attacher à ces 
créations de notre esprit et si nous savons les ré- 
duire à leur juste valeur. Celle-ci se mesure à leur 
fécondité. À un moment donné, les meilleures hy-, 
pothèses ne sont-elles pas celles qui suggèrent aux 
savants le plus d'expériences nouvelles et cu- 
rieuses? Qu'importe si, plus tard, on est conduit 
à les abandonner? Elles n'en auront pas moins 
contribué à reculer les bornes de nos connais- 
sances. 

E. Bouty, 


Professeur de Physique 
à la Sorbonne. 


» 


J. TIHOULET — L'ÉFUDE DU PLANKTON DANS LES EAUX FRANÇAISES Al 


L'ÉTUDE DU PLANKTON 
DANS LES EAUX FRANÇAISES 


Les études exécutées par les naturalisies dans 
le but de se rendre compte de la distribulion des 
poissons au sein des eaux marines et de leurs mi- 
grations soil à l'état adulle et comestible, soit à 
l'état de jeunes encore impropres à l'alimentation, 
soit à l'état d’alevins ou d'œufs, c'est-à-dire de 
plankton, sont d'un haut intérêt scientifique et 
pratique, el elles constituent évidemment les pre- 
mières bases d'une exploilalion rationnelle des 
richesses de la mer. On ne saurait pourtant se dis- 
simuler que de simples observations zoologiques 
ne parviendront jamais, à elles seules, à résoudre 
un problème à la fois très simple et très compliqué 
et à énoncer des lois véritablement générales et 
définitives. De même que les progrès récents de 
l’agriculture ne datent que du jour où l'on s'est 
décidé à employer dans les recherches les procédés 
méthodiques d'analyse, de synthèse et d’expéri- 
mentalion en usage dans les sciences précises, 
physiques et chimiques, l’aquicullure est incapable 
de progresser en se bornant à des observations 
portant à un degré extrème l'empreinte de la per- 
sonnalité de leur auteur, alors que la véritable 
science doit être impersonnelle. De telles observa- 
tions seront loujours susceplibles d’être accusées 
d'insuffisance, sinon d'inexactitude, d'avoir mal vu 
ou vu incomplèlement, de ne s'appliquer qu'au 
lieu et au moment même où elles auront élé ellec- 
tuées, d’être sans valeur quant à la généralisation 
des phénomènes, hors d'élat d'amener à une loi 
applicable au passé aussi bien qu'au présent et 
surtout à l'avenir, permettant de prévoir, de pré- 
dire, de distinguer les événements fortuils, d'y ap- 
porter, s'il y a lieu, lesremèdes convenables, parce 
qu'elles seront impuissantes dès qu'il s'agira de 
remonter aux causes el de suivre les manifesta- 
tions. S'il appartient au naluraliste de reconnaitre 
certains faits concernant les êtres vivants et de 
fixer leurs rapports avec les conditions du milieu 
ambiant, c'est à l’océanographe que revient la tâche, 
en s'appuyant sur des chiffres, sur des expériences, 
sur des mesures prises à l'aide d'instruments pré- 
cis, d’élucider les causes de ces faits, d'entrer dans 
la connaissance pleine et entière des conditions du 
milieu, de leur communiquer leur propre caractère 
de généralité, d’en faire en un mot des lois défini- 
tives. Ceslois, à leur début, seront plusou moins com- 
plètes, mais elles seront un pas assuré vers la vérilé 
et, à leur tour, elles serviront de jalons pour guider 
d’autres expérimentateurs et leur permettre de s'ap- 


procher plus près encore de la vérité. Alors, le natu- 
raliste les reprendraetchercheraà en tirer parti. Le 
succès final dépend d'une communauté d'efforts. 
N'est-il pas étonnant que la division du travail, dont 
les résullats féconds ne font plus l'ombre d’un 
doute en industrie, ait Lant de peine à s’élablir en 
ce qui concerne l'exploitation des richesses de la 
mer? Un phénomène naturel est la résultante de 
toutes les forces de la Nature; son élucidalion com- 
plèle, nécessaire pour en tirer un parti utile, oblige 
à découvrir la part prise individuellement par 
chacune de ces forces dans la manifestalion qui en 
est la résullante. Or, les connaissances humaines 
sont devenues tellement vastes qu'il est impossible 
à une seule personne de posséder toutes les notions, 
même les plus sommaires, indispensables pour 
résoudre une question souvent fort simple en appa- 
rence, Les diverses spécialités scientifiques auront 
donc à se prêler un mutuel appui el ceux-là seuls 
ont Lort qui veulent avoir raison à eux seuls. 
Quant à moi, je lutte depuis longtemps pour 
l'introduclion en France, dans l’élude de l’aqui- 
cullure, des méthodes rigureuses de l'océanogra- 
phie. Sans elles, on ne parviendra à rien. Si je me 
montre aussi affirmatif, c'est non-seulement parce 
que ma conviction est complète, c'est aussi parce 
que ces mélhodes sont employées partout ailleurs 
que chez nous. L’Angleterre, l'Allemagne, la Nor- 
vège, la Suède, les États-Unis ne se contentent 
pas de regarder; louies ces nalions, pour qui la 
pêche est une grave question sociale, mesurent 
des tempéralures, des densités, des chlorurations, 
des vitesses et des directions de courants, des 
transparences de l’eau, récoltent et analysent des 
échantillons de fonds marins, dressent des cartes. 
S'il fallait, parmi tant d'exemples, parler seule- 
ment des plus récents, je citerais les travaux 
auxquels se livrait, l'été dernier (1900), Nansen 
entre l'Islande et la Norvège, les décisions du Con- 
grès de Stockholm, auquel il est regrettable que 
la France n'ait pas élé représentée, el le travail 
du professeur O. Pettersson, relatif aux courants 
dans les détroils reliant la Baltique à la mer du 
Nord et à leurs rapports avec les migrations des 
harengs'. Ignorant la langue suédoise, dans la- 
quelle il est rédigé, il ne m'a pas encore élé pos- 


1 Redogürelse für de Swenska hylrografiska undersüknin- 
garne ären 1896-1899 uuder Ledning af G. Ekman, O. Pet- 
tersson och A. Vijkander. Bihang till Küngl. Swenska 
Vetenskaps-Akatem'ens Handlingar. Stockholm, 1900. 


42 J. THOULET — L'ÉTUDE DU PLANKTON DANS LES EAUX FRANCAISES 


sible de prendre une connaissance suffisante de son 
texte pourtant assez peu étendu, et j'ai dû me bor- 
ner à examiner ses belles cartes ec à feuilleter ses 
nombreux tableaux, colonnes de chiffres donnant, 
pour arriver à trancher une question éminem- 
ment pratique, des dates de récoltes d'échantillons 
d'eaux, des latitudes, des longitudes, des heures de 
marées, des températures, des poids de chlore et 
des poids de sel. 


Prenons pour exemple la recherche des lois 
encore inconnues de la distribution au sein de 
l'Océan et des migrations des œufs de poissons, 
des larves, des petits animaux qui sont destinés à 
devenir des poissons comestibles ou à servir de 
nourriture aux poissons dont l’homme s’efforcera 
ultérieurement de s'emparer, de ces myriades 
d'êtres qui, incapables de se mouvoir, sont forcés 
d’obéir, sans pouvoir y opposer de résistance, aux 
influences du milieu dans lequel ils sont plongés. 
On leur donne le nom de plankton, et ils sont la 
caractéristique de la richesse des fonds de pêche, 
puisqu'ils sont ou bien le poisson comestible lui- 
même à l'état d'œufs, ou bien l'aliment de ce pois- 
son dont la quantité est plus ou moins proportion- 
nelle. Doser le planklon est, en quelque sorte, 
doser la masse de poisson marchand et par consé- 
quent doser le nombre de bateaux, d'hommes pou- 
vant, sur un espace donné, se livrer à la pêche 
sans se gêner les uns les autres. Ainsi s'explique 
l'intérêt que les nations maritimes mettent à étu- 
dier la distribution du plankton aussi bien dans 
leurs eaux côtières qu'en plein Océan. Malgré leur 
inertie, qui est absolue, ils sont néanmoins des 
êtres vivants et, à cause même de leur faiblesse, 
extraordinairement sensibles aux conditions exté- 
rieures. Soumis à des actions trop brutales, ils per- 
dent la faculté qui nous les rend intéressants, la 
vie. Le flottage d'une pomme de pin ou d'un fruit 
des tropiques transporté par les courants est infi- 
niment plus simple et en même temps moins simple 
à éludier que celui d'un œuf de poisson assujelli à 
conserver la facullé d'éclore. Les conditions du 
voyage, identiques pour l’un et pour l’autre, pour- 
ront sans danger être plus brutales pour la pomme 
de pin que pour l'œuf. Toute une série de condi- 
tions susceptibles d'être souffertes par l’une seront 
mortelles pour l’autre. 

Il importe d'abord de savoir entre quelles limites 
de température l'œuf conserve la faculté de vie. 
Dans ses migrations inconnues, il n&se rencontrera 
ou ne sera digne d'intérêt pratique que lorsque la 
température du milieu restera comprise entre ces 
limites. Partout ailleurs, il sera inutile de le cher- 
cher. Cette étude préliminaire revient aux nalura- 


| 


listes, à la condition qu'ils opèrent avec des ther- 
momètres. Et comme il est probable que les limites 
varient pour les œufs des divers poissons, il faut, 
au cas où ilen serait réellement ainsi, qu’elles 
soient élablies, de même que la tempéralure opti- 
mum, pour une, deux, trois espèces bien détermi- 
nées. S'il est reconnu qu'elles changent selon les 
différentes phases de la maturilé de l'œuf, il con- 
viendra d’avoir des températures dans chacune de 
ces phases. 

La question reviendra dès lors à savoir quelle est, 
dans un espace délerminé de l'Océan — mettons les 
côtes de France — la répartition de la température 
au sein des eaux. On exclura ainsi toutes les loca- 
lités où celte température sortira des limites fixées. 
On établira des cartes indiquant celte répartition à 
la surface et dans les profondeurs. Pour cela, il suf- 
fira de thermomètres à distribuer, d'ordres à donner, 
pourvu qu'ils soient précis, et de la mise.au net 
graphique des résullats obtenus. Les autres peuples 
possèdent de ces cartes; rien ne nous empêche, si 
nous en avons la volonté, d'en dresser et d'en pos- 
séder nous-mêmes. ‘ 

La température ayant permis de resserrer, 
comme le dirait un mathématicien, les racines de 
l'équation à résoudre en indiquant d'une façon sûre 
là où ne seront pas les œufs et là où ils pourront 
être, cherchons à préciser davantage. Il estévident 
que les œufs ne seront pas partout où nous sau- 
rons qu'ils peuvent se trouver, la température 
seule étant prise en considération. 

Les œufs du poisson mis à l'étude — car ce serait 
se condamner d'avance à n'aboulir à rien que de 
s'altaquer à tous les poissons en même temps — 
existent-ils toute l'année au sein des eaux ou seu- 
lement pendant certains mois? Quels sont ces mois? 

La réponse est d'ordre purement zoologique; 
elle est à donner après expériences synthétiques 


et observalions sur place. Aussitôt qu'elle sera. 


connue, on aura resserré davantage les racines de 
l'équation. Il s'agira non plus de savoir quelle est 
la distribution générale des couches d’eau à tem- 
pératures comprises entre des limites déterminées 
pendant toute l'année, mais seulement pendant 
deux, trois ou quatre mois. 


II 


Li] 

Serrons de plus près la question. Les œufs du 
poisson ont une densité variable non seulement 
pour chaque espèce, — et, s’il en était autrement, 
il en résulterait une notable simplification, — mais 
pour une même espèce, et différente aux diverses 
époques de la maturilé. On parle bien d'œufs qui 
flottent et d’autres qui ne flottent pas; on leur à 
donné un nom, ce qui importe assez peu, tandis 


J. THOULETC — L'ÉTUDE DU PLANKTON DANS LES EAUX FRANÇAISES 


que ce qui importe beaucoup est de savoir quelle 
est la densité exacte des œufs considérés. Il est 
probable qu'elle doit varier entre certaines limites. 
Or, pour des corps en suspension dans un liquide 
tel que la mer, compcsé de strates hétérogènes au 
point de vue thermique, de très faibles diffé- 
rences de température suffisent pour donner lieu à 
d'énormes différences de position. La densité est 
à évaluer expérimentalement dans l'intervalle de 
température {— {' avec l’approximalion maximum 
qu'on puisse obtenir, c’est-à-dire n'influençant pas 
la quatrième décimale. 

Cette délermination, sans être difficile, est beau- 
coup plus délicate qu'on ne le pense. Elle exige, 
sinon l'intervention d'un spécialiste, du moins 
l’obéissance complète aux précautions indiquées 
par lui, et la ferme persuasion, dont il serait trop 

long d'exposer ici les motifs, qu'aucune d'elles 
n’est inutile. Sans entrer dans les détails de l'expé- 
rience à faire, on prendra un ou plusieurs œufs du 
poisson en examen, on les placera dans une éprou- 
vetle d’eau de mer de densilé voisine, et on ajou- 
tera goutle à goutte, selon la montée ou la des- 
cente de l'œuf, de l’eau distillée ou de l’eau de mer 
concentrée jusqu'à ce que ce flotteur infiniment 
sensible demeure en flottaison parfaite, immobile, 
sans monter ni descendre en un point quelconque 
du liquide. 

On prendra alors la température d’une facon 
rigoureuse au 1/10 de degré. On mesurera la den- 
sité avec un aréomètre de haute précision; on en 
dressera le tableau pour toutes les températures 
comprises entre les limites £ et {’ el — on ne sau- 
rail trop le répéter — avec loutes les corrections et 
précautions usilées en pareil cas. M. Pettersson 
évaluait le 1/300 de degré. Je n'ose discuter ce 
chiffre, qui me parait difficile à obtenir pour une 
opéralion de ce genre dans un laboraloire, et à 
plus forte raison sur mer, mais il vaut mieux pé- 
cher par excès que par défaut, et il faut avoir exé- 
cuté des recherches de ce genre pour être persuadé 
de l'indispensable nécessité d'une précision aussi 
grande qu'il est possible de l'oblenir avec des 
instruments de verre ou de métal. 

Ce tableau dressé est figuré par une courbe qu'un 
physicien nommerait celle du coefficient de dilata- 
tion &e l'œuf; on se reporlera alors à un graphique 
donnant la varialion de densité des eaux de mer 
pour l'intervalle {—1'. J'ai dressé ce graphique 
après de très longues et très délicates expériences. 
On saura dès lors que l'œuf ne peut se trouver que 
dans des couches d’eau ayant ces densités et non 
ailleurs. Pour une différence de quelques cen- 
tièmes ou mème millièmes dans le chiffre de sa 
densité, l'œuf, quoique toujours flottant, gagnera 
des couches d’eau plus ou moins profondes, et, 


comme les courants varient notablement sur une 
même verlicale, il éprouvera dans la direction qu'il 
suit des variations très considérables, l'éloignant 
de certains parages pour l’accumuler dans d'autres. 
Il ne restera plus qu'à savoir, le long des côtes de 
France, entre les limites {— {' et pendant les mois 
indiqués, la répartition des eaux de densité d— 4. 
Les étrangers ont relevé ces indicalions pour leurs 
mers ; il nous faut les relever pour les nôtres, et 
les cartes qui en permeltront le coup d'œil autop- 
tique, pour employer l'expression d'Ampère, res- 
treindront encore les racines de l'équation. 

Bien entendu, au lieu de densité, on sera libre 
de mesurer la chloruration, ou de doser la sa- 
lure, ou même d'évaluer le poids spécifique S'2?. 
Malgré les inconvénients de cette mesure, c’est 
un choix à débaltre entre océanographes. Pour 
moi, je suis d'avis d'adopter la densité s’ à la 
température in silu 0. 


III 


IL est très probable, mais l'expérience seule 
autorisera à l'affirmer ou à le nier, que l'œuf ne 
flotie jamais absolument sur le fond. Il doit se 
maintenir entre deux eaux et monter ou descendre 
selon les condilions ambiantes. Peut-être les œufs 
restant profondément immergés sont-ils beaucoup 
mieux protégés au sein d’un milieu moins troublé 
que les couches superficielles. Je ne serais pas 
élonué que ces œufs appartinssent aux espèces de 
poissons les plus abondantes comme nombre des 
individus. Même pour des œufs légers, il est dou- 
teux qu'ils flollent dans la mince couche d'eau 
épaisse de leur propre épaisseur, c’est-à-dire de 
quelques millimètres et immédialement superfi- 
cielle. 

D'une manière ou d'une autre, là où iront les 
eaux, là iront les œufs, et nous sommes ainsi 
amenés à étudier l'économie des courants. 

On énoncera donc le problème suivant : 

Tracer pour les eaux françaises la marche, en 
direction et en vitesse, des courants d'eau de tem- 
pérature comprise entre { et {” et de densité com- 
prise entre del d'. 

La carte n'offre aucune difficulté à être dressée, 
d'après des expériences failes à la mer. En outre 
des courants superficiels, on devra étudier les cou- 
rants profonds, parfois si différents des premiers. 
C'est le travail le moins coûteux, car on emploiera 
les bouteilles accouplées de M. Hautreux. Le maté- 
riel se bornera à une série de bouteilles vides de 
même dimension, bouteilles de vin, de bière, d’eau 
minérale, attachées par couple avec une ficelle 
longue de 5, 10, 15 ou 20 mètres. On les immerge 
ensemble, on note leur point de départ, leur point 


J. THOULET — L'ÉTUDE DU PLANKTON DANS LES EAUX FRANÇAISES 


d'arrivée après un temps connu, et l’on possède 
toutes les données requises. 

Dès que ces trois cartes seront dressées : carte 
de la distribulion des tempéralures, carte de la 
distribulion des densités, carte des courants super- 
ficiels et profonds, le problème sera résolu, du 
moins autant qu'il est humainement possible qu'il 
le soit. On élucidera alors chaque cas particulier, 
non par des apprécialions personnelles discutables, 
mais à l’aide d'instruments maniables quoique dé- 
licals, précis et comparables entre eux. Évidem- 
ment, d'autres circonstances que celles que nous 
avons énumérées seront susceplibles de jouer un 
rôle : le vent, par exemple, dont l'influence est 
aussi appréciable et est d’ailleurs fonction de la 
densité de l'œuf, faible ou nulle si l'œuf flotte 
profondément, moyenne s'il flotte au sein d'eaux 
superficielles, très grande s’il demeure au contact 
de l'atmosphère. On devra encore lenir compte de 
la présence ou de l'absence d'animaux détruisant 
les œufs, enfin, de telle ou telle autre circonstance 
favorable ou défavorable. Mais celles-ci sont acci- 
dentelles, et, par conséquent, secondaires; celles 
que nous avons énoncées précédemment sont d’une 
importance capitale. 

Plus tard, lorsque l'œuf sera éclos, peut-être 
même avant, la nature lithologique du fond, en 
favorisant les conditions d'existence de l’alevin, 
en lui fournissant une nourriture plus abondante 
ou mieux appropriée à ses besoins, en lui offrant 
des abris, ou de toute autre manière, viendra-t-elle 
prendre de l'intérêt. Les cartes lithologiques de- 
viendront alors indispensables. En dépit de diffi- 
cultés multiples, je m'en occupe depuis plusieurs 
années; j'y consacre tous mes efforts, soutenu que 
je suis, d'abord par ma ferme conviction, ensuite 


par l'exemple unanime de toutes les grandes na- | 


lions marilimes. 

Le problème, considéré au point de vue exelusi- 
vement naturaliste de l'observation simple, n'est 
pas résoluble : par voie empirique, on n'arrivera 
jamais à rien. À chaque instant, une cause insoup- 
çconnée troublera les prévisions, et l'expérience 
acquise la veille sera sans utilité pour la solution 
des difficultés du lendemain. Il en ira autrement si 
l'on procède méthodiquement, par des mesures 


exactes ne laissant aucune prise à l'incerlilude. 
Si la marche est plus longue, en revanche chaque 
pas en avant est définitif; on avancera de précision 
en précision sans jamais reculer ni errer. C'est la 
seule voie à suivre, la seule adoptée à l'étranger. 
EL gardons-nous de penser que l'expérience de nos 
voisins, qui sont presque toujours nos concurrents, 
nous soit d'utilité immédiate ; qu'on pourra prendre 
ce qui aura été fail en Écosse, en Allemagne ou en 
Suède, et l'appliquer à la Manche, à l'Atlantique ou 
à la Médilerranée. Autres lieux, autres phéno- 
mènes, et, en cela, chacun n’est appelé à profiter 
que des fruits de son propre travail. 


IV 


En résumé, si l’on veut parvenir à élucider la 
question de la distribution et des migrations des 
œufs de poisson ou, d’une manière générale, du 
plankton, il faut, conformément aux indicalions des 
zoologisies, commencer par se livrer à certaines 
recherches préliminaires concernant la densilé des 
œufs d'espèces bien déterminées, et connaitre la 
varialion de celle-ci avec la température. On entre- 
prendra ensuile des mesures systématiques de lem- 
péralures, de densités et de courants sur les côtes 
de France, et les résultats seront figurés sur des 
cartes. On n'oubliera pas la confection de cartes 
bathymétriques et lithologiques. Sur ces données 
exactes, indiseutables, les zoologistes pourront 
ensuile s'appuyer sans crainte et se livrer en 
toute sécurité aux investigalions qui leur sont 
spéciales. La question de la distribution et des 
migrations du planklon dans l'Océan touche à 
peine, pour le moment, à l'histoire naturelle; elle 
est avant tout une question de circulation océani- 
que, appartenant à peu près uniquement au do- 
maine de l'océanographie précise, rigoureuse, de 
mesures, d'expériences, de chiffres, et non d'opi- 
nions personnelles et d'observations vagues. Plus 
tard, quand elle sera élucidée, elle fera retour aux 
naluralistes. 


J. Thoulet, 


Professeur à la Faculté des Sciences 
de l'Université de Nancy. 


hotnteatc "tt Ed he. di spé. dé S hé Se Sn os dd 


BIBLIOGRAPHIE — ANALYSES ET INDEX A5. 


BIBLIOGRAPHIE 


ANALYSES 


1° Sciences mathématiques 


Estanave (Eugène). — Contribution à l'étude de 
l'équilibre élastique d'une plaque rectangulaire 
mince dont deux bords opposés. au moins sont 
appuyés sur un cadre.  l'hèse pour le Doctorat de 
la Faculté des Sciences de Paris.) — 1 brochure 
in-4° de T2 pages. Gauthier-Villars, éditeur, 55, 
quai des Grands-Augustins. Paris, 1900. 


L'équilibre d'élasticité d'une plaque rectangulaire 
mince de contexture homogène et isotrope, qui est 
sollicitée par des forces normales au plan du feuillet 
moyen, a été traité par Navier en 4820 dans l'hypothèse 
où les quatre bords de Ja plaque sont appuyés sur un 
cadre fixe. Navier a exprimé dans ce cas le déplace- 
ment d’un point quelconque du feuillet moyen à l’aide 
d'un développement en série double (développement 
qui se déduit de la formule de Lagrange sur le dévelop- 
pement d’une fonclion périodique impaire en série de 
sinus ayant l'urs périodes sous-multiples de la sienne). 

M. Maurice Lévy, dans une Note communiquée à 
l'Académie des Sciences en octobre 1899, a montré 
qu'on pouvait adopter, pour le déplacement d'un point 
quelconque de la plaque, un développement en série 
simple, dans les cas où la plaque n'a plus nécessaire- 
ment ses quatre bords, mais seulement deux bords 
opposés appuyés, les deux autres pouvant être libres, 
appuyés ou encastrés. 

Dans son travail, M. Estanave s’est tout d'abord attaché 
à démontrer que le développement en série double de 
Navier est identique au développement en série simple 
de M. Maurice Lévy, dans le cas où l’on tient compte des 
conditions d'appui des quatre bords. Le développement 
en série simple est plus général que celui de Navier et 
s'applique à six problèmes, suivant que les deux bords 
non soumis primitivement aux conditions d'appui sont 
individuellement ou simultanément libres, appuyés ou 
encastrés. M. Estanave a résolu, dans son Mémoire, ces 
six problèmes par le développement en série simple. 
En particulier, dans le cas examiné par Navier, qui est 
un de ces six problèmes, l’auteur montre que le dé- 
veloppement en série simple donne un résultat plus 
rapidement approché. Dans ce cas, il vérifie, d’ailleurs, 
par l'expérience les résultats que lui a fournis la 
théorie. Il prend pour cela une plaque de verre carrée 
et mesure le déplacement du centre, en supposant la 
charge uniformément répartie sur la plaque. 11 montre 
que cette expérience pourrait servir, à défaut de moyens 
plus simples, à déterminer le coefficient d'élasticité de 
la plaque. 

Dans les cinq autres problèmes, la méthode qu'a 
suivie l’auteur est analogue à celle qu'il indique pour 
traiter le problème de Navier ; mais les calculs sont 
beaucoup plus laborieux. Cela tient à ce que, dans le 
cas où la plaque a des bords libres, les conditions 
analytiques (conditions dues à Kirchhoff) ne sont plus 
monômes. Néanmoins, M. Estanave trouve l'expression 
générale du déplacement. 

En particulier, lorsque la plaque a trois bords 
appuyés et un bord libre, en supposant la charge uni- 
forme, il détermine encore par l'expérience le dépla- 
cement du centre de la plaque et du milieu du bord 
libre. Il vérifie ainsi les résultats de la théorie, résultats 
qui, pour ètre obtenus, ont nécessité le calcul numérique 
de fonctions hyperboliques. La vérilication expérimen- 
tale à ici une importance toute particulière, car elle 
démontre l'exactitude des conditions au contour dé- 
duites par Kirchhoff du Calcul des variations et trouvées 


ET INDEX 


intuilivement par M. Boussinesq dans un Mémoire 
présenté à l'Académie des Sciences le 10 avril 1871. 

Après avoir examiné ces six problèmes, dont un 
seul, le problème de Navier, avait été traité, M. Estanave 
résume dans un tableau les résultats de ses recherches. 
Ce tableau permet de comparer les valeurs des dépla- 
cements du centre et du milieu des bords libres d’une 
même plaque carrée soumise à une charge uniforme, 
et dont les conditions au contour sont différentes. 

Dans une deuxième partie de son Mémoire, l’auteur 
indique rapidement les résultats qu'on peut tirer, au 
point de vue de la sommation des séries trigonomé- 
triques, de l'identité qu'il a demontrée précédemment. 
Il examine les cas où la charge est constante ou bien 
fonclion entière, pour chaque point, d'une des coor- 
données de ce point, et indique les séries obtenues; il 
vérifie, d'ailleurs, ses résultats en effectuant directement 
la sommation des séries. 

Le Mémoire de M. Estanave constilue un f(ravail 
théorique complet, consciencieusement fait, sur la 
question de l'équilibre des plaques rectangulaires 
minces dans les différents cas; par les calculs numé- 
riques et les applications qu'il contient, il pourra 
rendre des services aux ingénieurs. 

P. APPELL, 
de l'Académie des Sciences, 


Professeur de Mécanique rationnelle 
à la Faculté des Sciences de l'Université de Paris. 


2° Sciences physiques 


De Bast /Omer), Professeur à Ecole industrielle de 
Liége, Répétiteur à l'Institut Electro-technique Mon- 
teliore. — Eléments du calcul et de la mesure 
des Courants alternatifs. — 1 vo/. in-8° de 190 pa- 
ges avec 75 fig. (Prix relié : 7 fr. 50). Ch. Béran- 
ger, éditeur. Paris. 1900. 

Le livre de M. de Bast, qui a paru en divers articles 
dans le Bulletin de l'Association des ingénieurs élec- 
triciens sortis de l'Institut Electro-technique Monte- 
liore, s'adresse spécialement «aux électriciens possédant 
une préparation mathématique insuffisante pour abor- 
der la lecture des ouvrages qui traitent les questions 
relatives aux courants alternatifs par le Calcul différen- 
tiel et intégral. » C'est dire qu'il y est fait grand 
usage de la méthode géométrique et des constructions 
où interviennent des vecteurs. 

Le rôle de la self-induction, celui d’une capacité inter- 
calée sur le circuit, sout indiqués, représentés par des 
graphiques, et figurés par des constructions géométri- 
ques. Des applications numériques empruntées à des 
exemples réels permettent de bien saisir les méthodes 
de calcul de l'énergie électrique dans le cas des cou- 
rants alternatifs. Il s'agit toujours de calculs très 
simples, et qui n'exigent que l'Arithmétique et la 
Trigonométrie élémentaire. Un chapitre sur les courants 
polyphasés complète cette première partie. 

La seconde partie est consacrée à la mesure des 
grandeurs électriques dans les circuits à courants alter- 
natifs. 

Le principe des méthodes de mesure des quantités, 
des intensilés de courants, des différences de potentiel, 
de l'énergie, de la puissance, est clairement et briève- 
ment exposé. On n'a pas voulu donner une description 
détaillée des compteurs, mais une indication des mé- 
thodes, en particulier dans le cas de la puissance des 
courants polyphasés. 

Bien qu'aujourd'hui il existe plusieurs ouvrages où 
la théorie des courants alternatifs est présentée sous 


10 


BIBLIOGRAPHIE — ANALYSES ET INDEX 


la forme géométrique, nous croyons que peu de livres 
résument aussi brièvement el aussi simplement toutes 
les connaissances élémentaires essentielles à l'étude 
de ces courants. BERNARD BRUNHES. 
Directeur de l'Observatoire 
du Puy-de-Dôme. 


Gildemeister (E.) et Hoffmann(Fr.) —Les Huiles 
essentielles. (Traduction de M. A. Gault, avec une 
préface et des annotations de M. A. Haller). — 1 vol. 


in-8° de pages. (Prix : 25 fr.) Bernard Tignol, édi- 
teur. Paris, 4900. 


On vit naguère, pendant plusieurs années, les recher- 
ches chimiques viser surtout à l'élaboration d'une théorie 
devant permettre de grouper les faits qui s'étaient accu- 
mulés jusqu'alors. Les chimistes, détournant leurs 
regards des principes immédiats des végétaux, dont 
l'étude les avait un instant passionnés, dirigèrent leurs 
efforts en vue de consolider les docirines atomiques, et 
il devint possible de dresser, dans les traités classiques 
de Chimie, un tableau exact de l'ensemble des con- 
naissances sur la science de la matière. 

Mais, lorsque les faits connus furent parfaitement 
catalogués, lorsque furent énoncées avec clarté les 
lois fixant les relations ‘entre la structure intime des 
corps et la facon dont ces corps sont capables de se 
modifier, il devint de plus en plus séduisant d'isoler les 
principes naturels, d'étudier leur composition, d'établir 
leur constitution, d'en effectuer la synthèse. La littéra- 
ture chimique s'enrichit alors rapidement, et de plus 
en plus pénible fut la tâche consistant à rassembler les 
nouveaux documents disséminés dans les divers recueils 
scientifiques et dans lesquels la vérité se trouvait sou- 
vent masquée par la controverse. De plus en plus, on 
ressentit la nécessité de se cantonner pendant longtemps 
dans un sujet pour en connaître les obscurs recoins. 
L’exposé de toute question nouvelle devait désormais, 
en raison de l'originalité des faits et de l'abondance 
des documents, faire l'objet d'une monographie spé- 
ciale pour être utile non seulement à la Science, mais 
encore et surtout à l'Industrie, dont la nécessité de pro- 
duction grandit en même temps que s'accroît chez 
l’homme le besoin de bien-être. 

En particulier, l'étude des essences, reprise il y aune 
quinzaine d'années seulement par MM. von Baeyer, 
Barbier, Bertram, Bouchardat, Bouveault, Semmler, 
Tiemann, Wallach, Wagner, ete., fit faire à la Chimie 
un pas immense en dévoilant l'existence d'espèces 
jusque-là inconnues et douées de propriétés extré- 
mement curieuses. 

Aussi, celte intéressante question des huiles essen- 
tielles méritait-elle qu'une place particulièrement im- 
portante lui fût réservée dans le système de nos con- 
naissances chimiques. C’est ce que nous avons eu en 
vue de réaliser, M.J. Dupont et nous, en faisant paraitre, 
dès le mois de janvier 1897, dans l'Agenda du Chimiste, 
un travail qui fut le plan d'un ouvrage sur les Huiles 
essentielles et leurs principaux constituants, publié 
deux ans plus tard par MM. Charabot, Dupont et Pillet. 
De leur coté, MM. Gildemeister et Hoffmann ont écrit 
un Trailé consacré plus spécialement aux huiles essen- 
tielles, Traité dont M. Gault vient de nous donner la 
traduction. Il s’agit là d'une œuvre de la plus grande 
ulilité, aussi bien parles documents scientifiques qu’elle 
contient, que par les données pratiques et les rensei- 
gnements économiques qui y sont consignés. 

Depuis bientôt dix ans, nous n'avons cessé de suivre 
avec le plus vif intérêt les beaux travaux de MM. Ber- 
tram, Gildemeister, Walbaum, Stephan, chimistes du 
laboratoire de MM. Schimmel et Cie. Nous savons tout 
le soin que ces savants ont coutume d'apporter à leurs 
publications. Aussi n'avons-nous que des éloges à 
adresser à MM. Gildemeister et Hoffmann. 

Leur intéressant ouvrage débute par une étude his- 
torique des huiles essentielles, étude qui renferme les 
documents les plus curieux sur l'origine de l'industrie 
de la distillation. Plus loin sont passés en revue rapi- 


dement les principes constitutifs des essences. Enfin — 
et c’est la partie capitale de l'ouvrage — l'histoire des 
huiles essentielles se trouve exposée avec tous les détails 
que comporte l'état actuel de nos connaissances sur la 
question. 

Tous les sujets sont traités avec une précision qui 
révèle la rare compétence des auteurs. C'est donc un 
agréable devoir que nous remplissons en conseillantla 
lecture de ce bel ouvrage aux personnes que cette ques- 
tion des huiles essentielles peut intéresser soit au point 
de vue purement spéculatif, soit au point de vue com- 


mercial ou industriel. Euc. CHARA\BOT, 
Docteur ès Sciences. 


Hugot (Charles), Chef de Travaux à la Faculté des 
Sciences de Bordeaux. — Recherches sur l’action 
du Sodammonium et du Potassammonium sur 
quelques métalloïdes (7hèse de la Faculté des 
Sciences de Paris). — 1 brochure in-8° de 84 pages. 
Gauthier- Villars, imprimeur. Paris, 1900. 

On sait que, en présence de l'ammoniaque liquide, 
c'est-à-dire à l’état d'’ammoniums substitués (AzH®M}°, 
les métaux alcalins possèdent une faculté réactionnelle 
bien supérieure à celle qu'ils manifestent d'ordinaire à 
froid, lorsqu'ils sont libres. M. Hugot a étudié spéciale- 
ment, dans sa thèse, leur action sur les principaux mé- 
talloïdes : iode, phosphore, arsenic, soufre, sélénium et 
tellure. 

En faisant d'abord agir l’'ammoniaque liquide seule 
sur l’iode sec, il obtient un iodure d'azote ammoniacal 
qui répond à la formule Azl$,3AzH° et perd successive- 
ment, par voie de dissociation, une et deux molécules 
d’ammoniaque; tous ces corps sont cristallisés et natu- 
reilement fort instables. 

Avec le phosphore rouge et les ammoniums sodé ou 
potassé, il obtient les combinaisons P*Na, 3AZH*; PK, 
3AZH° el PNa*, PH, suivant les proportions relatives des 
corps en présence. L'arsenic lui donne les composés 
AsM°, AzH° et As'K?, AzH*; enfin le soufre, le sélénium 
et le tellure se sont transformés purement et simple- 
ment en sulfures, séléniures et tellurures alcalins, ces 
derniers répondant aux formules M°$Se, M'Se*, MTe et 
M°Te*. 

Au point de vue expérimental, ce travail nous parait 
irréprochable; il est intéressant en ce sens qu'il nous 
fait connaître un certain nombre de corps nouveaux, 
impossibles à l'heure qu'il est de préparer autrement, 
mais il nous semble manquer quelque peu d'interpré- 
tations théoriques ou tout au moins d'esprit de géné- 
ralisation. Quelle peut être, par exemple, la structure 
moléculaire des composés P'Na, 3AzH* et P5K, 3AzH°? 
On serait assez tenté d'y voir des combinaisons du 
phosphore rouge non dépolymérisé et il eût été inté- 
essant de rechercher si le phosphore ordinaire donne, 
dañs les mêmes conditions, naissance aux mêmes corps : 
M. Hugot ne l'a pas fait. C’est une lacune, et nous 
pourrions en citer d’autres, que l’auteur s’efforcera, sans 


doute, de combler dans l'avenir. L. MAQUENNE, 
Professeur au Muséum d'Histoire naturelle. 


3° Sciences naturelles 


De Launay (L.),, Professeur à l'Ecole Nationale 
Supérieure des Mines. — Géologie pratique et petit 
Dictionnaire technique des termes géologiques les 
plus usités. — 1 vol. in-18 de 344 pages avec 
41 figures. (Prix :3 fr. 50) Librairie Armand Colin, 
Paris, 1900. 

« Ce livre de Géologie pratique est destiné surtout à 
ceux qui, ne sachant pas de Géologie, ont pourtant be- 
soin de quelques-unes des connaissances auxquelles elle 
amène. » Tel estle but que M. de Launay s’est proposé. 
Ce livre n’est donc pas un traité de Géologie s’adres- 
sant plus ou moins à des initiés, mais une sorte de 
guide dont peuvent tirer parti les plus ignorants. Il suf- 
firait, pour en mettre l'utilité en évidence, de repro- 
duire les têtes de chapitres. Toutes les applications de 


BIBLIOGRAPHIE — ANALYSES ET INDEX 47 


la Géologie y sont traitées avec une érudition et une 
compétence remarquables. C'est une véritable œuvre de 
vulgarisation, qui, ainsi que l’auteur le souhaite, fera 
revenir bien des gens de leurs préventions contre la Géo- 
logie, réputée science aride ; loin de ressasser des lieux 
communs, comme font la plupart des ouvrages dits de 
vulgarisation, celui-ci traite certaines questions d'une 
facon toute nouvelle. Je signalerai en particulier les 
chapitres relatifs aux applications de la Géologie à 
l'Agriculture, qu'il s'agisse du rôle du sol, des engrais, 
des amendements ou du drainage. Pour donner une 
idée du soin apporté à l’élude de tous les problèmes 
dans un but vraiment pratique, je ne puis mieux faire 

ue de signaler, dans le chapitre consacré à la recherche 
ne minerais, les paragraphes concernant les formalités 
administratives à remplir pour formuler une demande 
de recherche ou de concession. 

Un dictionnaire technique termine le volume; il a le 
grand avantage d'expliquer les termes spéciaux em- 
ployés dans la nomenclature géologique et de donner 
les caractères des principaux fossiles. C'est un très heu- 
reux complément du livre. 

On doit déja à M. de Eaunay plusieurs importants 
ouvrages sur les applications de la Géologie; ils ont eu 
un succès mérité; mais il est facile de prévoir pour la 
Géologie pratique un succès encore plus grand. 

J. BERGERON, 


x Professeur de Géologie 
à l'Ecole Centrale des Arts et Manufactures. 


Soury (Jules), Docteur ès lettres, Directeur d'études 
à l'Ecole pratique des Hautes-Etudes, à la Sorbonne. 
— Le système nerveux central. Structure et fonc- 
tions. Histoire critique des théories et des doc- 
trines. — 2 vol. gr. in-8° avec figures. G. Carré et 
C. Naud, éditeurs. Paris, 1900. 


Cet ouvrage est consacré à l’étude de tout ce qui a 
été écrit sur l'anatomie et la physiologie du système 
nerveux central, depuis les philosophes grecs jusqu’à 
nos jours. 

La première partie de l'ouvrage, le tiers environ, est 
consacrée à l’antiquilé et aux temps modernes. Elle 
comprend l'exposé de toutes les théories relatives à la 
structure et aux fonctions des organes de la vie, de la 
sensibilité et de la pensée, depuis Aleméon de Crotone 
(vers 500) jusqu'à Broca, Fritsch et Hitzig. Toutes ces 
théories sont exposées avec un détail, une précision, 
une sûreté d'analyse et de critique véritablement hors 
ligne. 

La période contemporaine commence à Broca qui, le 
premier, établit scientifiquement la localisation céré- 
brale d’une fonction de l'intelligence. Dans cette partie, 
qui comprend presque les deux tiers de son ouvrage, 
M. J. Soury étudie les fonctions du système nerveux 
central, les voies sensitives et motrices, les voies senso- 
rielles, les voies d'association et commissurales. Le 
chapitre consacré à l'écorce cérébrale est des plus 
importants, et il en est de même de ceux consacrés à 
la cénesthésie, aux émotions, à la vision, à l’audition, 
à l’olfaction et à la théorie des neurones. 

Cette partie de l'ouvrage comprend l'analyse et la 
critique d'un nombre considérable de travaux et repré- 
sente une somme de labeur dont seuls peuvent se faire 
une idée ceux qui font des recherches basées sur des 
textes originaux. 

L'œuvre de M. J. Soury n’a son analogue dans aucun 
pays et représente un travail et une étendue de con- 
naissances extraordinaires. Pour l’entreprendre, il fal- 
lait non seulement être tout à la fois un linguiste et 
un philosophe, un psychologue et un neurologiste, 
mais il fallait encore, pour la mener à bien, posséder 
l'érudition et la puissance d'analyse qui caractérisent 
depuis si longtemps les travaux de ce savant. 

Après avoir lu l'ouvrage de M. Soury, on se rend 
compte du service immense rendu par l’auteur à sa 
génération, car nous pouvons maintenant avoir une 
idée complète de tout ce qui a été dit et fait sur l'ana- 


tomie et la physiologie du système nerveux depuis 
l'Antiquité jusqu'à aujourd'hui et embrasser d’une vue 
synthétique la marche progressive des connaissances 
humaines dans ce domaine. J. MAREY, 


de l'Académie des Sciences, 
Professeur au Collège de France. 


Fenizia (C.), Professeur à l'Université de Naples. — 
Storia della Evoluzione. — 1 vol. in-8° de 400 pages 
de la Collection des « Manuels Hoepli ». (Prix :3 fr). 
Ulrico Hoepli, éditeur. Milan, 190. 


M. Fenizia a donné, dans ce livre, l’histoire de la doc- 
trine évolutionniste, qu'il a divisée en quatre périodes : 
une antique, allant des philosophes grecs à Vanini et à 
Giordano Bruno; unemoyenne, qui débute par l’appli- 
cation du microscope aux études d'histoire naturelle et 
se termine aux philosophes de la Nature, Gœthe, Tre- 
viranus, Oken; une période moderne, où la théorie de 
l’évolution prend réellement corps avec Kant, Lamarck, 
les Geoffroy Saint-Hilaire, Lyell, Speneer et Wallace, et 
enfin une période contemporaine, durant laquelle [a 
doctrine s'établit définitivement ; elle débute naturel- 
lement par Darwin: 

Certes, le livre de M. Fenizia n’est pas entièrement 
original, comme il en avertit, d’ailleurs, le lecteur dans 
l'introduction: bien des fois, on a déjà fait, plus ou 
moins complètement, l'histoire des idées évolutionnis- 
tes, d'abord vagues, nuageuses, puis se précisant de 
plus en plus, à mesure que les faits s'accumulaieut, que 
les objections d'ordre théologique perdaient de leuc 
force, et que les esprits s’'écartaient de plus en plus de 
la fumeuse métaphysique. 

Mais le livre de M. Fenizia me parait détaillé et com- 
plet, surtout en ce qui concerne les précurseurs italiens, 
philosophes ou naturalistes. On lira encore avec intérêt 
l'histoire de l'opposition faite à Darwin, qui a été traité 
officiellement (je ne dirai pas où) « d'amateur intelli- 
gent, dont les longues recherches sur les races de 
Pigeons prouvent seulement le manque de véritable 
esprit scientifique », sans compter les aménités ecclé- 
siastiques qui ne lui ont pas manqué. 

Cette histoire de l’Evolution ne va guère au delà de 
Darwin; quelques pages à peine sont consacrées à ses 
successeurs immédiats, apologistes ou contradicteurs ; 
les Ecoles du néo-darwinisme et du néo-lamarckisme, 
les théories d'Hæckel et de Weismann, les idées biomé- 
caniques de Roux et Delage sont indiquées trop rapide- 
ment, de sorte que l'ouvrage ne donne pas une idée suf- 
fisante de l'état actuel des esprits touchant les causes 
de l'Evolution. Il est vrai qu'il y a là matière à un livre 
nouveau, dont les conclusions montreraient, à mon sens, 
que la doctrine évolutionniste a singulièrement évolué 
depuis son génial fondateur. L. CuÉNoT, 

Professeur à l'Université de Nancy 


4 Sciences médicales 


Nimier (H.), Professeur au Val-de-Gräce, et La- 
val (Ed.), Médecin aide-major de première classe. 
— I. Les Explosifs, les Poudres, les Projectiles 
d'exercice. Leur action et leur effet vulnérant. — 
4 vol. in-12 de 192 pages avec 18 figures. (Prix : 
3 {r.) — II. Les Armes blanches. Leur action et 
leurs effets vulnérants. — 1 vo/. in-12 de 488 pages 
avec 39 figures. (Prix :6 fr.). — IT. De l'infection 
en Chirurgie d'armée. Evolution des blessures de 
guerre. — 1 vol. 1n-12 de 400 pages avec figures. 
(Prix : 6 fr.) F. Alcan, éditeur. Paris, 1901. 

Ces trois volumes continuent et complètent la série 
des études concernant les blessures de guerre, com- 
mencée par un volume analysé ici même, sur l'action 


1 Ce compte rendu est le Rapport présenté à l'Académie 
des Sciences par la Commission chargée de décerner le 
prix Montyon pour 1900, prix que l'Acadéwie vient d'attribuer 
à notre éminent collaborateur. De son côté, l'Académie de 
Médecine a tenu à temoigner aussi sa particulière estime à 
M. Jules Soury en décernant le prix Saintour à son beau 


48 


BIBLIOGRAPHIE — ANALYSES ET INDEX 


vulnéraante des projectiles de guerre. Ils sont écrits 
avec la même méthode, et sur le même plan. Cette 
unité de conception et d'exécution en rend Ja lecture 
facile et attrayante et donne aux faits et documents 
tès nombreux, un enchaïnement logique qui permet 
d'en saisir l'intérêt, la portée et l’enseisnement. Nous 
ne pouvons donner qu'un court apercu des matières 
traitées par MM. Nimier et Laval, mais il suffira à en 
faire comprendre l'importance scientifique. 

i. Les attentats anarchistes ont, dans ces dernières 
années, altiré l'attention du public sur les blessures 
qui résultent de l'explosion de corps doués, sous un 
petit volume, d'une énergie considérable. C'est d’après 
l'examen approfondi de ces faits, et aussi sur des don- 
nées antérieurement déduites d’explosions acciden- 
telles, de poudrières, de torpilles ou d'obus, que 
MM. Nimier et Laval ont établi leurs conclusions. 

Les traumatismes que les explosifs déterminent sur 
le corps humain sont dus à l’action directe des gaz 
résultant de l'explosion, action analogue à celle du 
vent soufflant en lempêle, et aussi aux projectiles, 
combinés d'avance (balles, clous) ou éventuels (frag- 
mentsde bois, de verre, poussières), que ces Jelsqazeux 
animent d'une vitesse initiale souvent considérable. 
C'est ainsi qu'agissent la dynamite, le coton-poudre, 
l’acide picrique (mélinite), etc. MM. Nimier et Laval 
étudient en détail les effets de chaque explosif, et ter- 
minent leur intéressant volume par la description des 
accidents de la guerre, des mines et de ceux qui sont 
produits par les balles à feu. Le dernier chapitre est 
consacré à l'examen des effets vulnérants des fausses 
balles, servant de projectiles d'exercices, effets qui 
sont semblables à ceux produits par les explosifs. 

II. L'augmentation sans cesse croissante de la 
distance à laquelle les projectiles peuvent atteindre 
l'adversaire a abaissé la proportion des blessures 
par les armes blanches à un taux pour ainsi dire négli- 
geable. 11 était de 1,50 pour 100 pour la guerre de 
Crimée, de 1,3 seulement pour la guerre franco-alle- 
mande ; il descendra encore dans les prochaines 
guerres. De nos jours, il ne garde quelque importance 
que dans les expéditions coloniales, le sabre, la lance 
el la flèche restant, pour les tribus non civilisées, les 
armes favorites, celles dont elles se servent avec le 
plus d'habileté et le plus de succès. Enfin, il faut 
compter avec le tempérament spécial de certains 
peuples, à la tête desquels a toujours été le peuple 
français, qui les porte à préférer l'arme blanche à 
toutes les autres, pour que l’on ne puisse songer 
encore à supprimer de la Pathologie l'étude des bles- 
sures que produisent l'épée, le sabre ou la baïonnette. 

MM. Nimier et Laval divisent les armes blanches en 
armes tranchantes, comprenant le sabre et accessoi- 
rement la hache d’abordage, et en armes piquantes, 
(baïonnette, épée, pointe du sabre, lance, flèche). Les 
blessures causées par ces différentes armes offensives 
offrent des types cliniques bien distincts, que les 
auteurs se sont attachés à définir avec soin, en four- 
nissant, à l'occasion de chacune d'elles, les principales 
données historiques, balistiques et militaires qui s'y 
rapportent, Le mécanisme d’après lequel se produisent 
les lésions est particulièresnent bien élucidé : le trai- 
tement est indiqué d’une facon claire et concise. Le cha- 
pitre consacré à la baïonnette fait apprécier à leur valeur 
la méthode el la documentation de MM. Nimier et Laval. 

Le livre se termine par un court chapitre, sorte 
d’appendice consacré aux armes défensives, dont la 
cuirasse est la seule qui soit encore en usage dans les 
armées européennes. Elle est cependant perforée par 


livre, que M. Landouzy n'a pas hésité à qualifier : « un 
ouvrage fait d'une libre critique mise au service d'une éru- 
dition qui confond autant par son élendue que par sa préci- 
sion ». Le rapporteur à l’Académie, M. Vallin, s'est étendu 
aussi sur les mérites de cette œuvre considérable : elle res- 
tera, a-t-il dit « comme le résumé des efforts tentés dans 
l'examen des doctrines » relatives au système nerveux pen- 
dant la dernière moitié du siècle qui vient de finir. 


la plupart des projectiles employés à notre époque, et, 
si elle peut protéger le cavalier contre les coups de 
sabre, elle ne fait, en se laissant pénétrer, que rendre 
plus graves les coups de feu quelle devrait servir à 
éviter. Aussi est-elle à la veille de tomber en désuétude : 
une des plus grandes Puissances militaires de l’'Eu- 
rope, l'Allemagne, l'a déjà, supprimée de son armement. 

III. La plupart des blessures produites par les pro- 
jectiles, les explosifs, les armes blanches, lorsqu'elles 
ne sont pas immédiatement mortelles, devraient cica- 
triser et guérir sans complications, avec les méthodes 
si rigoureuses de désinfection des plaies que nous pos- 
sédons à notre époque. Si l’on étudie chez les blessés 
la nature des infirmités qu'ils conservent ou la cause 
de leur mort, on est frappé du rôle prépondérant joué 
par l'infection. Les médecins militaires doivent done 
avoir pour objectif principal d'éviter l’entrée en scène 
des germes infectieux, et de combattre énergiquement 
les accidents dont ils pourraientdevenir l’origine. Cette 
notion bien simple, qui domine toute la Chirurgie d’ar- 
mée, est, hélas l'encore trop méconnue de nos jours par 
un grand nombre de médecins qui seraient appelés en 
cas de guerre à donner leurs soins aux blessés, C'est 
pour ceux-là que la lecture du livre de MM. Nimier et 
Laval sera particulièrement utile et instructive; elle 
leur rappellera les désastres] chirurgicaux des guerres 
de Crimée, d'Italie, de la guerre de 1870 et leur mon- 
trera, en comparant l'évolution d’une plaie par coup 
de feu, peu ou point infectée, avec une plaie infectée, 
les conséquences prochaines et éloignées d'une insuffi- 
sante conuaissance de l’antisepsie. 

En effet, les mains des chirurgiens sont une des 
sources les plus ordinaires de l'infection des blessures 
de guerre : on ne saurait trop le répéter, et nous nous 
permettrons de trouver que MM. Nimier et Laval n'ont 
pas assez insisté sur ce point. Dans un livre si riche en. 
faits et en observations, il manque quelques exemples 
typiques de ce mode — habituel, redisons-le, — de 
contamination des plaies. L’asepsie du chirurgien est 
plus indispensable que celle des balles ou des épées. 

Les balles sont, en effet, généralement aseptiques, les 
sels qui se forment aux dépens de leurs enveloppes 
métalliques suffisant généralement à la destruction - 
des germes déposés à leur surface. À ce titre, la balle 
à chemise de cuivre est plus asepiique que la balle à 
chemise de maillechort (Lebel), et surtout que la balle 
à chemise d'acier (balle allemande). Mais, en tout cas, 
elles sont généralement peu septiques, bien que ni 
l’'échauffement de la balle dans le canon du fusil, ni la 
déflagration de la poudre ne suffisent à les stlériliser si 
elles sont contaminées par des microbes très virulents, 
ainsi qu'il résulte des expériences entreprises sur ce 
point par MM. Nimier et H. Vincent. Les fragments de 
vêtements, entrainés dansles tissus par les projectiles, ne 
doivent pas non plus être ‘le plus souvent incriminés, 
bien qu'on puisse admeltre qu'ils soient susceptibles, 
dans certains cas, d'être souillés par les espèces bac- 
tériennes les plus virulentes. Mais c’est surtout l'épi- 
derme, les muqueuses, les cavités naturelles qui con- 
üennent une flore microbienne extrêmement variée et 
dont la virulence est aisément mise en aclion ou réveil- 
lée par le traumatisme. il va sans dire que la question 
du terrain joue un rôle considérable dans le dévelop- 
pement consécutif de l'infection. 

Donc, mains du chirurgien, état microbien et résis- 
tance du blessé, accessoirement contamination des 
projectiles, tels sont les facteurs de l'infection en Chi- 
rurgie d'armée, Un danger dont on est averti peut être 
aisément prévenu : dans l'espèce, la diffusion des pra- 
tiques antiseptiques, l'amélioration de l'hygiène indi- 
viduelle du soldat en campagne seront les conditions 
essentielles d'une saine évolution des blessures de 
guerre, qui réduira à leur minimum les sacrifices 
encore trop nombreux des vies humaines. C'est là la 
conclusion naturelle de l'ouvrage de MM. Nimier et 
Laval, et dont elle suffit à montrer l'utilité et l'intérêt. 

D: GABRIEL MAURANGE. 


ACADÉMIES ET SOCIÉTÉS SAVANTES 49 


ACADÉMIES ET SOCIÉTÉS SAVANTES 


DE LA FRANCE: ET DE L'ÉTRANGER 


ACADÉMIE DES SCIENCES DE PARIS 


Séance du 10 Décembre 1900. 


M. P. Painlevé est élu membre de la Section de 
Géométrie en remplacement de M. Darboux, nommé 
secrétaire perpétuel. 

19 SCIENCES MATHÉMATIQUES. — M. J. Guillaume pré- 
sente ses observations du Soleï, faites à l’équatorial 
Brunner de l'Observatoire de Lyon pendant le troisième 
trimestre de 1900. La surface totale des taches a dimi- 
nué des 4/5; les facules ont diminué tant en nombre 
qu'en étendue. — M. D. Eginitis a observé à Athènes 
les Léonides dans les soirées du 14 au 17 novembre; 
il y avait deux points radiants dans & Lion et Régulus. 
Les 23 et 24 novembre, il a apercu aussi quelques Bié- 
lides. — M. Rodriguez communique les observations 
des Léonides faites à l'Observatoire du Vatican, à Rome, 
dans la nuit du 14 au 15 novembre. — M. Léopold 
Téjer démontre que la série de Fourier d’une fonction 
bornée et intégrale appartient à la classe des séries 
pour lesquelles une certaine limite existe. — M. Ww. 
Stekloff démontre que la méthode de Neumann fournit 
la solution du problème intérieur de Dirichlet, quelle 
que soit la fonction continue f à laquelle doit se 
réduire sur (S) la fonction harmonique cherchée. Il en 
est de même du problème extérieur de Dirichlet. 

20 SCIENCES PHYSIQUES. — M. Ponsot démontre que, 
à la limite extrême de raréfaclion, soit sous volume 
constant, soit sous pression constante, la chaleur spé- 
cifique moléculaire d'un composé gazeux est inférieure 
à celle du mélange de ses éléments obtenu par disso- 
ciation. — M. H. J. S. Sand indique une formule qui 
sert à exprimer la concentration aux électrodes dans 
la solution d’un seul sel ou d’un mélange. L'auteur en 
déduit qu'il est possible d'empêcher l'évolution d'hydro- 
ène pendant l’électrolyse d'une solution acide de sul- 
ate de cuivre en agitant très fortement le liquide. — 
M. Eug. Demarçay indique les raies situées entre 
À 5.000 et À 3.500 du spectre de lignes du samarium. La 
substance qui a servi à les obtenir était à un grand 
degré de pureté; elle ne contenait que des traces de 
Gd, À et 2— 7e. — M. Marcel Guichard a obtenu la 
réduction totale des oxydes de molybdène à une tem- 
pérature inférieure à 6000. L'oxydation du mobybdène 
par la vapeur d’eau ne commence que vers 7009. Par 
oxydation progressive du molybdène dans la vapeur 
d’eau ou des mélanges d'hydrogène et de vapeur d’eau, 
on n'obtient jamais d'autres oxydes anhydres que 
MoO® et Mo0. Vers 800°, on peut obtenir du molybdène 
métallique par réduction totale de ses oxydes au moyen 
d'un mélange d'hydrogène et de vapeur d’eau de pres- 
sion totale égale à la pression atmosphérique, et pourvu 
que la pression de la vapeur d'eau soit inférieure à 
350 millimètres. — M. Ch. Camichel, à propos d'une 
note récente de M. Lemoult, rappelle qu'il a déjà 
démontré la loi suivante : Si l’on dissout des poids des 
dérivés des indophénols proportionnels aux poids mo- 
léculaires dans le même volume du dissolvant, les dif- 
lérents spectres obtenus présentent une bande rouge 
de position invariable. — M. F. Wallerant montre que 
lorsque les particules complexes qui constituent les 
corps cristallisés ne sont pas cubiques, elles doivent 
être considérées comme des particules cubiques défor- 
mées. De celte définition résulte que les formes primi- 
tives de tous les cristaux ont même signification phy- 
sique. 

39 SCIENCES NATURELLES. — M. A. Béhal etC. Phisalix 
ont reconnu, par des réactions chimiques et physiolo- 


REVUE GÉNÉRALE DES SCIENCES, 1901. 


giques, que le principe actif du venin sécrété par le 
lulus terrestris est de la quinone. — M. S. Jourdain a 
étudié le venin de la glande forcipulaire de Ja Scolo- 
pendra morsitans. Des petits mammifères mordus par 
la scolopendre ne tardent pas à succomber; chez 
l'homme, ilse produit une inflammation locale. Il est 
probable qu'on se trouve en présence d’un vrai venin, 
et non d’un corps analogue à la quinone comme chez 
les Iules. — M. E. Rodier a reconnu que la température 
de congélation du sérum sanguin chez les différentes 
espèces de Sélaciens est (rès voisine de celle de l'eau 
dans laquelle ils vivent. Chez un même animal, le 
liquide péricardique, le liquide péritonéal et aussi le 
liquide utérin ont le même point de congélation que le 
sérum sanguin, quoiqu'ils contiennent généralement 
plus de chlorures. — M. R. Kæhler a constaté que les 
Echinides et les Ophiures capturées par la Belgica dans 
les régious antarctiques offrent un faciès tout à fait 
spécial et sans aucune analogie ni avec les formes 
arctiques et subarctiques, ni avec les formes subantarc- 
tiques déjà connues. Ce fait est absolument contraire 
à la théorie de la bipolarité des faunes. — M. Ab. Netter 
examine les mœurs des Abeilles au double point de vue 
des Mathématiques et de la Physiologie expérimentale. 
Pour lui, les Abeilles fonctionnent automatiquement en 
toutes leurs évolutions. — M. M. Bra à constaté que le 
champignon qu'il a isolé des tumeurs cancéreuses n'est 
pas un blastomycète. Il peut végéter en blastomycète, 
mais il se reproduit aussi par endospores et présente 
un état filamenteux. Il appartient, par conséquent, à un 
ordre plus élevé. 


17 Décembre 1901. 
Séance publique annuelle”. 


Séance du 


Séance du 24 Décembre 1900. 


M. E. Guyou a obtenu, par la méthode de l’analyse 
harmonique, des formules et tables permettant de cal- 
culer les heures et hauteurs des pleines et basses mers, 
connaissant les hauteurs d'heure en heure. — M. C.Gui- 
chard recherche les congruences dontles deux réseaux 
focaux sont cycliqnes. — M. W. Stekloff poursuit ses 
études sur l'emploi de la méthode de la moyenne arith- 
mélique de Neumann à la solution du problème de Di- 
richlet. — M. A. Liapounoff étudie une série relative à 
la théorle d'une équation différentielle linéaire du 
second ordre: — M. M. Krause, à la suite de ses re- 
cherches sur les fonctions thêta à trois variables, montre 
la possibilité de former des systèmes orthogonaux de 
soixante-quatre coefficients dont les éléments sont eux- 
mêmes des produits de fonctions thêta et donnent tous 
les systèmes possibles. — M. G. Kænigs est arrivé à 
construire un compas composé, dit homographique, 
réalisant par des articulations l'homographie plane gé- 
nérale. Cet appareil peut donner, par exemple, la cons- 
truction de la formule Euler-Savary. —- M. Jougnet 
indique les conditions suffisantes pour que le théorème 
des tourbillons en Thermodynamique soit vrai en l’ab- 
sence de toute viscosité. — M. P. Duhem communique 
ses recherches sur le théorème d'Hugoniot et quelques 
théorèmes analogues relatifs aux ondes d'ordre ». 

20 SCIENCES PHYSIQUES. — M. A. Poincaré étudie les 
variations des cotes barométriques simullanées ayx 


jours de la révolution synodique. — M. A.-B. Chau- 


veau communique les résultats des observations de 
l'électricité atmosphérique faites à la Tour Eiffel et au 
Bureau central météorologique. La variation du champ 


1 Voyez ce même fascicule, page 1, 


DTA 
4 


0 


ACADÉMIES ET SOCIÉTÉS SAVANTES 


avec l'altitude est modifiée par lss saisons; mais cette 
influence, considérable au voisinage du sol, cesse de se 
faire sentir à une trentaine de mètres au-dessus. — 
M. H. Chevallier a reconnu que les petites oscillations 
de température ont un rôle plus efficace que les échauffe- 
ments à température physiquement constante dans la 
production des modifications permanentes des fils mé- 
talliques, estimées d'après les variations de la résistance 
électrique. — M. René Paillot a constaté que, dans 
une pile formée de deux électrodes de fer plongées 
dans l’eau acidulée, et dont l’une des électrodes est 
aimantée, la force électro-motrice d'aimantation tend 
toujours vers une limite, déterminée pour un échan- 
tillon de fer et un acide donnés. M. J. Borgman 
communique de nouvelles observations sur les phéno- 
mènes de luminescence qui se produisent dans un tube 
en verre rempli d'un gaz raréfié et muni d'un fil de pla- 
tine tendu, communiquant à l’un des pôles d'une bobine 
de Ruhmkorff. — MM. Foveau de Courmelles et G. 
Trouvé décrivent des appareils permettant diverses 
apphcalions physiologiques de la lumière produite par 
une lampe à incandescence, l’action des rayons étant 
considérablement concentrée par la réflexion sur un 
miroir parabolique. — M. F. Caubet considère les iso- 
thermes qu’il a obtenues dans la liquéfaction des mé- 
langes gazeux. En. dehors des points situés sur la courbe 
de saturation, l'isotherme théorique coupe l’'isotherme 
pratique eu un nombre impair de points aux tempéra- 
tures inférieures à la température critique, et en un 
nombre pair aux températures de condensation rétro- 
grade. — M. Albert Colson a observé qu'en dehors de 
toute excitation électrique ou lumineuse, un tube à vide 
en verre émet des gaz réducteurs qui se renouvellent à 
mesure de leur absorption, comme s'ils possédaient 
une tension fixe, et dont le pouvoir réducteur dé- 
passe celui de l'hydrogène libre. — M. ©. Boudouard 
a étudié la réaction réversible : 2C0—C0?<4-C à diverses 
pressions; la formule de M. Le Chatelier, donnant l’équi- 
libre des systèmes gazeux à toute température, se véri- 
fie encore. On pourra donc s’en servir pour déterminer 
la composition du mélange gazeux résultant de l’action 
de l'air sur le charbon à différentes températures. — 
M. M. Berthelot a introduit des feuilles d'argent et 
de l’oxygène dans des tubes scellés qu'il a soumis à 
diverses températures. La combinaison commence vers 
200°, même à la pression de l'oxygène dans l'air, et va 
en augmentant Jusque vers 500-550. Les quantités 
d'oxyde formé qui persistent après refroidissement sont 
minimes, mais toujours d'autant plus grandes que la 
température maximum a été plus élevée. En même 
temps que la combinaison a lieu, une portion de l'argent 
se désagrège et se réduit en poussière lanugineuse. 
L'auteur à constaté également que les lois ordinaires 
ne s'appliquent pas aux débuts des combinaisons. — 
M. Berthelot a répété les expériences précédentes avec 
l’oxyde de carbone. Entre 300° et 500° l'argent se désa- 
grège el du carbone se dépose. 11 s’est peut-être formé 
un composé intermédiaire analogue au nickel-carbonyle 
qui s’est détruit ensuite avec production d'argent et de 
carbone. — Le même auteur a étudié encore l'action 
de l'hydrogène sur l'argent. Il y a eu des traces de dé- 
sagrégalion; peut-être s'est-il formé un hydrure métal- 
lique très instable? — M. Fonzes-Diacon a préparé le 
séléniure cuivrique par l’action de H° Se sur le chlo- 
rure cuivrique anhydre. Il a obtenu le séléniure cui- 
vreux par voie humide sous forme d'un précipité vert; 
ce même composé, parfaitement cristallisé, prend nais- 
sance dans la réduction du séléniure cuivrique par l'hy- 
drogène, dans la réduction du séléniate de cuivre par le 
charbon, et dans l’action de H: Se sur les chlorures de 
cuivre à haute température. — M. V. Thomas, en trai- 
tant le chlorure thalleux par le brome en présence de 
l’eau, a obtenu, par concentration de Ja solution, une 
série de produits : d'abord des lamelles hexagonales 
orangées de formule Th‘ C!° Br5, puis un mélange d’ai- 
guilles et de lamelles, puis des lamelles orangé-jaune 
dont il poursuit l'étude. — M. Oechsner de Coninck a 


déterminé la densité des solutions aqueuses et alcooli- 
ques de nitrate d'uranium, puis la solubilité de ce sel 
dans divers dissolvants minéraux et organiques, enfin 
sa chaleur de dissolution dans l’eau et dans l'alcool. — 
MM. L. Bouveault et A. Wahl ont étudié l’action des 
réducteurs sur les deux nitrodiméthylacrylates d'éthyle 
isomères. Le sodium réagit sur l’éther & pour donner 
du nitro-isobutylène; l’'amalgame d'aluminium donne 
l’aminodiméthylacrylate d’éthyle. Cette dernière four- 
nil avec KCAz l'uréodiméthylacrylate, avec l’isocyanate 
de phényle la phénylurée correspondante, qui se trans- 
forme avec les alcools en isopropénylphénylhydantoine. 
— M. A. Fernbach a isolé une nouvelle diastase, la 
tannase, qui, dans la fermentalion gallique, transforme 
le tanin en acide gallique; cette diastase est secrétée 
par l’Aspergillus niger. — M. H. Pottevin est arrivé 
aux mêmes résultats, Imdépendamment de M. Fernbach; 
dans la réaction, il se produit toujours une certaine 
quantité de glucose. — M. P. Portier a ajouté divers 
sucres à du sang de chien ou de lapin; les seuls qui 
subissent la glycolyse sont le lévulose, le galactose et 
le maltose. — M. H. Causse, répondant à une note de 
M. Molinié, conclut que le paradiazobenzènesulfonate 
de sodium est bien un réactif du cystinate de fer con- 
tenu dans les eaux contaminées; il est vrai que d’autres 
corps réagissent avec lui, mais avec une teinte propre 
à chacun d'eux. — M. G. André a étudié les transtor- 
mations chimiques qui se passent pendant l’évolution 
du bourgeon. Il est permis de comparer l’évolution du 
bourgeon avec la germination de la graine, tant au point 
de vue de la distribution de la matière minérale que de 
la transformation des substances organiques. — M. H. 
Carette a extrait de l'essence de Rue la méthylnonyl- 
cétone; elle est incolore et non fluorescente. Elle 
donne une oxime et deux produits de condensation 
avec le benzylal. 

30 SCIENCES NATURELLES. — M. A. Charrin, étudiant 
les albuminuries intermittentes, a constaté que les 
maxima de plusieurs phénomènes (élimination de 
l’albumine; toxicité, densité, degré de congélation de 
l'urine; pression vasculaire) s’observent sensiblement 
au même moment de la journée. — MM. O. F. Mayet 
et J. Bertrand indiquent un moyen d'étudier les mou- 
vements amiboïdes des globules blancs du sang de 
l'homme dans la phagocytose du bacille d'Eberth. — 
M. G. Marinesco a étudié les modifications cytométri- 
ques et caryométriques des cellules nerveuses motrices 
après la section de leur cylindraxe. Elles se rapprochent 
de celles dues à la résection du nerf hypoglosse dans 
ce sens que, dans les deux cas, après la phase de réac- 
tion avec augmentation du diamètre maximum du corps 
cellulaire, du noyau et du nucléole, il s'ensuit l’atrophie 
progressive de toutes ces parlies, avec ou sans ébauche 
de réparation. — M. Ed. Rogez, au sujet d'une récente 
note de Mle Barthelet sur la télégonie chez les souris, 
pense que des résultats négatifs ne prouvent rien et 
qu'il suffit d’un seul cas positif authentique pour mettre 
bors de doute l'existence de la télégonie. — M. A. 
Giard répond que les résultats positifs ne seront pas 
toujours probants, surtout dans le cas des souris blan- 
ches, étant données la difficulté qu'on éprouve à opérer 
sur des races pures, et l'influence possible de l’atavisme. 
— MM. Y. et M. Delage, dans le but de contrôler la 
théorie de la fertilisation chimique des œufs de Læb, 
ont déterminé la proportion de magnésium dans les 
produits sexuels mâle et femelle des Oursins. La quan- 
tité de métal est à peu près la même dans les deux cas, 
et, s’il y avait une différence, elle serait plutôt en faveur 
des produits femelles, ce qui démontre l’inexactitude 
de la théorie proposée. — M. G. Loïisel a reconnu que 
les ovules mâles et les cellules de Sertloli ont même 
origine (cellules germinatives) et mêmes caractères 
morphologiques (hypertrophie et polymorphisme). Ce 
sont des éléments qui semblent pouvoir se suppléer l’un 
l’autre, et qui, par conséquent, ont probablement mème 
caractère physiologique. — M. P. Vignon communique 
de nouvelles expériences contraires à l'hypothèse qui 


ACADÉMIES ET SOCIÉTES SAVANTES 51 


attribue aux granulations basilaires des cils le rôle de 
centres cinétiques. — M. L. Mangin pense que le para- 
site qui dévaste les plantations d’œillets en Provence, 
nommé Æusarium Dianthi par MM. Prillieux et Dela- 
croix, ne constitue pas une espèce nouvelle, et doit être 
attribué au Fusarium roseum. Il serait également para- 
site pour la pomme de terre. — M. René Maire com- 
munique ses études cytologiques sur les Gastromycètes. 
Dans toutes les espèces étudiées, il y a fusion de deux 
noyaux seulement dans les jeunes basides. — MM. L. Ma- 
truchot et M. Molliaraä ont observé les variations de 
structure d'une algue verte, le Stichococcus bacillaris 
Näg., sous l'influence du milieu. — M. H. Ricôme à 
étudié le développement des plantes étiolées ayant 
reverdi à la lumière. Les réserves de la graine per- 
mettent à la plante de se développer sans l’action chlo- 
rophyllienne; si l'étiolement n’a pas été de trop longue 
durée, elle peut même paraître, quelque temps après 
la mise à la lumière, plus vigoureuse qu'une plante nor- 
male. La transpiration joue aussi un rôle dans le phé- 
nomène. — M. Lucien Daniel a constaté que la décor- 
tication annulaire peut amener un grossissement 
marqué du fruit dans les Solanées alimentaires et très 
probablement dans les autres familles qui fournissent 
des fruits comestibles. — M. A. Bresson a recherché 
l'âge des massifs granitiques de Cauterets et du Néou- 
vielle (Hautes-Pyrénées) et d’une partie des formations 
anciennes qui les bordent. Ces deux massifs ont dû 
traverser un grand pli synclinal, rempli par le Carbo- 
nifère. — M. Paul Choffat a déterminé des Ammonites 
trouvées non loin de Mocambique ; elles se rapportent 
au Crétacique supérieur. Elles montrent une analogie 
frappante avec celles du Natal et de l’Inde, ce qui con- 
firme l'existence d’une mer contournant le sud du 
continent africain. — M. Henrik Arctowski a observé, 
au cours du voyage de l'Expédition antarctique belge, 
des îlots bas complètement recouverts de neige, trans- 
formée en glace en dessous et descendant en pente 
douce vers la périphérie de l'ile. 1l existe donc des gla- 
ciers plats, et la grande calotte glaciaire de Croll peut 
fort bien recouvrir l'Antarctide. — M.J. Thoulet, après 
une étude critique des procédés de détermination de 
la densité de l'eau de mer, a été conduit à adopter 
l'aéromètre à volume et poids variable de M. Buchanan 
et à rapporter la densité à celle de l’eau distillée 
à 4, Louis BRUNET. 


ACADÉMIE DE MÉDECINE 


Séance du 4 Décembre 1900. 


M. Polaillon à propos des travaux de M. \Wlaeff, 
rappelle que c'est M. Mayet qui a le premier démontré 
la transmission du cancer de l'homme au rat. 
M. A. Laveran présente un rapport sur un ouvrage de 
M. J.P. Cardamatis relatif à fièvre bilieuse hémoglo- 
binurique en Grèce. L'auteura recueilli concurremment 
116.119 cas de paludisme et 1.519 de fièvre bilieuse 
hémoglobinurique, et il conclut que la dernière est une 
entité morbide bien distincte du paludisme. La médi- 
cation quinique a donné des résultats défavorables dans 
la fièvre bilieuse; l’auteur conseille le bleu de méthy- 
lène, les injections d'éther et de sérum artificiel. — 
M. Hanriot présente le rapport annuel sur le Service 
médical des eaux minérales et il conclut par les vœux 
suivants qui sont adoptés par l’Académie : 1° Une en- 
quête sera faite, au besoin sur place, par les soins de 
l’Académie sur les diverses sources autorisées jusqu'à 
ce jour. L'autorisation sera retirée à celles dont l’ex- 
ploitation aura cessé depuis plus de trois années. Une 
liste générale des sources autorisées sera dressée et 
publiée par l'Académie. 2° Il y a lieu d'étudier les me- 
sures propres à constater les variations et à prévenir 
l’épuisement des nappes minérales; 3° Les Compagnies 
seront invitées à se conformer strictement aux condi- 
tions de leur autorisation. En cas de non-exécution, 
l’autorisation pourra leur être retirée; 4° L'analyse pré- 
sentée et acceptée par l'Académie et la date delamise en 


bsuteilles seront inscrites sur chacune des bouteilles 
mise en vente. 5° IL y a lieu d'organiser une surveil- 
lavce sur les sources et les établissements thermaux. 
Les inspecteurs régionaux, pour la présentaliou des- 
quels l'Académie se met à la disposition du Ministre 
de l'Intérieur, ne pourront exercer la médecine dans 
aucune des stations soumises à leur surveilance. — 
M. Hallopeau présente un jeune homme porteur d'un 
angiome volumineux de la lèvre, ayant déterminé une 
déformation en groin de la face. — M. Lucas-Cham- 
pionnière présente un sujet âgé atteint d’une fracture 
de l'extrémité de l'humérus et traité sans immobilisa- 
tion malgré une déformation notable; au bout d'un 
mois de traitement, le malade ne sent plus de douleurs 
et peut mouvoir librement son bras. L'application d’ap- 
pareils plâtrés est impuissante à modifier la déforma- 
tion, et l'épaule reste généralement enraidie et doulou- 
reuse. — M. E. Lancereaux signale des cas d'hémor- 
ragies névropathiques des voies digestives (stomatorra- 
gies, hématémèses, entérorragies) qui ne sont liées à 
l'existence d'aucun désordre matériel. Elles tuent ra- 
rement et ne sont graves que par leur répétition. On 
les traiteru efficacement par l'emploi des opiacés et les 
injections d’ergotine. — M. Albert Robin a constaté 
que les malades à émissions laiteuses, considérés à tort 
jusqu'à présent comme des calculeux, des phosphatu- 
riques ou des neurasthéniques, sont simplement des 
dyspeptiques hypersthéniques périodiques ou perma- 
nents. On peut diviser ces malades en deux catégories, 
suivant qu'ils ont simplement des émissions laiteuses 
irrégulières ou qu'ils expulsent d'épais liquides crayeux 
à la fin de la miction ou des conglomérats d'aspect 
plätreux, qui provoquent des crises vésico-urétrales sou- 
vent très douloureuses. L'anémie par déglobulisation 
constitue la complication générale la plus souvent ob- 
servée. Le traitement devra s'adresser d'abord à la 
dyspepsie hypersthénique. — M. le Dr Le Roy lit une 
étude bactériologique sur les loupes cancéreuses. 


Séance du 11 Décembre 1900 


M. le Président annonce le décès de M. J. Bergeron, 
secrétaire perpétuel. 


Séance du 18 Décembre 1900 


Séance publique annuelle. M. E. Vallin lit le Rap- 
port général sur les prix décernés en 1900. — M. le 
Président proclame les noms des lauréats des concours. 
— M. Debove prononce l'éloge de Charcot. 


Séance du 26 Décembre 1900 


M. le Président annonce le décès de M. Duclos et de 
M. Béranger-Féraud, correspondants nationaux. 

L'Academie procède au renouvellement de son bu- 
reau pour 4901. — M. Guyon, vice-président en 1900, 
devient président pour 1901. M. Riche est élu vice- 
président. M. E. Vallin est réélu par acclamations 
secrétaire annuel. M. Hanriot est réélu trésorier. 
MM. Jungfleisch et Le Dentu sont nommés membres 
du Conseil. 


SOCIÉTÉ DE BIOLOGIE 


Séance du 24 Novembre 1900 


M. A. Laveran a rencontré l'Anopheles claviges dans 
toutes les régions à fièvre palustre, tandis que les ré- 
gions où l'on trouve seulement les Culex sont exemptes 
de paludisme. — M. P. Courmont à étudié l'agalutina- 
tion des bacilles de Koch par la sérosité pleurale des 
tuberculeux. — M. Pachon a observé les eflels éloignés 
de la section du sympathique cervical sur la tension du 
globe oculaire; il y a retour à la normale. — M. Mayet 
adresse une note sur la Jleucocytose dans la tièvre 
typhoide. — M. Christiani expose ses recherches sur 
l'histologie des greffes thyroïdi-nnes chez les Reptiles. 
— M. Ribot (de Toulouse) envoie un mémoire sur la 
présence du calcium et du magnésium dans la rate. 


52 ACADÉMIES ET SOCIÉTÉS SAVANTES 


Séance du 1° Décembre 1900 

MM. Ch. Achard et Lœper ont observé, dans le rhu- 
matisme articulaire aigu, de la leucocytose avec poly- 
nucléose au cours de la période fébrile, et éosinophi- 
lie à la fin et dans la convalescence. — Les mêmes 
auteurs ont constaté, dans deux cas, que la dégénéres- 
cence amyloïde ne paraît pas modifier la perméabilité 
du rein au bleu de méthylène. — MM. Sabrazès et 
Mathis n'ont pas remarqué de modifications des glo- 
bules rouges dans le cours du zona, mais bien de l’hy- 
perleucocytose du premier au cinquième jour, puis un 
retour à la normale, et quelquefois une nouvelle pous- 
sée d'hyperleucocytose avec un peu d'éosinophilie. — 
MM. Mairet et Ardin-Delteil concluent de leurs recher- 
ches que la sueur de l'homme normal n’est pas toxique. 
Lorsque cette sueur tue, elle tue par sa différence de 
tension osmosique avec le sang de l'animal auquel on 
l'injecte.—M.L. Monfet décrit le procédé qu'il emploie 
pour l'analyse de l'urine; l'acide est précipité à l’état 
d'urate cuivreux et dosé par sédimentation; l'acide 
phosphorique est dosé de même à l'état de phosphate 
d'urane. — M. Hénocque présente un oculaire spec- 
troscopique très simple.— M. Sicard a trouvé de la leu- 
cocytose mononucléaire dans le sang d'enfant en cours 
d'éruption vaccinale. — M. Nobécourt a constaté qu'il 
n'existe que des mononucléaires dans les séreuses nor- 
males du cobaye; on peut provoquer l'apparition de 
polynucléaires en injectant sur la peau des bouillons 
peptonisés. — M. Pinois a éludié l'action du canthari- 
date de potasse sur le placenta des cobayes. 


Séance du 8 Décembre 1900. 


MM. F. Bezançon, V. Griffon et L. Le Sourd ont 
obtenu, sur sang gélosé, de belles colonies du bacille 
trouvé par Ducrey dans le pus du chanere mou; dans 
ce milieu, les bacilles conservent longtemps leur vita- 
lité et leur virulence. MM. Tuffier et Hallion ont 
reconnu que l'effet anesthésique produit par l'injection 
sous-arachnoïdienne de cocaïne résulte d’une sorte de 
section physiologique transitoire des racines posté- 
rieures. — MM. Mairet et Ardin-Delteil ont constaté 
que la sueur épileptique interparoxystique n'est pas 
toxique; la sueur recueillie au moment des attaques 
possède des propriétés toxiques faibles, mais réelles, 
qui s’atténuent assez rapidement après l'attaque. — 
MM. Ch. Achard et M. Lœper ont examiné les lésions 
et les épanchements tuberculeux et ont constaté au 
début la présence de polynucléaires; mais ceux-ci 
disparaissent bientôt pour faire place à un grand afflux 
de mononucléaires. — MM. E. Maurel et de Rey- 
Païlhade ont constaté que, pendant le sommeil hiver- 
nal, les pertes des tortues, calculées par kilogramme 
de leur poids, sont d'autant plus grandes que l'animal 
est plus petit. Quelque soit le volume de l'animal, ses 
pertes sont proportionnelles à sa surface. — M. Tri- 
bondeau a étudié un testicule humain adulte, dont le 
canal était obstrué depuis trois mois par des tuber- 
cules; les tubes étaient en dégénérescence plus ou 
moins complète, sans spermatides, ni spermatozoïdes. 
Les cellules de Sertoli persistaient seules dans quelques 
tubes. 


Séance du 15 Décembre 1900. 


MM. L. Grimbert et G. Legros ont cherché à mo- 
difier les propriétés da bacille coli en le cultivant sur 
des milieux additionnés de divers antiseptiques. Sur 
cinq échantillons, deux ont perdu la fonction indol et 
un seul la propriété de dégager des gaz en milieu lac- 
tosé; cette modification a persisté à travers une ving- 
taine de générations. — M. A. Hénocque a étudié 
l'influence physiologique des ascensions à la Tour 
Eiffel; l'effet le plus remarquable de la montée, soit en 
ascenseur, soit à pied, a été l'augmentation constante 
de l'activité de la réduction de l'oxyhémoglobine. — 
MM. Sabrazès et Muratet ont reconnu, dans la séro- 
sité péritonéale du bœuf, une sorte de concentration 
des leucocytes, qui sont plus nombreux que dans le 


sang, — M. Wiener envoie une note sur l'action micro- 
bienne du sérum des animaux traités avec l’'arsenic et 
la créosote. 

La Société procède au renouvellement de son bureau 
pour 1901, qui est ainsi constitué : 

Président : M. Ch. Bouchard; 

Vice-présidents : MM. Netter et Raïllet: 

Secrétaire général : M. E. Gley. 


Séance du 22 Décembre. 


M. Gellé à étudié les mouvements de l'air expiré 
pendant l'émission des sons voyelles, en ayant aspiré 
au préalable de la fumée; il montre que la formation 
de la voyelle À s'accompagne d’un mouvement molé- 
culaire en fourbillon, sans aucune expiration du dehors. 
— MM. Mairet et Ardin-Delteil ont constaté que la 
sueur des paralytiques généraux à une toxicité faible 
mais réelle. — M. G. Legros ne croit pas à l'existence 
de capsules chez toutes les espèces microbiennes, 
annoncée par Boni, car le procédé de cet auteur se 
prète à la critique. Chez les colibacilles, on peut ren- 
contrer d’une manière inconstante des pseudo-capsules. 
— H. Frenkel a observé que, si l’on verse de la fleur 
de soufre sur de l'urine, elle tombe au fond si l'urine, 
renferme des acides biliaires, et reste à la surface dans 
le cas contraire. Quelques autres substances partagent 
la propriété de faire tomber le soufre. — MM. J. Cluzet 
et H. Frenkel ont reconnu que les liquides qui ne 
laissent pas tomber le soufre ont une tension super- 
ficielle supérieure à 50 dynes par em?. — MM. Ravaut 
et Vidal ont observé que les épanchements pleuraux 
expérimentaux ont une composition histologique va- 
riable suivant le mode de production. — M. Waleswood 
a constaté que, chez les Mammifères, l'hémisphère 
gauche du cerveau est plus développé que le droit, et 
que le côté droit du corps est plus développé que le 
gauche. 


SOCIÉTÉ FRANÇAISE DE PHYSIQUE 


Séance du 21 Décembre 1900. 


M. le Secrétaire général aunonce l'envoi d'une note 
de M. A. de Grammont intitulée: Contribution à 
l'étude de la réfraction et de la dispersion, où sont 
étudiées les courbes qui, pour chaque valeur de l'indice, 
s’obtiennent en portant aux abscisses les déviations 
causées par un prisme d'angle A et en ordonnées les 
incidences. Toutes ces courbes ont, pour diamètre des 
cordes parallèles à l'axe des incidences, une droite, dont 


Re an [l 
l'angle avec l’une des déviations a pour tangente — et 


dont l'abscisse à l’origine est égale à A. Cette droite est 
le lieu des minima de déviation pour les différentes 
couleurs. L’incidence rasante donne pour chaque 
courbe une émergence limite et une déviation maxima. 
Le lieu des points d'émergence est une droite, dite 
droite des limites, inclinée à 45° des axes et passant 
par le point de la droite des minima dont l’ordonnée 
est 90°. Le mémoire étudie d'autres propriétés des 
courbes, ainsi que les effets de la variation de l'indice 
et de l'angle du prisme. — M. V. Crémieu a étudié 
lellet de la convection électrique et repris les expé- 
riences de M. Rowland. D'après Maxwell le mouve- 
ment de translation d'une bande électrisée de largeur 
l, de longueur ds, se déplacant dans le sens de cette 
longueur avec une vitesse v, doit équivaloir à un 
élément de courant dont l'intensité serait donnée par 
l'équation : 
ids — cvlds. 


s désignant la densité de l’électricité sur la bande 
mobile. Ce courant de convection posséderait les 
propriétés magnétiques des courants de conduction. La 
réciproque de cet effet serait une force pondéromotrice 


d'induction /, qui s'exercerait sur un corps électrisé 
. placé au voisinage d’un solénoïde électromagnétique, 


ACADÉMIES ET SOCIÉTÉS SAVANTES 53 


à l'intérieur. duquel le flux varierait avec une vi- 


dx à : Ve 
tesse ES La valeur de f à une distance » de l'axe, 
Û 
pour une charge y, serait 


u dx 


he 2xr dt” 


M. V. Crémieu, après avoir essayé, sans succès, de 
constater l'existence de cette force, et de l'induction 
électromagnétque qui devrait résulter de la variation 
du champ magnétique dû à un courant de convection, 
a répété l'expérience de M.Rowland, en opérant sur des 
courants beaucoup plus intenses. Un disque d’ébonite, 
doré suivant des secteurs isolés, chargé à une densité | 
superficielle électrique de 2 à 5 C. GC. S., tournant 
entre des plateaux fixes diélectriques récouverts de 
secteurs d'étain, isolés les uns des autres et séparément 
reliés au sol, produit, sur une aiguille aimantée placée 
parallèlement à son plan, des déviations dont le sens 
est celui que fait prévoir la théorie de Maxwell. Mais 
_ l'ordre de grandeur est beaucoup plus petit. De plus, 
les déviations peuveut s'annuler, lorsqu'on interpose 
une plaque conductrice devant l'aiguille; lorsque 
l'aiguille aimantée est en face du milieu d'un secteur 
fixe ou de l'intervalle de deux secteurs ; lorsque ces 
secteurs fixes sont reliés au sol en des points symé- 
triques par rapport à l'aiguille aimantée, et enfin 
lorsque, dans les secteurs, on remplace l'étain par une 
couche de graphite qui peut se charger, sans permettre 
le mouvement rapide de l'électricité. Il est donc cer- 
ain que les déviations observées proviennent d'un 
phénomène accessoire de conduction qui se produit 
dans les secteurs fixes. M. Crémieu se propose de recher- 
cher si l'effet prévu par Maxwell ne deviendrait pas 
observable, en supprimant les secteurs fixes qui 
forment un écran conducteur entre le disque mobile et 
l'aiguille aimantée. — M. C. Matignon expose la théorie 
et les usages de la métallurgie à base d'aluminium ou 
aluminothermie. Sous ce nom, Hans Goldschmidt dés:- | 
gne l'application de la haute chaleur de combinaison 
de l'aluminium à l'oxygène à la réduction des oxydes, 
soit en vue d'obtenir les métaux et leurs alliages, soit 
pour utiliser la chaleur dégagée dans la réaction. 
L'aluminium réduit tous les oxydes, sauf la magnésie, 
en mettant en liberté le métal. Dans la plupart des cas, 
la réaction, une fois provoquée en un point de mélange, 
se propage d'elle-même dans toute la masse; par suite 
de la chaleur dégagée l’alumine et le métal fondent et 
se séparent; on retrouve, au fond du creuset, un culot 
métallique recouvert par de l’alumine fondue. Pour 
amorcer laréaclion, on dépose à la surface du mélange 
d'oxyde et d'aluminium, pris en grains obtenus par un 
procédé spécial, quelques grammes de bioxyde de 
baryum et d'aluminiun en poudre, qu'on enflamme par 
l'intermédiaire d'un fil de magnésium. Pour la soudure 
des rails de tramways, des tubes de fer, de cuivre, il 
est commode d'utiliser la chaleur dégagée par une 
réaction que l’on provoque à l'intérieur d'une boîte 
entourant les pièces à réunir. M. Matignon exécute de 
brillantes expériences de réduction d’oxydes par l'alu- 
minium. CG. RAvEaAU. 


Séxnce du 4 Janvier 1901. 


M. A. Job décrit, une nouvelle méthode expérimen- 
tale pour l'élude de la transpiration des gaz. On ne 
dispose, en Chimie, d'aucun appareil simple et com- 
mode pour mesurer les vitesses de dégagement gazeux 
dans les réactions. L'auteur y arrive au moyen d'un 
dispositif très simple, constitué par un tube ou un pelit 
ballon à réaction, terminé par une tige capillaire et 
relié latéralement à un manomètre. Le gaz se dégage 
dans l'appareil plus rapidement qu'il ne peut s’écouler 
par la pointe capillaire, et il se produit un excès de 
pression qui est indiqué au manomètre et peut: être 

- enregistré. En régime permanent, pour une vitesse de 
dégagement, on observe: une pression constante. au 


manomètre. Pour étalonner l'appareil, l’auteur y pro- 
duit un débit gazeux constant et counu, et cela au moyen 
de l'électrolyse; on emploie une solution de soude à 
15 °/, avec des électrodes en nickel, et connaissant 
l'intensité du courant employé, on en déduit facilement 
la quantité de gaz tonnant produite. La sensibilité de 
l'appareil augmente avec la finesse du tube capillaire, 
car l'excès de pression est plus grand: mais alors la 
rapidité des indications diminue ; on obvie à cet in- 
convénient en donnant à l'appareil un très pelit vo- 
lume, afin que l'équilibre s'établisse rapidement. Les 
indications de l'appareil nécessitent deux corrections : 
l'une de température (0,006 par degré), l’autre de pres- 
sion (1/80 par cent. de Hg); on peut s'affranchir de 
la première en opérant à température presque cons- 
tante, de la seconde au moyen d'un petit dispositif 
additionnel approprié. Cet appareil est susceptible 
d'applications diverses; il peut servir à mesurer la 
vitesse des fermentations. Il permet l'étude de divers 
phénomènes d’électrolyse. En séparant le ballon en 
deux parties par une paroi poreuse et en placant une 
électrode dans chaque parlie, on pourra recueillir sé- 
parément les gaz déyagés à chaque électrode et mesurer 
leur vitesse de dégagement. En placant en série deux 
ou plusieurs appareils dégageant, par des réactions 
électrolytiques convenables, des gaz différents, on 
pourra, en faisant varier les intensilés des courants, 
réaliser des mélanges gazeux de composition absolu- 
ment déterminée dont on pourra mesurer la vitesse de 
transpiration. Enfin on pourra calculer l'intensité 
d'oxydation électrolytique dans une réaction par la 
différence des vitesses de dégagement de l'oxygène 
dans cette réaction et dans un voltamètre ordinaire. — 
M. G. Sagnac expose la suite de ses recherches per- 
sonnelles et celles qu'il a faites en commun avec 
M. P. Curie, sur les transformations des rayons X par 
la matière‘. 4. Application de la transformation des 
rayons X à la Chimie. Les éléments qui transforment 
notablement les rayons X (tels que le platine, le plomb, 
l'étain, le nickel ou le fer, le zinc, le cuivre) émettent 
en général les rayons secondaires les plus actifs et 
communiquent cette propriété aux mélanges ou aux 
composés qui en renferment. L'étude de l’action élec- 
trique des rayons secondaires émis par un Corps per- 
met d'y reconnaitre la présence d'une petite quantité 
d'un élément relativement très actif, par exemple le 
cuivre, le fer dans l'aluminium. De là, une méthode. 
pour chercher à découvrir des éléments nouveaux. 
2, Absorption des rayons secondaires par l'air. L’éner- 
gique absorption que les rayons secondaires les plus 
actifs issus d’un métal comme le platine éprouvent 
dans les premiers millimètres d'air adjacents au métal 
rayonnant à été vérifiée d'une manière directe en raré- 
fiant l'air autour du métal. 3. Nouveau mode de dé- 
charge des corps électrisés. Un faisceau de rayons X 
décharge un conducteur C même quand le faisceau ne 
traverse pas la région I de l'atmosphère soumise au 
champ électrique du conducteur; il suffit que le fais- 
ceau de rayons traverse une région E de l'atmosphère 
électrostatiquement séparée du champ du conducteur G 
par un écran de Faraday discontinu, comme une loile 
métallique, mais dans laquelle règne un champ élec- 
trique F, de même sens* que le champ F;. — Il en 
résulte, en particulier, que si des rayons pénètrent 
aussi dans la région 1, la présence du champ exté- 
rieur F, peut, suivant le sens de ce champ et celui du 
champ F;, modifier considérablement la vitesse de dé- 
charge du corps C; cette vitesse varie alors, par 


qe 


1 Voir G. Sacxac : « Luminescence et rayons X, » paru 
dans le n° du 30 avril 1898 de la Revue (9e année, p. 31). 

? Expériences décrites dans un pli cacheté déposé à 
l'Académie des Sciences, le 18 juillet 1898, ouvert dans la 
séance du:5 février 1900. — M. P. Villard a‘trouvé que les 
flammes, les corps incandescents, le phosphore, produisent les 
mêmes eflets qu'un faisceau de rayons X. (Société Francaise 
de physique, séance du 16 mars 1900.) È 


54 ACADÉMIES ET SOCIÉTÉS SAVANTES 


exemple dans le rapport de 1 à 10 ou 20, quand on 
renverse le signe de l’électrisation du conducteur C, 
alors qu'elle est indépendante de ce signe en l'absence 
du champ extérieur F,. M. Sagnac explique ces phéno- 
mènes en admettant que les ions produits par les 
rayons dans l'air de la région E acquièrent sous l'in- 
fluence du champ électrique F, une vitesse et une 
force vive suffisantes pour quitter les lignes de force du 
champ F, et pénétrer dans la région I de l’autre côté 
de l'écran de Faraday. Ces flux d'ions positifs ou néga- 
tifs produits dans l'atmosphère sont les analogues des 
rayons cathodiques, considérablement plus rapides et 
moins diffusables, produits dans le vide de Crookes. 
4. Electrisation négative des rayons secondaires déri- 
vés des rayons X (travail fait en commun avec M. P. Cu- 
rie). Un faisceau assez intense de rayons X, recu à 
travers une fenêtre d'aluminium dans une enceinte de 
Faraday en plomb épais complètement entourée d’une 
enveloppe continue de paraffine, s'est montré dépourvu 
d'électrisation (le dispositif aurait permis de déceler un 
courant électrique de l'ordre de 10 ampère). On a 
pu constater que le même faisceau de rayons X, recu 
par une lame d’un métal lourd tel que le platine, le 
plomb, l'étain, le zinc, excite en frappant le métal des 
rayons secondaires électrisés négativement, capables 
de produire un courant électrique de l’ordre de 10-10 am- 
père. Pour pouvoir recueillir les charges négatives 
issues du métal, ou les charges positives complémen- 
taires libérées sur le métal, on raréfiait l'air autour du 
métal jusqu'à la pression du millième de millimètre de 
mercure afin de rendre à l'air ses propriétés isolantes 
malgré l’action des rayons X et des rayons secondaires 
qui le traversaient. Par leur électrisation négative, 
les rayons secondaires des métaux tels que le platine, 
le plomb, présentent une certaine analogie avec le 
rayonnement spontané du radium. 5. Comparaisons 
diverses. La partie électrisée des rayons secondaires 
est aussi peu pénétrante que les rayons cathodiques 
produits par les décharges dans le vide de Crookes et 
que Lenard a étudiés (1/2 micron d'aluminium ne 
transmet que les 3/5 des charges négatives des rayons 
secoudaires du plomb). Elle constitue, dans l'optique 
des rayons de Rüntgen, l'analogue des rayons cathodi- 
ques, encore plus absorbables que les métaux émettent 
sous l'influence des rayons ultra violets, et que P. Le- 
nard ‘ a récemment étudiés dans le vide. D'autre part, 
l'ionisation des gaz par les rayons X est analogue à 
l'ionisation des gaz par les rayons ultra violets® de 
longueur d'onde inférieure à 0,2, rayons absorbables 
par l’air et divers gaz d'autant plus fortement en géné- 
ral que leur longueur d'onde est plus petite. — M. Le- 
moine présente quelques jouets du nouvel-an basés sur 
quelques principes simples de Physique. L'un des plus 
curieux est le bateau sous-marin, qui s'enfonce dans 
l’eau et remonte à la surface alternativement. Dans ce 
bateau est disposée une chambre cylindrique, percée à 
sa partie supérieure d’un trou capillaire et à sa partie 
inférieure d'un orifice plus large. Cette chambre est 
divisée en deux parties par une cloison horizontale per- 
cée d'un trou; la partie inférieure contient de l'air, la 
partie supérieure un mélange d'acide tartrique et de 
bicarbonate de soude. Quant on pose le bateau sur 
l’eau, l’eau pénètre par le fond et chasse devant elle 
l'air qui sort par le trou capillaire : le bateau tombe 
au fond. L'eau arrive alors dans la seconde chambre et 
de l'acide carbonique se produit; comme il ne peut se 
dégager assez rapidement par le trou capillaire, il 
refoule l'eau par la seconde chambre, et le bateau 
remonte peu à peu. Il reste un moment à la surface, 
jusqu'à ce que l'acide carbonique soit expulsé, puis 
l'eau rentre et les mêmes phénomènes se repro- 
duisent. 


1 P. Lexar : Drude's Annalen d. Physik, t. II, p. 359- 
370, 1900). 
? P, LenanD : 


Loc. cit., t, 1, p. 486-507; €. II, p. 298-319, 
1900. 


SOCIÉTÉ CHIMIQUE DE PARIS 


Séance du 4% Décembre 1900. 


M. A. Béhal expose, au nom de M. C.Phisalix et au 
sien, le résultat de leurs recherches sur le venin du 
Julus terrestris. Ils ont trouvé que la quinone en cons- 
titue le principe actif. — M. M. Guichard communique 
le résultat de ses recherches sur l'oxyde bleu de molyb- 
dène. Il indique une méthode qui permet d'obtenir cet 
oxyde à l'état de pureté. Sa composition est Mo0", 
4 MoO*, 6 H°0. Il n'existe pas d'oxyde anhydre corres- 
pondant. L'action des acides sur ce composé donne du 
tétrachlorure de molybdène et de l’acide molybdique, 
et cette réaction peut être renverse. le l’ensemble de 
ses recherches sur les oxydes de molydène, M. Gui- 
chard conclut que le molybdène possède deux oxydes à 
fonction acide, deux oxydes à fonction basique, un 
oxyde salin, ces oxydes étant hydratés, et deux oxydes 
anhydres seulement, le trioxyde et le bioxyde. — 
M. P. Freundler a poursuivi l’étude du couple zinc- 
cuivre sur les chlorures d'acides, en solution dans 
l’éther anhydre. Il obtient en définitive, avec le chlo- 
rure de butyryle par exemple, de l'aldéhyde butyrique, 
du butyrate d’éthyle et du chlorure d’éthyle, le chlorure 
de zinc formé restant en solution. On peut donc repré- 
senter la réaction par les deux équations : 


2CH%.COCI+Zn+2(CH5)0—2C'H5.CO2CH%+ZnCl2+20?H°CI, 
2C*H°COCI + Zn + 2H —ZnCË + 20C*H5.CHO. 


M. Freund a déjà signalé la première de ces réactions 
(Am. Chem., t. CXVIIL); toutefois il a obtenu, en em- 
ployant le zinc seul (et non le couple), une certaine 
quantité du corps 


CH5 — C— O0 — CO.C'H5 
| 
CH5 — C — O0 — CO.CH* 


qu'il a considéré comme étant du dibutyryle. Ce pro- 
duit semble ne se former qu'en quantité très minime 
lorsqu'on opère avec le couple préparé par réduction 
du zinc et de l’oxyde de cuivre dans un courant d'hy- 
drogène (Lachmann). Quant à l'hydrogène nécessaire à 
la réduction du chlorure en aldéhyde, il provient évi- 
demment du couple dans lequel il existe, soit à l’état 
occlus, soit à l'état de combinaison. En effet, lorsqu'on 
fait réagir sur le chlorure d’acétyle ou sur le chlorure 
d'isovaléryle le couple préparé par le procédé ordinaire 
(chauffage du cuivre avec de la limaille de zinc), on 
obtient, comme dans le cas du zine, de l’éther sel et du 
chlorure d'éthyle, et seulement des traces infinitési- 
males de produit réducteur. L'auteur étudie présente- 
ment les modifications à apporter au couple pour amé- 
liorer les reudements en aldéhyde. 


SOCIÉTÉ DE PHYSIQUE DE LONDRES 


Séance du 14 Décembre 1900. 


M. A. Schuster lit un mémoire sur l’inertie élec- 
trique et l'inertie de la convection électrique. Les 
calculs de self-induction sont basés sur l'hypothèse que 
les courants qui traversent un conducteur le remplis- 
sent d'une facon continue, le flux étant traité comme 
celui d’un liquide incompressible. Cette hypothèse est 
généralement rejetée dans le cas des électrolytes, où 
l'électricité est conduile par un grand nombre de ions 
irrégulièrement distribués. Dans les environs immé- 
diats d’un ion, le champ magnétique est plusieurs fois 
plus grand que celui calculé dans l'hypothèse d'une 
distribution continue ; le total de l’énersie magnétique 
est donc estimé au-dessous de sa valeur. Ce qui est 
universellement reconnu dans le cas des électrolytes 
doit être également accordé quand le courant est con- 
duit par un gaz; et il est probable que, même dans les 
conducteurs solides, le courant se compose d'électrons 
positifs et négatifs se mouvant avec des vitesses diffé 


ACADÉMIES ET SOCIÉTÉS SAVANTES 53 


rentes. L'objet de ce mémoire est de calculer les termes 
additionnels qui deviennent nécessaires pour l’éva- 
luation de la self-induction, et de discuter les cas 
possibles dans lesquels les corrections peuvent affecter 
les résultats expérimentaux. L'analyse mathématique 
montre qu'on doit ajouter un terme correctif conte- 
nant une quantité qui peut être appelée inertie élec- 
trique. L'auteur a calculé la valeur numérique de cette 
quantité pour un conducteur solide, et a trouvé environ 
2 X 10 — 12 unités C.G.S.; elle est de la dimension d une 
surface. Les expériences de Hertz ont prouvé que si 
l'inertie électrique existe, elle doit être moindre que 
18 X 10—3. Dans le cas des liquides et des gaz, l'inertie 
électrique des ions mobiles devient beaucoup plus 
importante, et le calcul de la selfinduction par les 
procédés ordinaires donne des résultats erronés. L'in- 
troduction d'un terme représentant l'inertie altère les 
équations générales du mouvement électrique ; l’auteur 
a appliqué la théorie modifiée aux décharges de la 
bouteille de Leyde, aux décharges sans électrodes de 
J. J. Thomson et à la théorie électro-magnétique de la 
lumière. Dans le cas des décharges sans électrodes 
dans un tube à vide, il est possible que l'absorption de 
l'énergie ne soit pas seulement due à la conductibilité 
du gaz, mais aussi à l’inertie qu'il possède. — Le même 
auteur lit un mémoire sur laprécession magnétique. La 
méthode la plus délicate pour déterminer l'influence 
de l'ivertie électrique est basée sur les forces électro- 
motrices introduites par le mouvement des conduc- 
teurs qui transportent des courants électriques. Si 
l'électricité se comporte comme un corps possédant de 
l'inertie, la rotation d’un corps traversé par des cou- 
rants doit affecter le flux de la même manière que la 
rotation de la terre modilie la direction des cou- 
rants d'air. Si le magnétisme terrestre est dû à des 
courants électriques, il est intéressant de rechercher 
si les effets de l’inertie peuvent expliquer la varia- 
tion séculaire. Le calcul moutre qu'une précession 
magnétique du caractère de la variation séculaire 
serait produite, mais que la précession serait beaucoup 
plus lente que les variations actuellement observées, 
Le calcul, fait d’abord pour les courants dans une 
sphère creuse, est étendu à une sphère solide. La 
ériode calculée d'un cycle est de 7 X 10!‘ années. Si 
es courants sont confinés à une mince couche de la 
terre, le temps se réduit à 14 xX 105 années; pour pro- 
duire la période actuelle de la variation séculaire, il 
faudrait que la couche de courant ait des dimensions 
moléculaires. Il est donc possible que le phénomène 
de la variation séculaire soit d'un caractère moléculaire. 
En réponse à une observation de M. Blakesley, 
M. Schuster signale que, si l’intérieur de la terre était 
liquide, la période du cycle serait environ cent fois 
moindre. — M. A. W. Rücker lit un mémoire sur le 
champ magnétique produit par les tramways. Considé- 
rant le cas d’un tramway pour lequel le courant part de 
la station centrale le long d'un fil de trolley et revient 
partie par les rails, partie par la terre, l’auteur montre 
que la force verticale perturbatrice en un point est due 
aux courants dans les feeders ef les rails, et que les 
courants terrestres affectent seuls la force horizontale. 
L'expérience montre que ce sont surtoutles instrüments 
à force verticale qui sont affectés par l'établissement 
d’un tramway électrique, et comme ce trouble est dù 
aux lils et aux rails, il est impossible pour un observa- 
toire d’être protégé par des rivières ou d’autres acci- 
dents naturels des environs. Si l’on considère les fils 
de trolley et les rails comme des conducteurs isolés, 
l'effet d’un tramway sur un point situé à une certaine 
distance est dù à la différence entre le courant du trol- 
ley et le courant du rail. Le trouble augmente avec la 
longueur du tramway, et pour un tramway d'une lon- 
gueur donnée, les pertubations sont maximum aux 
points situés sur une perpendiculaire abaissée sur le 
milieu de la ligne. Des expériences faites à Stockton sur 
la grandeur de la force perturbatrice ont donné, avec 
l'appareil à force verticale, une perte de 16,3 ‘/,, et avec 


l'instrument à force horizontale une perte de 15,9 
concordance très bonne. L'hypothèse que les extrémités 
de la ligne sont au-dessus et au-dessous du potentiel 
moyen de la terre d’une même quantité, et que la perte 
en un point est proportionnelle à la différence du poten- 
tiel entre le rail et la terre, conduit à la théorie ordi- 
naire d'un barreau de Fourier. Cette hypothèse plus 
exacte a été appliquée aux résultats de Stockton. La 
perte calculée est de 20 °/,. Le calcul de la force verti- 
cale perturbatrice donne 10,5 >< 107 unités C. G.S., ce 
qui concorde avec la valeur 7 X 107° unités GC. G.S. 
observée. En somme, pour les besoins pratiques, il est 
suffisant d'employer le courant de retour moyen par 
les rails, dont les formules sont plus simples. — M.R. 
T. Glazebrook communique quelques notes sur l'appli- 
cation pratique de la théorie des perturbations magné- 
tiques par les courants terrestres. L'auteur y à mis la 
formule préconisée par M. Rücker sous une forme pra- 
tique, et il donne une fable des distances auxquelles les 
perturbations sont négligeables pour des tramways de 
longueur donnée. -— M. R. Threlfall présente sa 
balance de gravité à fil de quartz qui a déjà été décrite 
ici, elle est surtout remarquable par son exactitude et 
sa portabilité. — M. Watson présente une série de pen- 
dules demi-seconde, dont le support est particulière- 
ment stable. Ils sont couverts d'une enveloppe dont 
l'air peut-être extrait de facon à diminuer le décrément 
logarithmique. Le mouvement des pendules est indiqué 
par des rayons de lumière réfléchis par des prismes à 
angle droit qui y sont attachés, et la période d'oscil- 
lation est déterminée par la méthode des coincidences 
au moyen d'une horloge astronomique. 


SOCIÉTÉ DE CHIMIE DE LONDRES 


Séance du 6 Décembre 1900. 


M. A. C. Chapmann à obtenu, en oxydant l'huile du 
bois de santal par le permanganate de potassium 
neutre, de l'acide santalénique C'‘H#*O?, cristallisé, 
fondant à 76°; [x}]n — + 189,05. — M. A. Scott a trouvé 
pour le bromure d'ammonium un équivalent différent 
de celui donné par Stas; ce dernier est arrivé à 98,032 
tandis que l'auteur trouve 97,996. Le poids atomique 
de l'azote s'abaisserait donc de 14,045 à 14, 0/0, nombre 
qui se rapproche de celui déduit des densités relatives 
de l'oxygène et de l'azote (16 : 14,003). La cause de 
cette diflérence tient probablement à ce que le brôme 
employé par Stas n'était pas pur et contenait du pla- 
tine. — MM. Henry J. Horstman Fenton et H. Owen 
Jones ont poursuivi l'étude des propriétés de l'acide 
oxalacétique, obtenu par oxydation de l'acide malique 
en présence de fer ferreux. Son hydrazone, chauffée 
avec de l’eau, perd CO* et donne l’hydrazone de l'acide 
pyruvique; si la concentration est suffisante, cette 
décomposition n’a pas lieu et l'hydrazone perd de l’eau 
en donnant l'acide phénylpyrazolonecarboxylique de 
Wislicenus. — MM. J.-J. Dobbie, Alex. Lauder et 
Photios G. Paliatseas ont reconnu que la corydaline 
C'H'5Az (OCH*), alcaloïde de la Corydalis cava, diffère 
de la corybulbine C'#H'5Az0(OCH°)° par un groupe mé- 
thoxyle en plus. Cette dernière renferme un groupe hy- 
droxyle, car elle peut donner un dérivé monoacétylé. 
Les deux alcaloïdes sont transformés par HI concentré 
en C#H'AZ(OH)',HI. La corybulbine est convertie en 
corydaline par l’action du iodure de méthyle et de la 
potasse. — MM. W.-J. Pope et W.-N. Hartley ont 
résolu la tétrahydro-B-naphtylamine racémique en ses 
composants actifs au moyen des acides dextro et lévo- 
bromocamphorsulfoniques. Mais en libérant la base de 
ses sels au moyen de la soude et en préparant le chlo- 
rhydrate, on observe une racémisation considérable ; 
et les chlorures actifs deviennent difficilement sépara- 
bles du mélange des sels. Le spécimen le plus pur de 
d-tétrahydronaphtylamine, obtenu en traitant le bro- 
mocamphorsulfonate par la soude et distillant sous 
pression réduite, donne : [als —+ 379,24; il contient 


ACADÈMIES ET SOCIÉTÉS SAVANTES 


encore 30 °/, de base gauche, ce qui fait que la base 
droite pure donnerait environ [al —+ 96° Ce cas 
d'inversion optique n'a pas encore été sisnalé; mais on 
a observé la racémisation par benzoylation de com- 
posés : 

R Ne A 
Ro NazH 


qui se transformaient probablement en : 


NG:A7H° 
RAA US 


MM. W.-R. Dunstan et H. Brown ont reconnu que 
l'Hyoseyamus muticus de l'Egvpte contient beaucoup 
plus de hyoscyamine (graines : 0,87 °/,; tiges et feuilles : 
0,59 0/,) que la raème plante aux Indes (0,1 °/, seule- 
ment). Le Datura stramonium d'Egypte contient égale- 
ment cet alcaloïde dans la proportion de 0,35 °/,. — 


M. A.-E. Dixon a étudié l'action des uréthanes sur les | 


amines benzénoïdes primaires. La phényluréthane et la 
paratoluidine donnent de l’aniline et un mélange de 
phénylparatolylecarbamide et de diparatolylcarbamide. 
La réaction est probablement la suivante : 


I. PhAzH.CO.OEt + ToAzH°?— ElOH + Ph.AzH.CO.AZHTo. 
Ii. PhAzH.CO.AzHTo+ToAzH?= Ph.A7H°+ToAzH.CO.AzHTo. 


De l’aniline et de la paratolyluréthane, on obtient les 
mêmes composés. L'orthotoluidine et la phényluréthane 
donnent de la ditolylcarbamide et de la phénylorthoto- 
lylcarbamide. La phényluréthane et l'x-naphtylamine 
produisent de la di-x-naphtylcarbamide el de la phé- 


nyl-a-naphtylcarbamide. — M. W.-H. Sodeau a cons- | 


taté que le chlorate de calcium se décompose en perdant 
0,6 °/, de son chlore, et 20/4 lorsqu'il y a explosion. Le 
chlorate d'argent, chauffé à 350°, explode en perdant 
7 °/, de son chlore; dans la décomposition lente, il 
peut dégager jusqu'à 36 °/, de chlore si l’on abaisse 
suffisamment la pression. Il y a deux réactions simul- 
tanées : 

2 M(CIO®)® — 2 MCI + 60° 

2M(C10:} = 2M6 + 2 CE + 302, 


Pour le chlorate de calcium, la première décomposition 
procède 4180 fois plus vite que la seconde; pour le chlo- 
rate d'argent, le rapport n'est que 1,8 à 1. — M. G. J. 
Fowler à préparé un azoture de fer Fe*Az par l’action 
de l'ammoniaque, sur : 4° le fer finement divisé; 2 le 
chlorure et le bromure ferreux; 3° l’'amalgame de fer. 
Il se décompose à 600 dans un courant d'azote; sa 
densité est 6,35. Chauffé dans un courant d'air à 2009, 
il est transformé en oxyde ferrique et azote. Il est 
décomposé par l'acide sulfurique suivant l'équation : 


2 Fe°Az + 6H°S0#— 4FeSO* + 2 AzH'HSO* + H£. 


L'acide chlorhydrique gazeux le transforme rapidement 
à 350° en chlorure ferreux et chlorure d’'ammonium. 
Chauffé en tube scellé avec l'iodure d'éthyle, il donne 
lieu à la réaction : 


Fe?Az + 5 CHI = AzHSl + 5 Ci + 2Fel. 


— MM. G. J. Fowler et Ph. J. Hartog ont déterminé 
la chaleur de formation de l'azoture de fer en utilisant 
sa décomposilion par l'acide sulfurique. Elle est de 
3,04 cal. La constitution de ce composé est probable- 
ment : 

Fe 


Fe 
SS 4 

IS Az A2 

Fe” Nke 


__ M. M. O. Forster a obtenu, par hydrolyse du nitrile 
non saturé qui se forme quand l'hanhydride du bromo- 


nitrocamphane est (raité par la soude, l'acide infra- 
campholénique C'H!0?; il est optiquement inactif et 
se transforme en acide isolauronolique par l'acide sul- 
furique chaud. L'aminoinfracampholène CSH'*AzH? se 
prépare en traitant l'amide de l'acide infracampholé=M 
nique par l'hypobromite de soude. — MM. Th. Hill 
Easterfield el B. Cracroft Aston ont examiné trois 
variétés de Tutu (Coriaria ruscifolia, C. thymifolia, 
C. augustissima) de la Nouvelle-Zélande et en ont 
isolé un glucoside, la tutine, CTH%07, en cristaux 
incolores, fondant à 208-209 et donnant [xls —+-90,25. 
Elle n'est pas identique à la coriamyrtine, dont la 
formule est C'*H'#0*. Son action pharmacologique est 
semblable à celle de la coriamyrtine, mais beaucoup 
moins prononcée. — MM. J. B. Cohen et C. E. 
Whiteley ont cherché à produire un nouvel atome de 
carbone asymétrique dans un composé déjà oplique- 
ment actif, dans le but d'en détacher ensuite le groupe 
primitivement actif et de déterminer l'influence de ce 
groupe. Pour cela, ils ont utilisé un grand nombre de 
réactions, telles que la réduction, la bromuration où 
l'hydroxylation des éthers composés d’un acide non“ 
saturé et d'un alcool aclif, ou la réduction de l'éther 
cétonique d’un alcool actif, l'alcool étant ensuite enlevé 
par hydrolyse. Ces réactions peuvent être représentées 
comme suit (X est un groupe ou atome, sauf de l’hydro- 
gène; A est un groupe alcoyle actif; C est le nouvel 
atome de carbone asymétrique) : 


(_(2) CH ICXe00A 

DE .CH?: CHX.CO*A 
{(c) :CH°.CHX.COH 
\ ( CH: CH-CO\ 

> (b) .CHX.CHX.CO?A 

( 

\ G .CO.CO?A 

À (b) .CHOH-.CO’A 

| (e) :CHOH.COHI 


b 
c) 
a 
D) 
c)u . CHX.CHN/CU?H 
a) 
3) b 
ñ 


Comme exemple de (1), les auteurs ont étudié la 

réduction des éthers menthyliques des acides mésaco- 

pique et phénylerotonique. Pour (2), ils ont préparéles 

dérivés bromés des éthers amyliques et menthyliques 

de l'acide cinnamique et du tartrate de dicinnamyle, 
mais l’hydrolyse de ces derniers n’a pu se faire sans 

départ du brome, et il a fallu renoncer à ces réactions. 

Comme exemple de (3), les auteurs ont étudié la réduc- 

tion du pyruvate de menthyle. Mais dans tous les cas, 

les corps obtenus ont été optiquement inactifs; ces 

expériences n'en sont pas moins poursuivies. — 

M. W. H. Perkin junior a préparé, à partir de l'acide 

ax-diméthylglutarique, l'acide dyméthylglutaconique : 

CO?H.C(CH°)CH:CH.CO®H, dont l’éther éthylique, mis 

en digestion avec l'éther cyanacélique sodé, et chauffé 

avec l'acide sulfurique, se convertit presque quanti- 
tativement en acide isocamphoronique : CO*A.C(CH°,° 

CH (CH2CO®H)CH2CO*H, identique avec celui préparé du 

pinène par Baeyer. — M. J. W. Mellor indique une 
nouvelle méthode de synthèse de l'acide adipique: 

l’action du malonate d’éthyle sodé sur le cyanure de 

chloropropyle donue le cyanopropylmalonate d'éthyle, 

qui, par hydrolyse avec l’acide sulfurique, se trans= 

forme en acide adipique. — M. H. M. Dawson à 

reconnu que le triodure de potassium est un sel nor- 

mal, qui, a des concentrations correspondantes, est dis- 

socié électrolytiquement au même degré que les autres 

sels binaires. De même, le triiodure d'hydrogène est 

électrolytiquement dissocié comme l'acide iodhydrique 

et appartient au groupe des acides forts. 


Le Directeur-Gérant : Louis OLIVIER. 


Paris. — L. MARETHEUX, imprimeur, 1, rue Cassette. 


© 


12 ANNÉE 


N° 2 


950 JANVIER 1901 


Revue générale 


Ds SCienc 


pures el appliquées 


DIRECTEUR : 


LOUIS OLIVIER, Docteur ès sciences. 


Adresser tout ce qui concerne la rédaction à M. L. OLIVIER, 


22, rue du Général-Foy, Paris. — La reproduction et la traduction des œuvres et des travaux 


publiés dans la Revue sont complètement interdites en France et dans tous les pays étrangers, y compris la Suède, la Norvège et la Hollande. 


LL — —— 


CHRONIQUE ET CORRESPONDANCE 


$ 1. — Nécrologie 


Mort des Professeurs Potain et Hermite. 
— Quatre deuils cruels viennent de frapper le monde 
savant. Les lignes suivantes rappelleront au lecteur 
l'œuvre de Bergeron et celle de Chatin. Dans son pro- 
chain numéro, la Aevue consacrera une notice à la vie 
et aux travaux de Potain et de Hermite. 


Jules Bergeron. — Le 6 décembre dernier s'est 
éteint Jules Bergeron, l'un des doyens de la Médecine 
française. 

Né en 1817 à Niort, il fut recu interne des hôpitaux 
en 1840, et nommé médecin des hôpitaux en 1852. Il 
se consacra à la médecine infantile, et fut pendant 
longtemps médecin de l'hôpital Sainte-Eugénie, réservé 
aux maladies de l’enfance. 

Appelé à l’Académie de Médecine en 1865, il en fut 
secrétaire annuel de 1879 à 1882, vice-président en 
188%, président en 1885, et enfin secrétaire perpétuel 
depuis le 22 mars 1887. Depuis lors, il lui consacra 
toute son activité. C'est grâce à lui surtout que l’Aca- 
démie pourra prochainement s'installer dans le magni- 
fique local qu’on est en train d'achever rue Bonaparte. 
En qualité de secrétaire perpétuel, Bergeron à pro- 
noncé, aux séances annuelles, les éloges de quelques 
grands maitres disparus, éloges qui resteront des mo- 
dèles du genre. 

Une grande part de la vie de Bergeron a été égale- 
ment consacrée aux questions d'hygiène publique; il 
était membre du Comité consultatif d'Hygiène depuis 
1872, et vice-président de ce corps depuis 1884, 


Adolphe Chatin. — Le 15 courant, le botaniste 
Gaspard-Adolphe Chatin est décédé aux Essarts-le-Roi. 
Il était né près de Tullins dans l'Isère, où il fit ses pre- 
mières études; sa prodigieuse facilité de travail lui 
valut d’être envoyé à Paris, où il compléta son instruc- 
tion et conquit rapidement tous ses grades. En 1841, il 

. était nommé agrégé à l'Ecole de Pharmacie, où il fut 
chargé, comme suppléant, du cours de Botanique, dont 
il réorganisa complètement l’enseignement. En 1848, il 
devenait professeur titulaire, et, en 1873, directeur de 


REVUE GÉNÉRALE DES SCIENCES, 1901, 


| l'Ecole, fonction qu'il résigna en 1886. Entre temps, il 
| avait été élu, en 1874, membre de l'Académie des 

Sciences, et il en fut président en 1897. 

Nous empruntons à la Notice que M. Gaston Bonnier 
a lue devant l’Académie des Sciences, et dont il a bien 
voulu nous communiquer les épreuves, l'appréciation 
suivante sur l'œuvre de Chatin : 

« On peut dire qu'il n’est pas une seule partie de la 
Science des végétaux qui n'ait été abordée par le savant 
botaniste. Morphologie externe, Anatomie, Physiologie, 
Géographie botanique, Organogénie, Classification, 
Cryptogamie, autant de divisions de la Botanique dans 
lesquelles viennent se ranger d'importants travaux de 
l’Auteur. La caractéristique principale de l'œuvre de 
Chatio estsurtout dans la production d'idées originales, 
fertiles en résullats, dans l'ouverture de voies nouvelles 
explorées ensuile avec succès par les nombreux savants 
qui ont marché sur ses traces. 

« Je citerai d’abord l'immense ouvrage intitulé l'Ana- 
tomie comparée des végétaux, dont la publication, 
restée inachevée, a commencé en 1856, et où sont 
examinées successivement les plantes aquatiques, les 
plantes aériennes, les plantes parasites et les plantes 
terrestres. À travers ces recherches d’Anatomie com- 
parée, on rencontre des observations pénétrantes sur 
les diverses adaptations des végétaux et sur les modili- 
cations profondes qu'éprouve la structure des êtres 
sous l'influence du milieu extérieur. Ces longues 
recherches ont été l’origine première de cette nouvelle 
branche de la Science qu’on nomme maintenant l’Ana- 
tomie expérimentale. 

« Les changements de siructure dans les parties 
aquatiques ou {souterraines des plantes sout scrutés 
d'une façon très remarquable dans cette suite de 
Mémoires; mais c’est surtout l'étude des plantes para- 
sites qui en constitue le mérite principal. Chatin met 
en évidence, pour les espèces les plus diverses, les 
caractères de régression dus à l'influence du parasi- 
tisme. Cette question des plantes parasites a, d’ailleurs, 
toujours occupé Chatin, et il y revenait encore, en 1891, 
par une Note aux Comptes Rendus, où il montre le pre- 
mier que le parasite n’absorbe pas, telles quelles, les 
substances élaborées par l'hôte, mais en laisse de côté 
une partie pour digérer et transformer le reste. 


58 CHRONIQUE ET CORRESPONDANCE 


« L'un des premiers, il a compris que, pour prendre 
toute la valeur scientifique qu’elle comporte, la classi- 
fication des plantes doit être fondée aussi bien sur les 
caractères de leur structure que sur ceux de la forme 
extérieure. Enoncée déjà par Mirbel au commencement 
du siècle dernier, cette vérité n'est plus aujourd'hui 
contestée ; elle est pour ainsi dire devenue banale. Elle 
ne l'était pas, tant s’en faut, en 1839, lorsque Chatin 
choisit ce sujet pour sa thèse de Doctorat ès Sciences. 
Depuis, dans les Mémoires que je viens de citer et dans 
d’autres encore, il a développé tous les résultats acquis 
successivement par lui dans cette voie. Aujourd'hui 
que l'étroit sentier d'autrefois est devenu une large 
grand'route, il est juste de rendre hommage à ceux 
qui y ont planté les premiers jalons. 

« On doit encore à Adolphe Chatin un important 
Mémoire sur l’anthère, qui a provoqué aussi de nom- 
breux travaux sur la constitution et la déhiscence de 
l’étamine. Dans ces derniers temps, le savant botaniste 
a fait paraître une série de recherches sur les Champi- 
gnons du groupe des Tubéracées, notamment des 
Truffes, des Terfézées et des Tirmaniées. Ces recherches 
ont été réunies en un volume qui a paru en 1892. » 


$ 2. — Physique 


La loi de Cailletet et Mathias et la den- 
silé critique. — En 1886, MM. Cailletet et Mathias 
ont formulé la loi suivante : Les moyennes des densités 
d'un liquide et de sa vapeur saturée, pour toute sub- 
stance stable, sont une fonction rectilinéaire de la tem- 
pérature : 

Di =D, + ot. 


Bien que cette loi ait été vérifiée pour un assez 
grand nombre de substances entre le point d’ébulli- 
tion et le point critique, M. Sydney Young vient de se 
livrer à un nouveau travail qui a porté sur une tren- 
taine de corps, et il a constaté que, pour la plupart 
d'entre eux, l'écart entre la théorie et l’expérience 
augmentait rapidement au-dessous du point d'ébulli- 
tion. Le pentane normal est le seul qui obéisse rigou- 
reusement à la loi; l'hexaméthylène, le benzène, l'hep- 
tane normal, etc., semblent suivre une loi qui serait 
représentée par la formule plus complexe : 


Di = D,+at+ pe; 


pour les alcools, il y aurait même lieu d'introduire un 
quatrième terme, À. 

M. Sydney Young a calculé, d’après les densités obser- 
vées, les valeurs de ces trois constantes pour tous les 
corps étudiés et pour toute la série de températures 
utilisées. Dans ce cas, les résultats de l'expérience 
concordent bien avec ceux de la théorie. 

Doit-on donc rejeter la formule simple D=Doxt? 
M. Sydney Young pense que non, et il montre qu'elle 
donne des résultats suffisamment exacts si l’on restreint 
son emploi pour les températures situées entre le point 
d’ébullition et le point critique. Dans ce cas, en effet, 
les valeurs obtenues par les deux formules ne pré- 
sentent qu'une légère différence. 

M. Young conclut, en somme, de ses recherches que 
la loi de Cailletet et de Mathias est presque, mais non 
absolument exacte: elle ne paraît se vérilier complète- 
ment que lorsque le rapport de la densité actuelle à la 


densité théorique au point critique —- possède la va- 
C 


D 
leur normale 3,77. 

Mais les écarts sont généralement si faibles que la 
densité critique peut être calculée au moyen des den- 
sités moyennes du liquide et de la vapeur saturée (à 
des températures situées entre le point d’ébullition et 
quelques degrés du point critique) en se servant de la 
formule simple DD;-#Æ2f, avec une erreur maximum 
de 0,25 °/, et dépassant rarement 0,1 2/4. 


La lampe à incandescenee et le courant 
alternatif. — On sail que l’inertie de nos impres- 
sions visuelles les étale sur une durée d’un dixième de 
seconde environ, c'est-à-dire qu'une action extrême- 
ment courte sur notre œil est ressentie comme si la 
même lumière tolale lui arrivait en un dixième de 
seconde. 

Il en résulte qu'un objet immobile, vu à une lumière 
discontinue, dont les éclats se succèdent avec une 
période inférieure à un dixième de seconde, semble 
éclairé d'une facon uniforme. Mais il n’en est plus de 
même si l'objet est en mouvement, et les éclats doivent 
alors se répéter avec une fréquence beaucoup plus 
grande pour donner l'impression d’un déplacement 
continu. Ainsi un arc alternatif, dont l'éclat s’abaisse 
très rapidement après que l'intensité du courant a 
franchi le maximum, donne l'impression d’un mouve- 
ment saccadé ou de la multiplicité d'un objet brillant 
qu'il éclaire, au moins pour les fréquences de 40 à 50, 
les plus ordinaires actuellement. Les joueurs de bil= 
lard, par exemple, s'accordent à trouver extrêmement 
désagréable, presque intolérable même, l'apparition 
d'un chapelet de billes sous une lampe à arc alternatif. 

Jusqu'ici on avait admis, en général, que les varia= 
tions d'intensité des lampes à incandescence dans les 
circuits alternatifs ordinaires étaient trop faibles pour 
être observées; au moins, les objets que l’on déplace 
dans le voisinage d'une lampe à incandescence ali= 


D 


Fig. 1. — Représentations du courant et de la chaleur déga- 
gée d'une lampe à incandescence. — ABCDE, courant sinu- 
soïdal; AB'CD'E, développement de chaleur produite par 
le courant précédent; abcdefgh, développement de chaleur 

figuré. 


mentée par un courant de 40 à 50 alternances sem- 
blent-ils se mouvoir avec une vitesse parfaitement 
uniforme. 

Un calcul approximatif montre, cependant, que les 
variations de température, et, par conséquent, d'éclat 
du filament, sont loin d'être négligeables. Considérons 
une lampe alimentée par un courant purement sinu- 
soïdal ABCDE (fig. 1). La chaleur dégagée en chaque 
instant sera proportionnelle au sinus carré et sera 
donnée par une courbe telle que AB'CD'E. L'aspect 
des courbes montre que l’on pourra, comme grossière 
approximation, supposer la lampe alimentée par un 
courant discontinu abecdefyh, dont les interruptions 
sont de l’ordre de la moitié de l’alternance. Supposons 
que la période de repos du courant soit d'un centième 
de seconde. Pendant ce temps très court, où la lampe 
ne recoit aucun apport de chaleur, elle devra se refroi- 
dir d’un nombre de degrés donné par le quotient de 
l'énergie rayonnée par la capacité calorifique du 
filament. 

On peut admettre 10 kilowatts par gramme pour 
valeur de la puissance rayonnée par un filament 
poussé, et, comme chaleur spécifique du charbon aux 
températures dont il s’agit ici, 0,5 par rapport à l’eau 
ou 2,1 en valeur absolue. L’abaissement de la tempé- 
rature en un centième de seconde, en supposant que 
l'épaisseur entière du filament y participe, sera donc 
de 50 degrés environ. La température au moment 
initial étant au voisinage de 2.000° absolus, la diminu- 
tion de la puissance rayonnée, régie à peu près par la 


CHRONIQUE ET CORRESPONDANCE 59 


loi de Stefan, sera de l’ordre du dixième, et l'éclat 
visuel qui est, à ces températures, grossièrement pro- 
portionnel à la sixième puissance de la température 
absolue, de l’ordre du septième de l'éclat maximum. 

Ces variations d'éclat peuvent être mises très facile- 
ment en évidence par une méthode stroboscopique, 
ainsi que vient de le montrer M. Samoilof. IL suffit, 
pour cela, de faire tourner, au-dessous d'une lampe à 
incandescence en circuit alternatif, un disque portant 
des secteurs alternativement blancs et noirs, et de 
régler la vitesse de ce disque de telle sorte que la 
durée du passage d'un secteur sombre à la position du 
précédent soit précisément égale à la période d éclat 
de la lampe. Dans ces conditions, les positions dans 
lesquelles viennent se superposer les secteurs blancs 
dans les moments du maximum d'éclat apparaissent 
en clair, et les positions intermédiaires sont marquées 
par des bandes sombres estompées, mais bien nette- 
ment visibles. 

L'expérience est très frappante lorsqu'elle est faite 
avec un disque portant une double rangée d’un nom- 
bre inégal de secteurs (fig. 2), et tournant avec un 
mouvement uniformément varié, un toton tournant 
dans une assiette, par exemple, et perdant peu à peu 
sa vitesse. On voit, dans ces conditions, se succéder 
rapidement les phénomènes suivants : 

Dans la couronne portant le plus grand nombre de 
secteurs, les bandes som- 
bres tournent rapide- 
ment d'abord, puis de 
plus en plus lentement 
dans le sens de la rota- 
tion du disque, s'arrê- 
tent pendant un instant 
très court, puis partent 
en sens inverse. Les 
mêmes apparences se 
manifestent ensuite dans 
la deuxième couronne. 
Puis le disque devient 
uniformément gris, et, 
après un temps plus ou 
moins long, on voit se 
reproduire le même phé- 
nomène, mais avec un 
: : nombre de bandes som- 
bres deux fois plus considérable, marchant d’abord 
dans le sens direct, puis dans le sens rétrograde. 
Enfin le disque redevient gris, jusqu'au moment où 
la vitesse est assez faible pour que les bandes appa- 
raissent isolément. 

Cette expérience, qui peut être variée de bien des 
manières, offre un réel intérêt de démonstration; elle 
permet d'aller plus loin encore; si l'on s’entoure de 
quelques précautions, elle donne la possibilité d’ana- 
lyser avec une certaine précision la variation de l'éclat 
des lampes, et même, avec des dispositifs particuliers, 
la forme de cette variation. 

Les observations que nous avons pu faire nous ont 
montré que l'ordre de grandeur des variations ne 
Sécartait pas notablement de celui qu'indique le 
calcul approché. 


Fig. 2. — Disque pour la stro- 
boscopie de la lampe à incan- 
descence. 


$ 3. — Chimie 


Synthèse de l'acide isocamphoronique. — 
En traitant l'anhydride «x-diméthylglutarique : 


CO?H.C(CH*)°.CH2. CHE. CO°H 


par le pentachlorure de phosphore et le brome, et en 
versant ensuite ‘ le produit de la réaction dans l'alcool, 
M. W.-H. Perkin junior a obtenu l’éther bromodimeé- 
thylqlutarique : 


* 4 Proc. of the Chem. Soc., n° 229, 1900. 


CO2CH5— C(CH?.CH2.CH — COC 
| 
Br 


qui constitue un liquide huileux bouillant à 165-170 
(35mmi, 

Par l'action de la potasse alcoolique sur cet éther, 
on obtient l'acide diméthylglutaconique : 


CO’H.C{CH°\: CH —= CH: CO'H 


qui cristallise dans l’eau en tables fondant à 172° 
et constitue vraisemblablement un stéréoisomère de 
l'acide «x-diméthylglutaconique préparé par Conrad, 
lequel fond à 150°. 11 est, du reste, absolument certain 
que l'acide fondant à 172° est bien l'acide diméthylglu- 
taconique, car l'oxydation manganique à la tempé- 
rature de 0° le convertit quantitativement en acides di- 
méthylmalonique et oxalique : 


CO?H.C{CHS CH — CH.CO'H + 0% = CO*H.C(CHS)*.CO*H 
+ CO*H.COH. 
L'acide diméthylglutaconique est rapidement éthérifié 


par l'alcool et l’acide sulfurique. L’éther diméthylglu- 
taconique : 


É 


CO2C2H5 — C(CHS CH = CH.COCH° 

est un liquide incolore, bouillant à 2000 (200%). Quand 
on fait digérer cet éther en solution alcoolique avec 
l'éther cyanacétique sodé, il se produit une conden- 
sation, et si l'on chauffe alors avec de l'acide sulfurique 
dilué, l'on obtient aisément un acide fondant à 166, 
possédant la formule empirique C*H'*0°,et qui est iden- 
tique avec l'acide isocamphoronique. Cette identité à 
été prouvée par le fait que le point de fusion de ce 
produit n’est point changé quand on le mélange avec 
une quantité égale d'acide isocamphoronique prove- 
nant du pinène. De plus, quand on le chauffe avec de 
l'acide sulfurique concentré à 100°, l'acide synthétique 
est converti en acide terpénylique. Cette transfor- 
mation, comme l'a montré Tiemann ?, esl caractéris- 
tique de l'acide isocamphoronique. La condensation de 
l'éther diméthylglutaconique avec l’éther cyanacétique 
peut être exprimée ainsi : 


CO!C2H° — C(CH#}.CH = CH.CO2C2H5 + CAz.CHNa— CO?CTI5 
C0?C7H° 
— (0: CHE: C(CHCHÈCHS 
Na 
CAz — CH — CO?C'H5 


L'éther cyané ainsi produit donne à l'hydrolyse au 
moyen de l'acide sulfurique et après élimination d’acide 
carbonique, l'acide isocamphoronique qui doit donc 
avoir pour constitution : 

CO2H 


COI Co°H 


CH3—C—CH? 
CI CI 
DS / 
KA 

CH 


C'est la formule qui a été proposée en premier lieu 
par Tiemann à. 


La diastase de la fermentation gallique. 
— L'acide gallique s'obtient en abandonnant des noix 
de Galles, pulvérisées et humectées d'eau, à la fermen- 
tation spontanée. Le tanin qu'elles renferment se 
transforme alors peu à peu en acide gallique qu'on 


{Ber, d. deutsch. Ch. Ges., 1900, 33, 920. 
?Ber. d. deutsch. Chem. Ges., 29, 2613. 
#Ber, d. deutsch. Chem. Ges., 1896, 29, 2614. 


60 CHRONIQUE ET CORRESPONDANCE 


isole finalement par dissolution dans l’eau chaude et 
cristallisation. 

Comme l’a montré M. Van Tieghem, en 1868, ce sont 
des moisissures, l'Aspergillus niger où le Penicillum 
glaucum, qui opèrent la transformation du tanin. 
Celui-ci a, d'après les travaux de Schiff, la formule d’un 
anhydride particulier de l'acide gallique : 


CH2(OH)SCO — O — CSH*(OH)CO?H. 


C'est donc en fixant une molécule d'eau, en s'hydro- 
lysant, qu'il donne naissance à l’acide cherché: 


Tannin + H°0 — 2CH*OH)*CO*H. 
(Acide gallique.) 


On avait lieu de croire, d’après cela, que les moisis- 
sures reconnues par M. Van Tieghem doivent agir en 
sécrétant une diastase spéciale, une tannase; mais il 
fallait le démontrer et on n’y avait pas encore réussi. 

MM. Fernbach et Potitevin, cherchant chacun de son 
côté, viennent de combler cette lacune {Comptes rendus 
Ac. des Sciences, t. CXXXI, p. 1214 et 1215). En culti- 
vant l’'Aspergillus sur du liquide de Raulin, dans 
lequel le sucre est remplacé par du fanin, ou même 
de l'acide gallique, il se développe un mycélium assez 
épais, qu'il leur a suffi de laver, puis de faire macérer 
dans l’eau, pure ou chloroformée, pour obtenir une so- 
lution de tannase. Celle-ci, filtrée à la bougie Cham- 
berland, hydrolyse le lanin et le transforme complè- 
tement en acide gallique. 

La tannase est, comme les autres diastases, précipitée 
par l'alcool de sa solution aqueuse; elle agit en milieu 
neutre ou acide ; enfin, sa température optimale est aux 
environs de 670. 

Dans la Nature, l'acide gallique accompagne quelque- 
fois le tanin; aussi la diastase capable de dédoubler 
celui-ci doit-elle être assez répandue. M. Pottevin l'a 
signalée déjà dans les feuilles de sumac. 


$ 4. — Physiologie 


Nouvelles études sur la Bile. — Sous la direc- 
tion du professeur Pawlow se continuent, au labora- 
toire de Physiologie de l'Institut de Médecine 
expérimentale de Saint-Pétersbourg, les intéressantes 
recherches sur les sucs digestifs, dont nos lecteurs ont 
eu connaissance il y a quelques mois, par un article 
de notre collaborateur, M. Arthus ‘. Après avoir porté 
leur attention sur le suc gastrique et sur le suc pan- 
créatique, les physiologistes pétersbourgeois abordent 
l'étude de la bile. Le travail est signé de M. Bruno 
et a été publié dans les Archives des Sciences biolo- 
giques, Volume VII, page 87. 

Ce travail porte sur deux questions: surlesloisde l'é- 
coulement de la bile dans le duodénum et sur les 
fonctions digestives de la bile. 

Les lois de l'écoulement normal de la bile dans le 
duodénum ne peuvent être connues que par l’observa- 
tion d'un animal porteur d’une fistule pratiquée de telle 
facon que le sphincter duodénal du canal cholédoque 
soit conservé. Ce sphincter, en effet, ne se relâche qu'à 
certains moments, dans l'intervalle desquels il arrête 
complètement l'écoulement biliaire. C’est dire que cette 
étude ne peut être faite ni au moyen de la fistule de la 
vésicule biliaire (fistule cholécystique), ni au moyen de 
la fistule du canal cholédoque pratiquée en un point de 
son trajet (fistule cholédoque). M. Bruno a pratiqué une 
fistule duodénale intéressant la portion du duodénum 
dans laquelle s'ouvre le canal cholédoque : par deux 
incisions convenablement dirigées, il sépare le frag- 
ment duodénal du reste du duodénum, répare par une 
suture la plaie du duodénum et attire à la peau le 
fragment duodénal isolé porteur de l’orifice normal du 
canal cholédoque. 

En opérant ainsi sur le chien, on constate que l’écou- 


1 Voyez la Revue du 15 juillet 1899. 


| taires: 


lement biliaire est discontinu : il ne se produit pas 
pendant le jeûne. Lorsque l'estomac est vide, et bien 
que la vésicule contienne alors de la bile, ainsi qu'on 
l’a observé des milliers de fois, il ne se produit aucun 
écoulement par la fistule de Bruno, ni sous l'influence 
des mouvements généraux, ni sous l'influence des for- 
tes inspirations, ni sous l'influence des efforts, ni sous 
l'influence des changements de pression abdominale 
ou thoracique. En présentant à l'animal des aliments, 
en les lui faisant sentir, on ne provoque aucun écou- 
lement biliaire, même si l'animal a été maintenu en 
état de jeûne prolongé. La bile s'écoule, au contraire, 
pendant les heures qui suivent le repas. L’écoulement 
commence de dix minutes à une heure après le repas 
(quinzeminutes en général après un repas de lait, qua- 
rante-cinq minutes aprèsun repas de viande ou de pain); 
il dure pendant tout le temps que l'estomac est rempli 
et cesse de cinq à dix minutes après l'évacuation finale 
du chyme gastrique dans le duodénum. 

La cause première de cetécoulement ne doit pas être 
cherchée dans les phénomènes bucco-pharyngo-æso- 
phagiens du repas, car l'écoulement biliaire ne se 
produit pas si l'on fait prendre à un chien œsopha- 
gotomisé un repas fictif (l'æsophage incisé est suturé à 
la plaie opératoire du cou, et les aliments avalés tom- 
bent au dehors par cette plaie). — Elle ne doit pas être 
cherchée dans l’action mécanique exercée par les ali- 
ments sur la paroi gastrique, car on peut introduire 
dans l'estomac, par une fistule, des substances qui ne 
produisent pas d'écoulement biliaire: telle est, par 
exemple, l’ovalbumine, qui ne provoque point, dans 
ces conditions, de sécrétion de suc gastrique.— Elle ne 
doit pas être cherchée dans l'acte de la sécrétion gastri- 
que ou pancréatique,car ces sécrélionssont provoquées 
elles-mêmes par le repas fictif,inefficace, nous venons 
de le dire, pour provoquer l'écoulement biliaire. 

Si nous tenons compte de la période latente de Ja 
production de l'écoulement biliaire après le repas; si 
nous considérons que cet écoulement cesse quelques 
minutes après l'évacuation finale du chyme dans le 
duodénum, ou après son évacuation par une fistule gas- 
trique, nous sommes amenés à conclure que l’excré- 
tion biliare est produite par le passage du chyme 
gastrique dans le duodénum. 

Parmi les substances contenues dans le chyme gas- 
trique, ce ne sont pas les substances acides qui pro- 
voquent, par leur action sur la muqueuse duodénale, 
l'écoulement biliaire ; car l'introduction, dans l'estomac 
et, par son intermédiaire, dans le duodénum, d'acide 
chlorhydrique dilué, ne provoque point cet écoulement. 
On sait, eu outre, que le repas fictif détermine la sécré- 
tion d'un suc gastrique très acide; nous avons vu que 
l'écoulement biliaire ne se produit pas sous son in- 
fluence. Les substances actives du chyme sont les pro- 
duits de la transformation peptique des substances 
albuminoïdes, les matières grasses, et les substances 
qu'on à coutume de grouper sous le titre de substan- 
ces extractives. On démontre, en effet, au moyen dé 
l'animal porteur de la fistule de Bruno, que l’ingestion 
d’une solution de protéoses peptiques, d'huile d'olives 
ou d'amandes douces, d'une solution d'extrait de viande 
Liebig, provoque un écoulement biliaire. 

Remarquons ici que l’excrétion biliaire et la sécré- 
tion gastrique sont, l’une et l’autre, provoquées par les 
produits de la digestion peptique des substances albu- 
minoïdes et par les substances extractives; mais la 
sécrétion gastrique n'est pas provoquée par les graisses, 
tandis que l'excrétion biliaire est engendrée par ces 
substances. La sécrétion pancréatique et l'excrétion 
biliaire succèdent à l’ingestion de matières grasses; mais, 
si l'acide chlorhydrique peut provoquer la sécrétion 
pancréatique, il est incapable d'engendrer l'écoulement 
biliaire. 

On sait que la bile n’est pas, à proprement parler,un 
suc digestif: elle ne contient point de ferments solu- 
bles capables d'agir sur les diverses matières alimen= 
point d'amylase capable de transformer 


CHRONIQUE ET CORRESPONDANCE GI 


l'amidon en dextrines et en maltose ; point de pepsine 
ou de trypsine capable de peptoniser les substances 
protéiques, point d'invertine capable de transformer la 
Saccharose en sucre interverti.Mais la bile joue un rôle 
indirect dans la digestion. Ce rôle est double : d’une 
part, elle est un des facteurs qui, dans le duodénum, 
mettent fin à la digestion peptique; d'autre part, elle 
favorise éminemment l'action diastasique du suc pan- 
créatique. Les expériences de M. Bruno établissent avec 
la plus grande netteté celte action favorisante. Des 
mélanges de bile et de suc pancréatique produisent 
une transformation des substances protéiques, des 
bydrocarbonés et des graisses, beaucoup plus rapide 
et beaucoup plus profonde que le suc pancréatique 
seul. On ne doit pas imaginer que la bile renferme 
quelque proferment qui, en présence du suc pancréa- 
tique,se transformerait en ferment, car le mélange de 
bile bouillie et de suc pancréatique se comporte comme 
le mélange de bile non bouillie et de suc pancréatique. 
La bile agit donc en rendant le milieu plus favorable à 
l’action des diastases pancréaliques. 


$ 5. — Hygiène publique 


Opinion des médecins sur les Sanatoria 
populaires. — Au sujet des sanatoria populaires 
dont la /tevue a entretenu ses lecteurs dans son der- 
nier numéro ‘ et du grand effort que tentent, pour en 
créer un en Seine-et-Oise, la Municipalité de Versailles 
et diverses Sociétés de secours muluels du département, 
plusieurs éminents cliniciens nous ont fait l'honneur de 
nous adresser les lettres suivantes, qu'il nous parait 
utile de publier : 


Mon cher Directeur, 

Les médecins de Versailles ont trouvé le moyen de 
réaliser la création d'un sanatorium populaire, et ils 
ont, suivant moi, trouvé le meilleur moyen. 

Je ne puis donc qu'approuver sans réserve leur ini- 
tiative et serais heureux qu'ils pussent réussir. 

Agréez, etc. P. Brouardel. 


Membre de l'Académie des Sciences 
et de l'Académie de Médecine, 
Doyen de la Faculté de Médecine. 


Cher Monsieur, 

Mon approbation vous est acquise, c'est-à-dire acquise 
au corps médical de Versailles, entièrement. 

Votre bien dévoué. D: A. Gilbert. 

Professeur agrégé à la Faculté de Médecine. 
Médecin de l'Hôpital Broussais. 
Cher monsieur et ami, 

En réponse à la circulaire que vous avez bien voulu 
me faire parvenir concernant la décision prise par les 
médecins de Versailles de créer un sanatorium popu- 
laire pour tuberculeux, je m'empresse de vous faire 
savoir que j'approuve complètement ce projet. 

La luite contre la tuberculose réclame toutes les 
initiatives et toutes les bonnes volontés. 

A défaut de l'initiative du Gouvernement, souvent 
enrayée par des considérations budgétaires, il y a grand 
intérêt à ce que les municipalités, syndiquées par arron 
dissement, par cantons ou par groupements, s’efforceut 
de créer des sanatoria, dans lesquels les tubereuleux 
au début pourront guérir et cesseront d’être nuisibles 
à leurs compagnons de travail et à leur famille. 

Mon concours, si peu important qu'il soit, est assuré 
à l’œuvre si intéressante de la ville de Versailles. 

Recevez, etc. .H. Richardière. 

Médecin des Hôpitaux de Paris. 
Mon cher Directeur, ; 

M'est avis que l'initiative prise par les médecins de 
Versailles est des plus importantes; m'est avis qu'au- 
tour d'elle doivent se grouper toutes les municipalités 
de l'arrondissement, si elles veulent s'assurer contre le 
flot montant de la tuberculose. Je vous envoie mon 
acquiescement au projet d'entente et d'accord entre les 


1 Voyez la Revue du 15 janvier 1901, t. XIT, p. 5 et suiv. 


< 


municipalités et les sociétés de secours mutuels; ce 
projet permettra, par voie détournée, d'arriver, pour la 
construction et l'entretien d’un sanatorium versaillais, 
aux résultats obtenus en Allemagne par voie légale 
d'assurance contre la maladie. 

Il faut savoir gré à nos confrères de Versailles de 


réussir à persuader les municipalités qu'elles ne s'assu- 


reront contre la morbidité et la contagion de la tuber- 
culose qu'autant qu'elles y travailleront par des mesures 
de prévoyance et d'assistance, au premier rang des- 
quelles s'imposent le sanatorium populaire et les caisses 
de santé. 


Veuillez, etc. D' Landouzy. 


Membre de l'Académie de Médecine, 
Professeur à la Faculté de Médecine. 
Monsieur, 

En réponse à votre lettre circulaire du 11 janvier, je 
m'empresse de vous répondre que je suis partisan 
absolument convaincu des sanatoria populaires, et 
que je considère comme d’une importance capitale 
pour le succès de la lutte à entreprendre contre la 
tuberculose, la création, en très grand nombre, de ces 
établissements. Je ne puis donc qu'applaudir à la déci- 
sion collective des médecins de Versailles, et je souhaite 
ardemment que les municipalités de Versailles et de 
l'arrondissement répondent résolument au vœu du 
corps médical. Ce serait d'un excellent exemple et 
d'une importance capitale. 


Veuillez agréer, etc, D' Gaston Poupinel. 


Mon cher ami, 

Il me semble impossible de ne pas féliciter haute- 
ment le corps médical de Versailles d’avoir pris l'ini- 
tialive de ceite excellente mesure. 

La tuberculose est curable, mais à condition qu'on 
nes'y prenne pas trop tard. Certes il est bon, il est 
humain de secourir les mourants qui languissent dans 
les douleurs d’une lente ‘et progressive agonie, alors 
qu'il n'y a plus d'espoir à former. Mais pourquoi ne 
pas aider et protéger ceux qui peuvent guérir? 

Les sanatoria destinés aux malades qui peuvent 
guérir valent mieux que les asiles qui rendent moins 
cruelle la mort des malades qui ne peuvent pas être 
sauvés. 

Linitiative des médecins et des Syndicats de Ver- 
sailles devrait être partout imitée. 

Crois-moi, cher ami, ton fidèlement dévoué, 


Charles Richet, 
Professeur à la Faculté de Médecine de Paris 


Monsieur, 

Vous voulez bien me demander mon avis au sujet du 
projet de création d'un sanatorium populaire de tuber- 
culeux dans l'arrondissement et pour les malades de 
l'arrondissement de Versailles. 

Je considère que ce projet doit ètre vivement encou- 
ragé. Et il est désirable, à tous les points de vue, qu'il 
trouve bon accueil près des municipalités. 

Dr Gilbert Ballet. 
Professeur agrégé à la Faculté de Médecine. 
Médecin des Hüpilaur. 


Mon cher Directeur, 

Ce grand mouvement d'hygiène sociale qui se des- 
sine chaque jour davantage, n'a pas d'expression plus 
immédiatement utile et profitable pour l'avenir de 
notre race, que la création de sanatoria pour les tuber- 
culeux pauvres. 

Je n'ai pas à reproduire ici les arguments en faveur 
de ces institutions, qui sont des œuvres de solidarité el 
d'économie sociales bien entendues: ces arguments 
sont aujourd'hui reproduits partout, et bien connus de 
ceux que préoccupent les grandes questions médicales. 

Je ne puis donc qu'approuver de toutes mes forces 
le vœu exprimé par les médecins de Versailles dans 
leur réunion du 3 décembre 1900. 

Veuillez agréer, etc. S 

D: Ray. Durand-Fardel. 
Ancien Chef de Clinique de la Faculté. 


62 CHRONIQUE ET CORRESPONDANCE 


Mon cher ami, 

Je considère comme pouvant être d'une grande im- 
portance sociale cette union projetée entre le corps 
médical et les Municipalités d’une région et le groupe- 
ment syndical de ces Municipalités mêmes. 

D' Gley, 


Professeur agrégé à la Faculté de Médecine de Paris: 


Mousieur, 

Je m'associe volontiers aux démarches du corps 
médical de Versailles, en faveur de la création du 
sanatorium populaire. 

Le seul moyen de combattre victorieusement le fléau 
de la tuberculose est de traiter les tuberucleux au 
début de la maladie. II faut donc les y inviter et leur en 
donner le moyen. La création de sanatoria doit se com- 
pléter par les caisses de secours aux malades, secours 
qui doivent être suffisants pour que les familles secou- 
rues y trouvent l'équivalent de travail du membre mo- 
mentanément hospitalisé. 

Les riches, en donnant les sommes nécessaires, s'as- 
surent contre la contagion; l'Etat économise des vies 
humaines et crée une armée; les municipalités conser- 
vent un contribuable et font l'assainissement des com- 
munes.Un pauvre tuberculeux vaguant dans la rue est un 
danger; à l'hôpital, un fléau; au sanatorium, il tend à 
redevenir une unité de travail, et, rentrant guéri, à 
grossir Ja richesse municipale d'un contribuable vaillant 
et apte au travail. 

Je suis heureux de voir l'initiative de Versailles et 
regrette que Paris n'ait pu en donner l'exemple. 

Veuillez agréer, etc. 


D: Allyre Chassevant. 
Professeur agrégé à la Faculté de Médecine 


Monsieur le Directeur, 

L'idée de grouper les municipalités de l’arrondisse- 
ment de Versailles pour la création d'un sanatorium 
populaire destiné aux tuberculeux constitue l'initiative 
la plus heureuse et la plus féconde et prépare la meil- 
leure solution du grave problème qui commence à 
préoccuper l'opinion publique. 

La lutte contre la tuberculose ne sera sérieusement 
entamée que le jour où, dansle moindre village comme 
dans la plus grande ville, l'intérêt privé sera d'accord 
avec l'intérêt public pour dépister la maladie dès son 
début et pour la soigner quand elle est encore guéris- 
sable. En répondant avec ensemble et générosité au 
vœu du corps médical de Versailles, les municipalités 
de l’arrondissemeut donneront un grand exemple de 
patriotisme éclairé; en assurant la créalion d’un sana- 
torium inter-communal pour tuberculeux pauvres, 
elles rendront un service signalé non seulement aux 
populations de Seine-et-Oise, mais à la France tout 
entière. 


Recevez, Monsieur, elc. D: Fr. Barth. 


Médecin de l'Hôpital Necker 


Monsieur le Directeur, 

Je suis persuadé que la tuberculose est beaucoup 
plus contagieuse qu'héréditaire; que, de plus, cette 
maladie, bien soignée surtout dès le début, doit et peut 
guérir. Par conséquent, il est désirable que les munici- 
palités répondent à l'appel du corps médical. 

11 serait fort utile, pour ne pas dire indispensable, 
d'installer dans ces maisons un laboratoire de chimie 
rudimentaire, permettant d'analyser facilement les 
urines et surtout de déterminer l'acidité, car un tuber- 
culeux hypoacide et éliminant ses phosphates est un 
tuberculeux qui va mal ou est sur le point d'aller mal; 
au contraire, un tuberculeux hyperacide et éliminant 
peu de phosphates est un malade qui tend vers la gué- 
rison. 

Ce qu'il faut donc surtout, c’est augmenter l'acidité; 
la meilleure méthode est celle des injections sous- 
cutanées de sérum artificiel; règle générale: moins on 
donne de médicaments par la voie buccale, mieux 
cela vaut, car lous les remèdes éreintent plus ou moins 


je m'associe de grand cœur. 


le tube digestif. En résumé : cure d’air (sanatorium), 
repos, bonne nourriture, sérum artiliciel, pas de médi- 
caments, telle devrait être la marche à suivre dans 
celte affection : les sanaloria sont donc tout indiqués. 
Agréez, etc. D' R. Marage. 


Docteur ès sciences. 


Mon cher collègue, 
J'estime que l'initiative prise par les médecins de 
Versailles au sujet de la création d’un sanatorium po- 
pulaire pour tuberculeux est du plus haut intérêt. Il est 
fort désirable, dans l'intérêt des malades aussi bien que 
de ceux qui ne le sont pas, mais ne sont point à l'abri 
de la contagion, de la voir couronnée de succès. 
Et ce serait certainement là un grand etbon exemple 
que donneraient les municipalités de l'arrondissement 

en répondant au vœu du corps médical. 
Veuillez agrèer, etc. Paui Richer. 
Membre de l'Académie de Médecine. 


Monsieur, 

Ce serait avec joie que je verrais le projet de créa= 
tion d'un sanatorium pour les tuberculeux, aboutir. 
Cet établissement est de toute nécessité et rendrait un 
véritable service aux malades eux-mêmes et à l'entou- 
rage de ceux-ci, trop souvent contaminé par le tuber- 
culeux, toutes les précautions recommandées restant 
forcément impratiquées dans les classes pauvres. 

J'estime donc qu'il serait d’un excellent exemple et 
d'une grande importance que les municipalités répon- 
dissent favorablement au vœu du corps médical, auquel 

Recevez, etc. D' Magnus. 

Cher monsieur, 

La création d'un nouveau sanatorium populaire pour 
tuberculeux me parait un des meilleurs moyens de 
lutter contre la tuberculose, surtout si l’on organise, à 
côté des services cliniques, des laboratoires de recher- 
ches avec toutes les ressources nécessaires aux études » 
bactériologiques. C'est ce que la ville de.L.yon a fait à 
Hauteville et jl est à désirer que toutes les grandes 
villes suivent cet exemple. 

Veuillez agréer, etc. D" C. Phisalix. 


Assistant au Muséum, 


Monsieur, 

En réponse à votre circulaire du 1{ courant, je 
m'empresse de vous faire savoir que, à mon avis, il 
serait d’un excellent exemple et d'une grande impor- 
tance que les municipalités de l'arrondissement de 
Versailles répondissent à l'unanimité au vœu du corps 
médical relatif à la création d’un sanatorium populaire 
pour tuberculeux. 

Veuillez agréer, elc. D' Laugier. 
Médecin à la maison de Nanterre, 

Sous-chef du Service Médical 

de la Compagnie de l'Ouest, 
Expert près les tribunauæ. 
Cher Monsieur, 

L'initiative de nos confrères de Versailles est, comme 
vous le dites, des plus importantes; nous devons les 
féliciter hautement de l'avoir prise, et pousser de tou- 
tes nos forces à la réalisation de leur projet. 

Mais permettez-moi maintenant de vous dire que 
vous allez loin, en ajoutant : « Elle prépare une solu- 
tion complete de la grosse question de la lutte contre 
la tuberculose etc... ». Cette question. je le crains, 
n'est pas de celles qui peuvent recevoir une solution 
« complète ». Notez, en effet, que la généralisation 
aussi large qu'on peut la prévoir du système sanalo- 
rial, assurera — et c'est beaucoup — la cure maxima 
réalisable; mais ne vaudra coutre l'expansion tuber- 
culeuse, que dans la mesure où la dissémination bacil- 
laire, par les malades, est elle-même cause efficiente 
de tuberculose. 

Or, il semble probable : 1° que le bacille est d'origine 
végétale et qu'il est répandu largement dans la Nature, 
d'où il essaimera toujours, même en supposant l’extinc- 


CHRONIQUE ET 


CORRESPONDANCE 


63 


tion de tout foyer Humain; 2 et c'est un corollaire, 
qu'il est présent chez l'homme sain beaucoup plus fré- 
quemment qu'on ne supposait d'abord; 3° que son 
énergie pathogène est plus restreinte qu'on ne croyail ; 
4° enfin que cette énergie même est en raison directe 
de la déchéance organique. 

Tout cela revient à dire que les causes les plus ordi- 
maires de cette déchéance — surmesage, insuffisance 
alimentaire, méphitisme, alcoolisme etc., — dominent 
de haut la matière, et que la solütion, forcément incom- 
plète sans doute, quoi qu'il arrive, est étroitement liée 
à la solution même;de la — ou des — questions sociales. 

J'ai développé récemment certaines de ces idées, 
peu en vogue, j'en conviens, mais motivées pourtant, 
dans le numéro de juillet 1900, de « L'Æuvre anti- 
tuberculeuse. » 

Veuillez agréer, etc. L. Jacquet, 


Médecin des Hôpitaux de Paris. 


Monsieur le Directeur, 

Sans avoir les qualités requises pour donner un avis 
indiscutable sur la question des sanatoria, je puis 
répondre à votre lettre-circulaire datée du 11 jan- 
yier 1901. Les termes généraux de ma réponse sont 
l'expression de la conviction de tous les corps médicaux 
avec lesquels je suis en rapport: 

1° Toutes les municipalités de France sont intéressées 
à la question de la fondation des sanatoria pour 
tuberculeux : les unes, à titre de traitement effectif 
pour leurs membres alteints de tuberculose, en plus 
ou moins grand nombre ; les autres, à litre de traite- 
ment préventif. 

Versailles et les villes de la banlieue parisienne 
doivent plus que d'autres encore agir d'après ces deux 
ordres de considérations (lraitement effeclif et pré- 
venlif), et agir vite : en effet, bon nombre des tubercu- 
leux parisiens émigrent, tôt ou tard, vers la banlieue; 
celle-ci se trouve contaminée effectivement, ou, dans 
tous les cas, fortement menacée. 

20 Il y a lieu de traiter en sanalorium les tubercu- 
Jeux curables à lésions confirmées, mais, plus encore, 
et surtout, d'ouvrir des sanatoriums pour tous les ma- 
lades que le médecin, ou qu'une Commission médicale 
déclare suspects de tuberculose. Comme on l'a dit, et 
comme il faut le répéter sans cesse : «Il est indispen- 
sable de soigner les tuberculeux TROP TÔT ». 

Ce paradoxe si vrai doit solliciter toute l'attention des 
municipalités, car, au point de vue médical comme au 
point de vue financier, il vaut mieux prèvenir que 
quérir. 

Les gens que la décision médicale enlève pour un 
temps à leurs travaux rémunérateurs devant être assu- 
rés d'une compensation pécuniaire suffisaute pour leur 
famille, pendant la durée du traitement, il est indis- 
pensable que toutes les municipalités de larrondisse- 
ment se liguent avec la métropole versaillaise, pour 
décider la plus prompte solution du problème des 
sanatoria à créer et à soutenir matériellement et 
moralement par l'union des efforts réunis des munici- 
palités et des sociélés de secours mutuels. 


Veuillez, etc. L. Triboulet. 
Médecin des Hôpitaux de Paris, 


Cher Monsieur, 

Quand on étudie la facon dont la lutte contre la 
tuberculose a été conduite en Allemagne, en Belgique 
et en Suisse, c’est-à-dire dans les seuls pays qui pos- 
sèdent ou vont posséder un nombre suflisant de sanato- 
ria, on est obligé de se dire que l'initiative individuelle 
isolée, je veux dire la charité privée, organisée ou non, 
aurait été mcapable de réaliser une œuvre aussi considé- 
rable. Même inépuisable, comme on la dit, elle ne peut 
intervenir qu'à titre d'ajuvant en se chargeant, par exem- 
ple, dans une certaine mesure et pour une part toute 
petite, de la famille de l’ouvrier hospitalisé, de l’ouvrier 
lui-même quand il sortamélioré dusanatorium, etc. C’est 
l'Etat seul qui a fondé les nombreux sanatoria en Alle- 
magne; c'est le Conseil provincial qui s’est chargé de 


la création des sanatoria en Belgique ; en Suisse, enfin, 
les sanatoria sont œuvre cantonale. 

Chez nous la situation est aussi très netle. Pas plus 
que pour l'alcoolisme, l'Etat en France ne fera quel- 
que chose pour la tuberculose. Il y à juste un an, le 
Goavernement nomma une grande Commission extra- 
parlementaire pour l'étude des moyens de lutte con- 
tre Ja tuberculose, et M. Waldeck-Rousseau fut à cette 
occasion couvert de fleurs par la presse médicale aussi 
bien que par la presse politique. Or, cette pauvre Com- 
mission vient de s’éteindre bien doucement, et sa mort 
passa tout à fait inapercue. Du reste, même de son 
vivant, personne dans le monde parlementaire ne s'est 


jamais occupé de son existence. Elle laissa, comme tes- 


tament, un recueil de Rapports et de Mémoires d’un 
intérêt scientifique considérable. Et c'est tout. 

Dans notre pays, il y aurait pourtant un moyen bien 
simple de forcer le Gouvernement de s'occuper sérieu- 
sement de cette question : ce serait de la porter devant 
le suffrage universel, d'en faire une plate-forme électo- 
rale. Dans un article que j'ai publié à cette époque, 
dans la /tevue des Revues, j'avais adressé en ce sens un 
appel au parti socialiste, eu développant celte idée que, 
toute considération humanitaire mise de côté, le parti 
socialiste — et ceci est encore exact pour les autres 
partis — aurait un intérêt, en tant que-parti politique, 
à s'emparer de la question de la tuberculose, à se poser 
en défenseur atlitré des classes laborieuses, à soulever 
une agitation fructueuse sur le terrain d'une réforme 
sociale pratique et d’une réalisation relativement facile. 
M. Fournière me répondit dans la Petite République, 
en prenant au nom du parti socialiste, l'engagement 
formel d’attirer l'attention des organisations ouvrières 
sur l'importance des sanatoria. Il n’en fut plus question. 
Et pourtant l'histoire des dernières élections de Ver- 
sailles, que nos lecteurs connaissent, est là pour montrer 
que la question des sanaloria était une plate-forme élec- 
{orale idéale, qui passionnail vérilablement le lecteur. 

Ainsi donc, en France, nous n'avons à compter ni 
sur le Gouvernement, ni sur les partis politiques, et les 
trois ou quatre sanatoria qui ont été créés avec le con- 
cours de la charité privée montrent que nous n'avons 
pas à compter sur elle pour arriver à des résultats appré- 
ciables. 

Nous arrivons ainsi, par exclusion, à conclure qu'en 
France, la lutte contre la tuberculose ne peut être effi- 
cacement conduite que par les Municipalités entrainant 
ensuite dans leur sphère d'action les Conseils géné- 
raux. C'est ce qui a été fait en Belgique et c’est ce qu'on 
est en train de faire à Versailles. 

L'idée d'un sanatorium intercommunal par effort as- 
socié des communes voisines est donc des plus heureuses. 
C'est une véritable expérience sociale à laquelle devrait 
s'intéresser la pléiade d'écrivains et de philantropes 
qui se réclament de Le Play et du comte de Chambrun. 
Elle est sûre d'aboutir, car les efforts des hommes qui 
ont imaginé cette combinaison sont secondés par tous 
ceux qui se soucient réellement de l'avenir de notre 


pays. D' R. Romme. 
Préparateur à la Faculté de Médecine. 


Monsieur, 

J'applaudis à l'initiative du corps médical et de la 
municipalité de Versailles, car elle prépare une solu- 
tion à l’organisation des sanatoria populaires. 

Il n'y en a pas en dehors des caisses d'assurances 
par voie de mutualité ou autre. Je ne crois pas à la 
bienfaisance pour la constitution d'œuvres durables. 

Il faut se hâter. Le danger presse et menace tous les 
ans plus vite. La tuberculose est partout, dans toutes 
les classes, à tous les äges. La méningite tuberculeuse 
tue toujours plus nombreux les enfants parisiens; je 
le constate avec terreur à la ville et à l’hôpital. 

Aucun sacrifice n'est à redouter; que Versailles agisse 
donc, et son œuvre, plus belle etplus efficace que toutes 
les défenses héroïques de certaines villes assiégées, lui 
méritera mieux que la croix d'honneur qu'on leur 


64 CHRONIQUE ET CORRESPONDANCE 


donne, car ce sera la reconnaissance de tout ce qu'il 
y a d'intelligent et d'averti en France. 
D' Louis Guinon, 
Médecin de l'Hôpital Trousseau. 


Monsieur le Directeur, 

L'utilité de créer un sanatorium en Seine-et-Oise, 
n'est, je crois, discutée par personne. Ce sanatorium 
sera rapidement rempli et rendra les plus grands ser- 
vices. Ici mème j'ai déjà recu plusieurs demandes pro- 
venant d'habitants de ce département, demandes mal- 
heureusementimpossibles à accueillir puisque Angicourt 
est réservé aux Parisiens. 

L'idée d'un groupement syndical des municipalités de 
l'arrondissement parait particulièrement heureuse. Ce 
groupement est quelque chose de nouveau, bonne con- 
dition pour réaliser une fondation aussi nouvelle qu'un 
sanatorium. Les anciennes organisations d’Assistance 
auraient plus de mal que ce groupement d’origine ré- 
cente à se dégager de leurs vieilles traditions. Elles 
auraient toujours tendance, malgré leur bon vouloir, à 
ramener le sanatorium vers le type classique d'hôpital 
ou bien d'hospice. C’est là un danger très grave que 
votre organisation évitera. 

Ce groupement syndical parait un moyen excellent 
d'assurer les dépenses de fonctionnement du sanato- 
rium. Pour les dépenses de fondation et de premier 
établissement, il sera, je crois, utile de faire en même 
temps appel à la bienfaisance privée. Celle-ci, dans un 
département aussi riche el aussi éclairé que Seine-et- 
Oise, ne fera pas défaut. 

Vous semblez avec raison compter plus sur l'ini- 
tiative locale que sur le concours de l'Etat. C’est par 
l'énergie de ses organisations régionales que l’Allema- 
gne est, en effet, parvenue à créer ses 80 sanatoria pou- 
vant actuellement soigner chaque année plus de 20.000 
tuberculeux pauvres.Ne pensez-vous pas, toutefois, qu'en 
raison de l'importance de quelques hippodromes de 
Seine-et-Oise, le pari mutuel ne doit pas vous aider un 
peu ?Savez-vous aussi qu'en Allemagne le choix d'un ter- 
rain (question toujours délicate) est très souvent résolu 
par une concession gracieuse daos une forêt de l'Etat ? 

La tentative de Versailles est tellement intéressante, 
elle peut avoir une telle valeur d'exemple dans la lutte 
contre la tuberculose, qu'il importe qu’elle aboutisse. 
Tout se réduit au fond à une difficulté d'argent. Cette 
difficulté surmontée, votre succès est certain. Est-il 
nécessaire de vous dire que notre concours personnel 
et mon expérience d'Angicourt vous sont à l'avance 
tout acquis. 

Veuillez agréer, etc. D' A.-F. Plicque, 

Médecin en chef du Sanatorium d'Angicourt. 


Monsieur, 

Je suis très heureux de l’occasion que vous m'offrez 
d’applaudir à l'initiative des médecins de Versailles, et 
suis persuadé que la Municipalité de cette ville com- 
prendra l'intérêt énorme qui s'attache à la fondation 
des sanatoria dans les conditions proposées. Si l'ar- 
rondissement de Versailles mène à bien cette œuvre, 
son exemple sera fructueux pour la nation tout en- 
tière. 

Agréez, etc. D' Apert. 


Chef de Clinique médicale à la Faculté de Paris 


Monsieur, 

Je réponds très volontiers à votre demande et suis 
d'avis qu'il serait d'un excellent exemple et d'une 
grande importance que les municipalités de l'arron- 
dissement de Versailles répondissent avec résolution 
au vœu du Corps médical touchant la création d'un 
sanatorium populaire pour tuberculeux, la guérison 
n'étant possible que si le malade consent à se faire soi- 
#ner dès le début de la maladie — ce que permet seul 
le sanatorium avec prime de secours accordée à la 
famille. 

Agréez, etc. D' Georges Gasne, 

Ancien interne des Hôpitaux de Paris, 
Ancien Chef de Clinique à la Faculté de Paris. 


$ 6. — Sociétés savantes 


Conférence Scientia. — Le jeudi 17 de ce mois. 
a eu lieu, au reslaurant Champeaux, la première 
réunion de cette année de la Conférence Scientia, 
administrée par MM. Max de Nansouty, Henri de Par- 
ville, Charles Richet et Louis Olivier. 

Le diner, présidé par M. Henri de Parville, était offert 
à M. J. Marey, membre de l’Académie des Sciences et 
de l'Académie de Médecine, professeur au Collège de 
France, directeur de la Station physiologique du Parc 
des Princes. 

Autour de l'illustre savant et pour le fêter, avaient 
tenu à se grouper nombre de ses amis, de ses admi- 
rateurs et de ses disciples, parmi lesquels : MM. Baclé, 
D' M. Baudouin, D' Bérillon, Dr Bianchi, Bischoft- 
sheim, R. Blanchard, Bouchez (P.), Bourdon, M. et 
Me Routon, Boyer, D' Béni-Barde, D' A. Broca, Cail- 
letet, D' Camus, D' Cavasse, G. Caye, Champigny, 
Dr Charrin, Chaumat, Chauveau, Clément, J. Courmont, 
D' de Cyon, D° Carvalho, D' Cornil, D' Champetier de 
Ribes, da Cunha, Dagincourt, Darboux, Delaunay, Des 
landres, Dr Doléris, Ducretet, Dujardin, Emmanuel, 
Fabre-Domergue, Fleury-Hermagis, Francois-Franck, 
Gayon, Gariel, Giard, Gley, Godefroy, Guéroult, Guiart, 
Guimbeau, D' Hallion, D' Hallopeau, D' Hayem, Hen- 
neguy, Hern, Houssay, E. Janssen, J. Janssen, Kæniss, 
Lamarzière, D Labbé, Dr Laborde, D' Lancereaux, 
Lauth, L'Hôte, Læwy, Laffargue, D' Manouvrier, D' Ma- 
rage, Mareschal, Marichelle, P. Masson, D' J. Martin, 
Mendelssohn, Morieu, M. de Nansouty, Nicloux, L. Oli- 
vier, P. Painlevé, de Parville, Pellissier, Pesce, L. Poyet, … 
R. Poyet, Mile Pompignan, M. et M": Phisalix, Dr Pozzi, 
D' Quinton, D' Regnault, D' P. Richer, Dr Ch. Richet, 
Richard, Rochefort, Tilly, Albert Tissandier, Paul Tis- 
sandier, D' Topinard, Tridon père et fils, Trouvé, Vil- 
lars, Vallot, Vitoux. 

Au dessert, M. Henri de Parville a porté la santé de 
M. J. Marey et rappelé, de la facon la plus heureuse, la 
vie scientifique, c'est-à-dire toute la série des glo- 
rieuses découvertes de l'éminent physiolegiste. Puis 
M. Charles Richet, au nom des anciens élèves du Maître, 
a pris la parole et dit ce que doivent au fondateur de 
la Méthode graphique et de la Chronophotographie, les 
physiologistes du monde entier; il a insisté parlicu- 
lièrement sur la grandeur du service que M. Marey a 
rendu, avec son collaborateur et ami M. Chauveau, aux 
sciences biologiques, en y introduisant la mesure pré= 
cise des phénomènes observés. M. Marey, a-t-il dit, 
couronne aujourd'hui cette œuvre grandiose, en pro- 
voquant l’unificalion des étalons et des méthodes de 
mesure dans tous les laboratoires de Physiologie. Une 
telle entreprise va permettre à tous ceux que passionne 
l'étude de la vie, d'opérer suivant un système de me- 
sure exactement déterminé, de traduire, en quelque 
sorte, dans la même langue, leurs résullats expéri- 
mentaux, et de les comparer utilement. A la confusion 
actuelle, à l'impossibilité où l'on est de bien définir les 
conditions expérimentales, et surtout d'apprécier la 
grandeur des phénomènes biologiques, va succéder, 
grâce à M. Marey, la possibilité, pour tous les physio- 
logistes, d'expliquer les écarts entre les résultats 
obtenus par chacun d'eux dans la même étude. 

M. Labbé, ancien camarade d'internat de M. Marey, 
nous à ensuite retenus quelques minutes sous le 
charme de sa parole, en racontant gaïiment quelques 
épisodes de la jeunesse laborieuse de son ami, et en 
buvant à la Sainte Amitié. 

Sur la proposition de M. Charles Richet, il a semblé 
à tous les convives que se présentait, pour eux, une 
charmante occasion de manifester à M. Marey, d'une 
facon plus durable que par un banquet, leur admira- 
tive et reconnaissante affection, et il a été décidé, par 
acclamalion, qu'une médaille commémorative de cette 
belle fête serait offerte au créateur de la Méthode gra- 
phique et de la Chronophotographie. 


F.-A. FOUQUÉ — L'ETNA 63 


L’ETNA 


A occasion du prochain voyage d'étude de la 
Revue en Sicile et (Grande-Grèce occidentale !, 
nous avons prié l'un des savants qui ont le plus fait 
pour la connaissance de l'Etna, de nous donner 
quelques pages sur le grand volcan sicilien. 

L'article suivant, qu'il a bien voulu nous re- 
mettre et où nos lecteurs trouveront la synthèse du 
savoir actuel sur l'une des questions les plus atla- 
chantes de la Physique du Globe, fera partie d'une 
série de Mémoires originaux sur la Sicile, que la 
Revue distribuera, en cours de route, à tous les 
touristes de la croisière. ILENDE 


« L'Etna s'élève sur la côte orientale de la Sicile; 
sa base est baignée par la mer et empiète même 
légèrement sur la ligne 
générale des rivages ; ‘; 
sa masse imposante et f 
solitaire est complète- 
ment détachée des mon- 
tagnes calcaires et gra- 
nitiques quiremplissent 
une parlie de son hori- 
zon. La forme pyrami- 
dale de sa cime (fig. 1, 
5,12 et 18), l'aspect 
brûlé de ses flancs, la 
disposilion de leurs an- 
fracluosités, qui décèle un groupement autour d'un 
centre commun, la belle et riante végétation qui 
couvre sa base, les villes, les villages élégants et 
presque monumentaux qui s'y détachent sur la 
verdure, tout y révèle à l'œil, d'aussi loin qu'il 
puisse l'apercevoir, un massif à part, doué d’une 
existence individuelle, un de ces points où s’est 
concentrée de nos jours l’activité de la Nature mi- 
nérale, où vit une cause sans cesse agissante de 
destruction et de renouvellement, un volcan, à la 
fois source de désastres par les secousses qu'il occa- 
sionne, par les déjections dont il recouvre le terrain, 
et source de richesses par la nature du sol que font 
naitre à la longue ses produits accumulés. » 

Cette esquisse, aussi rapide que précise, est em- 
pruntée à la première page du Mémoire d'Élie de 
Beaumont sur l’Etna, publié, en 1836, dans les 


4 Cette croisière, que nous avons déjà annoncée, per- 
mettra de visiter toute la Sicile; puis, sur la côte d'Italie : 
Salerne, Pæstum, Amalfi, Naples et Pompéi. Elle aura lieu 
aux prochaines vacances de Pâques. Le départ s'effectuera 
de Marseille, le 31 mars; le retour en ce même port, le 
16 avril. 


REVUE GÉNÉRALE DES SCIENCES, 1901. 


Fig. 1.— Vue de la cime de l'Etna, prise du Mont Frumento. 


Annales des Mines. Pour la compléter, il suffit 
d'ajouter que la cime de la montagne s'élève à une 
altitude de 3.313 mètres et que la circonférence de 
sa base est de plus de 140 kilomètres: d'où il 
résulte que l’Etna, de quelque côté qu'on le consi- 
dère, à la condition qu'on en soit assez éloigné, 
frappe moins par son élévation que par l'ampleur 
de sa masse. 

Cependant, la régularité de sa forme conique n'est 
qu'apparente; il est échancré à l’est-sud-est par une 
immense dépression à parois abruptes, connue sous 
le nom de Valdel Bove (fig. 5), qui constitue son trait 
orographique le plus caractéristique. De plus, la 
pente de ses flancs varie suivant chacune des géné- 
ratrices du cône qu'il représente, et, dans chaque 
direclion, elle varie aussi avec l'altitude. Très forte 
dans les parties hautes, elle diminue peu à peu, de 

telle sorte que le mont 
se termine à la partie 
F.. inférieure par une cein- 
ture régionale de très 
pelite inclinaison, En- 
in, le sommet est {tron- 
qué, et le plateau de sa 
troncature (fig. 3), qui 
a reçu le nom de Piano 
del Lago à cause de 
quelques petites flaques 
d’eau qui s'y voient au 
moment de la fonte des 
neiges, est surmonté par un cône haut de 300 mè- 
tres, creusé d'un cratère d’où l’on voit, presque en 
tout temps, s'échapper un panache de fumée plus 
ou moins développé (fig. 15). C’est là, dans les inter- 
valles de reposrelatif du volcan, que se concentrent 
et persistent les manifestations de son activité. 

Les changements de pente qu'affecte une même 
génératrice du dôme montagneux s'effectuent plus 
ou moins rapidement, et, dans certaines directions, 
on peut distinguer des sortes de gradins qui inter- 
rompent un instant la régularité des variations de 
l'inclinaison. La discontivuité la plus prononcée 
est celle qui s’observe entre les pentes très faibles 
de la région périphérique et les pentes qui dépas- 
sent 10° et atteignent jusqu'à 25° sur les parties 
hautes de la zone centrale. Élie de Beaumont, dans 
son Mémoire célèbre, avait attaché une importance 
capitale à cette particularité géodésique et s'en était 
servi comme d’un argument puissant pour soute- 
nir que la partie abrupte du massif, qu’il désignait 
sous le nom de gibhosité centrale, avait eu un tout 
autre mode de formation que la région à pentes 


+ 


66 F.-A. FOUQUÉ — L'ETNA 


faibles constituant ce qu'il appelait les falus late- 
l'AUX. 

Cependant, quelle que soit la zone que l’on con- 
sidère, on n’y trouve, dans tous les cas, que des 
accumulations de pro- 
duits de projection et 
de coulées épanchées 
ou de dykes solidifiés 
après remplissage de 
fentes par des laves en 
fusion. Ces matériaux 
sont tous, sans excep- 
tion, d'origine volca- 
nique ; leur aspect ex- 
térieur varie peu, et 
leur composition chi- 
mique est partout sen- 
siblement identique. 
Le pétrographe le plus 
exercé ne peut établir 
aucune différence es- 
sentielle entre les élé- o 
ments les plus anciens 
de ce sol et ceux des éruptions les plus modernes. 
Aussi, l'hypothèse d’une dualité orogénique fon- 
damentale du massif de l’Etna ne pouvait être fon- 


Fig. 2. — La « Rocca Musarra », dans le Val del Bove. 


sérieuses empruntées à l'observalion. Le savant 
géologue français, séduit par la grandeur et la har- . 
diesse des idées de son contemporain allemand, s'en 
fit le défenseur passionné et puisa dans l'étude 
attentive de la struc- 
ture de l'Etna une sé- 
rie d'arguments ingé- 
nieux, qu'il sut grou- 
per et faire valoir avee » 
une grande habileté. 
D'après la concep- 
tion de L. de Buch, le 
| Val del Bove (fig. 5) se- 
-  rait un cratère de sou- 
lèvement typique; les 
# matériaux de ses pa 
rois, primilivement dé- 
posés en couches pres- 
=: que horizontales, au- 
raient été rompus par 
l'effort des forces sou- 
terraines, écartés à plu- 
sieurs kilomètres de 
distance de chaque côté de l'ouverture formée, rele- 
vés à plus de mille mètres de leur position première 
et inclinés en sens inverse les uns des autres, de 


Fig. 3. — Le Piano del Lago et le Mont Frumento. 


dée que sur des considérations lectoniques. C’est, | manière à offrir la disposition anticlinale qu'ils 


en effet, en partant de données de cet ordre que 
Léopold de Buch avait élé amené à créer sa fa- 
meuse théorie des cratères de soulèvement. 
Quand Élie de Beaumont visita la Sicile, en 1834, 
la théorie en question n'était guère qu'une œuvre 
de pure imagination ; elle manquait de preuves 


affectent aujourd'hui. La même poussée aurait sou- 
levé Loute la gibbosité centrale et subitement porté 
vers le ciel, à une hauteur de 3.000 mètres, des 
dépôts précédemment opérés à une faible hauteur 
au-dessus du niveau de la mer. Tout le reste du 
volcan, tout ce qui serait postérieur à la produc- 


F.-A. FOUQUÉ — L'ETNA 


67 


tion du cratère de soulèvement et à la saillie de 
la gibbosilé ne constituerait qu'un mince revêle- 
ment, engendré par des éruptions de médiocre 
importance, comme celles de la période historique 
et étalé sur la masse déplacée par le cataclysme. 
Élie de Beaumont cherche à prouver, par des 
études statistiques, 
que les éruptions or- 
dinaires ne rejettent 
qu'un cube très faible 
de malières et surtout 
que leur apport sur les 
cimes est presque insi- 
gnifiant ; d’où il con- 
clut que des phéno- 
mènes de ce genre 
peuvent, à la rigueur, 
élargir et surélever un 
peu la base du volcan, - 
mais qu'ils sont inca- 
pables d'expliquer l'im- 
posante haüteur de son sommet. Il insiste sur 
l'existence de longues nappes de laves largement 
élalées et sur celle de bancs continus et d'épaisseur 
uniforme de cendres et de lapillis, visibles dans la 
coupe des parois du Val del Bove et sur l'impossi- 
bilité de pa- 
reilles forma- 
lions sur des 
pentes de 35 
à 40°, comme 
celles, ‘des 
points où on 
les observe.Il 
oppose à ces 
dispositions 
les alluresdes 
coulées  mo- 
dernes lors- 
que les pen- 
tes du terrain 
sur lequel el- 
les s'épan- 
chent devien- 
nent tant soit 
peu considé- 
rables, leur 
élroilesse, 
leur manque 
de cohésion, leur aspect scoriacé, leurs inégalilés 
de toute sorte. Il rappelle que les produits de pro- 
jection s'éboulentet glissent dès que la pente atteint 
une certaine limite, et qu'ils ne forment des couches 
d'épaisseur uniforme que lorsque l’inclinaison du 
terrain qui les reçoit est très petite. Comme con- 
séquence de la comparaison, il arrive à cette con- 


Fig. 4. — La « Rocca Capra », dans le Val del Bove, vue du 
Midi. 


Fig. 5. — Jond du Val del Bove et cime de l' Elna. 


| clusion que les coulées et les lits de cendres visibles 
| le long de la paroi du Val del Bove ne sont plus 
| aujourd'hui dans la position qu'ils ont dû posséder 
| au moment de leur dépôt primitif. 
| Le point faible de cette argumentation serrée 
vient de ce qu'elle se base sur une observation 
incomplète et insuffi- 
sante de la constitution 
des parois du Val del 
Boxe. 


Les stratifica- 


lions concordantes et 


régulières n’y sont 
qu’apparentes ; étu- 
diées de près, elles 


montrent toutes les in- 


égalités et les acci- 


dents des épanche- 
menis ordinaires des 
éruplions modernes, 
les mêmes enchevêtre- 
ments, les mêmes jux- 


| tapositions de coulées étroites et les mêmes super- 


posilions mouvementées. D'autre part, assurément 
des nappes liquides bien fluides n'auraient pu se 
solidifier sur de fortes pentes avec une épaisseur 
ant soit peu notable; mais l'observation des vol- 

cans en érup- 


tion de nos 
jours a mon- 
tré depuis 


longtemps 
que la visco- 
sité des laves 
leur 
permettait de 
se comporter 
tout autre- 
ment que ne 
pourrait le 
faire li- 
quide de mo- 
bilité par- 
faite. 

Les pentes 
indiquées par 
Élie de Beau- 
mont comme 
limite extré- 
me de celles 
qui permettent une solidification des laves en cou- 
lées continues sont bien inférieures à celles que 
révèle l’observation. 

Enfin, l’argument principal contre la théorie des 
cratères de soulèvement est celui que l’on tire de 
ce fait que les dykes (fig. 2 et 4) qui sillonnent la 
paroi du Val del Bove ne présentent ni rejets, ni 


fondues 


un 


68 F.-A. FOUQUÉ — L'ETNA 


failles et surtout de ce qu’ils sont, pour la plupart, 
verticaux, au lieu de se montrer fortement inclinés 
et déplacés en conformité du mouvement de l'im- 
mense dislocation que comporte l'hypothèse. 

La théorie de L. de Buch a été combattue, dès 
son apparition, par les savants anglais el par 
quelques rares géologues francais. Lyell, son plus 
redoutable adversaire, n'a pas cessé, pendant plus 
de quarante ans, de l’atlaquer et de travailler à 
mettre en évidence le peu de solidité de ses fonde- 
ments. En France et en Allemagne, elle continuait 
encore à jouir d’un crédit extraordinaire, soutenue 
par la grande autorité des hommes qui en avaient 
été les promoteurs; mais enfin la lumière s’est faite 
entièrement. Aujourd'hui, elle n’est plus citée 
que pour mémoire, mais elle reste intéressante 


l'atmosphère d'immenses quantités de gaz et de 
vapeurs (fig. 6 et 7). Sur le lieu principal de leur 
emplacement se dressent des cônes qui sont dis- 
tribués généralement en séries rectilignes vers la 
cheminée centrale du volcan et vers l’orifice craté- 
riforme qui en est le débouché et qui persistent, 
après exlinction de leurs feux, sous forme de pus- 
lules plus ou moins volumineuses. Ces cônes para- 
sites, composés de matériaux de projection meubles 
et altérables, sont peu à peu démantelés par l’action 
des agents atmosphériques et quelquefois aussi 
disparaissent, ensevelis sous les apports d'éruptions 
plus récentes. C'est par centaines qu’on les compte 
sur les flancs de la montagne, à toutes les altitudes 
et dans toutes les orientations. 

L'Etna forme un massif entièrement volcanique; 


Fig. 6. — Vue du Cratère de l'Etna, en 1836. 


dans l'histoire des Sciences en ce qu’elle fournit un 
exemple frappant de l'engouement auquelle monde 
géologique se laisse parfois entraîner en faveur des 
conceptions les plus controversables. 

Rentrons maintenant dans le domaine des faits. 
Ceux que nous avons à décrire sont assez curieux 
et assez importants pour mériter d'appeler l’atten- 
tion, surlout si nos interprétations sont accep- 
tées du lecteur comme des probabilités et non 
comme des vérités entourées d’une cerlitude dog- 
matique. 


IT 


L'emplacement de l’'Etna, son âge géologique et 
sa constitution sont tout d’abord dignes d'être 
notés. Là, il ne s'agit pas d'un volcan simple, mais 
d'un massif volcanique complet, dans lequel la 
bouche éruptive principale est escortée de tout un 
cortège d’évents accessoires qui ont fonctionné 
successivement sur ses flancs, déversé à maintes 
reprises des torrents de lave fondue et rejeté dans 


on n'apercçoit dans sa masse aucun élément d’ori- 
gine sédimentaire, quoique la profonde entaille du 
Val del Bove (fig. 5) l'ait découpé sur une immense 
étendue, en y laissant debout quelques débris de 
l’ancien sol, tels que les roches Musarra et Capra 
représentées figures 2 et 4. Il est de formation rela- 
tivement récente, car il n’a commencé à fonction- 
ner que durant la période quaternaire ; mais, depuis. 
lors, ses manifestations ne paraissent pas avoir 
subi d’interruptions prolongées. Ilestentouré d’une. 
ceinture de roches mélamorphiques ou sédimen- 
taires visibles sur la majeure partie de son pour- 
tour et relevées, pour la plupart, à de grandes 
hauteurs, de manière à lui présenter de tous côtés. 
la tranche de leurs assises. Vers l’est et le sud-est, 
ses laves peuvent couler sans obstacles jusqu’à la 
mer, mais dans toutes les autres directions elles 
rencontrent à courte distance une barrière infran- 
chissable de roches stratifiées. 

Des gneiss et des micaschistes forment, particu- 
lièrement au nord, le revers extérieur de l'enceinte 


F.-A. FOUQUÉ — L'ETNA 


69 


qui ferme l’enclos ; puis, vient le Jurassique supé- 
rieur, représenté par des calcaires compacis sur 
les hauteurs de l’escarpement qui porte le théâtre 
de Taormina ; le Crétacé, moins bien caractérisé, lui 
succède. Des argiles et des calcaires à Nummulites, 
des marnes à Fucoïdes apparaissent ensuite, sur- 
montées de puissantes assises de grès tantôt à 
grains fins, lantôt en conglomérats grossiers. Le 
Pliocène est largement représenté par des marnes 
fossilifères, relevées vers l’ouest jusqu'à 240 mètres 
d'altitude, riches en espèces identiques à celles de 
la mer voisine ou peu différentes de celles-ci. Enfin, 
c'est seulement après le dépôt d'assises quater- 
naires à cailloux roulés que les premières érup- 
tions sont venues au jour. 


| L'Etna est loin d’avoir eu, aux diverses phases 
| de son développement, une configuration semblable 
à celle qu'il possède actuellement. Dans une pre- 
mière période, antérieure au creusement du Val del 
Bove, on doit se le représenter sous la forme d'un 
amas, d'épaisseur sans cesse croissante, allongé 
de O.-N.-0. à E.-S.-E. et occupant à peu près l’em- 
placement actuel de la grande entaille du massif. 
| Sartorius von Waltershausen', auquel on doit la 
| plupart de nos connaissances sur l'Elna, a montré 
| qu'à cette époque le maximum d’éruptivité du vol- 
| can ne siégeait pas au même lieu qu'aujourd'hui; 
| il se trouvait à l'est du cône terminal moderne, en 
| un point situé au fond du grand cirque du Val del 
| Bove, au milieu de l’espace connu actuellement 


Parmi les dépôts sédimentaires que nous venons 
d'énumérer, les uns sont franchement d'origine 
marine, les autres se sont faits dans des eaux sau- 
mâtres. Leur disposition montre que la région 
orientale de la Sicile a subi un soulèvement consi- 
dérable et que, de ce côté, le rivage a été constam- 
ment, pendant toute la durée de la période 
tertiaire, découpé par un large golfe arrondi cor- 
respondant à peu près à l'emplacement actuel de 

. V'Etna. C’est au milieu de cet espace que le volcan 
. s'est ouvertet a amoncelé pendant de longs siècles 
, les produits de ses déjections. 

Aujourd'hui, le golfe est comblé, dans presque 

- toute son étendue, par les matériaux volcaniques ; 
- et, les dépôts sédimentaires qui en occupent le 
4 fond ne se voient plus que vers le sud, dans la 
- plaine du Simelo, ou qu'en étroits ilots épargnés 
par les courants de feu, près de la bordure des 
champs de laves et de scories. 


Fig. 1. — Vue du Cratère de l'Elna, en 1838. 


sous le nom de Trifoglielto. C'est là, en effet, que 
s'observe le point de convergence des dykes (fig. 2 
et 4) correspondant aux fentes, remplies de laves, 
par lesquelles le volcan déversait alors ses épan- 
chements incandescents et projetail ses gaz et ses 
vapeurs embrasées. C’est là qu'élait alors la che- 
minée centrale du volcan. L'Etna de cette époque 
avait donc son point culminant précisément sur 
l'emplacement où il est aujourd’hui entaillé le plus 
profondément. Sa forme était celle d'un immense 
tumulus funéraire et l'imagination des contempo- 
rains pouvait déjà sans peine y voir la tombe d'En- 
celade enterré vivant, ébranlant le sol de secousses 
convulsives et exhalant par toutes les fissures du 


4. Dr WoLGANG SARTORIUS, FREINERRN VON WALTERSHAUSEN : 
Der Ætna, vollendet von Dr Arnold von Lasaulx. Erster 
Band: Reisebeschreibung Sartorius und Geschichte der 
Eruptionen; Zweiter Band: Topographisch-geognostische 
Beschreibung, Entwickelungsgeschichte und Producte des 
Ætna. Leipzig, Verlag von Wilhelm Engelmann, 1880. 


70 


F.-A. FOUQUÉ — L'ETNA 


lerrain les effluves corrosifs de son haleine brû- 
lante. 

L'événement qui clôt celte période est le creuse- 
ment du Val del Bove. Comment s’est formée cette 
énorme cavité? A-t-elle été le résultat d’une succes- 
sion prolongée de phénomènes d’intensités varia- 
bles et médiocres, ou provient-elle d’une gigan- 
tesque calastrophe, devant laquelle tout s’efface, 
incomparable par sa soudaineté et sa violence, 
unique dans les fastes du volcan? 

L'hypothèse d'une série d’éruplions modérées 
se produisant sur le même centre, avec accompa- 
gnement d’effondrements partiels et d’explosions 
successives, est au premier abord la plus séduisante, 


La comparaison du creusement du Val del Bove 


avec la formalion d’un cratère comme celui du cône « 
terminal de l’Elna n'a doncrien d’étrange. La dif-" 


férence entre les deux phénomènes a pu sans in- 
vraisemblance être considérée comme purement 
quantitative. 

Cependant, quand une éruption se présente avec 
un caractère de gravité tout à fait exceptionnelle, 
ses effets cessent, à beaucoup d'égards, de pouvoir 
êlre assimilés à ceux d’une succession d’éruptions 
normales de médiocre énergie. Ils acquièrent des 
caractères dislinetifs qui ne permellent plus de les 
rattacher les uns aux autres par un lien continu. 

Or, c’est précisément dans de telles conditions 


Fig. 8 — Aci Castello : Les fles Cyclopes. 


car elle est la plus simple et s'appuie exclusivement 
sur les données de l'observation courante. Les 
cratères centraux de tous les volcans actifs sont 
sans cesse modifiés dans leurs dimensions, leur 
forme et leur profondeur par les phénomènes dont 
ils sont le théâtre. Le cratère (fig. 15) de la cime 
actuelle de l’Elna en est un exemple des plus nets. 
Ses diamètres varient suivant l'intensité des explo- 
sions qui s'y produisent; son orifice actuel est en- 
touré de bourreletls saillants qui attestent l'existence 
antérieure de poussées volcaniques plus violentes 
que celles d'aujourd'hui. Sa profondeur subit des 
modifications incessantes encore plus marquées; 
tantôt, il est presque entièrement comblé par 
l’afflux des laves en fusion ou par l’entassement 
des projections ; tantôt, il se présente sous la forme 
d’un gouffre béant, tellement profond qu'une obs- 
curité complète règne au fond de sa cavité. 


qu'ont été engendrés tous les grands appareils vol- 
caniques désignés naguère sous le nom de cratères 
de soulèvement. Le Val del Bove à l'Etna, le cirque 
de la Somma au Vésuve, la baie de Santorin dans 
l’Archipel grec, les caldeiras des Açores, l'entaille 
gigantesque du Krakatau dans les iles de la Sonde 
ne résultent point d'une suite prolongée de phéno- 


mènes éruptifs d'intensité moyenne, mais chacun. 


d'eux provient d'un grand cataclysme dont la vio- 
lence ne peut être comparée à celle des éruptions 
ordinaires les plus puissantes. Ce qui les caracté- 
rise surtout, c’est l'énergie inouïe de l'explosion qui 
a présidé à leur genèse et, au contraire, la faiblesse 
et souvent même l'absence totale d’épanchements 
concomitants de laves en fusion. 
Les cônes des éruptions normales sont formés de 
produits de projection retombés près de l'orificede 
sortie; d'où résullent une structure loute spéciale 


CP RS VE Re EE EE PE TT 


F.-A. FOUQUÉ — L'ETNA 71 


de ces cônes et une forme habituelle à pentes mé- 
diocrement inclinées de la paroi intérieure des cra- 
tères qui en occupent le centre. Dans les caldeiras 
et autres appareils éruptifs de même ordre, l’ancien 
sol est, au contraire, entaillé à parois abruptes; il 
est comme découpé à l'emporte-pièce; tout ce qui 
se trouvait dans le domaine d'action de la poussée 
explosive : matériaux volcaniques compacts ou 
incohérents, roches sédimentaires ou métamorphi- 
ques, roches éruplives anciennes, tout à été broyé, 
pulvérisé, projeté au loin ou effondré au sein de la 
matière fondue mise à découvert par l'explosion. 
Malgré l’énormité du déblai correspondant au 
creusement d’une cavilé comme le Val del Bove ou 
la baie du Santorin, ce qui domine dans les projec- 


trouve, enlassés en dépôts épais au pied des escar- 
pements, sur les talus de faible inclinaison compris 
entre la sortie du Val del Boveet la mer. 

Les iles Cyclopes (fig. 8 à 11), qui montrent leurs 
récifs pittoresques près de la côte, en face d'Aci 
Castello, n'appartiennent pas aux projections de 
l'ancien sol du Val del Bove. Quoi qu'en dise la 
légende qui veut qu’elles aient été lancées par Po- 
lyphème à la poursuite d'Ulysse, elles ont eu une 
origine plus pacifique. Leur base est constiluée par 
une marne verte quaternaire que traversent des 
dykes de lave noire basaltique et que couronnent 
des prismes démantelés de la mème roche. L'épan- 
chement de ce basalte s'est fait au début du fonc- 
tionnement de l’Elna comme volcan. 


Fig. 9. — La Grotte des Palombes (du groupe des Cyclopes). 


lions, ce ne sont pas les débris du sol de la catastro- 
phe, ce sont les éléments du bain incandescent sous- 
jacent, ce sont des matériaux vilreux qui, refroidis 
brusquement dans les airs, n'ont pas eu le temps de 
prendre la structure cristalline des laves des érup- 
tions ordinaires. Dans les grandes caldeiras à laves 
acides, on les retrouve sur les revers du volcan sous 
forme de ponce ; à l'Etna, dont le magma igné pro- 
fond possède une constitution chimique basique, 
on peut les recueillir dans une situation analogue, 
avec l'aspect de cendres, de lapillis ou de tufs 
denses et de couleur foncée, mais toujours avec 
cette vitrosilté caracléristique qui ne manque 
jamais. 

Naturellement, ces produits sont peu abondants 
sur les crêles ou sur les flancs fortement inclinés de 
la montagne; ils ne s'y sont guère maintenus et, 
d’ailleurs, sont faciles à confondre avec les produits 
projetés par les éruptions normales, mais on les 


Malgré ce désaccord entre l'observation géolo- 
gique et la légende, les iles Cyclopes n’en sont pas 
moins intéressantes au point de vue scientifique, 
car on y peut voir un exemple remarquable du 
métamorphisme exercé par l'épanchement basal- 
tique sur la marne ambiante. Entre la roche sédi- 
mentaire et la matière épanchée, des infiltrations 
d'eaux thermales, chargées de matières minérales, 
ont déposé une série variée de minéraux cristallisés : 
grenat, diopside, trémolite, analcime, mésotype, 
pyriles, ete. 

On peut se demander pourquoi le Val del Bove 
est entaillé dans la direction E.-S.-E. plutôt que 
dans toute autre orientation. La cause principale 
de ce fait tient probablement à la configuration et 
à la structure du sol de cette partie de l'Elna avant 
l'effondrement. La forme‘d'anticlinal allongé que 
nous lui avons reconnue favorisait évidemment une 
rupture suivant la direction en question. Mais on 


72 F.-A. FOUQUÉ — L’ETNA 


peut ajouter encore qu'à l'époque où le centre 
éruptif du Trifoglielto présentait son maximum 
d'activité, le centre éruptif actuel avait déjà com- 
mencé à fonctionner, comme le prouve l'intersec- 
Lion réciproque de quelques-uns de leurs dykes, et 
alors les produits des deux foyers se juxtaposaient 
et s'appuyaient. Le massif dont la sommité corres- 
pondait au Trifoglietto 
était donc, pour ainsi 
dire, étayé du côté occi- 
dental, et, dès lors, il 
n'est pas étonnant que 
la montagne se soit ou- 
verte en sens opposé, 
dans la direction où la 
poussée explosive ren- 
contrait une moindre 
résistance. 

On peut êlre aussi 
tenté de s'étonner de 
ce que le paroxysme 
du foyer Trifoglietto 
aitimmédiatement pré- 
cédé son extinction à 
peu près complète et 
que sa longue existence antérieure ait fini d'une 
manière si brusque et si absolue. 

Le cône actuel du Vésuve, les Kamenis de San- 
torin sont là pour montrer qu'un volcan à caldeira 
n'est pas nécessairement éteint à tout jamais. On 
pourrait, il est vrai, 
citer de nombreux 
exemples de centres 
volcaniques dont la vie 
a cessé complètement 
après des cataclysmes 
de ce genre. Mais com- 
bien d'autres, après 
une longue période de 
repos, reprennent une 
vie nouvelle ! L'affai- 
blissementmomentané 
ou définitif du foyer 
éruptif, en une localité 


Fig. 10. — Æcueil des Cyclopes. 


historique, des éruptions y ont eu lieu. L'une des 
plus récentes et des plus considérables a été celle 
de 1852, dont nous devons la description détaillée 
à Lyell. 

Ces objections étant écartées, on peut dire, en 
résumé, que la formation des grands cirques volca- 
niques, caldeiras (cratères dits de soulèvement), est 
caractérisée par la vio- 
lence et la courte du- 
rée des phénomènes, 
par l'intensité extrême 
des explosions, la for- 
me abyssique des ef- 
fondrements, la rareté 
et la médiocrité des 
épanchements de ma- 
tière fondue, l’affaisse- 
ment consécutif du vol- 
can, épuisé, pour ainsi 
dire, par la grandeur 
de l'effort accompli, et 
la vacuité plus ou moins 
prolongée des cavités 
nouvellement creu- 
sées. Le terrain am- 
biant conserve sa constitution; il n’est ni soulevé, 
ni affaissé notablement; il est entaillé à pic, troué, 
comme s'il avait été perforé par un énorme pro- 
jeelile animé d’une prodigieuse vitesse. 

Après la longue période d’édification qui avait 
signalé les débuts vol- 
caniques de l'Etna, le 
creusement du Val del 
Bove représente une 
courte phase de des- 
truclion, suivie de la 
période de réédifica- 
tion qui dure encore 
aujourd'hui. Les érup- 
Lions nouvelles, de mê- 
me que les anciennes, 
n'ont pas cette instan- 
lanéité el cette énergie 
qui caractérisaient la 


déterminée, peut être 
attribué à la mise à 
découvert du bain fon- 
du aux points correspondants et à la perte abon- 
dante des matières volatiles qui sont l'agent direct 
des explosions. Il est donc bien naturel d'y voir 
se produire une période de repos plus ou moins 
prolongée. Enfin, si le centre du Trifoglietto semble 
aujourd’hui tout à fait inerte, on peut faire remar- 
quer que le fond du Val del Bove n’est pas dé- 
pourvu de toute manifestation volcanique. À main- 
les reprises depuis le commencement de la période 


phase destructive. Le 
sol se déchire encore 
à chacune d'elles ; il 
se fait encore des explosions, des projections de 
matières incandescentes, des dégagements de va- 
peurs et de gaz, des épanchements de lave fondue, 
parfois très abondants; mais, bien qu'effrayants 
encore et souvent dangereux à observer, les phé- 
nomènes peuvent être suivis et étudiés dans tout 
le détail de leurs développements. 

On possède actuellement de nombreux enseigne- 
ments sur la question et, chaque jour, des études 


F.-A. FOUQUÉ — L'ETNA 


73 


nouvelles étendent encore le champ de nos connais- 
sances. La Chimie et la Minéralogie prêtent aux 
recherches un concours de plus en plus efficace. 
Un volcan esl un grand laboratoire naturel où les 

- expériences se font d'elles-mêmes et s'offrent spon- 
tanément à l'observation. 


III 


Rien d'intéressant à suivre comme l’évolution 
d'une éruption. Des commolions souterraines en 
annoncent le début; puis, le sol se déchire el une 
communication s'établit entre l'atmosphère et les 
profondeurs du terrain. Les phénomènes mécani- 

_ que de cette période sont encore bien peu connus, 


et se consolide sous forme de bourrelets cordés 
emboités les uns contre les autres. Plus souvent, 
c'est une coulée épaisse demeurée liquide dans son 
intérieur, tandis que sa surface semble refroidie et 
immobile; cependant, cette coulée marche et pro- 
gresse, poussant devant elle les blocs qui l'encas- 
trent. Parfois, elle se rompt brusquement à son 
extrémité terminale et se vide; la cuirasse pierreuse 
qui l'enveloppait se rompt et s’affaisse, ou, au con- 
lraire, se maintient sous forme de tunnel, suivant 
son degré d'épaisseur et de consistance. Un cas 
fréquent est celui dans lequel une coulée se ter- 
mine en cul-de-sac renflé, immobilisée par l'amon- 
cellement des blocs qu’elle a déversés à son extré- 


Fig. 12. — L'Observatoire et le Cratère d'érüption. 


mais l'installation d'observaloires de Physique ter- 
restre aux environs des centres volcaniques (fig. 12) 
permet d'espérer que, dans un avenir prochain, ils 
dévoileront leurs secrels les plus cachés. On assiste 
ensuite à l'émission des éléments volatils que l’on 
peut recueillir et soumettre à l'analyse; on voit les 
cônes s'élever graduellement et l’on constate l’agen- 
cement des pièces de leur structure. Le liquide 
incandescent s'échappe par quelques points de la 
fissure; on le voit bientôt s’envelopper d'une cara- 
pase produite par la solidification de ses parties 
- superficielles; on peut se rendre compte de toutes 
les particularités si curieuses de son écoulement et 
- de leurs causes multiples. Tantôt, c'est un courant 
de feu qui charrie à sa surface des blocs refroidis, 
comme le fait une rivière en train de se congeler; 
tantôt, c'est un lit étroit et mince de matière à très 
. haute température et par suite relalivement très 
fluide qui, tout entier, devient rapidement visqueux 


mité. Alors, si la solidificalion n'est pas complète, 
on voit souvent des jels brûlants s'échapper tout à 
coup de ses parties latérales, par suite du déplace- 
ment de quelques blocs ou de l'ouverture d’une 
crevasse de relrail. 

Les accidents si variés que présente l'écoulement 
des laves demandent à être observés au fur et à 
mesure qu'ils se produisent (fig. 13 et 14), car, 
autrement, lorsque l'arrêt est complet, il est pres- 
que impossible de se rendre compte du mode de 
formation des empilements étranges qui représen- 
tent le résullat final. 

Mais le spectacle le plus saisissant dans le cours 
d'une éruption est celui des admirables feux d’arti- 
fice qu'engendrent les explosions. Durant la nuit, 
à chaque délonation, les blocs incandescents pro- 
jetés illuminent le ciel de points élincelants; ils 
reiombent avec fracas et, pendant quelques instants 
encore, revêtent la surface des cônes d’un semis 


1 


n F.-A. FOUQUÉ — L'ETNA 


lumineux. Puis, tout rentre dans l’obseurité jusqu'à 
ce qu'une autre explosion renouvelle le phénomène. 
Durant le jour, le feu d'artifice se change en un 
panache de fumée que sillonnent les éclairs de la 
foudre; le bruit du tonnerre se mêle à celui des 
détonalions éruptives. Le terrain est recouvert 
d'une couche de matériaux pulvérulents qui con- 
slituent ce qu'on appelle de la cendre volcanique, 
où se trouvent jonchées des masses affectant toutes 
les grosseurs, depuis celle d'une lentille jusqu'à 
celle de bombes à couches enroulées dontle volume 
atteint parfois plusieurs mètres cubes. Les projec- 
tions les plus effrayantes sont celles qui sont engen- 


| pauvres en soude et en potasse. Les deux analyses 
_ dont nous donnons les chiffres ci-après peuvent 
ètre considérées comme représentant la composi-" 
lion des termes les plus écartés de la série: 4 


See die de dep ne A0 22 53,66 
Acide titanique 1,16 0,33 
AIUMINRE TERRE 2152 11,53 
Fe°0$ . 5,00 10,06 
FeO. 1,29 3,20 
Chaux. 10,19 10,87 
Magnésie 2,03 6,93 
Soude. 52 3,97 1,40 
Potassemr et 2.62 2,82 

100,00 100,00 

Les deux éléments chimiques dont la proportion 


LS 


Fig. 13. — Lave récemment épanchée, mais déjà refroidie à sa surface et recouverte de neige dans ses anfractuosités (1865). — 
La lave, pâleuse, a contourné tous les obstacles, le pied des arbres, etc. L'éruption était toute récente quand l'Auteur 
de cet article établit son campement. 


drées par la lave retombant encore à l'état fondu; 
alors, dans leur chute, les blocs s’aplatissent et 
s'étalent à la surface du terrain qui les recoit ; ils 
écrasent et brûlent. 

Ce cas s’observe particulièrement lorsqu'on a 
affaire à des laves basiques, comme celles de l'Etna, 
qui, par suite de leur composition chimique, sont 
très fusibles et douées d'une grande densité. Leur 
couleur noire est également une conséquence de 
leur leneur élevée en oxydes de fer. 

Les roches de l'Elna ont élé souvent analysées, et 
la conclusion à laquelle on est conduit par cesrecher- 
ches, c'est que tous les malériaux qui composent la 
montagne sont, au point de vue chimique, assez 
peu différents les uns des autres. [ls sont tous basi- 
ques; leur teneur moyenne en silice est d'environ 
50 °/,; ils sont riches en oxydes de fer et en chaux, 


est la plus variable sont l’alumine et la magnésie, 
ce qui correspond à des varialions importantes 
dans la composition minéralogique, comme nous 
allons l'indiquer ci-après. Mentionnons encore la 
présence constante de peliles quantités d'acide 
phosphorique, du chlore et plus rarement celle de 
l'acide sulfurique, combinés au calcium ou au so- 
dium, et jouant un rôle considérable dans la 
décomposition des roches et la formation du sol 
arable qui en dérive. 

Ces données chimiques sont à peu près tout ce 
que savaient les minéralogisles sur la constitution 
des laves de l'Etna au commencement du xrx° siècle. 
De quelques échantillons exceplionnels, Cordier 
avait pu extraire de minces esquilles de feldspath, 
dont il avait reconnu la basicité, et Gustave Rose 
avait confirmé cette détermination en constatant 


+9 


F.-A. FOUQUE — L'ETNA 


sur ces menus débris l'existence des stries carac- 
téristiques des feldspaths tricliniques; mais, en 
somme, les roches noires et denses comme celles 
de l’'Etna n'étaient, en réalité, connues, ni au point 
de vue de la composilion minéralogique, ni au 
point de vue de la structure. 

La taille des roches en lames minces, inaugurée 
par Sorby, et l'examen, au microscope en lumière 
polarisée, des lamelles ainsi oblenues, fines et déli- 
cates comme des pelures d’ognon et transparentes 
comme elles, ont mis en pleine lumière ce qui, 
jusque-là, était resté dans une obscurité profonde. 
Le nouveau moyen d'invesligation a transformé la 
Minéralogie. Les cailloux les plus foncés, les plus 


a donné naissance. A l'Elna, on y voit des feldspaths 
basiques abondants, du pyroxène, de l'olivine, de 
la magnétite, de l'ilménite, de l'apalite clairsemée 
contenant l'acide phosphorique décelé par l'ana- 
Iyse. On se rend compte de toutes les particularités 
qui ont signalé leur genèse. Quand la matière 
fondue jaillit des profondeurs du sol, elle ne ren- 
ferme, en général, que peu d'éléments cristallisés, 
car plusieurs des éléments minéralogiques qui lui 
appartiendront après consolidation ne pourraient 
résister à la haute tempéralure qu'elle possède: 
mais, à mesure qu'une coulée progresse, il s'en 
développe de nouveaux plus petits et ordinaire- 
ment plus allongés que les premiers. Les pétro- 


F'g. 14. — Même torrent de lave que dans la figure 13, après fusion de la neige qui l'avait envahi. 


opaques ont révélé tous les détails de leur struc- 
ture. On se les représentait généralement comme 
des agrégats informes, dont l'œil humain ne pour- 
rait jamais discerner la constitulion, aussi confuse 
que mystérieuse. Au lieu de cela, les cristaux qui 
les composent ont montré leurs propriétés les plus 
intimes et leur agencement. La lumière polarisée 
aidant, ils se sont parés des couleurs du spectre 
les plus éclatantes et se sont soumis aux investi- 
galions les plus minutieuses des recherches opti- 
ques. 

Aujourd'hui, ces découvertes sont entrées dans 
le domaine de l’enseignement classique. Jelons un 
coup d'œil rapide sur ce qu'elles nous ont appris 
relativement à la composition minéralogique des 
laves des volcans. Et d'abord, elles y ont montré 
des cristaux divers, dont la composition est en 
rapport direct avec celle du magma igné qui leur 


graphes distinguent done deux catégories de cris- 
laux : ceux qui ont pris naissance dans le magma 
fondu des profondeurs ou dans le trajet ascen- 
sionnel de la matière ignée et ceux qui se sont 
produits durant l'épanchement. derniers, 
connus sous le nom de microliles, s'alignent dans 
la direction du courant incandescent, aulour des 
cristaux de formation antérieure; ils en suivent 
tous les mouvements, se disposent en lrainées 
fluidales qui indiquent le sens et les particularités 
de l'entrainement qu'ils ont subi. Les études failes 
dans le laboratoire contrôlent avec une fidélité 
rare les données acquises par l'observation directe 
sur le terrain. 

Le microscope permet aussi d'apercevoir et d'ap- 
précier exactement les légers changements que 
subit la composition minéralogique en concor- 
dance avec les variations de la composition chi- 


Ces 


76 F.-A. FOUQUÉ — L'ETNA 


t 


mique. Dans les épanchements les plus basiques, 
la proportion d'olivine est augmentée, les oxydes 
de fer sont en cristaux nombreux, les feldspaths 
s'éloignent du type labrador pour se rapprocher 
du type anorthite. Inversement, dans les épanche- 
ments les plus acides, l'olivine disparait, la magné- 
tite est moins abondante et les feldspaths se 
rapprochent du type andésine. 

Les cristaux sont cimentés par de la malière 
vitreuse qui représente le résidu de la cristallisa- 
lion; c'est une sorte d'eau mère de nature ignée, 
qui correspond à l’eau mère des cristallisations 
opérées au sein des dissolutions aqueuses. Celle 
partie vitreuse des roches s’y montre en propor- 
tions très variables suivant les conditions dans 
lesquelles s’est effectuée la crislallisalion, Très 
abondante quand le refroidissement a été rapide, 
comme dans les cas des produits de projection, 
elle peut faire complètement défaut si la consolida- 
tion s’est opérée avec une grande lenteur. Dans ce 
dernier cas, il arrive aussi que les cristaux déve- 
loppés lentement et dans un milieu tranquille 
sont remarquables par leurs plus grandes dimen- 
sions et par leurs enchevêtrements. Il en résulte 
des laves exceptionnelles, dont la cristallinité appa- 
rait même à l'œil nu. 

L'aspect extérieur des laves (fig. 13 et 14) dépend 
encore de la proportion relative des cristaux engen- 
drés dans la profondeur et des microliles nés dans 
le courant du feu pendant l'écoulement à la surface 
du sol, rapports qui peuvent être modifiés ou même 
intervertis suivant les condilions orographiques et 
méléorologiques de l’éruption, suivant la compo- 
sition chimique des laves déversées et leur tempé- 
ralure initiale. 

Notons, en passant, que la matière ignée des 
coulées en mouvement est une sorte de boue 
épaisse chargée le plus souvent d’une quantité 
innombrable de menus cristaux, ce qui doit contri- 
buer singulièrement à en augmenter la viscosité. 

Signalons encore ce fait que les cristaux qui se 
forment les premiers sont, en règle générale, ceux 
qui sont le plus basiques, d'où il suit qu'au fur et 
à mesure de leur production, la matière vitreuse 
qui représente le reste de leur cristallisation 
devient de plus en plus acide et par conséquent 
moins dense et moins fusible; elle constitue done 
ainsi peu à peu un moyen de charriage moins 
parfait. 

Au premier abord, l'étude des substances vola- 
tiles rejetées par les volcans semble presque im- 
praticable. Au moment des explosions qu'elles déter- 
minent, l'approche des bouches d'émission (fig. 15) 
est rendue impossible par la grêle des projectiles 
qui en émanent. Mais la Nature fournit d'elle-même 
un moyen de tourner la difficullé. En arrivant au 


conlact de l'atmosphère, la matière fondue ne perd 
pas entièrement les éléments volatils qu’elle recé- 
lait; par suite de sa viscosité très grande, elle peut 
en retenir uve partie et la transporter avec elle. Il 
est vrai que l'écorce superficielle des coulées laisse 
échapper lentement et presque régulièrement les 
gaz et les vapeurs dont elle est chargée: c'est 
même par suite de ce fait qu'elle se montre géné- 
ralement criblée de bulles allongées dans le sens 
de l'écoulement et qu'elle se hérisse d’aspérités 
scoriacées. Mais la partie profonde de ces mêmes 
coulées relient avec énergie les éléments volatils 
qu'elle emprisonne. Ce n'est qu’en certains points 
particuliers, où ces matières se trouvent accumulées 
accidentellement en plus grande quantité, qu’elles 
peuvent se dégager en abondance par l'intermé- 
diaire d'étroites crevasses. On a donné le nom de 
fumerolles à ces émissions locales de vapeurs et 
de gaz dont les produits peuvent être aisément 
recueillis et soumis aux investigations chimiques 
ordinaires. Parmi les éléments de ces émanations, 
les uns se retrouvént presque tous dans toutes les 
éruptions, les autres sont plus particulièrement 
l'apanage de tel ou tel volcan. 

Occupons-nous d’abord des premiers. Ils varient 
sur une même coulée avec la température de la 
lave qui les émet. C'est à Ch. Sainte-Claire Deville | 
que l’on doit d'avoir reconnu la loi de leur suc- 3 
cession. Une première catégorie de fumerolles est 
caractérisée par la présence abondante de sels 
alcalins : chlorures, sulfates, carbonates, ete., 
parmi lesquels domine le chlorure de sodium. 
Elles possèdent toujours une très haute lempéra- 
ture ; c’est au milieu des laves encore au rouge vif 
qu'on les observe. Les sels alcalins y forment seuls 
des dépôts cristallisés: tous les autres éléments 
concomitants y sont volatisés et rapidement ex- 
pulsés au loin par l’action de la chaleur. 

La seconde catégorie de fumerolles se reconnait 
à l'ampleur des dégagements suffocants d'acide 
chlorhydrique et d'acide sulfureux associés à des 
torrents de vapeur d’eau. La température y est 
comprise entre 150° et 600°. Les dépôts qui s’y 
forment sont principalement conslilués par des 
oxydes de fer brillamment colorés, provenant de la 
décomposilion des chlorures de fer par la vapeur 
d'eau. 

La troisième catégorie correspond à des tempé- 
ratures peu différentes de 100°. Malgré la présence 
de l'hydrogène sulfuré et de l'acide carbonique, 
ses vapeurs sont généralement alcalines et ses 
dépôts sont formés de sels ammoniacaux.: carbo- 
nale, chlorure et sulfate. Le soufre s'y montre en 
globules concrétionnés provenant de la décompo- 
sition à l'air de l'hydrogène sulfuré. 

Enfin, à une température inférieure à 100°, on 


F.-A. FOUQUE — L'ETNA 


1 
En 


ne rencontre plus, sur les coulées du volcan, que de 
la vapeur d’eau et de l'acide carbonique, à moins 
que, s'éloignant à quelques kilomètres de sa base, 
on n'aille récolter les gaz des volcans boueux qui 
sont, pour ainsi dire, ses satellites. Alors, on y 
trouve en abondance de l'hydrogène et du gaz des 
marais. Le long des coulées provenant des bouches 
subaériennes de l'Etna, ces derniers gaz ont dis- 
paru, brûlés au contact de l'air entre les roches 
incandescentes. Il faut des conditions toutes parti- 
culières pour qu'on puisse les recueillir, les ana- 
lyser, ou au moins les voir brûler en produisant de 
véritables flammes. C’est notamment ce qui est 
arrivé, en 1866, à Santorin. L'éruption élaiten partie 
sous-marine; les gaz se dégageaient bulle à bulle 


met, de magnifiques spécimens de sels de potasse 
cristallisés et de chlorure de plomb (cotumnitc) 
que l’on ne rencontre guère ailleurs. À l'Etna, ce 
sont les sels de cuivre qui sont fréquents. Lors de 
l’éruption de 1878, on voyait d'abord, dans les 
fumerolles à haute température, de johes lamelles 
brunes de sous-oxyde de cuivre (cuprite) tapissant 
les laves des coulées, et quand on revenait quel- 
ques jours après aux mêmes lieux, ces dépôts cui- 
vreux, hydratés et transformés par l’action de la 
vapeur d’eau et de l'acide chlorhydrique du voisi- 
nage, étaient si abondants qu'ils semblaient recou- 
vrir les roches d’un tapis verdoyant”. Dans le 
cratère de Vulcano, l’une des îles Éoliennes, l'acide 
borique afflue en telle quantité dans le cratère du 


Fig. 15. — Intérieur du Cratère de l'Etna. 


de la mer; ils s'allumaient au contact des roches 
incandescentes, s'éteignaient ou se rallumaient 
suivant les caprices du vent. On pouvait les re- 
cueillir et les conserver dans des tubes qu'on fer- 
mait à la lampe. Sur les roches brûlantes d’un ilot 
naissant, leurs flammes ressemblaient à celles d'un 
bücher. 

En réalité, tous ces éléments volatils existent 
ensemble dans les fumerolles à très haute Lempé- 
rature, et peuvent y être constalés, à moins qu'ils 
n'y soient dissociés ou brûlés. Et dans les fume- 
rolles moins chaudes, ils disparaissent successive- 
ment à mesure que la température devient insuffi- 
sante pour amener leur volatilisalion ou pour 
produire les réactions qui président à leur genèse. 

Nous avons dit que chaque volcan possédait 
aussi des éléments volatils qui lui étaient propres. 
Ainsi, le Vésuve offre parfois, dans les fentes incan- 
descentes de ses coulées et de son cratère du som- 


volcan, qu'il y à fait l'objet d'une exploilation 
industrielle. 

Ces exemples suffisent pour appuyer la distinc- 
lion que nous avons faite parmi les différentes 
sortes de fumerolles et pour justilier les consé- 
quences que nous en tirerons ci-après. 


HA 


Une histoire quelque peu détaillée des éruptions 
de l'Etna depuis le commencement de la période 
historique viendrait ici à point nommé dans notre 
description; mais elle nous entrainerait trop loin, 
c'est pourquoi nous préférons renvoyer, Sur ce 
point, nos lecteurs à l'ouvrage de Lasaulx, conli- 
nuateur de l’œuvre de Waltershausen, aux mé- 
moires de Gemellaro et de Silvestri. 


1 Au Vésuve, on recueille aussi quelquefois, mais beau- 
coup plus rarement, de l'oxyde de cuivre cristallisé; toute- 
fois, ce n’est pas de la cuprite Cu?0, mais de la tenorite CuO. 


78 F.-A. FOUQUE — L'ETNA 


Cependant, je crois devoir ajouter quelques 
lignes sur la constitution économique des cam- 
pagnes de l'Etna et sur les conséquences ordinaires 
des éruptions qui, de temps en temps, y portent le 
trouble. 

On sait que, au point de vue du climat et du 
genre de végétalion qui en est la résultante immé- 
diate, l'Etna a été depuis longtemps divisé en trois 
régions d'altitudes différentes : une région basse, 
très habitée, très cultivée, où prospèrent toutes les 
plantes du pourtour de la Méditerranée; une zone 
boisée, dont l'altitude varie de 1.090 à 2 000 mètres, 


peu plus élevé, mais ils y deviennent promptement 
clairsemés. Le pin (Pinus nigricans) persiste à une 
altitude plus grande et y forme des bois pitto-. 
resques au milieu des cônes et jusque dans la 
cavilé des cratères parasites. Sous ces ombrages 
s'élalent de vastes espaces sauvages où croît la 
fougère (Pteris aquilina) et où fleurit encore le 
genêt de l'Elna, au feuillage étroit et arrondi. 

La région désertique, enveloppée d'un linceul de 
neige pendant une grande partie de l’année, sèche 
etnue durant les mois de l'été (fig. 18), ne présente 
qu'une végétalion des plus rudimentaires. La seule 


Fig. 16. — Village dans la region des Chätaigniers (zone moyenne de l'Etna). 


et une zone centrale, inculte et déserte, qui com- 
prend la cime de la montagne et ses parties les 
plus abruptes (fig. 18). La vigne est cultivée jusqu'à 
une allitude de 1.200 mètres. Dans les parties hautes 
de la zone qu'elle occupe, les pentes deviennent 
déjà très considérables: aussi la culture y est-elle 
distribuée en gradins, qui, durant l'hiver, dispa- 
raissent sous un manteau de neige uniforme. 

La région boisée est très favorable au développe- 
ment des arbres de l'Europe centrale; ils s'y main- 
tiennent et s'y propagent malgré les ravages de 
l'homme et des animaux domestiques. Le chàâtai- 
gnier (fig. 16 et 17) est commun dans la partie la 
moins haute de la zone ; il y pousse vigoureusement 
et présente encore quelques beaux spécimens de la 
végétation forestière que l’on y admirait autrefois. 
Le chêne et le hêtre se renconlrent à un niveau un 


plante qui, grâce à ses feuilles épineuses, s'y défende 
en touffes serrées contre la dent des moutons et 
y protège quelques plantes herbacées chétives, 
est l’astragale à fleurs roses (Astragalus siculus). 
C'est également celte plante qui figure en première 
ligne dans les maigres pälurages du Val del Bove. 

La région désertique contribue pourtant pour 
une large part à la fertilité des deux autres régions 
de l'Etna. C’est elle qui recoit les eaux de pluies en 
plus grande abondance, qui conserve le dépôt des 
neiges de l'hiver, les filtre peu à peu durant l'été, 
les charge de malières solubles et les amène dou- 
cement vers la région basse pour y abreuver les 
racines des plantes, maintenir l'humidité du sol 
et alimenter les sources nécessaires aux villes et 
aux villages, si nombreux sur tout le pourtour de la 
montagne. Dans les jours chauds de l’année, l’eau 


‘ 


F.-A. FOUQUÉ — L'ETNA 79 


de ce réservoir immense arrive, au bas des pentes, 
jusqu'au seuil des habitations, exempte de microbes 
malfaisants et douée d’une délicieuse fraicheur. 
Les effets fâcheux des éruplions sont peu sensi- 
bles dans cette zone élevée. Ils se bornent, en 
général, à l’action de pluies désagréables de cen- 
dres et de lapillis imprégnés de vapeurs acides, qui 
retombent à courte distance du cône terminal et 
n’exhaussent le terrain, après leur chute, que de 
quantités minimes. Rarement des bouches nou- 
velles s'ouvrent sur le Piano del Lago et émettent 
des coulées de laves qui se déversent sur les pentes. 
Cependant, un spectacle curieux est celui dont on 
est témoin dans ce cas particulier, lorsque, comme 
en 1869, la lave 
se précipite 
dans le Val del 
Bove, du haut 
des escarpe- 
ments, en cas- 
cadesbrülantes 
ou en longs ru- 
bans de feu. El- 
les’ysuperpose 
aux champs de 
scories sortis 
directement du 
fond de la ca- 
vité ou des 
bords de son 
enceinte. C'est 
ainsi que l'on 
y constate l’a- 
moncellement 
successif des 


laves de 1792, Fig. 17. — Région des Chälaigniers. 


1802, 14814, 

1819, 1836, 1852, 1869. Encore quelques milliers 
d’éruptions de ce genre, et le Val del Bove sera 
comblé; la grande découpure de la montagne aura 
disparu, et l’Elna, réédifié dans son intégralité, pos- 
sédera de nouveau la configuration de sa période 
volcanique primitive. 

Contrairement à ce qui vient d'être dit, les érup- 
tions qui, comme celle de 1865, surviennent dans 
la région boisée, peuvent causer de grands dom- 
mages. Le terrain sur lequel s'élèvent les forêts de 
pins, les bois de chène et de châtaigniers, se 
trouve déchiré et bouleversé par l'ouverture des fis- 
sures du sul; des arbres séculaires sont écrasés, 
anéantis par les projections ; les plus épargnés sont 
ébranlés, réduits à l’état de poteaux et à demi en- 
fouis au milieu de blocs de toutes dimensions, blan- 
chis d'efflorescences salines. Ceux que rencontre le 
flot incandescent d'une coulée flambent immédia- 
tement à leur cime comme des faisceaux de paille 


desséchée ; bientôt ils sont, en même temps, brûlés 
et tranchés à leur base, à moins que la lave, en se 
solidifiant à leur contact, ne leur forme un enduit 
protecteur. Cette sorte de cuirasse est écartée de 
quelques centimètres du tronc de l'arbre cerné, 
gräce au développement des vapeurs provenant de 
la combustion de son écorce (fig. 13 et 14). 

Si la coulée poursuit sa marche descendante, les 
pertes s'accentuent, les champs et les vergers sont 
envahis, les fermes détruites, les villages atteints. 

Mais les éruplions les plus désastreuses sont 
celles qui se produisent dans la région basse de 
l'Etna, surtout à la limite supérieure de la zone 
cultivée. Elles y ravagent les vignes et les jardins, 
renversent et 
brûülent les ha- 
bitalions. 
1669, les laves 
ont franchi les 
murs de Catane 


En 


et pénétré dans 
la ville, portant 
avec elles l'in- 
cendie et la 
ruine. En quel 
ques jours, el- 
les transfor- 
ment une riche 
en 
un désert, qui 


campagne 


désormais sem- 
ble voué à une 
stérilité  irré- 
médiable. Ce- 
pendant, pres- 
que toujours la 
Nature ne tarde 
guère à reprendre ses droits; peu à peu, la végéta- 
tion reparait ; les cendres et les scories désagrégées 
et décomposées se couvrent de verdure et de fleurs; 
l'élément destructeur est devenu un agent puissant 
de fertilité, Le genêt, spontanément semé par les 
vents, brille au milieu de celle renaissance végé- 
tale; il dresse ses touffus et s'élale en 
bouquets d'or, tandis que ses racines, armées de 


rameaux 


leurs renflements microbifères, cheminent silen- 
cieusemententre les blocs et les détrilus pierreux, et, 
tout en effectuant leur mystérieux travail chimique, 
vont chercher au loin les éléments inorganiques 
qu'exige la nutrition de la plante. 

Les matériaux volcaniques contribuent inégale- 
ment à rendre au sol les substances nécessaires à 
sa fertilité. Les cendres sont, avant tout, l'agent 
de celte restitution. La surface étendue de leurs 
grains, comparée à leur petit volume, augmente la 
facilité de l'attaque par l’eau; mais leur altérabi- 


80 F.-A. FOUQUÉ — 


L'ETNA 


lité lient surlout à leur composition chimique 
basique et à leur structure vitreuse habituelle. 
À composilion chimique égale, les corps vitreux 
soxt non seulement moins denses et plus fusibles 
que les minéraux cristallisés correspondants, mais 
ils sont surtout plus attaquables par l’eau, par les 
réactifs chimiques de toute sorte, ainsi que par les 
agents biologiques naturels. Plus leur vitrosité est 
marquée, plus ils sont aisément altérés. 

La même observation s'applique aux parties 
scoriacées qui forment le revèlement des coulées, 
quand on les compare à la portion plus cristalline 
et plus compacte qui en occupe le centre. De là 
résulte, dans les terrains d'origine volcanique ba- 
sique, des alternances de lits rougeätres désagrégés 
et à demi décomposés, avec des banes compacts qui 
semblent avoir conservé leur fraicheur et leur 
composition primitive. Pourtant, en réalité, il ne 
s’agit là que d’une question de mesure, car, dans 


Fig. 18. — La Casa Inglese et la cime de l’Etna. 


un avenir plus ou moins éloigné, ce sol rocheux 
tout entier sera transformé en terre végétale et les 
minces racines du genêt ou de la vigne triomphe- 
ront ainsi de la résistance qu'oppose la compacité 
extrême des bancs formés par des silicates fondus 
à haute température et consolidés lentement en 
associations cristallines. 


1 


Pour clore cette revue rapide de l'histoire géogé- 
nique de l’'Etna, il nous reste à dire quelques mots 
des relations qui peuvent rattacher ce volcan aux 
centres éruplifs similaires des régions avoisinantes. 
L'Etna est-il relié souterrainement aux îles Éolien- 
nes, au Vésuve, à Pantellaria ? Le magma fondu 
qui à engendré leurs laves est-il le même? Ces 
districts sujets aux commotions du sol et aux 
explosions des cralères subissent-ils le contre-coup 


des variations brusques de pression qui ont lieu 
sur le territoire de l’un d'eux? 

On sait que les auteurs des traités classiques de 
Géologie, se basant sur un certain nombre de faits 
d'observation englobés dans des considérations 
hypothétiques plus où moins probables, ont conelun 
que la Terre était composée d’une masse centrale 
volumineuse rigide, d’une zone de silicates fondus 
et de l'écorce solide que nous foulons sous nos" 
pieds. 

Comme conséquence de ces idées, ce serait lan 
zone de matière en fusion qui servirait de moyen 
de connexion entre les volcans; elle serait la voie 
principale de transmission des mouvements et 
constituerait le réservoir commun au sein duquel 


tous les foyers éruptifs puiseraient les matériaux 
de leurs déjections. 4 
La question de la transmission des ébranlements 
est l’une des questions les plus difficiles et les plus. 
controversées de la Physique terrestre. Nous en. 
laissons la solution future aux observaloires où. 
l’on s'occupe spécialement de cet intéressant pro= 
blème. “4 
Mais nous pouvons, dès maintenant, hasarder 
quelques déductions à tirer de la composition des 
laves. S'ilexiste véritablement un réservoir commun 
de matières en fusion sous-jacent à l'écorce ter- 
restre, on peut affirmer l'hétérogénéité actuelle du 
liquide igné qu'il renferme. Ses déjections sont 
dissemblables; elles diffèrent d'un point à un 
autre et changent même dans un dislrict donné 
suivant l’époque d'évolution des éruptions. La 
composition chimique des laves du Vésuve, pas 
plus que leur composition minéralogique et leur 


F.-A. FOUQUÉ — L'ETNA si 


structure, ne ressemble à celle des laves de l'Etna. 
Au Vésuve, les laves sont riches en potasse; le 
minéral caractéristique de leur consolidation cris- 
talline est la leucite; à l'Etna, les alcalis sont en 
petite proportion, la chaux est abondante, le feld- 
spath labrador est l'élément blanc dominant. 
L'Etna n'a émis que des laves basiques, mais les 
volcans d'Auvergne, distribués sur des territoires 
régionaux qui ne sont pas beaucoup plus étendus, 
ont rejeté des laves très acides et des laves très 
basiques; la domite du Puy de Dôme ne ressemble 


. ni aux andésites et trachytes du Mont Dore, ni aux 


phonolites de la même région, ni aux basaltes qui 
les environnent. Le basalte du Plomb du Cantal 
a succédé presque sur le même emplacement à des 
andésites et à des phonolites. 

Comment expliquer de tels faits? Il me semble 


que l'hypothèse la plus simple consiste à considérer 


l'hétérogénéité du magma supposé général comme 
primordiale et absolue, comme une conséquence 
forcée de l'hétérogénéité des matières cosmiques 
qui, suivant la théorie de Laplace, ont contribué par 
leurs précipitations successives et leur concentra- 
tion à constituer le globe terrestre. 

Telle n'est pas cependant l'opinion qui prédo- 
mine à notre époque parmi les géologues. D'après 
beaucoup d'entre eux, le magma profond aurait 
été primitivement homogène; son hétérogénéité 
actuelle serait le résultat d'un travail moléculaire 
s’opérant incessamment dans sa masse depuis un 
temps immémorial et aboutissant à sa division 
graduelle en magmas secondaires de composilions 
différentes, puis à celle des magmas secondaires 
en magmas lerliaires et ainsi de suite. Le processus 
ainsi décrit a reçu le nom de diflérentiation. 

Au moment où un magma fondu, représentant 
une dissolution ignée sursaturée, commence à se 
cristalliser, et à se liquater, de même que, lorsque 


- des cristaux se séparent d’une dissolution aqueuse 


sursaturée, ce sont des différentiations qui s'opè- 
rent. Quand deux liquides, très solubles l’un dans 
l’autre à haute température, se séparent par sursa- 
turalion déterminée sous l'influence d'un refroi- 
dissement convenable, c'est encore une différen- 
tiation qui a lieu. 

On peut cependant opposer de graves objections 
à l'application de ces données au liquide résultant 
ile la fusion des silicates. 

Et d’abord, la différentiation d'un tel magma a 


- été interprétée diversement au point de vue des 


‘conditions de sa production. Pour un certain nom- 
bre de pétrographes, elle est le résultat de la cris- 
tallisation et en suit les phases. C'est une pure 
liquation à la facon de celle des alliages fondus. 
Les cristaux formés se séparent surtout en raison 


. de leurs différences de densités. Pour d'autres, elle 


s'effectue avant toute solidification; ce ne sont pas 
encore des cristaux microscopiques, des cristallites 
qui se séparent du magma originel, ce sont des 
composés définis, doués aussi d'un arrangement 
stéréochimique, mais dépourvus de structure molé- 
culaire régulière, dénués de réseau cristallogra- 
phique. Dans ce cas, la différentiation a pour effet 
d'amener la formation de couches liquides dis- 
tinctes, de compositions et de densités différentes. 

La théorie de la différentiation, malgré de 
nombrenx faits d'observation qui lui‘sont favo- 
rables, appliquée aux magmas laviques, est insuf- 
fisante. Elle ne peut expliquer les récurrences dans 
un même district d'éruptions laviques appartenant 
au même lype, ni leurs enchevêtrements avec des 
produits pétrographiques variés, dont la succession 
se fait sans aucun ordre constant. Enfin, ce qu’on 
doit surtout lui reprocher, ce sont les transferts à 
grande distance qu’elle suppose, pour des éléments 
chimiques que toutes leurs propriétés rapprochent 
au plus haut degré. D'après les lois connues de 
la diffusion, des transferts de cet ordre exigeraient 
d'ailleurs une durée qui dépasse tout ce que peut 
concevoir l'imagination la plus audacieuse. 

Quelle raison plausible donner pour expliquer 
l'accumulation de la potasse au Vésuve, de la chaux 
à l'Etna, de la soude dans le bassin norvégien de 
Christiania? Et parmi les produits volatils, pour- 
quoi l'abondance du chlorure de plomb (cotunnite) 
au Vésuve, de l'acide borique à Vulcano, de Ix 
cuprite à l’Etna? 

Du reste, la localisation des gîtes salins et mé- 
tallifères, celle des minéraux rares, celle 
sources minérales en matières solubles 
diverses, ne sont pas davantage explicables par la 
différentiation d’un magma profond homogène: 
il faudrait toujours en venir à l'hypothèse de trans- 
lalions de certains éléments à de grandes distances 
de leur gisement primitif et à la constatation de 
concentrations et de dépôts locaux inexplicables. 

Au contraire, tout s'interprèle aisément, si l’on 
admet une hétérogénéité primordiale dont les 
manifestations se poursuivent depuis l'origine des 
temps géologiques, et dont on peut maintenant 
apprécier toute la diversité". 

F.-A. Fouqué, 


Président de l'Académie des Sciences, 
Professeur au Collège de France. 


des 
riches 


1. Les figures 5, 13, 14, 16 et 17 sont la reproduction ae 
photographies exécutées par M. Berthier, au cours du Voyage 
d'étude de M. le Professeur Fouqué à l’Etna. 

Nous devons à l’obligeance de M. W. Eugelmann. éditeur 
à Leipzig, l'autorisation de reproduire les figures 1,2, #, 6,7, 
9, 10, 11 et 18, tirées du livre célèbre du D' Sartorius von 
Waltershausen sur l’Etna. 

Les figures 3, 8, 12 et 15 sont la reproduction de photo- 
graphies qui nous ont été communiquées-par M. Ed. Alinari, 
photographe à Palerme. NUDeNT- ND. 


+ REVUE GÉNÉRALE DES SCIENCES, 1901. 


D4* 


82 RALEZE — LA 


LAITERIE FRANÇAISE ET SES RÉCENTS PROGRÈS 


LA LAITERIE FRANÇAISE 


ET 


Les industries agricoles, jadis si modestes, si peu 
connues, se transforment avec une surprenante 
rapidité, bénéficiant de tous les progrès récents 
de la Mécanique ou de la Chimie et des découvertes, 
si multipliées et si fécondes, de la science des fer- 
mentations. Entre autres, les industries du lait, qui 
ne datent que d'une vingtaine d'années au plus, 
ont transformé certaines régions auxquelles elles 
sont venues apporter l'activité et la fortune: le 
Danemark, une partie de la Hollande, de la Suède, 
de la Norvège, la Finlande doivent à l'exploitation 
industrielle du lait le plus clair de leurs revenus, et, 
dans notre beau pays de France, au climat doux 
et tempéré, cette irdustrie trouve tous les jours 
une faveur de plus en plus grande. 

La production annuelle du lait en France dépasse 
82 millions d'hectolitres ; c’est environ 4 milliard 
200 millions que l'exploitation de ce produit repré- 
sente dans notre pays. 

Elle est devenue une de nos principales industries 
agricoles parce qu'elle est à la portée des petites 
bourses, et c’est aussi parce qu'elle nécessite peu de 
capitaux qu'elle a éveillé dans nos campagnes 
l'esprit d'association et de coopération collective. 

Les premières laiteries coopératives ont débuté 
timidement par de petites associations fromagères 
dans le Sud-Est; puis, le -succès aidant, l’idée, si 
naturelle et si féconde, de la coopération a fait du 
chemin : elle s’est développée dansle Jura, le Doubs, 
les Alpes, la Savoie, puis a fait son apparition dans 
la Vendée et les Charentes où la culture pastorale 
a succédé à la vigne ruinée par le phylloxera. Dans 
ces contrées, où l'on attendait impaliemment 
l'exploitation qui devait faire revivre les fermes 
délaissées, le succès a été énorme et, depuis 1892 
ou 1893, le nombre des laiteries coopératives s'est 
accru à tel point qu'aujourd'hui le syndicat de ces 
laiteries compte plus de 50.000 membres et que le 
chiffre d'affaires de ces établissements syndiqués 
dépasse probablement 20 millions par an”. 

Le mouvement s'étendra encore. Peut-être, pour 
notre bien national, parviendra-t-il à atteindre la 
Bretagne et la Normandie, quoique, dans cette 
dernière province, les idées soient bien peu tour- 
nées du côté de la coopération ; mais la perspective 
d'un progrès certain, d'un gain palpable (argu- 
ment des plus convaincants) décidera sans doute 


4 Voir Rosenay : Les Laileries coopératives des Deux- 
Sèvres, 


SES RÉCENTS PROGRÈS 


nos cultivateurs de la Normandie à renoncer à un 
isolement dont ils sont les premiers à souffrir. 

Il y a donc beaucoup à faire et beaucoup à espérer 
dans cette industrie ; les laiteries peuvent devenir 
plus nombreuses et plus puissantes sans que la 
concurrence soit à redouter comme cause d’avilis- 
sement des prix. 

Cet avenir si plein de promesses a excité, dans 
nos populations rurales aussi bien que chez nos 
constructeurs et nos mécaniciens, une émulation 
salutaire qui s'est traduite, à notre grande Exposi- 
tion, par l'apparition de plusieurs appareils ou 
procédés nouveaux dus à des Francais. En plus des 
inventions et des découvertes dont nous allons 
parler, l’activité industrielle française s'est révélée 
par des perfectionnements notables dans la cons- 
truction du matériel de laiterie dont la valeur, la 
précision, le fini ne laissent rien à désirer. 

À part quelques machines (certaines écrémeuses, 
qui sont construites par de puissantes maisons du 
Danemark ou de la Suède, outillées spécialement 
en vue de cette fabrication), on peut dire que nos 
constructeurs sont aujourd'hui en mesure de 
fournir tous les appareils nécessaires à l’agence-" 
ment d'une industrie laitière quelconque, et, en 
effet, nous avons trouvé dans notre Exposition 
nationale à peu près tous les appareils et tous les 
procédés soit nouveaux et à l'essai, soit anciens 
et sanctionnés par la pratique. 


I. — LE LAIT EN NATURE. 


La consommation du lait en nature s’accroit tous 
les jours; le lait est l'aliment par excellence des 
enfants et des débiles et la qualité de cet aliment 
va toujours en s'améliorant sous l'influence de 
cette vogue et de la multitude des demandes. On 
a sélectionné les animaux producteurs, on tient les 
étables avec plus de soins de propreté; mais on a 
perfectionné surtout les procédés de conservation 
et de stérilisation. 

Le lait est, de par sa nature, essentiellement 
instable : c’est un milieu d'élection pour le déve 
loppement de tous les organismes et, lorsque sa 
structure, si complexe et si délicate, est attaquée 
en quelques points, des modifications profondes ne 
tardent pas à apparaître : le lait se décompose, 
devient mauvais de goût et dangereux pour la 
santé, tous inconvénients qui ont fait songer à la 


recherche de procédés de préservation contre toute 


R. LEZÉ — LA LAITERIE FRANÇAISE ET SES RÉCENTS PROGRÈS 83 


ingérence de microbes ou décomposition de nature 
quelconque. 

Toute infection par les microorganismes mise à 
part, le lait subit, lorsqu'il est abandonné au repos, 
une première modification physique; la crème 
monte à la surface et le liquide a perdu dès lors 
son homogénéité primitive. On ne la lui restitue 
pas complètement par l'agitation avec chauffage 
modéré ; la crème, surtout lorsqu'elle est séparée 
depuis longtemps, ne se remélange plus uniformé- 
ment au lait, et l'aspect de ce nouveau liquide 
hétérogène a quelque chose de choquant et de 
désagréabie à la vue. 

On s’est préoccupé d'empêcher cette séparation 
de la crème et on y est parvenu en pulvérisant 
mécaniquement ou en fragmentant les globules du 
lait, qui sont cependant 
déjà très petits. 

La théorie indique et 
la pratique confirme le 
fait d’une séparation 
plus prompte ou, si l’on 
veut, d'un écrémage plus 
rapide, des globules 
gros que des globules 
petits. Plus les globules 
sont petits, plus la sé- 
paration demande de 
temps et on peut pré- 
voir l'existence de glo- 
bules si petits de dia- 
mètre que la séparation 
ne se ferait pralique- 
ment plus. 

Lafragmentation s’ob- 
tient en faisant passer du 
lait chauffé entre 30° et 
40° par un orifice extré- 
mement pelit et sous 
pression de plusieurs 
centaines d'atmosphè- 
res: 

Une première solution de ce problème a été 
proposée par M. Julien (à Paris). Le procédé est 
encore mis en pratique à l'heure actuelle avec 
succès complet. 

L'appareil Julien (fig. 1) se compose d’un pot de 
presse hydraulique P dans lequel se trouve un 
piston constitué par deux cylindres À et B de même 
axe, c'est-à-dire dans le prolongement l'un de 
l'autre; ces deux cylindres sont de diamètres diffé- 
rents et chacun d’eux aboutit au dehors par un joint 
étanche de presse. Si l’on détermine dans le pot 
une surpression par une injection de liquide, le 
grand piston tend à ressortir et le petit à rentrer 
par conséquent. Mais le grand piston comprime, 


Fig. 1. — Appareil Julien 
pour la fragmentation des 
globules du lait, — P, pot 
de presse hydraulique; A, 
grand piston pressant le 
ressort R; B. petit piston 
creux; 0, ouverture: E, ar- 
rivée du lait; S, sortie du 

lait. 


dans son mouvement au dehors, un robuste ressort 
à boudin R réglable à volonté, de sorte que l'on 
peut faire monter la pression à un degré voulu, 
mettons par exemple 250 ou 300 atmosphères. 

Mais, quand le gros piston sort au dehors, le 
petit pénètre à l'intérieur du pot : le petit piston 
est constitué par un tube ouvert à son extrémité et 
présentant en un de ses points une ouverture 
extrêmement petite O, un trou d'épingle. 

Quand ce trou arrive à l'intérieur du pot, le 
liquide comprimé trouve une issue et s'échappe par 
la petite ouverture sous une pression énorme. 

Tout ce qui pénètre dans le pot par le tube 
d'amenée E sort par la pelite ouverture. Si l'on 
injecte deux liquides non misecibles, on émulsionne 
l’un d'eux dans l’autre. Si l’on injecte une émul- 
sion déjà préparée, les globules se fragmentent 
sous l'énorme pression, et du lait, traité par cet 
appareil, sort avec des globules tellement divisés, 
d'un diamètre si petit, que l’écrémage spontané ne 
se fait plus; le lait reste indéfiniment homogène. 

L'idée du procédé est fort ingénieuse : MM. Gau- 
lin et C ont imaginé, et avaient exposé au Champ- 
de-Mars, un appareil simple et dérivant d'un prin- 
cipe analogue. 

Les liquides à traiter sont injectés dans un 
espece clos dont ils ne peuvent sortir que par une 
ou plusieurs ouvertures très étroites. En cas d'ali- 
mentation surabondante, il se produit une pression 
qui s'élève, et qui deviendrait dangereuse si l’on 
ne livrait pas issue au liquide, qui arrive en excès 
sur le débit, par une soupape de sûreté qui ne 
s'ouvre que sous une pression minimum de tant 
d'atmosphères, mettons 250 ou 300; le liquide 
s'écoule donc par les petites ouvertures sous une 
pression de 250 à 300 atmosphères. 

L'espace clos dans lequel arrive le liquide 
injecté, dont une paroi est percée de petites ouver- 
tures et où on a logé la soupape régulatrice de 
pression, est enfermé dans une enveloppe portant 
un tube de dégagement. 

On règle le débit et la pression pour que ce tube 
de sortie fournisse toujours un peu de liquide. 

L'appareil de Gaulin et C° remplit fort bien le but 
poursuivi et le lait traité se conserve homogène 
sans trace de séparation de crème à la surface. 


IT. — STÉRILISATION, 


La stérilisation du lait est plus que jamais à 
l'ordre du jour et le temps n'est pas loin, sans 
doute, où, dans les grandes villes tout au moins, 
elle sera rendue obligatoire. 

Deux circonstances retardent cependant cette 
mesure d'hygiène et, pour ainsi dire, d'humanité, 
aussi bien que d'intérêt général : 


84 R. LEZÉ — LA LAITERIE FRANÇAISE ET SES RECENTS PROGRÈS 


1° Le lait stérilisé par le chauffage, seule stéri- 
lisation qui soit efficace, est généralement moins 
agréable au goût que le lait naturel; il présente 
souvent un léger goût de cuit ou de brülé et, 
quoique inférieur en qualité, il coûte cependant 
plus cher que le lait naturel frais. 

2% Le public n’a aucun moyen de s'assurer si le 
lait qu'on lui présente est stérilisé ou non, l'analyse 
bactériologique d'un lait étant longue et délicate; 
celte particularité n'est pas ignorée de certains 
négociants peu scrupuleux, et il arrive parfois que 
l'on met en vente des laits très imparfaitement 
stérilisés, sachant que leur consommalion est en 
général assez prompte et que, d'autre part, des 
plaintes ne sont guère à redouter de la part des 
acheteurs, car la marchandise est périssable et 
d'une bien faible valeur. 

Il y avait donc encore beaucoup à faire ei beau- 
coup à trouver dans celte question de la stérilisa- 
tion. 

Il fallait trouver le moyen de stériliser com- 
plètement le lait sans lui donner le goût de cuit, 
sans altérer ni l’'arome, ni la couleur, et ensuite 
présenter au public ce lait dans des vases clos et 
cachetés, offrant loutes garanties de conservation 
et rendant loutes fraudes impossibles. 

Le problème n’est pas commode : Si l’on chauffe 
le lait dans les environs de 100°, mais sans les 
précautions spéciales que nous allons énumérer, la 
stérilisation est incomplète; quelquefois, la chaleur 
a détruit certains germes pathogènes et l'on s'ap- 
plaudit du résultat, mais la plupart du temps la 
disparition totale des germes dangereux est incer- 
laine. Puis, à supposer qu'elle soit consommée, 
l'expérience a prouvé qu'il pouvait survivre encore 
des germes n'altaquant pas le lait d'une manière 
visible, n'amenant pas la tourne et passant par là 
même inaperçus. Certains de ces germes, qui résis- 
tent à des températures de 108° et de 110°, sont-ils 
inoffensifs? C'est peu probable, carles êtres vivants, 
quels qu'ils soient, sécrètent des toxines et, en tout 
cas, dénaturent quelque peu le lait. 

D'où cette conclusion : c'est que, pour arriver à 
la stérilisation absolue, cerlaine, il faut chauffer 
le lait à une température de 108° à 110° au minimum, 
et pendant un temps assez prolongé. Ou bien, si 
l'on redoute ces hautes températures, il devient 
nécessaire de prolonger longtemps l’action de la 
chaleur ou de l'appliquer à plusieurs reprises. 

Or, tout le monde sait que, si l’on chauffe du lait 
jusqu'à l'ébullition, le lait brunit; il brunit donc 
aux environs de 100°, en perdant, avec sa belle 
couleur appétissante, son délicieux parfum naturel. 

Dans les appareils du commerce, on retrouve, 
dans les produits du traitement à chaud, un écho 
de tous les écueils et des difficultés dont nous 


venons de parler : nous n'avons pas à insister 
sur les petits appareils domestiques employés dans 
les ménages pour stériliser le lait à donner aux 
enfants; la plupart des procédés ou des disposi- 
tions ne présentent rien de scientifique ou d’étudié; 
presque tous ces petits appareils sont des joujoux 
qui donnent à ceux qui s’en servent une bien fausse 
sécurité. Le lait n’est pas stérilisé, il a souvent un 
goût mauvais, dû soit à la cuisson, soit au contact 
avec les bouchons en caoutchouc destinés à l'oeclu- 
sion hermétique. 

Il existait, à l'Exposition, des appareils plus 
sérieux et dont quelques-uns ont déjà recu la 
sanction d'une longue pralique : ce sont les stéri- 
lisations par autoclaves de MM. Gaulin et C° ou 
de M. Fouché. Les procédés se distinguent par 
l'ingéniosité apportée au système de fermeture des 
vases; dans les deux dispositions, on arrive à une 
stérilisation absolue, en montant suffisamment la 
température et sans qu'il en résulte de détériora- 
tion bien sensible du lait dans des vases petits où 
la quantité d'air est nécessairement très limitée. 
Nous rappellerons l'appareil déjà ancien de stéri- 
lisation de M. J. Hignette, dans lequel la chauffe 
atleint seulement 100 ou 102°, mais qui fournit la 
stérilisation par des chauffages répétés ou pro- 
longés. 

A l'Exposition figurait un appareil entièrement 
nouveau et des plus intéressants : l'appareil Kuhn. 

L'inventeur a construit son appareil en en faisant 
la synthèse, c'est-à-dire en conservant devant les 
yeux la liste des problèmes posés et les résolvant 
tous successivement par des dispositions prises 
en conséquence. 

L'air est nuisible : M. Kuhn opère en chauffant 
le lait en grand, sans air et dans un espace com- 
plètement clos.Il fallait procéder vite aux chauffages 
et aux refroidissements : M. Kuhn emploie un bain- 
marie intérieur au lait, c’est une circulation d’eau 
froide ou chaude dans une canalisation placée au 
sein même du lait à traiter. 

Et enfin, pour parer aux inconvénients du chauf- 
fage au contact de corps, tels que cuivre ouétain, 
caoutchouc, etc., toutes les opérations s'effectuent 
dans des vases doublés d'argent, l'expérience ayant 
prouvé que ce métal n’a aucune action chimique 
sur le lait. 

L'appareil se compose d'un gros cylindre doublé 
d'argent et contenant, suivant les modèles, 500 ou 
1.000 litres de lai. 

On commence par faire le plein, puis on chauffe 
jusqu'à 108° ou 110°; le lait se dilate et fait pression 
sur lui-même. Alors, on laisse écouler un léger 
filet de lait petit à petit, de facon à limiter la 
pression intérieure à 3 ou 4 atmosphères en 
moyenne; la pression est donc beaucoup plus 


R. LEZÉ — LA LAITERIE FRANÇAISE ET SES RÉCENTS PROGRÈS 


considérable que celle qui correspond à la tension 
de vapeur du liquide dont elle reste indépen- 
dante. On arrive, au moyen de cet appareil, non 
seulement à une stérilisation absolue, mais encore 
à satisfaire aux conditions mulliples que nous 
avons énumérées. Le lait a conservé son agréable 
couleur naturelle, il ne présente aucun goût de 
euit ou de brûlé, et il est fort difficile, presque 
toujours impossible, de le distinguer du lait frais. 

En transvasant ce lait aseptiquement dans des 
vases complètement remplis et fermés ensuite 
hermétiquement, le lait se conserve indéfiniment, 
même dans les circonstances les plus défavorables, 
par exemple celles de maintien prolongé aux tem- 
pératures de 30 à 35°. 

Les Allemands ont profité des ingénieux travaux 
de notre inventeur francais, et un constructeur de 
Berlin vient d'établir un slérilisateur continu fonc- 
tionnant avec pression de lait. Il est à prévoir que, 
sous peu, on ajoutera à ces appareils la pompe à 
fragmentation, qui s'impose dans la pratique, et que 
l'on trouvera alors couramment, dans le commerce, 
du lait indubitablement stérilisé, d'un goût naturel 
et franc, et conservant indéfiniment l'appélissant 
aspect du lait venant de la traite. 

L'Exposition est à peine fermée que déjà l’on 
signale encore un nouveau procédé des plus sim- 
ples et des plus efficaces. 

Nous voyons arriver ces progrès avec une légi- 
lime salisfaction var l'emploi de ces procédés nou- 
veaux mettra un terme aux craintes qu'inspirent 
trop souvent, avec raison, les laits mis en vente cou- 
rante, soit au point de vue des maladies qu'ils peu- 
vent propager : tuberculose, fièvre typhoïde, etc., 
soit aussi à celui des fraudes dont ils sont l’objet, 
écrémage partiel, addition d’eau ou de lait écrémé, 
etc. Les bidons ou vases de lait stérilisé seront 
toujours scellés hermétiquement et il sera facile de 
retrouver les responsabilités en cas de défauts dans 
la qualité. 


IT. — LE LAIT CONCENTRÉ. 


La concentration du lait a non seulement pour 
but de diminuer le poids mort par l'extraction 
d'une partie de l’eau contenue, mais encore de pro- 
longer la conservation du liquide. Le lait concentré 
s'allère moins vile que le lait naturel, et d'autant 
moins vite encore qu'on l'addilionne d’une cer- 
laine quantité de sucre de canne destiné à rendre 
la masse plus sirupeuse età empêcher la circulation 
de l'air. 

Ce lait concentré n'est donc plus du lait naturel; 
il s'éloigne beaucoup de son modèle, mais dans la 
consommation ordinaire usuelle, avec du thé, du 
café, il peut fort bien remplacer le lait frais. 


Quoique l'industrie de la conceutration ne se soit 
pas très répandue en France, nos constructeurs se 
sont occupés du matériel qu'elle nécessite et nous 
avions à l'Exposition de forts beaux appareils à 
évaporer dans le vide établis par MM. Egrot et 
Grangé, Deroy fils aîné, Gaulin et C'° (leur vacuum 
est pourvu d‘un brise-mousses), Bréhier. 

Notre fabrication francaise, très soignée, a déjà sa 
réputation faite à l'Étranger pour ces appareils de 
concentration et elle lutte avec avantage avec celle 
des Suisses ou des Allemands. Il serait à désirer 
que, trouvant dans le pays une excellente matière 
première, un lait délicieux et des appareils fort 
bien établis, notre industrie nationale arrivàät à 
satisfaire aux demandes de nos colonies en lait 
concentré, mais tel n’est pas toujours le cas, encore 
à l'heure actuelle. 


IV. — INDUSTRIES BEURRIÈRE ET FROMAGÈRE. 


Le beurre se prépare par le barattage de la crème, 
et la crème est obtenue du lait, partout aujourd'hui, 
par le moyen de l'écrémage centrifuge. 

Les écrémeuses, turbines qui tournent aux vites- 
ses énormes de 4 à 8.000 tours par minute (on 
en construit dont le nombre de tours s'élève à 
45 ou 18.000), sont des appareils dont l'établisse- 
ment exige des soins et une habileté loute spéciale 
du constructeur, un choix intelligent des meilleurs 
métaux, car, sans ces précautions, les écrémeuses 
exposeraient, par leur explosion, les ouvriers aux 
dangers d'épouvantables accidents. 

La construction des centrifuges, longtemps can- 
tonnée en Danemark et en Suède, commence à se 
vulgariser, malgré les difficultés qu’elle présente. 

En France, en particulier, l’écrémeuse Mélotte 
est aujourd'hui construite de toutes pièces par 
M. Garin {de Cambrai), qui a eu la hardiesse et qui 
doit conserver tout le mérite de cetle initiative 
heureuse. Il exposait au Champ-de-Mars un maté- 
riel irréprochable fort remarqué et obtenant un 
grand succès. 

D'autres, parmi nos bons constructeurs, se pro- 
posent d'aborder bientôt celte fabrication difficile, 
malgré les frais considérables de création d'un 
oulillage spécial. 

Les différents modèles exposés élaient nombreux 
et créaient à l'acheteur un vérilable embarras du 
choix entre appareils tous de belle et solide cons- 
truction et de toutes grandeurs, depuis de petits 
bijoux, presque des pièces d’horlogerie, écrémant 
30 ou 40 litres de lait à l'heure, jusqu'à une énorme 
écrémeuse, de construction française, à moteur élec- 
trique direct, de taille à travailler 4 à 6.000 litres 
dans le même temps. Nos constructeurs nationaux 
se sont âprement disputé les premières récom- 


86 R. LEZÉ — LA LAITERIE FRANÇAISE ET SES RÉCENTS PROGRÈS 


penses, les grands prix et les médailles d’or que le 
jury était heureux de leur décerner. 

La maturation de la crème est incontestablement 
l'opération capitale de la bonne préparation du 
beurre. On ne se persuade pas assez chez nous de 
cette vérité, et, si nous trouvions à l'Exposition des 
colleclions de ferments purs, ferments lactiques 
pour la plupart, nous ne constations pas que l’on se 
soit préoccupé encore d'établir des étuves ou plutôt 
des chambres à température constante. La régula- 
rité de la température est cependant une des con- 
ditions de la réussite, 
et les beurres de Nor- 
mandie doivent une 
partie de leur répula- 
tion à la régularité 
de la fermentation 
des crèmes dans des 
chambres où passe 
de l’eau courante. 

Dans la matura- 
tion de la crème, il 
se dégage, du lait 
en voie d’acidification 
lactique, un parfum 
que la matière grasse 
emmagasine au fur et 
à mesure; la matière 
grasse peut être quel- 
conque : on obtient 
le délicieux arome du 
beurre en faisant mü- 
rir des crèmes artifi- 


veler les surfaces, alin d'amener, par des chances 
plus nombreuses, la rencontre des globules les uns 
avec les autres. Le barattage se fail par simple 
contact si la température n’est ni trop basse, auquel 
cas les globules restent durs et ne se soudent pas 
entre eux, ni trop élevée, auquel cas la matière 
grasse est trop fluide; l'agitation défait, d’un côté, 
ce qu’elle a édifié de l’autre, les qualités et les ren- 
dements sont mauvais. 

De très bonnes barattes étaient exposées au 
Champ-de-Mars : baratte-tonneau nouvelle (Baquet, 
barattes de Chapel- 
lier, Leconte, Fouché, 
etc.); les types de ces 
appareils étaientnom- 
breux et de construc- 
tionextréèmementsoi- 
gnée- 

Le malaxage du 
beurre après le ba- 
rattage à une in- 
fluence prépondéran- 
te sur la faculté de 
conservation du pro- 
duit; il a pour but 
de parachever l'émul- 
sion du lait dans la 
malière grasse. 

Nous devons men- 
tionner le beau ma- 


tériel d’Hubert, ma- 
laxeurs destinés à la 


cielles composées de 
graisses ou huiles 
quelconques émul- 


sionnées dans du lait. Ce parfum est fugace : il se 
dissipe à l'air peu à peu, ou plus vite à la cha- 
leur : en chauffant du beurre dans le vide et re- 
cueillant ce qui se dégage dans un tube plongé 
dans un mélange réfrigérant, on perçoit, dans ce tube 
refroidi, l’'arome caractéristique du beurre naturel. 

La maturation est donc un enfleurage, dans le 
sens que l’on attache à ce mot en parfumerie. 

La tranquillité de la crème avec la régularité de 
la température donnent les meilleures conditions 
de caplation du parfum. 

Mais, par contre, nos constructeurs mécaniciens 
se sont distingués dans l'établissement du matériel 
de beurrerie : barattes et malaxeurs. 

Le barattage est de mieux en mieux compris et 
l'on sait maintenant qu'il ne consiste pas à fouetter 
la crème, mais bien à l'agiter doucement, à renou- 


Fig. 2. — Appareil de Simon frères pour le malaxage du beurre 
(type mü à bras avec cône retourneur.) 


grosse industrie, et 
aussi les nouveaux 
modèles de Simon 
frères dont la figure 2 
représente le type mû à bras avec le cône retour- 
neur. Cet appareil, qui fonctionnait tous les jours 
sous les yeux du public, a élé vivement remarqué. 

Enfin, signalons, en industrie fromagère, le 
matériel fort bien étudié et de belle construction de 
Lardet et de Laurioz; il nous a semblé supérieur 
en tous points à celui des exposants étrangers. 

En somme, cette exposition du matériel français 
de laiterie a fait honneur à nos constructeurs etles a 
placés à l’un des premiers rangs, si ce n’est tout à 
fait au premier; il nous donne bon espoir pour 
l'avenir el nous a quelque peu consolé de notre 
infériorité trop visible en certaines autres branches 
de l'industrie. 

R. Lezé, 


Protesseur de Laiterie 
à l'École d'Agriculture de Grignon 


= tin) 


af”. 


HENRYK ARÇTOWSKI — L'EXPÉDITION ANTARCTIQUE BELGE 


—.— 


L'EXPÉDITION ANTARCTIQUE BELGE 


Nous voudrions, dans cet article, donner un ré- 
sumé sommaire des travaux accomplis par l'Expé- 
dition antaretique belge. Il serait difficile de dis- 
cuter, dès à présent, les résullats scientifiques 
acquis, l'étude des matériaux rapportés étant à 
peine commencée. Les voyages d'exploration mo- 
dernes nécessitent, au retour, la collaboration d'un 


C'est le 18 août 1897 que l'Expédition a quitté le 
port d'Anvers, et ce n’est que le 29 novembre que 
nous avons passé le cap des Vierges, à l'entrée du 
détroit de Magellan. Dans les canaux de la Terre 
de Feu, nous nous sommes attardés plus de six 
semaines. Cette région est intéressante. Elle a un 
caractère tout à fait antarctique, qui la différencie 


L.Smith 


0 É 
= EE: 
e { 2 


ë Hughes 
= 


frebus et Verror 
ee 


— 


| P\Seymour 


Terre de Graham 


“Grané per LE Porremans 5 rue Hautéfeurlle Farts. 


a 
S 
$ 


“kig. 1. — Carte des terres antarctiques situées au Sud du cap Horn, dessinée par l'Auteur, d'après les cartes de l'Amiraute 


anglaise et d'après la carte du détroit de la Belgica, dressée par M. Lecointe. 


grand nombre de savants. Le calcul des observa- 
tions, l'étude des roches, des plantes et des ani- 
maux ne peuvent être accomplis qu'avec l’aide 
des spécialistes compétents, et c'est pourquoi il 
faudra attendre quelques années avant de pouvoir 
porter un jugement sur la modeste entreprise du 
commandant de Gerlache. 


I 


La Belgica était un petit bateau; c'était l’ancienne 
Patria, le plus petit des baleiniers norvégiens, et, 
capitaine, officiers, machinistes, matelots et sa- 
vants, nous n’étions, {ous compris, que dix-huit 
hommes à bord. 


très notablement du reste de l'Amérique du Sud et, 
d'un autre côté, elle offre des ressemblances frap- 
pantes avec les terres polaires que nous allions 
visiter. 

Au point de vue morphologique, il y a une ana- 
logie certaine entre ces deux pointes continentales 
qui s’avancent l’une vers l’autre. 

Par une heureuse circonstance, nous avons pu 
comparer ces deux régions. 

La Belgica a contourné la Terre de Feu en 
passant par le canal de Magellan, le Magdalena 
Sound, les canaux de Cockburn, de Darwin, du 
Beagle et enfin le détroit de Le Maire. 

C'est le 14 janvier 1898 que la Zelgica a quitté le 
port Saint-Jean, sur l'ile des États, après avoir visité 


38 HENRYK ARÇTOWSKI — L'EXPÉDITION ANTARCTIQUE BELGE 


de nombreux endroils des terres magellaniques et 
des canaux de Darwin et du Beagjle. 


que devait présenter l'extrémité méridionale de 
l'Amérique lors de la grande extension des glaciers 


La flore et la faune de la région des canaux de 
la Terre de Feu étant encore très imparfaitement 


de l’époque pléistocène. C'est le 23 janvier que 
nous sommes arrivés dans la région peu connue 


connues, le nalu- des Terres de 
raliste de l'expé- Palmer (fig. 1)- 
dition, M. Raco- Jusqu'au 13 fé- 


vitza, a pu y faire 
une collection de 
plantes et d’ani- 
maux dans la- 
quelle de nom- 
breuses espèces 
nouvelles seront 
à signaler. 

Pour ce qui 
concerne la Géo- 
logie, il me sem- 
ble que les quel- 
ques observa- 


tions faites sur l'ancienne glacialion de celte con- 
lrée ne manqueront pas d'intérêt. Les glaciers qui 
descendent du massif du mont Sarmiento jusqu'à 


la mer sont 
admirables; 
ceux que l'on 
voit dans le ca- 
nal de Darwin 
sont aussi im- 


Fig. 


2, — Aspect des terres antarcliques découvertes par l'Expédition à 
l'ouest du golfe de Hughes. (Photographie du Docteur Cook). 


vrier, la Zelgica 
a croisé dans le 
golfe de Hughes 
(fig. 2) et dans 
le grand détroit 
découvert. Ce dé- 
troit a élé nom- 
mé détroit de la 
Belgica. Il sépare 
un archipel, for- 
mé de cinq îles 
principales et 
d'un grand nom- 


bre de petites îles, d’une terre qui est le prolon- 
gement septentrional de la Terre de Graham. 
L'archipel a été appelé l'archipel de Palmer et 


la côte qui s'é- 
tend au sud-est 
du détroit de 
la Belgica a élé 
nommée la 


Terre de Dan-. 


posants; mais co, en souvenir 
l'imagination du lieutenant 
fait voir au géo- Emile Danco, 
logue d’autres décédé à bord 
fleuves de glace pendant l'hi- 
incomparable - vernage del’Ex- 


ment plus éten- 
dus. 


pédition dans 
les glaces du 


Des roches pôle Sud. 
polies et mou- Pendant no- 
tonnées, de tre séjour dans 

nombreuses ces parages, 
moraines, des nous sommes 
lacs sous forme parvenus à ef- 
de cuvettes fvcluer vingtdé- 


creusées dans barquements, 
la montagne, bien répartis 
au pied des éta- sur toutel’éten- 


ges des vallées 
el d’autres ves- 
tiges de l’action 


glacière démontrent à l'observateur que les gla- 
ciers actuels ne sont que de minimes restes d'une 
glacialion presque complète de tout ce pays. 

Une dizaine de degrés plus au sud, dans la ré- 
gion des terres découvertes par l'Expédition antarc- 
tique belge, nous avons pu voir quel était l'aspect 


Fig. 3. — La Belgica engagée dans le pack. (Photographie du Docteur 
F Cook). 


due de la carte 
dressée par le 
lieutenant Le- 


cointe. Nous avons également cherché à faire 
l'ascension d'un pic élevé de l'une des îles de 
l'archipel de Palmer, et à cette fin nous avons fait 
une excursion, qui a duré toute une semaine, 
sur les glaciers de cette île; mais les difficultés 
rencontrées à franchir les crevasses nous ont ar- 


nt D Re nent ent 


HENRYK ARÇIOWSKI — L'EXPÉDITION ANTARCTIQUE BELGE 89 


& 


4 
_rêtés à une hauteur de 500 mètres environ. 
_ Le 12 février, nous sommes entrés dans l'Océan 
_ Pacifique et nous avons navigué sur l'emplacement 
_ des îles Biscoë jusqu'à la Terre Alexandre, que 
nous n'avons pu approcher à cause d'un pack 
extrèmement dense. Enfin, poursuivant notre route 
vers le sud-ouest, nous nous sommes engagés dans 
le pack à trois reprises différentes (fig. 3) en vue de 
gagner des latitudes plus élevées. Le 16, une lem- 
pête du nord-est nous a permis de nous avancer 
. dans le pack jusqu'à 71931" de latitude Sud; mais, 


rions faire dans la région antarelique. Malheureu- 
sement, cetle première série annuelle complète 
d'observations ne correspond pas à un point fixe 
du globe car la Belgiea n'a cessé de dériver avec 
les glaces dans lesquelles elle se trouvait empri- 
sonnée; mais, par contre, l'étude de cette dérive 
est des plus intéressantes, car elle démontre que, 
dans la partie de l'Océan Antarctique où nous nous 
trouvions, il n'y a pas de courant sensible, la dé- 
rive dépendant entièrement des vents. 

Néanmoins, et ceci est un fait important à noter, 


Fig. 4. — La Belgica emprisonnée dans 1es glaces. (Photographie du Docteur Cook.) 


la saison étant déjà très avancée, nous sommes 
restés bloqués dans les glaces et nous avons été 
obligés d'hiverner (fig. 4). 


IT 


_ L'hivernage de la Belgica est le premier hiver- 
age antarctique, et il est à remarquer que ce pre- 
mier hivernage a été effectué dans les conditions 
les plus difficiles qu'il puisse se rencontrer dans les 
régions polaires. 

Notre séjour dans les glaces a duré plus d’une 
année, ce qui, du reste, était très désirable pour 
les observations météorologiques que nous dési- 


dans le sud-est il y avait, de même que dans l’est, 
un obstacle contre lequel le pack venait buter 
et le long duquel il se déplacait. 

La Terre d'Alexandre doit donc se prolonger vers 
le sud et s'étendre vers le sud-ouest. 

Les sondages que nous avons effectués viennent 
confirmer cette conclusion. 
- Les glaces du pôle Sud semblent donc se trouver 
dans des conditions très différentes de celles du 
pôle Nord, où il y a plusieurs courants bien pro- 
noncés, qui déblaient les abords de l'Océan Arctique 
de la masse de glace de mer qui s’y forme. La ré- 
gion du pôle Sud est très probablement occupée par 
des terres sur une très vasle élendue, et peut-être 


90 HENRYK ARÇTOWSKI — L'EXPÉDITION ANTARCTIQUE BELGE 


même y a-t-1l un continent antarctique. La grande 
quantité d'icebergs que l'on rencontre dans le 
pack et, en dehors du pack, dans les parlies méri- 
dionales des trois océans qui englobent l'Antarcti- 
que, nous montre que ce qui est le plus caractéris- 
tique pour ces régions, c’est la glace d’origine ter- 
restre. À d’autres points de vue, le pack antarc- 
tique diffère très 
notablementdece- 
lui du Nord. Les 
floes (champs de 
glace) sont plus 
étendus et cou- 
verts d’une couche 
très épaisse de 
neige (fig. 5 et 6) 
et, l'été antarcti- 
que étant très 
froid, la fusion de 
la glace de mer ne 
s'opère que sur 
une faible échelle. 

Le printemps 
étant arrivé, il 
nous semblait que la glace allait bientôt se rompre 
et fondre et qu'il n’y aurait qu'à suivre les voies 
d’eau formées pour se dégager du pack. 

Il n’en à pas été ainsi. Au mois de septembre, le 
thermomètre est descendu jusqu’à — 43° et la tem- 
péralure moyenne de ce mois a été — 18%5; le mois 
d'octobre fut 

également 
froid, et en no- 
vembre le ther- 
momètre est 
encore descen- 
du à — 21°. Ce 
n’est qu'en dé- 
cembre que le 
rayonnement 
solaire a com- 
mencé à atta- 
quer la neige 
d’une facon ef- 
ficaceet, en jan- 
vier, voyant que les conditions de notre prison ne 
changeaient que bien peu, il a bien fallu prendre la 
résolution de se frayer un chemin artificiel dans 
le grand champ de glace au milieu duquel la 
Belgica élait prise. Après des travaux prélimi- 
naires avec des explosifs, qui ne donnèrent aucun 
résultat pratique, el après avoir mesuré l’épais- 
seur de la glace de notre floe suivant différentes 
directions, nous lrouvàämes un tracé d’après lequel 
la glace était peu épaisse; c’est dans celte glace, 
de 1,50 à 4,70 et, au maximum, de 2 mètres 


Fig. 5, — Les pressions dans le pack antarctique. (Photographie de 
l'Auteur.) 


Fig. 6. — Aspect des monticules de glace de mer produits par les pressions de 
la banquise. Ces monticules sont ensevelis sous la neige chassée par les 
tempêtes. (Photographie de l’Auteur.) 


d'épaisseur, que nous avons scié un chenal artificiel 
de 700 mètres de longueur, suffisamment large 
pour que notre bateau püt en sortir (fig. 7). 

Ce travail a duré tout un mois, durant lequel 
tout le monde, sans distinction, a dû travailler pen- 
dant huit heures par jour; c'était là le maximum 
de travail vigoureux que nous pouvions fournir. 

Le canal étant 
terminé, le floe 
s’est rompu, et la 
Belgica a failli être 


écrasée par les 
pressions; mais, 


finalement, le 14 
février 1899, nous 
en sommes sortis, 
et, après un autre 
mois de difficultés 
et de danger con- 
tinuel, la Pelqiea 
réussit à se frayer 
un chemin dans la 
petite glace mou- 
vante et serrée qui 
forme la bordure de la banquise. Nous étions alors 
par 102° de longitude O.; de là jusqu’au cap Horn, 
les vents nous furent favorables. 


III 


Le travait cartographique de l'Expédition est la 
belle carte hy- 
drographique 
du détroit dela 
Belgica, carte 
dressée, par M. 
G. Lecointe ; — 
elle s'étend sur 
1° 1/2 de lati- 
tude et sur 3° 
de longitude, 
c'est-à-dire 
qu'elle ne com- 
prend qu’une 
étendue très 
restreinte; né- 
anmoins, l'intérêt qu'elle présente est considérable, 
car c’est le premier relevé de côtes antaretiques 
détaillé et, comme la description géographique de 
cette contrée sera donnée avec beaucoup de détails, 
elle pourra servir dorénavant comme type d’une 

contrée antarclique. 

La configuration de l'ensemble des terres situées 
au sud de l'Amérique ne ressort pas encore bien 
clairement; pourtant, il me semble qu'avec les don- 
nées acquises on peut se permettre de signaler dif- 
férentes analogies qu'elles présentent avec la pointe 


HENRYK ARÇTOWSKI — L'EXPÉDITION ANTARCTIQUE BELGE 91 


néridionale de l'Amérique. Ainsi, ici également, | être entièrement recouvertes d’un grand manteau 
a côte Pacifique est très montagneuse, et la chaîne | de glace, de sorte qu'elles aussi ont un « inland- 
e montagnes se recourbe vers le nord-est, tout | sis » qui ensevelit tout. 

mme la chaine des Andes se recourbe vers le Ces glaciers sont dépourvus de moraines de sur- 
ud-est. De part face et ils n'ont 
t d'autre, nous £ RENE. ANSE pas de ruis- 
Mnous trouvons seaux comme 
dans des ré- ceux du Groen- 
gions qui pa- land. L'étude 
raissent être des glaciers an- 
[des régions tarctiques au- 
d'affaissement, rait demandé 
ù de profon- un séjour pro- 
vallées sont longé ; pour- 
tant, notre at- 
tention a été 
constamment 
atlirée par la 
grande variété 
de formes que 
nous avons pu 
observer el par 


qui 
rme une ban- 
_ extérieure, 


à remar- la nouveauté 

uer à l’ouest 2 des nombreux 
Fig. 1. — Canal artificiel de 700 mètres de longueur, scié dans la glace de 

la Terre de mer de 1m,70 à 2 mètres d'épaisseur, en Janvier et Février 1899, pour déga- tableaux que 

6 ger la Belgica du champ de glace dans lequel elle est restée emprisonnée : ds 

it RUE toute une année et avec lequel elle a subi une dérive totale de 3.000 kilomè- DONSENIOUS de- 

e à l’ouest de tres. (Photographie de l'Auteur.) vant nous en si 

Terre de Feu. peu de temps, 


Il est difficile de bien se rendre compte du relief | que mème en trois semaines les notes se sont ac- 
des terres découvertes par l'Expédition, la pres- | cumulées. Une découverte importante est à signa- 
ique totalité de la surface se trouvant ensevelie | ler au sujet des glaciers : je veux parler des ves- 
ous d’épais tiges tout à fait 
à de certains d’an- 
ciens glaciers. 
L'époque gla- 
cière à laissé 
ses (races jus- 
que dans la ré- 
gion polaire 
antarctique, là 
même où il est 
difficile de s'i- 
maginer une 
glaciation plus 
forte que celle 
que l’on y voit 


(fig. 
. Ces glaciers 
frent  beau- 
p d'intérêt 
cause de leur 
immense exten- 


La région des 
neiges per- 
pétuelles des- 
end ici jusque 


2 ; Fig. 8. — L'une des iles Biscoë, à la sortie du Détroit de la Belgica. — Celte : ; 
lrès près du ni- île, quoique peu élevée, est complètement ensevelie sous une épaisse couche de nos jours. 


7 de glace permanente. Elle nous démontre que dans les régions antarctiques rai s 
peu de la mer, le niveau des neiges éternelles est au niveau de la mer, par 65° de latitude, Ilme paraît pro 
le sorte que et que des glaciers peuvent se former sur terrain plat. bable que la 
artout s'éten- grande exten- 


ent des champs de névés. Les glaciers se termi- | sion des glaciers antarctiques est conlemporaine 
ent à la mer par des murailles de glace. Vers le | de l’époque glaciaire des canaux de la Terre de 
ud et vers l'est, sur la Terre de Danco et sur la | Feu; malheureusement, nous ne possédons aucune 
Lerre de Graham, c’est l'inlandsis qui s'étendàperte | donnée paléontologique permettant de le démon- 
e vue; et, chose tout à fait caractéristique pour la | trer. Nous n'avons trouvé des terrains sédimen- 
région antarctique, même de petites îles peuvent | taires qu’en un seul endroit ; c'élaient des schistes 


| 

92 HENRYK ARÇTOWSKI — L'EXPÉDITION ANTARCTIQUE BELGE | 

ARS RES AREA PAT 
aux strates fortement inclinées et métamorphi- | donnée de ces terres antarctiques constituera-t-elles 
ques au contact d'une grande masse granilique, | sans aucun doute, une monographie aussi complèté 
et nous ne pouvons rien dire de l’âge de ces schis- | qu'on pouvait l'espérer. 
les. Partout ailleurs, c'étaient des roches éruptives 
anciennes, du granile, de la diorite, de la serpen- IV 
line, une porphyrite et du gabbro. Le terrain erra- 
tique était de beaucoup plus varié, démontrant que Je désire encore indiquer, en peu de mots, quels 
plus au sud, dans les Terres de Graham, il doit y | ques autres recherches de l'Expédition antarctique 
avoir un massif gneissique, des porphyres, mais | belge, concernant la géographie physique de la 
aussi des terrains sédimentaires, car le grès ne | région anlarctique; ils’agit des observations météos 


manque pas. Dans l'archipel de Palmer, par contre, | rologiques et océanographiques. 


Fig. 9. — Le laboratoire de Zoologie, à bord de la Belgica. 


il y a peut-être un ancien volcan, car au pied des | Une série de sondages effectués entre l'ile des 
montagnes, sur l’une des îles de l'archipel, du ba- | Elats et les Shetland méridionales nous font con 
salle et d'autres roches volcaniques ont été trouvés. | naître les relations bathymétriques du grand 

Ainsi, pendant notre court séjour dans le détroit | canal antarctique qui sépare l'Amérique du Sud 
de la Belgica, nous nous sommes efforcé de re- | des terres antarctiques. La plus grande profon 
cueillir Lous les matériaux voulus pour pouvoir | deur mesurée se trouve non loin du cap Horn; elle 
donner une description physique des terres dé- | est de 4.040 mètres, et, à partir de là, le fond de 
couverles; de son côté, le D' Cook ne cessait de | la mer se relève tout doucement vers le sud, car 
prendre des photographies toutes les fois que | par 62° de latitude, nous avons encore mesuré un 
l'éclairage le permettait, et ces photographies en | profondeur de 2.900 mètres. Mais, à partir de là 
disent béaucoup plus que de longues descriptions. | vient une pente assez abrupte qui nous mène rapi= 

M. Racovitza a recueilli une importante collec- | dement vers le plateau continental de l'archipel des 
lion botanique, et ses découvertes zoologiques sont | Shetland méridionales. Au sud du cercle polaire 
du plus haut intérêt; aussi la description qui sera | nous avons également effectué une série de son 


| 
| 
| 
| 
| 
| 


HENRYK ARÇTOWSKI — L'EXPÉDITION ANTARCTIQUE BELGE 93 


dages qui démontrent l'existence d’un plaleau con- Les icebergs, le pack, la formation de la glace 
linental antarctique dont la terminaison est donnée | de mer et les transformations qu'elle subit, ce 
par l'isobate de 500 mètres qui suit à peu près le 71° | sont là des sujets d'étude que nous avons tenu 
parallèle. Au delà, vers le nord, les profondeurs | à ne jamais perdre de vue; mais je ne puis in- 
vont en augmentant rapidement, tandis que, vers | sisler. 

le sud, la plaine sous-marine se relève douce- | Le climat antarclique de la mer glacée est, 
ment, de sorte que par 71°36' on trouve le fond à | d’après nos observations météorologiques, très 


390 mètres. rigoureux, humide et tempétueux. Les cyclones 
Au cours des sondages, de nombreuses séries de | sont fréquents et le vent atteint souvent une vio- 
températures des eaux ont été prises en pro- | lence extrême. La neige est abondante, et le ciel 


fondeur, et des échantillons d’eau ont été puisés | est le plus souvent couvert. Néanmoins, lorsque le 


Fig. 10. — Le laboratoire de Physique, à bord de la Belgica. 


pour la détermination des poids spécifiques. Ces | temps est clair, les phénomènes optiques que l'on 
données permettront de discuter la question de | peut observer dans l'atmosphère rendent admirable 
l'échange des eaux polaires et océaniques dans | ce paysage monotone. 
ces parages. Les différentes phases du crépuscule, les halos et 
L'étude des fonds sous-marins a également pu | les parhélies et le phénomène du mirage ont été 
Êlre abordée, grâce aux échantillons de sédiments | souvent observés, et l'étude de ces phénomènes, 
rapportés par les sondes et par les dragues, et, | variables et encore peu connus, est des plus inté- 
te qui rend ces sédiments tout particulièrement | ressantes. Les phénomènes électriques ne se sont 
intéressants, c'est la grande quantité d'éléments | manifestés que sous forme d'aurores polaires, qui 
terrigènes qui les caractérise. ont toujours élé observées et décrites avec soin. 
De gros blocs sont disséminés avec des cailloux | Les observations magnétiques, qui ont été pour- 
plus petits, du gravier et du sable qui se mêlent | suivies par M. Lecointe, ont démontré que les au- 
àla vase à Globigérines. La provenance de ces blocs | rores australes mouvementées correspondent (de 
erratiques est évidente : ils viennent des terres ant- | même que les aurores boréales) à des tempêtes 
arcliques, ce sont les icebergs qui les charrient. | magnétiques. 


9% 


A. HOLLARD — LES PRINCIPES DE L'ANALYSE ÉLECTROLYTIQUE 


Y 


Comme ce court exposé le démontre, les résultats 
scientifiques de l'Expédition antarctique belge 
seront variés et satisfaisants ‘; une grande publi- 
cation, qui se prépare sous les auspices du Gouver- 
nement belge, les fera connaitre en détail. 

Mais le principal résultat de l'Expédition antarc- 
tique belge aura été d’avoir fait connaître au grand 


public combien peu nous savons encore de 
région du pôle Sud, et combien est minime 
tâche accomplie, comparativement à ce qui doi 
encore être fait au point de vue de l'exploration 
de l'étude scientifique des nombreux problème 
qui se posent au sujet de la géographie antarc 
tique. : 
Henryk Arctowski, 


Membre de l'Expédition. 


LES PRINCIPES DE L'ANALYSE ÉLECTROLYTIQUE 


L'analyse chimique basée sur la séparation des 
éléments par voie électrolytique, en d’autres ter- 
mes l'analyse électrolytique, occupe une place de 
plus en plus importante non seulement dans les 
laboratoires consacrés uniquement à la science, 
mais encore dans les laboratoires industriels. Nous 
ne voulons pas dire par là que les méthodes élec- 
trolytiques soient destinées à se substituer, en 
analyse, aux méthodes gravimétriques et volumé- 
triques ; nous croyons simplement que celles-ci sont 
destinées à remplacer celles-là lorsque ces der- 
nières n'offriront pas le degré de précision et de 
simplicité voulu. Cela se conçoit aisément si l’on 
considère que les principes qui guident les métho- 
des gravimétriques et volumétriques d'une part et 
les méthodes électrolytiques d'autre part sont 
entièrement différents. Là, donc, où les premières 
méthodes ne permettraient pas une séparation 
rigoureuse de certains éléments, il y a bien des 
chances pour que les méthodes électrolytiques ne 
rencontrent pas, elles, les mêmes écueils pour ces 
éléments. C'est ce qui se passe par exemple pour 
la séparation de l’antimoine d'avec l’étain; ces 
métaux, très difficiles à séparer par l'analyse gravi- 
métrique, se séparent, au contraire, le plus aisé- 
ment du monde par l’électrolyse. 


1 Principales publications à consulter au sujet de l'Expé- 
dition antarctique belge : 

Narrations. — De Gerlache, trois articles dans l'Z/lustra- 
tion du mois de mars 1900 et Bull. Soc. Géogr., Bruxelles, 
1900, no 5; — D' Cook, dans Me Clure's Magazine, novem- 
bre 1899, et dans Century Magazine, pour janvier 1900; — 
Dobrowolski, dans Ateneum (Varsovie), septembre 1899 ; — 


Lecointe, Bull. Soc. géogr., Anvers 1900; — Arctowski, 
dans le Geographical Journal, février 1901. 
Résultats généraux. — Lecointe, Arctowski et Racovitza, 


dans Bull. Soc. Géogr., Bruxelles, janvier 1900 ; — Raco- 
vitza, dans la Géographie, février 1900, 

Notices spéciales. — Arctowski dans le Geographical 
Journal, le Bull. de l'Acad. de Belgique, les Comptes Rendus, 
Ciel et Terre, sur les résultats météorologiques, océano- 
graphiques, les aurores australes et les glaciers; — Le- 
cointe, dans Bull. de l'Acad. de Belgique, sur les observations 
magnétiques ; — Dollo, dans Bull. de l'Acad. de Belgique, 
sur les poissons antarctiques; — Arctowski et Renard, dans 
Bull, de l'Acad. de Belgique, sur les sédiments marins. 


Aussi bien, nous n'avons nullement l'intention di 
comparer les deux sortes de méthodes. Cependant 
il est difficile de ne pas être frappé d’un gran 
avantage que présente l'analyse électrolytique 
nous voulons parler de la simplicité de la manipu 
lation, qui consiste à placer les électrodes dans une 
solution, à régler le courant et, à la fin de l'opés 
ration, à laver une des électrodes, la sécher et 
peser. C'est précisément cette simplicité dans Les 
opérations qui a permis de donner tant d’extensio) 
à l'analyse électrolytique dans les laboratoires 
industriels. : 7 

Dans les essais de séparation, par voie électro 
lytique, des éléments les uns d'avec les autres, 
chimiste devra constamment se laisser guider pa 
un certain nombre de principes, que nous allons 
rappeler en {es interprétant avec l'hypothèse de 
ions. 
Dans cet exposé, nous aurons en vue l’analys 
électrolytique des métaux. Nous ne parlerons pa 
de l'analyse électrolytique des métalloïdes, bie 
que les principes qui la guident soient les mêmes 
parce qu’elle n'a été appliquée jusqu'ici qu'à 
très pelit nombre de cas. 


Ï. — LA TENSION DE POLARISATION. 


A. Tout sel métallique, de méme que tout acid 
et toute base, en solution aqueuse, se séparen 
électrolytiquement sous l'influence d'une tensioi 
électrique minima dite tension de polarisation: 

Ce principe n'est pas rigoureusement vrai 
analyse parce que, comme l’a montré Nernst, cett 
tension de polarisation dépend de la concentratio 
du métal dans le bain et que cette concentration 
diminue à chaque instant au fur et à mesure qu 
le métal se dépose. 

En effet, la tension de polarisation 6 se compose 
si l'on néglige la tension ri nécessaire à vaincre 
résistance r du bain, de deux valeurs tout à fai 
indépendantes l'une de l’autre : 1° de la ten 
sion +, nécessaire pour séparer les anions dé 


A. HOLLARD — LES PRINCIPES 


DE L'ANALYSE ÉLECTROLYTIQUE 95 


l’anode ; 2° de la tension <. nécessaire pour sépa- 
rer les cations à la cathode. 

Chaque sorte d’anions ou de cations a, pour une 

| même concentration, une valeur déterminée (2, ou 

s.). Le tableau ci-dessous donne quelques valeurs 


Tensions électriques pour des concentrations normales. 


äla cathode:, à l'anode e4 

» À : = 
Ag. — 0,178 I. 0,52 
io — 0,34 Br. 0,94 
2e m 1.08 
11180 0,0 = ? 
Et 2 GIE 1,31 
He 2 + 0,17 | OH 1,68 
CESR TA ER ELE SO+ 
++ À ENS Lie 

ETES Eee + 0,74 | HSO: 2,6 


* 


er 
= 
=] 


trouvées par Nernst pour les tensions relatives à 
. quelques ions en concentration normale (c’'est-à- 


Pr, 18 


No: M : ; ; 
dire à 7 grammes par litre, m étant le poids mo- 


léculaire et v la valence de l'ion). 
—_ La tension de polarisalion minima nécessaire 
- pour effectuer une électrolyse quelconque s'ob- 
tiendra donc en faisant la somme : 


C— Eg + Ec. 

C'est ainsi que le sulfate de cuivre, en concentra- 
tion normale, exige pour sa séparation électroly- 
tique la tension : 

e— 1,9 — 0,34 — 1,56 volt. 


Les valeurs : el &, dépendent l’une et l'autre de 
la concentration des cations et des anions. En 
“analyse électrolytique, où il y a toujours un grand 
“excès d’anions par rapport aux cations à précipiter, 
- la concentration des anions ne varie pas suffisam- 
«ment au cours del'électrolyse pour faire varier sen- 
- siblement la valeur «,. Au contraire, la concentra- 
tion des cations à précipiter sur la cathode diminue 
constamment, au cours de l’électrolyse, jusqu'à ce 

- qu'elle devienne pratiquement nulle ; il en résulte 
des variations sensibles pour <: etpar suite pour €. 
Ces variations sont données par la formule de 
Nernst : 


K 
Ee = — 


p 
- log ü volts. 


K est une constante pour une même tempéra- 
ture; v est la valence du métal précipité; C est la 
concentration des ions-métal et P la fension de 

- dissolution de ce métal. L'idée de tension a été 
- suggérée dans la théorie des ions par l’analogie 
qu'on a établie entre le phénomène de l'ionisation 
et celui de la vaporisation. De même qu’un liquide 
(ou d’ailleurs tout autre corps) possède une certaine 
tendance à passer à l’état de vapeur et que la 
mesure de celte tendance est exprimée par sa ten- 
sion de vapeur, de même une substance susceptible 


d'envoyer des ions en solution tend à passer à 
l'état d'ions et la mesure de cette tendance est 
exprimée par sa tension de dissolution. 

D'après la formule précédente, on voit que si la 
concentration C des ions du métal qui se dépose sur 
la cathode diminue en progression géométrique, la 
valeur < augmente en progression arithmétique. 
A la température ordinaire (17°), on trouve que si 
la concentration est réduite au 1/10 de sa valeur, 
0,0575 


y 


& augmente de volts, v étant la valence du 


métal. 
Considérons, en particulier, une solution de sul- 
fate de cuivre en concentration normale, c'est-à- 


- 63 ; : 
dire contenant —- grammes de cuivre par litre ; 


celte solution peut être considérée comme pratique- 
ment dissociée. Au fur et à mesure que la concen- 
tration des ions-cuivre diminue par suile du dépôt 
de métal sur la cathode, les valeurs de «, et de e 
sont les suivantes : 


Variation de la tension de polarisation avec la concentration. 


CONCENTRATION 
{nombre de gr. par litre) £c e 


+ 31,3000. . — 0,34 1,56 
3,1500. . —031 1,59 
0,3150. . . GER 1,61 
0,0313. . . — 0,25 1,64 
0,0031. . 10:22 1,67 
0,0003. . — 0,19 1,70 


Les concentrations plus petites sont pratique- 
ment nulles en analyse. 

Avec des solutions de métaux monovalents, les 
variations de e sont encore plus considérables. 

Si, maintenant, on classe les métaux par ordre 
croissant de tensions de polarisation pour une con- 
centration délerminée, on voit que la différence 
des tensions de polarisation de deux métaux con- 
séculifs est bien souvent inférieure aux variations 
de cette tension au cours de l’électrolyse. 

Tensions de polarisation des sulfates et des chlorures. 


SOLUTION À 1 MOLÉCULE-GR. 


MÉTAUX par litre. 

ss sulfates chlorures 
NMANCHLESE Ne Le 2,115 2,134 
An Ca 2,424 1,813 
Cadmium . . 2,062 1,484 
Re: 1,993 1,397 
De lie, ET ER ES EE 1,881 1,295 
Nickel. . . 1,198 1,290 
MITA PORN AE 1 — 12225 
nn Eee ac — 1,215 
Hydrogéene "re ECC 1,662 1,061 
BISMUEN MN 0,995 
AMIMOINE ESP R- -- 0,934 
ArSeniC ee Che ee — 0,760 
CUITE. PNR 1,385 — 
Mercure 175 0,920 — 
ATEeDULS NES 0,926 — 
Palladium APR Enr, — 0,244 
PIaneR EME CE - — 0,170 
OS oh 1 DT ON0E TO — 0,060 


96 A. HOLLARD — LES PRINCIPES DE L'ANALYSE ÉLECTROLYTIQUE 


Il en résulte qu'une méthode d'analyse basée 
exclusivement sur la séparation successive des 
métaux par accroissement graduel de la tension 
électrique aux électrodes ne serait pas exacte. Ce 
principe permet cependant de séparer les métaux 
ayant des lensions très différentes, comme le cuivre 
d'avec l'argent par exemple. 

Il faut donc chercher d’autres principes pouvant 
servir de bases à la séparation électrolytique des 
métaux. Nous allons ainsi être amené à parler 
des sels « complexes ». 

Auparavant, notons les deux principes qui dé- 
coulent des considérations qui précèdent : 

1° Étant donné en solutions différentes sortes 
d'anions et de cations, il y aura électrolyse 
lorsque la tension de polarisation sera suffisante 
pour libérer à la fois lun des anions et l'un des 
cations. 

2 La tension minima à mettre aux bornes d'une 
cuve électrolytique croit avec la dilution du sel. 


II. — LES SELS COMPLEXES :. 


Les solutions employées en électrolyse, que ce 
soient des solutions acides, basiques ou neutres, 
peuvent contenir le métal à l’état de se] simple 
(sulfate de cuivre, nitrale d'argent, etc.), de sel 
double (sulfate de nickel et d’ammonium, etc.), ou 
de sel complexe (zincate de sodium, arseniate de 
cuivre, etc.) 

Un sel simple a un métal qui se dirige vers la 
cathode à l’état d'ions. 

Un sel double se comporte à l'électrolyse comme 
un mélange de deux sels simples, c'est-à-dire que 
les deux métaux se dirigent vers la cathode à l’état 
d'ions. 

Un se] complexe est un sel qui, en solution, se 
dissocie pour donner non pas des ions-mélal, comme 
dans les sels simples ou doubles, mais des ions 
complexes où entre le métal. 

Les sels complexes que l’on rencontre le plus 
souvent en analyse sont les arséniates, les antimo- 
niates, les sulfhydrates doubles de sodium con- 
centrés, les oxalates doubles alcalins, les cyanures 
doubles de potassium. La dénomination de double 
appliquée à ces sulfhydates, oxalates et cyanures 
est donc impropre; nous la remplacerons par celle 
de complexe. 

Dans les solutions des sels complexes un des 
métaux est le cation, le reste de la molécule est 
l’anion complexe contenant l’autre métal. 

Voici quelques exemples de sels complexes dis- 


! Les sels complexes ont été étudiés au point de vue de 
leur application à l'analyse électrolytique, notamment par 
Freudenberg (Zeit. phys. Chem., XIII, 91), auquel nous 
empruntons une partie de’ce qui suit. 


sociés en anions complexes contenant l’un des 
mélaux et en cations constitués par les ions de 
l’autre métal : 


. ST —— 
Cu*(AsO!} — 3Cu +2AS0* 
Arséniate 
de cuivre. 
; NE 
K°{[Zn(OH}'] — 2K + Zu(OH) 
Zincate 


de potassium. 


K2[(C20‘/Zn] — 2K + (C°0)Zn 
Oxalate complexe 
de zinc et de potassium. 


+ 


K[(CAz)'Ag] — K+(CAz}Ag 


Cyanure complexe 
d'argent et de potassium. 


Le métal de l'anion complexe ne pourra se 
déposer électrolyliquement que si cet anion se 
dissocie à son tour, ou si l'on décompose cet anion 
par un courant à très forte tension. 

Dans un cértain nombre de sels complexes, l'anion 
complexe étant déjà en partie dissocié, le métal 
engagé dans cet ion se dépose directement à la 
cathode comme pour un sel simple, aveccette grande 
différence que /a concentration des ions de ce méta 
élant toujours très faible, la tension aux électrodes 
doit ëtre beaucoup plus grande que pour un sel 
simple. 

Lescyanures potassiques complexes d’or, d'argent, 
de mercure, de cadmium ont des ions en partie 
dissociés et s'électrolysent facilement; d’ailleurs, la 
présence de cette dissociation se reconnaît par les 
précipités de sulfure que donnent ces sels com- 
plexes sous l'influence de l'hydrogène sulfuré. Au 
contraire, les cyanures potassiques complexes de 
platine, d'arsenic, de fer, ont des ions complexes 
non dissociés : ils ne précipitent pas par l'hydrogène 
sulfuré et n'envoient pas non plus de métaux à la 
cathode sous l'influence du courant, à moins qu'on 
n’emploie des tensions suffisamment élevées pour 
les décomposer chimiquement. 


III. — SÉPARATION DES MÉTAUX PAR VOIE ÉLECIRO- 
LYTIQUE. 


D'après les considérations qui précèdent, il est 
facile de se rendre compte de l'application qu'on 
peut faire des ions complexes en analyse. Etant 
donné, en solution, différents métaux qu'il s’agit 
de séparer, on engagera un ou plusieurs d’entre 
eux dans des ions complexes afin d’espacer suffi- 
samment les valeurs des tensions de polarisation 
relatives à chaque métal. Un accroissement graduel 
de la tension électrique aux électrodes permettra 
alors de séparer successivement chaque métal. 
Seuls, les métaux engagés dans des combinaisons 
absolument complexes, c'est-à-dire dont {ous les 
ions sans exceplion sont complexes, resteront en 


A. HOLLARD — LES PRINCIPES 


DE L'ANALYSE ÉLECTROLYTIQUE 97 


solution quel que soit le courant. On les ramènera 

à l’état d'ions simples par décomposition chimique 

de la combinaison complexe, puis on les séparera 

électrolytiquement dans les conditions ordinaires. 

Citons enfin un dernier principe d'une très 
grande importance en analyse électrolytique, puis- 
qu'il permet de subdiviser encore les différents 
groupes que nous venons de séparer : 

3° Sont seuls susceptibles de se déposer sur la 
cathode EN SOLUTION FORTEMENT ACIDE, /eS mélaux 
dont les tensions de polarisation sont inférieures 

à celle de l'hydrogène, ainsi que le plomb et l'étain 

dont les tensions lui sont à peine supérieures. 

L'ordre des tensions de polarisation des métaux 
“élant le même que celui des tensions de polari- 
sation de leurs sels, le tableau de la page 95 
‘indique que le manganèse, le zine, le cadmium, le 

- fer, le cobalt, et le nickel ne sont pas susceptibles 
“de se déposer électrolytiquement en solution for- 
tement acide, et qu'au contraire l’élain, le plomb, 

Je bismuth, l’antimoine, l'arsenic, le cuivre, le 

mercure, l'argent, le palladium, le platine, l'or, 
… peuvent se déposer électrolytiquement en solution 
fortement acide. 

Ce principe s'explique aisément si l’on considère 
que les métaux de la première série ont des ten- 
sions de polarisation notablement plus grandes que 
celle de l'hydrogène. Il en résulte qu'en solution 


fortement acide, la proportion d'ions il qui se ren- 

dent à la cathode en même temps que les ions- 

métaux de cette série est assez forte pour empêcher 
tout dépôt métallique sur la cathode. 
- En résumé, une séparation électrolytique de 
plusieurs mélaux en solution comprendra les 
opérations suivantes : 
4) L’addition d’un acide fort, qui permettra une 
première scission des mélaux en deux divisions; 
2) La formalion, dans chacune de ces divisions, 
d'ions complexes en vue d’espacer suffisamment 
les valeurs des tensions de polarisation relalives à 
chaque métal ; 

3) La séparalion successive des métaux à la 
cathode par accroissement graduel de la tension 
de polarisation. 

En dehors des principes généraux qui précèdent 
et qui servent de base à la séparation des métaux 
les uns d'avec les autres, il faut noter la propriété 
‘que possèdent le cobalt, le nickel, le manganèse, le 
‘plomb, le bismuth et l'argent de pouvoir, dans 
erlaines condilions, se déposer à l’état d'oxyde 
ur l'anodé. Celte propriété est d'un très grand 
secours en analyse, au moins pour séparer le man- 
ganèse et le plomb; les autres métaux n'ont pas 
encore pu être déposés en totalité à l’état d'oxyde 
sur l'anode, la plus grande partie se déposant sur 
la cathode ou restant dans le bain. 

REVUE GÉNÉRALE DES SCIENCES, 1901. 


IV. — L'INTENSITÉ DU COURANT. 


L'intensité du courant règle, conformément à la 
loi de Faraday, la quantité de métal déposée dans 
un temps donné. Il semble donc qu’on puisse cal- 
culer aisément, d’après cette loi, le temps néces- 
saire pour priver complètement un bain d'un métal 
déterminé. Il n'en est rien, car le bain contient 
toujours des cations étrangers à ce métal, en par- 
ticulier des ions H. La concentralion de ces ions 
est assez faible, pour qu'au début de l'électrolyse 
elle soit négligeable par rapport à la concentration 
du métal à déposer; la quantité du métal déposé 
est alors proportionnelle à la quantité d'électricité 
qui passe, conformément à la loi de Faraday. Mais 
lorsque le bain s’est appauvri en métal, la concen- 
tralion des ions de celui-ci est comparabie à celle 
des ions ñ (pour ne parler que des ions ï ). La loi 
de Faraday s'applique toujours, mais à condition 
de tenir compte du dépôt à la cathode non seule- 
mentdes ions-métal, mais encore des ions H et des 
autres ions étrangers. ‘ 

Cette concentration des ions H, d'ailleurs, aug- 
mente souvent au fur et à mesure que l'électrolyse 
se fait, ce qui retarde encore la fin de l'opération. 
C'est ce qui a lieu, par exemple, dans l'électrolyse 
du.sulfate de cuivre, où la quantité d'acide sulfu- 
rique du bain augmente proportionnellement à la 
quantité de cuivre déposé puisque, pour chaque 
équivalent de cuivre déposé, il y a un équivalent 
d'acide sulfurique formé, 

L'acide sulfurique élant dissocié en ions mn el 


SO’, sa production amènera dans le bain de nou- 
veaux ions I. 

Ainsi, dans une analyse électrolytique, la plus 
grande partie des éléments à séparer se dépose 
pendant les premiers moment et les dernières par- 
lies se déposent beaucoup plus lentement. 

La densité du courant, e'est-à-dire le rapport de 
l'intensité à la surface totale de l'électrode sur 
laquelle se fait le dépôt, doit être comprise entre 
certaines limites. En effet, l'adhérence et la compa- 
cité du dépôt, facteurs très importants en analyse 
électrolytique, dépendent en partie de la densité 
du courant. En outre, une trop grande densité peut 
provoquer sur l’électrode un dégagement gazeux 
qui altère ou qui retarde la formation du dépôt. 


V. — LES ÉLECTRODES. 


Les électrodes doivent être inattaquables par les 
bains employés, cela va de soi ; de plus, elles doivent 
offrir une forme telle que la densité du courant sur 
l’électrode qui reçoit le dépôt soil aussi homogène 


que possible. 


DELLE 


98 A. HOLLARD — LES PRINCIPES 


DE L'ANALYSE ÉLECTROLYTIQUE 


Les électrodes idéales au point de vue de l’ho- 
mogénéité de la densité seraient constituées par 
deux sphères concentriques, le liquide se trouvant 
entre ces deux sphères. 

Classen et Riban, pour se rapprocher le plus 
possible de cette forme idéale, se servent d'une 


Fig. 1. — Ælectrodes de 


Fig. 2. — Electrodes 
Classen. 


de Riban. 

capsule hémisphérique (fig. 1 et 2) destinée à rece- 
voir le dépôt électrolytique. L'autre électrode est 
située, concentriquement à la première, à l'inté- 
rieur de celle-ci; elle est constituée soit par un petit 
disque (Classen), soit par une petite capsule hé- 
misphérique (Riban). 

Les deux appareils qui précèdent n’ont pas leurs 
pareils pour la réalisation d’une densité de courant 
aussi parfaitement homogène. 
Mais ils présentent deux incon- 
vénients : le premier, c’est que 
l'électrode destinée à recevoir le 
dépôt sert de récipient au bain; 
aussi ces électrodes ne peuvent- 
elles servir que pour les liquides 
parfaitement clairs et non sus- 
ceptibles de donner de précipité 


LT 
TN rl 
IL 


au cours de l’électrolyse. Le 
deuxième inconvénient de ces 


appareils c’est de n'utiliser que 
la face interne seule de la cap- 
sule pour recevoir le dépôt, ce 
qui entraine une grande dépense 
de platine. 

Pour l'appareil classique de Ri- 
che, le premier de ces inconvénients n'existe pas. 
Cet appareil (fig. 3) consiste en deux creusets con- 
centriques ; le premier creuset intérieur, quiestsans 
fond et percé de fenêtres, reçoit le dépôt électroly- 
tique. Avec ce système d’électrode, on peut laisser 
impunément un précipité au fond du bain. La 
dépense de platine est malheureusement forte. 

L'appareil que nous avons fait construire (fig. 5) 
est une modification de celui de Luckow (fig 4). — 
Qu’on veuille bien nous excuser si notre partialité 
d'auteur nous porte à en grossir les avantages. — 
Il est constituée par un cylindre en platine un peu 
évasé destiné à recevoir le dépôt électrolytique et 
par une deuxième électrode entourant la première 
à l'intérieur et à l'extérieur. La densité du courant 


Fig. 3. — Electro- 
des de Riche. 


est ainsi rendue à peu près homogène à l'intérieur 
et à l'extérieur de l’électrode qui recoit le dépôt. 
Cette densité, bien que moins parfaitement homo- 
gène que dans les appareils de Classen et de Riban, 
est cependant suffisante dans la pratique. La sur- 
face active de l’électrode est très grande pour un 
poids de platine relativement très faible. L'élec- 
trolyse se fait dans un verre transparent, aussi est-il 
plus facile qu'avec les appareils précédemment dé- 
crits d’y suivre les différentes phases de l’opéra- 
tion. Enfn, s'il y a un précipilé dans le liquide, il 
n'est pas toujours nécessaire de le filtrer; il suffit 
de le laisser se déposer au fond du verre, de plon- 
ger ensuite les électrodes et de faire passer le 
courant. 

Pour les dépôts peu adhérents, on a intérêt à avoir 
des surfaces d'électrodes aussi 
grandes que possible. A cet effet 
nous avons fait construire des 
électrodes en toile de platine 


Fig-"4 — Electroly- 
seur Lüuckow. 


Fig. 5. — Ælectrolyseur 
Hollard. 


identiques quant à la forme à l’électrode en feuille. 


VI. — CONCLUSION. 


Tels sont, dans leurs grandes lignes, les principes 
qui doivent, à notre sens, guider le chimiste dans 
ses recherches d'analyse par voie électrolytique. 
S'il y a encore quelques séparalions qui n'ont pu 
être réalisées par l'analyse électrolytique, c'est que 
cette science est née d'hier et qu'on est loin d'avoir 
épuisé toutes les ressources que fournissent les 
principes que nous avons rappelés. Il n'est pas 
nécessaire, pour la mettre à profit, d'attendre 
qu'elle soit devenue une science complète et indé- 
pendante. Pour le moment, elle est le complément 
indispensable de l'analyse gravimétrique, dont elle 
a déjà comblé des vides énormes et à laquelle elle 
a fourni des méthodes d'une simplicité incompa- 
rable. A. Hollard, 


Chef du Laboratoire central de la Compagnie 
française des Métaux. 


BIBLIOGRAPHIE — ANALYSES ET INDEX 


99 


ANALYSES 


1° Sciences mathématiques 


Loir (M.) et de Caqueray (G.), Lieutenants de 
vaisseau. — La Marine et le Progrès. Les luttes 
de l'avenir par la Science, par les millions. — 
1 vol. in-16 de 369 pages. (Prix : 3 fr. 50.) Librairie 
Hachette et Cie, Paris, 1901. 

« Ce livre n'a pas de prétentions scientifiques. Il est 
uniquement une œuvre de vulgarisation ». Telle est la 
première phrase. Elle définit nettement le but pour- 
suivi par les auteurs, qui est d'expliquer l’évolution du 

matériel naval au cours du dix-neuvième siècle et sa 

£ composition au début du vingtième siècle. 

…. L'introduction a pour titre : « Le rôle et l'utilité de 

… la Marine ». Elle rappelle par des exemples récents et 

… montre par des hypothèses plausibles quel a été et quel 

… serait le rôle de la Marine dans une guerre où la France 
se trouverait engagée : diversions sur les côtes enne- 

“ mies, maintien des communicalions avec nos posses- 
sions africaines, ravitaillement par mer en armes et en 
munilions comme en 1870, destruction de la marine de 

— commerce ennemie, etc. 

… Les auteurs combaltent la théorie qui n'assigne à la 
Marine qu'un rôle secondaire dans les guerres futures 
etconcluent par ces mots de Richelieu : « On ne peut, sans 
la mer, ni profiter de la paix, ni soutenir la guerre. » 

Après avoir comparé l’ancienne flotte à voiles à la 
marine à vapeur, et constaté la révolution complète 
qui s’est opérée aussi bien dans la construction et l’en- 
tretien du matériel naval que dans les conditions 
mêmes de la guerre, la tactique et la stratégie mariti- 
mes, ils racontent, d’une facon fort intéressante, les 
débuts laborieux de la marine à vapeur, les luttes contre 
les préventions, le triomphe définitif après le merveil- 
leux succès du Napoléon, de notre célèbre ingénieur 
Dupuy de Lôme, en 1855. 

—. Vient ensuite l'historique des progrès dans la période 

mmnqui s'étend de 1853 à 1875. Les principales étapes 

“sont : l'emploi des projectiles creux ou obus (inven- 
tés par le général Paixhans), la destruction de la 
flotte turque à Tchesmé par les obus russes (1853), la 

r. construction, sur l’ordre de Napoléon II, des batteries 

….ilottantes cuirassées, employées pour la première fois 

dans la guerre de Crimée où elles prennent une part 

* prépondérante au bombardement de Kinburn (1855), 
la construction de la frégate cuirassée Za Gloire, surles 

- plans de Dupuy de Lôme (1857), la construction des cui- 

rassés à réduitcentral Magenta et Solferino(1860), l'adop- 

tion de l’éperon sur ces bâtiments, l'apparition du type 

Monitor qui nous vient d'Amérique, le commencement 

de la construction en fer (la frégate /a Couronne, 4860), 

puis l'addition des cloisons étanches (le cuirassé Océan, 

1870). du pont blindé et du double fond {le cuirassé Re- 

doutable, 1875) qui ajoutent tant à la sécurité des na- 

vires, l'adoption de l'acier (1875, M. de Bussy). 

Les auteurs font remarquer justement que, trois fois 
en vingt ans, la France a tenu la tête des constructions 
navales et montré la voie du progrès : création du pre- 
mier vaisseau rapide à vapeur, de la première batterie 
blindée, du premier navire cuirassé. 

Ils nous montrent l’évolution nouvelle causée par 
l'apparition ‘de la lorpille. On crée, pour l'utiliser, des 
bâtiments nouveaux, les torpilleurs; on crée, pour s’en 
défendre, les filets métalliques, toute l'artillerie légère 
à tir rapide, et les contre-lorpilleurs ou destroyers, pe- 
tits croiseurs à grande vitesse destinés à détruire les 
torpilleurs. 

La lutte entre le canon et la cuirasse, qui dure depuis 

si longtemps, est fort bien décrite. L'artillerie augmente 


BIBLIOGRAPHIE 


ET INDEX 


d'abord successivement ses calibres, passant de 19 cen- 
timètres à 24, 27, 34 et enfin 42 centimètres ; puis elle 
cherche l'accroissement de puissance dans l’augmen- 
tation de vitesse initiale. Aussi les calibres diminuent 
et reviennent à 305 millimètres, tandis que la vitesse 
initiale passe de 450 mètres sur le cauon de 42, à 
820 mètres sur le 305. 

Le tir des pièces d'artillerie moyenne (16, 14, 10 cen- 
timètres) est accéléré. Enfin, l'emploi des explosifs puis- 
sants vient rendre les effets des projectiles plus terribles 
encore. 

La cuirasse, après avoir d'abord cherché à lutter par 
l'accroissement de l'épaisseur poussée jusqu’à 55 centi- 
mètres en France, 61 en Angleterre, est fabriquée en 
métal de plus en plus résistant (métal compound, 1880; 
procédé Schneider, 1889; procédé Harvey, 1894; procédé 
Krupp, 1898) et l’on diminue son épaisseur pour protéger 
une partie de plus en plus grande de la surface des 
œuvres mortes du navire. Le croiseur cuirassé Je Du- 
puy-de-Lome, de M. de Bussy, est le premier type cons- 
truit dans cet ordre d'idées. IL est imité partout. Les 
cuirassés, à leur tour, blindent la plus grande surface 
possible au lieu de limiter la cuirasse à une étroite 
bande à la flottaison, Enfin, on cherche une augmenta- 
tion de la sécurité dans le dédoublement des ponts 
blindés et un compartimentage cellulaire à la flottaison, 
dont le principe est dû à M. Bertin (1875). 

La « course à la vitesse » fait l’objet du chapitre v. 

Tandis qu'is y a vingt ans une vitesse de 15 nœuds 
élait considérée comme très belle, aujourd'hui les tor- 
pilleurs alteignent 31 nœuds (/e Forban de M, Normand, 
1897) et 33 nœuds (/a Viper anglais de M. Parsons, 1900); 
les grands croiseurs, 23 nœuds 5 (Guichen, 4899); les 
paquebots, 23 nœuds (/e Deutschland, 1900). 

Les auteurs montrent l'énorme importance de la vi- 
tesse aux points de vue lactique et stratégique. Ils ap- 
pellent l'attention sur ce fait, trop peu connu, que les 
vitesses d'essai de nos navires sont très voisines de leurs 
vitesses en service courant, parce que nos essais sont 
faits loyalement, dans les lignes d’eau correspondant 
au chargement normal; il n’en est pas de même à 
l'Etranger, surtout en Angleterre, où il manque toujours 
des poids considérables à bord des navires au moment 
de leurs essais. 

Les perfectionnements nombreux amenés dans les 
machines à vapeur et les chaudières par la recherche 
des grandes vitesses sont ensuite passés en revue. 

On s’est trouvé finalement conduit à une augmenta- 
tion considérable du déplacement; on arrive aujour- 
d'hui à 15.000 tonneaux pour les cuirassés, 13.000 pour 
les croiseurs. 

Puis, MM. Loir et de Caqueray traitent un sujet tout 
d'actualité : la navigation sous-marine, C’est le dernier 
moyen de combat que le siècle a vu entrer dans la pra- 
tique; c'est peut-être celui dont l'avenir est le plus 
grand. Les auteurs font l'historique des sous-marins 
depuis les premières tentatives de Van Drebbelt, à Lon- 
dres en 1620, en passant par la Tortue de Bushnell 
(1786), le Nautilus de Fulton (1800), jusqu'aux derniers 
types parus : le Gymnote, le Gustave-/Zédé, le Morse 
et le Narval en France, le Plunger et le Holland aux 
Etats-Unis. 

Ils font ressortir que les Anglais ont tout à perdre à la 
mise en pratique de la navigation sous-marine et 
qu'après l’avoirtraitée dédaigneusement, ils ontreconnu, 
par l’organe même du premier lord de l’'Amirauté, que 
le moment était venu de s’en préoccuper. 

Les auteurs établissent enfin que l'emploi du sous- 
marin dans les guerres navales est légitime, ainsi que 


100 


BIBLIOGRAPHIE — ANALYSES ET INDEX 


la reconnu la Conférence de La Haye, à laquelle la 
question avait été posée par le tsar Nicolas IL. 

Ils parlent enfin de l’utilisation des navires de com- 
merce en temps de guerre. La « course », supprimée 
en 1856 par le Traité de Paris, ne peut plus être faite 
que par des croiseurs de la marine de guerre, ou par 
des bâtiments du commerce transformés en croiseurs 
auxiliaires en temps de guerre. Les paquebots moder- 
nes, avec leurs énormes vitesses, seront les meilleurs 
corsaires. Leur prix élevé de construction et d'armement 
fait que leur nombre n’est pas très important. L’An- 
gleterre, dans son immense flotte commerciale, n’a que 
38 paquebots filant 18 nœuds et au delà. Il est à noter, 
d’ailleurs, que les deux paquebots les plus rapides actuel- 
lementàflot appartiennentà l'Allemagne: le Deutschland 
(23 nœuds), Je Kaiser Wilhelm (22 nœuds 5). 

Outre lesbatiments employés comme corsaires, d'autres 
seront utilisés comme transports de troupes, de char- 
bon ou de matériel, comme bäliments-hôpitaux, etc. 

Le prix de revient des navires fait l’objet du chapitre 
vu. Ce prix s'est naturellement élevé en même temps 
que la complication et le nombre des organes s’est 
accru. La comparaison donnée par les auteurs entre le 
Redoutable (1874) et le Masséna (1894) est saisissante à 
ce point de vue. 

Le kilogramme du navire armé, qui coûtait 0 fr. 76 
en 1871, revenait à 4 fr. 66 en 1891 et atteint aujour- 
d'hui 2 fr. à 2 fr. 20 pour les grands navires, en France. 
Tout est plus cher : les blindages en fer coûtaient 1 fr. 
le kilo, ceux en métal compound 1 fr. 80, ceux en 
acier 2 fr. 20, ceux en métal Harvey 2 fr. 40. Un ca- 
non de 27 centimètres, modèle 1866, valait 18.550 francs; 
un canon de 27centimètres modèle 1893 en coûte 175.000. 

Les frais d'entretien d'un matériel compliqué aug- 
mentent naturellement beaucoup aussi. 

Tout ce chapitre, bourré de chiffres et de renseigne- 
ments extrêmement intéressants, explique bien pour- 
quoi le budget de la Marine a pu passer de 106 millions 
en 1872 à 292 millions en 1900 (troupes déduites). 

Nous voyons ensuite qu'en Angleterre le kilogramme 
du navire armé ne coûte que 1 fr. 50. Cela tient surtout 
au prix des matériaux de construction. Pour la coque 
et le blindage, on a pour 60 francs, en Angleterre, ce qui 
qui en coûte 100 en France. 

Les auteurs sigualent enfin les réformes à apporter : 
industrialiser le mode de travail des arsenaux (ils cons- 
tatent cependant que des progrès sensibles ont été réa- 
lisés de ce côté), diminuer les frais généraux excessifs, 
les frais d'administration, de surveillance, supprimer 
les nombreux services auxiliaires, enfin spécialiser les 
arsenaux, au lieu de conserver 5 arsenaux de plein exer- 
cice, ce que n’a pas l'Angleterre avec une marine triple 
de la nôtre. 

Dans le dernier chapitre: « Regard sur l'avenir », les 
auteurs, après avoir résumé ce qui précède, constatent 
que tout le monde arrive aux grands tonnages et indi- 
quent la composition probable des flottes qu'on va 
mettre partout en construction. 

Tel est ce livre, qui vieut au bon moment, alors que 
tout le monde, en France, après l'humiliation de Fa- 
choda, a les yeux tournés vers les choses de la mer. 
Il défend notre Marine contre les attaques injustes et 
les critiques systématiques; mais aussi il n'hésite pas 
à signaler les points faibles et les réformes désirables. 
C'est l’œuvre de deux patriotes sincères et de deux 
esprits clairvoyants. d'AOUNE 


2° Sciences physiques 


Thomson (J.-J.), de la Société Royale de Londres. — 
Les Décharges électriques dans les Gaz. l'raduction 
française, avec notes, de M. Louis BarBicLon. l’réface 
de M. Cu.-Ev. GuiLLaume. — 1 vol. in-8° de 172 pages 
avec 41 figures. (Prix 5 fr.) Grauthier-Villars, édi- 
teur. Paris, 1900, 

L'étude des phénomènes électriques dans les gaz a 
pris depuis quelques années une extension considérable. 


Les progrès réalisés dans cette branche de la Physique 
permettent d’entrevoir maintenant un lien entre des 
phénomènes en apparence fort différents, tels que les 
décharges électriques dans les tubes de Geissler ou de 
Crookes, la convection photo-électrique, la conductibilité 
acquise par les gaz sous l'influence des corps incandes- 
cents ou des rayons Rôntgen, le phénomène de Zee- 
mann, etc. À 

Lestravaux del’illustre physicien anglaisJ.-J, Thomson 
ont tout particulièrement contribué au progès de cette 
question, et l'esprit de généralisation qui a présidé à 
ses recherches se retrouve dans son ouvrage. 

Dès les premières pages, l’auteur nous met en pré- 
seuce de phénomènes bien faits pour conduire à l’idée 
moderne de l’ionisation des gaz, à savoir l'impossibilité 
absolue de communiquer une charge électrique à un 
gaz par simple contact, alors qu'au contraire, sous cer- 
taines influences (réactions chimiques, électrolyse, 
action de la lumière ultra-violette ou des rayons Rônt- 
gen), certaines particules de ce même gaz acquièrent 
une capacité électrique énorme et peuvent transporter 
des charges considérables. 

La description du phénomène de la condensation des 
vapeurs par les gaz électrisés, et un long chapitre con- 
sacré à la conductance acquise par les gaz sous l'in- 
fluence des rayons Rüntgen, complètent cette première 
partie. 

La seconde parlie renferme l'exposé des principaux 
faits relatifs à l’action de la lumière ultra-violette sur 
les corps électrisés, et à l’électrisation des gaz par les 
métaux portés à l’incandescence, les flammes et les 
décharges électriques : elle se termine par l'étude des 
phénomènes d’électrolyse dans les gaz. 

La troisième partie est exclusivement consacrée 
aux rayons cathodiques et aux rayons de Lénard. Elle 
renferme, résumé en cinquante pages, tout ce qu'il ya 
d’essentiel sur ce sujet. 1 

L'extrême clarté de l'exposition rend particulièrement 
facile la lecture de cet ouvrage, et l’on ne peut guère lui 
reprocher que d'avoir paru deux ans trop tôt. Toutefois, 
M. Barbillon est allé au-devant de cette critique et, dans 
une série de notes substantielles, 1l met le lecteur au 
courant des progrès accomplis sur ces questions pen- 


dant ces dernières années. P. VicLaro, 
Docteur ès sciences. 


Sambuc (D'), Professeur agrégé à la Faculté de Mé- 
decine et de Pharmacie de Lyon. — Précis de Chimie 
minérale. — 1 vol. in-12 de 970 pages de la Bibliothè- 
que de l'Etudiant en Pharmacie.(Prix cartonné :40 fr.) 
A. Storck et Cie, éditeurs, 8, rue de la Méditerranée, 
Lyon, 1900. 


L'ouvrage est divisé en trois parties : généralités, 
métalloides et métaux. 

S'il faut louer l'auteur d'avoir voulu présenter les 
généralités sous une forme plus moderne que celle 
généralement adoptée dans les précis similaires, du 
moins peut-on regretter que certains chapitres, et parti- 
culièrement celui des équilibres chimiques, présentent 
quelques lacunes qui, cependant, étaient susceptibles 
d'être comblées en restant sur un terrain très élémen- 
taire. 

Dans ce chapitre, l’auteur, après avoir exposé l'ana- 
logie qui existe entre les phénomènes d'équilibre chi- 
mique et ceux d'équilibre mécanique, nous montre très 
nettement comment les varialions de l’état d'équilibre 
d'un système avec la pression et la température peuvent 
être prévues qualitativement au moyen du théorème de 
Le Châtelier. Après ce début, on pouvait s'attendre à 
trouver quelques notions sur la partie quantitative du 
phénomène, tout au moins la loi des tensions fixes pour 
les systèmes monovariants. C'est en vain que nous 
l'avons cherchée. Sans doute, l'auteur aura craint que 
trop de développements sur ces questions délicates ne 
sortent un peu du cadre d'un Précis, mais il eût été 
préférable, à notre avis, de remplacer les quelques pages 
consacrées à la Stéréochimie, dont l'intérêt est discu- 


Fr 


BIBLIOGRAPHIE — ANALYSES ET INDEX 


101 


table en Chimie minérale, par ces notions très impor- 
tantes au point de vue de la dissociation et des trans- 
formations allotropiques. C’est une lacune que nous 
engageons l’auteur à combler dans la prochaine édition. 

La monographie des éléments forme les deux der- 
nières parties, métalloides et métaux, suivant la division 
généralement adoptée dans l'Enseignement. Dans 
chacune de ces parties, l'ordre suivi est celui de la 
classification de Mendelejeff. Si cet ordre est très conve- 
nable pour l'étude des métalloïdes, j'avoue, sans 
craindre d'être considéré par certains comme tant soit 
peu vieux jeu, que, pour les métaux, cetordre, au point 
de vue didactique, me parait présenter plus d’inconvé- 
nients que d'avantages. Pour un étudiant de nos Ecoles 
de Médecine et de Pharmacie, qui doit surtout retenir 
de la Chimie le côté pratique, il est préférable de lui 
enseigner le cuivre à côté du plomb plutôt que dé pla- 
cer ce métal immédiatement après l’ammonium, et la 
classification de Thenard reste encore pour lui celle 
qui est le plus ulile à connaître. 

Mais, à part ces quelques réserves de détail, je dois 
dire que j'ai lu ce petit livre avec grand plaisir. Il est 
écrit avec clarté, il contient un grand nombre de faits 
que l’on considère à tort comme sans importance dans 
les ouvrages similaires; et, quant à la partie industrielle, 
elle est au courant des perfectionnements récemment 
introduits dans plusieurs branches de l'industrie chi- 
mique. 

Ceux de nos étudiants qu'intéresse la Chimie miné- 
rale trouveront donc, dans ce livre, un guide aussi sûr 
que clair et précis. H. Gaurier, 

x Professeur de Chimie minérale 
à l'École supérieure de Pharmacie de Paris. 
Valeur (Amand), Préparateur de Chimie au Collège 
de France. — Contribution à l'étude thermo- 
chimique des quinones. Recherches sur la cons- 

* titution des quinhydrones. (Thèse de la Faculté des 

Sciences de Paris). — 1 vol. in-8° de 106 pages. 

Gauthier- Villars, imprimeur. Paris, 1900. | 

L'auteur à su tirer de ses résultats thermochimi- 
ques des conclusions fort intéressantes; mais, de plus 
il a, au cours de ses recherches, élucidé certains points 
d'ordre purement chimique. 

Les conclusions auxquelles arrive M. Valeur peuvent 
se résumer ainsi : 

La fonction paraquinone est caractérisée par le déga- 
gement de chaleur qui accompagne la fixation de deux 
atomes d'hydrogène. Cette quantité de chaleur est bien 
plus considérable dans les paraquinones que dans les 
orthoquinones. 

Dans ce dernier cas, les orthoquinones sont compa- 
rables aux célones simples. La chaleur de réduction 
des paraquinones décroit quand on substitue, dans la 
molécule, du chlore à de l'hydrogène. À 

Le chloranile est comparable, au point de vue ther- 
mique, à uo chlorure d'acide bibasique. 

Au point de vue thermique, les quinone-oximes sont 
comparables aux nitrosophénols. 

Outre ces recherches calorimétriques, l'auteur a 616 
conduit à imaginer une nouvelle méthode de dosage 
des quinones et desquinhydrones, une méthode égale- 
pen ToeUS de dosage des halogènes dans les ma- 
ÊTES organiques. Enfin, il a abordé l'étude de la cons- 
ES el il a montré que, parmi 

. diffé s for proposées, une seule conve- 
nait qui expliquait convenablement les réactions de ces 
composes,. G. BLaxc, 


Docteur ès sciences. 


Villon (A.-M.) et Guichard (P.). — Dicti i 
Chimie industrielle. 7! III, Re a pe 
Tignol, éditeur. Paris, 1900. ; 

Ce fascicule comprend, notamment, les arti bre 
noleum, Magnésium, Malt, Manganèse, nn 
cerisafe, Mercure, Molybdère, Monazites, Mordants 

Mortier, Naphtaline, Nickel, Nitrates, Noirs Opium et 

le commencement de l’article sur l’'Or. ‘ : 


8° Sciences naturelles 


Chemin (0.), /Zngénieur en Chef des Ponts et Chaus- 
sées, ancien Professeur à l'Ecole nationale des 
Ponts et Chaussées. — De Paris aux Mines d’Or de 
l'Australie occidentale. — 1 vol. in-12 de 370 pages 
avec figures et cartes (Prix :9 fr.). Gauthier-Vil- 
lars, éditeur. Paris, 1900. 

Depuis les premiers temps romanesques et déjà loin- 
tains (il y a quelque cinq ou six ans) où l'Australie 
occidentale se révélait à nous par l’exhibition de mine- 
rais d'or extraordinaires provenant de mines plus ou 
moins réelles, et par le lancement à grand fracas de 
sociétés problématiques sous le patronage de nobles 
seigneurs anglais, le tassement ordinaire s’est fait, le 
pays est passé peu à peu de la phase spéculative à la 
phase industrielle, et, malgré l'irrégularité trop générale 
des filons de cette contrée, qui ne permet pas de pré- 
visions assurées, la production s'est élevée d'année en 
année jusqu'à un chiffre important (27 millions en 1896, 
60 en 1897, 100 en 1898, 156 en 1899 et, d'après les 
résultats des neuf premiers mois seulement, 145 en 
1900). En même temps, de nombreux ingénieurs et sa- 
vants ont visité la Western Australia et nous l'ont fait 
connaître scientifiquement. Il nous suffira de citer, en 
première ligne, l'ouvrage allemand de M. Schmeisser, 
qui avait antérieurement étudié le Transvaal et qui, 
à la suite d’un voyage en Australie fait en 1895, con- 
cluait à peu près ainsi pour le champ d'or de Coolgardie : 
« Sur 500 mines ouvertes, 450 ne valent rien, #0 sont 
douteuses, 10 sont excellentes; maisil y eu tant de filou- 
teries, de trompe l'œil etde mensonges que le public ne 
peut les reconnaitre » : réflexion pessimiste, qui s’est 
trouvée très juste, puisqu'en somme, pour quelques 
mines productives, comme Golden Horseshoe, Great 
Boulder, Ivanhoe, Lake Wiew, Hannans Browhnill, Sons 
of Gwalis, etc., un trop grand nombre d’autres n'ont 
jamais rien donné. 

Deux ans après, en 1897, M. Gascuel a parcouru les 
mêmes régions, et les résultats fort intéressants de son 
étude ont été publiés dans les Annales des Mines de 
février 1899, en même temps qu'une collection d'échan- 
tillons à l'appui était déposée à l'Ecole-des Mines. Une 
bonne monographie géologique de Coolsardie, due à 
M. Van Oldruitenborgh, a paru à Liège en 4897. MM.Güczel 
et Woodward, géologues du Gouvernement de Western 
Australia, ont publié chaque année une série de Mé- 
moires. Enfin, le nouvel ouvrage de M. Chemin, ingé- 
nieur en chef des Ponts et Chaussées, résultat d’un 
voyage fait vers la même époque que celui de M. Gas- 
euel, vient apporter un utile complément à cette biblio- 
graphie, qu'il serait facile d'étendre, et nous présenter 
une image, pittoresque aussi bien que scientifique, de 
l'Australie occidentale, avec des détails très complets 
sur l’ensemble de ses richesses minérales, de nom- 
breuses vues photographiques et des cartes géologiques. 
L'auteur a passé une année entière en Westralie, et, 
parfaitement compétent, il a pu étudier en détail l'en- 
semble du pays, dont il donne une description métho- 
dique et très complète. 

On sait que les champs d'or de Coolgardie, dont les 
centres principaux sont Coolgardie et Kalgoorlie, puis 
Menzies, Dundas, ete., ont été découverts depuis 1892, 
au milieu d'un désert, que la présence de l'or a fait 
rapidement peupler et que relie aujourd'hui un chemin 
de fer de 600 kilomètres au port de Perth, sur l'océan 
Indien. C'estun pays presque absolument plat (à 350 me- 
tres au-dessus de la mer), extrêmement sec, très chaud, 
mais assez salubre. Les caractères topographiques et cli- 
matériques du pays font que les observations géolo- 
giques y sont très difficiles. Si l'on ajoute à cela que, 
jusqu'à 30 ou 50 mètres de profondeur, on rencontre, 
presque toujours, en raison de la pénétration facile des 
pluies dans ces terrains arides, une zone altérée, 
oxydée, où les roches sont méconnaissables (particuliè- 
ment au voisinage des gisements d’or, dont les pyrites 


102 


BIBLIOGRAPHIE — ANALYSES ET INDEX 


sulfatisées ont accentué cette décomposition), et que les 
travaux de mine ontété maintenus de préférence, jus- 
qu'à ces derniers temps, dans cette zone supérieure tou- 
jours plus favorable au rendement’, on s'expliquera 
comment les problèmes géologiques relatifs aux champs 
d'or de Coolgardie sont encore loin d’être tranchés. Pour 
ces questions géologiques, M. Chemin partage générale- 
ment les opinions de Van Oldruitenborgh, auquel nous 
devons un essai de carte géologique de l'Australie oeci- 
dentale, forcément très hypothétique, vu les difficultés 
d'observation que je viens de rappeler, mais néanmoins 
exact sans doute dans ses grandes lignes. 

La Western Australia paraît être constituée par des 
terrains cristallophylliensalignés NNE—SSO, avec inter- 
calations de dômes granitiques et de très nombreuses 
roches vertes, diorites, amphibolites, serpentines, dia- 
bases, etc., c'est-à-dire par un ensemble analogue à 
celui du Plateau Central ou de la Bohème. Parallèle- 
ment aux plissements, et de préférence dans la diorite 
ou les schistes amphiboliques, parfois à leur contact avec 
le gneiss, on y peut observer des zones aurifères, sou- 
vent broyées, schistifiées, traversées par des veines 
quartzeuses secondaires et chargées, en même temps, 
de sulfures métalliques, qui pourraient faire penser 
aux fahlbandes de Norvège, aux Zrandes des Alpes au- 
trichiennes ou du Valais et dont quelques-unes, quali- 
fiées en Australie de /odes ou de formations, ont donné 
certains des gisements aurifères les plus riches de Kal- 
goorlie. Si l'assimilalion que l'on a proposée avec les 
fahlbandes (ou, plus généralement, avec les zones am- 
phiboliques pyriteuses d’autres pays), élait exacte, on 
pourrait remarquer que certaines de ces fahlbandes, 
soit dans les Alpes, soit à Kongsberg. en Norvège, se 
sont trouvées également aurifères ; que, d’après M. Ber- 
nard, l'or du Carsevenue, dans le Contesté Franco- 
Brésilien, se rencontre de même dans des zones d'am- 
phibolites ou de diorites au milieu des gneiss, et enfin 
que, d'après M. Levat, les zones aurifères ayant alimenté 
les placers de la Zeya, en Sibérie orientale, sont elles 
aussi interstratifiées dans les terrains cristallophylliens: 
c’est-à-dire que, pour une räison ou une autre, il parait 
exister, daus divers pays, au milieu des gneiss et mica- 
chistes, des zones aurifères, dont la teneur en or n'aurait 
pas, à propremept parler, une origine filonienne. MM. Van 
Oldruitensborgh et Chemin ont combattu cetle assimi- 
lation des formations de la Western Australia avec les 
fahlbandes, considérées elles-mêmes par eux (ce qui est 
peu vraisemblable) comme de simples stockwerksou, 
failles minéralisées par des eaux thermales, en s’ap- 
puyant surtout sur cette observations que divers odes 
de laWestern Australia contiennent des rocheséruptives, 
telles que porphyres syénitiques, porphyres, trachytes 
et andésites (?), différentes et indépendantes des roches 
encaissantes et sur ce qu'il exisle, au voisinage, des 
veines latérales d'oligiste manganésifère (où je serais 
beaucoup plutôt porté à voir un phénomène secondaire 
qu'un produit d'émanation directe sorti de ces roches 
éruptives, ainsi qu'ils l'ont supposé). Peut-être une 
théorie des falhbandes différente de la leur, théorie 
qu'il serait trop long d'exposer ici, permettrait-elle de 
retenir ce rapprochement, tout en admellant, avec ces 
deux savants, que l'origine première de l'or a pu être, 
dans nombre de cas, une inclusion sous forme de py- 
rite, mispickel, ou tellurure aurifère, dans les roches 
basiques et magnésiennes. 

Quoi qu'il en soit, il est à noter que rien ne distingue 
à l'œil les parties aurifères dés /odes des parties stériles, 
bien que l'or, dans la zone intacte en profondeur, soit 
accompagné, comme dans tant d’autres gisements, par 
des pyrites, mispickels et tellurures. 

A côté de ce type un peu exceptionnel de Kalgoorlie, il 
existe, à Coolgardie, des filons de quartz aurifère de deux 
genres : les uns, qui ont donné lieu au « lancement » 


1 La fin de ces minerais oxydés, au moment où nous 
écrivons, peut marquer une phase critique dans le dévelop- 
pement industriel de la région: 


| 


de la Bailey's Reward ou de la Londonderry, formés de 
quartz laileux et opaque stérile, avec des poches res- 
treintes d'une extraordinaire richesse; les autres, de 
quartz transjucide à éclat gras, à teneur plus régulière. 
Ces filons renferment, en profondeur, divers sulfures, 
pyrite, chalcopyrite, mispickel, galène et blende. Dans 
les monts Dockrell du Goldfield de Kimberley, on a trouvé 
de la galène à or libre. Dans le Murchison, la présence 
de la blende accompagnant l'or est considérée par les 
mineurs comme un signe de richesse. Dans le goldfield 
de Pilbana, on a trouvé (comme dans le Murchison Range, 
au Transvaal) des stibines à cristaux d'or, les filons d'or, 
dans cette région, étant souvent accompagnés de calcite. 

M. Chemin décrit en détail tous ces gisements et 
accompagne son étude scientifique de considérations 
économiques sur les conditions d'exploitation, le rende- 
ment, l’avenir des divers goldfelds. Je me contente de 
signaler ici ce côté, qui n’est pas le moins important, 
de son livre. À ses descriptions géologiques, j'emprunte- 
rai seulement encore, pour terminer, ce fait curieux, 
qu'à Nullagiue, dans le district de Pilbana, on aurait 
trouvé quelques diamants en broyant des conglomé- 
rats aurifères, qui ne sont eux-mêmes autre chose que 
des alluvions consolidées. Même rencontre a été signalée 
dans la partie ouest du Witwatersrand Transvaalien; 
elle correspond à une association relalivement fré- 
quente du diamant et de l'or dans les alluvions, qui 
avait déjà été signalée dans l'Oural et à Bornéo, et qui, 
si elle n’est pas un simple effet de la préparation mé- 
canique effectuée dans l’alluvionnement sur des roches 
très diverses, pourrait contribuer à éclairer sur l'oti- 
gine de certains diamants : origine, qui n'est pas né- 
cessairement partout la même que dans les gisements 
du Cap, les métléorites, les fers natifs, les aciers et les 
belles expériences synthétiques de M. Moissan, 


L. De Launay, 
Professeur à l'Ecole Supérieure des Mines; 


Convert (F.), Professeur d'Economie rurale à l’Insti- 
tut national agronomique. — L’Industrie agricole. 

— 1 vol. in-16 de 44 pages. (Prix cartonné : 5 fr.) 

(J.-B. Baillière et fils, éditeurs. Paris, 1901. 

Il y a toujours une certaine hardiesse à modifier 
le titre sous lequel on est habitué à désigner une 
science, et à bapüser celle-ci d'un nouveau nom, même 
quand il répond mieux que le premier à la nouvelle 
direction que cette science a su prendre. 

M. Convert, professeur à l'Institut national agrono- 
mique, vient de publier une remarquable étude d'éco- 
nomie rurale, qu'il a intitulée : « L'industrie agricole ». 
Ce titre, jusqu'ici, était réservé à l’ensemble des opéra- 
tions qui permettent de transformer, à la ferme ou à 
l'usine que celle-ci alimente, les produits du sol en 
produits manufacturés. Il nous semble donc utile de 
faire l'inventaire des documents que renferme le livre 
de M. Convert et de rechercher les raisons qui l'ont 
amené à choisir le titre sous lequel ils sont réunis. 

Après avoir défini avec beaucoup de soin le terri- 
toire agricole, la répartition, sur ce territoire, de la 
grande et de la petite propriété, établi la valeur de la 
propriété foncière, du bétail et du matériel d'exploita- 
tion, M. Convert passe en revue les conditions techni- 
ques et économiques qui règlent la production et le 
commerce des denrées agricoles, des céréales, des 
pommes de terre, des betteraves, des raisins, des plan- 
tes textiles et oléagineuses, du bétail et de ses produits. 

C'est là, comme nous le disions plus haut, une étude 
d'Economie rurale, et M. Convert, en lui donnant un 
titre un peu inattendu, a sans doute voulu montrer 
l'élape considérable que l'agriculture a franchie. Les 
premiers écrivains qui ont entrepris de professer l’agri- 
culture, Caton, Columelle, Varron, la dénommaient du 
terme vague de res rustica; l'agriculture était la vie 
aux champs, que le T'héätre de l'Agriculture d'Olivier 
de Serres nous apprenait à contempler. L'agriculture 
était un métier, une pratique, presque un usage. Au- 
jourd'hui, l’agricullure est une industrie: elle utilise 


BIBLIOGRAPHIE — ANALYSES ET INDEX 


d'une facon rationnelle le sol, l'atmosphère, les engrais, 

qui sont ses malières premières, elle en retire des pro- 

duits manufacturés; elle a son outillage et sa machi- 
… nerie, sa comptabilité, ses établissements de crédit, 

son organisation syndicale, ses relations avec les mar- 
. chés intérieurs et extérieurs. 

Or, l'étude d'une industrie ne comporte pas seulement 
des renseignements techniques, elle précise aussi les 
conditions économiques propres à assurer son dévelop- 
pement. L'esprit du livre justifie donc son titre. 


L. Lixper, 
Professeur à l'Institut National Agronomique. 


Bonnier (J.). — Contribution à l'étude des Epica- 
rides. Les Bopyridæ. (Zravaux de la Station Zoo- 
logique de Wimereux). — 1 vol. in-4° avec 41 plan- 
ches. P. Klincksieck, éditeur. Paris, 1900. 

M. J. Bonnier vient de publier une suite aux belles étu- 
des de M. A. Giard et de lui-même sur les Epicarides ; ce 
second volume traite des Isopodes parasites branchiaux 
—… des Crustacés Décapodes, formant le groupe des Hopy- 
ride. Cette monographie, aussi remarquable par la 
précision des descriptions et des figures que par l'in- 
— térêt général des résultats, porte sur environ 80 espèces 
- de Bopyrides, réparties en 25 genres distincts. Le 
yolume conlient, en outre, deux chapitres généraux, 
Jun sur l’éthologie des Epicarides, et l’autre sur la 
taxonomie du groupe; tous les curieux de Biologie 
générale liront ces deux chapitres, pleins d’apercus 
suggeslifs et écrits de main de maitre. 

Dans leur développement, les Bopyrides passent par 
trois stades successifs : 1° le stade épicaridien, où la 
larve quitte la cavité incubatrice de la femelle; 2 le 
stade cryptoniscien, durant lequel la larve mène la vie 
pélagique et cherche l'hôte sur lequel elle doit se fixer ; 
et enfin 3° la phase adulte ou stade hopyrien, où l’ani- 
mal prend sa forme aplatie caractéristique. Tous les 
Epicarides, Bopyrides compris, paraissent être des 
hermaphrodites protandriques, c'est-à-dire que la larve 
eryptoniscienne possède des testicules qui s’atrophient 
lorsqu'apparaissent les ovaires ; les Bopyrides se com- 

ortent un peu spécialement à cet égard : dès que la 
arve munie de testicules est fixée et absorbe la nour- 
- rilure abondante que lui fouruit son hôte, la mélamor- 
Re s’accomplit, et, sans peut-être que les testicules 
“…_uient jamais fonctionné, les ovaires se développent, 
ainsi que la cavité incubatrice. Aussitôt que cette larve 
- a évolué en femelle définitive, elle est rejointe par 
… d'autres larves cryptonisciennes ; une seule d’entre elles 
- £e fixe sur la femelle; ses testicules deviennent fonc- 
- tionnels, et elle devient un mâle définitif, de taille très 
“ minime, qui n'acquerra jamais d'ovaires. L'herma- 
phrodisme n’existerait donc que dans un seul sexe. 
…_ - MM.Giardet Bonnier ont constaté depuis longtempsque 
les diverses familles d'Epicarides sont toujours adaptées 
… à une famille très nette d'hôtes : les Epicarides des Am- 
phipodes ne se trouvent pas sur les Schizopodes, ceux 
des Rhizocépbhales n'infestent pas les Cirrhipèdes ses- 
siles, ete. Enfn, il est infiniment probable, contraire- 
ment aux opinious de Sars et d'Hansen, que chaque 
espèce d'Epicaride n'infeste qu'une seule espèce d'hôte, 
phénomène du reste assez habituel pour les parasites 


internes ou semi-internes. L. Cuévor, 
k : Professeur à la Faculté des Sciences de Nancy. 


% 

…_ Brunschvicg (Léon), Docteur ès lettres, Professeur 
. agrégé de Philosophie au Lycée de Rouen.—Introduc- 
tion äla Vie de l'Esprit. — 1 vol. in-12 de 175 pages 
de la Bibliothèque de Philosophie ‘contemporaine. 
$ (Prix : 2 fr. 50.) Félix Alcan, éditeur. Paris, 1900. 
L- Get ouvrage échappe, par son objet, à la compétence 
À 


de la Revue. Nous le signalons cependant, eu raison 
… du lien qui rattache à la Science positive Ja spéculation 
1 philosophique. L'auteur l’a écrit pour le grand public, 
qu'il voudrait amener à réfléchir sur les hautes ques- 
… tions de l'esprit et à s'associer de plus en plus au pro- 
Ë grès intensif de la vie scientifique, esthétique et morale. 


1e 0) 


4 Sciences médicales 


Barié (Ernest), Médecin de l'Hôpital Laënnee. — 
Traité pratique des maladies du Cœur et de 
l’Aorte (avec une préface de feu Poraix, membre 
de l'Institut). — 1 vol. in-8v de 984 pages avec figu- 
res, J. Ruelf, éditeur, 106, Paris, 1900. 


M. le D' Barié, médecin de l'hôpital Laënnec, publie, 
sous le titre de Traité pratique des Maladies du Cœur 
et de l'Aorte, un livre qui se recommande à l'atten- 
tion du monde médical par son esprit et par sa forme. 

Les nombreux et importants travaux de J’auteur sur 
la sémiologie et la pathologie du cœur ont toujours été 
marqués au coin de la probité spécifique et de la réserve 
professionnelle les plus dignes, et il en donne ici une 
preuve nouvelle, qui pourrait servir d'exemple, en omet- 
tant, par une discrétion très louable, tout ce qui pourrait 
ressembler à une apologie personnelle. C'est continuer 
d'uve facon très heureuse, en fait de pathologie car- 
diaque, la grande tradition médicale de Bouillaud et 
du Professeur Potain. Elève de ce dernier maître, le 
D° Barié a appris de lui à joindre à un labeur opiniâtre 
le mérite de n’en point faire parade. 

La première partie du Traité de M. Barié est consa- 
crée à l'étude de la sémiologie cardiaque, c'est-à-dire 
à l'exposé des signes principaux des affections du cœur 
et des moyens que nous possédons de les reconnaître, 
Dans les ouvrages de ce genre, un pareil exposé est 
nécessaire ; 1l permet aux débutants de s'orienter avec 
moins de peine dans une étude particulièrement diffi- 
cile, il nous permet aussi de connaitre la méthode qui 
a guidé l’auteur et qui légitime ses assertions. Cela est 
plus indispensable encore quand il s'agit de patholegie 
cardiaque, sujet que trop d'auteurs se sont plu à obscur- 
cir. La précision, a netteté et la concision de l'exposé 
préliminaire de M. Barié remettent heureusement la 
question à son jour véritable. Nous signalerons, notam- 
ment, la très concluante étude de l’auteur relative aux 
souffles cardio-pulmonaires, à leur légitimité, à leur 
diagnostic différentiel, tels qu'ils résultent des travaux 
du très regretté Professeur Potain. 

La plus grande partie de l'ouvrage est naturellement 
consacrée à l'examen des diverses affections du cœur, 
aiguës et chroniques, qui peuvent atteindre le péri- 
carde, les appareils valvulaires, le myocarde, avec 
leurs causes, les lésions qu'elles provoquent et les com: 
plications variées qui les accompagnent trop fréquem-" 
ment, Ici, l’anatomo-pathologiste cède presque toujours 
le pas au clinicien, c'est-à-dire que M. Barié, préoccupé 
de faire œuvre utile, a laissé de côté les discussions 
théoriques qu'ont soulevées les travaux de divers au- 
teurs, au sujet de l’évolution anatomique des lésions du 
cœur. Les débutants n'auront qu'à y gagner, mais ceux 
pour qui ces questions offrent encore un vif intérêt, 
auraient peut-être eu grand profit à connaître d'une 
facon plus péremptoire l'opinion personnelle de l’au- 
teur. Sa compétence nous est un sûr garant de l’avan- 
tage que notre instruction en aurait tiré. 

Nous ne louerons pas M. Barié de la forme sous 
laquelle se présente son livre, de la clarté de son expo- 
sition. Ce sont là des qualités que nous nous attendions 
à trouver, mais nous le remercierons beaucoup de l'in- 
génieuse idée qu'il à eue de présenter, à la fin de 
chaque chapitre, un résumé récapitulatif des données 
qu'il conlieut; « c'est, comme le dit Potain, dans la 
préface qu'il a faite à cet ouvrage, une sorte de manuel 
aonexé au livre, et ce serait fort à souhaiter que les 
manuels, toujours associés de la sorte, fussent ainsi un 
moyen de se souvenir méthodiquement non une facon 
d'apprendre insuffisamment ». En résumé done, l’ou- 
yrage de M. le D' Barié, est indispensable à qui veut 
ayoir une connaissance exacte des affections du cœur. 
Il fait honneur à l’auteur et à la science médicale fran- 
caise, Dr H, VAQuEz, 

Professeur agrégé, 
Médecin des Hépitaux. 


104 


ACADÉMIES ET SOCIÉTÉS SAVANTES 


ACADÉMIES ET SOCIÉTÉS SAVANTES 


DE LA FRANCE ET DE L'ÉTRANGER 


ACADÉMIE DES SCIENCES DE PARIS 
Séance du 3 Décembre 1900. 


L'Académie présente, à M. le Ministre de l'Instruction 
publique, la liste suivante de candidats pour la place 
laissée vacante au Bureau des Longitudes: 1° M. le 
vice-amiral Fournier ; 2° M. Félix Arago. — M. Dede 
kind estélu Correspondant pour la Section de Géomé- 
trie. — M. Strasburger est élu Correspondant pour la 
Section de Botanique. 

1° SciENCES MATHÉMATIQUES. — M. Bassot annonce que 
le Parlement français a voté la loi ordonnant la revi- 
sion de l'arc de méridien de Quito. L’exécution des 
opérations est confiée au Service géographique de 
l'Armée et aura lieu conformément aux desiderata du 
Rapport de M. Poincaré. — M. H. Andoyer indique 
quelques corrections nouvelles à apporter à la valeur 
de la longitude de la Lune donnée par Delaunay; 
elles se rapportent aux coefficients du huitième et du 
neuvième ordre. — M. Pierre Weiss présente un nou- 
veau cercle à calcul qui permet d'effectuer simplement 
les multiplications et les divisions par le déplacement 
de deux aiguilles sur une échelle logarithmique. 

20 Sciences PHYSIQUES. — MM. Brillouin montre queles 
actions mesurées par les appareils de M.de Eolvos dans 
les caves d'un bâtiment irrégulier peuvent avoir joué 
un rôle comme causes d'erreurs dans l'emploi de la 
balance de Cavendish pour la mesure de la constante de 
la gravitation ; il a pu en être de même pour la balance 
de M. Boys. Toutefois, la perturbation a probablement 
été toujours assez faible. — MM. Popoff et Ducretet 
ont remarqué qu'en introduisant un téléphone dans le 
cireuit d’un radio-conducteur et d’une pile, on peut 
recevoir les signaux hertziens émis à grande distance. 
Ils ont fait des expériences entre deux stations distan- 
tes de 500 mètres et ils ont perçu des signaux au poste 
radio-téléphonique dans des conditions où le poste 
ordinaire avec relais et décohéreur ne donnait rien. — 
M. A. B. Chauveau a représenté la variation diurne 
de l'électricité atmosphérique au Bureau central météo- 
rologique età la Tour Eiffel par la superposition d'ondes 
sinusoidales. Les valeurs des coefficients, données par la 
formule de Fourier, mettent bien en évidence la sépa- 
ration des deuxrégimes d’hiveret d'été. — M. Lémeray 
est arrivé théoriquement à la loi suivante: Des volumes 
égaux de métaux simples au zéro absolu sont encore 
égaux entre eux aux points de fusion respectifs. Si 
l’on construit un graphique en portant en abscisses les 
coefficients de dilatation linéaire À et en ordonnées les 
températures absolues de fusions T, les point obtenus 
se rapprochent de l'hyperbole ÀT —0,02.—M. Armand 
Gautier signale que, dans l’action des acides miné- 
raux sur le granit en poudre, le dégagement d'hydro- 
gène gazeux est moins élevé qu'il ne l'avait indiqué 
précédemment. — MM. C. Chabrié et E. Rengade ont 
obtenu des aluns d'indium avec le césium et le rubi- 
dium. Ce fait rapproche l'indium des métaux capables 
de donner des sesquioxydes, et la propriété de son 
hydrate d’être soluble dans les alcalis le rapproche plus 
de l'aluminium que du fer. Toutefois l’acétylacétonate 
d'indium, nettement cristaMisé, n’est pas volatil et ne 
peut servir à déterminer son atomicité; ce dernier fait 
rapproche l'indium du fer et l’éloigne de l'aluminium, 
dont l’acétylacétonate est volatil sans décomposition .— 
M. Oechsxer de Coninck a déterminé les densités de 
quelques solutions de nitrate d'uranium dans l'alcool 
méthylique et dans l'acide acétique, et il a examiné la 
stabilité, vis-à-vis de la lumière solaire diffuse, des 
principales solutions du même sel. — M. T. Klobb à 


étudié la forme cristalline du chlorosulfate lutéocobalti- 
que (Co.6AzH*) SO*. CI 3 H°0 et de son isomère le 
chloroséléniate. La forme primitive est un prisme rhom- 
bique très voisin du prisme droit à base carrée; l'angle 
im est de 90°5’. Les laces observées sont: 001,110, 101, 
011, 201, 223. — M. G. Flusin a étudié l'osmose de 
divers liquides organiques à travers une membrane de 
vessie de porc. Les vitesses d’osmose varient avec les 
capacités d'absorption de la membrane; la différence 
d'affinité de la membrane pour les deux liquides avec 
lesquels elle est en contact semble déterminer le sens « 
et l'intensité de l’osmose. — M. F. Garrigou a cons-… 
taté que la méthode de traitement des eaux minérales 
à la source par l’hydrate de baryte met en évidence 
l'existence de matières organiques variées: grasses, 
alcaloïdiques, acides et indifférentes, qui restent en 
solution ou sont précipitées à l'état de sels barytiques 
insolubles. — M.J. Wolff a reconnu que de l'alcool 
méthylique se forme dans la fermentation du jus de 
divers fruits: cassis, prunes, quetsch, mirabelles, ceri- 
ses, pommes, raisin blanc et noir (pour ce dernier sur- 
tout lorsque le jus fermente en présence de la rafle). 

39 SCIENCES NATURELLES. — M. Ch. Richet appelle 
myosérum Où sérum musculaire le liquide rouge, riche 
en matières protéiques, obtenu par compression de la 
chair musculaire au moyen d'une forte presse. Ingéré à 
dose suffisante par les chiens, il les guérit définitive- 
ment de la tuberculosé inoculée. Par contre, injecté 
dans la veine ou sous la peau, ilse montre extrêmement. 
toxique. — M. L. Camus a reconnu que l'injection 
intra-veineuse de lait de chienne chez le chien peut pro- 
duire dans un certain nombre de cas l'apparition de 
substances anticoagulantes dans le sang, comme après 
les injections de lait de vache. Le phénomène n’est 
pas constant, car le chien est peu sensible, mais il 
est absolument hors de doute. — MM. J. Sabrazès 
et L. Muratet ont fait l’étude des liquides séreux 
contenus normalement dans la plèvre et le péritoine. 
du bœuf et de quelques animaux domestiques. Il y à 
une sorte de concentration des éléments leucocy- 
taires : les polynucléés neutrophiles et éosinophiles s'y 
trouvent accumulés en grand nombre, etils sont associés 
à des lymphocytes et à des macrophages de diverses 
provenances, — M. G. Bonnier recherche l’origine du 
méristème vasculaire dans la feuille et compare sa dif- 
férenciation avec celle des tissus analogues qui se ren- 
contrent dans la tige. Le limbe aplati de la feuille est 
exposé à la lumière par sa face supérieureet à l'ombre 
par sa face inférieure. La face exposée à la lumière de- 
vient la plus riche en chlorophylle ; c'est de ce côté que 
se feront surtout l'assimilation et la transpiration chlo- 
rophylliennes. Lorsque la feuille devient vasculaire, 
c'est vers la face supérieure, là où un excès d'eau est 
nécessaire pour les fonctions chlorophylliennes, qu'on 
voit se former les vaisseaux du bois; les pôles libériens 
se forment à l'opposé. Les feuilles demeurant cohéren- 
tes entre elles par leurs bases dont l’ensemble consti- 
tue la tige, les faisceaux viennent s’y réunir, et alors, 
dans la tige,le bois se trouve vers l'intérieur et le liber 
vers l'extérieur. — M, Léon Flot montre qu'entre la 
feuille et la tige, d'une part, entre le bourgeon, la feuille 
et la tige, d'autre part, chaque tissu est continu, et que 
cette continuité doit être étendue au méristème vascu= 
laire et même à la moelle. 


Séance du T Janvier 1901. 

M. Maurice Lévy, président sortant, fait connaitre à | 
l'Académie l’état où se trouve l'impression des recueils 
qu'elle dirige.— M. F. Fouqué, vice-président en 1900, 


… courbe irréductible prise arbitrairement sur la surface 


. triques. — M. Ed. Defacqz, en fondant le phosphure 


9 


« la valeur absolue des éléments magnétiques au 1°" jan- 
“vier 1902, dans les stations de Perpignan, Nice, Parc 
- Saint-Maur et Val-Joyeux (Seine-et-Oise), Cette dernière 


. de nouvelles méthodes de synthèse pour les cétones, les 


ACADÉMIES ET SOCIÉTÉS SAVANTES 105 
devient président en 1901. — M. Bouquet de la Grye | 3° SCIENCES NATURELLES. — M. G. Saint-Remy a élu- 
est élu vice-président pour 1901. — MM. Bornet et 
M. Lévy sont nommés membres de la Commission cen- 
trale administrative pour 4901. — M. le Président an- 


nouce à l’Académie la mort de M. P. Potain, membre 
de la Section de Médecine et de Chirurgie. 

4° SCIENCES MATHÉMATIQUES. — MM. Rambaud et Sy 
communiquent leurs observations de la comète 1900 & 
(Giacobini) faites à l'équatorial coudé de l'Observatoire 
d'Alger. — M. P. Choffardet adresse ses observations 
de la même comète faites à l'Observatoire de Besancon. 
— M. Emile Picard énonce le théorème suivant relatif 
aux surfaces n'ayant d'autres singularités qu'une ligne 
double avec points triples: On peut, sur la surface /, trou- 
ver un certain nombre À de courbes algébriques irréduc- 
tibles, telles qu'il n'existe pas d’intégrale de troisième 
espèce ayant seulement comme lignes logarithmiques 
toutes ces courbes ou quelques-unes d’entre elles, mais 
telles qu'il existe une intégrale de troisième espèce 
n'ayant d'autres lignes logarithmiques qu'une À + {°° 


etlatotalité ouune partie des premières. — M. H. Min- 
kowski démontre que, parmi tous les corps convexes 
ayant une surface de même grandeur, la sphère a: 
4° le plus grand produit du volume et de la courbure 
moyenne, et 2° la plus pelite courbure moyenne, d'où 
résulte qu'elle a le plus grand volume. D'autre part, si 
un corps convexe de volume égal à 1 u’est pas un cube 
avec des faces parallèles aux plans des coordonnées, la 
moyenne arithmétique des aires de ses trois projections 
sur les plans des coordonnées est toujours > 1. — 
M. L. Schlesinger démontre qu'étant donnée une 
équation linéaire à coeflicients rationnels à points d'in- 
détermination n'appartenant pas à la classe de M. Fuchs, 
on peut trouver une équation appartenant à cette classe 
et liée à la première par une relation dont les coefficients 
sont des fonctions uniformes en x, satisfaisant à un 
système d'équations différentielles linéaires homogènes 
àcoefficientsrationnels. — M. S. Zaremba communique 
quelques recherches sur la théorie des équations de la 
Physique mathématique. —M.H. Duport fait connailre 
une conséquence du théorème des forces vives relative 
aux actions mutuelles des atomes. 

20 SGiENCES PHYSIQUES. — M. Th. Moureaux indique 


station a élé créée pour y continuer les éludes entre- 
prises au Parc Saint-Maur, où les observations sont 
troublées par les nouveaux réseaux de tramways élec- 


de cuivre avec le biphosphure de tungstène, a obtenu, 
vers 1200°, un nouveau phosphure cristallisé, facile à 
isoler, de formule Tu P; sa densité est de 8, 5. — 
M. G.-F. Jaubert établit les deux propriétés suivantes 
du bioxyde de sodium: 1° Il n’est pas d’un blanc pur 
(comme l'indique le dictionnaire de Wurtz), mais il est 
franchement jaune clair; 2°1l ne tombe pas en déliques- 
cence à l'air; de jaune clair, il devient simplement 
blanc en se transformant en carbonate. — MM. C. Ma- 
tignon et M. Délépine ont préparé à partir du thorium 
l'hydrure et l’azolure de ce métal, en le chauffant res- 
pectivement dans une atmosphère d'hydrogène ou 
d'azote. L'analyse des produits obtenus indique pour 
l'hydrure la composition ThH‘et pour l’azoture la com- 
position Th*Az'. — M. E.-E. Blaise a étudié l’action 
des nitriles, du cyanogène et des éthers isocyaniques 
sur les dérivés organométalliques; il est arrivé ainsi à 


éthers&-cétoniques et les acides, peut-être aussi pour les 
éthers «-cétoniques et les acides bitasiques. — M. G. 
Favrela observé que les chlorures diazoïques réagissent 
sur la méthyl ou l'éthylacétylacétone avec élimination 
d'une molécule d'acide acétique et formation d'une 
hydrazone, par suite de l'union du diazoïque avec ce qui 
reste de l'acétylacétone et transposition moléculaire 
consécutive. 


dié le développement embryonnaire du Tænia serrata 
Goeze. IL a observé des stades plus jeunes que ceux 
décrits par Van Beneden. — M. Maurice Lugeon à 
trouvé la racine d’une des écailles préalpines, l’écaille 
inférieure de la zône interne: c’est la tête anticlinale, 
extrêmement laminée, d'un pli qui vient de la vallée 
du Rhône. Cette découverte est une preuve en faveur 
de l'hypothèse du charriage des Préalpes. 
L. BRUNET, 


SOCIÉTÉ FRANÇAISE DE PHYSIQUE 


Séance du 18 Janvier 1901: 


La Société procède au renouvellement de son bureau 
pour 1901, qui est ainsi constitué : 

Président : M. H. Pellat; 

Vice-président : M. H. Poincaré ; 

Secrétaire général : M. Abraham; 

Vice-secrétaire : M. R. Dongier; 

Trésorier : M. de la Touanne. 

M. Cotton présente le nouveau cercle à calculs de 
M. Pierre Weiss. Cet instrument ne permet de faire 
que des multiplications et des divisions, mais il est 
d'une simplicité remarquable. Il comporte une seule 
graduation logarithmi- 
que, gravée sur métal, 
suivant une circonfé- 
rence de 16 centimèé- 
tres de diamètre (fig. 1). 
Sur cette graduation se 
meuvent deux aiguil- 
les, l'indicatrice et la 
multiplicatrice. L'indi- 
catrice entraine tou- 
jours dans son mouve- 
ment la multiplica- 
trice; celle-ci, au con- 
traire, peut se mou- 
voir seule, sans dépla- 
cer l'indicatrice. Pour 
faire un produit a X b, 
on met l'indicatricesur 
l'un des facteurs 2, et la multiplicatrice, en la faisant 
mouvoir seule, sur la division {. Puis on les fait tour- 
ner solidairement jusqu'à ce que la multiplicatrice soit 
en b; l'indicatrice se trouve alors en a X h. La preuve 
est évidente, l'espace qui sépare la division 1 du pro- 
duitah étant égal à la somme des logarithmes de à 
et de b. On peut, sans lire ce premier produit, le 
multiplier immédiatement par un troisième facteur c 
en ramenant la multiplicatrice seule en 1, puis en 
faisant tourner tout le système jusqu'à ce que la mul- 
tiplicatrice soit en c. Pour diviser / par », on place 
l'indicatrice en / et la multiplicatrice en m, et l’on fait 
tourner les deux aiguilles d’un mouvement solidaire 
jusqu'à ce que la multiplicatrice soit en 1; l'indicatrice 


a xb 


Fig. 1. Schéma du cercle à 
calculs de M. P. Weiss. 


donne alors le quotient —+ On voit que la position 1 


111 
intervient dans toutes ces opérations. On évite le pointé 
de cette position au moyen d'un butoir facultatif, qui 
entre en jeu ou est supprimé par un mouvement à res- 
sort. Cet appareil, qui à été construit par M. E. Wer- 
lein, permet en somme de faire un rombre quelconque 
de multiplications et de divisions sans que la précision 
et la rapidité des opérations soient diminuées par la 
lecture d’un résultat intermédiaire. On obtient très 
facilement une précision de 41/2000, même dans les opé- 
rations compliquées. — M. E. Bouty entretient la 
Société de ses dernières recherches sur la cohésion 
diélectique des gaz, recherches qu'il a déjà exposées 
en partie ici-même®, Il insiste sur la généralité de 


1E. Boury : Les gaz envisagés comme diélectriques, dans 
la Revue du 15 janvier 4901 (voir spécialement pages 38, 
39 et 40). 


106 


ACADÉMIES ET SOCIÉTÉS SAVANTES 


l'existence du champ critique, au-dessous duquel le 
gaz se comporte comme un isolant, et au-dessus duquel 
il livre brusquement passage à l'électricité. Le phéno- 
mène s'est vérifié pour tous les corps étudiés : air, 
acide carbonique, hydrogène, vapeurs d'alcool, d'éther, 
de benzine, de sulfure de carbone, même pour la vapeur 
d'eau. Le champ critique varie avec la pression des 
gaz; aux pressions élevées (de 2 ou 3 millimètres jus- 
qu'à 60 millimètres de Hg), le champ critique croit 
linéairement avec la pression, et le phénomène peut 
être représenté par l'équation y — à + bp. Or, et c'est 
là une analogie remarquable, M. Max Wolf, étudiant 
l'influence de la pression des gaz sur la différence de 
potentiel nécessaire pour faire jaillir l'étincelle entre 
deux électrodes métalliques placées dans ces gaz, est 
arrivé à représenter le phénomène par une équation 
semblable. On peut comparer les valeurs de a et de h 
dans les deux cas, et l'on constate, pour l'hydrogène 
par exemple, que est presque identique tandis que à 
est de 40 à 45 fois plus petit dans le cas de M. Bouty 
que dans celui de M. Wolf. Il est probable que le coet- 
ficient h est lié à la nature du gaz, tandis que a dépend 
des électrodes; on comprend que ce dernier soit très 
élevé dans les expériences de M. Wolf, les électrodes 
jouant un rôle très actif dans le passage des étincelles, 
tandis que, dans les expériences de M. Bouty, les 
parois de verre du récipient ont un rôle tout à fait se- 
condaire. Aux faibles pressions (inférieures de 2 mil- 
limètres de Hg), la valeur du champ critique décroit 
progressivement, passe par un minimum, puis remonte 
brusquement à un nombre élevé. M. Bouty a cherché 
à représenter l'ensemble du phénomène par une seule 
fonction, et il est arrivé après de nombreux tatonne- 
ments à l'équation : 


y=a+iVpt ++ 


qui donne des résultats remarquablement concordants 
pour tous les gaz étudiés. — M. Bouty résume ensuite 
les expériences très intéressantes d'un architecte amé- 
ricain, M. W.-C. Sabine, sur l'acoustique des salles. 
Lorsqu'un son est émis dans une salle, un auditeur re- 
coit à la fois l'onde directe et les ondes réfléchies par 
les parois. Les parois accroissent donc l'intensité dans 
une mesure qui dépend en graude partie de leur pou- 
voir absorbant. Pour déterminer ce pouvoir absorbant, 
M. Sabine a recours à la méthode suivante : Dans une 
grande salle garnie de sièges en bois, on installe un 
tuyau d'orgue, actionné par une soufflerie à eau silen- 
cieuse, et on lui fait donner un son assez intense. Si 
l’on interrompt brusquement ce son, on constate que 
la sensation sonore ne cesse pas instantanément dans 
toute la salle; à cause des réflexions répétées des 
ondes sur les parois, un auditeur continue à percevoir 
le son pendant un temps qui peut varier de 2 à 10 se- 
condes suivant les salles. L'auteur a constaté expéri- 
mentalement que la durée de ce son résiduel est la 
même en quelque point de la salle que l’on se place; 
c’est une constante caractéristique de chaque salle. Si 
l'on garnit un certain nombre de sièges en bois d'une 
longueur déterminée de coussins en crin, on constale 
que la durée du son résiduel diminue par suite de l'ab- 
sorption plus grande par les coussins des ondes sonores; 
la diminution est la même quel que soit l'endroit de la 
salle où l’on ait placé les coussins. Si l’on augmente la 
longueur des coussins, on constate une nouvelle dimi- 
nution de la durée du son; l’auteur a reconnu que le 
phénomène pouvait être représenté par une loi hyper- 
bolique, ayant, pour la salle considérée, la forme : 


S13 à : 
4t——— , où x est la longueur des coussins; on en 
4146 + x 
déduit immédiatement que le pouvoir absorbant des 
parois de la salle sans coussins est égal à celui de 
146 mètres de coussins. M. Sabine a cherché à repré- 
senter les pouvoirs absorbants par une unité plus 
exacte. Si l’on ouvre, dans une paroi d'une salle, une 
fenêtre de 4 mètre carré de superficie, toutes les ondes 


qui passeront par celte ouverture seront perdues, et je 
pouvoir absorbant sera égal à 1. En répétant les expé- 
riences précédentes et en notant le nombre de m* 
de fenêtres ouvertes qui produisent la même diminu- 
tion du son résiduel que des surfaces de diverses sub= 
stances, on obtiendra le pouvoir absorbant de ces sub- 
stances dans la nouvelle unité. Voici quelques-uns des 
résullats de l'auteur : 


Pouvoirs absorbants. 


Fenêtre ouverte TEL 
Revêtement de bois . 0,06% 
Plàtre sur bois. 2 0,034 
Verre. SC EG EN IE APAC AT 
Auditoire par mètre carre 0,96 
— par personne. 0,44 
Femme isolée . . 0,5% 
Homme isolé. x 0,48 
Liège . . note 


Les expériences de M. Sabine ont été faites à Bos- 
ton dans douze salles différentes dont le volume va- 
riait de 62 à 9.300 m°. Partout il a vérifié la loi générale : 

a 


(pes: 


Il a reconnu que a varie comme le volume et qu'il est 
en moyenne égal à 0,171 V. Au moyen de cette formule 
et des pouvoirs absorbants déjà trouvés, on peut cal= 
culer d'avance la durée du son résiduel pour uve salle 
donnée. La meilleure acoustique semble être réalisée 
lorsque la durée du son résiduel est de 2 à 2 1/2 ses 
condes. Les intéressants travaux de M. Sabine vont 
fournir des données nouvelles et posilives aux archi- 
tectes chargés de la construction des salles d'audition. 
L. BRUNET. 


SOCIÉTÉ CHIMIQUE DE PARIS 


Séance du 28 Décembre 1900. 


M. Guichard établit que, dans l’action de l’eau sur le 
pentachlorure de molybdène anhydre, ilse forme une 
solution renfermant du tétrachlorure de molybdène, 
de l'acide chlorhydrique et de l'acide molybdique. L’al- 
tération au contact de l'air de cette solution conduit 
finalement à l'oxyde bleu. — M. Pouret a étudié l'ac- 
tion du bromure d'aluminium sur les dérivés chlorés 
de la série du méthane; il montre que cet agent de 
synthèse permet de passer facilement des dérivés chlo- 
rés aux dérivés bromés correspondants avec de bons 
rendements. — M. Wyrouboff communique les résul- 
tats de ses recherches sur la constitution des oxalates 
doubles complexes des sesquioxydes et des monoxydes. 
11 est parvenu à obtenir un oxalate de chrome très bien 
cristallisé et tout à fait insoluble dans l’eau, par consé- 
quent fort différent de l'oxalate ordinaire soluble et 
incristallisable. L'oxalate cristallisé s'obtient avec le 
sulfate ou l'alun, c'est-à-dire avec la molécule normale 
C12(OH). Chauffé à 1800 il ne garde qu'une molécule 
d'eau, qui ne peut être éliminée sans décomposition. Il 
faut donc en conclure que l’oxalate ordinaire, celui qui 
entre dans la composition des sels complexes, est Gr° 
0*(0H}°, On n'obtient pas d'oxalate cristallisé, ni avec 
le chlorure, ni avec le nitrate, ni avec l’acétate de 
chrome, ni même avec le sulfate ou l’alun, s'ils ont été 
chaulfés pendant quelque temps à 30°. IL faut conclure 
de là que la molécule normale Gr*(0H;° est extrème- 
ment instable en solution. Elle ne paraît pas exister 
pour l’alumine et l'oxyde de fer, dont tous les sels trai- 
tés par les oxalates alcalins donnent des oxalates com- 
plexes comme le chlorure de chrome ou l'alun de 
chrome chauffé à 30°, — M. Béhal établit la constitu- 
tion d’une des cétones qu'il a isolées de l'huile de bois. 
Elle répond à la formule d'une diméthyleyclohexènone. 
— M. Job décrit une nouvelle méthode expérimentale 
pour la mesure de quelques vitesses de réaction. — 
M. Blaise entretien la Société de l’action des dérivés 
organométalliques sur les nitriles et les isocyanates. — 


ACADÉMIES ET SOCIÉTÉS SAVANTES 


107 


MM. Moureu et Delange ont réussi à obtenir le nitrile 
phénylpropiolique dont ils poursuivent l'étude. — 
M. Léger, en faisant agir le bioxyde de sodium sur les 
solutions alcalines des diverses aloïnes, à la tempéra- 
ture du bain-marie, a obtenu les résultats suivants: La 
barbaloïne fournit un corps cristallisé, fondant exacte- 
ment à 223-2249, présentant toutes les propriétés de 
l'alobémodine de MM. Tschireh et OEsterle. L'isohar ba- 
loïne donne un corps assez semblable au précédent, 
mais s’en distinguaut par l'aspect différent de ses cris- 
taux. Ceux-ci, déposés du toluène, sont d’un jaune 
orangé plus pâle et fondent assez peu nettement de 
216 à 2190, L'Aomonataloïne donne un corps tout à fait 
différent des deux premiers. Il cristallise de l'alcool 


méthylique en aiguilles jaune d'or, fusibles nettement | 


à 236-2370. Sa solution dans les alcalis est jaune orangé 
au lieu d'être rouge cerise. Avec l'acide sulfurique 
concentré, il fournit une magnilique coloration violette. 
Chauffé avec la poussière de zinc, il se sublime un 
corps cristallisé en lamelles blanches légèrement jau- 
- nâtres qui, oxydé par l'acide chromique, donne un pro- 
- duil en partie solnble dans les solutions alcalines fai- 
— bles. La partie soluble peut être précipitée par HCI en 
- flocons blancs sublimables sans altération. La partie 
insoluble se sublime en aiguilles iucolores. Ces carac- 
tères semblent indiquer la présence du méthylanthra- 
cène dans le produit fourni par l’action de Zn. On sait 
que ce carbure donne à l'oxydation l’acide anthraqui- 
none-carbonique, soluble dans les alcalis, l'anthraqui- 
none et ses homologues étant complètement insolubles 
dans les liqueurs alcalines bouillantes. La nataloïne se 
comporte exactement comme l'homonataloine, le pro- 
duit obtenu fondant à 238-239° et ayant les mêmes 
propriétés que celui que donne l'homonataloïne. 


à 


LE 


Séance du A1 Janvier 1901. 


La Société procède au renouvellement de son bureau | 


pour l’année 1901, qui est ainsi composé : 
Président : M. Engel ; 
Vice-présidents : MM. H. Moissan, Gautier, A. Car- 
not et Auger ; 
Secrétaires : MM. A. Béhal et G. Bertrand; 
Vice-secrétaires : MM. A. Hébert et Moureu; 
Trésorier : M. A. Petit; 
Archiviste : M. A. Desgrez. 


SOCIÉTÉ DE CHIMIE DE LONDRES 


Séance du 13 Décembre 1900. 


…— Séance extraordinaire, dans laquelle M. H.-A. Miers 
retrace la vie et l'œuvre de Rammelsberg. 


è 


Séance du 20 Décembre 1900. 


M. J.-W. Mellor à étudié la combinaison de l'hydro- 
gène avec le chlore, et pour interprèter les expériences 
antérieures sur la question, il a repris l'étude de l’élec- 
trolyse de l'acide chlorhydrique; il a constaté qu'il 
se dégage toujours des traces appréciables d'oxygène 
(0,009 %). — MM. J.-T. Hewitt et J.-H. Lindfield ont 
nitré les trois toluèneazophénols par l'acide nitrique 
dilué chaud; dans chaque cas, le groupe nitro est entré 
dans le noyau phénolique en position ortho par rap- 
port à l'hydroxyle. Le même phénomène avait été 
observé pour l'oxyazobenzène et l'acide benzèneazo- 
salicylique. — MM. J.-T. Hewitt et H.-A. Phillips ont 
constaté que les ortho-oxyazo composés se comportent 
vis-à-vis du brome comme de vrais oxyazo composés. 
Ainsi le benzèneazo-p-crésol, dissous dans l'acide acé- 
k tique glacial avec un excès d'acélate de soude, puis 

bromé, done du benzèneazo-0-bromo-p-crésol. — 
« M. W. Rose Innes à employé la pyridine à la déter- 
… mination des poids moléculaires par la méthode ébul- 
 liscopique; la constante est de 29,5. Les acides, les 
… alcools et les phénols donnent des poids moléculaires 
normaux. La pyridine ne favorise donc pas l'association 
des substances dissoutes. MM. A.-W. Gilbody et 
- C.-H.-G. Sprankling ont préparé l'acide p-éthoxyphé- 


l 


nylsuccinamique et ses dérivés alkylsubstitués; deux 
formules peuvent être prévues théoriquement pour les 
dérivés asymétriques, mais une seule, la formule (I), à 
élé observée : 


R.CH.COH CH?.CO°H 


| 
R.CH.CO.AzH.CSH*.0C1HS 
(11) 


| 
CH>.CO.AZH .CSH‘OC2H° 
(I) 


Les sels des dérivés supérieurs de la série n'ont pu 
être obtenus, à cause de la formation de composés 
cycliques du groupe de la pyrantine : 


HE.CO 
CH.CO 
SEE 


Les auteurs en ont profité pour préparer une série de 
dérivés substitués de la pyrantine, soit dans le noyau 
succinimique, soit dans le noyau benzénique, et pour 
en déterminer la stabilité. Ils ont trouvé que l'intro- 
duction de groupes méthyle dans le noyau gras diminue 
dans une grande proportion la stabilité, tandis que l'in- 
troduction de ces mêmes groupes dans le noyau aro- 
matique l’augmente. — M. F. Stanley Kipping relate 
quelques expériences analogues à celles rapportées 
récemment par MM. Cohen et Whiteley,et entreprises 
dans le but de préparer directement des quantités iné- 
gales de deux substances énantiomorphes en synthé- 
tisant un atome de carbone asymétrique en présence 
ou en combinaison avec un composé actif, dans l'espoir 
que ce dernier exercerait quelque action directrice sur 
les atomes ou groupes entrant en combinaison. Les 
résultats ont été également négatifs, probablement à 
cause d’une racémisation ivtervenant dans l'hydrolyse 
du produit original. — M. Alf. Senier présente un 
appareil destiné à la préparation de l’oxyde nitrique 
par action de l'acide nitrique sur le cuivre. La pro- 
duction d'oxyde nitreux y est évitée en éloignant le 
nitrate de cuivre et l'eau à mesure qu'ils se forment. 


ACADÉMIE DES SCIENCES D'AMSTERDAM 
1900. 


4° SGIENCES MATHÉMATIQUES. — Rapport de MM. W, 
Kapteyn et J. C. Kluyver sur un mémoire de M. K. 
Bes, intitulé : L'équation finale. On obtient l'équation 
finale des équations 9 — 0, d — 0, où # et Ÿ sont des 
fonctions homogènes en trois variables respectivement 
d'ordre /, m, par l'élimination d’une des trois variables. 
A côté de l'équation finale, l'auteur considère une 
équation déduite de y—0, ÿ—0, linéaire en une 
des trois variables, qu'il appelle équation terminale. 
1° Deux méthodes d'élimination. 2° Extension des 
méthodes au cas de trois équations à quatre variables 
et à celui de » équations à n+1 variables. Solution 
nouvelle du problème, résolu par Liouville, de la 
détermination de la valeur d’une fonction homogène 
arbitraire quand on y substitue un système de valeurs 
commun à 2 équations homogènes à 2-1 variables. 
30 Elimination de n—1 variables, étant données n 
équations à 2 +n! variables. Les méthodes employées 
ici sont en relation intime avec un mémoire anté- 
rieur (Rev. gén. des Sc.,t. X, p. 886). Le travail 
paraitra dans les publications de l’Académie, 
M. Schoute présente la thèse de A. Toxopens «Inlei- 
ding tot de bepaling van het aantal kwadratische 
hyperuimten in de ruimte van vijf afmetingen » (In- 
troduction à la détermination des nombres des hyper- 
quadriques dans l’espace à cinq dimensions). 

20 ScieNcEs PHYSIQUES. — M. H. A. Lorentz : La 
théorie du rayonnement et la seconde loi de la Thermo- 
dynamique.Si un corps pondérable quelconque M occupe 
une partie de l’espace enfermé dans une enceinte à 
parois parfaitement réfléchissantes, l'éther contenu 
dans la partie restante de cet espace sera parcouru 
dans tous les sens par des rayons de différentes lon- 
gueurs d'onde. L'énergie par unité de volume (la densité 


Ne 
| >Az 
CH2.C0/ 


Séance du 29 Décembre 


108 


ACADÉMIES ET SOCIÉTÉS SAVANTES 


de l'énergie) de l'éther pourra être représenté par 
l'intégrale 


(T,À)dX indiquant la part de cette énergie qui appartient 
aux rayons dont les longueurs d'onde sont comprises 
entre À et À dx. En supposant que chaque rayon 
qui se propage à l'intérieur de l'enceinte finit, après 
un nombre plus ou moins grand de réflexions, par 
rencontrer le corps M et que ce dernier possède un 
certain pouvoir absorbant, quelque faible qu'il soit, 
pour toutes les longueurs d’onde qui existent dans la 
radiation d'un corps « absolument noir » de la tempé- 
rature T, on est arrivé depuis longtemps au théorème 
important que la fonction /(T,2) doit être entièrement 
indépendante de la nature particulière du corps M. 
C'est là une conclusion rendue inévitable par le prin- 
cipe de Carnot. En se servant de ce même principe, 
M. Boltzmann a démontré que la densité totale y de 
l'énergie est proportionnelle à la quatrième puissance 
de la température absolue, et M. W. Wien a fait 
voir que la fonction universelle /(T,A) doit être de 
la forme f(T,À) —T'o (TA), & étant une fonction du 
produit TA. Or, cet état de l’éther est caractérisé non- 
seulement par la densité x de l'énergie, mais aussi par 
certaines longueurs déterminées. On peut considérer, 
par exemple, la longueur d'onde },» pour laquelle la 
fonction /(T, À) est maximum; en vertu de la loi de 
Wien, elle est inversement proportionnelle à T. Si l'on 
admet que, en ce qui regarde l'éther, une explication 
des phénomènes n'exige autre chose que les équations 
bien connues du champ électromagnétique, il n y a que 
la vitesse de la lumière qui soit déterminée par les 
propriétés de ce milieu. Les valeurs de x et de Au doi- 
vent alors dépendre de la nature du corps pondé- 
rable M, et, tous les corps pondérables donnaut lieu 
aux mêmes valeurs de ces quantités, il doit y avoir une 
certaine ressemblance entre ces corps différents; il faut 
même que, à températures égales, cette ressemblance 
puisse s'exprimer par l'égalité numérique entre des 
grandeurs qui se rapportent à la constitution intime 
des corps. Sans cela on ne pourrait même pas com- 
prendre que l'équilibre de température entre deux 
corps, aprés s'être établi par le contact, subsiste encore, 
si on les expose à leurs radiations mutuelles. Il est 
permis de croire qu’on pourra rendre compte des 
phénomènes de l'émission et de la radiation en consi- 
dérant les corps pondérables comme des systèmes de 
petites particules mobiles, dont quelques-unes, les 
électrons, portent des charges électriques. On peut 
écrire les équations qui détermineront l'état de l'éther 
dès qu'on connaît le mouvement des électrons, et on 
peut s’'imaginer qu'on à également établi les équations 
du mouvement de ces particules elles-mêmes. Malheu- 
reusement le problème est très compliqué et il est 
difficile de pénétrer dans le mécanisme des phénomè- 
nes. On peut cependant examiner quelles modifications 
des dimensions, des masses, des charges électriques 
sont compatibles avec les lois de Boltzmannet de Wien. 
A côté du premier système $S, composé du corps Met 
de l'enceinte dont il vient d'être question, l’auteur 
considère un second système S'. On obtient les dimen- 
sions, les densités de la matière pondérable et celles 
des charges électriques dans ce second système en 
multipliant respectivement par a, b, ce les quantités 
correspondantes du premier système, chacun de ces 
trois facteurs ayant une valeur constante. On admet 
l'égalité des vitesses dans S et S' et on suppose qu'on 
puisse donner aux forces moléculaires dans ce dernier 
système les intensités requises par les valeurs à, b, e. 
Alors, le mouvement de S', qui est impliqué dans ce 
qui vient d'être posé, pourra exister réellement sous 
la condition L—4c?; de plus pour que $ et S' satisfas- 
sent à la loi de Boltzmann, il faut qu'on ait ae —1, ce 
qui exprime que les charges électriques ont les mêmes 
valeurs dans les deux systèmes. Evidemment il se 


pourrait qu'on n'eut pas la faculté de disposer libre- 
ment des dimensions et masses des électrons, et des 
forces qui les sollicitent. Si, par exemple, les électrons 
avaient des dimensions constantes, les mêmes dans. 
tous les corps, et si cette égalité contribuait à rendre 
identique les états de l’éther provoqués par différents 
corps pondérables, il ne serait pas permis de supposer 
le facteur a différent de l'unité. On aurait alors h — 1, 
c— 1 et on ne pourrait, dans ce cas, arriver à aucune 
conclusion, le système S’ ne se distinguant pas de S. 
Si, d'un autre côté, les masses et les charges des 
électrons conservaient toujours le même rapport les 
unes par rapport aux autres, il faudrait = €, ce 
qui conduirait de nouveau à a — b= ce — 1. Mais il 
faut remarquer que, si les dimensions des électrons ou 
les rapports entre leurs charges etleurs masses devaient 
être les mêmes dans tous les corps, il ne serait que 
rationnel d'admettre que les valeurs absolues des 
charges et des masses le fussent également. Ainsi l'on 
est toujours amené à admettre que les électrons de 
différents corps pondérables sont égaux entre eux, et 
que si l’un de ces corps contient plusieurs espèces 
d'électrons, chacune de ces espèces se retrouve dans 
tous les autres. On peut comprendre alors comment 
tous les corps peuvent donner lieu aux mêmes valeurs 
de & et de À." À une tempéralure déterminée l'énergie 
cinétique moyenne w d’une molécule est la même dans 
tous les cas, Or, cette énergie, combinée avec la charge 
e d’un électron, peut servir à déterminer une cerlaine 
longueur. On peut ainsi se demander quel doit être le 
rayon R d'une sphère pour que la charge e, répandue 
uniformément sur sa surface, donne lieu à une énergie 
électrostatique égale à w. La longueur d'onde }» pour- 
rait être un certain multiple de ce rayon R; elle 
deviendrait ainsi inversement proportionnelle à w, 
c'est-à-dire à la température T, conformément à la loi 
de Wien. Quant à y, cette quantité pourrait être déter- 
minée par la condition que l'énergie contenue dans un 
cube, dont ?,, est l’arète, fut égale à un certain nombre 
de fois l'énergie y, ce qui serail en accord avec la loi 
de Boltzmann. — M. H. Kamerlingh Onnes présente au 
nom de M. E. van Everdingen jr: Le phénomène de 
Hall et la résistance de cristaux de bismuth dans le 
champ magnétique et en dehors. (Suite ; voir Aev. gén. 
d. Se. t. XI, p. 1251). Ici l’auteur donne les résultats 
complets sur le coefficient de Hall, la résistance du 
bismuth cristallisé dans le champ magnétique el en 
dehors, les résistances suivant les axes et suivant d'au- 
tres directions particulières. Il résume ces résultats 
dans la forme suivante : Pour le bismuth cristallisé, le 
coefficient de Hall est considérable pour une force 
magnétique normale à l'axe principal et insignifiant 
pour une force magnétique parallèle à cet axe: le 
coeflicient pour une force magnétique de direction quel- 
conque se déduit de ces deux cas à l'aide d’un ellip- 
soïde. En dehors du champ magnétique, les résistances 
dans le bismuth cristallisé se déduisent pour toutes les 
directions à l’aide d’un ellipsoïde de révolution, l’ellip- 
soïde de la conductibilité ; proportion des axes de 5 à 3. 
Dans un champ magnétique parallèle à l’axe principal, 
on a affaire à un ellipsoide de révolution à axes peu 
différents; dans un champ magnétique normal à l'axe 
principal, il y a un ellipsoïde à trois axes plus différents 
l’un de l’autre. Dans un champ magnétique de direction 
quelconque, on trouve un ellipsoide à trois axes iné- 
gaux dont on obtient les axes par superposition des! 
cas principaux. En général les résistances d'une plaque 
de bismuth, en deux directions perpenticulaires l'une 
à l’autre dans le champ magnétique, s’accroitront d'une 
manière inégale, ce qui explique l'asymétrie du phé- 
nomène de Hall. 
(à suivre.) 


P. H. ScHouTE. 


Le Directeur-Gérant : Louis OLIVIER. 


Paris. — L. MARETHEUX, imprimeur, 1, rue Cassette. 


: 


hi 


42° ANNÉE 


DIRECTEUR : 


NORD 


15 FÉVRIER 1901 


o Revue générale 


D Cienc 


pures el appliquées 


LOUIS OLIVIER, Docteur ès sciences. 


Auresser tout ce qui concerne la rédaction à M. L. OLIVIER, 22, 


rue du Général-Foy, Paris. — La reproduction et la traduction des œuvres et des travaux 
publiés dans la Revue sont complètement interdites en France et dans tous les pays étrangers, y compris la Suède, la Norvège et la Hollande. 


$ 1. — Nécrologie 


Charles Hermite. — Charles Hermite est né à 
Dieuze le 24 décembre 1822, sur celte terre lorraine si 
cruellement mutilée par la guerre de 1870. Le génie 
mathématique, comme le génie artistique, est presque 
toujours précoce : déjà la composition d'Hermite au 
Concours général en porte la marque par de fins aper- 
eus sur le Théorème de Descartes. Deux ans après, à 
peine entré à l'Ecole Polytechnique, Hermite fait une 
lécouverte qui le place au premier rang des analystes 
de son temps. La théorie des fonctions elliptiques, née” 
de l’idée géniale d'Abel sur l’inversion de l'intégrale 
elliptique, était dans son plein épanouissement: Jacobi, 
en montrant comment il fallait étendre le protlème de 

Pinversion à deux systèmes de deux intégrales ultra- 
elliptiques, avait indiqué l'existence des fouctions abé- 
…liennes à deux variables et à quatre paires de périodes; 
peu à près, Gôpel et Rosenhain avaient découvert les 
_ “xpressions analytiques permeltant de construire ces 
- fonctions. À ce moment, en 1842, où l'importance des 
“nouvelles transcendantes était à peine entrevue, un 
- jeune polytechuicien de première année, Charles Her- 
- mite, envoyait à Jacobi, par l'intermédiaire de Liou- 
- ville, la résolution du problème de la division des fonc- 

{ions abéliennes; voici comment Jacobi répondait à cet 
_ envoi: 

Kænigsberg, le 24 juin 1842. 

« Je vous remercie bien sincèrement de la belle et 
…_ importante communication que vous venez de me faire 
touchant la division des intégrales abéliennes. Vous 
- vous êtes ouvert, par la découverte de cette division, un 
“aste champ de recherches et de découvertes nouvelles 
qui donnent un grand essor à l'art analytique... Je vous 
… prie de faire, bien mes compliments à M. Liouville : je 
“lui sais bon gré d'avoir bien voulu me procurer le grand 
… plaisir que j'ai ressenti en lisant le Mémoire d’un jeune 
“…séomètre dont le talent s'annonce avec tant d'éclat 
dans ce que la Science a de plus abstrait. » 


—…. Ce «talent » était du génie: Hermite devait égaler 
“les plus grands géomètres. A partir de 1842, ses décou- 
-vertes se succèdent ininterrompues dans une vie uui- 
— quement consacrée à la méditation et au travail. 


( Pr 
REVUE GÉNÉRALE DES S IX :E£:, FCO. 
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LV 
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CHRONIQUE ET CORRESPONDANCE 


Hermite publie d’abord des recherches sur la trans- 
formation des fonctions abéliennes; puis, avec Cayley 
et Sylvester, il crée et développe la théorie des formes 
algébriques : il découvre en particulier une loi de réci- 
procilé entre les covariants des diverses fonctions, par 
où il ouvre dans cette théorie un grand et fécond champ 
de recherches. En même temps, par ses Mémoires sur 
l'introduction des variables continues dans la Théorie 
des nombres, où semblait devoir régner exclusivement 
la discontinuité, Hermite raltachait les admirables dé- 
couvertes de Gauss à un ordre d'idées nouveau qui lui 
permettait de les poursuivre dans un plus vaste domaine. 
Nous rencontrons ici une vérité qu'Hermite fait res- 
sortir dans lous ses (ravaux et qu'il se plaisait à répéter 
dans son enseignement : c'est l'unité profonde des 
Mathématiques, depuis la Physique mathématique jus- 
qu'à la Théorie des nombres; c'est l'appui mutuel que 
se prêtent les diverses parties d'une même Science, la 
Théorie es variables continues à l'Arithmétique supé- 
rieure, la Géométrie aux problèmes a'intégration, la 
Théorie des fonctions à la classification des incommen- 
surables. C’est ainsi que l'étude des formes arithmé- 
tiques conduisit Hermite à la découverte de groupes 
discontinus de transformation, de la nature de ceux 
que deux éminents mathématiciens francais ont em- 
ployés, plus tard, pour la construction des fonctions 
fuchsiennes et hyperfuchsiennes. Hermite à, d’ailleurs, 
étudié d’une manière approfondie le type le plus simple 
de ces fonctions : la fonction modulaire; son nom reste 
ainsi lié à ces nouvelles fonctions, dont ila fait une 
application d’une importance capitale à la résolution de 
l'équation du cinquième degré. Il ne s’agit pas là d'une 
résolution numérique qui peut se faire approximati- 
vement pour un degré quelconque, mais de la mise en 
évidence des relations qui unissent les cinq racines 
entre elles et caractérisent leur mole d'existence 
pour donner une idée de la méthode d'Hermite, qu'il 
est impossible d'analyser ici, on peut dire qu'elle pré- 
sente une analogie lointaine avec la méthode élémen- 
taire de résolution trigonométrique de l'équation du 
troisième degré. 

Quoique arrivé à la vie scientifique dans un fenps où 
les principales propriétés des fonclions elliptiques 
étaient déjà découvertes par Abel et Jacobi, Hermite 


3 


110 


CHRONIQUE ET CORRESPONDANCE 


a fait faire de grands progrès à la théorie de ces fonc- 
tions en la ramenant à quelques principes généraux 
avec l’aide des méthodes de Cauchy : on lui doit notam- 
ment une formule de décomposition en éléments simples 
essentielle pour l'intégration, une étude approfondie 
des fonctions qu'il a appelées doublement périodiques 
de deuxième et de troisième espèces; ici encore se 
rencontrent de belles applications, bien inatt:ndues, 
à l’Arithmétique : des identités entre des séries obte- 
nues dans la théorie des fonctions doublement pério- 
diques conduisent, avec une facilité surprenante, à des 
théorèmes profonds sur lathéorie des nombres. 

En 1885, parut un ouvrage d'Hermite intitulé : Sur 
quelques applications des fonctions elliptiques; le point 
de départ de ces applications est l'intégration d'une 
équation différentielle du deuxième ordre, appelée équa- 
tion de Lamé; Hermite montre que celte équation peut 
toujours être intégrée par des fonctions doublement 
périodiques de deuxième espèce : il rattache ensuite à 
cette intégration de nombreuses applications des fonc- 
tions elliptiques à la Mécanique et à la Physique mathé- 
matique. Cet ouvrage, en dehors de son immense intérêt 
analytique, a été de la plus grande utilité aux méca- 
niciens et aux astronomes. 

Dans cette rapide revue, nous nous limitons aux 
idées essentielles, nous ne montrons en quelque sorte 
que les sommets; c'est pourquoi nous ne pouvons pas- 
ser sous silence un travail qui apparait comme un roc 
isolé et splendide dans le domaine presque inexploré 
des incommensurables : les recherches d'Hermite sur la 
généralisation des fractions continues ont été cou- 
ronnées par la démonstration de la transcendance du 
nombre 6, dans un Mémoire qui est un modèle de pro- 
fondeur et d'élégance; les méthodes créées à cet effet 
par le génie d'Hermite ont permis, peu après, à un 
géomètre allemand, d'établir la transcendance du 
nombre x, c'est-à-dire l'impossibilité de la quadrature 
du cercle. 

Après le savant, l'homme et le professeur. Hermite ! 
Quel mathématicien contemporain n'évoque à ce nom 
une figure puissamment expressive, au front génial, 
aux yeux profonds, comme fixés sur un monde mysté- 
rieux, invisible aux profanes! Pour Hermite, les Mathé- 
matiques avaient une existence propre, extérieure au 
penseur : elles formaient un monde d'harmonieuse fala- 
lité, qui était comme le support de l'univers matériel. 
Spiritualiste convaincu, il pensait que l'âme aurait un 
jour la révélation complète de ces harmonies mathé- 
matiques dont un reflet seul est accessible à l'intelli- 
rence humaine. Son influence sur le mouvement ma- 

ématique du x1x° siècle a élé capitale, non seulement 
pa lécouvertes et ses publications, mais par 
l'exemple de sx vie entièrement consacrée à la Science, 
par les conseils personnels et directs qu'il ne refusait à 
aucun chercheur, par lès idées et les encouragements 
bienveillants qu'il donnait à ses élèves en pénétrant 
dans leurs vues plus loin qu'ils ne le faisaient eux- 
mêmes. Cette influence s'étendit au monde entier, et 
la correspondance mathématique d'Hermite, si elle pou- 
vait êlre recueillie et publiée, constituerait comme le 
tableau de la vie mathématique des soixante dernières 
années du siècle. Les sentiments des mathématiciens 
du monde entier se manifestèrent à cet égard d'une 
façon éclatante, à l'occasion du soixante-dixième anni- 
versaire de la naissance du grand géomètre : en 1892, 
un Comité de mathématiciens étrangers et francais se 
forma et ouvrit une souscription dans le but d'offrir à 
Hermite, en témoignage de respectueuse admiration, 
une médaille à son effigie, dont l'exécution fut confiée 
à M. (haplain. Pas un mathématicien ne resta étranger 
à la sou<cription, et le 24 décembre 1892, les amis et 
admirateurs d'Hermite se réunirent à la Sorbonne, 
sous la présidence du ministre de l’Insturtion publi- 
que, pour lui offrir l’œuvre du célèbre graveur. 

A partir de 1862, Hermite a été conduit à prendre une 
part des plus actives à l'enseignement : l'heureuse ini- 
lialive de Pasteur fit créer pour lui une conférence à 


l'Ecole Normale : il fut ensuite professeur à l'Ecole 
Polytechnique en 1867, et à la Faculté des Sciences à 
la Sorbonne en 1869. Ses cours à l'Ecole Polytechnique « 
ont été autographiés et seront un jour imprimés :il a 
rédigé lui-même et publié la première partie de cet 
enseignement dans un volume qui est un modele d'ex- 
position concise et suggestive, el qui ouvre les portes 
des parties les plus élevées de l'Analyse sans généra- 
lités inutiles, sans cet appareil de démonstrations et de 
formules générales qui masque trop souvent les faits 
essentiels. Le cours de la Sorbonne a rempli et occupé 
ses dernières années de professeur : rédigé en 1881-82 
par un de ses élèves, il a servi de modèle à maint ensei- 
nement en France et à l'Etranger; il a eu de nom- 
breuses éditions autographiées, revues et modifiées par 
Hermite d'apres l’évolution de ses propres idées et les 
progrès de la Science. Ce cours a répandu partout, 
sous une forme saisissante, les découvertes de Weiers- 
trass et de ses élèves sur la théorie des fonctions : 
par les exemples choisis pour l'application des théo- 
rèmes généraux de cette théorie, Hermite a renouvelé « 
l'étude des fonctions elliptiques et des fonctions eulé- 
riennes. 

En 1897, à l'âge de soixante-quinze ans, Hermite 
quitia ses fonctions de professeur à la Sorbonne, malgré 
les instances de M. le Directeur de l'Enseignement 
Supérieur et des professeurs de la Faculté des Sciences : 
son activité mathématique ne se ralentit pas un instant, 
et encore, dans ces derniers temps, il échangeait avec 
un géomètre ilalien une correspondance mathématique 
dont il vient de paraître des extraits dans les Anuali di 
Matematica. 

Hermite est mort le lundi 14 janvier 1901, laissant pour 
l'histoire un nom impérissable, et pour tous ceux qui 
ont eu le bonheur de, l'approcher, le souvenir d’un 
homme aussi grand par le cœur que par l'intelligence. 

P. Appell, 
Membre de l'Académie des Sciences, 


Professewr de Mécanique rationnelie 
à la Faculté des Sciences de Paris. 


P.-Ch.Potain. — Le Professeur Potain, membre de 
l'Académie de Médecine et de l’Académie des Sciences, a 
succombé le 5 janvier 1901, dans sa soixante seizième 
année, emportant dans sa tombe les regrets unanimes 
du monde médical, et nous laissant l'exemple d'une 
probité professionnelle sans défaillance. 

Les qualités de son grand cœur ont été suffisamment 
et peut-être trop exclusivement louées. Tout exception- 
nelles qu'elles aient été, elles ne doivent cependant pas, 
nous dérober le savant que fut Potain et dont nous 
voulons mettre ici en pleine lumière les travaux, ainsi 
que la trace qu'ils laisseront dans la science médicale. 

En 1872, le Docteur Potain, déjà médecin des Hôpi- 
taux et agrégé de la Faculté, n'avait cependant publié. 
qu'un nombre restreint de travaux, ayant (rail, pour la 
plupart, à des recherches sur la physiologie et la patho- 
logie du système vasculaire. Elève du Professeur Bouil= 
laud, ses goûts de clinicien l'avaient entrainé dans 
la voie du mailre, vers l'étude des affections de l’appa- 
reil circulatoire. Expérimentateur habile, il suivait, 
avec une attention avide d'apprendre, les rech-rches des 
physiologistes, auxquelles il s'initiait avec l’aide et les 
conseils de son ami le Professeur Marey. Rien cepen- 
dant ne l'avait encore distingué. Dans son service, 
dont M. Malassez, aujourd'hui directeur au Laboratoire 
des Hautes-Eludes, était alors l'interne, venaient, 
poussés par une curiosité discrète, des assistants, dans 
les moments de liberté que leur laissaient les lecons 
magisirales des grands cliniciens en vogue. Tout, 
élourdis encore du fracas des phrases pompeuses et 
sonores où se complaisaient encore nombre de méde- 
cins, derniers reflets de l’enseignement de la fin de 
l'Empire, ils entraient avec étonnement dans ces salles 
de l'hôpital Necker où Potain faisait alors assidument 
son service, entouré de quelques élèves pressés autour 
de lui pour ne rien perdre du sens ni de la signili- 
cation de la parole éteinte et cependant caplivante du 


à 


CHRONIQUE ET CORRESPONDANCE 


411 


mailre. À chaque lit, il s'arrêtait, s'enquérait de tous 
les renseignements propres à le guider minutieusement. 
Il observait les symptômes, forçait les signes cliniques à 
se dévoiler par un interrogatoire minutieux, aidé de 
toute l’instrumentation dont le médecin pouvait alors 
disposer. Puis, en quelques phrases, les résultats de 
cette paliente analyse étaient exposés aux assistants, 
avec la synthèse que devait fixer dans leur esprit les 
enseignements qui comportait le cas observé. Dans 
ces salles si tranquilles, si peu fréquentées encore, on 
apprenait plus en regardant agir le maître que dausles 
amphithéâtres en vogue, où, trop souvent, le bruit des 
paroles tenait lieu d'enseignement, 

La contagion s'opéra. On sut enfin que Potain, peu 
soucieux de touteréclame, était cependant déjà l'homme 
que tout confrère malade désirait avoir à son chevet, 
qu'il était compatissant aux malheureux et que, der- 
rière celte pitié charitable, se cachait un observateur 
sagace et un travailleur acharné. Des anis plus arrivés 
que lui, Axenfeld, Parrot, se chargèrent de proclamer, 
ce qu'il n'aurait pas voulu entendre lui-même, que le 
Dr Potain allait bientôt devenir le premier clinicien de 
son temps. 

Il le devint, en effet, et le resta jusqu'à sa mort. 
Pour une fois au moins cette haute situation ne fut pas 
le produit frelaté d'une réclame savamment organisée, 
mais bien la conséquence logique d’une valeur scien- 
tifique indiscutable, 

Le Professeur Potain n'écrivit pas beaucoup, parce 
qu'il n'écrivail que ce qui en valait la peine. Seul, le 
souci de la vérité à faire connaitre pouvait l'inspirer et 
ses travaux portent tous l'empreinte d'une grande pré- 
cision unie à une remarquable correction de style. 
Aussi les écrits qu'il nous à laissés sont-ils assurés de 
laisser dans la science une trace profonde et durable. 

Potain fut très peu un théoricien. Doué de connais- 
sances élémentaires très précises en Physiologie et en 
Chimie, sciences considéréescomme accessoires de la Mé- 
decine, il apporta dans l'étude de cette dernière les prin- 
cipesde rigoureuse exactitude d'un esprit formé à la disei- 
pline des sciences positives. Ses travaux s'étendent sur 
l’ensemble de la Médecine, mais ils sont plus spéciale- 
ment afférents à la physiologie et à la pathologie du 
système circulatoire. 

Laënnec, l'inventeur génial de l'auscultation, avait 
comme frappé d'ostracisme la sémiologie cardiaque en 


 avouant que les principes qui l'avaient guidé dans la 


connaissance des maladies du poumon ne pouvaient 
s'appliquer à celles du cœur, la plupart des bruits patho- 
logiques qui servent à les reconnaitre pouvant se pro- 


. duire indépendamment d'elles. Bouillaud en avait 


appelé de ce jugement en établissant le bilan des signes 


. objectifs des diverses affections cardiaques. Mais la 


trop grande précision qu'il avait tenté d'apporter 
ne s’accordait pas avec la réalité des faits. Trop souvent 
encore on restait dans le doute qui avait conduit 
Laënnec à la négation. 

Il fallait reprendre cette étude par le fond, connaître 
la cause des divers bruits que l'on entend à la région 
précordiale, leur mode de production, l'importance 
qu'ils peuvent avoir en sémiotique. Il fallait aussi 
préciser d’une facon plus complète les modifications 
physiologiques et pathologiques du rythme cardiaque 
et établir enfin les rapports des diverses maladies du 
cœur, aux phases variables de leur évolution, avec les 
troubles de la circulation périphérique. C'est cette 
œuvre considérable qu'entreprit et qu'acheva le Pro- 
fesseur Potain. 

Depuis le début de sa carrière, où il étudiait les 
dédoublements des bruits du cœur, les mouvements et 
les bruits qui se passent dans les veines jusulaires, jus- 
‘qu'à la fin, où il reprenait l'étude des « bruits de galop », 


— celle des souffles cardio-pulmonaires, etc., cette même 


pensée le guidait : asseoir le diagnostic des maladies 


4 du cœur sur des données certaines; à la notion d’une 


lésion locale d'un organe substituer celle d’une affection 


—… d'ordre plus général, à laquelle tout l'organisme par- 


ticipe, contre laquelle il lutte au moyen des ressources 
presque inépuisables de l'équilibre circulatoire, à 
laquelle il succombe enfin quand cet équilibre est défi- 
nitivement vaincu. On voit donc quelle ampleur a prise, 
sous son impulsion, une étude jusqu'alors réputée aride, 
et l’on sait quels merveilleux éclaircissements il y a 
apportés. 

La synthèse, encore inachevée, et qui sera complétée, 
de tous ces travaux est faite dans son livre le plus im- 
portant : La Clinique médicale de la Charité, paru en 
1895 et dont il nous fit l'honneur de nous confier la 
rédaction. 

Disons enfin qu'expérimentateur et physiologiste de 
première valeur, le Professeur Potain a enrichi la sé- 
miotique d'instruments précieux dont l'usage ne périra 
pas. Son « mélangeur » destiné à la numération des glo- 
bules du sang, l’ «aspirateur » qui porte son nom et qu'il 
construisit lorsque son élève affectionné, le Professeur 
Dieulafoy, eut, étant son interne, l'honneur de découvrir 
l'aspiration et de l'appliquer au diagnostic et au trai- 
tement de certaines maladies, son sphygmomano- 
mètre, etc., témoignent d'une ingéniosité et d'une 
habileté dignes d’un physiologiste accompli. 

Le Professeur Potain a formé des générations d'élèves, 
A tousil a inculqué, avec l'amour de la Science, le 
respect et la conscience du rôle élevé de la profession 
médicale. Pendant les quinze ans que nous vécûmes, 
pour notre part, dans son intimité, nous n’entendimes 
de lui que des paroles pleines d’ardeur pour l'avenir 
de la Science et de son pays. Il vécut et mourut en grand 
citoyen et en grand savant. Sa mémoire mérite, à ce 
double titre, d'être éternellement honorée, 

D' H. Vaquez, 7 
Professeur agrégé à la Faculté 
de Médecine de Paris, 
Médecin des Hôpitaux. 


L'explorateur Serpa Pinto.— Né le 20 avril 1846, 
au château de Polchras, dans le district de Vizeu, l'ex- 
plorateur portugais Alexandre-Albert da Rocha Serpa 
Pinto est mort à Lisbonne dans les derniers jours de 
décembre 1900. Il fut l’un des principaux agents du 
Portugal, daus la part que prit cette Puissance à l’ex- 
ploration et à la conquête européennes de l'Afrique, 
pendant le dernier quart du xix° siècle. 

Depuis le xvi° siècle, les Portugais étaient établis sur 
quelques ppints des côtes occidentale et orientale, à 
Saint-Paul de Loanda, à Benguela, à Quelimane, à Mo- 
zambique. Mais depuis trois cents ans, ils n'avaient, 
nonobstant quelques efforts sans suite d’aventuriers 
ou de gouverneurs, ni exploré, ni conquis l'intérieur 
du pays. Vers 1875, les succès des voyageurs étrangers 
les réveillèrent de leur torpeur. Il leur parut honteux 
de laisser à un Livingstone ou à un Cameron la gloire 
d'explorer un pays qu'ils considéraient comme leur 
domaine virtuel. Sur l'initiative de la Société de Gèo- 
graphie de Lisbonne et de la Commission géogra- 
phique permanente du Ministère de la Marine, le Par- 
lement vota les fonds nécessaires à l'équipement d'une 
grande Expédition géographique. Un officier, Serpa 
Pintd, qui avait déjà accompli un voyage sur le Zam- 
bèze en 1869 et qui possédait les notions scientifiques 
requises en la circonstance, fut désigné pour en pren- 
dre le commandement. 

En novembre 1877, il quitte Benguela et, en mars 1878, 
atteint Bihé, par une contrée jusqu'alors inexylorée. 
Là, il se sépare de ses deux subordonnés, Brito Capello 
et Ivens, qui, eux aussi, devaient acquérir une certaine 
notoriété dans l’histoire de l'exploration africaine. 
Poursuivant sa marche vers l'Est, Serpa Pinto traverse 
le plateau de Congala, d’où partent le Cubango qui 
aboutit au lac Ngami, le Cuando, affluent du Zamhèze, 
et le Cuanza qui se jette dans l'Atlantique. De là, il 
atteint le Zambèze en franchissant d'immenses éten- 
dues marécageuses, dans lesquelles l'expédition faillit 
périr d'inanition. Au Zambeze se termina le voyage de 
Serpa Pinto en pays inconnu. Il avait encore d’autres 


4112 


projets, mais une attaque des indigènes ayant mis ses 
hommes en fuite, il se décida à descendre le fleuve 
jusqu'aux chutes Victoria ; il se résignait ainsi à suivre 
les traces de Livingstone. Fatigué et malade, il eut la 
bonne fortune de rencontrer le pasteur français Coil- 
lard, qui, accompagné de sa femme et de sa sœur, évan- 
gélisait les paiens des bords du Zambèze. En leur com- 
pagnie, Serpa Pinto gagna la mission de Chochong, puis 
Prétoria, où il arriva le 12 février 1879, et le Natal. 

Cette expédition excita en Europe un grand enthou- 
siasme. La Société de Géographie de Paris décerna à 
Serpa Pinto sa plus haute récompense, sa grande mé- 
daille d’or, la Société de Géographie de Londres sa 
« Founder's Medal », et le président, lord Aberdare, en 
lui remettant la médaille, célébra « le courage surpre- 
nant, l'endurance, la force d'âme, la patience déployées 
par cet homme remarquable, qui lui permirert de 
vaincre des obstacles et des difficultés dont jusqu'alors 
aucun voyageur n'avait triomphé ». Ce langage nous 
parait maintenant quelque peu exagéré; les succès 
inouis remportés depuis vingt ans dans l'exploration 
africaine nous ont rendus exigeants, et aujourd'hui 
nous louerions sans doute plus modérément les résul- 
tats d’un pareil voyage. Serpa Pinto venait certaine- 
ment d'accomplir des découvertes de détail intéres- 
santes, mais, à tout prendre, il n'avait rapporté la solu- 
tion d'aucune grande question géographique. 

Ce premier voyage avait un caractère exclusivement 
scientifique; en 1884, il en entreprit un second qui 
échoua. Mais, en 1889, ilrevint en Afrique, chargé cette 
fois d’une mission politique. Depuis près de trente ans, 
des missionnaires anglais s'étaient établis au sud du 
lac Nyassa, sur les plateaux qui dominent le Chiré, 
cette grande rivière qui porte au Zambèze les eaux du 
Nyassa; ils y avaient fondé le village de Blantyre. En 
1889, le Gouvernement se proposa d'affermir officielle- 
ment son autorité dans cette contrée. Harry H. Johns- 
ton, consul anglais à Mozambique, qui préludait alors à 
une brillante carrière africaine, recut mission de con- 
clure des traités d'amitié avec les chefs indigènes, par 
lesquels ceux-ci ne devaient contracter aucun engase- 
ment avec une puissance européenne quelconque, sans 
le consentement du Gouvernement britannique. Or, 
depuis des siècles, les Portugais se considéraient comme 
les possesseurs de tout le bassin du Zambèze, et Serpa 
Pinto fut envoyé pour sauvegarder sur place ces droits 
séculaires. Harry H. Johnston rencontra Serpa Pinto, 
dans un camp, au-dessous du confluent du Chiré et du 
Ruo; il lui üunt le langage suivant: « Votie Gouverne- 
ment nous à alfirmé que votre Mission avait pour objet 
le Haut-Zambèze et non le Chiré. En conséquence, si 
vous entamez quelque action politique au nord du Ruo, 
que nous considérons provisoirement comme la limite 
portugaise, vous m'obligerez de mon côté à dépasser 
mes instructions immédiates et à protéger effective- 
ment les intérêts du Gouvernement britannique. Si 
vous désirez seulement passer dans le pays, pour faire 
des observalions scientifiques, nous voyagerons en- 
semble et je m'emploierai à éviter toute opposition de 
la part des indigènes Mäkololo. » 

Serpa Pinto répondit évasivement. Il n'osa pas fran- 
chir personnellement le Ruo, maïs son subordonné, le 
lieutenant Coutinho,envahitleterritoirecontesté.llallait 
atteindre Blautyre, quand, le 411 janvier 4890, lord Salis- 
bury mit formellement le Gouvernement portugais en 
demeure de rappeler ses troupes. On sait que cet ulti- 
matum souleva en Portugal une émotion publique, qui 
se manifesta par l'attaque du consulat anglais de Porto, 
par la suppre-sion de l'enseignement de l'anglais dans 
les écoles publiques, etc... Le conflit se termina par 
le traité du 20 mai 1891, qui délimita les zones d'in- 
{luence respectives de la Grande Bretagne et du Portu- 
gal dans la région du Zambèze. 

Serpa Piuto ne réussit pas à conserver le Chiré au 
Portuxal; mais, sans sa présence sur le Zambèze, peut- 
être la part terriloriale de son pays eût-elle été encore 
plus réduite. 


CHRONIQUE ET CORRESPONDANCE 


Depuis dix ans, Serpa Pinto était entré dans la 
retraite. Il ne comptera pas parmi les plus grands 
« africanistes » du siècle qui vient de finir, mais figu- 
rera au premier rang des voyageurs portugais qui 
marchèrent sur les traces de leurs illustres devanciers 


du xv'et du xvi siècles. Henri Dehérain, 
Doctewr ès lettres, 
Sous-bibliothécaire de l'Institut. 


$ 2. — Physique du globe 


Valeur absolue des éléments magnétiques 
au 1% janvier 1901. — Pendant l'année 1900, 
comme pendant les années précédentes, les observa- 
tions magnétiques ont été continuées, en France, régu- 
lièrement et sans lacunes, dans les Observatoires du 
Parc Saint-Maur, de Perpignan et de Nice. Les {rois 
stations sont pourvues d'appareils identiques : un ma- 
gnétographe de M. Mascart et des boussoles de Brurner 
pour la mesure absolue de la déclinaison, de l’inclinai- 
son et de la composante horizontale. Les courbes de va- 
riation, dont les repères sont fréquemment vérifiés, 
sont dépouillées pour chaque heure du jour. 

Le développement récent des lignes de tramways 
électriques dans la banlieue Est de Paris a rendu très 
difficile le dépouillement des courbes magnétiques de 
l'Observatoire du Parc Saint-Maur, le champ terrestre 
étant troublé par des courants dérivés dus au retour du 
courant principal par la Terre. Préoccupé de cette 
situation, M. Mascart a obtenu la concession de la pro- 
priété domaniale du Val-Joyeux, située à Villepreux 
(Seine-et-Oise), en vue d’y continuer les études de ma- 
gnétisme terrestre élablies en 1882 au Parc Saint-Maur. 
Un pavillon vient d'être construit dans cette nouvelle 
station et un magnélographe y fonctionne régulière- 
ment depuis le 26 décembre 1900. 

Les valeurs des éléments magnétiques au 1° jan- 
vier 1901 pour les quatre stations, sont déduites de 
toutes les valeurs horaires relevées le 31 décembre 1900 
et le 1% janvier 1901, rapportées à des mesures abso- 
lues faites aux dates qui précèdent et suivent immédia- 
tement le 1°" janvier. 

Les observations de Perpignan continuent d'être faites 
par M. Cœurdevache sous la direction de M. le docteur 
Fines et celles de Nice par M. Auvergnon. An Val- 
Joyeux, elles ont élé confiées, sous la direction de 
M. Moureaux, à M. Itié, aide-météorologisie, attaché 
depuis dix ans au Service marnétique. 

Voici, d'après M. Moureaux, les valeurs absolues des 
éléments magnéliques au 1°" janvier 1901 : 


PARC 


ST-MAUR VAL-JOYEUX PERPIGNAN NICE 


00993E 001923W 003245E 405748 EM 


Longilude. . . 
Latitude nord. 48048134 4804916 420498 440437 
Déclinaison occi- 

dentale . 1404318 A5o1440 13034177 AMo57/9ÿ 
Inclinaison . . . 640519 5405919 590575  6009'0 
Composante hori- 

zontale . . . 0,19755  0,19662 0,22450 : 0,22425 
Composante ver- 

ticale 2 0000,42106 00/2167 0,38819  0,39077 
Conipuosantenord, 0,19106  0,1897L 0,21822  0,21938 
Compos. ouest . 0,05168 0,05271 0,04650 
Force totale. . . 0,46510  0,46520 0,24844  0,4505% 


La différence de longitude entre le Val-Joyeux et le 
Parc Saint-Maur était de 29/, la déclinaison devait dif- » 
férer s'ulement de 13! environ : l'écart observé est de 
#06. D'autre part, la latitude des deux stations est sen- 
siblemeut la même; et leur distance est faible (36 ki- 
lomètres): l'inclinaison et la composante horizontale 
devraient avoir à peu près la mème valeur dans les 
deux stations; or, au Val-Joyeux, l'inclinaison est plus 
grande de 8! et la composante horizontale plus faible de 
0,00093 qu'au Pare Saint-Maur. Ces écarts liennent au 
fait que le nouvel Observatoire est situé «ans la région 
soumise à l'anomalie magnétique du bassin de Paris. 

La variation séculaire des différents éléments résulte 


de dt 


XL: 


CHRONIQUE ET CORRESPONDANCE 


113 


de la comparaison entre les valeurs actuelles et celles 
du 1° janvier 1900. Voici cette variation : 


PARC ST-MAUR PERPIGNAN NICE 
-Déclinaison. . —3!178 —5!48 —3!18 
Inclinmson . . . . . . . —3!3 —2'00 —1!% 
Composante horizontale. +0,000%%  —-0,00029  +0,00009 
Composante verticate. . —0,00011 —0,00002  —0,00022 
Composante nord. . . . <+0,000%8  +-0.00036 +0,0001% 
Composante ouest. . . . —0,00010 —0,00028  —0,00023 
Force totale . . . . . , “+-0,00009  --0,00013  —0,00015 


.De 1883 à 1898, d'une manière générale, la variation 
séculaire de la déclinaison était plus grande et celle 
de l'inclinaison plus faible dans le nord que dans le 
midi de la France : le tableau précédent montre que 
c'est le contraire depuis deux années. 


$ 3. — Chimie 


_ Conférences de l'Institut Pasteur: Les Fal- 
sifications des Alcools et Eaux-de-vie. — 


. Le Service d'Analyse et de Chimie appliquée à l'Hygiène, 


qui vient d'être créé à l'Institut Pasteur et mis sous la 
direction de M. Trillat, a récemment inauguré la série 
de ses conférences, destinées à compléter les lecons et 
les mauipulations faites dans le laboratoire. 

M. Duclaux, directeur de l’Institut Pasteur, a rappelé 


d'abord le but du nouveau Service, qui est l’enseigne- 


ment de l'Analyse au point de vue alimentaire, phar- 
maceulique et médical, et l'étude des questions qui s'y 
rattachent. Ce Service comporte donc tout le cycle des 
méthodes analytiques et surtout l'interprétalion des 
résultats : il sera d’une extrême utilité, car la Science, 
l'Industrie et les tribunaux ont besoin de bons ana- 
lystes, et jusqu'à ce jour on n'avail pas songé à grouper 
les méthodes analytiques d'un enseignement spécial. 

M. Rocques a ensuite traité de la falsification des 
eaux-de-vie et indiqué les procédés analytiques qui 
permettent de dépister et de doser les impuretés de 
ces liqueurs; nous emprunterons à sa conférence les 
indications suivantes : 

L'analyse chimique, ayant été complétée par la dé- 
gustation, il reste à interpréter les résultats obtenus et 
à en tirer des conclusions. C’est la partie la plus déli- 


cate de la tâche du chimiste : il doit y apporter une 


grande prudence. Les questions qu'il a le plus fréquemm- 
ment à résoudre sont, en effet, celles-ci : Une eau-de- 
vie (cognac, marc, kirsch, etc.) est-elle pure, ou est-elle 
additionuée d'alcool d'industrie, ou est-elle uniquement 
composée d'alcool d'industrie aromatisé par des es- 
sences ? A-t-on fait usage d'alcool d'industrie neutre, 
c’est-à-dire bien rectifié, ou d'alcool d'industrie impar- 
faitement rectifié ? Enfin, a-t-on fait entrer, dans un 
coupage d'eau-de-vie, de l'alcool méthylique ? 

Pour résoudre ces questions, il faut prendre en con- 
sidération ies caractères que présentent à l'analyse et à 
Ja dégustation les malières premières susceptibles d’en- 
trer dans la compusition des eaux-de-vie Ces matières 
premières sont : 1° Les eaux-de-vie naturelles : c’est- 
à-dire les eaux-de-vie pures de vin, de marc, de cidre, 
de cerises, etc. ; 2° Les a/cools d'industrie neutres, c’est- 
à-dire bien rectifiés et débarrassés par la rectifica- 
tion de leurs impuretés et du bouquet originel (bette- 
raves, mélasses, grains); 3° Les alcools d'industrie mal 
rectiliés. 


Le premier groupe est caractérisé : 1° à l'analyse, 


par une teneur a:sez élevée en impuretés; 2° à la dé- 


gustation, par le bouquet agréable et distinctif de 
chaque sorte d’eau-de-vie. 

Le serond groupe ne présente à l'analyse qu'une très 
petite quantité d'impuretés et la dégustation n’y décèle 
aucun bouquet spécial; d’où son nom d'alcool neutre. 

_ Enfin, le troisième groupe est caractérisé par une 
teneur assez élevée en impuretés et par des qualités 
organoleptiques distinctives permettant au dégustateur 
d’en reconnaitre l'origine. 


nature 


Dans l'appréciation des résultats de l'analyse, trois 
cas peuveut se présenter : 

1° Si la teneur en impuretés est élevée, on se trouve 
en présence soit d'une eau-de-vie naturelle, soit d'une 
eau-de-vie coupée au moyen d'alcool d'industrie mal 
reclifié ; 

20 Si la teneur en impuretés est faible, le liquide à 
examiner est, soit une eau-de-vie naturelle coupée avec 
de l'alcool d'industrie neutre, soit un alcool de fantai- 
sie fait avec de l'alcool d'industrie mal rectilié; 

3° Enfin, si la teneur en impuretés est presque nulle; 
il s'agit d'une eau-de-vie de fantaisie composée avec de 
l'alcool d'industrie neutre. 

Dans ces divers cas, il suffit de vérifier par la dégus- 
tation s'il y a ou non de l'alcool d'industrie mal rectifié 
dans le liquide à analyser. Le rôle de la dégustation se 
trouve aiusi borné à une constatation assez facile à 
faire. 

M. Rocques s'est principalement élendu sur la 
recherche des fraudes du cognac. Il a montré que les 
eaux-de-vie de cognac authentiques sont caractérisées 
chimiquement de la manière suivante : 

4° Coefficient total d'impuretés (somme des impu- 
retés volatiles exprimées en grammes et par hectolitre 
d'alcool à 100°) égal à environ 400; 

20 Somme d alcools supérieurs et éthers (exprimée 
également en grammes par hectolitre d'alcool à 100°) 
évale à environ 300 ; 

3° Coellicient d'oxydation (proportion, pour 100 par- 
ties d'impuretés totales, de la somme des produits 
d'oxydation : acides et aldéhydes) variant entre 8 et 36, 
suivant le mode de distillation et l'âge des eaux-de-vie. 
Les produits d'oxydation augmentent par le vieillisse- 
ment et le coefficient d'oxydation permet de se rendre 
compte, jusqu'à un certain point, de l’âge d'une eau- 
de-vie ; 

4° Rapport entre les alcools supérieurs et les éthers 
généralement compris entre 1 et 2 dans les cognacs 
authentiques. 

Au sujet des kirschs, l'analyse montre, pour les 
kirschs authentiques, la présence d'une quantité d'acide 
cyanhydrique comprise généralement entre 25 et 100 
milligrammes par litre, d'un coefficient total d’impu- 
retés assez élevé (300 à 400) et l'absence d’aldéhyde 
benzoïque. Les kirschs de fantaisie sont, au contraire, 
caractérisés par l'absence presque complète d'acide 
cyanhydrique, la faiblesse du coefficient d'impuretés, 
et la présence d’aldéhyde benzoïque. 

Parlant de ces diverses falsifications, le conférencier 
à ajouté qu'il serait désirable de voir adopter par le 
commerce des désignations indiquant exactement la 
des eaux-de-vie mises en vente, C'est ainsi 
que le mot « Cognac » devrait servir à désigner uni- 
quement les eaux-de-vie de vins des Charentes distil- 
lées à la manière charentaise. Les imitations de Cognac 
devraient être désignées sous le nom de Cognac de 
fantaisie. Non seulement les négociants français de- 
vraient adopter ces désignations pour la France, mais 
ils devraient réagir contre l'emploi abusif que les distil- 
lateurs étrangers font du mot cognac. La Conférence 
internafionale de Madrid de 1892, à laquelle ont adhéré 
les Puissances étrangères, a décidé que les appellations 
régionales de proveuance de produits viticoles ne pour- 
ront jamais être considérées comme génériques. Le 
mot cognac appartirnt donc à la France seule et, si 
nos nationaux ne doivent pas en faire un usage abusif, 
ils devraient aussi s'opposer à l'adoption de cet usage à 
l'Etranger. 


$ 4. — Botanique. 


Un Café sans caféine. — Quand on compare 
entre elles certaines espèces végétales, on est quelque- 
fois surpris d'y trouver des différences de composition 
chimique que ne laissaient nullement prévoir leurs 
caractères extérieurs. On est ainsi conduit à se de- 
mander s'il n'y à pas lieu de faire intervenir ces 


114 


CHRONIQUE ET CORRESPONDANCE 


différences dans la détermination des espèces el même 
à concevoir, tout au moins dans l'avenir, un système 
de classification plus en rapport avec l’ensemble des 
notions biologiques, système qui liendrait compte, 
non seulement de la forme extérieure et de l'anatomie 
des organes, mais encore de leur fonction physiolo- 
gique. 

Ce sont, du moins, les conclusions qui découlent tout 
naturellement du travail que M. Gabriel Bertrand vient 
de publier sur la composition chimique du café de la 
Grande-Comore. 

Le café en question croît spontanément dans. l'ile, 
où il a été trouvé par le voyageur Humblot. Au point 
de vue botanique, c'est une espèce mal définie, sans 
caractère précis. Baïllon, qui l’a examiné tout d'abord, 
a pensé que ce pouvait être une espèce nouvelle et l’a 
désignée sous le nom de Coffea Humblotiana, tandis 
que Froehner, dans sa Monographie du genre Coflea, 
admet que c'est tout simplement un variété de Coffea 
arabica L. 

Or, M. Gabriel Bertrand, ayant analysé les grains de 
ce café, n’y a point trouvé trace de caféine, contraire- 
ment à ce qui a lieu pour les espèces connues jusqu'ici, 
notamment pour le Café ordinaire d'Arabie, lequel, 
transporté et cultivé en des points très différents du 
globe, contient entre 8 et 17 grammes de l’alcaloïde 
par kilo. A la Grande-Comore mème, le Collea arabica 
renferme 13 gr. 4 de caféine. 

Il semble donc bien qu'on doive mettre ici hors de 
cause une influence de sol ou de climat et, par suite, 
qu'il faille attribuer à la composition chimique excep- 
tionnelle du café de la Grande-Comore la valeur d’un 
véritable caractère spécifique, venant confirmer la dé- 
termination de Baillon. 

Une telle application de la Chimie à la Systématique 
peut paraître, au premier abord, un peu hardie; ce 
n'est, cependant, qu'une extension aux êtres supérieurs 
d'une méthode de diagnose qui a rendu de grands ser- 
vices dans l'étude des levures et des microbes. Il faut 
souhaiter qu’elle se généralise. 


$ 5. — Zoologie 


Ia Fécondation chimique des œufs d’Our- 
sin. — Les recherches si étonnantes de Loeb sur la 
fécondation chimique des œufs (voir Revue générale 
des Sciences, 30 décembre 1900) viennent d’être con- 
firmées par Wilson (Science, vol. XII, janvier 1901) : il 
a traité des œufs non fécondés de T'oxopneustes par 
des solutions de chlorure de magnésium, suivant la mé- 
thode de Loeb ; ces œufs donnent) des embryons, 
dont les noyaux sont par conséquent d'origine pure- 
ment maternelle ; en effet, durant la segmentation, le 
nombre des chromosomes est la moitié du nombre 
usuel, 18 au lieu de 36 (résultattout à faiten désaccord 
avec celui de Delage, qui a trouvé le nombre normal de 
chromosomes dans ses œufs mérogoniques, ne renfer- 
mant que le noyau paternel). Ces œufs présentent des 
asters avec centrosomes, qui se multiplient par divi- 
sion ; il peut donc se former dans l'œuf des centrosomes 
fonctionnels, alors même qu'il n’y a point pénétré de 
spermatozoïide, et par conséquent pas de spermocentre. 
Les asters et centrosomes se forment de même dans 
des œufs non fécondés, énucléés avant le traitement 
par le chlorure de magnésium, ce qui. prouve qu'ils 
sont d'origine cytoplasmique, et tout à fait indépendants 
dn noyau. 


$ 6. — Sciences médicales 


La Cryoscopie du sang dans la Fièvre ty- 
phoïde. — La cryoscopie des liquides organiques, dont 
les applications cliniques ne datent que de quelques 
années, a déjà mis en lumière un grand nombre de 
faits touchant au diagnostic et au pronostic de cer- 
taines maladies. C'est à ce titre qu'il nous semble inté- 


ressant de signaler un travail’ fort intéressant de 
M. Waldvogel sur le point de congélation du sang dans 
la fièvre typhoïde. Les recherches faites par M. Wald- 
vogel, sur 27 typhiques de la Clinique du Professeur 
Ebstein, lui ont permis de dégager les conclusions sui- 
vantes. 

D'une facon générale, le point cryoscopique du sérum 
des typhiques est au-dessus de la normale. Ce point étant 
pour le sérum normal de 0°,56 les valeurs que M. Wald- 
vogel a trouvé chez ses typhiques oscillaient entre 0°,63 
et1°,68, sauf dans un cas où le point cryoscopique était de 
00,54. Or — et c’est là le fait qui est particulièrement 
intéressant pour le clinicien — chaque fois que le 
point cryoscopique se trouvait au-dessous de la nor- 
male ou la dépassait de peu, la fièvre typhoide se 
terminait par la mort. Ainsi, chez les trois malades qui 
ont succombé, la cryoscopie du sérum a donné les 
chiffres respectifs de 0°,65, de 0,63 et de 0°,54; un ma- 
lade dont le sérum donnait un point cryoscopique de 
00,56 a eu une fièvre typhoïde excessivement grave, et 
bien qu'il n'ait plus de fièvre à l'heure actuelle, sa gué- 
rison est encore très problématique. Inversement, les 
points eryoscopiques les plus élevés ont été observés 
chez les malades dont la fièvre typhoïde a évolué d’une 
facon légère ou encore chez les convalescents. 

Quelles sant les causes qui amènent une élévation du 
point cryoscopique du sérum des typhiques? 

Pour répondre à cette question, M. Waldvogel a suc- 
cessivement étudié toutes les causes (état de la cir- 
culation et de la respiration, fièvre, diarrhée) qui 
peuvent amener une modification dans la composition 
du sang, et trouvé qu'aucune de ces causes ne peut 
être incriminée. Il a encore constaté que ces malades 
n'ont pas de néphrite et que, par conséquent, iln’y a pas 
de rétention, dansle sang, des matières s’éliminant par 
l'urine. Du reste, chez ces malades, le point cryoscopique 
de l'urine est le plus souvent normal et, en second lieu, 
un point cryoscopique élevé du sang ne s'accompagne 
pas toujours, chez eux, d’un abaissement du point de 
congélation de l'urine. 

Le seul fait positif que M. Waldvogelatrouvé chez ces 
malades, c'est que leur sérum est plus riche en azote que 
le sérum normal. Aussi se demande-t-il si l'élévation 
du point cryoscopique ne serait pas en rapport avec la 
quantité d’antitoxines et d'agglutinines spécifiques qui 
se trouvent dans le sang de ces malades. Ainsi s’expli- 
querait la gravité de la fièvre typhoide dans les cas où 
lé sérum, contenant peu d'antitoxines, donne un point 
cryoscopique faible; inversement, l'existence d'une 
grande quantité d’antitoxine, amenant une élévation du 
point de congélation du sérum, nous ferait comprendre 
l’évolution bénigne de la maladie. 

M. Waldvogel se croit donc autorisé à conclure de 
ses recherches que : 1° dans la fièvre typhoïde, l’éléva= 
tion du point eryoscopique est en rapport avec la 
formation des antitoxines; 2° si, dans un cas donné de 
fièvre typhoide, le point cryoscopique du sérum est 
situé au-dessous de 0°,60, le pronostic devient très 
grave. 


$ 7. — Géographie et Colonisation 


Érection d’un monument à Paul Blanchet. 
— Un Comité présidé par M. Cagnat, de l’Institut, et 
dont font partie MM. Dereims, H. Dehérain, Saladin, 
Pingaud, ete., vient de se conslituer pour élever à 
Dakar un monument funéraire à la mémoire de Paul 
Blanchet, ce jeune explorateur enlevé par la fièvre 
jaune au moment où il venait d'achever un périlleux 
voyage dans le Sahara occidental. 

Les souscriptions sont recues par M. L. Mazerolle, 
secrétaire du Comité, 91, avenue Niel, Paris (17°). 


1 WaLovoceL : Das Verhalten der Blutgefrierpunktes beinx 
Typhus abdominalis. Deut. med, Wochenschr., 1900, n° 46. 


M. BRILLOUIN — JOSEPH BERTRAND : SON ENSEIGNEMENT AU COLLÈGE DE FRANCE 


115 


JOSEPH BERTRAND 


SON ENSEIGNEMENT AU COLLÈGE DE FRANCE: 


Messieurs, 


La Physique n’est enseignée au Collège de France 
que depuis un peu moins d'un siècle et demi. 
Seules parmi les sciences, les Malhématiques ont, 
dès l’origine du Collège, été l’objet d’un enseigne- 
ment régulier, à côté de la Philosophie et des Lan- 
gues orientales et anciennes. L'une des deux chaires 


de Philosophie grecque et latine, depuis longtemps | 


réservée à la culture scientifique, et qu'avait illus- 
trée Varignon de 1694 à 1722, élait occupée depuis 
trois ans par le mathématicien Jean Cousin, lors- 
qu'en 1769 elle devint la chaire de Physique gé- 
nérale. 

Cousin y enseigna, jusqu'en 1800, tantôt le Cal- 
cul différentiel et intégral, lantôt la Mécanique, 
tantôt la Mécanique céleste. Il eut pour successeur 
en 4801, Biot, qui en resta titulaire jusqu'à sa mort, 


survenue en 1862, et fut remplacé immédiatement | 


par M. J. Bertrand. C'est vers le commencement du 
siècle, à une époque que la disparition des archives 
en 1823 nous laisse ignorer, qu’une chaire de Mé- 
canique, occupée par Lefèvre-Gineau depuis 1786, 
fut transformée en chaire de Physique générale et 
expérimentale, et que la chaire de Biot prit le titre, 
qu'elle porte encore aujourd'hui, de Physique géné- 
rale et mathématique. 

La chaire de Physique générale et mathématique 
n'a donc eu jusqu'ici que trois titulaires : 

Cousin, de 1766 à 1801 ; 

Biot, de 1801 à 1862; 

Joseph Bertrand, de 1862 à 1900. 

Mais, à ne considérer que les lilulaires, on se ferait 
une très fausse idée de la variété de l’enseigne- 
ment et du nombre des professeurs qui s’y sont suc- 
cédé. Dès 1816, Biot se faisait remplacer par Cau- 
chy, qui enseigna — « en cas d'absence ou de 
maladie du professeur », telle était la formule — 
de 1816 à 1830. Puis, vinrent Lévy (1830-1832), le 
trop célèbre Libri (1832-1835), Pontécoulant (1835- 
1836); puis, Liouville (1837-1843), Le Verrier (1843- 
1846), Delaunay (1846) et enfin M. Joseph Bertrand 
en 1847. 

Biot, aussi astronome ou géodésien que physi- 
cien, avaibdonné le Lon à son enseignement; l’Ana- 
lyse, la Mécanique ralionnelle, la Mécanique céleste 
tiennent infiniment plus de place dans les pro- 


1 Lecon d'ouverture du Cours de Physique générale et ma- 
thématique au Collège de France, le 19 décembre 1900. 


grammes annuels que la Physique mathémathique. 
Des programmes des lecons de Cauchy, un seul 
nous à été conservé, celui de l’année 1827-1898 : 
« Méthodes générales à l’aide desquelles on peut 
résoudre les principales questions de Physique ma- 
thématique. » 

Liouville a traité successivement : des méthodes 
générales d'intégration en Physique mathématique ; 
de l'équilibre électrique et des problèmes analo- 
gues; de la précession et de la nutation; des in- 
tégrales définies et de leurs applications; de la 
Mécanique rationnelle el ses applications; des 
théories de Laplace, Fourier et Poisson en Physique 
mathémalique; des forces inversement proportion- 
nelles au carré de la distance et des phénomènes 


| physiques qu'elles produisent. Le Verrier et Delau- 


nay revinrent à la Mécanique céleste. 


Depuis l’année 1847, c'est Joseph Bertrand qui 
occupa effectivement la chaire, d’abord remplaçant 
en cas d'absence ou de maladie le titulaire, Biot, 
puis titulaire lui-même, après la mort de Biot. 

Né en 1822, M. Bertrand n'avait, en 1847, que 
vingt-cinq ans; d’autres, à cet âge, donnent à peine 
des espérances; c'était de ses travaux, el non des 
moindres de sa longue carrière, que se recomman- 
dait déjà le tout jeune remplaçant de Biot. Dès 
1839, élève à l'Ecole Polytechnique, il avait publié 
dans le Journal de Liouville une Note sur quelques 
points de la Théorie de l'Électricité, dans laquelle, 
parlant de l'équation de Poisson, il démontrait très 
simplement : 

1° Que l'électricité se porte à la surface des con- 
ducteurs ; 2° Que la densité superficielle est nulle 
au point de contact de deux conducteurs de forme 
quelconque; 3° Que la densité superficielle est 
infinie à l'extrémité d’une pointe ou d’une arête 
vive; d’où le pouvoir des pointes: 4° Que l'expres- 
sion (4ry.) de la force électrique au voisinage de la 
surface d’un corps électrisé est valable quelle que 
soit la distribution de l'électricité dans la profondeur 
très pelite de la couche mince; 5° Que la distribu- 
tion superficielle sur une sphère est incompatible 
avec toute loi d'action autre que la loi de CGoulomb. 

Ces énoncés suffisent pour caractériser, dès ce 
premier travail, la curiosité propre à M. Bertrand, 
en Physique mathémalique : c'est avec le goût des 
démonstrations simples et directes, la recherche du 
minimum de principes physiques indépendants 
nécessaire à la théorie, et réciproquement un cer- 


116 M. BRILLOUIN — JOSEPH BERTRAND : 


SON ENSEIGNEMENT AU COLLÈGE DE FRANCE 


tain art de rattacher les lois quantitatives à des 
résullats d'observalion très généraux, et dont 
l'énoncé: l'électricité se porte à la surface des con- 
ducteurs, compréhensible pour tout le monde, em- 
ployant à peine les termes géométriques les plus 
simples, pourrait paraitre vide de toule consé- 
quence numérique. Mais, ne nous y trompons pas, 
la démonstration, d'une si classique élégance, que 
tout le monde connaît, n'est La l'œuvre du jeune 
élève de l'École Polytechnique ; c'est en 1873 seu- 
lement, en enseignant la théorie À. l'Électricité au 
Collège de France, que M. Bertrand a fait con- 
naître cette démonstration simple et directe, acces- 
sible sans efforts à tout élève de mathématiques élé- 
mentaires !. 

Quelques années après ces Notes parurent d'im- 
portants Mémoires de Géomélrie et d'Analyse ; 
l'an d'eux, sur la théorie des surfaces à la fois tri- 
plement isothermes et orthogonales, était couronné 
en 1843 par l’Académie des Sciences et parut en 
1848, dans les Mémoires de Savants étrangers et 
dès 1844 dans le Journal de Liouville; la nécessité 
d'une condition pour qu'un système triple orthogo- 
nal soit triplement isotherme y est, pour la pre- 
mière fois, établie; pour les systèmes derévolution, 
il faut que les méridiennes soient des isothermes 
du plan. Dans un second Mémoire, nous trouvons 
une généralisation du théorème d'Euler et de celui 
de Monge; une démonstration géométrique très 
simple du théorème de Dupin (les surfaces triple- 
ment orthogonales se coupent suivant leurs lignes 
de courbure); puis, une proposilion capitale d'Op- 
tique géométrique : « La loi des sinus est la seule 
qui permette à un système de rayons normaux à 
une surface avant réfraction d'être encore normaux 
à une autre surface après réfraclion »; et acces- 
soirement, des démonstrations géométriques très 
simples des propriélés que Sturm avait décou- 
vertes par l'analyse pour les pinceaux de rayons. 

Les Comptes Rendus de 1846 contiennent en deux 
pages neltes et précises le résumé d’un Mémoire 
sur la propagation du son dans les milieux hétéro- 
gènes, lorsque l'intégration est possible; je ne sais 
si le Mémoire a jamais paru. 

Ne voulant m'occuper ici que du géomètre-physi- 
cien, je me contente de rappeler que plusieurs mé- 
moires classiques de Mécanique pure, de Méca- 
nique céleste et d'Analyse datent de la même 
époque. 


Après lant d'années d'enseignement de la Méca- 
nique céleste dans la chaire de Biot, voici enfin la 
Physique qui apparait avec l'exposé comparatif des 
diverses théories auxquelles les géomètres ont 


1 Journal de Physique, t. IN, p. 418, 1873. 


tenté d'assujettir les phénomènes de la capillarité, 
pour le premier semestre de 1847, et, pour le se- 
cond, les éravaux des géomêtres sur les conditions 
d'équilibre des principes électriques dans les corps 
conducteurs ; l'année suivante (1848-1849), la thé0- 
rie mathémalique de la Chaleur. 

Comment connaître la physionomie de ces pre- 
miers cours du jeune et déjà célèbre géomètre ? A 
quels souvenirs faire appel? Si jeunes qu'on les 
suppose, les auditeurs de ces lecons devaient l'être 
à peine aulant que le maitre; en reste-t-il un seul 
encore aujourd'hui qui puisse satisfaire notre 
curiosité ? 

Quant au sujet principal du cours, le Mémoire 
de 1848 sur la théorie des phénomènes capillaires 
nous le fait connaitre! : 

Pour éviter diverses difficultés de la théorie 
de Laplace, signalées par Poisson dans son beau 
Mémoire sur les phénomènes capillaires, M. Gauss 
s'est attaché à prendre pour base unique de ses 
raisonnements le principe des vilesses virtuelles; 
mais, comme il le dit lui-même, cet illustre géo- 
mètre avait en même temps pour but de donner un 
exemple de l'application du calcul des variations à 
une question relative aux intégrales multiples : il. 
a donc dû, pour exposer celte théorie d'une ma- 
nière générale, rejeter les nombreuses simplifica-" 
tions géométriques qui auraient pu se présenter à 
lui. Le butque je me suis proposé dans ce Mémoire 
est précisément de faire connaître la méthode de 
M. Gauss et les simplificalions dont elle est suscep-. 
tible et qui la rendent, si je ne me fais pas illusion, 
la plus facile de celles qui ont élé proposées 
jusqu ici. 

« Après avoir donné une démonstration nouvelle 
des résultats obtenus par M. Gauss, je me suis 
efforcé d'appliquer sa méthode à des questions 
assez simples pour qu'on püt comparer l'expé- 
rience aux résultats fournis par l'analyse. » 

Il est bien curieux de constater dès ce moment, 
et à propos d’un Mémoire du géomètre pour lequel 
M. Berlrand a toujours professé l'admiration la plus 
complète et la plus absolue, ce goût intransigeant 
pour ce qui est pur, comme disait Poinsot, eb 
vraiment achevé. Dans le Mémoire de Gauss, on 
trouve quelques indications, que l’auteur lui-même 
déclare incomplètes el provisoires, au sujet de l’ex- 
tension d’un liquide sur un solide, et de quelques 
condilions auxquelles doit probablement satisfaire 
la loi d'action des molécules du solide sur celles 
du liquide. Ce ne sont que des vues rapides sur un 
sujet à peine exploré encore aujourd'hui; c'est 
presque l'annonce d’un Mémoire ullérieur, jamais 


. ! Mémoire sur la théorie des phénomènes capillaires, 
| Journal de Liouville, 1848, t. XII, p. 185. 


à 


M. BRILLOUIN — JOSEPH BERTRAND 


w 


paru, que je sache; on ne soupconnerait pas leur 
- existence à la lecture du Mémoire de M. Bertrand. 
… En parla-t-il dans ses leçons? et qu'en pensait-il? 

Probablement ces pages l'intéressèrent peu. 

. Géomèlre avant tout, et regardant la Mécanique cé- 
leste et la Théorie de la Chaleur de Fourier comme 
les deux modèles parfaits de la Physique mathé- 
mathique, M. Bertrand ne devait pas s’attarder 
longtemps dans le domaine de la Physique molé- 
culaire. 

De 1849 à 1853, 1e affiches annoncent des leçons 
de Mécanique rationnelle ou de Mécanique analyti- 
que; de 1853 à 1863, la Physique mathématique et 
la Mécanique céleste apparaissent à litre d'appli- 
cations d'un enseignement principalement analy- 

tique ou géométrique; et il en est à peu près de 
.même les années suivantes. C'est par leur carac- 
“tère mathématique que les questions physiques 
sont groupées, comme le montrent clairement cer- 
tains programmes, tels que Zlégration des équa- 
tions diflérentielles linéaires et étude des phéno- 
“mênes physiques dont elles font connaitre les lois, 

“1858-1859, ou Propriéiés de quelques-unes des 
“fonctions transcendantes qui se rencontrent le plus 
souvent dans les applications des Mathématiques à 
la Physique et à la Mécanique, 1859-1860. 

Aprèsavoir élé suppléé pendant l’année 1866-1867 

par M. Darboux, et avoir résumé dans un rapport 
. magistral les progrès de l'Analyse mathématique 
. en France, M. Bertrand reprend ses lecons, et les 
| renouvelle entièrement. En 1868, il étudie les Forces 
réciproques au carré de la distance dans diverses 
théories physiques, et particulièrement dans 
“celles de l'Électricité et du Magnétisme; en 1873, 
la théorie de T Électricité. 

Trois années de suite, 1869-1872, sont consa- 
“crées aux Lois mathémaliques relatives à l'action 
“et à la trans{ormation des forces physiques. Sup- 

pléé par M. Maurice Lévy pendant deux années, 
1874-1876, M. Bertrand traite, pendant les deux 
années suivantes, 1876-1878, d'un sujet qu'il avait 
déjà plusieurs fois abordé, et qu'à celle époque 
encore on ne pouvait apprendre en France qu'en 
“allantl'écouler :les Équations aux dérivées partielles 
et leurs applications. Suppléé de nouveau: de 1878 
à 1885, par M. Maurice Lévy, puis en 1886 par 
. J'infortuné Laguerre, M. Bertrand se décida enfin à 
reprendre une dernière fois chacun des principaux 
objets de ses lecons antérieures, et à leur donner 
cette forme- définitive et achevée que nous admi- 
“rons dans les trois livres qui sont comme son tes- 
0 de géomètre-physicien : La Thermodyna- 
Eve parue en 1887, le Calcul des probabilités, 
1889, et enfin les er sur la Théorie mathé- 
malique de l'Électricité, en 1890, livres que cha- 


: SON ENSEIGNEMENT AU COLLÈGE 


DE FRANCE 117 


cun de nous pourra longtemps encore lire et mé- 
diter, comme les grands classiques de la Science. 

Personnels par le choix des malières lraitées, 
personnels par l'ordre adopté, par les méthodes 
toujours sûres et rapides, autant au moins que 
par le style net et concis, ces livres ne contiennent 
pas une page qui ait pu être pensée et écrite par 
un autre que par M. Bertrand. Si universellement 
connus qu'ils soient, me permeltrai-je d'en dire 
quelques mots ? 

« Le Calcul des probabilités, où il estsifacile de se 
tromper, dit M. Maurice Lévy, où les plus grands se 
sont trompés, a naturellement dû allirer le maitre 
crilique sûr de ses propres jugements. » C'est le 
fruit de ses fines et pénétrantes réflexions sur ces 
sujets délicats que M. Bértrand nous a donné dans 
son livre : « J'ai cherché, dit-il dans sa préface, à 
faire reposer les résultats les plus uliles et les plus 
célèbres du Calcul des probabilités sur les démons- 
trations les plus simples. Bien peu de pages, 
crois, pourront embarrasser un lecteur familier 
avec les éléments de la science mathématique. Si 
le signe f s’introduit quelquefois, il suffit presque 
toujours d'en connaître la définition. 

« Je me suis efforcé, à l’occasion de chaque ques- 
tion, de marquer avec précision le degré de certi- 
tude des résultats, et les limiles nécessaires de Ja 
science. » 

L'Introduction, sous le litre « Les lois du hasard », 
altire l'attention du lecteur sur la plupart des 
questions controversées, el le prévient des vérita- 
bles difficultés qu'il rencontrera sur la route, d’au- 
tant plus dangereuses qu'elles sont cachées dans 
des prémisses incomplèles, dans des énoncés précis 
en apparence indélerminés en réalité. Averli par 
cette introduction, non seulement de la nature des 
difficultés, mais de l’attention soutenue et toujours 
en éveil qu'exigera l'étude du livre entier, le lec- 
teur jouit alors du plaisir de deviner presque par- 
tout le point précis où git toute la finesse du rai- 
sonnement,etdela surprise, plus instructive encore, 
d'être tout à coup en présence d'un de cès énoncés 
insuffisants, auxquels M. Bertrand excellait à don- 
ner leur forme paradoxale, laissant au lecteur le 


soin de dénouer complètement le nœud qu'il lui 


offrait à demi desserré seulement. 
D'un avis unanime, cet ouvrage est et restera un 


chef-d'œuvre. 


Rappellerai-je le chapitre 1x de la Z'hermody- 
namique sur les propriétés des vapeurs salurantes, 
et ces exemples si élégants de l'extraordinaire 
écart entre les valeurs qu'on peut attribuer aux 
constantes d’une formule, sans cesser de satisfaire 
également bien aux expériences? Quelle lecon de 
prudence pour ceux qui cherchent à interpréter 
les constantes numériques des formules, et à leur 


118 M. BRILLOUIN — JOSEPH BERTRAND : SON ENSEIGNEMENT AU COLLÈGE DE FRANCE 


arracher le secret de quelque grandeur liée à la 
constitution du corps étudié ! 

C'est peut-êlre dans les substantiels résumés qui 
précèdent les treize chapitres des Leçons sur la 
Théorie mathématique de l'Électrieité, qu'il est le 
plus facile de saisir dans quelle direction particu- 
lière s'est exercé l’effort de M. Bertrand en Physique 
mathématique. Dans ce livre, qui, à l’époque de 
son apparition, à autant élonné par l'exclusion 
systématique de certaines questions passionnantes, 
qu'il a séduit par l’élégant, rigoureux et toujours 
simple enchaïnement des idées, M. Bertrand, plus 
soucieux de précision que d'actualité, a repris 
d'abord la théorie des forces qui agissent en raison 
inverse du carré de la distance. Comme autrefois, 
à propos des systèmes triplement orthogonaux et 
isothermes, il se demande, à propos des lignes de 
force, d'un si constant usage en Électricité, à 
quelles conditions un champ de forces peut être 
ainsi représenté, et conclut que la condition néces- 
saire et suffisante est que les forces obéissent à la 
loi de Newton. Dans le chapitre suivant, nous 
trouvons la démonstration, classique maintenant, 
de la loi de Coulomb comme conséquence néces- 
saire de la distribution superficielle de l'électricité 
sur les conducteurs. Et plus loin, dans les chapi- 
tres vu ebt1ix sur les actions électromagnétiques 
et électrodynamiques, dont les principaux résul- 
tats avaient déjà paru dans le Journal de Physique, 
les lois d'Ampère et de Gauss sont obtenues par 
la voie la plus simple, et en réduisant au mini- 
mum les emprunts à l'expérience; une partie des 
expériences fondamentales invoquées par Ampère 
était inutile, et personne ne s'en élait encore 
aperçu ! 

C'est sous l'empire de la même préoccupation 
que, bien des années auparavant, M. Bertrand avait 
montré qu'une seule des lois de Képler suffit à 
établir la loi de la gravilation universelle. 

Constituer une science d'une rigueur et d'une 
pureté comparables à celles de la Géométrie ou de 
la Mécanique céleste, en ajoutant à ladmirable 
Théorie mathématique de la Chaleur de Fourier, 
et à quelques travaux sur l'Hydrodynamique et la 
propagation du son, un chapitre de Thermodyna- 
mique et un chapitre d'Électricité, pas très étendus 
mais parfaits, fondés sur des principes incontes- 
tables aussi peu nombreux que possible, dévelop- 
pés avec une rigueur malhématique impeccable 
dans sa simplicité, telle me parait avoir été la 
täche accomplie par Joseph Bertrand, comme pro- 
fesseur de Physique mathématique. 

Quant à la savoureuse perfection de la forme, il 
avail appris de Poinsot comment on l'obtient, 
l'ayant autrefois aidé dans la correction, vingt fois 
reprise, de quelques-unes de ses œuvres ; et nous 


pouvons répéter à son sujet ce qu'il dit de ce maitre 
de style mathématique : 

« Poinsot, pour la langue mathématique, était uns 
véritable dilettante ; un mot incorrect, l’enchaîne= 
ment illogique de deux idées faisaient éprouver à: 
son esprit la même souffrance qu'un accord faux à. 
une oreille musicale: il pardonnait les lapsus et les 
signalait avec bonne humeur, mais, si l’auteur, 
dûment averti, voulait nier sa faute, ou y parais= 
sait indifférent, il était condamné sans retour. Où 
la correction du langage est inconnue, il ne faut 
pas, disait-il, introduire la Géométrie. » 

Quelque admiration que M. Bertrand aitexprimée 
et à bien des reprises, pour les immortelles décou= 
vertes de Fresnel, il ne les a jamais prises expli= 
citement pour sujet de son enseignement au Col= 
lège de France. Jamais non plus il n’a enseigné I 
théorie de l’élasticité des solides, bien qu'il ait con= 
sacré à Lamé l’un de ses plus éloquents éloges. 

Serait-ce qu'il partageät l’opinion du géomètre 
francais avec lequel son esprit avait le plus d’affi= 
nité, dont il ne se lassait ni d'admirer les œuvres’ 
ni de citer les traits mordants: son seul maitre e 
rival dans la connaissance du xvin° siècle, Poinsot 

« Pour traiter Mmathématiquement des corps so 
lides, il fallait tout d’abord, suivant lui, quon 
voulût bien en accepter une définition mathéma= 
tique. Ma canne, disait-il souvent, n'est pas un 
corps solide; non seulement elle peut rompre; 
mais elle plie, ce qui est cent fois pis. Deux molé 
cules d'un corps solide sont placées par la rigidité 
à distance invariable l’une de l’autre ; nulle force 
n'est capable de les écarter ou de les rapprocher; 
nulle influence ne peut les faire vibrer. Les corps 
élastiques ou ductiles ne sont pas des solides ; leur 
définition grossière ne peut s'exprimer par des 
équations ; elle est incompatible avec la pureté 
géométrique. Le vrai géomètre doit s'élablir soli= 
dement sur un terrain inébranlable et ne pas heur- 
ter ses instruments délicats à une réalité confuse 
et mal définie, qui se dérobe et se dissipe quand 
on veut la serrer de près. » 

Telle est la voie absolument exclusive dont 
Poinsot n'a jamais voulu sortir ; lui seul peut-être 
pouvait dire aux savants les plus illustres de son: 
époque: « Je vous ignore » et marcher auprès 
d'eux en restant leur égal. Il a vu naître les plus 
grandes découvertes du siècle et les a tenues dans 
l'indifférence ; ni la théorie des ondes lumineuses, 
ni celle de la polarisation, ni l'électricité dynaz 
mique, ni la théorie mathématique de la cha- 
leur, ni celle de l'élasticité, ni les propriétés des 
fonctions imaginaires et des fonctions doublement 
périodiques n'ont pu, même pour un jour, captiver 
son attention. Curieux de la théorie des corps 
solides, il la séparait entièrement de celle des corps 


élastiques ; ni Navier, ni Poisson, ni Cauchy, ni 
Lamé, pour lequel il eut toujours une si haute 
estime, n’ont réussi à lui faire discuter leurs prin- 
cipes : « Ils parlent de pressions obliques, disait-il, 
avec répugnance, cela n’est pas pur, une pression 
esttoujoursnormale,»et,éloignantdeson esprit cette 
image el celte locution importunes, il reposait aus- 
sitôt sa vue sur les corps abstraitement, c’est-à- 
dire absolument rigides, et terminés par des sur- 
faces géométriques d'un poli tellement parfait, 
qu'on ne doit pas même en parler. « Un poli impar- 
fait, une surface rugueuse, qu'entendez-vous par là, 
je vous prie, en tant que géomètres ? » 

Retenons cette réserve: « en tant que géomètres ». 
Quelle que fût l'étendue de sa curiosité pour toutes 
les connaissances humaines, en {ant que géo- 
mètre, Joseph Bertrand faisait la distinction très 
nette entre la Physique expérimentale, même 
accompagnée de beaucoup de formules mathéma- 
tiques, souvent trop, pensait-il, et la Physique ma- 
thématique. 11 y a insisté à bien des reprises, en 
particulier au début de ces quatre articles parus en 
1869 dans le Journal des Savants sous le titre : 
« Renaissance de la Physique cartésienne », et qui 
sont le seul vestige qui nous reste du livre qu'il 
avait alors écrit sur la Thermodynamique, dont 
le manuserit fût brûlé en 1871, en même temps 
que celui du troisième volume de son admirable 
Traité du Calcul différentiel et intégral, et toute sa 
précieuse bibliothèque. 

Après avoir rappelé la loi de l'attraction univer- 
selle, il ajoutait : « Mais les combinaisons chimiques, 
les propriétés des corps solides, liquides ou gazeux, 


cité, révèlent d'autres forces, dont la loi nous 
“échappe complètement; un tel problème ne saurait 
se résoudre. Depuis longtemps déjà les efforts des 
physiciens les plus perspicaces tendent seulement 
à supprimer la difficulté par la découverte de lois 
générales qui, applicables à toutes les hypothèses, 
soient indépendantes d'une expression précise, 
peut-être à jamais cachée. La hardiesse d'une telle 
tentative devait a priori laisser peu d'espoir, car 
la géométrie n'aborde d'habitude que les questions 
nettement posées. Lorsqu'un astronome considère, 
en même temps que le Soleil, la Terre et la Lune, 
‘qui circulent autour de lui, les positions précises 
des trois astres lui sont données, des raisonnements 
- incontestés lui font connaitre les rapports des trois 
-masses, la loi des forces que chaque corps exerce 
sur les deu& autres est connue en toute rigueur, et 
la détermination du mouvement qui en résulte 
- reste pourtant, après deux siècles de progrès, l’un 
- des problèmes les plus difficiles qui sollicitent 
_ l'effort des esprits inventeurs. Quel espoir raison- 
…nable, après celà, d'aborder mathématiquement 
4 


M. BRILLOUIN — JOSEPH BERTRAND : SON ENSEIGNEMENT AU COLLÈGE DE FRANCE 


les phénomènes de chaleur, de lumière et d’électri- | 


119 


l'étude d’un corps simple ou composé, élastique ou 
mou, solide, liquide ou gazeux? Comment sou- 
mettre à l'analyse les mouvements confus de ces 
innombrables molécules, dont la disposition reste 
inconnue aussi bien que les masses, et qui s’attirent 
suivant des lois inaccessibles à nos hypothèses? Les 
molécules, même dans l’état de repos apparent, ne 
restent pas, suivant les idées les plus vraisembla- 
bles, un seul instant immobiles, et de rapides mou- 
vements, dont l'intensité varie avec la température, 
sont aujourd'hui l'explication acceptée des phéno- 
mènes calorifiques. Ces mouvements sont-ils recti- 
lignes ou révolutifs, dirigés dans un sens ou dans 
l’autre? Les orbites sont-elles orientées ou réglées 
par le seul hasard? Leurs dimensions se mesurent- 
elles par quelques millionièmes ou quelques billio- 
de millimètre? Sur tout cela 
savons rien, Nous ne conjecturons même absolu- 
mentrien. » 

« Des forces inconnues agissant sur un système 
qui n'est pas défini, telles sont en apparence, en 
réalité on peut le dire, les données du problème. 
On ne l’a pas résolu, est-il besoin de le dire, mais 
plus d’un résultat précis, inattendu et confirmé par 
l'expérience, justifie la témérité de ceux qui l'ont 
résolument abordé. Quels que soient les progrès 
ultérieurs de la Science, les lravaux dont nous 
voulons rendre compte conserveront à jamais une 
place importante dans l'histoire des conquêtes de 
l'esprit humain. 

« Un géomètre pur, je crois l'avoir fait compren- 
dre, doit néanmoins se trouver à priori fort peu 
attiré par une théorie aussi vague; n'est-ce pas une 
témérité inouïe que d'aborder un problème réelle- 
ment informe et dont l'énoncé même ne peut être 
distinctement perçu? L'Analyse restera toujours 
impuissante à débrouiller une si étrange confusion, 
et l'on n'a pas su encore, même par voie d'hypo- 
thèse, s'élever jusqu'aux principes précis dans 
lesquels la solution est cachée. Les données qu'un 
géomètre demanderait avant de s'appliquer à un 
tel problème, je veux dire l'indication exacte et 
parfaite de l'état initial et la loi des actions mu- 
tuelles, sont aujourd'hui encore au nombre des 
inconnues. Sans espérer une solution impossible, 
on doit donc se borner à glaner les résultats indé- 
pendants de ces éléments ignorés sur lesquels 
pourtant tout repose. 

« Le progrès des Mathématiques pures n’a rien à 
espérer, cela paraît évident, de ces théories incom- 
plètes, et leur étude n’a pu conduire les inventeurs, 
si habiles et si ingénieux qu'ils soient, à aucun de 
ces beaux problèmes qui, fort éloignés du but qu'ils 
veulent atteindre, viennent enrichir cependant et 
orner les travaux de Fourier, de Fresnel et d'Am- 
père ; les recherches nouvelles restent renfermées 


nièmes nous ne 


120 M. BRiILLOUIN 


dans le pur domaine de la Physique; on n'y peut 
-rencontrer, selon toute apparence, que l'application 
toujours très simple des principes généraux depuis 
longlemps connus, et sans être, sous le rapport 
philosophique, peut-être aux plus 
illustres progrès de la Science, les théories nouvel- 
lement créées leur cèdent en ceci, que la Géométrie, 
-en leur prêtant un précieux concours, n'en à jus- 
qu'ici rien reçu en échange. » 

Et quelques années plus lard (1872), parlant, 
dans le Journal des Savants, de la Théorie mathé- 
matique de l'Électricité : « Lorsque les données 
d'un problème de Géométrie sont insuffisantes ou 
surabondantes, la question, mal posée, est, d’un 
commun accord, regardée comme non avenue. 
Demandez, par exemple, à un géomètre une ellipse 
passant par trois points donnés ou une hyper- 
bole ayant cinq points donnés et une asymp- 
tote connue, il refusera son attention à de tels 
problèmes, en demandant, dans le premier cas, 
deux points de plus, et déclarant, dans le second, 
que l’asymptote donnée en trop rend la solution 
impossible. 

« Les physiciens sont moins absolus et doivent 
l'être. Lorsque l'étude attentive d’une question ne 
fournit pas toutes les données indispensables à 
l'application du calcul, on y supplée par des 
hypothèses. L'expérience, dans d’autres cas, inter- 
vient, dans la solution d'un problème trop difficile, 
pour fournir directement des données qu'une 
théorie plus avancée pourrait déduire d’un calcul 
rigoureux, comme conséquence nécessaire des 
principes acceptés. Les hypothèses, enfin, peuvent 
être multipliées parfois au delà de ce qui seraic 
logiquement nécessaire, et l'imperfection évidente 
des théories qui en résultent ne saurait en faire 
méconnaitre l'utilité. 

« La critique des théories physico-mathématiques 
exige done une grande tolérance; il serait injuste 
de repousser à priori toute démonstralion impar- 
faile; car ce qui n’est pas définitif peut avoir et 
conserver longtemps encore une importance véri- 
table. 

« En portant, dans les queslions physiques, l'in- 
flexible rigueur de la Géométrie, on s’exposerait à 
condamner, au grand détriment de la Science, la 
presque totalité des théories proposées el des 
travaux justement admirés depuis le commen- 
cement de ce siècle, presque tous renfermant des 
lacunes que l'avenir sans doute ne fera disparaitre 
que bien lentement. 

« Faut-il conclure que, sur ce terrain d'accès dif- 
ficile, une liberté illimitée est acquise à quiconque 
ose s'y élablir? Personne, je le suppose, ne vou- 
drait réclamer un aussi dangereux privilège. Plus 


inférieures 


d'un auteur pourtant à souvent dépassé les bornes | téresse la Physique, lisons-nous dans la préfacew 


JOSEPIT BERTRAND : SON ENSEIGNEMENT AU COLLÈGE DE FRANCE 


.comme démontré el certain; mais, quand on 


-Lions que je me suis efforcé de remplir. Les cri 


raisonnables de la tolérance la plus large, et l'ab= 
sence de toute critique, en pareille matière, a pu 
devenir un danger pour la science: plus d’un 
Mémoire appuyé sur l'autorilé d'un nom illustré 
est devenu classique dans l'Europe entière, a été 
reproduit dans les livres didactiques et enseigné 
dans les écoles sans qu'aucune voix s'élevàt pour 
en signaler les contradictions. 

« Je viens d'écrire le mot qui, dans le domain® 
des hypothèses, marque la distinction entre læ 
hardiesse et l'erreur. Chacun peut adopter libre- 
ment les principes que lui suggère son génies 
l’état actuel de la Science n'en impose aucun 


choisi, quand on a énoncé neltement les hypo 
thèses, il doit être interdit d'en produire d'autres 
qui les contredisent, ou de proposer comme cons 
séquence ce qui n’en résulte nullement. Quand um 
problème, enfin, à l’aide d'hypothèses, quelles 
qu'elles soient, est transformé en une questio 
d'analyse pure, la rigueur des déductions ulté= 
rieures peut et doit être absolument exigée. 

« Tel est l'esprit dans lequel j'ai abordé l'examen 
des principaux travaux publiés depuis vingt-cinq 
ans sur la Théorie mathématique de l'Électricité 
Tolérance absolue pour les hypothèses, fussent: 
elles surabondantes, condamnation de celles qui 
sont contradictoires, examen sévère des raiso 
nements et des calculs proposés dans la partie 
mathémalique de la théorie, telles sont les cond 


tiques que je veux produire dans cet article ont 
été exposées dans des lecons au Collège de 
France, et l'auditoire, très éclairé, qui m'a fait 
l'honneur de les suivre, ne les a pas jugées trop 
sévères. » 

De ce droit absolu réclamé pour la Physiquë 
mathématique d’exclure tout problème mal défini, 
ou traité sans rigueur, à l’aide d'approximations 
non justifiées, résultent bien des jugements qui ont 
paru sévères aux purs physiciens. Une difficulté 
escamotée dans un calcul causait à M. Bertrand 
une véritable souffrance, et les auditeurs de son 
cours de 1888-89 ont pu entendre exprimer, ave@ 
la même vivacité que ceux de 1873-74, — si je 
compare mes souvenirs à l’article du Journal des$ 
Savants que je viens de citer, — de vives critiques 
au sujet de la manière, incontestablement arbi 
traire, de supprimer l’action électrostatique des 
parties lointaines, dans la théorie de la propagation 
de l'électricité le long des càbles. | 

« Les équations de la propagation de l'électri= 
cité dans un conducteur à trois dimensions ont été 
formées ; elles reposent sur des principes douteux, 
et aucune de leurs conséquences, jusqu'ici, n'in= 


des Lecons sur la Théorie mathématique de T Élec- 
tricité. Sans ignorer l'imporlance de la question, 
j'ai dû la passer sous silence. 

« J'en pourrais dire aulant de plus d’un pro- 
blème dont la solution a élé proposée, et quelque- 
fois acceptée, avec raison peul-être; car cerlaines 
questions s'imposent, et doivent être résolues, bien 
ou mal. L'origine et le but de ce livre me lais- 
saient toute liberté. » 


Bien différent de ses livres étail l’enseignement 

oral de M. Bertrand; on s'en ferait une très impar- 
faite idée, si l'on croyait qu'il n'y admeltait que 
ce qu'il a jugé assez achevé, assez précis el rigou- 
reux pour mériter de figurer dans une exposition 
dogmatique et condensée. 
… Quand on n’a pas eu le plaisir d'entendre ces 
leçons si variées et si vivantes, celte critique si 
pénétrante et si ferme, c'est à la lecture des innom- 
| brables articles du Journal des Savants qu'on peut 
demander une jouissance analogue. 

M. Bertrand succéda à Biot au Journal des 
Savants en 1862, comme au Collège de France. 
C'est depuis cette époque qu'il nous devient facile 
de suivre le mouvement incessant de cette curio- 
Silé toujours en éveil. Analyse de livres récents de 
Sciences pures ou appliquées, discussions histori- 
ques sur l'invention du Calcul infinitésimal, études 
de biographie scientifique sur les fondateurs de 
PAs/r'onomie et sur ceux de la Mécanique céleste, 
sur Lagrange, Clairaut, Huygens et leurs corres- 
pondants, articles d'ensemble sur l'Académie et 
les académiciens d'autrefois, sur la Renaissance 
de la Physique cartésienne, se rencontrent à 
beûté d’autres sur les torrents des Hautes-Alpes, 
sur la culture des huîtres, sur les transformations 
.de la marine de guerre, sur l'administration des 
Ponts et Chaussées sous l'ancien régime, Moins 
limés que les éloges, ces innombrables articles 
sont d’une étonnante variété de ton; les uns sem- 
blent de polémique presque agressive et person- 
nelle, comme ceux dans lesquels sont accumulées 
contre ce malheureux Descartes (1893) les preuves 
Lrop certaines, tirées de sa correspondance, qu'il 
n'a pas compris grand'chose au génie de Galilée; 
les autres sont des hommages d'une sympathie 
ouchante et discrète, comme celui de 1870, sur les 
bles de logarithmes à 27 décimales pour les cal- 
culs de haute précision, par Fédor Thoman. Les 
uns sont presque de simples récits d'aventures, 
“comme ceux de 1865 et de 1866 sur la pose des 
premiers càbles sous-marins d'Europe aux Élats- 
Unis, ou certaines parties des articles sur les étoiles 
Wilantes (1873) et sur la figure de la Terre (1874). 
Les autres sont des exposés, d’une précision et 
pure netteté merveilleuses, de résultats obtenus 
4 
ï 


+ 


M. BRILLOUIN — JOSEPH BERTRAND : SON ENSEIGNEMENT AU COLLÈGE DE FRI\NCE 121 


par les plus éminents géomètres sur les parties les 
plus abstraites de la Science, à propos du Traité 
d'Algèbre supérieure de Serret (1866), de l'Ætude 
des surfaces algébriques, par Clebsch, 1867, des 
Travaux mathématiques de Plücker en 1867, ou des 
Vorlesungen über Dynamik de Jacobi en 1873. 

N'oublions pas l’exquis et admirable récit de la 
vie du bon et infatigable Euler; la vie et les 
ouvrages de Papin; les œuvres complètes de Plüc- 
ker, les découvertes de Faraday; la délitate ana- 
lyse de la touchante correspondance de jeunesse 
d'Ampère; et plus récemment, en 1893, ces arlicles 
empreints d'une si chaude sympathie pour l'illustre 
et infortuné Robert Mayer. 

Queique activité qu'il consacràt à l’Académie des 
Sciences, et aux Sociétés qui secourent les savants 
en détresse, quelque coquelterie qu'il mit à polir 
ses éloges académiques, et à doser l'ironie carac- 
téristique de ce genre litléraire, M. Bertrand a tou- 
jours trouvé le temps de beaucoup lire; non pas 
seulement des œuvres littéraires ou historiques, 
comme pouvaient croire ceux qui connaissaient 
surtout en lui le membre de l'Académie française, 
le causeur inépuisable. Fidèle à ses anciennes 
amitiés, Bertrand parlait encore de Lagrange en 
1892, à propos du dernier volume de ses œuvres 
éditées par les soins de l'Académie, et d'Huygens 
en 1896 et 1898; de la forme de la Terre, à pro- 
pos des travaux du commandant Defforges et de 


l'ingénieur Lallemand, en 1895; du transport élec- 


trique de la force, en 1882-83-84, à propos des 
célèbres expériences de M. Marcel Deprez; et plus 
récemment, en 1895, de ce livre de Mécanique, 
étrange et admirable, de Hertz, qui donne, entre 
autres choses, une portée si inattendue au principe 
de la moindre contrainte de Gauss, depuis long- 
temps mis en lumière par M. Bertrand dans une de 
ses précieuses Notes à la Mécanique analytique de 
Lagrange. 

J'en ai dit assez, j'espère, pour engager la plu- 
part d’entre vous, Messieurs, à se procurer celle 
rare jouissance, aussi littéraire que scientifique, 
que je viens d'éprouver moi-même, en relisant 
dans le Journal des Savants les cent et quelques 
articles, dont trop peu ont été réunis en volumes. 

Parlerai-je des éloges académiques, où revivent, 
marqués de traits si typiques, Arago, Poncelet, 
Lamé, Dupin, Foucault, Tisserand, et tant d'autres, 
géomètres el ingénieurs, astronomes et physi- 
ciens, qui furent ses maîtres, ses amis ou ses 
élèves? Nul mieux que M. Bertrand n'a réussi à 
montrer l'homme dans le savant, et à faire com- 
prendre l'importance de ses travaux, et leur place 
dans la Science générale. 

Entre tant de citations qu'il serait agréable de 
faire, j'en choisirai deux seulement, l'une relative 


122 M. BRILLOUIN — JOSEPIH BERTRAND 


SON ENSEIGNEMENT AU COLLÈGE DE FRANCE. 


à Ampère, l'autre à Lamé. La faculté critique, si 
pénétrante chez M. Bertrand, n'avait nullement lari 
la source de l'enthousiasme et de l'admiration. 

« Ampère à fait, en Physique, une des plus 
grandes découvertes du siècle, celle des actions élec- 
tro&ynamiques, et par là, bien plus que par l'idée 
du télégraphe électrique, il a pris rang à côté d'OEr- 
stedt. La place est glorieuse assurément, mais 
Ampère en a mérité une bien plus haule encore; 
c'est à Newton tout au moins qu'il faut le comparer. 
Les phénomènes complexes et, en apparence, inex- 
lricables, de l’action de deux courants, ont été ana- 
lysés par lui et réduits à une loi élémentaire à 
laquelle cinquante ans de travaux et de progrès 
n’ont pas changé une seule syllabe. 

«Le livre d'Ampère estaujourd'hui encore l'œuvre 
la plus admirable produite dans la Physique ma- 
thématique depuis le Livre des Principes. Jamais 
plus beau problème ne s'est rencontré sur la voie 
d'un plus grand génie. Par un bonheur bien rare 
dans l'hisloire des sciences, tout, ici, appartient à 
Ampère. Le phénomène entièrement nouveau qu'il 
a deviné, c’est lui qui l’a observé le premier; c’est 
lui seul qui en a varié les circonstances pour en 
déduire les expériences si élégantes qui servent de 
base à la théorie; lui seul, enfin, qui, avec un rare 
bonheur, à exéculé tous les calculs et inventé 
toutes les démonstrations. Ampère a révélé une loi 
d'altraction nouvelle plus complexe et plus ma- 
laisée sans doute à découvrir que celle des corps 
célestes. Il a été à la fois le Képleret le Newton de 
la théorie nouvelle, et c'est sans aucune exagé- 
ration qu'aujourd'hui, à un demi-siècle de dis- 
lance, sans subir l'entrainement d'aucune amitié 
et sans complaisance pour personne, nous pouvons 
placer le nom d'Ampère à côté des plus illustres 
dans l'histoire de l'esprit humain. Aucun génie n’a 
été plus complet; aucun inventeur mieux inspiré 
n'a élé mieux servi par les circonstances *, » 

Et dans l'éloge de Lamé : 

« … Aucune main n'a touché l’éther, aucun œil 
ne l’a vu, aucune balance ne l'a pesé. On le dé- 
montre, on ne le montre pas; il est pourtant aussi 
réel que l'air, son existence est aussi certaine : si 
j'osais dire qu'elle l’est davantage, on m'accuserait 
d'exagération. Lamé cependant m'y aurait encou- 
ragé. Quoi qu'il en soit, toutes les écoles sur ce 
point sont d'accord. Fresnel a poussé la démonstra- 
lion jusqu à la complète évidence; il a fait plus que 
convaincre ses adversaires, il les a réduits au si- 
lence. L'univers est rempli par l'éther; il est plus 
étendu, plus universel, et peut-être plus actif que 
la matière pondérable; il livre passage aux corps 


1 J. S., 1872, p. 347. À propos de Journal et Correspon- 
dance d'A.-Marie Ampère. Hetzel, 1872, 


| avènement la grande préoccupation de sa vie, Lamé 


célestes sans leur résister ni les troubler, et vibræ 
librement dans la profondeur des corps diaphanes: 
Comment croire que ce fluide, dont l'intervention 
accorde et concilie jusqu'aux moindres détails les 
faits relatifs à la lumière, n'intervient pas dans les 
phénomènes calorifiques ? que mêlé aux molécules 
matérielles, il n'influe pas sur l’élasticité? et que, 
présent aux actions électriques, il n'y joue cepen- 
dant aucun rôle? Il est, disait Lamé, le véritable 
roi de la nature physique. Mais en faisant de son 


reconuaissait qu'on le retarderait indéfiniment 
peut-être, eu voulant le couronner dès aujourd’hui 

« … Soyez bien convaincus... que vos travaux 
tendent infailliblement, comme ont fait les nôtres, 
vers la découverte du principe universel de Ja 
nature physique; mais, éclairée par celte convicti 
qui nous manquait, votre marche sera beaucoup 
plus rapide que la nôtre ; vous éviterez facilement 
les retards, les longueurs, les généralisations inci. 
dentes. Et d'abord, soyez toujours au courant des 
lois qu'il s’agit d'expliquer, établies par les physi 
ciens, les chimistes, les cristallographes et les géo= 
logues; connaissez aussi les écarts et les anomalies 
de ces lois, érudition qui souvent nous à manqué# 
Ensuite, sachez manier tous les instruments des 
sciences exactes, sans exception et aussi sans exar 
gération. Arrêtez-vous pour chacun d'eux un peu 
au delà du point marqué par la dernière applicas 
tion. Recueillez ainsi toutes les méthodes analyti= 
ques, géométriques, cinématiques, utilisées par vos 
prédécesseurs... Si vous en négligez quelqu'une.# 
un pionnier vagabond, convaincu que la découverte 
dont il s'agit, comme toutes les grandes applicas 
tions connues, ne peut surgir que d’un mélang 
harmonique de l'Analyse et de la Géométrie, exs 
traira de vos travaux isolés les choses convenables$ 
puis un beau jour. il dénouera le nœud gordien 
Que cet adroit conquérant d'une seconde gloire 
newtonienne soit l’un des vôtres resté prudemment 
en dehors des forlifications, ou l’un des élèves-du 
nouvel enseignement, ou tout autre, qu'il soit Ita 
lien ou Français, Anglais ou Allemand, Polonais ou 
Russe, cela nous serait parfaitement égal, car là 
découverte serait faite. Alors, la Science humaine; 
possédant le principe de la nature physique, mar 
cherait à grands pas vers celui de l'organisme, el 
tous les savants seraient bien obligés de se rangex 
sous la nouvelle bannière. » 

On reconnail dans celui qui traduit, avec lant d@ 
force et d'émotion, le généreux enthousiasme de 
Lamé, le Secrétaire perpétuel qui, oublieux de 
toute controverse, n'a jamais laissé l’Académie de 
Sciences manquer d'honorer de ses plus hautes 
distinctions tous les fidèles du même culle, sans 
s'inquiéter de leur nationalité, et qui n’a misen jeu 


M. BRILLOUIN — JOSEPH BERTRAND : SON ENSEIGNEMENT AU COLLÈGE DE FRANCE 


123 


son influence propre et son autorité personnelle 
que pour faire entrer à l'Académie « un homme de 
génie de plus” ». 


Messieurs, je n’ai point cherché à vous faire un 
portrait complet de Joseph Bertrand, mais seu- 
lement à rappeler ce qu'il fut comme géomètre 
physicien, professeur dans cetle maison, pendant 
cinquante ans. 

Je n'ai point tenté de faire son éloge. Accweilli 
par lui, grâce aux liens qui m'unissent à l’un de 
ses fils, avec la bienveillance affectueuse qu'il ré- 
pandait sur tous ses enfants et petits-enfants, c’est 
J'aïeul surtout que j'ai connu et aimé; c’est à ce 

litre seulement que, dans sa retraite de Viroflay, 

. Sur celte terrasse où il aimailà s'asseoir après diner, 
J'ai goûté le charme inoubliable de l'entendre 
évoquer tant de souvenirs lointains, pendant que 
la nuit tombait sur les grands bois d’alentour. Je 
ne puis m'empêcher de croire que la prétention de 
lui décerner des éloges eût paru à M. Bertrand fort 
imperlinente de ma part; elle me paraïilrait, à 
moi, tout à fait inconvenante; la distance est trop 
grande. 

C'est à l’un de ses élèves préférés, devenu son 
collègue au Collège de France et à l'Institut, 
M. Maurice Lévy, que je laisserai la parole. Nul 
ne pourrail dire avec plus d'autorité ce que fut 
l'œuvre, ce que fut l'homme : 

« Il a été un semeur d'idées, ses ouvrages clas- 
siques, avec leurs nombreux exercices, ont détler- 
miné bien des vocalions, de même que les pensées 

-imprévues, les inspiralions soudaines, qui lui 
-échappaient au cours de ses leçons du Collège de 
France ont modifié bien des carrières dans le haut 
enseignement. Le nombre des thèses de doctorat 
orties de là serait difficile à chiffrer. 

« S'il jetait la vérité en prodigue, par la plume 
“etlaparole, il savait aussi l'aimer et l'apprécier 
“chez les autres. C'est pourquoi il eut beaucoup 
_ d'amis. 

« Il savait en inculquer l’amour à la jeunesse, 
. c'est pourquoi il a été un vrai maitre. 


. . . . . . . . . . . . 


« Joseph Bertrand a vraiment montré, par l’es- 
prit, par le cœur et par ses œuvres, des vertus qui 
4 n'appartiennent qu'aux grands hommes, ces vertus 
rares en tous les temps, plusrares, nous assure-t-on, 
dans le nôtre, dont une nation a le droit d’être 

fière, dont elle a aussi le devoir de perpétuer la 
- mémoire et l'exemple. » 
à Marcel Brillouin, 


Professeur de Physique générale 
et Mathématique au Collège de France. 


* 
# 


. 1 Discours de M. Maurice Lévy. 


Appendice. 


C. Le Monnier, de l’Académie des Sciences et des 
Sociétés royales de Berlin et de Londres, Lector et 
professor Regius Græcæ et Latin Philosophiæ, com- 
menca à être suppléé par Jacques-Antoine-Joseph 
Cousin en 1766. Une affiche spéciale l'annonce en ces 
termes : 

Deo volente 
JACOBUS-ANTONIUS-JOSEPHUS 
COUSIN 
Viro celeberrimo Petro Carolo Le Monnier, Professori 


Lectorique Regio et Consiliario 
Vicarius et Successor a Rege designatus. 


Unde vera tractandæ philosophiæ ratio, ad nostra usque 
tempora permanarit, pro solemni inauguratione disserel, die 
Veneris quintà mensis Decembris, anuo Domini millesimo 
septingentesimo sexagesimo sexto, horû post meridiem 
quartàä cum dimidià. 

Physices principia mathemalica evolvere, et quä potissi- 
mum ratione ad quæstiones de motu corporum celestium 
revocentur explanere conabitur, dicbus Martis, Jovis et 
Veneris, horà decimà cum dimidiä. 

In Regiis Frauciæ auditoriis. 


En 1770, la chaire change de titre : G. Le Monnier est 
lector Universæ Physices, et a toujours Cousin pour 
suppléant. A cette chaire s'ajoute celle de Physices 
experimentalis, en 1786. 

En 1791, l'affiche du Collège Royal de France est 
rédigée pour la première fois en francais; Cousin y est 
titulaire de la chaire de Physique générale et mathé- 
malique. 

En 1801, Biot devient titulaire de celte chaire, 


Cours professés par M. Bertrand 
suppléant de Biot. 


1847-1848. I. Exposé comparatif des théories auxquelles 
les géomètres ont tenté d’assujettir les 
phénomènes de la capillarité. 

IL. Travaux des géomètres sur les condi- 
tions d'équilibre des principes électri- 
ques dans les corps conducteurs. 

1848-1849. (L'ouverture des cours eut lieu le 22 jan- 
vier 1849, au lieu du premier lundi de 
décembre 1848). 

I. Théorie mathématique de la chaleur. 

NE? 

1849-1850. I. Mécanique rationnelle, 

II. /d. 

4850-1851, [. Travaux des géomètres modernes sur la 
Mécanique analytique. 

II. Zd. 

1851-1852. I. La Mécanique analytique, e{ en parli- 
culier la variation des constantes arbi- 
traires dans les problèmes de Méca- 
nique. 

Il. Jd. 

1852-1853. (L'ouverture des cours eut lieu le 1°* Février 
1853 au lieu du 1% lundi de décembre 
1852). 

I. Les travaux des géomètres sur la Méca- 
nique analytique, et particuliérement 
les recherches postérieures à l’ouvrage 
de Lagrange. 

II, /d. 

1853-1854. I. Mouvement des corps célestes dans les 
sections coniques, et particulièrement 
les diverses méthodes proposées pour ‘ 
la détermination des orbites parabo- 
liques et elliptiques d’après les obser- 
vations. 

DENT 


124 M. BRILLOUIN — JOSEPIT BERTRAND : 


SON ENSEIGNEMENT AU COLLÈGE DE FRANCE 


1834-1855. I. Mémoires de M. Gauss sur la Physique 
mathématique, la Physique et l’Astro- 
nomie. 

IT. Zd. 

1855-1856. I. Théorie du mouvement des corps solides; 
application à l'étude du mouvement de 
la terre et des phénomènes qui en sont 
la conséquence. 

IT 


1856-1857. I. Tentalives faites par les géomètres pour 
intégrer exactement les équations diffé- 
rentielles du mouvement des corps 
célestes. 

II. Zd. 


1857-1858. I. Principaux travaux de Cauchy qui se rap- 
portent à la Physique mathématique et 
à la Mécanique céleste. 
Il. Zd. 


1858-1859. I. Intégration des équations différentielles 
linéaires, et étude des phénomènes 
physiques dont elle font connaitre les 
lois. 

II. Zd. 


1859-1860. I. Propriétés de quelques-unes des fonc- 
tions transcendautes qui se rencon- 
trent le plus souvent dans les applica- 
tions des Mathématiques à la CRSAUe 
et à la Mécanique. 

II. Zd. 


1860-1861. I. Développement des fonctions en séries; 
application de cette théorie aux ques- 
tions de Physique mathématique. 

II. Zd. 

1861-1862. (L'ouverlure des cours eut lieu le lundi, 
G janvier 1862, au lieu du premier 
lundi de décembre 1861). 

I. Progrès que l'emploi de l'analyse infinité- 
simale à apportés dans l'étude des 
lignes et des surfaces, et les applica- 
tions de la théorie générale des sur- 
faces à l'étude des faisceaux de rayons 
lumineux. 


M. J. Bertrand devient titulaire à la mort de Biot. 


1861-1862. 
1862-1863. 


IT. Même sujet qu'au premier semestre. 

I. Equations différentielles et leurs applica- 
tions à la Physique mathématique. 

T0 

L Distribution de l'électricité à la ce 
des conducteurs et étude des fonctions 
transcendantes qui figurent dans cette 
théorie. 

INT: 

I. Théories de calcul intégral et leurs appli- 
cations. 

IT. Zd. 


I. Mécanique rationnelle; particulierement 
travaux antérieurs à Lagrange. 
Il. Zd. 


1863 186%. 


1864-1865. 


1865-1866. 


1866-1867. 
1867-1868. 


1868-1869. 


1869-1870. 


1870-1871 


1871-1872. 


1872-1873. 


1873-1874. 


1874-1876. 
1876-1877. 


1871-1878. 


1878-1885. 
1885-1886. 
1886-1887. 


1887-1888. 


1888-1889. 
18S9-1890. 


1890-1900. 


Remplacé par M. Darboux. 
I. Hétu analytique. 


IT. 


Forces réciproques au carré de la distance 


IT. 


I. Lois mathématiques Ftress à la trans- 


I. 


(L'ouverture des cours eut lieu, 
I. Lois mathématiques relatives à l'action et 

ques. 4 
IT. (L'ouverture des cours du second se- 


Même sujet. 


il 


IT. 


I. Méthodes générales dans la Mécan 


II. 74 


I. Théorie de l'Électricité, 
IL. 


ee par M. Maurice Levy. 


Del 
1 


Il. Zd 
Suppléé par M. Maurice Lévy. 
Suppléé par M. Laquerre. 


Ii 
IL. 


I. 


IT. 
I. 


IL. 


I. 
IL. 


Suppléé par 1. 
1900. 


dans diverses théories physiques, e 

particulièrement dans celles de l'Elec=" 

tricité et du Magnétisme. 
Id. 


DE . 
£- 


: formation des forces physiques. 
d. 


comme 
d'habitude, le premier lundi de décem 
bre 1870.) 


à la transformation des forces physis 


mestre eut lieu seulement le 12 juin 
1871.) 


Lois mathématiques relatives à l'action É. 
à la transformation des forces, ef par 
iculièrement thévries du Magnétisme 

PR de l'Électricité. 

(e 


analytique; et particulièrement lou 
vrage posthume de Jacobi ( Vorlesungenm 
über D ynamik). à 
Œ. 


Id. 


. Équations aux dérivées partielles et leur. 
applications. | 


Équations aux dérivés partielles et leurs. 
applications. 


Théorie mathématique de la Chaleur, 

Id. 

Application du Calcul des piobe bi ESS à 
la théorie de la combinaison des obser 

vations. 

Id. 

Théorie mathématique de l'Electricité. 

Id. 

Thermo-dynamique. 

Théorie des erreurs d'observation. 

Marcel Deprez, jusqu'ew 


e 


M. BRILLOUIN. 


L. LECORNU — LES RÉGULATEURS EN 4900 


LES RÉGULATEURS EN 1900 


Dans les derniers mois de 1890, M. H. Léauté, 
membre de l'Académie des Sciences, résumait, ici- 
même, les grandes lignes de la théorie des régula- 
teurs des machines!. Il insistait spécialement, avec 
sa haute autorité, sur la nécessité de ne pas se 
borner à l'examen du régulateur considéré indé- 
pendamment de la machine, sous peine d’être con- 
duit à des résultats dé- 
pourvus de toute valeur 
pratique; il metlait en 
évidence les avantages et 
les inconvénients de l'ap- 
pareil de Watt, et indi- 
quait divers moyens de 
le perfectionner. Il éta- 
blissait aussi la profonde 
différence existant entre 
l’action directe et l’action 
indirecte : la première, 
caractérisée par la perma- 
nence de la liaison établie 
entre le régulateur et la 
valve ou la vanne d’ad- 
mission; la seconde, ob- 
tenue en chargeant sim- 
plement le régulateur de 
meltre en jeu, à l'instant 
voulu ,un mécanismeauxi- 
liaire qui emprunte au mo- 
teur la force nécessaire 
pour produire le réglage. 

La théorie des régula- 

teurs indirects est princi- 

palement due à M.Léauté, 
dont le Mémoire fonda- 
mental sur les oscillations 
à longue période à paru 
en 1885 dans le Journal 
de l'Ecole Polytechnique. Celle des régulateurs 
à action directe est beaucoup plus compliquée, 
parce que l'inertie des masses en mouvement 
exerce, dans ce cas, -une influence perturbatrice, 
qu'on n'a pas le droit de négliger. 

Le problème, déjà difficile quand il s'agit des 
moteurs hydrauliques, devient presque inabor- 
dable quand on veut s'occuper de la régularisation 
des machines à vapeur. En effet, la valve d'admis- 
sion commandée par le régulateur étrangle plus 


ou moins la vapeur; mais son action ne se réper- 
PES 
 H. Léauré : Sur la théorie des régulateurs, Revue générale 
des Sciences des 30 octobre et 15 novembre 1890, tome I, 
pages 525 et suivantes et 663 et suivantes. 


REVUE GÉNÉRALE DES SCIENCES, 1901, 


SL - ‘U 


Fig. 1. — Régulateur Proëll. 


cute sur les pièces en mouvement que d’une façon 
détournée. L'étranglement produil une chute de 
pression difficile à évaluer; en outre, la pression 
dans le cylindre conserve un certain degré d'indé- 
pendance, et, alors même que la valve se ferme 
brusquement et entièrement, la vapeur, fluide élas- 
lique, continue à travailler en se détendant. Bien 
plus, en-cours de détente, 
de la 
valve sont privés de toute 
influence jusqu’au retour 
de l'admission: Observons 
encore qu'on ne peut né- 
gliger à priori les petites 
de la vitesse 
dues aux variations pé- 
riodiques de l’action mo- 
trice. Sans doute, le volant 
a pour effet d’atténuer, 
dans une large mesure, 


les mouvements 


variations 


ces oscillations à courte 
période; mais il ne les 
ferait entièrement dispa- 
raitre que s'il avait une 
puissance infinie, et une 
pareille hypothèse, qui 
aurait pour première con- 
séquence l'inutililé com- 
plète du régulateur, est 
incompatible avec l’em- 
ploi de cet appareil. 

En 1895, 
des Sciences 
posé, comme sujet de con- 


l'Académie 


avait pro- 


cours pour le prix Four- 


neyron, le perfeclionne- 
ment de la théorie de la 
corrélation entre le régu- 
lateur et le volant. Dans un Mémoire que je pré- 
sentai à ce concours, et qui fut couronné conjoin- 
tement avec un Mémoire de M. Marié, je cher- 
chais à éclaircir quelques-unes des difficultés qui 
viennent d'être signalées. Laissant ici de côté ces 
questions théoriques, je voudrais simplement es- 
quisser l’état actuel de l'emploi des régulateurs, 
en insistant surtout sur les faits qui paraissent pré- 
senter un caractère de nouveauté. 


Le régulateur à boules de Watt et les appareils 
qui en dérivent directement conservent la préfé- 
a 


126 


L. LECORNU — LES RÉGULATEURS EN 1900 


rence d'un grand nombre de constructeurs. On 
constate seulement une tendance assez générale à 
faire tourner le système avec une grande vitesse, 
permettant l'adaptation d'un manchon très pesant. 
Cette disposition, imaginée depuis longtemps par 
Porter, donne un régulateur puissant, capable, par 
suite, de surmonter aisément les résistances passi- 
ves de toute nature. Par contre, elle a l'inconvé- 
nient d'exagérer les effets retardateurs dus à 
l'inertie du manchon, et de rendre notamment ses 
démarrages assez lents. Une solution très employée 
(type Proëll) con- 
siste à placer les 
boules à l’extré- 
mité supérieure 
des tiges qui les 
supportent ; les 
avantages de cette 
position, que re- 
présente la figure 
1, paraissent assez 
douteux. Au lieu 
d'augmenter le 
poids du man- 
chon, on peut, 


pour obtenir la 
puissance voulue, 
avoir recours à 
l'emploi de res- 
sorts. Ceux-ci ont 
l'avantage de ne 
pas exagérer l’i- 
nertie du système ; 
en oulre, ils tra- 
vaillent aussi bien 
avec un axe de 
rotalion horizon- 
{al qu'avec un axe 
verlical, ce qui 
permel, dans cer- 
tains cas, de sim- 
plifier ies renvois de mouvements. Aussi les régu- 
laleurs à ressorts sont-ils d’un emploi chaque 
Jour plus fréquent, La figure 2 en montre un exem- 
ple assez simple, dans lequel les tiges de suspen- 
sion des boules sont articulées au manchon et se 
prolongent supérieurement par des sortes de cornes 
recourbées, que terminent de petits galets. Ceux- 
ci s'appuient sur une table fixe et fournissent 
ainsi les points d'appui au moyen desquels les 
tiges soulèvent le manchon en agissant à la ma- 
nière de leviers. 

Les systèmes à boules, avec ou sans adjonction 
de ressorts, présentent une imperfection assez 
grave. Quand la machine tend à s'accélérer, le ré- 
gulaleur ne peut exercer immédiatement sa fonc- 


Fig. 2. — Régulateur Beyer. 


tion essentielle, consistant à rétablir l'égalité entre 
le travail moteur et le travail résistant: car il tire 
toute sa puissance de l'excès de force centrifuge: 
développé par l'augmentation de vitesse, et, tant 
que celte vitesse n'est pas accrue d’une quantité 
finie, correspondant à l'effort nécessaire pour sur= 
monter les résistances passives et mettre la valve: 
en mouvement, celle-ci demeure au repos. Il serait 
évidemment préférable que l’action régulatrice 
eommencät à se produire aussilol que l’état de” 
régime vient à être troublé. Pour atteindre ce 
résultat, il faut” 
faire appel à des. 
actions autres que 
2 la force centrifu-" 
D | QUE ge. On peut notam- 
$ ment mettre em 
jeu l'inertie tan- 
gentielle : mais ce- 
ci demande quel- 
ques explications. 
Lorsqu'un point 

matériel, de masse 4 
mn, Situé à une dis- 
tance R d'un axe 
fixe, tourne autour 
de cet axe avec” 
une vitesse varia= 
ble w, dont la dé- 
rivée par rapport 

au temps est dé-" 
signée par w’, il 
est soumis à la 
force centrifuge 
mw°R, dirigée sui- 
vant le prolonge- 
ment du rayon, et. 
à la force d'inertie. 
tangentielle 2w'R, 
dirigée, comme 
son nom l'indi- 
que, suivant la langente à la trajectoire. Tant que 
le mouvement est uniforme, la dérivéew’ est nulle, 
etilen est de même de la force tangentielle; mais; 
aussitôt que la vitesse commence à varier, la force: 
langentielle prend une valeur généralement finie: 
Si donc, par un moyen quelconque, on peut utili= 
ser l’inertie tangentielle des boules d’un régulateur: 
pour déplacer la valve de réglage, on échappe à 
l'inconvénient que présente l’action lardive de la 
force centrifuge. Seulement, il faut, ici encore, 
tenir compte des résistances passives. L'inertie 
tangenlielle ne peut jouer un rôle efficace qu'à con- 
dilion d'être assez puissante poûtr vaincre ces résis= 
tances. Un régulateur qui agirait exclusivement en: 
vertu de cette force limiterait uniquement la gran— 


L. LECORNU — LES RÉGULATEURS EN 1900 


deur de l'accélération du moteur et laisserait sub- 
sister les lentes variations de vitesse: ces varia- 
tions, en s'accumulant pendant un temps assez long, 
pourraient produire des écarts d'une amplitude 
indéfinie. On conclut de là, sans qu'il soil néces- 
saire d'analyser les choses de plus près, que l’iner- 
tie Llangentiellene suffit pas pour fournir un régu- 
lateur acceptable : son influence doit être combi- 
uée, dans une mesure convenable, avec celle de la 
force centrifuge. 

Le dispositif de Walt se prèle difficilement à 
lulilisation de l’inertie tangentielle. Cependant, 
Foucault y est jadis parvenu en montant, sur l'arbre 
vertical de l'appareil, un petit volant dont la pré- 
sence obligeait le manchon, en cas d'accélération 


ou de ralentissement, à prendre un mouvement | 


hélicoïdal le long d'une vis portée par l'arbre. En 
Allemagne, Werner et Siemens, dès 1845, aban- 
donnaient complètement le système de Watt. Leur 
procédé consistait à monter sur un arbre, conduit 
directement par le moteur, un volant relié à cet 
arbre par un train différentiel analogue à celui des 
automobiles. Quand l'inerlie du volant entrait en 
jeu, le train différentiel déplaçait un arbre trans- 
versal dont le mouvement se transmettait à Ja 
valve. Ce dispositif fonctionnait done uniquement 
en vertu de l’inertie tangentielle, et devait, par suite, 
présenter les inconvénients indiqués il y a un 
instant. 

En 1871, l'ingénieur français Raffard construisit 
un régulateur à force centrifuge dont chaque boule 
était portée par un bras perpendiculaire à l'axe de 
rotation, et mobile autour d'une charnière paral- 
lèle à cel axe et placée à une certaine distance de 
lui. La trajectoire du centre de la boule était, par 
suite, un arc de cercle excentrique à l'axe, ce qui 
rendait la boule sensible à la fois à la force cen- 
trifuge et à l’inertie tangentielle. Un ressort appro- 
prié équilibrait la valeur moyenne de la force cen- 
trifuge. 

La combinaison imaginée par Raffard se re- 
trouve dans un Lype de régulateurs qui a pris, dans 
ces dernières années, une nolable extension, prin- 
cipalement en Amérique, et qui est connu sous le 
nom de régulateur dans le volant, ou, plus briève- 
ment, régulateur volant. Mais, cet appareil, dont 
l'idée première apparait, dès 1839, dans un régu- 
lateur inventé par l'Américain Custer, présente 
quelque chose de plus : au lieu d'agir sur une 
valve d'étranglement, il porte directement l'excen- 
rique de distribution, de telle facon que le dépla- 
cement des masses remplaçant les boules du régu- 
lateur de Wait a pour effet de modifier soit l’angle 
de calage de l’excentrique, soit l'excentricité, et 
Souvent même ces deux éléments à la fois. C'est, en 
un mot, un régulateur de la détente, dans lequel on 


127 


= 


a supprimé tous les intermédiaires inutiles. Les 
appareils de ce genre exigent, pour fonctionner 
convenablement, une grande puissance, qui néces: 
site une grande vitesse de rotation. Ils conviennent 
donc, en particulier, dans le cas des machines à 
marche très rapide, comme celles qui conduisent 
directement des dynamos. La difficulté est de.faire 
en sorte que la résistance du tiroir, transmise à 
l'excentrique par la barre d’'excentrique, ne se 
répercule pas sur la position des masses mobiles. 
Le problème a été résolu de diverses manières, et 
souvent avec une grande ingéniosité. Suivant le 
mode d'attache des masses mobiles au volant, l’ac- 
lion de l'inertie tangentielle se combine, dans une 
proportion plus ou moins importante, avec celle de 
la force centrifuge. La figure 3 montre un modèle 


Fig. 3. — Régulateur Bullock pour machines Willans. 


assez récent de régulaleur-volant, construit en 
Amérique. 

L'emploi de l'inertie tangentielle est un moyen 
d'activer l'intervention du régulateur, mais ce n’est 
pas, tant s’en faut, le seul. Poncelet a décrit jadis un 
appareil, qu'il a nommé régulateur à ressort el ins- 
tantané, et dont le principe est le suivant : L’arbre 
moteur est coupé en deux parties placées bout à 
bout, de telle manière que l’une d'elles entraine 
l'autre par l'intermédiaire de ressorts flexibles. 
A l'état de régime, les deux parties tournent avec 
la même vitesse. Dès que la puissance ou la résis- 
tance vient à varier, la tension des ressorts se mo- 
difie; les deux moitiés de l'arbre prennentun dépla- 
cement relalif, et ce déplacement, par une combi- 
naison de vis et d'engrenages, est utilisé pour la 
manœuvre de la valve: Poncelet remarquait aussi 
que le système peut être adapté à un arbre spécial, 
qui recevrait du moteur son mouvement de rota- 
tion et qui porlerait un volant à ailettes dont la 
résistance, croissant trèsrapidement avec la vitesse, 
produirait la torsion relative des deux parties de 
l'arbre. 

Sous cette dernière forme, l'idée de Poncelet 
a recu une réalisation complète dans le moderne 


125 


L. LECORNU — LES RÉGULATEURS EN 1900 


régulateur de Durham (fig. 4), pour machines 
à vapeur destinées à l'éclairage électrique. Les 
ailettes sont mobiles dans un tambour plein d’eau. 
Le même appareil est appliqué aux machines 
marinés, qui exigent une intervention très rapide 
du régulateur à l'instant où l’hélice vient à sortir 
de l'eau. Dans ce dernier cas, on rend l’action 
encore plus prompte en faisant tourner les ailettes 
dans un réservoir qui n’est pas entièrement rempli 
et qui communique librement avec un autre réser- 


lever l’hélice, l'eau passe en partie du second réser- 
voir dans le premier; les ailettes, é ouvant une 


| 


ERA AO 0 ma 


| réservoir enfoncé sous l'eau renferme de l'air, don 


| la pression diminue, et les déformations qui en 
voir. Quand le navire s'incline, de manière à sou- | 


machines marines. Tantôl, ainsi que l'a proposé, 
dès 1858, le Marseillais Billotet, le régulateur esb 
formé par un pendule qui demeure toujours sen= 
siblement vertical, et a pour effet de fermer pro 
gressivement la valve à mesure que le navire s'in= 
cline ; tanlôt, comme dans le système Dunlop, un: 


la pression se transmet à une membrane flexible © 
quand le réservoir se rapproche de la surface libre, 


résultent pour la membrane servent à manœuvrer 
la valve. 


IT 


Revenons au cas général. Poncelet, dans so 
traité de Mécanique appliquée aux Machines, décri 


Fig. 4. — Régulateur Durham. — À, tambour plein d'eau, dans lequel tournent les ailettes; B, manchon d’accouplement 
des deux parties de l'arbre portant intérieurement un ressort spiral; ce manchon forme écrou sur le pas de vis #. Les 
déplacements longitudinaux du manchon ont pour effet de mouvoir, au moyen de la roue R, la transmission DK qui 

manœuvre le tiroir de distribution du cylindre à vapeur QC visible au bas de la figure. 


résistance plus grande, se mettent à tourner moins 
vite, et le régulateur peut ainsi jouer son rôle 
ayant que l'émersion de l’hélice ne soit complète. 
En outre, si la machine est du genre compound, 
le régulateur ne se borne pas à réduire l'admission 
au petit cylindre : dès que le danger d'emballement 
devient imminent, une communication s'établit 
entre les deux extrémités du petit cylindre, dont 
le piston se trouve par suite équilibré. Enfin, pour 
obtenir le maximum de puissance, on a soin de 
faire manœuvrer la valve d'admission par l'inter- 
médiaire d’un petit cylindre auxiliaire, en laissant 
simplement au régulateur le soin d'actionner le 
üroir de ce cylindre. k 
D’autres solulions ont été imaginées pour ré- 
soudre le problème difficile de la conduite des 


+ 


un régulateur à pompe et à flotteur constitué de là 
manière suivante : Le moteur fait marcher une 
pompe qui envoie de l’eau dans un réservoir, el 
cette eau s'écoule par un orifice qu'un robinet per: 
met d'étrangler plus ou moins; un flotteur placé 
sur l'eau commande l'admission. En faisant varier 
la position du robinet, on modifie à volonté 1 
vitesse de régime. Ce principe est appliqué dans 
quelques régulateurs modernes. Parfois, le réser= 
voir est réduit à un cylindre de petit diamètre, et 
le flotteur est remplacé par un piston supportant 
sa partie supérieure la pression de la chaudière; 
on obtient ainsi un appareil doué d'une actio 
remarquablement prompte. Dans les régulateurs 
pneumatiques, une pompe à air est substituée à la 
pompe à eau. On peut aussi utiliser la résistance, 


L. LECORNU — LES RÉGULATEURS EN 1900 129 


variable avec la vitesse, opposée par un liquide aux 
aubes d'une turbine (régulateur Napier), ou à un 
système de palettes (régulateur Allen). 

Les régulateurs chronométriques procèdent d'une 
idée toute différente. À l’aide d'un mouvement 
d'horlogerie, ou par tout autre moyen, on fait 
tourner un arbre avec une vitesse angulaire cons- 
tante, égale à la vitesse moyenne de régime qu'on 
veut réaliser. Dès que l'arbre 
principal tend à s'écarter de 
cette vilesse, un engrenage 
différentiel entre en jeu et 
manœuvre la valve. Les appa- 
reils de ce genre ne sont guère 
‘entrés dans le domaine de la 
pratique, et la raison de leur 
insuccès parait résider surtout 
dans la difficulté d'éviter les 
oscillations périodiques de vi- 
tesse par rapport à la vitesse 
moyenne. Je ne crois pas ce- 
pendant qu'il soit impossible 
d'échapper à cet inconvénient: 
il suffit de faire en sorte que 
le moteur, une fois écarté de la 
vitesse de régime, tende à s'en 
approcher asymptlotiquement, 
sans jamais l'atteindre. Dans 
deux Notes communiquées, 
en 4896, à l'Académie des 
Sciences, j'ai indiqué les con- 
dilions théoriques à remplir 
pour que les choses se passent 
de cette manière. 

Mentionnons encore l’em- 
ploi, peu développé jusqu'ici. 
de la régularisalion par des 
procédés électriques. L’élec- 
tricité peut intervenir de bien 
des façons différentes. Quand 


rompu, et le cadre, en se déplaçant, modifie le 
travail moteur. Ces exemples suffisent pour faire 
comprendre la possibilité d'établir des régulateurs 
électriques. Un procédé général, communiqué par 
Ledieu, en 1890, à l'Académie des Sciences, con- 
siste à régulariser la marche d'un moteur quel- 
conque par une modification introduite, à l’aide 
d'une transmission électrique; dans le travail mo- 
teur, chaque fois qu'une va- 
riation importante se produit 
dans le travail résistant, et 
cela, sans attendre que cette 
variation ait eu le temps de 
produire son effet sur la ma- 
chine, but, le dé- 
brayage de chaque outil ou 
de chaque groupe d'outils 
laisse passer le courant d'une 
électrique 


Dans ce 


source d'énergie 
dans un fil qui va aboutir à 
une petile dynamo placée près 
du régulateur. La dynamo, en 
tournant, modifie Ja 
mande de ce dernier, de ma- 
nière à augmenter le rapport 
entre la vitesse du régulateur 
et celle du moteur. Un indica- 
teur du nombre de tours est 
monté sur l'arbre principal et 
laisse passer le courant tant 
que le nombre est égal ou su- 
périeur à sa valeur normale, 


com- 


puis renverse le courant dès 
que la vitesse tend à faiblir. 


III 


Quelques mots maintenant 
sur le mode d'action des ré- 
eulateurs. Le plus souvent, 


dans le cas des machines à 


le moteur commande une dy- 


namo, il est tout indiqué de 
faire passer le courant dans 
une bobine qui aimante un 
noyau de fer doux, relié à la valve et rappelé par un 
ressort antagonisle. Dès lors, les variations d’in- 
tensilé du courant modifient la position du noyau, 
-etchangent par suite l'ouverture de la valve. On a 
‘cherché aussi à utiliser les courants de Foucault 
développés dans un disque qui Lourne entre des ai- 
mants. Ceux-ci sont supportés par un cadre suscep- 
lible de pivoter autour de l'axe de rotation du dis- 
que. Le disque exerce sur le cadre un effort d’en- 
trainement proportionnel à la vitesse; dans l’état 
de régime, celle force est neutralisée par un res- 
sort convenable. Si la vitesse varie, l'équilibre est 


Fig. 5. — Régulateur Liede avec Servo-moteur. 


vapeur, celte action est di- 
recte, suivant la définilion que 
nous avons rappelée en com- 
mençant : c'est-à-dire que la valve est reliée ciné- 
matiquement au manchon du régulateur et se dé- 
place en même temps que lui. 

La forme de la valve a une grande importance. 
Il est d’abord nécessaire qu'elle soit bien équili- 
brée, de telle facon que le courant de vapeur ne 
tende pas à la déplacer en dépit de l'action du 
régulateur. Il faut aussi que son excursion totale, 
depuis la posilion d'ouverture en grand jusqu'à la 
position de fermeture totale, soit dans une relation 
convenable avec les dimensions du régulateur et 
avec celles des liges de transmission. On doit, 


130 


L. LECORNU — LES RÉGULATEURS EN 1900 


enfin, se préoccuper de la loi suivant laquelle 
varie le travail moteur en fonction de la position 
du manchon, et cette loi dépend évidemment du 
type de valve adopté. La valve de WatLétait un simple 
papillon, analogue à 
la clef de réglage d’un 
calorifère, Cette for- 
me se rencontre en- 
assez souvent, 
Mais l’on emploieaus- 
si des liroirs à per- 
siennes, des robinets, 
des soupapes à dou- 
ble siège combinées 
de façon à équilibrer 


core 


les poussées dues à 
la vapeur, etc. Raf- 
fard à eu l’idée d'uti- 
liser le principe des 
mouvements 
voyants, énoncé par 
M. Haton de la Gou- 
pillière. Sa valve est 
une lanterne cylin- 
drique envelop- 
pée par un cylindre 
fixe. La lanterne et 
l'enveloppe sont per- 
forées de telle 
qu'en se mouvant 
dans le sens de l'axe, 
la lanterne démasque 
plus ou moins les 
orifices fixes et joue 
ainsi le rôle d’un ti- 
roir à  persiennes. 
Mais, de plus, elle re- 
çoit du moteur, par 
l'intermédiaire d'une 
corde,unrapide mou- 
vement de rotation, 
et ce mouvement di- 
minue, dans une forte 
mesure, la résistance 
due au frottement 
dans le sens de l’axe. 


lou- 


façon 


Souvent aussi, on emploie un système d’enclique> 
tage constitué de la manière suivante : une tige,“ 
recevant continuellement de la machine un mouve« 
ment oscillatoire, porte deux cliquels qui sont sus= 
ceptibles de faire 
MOUVOIT UNE TOUE À 
rochels, et celle-ci, 
en tournant, agit sur 
la valve. Mais, à l'état 
de régime, une pièces 
auxiliaire, comman- 
(5 dée par le régulateur, 
maintient les cliquetsM 
écartés de la roue: 
Quand le régulateur« 


o 


s'écarte de sa position 
moyenne, il aban- 
donne l’un des cli- 
quets, qui fait alors 


le sens convenable: 
Le second cliquet in= 
tervient d’une ma 
nière analogue, 
quand il y à lieu dem 
faire tourner la roue« 
dans le sens opposé. 
La régularisation ob= 
tenue par ce procédé 
se fait par petites sac= 


cades, sans jamais 
dépasser sensible 


ment le but, et, par 
conséquent, sans 
avoir à craindre l'ap= 
parilion d’oseil= 
lalions à longue pé- 
riode, mais elle est 
nécessairement aSSeZ 
lente. Une méthode 
toute différente, el 
qui donne, au con- 
traire, un réglage ex- 
trèmement prompt, 
consiste àmeltre sous 
la dépendance du ré- 


Les choses se pas- 


gulateurle tiroir d'ad- 


sent à peu près com- 


me pour un bouchon 
de bouteille, qu'on 
enlève plus facilement par un mouvement hélicoï- 
dal que par une traction directe, 

Quand on veut établir une valve d'étranglement 
mue par l’action indirecte du régulateur, on charge 
celui-ci d’embrayer ou de débrayer, en temps utile, 
un engrenage mû par la machine et relié à la valve, 


Fig. 6. — Reégulaleur Tremper. 


mission d’un petit cy- 
lindre auxiliaire dont 
le piston est solidaire 
de la valve. Dans ce cas, on évite la trop grande 
brutalité d'action en ayant recours au procédé du 
servo-moleur, imaginé, comme l'on sait, par Far- 
cot. La figure 5 montre un appareil de ce genre: 
Les appareils dits compensateurs constituent une 
solution intermédiaire entre l’action directe eb 


tourner la roue dans 


RUDOLEF BLOCHMANN — NOUVELLE THÉORIE DE LA TÉLÉGRAPHIE DITE SANS FIL 


131 


l'action indirecte : le manchon est relié cinémati- 
quement à la valve; mais cette liaison n’est pas 
invariable et, dès que le manchon se déplace par 
l'effet d’une variation de vitesse, un engrenage 
entre en jeu pour modifier progressivement la 
liaison et permettre ainsi le retour graduel à la 
vitesse primitive de régime. 

Au lieu de faire agir le régulateur sur une valve 
l'étranglement, on peut le charger de manœuvrer 
une détente variable. Ge n’est pas ici le lieu de dis- 
cuter les avantages et les inconvénients respectifs 
«de la détente fixe ou variable. Bornons-nous à cons- 
tater que les régulateurs de la détente comptent de 
nombreux partisans. La principale difficulté con- 
siste à oblenir du régulateur une puissance sufti- 
sante et, en outre, à meltre l'appareil à l'abri des 
réactions provenant du tiroir. Nous avons déjà 
signalé cette difficulté en parlant des régulateurs 
dans le volant. Il faut, autant que possible, élablir 
un mécanisme zon réversible, c'est-à-dire faire en 
sorte que le régulateur soit capable de conduire 
l'organe de détente, sans que celui-ci puisse dé- 
placer le régulateur. 

Les machines à déclic, du type Corliss, par exem- 
ple, qui sont toujours en grande faveur, sont 
pourvues de régulateurs agissant sur la détente; 
le rôle du régulaleur consiste alors à modifier, 
quand il y a lieu, la position des organes de dé- 
clic, pour que les obturateurs d'admission soient 
déclanchés à l'instant convenable. Au moment du 
déclanchement, il se produit nécessairement un 
choc qui pourrait, si l’on n’y prenait garde, impri- 
mer au régulateur des oscillations fâcheuses. 

Quelques régulateurs sont disposés pour trans- 
former une machine à détente fixe en machine 
à détente par déclic. La figure 6 se rapporte à ce cas. 


L'appareil se monte sur la conduite de vapeur, au 
voisinage de la boîte à tiroir; il porte à sa base une 
soupape qui, au repos, ferme complètement la con- 
duite. Un levier oscillant, bien visible sur la figure, 
donne un mouvement alternatif à deux cames qui 
viennent à tour de rôle soulever la tête de la sou- 
pape. Le soulèvement cesse à l'instant où la came, 
qui est en prise, vient buler contre un taquet attaché 
au manchon du régulateur, et les boules ont pour 
fonction d'amener ce taquet à la hauteur voulue. 


IV 


En somme, si les types de régulateurs se sont 
indéfiniment multipliés, on ne rencontre depuis 
dix ans, dans cette partie de la Mécanique appli- 
quée, aucune invention fondamentale : il y a eu sur- 
tout des perfectionnements de détails; en même 
temps, les constructeurs se sont mieux rendu compte 
de la nécessité d'établir une corrélation convenable 
entre le régulateur et la machine, mais ils ne sem- 
blent pas être encore sortis de la période des läton- 
nements, et ils auraient grand intérêt à s’aider un 
peu plus des lumières qu'une théorie bien com- 
prise est susceptible de projeter sur celte délicate 
question. Ils auraient intérêt également à insti- 
tuer, avec le concours des théoriciens, des expé- 
riences méthodiques pour élucider les points qui 
demeurent encore obscurs. Quelques tentatives 
ont déjà été faites ; il importerait de les reprendre 
et de les compléter. Il y a là un beau champ d'é- 
tudes pour les laboratoires de Mécanique. 


L. Lecornu, 
Ingénieur en chef des Mines, 
Professeur à l'Ecole des Mines, 


UNE NOUVELLE THÉORIE 
DE LA TÉLÉGRAPHIE DITE SANS FIL ‘ 


Quand on considère les expériences que l'on a 
faites, pendant ces dernières années, en de nom- 
breux endroits, pour perfectionner la télégraphie 
par ondes électriques, on peutremarquer que le but 
que l’on s'était proposé était d'atteindre les plus 
grandes distances possibles pour la communication 
entre deux-stations non réunies par des fils. Pour y 
parvenir, il fallait donner une très grande puissance 


4 Cetessai contient un résumé général d'une communi- 
cation que l’auteur a faite au Congrès international d'Électri- 
cité à Paris, août 1900, sur « la dirigeabilité des appareils 
pour la télégraphie par ondes électriques «. 


électrique aux appareils générateurs de la pre- 
mière stalion, et une très grande sensibilité pour, 
les effets des ondes électriques aux appareils ré- 
cepteurs de la seconde station. 

On peut le dire, des progrès considérables ont 
élé réalisés surtout par l'emploi des antennes. 

Toutefois, on n’a pas fait, jusqu'ici, d'études 
exactes sur les phénomènes qui se passent dans le 
milieu compris entre les antennes des deux stations 
pendant le fonctionnement des appareils. Il est, 
cependant, évident que l'étude de ces phénomènes 
peut être d'une grande importance pour le dévelop- 


132 


pement de la télégraphie par ondes électriques, 
sans parler de l'intérêt qu'il y aurait pour les expé- 

-rimentateurs à se rendre compte ou, au moins, à 
se faire une idée de ce qui se passe entre les appa- 
reils qu'ils font fonctionner. Il m'a done semblé 

. utile d'essayer d'apprécier le rôle que joue le milieu 
dans cette nouvelle sorte de télégraphie élec- 
trique. 


[ 


Quel est ce milieu? C'est sans doute cette part de 
l'atmosphère de notre planète qui sépare les appa- 
reils aux deux stations. 

D'après cela, il convient de comparer la propa- 
gation des effets produits par les appareils généra- 
teurs aux phénomènes connus en électricilé atmos- 
phérique : on ne supposera pas qu'il s'agit seulement 
des lois de la propagation des ondes électriques 


LL — 


NN 


Fig, 4. — Variations de la distribution des surfaces équipo 
tentielles avec les accidents du relief terrestre. 


dites hertziennes, car ces lois sont les mêmes que 
celles de la propagation de la lumière. 

Or, l'étude de l'électricité atmosphérique nous 
a appris que la Terre elle-même a un potentiel 
constant, auquel on peut attribuer la valeur zéro, 
quand on ne considère pas les phénomènes cé- 
lestes. En montant dans l'atmosphère, on atteint 
des points possédant des potentiels différents; en 
réunissant les points de même potentiel, on trace 
des surfaces, nommées surfaces équipotentielles, 
qui entourent la Terre comme les enveloppes d'un 
bulbe entourent le bourgeon central. La succes- 
sion des surfaces équipotentielles n’est troublée 
par aucun corps, quel qu'il soit, qui s'élève dans 
l'atmosphère, si, loutefois, ce corps est d'assez 
petite largeur; mais lorsqu'il s’agit d'objets de 
grandes dimensions, les surfaces équipotentielles 
les plus basses se resserrent autour de cet objet; 
tel est le cas d’un édifice isolé, d'un bois, d’une 
montagne; le sommet de la montagne a le poten- 
tiel de la Terre, et non le potentiel d’un point situé 
dans l'air libre à la même hauteur au-dessus du sol. 

Le potentiel d'un point dans l'air libre peut être 
mesuré. en joignant ce point avec le sol au moyen 
d'un fil métallique porté en haut par un aérostat 
ou un cerf-volant (fig. 4). Le sommet du fil prend 


RUDOLF BLOCHMANN — NOUVELLE THÉORIE DE LA TÉLÉGRAPHIE DITE SANS FIL 


-le potentiel de son entourage, la base du fil a le 


poténtiel de la Terre, et l'on remarqué un flux 
d'électricité le long du fil; c'est ce que Franklin a 
démontré il y a environ un siècle et demi. 

Le potentiel qu'on trouve ainsi n’est pas tou- 
jours le même : il est soumis à des variations tem-= 
poraires, dont les écarts les plus grands correspon= 
dent aux temps d'orage. On sait que les orages 
jouent le rôle d'un appareil généraleur pour la 
télégraphie par ondes électriques : ils produisent. 
donc, aux antennes de la station réceptrice, les 
mêmes effets que les fluctuations de l'électricité 
créées par les appareils générateurs le long des 
antennes de la station de départ !. 

Les appareils générateurs de la première station 
produisent le même effet qu'un orage. Quand on 
met en marche ces appareils, des oscillations élecz 
triques se propagent le long de l'antenne: cepen- 
dant, ces oscillations ne restent pas seulement à 
l'intérieur de l'antenne, mais elles se dispersent 
aussi à d'entour de l'antenne dans l'atmosphère: 
d'après la Lhéorie de Faraday, elles ne pénètrent 
méme pas dans les antennes et se répandent seu= 
lement à l’entour. La direction des oscillations est 
celle de l'antenne elle-même. 

Done l'équilibre des surfaces équipotentielles 
percées par l'antenne est dérangé de la mème façon 
que l'équilibre d’une surface liquide, quand une 
pierre tombe d'une hauteur considérable dans le 
liquide. De même que la pierre, en percant la sur- 
face liquide, produit des ondes qui s'étendent sur 
l'eau radialement à la surface, pendant que les 
molécules d’eau, sans éprouver de translation, se 
déplacent en haut et en bas, c'est-à-dire dans la 
même direction que la pierre dans sa chute : — 
ainsi dans l'atmosphère qui entoure l'antenne de 
la première station se produisent des oscillations. 
ou des dérangements des surfaces équipotentielles; 
et leur direction est parallèle à l'antenne, tandis 
que la propagation est perpendiculaire à cette 
direction. 

Supposons un morceau de bois nageant à la sur- 
face liquide à quelque distance de l'endroit où la 
pierre a percé la surface : il se déplacera pendant 
quelque temps en haut et en bas: et ce mouvement 
peut être regardé comme un signe de la production 
d'une onde liquide au voisinage. Cela ressemble 
aux phénomènes de la télégraphie par ondes élee= 
triques. Le long de l'antenne de la première stas 
tion, des oscillations électriques sont produites : 
elles se propagent par surfaces équipotentielles, en 


1 Il est très intéressant de remarquer que. dans les pre- 
mières expériences, où l'on a fait usage d'un tube Branly 
pour signaler des oscillations électriques produites à une 
très grande distance, c'étaient les orages quiremplaçaient les 
appareils générateurs. (Expériences de M. Popolf en 1895.) 


38 


æ 


RUDOLF BLOCHMANN — NOUVELLE THÉORIE DE LA TÉLÉGRAPHIE DITE SANS FIL 


133 


dérangeant l'ordre normal, et elles sont reçues aux 
antennes de la seconde station, qui sont, en géné- 
ral, parallèles à celles de la première station, et 


Fig. 2. — Transmission des ondes électriques le long des 

- surfaces équipotentielles. — G, g, Station et antenne trans- 

mettrices ; R, r, station et antenne réceptrices. Les flèches 

doubles représentent les oscillations de haut en bas et de 

bas en haut qui se propagent le long des lignes équipo- 
tentielles. 


rendues apparentes par les appareils spéciaux de 
la station réceptrice (fig. 2. 


II 


J'apporte à la démonstration de ma théorie des 
arguments spéciaux. Certains phénomènes sont 
difficiles à expliquer en supposant que les oscilla- 
lions électriques, propagées par les appareils gé- 
nérateurs possédant des antennes, suivent les lois 
de la propagation de la lumière. On les explique 
très bien, au contraire, en adoptant ma théorie. 
Noici, en effet, quelques faits positifs : 

1° Entre deux stations situées à l’intérieur du 
continent, on n'a pas encore transmis de télé- 
gramme à une aussi grande distance qu entre deux 

- stations séparées par la mer ; 

929 Quand l'une des deux stations était installée à 
une hauteur assez différente de l’autre, on a obtenu 
de moins bons résultats que lorsque les deux sta- 


« Lig. 3. — Mauvaise transmission des ondes entre deux anten- 
. nes, siluéez à la même hauteur, mais non surles mêmes 
surfaces équipotentielles. 


Lions se trouvaient à peu près à la même hauteur ; 
. 3° Par des antennes dirigées horizontalement 
… on n’augmente pas considérablement les effets ; 
… %° Eninstallant une station au pied d’une falaise 


et en employant une antenne qui va du pied de la 
falaise au sommet et même plus haut, on trouve 
que l'efficacité de l’antenne n’est pas proportion- 
nelle à la somme des hauteurs de la falaise et de 
l'antenne en air libre, mais moindre (fig. 3): 

5° On a déjà transmis des télégrammes par 
ondes électriques à des distances plus grandes 
qu'il ne serait possible, en raison de la courbure 
de la Terre, si la propagalion des ondes élait 
complètement rectiligne (fig. 4). 

Le premier argument et le second Sont basés 
sur des observations très connues. On peut se 
figurer que des surfaces équipotentielles réguliè- 
rement distribuées transmettent le mieux possible 
les ondes produites par une oscillation électrique. 
Or, au-dessus de la vaste surface d’eau représen- 
tée par la mer, on a des surfaces équipolentielles 
offrant la plus grande régularité possible, tandis 
qu'au-dessus du continent terrestre, avec ses bois, 
ses collines, ses montagnes, la situation des sur- 
faces équipotentielles est beaucoup moins régu- 
lière. On ne peut done s'élonner qu'on alteigne des 
résultats meilleurs à la mer que sur le continent. 


Fig. 4. — Preuve de la transmission des ondes par les sur- 
laces équipotentielles entre deux stations G et R pour les- 
quelles la courbure de la terre empêche la transmission eu 

ligne droite. 


C'est surtout sur les haules monlagnes que l’or- 
dre des surfaces équipolentielles est le plus compli- 
qué. Et en effet, on ne réussit pas bien en installant 
sur les montagnes des stations pour la télégraphie 
par ondes électriques : c'est ce que l'on a trouvé 
dans des expériences faites au Mont Blanc et à la 
Zugspilze. 

Quant au troisième argument : en invoquant seu- 
lement les lois de la propagation de la lumière, il 
serait difficile de comprendre pourquoi des an- 
tennes étendues horizontalement ne produisent pas 
un renforcement semblable à celui qu'on obtient 
avec des antennes (tendues verticalement et de 
mème longueur. 

Mais, d'après la théorie développée ci-dessus, il 
est clair qu'il ne peut y avoir aucun intérêt à join- 
dre aux appareils des antennes parallèles aux sur- 
faces équipotentielles et ne les perçant à aucun 
endroit. Plus il y aura de surfaces percées, plus 
l'efficacité sera acerue, les autres circonstances res- 
tant égales. à 

D'après ce théorème, basé sur notre théorie, on 
peut, d’ailleurs, formuler une règle pratique pour 
la position des.antennes en tout cas spécial. 


13% A. ETARD — REVUE 


ANNUELLE DE CHIMIE 


Ainsi, conformément à l'argument 4, la longueur 
d’une antenne conduite le long d’une falaise sera 
presque inefficace, parce qu’elle se trouve parallèle 
aux surfaces équipolentielles, qui sontelles-mêmes, 
en ce cas, à peu près verticales. On ne peut done 
s'étonner de ce fait, qu'on a observé en plusieurs 
endroits des falaises des côtes de l'Angleterre. 

Quant à l'argument 5, nous nous rappelons qu'on 
a réussi à recevoir une communication télégra- 
phique par ondes électriques à une distance de 
plus de 100 kilomètres en n'employant que des 
antennes de 40 mètres de hauteur. 

Or, pour voir du sommet de l'antenne d'une sta- 
tion le sommet de l'antenne de l’autre, il faudrait 
que les antennes eussent une hauteur supérieure à 
200 mètres à chaque slation. 


III 


On voit done l'impossibilité d'expliquer l’effica- 
cité des appareils à la station réceptrice par la 
seule supposition d'une propagation recliligne des 
ondes qui transportent les dépèches à travers le 
milieu, et l'on se trouve forcé de faire d'autres 
hypothèses qui soient d'accord avec les faits. 

Or, c'est à cette condition la plus importante que 
satisfait la théorie développée plus haut, en suppo- 
sant que les ondes électriques, dans la télégraphie 
dite sans fil, se propagent suivant des surfaces 
équipotentielles comme des ondes liquides. Cette 
théorie me semble donc, en l'espèce, la meilleure 


explication des divers phénomènes de la nouvelle 
sorte de télégraphie, et je ne connais pas actuelle- 
ment de phénomène qui ne puisse être mis d'accord 
avec elle. 

Maintenant, en supposant ma théorie exacte, 
comment répondre à la question suivante : Les ap- 
pareils de la télégraphie par ondes électriques, tels" 
qu'ils sont actuellement en usage, permettent-ils 
une dirigeabilité complète? On conçoit tout de suite 
qu'une dirigeabilité complète est impossible. 

Pour une dirigeabilité complète, il faudrait : 

1° Qu'on püt disposer un appareil générateur 
quelconque de façon à ce qu'il ne mit en action 
qu'un certain nombre d'appareils récepteurs choï- 
sis à volonté; 

2° Qu'on püt disposer un appareil récepteur 
quelconque de telle sorte qu'il ne fût mis en 
action que par un certain nombre d'appareils gé- 
nérateurs choisis à volonté. 

Mais il faut remarquer que la télégraphie par 
ondes électriques ne sera universellement applica= 
ble qu'après l'invention d'une dirigeabilité com- 
plète des appareils générateurs et récepteurs les 
uns par rapport aux autres, et qu'une telle inven=" 
tion réaliserait un grand progrès, alors même que 
la distance à laquelle on pourrait transmettre des 
télégrammes se trouverait réduite. 


Rudolf Blochmann, 


Docteur ès sciences, 
Ingénieur-électricien, à Kiel. 


REVUE ANNUELLE DE CHIMIE 


Peu à peu, des circonstances réelles ont introduit 
dans les langues d'Europe l’idée de politique mon- 
diale. La Science, plus encore, a le caractère d’uni- 
versalilé. 

S'il parait singulier de parler d’une Chimie belge 
ou suisse, je pense que la Chimie française ou 
allemande ne sont pas à ce point différenciées 
qu'on les puisse traiter comme des arts distincts. 

Beaucoup d’entre nous peut-être, en parcourant 
l'Exposition, ont modifié leur conception intime 
sur ce point. Ils auront fait une synthèse plus vaste 
qu'autrefois et de laquelle disparaissent les mots 
trop artificiels de théorie et de pratique, où les 
nationalités scientifiques s'alténuent pour ne laisser 
que cette Chimie illimitée comme les formes de 
la malière, soumise aux lois des nombres, de la 
Physique et de la Vie. 

Le chimiste ne doit pas être l'homme d'une mode 
qui passe et bientôt le laisse vieilli. 


Aussi longtemps qu'il pense, il doit expérimenter 
sans préjugé dans toutes les directions d'une science 
qui n’a pas pour but un rêve de poète, mais l'amé- 
lioration progressive de la civilisation. 

Sauf quelques découvertes éclatantes, en un an 
les Sciences ne semblent faire aucun progrès; 
mais, observées à chaque période décennale, on 
les trouve profondément changées dans leur forme 
et leur puissance. 

Les savants pratiquent la recherche et gardent 
le monopole des idées premières; mais les physi- 
cienset chimistes de l'Industrie modifient ces idées 
dans un sens pratique. Cette armée de savants te- 
naces est assez nombreuse pour mettre à jour bien 
des faits que les laboratoires ne pourraient soup- 
conner, n'ayant ni la continuité du temps, ni la 
grandeur des masses, ni la nécessité absolue de 
surmonter jusqu'aux moindres difficullés. 

Les meilleurs parmi ces hommes naissent au 


A. ÉTARD — REVUE ANNUELLE DE CHIMIE 


135 


hasard sur tous les points du monde civilisé. Le | vrais participants à la lutte économique sont 


vaste champ de comparaison qui s’est constitué à 
Paris cette année pour les hommes et les choses, 
mous montre qu'il n'y a pas de Chimie étroite- 
ment spécialisée en une région; les nouvelles se 
dispersent trop vite pour cela. Toutefois, les chi- 
mistes français n’ont pas lieu d’être mécontents. 
Pour ne eiter que les exposants qui ont accumulé 
leurs produits dans ces dix dernières années, je 
crois que rarement un jury international à vu un 
ensemble de substances aussi rares et parfaites 
que celles qui ont été exposées par nos compa- 
triotes MM. Moissan, Tanret, de Laire, Chenal et 
Douillel, etc... 

IL semble bien que l’on vante trop par avance 
ce qui est lointain. Est-ce une suggestion d'éru- 
dition ou le charme vague que laisse le souvenir 
d'un voyage rapide? Savants et industriels de 
premier plan existent dans chaque contrée; mais 
notre sulfale de cuivre est aussi bleu que tout 
autre, et quelques produits sont même plus fins. 

Autrefois, on a constilué, avec raison, une Chimie 
pure ayant pour annexe la Chimie appliquée. Mais 
il y a de cela cinquante ans; il est raisonnable 
d'admettre que, depuis ce temps, les transports 
à vapeur et les télégraphes nous ont fait une autre 
vie. 

Certes je ne pense pas que la Chimie pure soit un 
chapitre de l’applicalion : c’est bien la haute spécu- 
lation intellectuelle qui conduit la pralique. Mais 
la Chimie pure ne peut être maintenant que l’un 
des volumes — le premier — de la Chimie. 

On a dit, pour des langues ou des civilisations, 
qu'il y en avail de mortes parce qu'en ces matières 
on connait un long passé. 

Les sciences expérimentales n’ont véritablement 
qu'un siècle; mais leur vitesse d'évolution étant 
bien plus grande, elles atteignent plus tôt l'extrème 
vieillesse. C'est ainsi que l'anatomie de l’homme 
est une science morte : on n'y découvrira plus ni 
muscles ni os notables; cependant il sera toujours 
indispensable de la connaitre parfaitement. Les 
parties de la Chimie qui ne touchent pas, par 
l’'expérimentation indéfinie, au monde physique ou 
vivant, approchent de cet élat. Parlant de ce point 
de vue, on peut dire que la Chimie appliquée, 
suivant l’homme dans sa recherche du mieux, 
doit avoir une place plus grande que par le passé 
dans lous les degrés de l’enseignement et dans 
les livres. 

Il appartiendra aussi aux jeunes chimistes 
d'Industrie, quand la force des choses leur mettra 
en mains, à leur tour, la responsabilité de conduire 
les usines, d'y laisser entrer plus de visiteurs en 

- état de comprendre. A quoi bon tant de secrets 
chimiques pour les nouveaux venus, alors que les 


toujours informés? 


Le nombre des travaux de Chimie organique est 
immense et admirablement repertorié dans les 
Centralblatt; on peut donc en parcourir tous les 
extraits ou se reporter aux mémoires originaux. 
En lisant tout cela avec conscience, un homme du 
métier est frappé de la pauvreté de ces écrits. 

L'idée d’un inventeur véritable se manifeste de 
loin en loin; elle est intéressante, mais donne nais- 
sance à des milliers de mémoires sur des cas 
particuliers, qui ne le sont plus. Soyons plus précis: 
ces cas ont un petit intérêt; mais, au lieu de les 
exposer en de longues pages, il faudrait les réduire 
à six lignes de constantes référées à la page et au 
numéro que cela devrait prendre dans une pro- 
chaine édition du Répertoire court et apprécié de 
Beilstein. Le /eilstein serait toujours rédigé 
d'avance et, selon la phrase facile dont on abuse : 
on y comblerait une lacune. 

C'est sans doute par plus pelits volumes que, dans 
l'avenir, sera constitué un Zeïlstein, isolant ainsi 
les grandes fonctions, les dérivés à corps simples 
peu usuels, les questions à l'élude telles que celles 
des terpènes ou des albuminoïdes. En conservant 
le cadre d'ensemble, on se rapprocherait plus des 
groupes monographiques, et on lui laisserait, au 
besoin, des pages blanches à chaque chapitre. Une 
œuvre ainsi conçue préparerait les documents 
épars pour un esprit conslitué comme le fut celui 
de Gerhardt. Dès à présent, les documents moyens 
sont plutôt surabondants. 

En Chimie organique, les affirmations verbales 
de nomenclature continuent. Le Congrès de Genève 
avait voulu créer une langue systématique dont il 
est peu resté parce que l’expérimentalion produit 
plus de matières compliquées qu'un grammairien 
ne peut introduire de formes utiles dans sa syn- 
taxe. Je continue à penser que des formules indé- 
finiment variables se lisent, mais ne se parlent 
pas. On n'immobilisa pas une langue vivante. 
Aussi chaque auteur prend-il de plus en plus la 
liberté de créer des néologismes qui forment, pour 
son travail journalier, une sorte d’ « argot » pas- 
sager et excellent, pourvu qu'on n’en veuille pas 
embarrasser la science classique. Je relève les 
noms de « chalcone », de « prozane », de « méthé- 
bénol » pour cette année. Une vue large de l'évolu- 
tion chimique exige déjà beaucoup de temps; espé- 
rons que les nouveaux chimistes n'abandonneront 
pas la proie pour contempler ces ombres faciles. 

Assurément, de grands progrès se sont accom- 
plis dans l'étude des isoméries. D'abord considé- 


136 


A. ÉTARD — REVUE ANNUELLE DE CHIMIE 


rées comme les différentes manières d'écrire une 
formule plane — sur le plan du papier — on a 
pensé aux formules à trois dimensions; de là, la 
Stéréochimie et l'isomérie optique. Tout cela reste 
‘sans mouvement. C'est un pavage en relief, angu- 
leux, mais inerte. Dès le début, M. Berthelot, avec 
ses vues d'ensemble, concevait l'isomérie dyna- 
mique, démontrée par le calorimètre. Ce sont ces 
isomères fragiles, en perpétuel état de « migration 
moléculaire », gardant la même composilion, mais 
changeant de propriétés du jour au lendemain, 
parce qu'on les a simplement mis au jour, laissés 
attendre, chauffés, électrisés ou dissous. Et voici 
encore un néologisme : c'est l« alloergie » qui 
produit tout cela. Peu importe, les chiffres obtenus 
au calorimètre sont susceptibles d'être traduits en 
kilogrammètres ou en walts, et, provisoirement 
contents des images, nous devinons les isomères 
chargés et travaillant à circuit ouvert ou fermé 
comme des accumulaleurs. 

Les synthèses chimiques complexes se font 
maintenant avec une extrême facilité, et de là 
résultent souvent des corps doués de pouvoir rota- 
loire, mais inaclifs par compensation De nom- 
breux travaux se font maintenant pour isoler les 
composants actifs. Dans notre temps de rapide 
production, les questions chimiques à l’ordre du 
jour se rapportent à la détermination exacte des 
faits pour qu'il n'y ait plus lieu d'y revenir. Cela 
est louable, mais il conviendrait de ne pas voir, 
dans la séparation des isomères optiques ou anli- 
podes par solubililé, une tendance nouvelle. Cette 
attaque de la question des antipodes peut êlre 
extrêmement ingénieuse dans sa technique, mais 
ne présente que des variantes de la méthode de 
Pasteur sur la solubilité des tartrates d’alcaloïdes 
actifs. Sur ce terrain, de réels progrès sont faits, 
et le mécanisme de la séparation est de mieux en 
mieux connu. W.-J, Pope et S.-J. Peachey' consi- 
dèrent l'acide dextrocamphosulfurique de Rey- 
chler comme préférable à l'acide tartrique pour la 
séparation des bases inaclives par compensation. 
En outre, la séparation se fait mieux en saturant 
exactement deux molécules de base par un mé- 
lange équimoléculaire d’acide chlorhydrique el de 
l'acide actif. Le détail de ces préparations et sur- 
tout la longueur des noms — il s’agit du dextro-v- 
bromo-camphosulfonate lévolétrahydroquinaldi - 
que — s'opposent à l'analyse complète d'un mé- 
moire long, mais parfaitement intéressant. 

Quand deux solides droit et gauche, — tels les 
acides lartiques — cristallisent ensemble, ils don- 
nent un « racémique » : l’activité optique tombe à 
zéro. D'ailleurs, les cristaux portent un signe na- 


! Chemical Society, décembre, 1899. 


turel de leur sens rotaloire. Les auteurs se sont 
demandé si, en mêlant en proportions moléculaires 
deux liquides ne différant que par leur sens, ils 
restaient en simple mixture dépourvue de rotation 
ou bien formaient un véritable composé « racé= 
mique » également neutre. En faveur de la combi= 


naison racémique, on ne peut retenir qu'un failm 


observé par Ladenburg : un mouvement thermique 
lors du mélange de la dextro et de la lévocitutine: 
Les autres caractères ne sont pas affectés. Cepen-" 
dant, le pouvoir rotatoire des matières actives 
varie du simple au triple, selon le dissolvant dont 
on fait usage pour l'observer. Ce fait, étroitement, 
comparable à celui de la multirotation, tient, selon 
les auteurs, à l'équilibre qui s'établit entre le corps. 
actif dissous et l’état d'agrégation moléculaire du 
dissolvant défini par les travaux de Ramsay et 
Shields. Cela dépend encore, selon T. M. Lowry', de” 
l'isomérie dynamique dont il est question plus 
haut. IL faut ajouter que bon nombre de bases 
métalliques ou de matières organiques compli- 
quées provoquent, selon les cas, des séparations" 
pratiques. 

Les procédés d'oxydalion sont toujours très in- 
téressants à connailre parce que chaque réaction a 
une manière d'être spécifique, et qu'en étudiant 
beaucoup dans cette voie nous aurons quelque» 
chance de connaitre le mécanisme chimique des” 
oxydations naturelles, diastasiques ou autres: 
Comme nouvel exemple de curieuse spécificité, on. 
peut citer l'action du réactif de Caro sur les acé- 
tones. Ce réactif, mélange d'acide sulfurique con- 
centré et d'un persulfate, intercale un oxygène. 
dans les cycles cétoniques *. Soit l'exemple de la 
menthone : 


CHE — CO 
CH — CIS DC _ cr 
Nc re 
CHE — CO — 0 
S> CH—CH 


| 
N CHE — CHE — CH — CH, 


Ces travaux, encore peu avancés, laissent deviner 
le moyen d'ouvrir des cycles au point précis où 
l'acétone est devenue une lactone. Le camphre agit 
de même. L'acétone vulgaire donne un peroxyde 
explosif : 
(O 
OH CO) 
CU* 


L'oxydalion, l'hydrogénation, l'hydratation, la 
substitution et la condensation sont les cinq grands 
moyens de travail et de production en Chimie 
organique. Jusqu'à présent, tout cela s’est fait en. 


—_—_—_—_—_—_—______———————…—…—…—…—…….…—.….….…"…"……"—….—.….…"—….…—_—….….—…."…—…"_—_—_—_— 


! Chemical Society, 15, 21. < 
? Bagyer et Vizuicer : Berichte, t. XXXIL, p. 3625. 


PEU, 


A. ÉTARD — REVUE 


ANNUELLE DE CHIMIE 


137 


passant par des cycles compliqués et loujours en 
consommant une forte quantité de produits chi- 
miques. De plus en plus on s'efforce de réaliser ces 
travaux en utilisant directement l’énergie électri- 
que. Ainsi se font nombre de dérivés acides 
nitrés, amidés, etc. 

Par exemple, les réactions suivantes se font à 
l'électrode négative : 


CSHE — CO — CO — CH + H? = CSHS — CH(OH) — CO — C'HS 
TL ©" CR 


Benzyle. Benzoïne. 
2CSH"A20° + 8H = 4H°0 + CSH* — Az — Az — CH* 
| | 
CHS CH$ CH* 
ne D... 
Nitrotoluène. Dérivé azoté. 


Le progrès en toule chose est si lent qu'on ne 
peut affirmer que l'application directe de l'énergie 
libérée ait supplanté les moyens chimiques. Il y a 
lieu toutefois d'espérer et de beaucoup espérer. 

Souvent les visées industrielles et commerciales 
ont été la vérilable cause des progrès rapides 
d'une branche de la Chimie organique. C’est là un 
fait connu et nullement une crilique. L’ensemble 
de la Chimie organique doit beaucoup au succès 
financier des couleurs dites d'aniline. Mais aussi, 
des considérations économiques agissent en sens 
inverse: si je ne me trompe, l'activité, un peu 
moins grande, de quelques branches de la Chimie 
organique tient à ces raisons. 

Les matières colorantes ont conduit à des succès 
tels que le nombre des chercheurs s’est accru. De 
ce fait la question a été mieux connue et même 
soumise à cetle étude « exhaustive » qui l’a un peu 


épuisée. Les bonnes couleurs du début subsistent; 


un petit nombre d'autres seulement s'y sont ajou- 
tées : il suffit de les mélanger pour avoir une 
bonne palette. Pendant ce temps, les milliers de 
couleurs trouvées tombent dans l'oubli. I] faut dire 
aussi qu'une élude rationnelle à fait baisser le 
prix des colorants vraiment pratiques.et que les 
antiques couleurs végétales qui donnaient tant de 
splendeur aux costumes anciens, ne sont pas 
mortes, lants’en faut. 

Les parfums, il y à vingt ans, nous Pie un 
monde inconnu; aujourd’hui, il nous reste déjà 
moins d'espoir de créer des sensalions olfactives 
inédites par des coups de synthèse simple. Puis, à 
supposer qu'on vienne à créer une infinité de 
nuances parfumées, notre organe percepteur ne 
peut de suite s'y accoutumer. Lié de tout temps au 
monde naturel, l'odorat ne tiendra pas pour 
agréables ‘tous les produits chimiques que nous 
sommes capables de faire. Et, dans ce monde na- 
turel, nous connaissons déjà la plupart des formules 
peu nombreuses qui forment les parfums. D'abord 
on n’a cru voir que des entités odorantes chimi- 


_quement définies, comme la vanilline, la couma- 


rine, le rhodinol... De là un élan de recherches. 
Mais la nature compose les parfums, dont chaque 
“fleur à adopté et conserve toujours la mode, avec 
des drogues simples. 
Il paraît acquis ! que l'essence naturelle de 
jasmin — un parfum de fleur s'il en fût — est un 
composé de 


Into} CHTAZ AE Trac ein OT 
Jasmine C'8H1502, S 3,0 
Anthranilate de méthyle € sp. \z02. ,0,5 
Acétate de benzyle C’H!0*. 65,0 
Acétate de linalyle C'?H?%0?, 1,5 
Alcool benzylique C'HSO . ET MEN 
AlCoolbnalorque CAO PEAR 04515 


C'est bien là une composition où, dans de fortes 
quantités de dérivés benzyliques ou linaloïques, la 
Nature, comme un parfumeur en vogue, met à 
propos de minimes doses d'autres drogues égale- 
ment connues. 

Ici les plantes donnent des masses énormes 
d'huiles à odeur parfois repoussante, mais d'où 
l’on sait extraire les constituants des parfums es- 
timés. Il y a moins à chercher des nouveautés 
chimiques qu à séparer des constituants dépréciés 
pour les mélanger de nouveau selon des propor- 
tions demandées. À ce point de vue, n'est-il pas 
curieux de savoir que la coumarine, malière sim- 
ple qu'on fait très facilement de pleine synthèse, 
est encore produite à bon compté par une orchidée 
du Mexique ? 

L'étude pas donné grand 
chose Je crois bien que le souci, 
pour tous les Dforloires s, de mener leurs affaires 
courantes tout en préparant des produits d'Ex- 
position a restreint les travaux; mais aussi, en se 
plaçant comme pour les couleurs et les parfums 
au point de vue de la production, on croit voir les 
mêmes effets. Un grand effort de travail a été fait 
pour créer de synthèse plus de dérivés médicamen- 
teux que nos organes n'en peuvent supporter. Le 
chloroforme, l'antipyrine, le sulfonal, le salicylate 
et quelques autres bienfaits artificiels sont con- 
sacrés par un usage prolongé. Mais, fort heureu- 
sement, on ne mange pas des masses notables de 
médicaments aclifs. Les maladies susceptibles 
d’être traitées avec succès ne le sont qu'avec un 
bien petit nombre de produits chimiques. L'im- 
mense effort qu'il reste à faire à la Chimie orga- 
nique dans ce domaine, ne doit pas nécessairement 
se réaliser dans des fabriques. Les opiacés et la 
quinine sont l'objet de cultures méthodiques. 
L'éducation de ces plantes en vue de produire 
beaucoup d'alcaloïdes n'apparaît pas plus extra- 
ordinaire que celle de la betterave sucrière, et 
alors le végétal créera sans doute plus économi- 


des Duldides n'a 


celte année 


‘ Hesse, Berichte, t. 32, p. 565, 165, 2.611. 


158 


A. ÉTARD — REVUE ANNUELLE DE CHIMIE 


quement les poisons compliquées que ne pourra le 
faire une usine. Puis une autre évolution s’est ac- 


complie par l'intervention pastorienne ; les grandes : 


maladies portent en elles leur principe de guérison: 
quelques centimètres cubes d'une sérosité anti- 
diphtérique, produite en abondance par des chevaux 
vaecinés à cet effet, supprime le croup plus vite 
qu'une série de médicaments et de soins éclairés. 
Divers maux ont déjà leur antidote ou contre-poison 
certain, et cela débute. Ce n’est plus dans le sens 
de la consommation des produits chimiques que 
se fait le progrès. Le principe de la conservation 
de l'énergie ne se dément pas pour la Chimie orga- 
nique : il se transforme. Les couleurs, les médica- 
ments et les parfums semblent avoir un avenir plus 
étroit qu'on n'avait pensé.Mais une étude deplus en 
plus approfondie de la Chimie organique théorique 
et pralique est exigée du monde moderne dans un 
autre but; si tous ces produits dont nous avons parlé 
peuvent échapper à l'usine de synthèse, ils devront 
sortir de l'usine d'extraction. À mesure que des 
hommes sont soustrails aux dures besognes tradi- 
tionnelles, d’autres se forment, dansles laboratoires, 
pour diriger le travail des machines et des êtres en 
vue de produire plus de matière alibile, de la pré- 
server, de la transporter et de diminuer pour tous 
cette somme de souffrance qui, autrefois, paraissait 
un mal nécessaire. 

La puissance scientifique me parait, dans une 
certaine mesure, indéfinie pour extraire et con- 
server, non pour créer économiquement. Pour les 
synthèses, on ne dispose que de la houille, du bois, 
du pétrole, de l'air, et de l’eau. Et la Nature trans- 
forme ces choses bien plus adroitement que nous. 

En raison de la simplicité de formule des bases 
hexoniques, on ne pouvait manquer d'en rechercher 
la constitution et au besoin d'en faire la synthèse. 
Selon À. Ellinger ‘, la lysine, acide diamidocaproï- 
que des Lissus vivants, se convertirait par putré- 
faction en cadavérine : 


A2H?— CH? — CH°— CH* — CH°— CH° — AzH°. 


L'argynine CH'#Az‘0*, autre constituant des pro- 
toplasmas, que l’eau de baryte sépare en urée el 
acide diamidovalerianique, a été reconstituée par 
MM. E. Schulze et Weinterstein . L’acide diamido- 
valerianique et la cyanamide engendrent à leur 
tour l’argynine : 


AH = C — AzH — CH? — CH? — CH? — CH — COH 
| 
le AZI 


Sans doute le mot de bases hexoniques, qui se 
trouvait convenir aux premières bases en C° qu'on 


1 Berichte, t. XXXAI, p. 3542. 
2 Berichte, t. XXXII, p. 3191. 


a découvertes, ne devra pas être pris Lrop à la lettre 
En réalité, si l’argynine a six carbones, il n’y en 
a que cinq en continuité formant le vrai radical 
de la formule. Tout cela se passera vraisemblable= 
ment, comme pour les sucres, avec un peu plus” 
de complication introduites par les azotes; il se 
fera des divisions comme celles des pentoses, des 
heptoses et leurs polymères. 
L'étude de la morphine achemine peu à peu les 
chimistes vers la synthèse. La matière précieuse 
qui suspend pour des temps assez longs la douleur, 
a une formule très complexe, seulement probable « 
et un peu imprécise; mais c'esl déjà un grand point 
que deux hommes aussi compétents que Knorr el 
von Gerichtlen continuent à s'accorder sur le schéma 
suivant d'un phénanthrène substitué : 


S Non: 
°°} cn 222 ons 
f À CH: 


NY | 
| 5 CH— 0 
OHCH — 


\NZ0H 


Avant peu d'années, des kilomètres de terre 
seront rendus à la production de la matière alibile,M 
la seule chose que l’homme ne puisse espérer faire 
de synthèse et dont il vit souvent avec parcimonie, 
quand il ne meurt pas de famine. 

Sur le cas de la quinine, on est moins avancé en … 
théorie; mais, en pratique, celte précieuse matière, . 
qui a valu 800 francs le kilo, ne vaut plus que 
60 francs. Ce résultat est dû à une culture métho-" 
dique, à une éducation de la plante par sélection … 
et, si la synthèse en usine intervient bientôt, ce 
qui se peut, nous aurons à enregistrer un grand … 
succès chimique sans doute, mais non pas une | 
conquête sur la fièvre ni un changement de travail . 
producteur. 

Il en est de même pour d’autres questions. Quel 
avantage aurons-nous d'ici longtemps à faire des 
terpènes si nous le pouvons jamais? L'exemple 
des sucres est là, très sensiblement connu, — je 
parle du saccharose; — on ne songe pas à tenter 
de nouveaux efforts pour produire le sucre, dont la 
betterave el la canne nous font un aliment pratique, 
landis que la synthèse nous le ramènerait à l'état 
de médicament coûteux. IL n’est pas dans mon 
esprit de médire de la Chimie, que j'aime trop, 
mais on ne peut demander à la science de l'homme 
que les choses rares et chères que la mine et la cul- 
ture ne peuvent donner. Il en va ainsi de la question 
de l'indigo : on en écrit beaucoup, diverses syn- 
thèses se font depuis vingt ans avec difficulté; 
mais l'indigotier poursuit toujours avec le plus 
grand succès économique celte synthèse qui nous 


A. ÉTARD — REVUE ANNUELLE DE CHIMIE 


139 


parait d'autant plus pénible qu'on y a dépensé des 
millions. Pour cet indigo, après l'acide phénylpro- 
piolique, on veut faire mieux et il se trouve que 
la production de matériaux simples, comme la 
phtalimide ou l'aldéhyde orthonitrobenzoïque, se 
présente encore comme des problèmes praliques 
non résolus. 

N'ayant pas a décrire l'infinité des cas particuliers 
et les procédés lechniques, le champ d'une Revue 
de Chimie organique se rétrécit chaque année. 
Peut-on encore intéresser les hommes de cullure 
générale en leur parlant des trois séries de dérivés 
aromaliques qu'on découvre par centaines? Je ne 
le crois pas. Les sucres aldéhydiques sont connus 
en grand nombre: mais il se peut que, dans Île 
monde vivant, existent divers sucres cétoniques. 
En tous cas, l'étude chimique de ces corps est 
importante et peu avancée, sauf dans le cas de 
Pancien lévulose, aujourd'hui fructose. Entre 
autres choses, c'est de l'examen de ces cétoses 
que s'occupe M. G. Bertrand, en les attaquant par 
les ferments dans les laboratoires de Chimie de 
linstitut Pasteur, pourvus du puissant outillage 
moderne. C'est ainsi qu'a été produit un sucre 
cétonique simple : l'érythrulose OHCIF — CO 
— CHOH— CH°0H!. 

Ce qui reste net el ouvert à notre besoin de 
science, ce sont, parmi les corps « non classés », 
de Gerhardt, les terpènes avec leurs résines, les 
« extractifs » et saponaires et les albuminoïdes, 
depuis ceux qui sont relativement simples jusqu'aux 
tissus épidermiques condensés comme des saccha- 
rides. Pour connaître ces matériaux liés à la vie, il 
faudra certes un temps bien plus long qu'il n’en 
a fallu pour acquérir notre peu de savoir sur de 
simples pyrogénés de nos séries grasse et cyclique. 


IT 


La Chimie minérale réserve toujours la surprise 
de corps simples nouveaux : en cela, elle touche à 
l'inconnu permanent de la Nature physique et 
permet d'attendre toute sorte de révélations. Les 
travaux de MM. Moissan, Ramsay, Curie ont rompu 
nos classifications et apporté de nouveaux sujets 
d'étude. Dans ce cas, nous ne puisons pas, ainsi 
-qu'il se passe en Chimie organique le plus souvent, 
dans le réservoir restreint de nos hypothèses, mais 
“dans l'infini naturel. 

Et si nous ne devinons de la sorte qu'une bien 
faible fraction des secrels qu'il nous sera donné de 
“connailre, au moins ne passons-nous pas notre 
temps .à tourner sans but théorique dans le cercle 
de notre propre pensée. 


Les grandes inventions qui émeuvent jusqu'au 
grand publie restent rares, bien que, dans ces der- 
nières années, on ait été favorisé d'une façon 
exceptionnelle : il n’est pas possible d'en écrire de 
nouveau les points marquants chaque année. 

Dans la Chimie physique et minérale de labora- 
toire, il en est de même. Les gaz de l'air, les 
rayons de Becquerel, les métaux radiants de Curie 
ont été décrits avec soin dans cette Æevue. 

L'étude laborieuse se poursuit sans qu’un détail 
de quelque généralité puisse provoquer de sur- 
prise. Comme en Chimie organique, l'Exposition a 
donné aux chercheurs, sinon du repos, au moins 
de tout autres occupations. Aucune Revue ne 
devrait peut-être s'écrire celte année, sinon pour 
rappeler le passé et dire que tous les laboratoires 
ont repris leur travail avec l'espoir de faire en ce 
siècle autant que dans l'autre. Malgré la formule 
rassurante et simple qui prétend que les sciences 
progressent en raison directe du carré des maté- 
riaux qu'elles accumulent, il serait heureux qu'or 
pût réaliser dans cent ans seulement la quantité 
de travail intellectuel et matériel qui à illustré les 
hommes du xix° siècle disparus ou vivant encore. 

Nous avons vu que les questions physico-miné- 
rales se développent de plus en plus. L’anhydride 
persulfurique $° 07, découvert en 1878 par M. Ber- 
thelot, a conduit à la fabrication des sels dont on 
entrevoit l'importance et dont la stabilité surprend 
nos préjugés. Le persulfate d'ammonium se pro- 
duit aujourd'hui par kilogrammes; on l'aurait fait 
depuis plus longtemps sans doute sans l'idée des 
atomicités fixes, de cette sorte de défense qui est 
faite à la Nature de permetlre des combinaisons 
imprévues pour une série où l’analogie avait, à 
notre sens, arrêté définilivement le rapport des 
combinaisons. Il n'a pas semblé aux expérimenta- 
leurs que l'acide persulfurique fût loujours le 
même, et dès lors MM. Martin Lowry et J. West * 
ont recherché la nature de ces combinaisons. 

Il a paru d’abord que des composés en série tels 
que xH?0* + ySO° prenaient naissance ; une 
étude plus complèle a montré que les effets obser- 
vés dépendent de la concentration en acide selon 
les conditions de préparation. Ces concentrations 
dépendent elles-mêmes d'un équilibre chimique où 
figurentles phases H°0, SO'H?,SO“H et H°0?. l'a forme 
de la courbe d'équilibre serait donnée par l’équa- 
tion du quatrième degré : 


SO'H _, il 
H20 — Ho / * 


Cela est un peu spécial et se résout par l'étude 
d'un cas particulier issu d'une théorie générale. A 


1 C, R:°1900, t. EXXX, p. 1330. 


1 J. of the Chem. Soc. 1900 p. 951. 


140 


A. ÉTARD — REVUE ANNUELLE DE CHIMIE 


un autre point de vue, celte question des acides du 
soufre commence à subir une importante trans- 
formation. 

L'acide sulfurique élait arrivé à une fabrication 
presque parfaile dans les encombrantes chambres 
de plomb bien connues. Mais il semble qu'un 
souffle nouveau bouleverse toutes nos idées de 
production chimique. Une très ancienne réaction, 
qui ne se réalisait que dans les cours de Faculté, a 
été reprise : l'acide sulfureux, qui n’est pas saturé, 
s'est montré plus combustible qu'on ne croyait; 
et, en faisant passer ce gaz dans un tube avec de 
l'oxygène en présence d’une matière de contact 
(l'ancienne action catalytique), on a de l’anhydride 
sulfurique solide : 


SO? +0—S0*. 


De longues études sur un dispositif et des con- 
ditions avoisinant ce qu'on appelle ie « tour de 
main chimique », vont révolutionner une industrie!. 
En effet, on n'aura plus à transporter, dans de dan- 
gereuses touries ou dans des cilernes flottantes, un 
liquide corrosif — le vitriol — mais des blocs 
solides et inoffensifs dans leurs boîtes en métal : de 
l'anhydride SO*. Quelques morceaux du plus im- 
portant des produits chimiques pourront acidifier 
de l'eau dans le centre des continents peu accessi- 
bles. 

Sur toute la Chimie minérale agit le même esprit 
de simplification. 

Pour le chlore et ses dérivés, il y a dix ans à 
peine, se faisait un puissant effort de recherches 
chimiques. Aujourd'hui, il semble bien que, pour 
faire la soude électrolytique correspondant à 23 ton- 
nes de sodium, on soit menacé de l'encombrement 
résultant de la production de 35 tonnes de chlore. 

Le monde ne peut indéfiniment consommer du 
chlore ni ses dérivés. Le siècle passé lègue cette 
abondance de biens ; aux autres à établir le détail 
et aussi l'équilibre de ces richesses de la science 
en vue d'un meilleur résultat général. 

Toute cette grande industrie minérale et phy- 
sique se lient, senchaine. Nous voyons encore 
bien peu dans ces questions, liées à tant d'intérêts 
de tout ordre, au déplacement de toutes les formes 
de richesse. On a commencé à sentir les premières 
atleintes de la pénurie du charbon, lequel n'existe, 
de science certaine, que dans de rares points d’un 
seul des terrains géologiques du globe. L'Amérique 
et même la Chine n’en donneront que pendant un 
temps limité. 

Mais déjà nous commençons à savoir capter 
avantageusement l'énergie du Soleil. C'était autre- 


‘ La Revue publiera dans son prochain numéro un im- 
portant article de M. A. Haller sur cette question. 


— 


fois une chimère, avant qu'on eût inslallé en 
grand, sur les eaux vives, des turbines, des alter= 
nateurs et des càbles. Avec un médiocre lorrent,s 
on peut concentrer dans un village, et à distance, la: 
puissance de plusieurs milliers de chevaux infali= 
gables, travaillant nuit et jour, pendant des mois" 
et des années. Ce fait est gros de conséquences 
chimiques. 1 

Grâce au four électrique de M. Moissan, dont le 
nom restera comme celui du créateur d’une évolu= 
lion physico-chimique, l'énergie solaire sera accu= 
mulée sous diverses formes. Sans essai de pro= 
phétie, — ce qui est toujours vain, — nous 
savons ce qui est déjà sorti de ce puissant appareil 
calorifique sous diverses formes. Le carbure dé“ 
calcium emmagasine presque directement la 
lumière solaire. 4 

Peu de métaux, bien peu, échappent à la réduc= 
tion et nous assistons au début de l'action de ces 
tempéralures. . 

En même temps toute une métallurgie par 
électrolyse voie sèche nous apparait : tel est le cas 
du magnésium et surtout de l'aluminium. Mais, ici 
encore, il s'agit de mettre en barres un peu de 
l'activité du monde solaire. L'aluminium consomme 
en se formant une grande quantité d'énergie. 

‘De là est née l’alumino-thermie. M. Moissan, 
sans doute préoccupé de ne pas introduire de 
carbone dans les métaux, ce qui a lieu toujours en 
les réduisant par le charbon selon l'usage, imagina 
de jeter de l’oxyde de chrome sur un bain d'alu 
minium fondu. Plus tard M. Goldschmidt élablit 
sur celte idée l’alumino-thermie pratique. LE 
limaille d'aluminium et l'oxyde de chrome allumés 
en un point par une cartouche très oxydante a 
bioxyde de baryum continuent à brûler en grandes 
masses, selon une loi thermochimique : ilse fait du 1 
chrome fondu et une scorie de rubis: 


Cr°05 + AI — AI°05 + 2Cr. 


Et l'on peut, par cette simplification, faire des 
tonnes de métal sans gaz, sans fumée, presque dans 
des appareils de salon. 

La classification étroite des sciences, si brille 
ment cataloguées par Auguste Comte, fut passagère; 
les idées, moins systémaliques, de Cournot l’er 
portent. Il ne reste plus comme directions irréduc= 
tibles que les sciences de l'Esprit et celles de là 
Nature. Dans ces dernières, il y a quelque chose de 
comparable à une ligne de partage des eaux ent 
deux plaines infinies. Du sommet nous regardons 
l'étendue mystérieuse des phénomènes physiques 
et matériels; de l’autre le mystère de la vie. 


A. Etard 


Examinateur de sortie à l'Ecole Polytechnique; 
Chef de Service à l'Institut Pasteur, = 


BIBLIOGRAPHIE — ANALYSES ET INDEX l 


= 


BIBLIOGRAPHIE 


ANALYSES ET INDEX 


1° Sciences mathématiques 


Lavergne (Gérard). — Manuel théorique et pra- 
tique de l'Automobile sur route. — 1 vol. de 
722 pages et329 fiqures (Prix: 17 fr. 50) — Ch. Béran- 
ger, éditeur. Paris, 1900. 

M. Lavergne n’est pas un inconnu pour les lecteurs 
de la Revue qui, depuis longtemps, ont su apprécier 
en lui le savoir de l'ingénieur autant que le style serré 
et concis de l'écrivain. Son ouvrage actuel peut être 
considéré comme un des documents les plus complets 
publiés sur cette nouvelle industrie de l'automobilisme, 
qui prend tous les jours plus d'importance. On y 
retrouve naturellement les qualités de précision du 

mathématicien qui n'avance aucun chiffre à la légère 
et base tous ses calculs sur des données expérimentales. 

Les exemples pratiques abondent, qui viennent justifier 

les résultats trouvés par le calcul, et la classification 

très nette adoptée par l’auteur est de nature à jeter 
des bases solides dans l'esprit du futur adhérent au 
nouveau genre de sport. Pour faire l'analyse d’un tel 
livre ou même en énoncer seulement les chapitres, il fau- 
drait un espace considérable ; nous nous bornerons donc 
à en signaler seulement les points les plus saillants. 

Au début de son ouvrage, M. Lavergne prend la pré- 
caution d'initier son lecteur aux termes techniques 
qu’il emploiera à presque toutes les pages. Cet exemple 
devrait bien être suivi par les auteurs de tousles livres 
techuiques qui s'adressent au grand public. Puis, après 
quelques mots d'historique, indispensables à toute 
science, il entre immédiatement au cœur de son sujet. 
Les trois agents d'énergie auxquels l’automobilisme 
peut avoir recours jusqu'ici sont : la vapeur, le pétrole 
et l'électricité. Les organes qui les engendrent et ceux 
qui les mettentensuile en œuvre seront donc étudiés dans 
l'ordre précédent, et leurs caractéristiques discutées. 

Parmi les chaudières à vapeur, le système aqua- 
tubulaire est préléré avec chauffage par combustibles 
liquides ; et, puisque les moteurs rotatifs ne sont pas 
encore pratiques, et que les turbines ne sont pas appli- 
cables en raison de leur trop grande vitesse, on est 
forcé de se rabattre sur des moteurs alternatifs à 
cylindres fixes multiples, à simple ou à double expan- 
sion, dont le surchauffage des enveloppes et l’adjonction 

- d'un condenseur à air pourront améliorer le rendement. 

Tous ces organes relativement pesants conviendront 

spécialement pour la traction des véhicules lourds. 

Avec le pétrole lampant ou l'essence de pétrole, il faut 
avoir recours aux carburateurs : Les plus perfectionnés 
parmi les appareils de ce genre sont les carburateurs 
à pulvérisation qui s'adaptent aux voitures et non aux 

-motocycles. Quant aux moteurs, ils appartiennent tous 
au type à compression et à explosion, avec distribution 
par soupapes automatiques, sauf dans les moteurs 

Loyal et Dufour. La régulation s'obtient lors des varia- 

tions de charge, en modifiant soit la quantité d'essence 

admise dans le carburateur ou dans la chambre d’aspi- 
ration, soit la quantité du mélange carburé admis dans 
le cylindre, soit enfin le dosage du mélange carburé. 

Un constructeur même fait varier la compression en rai- 

son inverse de la richesse du mélange, en constituant le 

fond de la culasse du cylindre par un piston mobile. 

L'allumage du mélange explosif s'obtient généralement 

avec une étincelle d'induction produite par une pile 

sèche. Un des moteurs à essence les plus intéressants 
à signaler est celui imaginé par MM. Gobron et Brillié, 
qui évite toute trépidation de la voiture par la combi- 
naison heureuse de deux pistons travaillant en sens 


REVUE GÉNÉRALE DES SCIENCES, 1901. 


inverse l’un de l'autre : c'est un système absolument 
analogue à celui du moteur von OEchelhauser, dont la 
stabilité en marche, même avec des unités de très 
grande puissance, est si remarquée. Les moteurs 
rotatifs, avec l’essence de pétrole pas plus qu'avec la 
vapeur, ne sont arrivés à un degré de perfection les 
rendant pratiques, et la solution du problème paraît 
encore bien lointaine. En résumé, les moteurs à essence 
présentent généralement le grave défaut de manquer 
d'élasticité et c’est surtout dans les organes de réglage 
qu'il y a lieu de rechercher les améliorations. 

Au point de vue électrique, les accumulateurs sont 
les seuls générateurs applicables aux automobiles, si 
l'on fait abstraction du si intéressant essai d'utilisation 
du trolley que tout le monde a pu admirer à l’Exposi- 
tion de Vincennes. L'auteur passe en revue les différents 
accumulateurs employés et donne la préférence au 
couple plomb-plomb avec eau acidulée sulfurique. Un 
calcul détaillé fait très bien ressortir la possibilité éco- 
nomique d’un tel mode de locomotion et les différents 
concours de fiacres qui ont eu lieu sont venus pleine- 
ment confirmer la réalité de ces chiffres. Quant au 
moteur électrique, son avantage sur tous les autres 
systèmes de moteurs, au point de vue de la traction, 
n'est plus discutable. C’est la machine automobile par 
excellence, jouissant à la fois du mouvement rotatif, 
de l'élasticité et de l’autorégulation, qui sont autant de 
gages précieux de sécurité pendant le marche. 

Dans un chapitre très condensé sont résumés les 
avantages et inconvénients des trois éléments d'énergie. 
La lecture attentive de ce passage du livre redressera 
bien des erreurs ou des idées préconçues. 

On entre ensuite dans les domaines du constructeur 
et de l'acheteur. Veut-on calculer la puissance qu’il est 
nécessaire de donner à un moteur pour que la voiture 
qu'il actionnera réponde à des conditions imposées, ou 
désire-t-on se rendre compte de la puissance d’un mo- 
teur existant, par exemple, au moment de la réception? 
Les deux cas ont été prévus et les questions résolues. 

La seconde partie du livre traite des transmissions, 
c'est-à-dire des organes intermédiaires reliant le moteur 
au véhicule lui-même. C’est un cours de Mécanique 
spécialement approprié au sujet: la nécessité des trans- 
missions est justifiée par l'obligation de modifier la 
vitesse de marche, de faire reculer la voiture, de dé- 
brayer le moteur et d'assurer l'indépendance des roues 
motrices, lors des virages. M. Lavergne a décritavec beau- 
coup de détails les différentes sortes d'embrayages, les 
plateaux de friction, les courroies, les engrenages, les 
engrenages différentiels, les encliquetages, les chaînes 
Galle, les chaines Renolds, les systèmes acatènes, etc. 
Les assemblages divers de ces organes varient suivant 
les systèmes de voiture, qui sont tous passés très cons- 
ciencieusement en revue. 

Le véhicule comprend les essieux, les roues, les ban- 
dages et sur chacun de ces éléments on trouve, dans 
l'ouvrage de M. Lavergne, tout ce qu’on en peut dire. 
L'étude des bandages, en particulier, présente un gros 
intérêt : elle montre la tendance manifeste à se servir 
du caoutchouc, même pour les voitures lourdes. Vien- 
nent ensuite : la fabrication des ressorts si utiles à la 
suspension, celles du châssis et de la caisse; et, à ce 
propos, l’auteur discute comment le carrossier doit com- 
prendre l'esthétique de sa voiture, tout en se confor- 
mant aux principes de l'ingénieur: il conseille d'éviter 
les larges surfaces transversales qui peuvent accroître 
bien vite le travail imposé aux moteurs pour la propul- 
sion rapide du véhicule et propose la disposition en bi- 
seau des glaces placées sur l'avant des voitures et pour 


++ 


142 


BIBLIOGRAPHIE — ANALYSES ET INDEX 


la caisse même la forme de proue, qui, par une heu- 
reuse coïncidence, semble devoir complaire à l'œil qui, 
par habitude, recherche toujours le cheval. Des freins 
agissant soit sur les bandages, soit sur des poulies, des 
appareils mécaniques de graissage complètent la liste 
des organes qu'on peut rencontrer dans une voiture 
automobile. 

Une troisième partie décrit, dans tous leurs détails, 
les nombreux systèmes de voitures, et le lecteur, bien 
initié à la connaissance de chaque élément, en par- 
court toutes les pages avec fruit et sans fatigue. Ce sont 
d'abord les véhicules à vapeur comprenant les omnibus, 
camions et tracteurs; les voitures légères et les avant- 
trains moteurs. Parmi les véhicules à pétrole se succèdent 
les tricycles et quadricycles, les voiturettes, les tricycles 
et voiturettes de livraison, les voitures; enfin,on passe aux 
véhicules électriques, c’est-à-dire aux voitures, fiacres 
et cabs. Un système mixte, celui des véhicules pétroléo- 
électriques, semble assez logique, puisque l'électricité 
vient suppléer au manque d'élasticité du moteur à pé- 
trole, tandis que ce dernier permet d’emporter sur la 
voiture une grande quantité d'énergie dont le renouvel- 
lement est bien facile en cours de route. 

L'ouvrage se termine par le compte rendu très im- 
partial des résultats de tous les concours qui ont eu lieu 
depuis 189% et qui ont eu une si grande influence sur 
le développement de l’industrie nouvelle. En première 
ligne se place le concours de Paris-Rouen, dont, on se 
le rappelle, le prix fut partagé entre les maisons Pan- 
hard et Levassor et les fils de Peugeot frères ; puis, suc- 
cessivement, la course de Paris-Bordeaux où la voiture 
à pétrole Panhard accomplit, en 48 heures 47, un 
trajet de 1.200 kilomètres; la course Paris-Marseille 
(1711 kilomètres); celles de Paris-Amsterdam, de Nice- 
Castellane ; enfin, le tour de France. A côté des courses 
de vitesse, sont signalés les concours de poids lourds, 
les concours de fiacres et de voitures de livraison, les 
concours de moteurs et d’accumulateurs. Tous les 
détails en sont à lire pour celui qui veut suivre pas à 
pas les progrès de l’automobilisme. Il y éprouvera cer- 
tainement un léger sentiment de fierté nationale, en 
reconnaissant que cette industrie prit son essor prin- 
cipalement dans notre pays. Il faut savoir gré à 
M. Lavergne de l'avoir si bien montré. Son livre est 
utile et restera : c'est une étude didactique de premier 


ordre. EMILE DEMENGE, 
Ingénieur-métallurgiste, 


2° Sciences physiques 


Hiorns (Arthur H.), Directeur de l'Ecole de Métal- 
lurgie de « Birmingham and Midland Institute ». — 
Les Alliages métalliques. (Traduction augmentée 
d'un appendice par M. 9. Bounouarn, Préparateur 
au Collège de France, avec une préface de M. H. Le 
CHATELIER, /ngénieur en chef des Mines.) — 4 vol. 
1n-8° de kkk pages avec figures. (Prix : 10 francs.) 
G. Steinheil, éditeur, Paris, 4901. 

L'étude des alliages métalliques a fait l'objet, dans 
ces dernières années, de Mémoires nombreux et impor- 
tants, et s'est développée au point de constituer une 
branche nouvelle de la Science, la Métallographie. Mais 
ce mouvement scientifique, provoqué principalement 
par les travaux de M. H. Le Chtelier, est de date toute 
récente. Les résultats obtenus, tout en donnant une 
orientation nettement scientifique à des questions qui 
n'élaient traitées jusqu'ici que d'une manière grossiè- 
rement empirique, sont encore insuffisants pour per- 
mettre d'édilier une théorie générale et définitive ; ils 
suffisent à démontrer que la Métallurgie estune science 
comme une autre et non un art réservé à quelques 
spécialistes qui dissimulent leur ignorance en parlant 
de secrets de fabrication; mais ils ne permettent pas 
encore de donner à cette science une forme suffisam- 
ment précise pour être traduite immédiatement en 
applications pratiques. 

Les traités relatifs aux alliages, pour la plupart anté- 


rieurs aux travaux auxquels nous faisons allusion, 
et qui ne sont que des collections de faits et d'obserz 
valions, gardent donc encore leur intérêt, au moins à 
titre de documents. M. Boudouard a donc fait œuvre 
utile en nous donnant une traduction du livre de 
M. Hiorns, qui mérite une place à part parmi les ouvra= 
ges consacrés aux alliages métalliques. M. Le Chatelier 
le caractérise ainsi dans une très intéressante préface 
placée en tête de la traduction de M. Boudouard : 
« La précision des détails, la variété des formules 
contenues dans cet ouvrage inspirent à première vue 
une confiance dont nous avons pu contrôler le bien 
fondé sur différents points qui nous étaient plus parti- 
culièrement connus. Ce n'est certainement pas un 
ouvrage bien rédigé; il manque d'ordre, il est sur- 
chargé de répétitions, et pourtant la lecture en est 
attrayante. Il a une certaine saveur de vieux bouquin; 
on y trouve des collections de recettes sentant leur 
alchimie, qui font bien comprendre ce qu'a été cette 
industrie des alliages et comment elle s’est développée. 
Ce livre clôt une longue période de tälonnements em= 
piriques; il en fait connaître les résultats avec toute l& 
précision que comporte le sujet. » Ë 
M. Boudouard a fort heureusement complété le livre 
de M. Hiorns par un appendice dans lequel il résume 
les travaux récents sur les alliages métalliques et 
montre bien l'orientation nouvelle que prend mainte=M 


nant la question. G. Cuarpy, 
Docteur ès sciences. 


Richaud (Albert), Pharmacien en chef de l'Hospice 
d'Ivry.— Recherches physiologiques sur l’inulase 
et l’inuline. (Thèse de la Faculté des Sciences de 
Paris). — 1 brochure in-8° de 94 pages. G. Carré et 
C. Naud, éditeurs. Paris, 1900. ” 
L'inuline est un corps voisin de l’amidon, qu'on ren= 

contre, sous forme de réserve, dans un assez graud 
nombre de végétaux. Elle constitue la masse principales 
des lubercules de topinambour, des fonds d'artichaut, 
des gousses d'ail, etc. Elle joue donc un rôle assez 
important aussi bien dans la nutrition des animaux que 
dans celle des plantes. Or, il arrive, comme pour les 
autres hydrates de carbone complexes, que l'inuline 
n'est pas directement assimilable par l'organisme. Dans 
sa thèse, M. Richaud l’a montré pour le chien et le lapin: 
quand on injecte l’inuline en solution aqueuse dansles 
veines de ces animaux, on la retrouve presque tout 
entière dans les urines. 

Chez les plantes, par exemple chez les tubercules de 
topinambour, au moment de la germination, l'inuline 
est d'abord transformée en sucre, en lévulose, sous 
l'influence d’un ferment soluble particulier, que Grüss 
a désigné sous le nom d’rnulase. È s 

Un tel ferment intervient-il aussi dans la digestion des 
l'inuline par les animaux? C'est la question principale 
résolue par les recherches de M. Richaud. En opérant 
sur le bœuf, le chien, le lapin et le canard, l’inulase n'a 
pu être décelée dans aucune partie de l'appareil dt 
gestif, mème quand ces animaux avaient été soumis 
durant une assez longue période au régime inulacé. , 

C'est le suc gastrique, agissant en vertu de son acis 
dité, et seulement en vertu de son acidité, qui est l agent 
physiologique normal de la saccharification de l'inu- 
line. On s'explique très bien ce phénomène quand on 
étudie l'action de l'acide chlorhydrique sur l'inuline : 
même à des dilutions inférieures à celles où il existe 
dans le sue gastrique, l'acide chlorhydrique transforme 
l'inuline en lévulose dès la température du corps. Ces, 
résultats ont été confirmés presque au même moment 
par MM. Biéri et Portier (CG. /?. Soc. Biol., mai 1900). 

On voit par là combien il faut être prudent dans la 
généralisation des processus d'ordre chimico-biologiquess 
Sans doute, en s'appuyant sur l'existence des diverses 
diastases digestives : amylolytiques, pepsiques, lipa= 
siques, etc., chez les Animaux et les Plantes, on pou= 
vait croire qu'il en serait de même pour l'inulase. 
Les faits rapportés plus haut établissent nettement qu'il 


BIBLIOGRAPHIE — ANALYSES ET INDEX 


143 


n'en est pas ainsi, qu'une même transformation chi- 

mique peut être réalisée de manière différente chez les 
- deux groupes d'êtres vivants. 

La thèse de M. Richaud renferme encore quelques 
expériences relatives à la spécificité de l'inulase, à 
l’action de divers agents physiques et chimiques sur ce 
ferment, enfin à l'influence négative du régime inulacé 
sur la formation et la nature du glycogène hépatique. 
Bien que sommaires, elles méritent d'être signalées, 
car elles complètent d’une manière utile l'étude prin- 
cipale entreprise par l’auteur. 


GABRIEL BERTRAND, 
Chef de Service à l'Institut Pasteur. 


3° Sciences naturelles 


Cord (E.-G.) et Viré (A.). — La Lozère. Causses et 
gorges du Tarn. GUID£ DU TOURISTE, DU NATURALISTE 
ET DE L'ARCHÉOLOGUE. — À vol. in-16 de la Collection 
des Guides Boule, avec 87 dessins ou photographies, 
4 cartes en couleurs, (Prix, cartonné toile : 4 fr. 50.) 
Masson et Ci, éditeurs. Paris, 1900. 

L'an dernier paraissait un livre ayant pour titre : « Le 
Cantal, guide illustré du tour du naturaliste et de 
larchéologue », dont les auteurs étaient deux Cantaliens 
d'origine : MM. Boule et Farges. Ce livre, à la fois 
guide et monographie, constituait une innovation des 
plus heureuses, car les auteurs avaient rompu avec les 
méthodes surannées usitées dans la rédaction des 
anciens guides. 

On se bornait en effet, dans ces derniers, à une énu- 
mération, très souvent aride, de ce qu'on voyait super- 
ficiellement. Les traits spéciaux d'un paysage, son 
véritable caractère étaient remplacés fréquemment par 
un morceau littéraire qui pouvait s'appliquer à mille 
paysages plus ou moins semblables. On ne se deman- 
dait pas pourquoi telle contrée avait un cachet si spé- 
cial, pourquoi telle rivière était torrentueuse, telle vallée 
large et peu profonde, telle autre étroite et fortement 
encaissée; on ne cherchait pas à expliquer la richesse 
minérale, industrielle ou agricole d'un pays; on se 
bornait à une simple constatation; on ne se deman- 
dait pas quels facteurs avaient pu influer sur la race 
d'une région, sur sa faune et sa flore, ete., etc. En 
revanche, le touriste devait se pâmer devant certains 
paysages et certains monuments. Le reste ne comptait 
pas ou était de médiocre importance. 

Les auteurs du Cantal ont voulu transformer l'éduca- 
- tion du touriste; ils ont voulu que son esprit eût autant 
de joie que ses yeux. 

… Ils ne se bornent pas, en effet, à enregistrer ce 

mquils voient; ils se demandent le pourquoi des 

choses; ils expliquent et ils commentent ce qu'ils 

décrivent. Ils obligent ainsi le lecteur à réfléchir et à 

“raisonner et, en ce faisant, ils l'instruisent. Ils ne 

s'adressent pas seulement à sa mémoire; ils demandent 

aussi un effort à son intelligence. Et ainsi ils multi- 
plient pour lui l'attrait et les profits du voyage. 

Les auteurs ont suivi l’évolution profonde subie par 

les études géographiques dans ces dernières années. 

Le succès du Cantal à décidé M. Bcule, un savant 
qui sait écrire simplement et rendre accessibles à tous 
des questions même ardues, à entreprendre la publi- 

“cation de guides analogues pour toutes les régions 

françaises. Les auteurs de ces guides joindront à la par- 

“faite connaissance d'un pays qui sera généralement 

le leur, des titres scientifiques ou littéraires éprouvés. 

—._ Le second volume de cette collection a trait à 

“la Lozère, un*des départements les plus pittoresques de 

“France et dans lequel les paysages présentent la plus 

grande opposition. 

—…. J'ai eu l'occasion de parcourir ce département avec 

les membres du Congrès géologique international, en 

“raversant deux fois lu Margeride, en suivant toutes la 

“région des Causses, les gorges si curieuses et si belles 

du Tarn et de la Jonte, el en terminant mon excursion 

dans le sud des Gévenues, à l'Aisoual, J'ai pu me rendre 

& 


Ja 


compte, livre en main, de la facon dont le Guide était 
composé, de son côté pralique, et goûter encore 
mieux l'attrait de la contrée que je visitais. J'ai constaté, 
avec plaisir, combien les auteurs, MM. E.-G. Cord et 
Viré, avaient su présenter habilement et simplement 
tout çe qui doit intéresser un touriste. 

Des cartes, de nombreuses et belles photogravures, 
des dessins au trait, viennent augmenter l'intérêt du 
livre et sont des souvenirs précieux pour le voyageur. 

En terminant, il convient de dire que l’œuvre de 
M. Boule sera considérable, car la série des Guides- 
monographies constituera une magnifique étude de 
notre pays et des moyens pratiques de le visiter. 

Nous sommes persuadé que ces Guides seront 
appréciés de toutes les personnes qui ne se contentent 
pas de voir, mais qui veulent comprendre ce qu'elles 
voient. Pu. GLANGEAUD, 


Maître de Conférences 
à l'Université de Clermont-Ferrand. 


Piolet (le R. P.) et Noufflard (Ch... — L'Empire 
colonial de la France : Madagascar, La Réunion, 
Mayotte, les Comores, Djibouti. (Préface de 
M. Cuaizcey-Bert). — 1 vol. 1n-4° de la Collection 
Courtellemont, avec figures. (Prix : broché, 22 fr.; 
relié, 21 fr.) Firmin-Didot et Ci et Aug. Chal- 
lamel, éditeurs. Paris, 1901. 

Ce livre est le premier volume d'une série d'ouvrages 
sur nos colonies, dont notre ami et collaborateur 
M. Gervais-Courtellemont à entrepris la publication. 

Nous signalons tout particulièrement à nos lecteurs 
la belle préface de l'ouvrage, qu'un autre de nos colla- 
borateurs, M. Chailley-Bert, a magistralement écrite. 
Il analyse la situation de notre empire colonial à la 
fin du xix° siècle avec la netteté et la précision qui 
sont la caractéristique de son talent. Il nous montre 
d'abord l'importance de cet empire, « acquis par nous 
presque en totalité depuis 1880, d'une étendue de 
8 millions de kilomètres carrés, quinze fois grand comme 
la France continentale ». 

Il étudie successivement les intéressantes questions 
des groupes indigènes qui peuplent cet empire, son 
climat tropical, et déduit de ses observations le rôle que 
nous sommes appelés à y jouer, — d'où découle l'im- 
pulsion que nous devons donner à notre politique colo- 
niale. Il nous expose ses vues sur l’administralion colo- 
niale et constate les immenses progrès de l'idée 
coloniale dans l’opinion publique en France. 

M. Chailley-Bert cède alors la plume au P. Piolet, 
l'auteur de tant d'ouvrages appréciés sur Madagascar, 
qui nous décrit, avec une profonde connaissance des 
choses et des hommes de ce pays, d'abord la géogra- 
phie de l'ile, puis son histoire et les différentes étapes 
de la colonisation. Dans presque tout son récit, le 
P. Piolet oublie volontairement qu'il est missionnaire 
et nous parle de tout avec une grande indépendance et 
une liberté d'esprit dont on doit lui savoir gré. 

Des illustrations, véritablement merveilleuses de vie 
et de couleur locale, accompagnent le texie et le com- 
plètent harmonieusement. 

Après Madagascar, voici la Réunion, Mayotte et les 
Comores, par M. Ch. Noufflard, le distingué fonctionnaire 
de l'Office Colonial, qui a fait une étude particulière 
de ces îles. Le lecteur fait avec lui un voyage des plus 
agréables dans ces régions qui nous rappellent de 
glorieux souvenirs, de sombres journées el aussi de 
brillantes espérances. 

Du même auteur est le chapitre consacré à la Côte 
francaise des Somalis. Côte inhospitalière, déserte, et 
que nous nous ingénions à développer, dans l’espé- 
tance de destinées plus ou moins lointaines ou plus 
où moins certaines, mais avec une persévérance véri- 
tablement digne d'éloge. 

L'ensemble de ce premier volume nous fait bien 
augurer de l'œuvre entière, Elle fera connaître et, par 
conséquent, aimer nos colonies dans uñ motide qui 16s 
iynore trop, ét qui doil cependant foutnir les initiatives 


424 


BIBLEIO GRAPHIE 


et les capitaux si nécessaires à la mise en valeur de ce 

nouveau domaine. N'oublions jamais que les destinées 

de la France dans le monde sont intimement liées à la 

prospérilé des pays aujourd'hui placés sous notre 

protection, où nous devons faire triompher la cause de 

la civilisation, de la science, et surtout de l'humanité. 
IESR CO 


L'École Nationale d'Agriculture de Montpellier. 
‘ Enseignement. Laboratoires. Champs d’expé- 
riences. Publications. Action extérieure. — 

4 vol. in-8° de 260 pages. (Prix broché :8 fr.) Coulet 

et fils, éditeurs, Grandrue, 5. Montpellier. 1900. 

Le Directeur de l'Ecole d'Agriculture de Montpellier 
et ses collaborateurs ont eu l'excellente pensée de pu- 
blier un volume sur leur Ecole, à propos de l'Exposition 
de 1900. Cet ouvrage, édité avec soin et avec goût, ren- 
ferme toutes les indications que l’on peut souhaiter sur 
ce bel établissement d'enseignement agricole, si bien 
placé aux portes de Montpellier, dans l’admirable 
région viticole de notre Midi. M. Paul Ferrouillat et les 
professeurs ont rédigé une série de notices sur l'Ecole 
elle-même, qui n’a été fondée qu’en 1872, sur chacune 
des chaires, sur les installations générales, les labora- 
toires, les champs d'expériences, les cultures, les tra- 
vaux des maîtres, en un mot, sur tout ce qui touche à 
la vie de l'Ecole et à son fonctionnement. C'est une 
très heureuse et bonne pensée que d’avoir réuni tous 
les renseignement utiles destinés à instruire le public 
sur une de nos grandes Ecoles d'Agriculture. Tant de 
personnes sont disposées à croire que l’on forme des 
jardiniers ou que l’on instruit des ouvriers ruraux dans 
nos Ecoles nationales d'Agriculture! Il est bon de mon- 
trer ce qu'est aujourd'hui l'Enseignement agricole. A 
Montpellier, on compte déjà onze chaires différentes, 
qu'ilest utile d'indiquer : 
io Agriculture et arboricullure agreste ; 

20 Botanique et sylviculture ; 

3° Chimie générale et agricole ; 

4° Economie rurale et législation ; 

5° Génie rural; 

6° Physique, Météorologie, Géologie et Minéralogie; 

7° Sériciculture ; ; 

8° Technologie; 

9° Viticulture ; 

40° Zoologie générale et Entomologie ; 

419 Zoologie et Zootechni?. 

Ce n'est pas tout. Des conférences sont faites sur les 
questions scientifiques qui se rattachent aux divers 
cours et n'ont pas pu être traitées d'une facon assez 
étendue dans chacun d'eux. C’est ainsi que la Bacté- 
riologie, la Comptabilité agricole, les Cultures colo- 
niales, la Culture pratique agricole, le Dessin et l'Hor- 
ticulture sont enseignés dans une série de conférences 
faites par les professeurs, les répétiteurs, ou des con- 
férenciers spécialistes. 

Il y a lieu également de citer : La station Séricicole, 
le Laboratoire d'Analyses,le Laboratoire spécial d'(Eno- 
logie, l'Observatoire météorologique et la Station 
d'Essais de semences. 

Voilà, nous dira-t-on, beaucoup de science et peu 
de pratique ! C’est une erreur. La pratique bien com- 
prise est enseignée à Montpellier comme à Grignon ou 
à l'Ecole de Rennes; et nous trouvons dans l'introduc- 
tion de l'ouvrage que nous analysons d'excellentes 
observalions à cet égard : 

« Ge n'est pas que l'instruction pratique manuelle 
des élèves soit complètement négligée. Si un petit 
nombre d’entre eux, au sortir de l'Ecole, savent tenir, 
avec la souplesse et la fermeté voulues, les mancherons 
d'une charrue, ils ont, tous, au moins €lé mi; aux 
prises avec les diflicullés d'exécution des travaux pra- 
tiques de culture. On peut, d’ailleurs, se demander quel 
serait l'avantage de faire, dans le programme actuel 
d'enseignement de l'Ecole, une beaucoup plus large 
part aux travaux pratiques de culture. Le dommage le 
plus certain qui en résulterait serait de diminuer l’ex- 


ANALYSES ET INDEX 


posé des notions fondamentales des sciences appliquées 
à l’agriculture en privant les élèves du bagage scienti= 
fique dont ils auront le plus grand besoin pour amé- 
liorer, chacun dans son milieu cultural, les conditions 
actuelles de la production agricole. Leur rôle dans une 
exploitation viticole n'est pas de bien tailler les vignes; 
mais de savoir comment on laboure bien, à quel mo= 
ment il convient de labourer, comment il faut tailler et 
quelle taille aussi bien que quel engrais il faut applis 
quer pour obtenir les récolles les plus abondantes et les 
plus durables, » 

L'auteur de ces lignes, M. Houdaille, a parfaitement 
raison et répond aux critiques inintelligentes de ceux 
qui confondent un agriculteur avec un ouvrier rural: 

Quant à l'utilité du rôle qu'a joué l'Ecole de Mont- 
pellier dans l'œuvre du progrès agricole, il est mis en 
évidence par le nombre de ses élèves et par la carrière 
qu'ils ont embrassée depuis leur sorlie. Depuis 1875 
jusqu’à 1895, sur 1.193 élèves admis, 407 ont été 
diplômés;.et sur ce nombre, 63 sont devenus profes- 
seurs, 216 font de la pratique agricole pour leur compte 
personnel; T1 sont devenus régisseurs ou directeurs 
d'exploitations. 

Ce résultat est intéressant et il prouve combien a été 
réellement fécond l'Enseignement donné à l'Ecole de 
Montpellier. : 

Si le volume que l'on nous présente aujourd’hui 
n'avait eu pour objet que de nous indiquer le nombre: 
des agriculteurs sortis de l'Ecole, il aurait encore son 
utilité. D:Z0n1A, 


Professeur à l'École d'Agriculture de Grignon: 


4° Sciences médicales 


Morache (G.), Professeur de Médecine légale à 14 
Faculté de Médecine de l'Université de Bordeaux» 
— La Profession médicale ; ses devoirs, ses droits. 
— 4 vol. in-12 de 323 pages. (Prix cart. : 4 fr 
Félix Alcan, éditeur. Paris, 1901. 


Bien que la Médecine soit plus vieille que les reli- 
gions, elle finit, à une certaine période de l’évolution, 
sociale, parse confondre avec elles. Les maladies ont, 
en effet, des origines mystérieuses. Il était logique qu'on: 
les rapportät à l'action de puissances surnaturelless 
C'est pourquoi, au début des civilisations, les fonctions 
de prêtre et de médecin devaient être dévolues au 
même personnage. En outre, les moyens de guérir ou 
de soulager et les dogmes religieux ne se transmetten 
guère que par la tradition. Dans ces matières, l’ingénio= 
sité personnelle n'est d'abord pour rien, elle ne peut 
se manifester que plus tard. A toutes les autres mani= 
festations de l’art et de la pensée sont attachés des 
exemples d'esprits prodiges. On peut citer des mathé= 
maticiens, physiciens, etc. et des artistes d'un génie 
prodisieusement précoce : Jamais ce fait ne se produit 
en matière de religions’, ni de médecine, parce 
qu'elles reposent, les premières, sur l'observation uni= 
verselle, la seconde, au moins sur l'observation indivis 
duelle, Or, il faut un temps très considérable, si fécond. 
que soit un esprit, pour rassembler les éléments de 
l'une ou de l’autre. Tous les livres sacrés fondamentaux 
sont à la fois des livres de Morale et de Médecine. La 
Médecine garda son caractère religieux jusqu'au jour où 
elle devint une professionspéciale. Encore, malgré cette 
scission, conserva-t-elle longtemps des habitudes pres= 
que sacerdotales. Aujourd'hui, la conception de la Mé= 
decine a totalement changé, et elle semble passer au 
rang des professions simplement commerciales. 

C'est pourquoi nous devons savoir gré à M. Morache 
d'avoir publié un ouvrage plein de bons conseils, d'idées 
généreuses et de renseignements positifs, qui peut sers 
vir de guide soit au médecin même, soit aux jeunes 
gens qui se destinent à la médecine pratique. Ils y 


# 


1 Nous prenons ici le mot de « religion » dans son sens le 
plus grave, et nous ne faisons aucune allusion aux imagina=. 
tions des illuminés ni aux formes décadentes des religions. 


BIBLIOGRAPHIE — ANALYSES ET INDEX 


145 


trouveront l'histoire résumée de leur profession, de- 
puis les Collèges de prêtres jusqu'aux Facultés actuelles, 
l'exposé des lois qui nous régissent aujourd'hui. L’au- 
teur consacre un chapitre intéressant à la femme-mé- 
decin, dont il soutient chaleureusement la cause. Puis 
il entre dans certains détails de la vie du médecin, 
montre ce qu'il doit être pour remplir son rôle avec 
correction et dignité. Les chapitres relatifs aux diverses 
positions médicales et aux rapports du médecin avec le 
malade déuotent une grande compétence déontologique 
et sont, à n’en pas douter, le fruit de réflexions person- 
nelles suggérées par une excellente pratique. 

Il en est de même des pages importantes où le Pro- 
fesseur Morache traite du secret médical. Elles sont 
d'une lecture très attrayante pour le médecin, qui sans 
cesse se {rouve dans des situations difficiles pour les 
cas en apparence les plus simples et où le monde n'’en- 
trevoit pas la moindre difficulté. C’est un maître qui 
questionne le médecin sur la santé d'un de ses servi- 
teurs, une famille sur l’état d’un de ses membres; 
ailleurs, c'est, chose plus troublante, un conseil à don- 
ner sur l'opportunité d’un mariage, elc. Bien des gens 
ne savent pas quel embarras causent au médecin les 
questions les plus banales du monde; et il n’est point 
d'homme plus soumis que lui à la question perpétuelle. 
Mis-à-vis du malade même qu'il soigne, le médecin peut 
être tenu au secret médical. Sans compter les cas où le 
bonheur d'un ménage, les destinées d’une famille dé- 
pendent de son silence, chaque jour le médecin est 
obligé de masquer la vérité à son malade, de le récon- 
forter par des explications qu'il imagine avec le plus 
d'à-propos qu'il peut et qui sont prises pour l'expression 
de sa science. Jeune, quand on tourne d'une mémoire 
agile les feuillets documentés des gros traités de Patho- 
génie, on raille sans pitié les explications pathogéni- 
ques de ses ainés; plus tard, quand on a soi-même dû 
exposer bien des motifs et forger bien des contes, on 
devient plus indulgent et on envie parfois celte ingé- 
niosité dont on se moquait naguère. 

Les principales variétés du secret médical sont expo- 
sées par M. Morache et les diverses questions sont ré- 
solues dans le sens le plus strict. Après une étude sur 
les expertises et les médecins experts, l'auteur envi- 
sage la situation morale et matérielle du médecin. 

En résumé, c'est un fort bon guide que ce livre de 
La Profession médicale. Wn'admet pas la moindre res- 
triction à la responsabilité du médecin, et, par cela 
même, rehausse son rôle. D'un bout à l'autre, il a été 
été écrit avec un sens parfait de la dignité profession- 
nelle. D' A. LÉTIENNE. 


Crespin (J.), Professeur suppléant à l'Ecole de Mé- 
decine d'Alger, Médecin sanitaire maritime. — Com- 
ment on se défend contre les maladies coloniales. 
Guide du voyageur et du colon. — 1 vol. in-18 de 
46 pages (Prix 1 fr.). L'Edition médicale française, 
29, rue de Seine. Paris, 1901. 


5° Sciences diverses 


Mourey (Ch.) et Brunel (Louis), directeurs. — 
L'Année coloniale, premicre année (1899), avec la 
collaboration de MM. le général GAzniéxr, Picquié et 
TeissieR, — 1 vol. in-8 de 413 pages et une introduc- 
tion, avec cartes et photogravures. Charles Taïllan- 
dier, libraire-éditeur. Paris, 1900. 

Voici une nouvelle publication à laquelle il faut sou- 
haiter de durer et de s’accroître, car son existence se 
faisait désirer. Elle pourra présenter au public et aux 
spécialistes de tout genres qui s'occupent des colonies, 
un résumé annuel très commode des efforts de l'Ad- 
ministration et de l'initiative privée pour la mise en 
valeur de nos possessions. Elle sera aussi le lien et 
comme le centre de la littérature coloniale, livres, 


articles de revues ou de journaux, dont le flot va gros- 
sissant sans cesse, au grand désespoir des chercheurs. 
Ces derniers sauront tout spécialement gré aux direc- 
teurs de la bibliographie générale et spéciale qui ter- 
mine le recueil, et qui est concue avec méthode; ils y 
verront volontiers la « cartographie » prendre plus de 
développement; nul n’est mieux placé pour atteindre 
ce résullat que les fonctionnaires de l'Office Colonial. 
La première partie du livre contient une série de 
mémoires ou d'articles sur des questions de colonisa- 
tion, générales ou particulières à certaines possessions 
françaises. Les pages consacrées par M. le: général 
Galliéni à Madagascar donnent une vue de l’état des 
voies de communication dans la grande île au milieu 
de 1900, et justifient les projets à l'étude ou en voie de 
réalisation; elles sont d'un gouverneur qui aime sa 
colonie, et, ce qui n'esl pas pour déplaire aux géo- 
graphes, d'un connaisseur en fait de pittoresque. 
Ceux qu'inquiètent les dépenses faites par la métropole 
pour nos possessions, et qui voudraient les voir toutes 
se sulfire à elles-mêmes, comme la Guinée, la Côte 
d'Ivoire, le Dahomey, et bientôt les Etats de l'Union 
Indo-Chinoise, liront avec reconnaissauce le rapport 
rempli de franchise de M. Picquié, inspecteur général, 
sur « les budgets locaux des colonies »; nous regret- 
tons de ue pouvoir analyser ici ce rapport. La mise en 
valeur du Congo français au moyen de concessions, 
œuvre entreprise par M. Guillain, et organisée par les 
décrets de février, mars et avril 4899, porte déjà des 
résultats, indiqués par une étude de M. Georges Teis- 
sier, maitre des requêtes au Conseil d'Etat. Suivent des 
pages résumant la marche de pénétration vers le 
Tchad par les trois missions Joalland-Meynier (Voulet- 
Chanoine), Foureau-Lamy et Gentil, événements que 
bien des revues, sans compter lés journaux les moins 
coloniaux; avaient rendus familiers au public. Notons, 
enfin, des indications intéressantes sur le Jardin Colo- 
nial de Nogent-sur-Marne, sur l'Office Colonial, et sur 
les entreprisespatientes de l'Alliance Française aux colo- 
nies. Les directeurs nous permettront d'exprimer l'avis 
que des articles du genre de ces derniers, ou de celui 
sur les budgets locaux, pourraient seuls trouver place 
dans la première partie du recueil ; les autres semble- 
raient plus losiquement placés, sous des dimensions plus 
réduites, daus les divers chapitres de la seconde partie 
où l’on trouve l’état de la colonie qu'ils intéressent. 
Ces chapitres, dont on comprendra que nous n’es- 
sayions point ici le compte rendu détaillé, sont bien 
compris. Ils donnent, sur chacune de nos colonies, les 
renseignements généraux d'ordre administratif, poli- 
tique et économique vraiment utiles aux futurs colons, 
aux gens d’affaires et aux divers savants, avec un catalo- 
gue de tous les journaux locaux. Pourquoi nejoindrait-on 
pas, l'an prochain, à ces précieuses indications quelques 
autres sur certains phénomènes physiques? Il est diffi- 
cile au public de se procurer au jour le jour les résul- 
tats des observations météorologiques faites dans les 
diverses stations coloniales : des tableaux très simples, 
dont l'Office Colonial réunirait aisément le contenu, 
pourraient présenter, par exemple, les moyennes les 
mieux contrôlées des chutes d’eau et de la température 
aux divers mois de l’année; la colonisation y trouverait 
son compte, comme la spéculation scientifique. Ge léger 
désideratum une fois émis, nous n'avons aucun scru- 
pule à recommander sans réserve la pratique de cette 
seconde partie du recueil. La documentation en parait 
très sûre, et l’on peut y relever, presque à chaque cha- 
pitre, beaucoup d'inédit. Si nous avions une préférence, 
peut-être trop égoïste, à indiquer, nous signalerions les 
pages consacrées à l'Afrique Occidentale. Les courtes 
statistiques commerciales proviennent, pensons-nous, 
des ministères, dont elles devancent très heureusement 

les publications. J. Macuar, 
Agrécé d'Histoire et de Géographie, 


146 


ACADÉMIES ET SOCIÉTÉS SAVANTES 


DE LA FRANCE ET DE L'ÉTRANGER 


ACADÉMIE DES SCIENCES DE PARIS 


Séance du 14 Janvier 1901. 


M. le Président annonce à l'Académie le décès de 
M. Ch. Hermite, doyen de la Section de Géométrie, et 
de M. Ad. Chatin, membre de la Section de Botanique. 

1° SCIENCES MATHÉMATIQUES. — M. H. Poincaré fait 
l'analyse critique de la méthode de Gyldèn dont 
M. Backlund s’est récemment servi pour déterminer les 
variations séculaires de l'équateur terrestre qui sont 
les conséquences des variations séculaires de léclip- 
tique. II montre que la méthode renferme un vice fon- 
damental, qui en empêche toute application. Les inéga- 
lités trouvées par M. Backluud sont donc inexactes; il 
faut revenir aux anciens coefficients de Stockwell. — 
M. Perrotin communique les observations de la nou- 
velle comète découverte par M. Giacobini, le 20 décem- 
bre, à l'Observatoire de Nice. Celte comète paraît offrir 
un grand intérêt en raison de son mouvement direct et 
de la valeur de certains de ces éléments. — M. G. Hum- 
bert, poursuivant ses recherches sur les fonctions qua- 
druplement périodiques, est arrivé à ure surface qui est 
le premier exemple explicite de surface d'ordre quatre, 
à quinze points doubles, dont les coordonnées s’expri- 
ment en fonction uniforme quadruplement périodique 
de deux paramètres. — M. D. Th. Egorov communique 
quelques remarques complémentaires sur les systèmes 
orthogonaux admettant un groupe continu de transfor- 
mations de Combescure. 

29 SCIENCES PHYSIQUES. — M. Rheïns rappelle que ses 
expériences faites à Dijon en 1894-1895 ont montré que 
les mélanges de conversations téléphoniques produits 
dans des circuits appartenant au même retour commun 
sont causés par de mauvais isolements, c’est-à-dire 
par des pertes à la terre. Ces expériences sont analo- 
gues à celles de M: Gavey et de sir W. Preece. — 
M. Armand Gautier a soumis à l’action de la chaleur 
diverses roches ignées pulvérisées : granit, porphyre, 
ophite, lherzolite. Il à constaté un fort dégagement 
gazeux, constitué par HS, CO®, CO, H, CH'et Az. Ces 
gaz ne proviennent qu'en très faible partie d'inclusions; 
ils résultent principalement de réactions successives se 
produisant au rouge. — M. H. Pélabon a étudié l’ac- 
tion de l'hydrogène sur le protosulfure de bismuth BiS, 
et l’action inverse de H?S sur le bismuth. La proportion 
d'hydrogène sulfuré croit très régulièrement à partir de 
0 en mème temps que la proportion de sulfure de bis- 
muth, et le rapport 6 de la masse d'hydrogène sulfuré à 
la masse totale tend vers le nombre 0,893, quand le 
rapport R du poids de sulfure non décomposé au poids 
de mélange formé par ce corps et le bismuth mis en 
liberté tend vers {. Les réactions sont plus rapides à 
6109 qu'à 4409, — M. V. Thomas a préparé par cinq 
méthodes les chlorobromures de thallium du type 
TIX*, 3 TIX. Des trois composés qui ont élé jusqu'à 
présent signalés, il parait douteux que Tl* CI‘ Br° el TI“ 
CE Br‘ existent: si ces corps se forment, ils ne sont en 
tout cas pas stables, et se dédoublent par cristallisation 
en donnant Tl'CI* Br*, seul composé se formant d'une 
façon régulière. — M. Tarible à observé que le bro- 
mure de bore, en présence des chlorures de phosphore, 
réagit avec la plus grande facilité pour donner des 
combinaisons doubles : PCI, 2BoBr*; PCI,2BoBr”. Les 
corps ainsi obtenus sont parfaitement cristallisés et se 
décomposent à froid par l'eau, le chlore et le gaz am- 
moniac. — M. G. F.Jaubert a observé que le peroxyde 
de sodium, exposé à l'action de l'air humide, absorbe 
progressivement la vapeur d'eau sans décomposition, 


ACADEMIES ET SOCIÉTÉS SAVANTES 


c'est-à-dire sans aucun dégagement appréciable d’oxy= 
gène et aucune déliquescence. On obtient ainsi une 
série d'hydrates de bioxyde de sodium allant de 
Na°0?-L2H°0 à Na°0? + 8H°0; ce dernier est très 
stable à froid, il se dissout dans l’eau d’où il peut cris= 
talliser: il commence à se décomposer vers 300-400, — 
M. Oechsner de Coninck a déterminé les densités de 
quelques solutions du nitrate d'uranium dans HAz0* ef 
H?S0* étendus, puis sa solubilité dans l’alcool méthy= 
lique, l’éther, l'acétale d’éthyle et l'acide formique. — 
M. M. Berthelot a déterminé la chaleur de combustion: 
et la chaleur de formation des mercaptans éthylique eb 
amylique,. des sulfures d’éthyle et d’amyle. La substis 
tution du soufre par l'oxygène correspond à une aug= 
mentation moyenne de 51,3 cal., égale à la d fférence. 
observée entre les oxydes et les sulfures métalliques 
dissous (52 cal.). — M. Berthelot a déterminé la cha= 
leur de formation d’un échantillon de sulfocyanure de 
phényle envoyé par M. Billeter (de Neuchâtel); elle esb 
de 63,7 cal. D'où il résulte que la trausformation du 
sulfocyanure en isosulfoyanure dégage + 17,2 cal. — 
M. W. Louguinine a déterminé les chaleurs latentes 
de vaporisation et les chaleurs spécifiques de quelques 
substances organiques : aniline, méthyléthylacétoxime, 
anisol, butyronitrile. — M. L. Hugouneng a étudié 
l’action du persulfate d'ammoniaque, en milieu alcalin, 
sur quelques principes immédiats de l'organisme: 
L'acide urique est oxydé en allantoïne, qui se détruit 
aus-itôt en donnant de l’urée et de l'acide allanturique: 
La bilirubine est transformée instantanément en bili= 
verdine. L'hématine est transformée en une liqueur 
incolore qui abandonne des flocons d'oxyde de fer. 

30 SCIENCES NATURELLES. — M. A. Chauveau conclut, 
d'expériences instiluées régulièrement pendant treize 
mois sur un chien, que l'alcool ingéré, dont l'organisme 
s'imprègue si rapidement, ne saurait participer qu 
pour une très faible part, s'il y participe, aux coms 
bustions où le système musculaire puise l'énergie 
nécessaire à son fonctionnement. Cette substance n'’esb 
pas un aliment de force et son introduction dans une 
ation de travail se présente avec toutes les apparences 
d'un contre-sens physiologique. Ces résultats sont et 
accord avec ce que l'on sait de l'élimination de l'alcool 
en nature par les émoncloires extérieurs, particulières 
ment la voie pulmonaire. — M. G. Chauveaud com-= 
munique quelques réflexions sur la structure des plantes 
vasculaires. On trouve à la base du cotylédon les mêmes 
formations que dans la racine; la différence consiste 
en une réduction du protoxylème el en une succession: 
plus rapide des diverses structures. — M. Jules Gar 
nier indique, dans le Beaujolais, un gisement de fluo 
rine odorante dégageant du fluor libre. — M. André 
Tournouër indique les raisons qui le font croire à 
l'existence d’un animal nouveau dans l'intérieur de la 
Patagonie, le Æymché des Indiens, le Néomyledon de 
FI. Ameghino. 


Séance du 21 Janvier 1901. 


M. C. Jordan lit une notice sur la vie et les travaux 
de Ch. Hermite. — M. G. Bonnier lit une nolice sur la 
vie et les travaux d'Ad. Chatin. — M. E. Mascart 
annonce la mort de M. Z. Gramme, le célèbre inventeus 
de la dynamo. 

49 SGIENGES MATHÉMATIQUES. — M. R. du Ligondès, eli 
réponse à une note de M. de Freycinet, pense que la 
formation des planètes télescopiques par ruplure d'un 
ou plusieurs anneaux n'est pas acceptable, tandis que 
son hypothèse de la génération des planètes par agglo= 
mérations successives de matériaux cireulaut à l'inté- 


ACADÉMIES ET SOCIÉTÉS SAVANTES 147 


rieur de la nébuleuse solaire, sur des orbites un peu 
obliques à son équateur, concorde mieux avec les faits. 
— M. S. Kantor généralise un théorème de M. Picard, 
relatif aux surfaces de l’espace R, dont toutes les sec- 
tions planes sont unicursales algébriques. — M. A. Lia- 
pounoff donne une démonstration rigoureuse d’un 
théorème du calcul des probabilités se rapportant à la 
formule connue de Laplace et Poisson qui sert à l'éva- 
luation approchée de la probabilité pour que la somme 
d’un grand nombre de variables indépendantes, sou- 
mises au hasard, soit comprise entre certaines limites. 
Il y arrive par la méthode du facteur discontinu. — 
M. P. Duhem communique quelques considérations 
sur la condition supplémentaire en Hydrodynamique. 
20 SCIENCES PHYSIQUES. — M. F. Caubet étudie la va- 
riation des concentrations des deux phases coexistantes 
liquide et vapeur le long des isothermes. Tout mélange 
de CO? et de SO? qui, à la température de 66°3 et sous 
la pression de 57,6 atmosphères, est susceptible de pré- 
senter deux phases coexislantes, donnera une phase 
liquide de concentration X, — 0,70926 et une phase 
vapeur de concentration X, = 0,33238. — M. R. de 
… Forcrand, en réponse à une note récente de M. G. K, 
Jaubert, fait remarquer qu'il a déjà préparé l'hydrate 
de bioxyde de sodium Na*0*Æ8H°0 et indiqué ses pro- 
priétés et son emploi pour la préparation de l’eau oxy- 
sénée. — M. E. Baud, en faisant réagir le gaz ammoniac 
sur le chlorure d'aluminium, a obtenu quatre composés : 
4e ACI,24zH", corps très stable qui distille sans décom- 
position vers 4509; 2° Al?CI°,104ZH5, très stable encore, 
se dissociant sous la pression atmosphérique vers 380°; 
30 Al?CI‘,12AzH*, qui se dissocie vers 180°; 4° enfin 
AËCI,18AZH%, beaucoup plus dissociable et qu'on n’ob- 
tient qu'aux lempéralures voisines de celle de la liqué- 
faction de l’ammoniaque. — MM. G. et E. Urbain, par la 
cristallisation fractionnée des éthylsulfates, ont retiré 
des parties les plus solubles des terres yttriques 
l'yttrium, le nouvel erbium et l'ytterbium. Ceux-ci, 
transformés en nitrates et décomposés partiellement 
par la chaleur, ont pu être séparés et obtenus à un assez 
grand état de pureté. — M. Ed. Defacqz, en faisant 
réagir l'hydrogène arsénié gazeux sur l'hexachlorure de 
tunystène, a obtenu le biarséniure Tu As°; l’action de 
lhydrogène arsénié liquéfié conduit à un chloroarsé- 
niure Tu*AsCLI’. — M. R. Marquis, en nitrant le furfu- 
rane dissous dans l'anhydride acétique en présence de 
pyridine, a obtenu un nitrofurfurane C‘H*0OAZ0®, soluble 
dans les alcalis en rouge-orangé, cristallisable en gros 
cristaux d’un blanc jaunâtre. Il se forme aussi un 
liquide qui parait être de nature aldéhydique. — 
M. P. Lemoult établit la loi suivante : Les colorants à 
spectres d'absorption disconlinus présententune bande 
rouge dont le milieu est fixe (pour une dilution molé- 
culaire et une épaisseur invariables) {ant que la molé- 
cule ne se complique que de substances non significa- 
tives, tandis que le milieu de cette bande se déplace 
très sensiblement quand on modilie le nombre des 
groupements auxochromes azotés tertiaires. — MM. A. 
el L. Lumière et Chevrotier ont obtenu, en trailant le 
phénoldisulfonate de soude par l'oxyde de mercure, un 
composé organique très slable, le mercure-phénoldi- 
sulfonate de soude, dans lequel le mercure est com- 
plètement masqué au point de vue chimique. Toutefois 
ce corps possède des propriétés toxiques, antiseptiques 
et antivégétatives qu'il doit en grande partie au mereure 
qu'il renferme. — MM. Adrian et Trillat ont reliré de 
l'agaric blanc le produit désigné sous le nom d'acide 
agaricique. Il cristallise en aiguilles et correspond à la 
» formule C*H°°0°. Ce n’est pas un acide et d'autre part, 
il n'est doué d'aucune propriété physiologique. — 
M. F. Bodroux, en faisant réagir le bromure de trimé- 
thylène sur le benzène en présence de chlorure d'alu- 
minium, à obtenu, en même temps que le diphényl- 
propane symétrique, du propylbenzène en quantité 
notable. Ce dernier provient de la décomposition par 
ACL d’une partie du diphénylpropane. — M. E. Gé- 
-rard à constaté que l'extrait aqueux de rein de cheval 


peut transformer la créatine en créatinine par déshy- 
dratation; cette action est due vraisemblablement à un 
ferment soluble. — M. M. Hanriot montre : 4° qu'un 
ferment, alténué par une action chimique, peut se ré- 
générer et revenir à son activité première; 2 quel’action 
de la lipase sur les acides et les éthers semble être une 
combinaison chimique régie par les lois de la dissocia- 
tiou. — M. M. Tsvett montre que la bande fondamen- 
tale de la chlorophylle est double et que sa partie gau- 
che, tournée vers le rouge, appartient à la chlorophyl- 
line bleue, le segment dextre, beaucoup plus faible, 
étant dû à une seconde chlorophylline. Pour beaucoup 
de plantes, les chlorophyllines subissent au contact de 
substances cellulaires inconnues et en présence d'alcool 
une trans'ormation en corps différents que l'auteur 
appelle métachlorophyllines. — M. Aug. Gérardin a 
reconnu que la terre peut servir à épurer l’air chargé 
de gaz odorants. La terre est perméable à l’air et sa 
perméabilité est indépendante de sa composition. La 
résistance de la terre au passage de l'air est proportion- 
nelle à l'épaisseur de la couche filtrante et à la quantité 
d'eau qui l'humecte, — M. Eug. Charabot à reconnu 
que les influences capables de modifier les plantes de 
facon à les rendre plus aptes aux fonctions chlorophyl- 
liennes favorisent en même temps la formation des 
éthers d'alcools terpéniques. — M. G. Bertrand à 
reconnu que les graines du caféier de la Grande-Comore, 
qui eroit spontanément dans l'ile, ne renferment pas 
de caféine, à l'inverse du Coflea arabica cultivé dans le 
même endroit. Cette différence de composition chimi- 
que suffit à faire de ce caféier de la Grande-Comore une 
espèce nouvelle, comme l'avait déjà pensé Baïllon. 

30 SCIENCES NATURELLES. — M. A. Chauveau a cons- 
taté que la substitution partielle de l’alcool au sucre, 
en proportions isodynames, dans la ration alimentaire 
d'un sujet qui travaille, ration administrée peu de 
temps avant le travail, entraine pour le sujet les consé- 
quences suivantes : 1° diminution de la valeur absolue 
du travail musculaire; 2° stagnation ou amoindrisse- 
ment de l'entretien; 3° élévation de la dépense énergé- 
tique par rapport à la valeur du travail accompli. En 
somme, les résultats de la substitution se montrent à 
tous les points de vue très franchement défavorable, — 
MM. Lannelongue, Achard et Gaillard ont étudié 
l'influence du climat sur l’évolution de la tuberculose 
pleuro-pulmonaire expérimentale. Des cobayes, ino- 
culés de la même facon, étaient divisés en plusieurs 
lots dont l’un restait à Paris au laboratoire, les autres 
étant envoyés au bord de la mer, à la campagne ou à 
la montagne. Dans toutes les expériences, la mortalité a 
été moindre au laboratoire qu'ailleurs, malgré les con- 
ditions plus défavorables, — MM. A. Charrin et Moussu 
ont injecté au lapin du mucus dans la veine de l'oreille 
et ont observé la mort en quelques minutes, probable- 
ment par obstruction vasculaire dans les centres ner- 
veux grâce à des thromboses ou à des embolies. Le 
mucus doit done renfermer un produit coagulant. — 
M. H. Varnier montre qu'il est possible d'obtenir, chez 
la femme vivante, une bonne radiographie du bassin, 
permettant d'apprécier, avec une exactitude suffisante, 
les diamètres utiles à l'accoucheur. — M. E. Topsent 
a déterminé les Spongiaires rapportés par l'Expé- 
dition antarctique belge; l’examen de ces animaux 
est contraire à la théorie de la bipolarité des faunes. 
— M. Antoine Pizon a constaté que, chez les Tuni- 
ciers, une partie très importante du pigment, peut- 
être même la totalité, provient de la destruction des 
éléments des différentes générations d’ascidiozoïdes 
qui meurent dans le cormus. — M. G. Bohn propose 
une nouvelle théorie de l'adaptation chromatique, diffé- 
rant des théories actuelles en ce que la formation du 
pigment est attribuée beaucoup plus à des causes chi- 
miques qu'à la lumière, cette dernière n'intervenant 
que dans la lutte que soutiennent entre eux, dans un 
même organe, les granules pigmentaires de diverses 
teintes. — M. Guilliermond a étudié la structure de 
quelques moississures (Dematium), Gomme Wager chez 


148 


ACADÉMIES ET SOCIÉTÉS SAVANTES É 


les levures, il a observé un noyau toujours accolé à 
une vacuole chargée de fins granules. Il y a donc une 
grande analogie entre la structure des moississures et 
celle des levures. — M. F. Wallerant montre, par 
l'exemple de l'iodargyrilte el du rutile, que les cristaux 
peuvent posséder des axes de symétrie apparente, et 
que la symétrie mécanique peut être réalisée en dehors 
de la symétrie géométrique. — M. A. Lacroix areconnu 
qu'une parlie de l'or alluvionnaire de Madagascar existe 
à l'état natif dans les roches gneissiques de cette île; 
on le retrouve dans la latérite qui provient de la décom- 
position sur place de ces gneiss. — M. Léon Bertrand 
établit que les roches éruplives du cap d’Aggio sont 
d'âge très récent et datent du Pléistocene ou, au plus, 
du Pliocène supérieur. — M. Ph. Glangeaud a reconnu 
que les trois dômes de Saint-Cyprien (Dordogne), Sau- 
veterre et Fumel (Lot-et-Garonne) ont un noyau virgu- 
lien et portlandien entouré de Cénomanien, de Turo- 
nien et de Sénonien pour le premier, de Turonien et de 
Cénonien seulement pour les deux autres. 


Séance du 28 Janvier 1901 


M. le Secrétaire perpétuel annonce le décès de 
M. J.-G. Ardagh, correspondant pour la Section de 
Botanique. _ 

1° SCIENCES MATHÉMATIQUES. — M. Ch. Frémont a 
constaté que la position de la fibre neutre dans les 
corps rompus par flexion dépend du rapport de la 
limite élastique à la compression et de la limite élas- 
tique à la traction. De plus, un acier est fragile ou non- 
fragile suivant que le rapport inverse est plus petit ou 
plus grand que l'unité. 

29 SCIENCES PHYSIQUES. — M. E. Lagrange a constalé 
que les ondes hertziennes, dans la télégraphie sans fl, 
n'agissent pas sur un cohéreur enfoui à une faible pro- 
fondeur dans le sol. — M. A. Gautier a recherché 
l'origine des gaz qui se dégagent lorsqu'on porte au 
rouge certaines roches. L'hydrogène provient de l'ac- 
tion de la vapeur d'eau sur les sels ferreux; l'acide 
carbonique est dû en partie à la dissociation des carbo- 
nates, et l’oxyde de carbone à la réduction de CO? par 
les sels ferreux. — M. Oechsner de Conink, par l'ac- 
tion de la chaleur sur le nitrate d'uranium, a obtenu 
les modifications rouge et orange du sesquioxyde et 
un oxyde brun. — M. Tarible a étudié l'action du bro- 
mure de bore sur les iodures de phosphore et à obtenu 
les composés P?[*, 2BoBr3 et P°1‘, 2BoBr° + I. Avec 
les chlorures d’arsenic et d'antimoine, le bromure de 
bore donne lieu à une double décomposition; avec les 
bromures et iodures de ces métalloïdes, il y a simple 
dissolution. — M. M. Guerbet, en faisant réagir l'al- 
cool ænanthylique sur son dérivé sodé, a obtenu : de 
l'acide œnanthylique, de l'alcool diænanthylique, de 
l'alcool triænanthylique et l'acide correspondant. Ces 
réactions sont analogues à celle observée déjà avec 
l'alcool amylique inactif; leur généralisation consti- 
tuera une nouvelle méthode de synthèse des alcools. — 
MM. P. Sabatier el J.-B. Senderens ont reconnu que 
le nickel réduit est un agent très actif, qui permet de 
réaliser facilement, à température peu élevée, soit des 
hydrogénations directes, soit des dédoublements molé- 
culaires. Les auteurs ont réalisé par cet agent, au-des- 
sous de 300°, l'hydrogénation directe du benzène en 
hexahydrobenzène, puis son dédoublement en trois 
molécules d’éthylène. — M. M. Hanriot, après avoir 
montré que la saponification des graisses par la lipase 
est limitée par les acides gras mis en liberté, a pensé 
que si l’on mettait la lipase en présence de glycérine et 
d’un excès d'acide, elle doit pouvoir les recombiner, de 
facon à réaliser toujours le même rapport entre les 
quantités d'acide et d'éther en présence. L'expérience 
a justifié ces vues et l'existence de cette réaction 
inverse. — M. Testenoire rappelle que les chaleurs 
spécifiques de la soie, de la laine et du coton ont été 
déterminées au Laboratoire d'étude de la soie à Lyon, 
en 1898, et ont donné des nombres identiques à ceux 
trouvés par M. Fleury en 1900, 


30 SCIENCES NATURELLES. — M. A. Chauveau a déler= 
miné la dépense énergétique qu'entraînent respective= 
ment le travail moteur et le travail résistant de 
l’homme qui s'élève ou descend dans la roue de Hirn. IL 
conclut que la formule à employer pour exprimer la loi 
générale de la dépense énergétique dans le travail des: 
moteurs animés doit contenir comme éléments fonda= 
mentaux : 1° L'expression de la dépense atlachée 
l'exécution du travail intérieur qui équilibre la charge. 
dans la contraction statique; 2 l'expression de l’aug 
mentalion ou de la diminution imprimées à ce travai 
intérieur, en fonction de la valeur de Ja charge et de 
la vitesse de déplacement de la masse qu'elle repré 
sente, quand la contraction statique se transforme en 
contraction dynamique pour opérer le soulèvement 0 
l’abaissement de cette masse; 3° L'expression de la 
dépense consacrée à l'exécution même du travail exté 
rieur, positif ou négatif. — M. L. Camus a constaté que 
l'injection dans les vaisseaux d’un animal de fibrine en 
suspension dans l’eau salée à 8 °/,, ne détermine pas 
la production d'un sérum fibrinolytique; le sérum d 
l'animal ainsi traité précipite non seulement les solus 
tions de fibrine, mais aussi le sérum et les solutions des 
fibrinferment de l'espèce animale qui a fourni la fibrine: 
— M. Chapot-Prévost a opéré la séparation d’un 
monstre double monompbhalien autositaire, Maria-Rosa= 
lina. L'un des deux sujets composant présentait une 
inversion du cœur, constatée par la radiographie: 
L'union des cœurs n’est pas une conséquence fatale de 
l'inversion de ce viscère. — M. Lannelongue fait ressor= 
tir l'importance de la radiographie pour établir, dans 
des cas analogues, s'il existe bien deux cœurs séparés eb 
distincts. — M. Michel Siedlecki a observé une gréga= 
rine, la Wonocystis ascidiae Laok, qui passe la plus 
grande partie de sa période de croissance tout entière 
dans une cellule de l’épithélium intestinal d'un Tuni= 
cier, le Giona intestinalis. Elle exerce, sur celte cellule; 
une action hypertrophiante, qui peut s'étendre aux 
cellules voisines, et entrainer celle du tissu conjoncti 
environnant. Il y a peut-être là un des modes de généra= 
tion des tumeurs chez les êtres supérieurs. — MM. M: 
Caullery et F. Mesnil ont observé chez les Grégarines 
tous les degrés depuis le développement entièrement 
extracellulaire jusquà la croissance presque complète 
ment intracellulaire, avec schizogonie intracellulaire 
possible. Ils ont constaté également l’action hypertro= 
phiante exercée par la grégarine sur la cellule-hôte. = 
M. L. Trabut a éludié la manne exsudée par cerlains 
oliviers. Elle contient environ 52 °/, de mannite el pros 
vient de Ja liquéfaction du liber par une bactérie, qui 
doit être transportée par les insecles. — M. J. Beau- 
verie a recherché l'influence de la pression osmotique 
du milieu sur la forme et la structure des végétaux: 
Plus la concentration des solutions nutritives aug= 
mente, plus les racines des plantes en expérience 
s’enfoncent profondément dans la solution. La parti 
aérienne de son côté se réduit beaucoup en hauteur: 
En même temps, la moelle disparaît dans les racines; 
et il se produit un abondant suber péricyclique. 
M. V. Paquier a observé la présence du genre Caprina 
dans l'Urgonien supérieur de Rimet (Isère). Ces Ga 
prines sont de pelile taille; leur valve supérieure se 
montre uniformément pourvue de canaux séparés pan 
des lames radiantes, généralement simples. 

Louis BRUNET. 


ACADÉMIE DE MÉDECINE 
Séance du 8 Janvier 1901. 

M. le Président annonce le décès de M. Potain, 
membre de l'Académie. 

M. Jules Bœckel a pratiqué, chez une femme atteinte 
de tumeur maligne de l'estomac, l’ablation totale de 
cet organe. La malade a guéri très rapidement et jouit, 
depuis lors, d’une excellente santé. L'ablation totale 
de l'estomac est done non seulement compatible avec 
l'existence, mais elle l’améliore d'une facon notable 


ACADÉMIES ET SOCIÉTÉS SAVANTES 


dans certaines affections incurables et fatalement mor- 
telles. — MM. les D'° Balestre et Gilletta de Saint- 
Joseph communiquent un mémoire sur la mortalité de 
Jl'erfance dans la population urbaine de la France. 


Séance du 45 Janvier 1901. 
M. Du Castel est élu mewbre titulaire dans la Section 
de Thérapeulique et Histoire naturelle médicale. — 


M. le Président aunonce le décès de M. G.-A. Chatin, 
membre de l'Académie. 


Séance du 22 Janvier 1901. 


M. J.-V. Laborde présente un appareil de conten- 
tion dû à M. Altermann, pour prévenir les allitudes 
vicieuses el les déformations chez les élèves violonistes. 
— M. Guéniot présente un rapport sur deux communi- 
cations : l’une de MM. Doléris et Marlatie, l’aulre de 
M. Dupaigne, relatives à l’anesthésie médullaire appli- 
quée aux accouchements. Des observations présentées 
et d’autres analogues, le rapporteur conclut que : 
4° l'iujection sous l’arachnoïde lombaire d'un cenli- 
gramme de cocaine en solution à 1°/, produit une 
analgésie régionale qui s'élend à toule la portion du 
corps située au-dessous d’une ligne passant par l'om- 
bilic; 2° cette injection, pratiquée sur Ja femme en 
travail d'accouchement, supprime à la fois la douleur 
que déterminent les contractions de l'utérus et celle qui 
est due au passage de l'enfant; de plus, loin d’entraver 
Ja marche du travail, elle semble, au contraire, l'accé- 
lérer; 3° l'influence de la cocaïne se fait ainsi sentir 
peudant une durée qui varie de une heure un quart à 
deux heures; 4° L’injection, praliquée avec toutes les 
précautions d'une asepsie rigoureuse et suivant une 
technique strictement déterminée, ne semble constiluer 
aucun danger sérieux pour la mère ou pour l'enfant, 
Moutefois, celte anesthésie ne pourra être généralisée ; 
elle a des contre-indications très neltes. — M. Paul 
Berger a pratiqué chez un malade souffrant, depuis 
plus de trente aus, de douleurs très vives dans le genou, 
l’ablation totale de la rotule. Le rérultat fonctionnel à 
été excellent, car les mouvements du genou se sont 
conservés, grâce à la suppléance qui s'est établie entre 
les parties latérales du triceps et le droit antérieur. La 
cause de l'affection était nne ostéomyélite chronique 
d'emblée de la rotule. — M. J.-V. Laborde sigoale un 
cas de rappel à la vie d'un nouveau-né en élat d'as- 
phyxie blanche complète à l’aide des tractions rhytmées 
de la langue, poursuivits pendaut cinquante-cinq mi- 
nutes. — M. Ch. Wardell Stiles attire l'attention sur 
uue maladie répandue eu Extrême-Orient : l'hémoptysie 
parasitaire, et qui pourrait être introduite en Europe el 
aux Etats-Unis, au relour des troupes iuternalionales 
qui se trouvent actuellemont en Asie. Celle maladie 
st causée par un ver: le Paragonimus Westermann 
(douve du poumon), qui se trausmet probablemeut par 
Veau. Lorsqu'il se loge dans les poumons, il produit 
généralement la (oux et des crachements de sang(hémop- 
iysie); les crachats renferment coustamment des œufs 
du ver; les malades peuvent vivre très longtemps et 
même guérir quelquefois. Lorsque le ver parvient au 
cerveau, 1l peut produire des attaques d’épilepsie jack- 
sonienues et le pronostic est plus grave. — M. H. de 
Brun donne quelques renseiguements sur l'épidémie 
de peste de Beyrouth, eu 1900. Elle a été très légère et 
a porté sur quatre personnes qui ont toutes guéri, grâce 
aux injections de sérum de Yersin. Ces quatre personnes 
élaieut employées dans uue fabrique de douceurs 
arabes et ont dû être infectées par des sacs de sésame 
venant de Bombay ou d'Alexandrie. 


Séance du 29 Janvier 1901. 


M. Jaccoud est élu secrélaire perpétuel. 

M. A. Pinard, à propos d’une communication récente 
“de M. Laborde, fait remarquer que la méthode des 
…tractions rhytmées de la rangue ne supprime pas l’em- 
“ploi du tube laryngien, qui reste nécessaire loutes les 
fois que les voies respiraloires sont obstruées par du 


149 


mueus. — M. Porak a observé, dans une dizaine de 
cas, que l'injection méthodique de cocaïne sous l’arach- 
noïde lombaire était favorable aux parturientes. La dif- 
ficulté consiste dans la ponction du canal rachidien.— 
M. A. Laveran présente un rapport sur un ouvrage du 
D' A. Papadakis, sur l'hygiène publique locale (en 
Grèce) et internationale. Cet ouvrage fait ressortir, en 
parliculier, que les affections thoraciques (tuberculose, 
pueumonie, bronchopneumonie), sont bien moins rares 
qu'on ne le croyait dans le midi de l'Europe. — M. le 
D' Tuffier lit un mémoire sur l’analgésie chirurgicale 
par voie rachidienne. 


SOCIETE DE BIOLOGIE : 
du 5 Janvier 1901. 

M. le Président annonce le décès de M. Potain, 
membre honoraire de la Société. 

M. A. Giard étudie le phénomène de la féconda- 
tion artilicielle des œufs signalé par Loeb et attribue 
ce développement parthénogénétique à l'augmentation 
de la pression osmotique du milieu et à la perte par 
l'œuf d'une certaine quantité d'eau ({onogamie). — 
M. M. Letulle a observé à la surface du placenta 
humain normal des boules ou gouttelettes constituées 
par une matière albuminoïde ; elle sont sécrétés par 
la couche épithéliale plasmodiale qui recouvre la vil- 
losité placentaire. — M. Pinoy, qui a étudié les 
mèmes boules dans le placenta du cobaye, les consi- 
dére comme des déchels sarcodiques rejetés par le 
plasmode. Leur production est augmentée dans les 
intoxications et dans les infections microbiennes aiguës. 
— MM. Th. Tuffer et Milian ont praliqué l’examen 
cylologique de trois cas d'hydrocèle ; ils ont constaté 
l'existence de cellules endothéliales, témoignant de 
l'origine mécanique possible de l’épanchement. Ces 
faits sont analogues à ceux observés par MM. Widal et 
Ravaut pour laséreuse pleurale. — M. F. Bosc annonce 
qu'il a trouvé, d'une facon constante, dans les lésions 
pustuleuses de la clavelée, un parasite qui serait la 
cause de cette affection. — M. V. Griffon à éludié le 
liquide céphalo-rachidien dans quatre cas de ménin- 
gite aiguë; dans la méningite tuberculeuse, il y a pré- 
dominance de lymphocytes; dans la méningite simple, 
il y a polynucléose exclusive. — MM. S. Arloing, J. 
Nicolas et G. Antoine ont constalé qu'on peut pro- 
curer au chien une certaine immunilé contre la diphté- 
rie par l'injection de mélanges de toxine-sérum où de 
culture-sérum ; mais elle n'est jamais aussi forte, ni 
aussi certaiue que par l'emploi exclusif ou de la toxine, 
ou de la culture, ou du sérum. Elle dépend du principe 
actif qui n'est pas neutralisé,et, à l'ordinaire, du sérum 
administré en excès. — M. H. Stassano a éludié les 
trypanosomes du sang du rat el a pu observer le phé- 
nomène de la reproduction sexuée. La conjugaison 
semble consister dans une simple fusion des noyaux, 
sans que les protoplasmas y prennent part. 


Séance 


Séance du 12 Janvier 1901. 


M. Ch. Féré a observé que le refroidissement de l'air 
extérieur provoque une diminution considérable du 
travail, suivie d’une légère recrudescence peu durable, 
à laquelle succède un épuisement rapide. — M. Ch. 
Féré a conslalé sur des cobayes qu'un jeûne accidentel, 
même d'un jour, diminue la résistance à l’asphyxie 
par submersion. — M. Ch. Féré à observé divers cas 
de persistance de mouvements automatiques pendant 
le coma. Il s'agissait de mouvement devenus habiluels 
antérieurement, et qui étaient peut-être alors de simples 
réflexes. — M. J. de Tarchanoff élablit que les neris 
pneumogastriques jouent un rôle important dans la 
régulation de la température du corps, d'une part en 
modifiant les pertes de chaleur par la surface cutanée 
el les poumons, d'autre part en agissant sur la produc- 
tion de la chaleur, grâce à leurs filets nerveux sécré- 
toires de différentes glandes abdominales. — M. Pozer- 
ski a constaté que si l’on porte une solution d'invertine 


150 


ACADÉMIES ET SOCIÉTÉS SAVANTES 


de la levure de bière à 40° pendant un temps variable, 
et qu'on la ramène à 250, elle ne reprend pas son état 
primitif ; son intensité a été augmentée d'une quantité 
déterminée. MM. V.Henry et Pozersky, considérant les 
résultats précédents, pensentqu'ilest possible que l'inver- 
tine revienne à son état normal au bout d’un temps très 
long ou en abaissant la température au-dessous de 25°. 
M. Dastre déduit de là que toute détermination d’acti- 
vité fermentifère à une température inférieure à la plus 
haute de celles où le ferment à été porté dans sa pré- 
paration, où à la plus haule de celles où il existe dans 
les conditions naturelles, est faussée par cela-même. — 
M. M.-E. Gellé a mesuré la durée des sons-voyelles; 
dix voyelles (a, 6, 1, 0, u dites deux fois) peuvent être 
émises en une seconde. — M.Permilleux à soumis du 
foie de chien aux vapeurs de chloroforme et a reeuellli 
une certaine quantité de liquide hépatique, dont il 
a éliminé le sucre réducteur par dialyse. Le liquide 
restant, agissant sur de l’empoi d'amidon, en a trans- 
formé une parlie en sucre réducteur, le reste en dex- 
trine. Le foie renferme donc un ferment amylolytique 
qui peut être isolé, M. A. Dastre classe le ferment amy- 
lolytique dans les ferments endocellulaires; la dialyse 
chloroformique est un des meilleurs procédés d’extra- 
ction de ces ferments. — MM. S. Arloing et J. Nico- 
las ont poursuivi sur l’âne leurs essais sur la prépa- 
ration rapide de l'antitoxine diphtérique par association 
du sérum antidiphtérique à la toxine. On obtient la 
meilleure réaction antitoxique lorsque les injections 
s multanées de sérumet de {oxine sont séparées, mais 
elle est cependant inférieure à celle qui suit l'injec- 
tion de toxine pure. Donc les injections de toxine-sérum 
ne sont pas recommandables dans la préparation du 
sérum antidiphtérique.—M.Ch.Garnier a observé dans 
le testicule adulte d'Asfacus fluviatilis des ovocytes 
à côté des spermatogonies, ettous les stades de tran- 
sition entre ces deux éléments. — MM. J. Courmont 
et EF. Arloing ont fait l'étude cytologique de la pleu- 
résie diphtérique expérimentale du cobaye. La formule 
leucocytaire est nettement mononucléaire. 


SOCIÉTÉ FRANÇAISE DE PHYSIQUE 
Séance du 1° Février 1901. 


M. Ch.-Ed. Guillaume rend compte d'expériences 
faites récemment sur l'erreur capillaire des thermo- 
mètres, qu'il avait déjà signalée autrefois dans son 
Traité de Thermométrie. Cette erreur est due aux varia- 
tions de l’angle de raccordement du mercure avec le 
verre suivant le sens de la variation de la température. 
Plusieurs procédés peuvent être employés pour la 
déterminer. Le plus simple consiste à placer le ther- 
momètre dans l'appareil destiné à la mesure du coef- 
ficient de pression, à créer artificiellement une marche 
ascendante bien régulière de la température, et à 
déprimer faiblement le ménisque par un léger abais- 
sement de la pression extérieure. La température 
continuant à monter, le ménisque commence par se 


bomber sans déplacement, puis, lorsqu'il a atteint 
l'angle limite, part brusquement, et avec une vitesse 


uniforme. En déterminant le temps employé par le 
ménisque pour se reformer complétement et repren- 
dre son mouvement ascensionnel, on peut connaitre 
l'élévation correspondante de la température, et, par 
conséquent, la différence des indications du thermomètre 
qui, pour une même température, s’établissent à mé- 
nisque tombé où aplati. Elle varie d’un point à l'autre 
d'un tube de diamètre uniforme, suivant la nature de 
la surface du verre. Il est nécessaire de tenir compte 
de cette erreur dans l'emploi des thermomètres à 
tube fin ou à gros réservoir, et en général de tous les 
thermomètres dont le degré est très long. A partir 
d’une longueur du degré égale à 10m, elle devient très 
évidente, et pour des thermomètres divisés en cen- 
tième de degré, chaque centième occupant un espace 
de 0,5-0,7"%, elle peut dépasser une division. Il est 
donc illusoire de pousser au delà d’une certaine limite 


la longueur du degré, les erreurs capillaires arrivant 
très vite à dépasser les erreurs de lecture. 
(A suivre) 


SOCIÉTÉ CHIMIQUE DE PARIS 


Séance du 25 Janvier 1901, 


M. Pouret poursuit l'étude de l’action du bromure 
d'aluminium sur les hydrocarbures chlorés acycliques# 
il expose les résultats qu'il a oblenus dans la série de 
l'éthane. — M. Léger, par l’action de Na*O® sur la chlos 
robarbaloïne, a obtenu un corps cristallisant du toluène 
en aiguilles jaune orangé et dont la composilion se 
rapproche de la formule C'HCO*, c'est-à-dire d’un@ 
méthyltrioxanthraquinone perchlorée. La production 
d'un tel corps ne peut s'expliquer avec la formule de 
la barbaloïne chlorée C'H'*CI#07, mais s'interprète par 
faitement avec la formule C#H{6CMO. La partie de J 
molécule située en dehors du groupement C'*H°CI0ÿ 
est détruite dans la réaction avec production d'une 
grande quantité de C0*. La barbaloïne serait, par suite 
C#H*0%, Cette dernière formule, qui s'accorde avec les 
analyses, permettrait, en outre, d'expliquer la forma= 
Uüon, par l’action de Br sur la barbaloïne en solution 
dans HBr, d’un corps non encore décrit et qui ne peut 
ètre dérivé d’une facon simple de la barbaloïne for 
mulée G'°H'°07. Les analyses de ce dernier corps con: 
cordent très bien, au contraire, avec la formule 
C#HBr%0°, M. Léger se propose de vérifier l'exacti 
tude de ces prévisions qui ne sont exposées que sous 
toutes réserves. 


SOCIÉTÉ DE PHYSIQUE DE LONDRES 
Séance du 25 Janvier 1901. l 


Par suite de la mort de la Reine Victoria, la séance 
est levée en signe de deuil. 


SOCIÉTÉ DE CHIMIE DE LONDRES 
Séance du 20 Décembre 1900 (suite). 


MM. A. Senier et W. Goodwin ont fait réagir Je 
bibromure d’éthylène sur la xylidine et la pseudocu 
muidine et ont obtenu la dixylyléthylènediamine et Ja 
dicumyléthylènediamine avec les pipérazines qui en 
dérivent, — Les mêmes auteurs ont fail réagir les 
diphényl-, dialphyl- et dinaphtyléthylènediamines sun 
la phénylearbimide et lont oblenu des diamines du 
type C’H‘/AzR'.CO.AzHPh}?. — MM. A. Harden el J 
Okell, en traitant la f-nitroso-xnaphtylamine par le 
nitrite de potassium et HCI, ont préparé un sel d@ 
potassium eristallisé, C'2H°O?A7K, qui, décomposé pan 
HCI et le chlorure stanneux, donne un corps qui esb 
probablement un imidazol : 


PAN 

Ÿ'Az. 
Az(0H)/ 
Cette substance se comporte comme un acide et donnes 
des sels avee la plupart des métaux. L'a-nitroso-f-naphs 
tylamine se comporte de mème envers l'acide nitreu 
et forme des composés isomères aux précédents. 
MM. H.-E. Armstrong et L.-P. Wilson, en mélangeant 
la métaxylidine avec la proportion moléculaire d'acide 
sulfurique à 100 °/,, et en chauffant à 185-1959, puis em 
veulralisant par le carbonate de polasse, ont obtenu le 
1:2:4:6-m-xylidinesulfonte de potassium. Ce corps; 
diasoté, puis bouilli avec de l'alcool, donne Je 
1:3:5-m-xylènesulfonate de potassium, à parti 
duquel les auteurs ont préparé de nombreux dérivés: 
— MM. F.-D. Chattavay et K.-J.-P. Orton répondent 
aux remarques de M. Amstrong sur leur travail relatib 
à la préparation de l’acétylchloraminobenzène et de 
ses dérivés. L'acétylehloramino-2 : 4-dichlorobenzène 
peut être obtenu par l'action directe du chlore sur 
l'acétanilide. 


Séance du 17 Janvier 1901. 

MM. Scott et W. Arbuckle recommandent l'appareil 
suivant pour l'obtention de l'acide iodique : un flacon 
à fond rond recoit deux tubes, dont l’un est lié à un 
condenseur à reflux; l'autre amène un courant d'oxy- 
gène qui traverse le liquide. De l’iode finement pulvérisé, 
bouilli avec dix fois son poids d'acide nitrique fumant, 
est oxydé complètement en vingt ou trente minutes. — 
M. A. Lapworth applique ses lois sur le changement 
isomériaue à la substitulion en méta dans les amines 
benzénoïdes. Par exemple, lorsque l'acide sulfurique 
fumant réagit sur la diméthylaniline, le sulfate de dimé- 
thylaniline d'abord formé (1) s’unit avec de l'anhydride 
sulfurique (Il), puis de l'acide sulfurique s’élimine par 
perte d'un atome d'hydrogène dans le noyau (Il), et 
“enfin le groupe labile SO*H émigre à la place de l'hy- 
drogène, tandis que l'azote qui était devenu pentavalent 
redevient trivalent (IV) : 


(ce (cu (CH° CH? 
.. H On s( WII .. . 
Az AK Az. SOSII Az 
le Noso1 | \osoul 
0x A do A 
Qu ny He nl Jsov 
ï il Hi ïi 
(1) (11) (III) IV) 


MM. T.-S. Patterson et C. Dickinson ont préparé 
quelques éthers à partir d’autres éthers du même acide. 
Ainsi, par la méthode de Fischer, on obtient du tar- 
trate d'éthyle pur à partir du tartrate de méthyle et 
vice-versa. La méthode peut être utile en certaines 
circonstances. — M. T.-H. Lee a retiré du Bignonia 
Secoma une matière colorante orange, la sécomine ; elle 
devient rose-rouge par les alcalis et jaune-clair par les 
acides. Elle sert localement à la teinture du coton et au 
vernissage du bois. — M. B.-D. Steele indique une nou- 
velle méthode pour mesurer la vitesse des ions en 
solutions aqueuses. Elle consiste à enfermer le liquide 
à mesurer entre eux deux cloisons de gélatine, qui con- 
tiennent l'ion indicateur en solution; au passage [du 
courant, le cathion de la solution est suivi par le cathion 
de l'indicateur, et l’anion de la solution par l'anion cor- 
réspondant de l'indicateur. IL est nécessaire que ces 
ons indicateurs se meuvent moins rapidement que 
Lion mesuré. La position de la limite entre les deux 
solutions se voit facilement à cause de la différence de 
réfraction, et le mouvement est mesuré au moyen d'un 
cathétomètre. La vitesse absolue de quelques ions a été 
calculée et comparée à celle obtenue par Kohlrausch. 
La concordance est bonne. — MM. H.-M. Dawson et 
J.-Me Crae ont examiné l'influence exercée par l’ad- 
dition de sels des métaux alcalins sur la distribution de 
lammoniaque entre l’eau et le chloroforme à 20°. Aussi 
longtemps que la concentration de l’ammoniaque dans 
la phase aqueuse est moindre que 0,5 normal, l’alléra- 
tion du coefficient de distribution est proportionnelle à 


: k-k 
la concentration du sel, et pr est constant; Æ est le 


coefficient de distribution avec l’eau pure, et X le 
coefficient de distribution pour une solution de sel de 
normalité 7. Pour une concentration de l’'ammoniaque 


à ESTIRES ER 
plus grande que 0,5 normal, la valeur de LEE diminue 
1 


avec une concentration croissante du sel et constante 
kde l'ammoniaque, tandis qu'elle augmente pour une 
concentration constante du sel et croissante de l’am- 
moniaque. 


ACADÉMIE DES SCIENCES D'AMSTERDAM 


Séance du 29 Décembre 1900 (suite). 


- {o SorencEs Physiques. — M. Onnes présente au nom 
kde M. J. C. Schalkwijh : /sothermes de précision. I, 


ä 


. 


] 


ACADÉMIES ET SOCIÉTÉS SAVANTES 


Mesures et calculs de la correction pour le volume du 
menisque de mercure chez les manomètres à gaz. Pour 
qu'on puisse obtenir dans les mesures de pression une 
précision de 1/10.000, il faut qu'on connaisse le volume 
du menisque de mercure des manomètres à 3 % près. 
Détermination directe du volume de quelques ménis- 
ques. Solution approchée de l'équation différentielle 
de la surface capillaire en deux cas limites pour une 
valeur approchée de la tension superficielle : 4) pour des 
tubes très étroites; b) dans le cas où le quotient de la 
flèche du ménisque par le rayon du tube est très petit. 
Représentation graphique des résultats. Solution gra- 
phique de l'équation différentielle. Contrôle. — M. H. 
W. Bakhuis Roozeboom communique, au nom de 
M. H.-B. Holsbær, un compte rendu de la thèse 
« Over oploswarmten, ete. » (Sur les chaleurs de dis- 
solution en général et celle de Cd SO‘, + H°0 en parti- 
culier). Les résultats principaux sont compris dans le 
tableau suivant : 
Chaleurs de dissolution de CdSO", : H°0 en (x —;)nr0. 


D) 


æ 5 10° 15° 95° 
400 2.075 2.530 2.985 
200 2.194 2.418 2.642 
100 2,118 2.288 2.458 

50,6 2.013 2.118 2.223 

30,6 1.835 1.918 2.001 

20.6 1.657 1.633 1.609 

15,6 1.405 1.258 4.111 

13,6 1.061 810 679 
15,03 15,10 1514 15,03 

219 165 3 —1.221 


De ce tableau, l'avant-dernière ligne fait connaître la 
teneur en H° O des solutions saturées, landis que la der- 
nière Jigne donne en calories la chaleur théorique de 
dissolution de ces solutions. — M. P. van Romburgh: 
Sur l'action de l'acide nitrique sur les éthers de l'acide 
mcthylphénylaminoltormique. L'action de AzO? sur 
CH3 

COHEAZC 

COOR 

où R représente un radical quelconque, est bien diffé- 
rente de ce qu'on pourrait attendre. Le groupe du mé- 
thyle et le restant de l'acide formique ne changent pas, 
la réaction se bornant à l'introduction de Az0* dans 
le noyau benzénique. Chez les éthers de l'acide phényl- 
aminoformique on fait entrer facilement trois groupes 
Az0® dans le noyau; ici on n'y réussit qu'avec deux 
et obtient des produits de la composition I : 


Az0, AzO, 
7 
5 3 
[l 
6 77 2 il (1 
ner Az0, : Az0, 
6 CH, 
NE CE NA CE 
NGO0R NCo0R 
Seulement en suivant un chemin indirect on obtient 
aussi des produits de la composition II. — Ensuite 


M. Romburgh présente : Sur les huiles éthériques des 
feuilles d'Alpinia malaccensis Rose. Suite d’une com- 
munication antérieure (voir Rev. gén. d. Se., t IX, p. 
476. — Enfin M. Romburgh présente encore : Sur les 
huiles éthériques d'Ocimum Basilicum L. — M. C. A. 
Lobry de Bruyn présente, au nom de M. J.-J. Blan- 
ksma, une analyse de la thèse: « Organische polysul- 
liden, ete. » (Polysulfures organiques et polysullfures 
de sodium). L'auteur a trouvé que la substance Na? S° 
se prête facilement à une décomposition double; il a 
obtenu ainsi un grand nombre de bisulfures aroma- 
tiques et aliphatiques. — Ensuite M. de Bruyn présente 
au nom de M. N. Schoorl: Sur des dérivés uréiques 
des sucres. Les efforts inutiles de MM. Lobry de Bruyn 
et Alberda van Ekenstein pour distinguer dans l'urine 


la lactose de la glucose ont provoqué l'étude de 
M. Schoorl. Il démontre qu'il est possible de soustraire 
les sucres de l'urine traitée avec un acide dilué, sous 
forme de dérivées d’urée. — Enfin M. de Bruyn présente 
au nom de M. A. F. Holleman: Sur la nitration des 
acides orthochlorobenzoïque et orthobromobenzoique, 
et la thèse de Mlle E. Kleerekooper : La phœniceïne, 
la matière colorante de Copaifera bracteata (en hol- 
landais). — M. Bakhuis Roozeboom présente au nom 
de M. E. Cohen: L’enantiotropie de l'étain. Sixième 
partie, contenant plusieurs remarques bibliographiques 
sur l’étain gris. Probablement l’énantiotropie de l'étain 
a été observée déjà dans le temps d’Aristote (384-322 
avant J-C.). — M. Roozeboom présente encore au nom 
de M, J.-N. Adriani : Lignes eutectiques de systèmes 
de trois substances, dont deux sont des antipodes 
optiques. Dans les Aend. Acad. dei Lincei du 9 avril 
1899, p. 332, M. Bruni a décrit une méthode pour déci- 
der si un corps inactif, compensé extra-moléculaire- 
ment, est un conglomérat, un corps racémique ou bien 
un cristal de mélange pseudoracémique. M. Bruni 
veut déterminer le point euteclique d’une solution 
d'un des antipodes, dissoudre ensuite des mélanges 
des antipodes en proportions connues dans le même 
milieu de solution et déterminer de nouveau les points 
eutectiques. En examinant de cette manière tous les 
mélanges de 100 ‘°/, dextro, jusqu'à 100 2} lévogyre, 
on trouve pour chaque proportion une température 
déterminée. En construisant des graphiques, le lieu 
des points eutectiques correspondant à ces différentes 
proportions est une courbe dont le caractère révèle la 
pature du corps inactif. Si l’on obtient une courbe à 
trois branches, on a affaire à un corps racémique. Deux 
branches s'obtiennent quand le corps inactif est un 
conglomérat des antipodes. Et la courbe n’admet qu'une 
branche unique s'il s'agit de cristaux de mélange inac- 
tifs. M. Adriani croit que cette méthode, appliquée 
par M. Bruni à des solutions aqueuses, montre encore 
plus d'avantages quand on se sert de milieux supérieurs 
de solution. Ici, il applique la méthode de M. Bruni à 
l’oxime du camphre. Au dessus de 103, l’-oxime du 
camphre est cristal de mélange, au-dessous de 103 il 
est corps racémique. Comme troisième substance, 
l'auteur a employé successivement la naphtaline, la 
phénantrène, la benzoïne et l’anthracène. Ces résultats 
sont contenus dans le tableau suivant : 


NAPHTALINE PHÉNANTRÈNE BENZOÏNE ANTHRACÈNE 


o/od- 0/0 L- 8104 9904 1370 2130 
100 0. 6100 1602 10002 10902 
90 5 60,0 = — = 
S5 10 59,6 15,6 99,1 107,6 
$0 20 59,2 74,9 98,2 106,8 
15 25 59,4 = 97,8 = 
10 30 60,1 14,2 97,4 106,2 
65 35 60,8 148 e = 
60 40 61,3 15,6 97,0 105,1 
50 50 61,9 16,2 97,2 105,6 


La première ligne indique les points de fusion. Ces 
résultats affirment les considérations théoriques de 
M. Bruni et les résultats obtenus antérieurement (/tev. 
gén. d. Sc., X, p. 800) par l’auteur. 

20 SCIENCES NATURELLES. — M. J.-M. van Bemmelen : 
Sur l'importance du travail de feu G. J. Mulder rela- 
tif à notre connaissance de la terre cultivable. Cette 
étude paraîtra dans les mémoires de l'Académie. — En- 
suite M. van Bemmelen présente au nom de M. G. Rein- 
ders: Deux nouveaux lieux où l'on trouve des miné- 
raux ferrugineux dans el sous les tourbières. — M. A. 
A. W. Hubrecht présente au nom de M. J.-F. van Bem- 
melen: Troisième communication d'observations sur 
lastructure du cräne des Monotrémes. L'os ethmoïdeet 
le cornet nasal de la mâchoire supérieure. — M. van 
der Waals présente au nom de M. J. Valckenier Su- 
ringar : Contribution à l'étude des espèces du genre 
Melocactus des Indes Néerlandaises Occidentales. Sont 
nommés rapporteurs MM. C.-A.-J.-A, Oudemans et 


ACADÉMIES ET SOCIÉTÉS SAVANTES 


J.-W. Moll. — M. B.-J. Stokvis présente une brochure 
Doit-on combattre la fièvre ? P. H. Scnoure. 


ACADÉMIE ROYALE DES LINCEI 


Séances de Décembre 1900. 


1° SCIENCES MATHEMATIQUES. — M. Tacchini commu 
nique à l'Académie les résultats de ses observations sur 
les Léonides, exécutées pendant le mois de novembre 
il reconnait que, malgré l’état de pureté .du ciel, Je 
phénomène des étoiles filantes a complètement mans 
qué, ce qui conduit à croire que le nuage météorique 
s'est dissous, ou qu'il s’est déplacé. — M. Millosevich 
donne les éléments de l'orbite définitive de la pet 
planète Eros, pour la période du 18 août au 31 octobm 
1900. — M. Bianchi s'occupe de l'intégration de l'équas 
tion A,u—0 dans l'espace indéfini non euclidien. 
M. Burgatti éludie dans une première note le mouve- 
ment d’un pendule vertical, dont le point de suspension 
est assujetti à des mouvements oscillatoires, et déter 
mine ces mouvements; dans une deuxième note, M. Bur- 
gatti s'occupe de quelques surfaces à lignes de cour 
bure isothermes. — M. Severi présente le résultat de 
ses recherches sur les coïncidences d'une série algés 
brique œ (*+1) —# de couples d'espaces à 4 dimen 
sions qui se trouvent dans un espace à r dimensions. 

20 SGENCES PHYSIQUES. — M. Agamennone donne des 
détails intéressants sur l'influence que les variation 
atmosphériques peuvent exercer sur les appareils seï 
miques, et insiste sur les précautions à prendre pour 
que ces influences soient réduites au minimum. = 
M. Manuelli décrit ses recherches sur l'action du 
brome sur le lapaconone. — MM. Bruni et Gorni exa: 
minent la marche du phénomène de la congélation 
daus des solutions solides de trois subslances. 
M. Viola démontre que la loi de rationalité des indices 
ne peut avoir aucune valeur en cristallographie, puis 
qu'elle ne correspond pas à la preuve de l'expérience: 

3° SciENCES NATURELLES. — M. Arcangeli expose dan 
une note ses observations sur une variété de Pinu 
Pinea L. var. fragilis, dont les fruits ont les pignons-à 
écorce tendre; M. Arcangeli décrit ses tentatives de 
reproduction de cette variété, et il arrive à la conclt 
sion qu'il ne s’agit point d’une véritable variété, mai 
d'un état pathologique de l'arbre en relation avec les 
conditions du milieu où l'arbre se trouve. — M. Mar- 
telli, ayant visité les îles de Paxos et Antipaxos dans 
l'archipel lonien, décrit leur structure géologique. 
M. Rosati donne une étude pétrographique des roches 
volcaniques des environs de Pachino en Sicile. 
M. No a étudié la propagation de la filaire du sang 
(Filaria immitis) à l'hôte définitif au moyen des mous: 
tiques; il donne des nombreux détails et des dessins 
sur la manière dont l'infection se produit, sur l’évol 
tion des moustiques el de la filaire. — M. Basili dé 
montre que l'opinion de Ross sur l'impossibilité d’une 
infection paludéenne des moustiques femelles (Culex 
pipiens) non fécondées est fausse, et décrit les expés 
riences qui prouvent que les femelles fécondées et non 
fécondées sont infectées également en suçant le sanf 
d'une personne atteinte par la fièvre. — M. Gorin 
poursuit ses recherches sur l'infection micetozoïque d 
la cornée, en relation avec l'infection de la cornée 
le vaccin. — MM. Lo Monaco et Panichi ont découven 
un phénomène particulier d’agglutination qui se pro 
duit dans le sang des malades de fièvre paludéenne,, 
selon toute probabilité, il s'agit d’un phénomène com 
mun à plusieurs maladies infectieuses, mais qui peut 
être d’une grande utilité pour suivre le cours de Ja 
maladie, pour son traitement et pour être sûr de Ja 
guérison. 

ERNESTO Mancini. 


Le Directeur-Gérant : Louis OLIVIER. 


Paris. — L. MARETHEUX, imprimeur, 1, rue Cassetto, 


12: ANNÉE 


N° 


928 FÉVRIER 1901 


ES 


| Revue générale 


des 


DIRECTEUR : 


SCien 


pures el appliquées 


LOUIS OLIVIER, Docteur ès sciences. 


Adresser tout ce qui concerne la rédaction à M. L. OLIVIER, 22, rue du Général-Foy, Paris. — La reproduction et la traduction des œuvres et des travaux 
publiés dans la Revue sont complètement interdites en France et dans tous les pays étrangers, y compris la Suède, la Norvège et la Hollande. 


RE ——— —— 


CHRONIQUE ET CORRESPONDANCE 


$ 1. — Distinctions scientifiques 


La Médaille d’or Swammerdam. La So- 
ciété hollandaise pour l'avancement des Sciences et de 
la Médecine (Genootschap ter bevordering van Natuur, 
Gences en Heelkunde) à Amsterdam a décerné la grande 
Médaille d'or de Swammerdam pour l’année 1900 au 
Professeur C. Gegenbaur, de Heidelberg. 

Cette médaille à été instituée par la Société en 1880 

eur être décernée tous les dix ans au savant qui 
aura fait, dans cet espace de temps, des recherches 
importantes sur les sciences où s’est illustré Swam- 
merdam. La médaille avait été décernéte pour la pre- 
mière fois en 1880 à C. Th. von Siebold, et en 1890 
au Professeur E. Häckel, 


$ 2. — Mécanique 


Recherches récentes sur lélasticité des 
métaux. — On a admis pendant longtemps, à la suite 
des travaux de Wertheim, que le rapport de la contrac- 
tion transversale à l'allongement, — coefficient de 
Poisson, — est le même pour tous les métaux, et égal à 
1/3, alors que de Saint-Venant était arrivé, par des 
considérations théoriques, à la conclusion que, pour 
AE: corps isotropes, ce coefficient doit être égal 

1/4. 

La question fut définitivement éclaircie lorsque, par 
ses admirables recherches sur l’élasticité des solides, 

. Amagat démontra que ce coefficient varie d'un corps 
à un autre, se rapprochant d'autant plus du nombre 
théorique que le corps est plus éloigné des conditions 
dans lesquelles il peut prendre des déformations perma- 
_nentes avant de se rompre. Ainsi le verre, le cristal, 
Vacier, donnèrent des nombres voisins de 0,25, le 
:cuivre et le laiton 0,33, le plomb 0,43. Quant au caout- 
chouc, il n'éprouve pas de modification de volume 
lorsqu'on le soumet à une traction, et le coefficient de 
Poisson atteint, pour ce corps, la valeur de 0,5. A ce 
point de vue, le caoutchouc se comporte comme le 
erait un corps constitué par un grand nombre d’alvéo- 
les élastiques, remplies d'un liquide incompressible. 
La varialion des modules avec la température a donné 
lieu à quelques bons travaux, mais on n'avait pas 


REVUE GÉNÉRALE DES SCIENCES, 1901. 


ler 


| apercu jusqu'ici de loi bien nette reliant entre elles les 
variations des divers coefficients. 

Une recherche récente de M. Clemens Schaefer l’a con- 
duit à une relation très intéressante, que nous allons 
examiner. 

Un certain nombre de métaux furent étudiés, sous la 
forme de fils, dont on déterminaitle module d'élasticité 
et le coefficient de torsion à diverses températures 
comprises entre — 1869 et + 20°. Entre ces limites, les 
coeflicient varièrent suivant une fonction sensiblement 
linéaire. Désignons par 5 le coefficient de Poisson, 


Tagceau LL 


MÉTAUX 
| 


,0132.10—8 
19 


0 


| Platine. 

| Palladium 
Ferss,?. 
Nickel . 

(O Ya 

| Cuivre . 

| Argent. 
Aluminium. 
Zinc . 
Plomb . 


.593/0,178. 103 
51310 ,2696 
0,3035 
10,3281 
0,301 
10,489 
51|0, 8209 


par E le module d'élasticité, par y le coefficient de tor- 
sion, par « et f$ leurs variations. On sait que : 


En multipliant le second membre de cette équation 
par le quotient des deux fonctions qui représentent 
respectivement la varialion de E et de y, on en déduira 
immédiatement la variation de 5. On écrira donc : 


l— ot 


Go) — + 
TE 


oi—=(l - 


Les valeurs trouvées par M. Schaefer pour les diverses 


4 


15 


ra 


CHRONIQUE ET CORRESPONDANCE 


crandeurs des coefficients de l’élasticité sont résumées 
dans le tableau I ci-joint (page 153). 

On peut, ensuite, se proposer de déterminer la tem- 
pérature pour laquelle le rapport devient égal à 1/2, 
c'est-à-dire celle où le métal prend les propriétés élas- 
tiques d’un liquide. En effectuant le calcul, on trouve 
les nombres donnés dans le tableau Il, où nous avons 
rapproché de ces nombres les températures de fusion 
déterminées directement. La concordance entre ces 
deux séries de nombres est loin d'être parfaite; mais, si 
l’on envisage la difficulté que l’on rencontre dans la 
détermination des coefficients de l'élasticité, et 
l’extrapolation considérable qui conduit à la détermi- 
nation de la valeur limite de 6, on reconnaitra que le 
seul fait d'une certaine analogie dans l'allure des deux 
tableaux mérite d'être pris en sérieuse considération. 

Il ne serait pas impossible qu'en poursuivant les 
mesures directes jusqu'au voisinage de la température 
de fusion, on arrivät, sans aucune discontinuité, à la 
valeur limite de « pour ce point lui-même. En d’autres 
termes, la fusion des métaux se produirait par le fait 
d'une variation continue de leurs propriétés élastiques. 

Cette curieuse relation n'est pas la seule que l'on 


TagLeAu IL. 


TEMPÉR. 


É 1 
MÉTAUX G— — 
2 de fusion 


Platine. . 141 4e 
Palladium He me et à 17124 115) 

HEC ER AR Et ee 1.470 1.500 env. 
Nickel . CE 1.391 1.400. — 
Cuivre . 1.169 1.08% 
Argent. 990 95% 


connaisse entre la température de fusion des métaux 
etleurs autres propriétés. Il y a plus de vingt ans, 
M. Raoul Pictet a montré que la plupart des métaux 
se dilatent d’une quantité sensiblement égale entre le 
zéro absolu etleur point de fusion; et ultérieurement, 
M. Wiebe a modifié l'énoncé de cette loi approchée en 
faisant intervenir la loi de Dulong et Petit, ce qui l’a 
conduit à envisager non plus la variation des distances 
des molécules comme le fait amenant à la fusion, mais 
le travail fourni aux atomes. 

La synthèse des propriétés élastiques et thermiques 
des métaux est, on le voit, pleine de promesses. Les 
physiciens se sont un peu désintéressés, depuis une 
vinglaine d'années, de ce genre de questions. Mais le 
retour vers les études moléculaires, nettement accusé 
au dernier Congrès international de Physique, nous fait 
espérer des progrès rapides dans cette direction. 


$ 3. — Physique 


Les expériences de Niepce de Saint- 
Victor et les rayons de Becquerel. — Quand 
on lit les curieuses notes de Niepce de Saint-Victor! 
insérées dans les Comptes-Rendus de l'Académie 
des Sciences, de 1857 à 1867, on rencontre des phéno- 
mènes qui font d'abord penser à ceux que produisent 
les rayons de Becquerel. L'oubli partiel dans lequel sont 
tombées les observations de Niepce de Saint-Victor 
appellerait alors une juste réparation et il faudrait lui 
attribuer une part du mérite que l’on aime à reporter 
des découvreurs d'aujourd'hui à leurs précurseurs mé- 
connus. Que faut-il penser de cette appréciation ? Les 


1 Niepce de Saint-Victor était le neveu de Nicéphore 
Niepce. C'est Nicéphore Niepce et non pas Niepce de Saint- 
Victor qui fut l'associé de Daguerre et l'inventeur de la 
photographie. 


lecteurs de la Æevue tiendront sans doute à être nette 
ment renseignés à ce sujet. 

Parmi les expériences de Niepce de Saint-Victor, voit 
l'une des plus frappantes en ce qui concerne l’analogié 
apparente des phénoménes qu'il a signalés et des phé 
nomènes dus aux rayons de Becquerel : : 

« J'expose à la lumière solaire une feuille de carton 
très fortement imprégnée de deux ou trois couches 
d'une solution d'acide tartrique ou de sel d’'urane 
après l’insolation, je tapisse avec le carton l’intérieur 
d'un tube de fer blanc assez long et d'un diamètre 
étroit ; je ferme le tube hermétiquement, et je constate 
après un très long laps de temps comme le premier 
jour, que le carton impressionne le papier sensible 
préparé au chlorure d'argent. À la température dé 
l'air ambiant, il faut vingt-quatre heures pour ob 
tenir le maximum d'effet; mais si, après avoir projeté 
dans le .tube quelques gouttes d’eau pour humecten 
légèrement la feuille de carton, on l’expose à un 
température de 40 à 50°, on l’ouvre et on applique 
son embouchure sur la feuille de papier sensible, 
suffira de quelques minutes pour obtenir une imag 
circulaire de l'embouchure, aussi vigoureuse que si le 
papier sensible avait été exposé au Soleil. L'expérience 
ne réussit qu'une fois, c'est-à-dire que la lumière 
semble s'être échappée tout entière du carton, et que 
pour obtenir une seconde image, il faudra recourir 
une seconde insolation ». 

Le caractère temporaire du phénomène et la néces: 
sité d'insoler le papier que l’on enferme ensuite dans 
une boite suffisent déjà à distinguer complètement les 
phénomènes signalés par Niepce de Saint-Victor dans 
l'extrait qui vient d'être cité et les phénomènes décour 
verts par M. H. Becquerel. On sait, en effet, que le 
rayons de Becquerel sont émis spontanément et indéli 
niment par l'uranium sans qu'il soit besoin d’exciten 
l'uranium par les rayons du Soleil; c'est là précisément 
qu'est le grand intérêt de la découverte de M. H. Bec 
querel. 

Il n’est pas sans intérêt de pousser plus loin l'examen 
des phénomènes signalés par Niepce de Saint-Victor 
afin de les distinguer mieux encore des phénomènes dé 
radio-activité. Dans les expériences de Niepce de Saints 
Victor, les sels d'uranium ne jouent pas d'autre rôle 
que le sulfate de quinine ou l'acide tartrique, pa 
exemple. Sans doute, des rayons de Becquerel devaient 
êlre émis dans les expériences de Niepce de Saint-Vies 
tor où se trouvaient intervenir des sels d'urane; mais 
les rayons spontanés de l'uranium n'avaient aucune 
part dans les effets observés par Niepce puisque l’action 
préalable de la lumière solaire était indispensable el 
que d’ailleurs le phénomène était temporaire. Ce qui 
agissait, c'était quelque chose qui n'était pas spécia 
aux sels d’urane en tant que renfermant de l’uraniun 
Au contraire, les rayons de Becquerel ne sont pas émis 
par le sulfate de quinine, ni par l'acide tartrique. Le 
sels d'urane les émettent en tant que renfermant dé 
l'uranium, les sels uraneux, non fluorescents, les 
émettent aussi bien que les sels uraniques fluorescen 
l'uranium métallique extrait des sels d'urane est troil 
ou quatre fois plus actif que ces sels eux-mêmes. C 
caractère atomique de la radioactivité se retrouve pou, 
le thorium et pour les nouvelles et si remarquables" 
substances que leur radioactivité très énergique a per 
mis à M. et Mme Curie, puis à M. Debierne de découvrir 
au milieu de minerais qui en renfermaient seulemen 
des traces inappréciables à l'analyse spectrale elle 
même, et de concentrer progressivement. On sait com 
ment M. et Mme Curie ont réussi à obtenir en particu 
lier des échantillons de sels de radium presque purs 
caractérisés nettement par un spectre lumineux touts 
fait nouveau et par un poids atomique très supérieur 
celui du baryum avec lequel leradium offre de grande 
analogies. Est-il besoin de dire qu'il n'y à rien d'ami 


‘ La citation suivante est extraite des Comples Rendu 
| de l'Acad. des Se, du 1er mars 1858, t. XLVI, p. 451. M 


CHRONIQUE ET CORRESPONDANCE 55 


— logue dansles propriétés observées par Niepce de Saint- 
“Victor ? L'action que parait exercer à distance un sel 
“d'uranium dans les expériences de Niepce de Saint- 
“Victor n'est pas essentiellement différente de celle 
qu'exerce, dans des circonstances analogues, une autre 
matière impressionnable comme l'acide tartrique, et 
“même elle est très inférieure à celle de l'acide tartrique. 

— L'action à distance que Niepce de Saint-Victor croyait 
avoir isolée ne traversait pas une lame de verre (ce qui 
suffirait à la rigueur à la distinguerune fois de plus d’une 
action de rayons de Becquerel). D'après cela, Niepce de 
Saint-Mictor avait adopté l'hypothèse de Foucault pour 
“lequelles effets observésseraient dus à des rayons invisi- 
“blesne traversant pas le verre.MaisNiepce de Saint-Victor 
n'a même pas démontré qu'il eût affaire à un agent se 


| propageant en ligne droite ; l'hypothèse d’un rayonne- 
_ ment n'est donc pas justifiée. 

1 existe mème des expériences de l'abbé Laborde, 
“contemporaines de celles de Niepce de Saint-Victor, 
montrant assez bien ce qu'il reste d’obscur dans les 
travaux de Niepce de Saint-Victor. Voici l’une des expé- 
riences de l'abbé Laborde!: 

« La boite contenant le carton insolé a été laissée pen- 

dant quatre heures dans un endroit chaud: je l'ai dé- 
bouchée ensuite avec précaution, et, tenant l'ouverture 
en bas, j'en ai retiré doucement le carton insolé ; j'ai 
fixé promptement sur le fond du bouchon un papier 
“sensible traversé par une bande de verre, et J'ai re- 
fermé la boite. Je l'ai placée dans un endroit frais, et 
lorsqu'au bout de douze heures je l'ai ouverte, j'ai 
trouvé le papier sensible noirci sur la surface décou- 
verte, malgré l'absence du carton insolé. » 

Pour l'abbé Laborde on a affaire non à use radiation 
issue du carton insolé, mais à une émanalion qui reste 
enfermée dans la boîte de fer-blanc et produit à elle 
seule les actions chimiques que Niepce attribuait à une 

_ radiation émanée du carton. 

Il pourra être intéressant d'approfondir les phéno- 
. mènes découverts par Niepce de Saint-Victor et dont 
. l'étude est, on le voit, si incomplète. Mais le peu que 
nous apprennent sur ces phénomènes les expériences 
su Niepce de Saint-Victoret celles de ses contemporains 


suffit pour nous permettre d'affirmer qu'il n'y a rien 
de commun entre ces phénomènes, où l’action de ra- 
“‘hations invisibles n'a même pas pu être constatée, et 
les phénomènes bien nettement définis qui sont dus 
“aux rayons de Becquerel. La découverte et l'étude des 
“rayons spontanés de l'uranium, du thorium et des nou- 
veaux éléments radioactifs ne doit absolument rien à 
Niepce de Saint-Victor. 


__ Nouvelle méthode pour la cristallisation 
des solutions, en particulier des solutions 
de substances albumineuses. — Une difficulté 
quise présente souvent lorsqu'on cherche à faire cris- 
talliser certaines solutions, pour obtenir à l'état pur le 
corps qu'elles renferment, c'est la formation d'une 
croûte cristalline à la surface, croûte qui contient géné- 
ralement une bonne partie des impuretés de la solu- 
tion. Cette croûte tombe au fond à la moindre secousse 
et une nouvelle croûte se reforme rapidement. Ce phé- 
nomène est particulièrement gênant pour les solu- 
tions albumineuses, et M. Wroblewsky, qui s'occupe 
depuis plusieurs années de l'étude de ces corps, a été 
amené à rechercher le moyen de le prévenir®. 

La formation des croûtes doit être attribuée à la va- 
porisation superlicielle ; il faut donc d'abord empêcher 
cette dernière et chercher à provoquer la concentra- 
tion de la solution d'une autre facon. Pour cela, 
M, Wroblewsky utilise une propriété des membranes 
de parchemin : Si l'on suspend dans l'air un tuyau de 
parchemin rempli d'eau et bien fermé à ses deux extré- 


| Bulletin de la Société Française de Photographie 
août 1859. — RU se à 
… Bulletin international de l'Académie des Sciences de 
Cracovie, 1900, n° $, p. 319. 

Π


mités, on constate que l'eau ne mouille pas sa surface 
extérieure; mais, si l'air est sec, l’eau diminue en 
quantité à l'intérieur, et au bout de quelques jours elle 
ä disparu complètement; elle s’est infiltrée dans la 
membrane et s'est évaporée à sa surface extérieure. Si, 
à la place de l’eau pure, on introduit dans le tube de 
parchemin une solution, celle-ci se concentrera de 
plus en plus jusqu'à ce que le corps dissous se dépose 
sous forme cristalline ou amorphe. 

Sur ce principe, M. Wroblewsky a construit l'appareil 
suivant (fig. 1) : Dans un vase A, on introduit un large 
tube B, fermant hermétiquement l'ouverture C, et fermé 
lui-même par le bouchon D, qui est traversé par le 
tube E. Le tube B est fermé en bas par une membrane 
de parchemin végétal fixée par une triple ligature. Ou 
place du chlorure de calcium poreux dans le fond du 
vase À et de l’eau dans le tube E. Si l’on introduit une 
solution dans le tube B, elle se concentrera peu à peu 
et cristallisera sans formation de croûte à la surface. 

On observe, 
pour certains 
sels, un phé- 
nomène très 
curieux : c’est 
la formation 
decristaux sur 
la surface ex- 
térieure du 
parchemin. 
Pour le sulfate d'ammonia- 
que, ils sont longs et filifor- 
mes, ressemblant à des brins 
d'herbe très fins ou à .des 
fils de toile d’araignée; ils 
poussent dans la direction du 
chlorure de calcium. Le chlo- 
rure d'ammonium forme des 
cristaux plus courts; le chlo- 
rure de sodium et l’acétate de 
potasse ne produisent qu'uu 
duvet subtil. Le sulfate de 
magnésie ne forme qu'une ef- 
florescence minime; le sul- 
fate de cuivre ne donne pres- 
que rien. On a observé des 
phénomènes analogues dans 


Fig. 1. — Appareil pour | 
la cristallisation des la nature, par exemple à la 
solutions. — A, vase surface des plantes qui pous- 
fermé contenant des sent dans un sol saturé de 


substances hygrosco- 

piques ; B, tube renfer- 

mant Ja solution à 

cristalliser; C, col; D, 

bouchon; E, tube plein 
d'eau. 


chlorure de sodium. 
L'appareil de M. Wroblew- 
ski, appliqué à la cristallisa- 
tion de l'albumine d'œuf, lui 
a donné des cristaux plus 
purs que ceux qui résultent 
de la méthode de Hotfmeis- 
ter, et cela sans formation de croûte superficielle et 
dans un temps beaucoup plus court. On à observé 
également une très faible cristallisation de l'albumine 
à l'extérieur du parchemin. Il y a là un phénomène 
d'osmose qui paraît général pour tous les corps. 


La lampe à incandescence et le courant 
alternatif. — Nous recevons la lettre suivante : 

« Vous avez publié, dans un réceut numéro de la 
Revue générale des Sciences’, d'intéressantes remar- 
ques sur les variations de température et d'éclat des 
lampes à incandescence parcourues par des courants 
alternatifs. Voulez-vous, à ce propos, me permettre de 
rappeler que j'ai donné moi-même, il y a quelques 
années, une théorie complète du phénomène, basée sur 
la loi du rayonnement de H.-F. Weber. J'étais arrivé, 
pour un courant sinusoidal de fréquence 40, à des va- 
riations de température de 10° en plus ou en moins de 


Voyez la Revue du 30 janvier 1901, t. XL, p. 58. 
Eclairage électrique, 5 juin, 1897. 


CHRONIQUE ET CORRESPONDANCE 


la moyenne, et à des variations d'éclat de 10 °/, environ 
en plus ou en moins de l'éclat normal. J'indiquais de 
plus la possibilité d'observer ces variations d'éclat en 
agitant un objet brillant devant la lampe. 

« Les nombres que je viens de citer reposent entit- 
rement sur la théorie de H.-K. Weber qui, je le remar- 
quais déjà dans le travail cité, semble donner pour la 
température des lampes des nombres inférieurs à la 
réalité (1100° environ). Quelques expériences que j'ai 
publiées l’année suivante m'ont donné, pour la tem- 
pérature moyenne de lampes moyennement poussées, 
de 1600° à 1700°, Néanmoins, l'allure générale du phé- 
nomène et son ordre de grandeur sont très sulfisamment 
indiqués par la méthode que j'ai employée, et mes résul- 
tats ne diffèrent pas beaucoup de ceux de M. Samoilof; 
il n'y a pas lieu d’ailleurs d'être surpris de ces légères 
différences, étant donné : 4° qu'il emploie la loi de Ste- 
phan au lieu de la loi de Weber; 2° qu'il substitue au 
courant sinusoidal vrai un courant fictif simplement 
interrompu. » Paul Janet, 

Cliargé de Cours à la Faculté 
des Sciences de Paris. 


$ 4. — Chimie 


Action de léther méthylmalonique sodé 
sur l'oxyde de mésityle. — Les expériences di- 
risées dans cette voie ont eu principalement pour objet 
la synthèse de l'acide dihydrocamphorique ‘, et, bien 
que ces tentatives n'aient pas élé couronnées de suc- 
cès, M. Crossley a pu néanmoins obtenir plusieurs 
dérivés intéressants. 

Tout d’abord l’action de l’oxyde de mésityle sur 
l'éther méthylmalonique sodé peut s'exprimer ainsi : 
(CH5)°C — CH. GO. CH° + Na.C(CII) (CO?C2I)* 

/C(CH°). (COC?H5). CO, : 
—(CHSECS ; CHE + CFO. 

Nc: co” 

Le produit de condensation ainsi obtenu, soumis à 
la saponification, fournit un acide £-cétonique qui perd 
spontanément de l’anhydride carbonique en fournis- 
sant une cétone : 

CH(CIE) — CON 
(CHÿCL CHE, 
DO CT 


Cette triméthyldihydrorésorcine (2:6-dicéto-3 : 4 :4 
triméthylhexaméthylène) possède très certainement la 
coustitulion qui lui est assignée ici parce que l’oxyda- 
tion au moyen de l'hypobromite de soude le convertit 
en acide a«-ÿ-5-triméthylglutarique : 


CH CH. CON 
(CPC 
CHE COZH 


Il n'a pas été jusqu'ici possible de convertir la trimé- 
thyldihydro-résorcine en l'acide cétonique : 


CU CI). CO 
(CH3)2C4 
NCIÉCO.CIP. 


Celle résorcine substituée fonctionne comme une dicé- 
tone et donne une dioxime bien caractérisée, mais sa 
forme la plus usuelle est la forme énolique : 


CH(CIP) = COS 
CH° CL DUR: 
N\CHE — C{0H)- 


Ainsi, par exemple, elle fournit un sel d'argent, unéther 
méthylique et un dérivé monoacétylé. 

En même temps, lanature non saturée de ce com- 
posé peut être démontrée par le fait qu'il s'unit au 
brome en donnant un dérivé dibromé. Celui-ci, qui est 


1A.-W. Crosscey, Journal of the Chem. Soc., t. 19, p. 198. 


; extrêmement instable, perd rapidement de l'acide 
| bromhydrique et fournit un dérivé monobromé ainsi qui 
le montrent les relations : - 
CH(CHS)— CO 
CHE 
CHÈ— CBr OH 
/CH(CH)CO 


ŸGIBr 


> (CH}CC SN GBr 
CIE — C(ON)7 
CII(CIH) — CO 
ou (CH'CC >CHBr. 
\CH®——— CO 
Traitée par une quantité insuffisante d'hypobromile 
de soude, la triméthyldihydrorésorcine est transformée 
en un dérivé bibromé : 
CH(CH# CO 
CCC Durs 
SCHE — CO 


lequel, traité à son tour par la potasse, est converti ef 
en 


acide 4-55-triméthylglutarique et dans le composé mono 
bromé ci-dessus. 


Composition chimique des Pétroles ro 
mains. — La composition chimique des pétroles varie 
beaucoup selon leur provenance ; les divers pétroles 
connus et exploités peuvent se rattacher à trois formes. 
principales : les pétroles d'Amérique, constitués pres 
que en totalité par des carbures forméniques; les 
pétroles de Bakou, composés surtout de carbures eyeli 
ques saturés ou naphtènes, et les pétroles intermé= 
diaires, tels que ceux de Tiflis, qui réunissent les deux 
sortes d'hydrocarbures. | 

Les pétroles de Roumanie avaient été jusqu'à présent 
peu étudiés quant à leur composilion. M. Poni, profes 
seur à l’Université de Jassy, a entrepris l'étude de plu 
sieurs d’entre eux et publié récemment (Annales scie 
tifiques de l'Université de Jassy, 1900, 2e fase.) des 
résultats précis sur les portions les plus volatiles du 
pétrole de Colibasi. 

Contrairement à beaucoup de pétroles, ce dernier nt 
contient pas de carbures éthyléniques ou acttyléniques 
Il renferme une certaine quantité de carbures gazeux 
forméniques (élhane, propane, butane, pentane ter* 
tiaire), Les parties qui distillent au-dessous de 100% 
sont pour une notable proportion constituées par des 
pentanes et des hexanes, qu'accompagnent de faibles 
quantités de benzène et de toluène, ainsi que des dose 
assez importantes de carbures cycliques saturés 
méthylpentaméthylène, hexaméthylène. 

Ces résultats, qui seront sans doute complétés pro 
chainement par M. Poni, tendent à ranger les pétroles 
de Colibasi dans la troisième catégorie, tout en indin 
quant une prépondérance assez marquée des carbure 
à chaine ouverte. + 


$ 5. — Physiologie 


La ration d'entretien dans les pays chauds 
— Nous empruntons à un travail de M. Maurel!, dont I 
première partie seulement vient de paraitre, une série 
de données fort intéressantes sur la ration d'entretien 
dans les pays chauds. 

En s'appuyant sur les faits qu'il a observés et les re 
cherches qu'il à faites en Cochinchine, au Cambodge 
à la Guadeloupe, ete., M. Maurel montre que, dans les 
régions intertropicales dont la latitude n’est pas corrigé 
par l'altitude, les azotés, dans la ration d'entretien, doi 
vent figurer pour 4 gramme à 4 gr. 25 environ et les 
ternaires pour 4 à 5 grammes environ par kilo 
gramme de poids, soit 60 à75 grammes d'azotés et 240 


1 E. Maurer : Influence des climats et des saisons sur ls 
dépense de l'organisme chez l'homme. Archives de Méd 


cine navale 4900, no 11. 


CHRONIQUE ET CORRESPONDANCE 


à300 6 grammes de ternaires pour un homme de 60 kilo- 
grammes. 
origine des azotés est sans importance, et on peut 
les demander indifféremment au règne animal et au 
règne végétal. Pour les # ou 5 grammes de ternaires, on 
peut adopter comme proportion : { gramme de corps 
gras, 0 gr. 50 our ool, contenu dans” une liqueur fer- 
mentée vin, b ière ou cidre), et 2 gr. 50 à 3 gr. 50 d’hy- 
drates de carbone. 
… Le nombre de calories, constituant un des Ho les 
Jus importants de la ration, doit être environ de 27,5 
h 32,5 colories, en moyenne de 30, pose ns 


‘un homme Fe 60 en 

fa quantité d'aliments et le nombre de calories 
s doivent donner correspondent à la ration d'en- 
tien. Pour les autres rations, celles du travail, de la 
wissance, de la grossesse, etc., les règles pour les fixer 
t les mêmes que pour les pays tempérés. 


$ 6. — Sciences médicales 


l'infiuence de l'Oxygène sur les Convul- 
ons strychniques. — C'est un fait bien connu 
physiologistes qu'on peut, par la respiration arti- 
elle, atténuer chez le chien, chez le lapin, chez le 
aye, les phénomènes de l’empoisonnement strych- 
e, et rendre inoffensives des doses d'alcaloïde 
rtelles pour un animal respirant normalement (Rich- 
Leube, Rosenthal, Uspensky, Westphal, Lasch- 
ewitz, Ebner, Brown-Séquard, Rossbach et Jochelsohn, 
nanoff, Buchheim, Pauschinger, Richet, Eckhardt). 
es physiologistes toutefois différent d'avis dans l'inter- 
tation du phénomène. Les uns admettent que la res- 
ration artificielle détermine une ventilation plus par- 
ite des alvéoles pulmonaires et une oxygénation plus 
tomplète du saug, ayant pour conséquence une com- 
bustion plus rapide des substances organiques et vrai- 
mblablementde lastrychnine ; — les autres admettent 
ue, par la respiration artilicielle, sont produites des 

Xcitations périphériques capables de détermmer une 
aibition plus ou moins complète du pouvoir excito- 
exe des centres nerveux. 

. Osterwald!, sur les conseils du P'Jacobi, s'est pro- 
é de résoudre la question du mécanisme remar- 
able que nous venons de signaler. Siles phénomènes 
caniques de la respiration artificielle sont la cause 
l'atténuation des symptômes strychniques, cette 
énuation ne devra pas se produire si l'animal n’est 
soumis à la respiration arüficielle. Si les phéno- 
nes de suroxygénation du sang dans la respiration 
ificielle sont la cause de l'atténuation observée, cette 
ténuation devra se produire si l'animal respire libre- 
nt dans une atmosphère suroxygénée.Telles sont les 
positions de M. Osterwald. 

les expériences sont faites sur des souris, sur des 
Sobayes, sur des poussins, comparativement. A deux 
himaux aussi semblables que possible, on injecte 
s la peau une même quantité de strychnine (à dose 
mortelle ou à dose mortelle) ; l’un est placé dans 
, l'autre dans une cloche d'oxygène. Les accidents 
Ychniques sont toujours plus graves, et plus rapide- 
nt mortels pour l'animal conservé dans l'air que 
ur celui maintenu dans l'oxygène. Ainsi, par exemple, 

IX cobayes pesant chacun 440 grammes recoivent 
*,2 d’azotate de strychnine en injection sous-cutanée:; 

m À est placé dans une cloche d'air; l'autre B dans 
ne cloche d° oxygène. Après quinze minutes, le cobaye A 
sente une exagération des réflexes très manifeste ; 

cobaye B n’en présente aucune, Après vingt minutes, 
cobaye À présente des convulsions spontanées; le 
baye B ne manifeste qu'une très légère agitation. 

Après vingt-cinq minutes, le cobaye A ‘est en tétanos 
ontinu, le cobaye B paraît normal. Après vingt-sept 


Archiv. fur experiment. Pathologie und Pharmakologie, 
[900 ; 401-63. 


157 

minutes, le cobaye À meurt. " ormal. 
En placant deux cobayes l'air 
naturel, l’autre dans un les 
accidents strychniqu’ es 
chez le premier a ad on 
approche des l - avec la 


vie, quand 
mènes «| 

2 -nces que les phé- 
.ration artificielle ne 
ation des phénomènes 
uit être recherchée dans les 

Ce on de l'organisme. 
-istrerles expériences de M. Oster- 
: elles sont faites avec rigueur et 
s'accr c des expériences antérieures, notam- 
ment à iles d'Ananoff. Mais nous devons faire des 
réserves, au moins provisoires, sur l'interprétation qu'il 
en donne. S'agit-il, comme il le dit, de changements 
dans les processus d'oxydations or: ganiques sous l'in- 
fluence des modifications de la tension de l'oxygène ? 
Avant d'admettre cette conclusion, il faudrait établir 
la réalité de cette augmentalion des oxydalions dans le 
cas où l'animal respire dans l'oxygène pur, ou dans le 
cas où l'animal est soumis à une respiration artificielle 
énergique. Or, nous savons que, dans le phénomène de 
l’apnée produit par une respiration artificielle active, les 
oxydalions ne sont point augmentées, et la tension de 
l'oxygène dans le sang est normale. Et pourtant dans 
ces conditions l'atténuation des phénomènes strych- 
niques se produit. Que la tension de l'oxygène daus le 
sans de l'animal qui respire dans l'oxygène pur soit 
supérieure à la tension de ce gaz dans le sang de l’ani- 
mal qui respire dans l'air, c ea là chose probable ; mais 
n'oublions pas que l'oxygène dans le sang est pour la 
plus grande part combiné à l'hémoglobine, et que la 
tension dans de capillaires est pour l'oxyzène égale à 
la tension de dissociation de l’oxyhé moglobine dès 
qu'est consommée la très petite fraction d'oxygène qui, 
dissoute dans le plasma, avait une tension supérieure. 
Une remarque s'impose encore : l'oxygène respiré 
sous pression de cinq atmosphères produit chez les 
animaux des accidents convulsifs, absolument sem- 
blables aux accidents strychniques; on comprendrait 
sans peine que l'oxygène sous pression d'une atmos- 
phère exagérât les accidents dus à la strychnine; on est 
surpris de le voir les atténuer. On sait qu'un poison 
capable de supprimer l'activité d'un élément vivant 
commence par exalter cette activité quand il est em- 
ployé à dose faible; mais on n’a pas d'exemples nets de 
poisons qui, à dose convenable, exaltent une activité 
vilale et qui, à dose moindre, diminuent sette activité. 
Ces remarques n’enlèvent rien de l'intérêt des re- 
cherches de M. Osterwald; elles montrent, au con- 
traire, tout l'intérêt qui s'attache à ces recherches, qu'il 

serait désirable de voir étendre et compléter. 


es phéno- 


n° 


wal ce 


$ 7. — Géographie et Colonisation 


La production du Caoutchoue. — Jusqu'à ces 
dernières années, le caoutchouc était © considéré unique- 
ment comme un produit forestier et ne pouvait, à 
aucun titre, être rangé au nombre des productions 
agricoles. À Actuellement enc ore, malgré une production 
annuelle qui dépasse 42 millions de kilogrammes, pour 
le monde entier, le caoutchouc est presque uniquement 
fourni par des végétaux ayant poussé sans culture dans 
les forêts; mais, en présence d’une consommation qui 
devient de plus en plus considérable, le problème s’est 
posé de la création de cultures ralionnelles, non seu- 
lement pour assurer dans l'avenir la production du 
caoutchouc nécessaire à l'industrie, mais encore pour 
diminuer, autant que possible, les frais de récolte et 
pour obtenir un produit plus homogène. 

A lui seul, le Brésil fournit plus de la moitié du 
caoutchouc annuellement livré au commerce (23 mil- 
lions de kilogrammes en moyenne pour les deux ou 


158 


trois dernières années), el ce caoutchouc est produit 
par diverses espèces du genre Æevea, par le Castilloa 
ct par un Aanihot. Mais les arbres du genre Hevea sont 
principalement exploités au Brésil et fournissent le 
caoutchouc le plus estimé. D'après M. Eug. Acker- 
mann‘, on na guère à craindre la disparition de ces 
arbres dans les forêts du Brésil car, à l'encontre de ce 
qui se passe en Afrique, les récolteurs ne détruisent 
pas les arbres producteurs : ils se contentent de les 
saigner par des incisions périodiquement répétées. 
Dans lEtat de Para, ce qui manque principalement, 
c'est la main-d'œuvre, car la récolte se fait dans les 
lorèts marécageuses où les récolteurs rencontrent mille 
obstacles et contractent de dangereuses maladies, « Si 
les propriétaires de terrains ont intérêt à planter, ce 
n'est pas précisément parce que la matière première 
fait défaut, mais c'est afin d'avoir plus de facilités pour 
l'extraction, ou bien pour augmenter la valeur de leurs 
terres, et enfin aussi pour pouvoir se procurer plus 
facilement la main-d'œuvre, car cette dernière affluera 
de préférence dans une plantation où les conditions 
hygiéniques ne peuvent être que bonnes, comparées à 
celles de la forêt quasi vierge. » 

La récolte n’est pas réglementée dans les Etats de Rio 
de Janeiro, Minas Geraes, Espirito Santo, Parahyba, 
Rio Grande do Norte, Sergipe, et même dans l'Etat de 
Para, si riche en Aanicobas. L'Etat de Para a établi, 
par une loi du 20 mars 1896, des primes pour l’encou- 
ragement des plantations d'arbres à caoutchouc. Il 
alloue 1 million de reis par lot de 2.000 seringueiras 
plantés convenablement, pourvu que le terrain appar- 
tienne en propre au planteur où qu'il soit affermé par 
lui. Il existe aussi une réglementation dans les Etats de 
Matto Grosso, des Amazones et de Bahia; mais les 
données de M. Ackermann se rapportent principalement 
à l'Etat de Para * qui est d’ailleurs le principal centre de 
la production de caoutchouc. Les arbres exploités dans 
l'Amazonie ne sont pas seulement des espèces du genre 
Hevea (H. Brasiliensis, H. discolor, IL. paucrflora, 
I. lutea), mais encore le Castilloa elastica, que le pro- 
fesseur Buscalioni, de Rome, nous a dit avoir rencontré 
maintes fois sur les rives des affluents de l’Amazone. 
M. Ackermann décrit en détail les procédés d'extraction 
et de coagulation du latex, procédés qui sont connus 
de toutes les personnes au courant de ce qui concerne 
la production du caoutchouc. Un seul ouvrier, opérant 
sur une centaine d'arbres, répartis à des distances 
variables, peut arriver à extraire 400 à 800 kilogrammes 
de caoutchouc, chiffre qui est relativement peu consi- 
dérable et qui pourrait être beaucoup plus élevé dans 
une plantation bien organisée. Les conditions hygiéni- 
ques sont telles que la mortalité est très élevée. « La 
moitié du caoutchouc récolté appartient à l'ouvrier, 
mais on en déduit une portion en échange des avances 
failes. On en déduit une deuxième portion pour l'achat 
des vivres et des objets nécessaires à la vie, en vue 
d'un autre séjour dans la forêt marécageuse. Aussi, en 
dépit de leur paye, en apparence forte, les ouvriers en 
caoutchouc sont pauvres. » L'ouvrier se trouve donc 
exploité par le propriétaire de la forèt qui ne l’est pas 
moins, à son tour, par le courtier intermédiaire ou 


? Au pays du caoutchouc, par Eugène Ackermann, ingé- 
nieur civil des mines. Rixheim, 1900. 

* On trouvera un bon apercu de cette réglementation 
dans le Bulletin de la Société d'Etudes coloniales, édité à 
Bruxelles (n° 11, novembre 1900). 


CHRONIQUE ET CORRESPONDANCE 


ll 


ee 


Aviador; ce dernier verse lui-même des prix très 
élevés à l’armateur pour tous les objets qu'il lui achète 
et qui sont destinés aux ouvriers. Il en résulte que l 
mateur seul réalise de sérieux bénéfices et, par suit 
de cette exploitation répétée, l'industriel européen 
n'obtient le caoutchouc de Para qu’à des prix relatives 
ment élevés. 

Les primes accordées pour la création de plantations 
n'ont produit jusqu'ici que très peu d'effet, et le Brésil 
ne compte en ce moment encore qu'un petit nombre de 
plantations sérieuses. Nos colonies tropicales pour 
raient donc, avec profit et sans crainte d’une concur 
rence très prochaine, créer et développer des plant 
rions de végétaux producteurs de caoutchouc. Des 
essais ont déjà été poursuivis dans cette voie, depuis 
plusieurs années, et de nombreuses plantations son! 
en voie de création dans nos diverses colonies. Nous 
regrettons seulement d’avoir à constater que ces entre 
prises agricoles ne reposent pas sur les essais préalables 
de culture et d’exploitalion qui étaient nécessaires, @ 
qu'une administration soucieuse de l'avenir écono: 
mique de ces possessions aurait dû faire poursuivre 
depuis longtemps par les Services botaniques et agri 
coles de nos colonies. 

Tout ce qui concerne l'existence de végétaux produ 
teurs de caoutchouc étant de première importance 
nous devons signaler en passant l'envoi qui nous a été 
fait, très récemment, par M. Vadon, chef de station du 
Congo francais, d’un échantillon botanique de Aïckxi 
Gilletii accompagné d’un peu de caoutchouc de bonne 
qualité. Il nous à paru intéressant de signaler ce fait en 
passant, car jusqu'ici les Xickxia rencontrés au Congo 
2e fournissaient qu'un produit adhérent et de très mau 
vaise qualité. L'échantillon a été recueilli sur la rive 
droite du Congo, un peu en amont de Brazzaville. Em 
recherchant cet arbre au Congo, on trouvera peut-être 
le moyen d'augmenter la production de caoutchouc 
dans notre colonie, production qui s’est élevée seules 
ment à 657.110 kilogrammes pour l'année 1899, alors 
que les exportations de caoutchouc de l'Etat indépen: 
dant (Congo belge) ont atteint 1.734.505 kilogrammes 
en 1898. 


nn ce 


$ 8. — Réunions scientifiques 


Réception en l'honneur du Professeur 
Agassiz. — M. le Professeur A. Agassiz, l'illustre oc 
nographe américain, se trouvant récemmentde pass 
à Paris pour quelques jours, la Société Zoologique di 
France avait pris l'initiative d’un banquet en son hon 
neur. Ce banquet a eu lieu au restaurant Champeauà 
le 4er février. Malgré le peu de temps dont avaient dis 
posé les organisateurs, on peut dire que cette fête 
parfaitement réussi, car, si les invités étaient pe 
nombreux, ils comptaient du moins parmi eux les n@ 
tabilités du monde zoologique. Nous citerons : M. Ed 
mond PERRIER, directeur du Muséum d'histoire natw 
relle ; MM. Eicmoz et Griarb, membres de l’Institut 
MM. Y. Deracr, Certes et Bouvier, anciens présidents 
de la Société Zoologique de France; MM. R. BLANCHARD 
SCHLUMBERGER, J. Guiart et Neveu-LEMAIRE, représentan 
le Bureau de cette même Société ; M. ScnLeIcHE 
éditeur ; M. Have, représentant le laboratoire de Géo 
logie de la Sorbonne; MM. Bouraw, FRANCOIS, HEROUAKI 
Lagé, Racovrrza et Roserr, représentant les différent 
laboratoires de Zoologie de la Sorbonne. M. le Profes 
seur Munier-Cnazmas, M. le Professeur Ch. Ricnfl 
MM. Trousssant et J. Ricnanp s'étaient fait excuser. 


he. 
Dre 


A. HALLER — LA FABRICATION DE L’ACIDE SULFURIQUE 


“ Dœbereiner a montré, en 1832, que, lorsqu'on 
t passer sur de la mousse de platine humide un 
ange de deux volumes de gaz sulfureux et d'un 
ime d'oxygène, il se forme de l'acide sulfu- 


sur la fabrication de l'acide sulfurique par 
ntermédiaire de la mousse de platine : Il brûle 
1 soufre (ou des pyrites) dans un four spécial, 
élange l'acide sulfureux obtenu avec de l’air, et 
passer le gaz dans des tubes de platine ou de 
jrcelaine, contenant du fil ou de la mousse de 
aline, et maintenus à une certaine température. 
anhydride sulfurique résultant de la combinaison 
des deux gaz S0° et O, est condensé dans des 
chambres cylindriques de 30 pieds de haut sur 8 
» large, recouvertes à l'intérieur de lames de 
omb et remplies jusqu'au sommet de morceaux 
quartz. À la partie supérieure de l'appareil, on 
t couler de l’eau ou de l'acide sulfurique étendu, 
ovenant d’une préparation antérieure, acide qui 
enrichit et se rassemble au fond, d'où il est de 
ouveau pompé à la partie supérieure de la cham- 
re, jusqu'à ce qu'il possède la concentration 
roulue ?. 
» D'après des renseignements que nous devons à 
lobligeance de M. Kolbe, directeur actuel des Éta- 
blissements Kuhlmann, à Lille, Kuhlmann, vers 
833, aurait également entrepris des essais, dans 
n usine de Loos, en vue de préparer l'acide sul- 
rique par la combinaison du gaz sulfureux avec 
xygène de l'air, par l'intermédiaire de l'éponge 
platine. Ses essais eussent élé salisfaisants, si 
éponge avait conservé « ses propriétés catalyti- 
ques » qui vont en s’atténuant avec le temps”. 
On à tenté de remplacer l'éponge de platine par 
d'autres substances de contact. C'est ainsi que 
Woehler et Mahla ont opéré avec des oxydes de 
Buivre, de fer et de chrome, et paraissent avoir 
bbtenu de bons résultats avec les deux derniers 


4 Extrait d'une conférence faite à Nancy le 12 janvier. — 
us devons les figures qui illustrent cet article à l'obligeance 
e M. Auguin, directeur de la evue industrielle de l'Est, 


poque, est néanmoins signalée: par Knapp, dans sa 
Chimie technologique, t. Il, p. 399 (Dunod, 1870); par 
Mbunge, dans son Handbuch der Soda-Industrie, t. 1, p. 191 
ieweg, Brunswick, 1893), et dans le Dictionnaire des Arts 
Manufactures de Laboulaye, 2° édition. 


î LA FABRICATION DE LACIDE SULFURIQUE 
È AU MOYEN DES PROCÉDÉS PAR CONTACT 


oxydes. Comme nous le verrons dans la suite, 
cetle réaction a été reprise par le Verein chemis- 
cher Fabriken de Mannheim. De son côté, Plattner 
a choisi du quartz broyé, mais a dû y renoncer, 
par suile de la lenteur de la réaction. Magnus avait 
d'ailleurs observé, dès 1832, que le verre pulvérisé 
jouissait de la même propriété. 

La question fut reprise, bien longtemps après, 
par M. CI. Winckler, en Allemagne, et par MM. Mes- 
sel et Squire, en Angleterre. Au lieu d'éponge de 
platine, le premier se servit d'amiante plaliné, 
tandis que les seconds employèrent de la ponce 


platinée et aussi de l'asbeste platiné, sur lesquels 


ils faisaient arriver‘ un mélange préalablement 
desséché de SO*Æ 0, obtenu par la décomposition 
au rouge de l'acide sulfurique SO‘H*. 

La fabrication de l'acide sulfurique fumant 
n'entra dans le domaine de la pratique qu'à partir 
du jour où la Padische Anilin und Soda Fabrik, 
avec les puissants moyens dont elle dispose, entre- 
prit une étude minutieuse et systématique des 
conditions chimiques et physiques les plus favo- 
rables à la combinaison des gaz réagissants. 

Ce procédé, tenu secret pendant longtemps, ne 
fut livré à la publicité qu'à la suite d'indiscrétions 
commises au préjudice de la Société, qui chercha 
ensuite à se protéger par la demande d’une série 
de brevets. 

Avant d'aborder la description du procédé, qu'il 
nous soit permis de remercier publiquement la So- 
ciété badoise en la personne de son directeur, 
M. le D' Brunck, pour la gracieuselé avec laquelle 
elle a mis à notre disposition, non seulement des 
échantillons d’acides de teneurs diverses en anhy- 
dride, et un spécimen de la masse de contact 
qu'elle emploie, mais encore tous les documents 
et plans qui constituent l'originalité de son pro- 
cédé. 

La fabrication comporte trois opérations princi- 
pales : 

1° Traitement préliminaire du mélange des gaz 
à mettre en œuvre; 

2 Réglage des conditions de température pen- 
dant la combinaison; 

3° Disposition ou arrangement de la substance 
de contact, pour ne pas avoir une pression exa- 
gérée. 


! Brevet allemand 4.566; Lunge, Æandbuch der Soda-In- 
dustrie, 2 édition, p. 863. 


160 


À. HALLER — LA FABRICATION DE L'ACIDE SULFURIQUE 


Î. — TRAITEMENT PRÉLIMINAIRE DU MÉLANGE DES GAZ. 


1. Zmpuretés des gaz.— On sait depuis longtemps 
que les gaz provenant du grillage des pyrites ren- 
ferment, outre de petites quantités d'acide sulfu- 
rique et d'anhydride, d'autres impurelés parmi 
lequelles nous signalerons le soufre, le fer, le 
manganèse, le cuivre, l'arsenice, l’antimoine, le 
phosphore, le mercure (déjà signalé par Berzélius 
en 1517, et Kuhlmann en 1863), le plomb, le zine, 
le bismuth, le thallium, le sélénium et leurs com- 
posés. 

Les effets de ces impuretés sont de différentes 
sortes : dans certains cas, l'acide SO*H? peut atla- 
quer le plomb et le fer des appareils, et gêner le 
mécanisme des opérations. Il entraîne de plus les 
poussières dans l'appareil catalytique, et encrasse 
par suile la substance de contact. 

Parmi ces impuretés, on à reconnu que l'ar- 
senic, le phosphore et le mercure avaient une in- 
fluence particulièrement nuisible sur cette sub- 
slance, et la mettaient hors d'usage au bout de 
peu de temps. 


2. Purification des gaz. — Pour effectuer la pu- 
rification, on lance un jet d'air ou de gaz déjà pu- 
rifié, puis un jet de vapeur dans les gaz chauds, au 
moment de leur sortie des fours à pyrites. Cette 
opération a pour effet de brasser la masse gazeuse 
et d'assurer une combustion parfaite du soufre et 
de toute malière combustible. 

L'injeclion de la vapeur en plusieurs fois a des 
effets très importants; elle dilue l'acide sulfurique 
et empêche ainsi l'attaque de l'appareil réfrigérant 
(qui est en plomb ou en fer); elle s'oppose en 
outre à la formation de dépôts de la matière incrus- 
tante que l'acide sulfurique forme avec les pous- 
sières solides, lors du refroidissement des gaz non 
mélangés de vapeur. L'encrassement des conduites 
est ainsi évité, car les impuretés se rassemblent 
sous forme de boues faciles à enlever. Elle empêche 
enfin la formation d'hydrogène arsénié et d'hydro- 
gène phosphoré volalils, qui peuvent résulter de 
l'attaque des parties métalliques par l'acide sulfu- 
rique concentré. 


3. Refroidissement graduel des gaz. — Après 
ce traitement, les gaz traversent un tuyau en fer 
ou en briques dans lequel ils commencent à se 
refroidir, puis ils s'écoulent dans un système de 
tuyaux en plomb qui achèvent de les refroidir à 
100° environ, et même au-dessous. 

4. Lavage. — Is traversent ensuite des tours 
d'arrosage ou barbottent dans une série de laveurs 
contenant soit de l’eau seulemeni, soit de l'eau aci- 


dulée, soit enfin dans une solution de bisullite dé 
soude, pour de là se dessécher dans un appareil à 
acide sulfurique concentré ou dans tout autre 
système desséchant. | 

Pour construire les laveurs, il convient d’éviler 
l'emploi de matières qui soient susceptibles dé 
produire, sous l'influence de l'acide sulfurique 
des gaz comme l'hydrogène arsénié ou l'hydrogène 
phosphoré. Le lavage des gaz est enfin facilité par 
une aspiration convenable. . 


». Examen des gaz. — Avant d'entrer dans 
l'appareil de contact, les gaz sont soumis : 4° à un 
essai oplique ; 2 à une analyse chimique pour s'a 
surer de l'absence d'arsenic, de phosphore, de 
Inercure, etc. 

L'essai optique consiste à examiner une c0lonneM 
de plusieurs mètres de long et éclairée à une de 
ses extrémités. Bien lavés, les gaz deviennent 
transparents et absolument exempts de brouillards* 

L'examen chimique s'effectue en faisant barboter 
pendant vingt-quatre heures une dérivation des 
gaz épurés dans un flacon laveur renfermant de 
l'eau distillée ; on cherche ensuile, dans cette eau, 
les impuretés par les méthodes analytiques con- 
nues (appareil de Marsh). 


IT. — RÉGLAGE DES CONDITIONS DE TEMPÉRATURE 
PENDANT LA COMBINAISON. 


On sait que la combinaison de l'acide sulfureux 
avec l'oxygène est une réaction exothermique, et 
que la chaleur dégagée est : 


SO? + O — SO + 32,2 cal. 


Mais la combinaison de ces gaz n'a lieu qu'à 
une température relativement élevée, en sorte 
qu'on doit chauffer préalablement les deux gaz, ou 
l’un d'eux au moins. Pendant la réaction, la cha= 
leur dégagée s'ajoute à Ja chaleur primitive, en! 
sorte que la température s'élève très haut, et at* 
teint parfois le rouge blane, si le mélange est très 
riche en gaz ou le courant assez rapide. 

Cette énorme chaleur et celte température élevées 
nuisaient à la fabrication pralique de l’anhydride 
sulfurique. Les préjudices qui en résultent sont des 
diverse nalure : 

1° Les appareils en fer sont rapidement oxydés; 
2° L'action de la substance catalytique est affai= 
biie ; < 

3° La capacité de production des appareils s'en 
trouve amoindrie ; 

4° El, avant lout, la réaclion, qui devait êlre, 
presque quantitative, est beaucoup moins parfaite: 

La surélévalion de température est surtout nui- 
sible si l'appareil est tel que les gaz contenant SO 


b A. HALLER — LA FABRICATION DE L'ACIDE SULFURIQUE 161 


quittent la substance catalytique au point le plus 

aud. La réaction inverse de SU* en SO? + 0 se 
produit d'autant plus facilement que la tempéra- 
ture est plus élevée, et celle-ci s'élève d'autant plus 
du la quantité de gaz qui passe par l'appareil ca- 
Lalytique est plus grande, ou que les gaz sont plus 
“concentrés. Il en résulte que la conversion de 
0? + 0 en SO’ est limilée par la réaction inverse, 
es gaz, au sortir de l'appareil catalytique, ren- 
ment de l'acide sulfureux. Aussi, dans les procé- 
s par contact employés jusqu'alors, on ne réa- 
ail la combinaison en SO* que d'une partie du 
élange de SO°+ 0. Une notable proportion des 
gaz réagissant non combinés élait utilisée pour 


On peut éviter celle dissocialion partielle en re- 
froidissant d'une manière régulière l'appareil, afin 
d'enlever Lout excès de chaleur, en sorte que la tem- 
pérature oblenue fournit des résultats quantitatifs, 
quelles que soient la quantité et la concentration 
des gaz employés. Après absorption du SO* formé, 
les gaz ne renferment plus que des traces de SO° et 
peuvent Ôtre déversés sans inconvénient dans 
atmosphère. Le rendement est en tous points 
comparable à celui obtenu dans les chambres. En 
outre, les appareils durent plus longtemps et tra- 
Vaillent mieux par suite de l’abaissement de tem- 
pérature. Le refroidissement de l'appareil de con- 
et a pour but de le maintenir dans la zone de 
lempérature la plus favorable, et s'effectue à l’aide 
d'un courant de gaz dont on règle la température 
et la vitesse. On peut aussi refroidir à l'aide de 
bains de mélaux en fusion, dont la température 
reste constante. 

- Lorsque les gaz que l’on veut trailer sont utilisés 
x-mèmes pour le refroidissement de l'appareil, 
en envoie une partie ou la lotalilé sur la surface 
extérieure de l'appareil, pour enlever l'excès de 
de chaleur. 

. Les gaz qui quittent le milieu réfrigérant sont 
suite portés à la température la plus favorable 
la marche de la réaction, avant d'être dirigés 
dans la masse de contact. Sur ce point, il faut 
tenir comple de la concentration des gaz. 

Avant de passer en revue les différentes sortes 
appareils tels qu'ils sont décrits dans les brevets, 
nous allons donner un procédé de préparation 
l'amiante platiné. On imbibe de l'amiante bien 
effiloché avec une solution de chlorure de platine 
rendue légèrement alcaline par l'addition de car- 
bonate de soude, on ajoute du formiate de soude 


III. — DisPOSITION DES APPAREILS. 


Dans la figure 1, M représente une pièce de 
maconnerie ou un tuyau de fer dans lequel est placé 
le conduit R. Ce dernier est composé de deux par- 
lies a et b, destinées à différentes fonctions et pou- 
vant posséder des diamètres et des longueurs dit- 
férentes : une d'elles peut-être aussi remplacée par 
un certain nombre de conduits plus étrous. La par- 
tie b des conduits R recoit la masse de contact 
refroidie par l'air froid entrant par » dans le tuyau 
extérieur. L'autre partie 2 du conduit R a pour but 
de porter le gaz contenant l'acide sulfureux et arri- 


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5 
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IS : 


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Fig. 1 Fig. 2: 
fig. 4. — Schéma d'un des conduits dans un appareil par 
contact. — M, pièce de maconnerie ou tuyau de fer; R, 


conduit; a, partie où le gaz sulfureux se réchaufle; h, par- 
tie contenant la masse de contact; Ah!, chauflage; », arri- 
vée de l'air froid; L, sortie de l'air; e, sortie de l'anhy- 
dride sulfurique. 
Fig, 2, — Appareil par contact à plusieurs conduits. — Les 
Ééttres communes ont la même signification que dans la 
WW', parois. 


figure 1; DD', couvercles; 
vant par D à la température nécessaire à la réac- 
lion. 

Au commencement de l'opération, tout l'appareil 
est porté par le chauffage ZA (par exemple un 
chauffage à gaz) à la température nécessaire à la 
réaction. Cette dernière une fois commencée, on 
n'a plus besoin de chauffer si l'on travaille avec 
des gaz concentrés, parce que l'air, chauffé par la 
masse de contact, transporté en a est à une Lempé- 
ralure suffisamment élevée pour empêcher la zone 


162 


A. HALLER — LA FABRICATION DE L’ACIDE SULFURIQUE 


de la réaction de reculer ou de s'éteindre. Par les 
ouvertures d'issue mobiles L, L, le courant d'air 
peut être réglé de manière à communiquer à la 
masse catalytique la température nécessaire à la 
réaction. Quand on travaille avec des gaz plus 
faibles, l'air qui s’échauffe en jouant le rôle de 
refroidissant, est chauffé en outre par le chauf- 
fage LA", de manière à communiquer aussi aux gaz 
qui arrivent par a une température plus élevée. Si 
les gaz à travailler sont encore plus faibles, il peut 
devenir nécessaire de chauffer préalablement et 
d'une manière durable l'air arrivant en n, ce qu'on 


RTS 


fe 
RS 
RE 


1 


Fig. 3. 


tuyau S qui contient, entre les deux parois W, Wls 
le conduit R (fig. 3 et 5). Pour la mise en marches 
l'appareil est porté à la température de réaction 
par un chauffage, par exemple par celui indiqué 
par 2, que les gaz chauffants peuvent quitter pa 
les canaux L, L. Par les ouvertures E ou E!, on 
laisse entrer le gaz à travailler, dont la tempéra= 
ture peut encore se règler par l'appareil de chauf 
fage G, dans l’espace du luyau S, où il refroidit la 
masse catalytique dans R : de là, le gaz se dirige 
par les ouvertures À etF vers D (fig. 3) ou bien pa 
la voie de À et H dans l’espace D, où se fait le 


TITRES 


2e 


LRRY 


Fig. 4. 


Fig. 3. — Autre disposition du conduit dans un appareil par contact. — EE!, arrivée des gaz à travailler venant du 
réchauffeur G par les ventilateurs V'V':;S, tuyau de passage des gaz à travailler, chauffé extérieurement par les gaz h 


qui quittent l'appareil en L; A, sortie des gaz ; I, appareil de température : F, rentrée des gaz dans l’espace D, où ils 
se mélangent avec l'air ou les gaz venant de J; R, conduit renfermant la masse de contact; e, sortie de l'anhydride 
sulfurique. 

Fig. 4. — Appareil de contact à plusieurs conduits. — AA, arrivée des gaz; BB!, tuyaux traversant diamétralement 
l'appareil et facilitant la distribution du mélange gazeux; C, parois mitoyennes forcant les gaz à passer près des 
conduits R pour refroidir la masse catalytique; N, appareil mélangeur. Les autres letires ont la même signification 

que précédemment. 


peut faire par le chauffage LA’ ou de toute autre 
manière. 

Les gaz sortant de l’espace de contact D, et conte- 
nant l'anhydride sulfurique, quittent par le con- 
duit e l'appareil catalytique pour le travail ulté- 
rieur. Dans la figure 2 est représenté un appareil 
avec un certain nombre de conduits de contact RR 
qui communiquent entre eux par les deux parois W, 
W'etles couvercles D D'. 

Examinons une autre disposition d'appareils : 
Dans la pièce de maçonnerie M est installé le 


mélange des gaz, et ensuite dans la masse cataly- 
tique du conduit R. Les gaz convertis partent de 
nouveau par c. Dans l'appareil H, la température 
du gaz peut se régler avant son entrée dans D. 

Ces appareils peuvent être modifiés à leur tour, 
de manière à réunir un certain nombre de conduits 
R en un seul appareil. Parmi les diverses formes 
d'application, celle, par exemple, représentée par 
la figure 4, est très avantageuse en pratique. 

On a trouvé, en effet, qu'en travaillant avec de 
gros appareils ayant un grand nombre de con-, 


A. HALLER — LA FABRICATION DE L’ACIDE SULFURIQUE 163 


+ nm” 
{ 
à 


“duils, il est préférable de distribuer convenable- | cations des thermomètres se trouvant dans les 
“ment le courant gazeux dans le tuyau S. Ceci est | différentes parties des appareils, notamment dans 
ait d'abord par les chambres À, A!, qui dirigent le | Det D', jusqu'à ce que les analyses du gaz entrant 
ca affluant vers l'appareil par toute l'enceinte du | et sortant donnent les meilleurs résultats pra- 
fuyau S, ensuite par les tuyaux B, B'qui traversent | tiques. 

diamétralement l'appareil, et, en raison de la lon- Les chambres de distribution du gaz À A! peuvent 
: gueurdes cordes des arcs correspondants, possè- | être étendues sur toute la surface du tuyau S, 
nt des trous latéraux de différentes dimensions, | comme le montre la figure 6. La chaleur rayon- 
mlesquels le gaz subit une distribution homo- | nante de l’appareil lui-même peut alors servir à 
ne à l'intérieur même du corps de tuyau. règler la température des gaz entrants. 

Pour que le gaz refroidissant puisse suivre la Au lieu des gaz mêmes à travailler, on peut se 
même direction durant son chemin ultérieur et | servir d’air ou d'un autre gaz comme réfrigérant, 


Fig. 5. Fig. G. 


Îg. 5. — Appareil par contact dans lequel la masse catalytique est refroidie par un gaz autre que celui à travailler. — 

} RRGrISUres que précédemment. A, sortie du gaz étranger, qui peut communiquer sa chaleur dans H aux gaz à 
travailler. 

Mig. 6. — Autre disposition d'appareil par contact. — Les chambres de distribution À sont étendues à toute la surface du 

| tuyau S. Mêmes lettres que précédemment. 


passer en même temps le plus près de la masse | si, par exemple, on fait refluer le courant réfrigérant 
catalytique à refroidir, on établit, à des distances | (fig. 5) à l'aide d'un ventilateur V par GetEE’, ele., 
pas trop éloignées, un certain nombre de parois | vers S. Le courant gazeux refroidit alors le conduit 
itoyennes C, C, qui se dressent dans $S, de manière | R, et quitte le tuyau S par À, naturellement sans 
“à laisser au courant gazeux un passage libre tout | être ensuite dirigé vers D. 

près des parois des conduits R R. La chaleur accumulée dans l'air (gaz) sortant 
Il est encore avantageux de bien mélanger les | peut être évidemment utilisée, par exemple, en La 
“uaz avant leur entrée dans la masse catalytique, | transportant sur les gaz affluents à travailler à l'aide 
fin d'en égaliser la température. L'appareil mélan- | d’un appareil H approprié. 

geur N, établi au-dessus du couvercle D, sert à ce Dans les figures 7 et 8 se trouve une autre forme 
-but en mélangeant convenablement le gaz arrivant | typique d'application de notre procédé Elle sert 
de O, F et J pour se diriger vers Det R. surtout à travailler des gaz concentrés. Le gaz 
—_ L'intensité et la température du courant réfrigé- | arrivant par E est dirigé par F F' vers la partie la 
rant sont convenablement réglées suivant les indi- | plus chaude P de la masse catalytique dans R. La 


A. HALLER — LA FABRICATION DE L'ACIDE SULFURIQUE 


partie relativement la plus froide arrive alors à 
l'endroit le plus chaud de la masse de contact et la 
refroidit énergiquement. Le courant réfrigérant 
peut quitter S soit par À ou A’, ainsi que par B ou 
B', ou par B et B’, pour être dirigé directement par 
0 vers D ou par le refrigérateur H vers D, ainsi que 
par O et H vers D avec une température réglée. On 
peut aussi diriger une partie du gaz à travailler 
directement par J vers D. 

Les autres dispositions pour la distribution, la 
direction et le mélange du gaz, sont semblables à 
celles décrites dans l'exemple 2. 

Ici encore, la distribution des courants gazeux 


Fig. 1. — Schéma d'un conduit de l'appareil. 


reil par À ou A’, etc. La chaleur qu'il emporté 
peut être ulilisée d’une manière quelconque, par 
exemple en s'en servant pour chauffer préalable: 
ment, dans l'appareil de chauffage H, les gaz à tra= 
vailler introduits par F, au point d'empêcher le 
recul de la zone de réaction P. 

Dans une pièce de maconnerie ou dans un 
tuyau M (fig. 10 et 11) sont établis, dans une paroi 
W, un seul ou plusieurs conduits SS $S, entre les: 
quels se dressent un seul ou plusieurs conduits 
RRR, également établis dans une paroi W. Si 
l'appareil est construit avec plusieurs conduits 
(fig. 11), les conduits S sont séparés de ceux dési- 


CEE 


ES 


LE NVWOWNW00NVVIVVVTTKK NUS 


Fig. S. — Appareil à plusieurs conduits. 


Fig. T et 8. — Appareil par contact pour travailler les gaz concentrés. — E, entrée des gaz; FF/, arrivée des gaz vers la 
partie P la plus chaude de la masse de contact; S, tuyau de passage des gaz; AA!,BB', sortie des gaz vers le tuyau O 
ou vers l'appareil réfrigérateur H; J, dérivation des gaz entrés par E allant directement vers l'espace D ou se fait le 
mélange avec les gaz ayant traversé l'appareil et venant de O. Les autres lettres ont la même signification que 

: précédemment. 


peut se régler suivant les analyses du gaz et les 
indications des thermomètres. 

f Au lieu des gaz à travailler, on peut ici se servir 
également d'air ou d'un autre gaz comme réfrigé- 
rant, ce qui se recommande surtout quand on (ra- 
vaille avec des gaz fort concentrés, parce que le 
volume et la masse de ces derniers sont relative- 
ment petits, de sorte qu'ils ne peuvent pas suffire 
au refroidissement. Un appareil servant à ce but 
est représenté dans la figure 9. A l’aide d’un venti- 
lateur V"' actionné électriquement, le courant d'air 
(ou gazeux) réfrigérant est soufflé sur la partie la 
plus chaude P de la masse catalytique, passe parS, 
où il refroidit la masse de contact et quitte l'appa- 


gnés par R par un réservoir K (en forme de caisson), 
dont l’intérieur est destiné à distribuer les gaz af- 
fluents. Ces derniers passent entre les conduits R 
elS, et refroidissent la masse calalylique dans R.. 
Suivant Ja concentration des gaz, les conduits peu- 
vent être chauffés par le chauffage 2 ou refroidis 
par un courant d'air réglable dans L. Les gaz con- 
verlis quittent l'appareil par D et c. Pour la mise 
en pratique, les dimensions indiquées dans les 
figures sont à recommander. Néanmoins, les dia- 
mètres (ainsi que la longueur des conduits) peuvent. 
subir des variations dans de vastes limites. 

On a décrit, dans les exemples précédents, plu- 
sieurs formes d'application du nouveau procédé. 


A. HALLER — LA FABRICATION DE L’ACIDE SULFURIQUE 


165 


“Nous voulons encore montrer, dans un exemple 
concret, comment-il faut opérer pour arriver au 
résultat le plus favorable possible. 
… Dans ce but, nous admettons le cas concret où il 
faudrait travailler un mélange gazeux contenant 
“cnviron 42 °/, en volume d'acide sulfureux et la 
- mème quantité d'oxygène. 
On chauffe d'abord l'appareil par le chauffage À 
exemple le chauffage à gaz fig. 4) jusqu à ce 
n (hermomètre dans le couvercle de dessus D 
iarque la température d’environ 300° C., après 
oi on fait entrer tout le courant gazeux par À 
ns l'appareil. En dosant par des analyses consé- 
tutives l'acide sulfureux des gaz entrants el sor- 


Pig. 0.— Appareil par contact pour les gaz concentrés dans 

equel la masse catalytique est refroidie par un gaz autre 

“que le gaz à travailler. — E, arrivée du gaz étranger 

envoyé par le ventilateur V'!'; AA!, sortie de ce gaz qui 

peut céder sa chaleur en H aux gaz à travailler. Mèmes 
lettres que précédemment. 


lants, on constale l'effet pratique des conditions 
données, et l'on règle en conséquence la tempéra- 
ture à l'intérieur de l'appareil de contact. On y 
arrive en orientant l'intensité el la température du 
courant réfrigérant à l’aide des soupapes V,V' et 
I, et, si cela est nécessaire, du chauffeur G, de 
nanière à amener la transformalion la plus favo- 
ble de SO* en SO”. 

Dans le cas admis ci-dessus, on y parvient en 
tisant entrer dans D environ deux tiers du cou- 
ant gazeux total par À et un tiers par V'(fig. 4). La 
température dans D, égalisée par le mélangeur N, 
est alors d'environ 380° C, landis que le thermo- 
mètre dans D' marque 234° C (fig. 4). Dans ce cas 


concret, la transformation est de 96 — 98 °/, de la 
possibilité théorique, ce qui équivaut à une pro- 
duction de 48-50 kilos de SO' en 24 heures : elle 
peut monter à 99°/, si l’on charge moins l’appa- 
reil, de manière à prolonger le contact entre le gaz 
et la masse catalytique. 

Un dernier perfectionnement introduit par la 
Société badoise consiste à éviter l'excès de pression 
nécessaire, dans les appareils précédents, pour 
forcer les gaz à circuler à travers la masse de con- 
tact. Dans ces appareils, on place l'amiante platiné 
dans des tubes plats; aussi faut-il, pour forcer les 


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Fig. 10. — Appareil Fig. 11. — Appareil à plusieurs 
à un seul conduit, conduits. 
Fig. 40 et 11. — Autre dispositif d'appareil par contact. — 


Mêmes lettres que précédemment. K, réservoir en forme 
de caisson facilitant la distribution des gaz affluents. 


gaz à les traverser, une si forte pression que l'on 
doit recourir à une pompe. En outre, il est dit 
aussi que sous pression les gaz se combinent 
mieux, et les brevets qui précèdent sont libellés 
dans ce sens. Mais la Société a trouvé que l'avantage 
obtenu en travailiant sous pression est plus que 
compensé par l’augmentalion des dépenses. Elle a 
cherché à ne pas dépasser la pression atmosphé- 
rique et, grâce au moyen qu’elle a employé, toute 
pression disparait dans les tubes de contact et, par 
suite, les frais de compression sont réduits au 
minimum. 

En se reportant aux figures 12 et 13 qui accom- 
pagnent le brevet, on voit que les tubes R, qui ren- 
ferment la substance de contact, sont divisés en un 
graud nombre de compartiments, à l'aide de plaques 
perforées ou tamis. Sur chaque plaque on met la 


166 


A. HALLER — LA FABRICATION DE L'ACIDE SULFURIQUE 


substance de contact, de manière à recouvrir les 
trous ou les mailles, et sur la partie annulaire entre 
le tube et le bord de la plaque. Le principe de 
l'appareil est tel que la pression exercée sur une 
couche de substance catalytique ne se transmet 
pas aux suivantes et, de plus, les couches sont 
disposées de telle manière que les gaz doivent 
passer forcément à lravers la masse de contact. 
Une tringle de fer à est fixée dans la partie D'et 
passe au milieu du tube R. On enfile un tube court 
h sur lequel repose une première couche de subs- 


RSS 
22227 


Fig. 43. 


Fig. 12 et 13. — Disposition intérieure des tubes renfer- 
mant la substance de contact. — à, tringle de fer, fixée 


sur le fond D'; b, tube court portant une première plaque 
perforée e, recouverte de la substance, dd'ul!, tubes annu- 
laires ou trépieds supportant les plaques suivantes ce'el'elll, 


tance de contact disposée sur une plaque perforée 
ou grille, qui est recouverte conformément aux 
indications précédentes. Sur cette plaque, on met 
un collier où un tube court d, puis une autre 
plaque perforée et ainsi de suite. La pression sup- 
portée par la couche de substance catalytique se 
transmet aux plaques, et de celles-ci aux tubes, et 
la substance catalytique en est soulagée d'autant. 

Cette disposition des couches offre de plus en 
plus l'avantage de mélanger à chaque fois les gaz, 
en sorte que leur température s'égalise et que l'effet 
réfrigérant décrit dans les brevets précédents est 
augmenté. D’autres moyens peuvent être employés, 


mais le principe élabli est le même. On peut se 
servir, comme l'indique la figure 13, des trépieds 
(d, d', d') pour soutenir les plaques, au lieu de 
tringle centrale et des petits colliers comme dans l& 
figure 192. 

Pour éviter l’agglomération de la substance cata 
lylique et, par suite, l’augmentalion de pression, il 
importe avant tout, quel que soit le procédé employé 
de ne pas empêcher le refroidissement régulier, qui 
est une des causes de réussite. 

Dans ce qui précède, nous avons cru devoir 
donner dans leur texte intégral l'ensemble des bre 
vets qu'a pris la Société badoise pour celte nouvelle 
fabrication. Nous ne nous dissimulons cependant 
pas qu’il n'est pas aisé de discerner exactement le 
disposilif qu’elle emploie en réalité ; l'essentiel pour 
nous est desavoir les principes sur lesquels repose 
le nouveau procédé. L 

En résumé, les points importants à retenir sont 
les suivants : 

1° Préparalion de la masse de contact qui parait 
être de l'amiante platiné ; 2° purification rigoureuse 
des gaz réagissants ; 3° maintien de la température 
de ces gaz à l’intérieur des chambres, de telle façon: 
qu'elle soit intermédiaire entre la température 
nécessaire à la formation de l’anhydride sulfurique; 
et celle à laquelle ce corps se dissocie. 

D'autres brevets ont été pris pour la fabrication. 
de l'acide sulfurique par la méthode de contact, 
mais, à part ceux pris par la Compagnie parisienne 
de couleurs d’aniline (brevet français 275.927 et 
brevets allemands et anglais), aucun de ces pro= 
cédés ne semble encore être en mesure de rivalisen 
avec celui que nous venons de décrire. 

On a cherché a utiliser d'autres substances de 
contact, comme le peroxyde de fer, provenant du 
grillage des pyriles, ou le sesquioxyde de chrome: 
(Voir brevet francais 280.393; brevet anglais, 
n° 17.266; brevets allemands, 107.995, 108.446, des 
la Verein Chemischer Fabriken, à Mannheim.) 


IV. — AVENIR DE L'INDUSTRIE DE L'ACIDE SULEURIQUE* 


Nous avons successivement passé en revue les 
différents procédés employés pour la fabrication de 
l'acide sulfurique. Essayons maintenant de nous 
faire une idée de la situation respective de chacun 
d'eux, et de l'avenir qui leur est réservé. 

L'ancien procédé de distillation des sulfates de 
fer, le seul qui fut pendant longtemps en état de 
fournir de l'acide fumant « dit de Nordhausen » 
malgré les services rendus, semble destiné à dis= 
paraître devant son nouveau rival, le procédé par 
contact. , 

D'après Winckler, cet acide coûtait en Bohème 
lieu de fabricalion d'alors, en 1792, 50 florins l@ 


% A. HALLER — LA FABRICATION DE L'ACIDE SULFURIQUE 


167 


# 
Le 
à 


“quintal de 50 kilos, et en 1873, 10 florins. On en 
produisait en 1832 environ 1.700 quintaux, en 1846, 
50.000 quintaux, et en 1873, 66.000 quintaux. 

Selon M. G. Hattensaur (Catalogue des produits 

, chimiques de la Section autrichienne), J.-D. Starck 
parait avoir à lui seul livré au commerce en 1838, 

19.260 quintaux d'acide fumant et 5.000 quintaux 

dé caput mortuum; en 1872, ses usines produi- 

sirent eucore 34.410 quinlaux du même acide, avec 

132 quintaux de peroxyde de fer (caput mor- 

ium 

“En 1873, 120 fourneaux étaientencore en marche, 

mais, devant la concurrence menacante du procédé 

par contact, introduit d'abord à Freiberg en Saxe, 
par M. C. Winckler, la fabricalion de cet article 
iminua tellement qu’en 1893 il n'y avait plus que 

15 à 16 fourneaux qui fonclionnaient sur les 120. 

Les progrès réalisés dans la fabrication de l'acide 

sulfurique par les chambres de plomb ne sont pas 

moins suggestifs. 

Au début, alors qu'on préparait l'acide sans sal- 

“pôtre, par la combustion du soufre en présence de 

“la vapeur d'eau, 1 kilo de cet acide revenait à 

M9 francs ; ce prix tomba en 41740 à 5 fr. 75 quand 


même approximative, de la production actuelle 
dans les différents pays, comme il serait non moins 
difficile de savoir quel sort est réservé à ce pro- 
cédé plus que séculaire. 

- Dans le brevet de la Société Badoise, nous rele- 
vons la phrase suivante : « Les acides au-dessous 
de 50° B. peuvent être préparés, par notre procédé, 
au moins aussi économiquement que par l’ancien. 
lous les acides plus concentrés peuvent être pré- 
parés à bien meilleur compte, et l'économie sur 
Pancien système est d'autant plus grande qu'il 
s'agit d'acides plus concentrés. » 

- Il semble donc, d’après cela, que si le problème 
économique de l’oblention des acides concentrés 
par le procédé par contact est résolu, il reste encore 
quelque espoir pour la fabrication de l'acide à 50°, 
cest-à-dire de celui que fournissent directement 


les chambres de plomb, acide qui trouve son utili- 
salion dars la fabrication des superphosphales. 

Quoi qu'il en soit, l'acide préparé par la méthode 
de contact, outre les nombreux avantages que je 
viens d’énumérer, possède encore l'inappréciable 
mérile d’être d’une grande pureté et de ne pas ren- 
fermer d'arsenic. D'autre part, les frais d’établisse- 
ment du nouveau procédé sont de beaucoup infé- 
rieurs à ceux qu'exige le système des chambres de 
plomb et représentent, d'après la Société Badoise; 
les deux tiers du prix d'une installation de mème 
puissance travaillant avec ce dernier système. 

L'obtention des acides fumants à divers état de 
concentration en à naturellement étendu l'emploi. 
Indépendamment de son utilisation pour la prépa- 
ration de l'acide à 66° et même d'acide plus étendu 
pour accumulateurs, emploi auquel il se prête admi- 
rablement en de l'absence de produits 
nitreux, l'acide par contact sert à la sulfonation des 
colorants et des matières premières pour colorants 
ou autres produits organiques, à la concentration 
des mélanges résiduaires d'acide azotique et d'acide 
sulfurique provenant de la fabrication des nitro- 
celluloses, etc. Mais une de ses applications les 
plus ingénieuses, à l'heure actuelle, est son emploi 
comme oxydant de la naphtaline pour la prépara- 
tion de l’anhydride phtalique, matière première 
d'une des synthèses industrielles de l’indigo. 

Quel que soit l'avenir réservé à ce procédé, il 
constitue une des étapes les plus intéressantes du 
chemin parcouru par la science appliquée à l’in- 
dustrie, durant le siècle qui vient de s’écouler. Il 
montre, etc’estlà ma conclusion, que, dans l'avenir, 
le chimiste, qu'il ait à s'occuper de science pure 
ou de ses applications, sera tenu d'être familiarisé, 
non seulement avec toutes les méthodes ordinaires 
d'analyse et de synthèse de nos laboratoires, mais 
qu'il devra posséder à fond toutes les questions de 
Chimie physique, car elles sont appelées à jouer un 
rôle de plus en plus important dans l'étude des 
phénomènes de la Nature. 


raison 


A. Haller, 


Membre de l'Institut, 
Professeur de Chimie organique à la Sorbonne. 


168 


D' HILBERT — PROBLÈMES MATHÉMATIQUES 


PROBLÈMES MATHÉMATIQUES 


Quels seront les buts particuliers auxquels ten- 
dront les principaux génies mathématiques des 
générations à venir ? Quelles nouvelles méthodes et 
quels nouveaux faits restent à découvrir, dans le 
riche et large champ de la pensée mathématique? 

L'histoire de la Science nous enseigne la conti- 
nuilé de son développement. Nous savons que 
chaque époque a ses problèmes propres, que 
l’époque suivante résout ou laisse de côté comme 
stériles pour les remplacer par d’autres. Si nous 
voulons nous faire une idée du développement 
probable du savoir mathématique dans les temps 
qui vont nous suivre immédiatement, il nous faut 
passer en revue les questions que se pose la Science 
présente et dont elle attend la solution de l'avenir. 

Il est difficile et souvent impossible de préjuger 
exactement la valeur d’un problème; cette valeur 
se décide, en fin de comple, par le gain qu'il pro- 
cure à la Science. Nous pouvons cependant nous 
demander s'il existe des signes généraux capables 
de nous faire reconnaitre les problèmes utiles. 

Un tel problème doit tout d'abord être bien 
défini; son sens et sa portée doivent être faciles à 
saisir. Puis, il faut qu'un problème mathématique 
soit difficile, afin de nous attirer, mais non complè- 
tement inabordable, pour ne pas déjouer tous nos 
efforts. 

Les mathématiciens des siècles passés avaient 
l'habitude de s'adonner avec un zèle passionné à 
la solution de quelques problèmes difficiles. Je rap- 
pellerai, à cet égard, le problème posé par Jean 
Bernoulli, de la ligne de plus courte descente. 
L'expérience montre, dit Bernoulli en publiant 
l'énoncé de ce problème, que rien n’excite plus les 
grands esprits à lravailler pour l’augmentalion du 
savoir, que les problèmes difficiles et en même 
temps utiles qu'on leur propose; aussi, espère-t-il 
mériter la reconnaissance du monde mathématique 
en posant, à l'exemple d'hommes comme Mersenne, 
Pascal, Fermat, Viviani, une question aux analystes, 
pour leur permettre de juger de l'excellence de 
leurs méthodes et de mesurer leurs forces. C'est à 
ce problème de Bernoulli et à d’autres semblables 
que le Caleul des Variations doit son origine. 

De mème, le problème bien connu de Fermat 
sur l'équation x? + y*=— 71 nous offre un exemple 
frappant de l’action qu'un problème très spécial et, 
en apparence, peu important peut exercer sur la 
marche de la Science. C'est le problème de Fermat 
qui à suggéré à Kummer l'introduction des idéaux 
el la décomposition des nombres d’un corps issu 
de la division du cercle en idéaux premiers, pro- 


position qui, étendue à lous les corps algébriques 
a pris place au centre même de la Théorie des Nom 
bres moderne et dont la signification s'étend, bien 
au delà des frontières de la Théorie des Nombres, 
au domaine de l’Algèbre et de la Théorie des Fone 
tions. . 
Pour parler ‘d'un tout autre domaine de recher 
ches, je rappellerai le problème des {rois corps! 
M. H. Poincaré a entrepris de trailer à nouveau 
cette difficile question et d'approcher d'avantage 
de la solution, et c'est à celte circonstance que nous 
devons les méthodes si fécondes et les principes 
si haute portée dont ce savant a enrichi la Méca 
nique Céleste”. 

Je dirai un moi des conditions qu'il est légitime 
d'imposer à la solution d'un problème mathéma= 
tique : parmi ces conditions, j'ai, avant tout, en 
vue celle qui consiste à répondre à la question pa 
un nombre fini de raisonnements fondés sur un 
nombre fini d'hypothèses venant de la position 
même du problème et que l'on doit toujours for= 
muler exactement. Cette exigence de la déduction: 
logique par un nombre fini de conclusions n'est 
autre que l'exigence de la rigueur dans la démons- 
tration. C'est, d'ailleurs, une erreur de croire que 
celte rigueur soit l'ennemie de lasimplicité. De nom 
breux exemples nous montrent, au contraire, la 
méthode rigoureuse comme étant en même temp 
la plus simple et la plus aisée à saisir. En même 
temps, le souci de la rigueur ouvre la voie à des 
méthodes plus susceptibles de développement que 
les anciennes. C’est ce qui est arrivé pour la théorie 
des courbes algébriques (par l'application de lan 
Théorie des Fonctions) et surtout pour le Calcul des 
Variations. 

D'autre part, en posant la rigueur de démonstra= 
tion commé condition d'une solution parfaite, je 
suis en même temps opposé à celle idée que les 
notions de l'Analyse, — ou mieux encore celles de 
l'Arithmétique — soient seules susceplibles d'un 
traitement entièrement rigoureux. Cette opinion, 
qui a trouvé parfois les représentants les plus au= 
lorisés, je la tiens pour complètement erronée : 
une interprétalion aussi étroite de la nécessité de 
la rigueur nous conduirait à l'ignorance de toutes. 
les notions issues de la Géométrie, de la Mécanique 
el de la Physique, à l'interruption de tout apporb 
de nouveaux matériaux fournis par le monde exté 
rieur, et même, finalement, au rejet des notions dun 
continu et du nombre irrationnel. Mais, quel nerf 


1 Voyez l'article de M. Porncaré dans la Æevue du 15 jans 
vier 1891, t. Il, p. 1 et suiv. 


D: HILBERT — PROBLÈMES MATHÉMATIQUES 


vital serait enlevé aux Mathématiques si l'on rétran- 
- chait la Géométrie ou la Physique mathématique ! 
Je pense, au contraire, que partout où, soit la Géo- 
“mélrie, soit les Théories de la Philosophie natu- 
_relle, introduisent des concepts mathématiques, il 
incombe aux Mathématiques d’élucider les prin- 
-cipes qui sont à la base de ces concepts et de faire 
reposer ces principes sur un système simple et 
“complet d'axiomes, de telle sorte que ni par leur 
“précision, ni par la manière dont ils se prêtent 
dla déduction, les nouveaux concepts ne le cèdent 
en rien aux anciennes nolions arithmétiques. 
«— J'ajouterai quelques remarques sur les difficul- 
és que peuvent offrir les problèmes mathématiques 
et la manière dont nous surmontons ces difficultés. 
Lorsque la réponse à une question quelconque 
persiste à nous échapper, la raison en est souvent 
que nous n'avons point reconnu le point de vue 
sénéral d'où le problème proposé apparait comme 
“appartenant à une chaine de problèmes de la même 
famille et où il suffit de se placer pour simplifier la 
solution de tous ces problèmes. On peut prendre 
“comme exemple l'introduction des intégrales prises 
suivant des chemins imaginaires dans la Théorie des 
intégrales définies par Cauchy, et celle des idéaux 
dans la Théorie des Nombres, par Kummer. 
Un rôle plus important encore est, à mon sens, 
dévolu, dans la recherche des problèmes, à la spé- 
cialisation. Dans la plupart des cas peut-être, où l'on 
cherche en vain la solulion d'une question, cet in- 
succès provient de ce que des problèmes plus sim- 
-ples et plus faciles que celui qu’on se propose n’ont 
pas encore été ou ont été imparfaitement éclaircis. 
On est done conduit à trouver quels sont ces pro- 
blèmes plus faciles et à les résoudre par les mé- 
thodes les plus parfaites possible et les plus sus- 
ceplibles de généralisation. 
Il arrive, parfois, que l’on cherche la réponse à 
l'aide d'hypothèses insuffisantes ou dans un sens 
erroné et que l’on n'arrive pas au but par suite de 
celte circonstance. Alors se pose la question de 
prouver l'impossibilité de la solution avec les hypo- 
thèses données et dans le sens demandé. C'est ainsi 
que d'antiques et difficiles problèmes: — démons- 
tration de l'axiome des parallèles; quadrature du 
cercle ; résolution par radicaux des équations du 
5° degré — ont reçu, quoique dans un sens diffé- 
rent de celui que l’on avait eu en vue primitive- 
ment, une solution complètement salisfaisante et 
rigoureuse. 
- Ce fait remarquable est une des raisons qui font 
.naitre en nous une conviction, parlagée cerlaine- 
… ment par tout mathématicien, mais que on 
jusqu'à présent, du moins, n’a élayée sur une dé- 
—monsiralion : je veux parler de la conviclion que 
… toute question mathématique précise est susceptible 


REVUE GÉNÉRALE DES SCIENCES, 1900 


169 


d'être élucidée rigoureusement, soit qu’on arrive à 
donner la solution de la question posée, soit qu'on 
arrive à démontrer l'impossibilité de celte solution. 
In y à pas: d'«ignorabimus » en Mathématiques. 

Infinie est la multiplicité des problèmes qui se 
posent. Que l’on me permette de donner, comme 
échantillons, un certain nombre de problèmes em- 
pruntés aux différentes disciplines des Mathéma- 
tiques et qui paraissent propres à faire avancer la 
Science. 


Î. — PROBLÈMES RELATIFS AUX NOTIONS FONDAMENTALES. 
$ 1. — Problème de Cantor sur la puissance 
du continu. 


Deux systèmes, autrement dit deux ensembles 
de nombres réels ordinaires (ou de points), sont 
dits, d'après Cantor, équivalents où de méme puis- 
sance, lorsqu'on peut établir entre eux une relation 
telle qu'à chaque nombre du premier ensemble en 
corresponde un el un seul du second. Les recher- 
ches de Cantor sur de tels ensembles de points 
rendent très vraisemblable une proposition dont 
cependant la démonstration n'a pu être obtenue, en 
dépit d'efforts les plus persévérants, et qui s'énonce 
ainsi : 

Tout système de quantités réelles en nombre in- 
fini, c’est-à-dire tout ensemble infini de nombres 
(ou de points), est équivalent soit à l'ensemble des 
entiers naturels 4, 2, 3..., soit à l'ensemble de tous 
les nombres réels et, par conséquent, au continu, 
c'est-à-dire à l'ensemble formé par les points d’ua 
segment; au sens de l'équivalence, il n'y à, d'après 
cela, que deux ensembles de nombres : l'ensemble 
numérable et le continu. 

De cette proposition résulterait encore que le 
continu est la première puissance après celle des 
ensembles numérables; sa démonstralion jetterait 
done un pont entre l'ensemble numérable et le 
continu. 

Rappelons encore une autre assertion très remar- 
quable de Can!or, en rapport étroit avec la propo- 
sition précédente et qui fournirait peut-être la clef 
de la démonstration demandée. Un système de 
nombres est dit ordonne lorsque, de deux nombres 
quelconques du système, il est spécifié lequel est 
l'antérieur et lequel le postérieur, cette spécili- 
cation étant telle que si 4 est antérieur à et h à 
e, a est aussi forcément antérieur à c. L'ordre 
naturel des nombres d'un système est celui dans 
lequel le plus petit est qualifié d'antérieur, Île 
plus grand de postérieur; mais il existe évidem= 
ment une infinité d'autres ordres possibles pour 
un système quelconque. 

Un ordre déterminé quelconque assigné à un 


44 


170 


D' HILBERT — PROBLÈMES MATHÉMATIQUES 


Système de nombres permetévidemment d'ordonner 
tout système partiel extrait du premier. Cantor con- 
sidère alors en particulier les ensembles qu'il 
appelle hien ordonnés, caractérisés par cette cir- 
constance que non seulement l’ensemble lui-même, 
mais chacune de ses parties renferme un nombre 
antérieur à tous les autres. Le système des nombres 
entiers dans leur ordre naturel est manifestement 
bien ordonné. Par contre, le continu dans son ordre 
nalurel n'est pas bien ordonné : car, si nous en 
extrayons un ensemble partiel composé de tous les 
points d'un segment de droite à l'exception du 
point initial, cet ensemble partiel n'aura pas de 
premier élément. La question se pose alors de sa- 
voir si l’ensemble de tous les nombres ne se laisse- 
rait pas ordonner d'une autre façon, de manière 
que chaque parlie de l'ensemble ait un premier élé- 
ment, c'est-à-dire si le continu peut être envisagé 
comme un ensemble bien ordonné. Cantor croit à 
une réponse affirmalive. Il me semble hautement 
désirable d'obtenir une démonstration directe de 
celle vue de Cantor, par exemple en indiquant un 
ordre qui possède la propriété indiquée. 


$ 2. — Axiomes de l’Arithmétique. 


Lorsqu'on veut approfondir les principes d'une 
Science, on à à constituer un système d'axiomes 
représentant exactement et complètement toutes 
les relations qui existent entre les notions élémen- 
laires de cette Science. Les axiomes ainsi constitués 
sont en même temps les définitions de ces notions 
élémentaires, et une proposition quelconque appar- 
nant au domaine dela Science actuellementexaminée 
n'est valable qu'autant qu'elle dérive, par desraison- 
nements en nombre fini, du système des axiomes. 
On doit ensuite se demander si quelques-uns de ces 
axiomes ne se commandent pas mutuellement, ou si 
ces axiomes ne renferment pas de parties com- 
munes qu'il faut laisser de côté si l'on veut obtenir 
un système d'axiomes indépendants. 

Mais, avant toute autre question relative aux axio- 
mes, je voudrais signaler, comme la plus impor- 
tante, celle qui consiste à montrer que ceux-ci sont 
compatibles entre eux, c'est-à-dire qu'on ne peut 
londer sur eux aucun système de conclusions 
logiques en nombre fini conduisant à des résultats 
contradictoires. 

En Géométrie, celte preuve se fait par la construc- 
tion d'un système de nombres, tels qu'aux axiomes 
géométriques correspondent des relations analo- 
gues entre ces nombres el que, par conséquent, toute 
contradiction entre ceux-là se montrerait égale- 
ment dans celles-ci; autrement dit, en ramenant la 
compatibilité des axiomes géométriques à celle des 
axiomes arithmétiques. Mais, pour ces derniers, la 
démonstration devra se faire par une voie directe. 


Je suis convaincu que l'on doit arriver à cette dé= 
monstration en modifiant d'une manière convenable 
les méthodes usitées dans la théorie des nombres 
irrationnels. 

Les axiomes de l'Arithmétique ne sont au fond 
autres que les lois connues du calcul, avec addition 
de l’axiome de continuité. Je les ai énoncés récem- 


ment’, en remplaçant l'axiome de continuité par 
deux autres plus simples, qui sont l’axiome connu 
d’Archimède et un axiome (axiome d'intégrité)M 


d'après lequel les nombres forment un système 
d'objets auquel on ne pourrait rien ajouter en con 
servant tous les autres axiomes. 


La preuve de la compatibilité des axiomes arith- 


métiques n’est autre que celle de l'existence mathé- 
mathique du continu. Elle enlèverait tout fonde- 
ment aux objections qui ont quelquefois été 
formulées contre l'existence du système des nom- 
bres réels. Celui-ci serait alors envisagé, non 
comme l’ensemble de toutesles fractions décimales 
(ou l’ensemble de toutes les lois de formation de 
séries fondamentales), mais comme un ensemble 
d'objets régis par les axiomes précédemment cons- 
titués et entre lesquels sont vraies toutes les propo- 
sitions, et celles-là seulement qui sont (par des dé- 
ductions en nombre fini) conséquences de ces axio- 
mes. Je suis persuadé qu'on montrerait de même 
l'existence (au sens que je viens d'indiquer) des 
ensembles cantoriens de puissance supérieure. Par 
contre, pour l'ensemble de toutes les puissances 
(ou des alephs cantoriens), on peut démontrer 
qu'on ne saurait constituer un système d’axiomes. 
compalibles (à mon sens), de sorte qu'on ne doit 
pas, d'après ma définition, considérer cet ensemble: 
comme une idée ayant une existence mathéma- 
tique. 


$ 3. — Etude mathématique des axiomes: 
. de la Physique. 


Les recherches faites sur les principes de la Géo- 
métrie nous conduisent à essayer de traiter sur le 
même modèle les théories physiques où les Mathé- 
matiques jouent déjà un rôle : celles-ci sont tout 
d'abord le Calcul des Probabilités et la Mécanique. 

En ce qui concerne les axiomes du Calcul des Pro- 
babilités, il me paraît désirable de joindre à leur: 
étude logique un développement rigoureux et satis- 
faisant de la méthode des moyennes en Physique 
mathématique, spécialement en Théorie cinétique 
des gaz. 

Relativement aux principes de le Mécanique, il à 
été fait d'importants travaux du côté des physi- 
ciens : j'ai en vue les écrits de MM. Mach, Hertz, 


Jahresbericht der Deutschen Mathematiker Vereini— 


gung, vol. VIII, 1900, p. 180. 


$ : D: HILBERT — PROBLÈMES MATHÉMATIQUES 


171 


oltzmann, Volkmann. Il serait donc très désirable 


thématiciens. Il serait, par exemple, intéres- 
t d'établir d'une manière rigoureuse les pas- 
està la limite qui, dans le livre de M. Boltzmann, 
nduisent de la conception atomistique au mouve- 
ient des corps continus. 

our constituer les axiomes de la Physique sur 
odèle de ceux de la Géométrie, nous essaierons 
brasser, par un petit nombre d’axiomes, une 
lisse aussi générale que possible de phénomènes 
ySiques, puis d'arriver aux théories spéciales 
r adjonctions successives de nouveaux axiomes. 
De plus, une tâche revient aux mathématiciens : 
de vérifier exactement, dans chaque cas, si Îe 
uvel axiome ajouté n'est pas en contradiction 
ec les précédents. Le physicien se voit souvent 
rcé, par les résullats de ses expériences, de faire, 
cours méme de la théorie, de nouvelles hypo- 
ièses, en se fiant, relativement à leur compatibi- 
é, à ses expériences mêmes et à un certain sens 
sique : c'est cette marche qui est logiquement 
acceptable. 


II. — PROBLÈMES EMPRUNTÉS A L'ARITHMÉTIQUE 
ET A L'ALGÈBRE. 

Après avoir, dans ce qui précède, envisagé 
ques questions relatives aux principes des dif- 
rentes branches des Mathématiques, nous allons 
isser à des problèmes plus spéciaux empruntés 
ces différentes branches, en commencant. par 
rithmélique et l’Algèbre. 


$ 1. — Irrationalité et transcendance 
de cértains nombres. 


Les théorèmes arithmétiques de M. Hermite sur 
fonction exponentielle et leur continuation par 
- Lindemann exciteront l'admiration de toutes 
générations de mathématiciens. Mais il serait 
ssaire d'aller plus loin dans la voie ainsi frayée. 
& classe de problèmes me semble s'offrir tout 
ord. Quand nous reconnaissons qu'une fonction 
nscendante, parmi celles qui jouent un rôle en 
alyse, prend des valeurs algébriques pour cer- 
ins arguments algébriques, ce fait nous apparaît 
me très remarquable. Tout en sachant qu'il 
e des fonctions transcendantes qui, pour toutes 
valeurs algébriques de la variable, prennent des 
eurs algébriques et même rationnelles, nous 
endrons cependant pour très probable quelatrans- 
ante e2/f#z par exemple, qui, pour les valeurs 
nnelles de z, prend des valeurs toutes algébri- 
es, est au contraire toujours trancendante lorsque 
prend une valeur algébrique, mais irrationnelle. 
métriquement, cette affirmation s’énoncerait 


ainsi : Si, dans un (riangle isocèle, le rapport de 
l'angle à la base à l'angle au sommet est algébrique, 
mais irrationnel, le rapport de la base au côté est 
toujours transcendant. Malgré la simplicité de cet 
énoncé el sa ressemblance avec ceux de MM. Her- 
mile et Lindemann, je tiens sa démonstration pour 
très difficile, ainsi que celle du théorême suivant : 
L'expression af, formée avec une base algébrique « 
el un exposant algébrique irrationnel3 (par exemple 
le nombre 2?, ou i-#=— €") représente toujours un 
nombre transcendant. Ces démonstrations condui- 
raient sans doute à dé nouvelles méthodes et à de 
nouvelles vues sur la nature de certaines transcen- 
dantes. 


un 


2. — Problèmes sur les nombres premiers. 


Dans la théorie de la distribution des nombres 
premiers, des progrès essentiels ont été faits dans 
ces derniers temps par MM. Hadamard, de La 
Vallée Poussin, von Mangoldt et d'autres. Pour la 
complète résolution des problèmes que pose le 
mémoire de Riemann « Sur le nombre des nombres 
premiers inférieurs à une quantité donnée », il 
faut cependant encore prouver l'exactitude de 
l'assertion de Riemann : es zéros de la fonce- 
tion-E(s), représentée par la série : 


( À | 
t{s ct qu sante 


ne T ARE : 
ont tous pour partie réelle = (si l'on fait abstrac- 


tion des zéros entiers négatifs connus). Une fois 
cette démonstration obtenue, resterait à étudier 
de plus près la série infinie par laquelle Riemann 
représente le nombre des nombres premiers infé- 
rieurs à x et à décider, en particulier, si la dif- 
férence entre ce nombre et le logarithme intégral 


: 1 
de x n'est, en effet, que de l'ordre > en x, et 


également, si les termes dépendant des premiers 
zéros complexes de &(s) déterminent réellement 
la condensation, par places, qui se manifeste dans 
les énumérations de nombres premiers. 

Nous serons peut-être alors en état d'aborder 
la solution rigoureuse du problème de Goldbach : 
Tout nombre pair est-il la somme de deux nombres 
premiers ? ou de celui-ci : Æxiste-t-il une inlinité 
de nombres premiers difflérant entre eux de 
deux unités, ou, plus généralement : l'équation 
ax+by+ce—0, où.les coeflicients a,b,c sont 
premiers entre eux deux à deux, est-elle toujours 
soluble en nombres premiers Xx,} ? 

Mais je considère comme non moins intéressant, 
et d'une portée peut-être plus grande, l'extension 
des résultats obtenus sur la distribution des 
nombres premiers ordinaires à la distribution des 


172 


D' HILBERT — PROBLÈMES MATHÉMATIQUES 


idéaux premiers dans un corps de nombres quel- 
conque donné k, question qui se ramène à l'étude 
de la fonction, correspondant au corps considéré, 


il 
ts) = D 


la somme élant étendue à lous les idéaux j du 
corps X et 2(J) représentant la norme de J. 


$ 3. — Caractères topologiques des courbes 
et des surfaces algébriques. 


Le nombre maximum de traits fermés et séparés 
dont se compose une courbe plane algébrique 
d'ordre » à été déterminé par M. Harnack ; reste 
à se demander quelle situation respective ces traits 
peuvent occuper dans le plan. Pour les courbes 
du 6° ordre, j'ai pu — par une voie assez indirecte 
— me convaincre que les 11 traits possibles d'après 
les résultats de Harnack ne peuvent pas être exté- 
rieurs les uns aux autres, mais qu'il doit toujours 
y en avoir un auquel un seul autre soit intérieur el 
les neuf restants extérieurs, ou inversement. Une 
élude approfondie des relations des traits entre 
eux, dans le cas du nombre maximum, me parait 
aussi intéressante que la recherche correspondante 
du nombre, de la forme et de la situation des nappes 
d'une surface algébrique dans l'espace; jusqu'ici, on 
ne sait même pas encore combien une surface du 
quatrième ordre peut posséder de nappes séparées. 

Je joindrai à ce problème purement algébrique 
une question qui me semble pouvoir s'aborder par 
la même méthode de variation continue des coelf- 
ficients et dont la réponse aurait une importance 
toute pareille, pour la topologie des courbes dé- 
finies par des équations différentielles : la question 
du nombre et de la situation des cycles-limites de 
M. Poincaré pour une équation du premier ordre 
et du premier degré de la forme : 

dy _Y 
STE 


où X el Y sont des polynômes du n°" degré 
EME LT 


III. — DivisiON DE L'ESPACE EN POLYÈDRES ÉGAUX. 


Lorsqu'on cherche les groupes de déplacements 
dans le plan pour lesquels existe un domaine 
fondamental, on sait que la réponse est très dif- 
férente suivant qu'on considère un plan Rieman- 
nien (ellipique), Euclidien ou Lobalschewskien 
(hyperbolique). Dans le cas elliptique, il y a un 
nombre fini de sortes de groupes et chacun d'eux 
comprend un nombre fini de répétitions du domaine 
fondamental pour remplir le plan tout entier sans 


1 Nath. Annalen, tome À. 


lacunes. Sur le plan hyperbolique, il y aun nombrt 
infini de catégories essentiellement différentes dt 
domaines fondamentaux (les polygones bien connus 
de M. Poincaré); pour recouvrir entièrement M@ 
plan, il faut un nombre infini de domaines égaux 
à l’un de ces polygones. Le cas du plan euclidier 
est intermédiaire : car alors il n’y a qu'un nombre 
fini de groupes de déplacements (à domaine fons 
damental) essentiellement distincts; mais, da 
chacun d'eux, le plan ne peut être recoux 
tout entier que par une infinilé de domaine 
homologues entre eux. 

Les mêmes conclusions sont valables dans l’espact 
à trois dimensions. La limilalion du nombre de 
groupes de déplacements dans l'espace elliptique 
est une conséquence immédiate d’un théorème dé 
M. Jordan. Les groupes de l'espèce hyperboliqu 
ont été étudiés dans les Leçons sur les Fonclions 
automorphes de MM. Fricke et Klein, et enfi 
MM. Fedorow, Schænflies, Rohn ont démontré 
que, dans l’espace euclidien, il n'y a qu'un nombn 
fini de catégories distinctes de groupes de déplæ 
cements à domaine fondamental. 

Mais, tandis que les démonstrations relalivessi 
l'espace elliptique et à l'espace hyperbolique son 
immédiatement valables, quel que soit le nombn 
des dimensions, la généralisation du théorè 
relatif à l’espace euclidien semble offrir de notable 
difficultés, de sorte qu'il serait désirable de rechex 
cher si, dans l'espace euclidien à n dimensions, À 
nombre des catégories esssentiellement distineta 
de groupes de déplacements à domaine fondamenta 
est encore fini. 

De plus, on peut aussi demander s’il existe de 
systèmes de polyèdres égaux remplissant l’espa@ 
entier sans lacunes, sans que l'un de ces polyèdre 
soit domaine fondamental d'un groupe de déplact 
ments. Je signalerai également une question vol 
sine, importante pour la Théorie des Nombres 
aussi, sans doute, pour la Physique et la Chimie 
étant donné une infinité de corps d’une mêm 
forme donnée (par exemple, des sphères de rayo 
donné ou des tétraèdres réguliers d’arète donnée 
comment peut-on les emballer le plus serré pos 
sible, c'est-à-dire les placer de manière que 
rapport de l'espace rempli à l'espace non remp 
soit le plus grand possible? 


IV. — PROBLÈMES EMPRUNTÉS A LA THÉORIE 
DES FONCTIONS. ; 


Si nous considérons le développement de la Thét 
rie des Fonctions dans ce siècle, nous remarquon 
avant tout, le rôle fondamental que jouent et qi 
continueront sans doute à jouer les fonctions q 
l'on nomme analytiques. 


D' HILBERT — PROBLÈMES MATHÉMATIQUES 


175 


. On pourrait, de bien des manières, abstraire, de 
Pinfinie variété des fonctions possibles, des classes 
“élendues de fonctions plus particulièrement inlé- 
ressantes. On peut envisager, par exemple, la 
classe des fonctions salisfaisant à une équation 
différentielle algébrique (ordinaire ou aux déri- 
vées partielles). Mais, nous pouvons le remar- 
quer immédiatement, nous laisserions ainsi dé 
côté certaines fonctions issues de la Théorie des 
bres et qui ont pour nous une très grande 
importance. C'est ainsi que la fonction £ (s) ne 
isfait à aucune équation différentielle algé- 
que, comme on le voit aisément à l'aide du 
héorème analogue de Hôülder sur la fonction F et 
e la relation connue entre 5 (s) et € (1-5). 

D'un autre côté, si nous considérions (comme 
| nous y conduisent des raisons arithméliques et 
éométriques) la classe de toutes les fonctions 
ontinues et indéfiniment dérivables, nous serions 
ors privés de l'instrument si commode que nous 
“fournissent les séries de puissances et obligés de 
renoncer à la propriété d'après laquelle la fonction 
est déterminée par ses valeurs dans un intervalle 
“aussi petit qu'on veut. Tandis que notre première 
limitation du domaine fonctionnel était trop étroite, 
“celle-ci est trop large. 
Au contraire, la notion de fonction analytique 
“embrasse tout le trésor des fonctions les plus im- 
porlantes pour la Science, qu'elles nous viennent 
de la Théorie des Nombres, de la Théorie des Équa- 
tions différentielles ou de la Théorie des Équations 
fonctionnelles algébriques, ou de la Géométrie ou 
de la Physique mathématique. C'est par là que les 
fonctions analytiques occupent à bon droit le pre- 
mier rang dans l’ensemble des fonclions. 


= 


. — Caractère analytique de certaines fonctions 
rencontrées en Calcul des Variations. 


Un fait des plus remarquables, au point de vue 
de la Théorie des Fonctions analytiques, est qu'il 
existe des équations aux dérivées partielles dont 
es intégrales sont toutes nécessairement des fonc- 
tions analytiques : qui, en un mot, n'admettent que 
des solutions analytiques. Les plus connues de ces 
équalions sont l'équation des potentiels : 


Gi enr 
dx? dy= LE 


et cerlaines équations linéaires étudiées par M. Pi- 
ard, ainsi que l'équation : 


PAGES ES 
EU GE 77 Era 


l'équation des surfaces minima et d'autres. Le 
plus grand nombre de ces équations ont un carac- 
“ère commun: elles sont les équations de Lagrange 


correspondant à certains problèmes de Calcul 
des Variations, lesquels sont de la forme : 


TS Fe: FA *- Re E 
SJ: P,4,2; x.y) dxdy = Minimum le si 


la fonclion F satisfaisant, pour tous les arguments 
que l'on a à considérer, à l'inégalité : 


HA Re 

dp® dq* dpdq} 7 
et étant d’ailleurs analytique. Nous dirons qu'un 
tel problème de Calcul des Variations est régulier. 
Les problèmes de Calcul des Variations réguliers 
sont ceux qui jouent le rôle le plus important en 
Géométrie, en Mécanique et en Physique mathé- 
matique, et il y a lieu de se demander si leurs 
solutions ne sont pas nécessairement analytiques, 
c'est-à-dire si toute équation aux dérivées par- 
tielles de Lagrange correspondant à un problème 
régulier de Calcul des Variations n'a pas la pro- 
priété de n'admettre que des solutions analytiques, 
même lorsque — comme c’est le cas pour le pro- 
blème de Dirichlet, — on délermine l'intégrale par 
des valeurs au contour quelconques, analytiques ou 
non. 

Je remarquerai encore qu'il existe, par exemple, 
des surfaces à courbure constante négative repré- 
sentées par des fonctions continues et dérivables, 
mais non analytiques, tandis que, probablement, 
toute surface à courbure constante positive est 
forcément analytique. On sait que les surfaces à 
courbure constante positive sont liées au problème 
régulier de Caleul des Variations qui consiste à 
faire passer par une courbe fermée de l’espace la 
surface de plus petite étendue possible parmi celles 
qui enferment avec une surface donnée un volume 
donné. 


$2, — Existence d'équations différentielles linéaires 
à groupe de monodronie donné. 


Dans la Théorie des Équations différentielles 
linéaires à une variable indépendante 7, je signa- 
lerai un problème auquel Riemann paraît avoir 
déjà songé et qui consiste à montrer qu'il existe 
toujours une équation difiérentielle linéaire de la 
classe de Euchs ayant des points singuliers donnés 
etun groupe de monodromie donné. Gette question 
exige, par conséquent, la recherche de » fonctions 
de la variable 7, qui soient régulières dans le plan 
de cette variable, à l'exception des points singu- 
liers donnés; en chacun de ceux-ci, elles ne peuvent 
devenir infinies qu'avec un ordre fini et, lorsque la 

variable z décrit un contour enveloppant ces points, 
elles doivent subir les substitutions linéaires don- 
nées. | 

L'existence de pareilles équations différentielles 


174 


est rendue vraisemblable par l'énumération des 
constantes, mais une démonstration rigoureuse n'a 
pu être obtenue que dans le cas particulier où les 
racines des équations fondamentales relatives aux 
substitutions données sont toutes de module 1. 
Cette démonstration a été donnée par M. Schle- 
singer, à l’aide des fonctions zétafuchsiennes de 
M. Poincaré. 


$ 3. — Expression de deux variables liées par une 
relation analytique en fonction uniforme d’une 
même troisième. 


Comme l’a montré M. Poincaré, toute relation 
algébrique à deux variables peut être uniformisée 
par les fonctions automorphes d’une variable, 
c'est-à-dire que, étant donnée une équation algé- 
brique quelconque à deux variables, on peut tou- 
;ours remplacer celles-ci par des fonctions uni- 
formes et automorphes d'un paramètre auxiliaire, 
de telle sorte qu'après cette substitution l'équation 
donnée soit une identité par rapport à ce para- 
mètre. La généralisation de ce théorème fonda- 
mental à des relations analytiques quelconques (et 
non pas algébriques) à deux variables a été égale- 


ment abordée avec succès par M. Poincaré, sui- | 


vant une voie toute différente de celle qui l'avait 
mené au but dans le problème spécial. Toutefois, 
a démonstration de M. Poincaré ne nous assure 
point qu'il soit possible de choisir les fonctions 
uniformes du nouveau paramètre de telle sorte 
que, en faisant décrire à ce paramètre tout le 
domaine régulier de ces fonctions, on ait effective- 
ment {ous les points ordinaires du domaine analy- 
tique proposé. 

Au contraire, il semble que, dans les recherches 
de M. Poincaré, outre les points de ramification 
on doive encore, en général, excepter une infinité 
de points du domaine donné, auxquels on ne par- 
vient que pour des valeurs limites du paramètre. 

Élucider cette difficulté me parait une chose bien 


D' HILBERT — PROBLÈMES MATHÉMATIQUES 


désirable, en considération de l'importance fond 
mentale du problème de M. Poincaré. 


bre de cas particuliers, et dont les récents travaux 
de M. Picard sur les fonctions algébriques de deux 
variables semblent préparer la solution générale 


V. — CoxcCLUSION. 


« 


Les problèmes qui précèdent ne sont que des 
exemples de problèmes; ils suffisent cependant à 
montrer la richesse et la multiple extension de M 
science mathématique actuelle. Une question s'im® 
pose : les Mathémaliques ne sont-elles pas des= 
tinées à se fraclionner (comme il est, depuis 
longtemps, arrivé à d’autres sciences) en sciences 
partielles, dont les représentants respectifs se coms 
prendront à peine entre eux et dont les rapports 
se relàcheront de plus en plus? Je ne le crois ni ne 
le souhaite; la science mathématique est, à mom 
sens, un tout indivisible, un organisme dont la 
vitalité dépend de la cohésion de loules ses parties: 
Dans la variété des matières traitées en Mathéma 
tiques, nous reconnaissons l'identité des moyens 
logiques, la parenté des idées. D'ailleurs, à me 
sure qu'une théorie mathématique s'étend, s 
construction s’harmonise de plus en plus et des 
relations insoupconnées se découvrent entre les 
branches jusque-là séparées de la Science. Cesh 
ainsi que, dans leur extension, les Mathématiques 
ne perdent point leur caractère unitaire, mais | 
manifestent de plus en plus clairement. 

D. Hilbert, 


Professeur à l'Université de Gættingues 


1 L'auteur a exposé plus amplement ces idées au Congrès 
international des Mathématiciens. On en trouvera le déve= 
loppement technique dans les Güttingen Nachrichten et 
dans les Archiv für Mathematik und Physik. 


Lie nt" 
Î HE 
* 


T. DE QUARENGHI — L'UNIFICATION DES CALENDRIERS GRÉGORIEN ET JULIEN 


175 


“Le désir que le commencement du xx° siècle 


fégorien et julien devient de plus en plus géné- 
A; les inconvénients résultant pour la science, 
commerce et les relations internationales, de 
leur différence, sautent aux yeux et deviennent de 
jour en jour plus sensibles. Aussi, les amis de la 
paix observent, avec infiniment de raison, qu'il y 
à déjà assez de sujets pour nous diviser, en dehors 
du calendrier; tandis que les amis de la guerre 
remarquent, avec non moins de raison, que, si des 
mées alliées font usage de différents calendriers, 
les opérations militaires pourraient éventuellement 
en souffrir. Ce sont des considérations d’ordre mi- 
litaire qui ont fait accepter, aux puissances de l'Eu- 
rope centrale, le système des fuseaux et l'heure 
du 15° E. de Greenwich. « Das ist eine Ruine!.. » 
S'écriait au Reichsrath allemand le maréchal de 
Moltke pour se plaindre de l'emploi de diverses 
heures sur les chemins de fer de l'Allemagne; 
quelle expression aurait-il employée, ou, plutôt, 
créée pour signaler les dangers pouvant éventuelle- 
ment résulter de l'emploi, par des troupes alliées, 
de divers calendriers? Et ces dangers pourraient 
éventuellement résulter rien que de la différence 
dans la célébration de certaines fêtes. Des chefs 
d'armées spéculant sur la répugnance que pourrait 
éprouver l’ennemi à se battre en certains jours, 
Suivraient « mutalis mulandis » une tactique qui 
date, tout au moins, des Macchabées. Quoi qu'ilen 
Soit, et me gardant bien de m'appesantir là-dessus, 
je ne crois pas exagérer en disant que des consi- 
dérations d'ordre militaire finiront, peut-être, par 
emporter la pièce; bien plus que la remarque, res- 
tée jusqu'ici platonique, du célèbre von Struve, que 
« toutes les sciences sont intéressées à l'unification 
dans la mesure du temps ». 

C'est pourquoi cel article, où je voudrais montrer 
qu'avec un peu de bon vouloir un si long desi- 
-deratum du monde civilisé pourrait être réalisé du 
jour au lendemain, sera agréé, je l'espère, par les 
amis du progrès, par ceux de la science, par ceux 
“de la paix et par ceux de la guerre”. 


I 


Une revue orthodoxe, le Glasnik pravoslavne 
Tsrkve ou Kralievini Srhiyi, organe du Consis- 


- ! On doit à la plume de M. Charles Loiseau, l'écrivain 
bien connu de la Revue des Deux-Mondes et l’auteur du 


oïncide avec l'unification des deux calendriers 


 . L’UNIFICATION 
&. DES CALENDRIERS GRÉGORIEN ET JULIEN 


toire métropolitain de Belgrade, la plus haute auto- 
rité ecclésiastique du royaume, vient de rendre un 
service signalé à la cause du progrès, en portant à 
la connaissance de tout le monde orthodoxe un 
projet de réforme du calendrier julien, du profes- 
seur Maxime Trpkovitch. En vue du but à atteindre, 
ce projet me parait un vrai tour de force et un 
chef-d'œuvre. 

Le but à atteindre, c'est d'arriver à l'unification 
du calendrier, de manière à salisfaire à la fois 
l'Orient et l'Occident, et à ne blesser aucune sus- 
ceptibilité, ni scientifique, ni politique, ni reli- 
gieuse, ni nationale. Trois siècles d'histoire nous 
montrent l'arduité du problème, compliqué par la 
décision, prise à Saint-Pétersbourg, de ne pas 
séparer la réforme astronomique de la question 
de la Pâque. De fait, un mouvement d'opinion 
publique, demandant qu'on commencàt par unifier 
les dates dans la vie civile et politique et qu'on 
laissäl à l'Église orthodoxe le soin d’aviser à la 
détermination de la Päque et des fêtes qui en dé- 
pendent, s'était naguère manifesté dans les divers 
États de la péninsule balkanique, lorsque le veto 
de la puissance protectrice de l'orthodoxie, se 
réservant Ja solution simultanée de la double ques- 
tion, arrêta Loute chose. Depuis lors parut un projet 
élaboré par une Commission de la Société russe 
d'Astronomie, mais ce projet — qu'on est porté à 
considérer comme un « ballon d'essai » — fut 
combattu, sans parler d'autres, par le directeur de 
l'Observatoire russe national de Poulkova, le pro- 
fesseur Oscar Backlund, dans un mémoire adressé, 
au mois de mai dernier, à la Société impériale des 
Sciences de Saint-Pétersbourg. À la suite, peut-être, 
de cette opposition, la Russie vient d'inviter, dit-on, 
les divers États slaves orthodoxes à collaborer 
ensemble à la créalion d'un nouveau calendrier, 
destiné à remplacer le julien. C’est dans ces cir- 
constances que le Consistoire métropolitain or- 
thodoxe de Belgrade crut bien faire d'ouvrir les 
colonnes de son organe à une nouvelle édition, 
soigneusement revue et augmentée, du projet de 
l'éminent professeur de Belgrade. Je me fais d’au- 
lant plus de plaisir de le signaler aux lecteurs de 
celte /?evue, que l'attention publique de l'Occident 


Balkan slave, une étude aussi intéressante que bien docu- 
mentée, ayant pour titre : La réforme du calendrier russe 
(Paris, Plon, 1900), parue d'abord dans la tevue hebdomadaire. 

Peut-être le tableau des difficultés s’opposant à l’unifica- 
tion du calendrier est tant soit peu chargé. Avec du fouloir, 
la Russie en a vaincu bien d’autres! 


176 


T. DE QUARENGHI — L'UNIFICATION DES CALENDRIERS GRÉGORIEN ET JULIEN 


commence déjà à s’en occuper. La matière, sans 
être obscure, étant plutôt aride et abstraite, je 
lâcherai de joindre, dans la mesure du possible, la 
clarté à la brièveté. Je parlerai d’abord de la ré- 
forme astronomique; ensuite, de la question de la 
Pâque. 

= IT 


Deux mots, d'abord, pour rappeler ce qu'on en- 
tend par réforme astronomique du calendrier. 

La durée moyenne de l'année tropique, c'est-à- 
dire du laps de temps qui sépare deux retours 
consécutifs du Soleil au point vernal de l'éclip- 
tique, en d’autres termes à l'équinoxe de printemps, 
est évaluée aujourd'hui à 365 jours 5" 48' 48". 
L'année julienne était de 365 jours 6"; il s'ensuit 
nn excédent annuel de 1112”. Cela fait que chaque 
année, l'équinoxe se rapproche d'autant du 1° jan- 
vier, ce qui représente un déplacement moyen de 
18" 40" par siècle. C'est à cause de ce déplacement 
que le calendrier du monde orthodoxe se trouve, 
aujourd'hui, en retard de 13 jours sur le nôtre. 

Du temps de la réforme grégorienne (1582), la 
détermination de la moyenne de l’année tropique 
offrait des difficultés insurmontables. En compa- 
rant entre elles les moyennes fournies par les 
observations de Ptolémée (vers 180), du célèbre 
astronome arabe Albategnius (929), des Tables 
alphonsines (vers 1250) et de Copernic (1543), 
on constlalait, aux différentes époques, des varia- 
tions assez sensibles, avec une différence entre le 
maximum et le minimum de plus de 13 minutes. 
De plus, Copernic avait émis la théorie que ces 
variations se représenteraient, d’après un certain 
cycle, à des époques déterminées. Enfin, tous les 
astronomes étaient convaincus que la science n’était 
pas encore assez avancée pour permettre d'adopter 
une moyenne quelconque comme définitive — ce 
qui, du reste, est répété, de nos jours encore, par 
des maitres de la science contemporaine. Les 
choses étant ainsi, la ligne à suivre, suggérée aux 
auteurs de la réforme par le bon sens lui-même, 
élait qu'on se bornät à assurer l'accord du calen- 
drier avec le Soleil pendant plusieurs générations; 
qu'en le faisant on troublät le moins possible la 
chronologie, et qu'on s’en remit à la postérité pour 
trouver quelque chose de mieux dès que les pro- 
grès de l’Astronomie le lui permettraient. Ce que 
le bon sens suggérait fut fait. On trouva une règle 
d'intercalalion où, d'après nos premiers astre- 
normes modernes, l'écart du calendrier avec le 
Soleil monte à peine à un jour après 4.000 ans 
environ ; on relégua toute exception dans la suc- 
cession régulière et quadriennale des bissextiles 
aux années séculaires, et on ne manqua pas non 
plus d’inviler la postérité à modilier la règle d'in- 


tercalation, quand la science aurait assez progressé 
pour permettre de le faire en toute süreté. 

Cela dit, voyons ce que propose, pour la règle 
d'intercalation, le professeur Trpkovitch. | 


Au sujet de l'inlercalation, le professeur Trpko: 
vitch eut l'heureuse idée d'essayer le même procédé 
logique qui avait conduit à la règle d'intercalationm 
grégorienne, mais en lui appliquant la duréem 
de l’année tropique admise générale= 
ment aujourd'hui, celle donnée par la Connais= 
sance des Temps, à savoir 365 jours 3" 48! 48/ (enm 
décimaux 365,2422). Grâce à ce procédé fort ingé- 
nieux, le savant serbe arriva à nous proposer une 
d'intercalation qui, en 
moyenne comme définitive, anéantirait pratique 
ment l'écart déjà presque insensible du calen- 
drier grégorien avec le Soleil, car il devrait se 
passer plus de 150.000 ans avant que cet écart 
alteigne un seul jour. Voici, de fait, en deux 
colonnes, le procédé logique suivi à la fin du 
xvr° siècle, et celui adopté par le professeur Trpko= 


moyenne 


règle 


vitch en 1900. 
À LA FIN DU XVI SIÈCLE. 
(Réforme grégorienne.) 


La durée moyenne de l’an- 
née tropique peut être éva- 
luée, dans l'état actuel de la 
science, à 365 j. 5h 49m 425, ! 


L'excédent annuel de l'an- 
née julienne serait de 10m 485. 

Le nombre de siècles après 
lequel cet excédent monte- 
rait à un nombre entier de 
jours, sans fraction aucune, 
est de quatre. Tous les 4 siè- 
cles, en effet, cet excédent 
monte à 3 jours entiers. 

C'est dire qu'il y a, en 
chaque période de quatre 
siècles, 3 jours en plus dont 
il faudrait se débarrasser. 

Il est préférable, pour la 
chronologie et les calculs, 
que cela ait lieu aux années 
séculaires. 

C’est dire que, sur quatre 
années séculaires, il faut en 
garder UNE SEULE comme 
bissextile : les rrois autres 
deviendraient communes. 

Le choix, entre quarre, de 
l'année séculaire bissextile, 
est tout indiqué par le même 
nombre 4, pris comme divi- 
seur, d'après la règle sui- 
vante : 


! Cette évaluation, que j'ai trouvée citée dans un ouvrage 
crilique sur la réforme grégorienne paru âu commencement 
du xvue siècle, ne diffère que de 4 secondes de celle de 
Tables alphonsines qui est de 365 jours 5! 49m 46%. 


III 


supposant ladite 


A LA FIN DU XIXC SIÈCLE. 


Projet serbe 
du prof. Trpkovitek. 


La durée moyenne de. 
l'année tropique admise gé- 
néralement aujourd'uui, celle 
dela Connaissancedes temps, 
est de 365 jours 5h 48m48s, 

L'excédent annuel de l'an 
née julienue serait de 11m412%, 

Le nombre de siècles après 
lesquels cet excédent mon- 
terait à un nombre entier 
de jours, sans fraction au- 
cune, est de neuf. Tous les” 
9 siècles, eu effet, cet excé- 
dent monte à 7 jours entiers. 

C'est dire qu'il y a, en 
chaque période de neuf siè= 
cles, 7 jours en plus dont il 
faudrait se débarrasser. 4 

Il est préférable, pour la 
chronologie et les calculs, 
que cela ait lieu aux années 
séculaires. 

C'est dire que, sur neul an- 
nées séculaires, il faut en gar- 
der seulement peux comme 
bissexliles; les SEPT autres 
deviendrsient communes. 

Le cloix, entre NEur, des 
deux annees séculaires bis 
sextiles, est tout indiqué pa 
le même nombre 9, pris 
comme diviseur, d'aprés la 
régie suivante : 


77 


« Sera bissextile l'année 
« séculaire dont le chiffre 
« indiquant le nombre de 
«siècles qu'elle représente, 
« divisé par 4, donne pour 
“reste, au quotient, 0; tou- 
«tes les autres seront com- 
« munes. » 

« jxemples. Lesannées 2000, 


ée 2000 serait, par con- 
séquent, bissexlile. 


cuPar contre 21, 22 et 23 
donnent pour reste, au quo- 
ent, 1, 2 et 3 : les années 
2100, 2200 et 2300 seraient, 
“par conséquent, communes. 


T. DE QUARENGHI — L'UNIFICATION DES CALENDRIERS GRÉGORIEN ET JULIEN 


117 


« Seront bissextiles les 
« années séculaires dont le 
« chiffre iudiquant le nom- 
« bre de siècles qu'elles re- 
« présentent, divisé par 9, 
« donne pour reste, au quo- 
« tient, 4 ou 0; toutes les 
« autres seront communes. » 

Exemples. Les années 
2000, 2100, 2200, 2300, 2400, 
2300, 2600, 2700, 2800, repré- 
sentent 20, 21, 22, 23, 24, 25, 
26, 21 et 28 siècles. Or, 22 
divisé par 9, donne pour 
reste au quotient #4; et 21 
divisé par 9 donne pour reste, 
au quotient, 0; les années 
2200 et 2100 seraient, par 
conséquent, bissextiles. 

Par contre 20, 21, 23, 24, 
25, 26 et Z8 divisés par 9, 
donnent pour reste, au quo- 
lients 2,03, 9 00 1, 280etr 1; 
les années 2000, 2100, 2300, 


} 


2400, 2500, z600 et 2800 se- 
raient, par conséquent, com- 
munes. 


bt celle que nous propose le Professeur Trpkovilch ; 
cest bien, me parait-il, le cas d'appliquer l'adage 
talien que : « i geni si incontrano (les génies se 
rencontrent) ». Aussi, un calcul à la portée de tous 
“jrouve aisément que, si la durée moyenne de 
“l'année tropique fournie par la science à la fin du 
xvr siècle avait été définitive et exacte jusqu'à la 
dernière fraction, l'année grégorienne serait main- 
ienue perpéluellement d'accord avec le Soleil; tout 
tvomme si la durée moyenne actuelle, celle de la 
Connaissance des temps, élait la vraie, définitive 
et exacte jusqu'à la dernière fraction, l’année 
qu'on nous propose — el que, pour ma part, j'ap- 
“pellerais volontiers {rpovilchienne — serait égale- 
“ment maintenue perpétuellement d'accord avec le 
Soleil. Du reste, ce n'est pas un mince mérite que 
“celui d’avoir, en toute hypothèse, renvoyé l'écart 
d'un jour à une époque si lointaine qu'il peut être 
considéré — sauf des perturbations dans Îles 
lois, connues jusqu'ici, du système solaire — 
comme pratiquement anéanti. 

- Voilà, partant, un projet qui doit salisfaire, à la 
“Lois, l'Occident et l'Orient. Il doit salisfaire l'Occi- 
dent parce quil était, en germe, dans le procédé 
logique qui à conduit à la règle d'intercalation 
grégorienne; si bien que si la science avait, alors, 
-fourni la mème moyenne qu'aujourd'hui, il en 
serait résulté logiquement et nécessairement la 
“règle d'intercalalion de l'illustre savant serbe. 
“11 doit satisfaire l'Orient parce que son projet est 
«le plus ingénieux et, au point de vue mathématique, 
le plus exact de lous ceux qu'on à mis en avant 
_ jusqu'ici, et que l'heureuse idée de suivre le même 
- procédé logique des auteurs de la réforme grégo- 


rienne ne lui a été suggérée par personne; tout 
comme personne n'a songé, avant lui, à en faire 
l'application à la moyenne de l'année tropique, 
admise actuellement. Le mérite de Christophe 
Colomb n'est, certes, pas diminué par le fait que 
les propriétés de la sphère élaient connues bien 
longtemps avant lui; — question d'en faire l’ap- 
plication. 

Ce n'est pas encore tout. La seule objection 
qu'on peut soulever contre le projet de M. Trpko- 
vitch ne fait, précisément, qu’en rehausser le mé- 
rite en vue du but à atteindre. « La durée moyenne 
de l'année tropique, remarque-t-on avec raison, 
n'est pas encore connue avec assez de certitude 
pour nous permettre de substituer, dans l'état 
actuel de la science, une autre règle à la règle d'in- 
tercalation grégorienne. Ce serait un saut dans 
l'obscurité (ein Sprung ins Dunkle*). » Voici ma 
réponse. 

Un coup d'œil aux Æxemples cités plus haut 
nous monire que la différence entre les deux 
règles d'intercalation se manifesterait, pour la 
première fois, en 2000. Or, d'ici à l'an 2000, ilya 
encore cent ans, et « c'est d'ici à cent ans, — je dirai 
avec les paroles mêmes de l’auteur du projet, — 
que la science devra se prononcer définitivement 
sur la préférence à donner à l'une ou à l'autre 
règle ». Il s'ensuit que, d'ici là, tout ce qu'on 
demande à l'Occident, c'est qu'il garde sa règle 
grégorienne ; en d'autres mots, qu'il ne fasse rien 
et se tienne tranquille. Franchement, il faudrait 
un grand mauvais vouloir pour ne pas accepter 
une pareille condition : pour rejeter d'avance le 
verdict que donnera la science en l'an 2000, et 
pour ne pas applaudir à un tel essai! 

Quelques mots, maintenant, sur la question de 
la Päque. 

[AL 


Au sujet des règles pascales, le Professeur 
Trpkoviteh, bien qu’étant parfaitement au courant 


1 Tel est en effet le verdict unanime prononcé, encore tout 
récemment, sur la question, par trois parmi les plus illus- 
tres représentants de la science, te Professeur Fürster, de 
Berlin, le Professeur Newcomb, de Washington, et le Pro- 
fesseur Backlund, directeur de l'Observatoire de Poulkova. 
Je me borne à citer les paroles avec lesquelles ce dernier 
termine sa note : Zur Theorie der Präcession und Nutation, 
présentée à l'Académie impériale des Sciences de Saint- 
Pétersbourg et insérée dans ses Comptes rendus demai 1900. 
« Les moyennes absolues des mouvements des planètes — 
« dit le Professeur Backlund — ne sont pas encore con- 
« nues, et il n'est même pas certain que, généralement, 
«ces moyennes existent. Il s'ensuit qu'actuellement toute 
« tentative pour obtenir, sinon la correction absolue de 
« notre calendrier, du moins une formule d'intercalalion 
« qui soit, relativement à la véritable anuée tropique, plus 
« exacte et plus simple que la grégorienne n'est juslifiée ni 
« par des considérations pratiques, ni au point de vue de 
« l'état actuel de la science. » 


178 


soit de la faveur, de plus en plus croissante, que 
trouve, en plusieurs sphères orthodoxes, le projet, 
déjà émis dès 1863 par Mædler, d'un accord de 
toute la chrétienté pour limiter la grande mobilité 
de la Pâque, soit de la probabilité que la Russie 
saisisse de cette question l'Église orthodoxe, n’a 
pas cru qu'il lui convenait, à lui simple laïque, 
d'aborder, dans son projet, une question qui est 
essentiellement du ressort de l'Église. Cela eût nui 
au but, l'unification pacifique du calendrier ; aussi 
s’y prit-il de manière à l’atteindre sans nullement 
engager l'avenir: parti d'autant plus sage qu'il est 
permis de douter que la Russie elle-même vienne 
facilement à bout de faire accepter, sans murmures, 
aux populations orthodoxes, une modification des 
règles pascales établies par le Concile de Nicée. 
Partant, le Professeur Trpkovitch commence par 
établir, avec des données de fait indiscutables, que 
la réforme du calendrier Julien est imposée à 
l'Église orthodoxe par le Concile de Nicée lui- 
même, vu qu'à cause de l’incorrection du calen- 
drier Julien, cette Église ne célèbre plus la Pâque 
à l’époque prescrite par ledit Concile. Pour obtenir 
ce relour à l'exécution des règles de Nicée il faut, 
évidemment, replacer l’équinoxe à la date indiquée 
par le Concile comme point de départ du comput 
pascal, c'est-à-dire au 21 mars, d'où la nécessité 
de relrancher du calendrier Julien treize jours, ce 
qui aurait, comme conséquence, de faire coïncider 
les dates juliennes du mois avec les grégoriennes. 
Présentée de cette manière, l'unification des dates 
serait d’aulant plus acceptable aux populations 
orthodoxes qu'on ne leur demanderait point de 
s'incliner devant l'Occident ni devant Rome, mais 
devant le Concile de Nicée et le verdict de la 
science orthodoxe. Et afin qu'elles ne puissent 
objecter quoi que ce soit à l'unification, non pas 
seulement des dates, mais, aussi, des fêtes, le Pro- 
fesseur Trpkovitch a élaboré un comput pascal 
tout à fait indépendant de celui de Lilio qui servit 
de base à la réforme grégorienne, de sorte que, 
même à cet égard, les populations orthodoxes 
pourront dire ne s'être inclinées que devant le 
Concile de Nicée et la science d'un de leurs core- 
ligionnaires. Enfin, pour qu'il saute aux yeux 
qu'elles n'auraient rien emprunté à la réforme 
grégorienne, d'ici à l'an 2000 leur Pâque tombera, 
il est vrai, le même jour que la nôtre, non pas, 
toutefois, sans qu'il faille admettre une exception 


pour l’année 1954. Celte exception — qu'il eût 
presque fallu créer tout exprès — sera là pour 


témoigner de l'indépendance du monde orthodoxe 
vis-à-vis des calculs de l'Occident. 

En présence d’un tel immense résultat, l'unifi- 
calion, jusqu'à l'an 2000, des dates aussi bien que 
des fêtes — avec l'unique exception de la Pâque de 


T. DE QUARENGHI — L'UNIFICATION DES CALENDRIERS GRÉGORIEN ET JULIEN 


195%, — je croirais vraiment commettre une ma 
vaise action en exprimant des réserves sur n'im 
porte quel point du comput pascal du Professeu 
Trpkovitch. Si, par hypothèse, il se trouvait, parmi 
les lecteurs, un seul qui fût tenté de le faire, je 
supplierais de vouloir patienter jusqu'à l'an 1957 
Ce sera alors le moment de flageller, s’il le faut 
impitoyablement les considérants ou les cale 
qui ont déterminé l'exception; mais, de gràce 
qu'on ne veuille pas le faire avant 1954. Un t@ 
zèle serait d'autant plus blämable, intempestif @ 
nuisible que, d'ici là, d'après toute probabilité, là 
Pâque de toute la Chrétienté ne sera plus célébrée 
ni d'après les épactes de Lilio ni d'après celles du 
Professeur Trpkoviteh t. 


N 


Le double projet du Professeur Trpkovitch sera 
t-il accepté? Il le serait, à coup sûr, si l’histoire 
n'était pas là pour nous avertir que la sagesse et 
l'utilité pratique d’une proposition sont loin d’être 
toujours une garantie de son acceptation. Il y 
dans la question qui nous occupe, trop de suscepti 
bilités et d'intérêts en jeu, pour qu'on puisse présas 
ger avec certitude ce qui va arriver. C'est pour- 
quoi, forcé de me borner à exprimer le vœu quil 
triomphe, je dois aussi envisager la probabilité 
qu'on n’en tienne pas compte. Or, quand même il 
en serait ainsi, un peu de bonne volonté suffirail 
encore pour nous mettre en possession de l’unifi= 
cation du calendrier. Les difficultés ne viendraient 
point, en tout cas, de l'Occident, et c’est ce qui 
importe de bien établir. 

Je suppose, en effet, qu’on tienne absolument à 
modifier, dès à présent, la règle d’intercalation gré” 
gorienne; je suppose aussi que la Russie lienne 
absolument à réaliser un plan qu'elle caresse 
depuis longtemps, celui de faire coïncider la ré= 
forme astronomique de son calendrier avec une 
limitation de la mobililé actuelle de la Pâque et 
des fêtes qui en dépendent. Or, même dans ce cas, 
on ne ferait que réaliser une double éventualité 
déjà prévue par les auteurs eux-mêmes de la ré® 
forme grégorienne qui, de plus, ont eu soin d’'enJe= 
ver d'avance tout obstacle à sa réalisation. M& 
démonstration sera empruntée au Commentaire 
officiel de la réforme grégorienne, publié par 
ordre de Clément VII, et à une déclaration toute 
récente du cardinal secrétaire d'État. 


1 Je me fais un devoir de remarquer que le Professeur 
Trpkovitch est tout à fait libre de préventions vis-à-vis de 
l'Occident, et son Étude est caractérisée par une largeur et 
une élévation d'idées qui lui font grandement honneur. 
Mais il a dû forcément lenir compte des dispositions d'esprit. 
des populations orthodoxes. 


En ce qui concerne, d'abord, une modification 
de la règle d'intercalation grégorienne : « Nous 
“axvouons franchement — lit-on dans le dit Commen- 
aire — que la postérité pourrait un jour découvrir 
“que la longueur moyenne de l’année est une autre 
“que celle admise aujourd'hui, auquel cas il faudrait 
lui adapter une autre règle d'intercalation”. » 
Cette citation est tellement explicite qu’elle suffit. 
Voici, maintenant, ce que nous trouvons, dans le 
même Commentaire, au sujet du désir, manifesté 
jar plusieurs, qu'on fit de la Päque une fête même 
tout à fait fixe comme Noël. 
« L'Église, y lisons-nous, usant de son droit, 
pourrait librement faire qu'il en soit ainsi, sans 
que nul puisse lui en faire un reproche, car il 
“agit, ici, d'un précepte cérémonial de l’ancienne 
“loi qui a cessé d'exister. Il ne parait pas cepen- 
dant qu'un usage aussi ancien [celui encore en 


Ÿ 


tam velusla nullo modo sine qravi aliqua causa 
fringenda videtur)?. » 

Et plus loin : 

 « Ainsi que nous l'avons déclaré au chapitre 
“premier, c'est librement (libere), et uniquement 
(solum) à cause d'une certaine analogie avec la 
“Pique des Hébreux que l'Église tient compte, dans 
“la célébration de la sienne, de l'équinoxe et de la 
XIV! lune; tandis qu'elle est obligée, par précepte 
divin, à défendre et sauvegarder la paix et la con- 
orde entre les croyants *. 

La conclusion est évidente et s'impose. J’ajou- 
terai que la proposition de simplement imiter la 
obilité de la Päque, en l’annexant à un dimanche 
éterminé, fut discutée du temps de la réforme 
régorienne, et qu'elle fut écartée surtout par égard 

l'attachement des églises séparées de l'Orient 
pour les règles pascales de Nicée. I s'ensuit que si 

e Saint-Siège adhérait, pour sa part, à la dite Zimi- 
tation, il ne ferait qu'exercer, maintenant, en vue 
de l'accord de toute la chrélienté dans la célébra- 
tion de la Päque, un droit que, pour la mème rai- 
son, il s’est librement défendu d'exercer en 1582. 
e passe à la récente déclaration du Saint-Siège. 


MI 


Un ami du Professeur Fôürster, le directeur bien 
connu de l'Observatoire de Berlin, mis au fait de la 
faveur que trouvait, en Allemagne et ailleurs, la 
proposition dont l’illustre astronome s'était fait le 


1 Clavius (Christ. S. J.). Romani Calendarii a Gregorio XIII 
P. M. restituti explicatio, S. D. M. Clementis VIII jussu 
edita. Romæ, 1603, C. V, S 15. 

io CNE PRE 

8 Ibid., C. V, S 13. 


» 
= 
> 


T. DE QUARENGHI — L'UNIFICATION DES CALENDRIERS GRÉGORIEN ET JULIEN 


179 


promoteur, d'annexer la Päque au troisième di- 
manche après l’équinoxe fixé par le méridien de 
Jérusalem, eut une heureuse idée. Il l’engagea à 
s'adresser directement, en sa qualité de Président 
du Comité international des Poids el Mesures (et 
celle du temps en est une), au cardinal secrétaire 
d'État, lui exprimant le respectueux désir d'être 
éclairé — dans un but de paix et d'intérêt social — 
sur les dispositions du Saint-Siège. Le conseil fut 
suivi, et c’est le Professeur Fôrster lui-même qui, 
fort au courant de ce qui se passe en Russie, m’en- 
gage à donner une vaste publicité à la réponse qu'il 
recul; réponse, du reste, déjà connue dans les 
hautes sphères de l'Allemagne, de la Russie et 
d’ailleurs. Aussi je remarque, en passant, que, tout 
à fail à l'encontre de la renommée faite à Rome 
d'être, dans ses réponses, d'une lenteur rappelant 
l'éternité, le Saint-Siège mit, celte fois, tant de sol- 
licitude à répondre sur une question aussi grave, 
qu'on doit y voir la preuve certaine qu'il n’a pas 
été pris au dépourvu et que la question avait déjà 
été l'objet d’un sérieux examen. La lettre du Pro- 
fesseur Férster porte la date du 18 avril 1897; c'est 
en date du 6 mai de la même année que $. E. le 
cardinal Rampolla lui communiquait, en ces 
termes, la pensée du Saint-Siège : 

« … Si l'on devait considérer la réforme pro- 
posée, dit le cardinal, sous le seul rapport des 
avantages d'ordre social, la réponse mériterait, 
sans doute, un accueil favorable. Mais l'Église doit, 
aussi, avoir égard au point de vue religieux tradi- 
tionnel, à la connexion de la solennité de Pâques 
avec les mystères de la mort et de la résurrection 
du Seigneur. En outre, le Saint-Siège doit éviter 
tout danger d'introduire, dans la chrétienté, des 
divisions encore plus grandes, par suite du nouveau 
changement. 

« Toutefois, si l’on arrivait à écarter ce danger et 
à faire demander universellement la stabililé rela- 
tive de Pâques grâce à un mouvement de l'opinion 
publique mieux éclairée par le monde savant, l'ini- 
tiative d'une pareille réforme pourrait alors être 
prise en considération, surtout dans un Concile 
général. » 

Quant à la crainte exprimée dans ce document 
que si le Saint-Siège, sans y être déterminé par 
l'expression d’un désir général, allait modifier les 
règles pascales actuellement en vigueur, il s'expo- 
serait à introduire dans la Chrétienté des divisions 
encore plus grandes, il faudrait vraiment ne rien 
savoir de l'Orient et ne rien avoir appris de l'his- 
toire même de l'Occident, pour la trouver illégitime 
ou suggérer qu'on n'en tienne pas compte. 

Cela étant, on se demande si le Saint-Siège pou- 
vait faire plus que reconnaitre les avantages 
d'ordre social qu'aurait la mesure proposée, indi- 


IS 


R. KŒHLER — REVUE ANNUELLE DE ZOOLOGIE 


quer où git l'obstacle et suggérer lui-même la ma- 
nière de procéder pour engager M. Fürster à pren- 
dre en considération — comme le désirerait l'Église 
protestante d'Allemagne — ni plus ni moins que 
l'opportunité d’une iniliative. 

Mon but est atteint : au lecteur de se faire une 


opinion. J'ajouterai seulement que, si la respons 
sabilité qui pèse sur la Russie est lourde, elle né 
l'est pas autant que la tâche qui s'offre devant elle 
serait glorieuse. 


Ces. Tondini de Quarenghi. 


REVUE ANNUELLE DE ZOOLOGIE 


I. — ZOOLOGIE GÉNÉRALE. 


Dans les Revues des années précédentes, j'avais 
l'habitude de consacrer ce chapitre à la revision des 
travaux relalifs à l'histoire des produits sexuels. 
Pendant ces dernières années, les zoologistes 
se sont surtout préoccupés de préciser l'origine et 
la formation de ces produits, de fixer la valeur 
relative des deux gamètes et la signification des 
globules polaires, et enfin d'expliquer la réduction 
karvogamique. Les travaux sur ces questions, si 
nombreux autrefois, se sont fait beaucoup plus 
rares en 1900, et je les passerai d'autant plus volon- 
tiers sous silence que je puis renvoyer le lecteur à 
un article très remarquable publié récemment dans 
ce journal par Le Dantec”. En revanche j'attirerai 
l'attention sur des travaux qui ont soulevé en ces 
derniers Llemps une légitime émotion, et qui se rap- 
portent au développement de l'œuf sans féconda- 
tion sous l’action de certains réactifs, ou, si l’on 
préfère, à la parthénogénèse expérimentale. 

Loeb? d'abord, et Morgan‘ ensuile, ont re- 
marqué que des œufs d'Oursins, momentanément 
plongés dans certaines solutions salines, particu- 
lièrement de chlorure de magnésium, et replacés 
ensuite dans l’eau de mer pure, subissaient la seg- 
mentalion, tout comme s'ils avaient été fécondés ; 
dans certaines expériences, ils ont même pu obte- 
nir des Pluteus. 

Les premières expériences de Loeb ont été vive- 
ment critiquées par Viguier. qui a prétendu que 
les résultats obtenus par cet auteur tenaient à ce 
qu'il opérail sur une espèce dont les œufs sont sus- 
ceplibles de se développer normalement par parthé- 
nogénèse. Viguier n’a pas pu reproduire les pre- 
mières expériences de Loeb mais, entre Lemps, ce 
dernier avait publié de nouvelles observalions très 
concluantes, et d'autres auteurs arrivaient aux 
mêmes résultats que lui chez d'autres animaux. 


! K, Le Danrec: L'Hérédité, clef des phénomènes biolo- 
giques, dans la Æevue gén. des Sciences des 15 et 30 juin 
1900, t. XI, p. 131 et 798. 

? Amer. Journ. of. Phys., 1899 et 1er avril 1900. 

® Archiv. f. Entwickelungsmech., NI et IX. 

* Comptes Rendus, 1900. 


Ainsi Giard!, en opérant avec des œufs d'Astéries 
qu'il plongeait dans une solution de chlorure de 
magnésium, à obtenu des segmenlations à 2, 4, 8eb 
16 cellules, ne différant que par la lenteur du pro= 
cessus évolutifet par la fréquence des irrégularités: 
de celles qu'il obtenait à la suite de fécondations 
normales. Giard a constaté un autre fait très inté= 
ressant. En fécondant des œufs de Psammechinus 
par des spermatozoïdes d’Astéries, il à remarqué 
que la segmentation de ces œufs offrait les mêmes 
caractères que celle des œufs d’Astéries traités par 
les solutions salines : lenteur du développement 
arrèt de segmentation d'un blastomère au stade 2 
ou 4, impossibilité de dépasser le stade 16, etc: 
Quant aux œufs témoins, non traités par la solution 
saline et non fécondés, ils n’ont jamais montré la 
moindre trace de segmentation. 

Bataillon ? a également obtenu des résultats posi= 
üfs en traitant des œufs de Balraciens (Grenouilles) 
et de Poissons (Gardons), soit par du sérum de 
sang de Mammifère, soit par des solutions de sel 
marin à 1 °/, ou de sucre à 10 °/,. Ces segmen® 
tations ne sont jamais nombreuses et le dévelop- 
pement s'arrête de bonne heure. 

Winckler ? a opéré d'une manière différente, et il 
a obtenu des segmentations d'œufs d'Oursins à 
l'aide d’un extrait de sperme de ces animaux. Il 
préparait le liquide excitateur en faisant agir de 
l’eau douce sur des spermatozoïdes d'Oursins, puis: 
il fillrait plusieurs fois et ajoutait cet extrait en 
proportion déterminée à l’eau de mer dans laquelle 
se trouvaient lesœufs. Ces œufs se sont segmentés 
régulièrement jusqu'au stade 4 et ensuite irrégu= 
lièrement. Nalurellement, des expériences de con= 
trôle avaient été établies, et l'auteur affirme avoir 
pris loutes les précautions voulues pour éviter les. 
causes d'erreur. 

Enfin Loeb‘ a publié tout récemment les résuls 
Lats de nouvelles expériences dans lesquelles il à 


1‘ C. R. Soc. Biologie, 1900. 

? Comptes lendus, 1900 et Arch. f. 
mech, XI. 

% Nach. K, Ges. Wiss. (iüttingen, 1900. 

# Am. Jour». of. Phys., août 1900, et Science, 1900. 


Entwickelungs= 


! 


R. KŒHLER — REVUE ANNUELLE DE ZOOLOGIE 


181 


réussi à obtenir des segmentations parthénogé- 
nétiques d'œufs de Chétoptères sous l'influence de 
“Solutions de chlorure de potassium ou de chlorure 
“de sodium; certains œufs ont mème atteint le 
‘Stade de Trochosphère. 
Quelle explication peut-on donner de ces phéno- 
mènes si remarquables ? Loch avait d'abord sug- 
géré que le spermatozoïde apportaità l'œuf les ions 
qui lui manquent ou certains ions capables de con- 


produit lorsque l'œuf est remis dans l'eau pure. 
Les solutions salines ou sucrées agissent par leur 


l 
| 
| 


F nier travail, Loeb est arrivé, el indépendamment 
(he 


“désirer que les zoologistes poursuivent dans cette 
voie des recherches qui pourront nous fournir des 


e rôle complexe du spermatozoïde. 


II. — 7Z00L0GIE SYSTÉMATIQUE. ANATOMIE 
ET EMBRYOLOGIE. 


$ 1. — Protozoaires. 


Ce sont surtout les Sporozoaires qui ont fait 
l'objet de travaux importants en 1900. Toutefois, il 
a peu de choses à dire au sujet des Coccidies, sur 
lesquelles Mesnil a publié, dans cette ARevue?, des 
articles très documentés. Je mentionnerai seule- 
ment les travaux de Schaudinn, qui a étudié le 
cycle compiet du développement du Coccidium 
Schubergi el décrit avec beaucoup de détails les 
phénomènes de la fécondation. 

- Ence qui concerne les Grégarines, on sait que 
Cuénol avait montré que l'élimination nucléaire, 
considérée par Wollérs comme préparatoire à une 
— fécondation isogamique, n'était qu'une simple épu- 
ration, et que les sporoblasles se formaient sans 


qu'il y ait fusion préalable des individus; la féconda- 
tion restait donc douteuse. Siedlecki! a décrit, chez 
la Monocyslis Ascidie, une reproduction sexuée, 
mais les phénomènes de sexualité se passent à un 
Stade postérieur à la formation des sporoblastes. 
L'auteur retrouve les faits énumérés par Cuénot : 
accolementdes deux Grégarines, formation dukyste, 
puis épuration nucléaire dans chacune de ces deux 
Grégarines accolées, et enfin division du nouveau 
noyau pour former des sporoblastes. C'est à ce 
moment seulement que les deux Grégarines, jus- 
qu'alors distinctes, se pénètrent mutuellement, 
puis les sporoblastes de l’une se conjuguent avec 
ceux de l’autre : c’est une vérilable copulation iso- 
gamique sans lrace de réduction karyogamique. 

Léger * a retrouvé une fécondation sexuée ana- 
logue chez une Ophryocyslis nouvelle. Deux indi- 
vidus se rapprochent et s'enkystent, et leurs 
noyaux subissent une réduction karyogamique 
Chaque individu se transforme alors en un sporo- 
blaste unique, et les deux sporoblastes d'un même 
kyste se fusionnent pour donner un sporocysle, 
également unique, qui, par trois divisions succes- 
sives, formera huit sporozoïtes. Ici encore il y a 
isogamie parfaite comme dans le cas précédent. 
Ces observations sont d'autant plus intéressantes 
qu'elles se rapportent à un genre très rare et fort 
mal connu et qui est le seul représentant du groupe 
des Amæbosporidies. 

L'École médicale de Rome et celle de Liverpool ont 
poursuivi leurs intéressantes études sur les Héma- 
lozoaires du paludisme. Depuis la publication de 
l'article de Mesnil que je citais plus haut, plusieurs 
faits intéressants ont été découverts. D'après Grassi, 
Bignami et Bastiannelli”, les trois Anopheles à ailes 
tachetées d'Italie (A. maculipennis, pictus et pseu 
dopictus) peuvent propager la malaria, mais le 
premier est l'agent le plus habituel. Le dévelop- 
pement du parasile exige une température supé- 
rieure à 16°; de 14° à 15°, les Sporozoaires de la 
fièvre estivo-automnale ou irrégulière ne se déve- 
loppent pas dans le sang de l’Anopheles; de 20° à 
22°, le développement se fail très lentement, et à 
30° le cycle complet de l'évolution a lieu en 7 jours. 

Les mêmes auteurs ont montré que les black- 
spores ne sont que des états de régression de l’'Hé- 
matozoaire dans le corps du moustique, et que, par 
conséquent, aucun failne permet encore d'admettre 
l'infection héréditaire chez l'Anopheles. Celte der- 
nière hypothèse avait été émise par Laveran et 
Manson. L'école italienne soutient au contraire que 
l’évolution complète du parasite ne peut s'effectuer 
que dans deux hôtes successifs. Elle admet enfin 


1 Comptes Rendus, 1901. 
 F. Meswre : Coccidies et Paludisme, dans la Revue gén. 
des Sciences des 30 mars et 15 avril 1899, t, X, p. 213 et 215. 


1 Bull. Ac. Se. Cracovie, 1899, 
> Comptes Rendus, 1900. 
# Unters. z. Nat. d. Menschen v. Moleschott, XNII. 


182 


R. KŒHLER — REVUE 


ANNUELLE DE ZOOLOGIE 


que chaque forme de fièvre est caractérisée par un 
Hématozoaire spécifiquement distinct : le P/asmo- 
dium malariæ pour la fièvre quarte, le P. vivax 


pour la fièvre tierce, et le Zaverania præcox pour | 


la fièvre irrégulière. Le développement de cette 
dernière espèce a surtoutété bien étudié; ses gamé- 
tocytes ont une forme spéciale : ce sont les corps 
en croissant de Laveran. 

Ce dernier auteur ‘ qui, soit dit en passant, n’ad- 
met qu'une seule espèce d'Hématozoaire du Palu- 
disme avec plusieurs variétés, a fait un essai de 
classification des Hématozoaires endo-globulaires 
qu'il divise en trois groupes : 

1° Hématozoaires du paludisme ; Hématozoaires 
des Oiseaux, du singe et des chauves-souris; 

2° Hématozoaires des Bovidés, du mouton, 
chien et du cheval; 

3° Hématozoaires des Vertébrés à sang froid. 

Cet auteur? a montré aussi que la loi de coexis- 
tence des Anopheles et du paludisme sur les mêmes 
points du globe se confirme de plus en plus, et 
qu'elle s’applique aussi bien aux régions tempérées 
qu'aux régions chaudes. 


du 


$ 2. — Trochozoaires. 


Dans la Revue annuelle de 1899, j'ai résumé l'his- 
toire si remarquabie du ver Palolo des îles Fiji et 
Samoa. Goldsborough Meyer * a observé aux îles 
Tortugas un nouveau Sfaurocephalus (St. greqa- 
ricus), qui, en raison de ses habitudes, mérite le 
nom qu'il lui donne d’Aflantic Palolo. Comme le 
Palolo du Pacifique, son apparition est en relation 
avec les phases de la Lune. Les eaux à la surface 
desquelles il se montre une fois par an ont un fond 
de Coraux et de Nullipores, parmi lesquels le ver est 
caché le reste de l’année. Les premiers échantillons 
se montrent le matin vers quatre heures, et leur 
nombre augmente très rapidement. La région anté- 
rieure des vers ne renferme pas d'éléments sexuels 
tandis que les segments de la région postérieure 
sont bourrés de ces éléments. Peu de temps après 
l'apparition des vers, ces segments sont le siège de 
contractions violentes, etils éclatent en mettant en 
liberté les œufs ou les spermatozoïdes; puis les 

. vers retombent au fond de l'eau, et à neuf heure 
du matin on n’en rencontre plus un seul échan- 
tillon à la surface. 

Le Palolo atlantique émigre donc tout entier vers 
la surface à l'époque de la reproduction tandis que, 
pour celui du Pacifique, c'est la région postérieure 
seule, chargée de produits sexuels, qui monte à la 
surface de l'eau. 

L'étude de la reproduction des Annélides nous 


! Cinquantenaïire Soc. Biologie. 
* C. R. Soc. Biologie, 4900. 
* Bull. Museum Gompar. Zoology, XXXVI. 


réservera, sans doute, encore bien des surprisess 
Ainsi l'on a observé tout récemment certains fails 
très curieux et tout à fait inattendus dans la fécon® 
dation des Hirudinés. 

Lorsqu'il existe un organe copulateur, le sperme 
est injecté directement dans l'appareil femelles 
mais, quand cet organe est rudimentaire ou nul 
(Herpobdellides, Rhynchobdellides et la plupark 
des Ichthyobdellides), la fécondation s'opère d’une 
manière vraiment extraordinaire. Au moment de 
la copulation, un, spermatophore, fourni par l'un 
des conjoints, est appliqué sur le tégument d 
l’autre, puis, comme Kovalewsky ! l'a établi le pre= 
mier chez la Placohdella, les faisceaux de sperma 
tozoïdes pénètrent dans les tissus sous-jacents en 
traversant les téguments et arrivent dans la lacune 
ventrale. Le spermequis’échappe pénètre ainsi dans 
la cavité cœlomique, et les spermatozoïdes se dis- 
persent : les uns pénètrent dans les organes pha-" 
gocytaires ou capsules néphridiennes où ils seront 
absorbés et digérés, mais la plupart des sperma- 
tozoïdes s'insinuentpar trainées à travers les parois 
épaisses de la matrice pour tomber dans l'intérieur 
où ils rencontrent des œufs qu'ils fécondent. 

Ces phénomènes si curieux ont été revus par. 
Kovalewsky*, par Brandes* et surtout par Brumpit 
chez plusieurs espèces. Ghez les Glossiphonides, les 
spermatophores sont formés de deux tubes distincts, « 
munis d’une paroi élastique servant à injecter lew 
sperme dans les tissus, et la fécondation s'opère 
comme chez la Placobdella. Chez les Ichthyobdel- 
lides, les spermatozoïdes, après avoir traversé les M 
téguments, pénétrent dans un tissu particulier, le 
tissu vecteur, formé par l'hypertrophie des parois M 
ovariennes, et atteignent les œufs qu'ils fécondent. 

Il est à remarquer qu'ici les spermatophores sont 
mous et que les spermatozoïdes sont déjà mobiles 
avant d'en sortir, ce qui n’est pas le cas chez les 
autres. *. Vi 

Brumpt s'est assuré qu'il n'y avait jamais de 
fécondation directe chez les formes où cette fécon- 
dation tégumentaire existe. 

Il est assez difficile d'expliquer des phénomènes 
aussi bizarres. Pourquoi les spermatozoïdes, qui, 
par leur nature, doivent féconder des œufs, de- 
viennent-ils normalement la proie de phagocytes, 
et pourquoi au lieu d'arriver facilement à l'ovaire 
par la voie naturelle, l’atteignent-ils par un chemin 
si compliqué? Brumpt admet que les Hirudinés 
possédaient primitivement un pénis; celui-ci 
s'élant atrophié dans un certain nombre de formes, . 
les spermatophores se sont peu à peu développés, 


! Comptes Rendus, 1899. 

* Mém. Soc. Zoologique de France, 1900. 
% Halle'scher Zeit. f. Nat, 1900. 

4 Mém, Soc. Zoologique de France, 1900. 


rudimentaires d’abord (Æemiclepsis), is se sont 
érenciés progressivement pour acquérir une 
forme très compliquée. La fécondation hypoder- 
lique permet un accouplement plus facile et plus 
pide que la véritable copulation, et, comme elle 
tplus avantageuse pour l'espèce, elle a été fixée 
Ja sélection. 

L. Calvet! a repris l'étude de différentes questions 
ltives à l'histoire des Bryozoaires Ectoproctes 
arins, en choisissant particulièrement des types 
üpares. Il s'est surtout occupé de la métamor- 
ose et de la blastogenèse. 

Pendant la métamorphose, il ne retrouve dans 
ozoïte que des tissus ectodermiques et mésoder- 
ques embryonnaires : le polypide n'est formé 
16 de ces seuls éléments et il ne renferme donc 
le deux feuillets. La prolifération des cellules 
lodermiques est le point de départ de toutes les 
pmations blastogénétiques et l’ectoderme fournit 
ns cesse des éléments qui constituent le tissu 
senchymateux, l’ancien tissu funiculaire des 
teurs, aux dépens duquel se forme le polypide 
S blastozoïdes. Celui-ci ne renferme done que 
S éléments issus de l’ectoderme. Le polypide 
ménéré à la même origine. L'ectoderme est, en 
linitive, le seul feuillet qui se perpétue à travers 
colonie, et les Bryozoaires offrent un nouvel 
émple des différences profondes qu'offrent les 
veloppements embryonnaires et blastogéné- 
ques. 

On a placé, pendant longtemps, à côté des Bryo- 
aires le /Aorouis, que des travaux récents de 
Stermann tendraient à rapprocher plutôt des 
téropneustes. D'après les recherches récentes de 
üle*, c'est la première opinion qui doit déci- 
mment prévaloir. Cet auteur a publié une étude 
S complète sur l’embryogénie d'une espèce 
nmune dans l’étang de Thau, le Ph. Sabatieri. 
laisse de côté la première partie du travail, qui 
exclusivement descriptive, mais très documen- 
> pour ne m'occuper que de la seconde dans 
uelle l'auteur envisage certaines questions 
érales, parmi lesquelles deux sont particuliè- 
nent intéressantes. L'Actinotroque des Phoronis 
: la Méditerranée diffère de celle des ?horonis de 
Céan par plusieurs caractères, dont les prin- 
paux touchent au nombre des tentacules et à 
li des diverticules du tube digestif. Or, la 
diterranée contient au moins deux espèces dis- 
etes de Phoronis, et l'espèce de l'Océan ressemble 
>aucoup à l'une d'elles. Les deux espèces médi- 
‘anéennes ont aussi une même forme larvaire, 
l'espèce océanienne possède une forme larvaire 


À 


hèse de Doctorat, ès sciences, Paris, 1900. 
b Ann, Sciences Naturelles Zool., 1900, 


à 


Ÿ 


R. KŒHLER — REVUE ANNUELLE DE ZOOLOGIE 


183 


| différente de celle qui appartient à sa similaire de 


la Méditerranée. IL en résulte cette conséquence 
curieuse que deux espèces différentes à l'état par- 
fait ont des formes larvaires identiques el, réci- 
proquement, que deux espèces semblables (ou peu 
s'en faut) à l’état parfait ont des formes larvaires 
dissemblables. 

Roule montre combien est inexacte l'opinion de 
Mastermann, qui croyait à une affinité directe et 
immédiate entre l'Actinotroque et les Entérop- 
neustes. Il fait avec les Phoronidiens une classe de 
son embranchement des Trochozoaires et les place 
près des Bryozoaires dans un groupe à part, voisin 
des Ptérobranches. De plus, il trouve, dans la struc- 
ture de l'Actinotroque, une concordance avec celle 
des jeunes embryons de Vertébrés et de Tuniciers. 
Le vestibule buccal, recouvert par le capuchon 
céphalique, représente à ses yeux la région pos- 
térieure d'un neuraxe qui ne se développe pas 
davantage, et disparait par la suite. Le diverlicule 
du tube digestif, dont les cellules deviennent vacu- 
olaires, représente à son tour une ébauche de 
notocorde, qui se détruit également, et manque à 
l'adulte après avoir existé chez la larve. Les rela- 
lions mutuelles de ce diverticule avec le vestibule 
buccal rappellent exactement celles de la notocorde 
et du neuraxe pris à leurs débuts. Comme l’Acti- 
notroque se rapproche d'autre part de la Trocho- 
phore, larve des Vers annelés, l’auteur conclut en 
reprenant et modifiant l'ancienne opinion des natu- 
ralistes. On disait autrefois : le Vertébré est un 
Annélide retourné. D'après Roule, celle assertion 
est inexacle si on l’applique aux adultes, mais elle 
est juste si on l’'emploie pour les embryons encore 
très jeunes. Il faut dire : l'embryon du Vertébré est 
une Trochophore retournée. Les larves des Pho- 
ronidiens constituent ainsi la transition réelle des 
larves d'Annélides aux embryons des Tuniciers et 
des Vertébrés. Passé ces phases larvaires, ces 
êtres établissent leur organisation suivant des 
plans différents, et ne peuvent plus se comparer 
avec exactitude. 

Cette conception n’enlève rien aux affinités des 
Eutéropneustes avec les Chordés, qui sont admises 
presque universellement, mais que Spengel combat 
encore. Au cours de ses recherches sur les Enté- 
ropneustes du Pacifique, Willey! à eu l’occasion 
d'examiner une forme nouvelle très primitive, le 
Ptychodera flava, chez lequel ces affinités appa- 
raissent avec la plus grande évidence. Cet auteur 
est d’ailleurs convaineu que si Spengel avait pu 
prendre comme point de départ de ses recherches 
une forme telle que le PJ. flava, au lieu du PI. mi- 


Re 


1 Zoological Results, Part. III. Enteropneusta from South 
Pacific. 


18% R. KŒHLER — REVUE 


ANNUELLE DE ZOOLOGIE 


nuta de Naples, son opinion aurait été complé- 
tement modifiée. Spengel n'avait pas établi de 
division dans les Enteropneustes; Willey comble 
cette lacune et il répartit les formes connues en 
trois familles : Ptychodéridés Spengelidés, et Ba- 
lanoglossidés. 


$ 3 — Arthropodes. 


Cet embranchement a été l’objet de travaux par- 
üiculièrement nombreux en 1900: la plupart se 
rapportent aux Insectes. L'un des plus importants 
est une thèse de Ch. Janet, dont la première partie 
comprend une monographie de la Myrmica rubra, 
remarquable par la précision et l'abondance des 
détails. L'étude de la musculature, du système 
nerveux central et des nerfs périphériques, a con- 
duit l’auteur à considérer la tête de l’Insecte comme 
formée par un nombre de somites plus élevé que 
celui qu'on admettait jusqu'ici. 

On sait que ces somiles, au nombre de six, sont 
désignés de la manière suivante : 


I. Somite proto-cérébral ou du labre 


II. —  deuto-cérébral ou antennaire 
III. —  trito-cérébral ou post-antennaire 
IV. —  mandibulaire 

V. _—  maxillaire 

VI. — Jlabial 


Je ferai remarquer, en passant, que l'existence 
du somite III ou post-antennaire se trouve confirmée 
par les recherches de Folsom ! qui a trouvé, chez 
des Collembola adultes, une paire d’appendices 
rudimentaires situés en arrière du somite II et ne 
pouvant appartenir qu'à ce somite III. 

Janet considère que le système nerveux sympa- 
thique de la portion stomodæale du tube digestif, 
qui comprend trois ganglions, est le prolongement 
antérieur de la chaîne nerveuse: Pour lui, ces 
ganglions correspondent à autant de somites qu'on 
n'avait pas soupconnés jusqu'à présent, parcequ'ils 
se sont contractés el invaginés en modifiant la 
structure de leur épiderme pour en faire l'épithé- 
lium du stomodœum. La tête des Insectes serait 
done composée de neuf somites, et, aux six somites 
signalés plus haut, il convient d'ajouter les trois 
suivants qui les précèdent et que Janet appelle : 

I. Somite proto-stomodæal ou du gésier 


Il. deuto-stomodæal ou œsophagien 
LE trito-stomodæal ou clypéo-pharyngien 


À part un Mémoire de Prowazek® qui a constaté 
chez un Thysanouve (/sotoma grisea), que la seg- 
mentalion élait d'abord totale et presque égale et 
ne devenait superficielle qu'ullérieurement, ce qui 
prouve que le type de segmentation des Insectes a 
été acquis secondairement, la plupart des travaux 


1 Psyche, vol. VII. 
? Arb., Zool. Institut Wien, 1900. 


relatifs au développement de ces animaux se » 
portent surtout à la métamorphose. 

On a volontiers considéré jusque dans ces dei 
nières années que le phénomène essentiel et pn 
mordial de la métamorphose était la phagocytost 
ainsi que les travaux de Kovalewsky, de Metel 
nikoff, de Van Rees, elc., paraissaient l’avoir établ 
Cependant Korotneff, en 1892 déjà, avait nié foi 
mellement la phagocylose chez les Tinéides, 
plus récemment Karawaiew avait, en 1898, soi 
tenu la même thèse pour les Fourmis. Cette impot 
tante question a été reprise de différents côtés," 
elle est tout à fait à l'ordre du jour en ce mome 

Terre‘ affirme que, chez l'Abeille, la destructioi 
des muscles ne s'opère pas par phagocytose. Dam 
la larve, les muscles offrent déjà deux sortes 4 
noyaux : des grands noyaux, qui se chromatolysel 
lors de la nymphose pour disparaître ensuite, 
des petits noyaux, qui se mulliplient pendant 
métamorphose el serviront à la réédification de 
muscles de l’imago (myoblastes imaginaux). La subs 


dégénérescence chimique sans phagocytose. 
dernier fait a été confirmé par Kochewnikoff=. 
Anglas * observe, chez la Guèpe et l’Abeiïlle, qu 
certains muscles sont envahis par les leucocytes 
qui digèrent sur place les fragments musculaires 
mais sans former de boules à noyaux, tandis qu 
d'autres rentrent d'eux-mêmes en régression. 
même, les cellules des glandes de la soie et 
tubes de Malpighi dégénèrent sans intervention Ad 
leucocytes. Les cellules adipeuses subissent un 
dégénérescence granulo-graisseuse et persiste 
jusqu'à l'éclosion. L'auteur admet que des élément 
cellulaires peuvent agir sur d'autres éléments 
les détruire : il désigne ce fait sous le nom généré 
de /yorytose. Les rapports entre le lyocyte ete 
éléments digérés peuvent d'ailleurs varier : 
lyocytose peut s'exercer, soil à distance, soit 
accolement, soit par englobement (ce dernier 
est la phagocytose). La lyocylose d’Anglas à à 
critiquée par plusieurs auteurs. | 
Berlese ‘ a suivi la transformalion du tissu à 
peux chez les Diptères et trouve, comme Anglas, q 
le tissu adipeux ne disparait pas pendant la mét 
morphose, mais qu'il se charge de granules album 
noïdes (qui ont été pris par Van Rees pour des le 
cocyles). Ce tissu ne s’histolyse même pas. 
servirait, d'après l'auteur, à élaborer les matériä 


1 C, R. Soc. Biologie, 1899 et Bull. Soc. Entomol., A9 
* Zool. Anz., 1900. 

1 Bull. Scientif., 1900. 

4 Hevisla di Patolog. vegelale, 1899. 


R. KŒHLER — REVUE ANNUELLE DE ZOOLOGIE 


185 


pour les tissus en voie de formation. Ces faits ont 
été vérifiés par Supino et Henneguy. Dans un tra- 
ail plus récent, Berlese étend ses conclusions à 
“tous les groupes de Watabola ; il ajoute que les leu- 
“cocvte. n'altèrent en rien les particules de sub- 
Stances qu'ils ont englobées el ne servent qu'à 
ransporter ces particules : ils ne joueraient qu'un 
rôle tout à fait secondaire dans la destruction. 
L'auteur admet surtout une dégénérescence chi- 
mique, transformant la substance musculaire en 
bstance assimilable, qui serait ensuite {ranspor- 
fée par les leucocytes. 
- Seul parmi les auteurs récents, Pérez! affirme 
que, chez les Fourmis et les Tinéides, l'histolyse est 
lue exclusivement à la phagocytose, lout en recon- 
naissant que les boules à noyaux font défaut. 
- Il semble résulter des recherches que je viens de 
ter que l’histolyse ne s'effectue pas de la même 
manière dans tous les groupes d’Insectes; mais, en 
tous cas, la plupart des auteurs s'accordent actuel- 
lement pour admettre que les phénomènes phago- 
meytaires, lorsqu'il s'en produit, sont précédés d'un 
élat semi-pathologique, dégénérescence ou nécro- 
iose chimique; cel état peut être attribué à des 
auses complexes, asphyxie, inanition, sécrétions 
ternes de l'organisme métabole, etc. Comme le 
fait remarquer Giard, dans une communication à 
Société de Biologie, on ne peut conclure que les 

inuscles ne sont pas touchés de ce qu'ils ne pré- 
—“entent pas d'altérations visibles. Ce savant cite, à 
ce sujet, des exemples frappants de muscles mani- 
lestement allérés, sans qu'on puisse déceler ces 
ältérations au microscope. « Refuser d'admettre, 
ajoute Giard, que le point de départ de l'histolyse 
se trouve dans les alléralions préalables des tissus 
et prétendre que les phagocytes, surexcités par des 
stimulines, v° nt attaquer précisément les éléments 
ondamnés à lisparaitre, c'est, il me semble, reve- 
ir sous une lorme nouvelle à la théorie de la pré- 
destination, aux propriétés prépotentielles des 
lastides, ec un mot aux idées vitalistes et théolo- 
piques si con:raires aux progrès de la science. » 
Notons enfin qu'à la suite de la communication 
e Giard, M>snil, au nom de Metchnikoffet au sien, 
insiste sur l'apparition précoce de la phagocytose, 
le-ci in‘ervenant désle début de l'histolyse, que 
>s myop} 1ges soient d'origine musculaire ou leu- 
cocytaire, mais il ajoute : « Nous pensons volon- 
liers, avec M. Giard, que, dans un grand nombre 
de cas, le point de départ de l'histolyse existe dans 
une altéralion préalable des tissus ». 
. Caullery et Mesnil”, en observant un Crustacé Epi- 
“caride parasile des Balanes (/emioniscus balani), 


DC: R. Soc. Biologie, 1900. 
Eu ? C. R. de la Société de Biologie, 1900. 


REVUE GÉNÉRALE DES SCIENCES 1901, 


ont eu l'occasion de constater dans certains appen- 
dices une disparition de fibres musculaires qu'ils 
attribuent à une phagocytose. Ce phénomène a lieu 
quand le Crustacé, qui est prolandre, passe de 
l’état mâle à l’état femelle. 

Les Epicarides sont des êtres très remarquables, 
en raison des modifications profondes que le para- 
sitisme leur imprime. Jules Bonnier‘ vient de leur 
consacrer un splendide volume, dans lequel il 
s'occupe plus particulièrement des Bopyridés el qui 
complète les recherches antérieures qu'il avait 
entreprises avec Giard. Les parties les plus inté- 
ressantes de ce mémoire se rapportent naturelle 
mentau développement. Les Epicarides qui, à l’élat 
adulte, offrent des déformalions si diverses, 
sortent lous de la cavité incubatrice sous la même 
forme larvaire, que Bonnier appelle le stade épica- 
ridien. L'uniformité remarquable de cette forme 
démontre l'origine monophylélique de lout le 
groupe. À ce stade, l'Epicaride ressemble à un petit 
Isopode globuleux, lui-même. La 


ramassé sur 


| phase cryploniscienne, qui lui succède, est essen- 


tiellement adaptée à la vie libre et pélagique et con- 
traste, par ses formes élancées et ses appendices 
grêles, avec la précédente. Les organes sensoriels 
que possède cette larve l’aident dans la recherche 
de l'hôte sur lequel elle se fixe et où elle subit une 
métamorphose que Bonnier éludie en détail. Les 
Cryplonisciens atleignent leur maturité sexuelle 
sous la forme cryptoniscienne, et l'étrange défor- 
malion qu'offrira la femelle ne sera due qu'au déve- 
loppement des ovaires et de la cavité incubatrice. 
Les Bopyridés, au contraire, subissent une trans- 
formation nouvelle et parviennent à un stade /'opy- 
ridien, qui restera définitif chez le màle et qui se 
modiliera ultérieurement chez la femelle par le 
développement des ovaires. 

Les observations de Bonnier lui ont permis d'éla- 
blir les relations phylogénétiques des différentes 
familles d'Epicarides. Nous avous dit plus haut que 
ceux-ci élaient monophylétiques. Les formes les 
plus simples sont les Wicroniscidés, parasites des 
Copépodes, qui se fixent déjà au stade Epicaridien : 
ce sont les plus voisins de la souche commune. 
Après eux se détachent les Cryploniscinés, dont les 
formes inférieures, parasiles des Cirripèdes, des 
Ostracodes et des Rhizocéphales, ont la partie 
antérieure modifiée pour la fixation, tandis que la 
région postérieure, complètement déformée, cons- 
titue la cavité incubatrice ; chez les formes supé- 
rieures, parasites des Arthrostracés, toute la sur- 
face du corps constitue un vaste sac incubateur; 
enfin, une dernière famille, remarquable par sa 


1 Contribution à l'étude des Epicarides. Thèse de Boc- 
torat, ès sc. Nat., Paris, 1900. 


186 


dégradation, est parasite des Schizopodes. Dans 
toutes ces formes, les pléopodes des larves épicari- 
diennes sont biramés. Il n’en est plus de même 
chez les Bopyrinés, où ces appendices n’ont qu'une 
seule rame. La première famille, celle des Dajidés, 
est parasite des Schizopodes ; les trois autres 
familles sont parasites des Décapodes et la fixation 
a lieu, soit sur l'abdomen (Phryxidés), soit dans la 
cavité branchiale (Bopyridés), soit enfin dans la 
cavité viscérale elle-même (Æntoniscidés). L'évolu- 
tion des Epicarides a donc suivi d'une manière très 
précise celle des Crustacés, et leurs formes se com- 
pliquent en même temps que leurs hôtes s'élèvent. 


$ 4. —_ Vertébrés. 

Les mémoires publiés en 1900 sur les Vertébrés 
se rapportent presque tous à l'anatomie comparée 
ou à l’organogénie et n'ont pas leur place dans 
cette Revue. Je ne vois guère à signaler ici que les 
travaux de Bashford Dean ! et de Doflein * sur le 
développement du Bdellostome. Depuis longtemps 
les zoologistes avaient fait de vains efforts pour 
arriver à connaître l'embryologie des Myxinoïdes ; 
le sujet était intéressant, car ils espéraient pou- 
voir en tirer des renseignements précis sur la 
position systématique des Cyclostomes qui, pour 
les uns, sont des types ancestraux et, pour les 
autres, des formes dégénérées. Cette lacune a été 
comblée par les deux auteurs ci-dessus, qui ont 
réussi à se procurer des matériaux suffisants sur les 
côtes de Californie. Les observations de B. Dean 
sont surtout très complètes et son mémoire est 
illustré de superbes dessins. Les œufs du P. Stouti 
sont peu nombreux, chaque femelle n'en pondant 
qu'une vingtaine ; ils ont la forme d’un ovoïde très 
allongé, ayant 25 millimètres de longueur sur 7 de 
largeur environ, et ils sont munis à leurs pôles de 
filaments à l’aide desquels ils restent attachés en 
chaine les uns aux autres. Le petit nombre et les 
grandes dimensions de ces œufs contrastent avec 
le nombre élevé et la petite taille des œufs de Lam- 
proie. Ces différences s’affirment dans le cours du 


développement. Ainsi la segmentation est méro-° 


blastique et assez voisine de celle des Sélaciens. IL 
y à, entre la segmentation du Bdellostome et celle 
de la Lamproie, des différences analogues à celles 
que l'on connaît entre la segmentation des Séla- 
ciens et celle des Ganoïdes. 

En ce qui concerne le développement des organes, 
il faut surtout noter la formation du système ner- 
veux par invagination; de plus, le cerveau est 
remarquablement allongé dans l'embryon du Bdel- 
lostome et il se rétrécira ultérieurement. B. Dean 
n'observe pas, au cours des l'embryogénie, la 


1 J'estschrilt z. Küppfer. Fischer. Jena. 
# Vorh. deut. Zool. Gesellschaft, 1900. 


R. KŒHLER — REVUE ANNUELLE DE ZOOLOGIE 


moindre indication d’ares viscéraux ni de membres 
pairs, et il ne trouve aucune preuve en faveur de 
l'hypothèse que l'œil pinéal des Craniotes représente 
une structure primitive. En revanche, la présente 
d'une série régulière et, dans tout le corps di 
l'embryon, de tubes segmentaires formant un pro 
néphros représente pour lui un caractère primitif 

L'embryogénie du P. Stouti ne fournit dont 
aucun fait tendant à prouver que les Cyclostomes 
sont des formes dégénérées: elle permet, au con 
traire, de retrouver certaines dispositions primi 
tives, et B. Dean incline à considérer les Myxinoïdes 
comme des larves d'Amphioxus très évoluées. 

Dans la Revue annuelle de 1898, j'ai déjà indi 
qué quelques-uns des faits les plus importants 
observés par G. Kerr pendant le développement di 
Lepidosiren. L'auteur, qui n'avait alors publi 
qu'une courte note préliminaire, vient de donne 
un {ravail complet accompagné de planches ‘. Aw 
renseignements qu'il avait déjà fournis, il ajoute 
des observations sur les transformations de la larve 
sur le remplacement des branchies externes, pors 
tées, sur les quatre premiers ares branchiaux, p 
les branchies internes, etc. 


III. — GÉOGRAPHIE Z0OLOGIQUE. FAUNES. 


$ 1. — Faunes des eaux douces et saumâtres. 


Les zoologistes suisses poursuivent très actives 
ment jies recherches qu'ils ont entreprises sur Ja 
distribution du Plankton dans les nombreux lacs 
de leur pays et ils ont publié en ces derniers temps 
des travaux d'une grande importance. 

Dans un mémoire d'ensemble, Burkhardt ? fai 
connaître la composition et la répartition du Planle 
ton dans les différents lacs suisses suivant le 
profondeur, la température de l’eau et l’altitude.l 
divise les lacs suisses en quatre catégories, offran 
chacune une faune spéciale : 

1° Les grands lacs de la plaine, jusqu’à 750 mètre 


(lac de Genève, de Thun), lacs profonds et chauds 
(lac de Neuchâtel), et lacs peu profonds, avec des 
associations fauniques également très tranchées: 
2% Les petits lacs de la plaine, caractérisés pa 
les Daphnia longispina, Bosmina longirostris,"e 
auxquels manquent les Zythothrephes longimanu 
et Posmina coregont. | 
3° Les lacs des Alpes, au-dessus de 750 mètres 
avec les Daphnia longispina et Diaptomus denticot 
nis; les B'ythothrephes et Leptodora font défaut: 


| 

E 4 
1 Phil. Transact, 1900. 

? Rev. Suisse de Zoologie, 1900, - | 

D | 


4° Les lacs du Jura, sans caractères bien tran- 
chés. 
Certains Crustacés offrent des variations fort 

Curieuses qui affectent particulièrement le Fosmina 
“coregoni; chaque lac en possède, en effet, une 
4 locale particulière qui change de l'une à 
l'autre. Burkhardt a comparé toutes ces variations 
et il les réunit en sept groupes principaux. Les 
Daphnia hyalina offrent des variations analogues, 
mais dans cerlains lacs seulement. Une remarque 
semblable peut être faite au sujet des Corrégones, 
«Ces variations tiennent à ce que les lacs de Suisse 
ne sont pas reliés par des cours d'eau à courant 
peu rapide et qu'en ce pays tous les cours d’eau 
ont le caractère de torrents. Les migrations étant 
ainsi rendues impossibles, les individus restent 
éparlis en colonies qui varient dans des directions 
“différentes. Des remarques analogues ont été faites 
par Minnie Enteman sur les Daphnia longispina 
des lacs du Wisconsin. 

Dans un autre travail très documenté’, Bur- 
 hardt étudie plus spécialement le lac de Neuchâtel 
mA 1 point de vue des variations diurnes et saison- 
ières et de la distribution en profondeur du 
Plankton. C'est en juillet que le Plankton est le 
plus abondant, et ce maximum est suivi d'une dimi- 
nution qui devient très rapide en octobre et se con- 
linue jusqu’en décembre, puis la quantité se relève : 
en février on observe un nouveau maximum, plus 
aible qu'en juillet, et suivi d'une nouvelle diminu- 
lion. Furman* a fait, de son côté, des constatations 
analogues dans le lac de Neufchàtel, et Yung* a 
également trouvé dans le lac de Genève deux 
maxima : l'un en juin et l’autre en décembre, celui-ci 
moins marqué, et deux minima : l'un à la fin de 
l'hiver et l’autre à la fin de l'été. 

En ce qui concerne la distribution du Plankton 
en profondeur, Burkhardt établit quatre zones : 
1° La zone des Rotifères, qui s'étend de la sur- 
face jusqu’à 20 ou 30 mètres ; 

2 La zone des Cladocères, qui s'étend jusqu'à 
70 mètres en été et 150 mètres en hiver; 

- 3° La zone des Copépodes, qui descend jusqu'à 
80 mètres en été et jusqu'au fond en hiver; 

4 La zone abyssale qui ne renferme que quel- 
ques formes très rares (Triarthra longiselta). 

. Comme on le voit, les limites de ces zones varient 
en été et en hiver. En effet, de juin à septembre, 
les couches au-dessous de 80 mètres paraissent être 
inhabitées ; en octobre, on trouve déjà à 100 mètres 


les Diaptomus laciniatus, qu'on rencontre en no- 


F 
Fa 


—… 2 Mith. Naturf. Ges. Luzern. III, 1900. 
& ©? Arch. Sc. Phys. Nat. Genève, 1899. 
—… © Archives des Sciences phys. el nat. Genève, 1899, 


R. KŒHLER — REVUE ANNUELLE DE ZOOLOGIE 


187 


dépassent celte profondeur. Puis, à mesure que l'été 
s'avance, les profondeurs se dépeuplent progres- 
sivement. Le Plankton capturé entre 100 et 200 mè- 
tres représente, de juin à septembre, 0 à 0,2 °/, de 
la quantité totale, et de janvier à mars 10 à 20 °/, 
de cette quantité. 

Ces migrations saisonnières sont assez difficiles 
à expliquer. Burkhardt pense que les animaux 
suivent dans leur chute les Diatomées ét les Anu- 
rées qui meurent à la fin de l'été et dont les cada- 
vres tombent au fond du lac. En hiver, les pêches 
profondes ramènent effectivement de grandes 
quantités de ces algues mortes. En été, les ani- 
maux remontent vers les couches superficielles qui 
se peuplent d'algues dont ils font leur nourriture. 

Les oscillations diurnes du Plankton ont déjà 
été observées dans les lacs suisses et Burkhardt à 
remarqué qu'elles variaient beaucoup d'amplitude, 
non seulement suivant l'éclairage et l’état de l’at- 
mosphère, mais aussi el surtout suivant les espèces 
considérées. Elles sont à peu près nulles chez les 
Rotifères tandis qu'elles sont très marquées chez les 
Bosmina coregoni, Leptodora hyalina et Cyclops; 
mais ce sont les Bithothrephes longimanus el 
certains Diaplomus qui offrent les plus grandes 
oscillations, celles-ci pouvant atteindre 20 et même 
50 mètres. 

Ces faits, confirmés par Fuhrman, ont été ézale- 
ment observés par Yung dans le lac de Genève. 
Or, on sait, d'autre part, que ces oscillations n'exis- 
tent pas dans les lacs de l'Allemagne du Nord. A 
quoi lient cette différence? Incontestablement à 
cette circonstance que ces derniers ontune eau peu 
transparente et que les algues, qui y sont très 
abondantes, forment à la surface une couche absor- 
bant une grande partie des rayons lumineux. Les 
espèces très sensibles à la lumière peuvent donc 
séjourner dans les couches superficielles. Au con- 
traire, dans les lacs suisses, dont l’eau est d’une si 
remarquable transparence et où les algues sont peu 
abondantes, ces mêmes espèces devront s'enfoncer 
pendant le jour et n'’apparaïtront que la nuit à la 
surface, ainsi que le font les animaux pélagiques 
marins. 

La faune des marais salants de Lorraine, qui 
sont dus à la présence de dépôts triasiques de sel 
gemme, et dans lesquels la salure varie beaucoup, 
a fourni à Florentin" matière à d’intéressantes obser- 
valions. Cette faune est surtout très riche en Pro- 
tozoaires (Rhizopodes, Flagellés et Infusoires), mais 
n'offre qu'un nombre relativement restreint de 
Métazoaires appartenant à différents ordres : Néma- 
todes, Turbellariés, Rotateurs, Gastérotriches, Oli- 
gochètes, Crustacés, Insectes, Batraciens, Poissons. 


4 Ann. Sciences Naturelles, Zool., 1899, 


188 R. KŒHLER — REVUE 


ANNUELLE DE ZOOLOGIE 


La plupart de ces formes vivent dans les eaux 
douces du voisinage, mais d'autres ne sont connues 
que dans la mer et quelques-unes sont spéciales à 
ces mares. Quelle est l'origine de ces formes franche- 
ment marines? Florentin se refuse à admettre des 
immigralions passives el il est d'avis que les types 
marins, ainsi que Ceux qui sont propres aux mares 
salées, viennent de la transformation d'espèces 
d'eau douce. D'abord l'existence de formes propres 
aux mares, etque l’auteur peut facilement rattacher 
à des espèces des eaux douces voisines, est un argu- 
ment en faveur de cette manière de voir, mais il y 
a des preuves directes. Ainsi Florentin a pu suivre 
dans les mares la transformalion d'une Infusoire 
d’eau douce (Frontania leucas) en une autre espèce 
qui n’avait encore été trouvée que dans la mer. 

IL est à remarquer que les individus vivant dans 
l'eau salée des mares ne diffèrent ordinairement 
pas des échantillons de même espèce vivant en eau 
douce. Cependant des variations peuvent se pro- 
duire. Chez les Protozoaires, les changements 
portent sur la laille et surlout sur la structure du 
protoplasma qui devient plus ou moins vacuolaire:; 
les Infusoires offrent des varialions parfois consi- 
dérables dans leur appareil ciliaire. Chez les Epino- 
ches, les changements portent sur la taille et le 
nombre des plaques latérales. 


S 2. — Faunes marines. 


Les publications auxquelles ont donné lieu les 
grandes expéditions zoologiques se sont continuées 
en 1900 faisant suile aux volumes antérieurs. Trois 
fascicules de la Nordske Nordhavs Expedition sont 
consacrés aux Thalamophores, aux Bryozoaires et 
aux Hydraires.Les Résultats des Campagnes scien- 
tiliques du Prince de Monaco se sont accrus des 
Nudibranches étudiés par Bergh, des Géphyriens 
étudiés par Sluiler, d’un supplément aux Décapodes 
dû à Milne Edwards et Bouvier, et enfin d'un très 
important travail de Chevreux sur les Amphipodes, 
où sunt décrites 173 espèces dont 39 nouvelles. 

Les Bulletins etles Mémoires du Juseum of com- 
paralive Zoology at Har ward College renfermentles 
travaux de Lütken et Mortensen sur les Ophiures 
et de Garman sur les Poissons recueillis par l'A /ha- 
loss, ainsi qu'un grand Mémoire d'Agassiz sur les 
iles Fiji et leurs récifs coralliens. Goldsborough 
Mayer, après avoir décrit les Méduses des iles Tor- 
tugas (Floride), fait observer qu'elles se rappro- 
chent beaucoup plus de celles du Pacifique sud que 
de celles de la côte occidentale d'Afrique, des îles 
Canaries par exemple. Au contraire, les Siphono- 
phores des îles Tortugas sont voisins de ceux des 
iles Canaries. 

Un nouveau fascicule, consacré aux Alciopidés et 
aux Tomoptéridés et dû à Apstein, s'est ajouté aux 


ÆErgebnisse de lExpédilion du Plankton. Tandis que 
les Tomoptéridés sont abondants partout, les Alcio- 
pidés sont plutôt rares et, sur 801 pêches exécutées 
par le National, G96 n'ont pas fourni un seul 
Alciopidé, 96 ont fourni un seul individu et une 
seule en à fourni 44. Les individus sont done peu 
abondants et les associations très rares. 

La Commission pour l'étude des Mers allemandes, 
a publié d'intéressantes recherches de Heincke eb 
Ehrenbaum sur les œufs et les larves des Poissons 
du golfe de Kiel. Les auteurs décrivent avec beau- 
coup de détails les œufs pélagiques et indiquent les 
caractères qui permettent d'arriver à une détermi- 
nalion précise. Dans le même volume, Dunker 
s'occupe de la variation et de l'assymétrie chez le 
Flet et donne des stalisliques sur la varialion dans 
la posilion des yeux. la taille du corps, le nombre 
des rayons des nageoires, etc. 

Willey ! a continué la publication de ses Zoological 
results; les deux derniers volumes renferment une 
série de monographies sur les Crustacés, les Bryo- 
zoaires, les Hydraires, les Alcyonaires de la Nou- : 
velle-Guinée, ainsi que ses recherches sur les Enté- 
ropneustles dont j'ai parlé plus haut. Je signalerai 
enfin une nouvelle publication, qui n’est encore 
qu'à ses débuts, sur la faune des côles d'Australie, 
d'après les résultats de l'Expédition de la « Z'ethys »: 
les Poissons et les Crustacés ont déjà paru. 

Parmi les travaux relatifs à la faune de nos côtes, 
il faut mentionner ceux de Roulesur les Zoanthaires 
de Corse? et de Lacaze-Duthier sur les Alcyonnaires 
du golfe du Lion‘. Topsent continue ses Études mo- 
nographiques des Spongiaires de France : son nou- 
veau Mémoire a pour objet les Hadromérines. Ce 
groupe renferme des Eponges fort répandues ct 
remarquables par leurs caractères extérieurs : aussi 
ont-elles fréquemment attiré l'attention des nalu- 
ralistes qui, malheureusement, le sont décrites sous 
les noms les plus différents. Une révision de ces 
formes s'imposait absolument et Topsent s'en est 
acquitté avec la compétence qu'on lui connait *. 

Nansen * a publié le premier volume des Résullats 
Scientiliques de son Expédition polaire (1893-96). 
On y trouvera un mémoire de Nansen et Collet sur 
les Oiseaux polaires et un autre de Sars sur les Crus- 
tacés pélagiques recueillis parle Fran. Les formes 
dominantes sont les Copépodes, mais la plupart des 
espèces sont identiques à celles qui ont déjà été M 
trouvées à des latiludes moins élevées. 

F. Rômeret F. Schaudinn ont entrepris, sous le 
nom de Fauna Arctica, Vélude des collections qu'ils 


! Mém. of the Austral. Museum, 1899 et 1900. 

? Bull. Soc. Zool., France, 1900. 

* Arch. Zool. Exp. 1900. 

* Arch. Zoolog. Expedil., 1900. 

5 J'he Norvegian North Polar Expédition. Vol. 1. 1900. 


R. KŒHLER — REVUE 


ANNUELLE DE ZOOLOGIE 189 


ê ont recueillies en 1898 dans les parages du Spitz- 
—… berg. Les deux fascicules qui ont paru renferment 
- une série de monographies des Hexactinellides, 
- des Nématodes, des Baleines, des Cirripèdes, des 
« Décapodes, des Échinodermes, et la description d'un 
nouveau Proneomenta. L'intérêt qu'ils offrent lient 
non seulement aux descriplions des espèces, mais 
aussi à la revision que les collaborateurs s'astrei- 
gnent à faire, à propos de chaque groupe, de 
toutes les formes arctiques connues. La relalion 
générale du voyage renferme, en outre, d'impor- 
“tantes observations sur la distribulion des faunes 
sur les côles du Spilzberg. Deux courants marins 
“convergent vers ces iles : un courant chaud venant 
du sud, qui s'élale sur les côtes ouest et nord-ouest, 
et un courant froid venant du nord, qui suit la côte 
nord-est. Or la richesse de la faune sur la côte est 
“et nord-est contraste avec la pauvrelé des côtes 
ouest el nord-ouest. Celles ci n'offrent,en effet, que 
“des Échinodermes, assez abondants, à la vérilé, des 
Pantopodes, quelques Mollusques, et un très petit 
nombre de Foraminifères. Sur les côtes esl, on trouve 
au contraire d'épaisses forèls d'Hydraires et de 
Bryozoaires; les Aclinies, les Éponges calcaires, 
les Ascidies, les Alcyonaires, les Annélides, les Crus- 
tacés, ete., sont Lrès nombreux. 

EF. Rômer et F. Schaudinn ont rencontré, au 
nord du Spitzhberg, vers 81932 lat. N, et à une 
profondeur de 41.000 mèlres el au-dessus, une 
faune abyssale tout à fait parliculière, qui diffère 
“de la faune des autres parages du Spitzhberg et de 
celles des régions arcliques en général. Celle faune 
est caractérisée par des Éponges siliceuses, Telra- 
xouiés et surtout Hexactinellides, d'une abondance 
extraordinaire; par des Alcyonaires,des Pennatules, 
et de nombreux Foraminifères. F. E. Schultze, qui 
étudié ces Hexaclinellides, n'y a rencontré que 
des genres nouveaux. Quand cette faune sera con- 
nue, il sera de la plus grande importance de la 
comparer à la faune antarclique abyssule, et les 
résultats de celte comparaison permettront peul- 
êlre de résoudre la que<lion, en ce moment très 
controversée, des faunes bipolaires. 

J'ai déjà entretenu les lecteurs de la Revue de la 
théorie de la bipolarité des faunes ‘. D'après cette 
théorie, les faunes marines arctiques el antarcti- 
ques auraient une composilion identique, due 
non seulement à une origine commune, mais aussi 
à des migrations quise feraient, d'un pôle à l’autre 
et par les profondeurs, à travers les régions tropi- 
cales. Il semble actuellement que la théorie de la 
bipolarité ait été émise trop hâlivement, el que son 
point de départ ait été une connaissance insuffi- 
Sante des faunes antarcliques ou, pour être plus 


| licvue annuelle de Zoologie, 1897. 


exact, subantarctiques. Eu effet, depuis que l’alten- 
tion a élé attirée sur cette question, on à pu cons- 
later que plus nos connaissances sur la faune des 
régions australes s'étendaient et se précisaient, et 
plus les dissemblances entre celle-ci et les faunes 
arcliques s'affirmaient, tandis qu'on ne découvrait 
aucune forme bipolaire. Ainsi Ludwig ‘, qui a 
comparé avec beaucoup de soin les Holothuries et 
les Ophiures arctiques et subantarctiques, ne (rouve 
pas une seule espèce commune. Weltner * arrive 
au même résultat pour les Cirripèdes, et Walters * 
pour les Bryozoaires. 

C'est à dessein que j'ai employé, dans les lignes 
qui précédent, le terme subantarctique; car, avant 
1898, aucune exploration zoologique n'avait dé- 
passé le 55° lat. S., et la faune des régions antare- 
liques proprement dites nous élait totalement 
inconnue. C'était là une grosse lacune, comblée 
maintenant grâce à la campagne récente de la Bel 
gica dans l'Antarctique ‘. Pendant ce voyage, des 
collections terrestres et d’eau douce ont d'abord été 
recueillies, puis de nombreux dragages ont été 
exécutés à des profondeurs alteignant 600 mètres. 

L'étude des collections recueillies par la Belgica 
esl à peine commencée: cependant les principaux 
résultats fournis par les groupes des Echinides, des 
Ophiures et des Spongiaires sont déjà connus. La 
détermination des deux premiers groupes m'avait 
élé confiée, et j'ai constaté ? que toutes les espèces, 
au nombre d'une vingtaine, capturées pendant la 
dérive de la Belgica, étaient nouvelles, mais qu'elles 
n'offraient aucune analogie ni avec les espèces sub- 
antarctiques, ni avec les espèces arcli:ues. Non 
seulement il y a une dissemblance complète des 
espèces, mais encore une répartition toute autre 
des genres; ce résultat est absolument contraire à 
la théorie de la bipolarité. 

Topsent 5 est arrivé à des conclusions identiques 
pour les Eponges. La faune anlarclique est carac- 
térisée par l'absence de Tétraclinellides et l'abon- 
dance des Hexactinellides ; la plupart de ces 
dernières sont nouvelles et n'offrent pas un seul 
type bipolaire. 

J'ajouterai enfin que Racovitza ?, qui a fourni de 
très intéressantes observations sur la biologie des 
Oiseaux antareliques, a constalé qu'il n'y avait 
parmi eux aucune forme arctique. Ce fait n'a, 
d'ailleurs, rien de surprenant. 

R. Kœhler, 


Professeur de Zoologie à l'Université de [yon 


1 Jjurbury. Mayalh. Sammeulreise, 1899. 
2 Jauna arctica, 1. 

3 Journ. Lin». Soc. Vol. XXVIII. 

‘ Voyez la Revue du 30 janvier 1901. 
5 Bull. Ac. R. Belgique et C. R. Ac. 
5 Comptes rendus, 1901. 

1 Soc. Royale belge de Géographie, 1899. 


Sc., Paris, 1900. 


190 


BIBLIOGRAPHIE — ANALYSES ET INDEX 


BIBLIOGRAPHIE 


ANALYSES ET INDEX 


4° Sciences mathématiques 


De Fages, /ngenieur des Ponts et Chaussées. — 
Les Travaux publics du Protectorat Français en 
Tunisie. — 3 vol. iu-8°, 900 pages, Picard, éditeur. 
Tunis, 1900. 

M. de Fages, ingénieur des Ponts et Chaussées, 
adjoint au Directeur général des Travaux publics de la 
Régence, a eu pour but, en publiant cet important ou- 
vrage, de dresser une sorte de bilan de l’œuvre entre- 
prise par son Administration pendant les quinze der- 
nières années du xix° siècle. Ayant activement colla- 
boré, depuis neuf ans, à la préparation de tous les 
grands travaux nécessaires à la mise en valeur de la 
Régence, il était aussi qualifié pour exposer l’organisa- 
tion actuelle des services qui ont créé cet outillage éco- 
nomique, l’état de la législation concernant chacun de 
ces services et les résultats matériels obtenus *. 

Le caractère technique de cette étude la rend surtout 
intéressante pour les spécialistes en la matière. Ingé- 
nieurs, conducteurs, géomètres ou entrepreneurs y 
trouveront des détails abondants et précis sur les mé- 
thodes employées pour la parfaite exécution des travaux 
publics. Les difficultés surmontées dans le creusement 
et l'aménagement des quatre grands ports aujourd'hui 
ouverts au commerce, les conditions d'établissement 
des chemins de fer et tramways, les opérations topo- 
graphiques et cadastrales provoquées par les demandes 
d'immatriculation foncière sont passées en revue avec 
un soin minutieux. Toutes les fois qu'une particularité 
vaut la peine d'être relevée et permet de constater 
qu'on ne se borne pas, en Tunisie, à copier servilement 
les procédés en usage dans la métropole, l'auteur a 
pris soin de signaler le fait à notre attention. C'est 
ainsi que le mode de construction des quais du port de 
Tunis donne lieu à une description détaillée que com- 
plètent des plans, coupes et gravures, indiquant les 
difficultés qu'il a fallu vaincre pour répartir les pres- 
sions sur les fonds argilo-vaseux où reposaient les fon- 
dations de l'ouvrage, véritable digue ayant vingt-deux 
mètres de largeur à la base, en moellons et débris de 
carrière immergés dans une fouille draguée jusqu'à la 
cote — 8,80. Sur cette digue furent élevés soixante-dix 
piliers en maconnerie, qui supportent les 600 mètres de 
quai entourant le bassin. 

L'emploi des voies submersibles sur la ligne Kaï- 
rouan-Sousse provoque aussi des explications nettes et 
précises, permettant notamment de constater que ce 
type remplace économiquement les viaducs dans les 
plaines à inondations passagères. 

Dans un autre ordre d'idées, il était bon de mention- 
ner que toutes le stations des chemins de fer à voie 
étroite sont reliées par une ligne téléphonique. 

Insistant plus spécialement sur le chemin de fer 
Sfax-Galsa, M. de Fages répond aux critiques très vives 
émises dans ces derniers temps contre cette entreprise 
en prouvant que la constitution de la voie a été l’objet 
d'une étude très approfondie. La largeur de la plate- 
forme a été, en effet, portée de 3,60 à 4 mètres, et le 
poids des rails a été sensiblement augmenté, de facon 
à permettre le passage de trains lourdement chargés 
sur tout le parcours. Grâce à des procédés mécaniques 
perfectionnés, la voie a pu être posée dans un très 
court espace de temps. Le wagon-poseur dont les en- 
trepreneurs ont fait usage est l’objet d’une description 


! Voir la /ievue générale des Sciences des 30 novembre et 
15 décembre 1596, tome VIT, p. 936 à 1063 et 1076 à 1214. 


jamais dépassé 800 à 1.000 mètres par jour avec des 


rendue plus claire par une gravure et un schéma: 
Déjà, en Amérique, ce système avait été usité. Il a donné, 
en Tunisie, les mêmes excellents résultats et a permis 
de réduire notablement les dépenses de main-d'œuvre 
et de poser chaque jour 1.500 mètres de rails. Dans la 
région du Nord, sur le réseau du Bône-Guelma, on na 


équipes d'ouvriers munis des appareils ordinaires de 
pose. Une rapidité plus grande était indispensable pour 
triompher de circonstances climatériques très défavo= 
rables et des difficultés particulières que présente, en 
terrain déserlique, l’approvisionnement en eau. 

Une des parties les plus intéressantes de l’ouvrage de 
M. de Fages est le chapitre réservé au service topo- 
graphique. Il s’agit là, en effet, d'une organisation 
proprement tunisienne et qui ne saurait être comparée 
à aucune autre institution similaire de France. Tous 
les travaux de reconnaissance, bornage, triangulation,« 
arpentage et lotissement nécessaires à l’application de 
la loi foncière sont exposés de manière à constituer 
pour l’apprenti-géomètre un véritable traité théorique 
et pratique. 

Avec le même souci d’exactitude technique, l’auteur 
énumère les engins dont se servent les pêcheurs du 
littoral tunisien, compare entre eux les divers types de 
bateaux et décrit les particularités des pêcheries de 
{hons, anchois et sardines. Pour ne pas être étonné: 
qu'une partie considérable du deuxième volume soit 
consacrée à l'étude de ces questions, il est bon de savoir 
que la Direction des Travaux publics de la Régence fait 
office de Ministère de la Marine pour lout ce qui con 
cerne la navigation et la pêche. É 

Tout en s'adressant plus expressément à ceux ques 
leur profession appelle à prendre part aux entreprises 
de travaux publics en Tunisie, l'ouvrage de M. de 
Fages constitue une contribution appréciable à l'étude 
économique du pays. Les prospecteurs de mines y 
trouveront des renseignements géologiques de nature 
à les guider dans leurs recherches, et les industriels 
consulteront avec profit le tableau de la production 
des minerais de zinc et de plomb pendant les dix der= 
nières années. En 1890, 2.500 tonnes seulement ont été 
extraites du sol, tandis qu’en 1899 les chemins de fer 
ont transporté 37.884 tonnes. Rien ne marque mieux 
le progrès accompli et l'avenir qui paraîl réservé aux 
mines tunisiennes. Au reste, ce que le livre ne dit pas, 
c'est qu'une véritable « fièvre minière » travaille les 
Européens établis en Tunisie. Les cours élevés atteints 
par les fers et les zines ont déterminé un mouvement 
considérable de recherches des gisements métallifères: 
Ce mouvement n'aurait-il d'autre résultat que d'amener 
une‘connaissance plus parfaite du sous-sol, qu'il faudrait 
s’en féliciter. L'activité déployée par la Compagnie des 
Phosphates de Gafsa! n’a pas été étrangère à ce réveil 
de l’industrie minière, qui est d’un heureux augure 
pour le développement des ports de commerce. 

La transformation du Sud tunisien par les forages 
artésiens n'a pas été passée sous silence par M. de Fages, 
qui donne aussi des indications sur l’utilisation possible 
des nombreuses sources minérales et thermales *. 

Le régime des ports et des chemins de fer, les ré= 
sultats financiers de leur exploitation sont étudiés 
avec la même sûreté que les matières relevant plus 


1 Voir la /evue générale des Sciences, n° du 15 juillet 
1900, tome XI, p. S#1. 

2 Voir: D' A. Lom: Les Eaux minérales et thermales de la 
Tunisie, dans la Æevue générale des Sciences, n° du 15 mai 
1900, tome XI, p. 630. 


BIBLIOGRAPHIE — ANALYSES ET INDEX 


191 


directement de l'art de l'ingénieur. Certains faits cu- 
“rieux méritent d'être relevés dans les tableaux et gra- 
“phiques explicatifs : Le mouvement des voyageurs sur 
_ l'ensemble des voies ferrées a dépassé de beaucoup les 
“prévisions les plus optimistes, tandis que le mouvement 
+ marchandises est resté notablement inférieur. Sur 
la ligne de Bizerte, on a recensé un nombre annuel de 
voyageurs double du nombre prévu. Très désireux 


p: pe | à ù 
d'user pour lui-même d’un mode de locomotion rapide, 


2 


indigène éprouve encore une certaine répugnance à 
“confier ses marchandises à la Compagnie du Bône- 
Guelma. Il est trop souvent rebuté par les formalités 
d'écritures auxquelles on le soumet. M. de Fages note 
bien, à ce propos, les simplifications déjà adoptées, 
mais lui-même reconnaît la nécessité d'une réglemen- 
tation encore plus pratique. 

— Pour que le tonnage des marchandises transportées 
par voie ferrée suive une progression marquée, il 
importe que les conditions d'exploitation des richesses 
“naturelles soient bien comprises. Il y a donc des rap- 
ports étroits entre la marche des travaux exécutés par 
le service topographique et la mise en valeur du sol. 
Aussi les renseignements techniques que renferme ce 
chapitre sont-ils complétés par une série de statistiques 
enregistrant le nombre, la valeur, la contenance des 
propriétés immatriculées et permettant la saine appré- 
ciation de faits économiques d’une grande importance 
‘pour l'avenir de la colonisation. ; 

La législation spéciale aux divers services relevant 
de la Direction des Travaux publics fournit à M. de 
ages l’occasion d'indiquer les lenteurs auxquelles 
donne lieu l’accomplissement des formalités prescrites 
pour les adjudications publiques. Il manifeste encore 
ici ses préférences pour les moyens simples et rapides. 
Jlattire l'attention du Gouvernement du Protectorat 
sur les avantages qu'il y aurait à réformer l'organisa- 
tion financière qui établit, pour la Direction des Travaux 
‘publics, un budget unique, divisé, comme en France, en 
budget ordinaire et en budget extraordinaire, mais 
avec cette différence que des travaux neufs, fort im- 
portants, sont souvent exécutés sur les fonds du budget 
ordinaire. « Cette pratique gagnerait, dit-il, à être modi- 
iée. Si l'on a plutôt tendance, dans la métropole, à incor- 
porer au budget ordinaire certaines dépenses figurant 
d'habitude au budget extraordinaire, la tendance doit 
être inverse en Tunisie. comme dans toute colonie en 
voie de développement rapide. Il faut donc distinguer 
“un budget d'entretien, que nous appelons aujourd'hui 
ordinaire, et un budget d'outillage ou de premier éta- 
blissement » 

.… La comptabilité publique y gagnerait en clarté, et le 
bilan de la Tunisie serait des plus faciles à dresser. 

… Suivent quelques considérations sur d’autres avan- 
tages pratiques de ce système, tels que les possibilités 
de reporter d’un exercice à l’autre les dépenses du 
budget extraordinaire qui n'auraient pu être effectuées 
dans l’espace d'une année, et, par suite, une diminution 
appréciable dans les dépenses. Ce sont des idées nou- 
velles dont il convient de féliciter M. de Fages, car 
elles montrent combien est grande la diversité des 
«points de vue auxquels il s'est placé pour faire con- 
naître au public la valeur de l'outillage mis actuelle- 
ment au service de la colonisation en Tunisie. 


4 GAsToN LoTH, 
Professeur au Lycée Carnot, à Tunis, 


2° Sciences physiques 


- Weiss (Pierre), Waïtre de conférences à la Faculté 
des Sciences de Lyon, — Leçons d’EÉlectricité appli- 
quée, professées en 1899-1900. Deuxième partie : 
Le Courant alternatif; recueillies par M. PEerricor, 
Préparateur à la Faculté des Sciences de Lyon. — 
4 vol. gr. in-$° de 131 pages, autographié. Vve C. 
Celard et Fils. Lyon, 1900. 

. C’est un indice bien significatif que celui de l’initia- 
. tive, prise par la cohorte déjà brillante des jeunes pro- 


fesseurs des Facultés des Sciences, d'ouvrir, dans tous 
les centres industriels de la France, des cours d'Elec- 
tricité appliquée à l’industrie. Là, rien n’est classique ; 
le terrain est encore mouvant, et exige, pour une ha- 
bile manœuvre, un coup d'œil sûr et une connaissance 
exacte des transformations que subit, au jour le jour, 
le domaine embrassé, en même temps que tes besoins 
de l'auditoire, mi-universitaire, mi-industriel, qui.se 
presse à ces cours de création récente. 

Il en résulte, pour le professeur, non encore gêné 
par des programmes qui n'existent pas, une grande 
liberté d’allures, et, pour l'auditeur ou pour le lecteur 
des cours imprimés, le charme de l’imprévu et la per- 
spective d'heureuses découvertes pédagogiques. 

Pour une initiative dans cette direction, M. Pierre 
Weiss était l’un desplus désignés par une éducation à la 
fois d'ingénieur et de physicien, et par de belles et in- 
génieuses recherches personnelles sur divers phéno- 
mènes délicats du magnétisme ; et, dans ce domaine, 
le plus nouveau, du courant alternatif, on pouvait pré- 
voir de sa part d'heureuses trouvailles. 

Elles ne manquent pas dans son cours, où il entre- 
mêle, dans quinze lecons, de saines notions théoriques 
à des exemples concrets pris dans la plus moderne pra- 
tique. J'insiste sur le mot entreméle; car, en effet, dans 
ses lecons, toute notion théorique nouvelle est immé- 
diatement appuyée d'exemples dont un bon nombre ont 
été très heureusement choisis parmi les plus voisins du 
lieu de l’enseignement, et que les auditeurs pouvaient 
le plus aisément vérifier dans les installations grandioses 
de Jonage. 

Tout naturellement, le professeur devait débuter par 
des données sur le courant alternatif et l'induction 
en général, puis présenter la description de l’alternateur 
industriel. La quatrième leçon tout entière est consacrée 
aux installations du Niagara; viennent ensuite les ins- 
truments de mesure, les différences de phase, les cou- 
rants polyphasés, le champ tournant, les transforma- 
teurs, Le transport de force — oh! le vilain mot, aggravé 
quelque part de l'indication la force totale produite 
est de 5.155 chevaux —, les parafoudres, les comp- 
teurs, enfin les machines à fonctions multiples. 

Quelques démonstrations particulièrement élégantes 
m'ont frappé à la lecture de l'ouvrage : les diverses 
perméabilités d’un cireuit magnétique représentées par 
un large tuyau rempli, suivant les endroits, de sable 
fin ou de gros gravier, déviant à son profit les lignes de 
force du courant hydraulique ; une jolie expérience dans 
laquelle une résistance sans induction et une résistance 
inductive placées à la suite l’une de l’autre donnent la 
même différence de potentiel au cardew, tandis que cet 
indicateur, mis sur la totalité, donne une indication 
moindre que la somme des deux, en raison du décalage ; 
diverses illustrations du triphasé, entre autres un arc 
en étoile, rotations diverses dans le champ tournant, 
moteur asynchrone fait d’une roue de bicyclette portant 
des bobines sur la jante, etc. 

Mais je ne résiste pas à la tentation d'une citation 
textuelle montrant combien le professeur à vu juste 
dans certains problèmes économiques dont l'Europe 
devra tenir le plus grand compte, et qui lui assurent 
encore, vis-à-vis dela jeune Amérique, de belles années 
industrielles : « Depuis que l'ingénieur français Fourney- 
ron avait imaginé la première turbine, bien des sa- 
vants ont traité, dans tous les détails'qu’elle comporte, 
la difficile question de la production de la force hydrau- 
lique, et bien des expérimentateurs ont mis à l'épreuve 
la valeur de leurs déductions théoriques. 

« Profitant de ces beaux travaux, nos ingénieurs trai- 
tent chaque installation comme un problème nouveau 
qui leur est posé et calculent avec certitude, pour chaque 
cas la turbine qui remplit le mieux toutes les condi- 
tions. Tout autre a été le développement de cette indus- 
trie en Amérique. Beaucoup, trop pressés pour s'assi- 
miler les théories, et moins désireux de se conformer 
aux données particulières de chaque chute d’eau que 
de fabriquer en grand nombre, et d’avoir en magasin un 


192 


stock de turbines de même modèle pour faire face ins- 
tantanément aux commandes, se sont surtout laissé 
guider par leur instinct mécanique. Ils ont imaginé 
des canaux, des aubes de formes beaucoup plus com- 
plexes que les formes européennes et peu abor- 
dables au calcul ; essayant l'effet produit et rectifiant 
peu à peu par l'expérience un détail, puis un autre, 
pour arriver finalement à des rendements merveilleux 
qui élonnent les théoriciens. Mais, arrive un cas nou- 
veau, jamais un Américain n'ayant construit de turbines 
de 5.000 chevaux et faisant 250 tours par minute; il fau- 
drait, pour procéder par sa méthode, faire des tâtonne- 
ments impossibles, tandis que l'industrie européenne 
aidée de ses formules résout ce cas sans plus de diffi- 
culté que n'importe quel autre. C’est ce qu'a bien com- 
pris la Société en faisant faire par une maison de Genève 
les plans des trois premières turbines actuellement 
installées. » 

Pour son cour:, M. Weiss disposait, d'ailleurs, de 
moyens considérables; il put y répéter les belles expé- 
riences d'Elihu Thomson, y faire du transport sur des 
lignes artificielles de grandes longueurs, y monter des 
machines combinées par M. Limb pour fournir des 
courants de toutes natures. 

M. Perrigot, qui a recueilli les lecons de M. Weiss, 
est, sans doute, encore jeune, et ne m'en voudra pas de 
lui adresser une légère critique. Dans les lecons, de 
nombreuses photographies furent projetées, qui ne sont 
pas reproduites dans la publication. Pourquoi dès lors 
les mentionner dans le texte comme si le lecteur devait 
les trouver en tournant la page? Dans un cas semblable, 
une pelite infidélité dans le compte rendu sténogra- 
phique a, sans doute, moins d'inconvénients] que de 
faire naître dans l'esprit du lecteur un désir auquel 
l'ouvrage ne donne pas satisfaction. 

Ceux qui liront avec le même plaisir que j'ai moi- 
même éprouvé les excellentes lecons de M. Weiss, se- 
ront surpris d'apprendre que la municipalité de Lyon 
n'a pas cru devoir renouveler cette expérience qui sem- 
blait avoir fort bien réussi, et que le cours d'Électricilé 
appliquéeest momentanément suspendu. Je ne puis, en 
terminant, que former des vœux bien sincères pour 
qu'il soit repris à bref délai. 

Cu.-Ep. GUILLAUME, 
Docteur ès sciences, 
Physicien au Bureau International 
des Pois et Mesures. 


Tombeck (Daniell, Préparateur de Physique à Ja 
Faculté des Sciences de Paris. — Recherches sur 
les combinaisons des sels métalliques avec les 
amines aromatiques. (/hèse de la Faculté des 
Sciences de Paris.) — 1 vol. 1-8 de ACS pages. 
Gauthier- Villars, imprimeur. Paris, 1900. 


On connaissait déjà quelques combinaisons salines 
renfermant à la fois un métal et un ammonium aroma- 
tique, mais jusqu'à présent ces composés mixtes, sels 
ammoniés ou vérilables sels doubles, n'avaient été 
l’objet d'aucun travail d'ensemble. M. Tombeck en a 
entrepris l'étude systématique et nous signale plus de 
cent corps nouveaux résullant de l'union des sels 
métalliques avec l’aniline, la pyridine et leurs homo- 
logues. 

Presque tous contiennent deux molécules de base 
organique pour une de sel; quelques-uns d’entre eux 
possèdent une tension de dissociation mesurable dès la 
température ordinaire et qui à 100° atteint et même 
dépasse parfois la pression atmosphérique. 

Leur analogie avec les combinaisons ammoniacales 
des selsest donc complète: c’est la principale conclusion 
du mémoire de M. Tombeck, qui a fait ici œuvre utile 
et n'a pas reculé devant l'interminable série d'analyses 
que nécessilail la détermination d'un aussi grand nom- 
bre de produits complexes. 

L. MAQUENNE, 
Professeur au Muséum d'Histoire naturelle. 


BIBLIOGRAPHIE — ANALYS 


ET INDEX 


3° Sciences naturelles 


Paquier (V.), Préparateur de Géologie à l'Univers 
sité de Grenoble. Collaborateur adjoint au Service 
de la Carte géologique de France. — Recherches 
géologiques dans le Diois et les Baronnies orien* 
tales. (Thèse de la Faculté des Sciences de Paris.) 
4 vol. in-8° de 402 pages avec 6 planches. Allier 
frères, imprimeurs. Grenoble, 1900. . 


Le Diois et les Baronnies sont deux régions natu- 
relles, comprises en grande parlie dans le départemen 
de la Drôme. Elles continent, à l'est, au Bauchaine et au 
Gapencais; à l'ouest, au Valentinois méridional et au 
Tricastin; le Diois touche; au nord, au Vercors, tandis 
que les Baronnies sont limitées ; au sud, par la montagne 
de Lure. Un coup d'œil sur une carte topographique 
suffit pour montrer que c’est dans le Diois et dans les 
Baronnies que s'effectue le passage de la-direction. 
N.-S. des Chaînes Subalpines à la direction E.-0. On 
ignorait, jusqu’à présent, à quelles particularités tecto= 
niques était due cette conversion des directions oro- 
graphiques et l'on ne connaissait pas davantage le détail 
stratigraphique de la région. M. Paquier a eu la main 
particulièrement heureuse en choisissant l'étude géolo= 
gique du Diois et des Baronnies comme sujet de thèse 
et il a certainement tiré de son sujet presque tout l4 


parti que l’on pouvait en tirer. Je dis presque, car l'au= 


teur nous doit encore un travail de géomorphogénie 
sur cette région, qui, grâce aux singularités de sa topo= 


graphie, se prèle mieux que toute autre à ce genre 


d'études. Les chapitres sur l’orographie et sur l'hydro- 


graphie, qui font suite à l'introduction et à l'historique, 


ont un caractère purement descriptif. 

La partie de beaucoup la plus importante du Mémoire 
de M. Paquier est la description des terrains. Le Juras- 
sique moyen et supérieur et tout le Crétacé sont repré- 
sentés dans la région par une puissante série, le plus 
souvent continue. Les divers termes de la succession: 
sont décrits avec beaucoup de précision et de méthode 
et l'analyse des nivenux paléontologiques qui consti- 
tuent le Néocomien pris dans son sens le plus large 


est, en particulier, poussée plus loin dans le détail 


qu'on ne l'avait fait jusqu'à présent. En ce qui concerne 
l'attribution des grès verts de Dieulefit au Santonien, 
je tiens à faire d'expresses réserves, ne pouvant admet- 
tre qu'une faune d'Ammoniles à affinités essentielle 
ment coniaciennes ait vécu plus tard que partout ail- 
leurs dans des bassins individuulisés et séparés de la 
haute mer. 

Les résultats obtenus par l'auteur sur la bathymélrie 
du bassin du Rhône, pendant la période crétacée, sont 
d'une importance considérable et ses conclusions sont 
de nature à pleinement satisfaire l'esprit. L'existence 
d'un « géosynclinal subalpin » se trouve vérifée et 


complétée par la notion d'une « fosse vocontienne », 


qui en dépend et dont l'axe occupe l'emplacement des 


Baronuies. Ces parties relativement profondes sunt ci- 
ractérisées par l'accumulation de formations vaseuses” 
ou bathyales ; tandis que dans le voisinage se déposaient 
des formations nériliques, correspoudant à des fonds" 


d'une faible profondeur. 

L'extension horizontale des parties profondes varie 
d'une époque à l’autre, comme le montrent les cartes 
schématiques très parlantes qui accompagnent les cha- 
pitres straligraphiques, mais les mêmes conditions de 
sédimentation se reproduisent à des époques différentes 


. (Albien, Turonien). . 
Après le dépôt du Campanien, la mer abandonne la 


région, qui est maintenant affectée par une première 
série de plissements, car, à la fin de l'Eocène, les ma= 
nifestations orogéniques, dont les DHRSTÉe® la Pro- 
vence, le Dévoluy, le Bauchaine et les Basses Alpes 
sont le théâtre, se font également sentir dans le Diois, 
les Baronnies et le Valentinois, en y développant une 
série de rides est-ouest qui seront reprises par les efforts 
ultérieurs. Des dépôts lagunaires oligocènes s'étendent 


“ensuite sur une partie de celte surface déjà plissée. 
…._ La mer miocène ne recouvre qu'une faible partie de 
à région étudiée et elle ne tarde pas à l'abandonner, 
#rèce aux manifestations orogéniques alpines, qui ont 
mon seulement accentué les accidents préoligocènes, 
“ais qui tendentégalement à produire des dislocations 
“nord-sud, principalement des lignes de fracture et des 
lignes de chevauchement. La zone du Gapencais, le 
“Bauchaine et le Valentinois se déversent ainsi sur les 
“Bironnies et sur le Diois. M. Paquier envisage les élé- 
lents tectoniques de ces deux régions comme les plus 
éptentrionaux des plis de la Provence, qui, depuis la 
orét de Saou, au nord, repris par les plissements al- 
ins, auraient été ainsi introduits dans le faisceau alpin 
but en conservant dans leur allure les signes exté- 
rieurs de leur première origine. Ainsi la région aurait 
“continué de jouer le rôle d'une aire de dépression qui 
“lui incombait déià au Jurassique et au Crétacé. 

Comme on le voit, le Mémoire de M. Paquier consli- 
“iue non seulement une précieuse contribution à l'his- 
toire de la région rhodanienne pendant la période se- 
ondaire, mais elle élucide également les relations si 
articulières et si compliquées qui existent, dans une 
artie des Alpes francaises, entre les plissements anté- 
licocènes ou « pyrénéens » et les plissements postmio- 
tènes ou « alpins ». Cette thèse fait le plus grand hon- 
heur au Laboratoire de Géologie de l'Université de 
renoble, dans lequel elle a été élaborée. Les belles 
lanches qui l’'accompagnent en augmentent encore la 

eur. Esile HAuG, 


Professeur adjoint à la Faculté des Sciences 
de l'Université de Paris. 


3 


F 
| 
| 
| 


Anglas (J.), Préparateur de Zoologie à la Faculté des 
“Sciences de Paris. — Observations sur les méta- 
morphoses internes de la Guêpe et de l’Abeille. 
(ièse de la Faculté des Sciences de Paris.) — 
4 vol. in-8° de {12 pages avec 5 planches. L. Danel, 
imprimeur. Lille, 1900. 


“De nombreux auteurs se sont occupés des phéno- 
Mènes intimes de la métamorphose des Insectes, mais 
js ne sont pas trop d'accord sur le processus de la dis- 
barition des organes purement larvaires, ou sur la 
transformation des organes larvaires en organes défi- 
jitifs. M. Anglas a entrepris à ce point de vue l’élude 
des Hyménoptères, qui présentent des métamorphoses 
ussi complètes que celles des Diptères. 
Le système nerveux, le cœur et l'appareil génital 
poursuivent leur accroissement sans métamorphoses 
hotables, de même que l'appareil trachéen qui passe de 
larve à l'adulte en se transformant par places, mais 
ns qu'il y ait de régression. L'épiderme larvaire est 
implacé peu à peu par l'épiderme définitif, qui semble 
incorporer le premier, sans qu'il y ait disparition 
Visible des cellules anciennes. Les organes qui présen- 
lént le plus de modifications sont l'intestin moyen, les 
landes séricigènes, les tubes de Malpighi, les muscles 
le corps adipeux : dans tous les cas, l'organe qui 
doit disparaître ou être remanié entre de lui-même en 
légression, sans intervention de phagocytes; plus tard, 
eux-ci sont attirés par les tissus régressés et les dis- 
olvent plus ou moins complètement. L'intervention des 
phagocytes est la conséquence et nan la cause première 
ile la régression, ce qui est bien d'accord avec ce que 
Von connait ailleurs. 
Quant à la manière d'être des phagocytes, M. Anglas 
pense qu'ils n'englobent qu'exceptionnellement les 
auments cellulaires ; la digestion est le plus souvent 
ira-cellulaire, et due à des diastases sécrétées par les 
—phagocyles : M. Anglas propose le terme de /yocytose 
pour exprimer d'une facon générale cette action à dis- 
lance, qui n'est pas spéciale aux amibocytes du sang : 
ainsi, l'épithélium de l'intestin moyen serait digéré sur 
lace par les petites cellules basales de remplacement; 
es cellules adipeuses seraient probablement lyocylées 


BIBLIOGRAPHIE — ANALYSES ET INDEX 193 


par des cellules à urates, intercalées entre elles. Je 
trouve que ce mot de lyocylose manque un peu de pré- 
cision : en effet, il est bien connu que les amibocytes 
digèrent les corps étrangers aussi bien en les englo- 
bant dans leur cytoplasme qu'en les entourant; pour- 
quoi les appeler phagocytes dans le premier cas, lyÿo- 
cyles dans le second? La différence est probablement 
d'ordre mécanique et non pas intime. Quant aux autres 
cellules capables de lyocytose, il faudra prouver que 
lorsqu'une cellule d'un tissu dégénère, sa disparition 
est due à des diastases sécrétées par les cellules avoi- 
sinantes, ce qui n'est pas précisément facile. Néan- 
moius, c'est une vue nouvelle et intéressante. 

Après l'histolyse, M. Anglas étudie la reconstruction 
de quelques organes : pour les muscles, il admet que 
les noyaux musculaires larvaires se fragmentent en 
petits bâtonnets chromatiques, qui émigrent à la péri- 
phérie du myoblaste et constituent autant de noyaux 
des muscles définitifs; ce processus d'amitose mul- 
tiple (?) me paraît assez extraordinaire. Les cellules de 
remplacement de l'intestin moyen sont des cellules 
embryonnaires, mésodermiques, qui, dans le très jeune 
âge (larve de 5 millimètres de long), pénètrent entre 
les cellules intestinales et s’y divisent pour former les 
ilots de remplacement. 

Peut-être la technique adoptée par M. Anglas n'était- 
elle pas très convenable pour l'étude de phénomènes 
aussi délicats que ceux dont il s'est occupé; le liquide 
de Zenker est plutôt médiocre comme fixatif cytolo- 
gique ; il me semble que d'autres réactifs lui auraient 
tourni des images plus précises à ce point de vue et 
auraient peut-être modifié ses idées sur l'histogénèse. 

M. Anglas termine son travail par des considérations 
générales sur la métamorphose, où il émet quelques 
vues intéressantes sur les causes premières de l’atro- 
phie des organes et la lutte entre les tissus. 

L. CUÉNOT, 
Protesseur à l'Université de Nancy. 


4° Sciences médicales 


Bernheim (D'$S.. — La Médication ergotée (Ergot 
de seigle, ergotine, ergotinine). — / vo/. in-12 de 
196 pages. À. Maloïne, éditeur. Paris, 1900. 

Ce petit livre est un plaidoyer en faveur d’un médi- 
cament dont l'abandon daterait, d'après M. Bernheim, 
de 1875, quand Pajot et Tarnier eurent fait connaître les 
dangers de l'emploi irrationnel ou intempestif de l'er- 
got de seigle en Obstétrique. Mais, il y à une raison 
plus générale qui explique ce fait: ce sont les ten- 
dänces antipharmaceutiques de la Thérapeutique mo- 
derne. Chaque fois que, pour combattre un symp- 
tôme, on peut remplacer un médicament — qui es 
toujours un poison — par uu agent physique, on le 
fait, et cela pour le plus grand bieu du malade. Le bain 
froid a détrôné la quiuine et l'antipyrine ; comme cal- 
mant, on doune aujourd'hui des bains tièdes, là où l'on 
administrait du bromure. On pourrait multiplier ces 
exemples pour montrer que l'ergot de seigle parlage 
seulement le discrédit dans lequel est tombée la méde- 
cine polypharmaceutique. 

M. Bernheim a donc entrepris de réhabiliter l'ergot 
de seigle et de montrer tout le parti que le médecin peut 
en tirer dans un certain nombre d'affections, en utili- 
sant son action particulière sur la fibre lisse. Il s'adresse 
exclusivement aux médecins qui trouveront dans son 
livre plusieurs chapitres qui ne manquent pas d'intérêt. 

D' R, Roue. 


Préparateur à la Facullé. 


Sigaud (D'). — Traité clinique de la Digestion et 
du Régime alimentaire d’après les données de 
l'exploration externe du tube digestif, {'° l’artie. 
— 1 vol. in-8° de 210 pages. (Prix : 6 fr.) O. Don, 
éditeur. Paris, 1900. 


ACADÉMIES ET SOCIÉTÉS SAVANTES 


ACADÉMIES ET SOCIÉTÉS SAVANTES 


DE LA FRANCE ET DE L'ÉTRANGER 


ACADÉMIE DES SCIENCES DE PARIS 


Séance du 4 Février 1901. 

M. Bornet lit une notice sur J. Agardh, correspon- 
dant décédé de la Section de Botanique. 

49 SCIENCES MATHÉMATIQUES. — M. F. Enriques, à 
propos d'une note récente de M. Kantor, rappelle qu'il 
est déjà arrivé d’une facon plus simple à la généralisa- 
tion du théorème de M. Picard concernant les surfaces 
algébriques dont les sections planes sont des courbes 
unicursales. — M. C. Guichard étudie les réseaux qui, 
par la méthode de Laplace, se transforment des deux 
côtés en réseaux orthogonaux. — M. P. Boutroux, 
étudiant la relation entre la densité des zéros et le mo- 
dule maximum d’une fonclion entière, trouve que la 
manière dont se comporte à l'infini le module maxi- 
mum d’un produit de facteurs primaires de genre fini 
G (z) est déterminé par le nombre des zéros de G (7) 
que contient un cercle de rayon indéfiniment croissant, 
abstraction 'faite des arguments de ces zéros. — M. P. 
Duhem démontre que, si l’on admet le postulat de 
Helmholtz, tout état d'équilibre stable d’un système 
assujetti à n'éprouver que des modifications isother- 
miques demeure état d'équilibre stable si l’on assujettit 
le système à n'éprouver que des modifications isentro- 
piques. 

20 SCIENCES PHYSIQUES. — M. Alfred Angot a étudié la 
relation entre l’activité solaire et la variation diurne de la 
déclinaison magnétique, d’après les observations faites 
au Pare Saint-Maur. Les résultats indiquentune influence 
très nette des taches du Soleil, qui peut être déterminée 
avec précision. — M. Th. Tommasina croit que ja 
cause de l'équilibre instable des cohéreurs réside dans 
l'intervention de particules polarisées d’oxyde, s'inter- 
posant entre les contacts métalliques et formant des 
points moins bon conducteurs sous l’action des ondes 
hertziennes. — MM. Lortet et Genoud ont réalisé ua 
dispositif très simple pour l'application de la méthode 
photothérapique de Finsen. Il consiste essentiellement 
dans la combinaison de l'arc électrique comme source 
lumineuse et du condensateur à ballon de MM. Lumière, 
avec circulation d’eau absorbant le rayonnement calo- 
rifique. — M. Albert Bruno indique un dispositif qui 
élève de beaucoup la température donnée par la flamme 
d'un bec de Runsen; il consiste à entourer le creuset à 
chauffer de deux cônes de tôle mince juxtaposés par 
leur grande base. — M. M. Berthelot a déterminé la 
chaleur de dissolution dans le mercure de divers échan- 
tillons d'argent : 4° argent battu, en feuilles minces : 
+2,03 cal.; 2° argent produit par la transformation du 
précédent, maintenu dans un courant d'oxygène pen- 
dant vingt heures vers 5000 : + 0,47 cal. ; 3° argent cris- 
tallisé préparé par électrolyse lente de l’azotate 
+ 0,10 cal.; 4° argent précipité par une lame de cuivre 
d'une dissolution d'azotate : + 1,19 cal.; 5° argent pré- 
cédent chauffé au rouge-sombre : + 0,08 cal. Ces expé- 
riences établissent l'existence d'états allotropiques de 
l'argent, quatre au moins. — Le même auteur a déter- 
miné la chaleur de dissolution de divers amalgames 
d'argent dans une grande quantité de mercure : 


ARGENT ARGENT 
en feuilles cristallisé 
Hg“+ Ag. +... +2,36 cal. + 0,23 cal. 
HEC ee Pr" + 1,53 — 0,40 
Her AG NN 0 47 + 0,24 
L'argent cristallisé n'a presque pas d'affinité chimique 
pour le mercure. — M. L. Ouvrard, en chauffant au 


rouge un léger excès de magnésie, chaux, baryte © 
strontiane, avec un mélange équimoléculaire d’anh 
dride borique et de fluorhydrate de fluorure de potas 
sium, a obtenu des borates solubles dans l’eau, bien 
cristallisables, de formule générale B°0°,3M0. — M. 
Hamonet a préparé le f-amyloxypropionate de potas 
en traitant le £-chloropropionate d'amyle par l’amylate 
de sodium et en saponifiant le groupe éther-sel. Ge 
corps, soumis à l'électrolyse, se décompose suivant 
l'équation : 
20H 10CHÈ.CH®.COK 
— K? + 2C0° + C°H!1. 0CHE. CH®.CH*.CH=.0C*HM 


On obtient ainsi la diamyline du butanediol avec 50 4 
de rendement. — M. L. Lindet a constaté que les sons 
de germe, riches en débris de scutellum, renferme 
de grandes quantités de diastase saccharifiante, et qu'ils 
peuvent remplacer, à un moment donné du travail de la 
distillerie, le malt d'orge dont le prix est deux fois 
plus élevé. 
3° SCIENCES NATURELLES. — M. F. Houssay a vu représ 
senté sur des décors architecturaux le phénomène vrai 
de la fécondation de la Vallisnérie et le phénomène 
légendaire de la naissance des oiseaux sur des plantes 
marines (légende de l’anatife). — M. Jousset de Be 
lesme a entrepris, en 1890, des expériences d'élevage du 
Saumon en eau douce afin d'observer si ce poisson pe 
se reproduire sans aller à la mer. Après un premier 
échec, il a observé, dans un second élevage compre 
nant 1.000 œufs, la ponte de quatre femelles au bout de 
trois et quatre ans. Ces pontes ont donné des œufs qui 
se sont très bien développés et dont les alevins vont 
servir à une nouvelle expérience. — M. H.Jacob de Cor 
demoy a reconnu que l'arbre résinifère connu sous l@ 
nom indigène de amy, sur la côte occidentale de Mada 
gascar, est le Canarium multiflorum Engler. Cet arbre 
laisse exsuder une résine jaune-verdàtre qui, dans la 
tige, se forme dans des canaux résineux développés 
surtout dans le tissu libérien. — M. B. Renault à 
observé un fragment de tige conservé par la silice 
trouvé sous un dolmen de la Haute-Alsace et provenant 
peut-être du Culm de la région. La complexité des” 
faisceaux libéro-ligneux l'éloigne des types connus et 
porte l’auteur à la considérer comme une forme 
nouvelle, nommée Adelophyton Jutieri. — M. G.-H 
Monot a constaté la présence d'un gisement d’anthr& 
cite dévonien à Lan-Moutchang, dans le Koui-Tchéouw 
(Chine). L'importance en est assez grande, et les Chi 
nois en ont déjà entrepris l'exploitation. — M. J. Thow 
let indique quelle est la constitution du sol des grands 
fonds océaniques compris entre les Acores et les côtes 
de France, d'Espagne et de Portugal d'après les échan= 
tillons recueillis au cours des campagnes du Prince de 
Monaco. Il n’y a pas de gravier; les grains gros, moyens 
et fins sont peu abondants, les très fins plus abondanls 
et la vase prédomine. La teneur en calcaire diminue 
avec la grosseur des grains et est minimum dans là 
vase; mais plus la vase est profonde, plus elle est 
riche en calcaire. 


Séance du 11 Février 1901. 

1° SCIENGES MATHÉMATIQUES. — M. D. Backlund, au 
sujet de la note récente de M. Poincaré sur le calcul 
de la précession, fait remarquer que l'erreur commise 
dans sa note lui est personnellement attribuable, et ne 
provient pas de Gyldén. — M. J.-J. Landerer commu 
nique la suite de ses observations sur le passage des 
ombres des satellites de Jupiter, entreprises dans le bub 
de vérilier la théorie de Souillart. Pour les trois pre= 


l 
l 


RRQ 


ACADÉMIES ET SOCIÉTÉS SAVANTES 


195 


miers satellites, la concordance entre le calcul et 
Vobservation peut-être considérée comme bonne. — 
M:Æ. Deslandres décrit les observations sur la photo- 
éraphie de la couronne solaire qu'il a faites dans 
éclipse totale du 28 mai 1900. Il est bon d'employer 
des plaques lentes pour obtenir les parties les plus 
faibles; mais on a à lutter contre la lumière diffuse de 
pareil et celle du ciel ; il est bon de placer devant 
plaques des écrans jaunes et rouges. — M. D. Th. 
orov étudie une classe nouvelle de surfaces algé- 
jiques qui admettent une déformation continue en 
éstant algébriques. 1] démontre qu'une surface tétraé- 
le du dix-huitième ordre est applicable sur une infi- 
é de surfaces de la même espèce dépendant de deux 
stantes arbitraires. — M. Clairin indique de nou- 
eaux résultats sur les transformations de Backlund qui 
font correspondre une à une les intégrales de deux 
uations aux dérivées partielles du second ordre pos- 
ant deux systèmes distincts de caractéristiques. — 
J. Coulon, étudiant le théorème d'Hugoniot et la 
orie des surfaces caractéristiques, arrive au théo- 
me suivant : Soit un système d'équations aux dérivées 
tielles d'ordre quelconque et à un nombre quel- 
que de variables indépendantes, définissant un mou- 
ent. On peut, sans aucune intégration, déterminer 
vitesses de propagation des ondes pour une direc- 
h déterminée. — M. R. d’Adhémar communique ses 
cherches sur les équations aux dérivées partielies du 
cond ordre à plus de deux variables indépendantes. 
= M. A. Buhl étudie les formes linéaires aux dérivées 
tielles d'une intégrale d'un système d'équations 
érentielles simultanées qui sont aussi des intégrales 
ce système. — M. Ribière donne une nouvelle 
orie de l'équilibre d’élasticité des voûtes en arc de 
cle encastrées aux naissances. Pour une charge pla- 
se au sommet de la voûte, les déplacements, à la clef 
e sont pas très éloignés de ceux que donne la théorie 
idinaire de la résistance des matériaux; mais, aux 
issances, les différences sont importantes. — M. P. 
uhem a constaté que toutes les lois que l’on démontre, 
n'Thermodynamique élémentaire, pour un fluide sou- 
mis à une pression normale et uniforme, s'étendent à un 
luide dont les éléments exercent, les uns sur les autres, 
des actions quelconques, newtoniennes ou non. 

20 SCIENCES PHYSIQUES. — M. A. Angot a montré que 
a variation diurne de la déclinaison magnétique résulte 
& la superposition de deux ondes distinctes : l'onde 
Ormale, correspondant aux époques de calme du 
Soleil, et l'onde perturbatrice, qui dépend des varia- 
ions de l’activité solaire. IL a représenté l'onde nor- 
Male par une série harmonique dont il a caleulé les 
premiers termes pour les observations du Parc Saint- 
ur, de Greenwich et de Batavia. — M. E. Mathias a 
culé la formule définitive donnant la loi de distribu- 
n régulière de la composante horizontale du magné- 
isme terrestre en France au {°° janvier 1896. Cette 
formule s'applique aux régions voisines de la Suisse, de 
Italie et de l'Espagne. — M. E. Legrand indique le 
principe d'un anémomètre électrique donnant des indi- 
ions à distance. Il porte un anneau Gramme qui 
rne entre les pôles d'un aimant. La force électro- 
otrice produite est proportionnelle à la vitesse de 
fotation. — M. A. Ricco annonce qu'il à établi des 
communications téléphoniques entre l'Observatoire de 
BElna et Nicolosi au moyen de fils en partie posés sur 
neige. — M. Janssen constate que ce dispositif a eu 
e même succès qu'à l'Observatoire du Mont-Blanc. — 
L. Benoist a étudié les lois de transparence de la 
matière pour les rayons X. L'opacité spécifique d'un 
Corps paraît indépendante de son élat physique, du 
mode de groupement atomique, de l’état de liberté ou 
e combinaison des atomes. Pour les corps simples, 
lest une fonction déterminée et croissante de leur 
poids atomique, affectant la forme d'une proportion- 
—nälité directe, pour des rayons X suffisamment péné- 
trants et suffisamment homogènes. — M. V. Crémieux 
L fait de nouvelles expériences sur la convection élec- 


trique en évitant l'interposilion d'une couche métal” 
lique entre l'aiguille et le disque tournant. Les résultat? 
sont identiques aux précédents et permettent de con 
clure d’une facon définitive que la convection électrique 
ne produit pas d'effet magnétique. - M. F. Larroque 
décrit quelques expériences acoustiques qui coufirment 
sa théorie de l'impression globale harmonique des 
accords musicaux. — M. M. Berthelot, à propos de 
ses déterminations de la chaleur de dissolution de l’ar- 
gent dans le mercure, remarque qu'il ne s'agit pas à 
vrai dire d’un phénomène de dissolution comme on 
l'entend ordinairement, mais de la répartition d'un 
métal solide dans un métal liquide. Cette constatation 
n'enlève, toutefois, rien aux conclusions de l’auteur. — 
M. Berthelot étudie, au point de vue thermochimique, 
la décomposition par l’eau des carbures métalliques et 
la formation d'hydrocarbures, Les carbures du type 
C°K?,C?Ca, dégagent de l’acétylène, à condition que la 
chaleur de formation de l'oxyde hydraté surpasse celle 
du carbure de plus de 196,1 cal. Les carbures du type 
CSA! dégagent du formène, réaction qui correspond au 
dégagement thermique maximum. Le carbure de man- 
ganèse CMnÿ produit un égal volume de formène et 
d'hydrogène, réaction qui dégage aussi le maximum de 
chaleur. Les autres carbures donnent lieu à des pro- 
duits complexes parce qu'ils ne fournissent plus en 
étant décomposés par l’eau des oxydes de composition 
correspondant à celle des carbures. — M. Marcel 
Delépine a constaté que la réaction génératrice des 
acétals est limitée par la réaction inverse de l’eau sur 
l'acétal formé. Les lois qui régissent la formation et la 
décomposition des acétals se rapprochent de celles de 
l'éthérifiation et de la saponification. — M. V.Grignard 
a constaté que l'emploi des combinaisons organoma- 
gnésiennes mixtes permet de simplifier et de généra- 
liser la plupart des méthodes de synthèse pour lesquelles 
on a utilisé jusqu'ici les composés organo-zinciques, 
mais encore d'en instituer de nouvelles prévues par la 
théorie, mais pratiquement irréalisables au moyen du 
zinc. — MM. P. Bayrac etC. Camichel, à la suite des 
recherches récentes de M. Lemoultsur la bande d'absorp- 
tion des indophénols, croient pouvoir démontrer que 
l’une des extrémités de la bande est, non la fin de 
cette bande, mais la limite des radiations visibles 
{variable avec l'éclat du spectre). Dans ce cas, le point 
appelé milieu de la bande n'a aucune signification. — 
M. P. Cazeneuve a observé que la diphénylcarbazide 
ou urée de Ja phénylhydrazine donne des composés 
avec une molécule d'acides ou d'alcools de la série 
grasse. La formation de ces composés d'addition s'ex- 
plique par la tendance à la pentavalence d’un des 
azotes terminaux. — M. A. Béhal a extrait de l'huile 
de bois une nouvelle cétone, de formule C#H?0, bouil- 
lant à 194°et donnant par oxydation de l'acide acétique 
et de l'acide «-méthyllévulique. Cette cétone doit donc 
être une diméthyleyclohexénone. — M. J. Hamonet, 
partant de la diamyline du butanediol, obtenue par 
électrolyse du $-amyloxypropionate de potassium, à 
préparé le butane dibromé et le butane diiodé 1 : 4. Ce 
dernier, soumis à l’action du cyanure de potassium, 
donne l'hexanedinitrile, qui, par hydrolyse et saponifi- 
cation, fournit l'acide adipique. — M. V. Urbain à 
placé des végétaux dans: une atmosphère renfermant 
une certaine proportion de méthane et a constaté au 
bout de quelques jours la disparition de la majeure 
partie de celui-ci. Les végétaux absorberaient donc le 
méthane et s'opposeraient à son accumulation dans 
l'atmosphère. 

3° SCIENCES NATURELLES. — M. R. Quinton a constaté 
que l’urée en solution, qui se comporte vis-à-vis du 
globule rouge anucléé comme si elle n'existait pas, fait 
au contraire équilibre au globuge rouge nucléé et 
s'oppose à la sortie de sa matière colorante. Toutefois, 
ce phénomène d'équilibre est limité dans la durée, et 
après des temps variables selon la concentration l'héma- 
tolyse se produit. — M. G. Loisel signale une observa- 
tion très importante de développement du blastoderme 


196 


sans embryon chez un œuf de poule. Cette observation 
vient appuyer la théorie de la parthénozenèse du sper- 
malozoide et celle de la polyspsrmie physiologique. — 
M. J. Friedel a poursuivi l'étude de l'influence de la 
pression lolale sur l'assimilation chlorophyllienne. La 
diminution de pression fotale seule tend à favoriser 
l’assimilalion ; lorsqu'on rarélie simplement de l'air 
contenant du gaz carbonique, on voit l'assimilation 
passer d'abord par uu minimum, puis par un maximum. 
— M. N. Bernard a reconnu que, chez la pomme de 
terre, la luberculi-ation de bourgeons est la conséquence 
de l'infection des racines par des champignons endo- 
phyies On peutdoncespérer, parune culture rationnelle, 
régulariser le rendement en tubercules et hâter leur pré- 
cocité. — M. A. Lacroix a observé, dans les lherzolites 
de l’Ariège, sous forme de traînées ou de filons, une 
série de roches holocistallines constituées par des 
pyroxènes et du spinelle; elles sont très basiques et se 
rapprochent des gabbros. Elles ont dû se former par 
cristallisation intratellurique. L'auteur propose d'en 
faire un groupe distinct, celui des arrégites. — M.E. de 
Martonne a poursuivi ses recherches sur la période 
glaciaire dans les Karpathes méridionales. Il a observé 
un rapide abaissement de la limite des neiges étler- 
nelle vers l'ouest. D'autre part, dans les massifs où 
les glaciers sont descendus le plus bas, les appareils 
morainiques sont encore bien conservés, {andis que 
dans ceux où les glaciers se sont arrêlés plus haut, les 
moraines ont été la proie de l'érosion. — M. Ph. Glan- 
geaud donne le tableau des transsressions et régres- 
sions des mers secondaires dans le bassin de l'Aqui- 
laine et leurs rapports avec les mouvements du sol et 
lu distribution des facies. —M. F. Marboutin à recher- 
ché les origines de l’eau arrivant aux émergeuces des 
sources destinées à l’alimentalion de Paris, et cela au 
moyen de la coloration. Il a tracé les courbes, dites 
isochronochromatiques, des points où les molécules 
d'eau colorée arrivent en même temps. 
Louis BRUXET. 


ACADÉMIE DE MÉDECINE 


Séance du 5 Février 1901. 

La lecture du procès-verbal donne lieu à un échange 
d'observations entre M. J.-V. Laborde, qui proclame 
la supériorilé des tractions rythmées de la laugue pour 
le rappel à la vie d'enfants nés en état de mort appa- 
reute, et MM. Pinard et Budin, qui pensent que les 
lractions rylhmées ne peuvent avoir aucun effet lors- 
que les voies re-piraloires profondes sont obstruées par 
du mucus ou des glaires, le tube laryngien élant alors 
le seul moyen eflicace. — M. Albert Robin élablit 
l'existence d'une glycosurie et d’un diabète d'origine 
dyspeplique : ils constituent une espèce à part, diffé- 
raut totalement des glycosuries alimentaires ou du dia- 
bète fruste. Ces aifections cèdent rapidement au traite- 
ment de la dy:pepsie hypersthénique; dans le cas de 
diabète ancien, il faut alterner le traitement complet 
du diabète avec celui de la dyspepsie. — M. Hervieux 
cile un cerlain nombre de cas de récidive de la variole 
et conclut qu'en temps d'épidémie variolique, si un an- 
cien variolé se trouve en rapport avec un variolé sérieu- 
sement alleint, les mesures de préservation ne doivent 
pas èlre négligéess A la suite d'une observation de 
M. L. Colin, constatant que l'épidémie parisienne de 
variole dure toujours, l'Académie émet le vœu qu'un 
avis officiel rappelle à la population que la revaccina- 
livn est le seul moven de protection contre la variole. 
— MM. Peyrot el Milian pensent que l'hydrocèle est 
causée par une vaginalite chronique, laquelle est pri- 
mitive et non subordonnée à une altération testiculaire 
ou épididymaire. C'est une périviscérilé au même titre 
que les lésions chroniques du péricarde, de la plèvre, 
du périloine, avee qui elle coexiste ordinairement. — 
M. Lagrange lit un travail inlitulé : Quatre cas de 
gliome de la réline guéris. 


ACADÈMIES ET SOCIÉTÉS SAVANTES 


SOCIÉTÉ DE BIOLOGIE 
Scance du 19 Janvier 1901. 


M. Ed. de Ribaucourt rappelle qu'il existe, Chem 
une foule d'animaux, outre les organes habituels 
l'excrétion (reins, organes segmentaires, néphridié 
pro-, méso-, métanéphros, etc.), une grande varié 
cellules dont la fonction directement ou indirecteme 
secrétrice est admise par plusieurs physiologistes ; 1 
teur les désigne sous le nom de néphrocytes« 
MM. G. Hayem et R. Bensaude ont observé, dans 
variole hémorragique primitive, une extrême rarël 
des hématoblastes coïncidant avec la non-rétraeti 


de magnésium ioduré. M. L. Martin pense que» 
traitement pourrait peut-être s'appliquer aux enfant 
— M. Ed. Nocard conclut, de quelques expériences 
que les éléments observés par M. Bosc dans les lési 
el le sant des animaux claveleux ne sont pas les agenl 
de la virulence. — MM. E. Leclainche et H. Vallée 
en traitant des lapins avec une urine albumineuse, on 
obtenu un sérum capable de précipiter l'albumine dis 
soule dans certains liquides organiques. — M, fn 
bondeau a étudié le champisnon qui cause la maladi 
de l’épiderme connue sous le nom de {okélau, com 
mune en Ovéanie. Ce champignon n'est pas un trich 
phyton, mais un asperyillus, constitué par un feutraf 
mycélien d'où s'échappent des filaments aériens Len 
minés en massues sporilères. — M. CI. RegaudM 


gonies chez les Mammifères (rat) a lieu par une sé 
de karyokinèses successives. — M. Hanriot na pa 
constaté, sur la lipase, une action de la températu 
ana'ogue à celle décrite par M. Pozrrski pour le fer 
ment inversif. M. V. Henri répond que les résullals 
de M. Pozerski doivent être considérés comme très cer 
tains. — MM. Charrin et Moussu ont injec é du mucuk 
dans l'organisme du lapin et ont vbservé, en géréra 
une mort rapide. Celle-ci est due à l'existence d'un 
principe coagulant dans le mucus — MM A. Rodetel 
Galavielle ont constaté que le virus rabique conservé 
dans la glycérine manifeste une propriélé préventive 
même lor-que, après un long séjour, il a totalement 
perdu sa virulence. Toutefois, l'immunité est rarement 
suffisante pour résister à l'épreuve par trépanation 
avec le virus fixe. 


Séance du 26 Janvier 1901. 


M. Hanriot, éludiant le mécanisme des actions 
diastasiques, a trouvé que l’action de Ja lipase sur les 
acides et les éthers semble être une combinaison ch 
mique régie par les lois de la dissociation. L'expérience 
confirme le fait que la lipase à son aclion décompa 
sante arrêtée dès qu'une certaine quantilé d'acide gras 
est mise en liberté; inversement, si l'on met la lipase 
en présence de glycérine et d'un excès d’avide, elle les 
recombine de facon à réaliser toujours le même rap 
port entre les quantités d'acide et d'éther en présences 
— M. V. Henri à recherché l'influence de la quantilé 
de saccharose sur la vitesse d’inversion par le ferment 
inversif de la levure de la bière. La quantité de sa 
charose inverli varie avec la quantité de saccharase 
présente dans la solution, mais il n’y a pas proportio 
nalité entre les deux phénomènes. — M. CI. Regaud@ 
observé, chez le Rat, la division amitotique directe du 
noyau des spermatogonies. — M. J. Babinski à con 
staté que les lésions de l'appareil auditif, notamment 
les lésions unilalérales, modifient notablement, dans 
un cerlain nombre de cas, les caractères du vertige 
vollaïque normal. M. Gellé pense que ces expériences 
démontrent que c'est sur le labyrinthe même et nou 
sur les centres nerveux que le courant agit. M. Pierre 


onnier voit dans ce phéaomèue un signe clinique 
ouveau pour l'étude des maladies de l'oreille, — 
M. M. Hanriot et L. Camus ont comparé l'action de 
lipase du sérum d'animaux à sang-froid avec celle 
la même lipase chauffée à 35° et #0°. Les résultats 
nbidentiques : la tempéralure ne semble avoir aucune 
on sur ce ferment. — M. M. Siedlecki a constaté 
les Grégarines qui vivent dans les celiules de l’épi- 
ium intestinal exercent sur eiles et quelquefois sur 
cellules voisines une action hyperlrophiante très 
iatquée. — MM. M. Caullery et F. Mesnil ont observé 
tes les formes de développement chez les Grégarines 
nt vérifié leur action hypertrophiante sur la cellule- 
8. — MM. J. Nicolas et Ch. Lesieur montrent que 
sérum d'une chèvre, immunisée par des injecliuns 

s-culanées répétées de cultures d'un Staphylococcus 
jenes aureus, à déterminé l'agglutination de ce mi- 
be. Le sérum d'animaux infectés d'une facon aiguë 
Suraiguë ne produit pas l'agglutination. Le sérum 
e chèvre vaccinée par des injections sous-culanées 
tées de cultures complètes en bouillon et jeunes 
aphylocoque parait doué à l'éxard de cet agent 
ogène de propriétés bactéricides évidentes, mais 
accusées. Son action atlénuante parait plus mar- 
6. — M. L. Launoy a étudié les alléralions rénales 
Hséeutives à l'intoxication aiguë par le venin de 
Sorpion (Zuthus occitanus). Elles consistent en plomé- 
ites graves et hémorragie, vacuolisalion du réli- 
m cytoplasmique des cellules dans les tubuli cou- 
, chromatolyse et kariolyse. — M. R. Dubois 
ppelle ses recherches antérieures sur la dialyse cel- 
ice qui se produit, en particulier, dans les fruits et 
éSgraines, par l'action des vapeurs de liquides orga- 
ués neutres (chloroforme, éther, etc.). — M. G. 
ell Axelos expose ses recherches sur l'asthme 
ins; pour lui, celte maladie serait de nature mi- 
ienne et la toxine, agissant sur le nerf vague, pro- 
it les troubles respiratoires qui la caractérisent. 
M. J. Cotte a trouvé dans une Eponge, le Suberites 


nt liquefiant la gélatine; une présure acidophile; 
caséase. — M. Mayet, pour obtenir une sérosité 
he en leucocytes propres à la phagocytose, a placé 
swésicatoires sur l’homme sain. — M. E. Gérard à 
nstalé que les macéralions aqueuses de rein et de 
de cheval contiennent un ferment soluble capable 
dédoubler les glucosides. Ce ferment est détruit par 
bullition. 

Séance du 2 Février 1901. 

M. Pinoy et Me Densusianu ont étudié l'action du 
Btharidate de potasse sur les animaux. C'est de la 


éllule nerveuse que dépendent la sensibilité ou l'indif- 
ence des animaux vis-à-vis de la cantharidine. — 


> des enfants provoqués par des fruits contaminés 
a poussière et des poils irritants de la chenille du 
Ebrun (Liparis Chrysorrhwa). — Le même auteur a 
rvé trois cas de pseudo-parasilisme du Cheliler 
neroïdes chez des enfants dont la tète portait de 
breux poux. — M. Wlaeff pense que les blastomy- 
S virulents peuvent êlre la cause des néoplasmes 
ins et que le sérum des animaux immunisés doil 
e considéré à l'heure actuelle comme un des meil- 
eurs traitements à leur opposer. — M. Borrel, sans 
loir nier les résultats obtenus dans le traitement des 
céreux par le sérum d'oies immunisées, considère 
1e la théorie blastomycélienne du cancer est loin 
ire prouvée. — M. G. Leven a constaté que la 
rétion de l'urée est constante chez l'adulte normal 
ont le régime alimentaire ne varie pas. — M. E. Rataud 
ose l’évolution morphologique de l'encéphale des 
opes. — MM. P. Nobécourt et Bigart ont observé 
ue le péritoine ne constitue pas un lieu de formation 
la substance agglutinante. Celle-ci n’est pas répartie 
lans la même proportion dans les différentes humeurs 


AUADÉMIES ET SOCIÉTÉS SAVANTES 197 


de l'organisme. Elle est toujours au maximum caps le 
sérum sanguin; elle est moins abondante dans les 
sérosités. — M. F. Dévé montre que deux formations 
échinococciques, les vésicules proligères et les scolex, 
peuvent donner naissanc» à des kystes hydatiques. 
Pour éviter l'échinococcose secondaire post-opéraloire, 
il faudrait donc tuer les germes échinococciques dans 
le kyste par une injection tænicide faite avant l’ouver- 
ture large de la poche. — Le même auteur montre que 
des ky-tes sous-séreux peuvent provenir de germes 
échinococciques lombés dans la cavité périlonéale. II 
y a donc possibilité de récidives de kystes hydatiques 
aux dépens d'un débris de membrane hydatique aban- 
donné dans une plaie. — M. J. Pellegrin a constalé 
que les Ophidiens, soumis [à la privation complèle 
de nourriture (aliments et eau), meurent beaucoup 
plus rapidement que ceux qui ont de l'eau, mais 
pas d'aliments, à leur disposition. Toutefois la perte 
de poids est à peu près la même dans les deux 
cas. — M. M. Nicloux à déterminé la capacité respi- 
ratoire du sang du fœtus à diverses périodes «le la vie 
fœtale ; elle est à peu près constante entre six mois el 
demi et neuf mois, Le sang ne subit donc que des varia- 
tions à peine marquées dans la fixation de l'oxygène. 
— M. E. Jeanselme, qui à étudié le tokelau dans 
l'Indo-Chine francaise, est arrivé aux mêmes conclu- 
sions que M. Tribondeau en Océanie : cette maladie 
est une dermatomycose aspergillaire. — MM. Ch. 
Achard et L. Gaillard ont constaté que le rein malade, 
qui laisse passer l’albumine, laisse aussi passer la 
caséine. Inversement la caséine, en traversant un rein 
sain, le rend perméable aux albumines. A très .pelile 
dose, la caséine ne passe pas dans l'urine. — MM. J. 
Cluzet et H. Frenkei ont déterminé la tension super- 
ficielle des urines. A l'état normal et pathologique, elle 
est presque toujours inférieure à celle de l'eau distillée. 
Les sels minéraux l'élèvent et les matières organiques 
l’abaissent; les sels biliaires, en particulier, ont une 
très grande influence. — M. R. Dubois rappelle qu'il 
a employé, pour la première fois, en 1883, le procédé de 
dialyse des ferments qui se trouvent dans l'intérieur des 
tissus par l'action des vapeurs anesthésiques. 


SOCIÈTE FRANÇAISE DE PHYSIQUE 
Séance du A Février 1901 (suite). 

M. Ponsot, à la suite de la communication de 
M. Guillaume, signale le fait suivant : En étudiant 
un thermomètre, il a déterminé directement la correc- 
tion de pression intérieure à faire subir à la lecture 
d'un thermomètre placé verticalement, en faisant des 
lectures successives, le thermomètre élant alternative- 
ment horizontal et vertical, à température fixe et cela 
en des points très nombreux de la tige thermométrique. 
La courbe représentalive de ces corrections, eu prenant 
pour abscisses les divisions du thermomètre, présente 
des maxima et des minima. De la courbe des corrections 
de calibrage, M. Ponsot à déduit pour chaque point du 
thermomètre des longueurs équivalentes ou correspon- 
dant à un volume invariable. Il a constaté que les 
maxima de la courbe de correction de la pression inté- 
rieure correspondaient aux points où les longueurs 
équivalentes étaient aussi maxima. Il en conclut que, 
malgré les variations de la section intérieure du tube 
thermométrique, ainsi mises deux fois en évidence, 1/ 
n'y a pas eu d'erreur sensible où mesurable provenant 
de la variation de la pression capillaire. M. Guillaume, 
répondant à M. Ponsot, insiste sur le fait que la correc- 
tion de calibrage est toujours appliquée aux résultats 
bruts avant qu'on les soumette à d’autres calculs. Cette 
première correction une fois faite, on ne trouve plus 
aucune relation entre la correction capillaire et la 
forme du tube; ou tout au moins cette relation, qui 
existe en théorie, est entièrement masquée par une 
autre cause de variation indépendante de la forme du 
tube. — M. A. Broca : Causes de variation de lacuité 
visuelle. Quand l'œil regarde des détails de formes, 


198 


ACADÉMIES ET SOCIÉTÉS SAVANTES 


son pouvoir de définition n’est pas limité, comme dans 
le cas des instruments d'optique, par la seule ouver- 
ture de son système centré. Les propriétés multiples 
des milieux transparents de l'œil et de la rétine inter- 
viennent. C’est ainsi que l’acuité visuelle diminue 
quand l’ouverture de la pupille augmente. Cela tient 
aux aberrations des bords de la cornée et du cristallin. 
Quand on prend pour fest-objet une série de lignes pa- 
rallèles blanches séparées par des intervalles égaux 
noirs, on mesure avec une grande précision (3 °/,) le 
moment où l’on ne distingue plus qu'une plage grise. Une 
première question se pose: l'angle résoluble, dans ce cas, 
est-il le même que dans la vision des lettres”? On trouve 
qu'il en est ainsi. On peut se demander comment on lit: 
si c'est en comptant les jambages des lettres. En essayant 
de compterles traits du test-objet, on voit qu'on ne peut 
les compter que pour une distance beaucoup plus faible, 
c'est-à-dire pour un angle sous-tendu beaucoup plus 
grand. Donc la lecture ne se fait pas de cette façon ; 
chaque caractère est un individu dont nous reconnais- 
sons la forme à première vue. L’acuité visuelle varie avec 
la couleur (Macé de LépinayetNicati)et aussi avec l'inten- 
sité lumineuse. De nombreux auteurs ont montré que la 
variation de l’acuité visuelle entre les éclairements pris 
sur un papier blanc pour deux ou trois bougies à un 
mètre et les éclairements les plus forts qu'on peut réa- 
liser, est très minime. Puis, au-dessous de cet éclaire- 
ment, la variation est très rapide. Si donc on fait de la 
photométrie par l’acuité visuelle, on n'aura debons ré- 
sullats que pour les éclairements faibles. Pour ceux-ci 
d'ailleurs, la méthode par comparaison des plages est 
moins bonne ; les deux méthodes ne peuvent donc se 
remplacer, mais se complètent. On peut se demander 
comment varie la courbe à l’origine. Charpentier a 
montré l'existence d'un minimum visuel plus élevé que 
le minimum lumineux, et pour lequel l’acuité visuelle 
prend très vite une grande valeur. Cela montre que la 
courbe d’acuité visuelle en fonction de l'intensité coupe 
l’axe des iutensilés en un point de sa région positive, 
et sous un angle de 90. L'adaptation n'a pas d’in- 
fluence pour les très basses intensités (Charpentier). 
L'auteur a vu que, en utilisant un test-objel petit, se 
détachant sur un fond complètement noir, l'adaptation 
n'a pas d'effet pour les éclairements élevés; elle en a au 
contraire pour les éclairements moyens {trois à quatie 
bougies-mètre). Cela tient probablement à ce que la 
pupille, dans le cas des éclairages élevés, est toujours 
resserrée, dans le cas des éclairages faibles est toujours 
au maximum, dans le cas des éclairages moyens se 
resserre un peu par l'adaptation, qui joue le rôle d’une 
augmentation de la sensation. Quand on cherche l’a- 
cuité usuelle ou le pouvoir de définition pour des plages 


LES : 
ayant un rapport ï d'intensité fixe, et non pas seulement 


pour des plages noir sur blanc, la question se complique. 
Kolbe fit en 1885 quelques expériences à ce sujet. L'au- 
teur les a reprises par une méthode plus précise et plus 

! 


commode, qui lui a permis de les compléter. Pour 
compris entre 0 et 0,75 (acuité visuelle 1, c’est-à-dire 
résolution d’un angle de pue minute), la définition de 
l'œil ne change pas. Pour ï compris entre0,075et0,15, 
la variation est rapide (de 1 à 0,92); puis elle devient 


lente pour . compris entre 0,15 et 0,6 (de 0,92 à 0,8). 


La variation est ensuite rapide. Ceci a lieu pour I—40 
bougies-mètres environ. Pour 1=—7 bougies-mètres 


: : rie il : 
environ, l’acuité visuelle pour T— 0 est de 0,9,oùelle 
l' 
se maintient jusqu'à Te 0,1. La {re zone de variation 


rapide est moins accentuée, et la zone de variation lente 
U 


2e : El! A Re 
s'étend jusqu'à ñ => 0,5 environ. Quand on étudie l'in- 


fluence de l'éclairage pour la valeur de - — 0,5, on vo 
que la courbe d'acuité baisse beaucoup plus tôt. que 
pour = 
ses conditions, une bonne adaptation. C'est le cas où 


se trouve en radioscopie ; l'adaptation permet, commen 
l’a indiqué M. Béclère, de voir beaucoup mieux 
LL 


— 0, On comprend de quelle utilité est, dans 


détails dans ce cas. Quand : tend vers 1, le problèm 


devient celui de la photomètrie ordinaire. Charpentier 
a montré qu'avec une seule plage entourée par la plaf 
de comparaison, pour les éclairages faibles, la fractio 
différentielle diminuait quand la surface augmentai 
Il fallait voir ce que devenait ce phénomène : 1° pol 
les intensités élevées ; 2° pour des plages alternative 
On sait, en elfet, que, dans ce cas, la fraction différer 
tiable diminue. L'auteur a entrepris cette question 
moyen du disque de Masson (un trait interrompu St 
fond blanc; quand il tourne, on a des anneaux £f 
dont on peut calculer le rapport au fond blanc pan 
loi de Plateau). Il a vu dans ce cas que la grandeur à 
Ï suivant ur 
loi bien nette. Le fait intéressant à faire ressortir a 


gulaire des plages résolubles variait avec 


: ë I-' 1 
point de vue pratique est la valeur de : perceptib 


: : II 
en fonction du diamètre apparent. n tend, dans 


conditions de l'expérience, vers 0,008 pour des dia 
tres apparents de 45! à 20!. Au-delà, la sensibilil 
de l'œil baisse un peu. Il y a donc intérêt à employé 
des plages photomètres alternantes, vues sous le di 
mètre apparent de 15! à 20'. Pour des diamètres appé 
rents compris entre 15! et 10!, la fraction d’intensil 
différentiable varie de 0,008 à 0,0095. Puis la variatio 
devient très rapide, la fraction différentiable n’étan 
plus que de 0,025 pour un diamètre apparent de plage 


de 5. Ces expériences ont été faites par un beau jou 


près d’une fenêtre bien éclairée. — M. Raveau rappell 
comment M. Wood est parvenu à obtenir des image 
d'ondes aériennes émanant d'une élincelle électriqu 
par l'emploi de la méthode de Tipler (Schlierenme 
thode), qui est une extension du procédé inventé pa 
Foucault pour rendre directement visibles les défau 
d'un miroir ou d'un objectif’. Les seize photographié 
projetées par M. Pellin représentent, en leurs phase 
successives : la diffraction par un petit écran; la for 
mation d’un train d'ondes régulières par la réflexiol 
sur un escalier; la réflexion d'une onde sphérique part 
miroir plan; la réflexion par un miroir cylindrique ci 
culaire ; deux cas de réflexion par un miroir demi-cir@l 
laire ; la réflexion par un miroir elliptique complet Al 
transformation d'une onde sphérique en onde plane pa 
un miroir parabolique; la même transformation pk 
une lentille pleine d'acide carbonique; la réflexion pa 
une surface mamelonnée avec production d'ondes pat 
géniques; le passage d'une onde à travers un réseal 
la diffraction par un petit trou; deux cas de réfractio 
par une surface plane; la réfraction par un prism 
d'acide carbonique et par un prisme d'hydroyène. Le 
clichés, mis en vente par la maison Newton et Gi 
Londres, appartiennent au Laboratoire d'Enseigne me 
de la Physique, à la Sorbonne. 


Séance du 15 Février 1901. 


M. P. Lemoult communique ses recherches sur 
spectres d'absorption de quelques matières colorant 
artilicielles, recherches entreprises dans l'espoir 
trouver une caractéristique propre à chacune 


1 Voir Philosophical Magazine, t. XLVIW, p. 218, août 189 
et t. L, p. 148, juillet 4900; Mature, t. LXIT, p. 342, 9 aoû 
1900 et Journal de Physique (3), t. VIL, p. 621 et Là 
p.12. 


ACADÉMIES ET SOCIÉTÉS SAVANTES 


199 


principales familles que forment ces substances. Il 
Sest adressé d'abord aux colorants du triphénylmé- 


CSIT*.AZH® 
4 ne 
OI C—C°H'.AzH* (ou OH) 
NC 
C°H5.AzH? (ou OH) 


dans lequel la ou les substitutions azotées, situés en 
“para du carbone central et qui donnent à la molécule 
n caractère de colorant, sont appelées groupes auxo- 
Chromes ; l'atome d'azote est dit, en outre, primaire 
Suil est lié à deux atomes d'hydrogène, secondaire lors- 
Qu'un des H est remplacé par un radical gras ou aroma- 
tique et tertiaire lorsque les deux H sont remplacés par 
es radicaux. Les autres substitutions qui peuvent être 
effectuées sur les atomes d'H du noyau C°H* et qui n'ont 
as d'influence sur le caractère colorant de la molécule 
nt appelées groupements non significatifs. Pour 
ndre possible les comparaisons, les spectres d'ab- 
rption ont été observés sur des solutions d'une 
lution constante (une molécule-gramme dans 1000 li- 
tres d’eau) et sous une épaisseur invariable (6 mm.). 
l'on examine les spectres ainsi obtenus pour les 
divers colorants du triphénylméthane, on constate que 
les uns comprennentune bande lumineuse relativement 
étroite située dans la région du rouge, tandis que les 
tres comprennent, outre. une bande de cette nature, 
ane autre (allant du bleu au violet) qui occupe une 
position variable avec chaque corps, et qui est, en 
général, beaucoup plus large que la première. La 
bande rouge apparait donc déjà comme un caractère 
commun aux substances étudiées; mais de plus, ce 
actère commun est le plus persistant de tous car, si 
Von observe un même colorant, on constate que la 
“position et l'étendue des bandes se modifient avec la 
lution et l'épaisseur, mais que la bande rouge per- 
ste alors que les autres ont disparu par suite d'une 
lution moindre ou d’une épaisseur plus grande ; elle 
onstitue donc un caractère de famille qui survit à 
effacement des caractères individuels. Si, maintenant, 
Non observe les divisions occupées par le milieu de ces 
bandes rouges, on constate que, pour tous les colorants 
possédant deux groupements auXochromes avec azote 
tertiaire, le milieu occupe toujours la division 21 du 
Spectroscope, tandis que pour les colorants à trois 
groupements auxochromes tertiaires, le milieu de la 
lande est toujours à la division 32, et cela quels que 
Soient le nombre, la nature et la position des groupes 


TAgLEau |. — Rapport du ménisque au ray 


michel et Bayrac, d'après lui, s'explique très bien par 
le fait que ces savants ont opéré sur des indophénols 
ayant {ous un azote tertiaire. Si l’on prépare des 
indophénols ayant, par exemple, un azote primaire, la 
bande rouge devra probablement se déplacer. C'est ce 
que M. Lemoult a observé. Tandis que pour les indo- 
phénols à azote tertiaire de MM. Camichel et Bayrac, le 
milieu de la bande rouge correspond à la division 7,5, 
pour les indophénols à azote primaire de l’auteur, il 
correspond à la division 16, Ainsi, dans une même 
famille, les colorants qui n’ont pas la même bande 
rouge diffèrent donc par un élément essentiel : la 
nature ou le nombre de leurs groupes auxochromes 
azotés. Ces faits peuvent s'exprimer ainsi: Les colo- 
rants à spectre d'absorption discontinus présentent 


à 
une bande rouge dont le milieu est fixe (pour une 
dilution moléculaire et une épaisseur invariable) tant 
que la molécule ne se complique que de substances 
non significatives, tandis que le milieu de cette bande 
se déplace très sensiblement quand on modifie le 
nombre des groupements auxochromes azotés tertiaires. 
C'est ce qu'on pourrait appeler la loi des groupements 
auxochromes azotés. 


ACADÉMIE DES SCIENCES D'AMSTERDAM 
Séance du 26 Janvier 1901. 


10 SciENCES PHYSIQUES. — M. J.-D. van der Waals pré- 
sente au nom de M. G. Bakker: Contribution a la théo- 
rie des substances élastiques. L'auteur suppose que les 
forces élastiques, qui ne se présentent que dans le cas 
de très petites distances, dépendent de la fonction poten- 
tielle'— fe —# r — 1, où r désigne la distance. Jl déduit les 
relations 2U — 30 — (S,ES,—HS,), 2B—S,+S,—HES., 
où U, B, @ indiquent respectivement le viriel des forces 
extérieures, celui des forces d'attraction moléculaires 
et la pression thermique au point considéré, tandis que 
S,, S., S, représentent les tensions moléculaires dans 
les directions des axes principaux de pression. Ensuite, 
il trouve que la différence des tensions par unité de 
surface dans la direction des lignes de force et dans la 
direction perpendiculaire est égale au triple du travail 
nécessaire pour une raréfaction infinie de la substance, 
augmentée du double du viriel des forces d'attraction 
moléculaires. Enfin il s'occupe de la dilatation et 
applique ses résultats à l’allongement d’un prisme, à 
la dilatation d'un cylindre creux et d’une calotte sphé- 
rique, au piézomètre d'Oersted. — M. H. Kamerlingh 
Onnes présente au nom de M. J.-C. Schalkwijh : /so- 
thermes de précision. 1. Mesures et calculs sur la cor- 


on du tube dans un thermomètre à mercure. 


R 


en centimètres 


0,05 0,1 0,15 0,2 0,25 0,3 0,35 0,4 

0,05 0,00126 0, 00252 0, 0038 0, 00506 0,00637 0,00773 0,0091 0,0107 
0,1 0, 00252 0,0050% 0,0076 0,0102 0,0128 0,0155 0,0183 0,0213 
0,15 0, 00876 0, 0076 0,011% 2 0,01! 0,0192 1 0,02324 0,027 0,0318 
0,2 0, 00505 0,0103 0,0155 0 ,0206 0, 0,0310 0,0366 0 ,0426 
0,25 0,0065 + 0,0151 0,0196 + 0,0261 £ 0,0327 0,0393 0,0462 0,0536 
0,3 0,0080 0,0159 0,0239 0,0320 0,0401 0,0566 0,0657 
0,35 0,0093 £ 0,0188 0,0283 0,0384 0,0489 0,0700 0,0815 
0,4% 0,0108 + 0,0218 0,0331 0,0453 0,0383 0,090 


‘substituants non significatifs, A la suite d'observations 
de MM. Camichel et Bayrac, qui ont étudié antérieure- 
“ment le spectre d'absorption des matières colorantes 
du groupe des indophénols, et annoncé qu'il renferme 
ne bande rouge de position invariable, M. Lemoult a 
repris l'étude de ces colorants. Le résultat de MM. Ca- 


rection pour le volume du ménisque de mercure chez 
les étalons de manomètre à gaz (suite, voir Rev. gén. d. 
Se., t. XII, p. 151). L'auteur continue ses recherches 
théoriques et expérimentales sur la forme de la courbe 
méridienne de la surface de révolution du ménisque de 
mercure ; il résume ses résultats sous forme de gra- 


200 


ACADÉMIES ET SOCIÉTÉS SAVANTES 


phiques et dans le tableau I à double entrée, faisant con- 
naître le volume du ménisque en cmc. quand on donne 
le rayon R du tube capillaire en centimètres, et le quo- 
tient à de la division de la flèche du ménisque par R. 
Dans ce tableau, les volumes ne différant pas sensi- 
blement de ceux des segments sphériques correspon- 
dants sont imprimés en pelits caractères; les résultats 
montrant une différence assez importante avec ce rap- 
port ont été soulignés, et Les volumes imprimés en ila- 
lique ont été obtenus à l’aide d’extrapolations. Dans le 
cas R — 0,5, à — 0,14, l'auteur trouve 0,045, tandis que 
le segment sphérique correspondant donne 0,0365; 
ainsi la différence se monte à 23 °/,, tandis que les 
fautes admises dans les isothermes de précision ne sur- 
passent pas 3°, — M. H. W. Bakhuis Roozebonn pré- 


TABLEAU IT, 


CONCEN- 

TRATION à LE Dane 

en ÉRIUE Ke Li Ê (+ 245 2) Ap 
000 a 1.863 |1,863 r0/| Po 2 ps me 

H20 

1,0107 |2,0897| 1.122 ECS 0,02036 0,02015 
0,5056 |0,9892! 0,5310 0,5 0.009600 [0,00955% 
0,2500 |0,4806! 0,2580 0,258 0.002657 [|0,004646 
0,1250 0.2372| 0.1273 (URL 0.002295 |0,002292 
0,0652 |0,1230! 0,06602 0.060605 0,001190 |0,001189 
0.0285 |0.0532| 0.02856 0,02857 0,0005147 |0,005147 


sente, au nom de M. A. Smits, deux mémoires: 1° Déter- 
mination de la décroissance de la tension de vapeur de 
la solution de Na à des températures élevées. Ce tra- 
vail fait sule aux travaux antérieurs de l'auteur (voir 
Rev. gen. “deuSc.,\t.X, p.887, Mt. "XI, p-1224, 1028): 
20 Remarques sur les résultats de la détermination de 
la décroissance de la tension de vapeur et de l'abaisse- 
ment de la température de congélation de solutions pas 
trop diluces. A l'aide de la théorie du potentiel thermo- 
dynamique, M. J.-J. van Laar a développé (Zeritschr. 
[. physik. Chemie, t. XV, p. 457, 1894) des formules 
très exactes pour la décroissance de la tension de 


Tagceau II. 


CONCEN- 

nel ac |Ar /, A:\lAp 1/Ap\! 4p 

MAP & + lee ) E( 2) [! 
1.000 œr. : ES ASE Po 
120 

1,0000 |3,1237| 1,538 1,8610 0,03353  |0,03297 
0,887 |1.6154| 0,8993 0,9048 0,016: 0,01617 
0,2393 |0,8211| 0,4407 0 ,4420 0,007962 |0,007930 
0,1179 |0,4071| 0,2188 0,2191 0,003947 |0,003939 
0,05829 |0.2073| 0,1113 0,111% 0,002007 |0,002005 


vapeur et l’abaissement du point de congélation. Il 
trouva : 


log ——f—Tloge, AT = To—T— 


où p, et p désignent la tension de vapeur du milieu 
solvant et de la solution, tandis que €, f, +, &, R, S 
indiquent respectivement la concentration, une cons- 
tante qui disparaît pour des solutions très diluées, les 
températures d'ébullition de la solution et du milieu 
solvant, une constante et la chaleur moléculaire de 
fusion du milieu solvant. L'auteur, en négligeant les 
puissances supérieures à la seconde, en déduit par 
combinaison, pour le cas de l’eau comme miliéu sol- 
vant : 3 


Ap , 1/Ap\° 18,016 As 

Po ü 5(2) mnt ax(1 ] =). 
Ainsi, il trouve à l’aide des déterminations du point de 
congélation de M. Raoult (Zeitsch. f. physik. Chen, 
t. XXVII. p. 638) sur le sucre de canne, le tableau IH 
Les résultats de ce tableau correspondent assez bieïh 
avec ceux obtenus par l’auteur, les déviations ne sur 
passant pas 21 pour mille. Dans le cas de NacCl, les dé 
terminations de M. Raoult donnent le tableau III. À 
contraire, les résultats de ce tableau ne s'accordent 
nullement avec ceux de l’auteur, les dévialions mon: 
taut de 56 à 136 pour mille, quand la concentration 
diminue de 1 à 0,05829. La valeur de Ap de M. Raoul 
surpasse toujours celle de M. Smits. L'auteur croil 
que M. Raoull a commis une erreur, déjà accusée par 


Ap N 11 


décroissance de la quantité 1 —--.-—,où — repré 


3 N + n 
sente la concentration. 

20 SCIENCES NATURELLES. — M. F,. À. F. C. Went : Sun 
l'influence de la nutrition sur la sécrétion des enzymes 
par Mouilia sitophila (Mont) sace. Le champigno 
Monilia Ssitophila est employé dans l’île de Java pou 
faire fermenter de petits gâteaux de graines d'Ara® 
chides. Il a une couleur orange très prononcée, lors® 
qu'il se développe à la lumière; dans l'obscurité, il resté 
blanc. Ce sont les rayons bleus et violets qui exercent 
cette influence sur la production du pigment; ur 
éclairage d'un quart d'heure suffit pour faire appa 
raître, quelques heures après, une couleur rose. [/ali= 
ment carboné du champignon peut être très varié 
quoique les hydrates de carbone et particulièrement 
le raffinose, le maltose, l’amidon, la dextrine, la cellu: 
lose soient préférables. Comme aliment azoté, on peut 
choisir les peptones aussi bien que les amides et les 
sels inorganiques (sels ammoniacaux, nitrates, nitrites). 
Le Wonilia vit assez bien sans oxyyène libre en produt- 
sant de l’alcoolet de l'acide carbonique. Le champignot 
secrète des enzymes : 1° une /ipase, qui saponifie les 
corps gras (en conséquence le lait se caille lorsqu'on y 
cultive le Monilia) : 2 une {rypsine, qui attaque les ma= 
tières albuminoïdes, les peptones, la gélatine, mais qui 
n'est sécrétée que lorsqu'une de ces substances se 
trouve dans le liquide nutritit ; 3° probablement une 
tyrosinase, parce que les milieux contenant des ma= 
tières albuminoïdes, ou des peptones, ou de la tyrosine 
sont colorés en brun par le champiguon ; # une znver= 
tase, qui intervertit le sucre de canne et est sécrélée 
dans des conditions de nutrition très diverses; ñ° un 
enzyme amylolytique (ou bien deux), qui change l'ami- 
don en (/-glucose avec l'intermédiaire d'une dextrine 
(plus tard le glucose est transformée en alcool, tandis 
qu'il se produit aussi une quantité d'éthers); 6° une 
eylase altaquant la cellulose ; 7° un enzyme qui hydro= 
lyse le maltose et qui est désigné par le nom de m»a1t0* 
glucase. Cette maltoglucase n'est sécrétée que lorsque 
l'aliment du champignon est hydrocarboné, ou bien 
quand il contient des corps albuminoïdes, ce qui 
s'explique par l'influence d'un reste hydrocarboné de 
ces substances. La sécrétion est très différente pour les 
divers hydrates de carbone, les plus efficaces étant le 
raffinose et le maltose, puis l’amidon, la cellulose et 
enfin le galactose, le xylose, le glycogène, le sucre de 
canne ; le maltose doit être un terme intermédiaire de la 
transformation. Les quantités de maltoglucase sécrétées 
croissent avec la quantité de raffinose dans les liquides, 
jusqu’à une limite (environ 10 °/, de raffinose) ; en dé= 
passant cette limite, la quantité d'enzyme diminue. La 
pression osmotique du liquide n’influe pas sur le phé= 
nomène. En général la quantité de maltoglucase monte 
avec le développement du mycélium du champignon 
Les faits sont en désaccord avec l'opinion générales 
ment admise que la sécrétion d'un enzyme soit preuve 
de la faim des cellules. P. H. Scoure. 


{ 


Le Directeur-Gérant : Louis OLIviEr. 
Paris. — L. MARETUEUX, imprimeur, 1, rue Cassette, 


INPES 


15 MARS 1901 


DIRECTEUR : 


pures el appliquées 


LOUIS OLIVIER, Docteur ès sciences. 


Revue générale 


“> 9 “Un 


Adresser tout ce qui concerne la rédaction à M. L. OLIVIER, 22, rue du Général-Foy, Paris. — La reproduction et la traduction des œuvres et des travaux 
publiés dans la Revue sont complètement interdites en France et dans tous les pays étrangers, y compris la Suède, la Norvège et la Hollande. 


$ 1. — Mathématiques 


Une nouvelle propriété de la Sphère. Les 
Surfaces pseudo-sphériques et la Géométrie 
non euclidienne. — De récents travaux viennent 
te mettre une fois de plus en lumière la différence qui 
xiste entre les théorèmes que l’on peut énoncer sur 
ne portion de surface, et ceux qu'on peut énoncer sur 
les surfaces entières. 
C’est ainsi que l’un des résultats les plus importants 
la Théorie générale des Surfaces est le suivant : Une 
rface étant donnée, il en existe une infinie variété 
d'autres qui sont applicables sur la première, c’est- 
ä-dire qui lui correspondent de manière qu'une ligne 
quelconque tracée sur l’une de ces surfaces ait même 
longueur que la ligne homologue tracée sur la surface 
donnée. Pour trouver une de ces surfaces, il suffit de 
houver une solution quelconque (à certains cas excep- 
tionnels près) d'une certaine équation aux dérivées 
Jartielles. 
\ Par exemple, il existe une infinité de surfaces appli- 
Gables sur la sphère; ce qui revient à dire qu'il existe 
ine infinité de surfaces ayant leur courbure totale 
constante. 
» Mais il faut se garder de donner à ces théorèmes une 
Signification qu'ils n'ont pas. Leur sens est celui-ci : 
Une portion suffisamment restreinte quelconque d'une 
Surface quelconque étant donnée, il existe d'autres 
portions de surface applicables sur la première. 
Supposons, au contraire, qu'il s'agisse de surfaces 
lières : alors les conclusions peuvent changer du tout 
tout. C'est ainsi que l'on a les propositions sui- 


La sphère est la seule surface YERMÉE ET SANS SINGU- 
RITÉS qui Soit à courbure constante positive; 
Lln'existe aucune surface fermée et sans singularités 
Qui soit applicable sur une sphère, sans lui être égale ; 
propositions qui résultent des travaux de MM. Min- 
owski, Liebmann, Hilbert, auxquels nous faisions 
lusion en commencant. 

. IL est même probable que, conformément à une vue 
déjà ancienne de Minding, et par analogie avec ce qui 
passe pour les polyèdres convexes d'après un théo- 
ème connu de Cauchy, le théorème de l’indéforma- 


REVUE GÉNÉRALE DES SCIENCES, 1901. 


CHRONIQUE ET CORRESPONDANCE 


bilité de la sphère s'étend à toute surface fermée et 
convexe. En tout cas, celte conclusion est d'ores et 
déjà établie pour une déformation infiniment petite. 

De même, si l'on cherche à déterminer une surface 
en se donnant, en fonction des cosinus directeurs de 
la normale, la courbure totale ou la courbure moyenne, 
on est conduit à une équation aux dérivées partielles 
aisée à former : il semble donc qu'on ait une infinité 
de solutions, dépendant de fonctions arbitraires. C'est 
bien ce qui a lieu pour des portions de surfaces, mais 
non pour des surfaces entières. Dans le cas de sur- 
faces fermées convexes, sans qu'il soit encore établi que 
la solution (si elle existe) est unique, on est déjà 
assuré que les solutions sont isolées, c'est-à-dire que, 
l’une d'elles étant donnée, il n’en existe pas d'autre 
infiniment voisine de la première. 

Enfin,.le même ordre de recherches a conduit 
M. Hilbert à la solution d’une question qui intéresse 
tout particulièrement l'histoire et les principes de la 
Géométrie. On sait que le procédé employé pour démon- 
trer en toute rigueur que la Géométrie non euclidienne 
né conduit à aucune contradiction consiste à réaliser 
cette géométrie par un changement convenable 
«pporté aux conditions dans lesquelles se place la Géo- 
métrie ordinaire. On avait cru tout d'abord arriver au 
but en remplacant le plan par une autre surface, la 
pseudosphère de Beltrami, laquelle est à courbure 
constante négative. Il n’en était rien : la pseudosphère, 
qui présente une ligne singulière, ne pouvait être uti- 
lisée que dans une région limitée à cette ligne et, par 
conséquent, ne pouvait représenter qu'une partie du 
plan non euclidien. 

Depuis, on a obtenu la démonstration demandée en 
remontant plus haut, en modifiant la définition même 
de la longueur d'une ligne. Mais il restait à savoir si 
la voie primitivement suivie permettrait de parvenir 
au même résultat, en remplacant la pseudosphère de 
Beltrami par une autre surface, également à courbure 
nésative, mais dépourvue de singularités. 

La question vient d'être résolue par la négative : une 
telle surface ne peut exister. 

Nous ne pouvons parler ici des raisonnements par 
lesquels ces différents théorèmes ont été établis. Disons 
seulement qu'ils nous montrent combien la rigueur et : 


5 


202 


CHRONIQUE ET CORRESPONDANCE 


la généralité qu'on a introduites en Analyse dans ce 
siècle sont loin d'être des conquêtes stériles. 

Ainsi les démonstrations de M. Liebmann reposent 
toutes sur l'introduction d'une certaine surface auxi- 
liaire et sur la forme qu'affecte cette surface en un 
quelconque de ses points. Si cette surface était partout 
régulière, les raisonnements tiendraient en quelques 
lignes. Mais il n'en est pas ainsi : la surface en ques- 
tion a toujours des points singuliers. Il faut donc dis- 
cuter ces points et constater en toute rigueur que leur 
présence ne change pas les conclusions que l’on a en 
vue. 

De même. le raisonnement par lequel M. Hilbert 
démontre l'impossibilité d'une surface pseudosphéri- 
que partout régulière exige que la surface soit rappor- 
tée à ses lignes asymptotiques et que l'on discute si, 
dans les conditions où l’on se place, le choix de ce 
genre de coordonnées est légitime. 


$ 2. — Astronomie 


La Comète Giacobini (1900, c). — La dernière 
comète de l'année 1900 a été découverte le 20 décembre 
dernier, à l'Observatoire de Nice, par M. Giacobini, à 
l'aide de l’équatorial coudé de cet observatoire. 

Les observations se succédèrent tant à Nice qu'à 
Alger, par MM. Rambaud et Sy, à l’équatorial coudé de 
0%,318 d'ouverture, et à Besançon, par M. P. Chofardet à 
l'équatorial coudé. 

Ces différentes observations n'ont pas encore permis 
de pousser beaucoup plus avant la connaissance de 
l'orbite, dont les éléments paraboliques ont été tout 
d'abord calculés par MM. Kreutz et Müller (de Kiel), 
puis, plus tard, par M. Campbell, de Mont-Hamilton. 

Le directeur des Astronomische Nachrichten pense 
que cette comète peut présenter un très réel intérêt, 
en raison de son mouvement direct et de la valeur de 
certains de ses éléments qui la rapprochent d'une classe 
curieuse de comètes dont le nombre s’accroit de jour 
en jour. 

C'est également l'avis de M. Perrotin; nous serons 
d'ailleurs bientôt édifiés sur ce point, si l’astre nouveau, 
dont l'éclat va s’affaiblissant, peut néanmoins être 
suivi assez longtemps pour permettre la détermination 
d'éléments ayant pour base un arc de courbe de quelque 
étendue. 

La queue de la comète s'étend en forme de panache 
dans un angle de position voisine de 45° et mesure de 
deux à trois minutes d'arc de longueur dans la lunette 
du grand équatorial de Nice; la nébulosité de la tête, 
régulièrement arrondie, entoure un noyau bien carac- 
térisé, de 11° grandeur environ. 

Cette découverte intéressante fait le plus grand hon- 
neur à M. Giacobini, qui, d'ailleurs, en récompense de 
ses importants travaux, vient de se voir décerner le 
Prix Lalande à l'Académie des Sciences. 

S 3. — Génie civil 

La Locomotive moderne et son avenir. — 
A la dernière réunion de la Société d'Encouragement 
pour l'Industrie nationale, M. Sauvage, le savant ingé- 
nieur des Chemins de fer de l'Ouest, a traité, devant 
un auditoire d'élite, la question des locomotives, qu'il 
connait si bien. Les principaux traits de sa conférence 
si substantielle ont été les suivants : 

La machine locomotive joue un rôle considérable au 
point de vue social, et ses progrès, comme vitesse el 
comme puissance, ont provoqué une véritable révolution 
dans la vie moderne. La construction et la conduite de 
toutes les locomotives existantes occupent plus d’un 
million de personnes. Il esttrès difficile d'établir le prix 
de revient réel d'une machine en service. On le rap- 
porte généralement à la tonne kilométrique trans- 
portée ou au voyageur transporté à 1 kilomètre, et on 
S'apercoit ainsi que l’on n'a pas intérêt à ménager 
outre mesure les organes du cheval de fer pour pro- 


longer son existence, d'autant plus que les besoins 
satisfaire se modifient très vite. Il n'y a pas à propre 
ment parler, depuis l’origine des chemins de fer, de gr 
changements dans les dispositions essentielles di 
machines; la distribution se fait toujours par tiro 
plan, et le changement de marche au moyen de la cow 
lisse, C'est sur une multitude d’autres points, qu 
paraissaient secondaires au début, que se sont port 
les perfectionnements, et chacun d'eux, résultat d’études 
constantes aussi bien en théorie qu’en. pratique 
est venu très utilement contribuer à améliorer Je 
rendement. Ceci prouve, en passant, que l’établisseme 
des principes fondamentaux ne suffit pas pour le déve 
loppement d'une grande invention telle que la machine 
locomotive, et que les multiples ingénieurs qui, tous 
les jours, s appliquent à l'étude d’un détail sont loin de 
faire œuvre vaine. 

En réalité, il n'existe pas de locomotives à très 
grande vitesse, car il faut toujours tenir compte du 
tonnage qu'one machine doit remorquer, tonnage qui 
dépend de l’adhérence et, par conséquent, du poids 
même de cette machine. C'est donc une erreur de cher 
cher à augmenter outre mesure le diamètre des roues: 
Aussi, même dans les machines à grande vitesse, les 
dimensions des roues motrices sont limitées à 2 mètres 
de diamètre. Pour l'étude générale de la machine, il 
semble qu'on puisse passer successivement en revue la 
chaudière, qui produit la vapeur, le mécanisme, qui 
utilise cette vapeur, et le châssis, qui supporte le tout, et 
repose sur les roues. Mais il ne faut pas oublier que la 
locomotive doit être une, et que l'ingénieur qui la cons 
truit fait toujours intervenir simultanément les (rois 
questions, pour que les liaisons entre les différents 
organes ne risquent jamais d'être défectueuses. 

On regrellait beaucoup, il y a vingt ans, que les 
anciens ingénieurs des chemins de fer se soient limités 
au chiffre fatidique de 1"44 pour l’écartement normal 
de la voie, et qu'ils n'aient pas eu l’idée d'adopter 
quelques centimètres de plus, ce qui aurait facilité les 
efforts des ingénieurs actuels, obligés d'augmenter Ja 
puissance des machines. On avait certaizsement tort 
de penser ainsi, car le chemin parcouru depuis cette 
date est considérable, bien que le chiffre de 1244 sub= 
siste toujours; du reste, celui qui fait l'étude d'une 
locomotive n’est pas seulement gêné par le faible écar. 
tement de la voie, car le poids des différents organes 
réparti sur chaque essieu ne doit pas dépasser la limite 
de résistance imposée pour le rail. 

Les chaudières, toujourstubulaires,ne sont plus forcé 
ment comprises entre l'écartement des roues. On les 
dispose carrément au-dessus : on ne craint plus de 
relever ainsi le centre de gravité dans une certaine pro 
portion, et on y trouve même l'avantage d'un certain 
balancement qui alténue les chocs trop violents. Au 
fur et à mesure que la chaudière s'élève, la hauteur de 
la cheminée diminue, et mème elle disparaît presque 
dans les machines anglaises, en raison du gabarit très 
limité des voies. Parmi les locomotives à vaporisation 
puissante, presque toutes en usage maintenant, il con= 
vient de citer la machine Mallet, de la Compagnie de 
l'Est, à qui revient l'honneur d'avoir marqué la pre 
mière cette évolution dans l'histoire des chemins de 
fer. Les tubes qui puisent les calories des gaz du foyers 
et les transmettent à l’eau qui entoure leur surface 
extérieure dans la chaudière, ont diminué en nombre 
et augmenté en diamètre. De plus en plus se répand 
l'usage des tubes Serve, c'est-à-dire de tubes munis 
l'intérieur d'ailettes qui multiplient la surface du métal 
en contact avec les gaz, sans modifier celle qui est baï 
gnée par l'eau. Avec les pressions plus élevées, aux 
quelles on produit la vapeur, les foyers sont devenus 
plas épais ; ce qui est très curieux, c'est la teudance em 
Europe à conserver les foyers en cuivre, tandis qu'en 
Amérique on n'emploie que des foyers en acier. Ges 
derniers présentent évidemment l'avantage d'un poids. 
moindre, et d'un prix moins élevé. Mais leur faible 
épaisseur parait un peu risquée. | 


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CHRONIQUE ET CORRESPONDANCE 


203 


A côté des deux cylindres recevant alternativement 
Ja vapeur de la chaudière, on a essayé le système com- 
pouud, d'abord avec 2 cylindres seulement, puis avec 
3 cylindres, et enfin on s’est arrêté à la solution symé- 


trique des # cylindres, 2 à basse pression, 2 à haute 


“pression, qui présente naturellement l'avantage d'un 


meilleur équilibrage pendant le mouvement. Des tiroirs 
cylindriques remplacent quelquefois les tiroirs plans de 
la distribution. 

Enfin, le châssis se fait différemment en Europe et en 


Amérique. Un assemblage de longerons el d'entretoises 


remplace ici le cadre simple en fer forgé qui seul est 
employé de l’autre côté de l'Atlantique. Il faudrait des 


“expériences pratiques comparatives, c'est-à-dire basées 
sur des conditions identiques de travail, pour établir 


quel est le système le plus durable. Les roues servent 
d'intermédiaires entre le châssis et la voie, etc'est sur- 
tout dans leur disposition, et en vue de la douceur du 
roulement, que les modificalions les plus importantes 
ont été apportées ces dernières années. D'abord, pour 
augmenter l'adhérence de la machine, on accouple 


2, 3,4 et mème 5 essieux. Quelques solutions compor- 
“tent 2 essieux moteurs, permeltant de constituer des 
‘accouplements partiels. Mais ce qui caractérise surtout 


la machine moderne, c'est l'adoption à peu près géné- 
rale du boggqie, qui répartit uniformément le poids anté- 


nieur sur les deux rails,et évite les ripages Gont les 
effets peuvent être si dangereux. Les idées se sont bien 


modifiées au sujet du boggie. On considérait cet organe, 
à l’origine, comme devant servir exclusivement sur les 
lignes secondaires à courbes prononcées, en raison de 
la facilité évidemment réelle avec laquelle sa faible lon- 


gueur lui permet dé s'encadrer dans un arc de petit 


rayon. Il se trouve précisément aujourd'hui que c'est 
sur les grandeslignes à profil très largement étudié, que 
le boggie. présente le plus d'intérêt, et c’est à lui sur- 
tout que l’on est redevable de la sécurité qui permet 
d'aborder les grandes vitesses actuelles. 

Quel est l'avenir réservé à la locomotive ? Son moteur 
à vapeur sera-t-il remplacé à courte échéance par la 
réceplrice électrique, comme nous en voyons déjà 


quelques exemples ? Certes on peut prévoir, au moins 


dans l’état actuel de nos connaissances, que les loco- 
molives à vapeur ne sont pas près de disparaitre, et que 
la question du prix de revient empêchera encore long- 
temps de généraliser l'application si intéressante de 
l'électricité, qui a déjà été faite pour la traction des tram- 


- ways et le remorquage de convois lourdsdans des con- 


ditions limitées de vitesse. A cepropos,oncroit souvent 
à tort que l'électricité fournie par les chutes d'eau ne 


- coûte rien. La chute, en effet, telle qu'elle se montre 


aux yeux du touriste, représente une puissance dont la 
valeur n’est pas utilisée, et qui se perd. Il en est d’elle 
comme de la houille enfouie à quelques centaines de 
mètres au-dessous du sol. Mais, s'il faut aménager cette 
chute pour en tirer parti, de même que l’on extrait la 
houille à grands renforts de travaux, la dépense devient 
très réelle,et même considérable, et la seule différence, 
au point de vue de l'exploitation, entre l'utilisation 
d'une chute d'eau et l'emploi du charbon, est que dans 
le premier cas les frais de premier établissement sont 
très élevés, et ceux d'entretien beaucoup plus réduits. 
La locomotive à vapeur a donc encore de beaux jours, 
et on trouvera le temps de la perfectionner davantage. 

Une centaine de projections, fort bien choisies, sont 
venues ajouter un attrait de plus à la conférence de 
M. Sauvage. On a beaucoup remarqué celles qui mon- 
traient les différents âges, si dissemblables, de la loco- 
motive américaine, comme aussiles vues se rapportant 
au record européen de la rapidité de montage d'une 
locomotive, record tenu il ya quelque temps par les 
ateliers d'Epernay, où en moins d’une semaine une ma- 
chine fut complètement montée, équipée, et mise en 
service. Cette précision et cette rapidité extraordinaire 
de montage font particulièrement honneur à M. Dejean, 


. l'habile ingénieur de ces usines de la Compagnie de 


l'Est. 


Le Gaz à l'eau et ses applications. — Ces 
jours derniers, notre collaborateur M. Emile Demenge 
a fait, devant la Société de l'Industrie Minérale, une 
conférence fort documentée sur le gaz à l'eau et sur 
ses principales applications dans l’industrie. Comme la 
question du gaz à l’eau est à l’ordre du jour et que l'on 
en parle, non seulement comme moyen de chauffage 
dans les usines, mais encore et surtout comme un pro- 
cédé d'éclairage pouvant apporter un contingent utile 
aux anciens appareils producteurs de gaz de houille, 
nous croyons utile de signaler à nos lecteurs quelques 
points de cette conférence, nous réservant de les entre- 
tenir plus longuement de la question dans un article 
de fonds que nous prépare notre collaborateur. 

Le gaz à l’eau est constitué par un mélange de deux 
gaz combustibles : l'oxyde de carbone et l'hydrogène, 
et caractérisé par l'absence de tout gaz inerte, tel que 
l'azote. Son pouvoir calorifique est d'environ 2.800 calo- 
ries par mèlre cube. Sa température de combustion 
dans l'air froid, en tenant compte de la variation très 
sensible des chaleurs spécifiques des corps aux tempé- 
ratures élevées, est de 2030°; tandis qu'avec le gaz Sie- 
mens ordinaire cette température, calculée dans les 
mêmes conditions, ne s'élève qu’à 1500v1, 

Pour produire le gaz à l’eau, les opérations sont inter- 
miltentes. 

Dans une première période, on porte à l'incandes- 
cence, par insufflation d'air, une certaine masse de 
combustible, et, pendant la seconde période, on fait 
passer au travers de celte masse incandescente un 
courant de vapeur d'eau, laquelle est décomposée 
d'après la formule : H°0 + C = CO + H°, en absorbant 
progressivement les calories emmagasinées dans le 
combustible. 11 faut donc, au bout d’un certain temps, 
arrèter le passage de la vapeur et ramener, par un 
nouveau soufflage d'air, l'incandescence dans le com- 
bustible. 

Daus la plupart des procédés, on s'attache, pendant 
la période de soufflage d'air, à obtenir l'incandescence 
tout en produisant une combustion incomplète. Les 
gaz sortant de l'appareil contiennent une certaine quan- 
üté d'oxyde de carbone et sont utilisés postérieure- 
ment à des chauffages quelconques, soit à la produc- 
tion de la vapeur d'eau, soit à son surchauffage. Dans 
ce dernier cas, on leur fait traverser une chambre gar- 
nie de briques placée à la suite du gazogène, et dans 
laquelle de l'air supplémentaire est introduit pour com- 
pléter la combustion. Pendant la deuxième période, la 
vapeur est obligée de passer par cette chambre avant 
d'être introduite dans le gazogène. 

Un seul procédé suit une tout autre voie pendant la 
période de soufflage, et les résultats qu'il donne sont 
si remarquables que la méthode mérite une mention 
particulière. C’est un ingénieur suédois, M. Dellwik, 
qui a imaginé, à l'encontre des idées acquises, de pro- 
duire immédiatement dans le gazogène une combus- 
tion complète. Il arrive à transformer tout de suite 
le carbone en acide carbonique, en réglant convena- 
blement les proportions relatives du coke enfourné et 
de l'air insufflé. On comprend très bien, même sans 
avoir recours au calcul des calories, qu'on développe 
ainsi au ceutre de la masse du coke une chaleur infini- 
ment plus vive,etque, parsuite, on oblient beaucoup plus 
rapidement l'incandescence, en donnant de plus, pour 
ainsi dire, à cette incandescence une plus grande inten- 
sité. Deux conséquences importantes s’en déduisent : 

1° La période de soufflage d'air est extrêmement plus 
réduite qu'avec les autres procédés (1 minute 1/2 au 
lieu de 8 à 10 minutes); 

20 La période de dégagement du gaz à l’eau, qui cor- 
respond au passage de la vapeur, dure beaucoup plus 
longtemps qu'avec les autres procédés (de 8 à 12 mi- 
nutes au lieu de 3 à 5 minutes). 

La conclusion est qu'avec le procédé Dellwik, on 
RME" 2 RE 

1 Voir l'ouvrage de M. Dawour : Le Chauffage Industriel 
et les Fours à gaz, 1898. 


204 CHRONIQUE ET CORRESPONDANCE 


produit 2, 3 mètres cubes de gaz à l'eau par kilo de 
carbone brûlé, en employant un bon coke sec conte- 
nant jusqu'à 10 °/, de cendres, et ayant au moins la 
grosseur du poing. 

Le pouvoir calorifique moyen du gaz à l'eau obtenu 
pratiquement étant de 2.550 calories par mètre cube, et 
1 kilo de carbone développant au maximum 8.080 calo- 
ries, le rendement de l'appareil s'elève donc à : 


2 9.83 
ARRET EN TEE 
8.080 

la vapeur totale, consommée par mètre cube de gaz à 
l'eau produit, se tenant, d'autre part, entre Ok. 80 et 
1 kilog. 

Ainsi, au lieu de rechercher la combustion complète 
en deux fois, à l’aide d'abord d'un gazogène, puis d’un 
régénérateur, le procédé Dellwik l’obtient complète 
immédiatement; les pertes par rayonnement sont 
moindres et l'appareil est beaucoup plus simple, ce qui 
est très appréciable aux points de vue de la construc- 
tion, de l'encombrement et de l'entretien. 

Le gaz à l'eau a des applications multiples, car il 
convient très bien au chauffage, à la production de la 
force motrice et à l'éclairage : 

41° Grâce à la flamme pure, réductrice et très chaude, 
que donne sa combustion, on emploie déjà beaucoup 
le gaz à l'eau pour le réchauffage des métaux facile- 
ment oxydables, pour le soudage des centres de roues, 
des tubes en acier de gros diamètre, et des pièces de 
chaudronnerie de toutes sortes, etc. Dans les ateliers 
modernes de construction, le gaz à l’eau sert au chauf- 
fage des rivets et alimente les nombreux feux de 
forges. Dans les fabriques d’accumulateurs, il donne 
un moyen très efficace pour faire les soudures au 
plomb; dans les grandes aciéries, il est utilisé au 
chauffage des fours à sole et des fours à creusets et 
permet de simplifier considérablement la construction 
et la marche de ces fours. Il en est de même en verrerie, 
en céramique, et dans les fabriques de produits chimi- 
ques. En ua mot, son emploi se répand de plus en 
plus, et l'on compte déjà plus de 40 installations 
Dellwik en Suède, en Allemagne et en Angleterre *; 

20 En ce qui concerne la force motrice, le gaz à l'eau, 
ne donnant à la combustion aucun résidu, présente un 
avantage très appréciable pour l'alimentation des mo- 
teurs. Une consommation de 4 mètre cube suftit 
pour produire un cheval-heure effectif ; 

30 Enfin, pour l’éclairage, le gaz à l’eau, qui n'a pas 
de pouvoir éclairant par lui-même, peut être employé, 
soit à l’état pur sous des becs à incandescence, soit à 
l'état de mélange avec le gaz d'éclairage dans la pro- 
portion de 25 à 30 °/,, et, dans ce dernier cas, on res- 
titue au mélange son pouvoir éclairant normal par une 
recarburation à l’aide du benzol. 


$ 4. — Chimie 


L’Analyse des Sucres.— Nos lecteurs savent 
que M. Duclaux a organisé à l’Institut Pasteur, sous la 
direction de M. Trillat, une série de conférences desti- 
nées surtout à instruire les jeunes chimistes qui fré- 
quentent le laboratoire d'Analyse et de Chimie appli- 
quées. 

Le 13 février, M. Lindet, professeur à l’Institut 
National Agronomique, à fait une conférence sur l'ana- 
1yse des sucres, à laquelle avaient été conviés les spécia- 
listes qui s'occupent de la question. M. Lindet a montré 
tout d'abord que les sucres, dont le chimiste adminis- 
tratif, industriel ou commercial, doit se préoccuper, sont 
peu nombreux. Ils présentent des propriétés communes, 
quelquefois avec des intensités semblables, quelque- 


3 Rapport de M. Derzwix à l’Jron and Stœl Institute, 
Mai 1900. Ouvrage de M. Drcke : Dellwik-leischers Was- 
sergas System und seine Anwendungen. Frankfurt à M. 
Juillet 1899. 


fois avec des intensités différentes. Ces dernières sont 
les seules que le chimiste puisse utiliser dans lan 
recherche des sucres; elles sont au nombre de deux, 
le pouvoir rotatoire et le pouvoir réducteur vis-à-vis dem 
solutions alcalines de cuivre; mais chacune d'elle 
se dédouble, du fait de la transformation ou inver= 
sion des sucres par le chauffage en présence des 
acides. 

Le conférencier, après avoir indiqué.les procédés dem 
défécation au sous-acétate de plomb et au sulfate de 
bioxyde de mercure, a exposé ces deux propriété fon- 
damentales des sucres, montré qu'elles varient d'un 
sucre à l’autre, et fait voir comment on peut profiter 
de ces variations pour doser chacun d'eux. Puis il à 
discuté les procédés dits d'inversion. Il a terminé l'en 
tretien en donnant quelques exemples de calculs 
appliqués à l'analyse des mélanges de saccharose, de 
maltose, de dextrose et lévulose, aux mélanges de dex= 
trine et de maltose, de dextrine et de dextrose. 

M. Lindet s'est préoccupé surtout non pas de dis- 
cuter les nombreux résultats obtenus par différents pro- 
cédés, résultats souvent contradictoires, mais de 
donner aux jeunes chimistes du laboratoire, qui devien- 
dront bientôt des praticiens, une méthode simple et 
débarrassée de petits procédés accessoires qui ralen- 
tiraient son exécution et ne la rendraient pas plus 
exacte. 


$ 5. — Zoologie 


Hermaphrodisme et Parthénogénèse chez 
les Nématodes. — On sait que les Nématodes, qui 
comptent environ 4.600 espèces, ont presque toujours 
les sexes séparés, sauf quelques rares exceptions. Mau- 
pas vient de publier un travail des plus intéressants ?, 
aussi rempli d'idées que rigoureux dans l'observation, 
dans lequel il étudie spécialement l’hermaphrodisme 
et la parthénogénèse des Nématodes. A la liste des 
18 espèces chez lesquelles on ne connaît pas de mâles, 
Maupas ajoute encore 16 espèces; sur ces 35 espèces, . 
25 sont hermaphrodites et 9 parthénogénétiques, et il 
est probable, vu la grande quantité d'espèces chez 
lesquelles les mâles sont inconnus, que ces nombres 
s’accroitront beaucoup dans la suite. Par leur morpho- 
logie et leur biologie, ces Nématodes unisexués ne se 
distinguent en rien de leurs congénères à deux sexes 
séparés; tous, ovo-vivipares ou ovipares, se présentent 
avec l'aspect général et la conformation ordinaire des 
femelles ; la modification s'est donc produite unique- 
ment sur l'organe génital, qui n'est d'ailleurs modifié 
que dans son fonctionnement. 

Chez les espèces hermaphrodites, l'organe génital, 
arrivant à maturité, commence d'abord par fonctionner 
comme testicule et produit une certaine quantité de 
sperme, emmagasiné dans un appendice de l'utérus, 
jouant le rôle de réceptacle séminal. Puis les œufs se 
développent, et lorsqu'ils sortent de l'ovaire pour se 
rendre dans l'utérus, ils traversent la poche à sperma- 
tozoïdes et sont fécondés. Il y a donc hermaphrodisme 
protandrique et fécondation autogamique dans le sens 
le plus strict du mot, toute fécondation croisée étant 
interdite à ces Nématodes. Mais il y a un défaut d'har- 
monie manifeste entre l’activité masculine et Pactivité 
féminine de ces hermaphrodites, puisque, quand le 
stock de spermatozoïdes est épuisé (entre 200 et 250 œufs 
fécondés), la femelle continue à pondre au moins 
:00 œufs, qui ne sont plus fécondés et se désorganisent 
rapidement ; cet état est donc défavorable à l'espèce et 
ne peut pas être une adaptation saisie et fixée par la 
sélection naturelle . 

Mais les mâles ne sont pas complètement absents; ils 
sont seulement très rares; pour 10.000 femelles de 
Rhabditis Viquieri, il y a 450 mâles; pour le même 
nombre de femelles de Diplogaster robustus, ily à seu- 
lement un mâle: d'autres espèces présentent des étages 


! Modes et formes de reproduction des Nématodes (Arch. 
Zool. exp., 3° série, t. VIII, 4900, p. 463). : 


- intermédiaires entre ces deux extrêmes; ces mâles 
 rarissimes sont d'ailleurs parfaitement normaux au 
“point de vue structural, et leur spermatozoïdes sont 
identiques à ceux de leurs femelles hermaphrodites. 
Mais ils ont perdu à peu près totalement tout instinct 
… ettout appétit sexuel; ils ne s'occupent pas plus des 
femelles que si elles étaient des corps inertes, fait 
… d'autant plus singulier que, chez les espèces dioïques 
normales, les mâles sont très ardents a la recherche 
- des femelles, et ces dernières absolument passives. 
Maupas explique cette décadence psychique par la non 
transmission héréditaire de l'instinct copulateur mâle, 
puisque les quelques mäles qui réapparaissent acci- 
dentellement ne prennent plus part à la procréation 
des générations successives. 

. On assiste donc chez les Nématodes à une élimina- 
tion progressive du sexe mâle; chez Rhabditis Viqureri, 
il existe un mélange de mâles purs, de femelles pures 
(1/5 des femelles), et de-femelles hermaphrodites (les 
4/5 des femelles), qui tous trois ont leurs facultés gén6- 
-siques intégrales ; à l’autre extrémité de la série, les 
mâles sont seulement des témoins de l’ancienne dioi- 
cité; ils ne jouent littéralement aucun rôle et méritent 
bien, comme les mäles complémeutaires des Saccu- 
lines, la dénomination de mäles ataviques. L'herma- 
phrodisme s'est développé uniquement sur la forme 
- féminine des espèces, comme le prouve l'étude des 
organes génilaux, qui affectent toujours la disposition 
typique des femelles et jamais celle des mäles, con- 
clusion qui s'accorde avec ce que l’on sait pour les 
Crustacés, Poissons et Mollusques hermaphrodites; il 
semble qu'il y ait là une loi générale et que l'état 
bisexué de la glande génitale ne trouve un terrain favo- 
rable à son développement que chez les individus ayant 
déjà subi uue différenciation sexuelle somatique dans 
le sens femelle. Cependant l’hermaphrodisme du type 
mäle n'est pas impossible à rencontrer; plusieurs 
auteurs, et Maupas pour Æhabditis elegans, en ont décrit, 
des cas, mais toujours à l’état d'anomalies isolées. 

Enfin, cette production successive de spermatozoïdes 
et d'ovules dans l'ovaire de ces Nématodes, la produc- 
tion d’ovules chez des mâles anormaux de Nématodes, 
Crustacés, Batraciens et Echinodermes, tout cela prouve 
une fois de plus l'identité des cellules germinales mâles 
et femelles; chaque cellule génitale possède en puis- 
sance les deux tendances sexuelles, ou, plus exactement, 
chacune d'elles est neutre et attend la circonstance 
déterminante qui la fera pencher dans un sens ou dans 
l’autre. 

Maupas ne partage pas l'opinion des auteurs qui 
trouvent une corrélation entre la vie sédentaire et 
l’hermaphrodisme; si tous les kermaphrodites se fécon- 
daient par eux-mêmes, cette hypothèse serait évidente, 
: mais l’autofécondation est plutôt rare chez les animaux 
hermaphrodites, de sorte qu'on ne voit pas quelle rela- 
tion pourrait bien exister entre ces deux conditions, 
. puisque, finalement, il y a nécessité, soit de fécondation 
externe, soit d'accouplement. En tous cas, ce que l'on 
sait de l’hermaphrodisme chez les Nématodes, restés 
- libres et agiles, n'est pas favorable à cette générali- 
sation. 


$ 6. — Physiologie 


Les Sérums précipitants.— En étudiant le phé- 
nomène de l'hémolyse sous l'influence des sérums, et 
de l’agglutination des hématies qui en est en général le 

prélude, M. Bordet a attiré l'attention des biologistes 
. sur un fait intéressant, dont l'importance théorique et 
pratique nous apparaît chaque jour plus grande. 

En injectant dans le péritoine du lapin, à plusieurs 
reprises, quelques centimètres cubes de sang défibriné 
de poule, on communique au sérum du sang de ce 
» lapin un certain nombre de propriétés qu'il ne possé- 
dait pas avant les injections auxquelles l'animal a été 
soumis. Si l'en mélange le sang défibriné de la poule 
et le sérum normal du lapin dans des proportions quel- 
conques, on ne conslate dans ce mélange ni agglutination 


CHRONIQUE ET CORRESPONDANCE 


205 


ni dissolution des hématies, ni précipitation du sérum. 
Si l'on mélange le même sang défibriné de poule et le 
sérum du lapin soumis aux injections intrapéritonéales 
de sang de poule, on constate, pour des proportions 
convenables des deux liquides constituant le mélange, 
une agglutination etune dissolution des hématies et une 
précipitation du sérum. Cette même précipitation se 
produit si l'on mélange du sérum de poule et du sérum 
de lapin soumis aux injections intrapéritonéales de sang 
de poule; elle ne se produit point si l'on mélange du 
sérum de poule et du sérum de lapin normal. C’est une 
propriété acquise; mais cetle propriété n'esl acquise 
que pour le sérum de la poule ; le sérum du lapin actif 
vis-à-vis du sérum de la poule est inactif vis-à-vis des 
sérums d'autres animaux. 

En injectant à plusieurs reprises, dans le péritoine de 
lapins, du lait, on obtient, au bout de quelque temps, 
chez ces animaux, un sérum doué de la propriété de 
précipiter le lait. Si, dans un tube, on verse 3 centi- 
mètres cubes de ce sérum, et dix à quinze gouttes de 
lait, on voit apparaitre dans le mélange des grains très 
fins, qui grossissent peu à peu, et se transforment en 
flocons qui, suivant que le lait est écrémé ou normal, 
tombent au fond, ou montent à la surface du mélange. 
Le mélange de lait et de sérum de lapin normal, dans 
les mêmes proportions, demeure opalescent et sans 
trace de précipitation. 

En immunisant des lapins, des cobayes, des chiens 
et des chèvres contre le sérum toxique d’anguilles, 
par injections progressives et répétées de ce dernier, 
M. Tchistovitch a obtenu chez ces animaux des sérums 
qui, mélangés in vitro au sérum d’anguille, en produisent 
la précipitation. 

MM. Bordet et Tchistovitch avaient, dans leurs travaux, 
signalé les proprétés précipitantes que peuvent acquérir 
les sérums, en indiquant en même temps que cetle 
précipitation ne se produit que vis-à-vis de la liqueur 
qui à servi aux injections, et pour l'espèce animale qui 
a donné celte liqueur. Mais ils n'avaient pas insisté sur 
cette notion de spécificité de leurs sérums. Ces sérums 
nous apparaissent aujourd'hui comme doués d’une 
double spécificité : 1° ils ne précipitent que l'espèce chi- 
mique ou les espèces chimiques contenues dans les 
liqueurs qui ont servi aux injections : si l’on fait des 
injections de sérumglobuline à plusieurs reprises, on 
obtient un sérum capable de précipiter la sérumglo- 
buline, mais non pas la sérumalbumine, mais non pas 
la caséine, etc. ; 2° ils ne précipitent cette espèce chi- 
mique que si elle provient de l'espèce animale à laquelle 
on à emprunté la substance injectée. Si l'on injecte du’ 
sérum de poule au lapin, le sérum de ce lapin acquiert 
la propriété de précipiter le sérum de poule, mais non 
pas ceux du cobaye, du chien, du cheval, de l'oie, etc. 
Ces notions, déjà indiquées par M. Nolff, se sont pré- 
cisées chaque jour davantage, à mesure que les travaux 
sur ces intéressantes questions se sont faits plus nom- 
breux. 

MM. Leclainche et Vallée font une application de ces - 
notions à la chimie clinique. En injectant pendant plu- 
sieurs jours de suite, dans les veines d'un lapin, de 20 à 
30 centimètres cubes d'uneurine humaine, albumineuse, 
contenant environ 2 grammes d’albumine par litre, ils 
ont obtenu chez ce lapin un sérum qui, mélangé à 
une urine albumineuse, en détermine la précipitation. 

M. Uhlenhuth, en injectant dans le péritoine du lapin 
des solutions concentrées d'ovalbumine de poule, a 
obtenu un sérum capable de précipiter les solutions 
d'ovalbumine de poule, même extrèmement diluées, 
incapable de précipiter les solutions d’ovalbumine 
d’autres oiseaux, permettant par conséquent de carac- 
tériser cette ovalbumine. 

M. A. Schütlze, en injectant sous la peau de lapins, à 
six ou huit reprises espacées de trois à quatre jours, 
10 à 20 centimètres cubes de lait de vache chaque fois, 
obtient un sérum précipitant le lait de vache, mais 
ne précipilant pas le lait de chèvre ou le lait de femme; 
— en injectant le lait de femme, il obtient un sérum pré-: 


206 


À 


CHRONIQUE ET CORRESPONDANCE 


cipilant le lait de femme, mais ne précipitant pas le 
lait de vache ou le lait de chèvre; — en injectant du 
lait de chèvre, il obtient un sérum précipitant le lait de 
chèvre, mais ne précipitant pas le lait de vache ou le 
lait de femme. M. Schütze en conclut que lies caséines 
de ces divers laits ne sont pas identiques. Nous ne com- 
baltons pas cette conclusion, mais elle est certaine- 
ment prématurée, car rien ne prouve à l'heure pré- 
sente que la nature du milieu dans lequel se fait la 
précipitation ne soit la cause des résultats différents 
observés; rien ne prouve que ce n'est pas aux variations 
de ce milieu chez les divers animaux qu'il faut rap- 
porter les différences observées. Vraisemblablement la 
conclusion de M. Schülze sera vérifiée; mais il est 
resrettable d'entendre émettre des conclusions ainsi 
prématurées. M. Schütze a constaté encore que le sérum 
capable de précipiter le lait de vache ne peut plus le 
précipiter aussi bien, aussi abondamment, quand ce lait 
a été maintenu à l’autoclave pendant une demi-heure, 
à une température qu'il n'indique pas. 

M. Uhlenhuth enfin, en injectant dans le péritoine du 
lapin du sang défibriné de bœuf à huit jours d’inter- 
alle, et à plusieurs reprises, a obtenu un sérum capable 
de précipiter le sang de bœuf dilué au 100°, sans pré- 
cipiter le sang du cheval, de l'âne, du porc, du bélier, 
du chien, du chat, du cerf, du lièvre, du cobaye, du 
rat, de la souris, du lapin, de la poule, de l’oie, du 
pigeon, de l'homme. En injectant de même à des 
lapins du sang d'homme, M. Uhlenhuth a obtenu un 
sérum précipitant le sang d'homme, et lui seul, ne pré- 
cipitant le sang d'aucun des animaux ci-dessus nom- 
més. La réaction est d'ailleurs extrêmement sensible; 
il suffit de traces de sang, diluées dans une grande 
quantité d’eau, pour la manifester. Il y a plus : M. Ühlen- 
buth, reprenantpar l'eau salée physiologique des taches 
de sang humain vieilles de quatre semaines, a obtenu 
une liqueur précipitant par son sérum de lapin pré- 
paré avec le sang humain ; — tandis que les liqueurs 
obtenues en partant de taches de sang de bœuf et de 
cheval ne précipitent pas par ce même sérum. C’est là 
une applicalion ingénieuse des faits que nous venons 
de signaler à la Médecine légale. 

M. Uhlenhuth annonce qu'il utilisera la même mé- 
thode pour rechercher si le sang du cheval est iden- 
tique au sang de l’âne, si le sang de l'homme est iden- 
tique au sang du singe. Ce sont là des faits intéressants 
à connaitre, sans doute, mais qui nous paraissent secon- 
daires à côté des nombreuses questions de toute pre- 
mière importance que cette méthode nouvelle de diffé- 
renciation des substances albuminoïdes nous permettra 
de résoudre. 


$ 7. — Congrès 


Le cinquième Congrès international des 
Physiologistes. — Le Congrès international des 
Physiologistes, qui a lieu tous les trois ans, doit se réu- 
nir cette année à Turin du 17 au 21 septembre. Il sera 

-présidé par notre éminent collaborateur, le professeur 
Angelo Mosso. 

En même temps, se tiendra une Exposition d'appa- 
reils scientifiques intéressant la Physiologie; elle 
restera ouverte du 1# au 23 septembre. La Station 
zoologique de Naples y exposera les animaux marins 
les plus utiles pour la Physiologie comparée. 

Les séances des 17, 18, 19 et 20 septembre seront 
remplies par les travaux ordinaires du Congrès (com- 
munications et démonstrations). La journée du 21 sep- 
tembre sera consacrée à des séances plénières d'intérêt 
général, dans lesquelles seront discutés en particulier 
les premiers résultats obtenus par la Commission inter- 
nationale de contrôle des instruments enregistreurs et 
d'unification des méthodes en Physiologie. On se rap- 


pelle que cette Commission fut nommée en août 1898, 
au Congrès de Cambridge, à la demande de M. Marey: 
Cette Commission, composée de MM. Bowditch, von 
Frey, Hürthle, Kronecker, Marey, Mislawsky, Mosso et 
G. Weiss, s'est réunie pour la première fois, du {°° au 
8 septembre, à la Station physiologique de Paris. 

Elle s’est d'abord assuré l'appui moral et matériel 


de l'Association internationale des Académies. D'autre 


part, le Gouvernement français lui a accordé une sub- 
vention de 50.000 francs pour faire construire, à la Sta- 
lion physiologique, un bâtiment dans lequel s'exécute- 
ront les recherches comprises dans son programme. 
Enfin, la Commission a senti la nécessité de s’adjoindre 
quelques membres nouveaux; MM. Fredericq, Chauveau 
et Cornu ont déjà été désignés. 

Les premières recherches de la Commission lui ont 
permis de formuler dès à présent quelques principes, 
que les physiologistes auront le plus grand intérêt à 
adopter. Ce sont les suivants : 

IL est désirable que, dans les tracés que l'on publie, 
les temps soient représentés par des unités métriques, 
c'est-à-dire que la seconde y corresponde au centimè- 
tre, à ses multiples ou à ses sous-multiples. Les tracés 
devront toujours se lire dans le sens de l'écriture ordi- 
naire, c'est-à-dire de gauche à äroite. La reproduction 
topographique des tracés devra se faire par des procé- 
dés dérivés dela photographie, c’est-à-dire sans l’inter- 
vention de la main du graveur. Les temps seront tou- 
jours tracés au chronographe, celui-ci inscrivant en 
même temps que les autres styles traceurs. Les leviers 
inscripteurs ne doivent pas avoir de période d'oscillation 
propre, capable d'altérer la forme des tracés. Dans les 
cas nombreux où le mouvement doit être transmis à 
distance au levier qui l’enregistre, il faut que les orga- 
nes de transmission de ce mouvement l’altèrent le 
moins possible. Il y a lieu de recommander aux con- 
structeurs d'employer, autant que possible, des ma- 
tières inaltérables dans la confection desappareils trans- 
metteurs et traceurs. 

Les unités de temps choisies devront être la seconde, 
la minute, l'heure; les divisions de la seconde seront 
décimales. Dans la mesure des températures, on adop- 
tera toujours le degré centigrade ; l'unité de chaleur 
sera la calorie. Pour les mouvements provoqués par les 
excitations électriques, il est indispensable qu'une en- 
tente s'établisse entre les physiologistes relativement à 
l'unité d'excitation ; celle-ci devra ètre rattachée aux 
unités C. G. S. ILest à désirer que les tracés portent le 
signal du début et de la fin des excitations télanisantes, 
ainsi que du nombre de ces excitations. 

M. Marey a montré à la Commission comment la chro- 
nophotographie complète et étend les applications de 
la méthode graphique, comment elle s'applique à un 
très grand nombre de phénomènes dont on ne pourrait 
autrement fixer les phases, et comment, grâce aux in= 
dications chronographiques qu'elle renferme, cette mé- 
thode peut se combiner avec les autres procédés d’in- 
scription physiologique et même s’identilier à eux. Au 
prochain Congrès, M. Marey développera les applica- 
tions diverses de cette méthode. 

Il a aussi semblé à la Commission qu'il serait dési- 
rable d'établir une entente parmi les physiologistes re- 
lativement à la manière d'exprimer, par les courbes, 
les résultats obtenus par les observalions successives 
des divers phénomènes, et sur le choix des variables 
qui seraient représentées sur chacune des coordonnées. 

La Commission internationale se réunira de nouveau 
à Santa Margherita, près de Gènes, le 15 avril prochain, 
et préparera les communications qu’elle compte faire 
au Congrès de Turin. 

Les adhésions au Congrès sont recues par M. le D° 
Z. Trèves, secrétaire local, 30, Corso Raffaello, Turin. 


# 
M4 
% 


| 
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ARMAND GAUTIER — LE ROLE DE L'ARSENIC CHEZ LES ANIMAUX 


207 


L’EXISTENCE NORMALE ET LE ROLE DE L’ARSENIC 


CHEZ LES ANIMAUX 


t 

Les découvertes ne sont pas le fait du hasard. 
“Le plus souvent elles se préparent et mürissent 
Jentement dans les consciences en travail de toule 
une génération d'hommes. Quelquefois elles sem- 
“blent surgir spontanément et tout à coup de la 
pensée de celui qui les crée ; mais, en réalité, dans 
Ce cas encore, leur éclosion a élé précédée d'une 
Jongue période d'élaboration. La découverte que 
“je vais exposer n'échappe pas à cette règle : comme 
“par une subite intuition, une vision de l'esprit, 
j'entrevis, vers la fin de 1898, l'existence de l’ar- 
Senic dans la glande thyroïde, et j'en avais acquis, 
bientôt après, la preuve expérimentale ; mais, de- 
puis deux années, le rôle de cet élément dans la 
Nalure, sa présence, que je venais de constater 
dans les roches anciennes, les eaux de la mer, 
les plantes de la grande famille des Algues, le mé- 
Canisme lui-même de l’action thérapeutique et 
physiologique de l’arsenic, occupaient ma pensée. 
Dès mes recherches de 1897 sur l'emploi des caco- 
dylates dans les maladies consomplives, j'avais été 
“rappé des surprenants effets de l’arsenic orga- 
ique, et peu à peu s'était fait en moi un travail 
latent qui m'amenait à celle conviction que cet 
élément, pour arriver à exciter à un si haut degré 
le fonctionnement des lissus et l'assimilation, pour- 
rait bien, passagèrement du moins, faire partie de 
quelques-uns de nos organes. Dans ce cas, où le 
chercher, sinon à côté de cet iode dont je le voyais 
si souvent accompagné dans la Nature ? C'est ainsi 
que je fus amené, peu à peu et presque inconsciem- 
ment, à considérer d'abord l’arsenic comme pos- 
ible dans l'économie, puis comme probable dans 
la glande thyroïde, où je le trouvai en novembre 
1898. 

Cette découverte allait contre toutes les idées 
reçues. Comment admettre, chez les êtres vivants, 
lexistence non pas transitoire, mais nécessaire, 
d'un élément qui par sa toxicité même parait 
ncompatible avec la vie? Les toxicologistes de 
tous les pays ne s'étaient-ils pas assurés des mil- 
liers de fois, au cours de leurs expertises, que cet 
“élément n'existe pas dans nos organes? L'arsenic 
que je venais d'entrevoir ainsi dans une glande 
thyroïde de chien, n'y était-il pas plutôt contenu 
passagèrement, amené par les hasards de l'ali- 
mentation ? Comment, d'ailleurs, supposer qu'il 
_ puisse se localiser dans tel ou tel organe, alors 
qu’ on ne l'a jamais rencontré dans le sang? Il 


5 agissait de centièmes de milligramme; cette trace 


k 


L 


d'arsenic que j'avais cru retirer d’une thyroïde 
n'était-elle pas venue du dehors ? Partout, dans 
nos laboratoires on trouve du fer : nos fourneaux, 
la plupart de nos instruments, les charpentes de 
nos hottes en sont formées; les parcelles d'oxyde 
qui s'en détachent sont généralement arsenicales. 
Nos réactifs eux-mêmes peuvent-ils nous laisser 
la complète certitude qu'ils sont tous absolument 
exempls d'arsenic ? 

C'est ainsi qu'ulors que j 
premier anneau d'arsenic retiré d'une glande thy- 
roïde, commença pour moi l'angoissante période 
d'inquiétudes et de doutes qui précède si sou- 
vent la complète satisfaction que donne la certi- 
tude. C'est le moment où le corps et l'esprit se 
fatiguent à la fois; où l'on craint tout, jusqu'à la 
la malveillance; où l’on surveille la poussière qui 
vollige, le réaclif déjà vérifié, la main qui le verse, 
où l'on essaie de contrôler 


‘avais déjà en main le 


le vase qui le recoit; 
sa méthode par une méthode nouvelle, 
infidèle ; où le résultat vous échappe, où le doute 
revient, où l'on recommence loul, péniblement, 
anxieusement, jusqu'à ce qu'enfin surgisse en l'es- 
prit une conséquence imprévue, nécessaire, véri- 
fiable par une expérience simple, indiscutable, qui 
coupe court à toute réplique et entraine la convic- 
tion définitive. Ceux qui ont fait cetle chimie des 
millionièmes comprendront ce qu'a eu de pénible, 
pour celui qui la subissait, l'obligation ou d'aban- 
donner une découverte qu'il sentait comme faite, 
ou de proclamer un fait si surprenant qu'il allait 
paraitre d'abord presque absurde. 


souvent 


La thyroïde est une glande vasculaire, sans con- 
duit excréteur, composée de deux lobes ovoïdes, 
situés à la partie antérieure et inférieure du larynx. 
C'est elle qui s'hypertrophie dans le goitre. Pres- 
que jusqu'à ces dernières années, on ne savait à 
peu près rien de ses fonctions et de sa composi- 
tion, et l’on fut très surpris d'apprendre, en 1895, 
que Baumann y avait trouvé de l’iode en quantité 
notable. 

On sait aujourd’hui que cette glande agit, par ses 
sécrétions internes, sur la nutrition des cellules, 
en général, et, plus particulièrement, sur celle de 
la peau. 

Chez l'homme, les deux lobes de la thyroïde 
pèsent, réunis, 21 grammes environ. J'y ai trouvé 


208 


ARMAND GAUTIER — LE ROLE DE L'ARSENIC CHEZ LES ANIMAUX 


en moyenne 0,15 d'arsenic, soit la cent-quarante 
millième partie du poids de l'organe. Par quelle 
méthode délicate peut-on ainsi, non seulement 
déceler, mais préciser de si faibles quantités d'un 
élément comme perdu dans cent quarante mille fois 
son poids de substances étrangères ? J’essaierai 
de le faire comprendre au lecteur en quelques mots. 

Lorsque, dans une expertise légale, le chimiste 
doit rechercher l’arsenic dans les organes, il faut 
qu'il renonce à utiliser directement toutes les 
caracléristiques physiques ou chimiques de cet 
élément. Il est devenu latent et toutes ses proprié- 
tés ordinaires ont disparu par le fait de son union 
avec les principes de nos tissus. Il faut donc, au 
préalable, détruire les substances auxquelles l’ar- 
senic est mêlé ou combiné, mais de façon à éviter 
toute perte, par insolubilisation ou volatilisation, 
des moindres traces de cet élément. J'ai donné, 
en 1876, une méthode qui remplit bien ce deside- 
ratum ’. Elle consiste à détruire la matière des 
organes successivement par les acides nitrique, 
sulfurique, puis encore nitrique. On arrive ainsi 
à détruire la matière animale en empêchant toute 
perte d’arsenic, particulièrement à l'état de chlo- 
rure. Finalement, il reste une liqueur acide et un 
peu de charbon poreux. On délaie dans l'eau 
bouillante, on filtre et l’on précipite l’arsenic à 
l'état de sulfure par un courant prolongé d'hy- 
drogène sulfuré. Les moindres traces de ce métal- 
loïde sont dès lors condensées dans ce faible pré- 
cipité, qu'on lave et met à digérer dans une 
solution faible de carbonate d'ammoniaque. L’ar- 
senic se dissout, à l'exclusion d’une certaine quan- 
lité de soufre et d’autres impuretés; par évapora- 
tion de la liqueur filtrée, il reste un peu de sulfure 
d'arsenic, qu'on oxyde par l'acide nitrique, puis 
sulfurique. En opérant ainsi, les moindres traces 
de ce métalloïde arrivent à être condensées, à l'état 
d'acide arsénique, dans les quelques gouttes in- 
colores d'acide sulfurique qui restent au fond de 
la petite capsule où l’on opère. On étend d'eau et 
verse dans l'appareil dit de Marsh. C’est un appa- 
reil producteur d'hydrogène, où l'arsenic, introduit 
à l’état oxydé, se transforme intégralement, si l'on 
suit une pratique convenable, en hydrogène arsé- 
nié volatil, qu'entraine le courant d'hydrogène. Le 
gaz traverse, au sortir du flacon, où il se produit un 
tube de verre étroit porté au rouge où l'hydrogène 
arsénié, décomposé par la chaleur, dépose son 
arsenic métallique sous la forme d’un anneau gris 
noirâtre. 

En opérant avec les précaulions que j'ai autre- 
fois indiquées *, on peut ainsi retrouver 05,02 

! Annales de Chimie et de Physique, 5° sér., t. VIII, p. 384. 


? Voir loc. cit. et aussi Compt. rend. Acad. Sciences 
pour 1899, t. CXXIX, p. 936. 


d'arsenic en 200 grammes de substance primitive 
c'est-à-dire la trace d’arsenic contenue dans 10 mil 
lions de fois son poids d'organes. Il reste, pour 
apprécier les faibles poids d’arsenie recueilli 
chaque fois, à comparer ensuite l'anneau obte 
à une gamme d'anneaux types provenant de poi 
connus d'acide arsénieux versé dans l'appareil di 
Marsb. 

II est presque inulile d’ajouter que tous les 
réactifs doivent avoir été, au préalable, essayés suk 
des quantités égales au moins à celles où ils de 
vront être employés. 

C'est muni de celle méthode délicate, perfe 
lionnée encore au cours de ce long travail, que 
j'abordai la recherche de l’arsenic normal chez les 
animaux. 


IT 


Les seuls organes de l'économie où j'ai trouvé 
l’arsenic sont : 

La glande thyroïde ; 

Le thymus ; 

La mamelle ; 

La peau et ses appendices ; 

Les os 

Enlin, et d'une facon qui m'a paru intermit 
tente, le lait et le cerveau. . 

Tous les autres tissus, glandes et humeurs de 
l'organisme, y compris le sang, sont entièrement 
dénués d'arsenic. Nous verrons tout à l'heure qu'ik 
est cependant un cas où le sang peut en contenit 
normalement. 

Chez l'homme, de la glande thyroïde, le plus riche 
des organes en arsenic, j'ai retiré OE,15 d'arsenic. 
Cet élément est constant à l’état physiologique. 

J'ai trouvé par kilogramme de glande fraiche : 


D 


Homme. 7,5 milligrammes. 
Porc ee RÉ cue A} — 
MOUTON ESC ES D 5 — 


Par rapport au poids total d'un adulte pesant 
68 kilogrammes, en, moyenne, 06,15 d’arsenic re- 
présentent un quatre cent cinquante millionième 
(50:00:00 1 ) de la masse du corps! Cette quantité 

450.000.000 
suffit pourtant pour que la glande, fonctionnant 
normalement, la santé se maintienne. Et cette dose 
suffisante est nécessaire, car il n’y a pas de thy= 
roïde sans arsenic, et pas de santé sans thyroïde. 

La constalation de l'influence certaine qu'un élé- 
ment, quel qu'il soit, peut ainsi exercer, à ces 
doses infinitésimales, sur le fonctionnement vital, 
n'est peut-être pas le moins surprenant résultat de 
ces recherches. 

J'ai reconnu que l’arsenic n’est pas contenu dans 
toutes les parties de la glande. Il entre dans la 
constitulion de ces substances phosphorées qu'on 


ARMAND GAUTIER — LE ROLE DE L'ARSENIC CHEZ LES ANIMAUX 


209 


appelle les nucléines, substances qui constituent 


| urtout les noyaux des cellules: 1 gr. 2 de ces 


conviction. 

- En même temps, je remarquais que ces nucléines 
arsenicales entrainent avec elles la presque totalité 
de l’iode de la thyroïde. 

Il restait donc établi que dans cette glande exis- 
tent une ou plusieurs nucléo-protéides arseni- 
cales. Elles s’y trouvent toujours à l’état de santé ; 
elles diminuent ou se modifient dans certains états 
pathologiqués. Elles semblent présider à certaines 
fonctions spéciliques; nous y reviendrons tout à 
l'heure. 
lai constaté que l’arsenic existe aussi dans 
elques autres organes. Si nous les rangeons 
près l’ordre décroissant de leur richesse en cet 
élément, nous aurons : 


Arsenic en milligrammes par Kilogramme d'organes frais. 


Glande thyroïde humaine . 7,5 
de porc. . 3,2 
Mamelle de vache. . . . . 1,3 — 
HSE EC de CC LU 10,15 
Poils, cheveux et cornes. . ) 


ÿ milligrammes. 


Peau . traces 


(OS LS SRE EEE - (décroissantes. 
Atte  - T4) 
DIERVEAUE MEL nee à Me à 


HESTICUHLEAMEN EN AH iioutes 


Tous les autres organes ont été trouvés exempts 


Pas davantage dans le rein (porc), ni dans les 
glandes salivaires (250 gr. provenant du bœuf) ; 
Le pancreas de bœuf (250 gr.) n’en a fourni 
lune trace douteuse, inférieure au sept mil- 
ionième du poids de l'organe. 

Les muqueuses stomacale et intestinale, le tissu 
cellulaire sous-cutané, les glandes lymphatiques, 
8 poumon, les capsules surrénales (250 gr.), la 
moelle osseuse des jeunes animaux, en sont entiè- 
rement exempts. 

J'ai recherché l’arsenic avec grand soin, et inu- 
ülement, dans le testicule des animaux adultes 
(homme, bouc, cheval); dans la laitance de hareng; 
dans les ovaires et l'utérus de la vache en état de 
vacuité et de gravidité. 

250 grammes de sang de porc défibriné, 
310 grammes de sang humain provenant de sai- 


fourni le plus léger indice d'arsenic. 


…! M. C. Pagel, de Nancy, aurait depuis trouvé une trace 
d'arsenic dans le testicule, 


gnées sur des personnes pléthoriques, n'ont pas 


On n'en trouve ni dans les reins, ni dans les 
urines, même en opérant sur 5 litres à la fois; 
ni dans les malières fécales habituelles (500 et 
250 gr.). 

J'ai reconnu que l'arsenic s'élimine par des- 
quamation épidermique, par les ongles et les che- 
veux, enfin par une toute autre voie dont nous 
allons maintenant parler. 


[IT 


L'observation des effets de l'arsenic organique 
sur l’économie m'avait amené, bien avant ces 
recherches sur l’arsenie normal de l'économie, à 
constater que, par un mystérieux mécanisme, les 
préparations arsenicales agissent à la fois sur !e 
fonctionnement de la peau, la crue des poils et 
des cheveux, et sur la menstruation. 

Chez les femmes malades auxquelles j'avais 
administré quelque temps l'arsenic sous forme de 
cacodylates, la chevelure devenait plus longue, plus 
épaisse, la peau se débarrassait de ses éphélides, 
pigments et autres signes de déchéance, et les 
règles, plus abondantes, au lieu de se produire par 
périodes de vingt-huit à vingt-neuf jours, reparais- 
saient souvent après le 24° ou le 25° jour. 

D'autre part, je savais que, quand il y a dysmé- 
norrhée ou simple retard des époques menstruelles, 
le médicament le plus actif est la teinture d'iode, 
prise à l'intérieur ou même absorbée par la peau. 
Or, je venais d'observer que les cheveux, poils et 
ongles, qui croissent avec le plus d’abondance 
sous l'influence du traitement arsenical, sont pré- 
cisément les organes qui, après la thyroïde, sont 
les plus riches eu arsenic et en iode. 

Puis donc que l'iode et l’arsenic sont simultané- 
ment assimilés par la thyroïde et excrétés par l'épi- 
derme, les poils et les cheveux, il pouvait se faire, 
vu l'influence simultanée que j'observais du traite- 
ment arsenical sur la poussée des appendices de 
la peau et sur le flux menstruel, que celui-ci fût, 
comme la crue des poils et des cheveux, en rapport 
direct avec l'élimination de l'arsenic et de l’iode. 
C'est ce que mes expériences confirmèrent. M. P. 
Bourcet, qui s'était chargé, dans mon laboratoire, 
des recherches relatives à l’iode dans l’économie, a 
complété la preuve pour l'iode. 

J'ai dit plus haut que le sang normal ne contient 
pas d’arsenic, ou du moins, s'il y existe, il serait 
au-dessous de 4 vingt-millionième du poids de la 
liqueur, soit moins de 0#",05 par kilogramme de 
sang. Il en est de même de l'iode; M. P. Bourcet 
a trouvé dans le sang humain à peine 0,025 et 
dans celui de chien 0,036 d'iode par kilo- 
gramme. 

Mais il en est tout autrement du sang mens- 


210 ARMAND GAUTIER — LE ROLE 


DE L’ARSENIC CHEZ LES ANIMAUX 


truel. Ce sang est arsenical et iode. Jai trouvé 
dans le sang des menstrues de 0,17 à 0,33, 
en moyenne 0"E",28 d’arsenic, par kilogramme, et 
M. P. Bourcet évalue à O8", 11 environ, c’est-à- 
dire à 4 fois plus que pour le sang normal, la quan- 
tité d'iode des menstrues chez la femme. 

Une glande thyroïde humaine complète et saine 
contenant environ 06,15 d'arsenic, on voit que, 
si l’on admet une perte moyenne de 400 à 500 gram- 
mes de sang menstruel pour toute une époque, 
il sera ainsi perdu de 0v",12 à 0%6",14 d’arsenic 
sous cette forme. C'est presque la totalité de la 
provision d'arsenic contenue dans la thyroïde avant 
les règles. 

Ainsi, l’arsenic et l’iode réunis dans la thyroïde 
s'éliminent chaque mois régulièrement par les 
menstrues chez la femme, et ce flux à pour origine 
et résultat une sorte de déplétion des principes 
arsenico-iodés fournis par cetle glande, peut-être 
même empruntés partiellement à la peau. 

Après avoir élé élaborées dans la glande thyroïde, 
les nucléo-protéides spécifiques qu'elle forme sont 
en tout temps versées, à petite dose, dans les Iym- 
phatiques et dans le sang, qui les porte aux cellules 
des divers Lissus dont elles excitent la vitalité et la 
reproduction. Mais chaque mois, chez la femme, 
leur excédent passe dans les menstrues pour être 
versé au dehors, sauf le cas où, celle-ci ayant 
concu, ces nucléines sont utilisées à la consltilu- 
tion du nouvel être qui a besoin de phosphore, 
d’arsenic et d'iode sous cette forme éminemment 
plastique. 

On voit maintenant quelest, entre le fonctionne- 
ment de la thyroïde, celui de la peau et de ses 
appendices et la fonction génitale, ce rapport caché 
que m'avaient fait entrevoir mes premières obser- 
valions. 

Mais, avant que j’eusse donné avec évidence, par 
la démonstralion du passage des protéides thyroï- 
diennes arsenicales et iodées de la thyroïde dans 
le flux menstruel, la preuve des relations directes 
qui existent entre les fonctions thyroïdiennes, 
culanées et génilales, la dépendance de ces fonc- 
tions, sinon le mécanisme et la raison d'être de 
leurs rapports, aurait pu résuller de l'examen 
allenlif des fails physiologiques et pathologiques 
déjà connus. 

On savait, en effet, que la glande thyroïde excite 
et régularise la croissance, qu'elle agit sur la nulri- 
tion de la peau et qu'elle est en relation avec le 
développement des organes génitaux. La piéine 
activité de la thyroïde ne se réveille, en effet, qu'à 
la puberté. Sa dégénérescence chez le crétin coïn- 
cide avec l'arrêt de la croissance, l’'infantilisme des 
organes sexuels, les modifications myxædéma- 
teuses de la peau. Gette glande prend un dévelop- 


pement particulièrement rapide chez la femme 
aussitôt après que celle-ci a subi l'influence du 
liquide séminal. Cest une très vieille remarque; 
consignée déjà par Juvenal dans un vers curieux 


de ses Salires : parlant des suites de la nuit de 
noces d’une jeune mariée, il dil : 


… non poterit cras collum cironderec filo 


Nutrix. 
Chez beaucoup de femmes, la glande thyroïd 
s'hypertrophie périodiquement avant l'apparition 
des règles. À la suite de la thyroïdectomie, on peut 
voir survenir une atrophie des organes mäles où 
femelles (Joffmeister:). EL, réciproquement, l'injec 
tion du suc thyroïdien chez l’infantile ou le myxæ 
démateux développe les organes génitaux, l’activité 
assimilatrice générale et l'intelligence; en même 
temps, l'æœdème de la peau disparaît peu à peu, le 
sécrélions cutanées se rétablissent, les poils et les 
ongles repoussent; en un mot, tous les organe 
riches en nucléines, et particulièrement ceux où 
nous avons trouvé l’arsenic et l’iode, sont favora= 
blement influencés par ce suc. 


il s'établit chez elle entre la crue des cheveux, poils: 
et ongles, la perte de sang chaque mois, et la pro 
duclion des nucléines arsenicales de la thyroïde 
une sorte de balancement d'où résulte l’état de 


santé. Mais il convient de se demander comment, 


menstruelle, et comment se passent les choses chez 
les animaux qui n'ont pas d'écoulement sanguin 
au moment du rut. 

On remarquera que presque tous les animaux 
sang chaud sont couverts de poils ou de plumes 
et que les appendices cutanés tombent ou muenl 
après la saison des amours pour se reproduire en | 
suile, grâce aux réserves accumulées, un peu avant 
la nouvelle époque des rapprochements sexuels 
C'est ce qui se passe régulièrement pour les ani® 
maux sauvages: le cerf, le renne, le renard, 
loutre, etc., dont le poil tombe au printemps, et se 
reproduit au début de l'hiver”. C'est-à-dire que 
chez les animaux velus, les protéides thyroï 
diennes, caractérisées à la fois par l'arsenic eb 
l'iode, sont utilisées à nourrir la peau et ses ap 
pendices jusqu'au moment où, ces organes ayant 
alteint leur plein développement, le flux richemen | 
phosphoré de ces protéides spécifiques reflue vers 


1 On dit généralement que ces animaux prennent leur poil 
d'hiver dès qu'il fait froid et le perdent avec la chaleurs 
Ce n'est point là une explication, mais simplement une 
constatation: encore est-elle mal interprétée, car les anis 
maux en stabulation, même chauffés, prennent aussi leu 
poil d'hiver et le reperdent au printemps. 


Je domaine génital, dont il provoque la suractivité. 
Dès lors, la peau et les annexes, qui s’en nourris- 
Stient, sont lentement alteinls de déchéance : les 
poils tombent, ainsi que les bois chez les Cervidés 
“cornes caduques, et la peau elle-même, chez ces 
pèces, est souvent alteinte d'altéralions variées. 
“Chez l'homme, mâle qui n'est pas couvert de 


et la desquamation 
pidermique continue, correspondent, au point 
vue de l'absorption et de l'élimination des 


me, dont la peau lisse et glabre subit moins 
exfoliation, qui n'a pas de poils au visage, et dont 
cheveux ne poussent que fort peu, dès qu'ils 
Ib atteint, à la puberté, leur maximum de déve- 
ppement. 

En effet, tant que se fait chez la jeune fille l'ac- 
oissement de la chevelure, les règles ne se pro- 
sent pas: la menstruation s'établit chez elle à 
poque de la puberté, qui est pour l'homme celle 
la poussée intense du poil et de la barbe. C'est 
poque de la vie où, chez la femme, la pousse 
$ clieveux et poils s'arrête, au contraire; leur 
bulbe recevant, à certaines époques, une quantité 
insuffisante de nucléines arsenicales déviées vers 
flux menstruel, non seulement le poil ou les 
leveux ne poussent plus ou mal, mais il se fait 
ès mues, des chutes de cheveux répondant à la 
rte du poil d'hiver chez les animaux. La plus 
portante de ces mues se produit au printemps; 
e autre a lieu en automne. La plus connue est 
Île qui suit l'accouchement, alors que la mère 
ent de fournir au fœtus le maximum de ces pro- 
téides et nucléines arsenicales essentielles. 

S'il exisle une sorte de suppléance entre la crue 
dés cheveux, des poils et ongles, et les fonctions 
“énilales, la coupe des cheveux, chez la femme, 
à donnant à leur reproduction un essor qui dé- 
rne en partie le flux des nucléines arsenicales, 
ra influer sur les règles. C’est bien ce qui paraît 
produire en effet, d’après l'enquête délicate à 
aquelle j'ai dû me livrer à ce sujet. Les religieuses, 
portent leurs cheveux courts, savent qu'il faut 
iter de les couper aux époques menstruelles. 
une jeune professe entrée depuis peu au cou- 
nt, on coupe par mégarde sa belle chevelure 


issent le lendemain; quelques jours après, elle 
est prise d'accidents cérébraux. Elle avait joui 
sque-là d'une bonne santé. 


ARMAND GAUTIER — LE ROLE DE L'ARSENIC CHEZ LES ANIMAUX 


214 


belle chevelure, a remarqué que ses cheveux devien- 
nent rebelles au peigne, durs, difficiles à coiffer 
quelques jours avant ses mois. Si les règles retar- 
dent on avancent, ce singulier phénomène retarde 
ou avance régulièrement. 

Ces rapports entre la nutrition, le développement 
ou la dégénérescence des appendices de la peau, 
et l’élat des fonctions génitales, ne se remarquent 
pas seulement chez les Mammifères, mais chez 
tous les Vertébrés. Chez l'oiseau, le mâle, arrivé à 
la période de plein développement qui précède 
celle des amours, s’est paré de plumes d'une lon- 
gueur et d'un coloris spécial qui tombent lorsque 
ses fonctions génilales ont épuisé les réserves 
phosphorées ou arsenicales de ses organes spéci- 
fiques. Le héron perd alors son aigrette; le com- 
battant, sa riche collerette; le coq sauvage, les 
longues soies de son cou; l'oiseau de paradis, ses 
belles plumes latérales ; les Mormonidés, Palmi- 
pèdes de l'Océan glacial du Nord, se débarrassent 
alors d'un gros élui corné, coloré en rouge, qui 
entourait leur bec, et de la plaque cornée longitu- 
dinale qui accompagnait chaque paupière. Ces 
phénomènes répondent à la chute du poil d'hiver 
chez les Mammifères velus, et l’on ne sera pas 
tenté d'expliquer iei la chute de ces aigrettes, de 
ces plumes d'ornement, de ces appendices cornés 
en disant que l'oiseau n'a plus besoin de se dé- 
fendre contre le froid. 

Des phénomènes semblables se produisent pour 
la peau et la carapace des Batraciens après l'époque 
des rapprochements sexuels. 

On voit done que, dans un grand nombre de 
classes d'animaux très différents, le développe- 
ment et la dégénérescence de ces appendices cuta- 
nés où j'ai conslaté la présence de l’arsenie est tou- 
jours en rapport avec les fonclions génitales. 

La Pathologie, à son tour, va nous fournir de 
nouvelles preuves de ces relations. 

On sait que plusieurs maladies de peau peuvent 
frapper la femme durant la grossesse : le masque, 
la pigmentation cutanée, les vergetures, le prurigo 
gestativus, la chule des cheveux, etc., aulant de 
témoignages de la déchéance et du manque de 
vitalité du tissu dermique et de ses appendices, 
dont les nucléines spécifiques sont dérivées vers 
le placenta pour la formation des organes arseni- 
caux et iodés du fœtus. 

Certains eczémas, chez la femme, s'exacerbent 
aux époques menstruelles. On sait aussi qu'au mo- 
ment de la ménopause, alors que la glande thy- 
roïde ne peut plus dériver ses produits vers le 
domaine génital el tend à perdre de son énergie 
fonctionnelle, la peau est le siège de diverses alté- 
rations : roséoles, eczémas, poussée de poils. 

Chez les tuberculeux, l’arsenic, ou plutôt la puis- 


212 


ARMAND GAUTIER — LE ROLE DE L'ARSENIC CHEZ LES ANIMAUX 


sance assimilatrice d'où résulte dans la thyroïde la 
formalion des nucléines arsenicales, diminue très 
sensiblement. Aussi voit-on chez ces malades des 
altérations diverses de la peau : les éphélides, la 
pigmentation, l'arrêt de la pousse des ongles, 
la chute des cheveux, souvent aussi des troubles 
menstruels. Tous ces désordres cessent à la fois 
par le traitement arsenical cacodylique. 

Avec l’altération de la thyroïde coïncident, chez 
les myxœdémaleux, les modifications de la peau, 
qui devient sèche et rugueuse, des cheveux et des 
poils, qui tombent ou se raréfient, des organes 
génilaux, qui tendent à s’atrophier. À 

L'ensemble de ces faits peut se résumer en quel- 
ques mots : toutes les nucléoprotéides, ou prin- 
cipes richement phosphorés des noyaux cellulaires 
et des parties les plus nobles des protoplasmes, 
aclivent la vie générale et la reproduction des tis- 
sus. Les nucléoprotéides spécifiques de la glande 
thyroïde, et particulièrement arsenicales, unies à 
des protéides iodées et bromées, sont allirées par 
les organes d'origine ectodermique : la thyroïde, 
le thymus, le cerveau, la peau et ses annexes, qui 
les utilisent à leur entretien. Les protéides arseni- 
cales iodées et bromées d’origine thyroïdienne se 
désassimilent ensuite, chez le mâle, par la chute 
des cheveux, la pousse des poils et des cornes, et 
par desquamation épidermique ; chez la femelle, 
le surplus des nucléines de la thyroïde se dé- 
tourne périodiquement vers les organes génitaux, 
qui les utilisent pour le développement du fœtus, s'il 
y à eu fécondalion, ou qui les rejettent au dehors 
dans le cas contraire. 

On sait, par les travaux de Brown-Sequard, Dani- 
lewsky, Selenski et Sostin, que les nucléoprotéides 
et les autres principes phosphorés de l’économie 
impriment une activité remarquable au développe- 
ment, à la reproduction et au fonctionnement des 
cellules. Ce rôle, déjà très actif, des nucléines riche- 
ment phosphorées est porté à son degré d'excel- 
lence lorsque viennent concourir à la formalion de 
ces nucléines l’arsenie, l'iode et peut-être le fer. 
On connaît depuis longtemps l'efficacité de ces 
trois agents dans les maladies où la nutrition tend 
à dégénérer. Deux de ces éléments excitateurs se 
fixent tout spécialement, et presque uniquement, 
dans la glande thyroïde. C'est elle qui, en assimi- 
lant sous forme de protéides l’iode et l’arsenic, en 
fait des excitateurs puissants, des ferments de vie. 
La thyroïde vient-elle à souffrir ou disparaitre, 
comme chez les goitreux, les myxædémateux, les 
thyroïdectomisés, certains phtisiques dits laryn- 
gés, les iodoglobulines et les arsenico-nucléines 
ne sont plus dès lors, ou ne sont qu'imparfaite- 
ment sécrélées, la reproduction cellulaire s'alan- 
guit, les fonctions génitales sont atteintes; la 


. faibles quantités; le navet, le chou, la pomme de 


recherches pourraient faire naître dans les esprits 


peau, la sensibilité, les centres nerveux dégénès 
rent; c'est la vieillesse hàtive, la décrépitude de 
organes. 


INT 


Cet élément d’excilation et de reproduction de 
tissus, cet arsenie que les Anciens avaient si bien 
nommé Séfnv, doom, le male, le vigoureux, d'où nous 
vient-il? Puisque nous l'éliminons sans cesse, 
il faut qu'il soit journellement absorbé. 

J'ai examiné à ce point de vue quelques aliments 
usuels. - 

Le pain fail avec le blé qui croit sur les terres 
des environs de Paris ne contient pas d'arsenie 
Mais Stein en aurait trouvé des traces dans les 
Graminées cullivées sur des lerrains plus ou moins 
pyriteux. 4 

La viande, le foie, lesreins, n’en contiennent pa 
nous l'avons vu. Il en est de même des œufs. J'ai 
cherché en vain ce métalloïde dans le poisson. 

Mais j'ai constalé l’arsenie, quoique en faible 
proportion, dans le lait, la peau, le thymus, et dans 
le cerveau en quelque cas. Ce sont là des aliments 
que nous consommons presque tous les jours. 

Plusieurs végétaux nous en fournissent aussi den 


terre et le blé lui-même quand il pousse sur ce 
tains terrains. Enfin, l'arsenie accompagne presque 
toujours le fer dans les eaux potables ou miné” 
rales. - 

Des recherches méthodiques plus complètes 
faites dans cetle voie, seraient intéressantes. . 

Au point de vue de la médecine légale et des 
inquiétudes, futures ou rétrospectives, que ces 


il est utile de remarquer que, sauf dans la thyroïde 
la mamelle, la peau et ses appendices, peut-être 
dans le cerveau et le testicule, on ne trouve pas & 
moindre indice d'arsenic. Il est absent du foie, 
la rate, des reins, des poumons, du sang, des 
urines, des intestins, des muscles. Si donc l’exper 
(et c'est la règle qu'il suit généralement) s'adresse 
séparément dans “ses recherches loxicologiques 
d'arsenie, dans le cas d’imputalion criminelle, 
chacun de ces organes que j'ai reconnus en êtm 
totalement dénués, et s'il y trouve des {races caral 
térisables de ce métalloïde, c’est que l’arsenic ava 
élé introduit pendant les derniers jours de la wi 
sous forme médicamenteuse ou criminelle. 
Le seul cas qui pourrait laisser, peut-être, de 
doutes est celui des.exhumations tardives, alofl 
qu'on peut craindre que l’arsenic de la peau et dt 
la thyroide se soit partout diffusé dans le deliqui 
cadavérique. Mais, comme on l'a vu, l'arsenie total 
de la thyroïde d'un adulte s'élève à 0 millig. # | 
environ; en doublant cette quantité pour teni 


| 
| 
] 


JEAN MASCART — LES ÉCLIPSES ET LA CONSTITUTION PHYSIQUE DU SOLEIL 


213 


compte des traces qui se trouvent dans la peau et 
s autres organes, s'ils se répandaient dans tout 
cadavre, gràce à la liquéfaction bactérienne, 
s 34 centièmes de milligramme, pour un corps 
jumain tout entier pesant en moyenne 68 kilos, 
: : 34 

feprésenteraient le rapport de 6-800:000.000 — 
1 
.000.000° 


total. Or, nous avons vu que la méthode la plus 


soit un deux cent millionième du poids 


È : ee . { , 
délicate permet d'apprécier à peine = (un 
Rue? PP PÉRE 50.000.000 


ingt millionième), c'est-à-dire une quantité dix fois 
lus grande d'arsenic. Cet élément, aiasi dilué au 
ux cent millionième, échapperait donc à toute 
cherche. 


Il resterait une dernière question à résoudre, et ! 


ce nest pas la moins intéressante : Les faits pré- 
cédents démontrent que la fraction de milli- 
gramme d’arsenic déposée dans la thyroïde, et qui 
ne représente pas au delà d'un quatre cent millio- 
nième du poids total du corps, est nécessaire et 
suffisante pour le bon fonctionnement de la vie. 
Quel est donc le secret de l’activité qu'impriment 
à nos organes ces doses presque infinilésimales 
d’arsenic et peut-êlre d’autres substances qui nous 
échappent encore? Il serait trop long d'aborder ici 
ce problème. J'ai essayé de le résoudre dans un 
Mémoire lu le 8 août à La Section de Pathologie gé- 
nérale du Congrès international de Médecine. On 
le trouvera dans les Actes imprimés de ce Congrès. 


Armand Gautier, 


Membre de l'Académie des Sciences. 
Professeur à la Faculté de Médecine de Paris 


PREMIÈRE PARTIE : 


1. — DÉFINITION ET CONDITIONS DE POSSIBILITÉ 
D'UNE ECLIPSE. 


Sous le nom d'éclipse, on entend DEP REUeNE 
eux phénomènes distincts : 
Un astre non lumineux en soi, éclairé par le 
Soleil par exemple, laissera derrière lui une région 
de pénombre et d'ombre, un cône d'ombre, si l'on 
it; si la trajectoire d’un deuxième astre, égale- 
ent obscur, le conduit dans cette région, son 
lt se trouve supprimé par l'ombre portée du 
emier corps : il y a éclipse proprement dite, 
mme on en rencontre pour les satellites : éclipse 
l6 Lune, éclipses des satellites de Jupiter. 
Mais, d'autre part, un corps opaque peut s’in- 
oser entre l'œil de l'observateur et l'objet 
idié : c'est le cas d’une occullation à propre- 
ent parler, occultation d'étoiles ou de planètes 
la Lune, occultation du Soleil par la Lune ou, 
l'on veut, éclipse de Soleil. Alors la distinction 
ndamentale s'aperçoit immédiatément : dans le 
mier cas, si nous prenons une éclipse de Lune, 
tre satellite lui-même s'éclipse, c’est-à-dire 
teint en pénétrant dans l'ombre, et, de ce fait, de- 
nt simultanément invisible pour tous les points 
Ja Terre ; au contraire, pour une occultation, pour 
e éclipse de Soleil, c’est à proprement parler l’ob- 
ateur lui-même qui est éclipsé : les divers 
ints terrestres pénètrent successivement dans 


THÉORIE DES ÉCLIPSES ET RÉSULTATS DES 


LES ÉCLIPSES 
ET LA CONSTITUTION PHYSIQUE DU SOLEIL 


s OBSERVATIONS 


l'ombre partielle ou totale, et l'éclipse est locale à 
un instant donné. Sans doute, cette distinction est 
un peu étroite et terrestre : elle pourrait sembler 
vanileuse à un esprit astronomique extérieur, 
ignorant si les astronomes les plus méritants sont 
sur une planète ou sur ses satellites, mais elle est 
indispensable, cependant, 
locales. 

Prenons, au reste, le problème géométrique de 
la manière la plus simple : dans les deux cas, pour 
qu'il y ait éclipse, le Soleil, la Terre et la Lune doi- 
vent se trouver en ligne droite, 
voisinage d’un de ses nœuds, la Lune doit être en 
conjonction ou en opposition; de plus, les distances 
mutuelles devront être telles que l'ombre de la 
Lune atteigne la Terre, ou réciproquement, ce qui 
nous conduit à calculer la longueur des cônes d'om- 
bre portée par ces deux astres. 

1° Ombre de la Terre. — Si nous désignons par 
1 la longueur du cône d’ombre, par r et R les 
rayons de la Terre et du Soleil, et par d la distance 
des centres de ces deux corps, on à immédiale- 
ment : 


par ses conséquences 


c'est-à-dire que, au 


Go = = 
CRE ie FC 
d d 
c'est-à-dire : 
__ 206.265 
5D—w 


214 


JEAN MASCART — LES ÉCLIPSES ET LA CONSTITUTION PHYSIQUE DU SOLEIL 


D et w figurant le diamètre apparent et la paral- 
laxe horizontale du Soleil. Prenons alors pour r la 
valeur moyenne du rayon terrestre à la latitude de 


45°; considérons quele demi-diamètre apparent = D 


ni 


varie entre 16118" et 1545", soit entre 978" et 945”, 
et que la parallaxe horizontale w est comprise 
eatre 9! et 8,8; il en résulte que le minimum de la 
longueur du cône d'ombre possède la valeur : 


206.265 
= r—9207r 


Or, la distance de la Terre à la Lune, lorsque 
celle-ci est à son apogée, est de 63,7 rayons ter- 
restres : done, toujours, le cône d'ombre de la 
Terre atteindra la Lune. 

Ainsi l'éclipse de Lune est visible, au même in- 
stant, en tout un hémisphère, pour lequel la Lune 
est alors au-dessus de l'horizon et, comme ce phé- 
nomène présente une certaine durée, on peut même 
dire qu'il est visible sur plus de la moitié de la sur- 
face de notre globe. À chaque instant, au pôle de 
l'hémisphère en question, il y aura éclipse de Lune 
au zénith : en ce point, le temps sidéral est égal à 
l'ascension droite de la Lune, et la latitude égale 
la déclinaison de notre satellite. 

Mais c'est là un problème parfaitement théo- 
rique que nous venons d'esquisser, et quand nous 
disons que la longueur du cône d'ombre estenviron 
de 200 rayons terrestres, nous n'apportons qu'une 
donnée fictive et purement géométrique ; en réalité, 
il est impossible de négliger notre atmosphère, dont 
l'influence consiste à réfracter les rayons tangents 
et à réduire énormément la longueur de ce cône 
d'ombre pour la faire tomber à 42 rayons : dans 
ces conditions il ne saurait jamais y avoir d’éclipse 
totale ; la Lune serait loujours éclairée pendant une 
éclipse, et un observateur à sa surface verra tou- 
jours au moins les 3/4 de la surface du Soleil. Et, 
s'il n'y a pas à proprement parler d'éclipses totales, 
on conserve ce nom, cependant, pour le cas des 
éclipses dans lesquelles la Lune pénètre tout enlière 
à l'intérieur du cône géométrique langent aux sur- 
faces du Soleil et de la Terre. Au reste, notre atmo- 
sphère intervient encore d'une seconde manière : 
les couches d'air inférieures sont plus ou moins 
humides, d'une transparence incomplète, ce qui 
leur permet d'éteindre en grande partie les rayons 
qu'elles réfractent et d'augmenter ainsi l'apparence 
d'éclipse; de plus, elles absofbent principalement 
la nuance complémentaire du rouge, de sorle que 
la Lune est toujours teintée en rouge pendant les 
éclipses totales. 

Enfin, les couches les plus basses de l'atmosphère 
sont trop denses pour que les rayons lumineux 


qui les traversent soient encore capables d'éclairer | question est inférieure à 1°2#. 


la Lune par réfraction. Si l'on veut tenir compte 
de l'effet de ces couches, et mettre d'accord les prés 
dictions d’éclipses de Lune avec les observations 
Mayer a reconnu qu'il suffisait d'augmenter de 


_ de sa valeur le diamètre de l'ombre. 

20 Ombre de la Lune. — Le calcul que nous venons 
d'indiquer est tout aussi simple dans le second cas 
on trouve alors que la longueur du cône d'ombre 
portée par la Lune peut varier entre 57,54 X 
59,73 X r. Or, la distance de notre satellite oscille 
entre 55,9 Xr et 63,7 X 1, de sorte que son ombre 
peut, ou non, atteindre la Terre : dans le premier 
cas l'éclipse de Soleil est Lotale, dans le second elle 
est annulaire. Ceci, bien entendu, pour les poin 
situés dans l'intérieur du cône d'ombre ou de sot 
prolongement, car l’éclipse n'existe point en un lieu 
d'observation trop éloigné et n’est que partielle pou 
un observateur placé dans la région de pénombre 

Ainsi l'ombre de la Lune va se déplacer à la su 
face de la Terre, d'abord en raison du mouvement 
relatif de la Lune et du Soleil, puis en raison du 
mouvement de rotalion de la Terre: et, comme les 
moyens mouvements diurnes de la Lune et du S 
leil sont respectivement de 13° et de 1°, la Luné 
nous semblera se déplacer, par rapport au Soleil 
de 12° par jour, ou de 30° par heure dans la direcm 
tion de l’ouest à l’est, c'est-à-dire que, vue de la 
Lune, l'ombre marcherait dans ce sens, sur la Terre 
immobile, avec cette même vitesse de 30! à l'heure: 
le calcul plus complet montre que, effectivement 
l'ombre de la Lune se déplace de l’ouest à l’est. 

Mais nous avons dit également que la possibilité 
de l’éclipse exigeait la présence de la Lune au voë 
sinage d'un de ses nœuds, et celte dernière condi 
Lion est bien imposée par ce fait que le plan d& 
l'orbite lunaire ne coïncide pas avec celui de Péclip: 
tique : et, en effet, si la Lune restait constamment 
dans le plan écliptique, il y aurait éclipse à toutt 
conjonction (ou opposition), tandis que notre satel 
lite, s'écartant de l’écliptique, peut atteindre et dé 
passer une latitude de 5°, ce qui va rendre réelle 
ment les phénomènes un peu plus complexes. E 
calcul complet, d’ailleurs très facile, peut alors &t 
résumer de la manière suivante : 

Si la latitude de la Lune est supérieure à 49 
l'éclipse de Lune est impossible. 

Si la latitude est comprise entre 52! et 143 
l'éclipse est douteuse. 

Si la latitude est inférieure à 52, l’éclipse es 
cerlaine. 

Pour une éclipse de Soleil, les résultats sont di 
mème nalure: l'éclipse est impossible si la latituden 
de la Lune est supérieure à 1°34'; douteuse entres 
192%" et 1°34'; certaine, enfin, si la latitude & 


JEAN MASCART — LES ÉCLIPSES ET LA CONSTITUTION PHYSIQUE DU SOLEIL 


215 


Au resle, ces limites dans la latitude peuvent 
s'exprimer autrement par des limites dans la dis- 
“jance de la Lune à son nœud, et nous revenons à 
ire que l'éclipse de Lune est possible si la distance 
de la Lune à son nœud est inférieure à 12°, tandis 
“que l'éclipse du Soleil exige seulement que cette 
“mème distance ne dépasse pas 17°. Ainsi, la fré- 
 quence relative des éclipses, pour la Lune et le Soleil, 


12 

17. 

Si les éclipses de Soleil sont donc plus fréquentes 
que celles de notre satellite, ce résullat cependant 
parait au premier abord paradoxal, puisque l'on à 
beaucoup plus souvent l'occasion d'apercevoir des 
éclipses de Lune; et c’est parce que, nous l'avons 
pu deviner déjà, en un même lieu les éclipses de 
«Lune, s'étendant à tout un hémisphère, sont envi- 
ron trois fois plus fréquentes que celles du Soleil, 
chacune de ces dernières étant localisée à une 
étroite région terrestre. Au reste, un exemple 
fera mieux comprendre la rareté, en un point 
déterminé, des éclipses totales du Soleil : la der- 
nière qui fut visible à Paris remonte à 1724, et la 
prochaine ne se présentera pas avant l'an 2026. 
Enfin, la durée d'une éclipse de Soleil est toujours 
assez courte: elle est aumaximum de huitminutes à 
l'équateur et de six minutes à la latitude de Paris, 
pour une éclipse totale; de 12 et 10 minutes pour 
une éclipse annulaire, tandis que la durée totale du 
phénomène, depuis le premier contact jusqu'au 
dernier, ne peut dépasser quatre heures et demie 
à l'Équateur, et trois heures et demie à Paris. 
Maintenant que nous savons dans quelles con- 
ditions peuvent se produire les éclipses, il reste à 
calculer à l'avance, à prédire le retour de ces 
hénomènes si importants. 

Or, la ligne des nœuds se meut sur l’écliptique 
dans le sens rétrograde: les éclipses vont se repro- 
duire dans le même ordre après la période qui 
amène le Soleil, la Lune et la ligne de nœuds dans 
es mêmes positions relatives. En introduisant donc 
révolution synodique, 29,53060 jours, et la 
évolution draconitique, 27,21229 jours, le pro- 
blème revient à trouver deux entiers K et K!tels 


Sera représentée par le rapport 


Ne 


K.29,53060 — K!.27,21229 


dont les réduites successives sont: 


Et, si nous voulons nous en tenir à cette dernière 
réduile, nous aurons : 


révol. dracon. — 6.587 jours 37 


942 == CARE 
223 révol. synod. — 6.587 jours 37 = CHaneMIMourse 


Aïosi,au bout de dix-huitans onze jours, c'est-à- 
diresensiblement après une révolution du nœud, les 
trois mobiles reviendront dans les mêmes positions 
relatives: cette période, dite saros par les Chal- 
déens, leur avait élé enseignée par l'observation 
des éclipses et comprend, en général, 70 éclipses, 
soit 41 éclipses de Soleil et 29 éclipses de Lune! 
Après quoi les phénomènes vont se reproduire 
dans le même ordre et aux mêmes intervalles. 

Enfin, dans une même année, il y a au plus 
7 éclipses: 4 ou 5 de Soleil et 3 ou 2 de Lune. Il y 
en à au moins deux et, s’il n’y en a que deux, ce 
sont deux éclipses de Soleil. 

On pourrait penser, cependant, que ces caleuls 
ne sont encore que très approchés, en ce qui con- 
cerne la périodicité des éclipses, parce que nous 
n'avons fait entrer en ligne de compte que les 
moyens mouvements du Soleil, de la Lune, de la 
ligne des nœuds, et que les inégalités sont appelées 
à troubler une telle concordance ; il n’en est rien, 
et cette concordance est fort exacte à cause de la 
coïncidence suivante : le cycle chaldéen comprend 
aussi 239 révolutions anomalistiques qui équivalent 
à 6.585,5 jours de sorte que, après dix-huit ans 
onze jours, non seulement la Lune revient aux 
mêmes posilions par rapport à son nœud et par 
rapport au Soleil, mais encore sensiblement à la 
même posilion par rapport à son périgée. 


IT. — LES PREMIÈRES OBSERVATIONS D ECLIPSES. 


Comme les phénomènes superficiels qui se 
produisent sur le Soleil sont dissimulés, en temps 
ordinaire, par l'éclat de la surface, l'observation la 
plus attentive ne fournitpas grands renseignements 
sur la nature même de cet immense foyer, et il 
fallut profiter avec soin des éclipses totales pour 
étudier la périphérie, pour édifier lentement l'état 
actuel denos connaissances et de nos théories sur 
la constitution physique du Soleil. 

La première apparence qui attire le regard, pen- 
dant une éclipse totale, consiste en une auréole 
lumineuse, blanchàtre et dégradée, qui entoure le 
disque obscur de la Lune et peut s’en éloigner à une 
distance égale à celle du diamètre solaire lui-même : 
c'est la couronne. Puis, la moindre attention permet 
d'observer les protubérances. Or, ces phénomènes 
si importants ne sont guère suivis el observés avec 


216 


JEAN MASCART — LES ÉCLIPSES ET LA CONSTITUTION PHYSIQUE DU SOLEIL 


soin que depuis l'éclipse tolale de 1842, bien que 
les plus vieux textes aient donné déjà des indica- 
tions très précises relativement à la visibilité de la 
chromosphère : Ainsi, Plutarque, lorsqu'il parle de 
l’éelipse totale de l'an 98, dit que « la Lune laisse 
déborder autour d’elle, dans les éclipses, une partie 
du Soleil, ce qui diminue l'obscurité. » Les derniers 
mots, comme le pensait Arago, ne peuvent laisser 
aucun doute : il s'agit bien là d'éclipse totale, car, 
par une éclipse annulaire, il n'y a véritablement 
pas obscurité, mais bien plutôt un simple affaiblis- 
sement de la lumière. 

Il est certain, au reste, que les Anciens admet- 
taient l'impossibilité des éclipses totales !. Mais, 
sans nous altarder à l'Antiquité proprement dite, 
nous pouvons trouver au Moyen-Age d'intéres- 
santes indications visuelles sur les éclipses, la cou- 
ronne et même les protubérances. 

L'observation la plus ancienne dans laquelle les 
phénomènes soient réellement décrits avec quel- 
ques détails précis remonte à l’an 1239”. Le chroni- 
queur dit nettement que l’on vit un cercle autour 
du Soleil, avec un trou enflammé dans la partie 
inférieure, — Quoddam foramen erat ignilum in 
circulo solis ex parte inferiori — ce qui, sans nul 
doute, doit êlre considéré comme se rapportant à 
une importante protubérance. Clavises observe un 
phénomène analogue le 21 août 1550 et il en parle 
avec surprise. Nous pouvons encore chercher de 
précieux renseignements sur la visibilité de la cou- 
ronne dans l’A/magestum n0ovum du père Riccioli : 
Ici, pendant les éclipses totales, la couronne est 
présentée comme un anneau lumineux entourant 
le disque noir de la Lune, et l'on ne tarde pas à 
donner l’explicalion de ce phénomène en utilisant 
les déterminations des diamètres apparents du 
Soleil et de la Lune faites par Tvcho-Brahé. En effet 
celui-ci avait trouvé que, dans les meilleures condi- 
tions, c'est-à-dire pour la Lune au périgée et le Soleil 
à son apogée, le diamètre angulaire de la Lune 
reste toujours inférieur à celui du Soleil. Il en ré- 
sullait done bien, pour eux, l'impossibilité des 
éclipses totales : toutes les éclipses étaient annu- 
laires, et l’on apercevait toujours, autour de la Lune, 
un anneau lumineux constitué par la surface même 
du Soleil. Mais bientôt apparait dans la science 
l'invention des lunettes; la mesure des diamètres 
angulaires s'effectue avec une plus grande préci- 
sion, et l'on est obligé de reconnaître que, dans les 
cas les plus favorables, le diamètre de la Lune peut 
surpasser celui du Soleil d’une quantité approxi- 
mativement égale à 27; il fallait chercher une 
toute autre explication à l'apparition de cette au- 


1 V PLurarQuE : Opera Moralia. De facie in orbe Lunæ. 
? Cette observation a été rapportée par Muratori. Ann R. 
Ital., &. XIV. col. 1097. 


réole qui entoure la Lune pendant les éclipses 

Kepler propose deux hypothèses pour expliquer 
la présence de la couronne. Dans la première, il 
suppose le voisinage du Soleil constitué par de 
l'éther enflammé, qui resterait lumineux quand 
l’astre lui-même serait éclipsé ; la seconde hypo= 
thèse, qu'il fallut abandonner depuis, mais qui fut 
alors acceplée par presque tous les astronomes; 
consiste à dire que, pendant une éclipse totale, on: 
aperçoil l'atmosphère de la Lune éclairée par les 
rayons tangenls issus du Soleil. Le premier, Cassini 
s'éleva précisément contre celte conception : Dans 
de nombreuses observations des occullations 
d'étoiles ou de satellites par une planète, il 
n'avait, en effet, jamais observé de diminution 
appréciable dans l'éclat des astres qui Ss'appro= 
chaient du bord de la Lune. Néanmoins, il ajoute 
que, « dans quelques cas, il a vu l’allongement des 
disques d'étoiles et de satellites quand ils tou- 
chaient le bord de la Lune; cela donne à supposer 
qu'autour de la lune existe une atmosphère, mais 
si faible qu'elle ne peut devenir si netlement visi= 
ble pendant les éelipses totales. » 

L'éclipse totale de 1706 allait fournir une excel= 
lente occasion d'élucider ce premier problème et 
l'on se garda d'y manquer puisqu'elle était visible 
dans le Sud-Est et le Sud de la France; voici, à cet 
égard, ce que nous trouvons de plus saillant dans 
l'Histoire de l'Académie Royale des Sciences pour 
l'an 1706 : ï 

« L'Astronomie peut se vanter, et elle conservera 
cette gloire dans les siècles à venir, que jamais phé- 
nomène céleste n’a eu de plus grands et plus illus=" 
tres observateurs. Le roi voulut voir faire les ob=« 
servalions par des astronomes de l’Académie, et 
pour cela M. Cassini le fils et M. La Hire le fils 
allèrent à Marly avec tous les instruments néces= 
saires. La Société Royale des Sciences de Montpel= 
lier observa avec beaucoup de soin cetle éclipse. 
Ces messieurs ont remarqué que, pendant qu’elle 
fut totale, l'obscurité ne ressembla ni à celle de lan 
nuit, ni à celle du crépuseule, mais qu'elle fut 
d'une espèce particulière, qui ne peut non plus 
s'exprimer que la lumière et le son. Il est assez 
étonnant que la variélé qui règne dans la Nature 
s'élende jusque sur l'obscurité, qui semble n'avoir 
qu'une cause, et par conséquent devoir être forb 
uniforme. , 

« Mais, de tous les phénomènes de cette éclipse, 
le plus considérable, et en même temps le plus 
difficile à expliquer, ce fut une couronne d'une 
lumière pâle, large de la douzième partie du dia 
mètre de la Lune, qui parut autour de son disque» 
dans les lieux où l'éclipse fut totale, Les astrono= 
mes de la Société Royale de Montpellier, plus atten* 
tifs el plus exacts que d’autres observateurs, 


 remarquèrent que cette couronne, qui, à la vérité, 


des bornes qu'on vient de lui donner, allait beau- 
oup plus loin, en s’affaiblissant loujours, et formait 
un grand espace circulaire de huit degrés de dia- 
“mètre, dont la Lune était le centre. » 

Toutes les observations effectuées à Montpellier, 


q 
rait bien paraître une chevelure lumineuse au Soleil 
dans les éclipses totales. C'est cette lumière répan- 
due sur le Zodiaque, que nous commençämes 
d'observer avec admiralion au mois de mars 1683. 
Dans notre Rapport, nous jugeàämes que, si l'on avait 
pu voir cette lumière à la présence du Soleil, elle 
lui avait formé peut-être une espèce de chevelure. 
« Nous avons supposé qu'il ya autour du Soleil 
une malière lumineuse plus dense, proche de cet 
astre, el plus rare à une plus grande dislance, où 
elle est facilement effacée par les crépusecules et par 
la clarté de la Lune. Dans cette éclipse, on aura pu 
voir aisément la partie de cette lumière plus dense 
qui environne immédiatement le Soleil, comme il 
est arrivé en diverses villes. La partie la plus rare, 
“qui lui succédait à une plus grande distance du 
Soleil, n'aura pas pu être observée aisément; néan- 
moins, les astronomes de Montpellier, qui apportè- 
t une attention particulière pour voir s'ils ne 
listingueraient point notre lumière, remarquèrent 
autour de cette couronne une aire lumineuse plus 
le, qui s'étendait jusqu’à la distance de quatre 
degrés de côté et d'autre. Le reste de la lumière, 
qui s'étend à une distance beaucoup plus grande, 
n'aura pas été visible à cause que l'obscurité de 

Pair n'était pas assez grande pour pouvoir distin- 
guer la partie la plus rare qui est plus éloignée du 
oleil, et qui ne parait le matin qu'avant que le 
Doc commence, et le soir de ‘après qu'il est 


« Ayant donc supposé cette malière lumineuse, 
On en pourra voir la partie plus dense, qui envi- 
onne immédiatement le Soleil, dans les éclipses 
lotales, avec quelques différences en divers lieux 
de la Terre, suivant la diverse constitution de 


Londres, l’éclipse totale du 3 mai 1715 : Lionville 


EVUE GÉNÉRALE DES SCIENCES, 1901 


de ses 


JEAN MASCART — LES ÉCLIPSES ET LA CONSTITUTION PHYSIQUE DU SOLEIL A 


fit de très intéressantes observations de la cou- 
ronne et crut qu'il fallait, au contraire, en attribuer 
la présence à l'atmosphère de la Lune. Cette opi- 
nion élait principalement basée sur le fait SERRE $ 
observations, comme de celles de Halley, 
semblait résulter que la couronne était ie 
non autour du Soleil, mais autour de la Lune. Au 
reste, il remarque très justement que la couronne 
n'était pas régulière, et il mentionne que l'on aper- 
cevait, autour du disque lunaire, des rayons res- 
semblant à ces gloires que l’on dessine autour de la 
tête des saints. 

Alors, précisément, il compare encore les rayons 
à ceux que l'on voit, après le coucher du Soleil, 
dans un pays de hautes montagnes, et le fait parait 
tout naturel puisque l’on sait que, dans la Lune, 
il y a de plus hautes et de plus abondantes mon- 
tagnes que sur la Terre; l’ensemble des observa- 
lions conduit Lionville à attribuer une hauteur 
de 64 lieues à l'atmosphère lunaire, ce qui ne doit 
nullement étonner, selon lui, si l'on 
la pesanteur sur la surface lunaire est trois fois 
moindre que sur la Terre et que, par conséquent, à 
égalité de quanlilé d'air, l’atmosphère de la Lune 
devra s'élever à une hauteur trois fois plus consi- 
dérable que ne le fait la nôtre. 

De plus, pendant cette éclipse de 1715, Lionville 
observa nettement, pour la première fois, la chro- 
mosphère solaire : « J'ai observé, dit-il, que, vers 
la fin de l'éclipse entière, il y avait, autour du bord 
de la Lune qui n'avait pas encore quitté le Soleil, 
un cercle d'un rouge très vif, dont le limbe de la 
Lune était bordé, ce qui venait sans doute de ce 
que ces sortes de rayons, étant ceux qui sont le 
moins faciles à rompre, étaient séparés des autres 
qui souffrent une plus grande réfraction, ce qui 
faisait qu'ils étaient les seuls qui pussent encore 
être visibles. » Et celle observation fut confirmée 
par Halley qui apercut, en outre, la rupture du 
mince croissant du Soleil par les montagnes de la 
Lune, les « Baily beads ». Mais, entrainé par l'idée 
fixe d'une atmosphère lunaire, il erut devoir attri- 
buer ce phénomène aux inégalités de réfraction qui 
se produisent dans les couches atmosphériques 
voisines du disque de la Lune; le raisonnement le 
conduisait à admettre une condensation gazeuse 
dans la calotte qui entoure le pôle méridional de 
notre satellite, « lequel air ne voyant jamais le 
Soleil, ou du moins que fort obliquement, doit être 
d'une densité beaucoup plus grande que le reste de 
la même atmosphère ». 

Cette explication peut ardt hui nous paraitre 
bien légère et, cependant, elle fut certainement 
émise avec la plus entière bonne foi; les circons- 
tances mêmes étaient groupées pour la rendre 
vraisemblable, car le phénomène apparut précisé- 


songé que 


5* 


218 


JEAN MASCART -- LES ÉCLIPSES ET LA CONSTITUTION PHYSIQUE DU SOLEIL 


ment au pôle méridional de la Lune et, de plus, 
Lionville faisait enfin la remarque très importante 
que le Soleil s'affaiblissait toujours d'intensité au 
fur et à mesure que la Lune se rapprochait de lui : 
l'explication de cette singularité se présentait encore 
naturellement dans son système, puisque les rayons 
solaires étaient de plus en plus absorbés par l’at- 
mosphère de la Lune, chargée de vapeur d’eau. 

Toutes ces raisons sont abandonnées aujourd'hui, 
mais l'observation de Lionville, très bien conduite 
et très complète, peut être considérée comme une 
base sûre, car le dernier signe de l’affaiblisse- 
ment lumineux fut retrouvé dernièrement, princi- 
palement à l’aide de la photographie. 

Enfin, à propos de cette éclipse de 1715, de nom- 
breux observateurs sont d'accord sur un phéno- 
mène très singulier, qui ne parait pas avoir reçu, 
jusqu'ici, d'explication satisfaisante; il s'agit, si 
l’on en veut adopter leur description, « de fulmina- 
tions ou vibrations instantanées apparaissant sur 
la superficie de la Lune. C'étaient des feux qui ne 
duraient qu’un instant; ils allaient en serpentant 
comme font nos éclairs : ce n’était donc autre chose 
que des éclairs, des tonnerres qui pouvaient être 
alors dans l'atmosphère de la Lune, supposée plus 
orageuse que celle de la Terre, à cause du grand nom- 
bre deses hautes montagnes. Ce spectacle imprévu 
causa une espèce de frayeur aux observateurs. » 

Ces deux éclipses, de 1706 et 1715, si rappro- 
chées, et qui devaient donner lieu à des observa- 
tions intéressantes autant qu'inattendues, altirèrent 
bien légitimement l'attention du monde savant tout 
entier : cette apparition de la couronne fit le plus 
grand bruit et suscita des recherches, tout comme 
des discussions. Malheureusement, les astronomes 
ou les physiciens, nous allons le voir, multipliant 
leurs expériences, devaient verser dans une bien 
autre difficulté : les propriétés intimes de la 
lumière et les conditions de sa propagation. 

Dans les Mémoires de l’Académie des Sciences 
pour l'an 1715, nous trouvons d’abord un travail 
étendu, dans lequel Delisle donne une bonne et 
complète description de ses expériences, en vue 
d'étudier et de reproduire toutes les circonstances 
des éelipses : Il introduit, dans une chambre noire, 
par un trou très pelil, le faisceau des rayons du 
Soleil qui lui permet d'obtenir l’image du disque 
sur un écran blanc; à une distance déterminée de 
cet écran, il place alors un cercle opaque de telle 
sorte que le diamètre de son ombre surpassât légè- 
rement, sur l'écran, celui de l'image du soleil. En 
interceptant ainsi complètement le faisceau lumi- 
neux par le disque, Delisle observe sur l'écran 
l'ombre du disque, entourée par un anneau lumi- 
neux à bords bien définis. 

Cet anneau n'était pas idenlique, à beaucoup 


près, à la couronne observée pendant les deu 
éclipses et, cependant, Delisle crut devoir iden= 
tifier les deux aspects. Il conclut donc de son 
expérience, pour expliquer l'apparition de l’aus 
réole lumineuse autour de la Lune, pendant les 
éclipses totales du Soleil, que point n'est même 
besoin de supposer l'existence de l'atmosphère 
lunaire, « pas plus qu'autour du cercle de plomb 
qui me servait pour couvrir l'image du Soleil » 
mais que la couronne est simplement le résultats 
d'un phénomène de diffraction pour la lumière. HI 
ajoule que, lorsqu'il regardait son disque à l’aide 
d’une lunette, il le voyait entouré par plusieur. 
anneaux lumineux, nettement séparés les uns des. 
autres par des intervalles sombres et colorés; ainsi 
son expérience était bien faite, l'explication même 
en était bien dans la diffraction, mais son identi= 
fication des deux phénomènes était absolument 
illusoire et, avec un peu moins d'entrainement, il 
eut pu le reconnaitre, puisque la couronne lunaire 
n'est pas régulière comme son anneau, et que, de 
plus, elle élait unique dans toutes les observations: 

La même année, de la Hire cherchait à expliquer 
autrement encore l’apparilion de la couronne et il 
réalisa l'expérience suivante : Il prend une boule 
de pierre de couleur blanc-grisätre, non polie, et 
la suspend à un fil, de manière qu'elle éclipse le 
Soleil à ses yeux. Il aperçut alors une auréole 
lumineuse autour de la boule de pierre, dont la 
surface, avec ses aspérités fort inégales, réfléchit 
la lumière solaire : d'où l'auréole. Jusqu'ici lexpli- 
calion est vraiment par trop vague, et il crut l'ex= 
pliciter de la manière suivante : le diamètre du 
Soleil étant, en fait, beaucoup plus grand que celui 
de la Lune (ou de la pierre), les rayons solaires 
éclairent toujours plus de la moitié de la sphère; 
ainsi done, en regardant la partie obscure, on la voit 
entourée par le cercle lumineux qui déborde de 
la ealotte hémisphérique. Rien n'arrête plus pour 
complèter l'explication de la couronne; l’épaisseu 
de cet anneau est variable avec la distance de 1 
Lune au Soleil et, par suite, tantôt la couronne nous 
apparait plus large et plus brillante pendant une 
éclipse, tantôt, au contraire, elle devient presque 
invisible; enfin la surface de.la Lune, loin d'être 
uniforme, est recouverte de hautes montagnes où 
de profondes vallées ; l'anneau n'est donc pas régus 
lier : il présentera des interruptions qui constituent 
les rayons mêmes de la couronne; et les change 
ments dans la forme de cette auréole sont produits 
par le mouvement du disque lunaire. 

Cette explication est beaucoup moins bonne, 
priori, que la précédente, et nous ne nous arrêtes 
rons pas à la discuter: en fait, elle repose sur une 
raison géométrique assez subtile, mais il n’y es 
tenu aucun compte de ce que nous sommes for 


JEAN MASCART -- LES ÉCLIPSES ET LA CONSTITUTION PHYSIQUE DU SOLEIL 


219 


EL 


foisins de la Lune, ce qui nous empêche aussi d’en 
percevoir un hémisphère entier, et, outre que la 
randeur de la couronne n’eslnullement expliquée, 


“Mais l'occasion était belle de nouveau : il allait y 
joir une éclipse tolale de Soleil le 22 mai 1724, 


ter à cet intéressant phénomène, tandis que les 
tronomes pensaient bien profiter de celte occasion 
pour résoudre définitivement toutes les questions 
lors en discussion. 
Louis XV fit venir à Trianon les astronomes 
Jaraldi et Cassini ; lui-même, il observa avec eux 
différents contacts et doigts de l’éclipse; et, 
on l'expression même de Cassini, le roi avait 
pporté le thermomètre et le baromètre de son 
inet pour observer « les variations qui pour- 
aient arriver pendant l’'éclipse, lant dans les degrés 
le chaud et de froid que dans la pesanteur de 
r ». Cette observation royale ne devait pas four- 
ir grand résullat scientifique : on apercevait bien 
la couronne autour de la Lune, mais sans en pou- 


» semblait pas concentrique à la Lune. 
A l'Observatoire de Paris, les conditions de visi- 
ité sont plus favorables et Delisle se charge des 


plit ces thermomètres d'esprit de vin, les sou- 
et « à l'expérience de l’eau bouillante et ensuite 


à tempéralure de l'air pendant l’éclipse ». Pendant 
totalité, il apercut bien effectivement l'auréole 
ineuse autour de la Lune, avec une largeur 
onslante; cependant cet anneau paraissait blanc 
2 E son contour extérieur n'était pas aussi netle- 
nent délimité que pour les anneaux artificiels de 
expériences : « Mais, continue-t-il, entrainé par 
On hypothèse première, comme je persiste dans 
la, pensée que ces anneaux artificiels et celui qui 
arait autour de la Lune dans les éclipses totales 
Soleil proviennent d'une même cause, je crois 
e ce qui m'a empêché d'apercevoir cet anneau 


Le 2 mai 1733, Vasssenius observe aussi la cou- 
ronne : il remarque les flammes rouges que nous 
appelons aujourd'hui protubérances et, toujours 
dans les mêmes idées, il les attribue à des nuages 
flottant à travers l'atmosphère de la Lune et éclairés 
par le Soleil d'une façon particulièrement intense. 

Il y eut encore une éclipse lotale, au xvin° siè- 
cle, le 24 juin 1778, et, si les observateurs en fu- 
rent peu nombreux, nous possédons cependant une 
fort bonne description d'un amiral espagnol, don 
Antonio de Ulloa; don Antonio aperçut la couronne 
large de 5' environ, avec circonférence intérieure 
rougeätre, dont la teinte va en s’affaiblissant dans 
le jaune pâle, pour paraitre entièrement blanche 
lorsque l'on parvient au bord extérieur. Çà et là, à 
partir de cet anneau lumineux, et jusqu'à des dis- 
tances égales au diamètre angulaire de la Lune, 
tantôt plus, tantôt moins, s'échappaient des jets ou 
rayons perceplibles, et le tout semblait animé d'un 
mouvement circulaire rapide, tel un soleil ou feu 
d'artifice mis en jeu sur son centre. 


III. — LES ÉCLIPSES AU XIX° SIÈCLE. 


Ainsi, en réalité, le problème de la constitution 
physique du Soleil, celui de la nature de la couronne, 
qui paraissaient devoir être définitivement tranchés 
au début du xvir° siècle après avoir attiré l'atten- 
lion du monde savant, étaient à peine posés, au 
contraire, lorsque fut visible en Amérique l'éclipse 
totale du 16 juin 1806. Cette éclipse fut observée 
par Bowditch et Ferrer. Ce dernier remarqua que la 
couronne était concentrique au Soleil, avait une 
largeur de 6 minutes, avec une coloration « blanc 
de perle » et que, parfois, du bord de l'anneau par- 
taient des rayons pouvant s'étendre jusqu à une 
distance de trois degrés. 

Il n'y avait encore guère là de victoire, et la ques- 
tion eut progressé fort lentement si F. Arago 
n'avait eu l'intuition que le problème allait changer 
entièrement d'allure pour se diriger dans une voie 
en quelque sorte plus physique ; dans une nolice 
justement célèbre, il attira tout particulièrement 
l'attention sur l'intérêt et l'utilité des observalions 
d'éclipses, et c'est à son influence, à sa haute auto- 
rité, que l'on doit cerlainement en partie les si 
nombreuses observalions de l'éclipse qui allait se 
produire en 1842. 

L’éclipse totale de 1842 se présentait, au reste, 
pour nous, dans des condilions particulièrement 
favorables, sa ligne centrale passant à travers toute 
l'Europe et l'Asie ; elle fut observée en France par 
les astronomes français, en Italie par les Italiens et 
les Anglais, en Autriche parles Allemands !. Et cette 


4 Voir ArAGo : Annuaire du Bureau des Longiludes pour 
1846; Barzy : Memoirs of the FR. Astron. Society, t. XV, 1846. 


220 


JEAN MASCART — LES ÉCLIPSES ET LA CONSTITUTION PHYSIQUE DU SOLEIL 


éclipse revêt, au point de vue historique, un carac- 
tère spécial, puisque, pour la première fois, elle 
fournit à Fusinieri l'occasion de tenter l'analyse 
spectrale de la lumière coronale : « M. Fusinieri, dit 
Arago, décomposa, à l’aide d’un prisme de verre, la 
lumière de l’auréole lunaire. Il assure que le spec- 
tre provenant de cette décomposition manquait 
absolument de vert; que la place qu'occupe ordi- 
nairement celte couleur était entièrement obscure. » 

Mais ce n'est pas tout et, bien que l'observation 
des protubérances soit relativement plus récente 
que celle de la couronne, nous avons vu que Stan- 
nyan (1706), Lionville (1715), lord Aberdour, au 
cours d'une éclipse annulaire (1717), Vassenius 
(1733) et quelques autres auteurs avaient cepen- 
dant, et sans s’y arrêter beaucoup, donné quelques 
indications el quelques descriptions sur ces étran- 
ges phénomènes. On allait avoir d'importantes 
déterminations avec Airy, Arago, Baily, de Littrow, 
Fusinieri, Mauvais, Petit, Piola, elc., et, à propos 
de l'observation de deux protubérances roses pen- 
dant l’éclipse du 8 juillet 1842, Arago dit fort nette- 
ment que l’on « se trouve mis sur la trace d'une 
troisième enveloppe située au-dessus de la photo- 
sphère et formée de nuages obscurs ou faiblement 
lumineux. » 

Ainsi les idées vont se préciser et les moyens de 
recherche se multiplier. Depuis 1842, les observa- 
tions attentives de treize éclipses totales vont 
apporter desrésultatstousles jours plus intéressants, 
en même temps que l'analyse spectrale complétera 
si heureusement les recherches télescopiques. Pour 
la couronne, les gloires el rayons lumineux qui 
l'entourent, on reconnail de plus en plus l’impossi- 
bilité d'attribuer ces aspects si divers à l’atmos- 
phère de la Terre, qui iutervient certainement, 
mais trop faiblement: quant à l'hypothèse ancienne 
d'une atmosphère lunaire, elle est très rapidement 
abandonnée et, dut-elle exister, cette atmosphère 
est sûrement lrop peu élevée et trop éthérée pour 
jouer ici un rôle appréciable; ainsi ces apparences 
sont donc bien véritablement propres au Soleil lui- 
même, comme l’affirme Otto Struve, dès 1851. 

L'éclipse de 1851 est observée, en Suède, par les 
Anglais, les Allemands et les Russes": Ollo Stlruve 
a l’occasion d'y mesurer les hauteurs des protubé- 
rances. 

L'éclipse du 30 octobre 1853 est observée par 
Moesta; celle du 7 septembre 1858 par Gilles et les 
Brésiliens; celles de 1865 et 1867 par le P. Capel- 
letti, Moesla, etc. , 

Cependant, en 1858, d'après ses propres observa- 
tions, et celles de ses prédécesseurs, Liais avait déjà 
tenté un classement rationnel des protubérances, 


! Voir les Wémoires de la Soc. astron. de Londres, t. XXI. 


Nous voici parvenus à l'éclipse lotale du 48 juils 
let 1860, incontestablement une des plus impor 
tantes et des plus fertiles en conclusions, à cause 
des photographies que l’on obtient en deux points 
différents : l'honneur de l'intervention des images 
photographiques pendant les éclipses revient, en 
plus grande partie, à Warren de la Rue !, et ce pro: 
cédé, seul rapide, descriptif et complet, va deveni® 
indispensable pour être employé avec succès dans 
toutes les éclipses suivantes. 

Le 31 décembre 1861, au Sénégal, Poulain et 
Dutaillis observent pour la première fois les franges 
mobiles. D'ailleurs l'analyse spectrale avait fait de 
très rapides progrès. On savait déjà que le spectre 
de la lumière solaire est un spectre d'absorption dû 
à la photosphère, on connaissait dans son ensemble 
la composition chimique du Soleil, mais il restait 
encore, précisément, à éludier les spectres de la 
couronne et des protubérances. 

C'est ici que se place l'éclipse célèbre du 
18 août 1868: elle devait offrir pour l'étude des 
spectres une occasion excellente, d'autant qu'elle 
est très rare, puisque la durée de l'éclipse totale 
allait atteindre jusqu'à 6%45° dans la presqu'ile 
de Malacca. Les principaux observateurs de cette 
éclipse furent le lieutenant Herschel, le major Teu 
nant, Janssen, Rayet, ete. « Deux magnifiques pro= 
tubérances, dit M. Janssen, brillaient d'une splens 
deur qu'il est difficile d'imaginer : l’une d'elles 
avait plus de 3° de hauteur. Elle était formée d'une 
immense colonne gazeuse incandescente, principa 
lement composée de gaz hydrogène. » De ses obsers 
tions spectroscopiques, M. G. Rayet conclut d’une 
manière analogue que « les protubérances sont des 
jets d'une matière gazeuse incandescente, les 
flammes d’un phénomène chimique d’une puissaneë 
extrême. La lumière de la couronne est très faible 
par rapport à celle des protubérances. Tandis que 
la lumière de ces dernières donne un spectre très 
vif, la couronne ne donne aucun speclre coloré sens 
sible. » 

Ainsi, au cours de cette éclipse, on observe un 
spectre continu relalivement pàle, sillonné pas 
quelques raies fines et très brillantes qui, pour 
plupart, peuvent être rapportées à l'hydrogène; om 
était done bien en droit de conclure que les protus 
bérances sont en grande parlie gazeuses, qu'elles 
dépendent sûrement du Soleil, et ce nouveau pro: 
cédé d'observation à l’aide du spectroscope permet 
de lever les derniers doutes qui pouvaient encore 
subsister sur l'origine de ces protubérances. Néan 
moins, l'étude attentive des éclipses totales restait 
indispensable pour élucider les choses, et prin 
cipalement pour analyser les autres parties de 


1 Voir WanneNDE LA RuE : Philosophical Transactions,1862 


Vatmosphère solaire. En même temps, d’ailleurs, et 
frappé par l'éclat des fines raies protubérantielles, 
vun des observateurs eut l'idée, aussitôt après 
éclipse, d'en rechercher la présence avec le même 
“spectroscope dans la lumière diffuse du ciel au 
bord du disque solaire : c'est en vertu de cette 
“remarque que M. Janssen, indépendamment de 
Lockyer, dont le procédé était resté inapplicable 
“pendant 18 mois, allait utiliser et vulgariser l’em- 
“ploi de cette élégante méthode générale sur laquelle 
“nous aurons à revenir et qui, depuis cette époque, 
en dehors des éclipses, permet d'assurer l'étude 
égulière de la chromosphère et des protubérances. 

Pendant l’éclipse de 1869, Young reconnait, à la 
base de la chromosphère, une couche de vapeurs 
rillantes, dite reversing layer où couche de ren- 
ersement, et qui, selon les théories de Kirchhoff, 
oit engendrer les raies noires du spectre solaire 
“normal: mais cette couche est extrêmement mince 
t, de ce fait, invisible en temps ordinaire; elle 
'apparaît au commencement et à la fin de la tota- 
ité que pendant un temps très court de une ou deux 
… secondes. 

—…. En 1870, Harkness et Young concentrent leur 

“attention et leurs efforts sur l’élude de la couronne 
“elle-même : ils observent alors un spectre continu 
relativement intense, dans lequel il est aisé de dis- 
“tinguer quelques raies de l'hydrogène et de l'hé- 
ium, et pour lequel la particularité la plus remar- 
“quable consiste dans la présence d'une raie verte, 
“d'origine inconnue, qui apparaît à une grande hau- 
F coronale. 

Pendant l’éclipse de 1871, Janssen, avec un appa- 
reil très lumineux, reconnait la présence de quel- 
ques raies noires de Fraunhofer, d’ailleurs faibles, 
dans le spectre des parties extérieures de la cou- 
ronne, 

Mais à partir de 1882, on va tendre de plus en 
lus à remplacer l'observation visuelle par la pho- 
tographie et à étendre l'étude du spectre dans une 
seconde région, à peine soupçconnée jusqu'alors, à 
savoir la partie la plus réfrangible. EL, en effet, au 
point de vue spectral même, la plaque sensible 
résente une supériorité incontestable: avec l'œil, 
l'observation du spectre devient très difficile au- 
elà du bleu, tandis que l'impression photogra- 
phique est forte dans le bleu, l’indigo, le violet, et 
peut même s'étendre aisément au delà, depuis À 400 
usqu'à À 360, dans la région ultra-violette et invi- 
Sible. Au reste, il ne faudrait pas croire que la 
limite extrême est imposée par la plaque photo- 
graphique : celle-ci pourrait être sensibilisée encore 
‘beaucoup plus loin, mais celte limite est unique- 
ment délerminée par les verres d'optique ordinaires 
“qui absorbent complètement les radiations les plus 
-réfrangibles; ainsi, avec des verres transparents 


JEAN MASCART — LES ÉCLIPSES ET LA CONSTITUTION PHYSIQUE DU SOLEIL 224 


spéciaux, et comme pour la lumière du disque, 
l'étude de la lumière coronale pourrait être pour- 
suivie dans une troisième région encore plus réfran- 
gible, purement ultra-violette, mais cette étuden'a 
pas encore été faite. 

Cependant, grâce à la photographie, on recon- 
naissait bien dans la seconde région les trois lumiè- 
res à spectres différents" qui avaient élé distinguées 
déjà dans la partie lumineuse du spectre et qui 
composent la lumière coronale, mais l'attention des 
observateurs était principalement portée sur le 
spectre à lignes brillantes qui doit offrir l'intérêt 
tout particulier de nous renseigner sur les gaz el les 
vapeurs composant l'atmosphère solaire : Parmi 
toutes les lignes brillantes de cette seconde région 
spectrale, il faut attacher une mention spéciale 
aux radiations attribuées au calcium et qui sont Jes 
plus fortes, dans la couronne tout comme dans la 
chromosphère. 

En même temps, on cherchait à reconnaitre la 
région où le spectre continu atteint son maximum 
d'éclat : mais nous pouvons laisser ici de côté ce 
point très particulier, car les résultats obtenus sont 
véritablement encore tropdiscordants, les uns pla- 
çant le maximum d'éclat de cette région dans la 
partie violette, d’autres le situant dans le rouge. 
Pour le vert solaire, cependant, il parait bien que 
l'intensité soit de 40 à 100 fois celle de la couronne, 
si l'on observe le même point par rapport au Soleil, 
avant et pendant l’éclipse, de 0 à 10’ dy bord envi- 
ron, mais les déterminations sont des plus déli- 
cates et malaisées. 

En février 14892, M. H. Deslandres, de l’'Observa- 
toire de Paris, et M. Hale, directeur de l'Observa- 
toire de Chicago, reconnaissent simultanément la 
présence de gaz lumineux, sur le disque même du 
Soleil, à l'emplacement des facules. Iei encore le 
progrès nouveau est obtenu à l'aide de la photogra- 
phie et chaque observateur à son mérite propre : 
c'est à Chicago qu'est réalisé le premier instrument 
permettant d'inscrire la forme de ces gaz, mais 
c’est à Paris que l’on obtient le premier appareil 
enregistreur des vitesses ; de plus, les expériences 
de M. Deslandres établissent que ces gaz n'appar- 
tiennent pas aux facules mêmes du disque, mais 
qu'ils sont véritablement situés au-dessus, en sorte 
que l’image obtenue représente la chromosphère 
entière du Soleil, telle qu'on la verrait si la photo- 
sphère eût préalablement été enlevée. Enfin, jus- 
qu’alors, on ne possédait guère que les raies bril- 
lantes renversées qui sont émises par des couches 
relativement élevées de la chromosphère, tandis 
que l’on obtient, à Paris, des images monochroma- 
tiques du Soleil avec les raies noires du spectre 


‘ Abney et Shuster, 1882, 1883, 1886. 


normal qui correspondent à des couches plus 


basses du reversing layer. 

Les recherches progressent rapidement depuis 
1892, et les trois cents raies environ que l’on peut 
noter dans le spectre des protubérances sont pres- 
que toutes identifiées avec des mélaux ou des 
métalloïdes. 

C'est peut-être ici le lieu de signaler encore les 
nombreuses tentatives faites pour avoir quelques 
indications sur la polorisation radiale de lalumière : 
d'Abbadie, Arago, Mauvais (1842), Liais (1858), 
d'Abbadie, Prazmowsky, Secchi (1860), Blaserna, 
Brett, Langley, Pickering, Ranyard (1870), Ra- 
nyard, Lockyer (1871), etc..., s'étaient attachés à 
cette question, mais tous ces astronomes avaient 
obtenu des résultats plus ou moins contradictoires. 
M. Janssen est peut-être le seul qui, dès 1871, 
accuse une polarisation nelte, el nous voilà rame- 
nés, pour quelques minutes à peine, à un problème 
de même ordre que celui de la détermination du 
bleu du ciel, de la nature intime de la lumière dif- 
fuse, questions si complexes encore malgré les 
beaux travaux parus depuis les lucimètres et eya- 
nometres primitifs de Bouguer el de Saussure. 

Nous arrivons ainsi à l’une des éclipses les mieux 
étudiées et les plus fructueuses, celle du 16 avril 
1893. 

M. Deslandres fut envoyé à Foundioum (Séné- 
gal), par le Bureau des Longitudes, avec la mission 
d'observer l'éclipse de 1893 et, à son retour, il con- 
signa ses principales observations dans un rapport 
assez complet, minutieux et des plus intéressants : 
en effet, au lieu de s'étendre à plaisir sur ses pro- 
pres déterminations, M. Deslandres à le mérite, 
difficile et rare, de faire un remarquable exposé 
de la question, résumant les travaux, les connais- 
sances acquises définitivement, les hypothèses 
émises au sujet de l'atmosphère solaire, avant de 
montrer les desiderata actuels et les points. parti- 
culiers dont il visait l'étude en montant ses expé- 
riences personnelles. C'est pendant cette éclipse 
que M. Deslandres fit ses premières observations 
sur la rotation de la couronne solaire qui, selon 
lui, au voisinage de l'équateur, suit à peu près le 
disque du Soleil dans son mouvement : en même 
temps que M. de La Baume-Pluvinel, il remarque 
encore la corrélation qui existe entre la forme de la 
couronne et la phase d'activité solaire au même 


duit M. Deslandres à conclure, par une grande 
similitude entre l'atmosphère solaire et l’atmos 
phère terrestre, à une étroite parenté entre les états 


deux atmosphères. 
A partir de 1893, le nombre des astronomes qu 
s'attachent à l'étude du Soleil croît sans cesse, 


Deslandres, Hansky, Koslinsky, Morin, ele... : 
M. Deslandres, qui s'était installé dans ce butà 
Yézo (Japon), parvient à formuler nettement cette 
loi que « les variations périodiques des taches, qui 
sont suivies par les protubérances, s'étendent aussi 
à la couronne et à l'atmosphère solaire tout ens 
tière. » 

L'éclipse totale du 22 janvier 1898 fut observée 
aux Indes et, cela, principalement par des astro 
nomes anglais : sir Norman Lockyer, E. Waltem 
Maunder, Christie, Campbell, de l'Observatoire 
Lick, etc... La durée de la totalité de l'éclipse fut dé 
deux minules; la couronne s’étendail Lout autour dé 
l'astre, mais de préférence à l’est et à l'ouest dans 
le plan de l'équateur solaire, et son aspect rappelle 
franchement celui qu’elle affectait dans les éelipses 
de 18856 et 1896. Une fois de plus la photographie 
allait permettre une nouvelle expérience : on pro 
fila de cette éclipse, pour la première fois, afin d’en= 
registrer, à l’aide du cinémalographe, les diverses 
phases du phénomène. Enfin Pedler observe nette: 
ment la ligne spectrale du fer à la base de la cour 
ronne, cependant que la principale raie verte coros 
nale, très élevée sur un des bords, etait invinsible 
sur l’autre. 


Dans une seconde partie, nous examinerons les 
théories actuelles sur la constitution physique eb 
les résultats nouveaux qui se dégagent de l’obser 
vation de l’éclipse du 28 mai 4900. 

Jean Mascart. 


Docteur ès Sciences, 


* 


N. VASCHIDE — LES TRAVAUX DU IV° CONGRÈS DE PSYCHOLOGIE 293 


… Dans le compte rendu du troisième Congrès inter- 
“national de Psychologie, publié ici même?, notre 
aître M. Pierre Janetécrivait les lignes suivantes, 
“qui méritent d'être rappelées, comme précisant 
admirablement la nalure, le but et l’évolution 
écessaire du mouvement psychologique moderne : 
Ce troisième Congrès, disait M. P. Janet, est un 
ongrès de psychologues tout simplement, sans 
pithète. Cela signifie, à mon avis, deux choses : 
abord qu'il n'y a pas deux psychologies, qu'il 
nen exisie aucune en dehors de celle qui tient 
ompte des faits, et deuxièmement que cette psy- 
hologie n'a aucunement la prétention enfantine 
de supprimer le raisonnement et le système, de se 
asser des conceptions des grands philosophes, et 
u’elle appelle, au contraire, toutes les bonnes 
volontés, toutes les études, quelles qu'elles soient. 
C'est là une initiative heureuse, et il viendra une 
époque où l’on trouvera aussi bizarre de dire un 
cours de Psychologie expérimentale que de dire 
cours de Physique ou dePhysiologieexpérimentale.» 
La Psychologie ainsi comprise, la composition du 
Congrès élail très différente et variée : ecclésias- 
tiques, occultistes, médecins et philosophes se cou- 
“doyaient avec les métaphysiciens, les sociologues 
et les expérimentateurs. L'Asie même avait un 
représentant, un philosophe indien, M. Chalterjii. 
On a élé digne de cet ancien épithète de « philo- 
sophe », montrant une largesse d'idées, un horizon 
infini devant la pensée. 

Le Congrès à siégé au Palais des Congrès du 20 
‘au 25 août, sous la présidence de M. 7h. Ribot, 
professeur au Collège de France et directeur de Ja 
Revue philosophique, ayant comme vice-président 
M. Charles Richet, le directeur de la Revue scien- 
Lilique, et comme secrélaire général le D' Pierre 
Janet, chargé du cours de Psychologie expéri- 
mentale à la Sorbonne *. 

Les séances générales, au nombre de six, étaient 


- Voir pour le premier Congrès : Revue générale des 
Sciences, 1892, t. IL, p. 609, et pour le troisième, Ibidem, 
HB07 tVIII, p-7 22. 

? Pierre Janet : Troisième Congrès de Psychologie. /evue 
générale des Sciences, 1897, t. VIII, p. 22-27. Le lecteur trou- 
. vera dans cet article une synthèse sur l'évolution de l'esprit 
. psychologique dans la manifestation intellectuelle de ces 
_ trois Congrès. 

* Le Congrès comptait 416 membres, nombre inférieur à 
celui de Munich (503), et supérieur de beaucoup aux deux 
premiers Congrès, de Paris (210) et de Londres (300). Le 

. nombre des communications annoncées était d'environ 160, 
nombre égal à celui du troisième Congrès ; la plus grande 
. majorité eu a été faite. 


& LES. TRAVAUX 
DU IV’ CONGRÈS INTERNATIONAL DE PSYCHOLOGIE’ 


consacrées chacune à des études psychologiques dis- 
tinctes : la première concernant les é{udes histo- 
riques; la deuxième, la Physiologie cérébrale; la 
troisième, les études relatives aux phénomènes du 
somnambulisme; la quatrième, les études philoso- 
piques sur la Psychologie ; la cinquième, les é{udes 
de Psychologie expérimentale, etlasixième séance, 
la Psychologie sociale et la Psychologie patholo- 
gique*. 

Le Congrès a élé ouvert, le lundi 20 août, par un 
discours du Professeur /#1hol, qui a passé en revue 
le développement de la Psychologie depuis le der- 
nier Congrès psychologique, ou plutôt de 1889 à 
1900. Bilan consciencieux et érudit, le discours de 
M. Ribot représente en même lemps une mise au 
point de l'activité psychologique de la dernière 
dizaine du xix° siècle, qu'on consullera toujours 
avec profit. 

Dans la même séance, le Professeur 77. Æbbhin- 
ghaus, de Breslau, a fait une comparaison entre la 
Psychologie actuelle et la Psychologie il y à cent 
ans. Il a parlé d'abord des publications et des 
sociétés dont disposait chacune des Psychologies à 
la distance d'un siècle, et ensuile il a abordé la 
queslion capitale : les conceptions psychologiques 
d'antan et d'aujourd'hui. L'expérimentation est 
mise à l'ordre du jour actuellement; l’activité 
mentale comme la physiologie des sens sont élu- 
diées d'après des méthodes précises, et l’on cherche 
à déterminer des lois psychologiques. La Psycho- 
logie contemporaine est autonome; celle d'il y a 
centans était subordonnée à d’autres sciences; la 
Psychologie moderne ne se laisse plus guider par 
des analogies mécaniques ou physico-chimiques; 
elle ne cherche dans la Biologie, selon le Profes- 
seur Ebbinghaus, qu'un parallèlisme pour les 
faits de conscience. Un dernier point de cette com- 
paraison est que la Psychologie est devenue de nos 
jours internationale; elle se termine par les mots 
de Galilée : De subjecto vetustissimo no vissimam 
promovemus scientian. 

Pour l'exposition de l’ensemble des travaux, nous 
suivrons la mème classification que M. Janet a suivie 


1 11 y a eu sept sections : [. Psychologie dans les rapports 
avec l'Anatomie et la Physiologie; Il. Psychologie intros- 
pective; III. Psychologie expérimentale et Psycho-Physique; 
IV. Psychologie pathologique et Psychiatrie; V. Psychologie 
de l'hypnotisme, de la suggestion et des sciences connexes ; 
VL: Psychologie sociale et criminelle; VII. Psychologie ani- 
male, anthropoloyique et ethnologique. Les deux dernières 
sections ont travaillé ensemble. 


224 


N. VASCHIDE — LES TRAVAUX DU IV° CONGRÈS DE PSYCHOLOGIE 


dans les autres comptes rendus publiés ici même; 
de la sorte, la comparaison sera plus facile et plus 
claire. On comprend bien que cette classification 
est schématique, mais, néanmoins, elle peut très 
bien servir comme un crilérium suffisant pour 
l'étude des travaux du Congrès. 


J. — ÉTUDES GÉNÉRALES DE PHILOSOPHE. 


Cilons dans cet ordre d'idées, en dehors des con- 
férences de MM. Ribot et Æhhinghaus, exposées 
plus haut, une nofe du D' Aarsqui, de Christiania, 
sur les sept énigmes du psychique. Il s'agil des 
questions concernant la délimitation des frontières 
du moi et du non-moi; l'auteur a passé en revue, 
pour cette précision de frontière, toutes les projec- 
tions du moi dans le temps et dans l'espace, et 
il cherche à étudier ce qui appartient au monde 
externe et au monde psychique. L'excursion est 
plutôt métaphysique et a l'allure d’une disser- 
tation de philosophie spéculative. Æd. Franklin 
PBuchner, de New-York, a traité de la valeur des 
hypothèses en Psychologie; les hypothèses doivent 
jouer un rôle considérable en Psychologie, si elle 
aspire à devenir une science, car des hypothèses 
constituent la vie même d’une science. La Psycho- 
logie ne doit pas seulement amasser des fails, mais 
il faut avant tout expliquer. Conception un peu trop 
littéraire, à notre avis, que celte manière d'envi- 
sager le but de la Psychologie. On n’a fait jusqu'à 
nos jours que des hypothèses en Philosophie, et 
la Psychologie était bien loin du monde à cause 
de cela une science. Ce qui précise le caractère 
vraiment scientifique de la Psychologie moderne, 
c'est justement cet amas de documents, qu'il faut 
recueillir sans trêve, quitle à construire plus tard 
les hypothèses qu'on voudra. 

Citons encore, dans cette catégorie d'études trai- 
tant des généralités philosophiques, les commu- 
nications de John E. Purdon sur l'algèbre du moi; 
du R. P. Peillaube sur le péripatétisme et lapsycho- 
logie expérimentale, conslatant une sympathie intel- 
lectuelle entre ces deux doctrines ; d’'Anton Marty, 
de Prague, sur la ressemblance : l'auteur conclut 
qu'il y a deux espèces de similitude, l’une l’iden- 
tilé partielle, et l’autre qui est constituée par des 
analogies ; de Pavicié, de Zagreb (Croatie), relative 
à une Aypothèse sur la possibilité des rapports de 
läme et du corps, imprégnée d’un spiritualisme spi- 
ritiste qui n’a rien de nouveau, pas même au point 
de vue de la synthèse des faits connus; de Ch.-V. 
Ehrenfels, de Prague, sur la racine biologique du 
positivisme ; d'Eugène von Schmidt, sur les difë- 
rentes directions dans l'entendement du monde : 
l’auteur passe en revue et fait un examen critique 
des trois grands systèmes philosophiques auxquels 


se ramène, selon lui, l'explication du monde : Jes 
matérialisme, le rationalisme et le spiritisme. Revue 
inutile à notre avis, car elle n'apporte rien de nou 
veau, ét surtout rien de bien précis. William Stern 
a traité de la liberté, et essaye d'en donner uné 
définition nouvelle. La liberté est la prédominance» 
conquise des forces psychiques sur les excitations 
extérieures; en d’autres mots, l’auteur estime quil 
faut maintenir la notion du libre arbitre. Le D' Jus 
rand de Gros a essayé de mettre en relief l'arti= 
ficialité de la limile qu'on veut tracer entre la Psy= 
chologie et la Métaphysique, et enfin le professeurs 
Muünsterberg a parlé de la Psychologie atomistique 

Il est encore à remarquer : la communication 
sur la croyance de l'abbé Ch. Dennis, directeur des 
Annales de Philosophie chrétienne, celle du D' Jean 
Philippe sur le problème de la conscience dans là 
Psychologie expérimentale, celle du D' CZaparède; 
de Genève, sur la définition de la perception, celle 
d'Abit sur la perception et la conception, celle de 
Victor Basch sur l’universalilé du jugement esthés 
tique, distinguant deux sortes de sentiments capi=. 
taux dans le faisceau constitué par le plaisir et le 
Jugement esthétique : les sentiments sensibles, 
directs, et les sentiments associés. Les premiers 
sont universellement parlagés, et les seconds sont 
essentiellement instables. Le D' J. Philippe signale 
que, depuis plusieurs années, le désaccord va s'ac= 
centuant entre ce qu'observe en nous la conscience; 
et ce qu'enregistrent les procédés d'investigations 
de la Psychologie expérimentale. 

C'est loujours dans ce groupe qu'on pourraib 
signaler la communication de M'° Zœuf, de Paris, 
intitulée : Contribution à la théorie psychologique dl 
temps. M'° Bœuf croit qu'il existe une sensation de 
temps, simple et immédiate, fournie exclusivemen 
par lesens interne. C'est dans l'organisme qu'il faut 
chercher l’origine du sentiment de temps : la sen= 
sation iniliale est celle du ry{hme nerveux, qui est 
un sentiment du corps régulièrement disconlinus 
Cette sensation du rythme existe chez tous les êtres 
vivants, et sera d'autant plus parfaile que l'activité 
supérieure de l'esprit n’entrera pas en jeu, comme 
perturbatrice des opérations automatiques. 

Le D' Paul Carus; à propos de l'identité et de l& 
continuilé du moi, essaye de constiluer une pSY- 
chologie qui offre une nouvelle intérprélation de 
l'âme. L'homme a le sentiment vague, mais tou 
jours présent, de son unilé physiologique; ce sen 
timent s'impose à l'organisme par la nécessité où 
il est d'agir comme une unité. Le moi n'est quel 
conscience que nous avons de notre propre his- 
loire, et par 2ndividualité l'auteur entend la vie d 
corps limitée à un moment du temps; la person: 
nalité est la forme de la vie, de la pensée et du sen 
timent. Ce qui périt, c’est l'individu; la personne 


N. VASCHIDE — LES TRAVAUX DU 


dure, reste comme une partie du grand tout qui est 
“l'humanité; elle dure sans forme après la mort 
aussi bien que dans les changements subis pen- 
dant la vie. L'illusion du moi n’est que le résultat 
“du procédé mythologique de notre langage. 

“— Citons enfin les quelques communications con- 
“cernant l’éternelle question de la terminologie 
Drychologique et philosophique. M. Goblot,et, dans 
“une autre communication, M. Claparède, de Genève, 
ont atliré l'attention du Congrès sur cette nécessilé 
de Lerminologie, parait-il, urgente. Onn'arien voulu 
savoir, et lacommunication de M. Claparède, quoique 
mjaile dans une séance générale, coram populo, 
na pas suscité le moindre désir de s'entendre. 
oins on s'entend, plus on travaille, paraît-il. Et 
e Congrès, tout en écartant la communication de 
M. Claparède, a passé à l’ordre du jour. La termi- 
ologie, en somme, gêne si peu, et elle est si utile 
aux philosophes à cause de ses multiples mal- 
' “entendus ! ! Bon nombre de communications au Con- 
grès n'auraient pas pu avoir lieu si cette termi- 
nologie était, une fois pour toute, bien défininie. 


II. — PSYCHOLOGIE EN RAPPORT AVEC LES 
FONCTIONS ANATOMIQUES. 


Demoor,chargé de cours à l'Université de Bruxelles 
“ont fait une importante communication sur la 
“physiologie de l'écorce cérébrale. La cellule ner- 


nerveuse est bien plastique. Chaque fois que le 
“neurone est mis en état d'irrilabilité d'une ma- 
“nière suffisamment intense, la substance fonda- 
“mentale, étant excitée, réagit et le protolasma 
“se contracte, d'où, comme conséquence immé- 
diate, l'état moniliforme des cellules. « Le neu- 


rone, écrivent les auteurs, comme toutes les cel- 


gie). La nn de la plasticité enne l'explication 
de diverses expériences faites sur le cerveau et est 
confirmée d'ailleurs par elles : 4) la rapidité de la 
yélinisation dépend de la mise en œuvre des cel- 
lules ; L) l'activité des neurones est indispensable 
au complet développement des arborisations des 
neurones ; c) lesphases d'activité ou de repos de la 
cellule sont caractérisées par la consommation ou 
_Paccumulation de la substance chromatique. La 
cellule nerveuse, telle que nous devons la concevoir 
au point de vue psychique, n’est donc pas essen- 
tiellement dominée par l'hérédité ; elle est plastique 


IVe CONGRÈS DE PSYCHOLOGIE 


19 
19 
or 


et dépendante, dans sa structure et dans son allure 
fonctionnelle, des excitants qui lui parviennent. » 
L'activité de l'écorce cérébrale à l'allure du phéno- 
mène réflexe, el la mise en œuvre des centres 
sensivito-moteurs ne peut faire naître que des idées 
particulières; les idées complexes surgissent dans 
les centres d'association. La distinction de ces deux 
ordres decentres,sensivito-moteurs et d'association, 
paraît expérimentalement démontrée chez l'animal 
et chez l'homme. 

Cette communication a mis, on le voit,en discus- 
sion la question, à l’ordre du jour, des centres 
d'association, pour ne pas dire la doctrine de 
Flechsig. Le D O. Vogt, de Berlin, a pris la parole 
pour répondre comme il suit aux arguments de 
MM. Heger et Demoor. Flechsign’a pas prouvé par 
l'étude de la myélinisation la nature sensitive des 
centres moteurs, car l'identité entre la marche de la 
myélinisationet ladirection dela conduction dans la 
fibre nerveuse n'existe pas, selon Vogt. Il n'est pas 
nécessaire d'inventer des centres d'association pour 
expliquer le côté physiologique de l'idéation. Il n'y 
a pas un seul fait, en clinique, qui montre l’exis- 
tence des centres d’associalion. Les expériences de 
M. Demoor semblent démontrer que les animaux 
avaient une sorte de cécité psychique, qu'on peut 
très bien expliquer parune lésion des fibres d'asso- 
ciation sans avoir besoin de supposer un centre 
d'association. Dans toule l'écorce cérébrale des 
Carnivores, il y adesfibres de projection et, partant, 
eù assez grand nombre pour qu'il soit impossible 
de distinguer anatomiquement des centres de pro- 
jection et des centres d'association. 

La bataille s’annonçait belle et pourtant la dis- 
cussion a été close pour passer à l’ordre du jour 
selon les exigences du Congrès. Il jaillit si peu de 
lumière de la discussion! On a regretté l'absence de 
Flechsig, qui était attendu avec curiosité, sympa- 
thie, voir même enthousiasme, par bon nombre de 
savants désireux d'entendre une parole aussi auto- 
risée à propos d'une question si capitale. 

M. O. Vogt a fait une communication sur l'ana- 
tomie du cerveau et la Psychologie; il conclut 
qu'on ne peut pas faire une Psychologie sur des 
recherches anatomiques. 

M'e J. Joteyko, du laboratoire Kasimir de 
Bruxelles, a communiqué deux notes d’une valeur 
réelle sur la falique : une première traitait de la 
fatique comme moyen de défense de l'organisme et 
la seconde de la distribution de la fatique dans les 
organes centraux et périphériques. M'° J. Joteyko 
rattache la fatigue aux fonctions de défense de 
l'organisme et la fait entrer dans la catégorie des 
défenses actives générales (fonctions de relation), 
en pouvant y distinguer trois modalités admises 
pour les autres fonctions de défense. Elle peut 


226 


être une défense immédiate (paralysie périphéri- 
que), une défense préventive (la sensation de 
fatigue, qui, de même que la douleur pour les exci- 
tations sensitives, par la trace profonde qu'elle 
laisse dans la mémoire, empêche le retour d'un 
sensation semblable), et enfin une défense consé- 
cultive (l’accoulumance, qui rend l'organisme plus 
résistant à la fatigue). 

Les recherches de M!° J. Joteyko -plaident, en 
outre, en faveur de l'origine périphériquede la fati- 
gue motrice; on a examiné, dans ce but, les varia- 
tions du quotient de la fatigue sous l'influence de la 
fatigue elle-même. Par quotient de la fatique, Y'au- 


teur entend « le rapport numérique = qui existe 


entre la hauteur totale des soulèvements, exprimés 
en centimètres, et le nombre des soulèvements dans 
une courbe ergographique ». On sait que deux 
savants allemands, Æoch et Kraepelin, sont les pre- 
miers auteurs qui aient attiré l'attention sur ce rap- 
port ; d’après ces auteurs, le nombre de soulève- 
ments ergographiques était rattaché au travail des 
centres nerveux cérébraux et la hauteur totale des 
courbes au travail musculaire. Or, M'° Joteyko, 
examinant ces courbes, a remarqué qu'à chaque 
nouvelle courbe, la valeur du quotient de la fatigue 


N diminue; ce qui prouve, en d’autres Lermes, que 


la diminution de hauteurest plus marquée et qu’elle 
est bien loin de suivre une marche parallèle à la 
diminution du nombre. La hauteur élant l’expres- 
sion de la fatigue musculaire, il s'en suit, comme 
conclusion logique, que les centres psycho-moteurs 
sont plus résistants à la faligue que les appareils 
terminaux. 

Mie Mich. Stefanowska, de l'Institut Solvay de 
Bruxelles, a communiqué également deux notes : 
une sur les appendices piriformes des cellules ner- 
veuses, et l’autre sur les conditions dans lesquelles 
se forment les varicosités sur les dendriles céré- 
brales. Les prolongements protoplasmiques des 
cellules nerveuses cérébrales ne sont pas lisses, 
mais hérissés de nombreux corpuseules, que 
M'': Stefanowska a proposé d'appeler appendices 
pirilornes. Ces appendices apparaissent tardive- 
ment dans les cerveaux en voie de développement, 
et au moment où les cellules nerveuses ont déjà 
acquis leur forme définitive. Des expériences nom- 
breuses ont aidé l’auteur à surpendre une variabi- 
lité notoire dans la disposition des appendices 
piriformes; ainsi, chez les animaux plongés dans 
le sommeil, soit naturel, soil anethésique inoffen- 
sif, les appendices sont étalés exactement comme 
chez les animaux éveillés. Au contraire, chez les 
animaux intoxiqués par une éthérisation violenteet 
prolongée, on trouve de nombreux groupes de neu- 


N. VASCHIDE — LES TRAVAUX DU IV*° CONGRÈS DE PSYCHOLOGIE 


rones qui ont perdu leurs appendices piriformes 
en même temps, leurs dendrites se sont garnies de 
granulalions et de varicosilés. La disparition des 
dendriles ne commence donc que lorsqu'il y a à 
signaler des lroubles graves. M'!° Stefanowska finit 
par conclure que, même dans les conditions nor 
males, les appendices piriformes sont doués d'une 
certaine mobilité, et que, par des oscillations imper 
ceptibles, ils varient le contact entre les neurones eb 
exercent leur influence sur le passage de l'influx 
nerveux. « Les preuves expérimentales manquen 
pourtant absolument à l'opinion de l’auteur, et toub 
ce qui a élé écrit à ce sujet sur l’amæboïsme ner 
veux est basé uniquement sur des conceptions 
philosophiques.» 

Dans la seeondecommunication,M!!° Siefanowska 
veut démontrer que les perles et les varicosités 
qu'on observe souvent sur les prolongements des: 
cellules nerveuses ne constituent nullement læ 
preuve que l'amæboïsme cérébral existe. De nom= 
breux faits, au contraire, montrent que les phéno= 
mènes observés sont des formations pathologiques; 
et l’auteur cite à l'appui de sa thèse.des faits expéa= 
rimentaux concernant des animaux profondément 
endormis par suite de la fatigue physiologique, des 
animaux anesthésiés, des animaux intoxiqués, et 
des animaux qui ont succombé à l'asphyxie, à la 
décapitation ou à la strangulation. Des troubles de 
nutrition seraient la cause de ces altérations patho= 
logiques. M! Stefanowska conclut qu'en fait de 
conceptions psychologiques on devrait s'abstenir 
de baser l’amæboïsme cérébral sur lapparilion 
des perles et des varicosilés. 


III. — PSYCHOLOGIE PHYSIOLOGIQUE. 


Les travaux concernant la Psychologie physiolo= 
gique sont très nombreux et nous contenterons 
d’une énumération bien sommaire. 

Signalons d'abord les communications intéres 
sant la psychologie et la physiologie des organes 
des sens. Aars, à propos des conditions de la rivalité 
des images r'éliniennes, constate que, parmi les fac= 
teurs qui déterminent la juxtaposition de l’aller= 
nance des images ‘réliniennes, des phénomènes 
d'origine centrale jouent un rôle notoire. L'image 
correspondante peut disparaitre si, au moyen 
des lentilles placées devant les yeux, on cherch 
et l’on arrive à rendre l'accommodalion plus 
difficile pour un œil ou pour l’autre. Les condi= 
lions centrales de la perception contribuent plus 
en d’autres cas, à donner une nettelé aux image 
réliniennes que l'accroissement d'intensité des ex 
citations. — Le L'F. Krueger (Sur la consonanceeb 
la dissonance) veut démontrer expérimentalement 
l'inexactitude de la théorie de Helmholtz sur la 


| sidi s 


N. VASCHIDE —— LES TRAVAUX DU IV° CONGRÈS DE PSYCHOLOGIE 


227 


- consonance et la dissonance. Il ne s’agit pas du tout 
de la coïncidence et de la non-coïncidence des har- 
& moniques. S. A/rutz (d'Upsala) a expérimenté sur 
“des sensations particulières de chaleur, qu'il dis- 
H tingue de la sensation ordinaire de chaud; celle-ci, 
qu'il appelle sensation de chaleur ardente (Æi{zeem- 
“plindung), ressortirait, d'après l’auteur, d'une exci- 
tation simultanée de points chauds et froids de la 
peau. A/rutz à étudié, en plus, ce qu’il appelle les 
“sensations paradoxales de froid et de chaud : sen- 
salions produites par l’excitalion avec une pointe 
chaude d’un organe terminal de la perception du 
froid. Alrutz a expérimenté avec l'appareil de 
"Thouberg.—N. Vaschide communique les résultats 
de ses recherches sur le rapport de la sensibilité 
tactile et de la sensibilité musculaire et conclut à 
une existence indépendante de ces deux sensibililés. 
Ses recherches, qui ont porté sur des phénomènes 
d'ordre anatomo-physiologique, d'ordre patholo- 
“ gique et d'ordre psychologique, le conduisent à 
+ admettre, en outre, une innervation musculaire 
sensitive et, avec elle, une sensibilité musculaire 
tout à fait indépendante. Cette indépendance plai- 
derait pour le sentiment d'une « aclivilé muscu- 
“laire », bien particulière, dont parlait Gerdy, et qui 
peut être rattachée à un sens spécial, ayant comme 
“fonction le mouvement, sensation irréduclible, et 
- comme organe le muscle. 
AM. L. Marillier et J. Philippe (de Paris) relatent 
- également des résullats de recherches esthésiomé- 
… triques. Les auteurs ont voulu vérifier et faire la 
| Te générale de la sensibilité tactile, qui, 
a depuis Weber, n'a fait le sujet d'aucun travail de ce 
genre. Weber n'avait expérimenté encore que sur 
un seul sujet, et c'est à ce cas unique qu'on est obligé 
de rapporter loutes les mesures prises pour déler- 
miner la finesse de la sensibilité tactile. Les auteurs 
‘ont essayé de combler cette lacune, ayant pris des 
mesures méthodiques et des séries complètes sur 
quatre personnes. Des mensurations ont été faites 
avec le compas de Weber, selon un dispositif spé- 
cial, sur lequel ils promettent de revenir dans un mé- 
moire ultérieur. Ignorant ce dispositif et les détails 
de l'expérience, nous nous contentons de signaler la 
portée réelle de ces recherches, qu'on ne saurait 
qu'applaudir. 
Dans un autre ordre d'idées, citons un remar- 
"quable travail de Patrizi et de Casarini, de l'Uni- 
versité de Modène, sur les {ypes des réactions 
vaso-molrices par rapport aux types nnémoniques 
Let à l'équation personnelle, une des plus impor- 
-tantes parmi les communications qui ont été pré- 
. sentées au Congrès. Il existe un tÿpe mnémonique 
quelconque qui correspond généralement à une 
réaction vaso-motrice particulière (acoustico-vaso- 
motrice, optico-vaso-motrice). Un type mental 


donné dépend au premier chef de la vivacité avec 
laquelle les excitations sensorielles préférées, pour 
ainsi dire, arrivent à sa connaissance; on peut 
même considérer le réflexe vasculaire comme l'in- 
dice dynamogénique de l'intensité de la sensation: 
à une rapidité plus ou moins accentuée de l’équa- 
tion personnelle correspondrait une réaction vas- 
culaire correspondante et bien définie. C'est ainsi 
qu'on pourrait expliquer la transformation incon- 
sciente d’une sensation dans un mouvement, l’ap- 
pareil physiologique étant disposé de la sorte et 
gràce à la rapidité du processus nerveux en géné- 
ral ; il en est de même dans l'équation personnelle 
pour l'exécution d'une réaction volontaire, acte 
psychique qui résulterait de la transformation 
préalablement adoptée des sensations et des per- 
ceptions. Casarini, un élève de Patriyi, a publié 
déjà, sous l'inspiralion de son maitre, un travail 
sur celle question dans la Aivisla di Science Dio- 
logiche, n° 3, vol. II. 

Vogt, à propos de la Contribution à la psycho- 
logie des sentiments, a constaté, laissant de côté 
les varialions individuelles, des modificalions ca- 
ractéristiques et bien constantes, au point de vue 
de la respiration, au point de vue du réflexe patel- 
laire, au point de vue du tonus musculaire du 
quadriceps et au point de vue du travail muscu- 
laire, pendant la gaieté, pendant la tristesse, et 
pendant un élat psycho-sensoriel agréable ou désa- 
gréable. Les modifications de la gaieté sont d’une 
autre nature que celles provoquées par la tristesse, 
tant au point de vue de l'augmentation et de la 
diminution des forces et du travail musculaire qu'au 
point de vue de la profondeur et de la fréquence res- 
piratoires, ete. L'émotion que Vogt appelle agréable 
n’est pas complètement opposée à celle qu'il appelle 
désagréable; l'influence modificatrice du désa- 
gréable s'approche le plus de la gaieté. Les recher- 
ches de Vogtsont précieuses, mais elles gagneraient 
beaucoup psychologiquement, si le critérium n'était 
pas dans un état subjectif un peu vague el par con- 
séquent un peu loin d'êlre défini. 17. Tschisch, 
d'Yourieff (Dorpat-Russie), croit que les excilations 
des organes supérieurs des sens par eux-mûÔmes 
ne provoquent pas de douleur, comme tous les 
excilants électriques elmécaniques ou autres, puis- 
qu'elles ne détruisent pas de tissu vivant. La dou- 
leur ne peut être causée que par la transformation 
d'un tissu vivant en un tissu mort et elle est pro- 
portionnelle à l'étendue du tissu détruit. La dou- 
leur est universelle parce qu'elle est intimement 
liée à la destruction du tissu vivant. 

Le prince Jean de Tarchanoff a parlé, dans une 
conférence très applaudie, des //lusions et hallucina- 
tions des grenouilles en dépendance de leur espèce. 
Il y à des espèces de grenouilles qui présentent 


228 N. VASCHIDE — LES TRAVAUX DU IV° CONGRÈS DE PSYCHOLOGIE 


certaines susceptibilités nerveuses, qu'on trouve 
absentes chez d’autres espèces : la grenouille brune, 
par exemple (/?ana lemporaria) présente, à la 
suite du sommeil chloroformique, des phénomènes 
tout particuliers. Chez les grenouilles, comme chez 
les autres animaux et chez l’homme, il y aurait 
donc des différences  psycho-physiologiques indi- 
viduelles. 

Me Marie de Manacéine a fait deux communica- 
tions : l'une sur les variations du caractère sous 
l'influence de différentes nourritures et l'autre sur 
lhérédité psychologique. Le'caractère subirait des 
changements notables sous l'influence de la nour- 
riture. Enfin 27% V, Paget et A. Thomson ont 
étudié le rôle de l'élément moteur dans la percep- 
tion esthétique visuelle et ont proposé un question- 
naire au Congrès dans le but de soumettre à un 
examen plus large la thèse des auteurs. 

Fr. da Costa Guimaraens (de Paris) traite de la 
psychologie des sports et conclut que ce qui fait 
l'attrait du sport, c'est une excitation, résultante 
d'un surcroit d'activité des fonctions vitales, et qui 
n'est due qu'à une oxygénation plus active. 


IV. PSYCnoLoGIE EXPÉRIMENTALE. PSYCH0-PHYSIQUE. 


Citons en premier lieu la note du Professeur 
Külpe, de Würthourg, sur le rapport des différences 
à peine perceptibles avec les diflérences nettement 
perceptibles”. Le Professeur Külpe incline à croire 
que la question ne peut être résolue que par des 
considérations purement théoriques; les recherches 
de Merklen n'ont pas apporté à la question une 
conclusion satisfaisante (Phil. Stud., IV, V, X). De 
nouvelles recherches sur les intensités lumineuses 
et sonores ont établi que l'appréciation des inter- 
valles est tout autre quand il s'agit des différences 
à peine perceptibles, que lorsqu'il s'agit des diffé- 
rences nettement perceptibles. De ces données, on 
pourrait déduire, au premier abord, que la loi de 
Weber aura une signification tout à fait différente 
quand elle s’appliquera à certaines différences 
perceptibles, que lorsqu'elle sera appliquée à 
d’autres. Külpe est d'avis que, conformément à la 
tradition, il faut réserver le nom illustre de cette 
loi à la signification qui s'applique à la détermi- 
nalion du seuil. L'hypothèse de la relation est 
préférable, car la loi psycho-physique aurait de la 
sorte une significalion psychologique. Il serait 
très désirable d'essayer la même interprétation 
pour les excitations à peine perceptibles dans leur 
rapport avec les sensations. Si l'interprétation est 
possible pour les intensités, et elle est vérifiée cha- 


1 Ueber das Verhältniss der ebenmerklichen zu den ucber-. 


merklichen Unterschieden. 


que jour, pour ce qui concerne les qualités, il existe 
une autre formule de grandeur, pour les différences 
à peine perceptibles, formule de beaucoup moin 
instable. | 

Le Professeur A/f. Lehmann (Sur l'équivalent 
mécanique des états psychiques) a étudié de son, 
côté la loi de Weber, mais au point de vue de là 
relation qui existe entre l'excitation et la sensa= 
tion, et des interprétalions dont cette relation est 
susceplible. Le point capital serait de trouver une 
formule exacte et se faisant un écho précis de la 
réalité des faits ; l’auteur croit avoir réussi à déter= 
miner empiriquement une pareille formule pour 
les sensations visuelles, par la mesure des disques: 
en rotation. Inutile de dire que la formule est 
très compliquée. Lehmann croit, en outre, qu'on 
peut exprimer de la même manière la loi de Webew 
pour les sensations auditives et même pour les 
travail musculaire à l'égard de l’innervation cen= 
trale; on pourrait alors mesurer, grâce à cette pro= 
portionnalilé des sensations et des irritations cen- 
rales, par les méthodes ergographiques, l’équiva= 
lent mécanique des divers états de conscience. 

P. Mentz a parlé du degré de saturation des 
diverses régions du spectre et de la méthode dé 
mesure précise de la saturation. (lie Sättiquns= 
verhällnisse des Spectrums und die Bedeutung von 
Sättigungsmessungen inshesondere für die Untes= 
sachung Farbenblinder). Les positions maxima de 
saturation coïncident avec celles des couleurs pures. 
Le Professeur J. Malcolm Stratton (de Californie, 
E. U.) a fait connaître une nouvelle méthode pour 
la détermination de la plus petite distance latérales 
perceptible. 

Le 1)" J. Roubinovitch a réussi à mesurer /es 
variations du diamètre pupillaire en rapport avec 
l'eftort intellectuel à l'aide d’un nouveau dispositif 
personnel, et il conclut dans le sens de l’existences 
d'un rapport direct ou indirect entre les phénomè- 
nes pupillaires et l'effort intellectuel, A. Netchaell 
(de Saint-Pétersbourg) a fait une communication sur 
le développement de la mémoire chez les écoliers 
des deux sexes ; les sujets sur lesquels les recher= 
ches ont été faites étaient âgés de neuf à dix-huit 
ans. Retenons de ses conclusions que le développez 
ment de la mémoire subit une sorte d'arrêt à l’âge 
de la puberté et que c’est encore vers onze et qua- 
torze ans que la mémoire des filles et des garcons 
diffère le plus. Les recherches de Netchaeff con- 
firment dans leur ensemble les recherches anté=" 
rieures faites au point de vue de la psychologie 
individuelle en Amérique et en France (Gil= 
bert, Mac-Donald, Binet et Vaschide, etc.). Enfin 
citons encore un travail de pédagogie expérimen= 
tale, d'une vraie valeur, sur la force musculaire 
des élèves à travers l'année, dù à M. C. Schuyten,s 


N. VASCHIDE — LES TRAVAUX DU IV° CONGRÈS DE PSYCHOLOGIE 229 


directeur du Service pédagogique et du Labora- 
“toire de Pédagogie scolaire d'Anvers. Il se dégage 
e ses nombreuses et méthodiques recherches que 
É J'écolier est sujet aussi physiquement à des varia- 
_ tions saisonnières, qui présentent tous les carac- 
tères d'une loi. 

Des présentations et des descriptions d'appareils 
“ou de méthodes ont été faites par AZ. Sommer, 
“artius, Scripture, Patrizi, Toulouse et Vaschide, 
Thierry, D° EÆncausse, etc. Le Professeur Som- 
ir (de Giessen) a présenté quatre appareils : un 
pour l'analyse des mouvements de la main, destiné 
l'analyse des trois dimensions, un second pour 
es mouvements du pied, un troisième pour la me- 
sure de la pupille et un quatrième pour les excita- 
tions optiques. Le Professeur Martius (de Kiel) fait 
“connaitre un appareil pour la mesure de la sensi- 
“bilité lumineuse, et le Professeur Scriplure, un très 
ingénieux appareil pour la sensibilité des couleurs. 
- Toulouse et Vaschide présentent une série d'appa- 
reils (12) pour la mesure des sens et qui facilite- 
“ront cette mesure en la rendant simple et pré- 
cise. L'abbé TRierr3) signale un procédé de nota- 
tion pratique, à propos de ses recherches expéri- 
mentales sur la hauteur et la mélodie de la parole 
parlée. Le D° Patrizi présente un ergographe cru- 
ral, et enfin, le !' EÆncausse quelques appareils 
wlectriques enregistreurs destinés à l'étude des 
sujets et des médiums; ce sont des appareils de 
contrôle. 

Rappelons encore la communicalion du A ZI. 
Toulouse sur l'examen psychologique; il a parlé 
sur la valeur et la possibilité des unités de mesure 
en Psychologie. 


V. — PSYCHOLOGIE DESCRIPTIVE. 


Le Professeur Zergson a communiqué une note 
sur la conscience de lefort intellectuel. Dans 
tout effort intellectuel, il y à une lulte dans une 
composilion entre des images multiples et ana- 
logues qui essayent de s’insérer dans un seul et 
même schèma, les unes ne le DO DBESnE pas tout 
à fait, les autres le dépassant, jusqu'à ce qu'enfin 
la coïncidence de l'image avec le schéma soit obte- 
nue. Ce mouvement sui gencris des images doit 
entrer pour une large part dans la conscience que 
nous avons de l'effort intellectuel. — Le Professeur 
Bourdon (de Rennes) a étudié le {ype grammaltical 
dans lesassocialions verbales d'une manière expé- 
mentale et il acquiert la preuve qu'il existe réelle- 
ment un type grammatical. Il a observé, en outre, 
que, chez cerlaines personnes, il y a spécialement 
— tendance à effectuer par exemple des associalions 

grammaticales par contiguïté. — Paul Sokolov (de 


tion colorée. I s'agit des phénomènes analogues à 
l'audition colorée; ilya des personnes qui traduisent 
en langue chromatique des choses beaucoup plus 
abstraites, du moins en apparence, telles que les 
individualités humaines, les caractères, les qualités 
intellectuelles et morales. Signalons également des 
communications : du À. P. Bulliot,sur la classifi- 
cation des caractères et de la physiologie humaine, 
d'Anastasy (de Marseille) sur l'associalion subcon- 
sciente des mots, des idées et des actes (observation 
personnelle), du D° Houroe (de Westfeld, Mass., 
U. S. A.), sur les images olfactives dans le réve, du 
D° Weygang, sur l'association dans le réve, ete. 

H. Pieron (de Paris) essaie de donnerune nou- 
velle interprétation des faits de rapidité anormale 
dans le processus d'évocation des images. Son inter- 
prétation est d'ordre psychologique. Une image 
envahit le champ de la conscience et toutes les 
images qu'elle tend alors à évoquer viennent, sans 
qu'aucun réducteur les empêche ou les retarde, 
cristalliser, pour ainsi dire, presque simultanément 
autour d'elle. Il se forme ainsi, avec toutes les 
images susceptibles d’affinité, un système psycho- 
logique cohérent. N. Vaschide communique le ré- 
sultat de ses recherches sur l'imaginalion créatrice 
chez l'enfant; l'imagination créatrice est caraclé- 
risée par une incohérence particulière, qui rappelle 
de très près l’incohérence pathologique. L'enfant 
systématise en créant, pour ainsi dire, dans le 
délire. 

Remarquons enfin la très intéressante communi- 
cation sur /a psychologie du chatouillement du Pro- 
fesseur James Sully. Retenons cette définition du 
chatouillement : c'est un reflexe sensoriel impli- 
quant un ou des modes caractéristiques de sensa- 
tion. 


VI. — PSYCHOLOGIE COMPARÉE ET PSYCHOLOGIE SOCIALE. 


M. Jean Philippe a eu l'occasion de recueillir 
dans un service d'accouchement une observation 
concernant les premiers mouvements de l'enfant ; il 
s'agit d'un fœtus d'environ vingt-deux semaines, 
expulsé sans apparence d'intoxication ; la mère 
aurait senti, ajoute M. Philippe, des mouvements 
actifs trois eu quatre jours auparavant. Les mou- 
vements élaient des mouvements 
d'extension et de flexion des jambes. 

Le Professeur Charles Richet a présenté au Con- 
grès un petit prodige musical Pépilo-Rodriquez- 
Ariola, dont la précocilé musicale a émerveillé des 
artistes de marque. Il n'a aucune instruction mu- 
sicale et il est rebelle à toute culture de ce genre. 
Sa main était si petite qu'elle ne pouvait guère em- 
brasser que cinq notes; pour exéculer un accord, 
Pépito était forcé d'égrener rapidement quelques 


immédiats 


230 


N. VASCHIDE — LES TRAVAUX DU IV: CONGRÈS DE PSYCHOLOGIE 


notes. Pépito est compositeur etimprovise en outre 
des morceaux de musique vraiment surprenants 
pour son âge. Ce pelit prodige a exécuté devant les 
congressistes quelques morceaux et improvisé aussi 
quelques frêles accords d'une harmonie chaude et 
gaie et à peu près parfaite au point de vue de la 
grammaire musicale. 

Le Professeur Bryan à exposé les conclusions 
des recherches faites, en collaboration avec le Pro- 
fesseur Lindley, sur un jeune prodige mathémati- 
que, dont les facultés arithmétiques se sont mani- 
festées à l'âge de trois ans. Rien de particulier 
dans la famille ; la mémoire et l'étendue sont con- 
sidérables, la rapidité de la mémoire est remar- 
quable, surtout dans les multiplications. Esprit très 
ingénieux, il sait tirer grand profit de ses connais- 
sances, etil est arrivé à découvrir un grand nombre 
de méthodes nouvelles de calcul. Sa prodigieuse 
faculté de calcul tient, d’après ce que les auteurs 
ont pu observer et expérimenter, à une hiérarchie 
de mécanismes automaliques qu'il tient facilement 
et rapidement à sa disposition. 

Signalons encore la communication du D° Chaiïk 
lous sur l'hérédité el la contagion, comme facteur 
de la viciation morale, du traitement méthodique 
des viciations par l'éducation et de l'application de 
la méthode dans les colonies d'enfants. 

Parmi les notes concernant la Psychologie sociale, 
citons celles de Groppali (Psychologie sociale el 
Psychologie collective), celle de Tongo Takébé sur 
la classification des tendances qui constituent les 
facteurs essentiels des phénomènes sociaux, celle 
de Schultz sur la psychologie des sauvages, celle 
d'Æulenburg sur le problème de la psychologie 
sociale. 

Une dernière catégorie de communications con- 
cerne l'étude de la Psychologie sociale au point de 
vue pénal et celui de la criminalité ; les auteurs 
ont étudié, soit l'inégalité criminelle des sexes, 
soit l'influence du système économique sur la cri- 
minalité, etc., titres des notes de A/M. de Seeland, 
du 2} Valentin, de Æ. Reich, du D' Martrès, etc. 


VII. — PSyYcHoLOGIE PATHOLOGIQUE. 


Le Professeur Pierre Janet, au nom de Y. Ray- 
mond et au sien, à fait connaitre dans une courte 
note les recherches entreprises à son laboratoire de 
la Salpêtrière sur /a respiration de Cheynes-Stokes 
dans l'hystérie et l'influence de l'activité cérébrale 
sur le rythme de la respiration. Ce rythme est pres- 
que constant chez les hystériques, mais la crise et la 
respiration se rapprochent de l'état normal à mesure 
que l'activité cérébrale du sujet se réveille et que 
son attention devient plus intense. Le !}' V. Truelle 
(de la colonie de Dun-sur-Auron) relate deux cas 


damnésie continue: l'un à la suite d'une attaque 
épileptiforme et l’autre à la suite d’une intoxication 
par l'oxyde de carbone ; le D' Paul Tesdorpt com= 
munique quelques considérations critiques sur Jan 
valeur et l'utilité d'une définition exacle du caracs 
tère pour le jugement des maladies mentales. Les 
D" Séglas, étudiant les hallucinations psychiques; 
est d'avis que ce terme doit disparaitre de la no= 
menclature psychiatrique, comme une expression, 
entretenant des confusions regrettables ; la plupart 
des phénomènes désignés sur le nom d'hailuecina 
tions psychiques ne sont pas du tout, à vrai dires 
des hallucinalions. Toulouse et Vaschide font con= 
naître le résultat de leurs recherches, faites sur des» 
aliénés, au point de vue de la psychologie indivi= 
duelle: l'application des questionnaires et des testes 
à l'examen psychologique des aliénés. Le D" C. G: 
Ferrari (de Reggio-Emilia), a parlé également 
sur le même sujet; il a traité des testes et den 
l'examen clinique des aliénés. Le D' G. Ollah (de 
Budapest), à propos de la connaissance partielle 
avec une amnésie totale, n'admet pas que la perte 
d'un souvenir soit liée à une perceptibilité incons- 
ciente de l'acte. Il y aurait toujours une conserva- 
tion partielle de la conscience, comme il y aurait 
une conservation au moins tout aussi partielle de 
la personnalité de l'individu. Ollah n’admet même 
pas qu'un sujet soit hypnolisé dans un sens opposé 
à ses actes, désirs et impulsions. Il y a beaucoup 
de considérations gratuiles dans la dissertalion 
psychiatrique de l’auteur hongrois. Citons encore 
la communication du D' À. Brouwer (de la Haye) 
sur l'aulo-suggestibililé pathologique comme un 
trait caractéristique de l'hystérie, celle du L}° Valen- 
tin sur la psychothérapie et la logothérapie, qui 
cherche à marquer la place exacte, théorique et pra- 
tique, de la suggestion verbale pure (logothérapie) 
dans l'ensemble des moyens de traitement qui. 
relèvent de la Psychologie médicale. 

Le Professeur À. Tamburini, directeur de l'Ins- 
titut psychiatrique de Reggio-Emilia (Italie), a fait 
connaître une intéressante observalion sur les 2ber- 
rations de la conscience viscérale. Ces hallucina- 
tions font l'effet, comme les autres hallucinations 
sensorielles et motrices, d'un état morbide irritatif, 
de ces centres corticaux. Des images sensorielles … 
ou motrices des impressions e!des mouvements des, 
viscères,déposéesetenregistréesàl’élatinsconscient 
dans les points corlicaux respectifs, deviennent, 
dans des cas morbides, conscientes, et, parallèle- 
ment avec l'exagération morbide, leur réviviscence 
forme l'origine des hallucinalions viscérales et des 
délires correspondants. Les éléments sensoriels qui 
constituent la conscience viscérale jouent, d'après, 
le Professeur Tamburini, un grand rôle parmiles élé- 
ments qui forment les sentiments du moi, surtoul 


N. VASCHIDE — LES TRAVAUX DU IV° CONGRÈS DE PSYCHOLOGIE 


231 


w 


dans les faits émolifs; leurs hallucinations à eux 
tous doivent exercer une influence considérable 
sur la conscience des sentiments du moi, en d’au- 
“tres mots sur la personnalilé. 
È Le D' P. Hartenberg essaye de formuler une 
nception psychologique de la névrose d'angoisse, 
elle qu'elle a été définie et délimitée en 1895 par 
Freud (de Vienne). C'est une névrose émotionnelle 
spécifique, l'affection apparaissant une 
iévrose du sympathique (le sympathique représen- 
mt le mécanisme nerveux de la vie émotionnelle). 
Bitons du même auteur une seconde communica- 
ion, traitant de la psychologie de la timidité. 
Enfin Ze D' Morlon Prince a fait connaitre, dans 
une note préliminaire, un curieux cas de person- 
alité mulliple. I s'agit du développement de trois 
personnalités dans un même individu, et des rela- 
lions que:les personnalilés comportent entre elles 
etl'individu primitif. Le sujet est unique sous plu- 
Sieurs rapports et présente sous chacune de ses 
jersonnalilés des phénomènes bien définis et des 
troubles contradictoires les uns par rapport aux 
autres; les personnalités avaient acquis quand 
même une complète indépendance. Une de ces per- 
“onnalités est la conscience exaltée au plus baut 
“point; les souvenirs sont continus depuis l'enfance 
et sa conscience personnelle n'est pas successive 
par rapport aux autres, mais contemporaine avec 
elles, et ce n’est que dernièrement que cette person- 
“nalilé s'est séparée des autres, qu'elle a acquis une 
mexislence indépendante absolue. Cette personnalité 
raffinée a écrit une autobiographie, décrivant les 
“faits et actes conscients de la vie de l’enfance jus- 
qu'au temps présent et les comparant avec celle de 
la conscience primaire. Cette personnalité est pré- 
dominante sous ce rapport aussi, et dirige beaucoup 
es autres, qui ne sont en somme que des fragments 
mutilés du « soi primaire ». Ces trois personnalités 
peuvent êlre hypnolisées. La communication de 


comme 


D Maurice de Fleur y, qui a faitconnaitre au Congrès 
des précieuses remarques sur la psycho-physiologie 


a duré plusieurs mois sans aucun trouble sensoriel 
altentif et sans aucune modification notable de la 


VIII. — L'nyPNOTISME ET LA SUGGESTION. 


Quoique le Congrès ait eu une section spéciale, 
consacrée à l'étude de l'hypnotisme, de la sugges- 
tion et des questions connexes, on est forcé de 
conslaler que les sciences connexes ont eu une pré- 
pondérance marquée, bien entendu en tant que 
nombre. Nous parlerons de ces sciences connexes 
dans le chapitre suivant; iei nous signalerohs les 
quelques travaux scientifiques concernant ces phé- 
nomènes. Nous en avonsd'ailleurs cité quelques-uns 
au chapitre précédent, comme touchant à la Psy- 
chologie pathologique. 

Signalons d'abord une communication faite dans 
une des séances générales sur a divination de le 
pensée, par le D° C.-G. Ferrari, du Laboratoire de 
Psychologie de Reggio-Emilia, une précieuse con- 
tribution à l'étude de la psycho-physiologie de la 
suggestion. Le D' C.-G. Ferrari a eu l'occasion 
d'étudier trois liseurs de la pensée : Pickmann, 
Dalton et Caselli, et ilaremarqué qu'il s’agit toujours 
d'un couple télesthésique, formé par le divinateur de 
la pensée et celui qui le conduit. Ce couple se fait 
par des transmissions sub-automatiques, possibles 
entre les deux personnes grâce à la perception des 
mouvements minimes de n'importe quel organe et 
de nature multiple. Ferrari pense, avec beaucoup 
de raison, que celle personnalité télesthésique 
pourrait nous donner peut-êlre la elef des faits 
encore très obscurs des formes rudimentaires de 
la suggestion. 

Le D' P. Hartenberg fait connailre un procédé 
spécial pour provoquer le sommeil artiliciel, pro- 
cédé qui consiste à réunir chez le sujet le plus 
grand nombre de conditions favorables au sommeil, 
mais en s'abstenant d'évoquer l'idée de dormir. 
Le sommeil serait produit par des impressions 
organiques et sensorielles. Mentionnons encore la 
communication du 1° Liégeois, sur les hallucina- 
tions négatives et la psychologie expérimentale, 
celle du 2} Æncaussesur le transfert hypnotique, du 
Dr Regnault, sur la classification des qualités psy- 
chiques primitives, basée sur les récentes décou- 
vertes hypnotiques, du D° Falk Schuph sur le pro- 
blème du les méthodes de 
l'investigation psychologique, etc. N'oublions pas 
une note du président de la section, le D° Bernheim, 
sur l’anesthésie Lhystérique, qu'il réduit à un en- 
semble de phénomènes d'aulo-suggestion et qu'on 
arrive facilement à désagréger par la suggestion ou 
par la persuasion. 

C'est également à ce chapitre qu'on pourrait 
citer la communication de M. Jagadiska Chandra 
Chatterjii, professeur à Benarès (Indes anglaises), 
sur les méthodes employées dans l'étude de la Psy- 
chologie expérimentale aux Indes, méthodes qui, 


somnambulisme et 


232 N. VASCHIDE — LES TRAVAUX DU IV° CONGRÈS DE PSYCHOLOGIE 


pour la plupart, tiennent à une utilisation adroite 
et merveilleuse des manipulations hypnotiques ou 
de la suggestion. Il s'agissait surtout de la révéla- 
tion d'une méthode classique indienne, connue 
sous le nom de Yoga, et sur ceux qui l’'emploient, 
les Yogins. On a admiré l'enthousiasme de croyant 
de #7. J.-C. Chalterjii, quand il a évoqué ainsidevant 
les congressistes les méthodes de ces lutteurs admi- 
rables pour le Nirvhäna; il a réussi à suggérer la 
possibilité de connaissances scientifiques pré- 
cieuses pour ces artistes de procédés hypnotiques. 
IX. — PSYCHOLOGIE TRANSCENDANTE. 

Les représentants de la Psychologie transcen- 
dante et surtout des soi-disantes sciences connexes 
se sont donné rendez-vous dans la cinquième sec- 
tion, où la discussion a été souvent assez vive. 

Plusieurs psychologues ont pris successivement 
la parole comme Æhhinghaus,. Külpe, Tarchanof, 
Vogt, Vaschide, Hartenberg, ete.; après des lon- 
gues répliques, le président Bernheim a précisé la 
part des faits vraiment scientifiques el a insisté 
sur le rôle considérable que joue la mentalité de 
l'observateur. Le Professeur Æhhinghaus a été 
surtout très applaudi quand il a protesté, au 
nom de la science psychologique, contre la confu- 
sion regrettable que certains représentants des 
sciences annexes faisaient des phénomènes psy- 
chiques. 

Parmi les multiples communications concernant 
les phénomènes télépatiques : transmission de la 
pensée, l'au-delà de la conscience, etc., faisons 
une place à part à celle du Professeur Myers, (de 
Cambridge) le président de le Société de recher- 
ches psychiques de Londres, sur le phénomène 
classique de {france (léthargie), à propos d'un cas 
remarquable de M'° Thompson. Dans cet état, le 
sujet semble endormi, mais il est néanmoins capa- 
ble de parler ou d'écrire sur certains sujets, que sa 
personnalité normale ignore à ce momentet dont il 
se souvient rarement à un retour à la vie éveillée. 
Cette forme léthargique peut suggérer une substi- 
tution temporaire de personnalité. M. Myers a 
recueilli les témoignages de plusieurs personnes 
pour arriver à la conclusion que les faits révélés 
par M Thompson au cours de ses expériences lui 
étaient absolument inconnus. La plupart des faits 
évoquent des communications avec des morts, qui 
semblent, à ce que dit M. Myers, parler par la 
bouche de M"° Thompson. 

Contentons-nous d'enregistrer ce fait et croyons 
sur parole M. Myers, auquel la Psychologie doit 
beaucoup de choses, qu'il n'y à eu aucune fraude. 
Mais nous nous permettrons d'observer qu'outre la 
fraude, pour ne parler qu'en question de principe, 


il ya lieu d'accorder place à une foule d'erreurs 
tenant, pour la plupart, aux états psychiques des 
témoignants et aux conditions dans lesquelles M@ 
fait a été recueilli. 
Citons encore le Professeur Ælournoy, de Genève, 
qui à montré la nécessité, pour la Psychologie, de 
s'occuper des problèmes que soulèvent les phéno 
mènes dits occultes, supra-normaux, et a proclamé 
hautement que les spirites n’ont apporté aucun fait 
scientifique à l'appui de leur thèse; lesdits phéno 
mèênes supra-normaux peuvent être expliqués par 
les lois psychologiques ordinaires. Dans le même 
sens à parlé aussi le D' ©. Vogt, de Berlin, 4 
sa communication contre le spiritisme. 
De toute cette lutte résulte, à mon avis, la néces 
silé de vulgariser dans le monde des notions élé- 
| 
1 
l 
[ 


D. 


D 


mentaires de méthodologie et de préciser plus 
largement la significalion des conditions qu'exige 
une bonne expérience. 


X. — COMMUNICATIONS DIVERSES 


N'oublions pas de mentionner la création de 
l’Institut psychique international, qui a élé annon 
cée au Congrès par une communication succincte 
dn D" Ockorowicz. Get Inslitut vient d'être créé à 
Paris, dans le but d'organiser un centre intellec 
tuel internalional pour la Psychologie et les science 
annexes, en harmonisant lous les efforts et em 
centralisant toutes les ressources. L'Institut veu 
mettre à la disposition des travailleurs, écrib 
M. Janet dans le premier numéro du Bulletin de 
Finstitut, au nom du Comité provisoire, les docu= 
ments nécessaires à leurs études, instruments, 
livres, ete.; il veut fournir des ressources à tous 
les laboratoires, à lous les chercheurs, réunis où 
isolés, qui pourraient montrer qu'ils ont besoin: 
de cet aide pour une recherche ou une publi= 
cation intéressante ; il veut encore provoquer de 
études et des recherches sur cerlains faits qui 
mériteront d'être mis à l’ordre du jour ou qui le 
sont déjà, et organiser enfin, autant que possible, 
des laboratoires permanents, une clinique, où se= 
raient effectuées, par quelques-uns de ses membres; 
les recherches jugées les plus utiles, etc. » 

Le programme est assurément beau et des plus 
nobles; reste la grande besogne, après avoir tracé 
un si vaste et admirable plan d'études, de le mettre 
en pratique. La direction, étant confiée, au moin 
pour le commencement, à des savants et psycho= 
logues comme MM. Ch. Richet et Pierre Janet 
entre autres, doit inspirer confiance dans l'avenir 
de celte institution. 

Le Congrès a fini, comme tous les Congrès, par 
un banquet et par des discours, qui n'ont manqué 
ni d'élan, ni de volubilité, ni d'humanité. Ce ban- 


quet a eu lieu au premier étage de la tour Eiffel. Il 
convenait bien aux psychologues de siéger à une 
certaine hauteur et d'avoir devant eux un horizon 
plus large; ils ont pu à leur gré jeter des jalons, 
pour l'avenir de la Psychologie, dans l'infini du 
temps et de l'espace. 

… Avant de finir, n'oublions pas de féliciter le 
Comité d'organisation pour la réussite du Congrès, 
qui compte pour beaucoup dans l'histoire de la 
Psychologie. Félicitons en particulier M. Janet, qui 
a assumé la lourde tâche de Secrétaire général du 


ET LA CULTURE DES AGAVE 


La culture des Agave a, depuis une vingtaine 


Agave susceptibles de donner des produits indus- 
triels comme au Mexique. 


Il 


Depuis longtemps l'Agave Americana, impro- 
prement appelée Aloès,est propagée comme plante 
de clôture et d'ornement en Algérie. Elle y prend 
n grand développement et s'y montre, ainsi 
ue plusieurs de ses congénères, bien adaptée au 
imat. Mais c’est bien à tort qu'elle y été regardée 


à production de fibres textiles. Si l’on peut extraire 
ses grosses feuilles quelques mèches de fouets, 
Line réussit guère à l'exploiter en grand. Il con- 
viendrait, croyons-nous, d’éludier de plus près la 
possibilité de cultiver conjointement des espèces 
du même genre dont on tirerait des fibres utili- 
Sables. Voici à ce sujet quelques indications : 

. Depuis 1886, ayant eu à créer un Jardin bota- 
dique pour nos Écoles supérieures, je me suis 
cupé de réunir une collection d'Agave, tant au 
nt de vue purement botanique qu’au point de 
e de l'utilisation de nos terres arides par ces 


REVUE GÉNÉRALE DES SCIENCES 1901. 


D: TRABUT — LE CRIN DE TAMPICO ET LA CULTURE DES AGAVE EN-ALGÉRIE 


_ pris une grande PA PRTEUICE quel les cli- | 


| spéciale au Jardin. 
| Dr Weber m'a envoyé des graines de l'Agave qui 


233 


pli largement la destination d'une pareille réunion. 
Les Congrès n'apportent jamais de solutions pré- 
cises, mais préparent l’espril; on apprend à se 
connaitre et on localise mieux ses pensées après 
avoir assisté à des séances où les représentants 


| les plus différents de la Psychologie ont agité des 


idées. Et, dans un mouvement se ientifique, site 
des idées, c'est déjà beaucoup! 


N. Vaschide, 


Chef des travaux 
du Laboratoire de Psychologie expérimenta!e 
de l'École des Hautes Études. 
(Asile de Villejuif.) 


LE CRIN DE TAMPICO 
UNIVITTATA ET HETERACANTHA 


EN ALGÉRIE 


plantes. En 1892, j'ai recu de nombreux échantil- 
lons de Sisal vrai et faux; ces végétaux se sont 
très bien développés et font l’objet d'une étude 
En septembre 1894, M. le 


fournit le Tampico et qui porte le nom indigène de 
Lechuguilla. Ces, graines avaient été récoltées au 
Mexique sur les lieux mêmes de l’exploilation. Or, 
les plantes qui en sont issues se sont montrées 
identiques aux Agave que je possédais déjà sous 
le nom d'Agave univittala. 

Ces végétaux (fig. 1) sont remarquables par de 
nombreux caractères qui permeltent de les classer 
dans une section spéciale du genre. Leurs fleurs sont 
en épi de 3 à 4 mètres rappelant l'inflorescence de 
la Scille marilime; elles sont insérées deux par 
deux. Les feuilles ont une marge sèche épineuse 
qui se détache très facilement du reste de la feuille, 
si bien qu'avant de travailler ces feuilles, les Mexi- 
cains éliminent facilement les épines en détachant 
les marges épineuses. 

Les Tampico grainent très bien à Alger et, en 
1898, j'ai pu distribuer, par l'intermédiaire de la 
Société d'Horticulture de celte ville, une assez 
grande quantité de graines provenant de sujets 
plantés en 1886 au Jardin botanique. 

Les rameaux souterrains ou stolons sont, dans 
cette espèce, longs et nombreux; aussi cet Ayave se 
présente-t-il en touffes avec des roseltes de lout 
âge (fig. 2). Sur chaque sujet, les feuilles sont au 
nombre de trente à quarante, longues et étroites, 
rigides et graduellement alténuées en pointe cana- 
liculée, striées de vert sombre sur le dos, et pré- 

gen 


234 D' TRABUT — LE CRIN DE TAMPICO ET LA CULTURE DES AGAVE EN ALGÉRIE 


sentant longtemps une raie large de couleur claire | 


des épines petites, inégales, 
crochues, distantes de quel- 
ques centimètres; l’épine ter- 
minale est brune, vulnérante, 
canaliculée. Si l'on examine 
la section de la base de la 
feuille, elle montre une quan- 
üilé extraordinaire de gros 
faisceaux rigides ; en écrasant 
la feuille, on voit apparaître les 
fibres qui, en nombreux fais- 
ceaux, sont noyées dans un 
parenchyme qui laisse exsu- 
der une matière mucilagi- 
neuse très abondante et riche 
en saponine. 


IT 


C'est autour de San-Luis- 
de-Potosi que se fait la prin- 
cipale exploitation de la Le- 
chuguilla ; l'exportation se fait 
de Tampico, d’où le nom de 
crin de Tampico donné au pro- 
duit. 

Le nom de fibres de Tain- 
pico est donné à toutes les 
fibres exportées par ce port. 
Il y a cependant lieu de dis- 
tinguer et de réserver, d’après 
M. Rose ‘, l'expression de 


gne les Lechuguilla est surtout composée de petits 
sur la face supérieure. La marge est cornée et porte |! (punlia très épineux, de Prosopis, de Yueca 


d'autres Agave de petite taillé 


L'exploitation de la fibre de 
Tampico est faite par des In 
diens christianisés ou par dés 
métis appelés Peons, habitant 
des gourbis. — Celte exploi® 
tation est faite d’une manière. 
barbare : les feuilles müres 
ne sont pas récoltées seuless 
les feuilles jeunes du centrèw 
sont coupées, elles forment um! 
« Cogollo ». — Cette pointe 
centrale, formée par la réus 
nign des jeunes feuilles nom 
encore épanouies, est arrachée 
au moyen d'un bâton muni 
d'un anneau de fer ou percé 
d'un trou et nommé urro.m 
Ces Cogollos sont chargés” 
sur le dos et apportés sous uR 
arbre ou sous un hangar. Vo 
ci, d'après W.-S. Booth, com» 
ment se fait l'extraction de l& 
fibre. | 


« Sous de grossiers hangars 
couverts de feuilles de palmiers» 
on peut voir les Peons préparant 
la fibre. Une botte fraiche den 
Lechuguilla à sa gauche, l'hommen 
s'assied les jambes étendues 
côté d’un piquet de bois d'en 
viron 20 centimètres de haut 
maintenu solidement en terre él 
obliquant légèrement à gauche 


« Istle » pour les fibres d'Agave à feuilles courtes | Une autre pièce]de bois carrée de 10 centimères est fixée“ 


(A. heteracantha), de 
« Palma loca » pour les 
fibres de Yucca, et de 
« Guapilla » pour les 
fibres d'Agave à feuil- 
les linéaires (A. uni- 
villala). 

Les Agaves crois- 
sent sur des plateaux 
calcaires à des altitu- 
des de 1.000 à 2.000 
mètres; la température 
y oscille entre 10° el 
30°, avec une moyenne 
de 46° à 20°; les pluies 
y sont peu abondantes, 
car aucune céréale n'y 
vient sans irrigalion; 
la flore qui accompa- 


! Rose : Useful plants of Mexico, in U, S. national Herba- | mais et la même manœuvre est répétée sur la deuxième 
partie de la feuille. Les fibres sont empilées, puis ex 


, 


rium, t..V, n° 4, 1899. ÿ 


Fig. 2. — Siolons d'Agave univillata. 


l 


sur celle-ci, à quelques“ 
centimètres au-dessus du 

sol. À un centimètre aus 

dessus de cette tablettes 
le pieu est troué et res 
coit la pointe d’un 4a/laem 
dor (fig. 3) ou racloi 

tranchant monté sur win 
manche de bois que 
l’ouvrier prend de Jà 
main droite. Prenant une 
feuille et enlevant adrot 
tement les marges épis 
neuses, il place un épi 
égrené de mais dans le 
cavité pour avoir plus de 
prise ; alors, avec Îles 
mouvements re 


la feuille est pressée & 
raclée par les passages 
successifs sous la lame 
une première face étant 
ainsi traitée, la feuille 
est retournée et raclét 
de l’autre côté, la partit 
ainsi préparée est en® 
roulée autour de l’'épi dem 


| 


| 
A 
4 


SG 


posées au soleil. Dans les Haciendas, on emballe ensuite 
la fibre en ballots de 100 kilos, revêtus de toile gros- 
à ière, et, par de très mauvaises routes, ce produit est 
expédié sur San-Luis-de-Potosi et Tampico. » 
FA 
« A Alger, l'Agave de Tampico se montre au moins 
“aussi riche en fibres que dans son pays d'origine : 
avec des feuilles pesant 200 grammes fraiches, en 
D: j'obtiens 15 grammes de fibres tandis que 
ans les exploitations mexicaines le rendement 
nest que de 5 °/,. Les fibres oblenues sont très 
elles el semblables aux fibres qui sont vendues 
pour la brosserie à 60 francs les 100 kilos. 


III 


- La multiplication de celte plante économique 
ble très facile, et sa propagalion dans les ter- 


< 
CPC LL) 


Fig. 3. — Tallador Mexicain, 

ins arides doit être une opération productive. 
On peut admettre que toutes les stations où se trou- 
vent déjà des Agave et des Opunlia conviennent 


ransplantée, soit en pépinière, soil en place. 

Quand les plantations auront acquis une cer- 
e importance, la multiplication se fera simple- 
ent par les très nombreux rejetons que donne 


D' TRABUT — LE CRIN DE TAMPICO ET LA CULTURE DES AGAVE EN ALGÉRIE 


235 


place dès le début de l'automne jusqu'en avril et 
mai. 

Aucune préparation du terrain n'est nécessaire : 
dans les pentes rocailleuses, sableuses, déboisées, 
il suffira de suivre les lignes horizontales et de 
placer les jeunes sujels ou rejelons au moyen d'un 
coup de pioche; un enfant peut faire cette plan- 
tation, et les jeunes bergers indigènes pourraient 
couvrir le pays d'Agave de Tampico si, au lieu de 
s'endormir sous une broussaille, ils consacraient 
à ce travail utile quelques heures tous les jours. 

Dans un lerrain nu comme une dune, il est pos- 
sible d'établir 5.000 touffes qui, en production, 
donneront plus d’une tonne de fibre. 

Mais cet Agave devra surtout êlre planté dans 
des terrains irréguliers rocailleux, utilisant pour le 
mieux les vestiges de terre que la dénudation conti- 
nue entraine tous les ans. Ces plantes, disposées en 
lignes continues et horizontales, auraient pour 
effet de retenir l'eau et l'humus, et favoriseraient 
le développement de petites plantes fourragères très 
importantes, pour le mouton, notamment. Ce n'est 
qu'après lrois ou quatre ans que les premières 
plantations seront exploitables: il faudra alors cou- 
per les feuilles avec une serpette emmanchée lon- 
guement ou une sorte de sabre, et les transporter 
dans une usine ; ou les traiter sur place avec le 
tallador mexicain, ce qui est possible, les feuilles 
de tampico se laissant très facilement décortiquer. 
Il est probable que si cette culture s'implante, des 
usines s’organiseront et achèteront aux indigènes 
les feuilles récoltées par eux. 

Cent kilos de feuilles, pouvant donner 7 kilos de 
fibres valant de 3 fr. 50 à 4 francs, pourront faci- 
lement être payés 1 francs à 1 fr. 50. Les 5 à 
600 feuilles nécessaires pour faire 100 kilos sont 
très vite ramassées. La pulpe des feuilles de la 
Lechuguilla contient en abondance un mucilage 
riche en saponine qui pourrait probablement être 
ulilisé. 

Les Agave qui donnent le Tampico et le Sisal 
peuvent, en Algérie et en Tunisie, occuper des sur- 
faces très importantes et fournir à la métropole des 
textiles de premier ordre, qui, sur les marchés, sont 
très demandés et payés des prix élevés. 

D' L. Trabut, 


Professeur à l'École de Médecine d'Alger 


236 


BIBLIOGRAPHIE — ANALYSES ET INDEX 


BIBLIOGRAPHIE 


ANALYSES ET INDEX 


1° Sciences mathématiques 


Braunmühl (A. von), Professeur de Mathématiques 
à l'Ecole Polytechnique de Munich. — Vorlesungen 
über Geschichte der Trigonometrie. ErstTer TriL.— 
L vol. in-8v de vu-260 pages. (Prix : 9 marks.) B. G. 
Teubner, éditeur, Leipzig, 1900. 

Dans cette première partie de son ouvrage, M. von 
Braunmüh{ embrasse l'histoire de la Trigonométrie de- 
puis l'Antiquité jusqu'à la découverte des logarithmes. 
Les huit chapitres qui la composent sont écrits avec 
autant de science que d’érudition. D'ailleurs, les remar- 
quables mémoires publiés antérieurement par l'auteur 
dans la Bibliotheca Mathematica de Stockholm et dans 
les Nova Acta de l'Académie Royale Léopoldine-Caro- 
line d'Iéna, le désignaient tout naturellement pour cette 
délicate entreprise. 

Le mathématicien allemand étudie d'abord les traces 
de la Trigonométrie chez les anciens peuples de l'O- 
rient. Les documents relatifs à cette période sont rares : 
le Papyrus d'Ahmes nous initie aux laborieux procédés 
des Esyptiens, et le T'cheou per à ceux, non moins rudi- 
mentaires, des Chinois. Puis les géomètres grecs entrent 
dans la lice. Ils découvrirent des formules semblables 
aux nôtres pour la résolution des triangles rectilignes 
et sphériques, mais ils arrivèrent à ce but grâce à des 
méthodes lentes et détouruées, que le grand astronome 
Ptolémée eut le mérite de simplifier quelque peu. Avec 
les Hindous, les sinus s'introduisirent dans les calculs; 
toutefois, leurs plus illustres savants : les Aryabhatta, 
les Brahmagupta et les Bhaskara, dirigèreut plutôt 
leurs efforts vers les questions d’Algèbre. De leur côté, 
les Arabes imprimèrent un vigoureux essort à la Trigo- 
nométrie. Les perfectionnements qu'ils y apportèrent 
permirent de nombrenses applications astronomiques. 
Comme son prédécesseur hindou Aryabhatta, et sans 
doute indépendamment de lui, Al-Batani eut, en effet, 
la lumineuse pensée de substituer les sinus des arcs 
aux moitiés des cordes des arcs doubles que les Grecs 
utilisaient dans leurs calculs. Il découvrit également 
l'expression fondamentale de la Trigonométrie sphé- 
rique, et, sous la dénomination d'ombre étendue, il se 
servit de la tangente dans ses formules gnomoniques. 
Du v° au vue siècle de notre ère, les mathématiciens 
de la Chrétienté perfectionnèrent médiocrement nos 
connaissances (risonométriques ; aussi est-ce avec rai- 
son que M. von Braunmühl leur consacre seulement 
quelques pages. 

Avec Régiomontanus (1436-1476), la Trigonométrie 
moderne commence à prendre corps. Son De Triangulis 
planis et sphericis est le plus ancien traité trigono- 
métrique qu'ait produit l'Occident. L'illustre astro- 
nome Copernic apporta également sa pierre à l’édifice ; 
mais c’est surtout à Viète qu'on doit les plus grandes 
découvertes dans ce domaine. Son Canon mathematicus 
(1579) est un recueil de tables où se rencontre, pour la 
première fois, en regard de l'angle correspondant, la 
valeur des sinus, tangentes, sécantes, cosinus, cotan- 
gentes et cosécantes, calculées de minute en minute. 
Dans ses autres livres, il parvint à affranchir la Science 
des énoncés prolixes précédemment adoptés. Il pré- 
senta, sous forme de tableau, les éléments connus et 
inconnus d’un triangle et constitua de la sorte les for- 
mules générales expéditives que nous utilisons jouc- 
nellement. 

Telle est, en substance, l’œuvre érudite de M. von 
Braunmübhl, dont nous souhaitons de pouvoir bientôt 
signaler l’achévement. Jacques Boyer. 


Vidal (CI). — Pour la Géométrie euclidienne 
Etude critique élémentaire sur les fondements de 
Géométrie. — Une broch. in-8° de 37 pages. Croville 
Marant, Paris, 1900. 

La brochure de M. Vidal mérite d'être signalée àt 
ceux qui s'intéressent aux fondements de la Géoméb 
Ils y trouveront une série d'arguments tendant 
prouver que la Géométrie euclidienne est la se 
admissible. La thèse développée par l’auteur est la st 
vante : Z! n'y a qu'une Géométrie, la Géométrie eu@ 
dienne, parce qu'il n’y a qu'une ligne droite, la dra 
euclidienne; selon M. Vidal, cette affirmation mes 
d’ailleurs qu'une conséquence naturelle de la défini 
de la ligne droite par Euclide. C'est dire que l’aut 
refuse d'admettre la notion de droite lobatchefskien 
aussi bien que la droite riemannienne, et qu'il conte 
les arguments sur lesquels Beltrani et Mansion éta 
blissent l'indémontrabilité du postulat d'Euclide. 

Nous laissons aux revues spéciales le soin d’examin 
en détail le point de vue développé par M. Vidal. Not 
devons nous borner à reproduire ici les titres des 
paragraphes que comprend cette brochure : Les tro 
Géométries. — Démonstration du postulatum d’Euclide” 
dans la théorie des parallèles; conséquences. — Dis 
cussion des arguments sur lesquels se fonde la p 
tendue indémontrabilité du postulatum d'Euclide 
Identité de la droite riemannienne avec une circon 
rence de grand cercle d'une sphère. — Unité de la G 
métrie. Vraie signification des théories non euclidiennes” 
— Sur quelques définitions de la ligne droite. 


| 
| 
À 
1 


2° Sciences physiques 


Gerland (E.), Professeur à l'École Royale des Mine 
de Klausthal et Traumüller (F.), Professeur 
Gymnase Nikolaï à Leipzig. — Geschichte d 
physikalischen Experimentierkunst. — {| | 
in-8° de 442 pages avec 425 figures. (Prix : 17 fr. 50 
W. Engelmann, éditeur. Leipzig, 1900. Ë 
Cet ouvrage procède d’une conception nouvelle; 

n’est point une histoire de la science, ni même une 
toire de la Physique. Le but des auteurs a été non po 
laut de donner une image du développement de cet 
science que d'indiquer avec netteté la filiation des pre 
cédés expérimentaux, avec leurs résultats les plus im 
médiats. De celte façon, le sujet est limité, les consi 
rations trop générales en sont exclues, et si les moy 
de la connaissance y sont exposés avec détail, on sk 
rêle au seuil de la science proprement dite : on ne 
qu'entrevoir le résultat. 

Ainsi envisagée, l'histoire perd un peu de son impol 
tance philosophique et éducatrice, au moins pour 
élèves, auxquels l’ouvrage s’adressera surtout à ti 
documentaire; mais ceux qui, en Physique, ont attei 
la maturité suppléeront aisément par la réilexion a 
développements qui n'entraient pas dans le cadre 
l'ouvrage. Mème ainsi restreinte, l'histoire présente 
core un grand intérêt; la disproportion entre les moye 
et les résultats dans les périodes créatrices devientr 
évidente, et on voit nettement apparaître la perspit 
cité des hommes qui ont su se mouvoir à travers mi 
causes d'erreurs et dégager de ce fouillis les lois sin 
ples sur lesquelles on a ensuite échafaudé la sciene 
Mais cela même doit nous rendre circonspects. 
créateurs, le plus souvent, ont été moins affirmatils 
que les élèves. Ceux-ci, supprimant l'indication «toi 
se passe comme si », que les maitres conservaient s0 
gneusement, ont pu souvent verser dans la scolastiqu 


À une certaine époque, un résidu est négligeable; plus 
Hard, il cesse de l'être, et, parce qu'on l’a négligé sciem- 
nent, on continue à n'en pas tenir compte, bien plus 
Len puisqu'on ignore son existence. La 
découverte de l’argon, plus d’un siècle après que Caven- 
‘“dish avait déclaré qu'il le négligeait pour le moment, 
restera l’une des preuves les plus éclatatantes du tort 
que cause au progrès de la science l'ignorance dans 
dans laquelle la plupart d’entre nous vivent de l’histoire 
des découvertes. Aussi, quand la brèche est ouverte, on 
voit le progrès s’accomplir par la suppression de l'opi- 
nion toute faite ; il se répand à grands flots, comme le 
prouve la découverte de l'hélium, du néon, du crypton, 
du xénon, auxquels on n'est arrivé que par la voie 
“du doute créé par l’argon. 
Dans l'ouvrage dont nous nous occupons, l'art expé- 
| imental est pris depuis ses origines, chez les Babylo- 
mniens et les Assyriens, jusqu'au milieu du xix° siècle. 
ë es divisions sont celles de l'histoire politique : anti- 
“quité, moyen-âge et temps modernes, avec un peu de 
“décalage dans le début de ces périodes. Nous trouvons 
ïen peu de documents sur les premiers peuples, tan- 
dis qu'avec les Egyptiens, nous arrivons à connaitre le 
iphon, la balance, le rouleau, alors que la scienre des 
recs, synthélisée par Aristote, s'élève jusqu'à des prin- 
ipes généraux. Archimède, au mi° siècle avant notre 
re, donne les premiers principes de l'Hydrostatique, 
s lois du levier et le célèbre principe qui porte son nom. 
Ecole d'Alexandrie, à la suite d'Euclide, poursuit 
étude de l'Hydros!atique, invente la pompe à feu, 
“l'orgue à eau, le moulin à vent, et une foule de ma- 
“chines dont le principe a été conservé jusqu'à notre 
poque. 
…— Le Moyen-Age voit à l'œuvre surlout les Byzantins et 
Jes Arabes, et les temps modernes préludent à la renais- 
ance des études scientifiques dans l'Europe occiden- 
‘tale. Les auteurs placent le début des temps modernes 
de la science au moment où Galilée entre en scène, et 
rangent encore les précurseurs, Porta, Tartaglia, Léo- 
nard de Vinci et Stevin, dans la fin du Moyen-Age scien- 
ifique. 
A partir de ce moment, la classification adoptée par 
les auteurs est mixte; ils considèrent une des bran- 
hes de la Physique pendant une période assez élendue, 
occupent ensuite des autres questions pendant des pé- 
odes à peu près équivalentes, el dont le commence- 
ment et la fin marquent une époque de grand progrès, 
montrant ainsi le développement paralièle, et synthétisé 
en général dans un ou deux chercheurs heureux ou 
génials, de sciences bientôt arrêtées par les diflicultés de 
atechnique, ou par le retard relalif des sciences voisines. 
Pour la densité, les lois de la chute des corps ainsi 
que pour le microscope et le pendule, Galilée est l'ini- 
iateur. Kepler et Descartes sont rapprochés dans un 
chapitre, pour des raisons peut-être insuffisantes ; les 
«recherches optiques de ce dernier sont indiquées en 
détail, ainsi que ses expériences moins connues sur le 
nagnétisme et la représentation des lignes de force par 
des limailles. Ilest intéressant de noter ici la découverte, 
faite par M. Korteweg, d'une lettre de Golius à Constan- 
tin Huygens le père, d'où résulte d’une manière défini- 
tive que Descartes découvrit la loi de la réfraction tout 
à fait indépendamment de Snellius. 
La période suivante nous donne des travaux d'Otto 
de Guericke et de Boyle, puis ceux de Torricelli sur la 
pression des gaz. Nous ajouterions volontiers icile nom 
de Pascal, dont les mérites relatifs au baromètre ne sau- 
raient être méconnus sans injustice. Cette période, en 
somme, développe surtout les idées de Galilée et en 
revise quelques-unes. À une époque peu ultérieure, 
uygens, Leibnitz et Papin iatroduisent, chacun dans 
un domaine différent, des idées plus nouvelles. 
On a rendu pleinement justice à Leibnilz et à Huygens 
qui sont considérés, à l'heure actuelle, comme deux des 
plus puissants génies de tous les temps. Papin, s'il ne 
peut être placé au même niveau comme grandeur et 
… généralité de la conception, futcependant un expérimen- 


BIBLIOGRAPHIE — ANALYSES ET INDEX 237 


tateur et un inventeur de génie, que les auteurs placent, 
au point de vue particulier de l'expérience, sur un pied 
d'égalité avec les deux grands émules de Newton. 

Au xvn° et au xvure siècle, on s'occupa beaucoup du 
baromètre et du thermomètre, que l'on modifia de mille 
manières, et, parmi les inventions récentes, il en est 
peu dont on ne retrouve la genèse dans cette période. 
Leibnitz et Papin s'occupèrent même du baromètre 
anéroide, et correspondirent à son sujet. Puis Amon- 
tons, d'une part, Fahrenheit de l'autre, apportèrent au 
baromètre, au thermomètre et à l'aréomètre de grands 
perfectionnements. Dans la même direction travaillent 
Réaumur et de nombreux savants qui s’occupèrent de 
Metéorologie. 

En Optique, le grand expérimentateur est Newton, 
dont l'œuvre reste à peu près intacte jusqu’au début du 
xix° siècle, qui découvre pour ainsi dire Huygens. Le 
milieu du xviur siècle voit les débuts de l'étude systéma- 
tique de l'Électricité, et, à la fin du même siècle, les 
découvertes de Galvani et de Volta ouvrent une ère 
nouvelle. Nous voici dans le plus grand siècle de la 
Physique, celui de son complet épanouissement. Vue 
avec un peu plus de recul que nous n'en avons actuel- 
lement, son histoire sera glorieuse. Aujourd'hui encore 
il est trop récent pour que, dans la masse énorme des 
documents, le tri soit facile. Les auteurs de l'ouvrage 
dont nous parlons allègent singulièrement cette tâche 
en se limitant à l'Électricité, où les travaux d'Ampère, 
d'Arazo, d'Oersted, de Faraday préparent l'avènement 
du télégraphe et de la machine dynamo-électrique. D'où 
vient ce choix ? Pourquoi n'avoir parlé ni de l’Acous- 
tique, ni de la transmission de la Chaleur, nide l'Optique, 
ni de la découverte des grands principes de la Thermo- 
dynamique ? Nous n’en voyons pas la raison, et n'y rat- 
tachons aucune critique, mais le fait devaitétre signalé. 

Les auteurs ont eu l’heureuse idée de reproduire un 
grand nombre de figures originales, fort intéressantes à 
examiner de près lorsqu'on aime à se rendre compte 
des moyens de découverte. Et, si leur ouvrage présente 
plus d’une lacune, il n’en renferme pas moins des do- 
cuments nombreux et généralement bien choisis qu'il 
était utile de rassembler et de publier. 

Cu. Eb. GUILLAUME, 
| Physicien au Bureau international des Poids et Mesures. 


Van’t Hoff (J. H.) — Leçons de Chimie physique. 
Ouvrage traduit de l'allemand par M. Convisy, pro- 
fesseur agrégé au lycée de Saint-Omer. 3 vol. 1n-8° 
{Prix : 23 fr.). — Librairie scientifique Hermann, 
Paris, 1900. 

La Revue a signalé, lors de son apparition, la pre- 
mière parlie des Leçons de Chimie physique, de Van't 
Hoff (J.-H.) traduites en francais par M. Corvisy. L'ou- 
vrage est actuellement complété par la publication de 
deux autres volumes relatifs l'un à la Statique chi- 
mique, l'autre aux Relations entre les propriétés et la 
composition des corps. 

Le deuxième volume des Leçons de Chimie physique, 
la Statique chimique, est presque entièrement consa- 
cré à des questions sur le développement desquelles 
l'œuvre personnelle de M. Van'’t Hoff a eu une influence 
prépondérante. Le problème traité dans ce volume 
peut se résumer de la façon suivante : La composition 
chimique élémentaire, telle que la donne l'analyse 
chimique, ne suflit pas à caractériser un corps; il faut 
compléter ce résultat par d’autres données, à la connais- 
sance desquelles on arrive en étudiant les corps qui, 
possédant la même composition chimique, présentent 
des propriétés différentes. Cette étude conduit à consi- 
dérer trois cas différents que M. Van t Hoff examine suc- 
cessivement ; ce sont: le cas des corps polymères dans 
lequel on rapporte la variationdes propriétés à la gran- 
deur du poids moléculaire,au nombre de molécules chi- 
miques réumes pour former la molécule physique; le cas 
des corps isomères, dans lequel les différences de pro- 
priélés observées pour des corps de même composilion 
. élémentaire sont attribuées à des différences dans le 


238 BIBLIOGRAPHIE — ANALYSES ET INDEX 


groupement des atomes qui constituent la molécule ; 
enfin le cas des corps polymorphes, dans lequel on 
examine les différents édifices cristallins qui peuvent 
constituer les mêmes molécules. 

On sait combien M. Van't Hoff a fait avancer les con- 
naissances relatives à la détermination des poids molé- 
culaires en introduisant la notion de pression osmotique, 
et en étendant aux systèmes liquides et nolamment 
aux solutions diluées les lois relatives aux systèmes 
gazeux, telles que la loi d'Avogadro. En ce qui concerne 
les idées relatives à l'isomérie, M. Van’t Hoff a joué 
encore un rôle prépondérant dans le développement 
de la notation stéréochimique et l'élude des relations 
qui existent entre l'asymétrie moléculaire et les pro- 
priétés des corps optiquement actifs; nul n’élait mieux 
désigné que lui pour traiter ces délicates questions. 

Le troisième volume des Leçons de Chimie physique. 
est consacré à l'étude des relations qui existent entre 
les propriétés des corps et leur composition, relations 
qui sont divisées, comme l’a proposé Ostwald, en rela- 
ions colligatives (dépendant du nombre de molécules), 
addilives et coustitutives (dépendant de la nature des 
atomes unis dans la molécule et de leur mode de 
liaison). M. Van’t Hoff examine successivement les 
relations relatives aux propriétésphysiques,relations de 
volume et de pression dans diverses conditions, en 
tenaut compte des équations caractéristiques des 
corps, températures d'ébullition, températures critiques, 
chaleurs spécifiques, tensions superficielles, ete., 
puis les relations relatives aux propriétés chimiques. 
Cette dernière partie n'est pas d’une clarté parfaite et 
l’auteur semble le reconnaître lui-même, car il termine 
son livre par la phrase suivante : « Au commencement 
de ce travail, nous sommes partis des phénomènes sim- 
ples de l'équilibre chimique, basés sur les principes de 
la Physique; nous arrivons maintenant à la fin de 
notre ouvrage, entouré de relations encore mystérieu- 
ses, parmi lesquelles l'instinct merveilleux du chimiste 
est seul capable de trouver sa voie. » 

En tête de chacun des volumes se trouve reproduite 
la préface de M. Van't Hoff, dans laquelle il justifie la 
division adoptée en Dynamique chimique, Statique.chi- 
mique et Relations des propriétés avec la composition; 
il y résume de la facon suivante le mode d’expesilion 
suivi dans cet ouvrage: « La méthode adoptée est celle 
que j'ai suivie dans mon enseignement. Elle consiste 
essentiellement à développer toute loi en partant d'un 
exemple concret convenablement choisi et traité expé- 
rimentalement ; l'ensemble des résultats est autant que 
possible représenté par un graphique ; puis viennent 
la conclusion et enfin les développements théoriques 
sur la généralité et la portée de cette conclusion. » 

Cette dernière partie est souvent moins complète 
que les premières, et il semble qu'un ouvrage de ce 
genre gagnerait à contenir une discussion plus serrée de 
la signification des termes employés, du caractère plus 
ou moins hypothétique des principes invoqués, en un 
mot, à développer davantage le côté philosophique de 
la question. 

La lecture des deuxième el troisième volumes des 
Lecons de Chimie physique ne nous semble pas devoir 
modifier l'impression signalée dans cette Revue à pro- 
pos du premier volume et que nous résumions dans 
la phrase suivante: L'ouvrage de M. Van’t Hoff ne cons- 
tilue pas un traité didactique complet, mais plutôt la 
réunion d’une série de conférences sur les points 
importants de la Chimie physique et particulièrement 
sur les travaux de l'auteur et de ses élèves. La lecture 
en est néanmoins des plus instructives et la traduction 
de M. Corvisy rendra de réels services aux chimistes 
français. 

M. Corvisy a ajouté, à la suite de sa traduction, deux 
notes intéressantes: l’une sur le volume critique d'après 
Dieterici, l'autre sur la densité réelle des composés 
chimiques et la relation de cette densité avec la compo- 
sition et la structure, d'après Ramonikof. G. CHarry, 

Docteur ès scierces, 


3° Sciences naturelles 


Giglio-Tos (D'Ermanno) Professeur à l'Université d@ 
Turin. — Les Problèmes de la Vie. 1" Partie“ 
La Substance vivante et la Cytodiérèse. — 1 wok 
in-8° de 288 pages. Chez l'auteur, Palais Carignanos 
Turin, 1900. 


Tout biologiste vraiment digne de ce nom, c'est-à= 
dire désireux de rapporter à leurs véritables causes 
les phénomènes de la matière vivante et d’en pénétren 
le mécanisme intime, éprouvera un sentiment bien 
naturel de curiosité et le vif désir de le satisfaire, en 
voyant l'annonce d’un ouvrage sur les problèmes de ak 
vie. Sa curiosité et son désir de lire iront grandissant… 
s’il lui est donné de connaître le sommaire ou seulu= 
ment l'en-tête des chapitres de ce livre. L’assimilation 
et la reproduction — la biomolécule et ses développe= 
ments — la physiologie de la biomolécule — le bio: 
more — le bioplasma, la biomonade et la cellule —1à 
cytodiérèse —les lois rationnelles de la cytodiérèse — 
les problèmes analytiques de la cytodiérèse — les pro= 
blèmes complexes de la cytodiérèse ; tels sont les titres 
de chapitres. Un ouvrage dont la matière est à telles 
euseignes vaut plus qu'une simple présentation et a 
besoin d'une analyse détaillée. 

Mais écoutons d’abord la profession de foi scientifiquem 
de l’auteur. Convaincu, dit-il dans sa préface, que lan 
Biologie spéculative actuelle s'achemine vers la téléo- 
louie, il veut la remettre, si possible, sur la route que 
doit suivre une science vraiment positive. La nature new 
nous cache rien, et nous présente, au contraire, tous les 
moyens nécessaires pour dévoiler ses mystères. Point 
n'est besoin de forces spéciales pour la solution des 
questions biologiques, et l'application des principes 
généraux des phénomènes de la matière brute suffit à 
l'interprélation des manifestations fondamentales de la 
vie. Les merveilleux phénomènes vitaux ne sont que 
les conséquences naturelles de phénomènes chimiques, 
physiques et mécaniques, el de même que les phéno- 
mènes météorologiques, avec leur apparente complexité, 
relèvent d'une seule cause fondamentale, la chaleur 
solaire, de même on peut ramener à des causes simples 
les processus vilaux les plus compliqués, si l'on en 
analyse toutes les conditions exactement et avec une” 
rigueur mathématique. 

Avec une rigueur mäthématique ! C'est-à-dire queles 
phénomènes vilaux, élant admis qu'ils ne sout pas 
d'essence propre et sont réductibles à des actions phy- 
sico-chimiques, doivent être étudiés comme autant de 
questions mécaniques, et mis en problèmes : les pro- 
blèmes de la vie. Exemple: Silessurfaces planes de deux 
corps rigides et fixés sont parallèles entre elles et tan- 
gentes à la cellule pendant la cytodiérèse, quelle est la 
direction du plan de division, celle-ci étant inégale? Le 
problème ainsi posé mathématiquement et résolu de la 
même facon, les Biologistes auront d'autre part et 
ensuite à vérifier expérimentalement le résultat. Cette. 
vérification n’estcependant pas essentielle ; elle ne sau-" 
rait en tout cas remplacer la détermination mathéma- 
tique desconditions du phénomène. Il serait très fâcheux 
qu'une question cellulaire fût seulement débattue sur 
le terrain expérimental; car, ne connaissant pas exac- 
tement la valeur des actions qui s’exercent sur la cel- 
lule, le Biologiste serait tenté d’invoquer, comme on l’a 
si souvent fait, des forces hypothétiques, des agents 
mystérieux, conduisant la matière vivante en dépit de” 
Loutes les lois mécaniques. 

Tel est l'aspect général du livre. 

Voici maintenant le contenu essentiel des divers 
chapitres. 

Dès l'introduction, l'auteur prend position en annon- 
cant l'interprétation qu'il donnera dans son premier 
chapitre des deux phénomènes fondamentaux de la vie M 
l'assimilation et la reproduction. L'assimilation, affirme=" 
t-il, est un phénomène chimique, exclusivement chi=n 
mique, qu'on ne peut songer à expliquer par une pro- 


BIBLIOGRAPHIE — ANALYSES ET INDEX 239 


priété physique telle que la structure morphologique. 
La cause intime de l'assimilation, comme celle de tout 
Dore chimique, est donc à chercher uniquement 
dans la constitution chimique de la matière vivante. 
«La bio-molécule » ou molécule vivante! voilà la base 
“de l'assimilation. » 
+ Rappelons que le point de vue de Rhumbler et d'au- 
“tres cytomécaniciens est tout différent, que pour eux 
assimilation est un phénomène purement physique, 
épendant seulement de l’état d'agrégation de la sub- 
stance vivante, et nullement influencé par la composi- 
“tion chimique de cette substance, et que, d'une facon 
plus générale, la constitution physique de la matière 
wivante seule importe à considérer pour l'explication 
es phénomènes de la vie. 
» Dans le chapitre 1°: L’assimilation et la reproduction, 
Mauteur rappelle quels sont les changements chimiques 
“le lamatière : substitution, addition, dédoublement, ete. 
Puisque la substance vivante ne contient pas un seul 
“élémentqu'on neretrouve chez lesautrescomposésbruts, 
puisque l'explication des phénomènes chimiques vitaux 
ne peut être fondée sur des changements qui ne ren- 
trent pas dans les types ci-dessus mentionnés des chan- 
ements chimiques de la matière, on doit se demander 
ces changements sont suffisants pour permettre une 
interprétation des phénomènes vitaux fondamentaux, 
de l'assimilation, et de la reproduction qui n’est qu'une 
conséquence de la première. Contrairement à la plu- 
part des biologistes, l’auteur répond affirmativement. 
Une molécule de méthyléthylcétone, sous l'action de 
oxygène, se dédouble en deux molécules d'acide 
acétique : 


Méthyléthyl- Acide Acide 
célone acétique acétique 

CH 
| CA° CH* 
CASE OMIS [ 
| CoON COOoH 
Co 
| 
CH* 


- De mème, un microcoque, qu'on peut supposer réduit 
à une seule molécule, à une biomolécule, par une série 
de mutations chimiques, change sa constitution et est 
devenu capable de se dédoubler en deux molécules 
égales entre elles et identiques à la molécule primitive. 
i l'on désigne par a l’état premier du microcoque ou 
de sa molécule, par M son élat secondaire après la 
érie des mutations successives, on peut exprimer par 
le schéma suivant le cycle vital du microcoque : 


a...M= a+ a, 


- Il y à ici, on le voit, deux phénomènes : 1° dédou- 
blement de la molécule primitive a (qui s'est transfor- 
mée en M) en deux autres molécules 4, c'est-à-dire 
qu'il y a une véritable reproduction ; 2° une transfor- 
mation de la molécule a en M par une série de mula- 
ions chimiques particulières, pendant lesquelles la 
molécule a a doublé le nombre de ses atomes; ce der- 
nier phénomène est l'assimilation, dont le premier, la 
reproduction, n’est que l'effet final. La ressemblance 
est parfaite, pour ce qui concerne l'acte reproducteur 
de la molécule chimique et de la biomolécule. Elle est 
à première vue bien moins évidente pour ce qui est de 
l'autre acte, celui de la transformation chimique ou de 
l'assimilation vitale ; mais elle le devient par laconsidéra- 
tion suivante: c'estqu'on peut transformerles deux mo- 
Jlécules d'acide acétique formées en deux molécules de 
-méthyléthylcétone, parl’action successive du perchlorure 
“de phosphore, du zinc-éthyle et de l'oxygène, véritables 
aliments que la molécule d'acide acétique utilise tout 
“comme la molécule vivante, et qu'elle assimile pour sa 
“transformation en molécule de méthyléthylcétone. 
L'auteur conclut done : que l’assimilation et la re- 
“production sont, en dernière analyse, deux phéno- 
nènes chimiques. Puisque ces mêmes phénomènes 


peuvent être produils artificiellement chez des corps 
qui ne sont pas vivants, point n’est besoin pour les 
expliquer d'une force spéciale; les actions de l'affinité 
chimique, qui produisent les changements de la matière 
brute, suffisent à l'explication. L'auteur, après s'être 
demandé pourquoi la molécule d’acide nitrique n'est 
pas vivante, elle aussi, quoique capable d’assimiler et 
de se reproduire, en donne la raison : c'est tout sim- 
plement parce que les conditions de son existence ne 
sont pas réalisées, ni peut-être réalisables, dans la 
Nature. Il est aussi amené à examiner les conditions 
nécessaires pour la vie. 

La biomolécule et ses développements, tel est le titre 
du chanitre II. Le développement biomoléculaire est 
douné par le diagramme : 

dr Dr creal..eM—act a. 

Puisque la biomolécule as’estrégénérée identiquement 
par son dédoublement final, c'est là un développement 
autogénétique. Le développement homogénétique est 
celui où une biomolécule a! se dédouble en deux mo- 
lécules e', e', semblables entre elles, mais différentes 
d'elle : 

Ans cheedr- Meter 

Au bout d'un certain nombre de développements 
homogénétiques la molécule primilive a! peut se régé- 
nérer véritablement par un développement autogéné- 
tique. Enfin, le développement hétérogénétique est 
celui dans lequel une biomolécule a! se divise en deux 
autres molécules «et 1! inégales entre elles et diffé- 
rentes d'elle-même : 


ae BEC A MU EL ET 


Dans ce développement hétérogénétique, l’une des 
biomolécules finales peut fonclionner comme biomo- 
lécule autogonétique; c’est celle qui, par une série plus 
ou moins longue de développements biomoléculaires 
peut régénérer la première: c'est une biomolécule 
génétique, immortelle ; l'autre, dépourvue de cette pro- 
priété, est une biomolécule somatique. [On ne voit pas 
pourquoi, du moment que e! peut reproduire a, et se 
comporte comme molécule génétique, celte molécule 
a une notation e” différente de a!, dont elle doit cepen- 
dant reproduire les caractères essentiels}. 

Tous ces modes théoriques de développement de- 
vaient être prévus pour suffire aux évolutions si 
diverses de la matière vivante. $ 

Dans le chapitre HT, Physiologie de la biomolécule, 
l'auteur, grâce à la précision de son point de départ, 
peut rectifier un certain nombre de conceptions phy- 
siologiques, telles que celles de la respiration, de la 
fonction chlorophyllienne, de la sécrétion. La respira- 
tion est une oxydation et non une combustion; elle ne 
se décompose pas en deux actes nécessairement liés 
l'un à l’autre par un lien de conséquence; la fixation 
de l'oxygène, qui est une véritable assimilation, et le 
dégagement d'acide carbonique, qui est une désassimi- 
lation, sont dans une indépendance relative l’un vis-à- 
vis de l’autre, et sont successifs et non pas nécessaire- 
ment dépendants. De même, la fonction amylogène, qui 
produit l’amidon, ne dépend pas nécessairement de la 
fonction chlorophyllienne, qui fixe le carbone atmo- 
sphérique; car les organismes dépourvus de chloro- 
phylle peuvent former des substances amyloïdes, et 
d’autres, qui possèdent de la chlorophylle ou de la bac- 
tério-purpurine, sont par contre incapables de produire 
des hydrates de carbone; aussi ne doit-on pas dire que 
le chloroleucite agit simplement par action de présence, 
mais bien qu'il se modifie pour donner lieu à l’amidon, 
puisque tous les atomes constituants de l’'amidon pré- 
existent dans la biomolécule avant que celle-ci sécréle 
l'amidon. — On trouvera dans ce chapitre plusieurs dé- 
finitions et distinctions utiles. Ainsi, dans les réactions 
chimiques de la matière brute, on peut distinguer les 


240 


BIBLIOGRAPHIE — 


éléments indispensables, nécessaires et utiles, et la 
même distinction se retrouve dans les phénomènes 
chimiques de la matière vivante. D'autre part, il y a lieu 
de séparer les substances qu'on comprend sous la dé- 
nomination très large de produits de sécrétion, en deux 
catégories au moins : les éléments de refus, et les élé- 
ments de désassimilation. 

Au chapitre IV, apparait le hiomore, particule vivante 
qu'il est nécessaire de concevoir et d'admettre, puisque 
la matière vivante est une émulsion. Ce biomore est 
composé de biomolécules qui y sont déposées d'une 
facon déterminée, de même que les molécules d’une 
substance cristalline, et y sont soumises à une attrac- 
tion réciproque. A l’intérieur du biomore, les biomo- 
lécules sont unies par le lien physiologique d'une étroite 
symbiose moléculaire; elles se réunissent les unes les 
autres et de telle sorte que le produit de sécrétion de 
l'une devienne un aliment de l’autre, et réciproque- 
ment. Il résulte de là l'existence d’un milieu interne 
biomorique, produit et utilisé par les biomolécules, 
grâce auquel celles-ci échappent dans une certaine 
mesure aux conditions extérieures de la vie. 

Dans le chapitre V, l’auteur nous présente successi- 
vement le bioplasma, la biomonade et la cellule. Le 
bioplasma est la substance vivante, formée de biomores 
quelle que soit la nature de ceux-ci; les biomores sont 
immergés dans un liquide interbiomorique. On ne doit 
pas comprendre dans le bioplasma les parties non 
vivantes, telles que l'amidon, la cellulose, etc. 

{Cette manière de voir sur l’amidon et d'autres corps 
de la substance vivante, sans être en contradiction for- 
melle avec l’idée que nous en donne l'auteur au cha- 
pitre IT, est cependant assez inattendue; car on aurait 
rangé plutôt l'auteur parmi les biologistes qui font 
vivre l'amidon dans la cellule vivante que parmi ceux 
qui n'en font qu'un corps inerte]. Quelques remarques 
suivent sur l’existence des structures fonctionnelles du 
bioplasma, structures caractéristiques d'autant d'états 
physiologiques différents. [Cette notion, très impor- 
tante, était déjà dans la science.] A citer aussi la no- 
tion de la probiose, c'est-à-dire de la vie antérieure 
d'organismes précédents, qui ont préparé aux suivants 
un milieu favorable (ex. : formation de l’humus, de la 
houille, alimentation des animaux carnivores qui sup- 
pose l'existence d’herbivores lesquels à leur tour sup- 
posent des végétaux). 

Tout système symbiotique de biomores forme une 
biomonade ou unité vivante. De ces biomonades, les 
unes sont incomplètes, c’est-à-dire incapables de se 
régénérer par elles-mêmes, même partiellement (œuf 
non fécondé, spermatozoïde); les autres sont complètes 
(œuffécondé), capables de se reproduire. 

La cellule est une biomonade à bioplasme différencié, 
formé de biomores dissemblables, ceux du noyau, du 
cytoplasme, du centrosome, etc.; elle est avant tout 
caractérisée par ces biomores de nature chimique spé- 
ciale dont l’ensemble forme le noyau. 

L'étude du phénomène essentiel de la cytodiérèse 
forme la matière du chapitre VI. Le point crucial du 
raisonnement est le suivant. Il ne peut y avoir de 
différence fondamentale entre la division d’une molé- 
cule et celle d'une particule visible, telle qu'un bio- 
more, puisque la molécule a non seulement la qualité 
chimique, mais encore la forme. De même ce qu'on 
dira des biomolécules, composants de la particule du 
biomore, pourra s'appliquer aux biomores, composants 
de la biomonade, de la cellule. La division de la bio- 
molécule est donc le phénomène élémentaire de la 
division cellulaire. 

C'est l'orientation des atomes qui est la cause effi- 
ciente de la division des molécules et spécialement des 
biomolécules, parce qu'elle seule pent donner lieu à un 
nouveau groupe d’atomes, c'est-à-dire à une molécule 
nouvelle. De même pour le biomore et sa division. 
Soit un biomore À, et soit la situation de ses biomolé- 
cules constituantes, à l'instant même de leur naissance, 
donnée par le schéma (1) : 


ANALYSES ET INDEX 


tution chimique changera, et, comme leur arrangement 
est en étroite dépendance de leur constitution, on 
obtiendra une disposition nouvelle telle que celle-ci (2)« 


@) fe 


Si l’arrangement (2) est celui qu'offre le biomore au 
moment de la division des biomolécules, et si le déve= 
loppement de celles-ci a été autogénétique, c'est-à-dire 
si la biomolécule 4! reproduit deux fois la molécule 
primitive 4, on obtiendra : 


bb 
(3) $ ff ee 
“dd 

aa 


Puisque les molécules du schéma (3) sont de même 
nature chimique qus celles du schéma (1), elles pren= 
dront la même disposition réciproque qu'en (1), 
comme leur nombre est à présent double, leur orien= 
tation sera double aussi et amènera nécessairement | 
division du biomore. Le biomore (3) se divisera donc en: 
deux biomores semblables au biomore (1), comme dans, 
le schéma (4) : 


8. 


(4) 1 b f b 


De même que la division du biomore résulte fatale= 
ment de l'orientation des biomolécules, de même, la” 
division des biomonades et des cellules succède inévi= 
tablement à l'orientation complète des biomores. L’au= 
teur nous fait assister, par ses figures 1 et suivantes, à. 
cette orientation de plus en plus complète des bio: 
mores, qui s'effectue au cours des étapes successives 
de la cytodiérèse. Il explique ou pense expliquer de 
cette facon tous les détails du processus cytodiérétique, 
par le jeu de l'orientation des biomores au sein de LL 
cellule. Combien souvent ces biomores sont des ma- 
rionnettes, dont l'auteur tire le fil pour les conduire 
où il veut et où il faut, c’est ce que le lecteur pensera 
certainement plus d’une fois, notamment quand il 
verra comment l'orientation des biomores (fig. 17 et 18) 
doit expliquer l'éloignement des chromosomes et la: 
formation des étoiles-filles. 

Dans ce chapitre, il y a beaucoup de points de vue 
très intéressants et dont nous songerons d'autant moins 
à contester l'exactitude que nous les avons nous-même 
toujours admis. Telle est l'existence éphémère des 
structures de la division cellulaire (asters par exemple), 
dont la forme varie et disparait, mais dont la matière 
demeure. Telle est l’opposilion nette établie entre la pé= 
riode assimilatrice et la période de division de la cellule: 

Dans les chapitres VII, VIII et IX enfin, l’auteur dé= 
duit d’abord de son interprétation générale de la cyto=, 
diérèse, ce qu'il appelle les Lors rationnelles de la cyto= 
diérèse, c'est-à-dire des lois qui ne découlent pas des 
l'observation, mais qui sont une conséquence mathéma= 
tique. Il n’en énonce pas moins de 28. La formule de, 
ces lois est empruntée à la donnée empirique (ex:le 
spirème est l'indice du commencement de la division du 
noyau), mais l’auteur la présente toujours comme uns 
résultat mathématique de l'orientalion des biomores,. 
comme corollaire de sa proposition fondamentale. 


Viennent ensuite dans le chapitre VIII les problèmes. 


analytiques de la cytodiérèse. Après avoir supposé, dans. 
le chapitre précédent, des conditions idéales pour l’ac= 
complissement de la cytodiérèse, l’auteur analyse les 


| effets des conditions naturelles où le phénomène s'ac= 


eo an tt © 


BIBLIOGRAPHIE — ANALYSES ET INDEX 


241 


… complit, leur influence sur le schéma général du pro- 
 cessus cylodiérélique, dans un certain nombre de pro- 
… blèmes dont le type général est le suivant : Etant donnée 
| telle condition particulière nouvelle, en quoi le phéno- 
… mène en sera-t-il modifié? 11 y a ainsi un problème 
pour l'action de la position des corpuscules centraux 
sur la direction de la cytodiérèse, un autre pour l’ac- 
tion de la pesanteur sur cette même direction, un troi- 
—sième pour l'influence des obstacles mécaniques exté- 
… rieurs, un autre pour l'action des obstacles mécaniques 
intérieurs, des substances brutes de la cellule, etc. 
Toutes ces conditions diverses sont étudiées mathéma- 
tiquement à l’aide de constructions géométriques et de 
formules algébriques. 

… Eclairé par l'étude analytique de ces diverses condi- 
tions, l'auteur peut enfin aborder, dans le chapitre IX, 
étude des problèmes analytiques de la cytodiérèse, dont 
“la complexité est en effet très grande dans la nature et 
demande chaque fois une connaissance exacte des 
conditions particulières réalisées dans le cas qu'on se 
propose d'examiner, Il pose et résout quelques-uns de 
“ces problèmes complexes tels que la détermination de 
la direction des plans de segmentation dans les divers 
types d'œufs se développant naturellement, dans les 
œufs comprimés artificiellement, etc. 

Ainsi est amenée tout naturellement la seconde partie 
de cet ouvrage, qui paraîtra plus tard et sera intitulée : 
l'Ontogénèse et ses problèmes. 

Tel est le livre de Giglio-Tos. Très fortement pensé, 
très logignement conduit, il est fort bien écrit, et par là 
d'une lecture facile, malgré la difficulté du sujet traité. 

Jamais, ce semble, une théorie générale de la vie n'avait 
serré d'aussi près la matière et jamais, bien que l'idée 
d'une interprétation physico-chimique eût germé et 
même pris forme dans le cerveau de bien des Biolo- 
gistes, sinon de la plupart des Biologistes actuels, cette 
idée n'avait pris une forme aussi précise que dans ce 
livre. Jamais surtout on n'avait si peu senti l'effort de 
l'application d'une théorie matérialiste à l'explication 
des phénomènes de la vie, jamais par conséquent une 
théorie générale de la vie n'avait eu autant de naturel 
et de vraie simplicité. 

… L'auteur a cru devoir ne pas-s’en tenir à l'interpréta- 
tion générale de la vie. et a voulu expliquer des phé- 
nomènes vitaux particuliers, aujourd'hui les phases de 
Ja cytodiérèse, demain les processus de l'ontogenèse, en 
les présentant comme autant de conséquences, logique- 
ment et mathématiquement déduites de sa proposition 
générale, comme autant de lois rationnelles. Ce n’est 
Jamais sans quelque appréhension que l'on voit une 
belle théorie générale se risquer au milieu des écueils 
sans nombre que lui offrent les faits particuliers; ou, 
“pour me servir d'une autre image, c'est en tremblant 
qu'on la voit descendre, elle qui élait faite pour être 
placée très haut parmi les réalités de l'observation, au 
risque de se heurter et de s'abimer contre l’une d'elles. 
ans les sciences dont l’objet est accessible à nos sens, 
e danger que court l’idée n’est pas dans son envolée 
géniale ni dans le soleil qui peut la brûler, mais 
dans la redescente sur terre parmi les données empi- 
iques qui peuvent la briser. 

Actuellement, du reste, l’essai d'une théorie générale 
par les faits est-il suffisamment probant de sa soli- 
‘dité? Si la théorie résiste à l'examen des faits, cela ne 
ient-il pas à ce que les faits eux-mêmes résistent en- 
core en parlie à l'examen, à ce que leur forme est 
encore assez vaguement connue pour que, vus d'un peu 
haut, ils paraissent coïncider avec toute théorie bien 
faite, comme l’est celle-ci? Toute théorie générale de 
la vie n'est-elle pas dès lors comme un article de foi, 
“qui parfois, comme ici, a pris pour nous séduire la 
forme d’un raisonnement admirable, et qui appartient 
comme ici à une religion scientifique séduisante, qu'on 
est heureux de voir si bien défendre et qu'on est heu- 
eux aussi de partager ? 

D'ailleurs, je ne veux pas faire croire que l’auteur a 
cherché à éprouver, comme d'autres biologistes, sa 


théorie par les faits, qu’il a mis comme d'autres en for- 
mules mathématiques les données de l'observation. 
Son procédé est plutôt inverse. Il établit des principes : 
la nature chimique de la biomolécule, par suite ses 
changements et son orientation. De ces principes il tire 
les conséquences logiques qu'ils comportent (lois ra- 
tionnelles); avec ces principes il résout des problèmes 
(problèmes de la vie). L'énoncé de ces lois, l'idée de 
ces problèmes lui sont fournis par l’empirisme, et sont 
exprimés dans le langage de l'observation microsco- 
pique. Mais là est le seul emprunt qu'il fasse à l’obser- 
vation. Ses lois, ses problèmes peuvent et doivent se 
passer de la vérification et de la solution empiriques. 
Il se contente de signaler çà et là, non sans satislac- 
tion, la coïncidence du raisonnement et de la donnée 
expérimentale. L'auteur, qui est biologiste de profes- 
sion, a voulu et su oublier qu'il était expérimentateur, 
pour pouvoir raisonner librement sur les phénomènes 
de la vie; il a fait ainsi manœuvre en sens inverse. 

Il faut tenir comple de ce sens inverse de la re- 
cherche scientifique et considérer que l'explication 
d'un phénomène particulier vient du point opposé à 
celui d'où nous le regardons habituellement, nous 
autres biologistes expérimentateurs et observateurs, 
pour ne pas accabler d'un « voilà pourquoi votre fille 
est muette » des explications telles que celles qu'on 
trouve dans ce livre pour la formation du spirème et 
pour d'autres phénomènes caryocinétiques. Si chacun 
de nous, en effet, avait voulu donner à ce phénomène 
une apparence de précision, nul doute qu'en partant 
du fait particulier il ne soit arrivé à une explication 
analogue, sur la valeur réelle de laquelle il ne se serait 
pas cependant fait illusion. Mais, encore une fois, le 
mérile de ces interprétations de Giglio-Tos est tout 
dans leur origine, et non pas dans leur nature, dans 
leur valeur intrinsèque. 

C'est dire que ce sens inverse du raisonnement fait 
à l’auteur le plus grand mérite, car il est presque une 
innovation, qu'un esprit très original seul pouvait réa- 
liser. Mais les théories, qui donnent du mérite à la 
personne, sont moins généreuses malheureusement 
envers la science impersonnelle; et trop souvent, après 
elles, il ne reste plus qu'à dire d'elles et de leurs au- 
teurs : Se non e vero, e bene trovato : un reproche 
que le plus humble fait bien observé, n'encourt pas, 
et un compliment que les plus belles théories, telles 
que celle-ci, font venir sous la plume, en attendant 
leur vérification expérimentale. 

A. PRENANT, 
Professeur d'Histologie 
à la Faculté de Médecine 
de l'Université de Nancy. 


4° Sciences médicales 


Saint-Hilaire (D Etienne) — La Surdi-Mutité. 
Etude médicale. — 1 vol. in-8° de 300 pages. (Prix : 
10 fr.). Maloine, éditeur. Paris, 1900. 

La surdi-mutité est un des points de la Pathologie dont 
la bibliographie est la plus riche: car elle n'intéresse 
pas seulement les auristes; elle a provoqué aussi de 
nombreux travaux de l'école neurologique, pour qui 
elle constitue au plus haut point un effet de la dégé- 
nérescence nerveuse; enfin, au titre d'infirmité so- 
ciale, elle a excité l'intérêt des économistes et des phi- 
lanthrop s : d'où résulte que peu de sujets ont fait 
naître plus d'études et de controverses. Malheureuse- 
ment, chaque auteur qui écrit sur cetie question, 
s'efforce surtout de réunir les arguments qui appuient 
ses opinions persounelles, de sorte que celui qui, igno- 
rant de la question, en voudrait prendre uue idéee com- 
plèle et impartiale, serait embarrassé de trouver dans 
la littérature française moderne un livre capable de le 
satisfaire à ce point de vue. Cette regreltable lacune 
vient d'être fort heureusement comblée par le docteur 
Saint-Hilaire, qui nous donne aujourd'hui une excellente 
mise au point d'ensemb'e de la surdi-mutilé. Il la traite 


242 BIBLIOGRAPHIE — ANALYSES ET INDEX 


en médecin impartial, laissant au lecteur le soin de 
juger la valeur des opinions contradictoires si souvent 
mises en présence ; tout au plus guide-t-il discrètement | 
notre choix en nous montrant ce que lui a appris son 
expérience dans l'Institut départemental d’Asnières, 
qu'il dirige. 

En 1893, le Conseil général de la Seine fondait à 
Asnières « l'Institut départemental de Sourds-Muets et 
Sourdes-Muettes ». L'intérêt majeur de cetle œuvre 
était qu'une formule nouvelle était mise en action. Cet 
établissement fut rattaché à la Direction de 1 Enseigue- 
ment primaire, au lieu de dépendre, comme ses ana- 
logues, de la Direction de l’Assistance publique : ainsi le 
Conseil général montrait que les sonrds-muets doivent- 
être considérés non pas comme des infirmes à secourir, 
mais comme des enfants à élever. 

C'est surtout en Danemark et en Allemagne que la 
surdité-mutilé a été étudiée, les travaux français sur 
ce sujet se bornant le plus souvent au seul exposé 
de son traitement pédagogique. Cependant, dans la 
statistique, la France arrive en assez bonne place avec 
58 sourds-muets par 100.000 habitants. Aux conseils de 
revision, le nombre des jeunes gens exemptés pour 
surdité-mutité a subi, de 1875 à 1890, uue progres-ion 
constante : de 9,82 pour 10.000 examinés, il est arrivé 
à 14,25. Fort heureusement, celte progression ne s’est 
pas maintenue, et ce chiffre est retombé, en 1898, à 
6,95. Le maximum des réformes prononcées pour cette 
cause se voit en 1889-1890. Il correspond à la géné- 
ration des enfants conçus pendant la guerre. Les épi- 
démies, la misère et les chagrins s'associèrent pour 
faire porter aux enfants de celle époque une forte 
somme de tares de dégénérescence : et ce qui vient à 
l'appui de cette hypothèse, c'est que le maximum des 
sourds-muels se montrait, il y a dix ans, dans les dé- 
partements francais ravagés par l'invasion prussienne. 
On peut dire qu'aujourd'hui la surdi-mutité tend à 
décroître en France, sauf dans quelques départements: 
telle la Nièvre, car c’est surtout en cette région que sont 
envoyés en nourrice les enfants trouvés de Paris; une 
fois élevés, ils s’y établissent, se marient entre eux et 
associent ainsi les tares de dégénérescence dont ils sont 
abondamment pourvus. 

Contrairement à l'opinion de la majorité des auleurs 
étrangers, le D' Saint-Hilaire, observant la population 
de l’Asile d’Asnières, arrive à celte conclusion que la 
proportion des surdi-mutités congénitales y 2st presque 
égale à celle des surdi-mutités acquises; et, surtout en 
ce qui concerne ces dernières, que les garçons sont 
beaucoup plus souvent atteints que les filles. 

L'hérédité directe de la surdi-mutité est rare : 1 pour 
150 sourds-muets est issu de parents sourds-muets; et, 
inversement, sur 45 ménages de sourds-muets ayant 
un {otal de 50 enfants, on ne note à Asnières qu’un seul 
enfant sourd-muet. 

Mais si l'on recherche chez les parents des sourds- 
muets la surdité simple, on la retrouve beaucoup plus 
souvent : 10 fois sur 100 d'après le D' Saint-Hilaire. 

La surdi-mutité, nous dit l'auteur, est, en raison de 
l'épilepsie, de la mévingite, ete., notée chez les ascen- 
dants, une maladie à localisation nerveuse, une lare qui 
doit être rangée parmi les membres dela «Famille névro- 
pathique » telle que l'a définie Féré. Les stigmates so- 
matiques de la désénérescence, qui ont été constatés 
maintes fois chez les sourds-muets, sont encore une 
preuve de la nature névropathique de cette affection. 
Ce sont les anomalies de développement trouvées par 
Scheibe dans l'oreille interne, qui sont habituellement 
la cause de la plupart des cas de surdi-mutité de nais- 
sance; en outre, la faiblesse congénitale explique pour- 
quoi les mäladies infectieuses frappent volontiers 
l'oreille interne et produisent la surdi-mutité acquise. 

La fréquence remarquable de la surdi-mutité chez 
les enfants nés de parents consanguins a, pour la pre- 
mière fois, été mise en lumière par P. Ménière, en 
1856. Les observations personnelles du D' Saint-Hilaire | 
confirment de tous points cette donnée classique. Dans : 


la population de l'Institut d’Asnières, il trouve que 
9 °/, des sourds-muets congénitaux sont nés de mariages « 
consanguins, tandis que cette proportion tombe à 
4,40/, chez les sourds-muets acquis. La surdi-mutité 
congénitale est en effet l'expression d’une dégérescence 
intense, dont la cause est le plus souvent, dans le dépar- 
tement de la Seine tout au moins, l'alcoolisme des 
ascendants : et dans les cas où l’ouie est perdue après 
ja naissance, presque toujours on lrouve comme cause 
occasionnelle de sa disparilion une méningite ou des 
convulsions. La tuberculose est également très fré- 
quente chez les parents des sourds-muets, à ce point 
que le Dr Saint-Hilaire la note 26 fois sur 100. 

Soixante pour cent des sourds-muets acquis sont 
porteur de végétations adénoïdes du naso-pharynx; 
proportion énorme, puisque, chez les enfants normaux, 
ces végétations ne se montrent que 20 fois sur 100 : ce 
n'est pas à dire que cette hypertrophie de l'amygdale M 
pharyngée puisse amener une surdité suffisante pour M 
créer la mutité : mais elle a pour effet de favoriser la 
localisation sur l'oreille des maladies infectieuses. 

Le chapitre qui traite de l'anatomie pathologique de 
la surdi-mutité a été étudié avec un soin remarquable : 
l'auteur a compulsé toutes les autopsies de sourds- 
muets et en à réuni les données en un tableau qui 
témoigne de sa grande érudition. 

Plus loin, la symptomatologie est présentée. La mé- 
thode de Bezold, qui fait l'examen de l’ouie avec la série 
continue des sons, est, d'après le D' Saint-Hilaire, Ja 
meilleure méthode d'examen des sourds-muets que l’on … 
connaisse actuellement. Elle montre que, sur les deux 
octaves d'une audition normale, les sourds-muets ont 
soit des frous, soit des rlots auditifs; et elle démontre 
que la surdité totale est extrêmement rare chez les 
sourds-muets congénitaux. Son grand mérite à élé 
d’avoir mis en lumière ce fait, que plus d'un tiers des 
sourds-muets sont capables d'apprendre à parler par 
l'utilisation de ce qui leur reste d’audition. 

Un autre avantage précieux de la méthode de Bezold 
est celui-ci, qu'elle évite au professeur tout tätonuement 
et lui permet de discerner à coup sûr, à l'avance, ceux 
des sourds-muets qui sont capables de profiter d'un 
enseignement acoustique. « Tous les sourds-muels 
dont le champ des restes auditifs persistants embrasse 
les tons allant de B! à G* sont capables de percevoir, 
par l'ouie, les sons articulés, et peuvent par conséquent M 
apprendre à parler. » 

Il serait trop long de poursuivre cette analyse à 
travers les chapitres de diagnostic, de pronostic et de 
traitement qui terminent cet excellent livre : insistons 
seulement sur quelques intéressantes notions que nous 
fournit l'expérience de l'auteur. 

Soixante pour cent des sourds-muets sont adénoi- 
diens. Le curettage du naso-pharynx peut-il améliorer. 
leur condition? Le D" Saint-Hilaire l’a pratiqué chez 
97 enfants de l’Institut d'Asnières: 3 seulement ont eu 
l’ouie sensiblement améliorée. Cependant, à tous cette 
inoffensive intervention a été utile, non pas au point de 
vue auditif, mais en améliorant l’état général, en ren- 
dant la respiration plus ample et en modifiant heu- 
reusement le timbre de leur voix. 4 

Voici une autre remarque intéressante, et qui montre 
chez les sourds-muets un stigmate somatique de dégé-" 
rescence non encore signalé : « Les garcons de l'Institut 
d'Asnières portent des habits confectionnés à la Belle=n 
Jardinière. Le coupeur de cet établissement fut surpris, ! 
après avoir pris ses mesures, de l'extrême longueurs 
des manches de nos élèves. Il revint à Asnières, reprit 
ses mesures, et constata que 53 °/, de ces enfants ont les 
bras plus longs que les entendants-parlants de la même 
taille. » ! 

Tel est ce livre dont on peut dire que ceux qui veu- 
lent se mettre au courant de la question de la surdi-= 
mutité, pleine de problèmes sociaux, doivent avant 
tout commencer par le lire. A peine est-il paru, eb 
bientôt il sera classique. D' MarceL LERMOYEZ. 

Médecin des Hôpitaux de Paris. 


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- ACADÉMIE DES SCIENCES DE PARIS 
Séance du 18 Février 1901. 
10 SGIENCES MATHÉMATIQUES. — M.F. Rossard a observé, 
“à l'équatorial Brunner de l'Observatoire de Toulouse, 
les variations d'écht de la planète Eros; la période de 
elles-ci paraît être de 2 h. 22. — M. Ch. André a fait 
des observations analogues ; il en déduit qu'Eros cons- 
“itue un système double, formé de deux astéroïdes, 
“ont les diamètres sont à peu près dans le rapport de 
ois à deux. Le phénomène de variabilité périodique 
Eros ne sera que temporaire. — M. C. Guichard, étu- 
diant la déformation du paraboloïde quelconque, arrive 
au résultat suivant : Si l'on connait une déformée du 
paraboloide, on peut en déduire trois autres. — M. A. 
Hurwitz montre qu'on peut résoudre d’une manière 
rès simple, par l'emploi des séries de Fourier, le pro- 
blème classique des isopérimètlres : Délerminer, parmi 
les courbes fermées de périmètre donné, celle qui 
nferme une aire maximum. — M. R. Alezaïs étudie 
es fonctions de deux variables, signalées par M. Picard, 
qui présentent la plus grande analogie avec les fonc- 
“tions modulaires elliptiques. —M. H. Poincaré indique 
ne forme nouvelle des équations géuérales de la Mé- 
£anique, à laquelle il a été conduit par l'étude du mou- 
‘ement de rotation d'un corps solide creux dont la cavité 
est remplie de liquide. — M. P. Duhem étudie la 
p'opasation des ondes dans les fluides visqueux, et 
ontre qu'en général il ne peut s'y produire aucune 
onde se propageant avec une vitesse finie. 

29 SCIENCES PHYSIQUES. — M. H. Becquerel a constaté 
que le rayonnement du radium, contenu dans une petite 
cuve en plomb, traverse le fond de celle-ci et impres- 
sionne deux cu trois épaisseurs de plaques photogra- 
phiques. Si l’on inlerpose entre la cuve de plomb et les 
plaques quelques lames métalliques, on-constate, au- 
dessous de celles-ci, une impression beaucoup plus 
otle; ces lames sont donc le siège d’une radio-activité 
“secondaire ; elle est très forte, mais moins pénétrante 
“que le rayonnement direct. — MM. A. Hébert et G. 
Reynaud ont éludié l'absorption spécifique des rayons X 
par les sels métalliques. Dans la série des nitrates, 
l'absorption est d'autant plus forte que le poids atomi- 
que du métal combiné est plus élevé. — M. L. Malassez 
présente un nouveau modèle d'oculaire à glace micro- 
“métrique offrant sur les modèles courants l'avantage 
que, dans la mise au point, les lentilles restent à la 
même distance l'une de l’autre, de sorte que la combi- 
“naison oplique de l'oculaire n’est pas modifiée. — MM. H. 
Moissan et P. Lebeau, en faisant réagir le fluor sur 
lanbydride sulfureux ou sur l'hydrogène sulfuré hu- 
mide, ont obtenu un nouveau corps gazeux, le fluorure 
“ile sulfuryle, SO*F*, très stable. Il se liquifie à — 52° el 
fond à — 120°. Il n’est pas décomposé par l'eau à la 
mempérature ordinaire; il est décomposé par la potasse 
“aqueuse ou alcoolique. Pour en faire l'analyse, on le 
décompose au rouge par la vapeur de sodium.— MM. A. 
Haller et G. Blanc, en trailant l'élher cyanomalonique 
sodé par le nitrate d'argent, ont obtenu un dérivé ar- 
gentique qui, chauffé avec les iodures alcooliques, 
fournit les éthers alkylcyanomaloniques : CAz. C (R) 
(CO®C*H°}°. Ces éthers, traités par HCI à chaud, sont 
aponifiés avec élimination de CO:. I] se forme Az H'CI, 
CH°OH et les acidesR. CH?. CO*H. Les éthers, traités par 
la potasse, donnent les mêmes acides cyanés. — MM. E. 
Jungfleisch et E. Léger ont comparé l'hydrocincho- 
nine, obtenue par Caventou et Willm dans l'oxydation 
de la cinchonine, avec la cinchonifine qu'ils ont isolée 
des produits de l’action de l'acide sulfureux sur Ja cin- 


ACADÉMIES ET SOCIÉTÉS SAVANTES 


DE LA FRANCE ET DE L'ÉTRANGER 


choniue. Ces deux corps sout absolument semblables; 
ils possèdent les mêmes sulfates et chlorozincates, avec 
les mêmes formes cristallines. — M. P. Cazeneuve, 
en faisant réagir l’acétate d'argent sur l'urée de la 
phénylhydrazine ou sur la diphénylcarbazone, a obtenu 
le dyphénylcarbodiazine C‘H°Az : Az. CO. Az : Az. C£HS. 
Ce corps se combine facilement avec les acides de la 
série grasse en quantités équimoléculaires; il donne 
un dérivé bibromé. — M. P. Genvresse a obtenu, par 
l’action du peroxyde d'azote sur le limonène, un nouvel 
alcool, le limonénol, C'°H'0, contenant deux doubles 
liaisons dans sa molécule. C’est un alcool secondaire, 
car, traité par le mélange chromique, il donne une 
cétone, la limonénone, C'‘H'0. Celle-ci donne une 
oxime qui est identique avec la carvoxime. — MM. L. 
Bouveault et A. Wahl ont chauffé la solution chlorhy- 
drique de l'acide aminodiméthylacrylique et ont 
obtenu par distillation le diméthylpyruvate d’éthyle 
(CH*)CH. CO. CO?C*H*, qui est saponifié par l'eau à 
chaud, en donnant l'acide diméthylpyruvique, fondant 
à 34°. — MM. L.-J. Simon et L. Dubreuil ont fait 
réagir les acides monobromés de la série grasse sur 
un excès de pyridine ou de quinoléine. On obtient des 
bromhydrates basiques de pyridine-bélaines et de qui- 
noléine-bétaines. L'acide monobromosuccinique donne 
un produit qui ne renferme pas de brome, et qui parait 
être le fumarate monoquinoléique. — M. Marcel De- 
lage, en faisant réagir l'acide sulfurique fumant sur le 
pyrogallol, a obtenu l'acide pyrogalloldisulfonique, 
cristallisant avec 4 H°0. Il donue un sel de baryum 


1 : ’ — 
avec > H°0, et un sel de calcium avec # H°0. Les 


disulfonates sont moins solubles que les monosulfo- 
nates. — M. V. Harlay a isolé des tubercules de l’avoine 
à chapelets (Arrhenatherum bulbosum) une matière de 
réserve, très semblable à la graminine d'Ekstrand et 
Jolhlanson. Celle-ci, sous l'action des ferments sécrétés 
par l'Aspergillus niger ou du suc des jeunes pousses de 
la plante, s’hydrolyse en donnant un sucre. — M. R. 
Dubois a constaté qu'un certain nombre de substances 
organiques : essences de camomille, de romarin, de 
cumin, de rose, esculine, en présence de potasse alcoo- 
lique, émettent une fluorescence assez forte. — M. J. 
Dumont a constaté : 1° que, dans les sols humifères, la 
fixation de l'acide phosphorique n’est pas due exclusi- 
vement à la rétrogradation; 2 que la quantité de phos- 
phate absorbé n'est pas proportionnelle à la richesse 
en calcaire, mais à la grandeur du rapport de l'humus 
au calcaire; 3° que les terres de bruyère, malgré leur 
pauvreté en chaux, fixent des quantités notables d'acide 
phosphorique; 4° que l’abondance de l'humus atténue 
sensiblement la rétrogradation. 

30 SCIENCES NATURELLES. — M. Lannelongue commu- 
nique le cas d'une petite fille porteur d’une fistule con- 
génitale lacrymo-pharyngo-faciale, venant déboucher 
au-dessous de la narine droite par un orifice arrondi. 
L'auteur a obtenu facilement la cure parfaite de cette 
anomalie, qui présente un très grand intérêt au point 
de vue embryologique. Ce cas est, en effet, inexplicable 
avec la théorie d’Albrecht sur la formation de la narine 
et dela lèvre supérieure. — M. A. Charpentier a observé 
qu'une excitation électrique brève du nerf donne lieu 
à une double transmission : 1° une partie est transmise 
presque instantanément comme par un conducteur 
ordinaire; 2° une aulre partie se transmet, toujours 
électriquement, mais avec la vitesse modérée de l’influx 
nerveux; cette seconde partie, quoique modifiée phy- 
siologiquement, est encore de nature électrique, car 
elle peut êire conduite à distance par un fil métallique 


19 
rs 
ES 


et provoquer chez un autre animal une contraction mus- 
culaire par l'intermédiaire du nerf moteur. — M. L. 
Roos a cherché à vérifier, par des expériences faites 
sur des cobayes, si l'ingestion quotidienne de vin exerce 
une action défavorable, indifférente ou favorable sur 
l'organisme. La comparaison avec des animaux témoins, 
n'ayant pas pris de vin, lui parait démontrer que l'usage 
quotidien du vin,même à dose relativement forte, n'est 
pas défavorable. — M. R. Quinton signale de nouvelles 
expériences montrant que le globule rouge nucléé 
résiste à la pénétration de l'urée dans son protoplasma, 
et n'y cède que peu à peu. Il a constaté, d'autre part, 
que la cellule végétale, et très probiblement la bactérie, 
présentent cette même résisiance. — M. Descours- 
Desacres a étudié la propagation dans les pommeraies 
des chancres dus au Nectria ditissima. Le puceron 
lanigère est l'agent actif de transmission; il propage 
lui-même le mycélium et les spores du champignon. La 
nicotine, le tanin et l’acide tanique sont des remèdes 
eilicaces. — M. A. Lacroix a examiné une série de 
roches, recueillies par M. Villiaume dans la région de 
Nossi-Bé et de la baie de Passindava à Madagascar. Elles 
renferment toutes, comme caractéristique commune, 
une amphibole brune alumineuse et sodique du groupe 
de la barkévicite. Ces éléments constituent une nou- 
velle province pétrographique, à roches riches en alcalis, 
dont il sera intéressant de déterminer l'extension. — 
M. A. de Lapparent a examiné une empreinte fossile 
recueillie par le colonel Monteil aux environs de Bilma 
(Sahara oriental). Cette empreinte, déterminée par 
M. V. Gauthier, est celle d’un Oursin de grande taille, 
de l’Aturien supérieur, analogue aux Oursins du Balout- 
chi-tan. Cette découverte montre que la mer crétacée 
s'est étendue dans le Sahara au delà du Tibesti. — 
M. Stan. Meunier a examiné une météorile tombée du 
ciel le 15 juin 1900 au Macina (Soudan). Elle a la forme 
d'une plaque, recouverte d’une croute qui est de l’oxyde 
de fer magnétique. L'intérieur est constitué par du fer 
métallique, coutenant 7 °/, de nickel, des traces de 
cobalt, du sulfure et du phosphure de fer, du graphite 
et de la silice. — M. Georges Rolland a étudié le mode 
de formation des minerais de fer oolithiques de Lor- 
raine. Pour lui, ces minerais sont de nature sédimen- 
taire et d'origine continentale. L'épaisseur et la ré- 
partition du fer n'offrent aucune relation générale ré- 
gulière ni avec la topographique souterraine, ni avec 
l'emplacement des failles. 


Séance du 25 Février 1901. 


1° SCIENCES MATHÉMATIQUES. — M. Loewy annonce la 
découverte, dans la coustellation de Persée, d'une nou- 
velle étoile très brillante, de couleur bleuâtre. Elle a été 
aperçue par divers observateurs à Edimbourg, à Saint- 
Jean-d’\ngély et Toulouse. M. Rayet, qui a pu en faire 
l'analyse spectracle, a trouvé les lignes de l'hydro- 
gène très brillantes. L'étoile a augmenté rapidement 
d'éclat. — M. C. Flammarion transmet des dépêches 
d'un certain nombre de membres de la Société astro- 
nomique de France, qui ont observé l'apparition de la 
nouvelle étoile. — Dom Lamey résume ses observa- 
tions sur les variations des diamètres apparents de 
Jupiter, qui le conduisent à admettre l'existence d'un 
milieu réfringent ou atmosphère cosmique autour de 
ceux-ci. Les écarts qui subsistent entre les observations 
de M. Landerer et les nombres déduits de la théorie de 
Souillart, proviennent certainement de l'influence de 
cette atmosphère. — M. Ed. Maillet communique ses 
recherches sur une certaine catégorie de fonctions 
transcendantes. — M. Vasseur a fait l'étude des lignes 
qui apparaissent dans le sciage des métaux, lignes 
s'gnalées par M. Frémont. Ces lignes dépendent uni- 
quement de la scie qui les produit : la distance qui les 
sépare est égale à l'intervalle de deux dents successives 
de la scie, et leur apparition est en rapport av.c l'état 
d'usure de la scie, et la voie que celle-ci possède. 

1° SCIENCES PHYSIQUES. — M. Bernard Brunhes com- 
munique quelques observations sur les propriétés 


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isolantes de la neige et de la glace. La ligne télégra- 
phique qui relie l'Observatoire du Puy-de-Dôme au 
bureau de Clermont-Ferrand est souvent rompue en 
hiver par le vent. On peut se contenter de rattacher les 
extrémités par un fil qui traine sur la neige, sans que 
les communications soient gènées. — M. F. Larroque 
expose une théorie du timbre d'après laquelle, contrai- 
rement à Helmholtz, le timbre n'est pas indépendant 
des différences de phases et d'intensité relative des sons” 
partiels. — M. Guinchant a recherché, sur des solu- 
tions de substances organiques, comment varie avec la 
pression le volume du corps dissous, c’est-à-dire Ja 
différence entre le volume de la dissolution et le volume 
du dissolvant. Les expériences montrent qu'au moins 
jusqu’à # atmosphères, le volume du corps dissous est 
indépendant de la pression. — M. A. Colson a constaté 
que, dans certains cas, la réversibilité d’une réaction 
hétérogène peut être déterminée par des causes acces- 
soires d'ordre chimique : ainsi la présence d’un peu de, 
vapeur d'eau favorise la reconstitution du carbonate 
d'argent dissocié. — MM. C. Chabrié et E. Rengade 
ont observé que les solutions d’alun d'indium et de 
césium et d'alun d'indium et de rubidium se troublent 
par la chaleur; dans le premier cas, il se précipite de 
l’oxyde d'indium, dans le second cas un composé com= 
plexe. Les auteurs ont déterminé le poids atomique de 
l'indium par ébulliscopie de l'acétyiacétonate ; le métal 
est bien trivalent. — M. Baïlhache, en faisant passer 
de l'hydrogène sulfuré dans une solution sulfurique 
d'acide molybdique, a obtenu un précipité cristallisé, 
constitué par un nouveau sulfate de molybdène répon= 
dant à la formule Mo*0".2S0*. Il se dissout en brun dans 
l'eau froide, mais la solution se décompase rapidement 
à l'air ou à chaud. Chauffé avec NaCI ou NaBr, il donne 
naissance à l’oxychlorure ou oxybromure de molybdène: 
— M. E.-E. Blaise à constalé qu'en condensant les, 
nitrites avec les éters «-bromés des acides homologues 
de l'acide acétique, en présence de zinc, et en décom- 
posant par l’eau les dérivés organométalliques qui 
résultent de cette condensation, on obtient les étherss 
B-cétoniques mono ou dialkylés en à. Ces éthers peu= 
vent à leur tour être dédoublés en célones.—M. A. Béhal, 
en faisant réagir les dérivés atkylhalogénés du magné- 
sium sur les éthers-sels de la série cyclique R.CO.0C*Hÿ, 
lesatransformésen carbures éthyléniques R.C(CH*):CH°.. 
Ces corps se polymérisent très facilement. Oxydés par 
le mélange chromique ou le permanganate, ils donnent 
des méthylcétones : R.CO.CH*. — M. Henri Masson 
indique une nouvelle méthode de synthèse des alcools 
tertiaires de la série grasse. Elle consiste à faire réagir 
l'iodure de magnésium alkylé MgIR sur les éthers-sels 
X.CO®R!, ce qui détermine une transformation dans le 
groupement X.CRR'OH.—MM. C.Camichel et P. Bay- 
rac out repris leurs recherches sur les spectres d'absOrp=M 
tion des indophénols. D'après eux, le déplacement 
apparent de la bande rouge, lorsqu'on remplace un 
azote primaire par un azote tertiaire, proviendrait d'une 
différence du pouvoir absorbant des deux colorants. Las 
loi des auxochromes de M. Lemoult serait donc erronée: 
— M. L.-J. Simon est arrivé à la conclusion que la 
forme 6 du glucose, celle dont le pouvoir rotatoire 
prend immédiatement sa valeur limite, correspond à la 
formule aldéhydique. Les formes « et y qui possèdent 
la multirotation, c'est-à-dire qui prennent en solution 
aqueuse des pouvoirs rotatoires immédiats variables, 
tendant en sens inverse l’un de l'autre vers le pouvoir 
de &, correspondent aux deux configurations stéréo- 
chimiques de la formule oxydique. — M. G. Bredig a, 
étudié l’action diastasique du platine colloïdal ; elle se 
manifeste déjà pour des quantités, excessivement 
faibles de platine. Elle est maximum pour une certaine 
température. L'or colloïdal exerce en milieu alcalin 
une aclion presque aussi intense que le platine. 

30 SCIENCES NATURELLES. — M. S. Jourdain a étudié le 
rôle des canaux péritonéaux chez les Sélaciens. IIS 
servent à lester l'animal par l'introduction d'une certaine 
quantité du liquide ambiant dans la cavité péritonéoss 


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: des Poissons. — MM. M. Lambert et L. Garnier ont 


ACADÉMIES ET SOCIÉTÉS SAVANTES 


re 
= 
S) 


péricardique, et à le délester par l'expulsion du liquide | 
introduit. Ils agissent à l'inverse de la vessie natatoire 


constaté que le pouvoir réducteur du sang chloroformé 
est notablement augmenté au bout d’une heure. Ce fait 
peut s'expliquer soit par la formation, aux dépens du 
chloroforme, d'une substance réductrice (acide formique 
ou autre), soit par la mise en liberté, sous l'influence 
du chloroforme, d'un sucre réducteur résultant de la 
dissociation d’une molécule protéique. — MM. L. Ma- 
truchot et M. Molliard ont reconnu que le gel, la 
plasmolyse et la fanaison lente ou rapide déterminent 
dans certaines cellules végétales des phénomènes entiè- 
rement parallèles. En particulier, le noyau s'y montre 
comme élant le siège d’une exosmose d’eau s’effectuant 
par un processus identique. L'étude cytologique con- 
tirme que la mort des cellules par congélation corres- 
pond bien à un abaissement considérable de la teneur 
en eau, et qu’en réalité la mort par gel est une mort par 
dessiccation. — MM. A. Müntz et E. Rousseaux com- 
wmuniqueut une étude sur la valeur agricole des terres 
à Madagascar, basée sur l'examen de plus de 500 échan- 
tillons de terres provenant des diverses parties de l’île. 
En résumé, la zone littorale se présente dans des condi- 
tions de fertilité satisfaisantes, mais les terres ocreuses 
du massif central sont pauvres et peu propres à la cui- 
ture, sauf dans les fonds des vallées. — M. A. Ch. Girard 
s’est livré à l'étude de la valeur alimentaire et de la 
culture de l’ajonc et il est arrivé à cette conclusion que 
l’ajonc peut fournir une récolte correspondant, par 
hectare, à 8.000 kilos de foin, c’est-à-dire que la pro- 
duction d’une ajonnière dans les sols les plus médiocres 
vaut, surface pour surface, la production fourragère 
des terres les plus fertiles. — M. Stan. Meunier a exa- 
miné une métléorite tombée dans l'île de Ceylan le 
43 avril 1795. Elle appartient au type des montré- 
sites; elle est constituée par de l’enstatite, de l'oli- 
vine, un pyroxène maguésien et une masse vitreuse ; 
elle renferme des granules de fer nickelé, et de tres 
petits grains de fer chromé. Louis BRUNET. 


ACADÉMIE DE MÉDECINE 
Séance du 12 Février 1901 

L'Académie vote à l’unanimité la proposition sui- 
vante de M. Léon Colin: Vu la persistance de la 
variole à Paris et dans sa banlieue, l'Académie de 
Médecine eslime que les mesures recommandées par 
M. le Préfet de Police conservent tout leur caractère 
d'utilité et qu'il importe à la population de continuer à 
profiter des ressources mises à sa disposition pour la 
pratique des revaccinations. — M. Henri Monod, étu- 
diant la mortalité en France de 1886 à 1898, en lire les 
constatations suivantes : 1° Diminution constante du taux 
de la natalité, compensée par une diminution, légère- 
ment supérieure, du taux de la mortalité; 2° Constante 
immigration des campagnes vers les villes; 3° Décrois- 
sance sensible de la mortalité par maladies épidémi- 
ques; 4° Proportion à peu près stationnaire des décès 
dus à la tuberculose ; 5° Taux considérable de la morta- 
lité infantile. — M. G. Dieulafoy signale une nouvelle 
comp'ication de l’appenditie: l'hémathémèse. Il com- 
munique six cas de vomito negro appendiculaire, dont 
cinq se sont terminés par la mort. Il semble que, sous 
l'influence de la toxi-infection appendiculaire, il se 
produise une ulcération aiguë en un point de la 
muqueuse de l'estomac, qui entame bientôt une arté- 
riole et provoque l'hémorragie. Il importe donc, dans 
l’'appendicite, de supprimer le foyer sans retard, avant 
quil ait pu lancer l'infection de tous côtés. — M. Boi- 
net signale un cas de macrodactylie, à propos duquel 
il fait remarquer que la macrodactylie n'appartient pas 
exclusivement à la tératologie. Elle est 1arement héré- 
ditaire. Elle est plus fréquente chez l’homme que chez 
la femme, à droite qu'à gauche, au médius et à l'in- 
dex qu'aux autres doigts. La dissection montre une 


hypertrophie de tous les tissus du doigt. 


Séance du 19 Février 1901. 


M. P. Berger présente un rapport sur une commu- 
nicalion du D' P. Michaux relative à un nouveau mode 
de suture par agrafage de la peau, inventé par le D'P. 
Michel. Ce procédé constitue un mode de réunion très 
satisfaisant, sauf pour les peaux très fines ou qui 
présentent des plis irréguliers; son exécution est 
extrêmement rapide. Par contre, l'instrument est cou- 
teux, et demande une certaine habitude ; l'enlèvement 
des agrafes est un peu laborieux. — M. J. Lucas- 
Championnière, au sujet de la récente communication 
de M. Dieulafoy, constate qu'aujourd'hui l’appendicite 
est beaucoup plus fréquente et plus grave qu'autrelois. 
Elle.-semble avoir pris un caractère épidémique. Elle 
paraît également coincider avec l'augmentation anor- 
male de la consommation de la viande. L'auteur vou- 
drait voir revenir à l'emploi plus fréquent des purgatifs, 
qui empêchent l’évolution des affections intestinales. 
M. A. Robin a constalé que la dispepsie hypersthénique 
avec hyperchlorhydrie prédispose à l’appendicite. Pour 
lui aussi, les purgauifs constituent un bon moyen pro- 
phylactique. 


SOCIÉTÉ DE BIOLOGIE 
Séance du 9 Février 1901. 


M. P. Mégnin rappelle qu'il a déjà observé sur des 
chiens les accidents de stomatite érucique causés par 
les poils urticants de certaines chenilles. — M. P. 
Merklen a suivi l’état fonctionnel du foie dans la gastro- 
entérite des jeunes enfants par l'étude des coeflicients 
urinaires. Ceux-ci ne peuvent donner d'indication 
absolue sur le pronostic de l'affection, mais leur écart, 
plus ou moins marqué de la nurmale, traduit l'atteinte 
du foie par l'intoxication générale. — M. Y. Manoué- 
lian à étudié les fivres nerveuses terminales dans le 
noyau du toit du cervelel; elles présentent des arbori- 
sations libres, jamais d'anastomoses. — M. R. Dubois 
présente deux épreuves pholographiques obtenues au 
moyen de la lumière émise par le bouillon liquide de 
photobactéries. — MM. R. Anthony et J. Salmon ont 
reconuu que la pygomélie (monstruosité caractérisée 
par la présence d’un ou deux membres pelviens surnu- 
méraires)estune monstruosilé double, symétrique, lamb- 
doiïde, de la série sycéphalique, devant être placée entre 
l'iléadelphie et l'édadelphie à laquelle elle aboutit. — 
MM. E. Wertheimer et H. Gaudier ont observé que le 
cordon cervical du sympathique n'a aucune influence 
sur la fréquence des mouvements du cœur chez l'homme 
— M. E. Wertheimer a constaté, chez le chien à jeun, 
que si, après avoir provoqué une première sécrétion 
pancréatique par une injection excitante, on injecte 
alors de la pilocarpine dans une veine, le suc secrété 
sous l'influence de l’alcaloïde agit non seulement sur 
l'amidon, comme le premier, mais encore sur l’albu- 
mine. — M. J. Rehns a reconnu, chez le lapin, que 
l'immunité active ne peut être conférée à un organisme 
normal par l'injection du poison diphtérique à doses 
croissantes, après mélange préalable avec une ou plu- 
sieurs fois son équivalent d'antitoxine. — MM. P. Carnot 
et L. Fournier ont observé un nouveau cas d’angine de 
Vincent. Ils ont isolé et cultivé le bacille fusiforme et 
le spirochète qui paraissent être les agents pathogènes 
de la maladie. — MM. A. Gilbert et L. Fournier ont 
administré la lécithine à des tuberculeux et à des neu- 
rasthéniques. Ils ont reconnu que l'emploi prolongé de 
la lécithine n’est pas plus nocif chez l'honime quechez 
les animaux. Les résultats thérapeutiques sont encore 
incomplets, mais des plus encourageants. — MM. P. No- 
bécourt et P. Merklen ont constaté qu'il existe dans 
les organes de l'homme et de divers animaux, ainsi 
que dans le lait de femme et de chienne, un ferment 
qui dédouble le salol en phénol et acide salicylique. Ce 
ferment n’est peut-être que la lipase. — M. M. Letulle 
a étudié le placenta resté adhérent à la surface de la 
cavité utérine (môle hydatiforme, déciduome) et y a 


246 


ACADÉMIES ET SOCIÉTÉS SAVANTES 


trouvé des boules sarcodiques identiques à celles qui 
se trouvent à la surface des villosités du placenta 
humain normal. — M. P.-L. Simond a observé, chez 
une espèce de tortue asiatique, Trionyx gangeticus, un 
hématozoaire endoglobulaire pigmenté quil nomme 
Haemamoeba Metchnikovi. — MM. G-. Meillère et 
Loeper ont étudié la répartition du glycogène dans 
les organes du lapin, du rat et du cobaye, et dans le 
musele du cheval, et en ont effectué le dosage. — Les 
mêmes auteurs ont étudié les variations durapport des 
albumines urinaires (sérine et globuline) au cours de 
diverses affections; elles ne paraissent donner aucune 
indication diagnostique. — M. E. Maurel, à propos de 
la communication du D' Mayet sur la phagocytose du 
bacille d'Eberth, pense que Je sang constitue un milieu 
lus commode et plus physiologique que la sérosité du 
vésicatoire pour l'étude de ce phénomène. — MM. Bi- 
gart et L. Bernard ont obtenu un sérum surréno- 
toxique par la méthode générale de préparation des 
sérums cytotoxiques. — M. V. Balthazard a déterminé 
les variations horaires de l’excrétion urinaire chez 
l'homme normal. Les maxima de volume d'urine et de 
d'urée se placent trois à quatre heures après 
de midi et du soir. — M. N. Vaschide à 
rience de Weber sur l’olfaction en milieu 
liquide et a constaté qu'on se rend parfaitement compte 
de la nature des sensations olfactives des mélanges 
odoriférants. — M. L. Bard à déterminé la tonicité du 
liquide céphalo-rachidien dans un certain nombre 
d'affections. Cette tonicité se mesure en faisant tomber 
une goutte du sang du malade dans une petite quantité 
du liquide céphalo-rachidien et en observant s'il se 
produit ou non de l'hématolyse. 
Séance du 16 Février 1901. 

M. L. Bard a reconnu que, dans Îles pleurésies et 
péritonites hémorragiques tuberculeuses, les liquides 
épanchés ne provoquent pas l'hématolyse, Landis que 
le contraire a lieu pour des pleurésies et péritonites de 
nature cancéreuse. — M. A. Dastre communique 
quelques remarques à propos de la recherche des fer- 
ments endocellulaires par la dialyse chloroformique. 
__ M. Et. Rabaud a étudié la formation des yeux des 
Cébocéphales. — M. L. Maurel à constaté : 1° qu on peut 
faire descendre la température sous-cutanée du lapin, 
par immersion dans l’eau froide, à 30° et même à 
260,5 sans Luer l'animal : 2° Toutefois, avec la tempé- 
rature sous-cutanée de 269,5, les réflexes sont très 
diminués, et les muscles presque en état de résolution. 
__ MM. Lagriffe et L. Maurel ont repris les expériences 
précédentes par ventilation et mouillage. Au-dessous 
de 25°, la vie est sérieusement menacée, à 20°, l'animal 
paraît condamné à succomber. Les principaux symp- 
fôèmes observés sous l'influence de ces températures 
graduellement décroissantes sont : le frisson, la dimi- 
nution des réflexes, la résolution musculaire, le coma, 
et parfois des phénomènes convulsifs. = M. R. Dubois 
croit que le corps vilré n est pas fluorescent, mais 
qu'il se comporte comme un milieu un peu dis - 
persif. — M. A. Laveran à fait, sur les hématies des 
Oiseaux, des observations qui tendent à montrer 
qu'elles possèdent une membrane d'enveloppe et que 
le protoplasma est de nature liquide. M P. L. 
Simond a étudié un hémalozoaire endoglobulaire qu'il 
a observé chez le Gavial du Gange; il lui donne le 
nom d'Hæmogregarina Hankini. — MM. A. Théohari 
et A. Babès ont étudié les modifications histo- 
chimiques de la muqueuse gastrique SOUS l'influence 
de l'alcool. Dans une première période, l'alcool donne 
l'hypersécrétion du chlore sous toutes ses TRS sua 
la pepsine. Dans une seconde période, le fait le plus 

a diminution considérable du chlore 


saillant, c'est | 1 gs che 
organique, correspondant à des cellules principales 
qui ne fabriquent plus de pepsine. — MM. Grand- 
Moursel et Tribondeau montrent que la coloration 
par la thionine phéniquée constitue un moyen simple 


et pratique de différencier dans les coupes du pancréas 


quantité 
les repas de 
répété l’expé 


les ilôts de Langerhans. — MM. J. Courmont et Ch. 
Lesieur ont étudié la polynucléose dans la rage 
clinique et expérimentale. Il y a des poussées de poly- 
nucléose pendant l'incubation, s’accentuant du sep- 
tième au neuvième jour ; la polynucléose est définitive 
au neuvième jour et dépasse 75 °/° à partir du dixième 


jour. — MM. Guiraud et Gautié indiquent une méthode 


générale de coloration des bactéries au moyen du bleu 
d’aniline soluble à l'eau. — M. E. Suchard a fait de 
nouvelles observations sur la structure du tronc de la 
veine-porte du rat, du lapin, du chien, de l’homme et 
du poulet. — MM. L. Camus et E. Gley, à propos de la 
communication de M. Wertheimer, annoncent qu'ils 
ont observé aussi que le suc pancréatique, sécrété par 
les chiens à jeun sous l'influence de la pilocarpine, 
digère l’albumine de l'œuf et la fibrine du sang. 
M. G. Loïisel est élu membre de la Société. 


SOCIÉTÉ FRANÇAISE DE PHYSIQUE 
Séance du 15 Février 1901 (suire). 


M. V. Crémieu annonce que les résultats de ses nou- 
velles expériences sur la convection électrique confir-M 
ment tous ceux de ses précédents essais. Il a pu, en 
outre, découvrir deux nouvelles causes d'erreurs par 
suite desquelles on peut observer des déviations d’un 
système maguétique, placé au voisinage d'un corps « 
chargé en mouvement ; ces déviations peuvent se pré- 
senter avec tous les caractères de réversibilité, et sont 
du même ordre de grandeur que ceux attendus de 
l'effet magnétique de la convection. Il est donc très 
naturel que d'autres aient pu se tromper. M. Crémieu 
conclut donc aujourd’hui que, dans les conditions où 
MM. Rowland et Himstedt ont opéré, comme dans ses 
propres expériences, /a convection électrique ne pro- 
duit pas d'effet magnétique. — M. P. Janet présente à 
la Société un assez grand nombre de nouveaux comp- 


teurs, ayant figuré à l'Exposition universelle, principa= 


lement pour courants alternatifs. Il fait à ce sujet un 
exposé des diverses méthodes que les électriciens ont 
imaginées pour réaliser, dans la construction des comp- 
teurs d'électricité, la condition fondamentale : couple 
moteur proportionnel à la puissance à mesurer et cou- 
ple résistant proportionnel à la vitesse (celle-ci donnée, 
dans tous les compteurs présentés à la Société, par 
un disque métallique tournant entre les branches 
d’un aimant). Suivant la manière de réaliser le couple 
moteur, les compteurs se classent en deux groupes : 
1° Les compteurs moteurs du type Thomson, comprenant 
deux circuits, l’un fixe, l’autre mobile (pouvant servir 
aussi dans le cas des courants continus). M. P. Janet 
rappelle rapidement le principe de ces compteurs bien 
connus, et donne quelques indications sur les artifices 
employés pour éviter, dans le cas des courants alter- 
natifs, l'erreur résultant du décalage dû à la self-induc- 
tion du cireuit à fil fin (par exemple, emploi d'une 
spire en court-circuit placée dans la bobine à gros fil). 
20 Les compteurs à champ tournant. On réalise ici un 
champ elliptique tournant (analogie optique) en super- 
posant deux champs rectangulaires alternatifs d’ampli- 
tude H et H', décalés d'un angle o, par le moyen de deux 
circuits, l’un à gros fil, l’autre à fil fin. Ce champ ellip- 
tique tournant équivaut à deux champs tournants 
ordinaires d'intensités inégales, lesquels tendent à 
entraîner en sens opposés un conducteur de révolution 
mobile autour de l'axe commun. La différence des deux 
couples, que l'on calcule facilement par un raisonne- 
ment géométrique, est le couple moteur de l'appareil; 
il est proportionnel à HH! sine. Le circuit à gros til 
fournit H proportionnel à l'intensité du courant; on 
s'arrange de manière que le champ H’ du circuit à fil 
fin soit proportionnel à la force électromotrice alterna- 
tive et en quadrature avec celle-ci. Alors la vitesse de 
rotation du conducteur placé dans le champ elliptique 
tournant est proportionnelle à la puissance à mesu- 
rer. On à imaginé bien des procédés pour obtenir le 


ACADÉMIES ET SOCIÉTÉS SAVANTES 247 


n1 


décalage de - entre H' et la force électromotrice. 


M. P. Janet indique les ingénieuses solutions représen- 
# tées par les compteurs : Hartmann et Braun; Raab; 

Hummel; Batault. M. P. Janet passe ensuite aux comp- 
“teurs Spéciaux aux courants triphasés en imaginant, 
—. par exemple, un montage en étoile. Il fait au tableau 

le diagramme des divers vecteurs à considérer, et classe 
… les compteurs pour courants triphasés suivant les trois 
—…ypes de formules par lesquelles on peut exprimer la 
—…. puissance P, savoir : 


P — ,i, — ei, (notations bien connues), 
2P— (03 — Ce) Ci(ie — 13), 
BP— (14 — is) (Es — 02) — (is — 13) La — C4). 


. Dans tout compteur triphasé à champ tournant, il y a 
deux systèmes tournants montés sur le même arbre, 
entraînés par des couples respectivement proportion- 
nels à chacun des deux termes du second membre des 
- formules précédentes. M. P. Janet présente la solution 
… fournie par les compteurs Siemens et Halske, Hummel, 
- Schuckert; dans le cas le plus général des courants tri- 
phasés à quatre fils, il est nécessaire d'employer une 
équation plus générale que les précédentes : certains 
compteurs (Aron, Thomson) s'appliquent à ce cas. 

M. L. Poincaré, ancien Secrétaire général de la So- 
ciété, est nommé Secrétaire général honoraire. 


| SOCIÉTÉ CHIMIQUE DE PARIS 


Séance du 8 Février 1901. 


M. G. Bertrand présente ses recherches sur le café 
sans caféine de la Grande-Comore, recherches qui ont 
déjà été exposées ici même. — M. Jouve présente les 
résultats de l'étude des ferro-siliciures industriels. 
Après un court historique des produits définis ou non 
décrits antérieurement, il reprend l'étude des siliciures 
décrits par Sainte-Claire Deville, Carnot et Goutal, puis 
plus récemment par MM. Moissan, Lebeau et de Chal- 
mot. Il montre qu'il n'existe dans les produits indus- 
triels que les siliciures Fe?Si et FeSi (le premier déjà 
décrit par M. Lebeau), à l'exclusion de tous autres 
siliciures tels que FefSi®, FeïSi? et FeSi. Il signale 
également la grande pureté, par rapport à la teneur en 

soufre et phosphore, des produits préparés actuellement 
$ dans les usines de la Compagnie générale d'Electro- 

chimie. 11 termine en faisant un rapprochement entre 
les proportions du carbone existant dans ces siliciures 
et du silicium manquant au chiffre théorique pour les 
produits cristallisés Fe*Si et FeSi; il semble que le car- 
bone remplace lesilicium dans les proportions de leurs 
poids atomiques. — M. Guerbet, poursuivant ses 
recherches sur les réactions que fournissent les alcools, 
lorsqu'on les chauffe au voisinage de 200° avec leurs 
dérivés sodés, montre que l'alcool œnanthylique donne 
dans ces conditions de l'acide œnanthylique, de l'alcool 
diænanthylique $C"H#0 et l'acide correspondant 
C#H#0*, en même temps que de l'alcool triænanthyli- 
que C*H#0. Ces composés se sont formés dans les réac- 
tions suivantes: 


20H60 HI CHÉNaO — CHSLO + C'HENaO? + 4H, 
2CAH300 Æ CIHENaO = CHMO + CHHENaO? + 4H. 


! 
14 
nu 
î 
: 


L'alcool divnanthylique & est un liquide incolore, 
d'odeur faible, ne se solidifiant pas à — 20°, IL bout à 
286-2899. Sa densité à 15° est 0,8405. L'acide divwnan- 
thylique £ fond à + 4°, bout à 190-1929 sous 13 millimètres 
de pression. Sa densité à 15° est 0,8860. L'a/cool tria- 
nanthylique est liquide, incolore, à peu près inodore. 
Il bout à 202-206°sous 13 millimètresde pression,eta pour 
densité, à 15°, 0,8%47. M. Guerbet, rapprochant les 
réactions précédentes de celle qu'il a déjà obtenue 
avec l'alcool amylique inactif (C. 22.,t. CXXVIIT, p. 511 
et 1002), pense qu'elles sont des cas particuliers de la 
réaction générale suivante : 


2CmH?2n+20 + CrH22 +1Na0 — Cn+aH2(m+n)+20 
+ Crf?m—INaO AH. 


Il continue ses recherches en vue de cette générali- 
sation. 


SOCIÉTÉ DE PHYSIQUE DE LONDRES 
Séance du 8 Février 1901. 

La Société procède au renouvellement de son bureau 
pour 1901. Sont élus : 

Président : M. S. P. Thompson; 

Vice-présidents : MM. Th. Blakesley, C. V. Boys. 
J. D. Everett et J. Walker; 

Secrétaires : MM. H. M. Elder el W. Watson; 

Secrétaire étranger : M. R. T. Glazebrook; 

Trésorier : M. H. L. Callendar; 

Bibliothécaire : M. W. Watson. 

En outre, MM. W. Gibbs et R. Kœnig sont nommés 
membres honoraires. 


M. S. P. Thompson, en prenant possession du fau- 
teuil de la présidence, rappelle les principaux travaux 
présentés à la Société durant l’année écoulée, Il insiste 
ensuite sur la question de l'enseignement de la Phy- 
sique, Les membres de la Société ont l'habitude de 
présenter de temps en temps des modèles qui illustrent 
quelques principes dela Physique. Celte coutume d'em- 
ployer des modèles est considérée par les physiciens 
du continent comme tout à fait anglaise, et résultant 
d’une sorte de constitution mentale qu'ils peuvent à 
peine comprendre. Pour les Anglais, elle n'a rien d'ex- 
traordinaire. Faraday s'est servi de modèles pour étu- 
dier le champ électrostatique enveloppant les corps 
chargés. Lord Kelvin en a construit pour exprimer ses 
idées sur l’élasticité, la théorie élastique de la matière 
et la constitution même de celle-ci. Les modèles de 
Maxwell pour les diélectriques hétérogènes et l'induc- 
tion mutuelle entre deux circuits sont bien connus. Ces 
modèles sont très utiles pour l’enseignement ; ils per- 
mettent de saisir ce qui, dans la Nature, est abstrait, en 
en contemplant la représentation ou l'analogue dans le 
concret. Les physiciens francais ne peuvent concevoir 
un phénomène compliqué s'il n'a été mis sous forme 
d'équation mathématique. Les physiciens anglais doivent 
en construire un modèle qui produira mécaniquement 
l'opération analogue. Les deux méthodes sont justes, 
mais, — à en juger d'après leurs fruits, — la méthode 
de Faraday a des avantages sur celle de Poisson. — 
M. R. W. Wood présente un réseau à échelon de mica. 
Il est intermédiaire entre un réseau ordinaire et un 
échelon à plaques épaisses. Un grand nombre de feuilles 
de mica ont été examinées à l’interféromètre, et on à 
choisi celle qui, sur la plus grande partie, présentait des 
franges droites et non brisées. Celle partie est marquée 
et découpée en rectangles. Le mica avait environ 5 mil- 
limètres d'épaisseur, et le retard d’un des rectangles 
était de 50 longueurs d'onde pour la lumière du 
sodium. Neuf de ces rectangles forment le réseau; ils 
sont mis en place sous le microscope, et cimentés 
aux angles par de la cire. L'écartement du réseau esl 
de 5 millimètres ; le nombre des lignes élait de dix. 
Le pouvoir de l'instrument ne permet pas de résoudre 
les lignes du sodium; mais les lignes jaunes du mercure 
sont aisément séparées. L'effet de Zeeman peut être 
montré avec un échelon fait de quatre plaques d'inter- 
féromètre, avec les rayons verts du tube à mercure. 


SOCIÉTÉ DE CHIMIE DE LONDRES 
Séance du 7 Février 1901. 

MM. H. J. H. Fenton et Mildred Gostling ont cons- 
taté que l’action de l'acide bromhydrique sur toutes les 
formes de cellulose donne une grande quantité de 
bromométhylfurfuraldéhyde ; la cellulose doit donc 


contenir un groupement où un noyau analogue à ceux 
du lévulose. — MM. C.-F. Cross et E.-J. Bevan 


248 


ACADÉMIES ET SOCIÉTÉS SAVANTES 


exposent la question de la constitution de la cellulose. 
1° Leurs propres 
au tétracétate C‘HO(OAc)', leur paraissent indiquer 
une constitution cétonique CO: (CHOH)*: CH?. 2° La 
règle de Will et Lenze sur la formation des éthers 
nitriques des céloses se vérifie pour la cellulose. 
3 Faber et Tollens, étudiant les produits d’oxydation 
des oxycelluloses, n’ont jamais trouvé d'acides avec la 
chaine normale à six atomes de carbone. Ces raisons 
les ont amenés à conclure que la cellulose n'est pas un 
polyaldose (anhydride), mais qu’elle possède une cons- 
titution cétonique. Les recherches de Fenton et Gostling, 
cn condeusant les celluloses en méthylfurlural, ouvrent 
une nouvelle voie expérimentale, et rendent encore 
plus douteuse la conslitution polyaldosique. Elles 
montrent que le lévulose ou un autre cétose est le 
matériel d'élaboration de la cellulose, etelles expliquent 
en même temps d'une facon simple l'origine des com- 
posés non saturés, dérivés du furfurol, qui sont les 
constituants du complexe de la lignone. Elles sont 
contraires à l'hypothèse.que tous les constituants de la 
plante donnant du furlurol sont des pentoses ou 
pentosanes. — MM. H.-J.-H. Fenton et H.-0. Jones 
ont observé que l'hydrazone de l'acide oxalacétique, 
chauffée avec de l’eau, perd de l’acide carbonique, et 
donne l’hydrazone de l'acide pyruvique : 
CE?.CO?H CHS. 


C: A2HPh C : AzHPh + CO? 
[ 


| 
CO*H 


Mais, en présence d'acides de concentration suffisante, 
une réaction tout à fait différente se produit ; de l’eau 
est éliminée et il se forme l'acide pyrazolone carboxy- 
lique de Wislicenus : 


CON 


CH?.C0.0H CH?.CO 

| | 
C:Az.AzHPh =  C:Az.AzPh + H°0 
| | 

CO?H CO°H 


Avec des acides de concentralion insuffisante, les 
deux réactions se passent simultanément, la quantité 
de CO* dégagée diminuant quaud la concentration de 
l'acide augmente. Des expériences parallèles faites avec 
différents acides ont montré que les volumes de CO* 
obtenus sont en raison inverse des affinités des acides, 
d'où une méthode de mesure de ces dernières. Ces 
phénomènes peuvent s'expliquer en supposant que la 
molécule non dissociée de l'hydrazone tend à perdre 
de l’eau en donnant le dérivé de la pyrazolone, mais 
que l'ion négatif CO?H —CAz*HPh—CH?CO0 est instable 
et tend à perdre CO?. Dans ce cas, toute circonstance 
tendant à prévenir l'ionisation favorisera la production 
du dérivé de la pyrazolone, telle la présence d'une 
concentration suffisante d'ions hydrogène. Les auteurs 
ont étudié l'influence d’un certain nombre de sub- 
stances sur les réactions. 4° L'influence des sels, des 
bases et des non-électrolytes est nulle, les résultats 
étant pratiquement les mêmes qu'avec l’eau pure. 
20 L'effet d'un sel en présence de son propre acide est 
de diminuer beaucoup l'influence de cet acide. 3° Les 
dissolvants ayant des pouvoirs ionisants différents 
donnent des résultats différents, la quantité de CO? 
dégagée étant plus grande dans le cas de l'eau, moindre 
avec l'alcool amylique, et faible avec le toluène et le 
le nitrobenzène. — M. R.-M. Caven, par l’action du 
chlorure d’éthoxyphosphoryle OP.OC?H°: CE sur l’ani- 
line, a obtenu le chlorure d'éthoxyanilidophosphoryle 


recherches, qui les ont conduits L 


OP.0C?H5.AzHC‘H5.CI. Le second atome de chlore peut 
être remplacé par l’action de la paratoluidine et l'on 
obtient l'éther éthylique de l'acide anilido-p-toluido- 
phosphorique OP.OC?H°.AzHC'°H5.AzHC‘H:CH*. Si l’on 
effectue ces deux réactions dans l’ordre inverse, on 
arrive au même composé, on en déduit que les deux… 
atomes de chlore dans le produit original sont situés 
dans une position analogue par rapport au reste de la. 
molécule. L'atome de chlore qui a été remplacé par le 
groupe éthoxy est-il dans une position différente des 
deux autres? Pour en juger, on prépare les composés 
suivants : d'une part,le chlorure d’anilidophosphoryle 
OP.AZHCSHS: CF, puis le chlorure d’anilido-p-toluido- 
phosphoryle OP.AzHC'H°.AzHCSH:CH°.CI ; d'autre part, 
le chlorure de p-toluidophosphoryle OP.AzH.C°H*CH*:CP, 
puis le chlorure de p-toluido-anilidophosphoryle. Les 
deux produits auxquels on aboutit sont identiques; on 
en déduit que le premier et le second atome de chlore 
sont dans une position similaire, et par conséquent 
que les trois atomes le sont aussi dans la molécule de 
chlorure de phosphoryle OPCF. Il en résulte qu'un 
dérivé: 
R! 
/ 
OP —R" 


N 
kR'" 


ne possède pas de plan de symétrie et peut exister dans 
une forme droite et une forme gauche. Des expériences 
ont été entreprises pour vérifier cette conclusion. — 
MM. A. Lapworth et E. M. Chapman décrivent une 
méthode de préparation de la camphoquinone pure en 
grande quantité. Quand la camphoquiuone est traitée à 
— 10° par l'acide cyanhydrique, il se forme une masse 
presque incolore, qui doit être un mélange de formes 
stéréoisomériques de l’'«-dihydroxcyanocamphre: 
 C(OH)CAz 
CHU] 
CO 
L'une d'elle a été isolée; dissoute dans l'acide sulfu- 
rique fumant, elle se transforme dans l'amide de l'acide 
a-hydroxycamphocarboxylique. L'acide lui-même : 
\ 2 
Gt) Serie H 
NC 


è 
À 
LA 
î 
: 
; 
$ 


0 

est obtenu en chauffant le nitrile avec HBr concentré. 
Il cristallise en aiguilles ou en prismes et fond avec dé- 
composition en donuant l'hydrocamphre. Il est converti 
en camphoquinone et CO* par le peroxyde de plomb et 
l'acide acétique. 


ACADEMIE DES SCIENCES D'AMSTERDAM 
Séance du 26 Janvier 1904 (fin). 

SCIENCES NATURELLES. — Rapport de MM. C. A. J. A. 
Oudemans et J. W. Moll sur un mémoire de M. Valcke- 
nier Suringar : Contributions à l'étude des espèces du 
genre Melocactus des Indes Neerlandaises Occiden- 
tales. Ce travail faisant suite à cinq mémoires du père 
de l’auteur, feu M. W. F. R. Suringar, paraîtra dans 
les publications de l’Académie. — KHapport de M. J. M. 
van Bemmelen au nom de la Commission géologique, 
sur les travaux géologiques en 1900. 


Le Directeur-Gérant : Louis OLivier. 


Paris. — L. MARETHEUX, imprimeur, 1, rue Cassette. 


A ARR SD 


12° ANNÉE 


N° 6 


30 MARS 1901 


| Revue générale 


des Sécienc 


DIRECTEUR  : 


pures el appliquées 


LOUIS OLIVIER, Docteur ès sciences. 


È Adresser tout ce qui concerne la rédaction à M. L. OLIVIER, 22, rue du Général-Foy, Paris, — La reproduction et la traduction des œuvres et des travaux 


publiés dans la Revue sont complètement interdites en France et dans tous les pays étrang 


————————————————————— 


s, y compris la Suède, la Norvège et la Hollande. 


À CHRONIQUE ET CORRESPONDANCE 


F $ 1. — Distinctions scientifiques 
4 


Élection à l'Académie des Sciences de 
Paris. — Dans sa séance du 18 mars, l'Académie des 
Sciences a procédé à l'élection d'un membre dans la 
ection de Géométrie, en remplacement de M. Ch. Her- 
mite, décédé. 

Au premier tour de scrutin, le nombre des votants 
étant 58 : 


M. Humbert a obtenu 54 suffrages. 
M. Goursat — 2 — 
À M. Borel "0" À _ 
Il y a eu un bulletin blanc. 
M. Humbert, ayant réuni la majorité absolue des suf- 
lrages, a été proclamé élu. Le nouvel académicien, qui 
est professeur d'Analyse à l'Ecole Polytechnique, a 
“publié d'importants mémoires sur diverses branches 
“des Mathématiques. 
$ 2. — Géodésie 

Revision de l'arc de méridien de Quito. -- 
Comme complément à l’article de M. Poincaré, sur la 
nouvelle mesure de l'arc de méridien de Quito, voici 
“quelques renseignements relatifs à l’organisation maté- 
rielle de la Mission. 
m…— Le personnel de la Mission comprend cinq officiers 
“opéraleurs du Service géographique de l'Armée et un 
médecin militaire; celui-ci, en outre de ses fonctions 
“spéciales, aidera les officiers à recueillir des renseigne- 
ments intéressant les sciences naturelles. Ces officiers 
“sont : M. le chef d'escadron d'artillerie breveté Bour- 
geois, chef de section de Géodésie, qui sera chef des 
opérations sur le terrain; M. le capitaine du génie bre- 
mveté Maurain et M. le capitaine d'artillerie breveté La- 
“combe, qui ont déjà effectué tous deux la reconnais- 
sance de l'arc à mesurer; M. le capitaine d'artillerie 

Ballemand; M. le lieutenant d'artillerie Perrier, et enfin 

- le médecin aide-major Rivet. Un personnelsecondaire, 

composé d'un sous-officier et quinze caporaux ou sol- 


 dats, est affecté à ces officiers pour les seconder. 

La Mission aura, en outre, la collaboration d’un as- 
“tronome francais, M. Gonnessiat, déjà installé comme 
“directeur de l'Observatoire de Quito. 


Le départ pour l'Equateur a été prévu en deux 


REVUE GÉNÉRALE DES SCIENCES, 4901. 


échelons. Une Mission d'avant-garde, constituée par 
MM. les capitaines Maurain et Lallemand, s'est em- 
barquée à Saint-Nazaire le 9 décembre 1900, avec notre 
chargé d’affaires à Quito, M. Frandin, lequel était en 
congé en France et n'a pas hésité à abréger ce congé 
pour accompagner nos officiers afin de pouvoir leur 
prêter, dès le débarquement, l'appui de son expérience 
auprès des autorités de l'Equateur. 

Le deuxième échelon comprendra tout le reste du 
personnel : il doit s'embarquer fin avril et amènera le 
matériel instrumental. En arrivant à Guayaquil, il trou- 
vera rassemblé, par les soins de la Mission d’avant- 
garde, le convoi destiné aux transports etse mettra en 
route immédiatement. Les travaux d'observations 
pourront ainsi commencer dès le mois de juin 1901. 
Ajoutons enfin qne la durée totale des opérations a été 
prévue pour quatre ans. 


$ 3. — Physique 


Le Rayonnement calorifique des Étoiles. — 
Depuis les grands perfectionnements réalisés par le 
professeur Langley dans les procédés de mesure de 
l'énergie rayonnante, on a essayé maintes fois de 
déterminer l'énergie qui nous est envoyée par les étoi- 
lesles plus brillantes. Jusqu'ici, toute tentative avait 
échoué, faute d’une sensibilité suffisante des appa- 
reils, bien que M. Boys eût réussi déjà à percevoir 
l'élévation de température produite dans le récepteur de 
son microradiomètre par l’action d’une bougie placée à 
2.700 mètres. 

La question vient d’être reprise aux Etats-Unis par 
M. E.-F. Nichols, qui, suivant les indications donuées 
par M. Georges Hale, dans le Bulletin de l'Observatoire 
Yerkes, a obtenu pour la première fois une indication 
bien nette de l'instrument. 

Le récepteur de M. Nichols n'est autre chose qu'un 
radiomètre de Crookes, constitué par deux petits 
disques de mica, de 2 millimètres de diamètre, noircis 
et réunis par une tige de verre suspendue à un fil de 
quartz très fin, dans un vide relatif, éludié de facon à 
donner le maximum d'effet. 

La radiation dont on veut mesurer l'énergie est 
envoyée sur l’un des disques de mica par un grand 


6 


25€ 


CHRONIQUE ET CORRESPONDANCE 


miroir argenté, de 61 centimetres de diamètre et de 
2m,40 de foyer, recevant le faisceau réfléchi par un 
sidérostat. Elle pénètre jusqu'au récepteur à travers 
une fenêtre de fluorine, l’une des substances les plus 
transparentes que l’on connaisse. La sensibilité de 
l'appareil, mesurée par la radiation d’une bougie, a été 
trouvée environ cinq fois plus grande que celle du radio- 
mètre de M. Boys, tandis que la surface qui concentre 
le rayonnement était 2,4 fois plus grande. L'appareil 
actuel est donc, au total, 42 fois plus sensible. Il est 
vrai qu'il fait intervenir une réflexion de plus; mais 
on sait que la plupart des miroirs, notamment ceux 
d'argent, sont presque parfaits dans l'infra-rouge, qui 
fournit environ les quatre cinquièmes de la radiation 
totale des sources très blanches comme les belles 
étoiles. 

L'étalonnage préalable a montré qu'une déviation 
de Onm 1 sur l'échelle, correspondait à l'énergie envoyée 
par une bougie située à 15 milles, ou à 24 kilomètres”. 
L'image de la Lune, projetée sur l'une des lames, chas- 
sait violemment l'équipage hors du champ. 

Les mesures relalives aux étoiles ont été faites en 
été, par un temps clair. Arcturus, étudié pendant sept 
soirées, a donné une déviation moyenne de 0%",60, 
tandis que Véga a fourni 0,27. La mesure directe du 
rapport des deux radiations à donné 2,1 en moyenne. 

M. Nichols ne considère encore le résultat de ses 
mesures que comme provisoire, et comme simplement 
destiné à donner une idée de l'ordre de grandeur de 
l'énergie cherchée ; d'après son opinion, on peut cepen- 
dant en conclure avec une assez grande certitude que 
l'énergie recue d'Arcturus n'excède pas celle que nous 
enverrait une bougie située à 10 kilomètres, l'absorption 
atmosphérique étant supposée éliminée. 

Ce résultat, si peu précis qu'il soit encore, a cepen- 
dant une importance considérable, parce qu'il nous 
permet de fixer, pour la première fois, nos idées sur la 
limite supérieure de l'énergie recue des étoiles. En per- 
fectionnant encore les moyens d'investigation, et en 
comparant les résultats radiométriques aux données 
photométriques, on aprivera à comparer le rendement 
photogénique des plus belles étoiles à celui de quelques 
foyers terrestres, d'où l’on déduira leur température 
approximative. ; 

Pour le moment, les nombres ci-dessus, rapprochés 
d’autres résultats, conduisent à des conclusions diffici- 
lement admissibles. Ainsi, M. Ch. Dufour a trouvé la 
lumière d’Arcturus 33.10° fois plus faible que celle du 
Soleil. L'intensité lumineuse de celui-ci étant admise 
égale à 60.000 bougies à 1 mètre, Arcturus équivaudrait 
à 60.000 bougies à 180 kilomètres, ou à une bougie 
à 720 mètres. Le rendement lumineux d’Arcturus serait 


: = I0()\ÈeS 
donc à celui de la bougie dans le rapport de (5) soil 
1,2 


environ 200 fois plus grand. Or, on admet en général 
que le rendement de la bougie est de l'ordre de 1 °/4. 
Notre premier résultat est donc manifestement er- 
roné. 

S'il est encore difficile d'en indiquer la raison, on peut 
tout au moins, en attendant des résultats expérimentaux 
plus parfaits, admettre comme probable que le rende- 
ment lumineux de cette belle étoile est considérable, 
ce qui indiquerait que sa température est très élevée. 


$ 4. — Chimie 


La constitution de la Cinchonine et de la 
Quinine. — Künigs, qui a fait une étude approfondie 
de ces deux alcaloïdes du quinquina, leur a attribué la 
constitution suivante : 


‘ Les nombres relatifs à la sensibilité de l'instrument, 
comparée à celle de l'appareil de M. Boys, ne semblent pas 
s'accorder parfaitement. L'indication de la distance de 
l'échelle, que M. Hale ne donne pas, fournirait probablement 
l'explication du désaccord. 


| 


CH Cu 
ARS 4 Et 
” 1 Re à HC// Qne CH. CH : CHE 
| | 
CH? | CH» | 
HOC CH: HOC : 
| JcH 10G | cu 
NA N172 
AZ Az 
CHE CR Ge 
G CH L' c 
à CH /Xe/Nc.ocH 
LE) Er) 
nol EX JcH (0 JG 


Az CH 


Qumine. 


Az CH 


Cinchonine. 


Elle se base, entre autres, sur le fait que la cincho 
nine donne, par oxydation, un acide, appelé ci 
cincholoiponique, qui, d'après Kônigs, répond à la 


formule (1). : 
CH C.CIT° ; 
PAS é Se | 
du CHE CH.CO*H CH CHE A 
| 
CH° | hype CH? 
V7 ce Pas 
7 4 
AZ AZ 
(1) (1) ; 


Mais on a fait observer que les réactions connues de. 
l'acide cincholoiponique s'expliquent tout aussi bien 
en admettant la formule tautomère (Il). Si cette der 
nière venait à être démontrée, la constitution de la 
cinchonine et de la quinine serait remise en question, 
ainsi qu'une foule de réactions quien dépendent, commen 
la transformation de ces corps en cinchène et apocin- 
chène. IL était donc de toute importance d'élucider 
rapidement ce doute; le Professeur Skraup vient d'y. 
arriver de la facon suivante ‘ : ? 

L'acide cincholoiponique donne facilement un dérivé 
iodométhylé qui correspond à la formule (HI) ou (IV); 
l’une dérivée de (1), l’autre de (Il): 


CH2.CO'H CH COH 
| INC 
CH Ü 
H:C fes CN CH.co 
mc Jen: ne | | 2 
y cC/2cn 
A7.I AZ.1 
AN AN 
cs Cu CH CES 
(I) (LV) 


Ce dérivé iodométhylé, chauffé avec de la potasse 
concentrée, perd de l'acide iodhydrique et se transforme 
dans le dérivé diméthylamidé d’un acide bibasique 
renfermant le noyau du cyclopentane, et qui ne peut 
que répondre aux formules (V) et (VI) dérivées de la 
formale (I),ou aux formules (VI) et (VII) dérivées de 
la formule (11): 


CIE .CO°H CH°.CO*H 


I | 
CH CH Ë 
val N CH. CO®H ma 
C he sr 
| | 
AZ AZ 
PA ZEN 
CH CH CH CH“ 
(V) (VI) 


1 Monatshefte für Chemie, t. XXI, p.819 et suiv. 


CHRONIQUE ET CORRESPONDANCE 


; CH CON CH COH 
N7 NZ 
Ü Ü 
HeC//NGN.coH H2C A 
1e FE MR 
| 
L AZ 
Ke EN 
cf Ce che CI 
(VIT) (VIII 


—…. Ge corps (ou ce mélange de corps, car il est probable 
que (V) et (VI) ou (VII) et (VIII) sont présents tous 
“deux à la fois), traité à son tour par la potasse fondante, 
se dédouble en diméthylamine Az H(CH*} et en un 
acide tribasique à chaine ouverte. Les formules pro- 
bables pour cet acide sont (IX) et (X) qui dérivent 

salement de (V) ou (VI, et (XI) et (XII) qui dérivent 
également de (VII) ou (VII) : 


CH?.CO°H CH?.COH 
; | | 
CH CH 
REX AN 
H°C CH.COH H°C  CH.CO’H 
| | 
COOH CHE CH® CO0H 
(IX) {X) 
CH CO CHS CO 
NZ A 
DE PE 
H°C CII, COH H°C CH.CO®H 
| | | | 
COOH CH CH COOH 
(XI) (XI) 


xistence des corps (X) et (XII) estinvraisemblable, 
e, dans la fusion avec KOH, l'un des deux carboxyles 
liés au même atome de carbone ne pourrait subsister 
disparaitrait par élimination de CO*. Il ne reste donc 
que deux constitutions possibles (IX) et (XI pour l'acide 
ribasique dérivé de l'acide cincholoiponique. Laquelle 
possède-t-il? 
Pour résoudre cette question, M. Skraup a fait inter- 
nir la synthèse. En effet, d'une part, en faisant réagir 
acide malonique sodé sur l'acide méthylglutaconique, 
on doit obtenir un corps de formule (IX),et, d'autre 
rt, l’action de l'acide méthylmalonique sodé sur 
acide citraconique doit donner un composé de for- 
ule (XI). L'auteur a préparé ces deux corps, et il a 
staté que c’est le premier qui est identique à l’acide 
rivé de l'acide cincholoiponique. Ce dernier possède 
nc la formule (1), et la cinchonine et la quinine 
épondent bien aux schémas de Künigs. 
La constitution de ces deux alcaloïdes est donc défi- 
mitivement élucidée au point de vue tantomérique. On 
Pourra maintenant entreprendre sur des bases sûres 
étude de leur confisuration stéréochimique. 


$ 5. — Biologie 


Sur lPEnseignement de lEmbryologie en 
nee, Réponse à M. le Professeur Nicolas, 
Dans la Revue générale des Sciences du 15 jan- 
er 14901, M. le Pro‘'esseur Nicolas a publié une not: 
réponse à deux articles que nous avions écrits sur 
nseignement de l'Embryologie dans les Universités 
ancaises et étrangeres. M. Nicolas a eu raison de 
penser que nous ne lui en voudrions pas de cette 
ponse ; nous en aurions d'autant plus mauvaise grâce 
il vient, en somme, apporter l'appui de sa haute 
torité à ce que nous avions dit. 
vant d'aller à l'étranger nous rendre compte de la 
nière dont y était compris l'enseignement de l'Em- 
bryologie, nous nous étions tout naturellement rensei- 
au sujet des Universités françaises. Nous savions 
nc qu'à Nancy, l'Embryologie est en grand hon- 


neur et, si nous l’avions oublié, les travaux des Profes- 
seurs Nicolas et Prenant nous l’auraient rappelé. Nous 
savions également qu'à Lyon, à Bordeaux, à Toulouse, 
que presque partout, enfin, cette science fait l’objet 
d'un enseignement particulier, ou du moins prend 
une bonne part des euseignements classiques des 
Facultés des Sciences ou des Facultés de Médecine. 

Mais nous avions appris, en même temps, que, dans 
ces Universités, des travaux de laboratoire concernant 
l'Embryolouie n'étaient pas faits. Et c’est ce qui nous 
avait permis d'écrire que, malgré tous ces efforts, il 
n’y avait pas, en France, « un enseignement véritable- 
ment orxanisé ». 

Or, c'est ce que M. Nicolas constate lui-même pour 
Nancy. « Il ne manque, en définitive, à cet enseigne- 
ment. nous dit-il, qu'une chose : des travaux pratiques. 
Jusqu'à présent je n'ai pu en faire, d'abord faute de 
fonds nécessaires, et ensuite parce que le temps des 
élèves de première année est presque entièrement 
accaparé en hiver par d'autres exercices. Je me 
demande, d’ailleurs, s’il serait possible et réellement 
fructueux d'essayer de leur apprendre à {ous à réaliser 
les préparations longues et minutieuses, d'une étude 
souvent difficile, qu'exige ordinairement l'Embryo- 
logie. » 

Pour ce dernier point, nous sommes entièrement de 
l'avis de M. Nicolas. Vouloir organiser des travaux pra- 
tiques d'Embryologie à l'instar des travaux d'Anatormie, 
ce serait faire gâcher des pièces à des élèves, ce serait 
les dégoûter de l'Embryologie en ne leur apprenant 
ri-n. Mais cela ne veut pas dire, pour nous, que l’en- 
seisnement de l'Embryologie doive rester purement 
théorique. Pour cette science, autant que pour les 
autres sciences biologiques, il faut voir par soi-même 
si l'on veut bien comprendre. C’est l'idée que nous 
avons trouvée appliquée dans plusieurs Universités 
étrangères et c’est celle que nous avons essayé d'appli- 
quer nous-même à la Faculté des Sciences de Paris 
dans un cours libre (lecons et travaux pratiques) sur 
l'Embryolosie de l'Homme et des Verlébrés. Le succès 
de nos travaux pratiques a été tel, depuis trois ans, 
qu'ils devaient répondre à un véritable besoin; c'est 
pourquoi il nous semble utile de faire connaître en 
quelques lignes la méthode que nous avons suivie, 

Eu réalité, ce que nous faisons à la Faculté des Scien- 
ces, ce sont plulôt des conférences ou des démonstra- 
tions pratiques d'Embryologie que de véritables tra- 
vaux pratiques. Chaque séance, en effet, comprend 
d'abord une sorte de préparation théorique faite au 
tableau noir, dans la salle de cours. Cette préparation 
consiste à expliquer aux élèves ce qu'ils vont avoir à 
étu lier dans la salle du laboratoire. Là, chaque élève 
trouve à sa place ord naire : un microscope ou une 
loupe et les préparations faites d'avance sur le sujet 
d'étude. Ces préparations sont numérotées dans l'ordre 
correspondant au plan exposé préalablement au tableau 
noir. L'élève n'a donc qu'à prendre successivement 
toutes ces préparations et à les étudier en s'aidant de ses 
notes ou de ses livres ainsi que de nos propres conseils, 
Comme elles sont choisies parmi les plus belles et les 
plus démonstratives, l'étudiant se trouve attiré immé- 
diatement par la facilité avec laquelle il reconnaît tou- 
tes les choses dont il a entendu parler ou qu'il a vues 
dessinées. 

Cette manière de procéder, si elle est avantageuse 
pour l'élève, présente du côté du maitre quelques diffi- 
cultés. D'abord, pour pe 1 que les étudiants soient nom- 
breux, il est nécessaire de procéder par séries, car nous 
pensons, comme le Professeur Minot, qu'il ne faut pas 
plus de vingt à vingt-quatre élèves à chaque séance. 
En outre, il faut faire d'avance un très grand nombre 
de préparations et opérer une sélection parmi elles, ce 
qui estun travail long et fastidieux. Les préparations 
que nous avons faites jusqu'ici nous ont cependant 
permis de faire étudier les points suivants : 

10 lépithélium germinatif et la formation des élé- 
ments sexuels (embryons de poulet et de souris); 


CHRONIQUE ET CORRESPONDANCE 


90 j'œuf et l'ovogenèse chez le moineau, la chatte et 
la souris; 

30 Jes spermatozoïdes de différents Vertébrés; la 
spermatogénèse chez le moineau ; 

4° Ja fécondation chez l'Asearis; la segmentation chez 
Toursin, l'Asearis et la grenouille; 

30 Ja formation des leuillets chez le poulet; 

6° Ja première ébauche du corps et des annexes chez 
le poulet et chez la souris; 

8° Je développement de quelques organes chez le pou- 
let et chez la souris; 

9 l'étude des membranes fœtales et des différents 
placentas (dissection et étude de coupes). 

Enfin quelques séances sont consacrées à la techni- 
que embryologique pour les élèves qui désirent pour- 
suivre des recherches originales. 

Ce plan, évidemment, ne représente pas toute l'Em- 
bryologie des Vertébrés, mais il se complétera et se 
perfectionnera tous les ans par de nouvelles séries de 
préparations. Du reste, il existe encore à la Faculté des 
Sciences de Paris d’autres travaux pratiques d'Embryo- 
logie, et ce sont même de beaucoup les plus importants, 
car ceux-là sont faits par MM. Le Dantec et Francois, 
sous la haute direction du Professeur Giard; ces der- 
niers travaux concernent presque exclusivement l'em- 
bryologie des Invertébrés, l'étude des formes larvaires 
et des acteurs de l'évolution ; ils sont les compléments 
des lecons théoriques de M. Giard sur l'Evolution des 
êtres organisés et de M. Le Dantec sur l'Embryologie 
générale. 

On voit done qu'à ce point de vue l'Université de 
Paris a dépassé celle de Nancy, et cela sans crédits 
spéciaux, du moins en ce qui Concerne l'Embryologie 
de l'Homme et des Vertébrés, où tout est fait bénévo- 
lement’. On voit aussi, ce que nous sommes très heu- 
reux de constater, que nos idées sur la manière 
d'enseiguer pratiquement l'Embryologie se rencon- 
trent avec celles de M. Nicolas. 

A Nancy, c'est la Faculté de Médecine qui semble 
devoir concentrer l’enseignement de l'Embryologie. À 
Paris, c'est la Faculté des Sciences. Quel est le meil- 
leur système? L'avenir nous le dira peut-être. En atten- 
dant, il ne nous paraît pas mauvais que deux de nos 
Universités françaises aient compris el appliquent la 
même question de deux facons différentes. 

Mais, quelle que soit la Faculté qui assume la tâche 
et l'honneur de cet enseignement, trois choses doivent 
être considérées avant tout si l’on veut faire vraiment 
œuvre utile sans gaspiller inutilement le budget, de 
l'Etat ou celui de l'Université : 

1° Exiger du personnel enseignant des connaissances 
biologiques générales et non pas seulement la connais- 
sance spéciale de l'Homme ; 

20 Organiser l'Embryologie d’une facon complète 
(Embryologie générale et Embryologie spéciale) de façon 
à éviter le système des doubles emplois; 

30 Obtenir une entente entre toutes les Facultés d'une 
méme Université de manière que les élèves puissent 
suivre facilement la partie de l'enseignement embryo- 
logique qui leur convient. 

Nous ne savons si nous nous abusons, mais il nous 
semble bien que, là encore, nous serons du même 
avis, M. Nicolas et nous. Et, si ce maître à pu écrire, 
dans sa note : « Les besoins des étudiants en Médecine 
ne sont pas les mêmes que ceux des étudiants ès Scien- 
ces naturelles », il n'en pense pas moins, nous en sOm- 
mes certain, que le premier besoin des uns et des 
autres est une base scientifique solide et que la Science 
est la même pour tous. 


Gustave Loisel. 
Docteur en médecine et ès sciences, 
Préparateur aur Facultés des Sciences 
et de Médecine de Paris. 
a ——"————_— ——— 


» Nous devons dire toutefois que nous n'aurions jamais 
pu poursuivre l'œuvre que nous avions entreprise Si nous 
n'avions trouvé l'appui le plus précieux de la part de nos 
maitres, les professeurs Giard et Mathias Duval. 


$ 6. — Hygiène publique 

Le Sanatorium de l'arrondissement ad 
Versailles. — Nous avons tenu nos lecteurs au cou” 
rant du mouvement qui s’est dessiné dans l'arrondis” 
sement de Versailles en faveur de la création d'u 
sanatorium intercommunal, mouvement qui a reçu} | 
vive approbation d'un grand nombre de médecins ?, Ka è 
Fevue est heureuse d'enregistrer aujourd'hui le succès 
de ces efforts : dans sa séance du 20 lévrier, le Conseih 
municipal de Versailles a adopté le principe du sanas 
torium intercommunal et assumé sa part dans l'édilica 
tion du futur monument. Voici, d'ailleurs, un extrait. 
du procès-verbal de ses délibérations : 

« Le Conseil, 

« Vu l'exposé du Müuire, 

« Vu les lois du 5 avril 188% et du 22 mars 1890; 

« Considérant qu'il y a lieu de pourvoir, par la créa 
tion d’un sanatorium, aux nécessités qu'imposent les 
soins à donner aux adultes atteints de tuberculose puls 
monaire ; { 

Considérant, en outre, que ce sanatorium serait uti- 
lement fondé et entretenu au moyen des ressources 
fournies par plusieurs municipalités réunies en syn 
dicat, conformément aux prescriptions de la loi du 
22 mars 1890; À 

« Délibère : 

« Ily a lieu de constituer un syndicat entre les 
communes intéressées, pour la création et l’entretierm 
d'un sanatorium destiné à donner, aux adultes desdites 
communes, alteints de tuberculose pulmonaire, les 
soins médicaux nécessaires à leur état; 

« Les frais de premier établissement seront couverts 
au moyen : 

1° Des sommes provenant d'une souscription déjà 
ouverte; Â 

2° Des subventions de l'Etat et du département; 
3° Des produits des dons et legs ; 

4 Enfin, pour le complément nécessaire, par les 
communes syndiquées, au prorata de la population 
officielle de chacune d'elles. J 

« Ceux d'entretien seront répartis entre les communes 
sur les mêmes bases. » ; 


A 


1. — Géographie et Colonisation 


Les explorations du major Gibbons et du 
capitaine Lemaire; le haut Zambèze et le 
haut Congo. — Deux grandes expéditions scientif 
ques, qui ont été conduites au centre de l'Afrique, de 
1898 à 1900, l'une par un anglais, le major Gibbons 
l'autre par un belge, le capitaine Lemaire, ont notables 
ment accru nos connaissances sur la partie supérieurê 
des bassins du Congo et du Zambèze. Elles ont, l'unë 
et l'autre, reconnu la ligne de faîte qui sépare ces deux 
fleuves et, s'étant rencontrées, elles ont quelque temp} 
cheminé ensemble; on doit des notions nouvelles à ï 
premiere de ces deux expéditions sur les sources dù 
Zambèze, et à la seconde, sur celles du Congo. 

Le major Alfred Saint-Hill Gibbons avait, en 1895 
1896, accompli un premier voyage dans tout le Zambèze 
supérieur et dans le pays des Barotsé; il avait visitée 
Mashikoloumboué, le Makouenga, le Matoutala etlë 
Matoka, qui n'avaient été jusque-là traversés que pal 
quelques explorateurs, et avait effectué un parcouts 
total d'environ trois à quatre mille kilomètres. De celte 
première expédition avaient fait partie aussi M. Pere 
C. Reid, ex-officier anglais, un écossais, M. F.-D. Pirië 
et un génevois, M. Alfred Bertrand; mais Ces Voyageurs 
w'avaient pas tous suivi le même itinéraire, et le caps 
taine (depuis major) Gibbons s'était séparé de ses com 
pagnons durant presque toute cette exploration. 

C'est précisément pour compléter son étude du pa 


Voyez la Revue du 15 
15 janvier 1901, t. XIT, p. 5 


mai 1900, t. IX, p. 625, et du 
? Revue du 30 janvier 1901, t. XII, p. 61, + | 


LD. dd 


CHRONIQUE ET CORRESPONDANCE 


253 


des Barotsé que le major Gibbons à entrepris un nou- 
veau voyage en 1898. Il était accompagné des capitai- 
nes Quicke, Stevensen, Hamilton et Alexander, celui-ci 
s'occupant plus spécialement d'’ornithologie, et de 
MM. L. C. Weller et Muller. Ce dernier mourut de dysen- 
terie en cours de route. Organisée sous les auspices du 
Gouvernement britannique et de la Société de Géogra- 
phie de Londres, l'expédition était munie de chaloupes 
ét de chalands en aluminium démontables, et tout avait 
été prévu pour qu'elle -pût se dédoubler en deux 
expéditions distinctes, chaque fois qu'il paraïîtrait utile 
de le faire. 

Parti du Cap, le major Gibbons arriva en août 1898 à 
Hété, sur le territoire portugais, et, de là, il remonta le 
Zambèze. Il éprouva de grandes diflicu tés à cause des 
nombreux rapides qui gênent le cours du fleuve. Le 
transport des vapeurs et des marchandises au delà des 
chutes de Kébrabasa, sur une distance de 65 milles, fut 
particulièrement pénible, et il fallut employer 537 por- 
teurs. Ce fut à Chikoa que M. Gibbons réumt les pièces 
démontées de son steamer pour remonter le fleuve ; 
mais, en raison de l'impétuosité du courant, on dut 
“lüire plusieurs voyages pour transporter toutes les 
_ charges. 

…_ Le major Gibbons dressa la carte du fleuve et releva 
mheaucoup d'inexactitudes, surtout en ce qui concerne 
les rapides ; ceux-ci sont beaucoup plus nombreux 
quon ne l'avait cru. Le voyageur donna le nom de 
gorge Livinsstone à celle qui est située près de Zoumbo 
et qui est l’une des plus pittoresques du Zambèze. La 
“navigation cesse aux rapides de Molélé, à environ 
20 milles en aval du confluent de la Gouay, qui descend 
“de Boulouwayo. On rencontre encore un grand nombre 
‘de rapides jusqu’à 40 milles en amount des chutes Vic- 
toria. Après avoir franchi 90 rapides sur une distance 
de 20 milles, le major Gibbons renonca à aller plus loin. 
Je 10 mars 1899, il était à Kazoungoula, au confluent 
du Kouando, près de la frontière allemande; de là, il 
se dirigea vers Séchéké et Lialoui. 
— L'expédition entreprit alors l'exploration des affluents 
“de droite du haut Zambèze. Le capitaine Quicke 
remonta le Kouando jusqu'à sa source, puis, se portant 
“ers le nord, gagna le Loungoueboungou, dont la vallée, 
“comme celle des autres cours d'eau de la région, est 
Jimitée par des ondulations de sable qui s'abaissent 
“dans la direction du Zambèze. 
… Le major Gibbons constata que le Kouilo, qui coule 
à l'ourst du Kouando, et qui fut jadis traversé par 

rito Capello et Roberto Ivens, doit être reporté plus à 
louest que ne l’indiquent les cartes. Celte rivière se 
jetie dans l'Okavango, qui, en aval du confluent, croise 
lusieurs fois le 18° lat. S., puis coule vers le sud-est 
dans une plaine marécageuse sans décrire les sinuosités 
que marquent certaines cartes. Un bras fluvial, qui 
porte le nom de Mag’ouekouana, unit l'Okavango au 
Kouando ou fleuve de Linyanti. En suivant ce chenal 
vers le Kouando, M. Gibbons fut frappé de sa largeur et 
il en conclut qu'il a dù être autrefois le véritable lit de 
lOkavango, lequ 1 aurait alors appartenu au système 
ydrographique du Zambèze. 

« De Lialoui, le major Gibbons poursuivit l'exploration 
‘du Zambèze supérieur. 11 remonta le fleuve en canot 
jusqu'à Nana-Kandoundou, à l’est du lac Dilolo, puis il 
_Suivit la voie de terre. 

La découverte la plus intéressante de la Mission, au 
point de vue géographique, fut celle des sources du 
lambèze. 11 fut reconnu que leur emplacement doit être 
reporté à environ 160 kilomètres au nord-ouest de 
endroit qu'on lui assigne ordinairement; elles sont 
Situées dans une région ondulée plutôt que monta- 
gueuse, à 1.500 mètres d'altitude environ. 

Au point de vue ethnographique, il faut signaler la 
rencontre dans le Barotsé d'une tribu fort curieuse de 
Boschimans. Ces indigènes ont la péau très claire et les 
lèvres rentrantes; ils sont d'assez petite taille. Ils sont 
armés d’arcs et deflèches, et ne possèdent pas d’habita- 
lion ; ils dorment en quelqueendroit qu'ils se trouvent. 


le 
4 


Leur costume consiste simplement en une peau de chat 
qui leur peud à la ceinture. 

La caravane du major Gibbons faisait route vers la 
Loufira, le fleuve du Katanga, quand, le 145 novem- 
bre 1899, à Moumbeshe, à trois jours à l’ouest du Loua- 
laba, dans lequel se jette la Loufira, elle trouva la Mis- 
sion scientifique du Katanga, à la tête de laquelle était 
lé capitaine Lemaire, et elle se joignit à celle-ci. Les 
deux voyageurs reconnurent ensemble la ligne de par- 
age entre le bassin du Zambeze et celui du Congo, et 
ils ne se séparèrent qu à Loukafou, dans le Katanga. 

Le major Gibbons poursuivit sa route par Mpouelo, 
au nord du lac Moéro. De là, il passa sur le Tanganyika 
qu'il remonta en steamer jusqu’au poste congolais de 
Ouvira, à l'extrémité septentrionale, Puis, par la vallée 
du Roussisi, l'explorateur arriva au lac Kivou. Il tra- 
versa le massif volcanique qui s'étend jusqu'au lac 
Albert-Edouard et, après avoir atteint les rives de ce 
lac, il pénétra dans l'Ouganda, Le 3 mai 1900, il arriva 
à Afouddi, sur le Nil.blanc, en face de Doufile. Enfin, 
au poste belge de Kéré, sur le Nil, il trouva un bateau 
à vapeur qui le conduisit au Caire. 

Le capitaine belge Charles Lemaire, qui avait été 
chargé de reconnaître la partie sud-est des territoires 
de l'Etat indépendant du Congo, et dont le major Gib- 
bons’a fait la rencontre, a rapporté lui aussi de son 
voyage un cerlain nombre d'observations géographi- 
ques importantes. 

Partie d'Europe le 12 avril 1898, l'expédition compre- 
nait, outre son chef, MM. Quemper-Voss et de Windt, 
géologues; Michel, sous-intendant; Dardenne, peintre- 
dessinateur; Questiaux, prospecteur; de Harinck, chef 
d’escorte, et un anglais, M. Caysney; elle avait un im- 
portant bagage d'instruments scientifiques et deux piro- 
gues démontables en aluminium. 

L'expédition, qui avait laissé Chindé, à l'embouchure 
du Zambèze, au mois de juin 1898, atteignit, le 30 juil- 
let, le lac Tanganyika par le Chiré et le lac Nyassa. 
Elle eut à déplorer la mort de deux de ses membres, 
MM. de Windt et Caysney, qui se noyèrent dans le 
Tanganyika, au cours d’une tempête, dans la nuit du 9 
au 10 août. 

La Mission Lemaire a déterminé d'une façon précise 
la position du lac Moéro. Des observations faites anté- 
rieurement sur la rive septentrionale de cette nappe 
avaient déjà établi que Mpoueto est à 8° 28° 32” lat. S. 
et 280 52° 22” long. E. de Gr., à une altitude de 950 mè- 
tes, soil au niveau même du lac. M. Lemaire à fait, à 
son tour, au village de Kabeca, situé sur la rive méri- 
dionale et à quelques mètres au-dessus du Moéro, des 
observations qui ont donné comme résultats : latitude, 
90 23 21” S., et longitude, 28° 21° 46” E. de Gr. 

L'une des questions les plus importantes qui aient été 
élucidées par la Mission Lemaire est celle des sources 
du Congo. On sait que les géographes ne sont pas d'ac- 
cord sur la détermination du cours d'eau qu'il convient 
de regarder comme la branche initiale de ce grand fleuve. 

Ées explorations du D: Reichard, en 1883-1884, el 
celles de Capello et Ivens, en 1884-1885, avaient fait 
admettre que le Loualaba, coulant près de Kibouri, 
dans le Katanga, et ayant sa source vers 12°30' de lat.S., 
devait être considéré comme la branche maitresse du 
grand fleuve africain. Mais les Anglais ont générale- 
ment admis, et cette opinion est maintenue par eux 
sur leurs cartes les plus récentes, que la source du 
Congo doit être cherchée dans le cours d’eau qui, sous 
le nom de Tchozi. puis de Tchambézi, a son origine 
par environ 9 de lat. S. et 30° de long. E. de Paris, dans 
le plateau qui sépare les lacs Nyassa et Tanganyika; ce 
cours d’eau est celui qui devient le Louapoula après avoir 
traversé le lac Bangouelo. : 

Enfin, d'après une troisième théorie, il faut voir la 
source du Congo dans celle du Louboudi, qui est la 
branche occidentale du Loualaba. Cette opinion, qui à 
été proposée, en 1894, par M. Wauters, dans le Mouve- 
ment geographique de Bruxelles, est celle qui répond le 
mieux aux données géographiques et géologiques les 


CHRONIQUE ET CORRESPONDANCE 


plus récentes. Le Congo, d’après lui, c'estle Louboudi, 
de Francqui et Cornet, continué par le Kamolondo, de 
Brasseur, venant s'embrancher sur le Louapoula, de 
Eivingstone. 

M. Lemaire, après avoir exploré et étudié les cours 
d’eau du Katanga, s’est entièrement rangé à la manière 
de voir de M. Wautrs et a reconnu dans le Louboudi 
le cours principal du Congo, mais en reportant la 
source du fleuve à une branche de ce cours d’eau 
appelée Kouléchi. M. Lemare a constaté qu'en effet, 
des trois branches qui forment le Louboudi, à savoir le 
Louboudi, la Kouléchi et le Loug-nda, la seconde pos- 
sède un débit qui est au moins double de celui du Lou- 
boudi. 

Nous devons aussi à la Mission Lemaire des rensei- 
gnements très précis sur la ligne de faite Congo-Zam- 
bèze. Jusqu'à ce jour, on s’était généralement imaginé 
que cette ligne était constituée par une région maréca- 
geuse servant à la fois de réservoir aux affluents du 
Congo et à ceux du Zambèze. Tout au contraire, 
M. Lemaire a pu constater que le partage des eaux ne 
présente nulle part ce caractère d’indécision dont ont 
parlé les voyageurs; s’il n'y à pas un relief monta- 
gneux sensible entre les deux bassins, partout M. Le- 
maire, comme d'ailleurs le major Gibbons, a reconnu 
l'existence d'une frontière très nette. La séparation des 
eaux est marquée par une plaine sablonueuse, parse- 
mée de maigres bouquets de bois, principalement de 
palmiers nains, qui alternent avec des parties nues 
d'où surgissent quelques roches, plus généralement 
d'origine éruptive que sédimentaire ou métamorphi- 
que. 

Quant au lac Dilolo qui, d'après Livingstone, se serait 
déversé en partie dans le bassin du Congo par le Kassai, 
en partie dans celui du Zambèze par la Lotemboué 
méridionale et la Liba, il ne serait, d’après M. Lemaire, 
qu'un grand étang sans communication avec le Kassai. 
Aux très fortes pluies, il semble bien déborder vers la 
rivière Lotemboué, mais au moment où l’a vu le capi- 
taine Lemaire, il était comp'ètementisolé, et sans com- 
municalion avec le Zambèze. 

Parmi les autres résultats scientifiques de la mission 
Lemaire, il faut ajouter que M. Quemper-Voss a fait, au 
cours de ce voyage, d'importantes études géologiques. 
En ce qui concerne les prétendues richesses minières du 
Katanga, elles ont été très exagérées; la mission a 
trouvé seulement un peu de cuivre et, sur la ligne de 
faîte Congo-Zambèze, beaucoup de limonite et parfois 
de l'hématite, mais elle n’a nulle part rencontré de mé- 
taux précieux. Sur les bords du Louboudi, elle a reconnu 
des traces de stations préhistoriques. 

- Gustave Regelsperger. 


La Consommation du thé et du café dans 
quelques pays. — Le tableau ci-dessous donne les 
chiffres de consommation de thé et de café pour un 
certain nombre de pays, par année et par tête d'habi- 
tant: 

Pour le thé : 


188% 1898 
Angleterre 0k220 2k647 
Russie . 0,304 0,340 
Allemagne 0,031 0,050 
Hollaude . 0,410 0,625 
Brancet etre 0,013 0,022 
Etats-Unis... 0,490 0,432 


Comme on le voit, c'est en Angleterre que le thé est 
consommé en plus grande quantité. Gette denrée jouit 
dans les colonies anglaises de la même faveur que dans 
la métropole, car, pour l’année 1899, la consommation 
s’estélevée, par tête d'habitant, à 3 kil. 330 pour lAus- 
tralie et à 2 kil. 125 pour le Canada (année finissant le 
30 juin). 

Au contraire, la consommation de thé est très res- 
treinte en Allemagne et surtout en France. 


En ce qui concerne le café nous trouvons les chiffres 
suivants : P 


1884 1899 
Angleterre . . . . . . . Ok405 0Kk324 
RUSSIC LUN NE PS M OAONEE, 0,063 
Allemagne 2,316 2,754 
France . Te NN PES AENTS 2,079 
Ttalress 30e SN PAONSSS 0,441 
Autriche-Hongrie . . . . 0,904 0,918 
États Uni NM ET Mb 4,741 


Si l'Angleterre consomme une grande quantité dethé 
on voit qu'en revanche la consommation du café est 
très restreinte, tandis qu'elle est très élevée et qu'elle 
s'accroît d'année en année en Allemagne, en France ef 
surtout aux Etats-Unis. H. L. 


S 8. — Langue scientifique 

Délégation pour ladoption d’une langue 
auxiliaire internationale. — MM. le comman 
dant Cugnin, C.-A. Laisant, répétiteur à l'Ecole Poly 
technique, Ch. Limousin, André Lalande, docteur es 
lettres, L. Couturat, chargé de Cours à l'Université de 
Toulouse, et L. Leau, docteur ès sciences, délégués par 
divers Congrès ou Sociétés pour étudier la question 
d'une Langue auxiliaire internationale, sont tombés 
d'accord sur les poiuts suivants : 

1° 11 y a lieu de faire le choix et de répandre l'usage 
d’une Langue auxiliaire internationale, destinée non 
pas à remplacer dans la vie individuelle de chaque 
peuple les idiomes nationaux, mais à servir aux rela 
tions écrites et orales entre persounes de langues 
maternelles différentes ; { 

20 Une Langue auxiliaire internationale doit, po 
remplir utilement son rôle, satisfaire aux conditions 
suivantes : | 

{re condition. — Etre capable de servir aux relations 
habituelles de la vie sociale, aux échanges commerciaux 
et aux rapports scientifiques et philosophiques ; 

2me condition. — Etre d’une acquisition aisée pout 
toute personne d'instruction élémentaire moyenre, el 
spécialement pour les personnes de civilisation euro: 
péenne; 

3ne condition. — Ne pas être l'une des langues natio 
pales. 

3° IL convient d'organiser une Délégation générale 
représentant l'ensemble des personnes qui comprennen 
la nécessité ainsi que la possibilité d’une langue aux 
liaire, et sont intéressées à son emploi. Cette Délégation 
nommera un Comité composé de membres pouvant 
être réunis pendant un certain laps de temps. 

Le rôle de ce Comité est fixé aux articles suivants. 

4° Le choix de la Langue auxiliaire appartient d’abord 
à l'Union internationale des Acadéimnies, puis, en cas 
d'insuccès, au Comité prévu à l'article 3; 

5° En conséquence, le Comité aura pour première 
mission de faire présenter, dans les formes requises} 
à l'Union internationale des Académies, les vœux émis 
par les Sociétés et Congrès adhérents, et de l'inviter 
respectueusement à réaliser le projet d'une Langue 
auxiliaire ; 

6° Il appartiendra au Comité de créer une Société de 
propagande destinée à répandre l'usage de la Langue 
auxiliaire qui aura été choisie ; É 

7° Les soussignés, actuellement délégués par divers 
Congrès et Sociétés, décident de faire des démarches 
auprès de loutes les Sociétés savantes, commerciales 
et de touristes, pour obtenir leur adhésion au présent 
projet ; | 

8° Seront admis à faire partie de la Délégation Jes 
représentants de Sociétés régulièrement constituées 
qui auront adhéré à la présente Déclaration ‘. 6 


! S'adresser pour renseignements ou adhésion, à M. L. Leaus 
54, rue Saint-Placide, Paris. ; « 


PREMIÈRE PARTIE 


Parmi les nouveaulés qui ont figuré à l’Exposi- 
“tion de 1900, dans le domaine de l'Industrie chi- 
«mique, il ny en à pas de plus instruclive que 
celle qui fera l'objet de cet exposé. La fabrication 
“industrielle de l’indigo, en partant du goudron de 
houille, est en effet intéressante, et par les pro- 
_blèmes d'ordre économique qu'elle soulève, et par 
| les réflexions qu’elle suggère. 
 Atrente ans environ de distance, c'est la même 
lutte qui se renouvelle entre l'Industrie, fécondée 
t inspirée par la Science, et l'Agriculture, s’immo- 
dilisant dans ses mélhodes séculaires, parce 
u’elles étaient rémunératrices et qu’elles n'’exi- 
eaient qu'un minimum d'efforts. Mais si, dans la 
Jutte présente, nous nous trouvons encore en face 

dumêème champion qui a su mettre en valeur la 
Mssnchèse de l’alizarine de MM. Graebe et Lieber- 


“mann, et a en quelque sorte consommé la ruine de 
certains de nos départements agricoles, jadis les 
L plus florissants, ceux qui produisaient la garance, 
_ l'agriculture de notre pays n’est pas en cause pour 
be moment. C’est à peine si quelques-unes de nos 
“colonies peuvent, en effet, être légèrementatteintes 
par le conflit. Ce sont les producteurs des Indes 
“anglaises, de Java, du Guatemala, etc., qui sont 
“principalement menacés. Des deux côtés les parties 
Bu: pris position et, si par le bas prix du sol, le 


bon marché de la main d'œuvre et la simplicité des 
“opérations, les producteurs d'indigo se trouvent 
ranciers, il ne faut pas se dissimuler qu'ils ont en 
“iace d'eux un concurrent redoutable, qui dispose 
concurrent, que ses succès industriels ont, à juste 
litre, encouragé, voire même enhardi, pourrait 
1 
nécessaire à l’élaboralion de son procédé pouvait 
“lui être livrée en quantités suffisantes et dans des 
pa à ajouter que si ces conditions se réalisaient, 
met si, d'autre part, les rendements des opérations 
Avant d'aborder l'étude des divers procédés de 
Synthèse qui successivement sont entrés dans le 
court historique de l'indigo naturel, des plantes 
qui le produisent, de leur mode de traitement, des 
“ion et pendant le battage, et enfin du prix de 
revient de la matière colorante. 


ns 


EE 


dans une situation plus favorable que jadis les ga- 
de moyens intellectuels et matériels puissants. À ce 
bien s'en ajouter un autre, si la matière première 
“onditions avantageuses. Nous n’hésitons même 
a ugmentaient, la victoire reviendrait à ce dernier. 
# de l'application, nous allons faire un 
réactions qui se passent dans les cuves d’extrac- 


PRODUCTION DE 


A. HALLER — L'INDIGO NATUREL ET L'INDIGO ARTIFICIEL 259 


L'INDIGO NATUREL ET L'INDIGO ARTIFICIEL 


L'INDIGO NATUREL 


‘1. — PRÉPARATION DE L'INDIGO NATUREL. 


Depuis l'introduction, sur le marché, de l'indigo 
synthétique, les producteurs d'indigo naturel se 
sont avec raison préoccupés de l'avenir de la culture 
de la plante qui le fournit. Les Gouvernements de 
la Grande-Bretagne et de la Hollande, directement 
atteints dans leurs colonies, ont cherché un remède 
au nouvel état de choses, et ont saisi les hommes 
de science de la question. Il en résulte que, depuis 
quelque temps, on a étudié de plus près cette cul- 
ture, et on a surtout cherché à améliorer les pro- 
cédés d'extraction, de façon à augmenter le ren- 
dément en matière lincloriale. Tous ces essais ont 
fait l'objet de communications, de conférences et 
de monographies, parmi lesquelles nous citerons en 
première ligne une conférence due à M. Rawson, 
et insérée dans le journal de la Société des Arts de 
Londres, une autre conférence faite par M. Nœælting 
à la Société industrielle de Mulhouse, et enfin celles 
de M. Baeyer et de M. Brunck publiées dans le Bulle- 
tin de la Société chimique de Berlin. Nous avons, 
d'autre part, recu des renseignements précieux 
de quelques-uns de nos colons de la Martinique et 
du Tonkin, de telle sorte que nous pouvons à l'heure 
présente déjà nous faire une idée approchée des 
chances qui restent au produit naturel, et savoir 
quelles conditions de prix doit remplir l'indigo ar- 
tificiel pour être en mesure de supplanter son rival 


$ 1. — Historique. 


Il semble que l'emploi de l’indigo comme matière 
tinctoriale date de la plus haute antiquiié. On a 
découvert que des tissus bleus, trouvés sur des 
momies égyptiennes vieilles d'environ cinq mille 
ans, avaient été -teints à l'indigo. Dioscorides en 
fait déjà mention, et Pline en donne la description 
sous le nom d’indicum, et relale qu'il fut importé 
des Indes en Europe ; mais il paraît ne pas avoir 
connu ni son origine, ni sa composition. Dans plu- 
sieurs écrits anciens, le nom Vila a été employé 
pour désigner l’indigo et la plante dont il dérive. 

Avant le xvi° siècle, on employait très peu d'indigo 
en Europe, et, durant de nombreuses années, la 
consommation en était plutôt minime, par suite de 
l'opposition des cultivateurs de pastel qui, en An- 
gleterre, en France et en Allemagne, incitèrent les 


1 La plupart des données concernant la culture et le trai- 
tement des plantes à indigo sont empruntées à la confé- 
reuce remarquable de M. Rawson. 


256 A. 


HALLER — L'INDIGO NATUREL ET L'INDIGO ARTIFICIEL 


pouvoirs publics à en proscrire l'emploi. Les culti- 
vateurs de pastel prétendaient que l'indigo était 
non seulement une teinture peu solide, mais que 
c'était une drogue corrosive et pernicieuse: en 
réalité, ils craignaient que l'importation de l' indigo 
ne consommäl la ruine de leur industrie. 

En France, la loi était si sévère que Henri IV fit 
publier un édit condamnant à la peine de mort 
quiconque emploierait cette drogue pernicieuse, 
üppelée nourriture du diable. 


L 
$ 2. — Origine. 


L'indigo ne croit que sous les tropiques; les 
principaux lieux de production sont les Indes, et 
tout spécialement le Bengale, l'Oudhe, Madras. 
On le fabrique aussi à Java, Manille, en Chine, au 
Japon, au Tonkin, au Cambodge, dans l'Amérique 
centrale (Guatemala, Mexique, Salvador), ainsi que 
dans certaines parties de l'Afrique. La plupart de 
ces pays ont tenu à montrer leurs produits à 
l'Exposition de 4900. 

Les principales plantes d’où l’on retire l’indigo 
sont : l’/ndigofera tinctoria, V'Indigofera anil, V In- 
digofera disperma et l'Indigofera argentea. W y a 
encore de nombreusés variétés de moindre impor- 
tance. 

D'autres plantes que celles de l'espèce Zndigofera 
fournissent aussi de l'indigo, mais dans une pro- 
portion relativement moindre. Il en est ainsi de la 
Weightia tincloria (Madras), du S/robilanthes dlac- 
cidifolius (Assam), du Tephrosia loxicaria (Bom- 
bay), du Polygonum linctorium (Chine et Russie), 
du Zonchocarpus cyanescens (côte occidentale de 
l'Afrique), et de FZsa/is tinctoria (Chine, Afghanis- 
tan, elc.). À 

L'Isatis linctoria ou pastel, très répandu jadis en 
Europe, n’est plus guère cultivé que dans le Lin- 
colnshire, et, sur le continent, dans le sud de la 
France, la Hongrie, etc.; mais on ne l’emploie plus 
isolément pour la teinture. 


$S 3. — Culture. 


De toutes 'les plantesque nous venons de citer, 
la plus répandue est, sans contredit, l’Zndigofera 
lincloria, qui seule est cultivée au Bengale. Avant 
de semer la graine, la terre est soumise à une pré- 
paralion assez laborieuse. En octobre, dès qué la 
saison manufacturière est terminée, la terre est 
défoncée au moyen d'une grande houe, après quoi 
elle recoit un labour par la charrue. Dans le but de 
casser les motles et de l’adoucir, on promène sur 
la lerre soit une pièce de bois de cinq à huit pieds 
de long et ayant un côté plat, soit un rouleau très 
lourd. On laboure la terre encore trois ou quatre 
fois, et finalement les peliles mottes de terre sont 
finement pulvérisées par des femmes et des enfants, 


qui emploient à cet effet des baguettes courtes mais: 
solides. La graine est semée au moyen d'un semoi” 
vers la fin de février ou au commencement de mars 

Elle lève au bout de quatre à cinq jours et, ver 
le milieu de juin, époque à laquelle la saison ma 
nufacturière commence habituellement, la plante & 
atteint la hauteur de trois à cinq pieds, avec uné 
tige ayant environ un quart de pouce de diamètre 

La récolte de l'indigo est des plus précaires: 
L’abondance de pluies, comme leur rareté, sonb 
également nuisibles. Quand la saison n'est pas 
favorable, il arrive que l’on soit obligé de seme 
trois fois et même quatre fois. Outre les fluctua= 
lions du temps, trop grande humidité ou trop 
grande séclieresse, la destruclion de la plante 
peut encore se produire du fait de petites pu 
naises, de chenilles et même de certaines fourmis 
blanches. 

La feuille de l'indigo est d’une couleur vert 
jaunâtre et rien n'indique qu'elle contient une 

matière colorante bleue. 

Le rendement de l'indigo à l'acre 
varie considérablement. 

Le rendement d'une récolte de bonne moyenne 
peut être évalué de 50 à 60 quintaux (2.500 à 
3.000 kilos) à l’acre. En prenant pour base d8 
chiffre le plus faible, on trouve qu'une récolte 
d'indigo enlève à l'acre 53 kil. 500 de matière 
minérale, dont 4 kilos d'acide phosphorique el 
12 kg. 450 de potasse. L'azote y figure en outre pour 
17 kilos; mais, comme l’indigo est une plante de 
la famille des Légumineuses, il est probable qu'une 
partie de cet azote est fournie par l'atmosphère 
La plante épuisée, ainsi que celle de rebut, sont 
peu de chose près les seuls engrais utilisés aux 
Indes. Cette dernière constitue même un engrai 
supérieur, car elle contient tout ce qui est néces: 
saire aux besoins d'une nouvelle récolte. 

Aux Indes, il semble que la culture de l'indigo 
constitue une monoculture; mais, ainsi que le fait 
observer un de nos producteurs les plus avisés dé 
la Martinique, on peut aussi l’envisager comme 
plante d'assolement productrice d'engrais. Dans 
ce dernier cas, elle. permettrait la régénération des 
terres épuisées par une trop longue monoculture 
de la canne à sucre. M. Thierry a fait, à ce sujet, 
des expériences pratiques établissant que non seu 
lement la culture de l'indigo restait lucrative, mais 
améliorait le terrain à tel point que les cannes 
sucre, cultivées après un tel assolement, donnaient 
un rendement presque double du rendement moyen 
normal, sans augmentation de dépenses. 

Et M. Thierry ajoute : Par l’indigo, ce serait l& 
culture perfectionnée qu'on pourrait appliquer dans 
les contrées ruinées par la monoculture de la canne 
à sucre. 


(4.046 m° 


A. HALLER — L'INDIGO NATUREL 


ET L'INDIGO ARTIFICIEL 951 


II — FABRICATION DE L'INDIGO. 


Elle comprend les opérations suivantes 
1° Coupe de la plante; 

2% Chargement des cuves et extraction; 
3° Battage ; 

4° Ebullition et filtrage; 

5° Compression et coupage ; 

6° Séchage. 

$ 1. — Récolte de la plante. 


.» à 


“ Elle commence ordinairement au milieu de juin. 
Après la première coupe, la plante donne de 
nouvelles feuilles et après deux ou trois mois, on 
procède à la deuxième récolte. À Béhar, où la fa- 
brication est presque exclusivement dirigée par 
“des Européens, la première récolte, qui est consi- 
“érée comme la principale, est appelée Morhan 
et la seconde Xhoontie. 

Î Au Cambodge, en Cochinchine, au Tonkin et en 
Chine, il semble au contraire que l’exploilation se 
psse exclusivement par les indigènes, et on consi- 
dère la seconde coupe comme supérieure à la pre- 
hi: 


Les indigos qu'on prépare dans ces contrées 
D d'ailleurs inférieurs à ceux des Indes, en 
raison même du traitement primitif auquel on les 
_ Soumet. 

— À Béhar, les travaux qu'exige une exploilation 
-d'indigo sont généralement divisés en un certain 
nombre de factoreries, de 2 jusqu'à 10 ou 12, sui- 
ant l'étendue de Me pioaton FER Éree 


ù On trouvera, dans la figure 1, extraite de la 
_ de M. Rawson, le plan général d'une 
ctorerie d'indigo de petite importance. 

Celle factorerie possède six cuves à extraction C 
t deux cuves à battage E H. Les premières sont 
Dre à un niveau plus élevé que les dernières. 

D cure des cuves à extraction à une capacité 
lun peu plus de 1.000 pieds cubes. Les dimen- 
Es actuelles sont 18 pieds sur 16, par 3 pieds 
1 de profondeur, la profondeur étant mesu- 

Jée à partir des poutres transversales et non du 
sommet de la cuve. Chaque cuve à battage s'étend 
Sur toute la longueur des six cuves à extraction et 
à comme largeur 13 pieds 6 pouces; au milieu de 
chaque cuve à battage et sur toute sa longueur, à 

l'exception d'un espace ménagé à chaque extré- 

Mmilé, s'élève une paroi de 3 pieds de hauteur qui 

là partage en deux parties, tout en permettant au 
liquide de cireuler lorsque la roue à battage est 


mise en mouvement. Les cuves sont construites en 
RE Un 


| “ Renseignements particuliers. 


briques et sont doublées en ciment de Portland. 

La roue à battage E est constituée par un arbre 
de couche armé de trois rangées de rayons, et ces 
rayons, au nombre de 6 dans chaque rangée, sont 
pourvus, à leur extrémité, de lames qui, en tour- 
nant, frappent le liquide, et le font circuler conti- 
nuellement. 

Les cuves sont habituellement librement expo- 
sées à l'air, bien que dans certains cas elles soient 
couvertes. 

Bien entendu les dimensions, la forme, le nom- 
bre de ces cuves peuvent varier d'un endroit à un 
autre. Autrefois le liquide était ballu à la main et 
l'est encore d’une manière générale à Madras, dans 
quelques provinces du Nord-Ouest, et certaine- 
ment aussi au Cambodge, au Tonkin et en Chine. 

Le matériel d’exploilation d’une usine, à part 
les euyes, comprend un générateur ainsi qu'une 
machine à vapeur I, des pompes J, des cuves à faire 
bouillir M, des filtres K, des presses L, un séchoir et 
divers ateliers. Le séchoir et les ateliers ne figurent 
pas sur le plan. 


S2. — Chargement des cuves à extraction. 


La première opéralion consiste à nettoyer à fond 
les cuves, et ce travail est fait soigneusement 
chaque jour. L'indigo est ensuite empilé dans les 
récipients, les tiges étant placées plus ou moins ver- 
licalement, de facon à permettre à l'air de s'échap- 
per.plus librement et au liquide, après l'extraction, 
de s'écouler aussi complètement que possible. 

La quantité de plante fraiche que reçoit une 
cuve de 4.000 pieds cubes, varie de 5.000 à 4.800 
kilos. Après l'avoir chargée, on place au sommet 
de la cuve, et en travers, un certain nombre de 
pièces de bambou qui sont reliées entre elles et 
maintenues dans leur position par trois ou quatre 
fortes pièces de bois, elles-mêmes fixées par des 
chevilles en fer à des montants disposés sur les 
côtés du récipient. 

On introduit ensuite l'eau dans la cuve jusqu'à 
ce que son niveau atteigne, à quelques pouces 
près, les poutres placées au sommet. Si on la rem- 
plissait complètement, le liquide finirait par débor- 
der, car la plante subit un gonflement considérable 
pendant la macéralion. 

Il est indispensable d'avoir de l’eau en abon- 
dance et de bonne qualité; car de la qualité de 
l'eau dépend beaucoup la réussite de l'opération. 
L'eau de rivière, de lac et l’eau de pluie sont les 
principales sources d’approvisionnement. Les eaux 
chargées de matières organiques donnent de mau- 
vais résultats, tant au point de vue du rendement, 
que de la qualité de l'indigo. 

La durée de l'opération de l'extraction est de 
neuf à quatorze heures, suivant la température et 


258 


A. HALLER — L'INDIGO NATUREL ET L'INDIGO ARTIFICIEL 


les autres conditions climatériques. L'eau n'agil 
pas immédiatement sur la plante, et durant une 
heure ou deux il ne se produit aucune réaction. 
Silôt que l’eau pénètre la feuille, l'extraction du 
principe colorant se fait rapidement. Ce principe 
colorant est, en effet, très soluble dans l’eau. Après 
deux ou trois heures, le niveau du liquide s'élève 
dans la cuve, des bulles gazeuses montent à la sur- 
face, laquelle se couvre bientôt d’une épaisse 
écume. Il se produit un fort dégagement d'acide 
carbonique et ultérieurement du méthane et de 


du vert au bleu indigo sombre. Afin de s'assurer SM 
le battage est suffisant, on prélève une petite quan: 
tité du liquide et on le verse sur une assiette blan- 
che. Si le précipité se dépose rapidement, laissant 


terminé, et la roue est arrêtée. 

On ajoute parfois un peu de chaux à la solution 
à examiner ou, ce qui vaut mieux encore, on sa 
ture du papier fil 
avec le liquide 


on le soumet au 


l'hydrogène. 
Après une cer- Elévation 
: de — = —,— 
taine période de fe — 


fermentation, le li- 
quide s’affaisse, ce 


Niveau 


lo vapeurs d'ammo 


LÉLLLLLLL LS LIL LS TÉL 


qui indique aux 
surveillants, avec 


Nu soD. 


certitude, que la 
plante est suffisam- 


l'opération du bat 
lage n’est pas com 


ment infusée. Une 


plète. 
Un autre mode 


vanne de décharge D 
étant alors ouverte, 


le liquide s'écoule 


d'oxydation con: 


dans la cuve de 
battage. 

La feuille qui, 
avant l'extraction, 
était d'une couleur 
jaunâtre, est main- 
tenant d'un vert 
bleuàtre et semble 
de ce chef contenir 
plus d'indigo que la 
plante à l’état pri- 
mitif. Il n’en est 
cependant rien, car 
on ne trouve aucun 
avantage à faire une 
seconde extraction. 

Après  l’écoule- 
ment de l'eau, la 
plante, dont la température s'élève rapidement, 
est entassée au dehors pour servir d'engrais par la 
suite, et les cuves sont de nouveau préparées en 
vue d'une opération. 


Plan 


Fig. 1. 


$ 3. — Battage. 


Le liquide provenant de la euve à extraction a 
une couleur qui varie de l’orangé vif au vert olive, 
et possède une fluorescence particulière. Lorsque 
toutes les cuves sont déchargées, la roue est peu à 
peu mise en mouvement, pour atteindre graduelle- 
ment un maximum de tours. Dans des conditions 
normales, l'opération du battage dure de deux à 
trois heures, bien que, dans certains cas, elle puisse 


— Plan d'une factorerie d'indigo de petite importance. — 

GC, cuves à extraction; D, vannes de décharge: E, roues de battage; 

F, manchon de raccord; G, tuyaux de conduite pour la 2° cuve de 

battage; H, écoulement des cuves; 1, moteur à vapeur; J, pompe; 
K, tables; L, presses; M, chaudières à ébullition; N, charbon. 


is paraît donner de 
très bons résullats: 
Après le battage; 
on laisse dépose 
l'indigo, ce quiexige 
deux ou trois heus 
res, après quoi ON 
fait évacuer le li 
quide surnageant, 
soit par la surface 
au moyen de puis 
soirs, soit en enle- 
vant des bouchons 
en bois disposés au: 
bas côtés de la 
cuve. 
Le fond de la cuve est incliné vers l’un des 
angles, où se rassemble l'indigo précipité, qui es 
passé à travers un ou deux tamis d’où il coule d 
une citerne. De là on le fait passer dans un grand 
réservoir rectangulaire en fer. Dans son passage de 
la eiterne au réservoir à ébullition M, l’indigo est 
à nouveau tamisé deux fois, pour éviter qu'il con: 
tienne des débris de plantes et de terre. 


ÿ 


4. — Ebullition et filtrage. 


Le liquide contenant de l'indigo en suspension 
(jusqu'à 5 °/,) a ordinairement, lorsqu'il est élex 
par une pompe à vapeur, une température de 6 
66° C. On le porte à une température de 85 à 100% 


qu'on maintient pendant un quart d'heure ou une 
demi-heure. Cette opération a pour but : 

4° D'empêcher la putréfaction du liquide, décom- 
posilion qui ne manquerait pas de se produire, 
étant donné le climat de l'Inde. 

29 De dissoudre une partie des malières brunes 
qui ont élé précipitées avec la « fécule » d’indigo, 
et obtenir ainsi une plus belle qualité. 

3° De permettre aux particules de la matière co- 

Jorante de se déposer plus promptement et par 
uite de faciliter une évacuation plus rapide du 
quide inutilisable. 
 L'indigo une fois déposé, on décante le liquide 
“clair surnageant et on fait passer le colorant à tra- 
vers des tamis sur un grand filtre appelé « table ». 
Le plan nous montre deux tables K ayant chacune 
8 pieds de longueur et 7 pieds de largeur. Ces 
ables sont recouvertes de lattes étroites ef paral- 
“lèles assujetties sur un cadre solide en bois, dont 
s côtés, ayant environ 18 pouces de hauteur, 
sont en pente à l'extérieur. Latable, en . dans une 


le Ride est bleu; on ae de nouveau sur le 
F. ltre au moyen d'une pompe, jusqu'à ce qu'il soil 
“parfailement clair; il est alors couleur de vin de 
Xérès. Quand le liquide est complètement égoulté, 
ue, recueille la masse pulpeuse qui, dans cet état, 
Li enferme de 8 à 12°/, d'indigotine prête à être 
pressée. 


$ 5. — Compression et coupage. 


h La presse L est composée d'une très forte boite 
L ectangulaire dont tous les côtés ont de très nom- 
breuses perforalions, et qui est convenablement 
garnie de deux épaisseurs de drap fort et d’un tissu 
lé serré. Elle est placée au-dessous de vis puissantes 
Que l'on fait tourner au moyen de longs leviers. 
On introduit dans la caisse un volume de pâte 
calculé de facon à obtenir, une fois pressé, un pain 
\ prent de trois à trois pouces un quart d'épaisseur, 
et on soumet la masse à une pression lente et 


LA 


graduelle. 

… Quand il ne s'écoule plus de liquide, on desserre 

progressivement les: vis, on relire le pain qui ren- 

ferme environ 70 °/, d’eau et, à l’aide d’un fil de 

cuivre, on le conpe en Morceaux cubiques d'environ 

trois penses à à trois pouces et demi de côté. 

È $ 6. — Séchage. 

— Cette opération se fait dans une construction 

“levée et bien aérée, pourvue de rayons en bambou 
léger ou en toile métallique espacés d'un pied, sur 
lesquels les cubes sont placés. Le séchage dure 

environ deux ou trois mois, et s'opère très lente- 


A. HALLER — L'INDIGO NATUREL ET L'INDIGO ARTIFICIEL 259 


ment, l'air étant très humide à cette époque de 
l'année. Pendant le séchage, il se produit un fort 
dégagementd'ammoniaque, etles pains se couvrent 
d’une épaisse végétalion cryplogamique qu'on en- 
lève au moyen de brosses avant de les emballer. 


III. — GENÈSE DE L'INDIGO. 


$S 1. — Indican. 


M. Schunck * fut le premier qui attribua la for- 
mation de la matière colorante, dans les plantes à 
indigo, à un principe particulier ef amorphe, auquel 
il donna le nom d’indican. N assigna à celui retiré 
de l'Zsatis tinctoria la formule C?H"Az0". 

En 1887, M. Alvarez”, étudiant les microbes dépo- 
sés sur les feuilles d’Zndigofera, en découvrit un 
(Bacillus indigogenus), appartenant au groupe des 
bacilles capsulés, qui, ensemencé, à l'état de cul- 
turé, dans une décoction stérile de feuilles d'Zndi- 
gofera, détermine la formation d’indigo. Dans cette 
fermentation, il yaurait deux actes successifs : l’un, 
microbien, qui aboutit à la genèse de l'indigo blanc ; 
l’autre chimique, qui consiste dans la transforma- 
lion de l'indigo blanc en indigo bleu par oxydation. 

Dès 1893 *, MM. C. I. v. Lookeren-Campagne et 
van der Veen ont admis que le dédoublement de 
l’indican lévogyre, en glucose dextrogyre et en un 
corps qu'ils regardentcomme de l'indigo blanc, ainsi 
qu'en d'autres corps azolés, était dû à la présence 
d'une enzyme qui, une fois la plante morte au sein 
de l’eau de macération, diffuse à travers les cellules, 
et exerce son action hydrolysante. L'indigo blanc, 
une partie de l’indican non transformé et d’autres 
substances azolées, restent dissous à la faveur de 
la chaux et, en faisant barborter l'oxygène, l'indigo 
blanc estoxydé en indigo bleu, tandis que les autres 
produits fournissent de l’indigo brun. Quand à l'in- 
dirubine, elle peut constiluer un autre produit 
d'oxydalion ou de dédoublement de l'indican. 

le Professeur H. Molisch *, à la suile de ses 
études faites à l’une des stations d’essai de Java, 
arrive à peu près au même résultat, et exclut éga- 
lement l'action des bactéries et des moisissures. 

M. le D'Bréaudat*, en opérant sur l’/Zsaltis alpinä, 
les Zndigofera anil et tincloria el V'Isatis lincloria, 
a réussi à montrer que le suc des plantes à indigo 


1 Philos. Magaz. (4) XV, p. 13; (4) XV, p. 29, 117,183. 

? Revue des Matières colorantes de M. L. Lefèvre, t. IV 
(1898), p. 454. 

3 Tydschrift voor Nijverheïd en Landbhouw en N. Indié, 
t. XLVI. Die landwirtschaftl. Versuchstationen, t. XL, 
p. 401; £. XLV, p. 195; t. XLVI, p. 249. Chem. Zeit., 1899, 

. 165. 

%  Sitzungsber. der Kaïiserl. Akademie der Wissensch, 
Vienve, 1898, t CVII. Fasc. 1. 

* Comptes rendus de l'Académie des Sciences (1898), 

t. CXXVII, p. 769 (1899), t. CXX VIII, p. 1478. 


260 


A. HALLER — L'INDIGO NATUREL ET L'INDIGO ARTIFICIEL 


' 


_ 


conlient deux diastases 
hydratant, 


: l'une douée d'un pouvoir 
capable de dédoubler l’indican; l'autre, 
possédant des propriétés oxydantes, qui se mani- 
festent surtout en présence d’alcalis, de terres alca- 
lines et des carbonates correspondants. 

M. Marchlewski” émit plus tard l'hypothèse que 
l'indican pouvait être considéré comme un produit 
de condensalion d’une molécule d'indoxyle avec 
une molécule de glucose, et proposa pour le glu- 
coside la formule C'*H"OfAz. 

M. Hazewinkel”, M. Beyerinck”* et M. van Rom- 
burg* ont enfin prouvé, indépendamment l’un de 
l'autre, que l’indican se scinde, sous l'influence des 
acides et des ferments, en indoxyle et en glucose. 
Le glucoside de l’{satis tincloria est appelé isatan 
par M. Beyerinck, tandis qu’à l’enzyme qui le dé- 
double l'auteur a donné le nom d'isatase. 

Dans une série d'essais, exécutés sur des feuilles 
d’IZndigofera leptostachya, M. Hazewinkel a nette- 
ment mis en évidence ce fait que des feuilles d'in- 
digo plongées dans de l'eau bouillante ou dans des 
solutions antiseptiques fournissent un liquide qui 
se conserve facilement, s’il n’est pas trop acide, et 
qui renferme un composé susceplible de fournir de 
l'indigo quand on le traite : 4° par un acide et un 
agent oxydant (sel ferrique, par exemple); 2° par 
une enzyme contenue dans les feuilles; 3° par de 
l’'émulsine; 4° par certaines bactéries. L'auteur 
isole l'enzyme spéciale de l'indigo de la façon sui- 
vante : les feuilles d'indigo sont broyées à froid 
avec de l'alcool concentré, puis séchées; la poudre 
est ensuite épuisée par de la glycérine ou par une 
solution de chlorure de sodium à 10 °/,. L'auteur 
donne le nom d'indiémulsine à ce ferment. 

M. Hazewinkel démontra ensuite, de la façon Ja 
plus nette, que, dans le dédoublement de l’indican, 
il se forme un sucre réducteur et de l'indoxyle, 
qu'il caractérisa par sa transformalion en les trois 
indogénides dérivées l'une de l'isatine (indirubine), 
et les deux autres de la benzaldéhyde et de l'acide 
pyruvique. Il confirma enfin une observation faite 
par M. van Lookeren-Campagne et M. van der Veen, 
à savoir que le liquide tenant en dissolution l'in- 
dican devenait alcalin après l'oxydalion, à la con- 
dition, bien entendu, qu'il ne soit pas trop acide 
avant la fermentation. Il admit finalement que l'in- 
dican se trouve à l'état de combinaison saline se 
dédoublant, dans le cours de la fermentation, de la 
même façon que le myronate de potasse. L’autèur 


! Marcuezwski et Rapcuirre, Journ. Soc 
1898, p. 430. 

* Comptes rendus de l'Académie des Sciences d'Amster- 
dam, du mois de mars 1899, p. 590; Chem. Zeitung, t. XXIV, 
1900, p. 409. 

* Académie des Sciences d'Amsterdam, séance du 30 sep- 
tembre 1900, 

{ Chem. Zoit., 


. Chem. Industry, 


t. XXIV, 1900, p. 409 


ajoute que le fait qu'il se forme de l'indoxyle dans. 
la fermentation, explique la production de quan 
tités notables d’indirubine dans le procédé d'ex= 
traction à l'eau chaude ou en liqueur alcalines 
(loc. eil.). l 

Alors que l'indican isolé par M. Schunck était. 
amorphe, MM. Hoogewerff et H. Ter Meulen‘ on 
réussi à l'obtenir cristallisé, en partant des feuilles, 
de Polygonum tinetorium et de l’Indigofera lepto 
stachya. L'indican ainsi oblenu se présente sous læ 
forme de petites lancettes fondant à 51° en per 
dant de l’eau. Le produit anhydre fond à 104 
102. Comme l'avait prévu M. Marchlewski, ce 
indican répond à la formule C'*H'TAz O5 3 H°O, 
et est lévogyre. | 

Quand on fait pasger l'air à travers une solutio 
aqueuse d'indican, chauffée préalablement avec d 
l'acide chlorhydrique, et à laquelle on a ajouté u 
peu de chlorure ferrique pour accélérer l'oxydation, 
on obtient 91 °/, de l'indigotine qu'on devrait 
obtenir selon l'équation : 


H) 
CII AZOS + IE so = coneon + ce me 


Indican. cs Pr te 
ZONES 
CH Di + O* 
N AZI 
Indoxyle. 


co 
— 2H°0 + CHI Nc = cé ae TO 
NazH/ K AH 


Indigotine. 


L'indigotine constitue une poudre d'un ble 
foncé qui se sublime en prismes de couleur pour 
pre el à aspect métallique. Broyée dans un mortier, 
elle prend également l'aspect métallique. 

On peut l'extraire de l'indigo soit par sublima 
tion, soit en le faisant bouillir avec de l'anilines 
filtrant la liqueur et laissant refroidir; il se dépose. 
des aiguilles d’un bleu sombre ou pourpre ayan 
un reflet cuivré : elle se dissout aussi dans l'acid 
acétique glacial, la nitrobenzine et la paraffin 
bouillante. 

Les agents réducteurs convertissent l'indigo ble 
en un dérivé incolore, dit indigo blanc ou indigo 
réduit, soluble dans les liqueurs alcalines. 

C'est à l’état ne blanc : ; 


Il 
>C‘H* 


COI 
04e 
NA / 


cm 
NAZH Y 


que l'indigo est employé en teinture. La matière 
teindre est immergée dans une cuve contenant d 
l'indigo réduit, puis exposée au contact de l'air 
Dans ces conditions, l'indigo blanc, fixé sur la 


1 Recueil des Travaux chimiques des Pays-Bas, t. XIX 
1900, p. 166. 


A. HALLER — L'INDIGO NATUREL ET L'INDIGO ARTIFICIEL 


261 


fibre, s'oxyde et se transforme en indigotine qui 
devient insoluble et adhère intimement à la fibre. 


$ 2. — Autres constituants de l’Indigo. 


L'indigoline est de beaucoup le constituant le 
plus important de l'indi0 naturel. Sa teneur varie 
considérablement, et va de 5 à 80, et même 88 °/,.. 

Mais, outre l’indigoline, la matière colorante 
naturelle renferme encore de l’indirubine ou indi- 
gorubine et divers autres produits organiques, 
parmi lesquels des substances brunes (brun d’in- 
digo), et ce que l’on appelle le gluten d'indiyo, com- 
posés dont l'ensemble peut atteindre de 12 à 30 °/, 
de l'indigo. 

L'indigo naturel contient aussi plus ou moins de 
matières minérales qui sontgfournies, en partie 
par la plante, et en partie par les eaux boueuses 
employées pour la macération. 

Lu La quantité de cendres varie de 2 à 60 °/, et 
“même davantage pour les indigos de la Chine, du 
Tonkin et du Cambodge. L'indigo Bengale de bonne 
Qi en contient de 3 à 6 °/. 

… Bien que, dans beaucoup de cas, ce soit gràce à 
f, présence des colorants secondaires mentionnés 
plus haut qu'on oblient certains effets de teinture, 
On ne juge cependant de la qualité d'un indigo que 
“par sa teneur en indigotine. 


— !. Zndigorubine ou Indirubine. — Jusqu'à une 
époque relativement récente, la proportion d'indiru- 
“bine contenue dans les indigos Bengale ne dépas- 
sait pas 2°/,, mais actuellement elle atteint souvent 
10 °/, et même plus. Les indigos de Java en ren- 
ermeraient jusqu'à 15 °/,. 

La quantité de cet isomère de l'indigotine, qui 

prend naissance, dépend sans aucun doute des 
conditions dans lesquelles se fait le dédoublement 
de l'indican, lors de la préparation de l'indigo. Il 
“ne semble, en effet, pas que l’indirubine doive sa 
formation à un glucoside particulier, M. Schunck 
“ayant montré que l'indican, abandonné pendant 
“quelques jours avec de la soude caustique, fournit, 
non pas de l'indigotine, mais son isomère l'in- 
dirubine. D'autre part, M. Hazewinkel attribue de 
son côté à l’alcalinité du produit de la macération 
des feuilles, la production plus ou moins grande 
d indirubine aux dépens de l'indoxyle, dans le 
cours de la fermentation, et en particulier vers 
la fin. 

Or, on sait, d’après les travaux de M. Baeyer, 
qu'on peut obtenir l'indirubine, en même temps 
que l'indigoline, par réduction du chlorure d'isa- 
line, ou mieux encore par condensation de l'isatine 
avec l’indoxyle. Dans les conditions où s'opère cette 
dernière synthèse, il est à supposer que l’indoxyle 
prend la forme tautomère, à laquelle on a donné le 


nom de pseudo-indoxyle, de sorte que l'indirubine 
peut-être considérée comme l’indogénide « de l'isa- 
üne, l'indigotine en étant l'indogénide 6. 


CO C‘H* 
CZ  NCH+COS “Az 
AzH/ N co 
Pseudoindoxyle, Isatine. 
, CO C°H! 
— C'‘H: SC AZH. 
AzH N çn 


Indirubine. 


Cette indirubine est identique avec l'indirubine 
naturelle‘. Étant donnée qu’elle prend naissance 
dans certaines conditions de fermentation et d'oxy- 
dation de l'indican, on peut admetlre qu'une plus 
ou moins grande quantité de l'indoxyle qui se 
forme s'’oxyde en isaline qui, en présence de la 
pseudoforme du même indoxyle, se condense en 
indirubine. 

MM. Marchlewsky et Radcliffe ont montré que 
l'indirubine synthélique et l'indirubine naturelle se 
comportent exactement de la même manière. Ils 
établirent entre autres que l'indirubine mise en 
présence d'agents réducteurs a/calins se convertit 
incomplètement eu indigotine, mais que la transfor- 
malion est complète lorsqu'an la traile par des 
agents réducteurs acides. Vu sa conversibilité en 
son isomère bleu, étant donnée en outre la faible 
quantilé d'indirubine contenue dans l'indigo na- 
turel, les mêmes auteurs estiment que l'importance 
attribuée aux propriétés tinctoriales de l'indirubine 
a été surfaite, D'autre part, cependant, on a reconnu 
en pratique que lorsque l'indirubine se trouve dans 
l'indigo en quantités appréciables, elle a beaucoup 
de’ valeur, particulièrement dans la teinture de la 
laïne. 


2. Gluten d'indigo. — Substance amorphe, à con- 
sistance gluante, de couleur brun jaunâtre, et pos- 
sédant des propriélés anaiogues à celles du gluten 
végétal ordinaire. Se retire de l'indigo, en même 
temps qu'une partie des substances minérales, 
quand on le traite par un acide dilué. 


3. Bruns d'indiyo. — Appelés par Schunck iudi- 
réline et indihumine, ces bruns prennent naissance 
quand on chauffe pendant un certain temps de l'in- 
dican, en dissolution dans l’eau, et qu'on traile 
ensuite la liqueur par un acide. Il ne se forme dans 
ces conditions ni indigotine, ni indirubine, mais 
uniquement des substances brunes constituées par 
un mélange de plusieurs composés, parmi lesquels 
M. Schunck a isolé au moins cinq produits, 


4 M. Rawson ne croit pas à celte identité (loc. cit.). 


262 


A. HALLER — L'INDIGO NATUREL ET L'INDIGO ARTIFICIEL 


IV. — RENDEMENTS. AMÉLIORATIONS. 


Bien que toutes les parties de la plante ren- 
ferment de l'indican, en pratique on ne traite que 
les feuilles. Les plus belles tiges mêmes ne con- 
tiennent que des traces de colorant. 

Selon M. Hazewinkel”, qui a fait des. dosages au 
moyen de l'hypobromite de soude, les feuilles d’Zn- 
digofera leptostachya contiennent environ 0 gr. 60 
d'indigotine °/,, tandis qu'un mélange à parties 
égales de feuilles el de liges n'en renferme que 
0 gr. 30 °/.. 

Avec les méthodes actuellement en usage aux 
Indes, la plante fraiche fournit (selon M. Rawson) 
environ 2 kil. 500 d'indigo par 1.000 kilos, et 
d’après d'autres renseignements venant de Calcutta, 
1 kil. 650 seulement par tonne‘. En ce qui con- 
cerne le rendement à l'acre, les données indiquées 
par M. Rawson concordent approximativement 
avec celles qui nous sont parvenues, c’est-à-dire 
qu'il est dans le premier cas de 6 kil. 800, et dans 
le second 6 kil. 500. 

Cet indigo renferme en moyenne 60 °/, d'indi- 
gotine. 

L'indigo de Madras est inférieur et litre de 30 
à 50° 

Celui des provinces du Nord-Ouest (Oudhe, etc.) 
est intermédiaire entre celui du Bengale et de 
Madras. 

L'indigo de Java est le plus riche et a une teneur 
de 72 jusqu'à 82°/.. 

L'indigo de Guatemala renferme environ 40 °/, 
d'indigo *. 

Un échantillon d’indigo de la Martinique, que 
nous avons trouvé au pavillon de celte colonie à 
l'Exposition de 1900, à donné, à l'analyse, 
d'indigoline. 

Enfin, les indigos du Cambodge, de la Chine et 
du Tonkin, ont des teneurs qui varient de 5 à 
12 °/, d'indigotine. Cette faible teneur provient de 
ce que le liquide de macération de la plante est 
précipité par la chaux, avant d'être soumis au 
battage. 

Au Béhar, avec deux coupes, le kilo d'indigo 
revient à 6 fr. 50. 

À la Murlinique, d’après des renseignements 
qu'a bien voulu nous fournir M. Thierry, le pro- 
ducteur de l'indigo analysé, le prix de fevient ne 
dépasserail pas 3 francs le kilo. 

Au Cambodge, où l’on peut faire jusqu'à trois 


DATE EN 
la 


éLDocecit. 

? Le rendement au Cambodge est à peu près identique, 
v'est-à-dire qu'on obtient de 1 kil. 200 à 1 kil. 800 d'indigo à 
60-65 07, d'indigotine quand la plante est épuisée et traitée 
à la manière européenne. 

# Dans la Æev. gen. des mat. cal.-(1901), t V, p. 4, on 
trouve une série d'analyses d'indigos de Java et de Bengale 


: Trocadéro des échantillons en pâte à 20 0/.. 


débutant à 2 piastres 50, soit environ 6 fr. 25 !. 
Telle qu’elle se présente actuellement, la silua 


de perfection qu'elles sont susceptibles d'atteindre: 

Nous avoris déjà vu qu'à la Martinique un asso; 
lement judicieux entre la canne à sucre et les /Zndi 
gofera permettrait d'augmenter le rendement de 
l’une et l’autre culture. 

D'autre part, des essais institués au Cambodge 
par le D° Bréaudat, sous la direction scientifique de 
M. Calmette, directeur de l'Institut Pasteur, à Lillek 
nous montreront bientôt s’il est possible d'extraire 
la Lotalité ou la presque totalité de l’indigotine que 
peut fournir la plante. 

Comme nous l'avons déjà fait remarquer d° après 
lesanalyses faites par M. Hazewinkel, à Java, l Indi- 
golera éludié par lui renfermerait 6 kilos d'indigo» 
tine par tonne de feuilles, et 3 kilos par tonne d’un 
mélange à parties égales de feuilles et de tiges. Or, 
au Béhar, où la variété ne doit guère différer de 
celle de Java, on en retire à peine le tiers ou le 
sixième quand on emploie la plante entière. Il ya 
donc un déchet considérable qui semble dû aux 
procédés d'extraction, el en particulier à la fers 
mentation. 

De nombreuses tentatives ont été faites pour 
régler celte fermentation, et nous nous bornons à 
signaler deux procédés de traitement qui ont été 
brevetés, l'un par MM. Gueugnier et Valette (Brev: 
fr. N° 302.169), et l’autre par M. Calmette (Brev. fra 
N° 300.826). 

Dans le premier, sans doute inspiré par les com= 
munications du D' Bréaudat, on aseptise la cuve; 
tout en déclarant que l'opération n'est pas indis-= 
pensable, et on opère le dédoublement de l’indican: 
par une diastase oxydante (laccase de l'arbre à 
laque, tyrosinase, ferment de la gomme arabique): 

L'addition d'eau oxygénée augmente la rapidité 
de la formation d'indigo bleu. Le rendement serait 
sensiblement doublé. 

La méthode de M. Calmette n’est qu'une appli= 
cation des découvertes faites, dans son laboratoire, 
par le D' Bréaudat. 

Elle consiste : 1° « À broyer, par écrasement 
LÉ. "| Te ONE" NERF 


1 Nous devons ces renseignements à M. Gueugnier qui s'ef= 
force d'extraire sur place l’indigotine, et qui en a exposé au 


A. HALLER — L'INDIGO NATUREL ET 


_entre des cylindres de bois ou de métal, les tissus 
des plantes indigofères. 

| 2° «À recueillir la bouillie végétale sortant des 
_ cylindres dans des cuves profondes remplies d'eau 
-épurée, débarrassée de sels calcaires, ceux-ci ayant 
. Vinconvénient de hâter la précipitation de l’indigo, 
précipitation qu'il faut empêcher dans cette phase 
de l'opération. 

__ Les cuves doivent être munies d’agitateurs pour 

«maintenir la masse en mouvement pendant un 

r mps suffisant, variable suivant la température de 

Veau et les sortes de plantes indigofères employées. 
3° « On passe au filtre-presse le liquide de macé- 


L'INDIGO ARTIFICIEL 263 


hâter la précipitation d’une nouvelle cuvée d'indigo. 

« Ce procédé d'extraction a pour objet essentiel 
d'éviter l'intervention de toutes les bactéries 
auxquelles on attribuait jusqu'à présent la faculté 
de dédoubler, au sortir de la plante indigofère, 
l’indican en indigotine et en indiglucine. Ce dédou- 
blement et la précipitation de l'indigo bleu sont 
effectués ici exclusivement par l’action successive 
de diastases hydratantes et oxydantes qui préexis- 
tent dans le suc cellulaire des Zndigofera, et qui 
sont mises en liberté par le broyage des cellules 
végélales. 

« On obtient ainsila transformation complète de 


— Tableau récapitulatif des récoltes d'indigo, 1880-1900. 


PAYS D'ORIGINE 


A ——— —— 


TOTAUX 


Guatemala Indes Néerlandaises 


TagLeau I. 
ANNÈES 
Indes Orientales Kurpah et Madras 
kilos 

1850—1881. 2.239.900 
1881—1882. . . . .300 
1882— 1883. . . .800 
M1883—1884. . . . . 5.800 
M1884— 1885. . . . . .200 
1885—18%6. 5.000 
MESG— 1887. . . . . . 50.500 
1887—1888. 5.400 
DRISES—1889. LE 364.200 
an ea 4.100 
EVA CEE .800 
De ere 5.900 
.000 
2,500 
Disos 1805: KA NET HES 2,100 
1895—1896. . . . . .000 
1896— 1897. 5.100 
1897 —1898 . 851.200 
1898—1899, 2,700 
| 1599— 1900. 1.500 
| JUCLENE. MERE 89.518.600 44.799.900 
| Moyennes. 1.475.930 2,239.950 

L 


kilos kilos 
769.400 116.000 
729.600 394.000 
653.400 501,000 
908.200 515.000 
887.800 5.000 
615.600 .000 
574.000 9.000 
571.300 52.000 
138.400 000 
589.200 3.000 
. 7100 711.000 
36.000 638.000 
16.100 632,000 
100 195.000 
3.600 603.700 
. #00 679.400 
.600 S11.000 
600 90%. 100 
.400 631.400 
.200 595.100 
11.726.600 12,300,700 158.344.900 
586.330 615.035 7.917.245 


lation des cuves, et on l'envoie dans des cuves en 
bois ou en métal couvertes, contenant une très 
pelite quantité de chaux, de baryle, de magnésie 
ou d'un carbonate alcalin ou alcalino-terreux quel- 
Conque. Ces cuves sont munies de dispositifs per- 
umettant la précipilalion rapide de l'indigo à l'état 
dindigo bleu, par émulsion continue d'air filtré, 
éomprimé, ou par la chute en cascades dans une 
ie de cuves superposées. 

4° « Le dépôt d'indigo est recueilli, comprimé en 
Pains et séché à 75° jusqu'à ce qu'il ne renferme 
pas plus de 5 à 7 °/, d'eau. 

5° « Le liquide sortant du filtre-presse renferme 
encore des diastases oxydantes extraites des sucs 
 Gellulaires de la plante, diastases à l'aclion des- 
quelles est due la précipitation de l’indigo à l’état 
indigo bleu. Ce liquide retourne en totalité ou en 
partie dans les cuves à émulsion d'air, où l'excès 
de diastase oxydante qu'il renferme est utilisé à 


l'indican et le maximum de rendement en indigo 
bleu. Ce rendement, avec les sortes d'Andigofera 
ordinairement cultivées, alteint loujours avec ce 
procédé un minimum de 6,6 à8 kilos, par 4.000 kilos 
de plante. 

« 11 peut s'élever à 10 kilos avec des plantes de 
qualité supérieure, récoltées immédiatement avant 
la floraison. 

L'indigo ainsi obtenu titre constamment 80°/, 
à 82°/, d'indigotine, avec une leneur en eau ne 
dépassant pas 7 °/,. » 

Si les prévisions de l’auteur sont confirmées 
par l'expérience, il est facile de voir que le prix de 
l'indigo, et partant de l’indigotine qu'on peut en 
extraire, baissera considérablement. 

D'après une communication qu'a bien voulu nous 
faire le D' Calmette, des essais en grand ont été 
entrepris au Cambodge et on attend la fin de la 
campagne pour en avoir le résultat. 


V. — STATISTIQUE DE LA PRODUCTION DE L'INDIGO. 


Nous donnons, dans le tableau 1’, la produc- 
lion des principaux centres pour une période de 
A part l'année dernière, celte pro- 
duction s'est maintenue dans les environs de 
8 millions de kilos par an. D’après des rensei- 
gnements qui nous parviennent de divers côtés, il 
ne semble pas que l’on soil disposé à abandonner 
cette culture dans les provinces du Nord-Ouest de 
l'Inde et dans l’Oudhe, où la surface totale plantée 
en indigo était évaluée, jusqu'au milieu du mois 
d'avril de 1900, à 76.395 hectares, contre 61.309 hec- 
tares l’année d'avant, ce qui équivaut à une aug- 
mentation de 24 °/,. 

D'autre part, la superficie des terrains plantés 
en indigo et susceptibles d'irrigation s'est accrue 
de 48 °/, en 1900, par rapport à l'année précédente, 
passant de 44.363 hectares en 1899, à 65.665 hec- 
tares pour l'année 1900. Toutes les plantalions 
importantes se sont développées dans des propor- 
tions notables alors que les autres sont restées 
à peu près dans les mêmes conditions que l’année 
dernière ?. 

Les chiffres contenus dans ce tableau peuvent 
êlre considérés comme un minimum, car ils ne 


vingt années. 


L. CUÉNOT — L'ÉVOLUTION DES THÉORIES TRANSFORMISTES 


comprennent pas la produclion de la Martinique, 


du Cambodge (où 2.000 hectares seraient affectés a 
la cullure de l'indigo), du Tonkin et de la Chine. 

Si nous admettons une teneur moyenne de 50 0/, 
d'indigotine, ce qui est au-dessous de la vérité» 
on voit qu'il faudrait produire annuellement 4 mil=« 
lions de kilos environ d’indisotine artificielle, si. 
la culture venait à être abandonnée. 

La valeur tolale de l'indigo, en se basant sur I 
production de l’année 1899-1900, peut être estimée 
à près de 52.000.000 franes, somme sur laquelle’ 
la consommation en France at être de 6 à 7 mil- 
lions de francs. Cette valeur globale est inférieure 
à celle des années précédentes, l'indigo de culture 
ce subi une déprécialion notable du fait de 

l’apparilion de l'indigo synthétique. 1 


Dans une deuxième partie, nous passerons en» 
revue les recherches qui ont conduit à la prépara= 
tion synthétique de l’indigo, dans les laboratoires, 
puis dans l'industrie; et nous examinerons la situa- 
tion respective de l'indigo naturel et de l'indigon 
artificiel. 

A. Haller, 


Membre de l'Institut, 
Professeur de Chimie organique à la Sorbonne: 


L'ÉVOLUTION DES THÉORIES TRANSFORMISTES 


Le transformisme, c'est-à-dire la notion de la 
descendance des espèces évoluant sous l’influence 
de facteurs naturels, est un fait acquis, il n’est 
maintenant plus un biologiste, j'entends sérieux et 
surtout compétent, qui le conteste. Mais le mode 
de la transformation, les causes de l’évolulion, les 
processus par lesquels une espèce nouvelle dérive 


d’une espèce antérieure, cela c’est un champ ouvert 


à toutes les opinions, dans lequel le progrès, ou du 
moins le changement des idées, est incessant. On 
estloin maintenant des explications primitives de 
Lamarck et de Darwin, et si l'on ne peut prétendre 
être arrivé à des explications définitives et absolu- 
ment satisfaisantes, il est permis de penser que 
l'on serre maintenant la vérité de plus près. J'ai 
voulu retracer dans cet article, en les simplifiant 
autant que possible, les théories successives qui se 
sont produites touchant les processus et les causes 
de l’évolution; naturellement, j'ai dû me borner, 
dans cet exposé, à quelques arguments pour ou 
contre telle théorie, trop incomplets peut-être pour 


1 Nous devons ce tableau à l’obligeance de M. Lefebvre, 
auquel nous adressons nos meilleurs remerciements. 
? Revue des Cultures coloniales, 5° année, t. VIN, p. 59. 


entrainer une conviction, mais suffisants pour indi- 
quer la marche des idées. Pour être plus concret, 
je me bornerai presque exclusivement à deux 
exemples : la Girafe, animal progressif par rapport 
aux Ongulés banals dont elle est sortie, et la Taupe,\ 
animal régressif par rapport aux Inseclivores de 
plein air. 


I. — EXAMEN DES THÉORIES ACTUELLES. 


L'explication de Lamarck est bien connue : elle. 
se résume en celle phrase: effets de l'usage ou du 
défaut d'usage sur les organes et hérédite de ces 
effets. « La Girafe, dit-il, qui vit dans des lieux 
arides, ne peut que brouter le feuillage des arbres 

s'efforce continuellement d'y atteindre; il es 
résulté de cette habitude, soutenue depuis long= 
temps, dans tous les individus de sa race, que ses 
jambes de devant sont devenues plus longues que 
celles de derrière, et que son col s'est allongé de 
telle sorte qu’elle peut atteindre à 6 mètres de hau- 
teur ». Pour la Taupe, l'explication est de même 
ordre; Lamarck admet que le défaut d'emploi d'un 
organe lici les yeux), devenu constant par les habi= 


L. CUÉNOT — L'ÉVOLUTION DES THÉORIES TRANSFORMISTES 


26 


cet organe et finit par le faire disparaître el même 
J'anéantir. 
… L'explication de Dascin est une combinaison 
des idées lamarckiennes et d’un nouveau facteur, 
Ja sélection des variations favorables : « Supposons 
qu'au début la Girafe ait eu un cou de longueur 
ordinaire; en temps de famine, les individus les 
Ds allongés, et capables ainsi de brouler un pouce 
ou deux plus haut que les autres, ont souvent pu 
Métre conservés; leur croisement a donné des des- 
Méndants, hérilant des mêmes particularilés, ou 
F d'une tendance à varier de la même manière; celte 
sélection des individus les plus favorisés par 
l'allongement du cou, combinée avec les effets 
héréditaires de l'augmentation par l'usage, a dû 
transformer un quadrupède ongulé ordinaire en 
Girafe ». — « Chez la Taupe, vivant presque conti- 
nuellement sous terre, les yeux ont dû s’'atrophier 
par défaut d'usage: d'autre part, les individus dont 
s yeux étaient particulièrement réduits de gros- 
seur, avec paupières soudées, ont du être conservés 
jar la sélection naturelle, puisque ces individus 
taient exempts des traumatismes oculaires qui 
loivent être fréquents chez des animaux souter- 
ins. Atrophie par défaut d'usage et sélection des 
individus à yeux prolégés auraient amené l'état 
jue nous connaissons aujourd'hui chez la Taupe. » 


1. Abandon de l'hérédité des caractères acquis. 
A la réflexion, on a vu qu'une partiede l’explica- 
ion darwinienne élait difficilement soutenable : 
best l'hérédité des caractères acquis par l'usage et 
non-usage. D'abord, il n'est pas prouvé que 
leffort d'une Girafe pour atteindre des branches 
lus hautes puisse allonger son cou d'une façon 
bien sensible, et ensuile on n'a jamais pu citer un 
emple convaincant de la transmission hérédi- 
faire d’un caractère acquis; enfin, celte hérédilé, 
ut-elle constalée en apparence, est inconcevable, 
in raison de la séparation manifeste el précoce des 
ellules germinales et du reste du corps ; comment 
ne modification des muscles et des os, causée par 
agent externe comme l'exercice, pourrait-elle 
élentir sur les cellules germinalés de facon à ce 
ue le descendant, non soumis au même agent 
Xterne, présente la même modification somalique? 
Mors à apparu l’école des sélectionnistes purs, ou 
0-darwinistes, dont Galton, Wallace et Weis- 
ann ont été les représentants les plus notables. 
Gomme le dit Wallace: « la Girafe n'a pas acquis 
Son long cou en l’étendant constamment dans le 
but d'atteindre les branches des arbres élevés, 
mais simplement parce que toute variété douée 
Pun cou exceptionnellement long a pu trouver un 
Supplément de nourriture au-dessus des branches 


REVUE GÉNÉRALE DES SCIENCES, 1901, 


tudes que l'on a prises, appauvril graduellement ; 


mangées par ses compagnes, et leur survivre en 
cas de disette. » 


2. Relour à la médiocrité ou panmixie. — Mais 
il est assez difficile de comprendre, dans l'explica- 
tion néo-darwinienne, comment les yeux des caver- 
nitôles ont pu régresser, puisque, élant inutiles, ils 
ne donnent plus prise à la sélection; Weismann a 
dû compléter Son explicalion par la lhéorie de la 
cessalion de sélection ou panmixie (relour à la mé- 
diocrité de Galton). Quand un organe cesse d'être 
utile, dit-il, les individus qui naissent avec cet 
organe imparfait ont autant de chances que les 
autres de vivre et de laisser une postérité; les 
varialions en mieux constituent un désavantage, 
puisque l'organe, étant inulile, prend de la subs- 
tance qui serait mieux utilisée ailleurs; elles sont 
donc éliminées par la sélection naturelle, et il ne 
reste en présence que les variations en moins et 
l'état moyen. Il en résulte qu'à chaque génération, 
les animaux à yeux imparfails se mêlent aux types 
moyens et abaissent le niveau de l'organe visuel 
jusqu'à son atrophie et même sa disparilion. 

Je puis dire tout de suite que le mode d'action de 
la panmixie a rencontré beaucoup de sceptiques : 
pourquoi les varialions en mieux seraient-elles 
éliminées par la sélection naturelle? Quelle difré- 
rence peul-il y avoir, au pointde vue du succès dans 
la.vie, entre une Taupe qui a des yeux parfaits et 
une autre qui a des yeux médiocres? Or, si les 
variations en mieux ne sont pas éliminées, il est 
évident que la panmixie n'aura pour effet que de 
maintenir l'organe à son niveau moyen ; pour que 
l'œil s'atrophie tout à fait, il faudrait que le nombre 
des individus variés dans le sens de la diminution 
augmente constamment, ce qui serait le fait d’une 
tendance germinale à la cécité, et non pas celui de 
la panmixie (Delage). 


3. Direction définie des variations. — Depuis 
Darwin, plusieurs penseurs se sont attachés à bien 
comprendre la marche des variations cumulatives 
dont la résultante estun caractère spécifique donné. 
Si l’on admet que la Girafe n’a pas eu son long cou 
en une seule fois, par une variation brusque, il a 
fallu que ce cou augmente graduellement de géné- 
ralion en génération, que la variation ait suivi une 
marche définie, régulière, sans retour en arrière, 
Quand on étudie par exemple les formes qui ont 
précédé le Cheval, on peut établir, à parlir du PLe- 
nacodus, une série qui montre l’atrophie graduelle 
des doigls latéraux et l'accroissement du doigt 
médian, sans compter la modilication graduelle des 
molaires. Or, si celte série représente réellement 
la lignée du Cheval, il est évident que la variation 
a marché toujours dans le même sens. L'hypothèse 

6* 


266 L. CUÉNOT — L'É 


VOLUTION DES THÉORIES TRANSFORMISTES 


de Lamarck explique très bien ce phénomène : les 
doigts latéraux se sont atrophiés lentement par 
défaut d'usage, le doigt médian a grandi par l'effet 
contraire, les molaires se sont lentement modifiées 
par suile de leurs frottements réciproques. On com- 
prend que Cope, surtout paléontologiste, désirant 
s'expliquer cette marche définie des variations, ait 
adopté, en la précisant, l'hypothèse lamarckienne, 
c'est-à-dire les effets des conditions extérieures sur 
le corps (adaptation fonctionnelle) et l'hérédité de 
ces effets. 

Eimer, en étudiant les dessins et les taches colo- 
rées des ailes des Papillons, se convainc aussi qu’un 
développement régulier dans un petit nombre de 
directions déterminées (orlhogénèse) préside à la 
produelion des nouveaux caractères. Les agents 
externes, et surtout la température et la nourriture, 
impriment aux types organisés des directions de 
développement, suivant lesquelles se forment des 
séries de variations et d'espèces, qui marquent 
comme autant de stades successifs de l’évolution. 
De temps en lemps, quelques groupes d'individus 
s'arrêtent slalionnaires sur les différents échelons 
‘génépistase), laudis que le reste de l'espèce con- 
linue sa marche ascendante ; ces quelques individus 
arrêlés à un certain slade constituent une espèce 
stable. Eimer accepte toujours l'hérédité des carac- 
tères acquis, bien que sa théorie puisse à la rigueur 
s'en passer; mais, par compensation, il rejette tout 
à fait la sélection naturelle; puisque l’évolution est 
délerminée dans une certaine direction, par l’in- 
fluence d'agents externes sur tous les individus 
soumis à celle influence, il n’y a évidemment pas 
choix des individus porteurs de variations favo- 
rables ; l'espèce primitive se modifie en masse. 

Enfin Weismann lui-même sent que la sélection 
de varialions accidentelles ne rend pas très bien 
compte de la direction définie et adaptative de lévo- 
lution ; il cherche à la compléter par sa théorie de 
la sélection intra-germinale. Au contraire d'Eimer, 
il accepte toujours la sélection des variations favo- 
rables, mais repousse l’hérédité des caractères 
acquis. Il faut d'abord admettre que la variation 
utile, par exemple l'allongement du cou et des 
membres de la Girafe, ait apparu chez un nombre 
suffisant d'individus et ait donné prise à la sélec- 
lion. On sait que, pour Weismann, les cellules 
sexuelles renferment de petits corps figurés (déler- 
mintunts), qui contiennent en puissance tous les ca- 
ractères de l'être développé; par exemple, un carac- 
tère N est représenté dans les cellules sexuelles par 
un certain nombre de déterminants à, b, €, d, légè- 
rement différents les uns des autres; or, s'il se 
produit une variation dans un certain sens, elle 
tient à ce que le déterminant correspondant à cette 
varialion (2 par exemple) à pris par hasard le des- 


sus sur les autres (4, c, d) dans la lutte pour Jan 
nourriture que les pelits corps figurés se livrent 
entre eux. Etant plus fort, il se nourrit mieux, aux 
détriment des déterminants plus faibles, si bien 


autres à, €, d, diminue. A la génération suivantes 
puisque ce déterminant D, par suite d'une bonne 
nutrition, a augmenté encore la distance qui Me. 
sépare des autres, la modification du caractère 
qu'il représente progresse encore dans le même 
sens qu'à la première génération ; cette nouvelle 
variation donne encore prise à la sélection, et Les 
même phénomène continue jusqu'à ce que l’adap 
tation parfaite soil réalisée ; alors le progrès cesse; 
puisque tout changement, soit en moins, soil en 
plus, devient désormais défavorable, et comme tel 
est éliminé par la sélection. 

Pour les organes en régression, l'explication est 
analogue ; si un organe devient inutile, la panmixie 
commence à produire son effet dégénératif, @ 
laissant se développer les animaux porteurs de 
variations dirigées dans le sens de la diminulion de 
l'organe. À ces variations correspondent des déter= 
minants plus faibles, qui se nourrissent mal; ils se 
réduisent encore, par suile de la concurrence des 
déterminants plus forts, et, à la deuxième généra= 
tion, la varialion diminutive est naturellement plus 
forte qu'à la première. : F 

La conception de Weismann est un peu nu 
geuse, comme celle d'Eimer, d’ailleurs; mais il nh 
a pas lieu de chercher à la criliquer à fond, puis 
qu’elle repose sur une théorie de l’hérédilé qui 
malgré son ingéniosité, s'est écroulée sous le poids 
de sa complication et de son invraisemblance. 


4. Abandon de la sélection naturelle. — Après les 
critiques sur l'hérédilé des caractères acquis, 
seconde parlie de l'explication darwinienne, là 
séleclion des variations favorables, subit à son 
tour un assaut. Mivart, Nägeli, Osborn, Emery 
Delage, etce., font remarquer que les variatio 
minimes, même lorsqu'elles sont utiles à tous les 
degrés, le sont trop peu pour créer un avant 
donnant prise à la sélection ; en temps de diselle 
les Girafes adultes ne meurent pas : elles souffrent 
et maigrissent; celles qui meurent, ce sont | 
jeunes Girafes à peine sorties du sevrage, peut-êbre 
aussi les animaux âgés, et il n'y a aucune chance 
pour qu'un cou plus long de quelques centimètres 
assure la survie de son possesseur. Il n’y à auc L 
raison pour qu'une Taupe qui a des yeux bien fone 
tionnels soit inférieure en quelque chose, même 
dans la vie souterraine, à une Taupe dont les yeu 
sont médiocres. Enfin, contrairement à l'opink 
de Wallace, parmi les caractères des animaux, il. 
est certainement qui sont d'une parfaite inuli 


267 


présentes (secrélion d'anticorps comme l’antisper- 
“motoxine, pouvoir régénérateur excessif dans des 
ganes qui sont très rarement mutilés); ilest donc 
“de toute impossibilité que la fixation de ces carac- 
tères soit due à la sélection de variations uliles à 


- Ces arguments, dont on nesaurait nier la valeur, 
pnt convaineu la majorité des biologistes que là 
Sélection est un processus purement conservateur 
t non édilicaleur; elle se borne à supprimer les 
individus mal venus et les monstres, et ceux qui 
présentent des variations par trop défavorables, 
les albinos, par exemple; elle maintient les espèces 
dans leur état moyen, mais est incapable d'en créer 
de nouvelles. 

“5. La varialion brusque. — Nous àvons vu que 
Pexplication darwinienne et néo-darwinienne repo- 
Sait sur la sélection de variations faibles, qui 
devaient s'accumuler dans le même sens pendant 
une série de générations pour arriver à donner un 
caractère spécifique, notablement différent du 
caractère correspondant de l'espèce-souche; en 
d'autres termes, la varialion est continue, el nous 
avons vu que Cope, Eimer et Weismann ont cher- 
ché à s'expliquer cette conlinuilé. Mais on peut 
imaginer des variations hrusques qui, d'un seul 
éoup, produisent un type nouveau, parfaitement 
viable, grâce aux corrélations de développement, 
Qui diflère de sa forme souche par des caractères 
du moins aussi importants que ceux que nous 
constatons entre les espèces les mieux caracté- 
hisées : cette hypothèse, qui a été émise bien avant 
Darwin, a été reprise par Mivart et Huxley, et 
blus près de nous, par Clos, Camerano, Bateson, 
le Vries et bien d’autres; on peut dire que lexpli- 
ion de la discontinuilé des espèces par la dis- 
ntinuité des varialions a gagné un terrain consi- 
rable, et, si elle n'est pas applicable à tous les 
, ilest à peu près cerlain qu'il y à pas mal d’es- 
ces nées par variation brusque, en une seule 
snération; on pourrait en ciler de nombreux 
xemples : parmi les Echinodermes, les espèces 
POphiures à six, sept ou huit bras, les Crinoïdes 
tramères et trimères, les Astéries à bras nom- 
eux, reproduisent exactement les variations 
usques qui apparaissent de temps en temps chez 
les espèces pentamères normales. Deux Turbellariés 
clades, Dendrocælum Nausicaæ et Phagocala 
jracilis, ont été considérés par Hallez comme des 
pèces « d’origine tératologique » ; les nombreuses 
ècessénestres de Gastéropodes, Causilia, Physa, 
Yéhatina sinistrorsa, Pupa. quadridens, Pirula 


une 


perversa, ele., ne peuvent être que des silus 
inversus d'espèces dextres; la disposition singu- 
lière du bec de ZLoxia curvirostra, à branches 
croisées et non opposables, se retrouve identique 
chez des Oiseaux à bec habituellement opposable. 
De cultures d'(Æuothera ‘Lamarckiana, de Vries 
a obtenu une fois une forme ((Ænothera giqas) 
notablement différente du type, qui se reproduit 
semblable à elle-même depuis cinq ans, sans aucun 
retour vers la souche. 

Je pense avec Delage que, pour que ces variations 
brusques se fixent à l'état d'espèces, il ne suffit pas 
qu'elles apparaissent à l'état de sports isolés, comme 
ceux que nous voyons journellement ; il faut qu'elles 
se présentent en même lemps chez un cerlain nom- 
bre d'individus (on sait du reste que cela se produit 
dans certaines localités). À mon avis, la varialion 
brusque ou forte, comme on voudra, a une très 
grande importance; elle nous dispense d'expliquer 
la direction définie des petites varialions cumula- 
tives, el, bien plus que ces dernières, elle dispense 
de tout recours à la sélection naturelle. 


6. Origine des varialions. — La discussion sur 
les caractères acquis et leur hérédité a amené la 
lumière sur un point d'importance capitale { l'ori- 
gine des variations héréditaires: H est bien connu 
maintenant que les influences externes, exercice, 
température, lumière, surtout nourriture, ete, peu- 
vent modifier un organisme de deux facons : elles 
peuvent produire une modification somaltique, non 
transmissible, ou bien une modification germinale 
corrélative, portant sur les cellules sexuelles; cette 
dernière seule se traduit chez les descendants par 
arialion, qui, le plus souvent, n’a aucune 
ressemblance avec la modification somatique pré- 
sentée par les parents, Les expériences, les obser- 
vations cliniques le prouvent avec évidence : l'in- 
gestion d'alcool produit chez un homme des 
désordres caractéristiques, folie, cirrhose, alhé- 
rome, ele.; c'est la modification somalique; mais 
cet alcool modifie aussi, d'une facon invisible, 
naturellement, les cellules sexuelles : c'est la modi- 
fication germinale; el les descendants de l’alcooli- 
que présentent une variation par rapport aux 
descendants d'individus normaux, mais ils ne sont 
aucunement alcooliques. L'inloxication syphili- 
tique d’un ou de deux parents produit une modi- 
fication des cellules sexuelles qui se traduit chez 
les descendants par des dystrophies sans nombre, 
mais ceux-ci ne sont pas du tout syphilitiques. 
Dans la plupart des cas, on peut prévoir à l'avance 
la modificalion somatique qui sera produite, chez 
un individu donné, par un agent externe donné, 
mais jusqu'ici, faule sans doute d'expériences assez 
nombreuses, il est à peu près impossible de pré- 


268 


L. CUÉNOT —— L'ÉVOLUTION DES THÉORIES ,TRANSFORMISTES 


voir quelle sera la variation présentée par le des- 
cendant dont le germe a été modifié, ni même de 
dire si tel agent externe sera capable de produire 
une modification germinale, 


1. L'isolement physiologique. — Dans les para- 
graphes précédents, nous avons exposé la succes- 
sion des idées sur la genèse des variations et des 
adaptations; il est temps de parler maintenant d’un 
facteur des plus importants, sur lequel Romanes à 
surtout attiré l'attention : il ne suffit pas qu'une 
espèce morphologique se constitue par variation 
d'une forme antérieure, il faut encore qu’elle s’isole 
de l’espèce-souche, sans quoi le croisement libre 
ne tarderait pas à submerger les variations et à 
tout ramener au type moyen de l'espèce. Cette 
séparation peut se produire par des processus très 
différents : isolement géographique, les groupes 
étant séparés par d'infranchissables barrières phy- 
siques (espèces des diverses îles d'un archipel), ou 
bien les habitats étant assez différents pour que 
le croisement devienne impossible (plantes de la 
plaine etplantes alpines) ; isolement par suite d'une 
différence d'ordre psychologique (Chien, Chacal et 
Loup), d'ordre anatomique (différence de taille 
rendant l'accouplement impossible, comme par 
exemple entre un Terre-Neuve et un roquet), et 
enfin incompatibilité sexuelle (espèces jorda- 
niennes, Vespa vulgaris et germanica), C'est-à-dire 
stérilité ou très faible fécondité des croisements, 
entré individus ‘qui ne sont séparés les uns des 
autres ni par des barrières physiques, ni par leurs 
mœurs, ni par des différences anatomiques. On 
comprend l'importance capilale de cette dernière 
variation, qui doit maintenant être acceptée comme 
possible, bien qu'on ne puisse pas encore la pro- 
voquer expérimentalement. On connaît, en effet, 
beaucoup d'espèces physiologiques qui ne présen- 
tent que des différences morphologiques absolu- 
ment minimes (Melasoma populi et tremuleæ parmi 
les Coléoptères, Vespa vulgaris el germanica parmi 
les Guêpes, formes bivalens et univalens de l'Asca- 
ris megalocephala, Puccinia coronifera et coronala 
parmi les Urédinées, etc.). Puisque ces espèces- 
sœurs, irréductibles l'une à l'autre, ne diffèrent 
que par cet unique caractère de l'infertilité, il faut 
bien que la variation qui les a séparées ait porté 
sur cet unique caractère. 


II. — EXPLICATION NOUVELLE DE LA FORMATION 
DES ESPÈCES. 


Il ne suffit pas de lailler, il faut recoudre ; après 
l'exposé des différentes vues émises par les au- 
Leurs, nous pouvons maintenant chercher à dégager 
la théorie la plus probable. Nous avons vu que 


des conditions habituelles ; ce changement a modi* 


l'hérédité des caractères acquis est non démontrée 
et, de plus, inconcevable, que la sélection des petites: 
variations favorables n'existe pas, que la sélection 
intragerminale, ayant comme point de départ la 
sélection d'individus porteurs de variations favo 
rables, n'existe pas ; que la panmixie explique mal 
la régression des organes inuliles ; en revanche 
nous avons acquis des idées plus justes, puisque 
expérimentales, sur la variation, sur la nécessité et 
la possibilité de l'isolement physiologique. 

Sur les débris des théories précédentes, il s'en 
est édifié une autre, qui doit beaucoup à Weismann, 
à Romanes, un peu à Eimer, un peu à tous ceux 
qui ont jeté leur mot dans la discussion, et q 
Delage a magistralement exprimée. Reprenant 
l'exemple de la Girafe, je vais tâcher d'expliquer 
dans l'esprit de cette théorie, comment celle forme 
a pu prendre naissance : Il existait, vers l'époq 
miocène, un Cervidé, voisin d'A/ces par exemple, 
répandu sur une partie étendue du continent 
émergé ; un groupe de ces animaux, habitant pro 
bablement les confins de l’aire de distribution 
quelque part dans l'Eurasie ou l'Indo-Afrique, à 
été soumis à des conditions de milieu différentes 


fié peut être le soma, mais aussi les cellules 
sexuelles, el il en est résulté que tous les descen 
dants du groupe considéré ont présenté une varia= 
tion par rapport à la forme type, variation 
consislant en un allongement corrélatif des pattes: 
du cou, de la langue, etc. Si l’on se souvient que 
la toxine syphilitique modifie les cellules sexuelles 
d’un couple humain de telle manière que leur pro= 
duit peut être un géant bien constilué (ou un nain: 
suivant les cas), rien d’impossible à ce qu'une nour# 
riture un peu différente ait déterminé, chez l'On: 
gulé, considéré la venue de descendants atteints 
d'un gigantisme relalif. Cette variation, naturellez 
ment héréditaire puisque d'origine germinale, à 
continué dans le même sens pendant un nombre 
inconnu de générations, nombre qui a pu être très 
petit, à 

Or, il s'est trouvé que ces Ongulés modifiés dans 
le sens du gigantisme ont trouvé dans la région 
qu'ils habitaient des conditions telles que la vie 
leur était possible ; au lieu de brouter des arbustes; 
ils ont brouté des arbres. Ils ne se sont pas mé 
langés à l'espèce souche, soit à cause de l'isolement 
géographique, soit à cause de l'impossibilité 
d’accouplement, soit pour une autre raison. L'évo 
lution dans le sens du gigantisme s’est arrêtée poux 
une raison inconnue, peut être parce que les cel 
lules sexuelles modifiées n’ont plus donné prise à 
la cause modificatrice, peut-être aussi à cause du 
changement de régime qui a supprimé cette cause 
soit enfin par intervention de la sélection destrue 


eu 


F 


live. Et voilà la forme Girafe constituée, stable et 
_ définie. 

— Les condilions nécessaires pour la création d’un 
“type nouveau sont donc : 1° nouvelles conditions de 
“nulieu, agissant sur un groupe d'individus, et pro- 
“duisant une modification germinale, qui se traduit 
“par une varialion héréditaire, absolument quel- 
tonque ; 2° isolement physiologique des individus 
variés ; 3° place vacante dans la Nature, que ces 
individus variés puissent occuper et où ils puissent 
vivre tant bien que mal. 

- Cette explication à une conséquence capitale, 
touchant l'illusion de l’adaplalion : il y avait jadis 
une tendance, vieux reste du finalisme, à consi- 
dérer les espèces comme très bien adaplées aux 
milieux où elles vivent, et l’on se demandait com- 
Ment une forme nouvelle, transportée dans un 
nouveau milieu, pouvait s'adapter si merveilleuse- 
ment aux conditions de celui-ci ; on comprend que 
les explications de Lamarck et de Darwin, qui 
permettent de comprendre si clairement et si 
complètement la genèse des adaptations, aient 
séduit et séduisent encore tant de biologistes. 

«A mon avis, l'adaptation de l'espèce n'est qu'une 
illusion (je ne parle pas de l'adaptation indivi- 


cité de l'individu), et voici comment on peul se 
rendre compte de cette illusion : Les individus qui 
atteignent dans leurs migrations la région des 
condilions-limiles, c'est-à-dire une région légè- 
‘ement différente de celle qui leur convient par- 
tement, ou bien succombent ou bien peuvent 


ur que leurs cellules germinales se modifient, et 
ils donnent naissance à une forme nouvelle; de 
leux choses l’une, ou bien celte forme nouvelle 


elle nous reste inconnue, ou bien ces caractères 
lui permettent d'y vivre tant bien que mal, et 
alors la variété se propage et se fixe. Rien d’éton- 
nant à ce que, dans les innombrables directions 
de variation, il s'en trouve de temps en temps 
quelqu'une qui par hasard soit adéquate aux con- 
tions d’une place vide, et on se récrie alors sur 
merveille de l'adaptation! Pour faire compren- 


L. CUÉNOT — L'ÉVOLUTION DES TIÉORIES TRANSFORMISTES 


duelle, qui est réelle dans les limites de la plasti- 


269 


dre ma pensée d’une façon tout à fait concrète, je 
dirai que ce n’est pas parce que la Girafe broute 
des arbres qu'elle a un grand cou, mais que c'est 
parce qu'il lui est venu un grand cou qu'elle n'a 
pu faire autrement que de brouter des arbres; ce 
n'est pas parce que la Taupe habite sous terre que 
son œil à dégénéré, mais c’est parce que son œil a 
dégénéré qu'elle a été contrainte d'adopter la vie 
obseuricole. 

La notion de la place vacante dans la Nature 
comporle une autre conséquence intéressante : à 
nôtre époque, il ne doit plus y avoirde places vides, 
ou du moins très peu, comparativement aux temps 
cambriens où la terre ferme et l'air n'avaient pas 
un seul habitant; les formes animales se sont 
multipliées dans des directions tellement variées 
qu'il n'y a que très peu de chances qu'il se forme 
maintenant de nouvelles espèces; ce n'est pas le 
matériel des variations qui doit manquer, car il \ 
en a probablement aulant et même plus qu'autre- 
fois, mais, comme loules les places sont occupées 
ou peu s’en faut, comme il y a partout une espèce 
en possession, ici perforant les roches, là habitant 
dans les champignons, les fourmilières, les ca- 
daivres, des commensaux, des parasites, ele., etc., 
il est de plus en plus improbable qu'une variété 
naissante trouve un milieu adéquat, dépourvu de 
concurrence. 

Je n'ai nullement la prétention de croire que 
l'explitalion que je viens de développer donne 
une solulion définitive du problème de l’évolution: 
mais c'est celle qui, à mon sens, concorde actuel- 
lement le mieux avec les faits, et cela suffit pour 
qu'on l'accepte. verrons dans dix ans ce 
qu'il en restera 


Nous 


L. Cuénot, 


Professeur à l'Université de Nancy. 


1 Bibliographie du sujet dans les ouvrages classiques de 
Lamarck, Darwin, Wallace, Weismann, etc. — DELaGE : La 
structure du protoplasma et les théories sur l'hérédité, 
Paris, 1895. — Année Biologique, t. 1 à #, 1895-98. — HaLLez, 
Morphogénie générale et affinités des Turbellariés, Travaux 
et Mémoires des- Facultés de Lille, t. 2, mémoire n° 9, 
1892. — Bareson : Walerjals for the study of variations, 
Londres, 1894. — De Vus : Recherches expérimentales sur 
DSi des espèces, /tevue générale de Botanique, t. 13. 
1901, p.5. 

J'ai publié, il y a sept ans, dans la Revue générale des 
Sciences (La nouvelle théorie transformiste, t. V, 15 février 
1894), un article très weismanniste qui, comparé à celui-ci, 
montre bien le changement des idées. 


270 


LES ÉCLIPSES 
ET LA CONSTITUTION PHYSIQUE DU SOLEIL 


DEUXIÈME PARTIE : LA CONSTITUTION PHYSIQUE DU SOLEIL 
DU 28 MAI 1900. 


ET L'ÉCLIPSE 


Dans un premier article *, nous avons donné la 
théorie générale des éclipses et indiqué les résul- 
tats principaux des observations qui en ont été 
faites. 

Nous allons maintenant aborder la question 
de la constitution physique du Soleil, telle qu'on 
peut la concevoir d’après les observations précé- 
cédentes; nous terminerons par l'exposé des nou- 
veaux faits qui ont été mis en lumière à la suite de 
la récente éclipse du 28 mai 1900. 


I. — Coxsrirurron PHYSIQUE DU SOLEIL. 


L'ensemble des travaux des astronomes, depuis 
l'Antiquité jusqu'à l’éclipse du 18 août 1868, con- 
duisit à considérer le Soleil comme un globe essen- 
tiellement gazeux; la température propre que l’on 
y supposait devait être très élevée, de sorte qu'au- 
cun corps ne saurait y exister qu'à l’état gazéiforme 
le plus prononcé. D'autre part, on sait que les gaz, 
fussent-ils même portés à une très haute tempéra- 
ture, restent Loujours fort peu lumineux, de telle 
facon que le globe solaire gazeux devrait émettre, 
par lui-même, fort peu de lumière; cependant le 
rayonnement considérable à travers les espaces 
célestes permet un fort refroidissement superficiel 
el il en résulle, par voie de condensation, que les 
éléments gazeux des régions périphériques doivent 
se résoudre en quelque sorte, à l'état de poussière, 
liquide ou solide. Cette poussière peut jouer un 
rôle analogue à celui que nous attribuons au car- 
bone, à la chaux ou à la magnésie dans nos flam- 
mes artificielles; elle rayonne énergiquement et, 
par l'effet de cet abaissement relatif de tempéra- 
ture, le globe gazeux va pouvoir s'entourer d'une 
enveloppe très lumineuse : c’est la photosphère. 


$ 1. — Photosphère. 


Cette photosphère très lumineuse constitue la 
parte visible du Soleil ou, en un mot, l’astre pro- 
prement dit; elle futétudiée dès la plus haute Anli- 
quilé, et c’est précisément par les recherches si 
persévérantes, si altentives et si bien interprétées 
dont elle fut l’objet que l’on put parvenir à se for- 


i Voyez la Revue du 15 mars 1901, {. XIT, p. 213 etisuiv. 


JEAN MASCART — LES ÉCLIPSES ET LA CONSTITUTION-PHYSIQUE DU SOLEIL 


mer sur le Soleil les quelques notions générales qui 
précèdent. 

Dans l'étude de la photosphère, l'examen de 
taches peut être inscrit à la première place: ces 
déchirures de l'enveloppe lumineuse nous permet 
tent précisément de sonder la masse plus avant 
pour constater l'obscurité relative du noyau gazeux 
central; pour invisibles qu'elles soient générale= 
ment à l'œil nu, leurs dimensions n'en sont pa 
moins considérables, et leur diamètre atteint cou: 
ramment le double et le triple de celui de notre 
Terre; leurs formes étranges et irrégulières restent 
d’ailleurs mystérieuses; leurs mouvements ont 
révélé les lois de la rotalion superficielle du Soleil 
leurs vitesses, variables avec la latitude, établis- 
sent cette rotation même et servenl encore de 
preuve frappante pour l’état gazeux de l’astres 
enfin, l'examen minutieux des taches conduit encore 
les astronomes à admettre l'existence d'une atmos- 
phère autour de l'enveloppe lumineuse. 


$ 2. — Chromosphère. 


Cette atmosphère, Lockyer a proposé de l'appeler 
chromosphère, dénomination qui a du reste prévalus 
à cause de sa teinte et des lignes brillantes et iso= 
lées de son spectre : la chromosphère enveloppe la 
surface photosphérique à l’état de couche, très irrés 
gulière, mais dont l'épaisseur est au moins évaluée 
à 8.000 kilomètres; elle est constituée, en majeure 
parlie, par de l'hydrogène incandescent et fréquem 
ment injecté de vapeurs métalliques. 

Remarquons, tout de suile, que les détails rela 
tifs à la chromosphère et aux protubérances sont 
dus à l'observation oculaire et, surtout, depuis 1868: 
à l'application journalière de la méthode Lockyers 
Janssen, faite, en dehors des éclipses, aux régions 
extérieures de la chromosphère et au bord. Depuis 
1892, d'autre part, la méthode Hale-Deslandres 
d'enregistrement photographique permet d'étudier 
non seulement les prolubérances et la chromos: 
phère au bord, mais, en outre, la chromosphèrt 
projetée sur le disque mème du Soleil. . 

La chromosphère se présente sous quatre aspects 
bien tranchés : : 

1° Le premier aspect de la chromosphère est 
celui d'une couche très nettement délimitée, comme 


_ serait la surface libre d'un liquide: son éclat 
tranche alors parfaitement avec l’espace environ- 
nant, qui paraît sombre à l'extérieur et, cependant, 
on peut remarquer près du bord extérieur une 
faible diminution d'intensité lumineuse, 

2° Plus ordinairement, la chromosphère est gar- 
nie de petits filaments lumineux, semblables à des 
poils brillants : tous ces filaments sont dirigés dans 
‘ün même sens, et plus ou moins inclinés; leur 
orientalion ou leur entrainement n'est pas toujours 
dirigé dans le sens des courants supérieurs qui 
transportent les protubérances bien que, cepen- 
dant, le cas en soit assez fréquent. Cette structure 
du deuxième aspect s'observe principalement entre 
les latitudes moyennes et les pôles. 

3° D’autres fois, la surface chromosphérique est 
diffuse, de manière qu'il est difficile de dire avee 
quelque précision où elle s'arrête ; ce phénomène 
slobserve, de préférence, dans les régions des 
facules. 

4 Enfin, etcela le plus souvent, la chromosphère 
est terminée irrégulièrement et garnie de petits 
appendices coniques el irréguliers, ou bien aussi 
de pelites flammes dirigées en tous sens : ce sont là 
des protubérances rudimentaires. Le plus fréquem- 
ment, ces protubérances se présentent dans les 
points du périmètre solaire où l’on rencontre des 
granulations ou marbrures de la surface, de telle 
sorte qu'il paraît exister une étroite dépendance 
entre les granulations et ce quatrième aspect de la 
chromosphère. 


$ 3. — Protubérances. 


Outre ces petits objets rudimentaires, la chromo- 
sphère peut présenter un assez grand nombre 
lappendices, lumineux el très étendus, que l’on 
embrasse sous la dénomination générale de protu- 
bérances et que nous allons indiquer rapide- 
ment dans les trois formes très différentes sous 
lesquelles se peuvent présenter ces appendices: en 
forme d'amas, de jets et de panaches fig. 1). 

D'ailleurs, l'intensilé lumineuse de la chromo- 
Sphère est considérable : son éclat est tellement vif 
qu'il peut occasionner des doutes sur le moment 
récis de la totalité ! et reste assez remarquable, 
oique très affaibli, sans doute, quelles que soient 
les circonstances atmosphériques, favorables ou 
n ; la largeur de cet anneau peut être évaluée à 


EE 


ou 15”. 


- 1. Amas, — Les amas peuvent être rangés en 
trois catégories : k 

- Les uns sont de simples élévalions, des sortes de 
monticules très brillants: dans leur intérieur, on 


— 2 CAPPELLETTI, TISSERAND, STrEPnAN, etc, 


JEAN MASCART — LES ÉCLIPSES ET LA CONSTITUTION PHYSIQUE PU SOLEIL 271 
a 


ne perçoit aucune distribution nelte de la masse, 
tandis que leurs contours sont généralement diffus 
ou garnis de poils; leurs formes sont variables, 
quoique généralement arrondies, et ces amas parais- 
sent être de simples surélévations de la chromo- 
sphère n'excèdant guère une hauteur de 15 à 20”. 

Ou bien encore les amas auront une forme plus 
diffuse, plus légère : ce seront des agglomérations 
analogues aux cumuli de notre atmosphère. Sous 
cet aspect, on les rencontre généralement aux envi- 
rons des taches ; mais cette forme est plutôt rare, el 
elle paraît alors dériver d'une nébulosité diffuse 
qui cache l’organisation intérieure du jet. 

Enfin, toujours plus léger et plus diffus, l'amas 
peut se composer de masses nuageuses, presque de 
brouillards, qui vont se trouver au sommet des 
grandes protubérances, là où, en quelque sorte, 
la dissolution des panaches produit de faibles lueurs, 
engendre au sommet des masses de légers voiles 
cirrilormes. 


2, Jets. — Sous cette dénomination on comprend 
un ensemble de flammes vives et brillantes que 
l'on trouve de préférence dans le voisinage des 
taches, ou dans la lumineuse couronne de facules 
qui environne généralement une tache. Certains 
jets sont lriangulaires, tels de courtes et raides 
pointes d'épée, mais très vifs et, en même Lemps, 
d'une extrême variabilité; ils sont alors de courte 
durée el prennent rarement un grand développe- 
ment en hauteur. D’autres, qui ne se rencontrent 
que très rarement sur une grande échelle, ont reçu 
la dénomination plus parliculière de cônes. 4es 


cônes très courts sont très fréquents; fréquemment 


ils s’allongent pour prendre une forme curviligne 
très gracieuse. Quand une telle transformation à 
lieu, elle nese produit pas graduellement; en géné- 
ral, si l'une des formes vient à disparaitre, l'autre 
forme se substitue à la place de la première après 
un très court intervalle de tranquillité ; ainsi l'aspect 
de ces dernières formes de jets est fort analogue à 
celui de flammes transportées ou brusquement 
abattues par le vent et ces flammes, toujours très 
vives, s'observent communément près des laches. 

L'intensitélumineuseesttoujourstrès grande dans 
les jets, et le fond même est plus lumineux que le 


reste du contour solaire; d’ailleurs, ces jets offrent 


parfois des formes véritablement magnifiques, 
commelesplus beaux bouquets de feu d'artifice qu'il 
soit possible d'imaginer : les branches vont retom- 
ber souvent en paraboles plus ou moins inclinées, 
offrant, en quelque sorte,une véritable beauté artis- 


‘tique; certains jets figurent la tête de gigantesques 


palmiers avec les gracieuses courbures des rameaux; 
d’autres encore seront des jets composés, dont des 
branches, issues de la même base, s'écartent à une 


272 


2 JEAN MASCART — LES ÉCLIPSES ET LA CONSTITUTION PHYSIQUE DU SOLEIL 


certaine hauteur dans diverses directions. Le plus 
souvent, enfin, la tige, très vive et très brillante, 
s'élève à une certaine hauteur; là, elle se subdivise 
en ramifications ell'on voit flotter à la partie supé- 
rieure une sorte de chevelure, tantôt entrainée par 
le vent dans la direction du jet, lantôt repoussée 
au contraire en sens inverse de la direction de la 
tige. 

Quoi qu'il en soit de toutes ces formes, les jets 
sont toujours caractérisées par une constitulion 
compacte, filamentaire à la base, neltement déli- 
mitée au sommet en filets sans nuages; leur lumière 
est si vive qu'on les apercoit encore à travers les 


Fig. 


nuages légers lorsque d'aventure la chromosphère 
disparait, et leur spectre indique la présence de 
plusieurs substances autres que l'hydrogène. Nous 
n'avons pas à introduire ici une subtile distinction 
entre les jets et les gerbes, selon l'appellation d'un 
certain groupe aussi de protubérances, et nous 
devons nous en tenir aux très vastes généralilés ; 
souvent, dans la lumière des gerbes lumineuses, 
on se trouve en présence d'une variation dans la 
réfrangibilité des raies, variation dont l'effet se 
traduit par un doublement de la raie normale, ou 
bien par une diffusion de l’un ou l’autre côté. C'est 
là une des plus importantes circonstances qui 
soient dans la Physique solaire, et on l’altribue 
généralement à la vitesse considérable de la masse 
lancée. 


Souvent, enfin, les gerbes, parvenues à une cer> 
laine hauteur, s'arrêtent, puis se résolvent en mas» 
ses brillantes et très vives qui, au bout de quelque 
temps, paraissent entièrement isolées de leur base 
primilive pour flotter comme des nuages. D'ailleurs 
les gerbes, comme les flammes, ont une court@ 
durée. C'est là leur caractère propre : raremenb 
leur transformation complèle exige une heure, el 
c'est souvent l'affaire de quelques minutes. 


3. Panaches.— Tout en présentant, bien entendu, 
un certain nombre de points communs avec les 
jets, cette troisième catégorie de protubérances 


1, — Groupe de protubérances photographiées dans le quadrant Sud-Ouest du Soleil, 
par MM. E. Barnard et G. W. Ritche. 


diffère considérablement cependant des précédentes 
et s'affirme par un certain nombre de caracléris® 
tiques : une moindre intensité lumineuse; une 
plus grande persistance dans la durée; une termis 
naison sui generis à la partie supérieure, qui les 
fait souvent se résoudre en nuages pommelés 
et déchiquelés comme ceux de notre atmosphère 
terrestre ; la diffusion et la hauleur beaucoup plus 
considérable que l'on y observe; les assemblages 
très volumineux qu'ils forment; et, enfin, par là 
situation dans laquelle ils se présentent, très indif= 
féremment, sur toutes les parties du bord, tandis 
que les jets, en particulier, se rencontrent seule= 
ment, comme nous l'avons vu, à côté des taches où 
dans leurs régions. 

Parmi les panaches, nous distinguerons deux 


JEAN MASCART — LES ÉCLIPSES ET LA CONSTITUTION PHYSIQUE DU SOLEIL 


273 


groupes : les formes simples et les formes com- 
posées : 

Les formes simples consistent en des masses 
“filamenteuses, larges à la base pour se rétrécir en 
pointe, au delà. On les observe quelquefois droites, 

“mais le plus souvent recourbées sous l’action évi- 
. dente des courants qui les entrainent. Il n'est pas 
rare de remarquer de doubles inflexions dans ces 
panaches, et le phénomène est assez net pour que 
l'on puisse être conduit à attribuer à ces jets une 
“forme spirale; un de leurs aspects les plus brillants 
el les plus gracieux consiste à se rattacher à la 
-“chromosphère par une langue très mince, pour 
“s'élever sur ce pédicule en s’élargissant comme 
“une fleur. D'ailleurs ces panaches peuvent offrir, 
parfois, une très grande élendue. 

Au point de vue de la hauteur à laquelle elles 
sont susceptibles de s'élever, ces formes sont dans 
les circonstances les plus variables : dans le cas le 
plus fréquent, parvenu à une cerlaine hauteur, le 
panache s’épanouit en trainées et en nuages; 
quelques-uns, à une hauteur relalivement faible, 
sont terminés par une masse nuageuse et diffuse : 
d’autres se relèvent comme une corne coupée par 
rois étages de nuages; les uns offrent l’aspect d'un 
uàge rattaché seulement par une queue; enfin 
l'on peut encore observer des filets, presque isolés, 
qui se replient pour relomber normalement à la 
hromosphère. 

Parfois, cependant, il peut arriver que ces 
uages soient simplement projetés sur les panaches 
et sans aucune relalion intime avec eux, mais 
ouvent aussi on peut les voir se former au som- 
net même du panache. 

» Les panaches peuvent se présenter dans toutes 
es inclinaisons possibles par rapport à la surface 
solaire, depuis ceux qui sont verticaux jusquà 
ceux qui se trainent, qui paraissent ramper sur la 
chromosphère. On les verra, lantôt accouplés et 
convergents, tantôt assemblésavec des inclinaisons 
différentes, mais c'est ici le lieu de remarquer que 
-Loutes ces variétés peuvent se rapporter, en grande 
partie, à de simples effets de perspective et que; en 
réalité, les bases de filets voisins peuvent être fort 
éloignées les unes des autres, dans la direction du 
rayon visuel. Malgré tout, il est une observation 
fort curieuse sur la forme remarquable de ces 
filets. En général, à la base, le filet est très voisin 
de la verticale; puis il s'incline avec beaucoup de 
délicatesse pour s'élever parfois de nouveau. Leur 
structure ressemble à un assemblage de longs 
- poils, particulièrement à des moustaches; généra- 
… lement les filets sont serrés, de telle sorte qu'on 
+ les puisse prendre pour des nuages continus si 
7 l'air atmosphérique n'est pas favorable aux obser- 
4 -vations. Au pôle, d'ailleurs, on les trouve fré- 


$ 


quemment plus clairsemés, avec un sommet confus 
qui peut se réduire à un très faible nuage, et 
presque perpendiculaires au bord dans toute leur 
étendue : ilest trop naturel d'imaginer alors que, 
en cet endroit, il leur manque le courant qui doil 
les entrainer, par ailleurs. 

L'assemblage de tous ces jets, de tous ces nuages, 
va pouvoir donner naissance aux formes que nous 
avons appelées composées : mais aussi la deserip- 
tion suceincte qui précède laisse entrevoir suffi- 
samment l'infinie variété de loutesles combinaisons 
possibles, les caprices auxquels seront sujets les 
panaches composés pour lesquels il serait illusoire 
de tenter une description de Lypes constants. 

Quelques-unes des masses de ces panaches se 
présentent avec une organisation (rès singulière 
qui leur ferait altribuer, au premier abord, une 
structure réticulée, laissant des trous obscurs et 
des ouvertures béantes; ainsi la continuité appa- 
rente serait plutôt obtenue dans de mauvaises con- 
ditions atmosphériques; mais, si l’on peut effectuer 
les observations avec un grossissement suffisant, 
par un temps favorable, et que l'on porte toute son 
altention sur la structure du panache, il semble 
bien que cet aspect soit réellement inhérent à la 
structure intime du phénomène, et que cette sorte 
de quadrillage résulte seulement de l'entrecroise- 
ment varié des divers jets filamenteux. 

Le sommet des panaches est le plus souvent très 
déchiqueté, pour ressembler aux amas de cirro- 
eumuli que lon peut trouver à l'extrémité des 
nuages orageux el qui conslituent alors un ciel 
pommelé. Quoiqu'il en soit, il est intéressant de 


xêmarquer que les panaches s'élèvent toujours au- 


dessus de la chromosphère par de petits jets isolés 
et non pas sur une étendue parfaitement continue, 
bien que, à une certaine hauteur, les filaments se 
mêlent, s'enchevêtrent et finissent par se confon- 
dre en une masse qui parail unique; aussi, en par- 
tant de la base, peut-on suivre les divers filets. 
lumineux qui les produisent et qui, dans les régions 
plus élevées, se ramifiant parfois, s'inclinent dif- 
féremment, el arrivent à s’embrouiller de toutes 
les manières possibles. C'est donc cetle structure 
qui a suggéré l’idée des formes arborescentes pour 
les protubérances; mais il est manifeste, comme 
nous l'avons déjà fait pressentir, que ces formes 
complexes, dans la majorité des cas, dépendent 
de la différence des directions des formes élémen- 
taires que nous projetons virtuellement les unes 
sur les autres et que, faute d’une transparence suf- 
fisante, nous ne pouvons séparer. 

Ce serait un travail déjà fort long que de réunir 
les descriptions de ces figures compliquées qui 
s'étendent parfois de 30° à 40° en lalitude, et à plus 
de 60° en longitude, sur la surface solaire; nous 


274 JEAN MASCART -_ LES ÉCLIPSES 


nous contenterons de mentionner les hauteurs 
considérables de 150 à 200", auxquelles ces masses 
peuvent atteindre; quelquefois 240", mais rarement 
plus. Les travaux de Lockyer et de Respighi, par- 
liculièrement, ont mis en évidence que ces protu- 
bérances peuvent s'élever à 300,000 kilomètres de 
la surface solaire, en même temps que leurs trans- 
formalions s'effectuent avec la plus grande rapi- 
dité : ainsi, Young eut l'occasion de voir un frag- 
ment de protubérance se détacher, puis s'élever 
pendant douze minutes environ, avec une vitesse 
moyenne comprise entre 200 et 260 kilomètres par 
seconde. 

4. Pluies solaires. — Sous cette dénomination, 
el pour en finir avec la description des singularités 
superficielles, nous allons réunir enfin quelques 
cas de queues, protubérances nuageuses, masses 
filamenteuses, pluies solaires..…., mais sans vouloir, 
bien entendu, laisser nullement entendre par là 
une communauté d'origine, ou une relation quel- 
conque qui, bien que vraisemblable, est encore 
entièrement méconnue. 

Le phénomène inléressant des pluies solaires 
fut spécialement éludié par Tacchini et nous le 
rapprocherons des protubérances nuageuses : dans 
ce groupe, et sous la dénominalion de nuages, 
nous voulons comprendre toutes les masses isolées 
qui nagent, qui flottent isolées au-dessus de la 
chromosphère, et cette classe nuageuse peut géné- 
ralement fournir les renseignements les plus utiles 
à l'intelligence du mode de formation fondamental 
des protubérances. 

Quelques nuages, comme nous l’avons vu, sont 
le résultai de la désorganisation, de la diffusion 
des paraches en masses déchiquetées; d’autres, 
au contraire, paraissent être la continuation même 
des panaches qui cesseraient d’être alimentés par 
la partie inférieure de la chromosphère et, ainsi, 
ils se trouvent alors isolés pour flotter librement 
dans l'atmosphère supérieure. Puis, dans ces 
masses isolées, se présente souvent un curieux 
phénomène : une partie plus brillante se manifeste 
dans la masse, puis s'épanche en filets curvilignes, 
s'éparpille en quelque sorte dans toutes les direc- 
Lions, el cette structure singulière ne doit pas être 
considérée comme très rare; on croit pouvoir en 
conclure que le phénomène des panaches est sus- 
ceptible de se former au milieu même de la zone 
atmosphérique sans que, pour cela, il soit besoin 
d'un orifice d'émission proprement dit d'où la 
masse solaire gazeuse pourrait émerger. 

Cépendant les comparaisons que nous avons 
faites entre les panaches solaires et nos nuages 
grossières : les masses filamenteuses 
ue ressemblent que d'une facon très lointaine aux 


sont assez 


! LA CONSTITUTION PHYSIQUE DU SOLEIL 


nuages habituels qui résultent des condensations 
de vapeurs, cumulus ou cirrus. La forme qui sex 
rapproche le plus des panaches est celle de certains 
cirrus très légers qui sont entraînés à travers notre 
atmosphère par des courants très violents : et ces 
aspects se présentent le plus souvent lorsqu'un 
vent du nord, très violent dans les hautes régions; 
rencontre des cirrus déjà formés antérieurement; 
les déchire, les enchevêtre, et les entraine en filets 
plus où moins parallèles. Cette forme, appelée 
horse tails (queue de cheval) en Amérique, est bien 
en effet, celle qui ressemble le plus aux panaches 
de l'atmosphère solaire. 

En résumé, tous ces phénomènes sont donc le 
simple résultat d’un transport des masses nua- 
geuses à travers le milieu dans lequel elles flottent 
et ils ne‘peuvent servir en rien à la démonstration 
de l’existence d’une force d'impulsion qui les lance 
directement à des distances aussi considérables : 
au contraire, dans le cas des filaments incurvés 
qui rebroussent chemin ou reviennent sur eux- 
mêmes après avoir atleint une certaine hauteur, 
on peut trouver le symptôme et la raison de deux 
forces distinctes, celle qui les produit et celle qui 
les transporte. 


$S #. — Ondulations lumineuses. 

Enfin, et pour en finir avec les objets plus parti- 
culièérement relatifs aux périodes d’éclipses, nous 
allons dire quelques mots des ondulations solaires : 
Au commencement et à la fin de la totalité de 
l’éclipse, la lumière solaire crée de curieuses ondu- 
lations sur les murs blancs ou même sur le sol, 
ondulations qu'on ne saurait mieux comparer qu'à 
celles qui se produisent au fond d’une pièce d’eau 
éclairée par le Soleil, et qui correspondent aux 
ombres des légères vagues de la surface. Cette 
apparence est encore fort mal expliquée, bien 
que l'attention ait été attirée sur ce point, pour 
la première fois encore par Arago, dès la fameuse» 
éclipse du 8 juillet 1842. 

Au moment où l'éclipse allait FRA Lotale, 
écrivait à Arago l'un de ses compatriotes, Fau- 
velle, je vis les derniers rayons du Soleil onduler 
fortement et avec vitesse sur la muraille blanche 
d'un des établissements militaires du rempart 
Saint-Dominique. L'effet peut être comparé à ce 
qu'on observe lorsque la lumière solaire tombe sur 
un mur où sur un plafond après avoir élé réfléchies 
à la surface d’une nappe d’eau agilée. Le même 
phénomène se reproduisit au moment de l'émersion 
du soleil. Les ondulations, fortes d'abord, s'affai= 
blirent graduellement et disparuren( au bout de 
5 à 6 secondes 

Lors de la même éclipse, un autre observateur, 
Savourin, écrivait également à Arago : « On à vu 


“ 


». 


JEAN MASCART — LES ÉCLIPSES ET LA CONSTITUTION PHYSIQUE DU SOLEIL 


275 


des ombres et des laches lumineuses courir les | ter, il est vrai, les unes des autres, mais sans être, 


uses après les autres, comme paraissent le faire 
les ombres produites par de petits nuages qui 
“passent successivement devant le Soleil. Ces taches 
“n'étaient pas de la même couleur : il y en avait de 
Douce, de jaunes, de bleues, de blanches ». 

Ce phénomène a été presque constamment re- 


Suivantes; la meilleure et la plus complète des- 
“ription que l’on en possède est due à Diamilla 
uller, de Milan, et se rapporte à l’éclipse du 
22 décembre 1870 ; d’ailleurs, pendant l’éclipse du 
98 mai 1900, dont nous allons bientôt avoir l'occa- 
ion! de parler, ces ondes furent notées, en Espa- 
gne, par de nombreux observateurs, notamment 
M. Arcimis, Augustin de Soto, Salvador, Baurich, 
. Bru Marin, Moye, etc…., etc. 


$ 5. — Observation journalière des protubérances. 


Cette observation peut s'effectuer gràce à la 
méthode dont le principe fut imaginé par Lockyer ; 
bien qu'elle sorte un peu du cadre des éclipses 
proprement dites, il est cependant indispensable 
d'en parler, et par ce fait qu'elle fut mise au point 
pendant une éclipse même, par M. Janssen, comme 
nous l'avons déjà vu, et à cause des services con- 
sidérables qu'elle rend tous les jours, des précieu- 
ses indications qu'elle fournit sur la la constitution 
des protubérances, Le procédé repose, d’ailleurs, 
sur les très simples observations suivantes : 

Dans les circonstances ordinaires, les protubé- 
rances solaires nous demeurent invisibles, pour la 
même raison que les étoiles : elles sont masquées 
par la lumière intense que réfléchissent certaines 
articules de notre propre atmosphère, particuliè- 
rement celles qui sont dans le voisinage de la 
direction du Soleil dans le ciel; mais, s’il nous 
élait seulement possible d’affaiblir en même temps 
la lumière, elles nous apparaîtraient bientôt. Or 
est précisément là ce que fait le spectroscope : et 
uisque la luminosité aérienne n’est autre que de 
la lumière solaire réfléchie, son spectre serà natu- 
rellement le même que celui de la lumière du So- 
Jeil, c'est-à-dire une bande colorée et continue, 
entrecoupée par des raies obscures; alors il est 
d'expérience élémentaire que ce spectre est fort 
affaibli par toute augmentation du pouvoir disper- 
sif, puisqu'il va falloir que la lumière s'étale en 
un plus long ruban de manière à couvrir une sur- 
face plus étendue. 

D'autre part, si nous voulons effectuer une ten- 
tative du même genre sur un spectre discontinu 
“conslitué par des lignes brillantes, et si nous aug- 
- mentons le pouvoir dispersif du spectre employé, 
les raies lumineuses ne vont nullement subir un 
… affaiblissement du même genre : elles vont s'écar- 


ni difluses, ni privées de leur éclat. Ainsi done, si 
l'image du Soleil formée par une lunette est exa- 
minée à l’aide du spectroscope, on peut espérer 
voir au bord du disque les raies brillantes corréla- 
lives du spectre des protubérances, si tant est que 
celles-ci soient réellement gazeuses. 

Tel est le principe très simple de cette méthode 
qui peut comporter les applications instrumentales 
les plus variées. 


IT. — LA COURONNE. 


Nous avons déjà vu, sommé loute, au cours des 
diverses éclipses, les propriétés générales de la 
couronne, son aspect, $es variations et les recher- 
ches relatives à la composilion de sa lumière; 
aussi allons-nous nous borner désormais à réunir 
iciquelques tentatives particulières, parfois dis- 
cordantes, puisque l'on n'a pu obtenir encore de 
résultats nets avec les procédés proposés pour 
observer et étudier la couronne en dehors des 
éclipses. 

En ce qui concerne particulièrement l'intensité 
lumineuse de la couronne, les résultats sont assez 
différents les uns des autres; et, en effet, une telle 
évaluation est fort malaisée si l'on veut penser aux 
variations exceplionnelles et extraordinaires que 
subit la lumière pendant une éclipse totale de So- 
leil. Cependant il est manifeste que l’on peut en- 
core distinguer nettement la couronne 40 secondes 
après la réapparition du Soleil el que l'on peut 
mème conslater son existence pendant un temps 
beaucoup plus considérable, 6 à 7 minutes envi- 
ron avant et après la totalité : en fait le pouvoir 
éclairant de la couronne intérieure est relative- 
ment considérable, et l’on peut admettre actuelle- 
ment qu'il est supérieur à celui qui s'attache à la 
pleine Lune dans les circonstances les plus favo- 
rables. 

Mais, et c’est là précisément un point dont l'im- 
portance relative est difficile à établir, l'éclat de la 
couronne dépend beaucoup de l'état de notre at- 
mosphère : ainsi, pendant l’éclipse de 1858, sous 
le beau ciel des Indes, la lumière coronale était 
fort belle et procurait une clarté suffisante pour 
lire des caractères de moyenne grandeur. D'autre 
part, en 1842, Baily observait une couronne très 
brillante à Paris tandis. que, simultanément, el à 
travers un ciel légèrement brumeux, Airy la trou- 
vait très pâle à Turin; de même, en 1851, la cou- 
ronne était fort belle à Gottembourg, en Suède; et 
au contraire, faible et étendue à Lilla-Edet, égale- 
ment en Suède. 

Ainsi done la couronne est assez lumineuse, à ce 
point que, dans un tout autre phénomène, les 


(9 Lyi 


276 JEAN MASCART — LES ÉCLIPSES ET LA CONSTITUTION PHYSIQUE DU SOLEIL 


passages de Vénus sur le Soleil, on peut apercevoir | Tout d’abord, en contact immédiat avec Ja chro= 
la planète 2 ou 3 minutes avant son passage sur le | mosphère, se trouve une première couche dans 
disque solaire, au moment, par conséquent, où elle | laquelle la lumière est encore assez vive et qui 
ne se délache que sur la luminosité de la couronne; | peut s'étendre à une distance de 40 ou 12 minutes: 


Fig. 4. Fig. à. 
Fig. 2 à 5. — Photographies de la couronne pendant l'éclipse du 28 mai 1900. 
Agrandissement : 3/1. Clichés de M. Deslandres. 
2, — Temps de pose : 1 seconde. Fig. 3. — Temps de pose : 4 secondes. 
— 8 — Fis. 5, — Bi] — 


d'ailleurs, sinon sur la visibilité coronale, nous | c'est là, par conséquent, que s'élancent etse trans: 
avons du moins des renseignements assez concor- | forment les diverses protubéranres que nous avons 
dants sur les divisions lumineuses de la couronne : | signalées. Cette zone est d’un bleu d'argent, assez 


L JEAN MASCART — LES ÉCLIPSES ET LA CONSTITUTION PHYSIQUE DU SOLEIL 


brillante pour présenter un aspect nacré. Quelques 

“auteurs ont voulu décrire diverses couches de 
“lumière, mais celle expression ne nous parait 

guère admissible ou vraisemblable, car l'intensité 
- Jumineuse va en diminuant par degrés insensibles 

Sans qu'il soil possible d'assigner des limiles pré- 
_cises entre les différentes couches. 

… Jusqu'ici, la couronne pent être considérée 
“comme parfaitement concentrique au disque so- 
“aire : les divers aspects qu'elle présente pendant 
“l'éclipse permettent d'autant moins d'en douter 
qu'elle est plus brillante dans la région où le Soleil 
est plus voisin du bord de la Lune et, ne pouvant 
“donc plus l'attribuer à l'atmosphère lunaire, il faut 
bien la considérer comme apparlenant presque 
intégralement au Soleil: mais, pour pouvoir ainsi 
raisonner avec justesse, il ne faut pas tenir compte 
lune partie corunale plus éloignée, d'une zone 
irrégulière qui, précisément, donna peut-être lieu 
aux erreurs des premiers observateurs. 

Cette seconde région de la couronne conslilue, à 
proprement parler, ce qu'on appelle l’auréole (fig. 2 
à 5): elle est souvent irrégulière et son contour, loin 
d'être uniforme comme on l'aurait tout d'abord sup- 
posé, est indécis el présente des inégalités, parfois 
même de très profondes échancrures ou cavités, Ces 
irrégularités ont été remarquées depuis longtemps, 
élprincipalement par Gilles, qui étudia en Amérique 
Néclipse de 1858; les parties les plus brillantes 
correspondent généralement au voisinage des pro- 
ibérances et à la base des aigreltes, ou peut-être 
mieux encore, comme on l'a dit récemment, aux 
plages brillantes de la chromospbère. Pendant les 
années 1870 et 1871, cette troisième zone de la 
Couronne présenta même une singularité remar- 
quable : en certains points on observa des sortes 
d'interruplions de l’auréole, des cavités profondes 
qui parvenaient presque jusqu'au bord du disque 
aire; c’est ce que les Anglais appellent riffs, et 
position de ces échancrures fut déterminée avec 
une précision suffisante, soit par les observations 
optiques, soit, surtout, par la photographie. 

Or, en 1860, nous avons dit dans l'histoire des 
éclipses que, pour la première fois; deux expéditions 
élaient préoccupées de photographier l’éclipse, 
bnous avons vu sans cesse par la suite les progrès 
incessants dont nous sommes redevables à ce 
nouveau procédé d'observation; mais, ici, c'est 
“peut être le lieu de revenir sur ces deux photogra- 
phies qui, toutes deux, fournissent des détails in- 
essants et distincts. L'un des photographes fut 
Varren de la Rue, à Villabellosa; l’autre, Seechi, 
u Desierto de las Palmas, en accompagnant l’ex- 
pédition espagnole qui était sous la direction 
d'Aguilar. Ces deux photographies fournirent les 

ésullats suivants : la photographie de Warren de 


19 
1 
mr 


la Rue, obtenue en grossissant les images avec 
l'oculaire, reproduit admirablement les protubé- 
rances et leurs accessoires, landis que la couronne 
n y est visible que dans sa partie la plus brillante 
et la moins élevée; Secchi, au contraire, photogra- 
phia l'image directe fournie par l'objectif, ce qui a 
l'avantage de donner une plus grande quantité de 
lumière et un champ plus étendu. 

Depuis cette époque, c'est le second procédé qui 
est très généralement employé par Lous les obser- 
vateurs : il présente, en effet, tous les avantages, et 
le séul inconvénient de la petitesse des images est 
bien aisément détruit par des agrandissements 
ultérieurs, sans arriver loulefois à meitre en évi- 
dence le grain de la gélatine ; nous ne pouvons que 
mentionner, sur ce point très particulier, l'heureuse 
tentative réalisée dans l'objectif d'agrandissement 
de Christie. 

Quant à effectuer l'étude de la couronne en dehors 
des léclipses, c’est là encore un problème fort 
malaisé, el les recherches de cette nature sont 
pousuivies par de nombreux observateurs, parti- 
culièrement Huggins ‘, Hale *, Riceo *, etc., bien 
que, de l’aveu même des auteurs, les résultats 
soient assez incertains. M. Deslandres reprend 
aussi cette question *; il étudie avec soin les con- 
dilions théoriques du problème, il fait de nom- 
breuses tentatives, plusieurs essais avec des mé- 
thodes différentes, et parvient enfin à la conclusion 
que la reconnaissance journalière de la couronne 
est liée étroitement à la découverte d’une méthode 
permettant d'observer des images formées avec les 
rayons caloriques seuls. L'obstacle, en effet, qui 
réside dans la lumière diffuse du ciel, diminue 
très rapidement au fur et à mesure que l'on veut 
utiliser des radiations de longueurs d'onde crois- 
santes; de plus, le spectre coronal indique assez 
que le maximum d'éclat de la couronne est plutôt 
situé vers le rouge. - 

Précisément M. Langley © parvint à enregistrer 


les radiations calorifiques du spectre solaire normal 


par un procédé très ingénieux, bien qu'indirect, et 
qui nécessite l'intervention d'un bolomètre et d'un 
galvanomètre très sensibles; mais celte méthode 
parait difficilement applicable au cas de la cou- 
ronne, car l'image calorique devrait être obtenue 
par le mouvement d'un point el non pas, comme 
dans les appareils enregistreurs de la couronne, 
par le mouvement d'une ligne; ainsi done, il reste 
encore à trouver une méthode permettant la photo- 


1 Proceedings of the Royal Sociely, 1885. 

% Astronomy and Astrophysies, 1894. 

# Mémoires des Spectroscopistes italiens, 1893 et 1894. 
* Comptes rendus de l'Académie des Sciences, 1891-1894. 
5 Bulletin astronomique, 1894. 

5 Comptes rendus de l'Académie des Sciences, 1894. 


278 


JEAN MASCART — LES ÉCLIPSES ET LA CONSTITUTION PHYSIQUE DU SOLEIL 


graphie directe de ces rayons spéciaux, méthode 
qui offrirait alors les plus précieux avantages. 

Nous pourrons alors résumer! de la manière 
suivante les moyens propres à obtenir le mieux 
possible des détails faibles de la couronne, tels 
que, par exemple, les rayons caractéristiques. 

Les photographies de la couronne peuvent se 
diviser en épreuves à petite et à grande échelle ; 
les premières donnent la structure générale, mais 
elles sont relativement peu utiles, puisque celte 
structure est actuellement connue à l'avance; les 
grandes épreuves, au contraire, sont plus intéres- 
santes, car elles montrent les divisions de la cou- 
ronne et se prêtent, autant qu'il est possible, à 
l'étude des rotalions encore indéterminées entre 
les jets coronaux et les détails de la surface même 
du Soleil. Et, puisque la couronne présente à la fois 
des parties très intenses près du bord solaire, et 
des parties très faibles du côté opposé, particuliè- 
rement dans les jets caractéristiques, il est bon à 
priori d'employer des plaques lentes, qui ont l'a- 
vantage d'avoir une échelle de tons plus étendue, 
et de se prêter aux nuances délicates ; cela d'autant 
plus que les parties les plus faibles sont peut-être 
aussi les plus intéressantes. 

Mais, d'autre part, les régions les moins lumi- 
neuses ont à lutter contre un ennemi, que l’on ren- 
contre plus ou moins dans tous les appareils d'Op- 
tique, et qui consiste dans la lumière diffuse de l'ap- 
pareil : aussi, pour diminuer celte lumière diffuse, 
est-il bon d'éviter, autant que possible, les miroirs 
auxiliaires, les objectifs à quatre verres, les objectifs 
d'agrandissement.. Enfin, une autre sorte de lu- 
mière intervient encore, celle que diffuse le ciel, 
qui se trouve en quantité d'autant plus notable 
que la durée de l'éclipse est plus courte, et dont 
nous eûmes l'occasion déjà de montrer l'intérêt : 
elle a pour origine la diffusion de la lumière coro- 
nale dans les couches d'air situées au-dessus de 
l'observateur, et, en outre, la diffusion de la lumière 
du disque central dans les régions élevées et éloi- 
gnées de l'atmosphère, à côté de la zone de totalité. 
Or, cette lumière diffusée se trouve relativement 
très intense dans l'ultra-violet, et diminue rapide- 
ment lorsqu'on remonte vers le jaune, le rouge et 
l’infra-rouge, ce qui permet d'expliquer pourquoi 
les jets coronaux observés à l'œil sont plus longs 
que sur les plaques; c'est également pour cette 
raison que M. H. Deslandres fut amené à placer 
devant les plaques des écrans jaunes et rouges, 
pour diminuer la lumière du ciel et faire mieux 
ressortir les coronaux, Dans cet ordre 
d'idées, il serait encore avantageux d'employer une 


rayons 


1 Voir H. DEesLanDRes : Comptes rendus de l'Académie des 
Sciences. Février 1901. 


plaque impressionnée par les seuls rayons infra= 
rouges. 


II, — L'écurse pu 28 mar 1900. 


Cependant, parmi les éclipses du xix° siècle 
nous avons omis la dernière, celle du 28 mai 1900 
parce que nous voulions donner à son sujet quels 
ques indications plus étendues : la ligne centrale; 
partant du Sud de l'Amérique du Nord, venait tra 
verser le Portugal, l'Espagne, l'Algérie et la Tunisie, 
et de nombreuses Missions s'élaient préparées® 
Malheureusement l'éclipse lotale était de courte 
durée, une minute à Alger, ét, comme toujours 
dans ce cas, le ciel est resté assez éclairé; aussi les 
photographies les meilleures devaient être, en gé 
néral, celles de pose la plus courte, et l'on pouvait 
aisément: les repérer puisqu'il était facile d'avoir, 
dans le champ, l’image de la planète Mercure. 

Les préparatifs ne furent pas inutiles : un peu. 
avant la totalité, on put noterl'apparitiou des frange 
ondoyantes et mesurer avec succès, en Espagnes 
la réfrangibilité de la principale raie coronale, 1 
raie verte. Les panaches avaient une forme incur* 
vée à l'équateur, tandis que les pôles étaient munis 
d’aigrettes, ce qui caractérise bien le type coronal 
de minimum d'aclivitésolaire. De plus, gràce au pho= 
topolarimètre Cornu, M. Landerer mesura la pro= 
portion de lumière polarisée de la couronne solaire 
Deux mesures assez concordantes lui ont fourni 
pour la lumière polarisée la proportion de 0,52, ce 
qui est très considérable : d'autre part, M. Joubin, 
guidé dans ses recherches par une idée préconçue 
sur la nature de la lumière coronale, a trouvé qu'il 
y avait au moins trace de polarisation elliptiques 

Nous ne pouvons songer à mentionner Lous les: 
astronomes quise rendirent à cette éclipse, d'autant 
plus que cette énumération serait fort dépourvue. 
d'intérêt, et nous allons nous borner à mentionner 
les principaux résultats. 1 

A Alger, un grand nombre d'astronomes sont 
allés pour observer la couronne et les protubé= 
rances, notamment M. Stéphan. Le nombre de 
photographies obtenues est de 28 pour l'éclipse 
partielle, et de 6 pour la couronne. Parmi ces pho= 
tographies, l'une d'elle présente un grand intérêt: 
prise dix secondes avant la totalité de l'éclipse, 
elle donne à la fois des images intenses des points. 
de Baily, de la chromosphère, des protubérances 
et de la couronne; M. Trépied signale encore une 
curieuse protubéranceen boule. L'un des caractères 
distinctifs pour la couronne de cette éclipse résulte 
de la grande netteté avec laquelle sont accusés les 
rayons polaires, ce qui rappelle les couronnes de 
1878 et de 1887. La photographie du spectre des 
lignes brillantes de la chromosphère, dans la rés 


3 


_gion qui s'étend de G à I, contient un nombre con- 
“sidérable de raies; malheureusement on aboutit à 
un résultat négatif dans une tentative faite pour ob- 

tenir les spectres de deux parties diamétralement 
“opposées dela couronne, à 5' d'arc environ du bord 


du Soleil dans l'équateur de cel astre. 

—. Quant aux observations thermo-actinométriques, 
il est à remarquer que le minimum du thermo- 
“mètre à boule brillante s’est produit environ 6 mi- 
nutes après le milieu de l'éclipse ; la température à 
lNombre, sans abri, n'a baissé que de 1°,5 pendant 
toute la durée de l’éclipse, mais sans passer par un 
minimum net à aucun instant; le thermomètre 
humide a suivi constamment une marche parallèle 
celle du thermomètre sec et, enfin, la variation 
du baromètre n'a rien montré qui puisse être 
atlribué à l'éclipse pour une influence quelconque. 
M. de la Baume-Pluvinel, à Elche, oblient neuf 
épreuves photographiques de la couronne avec un 
appareil à trois objectifs de 1"50 de foyer; trois 
ichés avec un objectif de 2"70 de foyer ; la cou- 


en 1887 aux Iles du Salut : on y retrouve la même 
forme incurvée des panaches équaloriaux el jes 
èmes aigrelles aux pôles. Le spectroscope a 
donné un spectre continu de la couronne s'étendant 
à 12° environ du bord du Soleil; il est impossible, 
dans cespectre, deretrouverles raies de Fraunhofer; 
ant aux raies brillantes, on en compte environ 
3», qui ne sont guère visibles que d'un côté de 
léquateur, l'activité solaire devant être beaucoup 
oindre de l’autre côté. La raie coronale s'élend à 
% ou 5 du bord du Soleil. 

- M. J. Comas Sola, à Elche, obtient deux photo- 
graphies de la couronne et trois photographies 


= 


jours le type du minimum d'activité; l'expansion 
équatoriale maxima atteint presque trois fois le 
rayon solaire, 

M. H. Deslandres, à Argamasilla, s'était installé 


- 2° Reconnaissance du spectre ultra-violet de la 
ronne dans la seconde partie la plus réfrangible 


JEAN MASCART — LES ÉCLIPSES ET LA CONSTITUTION PHYSIQUE DU SOLEIL 


279 


la seconde partie, problème non encore abordé. 

4° Elude du spectre calorifique de la couronne 
dans une partie éloignée du rouge, étude non en- 
core abordée et très importante pour les recherches 
ultérieures sur la couronne. 

4° Photographie directe de la couronne avec des 
plaques lentes et à grain fin. 

La recherche sur la rotalion de la couronne sem- 
ble avoir conduit à une rotation plus rapide que celle 
du disque ; les raies gazeuses chromosphériques et 
le spectre continu sont assez intenses sur les épreu- 
ves : mais les raies coronales indispensables à 
l'étude de la rotation manquent presque absolu- 
ment, sauf en deux points où elles ont la faible 
hauteur de 3° et se prêtent, à la rigueur, à une me- 
sure; celte faiblesse des raies coronales a déjà été 
signalée aux époques des minima de laches. Pour ce 
qui est du spectre ultra - violet, on l’a complet 
(hauteur 15')}, mais sans délail. D'autre part, 
M. Deslandres obtient des épreuves qui donnent : 
1° le spectre ultra-violet enlier de la couche ren- 
versante, à savoir la moitié déjà connue, de À 4.000 
à À 3.900, et la partie non encore reconnue, de 
À 3.500 à À 3.000; 2° le spectre ullra-violet entier 
de la chromosphère supérieure, non reconnue jus- 
qu’alors, par la méthode Lockyer-Janssen ; 3° le 
spectre entier de la couronne avec deux anneaux 
complets qui annoncent deux radiations coronales 
nouvelles. 

Eofin. un chronopholographe à pellicule mobile 
a fourni, en deux minutes, jusqu'à 500 épreuves 
successives de 0%,02 de haut sur 0",03 de large, 
qui montrent la marche du phénomène : une des 
épreuves montre la série complète des raies ullra- 
violettes de l'hydrogène (au moins 24). Les expé- 
riences sur le rayonnement calorilique indiquent 
clairement la possibilité d'obtenir la couronne en 
dehors des éclipses avec les rayons calorifiques. 
Sur quelques-unes des photographies directes qui 
ont été oblenues de la couronne, on voitles bandes 
équatoriales s'écarter du Soleil à la distance de 
deux diamètres. l 

M. Hamy, à Elche, obtient sept photographies de 
la couronne, dont quelques-unes fort étendues, 
qui accusent encore netlement un minimum d'ac- 
tivité. Pour les observations spectroscopiques, il est 
à remarquer que la raie verle caracléristique de la 
couronne, bien que tombant dans une région sen- 
sible des plaques orthochromatiques employées, n'a 
donné aucune trace d'impression; celte raie n'a 
pas été aperçue non plus dans le spectrescope 
organisé en vue d'un examen oculaire qui a fourni 
un spectre continu dans la région avoisinant la 
longueur d'onde À 530; l'absence de cette raie verte 
n'a pas permis d'utiliser un grand appareil inter- 
férentiel adjoint à ce spectroscope, appareil destiné 


280 


JEAN MASCART — LES ÉCLIPSES ET LA CONSTITUTION PHYSIQUE DU SOLEIL 


à étudier plus complètement la constitulion de la 
raie demeurée invisible. 

M. Landerer, à Elche, étudiait la lumière pola- 
larisée comme nous l'avons déjà dit; il est bon de 
remarquer en outre que la proportion de lumière 
polarisée provenant des régions de l'atmosphère 
situées à 90° du Soleil a fort sensiblement la même 
valeur que celle qui procède des enveloppes mêmes 
de cet astre, ainsi qu'il résulte de plusieurs obser- 
vations faites par un ciel serein, à Tortose, et pré- 
cisément au mois de juin, car cette dernière pro- 
portion alteint des chiffres variant de 0,50 à 0,57. 

M. Marcel Moye, à Elche, remarque les franges 
sous forme d'ondulations sinusoïdales régulières, 
grisâtres, et lranchant faiblement sur un sol rou- 
geâtre éclairé par les derniers rayons du Soleil; 
leur largeur était de 8 à 10 centimètres, leur inter- 
valle de 30 à 40; elles avaient sensiblement une 
direction est-ouest, et leur vitesse de translation 
élait assez faible, celle d'un homme au pas. Une 
minute à peu près avant la totalité, M. Moye signale 
le phénomène suivant: En plus du premier système, 
un second réseau de franges vient se superposer 
au premier : leur apparence était la même, mais 
cette fois leur mouvement était en sens contraire, 
c'est-à-dire ouest-est, de sorte que l'ensemble des 
deux systèmes d’ondulations offrait l'aspect de 
la représentation algébrique œde l'infini. 

À Paris, peu de résultats : par temps médiocre, 
l'on ne put observer que le dernier contact de 
l'éclipse (partielle en France), et les observalions 
ne sont pas très concordantes. À Lyon, les contacts 
sont observés et l’on a pu les déduire de l'étude 
suivie des flèches des images, tandis que trois 
instruments permettaient d'étudier le ligament noir 
antérieurement signalé par M. André. À Besançon, 
observations par temps brumeux et ciel variable. 

A Toulouse, avec M. Baillaud, observation directe 
des contacts, mesure de la corde commune, obten- 
Lion de clichés photographiques; les observations 
météorologiques montrent que la température a 
baissé de 3°; l'état hygrométrique de l'air et la 
pression barométrique sont sans changements; le 
vent, qui était modéré, a légèrement faibli pour se 
modérer à la fin. À Bordeaux, avec M. Rayet, l'ob- 
servation des contacts se fait dans un ciel nébuleux, 
à travers les légers cirrus qui tiennent peut-être au 
refroidissement dans le cône de pénombre, et la 
température a baissé de 3°,9. 

A Nice, les conditions atmosphériques sont excel- 
lentes, et les observations fructueuses : M. Per- 
rotin appelle tout particulièrement l'attention des 
observateurs sur les rapports possibles entre la 
lumière zodiacale et ces formes variées de la cou- 
ronne. Encore que partielle à Marseille, l’éclipse 
cache cependant les 8/10 du diamètre solaire el 


l'on peut faire de bonnes observations: on note 
les contacts, les occultalions par la Lune des laches 
situées sur le disque solaire ; la température baisse 
de 3°,1 jusqu'au milieu de l'éclipse pour remonter 
ensuite, et la déclinaison magnétique suit une 
marche analogue. ’ 
A l'Observatoire de Météorologie dynamique dem 
Trappes, M. Teisserenc de Bort lance un ballon 
sonde à 2 h. 49 m.; il s'élève rapidement et, après 
avoir traversé deux couches de cirrus, atteint 
10.500% à 3 h. 42; le thermomètre marquaitm 
alors — 55° et se maintient à cette température 
de 3 h. 49 m. à 4 h. 2 m. En outre, les enregis- 
treurs fournissent à M. Violle d'importantes me- 
sures aclimométriques. ; 


IV. — TuÉORIES SOLAIRES. 


. 


Pour chaque partie du Soleil, prise séparément, 
on à pu voir se développer les hypothèses et les « 
théories les plus variées et, cependant, quelques- 
unes d’entre elles répondent assez bien à la plu- 
part des faits observés et suggèrent des expé- 
riences nouvelles. 

Bien entendu, les premières théories se proposè- 
rent uniquement l'explication des taches : à ce 
phénomène s'était, dès les premiers temps bornée 
l'observation; puis, lorsque la chromosphère fut 
étudiée d’une facon plus particulière, de nouvelles 
hypothèses surgirent pour satisfaire aux plus 
récentes observations. Une des théories les plus 
généralement admises, et qui rend assez bien 
compte, somme toute, de l'ensemble des principaux 
phénomènes observés, est celle de M. Faye. Elle 
explique bien les variations de la vitesse super- 
ficielle dans la photosphère par les mouvements 
verticaux des gaz et, aussi, la formation et la 
segmentation des taches à l’aide de tourbillons en 
cyclones analogues à ceux de notre atmosphère :; 
en outre, cette théorie a le grand avantage de 
rapporter uniquement les phénomènes solaires à 
des phénomènes du même ordre journellement 
observés à la surface de la Terre, et M. Faye fait 
aussi remarquer que celte étude du Soleil peut, 
réciproquement, suggérer des idées nouvelles sur 
la météorologie terrestre. 

Les théories sont beaucoup plus variées s’il s'agit 
d'expliquer uniquement la nature de la couronne; 
mais, dans ce cas, il est vrai, l'incertitude esl en- 
core plus grande par ce fait que les analogies font 
presque entièrement défaut. Il reste seulement 
évident que la couronne est intimement liée à la, 
pholosphère et à la chromosphère, et que toute 
explication qui la concerne doit s'accorder égale- 
ue ENT SR RES 


4 Faye : Sur l'origine du monde, p. 235-256. 


JEAN MASCART — LES ÉCLIPSES ET LA CONSTITUTION PHYSIQUE DU SOLEIL 


281 


ment avec les fails acquits sur les deux autres 
parties du Soleil. D'ailleurs, les théories de la cou- 
-ronne se divisent en deux grandes catégories, selon 
“qu'il s'agit d'attribuer la couronne à une matière 
“venue du dehors, ou bien, au contraire, de la sup- 
œnoser émanée du Soleil lui-même. 
— L'idée d'attribuer la couronne à des essaims 
“météoriques, ou à des comètes très voisines du 
Soleil, et de rapporter lesaigreltes caractéristiques 
aux queues cométaires est déjà assez ancienne : 
en particulier, elle fut adoptée par M, Norman 
Lockyer qui devait même la généraliser pour 
expliquer les étoiles variables ; cette même idée est 
reprise par M. Schuster, dans son Rapport sur 
éclipse totale de 1886”, qui prétend que « cette 
théorie à l'avantage de fournir une explication 
plausible de la périodicité solaire et mérite de fixer 
laltention des hommes de science. » En fait, elle 
conduit à la conséquence suivante : la couronne 
doit présenter une dissymétlrie spéciale, toujours 
du même côté pour les mêmes mois de l’année; or 
l'examen attentif des couronnes antérieures à 1886 
Jui montre bien, en effet, que la couronne est tou- 
jours plus étendue à l'Est pendant le mois d'avril, 
et que, au contraire, elle est plus large à l'Ouest en 
juillet et août. 
Cependant, pour les observations de la couronne 
de 1893, la confirmation de lelles théories ne va 
pas être nelte et les phénomènes se compliquent ; 
pour les épreuves photographiques à longue pose, 
la couronne apparait légèrement plus large à l'Est, 
landis que, pour les faibles poses, cette extension 
est plutôt portée vers l'Ouest. 
Cette théorie, d’ailleurs, a d'autres points faibles : 
elle ne rend aucun compte des jets courbes et symé- 
triques de la couronne à l'époque du minimum des 
laches, non plus que des extensions équatoriales 
ét,enfin, elle implique une trop grande vitesse pour 
les parties extérieures de la couronne qui devraient 
participer au mouvement rapide des météores. 
La tendance moderne et plus générale serait 
d'attribuer la couronne à des éruptions de matière 
sues de la photosphère et, en effet, les protubé- 
rances du bord solaire ont parfois des vitesses 
radiales supérieures à 600 kilomètres par seconde, 
vitesse iniliale assez considérable pour rejeter la 
Matière pour ainsi dire à l'infini. Le gaz ainsi pro- 
jeté loin du Soleil se refroidit alors suffisamment 
—pour se condenser et donner naissance aux pous- 
Sières de la couronne. Cette hypothèse fut reprise 
dans ses derniers temps par M. Schæberle, astro- 
home à l'Observatoire Lick, et développée d'une 
manière complète sous le litre À mechanical Theory 
“ol the Solar corona* : par des éruptions normales 


“ ! Philosophical Transactions, 1890. 
« = Rapport del'Observation Lick sur l'eclipse de janvier 1889, 


REVUE GÉNÉRALE DES SCIENCES, 1901. 


à la surface, et réparties uniformément sur le par- 
rallèle de 15°, M. Schæberle estime pouvoir expliquer 
les rayons courbes des pôles etles différents aspects 
de toutes les couronnes. 

Mais ce n'était encore là qu'un essai, une série 
d'idées premières ; car M. Schæberle allait avoir 
l'occasion d'observer l'éclipse de 1893, au Chili, 
dans lesexcellentes conditions d’une station demon- 
tagne, el il crut devoir publier tout de suite une 
note préliminaire" pour la rectification de ses hypo- 
thèses primitives ; désormais il suppose que les 
centres d’éruption sont irrégulièrement distribués, 
hypothèse beaucoup plus logique, ou bien encore 
qu'ils sont jalonnés sur la surface solaire par les 
laches et les facules, les vitesses ayant des gran- 
deurs et des directions quelconques. Alors le mou- 
vement est uniquement déterminé par la vitesse 
iniliale d'éjection et la gravitation universelle, 
exactement comme pour les planètes etles comètes, 
Les,lrès grandes vitesses fou rnissent les rayons de 
la couronne extérieure; les vitesses moyennes 
engendrent les rayons enchevêtrés de Ja couronne 
moyenne, el la même origine peut être attribuée 
aux protubérances. Enfin les rayons courbes de la 
couronne moyenne etles filamentsincurvés des pro- 
tubérances seront tout simplement des ellipses dont 
un foyer est occupé par le Soleil, ce qui permet à 
M. Schœberle de dire que « cette hypothèse simple 
explique bien toute les apparences de l'atmosphère 
solaire, et par la seule loi de la gravitation, en 
dehors de toute action magnétique ou électrique. » 

La même année, une hypothèse bien différente 
el assez curieuse était proposée par M. Bigelow * : 
On suppose le Soleil fortement aimanté et dans les 
mêmes conditions que la Terre, c’est-à-dire de façon 
que les pôles magnétiques soient voisins des pôles 
de rotation. Mais cela ne suffit pas ? il faut encore 
admettre alors que les particules coronales s’orien- 
tent suivant les lignes de force, tout comme la 
limaille de fer dans l'expérience classique des 
aimants ou, si l'on veut, que ces particules soient 
sinon ferrugineuses, au moins magnétiques. En 
résumé, M. Bigelow superpose une deuxième hypo- 
thèse à la première, et si une action de l’ordre du 
magnétisme peut être possible près des pôles 
solaires, du moins la force supposée est insuffisante 
pour expliquer l’ensemble du phénomène; il est 
juste de dire, toutefois, que M. Bigelow a présenté 
accidentellement cette hypothèse, au cours de 
cherches fort intéressantes sur les variations pério- 
diques de l'aiguille aimantée à la surface de la Terre. 

Nous voici parvenus à tout un groupe de travaux 
dont le butest d'expliquer les phénomènes solaires 
par des théories électriques : 


1 Astronomy and Astrophysies, 1893. 
? Astronomy and Astrophysies, 1893. 


6** 


282 


JEAN MASCART — LES ÉCLIPSES ET LA CONSTITUTION PHYSIQUE DU SOLEIL 


D 


Guidés par des analogies de forme, d'anciens 
observateurs furent tentés d'admettre une origine 
électrique pour les protubérances et, dès 1873, 
Tacchini et de la Rive les comparaient à nos 
aurores boréales ‘: Fizeau, en s'appuyant sur de 
nouvelles preuves, élait conduit à considérer cetle 
hypothèse comme la plus probable *. D'ailleurs il 
est bon de remarquer que tous les auteurs qui ont 
rapporté l'ensemble des phénomènes à d'autres 
causes, par exemple à la chaleur solaire et aux 
éruptions, comme le P. Secchi’ et le P. Sigreaves”, 
ou à des combinaisons chimiques, comme M. Brews- 
ter *, que tous ces auteurs admettent la coexistence 
d'actions électriques importantes. Néanmoins, 
toutes ces explications ne sont réellement valables 
que pour les protubérances, et même, plus exacte- 
ment, pour certaines protubérances: elles négligent 
complètement la chromosphère, dont l'importance 
est pourtant plus considérable, et n’apportent 
aucune lumière sur la cause et la nature même de 
cette action électrique. 

De même, on chercha souvent l'explication de la 
couronne dans des théories électriques : dans un 
important mémoire sur la question, M. Huggins’ 
signale minutieusement les nombreuses analogies 
des rayons coronaux avec les formes des queues 
cométaires ; or, si l'on veut s'en tenir aux théories 
fréquemment admises de Faye’, Norton, Bredi- 
chin “..., il faut attribuer les queues cométaires à 
une force répulsive, émanant du Soleil, qui serait 
proportionnelle à la surface et de nature électrique; 
c’est donc par de telles impulsions électriques que 
M. Huggins s'applique à représenter les rayons 
coronaux. La même opinion est encore soutenue 
par M. Balfour Stewart ?. 

Dans un autre ordre d'idées, MM. Hermann Ebert, 
Pupin ".…. invoquent, pour la couronne, la réaction 
et la polarisation diélectrique des poussières cos- 
miques extérieures, sous l'influence de perturba- 
tions électriques supposées dans le Soleil et, par 
conséquent, la production d'élincelles électriques 
dirigées vers l'extérieur dans le gaz coronal. Enfin, 
M. Deslandres ‘? propose une théorie électrique 
basée sur l'analyse spectrale. Cette théorie con- 


1 Memorie della Socicta degli Speetroscopi italiani, 1893. 

2 Comptes rendus de l'Académie des Sciences, 1891. 

# Seccur : Le Soleil. 

iThe physical constitulion of the Sun. Astronomy and 
Astrophysies, 1894. 

5 À short rewiew of my theory of the Sun. Astronomy 
and Astrophysies, 1894. 

8 On the corona ofthe Sun. Proc. of the Royal Soc., 1885. 

7 Annuaire du Bureau des Longitudes, 1883-1885. 

8 Annales de l'Observaloire de Moscou, t. V et Astrono- 
mische Nachrichten, n° 211. 

° Procedings of the Royal Institution. t. IV: 

19 Astronomy and Astrophysics, 1895. 

11 Astromomy and Astrophysics, 1893. 

12 Rapport sur l'éclipse du Soleil du 16 avril 1893. 


jour en jour moins absiraite, que son essor mo 


duit à un rapprochement inlime entre notre atmos- 
phère d'une part, avec ses phénomènes électriques" 
et, d'autre part, la chromosphère du Soleil; des 
toute facon, il y a là une tentative précieuse, puis 
que nous aurions autour de nous un point de com 
paraison d'observation plus courante et plus acce 
sible. 


V. — CONCLUSIONS. 


Nous avons essayé d'exposer la si vaste question: 
du Soleil et, certainement, sans y réussir d'une 
facon satisfaisante. Bien que, au point de vue d& 
l’Astronomie physique proprement dite, les docu 
ments s'accumulent, les faits se précisent, les expé= 
riences incontestables soient acquises et les idée 
nouvelles germent tous les jours, nous n'avons pt 
développer aucune théorie particulière ni entre 
dans la moindre description. Quelles sont l’étenduem 
et la composition de la couronne? L'atmosphère 
coronale est-elle entraînée par le Soleil comme une 
atmosphère ordinaire? Peut-être même plus vites 
selon l'étrange indication provisoire de M. Des 
landres ? Quelle est l'énergie électrique de la cou 
ronne? Existe-t-il quelque rapport entre les grandes. 
marées géologiques et la stabilité du système 
solaire? Les phénomènes électriques interviennent= 
ils dans les manifestations lumineuses? La varia= 
lion de l'aiguille aimantée, selon l'indication obtez 
nue à Marseille, les aurores polaires, sont-elles em 
rapport avec le Soleil? Mais, bien plus, nous n'avons 
rien dit des taches, de leurs observations régu 
lières, de leur rotation, de leurs transformations, de 
leurs variations périodiques et de leur relation avec 
l'apparition des cirrus de notre atmosphère, de 
problèmes analogues pour les facules, les granulæ 
tions, et nous ne pouvons que renvoyer aux deux 
excellents ouvrages de Secchi et de Young. 

Il est jusqu'ici bien prématuré de conclure en 
faveur d’une théorie, d’une hypothèse, plutôt que 
d'une autre : d'abord parce que nous n'avons pa 
l'autorité nécessaire et, de plus, parce que nous. 
nous sommes plulôl proposé de montrer que l'As= 
tronomie, jadis étude des posilions, puis science 
mécanique avec Newton, allait puiser ensuite un 
puissant auxiliaire dans la Physique et la Chimié 
et que, malgré quelques défenseurs encore des 
vieilles methodes, elle devient pour ainsi dire de 


derne vers la constitution physique du monde et 
vers la cosmogonie elle-même est considérable el 
que, de ce fait, ce monde même nous devient plus 
palpable, entre, pour ainsi dire, en rapport plus 
direct avec nous. 

Jean Mascart, 


Docteur ès Sciences. 


BIBLIOGRAPHIE — ANALYSES ET INDEX 


283 


1° Sciences mathématiques 


iorest (F.) et Noalhat (H.) /ngénieurs. — Les 
“Bateaux sous-marins. Tome 1] : Technologie. — 
4 vol. in-8° de 400 pages avec 311 figures (Prix: 
“15 fr.) Veuve Ch. Dunod, éditeur. Paris, 1900. 

Le premier volume de l'important ouvrage de MM. Fo- 
est et Noalhal a été analysé dans la Revue générale des 
ciences du 30 décembre 1900. Le second traite, 
mme l'indique son titre, de la technologie des sous- 
marins. 11 est divisé de la facon suivante : immersion 
stabilité, orientation, direction, sécurité, habitabilité, 
rme, force motrice et propulsion, appareils de chan- 
ment de marche et hélices réversibles, armement, 
pareils divers. Cette simple nomenclature donne une 
ée de la facon très complète dout les auteurs ont 
profondi le sujet. Il faut ajouter qu'ils ne se sont pas 
épartis de cette largeur de vue qui les a guidés depuis 
commencement : Il n'y a pas, disent-ils, d'idées négli- 
eables, le progrès est la résultante de tous les efforts 
ndividuels, el ils se sont assujettis, partant de là, à ne 
ïen laisser de côté, tout en indiquant leur manière de 
oir et en préconisant les moyens pratiques et ration- 
els. On conçoit, dans ces conditions, quel intérêt offre 
éette encyclopédie des sous-marins el combien il est 
diflicile de donner dans une courte analyse une idée 
un pareil traité, 

Dans le premier chapitre, consacré à l'immersion et à 
à stabilité, deux cas sont à considérer : flottabilité 

lle et flottabilité positive. Avec la flottabilité nulle, 
>s essais qu'on a tentés sur des sous-marins de volume 
ariable n'ont pas réussi; c'est par introduction d'eau 
ns des réservoirs qu'on modilie graduellement le 
poids du bateau de manière à rendre le poids du 
vire égal à la poussée à telle ou telle profondeur. 

e sous-marin ne peut d'ailleurs trouver son équilibre 
après une série d'oscillations pendulaires faciles à 
omprendre; c'est seulement avec des appareils asser- 
S qu'on peut oblenir une immersion régulière et un 
uilibre un peu durable. D'autre part, les réservoirs 
ivent être disposés de manière à assurer la stabilité 
assiette longitudinale, même lorsque les hommes se 
éplacent pour manœuvrer. Parmi les appareils décrits, 
érégulateur d'immersion de M. Noalhat et l'appareil 
stabilité longitudinale de M. Forest méritent une 
ntion spéciale. 

“Dans le second cas, la poussée l'emporte sur le poids: 
excès de flottabilité offre de sérieux avantages : si le 
ulateur d'immersion ne fonclionne plus, le sous- 
arin ne risque pas de s'immerger à une profondeur 
lle que sa coque puisse être écrasée; si les appareils 
retour à la. surface ne marchent pas, le bateau y 
ient de lui-même, Enfn l'excès de flottabililé est un 
acteur important de.la stabilité du sous-marin. Si l'on 
£ avoir un certain excès de flottabilité, il faut un 
ISposilif qui crée une action mécanique capable d'an- 
uler l'effet de la poussée. 

Deux procédés s'offrent pour provoquer l'immersion : 
)n peut avoir recours à des hélices à arbres verticaux 
Ou à l'emploi de gouvernails horizontaux qui provo- 
quent la plongée du bateau en marche seulement. Ce 
dernier procédé est le seul qui ait donné de bons ré- 
iltats. La solution qui semble devoir prévaloir con- 
Siste à employer quatre palettes-vouvernails, que l’on 
place symétriquement deux par deux vers l'avant et 
wers l'arrière de chaque côté du navire : on arrive 
nsi, sur des sous-marins dont le tonnage varie de 30 
a300 tonneaux et où la force de flottabilité a des va- 


BIBLIOGRAPHIE 


ANALYSES ET INDEX 


leurs comprises entre 15 et 100 kilos, à obtenir une 
route sensiblement horizontale, l'axe du bateau étant 
incliné seulement de 2 à 5°. Les auteurs donnent 
ensuite le principe du régulateur d'immersion, composé 
d’un piston hydrostatique et d'un lourd peudule pou- 
vant subir de légers déplacements en avant ou-en ar- 
rière suivant que le bateau s'incline la pointe en bas ou 
la pointe en haut. Le rôle du premier est de reculer 
l'immersion; celui du second est de rectifier l'horizon- 
talité, et la combinaison de leurs effets assure la régula- 
rité des trajectoires. 

Le chapitre relatif à la stabilité d'assielte transver- 
sale, beaucoup moins importante que la stabilité lon- 
gitudinale, est court. On y trouve démontré l'avan- 
tage d'employer deux hélices à pas et à sens de rotation 
contraires. 

L'orientation est liée à la visibilité; {rois cas se pré- 
sentent: 1° Navigation à la Surface ou en affleurement : 
le: commandant surveille l'horizon et guide le navire 
en regardant par un capot; 2° Navigation en immersion 
complète à moins de # mètres d'eau au-dessus de la 
plate-forme supérieure; des appareils de vision dans 
une direction déterminée (tube oplique) ou de vision 
panoramique (périscope) traversent la paroi supérieure 
et vont recueillir au-dessus de l’eau l'image qui par- 
vient, par une ou deux réflexions, dans l'intérieur du 
bateau et d'après laquelle on se guide; 3° Navigation 
en immersion complète au delà de 3 mètres; la visibi- 
lité est nulle, le bateau se conduit au moyen du com- 
pas et du gyroscope et revient de temps à autre vérifier 
et rectifier sa route. ; 

La direction s'obtient au moyen du gyroscope. Les 
auteurs donnent la théorie de l'appareil et la descrip- 
tion du gyroscope marin. La construction de cet appa- 
reil, qui est la boussole du sous marin, demande une 
précision mathématique et son emploi exige un per- 
sounel soigneux et expérimenté, mais on peut dire qu'il 
résout compièlement le problème de la direction. 

MM. Forest et Noalhat atlachent une grande impor- 
tance à la sécurité. Ils voudraient que non seulement 
la coque du sous-marin fût d'une solidité qui lui permit 
de résister à la pression à de grandes profondeurs, mais 
même qu'elle fût munie de cloisons étanches, qui com- 
pliquent un peu ces navires. [ls demandent qu'on place 
un double jeu d'appareils d'immersion et qu'on prévoie 
la faculté de pouvoir chasser l'eau qui se trouve en 
excès daus les réservoirs, au moyen de l'air comprimé. 
Ealn, ils voudraient multiplier les poids de sécurité, 
pièces de fonte ou de plomb d’un poids plus grand que 
celui de l’eau emmagasinée dans les réservoirs, poids 
qu'une manœuvre très simple permet de laisser tomber 
comme un ballon jette son lest,. 

Pour l'habitabilité, on peut obtenir l’aéralion d'un 
sous-marin de trois manières : 1° par l'air ou l'oxygène 
comprimé dans des réservoirs ; 22 par la purification et 
la régénération de l'air vicié au moyen de procédés 
chimiques; 3° par le retour du bateau à la surface où 
ou renouvelle l'air intérieur avec des ventilateurs. Le 
premier procédé est dangereux et nuisible à la santé; 
le second, qui consiste à faire absorber l'acide carbo- 
nique par des matières convenables, soude caustique, 
chaux, bioxyde de magnésium, etc., et à expulser la 
couche intérieure par une pompe pneumalique en cas 
de besoin, tend à prévaloir actuellement. Les auteurs 
préconisent le troisième, qui consisie à revenir à la sur- 
face, à la facon des souffleurs, renouveler sa provision 
d'air. 

MM. Forest et Noalbat, dans ie chapitre relatif à la 
forme, se contentent de rappeler des essais sur la ré- 


284 


sistance des carènes sans donner léur avis, sauf sur ce 
point qu'il y à avantage à faire courts les bateaux peu 
rapides. Comme section transversale, ils recommandent 
de se rapprocher de la forme circulaire, qui assure une 
plus grande résistance aux pressions extérieures. 

L'étude de la force motrice et de la propulsion em- 
brasse un chapitre de 150 pages; l’espace restreint d’une 
courte analyse ne permet que d’en donner un apércu, 
bien que cette partie présente un intérêt tout spécial à 
cause de la compétence bien connue de M. Forest. 
Etant donné que (out sous-marin doit être muni d'un 
moteur électrique, qui sera seul employé pendant la 
marche en immersion, doit-il recourir aussi et forcé- 
ment au même mode de propulsion quand il navigue à 
la surface ? Evidemment non, mais on doit distinguer 
cependant deux classes de sous-marins : les uns, garde- 
côtes, s'éloignant peu des ports, auront de préférence 
un moteur unique; les autres, autonomes, doivent avoir 
deux moteurs, un de surface etun d'immersion; au mo- 
mert de plonger, ils éteigneut les feux, remplissent les 
réservoirs au niveau convenable, et procèdent ‘alors 
comme un bateau purement électrique au moyen de 
leurs dynamos. 

Comme générateur d'énergie électrique, les piles 
sont impuissantes; seuls les accumulateurs sont admis- 
sibles. Après avoir étudié les types d’accumulateurs, 
les auteurs décrivent le moteur électrique et abordent 
une question capitale, celle des changements de vitesse. 
Dans le cas de deux électro-moteurs, manchonnés sur 
le même arbre d'hélice, on a la faculté de faire leur 
couplage en tension ou en quantité, en munissant les 
collecteurs de balais doubles; ensuite, par la manœuvre 
d’un coupleur, il sera facile de grouper la batterie pour 
les différences de potentiel suivantes : 50, 100, 150 et 
200 volts. L'échelle de vitesse sera suffisamment étendue 
pour satisfaire au fonctionnement du sous-marin en 
employant les quatre combinaisons et en couplant les 
deux électromoteurs en tension ou en quantité, ou en 
retirant un des électromoteurs du circuit, 

MM. Forest et Noalhat passent ensuite en revue les 
divers projets de chaudières sous pression proposées 
pour servir à recharger les accumulateurs et arrivent 
aux sous-marins autonomes. Là, le moteur, à vapeur ou 
à pétrole, doit remplir le double rôle de propulseur et 
de récupérateur de force. Le moteur à vapeur présente 
deux grandes qualités, il est plus simple et plus robuste; 
il est difficile, par contre, d'obtenir une mise en pression 
rapide de la chaudière : cependant, on peut citer deux 
systèmes assez bons : celui, bien connu des yachtmen, 
de la «Liquid Full Engineering C°», qui permet d’avoir 
de la pression en dix ou onze minutes, et les procédés 
de M. A. Seigle, employés sur le Narval. Pour les mo- 
teurs à hydrocarbures, on peut invoquer les avantages 
suivants : ils sont légers, peu encombrants, leur mise 
en marche et leur arrêt sont instantanés. 

Cette partie est à lire dans son entier. Ne pouvant 
suivre les auteurs sur ce terrain, nous appellerons 
l'attention sur leur moteur à huile lourde, de 500 che- 
vaux, pesant moins de 20 kilos par cheval, et sur le 
moteur Diesel, fort intéressant et qui est l’objet d’une 
description très complète. 

Le chapitre X traite des appareils de changement de 
marche. Le sous-marin autonome devant avoir recours 
à deux moteurs distincts, l’un électrique, l'autre à va- 
peur ou à pétrole, le propulseur doit, par économie de 
poids et de prix, tourner le plus vite possible dans l’un 
et l'autre cas. Cependaut, les vitesses qui conviennent 
avec les deux genres de moteurs sont loin d'être égales; 
donc, il devient indispensable de faire varier le facteur 
de la transmission et on ne peut y arriver qu'en em- 
ployant un changement de vitesse, à moins de moditier 
le pas de l'hélice quand on change le nombre de tours. 
De nombreux systèmes de changement de marche sont 
décrits par les auteurs. Pour les hélices réversibles, qui 
paraissent l'objetde leurs préferences, ils disent qu'elles 
ont peu été employées jusqu'ici; cela est vrai en France; 
mais, au contraire, on en a pas mal installé à l’étran- 


BIBLIOGRAPHIE — ANALYSES ET INDEX 


joie parce que c'est l'arme des faibles, le véritablé 


ger, toujours avec le pire résultat, et cela parce qu'on. 
a eu recours à des appareils délicats et fragiles. La so 
lution de MM. Forest et Gallice paraît dans de meil 
leures conditions. û 

Le chapitre suivant est consacré à l'armement 
MM. Forest et Noalhat comparent Ja torpille Whitehead 
et la torpille Howell et donuent la préférence à celle-ci 
L'étude des modes de lancement présente beaucoup 
d'intérêt. 

Enfin, les auteurs décrivent sommairement une séries 
d'appareils divers, engins de sondage, de sauvetage, etes 
ayant trait à la navigation sous-marine. 1 

Cet ouvrage est, comme on le voit, une encyclopédie 
complète du sous-marin, qui fixe, à l'entrée du xx° siècles 


gation, dont les pacifiques doivent voir les progrès avet 
peace-maker, l'unique moyen d'empêcher dans l’aven 


les hommes devraient songer à se secourir et now 
s'entre-tuer. 


. 


2° Sciences physiques 


Minet (Adolphe). — Traité théorique et pratiqu 
d’EÉlectro-Chimie. — 1 vol. 1u-8° de 576 pages avet 
207 figures. (Prix : 18 fr.) Librairie Polytechnique 
Ch. Béranger, éditeur. Paris, 1900. 
Les ouvrages traitant d'Électro-chimie sont rares en 

langue française : aussi saura-l-on gré à M. Mine 

d’avoir réuni dans son volume un grand nombre 
documents fort intéressants relatifs à l’Electro-chimi 
théorique, pratique et industrielle. 

Il est, toutefois, regrettable que M. Minet ait eu si pe 
recours aux publications étrangères; les travaux des 
savants français sont, certes, considérables, mais ils 
n'ont pas à eux seuls servi à édifier la science électros 

chimique. On eût été également satisfait de voir, à 

côté de chaque question traitée, l'indication de à 

source bibliographique, indication indispensable 

lorsqu'on désire approfondir un sujet. À 
Le début de la première partie, intitulée Théorie de 

l'Electrolyse, es consacré aux unités mécanique 

et électriques, à la description des instruments 
mesure électrique, aux phénomènes de Pellier et de 

Thomson, ainsi qu'aux éléments de la Chimie (classifi 

cation des éléments, table de Mendeleef, nomenela 

ture et notations chimiques, fonctions chimiques, car 
bures, alcools, phénols, aldéhydes, amines, arsines 
sucres, gommes, alcaloïdes, etc. etc.). Il nous semblen 
que l’auteur aurait pu sans inconvénient réduire ul 
peu ces longs développements (120 pages), qui appar 
tiennent aux traités de Physique et de Chimie, En 
revanche, nous aurions aimé plus développée la parti 
consacrée à la mesure de la résistance des électrolytes 
dissolution, où il n'est fait mention d'aucune 
méthodes qui ont été proposées ces dernières année 

L'ouvrage comporte la description d’un grand nom 
bre de types de piles et d’accumulateurs, ainsi que les 
résumés de travaux fort importants relatifs à l'électro 
lyse des liquides (électrolytes dissous ou fondus), de 
solides (diélectziques) et des gaz.- 

Si l’on n'avait pas l'impression très nette que 

M. Minet a voulu faire preuve d’impartialité, on po 
rait peut-être regretter que les conclusions général 
les rapprochements entre les phénomènes et la théoni 
manquent quelquefois dans son ouvrage, et l'on conclu 
rait que cette absence fait tort à l'unité scientiliqué 
du travail et donne parfois l'impression d’une encyclo 
pédie. 

ë M. Minet s’est beaucoup servi de la théorie des i 

pour expliquer bon nombre de phénomènes, et, 

certains moments, on pourrait le croire ioniste et mêm 
un ioniste des plus avancés puisqu'il va jusqu'à calculer 

(p. 238) la conductibilité individuelle d'un ion! 

trouve ainsi que la conductibilité de l’ion-chlore € 


BIBLIOGRAPHIE — ANALYSES ET INDEX 


285 


égale à 39,7. Qu'il nous soit permis d'avouer que nous 
avons peine à nous faire une idée de ce que l’auteur 
entend par là : que l'ion entre en jeu dans la conduc- 
tibihté de l'électrolyte par sa charge, par sa vitesse, ou 
“méme, à la rigu-ur, par ce que Kohlrausch appelle sa 
“« mobilité », nous pouvons le concevoir; mais que l'ion 
mit une conductibilité individuelle proportionnelle, 
“d'après M. Minet, à sa vitesse de translation, cette affir- 
“mation ne serait-elle pas le résultat d'une confu- 
_ sion? 

Quoi qu'il en soit, M. Minet a suffisamment convaincu 
le lecteur de la haute portée de la théorie d’Arrhénius 
par la large place qu'il a faite aux applications et aux 
reuves qui confirment cette théorie. Aussi, pourrait-on 
étre surpris de le voir se retourner brusquement contre 
hypothèse d’Arrhénius si l'on n'avait pas déjäeu la 
preuve de son impartialité. Sa neutralité en matière de 
théorie est même si absolue que ce n’est pas lui-même 
qui se charge d’anéantir l'hypothèse d'Arrhénius; il 
Jaisse au D' Joseph W. Richard le soin d'agir et de 
montrer (p. 261) comme quoi Arrhénius se met « en 
‘contradiction formelle avec toutes les données que 
fournit la Chimie ». On est alors en droit de demander 
M. Minet quelle iuterprétation il compte donner à 
tous ces phénomènes chimiques et physiques qu'il a si 
simplement et si clairement expliqués à l'aide de la 
héorie d'Arrhénius. « M. Richard, répond M. Minet, 
{(p. 261), a cherché à donner une explication relative- 
ment satisfaisante du phénomène de dissociation en le 
considérant sous un jour particulier ». Le « cherché à 
donner » et le « relativement » ne sont pas trés rassu- 
ants, mais écoutons ce que dit M. Richard : « Une 
molécule en dissolution peut bien se séparer en atomes, 
“mais ces atomes doivent être assimilés à des solénoïdes 
raversés par un Courant qui maintient en regard les 
ôles de nom contraire des différents atômes. Avant la 
dislocation de la molécule, les atomes étaient reliés par 
a force de l’affinité chimique; après la dislocation, ils 


ple de transformation de l'énergie ». Nous avouons que 
nous ne voyons pas très bien en quoi celte théorie 
diffère de celle d’Arrhénius; il est vrai qu'elle met les 
ions en cage et les appelle des atomes, mais elle ne les 
supprime pas; de plus elle suppose que ces solénoi- 
des n'ont qu'un pôle; l’autre pôle, qui est bien gènant, 
elle n’en parle pas. 

Après avoir ainsi fait mettre à néant la théorie des 
ions, M. Minet passe en revue « les recherches effec- 
“tuées en France sur les électrolytes dans ces dernières 
nnées ». Dans ce chapitre éminement patriolique, on 
trouve traités à la suite les uns des autres les sujets 
es plus différents : les électrolytes fondus de M. Lucien 
Poincaré, les conductibilités électriques des acides et 
des sels organiques de M. Daniel Berthelot, le transport 
“électrolytique des ions à l’état combiné de M. Chassy, 
a conductibilité moléculaire des sels en dissolution 
étendue de M. Joubin, etc., etc. On peut se demander 
pourquoi M. Minet ne {raite pas plutôt ces intéressantes 
“questions exclusivement dans les chapitres où ces 
matières sont traitées dans leur ensemble, ce qui 
aurait pas nui à l'unité de l'ouvrage; sans doute, 
c'est afin de mettre plus en évidence la part de travail 
qui revient à chaque auteur. 

La deuxième partie de l'ouvrage est consacrée au {rai- 
tement électrolytique des composés chimiques, orga- 
niques et inorganiques, ne donnant pas lieu à la pro- 
duction d'un métal (l'électrométallurgie devant faire 
l'objet d'un second volume). Les procédés de fabri- 
cation industrielle y sont décrits avec force détails 
intéressants el utiles. 

Eufin la troisième partie traite des réactions chi- 
miques de l'étincelle et de l'effluve, appliquées à une 
série de composés et d'éléments chimiques. La fabri- 
* cation ainsi queles propriétés et applications de l'ozone 
. y occupent une place importante. 

Ou voit que cet ouvrage, par les questions nom- 
breuses et variées qui y sont traitées, est appelé à 


sont reliés par la force électrique. C'est « un cas sim- 


intéresser les théoriciens et les praticiens, les savants 
et les industriels. A. Horcaro, 


Chef du Laboratoire central 
de la Compagnie française des Métaux 


Gouré de Villemontée, Agrégé de l'Université, 
Docteur ès Sciences. — Résistance électrique et 
Fluidité. — 1 vo/. in-16 de 188 pages de l'Encycelo- 
pédie scientifique des Aide-Mémoire. (Prix : broché, 
2 fr. 50 ; cartonné, 3 fr.) Gauthier- Villars et G. Mas- 
son, éditeurs. Paris, 4901. 

Si l'Encyclopédie dirigée par M. Léauté a rompu fran- 
chement avec son programme en publiant le travail de 
M. Gouré de Villemontée, Mémoire tout court plutôt 
qu'Arde-Mémoire, on ne peut que féliciter son éminent 
directeur d’avoir donné l'hospitalité d’une publication 
bien assise à une monographie qui manquait en Phy- 
sique, et sera la bienvenue de lous ceux qu'intéresse 
la curieuse relation, trouvée par G. Wiedemann, entre 
les coefficients de frottement et les conductibilités des 
solutions, relation peut-être plus grosse de coust- 
qüences qu'on ne l'avait pensé jusqu'à ces derniers 
temps, et qui cadre merveilleusement avec l’idée du 
transport de l'électricité dans les électrolytes par le 
déplacement d’un véhicule matériel. 

L'auteur, que certaines parties de la question ont 
personnellement occupé, et qui lui à fait un apport 
expérimental très intéressant, s’est proposé de rassem- 
bler et de discuter toutes les expériences relatives à la 
mesure des résistivités électriques et des coefficients 
de frottement des liquides, puis d’en faire une synthèse 
par la discussion des lois empiriques dans lesquelles 
on a cherché à établir une relation entre ces coefti- 
cients. C'est cette partie, où se trouvent toutes les 
données expérimentales, qui est de beaucoup la 
plus importante. Le sujet est divisé en cinq chapitres : 
Sels fondus, solutions aqueuses, eau, solutions alcooli- 
ques, mélanges de sels; enfin, les résultats acquis dans 
ces cinq directions sont rapidement résumés. 

De la discussion minutieuse des résullats expérimen- 
taux donnés par l’auteur, de leur rapprochement et de 
l'examen des relations numériques qui subsistent 
malgré la variation de la température, de la concentra- 
tion dans un même dissolvant, ou du changement de 
ce dernier, résultent quelques lois bien nettes, qui 
sont, en somme, la confirmation de ce que G. Wiede- 
mann avait entrevu dès 1856, et qui avait donné lieu, 
en 1876, à l'hypothèse de Grotrian, « d'après laquelle 
une partie du travail effectué par un courant traversant 
un électrolyte est employé à surmonter le frottement 
intérieur ». 

Cette synthèse arrive à point, au moment où la 
théorie de la transmission électrolytique tend à se 
répandre de plus en plus et, dans les ingénieuses 
généralisations de M. Giese, de M. Riecke, de M. J.-J. 
Thomson, de M. Drude, touche de si près à l'Optique 
qu'elle permet de prévoir des synthèses plus impor- 
tantes encore. Cu. En. GUILLAUME, 

Docteur ès Sciences, 
Physicien au Bureau iuternational 
des Po:ds et Mesures. 


Annali del Laboratorio chimico centrale delle 
Gabelle, diretti dal D" V. VircAvecouta. — Volume 
IV. Rome, 1900. 


Le Laboratoire chimique de la Douane italienne, fondé 
à Rome il y a, je crois, cinq ou six ans, exécute non 
seulement les analyses de denrées et de marchandises 
soumises à l'impôt, mais s'occupe aussi de recherches 
originales sur des questions qui lui sont posées par la 
Direction générale des Douanes. Ces recherches, rela- 
tivement nombreuses et variées, sont réunies, tous les 
aus, en un volume par le Directeur du Laboratoire, 
M. V. Villavecchia. Le volume qui vient de paraitre en 
renferme dix-neuf. 

Parmi celles-ci, les plus importantes ont rapport aux 
méthodes d'analyses des essences provenant des fruils 
d'Aurantiacées : citrons, bergamotte, oranges, etc., 


286 


BIBLIOGRAPHIE — ANALYSES ET INDEX 


essences dont la fabrication et le commerce ont pris 
une si grande importance pour certaines régions de 
l'Italie et notamment pour la Sicile. L'intérêt de ces 
recherches vient surtout de ce que tous les échantil- 
lons analysés ont élé préparés sous les yeux des ex- 
perts. 

Une autre série de recherches, également impor- 
tantes, concerne les matières grasses et en particulier 
l'huile d'olive. Elle comprend cinq Mémoires. Enfin, il 
faut sisnaler une étude sur l'analyse des encres; un 
Mémoire, accompagné de planches, sur les soies artili- 
cielles, avec l’énumération de toutes les méthodes bre- 
vetées de fabrication de cette substance ; un tableau de 
la composition des condiments qui se trouvent dans le 
commerce. Le Directeur lui-même a joint un Rapport 
très documenté sur la composition des vins sucrés, 
malaga, samos, etc., qui ont été importés en Italie 
pendant la période 1890 à 1897. 

GABRIEL BERTRAND, 
Chef de Service à l'Institut Pasteur. 


3° Sciences naturelles 


Delgado (J.F.N.) et Choffat (Paul). — Carta geolo- 
gi a de Portugal. — 2? /euilles à l'échelle du 1/500.000. 
Direcçäo dos Trabalhos geologicos. Lisboa, 1899. 


Choffat (Paul). — Aperçu de la Géologie du Portu- 
gal. — 1 br. gr. in-8°, 40 pages, 1 carte géologique 
au 1/200.000. 1 planche de coupes, T liqures. Extrait 
de « Le Portugal au point de vue agricole ». Lis- 
bonne, 1990. 


Si l'on veut se rendre compte des progrès réalisés 
dans nos connaissances géologiques sur le Portugal, il 
faut comparer l’ancienne carte géologique du pays, 
publiée en 1876 par MM. Ribeiro et Delgado, à la nou- 
velle carte, publiée par la Direction des Travaux Géo- 
louiques et signée par MM. Delgado et Choffat. Cette 
carte ne comprend pas moins de trente-trois teintes 
différentes; elle sort des ateliers de M. Wührer, à Paris, 
etne laisse rien à désirer au point de vue de l'exécution. 
La partie la plus nouvelle est l’œuvre de M. Choffat; elle 
comprend la région mésozoïque au nord du Sado, dont 
les levés détaillés au 1/100.000 ont figuré à l'Exposi- 
tion (Section portugaise des Mines). 

L'absence d’un texte explicatif est en quelque sorte 
compensée par la publication d’un « Apercu de la Géologie 
du Portugal », dû à M. Paul Choffat. Cette notice est 
destinée au grand public et vise plutôt un but pratique, 
mais le géologue y trouvera un résumé inappréciable. 

En quelques lignes, l’auteur fait ressortir la division 
du Portugal en régions géologiques naturelles, qui sont 
les suivantes : 

4° La Meseta, grand massif de terrains anciens, dont 
une partie seulement se trouve sur territoire porlugais, 
mais qui constitue la plus grande partie du pays. 

20 Une bordure de terrains mésozoïques et cénozoi- 
ques, commencant à Aveiro ets’étendant avec plusieurs 
interruptions jusqu'en Algarve. 

3° Une bordure méridionale, comprenant le Barrocal 
et le littoral de l’Algarve. 

4° Une grande surface de terrains cénozoïques qui 
coupe en deux la bande mésozoïque occidentale et 
couvre une parlie de l'aire paléozoïque ; elle comprend 
les régions inférieures des bassins du Tage et du Sado 
(dépression du Sorraïa). 

59 Témoins de très petites dimensions, les îles Ber- 
lengas et Farilhôes, formées par des roches granitiques. 
Leur existence semble prouver que le massif ancien 
s’étendait jadis beaucoup plus à l’ouest et qu'il a été 
coupé du nord au sud par un fossé, dans lequel les 
mers mésozoiques ont formé leurs dépôts. 

La Serra de Cintra, autre affleurement de granite au 
bord de l'Océan, ne doit pas être considérée comme 
un fait de même ordre, car son éruption est postérieure 
au Crétacé et la rattache aux roches éruptives modernes, 
qui jouent un rôle important dans l’ouest du Portugal. 


M. Choffat évalue l'extension des affleurements de 
roches anciennes à 7/10 de la superficie du pays, celle 
du mésozoïque à 1/10, celle du cénozoïque à 2/10. 

Emize HauG, : 
Professeur adjoint à la Faculté des Sciences 
de l'Université de Paris. 


Alezais (H.), Médecin des Hôpitaux, Professeur Sup 
pléant à l'Ecole de Médecine de Marseille. — Con 
tribution à la Myologie des Rongeurs. (Thèse pou 
le Doctorat de la Faculté des Sciences de Paris). = 
1 vol. in-8 de 400 pages. Félix Alcan, éditeur 
Paris, 1900. | 
Les travaux de Myologie sont si rares et d'un intérêb 

si spécial que je citerai les paroles mêmes de l’auteun 

pour expliquer l'idée qui a inspiré ses recherches : « En 
abordant cette étude de Myologie comparée, j'ai et 
pour but de rechercher, en me plagant dans des condi 
tions qui réduisent au minimum les influences fami= 
liales, l’action qu'exerce la fonction sur des groupes 
musculaires déterminés. J'ai pensé, d'autre part, qu'il 
n'était pas indifférent de réunir des descriptions pré 
cises d'anatomie qui pouvaient être utilisées soit dans Jan 
classification des animaux eux-mêmes, soit plutôt dans 
l'interprétation des anomalies si fréquentes chez 
l'homme et chez les animaux supérieurs. » 

M. Alezais a disséqué, avec grand soin, semble-t-il, un 
certain nombre de Rongeurs présentant les adaptations 
les plus variées : Cobaye, Ecureuil, Gerboise, Lapin, Rat, 
Marmotte, ete., et il en décrit minutieusement les 
muscles peauciers, et ceux du tronc et des membres: 
Son étude l’a conduit aux conclusions suivautes : Uu 
certain nombre de dispositions musculaires ont un ca= 
ractère adaptatif et sont communes aux Sauleurs par 
exemple (Lièvre, Gerboise); d’autres dispositions, au 
contraire, sont manilestement ind“pendantes du genre 
de vie : ainsi l’obturateur intermédiaire existe chez 1e 
Lapin el manque chez le Lièvre, pourtant très voisin ; le 
grand dentelé naïil des six premières côtes (Gerboise),\ 
ou des sept premières (Cobaye), ou des huit premières 
(Marmotte), etc. 

J'avoue que ces résultats, qui pouvaient être prévus 
à l’avance d'une facon générale, ne me paraissent pas 
d'u intérêt bien palpitant; on sait bien qu'un animal 
fouisseur a des os et des muscles disposés pour fouir, 
et qu'un sauteur à des os et des muscles qui convien= 
nent au saut, de mème qu'il est extrêmement probable 
que chaque muscle à un nerf et des vaisseaux sanguins: 
Mais, ce point mis à part, je conviens très volontiers que 
le travail de M. Alezais renferme des documents qui 
pourront être utiles aux physiologistes qui expéri=" 
mentent sur les Rongeurs, au même titre que les mo= 
nographies classiques de la Grenouille, du Lapin, dun 
Chat et du Chien, et aussi aux anatomistes qui s'amusent 
à comparer les anomalies musculaires de l'homme 
avec les dispositions normales des animaux inférieurs : 

L. Cuénor, * 
Professeur à l'Université de Nancy» 


4° Sciences médicales 


Bechterew (W. v.), Professeur à l'Académie i1mpe= 
riale de Médecine de Pétersbourg. — Les voies de 
conduction du Cerveau et de la Moelle (à l'usage 
des médecins ct éludiants en médecine. Tradue= 
tion, sur la 2 édition allemande, par M. G. BONNE. —« 
1 vol. in-S° de S56 pages avec planches et figures: 
(Prix : 48 fr.) 0. Doin, éditeur. Paris, 4900. 
L'anatomie du système nerveux se métamorphose 

sous nos nos yeux; les conceptions que l'on croyait 

définitives ne sont que des formes transitoires. Il est 
heureux pour le grand publie que les chefs d'école 
aient à cœur de synthétiser à un moment donné les con 

naissances éparses et de marquer l'étape. Kælliker à 

consacré à la structure des centres nerveux un volume 

entier de son /istologie ; Van Gehuchten en est à sa troi= 
sième édition ; Dejerine poursuit son Anatomie et Cajaln 


BIBLIOGRAPHIE — ANALYSES ET INDEX 


287 


A 
à commencé le Système nerveux des Vertébrés; Bech- 
terew, enfin, nous donne une édition considérablement 
#randie de ses Voies de conduction, qui avaient paru 
y a quelques années. 
—_ Analomiste et clinicien, le professeur Bechterew est 
ee connu de tous ceux qui s'occupent du système 
“nerveux, grâce à de nombreuses publications (j'en 
elève SO dans la table bibliographique), en général 
“courtes et substantielles, toujours originales et person- 
elles. Elève principal de Flechsig, il a paru, au début, 
spécialiser dans la méthode de son maître, c'est- 
Pdire dans l'étude des voies nerveuses d’après l’époque 
myélinisation des faisceaux; mais, depuis, il a abordé 
és autres moyens d'investigation, et l'on trouvera dans 
ëe volume, à côté de la méthode embryologique, l'his- 
ologie de structure par la méthode de Golgi-Cajal, les 
dégénérations secondaires pathologiques et l'expéri- 
nentation physiologique. La cytologie générale ne fait 
bas partie du plan de l'ouvrage; la morphologie exté- 
ieure est supposée connue. 
L'œuvre est considérable et n'a pu être achevée 
lavec le concours de plusieurs collaborateurs, élèves 
. mailre et travaillant dans son laboratoire, Ce sys- 
me a l'inconvénient de nuire à l'unité et à la concision, 
nais il est devenu une nécessité pour toutes les publi- 
ations de longue haleine. Outre un index bibliogra- 
hique général qui termine le volume, chaque chapitre 
Suivi d'une bibliographie détaillée et très complète, 
ns laquelle les publications allemandes sont men- 
jonnées en langue francaise. 
Voici l'ordre des questions principales : 4° Voies de 
induction de la moelle et racines des nerfs rachidiens: 
20 Voies de conduction du tronc cérébral; — 3° Voies 
e conduction du cervelet; — 4° Voies des hémisphères 
érébraux : fibres de projection et fibres d'association. 
Dans chacune de ces quatre sections, l'étude des voies 
e conduction est précédée de celle de la substance 
rise de la même région. 
Je ne puis, on le comprend, indiquer que les idées 
fénérales. Le veurone, avec ses chaînes qui s’actionnent 
voie ascendante ou descendante, reste, malgré les 
ftaques récentes, la base de toute interprétation. 
mœboisme, qui resserre ou suspend les contacts cel- 
iaires, est une hypothèseséduisante, qui pourrait expli- 
uer les phénomènes du sommeil de la mémoire, de 
habitude, de certaines paralysies, mais ce n’est encore 
u'une hypothèse. 
L'écorce cérébrale est une réunion d'organes juxta- 
üsés qui, tous sans exception, possèdent des fibres cen- 
ipètes et des fibres centrifuges. Ces organes ou centres 
ont de deux ordres : les centres d'association et les 
tres sensoriels et sensitivo-moteurs. Flechsig à eu 
aison de reconnaitre dans l'écorce cérébrale de vastes 
es dites d'association. Il a eu le tort de croire qu'elles 
renfermaient pas de fibres de projection, erreur 
evée par tous les anatomisies; mais sa conception 
remière n'en garde pas moins toute sa valeur physio- 
gique. Ce sont bien ces régions voisines des centres 
teurs,et sièges des fonctions élevées de l'intelligence 
de la conscience, qui caractérisent le cerveau humain ; 
rs fibres de projections passent par la couche optique 
vont en grande partie au cervelet, ce qui leur assigne 
un rôle dans les fonctions complexes de l'équilibre. 
Les centres sensoriels possèdent tous des fibres centri- 
üuges qui se rendent aux organes des sens; leur signi- 
ication est obscure et se rapporte peut-être à l’accom- 
modation des membranes sensorielles. 
Les centres sensitivo-moteurs sont bien connus, bien 
que plusieurs d'entre eux (facial supérieur, mouvements 
e l'œil) restent à préciser. Leur nombre est d'autant 
us grand que l'animal occupe une place plus élevée ; 
singe possède un centre pour chaque doigt. Tous 
t unis aux deux moitiés du corps; pour la plupart, 
ction fondamentale est croisée; pour d’autres, elle est 
ale de part et d'autre (facial supérieur); pour quel- 
jues uns (peaussier du cou), elle est surtout uni et 
omo-latérale. 


La voie sensitive, encore mal déterminée dans la 
moelle,monte par le ruban de Reil et s'interrompt tota- 
lement dans la couche optique, comme Dejerine l'a 
reconnu un des premiers; de là, les fibres vont aux cir- 
convolulions centrales en se mêlant aux radiations 
thalamo-corticales; Bechterew admet qu'une partie des 
fibres du noyau de Burdach pénètrent dans le corps strié 
(glôbus pallidus) avant de se terminer dans l'écorce. 

La voie motrice est plus simple; elle est représentée 
par ie faisceau pyramidal. Notons que le faisceau 
pyramidal croisé ne s'entre-croise pas entièrement dans 
les pyramides du bulbe; une portion minime de ses 
fibres reste dans le cordon latéral du même côté. Le 
sort du faisceau pyramidal direct est incertain; il 
semble que la majeure partie de ses fibres soit croisée 
et que l’autre s'épuise du même côté de la moelle. 

Ce sont là les voies de grande communication, les 
voies principales; mais il en est d'accessoires, que 
l'auteur appelle voies d'intérét local et qu'il a étudiées 
avec beaucoup de soin, car elles expliquent un grand 
nombre de phénomènes paradoxaux de la Physiologie ou 
de la Clinique; elles fonctionnent à côté des grandes 
voies et peuvent les suppléer en cas d'obstacle. Elles 
sont représentées par la substance grise de la moelle, 
les noyaux de la substance réticulée, les tubercules qua- 
drijumeaux, le locus niger,les couches optiques, en un 
mof.les centres ganglionnaires échelonnés tout le long 
du névraxe. Elles sont parcourues dans les deux sens 
par des courants centripètes et centrifuges. 

Ces centres ganglionnaires ont, du reste, des fonctions 
complexes, à peine soupconnées aujourd'hui. Bechterew 
a reconnu que le tubercule quadrijumeau-postérieur 
intervient dans l'audition, l'émission de la voix el la 
coordination des mouvements réflexes. La couche opti- 
que n'est pas seulement un relai sensitif, ses fonctions 
propres sont surtout motrices; elle joue un rôle 
essentiel dans la production des mouvements involon- 
taires (cœur, tube digestif, vessie) et des mouvements 
affectifs ou psychoréflexes. Ces derniers possèdent 
d’ailleurs des centres corticaux reconnus par Bech- 
terew. La substance grise du 3° ventricule est unie au 
cervelet et prend part à l'équilibration du corps. 

Le cervelel, organe de l'équilibration et de la tonicilé 
musculaire, est relié aux centres nerveux par des 
connexions que J'on découvre chaque jour être plus 
nombreuses et plus spécialisées. La moelle lui apporte 
les impressious du tact et du sens musculaire par le 
faisceau de Gowers, le faisceau cérébelleux direct, les 
noyaux de Goll et de Burdach; elle en recoit des exci- 
tations motrices par le faisceau marginal antérieur el 
le faisceau intermédiaire. Au cerveau arrivent les 
fibres cérébelleuses qui ont suivi le pédoncule cérébel- 
leux supérieur, les noyaux de la base (noyau rouge, 
couche optique, noyau lenticulaire), et, après interrup- 
tion dans ces centres, sont parvenus jusqu'à l'écorce 
des régions antérieures; cette voie centripète permet 
l'idée représentative de la position de notre corps 
dans l’espace, idée qui est la base du sens de l'équili- 
bre. L'écorce réagit sur le cervelet par des fibres 
centrifuges qui suivent le même parcours ou s'engagent 
dans le pied du pédoncule cérébral et dans le pédoncule 
cerébelleux moyen. 

Je dirai, en terminant, quele traducteur, M. Bonne, a 
fait, lui aussi, un long travail, auquel l’avaient préparé 
ses propres études sur la moelle; sa traduction est 
claire, agréable à lire et bien française. Nous devons 
nous féliciter de voir que ces grands ouvrages étrangers 
trouvent des éditeurs pour les faire connaître au public 
médical, d'autant plus que le livre de M. Bechterew 
n’intéresse pas seulement les anatomistes de profession ; 
les physiologistes et les cliniciens, fous ceux qui s'oc- 
cupent à un litre’ quelconque du système nerveux, y 
trouveront une foule de renseignements précieux ré- 
surnés et groupés, avec l'indication de la source, s'ils 
veulent se reporter au travail original. 

A. CHARPY, 
Professeur d'Anatomie à la Faculté de Toulouse, 


288 


ACADÉMIES ET SOCIÉTÉS SAVANTES 


ACADÉMIES ET SOCIÉTÉS SAVANTES 


DE LA FRANCE ET DE L'ÉTRANGER 


ACADÉMIE DES SCIENCES DE PARIS 


Séance du 4 Mars 4901. 


1° SCIENCES MATHÉMATIQUES. — M. G. Lippmann décrit 
un appareil, dit mire méridienne à miroir métallique, 
destiné à la mesure des ascensions droites. Il à pour 

objet de rendre le méridien du lieu où l’on opère visi- 
ble sous la forme d’une ligne lumineuse projetée sur le 
ciel, ce qui dispense de munir la lunette d'observation 
d'un réticule. — M. J. Janssen, à propos de l’appari- 
tion de la nouvelle étoile de Persée, pense que la for- 
mation d’étoilés temporaires peut être attribuée à la 
diminution de température de ces étoiles, laquelle per- 
mettrait la combinaison de leur hydrogène et de leur 
oxygène, qui dégage une énorme quantité de chaleur et 
de lumière. Mais, une fois la vapeur d’eau formée, 
l'éclat de l'étoile doit de nouveau rapidement diminuer. 
— M. M. Luizet communique quelques observations de 
l’éclat de la nouvelle étoile de Persée. — M. H. Deslan- 
dres a photographié. le spectre de la nouvelle étoile, 
qui est formé par des raies brillantes, extrêmement 
larges, assimilables à des bandes, montrant la présence 
de l'hydrogène, du calcium, du magnésium et du par- 
hélium. L’explication la plus simple des particularités 
de ce spectre consiste à admettre l'existence d'une 
masse de gaz à très haute pression, qui se meut àpeine 
par rapport au Soleil et est subitement le siège de phé- 
nomènes électriques très intenses. — MM. J. Guil- 
laume, Le Cadet et Luizet ont observé les variations 
d'éclat de la planète Eros à l'Observatoire de Lyon. La 
variation totale est environ de deux grandeurs; elle 
présente deux maxima et deux minima. — M. M. Lui- 
zet déduit de ses observations que la période totale de 
Ja variation d'éclat d'Eros est de 5 h. 16 mi., 15: — 
M. Baïllaud, étudiant de même les variations d'éclat 
d’'Eros, trouve que la période entre les maxima est 
égale à celle déduite des minima; elle serait de 
2 h. 23 m., {. — M. Ch. André déduit, des courbes de 
variation d'éclat données par M. Luizet, que le système 
double formé par la planète Eros a une excentricité 
égale à 0,0569 et une densité moyenne de 2,4 par rap- 
port au Soleil. Les deux astres du système seraient des 
ellipsoides très allongés; leur aplatissemement, dans 
l’ellipse méridienne, paraît voisin de 1/2. — M.L. Mon- 
tangerand, d’après des déterminations faites à l'Obser- 
vatoire de Toulouse, calcule que l'amplitude de la 
période de variabilité d'Eros serait de 2 h. 22. — 
M. D. Th. Egorov étudie une classe de surfaces du 
troisième ordre qui admettent une déformation con- 
tinue avec conservation d'un système conjugué, et 
détermine la surface associée à la déformation infini- 
ment petite de l'espèce considérée. — M. Ed. Maillet 
établit un théorème relatif aux systèmes complets 
d'équations aux dérivées partielles définissant deux 
divisions P et Q de l’espace R,, sans faire intervenir la 
théorie des groupes finis de transformations de Lie. 

29 SGiENCES PHYSIQUES. — M. S. Leduc conseille l’em- 
ploi de l’effluve électrique, source intense de rayons 
violets et ultra-violets, pour obtenir des rayons de 
courte longueur d'onde. — MM. Lortet et Genoud 
décrivent un appareil photothérapique à arc électrique 
sans condensateur. Il donne une zone active beaucoup 
plus étendue, et l'intensité photochimique y est telle 
que le temps d'exposition peut être diminué de beau- 
coup. — M. C. Gutton a reconnu expérimentalement 
que la longueur d'onde d’un résonateur reste la même 
lorsque celui-ci et ses fils de transmission sont plongés 
dans l’eau, mais elle diminue si les fils seuls sont pla- 


jusqu'au corps à activer; elle peut même se transmettre 


cés dans l’eau; l’auteur en déduit que l'indice de ré” 
fraction de l’eau pour les ondes électromagnétiques est 
de 8,3. — M. L. Benoist donne des courbes d’isotrans= 
parence des corps vis-à-vis des rayons X de dureté 
moyenne et de rayons mous bien déterminés. Ces cours 
bes montrent l'influence des poids atomiques; elles se 
rapprochent d’une hyperbole équilatère. — MM. P. Cu 
rie et A. Debierne ont fait de nouvelles expériences 
sur la radio-aclivité induite par le radium, et concluen 
que le rayonnement du radium n'intervient pas dans ce 
phénomène. La radio-activité induite se transmet dans 
l'air de proche en proche, depuis la matière radiante 


par des tubes capillaires très étroits. Les corps s'acti= 
vent progressivement, d'autant plus rapidemeut ques 
l'enceinte dans laquelle ils se trouvent est plus petites 
et tendent à prendre une activité induite limitée. — 
M. H. Moissan, en dissolvant les diverses variétés de 
soufre dans l’ammoniac liquide à — 20°, à obtenu um 
beau liquide pourpre, qui ne constitue pas une dissolu= 
tion, mais renferme un composé nouveau, le sulfam= 
monium, complètement dissociable à la pression et à 
la température ordinaires. Entre 0 et 20, le liquide 
répond à la formule (AzH‘}S, 2AzH*; à — 229, il serait 
(AzH*}S, AzH*. Ce corps possède la propriété de sulfurer, 
à froid un grand nombre de corps simples et composéss 
— M. Armand Gautier décrit une méthode de dosage 
des sulfures, sulfhydrates, polysulfures et hyposulfite 
qui peuvent coexister en solution, en particulier dans 
les eaux minérales sulfureuses. Pour cela, on chauffe. 
à 30°. la solution; tout le H?S libre ou combiné aux 
monosulfures se dégage, et est dosé à l'état de sulfure 
d'argent. Puis on fait passer un courant d'acide carbo= 
nique, qui entraine à l’état d'H?S tout le soufre des 
sulfures fixes; cet H?S est de nouveau dosé. S'il y a des 
polysulfures, le soufre en excès se précipite. On titres 

ensuite les hyposulfites par l'iode; puis on chauffe pour 
réunir le soufre, on le filtre, on l'oxyde et on le dose à 
l'état de sulfate de baryte. — M. J. Aloy a déterminé 
le poids atomique de l'uranium par comparaison avec 
celui de l’azote en mesurant les quantités d'azote et 
d'uranium contenues dans un même poids d'azotate 
d'uranium (Az0*)UO?.6 H?0. La moyenne de huit déter 
minations à donné 239,4 pour poids atomique de l’ura 
nium. — M. L. Baud a fait l'étude thermique des chlo= 
rures d'aluminium ammoniacaux : 


ACL sol. + 2AZH° gaz — AICI, 2AZI* sol. + 82 cal. 28 
soit 2 x 41 cal. 14. 

ALCI,2Az11 sol. + SAZ2H% gaz — AlCIS, 10AzH' sol. +162 cal. 95% 

soit 8 X 20 cal. 37. 4 

AËCIS, 10AZH° sol. + 2AzH° gaz — ACL, 12215 sol. + 23 cal 

soit 25 11cal 5: 


La stabilité de ces corps, ainsi que la chaleur de 
fixation d’une molécule d’ammoniac, va en diminuan 
du composé le moins ammoniacal au composé le plus 
ammoniacal. — M. P. Lebeau, en employant le procédé 
de préparation dessiliciures métalliques par l'action d'u 
métal sur le siliciure de cuivre, a obtenu un nouveau 
composé du silicium et du cobalt, répondant à la fors 
mule SiCo, comparable par sa composition et ses pro 
priétés au siliciure de fer SiFe. Ce corps est rema 
quable par sa résistance aux agents oxydants, et il esb 
peu attaquable par les acides, sauf l'acide chlorhydri 
que.— M. V. Grignard indique les raisons qui militenb 
en faveur de l'existence de combinaisons organomagné 
siennes de formule RMgl ou RMgBr : 1° elles sont 
solides etnon spontanément inflammables à l'air; 2 elles" 


ACADÉMIES ET SOCIÉTÉS SAVANTES 


289 


_ 


Se forment sans mise en liberté de bromure ou d'iodure 
le Mg; 3° par copulation avec les aldéhydes et les 
“cétones, elles donnent des composés qui renferment 
tout l'halogène employé et qui, par l'action de l’eau, 
“se décomposent avec formation d'un alcool secondaire 
“ou tertiaire sans dégagement d'aucun gaz. - MM. Béhal 
ct Tiffeneau, en faisant réagir l'iodure de méthylma- 
“unésium sur l’anisate de méthyle, ont obtenu la para- 
pseudopropénylanisol : CH*0.C'H*.C(CH®) : CH?, isomère 
“de l'anéthol, qui s'oxyde en donnant une cétone : CH°0. 
CSH°.CH=.CO.CH*, avec transformation de la chaîne 
pseudopropylénique en chaine propylique. L'anéthol 
‘possède une chaine propylénique : CHO.C‘H°.CH — 
H.CH®. — MM. L. J. Simon et H. Bénard ont étudié 
a multirotation des deux phénylhydrazones du d-glu- 
cosé, celle de Skraup et celle de Fischer. Les rotations 
finales sont les mêmes pour les deux isomères; la 
rotation initiale qui, pour l'hydrazone de Skraup, est, 
“en valeur absolue, inférieure à sa limite, lui est, au 
contraire, supérieure pour celle de Fischer. Le temps 
“employé par les.deux hydrazones pour prendre, en 
Sens opposé, leur rotation limite, est du même ordre de 
“randeur. Ces faits s'expliquent en affectant aux deux 
hydrazones multirotatoires les schémas stéréoisomères 
sorrespondant à la formule oxydique, réservant la 
formule aldéhydique à l'hydrazone de pouvoir rotatoire 
invariable. — MM. P. Sabatier el J. B. Senderens 
ont réalisé la combinaison directe, en présence du 
mickel réduit, de l'hydrogène avec le benzène, avec 
formation exclusive de l'hexanaphtène ou cyclohexane 
U‘H!?. Cette méthode est tout à fait générale et s'étend 
à tous les homologues du benzène. — M. de Forcrand 
a déterminé la chaleur spécifique et la chaleur de fusion 
du glycol éthylénique. La chaleur spécifique du glycol 
est de 0,265 pour { gramme vers le point de fusion; la 
chaleur de fusion est de — 2? cal.,66 pour une molécule. 
MM. Em. Bourquelot el H. Hérissey ont reconnu 
que le gentianose est un hexotriose auquel on doit 
attribuer la formule C'8H*#2015, Traité par l'invertine ou 
par l'acide sulfurique très étendu bouillant, il se dé- 
“double en gentiobiose C'2H**0!! et lévulose. Traité par 
le liquide fermentaire de l'Aspergillus ou par H*S0* 
un peu plus concentré, il donne 2 molécules de dextrose 
et du lévulose. Ce fait s'explique en admettant la pré- 
sence dans le liquide d'Aspergillus d'un second ferment, 
hydrolysant le gentiobose.— M. G. Brédig, sans vouloir 
affirmer l'identité des métaux colloïdaux avec les dias- 
lases, pense que les solutions colloïdales peuvent être 
onsidérées comme des modèles de diastases inorgani- 
ques : 4° à cause de leur action catalytique intense; 2° à 
ause de leur état colloïdal hétérogène, présentant une 
surface très grande pouvant donner lieu à des transfor- 
ations irréversibles; 3° à cause de leur faculté de fixer 
ertains corps, ou bien en formant des combinaisons 
chimiques complexes, ou bien par absorption. 

- 3° SCIENCES NATURELLES: — M. N. Gréhant a constaté 
que, si l’on fait respirer de l'oxygène à des animaux 
“emipoisonnés et menacés de mort par l’oxyde de car- 
bone, l'élimination et la disparition du poison sont con- 
sidérablement accélérées. L'emploi de l'oxygène s'impose 
donc dans le traitement de l'intoxication oxycarbonée. 
— MM. Charrin et Moussu montrent que la présence 
de mucus dans l’organisme est une cause constante de 
hromboses ou d’embolies. Ces mucus sont sécrétés 
soit par les bactéries, soit par l'épithélium des mu- 
queuses. — M. H. Stassano a constaté que le proto- 
plasma des leucocytes polynucléaires demeure incolore 
avec le mélange de Romanowsky, tandis que celui des 
leucocytes mononucléaires se teint toujours en bleu- 
gris. L'auteur pense que les granulations chromato- 
phylles tirent leur orisine de l'appareil nucléaire. — 
- MM. E.-L. Bouvier et H. Fischer ont étudié un exem- 
plaire de Pleurotomaria Beyrichi. Le sang hématosé 
qui retourne au cœur provient en partie des branchies, 
en partie du réseau palléal. Ces deux sortes d'organes 
paraissent avoir dans la respiration un rôle sensible- 
ment égal. — M. A. Lécaillon montre que les faits que 


l'on observe dans l'ovaire des Insectes inférieurs 
donnent le droit d'admettre que, chez ces animaux, le 
travail chimique à la suite duquel d’abondants maté- 
riaux de réserve sont accumulés dans l'œuf est effectué 
par diverses cellules. Les œufs et les cellules vitello- 
gènes, dérivées des gonades, y prennent part; il en est 
de même des cellules mésodermiques entrant dans la 
constitution de l'ovaire. — M. M. Hartog à reconnu que 
la propulsion brusque de la langue chez les Anoures est 
une érection comparable à la protrusion silente du pied 
chez les Lamellibranches : dans les deux cas, c'est une 
propulsion, nonune prétraction. — MM. P.-P. Dehérain 
et Demoussy ont constaté que les graines en germi- 
nation forment des racines et commencent leur évo- 
lution dans l’eau absolument privée de chaux. Le dévelop- 
pement des graines en germination s'arrête dans l’eau 
distillée quand elle renferme des traces impondérables 
decuivre. Les êtres vivants : champignons, algues, graines 
des végétaux supéri-urs en voie de germination,sont des 
réactifs infiniment plus sensibles que tous ceux qu'on 
emploie dans le laboratoire, et décèlent la présence 
de quantitésinfinitésimales d'un métal comme le cuivre, 
quon ne peut caractériser par les réactions chimiques 
habituellement employées. — M. J. M. Guillon a dé- 
terminé l'angle de géotropisme des racines de diverses 
variétés de vignes américaines, c'est-à-dire l'angle que 
les: racines naissant à la base des boutures font avec la 
verticale. En général, plus l'angle de géotropisme est 
aigu, plus la plante résiste à la sécheresse, car ses 
racines s'enfoncent davantage. — M. V. Amalitzky a 
pratiqué, dans l'étage glossoptérien de Russie, le long 
de la Dvina du Nord, des fouilles qui ont amené la dé- 
couverte d'une riche flore et de squelettes de Parera- 
saurus et de Dicynodon. — M. H. Douxami a éludié 
les formatious tertiaires et quaternaires de la vallée de 
Bellegarde. 


Séance du 41 Mars 1901. 


La Section de Géométrie présente la liste suivante 
de candidats à la place laissée vacante par le décès 
de. M. Ch. Hermite : En première ligne, M. Georges 
Humbert; en seconde ligne, MM. Ed. Goursat, en 
troisième ligne, MM. E. Borel et J. Hadamard. — 
L'Académie procède à l'élection d'un correspondant 
pour la Section de Géographie et Navigation. M. A. Nor- 
mand est élu. — M. G. Darboux lit une notice sur la 
vie et les travaux de M. Th. Moutard. 

4° SCIENCES MATHÉMATIQUES. — M. L. Montangerand 
a poursuivi, à l'Observatoire de Toulouse, ses recherches 
sur la variabilité d'Eros. De nouvelles mesures attri- 
buent à la période de variabilité la valeur 2 h. 38 m.; 
la demi-période de croissance serait plus longue que 
la demi-période de décroissance. — M. H. Deslandres 
a fait de nouvelles observations et de nouvelles photo- 
graphies spectroscopiques de la neuvelle étoile de Persée. 
Celle-ci décroit constamment, et la raie-bande noire 
commence à présenter des divisions nettes. Il semble 
qu’il faille mamtenant considérer l'étoile comme formée 
de deux astres au moins, dont l'un est peut-être une 
nébuleuse et qui s’approcheraient l'un de l’autre avec 
une énorme vitesse. — M. J. Guillaume présente ses 
observations du Soleil faites à l'Observatoire de Lyon 
(équatorial Brunner) pendant le 4° trimestre de 4900. La 
surface totale des taches est plus forte que dans le 
3° trimestre; les groupes de facules ont continué à 
diminuer tant en nombre qu’en étendue. — M. Hatt 
indique la facon dont les ingénieurs hydrographes uti- 
lisent les points de Collins pour la détermination d'un 
quadrilatère. — M. Ed. Maillet démontre qu'une cer- 
taine fonction transcendante & ne peut satisfaire à une 
équation différentielle d'ordre quelconque que si les 
exposants à » de cette fonction satisfont à certaines 
conditions de croissance. — M. Léon Autonne résume 
ses dernières recherches sur les groupes quaternaires 
réguliers d'ordre fini. — M. P. Duhem démontre qu'il 
ne peut se produire, dans un fluide visqueux, une onde 
qui serait d'ordre 2 par rapport aux vitesses, et qui se 


290 


ACADÉMIES ET SOCIÉTÉS SAVANTES 


propagerait avec une vitesse finie et différente de zéro. 

20 SCIENCES PHYSIQUES. M. J. Janssen, à propos 
de sa communication relative aux lignes télégraphiques 
ou téléphoniques établies sur la neige au Mont-Blanc, 
tient à remarquer que des essais analogues avaient été 
faits en petit avant lui, mais qu'il est le premier à avoir 
tenté l'expérience sur une ligne de 10 kilomètres. — 
M. Th. Tommasina présente un électro-radiophone à 
sons très intenses dans lequel la limaille se trouve dans 
un mélange isolant liquide, constitué par de l'eau ou 
mieux par de la glycérine, seule ou mélangée à de la 
vaselme. — M. E. Péchard, en réduisant l'acide molyb- 
dosulfurique par l'alcool, a obtenu deux comhinaisons 
cristallisées, l’une eu lamelles hexagonales, de formule 
5 AzH®,MoO?S0®, 7 MoO®-ES H°0, l'autre en prismes, de 
formule 3 AzH°,Mo0?S0®, 7 Mo0° +10 H°0. On peut ob- 
tenir encore d’autres composés complexes dans cette 
réaction. — M. J. Hamonet a préparé, à partir du 
diiodobutane 1.4, la diacétine du butanediol 1.4; cette 
dernière, chauffée avec de la chaux, puis distillée, donne 
le butanediol 1.4 ou glycol tétraméthylénique : HO.CH*. 
CH®.CH°.CHOH. C'est un liquide visqueux, incolore, 
miscible à l’eau en toutes proportions. — M. A. Hébert 
a fait réagir la poudre de zinc sur les acides gras 
saturés C:H°0?. Ceux-ci se décomposeut d'une part 
en acide carbonique et en eau, d’autre part en carbures 
dont la majeure partie est constituée par un mélanye de 
carbures éthyléniques, de poids moléculairesetde points 
d'ébullition très élevés . — MM. À. Lumière, L. Lumière 
et F. Perriaont reconnu que toutes les substances qui 
possèdent un hydroxyle phénolique dissolvent l'oxyde 
de mercure pour donner des corps organométalliques 
dans lesquels les réactions du mercure sont masquées. 
Toutefois, les phénols susceptibles de s'oxyder facile- 
ment, comme les amidophénols, subissent l'oxydation. 
Les auteurs ont préparé, en particulier, le mercure 
gaïacol-sulfonate de sodium. — M. M. Berthelot, en 
chauffant dans une cloche, au voisinage de 500°, un 
mélange d'acétylène et de propylène, a fait la synthèse 
d'un carbure nouveau, de formule GH°, qui résulte 
donc de l'union des deux composants. On obtient un 
résultat analogue avec le triméthylène, isomère du 
propylène. Dans les mêmes conditions l'allylène et 
l'éthylène se combinent pour donner aussi un carbure 
CH$, différent du précédent. M. P. Genvresse, 
en faisant réagir l'acide azoteux sur le pinène, a réalisé 
la préparation directe du terpinéol. Cette méthode se 
prête facilement à une préparation en grand. 

3. SCIENCES NATURELLES. — M. Aug. Charpentier a cons- 
taté que, dans la transmission électrique brève par le 
perf, la variation négative qui l'accompagne ne se ter- 
mine pas par Le simple retour à l'état électrique primitif ; 
ce retour est générale ment oscillatoire, c'est-à-dire que 
le phénomène initial est suivi d’alternatives électriques 
probablement de sens opposés. — MM. N. Vaschide et 
C1. Vurpas ont étudié les actes vitaux chez un nouveau- 
né venu au monde sans cerveau, et ayant survécu 
trente-neuf heures. L'abaissement notable de Ji tem- 
pérature, la rapidité concomitante du pouls, la respi- 
ration remarquablement ralentie el à type Scheyne- 
Stokes montrent l'importance et le rôle des hémisphères 
cérébraux dans la circulation, la respiration et la 


calorilication. — MM. R. Lépine et Boulud signalent 
un cas de mallosurie chez une femme atteinte de 
diabète grave. — M. E. Perrier présente le sixième 


volume des « Expéditions scientifiques du Travailleur 
et du Talisman », consacré aux Crustacés décapodes, 
— M. E. L. Bouvier a comparé diverses espèces de 
Bathonymus, Isopodes gigantesques des grands fonds. 
Ces animaux présentent des houppes branchiales qui 
n'existent pas dans les Isopodes non parasites et aui 
viennent suppléer à l'insuffisance des lames respira- 
toires chez des animaux d'aussi grande taille. De même 
l'œil s'est accru d’une facon démesurée, pour s'adapter 
à la vie abyssale. — M. H. Coupin a constaté que les 
plantes supérieures, tout autant et même plus souvent 
que les champignons inférieurs, permettent d'apprécier 


r 


la présence de substances toxiques (Ag, Hg, Cu, Cd, ete.) 

à une dose où l'analyse chimique est impuissante à lan k 
manifester. — M. Kôvessi à reconnu que, pour la 

greffe des vignes, les rameaux sont d'autant mieux 
aoutés que leurs parois cellulaires sont plus épaisses 
et que leurs cellules renferment plus d’amidon, c’est-à= 
dire que leur différenciation est plus complète. Le 
rameau mal aoûté a subi les transformations anato=M 
miques de l’aoûtement, mais à un faible degré. — M. PM 
Fliche a déterminé une empreinte d'élytre trouvée 
dans le Muschelkalk supérieur (Trias) des envirous de 
Lunéville. Elle appartient au genre (:/aphyroptera, et 
l’auteur en fait une espèce lotharingira. — M. gd: 
Thoulet présente les sept premières feuilles d'un 
Altas lithologique et bathymétrique des côtes de 
France. — M. H. Arctowski a déterminé la période 
diurne et la période annueile des aurores australes 
observées pendant l'Expédition de la Belgica. Les deux 
courbes obtenues présentent une analogie frappante 
avec les courbes correspondantes de l'ile Jan Mayen et 
les résultats d'autres stations boréäles. L. BRUNET. 


+ ACADÉMIE DE MÉDECINE 
Séance du 26 Février 1901. 

Sur la proposition de M. Landouzy, l'Académie vole 
des remerciements au Ministre du Commerce, et parti= 
culièrement au Sous-Secrétaire d'Etat des Postes, Télé- 
phones et Télégraphes, qui vient de faire placarder 
dans tous les bureaux de poste une instruction concer= 
nant l’évitabilité et la prophylaxie de la tuberculose. 

M. Saint-Yves Ménard est elu membre titulaire 
dans la section de Médecine vétérinaire. . 

M. Le Dentu présente un rapport sur un mémoire du 
D' Mouchet (de Sens), relatif à une série de seize opé- 
rations pratiquées sur le rein pour des affections de 
nature diverse, et avec un succès constant : pas une 
mort, pas un accident opératoire, seulement deux 
décès tardifs par tuberculose et par sarcome, non im- 
putables à l'intervention. — M. Hanriot présente un 
rapport sur les travaux des stagiaires de l'Académie aux 
eaux minérales. — M. Guyon signale trois cas d'hé- M 
matémèses toxi-infectieuses, survenues à la suite d'in- 
fection urinaire grave; deux malades ont guéri. — 
M. G. Dieulafoy, à la suite d’une communication ré- 
cente de M. Lucas-Championnière sur l'appendicite, 
pense que si cette maladie parait plus fr-quente à 
notre époque, c'est qu'elle était autrefois méconnue; M 
les affections dénommées miserere, passion iliaque, M 
péritonite a frigore et beaucoup de périlonites déri- 
vaient de l’'appendicite. Quant au lavage de l'estomac 
par une solution alcaline dans le traitement des héma-= 
témèses appendiculaires, l’auteur le repousse parce 
qu'il est préférable de laisser l'estomac en repos alin 
de faciliter la formation du caillot vasculaire oblura- 
teur. M. Lucas-Championnière répond que tous les 
malades atteints de vomito nesro appeudiculuire et 
traités par les lavages alcalins ont été soulagés, et 
plusieurs ont guéri. Tous ceux qui ont été traités au= 
trement sont morts. 


Séance du » Mars 1901. 


M. Hallopeau présente un rapport sur un travail de 
M. Tourtoulis-Bey relatif au traitement de la lèpre 
par l'injection sous-cutanée d'huile de Chaulmoo:ra. 
Des faits exposés, il ressort que les lépreux, soumis à 
un traitement intensif par l'huile de Chaulmoogra, 
peuvent présenter une amélioration telle qu'on peut les 
considérer comme guéris. Plus souvent, ils continuent 
à présenter des manifestations, mais celles-ci peuvent 
revêtir un caractère remarquable de bénignité. Il est 
probable que ce médicament exerce donc une influence 
favorable sur la lèpre. M. du Castel, qui a appliqué 
la même méthode, constate que l'injection sous-cutanée 
a des avantages sur l'absorption stomacale, qui est très 
peu souveut supportée. Par contre, l'injection est dou- 
loureuse, nécessite des interruptions à la suite des 


ACADÉMIES ET SOCIÉTÉS SAVANTES 


291 


“infiltrations imflammatoires qu'elle entraine, et s’ac- 
… compagne facilement de la production d’embolies grais- 
seuses pulmonaires. — M. Lancereaux présente un 
rapport sur un mémoire du D' Fournier (d'Angoulême), 
relatif à un cas d'hystérie et de catalepsie, avec phéno- 
“mènes d'auto-suggestion, de double vue et de télépathie. 
— M. Hervieux montre que la pratique de la varioli- 
“sation a pour conséquences la persistance des endémies 
“et des épidémies varioliques, l’aggravation de la mor- 
lité, la dépopulation, et une atteinte plus ou moins 
“rave portée aux relations commerciales et à la pros- 
“périté de nos colonies. Il demande à l’Académie de 
roposer l'interdiction, sous perne d'amendes, des inocu- 
ations varioliques. Celte proposition, après les obser- 
Vations de quelques membres, est mise aux voix el 
adoptée. — M. G. Linossier montre que les gastror- 
ragies ne constituent pas une contre-indication abso- 
ue au lavage de l'estomac. Quand celui-ci se trouve 
indiqué par une obstruction pylorique, la réplétion 
&astrique, les vomissements incoercibles, l’impossibi- 
Jité de l'alimentation, on pourra en obtenir parfois 
excellents résultats, surtout si on le pratique avec 
ne solution de perchlorure de fer. — M. Huchard à 
étudié un nouveau médicament, le létranitrate d'éry- 
throl, qu'on appelle en thérapeutique tétranitrol. Il à 
une action vaso-dilatatrice et hypotensive. — M. Dela- 
enière lit un mémoire sur la résection du genou pour 
umeur blanche suppurée grave. 


l 
( 


SOCIÉTÉ DE BIOLOGIE 


Séance du 23 Février 1901. 


«MM. M. Lambert et L. Garnier ont conslaté que le 
pourvoir réducteur du sang traversé par des vapeurs de 
loroforme augmente sensiblement. — M. Bissérié, 
ën injectant à des lapins des levures de brasserie lavées 
aseptiquement, a observé que le sérum de ces lapins 
acquiert la propriété d'agglutiner les levures. — 
M. Yvon, qui a déterminé les varialions horaires de 
excrétion urinaire chez l'homme normal, a obtenu des 
résultats qui concordent parfaitement avec ceux de 
: Balthazard. — M. L. Camus présente un appareil 
jui permet de réaliser la circulation artificielle avec un 
ur isolé et qui inscrit les changemeuts de volume, — 
S. Jourdain : L'âme de la cellule. — M. G. Loisel 
présente une grenouille rousse (Æana lemporaria) 
-lle, qui offre tous les caractères sexuels secon- 
ires du mäle. Cette grenouille présente une atrophie 
marquée des ovaires. — M. A. Chassevant à reconnu, 
jar la méthode de Mette, que la saccharine entrave la 
gestion gastrique (in vitro); la diminution d'activité 
lu suc gastrique est déjà considérable pour une faible 
[üse de saccharine. — M. Milian à observé plusieurs 
 d'hémolyse dans des épanchements hémorragiques 
pleurétiques. — M. A. Raïlliet a reconnu que la pie 
ut être considérée dans notre pays comme un des 
ropagateurs principaux du Syngamus trachealis; ce 
fématode pond des œufs en voie de segmentation, des- 
nés à être rejetés à l'extérieur; l'embryon, se dévelop- 
ant dans ces œufs lorsqu'ils sont répandus sur le sol 
umide ou dans les flaques d'eau, peut poursuivre 
irectement son évolution, qu'il ait réintégré l'organisme 
ant ou après l’éclosion. L'évolution du Syngamus bra- 
Hivalis, parasite des Oies, suit une marche parallèle à 
elle de l'espèce précédente. — M. Aug. Pettit a étudié 
es altérations rénales qui se produisent chez le lapin, 
la suite de l'injection de sérum de Congres. — M.G.. Le 
Bon : La phosphorescence invisible. — MM. J.-V. 
Laborde et Meillère ont observé une personne atteinte 
8 crises répétées de céphalalgie, accompagnées de 
douleurs épigastriques avec nausées et vomissements. 
Ces symptômes provenaient d'une intoxication par une 
ibstance dont elle avait l'habitude de se teindre les 
heveux. L'application de ce liquide ayant été suspen- 
ue, les accidents ont complètement et rapidement 


Séance du 2 Mars 1901. 


MM. Ch. Achard et M. Lœper ont examiné le sang 
d'un certain nombre de malades atteints d'intoxications 
diverses par le plomb, l'alcool, le mercure, la morphine, 
l'éther et l’antipyrine. La formule leucocylaire parait 
différer non selon la nature du poison, mais plutôt 
suivant le caractère aigu ou chronique de l’intoxication. 
Dans l'ictère, la formule varie suivant les lésions qui le 
produisent. — Les mêmes auteurs ont constaté que le 
polynucléaire et l'élément médullaire se rencontrent 
dans presque toutes les affections passagères sans ten- 
dance à l'organisation, alors que le lymphocite et le 
mononucléaire se voient surtout dans les affections 
subaiguës, ayant tendance à l'édification de tissus plus 
ou moins durables. — M.C. Vallée, éludiaut l’alimenta- 
tion d'un enfant au moment du sevrage, montre que 
l'apport thermique est bien plus considérable que pour 
l'adulte ; le rôle prépondérant dans l’apport total des 
calories est tenu par les graisses, puis, peu à peu, pen- 
dant le sevrage, il passe aux hydrates de carbone. — 
M. C1. Regaud a constaté que, pendant la spermato- 
genèse, la chromatine nucléaire subit des changements 
quantitatifs et histochimiques considérables. M. Re- 
naut fait ressortir que M. Regaud démontre ainsi que 
le chromatine n’est pas la substance héréditaire au 
sens strict du mot. — M. E. Hédon à observé que 
l'hémolyse des globules par la solanine est contrariée 
par les acides, par diverses substances coagulaut l'albu- 
mine, et par le sérum ; ce sont les substances albumi- 
noïdes de ce dernier, et non les sels qui agissent. — 
M. R. Dubois admet l'existence, dans l'encéphale, d'un 
centre jouant un rôle prépondérant dans le mécanisme 
du sommeil. Ce centre serait situé entre le bulbe et le 
cerveau. — M. R. Dubois montre que le sommeil est 
produit par l'accumulation, dans certaines proportions, 
de CO? dans l'organisme ; il provoque expérimentale- 
ment le sommeil naturel chez un chi-n, par autonarcose 
carbonique. — M. E. Maurel montre que, dans le 
cours d’une entéro-colite chronique, où après £a guéri- 
son, là constatation d’une hyperleucocytose ne dépas- 
sant pas 20.000 leucocytes doit faire penser à une com- 
plication hépatique, telle que la congestion, etc., et 
qu'une hyperleucocytose plus considérable, avoisi- 
nant 50.000, doit l'aire penser à une hépalite suppurée. 
— MM. Em. Bourquelot et H. Hérissey : Sur la cons- 
titulion du gentianose (Voir le compte rendu de l'Aca- 
démie des Sciences, p. 289). — M. Et. Rabaud poursuit 
ses études sur la formation de l'œil simple ou double 
et des fossettes olfactives chez les Cyclopes. — MM. Jean 
Camus et Pagniez ont observé qu'un grand nombre 
de sérums, provenant de malades atteints d'affections 
diverses, agglutinaient les globules du sérum d'indi- 
vidus normaux. — M. C. França conclut de ses 
recherches que l'application d'un sérum leucotoxique à 
des animaux rabiques peut modifier de facon notable 
l'aspect des lésions. Aussi bien dans le bulbe que dans 
les ganglions, les cellules nerveuses lésées par le virus 
rabique sont attaquées et souvent détruites par des leu- 
cocytes. —MM . F. Barjon et A. Cade ont ob-ervé dans 
un cas de typhus angéio-hématique : une leucocytose 
très marquée (polynucléose neutrophile), l'anémie glo- 
bulaire, l'absence ou la rareté des hématoblastes. — Les 
mêmes auteurs ont reconnu, dans un cas de maladie 
de Friedreich : 1° l'existence d'éléments cellulaires, 
d'ailleurs assez rares, dans le liquide céphalo-rachi- 
dien, éléments constitués à peu près exclusivement par 
des lymphocytes et des globules rouges; 2° l'existence 
d’une pachyméningite cérébrale très accentuée. — 
MM. J. V. Laborde et Meillière ont constaté que la 
teinture pour cheveux, qui avait causé les accidents 
toxiques qu'ils ont décrit précédemment, est formée 
d’un mélange de paraphénylènediamine, de résorcine et 
d'eau oxygénée. Injectée au chien, cette leinture produit 
la mort en 15 à 20 heures, avec des symptômes carac- 
téristiques. On voit donc tout le danger de l'application, 
même extérieure, de pareilles teintures. 


2992 


ACADÉMIES ET SOCIÉTÉS SAVANTES 


SOCIÉTÉ FRANÇAISE DE PHYSIQUE 


1er Mars 1901. 


M. Cartaud présente, au nom de M. Ch. Frémont, 
une communication sur les lignes superficielles qui se 
produisent dans le sciage des métaux, communication 
sur laquelle nous reviendrons avec détails dans la 
chronique du prochain numéro de la /?evue. 
M.R.Dongier présente un Appareil de mesure des cour- 
bures et des éléments d'un système optique quelconque, 
convergent ou divergent. Il comporte, comme acces- 
soire essentiel, un viseur autocollimateur, dans lequel 
l'oculaire est remplacé par un microscope qu'on peut 
soulever plus ou moins de quantités mesurables, La 
lumière, fournie par une source étendue, est renvoyée 
par le système éclairant vers l'ouverture d’un dia- 
phragme où se trouvent deux fils croisés, puis vers 
l'objectif du collimateur et la surface à étudier. Celle-ci 
est disposée sur une plate-forme pouvant être déplacée 
de quantités mesurables. Si la croisée des fils se trouve 
au foyer de l'objectif du collimateur, la lumière réflé- 
chie par la surface observée est renvoyée vers l'ob- 
jectif, puis vers le microscope; elle parait issue du 
foyer de la surface à étudier. On obtient le demi-rayon 
de courbure avec une précision au moins égale à celle 
fournie par le sphéromètre, même lorsque celui-ci 
fournit la valeur de la flèche à un micron près, en 
mesurant le déplacement de la plate-forme mobile, 
pour les mises au point successives de la surface elle- 
même et de son foyer. La mesure des éléments d'un 
système optique est obtenue en interposant entre le 
viseur ef la plate-forme mobile une plate-forme fixe 
destinée à le supporter. On détermine ensuite avec 
facilité et précision les grandeurs qui interviennent 
dans les formules dont M. Cornu a fait usage‘. — A 
propos de la Communication de M. Dongier, M. A. 
Cornu fait remarquer qu'en effet on ne peut pas 
compter sur le sphéromètre pour mesurer avec préci- 
sion un rayon de courbure. Il n’est même pas exact 
de dire que cet instrument puisse définir une flèche à 
un micron près, si ce n’est quand on utilise seulement 
de très petits déplacements de la vis. Mais on a tou- 
jours les meilleurs résultats en employant la méthode 
du levier optique de M A. Cornu ?, applicable à la fois 
aux courbures des surfaces concaves et des surfaces 
convexes; la supériorité de cette méthode tient non 
seulement à la perfection automatique du levier op- 
tique, mais encore à ce que l'observation sur le petit 
miroir du levier se fait sur une échelle divisée qui n’a 
nullement besoin d'un étalonnage rigoureux; la mé- 
thode élimine les erreurs attachées à tout étalonnage 
absolu délicat comme celu de la vis du sphéromètre. 
Dans sa méthode de mesure des éléments d’un système 
optique, M. A. Cornu a tenu à proscrire rigoureuse- 
ment l'emploi de toute pièce ou surface auxiliaire 
(miroir ou lentille), dont il faut définir la valeur op- 
tique, et dont l'emploi peut altérer la netteté des 
images. M. Dongier répond que son appareil permet 
à la fois la mesure des courbures et des éléments des 
systèmes optiques, aussi bien divergents que conver- 
gents. Dans le cas des systèmes convergents, il ne 
comporte que les accessoires optiques indispensables, 
employés aussi par M. Cornu, à savoir : uve lentille 
collimatrice et un microscope viseur. Il a l'avantage 
de porter en lui-même le moyen de régler à l'infini 
par autocollimation, et c'est dans cette opération qu'in- 
tervient le miroir rigoureusement plan. Sa disposition 
verticale et ramassée le rend très maniable et propre à 
rendre service même aux industriels. M. A. Cornu 
ajoute que la simplicité de son dispositif ne perd guère 
d'avantages dans le cas, d’ailleurs très rare dans la 
pratique, d'un système divergent. Quant au réglage à 
l'infini, il peut se faire avec toute la précision voulue, 


Séance du 


! Journal de Physique, 1'e série, t. VI, p. 276, 308; 4871. 
? Journal de Physique, 1" série, t, IV p. 7; 1875. 


sans viser un objet extrèmement éloigné, et même 
| sans viser d'autre objet que le réticule du collimateur 
L'autocollimation n'est que l’un des procédés permets 
tant d'effectuer ce réglage; elle n’exige pas, d’ailleurs 
l'emploi coûteux d’un miroir parfaitement plan. La 
moyenne des observations, par réflexion normale sun 
une glace argentée ordinaire et successivement sur SES 
deux faces, suffit généralement pour la précision du 
focomètre. 


SOCIÉTÉ CHIMIQUE DE PARIS 


Séance du 22 Février 1901: 

MM, A. Haller et G. Blanc communiquent les résul 
tats de leurs recherches sur les éthers alcoylcyanoma* 
loniques. En traitant le cyanomalonate d'éthyle argen 
tique par les iodures alcooliques, ils ont obtenu les 
éthers de la forme : * 
| COCHE 
R.CC 
| IRÈCGOETARS 

CAz 

On a opéré en particulier sur les iodures de méthyle 
d’éthyle et de propyle (normal), et l’on a obtenu les 
éthers cyanomaloniques substitués correspondants. Ce 
sont des liquides bouillant respectivement à 4359 
(28 millimètres), à 142-1459 (30 millimètres) et 
1550-1570 (28 millimètres). Quand ou les fait bouillir 
pendant longtemps avec des acides étendus, on obtient 
les acides gras correspondants (propionique, butyrique 
et valérique). La potasse aqueuse provoque un dédou 
blement différent. On obtient alors les acides «-cyano 
propionique,«-cyanobutyrique et «-cyanovalérique, qui 
ont été caractérisés au moyen de leurs anilides (obtenues 
en chauffant l'acide bien sec avec l'isocyanate de phé 
nyle) et fondant respectivement à 104-105°, 86-879 et 
88-899. — M. A. Béhal, à propos d'une note parue dans 
le dernier numéro des Comptes Rendus et due à M. Gri 
guard, se voit dans l'obligation de communiquer les 
résultats d’un travail sur l’action des dérivés organa 
métalliques sur les éthers-sels de la série cyclique. 
a étudié, tantôt seul, tantôt avec MM. Tiffeneau et Som 
melet, divers corps de cette série. Voici les résultats 
généraux obtenus: Ilse forme, avec les dérivés méthylés 
et les éthers sels cycliques ayant le groupe CO?H sur le 


noyau, des chaines pseudopropyléniques R-CÆ0Re Les 


fonctions phénols ou éthers de phénols qui sont fixées 
sur le noyau se perturbent par cette réaction. Ces dé: 
rivés se polymérisent avec facilité. Les polymères géné: 
ralement bien cristallisés sont dimères. Ils se disssocient 
sous l'influence de la chaleur en deux molécules de 
monomères avec peu de produits accessoires. Ces 
dimères sont saturés : l'union s’est donc faite par Ja 
fonction éthylénique. Les monomères, traités par l’iode 
et l'oxyde de mercure suivant les indications de M. Bous 
gault, se transforment en cétones, la chaîne pseudopros 
pylénique donnant lieu à une transposition moléculaire 
qui fournit une chaine linéaire : 


= KR. CH°.CO.CH. 


Ÿ 


C'est là le premier exemple d’une transformation de 
cet ordre; la transformation inverse est très connues 
il suffit de rappeler celle de la pinacone, de l’hydro= 
benzoïne et du benzyle. Oxydés par le permangana 
les dérivés pseudopropyléniques donnent des céton 
R.CO.CH* avec détachement du groupe méthylène. E 
propriété de fournir des carbures ne tient pas à ce fait 
que l'alcool est tertiaire; en effet, un certain nombre 
d’alcools secondaires qui, théoriquement, devraient se 
former par l'action des dérivés organo-métalliques du 
magnésium se déshydratent et fournissent des carbures 
Cependant, en faisant réagir l’iodure de magnésium 


ACADÉMIES ET SOCIÉTÉS SAVANTES 


- méthyle sur le pipéronal, M. Béhal à obtenu l’éther 
“oxyde correspondant à l'alcool secondaire : 


CH CH° 


D 


1% 


(o | | (n 
\ 2/ Nc € 6 1/ Nes 
CH Noa H'.CH.0.CH CH RASE . 


qui fond à 410-1119. — MM. Béhal et Tifeneau ont 
| étudié l'action de l'iodure de magnésium-méthyle sur 
lanisate de méthyle; ils ont obtenu ainsi un monomère 
fusible à 32° et bouillant à 224. Le dimère corres- 
pondant fond à 58° et se change lentement à 350° en 
émonomère. Il se forme dans cette réaclion peu de 
para-isopropylanisol. Le parapseudopropénylanisol 


NiE 

“Cu.0.cH.c<Ch,, traité par l’iode et le mercure en 
présence de l'alcool, donne la paraméthoxyphénylacé- 
tone CH°.0.C°H*'.CH?.CO.CH°. Ce corps bout à 263-2649, 
Se combine au bisulfite; la combinaison bisulfitique est 
dissociable par l’eau. Il ne donue pas de coloration avec 
“Ja fuchsine décolorée par l'acide sullureux. Il fournit 
du bromoforme par l’action de la potasse et du brome, 
et, en employant un excès de réaclif, il se forme de l'acide 
anisique. Son oxime fond à 72°. Théoriquement, avec 
l'iode et l'oxyde de mercure, le parapseudopropeny- 
lanisol devait donner le paraméthoxyphénylpropanal-2? 
cu°o.ceHe.cH— C0, 
obtenu par lui au moyen de l'anéthol. M. Bougault, 
après avoir établi la constitution de cet aldéhyde, con- 
lut avec réserve que l’anéthol pourrait posséder une 
chaîne triméthylénique. Les auteurs ont préparé syn- 
étiquement l'anéthol au moyen de l’aldéhyde anisique 
et de l'iodure de magnésium-éthyle, et ont comparé ce 
orps à l’anéthol naturel; les points d'ébullition, de 
fusion et l'identité des dibromures montrent qu'il y à 
“identité des deux corps. L'auethol possède bien une 
haîne propylénique. Il s'ensuit donc que les chaines 
propényliques se transforment par l'iode et l'oxyde de 
nercure en chaîne pseudopropylénique et que l’anéthol, 
contrairement à l'opinion de M. Bougault, possède une 
haîne propylénique. Les auteurs ont fait synthétique- 
ment l'isoeugénol avec la vanilline et l’iodure de magné- 
Sium-éthyle et l'ont caractérisé par son dérivé benzoylé 
fusible à 103°. — MM. Béhal et Sommelet ont fait 
féagir l'iodure de magnésium-méthyle sur le salicylate 
de méthyle, le méthylsalicylate de méthyle et le paraoxy- 
benzoate de méthyle. Le salicylate de méthyle a fourni 


corps décrit par M. Bougault et 


l’orthopseudopropénylphénol HO.C'H*.C es bouillant 


à 203-204 et son dimère fusible à 98°, Le pseudopro- 
pénylphénol fournit, par l'iode et l'oxyde de mercure, 
l'orthooxyphénylacétone. Le méthylsalicylale de mé- 
yle fournit par exception un alcool tertiaire fondant 
à 15° et bouillant à 230°. Le paraoxybenzoate d'éthyle 
fournit un phénol bouillant vers 215°; son dimère fond 
à 87. — M. Tiffeneau a étudié le pseudopropényl- 
benzène et le pseudopropénylparatoluène. Après avoir 
fait l'historique de la question, il décrit les propriétés 
de ces deux corps, et signale la formation de la phény- 
Jacétone avec l’iodeet l’oxyde de mercure. Il a observé 
que le phénylpropylène CÿH°.CH = CH.CH* donne avec 


ce même réactif le phényl-2?-propanal cexs.cH<CH0, 


ce qui montre bien Ja généralisation de la transposi- 
“tion moléculaire. — M. H. Masson, en appliquant la 
méthode exposée ci-dessus par M Béhal, et en utilisant 
le réactif de M. Grignard, a obtenu toute une série 
d’alcools tertiaires nouveaux. Il a employé les iodures 
‘de magnésium méthyle et éthyle et les éthers monoba- 
siques de la série grasse. Il décrit les alcools suivants: 


-Méthyl-2-pentanol-2 (diméthylpropylcarbinol 1240 
Ethyl-3-hexanol-3 (diéthylpropylcarbinol) . . . . . . 159 
Méthyl-6-éthyl-3-heptanol-3 (liéthylisobutylearbinol . 172 
Méthyl-2-heptanol-? (diméthylamylcarbinol. . . . . 162 
— Ethyi-3-octanol-3 (diéthylamylearbinol) . . . . . . . 199 
 Méthyl-2-octanol-2 (diméthylhexylearbinol . . . . . . 178 
… Ethyi-3-undécanel-3 (diéthyloctylcarbinol) . . . . . . 250 


293 


Ces alcools donnent facilement des carbures éthy- 
léniques quand on les déshydrate par l’anhydride acé- 
tique en présence du chlorure de zinc. 


SOCIÈTE DE PHYSIQUE DE LONDRES 
Séance du 22 Février 1901. 

M. E. Villari étudie la facon dont l'air soumis aux 
rayons X perd sa propriété de décharge. De l'air rendu 
actif par des rayous X perd plus de son pouvoir dé- 
chargeant en traversant un tube enroulé en plusieurs 
spirales-qu'en passant à travers un tube droit. Pendant 
ce passage, le tube se charge à un certain potentiel. Si 
de l’air actif est dirigé en grande quantité sur un treil- 
lis métallique ou des rognures enroulées, placés dans 
des tubes, les métaux, indépendamment de leur nature, 
prennent une charge positive ou négalive suivant que 
l'air passe rapidement ou lentement. Les tubes de cuivre 
ou de plomb prennent de même des charges positives 
s'ils sont longs ou enroulés, et négatives s'ils sont 
courts et droits. Ces phénomènes ne peuvent pas être 
attribués à des actions chimiques, mais ils pourraient 
être produits par un frottement spécial de Pair sur Les 
surfaces métalliques, celles-ci gardant l'une des charges 
et l'autre restant dans l'air. En realité, *e n'est pas le 
cas, car l'air possède souvent une charge de même na- 
ture que celle du métal. L'auteur a montré antérieu- 
remeut que l'air actif passant contre un corps électrisé 
est transformé soit en air ordinaire, soit en air chargé 
de l'électricité qui a disparu du corps. On peut donc 
supposer que l'air actif, en frottant sur des surfaces 
métalliques, développe les deux électricités, l’une se 
manifestant sur ces surlaces, l’autre étant employée 
à réduire l'air actif en air ordinaire, et par conséquent 
n'étant pas manifestée. — M. R. W. Wood a étudié lu 
propagation des ondes en forme de cornes et sa rela- 
tion avec les lignes focales primaire etsecondaire. Il dis- 
cute la réflexion d'une onde plane par un miroir hémi- 
sphérique, l'onde réfléchie étant semblable à un cône 
volcanique. La corne de l'onde, ou le bord du cratère, 
trace la caustique, et passe continuellement par un 
foyer, ce qui rend compte de l'illumination croissante 
le long de la caustique. Les ondes frontales sont obte- 
nues en construisant la surface orthogonale, dont la 
section est un épicycloide. La développée de cette 
courbe est la caustique, et les ondes frontales réfléchies 
forment une famille de courbes parallèles qui sont les 
énveloppantes de la caustique. L'onde frontale, entre 
deux lignes focales, s'étend le long d'un méridien et se 
contracte à angle droit avec lui, en d’autres termes, 
l'onde est concave le long d'un méridien et convexe 
le long de l’autre. La forme extérieure du cône 
volcanique représentant l'onde réfléchie correspond 
à la position de l'onde frontale entre les lignes fo- 
cales. On peut faire un bon appareil en argeutant 
la surface extérieure d'un récipient en verre hémi- 
sphérique. Le miroir concave ainsi formé peut être 
monté sur un pied et une petite lampe électrique ar- 
rangée de facon à se mouvoir le long de l'axe du miroir. 
Une onde sphérique partant du foyer du miroir hémis- 
phérique est réfléchie en forme de soucoupe, les bords 
incurvés allant au foyer en un anneau entourant le 
fond circulaire presque plat. — M. R. Wood a décrit 
antérieurement une méthode pour former des prismes 
de cyanine solide en pressant la couleur fondue entre 
des plaques de verre. Jusqu'à présent des angles d’en- 
‘viron un demi degré pouvaient seuls être employés à 
cause de la petite quantité de lumière verte transmise. 
Une nouvelle expérience a montré qu'on peut trans- 
mettre une grande quantité de lumière verle avec un 
angle de plus d’un degré. En regardant le filament 
d’une lampe à incandescence à travers un de ces pris- 
mes, on voit un spectre anormal, les couleurs étant 
disposées dans l’ordre : vert, bleu, violet, rouge, orange. 
En croisant un de ces prismes avec un réseau de dif- 
fraction ayant 2.000 lignes au pouce, et en regardant 
une lampe à arc, le spectre de diffraction est dévié par 


le prisme, l'extrémité rouge étant remontée et l'extré- 
mité bleue et verte abaissée. 


SOCIETE DE CHIMIE DE LONDRES 
Séance du 7 Février 1901 (suite). 

MM. W. C. C. Pakes et W. H. Jollyman ont étudié 
la décomposition de l'acide formique par les bactéries; 
elle aurait lieu suivant léquation simple HCO°H — 
CO? + H°, ou H.CO?Na = NaHCO* + H*. Ce fait explique 
pourquoi il est avantageux d'ajouter du formiate de 
soude aux milieux contenant du dextrose, car l’alcali 
formé neutralise les acides produits dans la äécompo- 
sition du sucre et cela permet aux bactéries de vivre 
plus longtemps que si le milieu devenait de plus en 
plus acide. — M. A. W. Titherley a étudié la façon 
dont se comportent les dérivés de la sodam'de du type 
R.CO.AzHNa avec les composés organiques halogénés. 
Les halogénures d’alkyle donnent l’amide et un éther : 


CIH®.CO. AzHNa + C°HSON + CHI — CH*.CO.AZIT° 
+ Nal (CH) 0: 


Les chlorures d'acides donnent avec la sodiobenzamide 
des diamides CSH°.CO.AzH.COR. Avec les éthers halogé- 
nés, la sodiobenzamide se comporte normalement. Avec 
les bromamines RCO.AZH.Br, il devrait se former des 
acylhydrazines bisubstituées symétriques R.CO.A7H. 
AzH.CO.R, mais une transformation moléculaire inter- 
vient et il se produit des alkylacylurées : AzlHR.CO. 
AzH.COR. Lorsqu'on chauffe une sodamide avec un 
alkylsulfate de potasse, l'atome de Na est alors rem- 
placé par le radical alkylique : 


CH°.CO.AZzHNa + KRSO'=— CH*.CO.AZHR + KNaSO!. 


Le second atome d'H du groupe CO.AzHR peut être de 
la même facon remplacé par Na, puis par un groupe 
alkyle, et l'on arrive aux amines R.CO.AzR'R", dans 
lesquelles R' et R’ peuvent être semblables ou différents. 
L'auteur explique les résultats variables auxquels il est 
arrivé par le tautomérisme des amides. Les sodamides 
aliphatiques seraient toujours : 


40 
R.C£ 


NAZINa 


tandis que les sodamides aromatiques posséderaient 
tantôt cette formule, tantôt la formule d’une hydroxyi- 
mide : 
70H 
R.C< : 
NAzH 


L'auteur a, en effet, pu préparer deux sels monoargen- 
tiques différents d’une même amide, qui semblent cor- 
respondre à ces deux constitulions. — Le même auteur 
a obtenu, par union directe des constituants en pré- 
seuce d'alcool, des cristaux de composés d'addition de 
l'acétamide avec le bromure et l'iodure de sodium : 
2CH*.C0.AzH°?,NaBr et 2CH*.CO0.AzH°,Nal. — M. A. W. 
Titherley a encore préparé la diacétamide par l’action 
du chlorure d'acélyle en solution benzénique sur l'acé- 
tamide : 
3CH*.CO.AzH° + CH°.COCI = (CH*.CO?AZI 
+ 20H*.CO.AzH°, HCI. 


— MM. F. S. Kipping et L. L. Lloyd, en traitant 
successivement le tétrachlorure de silicium par une 
première,tune seconde et une troisième molécule 
d'alcool ou de phénol, ont remplacé trois atomes de 
chlore par trois groupes alkyloxy, et sont arrivés à des 
composés de formule SiCI(OR) OR")(OR""). Ces compo- 
sés, qui renferment un atome de Si asymétrique, doi- 
vent exister sous deux formes isomères, que les auteurs 
vont essayer de séparer. — M. F.S. Kipping, en exa- 
mioant le sel formé par la combinaison de la d-/-hydrin- 
damnine avec l'acide d-campho-z-sulfonique (préparé 
par réduction de l'acide a-bromocamphosulfonique), a 


ACADÉMIES ET SOCIÉTÉS SAVANTES 


observé que, quoique au premier abord homogène, il 
pouvait être séparé en fractions ayant des rotations 
spécitiques différentes. Ce fait provient de ce que l'acide 
d-campho-r-sulfonique brut contient une petite quan= 
tité de son isomère, et comme ce dernierne peut guère 
avoir été formé pendant la réduction de l'acide a-bro= 
mocamphosulfonique, il s'ensuit que l'x-bromocamphreé 
subit une racémisation partielle pendant sa sulfona- 
tion. A part cela, le sel de la d-/-hydrindamine avee 
l'acide sulfonique ne subit aucun changement dans S 
cristallisation fractionnée, et il possède une rotation 
moléculaire identique à celle du d-campho-7-sulfonale« 
d'ammonium ; c'est donc un sel partiellement extérieu 
rement compensé, de la forme dA/B,4AdB. — M. W. H: 
Perkin jun., par réduction avec le sodium du chlorure 
de l'acide tétraméthylènecarboxylique, a obtenu le 
tétraméthylènecarbinol : 


CH? — CH? 
CHE — CH. CITRON 


huile incoiore, beuillaut à 1439-1440. 


ACADEMIE DES SCIENCES D'AMSTERDAM 
Séance du 23 Février 1901. 

1. SCIENCES MATHÉMATIQUES. — M. J. A. C. Oudemans : 
Résumé de la sixième et derniere partie du comptes 
rendu de la triangulation de Java. Tandis que la qua= 
trième parlie contenait les résultats de la triangulation: 
primaire et la cinquième ceux de la triaugulatiom 
secondaire, celte derniere partie s'occupe des hauteurs 
des lieux observés. D'abord la hauteur de 19 sommets de 
triangles, situés près du bord de la mer, a été mesurée 
directement; dans la détermination de la hauteur des 
points trop éloignés de la mer, il est nécessaire dem 
connaître d'avance la réfraction terrestre, dépendante 
en premier lieu de la loi inconnue, pour Java, suivante 
laquelle la densité de l'atmosphère varie avec la hau= 
teur. Ainsi, l’auteur a cherché à déterminer le facteur" 
de réfraction à l’aide d'observations simultanées dem 
distances zénithales, Un chapitre spécial est consacré 
à la détermination de la dépression de l'horizon em 
»3 points d'observations. A l'aide de la solution de 
»3 équations linéaires à deux inconnues, par la méthode 
des moindres carrés, l'auteur trouve, pour la relation 
entre la dépression de l'horizon et la hauteur au-dessus 
du niveau de la mer : 


h=—(6,56546) tang?d — (5,82716) tang'd — 2,55; 


les nombres entre parenthèses y représentent des loga 
rithmes, l'unité de hauteur y est le mètre. Un aperc 
historique sur les tentatives pour déterminer la réfraes 
tion terrestre, dès J.-D. Cassini, en 1661, accompagne les 

travail. Ensuite, l’auteur s'occupe des déviations locales 
du fil à plomb dans la direction du méridien, qu'il a 
déterminées en 63 lieux différents, indiqués dans la 
petite carte ci-jointe (fig. 1). Les longueurs des petits 
traits font connaitre la direction et le montant des 
déviälions. —- M. H. G. van de Sande Bakhuyzen: 
Rapport de la Commission chargée des mesures préparas 
toires pour les observations de l'éclipse totale de Soleil 
du 18 mai 1901. Cette éclipse, presque exclusivement 
visible dans les Iudes néerlandaises, est d’une extrême 
importance, à cause de sa longue durée; sur la ligné 
centrale, celte durée s’élèvera à 6 min. 1/2, à la côte occi 
dentale de Sumatra, et à 5 min. 1/2 à la côte orientale 
de Bornéo. La Commission préparatoire, nommée pan 
l'Académie, le 27 mai 1899, se compose de MM. H: G 
et E. F. van de Sande Bakhuyzen, J. A. C. Oudemans; 
J. C. Kapteyn, W. H. Julius, J. P. van der Stok, A: As 
Nyland et J. H. Wilterdink. Elle est secondée par un® 
Commission locale, nommée par le Gouvernement; 
présidée par M.J. J. A. Muller, Chef de la triangulatio 

de Sumatra, el comptant parmi ses membres MM.5: 
ligée et A. G. Zeeman. Ce Rapport contient successives 
ment’ des indications sur les supports matériels CL 


M 


ACADÉMIES ET SOCIÉTÉS SAVANTES 


295 


financiers de l'Expédition, la composition de l'Expédi- 
ion (MM. Nyland et Wilterdink, astronomes; MM. Mul- 
r et Wacker, séodésiens ; Julius, physicien; MM. Figée 
ét van Bemmelen, météorologistes), les caractères des 
bservations et des instruments (images photographi- 
ues de la couronne, observations spectroscopiques de 
couronne et de la photosphère, polarisalion des par- 
es diverses de la couronne, radiation calorifique et 
intensité lumineuse de la couronne, observations des 
andes d'ombre, état électrique de l'atmosphère pen- 
ant l'éclipse, observations sur le magnétisme ter- 
éstre, la température, la pression et la lorce du vent, — 
escriptions des instruments dont se servira l’expédi- 
on), choix du lieu d'observation (un point dans les 
environs de Painan, à la côte occidentale de Sumatra), 
informalions pour les observaleurs des autres pays 
(onze expéditions, parmi lesquelles sont représentées 
à France, l'Angleterre, l1 Russie, l'Amérique). 

* 2, SCIENCES PHYSIQUES. — M. H. A. Lorentz: Les lois 
de Bolltzmann et de Wien, relatives au rayonnement. 
Pour arriver à ces lois (Boltzman : Ann. de Wiede- 
Mann, t. XXII, p. 291, 1884; Wien : Sitzungsber. der 
Berlin. Akad., 1893, p. 55), il n'est pas nécessaire de 
décomposer l'état vibratoire de l'éther en une infinité de 


[ue 
SE ï 
{ CS Mramafes 
ne CE 
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ETES ps 
Ce p— porn 


PA TS jet 


pe 


rayons qui s’entrecroisent dans tous les sens; on peut 
baser directement sur les équations fondamentales 
du champ électromagnétique. 1. Supposons qu'un 
espace, entouré d'une enceinte à parois parfaitement 
réfléchissantes, soit occupé en partie par un corps 
ndérable M. L'éther qui environne ce corps sera 
alors le siège de mouvements électromagnétiques, dont 
la nature et l'intensité sont déterminées par la tempé- 
lature © du corps M, et en vertu desquels l’éther exerce 
une certaine pression p. En déplacant les parois, on 
peut augmenter ou diminuer le volume v; de plus, on 
Supposera qu'on puisse introduire à volonté de la cha- 
eur dans le corps M. La quantité de chaleur requise 
Pour un changement infiniment petit déterminé par 


d1' et dv est donnée par la formule : 
de de 
dQ = FT + (+ par , 


Ja seconde loi de la Thermodynamique conduit à la 
lation 


, de ap 
L ov Tr “ 


T Fe. . , , . 

Ici, le premier terme n'est autre chose que l'énergie U 
de l'éther par unité de volume. Comme p est indépen- 
dant de v, on aura : 


f m1 
U+p=T. 


2. Soient b, aux composantes ?,, d,, d-, le déplacement 
d iélectrique, et 9, aux composantes 9,, 9,, 9., la force 
magnétique. Alors on a : 


Fig. 4. — Dévialions du Al à plomb à Java mesurées dans la 


les traits horizontaux indiquant qu'il s'agit de valeurs 
moyennes, par rapport à l’espace et au temps, et V 
représentant la vitesse de la lumière. D'un autre côté, 
la pression peut être représentée par : 


96.2 52 
262? — 52. 


x ? 


— D) — 
37 


Comme l'état de l'éther est 
dans cette expression : 


Ainsi l’on trouve : 


AU UN CR 


1 
—UÙ; no 
Dos adT 
ce qui est l'expression de la loi de Boltzmann. 3. Enle- 
vons maintenant le corps M et augmentons le volume v. 
L'énergie par unité de volume diminuera et, si le chan- 
gement du volume est suflisamment lent, les différents 


IT era 


direction du méridien. 


états de l’éther qui se succèdent sont précisément ceux 
qui pourraient être en équilibre avec des corps pondé- 
rables, ayant des températures de plus en plus basses; 
c’est ce que Wien a démontré par des considérations 
thermodynamiques. Si l'on veut étudier la dépendance 
qu'il y a entre l’état de l'éther et la température d'un 
corps pondérable, il suffira done d'examiner l'effet du 
rayonnement des parois. Si, dans un temps infiniment 
petit dt, les dimensions augmentent dans le rapport de 
1— adt, a étant une constante, le problème peut être 
résolu par l'introduction d'un nouveau système de 
variables dans les équations du champ. Prenons 
comme nouvelles variables indépendantes : 

zi=zes0, 


x! — xe—al, } 1— SEA 


1 


ä 
Ü—-(l—e-2)—;— 


2V2 x? + J = z°)e cs 


et comme nouvelles variables dépendantes, les quantités 
D, 0, d'-, Dr, 9, D'-, qui sont déterminées par les équa- 
tions : À 


2 (yG:— zb), et 
y$- Sy), etc. 
ETEN EE tre l 


x — e—2atpl; — 
Gr 6 —20t6ly + Ana(yo:— Zy), etc. 


Négligeons enfin les termes qui contiennent 4°, ce qui 
sera permis tant que la vitesse des parois est très 
petite par rapport à celle de la lumière. Alors, on 
trouve que la forme des équations différentielles n'est 
pas changée par la substitution. Il faut remarquer qu un 
point déterminé de la paroi est toujours caractérisé 


296 ACADÉMIES ET SOCIÉTÉS SAVANTES 


par des valeurs constantes de x’, y', z!. Si donc l'équa- 
tion de la surface intérieure de l'enceinte est : 


F(x, y, z)—=0 


au temps #, elle sera : 


à un instant postérieur quelconque. Quant à la condi- 
tion que les parois doivent être parfaitement réfléchis- 
santes, elle s'exprime par : 


Da y : De —: 


dans le cas d’une enceinte immobile, et par : 


ar 4 °F 
DO ANR EEE 
ox! Oy! 9z 


dans celui d'une enceinte qui se dilate. On obtient ces 
dernières formules en se servant des conditions rela- 
tives à la surface d'un corps mobile, qui ont été établies 
daus la théorie de l’aberration (Voir Lorentz : Versuch 
einer Theorie der electrischen und optischen Erschei- 
nungen in beweqten Kôrperu). En somme, les équa- 
tions qui déterminent bd, 9, etc., considérés comme 
des fonctions de x!, y', z!, l', sont les mêmes que celles 
dont il faut se servir pour déterminer d:, 9,, etc., en 
fonction de x, y, Z, {.—#. Soient : 

Dr = qi (X, Jr Zst), Fr = (87,2) etc.…, (2) 
les valeurs qui existeraient si les parois avaient été 
maintenues dans la position qu'elles occupent au 
temps {—0. Les mouvements qui ont lieu pendant fe 
déplacement de l'enceinte seront donnés par : 


Paz = gi(x!,} f, ZI, d'), Ga! — Ya (x 721, d), etc. 
Considérons le moment où e“* a une valeur déter- 
minée k, el passons à la limite où cette valeur aurait 
été atteinte dans un temps infiniment long, avec une 
valeur infiniment petite de a. Alors les relations (1) 
deviennent : 


et l'on aura : 


pe XYZ y SR eZ] te. (3) 
Es Pi RO) ee pre AENNE 


C’est le nouvel état que nous allons comparer avec 
l'état initial (2). Désignons de nouveau par Uet T la 
densité de l'énergie et la température correspondante 
à (2), etpar U'et T! les valeurs analogues pour l'état (3. 
On trouve immédiatement la relation 4‘ U!' — U, ce qui 
donne ÆT'—T, en vertu de la loi de Boltzmann. Or, 
le théorème de Fourier nous permet de décomposer 
les états (2) et (3) en uneinfinité de mouvements partiels, 
ayant chacun une longueur d'onde déterminée; à 
chaque terme dans la décomposition de (2) correspondra 
un terme dans la décomposition de (3). Nommons / et 
l!' des longueurs d'onde correspondantes, u la densité 
de l'énergie qui, dans l'état (2), appartient aux mouve- 
ments dont la longueur d'onde est comprise entre 
deux limites infiniment voisines, et u! la densité de 
l'énergie dans l'état (3) qui est propre aux parties 


correspondantes du mouvement total. On trouve faci= 
lement : l —=k1, k‘u!'—u, c’est-à-dire : 4 

l':1=T:T 4 
et 
DATENT Ê 


équations qui expriment la loi de Wien. — M. J. D 
van der Waals : L'équation critique et la théorie d& 
mouvement cyclique. La déduction de l'équation eni 
tique est basée sur la supposition que les molécules sonts 
à toutes les températures et sous toutes les pressions” 
des systèmes invariables. Aivsi l'équation critique ordis 
naire doit être en défaut, aussitôt qu'il se présente des 
associations à des systèmes compliqués. Même en des 
cas où les systèmes subissent des variations beaucouf} 
moins importantes, qui n'influencent pas même les 
dimensions des molécules, on est contraint à renoncetm 
à l'hypothèse que les quantité a et h sont des cons 
tantes. Mème dans la première série de vérifications dé 
l'équation critique (avec l'acide carbonique d’après 
les expériences d'Andrews), l’auteur trouvait que Y 
augmente avec la tempértaure; seulement, la réflexion 
que fa manière dont » dépend de { était inconnue 
lui a fait détourner les yeux de cette variabilité. Déjæ 
la remarque que la valeur de la chaleur spécifique à 
volume constant des matières à molécules composées 
ne s'accorde pas avec celle qu'on trouve dans le cas de 
matières mono-atomiques mène à la conclusion que, à 
côté des mouvements des molécules, on est obligé des 
supposer l'existence de mouvements intérieurs, mous 
vements atomiques; d'un autre côté, l'observation que 
ce mouvement atomique devieut de plus en plu 
violent à mesure que T augmente, fait présumer qu'et 
verité les molécules sont plus grandes à des tempéras= 
tures élevées qu'à des températures basses. Ainsin 
l'équation critique aux valeurs invariables de a et h ne 
saurait être de rigueur que pour les matières monos, 
atomiques ; l'application de cette équation à des mà 
tières aux molécules composées ne constitue qu'une 
approximation grossière. Dans la séance du 9 octo 
bre 1898, l’auteur a déjà indiqué que nous serons. 
obligés de considérer les molécules comme des orgas 
nismes qui varient avec p et T, de manière qu'il 
y ait lieu de parler de l'équation critique de la molécules 
Depuis, à l’aide de l'équation viriale, il a déduit une, 
équation de ce caractère. Seulement plusieurs points 
délicats, surtout le rapport entre la force vive d 
mouvement atomique el celui du mouvement molé= 
culaire à des températures diverses, et la question de 
la relation de ce rapport avec le degré de condensatio 
de la matière, ne pouvant être décidés que par des” 
raisons de probabilité, l'auteur a cherché d’autres. 
moyens de vérification, d’abord en se servant de consis 
dérations principalement thermo-dynamiques, ensuite 
en s'occupant de la théorie du mouvement cyclique 
Dans cette partie-ci, cette dernière théorie est appliquée 
au cas de molécules qui se composent de deux atomes 
une communication suivante contiendra l'applicatio 
de cette théorie au cas de molécules qui se composent de 
plusieurs atomes et l'étude de l'influence de la varie 
tion de D avec la température sur l'équation critique 
P. H. ScHoure. 


Le Directeur-Gérant : Louis OLIVIER. 


Paris. — L. MARETHEUX, imprimeur, 1, rue Cassette. 


412: ANNÉE 


DIRECTEUR : 


15 AVRIL 1901 


—1 


Î Revue générale 


DCS Scienc 


pures el appliquées 


LOUIS OLIVIER, Docteur ès sciences. 


Adresser tout ce qui concerne la rédaction à M. L. OLIVIER, 22, rue du Général-Foy, Paris. — La reproiluction et la traduction des œuvres et des travaux 
publiés dans la Revue sont complètement interdites en France et dans tous les pays étrangers, y compris la Suède, la Norvège et la Hollande. 


$ 1. — Astronomie 


a nouvelle étoile de Persée. — M. Anderson, 
bien connu déjà du monde astronomique par ses nom- 
Mbreuses découvertes d'étoiles variables, signalait, le 
2 février 1901, à Edimbourg, la présence d'une nou- 
telle étoile bleuâtre, de grandeur 2,7, dans la constel- 
lation de Persée: la position approchée du nouvel 
astre est : 


AR — 3h24m95; D — 


Lil tire une importance particulière de la rapidité 
dec laquelle son éclat peut varier. Ainsi, le 23 février, | 
tte éloile devient plus éclatante qu'une étoile de | 
première grandeur, et MM. Robert et Rossart la trou- 
nt plus brillante que la Chèvre, tout en restant 
nférieure à Sirius; puis elle diminue très rapidement, 
omme l'indiquent les déterminations de MM. Luizet et 
eslandres : 


430341 


Grandeur. 
26 février à Sh45m UT Er ds | 
IT SR NO ER A EL 
27 — à 10h20 1,9 
27 — à 11n90 2,0 
OT — à 14h40 2,1 
21 — à 12h 0 PAU | 
1er mars à 8h45 D ANA D 
3 — 2,4 
8 — 3,1 


Cependant M. Rayet, à Bordeaux, détermine immé- 
atement le spectre de cette Nova : il trouve des lignes 
illantes à grand écart dans le vert et le bleu, et par- 
culièrement celles de l'hydrogène. M. Deslandres, à 
udon, reprend l'étude plus détaillée et plus instruc- 
de ces spectres, tandis que l'Observatoire de Paris, 
loujours absorbé par des cartes et des catalogues, 
apporte encore aucune contribution à la connais- 
nce du nouvel astre. 
“C'est surtout en regardant l'histoire des éloiles va- 
bles où temporaires, que l’on comprendra tout l'inté- 
t que suscitent pareilles apparitions, et les problèmes 
entiels qui se posent ainsi pour la Cosmogonie : En 
avant notre ère, Hipparque apercut dans la constel- 
ion du Scorpion une étoile brillante qu'il n'y avait 


Point encore vue, et c'est, selon Pline, ce qui lui sug- 


REVUE GÉNÉRALE DES SCIENCES, 4901. 


CHRONIQUE ET CORRESPONDANCE 


géra l'idée de faire un catalogue d'étoiles; en 123 de 
notre ère, pareille apparition dans la constellation 
d'Hercule; en 173, dans le Centaure, une étoile qui 
put être observée pendant huit mois par les Chinois, 
et passa successivement par toutes les couleurs; en 336, 
pendant quatre mois, dans le Sagittaire; en 393, dans 
le Scorpion ; en 1011, dans le Sagittaire; en 1203, dans 
le Scorpion; en 1230, dans Ophineus. Mais, en Europe, 
l'étude du ciel allait se développer; bien des faits ana- 
logues élaient signalés, et, en 1572, l'attention se porta 
particulièrement sur la Pélerine, la nouvelle étoile 
signalée dans Cassiopée par Tycho-Brahé. 

La Pélerine brillait d'un éclat supérieur à celui de 
Jupiter et, avec une bonne vue, on pouvait la voir 
pendant le jour, en plein midi; elle resta blanche pen- 
dant deux mois, puis se mit à passer au jaune, tandis 
que son éclat diminuait; en juillet 1573, elle n'était 
plus que de 3° grandeur, élant passée du jaune au 
rouge, et commençait à redevenir blanchâtre. Enfin, 
en mars 1574, après avoir brillé dix-sept mois, elle dispa- 
raissait entièrement et, malgré des données assez pré- 
cises sur la fixité de sa position, on ne la put jamais 
revoir. 

Le 10 octobre 1604, J. Brunowsky, élève de Képler, 
signalait une étoile presque aussi remarquable qui 
devait disparaitre vers janvier 1606; c'est la nouvelle 
du Serpentaire, ou étoile de Képler. En 1600, Janson 
avait également signalé ane étoile dans le Cygne; elle 
posséda un éclat variable, fut observée par Képler, 
Cassini, Hévélius, et conserve aujourd'hui encore un 
état stationnaire de 5° grandeur. 

Mais la découverte la plus importante pour la théorie 
de ces phénomènes fut celle de la /erveilleuse de Ja 
Baleine (Mira Ceti), le 16 décembre 1638, par Holwarda ; 
cette éloile, il est vrai, avait été déjà cataloguée par 
Bayer avec un autre éclat, mais elle était plus brillante, 
peut varier de la 3° à la 9° grandeur, et la courte 
durée de sa période allait permettre les plus précieuses 
déterminations. 

Aujourd'hui, l'on connait environ 500 étoiles varia- 
bles; pour plus de la moitié d'entre elles les variations 
d'éclat sont reconnues périodiques; parmi les autres, 
les unes seront ultérieurement reconnues comme pé- 
riodiques, à cause de la durée élevée de leur période ; 


7 


298 


CHRONIQUE ET CORRESPONDANCE 


d'autres n'étaient que ‘temporaires, ont entièrement 
disparu, ou disparaîtront pour toujours. Les courbes 
d'éclat des Nov ou temporaires peuvent présenter les 
plus grandes singularités; nous donnons ici pour 
exemple (fig. 1) celle de la Prima Nova de 1885 (S. Andro- 
mède), d'après les déterminations d'Oxford et de Hart- 
wig, Pritchard et Charlier. On remarquera, dans ce cas, 
la rapidité des variations qui peuvent être, cependant, 
encore beaucoup plus précipitées, comme dans le cas 


Aout Sept Octobre Novembre Décembre 


gr __ 2 8 18 28 8 18 28 7 17 7 17 


Fig. 1. — Variation d'éclat de S Andromède (1885). 


de T Cocher. D'ailleurs, l'étude des clichés photogra- 
phiques montre qu'il y a beaucoup plus d'étoiles varia- 
bles que l’on ne croit d’après l'observation directe. 

Pour les étoiles périodiques proprement dites, il 
faudra tenir compte de leurs variations de coloration, 
et de l'influence du mouvement de la Terre;les périodes 
peuvent être inférieures à 3 jours comme supérieures 
à 500 jours; la période moyenne présente de nom- 
breuses irrégularités, les unes périodiques, d’autres 
séculaires, et l’on entrevoit la délicatesse et l'intérêt 
de telles études. À Harvard College, M. Pickering a or- 
ganisé des observations régulières et des circulaires 
pour la connaissance des étoiles variables; c’est là une 
initiative heureuse et très importante, et nous ne de- 
vons pas oublier que chez nous, à Lyon, sous la direc- 
tion de M. André, l’on s'occupe aussi très activement 
de ces problèmes si utiles. 

Pour les périodiques, en particulier, l'hypothèse de 
Lockyer est encore une de celles qui répondent le mieux 
aux apparences, et qui soient le plus plausible : chaque 
étoile, au lieu d'être analogue au Soleil, serait un 
essaim de météores et pourrait être accompagnée d’un 
essaim satellite sur une trajectoire elliptique (fig. 2). 
Alors, au périastre, il y a pénétration des essaims, coili- 


Fig. 2. — Zioile en essaim avec un essaim satellite. 


sion de leurs éléments, d'où augmentation de lumière; 
si l'on veut, le corps central pourrait avoir une atmo- 
sphère étendue où le satellite créeraitune pluie d'étoiles 
filantes. Reste à étudier plus en détail la nature de 
ces essaims et de leurs trajectoires. 

Ou bien encore existe-t-il des corps obscurs, des 
satellites obscurs, comme celui dont la présence parait 
si vraisemblable dans le cas d'Algol. 

Mais la spectroscopie allait bientôt faire entrer l'étude 
des étoiles variables dans une voie nouvelle et féconde : 
en 1866, Barker et Courbebaisse trouvent une Nova, T 
de la Couronne, qui est encore aujourd’hui de grandeur 


9,5, et à laquelle Sir Huggens applique la spectroscopie 
pour la première fois; il trouve un spectre caractérisé. 
par les raies brillantes et larges de l'hydrogène, qui 
devaient être reconnues semblables, plus tard, à celles 
des protubérances éruptives du Soleil. La Nova du 
Cygne (1876) présente un spectre continu, avec es 
raies des protubérances, au moment des maxima d'a 
tivité solaire; bientôt l'éclat diminue, le spectre 
débarrasse de la partie continue, et finit par ne plus 
présenter que les raies caractéristiques des nébuleuses: 
La Nova de 1885 présente un spectre continu. La Nova 
du Cocher (1893) présente les raies de l'hydrogène el 
du calcium : chaque raie est double, la composante 
noire étant déplacée vers le violet, la brillante vers l& 
rouge; l'intervalle des deux raies correspond à une 
vitesse radiale de 1.000 kilomètres-par seconde, et fait 
penser à l'existence de deux astres qui marcheraient 
lun vers l’autre avec une vitesse considérable ; — puislé 
spectre s’est résolu dans celui des nébuleuses. | 
Pour la nouvelle étoile de Persée, les apparences 
sont analogues, mais les raies, brillantes et noires 
sont beaucoup plus larges. L’astre présente-t-il dont 
trois’ masses gazeuses, sans pressions sensibles, anis 
mées les unes par rapport aux autres de vitesses diff 
rentes? Est-ce une seule masse à très haute pression, 
qui est devenue brusquement le siège de phénomènes 
électriques très intenses? S'agit-il de deux corps qui 
se rapprochent très rapidement, l’un d'eux étant peut= 
être à l’état nébuleux? C’est là l'hypothèse vers laquelle 
paraît incliner M. Deslandres, qui a fait une étude dé 
taillée des spectres de la Nova d’Anderson. 
Enfin l'apparition actuelle a fait naître une nouvelle 
hypothèse sur les étoiles à proprement parler tempo 
raires : admettons, vu la complexité de son spectre, 
que l'oxygène ne soit pas un corps simple ou, si l'on 
veut, qu'il se dissocie aux très hautes températures, 
fait qui correspond à ce que l’on ne peut en déceler la 
présence dans les enveloppes gazeuses qui surmontent 
la photosphère solaire, ni dans la chromosphère, ni 
dans l'atmosphère coronale; alors cependant, comme 
l'oxygène existe partout, lorsqu'une étoile se refroidits 
il peut cesser d’être dissocié, se combiner avec l'hydro 
gène, créer ainsi une température très élevée, d’où 
lumière. Mais cette combinaison engendre de la vapeur 
d’eau qui vient rapidement diminuer le rayonnement 
et l’astre paraîtra s'éteindre. — Telle est l'hypothèse de 
M. Janssen. 
On voit l'importance des problèmes soulevés par les 
étoiles variables. Peut-être la nouvelle étoile de Persée 
est-elle, de la sorte, un astre mourant. Et, d'abord 
est-ce une variable vraie, une variable périodique où 
une étoile temporaire? C'est ce que nous espérons 
savoir bientôt. | 


— Mécanique 


Les lignes superficielles qui apparaissent 
dans le sciage des métaux. — M. Ch. Frémonta 
fait récemment sur ce sujet d’intéressantes expériences 
Quand on scie des métaux laminés ou simplement 
coulés tels que le fer, les aciers de toutes nuances; 
la fonte, le cuivre, le laiton, le bronze, etc., il apparaît 
sur les deux faces résultant de ce sciage des lignes 
autres que celles qui sont occasionnées par le trait de 
scie. Le phénomène ne dépend ni de la nature des 
métaux mis en œuvre, ni de particularités de leur 
structure. En éclairant obliquement une des sections 
obtenues, on observe, sous une incidence convenable 
une succession de bandes étroites, alternativement 
claires et sombres; l'apparence peut, d'ailleurs, être 
inversée par une rotation de 480° de la plaque, les 
parties claires devenant sombres, et les parties sombres! 
s'éclairant à leur tour. Cet effet de lumière accuse entre 
deux bandes consécutives une légère dénivellation; 


quelquefois perceptible au toucher, accompagnée d'un 


ressaut rarement brusque, mais plutôt arrondi. Ces 
bandes, de deux en deux en creux ou en relief, sont 


CHRONIQUE ET CORRESPONDANCE 


299 


rallèles entre elles, et ohéissent à cette loi simple 
dètre également parallèles aux deux bords opposés 
traversés par la scie. Les choses se passent comme si les 


pl. — Lignes de sciage d'un bloc attaqué parallèlement 
é aux côtés. 


ux profils étaient transportés par le sciage parallèle- 
ent à eux-mêmes, à des intervalles déterminés et 
onstants. 

Quand les bords opposés, dont elles reproduisent le 
profil, sont deux lignes parallèles, comme dans une 
Mbarre à section carrée ou rectangulaire, et que le sciage 


tés opposés, il n'y a qu'un seul système de lignes : 
essont des droites parallèles ayant alors le maximum 
“largeur (fig. 1). Si le sciage esteffectué dans la même 
rre suivant une diagonale de la section rectangu- 
re, le profil attaqué par le trait de scie est un angle 


Mig. 3. — Lignes de sciage d'un profil triangulaire 
superposé à un profil rectangulaire. 


voit ; il y a alors deux systèmes de lignes (fig. 2). Sila 
e est triangulaire, il y a deux systèmes de lignes 
allèles aux deux côtés du triangle et inclinés par 
rapport au trait de scie. Si la barre a pour section un 


angle superposé à un rectangle, on retrouve les deux 


systèmes de lignes suivant la même loi (fig. 3). Quand 
la barre est cylindrique, les deux systèmes de lignes sont 
composés d’arcs de cercle (fig. 4). Quand le profil est com- 
plexe, c'est-à-dire composé d’arcs, de lignes droites ou 
brisées, elc., les deux systèmes de lignes sont toujours 
des parallèles aux profils des bords attaqués par le 
trait de scie (fig. 5). 

Il est à remarquer que les deux systèmes de lignes, 
venant des bords opposés, vont l’un vers l’autre; 
que les lignes se rencontrent, se coupent et se dé- 
passent; aussi voit-on parfois, près d'un des bords du 
morceau de métal scié, les traces des lignes prove- 
nant du bord opposé. Quand les bords opposés sont 


lig. 4. — Lignes de Sciage d'un cylindre, 


asymétriques, les deux systèmes de lignes paraissent 
s'affaiblir en se rencontrant. Il peut y avoir, dans cer- 
lains cas, un troisième système de lignes ; ainsi, dans 
le sciage d'une barre à seclion carrée sciée suivant la 
diagonale (fig. 6), on voit, en plus des deux systèmes 
de lignes constatés, un troisième système produit par 
un mouvement vibratoire supplémentaire occasionné, 
semble-t-il, par un serrage élastique de la barre pendant 
l'opération du sciage. 

Ces lignes sont différentes des lignes de Lüders, car 
elles sont constantes, régulières, géométriques et de 
forme déterminée, obéissant toujours à cette même loi 
d'être parallèles aux profils des bords attaqués par le 


Fig. 5. — Lignes de sciage d'une barre à profil complexe. 


trait de scie. Ces lignes semblent, à première vue, repré- 
senter des ondes stationnaires résultant d'un mouve- 
ment vibratoire. 

Dans une discussion qui a eu lieu à la Société fran- 
caise de Physique sur cette question, M. A. Cornu à 
assigné à la voie de la scie la cause première du phé- 
nomène, Il ne faut d’ailleurs pas s'étonner de voir des 
lignes superficielles périodiquement espacées se pro- 
duire dans ce cas, car, quel que soit le mouvement de 
la scie, il tend toujours à se transformer en un mou- 
vement périodique défini par les lois de l’élasticité. 

Depuis lors, M. Vasseur s'est livré à une étude plus 
approfondie du phénomène. En se servant d’une scie à 
ruban neuve, il a constaté que la largeur des sillons 
était précisément égale à l'intervalle de deux dents 
successives de la scie employée; les résultats étaient 
beaucoup plus nets avec une scie neuve, ayant encore 


300 


CHRONIQUE ET CORRESPONDANCE 


< 


toute Ja voie donnée par le fabricant, qu'avec une scie 
usée. 

Voici comme on pourrait expliquer, d'après M. Vas- 
seur, la production des lignes observées: 

Examinons de champ une scie à ruban marchant 
dans le sens AB (fig. 7), et considérons le moment où 


Fig. 6. — Systôme triple de lignes de sciage. 


une dent déversée à droite d! est en train de creuser 
* son sillon, les dents déversées à gauche se trouvant, 
celle qui la précède déjà dans le métal, celle qui la 
suit sur le point d'atteindre la surface. La réaction du 
métal sur la dent a une composante horizontale f qui 
tend à rejeter vers la gauche la lame de la scie, et 
l'extrémité de la dent d! 
est plus à gauche que sa 
position normale. 
Au moment la dent g° 
va rentrer en prise, elle 


PRE NE 
RS > 


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= 8 


B Fig. 8. 

\( . ‘ 
Fie. 7 subira, de la part du mé- 

EN tal, une réaction dont la 


composante horizontale / 
tendra à ramener vers la droite la lame de scie, et, 
par suite, la dent d! creusera, à partir de ce moment, 
un sillon à, à,, à droite du prolongement de l'élément 
précédent à, &,; pour la même raison, la dent ÿ! 
travaillera à droite du sillon y, y, qu'elle vient de faire. 

Le mouvement de balancement alternatif à droite et 
à gauche se continuera ainsi régulièrement au moment 
de l'entrée en prise des dents successives de la scie. Ce 
mouvement, ayant son origine à la surface CD, tandis 
que la scie subit un effort de traction du côté de B, ira 
en diminuant d'amplitude à mesure que l'outil péne- 
trera dans le métal, et les sillons produits auront une 
profondeur de moins en moins grande. 

A la sortie (fig. 8), le mouvement inverse se produira; 
au moment où la dent d, quittera le métal, la réaction 
qu’elle subissait de la part de lamatière venant à 
cesser, la lame se reportera vers la droite et la dent 


fn Creusera un sillon à droite de l'élément qu'elle 
creusait précédemment. 
En résumé, le travail de la scie produira deux séries dé 
sillons dont la largeur sera égale à l'intervalle de de 
dents, et qui auront pour limites des lignes qui seroni 
respectivement les copies des profils d'entrée et d 
sortie de la scie dans la pièce travaillée; ces deux 
séries de lignes sont indépendantes l’une de l'autre 
elles peuvent se croiser, leur netteté va en diminuatif 
depuis les bords vers le centre de la pièce. 


$ 3. — Chimie 


Méthode de séparation du glucose d’avet 
le maltose. — Cette méthode, due à M. A. C. Hill 
consiste essentiellement à éliminer le glucose du 
mélange par la fermentation au moyen du Saccharo: 
myces Marxianus, un ferment, qui, comme l'a observé 
Hansen en 1888, n'agit point sur le maltose. Pour être 
réellement pratique, la méthode doit être conduite 
avec certaines précautions. On peut, par exemple, opérer 
de la manière suivante : Une culture pure du ferment: 
qui a été lavée à plusieurs reprises avec de l’eau puré 
stérilisée, est ajoutée à la solution des deux sucres de 
laquelle on désire retirer le maltose. Cette solution 
doit contenir 10 °/, au maximum du mélange des deux 
sucres, et être à la température d'environ 25-290, 

La fermentation se poursuit lentement en l'absence 
de matières protéiques et sans multiplication notable 
des cellules du ferment. Quand le dégagement d'acide 
carbonique à presque cessé, le mélange est porté à 
400° et filtré. On additionne alors le liquide d'u 
liers de son volume d'alcool, et on évapore le tout dans 
le vide à basse température; le sirop épais résultant 
convenablement traité par l'alcool à 80-85 °/,, donne 
le maltose cristallisé et blanc du premier coup. é 


$ 4. — Zoologie 


Le Laboratoire de Biarritz. — Les laboratoires 
de Zoologie maritime sont déjà nombreux en France, 
mais l'examen de leur répartition géographique montre 
une lacune assez grave : dans le golfe de Gascogne, au 
sud d'Arcachon, on ne trouve plus que l’annexe de 
Guéthary, stalion qu'ont fait connaître, il y a déjà 
longtemps (1847), les recherches de De Quatrefages, 
mais que son éloignement d'un centre important com 
damne à être le plus souvent inutilisée. 

Le fond du golfe de Gascogne présente cependant des 
conditions particulières; des études récentes ? montrent 
que de nombreux courants y viennent converger. Aü 
nord de Biarritz commencent les dunes, indice de 
fonds sableux, dont la faune peut être étudiée à Arcæ 
chon. Cependant, l'estuaire de l'Adour, et surtout Me 
Gouf de Cap Breton déterminent, au voisinage de Bians 
ritz, des conditions spéciales dont les recherches du 
marquis de Folin ont déjà montré l'intérêt. 2 

De Biarritz à la Bidassoa, les falaises sont le plus so 
vent constituées par des calcaires marneux, qui fo 
prévoir une faune et une flore différentes de celles de 
côtes landaises; pour ne citer que les Mollusques, dont 
H. Fisher a publié récemment une liste‘; on y peub 
remarquer un assez grand nombre d'espèces où de 
variétés méridionales (lusitaniennes ou méditerra 
néennes). | 

Pendant le Congrès de pèche qui s'est tenu à Biarril# 
en 1899, les naturalistes qui y assistaient, frappés pa 
ces considérations, ont regretté l'absence d'un labo 
toire de Biologie. L'idée d'en créer un est alors venuë 
à une Société scientifique locale, Biarrilz-Association 
grâce à l'appui de la municipalité biarrote, le projetæ 
pu être mené à bonne fin et un laboratoire, encore 
bien modeste, s'élève auprès du rocher de la Vierges 


1 A. C. Irc : Chem. Soc., n° 234, p. 45. 
? HauTreux. La Géographie, T.1. 
3 Travaux du Laboratoire de Wimereux, T. VIH. 


CHRONIQUE ET CORRESPONDANCE 


301 


ez loin des centres de Ja vie mondaine, pour que les 
naluralistes aient tout le calme et la tranquillité néces- 
“saires à leurs travaux. 


$ 5. — Sciences médicales 

a préparation des produits opothéra- 
ques. — La très vieille opothérapie a justement 
pris, depuis un certain temps, une place honorable 
ans la Thérapeutique. Peut-être même en a-t-on un 
Bu abusé; mais, en somme, à part la thyroïdine, qui 
“entrainé quelques accidents dont la cause reste encore 
obscure, ses produits semblent pouvoir être employés 
s danger, à la condition qu'on en use avec discer- 
ent. 
Nous examinerons ici non leur fonction toxicolo- 
ue, mais simplement leur fabrication et leur emploi. 
La fabrication est à la fois des plus élémentaires et 
des plus délicates. Une des principales questions pour 
btenir un produit réellement efficace, c'est de choisir 
les organes parfaitement saius et aussi frais que pos- 
le. Le mieux est d'employer ces organes aussitôt 
mimal abattu. Chaque préparateur peut, naturelle- 
nt, recourir à des procédés différents. Quelques-uns, 
Jinstar de l’autruche, cachent soigneusement leur 
anière de faire. Deux praticiens seulement ont bien 
oulu répondre à notre demande de renseignements ; 
e sont : M. Flourens, de Bordeaux, et M. Varenne, de 
ris. Voici le procédé de M. Flourens : 
L'animal est choisi très sain, d'un bel aspect. Aussitôt 
juil est abattu, on enlève l'organe, on le porte dans un 
vase très propre au laboratoire, on le hache finement, 
on le sèche mécaniquement et très rapidement à l'air 
froid, puis on le met à l’étuve à 37° en présence de 
ucre. Lorsqu'il est complètement sec, on le pulvérise, 
s on le passe au tamis de soie très fin. On met le 
fout en pâte avec de la gomme et de l’eau, puis on 
ivise en pastilles ou en pilules. 
M. Flourens insiste avec raison sur la nécessité de 
extrème division de l'organe, l’état parfaitement sain 
éla glande et l’ensemble des soins dans la fabrication. 
ee donne, paraît-il, d'excellents résultats. Il 
nble, en effet, rationnel et bien appliqué. 
M. Varenne n'opère pas de la même manière. Bien 
endu, comme M. Flourens, il prend des organes 
olument sains, aussitôt l'animal abattu. Ce point est 
Ssez difficile à réaliser à Paris; il faut pour cela avoir 
les alliés parmi les égorgeurs des abattoirs. Mais on 
oit reconnaître qu'ils mettent généralement beaucoup 
& bonne volonté et même de l'amour-propre à exé- 
ter le mieux possible ces petites opérations. Aussitôt 
ane extirpé, on le met dans un récipient contenant 
a glycérine et du sucre, mélange préalablement 
ilisé à 115°. Le lendemain l'organe est très finement 
broyé dans un appareil spécial, soigneusement stéri- 
sé, puis la pulpe ainsi obtenue est versée dans une 
uantité déterminée de vin (généralement : muscat, 
nache, porto, ete., ces vins étant pasteurisés); puis, 
ès dix à douze jours de macération, le vin est fil- 
; etc., et enfin prêt à être employé. Il est bien évi- 
t que, par ce même procédé, on pourrait également 
enir des produits solides. 
Bien que l’auteur n'ait pas exploité commercialement 
produits, il en a cependant fait usage en de nom- 
breuses circonstances, et les résultats ont été des plus 
urageants. 
es produits les plus employés en opothérapie sont 
suivants : D'abord, par ancienneté, il convient de 
er les préparations orchidiennes que l'illustre et 


regretté Brown-Sequard à remises en honneur. On les 
a conseillées contre Ja faiblesse générale, l'ataxie, l'im- 
puissance, la sénilité, à la dose de 2 à 5 grammes d'’or- 
gane frais par jour. ; 

La médication ovarienne (dose 0 gr. 50 à 2 grammes 
d’ovaire frais de brebis) a été conseillée contre l'amé- 
norrhée, les troubles de la ménopause et la chlorose. 
Mais on ne saurait se montrer trop prudent dans l’em- 
ploi de médicaments aussi actifs, et dont tous les effets 
sont encore loin d'avoir été précisés. 

Les préparations {Ayroïdiennes semblent actuelle- 
ment les plus employées. Le célèbre chirurgien géne- 
vois Reverdin mit en évidence, en 1882, l'importance 
de la glande thyroïde; puis Schiff, en 1884, Gley, etc., 
ont fait à ce sujet d’intéressantes expériences. C'est là le 
sujet opothérapique qui a été le plus étudié. Les doses 
de glande thyroïde fraiche (mouton), sont de 0 gr. 50 à 
{ gramme par jour. Il est important de noter, à ce sujet, 
que Gley (Société de Biologie, 31 juillet 4897), a établi 
que la thyroïdine existe en plus grande quantité dans 
les glandes parathyroïdes que dans la glande thyroïde 
elle-même, ce qui établirait l'importance de ces glan- 
dules dans la fonction thyroïdienne. 

On a essayé d'appliquer le traitement thyroïdien à 
une foule de maladies, trop, peut-être; mais il y a eu, 
et il y a d’incontestables succès. Il paraît certain que 
le goitre, la maladie de Basedow, le myxædème sous 
ses différentes formes, ont élé très avantageusement 
combattus par la médication thyroïdienne. En parti- 
culier, Guttmann a considéré dans l'obésité l'extrait 
thyroïdien comme le spécifique de cette dystrophie. 

Le thymus est employé à la dose de 2 à 3 grammes 
par jour contre le goitre exophthalmique, et le goitre 
kystique. — Produit encore peu connu. 

Le rein semble agir contre l’albuminurie, la néphrite, 
le diabète, l'urémie (?). Dose : 2 à 5 grammes de rein 
de mouton par jour. — Mais en ce cas, comme en 
d'autres, pourquoi pas la vieille opothérapie culinaire, 
c'est-à-dire un bon rognon...”? 

Les capsules surrénales, si bien étudiées par Abelous 
et Langlois, ont, dit-on, réussi contre la maladie bronzée 
d'Addison et aussi contre certaines affections cardiaques. 
Dose : 2 à 3 grammes. 

Le D' Brunet, médecin de la Marine, a conseillé le 
sue pulmonaire contre les affections diverses de la poi- 
trine. Ce.n'est peut-êlre pas sans raison, car il nous 
semble que le sirop de mou de veau était jadis classique. 
Mais il faut se garder de conclusions trop simplistes, 
et d'ailleurs encore tout à fait hasardées. 

La rate aurait une valeur incontestable dans la ca- 
chexie palustre ; elle agirait aussi dans l’anémie et la 
chlorose (?). Dose : 1 à 3 grammes par jour. Nous ne 
donnons ces indications qu'à titre d'exemple de ce qui 
se pratique, car, encore une fois, sur tous ces points, la 
science, il faut en convenir, n’a pas encore prononcé. 

Le foie, d'après Gilbert et Carnot, serait à conseiller 
dans des cas d'ictère, de cirrhose hépatique, de dia- 
bète (?). Dose : 1 à 5 grammes. 

Le cœur lui-même agirait avantageusement dans les 
irrégularités cardiaques, et le pouls lent permanent. 
Dose : 1 à 3 grammes. 

La moelle osseuse semble avoir réussi contre le ra- 
chitisme et la leucémie splénique. Dose : 0 gr. 50 à 
2 grammes. 

La substance nerveuse a été conseillée par le Dr Cons- 
tantin Paul dans les névroses, les psychoses, l’ataxie. 
Dose : 1 à 3 grammes. 

Quant à la prostate et aux vésicules séminales, etc.., 
on les a naturellement employées. Leur histoire est 
encore trop récente, et nous n'y insisterons pas. 


302 


CHARLES RICHET — LA TUBERCULOSE EXPÉRIMENTALE 


LA TUBERCULOSE EXPÉRIMENTALE 


CONFÉRENCE FAITE A LA SOCIÉTÉ DES AMIS DE L'UNIVERSITÉ DE PARIS 
(14 FÉVRIER 1901) 


Messieurs, 


Je vais vous parler aujourd'hui de la tuberculose 
expérimentale. Vous savez que la tuberculose est 
de toutes les maladies la plus redoutable, et que, 
parmi les fléaux qui sévissent sur l'humanité, il 
n'en est pas de plus cruel. Des statistiques précises 
établissent que la mortalité par les affections tuber- 
culeuses représente à peu près le cinquième de la 
mortalilé totale. Elles atteignent les êtres humains 
dans la force de l’âge, et font mourir après de 
longues et douloureuses souffrances. Done, rien de 
surprenant à ce que médecins et physiologistes 
unissent leurs efforts pour combattre ce mal 
terrible. 

Ce que je voudrais ici vous exposer, très sommai- 
rement, {rop sommairement peut-être, ce sont les 
travaux des expérimentateurs, travaux qui nous 
ont permis d'avoir des notions si pénétrantes et si 
utiles sur la maladie elle-même, sur ses causes et 
sur son lraitement. 


Pour aborder avec fruit cette étude, il faut com- 
mencer par donner un apercu, très rapide, des 
grandes phases par lesquelles ont passé les con- 
naissances médicales sur la tuberculose. 

Une première longue période va d'Hippocrate 
à Laënnec. 

Les observations, etles théories plus encore que 
les observations, s'accumulent. Faits épars, données 
multiples, documents incomplets, confus, mal obser- 
vés, mal racontés, le plus souvent mêlés de supers- 
titions étranges. Nul lien ne rattache ces inutiles 
travaux. Au milieu de tout ce faltras incohérent, 
c'est à peine s'il se trouve de loin en loin quelque 
juste remarque à glaner. En somme, c’est très peu 
de chose. Dans les galeries poussiéreuses de nos 
vastes bibliothèques, des observations innombra- 
bles sont accumulées, qui dorment d'un vénérable 
oubli. Ne les réveillons pas. Il n’y a rien de bon à 
puiser, elce n'est pas sans quelque mélancolie qu’on 
voit tout cel immense labeur humain aboutir à 
un si mince résultat. 

En réalilé, quoique le mot de tuberculose ait 
été prononcé par les anatomo-pathologistes du 
dix-huitième siècle, tout est resté confondu jusqu'à 

.Laënnec. En 1819, Laënnec, précédé de quelques 
années par Bayle, créa de toutes pièces la nosogra- 


phie de la maladie tuberculeuse. Il montra quui 
produit pathologique, de forme spéciale, le tubers 
cule, peut se rencontrer dans tous les organes 
dans le poumon, dans le périloine, dans le cerveau 
dans le‘foie, dans la rate. Celle maladie, que 
Laënnec décrivit avec précision, c'est la tuberculose 
dont il aftirma l'unité. 

Après Laënnec, séduits par les brillantes con 
quêtes de l'Anatomie pathologique et des naissante 
investigations microscopiques, les médecins 
livrèrent à de longues et laborieuses études; mais 
ces travaux n'apportèrent aucune lumière ni 
l’étiologie, ni à la nature, ni au traitement de 
l'affection tuberculeuse. Il se commit même uné 
erreur singulière. Un grand anatomiste, dont il ne 
faut prononcer le nom qu'avec respect, — car ill 
introduit dans la science, qu'il aimait passionné: 
ment, des idées nouvelles et fécondes, — Rodolphe 
Virchow, a fait faire à l'étude de la tuberculose 
pas en arrière. Il eut la funeste idée de brise 
cette ünilé nosographique que Laënnee avait et 
tant de peine à établir, et de supposer deux tubers 
culoses : la forme caséeuse et la forme tuberew 
leuse proprement dite. 

Pendant longtemps les médecins de tous pa S 
suivirent aveuglément celte erreur de Vircho 
encombrant les livres et l'enseignement de distines 
tions subtiles, absolument erronées, sur cette soi 
disant différence entre les deux phtisies. On ensei 
gnait des axiomes lels que celui-ci : le plus gra 
danger pour un phtisique, c'est de devenir tubers 
leux, — à moins, il est vrai, que ce ne soit l'in 
verse. — Bref, méconnaissance complète de 
nature de la maladie tuberculeuse. Aussi bien 
comme tout à l'heure pour les prédécesseurs dé 
Laënnec, nous sommes forcé de dire que le long 
effort des successeurs de ce grand médecin, di 
1820 à 1865, n'a donné que très peu de résultats 
nolables, et qu'il n'ya aucun profit à tirer de à 
lecture de tous ces livres, journaux, revues 
mémoires, qui se sont enlassés pendant un dem 
siècle. 

Nous arrivons enfin à l'expérimentation. En 1865 
date mémorable dans l'histoire de la science méd 
cale, Villemin fit une expérience fondamentale 5 
élablit que la tuberculose était une affection conta 
gieuse. 

Certes celle contagiosité de la tuberculose avail 
été soupconnée depuis longtemps. Mais il y à loi 


+ 


CHARLES RICHET — LA TUBERCULOSE EXPÉRIMENTALE 


303 


d'une opinion hypothétique incertaine à une dé- 
monstration rigoureuse, de sorte que la gloire 
d'avoir élabli la contagiosité et l'inoculabilité de la 
tuberculose revient tout entière à Villemin ! 

Il fit un petit nombre d'expériences, cela est 
Lyrai, mais ces expériences étaient tellement pré- 
cises qu'elles ont, mème alors, entrainé la convic- 
tion de tous ceux — ils ne furent pas d’abord bien 
nombreux — qui ont consenti à les examiner sans 
arti pris. 

“Villemin inocula à quelques lapins des crachals 


devant l'accueil de l’Académie de Médecine. 
Lorsque Villemin présenta ses expériences, il y 


cadémie, sans exceplion, et les médecins les plus 
illustres de cette époque, Béhier, Pidoux, Piorry, 
Guéneau de Mussy, Bouillaud, Hardy, etc., tous 
fépondirent à Villemin, pour essayer de le con- 


s objections théoriques! Et quelles objections! 
Mai relu celte longue discussion, qui se prolongea 
an, et je dois dire qu’elle n’est guère instruc- 
live au point de vue scientifique. En revanche, elle 
est bien curieuse comme étude psychologique. 
le montre à quel point les idées nouvelles, même 
les plus élémentaires et les mieux justifiées, ont 
peine à entrer dans la science classique, et quelles 
mauvaises raisons on est habile à découvrir pour 
se refuser à admettre l'évidence. 

Prenons, pour mieux en juger, quelques-uns 
s arguments qui onLélé alors opposés à Villemin, 
guments présentés, je le répète, non par les pre- 
Miers venus, mais par des académiciens célèbres. 
La première objection est un syllogisme simple 
èt étrange. Si la phlisie était contagieuse, on le 
saurait depuis longtemps; or on ne le sait pas, donc 
elle n'est pas contagieuse. 

M. Peter, un des adversaires les plus acharnés 
de Villemin, comme il le fut de Pasteur, s'écriait, 
plein d’indignation : « Mais si la phtisie était con- 
tagieuse, il n'y aurait plus d'étudiants en méde- 
cine, ni de malades, ni d'infirmiers; il n'y aurait 
plus personne, et les villes seraient de vastes 
cimetières! » 


Les discours de M. Pidoux ont occupé, bien inu- 
tilement, deux grandes séances de l'Académie. 
« Vous dites que la phtisie est contagieuse. Hélas! 
on reconnait bien là les idées néfastes de M. Pas- 
teur, qui prélend qu'il y a des germes, et des ger- 
mes parliculiers, pour chaque maladie. Mais alors, 
si chaque maladie est créée par un germe spéci- 
fique, il y aurait donc un vaccin pour chaque mala- 
die : alors lout progrès en Médecine serait ar- 
rélél! » 

Voilà, Messieurs, quelles étaient les opinions 
médicales en 1867, il y a trente-trois ans, voilà ce 
que pensait l'Académie de Médecine des germes, 
des virus, des vaccins et de la spontanéilé morbide. 

Mais la vérité fait son chemin, quelques obstacles 
qu'on lui oppose, et, quoique Villemin n'ait pas 
trouvé de défenseurs dans les Académies, les So- 
ciélés savantes et les Cliniques, il en trouva dans 
les Laboraloires. De toutes parts, les expériences se 
succédèrent, précises, répétées, pressantes, indis- 
culables, renversant cette absurde idée d'une 
spontanéité morbide, si chère aux médecins d’au- 
trefois, et qui semblait être le dogme fondamental 
de la Médecine classique. On reconnut que le mot 
de spontanéité morbide n’est qu'une ineplie; que 
l'organisme, s’il n’est pas infecté par des parasites, 
n'est jamais malade. Les travaux de notre immortel 
Pasteur ont appris au monde que presque toujours, 
sinon toujours, la maladie, c'est le parasite, et qu'il 
n'y à pas plus de maladie sans parasite qu'il n'y a 
de champ de blé sans que des grains de blé aient 
ensemencé la terre. Voilà ce qui est élabli, voilà ce 
qui est indiscutable, voilà ce que personne ne 
conteste plus aujourd'hui. 

A partir de 1865, tous les travaux de Pathologie 
expérimentale, quels qu'ils soient, n'ont fait que 
rendre plus évidente la contagiosité de la tubercu- 
lose. Cette contagion, qui était d'abord niée avec 
tant d'énergie, a été de nouveau démontrée, tout 
de suite après la découverte de Villemin, par le 
mémorable travail de M. Chauveau, qui, sur ce point 
comme sur tant d'autres, fit de fondamentales 
expériences. Chauveau, en 1868, démontra que, si 
l'on fait ingérer aux animaux des produits tuber- 
culeux, ces éléments infeclieux, malgré l'activité 
des sues digestifs, déterminent la tuberculose, et 
cela fatalement. Sur un lot de quatre génisses, il 
choisit pour témoin celle qui semblait la plus ché- 
tive, et aux trois autres il fil ingérer, par la voie 
digestive, des tissus tuberculeux. Un mois après, 
les trois génisses alimentées ainsi mouraient de 
tuberculose confluente. Le témoin survivait. Done 
la contagiosité de la tuberculose était établie pour 
l'ingestion stomacale, comme elle l'avait été pour 
l'inoculation sous-cutanée. 

Cependant les non-contagionnistes résistaient 


304 


encore; et ce n’est qu'en 1882 que triompha définiti- 
vement la vérilé. La grande découverte de Robert 
Koch compléta et fortifia celle de Villemin. Koch 
découvrit ce que tous les histologistes et les bacté- 
riologistes cherchaient en vain depuis longtemps : 
il trouva le microbe de la tuberculose. Dans un 
travail admirable, modèle de sagacité technique, il 
prouva que, toutes les fois qu'apparaissent dans 
les organes malades des produits tuberculeux véri- 
tables, ces produits sont caractérisés par la pré- 
sence d'un microbe spécifique. 

Certes, il est impossible d'établir une comparai- 
son entre les découvertes des savants; et je n’es- 
sayerai pas de faire un parallèle entre la découverte 
de Koch et celle de Villemin. Tout au plus me sera- 
til permis de dire que cette constatation du microbe 
était prévue, fatale en quelque sorte. Villemin avait 
établi que la tuberculose était contagieuse; Pasteur 
avait démontré que pour toutes les maladies conta- 
gieuses la cause de la contagion et de la maladie 
est un microbe. La découverte du microbe de la 
tuberculose était la conséquence nécessaire de ces 
deux démonstrations. 

Donc Koch découvrit le microbe de la tubercu- 
lose. Il indiqua les procédés qu'il faut suivre pour 
le déceler dans les liquides et dans les tissus mor- 
bides. Mais il fit plus encore. De 1885 à 1894, pour- 
suivant, avec une rare persévérance et une habileté 
technique consommée, ses patientes études, il 
montra que le mierobe lubercuieux, lorsqu'il végète 
dans un bouillon liquide, abandonne à ce liquide de 
culture des substances douées de propriétés extra- 
ordinaires. Il ne s'agit pas de propriétés théra- 
peutiques, comme il l'a cru d’abord téméraire- 
ment, mais plutôt de propriétés inverses, qui 
consistent à aggraver immédiatement la maladie 
tubereuleuse. Mais quoique la tuberculine ne gué- 
risse pas, pourlant la découverte de la tuberculine 
constitue une des plus brillantes conquêtes de la 
Pathologie expérimentale. Le poison soluble sé- 
crété par le microbe tuberculeux a le pouvoir 
étrange de déceler, partout où ils se trouvent, des 
produits tuberculeux. Que l’on injecte de minimes 
parcelles de tubereuline à un individu tubercu- 
leux, une fièvre intense survient, et cette fièvre 
prouve que le malade était tuberculeux. 

Il est bien évident aujourd'hui que cette tuber- 
culine, sur laquelle on avait fondé très légèrement 
de trop vastes espérances, n’est pas le remède de 
la tuberculose. Au contraire, elle l'augmente et 
l'accélère. Elle n’en a pas moins ce grand avantage 
de pouvoir révéler, partout où elle se trouve, l'in- 
feclion tuberculeuse commencante. 

Aussi bien la tuberculine est-elle devenue d'un 
usage général pour permettre de reconnaitre quels 
sont les animaux infectés de tuberculose. Il est 


CHARLES RICHET — LA TUBERCULOSE EXPÉRIMENTALE 


presque impossible, au début de la maladie, de 

décider par un examen, même approfondi, si tels 
ou tels animaux sont tuberculeux. Or, si lon 
injecte à tous les animaux d'une même étable une 
petite quantité de tuberculine, les animaux sainsne 
sont pas atleints et ne réagissent pas à l'injecs 
tion, tandis que les animaux tuberculeux, même 
très légèrement et presque imperceptiblement 
tuberculeux, prennent une fièvre extrêmement 
vive. Ce sont là des faits qui ont passé dans la més= 
decine vétérinaire usuelle. C’est donc à la fois un® 
découverte scientifique importante et une décou 
verte pratique de premier ordre, que la découverte 
de la tuberculine. 


IT 


Je ne vous parlerai pas des travaux innombrables 
des savants qui, après Villemin et Koch, ont étud 
la pathogénie de la tuberculose expérimentale, 
me contenterai seulement de vous indiquer quelques 
données fondamentales dues aux recherches des 
savants qui ont travaillé dans les laboratoiress 
quelques axiomes, si vous me permetlez ce mob 
un peu ambitieux. Ce seront les conclusions de la 
science d'aujourd'hui sur la tuberculose, et je 
pense qu'après cet exposé vous serez tous de mon 
avis lorsque je vous dirai que la Médecine expéri- 
mentale a singulièrement enrichi la Clinique médi 
cale, si pauvre en documents pathogéniques. 

Première loi : I n'y a pas d'animal qui soit réfrac 
taire à la tuberculose. Vraiment non, l'infectio 
tuberculeuse ne comple pas d’'exceptions. Tous 
les animaux peuvent en être atteints, tous peuvent 
à un moment donné voir leur organisme s’infecter, 
tous peuvent présenter des nodosités tuberculeuses 
dans lesquelles végète le bacille de Koch. Si je pas= 
sais en revue les animaux sujets à contracter la tu 
berculose, j'aurais tous les animaux de la création 
à citer : on l’a trouvée chez le lion, chez la girafes 
chez le chien, le chat, le rat, la souris, on l’a tro 
vée chez les oiseaux, les poules, les faisans, les: 
perroquets; on a même pu l'inoculer aux animaux 
à sang froid, aux poissons el aux grenouilles. Of 
a pu montrer que les vers de terre contiennent 
des bacilles de Koch en état de vie. Enfin les mou: 
ches elles-mêmes peuvent,en se portant d'un poinb 
à un autre, disséminer les germes infectieux con 
tenus dans leur organisme. Par conséquent, à cæ 
point de vue, pas d'exception, et la tuberculose est 
une maladie qui sévit sur loutes les espèces anis 
males. f 
Avec une gravité, il est vrai, assez différentes 
Certaines espèces’ sont atteintes par la tubers 
culose d’une manière très redoutable, et meurent 
tout de suite. Le singe, par exemple, est extrêmt 
ment sensible à l'injection d'une très petite qua 


CHARLES RICHET — LA TUBERCULOSE EXPÉRIMENTALE 


305 


tilé de culture tuberculeuse; et, une fois inoculé, 
meurten quinze, vingt, trente jours tout au plus. 
u contraire, d'autres animaux sont beaucoup plus 
résistants : par exemple les Solipèdes, comme l'âne, 
le cheval. Il est vrai qu'ils ne résistent pas indéti- 
niment, et que, même lorsqu'ils paraissent avoir 
résisté, à l’autopsie on constale qu'ils ont de la 
“tuberculose dans leurs organes. Le bacille tuber- 
euleux à évolué, mais il a évolué lentement. Et il 
est intéressant de constater que, si toutes les 
espèces animales sont sujeltes à la tuberculose, 
elles ont des pouvoirs de résistance très différents. 
Deuxième loi : tous les organes peuvent être 
atteints de tuberculose. Non pas que la tuberculose 
soit capable d'envahir toutes les cellules de l'orga- 
nisme; mais, comme (ous nos organes, qu'il 
s'agisse du cerveau, de la rate, du foie, de l'in- 
lestin, du poumon, recoivent des vaisseaux, et que 
ces vaisseaux sont entourés d'une gaine de tissu 
vonjonctif, le bacille tuberculeux vient se déposer 
dans le tissu conjonctif de ces différents organes, 
autour des vaisseaux, pour y déterminer la granu- 
ation tuberculeuse. Par conséquent, il peut y avoir 
des lubercules dans chaque tissu, avec prédomi- 
nance très marquée, il est vrai, pour le tissu pul- 
monaire; mais, enfin, il n'esi pas d'organe qui 
échappe à la tuberculose, comme il n'est pas 
d'espèce animale qui lui soit rebelle. 

. La troisième loi est très importante au point de 
vue de la pathogénie et de la prophylaxie de la 
tuberculose. 

Je n'ai pas parlé encore de prophylaxie, et pour- 
ant cette prophylaxie, nous devons la considérer 
avec plus de respect encore que la thérapeutique 
de la tuberculose. C'est en elle que nous de- 
vons mettre, plus encore que dans la thérapeu- 
tique, loutes nos espérances. On peut avoir à la 
rigueur quelque scepticisme pour le traitement; il 
est pas permis d'en avoir pour la prophylaxie de 
tuberculose. Or l'expérimentalion nous donne 
des lecons de prophylaxie qui sont irréprochables. 
- Ce qui détermine la maladie tuberculeuse, c'est 
naturellement le bacille de Koch; ce microbe infec- 
tieux, qui, pénétrant dans un point quelconque de 
Porganisme, y va faire un foyer pour de là répandre 
ses ravages partout. Or le bacille de Koch est très 
sislant à la dessiccation, et à la chaleur; et, par 
ite, les crachats tuberculeux, où fourmillent les 
bacilles infectieux, répandent partout la fatale in- 
fection. Malgré la lumière, la dessiceation, la chaleur 
dans de certaines limites, bien entendu), ils conser- 


ible danger de ces crachats tuberculeux. Des expé- 
ences très nombreuses ont élé faites, qui mettent 
en pleine évidence la force contagieuse des crachats 
tuberculeux. Desséchés à une température in- 


“ent toute leur virulence. De là, l'immense et ter- 


férieure à 50°, et pulvérisés, ils forment une fine 
poussière, terriblement toxique, qui détermine 
falalement une maladie mortelle. 

Donc les erachats tubereuleux constituent l’agent 
principal de contagion et d'infection; donc une 
conséquence s'impose, si importante qu'il faut 
toujours l'avoir présente à l'esprit : c'est que le 
malade tuberculeux est un élément d'infeclion, et 
que, par les crachats qu'il répand autour de lui, 
ilrépard autour de lui la mort, en contagionnant 
tous les individus qui l'avoisinent. De celte 
contagion par les crachats, les exemples abon- 
dent, aussi bien dans la Médecine clinique que dans 
la Médecine expérimentale. Mais la Médecine clini- 
que n'a pu en affirmer la réalité qu'après avoir élé 
guidée par la Médecine expérimentale. 

La quatrième loi est une loi de pure Pathologie 
expérimentale, mais elle montre bien tout ce 
nous pouvons encore espérer des ressources sans 
fin d'expérimentalion. Les ita- 
liens ont découvert qu'il existe deux variétés de 
tuberculose : la tuberculose des Oiseaux et celle des 
Mammifères. Or la tuberculose des Oiseaux est 
pour ainsi dire antagoniste de celle des Mammi- 
fères; car les espèces animales qui sont lrès sen- 
sibles à la tuberculose aviaire ne sont pas très 
sensibles à la tuberculose des Mammifères. Ainsi, 
par exemple, j'ai pu prouver que, si l'on compare 
la réceptivilé du singe à ces deux variétés de 
tubereuloses, on constate que le singe résiste très 
longtemps à la tuberculose aviaire, mais qu'il 
succombe en très peu de temps à la tuberculose 
des Mammifères. 

Par conséquent on peut espérer, — et les belles 
découvertes de notre époque nous autorisent à 
cette espérance, — qu'un jour peut-être on trou- 
vera, dans l’atténuation des virus ou des bacilles 
tuberculeux, certaines formes nouvelles, races 
spéciales, à virulence atténuée, qui constitueront 
un vaccin contre la tuberculose. 

Évidemment j'aurais encore de bien nombreux 
faits à vous indiquer sur l'étiologie et la patho- 
génie de la tuberculose, et je n'ai pu vous donner 
que les lignes principales. 1] faudrait un très long 
temps pour énumérer tout cet immense effort. 
11 me suffira seulement, après ce court exposé, de 
vous faire remarquer quel abime exisle entre la 
Médecine d'aujourd'hui, qui est la science expéri- 
mentale, et la Médecine d'observation, qui était 
la médecine d'autrefois. La maladie, qui apparais- 
saitjadis comme une divinité malfaisante et incon- 
nue, un être mystérieux et impénétrable, inhé- 
rent à l'organisme par je ne sais quelle méchanceté 
de la Nature ou par quelque défaut de notre orga- 
nisation, cette maladie, nous pouvons aujourd'hui 
la déterminer dans sa cause et ses modalités. 


physiologistes 


306 


CHARLES RICHET — LA TUBERCULOSE EXPÉRIMENTALE 


Nous savons, de par les immortels travaux de 
Pasteur, qu'elle dépend d’un parasite. 

Et quant à la tuberculose, les deux glorieux 
élèves dePasteur, Villemin et Koch, nous en ont 
démontré la nature. Grâce à eux, le virus de la 
tuberculose n’est plus un être de raison. C'est un 
organisme que nous pouvons ensemencer, cultiver, 
répandre. Nous pouvons étudier les agents qui le 
rendront plus intense ou plus faible. Il est en 
notre pouvoir, puisque nous sommes à même de le 
connaitre. Ce n'est plus, comme a dit quelque part 
Claude Bernard, en parlant des forces vitales, ce 
n'est plus un de ces Sylvains ou de ces Dryades de 
la fable, dont on affirmait l'existence sans les avoir 
jamais rencontrés : c'est un être réel, dont il est 
permis d'étudier toutes les propriétés. 

Et alors nous avons quelque droit de prendre en 
pitié cette parole sarcastique d’un médecin célèbre, 
à qui on parlait de la découverte du microbe de la 
tuberculose : « Bah! dit-il, ce n’est qu'un microbe 
de plus! » 


III 


J'arrive maintenant à la deuxième partie de cette 
étude, c'est-à-dire à l'exposé de quelques-unes 
de mes expériences relatives à la thérapeutique 
de la tuberculose. De même que tout à l'heure il 
s agissait de Médecine expérimentale, il va s'agir 
ici de Thérapeutique expérimentale, et vous me 
croirez sans peine si je vous dis que l'avenir de la 
Thérapeutique repose entièrement, ou presque en- 
lièrement, dans l'expérimentation. 

La Thérapeutique expérimentale, en effet, pré- 
sente d'incomparables avantages sur la Thérapeu- 
tique clinique. 

Nos patients, les animaux sur lesquels nous 
faisons nos études, sont forcément très dociles : ils 
n'ont pas les résislances et les fantaisies des ma- 
lades. 

Surtout on peut agir sur eux sans crainte, et 
essayer les plus périlleuses tentatives. 

Il y à un précepte qui dirige, et doit diriger, la 
conduite de tout médecin : Primo non nocere. 
Mais en Thérapeutique expérimentale cette pru- 
dence est tout à fait indifférente. Nous n'avons 
pas à nous préoccuper de la santé de nos clients. 
Nous cherchons à faire l'épreuve des actions théra- 
peutiques les plus imprévues et les plus invraisem- 
blables, et, dans notre recherche, nous avons le 
droit de porter la témérité à ses dernières limites; 
témérité que les médecins doivent souvent nous 
envier, car ils n'ont jamais le droit, par curigsité 
scientifique, de compromettre la vie de leurs ma- 
lades, landis que nous, dans nos essais, nous avons 
le devoir de tout oser pour connaître le traitement 
le plus efficace de telle ou telle maladie. 


| joindre une grande sévérité dans nos conclusions, 


Il est vrai qu'à cette extrême audace nous devons 


et procéder avec une rigueur irréprochable dans n0S 
expériences. Si bien que je vous proposerais de 
formuler ainsi les deux règles essentielles de la 
Thérapeutique expérimentale : audace dans l'hypo= 
thèse, et rigueur dans l’expérimentation. 

La Thérapeutique expérimentale a encore un 
autre grand avantage sur la Clinique; c'est qu'elle 
peut procéder sur des sujets exactement compas 
rables. Quand nous inoculons une maladie, nous 
la donnons le même jour, à la même heure, à 
même dose, à même virulence, et nous l’inoculons 
à des animaux de même taille, de mème âge» 
de même alimentalion. Nous placons tous nos 
sujets infectés dans des condilions rigoureuse- 
ment identiques, et tout est comparable. Il n'en. 
va pas ainsi en Clinique. Quand le médecin est 
appelé à soigner un malade, il n’en trouve que 
bien rarement un autre qui soit exactement dans 
les mêmes conditions. Le virus n’est pas identique; 
et on sait que la virulence des bacilles est très 
variable. La porte d'entrée n'est pas la même, ce 
qui crée peut-être des différences notables dans la 
virulence. Certains malades arrivent avec des lésions 
pulmonaires déjà avancées : chez d’autres, la ma= 
ladie n’est qu'à son début. Il s’agit tantôt d'enfants, 
tantôt d'hommes très âgés. Les uns sont dans la 
misère, les autres ont tous les secours que peut 
apporter le luxe. Il en est qui se soignent avec per= 
sévérance et régularité; d’autres, au contraire, ne 
peuvent s'astreindre à un traitement méthodique. 
Bref, sur nos animaux tout est homologue; chez 
les malades toute comparaison est difficile, incer= 
taine, et parfois impossible. 

Ajoutons ceci : c'est qu'il faut attendre parfois de 
longs mois, voire même de longues années, pour 
qu'une comparaison puisse s'élablir entre des ma= 
lades, landis que nous, si nous avons quelque 
incertitude dans nos conclusions, comme nous 
pouvons à notre gré renouveler l'expérience, nous: 
n'avons qu'à la recommencer pour faire cesser nos 
doutes. Le matériel vivant, chiens, cobayes, lapins, 
ne nous fera pas défaut, et nous n'avons qu'à 
inoculer la maladie pour avoir autant de malades 
qu'il nous sera nécessaire. 


IV 


Revenons à la tuberculose, et à sa thérapeutique: 
Voici par quelle série de considéralions je me 
suis trouvé amené à éludier, en physiologiste, le 
traitement de la tuberculose. 
Et tout d'abord, je vous demande pardon si je 
viens vous parler de moi; c'est à dire de mes: 
expériences et de celles de mon fidèle collaborateur 


| CHARLES RICHET — IA TUBERCULOSE EXPÉRIMENTALE 


307 


“Héricourt. Mais cela est nécessaire dans le sujet 
qui nous occupe ici, car nous avons pu réaliser 
“quelques progrès dans la thérapeutique expéri- 
“mentale de cette redoutable maladie. 


no 


En 1888, j'ai pu prouver que la transfusion péri- 
2 de sang appartenant à un animal vacciné 
contre une maladie, protège l’animal transfusé 
“contre celte maladie. Si l’on inocule des chiens 
vec un staphylocoque, et si le chien guérit, le 
Sang de ce chien guéri vaccine les lapins contre ce 
même slaphylocoque ; tandis que les lapins non 
transfusés meurent toujours. 

… C'était là le principe de la sérothérapie, ou plu- 
ôt de l'hématothérapie, d'où est dérivée la séro- 
thérapie. 

Ainsi il avait été par nous établi que le sang des 
“animaux, soit réfractaires à une infection, soit vac- 
cinés contre celte infection, protège plus ou moins 
contre l'infection. Nous avons alors cherché sur 
quelle maladie commune devait être essayé le pre- 
nier traitement sérothérapique, et longtemps nous 
avons discuté la question de savoir si nous de- 
vions agir sur le charbon, sur la diphtérie, ou sur 
la tuberculose. Or, par suite de différentes raisons, 
dalheureusement pour notre perspicacité, nous 
n'avons choisi ni la diphtérie, ni le charbon, mais la 
tuberculose. Aussi bien, à partir de 1888, laissant 
Ja diphlérie, qui devait donner de si beaux résul- 
ts à Behring et à Roux, avons-nous étudié la 
sérothérapie de la tuberculose; et très malheu- 
reusement cette sérothérapie de la tuberculose ne 
mous donna que des résullats médiocres, encou- 
rageants parfois, mais en somme ne donnant, que 
des encouragements. Oui, il faut bien le recon- 
naître, malgré nos persévérants efforts pendant 
six ans, nous n'avons pas pu obtenir mieux qu'une 
légère amélioration, et une médiocre prolongation 
de la vie chez les animaux tuberculeux. 

- Si la durée de la vie chez le chien tuberculeux 
est de 45 à 50 jours en moyenne, le chien qui a 
été sérothérapisé de différentes manières vit un 
peu plus longtemps : 60 à 70 jours. C’est une diffé- 
rence assurément, mais presque négligeable. 


thérapique, que nous avons été les premiers à 
ppliquer, en janvier 1890, un an avant la décou- 
verte de Behring, n'a pas donné de résultats plus 
éclatants. Aussi, abandonnant, non sans regrets, la 


d'autres moyens thérapeutiques. 
Nous avons essayé les substances les plus diffé- 
rentes, et je vous fais grâce de ces essais : ils 


part Behring en un jour de mauvaise humeur, de 
constituer des spéculations théoriques sur. la phi- 
losophie des Sciences naturelles. 

Tous les médicaments que nous avons employés, 
plomb, acide urique, thallium, arsenic, cacodylate 
de soude, iode, glycérine, térébenthine, ammonia- 
que, nous ont donné des améliorations, mais rien 
de plus. Nous étions donc bien près d'êlre décou- 
ragés, lorsque, il y a deux ans, nous avons décou- 
vert un procédé thérapeutique efficace, par hasard 
pour ainsi dire. 

Ce fut peut-être un hasard heureux. mais vous 
reconnaitrez, je crois, que les hasards heureux ne 
sont que pour ceux qui cherchent. Eh bien! ce 
hasard heureux nous à enfin servi, si bien qu'au- 
jourd'hui nous disposons contre la tuberculose 
d'un agent thérapeutique qui est toujours, sans 
exception, d'une absolue eflicacité. 

Parmi les nombreux chiens que j'avais un jour 
inoculés de la tuberculose, il en 
emploi, à qui, par curiosité, sans grande confiance 
d'ailleurs, je voulus donner de la viande crue 
comme alimentation. J'avoue qu'à ce moment je ne 
pensais vraiment pas à en faire une expérience 
méthodique. Voilà pourquoi je fus un peu sur- 
pris, lorsque, trois ou quatre mois après, alors 
que tous les autres chiens inoculés étaient morts, 
je constatai que ce chien, nourri à la viande crue, 
non seulement vivait toujours, mais encore qu'il 


resta un sans 


élait en parfaite santé. 

Cependant, Messieurs, sachez-le bien, lorsqu'on 
est mis en présence d'un résullat auquel on ne 
s'attendait pas, tout se passe comme si l'on avait 
un voile devant les yeux. Les idées préconçcues 
empêchent de distinguer la vérité, même lorsqu'elle 
est éclatante. Je crus à un hasard, à un accident, 
à une inoculation imparfaite, à une idio-syncrasie 
de ce chien resté indemne : toutes raisons détesta- 
bles, qui cependant trouvèrent moyen de me 
satisfaire, de sorte que cette expérience, qui aurait 
dû me paraitre très frappante, n'a pas excité mon 
attention. Elle a longtemps passé comme inapercue 
devant moi; car je ne voulais pas la voir, et il a 
fallu attendre un an pour me décider à faire 
quelque attention à cette étonnante immunité du 
chien nourri à la viande. 

L'expérience était positive; mais je n'y croyais 
pas. 
Pourtant j'eus l'idée très simple de la recom- 
mencer sur deux autres chiens. Six mois après, 
ces deux chiens, nourris à la viande crue, étaient 
en parfait état de santé, alors que tous les témoins 
élaient morts. 

Cette fois, je refis des expériences nouvelles, 
plus positives, mieux disposées, et porlant sur un 
plus grand nombre d'animaux. Alors enfin le fait 


308 


CHARLES RICHET — LA TUBERCULOSE EXPÉRIMENTALE 


apparut en pleine é 


avec de la viande crue résistent à la tuberculose, 
et ils résistent indéfiniment. Ils ne meurent jamais, 


alors que les 
chiens autrement 
nourris meurent 
toujours. 

Je vais vous pré- 
senter ici quel- 
ques-uns des ta- 
bleaux indiquant 
le fait. 

Ces tableaux 
sont des graphi- 
ques, où sont in- 
diqués les poids 
jour par jour. Sur 
la ligne des x sont 
les jours; sur la 
ligne des y le 
poids en propor- 
tions centésima- 
les. En effet, le 
meilleur moyen 
de savoir quel est 
l'état de santé 


1 


1 


d'un animal, c'est de déterminer son poids. Nous 
n'avons guère d'autre procédé exact pour savoir 


si un animal se por 


il maigrit; et s'il ne maigrit pas, s'il engraisse, 


Pois | 


vidence : les chiens nourris 


chien, l'animal a perdu 30 °/, de 


5 


E 


. Vende crue (11) 
--—-Vendecute(l) 
5 Novembre 1899 


0 Le À | 
Jours 10 20 30 %0 50 60 Z0 80  S0 100 110 120 130 160 


150 160 170 180 150 


Fig. 1. — Comparaison de la viande cuite el de la viande crue. 
physiologique extrême et d'éma 


te bien ou mal. S'il dépérit, 


45 jours, chiffre qui représente la durée moyenne 
de la maladie tuberculeuse expérimentale d 


Par conséquent, en suivant jour par jour les 
poids des animaux en expérience, et en les 
transcrivant sur une courbe graphique, on peul 


son poids. Voyez. 
ce chien, inoculé 
il y a vingt-cinq 
jours seulement,. 
et nourri avec de 
la viande cuite : 
il est élique, af- 
fabli; on voit se 
dessiner ses cô- 
tes : les Lissus 
musculaires sont. 
atrophiés; tout le 
tissu adipeux de 
son organisme à 
disparu. Dans 
quelques jours ce 
pauvre animal v 
mourir épuisé, 
comme meurent 
les malheureu 


dire dans un état 
de dégradation 
ciation complète: 


Poids T 2 
PT Gen om 0 me mn bn ue mt Qu 
1 as LE A ere = 
120 2 nn | 
| 4e 
a] Bed : 
100 
90 
80 
7 nl Légende Eee nm 
60 || sommes W270e cuite(I) == 
—— — Piande crue (Il) 

50 6 Février 1900 

40 — + 
30} : 1 
20! 

| | 

:0 1 

OL Lt L L | 

Jours & 8 12 16 20 2E 28 32 36 10 EF Œ8 52 56 60 6k 68 .72 J6 60 BE 88 92 96 100 110 

Fig. 2. — Comparaison des effets de la viande cuite et de la viande crue. 


si son poids augmen 
maladie. 


Chez les chiens tuberculeux, si la maladie suit 
son cours normal, à partir du jour de l'inoculation, 
le poids baisse régulièrement, si bien qu'au bout de 


te, c'est qu'il triomphe de la | apprécier l'état de santé des 


Il est évident que, si le graphique se rapporte à 
plusieurs chiens, les poids des chiens qui sont, 
morts tombent à zéro, de sorte que la courbe gra= 
phique des poids représente à la fois le poids des 


animaux opérés. 


CHARLES RICHET — LA TUBERCULOSE EXPÉRIMENTALE 


309 


chiens vivants, et la mortalité des chiens qui ont 
succombé. Soient trois chiens, dont les poids sont 
rapportés à 100; si l'un d'eux meurt, et que les 
“deux chiens vivants pèsent 90 et 90, le poids total 


- Cela posé, voici quelques graphiques dont je 
vais vous donner l’explicalion résumée. 

— Le premier (fig. 1) porte sur huit chiens. Les 
quatre chiens témoins sont morts rapidement, 
Sauf un, qui à survécu 145 jours : deux chiens 
nourris à la viande cuite sont morts assez rapide- 
ment aussi; tandis qu'au 150° jour, — et l'expé- 
rience a continué beaucoup plus longtemps, — les 
quatre chiens nourris à la viande crue étaient tous 
es quatre très bien portants. Au 120° jour ils 
avaient augmenté en moyenne de 40 ?/,, ce qui 
est une augmentalion énorme, et si, à partir du 


a été supprimée. 
Le graphique suivant (fig. 2) n'est pas moins 


20° jour, ils sont 


L'autre chien, je vous le montre ici. Vous voyez 
comme il est gai, agile, gras, bien portant; je ne 
crains pas de dire qu'il est dans un état triomphant 
de santé. 

Le graphique suivant (fig. 3), vous indique en- 


Fig. 4. — Courbe des poids d'Azalée. En + alimentation 


carnée. 
core la même expérience (26 décembre 1899). En 
outre, dans ce cas, l’alimentalion carnée a été 
donnée in extremis; et le détail des poids d'un 
des chiens, détail qui est reproduit sur la fi- 
gure 4, est parli- 


Nous les quatre all |] [] ETTTITITTTTIA culièrement inté- 
assez affaiblis et 10 HER) ES Pere eee ET L_|  ressant;carilmon- 

+: : +4 +1 10 ovonr à at 
malades ; je laisse ET LE | tre avec une net 


le hasard décider 


teté parfaite que 


quels sontles deux 


le relèvement du 


poids de l'animal 


qu'il. faudra ali- 
menter à la viande 


coïncide exacte 


crue, quels sont 


ment avec le mo- 


les deux à nourrir 


ment de l’alimen- 


avec la viande cui- 


lalion carnée (en 


te. Et vous voyez 


+). Ce chien, qui 


e résultat de l’ex- 


pesait 12 kilos au 


périence. Au 48° 


jour les deux 


chiens nourris à 


Légende moment de l'ino- 
Zémans (IV) [ |  culation,étaitpres- 
AT ET Pianae crue au 24007 (1) 
+ AuZkjnraimentaimäla que mourant au 


la viande cuite 


25° jour, le 20 jan- 


aient morts, tan- 


vier, et ne pesait 


dis que les deux 10} 


plus que 9 kilos. 


hiens nourris à 


Alors il est nourri 


o 
] 


viande crue 
aient augmenté 


Cette expérience date du 6 février 1900, Un an 
äprès, au 6 février 1901, les deux chiens nourris à 
a viande crue étaient vivants et bien portants, 
ant une augmentation de 40 °/, par rapport à 
ur poids primitif. L'un d'eux a été sacrifié : il 
avait presque plus de tuberculose dans le pou- 
mon, mais seulement des nodules fibreux en voie 


A 


de cicalrisalion, lraces d’une tuberculose guérie. 


Fig. 3. — Alimentalion carnée in extremis. 


à la viande crue, 
et le résullat est 
extraordinaire, 
car le 24 avril il pesait 19 kilos, et sa santé était 
florissante. Il a été sacrifié le G février 1901, un an 
et deux mois après l'inoculation, et ses poumons, 
examinés par M. Letulle, paraissaient absolument 
indemnes de tuberculose ? 

Voici enfin un autre graphique (fig. 5) très ins- 
tructif; car il porte sur quatorze chiens. Dix té- 
moins; quatre autres nourris à la viande crue. Au 


310 


CHARLES RICHET — LA TUBERCULOSE EXPÉRIMENTALE 


100° jour les dix témoins étaient morts, tandis que 
les quatre animaux nourris au jus de viande et à 
la viande crue étaient en pleine santé. N'est-il pas 
vrai qu'il serait absurde de supposer dans cette 
différence radicale un effet du hasard? 

Sachez bien aussi qu'il s’agit là d'un fait géné- 
ral, facile à obtenir par d’autres expérimentateurs 
que moi, et à la portée de tous les physiologistes. 
Voici un chien tuberculisé il y à huit mois par 
M. Chantemesse, et nourri à la viande crue. Vous 
pouvez constater qu'il se trouve, ainsi que l’autre 
chien présenté tout à l'heure, dans un état de santé 
excellent. Le témoin est pourtant mort deux mois 
après l'inoculation, dans un état misérable. 

Ce qui rend celte expérience particulièrement 


à son régime normal, à son élat de nature. Done, à 
on ne peut pas appliquer à l'homme omnivore ce 
qui s'applique au chien carnivore. Mais M. Bou- 
chard s'est chargé de répondre à cette objection, 
et de répondre d'une manière typique, en faisant" 
remarquer que le problème consiste alors à trans- 
former l’homme en un animal carnivore. Vraiment 
ce n’est pas bien difficile: ilsuffitde nourrirl'hommen 
avec de la viande crue. . 

La. deuxième objection, très fréquemment pré-M 
sentée aussi, c'est qu'il s'agissait là d'une surali- 
mentation. À la vérité, ce n'est pas tout à fait une 
objection, c’est une explication ; car les faits sont 
tout aussi incontestables avec l'hypothèse d'une 
suralimentalion, qu'avec une autre hypothèse. EL 


Foids | | ] T : 


2 


F | Î 


+ +3 


pl | Légende 

50) m—— /2720178 (À) 

| 725 deviende (IV) 

so 86 Décembre 1899 
zo! 

30 

[ 

20! 

î ll 

ï [AIS 

Jours& 


Fig. 5. — Autre expérience ayant porlé Sur quatorze chiens, dont quatre nourris à la viande crue. 


instructive, c'est que M. Chantemesse, doulant, — 
comme c'était son droit, — des résultats que j'avais 
indiqués à l'Académie de Médecine et à la Société 
de Biologie, a voulu les contrôler par lui-même; et 
alors il a tuberculisé le même jour deux chiens de 
poids égal, et il les a nourris l'un à la viande crue, 
l'autre à la viande cuite, en leur donnant exacte- 
ment la même quantité de viande. Vous voyez le 
résultat de cette très précise expérience. C'est la 
confirmation éclatante de ce que j'avais annoncé. 


\y 


Naturellement, messieurs, de nombreusés objec- 
tions m'ont été faites. La première, la plus com- 
mune, ne ma pas appris une chose tout à fait 
inconnue. On m'a averti que le chien élait un ani- 
mal carnivore, ce dont je me doutais un peu, et 
que, par conséquent, le chien étant carnivore, si 
on lui donne de la viande crue, on le fait revenir 


8 J2 16 20 ZE 28 32 36 &0 %E 8 52 56 60 6 68 12 76 80 8Z 88 S2 SJ6 100 107 108 112 116 120 12% 128 132 136 40 % 


il n'y à que les fails qui importent. Pourtant, je ne 
crois pas qu’on puisse expliquer par la suralimen- … 
tation la guérison de la tuberculose avec la viande 
crue. En effet, en caleulant très exactement le nom- 
bre de calories des aliments donnés à mes ani- M 
maux, et en les alimentant avec le nombre de M 
calories minimum qui suffise à leur existence, j'ai ] 
vu qu'ils résistaient très bien. Lorsqu'on donne à. 
des chiens tuberculisés de petites quantités, et des M 
quantités tout juste suffisantes, de viande crue, 
ces chiens er semi-inanition se portent beaucoup 
mieux que les chiens qu'on hyperalimente soit par 
de la viande cuite, soit par des quanlités considé- 
rables de féculents, soit par toute autre ration ali- 
mentaire surabondante. 4 
Enfin, et c'est un procédé de discussion auquel 

on a toujours recours en désespoir de cause, on 
m'a objecté que c'était là un procédé de traitement 
très banal, et que tous les médecins le connaissaient, 
depuis longiemps. Je n'insiste pas sur cetle ques: 


CHARLES RICHET — LA TUBERCULOSE EXPÉRIMENTALE 


311 


“tion de priorité, puisqu'on n'a pas trouvé encore 
+ les traités de Médecine ou de Thérapeutique 
- quelque document à l'appui. 

— En tout cas, l'application de cette thérapeutique à 
À l'homme comporte une assez grave difficulté. On ne 
peut espérer qu'un homme, et surtout un malade, va 
pouvoir ingérer la quantité considérable de viande 
rue qui est nécessaire. En effet, la quantité de 
“viande qu'il faut donner aux chiens pour les pré- 
server de la tuberculose est vraiment très forte. Si 
Jon donne à des chiens des quantilés au-dessous 
de 10 grammes de viande par kilogramme de 
poids, ils meurent; il faut donc leur donner au 
moins 10 où 15 grammes par kilo, pour qu'ils résis- 
tent à la maladie. 


| 
| 
| 
| 


traitement spécial). Or j'ai pu démontrer que le 
sérum musculaire contient tous les éléments théra- 
peutiques actifs contre la tuberculose; car si, d’une 
part, on nourrit des animaux avec de la viande 
lavée, c'est-à-dire de la viande dont on a enlevé 
la partie soluble, et d’autre part d'autres animaux 
avec du jus de viande, ce sont les chiens nourris 
avec le jus de viande qui résistent, tandis que les 
chiens nourris avec la fibrine musculaire lavée ne 
résistent pas (fig. 6). Par conséquent, au lieu de 
donner de la viande crue, il suffit de donner le 
sérum musculaire, qui contient les éléments thé- 

rapeuliques de la viande. 
Qu'un malade ne puisse pas prendre 750 grammes 
de viande crue, par 


Or,12 grammes El EE (BE ES ES VA EE je dégoût, par inap- 
par kilo, cela re- 10 | + | ar ht + +  pétence, ou pour 
présente la dose (RE TT se D QUI IPS = ! toute autre cause, 

110! — —— : des = RAS : 
ès forte de 750 | DE ei [| il pourra toujours 
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ingérer 150 gram EE DU RISNE 9 EE [ essences quelcon 
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ce n'est pas une x Légende +  dinaire, très con- 
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A. : : _ Hand e/Z F : 
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M Ales 31 | se . 
quer à ses mala “ js ai su | viande, on en fail 
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Ü— us 0 20 ET] 70 50 Ton, 


la Thérapeutique 
expérimentale ; or 
ces données sont 
positives, irréfutables. Ce n'est pas à nous d'en 
rouver le modus faciendi. Le physiologiste qui 
availle dans son laboraloire in anima vili n'a 
pas à se préoccuper des méthodes suivant les- 
quelles le médecin appliquera ses données in anima 


LI 


“Heureusement, d'ailleurs, il y a un moyen de 
tourner la difficulté; j'ai montré que dans la viande 
ya deux éléments qu'on peut facilement séparer. 
l'on soumet de la viande fraiche à une très forte 
pression, on obtient un liquide, qui s'écoule; liquide 
uon peut appeler sérum musculaire. La chair 
sculaire, après la mort, se coagule à peu près 
omme se coagule le sang, et donne un caillot et un 
um. La presse exprime du caillot musculaire ou 
la fibrine musculaire un sérum qui s'écoule. Vous 
oyez ici ce sérum musculaire : c'est ce qu'on appelle 
communément le jus de viande crue (Eüuoc, en grec, 
d'où le nom de zomothérapie que j'ai donné à ce 


Fig. 6. — Effets comparatifs de la viande lavée et du sérum. 


acceptable, qu'il 
est facile, même 
pour un malade, 
d’avaler en grande quantité. 

De nombreux essais, variés de plusieurs ma- 
nières, nous ont montré qu'il faut à peu près 
2 kilos de viande pour faire 750 grammes de sérum 
musculaire, et que ces 750 grammes sont néces- 
saires, par jour, pour le traitement d'un homme 
adulte (en rapportant les quantités reconnues 
comme nécessaires pour le chien aux quantités 
nécessaires pour l'homme). 

Gertes, c’est là une assez lourde dépense, et la 
fabrication de ces 750 grammes de sérum est fort 
délicate, et assez longue. Mais, si le médecin veut 
guérir son malade, et si le malade veut guérir, ces 
difficultés sont sans grande importance, et peuvent 
être vaincues. 

Pour ma part, je ne doute pas que l'industrie 
y arrivera bientôt sans peine, et que le prix de 
revient de ce produit précieux pourra être nota- 
blement abaissé. 


312 


CHARLES RICHET — LA TUBERCULOSE EXPÉRIMENTALE 


VI 


Quels sont les éléments actifs du jus de viande et 
quel est le mécanisme de son action antitubercu- 
leuse, il m'est malheureusement impossible de vous 
le dire. D'ailleurs, après avoir exposé les faits, qui 
sont positifs, il est assez pénible d'avoir recours aux 
hypothèses, extrèmement fragiles toujours. Pour- 
tant, ne füt-ce que comme moyen mnémotechnique, 
qu'il me soit permis, en terminant, de faire une 
hypothèse sur l’action du sérum musculaire. 

Supposons que les éléments nerveux sont, à un 
moment donné, imprégnés par le poison que sécrète 
le bacille tuberculeux : celte intoxication sera la 
cause immédiate de la mort. En effet, si l'individu 
ou l'animal tuberculeux meurent, c'est par suite 

‘ d'une intoxication lente, d'une déchéance orga- 
nique graduelle, déchéance due à ce que peu à 
peu le système nerveux se trouve imprégné, 
intoxiqué par un poison, le poison redoutable que 
fabrique le bacille tuberculeux. Une tuberculine 
quelconque, inconnue encore, va porter son aclion 
délétère sur le système nerveux. Or, comme le sys- 
(ème nerveux commande tous les phénomènes chi- 
miques de l'organisme, une fois que le système ner- 
veux est atteint, tout le chimisme de l'être est en 
souffrance. Il n’v a plus de nutrition satisfaisante, 
parce que le système nerveux, qui préside au tro- 
phisme de toutesles cellules vivantes, est profondé- 
ment lésé. Son intoxication amène de graves 
troubles de nutrition dans toules les cellules de 
l'organisme. 

Sile sérum musculaire empêche la déchéance 
du système nerveux, c’est probablement par une 
sorte de substitution nutritive. Admettons que 
dans le jus de viande se trouvent certaines subs- 
lances qui viennent se fixer sur les cellules ner- 
veuses. Une fois que ces cellules se trouvent im- 
prégnées par ces substances, elles ne peuvent plus 
absorber le poison tuberculeux, et alors celui-ci 
circule dans l'organisme sans pouvoir offenser les 
cellules nerveuses, parce que ces cellules, saturées 
par d’autres substances, sont réfraclaires à l’im- 
prégnation, l'imbibilion par le poison tuberculeux. 
C'est à peu près ce qui se passe avec un écheveau 
de soie coloré, qui, une fois coloré, ne peut plus 
fixer une nouvelle matière colorante. Si, au con- 
traire, cel écheveau était blanc, il prendrait toute 
la matière colorante du bain où on l'a plongé; 
mais, une fois qu'il est teint, il a fixé une couleur, 
et il n’en prend plus d'autre. De même les cellu- 
les nerveuses, une fois qu'elles se sontimbibées des 
subslances contenues dans le suc musculaire, ne 
peuvent plus s'imbiber de tuberculine. Alors, peu 
à peu, l'organisme se débarrasse de la luberculine 
par les émonctoires naturels : et la maladie, au 


lieu de s'acheminer à une ierminaison fatale, 
marche régulièrement vers la guérison. $ 


VII 


Mais peu importe la théorie. Les faits sont là; ils 
sont éclatants, incontestés, incontestables. Que 
deviendront-ils entre les mains des cliniciens? Je 
l'ignore; mais je suis bien convaincu qu'ils com” 
portent une application à la thérapeutique humaines 
Ce serait, d'ailleurs, une entreprise inepte que d’es® 
sayer de mettre en conflit l'expérimentation etla 
clinique. Ceux qui croient qu'elles se contredisent, 
ceux-là, je tiens à le proclamer bien haut, n'on 
rien compris ni à la clinique, ni à l’expérimen= 
tation. L'accord est nécessaire, et, s'il y a désac> 
cord, c'est que l'interprétation est erronée dans 
l’une ou l'autre science, voire même dans les deux 
sciences à la fois. 

Si l'expérimentateur peut arriver à de plus 
brillants et plus sûrs résultats que le clinicien, il 
serait très injuste d'accuser ce dernier. Lorsqu'un 
physiologiste cherche la vérité dans son laboratoires 
il a de bien autres soucis que le médecin, qui cher 
che avant toutes choses à guérir son malade. Ea 
médecine hippocratique, la médecine d'observation, 
a un devoir beaucoup plus précis que le nôtre : un 
devoir auquel elle ne doit pas faillir, auquel elle 
n'a jamais failli. Il s'agit non pas de faire des théo 
ries, d'expliquer des phénomènes, de chercher l& 
vérilé, de découvrir des faits nouveaux : il s'agit de 
toute autre chose. Voici un malade qui souffre : ik 
faut le soulager. Voici un individu qui va mourir à 
il faut éviter sa mort, ou prolonger sa vie. 

Nous, les physiologistes, les expérimentateurs 
nous avons une autre mission que celle de calmer 
la souffrance ou de prolonger l'existence d’un 
malade : nous avons la mission de connaître un& 
parcelle de la vérité des choses, et d'aller en avant 
Nous songeons non aux malades actuels, mais aux 
malades futurs, dont la science apaisera les souf: 
frances. À chacun son rôle. Les uns ont à faire pro 
gresser la science, les autres ont la très noble tàch@ 
de soulager les douleurs humaines; et il faut que 
l'accord se fasse entre ceux qui vont au delà d 
doctrines recues, cherchant hardiment la vér 
dans des voies nouvelles, et ceux qui, mettant em 
pratique les anciens préceptes de l’art médical clas 
sique, appliquent prudemment les données sciens 
tfiques au traitement de leurs malades. 

Mais les uns et les autres doivent avoir à la fois 
le même double idéal; le culte de la vérité, quie 
seule belle et désirable, et l'amour des hommes; 
nos frères, dont les misères doivent nous émous 
voir. Charles Richet, 


Professeur de Physiologie 
à la Faculté de Médecine de Paris. 
Membre de l'Académie de Médecine- 


14,210 ‘1 célliis 


L. ANSPACH — SUR LA THÉORIE DES MACHINES À VAPEUR 


313 


SUR LA THÉORIE DES 


2: 

Lorsqu'on suit les discussions qui se sont pro- 
duites récemment au sujet des théories des ma- 
“chines à vapeur, on ne peut qu'être frappé de l'in- 

Cerlitude qui s'attache encore à la plupart des 
questions soulevées. Et ce n'est pas seulement dans 
des polémiques, c'est dans des ouvrages de longue 
leine et ayant un caractère purement didactique, 
que l'on constate des divergences profondes entre 
les opinions émises par les différents auteurs. 
-I1y a plus d'un quart de siècle que la plupart 
des questions actuellement débattues furent sou- 
levées par les remarquables expériences auxquelles 
se livra Hirn sur sa machine de Logelbach, avec la 
Collaboralion d'une pléiade de savants, parmi les- 
Quels il faut citer M. Dwelshauvers-Dery, l'éminent 
professeur de l’Université de Liège. 

» Mais où peut remonter plus haut encore et cons- 
tater que les questions qui alimentent les dis- 
ssions acluelles puisent leur origine à une 
époque bien plus ancienne, et datent du jour où 
Watt, en créant la machine rotative à Liroir et à 
ondensation extérieure, eut la géniale inspiralion 
de la munir de l'enveloppe de vapeur. 
. Les phénomènes dont l'interprétation donne lieu 
aujourd'hui à d’ardentes polémiques sont ceux 
sur lesquels Watt fut amené à émettre son opi- 
nion. Et cela n'a rien de surprenant, si l'on songe 
que la machine à vapeur n'a pas varié dans son 
>ssence, et est aujourd'hui ce qu'elle élait en 1765. 
Que l’on considère, à côté de la machine rolative 
à balancier conçue par Walt, une machine rotative 
à balancier conslruite dans ces dernières années : 
n sera frappé de l'extrème similitude qui existe 
entre ces deux machines. Que l’on compare même 
la machine de Watt une machine moderne à 
irectrices, on retrouvera la filiation immédiate 
jui relie entre elles ces deux machines, la seconde 
lé différant essentiellement de la première que par 
suppression du balancier. 
existe assurément des machines à vapeur qui, 
seulement au point de vue de leur aspect gé- 
al, mais encore au point de vue du principe de 
r fonctionnement, s'écarlent complètement de 
machine primitive de Watt — telles les diverses 
ines à vapeur dont la construction est arrivée 


ine de Watt n'en reste pas moins debout : mise 
en présence de nos machines modernes, elle ne 


REVUE GÉNÉRALE DES SCIENCES, 1901. 


LES DISCUSSIONS RÉCENTES 


MACHINES A VAPEUR 


choque pas et n'étonne pas. Et s'il en est ainsi, si 
son aspect même ne parait pas étrange, c'est que 
ses organes essentiels, c'est que le principe de son 
fonctionnement, trouvent encore leur application 
dans la plupart de nos machines actuelles. 

Le cylindre en fonte, à l’intérieur duquel circule 
un piston pressé alternativement dans les deux 
sens par la vapeur venant de la chaudière ; la tige 
qui traverse l’un des couvercles du cylindre, et qui, 
élant reliée au piston, est animée avec lui d’un mou- 
vement de va-et-vient; la bielle qui, articulée à la 
tige par une de ses extrémités, reliée par son autre 
extrémité à un bouton de manivelle, transforme le 
mouvement de va-et-vient de la tige en un mouve- 
ment circulaire; l'arbre qui, recevant l’action mo- 
trice de la bielle par l'intermédiaire de la manivelle, 
subit un mouvement de rotation continu, et lrans- 
met à d'autres mécanismes le travail dela machine ; 
le volant qui, monté sur l'arbre, agit par sa masse 
pour maintenir l'uniformité de la vitesse : tels sont 
les organes essentiels que l’on rencontre dans la 
plupart de nos machines à vapeur actuelles, et qui 
se retrouvent tous dans la machine à balancier de 
Watt, celle-ci possédant en outre le balancier, o$- 
cillant sur son axe horizontal et relié d'une part à 
la tige du piston, d'autre part à la bielle. 

Quant aux dispositions adoptées par Watt dans 
la construction du cylindre; quant à l'emploi de 
deux lumières d'admission, permettant l'entrée et 
la sortie successives de la vapeur sur les deux faces 
du piston; quant à la façon dont ces lumières sont 
mises allernativement en communication avec la 
conduite d'amenée de vapeur et avec la conduite 
d'échappement, et ce par le jeu d’un tiroir unique 
qui les recouvre et les découvre successivement; 
quant à la commande de ce liroir, mis en mouve- 
ment par une barre d'excentrique actionnée elle- 
même par l'arbre, tout cela se retrouve, sans modi- 
ficalions dignes d'être notées, dans un nombre 
considérable de machines actuelles. 

En ce qui concerne les machines à balancier, 
l'organe par lequel le balancier est relié à la tige 
du piston est aujourd'hui encore le parallélo- 
gramme de Watt, el n'a subi aucune modification 
depuis qu'il est sorti des mains de l'inventeur. 

On sait que Wait imagina en outre le régulateur 
à force centrifuge, qui est mis en mouvement par 
la machine, et qui, au fur et à mesure qu'il tourne 
plus rapidement, agit par l'intermédiaire d'un sys- 
tème de lringles pour diminuer de plus eu plus 


ll 


314 


l'introduction de vapeur dans le cylindre.Depuis,on 
a inventé un très grand nombre de régulateurs déri- 
vant de celui de Watt et fondés comme lui sur l’utili- 
salion de la force centrifuge ; on a inventé un très 
grand nombre de mécanismes destinés à régler l'in- 
troduction de vapeur sous la commande du régu- 
lateur. Mais, chose remarquable, le régulateur de 
Watt subsiste à côté de ses dérivés; le mécanisme 
imaginé par Watt subsiste à côté des autres méca- 
nismes qui ont pris naissance ullérieurement. Et 
parmi les machines les plus perfectionnées et les 
plus économiques, il en est qui sont munies du ré- 
gulateur de Watt sans que celui-ci ait subi la 
moindre modification. 

Lorsque les circonstances le permettent, le ren- 
dement de la machine se trouve augmenté par 
l'emploi de la condensation : la vapeur, au lieu de 
s'échapper à l’air libre, se rend du cylindre au con- 
denseur, récipient dans lequel un jet d'eau la 
refroididit énergiquement el en produit par consé- 
quent la condensation à basse pression. Or, non 
seulement le principe de la condensation réalisée 
hors du cylindre est dû à Watt, mais, en outre, son 
condenseur est encore employé aujourd’hui : de 
nombreux types de condenseurs ont été imaginés, 
mais ils ne sont pas parvenus à supplanter le type 
primitif imaginé par Watt. 

En résumé, la machine à vapeur actuelle se trouve 
encore marquée de la forte empreinte de Watt. 
Certes, il existe certains types de machines sans 
cylindre qui s'écartent complètement des concep- 
lions de Watt, même de la conception qu'il eut 
d'une machine à rotation directe. D'autre part, des 
innovations importantes ont été apportées aux ma- 
chines à cylindres, telle la multiple expansion, tels 
de nombreux systèmes de distribution. Grâce à ces 
innovations, grâce surtout aux progrès énormes 
qu'a réalisés la construction mécanique, qui se 
trouvait, au milieu du xvin° siècle, dans un état 
tout à fait rudimentaire, le rendement de la ma- 
chine à vapeur s'estamélioré dans une mesure con- 
sidérable. 

Mais il n'en est pas moins vrai que les machines 
de notre époque, malgré la gigantesque contribution 
d'un nombre incalculable de théoriciens, d’expéri- 
mentateurs, de constructeurs, s’écartent moins de 
celle de Watt que celle-ci ne s’écartait des premiers 
tätonnements de Papin et de Newcommen. 

L'esprit humain aurait-il été frappé de stérilité 
dans le domaine spécial qui nous occupe? Nulle- 
ment, mais l'œuvre d'un seul homme a été telle- 
ment prodigieuse qu’elle a presque atteint du pre- 
mier coup la perfection. 

Si, dans une autre planète, il existe des êlres 
constitués à peu près comme nous, si, en outre, il 
existe dans cette planète une région pour laquelle 


Lu. 
“+ | 


L. ANSPACH — SUR LA THÉORIE DES MACHINES À VAPEUR | 


les conditions générales de l’industrie ont été à peu 
près les mêmes que dans l'Europe occidentale au 
milieu du xvin° siècle, ilest probable qu'il aura fall 
de multiples générations d’inventeurs pourfaire de 
la machine à vapeur ce que Watt est parvenu 
en faire à lui seul, grâce aux ressources de son 
merveilleux génie. 


Il 


Ce qu'il y a peut-être de plus prodigieux dans li 
création de Watt, c'est l'enveloppe de vapeur, dont 
l'emploi se rattache à cette question des échanges 
qui à donné lieu, dans ces dernières années, à des 
polémiques si vives el parfois si passionnées” 
Watt avait compris que le travail de la machine 
est affecté d'une perte notable due à ce que à 
vapeur chaude, pénétrant dans le cylindre, aban 
donne de la chaleur aux parois, et à ce qu'ensuité 
la vapeur, s'étant refroidie, reprend, en s'échappant 
du cylindre, la chaleur qu'elle y a déposée à son 
eutrée. Il y à, de ce chef, une dépense de chaleur 
supplémentaire, venant s'ajouter à la chaleur direc 
tement utilisée à la production du travail. | 

Watt avait compris, en outre, que cette perte 
serait réduile dans une forte mesure par l'emploi 
de l'enveloppe de vapeur, espace annulaire ménagé 
autour du cylindre proprement dit et rempli dem 
vapeur chaude, de facon à maintenir les parois & 
une haute température. 

Or, si Watt avait imaginé l'emploi de l'enveloppe; 
s'il en avait compris l'efficacité, si l'expérience w 
surabondamment démontré que l’enveloppe con“ 
stilue, en effet, l'un des moyens les plus puis 
sants d'améliorer le rendement de la machine, i 
est remarquable qu'aujourd'hui encore les hommes | 
techniques ne sont pas parvenus à se mettre entiè 
rement d'accord sur l'explication à donner de ce 
fait incontesté : l'utilité de l'enveloppe. 

La question est tellement controversée, les idées« 
émises au sujet de l'enveloppe sont tellement dive 
gentes, qu'on a pu écrire en 1900 dans la Revue de 
Mécanique que « le rôle exact des enveloppes dé 


satisfaisante ». Sans vouloir discuter ici le bien 
fondé de cette déclaration, et rechercher si, par 


à constater que l'unanimité des hommes compé 
tents n'est pas acquise à une explication déte 
minée, et que les controverses continuent à se pro 
duire sur une question ouverte depuis plus de cent 

trente-cinq ans. 


“par un phénomène de divination vraiment surpre- 
“nant, il comprit l'utilité que devait avoir l'enve- 
“loppe. Nous possédons notamment les immortelles 
expériences de Regnault sur les propriétés de la 
vapeur. Nous possédons les travaux de Carnot sur 
“la théorie générale des moteurs thermiques. Or, 
_ l'œuvre des deux savants français, œuvre qui a 
servi de fondement à tant d’autres travaux destinés 
“à nous éclairer et à nous guider dans nos raison- 


vapeur. 
Les expériences de Hirn et de ses collaborateurs 


e’, 
\ | 
\ 
NE 
| 1 
E\ NES 
\ Ce 
d° 
a’ e? 
Fig. 1. — Courbe de travail du piston dans un cylindre 


donnée par l'indicateur de Watt. 


eurent pour but principal de déterminer ces 
échanges de chaleur, dont déjà se préoccupait Walt, 
ët auquel il appliqua le remède de l'enveloppe. 
L'instrument dont se servirent les expérimenta- 
eurs alsaciens (comme on désigne généralement 
les collaborateurs de Hirn) fut l'indicateur de Watt. 
Cet appareil n'avait élé employé jusqu'alors que 
ur se rendre compte des différentes phases du 
netionnement de la vapeur et pour mesurer le 
travail développé à l'intérieur du cylindre. 
- On sait que l'indicateur est un instrument monté 
ur le cylindre à l'effet de réaliser Le tracé automa- 
que du diagramme abedea (fig. 1), dont les 
ordonnées (hauteurs mesurées à partir d’une hori- 
“zontale 4’) représentent les pressions exercées 
rune des faces du piston, tandis que les abscisses 
(distances horizontales mesurées à partir de la 
werlicale 4e) représentent les chemins parcourus par 


L. ANSPACH — SUR LA THÉORIE DES MACHINES À VAPEUR 


315 


le piston. Le cylindre, représenté schématiquement 
dans la figure, possède quatre lumières, qui sont 
alternativement ouvertes et fermées par des distri- 
buteurs: la lumière supérieure de gauche commande 
l'admission sur la face gauche du piston, et la 
lumière inférieure de gauche commande l'échap- 
pement sur cette même face. 

Pendant que le piston passe de la position ini- 
tiale À à la position B, il y a admission, la lumière 
d'admission de gauche étant ouverte, et la lumière 
d'échappement de gauche étant fermée, ainsi que 
l'indique la figure. La pression, sensiblement cons- 
tante, développée sur le piston, est représentée par 
la ligne 4h du diagramme. 

À partir de la position B du piston, les deux 
lumières de gauche sont fermées, et la vapeur 
introduite dans le cylindre se détend en perdant 
de la pression suivant la courbe he. Pendant la 
course arrière de C en D, c'est la lumière d'échap- 
pement de gauche qui s'ouvre pour permettre à la 
vapeur de s'échapper en exercant sur le piston une 
pression résistante représentée par la ligne cd 
du diagramme. À partir de la position D du piston, 
les deux lumières sont de nouveau fermées, de 
telle façon que la petite quantité de vapeur qui 
reste dans le cylindre se trouve refoulée dans 
l'espace mort en se comprimant suivant la courbe 
de. C'est cette courbe ahcdea que trace automatique- 
ment l'indicateur. 

On sait que cet appareil est formé d'un petit 
cylindre en cuivre sur lequel est montée une feuille 
de papier, et qui, commandé par une ficelle, subit 
autour de son axe un mouvement de va-et-vient 
en rapport avec le mouvement de va-et-vient du 
piston dans le cylindre à vapeur. D'autre part, la 
pointe d'un crayon est continuellement en contact 
avec le papier porté par le petit cylindre. Si ce 
crayon restait entièrement immobile, il tracerait 
un trait horizontal sur le papier par suite du mou- 
vement de va-el-vient de celui-ci. Mais le crayon 
est lui-même actionné par un pelit piston qui est 
en communication avec le cylindre à vapeur, et 
qui, étant soumis en outre à l’action d'un ressort 
anlagoniste, s'élève plus ou moins selon que la 
pression de la vapeur est plus ou moins forte. Le 
crayon occupe donc sur le papier des niveaux va- 
riables, pendant que le papier se déplace horizon- 
talement sous le crayon : par suite de ces deux 
déplacements simultanés, déplacements horizon- 
taux (abscisses) et déplacements verticaux (ordon- 
nées), on obtient le tracé du diagramme. 

La surface comprise à l’intérieur de ce dia- 
gramme fait connaître la quantité de travail déve- 
loppée par la vapeur sur le piston moteur. Il suffit, 
pour s'en convaincre, de remarquer que le travail 
s'évalue en multipliant par le déplacement l'effort 


316 


exercé dans le sens de ce déplacement. En effet, si 
par exemple un cheval tire un véhicule dans des 
conditions bien délerminées, il est évident qu'en 
parcourant un espace deux fois plus grand, il aura 

ccompli un travail deux fois plus grand. Si, d'autre 
part, par le serrage des freins, on oblige ce cheval 
à développer, sur un même trajet, un effort deux 
fois plus grand, il est non moins évident que le tra- 
vail aura encore doublé. On voit donc bien que les 
deux facteurs qui constituent le travail sont d’une 
part le trajet, d'autre part l'effort accompli dans 
le sens de ce trajet. 

Or, d'après ce qui a été dit plus haut, les abscisses 
du diagramme sont proportionnelles au trajet par- 
couru par le piston. Les ordonnées du diagramme 
sont proportionnelles à l'effort accompli par la 
vapeur sur le piston. Si la pression de la vapeur 
était constante pendant la course motrice, et élait 
encore constante pendant la course résistante, le 
diagramme serait évidemment formé d'un rectangle 
dont la surface (produit de l'abscisse totale par la 
différence des deux ordonnées à l’aller et au retour) 
serait proportionnelle au travail, produit de la 
course du piston par la différence des deux efforts 
(efforts moteur à l'aller et effort résistant au 
retour). 

Mais si la pression, au lieu d'être constante pen- 
dant toute une course simple du piston, prenail des 

valeurs successives, qui toutefois resteraient cons- 
tantes pendant certaines parties de la course, il est 
évident que le diagramme, au lieu de constituer un 
rectangle unique, serait formé d'une série de rec- 
tangles accolés. Et chacun de ces reclangles aurait 
encore une surface proportionnelle au travail cor- 
respondant. La surface Lotale serait donc propor- 
tionnelle au travail total. 

Et si, enfin, la pression varie continument, la 
surface interceptée à l'intérieur dela courbe pourra 
être considérée comme formée d'une infinité de 
rectangles élémentaires, chacun de ces rectangles 
étant proportionnel au travail élémentaire corres- 
pondant. Cette surface est donc proporlionnelle au 
travail total. 

Watt s'était borné, et pendant plus d’un siècle on 
s'élait borné comme lui, à demander à l'indicateur 
la mesure du travail développé. Les Alsaciens 
allèrent plus loin et s’atlachèrent à dégager du dia- 
gramme d’indicateur la mesure des quantités de 
chaleur échangées entre la vapeur et les parois du 
cylindre. 

Ils se fondèrent à cet effet sur les considérations 
suivantes : Lorsqu'un poids déterminé de vapeur 
est à une pression donnée, on peul, au moyen des 
lables, en calculer le volume, à la condition toute- 
fois de connaître la quantité d’eau qui y estmélangée 
si cette vapeur est sursaturée, où de connaitre le 


L. ANSPACH — SUR LA THÉORIE DES MACHINES A VAPEUR 


quantité de chaleur dans une série de positions 


' 
degré de surchauffe si elle est surchauffée. Récipro: q 


quement si, connaissant et la pression et le poids 
de la vapeur, on connait en outre le volume occupé 
par cette vapeur, on peut calculer, suivant les cas, 
le titre (proportion de vapeur sèche) ou le degré de 
surchauffe. 
Or, si l'on remarque que, dans la courbe de dé: 
tente du diagramme d’indicateur, un point telq 
f fait connaître en même temps le volume occupé 
par la vapeur à l'intérieur du cylindre, et la pres 
sion correspondant à ce volume; si l'on remarque 
que, pour une machine marchant avec une grande 
régularité, on peut, en mesurant pendant une pé 
riode de plusieurs heures la quantilé d’eau néces 
saire pour maintenir le niveau de la chaudière, em 
déduire la quantité de vapeur dépensée à chaque 
coup de piston, on se trouve posséder, en tous 
points de la détente, ces trois éléments : poids, 
pression et volume, dont il sera possible de dédui 
le titre de la vapeur, ou éventuellement son degré 
de surchauffe. 
Mais il ya plus : l’état de la vapeur étant bien 
connu, on peut déterminer parles tables la quantité 
de chaleur qu'elle possède. Et, connaissant cette 


successives du piston, on peut en déduire les quan 
lités de chaleur qu'elle aura abandonnées aux 14 
rois ou reçues de celles-ci. 


IT 


Voilà donc le résultat extrèmement séduisa 
auquel ont tout au moins tendu les efforts des 
Alsaciens: ce simple diagramme d’indicateur ne sê 
bornerail plus à faire connaitre la quantité de traz 
vail effectué. Il se transformerait en un procès-vers 
bal graphique des échanges, en une sorte de livre 
de complabilité renseignant sur les entrées et les 
sorties de chaleur à mettre au crédit et au débit du 
métal d'une part, du fluide d'autre part. 

Mais, immédiatement, surgissent de nombreuses 
objections qui permettent de révoquer en doute 
l'efficacité de la méthode alsacienne et qui montrent 
en même temps à quel point des expériences faites 
sur une machine à vapeur sont plus difficiles 
effectuer et à interpréter que ne le sont des expé 
riences de laboratoire. 

La méthode alsacienne est fondée sur la connais: 
sance de la quantité de vapeur enfermée dans ] 
cylindre pendant la période de détente. Or, cette 
connaissance, est-il possible de la posséder exactes 
ment? Le poids de fluide à évaluer n'est-il pas en 
effet modifié d'un instant à l'autre par l'action des 
fuites? D'autre part, il importe de remarquer que le 
fluide qui évolue à l’intérieur du cylindre pendant 
la détente ne comprend pas exclusivement celui 


L. ANSPACH — SUR LA THÉORIE DES MACHINES A VAPEUR 


317 


qui est envoyé de la chaudière à chaque coup de 
piston, mais comprend en outre la vapeur de com- 
pression, refoulée dans l’espace mort à la fin de la 
course du piston. Celte vapeur, en connait-on exac- 
tement le poids? En d'autres termes, sait-on si, au 


ns des proportions énormes? D'autre part, 
orsqu à un moment quelconque du fontionnement 


vapeur, et que, de ce chef, l'évaluation de la cha- 
r possédée par le fluide ne soit pas entachée 
dune grande indétermination? D'autre part encore, 
si la vapeur a été surchauffée avant d'entrer dans 
le cylindre, esl-on assuré qu'elle restera dans un 
état d'homogénéilé complète en perdant sa sur- 
hauffe, et que toutes ses parties passeront simul- 
lanément par le point de saturation ? Ou bien, au 
contraire, les parties les plus voisines du métal ne 
Seront-elles pas arrivées à se sursaturer alors que 
d'autres parties seraient encore à l'élat de sur- 
chauffe, chose qui jetterait la plus grande indétermi- 
nation sur l'évaluation de la chaleur possédée. Enfin, 
objection d’un toutautre ordre, le diagramme même 
de l'indicateur est-il suffisamment exact, la propor- 
ionnalité entre ses abscisses et les chemins par- 
Courus parle piston, entre sesordonnées et les efforts 
développés sur le piston, est-elle suffisamment com- 
plète pour que, abstraction faite de Loutes les autres 
bbjeclions, il soit possible d'en tirer des conclusions 
quelque peu certaines quant aux quantités de cha- 
leur possédées par la vapeur pendant les phases 
Successives de son travail ? 

. Telles sont les principales questions soulevées 
par les expériences alsaciennes. Après avoir donné 
u à une retentissante discussion entre: Hirn et 
uner en 1882, et après avoir fait couler des flots 
d'encre pendant les dix-huit années qui suivirent, 
es questions n'ont point encore reçu de solution 
définitive : les avis sont aujourd'hui encore absolu- 
ment partagés, et certains ingénieurs continuent à 
Ppliquer la méthode alsacienne, alors que d’autres 
a déclarent enlièrement dépourvue de pertinence, 


échanges. 
On sait, en effet, que les expériences alsa- 
siennes ne se bornent pas à la détermination des 


par la vapeur d'échappement, et rayonnant à tra- 
vers les parois. 

En ce qui concerne l'affectation de l'indicateur à 
la mesure des échanges, notre intention n’est nulle- 
mentd'exposerici quelle est notre opinion et de nous 
efforcer de la justifier : nous voulons nous borner 
à montrer combien les questions relatives au travail 
de la vapeur sont loin d'avoir reçu une solution 
définitive. Nous nous contenterons toutefois de 
signaler un fait, sans le commenter. Dans sa Irès 
remarquable « Nouvelle méthode pour représenter 
l'échange de chaleur entre le métal et la vapeur » 
(Mulhouse, 1888), M. Dwelshauvers-Dery établit des 
diagrammes des échanges, diagrammes qu'il super- 
pose aux diagrammes d'indicateur, et qui fournis- 
sent ka représentation graphique des échanges tels 
qu'ils sont censés s'être produits, en vertu de la 
théorie alsacienne. Or, sur huit diagrammes, cor- 
respondant à huit essais effectués par Hallauer en 
1873 et 1875, diagrammes qui ne font que repro- 
duire fidèlement les conclusions que Hallauer avait 
tirées lui-même de ses essais, il y en a sept qui 
montrent la vapeur absorbant de la chaleur au 
début de la détente, lorsqu'elle est encore relalive- 
ment chaude, et rendant de la chaleur aux parois 
à la fin de la détente, lorsqu'elle est relativement 
froide. Nous nous contentons d'exposer le fait, 
laissant au lecteur le soin d'en tirer argument 
pour ou contre le système alsacien. 

L'un des points qui, à la suite des expériences 
alsaciences, donnèrent lieu aux controverses les 
plus vives, réside dans l'existence ou la non-exis- 
tence d'une certaine quantité d'eau à l'intérieur du 
cylindre au début de la compression. Les Alsaciens 
avaient fait tous leurs calculs en admettant la sic- 
cité de la vapeur à l'instant considéré. Dans la 
polémique publiée en 1882 par la Æevue univer- 
selle des Mines et de la Métallurgie, Zeuner objecta 
que l'hypothèse de la siccité de la vapeur était gra- 
luite, que, eu égard à la possibilité de l'existence 
d'une certaine quantité d'eau dans le cylindre, le 
poids lotal de fluide était entièrement indéterminé, 
et que. de ce chef, planait une incertitude complète 
sur la grandeur accomplis entre le 
fluide et le métal. Hirn et Hallauer ripostèrent en 
maintenant la légitimité de l'hypothèse, et en sou- 
tenant qu'il était impossible que l’eau qui tapisse 
les parois au début de l’échappement ne füt pas 
vaporisée intégralement et {rès rapidement, étant 
en communication avec de la vapeur à basse pres- 
sion. 

Il est incontestable, en effet, que si l'eau et la 
vapeur se trouvent l'uneet l'autre à la température 
de 100° à la fin de la détente, et si, par suite de l’ou- 
verture de la lumière d'échappement, la pression 
de la vapeur tombe à un dixième d’atmosphère, et 


des échanges 


318 


L. ANSPACH — SUR LA THÉORIE DES MACHINES À VAPEUR 


sa tempéralure à 46°2, l’eau ne pourra pas rester à 
100° dans un milieu dont la pression est inférieure 
à une atmosphère. La vaporisation prendra dès lors 
un caractère explosif, absolument analogue à celui 
qui se présente lorsque l’eau d'une chaudière, portée 
par exemple à 150 degrés, se trouve ramenée brus- 
quement à la pression atmosphérique par suite 
d'une rupture des tôles. Dans l’un et l’autre cas, il 
se produit une vaporisation extrémement éner- 
gique et extrêmement rapide, due à la brusque rup- 
ture d'équilibre entre la pression de l’eau et la 
pression ambiante. Mais, dans l’un et l’autre cas, ce 
n'est qu'une très petite partie de la masse d'eau qui 
prend part à cette explosion, et la chaleur qu'elle 
absorbe par ce fait ramène la masse liquide res- 
tante à la température de saturation correspondant 
à la pression ambiante. De même que la plus grande 
partie de l’eau d’une chaudière qui fait explosion 
reste à l’élat liquide, de même la plus grande 
partie des gouttelettes qui lapissent les parois au 
début de l’échappement restent aussi à l’état liquide, 
et ne se vaporisent ensuite que graduellement, en 
vertu de la chaleur abandonnée d’une facon con- 
tinue par les parois. 

Dans ces conditions, l’eau doit-elle avoir entière- 
ment disparu avant la fin de l’échappement, ou 
peut-il en rester une certaine quantité au début de 
la compression ? Telle est la question essentielle 
qui alimenta la discussion entre Zeuner et l'École 
alsacienne, question controversable assurément et 
à laquelle aucune donnée expérimentale antérieure 
ne pouvait apporter une solution certaine. 

Zeuner ne se borna pas à invoquer contre le sys- 
tème alsacien la possibilité de l'existence d’une cer- 
taine quantilé d’eau au début de la compression : il 
se fonda sur les expériences mêmes des Alsaciens, 
et sur les diagrammes d'indicateur qu'ils avaient 
publiés, pour affirmerlaréalité de cetteexistence. En 
effet, plusieurs des diagrammes relevés comportent 
une courbe de compression 4 e (fig. 1) qui s'écarte 
énormément de la courbe de compression adiaha- 
lique*, telle qu'elle se serait produite pour de la 
vapeur primitivementsèche, dansla situation repré- 
sentée par le point d. La courbe de compression 
réelle d e montre que les volumes successifs de la 
vapeur sont beaucoup plus petits qu'ils ne devraient 
être si elle se comprimait adiabatiquement suivant 
une courbe telle que d e. La réduction des volumes 
implique une condensation énergique : la vapeur 
s’est donc trouvée en présence d’une substance qui 
lui à pris de la chaleur, et cette substance, c'est 
l'eau s{agnante, comme on l’a appelée depuis, l'eau 
qui règne en permanence dans le cylindre. 


On sait qu'une transformation adiabatique est celle pour 
laquelle le fluide qui se transforme ne recoit ni ne perd de 
chaleur. 


IT 


L'argument de Zeuner n’a pas paru péremptoire 
aux partisans du système alsacien : la substance 
qui, dès le commencement de la compression, à pu 
absorber la chaleur de la vapeur, ce n’est pas l’eau 
stagnante, c’est le métal même des parois : l'exis 
tence de l’eau stagnante n’est donc pas prouvée: 
Et ici se greffe, sur la question de l’eau stagnante, 
une question qui, à son tour, a donné lieu aux con" 
troverses les plus vives. Pour que le métal ait pu; 
dès le début de la compression, refroidir énergi 
quement la vapeur, il faut que sa température ai 
été inférieure à celle qu'a prise la vapeur aussitô 
qu'elle a commencé à se comprimer : il faut dont 
qu'il y ait eu, pendant l'échappement, une égalité 
complète entre la température des parois et celle 
de la vapeur. 

Voilà donc la question qui se pose : la tempé= 
rature des parois suit-elle exactement celle de la 
vapeur, ou bien oscille-t-elle entre des limites plus 
rapprochées ? 

Les remarquables recherches de M. Bryan Don 
kin sont venues apporter aux questions contro= 
versées des éléments expérimentaux de la plus 
haute valeur, mais n’ont pas mis fin à la discussion: 
Le savant expérimentateur a pratiqué des logements 
dans l'épaisseur de la paroi des cylindres, el y a 
installé des thermomètres. Mais quelque intéres®= 
santes que pussent être les indications fournies par” 
ce procédé d'investigation, elles ne pouvaient évi= 
demment pas faire connaître la température à las 
surface même des parois. 

En ce qui concerne la question de l’eau stagnante, 
le « revealer » de M. Donkin est de nature à élu= 
cider cette question d'une façon beaucoup plus: 
certaine : cet appareil est formé d'un petit récipient 
cylindrique en verre, contenant un noyau en fonte, 
et mis encommunication permanente avec l’un des 
fonds du cylindre. Le revealer, qui n’est autre chose 
qu'un prolongement de l’espace mort, contient à 
chaque instant de la vapeur à la même pressions 
que celle du cylindre. Il suffit d’inspecter le re- 
vealer pour voir l’eau se déposer en gouttelettes 
pendant la période d'admission, et pour voir ces 
gouttelettes se réduire de plus en plus pendant la 
période d'échappement. Or, dans certains cas, les 
gouttelettes se réduisent au point de disparaitre: 
Dans d'autre cas, elles ne disparaissent pas loutes; 
et certaines d’entre elles subsistent en permanence 
dans le revealer, en affectant des dimensions va= 
riables. 11 semblerait done que la question füt défi- 
nitivement tranchée par l'ingénieuse expérimen= 
tation due à M. Donkin : puisqu'il y a quelquefois" 
dans le revealer de l’eau stagnante en quantité sui 
| fisante pour être parfaitement visible, il y en à 


‘aussi quelquefois dans le cylindre. Telle est, du 
moins, la conclusion très catégorique formulée par 
“Certains auteurs. Mais à cela d'autres répondent 
que, malgré la communication permanente entre le 
mevealer et le cylindre, les conditions dans les- 
uelles se trouve la vapeur ne sont pas identiques 
dans l’un et l’autre milieu, et que, dès lors, ce que 
on voit s'accomplir dans le revealer n'a pas un 
ractère probant au sujet de ce qui s'accomplit 
dans le cylindre. D'autre part, on objecte que les 
énomènes dont on à une perceplion très nette 
dans le revealer, ce sontles condensations et vapo- 
urisations effectuées sur le verre,mais quel’'on serend 
L éompte d'une facon beaucoup moins certaine des 
énomènes qui s'accomplissent sur la surface du 
oyau en fonte, celle-ci n'apparaissant que der- 
rière le rideau formé par les goutteleltes déposées 
sur le verre. Or, c’est le noyau en fonte qui doit 
demment donner l'image la plus fidèle des phé- 
nomènes intéressant les parois du cylindre à 
apeur. 

En résumé, la question n'est pas expérimen- 
lalement élucidée, ou, du moins, certains auteurs 
soutiennent qu'elle ne l’est pas. 

- Des hommes techniques, observant que le revea- 
er montre ce qui se passe à côté du cylindre, et 
non dans le cylindre, ont proposé de lever la diffi- 
eulté en construisant le cylindre lui-même en 
serre. Mais, à supposer que cette idée fût réalisable, 
elle ne ferait pas faire un pas à la question, el sou- 
lèverait des objections au moins aussi fondées que 
elles qui ont été formulées contre le revealer : 
lorsqu'on aurait vu les phénomènes qui se produi- 
sent dans un cylindre en verre, on ne pourrait en 
rer aucune conclusion certaine quant aux phéno- 
Mènes qui se produisent dans un cylindre en fonte. 


| 
| 
| 


IN 


n 


Le revealer fournit d'autre part, et sous réserve 
es objections qui lui sont faites, des indications 
cieuses sur d’autres points controversés, notam- 
ment sur la forme qu'affecte l’eau déposée sur les 
parois : antéreurement aux expériences de M. Don- 
kin, l’eau affectait, suivant certains auteurs, la 
forme d'une couche continue, suivant d'autres, la 
forme de gouttelettes. Le D° Kirsch, dans son 
mémoire sur la transmission de la chaleur à tra- 
vers les parois des cylindres', s'exprime ainsi : 
- On ne pourrait guère révoquer en doute que tout 
éhangement de température de la vapeur se com- 
Munique pour ainsi dire instantanément à une 
“couche d'eau en contact avec elle, tandis qu'en ce 


Die Bewequng der Wärme in den Cylinderwandungen 
cr Dampfmaschine, Leipzig, 1886, p. 21. 


L. ANSPACH — SUR LA THÉORIE DES MACHINES A VAPEUR 


319 


qui concerne la transmission plus éloignée à une 
paroi métallique, il est douteux que l’on puisse 
aussi raisonner sur une égalité instantanée de tem- 
pérature. » 

D'autre part, M. Dwelshauvers-Dery, dans sa 
remarquable « Etude calorimétrique de la machine 
à vapeur », dit, au contraire, que l'échange s'effectue 
entre les parois et l’eau « attachée en gouttelettes 
de rosée sur la face du métal » (p.35). Or, le revea- 
ler nous montre, conformément au système de 
M. Dwelshauvers-Dery, l’eau déposée sur les parois 
en gouttelettes, et non en couche. 

Cette question de la forme affectée par l’eau a 
une importance beaucoup plus grande qu'il ne 
semble à première vue, car à cette question se 
raltache celle du rôle que l’eau joue au point de 
vue des échanges de chaleur : selon que l'eau se 
dépose en gouttelettes ou en couche sur les parois, 
il faut la considérer comme un véhicule favorisant 
la transmission de la chaleur, ou comme un obs- 
tacle dressé entre la vapeur et le métal, el venant, 
selon l'expression du Professeur Cotterill', mettre 
obstruction au passage de la chaleur. 

En effet, si l'eau, au lieu de créer un obstacle 
au passage de la chaleur communiquée par la va- 
peur au métal, agit au contraire pour faciliter ce 
passsage, on comprend que toute particule liquide 
déposée sur la paroi appellera d’autres particules 
liquides, puisqu'elle favorisera la transmission de 
la chaleur et par conséquent la condensation de la 
vapeur ambiante. En conséquence, les gouttelettes 
primitives formeront des centres de condensation 
ets’accroitront graduellement. Si, au contraire, l’eau 
constitue un obstacle au passage de la chaleur, ce 
sera sur les parties sèches de la paroi que la vapeur 
sera le plus fortement sollicitée à se condenser, el 
partout où la paroi sera déjà mouillée, la conden- 
sation se ralentira. Les gouttelettes primitivement 
déposées formeront des centres d'obstruclion et 
non des centres de {ransmission, et, dès lors, la 
condensation s'uniformisera sur toute la surface, 
puisqu'elle aura une (endance à se produire le 
plus énergiquement sur les points où elle ne se 
sera pas encore produite. 

On voit par là l'importance que présente la ques- 
tion de la forme affectée par l’eau déposée sur les 
parois : l’eau est-elle un véhicule ou un obstacle? 
Si elle est un véhicule, favorisant des échanges qui 
sont essentiellement nuisibles, il y a lieu de réali- 
ser la siccité la plus grande possible à l’intérieur 
du cylindre. Si, au contraire, elle forme un obstacle, 
la même conclusion ne s'impose plus. Or, selon que 
l’on adopte l’un ou l'autre système, l'explication 


! The steam engine considered as a thermodynamic ma- 
chine, Londres, 1890, p. 291. 


320 


L. ANSPACH — SUR LA THÉORIE DES MACHINES A VAPEUR 


de l'utilité de l'enveloppe de vapeur présente des 
difficultés plus ou moins grandes : le rôle incontes- 
table de l'enveloppe est, en portant les parois d’une 
facon permanente à une température relativement 
élevée, de diminuer les condensations et de rendre 
en conséquence les surfaces plus sèches. Mais un 
autre effet non moins incontestable de l'enveloppe, 
c'est de mettre la vapeur d'échappement en contact 
avec des parois plus chaudes, ce qui, abstraction 
faite de la question de siccité plus ou moins grande 
des parois, doit augmenter la chaleur versée en 
pure perte dans la vapeur d'échappement. L'en- 
velopve produit donc pendant la période d'échap- 
pement un effet qui par lui-même est essenlielle- 
ment nuisible; mais si cet effet est compensé par 
l'influence de la siccité plus grande du métal, le 
rôle de l'enveloppe ne s’en justifie pas moins très 
facilement : pendant l'admission, la chaleur versée 
par la vapeur se trouve réduite parce que les parois 
sont plus chaudes, etparce qu'elles sont plus sèches. 
Pendant l’échappement, la chaleur versée par les 
parois dans la vapeur se trouve réduite également 
parce que les parois sont plus sèches, e/ quoi- 
qu'elles soient plus chaudes. 

Le rôle de l'enveloppe est donc facile à justifier 
si l'on admet que l’eau est un véhicule favorisant 
les échanges. Il n’en est pas de même dans l'hypo- 
thèse contraire. 

On voit par là que les expériences de M. Donkin 
apportent leur contribution à la solution d'un pro- 
blème qui se trouve posé depuis le jour où Watt a 
imaginé l'enveloppe de vapeur. 

Mais ces expériences résolvent-elles la question ? 
Oui, d’après les uns. Non, d'après les autres, en 
vertu de cette remarque que le revealer n'indique 
pas d’une facon cerlaine ce qui se passe à l’intérieur 
du cylindre. Ici encore les avis restent partagés. 


V 


Une autre question, celle de la conduclibilité 
extérieure du fluide et du métal, vient se greffer 
sur la question des échanges. Le coefficient de con- 
ductibililé extérieure, comme l'appelait Fourier, 
ou, si l’on préfère, le coefficient de transmission 
entre le fluide et le métal, a donné lieu aux appré- 
ciations les plus diverses et les plus contradictoires : 
les Alsaciens paraissent avoir admis un coefficient 
de transmission égal à l'infini, puisque tous leurs 
raisonnements supposent une égalité complète réa- 
lisée à chaque instant entre les températures de 
la vapeur, de l'eau et des parois. Le Professeur 
Cotterill se rallie explicitement à ce système d'une 
conduclibilité infinie, tout en admettant pourtant 
que, lorsqu'il y a une couche d’eau interposée entre 
la vapeur et le métal, il peut y avoir une différence 


| notable entre la température de la vapeur et celtes 
du métal : cette différence résulte de la faible con» 
ductibilité interne de l’eau interposée. « Toutefois 
ajoute l’auteur (p. 291 de l'ouvrage cité plus haut)" 
une telle expression ne doit pas signifier qu'il 
ait une différence finie de température entre les 
particules du fluide et les particules du métalen 
contact immédiat. Il est probable qu'aucune diseon 
linuité semblable ne se produit dans la Nature. 

D'après cette opinion, il y a, en l’absence de toute 
couche d’eau interposée, égalité complète de tem: 
péralure entre les parois et la vapeur immédiate 
ment voisine. Or, dans le cas où la vapeur est 
saturée et verse de la chaleur dans le métal, il esb 
impossible que les molécules les plus voisines du 
métal descendent au-dessous de la température de 
la masse fluide. Il en résulte qu'il y a égalité de 
température entre cette masse et la surface des: 
parois, et qu'il y à transmission de chaleur sou: 
une différence de température absolument nulles 
ce qui suppose un coefficient de transmission égal 
à l'infini. 

A cette phrase de M. Cotterill : « Il est probable 
qu'aucune discontinuité semblable ne se produi 
dans la Nature », on peut objecter que la disconti= 
nuité existe sans contestation possible dans l’espèces 
les molécules voisines ne sont pas en contact immé 
diat. Elles évoluent à des distances très petites le 
unes des autres, mais à des distances finies; pour= 
quoi, dès lors, les mouvements thermiques de deux 
molécules voisines, l’une fluide, l'autre solide, nes 
pourraient-ils pas présenter entre eux des diffé- 
rences finies, tout aussi bien que les mouvements! 
cosmiques de deux planètes voisines? 

Nous exposons celte objection sans en diseute 
la valeur, et uniquement pour montrer à quel point 
toutes les questionsrelatives au fonctionnement de 
la vapeur daus les cylindres sont controversées € 
controversables. Nous nous bornons à ajouter que 
la théorie de l'égalité des températures est battue 
en brèche par des considérations qu'il serait trop 
long de développer ici et qui concernent la conduc 
Libilité intérieure du métal. Mais ces considérations" 
absolument probantes selon les uns, sont sans 
valeur selon les autres. 

L'égalité de température entre la vapeur et le 
parois, la possibilité d’un échange de chaleur sans 
qu'il y ait aucune différence finie entre les tempé 
ralures des molécules voisines, voilà ce qui implis 
que une conductibilité extérieure infinie. Telle esb 
donc la conclusion à laquelle aboutissent les opis 
nions de certains auteurs. Il en est d’autres qu 
admettent pour le coefficient de transmission un@ 
valeur finie. Mais les appréciations varient encore 
d'une facon extrême sur la grandeur de ce coef 
ficient : l’une des valeurs les plus considéra 


n 


L. ANSPACH — SUR LA THÉORIE DES MACHINES À VAPEUR 


321 


Cher les chiffres ci-dessus de ceux qui sont indiqués 
r M. Dommer dans son remarquable mémoire 
r la transmission de la chaleur dans l'industrie". 
Dommer, se fondant sur un très grand nombre 
lexpériences accomplies, non dans des cylindres 
à vapeur, mais dans des appareils où la vapeur 
agit à l'état de régime en conservant sa pression, 
conclut que, dans les circonstances les plus favo- 
rables à la transmission de la chaleur entre 
la vapeur et les parois sur lesquelles elle se con- 
dense, le coefficient de transmission est de 
000 calories par heure, par mèlre carré et par 
egré. 

- Ce chiffre n'atteint donc pas 10 ?/, de celui que 
nous avons relaté ci-dessus. Or, si l'on remarque 
que les expériences auxquelles se réfère M. Dom- 
Mer ont un caractère de simplicité et de continuité 
ui est de nature à créer les éléments de la certi- 
lude scientifique, on arrive à cette conclusion que 
pour arriver à des notions exactes sur les phéno- 
mènes qui accompagnent le travail de la vapeur, 
est dans beaucoup de cas à des recherches effec- 
tuées en dehors de la machine à vapeur qu'il faut 
avoir recours. 


Il y à incontestablement le plus grand intérêt à 
élucider les diverses questions qui partagent les 
hommes techniques : lorsqu'on sera arrivé à une 
notion claire et précise des phénomènes qui 
saccomplissent dans la machine à vapeur, on 
pourra en tirer des conclusions pratiques quant 
aux moyens d'améliorer le rendement de celle-ci. 
Routefois, il n'y a pas d'illusions à se faire : la 
machine à vapeur, malgré toutes les incertitudes 
qui s'attachen£ encore à son fonctionnement, n’est 


. La machine de Watt consommait environ 28 kilos 
de vapeur par cheval-heure. Aujourd'hui, grâce à 
diverses innovations, mais grâce aussi aux progrès 
onsidérables accomplis par la construction mé- 
canique, certaines machines, nécessitant d’ailleurs 


e dépense de chaleur relativement forte par kilo 


vapeur environ par cheval-heure. 
La consommation descendra-t-elle jamais beau- 


E À Revue gén. des Sciences pures et appliquées, 15 mai 1899. 


de vapeur, arrivent à ne consommer que 5 kilos de 


coup au-dessous de la limite qu'elle a atteinte 
aujourd’hui ? 

Peut-on prévoir que les inventeurs parviendront 
à modilier le cyele de la machine et à le rapprocher 
du eyele idéal de Carnot? 

On sait que le cycle de Carnot, celui qui donne 
le plus grand rendement possible pour les tempé- 
ralures extrêmes entre lesquelles évolue le fluide, 
consiste en deux transformations isothermes 
alternant avec deux transformalions adiabatiques. 
L'eau, se trouvant dans la chaudière à sa tempéra- 
ture de vaporisation, et se vaporisant sous pression 
constante, et par conséquent sous température 
constante, subit la première des quatre transfor- 
mations du cycle de Carnot. Transportée de. la 
chaudière dans le cylindre et s'y détendant jusqu à 
la pression du condenseur, elle y subirait la 
seconde transformation du cycle idéal si la détente 
élait vraiment adiabatique, au lieu d'être accom- 
pagnée d'échanges de chaleur. Transportée ensuite 
dans le condenseur, et s'y condensant sous pres- 
sion constante et sous température constante, elle 
y subirait la troisième lransformation du cycle de 
Carnot si la condensation s'arrêlait au point voulu 
pour que le fluide pût subir ensuite une quatrième 
transformalion, consistant en une compression 
adiabalique qui le ramènerait à l'état d'eau chaude, 
à la pression et à la température de vaporisation 
de la chaudière. Cette eau chaude serait réintro- 
duite dans la chaudière pour être de nouveau 
vaporisée. C'est par cette quatrième transformation 
que le cvele de Carnot diffère essentiellement du 
cycle réel: dans le cyele réel, en effet, le fluide qui 
évolue est entièrement condensé à la température 
du condenseur, et puis foulé dans la chaudière à 
l'état d’eau relativement froide pour y être ramené 
à la température de vaporisalion aux dépens d'une 
quantité de chaleur supplémentaire développée par 
le foyer. 

Réalisera-t-on jamais la quatrième phase du 
cycle idéal, ou du moins la réalisera-t-on jamais 
d'une facon pratique? Si l'on songe que depuis 
Watt, et même depuis Newcommen, pendant un 
espace de deux siècles, ie cycle accompli par la 
vapeur n'a pas élé modifié dans son essence, si l'on 
songe que ce cycle est réalisé dans les machines 
les plus diverses, y compris les turbo-moteurs, qui 
ne ressemblent en rien aux machines à cylindres, 
et dans lesquels la vapeur agit à l'état purement 
dynamique, il est permis d'affirmer avec une quasi- 
certitude que le cycle de la machine à vapeur ne 
se rapprochera jamais davantage du cycle de 
Carnot. 

Ce premier point étant admis, on peut se deman- 
der si l’on arrivera à améliorer le rendement de la 
machine en éloignant les limites entre lesquelles 


322 


oscille la température de la vapeur: quant à la 
température d'échappement, que l'on ramène à 
30 ou 40° centigrades dans les machines à con- 
densation, il n'y a évidemment pour ainsi dire pas 
d'intérêt à la faire descendre davantage, car on 
réalise déjà par là une contre-pression suffisam- 
ment faible pour pouvoir n'en tenir presque aucun 
compte dans l'évaluation du travail. 

En ce qui concerne la température supérieure, 
elle a été portée, grâce à l'emploi de la surchauffe, 
à un degré tel qu'il n’est pas possible de l’élever 
davantage sous peine de détruire les bourrages, 
de brüler les lubrifiants, et de détériorer très rapi- 
dement tous les organés qui entrent en contact avec 
la vapeur. Mais lorsqu'on considère le fonctionne- 
ment de la vapeur surchauffée, on constate que le 
cycle qu'elle parcourt s’écarte d'une facon très 
notable du cycle de Carnot : si, par exemple, de la 
vapeur produite à huit atmosphères, soit à 170°8, 
est ensuite surchauffée à 250°, la première 
transformation subie sera très éloignée de la 
transformation isotherme du cycle de Carnot. Or, 
plus un cyele s'écarlte du cycle de Carnot, plus 
sonrendementdiminue. On peut évidemment remé- 
dier à cet inconvénient, tout au moins théorique- 
ment, en réalisant la production même de la vapeur 
à une température comparable à celle que l’on 
aurait réalisée par la surchauffe, et en portant la 
pression de la chaudière à plus de 60 atmosphères. 
Des tentatives ont été faites dans cette voie, mais 
n'ont produit que des résultats peu satisfaisants : 
ilimporte, en effet, de remarquer qu'il est un cer- 
tain nombre de pertes inséparables du fonctionne- 
ment de la machine à vapeur, pertes que l'on 
pourra atténuer, mais que l'on ne parviendra jamais 
à supprimer. Telles sont notamment les pertes 
dues aux échanges, aux fuites, et aux espaces 
morts. Or, il est de toute évidence que plus on 
augmentera la pression et la température d'admis- 
sion, plus ces pertes deviendront considérables. 
Et quoi que puissent faire les inventeurs, l'emploi 
des très hautes pressions se heurtera loujours à 
cet inconvénient. 

Lorsqu'on évalue le rendement d’une machine à 
vapeur, il importe de tenir compte de ce qu'il y a 
de vague et d'indéterminé dans ces expressions : 
« travail développé par kilo de vapeur », «con- 
sommalion en kilos de vapeur par cheval-heure ». 
En effet un kilo de vapeur représente une 
dépense de chaleur plus ou moins grande, 
selon qu'il aura élé produit à une pression plus 
ou moins forte, selon qu'il aura été surchauffé ou 
ne l'aura pas été. Il faut done se rendre compte, 
dans chaque cas particulier, de la quantité de 
chaleur qu'aura absorbée la vapeur. Et c'est pour- 
quoi l'on ne peut comparer la machine à basse 


L. ANSPACH — SUR LA THÉORIE DES MACHINES A VAPEUR 


pression de Watt à une machine à haute pression 
actuellement construite, sans tenir compte de Jam 
quantité de chaleur que représente, dans l'une et 
l’autre machine, la vapeur consommée. 


VII 


Considérons de la vapeur fonctionnant suivants 
le cycle réel {vaporisation isotherme , détente 
dans le cylindre, condensation totale dans le 
condenseur, refoulement et échauffement de l’eau 
dans la chaudière, antérieurement à une nouvelle 
vaporisation isotherme), mais supposons que ce 
cycle réel soit accompli sans aucune des pertes, 
qui l’affectent toujours. 

Supposons la vapeur produite à 8 atmosphères,, 
soit à 170°,8, et condensée à 0,1 atmosphère, soits 
à 46°2. 

La quantité de chaleur totale absorbée par 
l'échauffement préalable de l’eau et par la vapori= 
sation est, en ce cas, de 612 calories par kilo. Si 
cette chaleur était transformée intégralement em 
travail, elle produirait 260.100 kilogrammètres, à 
raison de 425 kilogrammètres par calorie. 

Si, d'autre part, cette chaleur avait été dépensée 
suivant le cycle de Carnot, si, en d’autres termes, 
elle avait été versée intégralement à la température 
de 170°8, au lieu d'être en grande parlie employées 
à accroilre la température du liquide, antérieure 
ment à la vaporisalion, le travail produit aurait 
atteint 28 °/, du chiffre ci-dessus indiqué; car on 
sait que, suivant le cycle de Carnot, le rendement 
est égal au rapport de la chute de températures 
(dans le cas présent 1246) à la température 
absolue (443°8) à laquelle la chaleur est versée: 

Le travail aurait donc été de 72.828 kilogram= 
mètres. 

Mais la chaleur a été, dans le cas que nous con-" 
sidérons, non pas intégralement transformée en 
travail, non pas utilisée suivant le cycle idéal de 
Carnot, mais bien utilisée suivant le cycle réel, 
sans aucune perle. En ce cas, l'on trouve que le 
travail développé serait de 65.786 kilogrammètres, 
et représenterait un rendement d'un peu plus de 
25°/.. La dépense de vapeur serait, dans ces condi- 
tions, de 4 kil. 104 par cheval-heure. 

Or, dans des machines compound construites par 
la Société Bollinckx, de Bruxelles, et fonctionnant à 
des pressions un peu inférieures à 8 atmosphères, 
consommant done, par kilo de vapeur dépensée, 
un peu moins de chaleur que la machine consi- 
dérée, la dépense a été de 5 kil. 340 par cheval= 
heure. On n'ignore pas que d'autres essais, effectués 
à des pressions plus élevées, ont conduit à des 
consommations plus faibles en kilos de vapeur, eb | 
qu'avec de la vapeur surchauffée la consomma- 

ù 


A. HALLER — L'INDIGO NATUREL ET L'INDIGO ARTIFICIEL 393 


tion est déjà descendue au-dessous de 5 kilos ; mais 
|ilne faut pas oublier que, dans ces conditions, la 
dépense de chaleur par kilo a été plus forte. Dans 
le cas qui nous occupe, le travail développé par 
silo de vapeur dépensé est de 50.570 kilogram- 
.. et atteint environ 19,5 °/, du travail équi- 
valent à toute la chaleur versée; il atteint 69,5 °, 
lu travail développé suivant le cycle de Carnot, 
b77 °/, du travail qui eût élé développé suivant le 
ÿele réel, mais sans aucune perle. 

“Ces 23°/,, qui séparent le cycle réalisé du cycle tel 
il s’effectuerait sans perte, représentent l'étape 
jui resterait à franchir par la machine à vapeur si 
Mon pouvait espérer la suppression totale des 
[ rtes. 

Or, ces pertes, on pourra les atlénuer, on ne 
Ourra jamais les supprimer : les espaces morts 
disparaîtront jamais, non plus que les fuites, 
lés pertes par échange, les pertes par rayonnement. 
“D'autre part, on sera toujours amené à ne réaliser 
lune détente incomplète, et à réduire par là le 
ail développé dans le cylindre : cette détente 
icomplète est justifiée, et le sera toujours, par 
les considérations multiples relatives à la dépense 
à premier établissement, aux frottements des 
“pièces de la machine, aux espaces morts, aux 
hanges. 

Et lorsqu'on fait usage de dispositions haute- 


d'autres, notamment la perte par rayonnement. 
11 n'y a donc pas à se le dissimuler, la machine 
vapeur qui, depuis Watt, n'a fait que de très 


a ibles progrès, est condamnée à n'en faire égale- 
ment que de très faibles dans l'avenir. Quoi qu'il 


DEUXIÈME PARTIE : 


igofères; nous allons maintenant passer en 
Nue quelques-unes des tentatives faites pour 
éer de toutes pièces ce produit dans les labora- 


FABRICATION 


en soit, ces progrès, si minimes qu'ils puissent 
être, sont dignes de la sollicitude des construc- 
teurs, des expérimentateurs et des analystes. 
Pour pouvoir marcher sûrement dans la voie qui 
reste encore à parcourir, il faut que ceux-ci s'at- 
tachent à résoudre les questions qui sont ouvertes 
depuis un quart de siècle. Il faut qu'ils s'attachent 
à lever toute l'incertitude, toute l’indétermination 
qui est inhérente à ces questions. 

Et si paradoxal que cela semble, nous ajouterons 
que si l’on veut arriver à connaitre la machine à 
vapeur, ce n'est pas la machine à vapeur elle-même 
qu'il faut étudier : les expériences de Regnault, 
qui fournissent au constructeur les indications les 
plus précieuses, sont des expériences de labora- 
toire. D'autre part, la contribution si efficace que 
M. Dommer, dans le mémoire cité ci-dessus, a 
apportée à la solution d’une question controversée, 
nous indique quelle est la voie à suivre. C'est 
parce que les propriétés générales de la matière 
sont insuffisamment connues que des questions 
posées depuis un quart de siècle n'ont pas encore 
recu leur solution. Ce sont ces propriétés générales 
qu'il importerait de déterminer d’une façon suffi 
samment précise pour quil ne pût plus rester 
aucun doule sur leur réalité. Telle est l'œuvre 
primordiale et indispensable, à la suite de laquelle 
toutes les discussions qu'on a vues se produire 
dans ces dernières années pourront enfin aboulir 
à des conclusions certaines et indiscutées. 

C'est à la Science pure qu’il faut avoir recours. 
C'est dans le laboratoire du physicien que la ma- 
chine à vapeur se perfectionnera. 


L. Anspach. 
Professeur à l'École Polytechnique 
de Bruxelles. 


L'INDIGO NATUREL ET L'INDIGO ARTIFICIEL 


DE L'INDIGO ARTIFICIEL 

Elle constituerait cependant l’un des chapitres les 
plus captivants de la Chimie aromatique, el serait 
intéressante à bien des points de vue. Qu'il nous 
suffise de rappeler qu'elle est due aux travaux 
mémorables de M. de Bæyer, qui y a consacré plus 
de vingt ans de labeur. 

Dès le début de ses recherches, M. Bæyer s'était 
donné comme tâche d'établir la constitution de 
l'indigo, et, en couronnant, en 1878, ses travaux 
par la synthèse du produit artificiel, ila pu annon- 
cer que : « la place de chaque atome de la molé- 
cule de cette matière colorante avait été déter- 


324 A. HALLER — L'INDIGO N 


NATUREL ET L'INDIGO ARTIFICIEL 


minée par l'expérience ». Comme toujours, l'ana- 
lyse a précédé la synthèse. Il a fallu détruire gra- 
duellement la molécule indigo, étudier les divers 
termes de destruction, et les relier entre eux, avant 
d'être en mesure de reconstruire l'édifice abattu 
par les forces chimiques. 

On savait, depuis 1826, que l’indigo fournit par 
distillation sèche de l’aniline, et les travaux de 
Fritsche avaient montré, dès 1841, que la matière 
colorante, chauffée avec de la potasse, donnait 
naissance à ce même acide anthranilique ou acide 
orthoamidobenzoïque, qui, depuis les travaux de 
Ieumann, joue un si grand rôle dans la synthèse 
industrielle de l'indigo. Un autre point important 
de la chimie de ce composé est sa transformation 
en isatine, sous l'influence des agents oxydants, 
transformation accomplie simultanément par Lau- 
rent et Erdmann en 1841. 

Comme le fait remarquer M. Bæyer, ses recher- 
ches sur l’isatine ont élé suscitées par l’analogie 
que présente ce corps avec l'alloxane, appartenant 
à la série urique. Il soumit donc cette isatine à une 
réduclion ménagée, et obtint un corps renfermant 
deux atomes d'hydrogène en plus que l'isatine, el 
auquel il a donné le nom de dioxindol. Ce composé, 
réduit plus énergiquement par de l’étain et de l'acide 
chlorhydrique, se transforme en une nouvelle molé- 
cuie, l’oxindol, laquelle, chauffée avec de la poudre 
ae zine, fournit enfin un produit ne renfermant 
plus d'oxygène, l’izdol, substance-mèrede l'indigo. 

Les formules suivantes nous permettent de tra- 
duire schématiquement les relations qui existent 
entre l'indigo, l’isatine son produit d'oxydation, 
le + l'oxindol et l'indol : 


CO 
CH Vox. œnZ  Nco. 
Gare NT 2 NAzH/ 
Indigo. Isatine. 
H(OH) °CH= 
co” co CH co. CH MS cr. 
Az NAzH Naz7 
Dioxindol. Oxindol. Indol. 


Cetle transformation de l'indigo en sa substance- 
mère se fait actuellement par une méthode moins 
coûteuse, qui consiste à traiter de l'indigo même 
par de l’élain et de l’acide chlorhydrique, età chauf- 
fer le produit de la réaction avec de la poussière de 
zinc. 

Il est intéressant de faire remarquer que celle 
méthode de réduction énergique, déjà employée 
dans la technique industrielle, en 1863, pour lrans- 
former le nilrobenzène en aniline,futin(roduite dans 
les laboratoires par M. Bæyer, et permit, trois ans 
plus lard, à ses assistants, MM. Græbe et Libermann, 
d'élucider la question de la constitution, et, parsuite, 
à effectuer la synthèse de l'alizarine. 

Bien que MM. Engler et Emmerling aient observé 


. 


la formation de traces d'indigo dans le traitement de 
l'o-nitroacétophénone par de la poudre de zincetde 
la chaux sodée, la première synthèse effective de 


qu'à partir du jour où il réussit à faire celle du pro 
duit d'oxydation de la matière colorante. 
Elle date de 1879, et consiste à réduire l'acide 


par de l'acide nitreux, ce qui fournit de l’isonitros 
sooxindol (ou isatoxime); ce dernier est réduite 


phosphore, qui donne naissance à du chlorure 
d'isatine, que le zine en poudre convertit en indigo 

La succession des réactions que nous venons 
d'énumérer se schématise de la facon suivante :: 


CIE.COOH CH? CG: AZOIL 
CE .: CH Don cr" > C0 
Az0° NAzH/ SAZU 
Ac. 0. nitrophénylacétique. Oxindol. Isatoxime. 
CH.AzH? 
CsH#7 > CO 
NH 


Amidooxindol. 


œmf S co s—— ce ° car 
Na NAzH/ 
Isatine. Chlorure d'isatine. 
>> 0 me" Ne cé Sous. 
fé NAz/ Ki 
Indigo. 


Toutes ces réactions, fort simples, jettent un jour 
éclatant sur la constitution de l'indigo, et ont sus= 
cité de nouvelles synthèses de cette molécule. 

L'objet de cet article étant d’insister particulière 
ment sur les synthèses de l'indigo qui ont subi 
l'épreuve de la pratique industrielle, nous passe= 
rons sous silence celles qui n'ont qu'un intérêt 
purement théorique et aborderons la première qui 
encore due à M. Bæyer, fut l'objet d'une fabrication 
en grand de l'indigoline. | 

Le point de départ de cette synthèse est l'acide 
cinnamique, qu'on peut obtenir par la réaction de 
Perkin, en partant de l’aldéhyde benzoïque, ou em 
faisant agir du chlorure de benzylidène sur l'acé- 
tate de soude. En nitrant cetacide, ou plutôt sa 
éther, on obtient un mélange d'acides ortho (70 2/6} 
et para-cinnamiques (30°/,) qu'on sépare, le pre 
mier seul se prélant aux opérations subséquentes 
Cet acide, additionné de brome, est transformé en 
dibromure, qui perd deux molécules d'acide brom= 
hydrique quand on le traite par de la potasse 
alcoolique, pour donner naissance à de l'acide 
ortho-nitrophénylpropiolique. Ce dernier composé 


A. HALLER — L'INDIGO NATUREL ET L'INDIGO ARTIFICIEL 325 


fournit directement de lindigo lorsqu'on le 
hauffe avec un alcali en présence de glucose, 
ü mieux de xanthate de soude. Les schémas 
divants rendent compte des réaclions successives 
ai se produisent : 


CH = CH.CO0H CHBr.CHBrCOOH 


S CH: 
AzO? 


Ac. ortho-nitrocinnamique. Dibromure d'ac. 0. nitrocinn. 


: C.COOH CO“ 
co >> 
ES Az0? 


lcoolique, et donne de l'acide ortho-nitrophényl- 
xyacrylique. Fondu avec un alcali, cet acide four- 
ditdel'indigo en quantilé minime,comparativement 
lu rendement de 70 °/, que donne la réaction à 
acide ortho-nitrophénylpropiolique : 


CH = CH.COOH CHOH.CHCI.COOH 


con 
NAz0® 


Ac. 0. nitrocinnamique. 


: CH.COOH 


CH 
*AzO? 
Ac. o. PIC DNA RU 


cn" cmZ ° AS = cc Nore. 
\Az0® NazH/ tn 
Mc. 0. nitrophényloxyacrylique. Indigo. 


Le prix trop élevé de l'acide ortho-nitrophényl- 
propiolique n'a pas permis de préparer l'indigo- 
line même avec cel acide, mais il a été employé 
pendant quelque temps pour l'impression, grâce à la 
bropriélé qu'il possède de pouvoir être transformé 
sur tissu, au moyen du xanthate de soude, en 
ndigo. Les dessins qu'on obtenait ainsi avaient 
beaucoup plus de finesse que ceux qu'on réalisait 
les anciens procédés et, au point de vue de 
impression, l'emploi de l'acide ortho-nitrophényl- 
bropiolique constiluait un réel progrès. 


II. — SyNTBÈSsE DE BÆYER ET DREWSEN. 


» Malheureusement, vu sa cherté, ce produit fut 
bientôt délrôné par un autre, dont la synthèse est 
alement due à Bæyer, qui l'effectua en collabora- 
lion avec Drewsen en 1882. 

… Cette synthèse, qui consiste à condenser, en pré- 
ence de soude caustique, l'aldéhyde ortho-nitro- 
nzoïque avec l'acétone, surpasse en élégance et 
simplicilé tous les autres procédés de prépa- 
tion de l'indigo. Quand les matières premières 
sont suffisamment pures, la réaction donne des 
rendements meilleurs que ceux fournis par l'acide 


ortho-nitrophénylpropiolique, rendements qui peu- 
vent atteindre 80 °/, de ceux prévus par la théorie. 
Le mécanisme de cette réaction peut se traduire de 
la facon suivante : 


(N\— cHo — CHOH.CIP.CO.CIP. 
| | + CH3.CO-CH° — 

k — Az0°? — AzO? 

V7 

O. nitrobenzaldéh.  Acétone. Ortho nitrophényllactylcétone. 


Cette dernière combinaison, en présence d'un 
alcali, se convertit rapidement en indigo et acide 


acélique : 
1: CHOH.CH® 
2| | — Az0O° 


Ai 10 — 
d + 2H°0 + 202402. 
Caatt-À 


Acide acétique. 


.CO:CH°: 


=. ji ee 


Indigo. 


La cétone intermédiaire, insoluble par elle-même, 
peut-être solubilisée par combinaison avec je bisul- 
fite de soude, et constitue alors le sel de Kalle ou 
sel d’indigo qui, en impression, l'emporte sur 
l'acide ortho-nitrophénylpropiolique par son em- 
ploi plus facile. Il suffit, en effet, de faire passer le 
tissu imprimé en soude caustique pour développer 
le colorant. 

Comme on le voit, le problème de la fabrication 
de l'indigo parait être, en apparence, des plus 
simples, puisqu'il se réduit à la préparalion de 
l'aldéhyde ortho-nitrobenzoïque, car l'acétone est 
un produit qu'on peut avoir à volonté. Or, c'est 
précisément là préparation de cette aldéhyde qui à 
présenté de grandes difficultés jusqu'alors. 

Pour arriver au but cherché, il semble qu'il suf- 
fise de nitrer l'aldéhyde benzoïque, d'un usage si 
courant en industrie; mais, comme pour l'acide 
cinnamique, Le dérivé orthronitré est loin de se for- 
mer en quantité théorique, accompagné qu'il est 
de notables proportions de produit métanitré, inu-° 
üilisable pour la préparation de l'indigo. Dans des 
essais tentés pour obtenir du chlorure de benzyle 
orthonitré, qui, par oxydation, fournirait l'aldéhyde 
cherché, on à encore été éconduit par la formation 
du dérivé paranitré qui est sans valeur par la syn- 
thèse projetée. 

Bien d’autres tentatives ont été failes, avant celle 
qui est à l'ordre du jour, et qui consiste à oxyder 
directement l'orthonitrotoluène, au moyen du 
bioxyde de manganèse et de l'acide sulfurique. Cet 
orthonitrotoluène se forme dans la proportion de 
60 à 66 °/,, à côté du paranitrotoluène, quand on 
nitre le carbure dans certaines conditions. 

Ce procédé d'oxydation est dû à la Sociélé chi- 
mique des Usines du Rhône, qui déclare ètre arrivée 
à un résultat industriel et se trouver en mesure de 


326 


A. HALLER — L'IN::GO NATUREL ET L'INDIGO ARTIFICIEL 


réaliser en grand la synthèse de Bæyer et Drewsen. 
Cette même Société a étendu son procédé aux 
métaxylènes nitrés, et a obtenu deux aldéhydes mé- 
tanitrotoluyliques qui, par condensation avec l'acé- 
tone, en présence de soude caustique, lui ont 
fourni un indigo méthyle B et son isomère R, aux- 
quels elle attribue la constitution : 


CH CH 
Ac: CO AA ET CON 
(Se ane De 
(Ca 47H JC /asH Na, 
WTE ce 


Indigo méthyle B. Indigo méthyle R. 


Les rendements obtenus en aldéhyde, dans l'oxy- 
dation de l'orthonitrotoluène, sont-iis suffisants 
pour justifier les espérances qu'a fait naître ce 
procédé? 

Nous ne saurions nous prononcer à cet égard, et 
l'avenir seul pourra nous éclairer sur ce point. 

On a fait une grave objection à l'application pos- 
sible de cette synthèse sur une grande échelle. 

Au point de vue industriel, un procédé n’est viable 
que lorsqu'on peut se procurer la malière première 
en quantité suffisante et à un prix rémunérateur. Or, 
jusque dans ces dernières années, la matière pre- 
mière, le toluène, nécessaire à la mise en œuvre 
de ce procédé, ne se retirait que des goudrons pro- 
venant des usines à gaz, et était par conséquent 
d'une production relativement limitée. Depuis la 
construction des fours à coke à récupération des 
sous-produits, les quantités de goudron dont peut 
disposer l'industrie augmentent journellement. Il 
nous suffit de citer les exemples suivants : 

En 1883, la production du goudron en Europe à 
été de 675.000 tonnes. 

En 1898, cette production a atteint le chiffre de 
1.207.800 tonnes, lesquelles, avec le coefficient de 
2 à 3 °/, de benzols bruts, peuvent fournir, en 
chiffres ronds, de 24.000 à 36.000 tonnes de carbures 
benzéniques. Or, on admet généralement que le 
benzol brut renferme, en moyenne, un sixième ! de 
toluène, ce qui fait une production de 6.000 tonnes de 
toluène pour l'année 1898. Mais cette produetion à 
certainement augmenté depuis cette époque, puis- 
qu'on ne cesse d'installer, aussi bien en France 
qu'en Belgique, en Allemagne et aux Etats-Unis, 
des fours à coke à récupération, soit du système 
Semet Salvay, soit du système Otto Hoffmann. Il 
existe actuellement1.451 fours du premier système, 
et 357 autres en construction, de sorte qu'à un 
moment donné il en fonctionnera 1.808. On pré- 
tend, d'autre part, que les fours Otto Hoffmann 


{ Nous prenons à dessein le sixième, car, si les. benzols 
des goudrons des usines à gaz renferment environ 23 °/, de 
toluène, ceux provenant des fours à coke contiennent tout 
au plus 45 °/, de ce carbure. 


sont beaucoup plus nombreux et plus répandus, et 
que bientôt il en existera environ 5.000 de parle 
monde entier !. À 
Outre cette augmentation dans la produclion du 
goudron, on a cherché à améliorer le rendement 6 
carbures benzéniques. On sait, en effet, d'après les« 
travaux de Bunte, que, sur la quantité de benzols« 
bruts réellement produits dans la distillation, 5 4 
seulement restent dans le goudron, tandis que 
95 °/, sont entraînés par les gaz. | 
Or, comme les gaz des fours à coke ne sont guère 
utilisés pour l'éclairage, on a songé à en extrairel 
benzols, en les faisant barboter à travers des goue 
drons fluides qui retiennent les carbures benzé 
niques. Actuellement déjà ce système permet "à 
l'Allemagne de produire 30.000 tonnes de benzols; 
par suite de ne plus être tributaire de l'étranger et 
en particulier de l'Angleterre, et le jour où to 
ses fours à coke seront munis de laveurs, on estime 
que la production de benzols s’élèvera à environ 
80.000 tonnes par an. En admettant donc que le | 
sixième de 80.000 tonnes soit du toluène, on aurait 
à sa disposition 13.000 tonnes environ de carbureÿ | 
ce qui, à raison de 4 kilos de toluène par kilo 
gramme d'indigotine, permettrait de préparer plus 
de 3.000.000 de kilos de la matière colorante, sur 
les 4.000.000 qui sont employés. 
Nous avons donc là une source de toluène quil 
suffira de capler et de régler. Mais rien ne s'opposew 
ce que l’on n’en trouve pas une autre, soit en réglant 
la marche des fours de façon à enrichir les gou=M 
drons en toluëne, soit en préparant celui-ci au 
moyen du benzène et du méthane. | 
Dans cette production intensive de carbures, il 
aura sans doute un excès de benzène pour lequelil 
faudra trouver un débouché rémunérateur, si l'on 
ne veut pas que le prix du toluène s'élève au delà 
de certaines limites. | 
Le champ des études sur ce sujet est des plus 
étendus, en même temps que des plus captivants: 
La simplicité même de cette synthèse de l'indi 
gotine, les bons rendements qu'elle fournit une fois 
que l'on est en possession de l’'aldéhyde orthonitra 
benzoïque, la possibilité qu'il y a d’avoir à un moment 
donné la matière première en quantité suffisante 


l’'émulation des chercheurs. 


III. — PROCÉDÉ DE LA SOCIÉTÉ BADOISE. 


Le point de départ de ce procédé est une obser= 


1 Sammlung Chem. und Chemisch-technischer Vorträgel 
du Profes. Ahrens. Chemisches auf der Weltausstellung Zu 
Paris 1900, par le Dr G. Keppeler, t. VI, fase. I. 


A. HALLER — L'INDIGO NATUREL ET L'INDIGO ARTIFICIEL 


caustique, il se formait de l'indigo. Les essais 
| | entés pour faire de cette synthèse l'objet d'une 
exploitation industrielle n'ayant pas réussi, faute 
de rendements, la Société Badoise tira parti d’une 
autre découverte de Heumann, celle qui consiste à 
ondre l'acide phénylglycine-0.-carbonique avec de 
la potasse. Dans ce cas, la réaction est beaucoup 
plus nette, et les rendements sont meilleurs. 

… La mise au point de ce procédé, tel qu'il est 
exploité actuellement par la Sociélé, a demandé 


qui n'ont pas duré moins de sept années, el qui ont 
abouti à des résultats remarquables, non seule- 
ment en ce an concerne Rneanne elle- même, 


exes, qu'il a fallu créer “4 dre, de 
facon à former un cycle de réactions aussi parfait 


Les différents stades de cette fabrication sont les 
divants : 

1° Oxydation de la naphtaline en acide phtalique 
au moyen de l'acide sulfurique fumant, et régénéra- 
ion de ce dernier acide : 


L RES NE C0 


0e 
NAN DATES 


Naphtaline. Anbydride phtalique. 


2° Préparation de la phtalimide el transformation 
le cette imide en acide ortho-amidobenzoïque ou 
acide anthranilique : 


/N\ coou 


AH | | 
NOT AA 


o. 0/ 


Phtalimide. 


Ac. anthranilique. 


3° Préparation de l'acide monochloracétique et 
action de cet acide sur l'acide anthranilique pour 
btenir l'acide phénylglycine-ortho-carbonique : 


po 
AZHCHÈ.C ” 
KL aaGIe.cooN 


Ac. phenylglycine-ortho-carbonique. 


Scoot 


+ CHÉCI.COOH 


pa 12 
pe Az 


4 Fusion de cette dernière molécule avec de la 


1 
…/ \coon NE 00, 
1 | | Nc.coon. 
AZHCHE.COOH Ha 
Acide indoxylique. 
= con — co CD A 
NN S—— 
20 DE=K 
(ya AH A7H— 
NA 
Indoxyle, 


Indigo. 


& 1. — Préparation de l’anhydride phtalique. 
_ La naphtaline, matière première dont on part 


considérables sur le marché, et à un prix ne dépas- 
sant guère 112 francs la tonne. D’après M. Brunck, 
on dispose d'au moins 40 à 50.000 tonnes de ce 
carbure, dont 15.000 tonnes seulement, correspon- 
dant aux demandes, élaient isolées jusqu'alors. 
Les 25.000 tonnes restantes étaient donc disponi- 
bles pour la fabrication de l’indigo, puisque, faute 
d'emploi, elles restaient dans les huiles lourdes, ou 
servaient à la fabrication du noir de fumée. 

L'oxydation de la naphtaline par l'acide chro- 
mique élant trop coûteuse, la Société Badoise réus- 
sit, après de longues études, conduites systémati- 
quement, etavee une science consommée, à trouver 
les meilleures conditions nécessaires pour effectuer 
cette oxydation au moyen de l'acide sulfurique 
anhydre, en présence du bisulfate de mercure, sel 
qui a pour effet de modérer la réaction. Il est vrai 
qu'un heureux hasard, le bris d'un thermomètre à 
mercure, a singulièrement contribué à assurer le 
succès de celte opération; mais, comme le dit fort 
judicieusement M. Brunck, on aurait atteint le but 
poursuivi, sans ce fait heureux. 

Les quantités d'acide fumant employées pour 
celle oxydation élant considérables, il a fallu, pour 
rendre le procédé économique, récupérer l'acide 
sulfureux, et le retransformer en anhydride, par un 
procédé autre que celui des chambres de plomb, 
qui est loin d'être avantageux. 

C'est ici qu'intervient l'ingénieux et nouveau pro- 
cédé de fabrication de l'acide sulfurique, imaginé 
par M. Ch. Winckler, et mis au point par M. Knietsch, 
de la Société Badoise, procédé qui permet de pré- 
parer l'anhydride par combinaison directe du gaz 
sulfureux el de l'oxygène de l'air, en présence de 
l'amianthe platinée*. 

Dans celte opération, l'acide sulfurique sert donc 
de corps intermédiaire pour fournir l'oxygène né- 
cessaire à la transformation de la naphtaline en 
anhydride phtalique, et repasse ensuite, sous forme 
d'acide sulfureux, à travers la masse de contact, 
pour se convertir à nouveau en acide sulfurique. 

La Société Badoise récupère ainsi, annuellement, 
de 35 à 40.000 tonnes d'acide sulfureux provenant 
de la fabrication de l’anhydride phtalique. 


2, — Phtalimide. Acides anthranilique 
et monochloracétique. 


un 


La préparation de la phtalimide au moyen de 
l'ammoniaque sèche et de l’anhydride phtalique ne 
présentant pas de difficultés au point de vue indus- 
triel, nous n'y insisterons pas. 

Gräce aux recherches de MM. Hoogewerff et Van 
Dorp, recherches basées sur la découverte d'A. W. 
Hoffmann, la transformation de la phtalimide en 


1 Revue gén. des Sciences du 28 fév. 1901, t. XII, p. 159. 


328 A. 


HALLER — L'INDIGO NATUREL ET L'INDIGO ARTIFICIEL 


acide anthranilique s'effectue assez facilement au 
moyen de solution d'hypobromite ou d'hypochlorite 
de soude. 

On emploierait à la Société Badoise l’iypochlo: 
rite ; et le chlore nécessaire à sa fabrication, comme 
celui qui sert à chlorurer l'acide -acétique, est 
obtenu par un procédé électrolytique que la mai- 
son a acquis de la Sociélé Zlektron de Griesheim. 
Ce chlore est ensuite purifié et liquéfié d’après une 
méthode qui a été brevetée par la Société Badoise, 
et se trouve dans les meilleures conditions de pu- 
relé pour chlorurer l'acide acétique. 


Suivant le D' Brunck, on transforme actuelle- 


ment déjà 2.000.000 de kilos d'acide acétique en dé- 
rivé monochloré, c'est-à-dire la quantité correspon- 
dante à celle d'acide extraite par distillalion de 
100.000 mètres de bois. 
$ 3. — Acide phénylglycineorthocarbonique. 
Indigo. 


La condensation de l'acide anthranilique avec 
l'acide monochloracétique semble aussi se faire 
assez régulièrement, mais une des plus grandes 
difficultés à vaincre fut la détermination des condi- 
tions exactes pour la fusion, sur une grande échelle, 
de l’acide phénylglycocolleorthocarbonique, opé- 
ration au cours de laquelle il se forme de l'acide 
indoxylique, qui, oxydé au contact de l'air, 
donne de l'indigo. La Société a même réussi à isoler 
cet acide, et le livre, sous le nom d’indophore, à 
l'impression, où il trouve un emploi analogue à 
celui du sel d'indiyo de Kalle, où à celui de l'acide 
ortho-nitro-phénylpropiolique. 

L'indigo qui, sous l’action de l'air, se sépare de 
la solution aqueuse de la masse de fusion, est cris- 
tallin. Pour l'obtenir à l'état de finesse que néces- 
site la cuve à fermentation, on se sert d’un procédé 
déjà appliqué jadis à l'indigo même, et qui consiste 
à le transformer en sulfate d’indigo qu'on décom- 
pose ensuite par l’eau. Il se forme ainsi une pâte 
très ténue qu'il suffit de laver jusqu'à ce qu'elle ne 
contienne plus d'acide sulfurique. Cet indigo ains; 
divisé se prête très bien à la préparalion des cuves, 
car il se réduit, et partant se dissout avec la plus 
grande facilité. 

Quoi qu'on en ail dit et écrit, l’indigotine obtenue 
par voie de synthèse, soit par le procédé Heumann, 
soit par celui de Bæyer et Drewsen, soit par tout 
autre procédé, est en tous points identique avec 
celle qui se trouve dans les indigos naturels. 

Telle qu'elle est livrée au commerce, cette indi- 
gotine présente sur le produit naturel un certain 
nombre d'avantages, qu'énumère M. Brunck dans la 
conférence déjà cilée : « La régularilé, la teneur 
constante du produit livré en indigoline pure, l'ab- 
sence absolue de corps accessoires dans cet indigo, 


LA 


la facilité avec laquelle il se réduit gràce à son état: 
de division extrême, tous ces avantages constituent 
les principales qualités en face de la richesse irré 
gulière en colorant, et de la difficulté de réduction 
que présente l'indigo naturel. Le teinturier qui n’est: 
pas familiarisé avec les méthodes de dosage, se wo 13 
contraint d'acheter l'indigo naturel non pas d'aprè 1 
sa valeur intrinsèque, mais d’après les caractè 
facilement trompeurs de l'aspect extérieur. Les 
propriétés de l’indigo artificiel mettent l’acheteut 
à l'abri de ces risques, et lui assurent un produit 
uniforme et d'unequalité irréprochable ». | 

L'indigo synthétique donne des nuances très 
pures et aussi solides à la lumière que celles fours 
nies par l'indigo naturel. De nombreuses expé 
riences ont été faites à ce sujet, et on a pu voir am 
pavillon de la Société des Usines du Rhône, à 
l'Exposition de 1900, que des échantillons de tissus 
teints en indigo synthétique ne le cédaient en riens 
comme beauté et comme solidité à la lumière, à 
ceux teints avec de l'indigo naturel. 

Lesnuances qu'on obtient avec celle indigotinem 
pure seront sans aucun doute uniformes, et tou 
jours identiques à elles mêmes ; tandis que celles 
fournies par les indigos de culture varient avec 
leur composition, et aussi avec la façon dont son 
conduites les cuves à teinture. Or, dans la teinture 
sur laine, comme aussi dans celle du coton, on 
tient à cette variété de nuances, qu'on ne peut réas 
liser avec le produit synthétique actuel, ce qui fait 
que l'emploi de la matière colorante naturelle n'est 
pas près de disparaitre si l'écart entre les prix n'est 
pas trop considérable et si l’on n'arrive pas, comme 
on l’a fait pour les alizarines, à produire des indi= 
gos artificiels qui se rapprochent par leurs compos 
sants, indigotine, indirubine, bruns d’indigo, etc. 
du colorant naturel”. 

Il est inutile d'ajouter que l'indigotine pure, 
extraite de l'indigo de culture par la méthode 
l'acide sulfurique, qui permet d'obtenir un rende= 
ment industriel de plus de 90 °/,, avec un mini 
mum de frais de 4 à 1 fr. 50 par kilog., jouit des 
mêmes avantages que ceux que nous avons énu 
mérés à propos du produit synthétique, puisqu ‘els 
lui est identique. 

En outre des synthèses que nous venons d'énu- 
mérer el qui seules, jusqu'à présent, ont reçu la 
consécration de la pralique, on a breveté plusieurs 
autres procédés, les uns plus élégants que les 
autres, mais, en raison de leur complication et aussi 
de la cherlé des matières premières, ils ne parais= 
sent pas actuellement susceptibles d’être réalisés 
industriellement dans la forme sous laquelle ils 
sont présentés. | 


1 Voyez dans la première partie de cet-article, p. 261. 


A. HALLER — L'INDIGO NATUREL ET L'INDIGO ARTIFICIEL 


320 


ee Ter er 


= 


d'a JE 


IV. — CONCLUSIONS. 


$ Dans notre exposé, nous avons envisagé le pro- 
blème de la production de l'indigotine sur toutes 
s faces. 

Indigo naturel. — Nous avons d’abord montré 
qu'avec une culture intelligente, tenant compte des 
vantages de l’assolement, sousun climat approprié, 
ans les pays où le sol ainsi que la main-d'œuvre 
nt à bon marché, il était possible de produire de 
ndigo à haute teneur, à la condition que le 
aitement de la plante se fasse d'une manière ra- 
iionnelle, et qu'on ne perde pas dans les diverses 
“Manipulations une bonne partie de la matière 
colorante. Maintenant qu'on connait les principes 
uxquels est due l'indigotine, ainsi que le méca- 
nisme desa formation dansles cuvesà fermentation, 
bn ne tardera pas à pouvoir régler avec soin la 
arche des opérations, de manière à obtenir le 
haximum de rendement et parlant une baisse des 
prix. 

On a souvent comparé le cas de l'indigo à 
celui de la garance. Rien de moins comparable 
épendant, au point de vue de la production de la 
plante et du traitement de cette dernière. Tandis 
e la garance était cultivée dans des pays où la 
re et la main-d'œuvre étaient relativement oné- 
reuses, les plantes à indigo poussent dans des 
égions beaucoup plus favorisées sous ce rapport, 
ébrien n'empêche même de la cultiver dans nos 
iouvelles colonies où les conditions sont encore 
bus favorables. De plus, alors qne la garance est 
ine plante bisannuelle et que la racine n'est utili- 
able qu'au bout de deux ou même trois ans de 
culture, les Zndigofera sont des plantes annuelles 
qui fournissent deux et parfois trois coupes par 
haque campagne. 

Signalons enfin un autre avantage en faveur de 
indigo. Avec les moyens dont nous disposons, 
ïen n'est plus facile que d'extraire du produit na- 
urel l’indigotine, de manière à la mettre en con- 
éurrence avec la matière colorante artificielle, 
opération à laquelle ne se prêtait point la garance. 
Jomme nous l'avons indiqué, cette extraction est loin 
être coûteuse, et donne d'excellents rendements. 
Pour toutes ces raisons, nous ne voyons pas, 
ant donné les prix actuels de l'indigotine artili- 
e, que la culture de l’indigo soit compromise 
qu'il faille l’abandonner à bref délai. Nous 
éroyons au contraire que, sous l'aiguillon de la 
concurrence, les producteurs d’indigo amélioreront 
ture et traitement, au point de pouvoir fournir 
4 malière colorante à un prix auquel le produit 
artificiel ne pourra peut-être pas atteindre, avec 
les procédés acluellement en vigueur. Si la victoire 
devait leur rester, ce serait en quelque sorte le 


REVUE GÉNÉRALE DES SCIENCES, 1901. 


triomphe de la Bactériologie sur la Chimie synthé- 
tique. 

Indigo artiliciel. — Des deux procédés qui sont 
actuellement en concurrence, celui de la Société 
Badoise s'impose à l'admiration des hommes de 
science, comme à celle des industriels, par l'ingé- 
niosité et la ténacité déployées pour vaincre les dif- 
ficultés de toute nature qui se sont présentées, par 
l'utilisation rationnelle des sous-produits qui ren- 
trent dans le cycle des opérations, et par l’ensemble 
des perfectionnements introduits dans la fabrica- 
tion de produits connexes. Cette admiration, que 
suscitent de tels efforts el une telle initiative ! de la 
part d'hommes qui n'en sont plus à compter leurs 
succès, ne saurait cependant nous faire oublier 
que, sur le terrain industriel, le petit nombre 
ainsi que la simplicité des réactions mises en jeu 
sont des facteurs aussi importants que celui du 
prix des matières premières, pour arriver au point 
essentiel que vise tout fabricant, —le prix derevient 
du produit final. Nous croyons savoir qu'à l'heure 
présente ce prix de revient ne justifie pas les 
espérances qu'on a fondées sur ce procédé, el que 
l'indigo de culture, comme l'indigotine préparée 
par la méthode Bxyer et Drewsen, ne sont pas près 
de s'effacer devant leur puissant rival. 

Sans doute, ce dernierprocédéne peutencoreavoir 
la prétention de rivaliser avec celui de la Société 
Badoise, car il ne semble pas encore avoir com- 
plètement la sanction de la pratique; mais il se 
recommande à l'attention de l'industriel par sa 
grande simplicité et le nombre restreint d'opéra- 
lions qu'il nécessite. Rien n'empêche d’ailleurs 
qu'il se développe parallèment, et qu'il limite ses 
débouchés. 

Quoi qu'il advienne de cette lutte, qui dès main- 
tenant est engagée sur presque tous les points du 
globe, on ne saurait méconnaitre le haut mérite 
des hommes qui, par leur initiative, leur volonté 
persévérante, n’ont pas hésité à l’entreprendre. 
Elle montre une fois de plus combien est étroite, 
en Allemagne, l'alliance de la Science et de l’In- 
dustrie, et combien l’une et l’autre peuvent se 
prêter un mutuel appui, grâce à l’organisation 
rationnelle du haut enseignement, et grâce aussi 
à la foi profonde qu'a le peuple allemand dans 
les progrès de la science, et à la grande habileté 
avec laquelle il sait s'en servir. 

Née pour ainsi dire en France, l'industrie des 
malières colorantes s'est surtout développée chez 
nos voisins, et si dans cette production nous a: 
rivons au second et même au troisième rang, nous- 
en connaissons la cause, et partant aussi le remède: 


4 La Société Badoise a dépensé 22.500.000 francs pour 
monter la fabrication de l'Indigo. 


7" 


330 


PAUL TANNERY — GALILÉE ET LES PRINCIPES DE LA DYNAMIQUE 


Nous ne saurions aujourd'hui insister sur ce 
sujet, grave entre tous ; mais qu'il nous soit permis 
de déclarer que, si nous avons une perception très 
nette de la haute tâche qui incombe à l'homme de 
nous avons aussi le ferme désir, dans la 
modeste sphère qui nous est échue, d'accomplir 
la nôtre, si les circonstances et les hommes nous 
le permettent. 

Dans ce vaste domaine de la Chimie et de ses 


science, 


[ 


| saurait donc se désintéresser de la plus minime 


applications, la France a été l'initiatrice de toutes 


choses, depuis le commencement du siècle; elle ne 


partie de son œuvre et abdiquer entre les mains 
de l'étranger, car elle manquerait ainsi à ses tra 
ditions el à tous ses devoirs. 3 

A. Haller, 


Membre de l'Institut, 
Professeur à la Sorbonne 


GALILÉE 


ET LES PRINCIPES 


Ce n’est point un vain titre que celui du der- 
nier ouvrage de Galilée, imprimé à Leyde, chez 
les Elzevirs, en 1638 : Discorsi e Dimostrazion 
matemaltiche intorno a due nuove scienze, attenenti 
alla Mecanica ed i movimenti locali. C'est, en effet, 
de ce livre que datent, d'une part, la Résistance 
des matériaux ; de l'autre, la Dynamique ratio- 
nelle‘. Pour cette dernière science en particulier, 
les démonstrations mathématiques de Galilée ont 
créé de toutes pièces le modèle à imiter; elles ont 
enseigné comment on pouvait effeclivement pro- 
céder dans le domaine de la Mécanique ainsi que 
les Anciens avaient procédé dans celui de la Géo- 
métrie, en déduisant, d'un petit nombre d'axiomes 
ou de postulats. convenablement choisis, une 
chaine indéfinie de conséquences inattendues. 

Cependant, le mode d'exposition de Galilée dif- 
fère, sur un point essentiel, de celui qui est devenu 
classique. On sait que le problème qu'il a traité et 
complètement résolu équivaut à ce que nous appe- 
Jons aujourd'hui la dynamique d’un point matériel 
dans le cas d’une force d'intensité et de direction 
constantes. Or, nous considérons ce problème 
comme exigeant au moins l'admission de deux 
principes de Dynamique : celui de l'inertie et celui 
de l'indépendance de l'effet d'une force et du 
mouvement antérieurement acquis, et nous com- 
mencons par poser ces principes, que Galilée 
admettait, d'ailleurs, tout comme nous (bien 
entendu, cependant, sous d'autres formules). 

Tout à fait différente est la marche que suit le 
traité latin De Motu locali, inséré dans les 
Journées III et IV du dialogue des Nouvelles 
Sciences, et qui en constitue le fonds. Il est à peine 
utile de remarquer que le concept du point maté- 
riel n'existe point pour Galilée, qui, d'ailleurs, ne 
distingue point encore la masse et le poids d'un 


! Rationel, orthographe de l'auteur. [Note pe LA Rép.] 


DE LA DYNAMIQUE 


le représentant déjà par un seul point. Mais, 
qui est surtout digne d'attention, c'est que Galilée 


tout à fait spéciale. 
Il 


Tout d’abord il définit le mouvement uni 
forme et en déduit les propriétés; puis il passe 
mouvement uniformément accéléré, comme étant 
le plus simple après le mouvement uniforme, el 
remarque seulement, dans un préambule, que ce 
mouvement uniformément accéléré doit être consk 
déré comme élant le mouvement naturel des corps 
graves qui descendent. Il invoque à cet égard des 
raisons 4 priori, qu'il ne développe, d’ailleurs: 
que très peu, mais qu'il déclare confirmées par des 
expériences établissant après coup la validité des 
conséquences de la théorie. ; 

Galilée pose ensuite, comme étant le seul pos= 
tulat qui lui soit nécessaire, qu'il y a égalité de 
vitesse pour une même hauteur de chute verticale 
dans les descentes d'un même mobile suivant des 
plans diversement inclinés. n 

De la définition du mouvement uniformément 
accéléré, il déduit la loi des carrés des temps, déve 
loppe la théorie du mouvement vertical et du mou 
vement sur des plans inclinés, puis montre quelle 
vilesse acquise par un grave qui descend lui pers 
met de remonter précisément à la même hauteur» 

Arrivant enfin au mouvement des projectiles, i 
invoque celte fois, dans le préambule et sous à 
forme qui suit, les principes indispensables : 

« Je conçois un mobile lancé sur un plan hori 
zontal et j'écarte par la pensée tout empêchement 
il est déjà constant, par ce qui a été dit ailleurs 
que son mouvement sur ce plan sera uniforme @ 
perpétuel, si le plan s'étend indéfiniment; mais 


PAUL TANNERY — GALILÉE ET 


LES PRINCIPES DE LA DYNAMIQUE 331 


“si nous concevons le plan comme limité et d'ail- 
eurs en élévation, le mobile, que je concois 
comme doué de gravité, arrivé à l'extrémité du 
plan, continuera à progresser, en surajoutant à 
ce premier mouvement uniforme et indélébile , 
“celui de descente tenant à sa propre gravité, en 
sorte qu'il en résultera un certain mouvement com- 
posé du mouvement horizontal uniforme et au 
mouvement de descente verticale, uniformément 
accéléré... » 

- Pour bien spécifier la position que prend Galilée 
dans ce traité De Motu locali, je traduirai égale- 
ent les passages les plus caractéristiques de 
Pautre préambule, auquel j'ai déjà fait allusion : 
- « Puisque, pour la descente des graves, la Nature 
emploie un certain mode d'accélération, nous dé- 
touvrirons la théorie de ces effets, si la définition 
que nous allons donner de notre mouvement accé- 
éré est bien d'accord avec l'essence du mouve- 
ment... La Nature se sert, dans toutes ses œuvres, 
des moyens les premiers, les plus simples, les plus 
faciles... Quand je remarque qu'une pierre, tom- 
bant d'en haut à partir de l'état de repos, acquiert 
successivement de nouveaux accroissements de 
vitesse, comment ne croirai-je pas que ces accrois- 
sements doivent se faire selon la raison la plus 
Simple et qui se présente avant toute aulre?.…. » 


IT 


Malgré la date tardive de sa publication dans 
dialogue des Nouvelles Sciences, le traité Ze 
Motu locali a certainement été concu dès les pre- 
ères années du xvu° siècle, époque à laquelle 
ilée parvint à l'ensemble des résultats capitaux 
ntenus dans ce traité. Des fragments remontant 
dcette période, et publiés dans la nouvelle édition 
Ss Opere di Galileo Galilei (vol. VIII, 1898), 
estent que de bonne heure la rédaction en était 
à très avancée. C'est cependant un problème 
qui, désormais, est probablement insoluble que 
celui de savoir jusqu'à quel point la rédaction pri- 
live a été successivement développée ou trans- 
‘mée. En particulier, le mode d'exposition choisi 
Galilée et que nous avons indiqué, est-il véri- 
ment son dernier mot, le terme définitif d'une 
longue évolution de sa pensée? faisait-il, au con- 
ire, déjà partie du plan primilif? ou enfin faut-il 
apporter à une période intermédiaire? Voilà ce 
il importerait de savoir. 

Je vais dire pourquoi la seconde de ces trois 
ällernatives me parait la plus probable, quelque 
ngulier que le fait puisse paraîlre à certains 
ards. Ii s'agit d’ailleurs de débrouiller, autant 
e possible, une autre énigme, celle des motifs 
ai ont fait différer à Galilée pendant trente ans la 


publicalion de découvertes qui lui donnaient le 
juste orgueil d’avoir créé une nouvelle science. 

La première occasion de retard fut, bien entendu, 
celle de l'invention du télescope, qui assura à 
Galilée, dans un tout autre domaine, une gloire 
immédiate et non moins éclatante que celle qu'il 
pouvait déjà espérer de la postérité. Le voilà, à 
un âge déjà mûr, enlrainé dans une série de nou- 
velles occupations, et en même temps engagé dans 
des polémiques avec les détracteurs de son génie. 
Il se met à dos tous les fidèles d'Aristote et se 
trouve compromis une première fois au sujet de 
l’opinion de Copernic. C'était, semble-t-il, le mo- 
ment, pour lui, de consacrer les années de recueille- 
ment relatif qui suivirent à achever l’œuvre com- 
mencée depuis si longtemps, à laquelle il n'avait 
pas cessé de rêver. Sa publicalion ne pouvait man- 
quer de le fortifier, et n'enlrainait aucun risque 
pour lui, car toute polémique contre Aristote est 
soigneusement écarlée du plan d'exposition que 
nous avons vu; le traité est exclusivement mathé- 
malique ; les nouvelles idées introduites sont rame- 
nées au minimum strictement indispensable. 

Une fois cette tâche lerminée, Galilée n’en eût 
élé que plus fort pour reprendre celle de la défense 
de Copernic. 

Eh bien! par une faule de tactique qui semble 
singulière chez un vieillard assagi et profondé- 
ment expérimenté, il va attendre patiemment de 
longues années l'occasion qu'il croira assez favo- 
rable pour essayer, avec les Wassimi Sistemi, pour 
Copernic, mais surtout contre Aristote, le dange- 
reux coup de partie qu'il perdit devant le pape 
Urbain VII. 

Le dialogue des Nouvelles Sciences se présente 
comme une continuation du célèbre ouvrage de 
1632 (les interlocuteurs, notamment, sont les 
mêmes); il a donc été conçu et exécuté après les 
Massimi Sislemi; mais, toutefois, cela ne vaut 
que pour les deux premières Journées, consacrées 
à la Résistance des matériaux; la seconde, d'ail- 
leurs, est brusquement arrêtée; les deux suivantes 
sont rempiies, sans explication préalable, par le 
traité De Motu locali, coupé, de place en place, 
avec quelques rares développements dialogués. 
L'œuvre littéraire, dans toute cette dernière partie, 
est à peine ébauchée. 

Évidemment Galilée, surpris par les événements 
et voulant sauver le plus tôt possible ce qui lui 
restait de plus précieux dans son trésor scien- 
tifique, a adopté, au dernier moment, pour son 
traité De Motu locali, un mode de publication 
pour lequel il ne l’avait point conçu. La précipi- 
tation avec laquelle le nouveau plan a élé exécuté 
rend improbable une refonte, à celte date, de la 
rédaction antérieure. 


392 


PAUL TANNERY — GALILÉE ET LES PRINCIPES DE LA DYNAMIQUE 


III 


Remarquons maintenant ce que Galilée dit, 
dans le passage que nous avons traduit de son 
préambule, sur le mouvement des projectiles ; son 
énoncé du principe de l'inertie serait fondé sur ce 
qu'il aurait déjà longuement développé ailleurs. A 
la vérité, on le déduirait aisément du postulat 
relatif au mouvement sur les plans inclinés et de 
la suite des théorèmes qui en découlent. Mais il 
est bien improbable que ce soit là ce qu’a voulu 
dire Galilée; ou bien le traité De Wotu locali avait 
contenu des considérations supprimées comme 
faisant double emploi avec celles qu'on trouve dans 
les Massimi Sistemi; ou bien, ce qui est un peu 
plus probable, il avait été conçu par Galilée comme 
ne devant être publié qu'après un ouvrage de polé- 
mique contre la Dynamique d’Aristote; ou enfin, ce 
que je croirais volontiers, il s'agit d'un simple ren- 
voi au Massimi Sistemi ajouté en dernier lieu. 

C'est, en tous cas, là que se trouve le nœud de la 
question que nous agitons, que nous touchons le 
fl qui va nous conduire à l'explication de cette 
faute de tactique apparente signalée tout à l'heure. 
En réalité, l'homme qui, à celte époque crilique, 
a le plus introduit de vérités nouvelles avec le 
moindre cortège d'erreurs, Galilée, n'avait nulle- 
ment le tempérament d'un novateur. On le voit 
assez au relard subi par la publication de sa théorie 
dynamique. Une fois qu'il en est en possession, il 
en combine le mode d'exposition suivant un moule 
artificiel, qui a dû exiger de longues et profondes 
méditations pour éviter une opposilion formelle 
avec la Physique d’Aristote, et pour glisser, au 
milieu d'une théorie mathématique, de facon à 
attirer le moins possible l'attention des Scolas- 
tiques, les deux principes fondamentaux de la nou- 
velle doctrine. Mais, ce tour de force accompli, il 
se rend compte, avant d'avoir mené à fin tous les 
développements mathématiques de son Traité, que 
ses précautions ont été vaines; car à ce moment 
(après ses découvertes astronomiques et à leur 
sujet), il est déjà en butte à des attaques directes 
et il sent grandir contre lui l'hostilité des Péripaté- 
ticiens. Il est désormais trop en vue et (rop jalousé 
pour que l’on ne découvre pas, dans sa théorie 
mathématique du mouvement, l'opposition latente 
contre Aristote. 

Or, si Galilée n'a point, comme je l’ai dit, le 
tempérament du novateur, c'est-à-dire s'il ne se 
dévouera pas, en écarlant toute considération per- 
sonnelle, à la propagation immédiate ou, au moins, 
la plus rapide possible, de ses opinions ou de ses 
convictions, il a, au contraire, le tempérament du 
polémiste, en ce sens qu'il ne reculera pas devant 
la lutte commencée, et surtout que, toutes les fois 


qu'il se jugera touché directement, il se défendram 
avec âpreté et ténacité. Pris à partie au nom d'Aris= 
tote, il va s'en prendre désormais directement à 
Aristote; il va rentrer dans la voie logique, dont 
tout d’abord il s'était écarté, et faire table rase de 
la Dynamique d’Aristote avant d'exposer la sienne 
Mais, pour ce faire, il lui faut soutenir l'hypothèse 
copernicienne, car, en réalité, c'est sur cetle 
hypothèse que reposent les deux principes quil 
postule. Voilà, ce me semble du moins, comment 
on peut le mieux donner l'explication cherchées 
voilà le motif qui a déterminé la conduite de Galilée 
pendant les vingt-cinq dernières années de sa vies 


IV 


Mais il me faut justifier plus amplement ce 
que je viens de dire sur la liaison logique et histo= 
rique entre les principes de l'inertie et de, l'indé» 
pendance du mouvement antérieur d’une part, et; 
de l'autre, l'hypothèse de Copernic. C'est, d’ails 
leurs, un point qui, par lui-même, mérite d'être 
mis pleinement en lumière, d'autant qu'il est le. 
plus souvent méconnu dans les expositions cou: 
rantes des principes de la Dynamique. 

Remarquons, tout d'abord, que l’adoption expli 


ici est, dans la première moitié du xvn° siècle, @ 
dès avant les publications de Galilée, la pierre de 


adversaires‘. La question de priorité est oiseuse à 
ce sujet. L'habitude s'introduit aujourd'hui dé 


errement ne se justifie guère, car l’un et l’autre 
principes se retrouvent à peu près aussi clairement 
dans les Commentaires sur les mouvements de 
Mars, de 1609, c'est-à-dire bien avant 1632. Mai 
dèsle commencement du siècle et avant ses décou 
vertes en Dynamique, Galilée était lui-mème coper 
nicien, de sorte qu'entre lui et Kepler la question de 
la priorité réelle et mème celle de l'indépendance ré 
ciproque se trouvent insolubles; au reste, elles n'on 


d'énoncer des principes, mais de les faire servir 
la construction d'une théorie. Or, à cet égard; 
ne peut même y avoir débat: tout l'honneur appart 
tient à Galilée. 


même époque, a pu être conduit à adopter de 
principes en désaccord absolu avec les opinions 
dominantes. Faut-il transformer Galilée, pe 


exemple, ainsi qu'on le fait trop souvent, en un 
savant qui procède exclusivement par expérience, 
qui fonde toute théorie sur la seule observation des 
“faits? Je montrerai plus loin que cette opinion est 
aussi radicalement erronée que celle qui considère 
des principes de Dynamique comme directement éta- 
blis sur l'expérience. Faut-il se rallier à la conjec- 
ture que le principe de l'inertie aurait été formulé 
“par retour aux idées de Démocrile, et comme suite 
“du mouvement intellectuel qui se prononca, dès le 
xvi° siècle, contre la tyrannie d'Aristote? Il suffit 
de remarquer que, dans les fragments qui nous 
«restent sous le nom du philosophe d’Abdère, il n'y 
en à pas un seul qui puisse suggérer à personne la 
notion de l'inertie, et que ses conceplions à ce 
“sujet doivent être devinées d’après la polémique 
qu'Aristote a dirigé contre lui. Or, ni Galilée, ni 
“kKepler ne sont des ennemis systématiques d'Aris- 
ote, comme le sera Bacon; ils n'ont pas l'esprit 
fait pour aller s'attacher à une doctrine, pour cela 
seulement que le Stagirite l'a combaltue. Ils ont 
obéi à un motif plus impérieux et plus décisif. 


V 


Mais, pour apprécier pleinememt ce molif, il 
convient de considérer tout d’abord quels étaient 
es principes dynamiques d'Aristole, comme on 
continuait, d’ailleurs, à les enseigner couramment 
au xvu° siècle. Leur exposé permeltra, en même 
emps, de juger, par comparaison, de l'importance 
du progrès réalisé par Galilée. 

“Aristote distingue les mouvements en deux 
sortes : les mouvements naturels etles mouvements 
violents. La nature de chaque être comporte, d'a- 
près lui, le principe du mouvement et du repos 
cet être, en tant qne ce mouvement et ce repos 
e sont point occasionnés accidentellement parune 
tion extérieure. Une telle action est, au contraire, 
e violence (Blu, vis). 


ps; la substance céleste compose des sphères 
imées de mouvements de révolution uniformes 
ristote concevait ces sphères comme nécessaire- 
nt concentriques à la terre, suivant le syslème 
tronomique d'Eudoxe; mais, depuis l'introduc- 


de Ptolémée, cette condilion avait été aban- 


née par l'École) 


“1 J'emploie ce mot au sens de la terminologie actuelle ; 
S celle d'Aristote, la cause est le moteur immobile, être 


PAUL TANNERY — GALILÉE ET LES PRINCIPES DE LA DYNAMIQUE 


339 


que constante. Si l'action de cette cause cessail, le 
mouvement s'arrêterait instantanément; il ny a 
aucune action extérieure; le moteur immobile (le 
Dieu d’Aristole) est seulement un objet de désir. 
Lui ressembler autant qu'il est possible au mobile 
de ressembler à l'immuable, c'est le but proposé à 
la nature des corps célestes; mais ce prétendu 
moteur n'agit pas plus qu'il ne peut subir d’ac- 
lion. 

Les mouvements nalurels des quatre éléments 
sublunaires sont verticaux et dirigés vers le centre 
du monde pour les corps pesants (terre et eau), 
vers la périphérie pour les corps légers (air et feu); 
la cause de leur mouvement est encore regardée 
comme permanente et interne, mais non plus 
comme constante. Aristote connait, en effet, l’accé- 
lération des mouvements de descente ou d’ascen- 
sion, mais il l’atlribue à ce que la cause varie en 
augmentant à mesure que le corps se rapproche du 
but vers lequel il tend. Il regarde, d’ailleurs, celte 
cause comme mesurable à chaque instant d'après 
la vitesse qui est son effet direct. 

Quant aux mouvements violents, l'action exté- 
rieure qui les détermine ne doit nullement être 
regardée comme imprimant au corps mû une force 
perpétuant son mouvement. Si celui-ci se continue, 
en effet, lorsque l'action a cessé, si le projectile 
lancé par la main ne tombe pas aussitôt de son 
mouvement naturel, suivant la verticale, c’est que 
l’action du milieu ébranlé par la projection se sub- 
slitue à l'action qui a cessé et entretient, pendant 
un certain Lemps, le mouvement violent. Quoi qu'il 
en soit de cette continuation du mouvement, il est 
suffisamment clair, d'ailleurs, qu'Aristole regarde 
l'action extérieure violente comme produisant in£- 
tantanément, à chaque moment, une vitesse qui ne 
persiste point. Sous ce rapport, l’action externe 
est absolument assimilable à l’action interne. 

Il ressort de cet exposé qu'Aristote u a aucune 
notion correspondant à celle de la force, au sens 
moderne du mot. Il nie, aussi nettement que pos- 
sible, l'inertie et le mouvement antérieurement 
acquis, éléments essentiels de notre conception 
actuelle. Il n'y à d’assimilation possible entre sa 
doctrine et les nôtres qu'en ce qui concerne ce qu'on 
appelle les forces instantanées; mais cette dernière 
notion est précisément une curieuse survivance des 
dogmes de l'École, et elle jure si outrageusement 
avec loutes celles auxquelles elle est accouplée, 
qu'elle est sans doule condamnée à disparaitre 
bientôt sans retour. 

S'il n'a pas la notion de la force, Aristote n'a, 


sublunaires; celui des sphères célestes est, à leur égard. nne 
cause secoude. Mais, cette remarque faite au pcintde vue de 
l'exactitude littérale, je crois sans intérêt de m'arrêter ici 
à ces subtilités métaphysiques. 


334 


PAUL TANNERY — GALILÉE ET LES PRINCIPES DE LA DYNAMIQUE 


dès lors, bien entendu, aucun mot pour repré- 
senter celle notion en général. Le terme de puis- 
sance (dus, polenlia) a, dans son langage tech- 
nique, une acception particulière ; il signifie seule- 
ment possibilité, et c'est ainsi que sa célèbre défi- 
nilion du mouvement” doit être comprise (le pas- 
sage de la possibilité à la détermination). Si donc 
Aristote emploie ce terme de puissance pour dési- 
gner une force, un poids, par exemple, à l’état 
statique ou bien dans une machine simple, il 
faut bien admettre qu'il n'entendait par là qu'une 
possibilité de mouvement (d'ailleurs plus ou moins 
grande et susceplible de mesure). Bien plus, rien 
ne nous prouve qu'aucun des mécaniciens de l’An- 
tiquité l’ait entendu autrement. 

C'est précisément le défaut, dans la langue scien- 
tifique, d’un terme approprié au concept moderne 
qui à fait hésiler, au xvir° siècle, entre le mot de 
puissance el celui de force (correspondant au latin 
vis, mais ayant, comme ce dernier, une significa- 
tion beaucoup plus ambiguë que le grec Six). Quant 
à Galilée, nous avons vu comment, dans son traité 
De Motu locali, il se passe du concept et du terme 
correspondant ; mais, dans les Jassimi Sistemi, il 
n'en parail pas davantage sentir le besoin, et se 
conforme au langage d’Aristote, sauf à employer, 
très rarement, une expression passablement vague, 
celle de virlu*, dans des cas où nous dirions natu- 
rellement force. 


NII 


Si, pour juger le système dynamique d'Aris- 
tote, on fait abstraction des préjugés qui dérivent 
de notre éducation moderne, si l’on cherche à se 
replacer dans l'état d'esprit que pouvait avoir un 
penseur indépendant au commencement du 
xvn° siècle, il est difficile de méconnaître que ce 
système est beaucoup plus conforme que le nôtre à 
l'observation immédiate des fails. Ce qu'on peut 
lui reprocher dans son ensemble, c'est précisé- 
ment de s’en tenir trop fidèlement à une observa- 
tion que nous qualifions désormais de grossière, 
de ne pas lui avoir substitué une analyse expéri- 
mentale suffisamment profonde. Il y a, toutefois, 
une exception qui concerne le rôle du milieu dans 
CRE TR RTE ER PRE TEE nn: EAP EEE 

! « L'acte (la réalisation) du possible, en tant que pos- 
sible. » — Chez les Grecs, xivnots désigne le changement en 
général; c'est pourquoi Galilée dit encore, en terme d'Ecole, 
mouvement local (c'est-à-dire changement suivant le lieu).— 
La définition d'Aristote n'a d'intérêt que comme formule 
générale ; appliquée au mouvement local (la réalisation de la 
mobilité dans le mobile), elle se réduit à une pure tauto- 
logie. 

* Dans quelques passages des Vuove Scienze, il emploie, au 
contraire, le mot forza en l'appliquant tantôt à la puissance. 
tantôt à ix violence. Mais il est difficile de reconnaitre 


exactement s'il entend donner un sens précis à ce terme 
vulgaire, et si ce sens est bien le nôtre. 


la conservation des mouvements violents; évidem 
ment la conception de ce rôle n’est nullement déri=« 
vée de l'expérience; c'est une vue théorique, liée« 
au rejet de l'hypothèse de l'existence du vide 
absolu, considéré comme inconcevable. C'est dire 
que ce rôle du milieu n’est point une invention 
d’Aristole; on le trouve déjà formellement supposé 
par Platon; il est ainsi une conséquence de la doc- 
trine éléatique, adoptée sur ce point par le Maître 
et qui n'était alors contredite que par Démocrite. 

Que cette conception ne soit d’ailleurs nullement 
absurde en elle-même, il suffira, pour le montrer, 
de rappeler qu'il ya vingt-cinq ans environ, elle 
’élé reprise dans la /evue scientifique avec applis 
cation à l'éther. Supposer que la matière pondé: 
rable est absolument inerte et que la continuation 
du mouvement qu'elle acquiert, aussi bien que les! 
attractions et répulsions entre ses molécules, soit 
due à l’action du milieu où elle est plongée, est em 
effet une hypothèse qui aurait théoriquement l'in= 
térèt d'écarter la question des frottements de l'éther 
dans la conception mécanique de l'univers. Mais 
évidemment, nous n’en sommes pas encore à cela 
près pour déterminer dans quel sens il faut en: 
tendre, à cet égard, l'application de la formule 
actuellé du principe de l'inertie, de facon à la 
maintenir en accord avec les observations astrono= 
miques. 

Le système d’Aristote est, sans contredit, insuf 
fisant pour constituer une Dynamique rationelle, 
puisque, comme on l'a vu, il y manque des notions 
indispensables pour la construction d'une théorie. 
mathématique. Mais, pour combler cette lacune, 4h 
n'y aurait point de difficultés insurmontables, mal= 
gré la distinction primordiale en corps de natures 
différente sous le rapport du mouvement, distine 
tion absolument contraire aux tendances de l'ab= 
straction mathématique, qui réclame des postulats 
absolument universels. Sous ce rapport, il y a, en 
particulier, dans le système d’Aristote, un vice 
logique, en ce que le rôle du milieu n’est pas conçu 
d'une façon identique dans les mouvements vio 
lents, où il conserve le mouvement acquis, et dans 
les mouvements naturels, où il n'intervient point 

Mais, somme toute, il n’y avait, dans ces lacunes 
et ces incohérences, rien qui fut suffisant, au temps 
de Galilée, pour justifier la destruction complète 
du système. 


VII 


3 


Comment fut-il cependant amené à regardem 
cette destruction comme nécessaire ? Quelle est, 
cel égard, la valeur de l'opinion traditionelle qui: 
le représente, dès le début de sa carrière, comme 
le champion, contre Aristote, de la méthode expé= 
rimentale ? 


Ds - 


… Qu'il ait eule génie de l'observation et de l'expé- 
jence, cela est bien clair. Sa découverte, si pré- 
oce, de l'isochronisme des oscillations du pendule 
donne lieu, sur le premier point, à aucune 
serve ; mais elle n’a jamais eu rien à faire nipour 
contre Aristote, d'autant que Galilée a toujours 
ésenté cet isochromisme comme un fait expéri- 
ntal, qu'il n’en a jamais tenté l'explication théo- 
ue, et que même il a toujours cru que la durée 
s oscillations était absolument indépendante de 
plitude de l’arc. L'invention du pendule est 
lonc précisément un de ces exemples, fréquents 
ans l'histoire des sciences, de la fécondité d'une 
bservation grossière, mais pratiquement utile, 
and bien même elle ne répond à aucune des 
endues exigences de la méthode moderne. 
Quant à la célèbre expérience de la tour de Pise, 
le a simplement eu pour but de prouver qu'une 
vre de plomb tombe aussi vile que deux livres 
é plomb. Mais Aristote n’a jamais dit le contraire, 
ble fait était parfaitement admis dans les ouvrages 
assiques médiévaux sur la matière (par exemple 
rdanus Nemorarius : le Gravi el levi). Qu'à 
ise, quelque scolastique ait sollicité des textes 
dAristote mal compris, pour en déduire une consé- 
quence évidemment absurde à priori, et que 
Galilée ait institué une expérience pour en montrer 
1-fausseté, c’est là une circonstance accidentelle 
peut prouver les abus de la scolastique, mais 
pnt il ne faut pas exagérer l'importance. Jamais 
PAristote ni l'École n'ont refusé de faire appel à 
expérience; seulement on ne savait pas faire 
expériences précises et concluantes, ce qui est 
te la difficulté. Or, à cet égard, Galilée est cer- 
nement un des maitres de la pensée moderne, 
arce qu'il a, le premier, sur des exemples déter- 
inés, montré de quelles précautions il fallait 
éntourer et quelle ingéniosité il fallait dépenser 
Dur aboutir à un résultat valable; mais il ne l’a 
que beaucoup plus tard (par exemple, dans 
> Discorsi de 1612 sur les corps flottants ou en 
Mouvement dans l’eau) et toujours pour justifier 
ne théorie conçue à priori, non pas pour la 
onsliluer 4 posteriori. 
Nous possédons d'ailleurs, aujourd'hui, du temps 
de l'expérience de Pise, des juvenilia de Galilée 
Ir le mouvement et en particulier sur la pesan- 
r. Nous pouvons en conclure qu'avec plus de 
erté d'esprit que ses collègues, il n'avait pas 
ore des idées beaucoup plus justes; il admet 
héme, comme faits d'expérience, des erreurs dont 
Seul énoncé appelait la critique, par exemple, 
au commencement de la chute des graves, le 
uvement est plus rapide qu'immédiatement 
près, et que l'accélération de la chute ne com- 
ence qu'après ce premier retardement. Nous 


PAUL TANNERY — GALILÉE ET LES PRINCIPES DE LA DYNAMIQUE 


339 


n'apercevons, dans ces essais, qu'une idée réelle- 
ment importante, parce que Galilée la suivra pa- 
tiemment et y restera toujours attaché; c'est que 
la doctrine d'Aristote sur la pesanteur, et en parti- 
culier la distinction des corps graves et des corps 


| légers, est incompatible avec le principe d’Archi- 


mède et avec les conséquences qu'en a déduites le 
géomètre de Syracuse. C'est donc l'esprit mathé- 
malique d’Archimède qui a été le premier inspi- 
rateur de Galilée; c'est Archimède qu'il a surtout 
étudié profondément et qui restera toujours son 
guide avoué. 

Un autre mécanicien, qui a eu une grande 
influence sur l'évolution scientifique de la Renais- 
sance, ne paraît point en avoir sensiblement exercé 
sur Galilée. C’est par la préface des Pneumatiques 
de Héron d'Alexandrie, beaucoup plus que par Lu- 
crèce, que la conception de la matière comme 
formée de molécules séparées par de petits vides, a 
été alors introduite et s'est répandue. Une telle 
hypothèse, acceptée d’ailleurs en fait dans l'École 
même d'Aristote dès la seconde génération, ne 
suscitait pas des scrupules aussi vifs que les doc- 
trines malfamées d'Epicure. Mais cette question 
n'est point de celles auxquelles s'attaque Galilée, 
quoiqu'il adopte comme probable cette opinion des 
petits vides; car c'est une marque particulière de 
son génie, à côté de la plus large fantaisie comme 
spéculations, que d'écarter avec soin et de consi- 
dérer comme n'existant pas, quand il s'agit des 
fondements à donner à la science, tout problème 
qui ne lui paraît pas actuellement susceptible de 
solution. 


VIII 


Nous aboutissons donc à cetle conclusion qu'il 
est également improbable que les deux premiers 
principes de la Dynamique aient élé coneus a priori 
(pour remplacer un système condamné comme 
insuffisant), ou qu'ils aient été établis à posteriori 
(en suivant les procédés de la méthode expérimen- 
tale). Tout au contraire l’origine de ces principes 
s'éclaire immédiatement, si l’on rapproche l’hypo- 
thèse copernicienne des thèses d’Aristote : ces prin- 
cipes ont été, de fait, des machines de guerre 
construites pour défendre le système de Copernic, 
et elles sont, non seulement si appropriées à ce but, 
mais encore si indispensables qu'on doit les con- 
sidérer comme des conséquences immédiates de ce 
système, conséquences déjà déduites par son auteur. 
S'il ne les a pas formulées explicitement, ce n’est 
pas moins jusqu'à lui qu'il faut les faire remonter 
logiquement. 

Aristote donnait une explication (théologique, 
ce qui aggravait la difficulté) pour le mouvement 
diurne attribué à la sphère des fixes. Cette explica- 


330 


tion était interdite à Copernic, qui attribuait le 
mouvement à la Terre. Il lui était tout aussi impos- 
sible de faire regarder la rotation de notre globe, 
soit comme un mouvement naturel, soit comme un 
mouvement violent, au sens d’Aristote. La perpé- 
tuité de cette rotation ne pouvait se concevoir que 
comme un fait, n'ayant pas d'autre explication que 
le fait de son existence antérieure : or c’est là le 
principe de l’inertie. 

D'autre part, l'hypothèse de la rotation dela Terre 
avait soulevé, dès l'Antiquité, l’objection très natu- 
relle, notamment consignée par Ptolémée, que 
cette rotation troublerait tous les mouvements que 
nous observons à la surface. Il était donc néces- 
saire d'affirmer, pour contredire cette objection, 
que le mouvement communiqué persiste dans les 
corps devenant libres, et par suite n'apparait pas 
pour nous. 

Or, que ce soit dans ce sens que Galilée entend 
le principe de l'indépendance du mouvement anté- 
rieurement acquis, c'est que l’on voit clairement 
quand il affirme, dansles Massimi Sistemi, que tout 
se passe, absolument et rigoureusement, à la 
surface de la Terre, comme s'il n’y avait pas de 
rotation. À 

Il ne fait qu'une exceplion, d'ailleurs malheu- 
reuse, pour les marées, qu'il cherche très ingénieu- 
sement à expliquer par la rotation de la Terre, 
sans se soucier de l'observalion, déjà courante 
chez les Anciens, qui reliait les périodes du flux à 
celles du mouvement de la Lune. Tout au contraire, 
il calculera la durée de la chute d’un grave sur la 
Terre depuis la sphère de la Lune en regardant la 
trajectoire comme verticale; ainsi il n’a aucune 
idée de la déviation vers l’est, et il ne parait point 
que la rectification nécessaire pour l'exactitude du 
principe ait été faite avant Newton. 


IX 


Encore de nos jours, il n’y a pas d'argument 
plus valable à invoquer du côté expérimental, à 
l'appui du principe d'inertie, que le fait de la cons- 
tance et de l’uniformité du mouvement diurne. Ce 
qu'on ne remarque pas d'ordinaire, mais ce qu'il 
conviendrait de mettre en lumière dans l’enseigne- 
ment, c'est que ce principe renferme tout d'abord 
une définilion du temps, en lant que mesuré par 
un mouvement de rotalion qu'on a tout lieu de 
regarder comme s’effectuant en dehors de toute 
aclion externe ou interne ou sous l'influence d’ac- 
lions se contrebalançant exactement, sans qu'il 
soit d’ailleurs, bien entendu, possible d'instituer à 
cet égard aucune démonstalion en règle. En second 
lieu, on convient, par analogie, de regarder comme 
absolument libre, ou comme soumis à des actions 


PAUL TANNERY — GALILÉE ET LES PRINCIPES DE LA DYNAMIQUE 


se contrebalançant, un corps animé d'un mouvemen#* 
de translation recliligne et uniforme. Il y là une 


accord, pour une expérience grossière, avec 4 
notion statique (puissance d’Aristote). Enfin on 
prouve que l’analogie invoquée est suffisante, parce 


invariables), on peut démontrer que la formule 
admise pour le principe d'inertie suffit à établm 
l'uniformité de rotation d’un solide invariable libre 
autour de l’un de ses axes principaux d'inertie. 


trouve. 

Même la célèbre expérience de Foucault 
prouve, en bonne logique, la rotation de la Terre 
que si l'on admet la fixité absolue des axes rappor 
aux étoiles, ce qui est, au fond, l'hypothèse mèm 
de Copernic. Celle-ci est donc la base fondamens 
tale de l'édifice de la Dynamique moderne, de mê 
que l'hypothèse de Newton sur la gravitation uni 
verselle en est la base supérieure, puisqu'elle 
entraîne le principe de l'égalité entre l’action etl 
réaction. 

Le second principe de Galilée, celui de l'indépen* 
dance du mouvement antérieurement acquis, 
commence la définition positive du concept. 
force, en conduisant immédiatement à l’un des 
éléments de la mesure, à savoir l'accélération: 
L'autre élément, la masse, est un nouveau concepl 
qui ne peut être constitué avant d'avoir admise 
troisième principe de la Dynamique, celui de lin 
dépendance des effets des forces, ce qui monta 
bien que ce troisième principe est essentiellemen 
différent du précédent. Galilée s'arrête avant di 
faire ce nouveau pas en avant; on à vu par que 
postulat il évite, pour les mouvements sur le pla 
incliné, la question de la décomposition des forces 
Quant au mouvement d’un système de poids cons 
trariés, il ne le traite point. 

Nous ne pouvons donc nous prononcer en touk 
certitude sur la façon dont il eût posé la question 
D'ailleurs, en réalité, le concept de masse n'a pi 
été constitué avant Newton; quoique l'idée deMk 
variabilité de la pesanteur avec la distance at 
centre de la Terre eût hanté avant lui de nombre 
esprits, et en particulier celui de Galilée, on 
concevait aucun moyen de constater expérimen 
talement cette variabilité, pas plus que d'applique 
une commune mesure aux corps sublunaires et au 
corps célestes”. 


1 Je reviendrai, dans une étude ultérieure, sur l'histoire | 
du principe de l'indépendance des effets des forces. | 


. Bornons-nous donc à considérer le second prin- 
ipe ; nous avons VU que, SOUS sa forme générale, 
dans les Aassimi Sistemi, Galilée le concoit 


“entre de la Terre) comme pour les mouvements de 
nslalion. Dans le traité Ze Motu locali, au con- 
traire, il le formule rigoureusement en le limitant 
aux mouvements de translation, mais il n'en pro- 
pose aucune vérification expérimentale dans le cas 
jù le mouvement antérieur n’est pas dirigé suivant 
a force accélératrice. C’est uniquement dans le cas 
la direction est la même (cas qui se ramène 
ilement à celui de la simple chute), qu'il a 
procédé à des expériences pour constater la valeur 
pratique de la règle des carrés du temps, théori- 
quement établie à priori. Ces expériences furent 
ailes avec une pièce en bois, d'une longueur de 
douze brasses environ, dont l'inclinaison pouvait 
ier à volonté. Un canal, large d'un doigt envi- 
fon, élait creusé le long de cette pièce et garni de 
parchemin ; on y faisait descendre une bille de 
bronze. Le temps était mesuré en pesant une 
antité d’eau écoulée sous niveau à peu près 
constant pendant la descente. Quelles qu'aient été 
les précautions prises pour assurer l'exactitude de 
lexpérience et en particulier pour diminuer les 
frottements, il est évident que la vérification 
portait seulement sur ce point que lorsque la 
hauteur de chute est assez faible pour que la résis- 
tance du milieu et les frottements n'allèrent pas 
ncore sensiblement la vitesse, la règle des carrés 
du temps peut êlre considérée comme valable 
éxpérimentalement. Bien entendu, Galilée ne 
entendait pas autrement ; mais il est également 
élair que, restreinte dans ces condilions, l'expé- 
Hence ne peut sérieusement justifier, ni la règle 
en elle-même, ni le principe sur lequel elle repose. 
Si l'on faisait d’ailleurs des expériences avec de 
plus grandes hauteurs de chute, elles pourraient 
uniquement servir, en supposant vraie la règle des 
Carrés du temps, à déterminer les effets dus à la 
résistance du milieu et à la variation de la pesan- 


PAUL TANNERY — GALILÉE ET LES PRINCIPES DE LA DYNAMIQUE 


337 


La première est relative à l'existence d'un 
milieu, qui empêche la théorie d’être absolument 
rigoureuse. Elle fut en particulier soutenue par 
Descartes, qui, avant d'admettre sa matière sub- 
tile et de se prononcer contre l'existence du vide, 
avait précisément manqué vers 1619, par une faute 
de raisonnement singulière, la déduction théorique 
de la règle des carrés du temps ‘. Cette objection, 
qui n’est pas levée au principe, maintient en fait le 
caractère à priori de la règle en question, et 
empêche de la considérer comme une loi empirique. 
Mais précisément le trait du génie de Galilée est 
d’avoir négligé l’action du milieu pour construire 
une théorie mathématique. 

La seconde objection tint à la difficulté que l’on 
trouva à concevoir une vitesse initiale nulle. Avec 
les habitudes d'esprit contractées sous l’enseigne- 
ment aristotélique, on ne pouvait s'empêcher de 
se représenter la pesanteur comme produisant 
instantanément, au commencement même de la 
chute, une vitesse finie. La règle de Baliani, qui 
ne donnait pas lieu à la mème difficulté, trouva, 
par suite, un certain accueil. Dans la polémique à 
ce sujet, ce fut surtout Gassendi qui défendit Galilée ; 
Fermat l'appuya. Descartes, au contraire, quoiqu'il 
admetle la règle de Galilée comme pratiquement 
valable pour de faibles hauteurs de chute, répugne 
toujours à l'idée d’une vitesse initiale absolument 
nulle. 


XI 


Dans le courant du xvin° siècle, le point de 
vue sous lequel on considérait les principes de la 
Dynamique se modifia peu à peu. La Physique, en 
se constituant comme science indépendante, exclu- 
sivement fondée (au moins le prétendait-elle) sur 
l'expérience, justifia ses méthodes par des succès 
assez décisifs pour lui assurer pleine confiance en 
elle-même; elle tendit dès lors naturellement à 
rattacher à son domaine tout ce sur quoi l'expé- 
rience pouvait porter. Il fut done désormais admis 
que les principes de la Dynamique étaient au moins 
induits de faits observables à la surface de la Terre: 
si des expériences précises ne pouvaient être que 
difficilement instiluées pour établir rigoureuse- 
ment ces principes, on pouvait au moins vérifier 
leurs premières conséquences, ou plutôt, posant 
celles-ci comme des lois naturelles découvertes et 
établies par l'expérience, remonter de là aux prin- 
cipes qu'elles supposent théoriquement. 

En particulier, pour la chute des corps, un appa- 
reil très ingénieux, la machine d’Atwood, fut cons- 
truil et adopté dans l'enseignement ; il permit de 


1 Voir Correspondance de Descartes (éd. de Charles Adam 
et Paul Tannery, Paris, Léopold Cerf, t. 1, 1897, p, 75). 


338 PAUL TANNERY — GALILÉE ET 


LES PRINCIPES DE LA DYNAMIQUE 


montrer (en retardant d'ailleurs les vitesses de 
chute par l'emploi de poids contrariés) comment 
on pouvait vérifier les théorèmes de Galilée sur les 
relations entre les espaces parcourus, les vitesses 
et les temps; comment même on pouvait, en fai- 
sant varier les poids en mouvement, vérifier le 
principe de l'indépendance des effets des forces, 
dans un cas, à la vérité, très particulier, mais suffi- 
sant, àlarigueur, pour définir le concept de masse. 
Grèce à la continuité de l’enseignement dans ce 
sens, grâce d'autre part, à la glorification de plus 
en plus grande de la méthode expérimentale, cette 
conceplion des principes de la Dynamique a triom- 
phé pendant la plus grande partie du sièele dernier, 
et l'oubli de la vérité historique a été tel que Gali- 
lée fut transformé en un expérimentateur, ayant 
découvert, avec ses plans inclinés, les lois de la 
chute des corps. 

Une réaction devait se prononcer à partir du 
moment où, pour contiauer sa marche en avant, la 
Physique dut faire de nouveau appel aux Mathé- 
matiques, et perdit ainsi une partie de l’indépen- 
dance qu'elle avait conquise. Ayant à critiquer, 
pour les développer analytiquement, les concep- 
tions théoriques que se faisaient les physiciens 
d'après leurs expériences, les mathématiciens re- 
connurent, avec plus de précision, les limites 
réelles qu'on doit imposer aux conclusions expéri- 
mentales, et revendiquèrent, sous des formes d’ail- 
leurs plus ou moins vives, les droits de la spécula- 
lion à priori, droits qu'ils étendaient d'ailleurs 
singulièrement, dans leur domaine propre, par la 
création de théories empreintes d'un caractère 
purement hypothétique, comme les Géométries 
non-euclidiennes. 

En ce qui concerne principalement les principes 
de la Dynamique, l'impossibilité à priori où l'on se 
trouve de les vérifier expérimentalement a été éta- 


blie par M. Henri Poincaré au Congrès de Philoso- | 


phie de 1900. Le cas est donc le même que pour le 
postulatum euclidien sur les parallèles, mais il y a 
une conclusion différente à tirer, pour ce qui regarde 
l’enseignement; car le postulatum des parallèles a 
été admis dès l’origine de la science : il n'y a donc 
qu'à le poser comme tel. Les principes de la Dyna- 
mique ont été découverts après deux mille ans de 
spéculations sur le mouvement et sur les forces (au 
moins à l’état statique) ; il y a donc à les justifier. 

Or, pour cela, je ne sache point qu'on puisse 
prendre un meilleur procédé que celui de revenir 
* à la vérité historique. Ce n’est point par l'observa- 


Le 


tion des faits à la surface de la Terre que ces prin 
cipes ont élé découverts, ce n’est point de la Phy= 
sique qu'ils dépendent : ils ont été construits pour 
l'explication des phénomènes célestes, en liaison 
directe (au moins les deux premiers) avec l’hypo= 
thèse de Copernic. Les corps célestes restent, d'ail 
leurs, les seuls qui représentent réellement les 
points matériels ou les solides invariables de J 
Mécanique rationnelle, et c'est seulement des pro 
grès de l'Astronomie qu'on peut attendre désor. 
mais quelque nouvelle détermination relative aux 
concepts fondamentaux de la Dynamique (nota 
ment sur le rôle du milieu, soit dans la propagas 
tion de la force, soit comme résistance passive). 
L'exposition des lois de la chute des corps a 
moyen de la machine d’Atwood doit au contraire 
être abandonnée. Ces prétendues lois sont des théo: 
rèmes mathématiques qu'il ne faut pas présenter 
pour autre chose que ce qu'ils sont. L'important, en 
Physique, serait d'enseigner, à propos de la chute 
des corps (ce que l’on ne fait point), dans quelles 
limites ces théorèmes sont applicables, quelle est 
la valeur des corrections à apporter à partir dem 
telle hauteur de la chute. Mais l'important est sur 
tout de montrer comment se fait la science, com 
ment on peul la faire progresser par des décou= 
vertes nouvelles; c’est de ne pas introduire à ceb 
égard des idées fausses en consacrant à l'étude 
minutieuse d'appareils de simple démonstration 
sur lesquels on ne peut faire que des expériences. 
scientifiquement illusoires, un temps qu'on peut 
employer sur des appareils de recherche réelle. 
Je ne parle pas de l'appareil du général Morin, 
construit beaucoup trop grossièrement pour donner 
même une idée favorable du procédé d’enregistre= 
ment par tracés continus, procédé d'une grande 
utilité pratique, mais dont il est aisé de trouver 
pour l’enseignement de meilleures illustrations. 
suffirait sans doute, à propos de la chute des corps, 
de mentionner les vérifications expérimentales de 
Galilée, mais encore conviendrait-il de spécifier 
leur portée réelle qu'il ne faut ni exagérer ni res 
treindre ; car, si elles sont absolument insuffisante 
pour établir l'exactitude illimitée des formules 
théoriques, elles montrent au moins que ces for” 
mules sont suffisamment conformes aux faits, dans 
des limites restreintes, pour qu'il convienne de less 
employer à titre théorique el sous les réserves 
nécessaires. 


Paul Tannery. 
Directeur des Manufactures de l'État. 


BIBLIOGRAPHIE — ANALYSES ET INDEX 


339 


4° Sciences mathématiques 


fetto (Eugène), Professeur de Mathématiques à l'Uni- 
Versité de Giessen. — Vorlesungen über Algebra. 
2 vol. in-8° de 388 et 520 pages. (Prix : 35 fr.) 
BG. Teubner, éditeur. Leipzig, 1896-1900. 
Cet ouvrage vient prendre place à côté des traités 
ssiques de Serret et de Weber, C'est dire qu'il s’agit 
ine œuvre importante destinée à ceux qui, possédant 
fond l’Algèbre élémentaire, désirent s'initier aux par- 
élevées de la science algébrique. Ils y trouveront 
bases essentielles des diverses théories de l’Algèbre 
üpérieure, présentées d'après les progrès les plus 
cents, progrès auxquels M. Netto a, comme on sait, 
ment contribué. L'auteur n'a recours qu'aux 
éthodes purement algébriques, sans faire intervenir 
une manière systématique les théories arithmétiques 
éJAlgèbre moderne. C’est en cela que ce traité diffère 
cisément de celui de Weber; aussi ces deux ouvrages 
mands se complètent l'un l’autre et correspondent- 
aux deux tendances qui caractérisent les méthodes 
ployées de nos jours par les divers auteurs, 
Netto a divisé son traité en cinq parties. Le pre- 
er volume, comprenant les trois premières parties, 
st entièrement consacré à la Théorie des Equations 
ébriques à une inconnue. 
fauteur suppose connus du lecteur la Théorie des 
erminants et les éléments de la Théorie des Nom- 
s. IL débute, comme zntroduction, par les notions 
mentaires relatives aux nombres complexes, puis il 
xamine, dans la premiere partie, les propriétés des 
netions entières et des équations algébriques : théo- 
mes relatifs à la continuité, existence des racines, 
Mmetions symétriques, propriétés des résultants et des 
riminants, formes quadratiques. 
deuxième partie à pour objet la résolution numé- 
jue des équations. On y trouve d'abord, à propos de 
dséparation des racines, les théorèmes classiques de 
olle, Budan-Fourier, Sylvester, Sturm, Hermite, puis 
ddéterminalion des racines par approximation d'après 
és méthodes de Newton, Bernoulli, Lagrange. 
La dernière partie du premier volume traite de la 
ésolution algébrique des équations. Viennent d'abord 
S équations du deuxième, troisième, et quatrième 
és, puis la détermination des racines 1° de l'unité. 
célèbre problème de la division de la circonférence 
n parties égales fait l’objet d'un exposé très intéres- 
t, dans lequel l’auteur passe en revue les diverses 
thodes qui résultent des travaux de Gauss, Kro- 
cker, Lagrange et Jacobi. 
e deuxième volume contient deux parties bien dis- 
tes (les parties IV et V de l'ouvrage complet). Dans 
d première, après avoir exposé les propriétés les plus 
portantes des fonctions entières à plusieurs varia- 
l’auteur étudie les équations algébriques à plu- 
ürs inconnues. La théorie de l'élimination est exa- 
ée d’une facon très complète. Ce n'est pas un 
nple exposé des méthodes de Bezout, Cramer-Poisson, 
ecker, Cayley et d’autres, mais une étude com- 
ée et critique, qui sera lue avec beaucoup d'intérêt. 
Asignaler aussi la lecon consacrée à la Théorie des 
varactéristiques de Kronecker, avec le théorème sur les 
loumes quadratiques découvert par Hermite. La qua- 
ème partie se termine par la démonstration du 
narquable théorème de Hilbert sur l'irréductibilité 
me fonction d'un nombre quelconque de variables 
enfermant un nombre quelconque de paramètres. 
lest seulement dans la cinquième partie que l’auteur 


BIBLIOGRAPHIE 


ANALYSES ET INDEX 


fait intervenir la notion de substitutions. La Théorie 
des groupes finis et des substitutions fait suite à l'étude 
des équations abéliennes; elle est limitée aux propriétés 
les plus-essentielles. La notion de nombre algébrique et 
la résolution des équations algébriques donnent lieu à 
une série de chapitres; puis viennent les applications 
de la Théorie des Equations à la détermination des 
points d’inflexion d’une cubique plane, et à l'étude des 
équations résolubles d'un degré supérieur au quatrième 
et plus spécialement celles du cinquième degré. 
H. Fer, 
Professeur à l'Université de Genève. 


Graffigny (Henry de), Zngénieur civil. — Les nou- 
veaux Ascenseurs. — ! rochure in-12 de 160 pages 
avec 51 figures, de la Petite Encyclopédie seienti- 
lique et industrielle, publiée sous la direction de H. de 
Graffiquy. (Prix: 1 fr. 50.) . Bernard et Cie, impri- 
meurs-éditeurs. Paris, 1901. 

Les ascenseurs ont complètement transformé les 
conditions d'habitabilité dans la maison moderne, et 
ces appareils de levage, mis directement à la disposi- 
tion du public, sont assez variés aujourd'hui pour 
qu'il y ait eu utilité à leur consacrer une étude spéciale, 
dans le but d'en faire connaitre les particularités. 

L'auteur de ce petit volume à distingué les ascenseurs 
avec puits, les ascenseurs sans puits et les ascenseurs 
à compensateurs. Les premiers, hydrauliques, peuvent 
être équilibrés par des conlrepoids ou non, suivant la 
quantilé d’eau dont on dispose, et c’est pour éviter d'une 
facon absolue la rupture de l'attache du piston à la 
cabine que l’on a été amené à adopter un autre moyen 
d'équilibrage que le contrepoids, comme l'ont fait 
notamment MM. Heurtebise et Pifre avec leurs appa- 
reils de. compensation. Mais, de tous les systèmes 
d'ascenseurs, les plus simples sont ceux où le cylindre- 
presse ainsi que le piston sont radicalement supprimés, 
c'est-à-dire dans lesquels il n’est plus nécessaire de 
forer un puits de hauteur correspondant à la course de 
la cabine. Ici, la cage est suspendue à un câble venant 
s’enrouler sur un treuil actionné par un moteur quel- 
conque, hydraulique, à vapeur, à gaz, électrique. Ce 
sont les ascenseurs électriques Pifre et Otis qui pren- 
nent en France le plus de développement, sous la con- 
dition, toutefois, que l’on ait affaire au courant continu, 
tandis que, dans les quartiers où les secteurs ne 
distribuent que des courants alternatifs, on à encore 
la ressource d'employer des ascenseurs à air comprimé. 
Ce rapide aperçu montre que le problème de l'élevation 
des personnes et des charges comporte des solutions 
très diverses, et la possibilité de trouver réunies, en un 
petit nombre de pages, la description, l'analyse et la 
comparaison de tous les systèmes d’ascenseurs qui ont 
fait leurs preuves, est une bonne fortune pour les 
architectes et les propriétaires désireux d'augmenter le 
confort de leurs immeubles. Euice DEMENGE. 


2° Sciences physiques 


Jones (Harry C.), Assistant de Chimie physique à 
l'Université John Hopkins (Baltimore). — The 
Theory of electric Dissociation and some ofits 
Applications. — 1 vol. in-8° de 290 pages avec 
figures (Prix cartonné : 8 fr. 75). Macmillan and ©, 
éditeurs, Londres et New-York, 1901. 


Cet ouvrage est un exposé très net de cette partie, 
importante entre toutes, de la Chimie physique qui 
étudie la nature et la constitution des solutions éten- 
dues. Les faits et les expériences qui y sont sommai- 


340 


rement mais très clairement présentés, les interpré- 
tations et les conclusions théoriques qui y sont 
exposées avec beaucoup de simplicité et de méthode, 
rendent la lecture de ce livre facile et agréable. 

Dans le premier chapitre, l'auteur rappelle ce qu'on 
connaissait de la Chimie physique avant 1887: en 
particulier les rapports entre la constitution chimique 
des corps et leurs propriétés physiques (point d'ébul- 
lition, chaleur spécifique, volume moléculaire, viscosité, 
réfraction de la lumière, rotation du plan de polarisa- 
tion, etc.). 

Le deuxième chapitre traite des expériences et des 
recherches de Pfeffer relatives aux pressions osmoti- 
ques et des lois de Van’ Hoff sur les pressions osmo- 
tiques. 

Dans le troisième chapitre, l’auteur passe en revue 
un grand nombre de faits qui viennent tous corroborer 
l'hypothèse de la dissociation électrolytique, en parti- 
culier les propriétés additives des éléments constituant 
les solutions étendues (augmentation de volume résul- 
tant de la neutralisation des acides par les bases, 
couleur des solutions, chaleur de neutralisation des 
bases par les acides, pouvoir rotatoire, etc.). 

Les relations qui existent entre la pression osmotique 
et l’abaissement du point de congélation des solutions, 
entre la pression osmotique et l'élévation de leur point 
d'ébullition, entre la pression osmotique et leur con- 
ductibihté sont exposées avec beaucoup de clarté, ainsi 
que les rapports trouvés entre la dissociation et l’acti- 
vité chimique. 

Le quatrième chapitre est consacré aux applications 
de la théorie de la dissociation électrolytique. Des 
développements sur les phénomènes électrolytiques y 
occupent naturellement une très large place (vitesse 
des ions, conductibilité, force électromotrice calculée 
en fonction de la pression osmotique des ions, théorie 
des piles, etc.). 

Enfin les dernières pages contiennent l’application 
de la théorie des ions à certaines questions de biologie 
végétale et animale. 

Én résumé, ce livre est un précis très approprié aux 
besoins des étudiants qui désirent avoir une ‘connais- 
sance générale de la dissociation électrolytique telle 
qu'on la conçoit aujourd'hui. Nous ajouterons que les 
rares formules mathématiques qu'on y rencontre se 
réduisent à des expressions extrémement simples. 

A. HOLLARD. 


Chef du Laboratoire central 
de la Compagnie française des Métaux 


Leroy (Emile), Préparateur au Collège de France. — 
Recherches thermochimiques sur les principaux 
alcaloïdes de l'Opium. (Thèse de la Faculté des 
Sciences de Paris). — 4 brochure in-8° de 60 pages, 
Gauthier- Villars, imprimeur, Paris, 1900. 

C'est un pur travail de Thermochimie qui, comme la 
grande majorité des travaux de ce genre, est d'un 
intérêt quelque peu restreint au point de vue des ré- 
sultats touchant la constitution des corps. L'auteur a 
déterminé les chaleurs de combustion et de formation 
des six principaux alcaloïdes de l’opium (Morphine, 
Codéine, Thébaïne, Papavérine, Narcotine, Narcéine). 
Ces mesures confirment, par analogie, les relations 
admises entre la codéine et la morphine d'une part, la 
thébaïne et cette dernière base d'autre part. L'étude de 
la chaleur de neutralisation des alcaloïdes par l'acide 
chlorhydrique (chlorhydrate solide et dissous) permet 
de les comparer au point de vue de la fonction basique. 

L'auteur a, en outre, étudié, toujours au point de vue 
thermique, les acides opianique, hémipinique et la 
méconine. Il en résulte, comme on le sait déjà, que: 

1° I] y a la même analogie entre la méconine et 
l'acide hémipinique qu'entre la phtalide et l'acide 
phtalique ; 

2 L'acide opianique et l'acide hémipinique présen- 
tent entre eux les relations d'aldéhyde à acide. 


G. BLANC. 
Docteur ès sciences. 


BIBLIOGRAPHIE — ANALYSES ET INDEX 


= 


Fosse (Richard). — Contribution à l'étude du G-bi- 
naphtol (T'hèse de la Faculté des Sciences de Paris\ 
— 1 hrochare 1n-8° de 72 pages. Jouve et Boyek,Me 
éditeurs. Paris, 1900. E. 
Ce travail est une étude d'ordre très spécial, quil 

nous est impossible de résumer ici. On y trouve d'abon 

un nouveau mode de préparation du binaphtol,-qui 
consiste à oxyder une solution bouillante de $-naphtel 
par l’acétate de cuivre, puis la description de quelqu 
dérivés de ce corps, éthers, acétals ou autres, l'expo 
d'un grand nombre d'essais infructueux, et enfi 
une discussion qui conduit l'auteur à admettre 
les deux restes naphtoliques du &-dinaphtoi sont un 


par leurs carbones «. L. MAQUENNE, 
Professeur au Muséum d'Histoire naturelle 


Klôeker (Albert), Assistant au Laboratoire Carlsherg 
à Copenhague. — Die Gärungs-organismen in d 
Theorie und Praxis der Alkoholgärungsgewerb 
— 1 vol. in-8° de 320 pages avec 147 figures. Mas 
Waag, éditeur. Stuttgard, 1901. 


M. Klôcker, lorsqu'il était assistant du Professe 
Hansen, à Carlsberg, a dirigé les travaux des personn 
qui viennent s'initier aux méthodes du grand sayanil 
danois et chercher un modèle pour l'installation d'u 
laboratoire industriel; comme les méthodes de Carls® 
berg sont suivies universellement, M. Klôcker a youll 
les faire connaitre dans leurs détails à tous ceux q 
ne peuvent se rendre à Copenhague : chimistes, dis 
lateurs, brasseurs, etc. ‘ 

Une première partie comprend l'installation générale 
d'un laboratoire de bactériologie appliquée, étuves, mi 
croscopes, ballons, etc., la préparation des milieux 
culture, la description des méthodes. Comme appli 
tion, le contrôle de la fabrication dans les diver 
industries de la fermentation est indiqué d’une façol 
claire et précise, et il en est de même de la manœuw 
des appareils à culture pure de Hansen. ‘4 

Une deuxième partie est consacrée à l'étude des fais 
ments, et une classification nouvelle a le mérite de ral 
procher les Mucorinées des levures alcooliques; l'étut 
des levures elles-mêmes est donnée avec suffisamment 
de détails, mais sans perdre de vue le caractère p 
tique de l'ouvrage. Les faits exposés sont démontr 
et l’on ne rencontre pas de discussions plus ou m0 
académiques sur des points dont le praticien n'a nul 
souci. Parmi les bactéries décrites, on a fait une sage 
sélection, en ne donnant que celles intéressant 
vraiment les industries de la fermentation, etavec leu 
caractères essentiels. Enfin une bibliographie bien fai 
termine le volume. ; 

Cet ouvrage de M. Klücker frappe le lecteur parst 
clarté et son style précis. L'auteur a voulu faire un 
guide pratique pour les laboratcires industriels, il & 
désiré que son livre fût sur la table et non dans un 
bibliothèque, et il nous semble qu'il a pleinement 


atteint ce but. P. PETIT, 
Professeur à la Faculté des Sciences, 
Directeur de l'Ecole de Brasserie de Nan@ 


3° Sciences naturelles 


Queva (C.), Docteur ès sciences, Maitre de confi 
rences de Botaniqueà la Faculté des Sciences de Lil 
__ Contributions à l'anatomie des Monocotyléc 
nées. /. Les Uvulariées tubéreuses.— 1 10]. in-80 
162 pages avec 11 planches. (Travaux el mémoires de 
l'Université de Lille, tome VII, Mém. 22.) Univen 
de Lille, rue Jean-Bart, 4900. 

M. Queva continue ses recherches sur lanatomié 
comparée des Monocotylédones. Ce nouveau travail esb 
une contribution à la connaissance des Liliacées 
remarquables à tant d'égards. } 

Les recherches de l'auteur ont porté sur les genres 
Gloriosa et Littonia; plusieurs Gloriosa sont cultivés 
dans nos serres en raison de la beauté de leurs fleurs: 
Les Gloriosa superba el virescens, Littonia modesti 


nt fait l'objet d'une étude approfondie avec des détails 
ur le mode de végétation et une description morpho- 
Jogique et anatomique des divers stades de développe- 
ment jusqu'à l’état adulte. Pour comparer rigoureu- 
sement les points éludiés dans des plantes et des 
rganes de plus en plus âgés, M. Queva a pris la pré- 
ution de déterminer exactement un certain nombre 
niveaux qu'il a pris comme point de repère. C'est 
me précaution qu'il convient de recommander aux 
atomistes ; faute de la prendre, il leur arrive de com- 
er ce qui n'est pas comparable et de signaler des 
érences où il n'y a que des variations dues à l'âge 
atif des organes étudiés. 

Le tubercule des Uvulariées tubéreuses est annuel 
chez les Gloriosa; il est situé à la base du troisième 
entre-nœud de la tige; tous les tubercules que la plante 
rme successivement ont la même valeur. Le premier 
—tubercule du Littonia est un renflement situé à la base 
lu second entre-nœud de la lige principale. 

ca lise de ces plantes renferme des faisceaux simples 
isposés sur deux rangs; l'externe fournit aux feuilles 
rs faisceaux principaux; l'interne leur donne de 
tits lobes supplémentaires. Les rameaux axillaires de 
nflorescence s'insèrent très profondément sur le sys- 
ème des faisceaux intérieurs de la tige qui supporte 
inflorescence. 

La feuille recoit de la tige deux sortes de faisceaux ; 
iles uns ni les autres ne se terminent en pointe libre. 
deuxième racine des jeunes plantes montre un 
irieux exemple de raccourcissement. La surface se 
lisse, la partie centrale se contracte longitudinalement 
sous l'influence de celte traction, la plante pénètre 
ans le sol. Les faisceaux concentriques qui se forment 
e ceux de la tige ont la valeur d’anastomoses. Les 
sceaux de la tige présentent toujours une zone cam- 
le comparable à la zone cambiale des Dicotylédones ; 
 Queva en tire la conclusion qu'il est logique de con- 
sidérer les Monocotylédones comme dérivant des Dico- 
Ylédones inférieures. Les cristaux d'oxalate de chaux 
se rencontrent à peu près toujours chez les Liliacées, 
existent ni dans les deux Glor1osa étudiés, ni dans le 
ittonia moresta. 

Onze planches accompagnent ce mémoire; la lecture 
en serait beaucoup plus facile si les figures étaient jux- 
laposées au texte : c'est une habitude à recommander 
ux jeunes anatomistes. Les maitres de l'Université de 
e, dont les travaux sont justement appréciés, 
evraient en donner l'exemple. E. Decrock. 


s Chef des travaux 
à l'Institut botanique de Montpellier. 


éÉodoresco (E. C.). — Influence des différentes 
radiations lumineuses sur la forme et la struc- 
ture des Plantes. {Thèse de la Faculté des Sciences 
de Paris). — 1 brochure in-8° de 122 p., avec 4 plan- 
ches, Paris, Masson éditeur, 1900. 
l'on a fait beaucoup d'efforts pour établir l'action 
diverses radiations lumineuses sur les phénomènes 
ssimilation, la lumière blanche a seule été étudiée 
ans ses rapports avec la forme et la structure de la 
nte. La méthode des spectres est pratiquement 
plicable à des expériences de ce genre. C'est au 
en d'écrans absorbants que, comme la majorité de 
qui l'ont précédé, l'auteur les a réalisées. Malgré 
défauts des verres colorés, c'est à eux qu'il a eu re- 
ts; il se flatte d'avoir établi des écrans de verre 
ge, bleu et vert ne laissant passer aucune radiation 


Cherchons à synthétiser les conclusions de son tra- 
1. La lumière verte est la plus défavorable au déve- 
pement des plantes normalement pourvues de chlo- 
hylle, les seules sur lesquelles aient porté les 
périences de l’auteur. Elles y périssent rapidement, 
Ppauvries par le défaut de production de la chloro- 
lle, par le défaut d'assimilation: naturellement elles 
ièrent une surface très faible: en somme l'étio- 
ent est à peu près complet; il doit l'être puisqu'il 
se produit ni verdissement ni assimilation. 


BIBLIOGRAPHIE — ANALYSES E1 INDEX 341 


C'est dans les radiations bleues et indigos que les 
plantes poussent le mieux et présentent le maximum de 
développement de tous leurs tissus, exception faite pour 
la lumière blanche, bien entendu. Or, c'est dans les 
lumières bleue et violette que la transpiration est le 
plus énergique, que la croissance est le plus ralentie. 
L'auteur à constaté que, dans ses expériences, le limbe 
foliaire présente toujours le maximum de surface chez 
les plantes exposées à la lumière bleue, qu'il garde les 
dimensions minima dans le vert et des surfaces inter- 
médiaires dans le rouge. Or ces surfaces sont en rai- 
son directe de la transpiration. 

Plusieurs auteurs ont affirmé depuis peu que la lu- 
mière et surtout les radiations les plus réfrangibles du 
spectre interviennent pour favoriser la réduction des 
azolates et la production des substances albuminoïdes 
dans la plante. L'auteur y voit une des causes du bon 
état de ses cultures soumises aux radiations bleues. 

Si l'on ajoute que les rayons verts sont nuisibles à 
l'action des diastases, on comprend que toutes les in- 
fluences s’additionnent pour empêcher le développe- 
ment et amener la mort rapide des plantes qui ne re- 
coivent que des radiations vertes. 

En somme, il est fort peu question de la structure 
dans ce travail, mais du développement général de la 
plante dans ses rapports avec les radiations. 


C. FLAHAULT. 
Professeur de Botanique 
à l'Université de Montpellier. 


De Rouville (Et.); Chef des Travaux de Zoologie à 
l'Université de Montpellier. — Du Tissu conjonctif 
comme régénérateur des Epithéliums. — (7hèse 
de la Faculté des Sciences de Paris). —1 vol. in-8° de 
160 pages avec 11 planches. Delord-Bæhm et Martial, 
imprimeurs. Montpellier, 1900. 

Dans cette thèse, M. de Rouville a étudié les sujets 
suivants : l'intervention des cellules conjonctives pour 
régénérer normalement l’épithélium sus-jacent, la 
valeur comparative de l’amitose et de la mitose, la 
signification de la membrane basale et enfin la question 
de la spécificité des feuillets. C'est peut-être beaucoup 
à Ja fois. 

Sur des coupes d'organes variés, intestin de Crustacés, 
Insectes et Vertébrés, vessie urinaire, urelère el utérus, 
M. de Rouville a cru reconnaitre que, par places, les 
cellules conjonctives sous-jacentes à l'épithélium péné- 
traient à la base de celui-ci pour y constituer des cel- 
lules de remplacement ; mais, comme il se base à peu 
près uniquement sur la ressemblance qu'offrent dans 
ses coupes les noyaux conjonctifs et ceux des cellules 
basales de l’épithélium, on ne trouvera peut-être pas 
cet argument suffisant pour entrainer la conviction. 
Quant aux fusées conjonctives qui pénétreraient dans 
l'épithélium, il est probable que ce sont des coupes plus 
ou moins tangentielles de faisceaux musculaires allant 
s'insérer sur la cuticule et passant à travers la couche 
épithéliale. 

A propos de l'amitose, M. de Rouville en observe 
d'assez nombreux exemples dans des épithéliums et 
dans le tissu conjonctif; il pense que ce mode de divi- 
sion peut très bien se présenter dans des cellules jeunes 
et actives, et n’a donc pas de signification dégénérative. 

A coup sür, les sujets étudiés par M. de Rouville sont 
d'un haut intérêt, mais très difficiles comme toutes les 
questions de Cytologie générale, et il ne me paraît pas 
qu'il les ait abordés avec une éducation technique suf- 
lisante, malgré son séjour dans les Universités de 
Leipzig et de Munich; ses figures ont un aspect sché- 
matique et ses épithéliums cylindriques une admirable 
régularité qui rappellent plutôt les travaux d'il y a vingt 
ans que la scrupuleuse exactitude de la Cytologie 
moderne. Il est possible que les idées soutenues par 
M. de Rouville soient exactes, bien qu'elles aillent à 
l'encontre des opinions reçues, mais je doute que son 
travail suffise à les faire accepter par les cytologistes. 

L. Cuénor, 
Professeur à l'Université de Nancy. 


Buior (Paul), 2rofesseur à la Faculté des Sciences de 
Jassy. — Contribution à l'étude de la Faune des 
Lacs salés e Roumanie. Extrait des Annales scien- 
tifiques de l'Université de Jassy, tome I, 2° fase.) 
— lnprimerie « Dacia», P. Ilieseu et D. Grossu. 
Jassy, 1900, 


Dans ce travail sur les lacs salés de la Roumanie, 
M. Bujor a cherché à déterminer les conditions physi- 
ques qu'ils présentent pour le développement de la vie 
et des espèces animales et végétales qu'on y rencontre. 

Ses analyses montrent que ces lacs sont, pour la plu- 
part, fortement minéralisés et d'une très riche teneur 
en chlorure de sodium (chlore, 23,29519; sodium, 
14,312300). 

L'acide sulfurique (combiné) y existe en quantité 
notable (anhydride sulfurique, 2,574820). 

Ces eaux déposent un limon d'une richesse saline 
extraordinaire, où le chlorure de sodium est à la teneur 
de 36,40330, la silice de 572,90 et l’oxyde d'aluminium 
de 125,90. 

Cette extrème richesse saline élimine de ces lacs une 
grande partie des représentants des faunes lacustres 
ordinaires de l'Europe. Par contre, on y trouve en abon- 
dance un petit crustacé phyllopode rougeûtre,l'Artemia 
salina, et aussi un protozoaire flagellé, le Clamydo- 
monas dunali, très caractéristique de tous les lacs salés 
de l’Europe. 

Les classes les plus représentées sont celles des Crus- 
tacés et des Protozoaires. Parmi les Crustavés, les formes 
dominantes sont celles des types dégradés. 

L'auteur a fait sur quelques-uns de ces animaux 
cette observation très intéressante que, transportés dans 
une eau de plus en plus riche en sel, les Branchipus, 
qui vivent ordinairement dans l’eau douce, peuvent 
s'adapter au nouveau milieu en s'acheminant progres- 
sivement vers l'Artemia salina; et que, d'autre part, 
cette dernière espèce, transportée pendant plusieurs 
générations dans des eaux de salinité décroissante, 
arrive à donner des formes voisines de celles du 
Branchipus normal. 

Quant à la flore, elle ne comprend guère que des 
Algues. 

M. Bujor termine son Mémoire par l'indication des 
maladies sur lesquelles les eaux précitées exerceraient 
un effet curatif : scrofules, rhumatismes (mais non 
l'articulaire), maladies du système nerveux, de la peau, 
de l'utérus et de ses annexes. ÉX0E 


4° Sciences médicales 


Ménard (V.), Chirurgien de l'Hôpital Maritime de 
Berck-sur-Mer. — Etude pratique sur le Mal de 
Pott. —1 vol. in-8° de 452 pages avec 205 figures 
(Prix : 12 fr.). Masson et Ci, éditeurs, Paris. 1901. 
Depuis quelques années, une série de travaux s'occu- 

pant particulièrement du traitement opératoire du mal 

de Pott ont été communiqués à diverses Sociétés sa- 
vantes et ont rappelé l'attention sur cette maladie si 
fréquente et si grave. Placé dans un centre des plus 
importants pour l'étude de cette affection, à l'hôpital 
que l’Assistance publique de Paris entretient à Berck, 

M. Ménard était placé mieux que qui que ce soit pour 

faire des recherches sur ce point; cent quatre-vingts lits 

de l'établissement sont en effet occupés par des enfants 
atteints de maux de Pott. C’est dire la richesse de ma- 
tériaux que possède le Dr Ménard. 

Dans le livre qu'il nous présente aujourd'hui, Ménard 
s'occupe spécialement du traitement. Mais n'oubliant 
pas que, pour qu'un traitement soit scientifiquement 
recommandable, il faut qu'il s'appuie sur une anatomie 
pathologique précise, l'auteur reprend l'étude de cette 
anatomie pathologique et lui consacre plus des deux 
tiers de l'ouvrage. 

Il est impossible d'analyser cette partie; c'est une 
accumulation de faits qu'il faut lire et qui nous don- 
nent successivement les caractères généraux du foyer 


BIBLIOGRAPHIE — ANALYSES ET INDEX 


tuberculeux du rachis, de l'inflexion vertébrale, des 
abcès tuberculeux, des altérations du canal rachidien 
et de la moelle, enfin des phénomènes de réparation-e 
de consolidation du rachis dans le mal de Pott. 

Le chirurgien consultera surtout avec intérêt le cha 
pitre qui a trait aux inflexions du rachis, où l’on trou 
un grand nombre de recherches personnelles sur lésM 
inflexions normales, sur les gibbosités expérimentales 
envisagées successivement dans les différentes régions 
sur l'étude d'une série de pièces pathologiques d 
flexion. M. Ménard insiste sur ce fait que l'inflexi 
reste rarement incomplète, et que tôt ou tard le cont1@ 
finit par s'établir entre les deux segments (on appelle 
inflexion incomplète celle où il existe un interv 
entre les deux segments qui ne sont pas parvenusau 
contact, une force résistante, autre que les corps verté 
braux, s'opposant à la déviation). 

L'étude des phénomènes de réparation et de cons 
lidation du rachis fournit aussi des constatations impo 
tantes. ù ÿ 

L'évolution complète du mal de Pott, aussi biend 
la période destructive que de la période de réparation 
est très longue; c’est par années qu'il faut chiffre 
durée de Ja maladie. 

La consolidation commence par une ankylose 
arcs postérieurs où il n'y a généralement pas 
foyer tubereuleux, et où l’on trouve simplement d 
lésions d’irritation de voisinage; plus tard se faitMlé 
réparation antérieure par soudure fibreuse , puis 
osseuse, sans hyperostose périostique. Jamais le cal nd 
de grandes dimensions, et pour M. Ménard riens 
prouve qu'un cal néoformé puisse empêcher l'inflex 
de devenir complète. { 

Tous ces points d'anatomie pathologique sont, comm 
nous le verrons dans un instant, importants à com 
naître au point de vue du traitement. 

Nous ne dirons rien des chapitres qui ont trai 
l'étude des symptômes et du diagnostic, de manière 
arriver immédiatement au traitement. 3 

M. Ménard est éclectique : suivant les cas, il recourt 
la méthode ambulatoire, dans laquelle l'enfant march 
soutenu par un appareil, ou à la méthode de rep 
dans laquelle le decubitus dorsal occupe la place pri 
cipale. D'une manière générale, il nous a semblé q 
M. Ménard avait tendance à élargirles indications del 
méthode de repos qu'il pratique en fixant l’enfant su 
un petit matelas, lui-même placé sur une planche 
Placant sousle matelas une cale, il exagère l'extension 
des deux segments rachidiens, supérieur et inférie 
dans le voisinage du point malade, et supprime ainsiMle 
rôle si néfaste de la compression du segment supér 
sur le segment inférieur de la colonne, évitant ain 
les ulcérations compressives. 

La manière de confectionner les corsets, le trait 
ment des abeès, de la paraplégie sont autant de points 
décrils avec minutie. 

Enfin, l’auteur aborde la question si discutée di 
redressement de la gibbosité pottique. La gravité dece 
redressement forcé et la possibilité de la rupture dé 
poches d’abcès, jointes à ce fait que jamais il n 
produit de cal intersegmentaire, d'hyperostoses eur 
tives, sont autant de raisons qui font qu'actuelleme 
cette méthode, autour de laquelle on a fait grand br 
doit être délaissée. M. Ménard publie, du reste, u 
série de cas de récidives après redressement, une 
l'appareil plâtré enlevé. « Aucun fait, dit-il, n’a démo 
tré un avantage du redressement de la gibbosité. » 

Telle est, dans ses grandes lignes, l'analyse de @ 
livre intéressant par l'expérience considérable de l'au 
teur. Si nous ajoutons que de nombreuses figures, plul 
de deux cents, toutes personnelles, éclairent les: des 
criplions et en facilitent la compréhension, on com 
prendra que nous disions en terminant que tous & 
qui s'intéressent à l'étude du mal de Pott doivent, 


cet ouvrage. Dr HENRI HARTMANN, 


Professeur agrégé à la Faculté 
Chirurgien de l'Hôpital Laribois 


ACADÉMIES ET SOCIÉTÉS SAVANTES 


343 


i ACADÉMIE DES SCIENCES DE PARIS 


| Séance du 18 Mars 1901. 

L'Académie procède à l'élection d'un membre dans 
la Section de Géométrie, en remplacement de feu 
Ch. Hermite. M. Humbert est élu. 

10 SCIENCES MATHÉMATIQUES, — M. E. Guyou propose 
une nouvelle méthode qui permet de déduire la latitude 
dun navire d'un certain nombre d'observations de 
hauteurs circumméridiennes. — MM. Ch. André et 
MLuizet discutent les valeurs de la période de varia- 
ion lumineuse d'Eros obtenues par divers observateurs. 
sconcluent que cette période ne saurait différer beau- 
p de 5 h. 16 m.; elle n'est pas moitié moindre, car 
deux branches de la courbe diffèrent par la forme, 
l'écartement et par les éclats des minima. Eros est 
onc bien une planète double, — M. P. Cousin com- 
nmunique quelques théorèmes relatifs aux zéros des 
fonctions entières de n variables. — M. H. Duport pré- 
te un mémoire sur la loi de l'attraction universelle, 
s lequel il étudie les actions mutuelles des atomes 
solides considérés comme des êlres de raison; il est 
ainsi conduit à appliquer aux systèmes d’atomes le 
principe de la moindre action. — M. Ribière étudie les 
ibrations des poutres encastrées. Il met en évidence le 
ger bien connu des charges rhytmées dont la pé- 
e coïncide avec celle de l’une des vibrations propres 
dela poutre. On doit donc s'attacher dans les cons- 
actions à n’employer que des pièces dont les vibra- 
is propres aient une période très courte qui rende 
btte coïncidence impossible. — M. P. Duhem poursuit 
étude de la propagation des discontinuités dans un 
uide visqueux. Si l’on admet son hypothèse relative à 
d viscosité, il s'ensuit qu'une surface de discontinuité 
depeut se propager dans un fluide visqueux. Dans le 
contraire, on arrive à une généralisation facile de la 
orie de Riemann et de Hugoniot. — M. E. Jougnet 
tudie la propagation des discontinuités dans les fluides 
Hi se basant sur les principes de l'Energétique, et il 
rive à démontrer les formules de Riemann-Hugoniot 
our des ondes de forme quelconque. Sa méthode s’ap- 
ique sans difficulté aux fluides qui sont le siège de 
factions chimiques. — M. L. Marchis démontre que 
“principe de Garnot-Clausius, sous la forme du dia- 
amme entropique, ne peut s'appliquer à la représen- 
on des res de chaleur dégagées ou absorbées 
le fluide évoluant dans une machine à vapeur, et 
cette application, faite par beaucoup d'ingénieurs, 
onduit à des résultats erronés. 
© SCIENCES PHYSIQUES. — M. C. Vallée a constaté que 
ide sulfurique, additionné d'alcool absolu et mis en 
nce de carbonate de chaux, réagit lentement sur 
rnier, mais que la neutralisation est complète au 
tde quelques mois. Il en est de même avec l'acide 
ique. L'addition d'eau provoque un accroissement 
a vitesse de neutralisation. — M. C. Chabrié a pré- 
é à l'état pur un certain nombre de composés peu 
nus du cæsium : le bromure CsBr, l'iodure Csl, le 
uorure CsF], le chromatre neutre Cs°CrO* et le bichro- 
e Gs*Cr°07. — M. P. Lebeauétablit l'existence, dans 
ferrosiliciums industriels, des siliciures SiFe*,SiFe 
Fe, composés qu'il a obtenus à l’état pur et cris- 
isé. La siliciuration du fer par les procédés électro- 
tallurgiques peut avoir, suivant la nature des matières 
mières employées, deux limites correspondant à la 
formation des composés SiFe et S°Fe. — MM. Tissier 
ëGrignard ont étudié l’action des chlorures d'acide 
des anhydrides d’acides sur les composés organo- 
Iliques du magnésium. Dans les deux cas, il se pro- 


ACADÉMIES ET SOCIÉTÉS SAVANTES 
DE LA FRANCE ET DE L'ÉTRANGER 


duit, après trailement à l’eau, des carbinols : R.R'*:C.OH. 
Les auteurs ont préparé ainsi le triméthylcarbinol, le 
diméthylphénylcarbinol. — M. M. Guerbet a fait réa- 
gir l'alcool caprylique sur son dérivé sodé, et a obtenu 
les alcools dicaprylique et tricaprylique; ce sont des 


| alcools secondaires comme l'alcool caprylique lui-même, 


et la soude formée ne réagit plus sur eux pour donner 
les acides correspondants, comme elle le faisait dans le 
cas de l'alcool œnanthylique. — M. de Forcrand à 
mesuré les tensions de vapeur et les chaleurs de vapo- 
risation du glycol éthylénique. Il à aussi constaté qu'il 
se combine avec l'eau pour former un hydrate de for- 
mule C*H°0°,2H°0, dont la chaleur de formation est 
très faible : environ 01,60. — M. E. Baud a fait l'étude 
thermique du composé AlCF,1SAzH*. On a : 


AËCI sol. + 18 AzHS gaz — Al°CI, 18 AzH° sol. + 317,85 cal, 


Il a également déterminé les {ensions de dissociation 
à 0°, à — 100,7, à — 229,3 et à — 37°. — M. A. Wahl a 
étudié l’action de l'acide nitrique sur trois dérivés de 
l’acrylate d'éthyle : le crotonate, le tiglate et l'isolau- 
ronolate d’éthyle; dans les trois cas, il se forme un 
nitrate, mais pas de dérivé nitré. L’éther acrylique est 
donc le seul corps de cette série avec lequel on ob- 
tienne un dérivé nitré. — M. R. Fosse montre que l’un 
des produits obtenus .par Rousseau en appliquant au 
G-naphtol la réaction de Reimer et Tiemann, et désigné 
par lui sous le nom de binaphtylène-alcool, est en réa- 
lité un dérivé du trinaphtylméthane, le naphtylol- 
uaphtyl-oxynaphtyl-méthane : 

Core 


OIL.CHS.CHS NO. 
; Nour 


M. F. March, en faisant réagir la soude sur le 6£- 
diacétylpropionate d’éthyle, a obtenu de l'acide acétique 
et de l'acide lévulique. L'action du chlorhydrate de semi- 
carbazide donne la semi-carbazone normale et une autre 
qui est l'urée du diméthylpyrazoléthanoate d'’étyle. 
L'hydroxylamine donne le diméthyloxazoléthanoate 
d’éthyle, à partir duquel on prépare facilement l'acide 
correspondant et ses sels métalliques. — M. J. Derôme 
a reconnu que l’acétonedicarbonate d'éthyle mono- 
cyané, qui se forme dans l'action du chlorure de cya- 
nogène sur l'acétonedicarbonate d'éthyle, donne des 
dérivés de substitution alkylés qui correspondent à 
sa forme énolique CO*.C*H°.C(CAz):COH.CH*.CO*C*H5. 
— MM. L. Bouveault et A. Bongert ont préparé, par 
action du chlorure de butyryle sur le sodacétylacétate 
de méthyle, un mélange de c- et d'o-butyrylacétyla- 
célates de méthyle isomères, qu'on sépare par disso- 
lution du premier dans le carbonate de soude. Le 
premier est hydrolysé par l'eau en donnant la butyryl- 
acétone et par les alcalis en butyrylacétate de mé- 
thyle; le second est dédoublé par la potasse en acétate 
et butyrate de potasse et alcool méthylique; il donne 
avec AzH° de la butyramide et de l’acétylacétate de 
méthyle. — M. H. Pottevin a reconnu que le gallo- 
tannin est un glucoside de l'acide digallique. En même 
temps il a conslaté que la tannase possède la propriété 
de dédoubler les éthers-sels des acides organiques et 
certains glucosides. — M. L. Grimbert, en cultivant le 
Bacillus tartricus dans une solution de glucose ou de 
saccharose, a observé la production d'acétylméthyl- 
carbinol, réduisant la liqueur de Febling, et facilement 
identifiable au moyen de son osazone. Le B. coli, le 
bacille d'Eberth et le pneumobacille de Friedländer ne 
produisent pas ce dérivé. 

30 ScreNCEs NATURELLES. — MM. Albert Robin et Mau- 


rice Binet ont observé que les échanges respiratoires 
sont beaucoup plus élevés chez les phtisiques que chez 
les individus sains. Ce phénomène pourrait servir d'élé- 
ment de diagnostic. Il tendrait à montrer que la tu- 
berculose est une maladie consomptive. — M. Aug. 
Charpentier rappelle que dans la conduction lente par 
le nerf il s'ajoute une réaction électrique propre de ce 
nerf, sans doute par un phénomène spécial de réso- 
nance. Le phénomène connu sous le nom de variation 
négative paraît être, sinon toujours la phase initiale, 
au moins une phase de début de la réaction électrique 
du nerf. L'auteur donne une méthode qui permet de 
recueillir cette réaction, et, par suite, sa phase plus 
frappante de variation négative, sur le nerf en place et 
uon lésé. — M. A. Imbert a étudié les déplacements 
des opacités intraoculaires qui se produisent lors des 
changements d'orientation du globe; l'observation de ce 
phénomène peut donner des indications sur les défor- 
mations internes du corps vitré et ses changements de 
consistance. — M. P. Vignon a poursuivi ses recherches 
cytologiques sur quelques types d'Ascidies, et étudié 
spécialement les cellules vibratiles et les cellules sécré- 
tantes. — M. H. Devaux a reconnu que : 1° les plantes 
phanérogames ou cryptogames sont empoisonnées par 
des solutions de sels de plomb ou de cuivre diluées à 
quelques dix-millionièmes ou moins encore; 2° le métal 
est à la fin fixé par toutes les parties de la cellule, 
mais d'une facon inégale : ce sont d’abord ou exclusi- 
vement la membrane, puis le noyau et le nucléole, 
enfin le protoplasma. — M. L. Beulaygue a constaté 
que : 4° à l'obscurité les fleurs éclosent, le plus souvent, 
plus tard qu'en pleine lumière; 2° la couleur des fleurs 
subit, en général, à l'obscurité, une diminution d’in- 
tensité qui est très légère pour certaines fleurs, assez 
sensible pour d’autres, et qui, pour quelques-unes, peut 
aller jusqu'à la décoloration complète; 3° les fleurs 
développées à l'obscurité sont, en général, de dimen- 
sions moindres que celles des fleurs développées à la 
lumière; par contre, les pédicelles sont parfois plus 
développés, mais le poids total est, en général, infé- 
rieur. — M. P. Ledoux à reconnu que les pétioles 
aplatis des Acacias jouent complètement, au point de 
vue physiologique, le rôle de feuilles normales. Ils s'en 
distinguent par quelques disposilions spéciales qui ont 
pour effet, les unes de s'opposer à une transpiration 
trop active, les autres d'emmagasiner dans la plante la 
plus grande quantité d’eau possible. — M. H. Arc- 
towski a observé que les icebergs tabulaires, qui sont 
plutôt rares dans les régions arctiques, se trouvent, au 
contraire, en grand nombre dans les régions antarc- 
tiques. Louis BRUNET. 


ACADÉMIE DE MÉDECINE 
Séance du 12 Mars 1901. 


M. El. Metchnikoff, à propos de la discussion sur 
l’'appendicite, signale que, dans un grand nombre de 
cas de cette maladie, on a observé la présence de vers 
intestinaux, et que la maladie a cédé à l'application 
d’un vermifuge. Il conclut que, dans tous les cas sus- 
pects d’appendicite, il faut pratiquer l'examen helmin- 
thologique des matières fécales ; daus tous les cas où il 
y aura possibilité de le faire, appliquer le traitement 
vermifuge avec de la santonine contre les ascarides ou 
du thymol contre le trichocéphale. — M. Cornil signale 
un cas de péritonite infectiéuse à streptocoques, avec 
hématémèse très abondante, ayant causé la mort. — 
— M. le D' Golosceano lit un mémoire sur l'emploi 
d’un instrument dit otophynter, pour le lavage de l'oreille. 


SOCIÉTÉ DE BIOLOGIE 


Séance du 9 Mars 1901. 


M. G. Weiss a constaté que, dans l'excitation des 
nerfs et des muscles, il y a une durée d’excitalion plus 
favorable, c’est-à-dire exigeant pour obtenir la secousse 
minima une moindre dépense d'énergie. — M. G. Weiss 


ACADÉMIES ET SOCIÉTÉS SAVANTES 


jouissant d'aucune propriété toxique, et n’empêchant 


donne la description d’un interrupteur balistique pour 
expériences physiologiques. — M. E. Hédon a obtenu, 
par injection intrapéritonéale de levure au lapin, un 
sérum agglutinant la levure à doses élevées, mais ne 


pas la fermentation. — M. A. Billet décrit un hémato= 
zoaire endoglobulaire trouvé dans le sang d’une espèce 
de Z'rionyx du Haut-Tonkin. — M. S. Maziarski a étu- 
dié la structure des néphridies des Vers de Terre; elles 
se composent de deux parties, l’une qui peut être com- 
sidérée comme une glande, un rein très primitif, l'autre 
comme une vessie, — M. Rispal a observé, dans trois 
cas d'abcès dysentériques du foie, une leucocytose 
légère ou nulle, au lieu de l’hyperleucocytose signalée 
par M. Boinet et M. Maurel. Ce caractère n’a done 
aucune valeur pour le diagnostic différentiel des abcès. 
de foie. — M. R. Dubois : La photographie de l’invi= 
sible. Réponse à M. Le Bon. — M. G. Loisel a fait des 
observations analogues à celles de M. Regaud sur Im 
chromatine nucléaire, mais ne pense pas que ces cons= 
fatations permettent de dire que la chromatine ne doit 
plus être considérée comme le substratum de l’hérédité 
— M. J. Girard a observé chez une enfant opérée pou 
péritonite la présence de deux trichocéphales dans 
l'appendice. — MM. L. Marchand et C1. Vurpas décri= 
vent les lésions de la moelle dans un cas de méningo= 
myélite expérimentale chez le chat. —M. FX. Mesnila 
observé un cas de régénération de la partie antérieure 
du corps et de la trompe chez une Sy{lis gracilis dont 
ilne restait qu'un fragment de la partie moyenne d 

corps, composé de huit sétigères. — M. F. Mesnil 
signale un nouveau cas de viviparité chez un Syllidien, 
qui montre que la viviparité, chez les Annélides poly= 
chètes, est liée à la parthénogenèse. — M. F. Mesnil 
montre l’étroite parenté des Annélides polychètes d'eau 
douce, sibériennes et américaines, entre elles d'une 
part, et d'autre part avec une forme d’estuaire el des: 
formes franchement marines. — MM. Sabrazès el 
Fauquet ont reconnu que l'alimentation exclusive pat 
le lait, prolongée pendant plusieurs semaines, conlère. 
à l'urine la propriété de laquer les globules rouges; 
cette propriété est en rapport avec l'hypochlorurie. == 
M. H. Vincent signale deux cas de cystite hémorra= 
gique due au bacille d'Eberth, qui se sont présentés a 
déclin de la fièvre typhoïde. — MM. A. Gilbert eh 
P. Lereboullet ont observé qu'au cours des affections 
hépatiques aiguës ou chroniques il peut y avoir uw 
retard dans l'élimination aqueuse des urines (opsiurie), 
que l'examen fractionné met en lumière. Ce retard 
parait dù au retard de l'absorption aqueuse au niveau 
de l'intestin, dû à l'hypertension portale, et peut per 
mettre de juger de l’état de la perméabilité hépatique 
—- Les mêmes auteurs ont constaté dans l'ictère une 
inversion du rythme colorant des urines due au pas 
sage en plus grande abondance des pigments biliaires 
dans l'urine au moment de la période digestive. 
Entin, les mêmes auteurs montrent que le caractère 
essentiel de l’ictère acholurique est une imprégnation 
jaunâtre des téguments avec cholémie, mais sans cho 
lurie cliniquement appréciable. — M. L. Meunier 
donne une nouvelle technique opératoire pour le dosage 
de l'acide chlorhydrique libre dans le suc gastriques 
basée sur une combinaison des procédés de Gunzhourg 
et de Mint{z. 


SOCIÉTÉ FRANÇAISE DE PHYSIQUE 
Séance du 15 Mars 1901. 


M. B. Brunhes a été conduit à étudier systéma- 
tiquement la durée d'émission des rayons Rüntgen: 
par des expériences entreprises en vue de détermine 
la vitesse de propagation de ces rayons. Il utilisait 
l'action des rayons X sur les potentiels explosifs statis 
ques, en essayant de synchroniser, par une émission 
de rayons X, deux étincelles éclatant à deux micro= 
mètres indépendants reliés à deux machines électrosta= 
tiques. L'une de ées étincelles est une étincelle primaire, 


ACADÉMIES ET SOCIÉTÉS SAVANTES 


545 


et la décharge secondaire correspondante charge el 
“décharge dans un instant très court un condensateur 
de Kerr à sullure de carbone, disposé comme dans les 
expériences de MM. Abraham et Lemoine. L'autre étin- 
celle sert de source lumineuse éclairante. En faisant 
varier de 15 centimètres à 80 centimètres la distance 
des deux micromètres, on modifie la grandeur de la 
biréfringence observée, et si le phénomène était aisé à 
Saisir, il serait facile d'en déduire le temps écoulé entre 
larrivée de l'onde des rayons X au premier et au second 
micromètre. Malheureusement, il arrive (rès rarement 
que la synchronisation soit parfaite, et cela parce que 
Vémission de rayons X n'esl pas instantanée, comme 
une étincelle, mais dure un temps très mesurable. Pour 
mesurer ce temps, M. Brunhes dispose un tube de 
Grookes à 30 centimètres environ d'un disque de tôle percé 
de trous. Le disque à 50 centimètres; les trous sont 
distribués suivont des rayons ; ils ont 4 millimètres de 
diamètre. Quand on fait tourner ce disque et qu'on 
observe l’image obtenue sur un écran fluorescent placé 
derrière, on observe que les trous s’allongent par le 
mouvement : ils prennent l'aspect d'ovales, dont le 
grand diamètre augmente avec la vitesse de rotation. 
M. Bruuhes présente à la Société des photographies 
obtenues avec le disque au repos et avec le disque en 
mouvement. Les vitesses réalisées ont atteint 2.000 tours 
par minute, ce qui donne, pour la vitesse linéaire des 
trous, jusqu'à 45 mètres par seconde. L'étude des obser- 
valions à l'écran et des radiographies conduit à des 


de 


AA 4 I 
durées d'émission comprises entre —— et 
+ Ex Sec) 9.000 ‘12.000 


seconde. M. Brunhes s’est demandé si le courant de 
décharge qui traverse un tube de Crookes était a//ongé 
bar le passage à travers ce tube. Pour répondre à cette 
question, il a intercalé, en série avec le tube, un micro- 
mètre à étincelles ; et il a photographié l'ombre portée 
par cette étincelle à travers les trous du même disque, 
d'abord au repos, puis en mouvement. Les photographies 
qu'il présente montrent un aspect identique de ces 
mbres, que le disque soit au repos ou amené à une vi- 
tesse de 2.000 tours à la minute. La durée de l’étincelle 
reste donc inappréciable par cette méthode d'observation 
alors que la durée d'émission des rayons X par le tube 


ui est en série avec elle dure environ d 
( sr à re ——— de 
| 10.000 


seconde. Dans quelques cas, l'étincelle a paru être 
Vacillante ; et a l’on reconnu sur le cliché, outre les 
mages des trous donnés par l'étincelle principale, des 
rous plus pâles déplacés par rapport aux premiers, 
Mais à bords également nets. Les radiographies 
Gorrespondantes ont, au contraire, constamment donné 
bour/chaque trou une image unique et allongée. M. Colar- 
deau, qui avait eu l'occasion de photographier à travers 
ün disque tournant percé d'une fente étroite, était arrivé 
à des résultats notablement différents. Il présente à la 
ociété des clichés qu'il n'avait pas publiés jusqu'ici, et 
ui semblent indiquer qu'une émission de rayons X 
Bst composée en général d'une série d'émissions succes- 
Sives correspondant à des oscillations de décharge, 
hacune des émissions étant d'ailleurs instantante, 
{: Brunhes ne conteste pas que, dans des conditions 
Gonvenables, on puisse obtenir une émission oscillante 
le rayons X. Mais, dans les conditions où il s’est placé, 
le tube excité par une bobine d’induction modèle 
ucretet, ou ancien modèle Rubhmkorff, sans conden- 
eur sur le secondaire, et avec ou sans micromètre en 
ie, — il a eu constamment une émission unique, 
b durant un temps appréciable, hors de proportion 
ee la durée d'une étincelle mise en série avec le 
Wbe et étudiée à l'aide du méme disque tournant. M 
it observer qu'il a réalisé des vitesses absolues très 
Supérieures à celle de M. de Colardeau. Selon lui, si le 
fourant de décharge reste uniforme, c’est que lemoment 
où éclate l’étincelle est celui où les projectiles gazeux 
attirés vers la cathode du tube de Crookes viennent la 
rapper et se charger négativement : alors commence 


REVUE GÉNÉRALE DES SCIENCES, 1901, 


l'émission des rayons cathodiques lancés sur l’antica- 
thode, ef, comme un pareil faisceau s’allonge en chemin 
(expériences de Majorana), il s'écoule un temps fixé 
entre le commencement et la fin de l'émission de 
rayons X par l’anticathode. La divergence des résultats 
obtenus par divers observateurs montre seulement que 
cette explication a besoin d'être étayée par de nouvelles 
expériences. — Après avoir fait circuler un petit appa- 
reil, imaginé par M. Abbe pour montrer qu'une source 
lumineuse émet plus de lumière dans le verre que dans 
l'air, M. Culmann présente 4 réfractomètres, construits 
par la maison Zeiss, à Iéna. 1° Un nouveau modèle du 
rélractomètre d'Abbe, muni d'un dispositif permettant 
de chauffer les prismes et de les maintenir à tempéra- 
ture constante, L'appareil est à lec- : 
ture directe; il permet l'emploi de 
la lumière blanche, et mesure les 
indices compris entre 1,3 et 1,7 avec 
une exactitude qu'on peut estimer à 
environ 2 unités du quatrième chif- 
fre décimal, 2° Aéfractomètre de dé- 
monstration. C'est un réfractomètre 
d’Abbe, destiné aux manipulations 
de Physique. Toutes les données 
nécessaires pour le calcul des in- 
dices se déterminent sur l’instru- 
ment lui-même. 3° Jéfractomètre à 
immersion. Imite pour ainsi dire le 
thermomètre ou l'aréomètre, et per- 
met de mesurer l'indice d’un liquide 
aussi commodément qu'on mesure 
sa température ou son poids spéci- 
fique. Le prisme P (fig. 4) est immer- 
gé dans le liquide à étudier, qu'on 
éclaire par le bas au moyen du 
miroir M. Le verre du prisme doit 
être plus réfringent que le liquide. 
Soit alors ABC le rayon qui frappe 
le prisme sous l'incidence rasante. 
IL est réfracté une première fois en 
C, une deuxième fois en D, et sépare 
une plage claire d’une plage obs- 
cure. Le phénomène est observé à 
l'aide d'une lunette O0, qui fait 
corps avec le prisme. Ayant détre- 
minué sur l'échelle micro- 
métrique B' la limite entre 
les deux plages, il n’y a qu'à 
consulter une table pour 
obtenir l'indice. Le prisme 
à vision directe F sert à 
achromatiser la limite. L’er- 
reur des mesures n'atteint 
pas une demi-unité du qua- 
trième chiffre décimal. En 
revanche, l'échelle est as- 
sez restreinte, les valeurs 
de l'indice devant étre comprises entre 1,325 et 1,367. 
4 Réfractomètre à angle variable (fig. 2). Le liquide à 
examiner L affecte 
la forme d'un pris- 
me à angle varia- 
ble. Une des faces 
AB de ce prisme 
est fixe; elle est 
formée par le fond 
du vase qui con- 
lient le liquide. 
L'autre face CD 
est mobile ; elle Fig. 2. — Réfractomètre à angle va- 
est constituée par  riable. — À, B, fond de la cuve; L,! 


/ 


/ 

/ 
ARS 7 
M 


Fig. 1. — Réfractométre à 
immersion. — M, miroir; 
P, prisme; À, B, C, D, 
rayon lumineux; F, pris- 
me achromatique; O, O0", 
lunette. 


la base plane liquide constituant;le prisme: V, 
d'une espèce de cylindre viseur. 
cylindre tronqué 


en verre V qui fait corps avec un viseur. Tout se 
passe comme si le rayon limite, dessiné en pointillé 
sur la figure, pénétrait directement sous l'incidence 


7 


346 


-rasante de l'air dans le prisme L. Si nous désignons 
par » l'indice du liquide, 2 sin « est donc égal à 4. Pour 
faire une mesure, on amène la croisée des fils du viseur 
sur le rayon limite. Les faces planes du cylindre V étant 
perpendiculaires à l'axe du viseur, le rayon limite les 
traverse normalemeut. L'angle « est, par conséquent, 
donné par l'inelinaison du viseur, qu'il suffit de mesurer 
pour obtenir l'indice du liquide : 7 = cosec «. L'instru- 
ment exige l'emploi d'une lumière homogène. Il donne 
une moins grande précision que le réfractomètre d’Abbe, 
mais permet d'étudier des liquides plus réfringents. 
— Au nom de M. Damien, M. Sagnac présente des expé- 
riences relatives aux interférences secondaires dans 
les lamés cristallines. Ces expériences sont exécutées 
devant la Société par M. Pellin qui à construit un ap- 
pareil à cet effet. Elles sont relatives à la lumière pa- 
rallèle. — 1. On sait qu'en lumière parallèle, entre 
deux nicols croisés, une lame de quartz parallèle à 
l'axe, dont une face a élé creusée sous forme de calotte 
sphérique (cuvette de Biot), donne des anneaux de 
polorisation chromatique dont le maximun d'éclat est 
obtenu lorsque la section principale de la cuvette Q 
fait 45° avec celle de chacun des deux nicols. Une se- 
conde cuvette Q’, identique à la première, lui est exacte- 
ment superposée, sa section principale croisée avec 
celle de la première. La lumière est éteinte dans tout le 
champ. On écarte alors les centres des deux cuvettes 
perpendiculairement au faisceau lumineux. La lumière 
reparaît aux bords du champ sous forme de franges 
colorées d’abord extrêmement larges qui s’avancent 
vers le centre en se resserrant aulour d’une frange 
centrale noire de plus en plus fine. Ce sont les franges 
secondaires de différence, définies par le lieu des points 
où la différence des épaisseurs des deux cuvettes de 
quartz est constante. Elles sont rectilignes et perpen- 
diculaires à la ligne des centres des deux cuvettes 
supposées identiques. Le système des deux cuvettes 
fonctionne alors comme un compensateur de Babinet, 
mais avec l'avantage de donner des franges d'intervalles 
coutinüment variables à volonté, — 2. Les cuvettes 
Q et Q' étant superposées et croisées (extinction), on 
tourne () de 90°. Les sections principales étant main- 
tenant parallèles, on obtient des franges d'addition 
(anneaux deux fois plus serrés qu'avec une seule cu- 
vette). En déplaçant encore latéralement Q', on modifie 
ces anneaux secondaires définis par le lieu des points 
pour lesquels la somme des épaisseurs des deux cu- 
vettes est constante. Leurs teintes s'élèvent progressi- 
vement pendant que leur centre commun se maintient 
au milieu de la distance des centres des deux cuvettes. 
Enfin, si Q' tourne de 22° 5, on obtient un phéno- 
mène plus complexe dans lequel on peut distinguer 
une belle combinaison des deux systèmes d’anneaux 
primaires correspondant aux deux cuvettes avec les 
franges rectilignes de différence et les franges cireu- 
laires d’addition. — 3. En remplaçant les cuvettes de 
Biot par des cuvettes de quartz perpendiculaires à l'axe 
cristallographique, on obtient des anneaux circulaires 
(franges d’addition) si les quartz sont de même signe. 
On obtient des franges rectiliqnes de différences si les 
cuvettes, identiques géométriquement, sont formés 
de quartz de signes contraires, et, dans ce cas, le sys- 
tème fonctionne comme un système de prismes de 
Sénarmont, avec l'avantage de fournir des franges 
d’intervalles continüment variables. 


SOCIÉTÉ CHIMIQUE DE PARIS 
Séance du 8 Mars 1091. 


M. A. Gautier expose ses recherches sur les gaz que 
la chaleur dégage, dans le vide, des roches ignées. 
Lorsqu'on porte les granits, porphyres, ophites, etc., à 
une température de 700 à 800°, on obtient, outre une 
quantité notable d’eau, 4 à 10 fois Le volume de la roche 
en gaz où prédomine l'hydrogène, accompagné d'acide 
carbonique, d'un peu de H°S, CO, CH“, Az, Argon, AzIl', 
avec des traces de pétrolène, benzène, CAzHS,... M. Gau- 


ACADÉMIES ET SOCIÉTÉS SAVANTES 


4 


tier établit que ces gaz ne préexistent pas à l’état occlus 
dans ces roches, mais qu'ils proviennent principalement 
de l’action de leur eau de constitution (qui ne se dégage 
qu'au rouge) sur les silicates, carbonates, sulfosilicates: 
azolures, carbures, etc., et autres composés ferreux.(et 
en certain cas nickeleux) constituant ces roches. Par 
des expériences de contrôle, M. Gautier s’est assuré que 
les sulfate, carbonate, chlorure, silicate ferreux traités 
par la vapeur d’eau au rouge, fournissent abondam: 
ment de l'hydrogène. Les gaz dégagés de ces roches se 
rapprochent singulièrement par leur constitution dé 
ceux qu'on extrait aussi dans le vide des météorites, et 
de ceux qu’on. a recueillis dans les émanations volcæ 
niques. Tous ces gaz ont, en effet, même origines 
l’action de l’eau sur les principes ferrugineux ou nicke 
leux de ces roches. Il n’est pas besoin, pour s'expliquer 
les actions volcaniques, de l'hypothèse de la pénétran 
tion des eaux de surface jusqu'aux régions incandes= 
centes du globe. L'eau de constitution des roches ignées 
suffit à provoquer les réactions qui donnent naissance 
à ces gaz dès que la température s'élève dans les pro 
fondeurs à 400 ou 5000, par le fait du réchauffement 
des autres matériaux fondus souterrains, qui, sous la 
pression énorme des terrains qu'ils supportent, tende 
à être refoulés et à remonter par tous les trajets de 
moindre résistance. — M. Bougault poursuit l'étude de 
la réaction qu'il a fait connaître : formation d’aldéhydes 
de formule : 


c 


par action de I et HgO sur les composés cycliquesà 
chaîne latérale propénylique. Aux faits déjà connus,l 
ajoute ce qui suit : 1° la formation de ces aldéhydes 
est, comme il l'avait pensé, précédée d’une fixation d 
IOH sur la liaison éthylénique; dans une deuxièm 
phase, HgO décompose cette combinaison en en 

vant HI. Il le prouve en préparant le composé interm 
diaire R.C“H5.10H; 2 cette fixation de 10H, engen 

par l’action de I et HgO, est générale pour tous les cor 
possédant une liaison éthylénique dans une chaine 
ouverte. Il a préparé, entre autres, les composés d’addi 
tion de IOH avec les composés cycliques à chaîne laté 
rale allylique : estragol, safrol, etc. Ces corps ne sont, 
pas attaqués par HgO; l’azotate d'argent les décompose 
en donnant des produits dont l'étude n'est pas termi 
née; 3° tous les composés résultant de la fixation de 
10H sur une liaison éthylénique sont détruits par le 
zinc et l'acide acétique, avec retour au composé éthylé= 
nique primitif. Cette réaction, inverse de la précédentey 
a le même caractère de généralité; 4° dans la prépa 
ration des aldéhydes, il est avantageux de remplacer 
l'alcool par l'éther saturé d’eau, pour éviter la formas 
tion d'acétals ; 5° les acides de formule générale : 


Co’H 
R. CRC ; 


obtenus par oxydation des aldéhydes, ont été dédoublés 
en isomères optiques, au moyen de leurs sels de mors 
phine; 6° ces mêmes acides, oxydés par le mélange 
chromique, donnent les cétones R.CO.CH* ; on obtient 
un meilleur rendement en partant de la combinaison 
des aldéhydes avec le bisulfite de soude. Les cétones 
R.CO.CHS, traitées par MnO'K alcalin, conduisent aux 
acides R.CO.CO’H. Enfin ces derniers, oxydés pan 


l'acide adipique CO*H.CH?.CH°.CH?.CH°.CO°H (p. f. 1509} 
en traitant par KCAz le diiodobutane-1.#, que lui a 
fourni la diamyline du butanediol-1.4 : C“H‘0.CH°.CH* 
CH2.CH2.0CH*, Cette expérience confirme pleinement 
la constitution bis primaire attribuée par lui à ce diio= 
dobutane, au dibromobutane et à la diamyline elle 
même. Le di-iodobutane a été transformé par l’acétate 
d'argent en diacétine qui bout à 230°. Celle-ci par 
saponification a donné le butanediol-1.4 qui n'avai 


ve 


ACADÉMIES ET SOCIÉTÉS SAVANTES : 347 


— point encore été obtenu. Ce corps est un liquide vis- 
“queux, qui cristallise très bien dans l’eau glacée; il 
«fond à —- 16° et bout à 229-2300, — M. Amand Valeur, 
mur les conseils de M. Béhal, a étudié l’action des 
“iodures de magnésium méthyle et éthyle sur quelques 
méthers d'acides bibasiques de la série grasse.’ Par 
l'action de l'iodure de magnésium méthyle sur l’oxa- 
aie d'éthyle, il a obtenu la pinacone ordinaire : 


(CHPÈC — C(CH°) 
| - 
OH OH 

“Avec le malonate d’éthyle et l'iodure de magnésium- 


éthyle, il a obtenu un alcool non saturé bouillant à 177- 
-178°, et répondant à la formule : 


(C1 )2C. CH : C(C2H5)° 
I 


OH 


Avec le succinate d'éthyle, il a obtenu le 3.6-diéthyloc- 

anediol-3.6 fusible à 70° : (C*H°}.C(OH).CH°.CH°.C(OH) 
(G#H°}. M. Amand Valeur se propose de continuer ses 
recherches en préparant notamment une série de pina- 
-cones diverses et en étudiant la réaction sur les éthers 
à poids moléculaire plus élevé, sur les dérivés gluta- 
riques et les acides alcoylés. 


SOCIÉTÉ DE CHIMIE DE LONDRES 
Séance du 21 Février 1901. 


MM. F.S. Kipping et H. Hall ont cherché à séparer 
en deux parties la d-/-hydrindamine par l'acide d-J- 
mandélique, mais les diverses fractions obtenues dans 
a cristallisation sont identiques. Avec le chlorure de 
d-I-phénylchloracétyle, on obtient deux dérivés iso- 
mères, ce qui montre que la base est extérieurement 
compensée. Le d-mandélate de d-/-hydrindamine n'est 
pas résoluble en plusieurs fractions par cristallisation ; 
c'est donc un sel partiellement extérieurement compensé 
AB, dAdB. Les sels d'hydrindamine dérivés de l'acide 
mandélique racémique et de l'acide d-mandélique ne 
diffèrent que par leur pouvoir rotatoire et ont leurs 
autres propriétés semblables. On en conclut que les 
trois composés optiques différents JAdB, dAJB, JAIB 
forment des mélanges isomorphes. — Les mêmes 
auteurs, en traitant la benzylhydrindamine par l'acide 
a-bromocamphorsulfonique, ont obtenu, par cristalli- 
sation fractionnée, deux sels isomères. Décomposés par 
la baryte, ils donnent une base optiquement inactive. 
Comme ils contiennent à la fois un atome de carbone 
asymétrique et un atome d'azote pentavalent, ils peu- 
vent être considérés comme les sels de deux bases exlé- 
rieurement compensées différentes : 


+ C+Az,—C—Az et +C—Az,—C+ AZ. 


Les sels obtenus avec les acides d-camphorsulfonique 
et d-hydroxy-cis-7-camphanique ne sont pas résolubles 
en deux isomères par cristallisation. — MM. A. Lap- 
-worth et W. H. Lenton établissent comme suit la 
constitution de l'acide camphanique et de l’anhydride 
bromocamphorique. L'amide de l'acide camphanique, 
chauffée avec les chlorures de phosphore, esl convertie 
eu nitrile, qui, traité par les alcalis, se résout en acide 
cyanhydrique etacide camphononique.Ce dernier, quelle 
que soit la constitution du camphre, répond à la for- 
mule : 
CMe*.c0 
CO*H.CMe 


Nc. Cr 


Le camphanonitrile est donc la lactone d’un acide 
-a-hydroxynitrilique : 
CH®.CMe — CO 


| 
CMe? 
CH2.C(CA7).0 
L'acide camphanique et l’anydride bromocampho- 


É 


rique sont donc bien représentés par les formules sui- 
vantes de Bredt : 


CIF.CMe — CO CH°.CMe — CO 


| | 
CMe? 0 

| 
CH®. ((CO®H).0 ce. LB) — bo 
. MM. F. D. Chattaway et K. J. P. Orton ont étudié 
l'action des acétylchloro-et acétylbromoaminobenzènes 
sur les amines et la phénylhydrazine. Avec les amines 
aliphatiques, la réaction est la suivante : 


R.AZH® + CH°CÉË.AzCIAc — R.AZHCI + CSH°C.AzHAc. 


| 
CMe* 


Avec les amines aromatiques, la réaction commence 
de même, mais l’halogène quitte aussitôt l'azote pour 
pässer en position para ou ortho. Si celles-ci sont occu- 
pées, les dérivés formés sont très instables et se décom- 
posent en donnant des azobenzènes subslitués. Avec la 
phénylhydrazine en excès, on à la réaction suivante : 

4 CSHS.AzH.AzH® + 2(: AzX) 
— C'H°Az? + C'HSAZH® + 2 C°H5.AZH.AZzH*.HCI + 2 (: AzH); 


quand le composé chloroaminé est en excès, on a : 
CSH5.AzH. AzH?-+ 3 (: AzX) — CSHSX + Az? + X° + 3(: AzH). 


Les mêmes auteurs décrivent une méthode facile pour 
la préparation de l’orthochloroaniline par la chlorura- 
tion de l'acétanilide au moyen du chlorure de chaux. 


ACADÉMIE DES SCIENCES D'AMSTERDAM 
Séance du 23 Février 1901 (suite). 


M. H. W. Bakhuis Roozeboom présente, au nom de 
MM. E. Cohen et E. H. Büchner : Sur la loi de 
solubilité donnée par M. Etard. D’après la loi trouvée 
en 189% par M. Elard (Aun. de Chim. et de Phys. 
série VII, £. II et IT), les lignes de solubilité sont des 
droites y— a+ bt, où y est le pourcentage de matière 
dissoute et { la température. Si l’on connaît les 
difficultés qu'on a à surmonter pour obtenir une 
solution réellement saturée, si l'on sait qu'il est 
souvent nécessaire d'agiter pendant plusieurs heures 
la matière solvante, maintenue à une température 
constante, en contact avec le sel en poudre, on est 
d’abord étonné de la communication suivante de 
M. Etard : « Pour obtenir une solution saturée de sel 
dans l’eau, il suffit de mettre dans un verre de Bohème 
un mélange de sel concassé et d’eau à volumes sensi- 
blement égaux, … le thermomètre destiné à prendre les 
températures sert en même temps d’agitateur. La rapi- 
dité de la saturation est telle, dans les conditions que je 
viens d'indiquer, qu'on peut, pendant l'ascension 
continue mais très lente du thermomètre agitateur, 
prendre autant d'échantillons qu'on le désire de la 
solution parfaitement saturée aux températures £°, 4, 
1, 4... La régularité et la concordance des résultats 
suffiraient à démontrer la vérité de l'affirmation précé- 
dente. Cependant des expériences comparatives ont 
encore été faites pour la mettre hors doute, et elles 
ont montré qu'en effectuant la saturation dans un 
ballon agité pendant des heures, ainsi qu'on le 
recommande souvent, on n'arrive pas à une précision 
plus grande. Ce sont des précaulions « illusoires ». 
Néanmoins, d’après une série d'expériences faites en 
4898 (Ann. de Wiedemann, t. LXV, p. 344) par 
MM. Kohnstamm et Cohen, ils trouvèrent que plusieurs 
des solutions saturées de M. Etard ne contenaient que 
65 °/° de sel dissous ; ces résultats sont d'accord avec 
ceux obtenus en 1897 par MM. Mylius et Funk comme 
le montre le pelil tableau suivant : 

GRAMMES DE CdSOt EN 100 GRAMMES D'EAU 


— 


Cohen 
TEMPÉRATURE Etard et Kohnstamm  Mylius et Funk 
0° 55,52 75,52 15,47 
40° 60,92 15,90 76,00 
150 63,11 16,11 76,05 


318 


ACADÉMIES ET SOCIÉTÉS SAVANTES 


Les auteurs comparent les résultats de M. Etard aussi 
avec ceux obtenus en 1884 par M. Andreae. Les expé- 
riences de M. Andreae, exécutées avec le plus grand 
soin, ne mènent non plus à des droites de solubilité. La 
conclusion de l'étude äe MM. Cohen et Büchner est donc 
la suivante : La loi de solubilité de M. Etard ne s’ac- 
corde pas avecles résullats des expériences; un rapport 
aussi simple entre la solubilité et la teñpérature ne 
semble pas se présenter. Une répétition des recherches 
de M. Etard pour des températures élevées serait dési- 
rable. — M. Bakhuis Roozeboom présente ensuite au 
nom de M. C. H. Wind: Les irrégularités de l'étalon 
Weston pour la force électromotrice. MM. W. Jäger, 
E, Cohen et bien d'autres ont remarqué des irrégula- 
rités dans la force électromotrice de l’étalon Weston. 
On en a cherché la cause dans les propriétés de l’amal- 
game qui forme l’un des pôles de l'élément. L'auteur 
croit pouvoir expliquer complètement tous les phéno- 
mènes, en supposant qu'à chaque température il peut y 
avoir équilibre entre deux phases distinctes d'amal- 
game de cadmium. Un argument très favorable à cetle 
hypothèse se déduit de la règle des phases de Gibbs 
appliquée aux expériences de M. Jäger sur la pile: 


Amalgame à 14,3 °/, Cd | Solution de CdSO, | Amalgame x, 


où l’'amalgame x au second pôle admet le rapport molé- 
culaire x de Hg à CI. En effet, la courbe qui représente 
(d'après ces expériences) la force électro-motrice de la 
pile en fonction de la teneur en cadmium du pôle 
variable (fig. 1), présente une partie sensiblement hori- 
zontale entre les limites de 5 etde 14,3 °/, de cadmium, 
ce qui ne s'explique que dans l'hypothèse qu’à la tem- 
pérature des expériences il y a équilibre entre deux 
phases dont l’une renferme 5 °/, et l'autre 14,3 °/, du 
métal. Cette hypothèse explique d’abord d’une manière 
plausible pourquoi l'élément de M. Jäger ne présente sa 
force électromotrice qu'après un certain laps de temps, 
si le pôle variable renferme plus de cadmium que 


+0,01 Tauieur terminale 


- 0,01 


-0,02 


Fig. 1.— Relations entre la force électromotrice de l'élément 
Weston et la teneur en cadmium du pôle variable. 


44,3 °/,, la force électromotrice étant nulle au com- 
mencement. En effet, il suffit de supposer qu’au com- 
mencement l’'amalgame n’est pas tout à fait homogène, 
et, que, dans la surface en contact avec la solution, 
il y a des parties d'amalgame dont la teneur est infé- 
rieure à celle de la plus forte des deux phases qui peu- 
vent coexister à la température donnée. Alors un temps 
assez considérable devra s'écouler avant que, dans 


l'amalgame presque solide, l'équilibre définitif soit 
atteint. Et, en attendant, tout près de la surface de 
contact, des courants électriques prennent naissance, eb 
aussitôt ces courants tendent à rapprocher les teneurs! 
des diverses parties de l’amalgame à cette surface, der 
celle de l’une ou de l’autre des phases coexistantes de Iax 
température donnée; ainsi ces courants nivelleront les 
différences de potentiel entre ces äiverses parties de 


[HAE 


6 14.5 % Cd 


Fig, 2. — Diagramme des isothermes de l'élément Weston 
8 g 


manière à établir très vite un équilibre entre l’amal- 
game et la solution, équilibre qui réduit d’abord à zéro 
le voltage de la pile, pour se modifier ensuite du même 
pas que s'établit l’equilibre définitif dans toute l'éten- 
due de l’amalgame. Ensuite les différences de caractère 
observées par M. Cohen en deux piles du type : La 


Cd | Solution diluée de CdSO, | Amalgame à 14,3 0/, Cl, 


FA 
construites à 25°, peuvent s'expliquer à l'aide de la | 
même hypothèse. Après avoir trouvé pour la force 
électromotrice des deux éléments la même valeur de 
50 mV, à 25°, M. Cohen observait qu'à 0° celle du pre= 
mier s'était élevée à 55 mV, tandis que celle du second” 
montait d'abord jusqu’à 52 »V pour diminuer ensuite 
à 51mV. Sile diagramme des isothermes pour l'élément 
de M. Cohen a l’aspect général indiqué par la figure 2; 
il suffit de supposer que fortuitement l’amalgame du 
premier élément formait un mélange de parties égales 
des deux phases, tandis que celui du second conte- 
nait seulement une petite quantité de la phase à une 
teneur minimale de cadmium pour rendre compte des 
phénomènes observés. Dans cette supposition, les deux. 
éléments présentent (en P, et P,) la même force électro- 
motrice à 25°. Et, après l’abaissement de la température 
à 0, il s'établit un équilibre provisoire entre l’amal- 
game et la solution, qui dans les deux éléments est celui. 
des deux phases qui peuvent coexister à 0°. Mais l’équi- 
libre définitif (Q, et Q,) doit être différent dans les deux. 
éléments, etc. L'auteur rappelle plusieurs autres faits 
qui peuvent servir d'arguments pour soutenir son Opi-" 
nion. Le Physikalisch-Technische Reichsanstalt, qui 
avait adopté pour la construction de l’étalon Weston un 
amalgame de 14,3°/,,a modifié sa composition, en recom- 
mandant maintenant une teneur moins forte. D'après 
la théorie de M. Wind, selon toute vraisemblance, cette 
modification récente dans la construction devra con- 
courir à perfectionner en effet l'étalon. 
P.-H. Scnoure. 


Le Directeur-Gérant : Louis OLIVIER. 


Paris. — L. MARETHEUX, imprimeur, 1, rue Cassette. 


DIRECTEUR : 


LOUIS OLIVIER, Docteur ès 


30 AVRIL 1901 


À Revue générale 


Be N0lencos 


pures el appliquées 


sciences. 


Adresser tout ce qui concerne la rédaction à M. L. OLIVIER, 22, rue du Général-Foy, Paris. — La reproduction et la traduction des œutres et des travaux 
publiés dans la Revue sont complètement interdites en France et dans tous les pays étrangers, y compris la Suède, la Norvège et la Hollande 


$ 1. — Physique 


_ Identité du spectre de l’aurore polaire et 
du spectre cathodique. — Dans son Rapport pré- 
senté au récent Congrès international de Physique, le 
Professeur Paulsen, de Copenhague, résumant les 
observations faites en Islande par l'Expédilion qu'il 
dirigea dans l'hiver 1899-1900, émit l'opinion que le 
spectre auroral contient un certain nombre de raies 
(rès voisines de celles que donne le spectre cathodique 
de l'azote. Cependant, l’auteur de ce Rapport, rédigé peu 
rès le retour de l'Expédition, s'exprimait en termes 
s prudents, attendant des mesures plus complètes 
our affirmer une coïncidence réelle d’une si grande 
importance pour la théorie de l'aurore polaire. 

Dans une nouvelle Note, présentée récemment à 
l'Académie des Sciences de Danemark, M. Paulsen a 
pensé pouvoir être plus affirmatif, à.la suite des mesures 

ites par M. Scheiner, de Potsdam, sur des clichés 
dbtenus en Islande ou impressionnés au laboratoire 
vec le même appareil, à lentilles de quartz et à prisme 
de spath d'Islande. Les raies mesurées embrassent les 
longueurs d'onde comprises entre 0y,426 et 0u,337. 

Voici, en effet, ce que M. Scheiner écrivait récemment 
à M. Paulsen, dans une lettre lue à l'Académie des 
Sciences de Copenhague : 
« Comme je vous l'ai déjà indiqué verbalement, la 
mple inspection des épreuves, combinée avec vos 
mesures de longueurs d'onde, me donnait la presque 
rtitude que le spectre de l'aurore polaire photo- 
aphiée sur les plaques Pellin est identique au spectre 
cathodique de l'azote. Cependant, il m'a paru utile de 
sonstater encore celle coïncidence par des mesures, 
hais sans déterminer à proprement parler les longueurs 
d'onde, cette détermination ne pouvant être faite avanta- 
seusement que sur l'ensemble des épreuves. 
«Je me suis donc borné, pour le moment, à mesurer la 
iosition des sept raies les plus brillantes des plaques 
WLet XII (aurore polaire et lumière cathodique). Je n'ai 
nployé ensuite que quelques raies des spectres de 
Omparaison, pour ramener l'une à l'autre les deux 
preuves, faites avec une dispersion différente. Il en 
résulté le tableau Isuivant, qui donne les distances 
e la raie la plus brillante (), — 0y,392) en millimètres, 


REVUE GÉNÉRALE DES SCIENCES, 1901. 


CHRONIQUE ET CORRESPONDANCE 


« Si l’on tient compte du peu de netteté des raies, on 
doit considérer cette concordance comme très satis- 
faisante, et, comme, en outre, les intensités relatives 
sont, autant qu'on en puisse juger, les mêmes dans les 
deux spectres, il n'y à plus à douter que le spectre 
de l'aurore polaire contienne le spectre cathodique de 
l'azote. » 

M. Paulsen n'a pas réussi à photographier directe- 


TABLEAU [. — Positions relatives des raies de l’au- 
rore polaire et du spectre cathodique de l'azote 
d'après les mesures de M. Scheiner des épreuves 

de M. Paulsen. 


SPECTRE 
CATHODIQUE 


SPECTRE DE L'AURORE 


A mesuré Réduction A réduit À mesuré 


millimètres millimètres millimètres millimètres 


— 4,4 
+ 1,62 
+ 2,41 
+. 5,60 
+ 6,40 
+ 


+++++ | 


10,11 


ment les raies dont la longueur d'onde dépasse 0u,470, 
sauf la raie dite principale, dont la longueur d'onde 
est 0,557. Cette raie se retrouve dans le spectre catho- 
dique de l'oxygène, mais elle y possède une largeur 
bien plus grande. 

Ces constatations ont évidemment une très grande 
importance pour la théorie de l'aurore polaire. Ce 
mystérieux phénomène a donné lieu, d’ailleurs, dans 
ces derniers temps, à des travaux de premier ordre, 
sur lesquels la Revue reviendra très prochainement 


La réflexion et la réfraction du son. — 
M. R.-W. Wood, professeur de Physique à l'Université 
du Wisconsin, qui se livre depuis plusieurs années à 


8 


390 


CHRONIQUE ET CORRESPONDANCE 


l'étude de la réflexion et de la réfraction du son, est 
arrivé à fixer par la photographie cinématographique 
les positions successives des ondes sonores, et il à 
publié récemment à ce sujet d’intéressantes observa- 
tions que nous allons résumer. 

Le principe de la méthode qu'il utilise est dù à Topler. 
L'appareil (fig. 1) 
consiste essentiel- 
lement en une len- 
tille achromatique 
L de bonne qualité. 
En a, on fait jaillir 


| versent la partie inférieure de Q sont déviés dans le 


du diaphragme, en forçant une plus grande quantité 
de lumière à pénétrer de cette partie du champ dans 
la lunette. Par conséquent, en regardant dans l'instrus 
ment, on verra la partie supérieure de la masse d'air 
plus claire que le reste du champ. Les rayons qui tra 


sens contraire et 
forment une iMagen 
qui est complète 
ment intercepléem 
par le diaphragme 
cette partie du 


une étincelle élec- 
trique donnant une 
source lumineuse 
linéaire et étroite. 
L'image de cette 
source se forme en 


h, où elle esl aux Fig. L. et du HR de, ro Ce pe ondes les la ‘densitéies 
trois quarts inter- sonores. — a, source lumineuse; L, lentille; Q, centre d'ébran ement Tee es à 
Se 5 de l'air; b, image de la source; E, écran; T, lunette. P < Œ 


ceptée par un dia- 
phragme E. En re- 
cardant par la lunette T, on voit le champ dela lentille 
uniformément illuminé par la lumière qui n’est pas 
intercepltée par le diaphragme. Si l'on abaisse le dia- 
phragme, le champ s'assombrit; si on l'élève, le champ 
s'éclaire davantage. 


Fig. 2, — Réflexion d'une onde sonore sphérique contre une 
plaque de verre plane. — En 1, on voit l'onde sphé- 
rique qui arrive à la plaque et l'onde réfléchie, sphérique 
également, qui commence à se former. En 2 et 3, l'onde 
incidente est déjà sortie du Champ; l'onde réfléchie, tou- 
jours sphérique, continue à se propager. — On apercoit 
l'image des boules entre lesquelles se produit l’étincelle 

et des tiges qui les tiennent. 


Supposons maintenant qu'il ÿ ait sur le devant de la 
lentille, en Q, une masse sphérique d'air plus dense 


Fig. 3. — Réflexion d'une onde sonore sphérique contre un 
miroir sphérique. — Les figures se suivent de droite à 
gauche suivant les numéros d'ordre. 


que le milieu environnant. Les rayons lumineux tra- 
versant la partie supérieure de cette masse seront plus 
déviés;et formeront une image de l'étincelle au-dessous 


jaillir immédiatement 


champ apparaîtra 
donc noire. 3 

Or, les ondes so 
nores sont des ré 
gions de condensa= 
tion, dans lesquel- 


dans l'air environ- 
nant. Si donc l’on 
produit une de ces ondes en Q et qu'on l’illumine pen= 
dant un instant très court, on apercevra le front de cette 

onde dans le champ | 
de la lunette. On arrive 1 2 
à ce résultat en fai- 
sant jaillir en Q, entre 
deux petites boules de 
laiton,uneétincelle qui 
produit une onde so- 
nore, puis en faisant 


après, en ä,uue se- 
conde étincelle très 
courte, dont la lueur 
éclaire l'onde quicom- 
mence à se propager 
en Q. Pour obtenir l'i- 
mage photosraphique 
du phénomène, on sub- 
stitue à la lunette un 


3 A 
. .n . "2 0 
objectif photographi- Fig. 4. — Réfraction d'une onde 


que derrière lequel des 
plaques se déplacent 
à intervalles rappro- 
chés : on peut ainsi re- 
produire l'onde dans une série de positions successives: 

Par cette méthode, M. Wood a pu suivre le trajet de 
l'onde frontale dans les phénomènes de réflexion et de 


sonore sphérique de l'air dans 
l'acide carbonique. 


Fig. 5.— Dilfraction et réflexion d'une onde sonore sphérique 
par un réseau cylindrique. 


réfraction, et vérilier ainsi les conséquences prévues 
par la théorie. Les photographies que nous reprodui- 
sons ici (fig. 2 à 6) en donnent quelques exemples 
typiques. : 

Quand une onde lumineuse sphérique est réfléchie 


CHRONIQUE ET CORRESPONDANCE 


par un plan, on sait que l'onde réfléchie est également 

sphérique, son centre de courbure étant situé derrière 

fa surface réfléchissante, à la même distance que celui 
de l'onde primitive au devant. Il en est de même pour 
les ondes sonures sphériques, comme le montre la 

figure 2. EL Le 2 

Lorsque Ja surface réfléchissante est un miroir sphé- 
rique (lig. 3), l'onde réfléchie est d'abord plane (fig. 3, 
“no 1); puis elle poursuit son chemin et s'incurve sur 
“és bords (fig. 3, n° 2 et 3). Mais bientôt les bords 
neurvés disparaissent presque complètement (fig. 3, 
n° 4), car l'onde passe au foyer du miroir. Plus loin, les 
bords s'incurvent en sens contraire (fig. 3, n°° 5 et 6). 
L'évolution curieuse de cette onde peut être reproduite 
“entièrement par des dessins géométriques, construits 
ép se basant sur les lois de la réflexion. 

La figure 4 représente le phénomène de la réfraction. 
Donde sonore sphérique est formée dans l'air et assu- 
“joitie à se réfracter dans une atmosphère d'acide car- 
bonique ; celle-ci est renfermée dars un récipient en 
terre, fermé à sa partie supérieure par une membrane 
de collodion tendue, d’une finesse extrême. L'onde sphé- 


n 


Fig. 6. — Réflexion et diffraction d'une onde sonore 
sphérique par un escalier, 


ique, en arrivant à cette membrane, est en partie 
léfléchie dans l’air, en partie réfractée dans l'acide car- 
onique, où elle poursuit sa route sous forme de sur- 
ce d'hyperboloïde (fig. 4, n°° 2 et 3). 

“Les deux dernières figures représentent des phéno- 
mènes de diffraction. Dans la figure 5, le réseau de dif- 
fraction est formé par des lamelles de verre disposées 
Sur une surface cylindrique, et l'onde incidente part 
du centre de courbure du cylindre. La figure montre 
successivement l'onde incidente, les ondes réfléchies à 
Mintérieur du cylindre par chaque lame de verre, les 
Ondes diffractées à l'extérieur, et le réfléchissement 
les ondes diffractées par la table d'expérience. 

La figure 6 montre la formation d'une note musicale 
r la réflexion d’une seule onde par une suite de gra- 
ins, phénomène que Young a démontré être analogue 
,la formation d’une lumière d'une longueur d'onde 
définie par un réseau de diffraction !, 


Les clichés de ces photographies nous ont été obligeam- 
nent prêtés par le journal anglais Nature (de Londres). lis 
ee trouvent dans le commerce, ainsi qu'un grand nombre 

utres analogues. sous forme de clichés à projection, et 
S constituent une belle illustration pour l’enseignement de 
Acoustique. Le Laboratoire d'Enseignement de la Phy- 
ue à la Sorbonne en a fait l'acquisition d’une série, qui 
utilisée aux cours de la Faculté des Sciences. 


$ 2. — Chimie 

Une réaction analogue à celle de Canniz- 
zaro dans la série grasse.— Lorsqu'un aldéhyde 
de la série grasse est traité par une lessive alcaline, il 
y a condensation de deux molécules d'aldéhyde, et for- 
mation d'aldol. Ainsi, l’acétaldéhyde CH°.CH0 se con- 
dense en acétaldol CH°.CH(OH).CH.CHO. 

Avec les aldéhydes aromatiques, la réaction est dif- 
férente : il se forme l'alcool et l'acide correspondants. 
Ainsi, la benzaldéhyde, traitée par la potasse, donne de 
l'alcool benzylique et du benzoate de potasse : 


2C°H°.CHO + KOH — C°H5. CH2OH + CH .CO°K. 


Cette dernière réaction est connue sous le nom de 
réaclion de Cannizzaro. 

Quelle est la cause de cette différence ? Le Professeur 
Lieben, de Vienne, a cru la trouver dans le fait que, 
pour les aldéhydes gras, l'atome de carbone («), qui est 
relié immédiatement au groupement aldéhydique CHO, 
porte toujours un atome d'hydrogène, tandis que, dans 
les aldéhydes aromatiques, il n’en porte pas : 

@.) CH 
CHS.CH?.CHO N 
IC (œ)C.CHQ 


CH (x HC CH 
CH.CHO K/ 
CHE CH 


Aldéhydes gras. Aldéhyde aromatique. 


Si cette hypothèse est fondée, on doit pouvoir, en 
substituant par d'autres groupes le ou les atomes d’'hy- 
drogène reliés au carbone « dans un aldéhyde gras, 
modifier sa réaction en présence des alecalis. 

M. À. Franke, élève du Professeur Lieben, vient de 
vérifier la justesse de cette supposition‘. Il a préparé 
l'aldéhyde «-oxyisobutyrique : 


LA 
CH*.C(OH) (CH).CHO 


dans lequel l'atome de carbone « n’est lié directement 
à aucun atome d'hydrogène. Cet aldéhyde, traité par 
une lessive de soude, ne donne pas d’aldol, mais bien 
de l'alcool oxyisobutyrique et de l’oxyisobutyrate de 
soude : 


CH*.C(OH)(CH*).CHO + NaOH — CH®.C(OH)(CHS). CH£OH 
+ CH*.C(OH)(CEH).CONa. 


C'est l’analogue, pour la série grasse, de la réaction de 
Cannizzaro. 

M. Leo Wessely?, autre élève de Lieben, a obtenu 
une réaction analogue avec l’aldéhyde «-diméthyl-3- 
oxypropionique : 


a 
CH?OH.C(CH*}.CH0 


qui donne avec la potasse du pentaglycol et de l’«-di- 
méthyl-B-oxypropionate de potasse, 


Formation de composés aromatiques à 
partir du glutaconate d’éthyle et de ses 
dérivés. — En chauffant avec de l'alcool à 150° le 
dérivé sodé de l’éther dicarboxy-glutaconique : 


COC HS)? :C: CH: 1C(CO! CHE 
| 
Na 


MM. Lawrence et Perkin junior ont remarqué * qu'il 
y avait formation abondante de trimésate d'éthyle : 


t Monatshefte für Chemie, 1900, t. XXI, p. 1122, 

2 Monatshefte für Chemie, A904, t. XXII, p. 66. 

3 T. Lawrence et W,. H. PERKkIN JUN. : Proc. of the Chem. 
Soc., n° 234, p. 41. 


CHRONIQUE ET CORRESPONDANCE 


CO?C2H° 
SN 


[ 2fIS 
IAE C 


L'éther méthylique sodé subit une transformation 
analogue. : 
Le glutaconate d’éthyle sodé : 


COC*H°CH.CH : CH.CO*C°H° 
| 


Ar 


Na 


subit, dans les mêmes conditions, une décomposition 
différente, et il est converti en acide hydroxy-isophta- 
lique : 


L'éther méthyl-glutaconique : 
CO?C2H5.CH.CH : CH.CO?C°H5 
| 
CH° 


chauffé avec de l'éthylate de soude à 440°, donne un 
éther solide fondant à 96°, lequel, par hydrolyse, four- 
nit un acide fondant à 216° qui n'a pas encore été 
complètement étudié. 

L'acide trimésique, soumis à la réduction au moyen 
de l’amalgame de sodium, fournit un mélange des sté- 
réo-isomères répondant à la constitution : 


)2H5 
L Jco H 


7 


L'un d'eux a été isolé et fond à 210°; chauffé avec de 
l’anhydride acétique, il perd CO® en donnant l’'anhy- 
dride de l'acide tétrahydro-isophtalique, dont la for- 
mule de structure ne peut être que: 


CO°H 
AN 


CO°H 

74 

Ce sont là de nouveaux exemples intéressants de 

synthèses de composés aromatiques à partir de dérivés 
de la série grasse. 


$ 3. — Biologie 


Comment les fleurs attirent les Insectes. 
— Dans ces dernières années, M. Plateau a publié un 
certain nombre de travaux, tous faits avec le plus 
grand soin, dans le but de définir ce qui attire vers les 
ileurs les Insectes avides de nectar. Ses expériences 
ont été critiquées par divers auteurs,etnotamment par 
M. Forel ‘, qui ne l'a peut-être pas fait avec toute la 
coufloisieque mérite un observateur aussi consciencieux 
que M. Plateau. Mais cette polémique aura pour avan- 
tage de mettre les choses au point; la critique la 
plus serrée et la moins indulgente n’est pas de trop 
quand on expérimente sur les sensations et les senti- 
ments des animaux. Voici quelques faits qui paraissent 
acquis : 

Beaucoup d'Insectes, notamment les Mouches et les 
Guêpes, paraissent être surtout dirigés par l'odorat; 
ils butinent là où il y a du nectar où du miel, quelle 


——— 


1 Rivista di Biologia générale, XU, nos 1-2, 1901. 


que soit la couleur de la fleur où il se trouve, où I& 
forme de l’artifice où il a été déposé. Il semble qui 
n’en est pas de même pour les Abeilles et Bourdons 
dont l’odorat est beaucoup moins bon que celui d 
Insectes cités plus haut ; l’Abeille, lorsqu'elle a trouvés 
du nectar sur une certaine fleur, se rappelle et la forme 
de la fleur et la place où elle se trouve, et elle y revient 
grâce à sa mémoire, qui peut durer pendant envirot 
huit jours; l'odorat seul ne peut la guider sur lPappät 
qu'à une distance très courte, quelques centimètresà 
peiue ; en effet, si l'on cache quelques fleurs d'un mas= 
sif sous des feuilles vertes, les Abeilles cessent de les 
visiter jusqu'au moment où elles découvrent l'artifice 
par l’odorat, en furetant très près d'une fleur cachée, 
alors, elles cherchent à y pénétrer, et peuvent y revenirs 
Des Abeilles et des Bourdons, auxquels on à coupé les 
organes olfactifs (antennes), butinent comme les indi- 
vidus normaux, ce qui prouve évidemment que ces 
Insectes sont guidés, non point par l'odorat, mais pa 
la vue des yeux composés, si trouble qu'elle puisse être 
et par les souvenirs visuels. 

Il est très curieux de constater que les fleurs artifi 
cielles les mieux imitées, mêlées aux fleurs naturelles 
de la même plante, ne trompent jamais les Abeilles 
et la plupart des Hyménoptères, même si l'on a mis du 
miel à l'intérieur des corolles artificielles. 11 est éton= 
pant que l'imitation, parfaite au point de vue de l'œil 
humain, soit insuffisante pour l'œil de l’Insecte; mais 
il faut bien qu'il en soit ainsi, à moins que ces fleurs 
artificielles aient une odeur qui éloigne les Insectes. 

Enfin, qu'une fleur soit colorée ou verte, qu'elle ait 
des marques éclatantes (organes vexillaires) ou non; 
elle attire toujours les Insectes pourvu qu'elle ren= 
ferme du nectar, ce qui montre que la fécondation des 
végétaux ne souffrirait aucunement si les partiess 
voyantes des fleurs étaient supprimées ; celles-ci n'ont 
donc pas la fonction attractive qu'on leur avait attri= 
buée. | 

En somme, ce qui sépare M. Forel de M. Plateau, 
c’est que le premier altribue un rôle prépondérant à lan 
vue, à la mémoire visuelle des localités, de la forme 
et de la couleur des fleurs, surtout pour les Abeilles 
tandis que le second donne à l’odorat une importance 
beaucoup plus grande qu'à la vue; l'expérience des 
Abeilles à antennes coupées, si elle réussit comme le 
dit M. Forel, donne évidemment tort à M. Plateaun 
D'autre part, le dédain des fleurs artificielles, l’indiffé= 
rence des Insectes à la forme et à la couleur des fleurs 
pourvu qu'elles renferment du nectar, parlent en faveurs 
de M. Plateau. Il est possible qu'ils aient tous deux. 
raison, et que les différentes espèces examinées se: 
comportent très différemment. 


L'Association des Anatomistes.— L'Associa 
tion des Anatomistes a tenu son troisième congrès 
à Lyon, dans les locaux de la Faculté de Médecine, les 
1er, 2 et 3 avril, sous la présidence de M. le Professeurs 
Renaut, de MM. Arloing, Lesbre, Chautre, vice-prési= 
dents (ces deux derniers en l'absence de MM. Testut ef, 
Ledouble empêchés). Plus de cinquante anatomiste 
français et étrangers assistaient à cette réunion. Parmi 
les personnalisés étrangères, cilons les Professeurs 
Golgi et Luigi Sala (Pavie), Van Beneden (Liége), Romiti 
(Pise), Laskowsky et Eternod (Genève), Bugnon (Lau= 
sanne), Van der Stricht (Gand), Strasser (Berne), Keibe 
(Eribourg-en-Brisgau), Fusari (Turin), etc. 

Les trois journées ont à peine sufli pour les commu 
nications, démonstrations, discussions, et quelques 
visites aux services et musées d'anatomie. La réception 
de l'Université Lyonnaise a été extrèmement cordialey 
la Municipalité de Lyon elle-même a Lenu à s'y asso 
cier. 

Rendez-vous a été pris pour la prochaine session, en 
1902, à Montpellier, sous la présidence de M. le Profes 
seur Sabatier, les trois premiers jours de la semainé 
avant Pâques. Tous les anatomistes sont invités à cettem 
réunion. ‘ 


CHRONIQUE ET CORRESPONDANCE 


$ 4. — Physiologie 


L’insuffisance glycolytique. — L'organisme 
nimal possède une remarquable aptitude à retenir et 
utiliser la glycose. Un homme peut ingérer 500 gr. 
e glycose et plus en vingt-quatre heures, sans qu'il en 
passe même des traces dans les urines. Cette glycose 
se fixe partie sous forme de glycogène dans le foie et 
dans les muscles, partie sous forme de graisse dans les 
Lissus adipeux, ce glycogène et cette graisse étant ulté- 
eurement brülés pour fournir l'énergie nécessaire à 
la production de la chaleur animale ou du travail mus- 
tulaire. Le pouvoir glycolytique de l'organisme n'est 
pas toutefois illimité : la quantité de glycose (ou de 
produits capables de se transformer en glycose dans 
lécouomie) ingérée augmentant, il arrive un moment 
où le sucre s’accumule dans le sang, et passe dans les 
urines. La quantité de glycose que l'organisme peut 
émmagasiner et utiliser varie considérablement d'un 
individu à l’autre : tel sujet pourra absorber 800 grammes 
de glycose en vingt-quatre heures sans présenter de 
glycosurie ; tel autre aura des urines sucrées pour en 
avoir absorbé 400 grammes, 300 grammes et moins. 
Gette quantité varie selon le mode d'introduction de 
a glycose : un homme peut ingérer 100 grammes de 
slycose d’un coup sans devenir glycosurique; il le 
devient à peu près sûrement si on lui en injecte 60 
#rammes sous la peau. Quand, à la suite d'une alimen- 
tation normale, ne produisant pas de glycosurie chez 
la majorité des sujets, on voit apparaitre la glycosurie, 
on dit quil y a insuffisance glycolytique. On peut 
admettre également qu'il y a insuffisance glycolytique 
Chez les sujets qui deviennent glycosuriques à la suite 
d'une injection sous-cutanée d'une solution de glycose 
incapable {à la même dose et à la même concentration) 
de rendre glycosuriques le plus grand nombre de sujets. 
L'insuffisance glycolytique se manifeste au maximum 
chez les diabétiques (forme grave). Il est des cas où le 
pouvoir glycolytique de l'organisme est nul ou presque 
nul — tel par exemple le cas des animaux dont on à 
enlevé la totalité du pancréas — l'organisme éliminant, 
sous forme de glycose, par les urines, la totalité des 
hydrates de carbone ingérés ou injectés, et la totalité 
des hydrates de carbone formés dans l'économie, aux 
dépens des substances protéiques. Il est des cas où le 
pouvoir glycolytique de l'organisme, sans être nul, est 
considérablement réduit: l'organisme éliminant, sous 
forme de glycose, par les urines, la totalité des hydrates 
de carbone ingérés ou injectés, mais pouvant utiliser 
la glycose dérivée dans l'économie des substances pro- 
téiques. IL est des cas où l'organisme peut utiliser la 
totalité des hydrates de carbone ingérés, quand leur 
quantité est petite, ou seulement une partie, quand 
leur quantité est plus grande. Il est des cas, enfin, où 
il n'y à point glycosurie avec l’alimentation normale, 
mais où la glycosurie apparait pour une alimentation 
contenant une quantité d'hydrates de carbone plus 
&rande que la quantité moyenne d’une alimentation 
normale, tout en étant insuffisante pour produire la 
“lycosurie chez la majorité des individus. Il y a donc 
tous les degrés dans l'insuffisance glycolytique. 

» Dans un intéressant travail publié par MM. Achard 
t Læper dans les Archives de Médecine expérimentale 
t d'Anatomie pathologique, ces auteurs ont recherché 
insuffisance glycolytique par la méthode des injec- 
ions sous-cutanées dans un certain nombre d'affec- 
tions aiguës ou chroniques. Ils ont montré que cette 
insuffisance glycolytique est fréquente dans le cancer 
et dans la cachexie luberculeuse, dans les diverses 
affections rhumatismales, dans la pneumonie, dans la 
dièvre typhoïde, etc. 

 « Le diabète ne doit donc pas nous apparaitre, 


disent-ils, comme une entité morbide à part, car le 
trouble fondamental qui le caractérise se relie étroite- 
ment aux désordres nutritifs observés communément 
dans les maladies les plus diverses. Ce n'est pas un 
état morbide sans analogue dans le cadre nosologique, 
c’est un état dans lequel le trouble banal de l'insuffi- 
sance glycolytique est porté à son plus haut degré. 

« Il est donc permis de se demander s’il n’y aurait 
pas lieu d'étudier de plus près les relations du diabète 
avec les maladies qui s’accompagnent le plus volon- 
tiers d'insuffisance glycolytique.…. » 

Ce sont là des opinions intéressantes et suggestives, 
qu'il est utile, croyons-nous, de signaler. 

Une remarque nous est suggérée par une phrase que 
nous relevons dans ce travail. « Plusieurs procédés 
sont susceptibles, disent MM. Achard et Lœper, de 
mettre en évidence l'insuffisance glycolytique. Certains 
d'entre eux ne sont pas applicables à la clinique : telles 
sont la détermination de l’activité glycolytique du 
sang (Lépine)... ». M. Lépine a soutenu l'opinion que 
le sang normal cireulant possède un pouvoir glycoly- 
tique qu'on peut mesurer en déterminant, 72 vitro, 
la quantité de sucre disparaissant dans le sang extrait 
de l’organisme dans des conditions de température dé- 
terminées, et pendant un temps déterminé. M. Arthus 
a démontré l’inexactitude de cette opinion et établi, de 
facon indiscutable, que le sang in vivo ne possède 
aucun pouvoir glycolytique, et que celui qu'il possède 
in vitro lui est conféré par la production extraorga- 
nique d'un agent glycolytique d’origine leucocytaire. 
On ne saurait donc, dans aucun cas, déterminer le 
pouvoir glycolytique d’un organisme vivant ou l'insuf- 
fisance glycolytique en étudiant la glycolyse dans le 
sang. L'insuftisance glycolytique comme le pouvoir 
glycolytique sont des propriétés tissulaires, non des 
propriétés hématiques. 


Albumines du sang d'homme et du sang 
de singes. — Si on injecte sous la peau d’un lapin, 
à deux ou trois jours d'intervalle, pendant deux à trois 
semaines, de 5 à 10 centimètres cubes de sérum de 
sang humain, on communique au sérum du lapin ainsi 
traité la propriété de précipiter 77 vitro du sérum de 
sang d'homme, sans précipiter le sérum du sang des 
autres animaux, tels que le cheval, le bœuf, le mouton, 
le porc, ete. Le pouvoir précipitant du sérum augmente 
à mesure que les injections se font plus nombreuses, 
et il est possible, après plusieurs mois de traitement, 
d'obtenir un sérum de lapin capable de donner encore 
un précipité non douteux dans un sérum dilué à 
1/50.000€. 

Or, si l'on fait agir un tel sérum de lapin préparé au 
moyen d'injections de sérum humain sur le sérum de 
certains singes, on voit apparaître dans le mélange un 
précipité qui, pour être moins abondant que dans le 
sérum humain, n'en est pas moins non douteux. Peut- 
on, de ce fait intéressant, et qu'il serait important de 
contrôler sur différentes espèces de singes, peut-on 
tirer des conclusions positives sur les relations phylo- 
génétiques des espèces humaine et simiesques ? Il con- 
vient d’être prudent, car, si les sérums précipitants 
possèdent, en général, une remarquable spécificité (un 
sérum précipitant le sérum de cheval ne précipite pas 
le sérum d'âne), il existe des exceptions : c’est ainsi 
que le sérum d'un lapin préparé au moyen d'injections 
répétées de sang de poule précipite le sérum de poule, 
mais précipite aussi le sérum de pigeon. Contentons- 
nous donc, pour le moment, d'enregistrer la précipita- 
tion des sérums de sangs d'homme et de certains singes 
par un même sérum préparé au moyen du sang 
d'homme, et attendons que les expériences aient été 
multipliées et variées pour en tirer des conséquences 
d'ordre théorique. 


354 


LA MÉDECINE EXPÉRIMENTALE 


La méthode d'observation est aussi vieille que le 
monde. Elle à suffi, au cours des siècles, a créer 
une foule de sciences: l’Astronomie, la Météoro- 
logie, l'Histoire naturelle, la Médecine, l'Agricul- 
ture, etc. Plus moderne qu'elle, la méthode expé- 
rimentale s’est immédiatement montrée plus puis- 
sante. C'est d'elle que sont nées les merveilles dont 
la Physique ne cesse de nous étonner et les belles 
créalions synthétiques de la Chimie actuelle; avec 
la spectroscopie, la méthode expérimentale tend 
à régénérer l’Astronomie; la Minéralogie, la Géo- 
logie, la Zoologie elle-même lui doivent leur renou- 
veau. Quels profits a pu tirer la Médecine de cette 
méthode ? Quels avantages peut-elle encore en 
attendre en Physiologie, en Thérapeutique, en Cli- 
nique”? Est-ce vers l'observation directe plus ou 
moins exclusive du malade, ou vers l’expérimen- 
talion appliquée à la maladie qu'il faut surtout 
tourner les efforts des générations nouvelles dans 
l'intérêt de la science et de la pratique médicales? 
Voilà ce que je voudrais examiner. 


En Médecine, la méthode d'observation & fait 
ses preuves. Il ne paraît pas bien nécessaire de 
montrer le rôle important qu'a joué, dans la genèse 
de la Médecine actuelle, la culture de cette branche 
de l'Histoire naturelle qui s'occupe de la descrip- 
tion exacte des organes, l’Anatomie. On peut, à la 
grande rigueur, faire de la médecine sans anato- 
mie, lorsque, ainsi qu'Hippocrate qui ne la con- 
naissait pas, on est un observateur de génie. Mais 
où en serions-nous si, comme on le professait du 
temps de Gallien, nous pensions encore que les 
aliments et l'air passent, l’un poussant l’autre, par 
la trachée-artère, que les larmes coulent des ven- 
tricules du cerveau, et que les rhumes ont la même 
origine! C'est cependant ce grand médecin, tout 
plein des erreurs de son temps, le premier. des 
physiologisies et expérimentateurs, s’il n’y eût eu 
Aristote, qui démontra que les urines viennent des 
à la vessie par les uretères, et qui 
put établir que les artères contiennent, durant la 
vie, non pas de l'air, comme on le pensait avant lui, 
mais bien du sang. 

L'invasion, par les barbares du nord, de l’Eu- 
rope civilisée compromit durant dix siècles ces 
premiers essais de science médicale. Il fallut tout 
ce lemps pour que l'esprit humain, profondément 
troublé par l'invasion des nouvelles races, reprit 
enfin confiance en lui-même. Avec la Renaissance, 


reins rattachés 


ARMAND GAUTIER — LA MÉDECINE EXPÉRIMENTAiE 


‘à raisonner d'après 


la doctrine du libre examen et de l'observation 
directe des faits succéda partout à celle de l’au: 
torité. Jusque-là, la science des Écoles avait vécu 
sur la parole d'un Aristote de convention. En 
1495, on publia à Venise sa véritable Æistoire des 
Animaux et ses Parties des Animaux. C'est ains 
qu'à dix-huit cents ans d'intervalle, le grand philo: 
sophe grec enseignait aux hommes, de nouveau 
la Nature. L'esprit d’observa 
tion directe et d’expérimentation méthodique, la 
confiance en la raison humaine appuyée sur le 
faits devinrent les levains de cette grande, de la 
plus grande des révolutions. Pour nous en tenñ 
aux choses de la Médecine, vers 1543 le célèbre 
chirurgien de Charles-Quint, Vésale, fondait l’ana 
tomie réelle, et décrivait pour la première fois, de 
visu, les organes du corps humain dans son traité 
De humani corporis {abrica. En 1550, l’espagnok 
Michel Servet, comme Vésale ancien étudiant de 
Paris, fit la remarquable observation que le sang 
passe du ventricule droit du cœur au ventricule 
gauche à travers le poumon et qu'il s'y revivifies 
Mais, Lant est lente la méthode d'observation pure 
qu'il fallut encore un siècle, et un homme de 
palient génie, pour que Harvey reconnüt, grâce à 
la dissection d'un grand nombre d'animaux, même 
vivants, que le cœur pousse dans les artères, qui 
se dilatent pendant qu'il se contracte, le sang qui 
revient au cœur par les veines : démonstratio 
mémorable que confirma définitivement l'observa 
tion directe de la circulation capillaire faite, peu de 
temps après, par Malpighi. 

La découverte de la circulation du sang par Har 
vey ne s'imposa pas aisément; jugé commé un 
rêveur par les praticiens de son temps’, Harvey 
perdit sa clientèle. En France, il n'eut pas pour lui 
les médecins de tradition, ni la Faculté, mais il eut 
le grand Descartes, Molière et Louis XIV?. On se 
divisa en circulateurs et anticirculateurs. Malheu= 
reusement, ces derniers n'ont pas encore tous dis 
paru avec Harvey et Molière, et les progrès dus en: 
Médecine aux sciences exactes gèneront toujours 
quelques modernes Thomas Diafoirus. 

Sans eux et malgré eux, la Zoologie, la Phyeis 
logie humaine, l'Anatomie comparée se sont peu 
à peu constituées à côté de la Médecine clinique: 
qui seule avait paru d’abord devoir attirer utile 
ment l'attention des praticiens. Mais qui ne voit 


1 D'après son compatriote Aubry, cité par Milne Edwards 
Physiologie et Anatomie comparées, t. II; p. 24, note. 
+ Il ordonna qu'une chaire fût créée au Jardin des Plantes 
pour enseigner l'anatomie et la circulation du sang. 


ARMAND GAUTIER — LA MÉDECINE EXPÉRIMENTALE 


399 


être bien comprise qu'en s’éclairant de celle de 
homme et des animaux dans leur état de fonc- 
lionnement normal. 

Je n'ai pas à dire iei comment les Spalanzani, les 
“Hunter, les Geoffroy-Saint-Hilaire, les Ch. Bell, les 
Magendie, les J. Müller, les Flourens, les CI. Ber- 
“nard, etc., ont fait de la Physiologie une science 
expérimentale, autonome, distincte de l’Anatomie 
proprement dite et de cette anatomie plus fine des 
tissus, l'AJistologie, qu'avait fait naître une inven- 
tion admirable des physiciens du xvu° siècle, le 
microscope. 

» Vers cette époque, la Chimie entre en scène. La 
belle et puissante science des transformalions de 
la matière n'avait jusque-là consisté qu'en une 
Suite de recettes plus ou moins hermétiques, origi- 
naires des Egyptiens, des Grecs et de l'Asie, sorte 
de tradilion transmise aux initiés, mélée d’alchi- 
mie, d’astrologie et un peu de magie. Avec le mé- 
decin périgourdin Jean Rey, l'anglais Robert Boyle 
et le hollandais Van Helmont, commence la vraie 
himie, et même la Chimie biologique. 

Jean Rey démontrail, vers 1630, la pesanteur de 
Pair, el, par conséquent, sa matérialité niée par 
Aristote d’après une expérience mal comprise. Rey 
établit l'augmentation du poids des métaux quand 
on les calcine, et introduisit dans la Science cette 
notion essentielle du poids comme un critérium 
dans l'étude des variations de la malière. La 
balance devint désormais comme la boussole du 
chimiste. Vers le même temps, Van Helmont dis- 
inguait les différents airs, qu'il nommait gaz, et 
‘découvrait l'acide carbonique. Robert Boyle éta- 
blit expérimentalement que l'air ordinaire est 
indispensable à la vie de tous les animaux, y com- 
pris les poissons, et qu'ils meurent si cet air ne se 
renouvelle pas ou leur est enlevé. 

Peu d'années après, Lavoisier allait renouveler 
les doctrines et fixer les notions des vrais élé- 
ments. En 1775, il démontrait que l'esprit sylvestre 
(l'acide carbonique de Van Helmont) est formé de 
charbon uni à une partie de l'air; en 4777, il établit 
que cet air, jusque-là considéré comme un élément 
homogène, est formé de deux gaz : un air vital, 
propre à entretenir la vie el la combustion, et un 
gaz résiduel, une molette irrespirable, qu'il re- 
garda d’ailleurs comme probablement très com- 
Rplexe’. 


… ‘Ildit en propres termes : « Je soupçonne d'ailleurs que 

la partie nuisible et méphitique de l’air est elle-même fort 
composée ». (Voyez Œuvres de Lavoisier, publiées par 
Dumas. Paris, Imprimerie nationale, t. IL; p. 120.) On voit 
. que Lavoisier avait été plus perspicace que ses successeurs 
et qu'il n'avait pas considéré le résidu de l'air impropre à 
la combustion comme un élément simple. 


La même année, Lavoisier couronnait ses mémo- 
rables recherches sur l'air et la combustion par la 
découverte de l’origine de la chaleur animale. Jo- 
seph Black avait déjà constaté en 1757 que le gaz 
sylvestre s'échappe des poumons à chaque expira- 
tion. Placant des animaux dans son calorimètre à 
glace, Lavoisier montra qu'ils produisent, en un 
temps donné, une quantité de chaleur presque 
égale à celle que donnerait la quantité de charbon 
contenu dans l'acide carbonique qu'ils excrèlent 
durant cette mème période si ce charbon étail 
directement brûlé à l'air. Il en conclut aussitôt 
« que la respiration est une combustion lente 
d'une partie du carbone contenu dans le sang, et 
que la chaleur animale est entretenue par la por- 
lion de calorique qui se dégage au moment de la 
conversion de l'oxygène en acide carbonique, 
comme il arrive dans toute combustion de char- 
bon ». 

Ainsi fut faite la découverte de l’origine de la 
chaleur animale, de ce fait mystérieux intimement 
lié à la vie, car il commence et finit avec elle. 
Chose remarquable, c'est à un médecin pralicien, 
Robert Mayer, que nous devons la preuve que la 
seconde propriété essentielle des animaux, à savoir 
leur aptitude à se mouvoir et à produire du tra- 
vail, est en corrélation étroite avec les causes qui 
entretiennent leur chaleur. Cette découverte capi- 
tale date de 1842. 

C'est ainsi que, grâce à la méthode rationnelle, 
à la fois fondée sur l'observation et l'expérimen- 
tation, tendait à S’établir peu à peu ce grand prin- 
cipe, aujourd'hui universellement admis, que tous 
les actes des êtres vivants susceptibles de mesure 
et d'équivalence matérielle ou mécanique -sont 
d'ordre purement physico-chimique, et que, par 
conséquent, toutes les fonctions vitales, à l'excep- 
tion de celles de l’entendement, pour lesquelles 
l’'équivalence n’est pas démontrée, sont des modes 
d'être de l'énergie : Les formes diverses résultent 
des mécanismes qui mettent en jeu cette énergie 
et les modifications dépendent des conditions ma- 
terielles, externes ou internes, physiques ou méca: 
niques, qui l'excitent, la modèrent ou la trans- 
formentsuivant leur état et celui du milieu ambiant. 
Telle fut l’idée directrice, la doctrine fondamentale 
du déterminisme de CI. Bernard. 

Montrer que l'analyse des faits de la vie conduit 
à les subdiviser en définitive en une série d'actes 
mécaniques ou physico-chimiques mesurables, et 
toujours sous la dépendance des lois qui régissent 
les phénomènes matériels, serait faire l'histoire 
des découvertes de la Physiologie moderne tout 
entière : l’osmose et les échanges pulmonaires; les 
mécanismes chimico-physiologiques de la diges- 
tion ; les lois de l'isotonie qui président à l’absorp- 


356 


ARMAND GAUTIER — LA MÉDECINE EXPÉRIMENTALE 


lion et aux sécrétions; la mécanique des mouve- 
ments musculaires ; les forces qui, dans chaque 
organe, déterminent la consommation des réserves 
et la production de l'énergie chimique, calorique 
ou mécanique; le mode de fonctionnement des 
organes des sens, et particulièrement de l'audition 
et de la vue, etc., toutes ces découvertes, qui ont fait 
de la Physiologie moderne la vraie science prépa- 
raloire à la Pathologie et à la Clinique, ne sont que 
des chapitres des sciences mécanique, chimique et 
physique dans leurs applications à l'étude précise 
des phénomènes de la vie. 

L'Analomie, la Physiologie et la Physico-chimie 
ont été les trois échelons successifs qui ont permis 
d'accéder au sanctuaire, où, sous des voiles de plus 
en plus transparents, se célèbre le grand mystère 
de la Vie. 

Il serait injuste d'oublier ce dont la Médecine est 
redevable à une science dont elle n'est, pour ainsi 
dire, qu'un rameau, l'Æistoire naturelle des étres 
vivants. Cest de l'Histoire naturelle que sont 
issues l’Anatomie et la Physiologie comparées, la 
Tératologie, l'Embryogénie. C’est à elle que revient 
la détermination étiologique des maladies parasi- 
taires : gale, teigne, trichinose, fièvres paludéen- 
nes, fièvre jaune, coccidiose, cancer et syphilis 
peut-être. À la Botanique nous devrions une vive 
reconpaissance, ne nous eût-elle fourni que le 
quinquina, l’opium, la rhubarbe, la coca, l'ipéca, 
le cacao. et mille autres drogues si précieuses en 
thérapeutique. Mais l'Histoire naturelle est restée 
avant tout une science d'observation, el c'est de 
l’expérimentalion surtout, qu'à mon sens, la Méde- 
cine de l'avenir doit attendre ses principaux pro- 
grès. 

C’est au laboratoire, en effet, et par l’expérimen- 
tation, que les chimistes biologistes ont patiem- 
ment déterminé la composition des lissus, du sang 
et des humeurs;,tqu'ils ont pu saisir leurs variations 
et entrevoir ainsi les causes profondes des états 
diathésiques primilifs, constilutionnels ou patholo- 
giques. C’est par l'étude expérimentale précise qu'ils 
ont pu expliquer les relations entre la contraction 
du musele, la calorification et les excrétions simul- 
tanément formées, pour en déduire ensuite le régime 
qui convient à l'homme au repos ou au travail; c'est 
par la Chimie que nous connaissons les processus 
qui donnent naissance à l'urée, à l’acide urique, 
aux graisses, aux sucres, aux diverses excrétions 
et à leurs modifications normales ou anormales. 
Elle les poursuit jusque dans les tissus et les cel- 
lules où nait la perturbation primilive d'où la 
maladie tire son origine; c'est la Chimie qui 
éclaire la digestion et les troubles qui s'y ralta- 
chent; qui fait connaître les variations des échanges 
respiraloires et des excrétions pendant le repos, 


le travail, les états normaux ou pathologiquess” 


c'est elle à qui l’on doit la découverte des agents 


spécifiques de la vie cellulaire, ces mystérieux 


ferments excilaleurs des actes élémentaires pri 


mordiaux, dont l'harmonie crée le fonctionnement 


de chaque organe. 


Cet ensemble de connaissances exactes a fait dem 


la Physiologie moderne une science définie, mé- 


thodique, précise, offrant à la Pathologie un solide 
point d'appui et de puissants moyens d'action. M 
Je sais bien qu'attachés à la vieille médecine 


dite traditionnelle (celle qui de tout temps a re- 
lardé), quelques-uns de ces anticirculateurs dont 
je parlais plus haut diront : Que nous importent la 


Physiologie et la Science; avant lout, le malade, las 


clinique, l'hôpital! J'ai hâte de le reconnaître, le 
but principal du médecin praticien n’est pas d’ex- 


pliquer les faits qu'il observe et de faire des décou- 
vertes (et il en a fait d'ailleurs de mémorables, 
celle de l’ausculfation en particulier). Mais il doit, M 
avant tout, rendre les services qu'on attend de lui, « 


soigner, soulager, guérir. Je m'incline devant sa 
science, sa prudence, son dévouement, son rôle si 
précieux, si touchant, lorsqu'il vient apporter dans 
les familles l'espoir et la santé. Mais, dans cet 
article, je me place, non pas tant au point de vue du 
médecin, qu'à celui de la Médecine, ou plutôt de 


ses progrès à venir et de ses méthodes. Je viens de 


montrer ce que la médecine physiologique a gagné 
à la méthode expérimentale; voyons ce qu'a gagné 
ou peut espérer d'elle la médecine clinique. 


IT 


Avant l'époque moderne, alors que la maladie 
s'éludiait surtout à l'hôpital, fort peu au labora- 
toire, quelle conception se faisail-on de l'éfat patho- 
logique ? 

« La maladie, dit Friedlander, est une certaine 
forme de la vie qui résulte d’une sédition des for- 
ces s'associant d’une façon nouvelle; forme qui, 
bien que contraire à la forme régulière de la vie, 
s'unit avec elle. Aussi, dans les corps malades, la 
vie parait non seulement s'être écartée de la règle 
générale, mais encore être troublée où même dis- 
soute par la lutte de ces forces qui ne s'accordent 
point » (Fundanienta doctrinæ pathologicæ, p. 32, 
cilé dans le Dictionnaire de Médecine en 30 vol.), 

« La maladie, dit Chomel, est une aberration nola- 
ble survenue soit dans la disposition matérielle des 
solides ou des liquides, soit dans l'exercice d'une 
ou plusieurs fonctions {/bid., t. XII, p. 50). 

« La maladie, dit Maurice Raynaud, c’est l’en- 
semble des phénomènes qui évoluent sous l'in- 
fluence d'une même unité affective » (Dictionnaire 
de Jaccoud, article Maladie, p. 502). 


lise 


ARMAND GAUTIER — LA MÉDECINE EXPÉRIMENTALE 397 


lution des phénomènes sous l'influence des unités 
“Où entités alectives? Heureusement, le génie des 
#rands médecins : Hippocrate, Celse, Sydenham, 
Morgagni, Jenner, Laënnec, etc., avait suppléé à 
Pinsuffisance des conceptions de leur temps: mais 
ces grands hommes appartenaient surtout à l’École 
de l'observation pure. Voyons ce qu'a produit de- 
puis l'École de l'expérimentation méthodique. 

“ En 1848, un jeune chimiste de vingt-six ans 
découvrait la dissymétrie moléculaire et y ratta- 
ait aussitôt la polarisation rotaloire. Pour sé- 
rer ses cristaux hémièdres, Louis Pasteur 
Saya l’action des moisissures, et fut conduit 
dinsi, vers 1855, à examiner le mécanisme que 
jouent les êtres inférieurs monocellulaires dans 


lair qui les charrie, et qu'ils ont loujours pour ori- 
ine un organisme préexislant et semblable à eux. 
De 1865 à 1870, il observa que des corpuscules 


1 contagieuses, la péhbrine et la facherie. À côté 
le Pasteur, un pas de plus avait été fait par Davaine, 
qui découvrit la bactéridie, organe spécifique de 
maladie charbonneuse. Bientôt, la plupart des 
eclions conlagieuses furent conçues par Pasteur 
omme de vérilables fermentations, provoquées 
dans les tissus ou les humeurs par la présence de 
es organismes spécifiques, étrangers à l'écono- 
mie à l'état de santé, et auxquels il donna le nom 
de microbes. 

. Cette conception pathogénique nouvelle des ma - 
dies virulentes ne ful pas sans provoquer les pro- 
estations de la vieille médecine. Alors que les mi- 
€robes du charbon, de la fièvre puerpérale, du 
choléra des poules, du rouget du pore, de la tuber- 
culose étaient isolés, cullivés 12 vitro, transmis à 


maitres de la science clinique de ce temps n'hésitait 
pas à prononcer ces paroles à la tribune de l'Aca- 
démie de Médecine. « Ce sont là des curiosités 
d'histoire naturelle, intéressantes à coup sûr, mais 
à peu près de nul profit pour la Médecine propre- 
ment dile, et qui ne valent ni le temps qu'on y 
passe, ni le bruit qu'on en fait. Après lant et de si 
laborieuses recherches, il n’y aura rien de changé 
en Médecine : il n’y aura que quelques microbes 
de plus ». 

Singulier élat d'esprit de cette médecine suran- 
née qui « s'attache aveuglément, comme fait dire 
Molière au médecin de son Malade imaginaire, aux 
opinions des anciens, el qui jamais n'a voulu coni- 
prendre ni écouter les raisons et les expériences 
des prélendues découvertes de notre siècle ». 
Comment, au point de vue historique ou logique, 
accepter celle prétention des purs cliniciens qui 
voudraient borner nos moyens d'information à 
l'observation directe du malade, à la clinique 
seule; qui, après avoir négligé, comballu même, 
il y à trente ans, l'emploi du microscope et du 
thermomètre, restent encore méfiants devant les 
résultats précis, matériels, indisculables, sortis des 
laboratoires du physiologiste ou du chimiste, et 
qu'effraye la mélhode expérimentale à laquelle les 
sciences physico-chimiques doivent leur surpre- 
nante évolution et leur cachet de certitude. Mais, 
pour fermer les yeux, empêchera-t-on le soleil de 
luire? Malgré les railleries, les objections ou les 
réserves de la vieille médecine, successivement 
furent découverts les vaccins de la rage, du tétanos, 
de la diphtérie, de la peste. On rattacha clairement 
l'idée de maladie à celle d'un empoisonnement par 
des toxines issues des microbes, ou par des sub- 
stances offensives originaires de nos propres Lissus ; 
on découvrit les antitoxines, ou créa des cytoloxi- 
nes. À ces magnifiques conquêtes vinrent s'ajouter, 
sorlies également des laboratoires des physiolo- 
gistes expérimentateurs et des zoologistes, la décou- 
verte des sucs organiques sécrétés par les glandes 
et cellules spécifiques, celle de la phagocytose, 
enfin lx connaissance des ferments, oxydants, ré- 
ducteurs, hydrolysants, déshydratants, coagulants, 
anticoagulants..…. ces agents actifs qui président 
aux phénomènes élémentaires de la vie. Tout cet 
ensemble de découverles mémorables, et telles 
que la Médecine n'en avait point fait d'aussi 
grandes depuis ses antiques fondateurs, est le 
fruit de la méthode d'investigation expérimentale, 
méthode bien ancienne déjà, mais presque nouvelle 
en Médecine. Comme elle l'avait fait pour la Phy- 
sique et la Chimie, elle a transformé de fond en 
comble la vieille nosologie, les vieilles conceptions 
étiologiques, la vieille thérapeutique. 

Sans doute, il a fallu un Pasteur pour l'intro- 


CH.-ED. GUILLAUME — LES LOIS DU RAYONNEMENT 


duire en Pathogénie, battre en brècheles anciennes 
barrières et faire tomber les antiques préjugés. 
Mais, Pasteur disparu, la méthode reste; elle est 
bonne, elle est fructueuse et les découvertes se 
continuent. 

Celte méthode, le génie de Pasteur nel'a pas créée; 
mais, frappé un jour, comme l'avait été avant lui 
Van Helmont, de l’idée que la maladie transmis- 
sible n’est peut-être qu'une fermentation, Pasteur 
appliqua à la vérification et au développement de 
cctte hypothèse la méthode des sciences dont il 
était l’adepte. Elle consiste, partant d'un premier 
fait d'observation spontanée, fourni quelquefois par 
le hasard, à provoquer, grâce à un choix raisonné 
d'expériences de contrôle, les phénomènes qui peu- 
vent rationnellement venir appuyer ou contredire la 
conception qu'on s’est faite d’abord du fait d'obser- 
vation initial. L'expérience provoquée doit être 
susceptible de mesure, et assez simple pour ne per- 
mettre qu'une conclusion; celle-ci confirme ou con- 
tredit l'hypothèse provisoire d'où l’on est parti; 
généralement, elle la modifie ou la généralise; etla 
conception ainsi modifiée, si elle est désormaisjuste, 
fait prévoir une série de fails nouveaux qui doivent 
se vérifier à leur tour. L'examen de ces faits pourra 


rectifier encore l'hypothèse directrice: et ainsis 
de conception en conceptions, de vérification ern 
vérifications, surgit une vérité plus large, plus uni 

verselle, une théorie, une loi, qui répond à tousles 
faits connus et en fait prévoir et découvrir un 
grand nombre d’autres jusque-là imprévus. Telle 
est la méthode expérimentale. Sans doute elle ne 
saurait, dans tous les cas, se poursuivre directe 
ment sur l’homme malade, mais elle peut s'appli 
quer aux conceptions qu'on se fait de la maladie, 
se pratiquer sur les animaux de nos laboratoires 
rendus malades à volonté, puis, par un juste ét 
prudent retour, profiter à l’homme lui-même. C'es 
dans ces expériences mélhodiquement conçues 
provoquées dans des conditions artificiellement et 
rationnellement simplifiées, c'est dans le silence 
du laboratoire que se sont faits ces progrès qui 
ont changé la face de la Médecine, qui en ont 
déjà fait l’une des branches les plus précieuses du 
savoir humain, et qui créeront un jour la plus 
grande et la plus surprenante de toutes les. 
sciences : Ja Science de la Vie. 

Armand Gautier, 


de l'Académie des Sciences, 
Professeur à la Faculté de Médecine 
de Paris. 


LES LOIS DU RAYONNEMENT 
ET LA THÉORIE DES MANCHONS A INCANDESCENCE 


PREMIÈRE PARTIE 


De grands progrès ont été réalisés depuis 
quelques années dans la connaissance des phéno- 
mènes du rayonnement. Dans ce problème, d’une 


extrême complexité, les relations simples commen-, 


cent à apparaître, ayant pour la première fois 
l'aspect de lois naturelles. En même temps, les 
applications se multiplient, suivant généralement 
la théorie, mais la précédant parfois. Tel est le 
cas des manchons incandescents, qui révolu- 
lionnèrent pour un temps l'éclairage, et dont le 


1 Cette étude fait suite à un article publié dans la Revue 
du 15 janvier 1892, sous le titre : L'Energie dans le spectre. 
Quelques-uns des faits qui semblaient devoir être admis à 
cette époque ne le sont plus aujourd'hui, et la plupart de 
ceux qui n'ont pas été abandonnés ont pris une forme plus 
nette et plus générale. L'article qu'on va lire était écrit 
presque en entier il y a plus d'un an; mais la perspective 
de voir, à l'occasion du Congrès de Physique, surgir des 
résultats nouveaux, m'a engagé à en différer la publi- 
cation. Les données numériques que l'on trouvera plus 
loin ont été mises en harmonie avec les travaux les plus 
récents, et notamment avec les résultats magistralement 
exposés par M. Lumer et M. Rubens au tome II des 
Rapports du Congrès. 


: LES PRINCIPES: 


mode d'action est resté longtemps inexpliqué. Nous 
nous y arrêterons longuement dans la suite # 
mais une foule de résultats intéressants devront 
être mentionnés avant que nous puissions aborder 
ce cas parliculier que beaucoup de physiciens 
considèrent encore comme paradoxal; c'est 
l'exposé de ces résullals que sera consacrée la 
première partie de cet article. 


I. — PRINCIPES GÉNÉRAUX. 


Un corps noir absorbe, par définition, toutes 
les radiations arrivant à sa surface. Plaçons dans 
une enceinte fermée, isotherme, un corps de cette 
nature, et laissons l'équilibre de température s’étas 
blir. À ce moment, le corps noir perdra, dans un 
temps donné, aulant d'énergie qu'il en absorbera; 
puisque, d’après le principe de Carnot, sa tempé 
rature demeurera invariable. 

Remplacons maintenant le corps noir par un 
aulre corps que nous supposerons complétement 


opaque. Lorsque l'équilibre thermique est établi, 
“ce corps absorbe une partie de l'énergie que lui 
“envoie l'enceinte, et en réfléchit une autre portion; 
“de plus, il émet une quantité d'énergie exactement 
“égale à celle qu'il absorbe, et son pouvoir émissif 
est encore exprimé par un coefficient égal à celui 
qui définit numériquement son pouvoir absorbant. 

En tout point de l'enceinte fermée, les radiations 
traversent l’espace dans toutes les directions, et 
lénergie émanée d’un élément déterminé de la 
surface se compose, pour une parlie, de radiations 
émises, et pour une autre, de radiations réflé- 
€hies. Nous changerons infiniment peu les condi- 
tions du rayonnement en introduisant dans l’en- 
ceinte un corps noir infiniment petit. Ce corps 
devant être en équilibre avec l’enceinte, nous 
en concluons que la radiation, dans une enceinte 
fermée, est identique à celle qui part d’un corps 
noir. Toutes les directions de l’espace sont tra- 
versées par des flux égaux et de sens contraire: il 
ny à aucun échange d'énergie entre les divers 
points de l'enceinte, et aucune direction privilé- 
viée pour l'intensité du flux; on peut donc dire 
que les radiations sont en équilibre. ; 
Les raisonnements qui précèdent ne souffrent 
qu'une exception, celle d'une enceinte parfaitement 
réfléchissante. Son pouvoir absorbant élant nul, 
son pouvoir émissif l’est aussi. Donc ses parois 
n'introduisent aucune énergie à l'intérieur, el 
l'énergie qui s'y trouve est indéfiniment celle qui 
l'occupait lorsque l'enceinte s’est fermée. Mais il 
suffit d'y introduire un corps ayant un pouvoir 
émissif différent de zéro, pour que les radiations 
à l'intérieur deviennent identiques à celles du corps 
moir ayant la température du corps rayonnant 
dans l'enceinte. Ce dernier se mettra en équilibre 
non pas avec l'enceinte, dont la température peut 
tre quelconque, mais avec l'éther qu'elle contient, 
Si l'énergie moyenne était inférieure à celle qui 
s'établit uitérieurement, le corps se refroidirait 
‘d'une quantité correspondante à celle de l'énergie 
absorbée par l’éther, et inversement. 
Ce qui vient d'être dit est vrai de tout ensemble 
de radiations. Les mêmes résullats sont encore 
exacts pour une radiation isolée, et c’est même 
dans le cas seulement d’une radiation isolée qu'ils 
peuvent prendre une forme précise. 
Un corps n'est, en général, ni complètement 
réfléchissant, ni parfaitement absorbant. La valeur 
“numérique de son pouvoir absorbant varie avec la 
nature de la radiation considérée, chaque radiation 
qui arrive à la surface d'un corps étant, en général, 
absorbée dans une proportion déterminée, diffé- 
rente d’une radiation à l’autre. 

Un corps peut renvoyer régulièrement une ra- 
- diation donnée ; il est alors réfléchissant pour cette 


CH.-ED. GUILLAUME — LES LOIS DU RAYONNEMENT 


359 


radiation. Il peut aussi réfléchir régulièrement 
toutes les radiations : dans ce cas, il est complè- 
tement réfléchissant. S'il diffuse également toutes 
les radiations sans en absorber, on le nommera 
un corps blanc. S'il en absorbe une proportion 
constante, il sera un corps gris’. Si, enfin, il en 
absorbe une proportion variable suivant la nature 
de la radiation, on le nommera un corps coloré. 

Cette lerminologie est empruntée à la considé- 
ration du spectre lumineux; elle peut s'appliquer 
sans modification à tout l'ensemble du spectre. 

Un corps diffusant peut être assimilé à un corps 
réfléchissant composé de miroirs élémentaires 
extrêmement petits, orientés dans loutes les direc- 
tions. 

Un corps peut diffuser par sa surface externe 
s'il est opaque; s’il est transparent, il ne renverra 
qu'une faible partie de la lumière par sa surface 
externe; mais il pourra en renvoyer une proportion 
considérable, s'il est constitué par un grand nombre 
de surfaces ou de paillettes superposées. Tel est le 
cas de la neige, dont la blancheur est due à sa 
texture en même temps qu'à la transparence de 
l'eau pour la lumière visible. Dans l'infra-rouge, 
l'eau est bientôt opaque, donc absorbante; d’ailleurs, 
son pouvoir réfléchissant est faible; la neige joue 
à peu près, dans cette région du spectre, le rôle du 
noir de fumée dans le spectre visible. La neige est 
un corps coloré dans le sens que nous venons de 
définir. Un œil dont le pouvoir s’étendrait sur deux 
octaves de radiations la verrait avec une teinte 
correspondant au bleu. 

Il convient d'étudier de plus près Le cas des corps 
transparents. Supposons un tel corps placé dans 
l'enceinte isotherme. L'énergie recue par une de 
ses faces atteint en partie la face opposée; là, elle 
rencontre une radiation venant en sens inverse, 
dont l'intensité est égale à celle de la radiation 
atteignant la première face. Comme il ne peut y 
avoir ni gain, ni perle d'énergie sur la seconde 
face, il est nécessaire que le corps émette, par 
toute son épaisseur, une énergie égale à la diffé- 
rence entre celle qui est entrée et celle qui émerge 
venant de l'enceinte. L'émission le long d’un rayon 
sera égale à l'absorption le long de ce même rayon, 
et, si nous isolons une épaisseur infiniment petite 
du corps, de facon à pouvoir négliger la portion 
qu'il absorbe de sa propre radiation, quantité du 
second ordre par rapport à celles que nous consi- 
dérons, nous pourrons dire que, dans un corps 
Pl tn." | RER + 


1 Une généralisation trop hâtive avait fait admettre autre- 


fois, à la suite de Stéfan, que la répartition de l'énergie rayon- 


nante était la même pour tous les corps solides ; en d’autres 
termes, on considérait tous les corps comme gris, le blanc 
et le noir formant les deux limites; mais on sait aujour- 
d'hui qu'il est loin d'en être ainsi. 


360 


CH.-ED. GUILLAUME — LES LOIS DU RAYONNEMENT 


partiellement transparent, le pouvoir émissif est 
égal au pouvoir absorbant pour chaque radiation 
particulière. 

Un corps infiniment mince absorbe une quantilé 
infiniment faible de toute radiation. Un corps infi- 
niment épais absorbe complètement toutes les 
radiations. Entre ces deux extrêmes, un corps sera 
considéré comme absorbant ou transparent suivant 
la délicatesse des moyens d'investigation que nous 
emploierons pour déterminer la proportion de 
l'énergie qui le traverse. Nos notions vulgaires sur 
la transparence sont tirées de l'examen d’une 
lumière traversant un corps sous les épaisseurs 
sous lesquelles il se présente habituellement. Nous 
sommes peu habitués à considérer les corps sous 
des épaisseurs d'un micron ou d'un kilomètre. 
Sous la première, l'or et l'argent sont rettement 
transparents pour la lumière ordinaire et pour 
notre œil, comme moyen d'investigation; sous la 
deuxième, l’eau est absolument opaque. 

La distinction d’un corps opaque ou transparent 
n'a donc aucune signification, si l'épaisseur n'est 
pus précisée, et tout l'exposé qui précède pouvait 
être limité au cas général de la radiation réfléchie 
et de la radiation partiellement transmise. 

Les résultats énoncés ci-dessus, fondés sur l’idée 
d'un équilibre thermique final, sont généraux, 
lorsque la seule énergie que possède un corps est 
thermique et immédiatement transformable en 
radiations. Dans certains cas, il est vrai, on pourrait 
hésiter sur la vraie nature de l'échange d'énergie 
entre plusieurs corps en présence. Considérons, 
par exemple, deux corps complètement réflé- 
chissants dans tout le spectre, à l'exception d’une 
bande étroite, la mème pour les deux corps. Sup- 
posons que leur pouvoir émissif soit différent, el 
placons-les dans une enceinte réfléchissante pour 
toutes les radiations. Le corps À aura un pouvoir 
émissif 4, le corps B un pouvoir émissif D, et nous 
supposerons à plus grand que b. 

Nous pouvons amener ces deux corps à deux 
températures telles que leur émission ait la même 
valeur, À étant plus froid que B. Ils émettront l'un 
vers l’autre la même énergie, et on pourrait penser 
que leur différence de température se maintiendra 
indéfiniment. Mais, d’après l’égalilé des pouvoirs 
émissifs et absorbants, nous savons que À émet 
autant que B, parce que son pouvoir émissif est 
plus considérable; il absorbera donc une plus forte 
proportion de l'énergie ambiante aussi longtemps 
que les températures ne seront pas arrivées à 
l'égalité. À ce moment seulement, son émission et 
son absorplion deviendront identiques. 

Mais toute émission de radiations n’est pas due 
à un phénomène thermique. La phosphorescence 
nous donne un exemple de radiations émises par 


jours une modification de nature chimique dans le 


des corps froids et de même nature que celles quë k | 
peuvent donner des corps portés à une vive incar 
descence. Un corps de cette nature, placé dans une 
enceinte fermée, détruit l'équilibre correspondant 
au corps noir; mais, dans ce cas, on constale tous 


corps en question, ce qui l’exclut des raisonnements 
précédents, fondés sur le principe de Carnot *. 

On ne saurait trop insister, dès le début, sur Ge 
point que, dans une enceinte fermée en équilibre, la 
radiation est celle d’un corps noir, et possède par 
conséquent la valeur la plus élevée correspondant 
à chacune des radiations de l'énergie rayonnante 
de chaque longueur d'onde que puisse donner un 
corps simplement incandescent à la même tempé= 
rature. 

On attribue arbitrairement au corps noir le 
pouvoir émissif égal à l'unité pour toutes les radia= 
tions. Nous conserverons provisoirement cette dé 
finilion, mais nous montrerons qu'elle peut faire 
place à une autre définition rigoureuse du pouvoir 
émissif. 


II. — LE corps NorRr. 


Les résultats qui viennent d'être énoncés ne sont 
qu'une série de conséquences nécessaires du 
second principe de la Thermodynamique. Si élé-M 
mentaires que semblent les raisonnements, il n'a 
pas fallu moins que le génie de Poisson et la 
grande perspicacité de Kirchhoff pour montrer 
toute la généralité de ces résultats. On eût pu les 
lire en entier dans les idées de Prévost, si l’on 
avait su les interpréter. Rien peut-être mieux que 
l'histoire de ces quelques principes ne montre 
qu'une idée ne peut germer qu'à son heure, lorsque 
le terrain est préparé à la recevoir. Banale dans la 
suite, elle est stérile jusqu'alors. 

Dans les innombrables recherches failes en vue 
d'élucider les questions qui se posent au sujet des 
radiations, on a combattu sans cesse contre deux 
ordres divers de complications. D'une part, les 
actions spécifiques des radiations sur des récepteurs 
particuliers, tels que l'œil ou la plaque photogra- 
phique, ont trompé sur leur véritable énergie; et, 
même dans l'emploi de la pile ou du bolomètre, on 
a trop facilement admis que le récepteur, noir dans 
le spectre visible, l'était pour toutes les radialions: 
D'autre part, on a pris comme source des radialions 
des surfaces qui n'élaient jamais complètement 
noires ni même grises, mais qui étaient toujours 
des corps colorés, suivant la définilion que nous 
en avons donnée. 


4 Nous faisons abstraction des radiations d’origine encore 
inconnue émises par les corps radio-actifs; jusqu'ici, il & 
été impossible de trouver la source de ces radiations, sans 
admettre que le principe de Carnot souffre des exceptions. 


CH.-ED. GUILLAUME — LES LOIS DU RAYONNEMENT 361 


En réalité, si l’on fait abstraction d'une enceinte 
fermée, le meilleur corps noir est un corps presque 
Liransparent pour toules les radialions, et dont 
Miépaisseur est très grande, Une colonne d'un 
mélange gazeux isotherme et ayant une épaisseur 
de quelques milliers de kilomètres sous une densité 
suffisante est un excellent corps noir, et sa radia- 
tion peut servir de terme de comparaison. 
… Tel serait le cas du Soleil s'il était à une tempé- 
_ralure uniforme depuis une grande profondeur 


“malière est négligeable. Mais nous savons qu'il n'en 
est pas ainsi : la décroissance de l'éclat, du centre 
au bord figuré de son limbe, nous montre que les 
“couches supérieures absorbent la lumière émanée 
“des couches profondes et la modifient. Les radia- 
lions qui parviennent à l'extérieur traversent des 
ilieux matériels qui ne sont ni assez transparents, 
ni assez opaques pour nous donner une radiation 
hysiquement bien définie. Transparentes, elles 
laisseraient venir jusqu'à nous les radialions non 
déformées des couches profondes. Suffisamment 
opaques dans une épaisseur de tempéralure cons- 
tante, elles nous donneraient la radiation du corps 
noir de celte température. 

Si nous prenons un corps solide, l'expérience 
enseigne qu'il possède toujours une région de 
réflexion sélective dans laquelle son émission est 
très faible. 

- Quant aux corps que nous considérons comme 
noirs, nous verrons de combien il s'en faut qu'ils 
absorbent toute lumière incidente. 

C'est après avoir erré pendant longtemps à 
travers loutes ces complications, que l'on a enfin 
compris comment le problème pouvait être simplifié : 
il suffisait de réaliser pratiquement la conception 
e Poisson et de Kirchhoff, d'une enceinte fermée. 
Sans doute, celle conception est irréalisable en 
toute rigueur, mais on peut s’en rapprocher autant 
que l’on veut, en créant une enceinte de dimensions 
suffisantes, percée d'une étroite ouverture permet- 
lant d'examiner sa radialion, et, par surcroît, recou- 
verte intérieurement d’un enduit se rapprochant 
autant que possible de la couleur noire. 

Dans ses belles recherches sur le degré d'incan- 
descence, M. H. Le Chatelier a plus d'une fois 
examiné la lumière dans une fissure profonde, et l'a 
comparée à celle de la surface. M. Christiansen a 
employé un procédé analogue, alors qu'il cherchait 
à déterminer le coefficient d'émission d'un corps 
+ Schnebeli, peut-être inconsciemment, avait 
- déterminé aussi le rayonnement dans l'enceinte 

creuse d’un four à réverbère. 

… Mais c'est dans ces dernières années seulement 
que des mesures rigoureuses de l'émission ont été 


faites à l'aide d'une enceinte telle qu'elle vient | 


“jusqu'à une distance du centre où la densité de sa : 


d'être définie. Suggérée par M. Willy Wien, mise à 
l'épreuve par M. Saint-John dans des expériences 
sur lesquelles nous reviendrons, elle a conduit, à 
l'Institut physico-technique impérial, M. Lummer, 
travaillant isolément ou avec la collaboration de 
M. Kurlbaum ou de M. Pringsheim, à des résultats 
d'une remarquable netteté. 

Des sphères de métal, recouvertes extérieu- 
rement d'oxyde de fer, élaient placées dans un 
fourneau : leur température élait mesurée à l’aide 
de couples thermoélectriques internes, et la radia- 
tion élait reçue sur une lame bolométrique creuse, 
formant un corps noir par sa forme même. Ou bien 
aussi, un cylindre creux de platine, fermé à ses 
extrémités, était parcouru dans le sens de sa lon- 
gueur par un courant intense qui l’amenait à une 
température élevée. Un couple replié le long des 
parois, et prolongé par une longue spirale, indiquait 
la température intérieure. 

Les résultats obtenus dans ces expériences sont 
d'une importance capitale, et il convient de les 
étudier avec quelques délails. Cependant, pour en 
mieux saisir le lien, il est nécessaire de connaitre 
d’abord les idées théoriques régnantes sur les lois 
numériques du rayonnement. 

On se souvient que Stefan, en faisant la synthèse 
des expériences sur l'intensité du rayonnement 
connues un peu avant 1880, élait arrivé à la con- 
clusion que l'énergie de l'émission totale variait 
comme la quatrième puissance de la température 
absolue, La loi était d'une séduisante simplicité : 
mais, précisément pour cette raison, elle ne fut 
acceptée d’abord qu'avec méfiance, et comme une 
indication empirique facilitant le travail de la mé- 
moire. Les expériences sur lesquelles s'était appuyé 
Stefan étaient hétérogènes, et n'embrassaient qu'un 
intervalle de températures peu étendu. Elles ne s’ap- 
pliquaient qu'à des corps visiblement noirs, et non 
point au corps noir théorique; bref, si l’auteur de la 
loi eût prélendu donner autre chose qu'une formule . 
mnémonique, il eût encouru les criliques les plus 


justifiées. Et, cependant, par une fortune singulière, 


cette loi a survécu à toutes les autres. 

Tout d’abord, on se souvint d'une appréciation 
donnée par Kirchhoff en 1861. Après avoir montré 
que le corps noir pouvait être conçu indépendam- 
ment de l'existence de tout corps réel, il avait 
ajouté que les lois du rayonnement, pour ce corps 
fictif, devaient probablement être simples, comme 
toutes celles dans lesquelles n'interviennent pas 
les propriétés de la malière. Puis, en 1884, M. Boltz- 
mann, s'appuyant sur la théorie électromagnétique 
de la lumière, donna ce qu'on considéra long- 
temps comme un semblant de preuve de la réalité 
de la relation trouvée par Stefan. Enfin le succès 
de l'expérience augmenta la confiance, et, de plus 


362 


CH.-ED. GUILLAUME — LES LOIS DU RAYONNEMENT 


en plus, on tend aujourd'hui à considérer comme 
suffisamment rigoureuses les démonstrations don- 
nées par M. Boltzmann, puis par M. W. Wien, 
indépendamment de toute théorie sur la nature de 
la radiation. 

M. Wien a incorporé la loi de la quatrième puis- 
sance comme loi intégrale dans une relation qu'il 
a indiquée, et qui contient à la fois les relations 
entre la température, la longueur d’onde et la puis- 
sance de la radiation. 

Cette loi, dont l'expression est : 


a été, dans ces derniers temps, le point de départ 
d'assez vives discussions, notamment au sujet des 
résultats qu’elle fournit pour les très grandes lon- 
gueurs d'onde‘. Il est cependant trois de ses con- 
séquences qui sont généralement admises : ce sont 
d’abord la loi intégrale de la quatrième puissance, 
puis la loi dérivée donnant la position du maxi- 
mum de la puissance rayonnante en fonction de 
la température de la source. Celte relation, dési- 
gnée sous le nom de Joi du déplacement, est con- 
tenue dans la formule : 


\nO — const. — A: 


Enfin, on peut poser une troisième relalion entre 
la température et la valeur du maximum de la puis- 
sance. Cette relation s'écrit : 


PnO—5 = const. = B. 


Nous n'insisterons pas sur les nombreuses études 
préliminaires qui ont conduit M. Lummer et ses 
collaborateurs à perfectionner peu à peu leurs 
appareils qui, aujourd’hui, ne laissent plus rien 
à désirer. Ce travail, long, patient, et où se révèle 
à chaque pas une grande ingéniosité, en même 
temps que l'emploi de moyens considérables, est 
marqué, dans ses diverses étapes, par une série 
de publications qui s'étendent déjà sur un inter- 
valle de cinq ou six ans; ilest plus intéressant de 
nous limiter ici aux résultats les plus récents, 
obtenus avec les derniers appareils, et en prenant 
des soins méticuleux, tels que de dessécher parfai- 
tement l'air entre la source et le bolomètre, et à le 
dépouiller de son acide carbonique qui, avec la 
vapeur d’eau, absorbe de larges bandes dans l'infra- 
rouge. 

La première vérification est celle de la loi inté- 
grale qui est donnée de la manière suivante : La 
puissance lotale de la radiation réciproque entre 
une source à la tempéralure 6, et le bolomètre à 


1 D'autres lois ont été proposées récemment par Lord 
Rayleigh, M. Thiesen, M. Planck; nous y reviendrons tout à 
l'heure, 


la température ordinaire @, étant mesurée, on 
Æ 


forme le quotient : 


P 
0, —0,: 


dans lequel ©, * n'intervient, pour les températures" 
très élevées, que comme un terme correctif presque 
négligeable. Si ce quotient est sensiblement cons= 
tant, la loi de Stefan se trouve vériliée. 

Mais on peut aussi la donner sous une autre forme;« 
qui consiste à calculer, par la loi de la quatrième 
puissance, la température qu'il faudrait attribuer 
“au corps rayonnant, pour que cette loi se trouvät. 
vérifiée. C'est ce dernier calcul qui se trouves 
effectué dans le tableau I, reproduit d'après less 
publications de M. Lummer, en éliminant seule- 


TagLeau I. — Vérification de la loi de Stefan, 
d'après M. Lummer. 


TEMPÉRATURE] DÉVIATIONS 
absolue 


®, e 


réduites calculé obs.— cale. 


© 


serrrshhr— 
19 1Ÿ 19 LS DO PO 19 F2 19 19 
Ü DER ODERE I 
SONO 
FONROUwUrEeSR 
| LOUE = Ge Or e 


. 500 


= 
[oO] 
o2 
C2 


Moyenne..." 


ment trois expériences qu'il considère comme peu 
sûres. 

La première colonne contient les températures 
absolues, mesurées au moyen d’un couple Le Cha- 
telier étalonné par MM. Holborn et Day; la seconde, 
les déviations du galvanomètre, ou plutôt celles 
qui auraient élé observées, si elles n'avaient pas 
été réduites par des dérivations. La troisième donne 
les valeurs de ©, d’après la relation : 


P—5(0,1— 2904), 


le récepteur ayant été constamment maintenu à la 
température de 290° absolus, ou 17° C. La colonne 
suivante donne les températures recalculées par 
celte formule, dans laquelle on introduit la valeur 


moyenne de 5; enfin, la dernière, les différences . 


entre les températures observées et calculées. 
Comme on le voit, les écarts entre les tempéra- 
tures observées et calculées sont extrêmement 


faibles, et sont entièrement contenus dans les 


limites d'incertitude d'observations excellentes soit, 
de la température, dans des régions d’un accès dif- 
ficile, soit de la puissance de radiations variant 
dans le rapport de 1 à 430; on peut donc consi- 


———— 


Mérer la loi de Stefan comme absolument véri- 
iée, pour le corps noir, depuis la température 
ordinaire jusqu'au voisinage de 1.300° C. 

…. Les deux autres conséquences de la loi de Wien 
“ne sont pas moins bien vérifiées: mais ici l’étale- 
ment de la radiation en un spectre l’affaiblit, en 
même temps que, pour les températures basses, 
le maximum se déplace de plus en plus dans l'infra- 


ue des expériences faites à partir de températures 
élativement élevées. Le tableau IL contient les 


Savoir : les trois premières colonnes les données 
directes de l'observation, et les deux suivantes la 
valeur numérique des produits dans lesquels se 


Pagceau II. — Vérification des conséquences de la 
“formule de Wien, d’après MM. Lummer et 
Pringsheim. 


» | 
5 FEES DIFFÉ- | 
P,0-—5 mn 
[2 
Pnoy.| RENCE 
| 


MEMPÉRA- 
Pm ImO 


2,026| 2 814/2.190 10-17]  62103/ +001 
4,98 | 2.950/2.166 10-01]  791,5/—1,5 
13,66 | 2.980/2.208 10—1|  910,1/+1.6 | 
21,50 | 2.956/2.166 10—17 996.5|—2,0 
34,0 2.966/2,16% 10—17 2 
68,8 | 2.959/2.116 10-17 ,3 
145,0 | 2.979/2.184 10—17| 4.460,0|—0, 4 
210,6 | 2.928/2.246 10—1| 1.653,5|7,5 


410—17 


résument les deux dernières lois. Dans la sixième, 
a porté, comme au tableau [, la vérification 
sous la forme de températures calculées; enfin la 
lernière donne les écarts. 

Dans ce cas aussi, les conséquences de la loi de 
Wien présentent un admirable accord avec les 
expériences, faites avec une remarquable hardiesse 
it une habileté consommée. Il semblait done, il y a 
peu de temps encore, que cette loi fùl bien celle 
radialions. Cependant, une de ses conséquences 
semblait improblable; c’est celle d’après laquelle, 
pour une lempérature infinie, la puissance de la 
iation reste finie pour chaque longueur d'onde. 
Une formule empirique modifiée fut donnée 
abord par M. Thiesen, afin de représenter mieux 
erlaines expériences de MM. Lummer et Prings- 
eim non indiquées ci-dessus. Puis, Lord Ray- 
igh en proposa une seconde, MM. Lummer et 
ahnke une troisième, enfin M. Planck donna la 
relation : 


CH.-ED. GUILLAUME — LES LOIS DU RAYONNEMENT 363 


fondée sur la théorie électromagnélique de la 
lumière. 

Au moment où M. Planck publia cette formule, 
MM. Rubens et Kurlbaum venaient de terminer une 
série de fort belles expériences faites en vue de 
déterminer la puissance des rayons restants réflé- 
chis par le spath fluor ou le sel gemme, après 
avoir été émis par le corps noir à des températures 
variables. C'est évidemment pour les grandes lon- 
gueurs d'onde que l’on obtiendra un critérium 
sensible de ces lois, puisqu'elles ne diffèrent sensi- 
blement entre elles que pour des valeurs considé- 
rables du produit 0. 6 

Or, le spath fluor donne des rayons par réflexion 
dont les longueurs d'onde sont respectivement de 
424,0 et 314,6, le sel gemme, des radiations de 
51°2. Les températures auxquelles fut soumis le 
corps noir allèrent de — 188 à + 1.500, et, dans ce 
large espace des produits, la formule de Planck 
donna une concordance remarquable avec l'expé- 
rience. Comme elle contient la loi de Stefan, la loi 
du déplacement et la relation P,@-*const., elle est 
aussi vérifiée par les expériences antérieures de 
MM. Lummer et Pringsheim. 

Dans l’état actuel de la question, cette formule 
de M. Planck est donc la plus satisfaisante; sa 
forme est encore suffisamment simple pour qu'elle 
soit très maniable. 
Puissance absolue de la radiation. — Nous 
n'avons envisagé jusqu'ici que les valeurs relatives 
de la puissance rayonnante, sans nous occuper des 
nombres qui la représentent en valeur absolue. 

La valeur du coefficient d'émission a été déter- 
minée par divers observateurs, mais tous les résul- 
tats trouvés jusqu'à ces derniers temps étaient 
erronés par défaut. Celui auquel on peut accorder 
le plus de confiance se déduit des mesures de 
M. Kurlbaum; c'est le plus élevé de tous ceux qui 
ont été indiqués, et le sens des erreurs possibles 
des mesures conduit à penser qu'il est aussi appro- 
ché par défaut. Sa valeur est de 5,32.10 © watt, 
Suivant les unités adoptées, on trouvera la radia- 
tion totale d’un corps noir en multipliant ce coeffi- 
cient par la surface du corps en centimètres carrés, 
et par la quatrième puissance de sa température 
absolue. La puissance de la radiation passant d'un 
corps noir à la température absolue ©, sur un autre 
corps noir à la température absolue O,, est égale à 


P—5,328(0,:—0,:)10—12 vatts, 


S désignant la surface d’émission du premier corps 
noir, le second étant supposé absorber toute 
l'énergie émanée de cette surface ‘. Le coeflicient 
RE 0 CORRE 0 | 

1 La valeur du coefficient numérique de cette expres- 


sion est d'une grandeur peu commode pour le calcul, comme 
aussi le calcul des puissances quatrièmes des températures 


304 


CH.-ED. GUILLAUME — LES LOIS DU RAYONNEMENT 


numérique de celte formule, qui est celui d’une loi 
naturelle, peut être logiquement défini comme pou- 
voir émissil du corps noir. Une définition analogue 
pourra s'appliquer à d'autres corps ; mais, COMME 
nous le verrons, le problème perdra de sa sim- 
plicité. 

Éclat visible du corps noir. — MM. Lummer el 
Kurlbaum ont déterminérécemmentle rapportentre 
les variations de la température et celles de l'éclat 
visible du corps noir. Leur méthode consistait à 
équilibrer la radialion émanée de leur enceinte par 
celle d'une source constante; puis, élevant d'une 
petite quantité la lempérature du corps noir, ils 
affaiblissaient son rayonnement au moyen d'un 
secteur tournant, jusqu'à ce que l'égalité fût réta- 
blie. Leurs résultats ont élé consignés dans un 
tableau qui donne, pour des températures absolues 
comprises entre 900° et 1.900°, la variation relalive 
de l'éclat en fonclion de la variation relative de 
la température absolue. À la plus basse de ces tem- 
pératures, l'éclat varie trente fois plus rapidement 
que la température ; à la limite supérieure, quatorze 
fois. 

Partant de l'ensemble des résultats de MM. Lum- 
mer et Kurlbaum, j'ai réussi à représenter la série 
des rapports des radiations par un arc d'hyperbole 
qui donne, par extrapolation, d'une part la tempé- 
rature minima de la première émission lumineuse, 
et d'autre part le rapport correspondant à une 
température infinie, rapport qui esl marqué par la 
deuxième asymptote de l’hyperbole, dont l'ordon- 
née est égale à 10. On en conclut qu'aux tempéra- 
tures extrèémement élevées, une élévation de la 
température de 1 °/,, de sa valeur augmenterait 
l'éclat visible de 1 °/.. 

Possédant l'équation de cette hyperbole, il est 
facile de donner, pour l'intervalle exploré par 
MM. Lummer et Kurlbaum, une expression analy- 
tique de l'éclat du corps noir en fonction de la 
température. Cette expression est 


E — A6 (0 — 650)7 


d'où l'on déduit immédiatement, pour l'expression 
du rendement lumineux : 
R — BO-1(0 — 650). 


III. — LE RAYONNEMENT DES SOLIDES. 
Par un hasard fréquent en science, l'étude du 


rayonnement s'était attaquée d'abord aux cas les 
plus complexes et les plus inextricables, el n'avail 


absolues fait intervenir des nombres peu maniables. On 
rentrerait dans les grandeurs ordinaires en exprimant, 
comuwe je l'ai proposé au Congrès de Physique, les tempéra- 
tures en milliers de degrés. Le pouvoir émissit du corps 
noir serait alors égal à 5,32. 


pu conduire qu'à des ébauches de lois, et à des. 
formules empiriques qui rassemblaient quelques. 
cas particuliers. Généralisant trop lôt les consé=« 
quences d'observations encore peu nombreuses 
on avait émis l'opinion, longtemps en faveur, que 
la plupart des corps solides ne sont que des corp 
noirs en réduclion, autrement dit, des corps gris, 
et on avait pensé que, par un simple changemen 
d'échelle, on parviendrait à représenter les détails 
du rayonnement du corps noir. On attribuait ainsis 
en bloc, à telle surface, un pouvoir émissif donné 
par une fraction déterminée de l'unité, admettan 
comme cerlain que la puissance de son rayonne= 
ment, pour chaque longueur d'onde, élait, à celle 
du corps noir à la même tempéralure, dans le rap= 
port indiqué par ce coefficient. Comme les lois 
trouvées étaient complexes, on atiribuait aussi une 
forme compliquée à celles qui régissent le rayon 
nement du corps noir, et, lorsque, par hasard, on 
pensait à un corps transparent, on se contentai 
d'invoquer l'exception. 

Mais le progrès des recherches multiplia les 
exceptions; bien plus, il conduisit à admettre que 
tous les corps réels rentraient dans cetle catégories 
et qu'en réalité un examen minutieux des prom 
priétés de chaque corps, à chaque température et 
pour chaque longueur d'onde, pourrait seul nous 
renseigner complètement sur son émission. 

Considérons, par exemple, une lame peu épaisse 
de quartz; elle est absolument transparente dans 
le spectre visible, et sa transparence s'étend très: 
loin dans l'ultra-violet où l'infra-rouge : puis, en 
divers endroits de l'infra-rouge, elle réfiéchitn 
une fraclion très importante de la radiation inci= 
dente, et absorbe le reste, n'en laissant pas passer 
la moindre trace; la différence entre l'unité et 
son pouvoir réfléchissant est égale à son pouvoir 
émissif dans ces régions. 

Le quartz possède ainsi une émission limitée à 
quelques portions étroites de l’infra-rouge et pro-= 
bablement de l’ultra-violet, et, tant qu'il n'éprouve 
pas de transformation, n'émet aucune radiations 
appréciable en dehors de ces bandes isolées. 

Mais les corps peuvent se modifier considéra 
blement avec la tempéralure, et ces modification 
ont, pendant longtemps, caché la vraie significatiow 
de la loi de Kirchhoff concernant le rapport des 
pouvoirs émissif et absorbant. j 

Eh quoi, se disait-on, le quartz est un corps 
transparent à la lumière, et, cependant, amené à 
une température élevée, il brille d’un éclat très” 
vif; que devient alors celle belle et simple relation 
de Kirchhoff? La loi de Kirchhoff n'en est pas moins: 
exacte el générale; mais, dans notre cas particulier, 
si l'on avait tenté de faire tomber, sur du quartz 
incandescent, un rayon-de soleil, on aurait vu qu'il. 


CH.-ED. GUILLAUME — LES LOIS DU RAYONNEMENT 


365 


“que le quar!z transparent. Cette transformation se 
broduit à une température fort élevée, qui coïncide 


brûleur Bunsen, et ne devient lumineuse que dans 
e chalumeau oxhydrique *. 

Le verre possède des propriétés analogues, bien 
que moins accentuées. Si l'on chauffe au chalumeau 
un tube de verre contenant un fil de métal, on voit 
e dernier devenir sensiblement lumineux avant 
que le verre lui-même émette la moindre trace de 
lumière. 

- Voici, à ce propos, une expérience que j'ai 
réalisée récemment, el qui me parait intéressante: 
Ayant placé un morceau de verre à l'intérieur 
d'un tube de fer chauffé assez uniformément à une 
température un peu supérieure à 1.000°, je com- 
mencai par voir les parois du tube au travers du 
verre sans affaiblissement appréciable de leur 
éclat. Puis, au bout d'un moment, le verre se 
détacha en formant une lache sombre sur son 
entourage; enfin, la tache s'éclaircit peu à peu, et 
finit par se distinguer à peine des plages envi- 
ronnantes. 

. L'explication du phènomène est simple : Au 
début, le verre froid était transparent. Puis, 
arrivé à une certaine lempérature, il devint opaque, 
mais étant encore beaucoup moins chaud que les 
parois du tube, il se comporta comme l'aurait fait 
tout autre corps opaque à une température infé- 
rieure à celle de l'enceinte. 

. Ilexiste propablement des corps ne possédant 
aucune transparence appréciable en aucune région 
du spectre, et, pour ces corps, on devra s'attendre 
à ce que les lois du rayonnement se présentent 
sous une forme un peu moins complexe que pour 


ju 


fournissent un spectre parfaitement continu, et 
qui, tout en s'écartant sensiblement de celui du 


apparemment inallérée jusqu'aux températures les 
plus élevées auxquelles on puisse le soumettre. Ou 
bien aussi, voulant se rapprocher du corps noir 
avant que l'on eût pensé à le réaliser parfaitement, 


ler, d'oxyde de cuivre ou de noir de fumée. 


| d $ M. A. Cotton a attiré récemment mon attention sur la 
puissance démonstrative de cette expérience. 


REVUE GÉNÉRALE DES SCIENCES, 4901. 


Cependant, l’emploi de ces surfaces présente 
quelques difficultés. Les oxydes ou le noir de fumée 
sont des corps grenus, qui, aux grandes longueurs 
d'onde, laissent apercevoir la surface métallique 
sous-jacente ; ils doivent donc donner une émission 
moindre de rayons peu réfrangibles que le cerps 
noir à la même température. De plus, ces substances 
sont mauvaises conductrices, et leur surface externe 
est forcément plus froide que la bande de métal 
sur laquelle ils sont portés, et que Fom amène, 
généralement par un courant électrique, & la tem 
pérature de l’observation. Il est évidemment très 
difficile de mesurer &irectement la température de 
l’oxyde, et on en est réduit à adopter celle de la 
bande, tout en la considérant comme fournissant 
une limite supérieure du nombre cherché. 

Pendant longtemps, les résultats classiques 
obtenus par M. Langley sur l'émission des corps à 
diverses lempératures ne furent que peu dépassés, 
et il faut attendre une quinzaine d'années pour 
trouver, dans le vaste ensemble des recherches 
exéculées par M. Paschen, une abondante moisson 
de faits nouveaux et bien coordonnés. Ses mesures 
se sont étendues au platine poli, à l'oxyde de cuivre, 
au noir de fumée, et à diverses sortes de charbon, 
nus ou enfermés dans une enveloppe de verre, el 
ont été discutées en partant d'une formule ana- 
logue à celle de Wien, mais contenant des coelfi- 
cients indélerminés. M. Paschen pose, en effet, 
pour les corps sur lesquels ont porté ses recherches : 


ce 
rene 


e,, t,et « élant des constantes inconnues. 

Cette formule admet la loi du déplacement : 
1h 9 —A comme-une de ses conséquences. L’expo- 
sant« sera celui de la température dans la fonction 
exprimant l’ordonnée maxima de la courbe de 
l'énergie (P,— B@:), et cet exposant, diminué de 
l'unité, donnera l’exposant de la température dans . 
la fonction exprimant la puissance totale de la 
radiation, donc : 


fra — (O2: 


Pour conduire à la loi de Stefan, x devra donc 
nécessairement être égal à 5. 

M. Paschen donne, pour le plaline, des mesures 
à un grand nombre de températures, comprises 
entre 594° et 1.711° absolus. Entre ces limites, la 
position du maximum recule de 34,716 à 14,493, 
et le produit, qui devrait être constant, passe de 
2,207 à 2.555. Si donc le produit, par sa faible 
varialion, montre un écart des lois adoptées, au 
moins peut-on dire que cet écart est très peu 
marqué. Dans la suite, M. Paschen adopte la valeur 
moyenne 2.336 pour le platine. Pour les autres 

s* 


366 CH.-ED. GUILLAUME — LES LOIS DU RAYONNEMENT 


corps examinés, le produit à, s'est montré très 
constant: ses valeurs numériques seront données 
plus loin. 

Considérant la fonction À, P, — ABO*-! comme 
très caractéristique des propriétés des corps, 


M. Paschen en établit la valeur aux diverses tem- 


pératures, conformément au tableau III. 
Si l'on compare le rayonnement du platine à 


TagLeAu II. — Valeurs de À,P», d'après M. Paschen'. 


ES 


moment, de noter que l’exposant « déduit du 
maximum diffère considérablement, pour le platine» | 
de la valeur théorique 5 trouvée pour le corps 

noir, et se rapproche de cette valeur pour les corps 

réels dont les propriétés optiques sont voisines de 
celles du corps noir. La valeur de x, déduite des 
l’ensemble des courbes d'énergie, ne présente pas 

les mêmes écarts. 


TEMPÉRATURE 
Eee PLATINE OXYDE DE FER 
vulgaire absolue 
| 15 288 0,0133 0,333 
| 100 3173 » AE 
200 473 » 931 
| 300 573 0,603 8,31 
| 400 673 1,47 17,67 
| 500 173 3,19 34,0 
70 973 11,4 101,0 
| aoû 1.173 32,2 241,0 
| 1.100 1.373 77,6 526,0 
| 1.300 1 573 166.0 » 


, à CHARBON 
NOIR DE FUMÉE |OXYDE DE GUIVRE CHARBON NU 


| 
dans du verre l 
| 


0.367 0,379 0,371 0,513 | 
1,18 1,93 » » | 
3,41 3.62 3,41 » 
8,29 SA 8,06 10,2 
17,2 18.1 16.6 20,5 
32,7 34,4 » 31,3 
90,9 97,5 » 102.0 
» 228,0 » 928.0 
» 467.0 » 450.0 


celui des corps les plus noirs observés par M. Pa- 
schen, on voit qu'aux températures ordinaires, 
l'énergie du rayonnement est dans un rapport com- 
pris entre 4/30 et 4/40, tandis qu'aux températures 
élevées, ce rapport arrive à 1/6 ou 1/7. L'exposant 
de la puissance de © donnant le rayonnement du 
platine est donc plus élevé que pour des corps 
relativement noirs. On pourrait déjà en conclure 
que le maximum de l'émission du platine se produit 
pour des longueurs d’ondes plus courtes que celles 
auxquelles on observe le maximum des corps noirs, 


Tagceau IV. — Constantes À, a, 


Ces faits ressortent plus nettement encore des 
recherches exécutées ultérieurement par MM. Lum=. 
mer et Kurlbaum et Lummer et Pringsheim *. 

Ainsi, la valeur de l'expression : | 

mn 
0, — 0,1? | 
constante pour le corps noir à la température @,, 
rayonnant vers un récepteur à la température ©, 
a élé trouvée, dans une série spéciale d'expériences, 
conforme au tableau V. 


B, c,, c,, d’après M. Paschen. | 


A—=hmO .'. ses « PE MU Ure Û 2 
« d'après les courbes complètes. . . . . 
Déduits de Pm—B0% . . . . {pp : 

5, 1 


| Déduits de la formule générale. ; mass ; 


CONSTANTES PLATINE OXYDE DE FER|NOIR DE FUMÉE CHARBON NU 


OXYDE CHARBON 
de cuivre dans du verre 


.609,0 2.562.0 2,505,0 2.645,0 
5,560 5,618 5,576 5,026 
5,688 5,560 5,472 5,338 

352,0 692,0 1.132,0 2.933, 0 

.946,0 1:614:0 1.687.0 » 
14,63 14,2% 13,83 130 


à une même tempéralure. L'expérience directe 
vérifie cette conclusion, le maximum étant à 74 
pour le platine à 15°C, tandis qu'à la même lempé- 
ralure, il se trouva au voisinage de 9x pour les 
divers corps à forte émission étudiés par M. Pas- 
chen. 

Les constantes définitives déduites de l'ensemble 
des recherches de M. Paschen sont rassemblées 
dans le tableau TV. 

Je reviendrai sur ces résultats ; il suffira, pour le 


On voit que l’oxyde de fer est loin de rayonner 
autant que le corps noir aux températures basses 
Aux températures élevées, son émission s’aps 
proche des deux tiers de celle du corps noir. Aux 
températures les plus élevées atteintes dans ces. 
expériences, le rayonnement total du platine es 
resté en dessous de 18°/, de celui du corps noir 


PR RE € Re 
1 Wied. Ann., t. LX, p. 706, 1897. 
2 Verh. der Phys. (es. zu Berlin, 6 mai 1898; id. der 
Deutschen Phys. Ges. 3 février et 3 novembre 1899. 


man 


CH.-ED. GUILLAUME — LES LOIS DU RAYONNEMENT 


367 


…._ ét aux lempératures basses, il est tombé à 4°/,. | 
“ En d’autres termes, pour les radiations dont il | 
… s'agit ici, le pouvoir réfléchissant du platine est 
“voisin de 96 °/,, et descend à 82 °/, pour les radia- 
“lions moyennes correspondant à la température 
… de 4.761° abs. ou 1.500° C. environ. 

—. Dans des mesures ultérieures, MM. Lummer et 


©, abs. 


A CORPS NOIR 
(O, — 290°) 


OXYDE DE FER PLATINE POLI 


3120,8 LH RyI » 8,92 | 
492 99,8 » 6,00 | 
654 99,2 30,28 7,45 | 
195 100,5 33,49 11,14 

1.108 99,8 12,91 15,27 

1.481 101,2 59,74 17,97 

1.761 


Pringsheim étudièrent toute la répartition de 
“l'énergie dans le spectre du platine poli entre 
802° et 1.845° abs. Le radiateur était constitué par 
une caissette rectangulaire de platine laminé, à 
- l'intérieur de laquelle se trouvait l'élément thermo- 
électrique Le Chatelier, et que l'on chauffait par 
un courant intense. 

Le tableau VI résume ces mesures. | 

Ce tableau contient les valeurs de la tempéra- 
ture absolue observée, de la longueur d'onde cor- 
respondant au maximum, et de la puissance 


Tagceau VI. — Valeurs des coustantes caractéris- 
… tiques de la radiation du platine poli, d’après 
MM. Lummer et Pringsheim. 


A e ; O0 — | 
Pr à |B=PmO0-6| 5 
L 0) " V PIB moy. 


(3,20)! 0,941(2.566)/3.544 10-2| 80406 
2,25 | 8,40/2.592/3.595 10-21] 4.158 
9,02 | 15,179] 2.582 13.624 10-21] 1.987 
1,90 | 24,4112.637/3.414 10-21] 1.387 
1,80 | 36,36] 2.680 [3.336 10-21) 4.479 
1,59 | 75,96 2.685|3.348 10—21| 1.672 
1,40 131,0 |2.581|3.473 10—21| 1.844,17 


maxima, puis de leur produit, qui est conslant 
comme pour le corps noir. Les autres colonnes 
montrent que la loi P,, — const. @'"est sensiblement 
- vérifiée; d'une part, en effet, la quantité B est à peu 
- près la même à toutes les températures, et, d'autre 
- part, si l’on adopte la valeur moyenne de B, on 
- peut recalculer @ par la sixième racine du quo- 


De P 
lient —". 
Dent 


Il semblerait donc à première vue que la formule : 


dût représenter convenablement la puissance de la 
radiation du platine en fonclion de la longueur 
d'onde et de la température. Mais, si l'on s'éloigne 
des conditions données par le voisinage du 
maximum, on voit que la formule fournit des 
valeurs plus basses que les quantités mesurées, 
ainsi que le montre la figure 4, où 
les courbes pleines passent par des 
points observés, landis que les cour- 
bes pointillées sont calculées par 
la formule. 

M. Paschen déjà trouvé, 
ainsi que nous l'avons fait obser- 
ver, que, si l'on délermine l’ex- 
posant de À en prenant l’ensemble 
d’une courbe fournie par le pla- 

line, cet est d'une 

unité environ plus petit que lors- 
| qu'on le déduit des maxima. De 
même MM. Lummer et Prings- 
heim trouvent qu'en rempla- 
cant Je facteur X-° par le fac- 
teur 4° dans la formule géné- 
rale,et en attribuant au platine 
à la fois un facteur ?,0 égal 
à celui qui a élé fourni pour 
le corps noir (2.940 au lieu de 
2.630), et une température 
fictive déduile de la rela- 
2.910 

Xn 

avec un changement d'é- 
chelle, à appliquer parfai- 
tement une isotherme 
du platine sur une iso- 
therme du corps noir. 

En d’autres termes, 

la radiation d'une 
surface déter- 
minée de 
platine à la 
tempéra - 
ture @ est 
identique 
à celle d’un 


1304 


nil avait 


101 


exposant 


90 


tion 0 — 


» On arrive, 


De 


Fig. 1. — Courbes de radiation du platine poli. corps noir, 


dont la tem- 
2.940 d é 
pérature est 5535 9 = 1,120, mais dont la super- 


ficie est sensiblement moindre, le facteur de réduc- 
tion de la surface variant avec la température. 

Les résullats qui précèdent ont été établis en 
partant d'une formule qui, comme nous l'avons 
vu, est loin d’être exacte pour les très grandes 
longueurs d'onde, mais qui est suffisante pour la 
région peu étendue qui nous intéresse actuelle- 


368 


G. KŒNIGS — LA PHILOSOPHIE DES SCIENCES 


ment. Si l’on considère le corps noir et le platine 
comme formant deux extrêmes dans la classe des 
radiateurs employés dans l'éclairage, on pourra 
caleuler deux limites des températures qui se dé- 
duisent, pour d’autres radiateurs, de la position 
du maximum. 

Ces températures extrêmes seront entre elles 


TasLeaU VIL — Températures déduites de }, 0— const. 
d'après MM. Lummer et Pringsheim. 


DÉSIGNATION ® max. [© minim. 


abs. abs. 

.2000| 3.7500 
.450 -200 
.450 .200 
.100 .87ÿ 
.960 .750 
.900 .100 


Arc électrique (charbon positif). 


Lampe Nernst 

—  Auer 

— à incandescence. . . . 
Bougie 
Brüleur Argand 


æ æ LUN 
me 19 19 02 


dans le rapnort 1,12, et les radiateurs auront une 
température voisine de la plus haute valeur si leurs 
propriétés se rapprochent de celles du corps noir, 
ou de la plus basse si leur surface ressemble à 
celle du platine poli. Il est probable que les corps 
indiqués au tableau VII possèdent des propriétés 
intermédiaires entre ces deux extrêmes. 

Si, dans la formule établie précédemment pour 
le rendement du corps noir, nous remplacons @ par 


LA PHILOSOPHIE DES SCIENCES 


D'APRÈS M. C. DE FREYCINET 


La Philosophie des Sciences. Pourquoi ce titre 
n'est-il pas un pléonasme? La Philosophie n'est 
done pas la Science elle-même? Il existe donc une 
Philosophie en dehors de la Science? 

Toules les données de nos connaissances sont 
expérimentales ; d'abord grossières et telles qu'elles 
sont fournies à la communauté des hommes par 
l'exercice ordinaire et presque machinal des sens, 
elles se trouvent chaque jour affinées et précisées 
par l'effort progressif du genre humain. C'est cet 
effort progressif qui esl la Science. 

La Philosophie, qui a la noble prétention de 
coordonner tous les éléments du savoir humain, 
d'y discerner, sous le nom de principes, les faits 
les plus fréquents, devrait, semble-t-il, s'inspirer 
sans cesse du résultat de la recherche scientifique, 
pour dégager du produit brut du laboratoire quelque 


1 C. ne Freyaner : Essai sur la Philosophie des Sciences, 
4 vol. in-8. Gauthier-Villars. 


1, 12 0, ce qu'on pourra faire, au moins à titre 
d'indication, à une distance suffisante de 6509 abs 
on trouve que le rendement lumineux de la radia-= 
tion du platine à la température de 1850° abs, par 
exemple, est = 2,273 fois plus grand que celui du 
corps noir. À 2050°, c'est-à-dire tout près du point 
de fusion du platine, le facteur de réduction eskn 
2,888. Une lampe à incandescence à filament mé- 
tallique aurait donc un rendement beaucoup 
meilleur que celui des lampes à filament de char= 
bon si seulement on pouvait les porler à des tem= 
-péraltures aussi élevées. 

Les fabricants de lampes à incandescence sont 
arrivés, par une étude souvent répétée de la valeur 
relative de divers filaments, à une conclusion ana 
logue, puisque après avoir employé des fils très 
noirs ils en sont arrivés, pour augmenter les ren=\ 
dements, à rendre la surface du filament très 
réfléchissante, rapprochant ainsi les propriétés 
du charbon de celles des mélaux dans la mesure 
du possible. 


Dans un deuxième article, nous étudierons quel- 
ques applications des principes qui précèdent. 


Ch.-Ed. Guillaume, 


Physicien au Bureau international 
des Poids et Mesures. 


anneau de la chaine universelle dont nous possédons 
seulement des tronçons. 

La philosophie qui échappe à cette règle, qui se 
place en dehors des faits positifs et prétend dominer" 
a priori des mondes qu'elle ignore, ne devient plus 
qu'un système ou qu'un amas de débris de systèmes: 
Car le sort des systèmes est de se combattre et de se 
détruire les uns les autres, pour disparaître et 
renaître sous d'autres formes, attendu qu'un des 
signes de l'impuissance de l'esprit humain aban- 
donné à lui-même, c’est l'impossibilité où il est de 
varier la multiplicité des combinaisons qu'il forme, à 
l'inverse de la Nature qui, par ladiversilé de ses pro= 
ductions, semble réaliser l'infini dans le contingent: 

On souliendra, certes, que l’on ne peut faire de 
science sans esprit de système; que le fait même 
d'admettre la possibilité de l’œuvre scientifique est 
déjà un système philosophique. Et cela est vrai: 
Aussi vrai que l'on ne peut s'exprimer qu’en vers 
ou bien en prose. Un esprit critique et altentifn 


G. KŒNIGS — LA PHILOSOPHIE 


DES SCIENCES 369 


- peut, en effet, voir des systèmes partout. Mais à quoi 
«bon pousser jusqu'à l'exagération l'importance de 
“cette remarque? Le système n’est que l'ordre que 
Le mettons dans nos connaissances; au-dessus 
# 


de lui, il y a les connaissances elles-mêmes; sans 
“cela la Philosophie ressemblerait à ces mauvais ta- 
leaux où le cadre l'emporte sur la toile elle-même. 
“La Scholaslique n'a donc pas encore assez dit la 
“stérilité et l'impuissance de la logique pure? La 
“science moderne n'a plus que faire de ces dis- 
sertations ingénieuses, brillantes, où la logique 
miroite sur le vide, comme s'irrisent les bulles de 
… savon. 

… Depuis trois siècles que lui a été révélée la mé- 
thode expérimentale, la Science y a trouvé de telles 
forces et de tels moyens de s’accroitre, qu’il semble 
qu'elle n’ait commencé à vivre que depuis cette 
époque. C'est pourquoi elle s’est détachée de ces 
problèmes transcendants, inaccessibles à l'expé- 
rience, qui sont du domaine de l’inconnaissable. 
On peut presque dire qu'elle l’a fait à regret, car, 
‘en battant en retraite, partout où elle à pu, elle a 
jeté garnison. C'est ainsi qu'en abandonnant la 
Psychologie transcendante, elle a créé la Psycholo- 
gie expérimentale; qu'en abandonnant aux casuistes 
‘la vieille théorie de la morale, elle a créé la Socio- 
ogie et s'efforce de fonder sur des bases certaines 
les principes de la responsabilité et de la liberté. 
Mais s’il y a aujourd’hui une Psychologie et même 
une Morale fondées sur l'expérience et la statistique, 
il n'y aura jamais de Métaphysique expérimentale. 
Ou plutôt, s’il y en avait une, ce ne pourrait être 
que la philosophie des sciences et ce serait vraiment 
la Philosophie. 

Mais on sent bien qu'une telle philosophie n'aurait 
rien de dogmatique. Elle serait comme le grand 
registre où seraient inscrits les faits fondamentaux, 
indéniables, essentiels, les notions primordiales, 
“avec les qualités et les attributs que le sens commun 
et la critique scientifique . (qui n’est qu'un sens 
“commun affiné) leur reconnaissent. Ce registre ne 
porterait sans doute aucune mention de bien des 
questions qui ont passionné les siècles passés. On 
-n'y écrirait qu'avec réserve, avec le souci de ne 
point dire plus que l’on n’a vu, de ne parler qu'avec 
discrétion des habitants de Mars et de Vénus. Ce 
“n'est point notre faute si nos ancêtres ont eu la 
folie des grands rêves philosophiques; mais notre 
tort serait de les imiter. Une des grandes sources 
de leurs erreurs fut le raisonnement par analogie. 
“Ils disaient : ma canne a deux bouts, l’ordre du 
“ temps doit aussi avoir deux bouts; de là les 
_ questions inaccessibles et absurdes en soi de 
… l'origine et de la fin du monde. 

…_ C'est un bienfait de la Science de nous avoir 
appris à nous méfier de nous-mêmes et des élour- 


deries de notre raison. On sait que, dans la vieille 
cosmogonie, les philosophes plaçaient la Terre au 
centre de l'Univers et autour d'elle faisaient tourner 
le Monde. Comme eux, la philosophie subjeclive 
fait de la raison humaine le centre de l'ontologie. 
Galilée a appris aux astronomes à sorlir des hori- 
zons terrestres pour se transporter au centre du 
Soleil. Ainsi fait la science, qui nous enseigne à 
sortir de nous-mêmes, à échapper autant que pos- 
sible au joug de notre propre nature, pour nous 
placer en acteurs autant qu’en spectateurs au milieu 
de cet Univers dont nous ne sommes pas le centre, 
mais seulement un point. 

Notre raison n'est plus qu'une lunette braquée 
sur le monde. La logique en est le réticule. 


Il semble que jusqu'ici je n’aie rien dit du livre 
de M. de Freycinet qui est l’objet même du présent 
article‘; en réalité je ne pensais qu’à cet ouvrage 
en traçant ces lignes. C'est un livre de philo- 
sophie sage et d’allures réservées que l’auteur a 
voulu écrire. Il dit modestement que ce n'est qu'un 
essai : nous n'y contredirons pas. Une telle œuvre, 
en effet, est nécessairement incomplète, puisqu'elle 
est destinée à s’accroitre chaque jonr des remar- 
ques nouvelles suggérées par une connaissance 
plus approfondie de la Nature. Il y a aussi un motif 
qui donne au livre un caractère particulier. M. de 
Freycinet porte en lui, comme l'on sait, l'âme d’un 
mathématicien. Son optique s'en ressent : c’est le 
côté mathématique et mécanique de la Philosophie 
naturelle qu'il s'est plu à contempler et à nous 
décrire. Le côté biologique, par exemple, est laissé 
par lui de côté. Ceux qui liront les remarques si 
judicieuses dont la succession constitue le livre 
de M. C. de Freycinet ne pourront que regretter 
qu'il n'ait pas cherché à nous faire connaitre le 
résultat de ses observations sur ce côté de nos: 
connaissances. 

L'ouvrage comprend deux parties qui traitent : 
l’une de l'Analyse, l’autre de la Mécanique. 

L'espace, le temps, l'infini, la continuité, la 
divisibilité à l'infini, les infiniment pelits, les 
limites, la méthode infinitésimale, le calcul infini- 
tésimal et les rapports de ce calcul avec la matière, 
tels sont les titres des chapitres de la première 
partie. 

À propos des notions de {emps et d'espace, 
tons ce passage où l’auteur veut marquer le rôie 
qu’elles jouent dans les sciences exactes el même 
en Algèbre et en Arithmétique : « On peut se de- 
mander ce que seraient devenues ces deux belles 


no- 


Proc. cit. 


370 


sciences si les notions d'espace et de temps leur 
ayaient manqué, et si nous eussions été réduits aux 
données de la seule logique. » Une telle déclara- 
tion, comme l'on sait, n'est pas de nos jours une 
banalilé. 

L'auteur déclare qu'il n’essaiera pas de définir 
l'espace et le temps. Il rappelle le conseil de Pascal 
qui, parlant du temps, a dit : « Qui pourra le dé- 
finir ? Et pourquoi l’entreprendre, puisque tous les 
hommes conçoivent ce qu'on veut dire en parlant 
du temps, sans qu'on le désigne davantage. » 

Encore moins s'occupera-t-il de la question de 
savoir si les notions d'espace et de temps sont 
objectives ou subjectlives, comme disent les philo- 
sophes : « car, dit-il, le débat n'est pas près de se 
clore et je doute qu'il se termine jamais. Car, en 
ces matières, chacun se règle d'après son incli- 
nation personnelle et sur un ensemble d'impres- 
sions, souvent difficile à analyser, beaucoup plutôt 
que sur une démonstration formelle, ne laissant 
prise à aucune objection. » 

« D'ailleurs poursuit-il très justement, cette 
question, fort intéressante pour la pure mélaphy- 
sique, est étrangère au sujet dont je m'occupe. La 
formation et le développement des sciences ne se 
ressentent pas de la solution donnée à ce détail 
préliminaire... 

… «© Nul géomètre, en posant l'équation d'un 
mouvement, ne se demandera si les espaces par- 
courus et les durées écoulées ont une valeur objec- 
tive ou subjective. Nul physicien ne sera pris d’un 
scrupule analogue, en formulant la loi du refroi- 
dissement dans le vide ou celle de la transmission 
de la lumière. A l’un et à l'autre il suffit que les 
calculs soient toujours vérifiés par l'expérience et 
que l'introduction de pareils éléments n’amène 
jamais d’obseurité dans le langage, ni de confusion 
dans les idées... » 

La Science n’a à pourvoir qu'à des besoins con- 
tingents du même ordre que les faits expérimen- 
taux qui lui ont fourni ses lois et ses principes. Et, 
à vrai dire, puisque l’homme ne tire sa connais- 
sance que de ces faits expérimentaux, on ne voit 
pas qu'il puisse, par ses seules connaissances, et 
qu'il puisse, par conséquent jamais, trouver une 
solution rigoureuse et démontrée des problèmes 
lranscendants qui constituent le domaine de la 
pure mélaphysique. 

Celte manière de penser eût dû, me semble-t-il, 
conduire M. de Freycinet à une autre théorie de 
l'infini que celle qu'il propose. 

L'idée de répétition est une notion commune; 
l'idée d’une répétition très prolongée et même 
perpétuelle, c’est-à-dire qu'il ne sera Jamais temps 
de finir, en résulte assez clairement; c'est là la 
notion exacte de l'indéfini. 


G. KŒNIGS — LA PHILOSOPHIE DES SCIENCES 


M. de Freycinet indique lui-même que c'est sous 
cette seule forme logique que l’idée d'infini appa= 


sait aux mathématiciens, et qu'elle s’introduit (avec 
les Mathématiques toujours) dans les sciences. Or, 
l'origine de cette notion, c'est ce fait intime de la 


conceplion d’une répétilion qui ne finit Jamais : Ce 


fait purement subjectif est la seule base positive de 
l'idée d’infini. On ne peut pas citer de phénomène 
physique où ce fait se trouverait réalisé objecti= 
vement. 


L'indéfini n'est qu'une manière de nous repré= 


senter les choses. Notre esprit peut bien concevoir, 
‘par exemple, une division perpétuelle ou indéfinie 
de la matière; on ne peut trouver d'expérience qui 
réalise ce caprice de notre esprit. Nous pouvons 
bien concevoir le prolongement indéfini d'une 
droite dans l’espace ; rien ne nous autorise à dire 
que l'Univers physique réalise cetle conception. Et 
quand je dis cela, je le dis au nom même des 
principes de Philosophie positive que j'énoncais 
au début, ces principes qui veulent que l’on se 
limite aux faits constatés et bien acquis, sans se 
hasarder aux conjectures. Nous avons reconnu que 
la notion d'indéfini résulte d'une opération intime 
de la raison, et qu'elle est par essence subjective: 
En transportant celte notion hors de nous, en lui 


cherchant et lui imposant une objectivité, nous 


émettrions une hypothèse arbitraire : on peut ajou- 


ter une hypothèse inutile, car elle est inaccessible à M 
l'analyse scientifique, et tombe dans ces conceptions 


transcendantes dont nous parlions plus haut et au 
sujet desquelles on peut émettre lous les systèmes 
imaginables, sans attendre jamais d'aucun fait ni 
confirmation ni infirmation. 

Voilà pourquoi il me parait inutile de vouloir 
subordonner cette notion de l’indéfini à une notion 
mystérieuse que nous aurions d’un infini dont, 
d'après ce qui vient d'être dit, nous ne pouvons 
trouver de définition dans la Nature, et pas davan- 
tage au dedans de nous. 

Mais, que nous ayons ou non l'idée innée de 
l'infini, préalablement à l'opération de raison qui 


nous amène à concevoir l'indéfini, cela, encore une 


fois, est sans importance pour le côté positif du déve- 
loppement des sciences. Je voudrais pouvoir 


m'arrêter sur les pages où M. de Freycinet nous 


dépeint le rôle régénérateur de l'indéfini dans la 
science mathématique. Il ne faut pas s'étonner de 
l'importance de ce rôle. Le monde mathématique 
est essentiellement subjectif; la notion purement 
subjective de l'infini (ou indéfini) devait nécessai- 
rement avoir une prise particulièrement puissante 
sur des êlres purement logiques. Le progrès inoui 
des sciences mathématiques dans les trois derniers 
siècles l'a assez prouvé. 

Mais là où les difficultés devaient naïtre, c'est aw 


G. KŒNIGS — LA PHILOSOPHIE DES SCIENCES 


311 


L 


contact essayé, mais en fait impossible, entre cette 


subjectivité et les problèmes d'ordre objectif 
“soulevés par l'étude de la Nature. 

— C'est contre cetle antinomie que lutte encore la 
“science moderne, et que la science luttera tou- 
jours. 

— Et cela ne s'entend pas alors seulement de la 
“notion d'infini, mais de l’ensemble de la science 
mathématique, subjective par essence, dans son 
application à la représentation des lois de l'Univers 
‘physique et objectif. 

L'expérience nous dévoile chaque jour des objec- 
tivités nouvelles; de son côté, la raison élabore 
Sans cesse dans le cerveau du mathématicien les 


C'est une tâche ardue, et dont le succès hasardeux 
et qui n'est pas rare cependant, peut tenir du 


êtres entre eux représentent logiquement les 
apports dûment constatés par l'expérience entre 
les objectivilés physiques. Il faut bien observer 
qu'il y à concomitance des deux ordres de faits; 
il n'y à ui superposition ni contact. Les uns sont 
l'œuvre de notre esprit, les autres sont l'œuvre de 
la Nature, 

_ Cette question capitale, etquiest le nœud gordien 
de toutes les doctrines scientifiques, se trouve traitée 
en excellents termes par M. de Freycinet dans le 
chapitre où il s'occupe de Panalyse infinilésimale et 
de la matière. Détachons-en celte phrase caractéris- 
tique : « Nous avons intérêt à connaitre, non les 
propriétés des corps théoriques, mais les propriélés 
des corps tels qu'ils se présentent dans la Nature. 
Ils importent seuls à nos besoins et, dans beaucoup 
de cas mêmes, à nos spéculation scientifiques ». 
L'abus des spéculations mathématiques dans 
l'étude des phénomènes physiques a précisément 


conceptions purement logiques, mal nécessaire 
certainement, mais dont l’exagération doit être 
évitée sous peine de voir la Physique elle-même 
verser dans la Géométrie non euclidienne, ou celle 
à » dimensions. 

Il 


… Dans la seconde partie, l'auteur s'occupe de la 


. La notion de force est d'ordre physique; elle à 
Sa source dans une série d'expériences que réalise 
là vie journalière. La matière prise en elle-même, 
Soustraite aux actions extérieures, telles que les 
“contacts avec des corps voisins, est essentiellement 
obile; «le moindre effort produit un mouvement. 


pour résultat de substituer aux êtres physiques des | 


Par lui-même le corps ne résiste pas, il est inca- 
pable de résister. 

« La mobilité, la mobilité parfaite, absolue, telle 
est la propriété fondamentale des corps, et celle qui 
intéresse essentiellement le géomètre. » 

Après avoir développé cette remarque judicieuse 
et si vraie, l’auteur se propose de rechercher 
quel rapport existe entre l'effort et le mouvement 
produit. De là d’abord la nécessité de comparer 
entre eux les efforts, ou la mesure des forces ; puis 
la constatation d'un certain coefficient propre à 
chaque corps, qui est sa masse, en sorte que la 
masse est proportionnelle à l'efort nécessaire pour 
imprimer au corps un mouvement donné. L'auteur 
rapproche ainsi avec raison ces deux notions de 
force et de masse, et critique avec beaucoup de 
justesse la définition de Poisson, d'après laquelle la 
masse serait la quantité de matière dont est com- 
posé le corps. « Mais, dit-il, que doit-on entendre 
par quantité de matière? Nous nous faisons une 
juste idée des quantités relalives de matière 
contenues dans des corps de même nature... Mais 
comment effectuer la comparaison, si les corps sont 
de nature différente ? » 

Il n'admet pas davantage la définition de Laplace: 
La masse d’un corps est la somme de ses points 
matériels... La densité d’un corps dépend du 
nombre des points matériels renfermés sous un 
volume donné. « Mais ce procédé, dit M. de Frey- 
cinet, ne fait pas disparaitre l'objection. On est 
toujours en droit de se demander : Qu'est-ce que 
la masse d'un point matériel ? Et pourquoi y a-t-il 
plus de points matériels dans un litre de mercure 
que dans un litre d'eau ? » : 

En terminant son chapitre sur la force et la 
masse, l’auteur critique les tendances que l'on à 
eues de donner à la Mécanique « un aspect syslé- 
matique et un caractère logique, comparables à 
ceux de la Géométrie, où les données physiques 
sont en effet peu nombreuses, et passent même 
parfois inapercues ». Il rappelle, par exemple, la 
constitution hypothétique attribuée aux corps 
solides, et les erreurs auxquelles elle a conduit en 
ce qui concerne la théorie du choc. 

« La méthode déductive, souveraine dans les 
Mathématiques pures, n’est féconde en Mécanique 
qu'à la condition de s'appliquer à des éléments 
réels, fournis par le monde extérieur. Sinon, elle 
conduit à des résultats qui concernent non le monde 
tel qu'il est, mais tel qu'il nous plaît de l'imaginer. » 

Nous lisons plus loin : «Il n’est pas moins illo- 
gique de repousser la notion directe de force, sous 
prétexte qu'elle est puisée dans le sentiment de 
notre effort personnel, c'est-à-dire dans l'obser- 
vation de la Nature. Pourquoi ne pas repousser 
aussi les couleurs du spectre solaire, parce que 


(ue 
= 
19 


c'est notre œil qui les voit ? En définissant la force : 
« le produit de la masse par la vitesse », comme le 
voudraient certains auteurs, en donnerait-on une 
idée bien nette à l’homme qui n'aurait jamais 
essayé sa force musculaire ? Autant les Mathéma- 
tiques pures aspirent à s'élever dans la région de 
l'abstrait, autant les Sciences physiques, dont la 
Mécanique est la première, doivent plonger leurs 
racines dans le concret, sous peine de manquer de 
base, et de s'épuiser bientôt en spéculations chimé- 
riques ». 

C'est là, il faut bien en convenir, le langage de la 
saine raison : c'est celui qui convient à notre bon 
sens français ; car ces subtilités, « ces spéculations 
chimériques » sont des superfétations exotiques, 
päles fleurs d'un pays de rêves ; elles ne s’acclima- 
teront jamais à notre clair soleil. 

Les mécaniciens ont, comme on sait, ramené la 
Mécanique à trois principes fondamentaux: la loi 
de l’action et de la réaction, due à Newton ; la loi 
de l’inertie, que l’on rapporte généralement à Galilée, 
et que l’auteur, par une citation très précise, montre 
pouvoir être attribuée à Képler. Enfin la loi de 
l'indépendance des mouvements, due sans conteste 
à Galilée’. À vrai dire, cette dernière loi s'appelle 
plutôtla loi de l'indépendance des effets des forces, 
et nous aurions aimé voir M. de Freycinet mettre 
mieux en évidence ce sens véritable du troisième 
principe. VA 

A ces trois lois fondamentales, l’auteur propose, 
non sans raison, d'adjoindre le principe de l’équi- 
valence mécanique de la chaleur. 

Les chapitres suivants sont consacrés aux notions 
de la quantité de mouvement, de la force vive, du 
travail et de l'énergie. 

Cetle dernière notion est, comme on sait, le pivot 
de la doctrine cosmogonique moderne. La conser- 
vation de l'énergie’ est présentée comme la loi 
suprème de la Nature. De là l'intérêt qui s'attache 
à la question des causes possibles de déperdition 
de l'énergie. L'auteur énumère plusieurs de ces 
causes. Il faut « que les agents de la Nature ne 
subissent pas l'influence du temps, et qu'ils ne 
soient pas susceptibles de faiblir entre deux époques 
consécutives. Qu'importe, en effet, qu'aux deux 
époques les distances dont les actions dépendentse 
retrouvassent identiquement les mêmes, si dans 
l'intervalle la valeur intrinsèques des forces avait 
baissé? si, par exemple, l'attraction entre deux corps 
n'avait pas, à la même distance, conservé la même 
intensité? » Il est clair qu’en pareil cas l'expression 
numérique de l'énergie aurait changé. 

La question ainsi posée est redoutable, mais elle 

1 Voir, sur ces questions, le récent article de M. Pau 


Tanneny : Galilée et les Principes de la Dynamique, dans la 
Revue du 15 avril 1901, t. XI, p. 330 et suiv. 


G. KŒNIGS — LA PHILOSOPHIE DES SCIENCES 


mettent d’asservir passagèrement la Nature à notre 


pourrait être accompagnée de bien d'autres : Pour=. 
quoi le temps n'’aurait-il pas aussi de l'action sue 
les masses : pourquoi, comme dans les fusées, la 
massenesedissiperait-elle pas, en prenantune formes 
nouvelle à nous inconnue ? Certainement à prior 
toutes ces réserves sont admissibles, car nos notions 
sont d'origine expérimentale, et leur portée es 
forcément limitée dans l'espace aussi bien que dans 
le temps. Craignons de faire renaitre sous d’autres 
formes le problème de l'origine et de la fin d 
monde. Vivons dans notre espace et dans notre 
le temps, heureux si nos connaissances nous per 


raison. 

Il est possible qu’au delà de limites de temps 
que nous ne pouvons pas prévoir, une autre huma= 
nité vive dans un Univers dont les lois soient trè 
différentes des nôtres. Cette époque ne peut pas 
plus intéresser la nôtre, que la nôtre ne l'inté- 
ressera. Elle fait partie, elle aussi, du monde inac- 
cessible aux efforts de la Science; on ne peut à so 
sujet qu'émettre des conjectures qui sont sans 
influence sur la science de notre époque, et notre 
compréhension de l'Univers actuel. 

On peut toutefois, comme on le fait pour la marche 
mystérieuse du Soleil vers la constellation d'Her= 
cule, se demander dans quel sens notre monde 
physique se trouve emporté, et comment, par la 
dissipation de l'énergie, pourraits’effectuer quelque 
transformalion profonde équivalant presque à une 
dissolution. l’auteur s'arrête à deux causes : d'abord 
la résistance opposée par les milieux cosmiques au 
mouvement des astres; en second lieu le rayonne 
ment incessant du Soleil et des étoiles dans les 
espaces célestes, et le refroidissement qui en résul 
terait pour notre globe. La dernière cause est, em 
effet, de nature à conduire aux conclusions les plus 
pessimistes. Tout nous indique que la Terre est uné: 
planète comme tant d’autres, et qu'elle est sou= 
mise aux mêmes lois. Sans aller chercher bien loin, 
la Lune, qui gravite autour de nous, est un astre 
mort, qui semble tout à fait impropre à une vie 
animale telle que celle de l'humanité. Mais combiem 
d'années faudra-t-il à notre planète pour tomber à 
ce degré de déchéance? Quelque cause, de nous 
encore ignorée, est-elle capable d’enrayer ce mou 
vement? Qui nous dit même que le sens de ce 
mouvement est bien celui que nous lui prêtons? 
Qui nous dit, par exemple, que la Lune, qui nous 
semble morte, et dont le sort semble nous menacer 
dans l'avenir, ne sera pas quelque jour régénérée; 
et que, sur ses volcans éteints, comme sur n0$ 
roches ignées, ne viendront pas s'étendre plus tard 
des couches d'humus, propices à la végétation et à 
la vie animale”? 

Questions bien intéressantes, cerles, mais bien, 


or nn 


tm + gr + À ie 


peu accessibles, el où l’on est réduit aux conjec- 
tures. 
III 


Le livre de M. de Freycinet est inspiré de ce 
simple bon sens qui s'allie si bien à la Science; il 
est écrit en un style sans prétention, clair et lim- 
pide. On peut deviner ceux qui lui en feront un 
&rief : ceux qui voient de la profondeur sous toute 
nébulosité; ceux qui tiennent l'argutie pour de la 
finesse. Il sera, au contraire, lu avec plaisir par tous 
ceux qui aiment les idées simplement présentées 
| solidement assises sur des faits, et non sur des 
_ rêves. 

- Les philosophes de profession ne sont pas sans 
se rendre compte de la nécessité de s'alimenter au 
foyer de l'expérience. Plus d'un comprend qu'au- 
dessus du verbe il y a la chose; et nous savons 


N. VASCHIDE er CL. VURPAS — LA VIE BIOLOGIQUE D'UN ANENCÉPHALE 5) 


1 
ce 


fondément et longuement que l’on finit par s'im- 
prégner de ses méthodes et surtout de son esprit : 
cet esprit si peu systématique en fait, qu'il crait et 
qu'il doute tour à tour, trouvant peut-être dans son 
doute plus de force et plus de raison de vivre, que 
danssacroyancemême, car, suivantla belle parole de 
M. Duclaux : « C'est parce que la Science n'est jamais 
sûre de rien qu'elle avance toujours ». Belle leçon de 
doute, mais d'un doute qui n’est pas le scepticisme 
stérile et décevant. 

Il serait, pour ces motifs, bien désirable, ainsi 
que l’exprime M. de Freycinet, que les savants vou- 
lussent bien quelquefois résumer en quelques 
pages l'essence de ces leçons philosophiques que 
leur donnent chaque jour Le calcul et surtout le labo- 
ratoire. C'est peut-être à eux la faute si le mouve- 
ment philosophique n'est pas en harmonie plus 
intime avec le mouvement scientifique. M. de Frey- 
cinet, par son livre, leur a donné un bel exemple: 
espérons qu'il sera suivi. 

G. Kœnigs, 


Professeur de Mécanique expérimentale à la Sorbonne. 


LA VIE BIOLOGIQUE 


Si les études physiologiques entreprises sur les 
animaux à la suite de l'ablation des hémisphères 
cérébraux et du cervelet ont été nombreuses, il 
n'en est pas de même lorsqu'il s'agit de l’homme. 
Lorsque l'on s'adresse à un animal, les premières 
difficultés commencent dès qu'il faut discerner ce 
qui doit être rapporté au choc opératoire de ce qui 
est fonction de la lésion provoquée. Les animaux 
auxquels on s'adresse sont généralement adultes, 
Ou, en tous cas, possèdent déjà certains réflexes, 
Survenus par l'habitude et abandonnés aux centres 
inférieurs, dans l’acquisilion et dans le dévelop- 
ement desquels le cerveau a joué un certain rôle. 
Le hasard vient de réaliser sur l'homme même 
une semblable expérience de Physiologie, dans 
laquelle se trouvent comblés la plupart des desi- 
derata précédents. Ici, en effet, pas de choc opéra- 
loire dont l’action puisse gêner l'expérience. En 
Second lieu, aucun phénomène d'habitude ne peut 
êlre invoqué pour expliquer certains acles, puis- 
que l'enfant a été examiné au moment même de sa 
naissance et le jour suivant. La durée de la vie a 
été assez longue pour permettre d'entreprendre 
un cerlain nombre d'expériences de Pycho-physio- 
logie et les suivre pendant un temps suffisant. 


! Travail du Laboratoire de Psychologie expérimentale de 
l'École des Hautes-Études (Asile de Villejuif.) 


(D'UN lANENCÉPHALE ‘35 


Il s’agit du cas d'un anencéphale, chez lequel les 
hémisphères cérébraux et le cervelet sont absents, 
venu au monde dans le courant de février 1901. 

Nous avons relu à ce sujet les différentes obser- 
vations publiées jusqu'à ce jour, el nous avons été 
frappés par ce fait que les études ont surtout porté 
sur la genèse de la monstruosité, sur l'interpréta- 
lion tératologique, sur la structure, soit macrosco- 
pique, soit microscopique, des divers éléments ana- 
tomiques, principalement des éléments nerveux ; 
sur la persistance ou non de l'aspect embryologique 
de ces derniers alors qu'ils sont soustraits à l'in- 
fluence des centres supérieurs. Mais de recherches 
psycho-physiologiques proprement dites, entre- 
prises méthodiquement, nous n'en avons à peu 
près pas trouvées. 

Les seules descriptions qui en sont faites sont 
disséminées sous forme d'incidents. Néanmoins, 
nous relevons certains détails curieux et intéres- 
sants par les rapprochements que nous pouvons 
faire avec notre cas. Nous en parlerons lorsque 
nous aurons à comparer différentes particularités 
remarquables, soit par leur similitude avec notre 
observalion, soit par leur différence. 

Prenons maintenant connaissance de l'état de 
notre sujet et des conditions dans lesquelles il se 
présente à notre observation. Nous procéderons 
ainsi comme on a coutume de le faire dans les la- 


371 


N. VASCHIDE Er CL. VURPAS — LA VIE BIOLOGIQUE D'UN ANENCÉPHALE 


à “à 


boratoires de Physiologie : la Nature dans notre 


cas aura été l’opérateur. 


L'accouchement eut lieu dix mois ‘après la con- 
ception, ainsi qu'il semble ressortir de la cessation 
des règles, et des divers renseignements fournis par 
la mère. L'enfant arriva en état asphyxique et de 
mort apparente. Des bains chauds, ainsi que des 
friclions énergiques sur le corps, le ranimèrent. 
Notre sujet est du sexe masculin; il pèse au mo- 
ment de la naissance 2 kil. 620, alors'que le poids 
normal varie entre 3.000 et 3.500 grammes. Ce qui 
frappe tout d'abord chez lui, c'est l’absence de 
calotle cranienne (fig. 4 et 2). A la place on voit une 


Fig. 


1. — L'anencéphale vu de face. 


tumeur rouge, bosselée, mollasse, bourgeonnante, 
recouverte de croûtes, présentant à sa base un sillon 
profond qui lui forme un vrai pédicule. On remar- 
que que cette tumeur n’est animée d'aucun mou- 
vement d'expansion à la vue, à la main, où à un 
instrument enregistreur. Le corps et le visage sont 
violacés, les mouvements respiratoires sont irré- 
guliers. Get enfant vécut.39 heures. 

Examiné de près, nous voyons d'une facon géné- 
rale que le côté droit du corps semble plus gros que 
le côté gauche. Les membres (pieds et mains prin- 
cipalement) semblent plus développés que chez 
un enfant ordinaire au moment de la naissance. 
Pas d’autres difformités appréciables sur le tronc 
et les membres. La verge, les testicules sont nor- 
malement conformés. C'est surtout du côté de la 
tête que les lésions et les difformités existent. Les 
photographies des figures 1 et2 précisent d'ailleurs 
son aspect général. Du côté du visage, on voit que le 
front n'existe que par sapartie toutà fait inférieure. 
Le nez ne présente pas de dépression au niveau de sa 


. yeux sont particulièrement saillants. Lorsque l’on 


racine et se continue en ligne droite avec le vestige 
persistant de l'os frontal, rappelant ainsi le profil 
d'un nez grec. Les oreilles sont mal formées; il ny 
a pas de lobule, de sorte que le diamètre antéro 
postérieur est aussi grand que le diamètre supéro 
inférieur. On note l'existence d’une saillie angu* 
leuse prononcée et pointue à la partie postéro® 
supérieure du bourrelet de l'oreille. On a de la sorte 
la disposition d’une oreille fœtale, dont les dimens 
sions se seraient simplement accrues sans que 
l'organe perde rien de son aspect primitif. Les 


ouvre les paupières, on voitlesconjonctives rouges; 
la cornée terne et vitreuse. 

Un exorbitisme très accusé, s’accompagnant dem 
lésions analogues de la cornée qui était terne, 


Fig. 2. — L'ancncéphale vu de profil. 


desséchée, inégale, de couleur brunàtre, a été éga- 
lement signalé chez un chien anencéphale: par 
MM. Sabrazès et Ulry!. Les pupilles sont toutes 
deux très dilatées, quoique inégalement. L'inéga- 
lité a lieu au profit de la droite, dont le diamètre 
semble double de celui de la gauche. Le strabisme 
externe est très accusé. Les pupilles sont fortement 
dirigées en bas et en dehors, au point d’être cachées 
toutes deux derrière les commissures palpébrales 
externes. Les paupières sont d’ailleurs conlinuel- 
lement à peu près closes. 

L'exorbitisme, le strabisme externe, la dilatation 
de la pupille constatés dans notre cas, comme dans 
celui de MM. Sabrazès et Ulry, ne sont-ils pas dus 
à l'absence du moteur oculaire commun, dont au- 


! De l'anencéphalie. À propos d'un cas de tumeur angio- 
mateuse endo et épicranienne avec malformations multiples M 
du crâne, de l'encéphale, de la moelle cervicale et des yeux, 
chez un chien nouveau-né ayant vécu 30 heures, par J. SA- 
grazès et E. ULry. J. de Physiol. et de Pathol. gén., t. LM 
no 4, 7139-53. { 


ñ 


D'une facon générale, l’ensemble de la tête de cet 
énfant donne assez bien l'aspect d'une tête de 


II 


Moyons maintenant les résultats de l’autopsie. 
Comme nous l'avons dit, on relève d'abord une 
bsence complète de calotte cranienne. À la place, 
on voit une masse bourgeonnante, mamelonnée, 
iollasse, de couleur groseille, parsemée de croûtes 
urulentes à sa surface (fig. 4 et 2). 

Un sillon profond, surtout en arrière, limite sa 


artie inférieure en l'étranglant, 


Fig. 3. 


Lorsque l’on excise cette tumeur bosselée, un 
quide clair citrin s'écoule par la plaie. Il est con- 
énu dans de pelites cavités, séparées les unes des 
utres par des cloisons ne les laissant pas commu- 
quer entre elles. Le revêtement interne de ces 
rentes poches est légèrement grisätre. Le poids 
cette poche kyslique isolée et débarrassée du 
iquide qu'elle contient est de 11 gr. 5. Rien 
chez elle ne ressemble à du tissu nerveux; sa con- 
sistance, au contraire, est dure, lardacée. Si l'on 
détache complètement la tumeur par son pédicule, 
_ peut l’extraire dans sa totalité sans rien ren- 
ntrer qui rappelle l'aspect de la substance ner- 
veuse. - 

L'atlas est surmonté par un os haut de 1/2 à 
1 centimètre, qui est le commencement de l'occi- 


VIE BIOLOGIQUE D'UN ANENCÉPHALE 


375 


pital. Le frontal n'existe pas. Pas de voûte orbi- 
taire, pas de plancher sus-orbitaire. 

L'œil s'extrait sans grande difficulté par la partie 
supérieure laissée libre par l’excision de la tu- 
meur. 

Le système nerveux, extrait complètement del’axe 
cérébro-spinal, se compose simplement de la moelle 
avec ses ganglions rachidiens, du bulbe, de la pro- 
tubérance moins es pédoncules cérébelleux moyens 
et de rudiments des tubercules quadrijumeaux. 
Au delà se voit un tissu scléreux adhérent aux 
méninges de façon à ne former avec elles qu'une 
seule membrane absolument indivise. 

A la partie moyenne de la base du crâne, on 
délimite assez bien la seile turcique. 


Fig. 4. 


j8. 3, — ace dorsale. — 1, 2, 3, 4, éminences blanchâtres; 5, plancher ventriculaire; 6, bord fibreux en avant du plan- 
cher, donnant communication avec l'aqueduc de Sylvius ; 7, sillon en avant des éminences 
4. — J'ace ventrale. — 1, tronc basilaire; 2, cérébrale postérieure; , à : 
aire; 5, artère née de la vertébrale gauche: 6, la sixième paire; 7, 8, la septième et la huitième paires; 9, 10, 11, les 
neuvième, dixième et onzième paires; 12, la douzième paire; 13, nerf rachidien. 


blanchätres ; 8, tissu fibreux. 
3, ventrale gauche; 4, artère née du trone basi- 


Revenons maintenant sur chaque partie avec 
plus de détails (fig. 3 et 4). 

Les ganglions rachidiens paraissaient normaux 
à l'œil nu. La moelle semble plus mince que d'or- 
dinaire. Son poids est de 4 grammes (queue de 
cheval comprise). 

Le bulbe et la protubérance pèsent 1 gramme el 
1 décigramme. Le plancher du 4° ventricule est à 
découvert (fig. 3). Une simple bande transversale le 
recouvre en son milieu. En haut, il semble se con- 
tinuer par un faible pertuis avec l'aqueduc de 
Sylvius. Pas de trace de cervelet. Un peu en avant 
du plancher ventriculaire, on observe une masse 
nerveuse, de forme à peu près quadrangulaire, 
découpée par des sillons qui délimitent quatre 
éminences irrégulières blanches dont deux sont 


316 


N. VASCHIDE ur CL. VURPAS — LA VIE BIOLOGIQUE D'UN ANENCÉPHALE 


antérieures, deux poslérieures, et qui rappellent 
assez bien les tubercules quadrijumeaux rudimen- 
Plus 
tissu fibreux absolument différent de la substance 


taires. haut, nous sommes en présence de 
cérébrale, et dont le poids s'élève à 

A la face ventrale (fig. 4), ce qui frappe tout d’abord 
c'est l'absence de pont de Varole, absence suftfisam- 
ment expliquée par le défaut du cervelet et consé- 
quemment des pédoncules cérébelleux moyens. 
Malgré celle apparence, le lien lopographique qui 
correspond à la protubérance existe. Assez rappro- 
- chés de la ligne médiane, se détachent, du milieu de 


2 grammes. 


la région nerveuse bulbo-prolubérantielle, deux 
filets minces blanchâtres qui se dirigenten avant. Il 
s'agit probablement ici du moteur oculaire externe. 
Plus en dehors, et en allant de haut en bas, on voit 
émerger successivement les troncs nerveux sui- 
vanis : Latéralement, c'est d'abord le groupedes VII® 


versées à leur partie postérieure par le nerf optique: 
Il est intéressant de rapprocher de celle observas 
lion, où aucune parlie importante de l'œil ne fait 
défaut, un cas signalé par Gade', dans lequel on note 
une absence de cristallin, de corps ciliaire et d'iris 
et où l'un des yeux est atteint de coloboma rélinien 
et choroïdien. 

Nous n'insisterons pas davantage sur l'examen 
nécropsique, de même que nous ne parlerons pas 
des résullats des recherches histologiques. Nous 


+ n'avons dit que ce qu'il est nécessaire de connaître 


pour comprendre les recherches et les expériences 
Psycho-physiologie auxquelles nous nous 
sommes livrés et qui conslituent l'objet principal 


de 


de cet article. 


III 


Au moment de sa naissance, ainsi que le jour 


Fig. 5. — Respiration thoracique. — (Pneumosraphe Marey avec un tambour Marey d'un diamètre de 5 centimètres, et avec 
unegplume d'une longueur de 10,5 centimètres). Lire le tracé de gauche à droite. La figure représente des morceaux de 


plusieurs courbes successives: 


ces courbes ont été prises vingt-deux heures après la naissance. Vitesse dn cylindre : 


un tour dans cent secondes, la circonférence du cylindre étant de 45 centimètres (dispositif Ch. Verdin.. 


et VITI® paires: plus bas, celui du glosso-pharyngien 
etduvago-spinal; plus en dedans, la XIF° paire ; enfin 
les nerfs rachidiens font leur apparition sur la face 
latérale bulbo-médullaire. 

Les artères verlébrales côtoient le bulbe, et se 
réunissent à sa parlie médiane en un tronc com- 
mun, le tronc basilaire, qui, à la partie supérieure, 
se divise en deux branches quiforment les cérébrales 
postérieures. Ces dernières limitent lopographique- 
ment la partie antérieure de la protubérance anru- 
laire; Sur son trajet, la vertébrale gauche donne 
naissance à une ramification vasculaire qui se 
dirige du même côté et en haut. Une branche ana- 
logue se détache à droite du tronc basilaire et suit 
une direction symétrique à la précédente. 

L'œilnous montre loutes les parties constitutives 
ordinaires. Le cristallin et le corps vitré semblent 
normaux. Nous voyons une réline ainsi qu'une sclé- 
rotique el une choroïde, ces deux dernières lra- 


suivant, le sujet laissa écouler par la bouche une 
salive filante et sanguinolente. Il rendit également 
de l'urine et du méconium. 

L'examen des différentes fonctions nous révèle 
les parlicularilés suivantes. 

La température, soit centrale, soit locale, est très 
basse. Un thermomètre placé dans le rectum ne 
dépasse pas 28°. Le corps, généralement violacé, 
semble plus froid que les objets environnants. 
Placé auprès d'un gros feu, l'enfant ne parvient pas 
à se réchauffer, et si les points du corps exposés aux 
rayons caloriques augmentent un peu de tempéra- 
ture, iln’en est pas de même des autres parties, qui 
restent aussi froides qu'auparavant et ne subissent 
aucune influence du fait de l'élévation de la tem- 
péralure d’une région voisine. 


1 F.-G. Gane : Ün cas d'auencéphalie avec amyélie totale 
et autres anomalies constitutionnelles (Norsk Magasin 1. 
Logevidensk, 189%, p. 715). 


LA 
{ 
pu 


N. VASCHII 


ET CL. VURPAS — LA VIE BIOLOGIQUE D'UN ANENCÉPHALE 31 


Un des troubles organiques les plus apparents 
est assurément la modification respiratoire qui 
existe chez notre sujet depuis le moment de sa 
naissance. Cette modification du rythme fut surtout 
marquée 
quelques heures qui suivirent. Plus tard elle se 
régularisa un peu. C'est à un moment de calme res- 
piratoire relatif que furent pris les graphiques 
dont nous donnons un exemple. L'enfant ne res- 
pire qu à des intervalles très éloignés. Il prend 
une teinte encore plus asphyxique:; alors survien- 
nent deux ou trois respirations profondes et brus- 
“ques, après lesquelles revient la période d’apnée. 
Nousavonsainsi une respirationavectypedeCheyne- 
-Stokes desplus nets, comme d’ailleursentémoignent 
-les tracés respiratoires des figures 5 el 6. Le nombre 


après l'accouchement et pendant les 


“des respirations ne dépasse pasen moyenne le chiffre 
de 8 à 9 par minute. 
Contrairement à celte diminution de la fréquence 


respiratoire, le nombre des battements cardiaques 
reste à peu près normal. 
- Le nombre des pulsations est de 138 à la minute. 
- Lorsque l’on pratique l'auscullation du cœur, on 
reconnait un rythme embryocardique des plus nets. 
Mais. on s'aperçoit que la vitesse est irrégulière. 
Les battements cardiaques, en effet, se précipitent 
*au moment de la période dyspnéique; leur nombre 
croitalors d'une facon très manifeste. À ce moment 
« on relève quelques faux pas du cœur. Nous regret- 
* tons de n'avoir pu inscrire comparalivement le tracé 
Sphygmographique à côté du tracé respiraloire afin 
: de saisir ce ralentissement simultané de la respira- 
tion et de la circulation à un moment donné (période 
apnéique) et leur accéléralion au moment d'une 
autre période plus courte que la première (période 
dyspnéique); mais il était impossible matériellement 
de déceler graphiquement les pouls radial 
capillaire. La pression sanguine était très faible, 
et, Sans pouvoir donner de mesures précises, il nous 
semble qu'elle était inférieure à la pression normale. 
Les différentes périodes respiratoires n'exercent 
aucune aclion sur la pupille, comme on l'a décrit 
dans le Lype Cheyne-Stokes vulgaire urémique chez 
l’homme. Les troubles respiratoires et circulatoires 


el 


que nous avons observés d'une façon très manifeste 
dans notre: cas n'ont pas loujours élé relevés dans 
| les diverses observations d'anencéphalie. C'est ainsi 
qu'Arnold" rapporte l'histoire d’un monstre hémi- 
| céphale chez lequel la respiration et le pouls ne pré- 
| sentaient pas d'anomalies.Ilest vrai que l'absence des 
hémisphères élait moins totale que chez notre sujel. 
| L'enfant dont il parle, en effet, avait vécut trois 
jours ; la voûte cranienne manquait et la masse céré- 
| brale était disposée sur la base cranienne présentant 
| l'aspect de plusieurs tubercules qui, à la section, 
offraient des cavités. 

Nous avons déjà insisté sur Îes troubles vaso-mo- 
teurs, caractérisés par une leinte violette de tout leté- 
gument. Le moindre atlouchementsur la surface du 
corps, quelque faible qu'il soit, fait aussitôt dis- 
paraitre la cyanose. Le point en contact devient 
iuimédialement très blanc sur toute la surface de 

| contact, qui tranche ainsi sur le reste violet du 


ee 
FBorremans 


…L'ig. 6. — Respiration abdominale de l'anencéphale, — Mÿmes conditions expérimentales que pour la figure 5. Expériences 
faites dans la même journée, vingt-deux heures après la naissance. 


| corps. Dès que l’altouchement a cessé, la coloration 


| violette réapparait. 

Les réflexes idio-musculaires recherchés par le 
pincement musculaire sont également très nets. Les 
reflexes iriens n'exislent pas. La pupille reste 
| immobile. Une lumière intense placée très près de 
| l'œil ne provoque eucune contraction pupillaire. Un 

altouchement, même énergique, avec la tête d’unt 
| épingle soit de la conjonctive soit de la cornte, au 
| niveau de la pupille, ne provoque aucun mouvement 
de défense ou de réaction quelconque. La pupille 
même y restecomplètementinsensible. L'enfantpa- 


rail n'avoir aucune sensation ni aucune nolion de ce 


alttouchement. 

Le jour qui suivit l'attouchement, vingt heures 
environ après la naissance, notre sujet présenta 
une série de crises convulsives. Le début fut pré- 
| cédé d’un vomissement verdâtre. Pas de cri initial 
| mais les lèvres se pincèrent, le bras gauche pré 
senta quelques mouvements auxquels succéda un 
contracture de la main. Le pouce et l'indexe des 
trois autres doigts étaient en extension. La pha- 


1 ArxOLD : Gehirn, Rückenmark und Schädel eines Hemi- 
cephalus von dreitägiger Lebensdauer. Bet. z. pal. Anat. u. 
| z. Al. Pat., Liegler, 1892, u. 407. 


318 


N. VASCHIDE er CL. VURPAS — LA VIE BIOLOGIQUE D'UN ANENCÉPHALE 


lange était en extension forcée sur la main; la 
phalangine et la phalangette en flexion forcée. La 
main était en extension forcée!sur l’avant-bras. 
Puis la contracture. se généralisa; l'enfant avait 
tout le corps raide comme une barre. À cette phase 
tonique succéda une phase clonique, caractérisée 
par des mouvements de tout le corps, avec mouve- 
mentde maslication des lèvres et expulsion d’écume 
par la bouche.Au débutdel'aceès, l'enfanturina,mais 
ne rendit pas de matières fécales. L'accès dura en- 
viron deux minutes. À peine la première attaque 
était-elle terminée et les mouvements avaient-ils 
disparus, qu'eut lieu un second accès en tout sem- 
blable au premier, avec miction; il dura environ 
deux minules. Dix minutes après la fin du deuxième 
accès eut lieu un troisième sans miction, qui dura 
environ trente secondes. 

Ce troisième accès fut d'ailleurs le dernier. Les 
crises convulsives ne sereproduisirent plus jusqu'à 
Ja mort. 

IV 


La sensibilité a fait l'objet de recherches minu- 
tieuses. Pour obtenir des résultats, il était nécessaire 
que l'impression atteignit un certain degré capable 
de provoquer un mouvement de défense. Car la 
sensation n'était saisie que par la réaction motrice 
qu'elle provoquait, et qui permettait en quelque 
sorte d'en mesurer l'intensité. 

Le tact était très nettement conservé. Lorsque 
l'on chalouillait, même légèrement, l'enfant sous la 
plante des pieds, on provoquait un mouvement de 
flexion des jambes avec rejet du corps en arrière. 

La sensibilité à la douleur existait également. 
Des piqûres aux pieds, aux jambes, au ventre, auni- 
veau du nez amenaient des mouvements de défense 
qui montraient que l'impression n’était pas restée 
sans résultat. 

La sensibilité thermique n’était pas abolie. Un 
tube d’eau froide, placé contre la cuisse, ne produi- 
sait aucun effet, mais un tube d’eau chaude provo- 
quaitleretrait du membreinférieur etun mouvement 
du corps tendant à fuir l’objet brûlant. 

Ces expériences ont été répétées un nombre de 
fois assez considérable pour affirmer la constance 
des résultats obtenus, et éliminer le hasard de ces 
séries de recherches. 

Nous venons de voir que la sensibilité semblait 
conservée, et la mesure même de celte sensibilité 
nous était donnée par les réactions de défense du 
sujet. Ces mouvements étaient associés, coordonnés 
etsemblaient converger vers un but. C'estainsi qu'à 
des piqûres sur les jambes, le ventre, le nez, qu'au 
chatouillement de la plante des pieds, qu'à l'appli- 
cation d’un corps chaud sur la cuisse, qu'à l’ap- 
proche d’un flacon d'ammoniaque pur, l'enfant 


réagissait par des mouvements de flexion des 
membres inférieurs, et le rejet en arrière du Corps 
et de la tête. Lui mettait-on un biberon aux lèvres 
il exerçait des mouvements de succion . Lorsqu'un 
liquide arrivait dans la bouche, un mouvement de 
déglutition s'ensuivait, et le liquide était parfaite 
ment avalé. Lorsqu'on lui offrait de l’eau sucrée 
avec une cuillère, l’enfant avait des mouvements 
des lèvres pour empêcher l'issue du liquide en: 
dehors de la cavité buccale. 

Ces réflexes associés, ces mouvements d'ensemble 
ont été relevés dans plusieurs cas d’anencéphalie 
Arnold” raconte que lorsqu'on provoquait des mou“ 
vements réflexes d’un seul membre (avec une 
piqûre ou avec une égratignure de la peau), Ces 
mouvements ne restaient pas localisés, et se propa“ 
geaient aux autres membres. Lorsqu'on lui intro= 
duisait le doigt dans la bouche, le sujet faisait des: 
mouvements de succion. Il avalait l’eau et le lait, 
mais parfois avait des régurgilations. Sabrazès e 
Ulry? rappellent également l'existence de phèno 
mènes analogues chez un chien anencéphale dont 
ils rapportent l'observation. L'animal, qui vécut 
trente heures, têtait comme les autres, et se tenait 
bien sur ses pattes. 4 

L'examen minutieux des diverses sensibilités 
sensorielles montre leurabolition complète. Les sub= 
stances employées furent choisies parmi celles qui 
provoquent les sensations les plus intenses pour 
chacun des organes des sens examinés, et qui de 
vaient entrainer sûrement les mouvements de 
défense si les impressions en avaient été perçues. 

Du bromhydrate de quinine, déposé à la surface 
de la langue, restait sans effet. 

De l’éther, du camphre, placés sous le nez, ne pro 
duisaient aucun résultat. De l’'ammoniaque pur ame- 
nait un mouvement de retrail de la tête. Mais 
l’ammoniaque exerce plutôt une impression tactile 
qu'olfactive sur la sensibilité de la muqueuse pitui- 
taire. 

L'enfant semblait ne rien entendre. Des cris, des 
bruits intenses produits contre son oreille ne provo=« 
quaient aucune réaction de sa part. 

La vue était également abolie. La projection d'une 
lumière, même vive, sur l'œil n'était suivie d'aucun 
mouvement réactionnel de la part du sujet, pas 
même d'une simple modification pupillaire. Cettew 
absence de réaction de la pupille à la lumière a été 
relevée également par Arnold”° dans un cas d'anen- 
céphalie. 

Le goût, l’odorat, l'ouïe, la vue faisaient donc 
complètement défaut chez notre monstre. 


1 ArNOLD : Loc. cit. 
? Sasrazëset ULny : Loc. cit. 
% ArNOLD : Loc. cit. 


N. VASCHIDE Er CL. VURPAS — LA 


VIE BIOLOGIQUE D'UN ANENCÉPHALE 


319 


V 


Nous avons vu des réflexes associés et des mouve- 
ments coordonnés en vue d'une réaction de défense, 
mais nous notons également l'existence de mou- 
“vements Spontanés. L'enfant reste le plus souvent 

“immobile dans son lit. Iln'a pas l'air incommodé 
par sa respiration difficile, qui provoque un élat 
asphyxique à peu près constant chez lui. À ce mo- 
ment l'enfant semble dormir. Il est vrai que la 
Simple absence de mouvements suffit à lui donner 
“l'apparence du sommeil. Les paupières sont tou- 
“jours closes, et la régularité respiratoire, qui indi- 
k que le sommeil chez les autres, ne peut pas ici ser- 
ir de critère en raison de son irrégularité naturelle 
. et constante. 
—._ Ilestainsi à peu près impossible de savoir lorsque 
Je sujet dort, ou lorsqu'il est éveillé, de même que 
J'onne peutdire s’il dort à peu près toujours ou s'il 
“ne dort jamais. Cependant, à de certains moments, 
il imprime à ses bras et à ses jambes des mouve- 
“ments spontanés et qui ne répondent à aucune exci- 
“tation extérieure particulière; parfois il fait enten- 
_ dre quelques gémissements courts et monolones que 
rien ne semble provoquer. Ces cris, brefs et rares, 


TT un peu ee dans la nn Corps. 
… Ces cris coïncident assez souvent avec des réactions 
. de défense. Dans le cas d’Arnold*, où l'enfant vécut 
. trois jours, ce dernier criait et gémissait à des 
- intervalles le plus souvent très espacés. 

Au moment de la mort, les troubles asphyxiques 
et dyspnéiques semblèrent augmenter d'intensité. 

‘enfant, la bouche grande ouverte, fut pendant 
quelques instants en proie à des phénomènes de 
suffocation, 


NII 


L'importance et la rareté de notre cas nous oblige 
à rester dans le domaine purement expérimental, el 
à constater des données biologiques précises sans 
» loutelfois prétendre en expliquer la cause et le mé- 
 canisme. Nous nous contenterons:de poser de nou- 
“ veaux problèmes et d'objecter quelques faits pré- 
… cis à des opinions classiques et à des conceptions 
biologiques accréditées. 
1° La température de 28° observée ici est une des 
- plus basses, croyons-nous, que l’on ait rencontrée, 
- jusqu'alors compatible pendant un temps relative- 
ment long avec une vie psycho-physiologique. 
2° Le pouls était très rapide, et baltait à 138 par 


1 ARNOLD : Loc. cit, 


minute, coïncidant ainsi avec une tempéralure de 
28°. Celte dissociation nous a paru remarquable, et 
bien propre à mettre en évidence la différence de 
l'action que le cerveau exerce sur la respiration, où 
il joue un rôle imporlant, et sur la circulation, où 
son imporlance est à peu près nulle. 

3° La respiration en lype de Cheyne-Stokes 
semble indiquer que le bulbe ne suffit pas à la res- 
piration rythmique normale. Celle-ci exige, pour 
être régulière et normale, l'intégrité du cerveau. 

Certaines expériences de physiologie que nous 
avons pratiquées sur le chien concordent avec ces 
résultats. 

Il semble done que, dans les phénomènes respira- 
toires, il faille faire intervenir deux actions diffé- 
rentes : l’une bulbaire, l’autre cérébrale. Au bulbe 
serait dévolu le rôle principal et vériblement fonda- 
mental, au cerveau celui de coordinateur, capable 
seul de donner un rythme défini aux excitations 
saccadées du bulbe, résultat probable de l'action de 
l'acide carbonique qu'un sang asphyxique met au 
contact des éléments bulbaires. 

° Nous constatons également un état parliculier 
des vaso-moteurs, correspondant probablement à 
la paralysie des vaso-constricteurs. On note une 
dilatation très intense de toute la surface des 
téguments. Lorsqu'on produit une pression, on 
voit que, quelque légère qu'elle soit, la partie tou- 
chée devient très pâle. Mais cette blancheur dis- 
parait instantanément, dès que l'attouchement 
cesse. La rapidité de ce changement de coloration 
est telle qu'il pourrait à peine être apprécié par 
quelques centièmes de seconde. Cet état anémique 
ne serait-il pas sous la dépendance de l’écrase- 
ment des capillures superficiels, provoqué par 
l'élat de paralysie du système moteur vasculaire ? 

° Les réflexes existent et sont exagérés. EL, à un 
degré de plus, nous avons observé l'existence de 
convulsions à type jacksonien, avec leur allure 
ordinaire. 

6° La sensibilité générale ne semble pas abolie, 
si nous en jugeons d’après les réactions motrices 
qui la caractérisent habituellement et la mesurent, 
et qui sont les seuls moyens par lesquels elle peut 
être saisie à cet âge chez les enfants les plus nor- 
maux. La présence de ces réactions peut ainsi être 
considérée comme le symbole habituel d'une vie 
psycho-physiologique rudimentaire. Aucune sensi- 
bilité spéciale n'était conservée, mais on notait 
l'existence de la sensibilité tactile et thermique, de 
la sensibilité à la douleur. Le sujet réagissait très 
nettement à ces divers modes de la sensibilité. 

La douleur, ou au moins les réactions habituelles 
par lesquelles nous la saisissons et en mesurons 
jusqu'à un certain point l'intensilé, persistait éga- 
lement. 


380 


N. VASCHIDE £r CL. VURPAS — LA VIE BIOLOGIQUE D'UN ANENCÉPHALE 


1° Le sujet avait pendant sa vie des réflexes 
associés, ainsi qu'en témoignent les quelques 
ébauches de réactions de défense et surtout les 
mouvements coordonnés qui répondaient à un état 
moteur suffisamment équilibré‘. L'enfant avait des 
mouvements de la tête significatifs, des contorsions 
plus ou moins définies quand on lui meltait un 
biberon à la bouche : il remuait alors les lèvres. 

8° Le sujet poussait des cris sans avoir de pleurs 
véritables. Ces cris étaient aigus, faibles, peu pro- 
longés, monotones, et tantôt étaient spontanés, tan- 
tôt venaient comme réaction de défense, comme 
mode de réponse à une impression douloureuse. 

9° Il est difficile d'émettre une opinion ferme sur 
la question du sommeil, et de dire si le sujet 
dormait réellement. L'allitude était sensiblement la 
même le jour et la nuit. À peine pouvait-on cons- 
tater une diminution très légère des phénomènes 
moteurs pendant la nuit. Nous pensons donc que 
le sommeil est avant tout un phénomène psycholo- 
gique, au moins dans ses éléments essentiels. 

Ces divers résultats nous semblent démontrer 
d'une part que les fonctions organiques fondamen- 
tales ou végétatives en plus d'une activité biolo- 
gique indépendante, ont besoin pour leur bon fonc- 
tionnement d’une synthèse physio-motrice qui 


4 Voir pour l'étude des mouvements associés le récent 
travail de G. Hanau et Euc. MeveA : Contributo allo studio 
de movimeuta associati in Poliambulanza di Milano, 
fasc. XI, 1900. 


leur est donnée par les hémisphères cérébraux 
Il y a un rythme, une coordination spéciale que» 
les hémisphères seuls peuvent donner. 
Beaucoup de recherches de laboratoire ont mon- 
tré celte nécessité psychomécanique ; notre expé= 
rience de physiologie naturelle la précise. 
En second lieu, il semble qu’une catégorie de 
phénomènes psychiques que, jusqu'ici, on attribuait 
exclusivement aux hémisphères cérébraux, comme 
Ja sensibilité spéciale du tact, de la douleur, la sen= 
sibilité thermique, de même que certaines réactions: 
assez bien coordonnées à ces diverses impressions 
existaient chez notre anencéphale indépendamment. 
de l’action du cerveau. - 
Il ressort encore cette notion que l'existence de 
ces phénomènes est purement physiologique, et 
primitivement sous la dépendance des fonctions: 
bulbo-protubérantielles et médullaires. À 
Le cerveau, envisagé sous cet angle, ne semble 
jouer qu'un rôle de luxe extrêmement utile pour LL 
bon fonctionnement de l'organisme et la régularité 
de ses fonctions, mais non indispensable pour une 
vie psycho-biologique rudimentaire. 
Son rôle parait être avant tout celui d’un coordi 


naleur psycho-dynamique. 
« 


C1. Vurpas, 


Interne des Asiles 
de la Seine. 4 
(Asile de Villejuif.) 


N. Vaschide, 


Chef des travaux du Labo- 
ratoire de Psychologie expérimenta:e 
à l'Ecole des Hautes-Etudes. 


1° Sciences mathématiques 


“Mansion (D: P.), Professeur à l'Université de Gand. 
- —Elemente der Theorie der Determinanten {3° édi- 
tion). — À vol. in-4° de 10% pages. (Prix : 3 fr. 25) 
- — T'eubner, éditeur. Leipzig, 1900. 
… Cette troisième édition allemande parait en même 
“iemps que la sixième édition francaise. Cette indica- 
tion seule suffirait pour recommander à nouveau l'ou- 
-vrage de M. Mansion à ceux qui enseignent la Théorie 
des Déterminants. Nous insisterons donc plutôt sur les 
“avantages qui ont fait le succès de ce manuel que sur 
son contenu même. 

n Il a été écrit d'excellents ouvrages sur la Théorie des 
Déterminants, et cela dans les divers pays. Ce sont ceux 
‘de Brioschi, Baltzer, Salmon, Günther, Scott, Muir, 
arez et Gasco, Gordan, Pascal, pour ne citer que les 
incipaux. Mais il s’agit là de traités présentant la 
cience des Déterminants sous une forme systématique. 
Ils ne s'adressent guère à celui qui aborde pour la pre- 
mière fois cette théorie, en elle-même d’une grande 
implicité, mais qui est souvent exposée sous une 
orme beaucoup trop aride pour le débutant; on cons- 
e même ce fait dans bien des ouvrages d'Algèbre 
pi consacrent un chapitre aux Déterminants : le désir, 
très louable d’ailleurs, de présenter cette théorie en 
- toute rigueur scientifique et d'une façon aussi complète 
que possible, fait souvent oublier aux auteurs d'ou- 
| vrages élémentaires le public auquel ils s'adressent. 

Il n'y a, par contre, que fort peu d'ouvrages renfer- 
mant les éléments de la Théorie des Déterminants 
dégagée de la forme symbolique, qui ne convient guère 
à un premier enseignement. C'est ce qui explique la 
faveur que l'on continue à accorder au livre de M. Man- 
sion, qui se propose de « conduire, par la voie la plus 
* courte, sinon la plus facile, aux vérités les plus impor- 
tantes de cette Algèbre nouvelle ». 

En tête de l'ouvrage se trouve un chapitré prélimi- 
naire renfermant les premières propriétés et les pre- 
mières applications des Déterminants à deux ou trois 
lignes. Ces préliminaires sont présentés d'une manière 
extrêmement élémentaire; ils permettent au lecteur de 
se familiariser sans difficulté avec le mécanisme des 
Déterminants. C'est un extrait d'un opuscule qu'a 
publié M. Mansion sous Je titre : Zinleitung in die Theo- 
mie der Determinanten (Edit. franç. « lutroduction à 
la Théorie des Déterminants » ). 

Ce n'est qu'après cette première initiation que l’au- 

eur aborde les définitions et propriétés fondamentales 
des Déterminants : I. Permutations d'éléments à un 
indice; II. Permutations distinctes d'éléments à deux 
‘indices; IL. Définition des Déterminants; IV. Propriétés 
fondamentales. 
. Il examine ensuite le calcul des Déterminants et les 
» propriétés relatives aux mineurs et aux opéralions sur 
. les Déterminants, puis il passe aux applications. Cette 
dernière partie est destinée à mettre en évidence l'uti- 
- lité des Déterminants dans les différentes branches 
mathématiques ; elle offre un grand intérêt par la diver- 
sité des questions qui y sont traitées. 

Cette nouvelle édition renferme diverses améliora- 
tions de détail et le nombre des exercices supplémen- 
taires s’y trouve considérablement augmenté. Nul doute 
. qu’elle rende service aux élèves des grandes Ecoles, 
. aux ingénieurs, et, en général, à tous ceux qui désirent 
aborder la théorie et en trouver, condensé en un petit 
volume, un exposé exact et suffisant.  H. FEur, 

Professeur à l'Université de Genève. 


REVUE GÉNÉRALE DES SCIENCES, 1901. 


BIBLIOGRAPHIE — ANALYSES ET INDEX 


381 


BIBLIOGRAPHIE 


ANALYSES ET INDEX 


Rateau (A.), /ngénieur des Mines. — Traité des 
Turbo-machines. Æascieule 1: Généralités. Tur- 
bines hydrauliques et leur régularisation. — 
1 vol. in-4° de 26% pages avec 495 figures. (Prix :40 fr.) 
Ve Ch. Dunod, éditeur. Paris, 1900. 

Sous le nom générique de Turbo-machines, M. Rateau 
comprend les turbines et roues motrices (à eau, à va- 
peur ou à air), les pompes et ventilateurs centrifuges 
el hélicoïdes, les hélices propulsives. 

L'ouvrage en question, formé par la réunion d'articles 
publiés, de juillet 14897 à mai 1900, dans la Revue de 
Mécanique, n'est que le premier fascicule de l’étude 
générale de ces machines. Il est consacré aux turbines 
hydrauliques et aux moulins à vent; mais il débute 
par les généralités qui se rapportent à toutes les Turbo- 
machines. 

Leur théorie était, jusqu'à ces dernières années, éta- 
blie, en partant du théorème des forces vives, par la 
formule de Bernouilli, qui a le tort de supposer des 
machines parfaites sans pertes de charges. Déjà, plu- 
sieurs auteurs allemands, entre autres M. Bodmer, 
avaient tiré leur formule du théorème des quantités 
du mouvement. M. Rateau s'appuie sur le théorème 
des moments des quantités de mouvement. Il parvient 
rapidement à une formule très simple, qui renferme, 
comme cas particuliers, toutes les formules déjà con- 
nues, et qui s'applique aux machines telles qu’elles 
existent, avec toutes leurs imperfections, parce que le 
théorème des moments des quantités de mouvement 
reste vrai, quels que soient les frottements intérieurs. 

Les formules générales une fois posées, M. Rateau 
les applique aux moteurs hydrauliques, et accessoire- 
ment aux moulins à vent; de la sorte, sans se préoc- 
cuper d'écrire à leur sujet tout ce qu'on en peut dire 
ou de présenter des monographies d'appareils, il pé- 
nètre assez avant dans le fonctionnement de ces ma- 
chines et arrive à d'intéressantes conclusions inédites. 

Après le 1‘ chapitre, qui donne l'historique des 
turbines et les généralités qui les concernent, le 2m° 
étudie les turbines sans distributeur, que leur faible 
rendement empêche d'utiliser comme moteurs hydrau- 
liques, mais qui sont fort employées comme moteurs 
aériens : effectivement, les moulins à axe vertical et les 
turbines atmosphériques à distributeur ne sont que 
l'exception. M. Rateau étudie les moulins hollandais à 
quatre ou six grandes ailes, d'origine fort ancienne, et 
les moulins à nombreuses petites ailes, créés plus récem- 
ment par les Américains; il donne sur ces derniers 
les expériences de Murphy. Il parle aussi des moulinets 
hydrométriques et anémométriques. 

Le chapitre 3 est consacré aux turbines à injection 
partielle, qui sont toujours des turbines sans réaction : 
roues Pelton, turbines centriluges et centripètes. 

Le chapitre 4 s'occupe des turbines à injection totale, 
qui sont généralement des turbines à réaction : tur- 
bines hélicoïdes (ou parallèles ou axiales), turbines cen- 
trifuges, centripètes, mixtes (ou hélico-centripètes). 

Le chapitre 5 étudie la régulation automatique de la 
vitesse des turbines, devenue si nécessaire depuis que 
ces moteurs sont attelés directement à des dynamos, 
et qui emprunte ordinairement le ministère de trois 
organes principaux : le fachymètre (ou régulateur à 
boules), le servo-moteur auxiliaire et le volant. M. Ra- 
teau décrit leurs principaux dispositifs; puis il donne 
la théorie du réglage telle qu'il la comprend. Comme 
développement de cette théorie, il étudie, ce qui n’avait 
pas encore été fait d'une manière approfondie, les 
oscillations périodiques dues aux coups de bélier qui 


sg 


382 


BIBLIOGRAPHIE — ANALYSES ET INDEX 


se produisent dans les longues conduites d’eau munies 
ou non de réservoir d'air. Ces coups de bélier peuvent 
affoler le régulateur; pour y remédier, on a parfois 
recours au réservoir d'air; M. Rateau donne des for- 
mules inédites pour le calcul de ce réservoir, et 
comme, au lieu de diminuer les coups de bélier, il 
peut quelquefois les exagérer jusqu'à provoquer la 
rupture de la conduite, il donne une autre solution 
fort élégante qu'on a trouvée à ce difficile problème. 


GÉRARD LAVERGNE, 
Ingénieur civil des Mines. 


2° Sciences physiques 


Thomas (V.), Docteur ès sciences, Préparateur 
de Chimie appliquée à la Faculté des Sciences de 
Paris. — Les Phénomènes de Dissolution et leurs 
applications. — 1 vol. in-8° de 197 pages, 51 figures. 
(Encyclopédie  scientilique des Aride-Mémoire). 
(Prix:2fr.50) Gauthier-Villars, éditeur. Paris, 4901. 
Qu'est-ce qu'un phénomène de dissolution? Si l’on 

cherche une définition qui comprenne réellement tous 

les cas à propos desquels on emploie le mot de disso- 
lulion, je ne crois pas qu'on puisse arriver à uue for- 
mule autre que la suivante: les phénomènes de disso- 
lution comprennent toutes les transformations d'un 
système hétérogène en système homogène. Il suit im- 
médiatement de là que l'étude de la dissolution ne peut 
être considérée comme formant un chapitre à part dans 
la Mécanique chimique ; et, en fait, dans les publications 
les plus récentes et les plus autorisées, notamment 
celles de M. Duhem, Van't Hoff, Ostwald, Bancroft, etc, 
on ne trouve aucune séparation entre les phénomènes 
de dissolution etles autres équilibres chimiques. 
L'ouvrage que vient de publier M. Thomas n'est 
relatif qu'à un certain nombre de points particuliers : 
c'est le résumé de Mémoires récents et importants, 
relatifs aux dissolutions; ces Mémoires sont, en parti- 
culier, ceux de M. Etard sur les solutions saturées des 
sels métalliques; de M. Le Châtelier sur la forme théo- 
rique des courbes de solubilité, sur la fusibilité des 
mélanges salins et des alliages métalliques ; de M. Raoult 
sur la congélation et la vaporisation des solutions, etc. 
On peut adresser à cette compilation deux reproches: 
le premier, c'est de manquer de critique au point de ne 
pas même signaler, lorsqu'il y a lieu, les contradictions 
qui existent entre les conclusions de deux mémoires 
analysés dans des chapitres différents; le second, c’est 
d'être fort incomplète ; on ne peut comprendre, en par- 
ticulier, que l’admirable série de recherches expérimen- 
tales due à M. Bakhuis Rozeboom et à ses élèves soit 
passée sous silence dans un ouvrage de ce genre. 


G. CHARPY, 
Docteur ès sciences. 


Pouget (Isidore), Agrégé de l'Université, Chef des 
Travaux pratiques à la Faculté des Sciences de 
Hennes. — Recherches sur les sulfo et les sélénio- 
antimonites (J'hèse de la Faculté des Sciences de 
Paris). — 1 brochure in-8 de 68 pages. Gauthier- Vil- 
lars, éditeur. Paris, 1901, 

Dans les recherches qui font la matière de sa thèse, 
M. Pouget a étudié les solutions que forme le sulfure 
d'antimoine lorsqu'on le met en présence des sulfures 
alcalins ou alcalino-terreux, et aussi les cristaux que 
ces solutions déposent. — Par la préparation de l'ortho- 
sulfoantimonite de potassium, qu'il à obtenu, se trouve 
complétée la série dont trois termes (méta, pyro, para) 
avaient été préparés par M. Ditte. Un sel acide de potas- 
sium et un de sodium, obtenus par l’auteur, appar- 
tiennent à la série des sels para. Le potassium, qui 
fournit les combinaisons les plus variées, donne ainsi 
quatre types distincts. Les sels pyro sont d'une remar- 
quable instabilité : leurs dissolutions aqueuses éprou- 
vent deux décompositions différentes, selon qu'elles 
sont chauffées ou conservées à froid. 

Les sels alcalino-terreux, ortho, pyro, méta, sont 


étudiés ensuite, puis divers sels des métaux lourds, 
argent, zinc, manganèse, plomb, fer. Les sels de cui- 
vre et de mercure donnent lieu à des phénomènes par- 
ticuliers de réduction. 

Le sélénium peut former plusieurs combinaisons 
analogues aux précédentes, en se substituant au soufre 
en tout ou en partie. 

Rien de pareil ne se produit pour le tellure, comme 
l'auteur s'en est assuré. C'est une nouvelle raison de 
regarder comme inexact le classement du tellure à 
côté du sélénium : la conclusion .des recherches de 
M. Metzner se trouve ainsi confirmée. 

On trouvera dans ce travail, exposée avec clarté, et 
appuyée constamment d'analyses exactes, la préparation 
méthodique de sulfosels, dont la plupart sont cris= 
tallisés. L'auteur s'y est constamment préoccupé d’opé= 
rer dans des conditions exactement définies, et d’appli- 
quer l'analyse tant aux précipités qu'aux liqueurs où 
ces précipités se forment. L. PIGEON, 


Professeur adjoint à l'Université 
de Dijon. 


Oppenheimer (Carl). — Die Fermente und ihre 
Wirkungen.—1 vol. in-8 de vin-329 pages. (Prix : 
10 m4.) F. W. Vogel, éditeur, Leipzig, 1901. 


Le livre de M. Oppenheimer n’est pas comparable au 
remarquable ouvrage publié, il y a deux ans, par 
M. Duclaux sur «les diastases, les toxines et les venins »: 
Ce n’est point, comme ce dernier, une œuvre de puissante 
critique et de haute originalité, mais un travail de 
savante el minutieuse bibliographie. 

Il est divisé en deux parties : la première traite des 
propriétés générales des ferments solubles; la seconde 
est consacrée à l'étude particulière des diastases et des 
oxydases. Elle renferme, en outre, intercalée cà et là, 
la description sommaire d'un certain nombre de fer- 
mentations : fermentation de l’urée, fermentation lac- 
tique, acétique, etc. L'auteur a fait ces intercalations 
dans l'hypothèse — très probable, mais trop souvent en= 
core à vérifier, — que les microbes agissent par l'in- 
termédiaire des ferments solubles qu'ils sécrètent. C'est, 
en outre, une manière pour lui de ramener tous les 
processus fermentalifs à une conceplion unique, con- 
ception qu'on trouve résumée, en quelque sorte, dans 
les propositions suivantes : 

Un ferment est le substratum matériel d’une forme 
d'énergie particulière, produit par les cellules vivantes 
et plus ou moins adhérent à celles-ci. Cette énergie est 
capable, sans entrainer la destruction du ferment, de 
provoquer le dégagement de l'énergie latente de cer- 
taines substances et leur transformation en énergie 
cinétique, de telle manière que la substance nouvelle= 
ment produite, où la somme des substances nouvelle- 
ment produites, possède une énergie latente plus petite 
que Ja substance originelle. Le ferment agit d’une 
manière spécifique, c'est-à-dire que chaque ferment 
exerce son activité seulement sur des substances dont 
la constitution et la structure stéréochimique sont tout 
à fait déterminées. 

Cette conception est, il faut le reconnaitre, assez 
vague en ce qui touche la nature même des ferments 
solubles. Comment doit-on comprendre, en effet, qu'un 
tel ferment soit le substratum d'une énergie particulière? 
Pour le reste, elle a le tort de négliger l’action réver- 
sible des ferments, action extrêmement importante à 
plus d'un titre, et dont au moins un exemple avait été 
mis en évidence, bien avant l'apparition du livre, par 
les expériences de Hill. 

Malgré cela, le livre de M. Oppenheimer est encore un 
livre utile. On y trouve, en effet, rassemblés et coor- 
donnés, la plupart des innombrables travaux publiés 
jusqu'ici sur les ferments et la fermentation. Près de 
1300 Mémoires y sont cités et, en le consultant, on s'é- 
pargnera bien des peines, même au seul point de vue de 
la recherche bibliographique. 

Gabriel BERTRAND, 
Chef de Service à l'Institut Pasteur, 


BIBLIOGRAPHIE — ANALYSES ET INDEX 


3893 


Mathieu (L.), Agrege de l'Universite, Directeur de 
la Station œænologique de Beaune (Côte-d'Or).— Etudes 
sur la Conservation des Vins mousseux. — | v0/. 
in-8° de 96 pages, avec figures (Prix : 6 fr. 50) Du- 
Jardin, éditeur, 24, rue Pavée-au-Marais, Paris, 1901. 
La préparation des vins mousseux donne lieu à de 

nombreux insuccès. Tantôt il se produit des modifica- 


“tions anormales de la saveur et du bouquet du vin, 


— modificotions dues soit à la nature du vin, soit à 
celle des bouchons ou des bouteilles. Tantôt le gaz ou 
le vin s'échappent en partie et le vin perd la propriété 


de mousser. Tantôt enfin, et cette cause est la plus fré- 


quente, le vin se trouble ou donne des dépôts. 
Les causes de ces divers accidents sont très nom- 


-breuses et elles sont peu connues. M. Mathieu s'est 


efforcé d’en signaler le plus grand nombre en les grou- 


“ pant méthodiquement. Son travail sera donclu utilement 


par les industriels se livrant à la fabrication des vins 
mousseux, qui ne s'appuient trop souvent que sur des 


- données empiriques pour remédier aux accidents de 


fabrication. La connaissance théorique des causes des 
troubles que l’on observe dans les vins mousseux est 


… d'un graud secours dans la pratique, car, si elle n'indique 
pas avec précision le remède, elle montre la voie dans 


r 


RE NÉ 


didactiques 


“ laquelle il convient de le chercher. Il faut, en effet, en 


vinification comme dans toutes les industries, que les 
enseignements de la Science soient mis à profit pour 
que la pratique progresse. X. ROcQuEs, 
Ingénieur-Chimiste, 
Ancien Chimiste principal 
du Laboratoire municipal de Paris 


3° Sciences naturelles 


Chalon (Paul-F.), Zngénieur des Arts et Manufac- 
tures. — Recherche des eaux souterraines et Cap- 
tage des sources. — 1 vol. de 195 pages. (Prix 
relié : 4 fr.) Charles Béranger, éditeur. Paris, 1900. 
L'auteur à réuni, sous une forme commode, une foule 

de renseignements pratiques sur la recherche et le 

captage des sources, sur les eaux artésiennes, la cons- 
truction des puits, les caractères des eaux potables, 

Ces chapitres techniques sont précédés de notions 

théoriques sur les lois générales de l'hydrologie sou- 

terraine, exposées avec beaucoup de clarté et d'une 
manière attrayante. Le premier chapitre renferme des 
données trop sommaires sur la stratigraphie générale. 

Quelques exemples concrets, empruntés de préférence 

au bassin de Paris, n'eussent pas été déplacés, de 

même que des conseils pratiques pour la lecture d’une 

carte géologique. Car il ne faut pas oublier que la 

première condition à remplir dans les recherches d’eau, 

c'est d'acquérir préalablement des connaissances très 

précises sur la structure géologique de la région. 
Euice HauG, 


Professeur adjoint à la Faculté des Sciences 
de l'Université de Paris. 


De Montille (M!!:S.-N.), Agrégée de l'Enseignement 
secondaire des jeunes filles. — Notions de Bota- 
nique pour l'Enseignement secondaire des jeunés 
filles.—1 vol. in-16 de 336 pages avec 345 gravures. 
(Prix, cartonné :2 fr. 50.) F. Alcan, éditeur. Paris, 
1901. 

Bien que la /tevue n'ait pas à rendre compte des 
traités tout à fait élémentaires, nous croyons devoir 
signaler ici ce petit ouvrage en raison des qualités 
qui le distinguent de la plupart des 
manuels de Botanique pour les classes de l’enseigne- 
ment secondaire. 

Laissant de côté quelques assertions comme celles-ci : 
Les végétaux « ne possèdent ni la faculté de sensibilité, 
ni celle du mouvement volontaire », nous insisterons 
uniquement sur l'esprit hautement pédagogique de ce 
petit livre. Allant du connu à l'inconnu, du complexe 
au simple, l’auteur procède constamment par analyse, 
commence par appeler l’attentior du lecteur sur les 


faits d'observation courante, lui met sous les yeux les 
végétaux dont elle va lui parler, lui apprend à en dis- 
cerner les différents organes et à reconnaitre les fonc- 
tions de chacun d'eux, déroule enfin devant lui le ta- 
bleau du monde végétal en décrivant, avec figures à 
l'appui, les principaux types, — les plus vulgaires spé- 
cimens — des diverses familles naturelles. En chacune 
elle consacre quelques indications particulières aux 
espèces cultivées ou usitées dans l'Industrie ou en Phar- 
macologie. JEAMGE 


Maige (Albert), Preparateur à la Sorbonne. — Re- 
cherches biologiques sur les Plantes rampantes 
(Thèse pour le Doctorat de la Faculté des Sciences 
de Paris). — 1 brochure in-8° de 116 pages, avec 
4 pl. (Extrait des Annales des Sciences naturelles, 
8e Série, Botan., XI). Paris, Masson, 1901. 


A en croire l’auteur, il n’existerait d'autre travail 
un peu général sur cette question qu'un résumé suc- 
cinct des différents modes de végétation des plantes 
rampantes dû à Kerner (P{lanzenlehen, 4888) ; en effet, 
le savant autrichien a bien observé et bien décrit ce 
qu'il a vu; mais pourquoi M. Maige s'arrête-t-il à la 
première édition de l'ouvrage de Kerner? Quoi qu'il 
en soit, il est vrai que la structure et la physiologie 
spéciale des plantes rampantes n'ont pas fait l’objet 
d'une étude d'ensemble. M, Maige a demandé à l’expé- 
rience comment la pesanteur et la lumière agissent 
sur elles. Il nous semble qu'il aurait dû prétendre à 
des conclusions plus positives et attendre, pour les 
formuler, d'avoir fait faire quelque progrès à la 
question. 

Nous nous contentons de reproduire textuellement 
les résultats généraux de ce travail; le lecteur les 
appréciera. 

« Les plantes qui ont fait l’objet de ce travail forment 
un groupe biologique que l’on peut déterminer par les 
caractères suivants : 4° les rameaux rampants sont 
des rameaux végétatifs ou des rameaux florifères à 
fécondité atténuée ; 2 les premiers entre-nœuds pos- 
sèdent une croissance intercalaire rapide; le bourgeon 
terminal présente par suite un aspect caractéristique 
(bourgeon dissocié); 3° les nœuds sont munis de racines 
adventives. La production de ces racines est un carac- 
tère héréditaire, c'est-à-dire que les racines adven- 
tives se développent même si la tige ne repose pas sur 
le sol; 4° Ja cause de la replation est due au géotro- 
pisme transversal. 

« L'étude de l'action de la lumière diffuse sur les 
plantes montre que ce facteur favorise la production 
de rameaux rampants et peut faire apparaître, jusqu'à 
un certain point, les différents caractères qui déter- 
minent ces plantes chez des rameaux qui ne les pré- 
sentent pas d'ordinaire. Je suis donc conduit à émettre 
cette hypothèse que /es plantes à rameaux rampants 
du groupe étudié dans.ce travail out dü se former pri- 
mitivement sous l'action d'une lumière atténuée. Ces 
plantes posséderaient ainsi une origine analogue à 
celle que l’on attribue d'ordinaire aux plantes grim- 
pantes. 

« Dans le groupe des plantes rampantes, délimité 
comme il a été dit, on peut distinguer plnsieurs degrés 
d'adaptation. Un certain nombre de plantes ont gardé 
simplement, en dehors des caractères généraux du 
groupe, les caractères végétatifs, Ce sont des plantes 
faiblement adaptées. 

« En partant de ce groupe, la différenciation s'ac- 
centue dans deux voies différentes; un certain nombre 
de plantes ont subi Sans doute profondément l’action du 
sol, à la surface duquel elles se développent et qui les 
recouvre partiellement; e/les ont acquis des caractères 
analoques à ceux des tiges souterraines. D'autres ont 
subi plutôt l'influence profonde de la lumière difluse, 
elles ont donné des rameaux étiolés, allongés et amin- 
cis, dont la forme et la structure se rapprochent de 
celles des rameaux grimpants. Cette ressemblance 
morphologique et anatomique entre tout un groupe de 


384 


BIBLIOGRAPHIE — ANALYSES ET INDEX 


plantes rampantes et les plantes grimpantes semble 
indiquer une communauté d'origine, et c’est là encore 
un fait à l'appui de l'hypothèse que j'ai énoncée, car 
on s'accorde généralement à attribuer à l’action de la 
lumière diffuse la formation des rameaux grimpants. 

« Certaines plantes ont des rameaux horizontaux, en 
général souterrains, mais qui parfois sortent du sol en 
donnant des rameaux rampants aériens. D'autres ont 
des rameaux rampants aériens qui se transforment en 
rameaux souterrains. 

« Ces plantes forment transition vers le groupe des 
plantes à drageons. Elles montrent qu'il y a une étroite 
analogie entre ces dernières et les plantes rampantes; 
il est très vraisemblable de supposer que ces deux 
groupes ont la méme origine el proviennent du grand 
développement des organes végétatifs, résultant de 
laffaiblissement de la fécondité sous laction de la 
lumière dilfuse. 

« La lumière atténuée à done pu constituer un fac- 
teur puissant de transformation et jouer, dans l'évolu- 
tion des végétaux, un rôle beaucoup plus considérable 
que celui qui lui est attribué généralement. » 

C'est tout. C. FLaxaurr, 


Professeur de Botanique 
à l'Université de Montpellier. 


Sully (James). — Etudes sur l'Enfance (Traduction 
de M. A. Mono», avec une Préface de M. G. Compayré). 
— 1 vol. in-8° de xxxn-554 pages, avec 52 figures 
(Prix : 10 fr.) F. Alcan, éditeur. Paris, 1900. 


M. Baldwin, dans le beau livre qu'il a consacré au 
développement mental de l'enfant, et que nous avons 
analysé ici même, s'était surtout attaché à «expliquer » 
sa structure psychologique. M. J. Sully, persuadé, et 
peut-être à très juste raison, qu'il ne faut pas se pré- 
occuper trop vite d'interpréter les faits, mais d'abord 
et surtout de les bien connaître, a eu pour objet essen- 
tiel de nous donner des descriptions précises et fidèles 
des manifestations les plus caractéristiques et les plus 
importantes des premières phases de la vie mentale. 
L’expérimentation, qui lient une si large place dans le 
livre classique de Preyer, el à laquelle Baldwin lui- 
même a eu plus d’une fois recours pour contrôler 
l'exactitude de certaines de ses théories, est ici relé- 
guée tout à fait à l'arrière-plan; la méthode dont 
M. Sully s’est presque exclusivement servi, c’est la mé- 
thode d'observation: il à mis a profit les observations 
systématiques des psychologues et des éducateurs qui 
se sont consacrés spécialement à la Child-study, en 
les confrontant constamment avec les siennes propres 
et en les contrôlant par de méthodiques rapproche- 
ments avec les observations occasionnelles que lui ont 
communiquées les parents et les maîtres et ces mul- 
tiples traits que l’on peut relever dans les autobiogra- 
phies et les souvenirs d'enfance. 

M. Sully n’a pas prétendu écrire un traité complet de 
Psychologie infantile, pareil à celui dont M. Compayré 
a enrichi, il y a quelques années, la littérature scienti- 
fique de langue française. Son livre est, en réalité, 
un recueil d'études détachées et dont chacune pour- 
rait à la rigueur se suffire à elle-même, ce qui ex- 
plique la disproportion qui existe entre les divers 
chapitres, qui sont de très inégale étendue. Mais il y 
a entre toutes ces études un lien organique et elles 
forment un tout complet et cohérent : toutes, elles ont 
pour objet essentiel de mettre en lumière « l'origi- 
nalité » de la psychologie infantile et de faire com- 
prendre à quel degré diffère de celle de l'adulte la 
structure mentale de l'enfant au cours des premières 
années de sa vie. 

L'étude de l'âme de l'enfant est, si l'on peut dire, 
par définition, l'étude d'un développement. Mais, tandis 
que Baldwin songe surtout à se servir de la connais- 
sance des phénomènes qui constituent sa trame, pour 
expliquer les lois qui régissent les processus psychiques 
de l'adulte, M. Sully les examine en eux-mêmes et pour 
eux-mêmes, il essaie de penser avec l'enfant et, comme 


lui, de réaliser en sa conscience l’état d'esprit où Pen" 
fant se trouve placé et de jeter sur Le monde le même 
regard qu'il y jette. Le résultat, c'est qu’en raiso 
même des différences qui séparent l'adulte de l'enfant, 
dans ce livre tout descriptif cependant et dont Jess 
théories explicatives ont été bannies pour la plupart, 
beaucoup d'hypothèses implicites ont trouvé place, et 
bien souvent, ce sunt des hypothèses invérifiables 
puisque l'introspection ne peut plus nous fournir ei 
l'aide précieuse qu'elle nous donne pour l'intelligence 
de la psychologie de l'adulte. Il importe, toutefois, de 
relever l'excellent parti que M. Sully a su tirer des 
matériaux que lui fournissaient l'Ethnographie com 
parée et l'étude de la religion et de l’art des non civi 
disés : il a trouvé là des termes de comparaison qui luin 
ont facilité la compréhension de plus d'une démarch 
de l'imagination et de la balbutiante raison de l'enfant 

L'ouvrage se divise en neuf livres : le premier est 
consacré à l'étude des relations qui existent chez l'en 
fant — chez le très jeune enfant en particulier — entres 
les sensations actuelles et les images encore confuses. 
et indécises qui peuplent son esprit. Il insiste sur ce 
fait que l'imagination de l'enfant n’est jamais purement 
plastique et passive, mais toujours créatrice et inven 
tive quelque peu dans ses perceptions. La part qui 
revient aux images dans ses réprésentations des choses 
est bien plus considérable que chez l'adulte; aussi sont 
elles dans une large mesure illusoires. Tous les objets 
subissent des transformations profondes dans sa cons 
cience : il ne voit pas ce que nous voyons, il n'entend 
pas ce que nous entendons; il discerne mal le passés 
du présent el extériorise sans cesse ses images internes: 
Nulle part cette activité de l'imagination créatrice nem 
se révèle plus clairement que dans les jeux de l'enfant; 
aussi M. Sully a-til fait à leur étude une très large 
place dans cette section de son livre: il s’est attaché 
à déterminer la part qui revient à l'imitation dans les 
scènes que joue l'enfant et dans l'attitude qu'il à en= 
vers ses jouets et celle qui revient à l'invention; il an 
montré que le jeu était, plus encore qu'une activité 
sociale, un moyen d'objectiver, de traduire en actes des 
représentations, de les rendre pour soi-même tangibles 
et réelles. Aussi est-il pris au sérieux par l'enfant et 
constitue-t-il un très efficace agent de développement 
mental. M. Sully étudie, en ce même chapitre, les mythes 
enfantins et le monde de fictions où se complaît l'es- 
prit de l'enfant et qu'il construit avec les histoires qu'on 
lui a contées et ce que lui a appris de l'Univers san 
courte et obscure expérience. Mais ce serait une grande 
erreur que de se représenter l'enfant comme voué à 
vivre, sans en sortir jamais, au pays bleu de féerie ; il 
est très réaliste à sa manière et cherche à comprendre 
ce qu'il voit, parce qu'il a besoin de comprendre pour 
agir. Il ne s'attache, d’ailleurs, dans les objets, qu à ce” 
qui l'intéresse, il ne voit d'eux que le trait qui a pour lui 
quelque valeur, — et c'est ainsi que, tout nalturetlement" 
et sans le chercher, il fait des abstractions. Les objets 
concrets sont assimilés les uns aux autres et rangés 
en larges classes ou minutieusement distingués, suivant 
qu'il est de son intérêt de les discerner avec une préci= 
sion plus ou moins grande. L'acquisition de souvenirs 
nets et bien classés est la condition même de l'exercice 
de la raison, et il semble que ce soit ce besoin et ces 
désir passionné de comprendre qui fassent l'enfantatten- 
tif et lui permettent de retenir ce qu'il voit et de Suppo= 
ser dès lors des rapports entre les choses, des liaisons: 
li se représente tout d’abord ces lois des choses sous 
forme mythique; toutes ses explications, pareilles en, 
cela à celles des premiers hommes, transforment la 
nature en un ensemble de vivants semblables à lui: 
Mais les explications qu'il se donne à lui-même ne lar-n 
dent pas à ne plus le satisfaire, et vient alors l’âge des! 
questions. 11 interprète à sa manière, et par analogie 
avec ce qu'il sait déjà ou croit savoir, les réponses qu'on 
lui fait; rien n'est plus curieux que les conceptions qu'il 
se forme alors de la Nature, que ses idées sur lui-même 
et sur Dieu. M. Sully a consacré à cette cosmologie, à 


BIBLIOGRAPHIE — ANALYSES ET INDEX 


380 


“cette psychologie et à cette théologie enfantines, l’une 
“des meilleures parties de son livre. 

… L'évolution de la persée enfantine peut être étudiée, 
. d'ailleurs, avec une assez grande précision, parce 
qu'elle se reflète dans l’évolution parallèle que suit le 
mjangage enfantin. Nulle, peut-être, des multiples ques- 
tions qui se rapportent au développement mental de 
l'enfant n'a été plus étudiée ni mieux que celle du 
langage ; aussi M. Sully ne nous apporte-t-il que bien 
«peu de chose sur ce point qui soit vraiment nouveau, 
… mais son très long chapitre constitue un excellent ré- 
…_sumé des travaux antérieurs. Il examine {our à tour la 
« formation des mots articulés, les transformations pho- 
… néliques et sémantiques que les enfants font subir 


ii mots du langage des adultes, le rôle joué par l’ana- 


ogie dans ces altérations linguistiques, la construction 
des phrases, les déformalions imprimées au sens 
des phrases par certaines associations d'idées: les exem- 
… ples sont nombreux et bien choisis etcette étude mérite 
… de demeurer classique. 
—…._ Les pages où M. Sully traite de la sensibilité enfan- 
 tine sont un peu rapides et fort incomplètes; l'auteur 
“s'est d'ailleurs borné à faire l’étude d’une seule émo- 
tion, celle de la peur: il passe successivement en 
“revue les diverses formes de peur (peur des sons, peur 
- des choses visibles, peur des animaux et peur de l'obs- 
“ curité). Les remarques originales abondent en ce 


. chapitre, dans la première et la dernière sections 
. 
2 


surtout, et les faits curieux; il convient de noter au 
passage la tendance de certains enfants à transformer 
… l'obscurité en une personne ou une chose. M. Sully 
a relevé d’intéressauts rapprochements entre les peurs 
des enfants et celles des sauvages et des neurasthéni- 
- ques et psychasthéniques. 
Dans les deux chapitres suivants, l'auteur traite de la 
- formation du sens moral et social chez l'enfant; il 
- étudie successivement les sentiments égoïstes et leur 
relation avec la colère, la genèse des sentiments 
altruistes et leur conflit avec les instincts brutaux et 
-(ominateurs originels, les mensonges et les formes 
diverses qu'ils revêtent dans la conscience enfantine, 
l'attitude de l'enfant vis-à-vis de l'autorité, ses luttes 
contre les personnes et sa docilité devant la règle et Ja 
coutume, la formation du sentiment de la justice. 

Les dernières parties du livre sont consacrées à l’es- 
thétique de l'enfant. Après avoir étudié l’attitude de 
l'enfant devant les beautés naturelles et les œuvres 
d'art et recherché comment se constitue et se développe 
chez lui le sentiment esthétique, M. Sully traite de ses 
premières tentatives artistiques, qui nous éclairent beau- 
coup mieux que des paroles sur sa conception du beau, 

- et manifestent les relations qui unissent au plaisir 

- du jeu les essais encore gauches ethésitants pour repré- 

. senter plastiquement les objets. Des pages fortintéressan- 
tes sont consacrées à la parure et aux histoires inventées 
par les enfants; mais, la partie essentieile de ce cha- 
pitre, c'est l'examen méthodique des dessins d'enfants, 
qui remplit, à lui seul, toute une section de l'ouvrage, 
la plus riche en faits nouveaux et en déductions origi- 
nales. Ce n’est pas seulement, d’ailleurs, sur la genèse 
et l'évolution du sentiment esthétique, mais sur celle 

. de la pensée que nous éclaire cette analyse des concep- 
tions et des procédés graphiques de l'enfant. De mul- 
tiples et fécondes comparaisons sont instituées entre 
ces dessins et ceux qu'exécutent les sauvages. De très 
nombreuses illustrations rehaussent la valeur de ce 
beau travail. 

La préface de M. Compayré est une utile et intéres- 
sante « revue » de l'état actuel des études relatives à la 
psychologie de l’enfant, et un court exposé critique des 
méthodes en usage. Les douze dernières pages sont rem- 

_ plies par des observations et des réflexions sur l'enfant 
dessinateur, qui complètent sur certains points la sug- 
gestive étude de M. Sully. L. MARILLIER, 

Agrègé de l'Université, 
Maître de Conférences à l'Ecole pratique 
des Hautes-Etudes, 


4° Sciences médicales 


Nicolle (M.), Directeur de l’Institut impérial de Bac- 
tériologie de Constantinople. — Eléments de Micro- 
biologie générale. — 1 vol. in-18 de 342 pages avec 
figures. (Prix : 4 fr.) O0. Doin, éditeur. Paris, 1901. 


La Microbiologie tient aujourd'hui une telle place 
dans la Médecine qu'il ne faut pas s'étonner si, par 
une juste réciprocité, la Physiologie tend à son tour à 
en prendre une de plus en plus importante dans ce 
que l'on est convenu d'appeler la Microbiologie géné- 
rale. Pour mieux dire, la microbiologie, après avoir 
renouvelé toutes nos idées en matière de Pathologie, 
est devenue le point de départ d'une conquête physio- 
logique qui ne saurait se comparer, comme impor- 
tance, qu'à la découverte de la circulation du sang, par 
exemple. Tout le monde comprend que nous voulons 
parler de la phagocytose et de l’œuvre de M. Metchni- 
koff et de son école. L'ouvrage de M. Nicolle met bien 
en lumière cette évolution. Il se divise en deux parties. 
La première, que l’on pourrait appeler l’ancienne Mi- 
crobiologie générale, est consacrée aux microbes et à 
leurs fonctions. Nous retrouvons là les premières no- 
tions, dues à Pasteur lui-même, sur les microbes, leur 
nature, leur place dans la classification, leur nutrition, 
le pouvoir-ferment et l'équation chimique des princi- 
pales fermentations; puis, les chapitres consacrés aux 
sécrétions des microbes et aux propriétés générales 
des diastases, aux toxines, à la virulence et à ses 
varialions, préparent à mieux comprendre le rôle patho- 
gène des microbes, qui fait l'objet de la seconde partie. 

Ici l’auteur, adoptant frauchement la seule marche 
logique et conforme à l'état actuel de la science, place 
au premier plan l'étude de la fonction phagocytaire. I 
décrit les phagocytes au point de vue anatomique 
d’abord, puis au point de vue physiologique; il passe 
en revue leurs diverses propriétés : motilité, sensibilité 
chimique et tactile, migrations; il ne manque pas 
d'insister sur leur fonction digestive, la plus impor- 
tante de toutes, et sur les diverses sécrétions qui en 
sont le corollaire; ainsi se trouve mise au point la 
délicate question des substances bactéricides, des ly- 
sines, des alexines, des agglutinines. Nous assistons 
ensuite à la lutte de ces phagocytes contre les mi- 
crobes : c’est le chapitre consacré à l'infection et à 
l'inflammation. Puis, vient la grosse question de l'im- 
munité; l’auteur établit dès l’abord une distinction 
bien tranchée entre ces deux genres d'immunité : l’im- 
munité contre les microbes et l’immunité contre les 
toxines, distinction qui seule peut donner la clé de 
tant de faits et de tant d'expériences que leurs auteurs 
mêmes n'ont pas toujours su interpréter correctement. 
Cette distinction, M. Nicolle ne la perd pas de vue en 
traitant des divers modes de production de limmu- 
nité: immunité naturelle ou acquise, spécifique ou 
non spécifique, conférée par la maladie, par l'hérédité, 
par la lactation. IL complète cet exposé très clair par 
un résumé des travaux les plus récents, relatifs à la 
formation des anticorps; c'est en quelque sorte la 
partie documentaire et justificative de l'ouvrage. Enfin 
nous trouvons pour terminer, car l’auteur a eu le souci 
d’être complet eu un petit nombre de pages, un apercu 
sur les maladies infectieuses des plantes, chapitre nou- 
veau de cette microbiologie générale, née d'hier, et qui 
sera demain la véritable pathologie générale. 

La brève analyse que nous venons de donner permet 
au lecteur de se rendre compte de l'excellence du plan 
suivi par M. Nicolle, aussi bien que de son originalité 
et de la nouveauté des matières traitées qui, pour une 
grande part, se trouvent pour la première fois réunies 
en un corps de doctrine. Cet ouvrage, nous dit la pré- 
face, reproduit une fraction de l’enseignement que 
M. Nicolle donne aux élèves de l’Institut impérial de 
Bactériologie de Constantinople; à coup sûr, ensei- 
gnement et professeur honoreraient n'importe quelle 


Faculté de France ou d'ailleurs. Dr Répin, 
Attaché à l'Institut Pasteur. 


386 


ACADÉMIES ET SOCIÉTÉS SAVANTES 


DE LA FRANCE ET 


ACADÉMIE DES SCIENCES DE PARIS 


Séance du 25 Mars 1901, 


M. Paul Sabatier est élu Correspondant dans la Sec- 
tion de Chimie, en remplacement de M. A. Haller, élu 
membre de l’Académie. —M. Davidson est élu Corres- 
pondant pour la Section de Géographie et de Navigation, 
en remplacement de M. A. David, décédé. 

1. SCIENCES MATHÉMATIQUES. — M. de Jonquières pré- 
sente une petite rectification à une note précédente sur 
les réduites caractéristiques d’une équation. — M. G. 
Mittag-Leffler euvoie une note sur une formule de 
M. Fredholm relalive aux étoiles de convergence. — 
M. H. Padé donne l'expression générale de la fraction 
rationnelle approchée de (1 + x)", et en tire quelques 
conséquences. — M. C. Maltézos a étudié les séries de 
monticules de poussière ou de sable fin qui se forment 
sur le fond de la mer d'une plage par temps calme ; ils 
sont dus à l’interférence des ondulations de l’eau qui 
vient avec celles réfléchies par le rivage; ce sont donc 
des lignes nodales. On peut reproduire ce phénomène 
dans un vase, et l’auteur l'a observé également sur la 
terre à la suite de l’action des vents. 

2, SCIENCES PHYSIQUES. — M. Bordier communique une 
nouvelle théorie de la machine de Wimshurst sans sec- 
teurs. — M. C. Tissot a mesuré la période des ondes 
utilisées dans la télégraphie sans fil par la méthode de 
Feddersen. La période varie avec la longueur de l’an- 
tenne et celle de l’étincelle ; les périodes mesurées 
variaienf entre 0,6 X 106 et 1,8 >< 10-56 seconde. — 
M. Brauer donne la description du télautographe Rit- 
chie, appareil destiné à transmettre l'écriture et, d’une 
facon générale, tout dessin ou tracé linéaire, à une dis- 
tance quelconque, en utilisant les lignes téléphoniques 
à deux fils — M. H. Becquerel a recherché si les 
diverses parties du rayonnement du radium donnent 
également des rayons secondaires. Le rayonnement non 
déviable et très absorbable provoque des rayons secon- 
daires faibles; les rayons déviables en provoquent avec 
une intensité d'autant plus grande, qu'ils sont plus 
déviables et plus absorbés. Les rayons non déviables et 
très pénétrants donnent naissance à des phénomènes 
secondaires intenses. — MM. P. Curie et A. Debierne 
montrent que la présence des gaz joue un rôle dans la 
propagation de la râdio-activilé induite, car dans le 
vide parfait cette propagation n'a pas lieu. — M. A. 
Nodon a observé que des rayons X prennent naissance 
sous l'influence simultanée de radiations ultra-violettes 
et d'un champ électrique : les rayons X peuvent donc 
être produits directement dans l'air et en dehors du vide 
de Crookes. — M. L. Benoist a fondé une méthode de 
détermination des poids atomiques sur les lois de trans- 
parence de la matière pour les rayons X. Cette mé- 
thode, appliquée à l’indium, assigne à ce corps le poids 
atomique 113,4, identique à celui trouvé récemment par 
MM. Chabrié et Rengade au moyen des méthodes chi- 
miques. — M. A. Ponsot, étudiant la chaleur spécifique 
d'un mélange gazeux de corps en équilibre chimique, 
montre que le système dont la formation accroit le 
volume du mélange, et qui déplace l’autre quand le 
volume croît, est aussi celui qui tend à composer seul 
le mélange gazeux lorsque la température croit au delà 
de toute limite, que la pression reste constante, ou que 
le volume soit invariable. Sa formation accroît la cha- 
leur spécifique du mélange, et l'accroissement est plus 
grand sous pression constante que sous volume cons- 
tant. — M. M. Berthelot a examiné un métal ayant 
servi à l’incrustation d’un étui égyptien antique ; ce 


ACADÉMIES ET SOCIÉTÉS SAVANTES 


— 


DE L'ÉTRANGER 


métal est constitué par du platine, allié à d’autres mine» 
rais de la mine de platine. — M. Berthelot a étudié 1 
relations électrochimiques des états allotropiques 

l'argent. Si l’on plonge, dans une solution de nitrate 
d'argent, des électrodes formées d'un côté par de l’ar= 
gent en feuilles, de l’autre par l’une des quatre modif 
cations allotropiques, on observe un courant immédiat, 
qui baisse ensuite jusqu'à devenir nul, probablement 
par suite d’une modification de la surface de l'électrode: 
— M. A. Gautier, en chauffant en tube scellé de l'eau 
et des roches ignées pulvérisées, a obtenu une solution: 
identique aux eaux sulfureuses naturelles. Il est pro= 
bable que les gaz réducteurs qui se forment dans l'ac= 
tion de Ja vapeur d’eau sur les poudres de roches, 
agissent sur les silicates pour former, en présence di 
soufre des sulfures métalliques, des sulfosilicates et des 
oxysulfures, qui se décomposent ensuite facilement par 
l’eau. Les eaux sulfureuses naturelles doivent avoir là 
même origine. — M. H. Pélabon étudie l’action de 
l'hydrogène sur le réalgar et la réaction inverse, et 
l'influence de la température et de la pression sur Je 
phénomène. — M. M. Delépine a déterminé les chaz= 
leurs de formation des acétals et des composés iso= 
mères. La comparaison montre la différence thermiq 
qui existe entre un corps dérivé d'une seule chaïr 
carbonée et un corps dérivé de plusieurs chaînes carbo= 
nées, réunies par l'oxygène, susceptibles en général de 
se disloquer par fixation d’eau. — M. G. Massol a élu= 
dié thermiquement les trois acides oxybenzoïques, les. 
trois acides nitro-benzoïques, les acides o-chloro ef 
iodo-benzoïques et les acide 0- et p-bromo-benzoïques: 
— M. P. Lemoult présente des observations qui con= 
firment la généralité de la loi des auxochromes; 
l'étude des déformations des spectres d'absorption avec 
la dilution permettra de lui donner un énoncé plus 
absolu. — M. J. Bougault, par oxydation de l’anéthol, 
a obtenu successivement les corps suivants : l'aldé- 
hyde correspondant, puis l'acide correspondant, puisl 
paraméthoxyacétophénone, puis l’acide paraméthoxy= 
phénylglyoxylique, puis l'acide auisique. — MM. Hal 
ler et Guyot, par nitration de l'acide diméthylamido= 
benzoylbenzoïque, ont préparé l'acide mononitré cor= 
respondant, renfermant le groupe nitro en ortho par 
rapport au groupe diméthylamidé. Cet acide donnes 
avec la diméthylaniline, la diméthylanilinephtaléine 
mononitrée, qui peut être réduite en amidodiméthyla 
nilinephtaléine. — M. R. Fosse, en appliquant la réac: 
tion de Baeyer à un mélange de $-naphtol et d’aldéhyde. 
oxynaphtoïque, a obtenu le naphtylolnaphtyloxynaph-= 
tylméthane : 


C'°H6 
OH.CHe.CH£ 


Kane? 


L'auteur en a préparé les éthers, et montre qu'il pos: 
sède la constitution d’un naphtylol-dinaphtopyrane. 
M. J. Hamonet a réduit le dibromo ou le diiodobutane 
par le zinc, dans l'espoir d'arriver au tétraméthylènes 
En présence de l'alcool, on obtient du butane: il ya 
done eu hydrogénation. En l’absence de tout corp 
étranger, il se forme de l'éthylène. La chaîne tétramé= 
thylénique est donc fort instable. — MM. L. Vignon 
et F. Couturier ont constaté que l'augmentation de I 
richesse du grain de blé en gluten se fait très lentement, 
pour des augmentations notables d'engrais azotés… 
D'autre part, l'augmentation des engrais phosphatés 
produit une diminution progressive dans la teneur dus 
grain en azote. 

3. SCIENCES NATURELLES. — M. H. Stassano à {rouvé,« 


“ans la sérosité sanguinolente qu'on retire par ponction 
“du ganglion satellite du chancre des syphilitiques, des 
“corps mobiles, parfois très abondants, qui, dans les 
préparations fixées et colorées, ont les caractères des 
infusoires flagellés du sous-groupe des Monadines. — 
M. S. Leduc a constaté que la courbe de l'ascension 
“thermométrique offre un moyen simple, facile et très 
“sensible d'apprécier l'intensité des combustions orga- 
niques dans les différents états physiologiques et patho- 
logiques. — M. Aug. Charpentier a étudié les carac- 
‘tères de la conduction musculaire des excitations 
électriques dans les muscles de la cuisse chez la gre- 
mouille. Il a retrouvé, comme dans la conduction ner- 
veuse, l'existence de deux ondes : l’une lente, l'autre 
rapide. — M. André Broca étudie les variations de 
lacuité visuelle avec l'éclairage et l'adaptation. Pour les 
“éclairements élevés, l’acuilé visuelle diminue par 
l'adaptation à l'obscurité. — M. J. Kunckel d’Hercu- 
Jaïs établit qu'il y a dans l'ancien continent un grand 
“Acridien migrateur, le Schistocera peregrina Olivier, 
“dont l'aire de dispersion s'étend au-dessus de l'Equa- 
teur, dans le nord de l'Afrique et le sud de l'Asie; de 
même, il existe dans le nouveau continent un grand 
Acridien migraleur, te S. amerieana Drury, dont l'aire 
de dispersion s'étend au-dessus el au-dessous de 
PEquateur. Il est impossible que l’un de ces Schisto- 
cera ait pu traverser l'Atlantique. — MM. L. Ravaz et 
A. Bonnet ont comparé des rameaux de vigne, fou- 
droyés naturellement et artificiellement, avec des ra- 
eaux dits atteints de gélivure. Ils ont constaté que les 
altérations qu'ils portent sont identiques, et qu'elles 
sont dues uniquement à la foudre. Il en résulte que la 
gélivure doit être rayée de la liste des maladies micro- 
biennes de la vigne. — M. P. Choffat a pu constater, 
dans un gisement des environs de Lisbonne, que la 
HSE est d'âge incontestablement tertiaire. 


… Séance du 17 Avril 1901. 


10 SGIENCES MATHÉMATIQUES. — M. J. Mascart signale 

- que le bolide dont il a observé l'apparition le 24 sep- 
tembre dernier près d'Angoulême, à été apercu presque 
au même moment par M. L. Havet aux environs de 

Tours. — M. A. Liapounoff énonce une proposition 

très générale du Calcul des Probabilités. — M. Servant 
“ poursuit l'étude de la déformation du paraboloïde gé- 
“néral. — M. M. d’Ocagne indique un théoèrme qui 
… donne la somme des angles d’un polygone à connexion 
-multiple; il permet de vérifier la somme des angles 
d'un cheminement topographique quelconque. 

20 SCIENCES PHYSIQUES. — M. F. Larroque a reconnu 
que ni dans le son des instruments à archet, ni dans 
celui de la plupart des instruments de cuivre, l'analyse 
du timbre ne révèle l’existence d'harmoniques suraigus 
“très énergiques. Le mordant ou l'éclat du son de ces 
instruments résulte donc de la discontinuité du son. 
— M. G. Gouy a déterminé les [propriétés électrocapil- 
laires de quelques composés organiques en solutions 
aqueuses. La viscosité électrocapillaire ne dure qu'une 
ou deux minutes aux dilutions modérées; elle est 
nulle aux dilutions extrêmes, sauf pour la caféine 
et l’'amygdaline, corps extrèmement actifs. — M. A. 
Duboin à étudié les propriétés réductrices du ma- 
gnésium et de l'aluminium sur plusieurs corps; en 
particulier, l'action de l'aluminium sur l’alumine donne 
J'oxyde AO. — M. L. Wintrebert a préparé l’osmyl- 
oxalate de sodium Os0?(C*0*/Na°,2H°0 en traitant le 
peroxyde d'osmium en solution aqueuse par un mélange 
de bioxalate de soude et d'acide oxalique. Il a préparé 
également les osmyloxalates d'ammonium, d'Ag, de Ba, 
de Sr, de Ca. — M. P. Brenans, en faisant agir l'iode 
dissous dans l'iodure de potassium sur une solution 
-alcaline de phénol, a obtenu, dans des circonstances 
diverses, le diiodophénol-1 : 2 : 4, corps blanc, fusible 
“à 71-72, et le triiodophénol-1 : 2 : 4: 6, corps fusible 
à 1560, — M. Amand Valeur a fait réagir les dérivés 
organométalliques sur les éthers dérivés des acides 
bibasiques dans le but d'obtenir des glycols bitertiaires, 


ACADÉMIES ET SOCIÈTES SAVANTES 387 


Avec l’éther oxalique, il a obtenu la pinacone dérivée 
de l’acétone ordinaire; avec le malonate d’éthyle, on 
oblient un alcool non saturé, provenant de Ja déshy- 


dratalion du glycol bitertiaire; avec le succinate 
d'éthyle, on obtient le corps : 
CH: C5 
26 
> C— CHE — CH —C< - 
C5” | | Nc 
OH oh 


MM. Tissier et Grignard, en faisant réagir l'eau sur 
les dérivés organométalliques C'H?:+1MgM', ont obtenu 
les carbures C'H°+2 à un élat de très grande pureté. 
L'action du magnésium sur fes alcools conduit à des 
alcoolates, du type (C*H*0)Mg. — M. Ch. Moureu, en 
faisant réagir l'iodure de magnésium-éthyle sur le ni- 
trite d’amyle et sur le nitrométhane, a obtenu dans 
les deux cas de la diéthylhydroxylamine. Ces faits éta- 
blissent que les dérivés organomagnésiens réagissent 
sur les dérivés oxygénés de l'azote et probablement aussi 
du soufre. — M. E. E. Blaise à reconnu que, dans la 
réaction d'un dérivé halogéné alcoolique sur le magné- 
sium, én présence d'éther anhydre, on obtient un 
dérivé élhéré d’une stabilité remarquable et de com- 
position RMgX(C*#H°}0. On peut obtenir des dérivés 
cristallisés de ce corps par condensation avec certains 
nitriles. — M. G. F. Jaubert à réalisé une nouvelle 
synthèse de l'aniline en faisant réagir l'hydroxyla- 
mine sur le beuzène en présence d'AICI® comme agent 
de condensation : 


CS + AzH°.OH — C'HS.AZH? + HO. 


MM. E. Jungfleisch et E. Léger rappellent que l’ac- 
tion de l'acide sulfurique dilué sur la cinchonine produit 
toujours une certaine quantité d'hydrocinchonine. Ils 
montrent que la cinchonine ordinaire contient toujours 
un peu d'hydrocinchonine, et que les propriétés qu'on 
lui à attribuées sont celles d'un mélange. Ils donnent 
les propriétés de la cinchonine pure. — M. M. Han- 
riot poursuit l'étude du mécanisme des actions lipolyti- 
ques. Les ferments lipolytiques se comportent absolu- 
ment comme les sesquioxydes de fer et d'aluminium, 
susceptibles de s'unir avec les acides organiques pour 
former des sels instables aisément dissociables. Il ne 
serait pas impossible que la lipase fut un sel de fer. 

3° SCIENCES NATURELLES. — MM. E. L. Bouvier et H. 
Fischer décrivent l'organisation interne du /’/eurolo- 
maria Beyrichii Hilg, (spécialement le tube ‘digestif et 
le système nerveux). — M. P. Lesne signale des phéno- 
mènes de variation sexuelle qu'il a observés chez les 
mâles de certains Coléoptères appartenant à la famille 
des Bostrychides:; il les désigne sous le nom de pœæei- 
landrie périodique. — M. A. Robert à constaté que 
les Trochus conuloïdes Lam. et exasperatus Penn. ont 
des pontes agglomérées. Il a pu obtenir le développe- 
ment complet du Tr. conuloïdes dans des bacs-filtres à 
fond de sable, ou dans des bacs à fond de grès 
poreux. — M. E. Bataillon a reconnu que des solu- 
tions isotoniques convenables de diverses substances 
déterminent, sur l'œuf de Ztana lemporaria, les mêmes 
troubles de l'évolution dans la région du blastophore. 
L'action tératogène des substances employées est en 
rapport avec la plasmolyse qu'elles engendrent; elle 
est mesurée par leur poids moléculaire et leur coeffi- 
cient isotonique. — M. P. Vigier à étudié l'origine des 
parosomes où pyrénosomes dans les cellules de la 
glande digestive de l'Ecrevisse. Il lui parait évident que, 
sous l'influence de l’activité sécrétoire, le nucléole est 
le seul élément figuré qui émigre dans le cytoplasme 
pour contribuer à l'élaboration du produit glandu- 
laire. — M. A. Dangeard examine le rôle de la z00- 
spore et du spermatozoïde dans la reproduction sexuelle 
du Polytoma l'vella. — M. René Maire communique de 
nouvelles recherches eytologiques sur les Hyménomy- 
cètes. L'Hygrocybe coniea constitue une exception à 
la loi de la formation des basides établie par Dan- 


388 


ACADÉMIES ET SOCIÉTÉS SAVANTES 


geard. — M. G. Delacroix a observé une forme 
conidienne du champignon du Black-rot (Guignardia 
Bidwelli). Elle se trouve aussi bien sur les sclérotes 
que sur les pycnides ou les spermogonies. Elle est peu 
répandue en France. — M. F. Kôvessi a étudié l'influ- 
ence des conditions climatologiques sur la végétation 
des sarments de vigne. La chaleur et la lumière sont 
nécessaires à un bon développement, mais un excès 
d'humidité suffit pour produire un mauvais aoûtement 
dans des régions même bien favorisées aux autres 
points de vue. 


ACADÉMIE DE MÉDECINE 
Séance du 19 Mars 1901. 


L'Académie procède à l'élection d'un membre titu- 
laire dans la Section de Pathologie médicale. M. Joffroy 
est élu. 

M. A. Proust indique la distribution géographique 
de la peste dans les cinq parties du monde en 1900 et 
au commencement de 4901. Il donne, pour les princi- 
paux centres, l'histoire de la marche de l'épidémie, le 
relevé des cas et des décès et les mesures prophylac- 
tiques employées. — M. Paul Reclus cite un certain 
nombre de cas où la méthode de Bier (anesthésie par 
injections intra-arachnoïdiennes de cocaïne) a eu un 
résultat mortel. Il lui semble qu'à l'heure actuelle on 
ne doit pas abandonner les autres méthodes d’anes- 
thésie qui ont fait leurs preuves. — MM. A. Robin et 
M. Binet cherchent à montrer que la tuberculose ne 
se développe que sur un terrain particulier. L'une de 
ces conditions de terrain est la déminéralisation orga- 
nique ; la seconde consiste dans une élévation marquée 
des échanges respiratoires. — M. Chapot-Prévost lit 
un travail sur un nouveau xiphopage vivant du sexe 
masculin. — M. Barette communique une note sur un 
cas d'appendicite gangreneuse hypertoxique compliqué 
d’ictère grave mortel. 


‘Séance du 26 Mars 1901. 


M. Nocard présente quelques considérations sur la 
fièvre aphteuse et son traitement, à propos d'une note 
de M. Jouarre. Cette maladie, qui s'est répandue dans 
tous les pays de l’Europe, n’a été combattue victorieu- 
sement qu'en Angleterre, grâce à des mesures extré- 
mement rigoureuses. Dans les autres pays, malgré des 
législations sanitaires souvent excellentes et bien appli- 
quées, elle continue à causer de grands dommages. La 
découverte de l'agent microbien qui la provoque, et 
des divers modes de sa propagation permettra proba- 
blement de la combattre avec plus de succès. En atten- 
dant, tous les traitements qui ont été proposés n'ont 
guère donné de résultats. — M. J.-V. Laborde, à pro- 
pos de la discussion sur les injections intra-arachnoï- 
diennes de cocaïne, rappelle qu'il a publié, il y a déjà 
dix-huit ans, une étude complète sur l’action physio- 
logique de la cocaine et de ses sels, laquelle permet de 
prévoir les dangers des injections ainsi pratiquées 
vomissements, céphalée, tremblements, syncope cardio- 
respiratoire, ete. Il y aurait peut-être lieu de remplacer 
l'injection intra-arachnoïdienne par l'injection intra- 
musculaire ou intra-abdominale, qui ne présentent pas 
les mêmes dangers. — M. A. Soret a constaté que l'io- 
doforme est très opaque aux rayons X, et que, dans la 
radiographie d'une plaie pansée avec l’iodoforme, les 
grains de celui-ci produisent des ombres noires, qui 
pourraient suggérer l’idée de la présence de grains 
métalliques. Il y à donc lieu, pour les radiographes, de 
se mélier de l'iodoforme, si souvent employé dans les 
pansements. — M. A. Proust termine l'étude de Ja 
peste en 1900 dans la Colonie du Cap, en Angleterre et 
à bord de divers navires. Dans beaucoup de cas, les 
rats et les souris ont servi d'agents de transmission. Le 
sérum de Yersin s'est montré efficace dans plusieurs 
épidémies, L'auteur termine en indiquant les mesures 
nécessaires pour protéger la France contre l'importa- 
tion de la peste, ou pour y arrêter immédiatement ce 


. Elle avait probablement pour origine la pénétration dans 


fléau. — MM. J.-V. Laborde et Gibrat communiquent 
divers cas de rappel à la vie par les tractions rythmées 
de la langue, sur des personnes ayant subi l'intoxica= 
tion par l'oxyde de carbone. 


Séance du 2 Avril 1901. 


M. Panas présente un rapport sur un travail du 
D' Lagrange, relatif à quatre cas de guérison degliomes 
de la rétine. Ces observations tendent à nous rassurer 
sur la gravité du pronostic d'une affection en règle 
générale désespérante et qui conduit les petits sujets à 
une mort horrible. — M. Panas présente un autre rap= 
port sur un mémoire de M. Aug. Collomb, relatif à un 
cas d'infection cornéenne due à l'Aspergillus fumigatus. 


l'œil de poussières provenant de sacs de cacao secoués 
par le sujet dans son travail. — M. Brunon pense que, 
pour empêcher l’éclosion de la tuberculose, il faut 
s'adresser à ses causes qui sont : l'alcoolisme, le con- 
finement dans les maisons urbaines, la sédentarité dans 
les ateliers et les collèges, la vie dans les villes, l’igno- 
rance des lois de l'hygiène. Pour parer au plus pressé, 
enrayer la marche de la maladie et sauver les malades 
susceptibles de guérison, il suffit de les transporter 
hors des villes, et de les soumettre à une aération con- 
linue. Le sanatorium construit à grands frais n’est pas 
indispensable pour appliquer ce traitement. Nombre de 
malades de fortune modeste se guérissent en faisant 
la cure purement et simplement à la campagne. Les 
indigents des hôpitaux pourraient bénéficier de la même 
méthode et être envoyés par l’Assistance publique dans 
des bâtiments achetés ou loués à la campagne. — 
M. Lancereaux communique un relevé personnel de 
2.192 observations de tuberculose avec la nature des 
circonstances qui ont préparé le terrain. L’hérédité est. 
peu fréquente et la contagion rare; les deux grandes 
causes qui favorisent l'éclosion de la maladie sont : 
1° les excès de boissons alcooliques et surtout de bois-\ 
sons avec essences (1.229 cas); 2 l'encombrement ou 
l'insuffisance d'aération et le sédentarisme (651 cas). 
C'est contre ces deux causes qu'il faut lutter pour 
enrayer la marche de la tuberculose. — M. Moty lit un 
travail sur le rôle des oxyures dans l'appendicite. — 
M. Piéchaud communique une note sur l'extraction, 
par un électro-aimant, d'un corps étranger métallique 
situé daps la bronche gauche. — M. Bureau lit un tra- 
vail sur les strychnos africains et les plantes servant à 
empoisonner les armes en Afrique. 


SOCIÉTÉ DE BIOLOGIE 
Séance du 16 Mars 1901. 


M. Wlaeff a constalé que le sérum normal ne doune 
pas les mêmes réactions locales, générales et leucocy- 
taires que le sérum des animaux immunisés par les 
blastomycètes pathogènes des tumeurs malignes de 
l'homme. — M. V. Henri a observé que l'addition de 
sucre interverti ralentit la vitesse d’inversion du sac- 
charose par la sucrase. Par contre, lorsque, pendant 
l'inversion du saccharose par la diastase, on ajoute une 
nouvelle quantité de saccharose, la vitesse d'inversion 
est augmentée. — M. Ch. Féré à reconnu que l’ano- 
malie du pli d'opposition du pouce coïncide avec une 
disposition musculaire particulière : l'insertion du 
muscle adducteur du pouce, au lieu de s'étendre à 
toute la longueur du métacarpien du médius, ne 
s'étend qu'à un peu plus de la moitié supérieure de cet 
os. — M. G. Weiss montre que l'exception apparente 
des muscles pseudo-penniformes à la loi de l'adaptation 
fonctionnelle s'explique par la structure particulière de 
ceux-ci. — M. H. Ribaut a constaté que, chez le chien 
au repos, sous l'infiuence de la caféine, il y avait à peu 
près constamment une surproduction de chaleur. — 
MM. L. Marchand et Cl. Vurpas ont étudié les lésions 
du système nerveux central dans l'inanition. Les alté- 
rations observées sont surtout des lésions atrophiques 
portant sur le corps cellulaire et les prolongements. — 


AN. 


ACADÉMIES ET SOCIÉTÉS SAVANTES 


389 


F. Dévé a observé la transformation directe des 
olex en kystes échinococciques. — M. E. Suchard à 
servé que les cellules endothéliales du trouc de la 
eine porte ont la forme de pentagones ou d'hexagones 
issez réguliers. — M. L. G. de Saint-Martin a déter- 
iné l’oxyhémoglobine du sang par la méthode spec- 
rophotométrique ou par le dosage du fer, et a toujours 
btenu des résultats d'une rigoureuse concordance. — 
M: L. Grimbert a reconnu que le Pacillus tartricus, 


produit de l'acétylméthylcarbinol. — M. J. Guiart 
ignale la présence de nombreux helminthes dans 
“diverses affections intestinales. Ceux-ci seraient inof- 


e l'intestin et en les percçant, ils livreraient passage 
x nombreuses bactéries intestinales. — M. L. Capi- 
n signale un cas de pneumonie franche arrêtée dans 
on évolution, puis guérie par l'injection de sérum 
ntidiphtérique, suivant la méthode récemment inau- 
urée par Talamon. — MM. G. Félizet el A. Branca 
décrivent la structure des cellules interstitielles du tes- 
ieule eclopique. — M. Ch. Dopter a produit expéri- 
mentalement des névrites par injection de sérum 
lurémique au niveau du nerf sciatique de cobayes. Il y 
Malà une indication sur la genèse de certaines para- 
| Iysies urémiques. — M. R. Oppenheïm à recherché le 
rôle des capsules surrénales dans la résistance de l'or- 
nisme à quelques infections. Pour le pneumo-bacille, 
observe une résistance plutôt moins grande des 
inimaux décapsuülés. Pour le tétanos et le charbon, pas 
d'influence appréciable. Pour la diphtérie, les animaux 
“partiellement décapsulés survivent plus longtemps que 
es témoins. — MM. R. Oppenheim et M. Lœper décri- 
ent les lésions des capsules surrénales dans quelques 
infections expérimentales, — M. G. Carrière a conslalé 
qu'il existe, dans les cultures de bacille de Koch, un 
ferment soluble qui décompose la monobutyrine, ana- 
Mlogue ou peut-être identique à la lipase de M. Hanriol. 
“Il n'y à pas de rapport constant entre la teneur d'une 
. culture en fermeut et sa virulence. 
Séance du 23 Mars 1900. 

M. Chaleix-Vivie a reconnu que le bleu de méthy- 
lène exerce une action bactéricide remarquable sur le 
“eonocoque. — M. G. Marinesco décrit les lésions des 
entres nerveux conséculives à l'élongation des nerfs 
“périphériques et craniens. — MM. A. Laveranet F. 
Mesnil ont observé le mode de multiplication du try- 
| panosome du Nagana (Herpetomonas Brucei); c'est 
une simple division longitudinale. — Les mêmes 
auteurs établissent que le corpuscule chromatique pos- 
érieur des Trypanosomes est de nature centrosomi- 
que. — MM. M. Lambert et L. Garnier montrent que 
hyperglycémie chloroformique est due, au moins 
partiellement, à une action autre qu'un réflexe ayant 
le poumon pour point de départ; il y a probablement 
“une action sur le foie lui-même, — M.J. Rehns mon- 
tre que les hémolysines composées, spécialement les 
exines, existent à l'état libre et actif dans le sang 
circulant. — MM. D. Courtade et J. F. Guyon ont 
éludié l'excitabilité comparée du nerf érecteur sacré 
et du nerf hypogastrique. — M. J. Cluzet indique deux 
nouveaux procédés pour la recherche de la bile dans 
Jes urines. Ils consistent à mesurer la tension super- 
ficielle, soit par la méthode du comptes-gouttes, soit 
. par celle des ascensions capillaires. Un abaissement de 
a tension normale indique la présence de la bile. — 
M: H. Vincent a cullivé avec succès le bacille fusiforme 
dans les milieux organiques liquides, de préférence 
- humains. L'inoculation du bacille sous la peau des 
animaux donne lieu à des abcès, à des trajets fistuleux 
-eta des foyers de nécrose ulcéreuse. — M. M. Cavalié 
indique un procédé simple pour mettre en évidence la 
perte de substance de la couche d'albumen de l'œuf de 


4 
ü 


Griffon à constaté que, dans la méningite cérébrospi- 
nnäle à méningocoques de Weichselbaum, les méninges 


restent imperméables à l’iodure de potassium, et que 
celui-ci ne peut-être décélé dans le liquide céphalo-ra- 
chidien. — M. G. Le Bon montre que la phosphores- 
cence des êtres vivants paraîtêtre liée à des phénomènes 
d'hydratation et de déshydratation. — M. G. Carrière 
a fait l'examen cytoscopique du liquide céphalo-rachi- 
dien dans la sclérose en plaques. — MM. Ch. Achard 
et M. Loeper ont éludié la rétention des chlorures par 
les tissus au cours de certains élats morbides. 


SOCIÉTÉ DE PHYSIQUE DE LONDRES 
Scance du 22 Mars 1901. 


M. Callendar expose ses recherches sur la dilatation 
de la silice. L'extrême petitesse de l'expansion ther- 
mique de la silice (quartz fondu) rend la détermination 
du coefficient de dilatation très difficile. L'auteur a fait 
ses expériences sur une barre de silice pure longue de 
40 centimètres, et d'un diamètre de { millimètre. Cette 
barre était renfermée dans un tube de platine d'envi- 
ron 3 millimètres de diamètre, qui pouvait être porté à 
diverses températures par le passage d’un couran 
électrique. La barre et le tube étaient fixées à ur 
extrémité, et la position de l'autre extrémité éta 
observée au moyen d’un microscope à lecture micro- 
métrique à un millième de millimètre près. La dilata- 
tion du tube, dont on connaissait le coeflicient d’ex- 
pansion, servait à calculer sa température, et, par 
suite, celle de la barre. L'augmentation de longueur, 
la longueur originale, et l'intervalle de températures de 
la silice étant connus, on en pouvait déduire son coef- 
ficient de dilatation. Dans des expériences prélimi- 


naires, l’auteur avait examiné la distribution des 
températures le loug d’une barre de platine chauffée 


et soumise au refroidissement à ses deux bouts; le 
résultat avait montré que l'erreur due à ce refroi- 
dissement pouvait être négligée dans le cas de la silice. 
La dilatation de la silice jusqu'à 1.000 est régulière; 
elle est d'environ un dix-seplième de celle du platine. 
Eotre 1.000° et 4.400o, la silice se dilate plus rapidement 
qu'au-dessous de 1.0009, et si on la laisse pendant très 
longtemps à la même température, elle continue à 
augmenter de longueur. Si l’en représente le phéno- 
mène par une courbe, les températures étant portées 
en abscisses et les augmentations de longueur en 
ordonnées, une ligne droite correspond à la dilatation 
de la silice jusqu'à 1.0000. Au - dessus, la ligne s'in- 
curve vers le haut, ét par refroidissement, elle revient 
suivant une ligne supérieure à la courbe ascendante, 
de sorte que la longueur finale de la barre est plus 
grande que la longueur primitive lorsqu'on revient 
aux basses températures. La détermination du coeffi- 
cient de la dilatation à ces hautes températures a été 
faite au moyen du zéro variable, c’est-à-dire en prenant 
pour longueur de la barre celle que l’on obtient en la 
refroidissant subitement jusqu'à la température la plus 
basse. À 1.400°, les propriétés de Ja silice s’altèrent et 
la dilatation est remplacée par une contraction. Au 
refroidissement, on observe alors une dilatation suivie 
d'une contraction. Le point critique auquel se manifeste 
la contraction par le chauffage avait été trouvé de 800° 
environ par Le Châtelier; celui-ci utilisait une méthode 
différentielle, en employant la porcelaine comme éta- 
lon. Comme la dilatation de la porcelaine est incertaine, 
l'auteur estime que l'effet observé était piutôt dû à des 
irrégularités dans la dilatation de la porcelaine que 
dans celte de la silice. M. C.-V. Boys fait observer 
que. la faible dilatation de la silice en fait une bonne 
suspension pour les pendules, à cause du peu de com- 
pensation nécessaire. Ses propriétés élastiques par- 
faites la rendraient utile pour les ressorts des chrono- 
mètres. M. Threlfall a fait des expériences similaires 
en principe à celles de lauteur entre 0° et 100°. La 
dévitrification de la silice vient troubler le phénomène, 
et il pense qu'elle doit augmenter avec la température. 
— M. Baly présente ensuite les appareils spectrosco- 
piques d'University College. 


390 


ACADÉMIES ET SOCIÉTÉS SAVANTES 


SOCIÉTÉ DE CHIMIE DE LONDRES 


Mars 1901. 


MM. W. C. C. Pakes et W. H. Jollymann ont 
reconnu que les bactéries qui décomposent l'acide for- 
mique en CO? et H réduisent aussi l'acide nitrique en 
acide nitreux. Si on les cultive dans un milieu eonte- 
nant à la fois un formate et un nitrate, il ne se dégage 
pas de gaz, mais on trouve dans la solution du bicar- 
bonate et du nitrite. Ces mêmes bactéries, cultivées en 
présence de d-glucose et de nitrate, dégagent CO? et Az, 
et aussi H quand le sucre est en excès. Les auteurs 
n'ont pas encore trouvé de bactérie qui décompose les 
formales sans réduire les nitrates. — MM. S. W. Ru- 
hemann et H. W. Bausor, en condensant les acides 
crésoxyfumariques sous l'influence de l'acide sulfurique 
concentré, ont obtenu les acides tolu-y-pyronecarboxy- 
liques et les tolu-y-pyrones. — M. T. S. Patterson 
a étudié l'influence des alcools isobutylique et octylique 
comme solvants sur la rotation du tartrate d'éthyle. Les 
deux liquides abaissent la rotation spécifique de la 
substance active dissoute, le second plus que le premier. 
Il y à une rotation minimum distincte pour certaines 
concentrations. Le lartrate d’éthyle à dans l'alcool iso- 
butylique un volume de solution moléculaire plus grand 
que dans l'alcool »-propylique et plus faible que dans 
l’alcooloctylique.—MM.P.F.FranklandetF.W.Aston 
ont étudié l'influence du groupe hétérocyclique du fur- 
furane sur le pouvoir rotatoire en préparant le dipy- 
romucyltartrate diéthylique et en déterminant sa rota- 
tion. L'influence du radical pyromucique est semblable 
à celle des acides aromatiques, mais, à l'inverse des 
radicaux d'acides gras, les dérivés du tartrate d’éthyle 
avec ceux du premier sont plus fortement lévogyres, lan- 
dis que ceux des seconds sont plus fortement dextrogyres 
que le tartrate d'éthyle lui-même. Les dérivés pyromu- 
ciques ressemblent aussi aux dérivés aromatiques cor- 
respondants en ce que leur lévorotation est diminuée 
par élévation de la température, tandis que les dérivés 
correspondants des acides gras ont leur dextrorotation 
abaissée dans les mêmes circonstances. — M. J.-J. 
Sudborough propose la règle suivante pour classifier 
les deux éthers monoalkyliques isomériques d’un 
acide dicarboxylique asymétrique : l'éther & sera celui 
qui aura la plus haute constante d’éthérification et 
l'éther 8 la plus basse. L'auteur indique les avantages 
de ce système. — M. J.-J. Sudborough a obtenu, en 
chauffant le trinitrobenzoate d’a-naphtylamine avec de 
l'alcool, un composé d’addition du trinitrobenzène avec 
l'a-naphtylamine en belles aiguilles rouges. On obtient 
de la même facon des composés analogues, tous rouges 
pourpres, très stables, solubles dans l'acide acétique 
glacial d'où ils recristallisent. Ils donnent avec l’anhy- 
dride acétique un dérivé monoacétylé, où le radical 
acétyle est relié à l'azote. — Le même auteur a reconnu 
que toutes les substitutions en ortho, qu'elles soient d'un 
caractère positif ou négatif, ont la propriété d'accélérer 
la formation des dérivés diacétylés des amines pri- 
maires. — MM. R.-H. Pickard et W. Carter, en oxy- 
dant les aldéhydes avec le persulfate d’ammonium en 
présence de chaux, ont obtenu l’amide de l'acide cor- 
respondant avec un rendement de 30 à 40 °/,, qui peut 
s'élever à 70 °/, par un second traitement analogue. — 
M. A.-C. Hill décrit une méthode pour isoler le mal- 
tose dans un mélange de ce corps avec le glucose. — 
M. E.-P. Perman a déterminé les tensions de vapeur 
de solutions aqueuses d'ammoniaque pour des concen- 
trations variant de 0 à 35 °/, et des températures de 
0° à 60°. La varialion de la pression avec la concentra- 
tion à diverses températures est représentée par l’équa- 
tion : p(100—c)— ac-be*; a et h sont des constantes el 
c la concentration de l’ammoniaque dans la solution. 
La variation de la pression avec la température (la con- 
centration restant constante) est exprimée par l’équa- 


Séance du T7 


1 Voyez la Revue du 15 avril 1901, t. XII, p. 300. 


tion : log. p—a-ft+yt?; «,$ et y sont des constantes;la 
dernière toujours négative. Le même auteur a refait les 
expériences précédentes avec des solutions ammonia= 
cales contenant du sulfate de soude entre 26° et 472 
Les courbes ne sont pas très différentes, ce qui PrOUVE 
que le sulfate de soude n'existe pas à l'état d’hydrates 
dan: la solution. — MM. W. Lawrence et W.-H: 
Perkin jun. ont préparé des dérivés aromatiques à 
partir du glutaconate d’éthyle et de ses composés!, = 
M. Ph.-A. Guye a confirmé les résultats de Tschugaeffl 
d’après lesquels la rotation optique de composés conte 
nant le groupe phénacétyle est plus proche de celle: 
des composés renfermant les groupes acétyle ou chlo=M 
racétyle que celle des dérivés contenant le groupe to= 
luyle, bien que la masse du groupe phénacétyle se 
rapproche plus de celle du groupe toluyle que de celle. 
d'aucun des autres groupes. La même remarque a été 
faite avec le groupe amyle. Une autre conclusion plus. 
générale de l’auteur, c'estique lorsque des substitutions. 
de chaines ou de groupes d'éléments sont effectuées 
dans un composé possédant un carbone asymétrique 
suffisamment loin de cet atome asymétrique, la rota 
tion n’est que légèrement affectée. — M. A.-E. Dixon: 
a préparé la $-chloroallylthiocarbimide CH°: CCI.CHPA 
AZCS, huile incolore, bouillant à 1820, qui, avec l'ammo= 
niaque, donne la chloroallylthiourée d'Henry. Celle-ci, 
chauffée avec l'acide monochloracétique, fournit le 
chlorhydrate de la f-chloroallylthiohydantoine : 


/S — CH 
CH?.CCL. CHE. A7H.C€ l 
NAz— CO 


d'où l’on peut retirer la thiohydantoïne et l'acide thio= 
glycolique. L'auteur a préparé aussi les a b-chloroal= 
lylphényl(-orthotolyl, -benzyl) thiocarbamides.La $-chlo= 
roallylthiocarbimide absorbe du brome pour donner la 
B-chloro-Bydibromopropylthiocarbimide, qui s’unit avec 

l'aniline pour former un composé cyclique : - 


Az 
Ya ya LIN GFI5 
CH BEEN OA : 


Avec la benzylamine, on obtient une base analogue: 
— M. A.-E. Dixon a remarqué antérieurement que le 
trithiocyanate de phosphore P(CAz)* semble posséder, 
des propriétés thiocarbimidiques aussi bien que thio=" 
cyaniques; de nouvelles recherches lui ont montré que 
le pouvoir de fonctionner des deux manières est égale 
ment manifesté par les produits qui dérivent des thio= 
cyanates métalliques et des chlorures d'éléments ou des 
radicaux électronégatifs. Ces produits, traités par une 
base comme l'aniline, donnent des précipités qui offrent 
l'épreuve de la désulfuration, caractéristique des (hio=" 
carbamides et qui sont généralement hydrolysés par 
l’eau en donnant desthio-urées substituées correspondant 
aux bases employées. Ainsi le trithiocyanate de phos 
phore P(SCAz)' donne avec l’aniline un corps Jaune, 
décomposé par l’eau chaude en donnant la phosphotri 
phényltrithio-urée P(AzH.CS.AzH.C5H"}. Le trithiocya- 
nate de phosphoryle PO(SCAz}, obtenu par l’action de 
POCEF sur le thiocyanate de plomb, présente les réac- 
tions thiocarbimidiques et s'unit avec l’aniline, l'o-tolui-\ 
dine et l'ammoniac sec. Le dérivé de l'aniline se dissout 
dans l'eau chaude et laisse déposer de la phényl- 
thio-urée, qui provient probablement de l'hydrolyse de 
la  phosphoryltriphényltrithiocarbamide PO(AZH.CS: 
AzH.C‘H5)*. i 


ACADÉMIE DES SCIENCES D'AMSTERDAM 


Séance du 30 Mars 1901. | 

1° SCIENCES MATHÉMATIQUES. — M. J. C. Kluyver : Sun 
le développement d'une fonction en une série de poly= 
nômes. Comme l’a remarqué M. E. Borel (Ann. de 


4 Voir le détail de ces recherches dans le présent fascicule | 
de la Revue, page 351. 


ACADÉMIES ET SOCIÉTÉS SAVANTES 


Æcole norm. sup., t. XVI, p. 132), le problème fonda- 
mental consiste dans la décomposition de 1 : ({— x). 
Des solutions de ce problème fondamental ont été 
données par MM. Mittag-Leffler (Acta mathematica, 
o(t. XXIII, p. #3 et t. XXIV, pp. 183 et 205) et Painlevé 


Comptes rendus du 23 mai et du 3 juillet 1899). Ici 
lauteur en donne une solution nouvelle, peut-être au 
oint de vue de la théorie un peu plus simple que les 
solutions précédentes. Comme l’a démontré M. Painlevé, 
problème de la décomposition de 4 : (1 — x) est lié à 
lui de la représentation conforme, caractérisé dans la 
détermination par un certain degré de liberté. Dans ce 
problème il s’agit de représenter l'intérieur d'une cir- 
conférence se rapportant à la variable u, au centre 
u— 0, et avec un rayon égal à l'unité, par l'intérieur 
d'une courbe fermée sans nœud se rapportant à la va- 
able 7, qui inclut l'origine z—0 et passe par le point 
Z—=—+ 1. Aux valeurs 0 et+ 1 de u doivent correspondre 
s valeurs 0 et +1 de z; de plus on doit faire dépendre 
à forme de la courbe de z d'un ou de plusieurs para- 
mètres, de manière qu'à des valeurs convenablement 
choisies de ces paramètres correspondent des courbes 
lus ou moins oblongues, limitées d'un côté par un 
rcle de Z au centre Z—0 et au rayon r —1 et de l’au- 
re côté par une bande d'épaisseur infiniment petite 
environnant le segment de droite (0,+1). Ici l’auteur 
ppose que ces courbes de z sont des ellipses dont 
— 0 représente un des foyers et z— 1 le sommet de 
Vautre côté du grand axe. 

2° SCIENCES PHYSIQUES. — M. J. D. van der Waals : 
Péquation eritique et la théorie du mouvement 
cyclique. Seconde communication (pour la première, 
oir Atev. génér. des Se., t. XII, p. 297). Ici l’auteur con- 
sidère des molécules se composant de trois atomes. 
lahord il écarte des cas particuliers de trois atomes 
i se ramènent à des cas de deux atomes. Le cas de 


dP, , dP : 
(r + 7) (DA) IT, 
1 


dPy dPy AL 
(r Ste Gr + =) (De — Dos) =RT, 


qQ 


qui se réduisent à une équation critique unique en 
( 


eux cas particuliers. En supposant qu'on ait : 
» 1 Ê 1 \e 
Pau = 5œ(b — bo), Poz = > de (De — Dos), 
on trouve : 


dPy | 
Le+T +atb— 2] 87, 


mme dans le cas d'une molécule à deux atomes, pour 
très grand en comparaison de «,, et : 


[r nee 5 (bb) | 2) —2RT, 


pour «, —*,. Pour les cas situés entre ces deux limites 
on a donc : À 


dby / ke 
[+ +au-n]o-2 rer 


où le multiplicateur f est compris entre 1 et 2. L'auteur, 
en supposant /—2, a appliqué cette formule aux résul- 
“tats des expériences sur l'acide carbonique, publiées 
dans son ouvrage : Continuität, etc. (tome 1, chapitre 
Sur les expériences d'Andrews). A l'aide de certains 
éveloppements, il trouve : 


|: De +) | 
y—hb by — b5) |’ 


ce qui donne des approximations assez satisfaisantes, 
omme le montrent les Chiffres suivants : 


CALCULÉ TROUVÉ 
b = 0,001798 v — 0,002622 0,002629 
b — Ü,0018% v — 0,002731 0,00275 
b — 0,00195 y = 0,003050 0,003026 
b = 0,0020 v—0,003213  0,00321 


Ensuite l’auteur déduit des équations qui font trouver 
le point critique, dans la forme : 


. a v— b 92 RT db 
PT RT an nl 
(à db db 
3 se dv} dv 
CORTE ON ECS 
_ dv 


M. H. Kamerlingh Onnes : Sur les expériences de 
M. de Heen relatives à l'état critique. La littérature scien- 
tifique fait mention de plusieurs expériences qui peuvent 
mettre en doute la rigueur de l'hypothèse de la conti- 
nuité des états fluide et gazeux, qui forme la base de 
la théorie de van der Waals. En particulier, ces expé- 
riences font douter qu'une matière simple n'admette 
pas une tempéralure, une pression et un volume cri- 
tique uniques, qu'au-dessus de la température critique 
elle ne se présente pas avec une densité unique pour une 
pression et une température données, et qu'au-dessous 
de la température critique, chaque température n'ad- 
mette pas deux densités déterminées de phases stables 
coexistantes d'équilibre. Seulement, on à toujours pu 
indiquer des circonstances dont on avait oublié de se 
rendre compte dans ces expériences. Si on les répète 
en prenant les précautions nécessaires indiquées, elles 
constituent alors autant de preuves de la théorie en 
cause. En 189%, M. Kuenen prouvait que les déviations 
observées dans les expériences de M. Galitzine sont 
dues à l'influence de quantités extrèmement petites de 
substances étrangères. Par ces recherch. s de M. Kuenen 
(Rev. génér. des Se., t. NV, pp. 558 et 595), non seulement 
les considérations de M. Galitzine ont été réfutées, 
mais aussi celles de M. de Heen. Toutefois, ces beaux 
résultats n'ont pas pu convaincre M. de Heen de la 
nécessité d'appliquer le plus grand soin à la purifica- 
tion de la matière à étudier. Au contraire, en 1896, 
M. de Heen a publié de nouvelles expériences, avec CO®, 
sur la purification duquel il ne donne pas un seul détail. 
D'après ces expériences une densité critique déter- 
minée, admise jusqu'à présent, serait une quantité chi- 
mérique, à remplacer par deux quantités réelles, une 
densité critique 0,640 de l'acide fluide et une den- 
silé 0,298 de l'acide gazeux, dont la densité chimérique 
ne formerait que la moyenne. Le présent mémoire de 
M. Onnes fait connaître les tentatives de M. J.-E. Ver- 
schaffelt et de l’auteur pour corriger les expériences de 
M. de Heen. Elles prouvent que les déviations des résul- 
tats de M. de Heen deviennent inférieures aux erreurs 
d'observation, si l’on y apporte les corrections néces- 
Saires. Seulement, comme M. de Heen n’a pas fait atten- 
tion aux éléments dont dépendent ces corrections, il 
faut se restreindre à leur caractère général. D'après 
les conclusions de l’auteur, il est donc désirable que 
M. de Heen lui-même répète ces expériences avec les 
précautions indiquées ; en attendant, il n’est pas permis 
d'emprunter à ces expériences, faites avec des matières 
impures, le droit de douter de la rigueur des consi- 
dérations qui forment la base de la théorie de M. van 
der Waals. — Ensuite M. H. Kamerlingh Onnes pré- 
sente, aussi au nom de M. H.-H.-F. Hyndman : /s0- 
thermes de gaz à deux atomes et de leurs mélanges 
binaires. I (Piézomètres à volume variable pour des 
températures basses). Pour des raisons théoriques, on 
préfère se servir exclusivement des gaz à un atome 
dans les recherches de précision sur les isothermes de 
gaz purs et de leurs mélanges binaires. Malheureusement 
on ne dispose que des trois matières He, À, Hg, dont la 
première et la secoude sont trop coûteuses, tandis que 
la troisième a une température critique tellement éle- 


392 


ACADÉMIES ET SOCIÉTÉS SAVANTES 


vée, qu'à la détermination de cette température s'op- 
posent de grandes difficultés expérimentales. Donc on 
est obligé d'employer des gaz à deux atomes. Les expé- 
* riences de M. Amagat ontfait connaître des isothermes 
pour des températures au-dessus de 0°, et des pressions 
jusqu’à 3.000 atmosphères même. Mais pour des tempé- 
ratures basses, presque toutes les données nous font 
défaut, si l'on excepte les recherches pionnières de 
M. von Wroblewski sur l'hydrogène jusqu'à — 180°, et 
celles de M. Witkowski sur l'air jusqu'à — 1450. Ici il 
s'agit d’une troisième série d'expériences, entreprises 
depuis 1894 dans le Laboratoire cryogène de l'Univer- 
sité de Leyde. 1. Exposé de la méthode. 2. Disposition 
générale. 3. Les piézomètres. 4. Les cylindres de pres- 
sion etleurcombinaison.5. Lesmanomètres.6.Influence 
des erreurs dues à la construction. — Enfin, M. Onnes 
présente au nom de M. F.-A.-H. Schreinemakers : Les 
équilibres de systèmes ternaires. Dans la détermina- 
tion des compositions de phases fluides conjuguées, on 
rencontre quelquefois des difficullés expérimentales 
presque insurmontables. Cela arrive, par exemple, si 
les deux fluides en équilibre l’un avec l’autre forment 
une émulsion, ou si la chimie analytique n'offre pas les 
moyens de déterminer les quantités des deux matières 
composantes. Cependant on peut atteindre dans ces cas, 
par approximation, le but qu'on se propose, en suivant 
des détours. L'auteur en donne un exemple en s’occu- 
pant du système Eau-Phénol-Acétone. M. A. Smits : 
Le facteur i comme fonction de la concentration. Par- 
mi les sels examiriés par l’auteur, le KAz0, est le 
seul où le facteur i (voir /?ev. génér. des Se., t. XII, 
p. 200), décroit si la concentration augmente. Aussi, 
l'auteur s’est proposé de rechercher s'il y a d'autres 
sels se comportant de la même manière. Le KAZ0, 
étant un sel anhydre, cet examen a porté sur des azo- 
tates dont on ne connait pas d'hydrates. L'instrument 
dont s’est servi l’auteur est l'appareil de Landsberger 
modifié (voir Rev. génér. des Se., t. XI, p. 1074). Les 
résultats ont trait à NaAzO,, Ba(AzO,), Sr(Az0.)., 
AgAzO,, Pb(Az0,).. Ils prouvent que NaAzO,, Ba(Az0,), 
AgAz0,, Pb{Az0,), se comportent de la même manière 
que KAzO,, tandis qu'au contraire le facteur 1 croît 
avec la concentration chez Sr(Az0O.).. Rapport entre ces 
résultats et ceux obtenus par MM. Krannhals et Jahn. 
— M. C. Lobry de Bruyn présente au nom de M. P.-K. 
Lulofs : Vitesse de substitution chez les dérivées halo- 
génés-azotiques aromatiques. Communication en rap- 
port avec une étude de MM. Lobry de Bruyn et Steger 
(Rev. génér. des Se., t. IX, p. 919). Toi la recherche est 
® étendue à d'autres substances de la série aromatique. 
— M.E. Mulder présente au nom de M. G.-H. Coops la 
thèse : Réaction de l'acide muriatique sur une solution 
aqueuse de formaldéhyde (en hollandais). — M. J.-C. 
Kapteyn présente, au nom de M. Chr. A.-C. Nell : 
Bandes polaires, d'après des observations de vingt 
années par H.-d.-H. Croneman. 

90 SGIENCES NATURELLES. — M. M. W. Beyerinck: Les 
bactéries oligonitrophiles. A s’agit ici des microbes qui 
se développent sous concurrence libre avec le monde 
bactériel entier en des milieux nutritifs, où l’on n'a pas 
ajouté à dessein des compositions d'azote. Ces microbes 
donnent lieu à deux séries distinctes d'expériences 
d'accumulation. En effet, on peut étudier le développe- 
ment de ces microbes: 1°dans la lunuère, sans autre 
source de carbone que l'acide carbonique dé l’atmos- 
phère, ce qui livre des bactéries oligonitrophiles chromo- 
phylliennes; 2° en présence d’une autre source de car- 
bone ce qui doit mener à des bactéries oligonitrophiles 
incolores. lcil'auteur se restreint à la dernière catégorie. 
1. Aerobiose et anaerobiose. 2. Entassement de Azo{o- 
bacter chroococcum de l'humus. 3. Culture pure de 
Azotobacter chroococcum. 4. Azotobacter agilis. — 
M.F.A.F.C. Went présente au nom de M. J. L. Schou- 
ten : Culture pure de Saprolegniaceæ, Description 
d'une méthode nouvelle pour faire des cultures pures 
de bactéries et d'autres micro-organismes, permettant 
d'isoler sous le microscope une celluleunique, —M. B. J. 


Stokvis lit le rapport de la Commission chargée d'étu= 
dier s'il est possible de surmonter entièrement ou @xk 
partie les difficultés de l'approvisionnement de la ligne 
militaire d'Amsterdam en ce qui concerne l’article sel 
(NaCI). — Ensuite M. Stokvis présente 1° la thèse 
M. J. Brand: Fecherches sur la sécrétion et la const® 
tution de la bile chez l'homme vivant (en hollandaïs) 
La sécrétion de la bile est continuelle. Elle s’abaïsse 
pendant la nuit et atteint son minimum dans les heures 
matinales, augmente très rapidement après le réveil,et 
admet un premier maximum après midi, et un second 
maximum dans le soir. La quantité de bile sécretée peut 
s'élever à 1100 ec. par jour et ne diffère donc pas aus 
tant qu'on le suppose de la quantité correspondante 
d'urine; mais elle s’abaisse aussi jusqu'à 500 cc. pan 
jour. Couleur, constitution et propriétés physico-chE 
miques de la bile, etc.; — 2° une brochure de M. E: 
H. van der Kemp, contenant une étude économique 
et historique sur le sel (NaCI) et ce qui leremplace dans 
les Indes néerlandaises. P. H. Scnoure. 


ACADÉMIE ROYALE DES LINCEI 
Séances Janvier-Mars 1901. 

1. SCIENCES MATHÉMATIQUES. — M. Tacchini présente le 
résumé de ses recherches sur les taches et facules 
solaires et sur la distribution des protubérances en! 
1901. — M. Millosevich donne communication de ses 
observations sur la nouvelle planète FX 1901, et sum 
l'étoile temporaire de Persée. — M. Bertini : Sur les 
systèmes linéaires de degré zéro. — M. Weingarten 
Sur les surfaces de discontinuité dans la théorie de 
l'élasticité des corps solides. — M. Levi-Civita : Su 
la détermination des solutions particulières d’un sys 
tème canonique dont on connaît quelque intégrale au 
relation invariante. Sur les mouvements station 
naires des systèmes holonomes. — M. Tedone : Sur les 
déformations des plaques d'épaisseur finie. — M. Bog 
gio : Sur l'équilibre des plaques élastiques emhoîtées: 
— M. Bortolotti : Sur les produits infinis divergents: 

2. SCIENCES PHYSIQUES. — M. Guglielmo poursuit ses 
expériences sur la mesure absolue de la pression 
atmosphérique au moyen du ludion. — M. Riccô déeril 
la communication téléphonique qu'il a établi à l'Obser 
vatoire de l’Etna, avec le conducteur posé sur la neiges 
— M. Pochettino donne les résultats de quelques 
mesures de dispersion électrique. — M. Scalfaro étudie 
la vitesse de la lumière dans les cristaux magnétisés® 
— M. Contarini : Sur la détermination des mouvez= 
ments séismiques. — M. Manzetti présente la descrip* 
tion d'un nouvel appareil qui mesure les fréquence 
des courants alternatifs. — MM. Ciamician et Ange 
exposent leurs recherches sur l’action chimique de la 
lumière. — MM. Angeli et Angelico donnent la des 
cription de quelques réactions du nitrosyle. 

3. SCIENCES NATURELLES. — M. Struever présente une 
note sur l’action chimique entre l’hauerite et quelques 
métaux à la température ordinaire. — M.F. Millosevich! 
étudie la perowskite d'Emarese dans la vallée d’Aostes 
— M. Dainelli : Sur le Miocène inférieur du Mont Pros 
mina én Dalmatie. — M. Clerici s'occupe de la géologie 
des alentours de Rome. — M. Pampaloni étudie les 
scories trachytiques de l’Averne dans les Campi Flegreis 
— M. De Stefani expose quelques considérations sun 
la villa de Ciceron, à Pozzuoli, et sur un phénomènes 
précurseur de l'éruption du Monte Nuovo. — M. Longo 
décrit le phénomène de la mésogamie dans la Cucur= 
bita Pepo Lin. — M. Grassi présente le résultat de 
nouvelles recherches sur l'infection paludéenne. = 
MM. Lo Monaco et van Rynberk exposent le résultat 
des expériences exécutées pour établir la fonction dé 
l'hypophyse cérébrale. — M. Gorini poursuit son étude 
sur le vaccin. — M. Marenghi transmet un travail sun 
la structure de la rétine. ERNEsTO MANGini. 


Le Directeur-Gérant : Louis OLIVIER. 
Paris, — L. MARETHEUX, imprimeur, 1, rue Cassette. 


d'Ugar 


PESTE 


“d'étude, la Ztevue a décidé de diriger l’une de ses 
excursions de cette année en Finlande. Peu de Français | du siècle qui vient de finir, c'est aux arts de la paix 
que le peuple finlandais s'est consacré tout entier : il 
a fait l'inventaire de ce que le sol, la mer et les lacs 
peuvent directement lui fournir, et dressé le bilan des 


“connaissent cet admirable pays, dont le savant, aussi 
bien que l'artiste et le sociologue, ont intérêt à étudier 
“el la nature physique et la civilisation. 


12° ANNÉE 


Revue générale 


15 MAI 1901 


D SCiences 


pures el appliquées 


DIRECTEUR 


LOUIS OLIVIER, Docteur ès sciences. 


VOYAGES D'ÉTUDE DE LA REVUE 


CROISIÈRE EN FINLANDE (27 JUIN-29 JUILLET 1901) 


Sur l'avis du Comité de Patronage de ses Voyages | 


Rapides d'Imatra. 


Aucune nation peut-être n'a, autant que la Finlande, 
pris soin de se bien observer : 


pendant toute la durée 


richesses que les condi- 
tions climatériques lui 
permettent d'espérer; sur 
tout son territoire, il a re- 
levé l’état matériel et mo- 
ral des habitants, semé à 
profusion les écoles, ré- 
pandu la science, et fina- 
lement, créé, en même 
temps quelebien-être ma- 
tériel, ua état d’intellec- 
tualité et de moralité, où 
la plupart des nations de 
l'Europe trouveront, à me- 
sure qu'elles le connai- 
tront davantage, un exem- 
ple à suivre. 

Le voyage fera voir com- 
plètement toute la Fin- 
lande, ses beautés natu- 
rellesetses institutions, et 

il permettra de visiter, 
en outre, Hambourg 
et Copenhague, Saint- 
Pétersbourg et Reval, 
Stettin et Ber- 
lin. — Le 
prospectus 
encarté dans 
le présent nu- 
méro de la 
Revue indi- 
que, en dé- 
tail, l'itiné- 
raire et Îles 
conditions de 
ce voyages | 


9 


CHRONIQUE ET CORRESPONDANCE 


CHRONIQUE ET CORRESPONDANCE 


$ 1. — Distinctions scientifiques 
Election à l'Académie des Seiences de 
Paris. — Dans sa séance du 29 avril, l'Académie a 


procédé à l'élection d'un membre dans la Section de 
Botanique en remplacement de feu Adolphe Chatin. La 
Section avait présenté la liste suivante de candidats : 
en I"ligne, MM. Renault et Zeiller ; en 2° ligne, MM. 
Bureau, Costantin et Mangin. 
Au premier tour de scrutin, le nombre des votants 

étant 58, 

M. Zeiller a obtenu 35 voix 

M. Renault — 22 — 


Il y a eu un bulletin blanc. 

En conséquence, M. Zeiller a été déclaré élu. 

On doit au nouvel académicien une longue suite de 
travaux méthodiquement enchainés et d'une impor- 
tance capitale sur la flore fossile, en particulier sur 
celle des terrains houillers. Depuis plus de vingt ans, 
M. Zeiller s'est appliqué d'une part à organiser la 
récolte systémalique des empreintes végétales dans nos 
mines, en vue d'accroître les documents paléontolo- 
giques, d'autre part à soumettre à une rigoureuse 
critique l'étude des matériaux amassés. . Cette. étude 
avait un double but: 1° suffisamment nombreuses 
et bien définies, rapportées chacune à l'horizon où elle 
est le plus abondante, les espèces recueillies permet- 
traient de caractériser les diverses zones d’un même 
terrain et, notamment en ce qui concerne les mines de 
houille, guideraient les ingénieurs dans la recherche 
des lits à exploiter ; 2° l'observation de la série des 
espèces qui se sont développées depuis les temps pri- 
maires jusqu'à la période actuelle, et l'analyse minu- 
tieuse de leur structure, apporteraient quelque jour 
à l'obscure question de la différenciation progressive 
des climats aux anciens âges de la Terre et renseigne- 
raient peut-être, en quelques points, sur les modalités 
de l’évolution des différents groupes de végétaux depuis 
l’époque primaire jusqu'à nos jours. 

Dans ces deux directions, M. Zeiller est arrivé à des 
résullats très importants, et il a éclairé bien des ques- 
tions obscures de la Paléobotanique, L'étude des 
plantes fossiles se base, le plus souvent, sur les carac- 
tères tirés de la morphologie externe, les échantillons 
conservés sous forme d'empreintes, les seuls que l'on 
rencontre dans la plupart des cas, n'étant pas sus- 
ceptibles d'analyse anatomiqne. M. Zeiller a pour- 
suivi la recherche d'échantillons fructifiés, estimant 
que les véritables affinités des végétaux fossiles ne sau- 
raient, dans la plupart des cas, être définitivement 
déterminées que par l'observation des appareils frueti- 
ficateurs, base principale de la classification des végé- 
taux vivants. Ses investigations ont été couronnées 
de succès. La découverte, dans le bassin houiller de 
Valenciennes, d’épis fructificateurs déterminables de 
Sigillaires lui a permis, en établissant que les Sigil- 
laires sont positivement des Lycopodinées, de trancher 
la question si controversée de l'attribution eryptoya- 
mique de ces végétaux, chez lesquels la présence d'un 
bois secondaire a fait longtemps penser à une origine 
phanérogamique. De même, l'étude des fructifications 
des Fougères houillères ou secondaires a conduit 
M. Zeiller, pour cette classe de Cryptogames vasculaires, 
à une classification naturelle, destinée à remplacer ou 
tout au moins à compléter la classification artificielle 
établie sur les frondes stériles. Des recherches ana- 
logues sur les spores et les sporanges des Sélaginellées 
houillères l'ont conduit à considérer celles-ci comme 
reliées par une transformation progressive aux Selagi- 
nella actuels, . , : 

Une autre partie des recherches de M. Zeiïller se rap- 
porte au fait suivant : il est très rare de trouver des 


plantes fossiles entières; on ne rencontre généralement 
que des fragments ou des empreintes d'organes détas 
chés : tiges, frondes, spores, rhizomnes, etc., et il est 
arrivé que, faute de caractères suffisamment accusés, 
on à attribué à des espèces différentes des parties sépa= 
rées d'une même plante. M. Zeiller a eu l’occasion, 
d'étudier certains cas de ce genre, et ila, en particulier, 
en montrant que le genre Vertebraria représente le 
rhizome des fougères Glossopteris, donné la solution, 
“attendue pendant cinquante ans, de l’une des énigmes. 
les plus obscures de la Paléontologie végétale. 

Les travaux de M. Zeiller sur les bassins houillers. 
fraucais ont engendré, de leur côté, des résultats pra= 
tiques de grande valeur. En déterminant à La Grand 
Combe l'âge relatif, demeuré jusqu'alors indécis, de 
faisceaux de couches séparés les uns des autres par un 
accident géologique important, M. Zeiller a donné des 
indications utiles pour la recherche en profondeur, la- 
quelle a abouti effectivement à la découverte de nouvelles. 
richesses houillères. Il est arrivé au même résultat par 
ses études paléobotaniques sur le bassin de Graissesac. 

L'anuée dernière, M. Zeiller a publié ua ouvrage ma= 
gistral, les £Zléments de Paléobotanique, qui a été pré= 
seuté aux lecteurs de la Æevue, et dans lequel l’auteur 
cherche à montrer par quelles successions de formes 
on passe peu à peu des flores anciennes à celles qui peu= 
pleut aujourd'hui notre globe, et quelles variations 
de climat ont accompagné ou déterminé ces transfor- 
malions organiques. Si cette synthèse peut être aujour= 
d'hui abordée avec succès, c'est grâce surtout aux con- 
tributions précieuses que M. Zeiller à apportées à Jan 
Paléobotanique. , 


$ 2. S Nécrologie 


F.-M. Raoult. — L'illustre chimiste français que la 
Science vient de perdre, était né à Fournes-en-Weppest 
(Nord) le 10 mai 1830. IL fit ses études à Laon et à Paris, 
devint successivement répétiteur au Lycée de Reims, 
professeur au Collège de Saint-Dié, puis au Lycée de 
Sens. En 1863, il recevait de la Faculté des Sciences de. 
Paris le diplôme de docteur ès sciences physiques, sur 
la présentation d’une thèse très remarquée, qui portait” 
pour titre : Recherches sur les forces électro-motricess 
des éléments voltaiques. Peu après, il était appelé à lan 
Faculté des Sciences de Grenoble, où on le chargeait du 
cours de Chimie; titularisé en 4870, il conserva sa chaire 
jusqu'à sa mort. é 

De très bonne heure Raoult fit preuve des plus bril= 
lantes qualités de chercheur et d’expérimentateur. 
On racoute qn'il avait retrouvé tout seul les lois de 
Faraday et de Ohm; il avait également entrepris des 
expériences sur le passage de l'électricité à travers les 
solutions, sans avoir connaissance des travaux déjà 
effectués sur ce sujet. Lorsqu'il annonça ses résultats 
à quelques jeunes savants de ses amis qui habitaient 
Paris, il apprit, non sans un grand désappointement, 
que tout cela était déjà connu. Mais il reprit aussitôt 
courage, en se disant que, puisqu'il avait été capable 
de refaire seul de telles découvertes, il pourrait bien 
aussi contribuer aux progrès de la science dans 
d'autres directions encore inexplorées. 

Ses premières recherches, après sa thèse de docto= 
rat, portent sur les effets chimiques du courant élec= 
trique, sur l'inversion du sucre de canne sous l'in= 
fluence de la radiation solaire, sur les carbonates de 
calcium, de strontium et de baryum, sur l’absorption 
de l’ammoniaque par les solutions salines. C’est au, 
cours de ce dernier travail qu'il fut amené à considé= 
rer les points de congélation des solutions, et qu'il 
commença cette série de recherches sur la tonométrie. 

et la cryoscopie, qui ont rendu son nom illustre bien au 


| 34 


CHRONIQUE ET CORRESPONDANCE 


395 


delà de nos frontières. Nous ne tenterons pas de les 
résumer de nouveau; elles ont été exposées dans tous 
“Jeurs détails aux lecteurs de la Ztevue, par M. P. Freund- 
ler', puis, tout récémment, par l’auteur lui-même*. 
“Nous nous contenterons d'emprunter à l’une des plus 
“urandes autorités du monde savant de notre époque, 
“Lord Kelvin, l'appréciation suivante de l'œuvre de 
Raoult : 
—._ « Depuis le commencement du siècle, beaucoup 
“d'expérimentateurs, et des plus habiles, ont étudié le 
“point de congélation et la tension de vapeur des disso- 
lutions; mais, s'ils ont réussi à observer des faits inté- 
ressants, ils n’en ont vu ni la raison, ni le lieu. 
“Raoult est venu. Il est sorti des sentiers battus et il a 
“étudié les dissolutions des matières organiques, Il l’a 
“fait avec une science et une habileté consommées, sans 
“hâte, suivant un plan déterminé d'avance, et il a ainsi 
“découvert des propriétés ignorées, des lois nouvelles 
et fécondes, universellement connues aujourd'hui, 
mais dont la révélation complète, faite il y a quelques 
anuées seulement, frappa le monde savant de surprise 
et d’admiration. » 
La renommée de ses travaux a valu à Raoult les plus 
“hautes distinctions. En 1889, l'Académie des Sciences 
“de Paris lui décernait le prix international Lacaze, de 
“10.000 francs. En 1890, elle l'inscrivait au nombre de 
ses Correspondants et il recevait la croix de la Légion 
“d'honneur. En 1892, la Société Royale de Londres lui 
décernait la Médaille Davy, « pour la plus grande dé- 
“couverte en Chimie faite en Europe et en Amérique ». 
En 1895, il recevait tout ensemble la rosette d'officier 
“de la Légion d'honneur et le prix biennal de l'Institut, 
prix de 20.000 francs, décerné par toutes les classes 
réunies. Il devenait, en 1898, l’un des quarante 
membres étrangers de la Société Chimique de Londres, 
en 1899 membre correspondant de l'Académie impé- 
riale de Saint-Pétersbourg. En 1900, il était choisi par 
la Commission d'organisation des Congrès de l'Exposi- 
tion universelle pour faire à Paris, devant le Congrès 
international de Chimie, en présence des plus grands 
- savants de l'Europe et du monde, l'unique conférence 
de Chimie générale inscrite au programme, et les appa- 
reils qui avaient servi à ses expériences personnelles 
étaient admis au Musée centennal de la Section de 
Chimie, avec la qualilication officielle d'instruments 
historiques. Celte même année, le Gouvernement de la 
“République lui conférait la haute dignité de comman- 
deur de la Légion d'honneur. 
… A son intellixence et à son génie, Raoult alliait les 
plus belles qualités de l'âme, et c'est entouré non 
Docu de l'admiration des savants, mais aussi du 
espect et de l'affection de tous ceux qui avaient le 
rivilège de l’approcher, qu'il s'est éteint, il y a 
quelques semaines, après une très courte maladie, 


Adolphe Hirsch. — La mort vient d'enlever à la 
Suisse un de ses savants les plus distingués, dont le 
“nom s'était répandu bien au delà des frontières de 
son pays d'adoption, en raison de la part prépondé- 
“rante qu'il avait prise à la création et à la direction de 
“l'Association géodésique internationale et du Bureau 
nternational des Poids et Mesures. L'activité qu'il 
…déploya en faveur de ces deux organisations lui assu- 
_rera la reconnaissance de tous ceux qui comprennent 
t il importance de l'échange des idées entre les nations, de 
ceux qui pensent que la paix du monde serait mieux 
assurée si, par une œuvre poursuivie en commun, 
les hommes apprenaient à se mieux connaitre, et par 
là même à s'aimer et à s’estimer par delà les fron- 
tières politiques. 
Adolphe Hirsch, né en 1830 à Halbertstadt, dans la 
province de Saxe, se voua de bonne heure à l'étude de 
… l'Astronomie, qu'il poursuivit sous la direction d'Encke 
et de Le Verrier, et serait problement rentré dans son 


À ! Voyez la levue du 1 juin 1894, t. V, p. 409 et suiv. 
 * Voyez la Revue du 30 août 1900, t, XI, p. 958 et suiv. 


14 


pays si, en 1857, une situation ne s'était inopinément 
offerte à lui à l'Etranger. 

L'industrie horlogère, qui s'était fortement implan- 
tée parmi les populations industrieuses du Jura suisse, 
avait pris un grand développement, grâce aux relations 
ouvertes dans les pays d'outre-mer par quelques hardis 
Neuchätelois ; mais les experts envoyés à l'Exposition 
Universelle de Paris avaient rapporté l'impression que 
le développement futur de cette belle industrie était 
intimement lié à un service d'heure bien organisé. La 
création d'un observatoire astronomique venait donc 
d'être décidée, et la direction en fut proposée au jeune 
savant; renonçcant momentanément à un champ d’acti- 
vité plus vaste, il se voua entièrement à l’organisation 
du nouvel établissement, qu'il dirigea jusqu'à sa mort, 
et qui rendit les inappréciables services qu'on en 
attendait, tant par une distribution très précise de 
l'heure dans tous les centres horlogers du pays de 
Neuchâtel et des cantons voisins,que par l'examen suivi 
des chronomètres à l'Observatoire même. 

Hirsch habitait Neuchâtel depuis quelques années, 
lorsque la Conférence pour la mesure du degré en 
Europe vint y tenir ses assises. Le jeune astronome fut 
dé-igné, avec Bruhns, de Leipzig, pour remplir les fonc- 
tions de secrétaire de la Conférence, et se sixnala dans 
cette assemblée, comme dans celles qui suivirent, par 
des aptitudes si parfaites à ces fonclions, que, lorsque 
la Conférence grandissante fut devenue la puissante 
Association géodésique internationale, les suffrages 
unanimes de ses collègues le portèrent aux fonctions 
lourdes et délicates du secrétariat. Doué d’un espril 
organisateur de premier ordre, possédant parfaitement 
plusieurs langues, il devait rendre à cette Association 
d'éminents services, jusqu’à l’âge où de cruelles souf- 
frances lui firent paraitre la tâche trop lourde, et, fina- 
lement, l'an dernier, le conduisirent à résigner ses 
fonctions. 

Mais de cette Association géodésique devait naître 
une autre organisation internationale. Les écarts im- 
portants entre les côtés communs aux triangulations 
des pays voisins, écarts que n’expliquaient pas les er- 
reurs des mesures d’angles, avaient conduit les géodé- 
siens à exprimer, en 1867, le désir de voir créer un 
office central où les étalons employés sur le terrain 
pussent être ramenés à une même unité. En 1869, 
l’Académie des Sciences de Saint-Pétersbourg se mit 
en relations avec l’Académie de France pour appuyer 
cette motion, et l'étendre à toutes les unités du systeme 
métrique. Les pourparlers aboutirent en 1875, et une 
Conférence diplomatique décida la création du Bureau 
international des Poids et Mesures, placé sous la sur- 
veillance d’un Comité dont Hirsch devint secrétaire. 
Le général Ibañez, alors directeur de l'Institut géodé- 
sique et statistique d'Espagne, fut appelé à la prési- 
dence des deux organisations internationales, de telle 
sorte que, par leurs bureaux, une aclion commune el 
“un appui mutuel demeurât assuré pour toute la période 
de développement qui devait préparer l'avenir. 

Pendant de longues années, Hirsch, dont la puissance 
de travail était considérable el l’activité inlassable, 
pourvut à ses triples fonctions, à l'étonnement de tous 
ceux qui l'ont vu à l'œuvre et savaient combien, tout 
en ayant présentes à l'esprit les grandes lignes des 
devoirs qu'il avait assumés, il connaissait les moindres 
détails, s'enquérait de tout avec le même soin, était, en 
un mot, l'âme de ces organisations qu'il avait puissam- 
ment aidé à créer. 

Depuis quelques années, ses forces, sur le déclin, 
avaient ralenti son activité; mais aussi, grâce à d'heu- 
reux débuts, elle était devenue moins nécessaire, el il 
pouvait contempler avec une légitime satisfaction 
l'œuvre, désormais viable, qu'il avait accomplie. 

Ses travaux personnels datent de l'époque de sa 
jeunesse, alors que ses occupations extérieures étaient 
encore restreintes ; plus tard, par la coordination qu'il 
leur a donnée, il a fait valoir et fructifier les travaux 
des autres, et, s’il a pu regretter parfois que ses pro- 


396 


CHRONIQUE ET CORRESPONDANCE 


pres recherches dussent être abandonnées, il a, du 
moins, trouvé une compensation dans la gratitude de 
ceux dont il rassemblait et publiait les Rapports si 
documentés qui constituent les volumes d’une valeur 
inappréciable édités par l'Association géodésique. Les 
vingt-deux volumes de procès-verbaux du Comité inter- 
national des Poids et Mesures sont, en revanche, entiè- 
rement dus a sa plume, ainsi que les Rapports adressés 
aunuellement, jusqu'en 1892, aux Gouvernements ayant 
adhéré à la Convention du Mètre. 

Hirsch s'était altaché à la Suisse sans esprit de re- 
tour; il aimait ce petit pays comme sa palrie, ainsi que 
le témoigne le testament par lequel il Jègue toute sa 
fortune à l'Etat de Neuchâtel pour l'entretien de 
l'Observatoire, qui était sa première créalion. 


$ 3. — Astronomie 


La variabilité de la planète Eros. — La pe- 
tite planète Eros, dont, il y a quelques mois, nous avons 
entretenu nos lecteurs‘, vient encore d'attirer sur elle 
l'attention des astronomes par une nouvelle particula- 
rité non moins curieuse que les précédentes : nous 
voulons parler de sa variabilité. 

Annoncée comme probable par une courte Note du 
D: Egon von Oppolzer, de Potsdam, la variabilité d'Eros 
est maintenant entièrement confirmée. Les communi- 
cations faites aux Comptes Rendus de l'Académie des 
Sciences et aux Astronomische Nachrichten ne laissent 
aucun doute à cet égard. 

Cette question de la variabilité de la petite planète 
Eros est d'autant plus intéressante que les astronomes 
qui ont étudié les variations périodiques d'éclat de cet 
astéroïde sont d'opinions différentes : les uns les repré- 
sentent par une oscillation simple, toujours identique 
à elle-même, et se reproduisant indéfiniment à inter- 
valles d'environ deux heures cinq minutes; pour les 
autres, la courbe qui les représente est formée de deux 
branches différentes, dont l’ensemble se reproduit à 
des intervalles d'environ cinq heures trois minutes, 
sensiblement doubles des précédents. 

L'adoption de l'une au lieu de l’autre de ces concep- 
tions ayant, au point de vue cosmogonique, une 
certaine importance, il y avait intérêt à (rancher la 
question. C'est ce qu'a essayé de faire M. Ch. André, 
l'éminent directeur de l'Observatoire de Lyon, par la 
discussion très rigoureuse des observations déjà con- 
nues : celles de MM. Montangerand et Rossard, à Tou- 
louse, de M. Deichmüller, à Boun, et les séries de Lyon, 
auxquelles ont pris part MM. Guillaume, Le Cadet et 
Luizet. 

Les premières observations qu'a pu faire M. Ch. An- 
dré de la variabilité lumineuse d'Eros, ont conduit cet 
astronome à penser que, contrairement à l'idée qui 
paraissait alors admise, celte variation était à double 
oscillation, et qu'à cet égard la petite planète qui nous 
occupe se rallachait à ce que M. Ch. André a appelé 
« les étoiles doubles photométriques à variation lumi- 
neuse continue ». 

C'est dans ce sens que l'habile directeur de l'Obser- 
vaioire de Lyon a dirigé ses recherches ultérieures, 
pour lesquelles il a été secondé avec beaucoup de zèle 
par MM. Guillaume, Le Cadet et Luizet, qui, aussi sou- 
vent que l’état du ciel l'a permis, ont suivi assidèment 
la planète Eros, depuis le coucher du soleil jusqu'à ce 
qu'elle soit arrivée au voisinage de l'horizon. 

Par comparaison avec un certain nombre d'étoiles 
voisines, el en employant la méthode des degrés (ou 
méthode d'Argelander), ces observateurs ont obtenu, 
chacun de son côté el d’une facon tout à fait indépen- 
dante, la suite des éclats de la planète. Ces résultats 
ont été traduits en courbes et les heures des maxima 
et des minima déduites de ces courbes par la méthode 
de Pogson : dans leur combinaison, et alin de mettre 


LE  ———————————…— —…— —… …— …—————— 


. Voyez la Revue du 15 décembre 1900, p. 1254. k 


| que celle de ces deux étoiles, due en partie à une forme. 


en évidence le caractère qu'on supposait à cetle courbe 
de variation, on à séparé les heures en deux groupes, 
suivant que le phénomène tropique correspondant était 
numéroté pair où impair à parlir de l’un d'eux pris 
pour origine, un minimum déterminé, par exemple. M 

La discussion de tous les nombres ainsi obtenus 
donne ensuite les constantes de la courbe de lumiere 
de la planète, ainsi que cette courbe elle-même, et dé= 
montre qu’en effet la variation lumineuse ne s'effectue, 
pas suivant une seule oscillation, mais suivant unes 
oscillation double, chaque période de la variation se 
composant de deux branches distinctes et non iden= 
tiques; c'est ce qu'indiquent bien les résultats suivants 
fournis par M. Ch. André (fig. 1). | 
* Si l’on suppose une série de périodes successives, 
toutes d'ailleurs identiques, et si l’on désigne par, 13, 
IN ee PMP MEME eee , les heures des minima et des 
maxima, impairs et pairs, de ces périodes successives 
comptées à partir d'un premier minimum, 

1° Ona : 


ms— m,— 0119 —2nÿ1m, M,— M, — 0118 —92hÿ0m; 
ms— m3 = 0100 —92024m, My—M,— 0101 — 21260, 


les intervalles qui séparent les points tropiques dem 
même nature sont notablement différents dansles deux 


Deg 
21e Le EE D HOME RSS 


18- 


7 1Deg-ogn 


ce GE) EPA SEP 9 hr mes 


Fig. 1. — Courbe de variabilité d'Éros. 


branches de la période; Ja branche paire est plus 
étroite que la branche impaire; ; 
20 On a aussi : 


M, — m, = 0056 — 1h20, 
M, — m3 — 0054 — 1h18, 


Les temps d'accroissement de lumière de chaque 
aninimuim au inaximum suivant sont sensiblement 105 
mémes. 

3° Au contraire : 


Me — M,— 0063 — 1h31m, 
mi, — M, — 0046 — 1h6m, 


La durée de la diminution de lumière est moindre 
dans la branche paire que dans la branche impaire. | 
° La durée totale de la période est de : 


02195 — 5h16m4, d'après les minima, 
02196 — 5116m2, d'après les maxima, 


soit en moyenne. 
P—5h6m15. 


5° Les époques des minima successifs sont données 
par les expressions : 


1901, Février 20, 757 ) | sehjpmlé E 5 
1901) Février 20; 10h48m$ 9 1615 LE ô 
50 La variation totale d'éclat est, à fort peu près, de 
deux grandeurs. e TR 
La courbe de lumière d'Eros est ainsi tout à fait, 
semblable à celles de 8 Lyre et de U. Pégase; elle MOn= 


tre que la variation lumineuse de cette planète est, ainsi 


CHRONIQUE ET CORRESPONDANCE 


397 


mcllipsoidale assez accentuée et en grande partie à des 
occultations successives et réciproques de deux astres 
Jumineux très voisins, se mouvant autour de leur 
centre de gravité commun dans une orbite probable- 
ment elliptique et dont le plan passait par la Terre à 
époque des observations. 
» En raison du déplacement relatif de la Terre et de la 
petite planète Eros, la position du plan de l'orbite 
change progressivement par rapport à nous; bientôt ce 
lan ne rencontrera plus la Terre, toute variation pério- 
ique d'éclat disparaîtra et, à cet égard, Eros redevien- 
dra semblable aux autres pelites planètes. 
Pendant cet intervalle, les détails de la courbe de 
Jumière, les variations relatives d'éclat, changeront 
aussi progressivement, et leur observation continue 
nous fournira des renseignements importants sur les 
causes qui rendent si différentes les unes des autres les 
ourbes de lumière des étoiles doubles photométriques 
à variation lumineuse continue 
Mais les résultats acquis déjà sont suffisants pour 
“fournir sur ce système double, absolument unique 
jusqu'ici, des données dont la plupart le caractérisent 
définitivement. Ces données sont les suivantes : 
4 Durée de la période : 514615; 
2° Excentricité : 0,0569; 
» 3° Longitude du périastre comptée à partir de Ja 
igne des nœuds : 1620,45 ; 
4 Le demi-grand axe est peu supérieur à la somme 
es rayons des deux astres supposés sphériques ; 
5° Les dimensions des deux astres sont peu diffé- 
entes, leur rapport est compris entre 3/2 et 1; 
6° La densité moyenne du système est 2,4; 
T° Ces deux astres seraient des ellipsoïdes très allon- 
gés, l’aplatissement de leur section méridienne parais- 
“Sant voisin de 1/2. 
À propos de ces valeurs, il est bon de faire remar- 
juer que : 
… a) La durée de la révolution du satellite d'Eros est 
très voisine de celle de Phobos (7P39m), 
. b) L'excentricité est presque la même que celle de 
- l'orbite lunaire (4,0509), 
c) La densité moyenne de ce système diffère peu de 

celle de Mars (2,28). 
…. d) Le demi-grand axe, exprimé en fonction du rayon 
“le la planète, est très sensiblement le même que celui 
“de Phobos mesuré en fonction du rayon de Mars. 
_e) L'aplatissement obtenu est en dehors de tous ceux 
ue nous connaissons dans le système solaire et supé- 
ieur aussi à ceux des étoiles doubles photométriques 
étudiées jusqu'ici. D'ailleurs, dans son étude sur la va- 
iabilité de la petite planète Eros, M. Ch. André n'in- 
ïque cet aplatissement que sous toutes réserves, el en 
ttendant le résultat de calculs ultérieurs faits d'après 
ne autre méthode. 
. Quoiqu'il en soit, la petite planète Eros, qui se re- 
ommandait déjà à l'attention des astronomes par tant 
e curieuses particularités, ne saurait être négligée des 
bservatoires, et il faut espérer que son étude constante 
ermettra d'élucider certaines questions cosmogo- 
niques encore fort obscures. 


$ 4. — Chimie 
Sur le phéno-:-cétoheptaméthylène et ses 
dérivés. — La condensation du chlorure de phényl- 


propionyle en présence du chlorure d'aluminium ‘ four- 
uit une cétone cyclique, l'«-bydrindone ; par le même 
mécanisme, le chlorure de phénylbutyryle est converti 
“en «-célo-tétra-hydronaphtalène*. Cette nouvelle mé- 
thode d'obtention de cétones cycliques, appliquée au 
chlorure de phénylvaléryle, vient de conduire MM. Kip- 
ing et Hunter * à une cétone qui n’est autre que le phé- 


1 KippinG : Chem. Soc., t. LXV, p. 680. 
? KippixG et Iizz : Chem. Soc.,t. LXXV, p. 144. 

. “ F. S. KirrixG et À. E. Hunter. Journ. of the Chem. Soc., 
LXXIX, p. 602. 


d 


no-x-cétoheptaméthylène. Les relations entre ces trois 
composés se comprennent aisément au moyen des trois 
schémas : 


/ 1 AN 2 
AD CH NX cu: / ATOS 
| Re Ra 
(8) « ls /CH= / CH? 
< VA NAN 
uo CO Co 
a-hydrindone. æ-cétotétrahydro- l’uéno-r-cétohepla- 
naphtalène. méthylène. 


Le phéno-x-cétoheptaméthylène, comme l'indique sa 
formule, contient une chaïoe fermée de 7 atomes de 
carbone, condensée avec un noyau benzénique. Ce 
composé ressemble assez à celui que Dieckmaon! a 
préparé en condensant l'éther phtalique avec le gluta- 
rate d'éthyle : . 

,COOC?HF 
QUIE + CHE 
COOC?H* 


CHECO.0.C°H5 
—2@H 0H 

NCH2CO.0.C1 
/CG0.CHCO r' 
CH: > CH : 
CO.CHCO?C?H° 


ce dernier, à l’hydrolyse, fournissant le 
dicétoheptaméthylène (1). 


phéno-1.5 


Co CIE 
PR AA, /\ 
AVANT IE AYVANT:C 

Ncx: a | | 
Pc KA? 
CH — Az? 


Nc: 
ca?” 


Co 


Le phéno-+-cétoheptaméthylène est une huile inco 
lore, d'une légère odeur menthée; sa constitution es 
établie par son mode de formation ; de plus, elle a été 
caractérisée comme cétone et, à l'oxydation, elle four- 
nit de l’acide o-phtalique. 

Enfin, de même que l’oxime de l'x-célotétrahydro- 
naphtalène, l'oxime du phéno-«-cétoheptaméthylène 
est réduite en un a-amino dérivé de la forme (IN). 

Cette nouvelle base fournit une chlorhydrate qui, 
soumis à la distillation sèche, donne un produit neutre 
(vraisemblablement un hydrocarbure) par un méca- 
nisme analogue à celui qui moutre la formation d'hy- 
drindéne à partir du chlorhydrate d'hydrindamine. 


= 


$ 5. — Biologie 


Sur la myologie des Rongeurs. — Au sujet 
de son mémoire sur la Myologie des Rongeurs, récern- 
ment.analysé dans la Revue par M. Cuénot, M. le D'H. 
Alezais, de Marseille, nous prie d'insérer les lignes 
suivantes : 

« 4° Quand M. Cuénot dit que les résultats auxquels 
je suis arrivé pouvaient être prévus à l'avance d’une 
facon générale, car « on sait bien qu'un animal fouisseur 
« à des os et des muscles disposés pour fouir, et qu'un 
« sauteur à des os et des muscles qui conviennent au 
saut », n'est-ce pas rappeler le Virtutem dormitivam 
pour expliquer le Cur facit dormire? Le tout est de 
savoir quelles sont ces différences anatomiques en 
rapport avec des adaptations fonctionnelles variées, 
car, dans d’autres cas, la morphologie mieux connue 
sera d'un utile secours pour reconnaître la fonction. 

&« 20 Quand les anatomistes qui ont pris la peine de 
comparer les anomalies musculaires de l’homme avec 
les dispositions normales des animaux inférieurs s'ap- 
pellent Gegenbaur, Fürbringer, Testut, Ledouble, elc., 
et que les résultats obtenus permettent avec Dubois, 
Selenka, etc., de fixer la place de l’homme parmi les 
Anthropoides, n'est-il pas permis de penser que l'expres- 
sion d'amusements donnée à leurs travaux n'est pas 
absolument juste? » 


1 Ber. d. deutsch. Chem. Ges, 32. 2241. 


398 


CHRONIQUE ET CORRESPONDANCE 


En réponse à ces observations, M. Cuénot nous a 
adressé la Note suivante : 

« Il fut un temps où la comparaison des anomalies 
musculaires de l'Homme avec les muscles normaux des 
Animaux inférieurs avait un intérêt, parce qu'on 
pensait que ces anomalies avaient une signification 
dlavique et reproduisaient les dispositions des ancêtres 
réels de l'Homme; mais l'accumulation des recherches 
dans ce sens a contribué à modifier l'opinion; il aurait 
fallu, en eflet, que l'Homme ait eu pour ancêtres tous 
les Mammifères possibles et même impossibles, ce qui 
est très invraisemblable. Les anomalies musculaires ne 
sont donc rien que des variations, sans aucune signi- 
fication alavique ; leur recherche est devenue d'un 
intérêt morphologique assez médiocre, vu leur nombre 
et leur infinie variété; et, quant à leur comparaison 
avec les dispositions normales des Vertébrés inférieurs, 
ce n’est qu'un jeu de l'esprit dont on ne voit ni le sens 
ni le but. Quant à fixer la place de l'Homme parmi les 
Anthropoides, M. Alezais me permettra de penser que la 
comparaison des anomalies avec les muscles normaux 
des animaux inférieurs y a contribué pour moins que 
rien », 


$ 6. — Sciences médicales 


La diflérenciation cellulaire et les tu- 
meurs ‘. — On sait que chacun des feuillets embryon- 
naires a sa fonction spécifique, de telle sorte qu'on 
peut classer les organes ou tissus d'un adulie suivant 
leur provenance; les cellules, d’abord toutes sem- 
blables, évoluent suivant un mode caractéristique (cy- 
tomorphose) pour chaque organe, tantôt en se modi- 
fiant toutes, comme dans le système nerveux, tantôt en 
se divisant en deux lots, les unes subissant la ditféren- 
ciation, les autres restant à l’état embryonnaire et 
capables de se multiplier activement (épiderme, mé- 
senchyme adulte, mésothélium des organes génito-uri- 
naires, épithélium entodermique du tube digestif). Or, 
il semble y avoir un lien entre la genèse des tumeurs 
et le degré de différenciation des tissus : les tumeurs 
à croissance rapide se reucontrent principalement dans 
le tissu le moins différencié du corps, le mésenchyme : 
myxome, myome, fibrome, lipome, chondrome, ostéome 
et sarcome; ce issu affirme ainsi, dans l’ordre patho- 
logique, sa capacité d'évoluer dans les sens les plus 
variés. 

L'endothélium des vaisseaux, les globules amiboïdes 
du sang et la névruglie, tout en étant plus avancés que 
le mésenchyme, sont cependant restés à un degré ass-z 
bas de différenciation : aussi peuvent-ils encore pro- 
duire des tumeurs d’une allure propre, angiome et 
gliome. Il est probable qu'il existe une tumeur résul- 
tant de la muliiplication excessive des leucocytes. 

Par contre, les cellules les plus différenciées ne 
forment pas de tumeurs : il est très rare qu'il y ait pro- 
lifération cancéreuse des cellules hépatiques (le cancer 
du foie provient de lépithélium banal des canaux 
biliaires), ou bien des muscles striés (les myomes du 
cœur ou des muscles du squelette sont excessivement 
rares); enfin, les cellules nerveuses ne donnent jamais 
de tumeurs. 

Minot propose de classer les tumeurs d’après leur 
feuillet d’origine : les tumeurs musculaires ou myomes 
doivent être démembrées, parce que les muscles striés 
et lisses sont distincts génétiquement, il en est de 
même des épithéliomas; il est illogique de placer les 
gliomes dans les tumeurs conjoncüves, puisque la né- 
vroglie provient de l'ectoderme, et le tissu conjonctif 
du mésoderme. ll est, en effet, probable que la spécificité 
de chaque feuillet embryonnaire ne gouverne pas seu- 
lement la différenciation normale, mais aussi la diffé- 
renciation pathologique; il y aurait donc des cancers 
ectodermiques, mé-odermiques et entodermiques. 


‘ Mixor : The embryological basis of Pathology (Science, 
vol. XIII, 1901, p. 481): 


$ 7. — Littérature scientifique 


Projet de création d’un Dictionnaire tech-" 


nique en trois langues. — Tous ceux, savants, 
ingénieurs, chimistes, industriels, etc., que leurs occu- 
pations obligent à consulter fréquemment des publica- 
tions en langues étrangères, se sont souvent trouvés 
dans l'embarras pour obtenir l'équivalent en français 
de tel terme technique spécial dont les dictionnaires 
courants, même les plus complets, ne donnent pas la 
traduction. 11 existe bien quelques essais de diction- 
naires techniques, tels que celui des « Notes et formules 
de l'Ingénieur » ou celui de M. Hospitalier, qui témoi- 
gnent d'efforts louables pour faciliter la lecture des 
mémoires en anglais ou en allemand. Mais ces diction- 
naires sont loin d'être complets, et la forme condensée 
qu'on a voulu leur donner a empêché souventd’attri= 


buer aux termes qui y figurent toutes les significations 


qu'ils peuvent prendre suivant les mots auxquels ils 
sont associés, 


Aussi, nos lecteurs apprendront-ils probablement 


avec intérêt l’entreprise tentée par la Société des Ingé= 


nieurs allemands ( Verein deutscher Ingenieure). Gette* 


Société a décidé de prendre à sa charge la confection 
d'un Dictionnaire technique en trois langues (français, 
allemand, anglais), qui contiendra tous les termes et 
toutes les phrases spéciales en usage dans les sciences 
techniques. Mais, au lieu de confier la rédaction de ce 


dictionnaire à une seule personne, dont les connais- 


sances, même étendues, seraient forcément incom- 
plèles, le Société a décidé de faire appel au plus grand 
nombre possible de collaborateurs et de demander seu= 
lement à chacun d'eux ce qui concerne sa spécialité, 
Dans ce but, la Société a fait connaitre son projet à la 
plupart des associations scientifiques et techniques des 


pays de langues francaise, allemande et anglaise, aux 


grands établissements industriels et à divers particu= 
liers. 

La collaboration qu'elle sollicite est gratuite. Chaque 
collaborateur recevra un carnet portant trois sections 
divisées alphabétiquement, et destinées à recevoir les 
termes et expressions (en français, par exemple), avec 
leurs traductions (en anglais et en allemand), relatifs 
à la branche qui aura été choisie par le collaborateur. 
Les réponses seront envoyées à un rédacteur en chef, 
M. le Jr Hubert Jensen, savant doublé d'un lexico= 
graphe, qui les réunira, les comparera, et rédigera le 
texte définitif du Dictionnaire. Celui-ci paraîtra en trois 
volumes, dont chacun contiendra les trois langues, 
l’une dans l’ordre alphabétique des mots, les deux 
autres comme traduclion. 

La Société prend à sa charge tous les frais d'impres= 
sion et d'édition de l'ouvrage, qui sera vendu à un prix 
très modéré. 


La Société des Ingénieurs allemands a reçu beaucoup: 


de réponses favorables à ses propositions, et plusieurs 
collaborateurs sont déjà au travail. Les personnes qui 
désireraient lui apporter leur concours peuveut s'adres= 
ser à M. Hubert Jensen (49, Dorotheenstrasse, Berlin, 
N. W.). C’est de l'appui et de la coopération du plus 
grand nombre que dépend le succès du Technolexicon, 
qui constituera un auxiliaire précieux de la littérature 
scientifique et technique et rendra de réels services au 
développement de la science et de l’industrie dans tous 
les pays de langue francaise, allemande et anglaise. 


S 8. — Enseignement 


Conférence sur lalcoolisme. — M. le D' Le= 
grain, médecin en chef de l'Asile de Ville-Evrard, fera: 
le lundi 20 mai, à 3 heures, une conférence sux 
« Le récidivisme de l'ivrognerie; mentalité du récidis 
viste ; remèdes». Cette conférence aura lieu à l’Asile d 
Villejuif, au Laboratoire de Psychologie expérimentale 
de l'École des Hautes-Etudes. 2 


| 5 


…. L'esprit français a soif de clarté. Il veut que les 
“choses lui soient présentées neltement, même 
“quand la netteté de l'exposition devrait dépasser 
un peu ce que semblent autoriser les notions réel- 
“lement acquises. D'autre part, il ne peut se con- 
tenter de connaître le comment des phénomènes. 
“C'est un besoin pour lui d'en apercevoir le pour- 
“quoi, c'est-à-dire de les rattacher les uns aux au- 
“tres par ces relations de cause à effet dont l’en- 
chainement logique conslilue ce qu’on appelle des 
- théories. 
- En vain essaierait-on de le décourager en lui 
montrant qu'un édifice doctrinal n’a jamais qu’une 
- durée limitée, et que bientôt l'observalion révèle 
un phénomène dont la théorie admise est impuis- 
à rendre compte. Il sait que cet apparent 


sante à 
“échec de la doctrine est moins un renversement 
qu'une évolution, et qu'il suffira généraiement 
d'en modifier quelques termes pour la rendre apte 
«à sa nouvelle lâche. Au rebours de ceux qui s'au- 
“torisent de ces changements pour dénier loule va- 
- leur objective aux doctrines et les considérer tout 
au plus comme des cadres commodes, en vue de 
l'enregistrement méthodique des faits, un instinct 
sûr avertit l'esprit français que la vraie science à 
pour objet principal non la connaissance des résul- 
tats d'expérience, mais l'intelligence des rapports 
qui les unissent. Tandis que l'observation perfec- 
-Lionne ses méthodes, et introduit une précision 
“croissante dans l'expression des faits constatés, le 
. savant se sert de ces progrès pour mieux définir 
les rapports déjà entrevus, de sorle que peu à peu 
“les lignes maitresses de l'édifice doctrinal se dé- 
gagent avec une netteté grandissante. 

C'est à ce point de vue qu'on a vraiment le droit 
de dire qu'il existe une science francaise; car, si la 
connaissance des phénomènes est une de sa nature, 
et n'a pas à compter avec les distinctions de race 
ou de nationalité, l’idée qu'on se fait des choses 

n'est nullement indifférente au progrès de l'obser- 
“ation elle-même, qu'elle guide en l’orientant vers 
“des voies fécondes. Or, tandis que, dans d'autres 
» pays, on se contente volontiers de recueillir des 
- faits, évitant avec une défiance systématique toute 
- Lentative de les réunir en théorie, chez nous on 
. professe de iongue date ce qu'exprimail si bien 
M. H. Poincaré dans son discours au Congrès de 
- Physique de 1900, c'est-à-dire que « le savant doit 
; ordonner : on fait la science avec les faits, comme 
n une maison avec des pierres; mais une accumula- 
lion de faits n’est pas plus une science, qu'un las 


de pierres n’est une maison ». 
La 


* A. DE LAPPARENT — L'ÉVOLUTION DES DOCTRINES CRISTALLOGRAPHIQUES 


399 


L'ÉVOLUTION DES DOCTRINES CRISTALLOGRAPHIQUES 


A toutes les époques, le mérite de nos grands 
hommes de science est d’avoir tenu dans leurs 
mains de ces flambeaux directeurs qui éclairaient 
la route de leurs contemporains, mérilant, par les 
services rendus, une gratitude dont nous ne sau- 
rions nous affranchir sous le prétexte que la 
lumière projelée avait parfois ses défaillances, et 
qu'on dispose aujourd'hui d'instruments plus per- 
fectionnés. 

Nulle part cette disposition nationale ne s'est 
manifeslée avec plus d'éclat ni plus de succès que 
dans le développement de la science cristallogra- 
phique, la plus française qui soil par ses origines; 
car c'est un des nôtres, Carangeot, qui a inventé 
le goniomètre d'application, l'instrument si simple 
qui sert à mesurer les angles des crislaux; c'est 
un autre Français, Romé de l'Isle, qui a su manier 
cet ingénieux outil de façon à découvrir, en 1783, 
le principe de l'invariabilité des angles mutuels 
des faces dans une même forme. Enfin, quelques 
années plus tard, notre compatriote l'abbé Haüy 
construisait sur cette base l'édifice, aussi simple 
que majestueux, de la première doctrine cristallo- 
graphique. Il convient d'en rappeler succinctement 
le principe. 


Sur sa table de travail, Haüy vient d’élaler une 
série de cristaux qui tous appartiennent à l'espèce 
connue sous le nom de chaux carbonalée. Il a beau 
savoir que, dans chacun de ces cristaux, les faces 
homologues, quoique suscephibles d’un développe- 
ment inégal, font entre elles des angles dièdres 
invariables, cette loi ne suffit pas pour mettre de 
l’ordre dans une pareille richesse de formes en 
apparence incompalibles. Ici, voilà des pyramides 
très pointues, à douze faces triangulaires, dont les 
deux moitiés se raccordent par un hexagone en 
zigzag. À côté, d'autres échantillons ne montrent 
que des prismes à six pans, mais ceux-ci sont cou- 
ronnés Lanlôt par une base unique, tantôt par la 
combinaison de cette base avec trois facettes qui 
lui sont tangentes, lantôt par une pyramide trian- 
gulaire aplalie, qui fait du sommet du cristal une 
tête de clou. Parfois les cristaux sont allongés, 
presque aciculaires; d’autres échantillons, ra- 
massés comme en boule, portent douze faces à 
peu près semblables, de contour pentagonal. D'au- 
tres enfin seraient facilement pris pour des cubes. 
N'est-ce pas une vaine tentative, de chercher une 
loi de dérivation commune dans celte mullilude de 
polyèdres, qui ne semblent se rattacher les uns aux 


400 


A. DE LAPPARENT — L'ÉVOLUTION DES DOCTRINES CRISTALLOGRAPHIQUES 


autres que parce que le nombre de leurs faces est le 
plus souvent, mais pas toujours, un multiple de 3? 

Heureusement, les de carbonate de 
chaux sont fragiles, et de ce défaut même va sortir 
pour Haüy un précieux enseignement. Parmi les 
pyramides qu'il a sous les yeux, quelques-unes 
ont perdu leur pointe; mais la cassure qui en ré- 
sulte n'est pas inégale et capricieuse, comme ce 
serait le cas avec du cristal de roche. Elle est par- 
faitement plane et brillante ; souvent même elle se 
compose de {rois facettes identiques, formant un 
pointement symétrique. Ce qui est plus remar- 
quable encore, c'est que le choc d'un marteau fait 
naître indifféremment ce même poinlement sur 
tous les cristaux, quelle que soit leur forme. Tous 
se clivent, c'est-à-dire se laissent débiler, suivant 
trois directions faisant entre elles le même angle; 
si bien qu'en continuant à les briser, de manière à 
faire disparaître l’une après l’autre toutes les faces 
originelles, on n'a plus, quel que soit le cristal 
primilif, qu'un noyau de forme constante. 

Ce noyau est un solide appelé parallélipipède, 
parce qu'il est limité par trois couples de faces, 
deux à deux parallèles. Les six faces se groupent 
symétriquement trois par trois aulour de deux 
sommets opposés, et, si l'on s'arrange pour que la 
figure ainsi obtenue soit équilibrée dans tous les 
sens, on reconnait que les six faces sont des lo- 
sanges ou rhombes identiques, ce qui vaut au 
noyau le nom de rhomhoëdre. 

De cette observation, le lumineux esprit d'Haüy 
tire la conséquence que voici: Ce rhomboëdre, qui 
survit seul à la destruction de tous les cristaux, 
quels qu'ils soient, doit être la vraie forme, la 
forme primitive, du carbonate de chaux. Toutes 
lès autres formes doivent pouvoir s'y ratlacher, en 
considérant chacune de leurs faces comme le ré- 
sultat d'une section plane ou {roncature opérée sur 
les angles ou les arêtes du rhomboëèdre primitif; 
car, les directions des faces ayant seules de l'im- 
portance dans les cristaux, on peut toujours, pour 
une face donnée, concevoir un plan parallèle qui 
viendra couper les arêtes du rhomboëdre. 

D'ailleurs, le fait n’est point particulier au car- 
bonate de chaux. Une foule d'autres espèces se 
comportent d’une manière analogue. Le sel marin, 
et avec lui la galène ou sulfure de plomb, par 
exemple, se clivent suivant trois directions à angle 
droit, qui engendrent des noyaux cubiques. La ba- 
ryline ou sulfate de baryte se clive en prismes 
droits à base de losange; l'anhydrite ou sulfate de 
chaux anhydre, en prismes rectangulaires à faces 
inégalement brillantes, ele. Par une généralisation 
hardie, Haüy érige ce fait d'observation en prin- 
cipe universel. Tous les cristaux sans exception 
doivent avoir pour noyau un parallélipipède, et, 


cristaux 


comme un tel solide géométrique est susceptibles 
d'une suite ordonnée de yariélés à symétrie dé 
croissante, depuis lé cube jusqu'au polyèdre com= 
posé par trois couples de parallélogrammes iné- 
gaux et obliques les uns sur les autres, le secret 
de l'inégale symétrie des cristaux devra se trouver 
dans la forme de leur noyau primitif, invariable 
pour une substance donnée. 

Effectivement, en comparant ce noyau, tel qu'il 
est révélé par le clivage, avec les formes plus com= 
pliquées des cristaux naturels, Haüy s'assure que 
toute modification opérée sur un élément du 
noyau se répète sur tous les éléments identiques. 
Ainsi, qu'une troncalture équilatérale se substitue 
à un angle d’un cube, les sept autres angles porte= 
ront la même modification. Qu'une des arêtes de. 
ce cube soit abattue par une face langente, les 
douze arêtes seront abattues de la même facon. 
C'est Ja loi de symétrie, qui va devenir la règle 
infaillible dans l'analyse des formes dérivées, et 
permeltra de distinguer celles qui sont simples de 
celles qui découlent de la superposition de plu 
sieurs formes indépendantes. 

Haüy va plus loin encore : Puisque chaque face 
est une troncature qui, dans le cas le plus général, 
abat un angle du noyau primitif; puisque, d'autre 
part, la direction de cette face importe seule, eb 
non sa position, il est facile de la définir avec pré- 
cision, en faisant connaître les rapports mutuels 
des longueurs inlerceptées sur les trois arêtes de 
l'angle qu'elle tronque, ces longueurs elles-mêmes 
pouvant être évaluées en fraction de la dimension 
des arêtes du noyau normal. Or, en procédant à 
cette mesure, Haüy découvre avec surprise que ces: 
rapports sont toujours simples, et que, pour tous 
les cristaux, ils peuvent constamment s'exprimer" 
par des fractions dont les deux termes sont des 
nombres entiers. C’est ce qu'on appelle des frac- 
tions r'alionnelles. 4 

Ainsi, supposons qu'une troncalure intercepte; 
sur les arêtes d'un angle, trois longueurs qui, ex= 
primées en fractions de la dimension propre de 
arêtes, soient entre elles comme les nombres 4, 
et5. Une autre troncature, absolument quelconqu 
et n’appartenant pas à la même forme, interceptera 
des longueurs telles que 1, 2, 7; de sorte que les 
ur 
loi de symétrie vient donc se joindre la oi de 
troncatures rationnelles; et ces deux lois ensemble 
régiront toutes les combinaisons de la matière 
cristallisée. 1 


rapports seront toujours rationnels. À 1 


IT 


Jusqu'ici l'expérience seule a parlé. Observateur 
habile et perspicace, Haüy a su constater des faits 


D AE 


A, DE LAPPARENT — L'ÉVOLUTION DES DOCTRINES CRISTALLOGRAPHIQUES 101 


qui n'apparaissaient pas au premier coup d'œil, et 


= les grouper en lois expérimentales, d'une portée 


» absolument générale. Mais voici que va se mani- 
- fester le savant de race française, qui veut trou- 
ver la signification intime des rapports révélés par 
l'observation. 

- Il lui suffira pour cela de rapprocher, par une 
relation de cause à effet, les deux notions fonda- 
mentales du parallélipipède primitif et des tronca- 
tures rationnelles. Puisque le clivage permet de 
réduire n'importe quel crislal de carbonate de 
chaux, par exemple, en rhomboèdres de plus en 
plus petits, mais toujours identiques, n'est-il pas 
paturel d'admettre qu’un rhomboëèdre soit composé 
par la juxtaposition régulière et l’empilement 
ordonné d’une foule de rhomboèdres élémentaires 
de la même forme, qui seront, selon l'expression 
d'Haüy, les molécules intégrantes du noyau? Dans 
ce cas, si l'on suppose ces molécules assez peliles 


… pour que l'appréciation de leurs formes et de leurs 


dimensions échappe à nos sens, lorsque, sur un 
angle d’un rhomboëdre, on voudra faire naître une 


» face quelconque, il suffira d'enlever, sur les trois 


faces aboutissant à cet angle, un certain nombre 
de rangées contenant chacune un nombre entier de 
molécules intégrantes. Après quoi, à la place de 
l'angle, il restera une troncature en forme d'esca- 
lier dentelé, dont chaque marche aura la hauteur 
d'une molécule. Mais les dimensions sont si petites 
que l'impression produite sur nos organes par cet 
escalier sera celle d’une face plane et continue. Et 
comme chaque arèêle limitative de ce plan repré- 
sente forcément un nombre entier de molécules, 
les rapports mutluels des arêtes appartenant à 
diverses faces ne pourront être que rationnels. 

Nous voilà donc parvenus, du premier coup, à 
une conceplion infiniment claire de Ja nature 
intime d'un corps cristallisé. C'est un assemblage 
ordonné d'éléments parallélipipédiques, dans lequei, 
par l'addition ou la soustraction d'un nombre 
entier d'éléments, on peut faire naïîlre loutes les 
formes compatibles avec la symélrie propre du 
noyau. 

Chose curieuse! au lieu de se laisser séduire par 
ce qu'il y avait de lumineux et de simple dans cet 
ensemble de conceptions, les cristallographes 
étrangers, surtout ceux de l'École allemande, s'obs- 
tinaient à chercher une autre formule. Weiss a cru 
la trouver dans ce qu'il a appelé la Loi des zones. 

Il faut dire qu'une zone, en Cristallographie, est 
l'ensemble de toutes les faces qui sont parallèles à 
une même direction, de sorte que, si elles étaient 
seules, elles engendreraient un cylindre à base 
polygonale, ayant cette direction pour axe. Or 
l'observation montre que les zones comprenant 
plus de deux faces sont fréquentes dans les cris- 


laux, et qu'en outre, quand une forme relalivement 
simple est donnée, par exemple celle d'un prisme 
hexagonal coiffé par la pyramide correspondante, 
si cette forme vient à s'enrichir en facettes adven- 
tives, celles-ci auront une tendance marquée à 
venir se placer de préférence dans les zones 
engendrées par la combinaison d'une des faces de 
la pyramide avec une de celles du prisme. 

11 semble donc que, par ce seul fait qu'une zone 
existe (et pour cela il suffit que deux faces soient 
développées), elle appelle, en quelque sorte, les 
nouvelles faces à venir. Et fréquemment une de 
ces nouvelles faces s'arrange de manière à se 
trouver à la fois dans deux zones préexistantes, 
ce qui la détermine absolument, puisque la direc- 
tion d'un plan est fixée quand cn connait celle de 
deux lignes que le plan doit contenir. 

Une telle disposition ne saurait être un effet du 
hasard. Elle doit trouver sa raison d’être dans les 
propriétés fondamentales de la malière cristallisée. 
C'est pourquoi Weiss a cru pouvoir se passer de la 
formule d'Haüy, et lui substituer une loi longtemps 
réputée plus générale, dont l'énoncé est le sui- 
vant : 

Dans le développement progressif des dillérents 
termes d'une série cristalline, chaque terme ullé- 
rieur est déterminé par les zones que forment 
entre eux les termes précédents. 

Quelle distance entre cet énoncé, à 
essentiellement germanique, et la formule d'Haüy, 
toute empreinte de la limpidité même des cristaux! 
Encore, si cette infériorilé était rachelée par une 
portée plus générale! Mais pas du tout. Traduite 
en bon français, la loi des zones exprime toulsim- 
plement qu'un corps crislallisé est entièrement 
défini en puissance par quatre faces non parallèles 
entre elles; car ces quatre faces, prises deux à 
deux, engendrent six zones, lesquelles, combinées 
entre elles, en font naïîlre de nouvelles, el ainsi de 
suite indéfiniment. Or, si l'on fait passer trois des 
quatre faces par un même point, et que la qua- 
trième soit logée dans l'intérieur du frièdre ainsi 
obtenu, on engendre une pyramide à quatre faces 
triangulaires; et cette pyramide est elle-même le 
quart du parallélipipède qui serait élevé sur le 
double de sa base triangulaire. 

Nous voilà donc ramenés au noyau parallélipi- 
pédique d'Haüy, noyau dont nous savons que nous 
pouvons tirer toute la série des formes admis- 
sibles, en joignant trois à trois les points de divi- 
sion des arêtes fondamentales, préalablement sec- 
tionnées en parties égales. Il y a mieux, et, parce 
que nous sommes libres d'opérer ces jonctions en 
partant des combinaisons les plus simples, cela 
nous donne l'assurance de constituer une série 
beaucoup mieux ordonnée que celle où il faudrait 


l'allure 


faire appel à la seule expérience, la production des 
faces cristallines pouvant parfois dépendre de cer- 
tains caprices extérieurs, capables de masquer 
plus ou moins les tendances propres du corps 
cristallisé, 

En résumé, la théorie francaise d'Haüy n’a pas 
seulement le mérite de la simplicité. Elle va plus 
loin que l’autre, et pénètre dans ce domaine des 
causes inlimes, dont la doctrine allemande sem- 
blait se refuser systémaliquement l'accès. 


III 


Cependant, il est impossible au génie, quelque 
grand qu'il soit, de trouver du premier coup la for- 
mule définilive. Si, à cerlains égards, sa puissance 
de conception devance l'avenir, son édifice doc- 
trinal repose sur des faits, dont une observation 
plus attentive et mieux outillée enrichira beaucoup 
le catalogue, en même temps que la définition de 
quelques-uns d’entre eux pourra s’en trouver 
modifiée. 

C'est ainsi que, dès le temps d'Haüy, la grande 
loi de symétrie se voyait mise en défaut dans cer- 
lains cas, assez rares, avait-il semblé d'abord, 
pour qu’on püt les traiter comme des exceptions 
accidentelles. Par exemple, plusieurs cristaux, 
comme ceux de la pyrile de fer, n’offraient que la 
moitié des faces exigées par la symétrie de leur 
noyau cubique. D'un autre côté, par sa conception 
des molécules intégrantes, étroitement juxtaposées 
et empilées, Haüy semblait admettre, au moins 
implicilement, la continuité de la matière cristal- 
lisée. Or, les cristaux, comme tous les autres corps 
solides, se dilatent par la chaleur, et se contractent 
par le froid. 11 faut donc qu'entre leurs derniers 
éléments il subsiste des intervalles susceptibles de 
varialion. Donc, leurs dernières particules ne doi 
vent pas être conliguës. 

Faudra-t-il, pour cela, renoncer d’une manière 
complète à la conception d'Haüy? Mieux inspiré, 
un élève de ce grand maitre, Delafosse, guidé 
par ce bon sens pratique qu'on nous permettra 
encore de présenter comme une qualité française, 
soupçonne que la solution du problème doit se trou- 
ver dans une interprétation moins rigoureusement 
géométrique des faits observés. La loi de symétrie 
dit que les éléments identiques seront identique- 
ment modifiés. Mais les cristaux ne sont pas de 
simples polyèdres : ce sont des objets réels et con- 
crets, où l'identité géométrique n'implique pas 
nécessairement l'identité physique. Au lieu de 
composer un cube avec des molécules intégrantes 
cubiques et conliguës, imaginons que les particules 
aient la forme de télraèdres réguliers, c'est-à-dire 
de pyramides à faces de triangles équilatéraux. En 


A. DE LAPPARENT — L'ÉVOLUTION DES DOCTRINES CRISTALLOGRAPHIQUES 


les orientant toutes de la même facon, on formera, 
de ces pyramides, des strates, dont l'empilage 
pourra donner naissance à un cube; sans doute il y 
subsistera des vides, puisque c’est par leurs pointes 
que les tétraèdres d’une face viendront toucher les 
bases planes de la strate supérieure. Mais, si les 
éléments sont très petits, les vides seront prati- 
quement négligeables. 

Or, dans ce cas, on voit bien que les deux 
extrémités d'une arête cubique, suite de tétraèdres 
empilés, n'ont pas la même signification physique, 
puisque lune fait apparaître une base, et l’autre 
une pointe de pyramide. Done il est naturel que ces 
deux extrémités ne se modifient pas ensemble. 
Dès lors l’hémiédrie, c'est-à-dire la réduction à 
moitié du nombre des faces admissibles, non seu- 
lement n'apparaît plus comme une exception capri- 
cieuse, mais s'encadre dans la conception géné- 
rale, en accusant un lien de plus entre les faits 
d'observation el la cause profonde qui les déter- 
mine. 

Ce premier pas une fois franchi, Delafosse est 
conduit à en faire un autre, non moins décisif. 
Pourquoi, sur une même ligne, les particules inté- 
grantes seraient-elles contiguës? 11 suffit qu'elles: 
y Soient également espacées. On voit de suite que 
cet espacement laissera toute latitude à l’accom- 
plissement des varialions de volume; et, en outre, 
il est aisé de s'assurer que les particules ainsi 
ordonnées formeront un réseau de parallélipi- 
pèdes, chaque particule occupant, par son centre 
de gravité, le sommet de l'un de ces noyaux paral- 
lélipipédiques dont la juxtaposition produit l'as- 
semblage. Par ce moyen, les molécules intégrantes 
d'Haüy n'ont plus qu'une réalité géométrique. Elles 
définissent les lignes maïitresses de l'ordonnance 
qui préside à l'édifice cristallin ; et la réalité phy- 
sique appartient seulement aux particules non con- 
liguës, dont l’espacement fixe précisément les 
dimensions du noyau primitif de l’assemblage. 

Telle est la première évolution de la doctrine 
d'Haüy. Sans qu'elle ait rien perdu de sa limpidité, 
sans que son expression première ait été sensible- 
ment modifiée, la voilà mise en accord avec une 
nouvelle catégorie de phénomènes, en même 
temps que disparait toute contradiclion entre la 
conception fondamentale et la notion de disconti- 
nuité de la matière pondérable. C’est à Bravais que 
reviendra maintenant l'honneur de développer la 
théorie des assemblages réticulaires, et d'en tirer 
toute une série de conséquences fécondes. 


IV 


Dans ses, Xludes cristallographiques, dont la 
publication a commencé en 1849, Bravais ne s'est 


A. DE LAPPARENT — L'ÉVOLUTION DES DOCTRINES CRISTALLOGRAPHIQUES 


403 


pas borné à donner une classification rigoureuse, 
en même temps qu'une théorie géométrique, aussi 
élégante que complète, des assemblages rélicu- 
laires. Fidèle à l'esprit de ses devanciers, il s’est 
attaché à faire ressortir la notion de cause, en rat- 
tachant plus étroitement que jamais les faits cris- 
tallographiques à la nature des éléments des cris- 
taux. 

Ceux-ci, par leurs formes géométriques, 
trabissent l'ordonnance intime dont ces formes 
sont l'expression extérieure. Mais ils la trahissent 


« encore mieux par la frappante régularité avec 


laquelle s’y distribuent les propriétés physiques 
de toute nature. Un fait, commun à tous les cris- 
taux, domine cette disposition : C'est que les pro- 
priétés physiques, variables avec les directions 
suivies, sont identiques pour toutes les directions 
parallèles, quel qu'en soit le point de départ. Or, 
ces propriétés, dans un corps qui a passé lente- 
ment de l’état fluide à l’état solide, ne peuvent 


. dépendre que de l’arrangement des particules ma- 


térielles. Celui-ci obéit donc à la même loi, c’est- 
à-dire que, variable avec les directions, il est le 
mêrae pour toutes les lignes parallèles. On en 
déduit sans peine, d'une part, que, sur une direc- 
tion donnée, les particules matérielles doivent être 
équidistantes; d'autre part, que toutes ensemble 
occupent, par leurs centres de gravité, les nœuds 
ou sommets d’un assemblage réticulaire, c'est-à- 
dire formé de parallélipipèdes égaux et régulière- 
ment juxtaposés. 

Or, la symétrie, dans un système réticulaire, est 
assujetlie à des condilions spéciales. Elle n'obéit 
pas seulement aux lois générales qui gouvernent 
la symétrie de tous les polyèdres géométriques, el 
que Bravais s'attache à définir exactement. La 
forme parallélipipédique de l'assemblage impose 
des sujélions particulières, par suite desquelles les 
seuls axes de symétrie admissibles sont ceux de 
l’ordre 2, 3, 4 ou 6. Examinant alors quelles com- 
binaisons ces axes et les plans de symétrie peuvent 
former entre eux, Bravais démontre qu'elles en- 
gendrent sept groupes distincts, qui sont précisé- 
ment ceux qu'Haüy avail définis (le système ter- 
naire ou rhomboédrique étant séparé du système 
hexagonal). Il y a done une remarquable concor- 
dance entre les résultats de l'observation et ceux 
de la théorie. Pour la première fois, on apercoit 
nettement la cause qui limite de façon si étroite le 
genre de la symétrie dans les cristaux. Pour la 
première fois, aussi, apparait la raison profonde 
de ce fait si frappant, qu'il n'existe pas de cris- 
taux dont la symétrie soit coordonnée autour du 
nombre 5, alors que cetle ordonnance est si fré- 
quente dans le règne organique, nolamment pour 
les Échinodermes. C'est que la symétrie quinaire 


est absolument incompatible avec les conditions 
géométriques des assemblages parallélipipédiques. 

Mais pourquoi, parmi les variélés, au nombre de 
sept, que peuvent offrir les systèmes réticulaires, 
un corps donné choisit-il toujours la même ? C'est 
qu'évidemment une raison d'équilibre mécanique, 
propre à la substance, domine ce choix; et cette 
raison ne peut être logiquement cherchée que dans 
la forme même des éléments du cristal. Si ces élé- 
ments ont une symétrie propre, leur équilibre sera 
le mieux assuré quand cette symétrie sera d'accord 
avec celle du réseau choisi. Supposer les particules 
sphériques ou agissant comme telles, c'est enlever 
toute cause raisonnable à l'adoption d'un genre de 
symétrie réliculaire de préférence à tout autre. 

Ce principe une fois admis, on entrevoit de suite 
une conséquence capilale. Puisqu'il n'existe que 
sept variétés de systèmes réticulaires, un corps 
qui cristallise est forcé d'opter en faveur de l’une 
d'elles, vraisemblablement de celle avec laquelle 
il a le plus d'éléments communs. Mais la particule 
cristalline, dont la forme détermine ce choix, n’esl 
pas un parallélipipède. Les lois qui régissent sa 
symétrie sont beaucoup moins étroites. Elle peut 
posséder des éléments auxquels les assemblages 
réticulaires n'aient pas droil, comme aussi elle 
peut ne contenir qu'une partie des éléments de 
symétrie du système choisi. Il y aura donc deux 
cas à considérer dans la cristallisation : ou bien la 
particule est pleinement satisfaite par le système 
adopté; ou elle n’est que partiellement en har- 
monie avec lui. 

Dans le premier cas, une forme cristalline se 
présentera toujours avec la lotalité des faces que 
fait prévoir la symétrie géométrique du réseau. 
Elle sera donc Aoloëdrique. Dans le second cas, 
une parlie seulement des faces géométlriquement 
admissibles se produira : celles qui sont comman- 
dées par les éléments communs au système et à la 
particule. La forme sera incomplète ou mérié- 
drique”. 

Pour savoir quelles variétés comporte ce second 
cas, évidemment le plus fréquent de tous, puisque 
c'est par exception seulement qu'un polyèdre mo- 
léculaire se trouvera en harmonie complète avec 
un système réticulaire, il suffit de rechercher sui- 
vant quelles lois peut se produire le désaccord 
entre les deux symétries. Bravais résout le pro- 
blème dans une analyse qui restera comme un 
modèle de lumineuse élégance, et, du coup, voilà 
classés, dans un ordre logique, tous les genres, 


jusque-là réputés indépendants, de formes mérié- 


driques, alors que la Cristallographie allemande 


—————————…————— 


1 Le mot de méroédrique, employé en Allemagne, semble 
plus conforme à l’étymologie. 


10! A. DE LAPPARENT — L'ÉVOLUTION DES DOCTRINES CRISTALLOGRAPHIQUES 


avait dû se borner à en dresser le catalogue, sans 
pouvoir établir aucun lien entre eux, comme s'ils 
correspondaient à autant de fantaisies de la Nature, 
cherchant à échapper, par des moyens divers, aux 
lois fondamentales de la cristallisation. Ainsi, plus 
de parahémiédrie, d'antihémiédrie, d'énantiomor- 
phisme, ni d'hémimorphisme, mais une chaîne par- 
faitement rationnelle de dérivations, dont chaque 
anneau trahit ce qui manque à la particule pour 
que sa symétrie soit pleinement d'accord avec celle 
du réseau. El celte chaine est si complèle qu’elle 
prévoit des combinaisons encore inconnues, dont, 
quelques années plus tard, l'expérience apportera 
la confirmation. 

En même temps, la théorie montre pourquoi la 
généralité du phénomène avait si complètement 
échappé aux premiers observateurs. C'est que la 
réduction qui accuse la mériédrie ne peut faire 
sentir son plein effet que sur les formes dont les 
éléments ne sont ni parallèles, ni perpendiculaires 
aux axes de symétrie. Or, ces formes sont justement 
celles qui ont le moins de chances de se produire, 
parce que leurs faces sont moins chargées que les 
aulres de centres moléculaires, ainsi qu'il est aisé 
de le calculer. La Nature, toujours fidèle au prin- 
cipe de la moindre action, produit le plus volontiers 
les formes qui résisteront le mieux à la destruction, 
parce que, sur leurs faces, les particules se montrent 
plus étroitement serrées. Mais ces formes ne ré- 
clament, pour leur génération, qu'une partie des 
éléments de symétrie du réseau. Si celle parlie est 
justement celle qui est respectée dans le polyèdre 
moléculaire, il n’y aura pas de réduction du nombre 
des faces, et la mériédrie demeurera latente. 

La théorie de Bravais est si séduisante, elle com- 
plète si heureusement l'édifice des Haüy et des Dela- 
fosse, qu'elle a fini par s'imposer à notre enseigne- 
ment, surtout à partir du moment où l'on a réussi 
à en simplifier l'exposé, que, par une sorte de co- 
quetterie de géomètre, l’auleur avait enveloppé 
d'un appareil un peu rébarbalif pour des commen- 
cants. Mallard est de ceux qui s'y sont appliqués 
avec le plus de succès, et la cause qu'il défendait a 
pu sembler définitivement gagnée, lorsque ce sa- 
vant, dans une suite de recherches mémorables, a 
montré qu'on pouvait rattacher à la doctrine de 
Bravais loute une série de phénomènes nouveaux 
qui, au premier abord, avaient paru la mettre en 
échec. 

\ 


En effet, au moment même où se terminait la car- 
rière de Bravais, l'introduction des méthodes opli- 
ques et leur application à l'examen des plaques 
minces en lumière polarisée venaient mettre un 
nouveau sens à la disposition des minéralogistes. 


Mais cette conquête nouvelle ne marchait pas sans” 
surprises, el, à chaque instant, on rencontrait des 
cas de désaccord entre la théorie et l'expérience 
Une substance de symétrie cubique, qui aurait dû 
êlre optiquement isotrope, manifestait une biré= 
fringence incontestable; telle autre était optique- 
ment biaxe, quand sa cristallisation ne laissait pré- 
voir qu'un seul axe. C'est alors que, dans. son 
Mémoire sur les Anomalies optiques, Mallard fit 
voir que les cristaux anormaux n'étaient pas homo- 
gènes, qu'ils se composaient de parlies distinetes, 
de symétrie inférieure à celle de l’ensemble, mais 
groupées de façon à composer, par leur arrange- 
ment, un édifice plus symétrique que ses éléments 
constituants. 

Il restait à découvrir la cause de ce groupement. 
Le plus souvent, l'étude attentive des parties asso- 
ciées révélait chez elles une symétrie, à ia vérité 
d'espèce inférieure, mais peu éloignée de ce qui 
convenait à un degré plus élevé. Déjà Pasteur avait 
appelé l'attention des minéralogistes sur ce qu'il 
appelaitles formes-limites, en montrant que, quand 
une espèce minérale est dimorphe, c'est-à-dire sus- 
ceptible.de donner naissance à des cristaux appar- 
tenant à deux systèmes distincts, la forme la plus 
symétrique est une forme-limite ou approchée de 
l'autre, en ce sens que, dans celte dernière, Les 
directions et les paramètres des axes s'approchent 
des valeurs qui conviennent à la première. 

Élargissant cette notion de symétrie-limite, pour 
l'appliquer non plus seulement aux cristaux, mais 
aux assemblages réticulaires, Mallard va la rendre 
infiniment féconde et en tirer d'importantes con- 
séquences, qui lui serviront à expliquer, non seu- 
lement les anomalies opliques, mais un bon nombre 
des associations connues sous le nom de macles. 
Ces dernières consistent, en général, dans l’accole- 
ment de deux cristaux laissant entre eux un angle 
rentrant. Dans quelques-unes, il y a pénétration 
mutuelle des éléments de la macle, qui s'enchevé- 
trent plus ou moins l’un dans l’autre. 

Depuis longtemps la sagacilé des cristallogra- 
phes s’exerçait sur ce sujel. Bravais l'avait abordé 
avec sa hauteur de vues habituelle, mais sans en 
donner une solution complète. D'autres s'étaient 
bornés à classer les macles par catégories, suivant 
la nalure des mouvements qu'il convenait d'ima- 
giner pour amener en coïncidence les réseaux des 
deux cristaux accolés. Sur un point du moins, tous 
s'accordaient : c'était pour reconnaître que l'effet 
ordinaire des macles était de procurer, à l'ensemble 
des individus associés, une symélrie supérieure à 
celle de chacun d'eux. 

Ici, on voyait deux cristaux d'Albile, l'un et 
l'autre dépourvus de symétrie, s’accoler suivant une 
face commune, mais en se tournant réciproquement, 


ET 


A. DE LAPPARENT — L'ÉVOLUTION DES DOCTRINES CRISTALLOGRAPHIQUES 


de telle sorte que l'ensemble avait pour plan de 
symétrie la face de jonction. Souvent même, la 
macle se répélait un grand nombre de fois, les 
cristaux composants se réduisant en lamelles de 
plus en plus fines, de sorte que leur association 
finissait par consliluer un individu monoclinique. 
Ailleurs, c'était la Croiselte de Bretagne, c'est-à-dire 
l'associalion en croix grecque de deux cristaux de 
Slaurotide, individuellement plus longs que larges, 
mais engendrant, par leur croisement, un cristal 
équilibré suivant deux directions reclangulaires. 
Enfin, dans la Christianite, cet équilibre trouvait 
moyen de se réaliser suivant trois axes à angle 
droit, par la combinaison de deux macles sembla- 
bles ; après quoi, on voyait les trois pointements se 
raccourcir jusqu'à disparition complète des angles 
rentrants, ne laissant plus apparaitre au dehors que 
douze losanges, identiques d'apparence avec ceux 
qui limitent le dodécaëèdre rhomboïdal du système 
cubique. D'autres fois, dans la macle de la Croix 


4 
. le 1er, deux dodécaèdres pentagonaux de Pyrite, 


c'est-à-dire deux formes hémiédriques, s'enchevé- 
traient avec une telle régularité que la partie com- 
mune aux deux cristaux reconstituait le cube py- 


- ramidé holoédrique, dont chacun représentait la 


réduction à moilié. 

Dans tous ces exemples, le gain de symétrie 
réalisé par la macle ne pouvait faire de doute. Or la 
symétrie d'un édifice naturel est le gage extérieur 
de sa stabilité, car mieux la disposilion est équi- 
librée relativement aux diverses direclions de l’es- 
pace, plus l'édifice a de chances de résister aux 
agents extérieurs de destruction, On comprend donc 
que, si quelque arrangement peut procurer à un 


. corps un degré de symétrie plus élevé, une simple 


raison d'équilibre mécanique doive le porter à réa- 
liser cetle disposition favorable. 

Nulle part, là recherche de cet équilibre n'éclate 
mieux que dans la double macle de la Christianite, 
dont nous venons de parler. Quoi de plus typique 
que ce raccourcissement systémalique des trois 
branches, se ramassant sur elles-mêmes, se pelo- 
tonnanl, oserons-nous dire, de facon que la macle 
n'offre plus que des angles saillants, en mème temps 
que, de toutes les formes régulières, elle choisit 
celle qui diffère le moins d'une sphère, l'idéal des 
polyèdres en fait de résistance vis-à-vis du dehors! 

Encore faut-il cependant que celte réalisation 
d'un arrangement favorable puisse êlre oblenue 
avec le minimum d'effort. C’est ici que Mallard fait 
intervenir avec succès la symétrie-limite. Suppo- 


sons qu'il existe, dans le réseau d’une substance, 


un axe-limite d'ordre lernaire, c'est-à-dire tel 
qu'une rolalion de 120 degrés autour de cette ligne 
ramêne presque exactement en coïncidence les 
éléments du réseau cristallin. Cela suffira pour que 


105 


trois cristaux de l'espèce s'associent autour de l'axe 
en question, chacun prenant une des orienlalions 
que déterminerait une symétrie ternaire parfaite. 
De cette facon, l'ensemble des trois cristaux sera 
plus voisin du réseau ternaire que ne l'élait chacun 
d'eux individuellement, et par cela même le grou- 
pement aura gagné en stabilité. 

Tel est le cas de l’Aragonite, et une explication 
semblable parait convenir à un grand nombre de 
maäcles. Toujours la recherche d'un groupement 
plus stable, qui n’est elle-même qu'une application 
du principe de la moindre aclion, y est facilitée par 
le fait que la symétrie du réseau diffère peu de ce 
qui conviendrait à un degré plus élevé. La symé- 
trie-limile apparait donc comme une propriélé 
générale et protectrice des édifices cristallins. 

C'est de la même façon que, dans certaines 
variétés de Grenat, malgré une concordance absolue 
de la forme extérieure avec celle du dodécaëèdre 
rhomboïdal du système cubique, l'étude optique 
révèle que chaque face se décompose en quatre 
triangles biréfringents. Chacun d'eux est la base 
d'une pyramide biaxe, mais de symétrie-limile 
quasi-cubique. Gràäce à cetle circonstance, l'angle 
au sommet de la pyramide se trouve tel que, si 
quarante-huit de ces polyèdres se groupent autour 
d'un même point, lout l'espace se trouvera rempli, 
en même temps que l'enveloppe extérieure sera un 
dodécaèdre presque parfait. 

Une troupe assaillie par un ennemi supérieur se 
forme en carré, aux angles abaltus, parce qu'elle 
n'a besoin de résister que dans le plan où se pro- 
duit l'attaque. Les cristaux de grenat font mieux. 
Menacés dans toutes les directions de l'espace, ils 
se rassemblent autour d’un point, offrant partout 
la même résistance, parce qu'il ne reste plus entre 
eux que des vides insignifiants. On dirait d'une 
ingénieuse {richerie, par laquelle une espèce par- 
vient à dissimuler ce qui lui manque pour conquérir 
un degré supérieur de stabilité. 

La généralilé de ces combinaisons une fois cons- 
tatée, ce ne sera plus s'aventurer avec excès que de 
se demander si vraiment les différences entre les 
réseaux cristallins, suivant les espèces, ont bien 
toute l'importance qu'on a coutume d'y attribuer. 
En se fondant sur les formes extérieures domi- 
nantes, on à tout nalurellement classé tel corps 
dans le système hexagonal, et tel aulre dans le 
système rhombique, tandis qu'un troisième élait 
communément regardé comme cubique. Mais celte 
différence peut être plus apparente que réelle, et 
Mallard fait voir, en effet, que les paramètres ca- 
racléristiques de ces espèces sont faciles à ramener 
les uns aux autres, au besoin à l’aide d'une trans- 
formation qui consiste à multiplier quelques-uns 
d’entre eux par des nombres très simples. Alors 


406 


apparait, dans tous les trois, une symétrie extrê- 
mement voisine de celle du cube. 

Mais ceci, dira-t-on, est une vue de l'esprit; et 
cette assimilation, obtenue à l’aide d'un artifice de 
notation, ne se juslifie pas par une expérience 
directe. Attendons! voici venir la célèbre notion 
de l’isomorphisme, qui va donner une base réelle à 
la nouvelle conception. 


VI 


On sait que deux substances sont dites isomor- 
phes lorsqu'elles peuvent s'associer ensemble en 
toutes proportions, pour donner naissance à des 
cristaux homogènes. Ainsi les trois sulfates de ma- 
gnésie, de zinc et de fer, une fois mélangés, peuvent 
engendrer des cristaux Gù les quantités relatives 
de fer, de zinc et de magnésie ne sont pas assu- 
jetties à la loi des proportions définies, qui règle 
toutes les combinaisons chimiques. Il faut donc 
admettre que ces trois substances se substiluent 
indifféremment les unes aux autres, sans qu'il en 
résulte aucun trouble dans l’arrangement de 
l'édifice. 

Dans l'exemple choisi, la chose parait s'expliquer 
sans difficulté; car les trois sulfates, pris isolément, 
engendreraient des cristaux presque complètement 
identiques. On comprend donc que leurs polyèdres 
moléculaires puissent être admis, au même titre, à 
l'édification d’un assemblage réticulaire unique. 

Mais il n'en va pas de même quand l'expérience 
enseigne qu'on peut faire cristalliser ensemble, en 
toutes proportions, le chlorate de soude cubique, 
le chlorate de potasse monoclinique et l'azotale de 
soude rhomboédrique. Comment ces trois noyaux, 
de symétrie incompalible, pourraient-ils se substi- 
tuer les uns aux autres sur les nœuds d'un même 
réseau ? Ici, vraiment, la tolérance de la Nature 
semble passer les bornes. 

Cependant l’anomalie va disparaître, si nous 
examinons plus attentivement les cristaux eux- 
mêmes. Nous remarquerons alors que leur système 
cristallin est si peu fixe qu'il change avec la tem- 
pérature. Cela donne l'idée de comparer leurs 
paramètres avec ceux du système cubique. Tantôt 
la presque identité des chiffres saute aux yeux du 
premier coup; tantôt elle devient évidente après 
mulliplicalion par des facteurs simples. Donc la 
symétrie apparente de ces sels isomorphes nous 
trompait sur la vraie nature de leur réseau. S'il 
n'est pas rigoureusement cubique, il s’en faut du 
moins de bien peu. 

La même constalalion peut se faire sur un grand 
nombre de substances, appartenant aux groupes 
chimiques les plus divers, si bien qu'on arrive à 
reconnaitre, avec Mallard, que tous les corps, sans 


A. DE LAPPARENT — L'ÉVOLUTION DES DOCTRINES CRISTALLOGRAPHIQUES 


exception, doivent posséder un réseau cristallin 
très voisin de l'assemblage cubique. 

Cette conclusion n’a rien que de très naturel et 
concorde avec une foule de résultats d'expérience: 
On sait que les planètes, comme leurs orbites, ont 
en réalité une forme elliptique. Cependant, l'excen- 
tricité de ces ellipses est si faible, qu'un œil exercé, 
non armé d'un appareil micrométrique, ne saurait 
les distinguer de cercles parfaits. De même, les” 
propriétés physiques des différents corps : conduc- 
dibilité calorifique, conductibilité optique, ete., 
s'expriment par des ellipsoïdes à trois axes. Mais 
les trois axes sont si peu différents que, représenté 
par un dessin à l'échelle, chaque ellipsoïde fait 
l'effet d'une sphère. 

On comprend donc que si, théoriquement, les 
parallélipipèdes qui forment les noyaux des assem- 
blages oscillent depuis le cube jusqu'au prisme 
doublement oblique, ce dernier puisse, dans la - 
plupart des cas, n'être qu'un cube légèrement 
déformé dans tous les sens. Mais, comme sa symé- 
trie est déterminée par celle de la particule maté- 
rielle qui s'y adapte, la conclusion rejaillit sur cette 
dernière. D'où il résulte que toutes les particules 
élémentaires des cristaux jouiraient d’une forme 
peu éloignée de ce qui convient à une symétrie 
cubique. - 

Là encore, ilsera permis d'apercevoir une consé- 
quence du principe de la moindre aelion; car si, à 
chaque particule cristalline, on substitue la sphère 
qui représente son rayon d’activilé, la combinaison 
la plus simple est celle qui permettra à toutes les 
sphères de s’empiler de manière à occuper le mi- 
nimum d'espace. Or cet arrangement, qui est celui 
d'une pile de boulets, se résume dans la formation 
d'un réseau d'octaèdres réguliers, c'est-à-dire doué 
de symétrie cubique. 4 

À côté de l'isomorphisme, un autre phénomène 
apparait, qui en offre l’exacte contre-partie, c’est 
le polymorphisme, c'est-à-dire la propriété, que 
présentent certaines substances, de revêtir, sans 
changement de densité ni de propriétés chimiques, 
des formes cristallines incompatibles. Tel le bisul=. 
fure de fer, cubique avec la Pyrite, rhombique avec 
la Sperkise; tel l’oxyde de tilane, quadratique, 
mais de deux facons différentes, avec le Rutile et 
l’Anatase, tandis qu'il est rhombique avec la 
Brookile, etc. Déjà Pasteur a projeté sur cetle 
bizarrerie apparente un rayon de lumière, par la 
considération des formes-limiles, en faisant voir 
que les formes les moins symétriques d'un minéral 
polymorphe tendent vers les plus symétriques. 
comme vers une limite. Dans cetle même voie} 
Mallard cherche à montrer qu'il s’agit là de grou= 
pements, analogues à ceux des corps à symétrie 
limite, et qui ne donnent pas des résultats iden 


_d 


A. DE LAPPARENT —— L'ÉVOLUTION DES DOCTRINES CRISTALLOGRAPHIQUES 107 


tiques, parce qu'ils correspondent d'ordinaire à des 
températures de formation différentes. Complète- 
ment enchevêlrés l’un dans l'autre, les éléments 
du groupement fournissent l’une des variétés du 
corps polymorphe; plus localisés dans certaines 
parties, ils en donnent une autre, et la chaleur, en 
modifiant cet arrangement, peut opérer le passage 
de la première variété à la seconde. 
Ainsi, l’ordre apparaît partout, même dans les 
phénomènes qui semblaient contradictoires avec 
les lois régulières de la cristallisation, et autour de 
… l'idée de symétrie-limite s'introduit une impression 
… générale d'harmonie, tendant à effacer les distinc- 
tions lranchées qu'un premier examen avait con- 
duit à établir entre les manifestations de l'état 
cristallin. 

En résumé, sans renoncer au principe de la 
théorie de Bravais, et en y ajoutant seulement la 
notion de symétrie-limite, Mallard a éclairé d'une 
vive lumière des problèmes de loute nature, dont 
plus d'un semblait posé, à l’origine, de manière à 
mettre en échec la doctrine des réseaux. Et, de ces 
problèmes, il a donné des solulions éminemment 
. philosophiques, qui révèlent, dans la matière cris- 

tallisée, des propriétés où la grande notion de 

l’ordre se manifeste dans tout son éclat. 

Comment donc se fait-il qu'au lieu d’entrainer 
une adhésion universelle, les belles théories de 

… Mallard aient rencontré, surtout en Allemagne, une 
… opposition qui les a fait presque entièrement aban- 
donner? C'est ce qu'il nous reste maintenant à 
examiner. 


! VII 


ur 


Ce qui domine toute la théorie de Bravais, c'est 
“ l'idée, essentiellement rationnelle, que la symétrie 
d'un cristal doit avoir sa raison d'être dans les 
- conditions intrinsèques de forme de la substance 
qui cristallise. Chose singulière ! une conception 
…_ aussi logique semble avoir rencontré, chez les 
« cristallographes de l'École allemande, une répu- 
- gnance invincible. Ils se sont fait un devoir d'y 
échapper autant que possible, comme si c'était une 
… hypothèse discutable, et leur rêve a toujours été 
de fonder l'édifice doctrinal de la Cristallographie 
sur des considérations purement géométriques, où 
… la structure du cristal soit envisagée pour elle- 
même, et sans aucun égard à la cause qui la pro- 
duil. 

A celte répugnance naturelle se joignait une rai- 
son plus plausible, tirée de la forme, à vrai dire 
défectueuse, sous laquelle le rapport entre la struc- 
ture et la substance était présenté par Bravais et 
ses conlinuateurs. Nous l'avons déjà dit: il est bien 
rare qu'une idée féconde puisse revêtir du premier 

- coup son expression définitive. À l’époque où 


à 3 


Bravais publiait ses recherches, c'est-à-dire au 
moment où la théorie atomique prenait enfin pied 
dans la Chimie, il semblait tout naturel d'envisager 
la molécule chimique comme l'élément fonda- 
mental des corps cristallisés, On pouvait se croire 
autorisé à représenter celte molécule comme un 
polyèdre, dont les sommels étaient des atomes 
simples. Dans l'acte de la cristallisation, les po- 
lyèdres moléculaires devaient lout d’abord satis- 
faire à cette condilion, que les centres de gravité 
vinssent se placer sur les nœuds d'un assemblage 
réticulaire. Ensuite, puisque tous les centres de gra- 
vité étaient des points homologues, toute ligne 
tirée de l’un d'eux et aboutissant à un sommet ato- 
mique avait nécessairement son homologue dans 
les autres polyèdres, en vertu du principe expéri- 
mental de l'égale constitution des milieux cristal- 
lisés suivant les directions parallèles. Il en résultait 
que tous les polyèdres moléculaires devaient avoir 
la même orientation. Une telle conclusion était d’au- 
tant moins propre à exciter quelque défiance, 
qu'elle semblait implicitement exigée par les con- 
ditions d'équilibre mécanique du milieu 

De cette manière, un cristal homogène apparais- 
sait comme un édifice réliculaire simple, dont tous 
les nœuds étaient occupés par les centres de gra- 
vilé de polyèdres moléculaires, tous identiques et 
semblablement orientés. 

A la vérité, Mallard avait fait remarquer que cer- 
lains phénomènes, tels que la polarisation rota- 
toire, semblaient exiger la présence, sur une même 
rangée, de molécules dont les orientalions allerne- 
raient de trois en trois, de quatre en quatre, ete. 
Mais il lui paraissait suffisant de réunir ces molé- 
cules par groupes complexes, comprenant chacun 
toutes les orientations admissibles, ce qui l’aulori- 
sait à signaler l’analogie de ce groupement avec les 
phénomènes de polymérisation, connus en Chimie. 
C'élait donc une exceplion, et, d'autre part, si 
l'orientation des molécules pouvait ainsi varier, du 
moins leur identité n'était pas mise en question. 

Cependant, l'observalion nous montre que cer- 
taines substances ont la faculté de donner, suivant 
les circonstances, des cristaux qui ne sont pas 
superposables. Les uns sont droits, les autres gau- 
ches, et leurs relations mutuelles sont celles d’un 
objet avec son image réfléchie par un miroir. Ces 
cristaux, dont l'étude a été l’un des premiers titres 
de gloire de Pasteur, peuvent d’ailleurs se pro- 
duire ou séparément ou ensemble; et l'exemple 
bien connu du quartz montre que les parties droites 
et gauches sont susceptibles de s’enchevêtrer de 
diverses facons. Il faut donc, pour qu'une théorie 
cristallographique ’soit complète, qu'elle admette 
l'existence simullanée non seulement de polyèdres 
élémentaires d’orientations diverses, mais de po- 


408 


A. DE LAPPARENT — L'ÉVOLUTION DES DOCTRINES CRISTALLOGRAPHIQUES 


lyèdres non superposables. Même celte conclusion 
semble nécessaire pour les édifices pourvus de 
centre et de plans de symétrie, car deux objets 
symétriques relativement à de tels éléments sont 
forcément inverses etnon superposables. 

Partant de ces considérations, divers savants, 
notamment MM. L.Sohncke, Schoenflies, von Fedo- 
row, Curie, etc., se sont proposé le problème sui- 
vant : Rechercher toutes les combinaisons d'objets 
régulièrement distribués, dans un espace indéfini, 
qui sont compatibles avec les exigences de l'homo- 
généité cristalline. C'est une question de haute 
géométrie, qui a déjà fait, en 1869, l'objet d'une 
étude de M. Camille Jordan sur les Groupes de 
mouvements. 

En abordant ce problème, on reconnait de suite 
qu'il est nécessaire d'élargir les conditions de la 
symétrie, telles que les avait posées Bravais. Dans 
les assemblages réticulaires de ce savant, tous les 
nœuds sont des centres de symétrie. En outre, il y 
a des axes de symétrie qui peuvent être d'ordre 2, 
3, 4 ou 6; enfin des plans de symétrie, dont cha- 
cun sépare deux moiliés, se correspondant l’une 
à l’autre comme un objet et son image réfléchie 
par le plan. L'assemblage, supposé indéfini, est 
toujours ramené en coïncidence avec lui-même par 
une rotation, de l'angle convenable, autour de l'un 
de ses axes de symétrie. 

Il n'en est plus de même si les objets dont il s'agit 
d'étudier la distribution régulière peuvent varier 
de forme ou d'orientation. Chaque nature d'objet, 
envisagée avec chacune de ses orientations admis- 
sibles, constitue une unité sui generis qui, Consi- 
dérée seule, se répète périodiquement dans le milieu 
cristallin, engendrant ainsi un assemblage rélieu- 
laire spécial, conforme aux réseaux de Bravais. Si, 
de cetle unité, on veut passer à celles d’une autre 
catégorie, il ne suffira plus de faire subir à l’en- 
semble du erislal une translalion ou une rotation. 
Les mouvementsqui permeltront à cetensemble de 
se recouvrir lui-même seront nécessairement plus 
compliqués, puisqu'il faudra, par exemple, que 
certaines unités pivotent sur elles-mêmes pour 
pouvoir, après la translation, se superposer à celles 
qui n'en diffèrent que par leur orientation. 

L'analyse géométrique montre que, dans ce cas, 
il doit y avoir des rotations hélicoidales, la rotalion 
habituelle autour d'un axe de symétrie élant accom- 
pagnée d'une translation suivant cet axe, comme il 
arrive pour le mouvement d'une vis. Il peutexister 
aussi, à côté des plans de symétrie ordinaires, des 
plans de glissement où plans de symétrie transla- 
loire, c'est-à-dire tels que la symétrie qu'ils déter- 
minent ne soit salisfaite que moyennant un glisse- 
ment de ces plans sur eux-mêmes. C'est seulement 
après cette translation, définie en grandeur et en 


direction, que la moitié de gauche trouve à droitè M 
sa symétrique. 

Pour donner une idée de la complication qui 
peut résulter de cette extension de la notion des 
assemblages homogènes, il suflira de dire que lan 
suite des théorèmes géométriques nécessaires à la 
solution du problème occupe six cen!s pages dans 
l'ouvrage de M. Schoenflies, et que cet auteur ÉVasn 
lue à deux cent trente le nombre des combinaisons 
admissibles, tandis que M. Sohncke se bornait à er 
“considérer soixante-dix. Pour l'un comme pour 
l'autre, d'ailleurs, ces combinaisons complexes Se 
répartissent entre {rente-deux groupes principaux 
de symétrie, dont sep{ groupes holoédriques, cOr=M 
respondant aux réseaux de Bravais, et le reste 
s'appliquant aux structures mériédriques. A ce points 
de vue, el fidèles à l'ordre d'idées qui a jusqu'ici 
prévalu parmi leurs compatriotes, MM. Sohncke et 
Schoenflies n'ont pas manqué de signaler, comme 
un mérite de la nouvelle théorie, la ressource 
qu'elle offre de voir, dansles formes mériédriques; 
de simples variétés de siruclure, sans aucune 
hypothèse sur la forme des éléments composants: 
Étrange disposition, qui, dans l'étude d’une science 
nalurelle comme la Cristallographie, regardé 
comme un succès de pouvoir perdre entièrement de. 
vue la considération de la nature réelle et concrète! 

Si la nouvelle conception n'avait d'autre inconvé=, 
nient que d'obliger les minéralogistes, désireux de 
s'inilier à la Cristallographie, à dépenser d’abord 
presque une année de leur temps dans des exer-. 
cices de pure géométrie, il faudrait encore savoir 
s'y résigner, pour obtenir l'avantage de donner une 
base rationnelle aux démonstrations. 

On pourrait, d’ailleurs, comme pis aller, recevoir 
des mains du mathématicien la classification des 
assemblages, et se borner à en faire l'application 
Mais nous prétendons montrer que cet altirail peut 
être laissé de côté par les cristallographes, et que, 
au moins dans l'immense majorité des cas, ceux-ei 
ont avantage à se contenter des réseaux de Bravais, 
à la condition d'introduire, dans la formule de ce 
savant, une modification très simple, indiquée par 
M. F. Wallerant, dans ses remarquables études sur. 
les anomalies opliques et les groupements cris= 
lallins. Q 


VIII 


Tout d'abord, nous remarquerons que, le nombre 
des catégories d'unités qu'on peut distinguer dans 
un milieu homogène étant forcément limité, l'en 
semble de ces unités constitue un groupe destiné à 
se répéter périodiquement. Chacune dés unités dés 
ce groupe à son réseau géométrique propre, né 
différant de celui d'une autre unité voisine que par 
sa posilion dans l’espace, et pouvant être amené 


en coïncidence avec lui par une simple translation 
suivant la ligne qui joint les centres des deux uni- 
“iés. Par conséquent, l'assemblage complexe, celui 
auquel seul s'applique la notion des axeshélicoïdaux 
-et des plans de glissement, résulte, comme le recon- 
“nait d'ailleurs M. Schoenflies, de l’enchevétrement 
… de réseaux congruents qui se pénètrent les uns les 
“autres, leur nombre étantégal à celui des catégories 
… distinctes d’unilés composantes. L'édifice ainsi 
engendré peut se partager en fractions identiques, 
dont chacune a ses éléments distribués de la même 
façon autour de l'un d’entre eux choisi comme 
centre; et tous ces points centraux, identiques 
entre eux, forment ensemble un réseäu normal de 
. Bravais. 
Cela revient simplement à prendre, pour point 
— de départ de la théorie, non plus le polyèdre molé- 
— culaire, mais la partie du corps crislallisé qui, ren- 
“fermant un représentant de chacune des unités 
“distinctes, gravite autour de chaque point central. 
En d'autres termes, partout où Bravais el ses 
continualeurs parlaient de molécules ou de polyé- 
dres moléculaires, il suffit de substituer le mot de 
particules complexes, entendu comme il suit : 
Dans sa théorie générale des groupements régu- 
“liers, M. Schoenflies a été amené à introduire la 
* considéralion d’un élémert qu'il appellele domaine 
fondamental. C'est la partie de l’espace cristallin 
dans l’intérieur de laquelle il n'existe aucun organe 
de symétrie, et où, par conséquent, tout point réel 
- du milieu est seul de sa nature, en même lemps 
- que ce domaine contient à coup sûr un représen- 
“tant de tous les éléments distincts que le milieu 
“comporte. En se répélant autour des organes de 
PE métrie qui en limitent le contour, ce domaine en 
engeudre d'autres, et le tout constitue ün ensemble 
symétrique, le domaine complexe. 
- Or, supposons qu'un domaine fondamental, choisi 
comme le lieu de la partie initiale d’un cristal, 
contienne dans son intérieur une particule cristal- 
“line concrète, à l'égard de laquelle nous n'avons 
“besoin de faire aucune hypothèse, et qui sera la 
“particule fondamentale de M. Wallerant. Celle-ci, 
“par rotation autour des axes de symétrie du domaine 
complexe, donnera des parlicules superposables à 
la première, mais pouvant différer d'orientation. 
Les plans de symétrie en donneront d'autres, 
“inverses de la première; et le tout ensemble, occu- 
“pant le domaine complexe, constituera la particule 
“complexe, élément initial et individuel, non de la 
substance, mais du corps cristallisé. 
- Les particules complexes, ainsi définies, seront 
toutes orientées de la même façon, et auront leurs 
entres de gravité disposés sur les nœuds d’un 
éseau de Bravais; et cela en vertu de l'expérience 
ui nous révèle l'identité des propriétés physiques 


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pen ETS. 


REVUE GÉNÉRALE DES SCIENCES, 4901. 


A. DE LAPPARENT — L'ÉVOLUTION DES DOCTRINES CRISTALLOGRAPHIQUES 


109 


des cristaux en tous les points. C'était sans droit 
que cette loi expérimentale avait été étendue aux 
intervalles i2{ermoléculaires, beaucoup trop petits 
pour être accessibles à l'observation; et voilà pour- 
quoi on pouvait taxer de conceplion faulive celle 
qui consistait à attribuer la même orientation à 
toules les molécules. Quand nous disons, l'expé- 
rience en mains, que tous les points d’un cristal 
sont identiques, ce que nous considérons. ce ne 
sont pas des points géométriques, ni même des 
centres moléculaires, ce sont des éléments de va- 
lume autour d'un point. Selon toute vraisemblanee. 
ces éléments renferment un grand nombre de 
centres moléculaires, et c'est la moyenne des pro- 
priétés de ce groupe qui nous apparait comme 
constante. 

Or, il est parfaitement permis de penser que la 
particule complexe, telle que nous l'avons définie, 
est de l’ordre de ces réalités observables : car elle 
résulte du groupement symétrique de plusieurs par- 
ticules fondamentales, dont chacune doil être un 
agrégat de molécules chimiques en plus ou moins 
grand nombre. Done, c'est à elle que s'applique le 
principe expérimental qui sert de base à toute la 
théorie cristallographique, et le devoir de s’en tenir 
à cel élément est d'autant plus étroit, qu'à vouloir 
chercher ce qui se cache dessous, nous tomberions 
forcément dans l'hypothèse, puisqu'il s'agit de 
choses sur lesquelles l’observalion directe n’a pius 
de prise. 

Un autre avantage de cette conception est de 
nous faire entrevoir le phénomène de la cristalli- 
sation sous un jour nouveau, et d'ailleurs beaucoup 
plus conforme aux enseignements de la Physique 
et de la Chimie. 

Dans l’ancienne manière de voir, il pouvait, il 
devait même sembler que la molécule chimique, 
polyèdre aux sommets définis par les alomes, fût 
l'élément commun des trois états, gazeux, liquide 
et solide, d'un même corps. Par suite, la cristalli- 
sation eût simplement consisté dans l'alignement 
des polyèdres moléculaires sur les nœuds d'un 
réseau, combiné avec une rotation de ces polyèdres 
autour de leur centre de gravité, jusqu'à ce que 
tous eussent pris l'orientation la plus conforme à 
l'équilibre du système. 

Il n'en est plus ainsi avec la par{icule complexe. 
Celle-ci est un édifice dont la formation doit être le 
premier acte de la cristallisation; et cette forma- 
tion doit être précédée par celle des particules fon- 
damentales, dont chacune, nous venons de le dire, 
est très vraisemblablement elle-même un agrégat 
de molécules chimiques. Ne sait-on pas, en effet, 
que la densité de la vapeur du soufre augmente 
quand sa température baisse, ce qui n'est expli- 
cable que si cette vapeur, à basse température, 

9° 


410 


A. DE LAPPARENT — L'ÉVOLUTION DES DOCTRINES CRISTALLOGRAPHIQUES 


resuñhie d'une condensation de molécules qu'une 
pius grande chaleur aurait dissociées? À plus forte 
raison est-il logique d'admettre que le dernier élé- 
ment du soufre liquide soit un groupe moléculaire 
encore plus compliqué, et que cette complication 
doive s'accroitre dans le soufre solide, amorphe ou 
cristallin, et ainsi pour tous les autres corps. 

De plus, ce n’est pas seulement par un plus grand 
état de condensation que se distinguerait l’état cris- 
lallin : c'est aussi et surtout par cette sorte d'orga- 
nisalion géométrique qui engendrerait la particule 
complexe. On s’'expliquerait par là qu'il paraisse y 
avoir, ainsi que M. Tammann a cherché à ie démon- 
irer, une discontinuité complète entre l’état amorphe 
et l’état cristallin, tandis qu’il y a continuité entre 
l'élat liquide et l'état gazeux au delà du point cri- 
tique. 

Bien d’autres considérations inléressantes pour- 
raient être rattachées à cette notion des particules 
complexes. Par exemple, les liquides cristallisés, 
comme ceux que MM. Lehmann et Reinitzer ont 
étudiés, ne montreraient-ils pas, au voisinage de 
leur point de solidification, une formation antici- 
pée des édifices complexes? Une propriété analogue 
ne pourrait-elle pas expliquer le pouvoir rotatoire 
des dissolutions? Ce qui est certain, c’est que, 
d'après l'explication que M. Wallerant a donnée 
de ce qu’on appelait les anomalies optiques, l'allure 
oplique d’un cristal est déterminée non par son 
réseau, mais par sa particule. Celle-ci est déjà un 
milieu spécifié, en ce qui concerne l’élasticilé de 
l'éther suivant les diverses directions, et, à cet 
égard, le réseau peut être en contradiction avec 
la particule sans que les propriélés définies par 
cette dernière s’en trouvent modifiées. Done, si les 
circonstances permettent à celle-ci de se former 
avant la constitution définitive du cristal, le milieu 
liquide où elle préexiste pourra très bien différer 
d'un milieu isotrope. 

Quoi qu'il en soit, sans nous aventurer davan- 
tage dans ces considérations, peut-être prémalu- 
rées, il doit nous suffire d’avoir montré que la 
particule complexe est le seul élément duquel on 
puisse partir avec sécurité pour l'établissement 
d’une doctrine cristallographique ; el puisque 
l'identité d'orientation de telles particules ne sau- 
rait faire de doute dans un cristal homogène, la 
théorie si simple des réseaux de Bravais doit suffire 
à l’enseignement. Dans un seul cas, celui de la 
polarisation rotatoire, il y aura lieu de faire obser- 
ver que des éléments fondamentaux peuvent se 
superposer, avec des orientations alternantes, sur 
une mêmerangée, el que des files d'éléments droits 
peuvent coexister avec d'autres, occupées par des 
éléments gauches. Encore s’agira-t-il d'une struc- 


ture propre au polyèdre complexe, mais qu'il est | un réseau cubique, en orientant son axe ternair 


inutile de vouloir faire dériver de la s{ruclure gé- 
uérale de l'assemblage cristallin; car, de même que 
celle-ci peut être sans influence sur la biréfrin- 
gence, il n'y a pas de raison pour qu'on lui altri= 
bue, en matière de polarisation rolatoire, la cause 
d'un phénomène que les liquides eux-mêmes sont 
parfois capables de manifester. 

Ainsi, dans tout l'exposé des structures cristallo= 
graphiques, les théories de Bravais suffiront, et il 
sera permis de s'affranchir des exigences d'une 
‘doctrine assurément plus générale au point de vue 
mathématique, mais destinée, par sa complication, 
à rester dans le domaine des purs géomètres. Et 
de cette manière, la salisfaction d'établir eux- 
mêmes la série rationnelle de leurs principes 
pourra être laissée aux cristallographes, sans 
exiger d'eux un effort disproporlionné avec le but 
poursuivi. 


IX 


Voilà done un nouveau pas en avant dans l'évo- 
lution de la doctrine cristallographique inspirée 
les travaux d'Haüy. Un premier progrès avait con- 
sisté à remplacer la notion des molécules inté- 
grantes par celle de la disposition réticulaire des 
centres de gravité. Dans une seconde étape, Bra- 
vais avait réussi à donner la clef des structures 
mériédriques. Ensuite la conception de la symétrie=" 
limite avait fourni à Mallard le moyen de rattacher, 
à la théorie même de Bravais, des phénomènes 
qui semblaient faits pour l’ébranler. Enfin, voici 
qu'avec les particules complexes, M. Wallerant 
rajeunit la doctrine en lui permettant de serrer de 
plus près encore la réalité des phénomènes. 

Cela veut-il dire que, moyennant l'introduction 
de cette idée nouvelle, il n’y aura plus rien à 
changer aux conceptions de Mallard sur les macles, 
l'isomorphisme et le polymorphisme? Nullement, 
et là aussi une évolution se manifeste, dont le 
mérite revient encore à M. Wallerant. Le principe 
de cette évolution consiste dans une remarquable 
extension donnée à la notion de symétrie-limite, 
déjà développée avec tant d'éclat par Mallard. Voici 
comment elle intervient de nouveau : 

Bravais avait admis qu'un corps en voie de cris- 
lallisation choisissait nécessairement, parmi les 
sept systèmes de réseaux, celui avec lequel la 
symétrie de sa molécule (disons maintenant de sa 
particule) possédait le plus d'éléments communs: 
Il n'étail venu à l'esprit de personne qu'une parti= 
cule pût adopter un réseau de symétrie notables 
ment supérieure à la sienne. Par exemple, une 
particule pourvue d'un axe ternaire et de trois axe 
binaires normaux élait condamnée au réseau ler 
naire, el on n'avait pas l'idée qu'elle püût adopte 


3 A. DE LAPPARENT — L'ÉVOLUTION DES DOCTRINES CRISTALLOGRAPHIQUES A1 


suivant une des diagonales du cube, et ses axes 
binaires suivant ceux de l'assemblage cubique qui 
- forment un système normal à cette diagonale. 
l Une telle hypothèse devait d'autant mieux être 
écartée, semblait-il, qu'elle se heurlait à des 
… objections mécaniques. En effel, pour qu'une par- 
ticule adopte un réseau cubique, il ne suffit pas 
… que quelques-uns des éléments réels de symétrie 
| du réseau cubique se trouvent en coïncidence avec 
- les éléments de même ordre de la particule. Il 
faut encore, par exemple, que les actions exercées 
. par celle-ci soient les mêmes suivant les lrois 
directions rectangulaires qui correspondent aux 
axes quaternaires du réseau. Cette condilion est 
satisfaite quand la particule a quatre axes ternaires 
coïncidant avec les diagonales d'un cube; car alors 
- la géométrie démontre qu'elle possède nécessaire- 
* ment aussi trois axes binaires équivalents, orientés 
comme les arêles du cube. En général, tant que la 
symétrie commune à la particule et au réseau de- 
meure supérieure à celle du système réticulaire 
qui vient immédiatement après, la condition qui 
fixe le choix est remplie par seule raison de symé- 
trie, quelle que soit la particule complexe. Mais 
quand il faut tomber dans un degré inférieur, le 
choix d'un réseau trop élevé pour la particule 
demande à être justifié par des considérations pro- 
pres à celle dernière. 

Or, en général, et grâce à ce fait d'expérience, 
que presque tous les corps peuvent être ramenés à 
un réseau cubique, nous pouvons penser que ces 
raisons ne manqueront pas. À côté de ses éléments 
réels de symétrie, la particule aura des éléments- 
limites; par exemple, il s'y trouvera des lignes, 
occupant la posilion des axes quaternaires du 
| réseau cubique, et telles que, par une rolalion 
- de 90° ou même seulement de 180° autour de ces 
lignes, la particule se trouve presque exactement 
| subslituée à elle-même. Tout naturellement alors, 
| 
j 
: 
s 
4 
? 


Rd cr, 


ces lignes tendront à s'orienter suivant les axes 
- qualernaires réels d’un réseau cubique, et ainsi le 
+ réseau cristallin choisi jouira d'une symétrie sensi- 
blement plus élevée que la particule. 
D'une façon générale, on peut, avec M. Walle- 
rant, définir un élément ou organe de symélrie- 
« limite par celte condilion que, traité comme un 
…— organe réel passant par le centre de gravité de la 
parlicule, il amène celle-ci dans une situation telle 
que sa superposition à la situation initiale déter- 
mine une parlie commune plus grande que pour 
n'importe quelle autre posilion. 
Or, l'introduction de celle considération nous 
- oblige immédiatement à étendre beaucoup la no- 
- tion de mériédrie. Bravais avait fixé des limites 
$ au-dessous desquelles la symétrie d'un polyèdre 
- ne pouvait descendre, sous peine de faire tomber 


le cristal dans un système réticulaire inférieur. 
Mais ces limites s’appliquaient à la symétrie réelle. 
Si la défecluosité de celle-ci se trouve suffisamment 
compensée par l'existence d'éléments-limites, ces 
derniers interviendront pour maintenir la particule 
dans le système choisi. Seulement il en résultera 
de nouvelles variélés mériédriques, non identiques 
avec celles que Bravais avail si rigoureusement 
classées. 

Comme conséquence, aux groupes mériédriques 
de Bravais, que caractérisait la symétrie relative- 
ment élevée de la particule, toujours suffisante 
pour que l'ordre du réseau ne pût s'abaisser d'un 
degré, il convient d'ajouter ceux où celte symétrie 
est restreinte, c'est-à-dire ne possède avec le réseau 
que le minimum d'éléments communs. Le cas le 
plus tranché est celui où l'existence d’éléments- 
limites permellrait à une particule, dépourvue de 
tout élément réel, de s'accommoder néanmoins, 
pour la cristallisation, d'un réseau cubique. Si peu 
probable qu'il paraisse au premier abord, un tel 
choix ne doil pas être exclu. 

Celte conception une fois admise, ce qu'on appe- 
lait autrefois les azomalies opliques va maintenant 
apparaître sous un jour tout différent. On voyait un 
corps, tel que la Boracile, dont les formes accu- 
saient un réseau cubique. Dans la persuasion que 
Lous les corps cubiques devaient avoir une sphère 
pour ellipsoïde oplique, et par conséquent être iso- 


tropes, on s'élonnait de lrouver la Boracite nette- 
ment biréfringente. Mais, en réalité, la particule 
complexe de la Boracite est biaxe. Seulement, la 
présence d'éléments-limites lui a permis de prendre 
un réseau cubique, ce qui n'empêche pas les pro- 
priétés opliques, gouvernées par la parlicule et 
non par le réseau, d'être celles d’un corps non seu- 
lement biréfringent, mais biaxe. 

La même considération va entrainer d'autres : 
conséquences, et donner à M. Wallerant la clef des 
groupements cristallins, entendus dans leur sens 
le plus général, de manière à comprendre non seu- 
lement les macles proprement diles, mais aussi les 
associations qui se traduisent, sous le microscope 
polarisant, par la division d’une plaque mince en 
plages diversement orientées. 

Déjà, en ce qui concerne les macles, ou groupe- 
ments de deux cristaux formant entre eux un angle 
rentrant, la symétrie habituelle de ces associations 
montre bien qu'elles doivent être gouvernées par 
une loi, d'équilibre mécanique. Dans le plus grand 
nombre, l'association des deux cristaux se fait sui- 
vant une face plane, commune à tous deux, et le 
second cristal se comporte comme si, primilivement 
situé dans le prolongement ex&st du premier, il 
avait tourné de 180° autour dune perpendieu- 
laire à la face de jonction. C'est ce qu’on appelle 


A12 


une hémitropie, et, dans la plupart des cas, ce mou- 
vement fictif a pour effet d'engendrer un édifice 
géométriquement symétrique. 

Cela prouve donc que, si les deux cristaux n'ont 
pas pu s'orienter exactement l'un comme l’autre, 
du moins leur voisinage ne leur à pas permis de 
prendre des orientations indépendantes. Une force 
a dû agir, qui a déterminé la seconde moitié à se 
placer d'une façon déterminée par rapport à la pre- 


mière. Quelle peut être celte force? L'idée de la | 


symétrie-limite va nous aider à la découvrir. 

Imaginons, par exemple, une particule complexe 
pourvue d'un axe-limite. Si cet axe était un axe 
réel, sur deux rangées normales à cet axe, et fai- 
sant entre elles l'angle conforme à son degré, les 
particules seraient à la fois symétriques les unes 
des autres et parallèles entre elles, puisqu’une rola- 
tion autour de l'axe les ramènerait en coïncidence 
avec elles-mêmes. Il n’en est plus ainsi quand l'axe 
est seulement axe-limite. Alors, deux cas peuvent 
se présenter : ou bien la cristallisation se fait assez 
largement pour qu'un seul cristal prenne naissance, 
où Loutes les particules auront la même orientation ; 
ou bien la cristallisalion est quelque peu troublée, 
ce qui empêche la formation d’un gros cristal homo- 
gène. Mais alors, à côté d'une portion qui vient de 
se constituer normalement, une particule complexe 
voisine, par raison d'équilibre, devra tendre à 
adopter, grâce à l’axe-limite qu'elle possède, 
l'orientation qui l’éloignera le moins de celle du 
groupe précédent. Ayant ainsi pivolé autour de son 
axe-limite, et occupant, de cetle manière, la situa- 
tion qui assure le mieux son équilibre relalivement 
à l'édifice contigu, elle pourra devenir le point de 
départ d'une nouvelle portion cristalline qui, rela- 
tivement à la précédente, aura une orientation 
symétrique par rapport à l'axe. Supposons que cet 
axe soit d'ordre 3 ; trois cristaux se trouveront ainsi 
associés autour de lui, et l'axe, qui fait défaut 
comme élément réel à la particule, sera un élément 
réel du groupe des trois cristaux. 

Il ne s’agit donc plus, comme le pensait Mallard, 
d’une sorte de tolérance de la Nature, admettant à 
prendre part à la formation d'un seul édifice trois 
sorles de matériaux peu différents les uns des 
autres. C’est une raison d'équilibre qui détermine 
ce groupement, et on peut prévoir, pour chaque cas, 
par un calcul très simple, de combien d'éléments le 
groupement se composera, expliquant ainsi, de 
facon lumineuse, nombre de faits déjà enregistrés 
par l'observation. 

D'ailleurs, ce ne sont pas seulement les axes, 
seuls envisagés par Mallard, qui serviront d'appui 
à ces combinaisons. Les plans-limites et les centres- 
limites y auront les mêmes droits. De plus, les élé- 
ments-lunites des particules fondamentales, S'il en 


A. DE LAPPARENT — L'ÉVOLUTION DES DOCTRINES CRISTALLOGRAPHIQUES 


existe, joueront un rôle analogue. Enfin, il en sera 
de même pour ceux des éléments réeis de la parti= 
cule complexe qui, en raison de leur nature, ne 
pourraient appartenir à un réseau parallélipipé= 
dique. 

La symétrie-limite étant laraison d'être des grou- 
pements de cristaux, ces groupements doivent être 
d'autant plus fréquents que la particule complexe 
est moins riche en éléments réels, c'est-à-dire que 
la mériédrie est plus prononcée. Les macles appa- 
raissent done comme une compensation de ce qui 
manque à la particule. Et, de fait, comme l'a remar- 
qué M. Wallerant, il y a des substances, mérié- 
driques qui ne se présentent jamais qu'en cristaux 
maclés. D'ailleurs, dans les cas nombreux où les 
divers groupes conservent le même réseau, la macle, 
se dissimule sous l'apparence d'un cristal urique 
de symétrie supérieure, et il faut, pour la révéler, 
soit l'étude optique, soit celle des figures de corro- 
sion. 


X 


Tel est le principe fécond de l'ingénieuse analyse 
par laquelle M. Wallerant a, pour la première fois, 
établi une classification satisfaisante des divers 
modes de groupements des cristaux. Chemin fai- 
sant, celte analyse lui a fourni l'explication de 
plusieurs macles dont, jusqu'alors, il avait été 
impossible de justifier logiquement la formation. 
Elle lui a permis également de montrer qu'une face 
quelconque ne pouvait pas être indifféremment 
choisie pour l'accolement de deux cristaux; enfin, 
que les cristaux cubiques holoédriques ne devaient 
offrir que deux sortes de plans de macle : résultat 
conforme à l'observation, mais inexpliqué jus-. 
qu'ici. 

La fécondité de la méthode est encore attestée M 
par la facililé avec laquelle elle semble permettre 
l'explication du polymorphisme. Pour cela, il suffit 
à M. Wallerant d'appliquer aux particules fonda 
mentales les règles de la symétrie-limite. On com- 
prend que l'existence d'éléments-limites, dans une 
parlicule de ce genre, doive entrainer un grou-» 
pement semblable à celui des cristaux proprement 
dits, et qui engendrera une parlicule complexe. Or, 
si les éléments-limiles en question font justement 
entre eux les angles exigés par la symétrie réelle 
d'un polvèdre, le groupement des particules fonda 
mentales ne peut se faire que d'une manière, et le. 
corps est monomorphe. Si, au contraire, les angles 
des éléments-limites sont légèrement différents de 
ce qui conviendrait, il se produira divers groupez= 
ments, donnant naissance à des particules com= 
plexes non identiques, quoique très voisines el de 
même symétrie totale. Dans la cristallisation, ces 
particules se disposeront suivant les mailles de. 


Loco … 


v 


A. DE LAPPARENT — L'ÉVOLUTION DES DOCTRINES CRISTALLOGRAPHIQUES 113 


réseaux presque rigoureusement semblables ; mais 
les différences se traduiront par des apparences de 
cristallisation distincles, engendrant le polymor- 
phisme. 

D'ailleurs, les angles des éléments-limites, ainsi 
que le degré de leur approximation, seront sus- 
ceptibles de varier avec la température. Celle-c1, en 
s'élevant, pourra donner à la particule fondamentale 
une symétrie supérieure qui, une fois réalisée, auto- 
risera le retour à un groupement monomorphe. Tel 
serait le cas de la Boracite, qui, on le sait, devient 


_ isotrope à 265 degrés. 


Ilserait ici hors de propos d'insister davantage 
sur ces considérations délicates, dont on trouvera 
le développement dans les publications de M. Wal- 
lerant, Nous croyons en avoir assez dit pour faire 
apprécier la valeur de ces conceptions ingénieuses, 
qui se recommandent suffisamment par l’ordre re- 
marquable qu'elles introduisent dans une série de 
phénomènes, dont le premier aspect était plus ou 
moins aberrant. Cependant, nous ne saurions ter- 
miner sans indiquer, avec l’auteur, comment la 
symétrie-limite suffit à rendre compte de la forma- 
tion des parlicules complexes. 

Les particules fondamentales élant des éléments 
concrets qui agissent les uns sur les autres à dis- 
tance, on conçoit que les actions d’une telle parli- 
cule sur un point extérieur puissent prendre des 


valeurs sensiblement égales pour des posilions du 


point symétriques par rapport à des droiles, à des 
plans ou à un centre. La particule jouira done, au 
point de vue mécanique, d'une symétrie-limite, qui 
doit trouver son expression dans une symétrie- 
limite d'ordre géométrique, et alors cette dernière, 
suivant la loi générale des groupements, devient 
une cause suffisante pour la formation, par associa- 
tion, de plusieurs particules fondamentales, d'une 
particule complexe plus symétrique. 

Mais la symétrie-limite, que nous avons attribuée 
à la particule fondamentale, nous permel de re- 
porter le même raisonnement sur les molécules 
chimiques qui la composent. Ainsi, selon l'expres- 
sion de M. Wallerant, « la symétrie des corps cris- 


tallisés devient le résullat d'une série d'étapes 
successives, chaque élape étant en progrès sur 
l'étape précédente, au point de vue de la symétrie ». 
Un rudiment de régularité détermine d'abord l'as- 
sociation de plusieurs molécules; l'édifice ainsi 
engendré prolite de sa moindre imperfection pour 
constituer une particule complexe, et, chez cette 
dernière, le progrès est tel qu'il peut suffire à lui 
assurer un réseau de symétrie élevée, c'est-à-dire 
une stabilité de beaucoup supérieure à celle que le 
corps amorphe aurait pu réaliser. 


XI 


L'évolution doctrinale dont nous venons d'es- 
quisser les phases a-t-elle dit son dernier mot? Il 
serait téméraire de l'affirmer. Quoi qu'il en soit, la 
Cristallographie française a le droit, croyons-nous, 
d'être fière de son œuvre. Ce n'est pas à des recu- 
lades successives qu'elle a dû se résigner. Au con- 
traire, toujours fidèle à son principe fondamental, 
elle n'a eu chaque fois qu'à en renouveler l'expres- 
sion en la précisant; et, tandis que son édifice 
théorique gagnait progressivement en rigueur 
géométrique, chaque fois aussi on la voyait prendre 
un contact plus intime avec la réalité, serrant de 
plus près ces relations de cause à effet dont la con- 
naissance doit être le but de toute science digne de 
ce nom. Que d’autres, si c'est leur goût, se com- 
plaisent dans des constatalions purement expéri- 
mentales, systématiquement écartées de toute 
nolion de causalité, ou donnent leur préférence à 
des considérations mathématiques à la fois com- 
pliquées et sans signification objective bien mar- 
quée. En restant fidèle aux traditions françaises, 
nous croyons rendre un meilleur service à l'ensei- 
gnement d’une science vers laquelle les adeptes 
viendront plus volontiers si, dans un édifice doc- 
trinal qui ne les éloigne jamais du monde réel, ils 
sont assurés de trouver à la fois la rigueur, la lim- 
pidité et l'élégance. 

A. de Lapparent, 


de l'Académie des Sciences, 
Pro’esseur à l'Institut Catholique &e Paris 


ALA 


L. DE LAUNAY — UN PROJET D'EMPIRE COLONIAL FRANÇAIS SOUS LOUIS XV 


UN PROJET D’EMPIRE COLONIAL FRANÇAIS 
SOUS LOUIS XV 


Parmi les événements, qui paraitront un jour 
caractéristiques et fondamentaux de notre époque, 
il semble bien qu'il faille compter, en première 
ligne, cetle prise de possession rapide de la lerre, 
celte expansion soudaine, par laquelle nos vieilles 
nalions européennes, lasses d’étouffer entre des 
frontières étroites, vont chercher au loin, comme 
un moyen de se rajeunir et de se retremper, ce que 
les contrées, hier encore inconnues, renferment de 
ressources vierges. Dans ce mouvement, qui rap- 
pelle, à bien des égards, celui du xvi‘ siècle, la 
France à pris sa part glorieuse. Ce qu'est, ce que 
vaut son empire colonial, on a essayé, à diverses 
reprises, de le faire connaîlre scientifiquement dans 
cette Æevue par les belles monographies sur le 
Congo, sur Madagascar, sur la Tunisie, etc., que 
ses lecteurs n’ont pas oubliées. Le plan de coloni- 
sation, que je me propose d'analyser ici, d'après un 
manuscrit de 1767, lombé par hasard entre mes 
mains, présente, on le verra, cetle particularité, 
qu'il est, en grande partie, celui-là même à l’heu- 
reuse réulisalion duquel nous venons d'assister 
depuis trente ans. Des hostilités ou des incuries 
administratives l'ont fait avorter, il y a un siècle. 
Outre l'intérêt de curiosité, que présente, dans ce 
cas particulier, la vieille histoire, toujours trop 
jeune, de l’homme d'initiative paralysé par la rou- 
tine, elle doit peut-être provoquer ici un sentiment 
d'un autre genre, je veux dire un juste hommage 
pour l’auteur de ce projet, que ses contemporains 
ont considéré seulement comme un original 
remuant el encombrant, et qui, s'il eût été écouté, 
cût pu cependant nous conquérir, à bien peu de 
frais, dès le Lemps de Louis XV, au lendemain du 
traité de Paris, les contrées mêmes.sur lesquelles 
nous avons pu jeter notre dévolu longtemps après : 
le Tonkin, la Cochinchine et Madagascar, aux- 
quelles il ajoutait, par une singulière prescience 
de l'avenir, le Transvaal, l'Abyssinie et même 
l'isthme de Suez, où il proposait d'établir un transit". 

L'homme dont il s'agit est un M. de Maudave, 
connu surlout dans notre histoire colonialé par 
son essai d'occupation de Madagascar en 1768, 
mais dans la vie aventureuse duquel celte tentative, 
sur laquelle on à généralement insisté”, ne fut, on 


! Je suis loin de prétendre que toutes les idées de Mau- 
dave fussent nouvelles de son temps ; mais beaucoup d'entre 
elles, qui avaient été émises au début du xvnre siècle, étaient 
tombées, depuis lors, dans un complet discrédit. 


? Voir notawment : Poucet pe Sr-Axbné : La colonisation 


va le voir, qu'un épisode. Sans vouloir faire un 
chapitre d'histoire, qui serait peu à sa place, il 
convient cependant de rappeler en quelques mots 
ce qu'était l'individu, et dans quel milieu il se trou- 
wait placé, pour faire apprécier ce qu'eût pu valoir 
son œuvre. On comprendra, par l'extraordinaire 
roman de cette existence mouvementée, combien ® 
Maudave, à quarante ans, lorsqu'il écrivait, pour le 
duc de Praslin, ministre de la Marine, ou pour les 
Directeurs de la Compagnie des Indes, les rapports 
très étudiés et circonstanciés, dont je donnerai plus 
loin des extraits, apportait, à l'appui de ses propo- 
sitions, une forte expérience du monde, de la vie 
el des hommes, avec les preuves les plus décisives 
d'initiative hardie, d'endurance indomptable, d’ha- 
bileté même dans des circonstances difficiles. 

Il est seulement étonnant qu'une carrière aussi 
tumultueuse lui ait laissé le loisir de cultiver si 
bien son esprit et de se former le style très net, 
parfois élégant, qui donne une valeur de plus à ses 
Mémoires. 


Entré au service à quinze ans, en 1740, Maudave 
y resta de 1740 à 1756, et fit, non sans éclat, presque 
toutes les campagnes de celte période batailleuse, 
où il eut plus d'une occasion de développer la 
bonne haine cordiale qu’on le voit, en toute occa- 
sion, témoigner aux Anglais; c'est ainsi qu’en 1756, 
il se conduisit brillamment contre eux au siège de 
Mahon, et gagna la croix de Saint-Louis. Presque 
aussitôt, il passa de là dans l'Inde avec Lally- 
Tollendal et y accomplit, comme loute cette pauvre 
armée si mal conduite, quelques merveilleuses 
prouesses, rendues malheureusement inuliles par 
l'incapacilé du général en chef. 

En 1758, mettant fin à une jeunesse orageuse, où 
les incidents piquants ne manquèrent pas, il se 
maria avec la fille du gouverneur de Karikal, 
Mlle Porcher de Soulches, et crut un moment 
retrouver ainsi une fortune considérable, repré- 
sentée par de grands biens dans ce pays. 

Mais, dès l’année suivante, tandis qu'il était en 
France, où le Gouvernement l'avait rappelé, ses 
biens subirent le sorl commun de toules nos pos- 
sessions indiennes. Les Anglais s'en emparèrent, 
brülèrent, pillèrent et saccagèrent sans merci. 


de Madagascar sous Louis XV (1886), et V. Tanrer: Un essai 
de colonisation à Madagascar en 1768 (Aevue Bleue, du 19 
octobre 1895). 


À St 


FR ak: 


Maudave, à peu près ruiné, demanda immédia- 
“tement à être renvoyé dans l'Inde, et l’oblint sans 
J peine. On le chargea même d'une véritable mission 
— de confiance, et, par un très long pouvoir, on l'auto- 
 risa généreusement « à susciter aux Anglais le plus 
… d'ennemis et d'embarras qu'il lui serait possible ». 
Mais celte feuille de papier fut le seul secours 
k qu'on lui donna, et le plus extraordinaire, de 
Lo en effet, sans recevoir un centime de l'État, i 
À réussit à armer contre l'Angleterre divers er 
indiens, parmi lesquels celui de Maduré, qui, après 
avoir soutenu un long siège, forca le général 
anglais Lawrence à battre en retraite (1763). 

Voici, d'ailleurs, comment, dans un Mémoire 
inédit adressé à la Compagnie des Indes le 17 août 
1767, il rappelle incidemment lui-même son rôle 
dans celte circonstance : 

—. « Vous savez, Messieurs, que l'état politique de 
- la côte de Coromandel est absolument changé. Les 
«_ Anglais, sous le nom du nabab d’Arcate’, en sont 
Î absolument les maitres, et il ne reste quelqu'ombre 
… de liberté que dans la partie du Sud, c'est-à-dire 
… que le Tanjaour ?, les deux Marava et le Toudaman 
n'obéissent qu'à moilié au gouvernement d'Areale, 
dont ils dépendent. J'avais ménagé, dans le courant 
de l’année 1762, une révolution importante, qui 
éclala en février 1763. Je fis soulever, à l’aide de 
deux ou trois cents fugitifs français que je ras- 
semblai, le pays de Maduré?, sous la conduite d'un 

Mogol plein d'esprit et de courage, qui soutint avec 

succès deux sièges longs et meurtriers pendant 

cette même année. Le général de l'armée anglaise 
- et plus de 1.200 soldats européens périrent au pied 
“ des remparts de Maduré. Si les Anglais réussirent 
… une troisième fois, ce ne fut que par une insigne 
« perfidie, sur laquelle je ne veux entrer dans aucun 
Bictair. 
…._ « Cette révolution était infiniment ulile à nos 

affaires ; elle coupait en deux la puissance du 
 nabab d'Arcate: elle formait une confédération 
entre les Puissances du Sud pour leur mutuelle 
* conservalion; j'ai soutenu la gageure autant qu'il 
m'a été possible; j'ai été sourd aux menaces des 
“Anglais, qui m'ont assez estimé pour n'oser me 
‘faire aucune offre : ressources qu'ils employèrent 
… plus fructueusement après mon départ; je conserve 
L encore une lettre fulminante, que le Conseil de 

- Madras m'écrivit pour m'averlir qu'ils sollicite- 

raient ma punition en France, si je ne cessais 
- de leur nuire directement ou par de secrètes 
influences. 
…. «Je ne sais s'ils ont, en effet, sollicité ma puni- 
« tion; ma conduite dans l'Inde est restée, de la part 


un 


k 


LUS RATE 


—._ : Arcot ou Arkot, ancienne capitale de la Carnatique. 
2 Tandjore ou Tandjavour. 
 . % Madoura. 


DL. DE LAUNAY — UN PROJET D'EMPIRE COLONIAL FRANÇAIS SOUS LOUIS XV A5 


de la Cour et de la Compagnie, sans blàme el sans 
approbalion. J'en ai été pour des peines et des 
travaux incroyables, et pour me voir en proie aux 
calomnies insensées et aux murmures ténébreux 
d’une vermine écrivante et murmurante. Je ne me 
rends ici ce témoignage à moi-même que pour la 
salisfaction de ma propre conscience, et je puis 
l'appuyer sur les preuves les plus solides et les 
plus indisputables.…... » 

Tandis que Maudave luttait ainsi dans l'Inde, on 
négociail en Europe. La fin de la guerre de Sept-Ans 
le contraignit à l'inaction, et décida son départ 
pour l'Ile de France, où, avec les débris de sa tor- 
tune, il acheta quelques biens, qu'il commença à 
faire valoir. 

Moins de trois ans après (1766), nous le voyons 
devenu l’un des principaux colons de l’île, où il 
possédait un établissement de 500 noirs et faisait, 
avec la Compagnie des Indes, des affaires d'une 
certaine importance. Quelques-unes de ces diffi- 
cultés légales et administralives, en partie causées 
par l'hostilité anglaise, en partie aussi par les 
erreurs de notre centralisation, contre lesquelles 
l'ile sœur de la Réunion continue toujours à se 
débattre, déterminèrent, à ce moment, les habi- 
tants de l'Ile de France à envoyer Maudave à Paris 
comme député, pour exposer leurs doléances, et 
faire connaitre la crise intense qu'ils subissaient. 

Quand Maudave arriva à Paris avec son Rapport, 
le ministère avait déjà tranché la question sans 
l'attendre. Le contretemps était fâcheux ; mais 
notre député, homme de ressources, n'était pas 
d'un tempérament à se démonter pour si peu. 

Fort bien reçu par le ministre de la Marine, le 
duc de Praslin, ancien ami de son père, il com- 
menca à lui parler éloquemment des projets qu'il 
avait concus pour réorganiser notre puissance colo- 
niale dans la mer des Indes, en prenant un point 
d'appui à Madagascar, et, comme entrée de jeu, il 
lui offrit de conquérir pacifiquement la grande ile, 
sur laquelle Richelieu et Colbert avaient eu déjà les 
yeux fixés, si on lui prêlait, pour trois ou quatre 
ans, une centaine d'hommes et une pacotille de 
quelques dizaines de mille francs, qu'il s'engageait 
personnellement à rembourser à l'échéance. 

L'idée était séduisante, à un moment surtout où 
la France venait de perdre toules ses colonies et 
cherchait vainement une compensalion; Maudave 
l'exposa fort bien; pendant six mois, il entass: 
Rapports sur Rapports (ceux précisément dont je 
vais donner des extraits); enfin le ministre se 
déclara convaincu et, au début de 1768, fit partir 
secrètement Maudave avec le titre de « Comman- 
dant pour le Roi dans l'ile de Madagascar », et la 
mission honorable de conquérir lui-même le pays 
de son commandement ; plus une cinquantaine 


A16 


L. DE LAUNAY — UN PROJET D'EMPIRE COLONIAL FRANÇAIS SOUS LOUIS XV 


d'hommes, et, pour le reste, de fort belles pro- 
messes. 

Cette tâche nouvelle présentait, dès le début, 
quelques ressemblances regrettables avec celle 
dont on l'avait chargé, sept ans auparavant, dans 
l'Inde ; néanmoins, Maudave, qui possédaitle don par 
excellence, la foi, s'embarqua plein d'enthousiasme 
pour Fort-Dauphin, où il s'installa bientôt avec sa 
jeune femme, et se mit énergiquement à l’œuvre. 

Pendant deux ans et demi, en effet, du 14 juillet 
1768 à décembre 1770, il appliqua toutes ses forces 
à réaliser un plan très sérieusement et müûrement 
conçu, dont l’idée fondamentale, on peut en juger 
par ses Mémoires, ressemblait fort à ce que nous 
appelons aujourd'hui l’organisation d'un protec- 
oral, avec troupes indigènes encadrées d'Euro- 
péens; sans aucun souci personnel, il négligea 
entièrement, pour se consacrer à celle œuvre 
patriolique, la geslion de ses biens de l'ile de 
France; là encore, comme dans l'Inde, il oblint 
des résultats extraordinaires pour les ressources 
dont il disposait, et faillit nous donner, un siècle 
plus tôt, la colonie qu'il nous a fallu acheter 
récemment au prix de tant de millions et de vies 
humaines. Mais, une fois de plus, un si beau zèle 
fut inutile. À Paris, au ministère de la Marine, on 
avait absolument oublié Maudave, qui n’était plus 
là pour plaider sa cause. Madagascar était très loin 
à cette époque (134 jours de traversée). On avait 
autre chose à faire dans les bureaux que de lui 
envoyer les marchandises, l'argent et les hommes 
si formellement promis. En vain, Maudave réclama; 
ses lettres, soigneusement classées dans les cartons 
des Archives (où l’on peut les lire encore), restèrent 
sans effet. Il y eut là une correspondance navrante, 
trop souvent dans le ton des deux échantillons, pris 
au hasard, que je vais reproduire: la correspondance 
d'un homme, qui est parti à des milliers de lieues 
servir sa patrie, qui a tout sacrifié à la gloire de 
son entreprise, qui y dépense toules ses forces, qui 
y risque chaque jour sa vie, et qui sent que son 
crédit s’'épuise, pendant ce lemps, à Paris, qu’on 
l’'abandonne, qu'on va le laisser périr au port, faute 
d’un peu d'appui : 

« Je ne puis plus rien faire, Monseigneur, si je 
ne recois des colons. Je n'ai auprès de moi que des 
soldats et cinq ou six ouvriers particuliers. Déci- 
dez, Monsieur le Duc, s’il convient que je me mor- 
fonde inutilement à Madagascar en attendant vai- 
nement des secours qui ne viendront pas. J'ai mis 
les choses au point où il faut pour travailler avec 
honneur et profit. Mais je ne puis plus rester dans 
l'état actuel... N'abandonnez pas un si grand ou- 
vrage, Monsieur le Duc, pour de légères contradic- 
tions. Je vous engage ma vie, ma foi et mon hon- 
neur que je n'ai rien exagéré dans les avantages 


que je vous ai promis. Daignez vous en reposer 
sur moi, et envoyez-moi les sommes que je vous 
demande. » (16 août 1769.) 

Et; “un"an après: "cn... Je tremble, Monsei- 
gneur, que vous ne soyez dégoûté de mon projets 
et que vous ne m’envoyiez l'ordre de m'en retour- 
ner. Si ma crainte est vaine, vous ne tarderez pas 
à vous applaudir de m'avoir donné quelque 
créance. » (août 1770.) 

Enfin, ce personnage, qu'on ne voyait jamais au 


‘ Ministère et dont on ne recevait que des réclama- 


tions, parut tout à fait fâcheux; le moment était 
bon pour le gouverneur de l'ile de France, M. Des- 
roches, qui jalousait Maudave et craignait de lui 
voir prendre une trop grande imporlance. Quel= 
ques Rapports perfides, où l'occupation de Mada= 
gascar fut représentée comme tout à fait inulile et 
même nuisible, amenèrent, en décembre 1770, le 
rappel pur et simple de Maudave, qui, ruiné une 
fois de plus par l'abandon où il avait laissé ses 
biens de l'ile de France pendant deux ans, rentra 
à Paris essayer de défendre encore un projet à la, 
grandeur duquel il ne renonçait pas. } 

Maudave se faisait toujours mieux écouter de 
près que de loin. En outre, un changement de 
ministère était déjà à cette époque une occasion 
favorable pour faire reprendre une tentative que 
le ministre tombé venait de renoncer à poursuivre." 
M. de Praslin ayant cédé son portefeuille à M. de 
Boynes, celui-ci, probablement sur les instances de 
Maudave, se décida, en 1774, à réoccuper Madagas- 
car, et y consacra, du premier coup, l'argent et les 
hommes nécessaires; seulement, par une inconsé- 
quence curieuse, ce ne fut pas Maudave qu'il en 
chargea, mais un aventurier hongrois, protégé par 
la Reine et le duc d’Aiguillon, Beniowski, qui new 
réussit, avec les deux millions qu'on lui confia, 
qu'à entasser faute sur l'aute, nous aliéner les Mal- 
gaches, rendre la prolongation de l'établissement 
impossible et, pour conclure, offrit ses services à 
l'Angleterre. 

En 1775, Maudave avait cinquante ans, un àge 
où l’on songe d'habitude à liquider ses entreprises 
anciennes plutôt qu'à en commencer de nouvelles; 
il avait déjà été ruiné deux ou {rois fois; il avait 
beaucoup promené ses projets et ses espérances 
d'un bout du monde à l’autre; il avait combiné bien 
des plans palrioliques, qui ne lui avaient rapporté 
que des déboires; il aurait pu se reposer. Au lieu 
de cela, qu'imagine-t-il? Toujours plein de son idée 
de reprendre l'Inde aux Anglais, el de contre-balan-. 
cer, hors d'Europe, leur puissance envahissante, il 
se rappelle qu’il a connu autrefois le Grand Mogol, 
et l'a vu effrayé des progrès anglais. De là à conce= 
voir une alliance possible avec lui, et une attaque 
victorieuse de l'Inde par le Nord, il n'y a qu'un 


L. DE LAUNAY —— UN PROJET D'EMPIRE COLONIAL FRANÇAIS SOUS LOUIS XV 


AT 


«trois amis et quelques serviteurs, arrive, à travers 
mille dangers, auprès de l'Empereur, qui l’accueille 
“avec bienveillance, parle, est insinuant, convain- 
“cant comme toujours, et sort de l'audience avec la 
« promesse d'une armée et une lettre demandant à 
“Louis XVI l'alliance et le protectorat de la France. 
Celle entreprise extraordinaire allait-elle donc 
réussir? Non; la malchance de Maudave l’atteint 
“encore une fois. Le Grand Mogol meurt subitement, 
et son successeur, méconnaissant toutes ses pro- 
“ messes, ne donne à Maudave qu'un commandement 
“ sans imporlance, sous les ordres d'un Français, 
nommé Madec, qu'il a fait son général en chef. 
Madec, jaloux de Maudave, le tient à l'écart, Le dé- 
courage, l'amène finalement à quitter l'armée 
“mogole, et le pauvre rêveur, toujours déçu, va 
mourir misérablement de la fièvre à Mazulipatam 
(1778). l 
$ 
À IT 


Tel fut l'homme; prenons-le maintenant à l'heure 
… de ses plus belles illusions, dans les mois qui pré- 
cédèrent son départ pour Madagascar, et voyons 
comment il concevait tant de grands et originaux 
projets, auxquels l'événement devait, pour un siècle, 
donner un démenti apparent, mais qui, tous ou 
presque tous, ont été repris (un peu plus coûteu- 
sement) de nos jours. Là est surtout l'originalité 
- des documents nouveaux que je possède, puisque 
le recueil s'arrête au moment du départ de Mau- 
dave à Madagascar!. 
Mais, avant de reproduire son plan de réorgani- 
sation coloniale dans la mer des Indes, il n'est peut- 
- être pas inutile d'indiquer encore succinctement 
… quelle était la situation en 1767, au moment où il 
4 écrivait, et quelles tentatives avaient déjà été failes 
É par la France dans les mêmes régions, antérieure- 
« ment à lui. Le rappel sommaire deséchecs, auxquels 
-aboutirent successivement nos divers essais de 
… colonisation officielle et ministérielle sous nos plus 
Li grands ministres, Richelieu, Colbert, etc., contri- 
… buera à faire apprécier les vues toutes différentes 
“de Maudave, qui se prononcait pour une colonisa- 
tion libre et non administrative, commerciale et 


K 


-non politique : la question n’est pas, aujourd'hui 
… même, sans présenter quelque intérêt d'actualité. 
Les premières Compagnies de commerce colonial 
françaises, à l'image de celles des Anglais et des 

. Hollandais, remontent, on le sait, à Richelieu, et 
furent toutes plus ou moins malheureuses ?. Celle 


1 Ce recueil est le copie de lettres autographe de Maudave, 

- renfermant, écrit de sa main, le brouillon de tous ses rapports. 
? Cie du Morbihan au Canada; Cies du Sénégal, des Antilles 

… (ou des îles de l'Amérique), de Madagascar et des Indes- 
Orientales, etc. Voir Carzzet : L'Administration en France 


pas. Sans hésiter, il se met en roule avec deux ou | de Madagascar, 


. habitant d'avoir 200 volailles, 12 porcs, 


consliluée une première fois de 
1611 à 1615, avec le privilège pour douze ans du 
commerce au delà du cap de Bonne-Espérance, 
reforma, en 1642, sous la direction de Berruyer el 
Desmartins, qui avaient déjà envoyé à Madagascar, 
en 1638, Francois Cauche. Comptant, parmi ses 
principaux actionnaires, le maréchal de la Meille- 
raye et le surintendant Fouquet, qui parurent 
surtout occupés à s'éliminer mutuellement 
l'affaire pour en tirer un profit personnel, elle eut 
cependant pour conséquence l'établissement, à 
Fort-Dauphin, de Flacourt, qui s’y maintint dix 
ans, et le premier peuplement de Bourbon. La 
disgrâce de Fouquet et la mort.du maréchal de la 
Meilleraye, en 1664, amenèrent alors la cession de 
Madagascar au roi Louis XIV et la reconstitulion 
de la Compagnie des Indes-Orientales par Colbert, 
qui, en excellent bureaucrate, ne manqua pas d'y 
appliquer son système ordinaire de réglementation 
à outrance el de formalisme administratif, lorsqu'il 
expédia à Madagascar, en 1665, le marquis de 
Mondevergue. 

L'entreprise, pourtant, lui tenait à cœur ; il lui 
accorda les plus grands privilèges, et trouva même, 
pour lui procurer des actionnaires, une méthode 
que l'on pourrait recommander à nos hommes 
d'État : celle de taxer les principaux personnages 
dépendant du Roi, fonctionnaires en tèle, à un 
nombre d'actions déterminé selon leur rang. Mais 
concoit-onune colonie de Madagascar, au xvn°siècle, 
où les tribunaux devaient juger strictement d'après 
le coutumier de Paris, où le blasphème par récidive 
élait puni de six heures de carcan, où il était défendu 
aux Francais d'épouser une indigène non catholique, 
où les particuliers n'avaient pas le droit de com- 
mercer, etc. !. C’est toujours la même erreur fatale 
et bien francaise, qui nous fait appliquer, aux nègres 
de la Guadeloupe ou aux créoles de la Réunion, 
les rouages compliqués et paralysants de notre sys- 
tème électif, imposer notre système monélaire dans 
nos colonies asiatiques, traiter des sauvages du 
Soudan suivant les règles générales applicabies à 
tout citoyen, de Belleville au Tonkin, et qui, même 
dans l’ordre privé, nous conduit à diriger de Paris 
les affaires les plus lointaines, au moyen de Conseils 
d'administration distrails et incompétents. 


se 


de 


sous le ministère du cardinal de Richelieu, t. IL. — Guer : 
Les origines de l'ile Bourbon et de la colonisation francaise 
à Madagascar, 1888. — Relations de Cauche (1638-1642); 
Flacourt (1661), sur Madagascar. — DE RENNErORT (1688) : His- 
toire des Indes-Orientales, etc. 

1 Paucrar : Louis XIV et la Cie des Indes-Orientales de 
1664, Paris, Calmann Lévy, 1886. — P. CLéuenr : Histoire 
de Colbert, 1874, t. I, p. 498 — Voir, dans l'ouvrage de GUEr 
(loc. cit.), p. 124, l'ordonnance de M. Delahaye à l'ile 
Bourbon en 1674. « Chaque habitant nourrira deux bœufs..., 
nul ne tiendra ni chien, ni chienne ;.… ordre à chaque 
et six milliers de 
riz, etc., etc. ». 


A 


118 


L. DE LAUNAY — UN PROJET D'EMPIRE COLONIAL FRANÇAIS SOUS LOUIS XV 


Dans les onze premières années, la Compagnie 
des Indes perdit six millions et demi.et, dans la 
suite, sauf un instant très bref de prospérité, elle 
ne fit que végéter, jusqu'à sa déconfilure finale. 

Compagnie officielle, voulant faire grand du 
premier coup, et toujours disposée à oublier son 
but commercial pour un apparent intérêt polilique, 
en outre fort mal servie par la plupart de ses agents, 
ileût été, du reste, fort extraordinaire qu'elle obtint 
un meilleur succès! 

À Madagascar, tout finit par un massacre en 1674, 
et, sauf un rapport demandé en 1714 par le comte 
de Pontchartrain au gouverneur de Bourbon, 
M. Parat, il ne fut plus question de cette colonie 
pendant près d’un siècle. Quant aux événements qui 
amenèrent la perte de l'Inde en 1763, ils sont 
connus de lous. 

Au moment où M. de Maudave rédigea ses Mé- 
moires, en 1767, il ne nous restait, de nos anciennes 
possessions dans la mer des Indes, que les îles de 
France et de Bourbon, avec quelques comptoirs 
ruinés à Pondichéry, Karikal, Mahé, etc. C’est done, 
en prenant pour pivot de ses combinaisons les 
deux îles des Mascareignes, qu'il projetait de recom- 
mencer la lulte commerciale et politique contre 
l'Angleterre. 

Mais, suivant lui {il est constamment revenu 
sur cette opinion), si la possession des deux iles 
nous élait absolument indispensable comme le 
seul point d'où l’on pût faire une guerre avanta- 
geuse aux Anglais, isolées, elles n'en étaient pas 
moins un gouffre de dépenses vaines. D'où l'idée 
d'occuper pacifiquement Madagascar, qui, protégée 
par l'ile de France, devait, en échange, la nourrir 
et servir de base pour toutes les entreprises com- 
merciales sur la côte d'Afrique, dans la mer Rouge, 
en Perse, dans l'Inde et dans l'Extrème-Orient. 

Telle est l’idée mère du plan, que nous allons le 
voir développer dans ses Rapports adressés aux 
syndics de la Compagnie des Indes et au ministre 
de la Marine. Les premiers, qui sont d’un intérêt 
plus général, et vont surtout nous occuper ici, 
avaient pour but d'exposer à la Compagnie com- 
ment elle pourrait se reconstituer sur des bases 
nouvelles et lrouver, dans sa détresse présente, des 
éléments de prospérité; les autres, sur lesquels 
Je reviendrai peut-être un jour, visent le projet 
plus spécial d’un établissement à Madagascar. 

Le recueil que j'ai en mains renferme trois Mé- 
moires principaux à la Compagnie des Indes, en 
date de juillet 1767, du 17 août 1767, et du 24 sep- 
tembre 1767, plus divers Rapports de détail sur 
Pondichéry. Dans tous, on voit Maudave protester 
contre la superslilion qui prétendait identifier 
notre fortune dans l'Inde avec la prospérilé appa- 
rente de Pondichéry, et réclamer avec insistance 


la diminution de la tutelle administrative, de la 
centralisation et du fonctionnarisme, la suppres= 
sion d'un faste inutile, la substitution du com-= 
merce à la politique, l'abandon des codifications 
uniformes imposées aux pays les plus divers; à 
l'occasion, il s'y montre économiste en étudiant la 
question monétaire, toujours si capitale pour les 
pays en relation commerciale avec l'Inde et 
l'Extrème-Orient. Les quelques extraits suivants 
pourront en donner une idée, mais on remarquera 
surtout les passages relatifs au Tonkin, à l'Abys= 
sinie, et au commerce de la mer Rouge par l'isthme 
de Suez : 

… «€ Dans la situation où est aujourd'hui votre 
Compagnie aux Indes, écrivait-il en juillet 1767, 
que lui sert un tribunal sous le nom fastueux des 
Conseil supérieur? À la place de ce tribunal sans 
occupation, substituez quatre personnes inlelli= 
gentes dans les affaires de commerce... Au lieu de 
ce monde d'employés et de commis, qui vous sont 
trop à charge, je ne vous souhaite que des facteurs 
et des correspondants : je ne vois aucune diffé 
rence réelle entre la Compagnie des Indes et quel= 
que autre maison de commerce que ce soit, si vous. 
en exceplez l'importance de l'objet et la multipli= 
cilé des affaires; vous devez donc vous conduire. 
sur les mêmes maximes, et surtout éviter un vains 
élalage d’ostentation et d'état politique, qui ue 
convient plus à votre situation, qui ne lui a jamais 
convenu, et sur lequel on pourrait peut-être rejeler 
une portion de nos pertes el de nos désastres. 

. «Je soutiens qu'un système régulier peut êlre 
plus aisément suivi par un seul homme qui aurait 
votre confiance, que par un prétendu tribunal, tou- 
jours bizarrement composé, où l'intérêt de chaque 
particulier divise l'Administration et étouffe le bien: 
public. Aussi, malgré les maximes républicaines, 
voyons-nous le général de Batavia exercer l’aulo= 
rilé la plus despotique. 

. « L'un des meilleurs moyens de vivilier le 
commerce de la Compagnie dans les Indes est, à 
mon sens, de favoriser le commerce des parliculiers. 
Il vous convient notamment de faciliter à vos 
employés les moyens honnètes de faire fortune 
par un travail assidu et une industrie vigilantes 
car ce serait une folie d'imaginer que les appoin- 
tements que vous pouvez donner fussent au fond 
suffisants à l'ambition des plus modérés; en pro= 
curant à chacun les moyens de travailler suivant 
ses forces el sa valeur, vous remplirez un double 
objet. 

… « Le commerce des Indes, pris dans son sens 
absolu, est ruineux pour l'Europe en ce que nous 
y portons notre or et notre argent en échange des 
produils de l'industrie des Indiens... On peut mème 
altribuer à celte cause ces épuisements d'argent, où 


L. DE LAUNAY — UN PROJET D'EMPIRE COLONIAL FRANÇAIS SOUS LOUIS XV 


119 


l'Europe a langui avant la découverte de l'Amé- 
ique… Mais ces terreurs s'évanouissent en les con- 
“sidérant d'un œil impartial et philosophique. Les 
“mines du Mexique et du Pérou ne seront pas 
“apparemment silôt épuisées. Vous pouvez même 
“diminuer la sortie de l'or et de l'argent par une 
judicieuse exportation des denrées du royaume et 
du produit de nos manufactures. J'ose même dire 
“que cet objet, intéressant pour l'Elat et très avan- 
siageux pour vous, à été trop négligé; j'en dirai bien 
“la raison. Les marchandises de l'Inde, qui nous 
“sont nécessaires, accourent, par une altraction aisée 
à expliquer, aux lieux où l'argent les attend. Nos 
denrées et nos marchandises sont de défaite plus 
difficile... Ce n'est pas au bord de la mer et surtout 
“ans nos établissements de la côte de Coromandel;... 
c'est dans l'intérieur des terres, dans les grandes 
_LOE ans les capitales, qu'il faut en envoyer des 


« .… Laissons Pondichéry devenir, s'il le peut, 
une ville considérable, en l'aidant à se relever de 
“ses ruines par de légers secours et quelques encou- 
“ragements. Il est vraisemblable que cette ville ne 
“parviendra de longtemps à l'orgueilleuse et inutile 
_sompluosilé où nous l'avons vue. La médiocrité, où 
je la crois condamnée par la nature des choses, est 
presque un gage de sa conservalion. Nos ennemis 
Ja prendront sans doute; mais ils nous la rendront à 
la paix : elle ne vaudra plus la peine d’être gardée 
ni détruite. 
— « Cesraisons mènent à affirmer que les véritables 
entrepôts de la Compagnie des Indes doivent êlre 
l'ile de France et à l'ile Bourbon... 11 ne vous 
anque que d'y construire des magasins en élat de 
recevoir vos marchandises. Vos vaisseaux pourront 
y altendre les saisons convenables pour se rendre 
leur destinalion; car vous êtes quelquefois expo- 
sés à de grands retards, et j'ai vu, depuis 1765, 


on, et l’on ne peut manquer son but... 
.. Je crois qu'il serait très utile aussi que la 
ompagnie des Indes songeät à se procurer des 
omploirs aux lieux que je vais indiquer ; savoir : 
à Mascate, à Bassora, à Banderabassi, à Surate, 
à Mangalor, à Calicut, à Cotate, à Portenove, à 
Masulipatan, à Yanaon, à Panjan, au Pégou, à Jou- 
“dia, dans le royaume de Siam. Nous avons déjà 
= loges abandonnées dans la plupart de ces 
chelles ; il faut en reprendre possession et nous 
procurer celles qui nous manquent. Outre ces loges, 
je pense qu'il est à propos d'avoir des agents dans 
Ja plupart des grands établissements européens et 


1 


de travailler aussi à obtenir quelques comptoirs 
dans les îles de la Sonde et à Bornéo. Je ne comi- 
prends pas par quel motif nous avons abjuré pour 
ainsi dire le commerce de la Cochinchine, et par 
quelle négligence nous n'avons jamais tenté celui du 
Tonkin; cetle partie orientale de Inde est peut- 
être la plus riche région de l'Univers. Toutes ces 
vastes régions sont ouvertes à la navigation. Les 
divers genres de leurs productions font l'objet du 
plus grand cabotage du monde... 

« … La Compagnie n'ignore pas les avantages 
de la navigation dans la mer Rouge; mais ce n'est 
pas assez de se borner aux routes frayées; il faut 
s'en ouvrir de nouvelles. Je voudrais, Messieurs, 
que vous entrelinssiez aux Indes quelques jeunes 
gens actifs, laborieux et instruits des vrais principes 
du commerce; que vous les destinassiez à parcourir 
ces vastes régions pour découvrir de nouveiles 
sources de commerce: ils en seraient en quelque 
sorte les apôtres. Ces missionnaires d'un ordre 
nouveau étendraient, de tous les côtés, les branches 
de volre industrie. Il est telle côte barbare sur le 
bord de l'océan Indien, qui, à 50 lieues de la mer, 
renferme, dans la plus grande abondance, les plus 
précieux objets du commerce; il est aisé de se les 
procurer : il ne faut que vouloir, mais on ne veul 
pas assez. 

« … On a exploité, pendant près de 60 siècles, 
le commerce des Indes par la voie de la mer Rouge”. 
Les Véniliens, dans nos temps modernes, y acqui- 
rent des richesses immenses. L'Italie fut le magasin 
général des denrées d'Orient. La découverte du cap 
de Bonne-Espérance changea le cours de ce com- 
merce, que les principales nations de l'Europe se 
partagèrent. L'Italie ne fut plus le centre de cet 
important négoce. L'heureuse témérité de Vasco 
de Gama la relégua, pour ainsi dire, dans un coin. Il 
est aisé de prouver que les frais d’une si grande 
navigation en dégoûteraient les négociants, si les 
richesses de l'Inde élaient loutes renfermées sur 
les côtes de l'Empire mogol. Mais, comme l'industrie 
européenne.s’est ouvert de nouvelles branches de 
négoce à l'Est et au Sud-Est, la route du cap de 
Bonne-Espérance est, à ce dernier égard, le chemin 
le pus DANDEE s'il n'est pas le plus court. 

« Il ne s'ensuit pas que la voie de la mer Rouge 
n'ait son ulililé, en l’'employant judicieusement; je 
souliens même qu'elle nous donnerail une exten- 
sion de commerce considérable. Examinons d'abord 
les moyens de nous en servir, et nous jelterons 
ensuile un coup d'œil sur les avantages qui en 
résulleront. 

« M. de Nointel, ambassadeur de France à Cons- 


! Sur cette question du commerce des Indes et de l'Éthiopie 
par la mer Rouge, Maudave reprend, près d'un siècle après, 


420 


L. DE LAUNAY — UN PROJET D'EMPIRE COLONIAL FRANÇAIS SOUS LOUIS XV 


lantinople, en sollicilant à la Porte le renouvelle- 
ment des Capitulations, eut ordre de demander la 
permission de tirer des marchandises des Indes par 
la mer Rouge, et la liberté de les déposer en Égypte 
pour être transportées à Marseille. Le grand vizir 
Achmet Coprogli accorda ces deux articles en 
payant 3 °/, sur le prix d'achat aux douanes du 
Grand-Seigneur. Je n’ai pas vu que le commerce 
des Indes aitréclamé contre ce projet. En examinant 
les Mémoires du temps, on doit trouver, dans les 
Archives de la Compagnie, les mesures qu’on voulait* 
prendre pour lransporter les marchandises au Suez 
et du Suez au Caire; la langue de sable, qui sépare 
la première de la seconde de ces deux villes, n'a 
pas plus de 20 lieues d'étendue, quoique la largeur 
de l’isthme de Suez soit à peu près de 35. La branche 
orientale du Nil se rapproche, en effet, de ce port 
de la mer Rouge à cette distance. Le transport 
des marchandises du Suez au Caire peut se faire 
aisément sur des chameaux. L'Égypte en fourmille. 

« … La partie méridionale du golfe Arabique est 
bordée, dars toute sa longueur, du royaume de 
Sennaar, de la Nubie et de l’Abyssinie. Ces trois 
grandes contrées regorgent de richesses, qui, à la 
réserve d'un léger transport, que de petites cara- 
vanes en font en Égyple, restent sans débouchés. 
Au moyen de nos liaisons de commerce avec les 
Tures, nous serions admis à lraiter à Suequen 
où le Grand-Seigneur entretient une garnison, et où 
les peuples de Sennaar et de Nubie abordent en 
foule. Les Abyssins ne demandent pas mieux que 
de recevoir nos vaisseaux dans la baie d'Alkireo et 
dans l'ile de Messoua?. 

« J'ai eu autrefois entre les mains une lettre de 
M. de Maillet à M. de Pontchartrain, de l'année 1696. 
Elle contenait des détails très curieux et très 
instructifs.sur la Nubie et le royaume de Sennaar. 
Quoiqu'’elle ait été imprimée, il ne m'a pas été 
possible de la retrouver. Je m'en rappelle très bien 
une particularité intéressante, qui prouve combien 
il serait facile d’obtenir ce qu'on voudrait pour la 
sûrelé du commerce de la part du Gouvernement 
d'Égypte’; voici le fait : 

« Louis XIV envoyait, en Abyssinie, un ambassa- 


les idées de Colbert et de M. de Maillet; de même que l'idée 
du canal de Suez se trouve déjà dans le Parlait Négociant 
de Jacques Savary (1679). 

1 Souakin, port le plus sûr de la mer Rouge, et lieu d'em- 
barquemeut des pèlerins de la Mecque. , 

? Arkiko et Massaouah. 

* Voir, sur cette question des rapports commerciaux 
entre la France et l'Abyssinie sous Louis XIV, Masson : 
Commerce français dans le Levant au xvue siècle, 1897, 
p. 323-326 et 411-413. La lettre de M. de Maillet, dont il est 
question plus loin, y est résumée, ainsi que l'histoire de 
l'ambassade à laquelle était atlaché le chirurgien Poncet, et 
que conduisait Le Noir du Roule (1703). — Cf. pe Caix DE 
Sr-Ayxour : Histoire des relalions de la France avec l'Abys- 
sinie chzétienne sous Louis XIII et Louis XIV. 


deur au Grand Négus. Quelques marchands francais 
et grecs se joignirent à l'ambassade. Cette petile« 
caravane arriva à Sennaar. Le Roi reçut l'amba 
sadeur avec de grands honneurs; mais le barbare, 
tenté par l’appât du gain, le fit massacrer avec tout 
son monde. Il ne s'en échappa qu'un chirurgien 
franc-comtois nommé Charles Poncet, qui retourna 
pour la seconde fois en Abyssinie, et du premier 
voyage duquel nous avons une relation, insérée, si 
je ne me trompe, dans le « Recueil des lettres 
édifiantes ». 
« M. de Mallet, dont les conseils avaient décidé 
l'ambassade, et qui en avait dirigé la route, fut 
outré de la perfidie du roi de Sennaar. Il proposa 
à la Cour d'en lirer une vengeance éclatante; o 
lui en demanda les moyens; ilnégocia avec les Puis 
sances du Caire, et il en oblint la permission de 
faire passersurleurs terres un corps de 1.200 soldats 
français avec leurs canons et leurs munitions. I 
voulait se mettre à la tête de ce corps et le conduire 
lui-même à Sennaar, qu'il aurait saccagée et brûlée 
et il assurait à M. de Pontchartain qu'il laverait 
dans le sang de ce roi barbare, la cruelle violations 
du droit des gens dont il s'était rendu coupable 
La Cour, qui avait des affaires plus importantes 
laissa le roi de Sennaar tranquille, et perdit toutes 
vues de liaisons et de commerce avec le roi 
d'Abyssinie. Ce fait est très singulier dans loutesx 
circonstances, et il prouve assez clairement que les 
Puissances du Caire entreront dans nos desseins, si 
nous savons leur y faire trouver des avantages. M 
&«_.… Si jamais nous pouvons avoir une COrrespons 
dance assidue avec l'Abyssinie, nous y ferons um 
commerce prodigieux. Ces peuples sont plus doux 
et plus civilisés que les autres nègres; ils ont même 
le singulier privilège de tenir aux musulmans el 
aux chrétiens, et ces deux religions rivales, q 
s'accordent sur si peu de points, comptent les 
Abyssins au nombre de leurs enfants, puisqu'ils 
ont l'honneur d'être circoncis et l'avantage d'être 
baptisés. Il est vrai, car il ne faut rien dissimule 
que les Abyssins sont entachés de l'hérésie de 
Dioscore; mais les riches productions de leur so 
sont encore dans la pureté de leur production 
originale; en les traitant comme des frères bàtards 
ou rebelles, nous pouvons encore commercer ulile 
ment avec eux. | 
« J'ai beaucoup entretenu, dans les Indes, un 
homme d’espril et de sens, qu'un concours dé 
circonstances bizarres avait relenu vingt ans el 
Éthiopie; il ne pouvait se lasser de louer la douce 
el l'humanité de ces peuples, et d'exalter la richesse 
el l'abondance des productions du pays. Il préten 
dait que nos vaisseaux, en montrant quelque envie 
de trailer avec eux et se présentant sur les côtes 
de Dalkirko et de Messoüa, les atlireraient, aveen 


L. DE LAUNAY — UN PROJET D'EMPIRE COLONIAL FRANÇAIS SOUS LOUIS XV 


494 


ur or, leur ambre, leur civelte, leur ivoire et 
Moutes les autres riches denrées de l'Abyssinie, 
our recevoir en échange les toiles blanches et 
bleues des Indes, les brocards et autres ouvrages de 
“a fabrique de Surale, et surtout de celles de Hami- 
abad. Je laisse à penser combien cette branche 
de commerce isolée, et pour ainsi de hors-d'œuvre, 
Serait avantageuse au commerce général de la 
Compagnie. » 


Ë 


II 


Dans les extraits précédents, on remarque l'ab- 
“ence de toute indication sur Madagascar, qui 
“devait pourtant jouer, à l'avis de Maudave, un rôle 
de premier ordre parmi nos colonies futures. L'ile 
‘de France et ses dépendances ayant élé, en effet, 
“depuis 1763, rétrocédées à l'État, cette partie de 
“ses projels ne regardait plus la Compagnie des Indes 
“et c'est dans toute une série d'autres Rapports, 
“adressés au duc de Praslin, ministre de la Marine, 
que nolre héros les a longuement développés. 
“— Je ne saurais, sans dépasser le cadre de cet arti- 
cle, donner ici un résumé de toules ses idées très 
originales sur la grande ile madécasse ; mais je 
tiens cependant à en extraire quelques passages 
caractéristiques. 
C'est ainsi qu'après avoir exposé l'importance 
‘stratégique de nos deux vieilles colonies de Bour- 
bon et de l'ile de France, en même temps que l’im- 
possibilité, où elles lui semblaient, de se suffire à 
elles-mêmes, Maudave indique Madagascar comme 
devant devenir leur centre naturel de ravilaille- 
ment : 
« Cette île, dit-il, par son étendue, par le nom- 
“bre et la variété de ses productions et par le carac- 
“lère des peuples qui l’habilent, est susceptible du 
plus grand commerce. Les indigènes sont naturel- 
“lement négociants : ils vivent sous une ombre de 
lois et de police... Ce peuple est doux, palient, 
rs grand imilateur. 
—…._ « … S'il était question de former une colonie en 
“Amérique, on dirait: prenez les précaulions né- 
0 pour transporler un peuple tout formé, 
avec sa subsistance, son industrie, ses arls et 
“même les instruments de ses arts; vous allez 
habiter une terre agreste et sauvage, qui ne vous 
donnera rien qu'après de longs et pénibles travaux. 
L'ile de Madagascar nous offre des ressources plus 
prochaines : elle est peuplée, elle est cultivée; il 
n'est question que de lier une correspondance réci- 
- proque avec les habitants, pour en retirer les plus 
“grands fruits. Il y a, après tout, une grande diffé- 
rence entre le climat de cette île et celui de l'Amé- 
rique ; ce dernier dévore ses habitants: les indi- 
_Bènes ne sont que des barbares presque semblables 
aux monstres de leurs forêts, sans lois, sans police, 


et, ce qui est encore plus à considérer, sans be- 
soins; l'ile de Madagascar, au contraire, renferme 
un peuple actif, laborieux, simple, doux et qui ne 
demande qu'à étendre la sphère de ses connais- 
sances ;… d'après mon expérience personnelle, il 
n’en est peut-être point sur la terre, avec lequel une 
nation commerçante puisse négocier avec plus de 
fruit. Rien n'est plus aisé que de donner aux Ma- 
décasses nos goûts et nos besoins. 

« La religion nous offre, à cet égard, des armes 
d'une bonne trempe. Ces peuples ont un penchant 
incroyable pour nos cérémonies et la magnificence 
de notre culte... Ils se rendront en foule sous notre 
protection. Divisés en petits états politiques, tour- 
mentés par leurs maîtres, ce peuple doux et limide 
connait le prix du repos et de la sûreté, En les 
traitant bien, avançant peu à peu et ne les violen- 
tant pas, nous les verrons abandonner leurs 
tyrans et briguer la faveur de nous être incor- 
porés.. Nous connaissons parfaitement, à l'ile de 
France, le caractère des Madécasses. Ils sont lents 
dans leurs opérations, mais doux et paisibles. Is 
aiment les arts mécaniques, ils deviennent aisé- 
ment charpentiers, menuisiers, serruriers, forge- 
rons, macons, couvreurs, tanneurs, elc. Ils s'alta- 
chent aisément à leurs maîtres, quand ils en sont 
bien traités, mais ils sont légers, volages et sujels à 
ce qu'on appelle dans leur langage : se piller de fan- 
laisie. Avec de la douceur, de la patience, de la 
fermeté, de l'équité, on en fait Lout ce qu'on veut.» 

Je n'ai pas voulu interrompre celte longue cita- 
tion; mais on aura remarqué le curieux parallèle 
entre les États-Unis et Madagascar, il y a un siècle; 
les difficultés relatives aux indigènes, on sait com- 
ment les Américains les ont résolues, d’une façon 
radicale, en supprimant ceux-ci; quant au climat, 
qui passait alors pour plus insalubre encore que 
celui de Madagascar, il est assez réconfortant pour 
l'avenir de constater combien vite l'occupation des 
Européens l’a assaini. 

Ailleurs, Maudave revient, à diverses reprises, 
sur les produelions de l'ile, insistant surtout sur 
l'extraordinaire mulliplication des troupeaux, sur 
les bois précieux des forêts, les gommes, les résines, 
le chanvre, le lin, etc. Menlionnons aussi quelques 
points accessoires, qu'il peut être curieux de rap- 
peler : ainsi la soie, produite abondamment par une 
chenille malgache (le Zombyx radama), soie qui ne 
peut se dévider, mais qui se carde et se file à la que- 
nouille; ainsi encore les baleines, dont il serait, 
suivant lui, possible d'organiser la pêche sur les 
côtes orientales et méridionales. « Elles y sont très 
communes, dit-il, et malgré le peu d'industrie des 
insulaires, ils en prennent assez souvent. » Enfin, il 
propose d'attirer à Madagascar des ouvriers indous, 
comme les Anglais l'ont fait si activement et avec 


CH.-ED. GUILLAUME — LES LOIS DU RAYONNEMENT 


succès pour leurs colonies de Maurice et de Nalal. 
Il signale même la présence de l'or dans la partie 
centrale, « que les Portugais ont fouillée autrefois », 
tout en remarquant, avec raison, que les richesses 
Lerritoriales sont de plus de valeur réelle que celles 
des placers de la grande ile. 

Sur tous ces points, il se montre, en somme, très 
judicieux, sans avoir rien à nous apprendre de nou- 
veau; mais, là où il témoigne véritablement d’une 
perspicacilé singulière et nous donne un avis qui, 
aujourd'hui encore, vaudrait peut-être d'être écouté, 
c'est lorsqu'il met en relief la proximité entre Ma- 
dagascar et ce presque fabuleux Monomotapa, que 
nous appelons aujourd'hui le Transvaal et la Char- 
tered, lorsqu'il insiste vivement sur le lien intime 
qui raltache l'un à l’autre les deux pays et qui peut 
les faire prospérer l'un par l’autre : l’un extrayant 
en abondance l'or de ses mines, l’autre lui envoyant 
en échange la nourriture dont il regorge. N'y eût-il, 
dans le manuscrit dont nous nous occupons ici, 
que ce passage, il eût valu, ce me semble, d'être 
signalé : 

« Un objet essentiel de notre établissement à 
Madagascar, écrivait Maudave au ministre de la Ma- 
rine, est de créer, d'étendre de nouvelles branches 
de commerce sur la côte orientale d'Afrique, depuis 


la terre de Natal jusqu'au cap de Gardafui. La baie 
de Delagoa, où se décharge une grande rivière qui 
vient de l'intérieur des terres, mérite d'être mieux 
connue et plus fréquentée. On y échange des toiles 
et des guingans contre de l'or, de l'ivoire et des 
esclaves... Les Arabes de celte côte trafiquent avec 
les nègres de l'intérieur des terres jusqu’au fond 
du Monomotapa, dont ils tirent beaucoup d'ors 
Quoique les Portugais prétendent à l’exelusif dans 
celte partie de l'Afrique, leur misère ou leur fai 
blesse donne beau jeu. Il n'est presque point dé 
gouverneur portugais dans ces quarliers, dont on: 
n'achète la bienveillance avec des chemises et quel 
ques paires de bas. Il est sûr que la côte crientale 
d'Afrique regorge de richesses... » 

Si l'on songe que tout cela a été écrit en 1767; 
on reconnaitra que ce Maudave, qui invitait le Gou 
vernement de Louis XV à occuper le Tonkin eb 
Madagascar, à récoller l'or du Transvaal et à éla 
blir des relations commerciales avec l'Abyssinie ets 
bien mieux, qui lui en offrait le moyen, ne méri= 
lait peut-être pas l'oubli profond où son nom est 


tombé. 
L. De Launay, 
Ingénieur en chef des Mines, 
Professeur à l'Ecole Nationale Supérieure 
des Mines. 


LES LOIS DU RAYONNEMENT 


ET LA THÉORIE DES MANCHONS A INCANDESCENCE 


DEUXIÈME PARTIE 


Dans un premier arliclc!, nous avons résumé 
les recherches expérimentales qui ont permis d'éta- 
blir les lois du rayonnement des corps incandes- 
cents; nous allons maintenantmontrer l'application 
de ces données à quelques problèmes pratiques. 


[. — CONDITIONS D'UNE BONNE UTILISATION 


DE L'ÉNERGIE DANS L' ÉCLAIRAGE. 


Les recherches récentes relatives au rayonnement 
des corps noirs et des corps réels ont confirmé, en 
la précisant, l'idée, mise au jour déjà par les tra- 
vaux anciens, que, pour un radiateur donné, le rap- 
port de l'énergie lumineuse à l'énergie totale aug- 
mente en même temps que s'élève la température 
du radiateur. 

Mais nous savons aujourd'hui, contrairement à 
l'opinion anciennement admise, que, pour une 


nn ——_— 


4 Voyez la Revue du 30 avril 1901, €. XII, p. 358. 


LES APPLICATIONS 


même température, ce rapport varie d’un corps 
l'autre, augmentant en général avec le pouvoirs 
réfléchissant des surfaces, puisque, au moins pou 
les métaux, le coefficient définissant ce pouvoi 
varie dans le même sens que la longueur d'onde # 
D'autre part, la puissance de chaque radiation due 
à l'incandescence pure est toujours moindre que 
celle du corps noir, ou lui est tout au plus égale, el 
nous avons vu que, même pour des corps considérés: 
en général comme très noirs, la différence peut être 
considérable. L 

Les conditions pratiques de l'éclairage pourront 
faire préférer tel radiateur à tel autre, suivant le 


? La température élevée à laquelle peut être porté la 
mium et son pouvoir réfléchissant considérable ont cond 
M. Auer von Welsbach à créer récemment une nouvelle 
lampe électrique à incandescence, ne dépensant que 
watt environ par bougie. L'explication de cet excellent ren: 
dement est contenue tout entière dans les faits d’ expériencè 
résumés dans notre premier article. J 


CH.-ED. GUILLAUME — LES LOIS DU RAYONNEMENT 123 


ut poursuivi el les moyens dont on dispose. Si, 
ar exemple, pour une raison quelconque, on re- 
Cherche le maximum de l'éclat, c'est-à-dire le 
maximum de lumière pour une surface donnée, 
n devra avoir recours au corps noir, que l’on 
mènera à la plus haute température qu'il puisse 
“supporter, ou que le chauffage permettra de réali- 
ser. Mais c'est là un cas très exceptionnel, car on 
“peut, en général, compenser le défaut d'éclat par 
l'augmentation de la surface, et l'intensité importe 
“seule. En pratique, le problème se ramènera donc 
“presque toujours à celui du rendement, qui, comme 
“nous l'avons vu, augmente avec la température de 
la source et avec son pouvoir réfléchissant dans 
_l'infra-rouge. 

Ici encore, deux cas très différents peuvent se 

présenter suivant le mode de chauffe du radiateur : 
ou bien l'apport d'énergie est illimité, comme 
dans la chauffe par le courant électrique; ou bien 
il est donné par une flamme, et alors il est limité 
théoriquement à la température de la flamme. 
Dans le premier cas, la limite de la température 
“sera imposée seulement par la conservation du 
radiateur ; dans le second, on devra chercher à aug- 
menter le plus possible la température de laflamme, 
et à utiliser très complètement sa chaleur. 
Les conditions d'utilisation du courant élec- 
trique pour la production de la chaleur sont trop 
connues pour qu'il y ait lieu d'y insister; en re- 
“vanche, la question de la température des flammes 
“est fort controversée, et il convient de nous y 
arrêter un inslant. 


L 


IL. — ÉTCDE DE LA FLAMME. 
1. — Mesure de la température des flammes. 


Malgré de nombreux travaux consacrés à cette 
question, la température des flammes est très mal 
connue, et les résultats donnés par les divers 
auteurs qui s’en sont occupés diffèrent dans une 
large mesure, sans que l’on trouve des raisons suf- 
fisantes pour éliminer d'emblée les nombres les 
plus divergents. 

On sait seulement, d’une façon bien certaine, 
que la température varie considérablement en des 
«points trèsivoisins d’une même flamme, et qu'à des 
“distances qui se mesurent par une fraction de mil- 
-limètre, les écarts atteignent plusieurs centaines 
de degrés. L'étude complète comprendra donc une 
sorte de topographie thermométrique de la flamme, 
indiquant les variations de l’état thermique en ses 
divers points, puis une mesure absolue permettant 
… de fixer l'échelle de l'ensemble. 

Jusqu'ici, deux procédés ont été appliqués à 
lévalualion de la température des flammes. Le 
. premier, purement théorique, consiste à calculer 


les quantités de chaleur dégagées par les com- 
bustions, et, connaissant les chaleurs spécifiques 
des constituants, à en déduire les lempératures 
moyennes. L'autre, plus fréquemment employé, est 
uniquement expérimental; il transforme le pro- 
blème dans celui de la mesure de la température 
d’un corps immergé dans la flamme, et que l'on 
suppose en équilibre thermique avec elle. Pour 
une exploration détaillée, on devra, d'après ce qui 
vient d'être dit, employer un corps de très faibles 
dimensions, par exemple un fil fin de platine. 

Lorsqu'on compare les résultals obtenus par les 
deux procédés, on voit que le premier fournit des 
nombres incomparablement plus élevés que le 
second, et, comme celui-ci à paru jusqu'ici à peu 
près sans reproche, on en a conclu que la théorie 
négligeait des facteurs très importants. 

Le procédé expérimental, pour direcl qu'il pa- 


Cr 


Fig. 1. — Dispositif de M. Smithells pour l'étude du Bec 
Bunsen. 


raisse, cache cependant d'assez grosses erreurs, 
dont quelques-unes ont été mises en lumière par 
les physiciens qui l'ont appliqué, mais dont plu- 
sieurs semblent avoir été trop négligées jusqu'ici. 

Lorsqu'on amène, en un point déterminé d'une 
flamme, une soudure thermoélectrique, les deux 
fils qui y aboutissent conduisent de la chaleur à 
l'extérieur, ct refroidissent le point de contact dont 
la température est considérée comme indiquant 
celle de la flamme. On réduit celte erreur en em- 
ployant des fils fins, en choisissant des métaux 
peu conducteurs, par exemple en substituant au 
platine pur, qui forme généralement l’un des élé- 
ments du couple, un de ses alliages avec un métal 
réfractaire, de telle sorte que les deux parties du 
couple soient constituées par des alliages de pla- 
tine. 

Enfin, dans l’étude d’une flamme dont une 
région étendue est homogène, une flamme circu- 
laire par exemple, on donne aux deux parlies;du 
fil aboutissant à la soudure une forme qui épouse 
celle de la flamme, ainsi que l’a fait M. Smithells 


CH.-ED. GUILLAUME — LES LOIS DU RAYONNEMENT 


dans l'étude du bec Bunsen’. Dans les expériences 
de cet habile chimiste, les fils disposés en C, et, 
sur les deux cônes de la flamme (fig. 1), donnaient 
des résultats sensiblement différents de ceux four- 
nis par les fils en C et C.. 

Les observations failes dans les meilleures con- 
ditions ont conduit M. Smithells aux résultats 
suivants : La température indiquée par les couples 
croît dans l'ordre C,, C,, G,, G,. En C,, elle est 
de 1611°, et en C, de 1530°. 

Dans une flamme plate, lumineuse à sa partie 


® Fig. 2. — Schèma des positions adoptées pour la mesure 


des températures dans une flamme plate. 
J2 


supérieure, les mesures effectuées de à à 4 (fig. 2) 
ont donné les résullals suivants : 


SUR LE BORD 


EXTÉRIEUR AU CENTRE 

En ‘at. 1.4789 1960 
Du 1,5640 3820 
CRIE: 21 1.5600 6410 
C'EST es 1.5470 9470 

e 1.5760 1.1100 

LR 1.6130 1.1000 
1.6130 1.6130 


La température va done en montant du bas au 
haut de la flamme, beaucoup plus rapidement à 
l'intérieur qu'à l'extérieur, les deux lames chaudes 
se rejoignant au sommet. 

D'autre part, M. Vivian Lewes indique, pour les 
différentes parties d'une flamme lumineuse de gaz 
d'éclairage, dans deux Mémoires parus à quelques 
années de distance, les résultats ci-après *: 


EN 1892 EN 1895 

Zone non lumineuse. . 1.0149 1.0230 
Commencement de la partie 

IURINEUSE ER NES 12610 1.6580 

Fin de la partie lumineuse. . 1.3680 2.1160. 


Enfin M. Waggener a fail, en 1895, sous la direc- 
tion de M. Warburg, d'intéressantes recherches sur 
la flamme du bec Bunsen *. Après avoir vérifié que 
la conduction électrique par la flamme et les forces 


1 À. SurraELcs : On flame temperatures, etc.; Trans. Chem. 
Soc., 1895, p. 1042. 

2 V. Lewes : 1bid, 1892, p. 322; Proc. Roy. Soc., t. LVII, 
p- 394; 1895. 

* Verhandlungen der Berliner Phys. Ges., t. XIV, p.18. 


— 


thermoélectriques dues au contact direct des ga 
chauds n'influencent pas sensiblement les mesures; 
il constala, au contraire, qu'un fil demeuré très 
longtemps dans la flamme est altéré au point de 
donner au galvanomètre des indications qui, Si 
elles sont rapportées au premier élalonnage, faus= 
sent les résultats de plusieurs centaines de degrés 

En employant des fils de divers diamètres, recti= 
lignes ou circulaires, M. Waggener put déterminer" 
les conditions dans lesquelles la conduction ther- 
mique est suffisamment éliminée. Le fil généra= 
lement employé, n'ayant que 0,045 millimètre de 
diamètre, fournissait des résullats à peu près 
indépendants de la conduction, mais que l'on 
pouvait encore corriger par extrapolation, en 
tenant compte des données fournies par les fils de 
plus gros diamètre. 

Une exploration complète de la flamme sous- 
traile aux courants d'air a conduit M. Waggener 
à formuler les conclusions suivantes : La mesure 
directe de la température par le plus fin des fils 
employés donne un maximum de 170% sur le. 
cône extérieur, à 2 centimètres au-dessus dun 
brûleur, la flamme ayant une hauteur totale de: 

3 à 13 centimètres. Le milieu du cône extérieur 
possède une température maxima de 1591° ; enfin, 
la surface intérieure du cône possède une tempé- 
rature qui, dans la partie la plus chaude, atteint 
1408. L'’extrapolation, pour un fil infiniment mince, 
donne, pour la partie la plus chaude, une tempé- 
ralure de 1750° à 1760°. | 

Les nombres qui viennent d’étrereproduits, tout 
en donnant à peu près la physionomie générale de 
certaines flammes, ne représentent pas, si l’on en 
exceple un résultat de M. Lewes, très discordant 
des autres, les plus hautes températures soup-" 
çconnées dans les flammes ordinaires. Ainsi, il est 
d'expérience courante qu'un fil très fin de platine, 
introduit dans une flamme, fond à son extrémité 
et forme une perle qui se solidifie. Ce fil rencontre 
done des filets gazeux dont la lempérature est 
supérieure à celle de la fusion du platine, qui, 
d'après M. Violle, est de 1715°, et, suivant 
MM. Holborn et Wien, de 1777°. Or, ce phénomène 
ne peut guère être attribué au fait d'une combi- 
naison qui se produirait entre le platine et l’un des 
constituants de la flamme, puisque la fusion se 
produit au bout d'un instant très court, et semble, 
au contraire, s’arrêler ensuite, dès que la perle a 
pris des dimensions notablement plus grandes que 
le diamètre du fil. La conduction de la chaleur étant 
la même pendant toute l'expérience, ce phéno- 
mène ne peut pas être invoqué pour expliquer la 
solidificalion succédant à la fusion. 

Je reviendrai bientôt sur cette question ; mais je. 
puis, dès maintenant, signaler comme l’une des. 


CH.-ED. GUILLAUME — LES LOIS DU RAYONNEMENT 425 


longtemps qu'il est très mince, rencontre par 
instants des filets gazeux beaucoup plus chauds 
jue l'ensemble du courant ambiant, tandis que, 


notables, elle prend automatiquement la moyenne, 
dans le temps et dans l’espace, des températures 
i l'entourent, et qui est sensiblement inférieure 


$ 2. — Méthodes nouvelles. 


Les observations qui viennent d'être menlion- 
nées et leur discussion nous montrent déjà que les 
valeurs données pour la température des flammes 
on! certainement trop basses, ou lout au moins 
Se rapportent toujours à une moyenne prise sur 
un intervalle de temps plus ou moins long, et 
un espace plus ou moins étendu, el. ne s'appliquent 
pas au maximum alteint dans les flammes. Mais il 
est une cause générale d'erreur dans ces déter- 
minations, à laquelle on n'a pas prêté, à beaucoup 
près, l'attention qu'elle mérite : c’est le refroidis- 
sement du fil explorateur par le rayonnement. 
» En réalité, la température prise par le fil résulte 
“d'un équilibre entre l'énergie soutirée à la flamme, 
et celle qui est rayonnée à l'extérieur. 
. Or, l’une et l’autre étant proportionnelles à la 
Surface du fil, au moins tant que celui-ci est assez 
fin pour ne pas dénaturer le régime de la flamme, 
Vécart entre les deux températures, de la flamme et 
du fil, est indépendant du diamètre de ce dernier. 
11 n'est donc pas éliminé par une extrapolalion, 
Ou par une combinaison quelconque des expérien- 
ces, à moins que l’extrapolation se rapporte au 
pouvoir émissif du fil. 
- Il est facile d'exprimer, par une équation dont 
nous chercherons ensuite à déterminer les coeffi- 
cients, l'erreur que l’on peut commettre dans la 
mesure de la tempéralure d'une flamme par l’in- 
candescence d'un fil. Soient O., 9, et ©, respec- 
divement les lempératures absolues du courant 
gazeux, du fil et de l'enceinte, À et B deux coeffi- 
lents à peu près constants. Si le fil est en platine 
“poli, l'équilibre s'établira lorsque ©, satisfera à la 
| condition : 

: A(O, — 0,) = B(0, —0,'), 

ffisamment exacte dans un intervalle de tempé- 
ature assez étendu. La tempéralure de la flamme 
sera donnée alors par : 


le dernier terme corrigeant la température direc- 
lement observée par le fil. Aux températures 
basses, ce terme est presque négligeable dans la 


REVUE GÉNÉRALE DES SCIENCES, 1901. 


£auses du phénomène le fait que le fil, aussi | majorité des cas. Cependant, les précautions que 


prennent les météorologistes dans la mesure de la 
température de l'air montrent que, même aux tem- 
pératures ordinaires, on commettrait des erreurs 
sensibles si l’on n’en tenait pas compte. Or, la rapi- 
dité de son ascension avec la température nous 
montre que, dans le cas qui nous occupe, il peut 
devenir extrêmement important. 

Je ne connais malheureusement pas d'expé- 
riences propres à nous donner des valeurs du 


quotient + permettant d'évaluer avec quelque cer- 


titude ce terme correctif. L'incertilude porte, 
d'ailleurs, tout entière sur le coefficient A, qui 
devrait être déterminé dans les conditions de den- 
silé, de composition chimiqueet d’agitation existant 
dans la flamme. 

On peut, cependant, se faire une idée de l’ordre 
de grandeur de ce rapport en partant de certaines 
expériences sur l'énergie dissipée à la fois par 
rayonnement et par conduction, dans des gaz à des 
pressions diverses. Ici, desexpériences de MM. Ayr- 
ton et Kilgour nous apprennent que l’émissivilé 
d'un fil augmente à mesure que son diamètre 


: diminue ; et comme, pour des raisons dont l'exposé 


nous entrainerait loin de notre sujet, celte pro- 
priété devrait varier en sens inverse si l’on ne con- 
sidérait que le rayonnement, on peut en conclure 
que les échanges entre une surface métallique et le 
gaz ambiant augmentent moins PRPISPOIOD que les 
dimensions de la surface. 

D'autre part, des recherches très étendues, faites 
par M. J.-E. Petavel”, ont fait connaître les quan- 
tités d'énergie dissipées dans l'air, dans l'hydro- 
gène et dans l'acide carbonique par une bande de 
plaline chauffée par le courant électrique. 

La figure 3 représente une parlie de ses résullats 
sur les deux premiers gaz. Les abscisses sont les 
températures, et les ordonnées les émissivités, 
c’est-à-dire, dans chaque cas, le coefficient qui, 
multiplié par un centimètre carré el par la chute 
de température en degrés, donne, en watts, l'éner- 
gie dissipée. 

Pour chacun des cas étudiés, nous pourrons écrire 
l'expression de la puissance dissipée sous la 


forme : 


P — A(0.,—0,) + B(0,° —0,'), 


9, élant à la fois ici la température du gaz ét celle 
de l'enceinte. L'émissivité totale sera donc : 


pe à 0,5 — 0,5 
6,6; A e0. 


Les courbes correspondant aux divers cas ne 


On the Heat dissipated by a platinnm 
Royal Soc., t. CXCI, 


UJ. E. PETAVEL : 
surface at bigh temperatures. Trans. 
p. 501-524, 1898. 

à a 


126 CH.-ED. GUILLAUME — LES LOIS DU RAYONNEMENT 


devront différer que de la quantité A, variable | M. Petavel, que la température du gaz était des 
suivant la nature et la densité du gaz; elles devront | 1009 environ, on aura : ; 
donc être parallèles, si À est constant, condition 
sensiblement satisfaite par les résultats de l’expé- 
rience, ce qui vérifie nos hypothèses. La correction serait donc supérieure à 900 degrés. 

Les expériences dans l'air sec, sous 1 em. de Ce résultat est certainement exagéré, surtout 
pression, devront donner sensiblement la valeur | parce qu'il est déduit d'expériences faites dans uns 
du second terme; on en déduira la valeur de A, | gaz en repos, et parce que l'écart 9,—0, est priss 
dans chaque cas particulier, par différence, en re- | vers les températures basses, tandis que 9, —0.. 


0, — 0, + 929 degrés. 


00% 
S 
S 
[I = 
R | 
À 003 
R 
HA 
S 
: mi 
& 902 
Us Le 
T : 
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o01 | 
1 + < BA 
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HAE: 
ls 
Ë 
© x 
2 
0. 


0 100 200 300 #09 500 600 700 800 9500 1,000 1,100 1,200 1,300 1,400 1,500 1,600 1,100 180 
Température er degrés Cnrtigrade 


Fig. 3. — Æmission du platine chauffé dans l'air et dans l'hydrogène, d’après M. Pelavel. 


marquant que ce procédé nous donne une valeur | s'élend en réalité vers les températures élevées: 


minima. Par exemple, à 1.700° abs. on aura : Mais, d’autres facteurs agissent en sens inverse; 
FAR : 4 : ï 

ose ainsi, le gaz des flammes n’est pas de l'hydrogène 

re a pur, et, en l’assimilant à de l'hydrogène à la den- 


| sité correspondant à la pression atmosphérique, 
et, pour l'hydrogène sous la pression atmosphé- | nous en avons certainement exagéré l'effet. 
rique, et à la même température : La conclusion est que l'équilibre entre la chaleur 
enlevée à la flamme et l'énergie rayonnée par le 
: fil s'établit à une température très inférieure à 
On en déduit : celle de la flamme, et, en tenant comple des erreurs 
dans les hypothèses précédentes, on admettra 
néanmoins qu'elle puisse en différer de 300 o 


et, en admettant, d’après d'autres expériences de | 400 degrés. 


A — 0,040. 


0, — 0, + 0,7(0, —0,), 


CH.-ED. GUILLAUME — LES LOIS DU RAYONNEMENT 


Le 
1 


Les résullats donnés par MM. Lummer et Prings- 
“heim, pour la bougie ou le brüleur Argand, 
…_déduits d'expériences sur la radiation, peuvent 
être affectés de la même erreur, en tant du moins 
quil s'agit de la température des gaz de la flamme. 
‘3 Le calcul qui précède nous a seulement ren- 
“…scignés sur l'ordre de grandeur de l'écart qui 
« peut exister entre la lempérature d'une flamme et 
“celle du fil servant à la mesurer. Appliqué à des 
“expériences faites spécialement en vue de déter- 
miner le rapport des coeflicients A et B, il pourrait 
Sans doute fournir des résultats assez approchés. 
Mais on pourrait imaginer d'autres procédés per- 
mettant de déterminer avec exactitude la tempé- 
rature des flammes. 

_ On pourrait d'abord opérer par extrapolation, 
en déterminant la tempéralure que prennent une 
série de fils dont le pouvoir émissif irait en 
décroissant. Si l'on réussissait à maintenir, dans la 
flamme, un fil de plaline noirci, on observerait 
ans doule un écart considérable entre sa tempé- 
ature et celle d'un fil poli”. 

En second lieu, on pourrait opérer dans un 
cylindre assez long, et aussi parfaitement réflé- 
“chissant que possible, alténuant dans une large 
mesure les effets du rayonnement. Si le pouvoir 
“réfléchissant du cylindre était en outre déterminé, 


onnailrait l'intensité. Comparant cet éclat, par 
termédiaire d'un étalon, à celui du même fil 
chauffé dans le vide par un courant, on trouverait 


donc réduit soit à n'éludier que les flammes les 
moins chaudes, et à en déduire une correction pour 
s autres, soit à employer des fils non métalliques, 
e qui, depuis les travaux d'Auer et de Nernst sur 
»s terres rares, ne présenterait peut-être pas de 
op grandes difficultés. 

Enfin, dans une toute autre direction, on pour- 
rait déterminer l'indice de réfraction des flammes, 


—….! Nous verrons plus loin qu'en effet un fil de platine re- 
vert de substances diverses et chauffé en un même 
point d’une flamme, peut prendre des températures qui, 
! éjà au voisinage de 12000, diffèrent de plusieurs centaines 
e degrés. 


par les procédés interférentiels employés déjà par 
M. Mach, et par M. Daniel Berthelot, et, de la con- 
naissance de leur composition chimique, leur tem- 
péralure se déduirait immédiatement. 

En attendant que l'emploi d'une des méthodes 
qui viennent d’être décrites, ou de telle autre que 
l'on pourra imaginer, ait permis de déterminer en 
toute rigueur la température des flammes, nous 
pouvons admeltre avec beaucoup de vraisemblance 
que les parties les plus chaudes de la flamme du 
bec Bunsen dépassent 2.000°, et atteignent peul-êlre 
2.200». 

Dans tout ce qui précède, nous n'avons considéré 
que des flammes ordinaires, brûlant sans aucun 
artilice destiné à en élever la lempérature. Mais on 
peut, soit par un mélange convenablement effectué 
de l'air et du gaz combustible (Système Chemin 
ou Bandsept), soit en élevant la pression, augmen- 
ter à la fois le rendement de la combustion et la 
température de la flamme. Mais cette question est 
fort complexe, et nous entrainerait loin de notre 
sujet. 


$ 3. — Éclat propre des flammes lumineuses. 


L'éclat d'une flamme dépend à la fois de sa tem- 
péralure et de la densité des particules de charbon 
portées à l'incandescence par la combustion des 
parties gazeuzes, celte densité étant prise pour 
toute l'épaisseur .de la partie considérée de la 
flamme, mais rapportée à la surface visible. Elle 
peut être exprimée par le rapport de la superficie 
formée par la somme des projections des particules 
dans une direction déterminée à la superficie {otale 
de la portion de flamme que l’on considère, vue 
dans la même direction. 

Dans la plupart des flammes éclairantes, cette 
densité est extrêmement faible, comme on peut 
s'en convaincre par diverses expériences dont nous 
ne cilerons que les plus lypiques : 

1° Il est d'observation courante que la flamme 
d'une bougie, exposée aux rayons solaires, ne pro- 
jette aucune ombre perceptible, ce qui, au degré de 
sensibilité de l'observation, certainement troublée 
par la réfraction dans les gaz chauds, nous montre 
que la densité superticielle des particules de char- 
bon dans la flamme de la bougie est négligeable. 
2% Comme complément, si l'on observe le filament 
d'une lampe à incandescence en partie à travers la 
flamme d'une bougie, d'un bec papillon ou d'un 
brûleur Argand, en ayant soin de diaphragmer 
l'œil très fortement, on aperçoit non seulement 
très distinctement le filament derrière la flamme, 
mais encore on ne constate qu'une différence 
minime entre les parties vues directement ou à 
travers la flamme. 

3° L'action lumineuse des particules disséminées 


128 


CH.-ED. GUILLAUME — LES LOIS DU RAYONNEMENT 


dans une flamme s'addilionne sans affaiblissement 
sensible pour d'assez grandes épaisseurs. Ainsi, 
l'intensilé d'un bec papillon vu par la tranche ou 
par le plat est à peu près la même. 

D'après M. Féry’, l'éclat maximum dans le sens 
du platest égal à 0,35 de l'éclat moyen de la flamme 
du carcel, tandis que, dans la portion la plus bril- 
Jante de la tranche, il est égal à 7,2 de la même 
unité. Pour une mèche plate à pétrole, la différence 
est moindre, ce qui tient en majeure parlie à ce 
que les dimensions dans les deux sens sont dans 
un rapport plus voisin de lunilé que dans le bec 
papillon. 

Dans la flamme de l'acétylène, dans laquelle la 
densité du carbone est beaucoup plus grande que 
dans celle du gaz d'éclairage ordinaire, M. Féry a 
trouvé encore un éclat de 7,2 à plat, et de 33 par la 
tranche, pour une flamme de 3 centimètres de lar- 
geur. On voit donc que, même pour celte flamme 
relativement opaque, les actions s'additionnent sur 
d'assez grandes épaisseurs. 

Une expérience facile à faire donnerait une 
valeur assez exacte de la densité du carbone dans 
les flammes: il suffirait, pour cela, de comparer 
l'intensité lumineuse de chaque flamme à celle 
d'une lampe incandescente de même teinte, en 
tenant compte du rapport des superficies appa- 
rentes de la flamme et du filament. Les nombres 
que l’on trouverait ainsi pour les flammes ordi- 
naires seraient de l'ordre de quelques centièmes 
au maximum. 


1 C. Féux : Photométrie de l'acétylène. Association fran- 
çaise, Congrès de Carthage, 1896. 

2 On pourrait aussi déterminer la densilé superficielle des 
parcelles lumineuses par un procédé d'addition consistant 
à mesurer l'éclat de plusieurs flammes superposées. 

Soit p cette densité pour une flamme donnée; la portion 
libre sera 1—p, et, pour » flammes superposées, elle sera 
réduite à (1—p}". Soit kp l'éclat de l'ensemble des flammes 
par rapport à l'éclat d'une flamme isolée, k étant forcément 
plus petit que m. Nous aurons, pour déterminer p, l'équation : 


1—(1—p}r = kp. 
Les deux équations : 
m — ER) = /# 
et a 
. m De Fe m(m Ie —_ 2); 2 


donneront deux valeurs de p approchées respectivement 


par excés et par défaut. , 
Soit, par exemple : m1 — 10, k—9; la première équation 


. La racine sera 


al= 


donnera : P— 7 et la seconde : p = 


1 1 1 
certainement comprise entre ñ et r la deuxième valeur 


étant beaucoup plus approchée que la première. Done, si 
dix lumières superposées ont une intensité neuf fois plus 
grande qu'une seule lumitre, la densité des particules lumi- 
neuses dans la direction considérée sera de 0,024. 


III. L'INCANDESCENCE DES OXYDES ET 


MANCHONS INCANDESCENTS. 


LES 


Jusqu'à ces dernières années, on pensait que la 
plupart des oxydes suivaient, au point de vue de 
leur émission lumineuse, des lois particulièress« 
indépendantes de l'incandescence proprement dite: 
el il n’est pas rare, aujourd'hui encore, d'entendre 
des physiciens, n'ayant pas suivi de très près les 
travaux récents dans cette direction, parler de 

‘ phosphorescence, de fluorescence, plus généra” 
lement de luminescence, pour expliquer l'éclat 
lumineux apparemment anormal de certainsoxydes 
Ce mot de Juminescence, assez vague pour per 
mettre de cacher l’imprécision de la pensée, esk 
opposé ici à l'idée de l'incandescence régulière, 
soumise à la loi de Kirchhoff, c’est-à-dire, en réa= 
lité, au principe de Carnot limilé à des phéno 
mènes thermiques et des radialions. Tout rayon» 
nement soumis à ce principe admet l'égalité du 
pouvoir émissif et du pouvoir abscrbant de a 
source, inférieur ou, au plus, égal à celui du corps 
noir; et, si une radiation quelconque, émanée d’uné 
source donnée, possède une puissance plus grande 
que celle de la radiation émise par la même super 
ficie du corps noir à la même température, on peut 
affirmer que la genèse de celte radiation est dans 
un phénomène différent de l'incandescence, phé> 
nomène modifiant la nature physique de la source“ 
d'une manière brusque ou lente, mais tendant 
nécessairement vers une limite. Tel est le cas d’une 
oxydalion, ou d'une variation dans l’élat de com 
binaison. Que la lumière se produise à une tem: 
pérature élevée ou basse, qu'elle soil phosphorés® 
cente à la manière ordinaire, après insolation, où 
qu'une forte élévation de température soit néces: 
saire pour la provoquer, — phénomènes thermo: 
luminescents, — elle ira en diminuant en méme 
temps que l’activité de la transformalion qui lui 
donne naissance, et s'éteindra lorsque celle-ci sera 
complète. Si donc on peut invoquer les phénos 
mènes de luminescence pour expliquer une brèvé 
surproduction de lumière dans la chauffe d’un oxyde 
fraîchement préparé et susceptible de subir encore 
une transformation, on sera contraint d'abandon: 
ner celle explication si un corps, porté à uné 
température élevée, est susceptible de fournir indé 
finiment la même lumière par simple élévation d 
la température, sans qu'intervienne aucune source 
étrangère d'énergie. 

On devra donc, dès l’abord, abandonner toule 
explication de l'éclat remarquable des manchons 
incandescents fondée sur la luminescence, car | 
faudrait admellre en même temps la transformar 
tion assez rapide de ces oxydes, étant donnée Je 
| différence considérable entre l'éclat normal des 


CH.-ED. GUILLAUME — LES LOIS DU RAYONNEMENT 129 


corps incandescents et l'éclat anormal des man- | nous verrons combien l’évolution des idées a été 
chons, que l’on se propose d'expliquer par là. rapide sur cette importante question. 

Si rigoureux que paraisse ce raisonnement, la MM. Nichols et Snow ont éludié l'éclat d'une 
moindre ex- mince couche 
d'oxyde de 
zinc, étendue 
sur une lame 
de platine, 
chauffée par 
le courant 
électrique, et 
dont la tem- 
pérature était 
déduite de 
son allonge- 
ment. 


périence bien 
faite paraîtra 
plus convain- 
-canle; je dirai 
avant 
que de bon- 


On compa- 
rail cet éclat 
à celui d'une 
lame nue, par 
l’intermédiai- 
re d'une lam- 
pe à incandes- 
cence peu 
poussée, de 
manière àres- 
ter sensible- 
ment cons- 


2,5 


2,0 


Parmi Îles 
175 


nombreux 
consacrés de- 1° 


Vs: < 2 L — = 
vincandes 100° 800  900° 1000° 8009 900°  1000° 800° go0  1000° tante. 
cence des oxy- Les auteurs 
He : Fig. 4. — Eclats du platine et de l'oxyde de zinc, en fonction de la température, et 

DES Je citerai pour diverses longueurs d'onde, d'après MM. Nichols et Snow.— La comparaison reconnurenl 
en premier est faite avec une lampe à incandescence faiblement poussée. d'abord que 
lieu une re- l'éclat de l’o- 


0,015 


0,010 


0,005 


€ A= 0,5 0,6 0,7 0,5 0,6 0,7 0,5 0,6 0,7 
Fig. 5. — Éclats du platine et de l’oxyde de zinc en fonction de la longueur d'onde, et pour diverses températures, 
à d'après MM. Nichols et Snow. 


‘que l'on tira d'expériences très peu postérieures, | rapidement, pour tomber, au bout de dix minutes, 


Te re SPAS re au quart environ de sa valeur iniliale, pour les 
2 » L. ICHOLS ET B. W. 5NOW : Un the Character © e = , . 
light emitted by incandescent zinc oxide. Phil. Mag., COURTES longueurs d'onde. Dans le Jeune et le 
+. XXXIIL, p. 19; 1892, . | rouge, la variation est moins marquée, mais encore 


430 


notable. Nous nous trouvons donc iei en présence 
d'un véritable phénomène de phosphorescence à 
température élevée, caractérisé à la fois par sa 
faible durée et par l'éclat anormal du corps radiant. 
Mais, à partir du moment où ce phénomène de 
départ a pris fin, la nature de la radiation se modi- 
fie, et devient plus régulière, tout en conservant 
certaines anomalies, résumées dans les figures 4 
el5: 

La première représente l'éclat du platine et 
celui de l’oxyde pour diverses longueurs d'onde, 
et à des températures croissantes portées en abs- 
eisses. Dans la seconde, au contraire, les longueurs 
d'onde sont prises comme abscisses décroissantes, 
el chaque courbe correspond à une température 
déterminée. Les premières courbes sont done des 
isochromatiques, les secondes des isothermes. 

On voit que l’isochromatique rouge de l'oxyde de 
zinc est presque confondue avec celle du platine; 
puis que, à mesure que l’on avance vers le violet, 
la prépondérance de la première sur la seconde 
va en croissant, notamment aux tempéralures 
élevées, jusqu'à être plus que quintuple pour 
l'extrême violet à 1.000. 

L'isotherme de 692°, pour l'oxyde de zine, est 
enlièrement au-dessous de celle du platine ; à 848?, 
elle passe au-dessus à partir du jaune, et, à 401%, 
elle lui est entièrement supérieure. 

Dans les deux catégories de courbes, on remarque 
des irrégularités, les isochromatiques se relevant 
rapidement un peu au-dessous de 900°, tandis que 
les isothermes élevées remontent brusquement 
dans l’orangé, et pour toute la partie plus réfran- 
gible. 

Les auteurs concluent de leurs expériences que 
l'oxyde de zinc est fortement luminescent au-des- 
sus de 880°. Le phénomène appartient, suivant leur 
opinion, « à la classe de ceux que Becquerel et les 
premiers chercheurs qui s'en sont occupés ont 
définis comme une phosphorescence par la cha- 
leur ». 

Dans les idées actuelles, nous donnerons, de 
leurs résultats, une interprétation un peu diffé- 
rente: nous dirons que l’oxy.. d- :nc subit, à 880”, 
une transformation thermique reversible, dont l'un 
des caractères est une forte augmentation du pou- 
voir émissif dans une partie du spectre, et qui 
pourrait sans doute être décelée aussi par l'étude 
de quelque autre de ses propriétés, tout comme le 
subit éclat que prend le quartz s'accompagne d’un 
énorme changement de sa viscosité. 

Mais nous avons vu que l'émission totale du pla- 
tine n'arrive qu'à 18 °/, de celle du corps noir à 
une température voisine de son point de fusion ‘, et 


La dernière colonne du tableau V de notre précédent 


CH.-ED. GUILLAUME — LES LOIS DU RAYONNEMENT 


qu'à 1000° elle n’est que de l’ordre de 10 °/,. Un 
corps peut donc posséder un pouvoir émissif très 
supérieur à celui du platine sans que son rayonne- 
ment fasse intervenir autre chose que l'incandes- 
cence proprement dile. 

Les recherches de MM. Nichols et Snow nous. 
montrent donc seulement que l’oxyde de zine, tout 
en subissant une transformation, possède, plus 
encore que le platine, la propriélé d'émettre un 
rayonnement d'autant plus abondant, relativement 
“à celui du corps noir, que sa température est plus 
élevée. Cela est d'autant plus vrai que l’on consi- 
dère des longueurs d'onde plus courtes. 

En 1893, M. Violle publia, sur l’incandescence des 
oxydes!, une note que sa brièveté fit passer presque 
inapereue, mais qui, pour la première fois, plaça” 
la question sur son vrai terrain. Rompant avec ses 
prédécesseurs, qui avaient opéré sur des surfaces 
librement exposées, il introduisit divers oxydes 
dans un four chauffé électriquement. 

Voici la conclusion de son travail : | 

« J'ai opéré sur du charbon, de la chaux, de la 
magnésie, de la zircone et de l’oxyde de chrome, eb 
j'ai constaté que ces substances si différentes. 
offrent, dans le four, exactement le même éclat 
impressionnent également l'œil ou la plaque pho-. 
tographique. Ainsi, dans une enceinte fermée dont 
tous les points sont à la même température, tous 
ces corps sont en équilibre de rayonnement, sui- 
vant la loi de Kirchhoff. » | 

Peu de temps après, M. Ch. E. St. John soumit l'in= 
candescence des terres rares à une étude très: 
approfondie *. Il commenca par examiner le man- 
chon Auer au phosphoroscope à étincelles, à la 
température ordinaire et pendant l’incandescence 
normale, mais sans constater des phénomènes. 
phosphorescents plus intenses que ceux que donne 
une feuille de papier. L'étude de la fluorescence 
donna aussi un résultat négatif. 

L'excilation par les rayons cathodiques ne pro= 
voqua que de faibles lueurs. Enfin, la chaufte” 
directe dans le brûleur Bunsen permit de tracer 
des courbes continues en fonction de la longueur 


articlé (rayonnement total du platine poli en centièmes de 
celui du corps noir) doit être écrite en elfet : 


» au lieu de . . 3,92 
3,92 — 6,00 
6,00 = 1,45 
1,4) — M Na te de PAIE 
11,14 = 45,97 
15,97 ue TN SLT ET 
17,97 — ORAN 5 


chacun des nombres étant redescendu d'un rang. 
1 J. Viore : Rayonnement de différents corps réfractaires, 
chauffés dans le four électrique. C. R., t. CXVII, p. 33; 1893. 
* Cu. E. Sr. Jonx : Ueber die Vergleichung des Licht= 
emissionsvermügens der Kôrper bei hohen Temperaturen, 
und über den Auerschen Brenner. Wäied. Ann. {. LNI, 
p. 433; 1895. 


CH.-ED. GUILLAUME — LES LOIS DU RAYONNEMENT 131 


d'onde, courbes possédant des maxima peu accen- 
tués et correspondant en général à la position des 
“raies dans les spectres de lignes des mêmes oxydes. 
“ L'incandescence, provoquée d’abord par le pro- 
… cédé déjà employé par MM. Nichols et Snow, donna 
lieu à des expériences plus détaillées : l’oxyde à 
étudier élait étendu au pinceau sur une lame de 
platine, de manière à former une tache limitée, 
permettant d'observer simultanément le rayonne- 
“ment du platine nu. Le résultat fut, dans tous les 
cas, une diminution notable de la température du 
platine, due au rayonnement de l’oxyde, à tel point 
| “que, malgré la faible conductivité thermique de ce 

- dernier, appliqué en couches assez épaisses, le dos 

… de la lame montrait une tache sombre correspon- 
“dant à l'endroit occupé par l'oxyde. Ces expé- 
ricnces, dans le détail desquelles il serait superflu 
d'entrer, engagèrent l'auteur à abandonner le pro- 
édé d’abord adopté, et qui ne permettait en aucune 
façon de déduire la température de l’oxyde de celle 
“de son support. 
Il eut recours alors au procédé de l'enceinte 
fermée isotherme, dans laquelle se trouvait con- 
tenue une lame de platine portant, comme précé- 
“demment, une tache d'oxyde. Le rayonnement, 
examiné photométriquement, à une température de 
1.140° et pour des longueurs d'onde embrassant 
la totalité du spectre lumineux, fut trouvé le même 
à deux centièmes près environ, pour le platine, la 
magnésie, les oxydes de didyme, de zircone, de 
-anthane, d'erbium, de fer et de zinc. Le rayonne- 
ment de ces corps est donc, aux erreurs d'expé- 
rience près, purement incandescent. 

Pour déterminer le pouvoir émissif vrai des 
oxydes, M. SL John eut alors recours à un ingé- 
nieux arlilice. L'isothermie étant établie dans l'en- 
einte, et tous les points à l'intérieur élant con- 
…fondus par l'égalité de leur éclat, il introduisail 
rapidement, par l'ouverture servant aux observa- 
“ions, un tube de porcelaine, chauffé seulement à 

une température inférieure au rouge sombre, et à 
extrémité duquel on voyait simultanément le pla- 
tine et l'oxyde chauffés. Comme, à ce moment, ils 
ne recevaient plus aucun rayonnement lumineux 
du reste de l’enceinte, on pouvait observer leur 
» ropre rayonnement, à la température mesurée du 
fourneau. Les résullats de ces mesures sont indi- 
qués dans le tableau I, dans lequel les nombres 
sont rapportés au platine, dont la radiation est 
prise pour unité. 

On voil que tous les oxydes étudiés rayonnent 
plus fortement que le platine, le rapport étant 
"celui de 4 à 1 pour la zircone, dans la région verte 
… du spectre. 

La conclusion générale que l'on peut lirer du 
travail de M. St. John, est que la cause de l'éclat 


des manchons incandescents réside surtout dans 
leur pouvoir émissif considérable dans le spectre 
visible; l’auteur y ajoute les raisons suivantes : le 
fait que, par construction, ces manchons possèdent 
une grande surface utile, et qu'ils sont disposés de 
facon à être en contact avec la partie la plus 
chaude de la flamme. 

Nous pouvons y joindre une remarque sur la- 
quelle nous reviendrons : c’est que, à l'exception 
du lanthane, les corps examinés par M: St. John 
ont, par rapport au platine, un pouvoir émissif qui 
va en croissant lorsqu'on avance dans le spectre. 
Or, comme, à la température dont il s’agit ici, le 
platine est encore rougeâtre, les oxydes seront 
nécessairement plus blanes. De plus, si l’on admet 
que l’extrapolation soit permise au delà des limites 
du spectre visible, vers les grandes longueurs 
d'onde, on pourra penser que la répartition de 
l'énergie rayonnée dans les diverses régions du 


TAgLEaAU 1. — Pouvoirs émissifs relatifs du platine et 
de quelques oxydes à 1.050°, d'après M. Ch. E. 
St. John. 


MAGNÉ- 
PLATINE 


spectre est plus avantageuse, au point de vue de 
l'éclairage, dans les oxydes que dans le platine, en 
d'autres termes, qu'ils auront un meilleur rende- 
ment lumineux. 

Une théorie nouvelle des manchons a été pro- 
posée, il y a peu d'années, par M. Bunte, dans un 
travail contenant d'ingénieux aperçus, de très judi- 
cieuses remarques, mais sur les conclusions duquel 
nous aurons quelques réserves à formuler‘. Son 
point de départ est une expérience identique en 
principe à celles de M. Violle et de M. St. John. 
Les oxydes étant chauffés au centre d’un long tube 
de charbon porté à une température élevée par le 
courant électrique, M. Bunte trouva que leur éclat 
était toujours sensiblement le même à la même 
température, et en conclut à l'égalité de leurs pou- 
voirs émissifs. En réalité, il observait dans une 
enceinte à peu près fermée, et son expérience ne 
fournit aucun document sur l'émission propre des 
oxydes. La suite de son raisonnement n’en est, d'ail- 
leurs, nullement affectée, car la seule conclusion 
qu'il utilise est l'absence de phosphorescence ou de 
pouvoir émissif anormal, ce qui le conduit à cher- 


1 I. Buvre : Les progrès récents de l'éclairage par les 
flammes. Æevue générale des Sciences, {. IX, p. 456; 1898, 


Li] 


CH.-ED. GUILLAUME — LES LOIS DU RAYONNEMENT 


cher, dans la température très élevée que peuvent | moindre que le suppose M. Bunte, qui ne tient pas 


prendre les manchons, la raison de leur éclat. Or, 
M. Bunte juge nécessaire de rechercher la cause 
d'une tempéralure qu'il considère comme anor- 
male dans le brûleur, et appuie son raisonnement 
sur les faits suivants : Le manchon se compose 
d'un mélange de thorium et de cérium contenant 
1 à 2 centièmes de ce dernier corps; un manchon 
au thorium, alimenté par un bec brûlant 100 litres 
à l'heure, donne 2 bougies, tandis qu’un manchon 
au cérium en fournit 7 ou 8; en revanche, le man- 
chon Auer arrive à 60 et même à 80 bougies. Le 
mélange des deux oxydes est donc nécessaire pour 
produire la température élevée à laquelle le grand 
éclat du manchon est attribuable. 

Supposons donc, comme M. Killing l’a indiqué, 
que le cérium exerce une action catalytique sur la 
combinaison de l'hydrogène avec l'oxygène, ou, 
plus généralement, sur la combustion. Sur chaque 
granule de cérium, la combustion sera activée, 
el, en ce point précis, la température sera forte- 
ment exagérée. Cependant, pour que l'action cata- 
lytique puisse produire une importante élévalion 
de la température, il est nécessaire que les grains 


actifs soient très disséminés, et pour ainsi dire. 


isolés au point de vue thermique. Or, M. Bunte 
attribue au thorium, formant le support du cérium, 
ce rôle d’isolant, puisque, par la calcination de son 
nitrate, il constitue une masse boursouflée et fila- 
menteuse dans un extraordinaire état de division. 

« On sera tenté, dit M. Bunte, d'objecter tout 
d'abord à cette explication que la masse de l’oxyde 
de cérium, formant environ 1 °/, du poids du 
manchon, est bien faible. Mais il est aisé de voir 
que le fait n'est pas du tout improbable, si on le 
compare à ce qui se passe dans les flammes de 
gaz ordinaires. 

« D'après Davy, l'éclat des flammes de gaz est 
dû aux particules de charbon, qui, produites par la 
décomposition du gaz, se trouvent portées à l'incan- 
descence. Admettons que la totalité de charbon ren- 
fermé dans la benzine, la moitié de celui renfermé 
dans l’éthylène, qui constituent les portions éclai- 
rantes de gaz, soient mises en liberté. Un litre de gaz 
de bonne qualité fournira alors 5 milligrammes de 
charbon environ. Le volume d’une flamme brûlant 
450 litres à l'heure et donnant un éclairement de 
vingt bougies, est d'environ 2? centimètres cubes; 
elle renferme donc quelque chose comme 0 mg. 1 
de charbon, et cette quantité minime, portée au 
blanc, suffit à produire l’éclairement. 

« Or, la quantité d'oxyde de cérium dans le man- 
chon Auer est d'environ 4 milligrammes, soit qua- 
rante fois plus grande que la quantité de charbon 
à l'état libre dans une flamme du bec papillon. » 

La masse de charbon dans la flamme est même 


: maximum est encore plus déplacé vers Lo 


compte de la dilatation considérable due à la tem= 
pérature, quintuplant environ le volume du gaz 
dans la flamme. ‘ 
Cette théorie est fort ingénieuse, et extrêmement 
séduisante; mais on peut sè demander si elle est 
nécessaire. Nous savons que la température vraie! 
de la flamme du brûleur Bunsen est beaucoup plus 
élevée que ne semblent l'indiquer les expériences: 
directes. Or la flamme, entourée par le manchon; 
‘qui la protège de l’afflux latéral de l'air, est proba= 
blement plus chaude encore. Le rayonnement de 
chaque brin, au lieu de se faire, comme dans le 
cas d’une mesure par un fil, dans toutes les direc= 
tions de l’espace, ne se produit que sur une demi= 
sphère, les autres directions étant protégées par 1 
reste du manchon ; enfin, d'après ce que nous avons» 
vu au sujet des expériences de M. St. John, faits 
qui deviendra encore plus probable dans celles de 
M. Le Chatelier, on peut ‘admettre que le rayonne= 
ment dans l’infra-rouge est relativement faible, ets. 
par là même, le refroidissement par des radiations 
inutiles beaucoup moins important que pour le 
platine. Pour ces diverses raisons, il paraît certains 
que le manchon, sans exercer aucune action cata= 
lytique sur la combustion, doit prendre une tem= 
pérature beaucoup plus élevée qu'un fil de platine 
exposé à la flamme; et, comme nous avons trouvé 
un écart possible de plusieurs centaines de degrés 
entre la température maxima des gaz et celle que 
l’on mesure, on devra admettre, en partageant la 
différence, que le manchon peut arriver, dans une 
flamme qui n'est nullement activée, à la tempéra= 
ture de 2.000 environ que lui attribuent MM. Lum $ 
mer et Pringsheim, suivant la répartition de l’éner-= 
gie dans son spectre. 
Il se peut, d’ailleurs, que cette température, 
déduite des courbes d'énergie, soit encore un peu 
exagérée; MM. Lummer et Pringsheim considè- 
rent, en effet, le corps noir et le platine comme 
deux extrêmes, comprenant entre eux le manchon: 
Auer. au point de vue de la répartition de l'énergie 
et de la position du maximum. Mais, nous avons 
vu que les oxydes s’écartent du corps noir plus 
encore que le plaline, d’où l’on conclut que leur 
LOT : 
longueurs d'onde. -Celte remarque rend encore 
moins nécessaire l'action invoquée par M. Bunte. 
Les travaux dont je vais donner un court résumé la 
rendent absolument inutile. 
MM. Le Chatelier et Boudouurd, dans un travai 
dont nous ne possédons malheureusement qu'une 
relation sommaire’, ont serré de beaucoup plus 


1 H. Le Cuareuer Er O. Boupouanp : Sur la radiation des 
manchons à incaudescence. C. R., t. CXXVI, p. 1861; 1898, 


CH.-ED. GUILLAUME — LES LOIS DU RAYONNEMENT 


133 


près la théorie des manchons, en l'enfermant entre 
quelques expériences judicieusement choisies et 
habilement conduites. 

- Exposant d'abord un couple aplati sous forme 
d'un petit disque au même point de la flamme d'un 
brûleur, soit nu, soit recouvert d'un oxyde, ils 
«trouvèrent à la fois les températures et les éclats 
donnés ci-après (Tableau Il) et rapportés aux ra- 
-diations semblables dans l'élalon Violle. 

—._ La température étant d'autant plus basse que la 
…léperdition par rayonnement est plus grande, on 
‘en conclut que le pouvoir émissif du manchon 
“Auer pour l'ensemble du spectre est exceptionnelle- 
ment faible. Comme, de plus, la proportion de son 


température est de 1775°, va en croissant vers le 
bleu, contrairement à ce qui devrait se passer si 
son pouvoir émissif suivait une allure semblable à 
—lagceAU II. — Températures et éclats de divers corps 


dans la même flamme, en fonction de l’étalon 
Violle, d'après MM. Le Chatelier et Boudouard. 


CORPS (reuréra- ROUGE VERT BLEU | 

] 

À | | 
Blafine.. + . . . .| 42900 | 0,085 | 0,040 | 0,014 
Oxyde de fer. . . . .| 1.800 | 0,015 | 0,005 | 0,001 
Manchon Auer. . . .| 1.3800 0,070 0,125 | 0,125 
Oxyde de thorium. .! 1.2900 | 0,014 | 0,014.| 0,003 
Oxyde de cérium. | 1.1109 0,019 0,007 | 0,0015 
Oxyde d'urane. . . .| 1.0700 | 0,003 | 0,002 | 0,0005 
Oxyde de lanthane | 1.2500 | 0,040 | 0,031 | 0,018 


celui du platine, on est obligé d'admettre que, 
pour ce mélange d'oxydes, il croît très rapidement 
vers les courtes longueurs d'onde. La comparaison 
avec les chiffres trouvés pour les oxydes purs 
montre qu'aucun d'eux ne possède cette propriélé 
d'une facon aussi marquée, et qu’à ce point de vue 
le manchon est doué des qualités oplima parmi les 
corps examinés. Extrapolant, comine nous l'avons 
_ fait précédemment, nous admettrons que, dans 
 l'infra-rouge, le pouvoir émissif va en baissant de 
plus en plus, etretrouve peut-être, mais seulement 
à une grande distance, une nouvelle région de 
grand pouvoir émissif. 

Pour expliquer celte particularité d'un mélange 
dont les propriétés ne sont pas additives, MM. Le 
. Chatelier et Boudouard ont comparé l'éclat d’une 
poudre porphyrisée, ayant exactement la compo- 
sition du manchon, à celui d'une masse obtenue, 
suivant le procédé indiqué par Auer, en calcinant 
le mélange des nitrates. Résultat : la poudre, bien 
qu'intimement mélangée, possédait les propriétés 
- de la thorine, tandis que la solution solide obtenue 

par voie humide et caleination avait toutes les 
propriétés du manchon. 


rayonnement à celui de l’étalon Violle, dont la | 


Il faut donc admettre que la petite quantité de ! 


cérium ajoutée au thorium, à l'état de dissolution 
réciproque, change complètement sa coloration aux 
températures élevées, comme de pelites additions 
de nickel, de manganèse, de chrome, transforment 
du tout au tout la couleur des verres dans lesquels 
ils se trouvent à l’état de dissolulion solide. 

MM. Le Chatelier et Boudouard vont plus loin : 
comparant l'éclat de la région la plus lumineuse 
d’un manchon en service à celui d’une petite quan- 
tité de matière semblable amenée à diverses tempé- 
ratures sur un couple, ils établissent les deux séries 
de résultats ci-dessous (Tableau 111), l'étalon Violle 
servant toujours de terme de comparaison. 

Leur conclusion est que la température du man- 
chon, résultant de la comparaison de ces chiffres, 
varie de 1590° à 1710°, suivant la radialion utilisée. 

Notre raisonnement sera un peu différent : On 
voit que, même à 1700°, température à laquelle le 
Tagseau III. — Éclats du bec Auer et de la même 


substance à diverses températures, rapportés à l’éta- 
lon Violle, d'après MM. Le Chatelier et Boudouard. 


| 

| ROUGE | VERT BLEU 
Bec Auer . - 0,23 | 0.42 0,41 
1.1000. . 0 ,.0023 0.,0017 | 0,0013- 
1.3000, 0,019 0,031 0,02 
1.5000. 0,14 0,28 0,17 
1.7000. 0,35 0,78 0,40 


bleu possède le mème éclat dans les deux cas, le 
rouge est plus intense dans la substance d'épreuve 
que dans le manchon; il est probable que la super- 
ficie considérée était mieux remplie sur le couple 
que dans le manchon, qui consiste en des filaments 
séparés. On peut en conclure, avec beaucoup de 
vraisemblance, que l'éprouvette n'a pas réellement 
atteint la lempérature du manchon, qui pouvait être 
sensiblement supérieure à 1700°. Notons encore que 
MM. Le Chatelier et Boudouard ont chauffé un man- 
chon hors de la flamme, par simple contact avec 
les gaz chauds, sans trouver de différence d'éclat 
pour la même température mesurée. 

IV 


— CONCLUSIONS. 


Le magistral exposé des lois générales du 
rayonnement, dû à Kirchhoff, leur spécialisation 
théorique par M. Boltzmann, M. Wien, MM. Lum- 
mer et Pringsheim, M. Planck, enfin leur vérifica- 
lion expérimentale dans le cas du corps noir, nous 
ont donné, après bien des eflorts, une base solide 
sur laquelle une connaissance plus complète des 
radiations pourra désormais être édifiée. Les pro- 
priélés de quelques corps ont été examinées à ce 
point de vue, et les faits mis au jour par l’expé- 
rience, et qu'aucune théorie ne permet jusqu'ici de 


CH.-ED. GUILLAUME — LES LOIS DU RAYONNEMENT 


relier complètement, el encore moins de prévoir, 
nous ont montré que, dans cerlains cas, une sim- 
plicité analogue à celle que l’on rencontre dans 
l'étude du corps noir, conduit à des relations em- 
piriques différant seulement par la valeur des 
coefficients numériques, de celles qui régissent le 
cas théorique le plus simple. Mais la règle semble 
ètre la complexité. Parmi les corps que l'impor- 
lance d’un problème industriel à conduit à exami- 
ner de plus près, il n’en est pas un qui ne s'écarte 
sensiblement d'une loi simple, pas un qui ne pré- 
sente ce que l’on considérait, il y a peu de temps 
encore, comme une singulière anomalie. 

Nous savons parfailement aujourd'hui qu'aucune 
irrégularité du rayonnement n'est en opposition 
avec les lois de Kirchhoff, c'est-à-dire avec le prin- 
cipe de Carnot, appliqué à des phénomènes uni- 
quement thermiques, à la seule condition que, 
pour aucune radiation émanée d'un corps ne subis- 
sant pas de transformation chimique, le pouvoir 
émissif ne soit supérieur à celui du corps noir. 

Mais il n'existe aucune relation apparente entre 
les pouvoirs émissifs en divers endroits du spectre, 
sauf, cependant, autant que l'on en peut juger, 
une certaine relation de continuité entre les coeffi- 
cients relatifs à des points conligus du spectre. 
Sous cetle seule restriclion, le pouvoir émissif en 
une région quelconque peut s s'abaisser sinon jus- 
qu’à zéro, du moins jusqu'à des quantités si faibles 
qu'un corps, en couche peu épaisse, n’émettra, en 
ces points, aucune énergie mesurable. Tel est le 
cas pour des corps dits transparents, comme le 
quartz, dans tout le spectre visible, et jusqu'à des 
températures très élevées. 

Certains corps, transparents dans le spectre 
visible, le sont dans une grande étendue en dehors 
de cette région restreinte ; mais aussi, des corps 
à pouvoir émissif visible élevé peuvent être très 
transparents dans l’infra-rouge, et comme, aux 
températures qu'il est possible d'atteindre par les 
moyens ordinaires de l’industrie, le maximum de 
la puissance rayonnante se trouve dans celle partie 
du spectre, l'énergie lotale émanée de ces corps 
subira un gros déficit. Si, de plus, leur pouvoir 
émissif va en croissant progressivement vers les 
courtes longueurs d’onde, de tels corps pourront, 
à une température donnée, avantager les radia- 
tions bleues au détriment des rouges, et posséder 
une coloration blanche ou même bleuâtre, à des 
températures où le corps de rayonnement maxi- 
num aurail une teinte encore nettement rouge. 

Ce dernier aura, il est vrai, un éclat supérieur 
à celui de la substance à laquelle nous attribuons 
ces propriétés particulières ; mais il pourra rayon- 
ner incomparablement plus dans les régions de 
plus grande longueur d'onde. 


‘certainement celles du platine, que les auteurs 


Sans doute, l’éclal des manchons conduit à sup- 
poser leur température exceptionnellement élevée. 
Mais nous avons vu, d'une part, que les tempéra= 
tures ordinairement attribuées aux flammes sont 
beaucoup trop basses ; d'autre part, que la tempé= 
ture qu'indiquent pour les manchons les expé= 
riences de MM. Lummer et Kurlbaum sont très 
probablement erronées par excès, par le fait que, 
si l’on part des propriétés du corps noir pour 
s'avancer vers celles des manchons, on rencontre 


avaient considéré comme un cas extrême, per- 
mettant de calculer avec sécurité une valeur infé= 
rieure de la température des manchons, celle de la 
limite supérieure étant donnée par la comparaison 
avec le corps noir. En revanche, les températures 
indiquées par MM. Le Chatelier et Boudouard sont, 
sans doule, sous-évaluées. Mais, entre les limites 
qui paraissent aujourd'hui le plus vraisemblables; 
on se trouve encore dans les températures des 
parties chaudes des flammes, brülant dans de 
bonnes conditions, sans qu'il soit nécessaire d'in 
voquer une cause spéciale de surélévation. Fi 

Le dernier facteur essentiel de la grande inten-= 
silé des manchoss incandescents, comparée à celle. 
de flammes carburées de même superficie appa- 
rente, réside dans la densité superticielle beaucoup 
plus grande de la matière participant au rayonne=" 
ment. Cependant, celte densité est encore assez 
faible pour que la circulation du gaz autour des, 
filaments soit facile; elle est certainement infé- 
rieure à 1/4 pour la totalité des deux côtés du man- 
chon, et ce n’est que tout près du bord que los 
cité est à peu près complète. 

Aucune élude complète de la répartition de la 
puissance rayonnée par les oxydes isolés ou les 
manchons n’a encore été faite pour une région dun 
spectre s'étendant au loin dans l'infra-rouge; et, 
d'ailleurs, sur le rayonnement des corps, à l’excep- 
tion d'une demi-douzaine au plus, notre ignorance 
est à peu près complète. Les substances utilisées 
par M. Auer von Welsbach présentent cet intérêt, 
particulier de posséder, dans leur spectre d'émis- 
sion, des lacunes étendues dans une région facile à 
explorer ; elles donneraient, avec relativement peu 
de peine, des résultals très éloignés de ceux qua 
fournis jusqu'ici l'étude des corps à rayonnement 
à peu près régulier. 

Sa brillante découverte, après avoir, par son 
élrangelé, dérouté pour quelque temps les physi- 
ciens, leur a donné une précieuse pierre de louche 
pour éprouver des théories d’une immense impor- 
tance, qu’elle à d'abord semblé ébranler, puis défi- 


nitivement raffermies. à 
Ch.-Ed. Guillaume, 


Physicien au Bureau international 
des Poids et Mesures. 


D: L. HUGOUNENQ — LA COMPOSITION CHIMIQUE DU FOŒETUS HUMAIN 13 


ces derniers temps, à la composition chimique 
globale de l’homme ou des animaux. 
Cependant, c'est bien une question primordiale 


échanges nutritifs, il semble que la solution de 
problème fondamental s'impose tout d'abord 
romme une nécessité. Les notions acquises sur la 
tatique chimique de l'économie servent de guide 
pour les travaux ultérieurs; ce n'est pas sans in- 
convénient que la plupart des auteurs ont cru 
pouvoir s'en passer. 

… II] ne s'agit pas seulement de fixer, par un essai 
qualitatif, la liste des éléments, des acides et des 
“bases constiluant le squelette chimique des ani- 
“maux supérieurs, l'homme compris; ce sont là 
“des notions fort anciennes dans la science. Ce qui 
“importe, c'est de les rajeunir en les précisant par 
des données quantitatives, en étendant à lout 
Vorganisme une enquête aussi minulieuse que 
possible, nécessaire pour établir, à un moment 
terminé, le bilan d'un organisme vivant. 

Si, jusqu'à présent, les tentalives faites dans cette 
Voie ont été peu nombreuses, c'est que le sujet 
comporte de très grandes difficultés. L'analyse 
“immédiate du corps d'un animal de petile taille 
est déjà malaisée; dans l'espèce humaine, chez 
Padulte, actuellement du moins, les difficultés 
nt presque insurmontables; elles sont moindres: 
ien que très réelles encore, s'il s’agit d'un cadavre 
“de fœtus ou de nouveau-né. C'est par là que le 
hproblème a été aborbé dans ces derniers temps; 
Penquête a fait un premier pas; elle permettra 
plus tard de fixer avec précision la composilion de 
ce segment anthropométrique dont Bouchard! a 
troduit la notion dans la science, et montré 
limportance dans l'étude scientifique des troubles 
de la nutrition. 


| - Ce n'est pas d'aujourd'hui, d’ailleurs, que l'in- 
térét de ces problèmes s’est imposé aux biologistes. 


« ‘ Cu. Boucnaro : Traité de Pathol. gén., t. II, p.185 et suiv. 


LES RECHERCHES RÉCENTES SUR LA COMPOSITION CHIMIQUE 


DU FŒTUS HUMAIN ET DE L'ENFANT NOUVEAU-NÉ 


Déjà, en 1858, von Bezold' publiait une analyse 
des cendres d’un fœtus de cinq mois; en 1863, 
Bischoff”, en 1877, Fehling *, déterminent, de 
façon très sommaire les proportions respectives 
d’eau et de matériaux fixes de l'organisme fœtal. 

La question, reprise dans une communication 
de Giacosa‘ au Congrès de Rome, en 1894, est 
devenue actuelle de par les travaux de Lange”, 
Michel ®, Camerer junior et Sœldner‘ et enfin les 
divers Mémoires publiés par Hugounenq*. 

L'analyse complète (matières organiques et inor- 
ganiques) du corps du nouveau-né soulève, nous 
l'avons dit, des difficultés sans nombre et, même 
avec les derniers progrès de la technique, on ne 
peut pas regarder comme rigoureux les résultats 
acquis au prix des plus grands efforts. Voici cepen- 
dant lrois analyses de nouveau-nés de poids presque 
identiques, oscillant autour de 2.685 grammes. Nous 
ne donnerons que la moyenne de ces analyses, dues 
à Camerer junior et à Sældner : 


Poids du fœtus . . 2.685 gcramines. 
EU ER LE re uli912 — 
Résidu fixe. STAPS. 113 
Matières albuminoïdes , 308 _— 

— extractives. 13 —_ 

— grasses 397 — 
(BEN ELLE cv PORN 65 — 


Le cadavre d’un de ces nouveau-nés, 
2.616 grammes, renfermait 434,2 de carbone, 
64“,1 d'hydrogène, 465,8 d'azote, soit en cen- 
tièmes : 


pesant! 


CU En TN ic AL G OO ONE 
EE RTT Sont en ANS LOUE ETATS 2,45 
Az 1,18 


On doit à Michel des déterminations d'azote dans 
l'organisme du fœtus et du nouveau-né : ses ré- 
sultats (Tableau 1) sont antérieurs à ceux de Came- 
rer et de Sœldner, et d'accord avec eux. Ils font 
bien ressortir l'augmentation considérable d'azote 


Von Brzozn: Zeisteh. f. wis. Zoolog.,{. IX, 1858, p. 246. 


1 

2 Biscuorr : Zeitsch. f. ration. Medicin, t. XX, 1863, p. 15. 
3 Fencinc : Archiv. {. Gynækol., t. XX, 1811, p. 523. 

4 Gracosa : Giornale d, R. Ace. di Med. di Torino, avril- 


mai 489%, p. 364 et Arch. ital. de Biol., t. XXII, 1895, p. 252. 
5 pe LANGE : Vergelijkende asch. analyse, Dissertation, 
Amsterdam et Maly's Jdahresbericht, t. XXVII, 1898, p. 260. 
5 Mrcuec : Comptes rendus de la Soc. de Biologie, 21 mai 
1899, p. 422. " 

7 CAmerER junior : Zeitsch. f. Biologie, t. XXXIX. 

8 Hucouxeno : Compt. rend. Soc. Biologie, 1899, p. 331 
et 523: Journal de Physiol. et de Pathol. générale, 1899, 
n° 4 et 1900, n°S 1 et 4; Comptes rendus de l'Ac. des 
Sciences, 2 avril et 21 mai 1900; Annales de Chimie et de 
Physique, 7 série, t. XXII, mars 1901. 


436 


D' L. HUGOUNENQ — LA COMPOSITION CHIMIQUE DU FOETUS HUMAIN 


par conséquent, de matières albuminoïdes fa- 
briquées par le fœtus durant les deux derniers 
mois de la grossesse : cette constatation s'impo- 
Sera de nouveau pour les sels minéraux les plus 


Tagcrau | — Poids et proportions d'azote 


dans le fœtus à différents âges d'après Michel. 


AGE DU FŒTUS POIDS TOTAL RÉSIDU FIXE AZOTE 
2 mois 4/2 : 1780 18 4 08122 
30 — 4ÿj.. 15558 12,6% 1,384 
He... 445.0 14,26 5,N81 
5 (= 418.0 59,44 6,228 
6 — 672.0 10062 11,048 
T — 102%.0 156,30 16,005 
A 3335 ,0 1028,35 12,100 


importants 
fer, 


la chaux, l'acide phosphorique, le 
etc. C'est, en somme, pendant les deux der- 
niers mois de la gestation que l'organisme fœtal 
fixe, élabore et constitue les deux tiers de sa 
masse totale, qu'il s'agisse des malières organiques, 
des phosphates, des sels alcalins ou terreux. Il n’est 
pas besoin de souligner l'importance de ce fait. 
L'effort des expérimentateurs a porté principale- 
ment sur la composition chimique des cendres. 
L'accord est à peu près complet sur tous les points, 
sauf sur le fer. Le dosage d'une petite quantité de 
fer, répartie sur une masse considérable de cendres 
phosphalées, calcaires et magnésiennes, rencontre 
des difficultés dont ceux-là seuls ont une idée qui 
ont eu à les surmonter. Les méthodes classiques 


beaucoup les notions acquises à ce jour sur 
statistique minérale du fœtus et du nouveau-né. 
On trouvera ci-dessous (Tableau Il) les résultals 
des analyses rapportées à 100 gr. de cendres :l 
s'agit de sept sujets d'âges divers étudiés par 
Hugounenq ! 1 
Si l’on rapporte les résultats de l'analyse non plus 
à 100 gr. de cendres, mais à 1 kilogr. de poids 
vivant, on trouve les résultats suivants. 
Nos 1. . 27814 
26,38 
23,10 
25,92 
25,82 
35,36 
31,37 


| 


— 7 


Enfin, dans le tableau III, on trouvera la propors 
tion de chacun des éléments minéraux pour los 
ganisme total des fœtus incinérés. 

Les analyses de Camerer et de Sœldner. n'ont 
fait que confirmer les données qui précèdent. De 
ces résullats concordants découlent quelques con£ 
tatalions importantes. F 


Il 


Dans l’ensemble, la fixation des sels minéraux 
estbeaucoup plus intense pendant les trois derniers 
mois de la grossesse et nous retrouvons ici ce que 
les recherches de Michel et des auteurs allemands: 
avaient montré pour les graisses et les matières 
protéiques. 

Toutefois, 


la fixalion des sels minéraux a lietr 


TaBLeau II. — Analyse des cendres de fœtus de divers âges (L. Hugounenq). 

Numéros d'ordre. . . . . . . . 1 2 sl 4 o 6 
SEL RTE ed TE F 0) F F M 
Période de la grossese . . . . k-4 m. 1/2 à 1/2-5 m. 5-5 m. 1/2 6 m. a ons 
Poids du fœtus, . . , ,. 0k,522 0k,570 0k,800 1k,165 
Poids des cendres. . . . . . .. 14gr.0020 148r,7154 18gr,3752 30gr,7705 

en ee 
CO? 2 ,50 % 0,96 % 0,90 % 0,32 % 1,89 & 
CL. 9:91 8,59 16) 8,53 4,26 
P°0° 32133 3436 34,04 35.39 35,36 
SO: 1197 1,80 1,18 1,46 1,53 
Ca0 38,21 32250 34,64 34,13 40,55 
Mg0. » 1,58 » ES 1551 
K°0 . 4,21 8,28 1,21 8,45 6,20 
Na°0. 13,15 12,62 10,62 10,95 8,12 
Fe*0 0,33 0,40 0,38 0,38 0,39 

Lt: 
conduisent à des résultats complètement faux ; les | électivement : si toutes les substances augmentent 


déterminations de von Bezold et de Giacosa, par 
exemple, sont quatre et cinq fois supérieures à la 
teneur réelle des cendres en fer. Hugouneng a fait 
la critique de ces résultats, et fixé la technique de ces 
dosages, qu'il a toujours effectués par voie pondé- 
rale. Les proportions respectives de sodium et de 
potassium, incertaines jusqu'en ces derniers temps, 
ont été précisées et, dans l’ensemble, il n’est pas 
probable que les recherches ultérieures modifient 


au cours du développement, l'accroissement es 
surtout marqué pour la chaux el l'acide phos 
phorique. Il n'y a pas fixation parallèle de l'acide 
et de la base dans les proportions exigées par la 
formule (PO*)Ca*; l'organisme ne fixe pas directe= 
ment le phosphate de chaux tout formé; il paraît 
d’abord assimiler du phosphore organique, sans 


1 HuGouneno: Journ.de Phys.et de Path. gén., 1900, p. 509 


D' L. HUGOUNENQ — LA COMPOSITION CHIMIQUE DU FOETUS HUMAIN 13 


| 


“doute sous forme de nucléine et de lécithine. Il 
“emprunte à ces composés de l'acide phosphorique, 
qu'ullérieurement, vers la fin de la grossesse el 
urtout après la naissance, il neutralisera par de 
Ja chaux, peut-être assimilée, elle aussi, à l’état 
de substance organique. L'analyse des cendres du 


permet de saisir sur le fait, pour ainsi dire, les pro- 
_cédés chimiques de calcification du tissu osseux et 
“d'écarter les anciennes notions par trop simplistes 
qui ont égaré longtemps la physiologie patholo- 
sique et la thérapeutique du rachitisme. 
Si l’on suppose toute la chaux à l’état de phosphale 
tricalcique, il reste, pendant tout le cours de la 
grossesse, un excédent d'acide phosphorique non 
Saturé par la chaux et probablement à l'état orga- 
nique. Cet excédent est, pour les 7 sujets analysés, 
respectivement de : 0 gr. 71 ; 0,01 ; 1,27 ; 1,74; 2,13: 


“{œius aux divers stades de son développement: 


puis, à la fin, des sels polassiques de préférence. 

La prédominance dela soude tient à l'abondance 
relative du tissu cartilagineux chez le fœtus, le 
cartilage étant très riche en chlorure de sodium. 
Bunge qui, le premier, a établi cette particularité, 
l'a rattachée à un phénomène alavique. Le cartilage, 
en effet, ayant apparu tout d’abord chez des ani- 
maux marins et s’élant, par conséquent, formé 
dans l’eau de mer. est resté riche en chlorure de 
sodium. L’ontogenèse est bien d'accord ici avec la 
phylogénèse : c'est surtout au début et dans la 
période moyenne de la grossesse que le fœtus 
assimile du sel pour édifier ses cartilagés. 

Au contraire, la potasse, prédominant dans le 
globule rouge et le muscle strié, augmente vers la 
fin de la vie intra-utérine. Sa proportion est en 
rapport avec le degré de développement, et aussi, 
en quelque mesure, avec la vigueur du sujet. 


TaëLeau II. — Proportions des éléments minéraux dans l'organisme total des fœtus. 
I 
Numéros d'ordre . , ... .. :, 1 2 3 4 5 n v | 
nee PRE EME ERA F F F F ki M M 

Période de la grossesse 4-4 m. 1/2 4 1/2-5 m. 5-5 m. 1/2 6 m 6 m. 1/2 A terme A terme 
Rp du fus... ., .. . Ok,522 0k,570 0k,800 1k,165 1,285 2k,720 3k,300 | 
Poids des cendres 1:£r,0020 146r,7154 18gr,3752 3.gr,7:05 32gr,9786 O6gr,7556 10Ggr, 1630 
{0 Lie » 0,23 0,28 0,10 1,85 ,23 
Cle. À ,24 ds 2,31 2,80 #,10 k + 8200 
0°. #.86 AE 10,74 11,60 34,05 38,49 
805 0,20 0.19 0,55 0,41 1,44 1.40 
Cao . 4,56 5,83 10,66 11521 39,08 13,18 
RE ne er » 0,49 1,41 » | 
& ,.2 û 2,21 2,11 ,.98 8.03 | 
Nw0 1171 209 < 3.26 360 1/83 6.33 
Fe*0* 0,061 0,061 0,073 0,119 0,126 0,383 0,421 


1,03; 2 gr. O1. Le 2° sujet, qui donne un excédent 
de 0 gr. O1 seulement, était dans un état de pro- 
fonde déchéance de cause inconnue. 

La teneur des cendres en potasse el en soude 
fournit également quelques comparaisons intéres- 
Santes : c'est d’abord la prédominance de la soude, 
dont la proportion continue à s'élever au cours du 
développement de l'embryon, mais moins rapide- 
-ment que la teneur en potasse (Hugounenq, ibid.) : 


POUR 


AGE DU FŒTUS UNE MOLÉCULE DE POTASSE, K20 


% mois à 4 m. 1/2. . . . 2,2 moléc. de soude, Na0 
bimois à 5m. 1/2. . . 2,3 _ 
6 mois 450 2,2 _ 
6 m. 1/2 LA — 
Milerme:t, 17. Ê 182 — 


Vers le milieu de la gestation, on trouve plus de 

- 2 molécules de soude pour 1 de potasse ; à la fin, la 
- proportion devient : 4,2 molécule de soude pour 
_ 1 de potasse, rapport presque équimoléculaire. 
‘Comme les variations du chlore sont à peu près 

parallèles à celles de la soude, on peut en conclure 

que l'organisme assimile d'abord des sels de soude, 


La détermination précise du fer est d'une impor- 
tance loute particulière, parce qu'elle permet de 
résoudre certains problèmes intéressants. Nous 
avons déjà vu que les données anciennes ne méri- 
taient aucune créance, à cause des procédés de 
dosage défectueux. En appliquant une méthode 
plus rigoureuse, j'ai trouvé pour l'organisme lotal !: 


AGE DU FŒTUS Fe*05 
4 mois à 4 m. 1/2. . 0060 
k m. 4/2 à 5 mois. . 0,061 
5 mois à » m. 1/2 0,073 
6 mois. . 0,119 
6 m. 1/2. 0,126 
ATEN EE Sn CU AIN EPS 0,383 
A terme. 0,421 


lei encore apparait l'intensité de l'assimilation 
pendant les trois derniers mois : néanmoins, comme 
la même loi régit la fixalion des autres éléments 
minéraux, le rapport du fer à l’ensemble des 
cendres reste à peu près constant pendant la 
gestation. 

Ea quantité de fer contenue dans l'organisme 


global du nouveau-né est de 0 gr. 353 à O0 gr. 421, 


138 


D' L. HUGOUNENQ — LA COMPOSITION CHIMIQUE DU FOETUS HUMAIN 


en moyenne 0 gr. 40 Fe*0*, ce qui correspond à 
0gr.28 de fer métallique. La quantité de fer de l'éco- 
nomie est plus faible qu'on ne le croyait autrefois; 
la soustraction de fer subie par l'organisme mater- 
nel au bénéfice de l'embryon ne dépasse guère 
0 gr. 30 de métal et répond, par conséquent, à un 
peu moins de 100 gr. d’hémoglobine humaine, soit, 
élant donnée la richesse en hémoglobine du sang 
chez la femme, à 800 gr. environ de sang maternel. 

Comment ce fer est-il réparti? Combien fait par- 
lie intégrante du sang, combien des autres tissus ? 
Existe-t-il, indépendamment de ces deux sources 
de fer, une réserve destinée à subvenir aux be- 
soins de l'enfant durant l'allaitement, et à compen- 
ser la pauvreté extrême du lait en fer ? 

Bunge a beaucoup insisté sur cette réserve de 
fer accumulée par les jeunes animaux, réserve qui 
se traduit par une teneur relative en fer très élevée 
à la naissance, mais rapidement décroissante, par 
suite du développement actif des tissus. 

Il est très malaisé de répondre à ces questions 
pour le fœtus humain et de confirmer ou d'infirmer 
sur ce point, d'une façon absolument précise, les 
asserlions du physiologiste bälois. 

Nous ne possédons aucun moyen d'évaluation 
exacte de la quantité de sang contenue dans un 
organisme ; les chiffres, à cet égard, varient suivant 
la méthode employée, et ne méritent pas beaucoup 
de créance. C’est donc sous toutes réserves que 
nous présenterons les considérations qui suivent. 

En admettant les données les plus récentes rela- 
tives à l’homme adulte, le sang fournit 0 gr. 80 à 
0 gr.85 Fe°0* par litre; d'autre part, la quantité de 
sang est de 1/12 environ du poids du corps, ce qui, 
pour le fœtus à terme n° 8, donnerait 275 grammes 
de sang, soit, en calculant sur une teneur de 0 gr,9 
Fe°O* par litre, 0 gr. 247 pour la totalité du Fe°0* 
d'origine hématique. 

Ceci ferait supposer qu’à la naissance 50 à 60 °/, 
du fer total sont à l'état d'hémoglobine; le reste 
entre dans la composition des tissus (muscles, 
os, elc.), Mais, comme ces divers tissus ou liquides 
contiennent beaucoup moins de fer que le sang, il 
s'ensuivrait que la majeure partie du fer non 
hématique serait, non pas à l’état d'élément cons- 
tilutif des tissus, mais sous forme de réserve dé- 
posée dans tel ou tel organe (foie, rate) et des- 
tinée à parer, chez le nourrisson, à l'insuffisance 
du fer alimentaire. 

Les résullats précédents semblent done nous 
autoriser à élendre à l'espèce humaine, ce qui 
jusqu'à présent n’avail pas été fait, la théorie sédui- 
sante de Bunge. Mais il ne faut pas se dissimuler 
que les calculs ci-dessus reposent sur deux hypo- 
thèses non encore vérifiées avec une exactitude 
suffisante : rapport de la quantité de sang au poids 


total et, en second lieu, constance de la teneur en 
fer pendant toutes les périodes de la vie. Or cette 
dernière supposilion va à l'encontre d'une donnée 
qui à cours (je n’en ai pas vérifié le bien fondé), el 
suivant laquelle le sang du nouveau-né contien= 
drait beaucoup plus d'hémoglobine et, partant, de 
fer que celui de l'adulte. D'après Leichtenstein, la 
richesse en fer serait, chez l'enfant, le double de 
ce qu'elle est chez l'adulte. Si cette dernière asser= 
tion, qui parait excessive, était exacte, il est cer 
tain que les calculs ci-dessus seraient sans objet: 
la réserve de fer serait inadmissible. 

Je pencherais plutôt pour admettre, sans cepen- 
dant considérerle fait comme absolument démontré, 
que celle réserve existe bien chez le nouveau-né 
el qu'à l'instar des jeunes Mammifères l'enfant 
apporte en naissant une provision de fer nécessaire 
pour subvenir à l'édification de ses tissus, et pour” 
parer à l’insuffisance du fer dans le lait maternel." 


III 


Si maintenant nous envisageons l'ensemble de 
la statique minérale du fœtus pendant les six 
derniers mois de la vie embryonnaire, nous 
sommes amenés à constater d’abord que, si l'on fait 
abstraction des bases alcalines, de l'acide phos- 
phorique et de la chaux, dont les variations sont 
dues à la genèse des globules rouges et à la forma 
tion du tissu osseux, on observe que la composi= 
lion centésimale des cendres varie peu. Vers la fin, 
le poids total de ces cendres augmente beaucoup: 
mais, sauf les particularilés signalées plus haut, 
les rapports des éléments entre eux ne subissent: 
pas de grandes modifications. 

Quant à l'alimentation minérale, la cellule de” 
l'embryon de quatre mois a les mêmes exigences 
que la cellule du nouveau-né. Au cours de l'évolu- 
tion embryonnaire, le nombre des cellules aug- 
mente; mais la composition du squelette minéral 
ne change pas, sauf pour les sels nécessaires à. 
l'édification de deux tissus spéciaux : le sang et l'os." 

Une autre question se pose, celle du rapport 
existant entre la composition minérale de l'orga- 
nisme global et la composition des cendres du lait. 
Bunge, à qui l’on doit sur ce sujet d'intéressantes: 
recherches, a montré que, pour un certain nombre 
d'espèces (chat, chien, lapin), il y a parallélisme: 
entre la composition minérale de l'organisme et 
celle du lait maternel, tandis que ce parallélisme 
ne se manifeste à aucun degré entre les sels du 
plasma sanguin et ceux du lait. « La cellule épithé- 
liale de la glande mammaire, a écrit Bunge, 
prélève sur les sels minéraux du plasma toutes les 
substances inorganiques, exactement dans la pro- 
portion où elles sont nécessaires au nourrisson 
pour se développer et réaliser l'organisme de ses. 


Mascendants. » C'est là, du moins, ce qui résulte des 
“constatations faites par Bunge et ses élèves sur les 
petits animaux. Chez l'homme, il n’en va pas de 
même, ainsi que le montre le tableau suivant : 


CENDRES 
mn pi 

A du du 

ts nouveau-né lait de femme 


“Anhydride phosphorique (P20%. . 35,28 0}, 21,30 ©} 
Chaux (Ca0). . CE Tee 40,48 14,19 
 Magnésie {M20 4,51 2 87 
Mbiore OP Ne ren € %.26 19.73 
…_Anhydride sulfurique (SO* . 1,50 » 
Peroxyde de fer (Fe°0?). . . 0,39 Ü,18 
Potasse (K°0) . ; 6,20 35,15 
Moude (Na 0): . . . : . . . . 8.12 10,43 
Anhydride carbonique (CO* . 1,89 » 


Pa 
… À la seule inspection des chiffres ci-dessus, il est 
évident qu'on ne saurait reconnaitre aucun rapport, 


Fe &e EME 
“dans la composition quantitative, entre les cendres 


CE 
L 


de sélection qu'elle manifeste chez certains Mam- 


l bez les petits Mammifères à développement ra- 
Mpide et, dans ces limites, elle se vérifie d'autant 
EL ieux que le développement est lui-même plus 
| rapide. Les petils animaux constituent, en effet, une 
part importante de leur organisme, et spécialement 


|] 
{ 


Me leur tissu osseux, durant l'allaitement, ce qui 
f Ma pas lieu chez l'homme. La période d'allaitement 
Meprésente chez le chien, par exemple, un quart 
Me la durée du développement total ; ce rapport 
n'est chez l'homme que de 1/20 environ, c’est- 
mi-dire cinq fois moindre. Il s'ensuit que le lait est, 
chez les petits Mammifères, un facteur du déve- 
D beaucoup plus important et surtout 
plus étroitement adapté que chez l'homme. 

Cette adaptation a été bien mise en évidence par 
les travaux de Bunge et de ses élèves, en particu- 
lier d'Abderhalden ; mais il résulte de ce qui pré- 
cède qu'elle est restreinte aux petits animaux. On 

ne la retrouve pas dans l'espèce humaine. 


| 
| 


SFr 


IV 
— On peut se demander si, indépendamment des 
éléments minéraux communs (Cl, O, S, Ph, C, Na, 
K, Ca, Mg. Fe, etc.), le fœtus n'assimile pas à l’état 
Là traces certains autres corps simples, peut-être 
l 
h 


“indispensables : les beaux travaux d'Armand Gau- 
“lier sur l'arsenic organique évoquent naturelle- 
“ment cette question. Telles qu'on les pratique 
l'ordinaire et quand on se préoccupe de sous- 
aire les cendres à toute addilion de sel étranger, 
es incinérations de cadavres ne laissent guère 
l'espoir de retrouver, dans les cendres, des corps 


ÿ 


D' L. HUGOUNENQ — LA COMPOSITION CHIMIQUE DU FOETUS HUMAIN 


439 


comme l’arsenic ou l'iode : et, en fait, la recherche 
de ces substances, dans le résidu de l'incinération, 
ue donne que des résultats négatifs. 

On pourrait s'attendre à rencontrer de la silice 
dans l'organisme du fœtus ou du nouveau-né : 
malheureusement, la recherche de la silice ne va 
pas sans de grandes difficullés : il faut opérer avec 
des acides dislillés dans du platine, travailler exclu 
sivement dans des vases de platine, éviter la chûte 
des poussières et surtout des parcelles détachées 
des parois réfractaires du four à moufle au cours 
de l'incinération. En prenant les précaulions les 
plus minutieuses, je suis arrivé à extraire quelques 
flocons à peine visibles de silice, mais en si petite 
quantité que la présence de ce corps reste douteuse 
en raison des erreurs à peu près inévitables que 
comportent les recherches de ce genre. Dans tous 
les cas, si les tissusde l'embryon renferment du sili- 
cium, c'est à l'état de traces infinilésimales, et il en 
est probablement de même du fluor. Ces corps 
simples ne semblent faire partie intégrante de nos 
tissus qu'après la naissance, et ne pénétrer dans 
l'économie qu'avec les aliments. 

Il y aurait enfin une autre question à résoudre, 
mais qui exigerait des quantilés de cendres très 
supérieures à celles dont on peut pratiquement 
disposer : je veux parler de la recherche des 
métaux rares. Il n'est pas impossible qu'un ou 
plusieurs métaux rares figurent parmi les éléments 
normaux el peut-être nécessaire de l'organisme, 
abstraction faite de lout apport alimentaire acci- 
dentel, déjà dans l'utérus. Je n'ai fait, dans cette 
voie, qu'une tentative. La chaux des cendres a été 
isolée à l'état d'oxalate, puis retransformée en 
chaux caustique; et enfin, suivant les indications 
données par Verneuil, en sulfure de calcium. 

On sait, depuis les travaux de Becquerel, que les 
chaux des diverses origines ne se comportent pas 
de la même facon et, soumises à des traitements 
identiques, donnent des sulfures diversement phos- 
phorescents. Avec la chaux des cendres de fœtus, 
j'ai préparé un sulfure qui, excité par la flamme du 
magnésium, donne à l'obscurité une phosphores- 
cence magnifique, plus intense que celle de Ja 
chaux pure, et se distinguant de celle de la chaux 
par une coloration vert livide. Cette phosphores- 
cence persiste pendant plusieurs minutes; elle 
impressionne la plaque photographique. 

Quel que soit le sexe du fœtus, la couleur de la 
phosphorescence est identique. 

Mais ce sont là des questions qui appellent de 
nouvelles recherches, sur un terrain où la Chimie 
physiologique n’a pas dit son dernier mot. 


. D' L. Hugounenq, 


Professeur à la Faculté de Médecine de Lyon, 
Membre correspondant de l'Académie de Médecine. 


BIBLIOGRAPHIE 


ANALYSES ET INDEX 


410 
1° Sciences mathématiques 
Enestrom (Gustaf), de Stockholm. — Bibliotheca 
mathematica. — Zeitschrift für Geschichte der 


Mathematischen Wissenschalten, 3 Folge, 1 Bard, 

1 und 2? (Doppel) Heft. — 1 vol. 1n-8° de 296 pages. 

(Prix : 20 marks.) Teubner, éditeur. Leipzig, 1900. 

Jusqu'au commencement de 1900, la Bibliotheca 
Mathematica paraissait à Stockholm en fascicules tri- 
mestriels formant, à la fin de chaque année, un mo- 
deste opuscule d'une centaine de pages. Malgré l'exi- 
guité d’un tel cadre, les notes d'histoire mathématique 
insérées dans ce recueil se signalaient à l'attention des 
rares mathématiciens curieux des choses du passé, 
car l'érudition des Enestrom, des Steinschneider, des 
Moritz Cantor, des Dickstein, des Favaro et des Zeuthen 
y élucidait souvent des petits problèmes archéolo- 
giques pleins d'intérêt. Avec la troisième série, inau- 
gurée depuis plusieurs mois, les auteurs se trouvent 
moins à l’étroit, et ils peuvent maintenant donner à 
leurs Mémoires des dimensions proporlionnées à l'im- 
portance des sujets traités. 

Le rédacteur en chef, M. Enestrom, ouvre ce volume 
par un plaidoyer pro domo. Après avoir passé en: revue 
les principaux travaux relatifs à l'histoire des sciences 
exactes durant la seconde moilié du xix° siècle, il 
signale l'importance des éludes de ce genre, puis ül 
trace le programme qu’à l'avenir suivra sa Revue. En- 
suite, M. Duhem, de Bordeaux, nous démontre, à l'aide 
d'une sagace interprétation du Traité des Corps flot- 
tants d'Archimède, que le génial syracusain ne con- 
naissait pas le paradoxe hydrostatique. Chose curieuse : 
c'est une méthode erronée qui le conduisit à la décou- 
verte de ses fameuses lois. Le véritable créateur des 
fondements exacts de l'Hydrostatique fut Simon Stevin 
(1548-1620), considéré jusqu'ici comme un simple com- 
mentateur du grand mathématicien grec. 

Un peu plus loin, M. Zeuthen, de Copenhague, nous 
fait voir combien nos connaissances, concernant l’évo- 
lation de la Trigonométrie dans l'Antiquité, se sont 
enrichies par là publication du récent ouvrage de 
M. von Braunmühl, analysé ici-même'. Viennent après : 
la Notice de M. Carra de Vaux sur un manuscrit arabe 
trailant de machines attribuées à Héron, Philon et Ar- 
chimède; des Notes de M. Paul Tannery sur la pseudo- 
géométrie de Boëce; d'intéressantes contributions à 
l’histoire de la physique au Moyen Age, par Maximilian 
Curtze, de Thorn, et un article illustré original sur des 
niveaux du seizième siècle, que décrit M. Kuchazewski, 
de Varsovie, d'après un petit traité d'Olbrycht Stru- 
mienski imprimé à Cracovie en 1573. - 

Aux pages suivantes M. Gino Loria, de Gênes, publie, 
avec commentaires, quelques fragments inédits d'Eva- 
riste Torricelli, sur la courbe logarithmique, d'après 
les autographes de la Bibliothèque de Florence. Puis 
M. J. Bosscha, de Haarlem, nous entretient de la magni- 
fique édition des Œuvres complètes de Huygens, 
entreprise par la Société hollandaise des Sciences, 
et dont huit volumes ont déjà paru. Notons encore, 
parmi les autres Mémoires remarquables contenus dans 
ce fascicule de la Bibliotheca Mathematica, une subs- 
tantielle biographie de Sophus Lie, par Friedrich Engel ; 
des nécrologies plus succinctes de C. Immanuel 
Gerhardi (1816-1899) par Félix Müller; du savant his- 


1 Voir le compte rendu des Vorlesungen über Geschichte 
der Trigonometrie, de M. A. von BrauNuuuL, dans la Revue 
générale des Sciences, t. XH, p. 236. 


BIBLIOGRAPHIE — ANALYSES ET INDEX 


° mouvement scientifico-historique. 


torien de la Physique, Rosenberg (1845-1899), par 
Günther, de Munich; et un court travail de M. G.-A 
Laisant, qui nous renseigne sur l’état d'avancement d 
Répertoire bibliographique des Seiences mathématiques: 
Enfin, l’opuscule se termine par des analyses d'ou- 
vrages et par des indications bibliographiques: sur 1e 
Jacques Boyer. 


Hoffmann (}.-C.-V.). — Sammlung der Aufgaben 
des Aufgaben-Repertoriums der ersten 25 Bänden 
der Zeitschrift für mathematischen und natur- 
wissenschaftlichen Unterricht. (Publié avec l'aide 
de M. SroLe et classé par MM. EumErICH 64 MUSEBECK). 
— 1 vol. in-8° de 400 pages. B.-G. Teubner, édi= 
teur. Leipzig, 1900. 24 


Dans les vingt-cinq dernières années, le Journal 
pour l'enseignement des Mathématiques etdes Sciences 
naturelles a publié un très grand nombre de pro= 
blèmes d'Elémentaires et de Spéciales, envoyés pour l&s 
plupart par des professeurs dans les gymnases alle 
mands, et dont un certain nombre ont été empruntés 
à des revues étrangères, lelles que les Nouvelles 
Annales, où le Journal de Mathématiques élémentairess 
C’est l'ensemble de ces problèmes que les auteu 
viennent de rassembler, en les classant et en les revi= 
sant. Les énoncés seuls sont indiqués, et, pour les 
solutions, on renvoie aux sources. Les problèmes se 
rapportent à l'Arithmétique, à la Géométrie dans Je 
plan ou dans l'espace, à la Géométrie moderne du 
triangle, des lieux géométriques ou des enveloppes, 
aux Sections coniques ou aux courbes des degrés supé- 
rieurs, enfin à la Physique, en y comprenant un peu de 
Mécanique. 6 

Cette collection souffre du défaut inévitable de sa 
conception, On n'y cherchera pas la pondération ni 
l'homogénéité, puisque les collaborateurs sont légions 
d'aptitudes et de préoccupations très diverses, et que les: 
auteurs ont tout publié indistinctement, Mais ce défaut 
a bien sa contre-partie; si l'effet est peu satisfaisant au 
point de vue de l'ordonnance, en revanche, il y a, dans 
une telle œuvre, plus de place pour l’imprévu, plus de 
chances de trouver des problèmes intéressants et son 
tant des ornières tracées par un auteur unique, et dans 
lesquelles il a tendance à revenir. Pour les professeurs 
francais, il s’y ajoute l'intérêt de voir ce qui se fail 
dans un pays où l'instruction est en grand honneurs 
ils pourront sans doute y faire d'utiles emprunts. J& 
parle ici suriout des professeurs de mathématiques 
car les problèmes de physique sont peu nombreux, cb 
leur choix n'est peut-être pas des plus heureux. On: 
eüt pu les supprimer sans diminuer sensiblement 1 
valeur de l'ouvrage. Cu.-ED. GUILLAUME, 

Physicien au Bureau internationa 

des Poids et Mesures. 
Bureau des Longitudes. — Annuaire pour l’an- 
née 1901, avec des Notices scientiliques. — 1 va 
1n-12 de 900 pages. (Prix : 4 fr. 50.) Gauthier- Vilar. 

éditeur. Paris, 1901. 

Indépendamment du Rapport de M. H. Poincaré sur 
le projet de Revision de l'Arc méridien de Quito, Rap 
port qui à été publié par la /evue, cet Annuaire con= 
tient des notices sur :le Transport électrique de la Force, 
par M. A. Cornu ; la Conférence astronomique interna 
tionale tenue à l'Observatoire de Paris en juillet 1900 
par M. M. Lœwy; l'Etablissement du Système métrique 
par M. Bassot; etc., etc. 


‘ H. Porxcaré : La Revisionde l'Are méridien de Quito, dans 
la licvue générale des Sciences, du 15 août 1900, p. 925. 


BIBLIOGRAPHIE — ANALYSES ET INDEX 


= 
= 


2° Sciences physiques 


Mouneyrat (A.).— Nouvelle méthode genérale de 
“préparation des carbures d'hydrogène chlorés, 
bromés et chlorobromés de la série acyclique 
(Thèse de la Faculté de Paris). — 1 brochure in-8 
de 96 pages. Gauthier- Villars, éditeur. Paris, 1900. 


Il est assez rare, maintenant que la Science est sil- 
Jonnée de grandes lignes dans toutes les directions, de 
irouver dans une thèse même l'ébauche d'une voie 
nouvelle; c'est pourtant ce que nous offre le travail de 

M: Mouneyrat, et, à ce point de vue, il nous semble 
… mériter une attention toute spéciale. 

… Jusqu'à présent l'application du chlorure d’alumi- 
nium aux réactions des corps acycliques n'avait pu 
être réglée systématiquement, comme elle l’est en série 
romatique, depuis les mémorables recherches de 
MM. Friedel et Cralts. M. Mouneyrat nous montre que 
e réactif, en agissant sur les hydrocarbures formé- 
niques chlorés, donne lieu à un départ de gaz chlorhy- 
drique, et détermine ainsi l'apparition, dans la chaîne, 
d'une liaison multiple, le plus ordinairement double. 

… Il résulte de là que, en présence du chlore, ou du 
rome, le chlorure d'aluminium est un halogénant éner- 
ique pour tous ces composés, et, comme l’altaque se 
fait à des températures différentes, suivant le degré de 
substitution du corps initial, les actions secondaires 

Sont, en général, peu importantes. 

- C'est là le point capital de cette étude, qui a été éten- 
due depuis la série de l’éthane jusqu'à celle de l'hexane 
normal. 

Quelques-unes des réactions signalées par l'auteur 
“pourrout servir avec avantage à préparer certains dé- 
rivés halogénés de la série grasse; cilons, entre autres, 
Paltaque du tétrachlorure d'acélylène par le chlore et 
e chlorure d'aluminium, à 120°, qui donne naissance à 
léthane perchloré C?CI°, avec un rendement de 80 °/;, 
et celle du bromure de propyle, qui, sous l'action du 
brome et du bromure d'aluminium, vers 50°, se (rans- 
forme presque intégralement en bromure de propylène. 


L. MAQUENNE, 
Professeur au Muséum d'Histoire naturelle. 


ollins (Henry-F.), Professeur à l'Ecole Royale des 
- Mines de Londres. — The Metallurgy of Lead and 
… Silver. Part. I : Lead. 1 vol. de 368 pages (Prix : 
16 sh.); Part. Il : Silver. { vol. de 352 pages (Prix : 
146 sh.). Charles Griffin and C°, éditeurs, Londres, 
1901. 


La grande maison d'édition Charles Griffin and C°, de 
Pondres, vient de faire paraïilre ces deux volumes dans 
collection des ouvrages métallurgiques publiés sous 
haute direction de sir W. C. Roberts-Austen, le 
savant professeur du Collège Royal, bien connu de nos 
cteurs par ses beaux travaux de microstructure des 
métaux, qu'il a conduits de pair avec notre compatriote 
Osmond. 

Le premier volume a pour objet l'étude, sous une 
forme condensée et pratique, de la métallurgie du 
plomb ; l'auteur a repris le sujet déjà si bien traité en 
e qui concerne les procédés américains et allemands, 
r MM. Hoffman et Schnabel, mais en y ajoutant un 
and nombre de faits puisés à d’autres sources con- 
mporaines et même tirés de ses propres expérieuces. 
ar exemple, les méthodes australiennes pour le trai- 
ment des plombs argentifères n'avaient jamais encore 
é décrites avec autant de détails. Cette métallurgie 
du plomb est présentée avec la généralité qu'elle com- 
porte, étant donnée la grande variété des minerais 
Mrépandus sur les diverses parties du monde. 

. L'auteur donne de nombreux détails sur les méthodes 
d'essai des minerais de plomb et d'argent, et, après 
avoir décrit les propriélés du plomb et les caractéris- 
tiques de ses minerais, il passe en revue les procédés 
d'extraction dans l'ordre suivant : grillage et réaction, 
grillage et réduction, — précipitation. Il indique en 


UEVUE GÉNÉRALE LES SCIENCES, 1901. 


passant une méthode de calcul très pratique pour 
établir la charge dans le fourneau avec des minerais 
d’une composition donnée. Il s'arrête suffisamment sur 
la question des poussières, et montre les moyens de 
les recueillir, de les condenser et de les traiter. Enfin, 
l'examen des minerais mixtes contenant à la fois 
plomb et zinc, lui sert de transition pour aborder la 
désargentation avec ses trois méthodes : la coupellation, 
le pattinsonnage et le procédé de Parkes. 

De toutes les branches de la métallurgie, celle de 
l'argent, a dit Percy, forme le sujet le plus étendu, le 
plus varié et le plus compliqué. M. Collins a consacré à 
l'argent tout le second volume, et, pour donner à son 
ouvrage un caractère pratique, il a supprimé tout ce 
qui est suranné et historique, pour y condenser l’actua- 
lité, qui seule intéresse l'ingénieur au cours de ses 
travaux. 

On sait qu'aucun des procédés de traitement des 
minerais argentifères n'est applicable dans tous les 
cas. La méthode la plus convenable à employer est 
indiquée par la nature des minerais et leur richesse, 
l'importance de la production, les conditions géogra- 
phiques d'emplacement des usines de traitement, les 
exigences de la main-d'œuvre, etc. Si le combustible 
est rare, on traite les minerais par amalgamation. 
Mais une méthode plus générale consiste à dissoudre 
l'argent, après un grillage chlorurant, par l'hyposulfite 
de soude seul ou additionné d’une certaine quantité de 
chlorure de cuivre. Enfin, si les minerais argentifères 
sont riches et suffisamment plombeux, et si, en même 
temps, le prix du coke n’est pas trop élevé, les procé- 
dés par fusion sont plus économiques. Les trois méthodes: 
amägsalmalion, lixiviation et fusion, ont été très complè- 
tement étudiées par l’auteur, qui donne de nombreux 
détails inédits sur la pratique de la lixiviation par lhy- 
posulfite, et sur l'obtention des mattes au haut fourneau. 

Il est à remarquer toutetois que l'ouvrage ne men- 
tionne pas les procédés basés sur l'emploi des cyanures. 
Cettequestion rentre, d’ailleurs, dans celle qui fait l'objet 
d’un volume spécial publié également par la maison 
Grilfin, et dont nous rendrons compte. De nombreux 
renseignements sur le traitement des cuivres argenti- 
fères et leur raffinage, tel qu'il est pratiqué à Anaconda 
o1 près de Liverpool, terminent cet intéressant travail. 

EuiLe DEMENGE. 
Ingénieur métallurgiste. 


3° Sciences naturelles 


Devaux (U.), Professeur adjoint à l Universite de Bor- 
deaux. — Recherches sur les Lenticelles. — 

4 broch. in-8° de 240 pages, avec 6 planches (Extrait 

des Annales des Sciences naturelles, 8° Serie, XI). 

Masson, éditeur. Paris, 1900. 

Volumineux mémoire consacré à une question consi- 
dérée comme de minime importance par beaucoup de 
botanistes. M. Devaux n'a pas voulu seulement préciser 
l'histoire de ces petits organes, mais encore établir leurs 
relations avec le milieu extérieur et avec la vie des 
plantes et des organes qui les portent. Si le travail est 
long, il a du moins, le mérite d'être bien ordonné; à 
une époque où la production scientifique est excessive, 
l’ordre et la coucision sont de plus en plus des qualités 
maîtresses. L'auteur possède la première; il sait le prix 
de la seconde, puisqu'il consacre « tout un chapitre à 
un résumé général, afin que le lecteur puisse avoir une 
idée assez précise de l'ensemble en lisant seulement ce 
résumé ». Nous allons essayer de le synthétiser encore ; 
car, tel qu'il est, il dépasserait de beaucoup les limites 
qui nous sont accordées. 

Les lenticelles peuvent se produire sur tous les 
organes pourvus de formations secondaires ; leur répar- 
lition primitive, liée à l'existence des stomates, est en 
rapport avec la vigueur de la végétation, avec le nombre 
des entre-nœuds et leur distance par rapport au som- 
met végétatif. Les lenticelles primitives sont écartées 
passivement par suite de l'accroissement des organes 


TC 


442 


BIBLIOGRAPHIE — 


ANALYSES ET. INDEX 


en longueur et en diamètre. À partir d'un certain écar- 
tement, des lenticelles secondaires se développent entre 
les premières sur les racines comme sur les tiges. 

On distingue dans la lenticelle un phelloderme, des 
couches subérifiées et une région génératrice ; ces diffé- 
rentes régions varient beaucoup dans les différents 
organes et suivant les plantes; c'est, on pouvait le 
penser, chez les plantes aquatiques que les lenticelles 
ont la structure la plus simple. La naissance d’une len- 
ticelle a Loujours lieu dans les tissus superficiels ; elle 
est en voie d’accroissement continuel et de continuelle 
destruction. Il peut y avoir des temps d'arrêt ou de 
ralentissement, suivant la saison, des moments où tous 
les phénomènes sont exagérés; mais le type évolutif 
reste semblable à lui-même ; il ne subit que des varia- 
tions quantitatives. Cette évolution résulte du conflit 
continuel des phénomènes que nous avons distingués : 
la prolifération, qui tend sans cesse à augmenter la 
masse des cellules vivantes de la lenticelle, et la cica- 
trisation, qui tend à la diminuer sans cesse. La struc- 
ture et les dimensions de la lenticelle dépendent à 
chaque instant de l'équilibre de ces actions contraires. 
La couche génératrice s'épuise souvent complètement ; 
il faut que la lenticelle en reconstitue alors une nouvelle 
dans ses parties profondes. 

La lenticelle a sa physiologie propre, indépendante 
du rôle général que la lenticelle remplit dans la plante. 

Les lenticelles sont poreuses, en général; mais elles 
sont plus ou moins fermées par une ou plusieurs 
couches subérifiées. Le degré de porosité varie avec la 
saison et avec les conditions extérieures ; la transpira- 
tion lenticellaire varie dans le même sens. Une lenti- 
celle placée sous l’eau s'hypertrophie, comme dans l'air 
humide, par simple arrêt de la transpiration. L'eau 
semble venir toujours de l'intérieur de la plante. On 
peut expérimentalement transformer une lenticelle 
aquatique en lenticelle aérienne, et inversement. 

Il existe une corrélation étroite entre le développe- 
meut de chaque lenticelle et la transpiration générale, 
ou plutôt avec ce que l’auteur appelle l'état d'hydrose 
interieure, c'est-à-dire de l'humidité interne; l'hydrose 
propre de la cellule dépend directement du niveau 
d'hydrose intérieure. L'hydrose n’est pasle seul facteur, 
du reste; les cellules de la lenticelle paraissent toujours 
riches en substances osmotiques qui leur permettent 
d'exercer sur l'eau une attraction supérieure à celle des 
tissus voisins. 

Les lenticelles diffèrent beaucoup du périderme ; elles 
ressemblent davantage au tissu cicatriciel, d'un côté 
par leur liège, qui ressemble plus au liège traumatique 
qu'au liège ordinaire, de l'autre par la prolifération 
dont elles sont le siège et qui est analouue à celle qui 
donne le callus. Mais leur origine et l'existence de la 
porosité et d'une prolifération indéfinie distinguent 
profondément les lenticelles des simples cicatrices. On 
pourrait plus justement les rapprocher de l'aérenchyme, 
à la condition de modifier la notion que Schenck a 
donnée de ce tissu. En somme, les lenticelles sont des 
organes ayant une autonomie propre ; on peut les 
définir : de pelites plages localisées de parenchyme méa- 
tifère en prolifération continuelle et en continuelle 
évolution, capables de s'hypertrophier et de se cicatriser, 
selon les conditions extérieures ou intérieures d’'humi- 
dité, en s'adaptant sans cesse à ces conditions. 

Grâce à leur porosité, les lenticelles servent certaine- 
ment, dans une large mesure, aux échanges gazeux 
généraux de l'organe; mais ce n’est pas en vue de ces 
échanges qu'elles existent ; car 1° elles sont souvent 
absentes ou insuffisantes; 2° la plante possède souvent 
des plages poreuses différentes des lenticelles et ser- 
vant à l’aération; 3° l'ouverture et la fermeture des 
lenticelles ne sont pas provoquées par les besoins 
d'aération. ÿ 

Les lenticelles sont des régulateurs automatiques de 
l’'hydrose interne et de la transpiration générale. Ce 
sont, avant tout, des organes de transpiration. La plante 
les utilise efficacement aussi pour les échanges gazeux 


« 


proprement dits; mais les variations indépendantes de 
la porosité lenticellaire gènent probablement ces 
échanges dans certains cas. 

M. Devaux rendrait service aux lecteurs en donnant 
de son Mémoire un résumé substantiel, dégagé des 
détails trop minutieux et accompagné de quelques 


bonnes figures dans le texte. C. FLAHAULT 
Professeur de Botanique 
à l'Université de Montpellier. 


Hachet-Souplet (P). — Examen psychologique 
des animaux. — l/n vol. in-16° de 462 pages. Schleï 
cher frères, éditeurs, Paris, 1900. 


M. Hachet-Souplet estime que le meilleur moyen de 
déterminer la forme et l'étendue de l'intelligence d’un 
animal, c’est d'étudier de quelle manière 1l se. coms 
porte vis-à-vis des tentatives de dressage qu'on lui fai 
subir etde rechercher par quels procédés on réussit, 
le plier à l'exécution des exercices qu'on cherche à lui 
enseigner. Si la Psychologie comparée n’a pas fait de 
plus rapides progrès, c’esl, à ses yeux, parce que, jus 
qu'ici, l'observation y à joué un rôle par trop prépon 
dérant et presque exclusif: elle doit suivre la même 
destinée que les autres branches de la science de 
l'esprit et faire plus large, d'année en année, la parl 
assignée à la méthode expérimentale dans ses moyens 
d'investigation; et ici la forme que revêt naturellement 
l'expérimentalion, c’est celle du dressage méthodique 
et rationnel, du dressage surtout des animaux supés 
rieurs. Ces expériences jettent un jour précieux Sur 
quelques-unes des plus délicates questions qui se rap 
portent au mécanisme de la volonté et à la genèse des 
instincts; elles permettent, d'autre part, d'esquisser les 
principaux traits d’une classification psychologique des 
animaux, fondée non plus sur des inductions et des 
analogies, mais sur des faits contrôlés et que l’on peut 
toujours vérifier en les reproduisant à volonté. Il y 
aurait donc un réel intérêt à ce que des laboratoires de 
« dressage rationnel », véritables laboratoires de Psys 
chologie comparée, fussent annexés aux grands jardin 
zoologiques et que soient appelés à y travailler des 
hommes qui auraient à la fois une connaissance précise 
des lois des phénomènes psychiques et une pratique 
étendue des procédés en usage pour accoutumer les! 
animaux aux exercices que l’on veut obtenir d'eux. 

M. Hachet-Souplet divise les animaux en trois classes 
ceux qui sont rebelles à tout dressage et répondent 
seulement par des réactions immédiates et invariables 
aux excilations périphériques; ceux que l’on peut dresser 
par la coercition, en agissant tour à tour ou simultané 
ment sur eux par la peur et par la faim, et ceux enfin 
que l’on peut dresser par la persuasion, auxquels on: 
peut enseigner un exercice en le répétant patiemment 
devant eux, de manière à les inciter à l’accomplir par 
une sorte d'irrésistible suggestion. 

Les animaux du premier groupe en sont réduits 
des processus réflexes excito-moteurs; ceux qui appa 
tiennent au second ont des instincts; ceux enfin du 
troisième groupe sont, à des degrés divers, intelligents: 
M. Hachet-Souplet à mis en tête de son livre un ta 
bleau synoptique qui donne de la classification qu'il a 
tentée une vue d'ensemble. 

Le premier coup d'œil que l'on y jette montre que 
des animaux très distants les uns des autres au point 
de vue zoologique se trouvent réunis en un même 
groupe les uns avec les autres, tandis que des espèces: 
voisines sont placées dans des catégories différentes et 
que parfois même des races appartenant à une même 
espèce se trouvent séparées (le lapin de garenne par 
exemple et le lapin domestique). 

Dans la première catégorie, on ne trouve guère men 
lionnés au tableau que les Protozoaires. Dans la seconde 
divisée en deux sections, sont placés à l'étage inférieur 
les méduses, l’oursin, le solen, etc. ; à l'étage supérieur 
le nautile, le poulpe, le crabe, divers poissons, là 
grenouille, le pigeon domestique, le bison, le buffle, le 
daim, le mouflon, le bélier, le lapin de ferme. Dans L 


froisième catégorie, viennent se placer les animaux 
intelligents : divisés en trois groupes : les animaux 
du premier ont une intelligence ouverte, mais très limi- 
e et que l'on dresse plus aisément et plus sûrement 
par coercition (cacatoès, cheval, âne, chameau, lama, 
hèvre, etc.); ceux du second groupe présentent, à 
| côté d'un fonds assez riche d'instincts primitifs et 
“lune intelligence encore capable en quelque mesure 
d'adaptations nouvelles, un ensemble d’instincts 
Secondaires, dérivés d'actes intelligents, très complexes 
64 très stables (animaux à industries fixes : abeilles, 
urmis, fauveltes couturières, castors, chiens des prai- 
ries, etc.); ceux du troisième groupe enfin sont dans 
une mesure indéfinie accessibles à la persuasion, ils sont 
Capables d'invention occasionnelle, d'abstraction, de 
raisonnement, ils rêvent, ils distinguent leur personne 
nettement de celles de leurs congénères, ils ont la 
“notion du temps, ils commettent des erreurs et savent 
Jes reconnaitre, etc. Mais parmi eux les uns sont 
farouches et souvent féroces et il faut les apprivoiser 
{p. 92, approvisionnement pour apprivoisement), avant 
de tenter de les dresser (ours, loutre, félins); les autres 
nt vraiment une intelligence et un caractère analogue, 
utes proportions gardées, à celui de l'homme, (chiens, 
nges, éléphants, coatis, etc.). M. Hachet-Souplet a con- 
“Sacré un chapitre aux émotions des animaux, et un autre 
Mieur langage : il a montré que l’on pouvait dresser 
lés chiens en une certaine mesure à imiter la voix 
umaine. Ce n’est là d’ailleurs qu'un exemple entre 
plusieurs de ces instincts secondaires, ou, si l’on veut, 
de ces habitudes d'abord intelligentes, puis automati- 
ques dont il a indiqué la genèse en quelques pages 
“particulièrement intéressantes, (p. 110 et sq.). C'est par 
des consolidations et des slratifications successives 
habitudes qu'il explique les instincts complexes des 
sectes et des autres animaux constructeurs ; les lois 
e sélection ne seraient pas intervenues dans la 
Constitution de ces instincts, mais seulement dans leur 
“ixation ; les habitudes inutiles ou nuisibles sont élimi- 
nées. 
b A côté de bien des digressions philosophiques et 
Sychologiques inutiles, ce mince volume contient de 
és utiles renseignements sur la vie mentale des 
maux, et, encore quil ne faille pas, à notre avis, 
prendre pour crilérium exclusif de leur développement 


! 


(is 


psychique, celui que M. Hachet Souplet à choisi, el que 
classification présente certaines étrangelés qui la 

endent sujette à revision, la méthode expérimentale 

ont il s'est attaché à fixer les règles constituera sans 

oute, entre des mains intelligentes, un précieux ins- 

trument de découvertes pour la Psychologie comparée. 

L. MaARILLiER, 

LE , Maître de Contérences , 

à l'Ecole pratique des Hautes-Études. 


4° Sciences médicales 


iley (E). Professeur agrégé à la Faculté de Médecine 
de Paris, Assistant près la Chaire de Physiologie gé- 
“nérale au Muséum d'Histoire naturelle. — Essaisde 
- Philosophie et d'Histoire de la Biologie. — 1 vo/. 
in-8°, de 344 pages. (Prix : 3 fr. 50.) Masson et Cie, 
éditeurs. paris, 1900. \ 
Les études réunies dans ce volume, malgré la diver- 
ité des questions dont elles traitent, dit avec raison 
teur dans sa Préface, sont cependant toutes inspi- 
ées par le même esprit. C'est, en elfet, un esprit apte 
Ja généralisation, et en même temps rompu à la 
ensée philosophique, qui se révèle dans ces pages. La 
ilosophie n’y est toutefois, comme elle doit l'être 
our le biologiste, que « la réflexion sur le savoir 
icquis », et les Essais d'Histoire sont, eux aussi, « des 
ssais de synthèse des idées existantes sur un ensem- 
ble de faits ou dans l'œuvre d’un savant ou dans celle 
dune collectivité scientifique. » 
La première étude est consacrée à une question qui 
à la base de la Physiologie générale, l’/rritabilite. 
n y suit les différentes phases par lesquelles à passé 


BIBLIOGRAPHIE — ANALYSES ET INDEX 


443 


cette doctrine depuis Glisson jusqu'à CI, Bernard, qui 
a porté à un si haut degré de perfection l'œuvre de ses 
devanciers : on y trouve aussi les arguments opposés à 
la théorie, et leur réfutation. Cette histoire et cette 
critique conduisent à un exposé dogmatique, fortement 
pensé, et d’un caractère bien personnel, où l'auteur, 
tout en s'inspirant largement des travaux de CI. Bernard, 
n'hésite cependant pas à se mettre en opposition avec 
les idées de l'illustre physiologiste, quand elles lui 
paraissent prêter le flanc à la critique. 

A travers les développements donnés aux diverses 
faces de la question (nature, cause, lois, signification, 
portée doctrinale de l'irritabilité), il est d’ailleurs facile 
de distinguer la pensée directrice qui doit aboutir à la 
conception philosophique finale. La spontanéité des 
êtres vivants n’est qu'apparente; la vie n’est que le ré- 
sultat d’un conflit entre l'organisme et le milieu; elle 
dépend donc de l'irritabilité « cette forme organique 
de l’inertie ». Si, dans bien des cas, la réaction, chez les 
corps vivants, est beaucoup plus puissante que l’action 
subie, c'est qu'il existe chez eux des réserves d'énergie 
potentielle, et, en définitive, ils n’échappent pas à la loi 
de la conservation de l'énergie. 

D'autre part, la substance organisée ne renferme au- 
cun élément qui ne se retrouve aussi dans les corps 
bruts, et les édifices matériels qui la composent res- 
tent soumis aux lois ordinaires de la Physique et de la 
Chimie : c’est dire que les phénomènes vitaux se rédui- 
sent à des phénomènes physico-chimiques. Il n’y a pas 
place pour un principe spécial et indépendant, supé- 
rieur à la matière. Cl. Bernard a cru devoir admettre 
une « idée directrice », qui préside à l’ordre, à la 
succession des phénomènes vitaux; mais cette concep- 
tion, à bien l'approfondir, ramène au dualisme. 

Si l'on veut aller plus loin et remonter à la cause du 
développement, si frappant chez les êtres vivants, de la 
faculté de réponse, il faut la chercher dans un état par- 
ticulier d'instabilité de la matière, qui permet aussi de 
rendre compte des lois les plus importantes des actions 
vitales. M. Gley entre ici dans des considérations inté- 
ressantes sur la constitution de la substance organisée, 
qui rappellent les tentatives failes par Pfluger pour 
expliquer l’état labile de l'albumine vivante, mais qui 
ne doivent rien aux idées du physiologiste allemand. 

Se pose alors le problème délicat des rapports de 
l'irritabilité avec les phénomènes de conscience. Cl. 
Bernard a hésité devant la solution. Après avoir fait 
observer que la sensibilité consciente, la sensibilité 
inconsciente, la sensibilité insensible disparaissent suc- 
cessivement sous l'influence d'un même agent, l'agent 
auesthésique, et qu'elles ne sont par conséquent que 
des degrés différents d’un même phénomène élémen- 
taire, après avoir posé en principe que la caractéris- 
tique de la sensibilité, c’est « la réaction motrice à 
une stimulation », il-a laissé intentionnellement de 
côté les phénomènes psychiques. Et cependant, si lon 
affirme l'identification absolue entre la sensibilité et 
l'irritabilité, iln'y a de ce point de vue que deux ma- 
nières de considérer cette dernière propriété. « Ou bien, 
on en fait la marque spécifique de la vie et on consi- 
dère la sensibilité comme un perfectionnement; la 
conscience n'esl qu'un épiphénomène qui se produit à 
cause el en raison de l'union de toutes les parties de 
l'organisme, surtout chez les êtres supérieurs. On abou- 
tit ainsi au malérialisme absolu. Ou bien on rattache 
l'irrilabilité à la sensibilité, et on fait de cette dernière 
une propriété très générale et caractéristique de la vie 
partout où on rencontre de la vie. Le terme ultime de 
cette condition est une doctrine hylozoïste, comme par 
exemple la théorie de Haeckel sur l'âme des plasti- 
dules ». M. Gley, tout en faisant ses réserves, incline 
visiblement vers cette dernière théorie. Qu'il me soit 
permis cependant de faire remarquer que l'hypothèse 
d'une conscience épiphénomène et témoin inactif et 
l'hypothèse hylozoïste ne s'excluent pas l'une l’autre, 
à en juger par un des derniers travaux de Le Dante, 
Le Déterminisme biologique. 


444 


BIBLIOGRAPHIE — ANALYSES ET INDEX 


Quoi qu'il en soit, la conclusion de cette remarquable 
étude se devine : «La métaphysique n'entre pas en mai- 
tresse dans la science, c’est l'essentiel. Le mécanisme 
reste comme l'explication positive des phénomènes. Et, 
pour revenir à la question particulière dont il s’agit, il 
n'ya rien de spécial ni dans l’irritabilité, ni par suite 
dans la vie, quant à leur nature et quant à leurs 
lois ». Ces pages étaient écrites en 1889 : depuis lors le 
vitalisme a de nouveau fait son apparition dans les 
sciences biologiques. Mais ce néovitalisme, comme on 
l’a appelé, se présente aujourd'hui sous une forme 
telle que, par certains côtés, il ne s'éloigne pas beau- 
coup des conceptions de ses adversaires les plus déc'a- 
rés. Bunge, son représentant le plus en vue, dans la 
dernière édition de son Traité de Chimie biologique, 
ne ferme-t-il pas son chapitre « Vitalisme et Méca- 
nisme » sur ces mots : Sollte nicht vielleicht jede Zelle 
und jedes Atom ein beseeltes Wesen sein, und alles 
Leben nur Seelenleben? J'ai idée que l’auteur de l'étude 
sur l'Irritabilité se ralliera volontiers à cette conclusion, 
à sa première partie, du moins. 

On voit par les réflexions que suggère la lecture de 
ce travail, par les rapprochements qu’elle amène avec 
les études plus récentes de biologie philosophique, 
combien elle est instructive : on y trouvera d'autant 
plus de satisfaction que toujours la netteté et la préci- 
sion de la langue répondent à la netteté et à la précision 
de la pensée. 

L'étude suivante: Un physiologiste au xvur° siècle : 
L'irritabilité et la sensibilité d'après Lecat, se rat- 
tache au même ordre d'idées que la première. C’est 
une discussion critique sur les rapports entre ces deux 
propriétés, d’après les opinions d'un médecin français 
qui ne craint pas d'affirmer qu'il n'y a pas d'irritabilité 
sans sentiment, et de supposer dans toute parcelle vi- 
vante l'existence d'une âme, c’est-à-dire de quelque 
chose doué de sensibilité consciente. 

Dans le travail intitulé : Résumé historique et évo- 
lation de la physiologie du système nerveux, M. Gley 
retrace à grands traits l'œuvre accomplie dans ce 
domaine depuis Galien, et nous avertit aussi de ne 
pas nous faire d'illusion sur l'étendue de nos connais- 
sances, puisque, malgré quelques hypothèses sédui- 
santes, le problème capital, celui du mécanisme de 
l’action nerveuse, reste tout entier à résouire. 

C'est bien une Conception et une Classification phy- 
siologique des glandes que nous présente ensuite 
l’auteur, puisque l’une et l’autre se basent unique- 
ment sur le mode de fonctionnement de ces organes. 
Après avoir mis en lumière ce que les découvertes 
successives nous ont appris sur la structure et le rôle 
des glandes, il est amené à établir nettement la carac- 
téristique de l'élément glandulaire. M. Gley fait bien 
voir qu'il ne faut pas la chercher seulement dans l’éla- 
boration des principes immédiats par l'activité chi- 
mique de la cellule, puisqu'à ce compte toute cellule 
serait glandulaire : cet acte, qui est la sécrétion pro- 
prement dite, ne doit pas être séparé de l'acte d’excré- 
tion cellulaire par lequel l'élément anatomique rejette 
dans le sang ou dans la cavité de la glande les sub- 
stances qu'il a fabriquées. Ce n’est qu’à la condition 
de ne pas perdre de vue l'union intime de ces deux 
opérations que l’on arrive à bien définir ce que c'est 
qu'une glande. De même la classification que nous 
propose M. Gley s'appuie exclusivement sur la notion 
de fonction. Il divise d’abord les glandes en deux grands 
groupes : 1° les glandes à rôle nutritif;, 2° les glandes 
à rôle défensif. 

Dans le premier groupe rentrent : 4° les glandes di- 
gestives: 2° les glandes nutritives (servant à la nutrition 
générale); 3° les “landes excréteuses (servant à éliminer 
les déchets de la nutrilion); # les glandes servant à 
maintenir la composition du milieu intérieur; 5° les 
glandes servant à la reproduction {nutrition conti- 
nuée). : 

Dans le deuxième groupe viennent se ranger : 4° les 
glandes protectrices d'organes ou de fonctions (rôle 


surtout physique); 2 les glandes protectrices de l'or= 
ganisme contre lui-même (rôle chimique). Cette classi= 
fication, déjà fort instructive en elle-même, offre at 
physiologiste, comme on peut en juger, un plan ration: 
nel d’études et un cadre très large et très élastique 
dans lequel il pourra faire entrer facilement tout ce 
que nous savons sur les fonctions des glandes, 
Quelques pages sur les progrès de la physiogénie, à 
propos de recherches relatives au développement dela 
fonction motrice chez l'embryon, font ressortir l'intérêi 
qui s'attache à l'étude de la formation et du dévelop 
pement des propriétés fonctionnelles de la matière 
vivante, si l’on veut arriver à expliquer ses réactions. 
C'est une lourde tâche, que la Société de Biologie, 
l’occasion de son cinquantenaire, a confiée au dévoue- 
ment de son Secrétaire général, lorsqu'elle l’a chargé 
de lui présenter un rapport sur l'œuvre de la Société 
depuis sa fondation ; mais aussi elle savait en quelles: 
mains elle remettait cette tâche. Ce travail sur Hi 
Société de Biologie et l'évolution des Sciences biolo- 
giques en France de 1849 à 1900, a certainement ré 
pondu et au delà à l'attente de ceux qui, eo le confiant 
à M Gley, savaient qu'ils y trouveraient la représenta- 
tion fidèle et éloquente des services rendus par la 
Société et des progrès réalisés dans les sciences biolo= 
giques pendant la dernière moitié du siècle qui vient 
de finir. Un tel travail ne s’analyse pas : on ne peub 
qu'admirer et l'esprit dans lequel il est conçu, et Ja. 
méthode qui en a réglé l'exécution, et l'intelligence 
critique qui s’y exerce, servie par une plume souple eb 
élégante. Ce n’est pas seulement l'histoire de la Société 
de Biologie, c’est aussi et surtout une vérilable ency= 
clopédie, un tableau complet des conquêtes successives! 
de la science durant ces cinquante dernières années, 
tableau qui ne se borne pas à nous les présenter dans 
un ordre méthodique, mais qui s'anime sans cessé 
d'aperçus ingénieux sur les liens qui rattachent les 
unes aux autres les principales découvertes, sur J& 
direction qu'elles ont imprimée aux efforts des inves" 
ligateurs, sur les conséquences qu'on en a tirées. Ony 
voit comment, à mesure que la Science progresse, elle 
tend à devenir explicative, de descriptive qu'elle était. 
comment des problèmes nouveaux se sont posés, des 
voies nouvelles se sont ouvertes dans tous les domaines 
de la Biologie... À 
L'ouvrage se termine dignement par une étude sur l& 
la vie et l'œuvre de Brown-Sequard. C'est un portrai 
lumineux de l'illustre savant, de ses facultés maîtresses; 
de ses tendances d'esprit, de sa méthode de travail, de 
son activilé prodigieuse. C’est une appréciation juste 
et vraie de tout ce que la Physiologie doit au décou= 
vreur infatigable. C’est enfin un hommage ému à 
l'homme et à ses qualités de cœur. Tous ceux, et ils 
sont nombreux, qui aimaient le Maître regretté, serons 
reconnaissants à M. Gley d’avoir si bien exprimé les 
sentiments qu'il leur inspirait. 
D'E. WERTHEIMER, 
Professeur à la Faculté de Médecine de Lille 


Perrier (Edm.), Hembre de l'Institut, Directeur da 
Muséum d'Histoire naturelle; Poiré (Paul), Profes= 
seur honoraire au Lycée Condorcet; Joannis (Alex 
et Perrier (Remy), Chargés de Cours à la Faculté 
des Sciences de Paris. — Nouveau Dictionnaire des 
Sciences et de leurs applications,avec figures dans! 
le texte. Fascicules 1 à 11. — (Prix du fasciculen 
1 fr.) Delagrave. éditeur. Paris, 1901. 


Les auleurs de ce nouveau Dictionnaire se sont donné: 
pour but de présenter le tableau, aussi complet que 
possible, de l’état actuel des diverses sciences et des 
applications qu'elles ont engendrées. : 

La rédaction a été confiée à des collaborateurs spé= 
ciaux, appartenant pour la plupart au corps enseignant, 
el qui, au double point de vue scientifique et pédago 
gique, ont depuis longtemps fait leurs preuves. ; 

Les articles parus dans les onze premiers fascicules 
vont de Abeille à Chlore. 


“ ACADÉMIE DES SCIENCES DE PARIS 


Séance du 9 Avril 1901. 


M. le Secrétaire perpétuel annonce le décès de 
M. Raoult, Correspondant pour la Section de Physique 
“énérale. — M. Sébert entrelient l'Académie de l’uti- 
lité scientifique d'une langue auxiliaire internationale, 
t lui demande de porter cette question devant l'Asso- 
iation internationale des Académies. — M. Ch. Méray 
ait connaitre particuliérement la langue internatio- 
male du Dr Zamenhof, connue sous le nom d'£speranto". 
40 SciENCES PHYSIQUES. — M. de Forcrand a été 
mnmené à modifier légèrement la loi de Trouton, et 
propose de l'exprimer sous la forme suivante : Dans tous 
es phénomènes physiques ou chimiques, la chaleur de 
olidification d'un gaz quelconque est proportionnelle 
sa température de vaporisalion sous la pression 
tmosphérique. — MM. C. Camichel et P. Bayrac ont 
étudié l'absorption de la lumière par les dissolutions 
des divers indophénols et déterminé les minima de 
transparence. Quand un azote tertiaire est remplacé 
par un azote primaire, le minimum de transparence se 
déplace vers l'extrémité ia pius réfrangible du spectre. 
— M. P. Lemoult a observé qu'en milieu sulfurique 
es benzophénones para-amidées substiluées donnent 
vec certaines amines aromatiques, à l'exclusion des 
utres, des produits de réaction qui sont des matières 
olorantes; les seules aminés qui sont capables de 
cette réaction sont celles qui ont au moins deux noyaux 
äromatiques fixés directement sur l'azole; il faut, en 
Moutre, que l’un de ces noyaux soit un phényl et qu'il 
“ait sa posilion para libre, l'azote élant en 1. 
20 SCIENCES NATURELLES. — MM. André Broca et 
Sulzer ont déterminé l'angle limile de numération 
es objets. Les résultats montrent que la numération 
s traits est une fonction plus compiexe que la recon- 
“naissance d'une lettre; elle est certainement due à des 
mouvements oculaires. — M. P. Pourquier conclut 
d'un certain nombre d'expériences que la résistance 
s moutons algériens à la clavelée n'est pas hérédi- 
taire. La clavelisation préventive des troupeaux afri- 
ains, en tant que mesure générale, lui parait, pour le 
oment, téméraire et même dangereuse. — MM. L. 
uparc et F. Pearce ont trouvé dans l'Oural moyen 
(district de Solikamsk) une nouvelle roche pyroxénique 
qu'ils appellent Æowskite. Elle est constituée par du 
diallage, de l'olivine, de la hornblende, de la magné- 
te et des spinelles chromifères. Cetle roche est tra- 
ersée par des filons plus basiques de dunnites. — 
Stan. Meunier a examiné des échantillons de la 
luie de sang tombée à Palerme, dans la nuit du 9 au 
10 mars. C’est une poussière très fine, composée en 
majeure partie de grains de quartz et de débris de 
diatomées. Il s'agit très probablement de matériaux 
arrachés par les remous atmosphériques au sol du 
Sahara. 


È 


, Séance du 45 Avril 1901. 


1° SCIENCES MATHÉMATIQUES. — M. G. Lippmann dé- 
mmoutre que la puissance représentative d’une portion 

finie de courbe continue est infiniment supérieure à 
elle d'un ensemble infini et discontinu comme le Jan- 
age écrit. — M. Emile Borel étudie la décomposition 
es fonctions méromorphes en éléments simples. Une 
fonction méromorphe d'ordre fini ne peut pas toujours se 


1 Voyez, à ce sujet, l'article de M. Méray dans la Æevue 
u 15 avril 1900, p. 417. 


ACADÉMIES ET SOCIÉTÉS SAVANTES 


ACADÉMIES ET SOCIÉTÉS SAVANTES 


DE LA FRANCE ET DE L'ÉTRANGER 


mettre sous la forme d'une fonction entière d'ordre fini et 
d'une série canonique de fractions simples. — M. Edm. 
Maillet démontre un théorème sur les racines des équa- 
tions transcendantes. — M. H. Padé étudie la fraction 
continue de Stieltjes et montre que le mémoire de ce 
savant est la tentative la plus profonde faite jusqu'ici 
pour obtenir la définition d'une fonction au moyen 
d'un tableau de fractions rationnelles approchées. — 
M. G.-A. Miller démontre que le nombre des opéra- 
lions invariantes du groupe à des isomorphismes d'un 
groupe abélien H est égal au nombre d'opérations de 
la plus haute puissance dans un des plus grands sous- 
groupes circulaires de H. r 

20 SCIENCES PHYSIQUES. — M. Eug. Bloch a consiaté 
que la résistance électrique du sélénium diminue sous 
l'action du rayonnement du radium ; cette aclion est 
de l'ordre de celle d'une lumière diffuse faible. — 
MM. André Broca et Turchini ont observé, au moyen 
d'oscillations électriques vibrant environ un million de 
fois par seconde, que les propriétés des électrolytes 
placés sur le circuit de décharge sont profondément 
modifiées. Dans des conditions convenables, il jaillit 
dans les électrolytes très conducteurs des étincelles 
disruptives extrêmement puissantes qui montrent que, 
pour des oscillations de cet ordre de fréquence, l'élec- 
trolyte se comporte à peu près comme un diélectrique. 
— M. G.-A. Hemsalech à éludié les étincelles oscil- 
lantes et l'influence de la self-induction placée dans le 
circuit de décharge. Avec les électrodes en Fe, Co, Zn, 
Cd, Cu, Al, Pb, l'intensité de l'élincelle, après avoir 
passé par un minimum peu marqué, augmente consi- 
dérablement avec l'augmentalion de la self-induction. 
— M. M. Berthelot à étudié l'action de l'eau oxygénée 
sur l'oxyde d'argent. Il se forme d'abord un peroxyde 
Ag°0? extrèmement instable, qui se décompose d'une 
part en Ag°+ 0, d'autre part en Ag°0 0. Mais une 
fraction de Ag°0 se combine avec Ag*0* pour donner 
Ag'0*, qui peul se décomposer à son tour en 2 Ag 0 +0. 
— M. E. Pozzi-Escot pense que l'acide picrique n'a 
pas la valeur que M. Popoff a cherché à lui attribuer 
comme réactif microchimique des alcaloïdes. 

30 SCIENCES NATURELLES, — MM. L. Géneau de La- 
marlière et J. Maheu ont étudié les caractères de la 
flore des mousses des cavernes; ils sont identiques, ou 
à peu près, à ceux qu'on constate dans les espèces 
qui croissent à une ombre épaisse et dans les endroits 
frais ou humides. — M. F. Kovessi donne un certäin 
nombre d'indications qui fournissent une base ration- 
nelle pour la taille des divers cépages de la vigne dans 
les diverses régions; elles apprendront, en outre, à 
exéeuter celte taille suivant les conditions climatéri- 
ques de l'année qui précède. — M. Aug. Chevalier 
communique les faits géologiques qui le conduisent à 
admettre l'existence probable d’une mer récente dans 
la région de Tombouctou. 


Séance du 22 Avril 1901. 


La Section de Botanique présente la liste suivante de 
candidals à la place laissée vacante par le décès de 
M. Ad. Chain : en première ligne, MM. B. Renault et 
R. Zeiller; en seconde ligne, MM. Bureau, Cos- 
tantin et Mangin. 

19 SCIENCES MATHÉMATIQUES. — M. E. Picard présente 
ses recherches sur les résidus et les périodes des inté- 
grales doubles de fonctions rationnelles. — M. R. Bri- 
card étudie une question relative au déplacement 
d'une figure de grandeur invariable. — M. E. Borel 
déduit de ses recherches sur les fonctions entières de 
plusieurs variables et leur mode de croissance, que 


446 


l'hypothèse qu'une fonction croissante de plusieurs 
variables est une fonction entière restreint singulière- 
ment la généralité de son mode de croissance. — 
M. G. Lippmann décrit un appareil destiné à entrainer 
la plaque photographique qui recoit l'image fournie 
par un sidérostat, avec la même vitesse de rotation que 
cette image, afin d'obtenir des images posées de tous 
les points du ciel. — M. P. Duhem, poursuivant ses 
recherches sur la propagation des discontinuités dans 
un fluide visqueux, indique une nouvelle extension de 
la loi d'Hugoniot. 

20 SCIENCES PHYSIQUES. — M. Ed. Mack a déterminé 
quelques isothermes de l’éther entre 100° et 206° avec 
l'appareil qu'ila précédemment décrit. —M. P.Chroust- 
choff indique les modifications qu'il a élé amené à 
apporter, dans ses recherches cryoscopiques, à la 
construction et à l'emploi du thermomètre électrique 
de Callendar etGriffiths, ainsi qu'à la méthode employée 
par Raoult pour la détermination de l’abaissement du 
point de congélation. — M. P. Weiss décrit un nou- 
veau système d'ampèremètres et de voltmètres indé- 
pendauts de l'intensité de leur aimant permanent; on 
arrive à ce résultat par l'emploi simultané d’un couple 
directeur magnélique prédominant et d'un couple 
directeur élastique d'importance subordonnée.— M. G..- 
A. Hemsalech poursuit l'étude de l'influence de la 
self-induction sur les spectres d’étincelles. Certaines 
raies diminuent rapidement en intensité avec l'aug- 
mentation de la self-induction. D'autres diminuent 
lentement et d'une manière continue. Enfin une 
troisième catégorie diminue, passe par un minimum, 
augmente considérablement, atteint un maximum d'in- 
tensité, et diminue de nouveau. — M. E. Kœnig a 
observé que la superposition d’un courant alternatif 
au courant continu dans un arc électrique, produit des 
oscillations lumineuses périodiques se suivant assez 
lentement pour être perceptibles à l'œil. — M. G. Trouvé 
présente un appareil qui imite les effets des fontaines 
lumineuses par la projection de grains solides au 
moyen d'un jet d'air continu. — M. G. Contremoulins 
décrit un appareil de mensuration exacte du squelette 
et des organes donnant une image nette en radio- 
graphie; il suffit de prendre deux épreuves radio- 
graphiques avec changement d'incidence du tube de 
Crookes. — M. A. Gautier a obtenu encore, dans la 
décomposition des roches cristallines en poudre, de 
l'ammoniaque, de l'azote et de l’argon provenant d'azo- 
tures et d’argonures métalliques, de l’iode et enfin de 
l’arsenic provenant d’arséniures. — M. R. Güntz, en 
chauffant à 12000 l'amalgame de baryum dans un courant 
d'H, a obtenu de l’hydrure de baryum, BaH°, solide 
grisätre, très stable. Il est décomposé par l’eau en 
baryte et hydrogène; chauffé dans un courant d'azote, 
il se transforme en azoture de baryum Ba'Az. — 
M. H. Henriet propose une nouvelle méthode de 
dosage de l'acide nitrique dans les eaux basée sur la 
transformation totale de celui-ci en hydroxylamine 
par le chlorure stanneux en excès; on titre ensuite par 
l'iode le chlorure stanneux non utilisé. — M. M. Delé- 
pine à constaté que si l’on oppose à un acélal un alcool 
autre que celui qui le constitue, il y a déplacement 
plus où moins complet de l'alcool de l'acétal initial, 
surtout si l’on chauffe en présence d’un peu de HCI. On 
peutpréparer ainsi denouveau acétals.—M. E.-E. Blaise 
indique une méthode générale de synthèse des éthers 
f-cétoniques acycliques non substilués; elle consiste 
à faire réagir les dérivés éthéro-organomagnésiens sur 
le cyanacétate d'éthyle, et à décomposer par l’eau le 
produit obtenu. L'auteur à préparé ainsi le propionyl 
et le butyrylacétate d'éthyle. — MM. Ch. Moureu et 
R. Delange, en traitant par un excès de sodium 
l'acide amylpropiolique CH — C = C — CO°H, ont 
réalisé la synthèse de l'acide caprylique CH — (CH°)° 
— COH. L’acide hexylpropiolique, dans les mêmes con- 
ditions, donne l'acide pélargonique. — MM. L. Ma- 
quenne et E. Roux, en réduisant la glucosoxime par 
l'amalgame de sodium, ont obtenu une base, la gluca- 


ACADÉMIES ET SOCIÉTÉS SAVANTES 


mine, qui parait répondre à la constitution suivante 
OH H OH OH ; 

| 
(AzH?)CH? — C — 


PE EN ERA 
NO NH RE 


lee 
G— C— C— CHOÏ. 


Son pouvoir rolatoire est de —15°,3, sans multirotations 
— M, J. Bougault à préparé l'acide paraoxyhydra= 
tropique en déméthylant son éther, qu'on obtient fac 
lement à partir de l’anéthol. C’est un corps cristallisés 
‘fondant à 1309, inactif, mais dédoublable par la mo 

phine en deux isomères actifs. — M. Bongert a fait 
réagir la phénylhydrazine sur les deux butyrylacétyl 
acélates de méthyle isomères et a obtenu un dérivé de 
la bispyrazolone. Avec l'hydrazine, on obtient soit du 
propyiméthylpyrazolcarbonate de méthyle, soit de la 
méthylpyrazolone. — M. G. Favrel, en faisant réa 

les éthers alkyleyanacétiques sur les chlorures di 
azoïques, à obtenu des phényl- (toluyl-) hydrazone-c 
nitriles butyriques. — MM. Amé Pictet et A. Rotsch: 

ont retiré du tabac du Kentucky trois nouveaux alca= 
loïdes : la nicotéine, C'H'?A7?, liquide; la micotelline; 
C!°HSAz=, solide, fondant à 1470-1480; la nicotimine, 
CH%A7?, liquide, isomère de la nicotine. —M. Rosen> 


sthiel a constaté qu'en engageant la nitramine dans 
une combinaison azoïque sulfonée, on lui confère une 
solubilité qui lui manque à l’état de liberté et qui fac 
lite toutes les réactions des agents réducteurs, dont 
l’action s'exerce sur la nitramine seule, sans que le 
sulfo-naphtol intervienne par sa substance, — M. 
Maillard a constaté que la matière rouge, soluble dans 
le chloroforme, qui se produit à l’air dans les urines: 
sous l’action de HCI, est de l’indirubine; elle provient 


digo qu'elle peut remplacer eu totalité; les méthodes 
de dosage des dérivés indoxyliques basées sur le dosage: 


du bleu d'indigo seul sont donc illusoires. —MM. Louise 
et Riquier donnent une formule qui permet de calculer 
l’'écrémage et le mouillage dans les analyses de lait. 
M. E. Manceau a étudié la seconde fermentation © 
prise en mousse des vins de Champagne. La fermenta= 
tion partielle du sucre est la cause principale de læ 
variation des proportions de sucre exigées par les dif 
férents vins pour acquérir la même pression. 

3° SCIENCES NATURELLES. — M. A. Chauveau démontre 
que, daus les moteurs inanimés comme dans le mus: 
cle, moteur animé, l'énergie consacrée à l’exécution du 
travail mécanique positif a une double destination :4l 
est dépensé de l'énergie pour créer les forces de soutien 
qui équilibrent les charges à soulever (travail 
intérieur) ;ilenestdépensé pour créerles forces motrices 
qui opèrent le soulèvement de ces charges (4ravai 
extérieur). — M. A. Robert a étudié au Laboratoire de 
Roscoff les premiers phénomènes du développement 
des Trochus maqus et Tr. Conuloïdes ; la segment 
tion est tout à fait semblable chez ces deux types, et 
analogue à celle des Crepidula. — Me Rondeau-Luzeau 
a observé l’action des solutions isotoniques de chlorures 
et de sucre sur les œufs de /?ana fusca. Il ÿ a un co 
mencement de segmentation, qui s'arrête à des stades. 
variables suivant les chlerures. — M. G. Weiss a excité 
des nerfs et des muscles par des ondes de très courte 
durée (0”,0001), et a observé qu'avec un courant continu 
la quantité d'énergie mise en jeu pour provoquer l’exci= 
tation passe par un minimun pour une durée déter 
minée de passage du courant. — MM. Albert Frouin. 
et M. Molinier ont étudié l’action de l'alcool sur la 
sécrétion gastrique. L'hypersécrétion provoquée pan 
l'alcool n'est pas due seulement à uve action locales 
ou à l'action sur les terminaisons nerveuses des voies, 
guslalives ; c'est à une aclion spéciale sur le système 
nerveux que l'alcool doit son effet. — M. Stan. Meunier 
expose un mode de formalion du minerai de fer ooli= 
thique de Lorraine, qui est en contradiction avec celub 
admis par M. G. Rolland. Pour lui, le calcaire s'est 
déposé dans la mer thoarcienre sous forme de limon, 


ACADÉMIES ET SOCIÉTÉS SAVANTES 


A47 


puis a pris la forme oolithique; puis il a été baigné par 
des solutions ferrugineuses, dont les molécules de cal- 
caire ont retenu peu à peu tout le fer. Louis BRUxET. 


ACADÉMIE DE MÉDECINE 


Séance du 9 Avril 1901. 


M. Debove signale la pullulation des moustiques dans 
“certains quartiers de Pa:is. S'il est probable que ces 
“Insectes ne transmeltent à Paris aucune maladie con- 
tagieuse, ils n'en sont pas moins des hôtes très incom- 
modes. M. Debove demande donc que la Ville de Paris 
supprime ses eaux slagnantes dans les places et jardins 
publics, et les remplace par des eaux courantes, où 
qu'elle y fasse verser la pelite quantité de pétrole néces- 
#saire pour arrêter le développement des moustiques. 
MM: Vallin, Laveran et Proust s'associent à ces ob- 
servalions. — M. L. Hugounenq communique ses re- 
cherches sur la composition minérale de l'organisme 
du fœtus humain et de l'enfant nouveau-né, La /evue 
publie dans le présent fascicule un article détaillé sur 
celte question. 
: Séance du 16 Avril 1901. 


- M. le Président aunonce le décès de M. Costomiris, 
Correspondant étranger. 

. M. Farabeuf fait remarquer que les bords de la 
- Bièvre sont infestés de moustiques dont la piqüre est 
souvent très douloureuse; il appelle l'attention de la 
Commission des Moustiques sur celte situation. — 
M. Liégeois rappelle qu'il a obtenu, depuis une quin- 
zaine d'années, de bonus résultats dans le traitement de 
la chlorose par l’acétophosphate de cuivre. D'autres 
médecins étrangers, Meudini, Hare, Cervello, etc., ont 
obtenu des résultats analogues par l'emploi de divers 
sels de cuivre. — M. Delorme attire l'attention sur la 
… nécessité du lavage complètement aseptique du linge 
sale, et décrit les procédés usités dans divers hôpitaux 
pour arriver à ce but. Il propose à l'Académie d’en- 
nager l'autorité civile à prescrire, dans les lavo rs 
publics, l’usage de Jessiveuses-désinfecteuses; d'en 
proposer la généralisation à l’Assistance publique, et à 
tous les hôpitaux civils, militaires et coloniaux. — 
M. Galezowski lit un mémoire sur les névrites optiques 
paludéennes. 


Séance du 23 Avril 1901. 


M. J. V. Laborde présente un rapport sur un 
mémoire de M.J. de Tarchanoff, relalif à l'influence 
de la quinine sur les muscles striés pendant la chloro- 
formisation. Cet alcaloïde produit, dans les muscles, 
“une perte de la transparence, de l'élasticité et de 
l'irritabilité; ils sont devenus opaques et rigides. — 
M. H. de Brun a obtenu d'excellents résultats dans le 
traitement de la lèpre par l'ichtyol à l'intérieur ; la dose 
peut aller jusqu'à 10 grammes par jour. Quant à l'ichtyol 
administré à l'extérieur, l’auteur n'en a retiré aucun 
avantage. — MM. Peugniez et Rémy communiquent 
uue note sur l'extirpation des projectiles logés dans 
Jencéphale, avec une observation de plaie pénétrante 
“du crâne par arme à feu. — M. Fochier donne lecture 
d'un mémoire sur uu cas de dyslocie grave dans un 
- utépus bicorne. 


_ SOCIÉTÉ DE BIOLOGIE 


Séance du 30 Mars 1901. 


le cœur isolé. C'est un poison systolique ; si parfois le 
ventricule de la grenouille, emprisonné et arrêté, ren- 
“ferme encore du sang, cela tient vraisemblablement à 
sun état particulier de fatigue du myocarde. — M. F. 
Henneguy a fait des essais de parthénogenèse expéri- 
mentale sur les œufs de grenouille avec des solutions 
salines: les meilleurs résultats ont été obtenus avec les 
azotates de potasse et d’ammoniaque qui ont produit 
des segmentations allant jusqu'au stade 16. — M. G. 


Maréchal a observé le développement de spores dans 
les cultures pures du bacille de Ducrey, ainsi que la 
formation d'une capsule autour du microbe et de la 
spore dans le chancre mou et la syphilis. — M. A. Tho- 
mas décrit les altérations des cylindres-axes dans la 
sclérose en plaques, ainsi que l’évolution pathologique 
de la névroglie dans la même maladie. — MM. A. Tho- 
mas et P. Loew ont étudié les altéralions des cordons 
postérieurs dans les tumeurs de l'encéphale. — M. An- 
dré Lombard démontre, par des expériences sur l'atro- 
pine et la sirychnine, qu'en pénétrant dans la circula- 
lion, les poisons alcaloïdiques sont d'abord fixés sur les 
leucocytes. Dans ce cas, l'animal est réfractaire; dans 
le cas contraire, il y a empoisonnement général par 
diffusion dans le sérum. — M. G. Linossier a reconnu 
expérimentalement que l'acide salicylique s'élimine 
aclivement par la bile; toutefois la proportion est in- 
suffisante pour qu'on puisse lui atribuer, comme on 
le supposait, une action antiseplique directe impor- 
tante dans les affections biliaires. — M. Hanriot montre 
que certains oxydes métalliques (sesquioxyde de fer, 
d'alumine, ete.) peuvent jouer vis-à-vis des acides or- 
ganiques un rôle analogue à celui de la lipase. Cette 
constatation et d'autres faites concordent avec l'hypo- 
thèse que la lipase serait un sel de fer. — M. J. Simo- 
nin a observé dans les selles dyssentériques la présence 
presque constante de l'entérocoque, qui était le com- 
pagnon à peu près exclusif du colibacille. — MM. Sa- 
brazès el Fauquet ont constaté que la première urine 
du nouveau-né après l'accouchement esl douée de pro- 
priélés hématolytiques. — MM. Calugareanu et V. 
Henri ont observé chez un chien une salivation très 
abondante, pendant la maslication, à la suite de la su- 
ture croisée des nerfs hypoglosse et lingual. — M. Ch. 
Schmitt a reconnu qu'à pouvoir sucrant égal la saccha- 
rine relarde moins la digestion que le sucre. — MM. 
Gilbert el P.Lereboullet ont constaté que la cause prin- 
cipale de la splénomégalie dans les cirrhoses biliaires, 
c'est la superposition de deux facteurs : infection et 
congeslion passive. M. R. Suzor a reconnu expéri- 
meulalement que le jaune d'œuf cru constitue une subs- 
tance alimentaire de premier ordre, par la voie hypo- 
dermique. Il constitue en même temps, et employé de 
la même facon, un stimulant et un releveur de Ja nu- 
trilion générale de tout premier ordre, utile dans tous 
les cas d'épuisement, y compris les cas de démence. — 
Le même auteur a traité avec succès des accès de mi- 
graine et de névralgie faciales par des applications de 
cocaine dans la narine, du côté où siège la douleur. — 
M. G. Leven montre l'utilité d'une alimentation 
d'épreuve dans les recherches sur la nutrition. — MM. 
Milian et Legros ont étudié le liquide céphalo-rachi- 
dien dans le tétanos spontané. Il conserve sa limpidité 
ct ne renferme ni germe microbien, ni toxine. — MM. 
Ch. Achard et M. Loeper moutrent l'existence d’un 
mécanisme régulateur de la composition du saug à 
l'élat normal, qui subit des variations pathologiques. 


Séance du 20 Avril 1901. 


M. A. Laveran a étudié le Piroplasma equi, héma- 
tozoaire endoglobulaire qui produit une maladie des 
chevaux dans le sud de l'Afrique. Il n’a rien de 
commun avec l’hématozoaire du paludisme, comme 
on l'avait pensé d'abord. — M. A. Laveran a reçu de 
diverses localités où règne le paludisme des échantil- 
lons d'Anopheles (Bonifacio, Constantine, Orléansville, 
Haut-Tonkin, Brésil). — M. Kronecker crilique les 
méthodes servant à déterminer les manifestations ex- 
lérieures de l'activité du cœur. — M. E. Hédon signale 
l'action antitoxique du sérum et du phosphate acide 
de soude contre certains glycosides hémolytiques toxt- 
ques pour les Poissons (cyclamine, saponine, solanine). 
— M. H. Ribaut a constaté que la caféine à dose faible 
abaisse l'élimination azotée; à dose forte, elle l'aug- 
mente. — M. A. Pugnat démontre que le mode d'ac- 
lion des urines vis-à-vis des globules rouges dépend de 
leur degré de concentration moléculaire, le laquage 


148 


ne se produisant qu'avec des urines hypotoniques au 
sang. — M. A. Sicard propose de remplacer la mé- 
thode des injections sous-arachnoïdiennes par celle 
des injections extra-durales par voie sacro-coccy- 
gienne; cette dernière est d’une inocuilé absolue. — 
M. E. Gley a trouvé, dans le corps thyroïde d'un 
homme atteint de goitre exophtalmique, 2 milligrammes 
d'iode pour 100 grammes de glande fraiche. — M. G. 
Weiss montre que lorsqu'une onde électrique traverse 
un nerf, le seuil de l'excitation est d'autant plus élevé 
que l'onde est plus fréquemment interrompue. — 
M. A. Imbert cite divers laits à l'appui de l'hypothèse 
d'Haughton, d’après laquelle la forme même de cer- 
tains muscles produit dans leur fonctionnement une 
dépense inutile d'énergie. — M. L. Lutz présente 
une bougie-pipette pour stérilisation et répartition di- 
recte des liquides. — M. $S. Jourdain à observé que 
les escargots, en se promenant à la surface des vitres, 
produisent un son musical analogue à celui qu'on ob- 
tient en promenant un doigt humide à la surface d'une 
lame de verre, — M. CI. Regaud a éludié le mode de 
formation des chromosomes pendant les karyokinèses 
des spermatogonies chez le rat. Les demi-chromosomes 
résultent de deux segmentalions {transversales succes- 
sives, sans fissuration longitudinale. — Le même au- 
teur a observé une transformation para-épithéliale des 
cellules interstitielles dans les testicules d'un chien, 
probablement à la suite d’une orchite ancienne. — 
MM. G. Félizet et A. Branca poursuivent leurs re- 
cherches histologiques sur le testicule ectopique par 
l'étude des fibres élastiques et des épithéliums. — 
M. A. Dastre à observé que les matières grasses chez 
les Crustacés sont localisées dans le foie. — M. J. Le- 
fèvre, à propos des notes de MM. Lagriffe et Maurel 
sur la mort par réfrigération, rappelle qu'il à déjà 
étudié et décrit antérieurement le mécanisme de la ré- 
sistance au froid. Il a, de même, reconnu quil y a 
constamment augmentation du rendemént de travail 
chez l'homme, sous l'action brusque ou même pro- 
longée du froid, et chaque fois que le froid fait suite à 
l’action du chaud. — M. G. Meillère a reconnu, dans 
la recherche toxicolosique du plomb, que la présence 
des phosphates introduits par les cendres des organes, 
empêche la précipitation électrolytique à l'état d'oxyde 
puce. — MM. A. Frouin et M. Molinier: Action de 
l'alcool sur la sécrétion gastrique (Voir page 446). — 
MM. A. Valdiguié et J. Larroche ont constaté que le 
suc de pommes de terre possède les propriétés géné- 
rales des ferments solubles, en particulier un fort pouvoir 
réducteur. — MM. E. Lesné et P. Merklen montrent 
que les urines dans les gastro-entérites des nourris- 
sons, comparées aux urines des nouveau-nés sains, 
possèdent un point cryoscopique hypertonique, ei un 
chiffre de chlorures diminué. — M. G. Poujol décrit 
un procédé de récolte et de répartition applicable aux 
grandes quantités de sérum. — M. E. Maurel a constaté 
que, sous l'influence d'une alimentation faiblement 
azotée, l'acide urique tombe à de très faibles propor- 
tions; il en est probablement de même des autres com- 
posés azotés de l'urine représentant les produits de 
désassimilation incomplète; ces produits doivent dimi- 
nuer également dans l'organisme. — Le même auteur 
a étudié l'élimination urinaire des chlorures; elle est 
normalement de 0,20 à 0,25 grammes par kilogramme 
de poids. Si l’on restreint l'absorption de NaCl, l'élimi- 
nation ne peut pas descendre au-dessous de 0,05 gr. 


DE 
SOCIETE FRANÇAISE DE PHYSIQUE 
Séance du 19 Avril 1901. 

M. H. Pellat, président, rend compte des réunions 
tenues pendant la semaine de Pâques. — M. P. 
Lauriol expose les récents progrès relalifs à l'éclai- 
rage, au chauffage et à la force motrice, et en même 
temps ses recherches personnellés sur ces diverses 
questions. Il passe en revue les progrès de l'éclairage 
au gaz par incandescence, qui permet actuellement de 


ACADÉMIES ET SOCIÉTÉS SAVANTES 


ne brûler que 10 à 15 litres de gaz (soit 0 fr. 003) pan 
carcel-heure, au lieu des 105 litres qu'exigeait le be 
Argand et 430 qu'exige le bec papillon. Il indiqu 
les diverses méthodes de produetion des gaz pauvres 
(gaz à l'eau), obtenus par le passage de Ja vapeur d’eaw 
sur le charbon incandescent, auxquels, en Angleterre, 
on mêle des vapeurs de pétrole; on oblient ainsi un 
mélange pratiquement comparable au gaz ordinaire, a 
triple point de vue de l'éclairage, du chauffage et de 
la force motrice. Les lampes à pétrole lampant, qui ont 
malheureusement l'inconvénient de siffler et dont l’allus 
nage exige quelques minutes, ne consomment par 
carcel-heure que 4 grammes de pétrole, soit 0 fr. 0012, 
tandis que les lampes à pétrole ordinaire consommen 
dix fois plus. Le prix élevé du carbure de calcium (au 
moins 25 centimes le kilo) porte à 0 fr. 0072 le carcel= 
heure fourni par l’acétylene. L'auteur insiste sur les 
inconvénients des orifices très fins d'écoulement des 
l'acétylène qui sont nécessaires et malheureusement, 
difficiles à réaliser parfaitement ; il indique des résultats 
personnels relativement à l'éclairage par l'acétylènes 
L'incandescence par l'acétylène fournit le carcel-heure 
à Ofr.0015. M. Lauriol passe ensuite à l'électricité. A 
parle des lampes à arc sans rhéostat employées avec 
succès dans quelques rues de Paris, des nouvelles” 
lampes à incandescence (lampe à osmium de M. Auer, 
lampes à filament de bas voltage, lampes à filament des 
haut voltage 220 volts). Le chauffage électrique 
revient à 145 centimes le kilowatt-heure, prix environ 
égal à 6 fois celui que coûte le chauffage au gaz. D'après. 
des expériences de l’auteur, il y a, dans le chautfage 
au gaz, perte de la moitié de la chaleur dans la 
cheminée. La calorie-gaz ne coûterait que 1/12 de la 
calorie électrique si elle était utilisée intégralement» 
— À propos de la communication de M. Lauriols 
M. H. Le Chatelier indique un progrès intéressant 
relatif à la fabrication du gaz à l'eau. Il insiste surle 
fait que le gaz à l’eau ne donne pas un rendement 
supérieur à celui du gaz pour l'éclairage par incan= 
descence. Il dit qu'il serait intéressant d’avoir des, 
renseignements sur la compression du gaz et sur 
l'utilisation du gaz comprimé dans des appareils de 
petites dimensions, M. Pellat demande des renseis 
gnements sur les précautions prises pour Éviter 
l'empoisonnement par l'oxyde de carbone des gaz à 
l'eau. M. Lauriol répond que l'on peut donner une 
odeur très forte aux gaz à l'eau par la carbylamine. I 
faut naturellement pour le gaz à l’eau (qui renferme 
40 °/, en volume de CO) de bonnes canalisations, 
aussi bien d'ailleurs que pour le gaz d'éclairage (qui 
renferme 7 à 8 /° de CO). M. Le Chatelier exprime le 
désir que l’on puisse se procurer des becs pour le gaz 
comprimé. Il insiste sur la facilité avec laquelle la 
compression est possible au moyen des petits moteurs 
à air chaud, système Henrici, dont l'installation n'en 
traine qu'une dépense insignifiante. 


SOCIÉTÉ CHIMIQUE DE PARIS 
Séance du 22 Mars 1901. 


M. Engel présente un mémoire de M. de Coppet. 
sur Ja cristallisation spontanée de  l’hydrate 
Na?S04, 10H20 dans les solutions sursaturées de sulfate 
de sodium, avec des remarques sur leslimites de l'état, 
métastable de ces solutions. — M. A. Gautier commune 
nique une méthode de séparation et de dosage de 
l'hydrogène sulfuré, des sullures et des polysulfures: 
— M. Ad. Jouve recherche le sélénium dans l'acide 
sulfurique, au moyen d’un courant de gaz acétylène; 
la sensibilité, qui atteint environ 1/1.000.000°, est plus 
grande, de beaucoup, que celles que donnent les 
réactifs connus, tels que la codéine ou le gaz sulfureux. 
— M. l'abbé J. Hamonet a fait réagir quelques métaux 
sur le butane diiodé ou dibromé en vue d'obtenir le 
Lélraméthylène, mais jusqu'ici ce corps n'a pu être. 
préparé. Avec le sodium, la réaction est extrèmement 
violente; la masse charbonne et le gaz dégagé contient 


“une très forte proportion d'hydrogène. Si l’on dilue le 
mbutane dihalogéné dans le benzène, le loluène ou le 
Kylène, il n’y a plus réaction, même à la température 
“d'ébullition de ces liquides. Avec le zinc en présence 
de l'alcool à 75° (réaction de Gustavson pour le trimé- 
ylène), il se dégage un gaz qui contient 20 °/, d’hy- 
drogène, 10 ‘ d'un composé immédiatement absor- 
bable par le brome et 10 °/, de bulane. Sur le zinc 
Seul, le diiodobutane et le dibromobutane agissent 
lentement à la température du laboratoire, 12 à 16», 
‘en donnant de l’éthylène, comme si la chaîne tétra- 
méthylénique se brisait au moment de se fermer. — 
: Delépine expose les résultats oblenus en opposant 
maux acétals d’alcools monovalents, divers alcools mo- 
novalents, bivalents, trivalents, tétravalents et hexava- 
lents. Dans tous les cas il y a une réaction, c'est-à-dire 
“un déplacement plus ou moins avancé de l'alcool pri- 
milif par le nouvel alcool. Cette méthode revient en 
somme à faire de nouveaux acétals avec des acélals 
mdhifférents déjà obtenus; elle conduit à la formation 
… d'acétals déjà connus ou inconnus dont la description 
sera faite ultérieurement. — M. Ch. Moureu s'est pro- 
posé de montrer que le réactif découvert par M. Gri- 
gnard (iodures d'alcoyl-magnésium) pouvait attaquer 
des composés oxygénés autres que ceux du carbone. 
L'action de l'iodure d'éthylmagnésium sur le nitrite 
d’amyle lui a donné de la diéthylhydroxylamine 
Az(C°H°)20H; avec le nitroéthane, il a obtenu la même 
base, mélangée d’un autre composé, qu'il suppose être 
l'oxyde de triéthylamine Az(C*H5}O. Le nitrate de 
méthyle réagit aussi très énergiquement ; il y a pro- 
luction d'un mélange basique, possédant des proprié- 
“tés réductrices très nettes. L'auteur a commencé 
Jétude des composés oxygénés du soufre; le phényl- 
ulfonate de méthyle et lesulfate d'éthyle sont attaqués 
“violemment par les iodures d'alcoyl-magnésium; le 
sujet est en cours d'expériences. Il n'est pas douteux 
que les composés oxygénés des autres métalloïdes ne 
soient dans le même cas. M. Moureu poursuit la solu- 
ion de ces différents problèmes en collaboration avec 
M. R. Delange et M. H. Desmots, Il espère que cette 
étude apportera quelques fails précis, qui seront de 
nature à éclairer peut-être définitivement la structure 
intime des acides minéraux oxygénés, c'est-à-dire le 
mode de liaison de l'oxygène avec l'élément spécial 
contenu dans chacun de ces acides. — M. P. Lebeau 
“expose le résultat de ses recherches sur les composés 
binaires de fer et de silicium. L'étude qu'il a faite de 
ces combinaisons établit nettement l'existence, dans 
les ferrosiliciums industriels, des siliciures SiFe?, SiFe et 
SiFe.Il donne, en outre, des procédés de préparation 
qui lui ont permis d'obtenir ces composés purs et cris- 
allisés el de faire l'étude de leurs principales pro- 
priétés,; et il montre également que la siliciuration du 
fer par les procédés électromélallurgiques peut avoir 
deux limites correspondant à la formation des com- 
posés SiFe ou Si*Fe suivant la nalure des matières pre- 
….mières employées. — M. Grimbert, en étudiant l’action 
du Bacillus tartricus sur les hydrates de carbone, a 
constaté, parmi les produits de la fermentation, la 
présence constante de l'acétylméthylcarbinol, qu'il a 
caractérisé par l'ensemble de ses propriétés et la for- 
mation de son osazone C'H*Az, fusible à 243° et qui 
lui est commune avec le biacétyle. Il serait intéressant 
de rechercher si d’autres ferments jouissent de la 
ème propriété, ou si elle est caractéristique du 
B. lartricus seul. 


Séance du 26 Avril 1901. 


…. M. R. Fosse à étudié l'un des corps obtenus par 
Rousseau dans l’action du chloroforme sur le 8-naphtol. 

Le corps considéré par Rousseau comme un binaphthy- 
ne-alcool : : 

CSHS$— COH 

CÆHUO ou | ï 

C'H°— CH 

possède la formule suivante : 


3 


ACADÉMIES ET SOCIÉTÉS SAVANTES 149 


CH 
CH2%0?2 OH — CH —C È . 
ou PA 


c’estle naphtylol-naphtyl-oxynaphtyl-méthane. M. Fosse 
démontre cette formule par l'analyse de ce corps et de 
ses élthers méthylique, éthylique, acétique, le dosage 
de l'acide acétique dans l’éther acétique, la cryoscopie 
de l’éther méthylique et enfin la synthèse en partant 
de l'aldéhyde oxynaphtoïque et du 8-naphtol : 


OH — CH5— COH + 2C!H70H — 2H20 
,CHS 
+ OH — C'OH5— CH£ )0, 
SG 


Le naphtylol-naphtyl-oxynaphtyl-méthane, cristallisé 
dans le nitrobenzène, puis dans l’acétone, se présente 
en belles aiguilles prismatiques, incolores en retenant 
du dissolvant ou opaques par dessication. Ce corps x 
fond à 273° en un liquide brun. L'éther méthylique fond 
à 255°, éthylique à 304°, acétique à 2850, Cette substance 
présente la curieuse propriété, quoique phénol, d'être 
insoluble dans les alcalis en solution aqueuse, mais de 
se dissoudre dans les alcalis en solution alcoolique d’où 
l'eau la précipite inaltérée. Pour démontrer que ce 
corps possède bien OH phénolique, sur le conseil de 
M. Haller, M. Fosse à fait directement Ja synthèse de 
l'éther méthylique, en partaut de l'éther méthylique 
de l'aldéhyde oxynaphtoïque et du &-naphtol: 


CH°— O0 — CH$ — COH + 2C!°H70H — 21120 


à Coprs 
+ CH°— O0 — CH — CHS > 
+ CH— € H°—( ED 0e 

Le corps oblenu fond à 2550, il est identique à celui 
préparé par l'action de l'iodure de méthyle sur le 
naphtylol-naphtyl-oxynaphtyl-méthane potassé. — 
M. L.-J. Simon a comparé, au point de vue de la réac- 
tion colorée qu'ils donnent avec le perchlorure de fer 
l'acide salicylique C'H‘0* et l'acide isopyrotritarique 
CH"0# qu'il a isolé dans les produits de la calcination 
de l'acide tartrique. 11 en résulte qu'il ne serait pas 
impossible que l'acide isopyrotritarique soit précisé- 
ment la substance que l'on prend parfois pour l'acide 
salicylique dans la recherche de ce corps, dans les 
boissons alimentaires et en particulier dans les vins. — 
M. Le Chatelier présente une note de M. Georges 
Rosset sur une pile électrique à dépolarisant, sponta- 
nément régénérable par oxydation directe à l'air. — 
M. L. Maquenne décrit une nouvelle base qu'il a 
obtenue, en collaboration avec M. E. Roux. en réduisant 
la glucosoxime par l'amalgame de sodium; ce corps, 
qu'il désigne sous le nom de glucamine, est une base 
forte dont la plupart des sels sont sirupeux et incris- 
tallisables. L'oxalate est en paillettes hexagonales inco- 
lores. Sa conslitution est celle d’un aminohexane- 
pentol C°H!*Az0*, diflérant des glucosamines connues 
par deux atomes d'hydrowène en excès. — M. Grignard 
se réserve l'emploi en chimie organique des combi- 
paisons alcoylohalogénées du magnésium qu'il a décou- 
vertes. 


SOCIÉTÉ DE CHIMIE DE LONDRES 


Séance du 21 Mars 1901. 


MM. S. B. Schryver et F. H. Lees ont constaté 
que, dans la décomposition par l’eau de la bromo- 
morphide, il se forme, à côté de l'isomorphine, une 
autre base isomère, la f-isomorphine. Celle-ci se forme 
également dans la décomposition de la chloromorphide. 
L'isomorphine donne facilement un méthiodure dia- 
célylé CHU(OCH*.CO)OAZCH'I. La  bromocodéide, 
traitée par l’eau, fournit également de l'isocodéine, qui 
donne, par traitement avec CH'I, un méthiodure C‘H:8 
O*(OCH°) AzCH°T. On arrive à ce même dérivé à partir 
du méthiodure d'isomorphine par diverses réactions, 
ce qui montre les relations de ces deux corps. On en 


450 


déduit pour le méthydroxide d'isomorphine la consli- 
tution d'une phénolbétaine : 
0 
C'°H150°4 | 
Az(CHS)° 


D'une autre série de réactions, les auteurs déduisent 
que l'isomorphine contient absolument les mêmes 
groupes que la morphine; les formules de ces deux 
bases seraient donc probablement: 


AN 
Ê NH | pe 
CENT CY 
| AACH (L 
| -ér Zn —0 
PIN | | 
Be RING 
HoÛ lou | 
/ Az-08 cn: 
ou | 
CH® 


Morphine (Knorr). Isomorphine. 

M. H. A. D. Jowett poursuit ses recherches sur la 
constitution de la pilocarpine. L'isopilocarpine, traitée 
par le brome en solution acétique, donne un perbro- 
mure de dibromoisopilocarpine, avec un peu de mono- 
bromoisopilocarpine et d'acide isopilocarpinique. Ce 
perbromure, traité par AzH*, se transforme en dibro- 
moisopilocarpine. Celle-ci, oxydée parle permanganate, 
donne de l'acide pilopinique C$H'!O*Azet de l'acide pilo- 
pique C’H'°04. Quand l'isopilocarpine est traitée par le 
brome en solution aqueuse, on obtient des acides bro- 
més. L'acide dibromoisopilocarpinique, traité par 
l'amalgame de sodium, donne de l'acide pilopique. 
Réduit par le zine en solution acétique, il fournit par 
contre une lactone, l'isopilocarpinolactone, G'H10*A7?, 
lévosyre. La bromuration de la pilocarpine donne des 
résullats analogues à celle de l’isopilocarpine. Les aci- 
des bromopilocarpiniques fournissent par réduction de 
l'acide pilocarpinique. — M. A. Harden a contaté que 
le Bacillus coli communis fait fermenter le glucose en 
produisant environ la moilié d'acide lactique, puis de 
l'alcool, de l'acide acétique, CO®,H et de petites quantités 
d'acides succinique et formique. L’acide lactique est un 
mélange d'acide inactif et d'acide gauche. Le d-fruc- 
tose donne les mêmes produits de fermentation; le 
l-arabinose et le d-galactose produisent également de 
l’acide lactique gauche. Le mannitol donue une plus 
forte proportion d'alcool; la production de ce dernier 
semble dépendre de la présence du groupe CH*(0H). 
CH.OH. En présence d'acide aspartique comme aliment 
azoté, la fermentation a lieu de même, mais la majeure 
partie de l'hydrogène produit est employée à réduire 
l'acide aspartique en succinate d'ammonium. M. Pakes 
faitremarquer que les décompositions bactériennes ont 
lieu très différemment suivant qu'elles se produisent 
en présence où à l'abri de l'air. — M. G. D. Lander à 
étudié l'action de l'oxyde d'argent sec et du iodure d’é- 
thyle sur l'éther benzoylacétique, la déoxybenzoïine et le 
eyanure de benzyle. Avec le premier, on obtient de 
l'éther éthylbenzoylacétique, avec de très faibles quan- 
tités d'étherf-éthoxycinnamique.Avecla déoxybenzoïne, 
il se forme un peu de bidésyle. Avec le cyanure de ben- 
zyle,la décomposition est plus profonde; on obtient du 
dicyanostilbène. — Le même auteur a étudié lalkyla- 
tion des acylarylamines par l'oxyde d'argent sec et les 
iodures d’alkyles. Avec l'iodure d’éthyle, on oblient 
seulement des imino-éthers, tandis que l'iodure de 
méthyle donneun mélange d'acylalkylamines normales 
et d'imino-homologues. Les imino-éthers se distinguent 
de leurs isomères : 4° par leur état liquide à la tempé- 
rature ordinaire; 2° par leurs points d'ébullition qui 
qui sont de 30 à 50° inférieurs à ceux des acylalkyla- 
mines; 3° par le fait que leurs chlorhydrates chaultés 


ACADÉMIES ET SOCIÉTÉS SAVANTES 


régénèrent les acylarylamines par perte de chlorure 
d'alkyle; 4° par leur rapide hydrolyse au moyen de 
HCI dilué, en amine, acide et alcool. — M. G. D 
Lander a encore cherché à préparer des imino* 
éthers aliphatiques à partir des amides. En chauffant de 
l'oxamate d'éthyle avec de l'oxyde d'argent sec eb 
de l'iodure d'éthyle, il a obtenu l'éther diéthyliqu 
semi-imino-oxalique. L’uréthane, dansles mêmes con» 
ditions, donne de l'iminocarbonate diéthylique à côté 
d'un peu de cyanurate triéthylique. — M. H. Cromp> 
ton présente une note sur la détermination théorique 
de la chaleur latente de vaporisation des liquidess 
Imaginons une vapeur saturée dans un élat assez 


rarélié pour obéir à la loi PV—RT. Supposons qu'il soit 


possible, à température constante et par la compres 
sion seulement, de réduire le volume V, de la vapeur 
à celui que le liquide qu'elle forme occuperait normaæ 
lement (soit v.), sans qu'il se produise de changement 
d'état, et la substance continuant à obéir à loi des gaz 
pendant la compression. Le travail accompli pendant 
ce changement de volume est : 


ç y 7 
[rar = f ay = RTIo8 


- n 0 


et comme il ne se produit aucun changement de tem= 
pérature, une quantité de chaleur équivalente à ce 
travail est dégagée pendant la compression, La vapeur 
occupe maintenant le volume du liquide, mais n’est pa 

liquide. C'est, par hypolhèse, un gaz à haute pressionss 
et si la pression est réduite à sa valeur initiale, le gaz 
se dilatera jusqu'à son volume primitif. Pour former le 
liquide, la substance doit être placée dans un état tel 
qu'il soit possible de réduire la pression jusqu'à la 
tension de vapeur normale du liquide, sans changements 
de volume. En supposant qu'il ne se produise aucune 
variation d'agrégation moléculaire, la substance doit. 
donc être débarrassée de l'énergie potentielle d’expans 
sion du gaz, c’est-à-dire de l'énergie qui rendrait capables 
les molécules de la substance d'occuper leur volume 
primitif en retournant à la pression initiale. Cette 
énergie est égale à celle qui est libérée en comprimant 
la substance, soit RTlog, V,/v..Sielle est mise sous formes 
de chaleur, la quantité totale de chaleur dégagre pen= 
dant la formation du liquide aux dépens de la vapeur 
sera 2RT log, V,/v, c'est-à-dire la chaleur latente de» 
vaporisation. Si V, el v, sont pris pour 1 molécules 
gramme, R devient égal à 1,976 calorie, el2 RTlog, Vo/Wo 
est la chaleur moléculaire de vaporisation. En divisants 
par le poids moléculaire M, on obtient la chaleur latente 
de vaporisation dans les unilés ordinaires. Les obser= 
vations de Cailletet et de Mathias permettent de vérifier 
la formule précédente dans d'assez larges limiles (Pas 
bleau 1). D, est la densité de vapeur, & la densité du 
liquide, et / la chaleur latente de vaporisation. 


Tagceau |. — Comparaison des chaleurs latentes den 
vaporisation observées et calculées par la formule 
de Crompton. 


“D D, ds M L'obs. | / cal. 
COM 0.0%#% [1,110 4% |72,23. MH 
es 0,099 [0,90 4% 157,48 |54,26 
_— 0,233 [0,720 ## [31,80 
A20 0,044 [0,998 4% 66,90 
— 0,081 |0,890 4% [59,50 
— 0,151 [0,755 44 |13,25 
SO? 0,0045/1,4338] 6% 91,2 
— 0,0136/1.3520| 64 80,5 |86,05 
— 0,036411,2425| 64 168,4 |70,03 


On voit que la concordance des résultals est assez 
bonne. Les écarts proviennent de ce que la vapeur 
saturée au point d'ébullition n'est pas un gaz parfait ets 


possède généralement une densité un peu plus élevée 
“que celle qui correspond au poids moléculaire normal 
“de la substance. — MM. Bohuslav Brauner et 
“FN, Pavlicek out déterminé à nouveau le poids ato- 
“nique du lanthane, retiré de la cérite, purifié par cris- 
mtallisation fractionnée du nitrate double ammoniacal, 
met soumis ensuite à la précipitation fractionnée par la 
mpotasse. Pour la détermination, l'oxyde est converti en 
sulfate; celui-ci, chauffé à 450° et pesé plusieurs fois, 
“diminue de poids jusqu'à une certaine limite; chauflé 
dans une atmosphère de carbonate d'ammoniaque, 
il diminue encore de poids jusqu'à un nombre con- 
stant qui correspond à La—138,2. Or, si l'on reprend 
le résidu par l'eau, on constate qu'il est fortement 
acide, et qu'il contient, à côté du sulfate neutre, une 
mpelite quantité de sulfate acide, qu'on peut déter- 
“miner par l'alcalimétrie. Il en résulte une erreur sur 
le poids atomique de 0,8 en moins. Les auteurs con- 
mcluent que toutes les déterminations d’équivalents des 
mterres rares par la méthode des sulfates faites au 
xx" siècle sont entachées d’une erreur analogue. La 
“correction, appliquée au lanthane, donne, pour la frac- 
tion la plus pure, le poids atomique 139. — M. B. Brau- 
“ner a déterminé également le poids atomique du pra- 
‘séodyme par quatre méthodes : analyse du sulfate, 
“analyse de l’oxalate, synthèses du sulfate. On observe 
“ésalement que le sulfate chauffé présente une réaction 
acide et contient du sulfate acide. En éliminant les 
“Séries entachées d'erreurs, on obtient la moyenne 
Pr — 140,94. Mais les r'sultats prouvent seulement que 
l'équivalent du praséodyme est de 47, et le poids ato- 
mique pourrait être : Pr 47,Pri = 9#,Prt = 1%1,P: IV 
— 188 où PrY — 235. La détermination du poids molé- 
culaire du PrCF anhydre par l’ébulliscopie a donné 
247,4, ce qui permet de conclure que le praséodyme 
possède bien le poids atomique 140,94. — M. B. Brau- 
ner a préparé un tétroxyde de praséodyme Pr°0* par 
fusion du nitrate de praséodyme avec le nitrate de 
potasse; densité — 5,978. C'est un oxyde ozonique, ne 
donnant pas la réaction du peroxyde d'hydrogène. Il 
“se combine avec le trioxyde Pr°0* pour donner un 
“oxyde complexe Pr'0* où Pr''O'$, densité — 6,704. Le 
nitrate de praséodyme donne avec H°0*, Na*O* et un 
.alcali un hydrate du peroxyde Pr*0, qui est un oxyde 
antozonique. C'est à cetle série qu'appartient l’acétate 
“Ac’:Pr,0.0.0.Prtt:(OH)Ac—+ H?0.—Le même auteur, 
appliquant la méthode du sulfate à l1 détermination du 
poids atomique du néodyme, a obtenu la valeur Nd — 
143,80 avec une substance purifiée, après avoir déter- 
miné expérimentalement la correclion due à la pré- 
sence du sulfate acide. Le néodyme forme, à l'état sec, 
un oxyde supérieur Nd°0', avec une si faible tension de 
“l'atome actif d'oxygène que celui-ci, mis en liberté par 
…les acides, se dégage dans une solution de sel ferreux 
sans l’oxyder; c'est probablement un oxyde ozonique 
- limité. Le néodyme donne des composés antozoniques 
- du type R°0' ; l’acétate a une formule identique à celle 
de l’acétate de praséodyme. — M. B. Brauner à appli- 
ué les résultats de l'étude de l’hydrolyse du sel 
“Th (C*0'.AzH*)17H°0 au fractionnement et à la purifi- 
- cation des composés commerciaux du thorium. Les frac- 
_ lions basiques positives sont dénommées Th,, et les 


» fractions acides négatives Thg. Le poids atomique des 
: fonctions basiques est Th, — 233,5 (méthode de l’oxa- 
“late) ou Th, = 233,3-233,7 (méthode du sulfate). Les 
. fractions négatives ont d'abord donné Tha— 232,5, puis, 
“après purification, Thg = 232,0 et 231,9. En continuant 
n le fractionnement des parlies négatives, on arrive à un 
produit pour lequel Th4 —220. Cette diminution du poids 
“atomique est accompagnée d'un abaissement de la den- 
Msité de l'oxyde qui tombe de 10,2 à 9,6, en même 
temps que le thorium acquiert la propriété de former 
- facilement des sels basiques. — MM. F. S. Kipping' et 


1 Voyez le présent fascicule, page 397. 


-  ACADÉMIES ET SOCIÉTÉS SAVANTES i51 


A. E. Hunter décrivent la préparation du phéno-«- 
cétoheptaméthylène et de ses dérivés. — M.J. J. Sud- 
borough rappelle que l’un des deux diphényl-dinitro- 
éthylènes, obtenus récemment par J. Schmidt! dans 
l'action du peroxyde d'azote sur le tolane, a été pré- 
paré autrefois par lui-même en faisant réagir le per- 
oxyde d'azote sur le monochlorostilbène, 


ACADEMIE DES SCIENCES D'AMSTERDAM 


Séance du 20 Avril 1901. 


1° SCIENCES MATHÉMATIQUES. — M. J. de Vries : /nvo- 
lutions Sur une quartique plane à point triple, Les invo- 
lutions quadratiques I, sur la courbe donnée C, à point 
triple O admettent une enveloppe d’involution F* de la 
troisième classe. Chacune de ces involutions I, peut être 
engendrée à l’aide d'une infinité de faisceaux de coni- 
ques ; les points de base de ces faisceaux sont le point O 
el trois points variables de C,, engendrant sur cette 
courbe une involution cubique [,, conjuguée à I,. Deux 
involutions conjuguées I,, {, admettent la même enve- 
loppe d'involution L*. Points et tangentes communs de 
C, et L*. Involutions quadratiques particulières à 
conique d'involution L*. Les involutions 1, conjuguées 
aux involutions J, sont d'un caractère particulier, car 
l'enveloppe d'involution de l'involution I, la plus géné- 
rale est une [°,etc. — M. J. C. Kapteyn : L'intensité 
iumineuse des étorles fixes. 1. Parallaxe moyenne des 
éloiles de grandeur et de mouvement propre donnés. 
2. Probabilité pour que la parallaxe d’une étoile arbitraire 
surpasse sa valeur moyenne dans une proportion déter- 
minée, 3. Données pour le mouvement propre, la 
dimension et les nombres des étoiles de grandeur dé- 
terminée. 4. Nombre des étoiles dont le mouvement 
propre est situé entre des limites déterminées. 5. Force 
lumineuse et graudeur absolues. 6. Déduction de la 
densité en étoiles et de la courbe de l'intensité lumi- 
neuse, 7. lofluence de l'incertitude par rapport aux 
valeurs de certaines constantes. 8. Le degré d'approxi- 
malion des résultats déposés dans la courbe d'intensité 
lumineuse. 9. Les étoiles du premier type spectral et 
celles du second. 

20 SCIENCES PHYSIQUES. — M. J. D. Van der Waals : 
L'équation critique et La théorie du mouvement 
cyclique. Troisième communication (Voir Aer. gén. 
des Se., t. XIT, pp. 297 et 391). Il y a encore une quan- 
tité, se rapportant au point critique, pour laquelle la 
valeur, calculée à l’aide de l'équation : 


aie = 
(o+ B)(—D=RT 


où b est considéré comme une constante, diffère con- 
sidérablement de ce que nous apprend l'expérience. Au 


point critique, la quantité (> ) calculée pour la 
[ 
Aa”. 1 e pire T dp 
pression de la vapeur saturée, coïncide avec (— =) + 
p dT}v 


Pour plusieurs substances, l'expérience fait trouver une 
valeur près de 7, tandis que l'équation critique mène 
au résultat 4, si reste constant. Seulement, la com- 
pressibilité de la molécule — ou, pour s'exprimer d’une 
manière plus prudente, la variation de b — fait trouver 
pour la quantité indiquée la valeur 6,7, tout à fait 
d'accord avec un calcul antérieur (Continuiteit, 1, 
p. 199). Par rapport à cette quantité l’auteur répète ce 
qui a été remarqué pour (ar) 
k 
réduire le volume critique de 3 à 2 environ, les autres 
quantités caractéristiques du point critique montrant 
des déviations assez considérables des valeurs calculées, 
s’'accommoderaient par beaucoup à ces valeurs. La der- 
nière supposition exige que l'éxpression : 
————————————_—__ 


! Ber. der d.chem. Ges., t. XXXIV, 619. 


: s'il y avait lieu de 


152 ACADÉMIES ET SOCIÉTÉS SAVANTES - 


[£ db ( T dPy |: 
pe dvx \dbx dbdT/h 
se réduise à une quantité négligeable, ce qui, à son 
tour, mène à la relation : 
. Ps __ dPy 
dbaT db 


Cette relation est de rigueur, si les forces atomiques 
croissent proportionnellement avec la température- 
D'après cette dernière hypothèse, tant soit peu inat- 
tendue etsingulière, b, — b, et hne dépendent plus de la 
température, et les molécules, quoique bien compres- 
sibles, ne se dilatent plus par la chaleur. Néanmoins, 
l’auteur développe des arguments qui semblent prouver 
que ce résultat touche de près à la vérité. Ensuite, il 
revient aux équations : 


(id) 
sa dv) | an 
VTT D __ db 

dv 


qui figurent déjà dans la seconde communication, en 
examinant pour quelles valeurs de f et de hilya 
accord complet entre les expériences et le calcul. Cette 
élude a comporté des analyses assez pénibles. Elles 
mènent entre autres à la forme : 


(e + À) — De) = (1 +f)RT. 


de l'équation critique, d'après laquelle les conditions 
s'approchent de plus en plus de celles qui se présente- 
raient, siles molécules composées pouvaient être consi- 
dérées comme décomposées en des alomes singu- 
liers, ete. — M. H. Kamerlingh Onnes : Sur des 
différences de densité à proximité du point critique 
causées par des différences de température. L'auteur 
revient à la communication précédente (Æev. génér. 
des Se., t. xn, p. 391) où il a prouvé que les déviations 
de la théorie de van der Waals indiquées par M. de Heen 
ne se présentent plus, si l’on répète les expériences 
avec de l’acide carbonique pur. Là il en déduisait que 
les résultats de M. de Heen exigent des corrections 
systématiques, M. de Heen n'ayant pas tenu compte de 
différences de température causées par des proces- 
sus adiabatiques. Ici, l'auteur s'occupe principalement 
d’autres différences de température, peut-être très 
importantes, en rapport avec le mode d'échauffe- 
ment. En réunissant les résultats des expériences de 
M. Amagat sur les condilions à la proximité du point 
crilique dans un diagramme, où la densité et la pression 
figurent comme abscisse et ordounée, on trouve facile- 
ment à l'aide des coeflicients de tension par interpolation 
les densités à des températures intermédiaires. Ainsi 
l'un des diagrammes de l’auteur donne d'abord pour iso- 
therme à chaque température la droite pointillée d' in- 
clinée sous un augle de 45°. Ensuite à chaque tempéra- 
ture correspondent les deux lignes d_1 et y, faisant 


ds — _ === 


connaître par leurs distances, mesurées suivant less 
ordonnées de la droite pointillée, la variation de la den=« 
sité correspondaut à une différence de température de 
1°. De cette manière les trois couples de lignes ont traits 
aux températures de 35°, 409, 45°; ce qui fait voir que 
pour 35° même des différences de températures très, 
petites mènent à des variations de densité assez consi= 
dérables. L'auteur donne encore une analyse du pros 
blème de la variation de la densité dans un cylindre où 
la température varie avec la hauteur d’après une loi 
linéaire. 2 
3. SCIENCES NATURELLES. — M. J. L. C. Schræder 
van der Kolk: Durelé et propriété du clivage des 
minéraux en rapport l'une avec l'autre. En 4852; 
Kenngott a essayé de mettre en rapport l'une avec 
l'autre la dureté des minéraux et leurs poids spécifique 
et atomique. En commencant par le corindon et 
l'hématite, il trouva qu'en général le minerai au poids. 
spécifique rélatif considérable possédait la plus grande 
dureté. Dans ces tentatives, Kenngott s'est limité à des. 
substances alliées, comme le corindon, l’hématite, la 
calcile, la dolomite. Au contraire, l’auteur a cherché 
comparer à cet égard les minéraux les plus variés; 
dans l'espoir que les déviations aussi probables de Ja 
loi de Kenngott pourraient servir à nous mettre sur la, 
piste de quelques phénomènes nouveaux. Comme 
mesure du «poids spécifique relatif », il considère 
l'expression « poids spécifique divisé par poids ato= 
mique ». Il n'obtient une concordance assez satisfai= 
sante qu'en multipliant le quotient de cette division pan 
le nombre des atomes de la molécule. Ces expériences 
ont trait à 300 minéraux; il a seulement exclu les. 
zéolites et d'autres substances où le rôle joué par l'eau 
est encore inexpliqué. En dressant un diagramme où 
l'abscisse et l’ordonnée sont proportionnelles au poids 
spécifique relatif modifié et à la dureté, l’auteur a 
découvert des irrégularités qui ne s'expliquent qu 
l'aide de la propriété du clivage. En effet, ce diagram 
présente des lignes en zigzag et toujours les minéraux 
très clivables se trouvent aux points les plus bas ; seule= 
ment toute régularité disparait là ou les maxima ses 
trouvent au-dessous de la dureté 5 de l'échelle de 
Mohr. D'après l’auteur, ce résultat s'explique par la 
remarque que les duretés 1, 2, 3, 4 de l'échelle de, 
Mobr n'ont pas un caractère assez prononcé et sonb 
plutôt en rapport direct avec le développement de La 
propriété du clivage, ete. — M. C. Winkler présente a 
nom de M. H. D. Beyerman : L'influence de l'excitation 
laradique de la « capsula interna » sur la respiration 
— Ensuite M. Winkler présente encore deux mémoires. 
de M. L. J. J. Muskens : 1° « La physiologie et Ja 
pathologie des mouvements et des positions forcés en 
rapport avec une déviation conjuguée de la tête el 
des yeux »; 2 « Quelques expériences sur des dévia= 
tions du sens de l'odorat sous des pressions extraordi= 
uaires intercraniennes ». Sont nommés rapporteurs 
MM. T. Place et C. Winkler. Ÿ: 
P. H. SCuOUTE. 


Le Directeur-Gérant : Louis OLIVIER. 


Paris. — L. MARETHEUX, imprimeur, 1, rue Cassette. 


dE 12: ANNÉE 


DIRECTEUR : 


N° 10 


LOUIS OLIVIER, Docteur ès 


30 MAI 1901 


ù Revue générale 


M HClences 


pures el appliquées 


sciences, 


publiés dans la Revue sont complètement interdites en France et dans tous les pays étrangers, y compris la Suède, 


Auresser tout ce qui concerne la rédaction à M. L. OLIVIER, 22, rue du Général-Foy, Paris. — La reproduction et Ja traduction des œuvres et des travaux 


la Norvège et la Hollande. 


À CHRONIQUE ET CORRESPONDANCE 


$ 1. — Distinctions scientifiques 


Élection à lAcadémie des Sciences de 
Paris. — Dans sa séance du 21 mai, l'Académie a pro- 
cédé à l'élection d’un membre dans sa Section de Méde- 


cine et de Chirurgie, en remplacement de feu le Profes-- 


seur Potain. La Section présentait comme candidats : 
En première ligne, MM. À. Charrin et Jaccoud; 


En seconde ligne, MM. Cornil, Fournier, Hayem, 
Lancereaux, A. Laveran et Ch. Richet. 


Au premier tour de scrutin, le nombre des votants 


. élant 65 : 


M. Laveran a obtenu. 
M. Richet — 

” M. Cbarrin — 

: M. Lancereaux — 

HN M. Hayem — 

f M. Jaccoud — 

@ M. Cornil — 


> re 


1 ho 1 € 


=] 


Pa LA MÈRES 


i M. Fournier AO RR d 7 AT 
—. Au second tour, le nombre des votants élant 66 : 
ù M. Laveran a chtenu. MMA vONRS 
y M. Richet RES OR ANT + — 
# M. Charrin — 43 

4 M. Jaccoud — 
4 


Mi Langereaux. — : - . :.. .. CE 
M. Hayem _— 1 


Ce second tour ayant encore abouti à un ballottage, 
“l'Académie a procédé à un dernier vote. Le nombre 
“des votants étant toujours 66, 


FJ M. Laveran a obtenu . . . . . . 40 voix 
M. Richet TN RTE 2 — 


… En conséquence, M. Laveran à élé déclaré élu. 


a 


La pathologie doit au nouvel académicien, d’habiles 
observations, notamment la découverte de l'hémato- 
zoaire de l’impaludisme, micro-organisme qu'il était 
…_extrèmement difficile se dépister et dont M. Laveran a 
“eu le mérile d'établir la présence constante dans le 
“sang des paludiques. Tous nos lecteurs savent à quels 
précieux résultats ont abouti en ces derniers temps les 
- recherches expérimentales entreprises à la suite de 
L celle importante constatation. 


REVUE GÉNÉRALE DES SCIENCES, 1901. 


$ 2. — Nécrologie 

Maxime Cornu. — Maxime Cornu, enlevé préma- 
turément à la Science, avait de bonne heure manifesté 
des aptitudes remarquables pour les sciences naturelles. 
Né à Orléans, en 1843, il entra à l'Ecole Normale 
en 1865, après de brillantes études. Reçu docteur en 1872, 
pendant qu'il occupait les fonctions de répétiteur de 
Botanique à la Faculté des Sciences (1869-1874), il fut 
nommé ensuite aide-naturaliste au Muséum, en 1874,et 
conserva ces fonctions jusqu'en 1884. C'est perdant 
cette période qu'il suppléa Brongniart, dans la chaire 
d'Organographie et de Physiclogie végétales ; à la mort 
du titulaire, il fut chargé du cours pendant trois ans. En 
184, il fut nommé à la chaire de Culture du Muséum. 

Les nombreux travaux de Maxime Cornu peuvent 
être divisés en deux séries, correspondant aux deux 
périodes de sa vie scientifique. 

Dans la première série, jusqu'en 1884, date de sa 
nomination au Muséum, nous trouvons surtout des tra- 
vaux de Cryptogamie. Cornu acquit rapidement, dans 
ce domaine encore peu exploré en France, une grande 
autorité; sa thèse sur la monographie des Saprolégniées 
fut un coup de maitre, et bien des botanistes d'âge mûr 
envieraient ce travail d'un débutant, récompensé par 
un prix à l'Institut. Rarement on a vu une plus riche 
moisson de faits nouveaux, associée à une aussi grande 
habileté d'observation. Il est fâcheux que le complé- 
ment de ces belles recherches n'ait pas été publié, 
bien que les planches qui devaient illustrer le texte 
fussent prètes. 

Après la publication d'une série de Notes : sur les 
Chytridinées, dont il indiqua les affinités avec les Myxo- 
mycètes ; sur les Rouilles du Pin, de l’Avoine, des Mal- 
vacées, dont il vérilia le cycle évolutif, il fit paraître des 
études très intéressantes sur les Péronosporées. Il 
débuta par l'histoire du Meunier des Laitues ou Bremia 
Lactucæ, et formula les procédés destinés à enrayer, 
dans les cultures maraïchères, cette redoutable affec- 
tion. Vint ensuite l'histoire du Peronospor a de la Vigne 
ou Mildiou, dont il signala le premier le grand danger 
pour nos vignobles : bien qu'il n'ait pas indiqué de 
remède eflicace, beaucoup de mécomptes eussent été 
évités si l'on avait écouté son cri d'alarme. 


10 


CHRONIQUE ET CORRESPONDANCE 


Sa nomination à la Commission du Phylloxera, 
comme délégué de l'Iustitut, lui fit entreprendre des 
recherches anatomiques et entomologiques dont les 
résullats, épars dans un grand nombre de Notes, ont 
été rassemblés en un Mémoire important. 

S'il n'a pas élucidé toutes les phases de l'histoire du 
Phylloxera, il a laissé des documents précieux sur les 
lésions des radicelles, sur le rôle des formes ailées 
dans l'extension de la maladie. 

Ces diverses études ne l'avaient pas empêché de se 
livrer à des travaux de Botanique systématique, et il a 
pris une part importante au classement de certaines 
collections du Muséum : Algues, Champignons, etc. 

Lorsqu'il fut nommé, en 1884, professeur de Culture 
au Muséum, Cornu trouva, dans ce nouveau service, l’oc- 
casion de manifester toutes les ressources de son activité. 
Il eut d’abord à remettre en état, avec des crédits 
notoirement insuffisants, les jardins et les serres qu'un 
assez long interrègne avait laissés presque à l’aban- 
don. Il fit résolument face aux difficultés de la tâche. La 
restauration des parterres avec des corbeilles à garni- 
tures variables pour chaque saison; la constitution des 
collections de plantes d'ornement : Rosiers, Chrysan- 
thèmes, Dahlias, furent, pour le public, les premiers 
signes visibles de sa gestion. L'établissement de relations 
permanentes avec les résidents, les colons et les mis- 
sionnaires, fit affluer au Muséum des plants ou graines 
d'espèces nouvelles; il en surveilla le développement 
avec un soin jaloux, détermina, par l'étude approfondie 
de la graine, certaines espèces inconnues ou douteuses, 
et fit connaitre les espèces ou les variétés susceptibles 
d’être répandues soit à titre ornemental, soit à titre ali- 
mentaire ou industriel. 

Ces multiples occupations n’empêchaient point Cornu 
de chercher à étendre le cercle d'action du Muséum. 
Sans méconnaitre le rôle de ce grand établissement 
comme iostrument d’études et de collections, il eut le 
mérite de faire aux plantes utiles des colonies une 
place jusqu'alors trop exiguë, et il créa, le premier, un 
cours de Cultures coloniales. Ses efforts ne furent pas 
vains : depuis quelques années, un certain nombre de 
colonies, notamment celles de la Côte d'Afrique, ont 
reçu, par ses soins, des plantes importantes à divers 
titres, qui sont maintenant en pleine production. 

En outre, il étendit et perfectionna le système d’é- 
changes eutre le Muséum et les jardins indigènes ou 
étrangers. Au catalogue annuel des graines, il ajouta, 
dès 1886, une liste de plantes vivantes nouvelles ou peu 
connues ; et, à partir de 1887, un nouveau catalogue 
fut destiné aux divers établissements d'instruction. 
Tous ceux qui dirigent un jardin botanique, même 
modeste, ont pu apprécier l'importance de ces inno- 
valions. 

On pourra juger, par cette courte et incomplète 
énumération, de l’œuvre accomplie par Maxime Cornu, 
et les regrets que sa fin prématurée laisse à ses amis 
seront partagés par tous ceux qui s'intéressent à la 
prospérilé du Muséum. L. Mangin, 

Professeur au Lycée Louis-le-Grand. 


H.-A. Rowland.— Le savant éminent que la jeune 
école des physiciens américains considérait comme 
son chef vient de mourir à l’âge de 53 ans, alors que 
l'on pouvait attendre encore beaucoup de son esprit 
ingénieux et fécond et de sa remarquable activité. 
Dans la courte période de sa vie scientifique, embras- 
sant moins de trente années, il a touché aux questions 
les plus diverses, apportant, dans tous ses travaux, une 
recherche rare de la perfection, un esprit fin et ingé- 
nieux, une hardiesse que n'arrêtaient pas les difficultés. 

Rowland ne se mit aux études physiques qu'après 
être sorti de l’école,où son éducation avait été celle de 
l'ingénieur, et il semble que tous ses travaux, jusqu'aux 
derniers accomplis, aient gardé le reflet de la première 
voie qu'il avait suivie. C'est, en effet, un travers com- 
mun à toutes les écoles, d'envisager, dans une recher- 
che de Physique, le résultat sans s'attacher suffisam- 


‘des déviations observées a été remise en question par 


ment aux moyens, de construire, de pièces et de 
morceaux, un appareil de premier jet, que l’on moditié 
ensuite d'une facon continue, et dont on ne fait um 
plan d'ensemble que lorsqu'il s'agit d'en donner la 
description dans une publication définitive. Ge n'est 
point ainsi que procède l'ingénieur. Pour lui, le résul* 
tat théorique est secondaire; l'objet principal est la 
construction, machine, pont, hangar, voie navigable ow« 
carrossable. Il ne peut pas demander au public d'em= 
ployer des trésors d’ingéniosité pour utiliser une route 
mal faite, comme le physicien s'impose à chaque 
instant des efforts qu'un peu plus de première prépas 
ralion lui aurait souvent épargnés. Rowland avait 
importé dans la Physique des idées d'ingénieur, et c'est 
là peut-être surtout que git le secret de ses succès. 

La première publication de Rowland date de 1872; 
et se rapporte au magnétisme du fer; il la compléta 
ultérieurement par des recherches sur le magnétisme 
du cobalt et du nickel. Il était déjà tout à fait de la 
jeune Ecole, et parlait de la perméabilité magnétique 
de ces métaux, expression très neuve, et que, dans les 
analyses qui parurent de ses travaux, on ne manquait 
pas de mettre entre guillemets. Nommé professeur à 
l'université Johns Hopkins, il obtint bientôt un de ces 
congés prolongés que la libérale organisation des uni- 
versités américaines rend possibles, et qu'il vint passer 
dans le laboratoire de Helmhol{z, récemment nommé à 
Berlin. L'illustre physicien était alors tourmenté par la 
vérification des idées de Weber sur le courant électri- 
que, envisagé comme un transport réel de particules, 
ou comme une convection, ainsi qu'on désigne aujour- 
d'hui ce phénomène. Les conséquences vérifiées des 
idées de Weber ne lui semblaient, en effet, pas suffi=M 
santes pour prouver l'exactitude du point de départ, 
car la même forme mathématique aurait pu être inter= 
prétée de bien des facons diverses. Mais il pensait que 
celte idée pourrait être mise à l'épreuve par la mesure 
de l’action électro-magnétique d'une charge réelle 
animée mécaniquement dun mouvement rapide. 
M. Schiller avait fait déjà, sous la direction de 
Helmholtz, une expérience dans ce sens ; mais le ré- 
sultat avait été négatif. Le jeune professeur de Balli=" 
more vint alors proposer un nouveau plan d'expé= 
riences, qui aboultirent, en 1876, au résultat classique 
connu sous le nom de phénomène de Rowland. Ce 
résullat eut une grande importance pour le développe= 
ment ultérieur de la théorie des ions. On admit 
définitivement qu'une charge électrique en mouvement 
est assimilable à un courant, et on partit de là pour 
expliquer, par le déplacement de charges entrainées 
par la matière, l’existence des rayons cathodiques, lew 
phénomène de Leeman, certains phénomènes de l’au- 
rore polaire, ceux que présentent les corps radioactifs, 
etc. Aujourd'hui, l'interprétation donnée par Rowland 


les recherches de M. Crémieu; déjà, on avait relevé 
quelques contradictions, par exemple dans l'expérience 
de Hertz, suivant laquelle les rayons cathodiques, dans 
un tube à vide plat, n'exercent aucune action électro= 
magnétique appréciable sur l'extérieur, alors qu'on 
peut, à l’aide d'une boussole, dessiner les lignes de 
force telles qu'on les déduirait du calcul. 

Il y à évidemment encore, dans les expériences de 
Rowland et dans celles de M. Crémieu, des conditions 
qui nous échappent; mais, les premiers résultats dus- 
sent-ils être abandonnés, que le développement de 
théories aujourd'hui encore fructueuses ne leur serait 
pas moins redevable d'un progrès {rès grand. 

Ses recherches sur les diélectriques eurent moins 
de retentissement, bien que parlant d'une idée 
théorique fort intéressante. Rowland pensait que les 
résidus diélectriques sont dus à l'orientation diverse 
des cristaux, et il en concluait qu'un cristal unique 
devait être absolument dépourvu de résidus. Il pensa 
en trouver la preuve dans le fait que les résidus sont 
considérables dans le verre, beaucoup moins dans le 
quartz, et inappréciables dans le spath d'Islande. Il 


"1 CHRONIQUE ET CORRESPONDANCE 455 


mettait ainsi que le verre est un corps formé d'une 
“infinité de petits cristaux, le quartz un cristal souvent 
_ maclé; enfin il admit qu'il avait opéré sur un cristal 
“unique de spath. Aujourd'hui, les idées se sont un peu 
“modifiées; on possède une théorie satisfaisante des 

éforinations résiduelles, et le résidu diélectrique se 

rattache si simplement à des modifications chimiques, 
ï une électrolyse véritable, qu'il est à peine besoin d'y 


; Bb des impuretés, de l'eau et de la doute notam- 
mnient, et l'électrolyse n'y est pas invraisemblable. 
A ependant, il pourrait être intéressant de reprendre les 
expériences de Rowland avec du quartz fondu. Dans 
son idée, les résidus devraient être beaucoup plus 
importants, tandis que, dans celles qui prévalent 
“aujourd'hui, ils devraient avoir à peu près disparu. 

… Depuis une vingtaine d'années, les recherches de 
Rowland furent moins guidées par des idées théoriques 
“que par le désir d'arriver au maximum de la perfection 
dans la mesure considérée elle-mème comme un but, 
comme s’il avait vu de bonne heure que la théorie est 
Souvent décevante, et qu'il est du devoir de tout physi- 
_“cien doté de grands moyens, de fournir à la Science des 
données précises et qui resteront, pour un temps, indis- 
utables. Son premier travail de Métrologie fut une 
détermination de l'équivalent mécanique de la calorie 
par une méthode directe de consommation de travail 
à dans un calorimètre, recherche exécutée de main de 
“maitre, et qui est, aujourd'hui encore, le document le 
plus certain que nous ayons sur cette constante fonda- 
mentale, obtenue sans l'intermédiaire de l'énergie élec- 
rique. Pour la première fois, Rowland annonca que la 
chaleur spécifique de l’eau diminue, lorsque la tempéra- 
ture augmente, jusque vers 30°, passe par un minimum, 
“et remonte ensuite, donnée précieuse pour la calori- 
….métrie et la thermochimie, ainsi que pour la théorie 
“des nombreuses anomalies auxquelles l’eau est sou- 


Le propre d'une détermination bien faite est sou- 
“vent d'admettre ultérieurement des corrections cer- 
taines. Il en fut ainsi du travail de Rowland, dont on 
put, récemment, améliorer un peu le résultat à la suite 
. des progrès réalisés en T hermométrie, en rectifiant ses 
“mesures de températures par une comparaison de ses 
tbermomètres avec des étalons issus du Bureau inter- 
“national des Poids et Mesures. Il est très remarquable 
que le résultat obtenu directement par Rowland pré- 
sente un accord presque parfait avec celui des mesures 
exécutées par les procédés électriques. Cette concor- 
dance constitue une vérification précieuse pour l'en- 
Semble de ces dernières, dont la précision a plus que 
décuplé depuis une vingtaine d'années. 
La plus fondamentale des mesures électriques est 
celle de l'ohm ;Rowland y consacra aussi un important 
travail, avec M. Kimball, etle résultat qu'ils donnèrent 
passe pour l'un des meilleurs de ceux, très nombreux, 
qui se sont accumulés en vue de la Conférence des Elec- 
{riciens, de 1884. 
Dans la décade qui suivit, Rowland s'’adonna aux tra- 
vaux d'Optique, et, reprenant la question par l'origine, 
commenca par perfectionner extraordinairement l'ou- 
tillage des _Spectroscopistes, en confectionnant les mer- 
veilleux réseaux de très grande étendue, et d’une per- 
| feclion inconnue jusque Tà, au moyen desquels toutes 
es bonnes mesures en Optique —- à l'exception de ceiles 
mettant en jeu les procédés interférentiels directs — 
ont été exécutées dans ces dernières années. Par l’étude 
approfondie du métal des réseaux, par la construction 
d'une vis très parfaite, d'un tracelet à longue marche 
rectiligne, par la réalisation d’un ensemble de précau- 
tions nécessaires à observer, Rowland arriva à couvrir 
des surfaces supérieures à un décimètre carré de lignes 
parallèles, à raison de cinq cents ou plus au millimètre, 
—Lracées sur des surfaces planes vu concaves, et donnant 
“des spectres d'une pureté et d'un éclat incomparables. 
… Tout naturellement, il fut le premier à se servir d’un 
outillage aussi parfait, et détermina un très grand 


nombre de raies soit dans le spectre de l'arc, soit dans 
le spectre solaire, constituant ainsi uu document de 
référence de premier ordre, auquel on rapporte aujour- 
d'hui les longueurs d'onde inconnues. Avec les travaux 
classiques d’Angstrüm et de M. Thalèn, le spectre de 
Rowland constitue le document métrologique le plus 
complet que l’on possède sur la distribution des raies 
identifiées. Il convient de dire, cependant, que, en ce 
quiconcerne les longueurs d'onde absolues, les nombres 
peuvent être déjà un peu améliorés en tenant compte 
des recherches exécutées au Bureau international par 
M. Michelson. La méthode plus directe employée dans 
ces mesures ne fait intervenir aucune difficulté théo- 
rique, et permet d'arriver par des procédés interfé- 
rentiels jusqu’au mètre, tandis que la méthode des 
réseaux oblige à faire une détermination sur une lou- 
gueur moindre pour connaitre la constante de l’instru- 
ment, et laisse un peu plus d'incertitude sur le résultat. 
En fait, la divergence entre les nombres de Rowland et 
ceux de M. Michelson est un peu plus grande qu'on 
aurait pu s'y attendre, étant donné la grande habi- 
leté du physicien de Baltimore; elle nous confirme dans 
l’idée que l'exécution d'une mesure de longueur est, 
en réalité, hérissée de plus de difficultés qu'on ne le 
croit communément. De plus, le rapport des longueurs 

d'onde mesurées du rouge au violet varie un peu, ce 
qui pourrait faire croire à une imperfection encore 
ignorée dans la théorie des réseaux. C'est là un point 
délicat, et auquel il conviendrait de consacrer une 
étude approfondie. 

Cette vie si bien remplie, la perfection des travaux 
dans tous les domaines avaient donné à Rowland une 
situation importante aux Etats-Unis et dans le monde 
entier. Ayant appliqué une critique serrée à ses propres 
travaux, il avait pour ses résultats une estime très 
naturelle et très légitime, et les défendait, avec une cer- 
taine véhémence, du procédé des moyennes, ce qui l'a 
fait accuser de manquer de modestie. Lui, au contraire, 
après avoir considéré comme un premier devoir l'exé- 
cution irréprochable d'un travail, pensait que le second 
était d'en assurer le bénéfice à la science, en le gar- 
dant du mélange; il y fallait sans doute plus de 
courage que de présomption, car Rowland ne pouvait 
ignorer que, si la seconde impression devait être l’admi- 
ration, le premier sentiment serait de sourire. 


$S 4. — Chimie 
Théorie de la dureté des métaux et des 
alliages. — M. C. Benedicks vient de donner ‘ une 
explication très simple et très élégante de la cause 


qui détermine le degré plus ou moins grand de la 
dureté des métaux et des alliages. Si son hypothèse 
est fondée, elle aura une importance qui n'échappera à 
personne, puisqu'elle permettra de faire prévoir quels 
sont les alliages qui doivent offrir le maximum de 
dureté. 

Le point de départ de cette théorie est l'application 
aux métaux de la loi des gaz d'Avogadro. — La pres- 
sion des gaz croit DARpOEHOn Te ELA au nombre des 
molécules, pour des volumes égaux et à la même tem- 
pérature. — Cette loi, appliquée tout d'abord à un métal 
pur privé de Lout alliage signifie : « La pression ITexercée 
dans un métal par ses ANR croît proportionnel- 
lement au nombre de ces molécules, pour des volumes 
égaux et à la même température, ou encore » : 


: poids spécifique 
co poids atomique‘ 

Quel est l'effet de cette pression sur les propriétés 
du métal? 

M. Benedicks répond : Gelte pression a pour effet de 
donner au métal une dureté d'autant plus grande que 
cette pression est plus élevée. En d’autres termes : /es 


1 Béxeorcgs : Zeitsch. {. Phys. Chem., 2 avril 19)1. 


456 


CHRONIQUE ET CORRESPONDANCE 


valeurs des coefficients de la dureté et de la pression 
internes sont égales, à une constante près. On peut 
donc, dans l'égalité qui précède, remplacer I par A, coef- 
ficient de dureté, et écrire : 


A — const. X ROIS PERRUÉE SpÉSIEUE, 

poids atomique 
Effectivement, cette égalité se vérifie avec une très 
grande approximation, comme le prouve le tableau 
suivant dressé par M. Benedicks. Dans ce tableau, les cocf- 
fivients de dureté ont été empruntés à Bottone (1893)° 
poids spécifique 
poids atomique 
le nom de concentrations atomiques. 


el les rapports ont été désignés sous 


— Coefficients de dureté et concentrations 
atomiques. 


TABLEAU Î. 


|CONCENTRA- 
NTS TIONS | 
de dureté | atomiques 
(observés) |(calculées } 


POIDS POIDS 


spécifiques | atomiques 


0,1456 
0,190 
0,110 0,1408 
0.137 0,1375 
0,1360 0,136 
106,6 0,1200 ,1107 
197 ,# 0.1107 ,1090 
65,2 0.1077 .1077 
14,0 0.098 ,0983 
197,0 0,0979 .0980 
108,0 0 .0990 .0963 
21,4 0 ,0821 .DS21 
112.0 0,0760 .DS68 
24,0 0.0726 .0726 
118,0 0.0651 .0619 
204,2 0.0563 .0574 
207,0 0,0570 .0550 
25) .0400 .U40L 
40,0 .0405 039% 
.0230 .0221 


AA 
12,0 .3010 


0,1457 
0,146 


D — 
DIE — 0 1 © 0 on 


Dr -] => © IN 


1lE 
0 
CI 


Ainsi, pour les corps simpies : La dureté est propor- 
tionnelle à la concentration atomique. 

Cette théorie, appliquée non plus aux corps simples, 
mais aux alliages, est encore plus intéressante au point 
de vue pratique. M. Benedicks, s'appuyantsur les travaux 
de MM. Le Chatelier, Osmond, Sorby, ete., considère les 
alliages comme des solutions solides constituées, suivant 
les cas, par des combinaisons métalliques dissoutes 
dans un excès de métal, ou par un des mélaux dissous 
dans un excès de l’autre. Ici, a dureté de alliage est 
proportionnelle à la pression osmotique de lélément 
dissous. 

Considérons, par exemple, le fer électrolytique; il 
contient, comme on sait, un peu d'hydrogène dissous, 
0,028 0/, d'après une analyse de Cailletet. Gette quan- 
tité d'hydrogène, malgré sa petitesse, donne cependant 
au fer une dureté très grande; c'est qu'rn effet, 
les 0 gr. 028 d'hydrogène contenus dans 100 gr. de fer 
représentent un nombre d’atomes d'hydrogène préci- 
sément égal au nombre d’atomes que représentent 
0 gr. 34 de carbone, et on sait qu'un acier à 0,34°/0 
de carbone est un acier très dur. A la vérité l'acier, 
contient le carbone sous des états tellement différents 
(G, FC, ele.) qu'il est généralement très difficile d'éva- 
luer sa dureté d’après sa teneur en carbone. 

Autre exemple : l'expérience montre qu'à teneurs 
ésales le chrome rend le l'er plus dur que ne le fait le 
wo]llram, ce qui est tout à fait conforme à la théorie de 


2 Borroxe. Chem. News, xxvn, 215, 1873. 


M. Benedicks puisque la pression osmolique exercée par 
le chrome est plus de trois fois plus graude que cellem 
exercée par le wolfram, les poids atomiques de ces élé= 
ments étant respectivement 52,1 et 184. 

De même, l'aluminium (poids atomique, 27,1) rend le 
cuivre plus dur que ne le rend l'étain (poids atomi- 
que, 118,5). 

Ainsi, la dureté des alliages, qui dépend de la pression, 
osmotique, est d'autant plus grande que la concen= 
tration moléculaire est plus grande, mais à condition 
que toutes les molécules Soient véritablement dissoutes 
dans le métal. Le wolfram et le chrome, qui ont des 
poids atomiques très supérieurs au carbone, donnent 
cependant des alliages plus durs que les aciers parce 
qu'ils sont plus solubles dans le fer que le carbone. 
Parmi les alliages cuivre-étain, les plus durs sont ceux 
qui contiennent 9°/, et 35°/, d'étain; ce sont précisé- 
ment ces alliages qui, d’après les photographies micro= 
graphiques de Guillemin et d'Osinond, présentent seuls 
des aspects homogènes. On voit par ces exemples que 
la pression osmotique ne peut exister que s'il y a dis" 
solution parfaite, et alors seulement la dureté sera pro= 
portionnelle à la concentration moléculaire du corps 
qu'on à introduit dans l'alliage. 

A. Hollard, 


Chef du Laboratoire central : 
de la Compagnie francaise des Métaux = 


$ 3 — Sciences médicales 


Les Helminthes comme agents inoeula- 
teurs des Bactéries’.— On sail maintenant qu'un 
certain nombre de maladies sont inoculées par des 
parasites assez inoffensifs en eux-mêmes : la malaria, 
la filaire du sang, peut-être la fièvre jaune, par les 
Moustiques; le trypanosome de la Nagana pir la 
Mouche Tsé-tsé, ete. ; il se pourrait que les parasites 
intestinaux du groupe des Nématodes, considérés jus— 
qu'ici comme n'ayant aucune imporlance pathogène, 


jouent un rôle du même ordre. A l'état normal, l'épi- 


thélium intestinal oppose une barrière infranchissable 
à la flore bactérienne hébergée dans l'intestin; mais 
si cet épithélium vient à être éraillé, déchiré par un 
Helminthe fixé à la paroi, comme un Ascaris, un Tri 
chocéphale, la plaie peut s'infecter, et les bactéries 
inoculées par le parasite produiront, suivant les cas, une 
entérile, une appendicile, un simple abcës, voire une 
péritonite ; dans nos pays, comme le bacille typhique 
est l'un des plus abondants, il en résulte que les para- 
sites intestinaux ouvrent surtout la porte à la fièvre 
typhoïde; mais, dans d'autres pays, ils produisent l'ino- 
culation de la dysenterie ou du choléra. 


. — Géographie et Colonisation 


Croisière en Finlande : Livres à lire. — La 
bibliographie des ouvrages relatifs à la Finlande est 
sinvulièrement réduite lorsque l'on en exclut les livres 
écrits soit en finnois, soit en suédois. Nous ne croyons 
devoir mentionner aucun de ceux-ci, la connaissance 
des langues finnoise et suédoise étant fort rare en 
France. Nous indiquerons done seulement ici quelques 
livres et brochures écrits en français et aussi quelques 
volumes en allemand ou en anglais. Pour ces derniers, 
nous donnons entre parenthèses, selon notre habitude, 
la cote sous laquelle ils sont classés à la Bibliothèque 
Nationale de Paris. 


[. — GÉNÉRALITÉS. — GÉOGRAPHIE. — GÉOLOGIE. 
VOYAGES. — GUIDES. 


Eusée Reccus : Nouvelle Géographie universelle, & Me 
L'Europe scandinave et russe. Paris, Hachette, 
1880, gr. in. 8° p. 317-356. 


1 Guranr : Rôle pathogène de l'Ascaride lombricoïde, Arch. 
de Parasitologie, I, 1900, p. 70. — Le _Trichocéphale et 


Beauvors : Finlande. (Article de 26 colonnes, suivi de 
nombreuses indications bibliographiques d'ou- 
vrages en suédois et en finnois relatifs à la Fin- 
, lande, dans la Grande Encyclopédie, t. XVI, 
A Paris, Lamirault, 1895.) 
“Notices sur la Finlande, publiées à l’occasion de 
4 l'Exposition universelle de Paris en 1900, Helsing- 
cu fors, 1900, in 8°. 
a Kinlande au dix - neuvième siècle. Imprimerie 
F. Tilgmann, Helsingfors, 1900, in-4°. 
ennia (Bulletin de la Société de Géographie de Fin- 
lande). — On y trouvera de nombreux travaux 
sur la géographie, la géologie, l'hydrographie, 
etc., de la Finlande, souvent accompagnés, lors- 
qu'ils sont en langue suédoise, d’un résumé en 
allemand ou en francais (8° M. 8309). 
omimnission géologique de la Finlande. — Catalogue 
d'une collection de cartes géologiques, roches, 
etc. exposée à l'Exposition universelle inter- 
nationale de 1900 dans le pavillon finlandais, suivi 
d’un apercu de la géologie de la Finlande, etc. 
Helsingfors, 1900, broch.in-8°. 
Atlas de Finlande, avec texte, publié par la Société de 
Géographie .de Finlande, Helsingfors, 1869. — 
Atlas in. fol. et texte in-8° (en francais). 
D: fexarius : Le Grand-duché de Finlande. Notes, Sta- 
tistiques. Traduit du suédois par G. Bruper. Hel- 
singfors, 1876, in-8°. 
Xavier MarmiEer : Lettres Sur la Russie, la Finlande et 
la Pologne. Paris, Delloye, 1844, 2 vol. in-12. 
Garrzix : La Finlande. Notes recueillies en 1848, 
pendant 
Tornea. Paris. Bertrand, 1852, 2 vol. in-8°. 
. ou CuaizLu: Le, pays du Soleil de minuit. Voyage 
dété en Suède, en Norvège, en Laponie et dans 
la Finlande septentrionale. Paris, 1882 (et 1884), 
gr. in-8°. 
. Léouzox Le Duc: Souvenirs et impressions de voyage 
dans les pays du nord de l'Europe : Suède, Fin- 
] lande, Danemark, Russie. Paris, 1886, in-8°. 
LÉéox De Rosny : Le pays des dix mille lacs. Quelques 
Jours de voyage en Finlande. Paris, 1886, in-8°. 
Cu. Rasor : Au Cap Nord. Itinéraires en Norvège, 
Suède, Finlande. Paris, Hachette, 1898, in-16. 
Henri Jocy : À travers l'Europe. Enquétes et Notes de 
: voyage. En Finlande, ete. Paris, Lecoffre, 1898, 
in 18. 
Æ. Wesrermancx : La Finlande (Revue internationale 
de Sociologie). Paris, 1897, in-8°. 
Léouzox Le Duc: Les iles d'Aland. Paris, Hachette, 1854, 
L in-12. 
AW. Rae Wicsox : Travels in Russia, Poland and Fin- 
à land. Londres, 1828, 2 vol. in-8°. 
A. Twgenie : Trough Finland in carts. Londres, 
Black, 1897, in-8°. (80. M. 10188). 
Jopecius : Aus Finland. Gotha, 1888. 
4x. Rerzius : Finland. Schilderungen aus seiner Natur, 
seiner alten Kultur und seinen heutigen Volks- 
.  leben. Uebersetzung von C. Appel. Berlin, 1885, 
F in-8°. (8° M. 4290). 
Ænank Vincenr : Norsk Lapp and Finn, or Travel Tra- 
einqs from the far north of Europe. With route 
map. Londres, 1881, in-80. (80. G. 1192). 
“Handbook {or travellers in Russia, Poland and Finland 
(Guide Murray). Londres, 1893, in-16. (8°. M. 
8234). 
Becker : Atussie. Leipzig, 1897, in-16. 


Mrs. 


JT. — FAUNE ET FLORE. 


Societas pro fauna et flora fennica. Meddelanden 
(Comptes rendus publiés depuis 1876). Helsing- 
fors, in-89. (80, S. 5895). 


Le 


-Reurer er MELa : inlands Fiskar.… The Fishes of Fin- 


les associations parasitaires, C. R. Soc, de Biologie, séance 
du 16 mars 1901. 


une excursion de St-Pétersbourg à | 


CHRONIQUE ET CORRESPONDANCE 


La 


457 


land, drawn and coloured from life by Güsta 
Sundman. With text. (En suédois et anglais). 
Helsingfors, 1883-93, in-fol. (Fol. S. 650). 
Joux-Crouweie BROWEX : Finland, its forests and forest 
management. Edinburgh, 1883, in-8° (80. S. 3757). 


III. — PopuLariIoN. — MYTHQLOGIE. — ANTIQUITÉS. — 
USAGES POPULAIRES. 


0. M. ReuTeR : La Finlande et les Finlandais. Itinéraire 
descriptif. Helsingfors, 1889, in 12. 

Fr. Rüas : Finland und seine Bewohner. Leipzig, 1809. 

Dr Ienarius : /tenseignements sur la population de la 
Finlande. Helsingfors, 1869, in-8°. 

A.-0. Heirez : Ethnographische Forschungen auf den 
Gebiete der finnischen Vülkerschalten. Helsing- 
fors, s. d., in-80 (8°. Z. 14567). 

J.-H. Muzuer : Der ugrische Volkstamm. Berlin, 1837- 
39, 2 vol. 

Hazcsrex : Cränes des peuples finnois. Helsingfors. 

ZLasorowskt : Sur quelques cränes finnois anciens, les 
peuples finnois actuels et les origines finnoises. 
Paris, 1886, brochure in-8°. 

STEPHEN Sommier : Due comunicazioni fatte alla So- 
cieta d'antropologia sui Lapponi e sui Finlandesi 
settentrionali, s. L., 1886, in-8°. (8°. M. 6639.) 

M.-A. CasrRex : Vorlesungen über die finnische Mytho- 
logie. Saint-Pétersbourg, 1853, in-8°. (M. 18725.) 

J.-R. AsPELIN : Antiquités du Nord finno-ougrien. Hel- 
singfors (Paris, Klincksieck), 1884, in-#°, 

Antiquités du Nord finno-ougrien. Traduction francaise 
par G. Brauper. Helsingfors, 1880-84, in-lol. (Fol. 
M. 54.) 

L. Scurœoer : Die Hochzeitshraüche der Esten und 
ciniger anderer linnisch-ugrischer Volkerschat- 
tenin Vergleichung mit denen der indogerma- 
nischen Vôlker. Berlin, Asher, 1888, in-8°. (8°. M. 
5897.) 

Aux pays du Nord. Contes scandinaves et finlandais, 
trad. par M®° F, pe Lysce. Paris, Taffin-Lefort, 
1896, in-16. 

Me F. pe Lysce : Au pays des mille lacs. Scènes dela 
vie rurale en Finlande. Paris, Picard et Kahn, 
1898, in-8°. 

L'Association des 
Imprimerie de la Société 
Helsingfors, 1900, in-8°. 

L'Union, Association pour la revendication des droits 
de la Femme en Finlande, années 4892-1900. Im- 
primerie du Püivälehti, Helsingfors, 1900, in-89. 


1884-1900. 
finnoise, 


Femmes Finlandaises, 
littéraire 


IV. — HisroiRe. — QuesrioN DES NATIONALITÉS. 


Léouzox Lenuc : La Finlande, son histoire primitive, 
sa mythologie, Sa poésie épique, avec la traduc- 
tion complète de sa grande épopée: «le Kalewala», 
son génie national, sa condition politique et so- 
ciale. depuis la conquête russe. Paris, Labitte, 
1845, 2 vol. in-8°. 

M.-G. ScaysEerGsson : Finlands 

1887-1889, 2 vol. in-8°. 

ScaysErGssoN : Geschichte Finnlands. Deutsche 

Bearbeitung von Fritz Arnheïm. Gotha, Perthes, 

1896, in-8°. (8°. G. 24.) 

Koskixen : Finnische Geschichte. Leipzig, 1874. 

A. Meurmax : La Finlande d'autrefois et d'aujourd'hur. 
Helsingfors, 1890, in-80. (89. M. 7625.) 

OrniN : Die unterwerlung Finlands durch Russland, 
Saint-Pétersbourg, 1889, 2 vol. in-8°. 

J.-R. Dantecsox : Finlands Vereiniqung mit dem russi- 
schen Reiche. (Traduit du suédois.) Helsingfors, 
1891, in-8°. (8°. M. 76014.) 

MECHELIN : Das Stlaatsrecht des 
Finland Fribourg-en-Brisgau, 1889, # vol. 

Eow. HisGer : On the validity of the fundamentals 

laws of Finland. Stockholm, 1892, in-8°. (8°. M. 
8179.) 


historia, Helsingfors, 


M.-G. 


Grosslürstentuns 


L. 


+ 


CHRONIQUE ET CORRESPONDANCE 


Hermansox : Æin Beitrag zur Beurteilung der staats- 
rechtlichen Stellung des Grosfürstentums Finn- 
land. Die wichtigsten Ergebnisse der Schrift von 
Professor Dr. R. Hermanson : « Finlands stats- 
rättsliga stallning. » Leipzig, 4900, in-8. 

Das Recht Finnlands und Seine Wekrpflichtfrage. Eine 

kurze aktenmassige Betrachtung von einem 

Finnlandischen Juristen. Leipzig, 1900, in-8. 

DanieLsox : Die nordische Frage in den Jahren 

1746-1751. Mil einer Darstellung russisch- 

schwedisch-finnischer Beziehungen 1740-1743. 

Helsingfors, 4888, in-8°. (So. M. 6124.) 

DaniLEewsky : Geschichte der Krieges 
1808-1809. Riga, 1840. 

J. Kerr : Journal du général J. Keit pendant la querre 

en Finlande. Melsingfors, 1886, in-80. (8°. M. 4886.) 

Bucn : Æinland und seine Nationalitätenfrage. 

Stuttgart, 1883, in-80. 8°. M. 3148.) 

L. Mechern : La question finlandaise (Revue politique 
et parlementaire.) Paris, 1898, in-8°. 

Colonel Becker : La Finlande indépendante et neutre. 
Paris, Nilsson, 1880, in-80. 


J.-R. 


Max 


IV. LéciscarTion. 


L. Mecaeu : Précis du droit publie du Grand-Duché de 
Finlande. Helsingfors, 1886, in-8°. (8°. F. 4760.) 

Code pénal de Finlande du 19 décembre 1899. Traduit 
de l'original suédois par Ludovic BEAucuer. 
Nancy, 1890, in-8°, 

R. D'OLivEcRONA Sur l'expérience obtenue par la 
suppression de la peine de mort dans le Grand- 
Duché de Finlande pendant les 56 dernières 
années. Paris, 4882, brochure in-8°. 

Code maritime de Finlande, suivi de l'ordonnance du 
15 avril 1874 concernant le commandement des 
navires. Helsingfors, 1877, in-8°. (8°. E. 284.) 

D° A-PALMB8ERG : Organisation et législation sanitaires 
de la Finlande. Paris, 1887, brochure in-8°. 


V.— LANGUE. — LiTrÉRATURE. — PRESSE. 


C.-N.-E. Euior : À finnish grammar. Oxford, 4890, in-16. 
(8°. X. 10021.) 

M. WeLcewiLz : Praktische Grammatik der finischen 
Sprache für den Selhstunterricht. Mit Lese- 
stücken, Gesprächen und Wôrterbuch. Vieune, 
s. d., in-16. (80. X. 4771.) 

G.-E. pe Uyrauvy : Principes de phonétique dans la langue 
linnoise, suivis d'un essai de traduction d'un 
fragment du Xalévala. Paris, 1876, in-89. 

A. Meuruan: Dictionnaire français-finnoïs. Helsingfors, 
1877, in-80. (8°. Z. 1262.) 

Le Kalevala, EPoPéE NATIONALE DE LA FINLANDE ET DES 
PEUPLES FINNOIS. (Traduit et annoté par L. Léou- 
zox-Lepuc.) Tome fe": L'Eporée. Paris, Libr. inter- 
nat., 1876, in-80. 

A. Gerrroy ; La Finlande et le Kalevala (Revue des 
Deux Mondes, 45 janvier 1871). — Ziuneherg 


in Finnland 


({bid., 1% septembre 1854 et 1% juillet 1862). = 
Les récits de l'enseigne Stael et le poète Rune 
berg (Ibid.,1°* septembre 1857). — La presse etla 
littérature en Finlande (Ibid., 1°" décembre 1860% 


(Lbid., 4er avril 4839.) 
P. PonweLce : Ætude sur la Finlande Httéraire. Le Rot 
des poètes finlandais. Beaune et Paris, Nilsson 
4879, broch. in-8°. 
E.-G. PaLuÉx : L'œuvre demi-séculaire de la Société 
de littérature finnorse et le mouvement national 
en Finlande de 1831 à 1881. Helsingfors, 4882 
in-80. (8°. Z. 2057.) | 
La presse périodique de la Finlande. Helsingfors, 1900; 
broch. in-8°. 


VI. — INSTRUCTION PUBLIQUE. 


Apercu statistique de Tétat des écoles publiques ei 
Finlande pendant l'année scolaire 1898-1899 
Suivi d'une notice sur les écoles privées. — Pa 
l'Administration centrale des écoles. Helsingfors; 
1900, broch. in-4°. ÿ 

Car HiwrræGer : Die Volksschulhæuser.. in Ain 
land. Darmstadt, 1895, gr. in-8°. (4°. V. 1866} 

L'Enseignement secondaire et primaire en Finlande: 
Imprimerie Centrale, Helsingfors, 1900, in-8°. 


VII — — INDUSTRIE. — COMMERCE. 


NAVIGATION. 


AGRICULTURE. 


D: Güsra GrorexreLT: L'Agriculture en Finlande vers l@ 
fin du dix-neuvième siècle. Helsingfors, 1900 
in-8°. 

La péche en Finlande. Imprimerie Centrale, Helsing 
fors, 1900, in-8°. 

A. Biscuwarow : La question de la prospérité finlans 
daise et ses causes (Revue politique et parle 
mentaire). Paris, 1897, in-8°. à 

N. ne Mœrogr : Tarif pour les marchandises 1mpor= 
tées de Finlande. Saint-Pétersbours, 1898, in-82 
(8. M. 10626). EC 

Aperçu général du développement de l'activité 1nduss 
trielle en Finlande. Helsingfors, 1900, in-8°. 

Aperçu du développement de l'institution du pilotage 
et des phares de Finlande avec Catalogue desk 
objets exposés à l'Exposition Universelle de 
Paris 1900. (Administration générale du pilos 
tage et des phares de Finlande). Helsingfors;s 
1900, broch. in-8°. s 

Pilotage et phares de Finlande. — Rapport sur les tra 
vaux opérés par les vapeurs-brise-glace de l'Etat 
pendant les hivers de 1890-1899. Helsingfors, 
1900, broch. in-4°. À 

Erxest FR. ANDERSEN : l'ableaux statistiques de l'Admie 
nistration générale du Pilotage et des Phares, CH 
Finlande. Melsingfors, 1900, in-4°. 


D' P. NOLF — LA PRESSION O0 


SMOTIQUE EN PHYSIOLOGIE 459 


LA PRESSION OSMOTIQUE EN PHYSIOLOGIE 


PREMIÈRE PARTIE : 


L'étude de la tension osmotique date dela décou- 
verte des cloisons semi-perméables. Ce fut Traube 


“qui, guidé par des raisons de nature toute physio- 


logique, découvrit ces dernières et détermina le pre- 

- mier leurs propri ‘tés. 
Il est superflu de refaire ici l'histoire de celle 
mémorable découverte, ni d'analyser dans leurs 
détails les conséquences si importantes qui en 
résultèrent pour la physique et la chimie des solu- 
tions. La Revue générale des Sciences a consacré à 
“ce sujet plusieurs articles‘, dont un du fondateur lui- 


…_ même de la théorie nouvelle des solutions, Van l 


…Hoff=. Il est cependant indispensable. pour la bonne 
“intelligence des faits d'osmose, d'étudier d'un 
peu près les notions qui sont acquises en Chimie 


“ sur les propriétés des membranes semi-perméables 


à 


+ chimiques, avant de passer à l'élude des phéno- 
mènes vilaux. Car un grand nombre d'interpré- 
tations fausses énoncées en Biologie proviennent 
d'une connaissance incomplète des conditions du 
phénomène chimique lui-même. 


: I. — NATURE DES PHÉNOMÈNES OSMOTIQUES 


Traube établit d’abord que les parois semi-per- 
méables, dont il obtint la première en mettant en 
contact les solutions de deux colloïdes qui se pré- 
cipitent, le tannin et la gélatine, sont imperméables 
aux membranogènes, c’est-à-dire aux substances 
dont la combinaison produit la membrane; à con- 
dition toutefois que les deux faces de la membrane 
restent baignées d'une solulion des membrano- 
gènes. 

Mais cette imperméabililé n'est pas limitée aux 
membranogènes seuls. Ainsi, d'après Traube, la 
membrane de lannate de gélatine serait aussi im- 
perméable au ferro-cyanure de potassium, tandis 
que celle de ferro-cyanure de cuivre ne se laisse- 
rait traverser ni par les sulfales alcalins, ni par le 
chlorure et le nitrate de baryum, qui passent tous 
très facilement au travers du tannate de gélatine. 

Autant de membranes, aulant de conditions de 
perméabilité différentes : constatalions des plus 
importantes, comme on le verra plus loin. 

D'après Traube, ce qui déciderait du passage ou 


4 Eranp : La constitution des solutions étendues, 1899. 

Massanr : La pression osmotique et la physiologie de la 
cellule, t. 11, p. 69, 1891. 

HaweurGer : Sur une propriété nouvelle des hémalies, 1893. 

2 Vax v Horr : La pression oSmotique au point de vue 
physiologique, physique et chimique, t. IV, p. 185, 1895. 


SANG ET LYMPHE 


du non-passage d’une substance quelconque au tra- 
vers d'une paroi donnée, ce serait la grosseur de ses 
molécules. Chaque cloison était supposée percée 
d'une multitude de pores, qui étaient évidemment 
plus petits que le diamètre de la molécul: des 
membranogènes, mais toujours plus larges que la 
molécule d'eau. Une molécule quelconque n’'arri- 
vait à traverser les pores qu'à condition d'être 
plus petite qu'eux. 

Cette explication toute mécanique du phéno- 
mène a dû êlre rejetée à la suite des constatations de 
Tammann, portant sur la perméabilité de diverses 
cloisons vis-à-vis d'un grand nombre de substances 
organiques. Ce qui décide de la pénétration, c'est, 
d'après Tammann, une affinité spéciale de la subs- 
lance en dissolution pour le colloïde hydraté qui 
constitue la membrane : affinité de même nature 
que celle qui décide de la solubilité ou de la non- 
solubilité d'une substance dans un dissolvant. 

D'après Tammann, le phénomène est absolument 
de même ordre que celui observé par Lhermitte. 
Ce savant, ayant superposé dans un cylindre de 
l'éther, de l’eau et du chloroforme, avait vu l’éther 
descendre à travers l’eau vers le chloroforme, ce 
qu'il expliquait par la plus grande solubilité de 
l'éther que du chloroforme dans l’eau. 

Nernst a décrit une variante de cetle expérience 
plus démonstrative encore. L'eau dissout l'éther et 
non le benzol. Si done on sépare du benzol et de 
l'éther par une couche d'eau, il devra se produire 
une absorption de l'éther par le benzol. Pour rendre 
l'expérience possible, il faut donner à l'eau un 
substralum solide; un morceau de vessie sert à cet” 
effet. On remplit d'une solution de benzol dans de 
l'éther saturé d'eau un osmomètre (enlonnoir à tube 
long et mince, sur l'orifice large duquel est hé un 
morceau de vessie bien imbibé d’eau) et l’on plonge 
l'instrument dans de l’éther saturé d'eau. Il se pro- 
duit très rapidement une ascension du liquide dans 
le tube de l’osmomètre, indiquant que l’éther exté- 
rieur pénètre dans l'appareil. 

Comme on le sait, la première mesure de la force 
avec laquelle se fait la pénétration d'un dissolvant 
dans un osmomètre contenant une solulion d'une 
substance dans ce dissolvant, a été faile par Pfeffer. 
Ce botaniste imagina de donner comme Soutien à 
la membrane de ferro-cyanure de cuivre la paroi 
poreuse d'un vase de faïence dégourdie. Au moyen 
d'un pareil osmomètre, qui est imperméable au 
saccharose, Pfeffer détermina la force osmolique de 


460 


D' P. NOLF — LA PRESSION OSMOTIQUE EN PHYSIOLOGIE 


diverses solutions sucrées. Les résultats sont trop 
connus pour être exposés ici. 

Comme on le sait, ils forment, avec les détermina- 
lions opérées par de Vries sur des cellules végé- 
tales, la base expérimentale sur laquelle Van © Hoff 
édifia la théorie cinétique de la pression osmotique. 

La mesure directe de la pression osmotique d’une 
solution donnée est une opération très malaisée. 
Aussi n'est-elle jamais effectuée dans les travaux 
courants lant des physiciens que des biologistes. 
On recourt habituellement à des procédés indirects, 
dont deux sont basés sur les travaux de Raoult sur 
le point de congélation et la tension de vapeur des 
solutions. Ces valeurs sont dans un rapport simple 
avec la pression osmotique des solutions et un 
calcul facile les dérive les unes des autres. 

On peut énoncer ces rapports, en disant que des 
solutions équimoléculaires de diverses substances 
dans un même dissolvant ont même tension osmo- 
tique, même tension de vapeur et même point de 
congélation. 

Ceci étant connu, il est utile d'analyser de plus 
près l'équilibre existant entre deux solutions non 
pénétrantes séparées par une cloison semi-perméa- 
ble. Pour prendre un exemple concret, soient deux 
solutions dans l’eau : l’une de sucre, l’autre de sul- 
fate de magnésie, séparées par la paroi de ferro- 
cyanure de cuivre. Si les solulions ne sont pas iso- 
toniques, il ÿ aura immédiatement passage d’eau 
de la moins concentrée vers l’autre et ce mouve- 
ment ne pourra s'arrèler que lorsque les deux 
liquides auront même pression osmotique, autre- 
ment dit quand l’eau, des deux côtés de la mem- 
brane, présentera une même tension de vapeur. 

Et comme Tammann le fait remarquer, il est 
également nécessaire, pour qu'il y aitéquilibre, que 
la tension de vapeur d'eau soit, dans l'épaisseur de 
la membrane, égale à celle des solutions. Une mem- 
brane de ferro-cyanure de cuivre, séparant deux 
solutions isotoniques non-pénétrantes, est donc 
elle-même en équilibre osmotique avec cessolutions, 
ce qui ne peut s'effectuer, puisqu'elle est imperméa- 
ble aux molécules salines, que par la perte d'une 
partie de son eau d'imbibilion. Au point de vue 
biologique, cette analyse du phénomène a son im- 
portance, en ce qu'elle montre qu'une paroi semi- 
perméable (morte ou vivante) peut être en équili- 
bre osmolique avec un liquide très salin et pour- 
lant ne contenir ellemême aucune molécule de 
sel. 

Avant de quitter le terrain des faits de Chimie 
pure, il est intéressant de dire encore quelques 
mots des substances dissociées électrolytiquement. 
Ostwald, se plaçant au point de vue de l'ancienne 
théorie de Traube, d'après laquelle la pénétration 
ou la non-pénétration élaient fonction de la laille 


.potassique passe, que les ions Kf et CI soient 


des molécules, l'avait étendue aux produits dé law 
dissociation électrolytique des molécules, aux ions. 

Puisque, dans une solution diluée de chlorure 
potassique, la majeure partie de cette substance se 
trouve à l’état dissocié, ce qui condilionnera le pas- 
sage du chlorure potassique au travers d’une mem- 
brane semi-perméable, ce sera moins la taille de 
la molécule non dissociée que celle de ses ions. 
D'après Ostwald, il faut donc, pour que le chlorure 


pénélrants. Si l'un de ceux-ci, le K* par exemple, 
ne lraverse pas, il retiendra l'autre en raison de sa 
charge électrique de nom contraire, à moins que 
du même côté de la membrane n'existe un autre 
ion électro-positif pénétrant qui puisse accompa- 
gner l'ion Cl à travers la cloison ou qu'il y ait de 
l’autre côté de celle-ci un ion électro-négatif égale- 
ment pénétrant, qui ferait la traversée en sens 
inverse. 

Ces vues toutes théoriques d'Ostwald ne furent 
pas confirmées ni par Tammann, ni par Walden. 
Ces deux auteurs arrivent à la conclusion que, pour 
ce qui concerne les cloisons de tannale de géla- 
line et de différents ferro-cyanures, les ions ne 
semblent habituellement pas être les agents déter- 
minants de la pénétration ou de la non-pénétration 
des substances qu'ils constiluent. Conclusion d'au- 
ant plus remarquable qu'elle est en désaccord avec 
les résultats obtenus en Physiologie. 


II. — LE SANG AU POINT DB VUE OSMOTIQUE. 


La première application des données physiques 
sur la pression osmotique à l'étude de cellules 
d'origine animale date des travaux de Hamburger 
sur les globules rouges. Cet auteur a résumé lui- 
même, dans cette /evue, les résultats de ses recher-. 
ches à ce sujet’, ce qui permettra d'abréger l’ex- 
posé. 

Hamburger constata que les globules rouges 
nucléés ou non-nucléés de différents Vertébrés se 
comportent, dans diverses solulions salines, 
comme si leur paroi était imperméable aux sels de 
ces solutions. De sorte qu'ils gonflent dans des 
solutions salines diluées et se ratatinent au con- 
traire dans des solutions concentrées, le mou- 
vement d'expansion ou de rélrécissement ne 
s'arrêtant que lorsque l'équilibre osmotique est 
atteint entre le liquide extérieur et le suc intra- 
globulaire. Si la dilution du liquide extérieur est 
portée au delà d’une certaine limite, le gonflement 
des globules devient tel, à un moment donné, qu'ils 
éclatent et laissent échapper leur contenu coloré 
dans le milieu ambiant. Ce phénomène servit de | 


! HaweurGer: Revue générale des Sciences, t. IV, p.33, 1893, M 


D' P. NOLF — LA PRESSION OSMOTIQUE EN PHYSIOLOGIE 161 


2 


Valeur de la pression osmolique des globules et 
des liquides qui les baignaient. En employant des 
“solutions de différents sels de mélaux alcalins ou 
alcalino-terreux, il constala d'abord que, pour les 
“Substances de même coefficient isolonique, /es 
Concentrations correspondant à la limite de la glo- 
“hulolyse sont équi-moléculaires. Les valeurs cal- 
culées des coefficients isotoniques concordaient 
“d'ailleurs pleinement avec celles de de Vries. 
D'autre part, il détermina la dilution qu'il faut 
“aire subir au sérum d'un animal pour que, dans ce 
“sérum dilué, les globules commencent à perdre 
“leur hémoglobine. À ce moment, ce sérum dilué 
possède évidemment la même pression osmotique 
“que les liquides salins, dans lesquels s'opère le 
_ même début de globulolyse, et dont il avait déter- 
“ininé la Leneur en sels. D'où la possibilité de cal- 
euler très simplement à quelle concentration saline 


“(2n chlorure sodique par exemple) correspond le 
<irum non dilué. Pour le sang de bœuf, la valeur 
“obtenue fut celle d'une solution de chlorure sodi- 
“que à 0,92 °/,. Celle pression est évidemment 
“celle qui règne aussi à l'intérieur des hémalies de 
Cet animal, quand elles se trouvent dans le sang. 
Ce procédé de Hamburger était passible de 
diverses critiques. Il n'était d'abord pas certain 
que le globule gardät les mêmes propriétés dios- 
motiques à toutes les concentrations. Le fait que 
des solulions très concentrées de chlorure sodique 
(au delà de 10 °/,) opèrent la dissolution des glo- 
bules semble même indiquèr le contraire. D'autre 
part, la dilution du sérum pouvait avoir, sur la 
tension osmotique de ce dernier, une autre action 
“que 4 même dilution sur une solution de chlorure 
-‘odique à 0,9 °/,. El, de fait, l'expérience a montré, 
“depuis, que la perte de pouvoir osmotique subie 
“par la solution saline après dilution est plus forte 


- 11 y avait donc lieu de contrôler, par d’autres 
-méthodes, les résultats obtenus par le procédé 
globulolytique. 

. Hedin' proposa à cet effet l'hématocrite. Cet 
instrument est constitué par une pelite pipette 
calibrée, à lumière étroite, portant une graduation 
serrée. On introduit le sang ou le mélange san- 
guin par aspiralion, on ferme par deux plaques 
de caoutchouc et l'on soumet à l’action d’une cen- 


| 
: 


“trifugeuse faisant 6.000 tours à la minute. Après 
“environ 45 à 20 minutes, pour des tubes de 7 cen- 
r 


: 1 Hennx : Ein neuer Apparat zur Untersuchung des Blutes. 
« — Untersuchungen mit dem Hemalokrit. Skandinavisches 
“Archiv {ur Physiologie, 1891, p. 360. 

… Lo. : Ueber die Einwirkung einiger Wasserlüsungen auf 
: das Volumen der rothen Blutkôrperchen. — Ueber den Ein- 
— flus:s von Salzlüsungen auf das Volumen der rothen Blut- 
- kürperchen, Zhidem, 1894. 


réaction limite à Hamburger, pour étudier la | 


timètres de longueur, les globules ont pris un 
volume qui ne variera plus, quelle que soit la 
durée de l’action de la force centrifuge. Cette mé- 
thode permettait de mesurer ce volume globulaire 
fixe pour des émulsions équivalentes de globules 
sanguins dans différents liquides. Les globules 
en masse se comportèrent comme les globules 
isolés, c'est-à-dire que, dans les solutions diluées, 
ils occupaient un volume plus considérable que 
dans les solulions concentrées. D'autre part, dans 
des solulions isotoniques, le volume globulaire 
resta constant. 

La délermination, par cette méthode, de la 
valeur absolue de la tension osmotique du sérum, 
donna un résultat identique à celui obtenu par le 
precédé de Hamburger, et ces données furent 
encore corroborées par la détermination du point 
de congélation du sérum, faite pour la première 
fois par Dreser. 

Il a été parlé plus haut des coefficients isoto- 
niques de de Vries et de Hamburger. On sait que 
Vau {' Hoff avait dû introduire d'abord, dans sa for 
mule générale de la pression osmotique PV =RT, 
un coefficient i,(PV =1RT), variable de 1 à 4, dont 
la valeur lui était fournie par les expériences de de 
Vries. Ce coefficient indiquait donc que loutes les 
molécules n'ont pas même valeur osmotique, ce 
qui élait en opposilion avec le fond même de la 
théorie. Depuis, Arrhénius est arrivé à expliquer 
cette complicalion, en admeltant que toutes les 
substances, dont Jes solutions conduisent le 
courant électrique, sont partiellement dissociées 
dans leurs solutions. Cette dissociation divise la 
molécule en deux ou plusieurs atnmes ou groupes 
atomiques, chargés d'électricité de nom contraire, 
appelés ions. Or, d'après Arrhenius, de même que, 
au point de vue de la pression osmotique, toutes 
les molécules sont équivalentes entre elles, de 
même, tout ion est l'équivalent d'une molécule. Il 
en résulte fatalement que, si l'on prépare des solu- 
lions équi-moléculaires de diverses substances, 
celles qui seront dissociées posséderont une tension 
osmotique d'autant plus forte que leur degré de 
dissociation et que le nombre d'ions que leur 
molécule fournit seront plus grands. C'est la per- 
turbation causée par celle dissocialion qu'indi- 
quaient les anciens coeflicients isotoniques, qui 
cédèrent la place à des coefficients de dissociation 
électrolytique. 

Hedin introduisit en hématologie la notion du 
coefficient de dissociation, et il constata que les 
valeurs de ce coefficient ainsi déterminé concor- 
daient pleinement avec celles déduites de la con- 
duclibilité électrolytique et des anomalies du point 
de congélation. Voici (tableau 1) quelques-unes de 
ces valeurs rapportées à la valeur osmotique molé- 


462 


D' P. NOLF — LA PRESSION 


culaire d'une substance non dissociée (le sucre de 
canne — 100) et déterminées dans des solutions de 
concentrations sensiblementégales. 

Ces résultats de Hedinétaient, d’ailleurs, en accord 
complet avec ceux de Hamburger, et ils furent con- 
firmés par Koeppe”, qui, d'une façon indépendante, 
avait proposé également le remplacement du coef- 
ficienl osmotique par celui de dissociation électro- 
lylique dans l'étude osmotique du sang. 

Jusqu'ici, il n’a été question que de subslances 
dont les solutions conservent les globules rouges 
intacts, pourvu que leur concentration alteigne une 
certaine valeur. À côté de celles-là, on en connais- 
sait depuis longtemps toute une série, tels l'urée, 
les sels ammoniacaux, beaucoup de substances 
organiques, bref tous les poisons globulaires, dont 


TABLEAU L. — Valeurs des coefficients 
de dissociation déterminées par trois méthodes. 


M :THODE 
de 
l'hémato- 
crite 
(Hédin) 


CONDUCTI- POINT 


BILITÉ de 


électrique |congélation | 


(Koblrausch)| (Raoult) 


INSaccharose. Hu. 0 100 100 100 
| Chlorure de potassiuin. S: 186 176 
Nitrale de potassium . 181 162 
| Chlorure de sodium. . 184 184 
| lodure de potassium . 189 184 
Acétate de potassium . 17 183 180 
Sulfate de potassium . P 238 205 
Chlorure de calcium. . 23: 216 212 


| Chlorure de baryum. . 2: 247 255 


les solutions dissolvent les globules à toute concen- 
tration. C'était là une exception aux lois de l’os- 
mose, qu'il s'agissait d'expliquer. Gryns? étudia la 
question et prouva pour deux de ces subslances, 
l'urée et le chlorure ammonique, qu'elles se répar- 
lissent d'une façon sensiblement égale entre les 
globules et le sérum. La paroi globulaire n’est donc 
pas semi-perméable à leur égard comme vis-à-vis 
des sels neutres, des métaux alealins fixes et alca- 
lino-terreux. Dès lors, il était aisé de comprendre 
le mécanisme de la globulolyse dans ces solutions. 
Puisque les substances qui y sont en dissolution 
pénètrent le globule, la valeur osmotique de ces 
solutions devient nulle par rapport au globule, 
quelque grande qu'elle puisse être en valeur 
absolue. Quand on y plonge des hématies, c’est 
comme si l'on mettait celles-ci dans de l'eau dis- 
tillée. Les substances dissoutes dans leur suc 
cellulaire, dont la pression osmotique est con- 


! Kogrre : Ueber den Quellungssrad der rothen Blutschei- 
ben. Archiv für Anatomie und Physiologie, 1895, p. 154. 

= GRYNS : Ueber den Einfluss gelüster Stoffe auf die rothen 
Blutzellen in Verbindung mit den Erscheinungen der Osmose 
und Diffusion. Archiv {ur die gesammte Physiologie, 1896, 
tome LXIIT, p. 86. 


OSMOTIQUE EN PHYSIOLOGIE 


trebalancée normalement par celles du sérum," | 
n'éprouvent plus aucune résistance extérieure à 
leur action. Elles attirent vers l'intérieur de l'hé= 
matie la solution d’urée on de chlorure ammonique, 
quelle que soit d’ailleurs la concentration de celle-ci, 
etleglobuleest distendu jusqu'à destruction.Si cette 
hypothèse est exacte, il faut et il suffit, pour con 
trebalancer tout effet nocif de la solulion extérieure, « 
de l’additionner d'une substance non pénétrante à 
dose isotonique, par exemple 0,9 °/, de chlorure 
sodique. Gryns fit l'expérience et le résultal fut 
positif. 

Sans plus étudier, par l'analyse chimique directe, 
la répartition d'autres poisons globulaires entre 
sérum et globules, Gryns examina seulement le 
point de savoir si leur action nocive était également 
neutralisée par la dose isotonique d’une substance 
non pénétrante, ce qu'il constata d’une façon régu- 
lière pour la plupart d’entre eux. Il en conclut que 
tous cespoisons agissent, non en raison de leurspro- 
priétés chimiques, très variables de l’un à l’autre, 
mais à cause d'une propriété commune, leur pou- 
voir de pénétrer le globule. Leur loxicité n'était 
donc plus spécifique, liée à tel ou tel groupement 
atomique, mais elle était tout simplement celle du 
même volume d’eau distillée. 

Gryns étudia également l'influence possible des 
ions sur les propriétés des sels, et les résultats qu'il 
obtint sont très intéressants. Mais, commeils furent 
complétés et confirmés d'ailleurs en grande partie 
par Hedin, il est préférable d'exposer immédiate- 
ment les travaux de ce dernier. ; 

Hedin ‘ entama la question de savoir dans quelle 
proportion une substance pénètre ou ne pénètre 
pas les globules, par une méthode très ingénieuse, 
dont voici le principe. Il ajoute un certain poids de 
celte substance à un volume déterminé de sang (S) 
et dissout le même poids p dans le même volume 
de plasma (P). Après repos suffisant, il sépare 
globules et plasma, et détermine labaissement du 
point de congélation dans le plasma ainsi obtenu. 
Il fait la même délermination pour le plasma P. 
Soit a le chiffre correspondant à $S, et 2 celui cor- 
respondant à P. Trois cas peuvent se présenter : 
a > b, ce qui signifie que la substance s'est localisée 
principalement dans le sérum;a—),quand le par- 
tage s’est fait uniformément entre globules et 
sérum ; à D, quand les globules ont fixé la plus 
grande partie de la substance. Ayant examiné, par 
ce procédé, la façon de se comporter d'un grand 
nombre de composés organiques et inorganiques, 


1 Henix : Ueber die Permeabilität der Blutkôürperchen. 
Archiv für die gesammte Physiologie, t. LXVI, 1897, p. 229: 

Ib, : Versuche über das Vermügen der Salze einiger 
Stickstoffbasen in die B'utkürperchen einzudringen. Archiv 
1ür die gesammte Physiologie, t. LXX, 1898, p. 525. 


# 
j 


+2 


y, 


23 


RS D LS RE ee 


D' P. NOLF — LA PRESSION OSMOTIQUE EN PHYSIOLOGIE 


463 


“il arriva à toute une série de conclusions intéres- 


santes dont voici quelques-unes : Les différents su- 
cres, ainsi que les alcools hexa- et pentatomiques 
restent confinés exclusivement dans le plasma. 
Lérythrite y pénètre très lentement et en petite 
quantilé, la glycérine plus rapidement et plus 
abondamment. Le glycol pénètre immédiatement 
el en quantité telle que sa concentration est à peu 
près la même dans le sérum et les globules. L'al- 
cool éthylique se localise en très léger excès dans 
les globules, où son entrée est instantanée. L'éther 


“montre encore beaucoup plus d'affinité pour les 
- globules, qui en prennent la grande majorité. Il en 


est de même pour un grand nombre d'aldéhydes et 
de célones. Les amines et les amides ont une ten- 
dance au partage uniforme, tandis que les sels des 
acides aminés se localisent en grande parlie dans 
le sérum. | 
Les sels des mélaux alcalins fixes restent dis- 


. sous dans le sérum; une très pelile partie pénètre 


les globules. Quant aux sels d'ammonium : les chlo- 
rure, bromure, nitrale, sulfocyanate, oxalale, lac- 
tute, éthylsulfate, ferro-et ferricyanure se partagent 
uniformément entre les globules et le plasma, 
landis que le sulfate, le phosphate, le tartrate, le 
succinale reslent confinés en très grande partie 
dans le plasma. Or, fait très intéressant, les sels 
de triméthylamine et d'éthylamine présentent abso- 
lument les mêmes propriétés que les sels d'ammo- 
nium, c'est-à-dire que les sels des acides du groupe 
chlorure pénètrent, ceux du groupe sulfate ne pé- 
uètrent pas. 

Ce qui décide donc du passage des sels d'ammo- 
nium et des amines, c'est le radical acide, autre- 
ment dit l'ion électro-positif. Il semble réellement 
que l’on soit ici en présence d'une aclion élective 
de la paroi du globule rouge pour tel ion à l'exelu- 
sion de tel autre. 

Si les chlorures d’ammonium, d'éthylamine ou 
de triméthylamine pénétrent, et non les sulfates 
de ces bases, c'est que l'ion CI traverse la paroi 
globulaire, tandis que SO'— ne le fail pas. Si, 
d'autre part, les chlorures de potassium ou de 
sodium ne sont pas pénétrants, ce serail à cause 
de leur cathion Na+, K*, qui, à l'inverse de H'Az*, 
n'arriverait pas à traverser l'enveloppe globulaire. 

Koeppe' base sur des raisons de cet ordre l'ex- 
plication d'un phénomène de nature très intéres- 
sante, observé avant lui par Gürber. 

Mélange-t-on, à une solution isotonique de chlo- 
rure sodique, des globules rouges qui ont été 
lavés à différentes reprises au moyen d'une solu- 
tion isolonique de sucre, et saturés ensuite de 


1 Kogepe : Der osmotische Druck als Ursache das Austau- 
sches zwischen rothen Blutkürperch-n und Salzlüsungen. 


Archiv für die gesammte Physiologie, t. LXVITI, p. 189, 1897. 


CO”, on observe que la solution saline devient alca- 
line. Il n’en est rien si les globules sont artéria- 
lisés, ou s'ils sont placés dans du sulfate au lieu 
de chlorure de sodium. Et, d'après des analyses de 
Gürber, cette alcalinisation s'opère sans qu'il y 
ait sortie d'un atome métallique hors des globules. 
Comment expliquer ces fails? Au moment où l’on 
place les globules veineux dans la solution de chlo- 
rure sodique qui leur est isotonique, leur tension 
osmotique totale est due aux sels qu'ils con- 
tiennent; de ces sels, les principaux sont le chlo- 
rure et le carbonate de potassium. Dans le liquide 
périglobulaire, la tension est due à du chlorure 
sodique seul, de sorte que la tension partielle des 
ions CI est plus forte à l'extérieur qu'à l'inté- 
rieur. L'inverse existe pour l'ion CO’. L'un et 
l'autre sont pénétrants. Ce qui empêche le chlorure 
de sodium de pénétrer dans les conditions ordi- 
naires, c'est la charge électrique de Na*, qui ne 
traverse pas la paroi globulaire. Mais ici cet obs- 
tacle est levé, car, au fur et à mesure que des ions 
CI pénètrent dans les globules, ils sont remplacés 
dans le liquide extérieur par des ions CO”, char- 
gés d'électricité du mème nom. Le mouvement ne 
s'arrête qu'après égalisation des tensions partielles 
du carbonate et du chlorure. Si, dans le milieu 
extérieur, il existe au lieu de CI, des ions SO”, 
qui, comme Iledin nous l'a montré, ne traversent 
pas la paroi globulaire, l'échange est impossible. 
Et voilà pourquoi, d'après Koeppe, le sulfate ne 
devient pas alcalin, à l'encontre du chlorure. 

L'explication donnée est très ingénieuse et inlé- 
ressante au plus haut chef, en ce qu'elle nous 
montre comment, sous l'action d'un acide, un élé- 
ment organisé peut sécréler un liquide alcalin, 
sans que cependant intervienne la moindre aclion 
vitale. Il y aurait cependant lieu, étant donné la 
nouveauté de ces hypothèses, de multiplier les 
expériences et les épreuves, afin de pouvoir éli- 
miner de façon définilive les échanges de molé- 
cules ou des ions électro-positifs. Et cela d'autant 
plus que des recherches récentes tendent plutôt à 
faire admeltre une perméabilité légère des glo- 
bules rouges aux sels de mélaux alcalins fixes. 

Il est incontestable que toutes ces études, basées 
sur la notion de la pression osmotique, ont fait 
faire de grands progrès à nos connaissances sur la 
physiologie du sang. Mais les résultats acquis dans 
ce domaine spécial ont, à côlé de leur intérêt 
propre, une signification plus générale. Le sang 
est, de tous les Lissus (puisqu'on à pu l’appeler un 
tissu liquide), celui qui se prête le mieux aux 
études osmotiques. Les expériences s'instiluent 
plus facilement, et les condilions de ces expé- 
riences sont plus conslantes et plus simples que 
partout ailleurs. 


164 


D' P. NOLF — LA PRESSION OSMOTIQUE EN PHYSIOLOGIE 


Rien d'étonnant donc au fait que la paroi de 
l’hémalie ait élé la première paroi semi-perméable 
organisée, étudiée dans ses détails. 

Il est tout naturel aussi, étant donné la signifi- 
cation des résultats acquis, que ces recherches 
d'hématologie constituent la préface et le guide de 
toute investigation similaire portant sur d’autres 
Lissus. 

À nombre de points de vue, les idées et les expé- 
riences sont nouvelles et donnent des aperçus neufs. 
Pour n’en citer qu'un, des plus importants, il suf- 
fira de dire quelle part énorme il faudra très pro- 
bablement faire, en Physiologie ou en Pathologie, 
non plus aux affinités chimiques, atomiques, mais 
aux affinités existant entre molécules ou groupe- 
ments moléculaires, à ces forces inconnues qui 
déterminent la solubililé d'une substance dans une 
autre, qu'il s'agisse de gaz, de liquides ou de so- 
lides. Comme le montrent les résultats de Gryns et 
de Hedin, c’est grâce à leur simple solubilité dans 
la paroi des globules que la plupart des poisons 
globulaires peuvent, dans certaines conditions d’ex- 
périence, déterminer la destruction des globules. 

Il y a là, pour l'étude de l'action des poisons en 
général, un champ nouveau d'expérience, d'autant 
plus précieux que les considéralions tirées unique- 
ment de la statique chimique se sont montrées 
définitivement insuffisantes pour l'explication en- 
lière des phénomènes. 

Déjà un essai hardi dans cette direction vient 
d'être tenté par Meyer. Hermann avait déjà re- 
marqué le pouvoir dissolvant vis-à-vis des graisses 
des différents narcotiques de la série grasse. Il 
s'était demandé si l’action physiologique de ces 
derniers sur la cellule nerveuse, comme sur le glo- 
bule rouge qu'ils détruisent, n'est pas en rapport 
avec cette affinité de solution. 

D'autre part, R. Dubois ! avait observé la sécré- 
tion d’eau par les feuilles des plantes grasses sous 
l'influence de l’éther, du chloroforme, de l'alcool. 
D'après Dubois, la narcose serait le résullat d'une 
déshydratation des cellules nerveuses par les hyp- 
notiques, qui chasseraient l’eau de ses combinai- 
sons (physiques) avec les constituants de la cellule 
nerveuse. Meyer reprend l'idée de Dubois, mais en 
limitant l’action des narcotiques aux substances 
grasses qui constituent une partie notable du sys- 
tème nerveux. Dans la cellule nerveuse, les corps 
gras sont dans un certain état d'équilibre de disso- 
lution ou de mélange avec l’eau, les sels, les pro- 
téides. Introduisons dans cette cellule une sub- 
stance dissolvant facilement la graisse : l'équilibre 
sera rompu. D'où changement des conditions vi- 


‘ R. Dusois : Mécanisme de l'action des anesthésiques. 
Revue générale des Sciences, t. 11, p. 561, 1891. 


tales et narcose. Si cette idée est exacte, il faut 
d’abord que tous les dissolvants des graisses soient 
des anesthésiques, et que leur action narcolique 
soit proportionnelle à leur affinilé de solution pour 
les matières grasses. Des expériences assez nom- 
breuses de Meyer et de son assistant Baum sent en 
complet accord avec ce postulat. Il serait téméraire 
cependant, élant donné l'écart considérable entre 
ces nouvelles tendances et celles qui ont régné 
jusqu'ici dans ce domaine scientifique, de se lais- 
ser aller trop facilement au charme de la nou- 
veauté. Le côté séduisant de la théorie doit mettre 
en garde contre elle. 

Il est certain que celte compréhension des 
choses a un double avantage. Elle expliquerait non 
seulement l'action narcolique elle-même, action 
qui serait la même pour toutes les cellules, que 
celles-ci soient d'origine végélale ou animale, 
qu'elles proviennent d'un protozoaire ou d'un ver- 
tébré supérieur; mais, chez l'organisme élevé, elle 
nous fournirait, de plus, la raison de l’électivité 
spéciale de la substance narcotique pour la cellule 
nerveuse, plutôt que pour la fibre musculaire ou le 
leucocyte. 

Et à ce dernier point de vue, lout autant qu'au 
premier, l’idée est très intéressante en ce qu'elle 
entreprend le problème de l'affinité du médica- 
ment pour tel ou tel tissu et introduit ici, au lieu 
et place de l’affinité atomique, dont on a fait un 
réel abus, la conception plus moderne de l’affinité 
entre molécules : l’affinité mécanique (Ostwald). 

Avant de quitter les globules rouges, il est inté- 
ressant de citer brièvement les résultats acquis par 
divers auteurs sur la conductibilité électrique du 
sang. D’après Arrhénius, le transport de l'électri- 
cité à travers une solulion est malériel, en ce sens 
que ce sont les ions qui portent aux électrodes la 
charge électrique dont ils étaient déjà pourvus 
avant le passage du courant. Celui-ci n'a qu'un 
effet, c'est de libérer les ions de leurs attractions 
électriques mutuelles. 

Le sérum, qui est une solulion saline, conduit 
l'électricité. 

D'autre part, le liquide intraglobulaire, qui est 
une solution saline de concentration isotonique, 
doit présenter sensiblement le même pouvoir con- 
ducteur, ou inversement la même résistance. Mais 
il s'agit de savoir si les ions qui se trouvent dans 
l'intérieur des globules pourront en sortir; si 
d'autre part les ions extérieurs, quand ils rencon- 
treront les globules, pourront les traverser. La 
paroi globulaire est-elle imperméable aux ions 
extra où intraglobulaires ? Dans le premier cas, la 
| conductibilité du sang doit être sensiblement égale 
à celle du sérum; dans le second cas, elle lui sera 
notablement inférieure. 


TE 


KL 


A 


CR EE Poe 


D' P. NOLF — LA PRESSION OSMOTIQUE EN PHYSIOLOGIE 


165 


e1 Plusieurs auteurs (Roth', Bugarszky et Tangl*, 
… Stewart”, Oker-Blom ‘, Rollett”) ont étudié dans ces 
- dernières années la conductibilité du sang com- 


parée à celle du sérum, et tous sont d'accord pour 
faire des globules rouges, sinon des isolateurs par- 
faits, du moins des corps extrémement peu con- 
ducteurs de l'électricité. D'où la conclusion que 
leur paroi est très peu perméable aux ions. 

Cette conductibilité très imparfaite des globules 


… rouges n'est cependant pas une preuve décisive de 


leur non-perméabilité. C’est ainsi que, dans une 
des expériences de Stewart, des globules imprégnés 
de chlorure ammonique ne conduisaient pas sensi- 


-blement mieux l'électricité que des globules nor- 


maux, ce qui provient, sans doute, de l'énorme 
résistance qu'oppose le stroma des globules rouges 


“ à la translation des ions. 


Stewart détermina également les changements 


de la conduclibilité électrique du sang, quand on 


provoque la destruction des globules par différents 
moyens, tels que l’eau, les sérums étrangers, le gel 
et le dégel, la chaleur, la saponine. Les résultats sont 
variables suivant l'agent globulolytique employé. 
D'une part, se rangent les agents qui, comme l'eau 
et la saponine, augmentent la conductibililé spéci- 
fique du sang (en tenant compte bien entendu de 
la diminulion de conduelibilité pouvant provenir 
d’une dilution éventuelle du liquide). D'autre part, 
se groupent les sérums étrangers et le froid qui 
laissent inaltérée ou même diminuent la condueti- 
bilité du sang après avoir déterminé l'hémolyse. 
La chaleur occuperait une situalion intermédiaire. 
Ces constatations ont été étendues par Rollelt à 
l'action de la décharge électrique, qui agirait à la 
facon du froid el des sérums étrangers. 

Stewart conclut de ses recherches que la paroi 
globulaire peut laisser diffuser d’une façon indé- 
pendante l'hémoglobine et les sels du globule. 
L'hémoglobine seule diffuse, quand la conducti- 
bilité électrique reste la même; tandis qu’une 
augmentalion de la conductibilité indique la 
sortie simullanée des sels et de l'hémoglobine. 

La conclusion ainsi énoncée est inattaquable; et 
il semble démontré par les recherches de Stewart 


_et celles de Rollett qu'en effet l'hémoglobine peut 


quitter seule des globules qui gardent leurs sels. 
Stewart admel aussi que, dans certains cas, les sels 
du globule peuvent abandonner partiellement celui- 


! Roru : Elektrische Leitfähigkeit thierischer Flüssig- 
keiten. Centralblatt fur Physiologie, t. W, p. 2H, 1897. 

= BuGarszky und TaxGe : Eine Methode zur Bestimmuny.…. 
Centralblatt für Physiologie, t. W, p. 297, 1897. 

% Srewart : The behaviour of the hœmoglobin and... 
Journal o1 Physiology, t. XXIV, p. 211, 1899. 

* OKER-BLON : 
die gesammte Physiologie, t. LXXIX, pp. 111 et 510, 1900. 

* Rozcerr : Elektrische und Chemische Einwirkungen. 
Archiv {ür die gesammte Physiologie, t. LXXXIL, p. 199, 1900. 


Thierische Säfte und Gewebe. Archiv fur 


ci, sans qu'il y ait en même temps diffusion de 
l'hémoglobine. Les observations qui plaident en 
faveur de ce dernier mouvement osmolique, inverse 
du premier, sont beaucoup moins probantes, el, si 
elles trouvent quelque confirmation dans certaines 
expériences du dernier travail d'Oker Blom, il y 
a cependant lièu d'attendre une enquête plus 
approfondie des faits avant de conclure trop affir- 
mativement. Ces observations de Stewart sont très 
intéressantes par le fait qu’elles apportent une con- 
tribution assez inattendue et toute nouvelle à la 
question déjà tant discutée des rapports existant 
entre l'hémoglobineet le stroma. Dans ces derniers 
temps, la théorie osmotique avait favorisé beau- 
coup les partisans de l’idée d'une indépendance 
chimique absolue entre ces deux constituants du 
globule. Mais nombreux sont cependant encore les 
partisans de l’autre doctrine, suivant laquelle il y 
aurait combinaison fragile entre l'hémoglobine et 
certains constituants du stroma : combinaison dont 
le produit est insoluble dans le liquide intra-glo- 
bulaire ou dans le sérum. L'eau distillée ou les solu- 
tions salines étendues n'agiraient pas autrement 
qu'en délruisant cette combinaison par hydrolyse, 
ce qui meltrait l'hémoglobine en liberté et Jui per- 
mettrait dès lors sa diffusion dans le sérum. Il est 
assez difficile, sinon impossible, de comprendre 
pourquoi ce sont justement les concentrations iso- 
toniques des substances chimiques les plus diver- 
ses qui s'opposent dans la même mesure à cette 
action de l’eau distillée : eau distillée que l’on n'est 
d'autre part pas habitué non plus à considérer 
comme un agent d'hydrolyse aussi puissant. Aussi 
est-il né, sous l'influence des travaux sur la pres- 
sion osmolique des globules, une autre théorie, 
d’après laquelle les globules constituent des sortes 
de vésicules constituées par une paroi semi-per- 
méable, séparant leur liquide intérieur du milieu. 
extérieur. Au point de vue du fond de celte théorie, 
il est absolument accessoire de savoir si le liquide 
intérieur est logé dans une cavilé unique ou dans 
une multitude de vacuoles. Celle question n’a d'in- 
ltérêt qu'en ce qui concerne la forme extérieure du 
globule. Mais ce qui importe, c'est la localisation 
de l'hémoglobine dans le liquide intraglobulaire, 
localisalion qui entraine la séparation absolue 
d'avec le stroma. Celui-ci, loin d'être combiné à 
l'hémoglobine, lui serait, au contraire, totalement 
imperméable, tout au moins dans ses couches péri- 
phériques. Un argument sérieux contre celte 
hypothèse, c'est la difficulté de concevoir la disso- 
lulion de l'hémoglobine dans la petite quantité de 
liquide intraglobulaire, alors que, pour certains 
sangs, toute la masse liquide du sérum ne suffit pas 
à opérer cette dissolution. Cependant, on peut dire 
a priori, élant donné notre ignorance des condi- 


466 


tions exactes de solubilité de l’hémoglobine même 
dans des milieux artificiels, qu'il est difficile de 
tirer argument des quelques faits connus contre 
l'idée d'une solulion sursaturée possible à l'inté- 
rieur des globules, où les conditions physiques 
sont certainement très différentes de celles qui 
existent dans un cristallisoir. D'âilleurs plusieurs 
physiologistes, et non des moindres, ont observé, 
dans certaines conditions, des cristaux d'hémoglo- 
bine à l'intérieur des hématies, ce qui ne se con- 
çoit qu'en supposant ces cristaux baignés d'un 
liquide tenant la même substance en solution. 
D'autre part, Meltzer' vient de publier le résultat 
d'une série d'expériences, confirmant d'ailleurs 
d'anciennes recherches de Rollelt et de lui-même, 
dans lesquelles il est parvenu à détruire des glo- 
bules et à mettre leur hémoglobine en liberté, 
rien qu'en les agilant longtemps et fortement avec 
du mercure ou de la poudre de verre. C'est d’ail- 
leurs une observation courante en Physiologie 
que du sang, agilé longtemps avec des perles de 
verre où un autre corps indifférent dans le but de 
le défibriner, finit toujours par se teindre d'hémo- 
globine. Il serait curieux de savoir comment les 
partisans de la combinaison chimique entre stroma 
et hémoglobine expliquent ces faits. 

Pour en revenir aux expériences de Slewart, cet 
auteur n'arrive à s'expliquer la diffusion séparée 
de l'hémoglobine et des électrolytes du globule 
que dans l'hypothèse d’une combinaison chimique 
de la première avec le stroma; et Rollelt insiste 
particulièrement aussi en faveur d'une pareille 
interprétation des faits. 

Il est certain que ces expériences écartent en 
tout cas une mise en liberté des substances conte- 
nues dans les globules par rupture de l'enveloppe 
de ceux-ci. Si tel était, en effet, le mécanisme du 
phénomène, il faudrait que, lorsqu'un globule se 
vide de son contenu, il se vidät toujours intégrale- 
ment. Mais on peut parfaitement concevoir une 
autre issue des constituants du liquide intra-globu- 
laire, sans cependant abandonner la théorie osmo- 
tique. J'étais arrivé, pour d’autres raisons et sans 
connaître à ce moment les travaux de Stewart, à 
expliquer la sortie de l'hémoglobine par une diffu- 
sion de celle-ci à travers une membrane dont les 
conditions de perméabilité sont altérées*. 

Normalement, la paroi de l'hématie est imper- 
méable à l'hémoglobine, mais si, par l'adjonction 
d'eau, ou par d'autres moyens, on transforme le 
degré d'hydratation ou la structure chimique ou 


D'après le Centralblatt fur Physiologie, année 
n° 16. 

? Meurzer : Journal of Physiology, t. NV, p. 255. 

# Nozr : Le mécanisme de la globulolyse. Annales de J'Ins- 
titut Pasteur, octobre 1900. 


1900, 


D' P. NOLE — LA PRESSION OSMOTIQUE EN PHYSIOLOGIE 


physique de cette paroi, cette imperméabilité peut 
parfaitement disparaitre, ce qui provoquera la diffu- 
sion d'hémoglobine à l'extérieur. À priori, on pour- 
rait supposer très légitimement que cette perméa- 
bilisation vis-à-vis de l’hémoglobine peut ne pas 
s'étendre aux électrolytes. Mais il n’est même pas 
besoin de cette hypothèse pour mettre les faits de 
Stewart en accord avec la doctrine osmotique. 

Il y à lieu de remarquer que si, dans la globu- 


‘lolyse par un moyen quelconque (le froid par 


exemple), on ne détruit pas les slromas des glo- 
bules, il n'y a aucune raison pour que les électro- 
lytes intra-globulaires se répandent dans le sérum, 
mème si le stroma leur est devenu perméahle. 
En effet, les stromas occupent le même volume 
et mème quelquefois un volume plus grand que les 
globules intacts avant l'hémolyse; le liquide qu'ils 
contiennent tend à se mettre non seulement en 
équilibre osmotique, mais même en équilibre de 
composilion chimique avec l'extérieur. Or, cette 
équilibralion sera toute différente pour l'hémoglo- 
bine et les électrolytes. La première était contenue 
exclusivement dans les globules (avant que la paroi 
lui soit devenue perméable), les seconds possé- 
daient dans les globules et dans le sérum une 
concentralion identique. L'équilibre exigera, pour 
s'établir, une sorlie abondante de l’hémoglobine, 
sans aucun déplacement concomitant des sels. Le 
fail que ces stromas ne conduisent pas mieux l'élee- 
tricité qu'auparavant ne prouve aucunement qu'ils 
ne sont pas devenus perméables aux ions qu'ils 
contenaient, ainsi que l’atteste la constatation, citée 
plus haut, faite au sujet du chlorure ammonique. 

Au contraire, si l'on dilue fortement le milieu 
extérieur, la concentration des électrolytes dans 
les stromas deviendra plus forte que dehors et une 
partie d'entre eux suivra l’'hémoglobine : c'est ce 
qui explique l’action de l’eau distillée. Quant à la 
saponine, Stewart déclare lui-même qu'il faut des 
doses fortes de cet ingrédient pour lui voir pro- 
duire l'effet de l'eau distillée. Or, d'après Stewart, 
à ces doses, la saponine dissout complètement les 
globules. Il n’est dès lors plus étonnant que l’obs- 
tacle au passage du courant, les stromas, étant dis- 
paru, le courant passe plus facilement. Les doses 
moyennes, en dissolvant incomplèlement les stro- 
mas, diminuent probablement l'obstacle qu'ils op- 
posent aux transports électriques et c'est ce qu'opé- 
rerait également la chaleur. 

Pour ce qui est de la sortie isolée d’électrolytes à 
lravers une paroi normale, elle n'est nullement en 
désaccord avec la théorie osmotique (puisque Ham- 
burger lui-même avait basé sa conception osmo- 
tique sur la notion des échanges isoloniques), à 
condilion d'admettre que la paroi globulaire ne - 
leur est pas complètement imperméable. Or, les 


Li 


D: P. NOLEF — LA PRESSION OSMOTIQUE EN PHYSIOLOGIE 


CS 
[ep] 
—! 


travaux de Hedin aboulissent, comme il a été dit | Heïdenhain', très documenté, rempli d'expériences 


plus haut, à cette conception. 

Il est encore intéressant de faire remarquer ici 
“que, par la mesure de la résistance électrique de 
liquide sanguin additionné de différents sels des 

métaux alcalins et alcalino-terreux, Oker-B'om est 
- arrivé à confirmer, dans leurs données essentielles, 
- les résultats de Hedin concernant la perméabilité 
des globules vis-à-vis de ces sels. 
“ Ilest facile de constater, par la longueur de cet 
— exposé, où ne sont cependant relalés que les fails 
principaux et d'intérêt général, combien grand est 
l'essor imprimé à l'étude des phénomènes de la vie 
“par les nouvelles théories sur les solutions. Dans 
— d'autres domaines de la Physiologie, les acquisi- 
tions ne sont pas moins notables. Ce furent natu- 
… réellement surtout les phénomènes d'absorption et 
de sécrétion qui furent soumis à l'analyse par les 
Ki nouvelles méthodes. 


III. — LA FORMATION DE LA LYMPHE, 


Il ya une dizaine d'années régnait, pour ainsi dire 
- sans consteste dans la science, la théorie purement 
mécanique de la formation de la lymphe, telle 
qu'elle avait été conçue par Ludwig à la suite de 
ses travaux et de ceux de ses élèves. La lymphe, 
intermédiaire entre le sang et les éléments des 
tissus, était considérée comme le produit d'une 
filtration du plasma sanguin au travers de l'endo- 
thélium vasculaire, filtralion se faisant sous l'in- 
fluence de la pression régnant dans les vaisseaux 
sanguins, filtration absolument analogue dans son 
essence à celle que l’on peut produire artificielle- 
ment au travers de membranes animales où végé- 
tales mortes. 

Cependant Ludwig, lout en faisant à la filtration 
la part prépondérante dans la formation de la 
Iymphe, avait admis à côté d'elle l'intervention pos- 
 sible de phénomènes de diffusion ou d'osmose 
s'établissant entre le plasma, le liquide filtré et les 
tissus, et pouvant amener des modifications dans 
la composition chimique du liquide filtré. 

. Cette théorie, dans laquelle on n'accordaitaucune 

importance à la constilution ou à la vitalité de 
l'endothélium des vaisseaux sanguins, avait eu des 
contradicteurs. 

C'est ainsi que Tigerstedt et Santesson', à la 
suite d'expériences de filiralion au travers de mem- 
 branes animales vivantes et mortes, avaient conclu 
… à une intervention active, vitale, de l'endothélium 

vasculaire lors de la formation de la lymphe. Mais 

il fallut l’apparition du remarquable travail de 


HE NAME 


. ! Ticensreor et Sanresson : Die Filtration im Thierkürper. 
Mittheïilungen vom Physiologischen Laboratorium zu Stock- 
holm, 1886. 


nouvelles, pour ébranler la foi des physiologistes 
dans l'hypothèse mécanique de la formation de la 
lvmphe. La réaction, difficile à se produire, en fut 
Laturellement d'autant plus forte, et grand le 
regain des idées vitalistes dans ce domaine de la 
science. 

Heidenhain, au lieu d'étudier, comme ses prédé- 
cesseurs, la formation de la lymphe dans les mem- 
bres, fit ses observations sur le liquide du canal 
thoracique d'animaux à jeun. Mais, avant d'en ex- 
poser brièvement les résultats, il estbon de rappeler 
que les travaux de l'école de Ludwig (Tomsa, 
Paschutin, Emminghaus) avaient montré la grande 
influence de la stase veineuse sur la vitesse d'écou- 
lement de la lymphe, alors que les variations de 
pression dans les capillaires artériels, provoquées 
par le jeu desnerfs vaso-moleurs,s'étaientmontrées 
sans effet ou d'effet peu marqué (Rogowicz, Men- 
sonides). 

Les principaux résultats de Heidenhain sont les 
suivants : 

1° À l'encontre de ce qu'avait observé Colson ? 
Heidenhain soutient que l'occlusion de l'aorte 
thoracique n'arrête pas immédiatement l’écoule.- 
ment de la lymphe, qui se continue pendant une 
ou deux heures. Le liquide lymphatique est plus 
concentré en albuminoïdes que normalement. 

2° La ligature de la veine porte produit une accé- 
lération dans l'écoulement de la lymphe, qui, tout 
en élant sanglante, est moins riche en albuminoïdes 
que la lymphe normale. 

3° L'obluralion de la veine cave inférieure dans le 
thorax cause une énorme accélération du courant 
lymphatique ; la Ilymphe est très riche en albumi- 
noïdes. L'inteslin est anémié. 

%° Si l'on injecte dans le sang de l'animal vivant 
(chien) certaines substances, telles que le bouillon : 
d'écrevisses, d'anodontes, des solutions de peptone, 
d'ovalbumine, ete. (lymphagogues de 1" classe), 
on accroit dans des proportions notables la quan- 
tité de lymphe s’écoulant par le canal thoracique, 
sans qu'il y ait la moindre hausse de la pression 
sanguine (il y à habituellement baisse de celle-ci. 

5° L'injection inlra-veineuse de solutions salines 
ou sucrées concentrées (Iymphagogues de 2° classe) 
produit également une accélération énorme de 
l'écoulement de la lymphe thoracique : accélération 
qui, de l’aveu de Heidenhain, est conciliable en 
partieavec la théorie physique de la formation dela 
lymphe, puisque les accélérations constatées sont 


n 


! HeibeNHAIN : Versuche und Fragen zur Lebre von der 
Eymphbildung Archiv für die gesammte Physiologie, 1891, 
Bd. XLIX. 

2? Corsox : Recherches physiologiques sur l'occlusion de 
l'aorte thoracique. Travaux du Laboratoire de Physiologie 
de Liège, t. II, p. 3, 1889-90. 


D' P. NOLF — LA PRESSION OSMOTIQUE EN PHYSIOLOGIE 


en raison de la valeur osmotique de la solution 
injectée. Mais Heidenhain constate, en plus, que la 
concentration du lymphagogue est plus forle dans 
la lymphe que dans le sang. 

De tous ces résultats, seul le n° 2 est en accord, 
d'après Heidenhain, avee la théorie de la filtration. 
D'après les expériences faites sur les membranes 
mortes, on sait, en effet, que, lors de la filtration 
d'une solution d'albuminoïdes, le produit filtré est 
d'autant plus riche en albuminoïdes, et d'autant 
moins abondant que la pression filtrante est plus 
basse. C'est aussi ce qu'avaient constaté les élèves 
de Ludwig dans leurs expériences sur la lymphe 
des membres, c'est encore ce qui se produit après 
la ligalure de la veine perte. 

Mais ni la conservation de l'écoulement lympha- 
lique après occlusion aortique (c'est-à-dire après 
suppression où diminution extrèémement considé- 
rable de la pression filtrante), ni la concentralion 
en albuminoïdes après l'obturalion de la veine cave, 
ni l'action des lymphagogues ne peuvent s'expli- 
quer par les mêmes principes. Il faut, pour com- 
prendre ces faits, admettre une intervention active 
de lendothélium vasculaire. La lymphe n'est donc 
pas un produit de lranssudation, c'est un produit de 
sécrétion. Elles lymphagogues sont des stimulants 
de cette sécrélion, tout comme les diuritiques ou 
les cholagogues sont des stimulants de l'activité 
sécréloire du rein ou du foie. Et, de même que, 
parmi les diurétiques, il y a lieu de faire une dis- 
linetion entre ceux qui agissent directement sur 
l'épithélium glandulaire, sans influencer la circula- 
lion, et ceux dont l'effet se marque surtout sur les 
conditions de celle-ci, il y a lieu aussi de grouper 
les lÿmphagogues suivant des différences de pro- 
priélés analogues. 

L'ensemble des constalalions était imposant, et 
le réquisitoire contre la théorie de Ludwigtrèsserré. 

Par des exemples tirés de la composition chi- 
mique de la sécrétion de certaines glandes (lait) et 
du débit de celles-ci, comparé à celui du canal 
thoracique, Heidenhain fournissait, en outre, la 
preuve décisive que, lors de la sécrétion glandulaire, 
il y avait lieu, — pour expliquer le passage des 
matériaux solides et liquides, qui, sortis du sang, se 
retrouvent dans le produit de sécrélion glandu- 
laire, — de faire intervenir d'autres forces que la 
filtration, celle-ci seule ne pouvant suffire à expli- 
quer les chiffres. À vrai dire, Ludwig avait déjà 
déclaré qu'il fallait associer Ja diffusion à la fillra- 
tion, el Heidenhain ne fournit ici aucune preuve 
contre celte intervention de la diffusion. Il la croit 
possible el probable, analogue à celle qui règle les 
échanges gazeux entre le sang et les tissus, mais 
ses préférences vont néanmoins à la théorie de la 
secrélion. 


Ce fut un physiologiste anglais, Starling, qui 
reprit point par point les expériences de Heiden- 
hain et rechercha si leur contradiction avec les 
lois de là diffusion et de la filtration est aussi 
irréduelible qu'elle paraît à première vue !. 

Starling établit d'abord que la lymphe du canal 
thoracique, chez l'animal au repos, est produite 
exclusivement par les viscères abdominaux. C'était 
done la circulation dans ces organes qu'il fallait 
observer, et déterminer quelles modifications elle 
éprouve dans les expériences de Heidenhain *. 

Après occlusion de l'aorte thoracique, il y a 
baisse artérielle très considérable dans tous les 
territoires artériels de l'abdomen et aussi dans la 
veine porte, tandis que dans ia veine cave infé- 
rieure la pression reste normale ou peut même 
être légèrement augmentée. Si la théorie de Lud- 
wig est exacte, il ne peut dès lors plus y avoir des 
liltralion qu'au niveau des capillaires hépatiques 
dont la pression n'a pas varié. Et la lymphe qui 
s'écoule par le canal thoracique doit être exclusi- 
vement de la Ilymphe hépalique. C'est, en effet, ce 
que démontre la ligature préalable des lymphali- 
ques hépaliques. Si, après avoir fait celle-ci, on 
occlut l'aorte, on supprime tout écoulement par le 
canal thoracique ; or, il y a tout lieu d'admettre que, » 
de même que la lymphe intestinale est plus riche en 
albuminoïdes que celle des membres, de même la 
lymphe hépatique est plus concentrée que la lymphe 
intestinale. Ainsi s'expliquent donc et la conserva- 
tion de l'écoulement lymphalique et la richesse 
considérable en albuminoïdes de la lymphe oble- 
nue. 

La ligature de la veine porte produit une forte 
hausse de pression dans les capillaires de l'intes- 
lin et de la rale, sans altérer la pression artérielle, 
d'où fillralion, d'après l'hypothèse de Ludwig, 
d’une lymphe plus abondante et moins riche en 
matière organique. C'est ce que l’on constate dans 
l'expérience. 

L'obstruction de la cave inférieure augmente 
fortement la pression dans cette veine, ainsi que 
dans la veine porte, alors que la pression artérielle 
générale subit une énorme chute. D'après l'hypo- 
thèse de Ludwig, il faut donc s'attendre à une 
filtralion exagérée dans le foie, et à une suppres- 
sion où à une diminution de lymphe intestinale. Si, 
en effet, avant d’oblurer la veine cave, on procède 
à la ligature des lymphaliques du foie, l’occlusion 
veineuse ne s'accompagne plus d'une augmentalion, 
mais souvent d’une légère diminution de l'écoule- 


! Bayuiss et SrarLiNG : Observations on venous pressures 
and their relationship lo capillare pressures. Journal of 
DPhysiology, vol. XVI, 1894. | 

? SraRLuNG : The influence of mechanical factors on lÿmph 
production. Journal of Physiology, vol. XVI, 1874. 


“…_ lique Von Brasol, Klicowicz avaient 


D: P. NOLF — LA PRESSION OSMOTIQUE EN PHYSIOLOGIE 


469 


ment de la lymphe par le canal thoracique, et le 
liquide obtenu se caractérise par une Leneur faible 
… en albuminoïdes. Au contraire, dans l’occlusion 
Simple de la veine cave, la lymphe obtenue est 
très riche en albuminoïdes, ce qui est dû précisé- 
ment à son origine hépatique. Voilà donc expli- 
quées très clairement, et par des raisons toutes 
mécaniques, les expériences que Heidenhain avait 
jugées inconciliables avec toute théorie physique 
de la formation de la lymphe. Loin d’avoir battu 


— en brèche la doctrine de Ludwig, elles constituent, 


comme a pu le dire Starling, l'argument le plus 
- solide qu'on ait invoqué jusqu'ici en sa faveur. 

Voyons maintenant comment Starling' comprend 

l’action des lymphagogues. Heidenhaim avait déjà 


vu que l'action des lymphagogues de deuxième 


ordre est en rapport avec leur coefficient osmo- 
constaté, 


“ 


D. de sucre et de sels sodiques. Il 


“d'autre part, une dilution très considérable du sang 
après des injections intra-veineuses de solutions 


- faut donc admettre que, immédiatement après 


Dieur injection dans le sang, ces substances 
— altirent directement des tissus dans le sang une 


- quantité d'eau telle que l'équilibre osmotique, 
rompu un instant entre le sang el les tissus, soit 
bientôt rétabli. Mais la paroi des capillaires n’est 
pas imperméable aux cristalloïdes; Lout au plus se 
laisse-t-elle traverser plus rapidement par l’eau 
‘que par leurs molécules. Aussi, le mouvement de 
l’eau de l'extérieur des vaisseaux vers l'intérieur 
est-il accompagné d'un mouvement en sens inverse 
de la substance injectée. Cette exsndation n'est 
d'ailleurs que l'exagéralion de la filtration ét de 
la diffusion normales. Or, les conditions sont deve- 

-nues très favorables à la filtration. L'entrée en 

masse de l'eau des tissus dans le sang a créé un 

état de pléthore hydrémique. Et Starling et Bayliss 
ont démontré que, si la pléthore hydrémique n'est 

- pas accompagnée d'un accroissement marqué de 

pression arlérieile, elle détermine une élévation de 

pression très considérable dans le système porte et 
dans la veine cave inférieure, c'est-à-dire une 
augmentation de la pression capillaire dans tout 
l'abdomen. Or, c'est de la pression dans les capil- 
laires et non dans les artères que dépend la valeur 
de la filtration de la lymphe. C'est ce qui explique 
la forte quantité de lymphe s'écoulant par le canal 
thoracique. La preuve que ce sont bien ces causes 
toutes mécaniques, et non une irrilation de l'endo- 
thélium vasculaire, qui conditionnent le phéno- 


— mène, c'est que l’on peut s'opposer à loute action 
È lymphagogue du cristalloïde en enlevant, préala- 


É 


» 


! E. H. SraruiG : On the mode of action of lymphago- 
gues. Journal of Physiology, vol. XVII, 1895. 


REVUE GÉNÉRALE DES SCIENCES, 1901. 


blement à l'injection, un volume de sang équiva- 
lent à l’eau qui sera soutirée aux issus par la 
masse du cristalloïde injecté. Dans ces conditions, 
la solution de ce dernier qui circulera au contact 
de la paroi vasculaire sera plus concentrée que s'il 
n'avait pas élé fait de soustraction sanguine préa- 
lable, mais la masse totale du sang ne sera pas 
augmentée, il n'y aura pas augmentation de la 
pression capillaire, et pas d'exagéralion de la fil- 
tration normale. Dans celte expérience, il se pro- 
duit non de la pléthore hydrémique, mais de l'hy- 
drémie simple, dont Cohnheim avait déjà dit qu'elle 
n'occasionne pas d’æœdème hydrémique glandulaire. 
Quant à l'argument tiré par Heidenhain d’une con- 
centralion éventuelle plus forte du cristalloïde 
dans la lymphe que dans le sang, il a été réfuté 
par Cohnstein'. Cette richesse plus grande de la 
lymphe est plus apparente que réelle. Elle provient 
de ce que, dès l'introduction du cristalloïde dans les 
vaisseaux, celui-ci tend à en sortir, de sorte que sa 
concentration dans le sang, maxima au moment 
de l'injection, diminue progressivement. Or, au 
moment de la concentration maxima est filtrée 
une lymphe à concentration correspondante, 
lymphe qui ne s'écoule par le canal thoracique 
qu'après un temps plus ou moins long; el si, au 
moment de la prise de celte lymphe, on saigne 
l'animal, on trouve nécessairement une plus faible 
concentration du cristalloïde dans ce sang que dans 
la lymphe. Le contraire serait étonnant. 

La lymphe normale du canal thoracique possède 
habituellement un point de congélalion très légère- 
ment inférieur à celui du sang (Leathes) *. Il en est 
d'ailleurs de même pour le sang veineux comparé 
au sang artériel, et celui des veines sus-hépaliques 
comparé à celui de la veine porte ?. 

Or, après l'injection des divers lymphagogues de 
deuxième classe, les altérations que subit la pres- 
sion osmotique du sang sont suivies par des oscil- : 
lalions parallèles de la tension de la lymphe et les 
différences observées ne dépassent jamais les diffé- 
rences normales (Leathes). 

Il est intéressant de savoir avec quelle rapidité 
s'effectue l'arrivée dans le sang de l’eau des Lissus, 
sous l'influence d'une injection d'un cristalloïde en 
solution concentrée. Dans une expérience 
Leathes, où 100 centimètres cubes d'une solution 
concentrée de sucre avaient élé injectés en huit mi- 
nutes, il s'était produit, pendant le même temps, un 
afflux dans le sang de 800 centimètres cubes d'eau 


de 


! ConnNSTEIN Ueber intravenôse Injectionen, Archi 
lür die gesammte Physiologie, &. LIX, p. 508; t. LX, p.291: 
t. LXIT, p. 58; t. LXIII, p: 587; 1895-1896. 

2 Learues : Fluid exchange in tissues. Journal of Physio- 
logs, vol. XIX, 1895-1896. 

# Faxo et Borrazzr : Travaux du Laboratoire de Physiolo- 
gie de Florence, 1896. 


10* 


170 


des tissus et l'équilibre osmotique était obtenu au 
moment même où finissait l'injection, ainsi que le 
prouvait l'arrêt dans l'augmentation de la masse 
du sang. Un échantillon de lymphe thoracique, 
recueilli pendant les deux minutes qui suivirent 
l'arrêt de l'injection, fut trouvé en équilibre osmo- 
tique avec le sérum recueilli lors de l'arrêt. 

Cette rapidité extrème d’équilibration à travers 
la paroi des capillaires se conçoit très bien, si l'on 
songe et à la minceur de cette paroi et à son immense 
surface. 

Pour ce qui est des lymphagogues de première 
classe, Slarling établit d'abord que la lymphe, dont 
ils provoquent l'écoulement, provient en grande 
partie, sinon exclusivement, du foie, ce qui explique 
sa plus grande richesse en albuminoïdes. Une ana- 
lyse approfondie des phénomènes l'amène à la con- 
clusion que cette augmentalion de la production de 
lymphe hépatique n’est pas due à des changements 
dans les conditions mécaniques de la cireulation à 
travers le foie, mais à une augmentation de la per- 
méabilité des capillaires de cet organe. D'après le 
physiologiste anglais, cette transformalion des 
conditions de perméabilité n'est pas un phénomène 
physiologique, et la production exagérée de lym- 
phe n’est pas l'exagération d'une fonction sécré- 
toire normale, mais le résultat d'une transformation 
pathologique de l'endothélium vasculaire. 

Cette influence nuisible serait à rapprocher de 
l'action meurtrière qu'exercent plusieurs lympha- 
gogues de première classe sur les leucocytes 
(Lœwit, Wright). 

EL ici apparaît pour la première fois, dans ces 
recherches sur la formation de la lymphe, le rôle 
que joue la cloison. On a souvent voulu faire, des 
différences entre les propriétés filtrantes d’un tissu 
vivant et du même tissu mort, un argument en 
faveur des doctrines vitalistes. Il s’agit de s'en- 
tendre : 

Les expériences de de Vries sur la valeur osmo- 
tique des solutions salines ont toutes été faites 
avec des cellules vivantes el celles-ci se sont com- 
portées comme de vraies osmomètres minuscules à 
cloison semi-perméable. Ici, sans aucun conteste, 
les phénomènes observés pendant la vie du proto- 
plasme pariétal sont en accord rigoureux avec les 
lois physiques de l’osmose. Or, ces mêmes cellules 
morles montrent des propriétés osmotiques tout 
différentes; leur imperméabilité à une foule de sub- 
slances à disparu. Ceci prouve-l-il contre la nature 
physique des phénomènes observés pendant la vie? 
En aucune façon : vivant, le protoplasme pariélal 
possédait certaines propriétés osmotiques ; mort, 
il en a d’autres; mais ni dans un cas ni dans l'autre 
il n'intervient activement pour régler les échanges. 
Si donc l’endothélium vasculaire présente vivant et 


D° P. NOLF — LA PRESSION OSMOTIQUE EN PHYSIOLOGIE 


rigoureuses et bien déterminées. L'une des consé= 


normal une perméabilité différente de celle qu'il 
possède en état de maladie ou de mort, cela n'est 
pas une preuve que la lymphe ne soit pas formée 
suivant les seules lois physiques de filtration et 
d'osmose. La vie de la cellule n'a ici pour effet ques 
d'établir et de maintenir cerlaines conditions de 
perméabilité. Celles-ci étant données et ne variant 
pas d'un moment à l'autre, la filtration de la lymphe 
doit s'établir nécessairement, d'après des lois 


quences de celles-ci, c'est que jamais une pareille 
membrane, qu'elle soit vivante ou morte, ne pourra 
être mouillée sur ses deux faces que par des 
liquides en équilibre osmolique (en admettant, bien 
entendu, un temps suffisant pour l'établissement 
de cet équilibre). 

Cette importance de l'intégrité de la paroi capil= 
laire au point de vue de la formation de la lymphe 
avait été démoutrée par de nombreuses expériences 
de Cohnheim, qui, par l'application de divers irri= 
tants, était parvenu à créer des œdèmes locaux sous 
l'influence d'une pléthore hydrémique. 

Tout récemment Magnus ‘, en soumettant des 
lapins et des chiens à l'action de divers poisons 
(tels que éther, chloroforme, arsenic, phosphore, 
état urémique...), a pu produire chez eux des 
ædèmes eutanés étendus, par l'injection de sérum 
artificiel, qui, à lui seul, ne produisait aucun effet. 
Ici encore, comme pour les lymphagogues de pre- 
mière classe (d’après Starling), il s’agit bien plutôt 
d'une véritable lésion de la cellule endothéliale que 
d'une exagération de sa fonction normale, de sa 
sécrétion, comme le voudraient Heidenhain ou 
Hamburger *. 

Quelles sont donc les conditions de perméabilité 
de la paroi des capiliaires normaux? Des expé- 
riences citées plus haut, on peut conclure que tous 
les éléments cristalloïdes du sang traversent rapi= 
dement la paroi des capillaires. En est-il de même 
des albuminoïdes? 

D'après Slarling, il y a lieu de faire ici une dis= 
linetion entre les capillaires, suivant les organes 
qu'ils nourrissent. 

La lymphe des membres contient environ 2-3 °}, 
d'albuminoïdes, celle de l'intestin 4-6 ?/,, celle du 
foie 6-8 °/,, c'est-à-dire autant ou presque aulant 
que le plasma sanguin. 

Or, ces richesses différentes correspondent à des 
degrés de perméabilité différents. C'est ainsi ques 
la stase veineuse produira des effets très marqués 


1 Maoxus : Die Entstehung der Iautœdeme bei experi 
menteller bydræmische Plethora. Archiv 1ùr experimentell@ 
Pathologie, t. XLIT, 1899. 

2 HaweurGer : Zur Lehre der Lymphbhildung. Archiv fu 
Physiologie de Dubois-Reymond, 1895; et Zeitschrift fü 
Biologie, 1893. 


D' P. NOLF — LA PRESSION 


dans le foie, moindres dans l'intestin et faibles dans 
“es membres. De même la pléthore hydrémique, qui 
ne produit pas d'écoulement de lymphe dans les 
“membres, accroit dans des proportions colossales 
le flux de lymphe du canal thoracique. Si donc la 
lymphe des membres contient moins d'albumi- 
noïdes que la lymphe viscérale, c’est que les capil- 
- laires ne laissent passer les albuminoïdes du sérum 
qu'en beaucoup plus faible quantité. Il existe 
- dans les vaisseaux une concentration de ceux-ci 
- beaucoup plus considérable qu'autour d'eux. Or, les 
albuminoïdes du sérum auraient, d'après des 
mesures directes de Starling", un pouvoir osmotique 
- d'environ 30 millimètres de mercure, c'est-à-dire 
“que, placés dans un osmomètre à paroi imper- 
méable pour eux, mais perméable aux sels du 
sérum, ils atlirent vers l'intérieur de l'osmomètre le 
liquide salin avec un effort tel, qu'il faut une pres- 
“sion hydrostatique de 30 millimètres de mercure 
: réguant à l'intérieur de l'osmomètre pour le con- 
“ trebalancer. Si l’on venait à augmenter la pression 
“interne, le liquide salin filtrerait en dehors et le 
- liquide intérieur s'enrichirait en alhuminoïdes. Or, 
les capillaires des membres constiluent une mem- 
brane peu perméable aux albuminoïdes du sérum. 
Ceux-ci retiennent donc à l’intérieur des vaisseaux 
la masse liquide du sang, et la force de ce pouvoir 
est celle que mesure l'osmomètre. D'autre part, il 
règne dansles vaisseaux une pression hydrostatique, 
la pression sanguine, qui, au niveau des capillaires, 
atleint une valeur de même grandeur que l'altrac- 
tion des albuminoïdes, mais s'y exerce en sens 
iaverse, et diminue dans les capillaires veineux. 
Comme adjuvant des forces osmotiques, il y a lieu 
de ciler la pression intérieure des organes, dont 
l'action neutralisera une partie de la pression san- 
…guine. Slarling® voit, dansle jeu combiné de ces fac- 
“teurs, un ensemble de forces suffisant pour expli- 
uer, Sans aucune intervention aclive de l'endo- 
thélium vasculaire, l'équilibre remarquable qui 
existe entre liquides intra etextra-vasculaires. Les 
constiluants liquides du sang, sollicités par des 
forces à peu près égales et d'action contraire, sont, 
“au point de vue du choix qu'ils ont à faire entre 
l'extérieur et l'intérieur des vaisseaux, dans un 
Dur d'incertitude permanent. Cèdent-ils au niveau 
“des capillaires artériels à l’action dominante de la 
“pression sanguine, ils diluent le liquide extra-vas- 
culaire et concentrent le liquide sanguin d'autant 
“(en albuminoïdes) : conditions favorables pour 
l'établissement d'un mouvement en sens inverse, 
qui s'effectuera dès que la pression sanguine sera 


LE. H. SraruiG : The glomerular functions of the Kidney. 
Journal of Physiology, t. XXIV, 1899. 

© SrarLixG : On the absorption of fluids from the connec- 
tive tissue spaces. Journal of Physiology, t. XIX, 1895-96. 


OSMOTIQUE EN PHYSIOLOGIE 


de 
| 
= 


très légèrement diminuée, c'est-à-dire au niveau 
des capillaires veineux. Il pourra done s'effectuer 
une fillration continue de liquide dans une partie 
de l'arbre circulaire, avec résorplion équivalente 
dans l’autre. 

Dans les parties de l'organisme, le foie par 
exemple, où la lymphe est très riche en albumi- 
noïdes, le pouvoir osmotique (effectif) du sang sera 
fortement diminué, le liquide transsudé aura peu 
de tendance à rentrer dans les vaisseaux. C'esl 
aussi là que se forment les plus grandes quantités 
de lymphe el que règne d'ailleurs la pression capil- 
laire la plus faible. 

D'après les idées de Slarling, également soute- 
nues par Cohnstein, ce n’est done aucunement la 
tension osmotique totale du plasma qui importe 
au point de vue des échanges de liquides entre les 
tissus et le sang, mais la fraction très faible de 
cette tension qui est due aux substances pour 
lesquelles l'endothélium vasculaire est peu ou pas 
perméable, c'est-à-dire les albuminoïdes (tension 
osmolique effective). Quand on injecte dans les 
veines d'un animal des solulions concentrées de 
cristalloïdes, on augmente passagèrement la tension 
osmolique tolale du sang; mais l'équilibre s'établit 
presque instantanément par sortie d'eau des lissus ; 
d'où dilution considérable du sang et abaissement 
proporlionnel de la tension osmolique effective. 
Cette diminulion de la tension osmotique effective 
joint ses effets à l'augmentation de pression dans 
les capillaires qu'amène la pléthore hydrémique, et 
l'on voit se produire une diurèse abondante et un 
écoulement exagéré de lymphe thoracique. Mais ces 
phénomènes ne durent guère et, après quelques 
heures, l'état normal s'est rétabli. 

Quels sont les effets de l'injection de solutions 
concentrées de colloïdes, telles que le sérum épaissi, 
la gomme arabique, la gélaline, ete. ? Lei aussi, on 
assiste, sitôt l'injection faile, à une véritable dilu- 
lion du sang, ainsi que l’atteste la forte diminution 
du nombre des hématies!. À ce point de vue donc, 
identité absolue entre colloïdes et cristalloïdes. 
Muis l'effet de la pléthore causée par les crislal- 
loïdes était une diminution de la pression osmolique 
effective du plasma sanguin, qui est augmentée au 
contraire dans la pléthore due aux colloïdes. Dilré- 
rence essentielle au point de vue de la théorie phy- 
sique de la filtration, différence essentielle aussi au 
point de vue du résultat ultérieur de l'injection. 
Tandis que lymphe et urine coulent abondamment 
après l'injection des cristalloïdes, il ne se produit, 
dans la pléthore due aux colloïdes, ni augmentalion 
de l'écoulement de la lymphe, ni accélération de la 


1 Czerxy : Versuche über Bluteindickung und ihre folgen. 
Archiv für experimentelle Pathologie und Pharmakologie, 
. XXXIV. 


ED. SAUVAGE — LES LOCOMOTIVES A LA FIN DU XIX° SIÈCLE 


sécrélion urinaire’ (quand la solution de colloïde 
est suffisammentconcentrée). Et l'appauvrissement 
du sang en globules rouges, passager dans le pre- 
mier cas, peut persisler pendant des jours pour je 
second. 

A côté des facteurs (pression capillaire, pouvoir 
osmotique des albuminoïdes, diffusion), dont lac- 
lion a élé mise hors de doute par les travaux 
exposés jusqu'ici, il y a lieu de citer aussi la désin- 
tégration moléculaire, qui s'effectue dans les tissus. 

C'est Koranyi* qui a insisté particulièrement sur le 
rôle de celle-ci’. Les phénomènes vitaux s'accom- 
pagnent d’une destruction de grosses molécules en 
molécules plus petites et plus nombreuses, d'où 
hausse de la valeur osmolique dans les liquides cel- 
lulaires et péri-cellulaires, hausse qui est maintenue 
constante grâce à la continuité de la vie. Cette diffé- 
rence constante de niveau osmotiqueentreleliquide 
intra- et extra-vasculaire aura pour effet la sorlie 
d'une certaine quantité d'eau des vaisseaux el agira, 
par conséquent, comme adjuvant de la filtration due 
à la pression sanguine. Plus un tissu ou un organe 
déploieront d'aclivité vitale, plus intense sera 
l'action de ce nouveau facteur, plus abondante aussi 
sera la formation de la lymphe.Asher et Barbera*ont 
récemment insisté beaucoup sur le rapport existant 
entre l'activité de diverses glandes et la quantité 
de lymphe qui s'en écoule et ils en sont arrivés à 
admettre, comme facteur essentielet actif de forma- 
tion de lymphe, non pas l'endothélium vasculaire, 
mais les cellules glandulaires elles-mêmes. D'après 


eux, la pléthore hydrémique n'agirait que gràce à 
son action excitante sur les diverses sécrétions, él 
la peptone devrait son activité lymphagogue à sons 
pouvoir cholagogue prononcé. 

Pourquoi l’action sur la sécrétion doit-elle êtres 
considérée comme primilive, et l'accroissement 
d'écoulement de lvmphe comme secondaire, voilà 
ce que ne nous disent pas ces auteurs. Et, d'autre. 
part, dans des recherches plus récentes, où, grâces 


à l'emploi de poisons vasculaires, Asher empêche 


l'action lymphagogue et cholagogue de la peptone; 
il n'en obtient pas moins, par l'injeelion de cristal= 
loïdes, un écoulement de lymphe aussi considérable 
que normalement. 

Il n'en est pas moins vrai que ces travaux ont’ 
mis en lumière l'importance de l’activité organique. 
sur la formation de la lymphe, en excluant dans 
les cas examinés les changements mécaniques de 
la cireulation. Il résulte de celte longue revue qu'il 
serait imprudent d'être trop exclusif et de vouloir 
rattacher à telle ou telle cause unique la formation 
de la lymphe. Les recherches exposées plus haut 
ont montré la valeur de quelques facteurs. IL en 
existe probablement encore d'autres, dont de fu=" 
turs travaux montreront la nature et l'importance. 


Dans un second article, nous examinerons le 
rôle des phénomènes osmoliques dans l'absorption 
intestinale el les sécrétions glandulaires. 


D' P. Noli. 


Assistant de physiologie 
à l'Université de Litge. 


LES LOCOMOTIVES À LA FIN DU XIX° SIÈCLE 


récent arlicle à l'exa- 
: mais, 


La /evue à consacré un 
men d'ensemble de la machine à vapeur” 
parmi les machines, les locomotives méritent une 
élude spéciale. L'imporlance des services rendus 
par les locomotives, le grand nombre de ces ma- 

“hines à la surface de la terre, nombre qu'on peut 
estimer à 130.000 ou 140.000, l'augmentation de 


i Srmo : Ueber Diurese. Archi für experimentelle Patho- 


logie, €. XLI. 

2 Koranvyi : Zeitschrift fu: kliniseche Mediein, t. XXXUIT, 
p. 1. 1898. 

# Voir aussi Rorn : Permeabilität der Cipillarwand. Archiv 


fur Physiologie, 41899. 

‘ Asuen et Banpena : Eigenschaften und Entstehung der 
Lymphe. Zeitschrift für Biologie, t. XXXVI, p. 154-255, 1898. 

Asuer : Zhidem, t. El P- 20101899; 

Asuer et G1es : Zbidem, LE des p. 180, 1908 

Asuer et BUscH : 5 TE t. XL, p. 333, 1900. 

5 Les machines à vapeur en 1900, numéro du 15 sep- 
tembre 1900, p. 1.001. 


leur puissance dans les construclions récentes, 
enfin l’adoption assez générale de cerlains types, 
analogues par divers construcleurs, rendent cette 
élude particulièrement intéressante. 


Pour arrèler les dispositions d'une locomotive, 
il convient de préciser la nalure des services qu'on 
lui demande: elle doit remorquer un train de poids 
donné, avec une vilesse délerminée, sur une cer 
laine ligue de chemin de fer. Ces lermes un peu 
vagues du problème se précisent quand on re= 
marque que la résistance à la traction des trains, 
composés d'un malériel bien construit et de type dé= 
terminé, entretenu en bon état, a une valeur assez 
constante pour chaque vitesse, sur une voie horizon= 
tale (à moins que le train ne soit soumis à l’action 
d'un vent violent, qui peut en augmenter beaucoup 


à 


La 


… Ja résistance). Cette résistance des trains, exprimée 
“en kilogrammes par tonne, fait connaître l'effort 


de traction nécessaire pour remorquer chaque 


n 


_ tonne’. 


A celle résistance intrinsèque des véhicules 
s'ajoute celle qui résulte de l'inclinaison de la voie, 
une rampe d'un certain nombre de millimètres par 
mètre augmentant d'autant de kilogrammes par 
tonne la force de traction nécessaire. Les courbes 
causent aussi une résistance supplémentaire. 

Après avoir ainsi défini le fonctionnement nor- 
mal de la locomotive, il ne faut pas oublier qu’on 
lui demande de travailler dans.des conditions aussi 
variées que possible, en remorquant des charges 
moindres à plus grande vilesse, et plus fortes à 
vitesse réduite. La variation du régime résulle 
d'ailleurs, avec un même train, des changements de 


. l’inclinaison des voies. 


Pendant les périodes de démarrage, la locomo- 
- Live doit fournir l'excès d'effort de traction 
“saire pour imprimer au train une accéléralion 
suffisamment rapide. 

Le poids de la locomotive a des limites fixées 
d’après la solidité des ponts qui ont à la porter; en 
outre, la charge sous chaque roue est limitée par 
les condilions d'’élablissemeut de la voie. Il est 
d’ailleurs évident que la locomotive doil être essen- 
tiellement une machine légère relativement à sa 
puissance, puisqu'elle constitue une masse à un 
certain point de vue inutile qui s'ajoute au train 
utilement transporté. 

Une autre sujétion résulle de la nécessité d’ins- 
crire le profil transversal de la locomotive dans le 
gabarit de la ligne qu'elle doit parcourir. Les gaba- 
rits diffèrent beaucoup d'un pays à l'autre: ils sont 
très petits en Angleterre, moins resserrés dans 
l'Europe continentale; c'est en Amérique qu'ils 
atteignent les plus grandes dimensions, en hauteur 
et en largeur. 

Il est de première importance que la locomolive 
circule avec une entière sécurilé sur les rails, aux 
plus grandes vitesses ; il ne faut pas qu'elle faligue 
outre mesure ni qu'elle déforme la voie, el même 
elle doit franchir aisément, sans être exposée au 
déraillement, les inégalités accidentelles qu'on 
n'est jamais sûr d'éviter absolument, quelque soin 
qu'on apporte à l'entretien. 

Enfin la locomotive doit satisfaire à la condition 
primordiale de tout appareil industriel: elle doit 
. travailler économiquement. 

Le prix de revient du service des locomotives 


néces- 


1 Pour fixer les idées, on peut admettre, aux vitesses de 
25, 50, 15 et 100 kilownètres à l'heure, des résistances de 
2 — 3,5— 5 et 6,5 kilogrammes par tonne; toutefois, ces 
valeurs sont assez variables, suivant les dispositions du 
matériel. 


à ED. SAUVAGE — LES LOCOMOTIVES A LA FIN DU XIX° SIÈCLE 


173 


dépend d'ailleurs non seulement des machineselles- 
mêmes, mais beaucoup de l'usage qu'on en fait. 
Quand on emploie des locomotives puissantes à 
remorquer des charges réduites, on les ménage; 
les dépenses d'entrelien et de combustible sont 
modérées; pourvu que les charges ne soient pas par 
trop insuffisantes, il est probable que, rapportées 
au cheval-heure, ces dépenses atleindraient leur 
minimum. Au contraire, on peut surmener les 
machines, leur faire trainer la charge la plus lourde 
qu'elles puissent prendre, pour une vitesse déter- 
minée; la production de la chaudière est alors 
forcée jusqu'à ses dernières limites, et la vapeur 
n'est pas utilisée économiquement. Les dépenses de 
et d'entretien augmenteront 
beaucoup. Mais les frais de personnel sont mieux 
ulilisés; les charges de capital sont moindres, et 
cette marche, rapportée à la tonne kilométrique 
transportée, peut être la plus avantageuse. En un 
mot, il ne s'agit pas de produire l'unité de travail 
(le cheval-heure par le moteur avec la 
moindre dépense, il faut abaisser au minimum le 
prix de revient des transports, par exemple le prix 
de la tonne transporlée à un kilomètre, en tenant 
comple de loutes les dépenses du chemin de fer. 


combustible aussi 


fourni 


IT 


L'effet ulile de la locomotive peut se mesurer par 
un certain effort de traction et par une certaine 
vitesse: en multipliant l'effort par la vitesse, on 
oblient l'expression de la puissance de la machine !. 
C'est la puissance utile, qui résulte de l'effort de 
traction sur le crochet d’attelage ; mais la puissance 
de la locomotive se présente sous trois étals suc- 
cessifs: la vapeur, en poussant les pistons, produil 
d'abord la puissance indiquée; vient ensuite la 
puissance eflective du moteur, qui résulte de la 
poussée horizontale exercée sur les rails par les’ 
roues motrices : par suite des froltements du méca- 
nisme, celte puissance effeclive est moindre que 
la puissance indiquée. Enfin, pour arriver à la puis- 
sance ulile, on subit un second déchet, fort impor- 
tant, parce que la locomotive doit se trainer 
elle-même, avec son tender qui porte les appro- 
visionnements d’eau et de charbon qu'on juge 
nécessaires, suivant la longueur du parcours. On 
doit toutefois remarquer qu'une portion de la diffé- 


1 La définition de la puissance, quotient du travail par la 
durée, est rappelée dans l’article précité de la Æevue (15 sep- 
tembre 1900, p. 1001). Le produit d'une forse parune vitesse, 
c'est-à-dire par le quotient d'un espace parcouru par la 
durée du parcours, est le produit d'une force par un par- 
cours, c'est-à-dire un travail, divisé par une durée; c'est 
donc bien une puissance. Même les techniciens confondent 
souvent, d'une manière fâcheuse, les expressions fonda- 
mentales : force, travail et puissance. 


41% 


rence entre la puissance effective et la puissance 
utile correspond au travail absorbé par la résistance 
de l'air, dont'une fraction serait, en toute rigueur, 
attribuable au train, en partie masqué par le 
tender. 

C'est surtout aux vitesses extrêmes que le poids 
de la locomotive et du tender vient en 
réduire beaucoup l'effet utile. A mesure que la 
vitesse augmente, l'effort maximum de traction 
qu'on peut produire diminue, parce que, d'une part, 
la production de là vapeur ne peut augmenter 
proportionneliement à la vilesse, et parce que les 
laminages de vapeur réduisent de plus en plus la 
pression sur les pistons. D'ailleurs, la locomotive 
elle-même, avec son tender, exige une part crois- 
sante de cet effort réduit: on est obligé de dimi- 
auer de plus en plus la charge utile, si bien qu'on 
arrive à une limite où elle serait nulle. 

A petile vitesse, lorsque la grandeur de Feffort 
moyen nécessaire tient à lamontée defortes rampes, 
le poids de la locomotive devient une fraction 
importante du poids total remorqué, jusqu'à ce 
qu'on arrive à la rampe limite où elle se remorque- 
rait seule. 

La liaison de deux ou plusieurs essieux, à l'aide 
de hielles d'accouplement, qui les obligent à tourner 
ensemble, permet de profiter, pour l'adhérence, du 
poids supporté par les essieux ainsi couplés. 

Pour remorquer de lrès fortes charges, à vitesse 
nécessairement réduite, on a besoin d'une grande 
adhérence, la grandeur de l'effort de traction 
résultant des dimensions des cylindres et du faible 
diamètre des roues. Dans cerlains cas, on arrive à 
l’adhérence totale, lous les essieux étant moteurs. 

L'effort de traclion, qui s'exerce à la jante des 
roues motrices, ne doit pas dépasser la limite de 
l’adhérence, sinon les roues se mettent à paliner 
au lieu d'avancer en roulant sur les rails. Cette 
limite d'adhérence, assez variable, peut atteindre 
le sixième ou le cinquième du poids que la roue fait 
porter au rail ; elle s'abaisse beaucoup quand les rails 
sont humides, mais le sable permet de la ramener 
à une valeur à peu près suflisante. 

La limite du poids sous les roues, qui dépend de 
la constitution des voies, parait êlre actuellement, 
sur les grandes lignes françaises, de 17 à 18 tonnes 
pour l’ensemble des deux roues d'un essieu. Ce 
poids est parfois dépassé en Angleterre et aux 
Etats-Unis ; trouve des exemples d'essieux 
chargés à 20 et 22 tonnes. En outre, on doit lenir 
comple, dans une certaine mesure, du rappro- 
chement plus ou moins grand des différents 
essieux. 

On ne peut pas aller plus loin, c'est-à-dire utiliser 
toute la puissance de la machine en remorquant de 
plus fortes charges à des vilesses encore réduites, 


même 


on 


ED. SAUVAGE — LES LOCOMOTIVES A LA FIN DU XIX° SIÈCLE 


parce que l'effort de traction devrait dépasser celui 
que l'adhérence permet d'utiliser. Il est alors 
nécessaire d'employer d’autres dispositions, par 
exemple de recourir à la crémaillère. 

Il est clair qu'il est aisé de construire des loco- 
motives n’atleignant pas les limites de poids impo- 
sées, et de puissance réduite. Cela est quelquefois 
utile, surtout pour des réseaux secondaires ; mais, 
en général, les chemins de fer ne manquent pas de 


Jocomolives anciennes, relativement faibles, qui 


conviennent pour les services faciles. 

On a parfois critiqué la largeur usuelle des voies, 
1%,44 environ entre les bords intérieurs des rails, 
en disant qu'elle imposait une limite fâcheuse à la 
puissance des locomolives, et qu'une largeur un 
peu plus grande aurait permis une amélioration 
considérable dans la construction de ces machines. 
On faisait cette critique il y a quinze ou vingt ans; 
et, depuis cetle époque, bien que la largeur des 
voies n'ait pas élé augmentée, on à énormément 
accru la puissance des locomotives. Il est certain 
que le constructeur de locomotives trouve en 
général que la place lui est élroilement mesurée 
pour loger tous les organes de la machine et leur 
donner des dimensions suffisantes. Mais il n’est 
pas évident qu'une voie plus large permettrait 
d'augmenter beaucoup la puissance des machines, 
parce que, pour en profiter, il faudrait dépasser les 
limites des poids que peuvent porter les rails; il 
faudrait donc une voie non seulement plus large, 
mais encore plus robuste. Or, qu'on donne simple- 
ment aux constructeurs de locomolives celte voie 
renforcée, ils sauront bien accroître encore la puis- 
sance de leurs machines. 

Dans l'étude de la locomotive, on considère sépa- 
rément la chaudière, qui produit la vapeur, le 
moteur, qui l'utilise, et le véhicule, qui porte l'en- 
semble. C’est une division du sujetcommode; mais, 
pour la construction de nouvelles locemotives, il 
faut prendre garde de se laisser entrainer à la 
déterminalion séparée de ces différentes parties, 
qui doivent s'assembler entre elles d'une façon 
étroite, de manière à composer un ensemble homo- 
gène. Tous les organes d'une locomotive dépendent 
les uns des autres, et, si on ne les détermine pas 
comme membres d'un corps unique, on risque de 
créer un monstre, au lieu de produire une machine 
présentant les qualités nécessaires d'harmonie et 
d'unité. 


III 


La chaudière de locomotive est assez compliquée, 


mais elle s'adapte bien aux conditions spéciales 
qui lui sont imposées. 

Il est digne de remarque que, malgré des essais 
de dispositions nouvelles, parfois très ingénieuses, 


ED. SAUVAGE — LES LOCOMOTIVES À LA FIN DU XIX° SIÈCLE 


telles que l'emploi des foyers circulaires en tôle 
“ondulée de la marine, la suppression complèle 

de la boîte à feu avec le foyer, remplacés par une 

chambre en briques, on s'en est toujours tenu, 
“en pratique, au vieux système de la chaudière 
“tubulaire avec ses différentes parties agencées de 
_ même. 

Cette chaudière se compose d'une hoïte à feu, 
‘dans laquelle se trouve placé le foyer, d'un corps 
cylindrique, fixé à la boite à feu et traversé par un 

“grand nombre de lubes qui reçoivent les gaz chauds 
produits dans le foyer, d'une oïle à fumée, où 
pénétrent les gaz sortant des tubes, et que surmonte 
la cheminée. 

—. Le foyer est formé de quatre faces à peu près 

“ verlicales, et d'un cie] horizontal, qui le ferme à la 
partie supérieure; il est ouvert à la partie infé- 
rieure, où est placée la grille. 

La boite à feu a des faces verticales placées à 
“pelite distance de celles du foyer, auxquelles elles 
“sont reliées par des eztreloises ; à la base, un 

cadre ferme l’espace occupé par des lames d'eau 
entre les tôles voisines. 

La face avant du foyer, dite plaque tubulaire, est 
percée de trous où s'ajustent les lubes, dans la 
partie qui correspond au corps cylindrique. 

La face supérieure de la boîte à feu peut être une 
paroi plane, rallachée par des entretoises au ciel 
du foyer; c'est la disposition la plus solide et la 
plus simple, qu'on applique de plus en plus 
fréquemment dans les constructions récentes. 

On à beaucoup employé, notamment dans la 
construction anglaise, une boile à feu fermée à la 
partie supérieure par un berceau demi-cylindrique 
qui prolonge le corps cylindrique; la consolidation 

du ciel du foyer est alors plus difficile. Cette 
“disposition donne une ligne très simple à la 
ilhouette extérieure de la locomotive; mais, à 
esure que ceux qui voient les machines se rendent 
ieux comple des condilions de résistance des 
iverses parlies, ils en arrivent à préférer, au 
simple point de vue esthélique, les formes qui 
indiquent ia construction la plus logique. 
- La largeur de la grille est souvent limitée à un 
mètre, parce qu'elle est contenue dans le foyer, 
“monté lui-même à l'intérieur de la boite à feu 
“descendant entre les longerons, placés entre les 
“roues. D'autre part, la longueur de la grille ne peut 
$ guère dépasser 3 mètres, pour la commodité du 
… chargement. Toutefois, dans certains cas, la boite 
“à feu déborde au-dessus des longerons intérieurs 
et mème des roues, ce qui augmente la largeur de 
-la grille : cette disposition a été appliquée en 
Belgique par feu M. Belpaire, et le foyer Wootten, 
usité sur certaines locomotives américaines, ren- 


“ 


ferme une grille destinée à brûler des anthracites | 


menus, dont la surface atteint 9 mètres carrés. 

Dans les locomotives à grandes roues, on à 
pendant longtemps placé le corps cylindrique en 
grande partie entre les roues, ce qui en limitait 
étroitement le diamètre, puisque la Lôle de la chau- 
dière doit toujours rester à quelque distance des 
roues ; On paraissait allacher quelque importance 
à ce que l’axe de la chaudière ne fût pas placé trop 
haut. Mais on a reconnu, depuis plusieurs années, 
qu'il n'y avait aucun inconvénient à élever cet axe 
beaucoup plus qu'on ne le faisait précédemment : 
le diamètre du corps cylindrique peut alors être 
suffisamment augmenté pour les locomotives à 
grandes roues comme pour les autres : on trouve, 
sur certaines machines américaines, des diamètres 
dépassant 2 mètres, et la hauteur de l’axe au- 
dessus du rail atteint 2",900. 

Les {ubes, traversés par les gaz chauds du foyer, 
donnent une surface de chaufle étendue dans une 
chaudière relativement petite. Pour une longueur 
donnée entre les deux plaques tubulaires où ils 
s'ajustent, et pour une même section transversale 
du corps cylindrique à garnir de tubes, cette 
surface de chauffe est d'autant plus grande que 
les tubes sont plus rapprochés et de plus petit 
diamètre. 

Mais il y à inconvénient à serrer par trop les 
tubes : dans les plaques lubulaires, les parois 
métalliques trop minces, qui restent entre les trous, 
se rompent aisément: d'autre part, les Lubes trop 
serrés ne laissent plus assez d'espace dans la chau- 
dière pour l'accès de l’eau et le dégagement de la 
vapeur, et les intervalles trop étroils se remplissent 
facilement d’incrustations déposées par les eaux 
calcaires ou sélénileuses. Aussi ne parail-il pas 
avantageux de descendre au-dessous de 45 milli- 
mètres pour le diamètre extérieur des tubes (ce qui 
donne 40 millimètres environ à l'intérieur), et ül 
convient que la distance de centre à centre de ces 
tubes dépasse 60 millimètres. 

Une application intéressante, fréquente surtout 
en France, est celle des tubes Serye à ailettes inté- 
rieures : ces ailettes augmentent la surface en 
contact avec les gaz chauds, et on peut alors 
employer des tubes plus gros (70 millimètres à 
l'extérieur) en moins grand nombre. 

L'emploi des tubes à ailettes a définitivement 
tranché, par un argument pratique irréfutable, une 
ancienne discussion sur la manière de mesurer la 
surface de chauffe des chaudières : les 
taient la surface intérieure des lubes, en contact 
avec les gaz chauds, lesautres la surface extérieure, 
baignant dans l'eau. On avait une certaine préfé- 
rence pour celte seconde méthode, parce qu'elle 
donne de plus grands nombres, qui font meilleur 
effet sur le papier. Mais les tubes à aileltes inlé- 


uns COMpP- 


476 


ED. SAUVAGE — LES LOCOMOTIVES A LA FIN DU XIX° SIÈCLE 


rieures, dont la surface mouillée est fort réduite 
par rapport à la surface chauffée, donnent de bons 
résultats ; c’est donc cetle dernière qui est la plus 
importante. Une autre preuve de ce fait se voit dans 
le faible échauffement du métal des chaudières 
cette heureuse circonstance tient à ce que la cha- 
leur entre difficilement dans la tôle, tandis qu'elle 
sort aisément dans l’eau. 

On ne doit pas considérer uniquement la surface 
de chauffe des tubes, mais il faut tenir compte de 
la section transversale, qui détermine le passage 
ouvert aux gaz chauds, se rendant du foyer à la 
cheminée. Trop petite, cette section diminue l’acti- 
vilé du tirage. On est le plus souvent obligé, pour 
consolider l'emmanchementdes tubes dans la plaque 
tubulaire du foyer, d'y enfoncer des hagues ou 
viroles,qui réduisent beaucoup la section à l'entrée. 

Un organe essentiel et caractéristique de la loco- 
motive est la {uyère d'échappement, qui rejette 
dans la cheminée la vapeur sortant des cylindres, 
de manière à produire un tirage forcé des plus 
intenses. Il convient que l'appel soit énergique, 
qu'il puisse être gradué suivant les besoins, que 
l'air soit également réparti sur toute la surface de 


la grille, et que la tuyère d'échappement ne crée 


pas une contre-pression trop forte sur les pistons. 

Certaines études théoriques et quelques expé- 
riences spéciales ont été faites pour déterminer les 
meilleures disposilions de l’échappement. Néan- 
moins, les résultats de ces recherches sont loin 
d’être complets, et c'est d’après quelques règles 
empiriques assez mal établies qu'on dispose habi- 
tuellement les tuyères d'échappement des locomo- 
tives. Il y a place pour de nouvelles études, et pour 
des perfectionnements peut-être importants. 

Les boites à fumée étaient autrefois aussi pelites 
que possible. Depuis une dizaine d'années, on a 
beaucoup appliqué en Europe la hoïle à fumée 
allongée, longue de deux mètres environ, originaire 
d'Amérique. Grâce à sa vaste capacité, elle peut 
recueillir une grande quantité d’escarbilles, entrai- 
nées par le tirage actif,sans que ces escarbilles accu- 
mulées viennent obstruer le débouché des tubes. 
Les ingénieurs européens ont récemment appris, 
avec une cerlaine surprise, qu’un retour à la boile 
de plus pelite dimension paraissait se produire en 
Amérique, tandis qu'ils étendaient les applications 
de la boite agrandie. Voici les motifs de celte nou- 
velle pralique américaine. On pousse tellement la 
combustion, aux États-Unis, que les entrainements 
aucune boîte à fumée, 
quelle qu'en fût la capacité, ne saurait les recueillir 
en totalité. À quoi bon alors en garder une fraction? 
On à pris le parti de disposer les appareils pour 
que les escarbilles soient rejelées par la cheminée, 
toutefois après s'être broyées par le choc contre 


d'escarbilles sont énormes : 


z 


les parois de la boite à fumée, afin d'éviter la pro= 


jection de gros fragments pouvant allumer des 


incendies. 

La pression effective de la vapeur s'élève à 
14, 15 et même 16 kilogrammes par centimètre 
carré pour les locomotives compound; elle est 
généralement limitée à 10 ou 12 kilogrammes par 
centimètre carré pour les locomotives à simple 
expansion. L'emploi de tôles d'acier doux, de 
qualité très uniforme, a permis à la fois d'aug- 
menter la pression et les dimensions de la chaudière 


sans accroître l'épaisseur du métal aulant qu'il 


l'aurait fallu d’après les règles anciennes. Pour les 
foyers, on emploie en Europe le cuivre, tandis qu’en 
Amérique on les construiten tôles d'acier beaucoup 
plus minces; il en résulte non seulement une éco- 
nomie sur le prix du métal, mais encore une réduc- 
tion fort appréciable du poids. En Europe on à 
trouvé jusqu'ici que la durée des foyers d'acier 
était trop courte, et qu'il en résultait une augmen-— 


lation de dépenses pour l'entretien; en présence de” 


la nécessité d'augmenter toujours la puissance des 
machines, sans dépasser certaines limitesde poids, 
il serait désirable qu'on püt arriver à construire 
dans de bonnes conditions des foyers très légers. 

Pour apprécier, d'une manière générale, une 
chaudière de locomotive, il convient de considérer 
la production de la chaleur, qui dépend des dispo- 
sitions du foyer, des tubes, de l'échappement el 
principalement de la surface de la grille, el l'utili- 
sation de la chaleur produite, qui est en rapport 
avec la surface de chaufe. L'action des différentes 
parties de la surface de chauffe d'une chaudière est 
fort inégale : tandis que les premiers mètres carrés 
de cette surface, en contact avec les gaz très chauds 
de la combustion, et surlout ceux qui forment la 
surface de chauffe direcle, qui reçoivent en outre 
la chaleur rayonnante dégagée par le combustible, 
absorbent beaucoup de chaleur dans un temps 
donné, la transmission est bien moins active à 
travers les derniers mèlres carrés, baignés par des 
gaz déjà refroidis. La production des chaudières 
est donc loin d'être proportionnelle à la surface de 
chauffe. 

IV 


De même que la chaudière, le mécanisme de la 
locomotive est resté le même en principe depuis 
soixante ans : la distribution de la vapeur est tou- 
jours effectuée dans chaque cylindre par un tiroir 
unique, commandé par un appareil de changement 
de marche, tel que l'ancienne coulisse de Ste- 
phenson. Cette coulisse est encore usitée, mais 
souvent on fait usage d'autres mécanismes équi- 
valents, plutôt à cause des convenances de l’instal- 
lation dans chaque cas particulier, qu’en raison de 


De te tr 


ED. SAUVAGE — LES LOCOMOTIVES À LA FIN DU XIX° SIECLE 


ES 
1 
— 


a 
leurs avantages intrinsèques comme appareils de 
|Mistribution. Parmi ces mécanismes, celui de Wals- 
Chaerts, fort employé en Belgique, en France et en 
Allemagne, convient surtout pour commander des 
tiroirs placés au-dessus de cylindres extérieurs. Le 
“mécanisme de Walschaerts prend un des mouve- 
inents de commande du tiroir sur la crosse du 
piston, ce qui élimine l'influence perturbatrice de 
l'obliquité de la bielle motrice, d'où résullent, avec 
d'autres systèmes, des inégalités dans l'admission 
Sur les deux faces du piston. 

— Les essais de distributions petfectionnées, à 
tiroirs superposés, à obturateurs multiples, sont 
restées à l'état d'applications isolées. 

Au tiroir plan ordinaire, qui consomme un travail 
notable en frottements inutiles et même nuisibles, 
“car ils produisent une usure rapide des surfaces 
frottantes et des mécanismes, on substitue assez 
fréquemment aujourd'hui le /iroir cylindrique, 
dont l'emploi est d'ailleurs ancien, car M. Ricour 
J'avait appliqué vers 1883 aux locomotives des (‘Le- 
“ins de ler de l'Etat français. 

La modification la plus importante qui ait été 
"apportée au système ancien des locomotives se voil 
dans l'emploi de plus en plus fréquent de la dispo- 
Silion compound, où la vapeur travaille successive- 
k ment dans deux cylindres de dimensions croissantes, 
entre lesquels se trouve un réservoir intermé- 
diaire de: vapeur. Quelquefois ce réservoir est 
supprimé, et la vapeur passe directement du pelit 
dans le grand cylindre : c'est la disposition connue 
sous le nom de Woolf. 

Comme la locomotive ordinaire, à simple expan- 
Sion, avait deux cylindres, il a suffi d'en remplacer 
“ün par un cylindre plus grand pour obtenir 
Ja marche en compound, comme l'a fait M. Mallet 
ers 1872. Mais comme ce second cylindre n'est plus 
directement en communicalion avec la chaudière; 


es deux cylindres, en donnant un échappement à 
Lextérieur au premier, et une admission directe au 
second. 

Les locomotives compound à deux cylindres sont 
“irès nombreuses, surtout en Allemagne el en Au- 
“riche, Mais, dans bien des cas, on a préféré mulli- 
plier le nombre des cylindres, porté à trois et plus 
“souvent à quatre, d’abord parce qu'avec deux 
“cylindres seulement on arrivait parfois à des dimen- 
“sions excessiveset génantes pour le second cylindre, 
ensuile afin de réduire les efforts que supportent 
les pièces du mécanisme. 


Les locomotives compound à trois cylindres on! 
été construites depuis longtemps par l'ingénieur 
F. W. Webb : deux petits cylindres, à haute pres- 
sion, attaquaient un essieu à la manière ordinaire : 
un gros cylindre unique, à basse pression, comman- 
dait un autre essieu, non accouplé avec le précé- 
dent. Cette disposilion, présentant divers inconvé- 
nients, nes'est pas développée en dehors du maté- 
riel du London and North- Western Railway. On a 
aussi construit des locomotives compound à trois 
cylindres, avee un cylindre à haute pression placé 
au centre et deux cylindres à basse pression exlé- 
rieurs. 

Quatre cylindres, dont deux à haute pression el 
deux à basse pression, se prêlent à plusieurs mon- 
tages différents. Dans le système Vauelain, usité 
aux États-Unis, il y a de chaque côté de la locomo- 
live un groupe formé d'un eylindre à haute pression 
et d'un cylindre à basse pression superposés, avec 
distributeur unique de vapeur; les deux liges de 
piston sont attelées sur une traverse verticale qui 
porte au milieu l'articulation de la pelite tête de la 
bielle motrice. D'autres fois, les cylindres sont en 
tandem, placés l'un derrière l'autre. 

Une disposition très intéressante, qui a reçu de 
nombreuses applications, surtout en France, est 
celle des cylindres formant deux groupes séparés, 
qui commandent chacun un essieu. On avait d'abord 
pensé qu'on pourrait supprimer l'aceouplementdes 
deux essieux, commandés séparément par les deux 
groupes, ainsi que l'avait fait M. Webb, mais on à 
reconnu qu'il y avait grand avantage, au point de 
vue de l'équilibre des pièces et de la bonne marche 
de la machine qui en résulte, à conserver l'accou- 
plement. 

Outreles avantages propresausystème compound, 
qui utilise mieux la vapeur que la simple expan- 
sion, celte disposition, en divisant entre deux 
groupes la puissance lotale, a ramené la locomotive 
moderne, utilisant la vapeur à très haule pression, 
aux conditions favorables des anciennes locomo- 
tives travaillant à pression modérée, parce que la 
haute pression totale n'agit qu'en deux fractions 
successives. La faligue des pièces, se traduisant en 
lourdes dépenses d'entretien, devenait excessive 
pour les locomotives ordinaires, à mesure que la 
pression augmentail, parce qu'on n'arrivail pas à 
donner à ces pièces des dimensions suffisantes : la 
disposition compound à quatre cylindres à fourni 
une bonne solution d'un problème fort difticile. 
Elle a permis d'obtenir des machines excellentes, 
sans augmenter les dépenses de traction. Si la dé- 
pense d'achat est un peu plus forte, elle est large- 
ment compensée par l'économie de combustible 
qui résulte de la disposition compound, ef, d'autre 
part, la multiplicité des mécanismes n'augmente 


118 


ED. SAUVAGE — LES LOCOMOTIVES A LA FIN DU XIX° SIÈCLE 


pas les dépenses d'entretien autant qu'on pourrait 
le craindre, parce que ces mécanismes s’usent bien 
moins vite que ceux des locomotives à simple 
expansion. 

La cause de 
double : 


l'économie de combustible est 
d'abord, la disposition compound exige 
moins de vapeur pour la production d’une puis- 
sance donnée; et, par suile de cette réduction de la 
dépense de vapeur, la chaudière est moins sur- 
menée, de sorte que la production, par kilogramme 
de combustible brûlé, est plus forte. 

On à parfois supposé que la locomotive com- 
pound élail moins élastique que la locomotive ordi- 
naire, c'esl-à-dire se prêtait moins bien à des 
services très variables, et surtout qu'elle ne prenait 
pas aussi facilement de grandes vitesses. Mais la 
pratique à fait justice de ces préjugés. Il est juste 
d'ajouter que les inconvénients signalés ont pu 
quelquefois se produire, mais ils tenaient à des 
dispositions vicieuses qui ont été améliorées. 


\ 


Les disposilions de la locomotive, envisagée 
comme véhicule qui roule sur les rails, demandent 
à être déterminées avec le plus grand soin: ces 
dispositions laissent quelquefois à désirer dans 
certaines constructions anciennes. Les conditions 
d'adhérence exigent l’accouplement d'un nombre 
d'essieux variable, suivant la grandeur de l'effort à 
produire, la charge sous chaque essieu étant limi- 
tée. Cette limite est fixée pour la locomotive pesée 
sur des bascules formant une voie bien horizon- 
lale, les ressorts élant soigneusement réglés. Mais 
lorsque la locomotive roule sur les rails, plusieurs 
causes modifient constamment la répartition de la 
charge entre les diverses roues. Ce sont d'abord 
les oscillations, parfois assez étendues, de la masse 
suspendue, oscillations qui font varier la tension 
des ressorts el, par conséquent, la force avec 
laquelle ils pressent les boîtes des essieux. D'autre 
part, les flexions et les inégalités de la voie agissent 
aussi sur les ressorls et, par suite, sur la charge, 
en abaissant et en soulevant les roues. En oulre, 
l'effort vertical variable que la crosse du piston 
exerce sur ses glissières, celui qui résulte, sur cer- 
laines locomotives, de l'inclinaison des cylindres, 
enfin, l'effet de l’inertie des masses tournantes, 
quand elles ne sont pas parfaitement équilibrées, 
viennent constamment modifier la charge sous 
Celle augmente 
comme le carré de la vilesse et prend, dans certains 
cas, une grande importance. 


chaque roue. dernière aclion 


En résumé, la charge sous chaque roue, au lieu 
de conserver la valeur trouvée au repos lors du 
pesage, varie entre deux limites, parfois assez éloi- 


gnées. Il en résulte d’une part un accroissement 
de la fatigue du rail, et, d'autre part, un risque de: 
déraillement lorsque la limite inférieure s'abaisse 
par trop. Quand ces écarts sont peu imporlants, il 
semble qu'on pourrait, sans inconvénient, relever 
un peu la limile imposée à la charge moyenne de 
chaque essieu. 

Au point de vue de la conservation de la voie eb 
de la sécurité de la circulation, les charges verti= 
cales sur les rails ne sont pas seules à considérer : 
les actions horizontales, qui s’exercent perpendi= 
culairement à la voie el qui résultent de la poussée 
transversale des roues et surtout du choc des men- 
tonnets des bandages contre le rail, ont une très 
grande importance. Diverses causes, notamment 
les inégalités de la voie, impriment parfois à la 
locomotive un mouvement de Jacet ou d’oscillation 
autour d'un axe vertical. Lorsque toutes les roues 
sont resserrées vers la partie centrale de la locomo- 
tive, qui n'a ainsi qu'une courte base d'appui, et 
qui présente aux extrémités des parlies impor- 
Llantes en porte-à-faux, on comprend que le lacet 
prenne facilement une grande importance : les men- 
tonnets des roues extrêmes viennent choquer le 
rail avec violence, et il peut en résulter des défor- 
mations el des ripages de voies, dangereux pour la 
locomotive même qui les produit ou pour les trains 
suivants. L'intensité de ces actions augmente beau- 
coup avec la vitesse. Le danger résulte aussi de lan 
coïncidence d'un violent choc transversal et d'une 
forte réduction de la charge qui appuie la roue 
d'avant sur le rail. 

Au contraire, quand les essieux extrèmes sont 
placés loin du milieu de la locomolive, surtout 
quand le premier essieu se trouve tout à fait à 
l'avant, il s'oppose plus efficacement au lacet, et 
les chocs contre le rail sont moins violents. De 
plus, si cet essieu peut prendre un déplacement 
transversal, contrôlé par des ressorts ou des plans 
inclinés, les chocs contre le rail s'en trouvent fort 
amorlis. L'amélioralion est encore plus importante 
quand l'avant de la locomotive est supporté par un 
hogie où lrain de deux essieux, qui répartit entre 
ses deux roues placées d'un même côté l'action 
latérale contre les rails et qui, en oulre, distribue 
également la charge entre ses quatre roues, de 
sorte que les varialions de la charge verticale sous 
les roues d'avant sont fortement allénuées. 

Pendant longlemps, le bogie a été considéré 
uniquement comme un appareil facilitant la cireu- 
lation des locomotives dans les courbes raides, 
mais inulile sur les lignes peu sinueuses. Certes, le 
bogie se prête fort bien au passage dans les 
courbes, mais, en outre, il améliore beaucoup law 
circulation sur toutes les lignes, en réduisant les 
efforts verticaux et horizontaux que la locomotive 


EE a 


exerce sur les rails, et en se prétant aux sinuo- 
sités accidentelles que peuvent présenter les rails. 
L'opinion de presque tous les ingénieurs de che- 
mins de fer est unanime sur ce point, et les appli- 
cations du bogie n’ont cessé de se mulliplier sur la 
{plupart des chemins de fer d'Europe (On sait qu'en 
Amérique le bogie est d'un usage général, et qu'il 
existe à peu près depuis l'origine de la locomo- 
live). IL y a peu d'années encore, les administra- 
tions de quelques réseaux imporlants de divers 
pays élaient restées rebelles à l'emploi du bogie, 
“prétendant que, sur leurs voies peu sinueuses el 
bien entrelenues, il ne constituait guère qu'un sup- 
 plément de poids à peu près inulile; mais successi- 
Yement on à vu disparaitre ces dernières résis- 
tances. 

—… Pour que le bogie ait toute son efficacité, il con- 
vient qu'il ait la plus grande liberté de déplace- 
ment dans tous 
les sens, Con- 
trôlée par des 
moyens de rap- 
pel suffisants : 
@est ce qu'on 
‘obtient en ajou- 
'fant, au pivo- 
tement autour 
de la cheville 
ouvrière, la fa- 


ED. SAUVAGE — LES LOCOMOTIVES A LA FIN DU XIX° SIÈCLE 


ractérisliques de la construction moderne des loco- 
motives. Même avec plusieurs essieux accouplés, 
on l'applique fréquemment : notamment les puis- 
santes locomotives à quatre et même à cinq essieux 
couplés qu'on construit aux Elats-Unis en sont 
munies. On estime assez haut les services du bogie 
pour sacrifier l'avantage évident de l’adhérence 
totale pour ces fortes locomotives à marchandises. 
Bien entendu, la charge que porte le bogie est 
alors réduile au minimum. 

Toutefois, pour ces locomotives, on se contente 
assez fréquemment d'un seul essieu porleur à 
l'avant, muni de l’arliculation Bissel ou d'une dis- 
posilion équivalente. 


VI 


Quelques exemples de locomotives récentes com- 

pléleront ces 
considérations 
Le 
nombre des es- 
couplés 
fournit un élé- 


générales. 
sieux 


ment simple de 
classificalion. 
En outre, on 
range dans des 


catégories spé- 


culté de dépla- 
cement lrans- 
versal. Quel- 
quefois on considère seulement la cireulation de 
la machine dans des courbes régulières, et le seul 
déplacement que puisse prendre le bogie corres- 
pond à l'inscription radiale des essieux dans la 
ourbe ; c'est ce que réalise la disposition de Zisseh 


courbe régulière, manquent de souplesse 
pour l'entrée en courbe et pour le passage 
r diverses parties sinueuses des voies. Toutefois, 


urs, au bogie, mais commodes dans certains 
as). 

Il convient, en outre, pour que bogie ménage 
“autant que possible les voies, qu'il ne soit pas trop 
“Chargé et qu'il soit placé tout à fait à l'avant de la 
locomotive, le pivot se trouvant à peu près sous la 
Cheminée. Avec le matériel des grands chemins de 
L. une charge de 14 à 18 lonnes, également ré- 
partie sous les quatre roues du bogie, parait très 
convenable. 
…_ En résumé, l'emploi du bogie est l'une des ca- 


Mig. 4. — Locomotive à grande vitesse, à deux essieux couplés et bogie, com- 
pound à quatre cylindres, des Chemins de fer de l'Ouest. 


ciales les ma- 
chines-tenders 
quiporlentleur 
approvisionnement d'eau et de combustible, et les 
machines diles es- 
sieux moleurs ne restent pas toujours parallèles. 


articulées, où les divers 

Les locomotives à un seul essieu moteur, dites à 
essieux libres où indépendants, ne sont plus que 
rarement employées. Même avec une charge tres 
forte sous l'essieu moteur unique, elles manquent 
d'adhérence dans bien des cas. On a encore 
construit récemment quelques exemplaires en An 
gleterre et aux Etats-Unis: mais on peut dire que 
c'est un type condamné en principe. Si elles suf- 
fisent à la rigueur pour les trains très rapides à 
rares démarrages, il est difficile de les employer 
dans d’autres cas; cette spécialisation forcée est, 
en pratique, un inconvénient sérieux, que ne vient 
racheter aucun avantage bien marqué. 

La locomolive normale à grande vitesse a aujour- 
d'hui deux essieux couplés précédés d’un bogie. 
La disposition compound à quatre cylindres, usi- 
tée sur tous les grands réseaux français, convient 
parfaitement pour ce genre de machines (fig. 1). 

Pour les services les plus rapides, il n'est pas 
nécessaire de construire des locomolives présen- 
tant des dispositions extraordinaires permetlant 


en 


480 


de réduire la vitesse des pistons, telles que des 
roues de diamètre énorme; les diamètres de 2 mè- 
tres à 2%,100 suffisent parfaitement pour les plus 
grandes vilesses que puissent supporter les voies ; 
mais il faut des locomotives très puissantes et rela- 
tivement légères. En somme, les vitesses maxima 
atteintes aujourd'hui en pleine marche ne dépas- 
sent guère celles qu'on obtenait quelquefois sur les 
pentes il y a bien longtemps; mais la locomotive 
moderne soutient ces vitesses plus longlemps, et | 


ea 


ED. SAUVAGE — LES LOCOMOTIVES A LA FIN DU XIX:° SIÈCLE 


trois essieux couplés et à bogie (fig. 3); en donnant 
aux roues couplées un assez grand diamètre, 1,7 
environ, on oblient une machine pouvant mars 
cher vite, tout en exercant un grand effort de trac 
tion. Ces machines conviennent pour presque to 

les services de chemins de fer; il n’y a guère q 

les grands trains de marchandises sur fortes 
rampes et les trains très rapides qu'elles ne pu 

sent remorquer dans de bonnes conditions. Sur les 
réseaux du Nord et du P.-L.-M., notamment, on 


Lig. 2, — Locomotive à grande vitesse, à deux essieux couplés, bogie à l'avant, et essieu porteur à l'arrière, compound 


quatre cylindres, des Chemins de fer du Nord (type Atlantic); 


surtout elle marche vite sur les paliers et sur les 
rampes, de manière à se rapprocher de l'unifor- 
mité de la vitesse, toujours grande ; en outre, elle 
démarre rapidement. 

Afin d'augmenter encore la puissance des loco- 
molives à grande vitesse, il faut les munir d'une 
chaudière plus grande, et alors le poids devient 
trop lourd pour les deux essieux couplés et le 


tender à bogie. 


les trouve avantageuses pour la remorque des 
trains de marchandises à des vitesses accélérées 
Ces trains s'intercalent plus facilement entre les 
lrains de voyageurs, sans avoir à perdre un lemps 
énorme en garages ; le matériel etle personnel sont 
mieux utilisés, el il en résulle une large compensa 
Lion de la petite augmentation de la dépense de coms 
buslible, qui peut résulter d'une vitesse plus grande 


Fig-.3; 


bogie. On est alors conduit à munir la machine 
d'un cinquième essieu, essieu porteur placé à l'ar- 
rière, sous un très vasle foyer. Les deux essieux 
couplés sont alors rapprochés autant que possible, 
ce qui à l'avantage de réduire la longueur des 
bielles d'accouplement. 

Ce lype remarquable de locomotive est origi- 
naire d'Amérique, où il est désigné par le nom de 
type Atlantic; il commence à se répandre en Eu- 
rope : on en a construit des exemplaires en Angle- 
terre, en Allemagne, en France (fig. 2). 


Un autre lype bien moderne est la machine à 


— Locomotive à trois essieux couplés et à bogie, compound à quatre cylindres, des Chemins de fer de l'ESIM 


En augmentant encore le diamètre des roues 
motrices, qui peut atleindre deux mètres, on arrive 
à une vérilable locomotive à grande vitesse, à très 
forte adhérence, qui peut porter une très vasle 
chaudière. Le système compound à quatre cylin= 
dres, avec deux essieux moleurs différents, cons 
vient très bien pour ces machines à trois essieux 
couplés et à bogie. 

Les locomotives à quatre essieux couplés ave 
un bogie (fig. 4), ou un simple essieu porteur à 
l'avant, sont fréquemment construites aux État 
Unis avec des dimensions vraiment colossales : ces 


ED. SAUVAGE — LES LOCOMOTIVES A LA FIN DU XIXe SIÈCLE 


181 


chines remorquent des trains d'un poids qui 
raît invraisemblable aux ingénieurs européens. 


Par exemple, une machine de ce genre, construite 


mr l'/llinois Central Railroad, pèse 103 tonnes, 
“dont 87 pour le poids adhérent. 
rempli, le poids s'élève à 165 tonnes. Cette machine 


traîne, parait-il, des trains de 1.800 tonnes sur 


rampe de 7 millimètres par mètre. 


… On fail mème des machines à cinq essieux cou- 


plés, avec bogie ou essieu porteur à l'avant. 

Les machines-tenders sont employées ordinaire- 
ment pour des services de banlieue et de manœu- 
“res dans les gares. Quelquefois, en donnant aux 


outes à eau et à combustible une capacité suffi- 
ante, on peut les employer pour des services de 
rande ligne : mais le poids des approvisionne- 
ments vient réduire la part allribuable à 11 ma- 
chine proprement dite. 

Pour les lignes sinucuses de montagne, il faut 
concilier une forte adhérence avec une grande 
flexibilité. Plusieurs dispositions, souvent assez 
compliquées, ont été appliquées à cet effet, L'une 
des plus satisfaisantes est celle de M. Mallet, où 
“deux paires de cylindres, les uns à haute, les 
- autres à basse pression, commandent deux groupes 

- d'essieux différents. Le groupe d'arrière est relié 
| directement au chässis de la locomotive : le groupe 

d'avant est muni d'une articulation Bissel. Il exige 
. un tuyau articulé pour l'admission de vapeur ; afin 
d'obtenir plus facilement des articulations étan- 


Avec le tender | 


ches, on commande ce groupe par les cylindres à 
basse pression, qui recoivent la vapeur du réser- 
voir intermédiaire, et non de la chaudière, c'est-à- 
dire à tension réduite. 


VII 


La conclusion qui terminait l’article précité sur 
la machine à vapeur en général est applicable à la 
locomotive : les progrès dans la construction sont 
dus à l'application de plus en plus étendue de la 
méthode scientifique. C'est une erreur, qui du 
reste devient rare, de penser qu'en fait de machines 


| ——— 


EE og Lee À 4 
nana TT 
be 


à quatre essieux couplés et à bogie. 


le rôle de la science est d'indiquer quelques grandes 
théories générales, qui ne peuvent guère s'appli- 
quer directement aux cas de la pratique. L'an- 
cienne distinetion entre la théorie et la pratique 
s'efface de plus en plus : non seulement les dispo- 
sitions d'ensemble, mais tous les détails des appa- 
reils sont déterminés scientifiquement, par l'appli- 
cation raisonnée des ressources de la technique 
aux diverses conditions du problème à résoudre. 
On demande quelquefois si la locomotive à va- 
peur n’est pas appelée à disparaitre bientôt devant 
les applications croissantes de la traction élec- 
trique. Certes, il est difficile de prévoir avec quelque 
précision ce que seront les machines de l'avenir ; 
mais si la très petite locomotive indépendante, au- 
trefois essayée sur les tramways, a cédé la place 
aux moteurs électriques (au moins quand on ne s’est 


482 


LIEUTENANT PERRIER — PASCAL 


pas amusé, par un caprice véritablement stupé- 
fiant, à rendre ce mode de traction très compliqué 
et très onéreux), le remplacement de la puissante 
locomotive à vapeur des chemins de fer ne parait 
pas très proche. 

Plus une machine motrice est puissante, moins 
elle se prête, en principe, à la commande indirecte 
par transmission : l'augmentation même de la 
puissance des locomotives récemment construites 
semble être, à ce point de vue, une garantie de 
leur durée. La transmission électrique a un champ 


PASCAL 


CRÉATEUR DU CALCUL DES PROBABILITÉS 
ET PRÉCURSEUR DU CALCUL INTÉGRAL. 


î 


Î. — LE CALCUL DES PROBABILITÉS. | 


Le Calcul des Probabilités est né de deux problè- 
mes posés à Pascal par un bel esprit de ses amis, 
sans doute plus acharné joueur que bon analyste, 
le chevalier de Méré'. Cerles, depuis longtemps, 
on avait la notion de l'importance qu'ont dans les 
jeux, pour le réglage des enjeux et des paris, les 
rapports des nombres de cas favorables ou non aux 
joueurs. Mais c'était une audacieuse entreprise 
qu'essayer de soumettre pour la première fois à 
l'analyse des événements qui dépendent du hasard 
et paraissent devoir, plus que lout autre objet, 
échapper forcément au calcul. Paseal et Fermat la 
tentèrent avec succès. M 

« En combien de coups peut-on espérer faire 
sonnez ? avec deux dés ? » Tel était le premier pro- 
blème du chevalier de Méré. Il présente peu de dif- 
ficullés. Pascal, Fermat et Roberval le résolurent 
facilement, mais la solution de Pascal ne nous est 
pas restée. Il est vraisemblable que, par les seules 
ressources du bon sens, Méré en trouva une qui 
devait être exacte, si l'on en juge par une phrase 
d’une lettre de Pascal à Fermat *. Il s'altaqua alors 
à d'autres problèmes analogues, tels que celui-ci : 
« En combien de coups peut-on espérer faire une 
rafle * avec deux dés ? » et les résolut également. 

Mais le suivant l'arrêta : « Dans un jeu de hasard 


1 Galilée avait été, cinquante ans plus tôt, invité par un 
amateur de jeu à s'occuper d'un problème de même genre. 
Voir Berrranp : Les Lois du hasard (Revue des Deux Mon- 
des du 15 avril 1884). 

2 C'est-à-dire amener deux six. 

3 « Il me disoit.… si on entreprend de faire sonnez avec 
deux dés. il y a désavantage de l'entreprendre en 24 (coups). » 
(Lettre de Pascal à Fermat, du 29 juillet 1654, p. 223, Lahure.) 


i C'est-à-dire amener le même point avec chaque dé, 


d'application très vaste, avant de s'élendre aux 
grands chemins de fer. [1 convient toutefois d'in* 


intermédiaires entre ceux des tramways et de 
chemins de fer proprement dits, services caracté 
risés par l'emploi de trains légers très fréquents 
Cette application parait se développer, et prend 
sans doute beaucoup d'importance. à 

Ed. Sauvage, 


Protesseur à l'École des Mines de Paris. 


tout à fait égal, deux joueurs, jouant une partie en« 
un certain nombre de points, en ont déjà chacun 
un nombre inégal, et veulent rompre la partie sans 
l’achever. On demande de déterminer les partis. 
des joueurs, c’est-à-dire comment ils doivent par= 
tager équitablement l'enjeu ». Les parts doivent 
être évidemment proportionnelles aux probabilités 
respeclives de gagner la partie; ces probabilités 
inconnues dépendent des nombres connus des 
points qui manquent à chaque joueur pour atteindre 
le nombre convenu, et le problème consiste à déler- 
miner les probabilités en fonction de ces nombres. 

Méré n'était pas de taille à le résoudre : «IL a 
très bon esprit, » écrivait Pascal, « mais il n'est 
pas géomètre; c'est, comme vous savez, un grand 
défaut; et mème il ne comprend pas qu'une ligne 
mathématique soit divisible à l'infini et croit fort 
bien entendre qu'elle est composée de points en 
nombre fini, et jamais je n'ai pu l'en tirer; si vous 
pouviez le faire, on le rendroit parfait". » Roberval 
lui-même n'eut pas plus de succès que Méré.w 
Pascal avait transmis l'énoncé à Fermat el tous 
deux réussirent presque en même temps. Fermat 
communiqua le premier sa solution à son rival eb 
celui-ci répondit par l’envoi de la sienne. À partir 
de ce moment, l'histoire des origines du Calcul des 
Probabilités est Lout entière dans les six admirables 
lettres qui nous sont restées de la correspondance 
échangée par eux dans les derniers mois de 1654: 
Il faut croire que celle de Pascal avec Méré fut 
moins active; une leltre, tantôt intéressante, tantôt 
ridicule, de ce dernier est parvenue jusqu'à nous *. 


1 Lettre de Pascal à Fermat du 29 juillet 1654, p. 223. 
2 Lettre citée par Bossut dans son Discours sur la vie el 
les ouvrages de Pascal, ajouté au tome second de l'Essai 


‘ral LIEUTENANT PERRIER — PASCAL 183 


"_« L'impatience me prend aussi bien qu'à vous », 
écrit Pascal à Fermat le 29 juillet 1654; « et quoi- 
que je sois encore au lit, je ne puis m'empêcher de 
“ous dire que je recus hier au soir, de la part de 
M. de Carcavi, votre lettre sur les partis, que j'ad- 
-mire si fort que je ne puis vous le dire. Je n'ai pas 
6 loisir de m'étendre; mais, en un mot, vous avez 
…_frouvé les deux partis des dés et des parties dans 
la parfaite justesse : j'en suis tout satisfait; car je 
ne doute plus maintenant que je ne sois dans la 
| vérilé, après la rencontre admirable où je me 
“irouve avec vous... Mais parce que la peine des 
“combinaisons est excessive, j'en ai trouvé un 


“abrégé, et proprement une autre méthode bien plus 


“courte et plus nette, que je voudrois pouvoir vous 
“2, 


dire ici en peu de mots; car je voudrois désormais 
vous ouvrir mon cœur, s'il se pouvoit, tant j'ai de 
joie de voir notre rencontre. Je vois bien que la 
vérité est la même à Toulouse et à Paris". » 

Pascal se trompait en estimant sa méthode « plus 
ourte et plus nelle ». Elle est fort ingénieuse et 
consiste, au fond, à rechercher l'« équation aux 
ifférences ‘parlielles » du problème? : mais, telle 
u'il la présente, elle conduit quelquefois à d'inex- 
ricables raisonnements, et ne s'applique, d’ail- 
leurs, qu'au cas de deux joueurs. Celle de Fermat, 
basée sur des combinaisons, est plus directe, plus 


générale et lui permit de résoudre le problème 
“analogue dans le cas de trois joueurs. Pascal crut 


… d'abord cette généralisation inexacte : « Je ne pus 
- vous ouvrir ma pensée enlière touchant les partis 

de plusieurs joueurs, par l'ordinaire passé, » écrit-il 
- à Fermat le 24 août; « et même j'ai quelque répu- 


… gnance à le faire, de peur qu'en ceci, cette admi-. 


CLS 


…rable convenance qui éloit entre nous, et qui 


“m éloit si chère, ne commence à se démentir; car 
je crains que nous ne soyons de différens avis sur 
ce sujet. Je veux vous ouvrir toutes mes raisons, 
et vous me ferez la grâce de me redresser, si j'erre, 
ou de m'affermir, si j'ai bien rencontré. Je vous le 
demande tout de bon et sincèrement; car jé ne me 
_tiendrai pour certain que quand vous serez de mon 
côté". » Mais il y avait erreur en un point du 
raisonnement par lequel Pascal prétendait con- 
vaincre Fermat *. Celui-ci le lui fit remarquer et il 


sur l'Histoire générale des Mathématiques, Louis, Paris, 
1802, et par Havet dans son édition des Pensées de Pascal, 
Delagrave, 1863, p. 5 : « Les démonstrations de la Géométrie 
sont le plus souvent fausses, elles empêchent d'entrer 
dans des connaissances plus hautes qui ne trompent ja- 
mais, de remarquer à la mine et à l'air des personnes 
qu'on voit quantité de choses qui peuvent beaucoup ser- 
vir, etc. » 

1 Leitre de Pascal à F'ermat du 29 juillet 1654, p. 220 et 122. 

? Voir LarLace: Œuvres complètes, t. VII, Théorie analy- 
tique des probabilités, introduction, p. XXV, XXXV, CXLv. 
… * Lettre de Pascal à Fermat du 24 avril 1654, p. 226. 

4 Voir MonrucLa : Histoire des Mathématiques, Agass 
Paris, 1860, t. LIL, p. 382. 


J'avoua de bonne gràce dans la lettre du 27 octobre : 
« Votre dernière lettre m'a parfaitement satisfait: 
j'admire votre méthode pour les partis, d'autant 
mieux que je l'entends fort bien; elle est entière- 
ment vôtre, et n'a rien de commun avec la mienne, 
et arrive au même but facilement. 
intelligence rétablie'. » 

Dans l'« Usage du triangle arithmélique pour 
déterminer les partis qu'on doit faire entre deux 
Joueurs qui jouent en plusieurs parties », Pascal 
expose d'abord une première solulion du problème 
des partis, celle dont nous venons de parler; il y 
Joint une seconde ainsi que des solutions de pro- 
blèmes analogues, toutes basées sur la considé- 
ration de son triangle arithmétique. Les deux prin- 
cipes* fondamentaux qu'il énonce au début du 
chapitre dérivent du simple bon sens dans le cas 
de circonstances absolument égales pour les deux 
joueurs. Bernouilli* et D'Alembert # ont recherché 
s'il ne faut pas les modifier quand ceux-ci sont 
dans des circonstances physiques ou morales diffé- 
rentes, par exemple dans le cas où leurs fortunes 
sont inégales. 

Les recherches de Pascal et Fermat ne furent 
pasimmédiatement publiées, mais firent sans doute 
quelque bruit parmi les savants de l’époque. Les 
énoncés, sinon les solulions, des problèmes traités 
par eux parvinrent à Huyghens, qui s'y atlaqua à 
son tour. En 1658, parut son « Le ratiociniis in 
ludo aleæ ». On y trouve résolus les différents cas 
du problème des partis, par une méthode du reste 
analogue à celle de Pascal, ainsi que les solutions 
ou seulement les énoncés de quelques autres pro- 
blèmes du même genre. Huyghens rend d'ailleurs 
justice à ses illustres contemporains et reconnait 
formellement leurs droils de priorité”. C’est donc 
à tort qu'on a voulu quelquefois lui attribuer l'in- 


Voilà notre 


! Lettre de Pascal à Fermat du 27 octobre 1654, p: 235. 

> Premier principe : « Si l'un des joueurs se trouve en 
telle condition que, quoi qu'il arrive, une cerlaine somme 
doit lui appartenir en cas de perte et de gain, saus que le 
hasard puisse la lui ôter, il ne doit en faire aucun parti, 
mais la prendre entière comme assurée, parce que le parti 
devant être proportionné au hasard, puisqu'il n'y à nul 
hasard de perdre, il doit tout retirer sans parti. » 

Deuxième principe : « Si deux joueurs se trouvent en 
telle condition que, si l’un gagne, il lui appartiendra une 
certaine somme, et s'il perd, elle appartiendra à l'autre: si 
le jeu est de pur hasard, et qu'il y ait autant de hasards 
pour l'un que pour l'autre, s'ils veulent se séparer sans 
jouer, et prendre ce qui leur appartient légitimement, le 
parti est qu'ils séparent la somme qui est au hasard par la 
moitié, et que chacun prenne la sienne. » 

* Anciens Mémoires de l'Académie de Saint-Pétersbourg, 
ES 10e ATSI TN pu 

‘ Mélanges de Littérature, t. V, et Opuscules mathéma- 
tiques, t. IL et V. 

* « Sciendum vero quod jampridem inter præstantissimos 
tola Gallia geometras calculus hic agitatus fuerit ne quis 
indebitam mihi primæ inventionis gloriam hac in re 
tribuat. » 


184 


LIEUTENANT PERRIER — PASCAL 


vention du Calcul des Probabilités; sa gloire est 
assez belle: il est inutile de la grandir en dimi- 
nuant celle de Pascal et Fermat. Ceux-ci ne par- 
tagent avec personne lPhonneur d'avoir ouvert à 
leurs successeurs une route féconde de l'Analyse. 


IJ. — LA ROULETTE. 


Nous arrivons aux travaux de Pascal sur la 
roulette. On sait la place considérable occupée par 
celte courbe dans les recherches mathématiques 
du xvu: siècle. Elle doit sa célébrité autant à ses 
nombreuses et remarquables propriétés, qu'aux 
querelles fameuses qu'elle a suscitées, méritant 
d'être appelée par Montuela « l'Hélène » ou « la 
pomme de discorde » des géomètres. Tout a été 
dit sur elle, depuis Groningius' et Carlo Dati” 
jusqu'à Bertrand *; nous n'avons donc nullement la 
prétention d'analyser les innombrables écrits qu'elle 
a fait naître, mème en n'en retenant que ce qui 
concerne spécialement Pascal. La question de la 
roulette est d'ailleurs étroitement liée à celle, plus 
générale, des origines du Calcul intégral. Au temps 
de Pascal, tout comme aujourd'hui, des procédés 
sommatoires étaient indispensables pour la recli- 
fication des lignes courbes, la quadrature des sur- 
faces planes ou courbes et la cubature des volumes, 
problèmes suggérés par la considération de la rou- 
lette ou d'autres courbes. On peut dire que chaque 
géomètre imagina alors les siens pourles appliquer 
aux cas particuliers qu'il avait en vue. Aussi, le 
Pascal précurseur du Calcul intégralne peut-il être 
séparé du Pascal qui, sous le nom de Dettonville, 
défait tous les géomètres de l'Europe de trouver 
les solutions de certains problèmes sur la roulette. 
Nous les étudierons ensemble, après avoir donné 
un rapide aperçu des travaux antérieurs. 

Cette étude ne peut être poussée bien loin si l'on 
s'interdit, ce qui est notre cas, loute formule, toute 
figure et tout développement exclusivement mathé- 
matique. Il faut se borner à l'historique des faits 
et à quelques généralités mathématiques indispen- 
sables. Le lecteur insuffisamment versé dans les 
-sciences devra passer celles-ci; mais il pourra 
quand même s'intéresser à celui-là, et se faire une 
idée du génie mathématique de Pascal et de quel- 
ques-uns de ses rivaux. En ce qui concerne le 
lecleur déjà assez au courant des questions de 
Géométrie et d'Analyse, notre but serait atteint si 
nous pouvions lui inspirer le désir d'approfondir, 
parmi les œuvres mêmes de Pascal, les opuscules 
qui accompagnent la « Lettre de Dettonville à Car- 
avi». Il pourra se rendre comple des procédés 
Le ne EP RE 

\ Historia cycloidis. 


2 Lettera a Philalethi. 
3 Article dans le Journal des Savants, numéro de mai 1520. 


sommaloires de Pascal et voir combien, si primitif 
qu'ils nous paraissent aujourd'hui, ils étaient 
remarquables pour l’époque, puisqu'ils lui ont 
permis d'énoncer des théorèmes qui sont la tra 
duction même de formules de notre Calcul intégral, 
dont certaines sont déjà très compliquées". 


$ 1. — La méthode des indivisibles. 


On est tenté de s'imaginer aujourd'hui que 
notre Analyse infinitésimale, telle que nous la con= 
paissons et l'appliquons, dans ses deux grandes 
divisions du Calcul différentiel et du Calcul intégral 
permet seule de résoudre les problèmes qui sonb 
de son ressort. La méthode d’exhaustion, celles des 
indivisibles, celle des indéterminées de Descartes, 
celle des limites et des fluxions de Newton, sont 
peu connues malgré les services que chacune à 
rendus dans son temps. 

La méthode d’exhaustion est la plus ancienne: 
Pour arriver à la connaissance d'une courbe, par 
exemple, les géomètres de l'Antiquité imaginaient 
un polygone inscrit à la courbe, et un polygone 
circonscerit; ils les étudiaient en supposant que le 
nombre de leurs côtés augmente, tandis que le 
longueurs de ces côtés diminuent; ils avaient ainsi 
une idée de plus en plus approchée de la courbe; 
toujours comprise entre les deux polygones, @ 
arrivaient, en raisonnant par continuité, à décou= 
vrir exactement ses propriétés. Pour les surfaces 
et les volumes, ils usaient de méthodes analoguest 

Au début du xvn° siècle apparait la méthode des 
indivisibles. Le Milanais Cavalieri? l’applique dès 
1629 et l'expose en 1635 dans sa « (Gcomelria indi= 
visihilibus continuorum nova quædam ralione pros 
mota ». À la même époque, en France, Roberval 
est en possession d'une méthode analogue, mais, 
suivant son habitude, ne publie rien, car il aimait 
faire mystère de ses découvertes et détestaitd’écrire, 
ayant quelque peine à s'exprimer nettement. Il se 
contente de réclamer, par une lettre de 164%à Torris 
celli*, des droits de priorité discutables. Le « 7railés 
des Indivisibles », publié seulement après sa mort# 


1 Jusqu'à des formules contenant des intégrales doubles eb 
triples. Ce fait a été très bien mis en évidence par Maries 
A ceux que les traités géométriques de Pascal rebuteraientà 
première lecture par suite de l'archaïsme de la forme, on n 
saurait trop conseiiler de les étudier d'abord dans Marie 
Histoire des Sciences mathématiques et physiques, t. MN 
p. 187 et suivantes). Marie, quelque inégal et incomplet sun 
certains points qu'on puisse le juger, a un wérite rare: il 
complètement lu les principales des œuvres dont il parle 
de préférence les œuvres mathématiques). Dans son histoires 
il donne de chacune une analyse qui la suit pas à pas. Quandh 
l'œuvre n'est pas écrite en français, ou est d'un style vieilli 
cette analyse, véritable traduction résumée et commentées 
facilite singulièrement l'étude de l'original. 

2 1598-1647. 

3 Anciens Mémoires de l'Académie, t. VI. 

‘ Premier volume de Mémoires publié par l'Académie des, 
Sciences. 


LIEUTENANT PERRIER — PASCAL 482 


GO 
QC 


ontre bien qu'il avait puisé sa méthode dans son 
opre fonds; mais, en voulant, comme il dit, s'en 
jouir « juveniliter » et la garder «in petlo », il 
ait laissé à Cavalieri l'honneur de la découverte. 
“ La méthode des indivisibles ne correspond qu'à 
“notre caleul intégral limité à l'intégration des fonc- 
“tions différentielles. On comprend aisément pour- 
“quoi ce dernier est né, somme toule, avant le calcul 
différentiel : rectifier des lignes courbes, quarrer 
des surfaces planes ou courbes, cuber des volumes, 
sont des problèmes qui se sont forcément posés de 
“tout temps, tandis que ceux du calcul différentiel 
Wiennent moins naturellement à l'esprit. 
Le calcul intégral n’est au fond que l'inverse du 
calcul différentiel, puisqu'il revient toujours à 
chercher si les fonctions placées sous le signe 
somme ne sont pas des différentielles de fonctions 
nnues. Au contraire, dans la méthode des indi- 


décomposés en un nombre infini d'éléments qu'il 
apoelle des indivisibles, c'est-à-dire qu'il considère 
comme représentant le dernier terme de la décom- 
position. Pour les lignes, ces indivisibles sont des 
points placés côte à côle; pour les surfaces, ce 
sont des droites parallèles juxtaposées; pour les 
volumes, des plans parallèles empilés. Ainsi pré- 
“sentées, les hypothèses sur lesquelles repose la 
méthode paraissent évidemment absurdes, et Cava- 
ieri est forcé d'avouer qu'il ne peut donner de 
“démonstration rigoureuse de celle-ci. Altaqué par 
Guldin’, il la compléta et la justifia en 1640 dans 
ses « Zxercitationes geometricæ sex », faisant voir 
qu'elle est au fond une transformation heureuse 
de la méthode d'exhauslion. Le seul défaut de 
Cavalieri était de s'exprimer « d'une manière un 
peu dure pour des oreilles accoulumées à l'expres- 
ion géométrique  ». Ses indivisibles sont ce que 
nous appelons aujourd'hui des lignes, des surfaces 
ou des volumes élémentaires qui décroissent indé- 
finiment à mesure que leur nombre augmente 
indéfiniment. (Cest ainsi que Roberval l'entend 
dans sa lettre de 1644 à Torricelli.) Il ne faul voir 
dans les hypothèses de Cavalieri qu'un moyen com- 
mode d'abréger le discours. 11 faisait, en somme, 
abstraction d'une dimension des indivisibles, qu'il 
suffit de rétablir dans ses raisonnements pour leur 
rendre la rigueur qui parait leur manquer. 
- Les grands géomnètres de son temps ne s'y sont 
pas trompés etont pratiqué la méthode en se faisant 
ine idée très exacte de son esprit. Mais, comme 
Cavalieri, ils sous-entendaient constamment dans 


Mu 1577-1643. 
> MoxrucrA: Histoire des Mathématiques, t. Il, Agasse, 
aris, an VI, p. 28. 


REVUE GÉNÉRALE DES SCIENCES, 9901. 


leurs démonstrations les différentielles des varia- 
bles, ce que nous appellerions aujourd'hui dx, dy, 
dz, ds,..…. et les supposaient implicitement égales 
entre elles. Pascal est formel à cet égard : « Tout 
ce qui est démontré par les véritables règles des in- 
divisibles, se démontrera aussi à la rigueur et à la 
manière des Anciens; et ainsi l'une de ces mé- 
thodes ne diffère de l'autre qu'en la manière de 
parler : ce qui ne peut blesser les personnes raison- 
nables quand on les a une fois averties de ce qu'on 
entend par là. Et c'est pourquoi je ne ferai aucune 
difficulté, dans la suite, d'user de ce langage des 
indivisibles : /a somme des lignes ou la somme des 
plans ;.… je ne ferai aucune difficulté d'user de cette 
expression : /2 somme des ordonnées,... puisqu'on 
n'entend autre chose par là sinon la somme d'un 
pombre indéfini de rectangles faits de chaque 
ordonnée avec chacune des petites portions égales 
du diamètre, dont la somme est certainement un 
plan. De sorte que, quand on parle de /a somme 
d'une multitude indélinie de lignes, on a toujours 
égard à une certaine droite, par les portions égales 
et indéfinies de laquelle elles soient multipliées!. » 
Pascal et Roberval négligentsans cesse les quantités 
infiniment petites vis-à-vis des quantités finies : 
« Une grandeur continue d'un certain ordre n'aug- 
mente pas », dit Pascal, « si on lui ajoute des quanti- 
tés d'un ordre inférieur entelnombre qu'on voudra»; 
etil ajoute, ens'exprimant comme Cavalieri: «Ainsi, 
par exemple, une somme de lignes n'augmente pas 
plus par l'addition d'une somme de points, qu'une 
somme de surfaces n’augmente par l'addition d'une 
somme de lignes, ou une somme de solides par 
l'addition d’une somme de surfaces ?. » Roberval 
emploie sans cesse les expressions « infini » et 
«infiniment petit », absolument dans le sens que 
nous leur attribuons aujourd'hui. La notion de 
l'infini mathématique élait donc familière aux 
géomètres de l'époque *. 

Ne pouvant faire que des démonstrations géomé- 
triques, ils ont déployé une habileté véritablement 
étonnante dans l'application de la méthode des 


1 Lettre de Dettonville à Carcavi, p. 332. 

2 Peotestatum numericarum Summa, P. 311. 

3 Au sujet de l'idée de l'infini dans Pascal, voir Pensées, 
(édition Havet, Delagrave, 1883, article I,1; article XXV, 3), 
ainsi que De l'esprit géométrique (méme édition, p. 536 et 
suivantes). Voir aussi, la lettre du chevalier de Méré que nous 
avons déjà citée. Dans tout le passage de l'opuscule D: J'es- 
prit géométrique indiqué ci dessus, Pascal prend le mot 
« indivisible » au sens bien précis qu'il avait depuis Cavalieri 
pour les géomètres de son temps. Deux indivisibles ne sont 
donc ni « deux portions de pur espace », ni « plutôt deux 
atomes réels, deux petits corps », et Pascal n'entend point, 
p. 541, prouver que le « point géométrique, et en général les 
figures géométriques-pures sont des idées sans réalité » 
(Havet), mais seulement faire voir l’absurdité qu'il y 
aurait à prendre les hypothèses de Cavaheri au pied de la 
lettre. 


10°* 


486 
indivisibles. En général, Cavalieri opérait comme 
il suit : Etant donné par exemple deux solides, 


l’un de volume inconnu, il admettait que le rapport 
de leurs volumes est égal à la valeur limite de celui 
des sommes de leurs indivisibles, en nombre infini, 
et obtenait le volume du second en cherchant cette 
limite par des considérations purement géométri- 
ques. En opérant d'une façon analogue pour les 
surfaces, il arriva à quarrer les paraboles jusqu'à 
celles du quatrième degré, et établit par analogie 


la règle pour celles de degré quelconque. Wallis, ” 


par une méthode qui est au fond celle des indivi- 
sibles, entrevit clairement que le problème de la 
quadrature de la parabole de degré m revient à 
trouver la limite, pour 7 — æ, du rapport de la 
somme des m»°%% puissances des nombres entiers 
de {à n à n fois la (m — 1)*" puissance du der- 
nier, mais ne parvint, lui aussi, à la formule géné- 
rale qu'en opérant de proche en proche. En obte- 
nant, comme on l’a vu plus haut, les sommes 
successives des puissances semblables, entières et 
positives, des termes d’une progression arithmé- 
tique, Pascal résolut du même coup la question 
dans toute sa généralité. Fermat et Descartes y par- 
venaient en même temps par d’autres voies. 

Les détails précédents sur les progrès de la 
Géométrie infinitésimale entre les mains des con- 
temporains de Pascal permettront de comprendre 
exactement ce qui fait l'originalité de celui-ci dans 
les profondes recherches que lui inspira la roulette. 
Il n’a rien modifié au principe de la méthode des 
indivisibles, et l'a sans cesse appliquée en se ren- 
dant, comme on l'a vu, parfaitement compte de sa 
portée; Cavalieri avait déjà considéré ce que Pascal 
appelle des « onglets », Tacquet* et Huyghens s’en 
servaient à la même époque. Mais là où Pascal se 
révèle supérieur, c'est dans les procédés géomé- 
triques qu'il était, comme eux, forcé d'employer 
pour obtenir les limites de sommes d'éléments infi- 
niment petits en nombre infini. Son génie a pu se 
donner libre carrière el résoudre les problèmes les 
plus difficiles que la Géométrie se soit posés jus- 
qu à lui. 


$ 2. — Travaux sur la roulette antérieurs à Pascal. 


La roulette avait déjà été l’objet de nombreuses 
recherches quand Pascal commença à s'en occuper. 
Connue, d'après Wallis, dès 1451 par le cardinal de 
Cusa, étudiée par Galilée qui essaya de la quarrer en 
la comparant par des pesées à son cerele générateur, 
elle avait élé mise à la mode en France par le 
P. Mersenne. Eu 1628, il propose à Roberval le 
problème de la quadralure de l'aire totale de la 
roulette; celui-ci le résout en 1634, et appelle la 


1 Jésuite belge ; 1612-1660. 


LIEUTENANT PERRIER — PASCAL 


courbe « trochoïde », tandis qu'en même temps 
Beaugrand lui donne le nom de « cycloïde » qui lu“ 
est resté; en 1638, apprenant du P. Mersenne Je 

succès obtenu par Roberval, Descartes lui répondk 

par l'envoi d’une solution à lui; d’où querelle entre 

Descartes et Roberval, que ce dernier envenime« 
aussitôt. 

Descartes trouve, immédiatement après, la tans 
gente à la roulette au moyen d'une méthode géo 
métrique élégante, devenue plus tard la base de 1 
théorie des centres instantanés de rotation; il fait 
proposer par Mersenne le problème à son adver= 
saire et à Fermat : Roberval, après de nombreu 
efforts infructueux, le résout par sa méthode ori= 
ginale des « mouvements composés », si mal expli= 
quée d’abord par lui qu’elle fut longtemps discutée; 
en même temps Fermat en donne une solution par 
la méthode « de maximis et minimis » qui lui à 
valu d’être regardé par d'Alembert, Laplace et 
Lagrange comme le véritable inventeur du Calcul 
différentiel : autre querelle, bientôt apaisée, entre 
Descartes et lui. 

Enfin, en 1644, Roberval découvre la cubalure« 
des volumes engendrés par la courbe entière tour: 
nant autour de son axe ou de sa base. 

La même année, Torricelli, dans un appendice 
à ses Opuscula yjeometrica, publie à son tour 
une solution du problème de la quadrature de la 
courbe ; Roberval réclame ses droits de priorité, 
Torricelli répond et la querelle ne prend fin qu'en 
1646 ; si les droits de priorité résident dans l'anté- 
riorité de Ja découverte, ceux de Roberval élaient 
inconteslables, puisque, dès 1637, Mersenne, à la 
fin de son /armonie universelle, cite la décou- 
verle de Roberval". 


$ 3. — Premières interventions de Pascal 
dans les polémiques suscitées par la roulette. 


Certainement Pascal, avant d'entrer lui-mêmes 
en scène, s’intéressa aux débats provoqués par la 
roulette. Il est diflicile de croire, comme il l’affirme 
dans son Aistoire de la roulette, qu'il ait ignoré 
jusqu'en 1658 le rôle important de Roberval, 
plus âgé que lui de vingt-et-un ans, mais ami de 
son père et le sien, avec qui il entrelenait des rela= 
lions suivies. L'Histoire de la roulette, publiée 
en 4658, est visiblement inspirée par Roberval. 

L'amitié de Pascal le porte d'abord à attribuer à 
la solution de Roberval pour la tangente à la rou= 
letle une supériorité exagérée sur celles de Fermab 
et de « feu M. Descartes ». 

Il accuse ensuite formellement Torricelli de pla= 


1 ]l est curieux de constater les variations de Pascal sui 
vant les besoins de sa cause. Dans l'Æistoire de la rou 


lette, il prend violemment parti pour Roberval contre 
Torricelli. Dans la Suite de l'histoire de la roulette, etc 


envers Roberval. Torricelli aurait trouvé la 
lution de celui-ci dans les papiers de Galilée, 
uel « feu M. de Beaugrand » l'aurait commu- 
ée en 1658. Tout comme à Descartes, il était 
fficile à Beaugrand de protester! Montucla et 
ême Bossut, si enclin d'ordinaire à l'indulgence 
ur son héros, n’ont point admis l'accusation. 
is Montucla a parlé de la « fulminante et pédan- 
lesque » lettre de Roberval, Marie à affirmé que 
€ Roberval passa bientôt d’une discussion modérée 
x plus violentes injures » et Bossut va jusqu'à 
ire que « Torricelli concut un tel chagrin de cette 
cusation de plagiat qu'il en mourut à la fleur de 
n àge ». Bertrand a montré au contraire que la 
liscussion entre Torricelli et Roberval n'a pas 
épassé les bornes de la courtoisie. Leurs lettres 
ntété publiées. Elles « ne prouvent rien de con- 
re à la bonne foi de Torricelli. Roberval, écri- 
nt à Torricelli, n'a pas l’impertinence de l'accuser 
6 plagiat, et Torricelli, répondant à des réclama- 
ions exprimées en termes courtois, acceple avec 
blitesse les assertions de Roberval, sans avoir à 
éfendre sa loyauté !. » « Il serait cruel », a dit 
ondorcet, « d'être obligé de suspecter Pascal de 
mauvaise foi ». On y est cependant bien forcé en 
cette circonstance, surtout quand on remarque ses 
Variations d'opinion sur Torricelli : En 1651 ?, 
lorricelli est pour lui « un génie si illustre, et dont 
nous avions déjà recu des productions en Géo- 
nétrie, qui surpassent toutes celles de l'Antiquité ». 
En 1658 *, il le met bien au-dessous de Roberval et 
le traite par l'ironie en rapportant ses tentatives 
Walheureuses pour résoudre certains problèmes 
r la roulette. Ici encore, les raisons de sa con- 
duite doivent être recherchées dans son amitié pour 
Roberval et une secrète jalousie envers Torricelli 
que l’on a vu déjà être fort vraisemblable. 


. — Défi adressé aux géomètres contemporains 
par Pascal, ses polémiques et ses travaux 
sur la roulette. 


| La roulette élait quelque peu délaissée des géo- 
mètres depuis douze ans, quand Pascal ramena 
avec éclat l'attention sur elle en 1658. Tout comme 
sa nièce Marguerite Périer, sa sœur Gilberte Pas- 
al (M Périer) nous apprend, dans sa Vie de 
Blaise Pascal, comment il chercha dans l'étude 
le cette courbe une diversion à ses souffrances, 
{comment son ami, le duc de Roannez, homme 
ieux et d'ailleurs versé dans les Mathématiques, 
pasagen à publier le résultat de ses médilations, 


mp. 353), pour défendre Roberval contre le P. Lallouëre, il 
tient avec beaucoup de force que les droits de priorité 
résident dans l'antériorité de la publication. 

1 Article dans le Journal des Savants, n° de mai 1890. 

> Lettre à M. de Ribeyre du 12 juillet 1651, p. 71. 

$ Histoire de la roulette, p. 339. 


LIEUTENANT PERRIER — PASCAL 487 


pour prouver qu'on peut être à la fois géomètre de 
génie et chrélien ardent : « Ce renouvellement de 
ses maux commença par un mal de-dents qui lui 
Ôta absolument le sommeil. Dans ses grandes 
veilles, il lui vint une nuit dans l'esprit, sans des- 
sein, quelques pensées sur la proposition de la rou- 
lette. Cette pensée étant suivie d’une autre, et 
celle-ci d'une autre; enfin une multitude de pensées, 
qui se succédèrent les unes aux autres, lui décou- 
vrirent, comme malgré lui, la démonstration de 
toutes ces choses, dont il fut lui-même surpris. 
Mais comme il y avait longtemps qu'il avait renoncé 
à loutes ces connaissances, il ne s'avisa pas seule- 
ment de les écrire : néanmoins, en ayant parlé par 
occasion à une personne à qui il devait toute sorte 
de déférence, el par respect et par reconnaissance 
de l'affection dont elle l'honorait, cette personne, qui 
est aussi considérable par sa piété que par les émi- 
nentes qualités de son esprit et par la grandeur de 
sa naissance, ayant formé sur cela un dessein qui 
ne regardait que la gloire de Dieu, trouva à propos 
qu'il en usât comme il fit, et qu'ensuite il le fit 
imprimer !. » 

Sous le nom d’A. Dettonville ?, Pascal adressa er 
latin, en juin 1658, une cireulaire à tous les géo- 
mètres en renom, bientôt suivie d'une seconde, 
destinée à préciser cerlains points”. Il leur deman- 
dait de trouver l'aire d'un demi-segment de la rou- 
lette « ordinaire‘ » el son centre de gravité, les 
volumes des solides qu’il engendre en tournant 
autour de l'axe, puis autour de la base, leurs centres 
de gravité, enfin les centres de gravité des quatre 
solides partiels obtenus en coupant les précédents 
par un plan mené par l’axe. Les solutions devaient 
être reçues avant le 1* octobre. M. de Carcawi, 
conseiller du Roi, assisté d'un jury de personnes 
compétentes, devait les juger, et Pascal déclarait 
avoir déposé entre ses mains deux prix de 40 et 


20 pistoles destinés aux auteurs des solutions 


Jugées les meilleures et les premières en date. Il 


suffisait de traiter complètement deux cas particu- 
liers indiqués par Pascal et de prouver, dans les 
autres cas, que « les données suffisent pour déter- 
miner Loutes les choses demandées; en sorte qu'il 
soit facile... de déduire l'une quelconque de ces 
choses de celles qui sont renfermées dansl'énoncé », 
c'est-à-dire, dénoncer la solution (ce 
EE 

1 Vie de Blaise Pascal, par Me Périer, édition Havet des 
EÈRE de Pascal, Delagrave, 1883, p. x. 

2 Amos Dettonville, anagramme de Louis de Montalte. 
pseudonyme sous lequel Pascal avait publié les Drovin- 
ciales, en 1656. 

# Les deux circulaires (textes latin et francais de Pascal) 
sont réunies dans les œuvres de Pascal sous les titres « Pro- 
blemata de cycloide proposita mense junii 1658 » et « Pro- 
blèmes sur la cycloïde, proposés en juin 1658 ». 

- Ainsi nommée pour la distinguer de la cycloïde «allon- 
gée » et de la cycloïde « accourcie ». 


en somme, 


488 


LIEUTENANT PERRIER — PASCAL 


que nous exprimerions aujourd'hui en disant 
donner la formule), quitte à en fournir plus tard la 
démonstration détaillée, lorsqu'on serait moins 
pressé par le temps. 

Les problèmes de Pascal étaient d'une difficulté 
bien supérieure à ceux résolus avant lui sur la 
roulette. Ildemandait des quadratures et des cuba- 
tures dont ses prédécesseurs n'avaient pu traiter 
que des cas particuliers à l'aide de méthodes ingé- 
nieuses, mais non générales. 

Au 4 octobre, Carcavi est absent de Paris : 
le jury ne peut se réunir. Pascal l'annonce le 7 dans 
ses « Réflexions sur les conditions des prix alla- 
chés à la solution des problèmes concernant la 
cycloïde » ou « Annolata in quasdam Solutiones 
problematum de cycloide ». Cet écrit vise, sans les 
nommer, l'illustre Wallis d'Oxford et le P. de Lal- 
louère', Jésuite de Toulouse. Le premier, dès le 
mois d'août, avait réclamé contre le faible délai 
accordé aux concurrents : il pouvait se faire, 
remarquait-il, « que leurs lettres, quoique écrites 
le 4° octobre, soient très longtemps en chemin, 
soit par les incommodités de la saison; soit par 
celles de la guerre, soit enfin par les tempêtes de 
mer qui peuvent arrêter, ou même faire périr les 
vaisseaux qui les portent*. » Pascal lui répond d'un 
ton assez haut : Les prix « venant de ma pure libé- 
ralité, j'ai pu disposer des conditions avec une 
entière liberté‘. » Lallouère avait annoncé à 
Carcavi, à la fin de septembre, qu'il avait résolu 
toutes les questions proposées et lui avait envoyé, 
à titre d'exemple, un caleul relatif à l'une d'entre 
elles. S'il faut en croire Pascal, le calcul est faux et 
n'est accompagné d'aucune explication qui puisse 
au moins faire supposer juste la méthode suivie; 
bien plus, l'auteur l'a produit sciemment, pour 
gagner du temps et pouvoir ensuite tromper le 
jury sur la date où ses efforts auraient élé cou- 
ronnés de succès. Pascal le déclare exclu du con- 
cours : « Nous allons examiner », conclut-il, «’les 
calculs et les solutions des autres qui ont été 
reçus dans le temps". » 

Trois jours après paraît l'Histoire de la roulette”. 
Pascal rend compte d’abord des envois de certains 
géomètres qui ont communiqué des résultats inlé- 
ressants sans prélendre au prix. Sluze avait 
déterminé l'aire totale de la roulette par une mé- 


1 1600-1664. 

? Histoire de la Roulette, p. 338. 

3 Jb1d., "p.329. 

4 Jbid., p..333. 

5 Histoire de la roulette, appelée autrement trochoïde ou 
eycloïde, où l'on rapporte par quels degrés on est arrivé à 
la connaissance de cette ligne ou Historia trochoïidis, sive 
cycloidis, gallice la roulette : ?n qua narratur quibus gra- 
dibus ad intimam illius lineæ naturam cognoscendam per- 
ventum sil. 


thode nouvelle. Huygens avait quarré le segmen 
limité par une parallèle à la base, menée au quan 
de l'axe à partir du sommet. Le chevalier Wrensà 
la fois géomètre et grand architecte, à qui nous 
devons l'église Saint-Paul de Londres, avait quarré 


conque de la courbe limité au sommet (Pascal 
affirme d'ailleurs‘ que Roberval en avait déjà trouvé 


lui-même, décidément coutumier de ce genre de 
réclamations, a revendiqué cette découverte 
Lallouère est aussi cité : Il aurait envoyé des 
solutions visiblement empruntées à Roberval 
Quant aux concurrents pour les prix, on ne pourrä 
les juger encore de quelque temps, Carcavk 
n'étant pas revenu. Pascal termine en proposant 
de nouveaux problèmes qui ne feront plus l'objet 
d'aucun prix : trouver la longueur et le centre de 
gravité d’un are quelconque de la roulette limité 
au sommet (le premier de ces deux déjà résolu pa 
Wren), les surfaces qu'il engendre en lournant aus 
tour de la base ou de l'axe d’une fraction de tou 
quelconque et leurs centres de gravité. Pasca 
annonce avoir résolu ces problèmes et avoir aussi 
rectifié les ares de la roulette allongée ou accourcie 
. Le 24 novembre, le jury se réunit enfin. Il existe“ 
un véritable procès-verbal de sa délibération# 
Lallouère n’a rien envoyé de nouveau depuis sep 
tembre, a même déclaré ne plus concourir; pa 
acquit de conscience, on examine son calculeton 
trouve des fautes grossières : « Dans un solide aigu 
par une extrémité, et qui va toujours en s'élargis 
sant vers l'autre, il assigne le centre de gravité 
vers l'extrémité aigue ». Reste seul Wallis pour 
prétendre aux prix; son Mémoire n'a pas plus de 
succès. Non seulement l'auteur a commis de 
erreurs de calcul, maissa méthode est fausse : « Il 
raisonne de certaines surfaces indéfinies en nombre 
et qui ne sont pas également distantes entre elles,« 
de même que si elles l'étoient..….. »; il prend mal 
«les centres de gravité de certains solides élevés 
perpendiculairement sur des lrapèzes'. » Bref 
«les prix n'ont point été gagnés, parce que pers 
sonne n’a donné la véritable solution des problè 
mes" ». | 
Tel est le récit des faits pris dans les œuvres de 
Pascal. La plupart des auteurs ont accepté aveus 


1 Jbid., p. 341. 

2 Anciens Mémoires de l'Académie, t. VL. De trochoide. 

8 Récit de l'examen et du jugement des écrits envoyés 
pour les prix proposés publiquement sur le sujet de la rou 
lette, où l'on voit que ces prix n'ont point été gagnés, pale 
que personne n'a donué la véritable solution des problèmess 

4 Histoire de la Roulette, p. 350. 

5 Jbid., p. 351 et 352. 

S Jbid., p. 349. 


ment ses dires. D'autres’ se sont montrés plus 
res envers lui. 

Groningius, dans son /isloria cycloidis, à sou- 
u les prétentions de Wallis, et celui-ci, dans son 
ité De cycloide, à protesté lui-même contre la 
Cision du jury. Mais le procès-verbal du 25 no- 
fembre est trop précis sur les erreurs de Wallis 
our qu'on puisse les mettre en doute; il les a 
hilleurs lui-même reconnues, et, quelque excuse 
il en fournisse, il est bien difficile dès lors de lui 
lonner raison. 

“Les erreurs de Lallouère sont tout aussi indé- 
fables. Du reste, en lisant Pascal, on sent conti- 
iuellement combien il est sûr de leur réalité et la 
e qu'il en éprouve. Le Jésuite était sans aucun 
loute inférieur aux difficultés des problèmes pro- 
posés. Sa (Greometria promola in seplem de cycloide 
ris, parue en 1660, est surtout une vaste com- 
ilation, dénotant une faible originalité; il y an- 
once (c'était son habitude) la publication à bref 
lélai de la quadrature du cercle, et « que penser », 
omme disait Fontenelle, « d’un homme qui avait 
ü le malheur de faire une pareille découverte »? 
De plus, on ne peut accuser Pascal d'avoir voulu 
se dérober à l'obligation de payer les prix promis : 
tait l'époque où, près de la mort, il vivait dans 
à pauvreté et dépensait son bien en aumônes. 

- Mais que de contradictions, d'obscurités appa- 
'aissent dans ses écrits, quand on tente de les 
approfondir ! 

Le 7 octobre, il sent le besoin d'exposer longue- 
ment pourquoi Lallouère doit ètre exclu , du 
concours”; le 10, il le range parmi ceux qui ne 
prétendent pas aux prix*; faut-il croire que le 
ésuite s'est précisément désisté dans l'intervalle? 
Comment ces trois jours ont-ils suffi à Pascal pour 
étudier à fond les envois de Sluze, Huyghens, 
Wren et Lallouère (c'est le 10 qu'il en rend 
‘ompte* alors que le 7 il était seulement sur le 
point de les examiner‘). En juin, il promet de pu- 
blier ses propres solutions le 1° octobre, mais en 
ajoutant cette condition, qui prête à bien des équi- 
voques : « si personne n'a résolu nos problèmes ». 
Or, le 4 octobre, le jury ne se réunit pas. Pascal 
en profite pour se contenter de communiquer ses 
olutions à Carcavi, Roberval et au notaire Ga- 
lois’; il attend encore trois mois pour les rendre 
publiques en y joignant celles de ses nouveaux 
problèmes! Dans l'intervalle, il lance le 12 décem- 


1 BenrranD (article cité); Raoul Rosières : La découverte de 
Ja cycloïde, Revue générale des Sciences, 30 juillet 1890. 
.* Histoire de la Roulette, p. 330 et suivantes. 


3 » » » eue 340. 
+ » » » , P. 340, 341. 
Si » » » HD: 333. 
&) » » »  : 325 
7 


, p. 335, 342. 


LIEUTENANT PERRIER — PASCAL 


489 


bre, contre le P. Lallouère, mais sans le nommer, 
un violent réquisitoire! qui se réduit à ceci : « De 
Lallouère n'a répondu à aucune demande d’expli- 
calions complémentaires sur ses solutions parce 
qu'il n’a rien trouvé et veut s'approprier les mien- 
nes. » Comme si le Jésuite ne pouvait pas dire à 
son tour avec autant de vraisemblance : « Si Pascal 
ne publie rien, c'est qu'il attend mon envoi pour 
donner mes solutions comme siennes! » 

Tout cela cause un certain étonnement. Il re- 
double à la lecture de deux lettres de Pascal à 
Lallouère, d'authenticité indiscutable, publiées en 
1659 et signalées par Bertrand. Dans la première, 
Pascal loue le Père d'avoir trouvé une méthode 
plus générale, dit-il, que celle de Roberval, en lui 
faisant remarquer qu'il soupconne seulement quel- 
ques erreurs dans les calculs. Dans la seconde, il 
convient qu'un examen plus approfondi lui à mon- 
tré la rigoureuse exactitude de ceux-ci. 

Affirmer que Pascal a réellement joué un double 
jeu avec son adversaire, soupçonné de plagiat, 
pour l'amener à se découvrir et mieux le frapper 
ensuite, est une grave accusation qu'il est difficile 
de porter tant que de nouveaux documents n'auront 
pas éclairé à fond la question; mais il faut bien 
avouer qu'il donne, jusqu'ici, prise à tous les 
soupcons. 

D'ailleurs, comme il à habilement disposé des 
conditions de la lutte pour rester maître du champ 
de bataille! Il accorde à ses rivaux, pour résoudre 
des problèmes qu'il a eu et a encore le loisir de 
méditer à l'aise, un délai bien insuffisant, étant 
données les lenteurs des communications à l'épo- 
que; de parti pris, il passe outre aux protestations 
de Wallis. Les juges sont ses amis : sans aucun 
doute, c'est lui qui prend les décisions?; en 
l'absence de Carcavi, il a communication d’une 
partie au moins des mémoires envoyés®; il fait 
surveiller Lallouère‘; le procès-verbal du 25 no- 
vembre est sûrement écrit de sa main. Il sent tous 
ses avantages et, afin d'affirmer à tous sa supério- 
rité, il retarde la publication de ses solutions pour 
en ajouter de nouvelles. 

Le premier concurrent, le seul redoutable, Wal- 
lis, pressé par le temps, envoie heureusement des 
résultats incomplets et entachés d'erreurs. 


Le second, Lallouère, est négligeable : Pascal 


1 Suite de l'histoire de la roulette, où l'on voit le procédé 
d'une personne qui avait voulu s'attribuer l'invention des 
problèmes proposés sur ce sujet ou Historiæ trochoïdis sive 
cycloidis continuatio, in qua Videre est cujusdam viri ma- 
chinamenta qui se auctorem problematum super hat re pro- 
positorum erat professus. 

2 « Leurs calculs sont done justement réputés nuls. » 
Histoire de la Roulette, p.322. 

e croit p. 333, 340 et 341. 

« Je témoignai donc mon soupcon et je priai qu'on ob- 
servàt ses démarches ». Ibid., p. 354. 


490 


LIEUTENANT PERRIER — PASCAL 


le sait et se joue de lui. Il a en plus le malheur 
d’être Jésuile : Pascal l’accable sans pitié. 

Le grave reproche bien établi qu'on peut adres- 
ser à Pascal nous semble donc celui d’avoir été 
trop habile dans une affaire où il était à la fois juge 
et partie. 

Après le jugement du 24 novembre, Pascal recut 
les solulions de quelques-uns des problèmes pro- 
posés en octobre. Wrenet Fermat avaient trouvé 
le centre de gravité d’un arc quelconque de la rou- 
lette limité au sommet ainsi que les surfaces qu'il 
engendre en tournant autour de la base ou autour 
de l'axe d’une fraction de tour quelconque, mais 
personne n'avait trouvé les centres de gravité de 
celles-ci. 

Au début de 1659, Pascal se décida enfin à publier 
ses découvertes impatiemment attendues. Il com- 
mence par donner, dans la « Lettre de Dettonville 
à Carcavi », une méthode pour la recherche des 
centres de gravité, fondée sur le théorème, déjà 
connu, des moments dans le cas de forces para- 
lèlles,et la considération de certaines sommes dites 
« triangulaires ». Pascal définit ensuite ce qu'il 
appelle un « lriligne rectangle ». C’est l'aire com- 
prise entre deux axes rectangulaires et une courbe 
quelconque limitée à ces axes. Le « Traité des trili- 
gnes rectangles et de leurs onglets » a pour but de 
déterminer les éléments du triligne nécessaires 
pour obtenir certaines surfaces et certains volumes 
engendrés par sa rotation autour des deux axes 
ainsi que leurs centres de gravilé. Le « Traité des 
sinus du quart de cercle », le « Traité des ares de 
cercles », le « Petit traité des solides circulaires », 
développent le cas particulier où le triligne est cireu- 
laire: Enfin, dans le « Traité général de la rou- 
lette », Pascal montre que les précédents donnent 
tous les éléments nécessaires pour résoudre les 
fameux problèmes proposés, et qu'il suffit d'en 
faire l'application à la roulelte !. 


! Huyghens, Leibniz et Jean Bernouilli devaient enrichir 
plus tard la liste des propriétés de la cycloïde en montrant 
que sa développée est une cycloïde égale, que la cycloïde 
est à la fois « tautochrone » et « brachystochrone ». 


En communiquant ses opuscules à Huyghensw 
Pascal y ajoute la « Dimension des lignes courbes 
de toutes les roulettes », généralisation du problèmt 
déjà traité par Wren dans le cas de la roulette 
ordinaire seulement. Pour de Sluze’, il y joim 
un traité « De l'escalier, des triangles cylindriques: 
et de la spirale autour d'un cône ». Les réponse 
de Huyghens et de Sluze nous sont restées *. 

L'analyse de cette partie de l’œuvre de Pasca 
nous est interdite à cause des développements 
mathématiques étendus qu'elle exigerait. Mais, en 
se reportant à ce que nous avons dit plus haut dé 
sa méthode et de ses procédés, on voit que, to 
en ayant surtout cherché à résoudre des problèmes 
concernant une courbe particulière, et sans abon 
der dans toute leur généralité ceux des recti 
cations, des quadratures, des cubatures et des 
centres de gravité, Pascal doit être placé en tête 
des grands géomètres qui, avant Leibniz et Newton 
ont, en somme, pratiqué le Calcul intégral, maïs 
sans le soumettre à un mode uniforme par un algo® 
rithme. Il a pressenti les « merveilles de la nou 
velle analyse * ». N'y fait-il pas allusion quand à 
s'écrie? : « Il y a des propriétés communes à toutes 
ces choses, dent la connoissance ouvre l'esprit aux 
plus grandes merveilles de la Nature. La principale 
comprend les deux infinités qui se rencontrent 
dans toutes : l'une de grandeur, l’autre de pet 
tesse © »? 

Lieutenant Perrier, 


Détaché au Service Géographique 
de l'Armée. 


1 Lettre de Dettonville à Huyghens de Zulichem, non datée 
2 Lettre de Dettonville à Sluze, chanoine de la cathédrale 
de Liège, non datée. 
8 Lettre de Huyghens de Zulichem à Dettonville, du 5 fé 
vrier 1659 et Lettre de Sluze à Pascal, du 29 avril 1659. 
4 Lettre de Dettonville à Sluze, chanoine de la cathédrale 
de Liège, p. 445. e 
5 De l'esprit géométrique, p.169. 
5 Cet article de M. le lieutenant Perrier paraitra prochais 
nement dans un ouvrage que le regretté Adolphe Hatzfeld 
a consacré à Pascal, et pour la partie scientifique duquel 
notre distingué collaborateur lui a donné son concours. Ce 
livre aura pour titre : Apocrne Hatzrerb : Pascal, À vols 
in-$° de 300 pages, chez Alcan, 1901 (Collection des grands 
philosophes, dirigée par Cronius Prar). 


BIBLIOGRAPHIE — ANALYSES ET INDEX 


1° Sciences mathématiques 


Andoyer{(H.), Chargé de Cours à la Faculté des 
Sciences de Paris. — Leçons sur la Théorie des 
Formes et la Géométrie analytique supérieure. 
Tome I. — 1 vol. gr. in-8 de 508 p. (Prix : 15 fr.) 
…Gauthier-Villars, éditeur, 55, Quai des (irands-Au- 
gustins, Paris, 1901. 


La Théorie des Formes peut êlre exposée au point de 
ue purement algébrique, sans l'intervention de la 
éométrie; mais on peut aussi, dès le début, avoir re- 
urs à la Géométrie analytique, afin d'interpréter 
ométriquement les diverses théories algébriques. 
Cette dernière méthode offre non seulement un grand 
térêt, mais elle est encore appelée à rendre de grands 
rvices à la fois à l’Algèbre supérieure el à la Géomé- 
trie. C'est aussi celle qui a été adoptée danscet ouvrage. 
L'interprétation géométrique des propriétés de la 
Théorie des formes algébriques permet d'édifier une 
Géométrie générale, que M. Andoyer désigne sous le 
nom de Géométrie analytique supérieure, et dont la 
Géométrie ordinaire n'est qu'un cas particulier. Suivant 
que les formes envisagées renferment deux, trois ou 
uatre variables primitives, on se trouve conduit à la 
Géométrie binaire, à la Géométrie ternaire ou à la Géo- 
métrie quaternaire. Ces trois Géométries, prises dans 
leur ensemble, correspondent à la Géométrie ordinaire. 
L'auteur se propose de les examiner successivement, en 
méme temps que les formes algébriques qui les engen- 
drent. 
- Ce premier volume contient l'étude des formesbinaires 
ét ternaires et des formes qui endérivent, el, par suite, 
aussi les Géométries binaire et ternaire. Il comprend 
deux parties : I. La Géométrie binaire; Il. la Géométrie 
ternarre. Dans chacun de ces domaines, l'auteur expose 
d'abord la théorie générale des Invariants; puis, après 
avoir étudié les formations invariantes générales, il 
examine successivement les systèmes linéaires, les 
résultants et les discriminants, les formes bilinéaires et 
les systèrnes quadratiques. Chaque partie se termine 
‘par une étude intéressante des propriétés de la Géo- 
métrie métrique. 
- On concoit facilement que, dans cet exposé, il n'y 
avait pas lieu de faire intervenir d’une facon systéma- 
tique la partie arithmétique de la Théorie des Formes, 
c'est-à-dire celle qui s'occupe de la formation des sys- 
tèmes complets, etque l’on retrouve d’ailleurs dans les 
traités classiques d'Algèbre supérieure. M. Andoyer 
s'est borné aux notions les plus simples, afin de pouvoir 
‘embrasser d'un poiut de vue unique l'ensemble des 
théories algébriques dont on fait usage en Géométrie 
analytique. 
- Gerte facon nouvelle de développer la Théorie des 
Formes, jointe à la clarté et à la précision de l'exposé, 
permet de classer cet ouvrage parmi les publications 
les plus imporlantes parues dans ce domaine. 


H. Feur, 
Professeur à l'Université de Genève. 


Rollet (P.), Professeur a l'Ecole d'Arts et Métiers 
… de Chälons et Foubert (E.), Professeur à l'Ecole 
… primaire supérieure de Lille. — Cours d'Algèbre, 
. pour les Ecoles primaires supérieures et pr'ofession- 
. “elles et pour la préparation aux Arts et Métiers. 
— 1 vol. in-12 de 400 pages, avec nombreux exer- 
eices et problèmes. (Prix, cartonné : 3 fr.) Félix 
Alcan, éditeur, 108, Boulevard Saint-Germain, Pa- 
ris, 1901. 


BIBLIOGRAPHIE 


ANALYSES ET INDEX 


2° Sciences physiques 


Meyrat (P.). et Dardant (A.), Professeurs à l'Ecole 
de Commerce de Limoges. — Cours de Marchan- 
dises. 1°r fascicule : Métaux; ?° fascicule : Produits 
chimiques. Engrais. Explosifs. — 2 vol. qr. in-12 
avec figures. Librairie Nony et -Cie, Paris, 1901. 


Ces deux petits volumes sont les premiers d’une série 
de six fascicules, dans lesquels les mêmes auteurs 
présentent, envisagés d'un point de vue essentiellement 
commercial, tous les produits naturels où manufac- 
turés, susceptibles d'être échangés entre les différents 
peuples. 

Il y avait là matière à des développements consi- 
dérables et nos futurs commerçants sauront gré à 
MM. Meyrat et Dardant d’avoir su condenser en un si 
petit nombre de pages les questions essentielles qu'il 
leur est indispensable de connaitre sur chaque mar- 
chandise : Origine des produits, leurs caractères dis- 
tinctifs, leurs variétés, leurs principaux emplois, leur 
valeur commerciale, les droits d'entrée qu'ils suppor- 
tent, etc. 

Le premier volume traite des mélaux et plus de là 
moitié en est naturellement consacrée aux fers ef à ses 
dérivés, fontes et aciers. C'est le véritable résumé d’un 
cours de Métallurgie avec explication des termes cou- 
rants employés dans le langage des forges. Peut-être 
pourrait-on reprocher aux auteurs de ne pas s'être tou- 
Jours adressés aux sources les plus récentes en la ma- 
tière et d'apporter à leurs élèves des définitions aujour- 
d'hui un peu surannées. Il est certain, par exemple, que 
de l’acier contenant 0,009 de carbone est loin d'être 
doux et que la trempe agit encore assez sur l'acier con- 
tenant moins de 0,006 de carbone, pour que tous les 
jours il y ait en douane de vives contestations, en 
vue justemeut de déterminer le point de passage, d’ail- 
leurs très douteux, entre l'acier dur et l'acier doux. Ce 
côté de la question, envisagé au point de vue des droits 
d'entrée, méritait évidemment plus de précision. D’au- 
tre part, lorsque l'obtention d'un métal comporte, 
comme pour le zine, des procédés Irès différents, sui- 
vant la teneur des minerais traités, et, par conséquent, 
variables avec les régions, il eùl été préférable de 
signaler chacun d'eux, d’une facon succincte, c'est . 
vrai, mais sans en omettre. 

L'histoire des produits chimiques, des engrais et des 
explosifs constitue le second fascicule. Ici la descrip- 
tion des procédés d'extraction ou de fabrication paraît 
plus comolète et plus soignée. Elle contient certaine- 
ment toutes les notions élémentaires utiles au com- 
mercant, qui veulapprécier sa marchandise et en assurer 
la conservation. 

A part nos légères critiques sur la partie purement 
technique de l'ouvrage, nous avons plaisir à recon- 
naître que son programme d'ensemble est eycellent. 
C'est une idée heureuse et nouvelle d’avoir réuni pres- 
que dans les mêmes pages, à propos de chaque produit, 
les chiffres aux formules, car cela facilite singulière- 
ment les recherches. Toute la partie statistique est 
fort bien présentée; de nombreuses cartes émaillent le 
texte et permettent de retrouverles lieux de production 
et de consommation des principales substances com 
werciales; enfin, la plupart des chapitres se terminent 
par quelques extraits bien choisis d'ouvrages connus, 
qui donneront certainement envie à beaucoup de lec- 
teurs de se reporter aux textes originaux, ce qui leur 
sera très profitable. M Dane ne 


Ingénieur-métallurgiste. 


492 


Severin (Emile-C.), l’rofesseur de Sciences physi- 
ques au Lycée de Bärlad. — Produits de conden- 
sation de l'acide dichlorophtalique (Thèse pour le 
doctorat de l'Université de Paris). — Une brochure 
de 62 pages. L. Boyer, imprimeur, Paris, 1901. 


MM. Haller et Guyot ont montré autrefois qu’en con- 
densant l'anhydride phtalique avec la diméthylaniline 
on obtenait l'acide diméthylaminobenzoylbenzoïque, qui 
a été ensuite le point de départ de l'étude de nouveaux 
dérivés (anthraquinone, antbranol correspondants, 
etc..…). M. Severin s'est proposé d'étudier ce qui se 
passerait dans le cas de l'acide phtalique dichloré 
1:.2— 3.6. 

Lorsqu'on condense l'anhydride dichlorophtalique 
avec la diméthylaniline en présence du chlorure d’alumi- 
nium, on obtient l'acide diméthylaminobenzoyibenzoïque 
dichloré : 

CH° 

 COC'H Az 
CeHeCE< NcHs 
CooH 


Tandis que l'acide non chloré traité par l’anhydride 
acétique se transforme en une phtaléine, l'acide chloré 
donne seulement un anhydride mixte. 

De même, l’acide diméthylaminobenzoylbenzoïque se 
condense sous l'influence de l'acide sulfurique en don- 
nant l'anthraquinone correspondante. L’acide di- 
chloré, au contraire, ne donne rien. Ce faittrouve son 
explication dans la règle de V. Mayer, relativement à 
l'éthérification directe de certains acides. En effet, une 
éthérification n’est autre chose qu'une condensation 
entre un groupe acide et un groupe alcool avec élimi- 
nation d’eau. Or, les deux groupements négatifs qui 
limitent en ortho le carboxyle rendent l’éthéritication, 
ainsi que toute autre condensation, difficilement réali- 
sable. 

On peut cependant y arriver en changeant le carac- 
tère négatif d'un des orthosubslituants, par exemple 
en réduisant le groupe 


CO — C'H*Az(CH°)°. 


La condensation, dans ce cas, se fait très facilement : 


el es Cl 
ZONCHE — CH#AZS CH, 0H: 
| CH — n°0 +| | Donraz 
2 L SRE 
| /C00H KL /co CH 
él ù 


Il semble donc que la présence des atomes de chlore 
par rapport à un des carboxyles empêche la condensa- 
tion de l'acide diméthylaminobenzoylbenzoïque chloré. 
L'auteur a vérifié qu'il en était de même pour l'acide 
diéthylé. G. BLANC, 

Docteur ès sciences, 


Lagatu (H.) et Sicard (L.). — Guide pratique et 
élémentaire pour l'Analyse des terres et son uti- 
lisation agricole, avec une Préface de M. E. Riser, 
Directeur de lInstitut national agronomique. — 
1 vol. in-8° de 303 pages, avec planches et figures. 
(Prix: 6 fr.) Coulet et fils, éditeurs à Montpellier, 
et Masson et Ce, éditeurs à Paris, 1901. 

« Notre guide pour l'analyse des terres est pratique, 
en ce sens qu'il décrit les opérations de laboratoire 


BIBLIOGRAPHIE — ANALYSES ET INDEX 


que l'on effectue couramment pour étudier les terres | 


arables; il est élémentaire, en ce sens qu'il contient 
l'indication de tous les détails de ces opérations, et, 
sous une forme aussi simple que possible, les explica- 
tions permettent de comprendre pourquoi tous ces 
détails sont nécessaires. » Tel est le dékut de l « aver- 
tissement » de l'ouvrage que nous présentons, début 
que les auteurs se préoccupent constamment de justi- 
fier. Le prélèvement des échantillons de terre, la 
description et la conduite des appareils de mesure et 
de chauffage, l'analyse physique et l'analyse chimique 


le figure exactement. 


forment l'objet d'autant de chapitres bien détaillés etm 
bien exposés; les méthodes décrites sont conformes à 
celles du Comité consultatif des Stations agronomiques 
Nous regrettons seulement de n'y pas voir adjoints 
quelques mots sur les déterminations de potasse eb 
surtout d'acide phosphorique « assimilables », c’est-às 
dire solubles dans les acides faibles, soit dans l'acide 
acétique, comme l'a préconisé M. Dehérain, soit dans. 
l'acide citrique à 1 °/,, suivant la méthode de Dyer 

Après cette légère critique, il convient de faire res= 
sortir les bonnes qualités de l'ouvrage : un grand 
nombre de traités d'analyses de terre arrêtent leur 
étude aux déterminations que nous avons signalées et 
négligent de montrer d’une facon suffisante comment 
et en quoi les résultats analytiques permettent, si on 
sait bien les interpréter, d'améliorer les cultures exé-= 
cutées sur les terres examinées. C’est une faute que 
MM. Lagatu et Sicard n’ont pas commise, et les éloges 
ne doivent pas leur être ménagés à cet égard. Presque 
la moitié de leur ouvrage est consacrée à l’utilisation 
agricole de l'analyse des terres, à l'interprétation des 
résultats, aux améliorations culturales suggérées par 
ces analyses. 

Un chapitre entier est réservé aux études analytiques 
appliquées à un ensemble de terres arables, telles que 
celles d'un domaine ou d'une région, études qui per- 
mettent aussi d'en dresser les cartes agrologiques et 
agronomiques, dont l'utilité n’est plus à démontrer. M 

Un certain nombre d'exemples d'analyses compor- 
tant des résultats numériques, et une représentation 
graphique fait encore mieux saisir les ressources que 
fournit l'analyse du sol bien comprise et bien inter- 
prétée. 

Enfin, les dernières pages renferment l'établissement 
et le détail du devis du matériel et des produits chimi= 
ques nécessaires à l'analyse des terres et permettent 
de déterminer les dépenses afférentes à ce sujet. 

A. HÉBERT. 


3° Sciences naturelles 


Vidal (Louis), Chef des travaux de Botanique à la 
Faculté des Sciences de Grenoble. — Recherches 
sur le sommet de l’axe dans la fleur des Gamo- 
pétales. (T'hèse pour le Doctorat de la Faculté des 
Sciences de Paris). — 1 vol. in-8, broché, de 
415 p. avec 4 planches, figures dans le texte (An= 
nales de l'Université de Grenoble, X11). Impr: 
Allier frères. Grenoble, 1901. | 
Si tout le monde est d'accord sur la nature de l'axe 

floral, qui est une tige, s'il n'existe aucune difficullé 

relative à l'interprétation de la nature foliaire du calice 
et de la corolle, quelques difficultés ont été soulevées, 

il y à bien longtemps déjà, au sujet de la nature 

exclusivement foliaire de l'androcée et du gynécéen 

L'organogénie semblait impuissante à expliquer lan 

structure de certaines fleurs autrement que par une, 

participation de l'axe à la constitution de l'ovaire. On 

a pu croire que l'étude anatomique du système vas=s 

culaire avait résolu toutes les difficultés; mais M. Van, 

Tieghem, qui en avait tiré si bon parti, a eu plus 

d’une fois l’occasion de reveuir sur ses observations” 

pour en modifier l'interprétation, sans modifier d'ail=" 
leurs la conclusion essentielle qu'il en avait tirée: 

Eichler, MM. Celakovsky, Warmiog, Gœbel, par des 

moyens différents, sont arrivés au même résultat, à 

savoir que le système vasculaire ne peut donner, à lui 

seul, la solution du problème. Le débat est donc toujours 
ouvert, M. Grélot s'y est engagé récemment; M. Vidal 

y prend part à son tour. Il ne se renferme pas dans un 

seul procédé d'étude; il les utilise tous sans parti 

pris, n'ayant d'autre désir que celui de faire la lumières 

Il observe avec soin, décrit brièvement ce qu'il à vu et 


L'axe ne prend aucune part à la constitution du 
pistil des Gamopétales lorsque les carpelles sont plus \ 
ou moins libres (Asclépiadacées, Apocynacées); dans 


presque toutes les autres Gamopétales à ovaire supère, 
Vaxe prend part à la constitution du pistil, soit en se 
rolongeant au centre de l'ovaire, soit en se creusant 
n une coupe réceplaculaire. Dans le premier cas, les 
uilles carpellaires sont plus ou moins concrescentes 
avec un axe intraovarien, à moins que l'axe ne soit 
fudimentaire. L'axe intraovarien des Gamopétales pos- 
Sède assez souvent un système vasculaire caractéristique 
de la tige; les faisceaux y sont orientés normalement; 
ïls sont rangés en un cercle ou forment un anneau 
béro-ligneux continu, sans trace de péricycle ou 
d'endoderme. M. Van Tieghem dit qu'il existe, dans 
Ce cas, un axe transitoire. Plus fréquemment l'axe 
intraovarien est parcouru par des faisceaux inverses 
isolés ou par des faisceaux dont l'orientation n’est pas 
déterminable. Quel que soit son développement mor- 
phologique, l'axe intraovarien parait être de nature 
œaulipaire. Le sommet en est libre entre les carpelles 
embrassants concrescents. Quelquefois il atteint le 
plafond de l'ovaire qu'il touche, s'appliquant contre 
orifice interne du canal stylaire; plus souvent, l'axe 
ne s'élève pas jusqu'au sommet de l'ovaire, qui n'est 
Pluriloculaire que dans sa partie inférieure. Des faits 
tératologiques connus depuis longtemps confirment 
cette opinion. L’axe floral prolongé dans la fleur est 
bien alcrs une tige qui peut n'avoir pas de système 
vasculaire. Si l’on admet qu'il existe des feuilles sans 
faisceaux conducteurs, il est logique d'admettre qu'il 
puisse exi-ler aussi des tiges sans faisceaux. Cette 
interprétation est à fort peu près celle de M. Warming 
et de M. Celakovsky. : 
Dans le cas où l'axe intraovarien est réduit au mini- 
um, et où la placentation est basilaire, on peut se 
demander si l'ovule unique est terminal. On l'a cru; 
le fait a été infirmé dans plusieurs cas par de bons 
bservateurs. M. Vidal confirme que l’ovule n’est pas 
erminal chez les Composées et Plombaginacées. Dans 
és deux familles, la placentation basilaire dérive de 
Ja placentation axile par avortement complet de l'axe 
LL par réduction des ovules à un seul. 
- Ilest impossible de ne pas admettre la participation 
de l'axe à la constitution des ovaires infères des Gamo- 
pétales. Dans beaucoup de cas, les faisceaux demeurent 
éunis sur une certaine longueur; les faisceaux qu'on 
suppose radialement superposés sont soudés en un 
“faisceau unique (Caprifoliacées); il peut aussi y avoir 
concrescence latérale de faisceaux appartenant au 
même verticille. Chez les Composées mêmes, soudures 
latérale et radiale sont si intimes que la nervation de 
Ja coupe réceptaculaire ne laisse plus soupconner 

e nombre et la disposition des pièces florales. Il est 
certain que, si des coupes réceptaculaires ainsi consti- 
tuées représentent des sommes d'appendices, il n'est 
‘pas possible de les distinguer d'organes caulinaires, et, 
si l'indépendance des faisceaux caractérise les feuilles, 
il faut bien admettre qu'il n’y a pas de feuilles dans 
l'ovaire infère des Composées. 

On peut dire, en vérité, que, chez les Phanérogames 

es plus différenciées (Dipsacées, Composées), le carpelle 
est réduit à ne former que le style. Le sommet de l'axe 
a supplanté le carpelle. : 
- Nous laissons de côté les détails relatifs à la part qui 
revient à l'axe dans la conduction du tube pollinique, 
Jl'emmagasinement des réserves ou la constitution du 
fruit. Relevons simplement, pour finir, quelques indi- 
calions relatives aux applications à la systématique des 
détails morphologiques qui précèdent. 

11 convient de faire remarquer d'abord que la forme 
de l'axe est très variable chez les plantes d’une même 
famille et identique souvent dans des plantes très 
. différentes. La réduction du nombre des graines 
entraine le raccourcissement de l'ovaire et surtout 
de l'axe ovarien, la gynobasie et, plus tard, la substi- 
tution physiologique du péricarpe au tégument séminal. 
- Des modifications de cette sorte peuvent se produire 
- dans des groupes éloignés et induire en erreur. 

— Il ne paraît pas douteux que l'Empetrum dont on a 


0 
L 


f 


| 


BIBLIOGRAPHIE — ANALYSES ET INDEX 


195 


beaucoup discuté les affinités ne doive être réellement 
rapproché des Vaceinium et des Ericacées. Les Convol- 
vulacées paraissent plus voisines des Labiées qu'on ne 
le pense. L'Adoxa Moschatellina doit être définitive- 
ment rapproché des Caprifoliacées. 

Nous devons nous arrêter, mais il convient de dire 
que le travail de M. Vidal est de ceux qui perdent à 
être analysés: IL fait honneur à l’auteur et à l'Univer- 
sité de Grenoble, qui a pris, depuis quelques années, 
une place si honorable parmi les centres d'étude des 
Sciences naturelles. C. FLAHAULT, 

Professeur de Botanique 
à l'Université de Montpellier. 


Stephan (Pierre), Préparateur à l'Ecole de Médecine 
de Marseille. — Recherches histologiques sur la 
structure du tissu osseux des Poissons (7hese de 
la Faculté des Sciences de Paris). — A vol. in-8° de 
150 pages avec 8 planches. L. Danel, imprimeur, 
Lille, 1901. 

La thèse de M. Stephan touche à plus de choses que 
ne le laisse penser son titre. On y trouve non seule- 
ment la structure des différents tissus calciliés dont 
l'os n’est qu'une espèce, mais encore le développement 
de ces tissus et les considérations d'ordre général sur 
divers modes d’ossification et la classification des tissus 
squelettiques. 

C'était là un vaste sujet à entreprendre, trop vaste 
peut-être même pour un jeune savant. L'Histologie 
est une des sciences les plus difficiles parmi les 
sciences biologiques. Elle demande une longue initiation 
pour acquérir la pratique des méthodes, pour amener 
une éducation suffisante de l'œil; enfin, et surtout, 
pour savoir juger les faits et leur faire donner tout ce 
qu'ils peuvent fournir. Si M. Stephan n'a pas encore 
traversé cette période d'initiation, le travail qu'il nous 
présente aujourd'hui nous montre qu'il possède, en 
germe tout au moins, ce qu'il faut pour devenir un 
histologiste de carrière. 

Les différents tissus squelettiques sont caractérisés 
tout d'abord par la nature de la substance intercellu- 
laire qui donne à ces lissus leur caractère général le 
plus frappant, la consistance. Cependant, l'étude de 
cette substance ne saurait nous fournir une classifica- 
tion de ces tissus. M. Stephan nous montre, en effet, 
que, si elle est presque toujours fibrillaire, on peut 
trouver tousles intermédiaires entre les larges faisceaux 
de fibrilles du double cône vertébral, par exemple, et 
la couche superficielle des écailles, où cette substance 
se dissout presque entièrement par la décalcification. 

Cette première partie de lathèse de M. Stephan se 
termine par cette généralisation très intéressante : « Il 
y à une concordance complète entre la substance : 
osseuse qui se forme et Ja substance fondamentale du 
tissu conjonctif dans lequel s'accomplit l'ossification. » 
Quand le tissu conjonetif est lâche ou muqueux, la 
substance fondamentale est homogène; quand il est 
chargé de fibres conjonctives, celle-ci devient fibril- 
laire. 

Ce sont surtout les éléments cellulaires qui per- 
mettent de diviser les tissus squelettiques des Poissons. 
En laissant de côté le cartilage et ses variétés, M. Ste- 
phan distingue et étudie quatre cas : 

1° L'os proprement dit, qui renferme des cellules à 
nombreux prolongements ramifiés (ostéoblastes). Ce 
tissu se trouve chez les Ganoïdes, les Sirénides et les 
Physostomes ; 

2 La dentine, dont les cellules ne présentent qu'un 
ou deux longs prolongements (odontoblastes) : écailles 
pläcoïdes, dents et plaques masticatrices; 

30 L'ostéodentine, nom sous lequel Owen désigne les 
tissus qui renferment à la fois des ostéoblastes et des 
odontoblastes : Ganoïdes osseux; quelques Téléos- 
téens ; 

4° La substance ostéoïde, de Külliker, ou substance 
spiculaire, de Pouchet, qui est une espèce d'os réduit 
à sa substance fondamentale : presque tous les Téléos- 


494 


BIBLIOGRAPHIE — ANALYSES ET INDEX 


téens, plaques basales des dents et des écailles des | 
Sélaciens. 

Dans cette étude, M. Stephan ne nous apporte rien de 
bien nouveau, et il ne pouvait le faire non plus en se 
limitant, comme il l’a fait, à l'examen de la forme et 
du degré de ramification de ses prolongements. Du | 
reste, la partie la plus importante de son Mémoire 
traite du développement des tissus squelettiques. | 

Il étudie tout d'abord l’ossification fibreuse en pre- | 
nant pour type la formation:des doubles cônes verté- | 
braux. Cette ossification se fait chez les Poissons de la 
même facon que chez les Vertébrés supérieurs, avec un 
remaniement vasculaire moins considérable cependant 
de l'os nouvellement formé. < 

Les os un peu volumineux, tels que les os du crâne et 
ceux de la ceinture scapulaire, montrent des systèmes 
de Havers bien caractérisés; mais, le plus-souvent, ces 
systèmes sont rares et isolés au milieu de la substance 
fondamentale ; quelquefois même, comme chez les Gadi- 
dés, ils sont complétement absents; et, d'une façon très 
générale, on peut dire que l’ossification trabéculaire 
constitue la majeure partie du squelette des poissons 
supérieurs adultes. | 

L'ossification dans le cartilage divise toujours les his- | 
tologistes au sujet de l’origine des ostéoblastes et de la | 
substance osseuse. Dans la plupart des cas étudiés par | 
M. Stephan, les cellules cartilagineuses acquièrent peu 
à peu la colorabilité des cellules médullaires et persis- | 
tent sous cette forme, à la suite de la fonte de la car- 
tilagéine; celle-ci ne se transformerait donc pas en 
substanceosseuse.]Ilest quelques points cependant,— les 
arcs branchiaux des Gadidés et le maxillaire supérieur | 
du Tetrodon reticulatus, — où il semble bien que l'on | 
ait affaire à du cartilage calcifié. 

Après avoir montré les relations qui existent entre 
le développement des corps verlébraux des Ganoïdes 
osseux et des Téléostéens, M. Stéphan étudie la répar- 
tition des divers modes d'ossification; il donne ensuite 
quelques détails intéressants sur certains os mous et 
termine son travail par un essai de classification des 
tissus squelettiques. ; 

Les conclusions de cette thèse sont les suivantes : 

«4° Confirmant pour les Poissons ce que l’on admet en 
général pour les Vertébrés supérieurs, quele tissu osseux 
est seulement une adaptation spéciale du tissu conjonc- 
tif, nous avons montré qu'il n'y a pas de différence 
essentielle entre celui des Poissons et celui des Verté- 
brés plus élevés en organisation. 

« 20 Les tissus fibreux, fibro-cartilagineux et cartila- 
gineux ossifiés sont absolument équivalents... ; 

« 3° Au cours de l'édification d'organes, on voit les 
phénomènes du développement s'arrêter à différents 
états parcourus dans l'édification des os des Mammifères ; 

« 4° Chez les Poissons, les tissus de substance dure 
peuvent présenter un certain nombre de particularités 
ou de modes spéciaux d'évolution qui apparaissent dans 
cette classe et y restent limités... 

Eu somme, si le travail de M. Stéphan ne fait guère 
avancer nos connaissances générales sur les tissus calci- 
fiés, ce n'est pas la faute de l’auteur, qui nous présente 
ici une œuvre très consciencieuse. Cela lient plutôt à la 
direction qu'il a donnée à ses recherches. L'Histologie 
purement descriptive ne laisse plus grand’chose à 
glaner chez les Vertébrés, et nous pensons que ce n'est | 
pas dans cet embranchement qu'on trouvera la solution | 
de la grande question de la descendance des tissus. 

D'un autre côté, les points d'histosénèse en suspens 
ne pourront être résolus qu’en portant toute l'attention 
sur la structure intime et sur la physiologie de la cel- | 
lule, c’est-à-dire, dans le cas particulier, sur le rôle 
de la cellule cartilagineuse ou osseuse dans la résorp- 
tion de la cartilagéine et dans la formation de la matière 
calcaire. Or, c’est justement cela que M. Stephan a 
laissé de côté. Espérons qu'il nous donnera, dans un 
prochain Mémoire, ce complément indiqué. Les os de 
Trachypterus, de Lophius, de Cyclopterus et de quel- 
ques Poissons des grandes profondeurs, os qui sont 


», 


mous et faciles à couper sans décalcification préalable, 
fourniraient probablement matière très favorable pour 


cette étude. GUSTAVE LoIsEL, 
Préparateur à la Faculté de Médecine 
et à la Faculté des Sciences de Paris, 


Chauveau (C.). — Le Pharynx. T. I : Anatomie et 
Physiologie. Préface de M. le IX PoLaiLLon. — 1 vol: 
1n-8° de 40% pages avec 165 figures. (Prix : 12 fr.) 
J.-A. Baillière, éditeur. Paris, 1901. 

Ce volume est le premier d'une série qui formera le. 
Traité du Pharynx. M. Chauveau a fait plus qu'un 
rappel des connaissances anatomiques et physiolo- 
giques sur le pharynx, nécessaires à l'exposé et à l'in 
telligence des maladies de cet organe et des procédés 
thérapeutiques. IL à écrit et bien décrit tout ce qu'on 
sait d’essentiel sur l’anatomie, le développement et Ia 
physiologie du pharynx. Peut-être même son zèle l’a-tl 
emporté trop loin en arrière, jusque dans une période 
prépharyngienne du développement; car il décrit réel= 
lement ah ovo la formation du tube digestif, d'une fa= 
con qui rappelle trop certaines lecons d'agrégation 
Mais le reste, c'est-à-dire l'anatomie proprement dite 
et surtout la physiologie avec le rôle du pharynx dans 
les moyens de défense des voies respiratoires et diges-=" 
tives, rachète grandement ce point faible par la clarté 
des descriptions et par l'abondance des documents 
bien employés et mis à leur vraie place. C'est là, en 
somme, un ouvrage eslimable, qui témoigne, chez un 
clinicien, d'une disposition d'esprit réellement scienti-\ 
fique. A. PRENANT, 

Professeur à l'Université de Nancy. 


4° Sciences médicales 


Marie (D°A.), Directeur de l'Institut Antirabique de 
Constantinople. — La Rage. — 1 vol. in-80 de 
180 pages, de l'Encyclopédie scientifique des Aïde- 
Mémoire. (Prix : broché, 2 fr. 50; cartonné, 3 fr.) 
Masson et Gauthier- Villars, éditeurs. Paris, 1904. 


Ce livre, qui est une intéressante étude sur la rage 
chez l'homme et chez les animaux, donne une descrip-\ 
tion exacte de l’évolution de la maladie durant ses diffé- 
rentes phases: sa durée et la période d’incubation. 
Dans des pages aussi claires que précises, l’auteur 
parle du diagnostic différentiel de la rage avec des 
maladies d’une autre espèce dont les symptômes peu- 
vent être confondus avec ceux de l’hydrophobie : l'hys- 
térie, l’hydrophobie imaginaire, certains accès de deli- 
rium (iremeus, quelques formes de tétanos, etc. Le 
chapitre sur l'anatomie pathologique contient des obser- 
vations sur les altérations vasculaires admises jusqu'en 
1890, sur l'atrophie pigmentaire de Schalfer et de Poz= 
polf, sur les tubercules rabiques de Babès qui peuvent 
mauquer dans le névrax d'animaux rabiques, sur les 
lésions décrites par van Gehuschten. Ce savant déclare 
avoir retrouvé chez des hommes et chez des animaux 
morts de la rage des ganglions périphériques. Bien que 
ces lésions soient faciles à vérilier, el nous mettent 
entre les mains un diagnostic de la plus haute impor- 
tance, elles ne se présentent pas toujours avec la net= 
teté décrite par le savant histologiste, et, selon Nocard 
et Vallée, leur absence ne saurait faire exclure l'exis= 
tence de la rage. — Les hygiénistes, les administrateurs" 
liront avec fruit la partie où M. Marie discute less 
questions de police sanitaire, qui jouent un si grand 
rôle dans la prophylaxie de la rage. "4 

Ce livre arrive au moment où les Instituts antiras 
biques tendent de plus en plus à se multiplier; aussi 
lira-t-on avec utilité les passages de ce volume qui con= 
cernent l'installation et le fonctionnement des Instituts 
antirabiques, et l'application de la méthode pasteu= 
rienne, qui, comme le dit M. E. Roux dans la préface, 
a épargné des milliers de vies humaines, et dont Iles 
résultats dépassent les plus satisfaisants obtenus jus= 
qu'ici en Médecine. D: A. Loir, A 
Directeur de l'Institut Antirabique de Tunis 


5° Sciences diverses 


Harion (Henri), Professeur à la Faculté des Lettres 
de Paris. — Psychologie de la Femme. — { vol. 
in-12 de xu-307 pages. (Prix : 3 fr. 50) Armand 

Colin et Cie, éditeurs. Paris, 1901. 

“Lourbet (Jacques). — Le problème des sexes. — 

nitro]. in-8° de 301 pages. (Prix : 3 fr. 50) V. Giard 

et Brière, éditeurs. Paris, 1901. 


Voici deux livres qui se rapportent au même sujet et 
dont, en dépit de frappantes différences de ton, d'esprit 
et de méthode, les conclusions sont, sur bien des 
oints, les mêmes. M. Lourbet ramène à des causes 
istoriques et sociales, dont l'effet peut et doit aller 
“steffacant, les traits de l'intelligence et du caractère 
“féminins qui se pourraient interpréter comme des 
marques d'infériorité, et se refuse à les faire dériver 
“des particularités que présente, au point de vue phy- 
siologique, l'organisme de la femme. M. Marion, à vrai 
“dire, bien qu'il ait plus longuement et plus fortement 
“insisté sur sa fonclion d'épouse et de mère, dont l’ac- 
“complissement lui semble l'essentiel de la vie de la 
emme et la raison d'être de tout le reste, ne concluait 
pas autrement. M. Lourbet s'attache à établir que, si 
“l'équité autant que l'intérêt social commandent qu'une 
réelle égalité de droits soit créée entre les deux sexes, 
iLest à souhaiter que cette « équivalence » de l'homme 
et de la femme ne se transforme jamais en une sorte 
d'identité où s'effacerait la féconde originalité de l'un 
et de l'autre et où s’amoindriraient, en se neutrali- 
sant, leurs aptitudes spéciales. C'était là aussi, à peu 
de chose près, l'opinion de M. Marion. Tous deux ils 
“sont d'avis que les multiples problèmes pédagogiques 
“et sociaux que la vie actuelle contraint à se poser 
“ne peuvent être résolus que par l'incessante et intime 
- collaboration de l'homme et de la femme. 

Si la mort n'a point permis à M. Marion de conduire 
- au dernier point d'achèvement ce livre qu'il aimait, du 
moius sommes-nous assuré que l'on à conservé, dans 
ces pages, sa pensée tout entière. Il est une idée 
cependant qui domine tout l'ouvrage, et qui nous 
semble appeler quelques réserves : c’est la transmission 
- héréditaire aux femmes de notre temps des caractères 
. acquis par leurs mères et leurs aïeules, au cours de 
- celte longue période de sujélion où se sont déroulées 
leurs vies et dont, à vrai dire, le terme n'est point 
‘encore apparu. Une femme est fille de son père comme 
de sa mère, elle lui emprunte bien souvent des parti- 
_cularités de structure physique ou mentale, des apti- 
_tudes, des goûts, des maladies; il serait bien étrange 
que, si ces façons féminines d’être et de penser ne 
sont pas sous la dépendance immédiate du sexe, mais 
d'origine purement sociale, elles se soient ainsi trans- 
» mises par hérédité maternelle, sans que l'hérédité 
- paternelle les ait en rien altérées. La vérité est, à nos 
- yeux, qu'il s'agit beaucoup moins ici d'hérédité biolo- 
- gique que de tradition, d'éducation, d'imitation, de ce 
-que Baldwin à appelé hérédité sociale. Du reste, 
- M. Marion ne méconnait pas l'importance de cette imi- 
tation sociale et, en désaccord sur ce point avec 
M. Lourbet, il reconnaît, d'autre part, que, si large 
- qu'il faille faire la part des facteurs sociaux dans la 
genèse des particularités de l'intelligence et du carac- 
-tère féminins, ilest bon nombre de traits caractéris- 
tiques de l'esprit de la femme qui sont sous la dépen- 
dance immédiate de son organisation sexuelle ; il fait 
sienne la phrase célèbre de Maudsley: « Sex lies 
“deeper than culture ». Peut-ètre serait-il parvenu à 
une conception plus exacte et plus précise de cette 
- question de l'origine des caractéristiques psychologi- 
_ ques des deux sexes, s'il n'avait pas écarté de propos 
délibéré du champ de ses recherches les documents 
- ethnographiques : ils lui auraient fourni plus d'une 
indication précieuse, et lui auraient montré, en parti- 
culier, que la division du travail et la spécialisation 


BIBLIOGRAPHIE — ANALYSES ET INDEX 


495 


des fonctions sont beaucoup plus complètes dans les 
sociétés non civilisées, qu'il ne l’avait imaginé. 

Après ces premiers chapitres, consacrés à l'étude de 
la condition sociale de la femme dans le passé, M. Ma- 
rion fait une rapide esquisse de ses caractères anato- 
miques et physiologiques, et examine les conséquences 
psychologiques qu'entraine, pour la jeune fille et pour 
la femme, le développement de la fonction pour la- 
quelle elles sont essentiellement organisées : la fonc- 
tion maternelle. Il recherche dans les goûts, les ten- 
dances, les manières d'être et d'agir de la petite fille 
avant la puberté, l’esquisse de la femme future, puis, 
passe en revue les diverses catégories de phénomènes 
psychologiques, en s'efforcant de déterminer dans 
quelle mesure différent, chez l'homme et chez la 
femme, les diverses manifestations de la vie affective 
et de la vie intellectuelle, et comment se traduisent, 
dans les actes, ces varialions des événements inté- 
rieurs. La caractéristique essentielle de l'esprit fé- 
minin, c'est pour Jui, en dépit des expériences contes- 
tables de Lombroso sur la sensibilité féminine, la 
prédominance de la vie émotionnelle ; il en étudie, 
avec grand soin, les divers aspects : tendances égoistes 
(sensualité, avarice, coquelterie, jalousie, envie, besoin 
de dominer), sentiments sympathiques (il montre que 
la femme est, comme l'homme, capable d'amitié vraie 
et désintéressée), sentiments supérieurs (sens esthé- 
tique, sentiment religieux, curiosité scientifique, désir 
de la vérité, sens moral ; il place, dans cette catégorie, 
la pudeur), et s'efforce de mettre en lumière Ja réaction 
exercée par cesdiverssentimentslesunssurlesautres. On 
peut s'étonner que nulle place n'ait été donnée à l'étude 
des émotions simples : joie, tristesse, colère, peur, etc. 
Le chapitre consacré à l'étude de l'intelligence fémi- 
nine est l'un des meilleurs du livre : M. Marion montre 
finement que le plus réel obstacle au développement 
intellectuel de la femme, c'est sa docilité, sa plasticité 
même, son manque d'originalité, œuvre, d'ailleurs, 
des conditions sociales où elie à vécu. La seule qualité 
qu'il lui refuse — et à juste raison — c'est l'esprit cri- 
tique. Il signale ‘aussi son manque d'initiative. Elle 
est ingénieuse et adroile, elle a une imagination mer- 
veilleuse des détails, elle estrarement, dans le domaine 
de l’action, créatrice et vraiment inventive. Mais elle a 
toutes les qualités négatives qui font les volontés fortes : 
la patience, l'endurance, l'obstination. Le caprice est 
chez elle de surface et d'apparence; Le fond, c'est, 
chez la plupart, la ténacité douce. 

Les derniers chapitres sont consacrés à l'étude de la 
destinée de la femme, des améliorations que comporte 
sa condition, et des droits politiques à lui concéder. 

Le livre de M. Lourbet est, avant tout, un livre de 
polémique. On le lira, néanmoins, avec intérêt et avec: 
fruit, en dépit des réserves que suscitent certaines des 
opinions que M. Lourbet a adoptées, sans les soumettre 
à une assez rigoureuse critique : la théorie, par exem- 
ple, qui fait de la famille maternelle une forme posté- 
rieure et dérivée par rapport à la famille patriarcale. 
L'idée qui domine tout l'ouvrage, c'est qu'aux premières 
phases de l’évolution humaine, la condition mème du 
développement mental se trouvait dans une certaine 
supériorité de force musculaire, qui seule pouvail assu- 
rer les loisirs et l'indépendance nécessaires pour se 
libérer de l'existence purement animale : de là, l'état 
d’infériorité intellectuelle où la femme a été longtemps 
condamnée à vivre. Le plan qu'a suivi M. Lourbet est 
analogue à celui de M. Marion. Il s’est surtout attaché 
à établir qu'aucun des caractères anatomiques sur les- 
quels on à voulu fonder l’infériorité nécessaire de la 
femme n'a la constance, ia signification ou la valeur 
que la plupart des auteurs leur ont altribäées; sur 
bien des points il a partiellement raison, mais il a 
affaibli son argumentation en abondant, plus qu'il 
n'aurait fallu, dans son propre sens. 

L. MARILLIER, 


, Maitre de Conférences 
à l'École pratique des Hautes-Éludes 


196 


ACADÉMIES ET SOCIÉTÉS SAVANTES 


ACADÉMIES ET SOCIÉTÉS SAVANTES 


DE LA FRANCE ET 


ACADEMIE DES SCIENCES DE PARIS 
Séance du 29 Avril 1901. 

M. R. Zeiller est élu membre dans la Section de 
Botanique. 

1. SCIENCES MATHÉMATIQUES. — M. H. Lebesgue montre 
que toute fonction dérivée, limitée supérieurement en 
valeur absolue, étant de première classe, est sommable 
et que son intégrale, considérée comme fonction de sa 
limite supérieure, est une de ses fonctions primitives. 
— M. H. Dulac communique ses recherches sur les inté- 
gralesanalytiques des équations différentielles du premier 
ordre dans le voisinage de conditions initiales singu- 
lières. — M. de Séguier détermine les équations de 
certains groupes et montre, en particulier, que le seul 
groupe deux fois transitif de degré p -+ 1 et d'ordre 


CRE - ; 
s DL? — 1) (p > 2) est le groupe modulaire, excepté 


si p — 7. — M. P. Duhem démontre, par une méthode 
semblable à celle de Lejeune-Dirichlet, un théorème 
relatif à la stabilité d'un système animé d'un mouve- 
ment de rotation. — M. Ed. Maillet démontre que les 
lois des montées de Belgrand et les formules des débits 
d’un cours d’eau sont, en réalité, non des lois empiri- 
ques, mais des lois théoriques approximatives. — 
M. A. Cornu indique une méthode de compensation 
mécanique de la rotation du champ optique fourni par 
le sidérostat et l’héliostat, basée sur l'emploi du joint 
universel ou croisillon. La solution est aussi rigoureuse 
que celles de M. Turner et de M. Lippmann et elle a 
sur elles l’avantage d'être mécaniquement plus par- 
faite, car elle ne comporte que des mouvements de 
pivotement réalisables avec une rigueur presque indé- 
finie par les procédés mécaniques usités dans la cons- 
truction des instruments de précision. 

2. ScieNCES PHYSIQUES. — M. Edouard Mack a vérifié 
sur l’éther la loi de M. Amagat : A volume constant, 
l'augmentation de pression est proportionnelle à l’ac- 
croissement de température. C'est-à-dire que les lignes 
d'égal volume ou isochores sont des droites: p — 
a t + $. Les isochores de l’éther présentent une légère 
courbure, mais, vu leur petitesse, les écarts peuvent 
être attribués aux erreurs de mesures seulement. — 
M. L. Decombe indique le mode opératoire qu'il a 
employé pour mesurer la période des oscillations élec- 
triques par le miroir tournant. Le résultat général a 
été la constatation de J'unicité de la période des exci- 
tateurs électriques. — M. G. A. Hemsalech a constaté 
que le spectre de bandes, obtenu dans l’étincelle oscil- 
lante avec certains métaux, est identique au spectre de 
bandes de l'azote du pôle négatif. Il n'a trouvé aucune 
bande du pôle positif — MM. Ph.-A. Guye et 
F.-L. Perrot indiquent une méthode de mesure rapide 
de la tension superficielle des liquides par la méthode 
des gouttes, qui permet, dans certaines conditions, 
d'obtenir cette valeur à 1 ou 2 % près. — M. P. Th. Mul- 
ler a reconnu que la conductibilité électrique d'une eau 
minérale ou d'une eau de source est une constante 
caractéristique ; on peut reconuaitre la moindre varia- 
tion de composition de l’eau par une varialion corres- 
pondante de la conduetibilité. — M. Ph. Barbier a fait 
l'étude du myrcénol, alcool provenant de l'hydratation 
du myrcène, et a reconnu qu'il possède la constitution : 


CIF — C= CH — CH? — CH? — C(OH) — CH = CHE 


| 
CHS Ce 


. Comme cette formule est celle qui a été attribuée au 
licaréol par M. Tiemann, il faudra en chercher une 


— 


DE L'ÉTRANGER 


autre pour ce corps. Le myrcénol donne, par oxydation? 
un aldéhyde isomère du lémonal et susceptible d'exister M 
sous deux formes stéréoisomériques. — M. A. Wahla 
préparé, par réduction du nitro-diméthylacrylate 
d’éthyle, le nitroacétate d’éthyle. Il a obtenu le même 
corps à partir du nitro-malonate d'éthyle par élimina- 
tion de CO? sous l'influence de la potasse. — M. Mavro- 
jannis a préparé les trois éthers ortho, méta et para- 
nitro-benzoylcyanacétiques en faisant réagir les chlo- 
rures de nitrobenzoyle sur l’éther cyanacétique sodé. 
— M. Al. Leys indique une nouvelle réaction caracté- 
ristique de la saccharine; en ajoutant à une solution 
extrêmement diluée de saccharine 2 gouttes de per- 
chlorure de fer, puis 2 cc. d’eau oxygénée, on obtient, 
au bout de 30 minutes, une coloration violette qui se 
maintient pendant des semaines. L'auteur décrit l’ap- 
plication de la méthode aux produits de laiterie, — 
M. M.E. Pozzi-Escot indique les réactions microchi- 
miques de quelques alcaloïdes, spécialement avec le 
chlorure de platine et l’iodure de potassium ioduré. 
— M. G. André a étudié la migration des matieres 
azotées et des matières ternaires dans le Sinapis alba 
et le Lupinus albus. — M. Balland a fait l'analyse des 
graines du Voandzou, légumineuse de l'Afrique inter- 
tropicale; ces graines offrent la particularité de ren- 
fermer les matières nutritives dans les proportions 
nécessaires pour en faire un aliment complet. 

3. SCIENCES NATURELLES. — M. L. Cailletet présente 
un appareil permettant aux aéronautles d’emporter de 
l'oxygène dans leurs ascensions; il se compose de plu- 
sieurs vases contenant de l'oxygène liquide, d’un réci- 
pient destiné à faire repasser à l'état gazeux l'oxygène 
liquide en le réchauffant, enfin d’une sorte de masque 
qui assure la respiralion du gaz par le nez. Cet appareil 
a été employé avec succès par le comte Castillon de 
Saint-Victor dans une ascension. — M. G. Weiss com- 
munique un apercu de ses recherches sur les constantes 
physiques qui interviennent dans l'excitation électrique 
du nerf. — M. Aug. Charpentier décrit une nouvelle : 
méthode pour la mesure directe de la longueur d'onde 
dans le nerf à la suite d’excitations électriques brèves. 
Elle peut se comparer à la méthode de Koenig pour 
montrer l'interférence du son dans un tuyau à deux 
branches. On a obtenu, pour les demi-longueurs d'onde, 
les valeurs: 18mm,5; Qmm 9: Gmm 2: 4mm 5, ce qui démontre 
la coexistence d’harmoniques avec la vibration fonda- 
mentale, — MM. Charrin et Guillemonat ont constaté 
sur des cobayes qu'on fait fléchir la vitalité d’un orga- 
nisme et sa résistance à la maladie quand on stérilise 
les milieux qu'il habite, l'air qu'il respire etles aliments 
qu'il ingère. — M. Marage à reconnu que le liquide 
de l'oreille interne de la genouille est une dissolution, 
dans un fluide de nature indéterminée, de bicarbonate 
de chaux et de traces de bicarbonate de magnésie avec 
des cristaux de carbonates en excès; l’une des fonctions 
des otolithes est de maintenir aussi constante que pos- 
sible la conductibilité acoustique de ce milieu.— MM. C: 
Vaney et A. Conte ont étudié les phénomènes d'histolyse 
etd'histogenèse accompagnantle développementdes Tré- 
matodes endoparasites des Mollusques terrestres; il n'y 
a, à aucun moment, intervention de la phagocytose. 
— M. A. Conte décrit l'évolution des feuilles blasto- 
dermiques chez quelques Nématodes. On constate une 
disparition plus ou moins importante de l’ectoderme, et 
une disparition totale de l'endoderme. Le tube digestif 
de l'adulte est formé, d’une part par des éléments ecto- 
dermiques constituant l'æœsophage, d'autre part par des 
éléments mésodermiques formant l'intestin. Dans tous 
ces cas, la cavité générale est limitée par deux feuillets 


ACADÉMIES ET SOCIÉTÉS SAVANTES 


197 


d'origine mésodermique. — MM. H. Coutière et J. , 
Martin décrivent un nouvel hémiptère marin recueilli 
à Djibouti, l'Hermatobates Djiboutensis, et un individu 
“un peu différent qu'ils nomment Hermatohatodes Mar- 
“cher. L'étude de ces insectes les conduit à créer une 
“nouvelle sous-famille d'Hémiptères, celle des Herma- | 
tobatine. — M. P. Carles adresse une nole ayant pour 
titre : « La pourriture grise du raisin aurait-elle quelque 
rapport avec la présence des morilles dans les vignes? » 


Séance du 6 Mai 1901. 


…. L'Académie procède à l'élection de deux correspon- 
“dants. M. G. Zeuner est élu Correspondant dans la 
Section de Mécanique. M. Oudemans est élu Corres- 
- pondant dans la Section de Géographie et de Navigation. 

1° SCIENCES MATHÉMATIQUES. — M. Loewy présente le 
quatrième volume des Annales de l'Observatoire de 
“Joulouse, renfermant le calatogue, dû à M. Saint- 
‘Blancat, de 3.179 étoiles visibles dans Ja zone de Tou- 

louse. — M. B. Baïllaud à appliqué le photomètre à 
“coin à la mesure des grandeurs photographiques des 
“étoiles. L'emploi de cet appareil offre moins de préci- 
sion pour les très belles étoiles que pour les étoiles 
faibles. Toutefois, les résultats paraissent suffisamment 
“exacts. — M. G. Bigourdan donne la liste des nébu- 
“leuses nouvelles découvertes à l'Observatoire de Paris 
de 1897 à 1900. — M. A. Demoulin cherche à déter- 
-miner la surface réglée la plus générale telle que le 
“lieu des projections d'un point quelconque de l'espace 
sur ses génératrices soit une courbe sphérique. Le 
cône le plus général satisfait à la question. Une autre 
solution est fournie par un conoïde droit admettant 
comme directrice curviligne l'intersection d'un cylindre 
de révolution renfermant l'axe du conoïde et d'une 
Sphère quelcouque. — M. G. Tzitzeica s'occupe de la 
-déterminalion de toutes les surfaces qui admettent un 
réseau conjugué iavariable dans une déformation con- 

“ tinue. — M. L. Desaint communique ses recherches | 
- sur les séries de Taylor et les étoiles correspondantes. 

— M. C. E. Guillaume iudique un procédé pour la 
‘correction de l'erreur secondaire des chronomètres. Il 
… cousiste à employer pour les balanciers une combinai- 
son de laiton et d'acier au nickel, dont les dilatations 
. vont en s'écartant à mesure que la température s'élève. 
Des chronomètres à balanciers construits sur ce principe 

ont présenté une erreur secondaire pratiquement nulle. 

2 SCIENCES PHYSIQUES. — M. A. Poincaré, poursuivant 
ses études sur la pression atmosphérique, détermine le 
mouvement, en chaque jour synodique, de l'axe instan- 

tané de symétrie des écarts baroméiriques. — M. E. 
- Bertainchand à étudié les poussières atmosphériques 

rouges observées à Tunis le 10 mars 1901. Elles étaient 

constituées par un sable siliceux entouré d'une fine 
pellicule de limonite; elles provenaient vraisemblable- 
ment du Sahara, d'où elles avaient été arrachées par un 
ouragan. — M. V.Crémieu: Sur l'existence des courants 
ouverts (Voir p. #98). — M. G. Flusin a étudié l'osmose 

à travers la membrane semi-perméable de ferrocyanure 
de cuivre. Pour un même vase, les vitesses d’osmose 
- sont proportionnelles aux pressions osmotiques, et, par 
conséquent, inversement proportionnelles aux poids 
- moléculaires. L'urée seule présente une anomalie, pro- 
- venant de ce qu'elle traverse la membrane. — M. L. 
. Guillet a cherché à préparer des alliages d'aluminium 
et de tungstène, en réduisant l'acide tungstique par un 
plus ou moins grand excès d'aluminium. Suivant les 
conditions, il a obtenu les alliages AlTu*, Al‘Tu, AlTu, 
en cristaux bien déterminés. Les résultats sont bien 
moins nels avec l'oxyde TuO*. -— M. A. Granger, en 
- faisant réagir le mercure sur le triiodure d'antimoine 
en tube scellé vers 300°, a obtenu un iodoantimoniure 
— de mercure Hg'Sb'.2Hgl°. Il cristallise en prismes. — 
— M. Ad. Jouve a trouvé de petits cristaux prismatiques 
… de chaux dans un four à carbure de calcium qui avait 
…. été arrêté au début de la réaction. Ils se sont proba- 
“ blement formés par refroidissement de la chaux fondue 
… ou vaporisée dans cet espace clos. — M. V. Thomas 


établit que : 4° le mercure réagit sur l'iodure de mé- 
thylène exempt d'iodoforme en donnänt en même temps 
CHI. Hgl, CH°(Hgl}® et CH(Hgl)'; 2 l'iodure CH°L. Hgl 
se décompose sous l’action de la chaleur en donnant 
les dérivés CH?{Hgl}° et CH(Hgl}'; 3° l'iodure de méthy- 
lène est décomposé par certains métaux avec formation 
d'éthane et de méthane ou de carbures acétyléniques 
précipitant en rouge le chlorure cuivreux ammoniacal. 
— MM. Ch. Moureu et R. Delange, en traitant l'acide 
amylpropiolique par l'acide sulfurique fumant!, ont 
obtenu l'acide gras à deux atomes de carbone de moins; 
en traitant le même acide acétylénique par la potasse 
alcoolique, ils ont obtenu un acide f-cétonique non 
substitué et à chaîne normale, l'acide caproylacétique. 
— M. A. Wahl, en chauffant à 100° uue solution chlor- 
hydrique étendue d’x-aminodiméthylacrylate d'éthyle, 
a obtenu un corps qu'il suppose être l'acide diméthyl- 
pyruvique. Pour fixer sa constitution, il l'a réduit par 
l'amalgame de sodium et a obtenu l'acide +-oxyisovalé- 
rique, ce qui confirme son hypothèse. — M. R. Fosse 
montre que l'anhydride obtenu par Rousseau en appli- 
quant la réaction de Reimer et Tiemann au f-naphtol, 
n'est autre chose que la dinaphtoxanthène : 


ACHAS 
CH*: 
Note 


0 

M. M. Descudé, en faisant réagir le chlorure d'acélyle 
sur l'oxyde d’éthyle (éther) en présence de ZnC!, à 
obtenu du chlorure et de l’acétate d'éthyle. Avec un 
éther mixte (oxyde de méthyle-amyle), on obtient à la 
fois du chlorure de méthyle et du chlorure d'amyle, et 
de l'acétate de méthyle et de l'acétate d’amyle. Les 
réactions sont presque quantitatives. — M. G. André 
examine la variation des hydrates de carbone saccha- 
rifiables, de la cellulose insoluble et de la vasculose 
dans le Sinapis alba et le Lupinus albus. 

3 SCIENCES NATURELLES.— MM. Lannelongue, Achard 
et Gaïllard ont étudié l'influence du travail muscu- 
laire, de l'alimentation insuffisante et de l'inhalation 
d'un air chargé de poussières sur la marche de la tuber-. 
culose chez les cobayes. L'action pernicieuse de ces 
trois facteurs a été nettement constatée, — M. C. Phi- 
salix à étudié l'affection connue sous le nom de 
maladie des chiens, et en a isolé et cultivé le microbe 
spécifique. C'est le même que celui de l'infection spou- 
tanée du cobaye. L'auteur à constaté, de plus, que les 


jeunes chiens qui ont recu, à plusieurs reprises, des 


inoculations de culture atténuée du microbe, résistent 
aussi bien à la contagion naturelle qu'à l'infection 
expérimentale. — M. Bierry a constaté que l'injection 
du sérum néphrotoxique au chien provoque une albu- 
minurie intense qui peut amener la mort. Le sérum. 
d'an chien ainsi rendu néphrilique jouit, à son lour, 
de propriétés néphrotoxiques vis-à-vis d'un autre chien. 
— M. Etienne Rabaud montre que les processus léra- 
tosènes se divisent en deux grands groupes; certains 
d'entre eux sont extrémement précoces, les autres plus 
ou moins tardifs. — M. A.-D. Waller décrit un signe 
distinctif qui permet de reconnaitre sur la peau intacte, 
par les réactions aux excitalions électriques, si les 
tissus sont vivants ou morts; comme la peau est douée 
d'uve survie exceplionnellement prolongée, le fait de 
sa mort indique que la mort délinitive a eu lieu. — 
M. E. Bataillon a étudié l’évolution des œufs imma- 
turés de ÆRana fusca. Il est conduit à leur attribuer une 
pression osmotique supérieure à celle de l'œuf mür.— 
MM. Fabre-Domergue et Eug. Biétrix out étudié le 
développement de la Sole au laboratoire de Concarneau. 
Favorisé par une nourriture abondante, on obtient une 
survie de plus de 50°/,, ce qui permet d'envisager la 
possibilité d'une culture industrielle de la Sole. — 
M. Jean Friedel décrit des expériences qui le con- 
duisent à supposer que l'assimilation chlorophyllienae 
est accomplie, sans intervention de la matière vivant», 
par une diaslase qui utilise l'énergie des rayons solaires, 
la chlorophylle fonctionnant comme sensibilisateur. — 


498 


M. E. de Martonne a reconnu que les mouvements du 
sol. en Valachie, accusent une tendance générale à 
l'affaissement, comme dans le bassin pannonique. Mais 
cet affaissement atteint son maximum d'amplitude et 
d'extension dans la région limitrophe de la Moldavie, 
tandis qu'à l’ouest de l’Oltu, il était localisé à la bor- 
dure du massif cristallin et compensé probablement par 
un soulèvement d'une partie de l'Olténie tertiaire. Toute 
l’histoire du bas Danube et des vallées valaques est en 
liaison intime avec ce processus qui se continue peut- 
être encore à l'heure actuelle. — M. F.-A. Forel a pra- 
tiqué des sondages thermométriques sur les eaux du 
Léman, el a comparé les variations de la température 
avec celles d’antres lacs. Il en déduit que l'amplitude 
de la variation thermique annu-lle est fonction de la 
latitude; elle est nulle à l'équateur et maximale au pôle. 
D'autre part, il semble que la profondeur de pénétra- 
tion de la chaleur croît aussi avec la latitude. 
Louis BRruNeT. 


SOCIÉTÉ FRANÇAISE DE PHYSIQUE 


Séance du 3 Mai 1901. 


M. H. Morize, au sujel d'une récente communication 
de M. B. Brunhes, rappelle que, dans sa thèse, publiée 
eu 1898 à Rio de Janeiro, et écrite en langue portu- 
gaise, il a décrit, mais non réalisé, une méthode pour 
la mesure de la vitesse des rayons de Rüntgen. Un 
même flux de rayons X provoquerait successivement la 
décharge de deux micromètres chargés silués sur son 
parcours et séparés par une distance connue. On éva- 
luerait au miroir tournant l'intervalle de temps sé- 
parant les deux étincelles, et l'on en déduirait la 
vitesse des rayons actifs. M. Morize propose aujour- 
d'hui une autre méthode. Une fente fixe serait éclairée 
par une source de rayons X. Assez loin devant cette 
fente, un système de deux disques, portés par un même 
axe horizontal, peut être mis en rotation rapide. Ces 
disques sont munis de fentes qui, successivement, 
viennent se mettre deux par deux en ligne droite avec 
la fente fixe. Si le disque tourne très lentement, c'est 
dans cette position qu'un écran fluorescent placé 
derrière le dernier disque peut s'illuminer. Quand les 
disques tournent très vite, et si les rayons X se prs- 
pagent aves une vitesse finie, l'illumination de l'écran 
doit se déplacer, dans le sens du mouvement, d'une 
quantité dont la mesure fera connaître la vitesse des 
rayons X. M. L. Benoist fait observer qu'il à établi 
et présenté à M. Lippmann, ea mars 1898, en vue 
d’une réalisation ultérieure, un projet de mesure de la 
vilesse des rayons X, complètement étudié et fondé 
précisément sur la méthode et la disposition expéri- 
mentale que propose en dernier lieu M. Morize. — 
M. V. Crémieu informe la Société de Physique qu'il 
croit avoir pu réaliser expérimentalement des courants 
ouverts. L'existence de ces courants serait la consé- 
quence directe des résultats obtenus par l’auteur sur 
la non-existence de l'effet magnétique de la convection 
électrique. Le principe de l'expérience esi le suivant : 
Un disque d'ébonite a été doré suivant des secteurs 
radiaux isolés les uns des autres. Ces secteurs se 
chargent par influence en face d'un inducteur fixe en 
touchant un premier balai métallique; ils viennent 
ensuite se décharger sur un balai relié au premier par 
un fil conducteur. On constate alors que la partie con- 
vection du circuit ainsi constitué ne produit aucun 
effet magnétique, tandis que la partie conduction en 
produit un très notable. L'intensité mesurée des cou- 
rants réalisés est de l'ordre de 10-* ampère. L’expé- 
rience est trop délicate pour pouvoir être reproduite en 
public; mais l’auteur, désireux de la soumettre aux 
critiques de toutes les personnes compétentes, se tient 
à leur disposition, au Laboratoire des Recherches phy- 
siques, à la Sorbonne. — La question des poids molé- 
culaires étant généralement abordée par ses côtés phy- 
siques, M. Lespieau demande à la Société la permission 


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d'envisager rapidement le côté chimique. I] rappelle 
d'abord comment on peut arriver aux uombres actuel- 
lement en usage, soit en admettant l'existence des 
atomes et l'hypothèse d’Avogadro, soit en partant de 
l'existence de nombres proportionnels el en fixant Je 
choix de ces nombres par la condition de correspondre 
à des volumes de vapeur égaux. Il expose que cette 
manière de procéder peut paraitre supérieure à Jan 
première parce qu'elle est exempte d'hypothèse, mais 
qu'en réalité elle est obligée d'admettre dans les COm=M 
binaisons chimiques une simplicité qui ne s’y rencontre 
pas. fl cite de nombreux exemples à l'appui de son 
dire. Il existe, par exemple, des carbures C‘*H!? et 
C#H*%, Le rapport des poids d'hydrogène qui se com- 
binent ici à un même poids de carbone est égal à& 
D] A 
D. On n'’oserait pas citer de tels exemples après 
avoir énoncé les lois de MNalton et de Gay-Lussac 
comme on les énonce d'habitude. Pour mettre ces lois 
en accord avec lés faits actuellement connus, il fau 
drait remplacer les rapports simples par des rapports 
commensurables. Mais l'analyse devient impuissante 
à confirmer de telles lois, et l'hypothèse que l’on fait 
se confond pratiquement avec celle des atomes. D’ail: 
leurs, comme l'ont ditGerhardt, Wurtz et bien d’autres, 
les formules des corps sont faites pour rappeler les 
réactions de ces corps. Elles ne doivent être que des 
équations de réactions contractées (Gerhardt). M. Les- 
pieau essaye d'établir que l'étude des réactions d'un 
corps permet à elle seule de lui donner une formule 
développée sans hypothèse d'Avogadro et sans notion 
de valence. Il rappelle que les chimistes n'hésilaient 
point à sacrifier l'hypothèse d'Avosadro quand elle 
semblait en contradiction avec les formules déduites … 
des propriétés chimiques; il cite les travaux de Wil- 

lamson sur l’éther, de Wurtz sur les radicaux hydro- 
carbonés, comme ayant établi par une voie chimique 
les formules de ces composés. Il se résume en disant 
que la recherche du poids moléculaire d’un corps et 
celle de sa formule développée sont deux problèmes 
inséparables. L'idée d’Avosadro devient, dans cette 
conception, une loi expérimentale au même titre que la 
loi de Raoult. Il semble d’ailleurs à M. Lespieau que 
cet accord entre les propriétés chimiques et ies pro- 
priétés physiques plaide singulièrement en faveur de 
l'hypothèse atomique. — MM. P. Curie et G. Sagnac 
exposent leurs recherches sur l'électrisation négative 
des rayons Secondaires dérivés des rayons X. Tandis 
que les rayons X ne se montrent pas électrisés, les 
rayons secondaires qu'excitent les rayons X en frappant 
le zinc, l’étain et surtout le platine ou le plomb, nous … 
ont fourni des flux d'électricité négative de l’ordre du 
101 ampère; les rayons secondaires de l’alaminium 
ne semblent pas électrisés, et l'on sait qu'ils ne diffè- 
rent pas notablement des rayons X qui les excitent, 
tandis que les rayons secondaires du zinc, de l’étain, 
et surtout du platine ou du plomb sont beaucoup plus 
absorbables que les rayons X générateurs dont ils sont 
une transformation‘. L'émission électrique du plomb, 
par exemple, est aussi absorbable que l'émission 
cathodique produite par la décharge dans le vide et" 
étudiée par P. Lenard. Aussi est-elle difficile à obser- 
ver quand le métal rayonnant est entouré d’un diélec- 
trique solide (paraffine). Nous l'avons étudiée surtout 
en placant une lame L du métal rayonnant (platine; 
par exemple) à quelques millimètres seulement des 


‘ Le Professeur Dorn a constaté que les rayons secondaires M 
du platine, du plomb renferment des rayons déviables par 
l'aimant et d’autres rayons non déviables: ceux-ci existent 
seuls dans le faisceau secondaire de l'aluminium. L'un de 
nous avait antérieurement émis l'hypothèse que les rayons 
secondaires issus de la transformation des rayons X par 
les métaux tels que le platine, le plomb, pouvaient bien 
renfermer des rayons déviables par l'aimant (G. SAGNaAC: 
L'Eclairage électrique du 12 mars 1898 : Aayons X, rayons 
secondaires cb rayons Lenard). . 


ACADÉMIES ET SOCIÉTÉS SAVANTES 


199 


parois d'une boîte métallique B, dans laquelle nous | 


aréfions l'air jusqu’au vide de Crookes( - _ demilli- 
mètre de mercure), de manière à lui rendre suffisam- 
ment ses propriétés isolantes malgré l'action des 
rayons X et des rayons secondaires qui le traversent, 
“lu tube focus, placé à quelques centimètres seulement 
de la lame L, lui envoyait des rayons X sur une sur- 
face d'environ 30 centimèlres carrés, à travers des 
fenêtres fermées par de l'aluminium. L'intérieur de la 
boîte B était tapissé d'aluminium. La lame L (platine 
“par exemple), isolée des parois, communiquait avec 
Vaiguille d'un électromètre et avec un quartz piézo- 
“électrique; on pouvait ainsi mesurer le flux électrique 
“des rayons secondaires par la méthode d'opposition 
“le M. Curie. On compensait d'ailleurs l'effet dû à la 
“force électromotrice entre le métal L et celui des 
“parois de la boite B (platine-aluminium par exemple), 
effet qui, dans le vide de Crookes, n'est plus que la 
“centième partie environ du courant étudié. Dans les 
‘conditions indiquées, le platine, perdant les charges 
négatives emportées par les rayons secondaires, se 
chargeait de la quantité complémentaire d'électricité 
positive. On renversait le phénomène et l'on recueillait | 
électricité négative envoyée par les rayons secon- 
daires en formant la lame intérieure L d'aluminium et 
placant une mince feuille de platine sur les fenêtres de 
Ja boîte B. L'existence de rayons secondaires électrisés 
formant un faisceau déviable, mélangé à des rayons non 
déviables, est en accord avec l'analogie des rayons 
secondairesetdes rayons spontanés des corps radioaclifs 
signalée par Mme Curie. Elle s'accorde aussi avec l’ana- 
logie des rayons X et des rayons ultraviolets. Le Pro- 
fesseur A. Righi et le Professeur P. Lenard ont, en 
“effet, montré que les rayons ultraviolets peuvent, en 
frappant des métaux (électrisés ou non), provoquer une 
émission de rayons cathodiques particuliers. —M. Guil- 
laume présente, à la demande de M. le D' Berger, un 
appareil désigné par lui sous le nom de plastiscope, 
et qui permet, grâce à une illusion d'optique, de donner, 
dans certains cas, une impression assez nette de relief 
avec une seule image. Une loupe binoculaire est com- 
plétée par un système divergent tel que la mise au 
point sur les bords du champ soit plus éloignée qu'au 
centre. De cette facon, la partie centrale et les parties” 
périphériques ne sont pas au point en même temps; et 
si, comme cela arrive souvent, le sujet central et prin- 
cipal du dessin est en avant du reste, il apparaît effec- 
tivement avec un faible relief attribuable uniquement à 
la mise au point. 


SOCIÉTÉ CHIMIQUE DE PARIS 


Séance du 410 Mai 1901. 


…. M. A. Haller décrit, au nom de M. A. Guyot et au 
«sien, une nouvelle matière colorante qui dérive du 

diphénylèneméthaue ou phénylfluorène. Ce composé 
s’oblienten diazotant, en solution sulfurique concentrée, 
l'hexaméthyltriamidotriphénylméthane ortho-amidé, et 
-oxydant ensuite la leucobase obtenue : 


[CSH*AZ(CHS 2 


AzH? + AzO®H + SOAI* 


NAZ(CUSE 
(C'H+Az(CHE 2 


= ( 


1 Az?.SO'H + 2H°0. 
Nc 
NAZ(CHSE 
[CHH“Az(CH°)°]? C‘H‘Az(CH:)? 


‘4 74 
à CH 4e RQ = CH— CH — Az(CH*)? + SOH? + Az? 


NAz(CH} C'H'AZ(CH) 


Quand la diazotation se fait en solution acide étendue, 
on obtient la leucobase du violet cristallisé hydroxylé. 
Quand elle se fait en solution chlorhydrique, il se 
forme, outre le dérivé phénolique, la leucobase du 
violet cristallisé monochloré, et ce deruier en quantité 
d'autant plus grande que l'acide employé est plus con- 
centré. La leucobase décrite plus haut donne, par oxy- 
dation, une matière colorante d’un bleu-violet qui, en 
teinture, donne des nuances tirant sur le bleu. — 
MM. E. Blaise et G. Blanc ont cherché à montrer 
qu'il existe entre les acides du type «-campholénique, 
d'une part, &-campholénique, $-campholytique (isolau- 
ronolique) d'autre part, une différence profonde qui 
provient de la transposition apparente dans le noyau 
C‘H'* du camphre, du reste CO?H ou CH*.CO*H, Pour 
cela, ils ont traité la dihydrocampholénamide de Mahta 
et Tiemann par le brome et la soude, et obtenu une 
nouvelle base, l’«-dihydroaminocampholène CSHCH®. 
AzH°. Eb. à 1900: l'urée fond à 107-1080, l’oxamide à 
147-1480, le picrate à 227° (se déc.). «n — + 329,48. D!5 
— 0,8655. La comparaison de cette base avec l’isomère 
droit du dihydro-B-aminocampholène n'a pu être faite 
parce que celte dernière base n'a pu être dédoublée en 
ses deux composants optiques. De ce côté, la démons- 
tration est incomplète. L'acide dihydrocampholénique 
a alors été bromé. L’éther bromé correspondant CH. 
CHBr. CO*C3H5 bout à 135-1400 (H = 12 mm.). Traité par 
la potasse aicoolique, il donne un acide incomplet 
CH. CH — CH. CO“H, Eb. à 155° (12 mm.), F. à 702: Ce 
dernier, oxydé par le permanganale, donne une cétone 
C#H0, Eb. à 164-165. L'’oxime fond à 107-1080, la 
semicarbazone à 1882. Elle est donc différente de la 
triméthyl-1. 1. 2-cyclopentanone-3 de Noyes et ne peut 
avoir que la constitution : 


CH* CH? 
à 
C 
Fe 
CO/ PE 


lan fe 


— MM. Ch. Moureu et R. Delange communiquent les 
premiers résultats qu'ils out obtenus dans l'étude des 
acides acétyléniques. Ils ont préparé deux acides 
acyeliques normaux, lac. amylpropiolique CH" —C=— 
G — CO*H et l'ac. hexylpropiolique C'H®—C=C—CO'H, 
ainsi qu'un certain nombre de leurs dérivés. Chacun de 
ces acides, hydrogéné par le sodium et l'alcool absolu, 
fournit l'acide saturé gras correspondant; l'un d'eux 
est identique à l'acide caprylique C#H#O0#, qui existe 
sous forme de glycéride dans le beurre de vache, et 
l’autre à l’acide pélargonique C'H!*0* de l'essence de 
pélargonium. L'acide amylpropriolique, traité par: 
l'acide sulfurique fumant, se dédouble avec formation 
d'acide caproïque C‘H#*0: et d’un acide sulfoné. Chauffé 
avec de la potasse alcoolique, il fixe une molécule 
d’eau, en donnant, avec de bons rendements, l'acide 
caproylacétique C°H'— C0 — CH*— CO*H, nouvel acide 
G-cétonique dont il est aisé de préparer les éthers par 
éthérification directe. Celte dernière réaction sera 
généralisée; elle constitue un procédé de synthèse 
nouveau des acides et éthers f-cétoniques. — M. Wy- 
rouboff résume brièvement ses recherches sur la cons- 
titution des composés du chrome. — M. Albert Gran- 
ger décrit la préparation et les propriétés d'un iodo- 
antimoniure de mercure obtenu en faisant réagir 
l'iodure d'antimoine sur le mercure. Ce composé 
Hg®Sb:.2Hgl° est cristallisé et rappelle la stibine par son 
aspect. 


SOCIÉTÉ DE PHYSIQUE DE LONDRES 


Séance du 26 Avril 1901. 


M. H. L. Callendar lit un mémoire sur la correction 
thermodynamique du thermomètre à gaz. Dans un court 
historique, il montre que les hypothèses faites par 


500 


ACADÉMIES ET SOCIÉTÉS SAVANTES 


ceux qui ont jusqu'à présent tenté de résoudre cette 
question, ont élé généralement erronées. De 4885 à 
1888, M. Chappuis a fait une série de comparaisons 
soignées entre divers thermomètres à gaz et un ther- 
momètre à mercure très délicat, et il a dressé une 
table de différencesentreles thermomètres à hydrogène 
et à azote. M. Callendar a pris les observations de 
M. Chappuis et calculé une nouvelle table de diffé- 
rences. L'indice n de l'équation de Joule-Thomson 
modifiée n'est pas constant. Pour la vapeur, il est de 
3,5; pour CO*il est de 2. La correction thermodyna- 


mique est très faible, surtout dans le cas de l'hydrogène | 


et de l’hélium; elle est bien moindre que la correction 
pour la dilatation du bulbe du thermomètre. — M. R. 
W. Wood communique une note sur lä production d'un 
spectre de lignes brillant par la dispersion anomale et 
ses applications. M. W. H. Julius a suggéré l’idée que le 
« spectre à éclats», vu immédiatement au moment de 
la totalité, est peut-être dû à la réfraction anormale de la 
lumière de la photosphère par l'almosphère de vapeurs 
métalliques qui entoure le Soleil. La lumière ainsi ré- 
fractée anormalement possède des longueurs d'onde 
presque identiques à celles que les vapeurs métalliques 
sont elles-mêmes capables de rayonner. Le Soleil est 
supposé entouré d'une atmosphère de vapeurs métalli- 
ques dont les indices de réfraction décroissent à mesure 
que la distance au centre croît.Dans cette atmosphère, 
les rayons de lumière venant de la photosphère se 
meuvent suivant des trajectoires courbes; l'indice de 
réfraction est très faible, excepté pour les longueurs 
d'onde très proches de celles absorbées par la vapeur. 
Donc la lumière qui ressemble à celle émise par les 
vapeurs sera très fortement réfractée, et s'incurvera 
suffisamment pour atteindre la Terre après que la pho- 
tosphère aura été cachée par la Lune. L'auteur montre 
le spectre à éclat du sodium, en envoyant la lumière 
d'une lampe à arc par une fente horizontale sur le 
devant d'une plaque métallique plane supportée de 
telle facon que le plan de sa surface inférieure coïncide 
avec le plan de la fente. A une distance d'environ 
2 mètres, on dispose un spectroscope à vision directe 
donnant un spectre vertical, et placé à une hauteur 
telle que le prisme recoit tout juste les rayons venant 
de la fente et rasant la plaque. En regardant au spec- 
troscope, on voit un beau spectre continu. On place 
alors un bec Bunsen sous la plaque métallique, et on y 
fait brûler du sodium. Il se produit une couche de 
vapeurs de sodium d'indice de réfraction variable. En 
élevant ou abaissant le spectroscope, on voit les lignes 
du sodium dues à la dispersion anomale. En arrangeant 
des écrans, on peut obtenir ces lignes de telle façon, 
qu'en interceptant la lampe à arc le spectre à éclats 
s'évanouil. 


SOCIÉTÉ DE CHIMIE DE LONDRES 


Séance du 28 Mars 1901. 


Séance anniversaire annuelle. M. T. E. Thorpe, pré- 
sident sortant, résume l'activité de la Société pendant 
l'année écoulée. — Il est ensuite procédé à l'élection 
du bureau pour l'année courante; le scrutin donne les 
résullats suivants : 

Président : M. J. Emerson Reynolds; 

Vice-présidents : MM. E. Divers, C. E. Groves, 
H. Mec Leod, H. A. Miers, T. Purdieet T. Stevenson; 

Secrétaires : MM. W. R. Dunstan et A. Scott; 

Secrétaire étranger : M. R. Meldola ; 

Trésorier : M. W. A. Tilden. 


Séance du 18 Avril 1901. 


M. J. Moir a reconnu que le produit de condensation . 


C#H*OAz?, obtenu par Holtzwart en faisant bouillir une 
solution aqueuse du polymère de l'acétronitrile, est 
très probablement une cyanohydroxylutidine 11), iso- 
mère avec le composé (IT) obtenu par Guareschi dans Ja 


CU“ CU 
4) É 
20 ) CG 
H Ke 7 OH H'EX 70H 
AZ AZ 
(I) (I) j 


réaction de l'acétylacétonamine sur l'éther cyanoacé= 
tique. Il a trouvé également que le troisième isomère 
préparé par von Mayer est, en réalité, identique au dé 
rivé d'Holtzwart. Les deux isomères forment des aiguilles 
blanches peu solubles, d’un goût très amer. Ils sont. 
transformés en pseudolutidostyrile par l'action de 
H Br. lis donuent des dérivés bromés, nitrés et, pan 
réduction de ces derniers, des dérivés aminés. Le dé= 
rivé aminé (I) ne donne pas de coloration avec Fe*Clf, 
le dérivé aminé (II) fournit une coloration indigo. —= 
MM. W. R. Dunstan et E. Goulding, en faisant réagi 

les halogénures d’alkyles sur des oximes en présence 
de méthylate de soude, ont obtenu, à côté des éthers 
vrais des oximes RHC : AzOH et R?C : AzOH, des éthers 
d'isooximes : 


REC — AzH et 
ns. 


R?C — AzH 
SZ 
Ô 


Les isooximes alkylées sont très instables et ne peu=" 
vent être étudiées qu'en combinaison avec l'iodure de 
sodium. Elles s’hvdrolysent en donnant l’aldéhyde ou 
la cétone correspondante, ainsi qu'une hydroxylamine 
8-subslituée. Par la réduction ordinaire, elles sont 
transformées dans l’amine primaire de l'alkyle subs= 
titué et dans l'aldéhyde ou la cétone correspondante: 
Par réduction ménagée, elles donnent l’amine secon= 
daire correspondante. Les éthers alkylés des oximes 
sont des liquides stables, fournissant, par hydrolyse; 
l'aldéhyde ou la cétone et une hydroxylamine 4-sub= 
stituée. — Les mêmes auteurs ont préparé une triéthyl=M 
oxamine (C°HS)AzO, possédant des propriétés diffé= 
rentes du composé décrit par Bewad comme ayant la 
même constitution. Bewad vieut de reconnaître que son 
dérivé est la 8-éthyl-sec-batylhydroxylamine, ce qui, 
explique les divergences. — M. ©. Forster a préparé 
le {-nitrocamphène 


en chauffant une solution alcoolique de 1:1-bromo= 
nitrocamphane avec le nitrate d'argent. C'est un solide 
cristallisé en prismes fondant à 560. Traité par H Br, il 
donne le 2:1-bromonitrocamphane (1): 


ù CHB 
PANNES re ie r . 
NCH.Az0? N CBr. Az0? 

(1) (1) 


fondant à 1789; traité par le brome, il fournit Je 
1:2-dibromo-1-nitrocamphane (I), fondant à 1959. Lan 
réduction du nitrocamphène par la poudre de zinc et 
l'acide acétique glacial donne le 1-aminocamphène, 
fondant à 46°. On obtient le 1-hydroxycamphène en. 
chauffant le sulfate d'aminocamphène avec le nitrate 
de potassium. — MM. C. Young et W. H. Oates ont 
préparé la beuzal-2-méthvlsemicarbazone C'H°.CH © 
Az.Az (CH*).CO.AzH® et le 3-phényl-1-méthylhydroxy= 
triazol qui en dérive par fermeture de la chaîne : 


Az. AzCH® 
cH.c£ | 
Naz: CON 
Ils ont obtenu un certain nombre de composés ana- 


logues et discutent la possibilité de l'isomérisme dans la 
série du triazol. 


Le Directeur-Gérant : Louis OLIVIER. 


Paris, — L. MARETHEUX, imprimeur, 1, rue Cassette. 


DIRECTEUR : 


N° 11 


15 JUIN 1901 


_ Revue générale 


Dr Noenc 


11 pures el appliquées 


LOUIS OLIVIER, Docteur ès sciences. 


Adrésser tout ce qui concerne la rédaction à M. L. OLIVIER, 22, rue du Général-Foy, Paris, — La reproduction et la traduction des œuvres et des travaux 
publiés dans la Revue sont complètement interdites en France et dans tous les pays étrangers, y compris la Suède, la Norvège et la Hollande. 


VOYAGES D'ETUDE DE LA REVUE 


CROISIÈRE EN SYRIE ET PALESTINE 


? 


Sur le conseil du Comité de Patronage de ses voyages 
d'étude, la Ztevue prépare en ce moment, pour les mois 
de septembre et octobre prochains, une croisière en 
Syrie et en Palestine. 

Déjà, en 1897, nous avions conduit une centaine de 
touristes en ces régions, à Rhodes, à Adalia, à Damas, à 
Baalbeck et à Jérusalem. Nous nous proposons, cette 
Mannée, de visiter ces mêmes régions plus en détail et 
d'ajouter à l'itinéraire d'il y a quatre ans des escales et 
des excursions nouvelles. C’est ainsi notamment que 
Seront étudiées dans leur ensemble l'ile de Rhodes et 
Mile de Chypre, et que seront organisées autour de 
érusalem et de Béthléem jusqu'à la mer Morte et 
au Jourdain des excursions que ne comprenait pas 
notre programme de 1897. Enfin, une grande tour- 
née facultative en Galilée et Tibériade avec re- 
Miour par Port-Saïd et Alexandrie, permettra aux tou- 
“ristes qui le désireront, d'aller au mont Carmel, à 
“Nazareth, au mont Thabor, à Tibériade, Capharnaüm, 
M Bethsaida, Magdala et Cana, puis à Port-Saïd et à 
lexandrie, et même de visiter Suez, le Caire et la 


(DAMAS, BAALBECK ET JÉRUSALEM) 
7e RGANISÉE AVEC LE CONCOURS DE LA COMPAGNIE DES MESSAGERIES MARITIMES 


(414 SEPTEMBRE - 9 OCTOBRE 1901) 


Haute-Egypte, toutes facilités de retour d'Alexandrie au 
Caire par les paquebots de la Compagnie des Message- 
ries Maritimes leur élant donnée. 

Le prospectus encarté dans le présent numéro de la 
Revue renseigne suffisamment le lecteur sur l'intérêt et 
les conditions du voyage, pour que nous n’ayons pas à 
nous y étendre ici. 

Ce que nous avons tenu à annoncer à cette place, 
c'est que le savant éminent qui avait bien voulu, en 
1897, se charger de la direction scientifique de notre 
croisière en Méditerranée orientale, a accepté d'assumer 
eucore cette année la tâche délicate de nous préparer 
en cours de route à l'observation des pays que nous 
irous visiter : M. Charles Diehl, correspondant de l'[ns- 
titut et professeur d'Histoire byzantine à l'Université de 
Paris, nous donnera à bord des conférences sur l’his- 
toire et les monuments de l'Orient latin; sur les lieux 
mêmes, ses explications nous aideront à ressusciter et 
à bien comprendre le monde disparu. Nous le remer- 
cions d’un concours qui sera, nous n'en doutons pas, 
aussi apprécié cette année qu'il l’a été, ily a quatre ans. 


HEVUE GÉNÉRALE DES SCIENCES, 1901. 


11 


CHRONIQUE ET CORRESPONDANCE 


$ 1. — Distinctions scientifiques 


Élections à l'Académie des Sciences de 
Paris. — Dans ses dernières séances, l’Académie a 
procédé à l'élection de plusieurs Correspondants. 

Notre éminent collaborateur M. Paul Sabatier, pro- 
fesseur de Chimie à la Faculté des Sciences de Tou- 4 
louse, à été nommé Correspondant pour la Section de 
Chimie, en remplacement de M. A. Haller, élu précé- 
demment membre de l’Académie. 

M. Oudemans, membre de l'Académie des Sciences 
d'Amsterdam, bien connu par sa {riangulation de Java, 
et M. Davidson ont été élus Correspondants dans la 
Section de Géographie et Navigation. 

M. Zeuner, professeur au Polytechnikum de Zürich, 
a été nommé Correspondant pour la Section de Méca- 
nique. 

— Astronomie 


Le Sidérostat et la Photographie stellaire. 
— On sait que, dans l’image fournie par un sidérostat, 
un seul point est immobilisé, tandis que les autres 
points du ciel paraissent tourner autour du premier 
avec une vitesse variable. 

La simplicité de la relation analytique qui lie au 
temps la rotation du champ optique observable avec le 
sidérostat a naturellement attiré l'attention des astro- 
nomes et des physiciens intéressés à l'emploi de ce 
genre d'appareil, et suggéré l’idée d'obtenir la com- 
pensation mécanique de cette rotation particulière- 
ment gênante pour la Photographie stellaire. 

On peut donc se proposer de réaliser un appareil qui 
communique à la plaque phofographique, automati- 
quement, cette même vitesse de rotation que possède 
l'image, afin d'obtenir des images posées de tous les 
points du ciel. 

M. H. H. Turner, directeur de l'Observatoire de l'Uni- 
versité de Cambridge ‘, a posé récemment ce problème, 
et en a indiqué trois solutions différentes. 

M. G: Lippmann, dans une Note présentée à l'Aca- 
démie des Sciences®, vient de proposer une quatrième 
solution, qui est la suivante : l'appareil qui sert à 
déplacer le miroir du sidérostat permet également de 
donner à la plaque le mouvement qui convient pour 
suivre l'image. 

Considérons, en effet, le rayon lumineux qui va du 
centre de l'objectif à l’image d’un point quelconque du 
ciel : ce rayon se déplaçant entraîne la plaque. Mais 
supposons ce rayon lumineux représenté par une tige 
métallique rendue solidaire du châssis porte-plaques; 
il y a dès lors entraînement. Or, l'appareil qui sert à 
faire mouvoir le miroir du sidérostat est précisément 
constitué de manière à représenter les rayons inci- 
dents et réfléchis sous forme de tiges métalliques. 

Soit donc, installé derrière le porte-chässis, un 
appareil disposé comme le moteur du sidérostat. 
Munissons-le d’une tige assujettie à rester symétrique 
de l’axe polaire par rapport à la direction de la queue 
du miroir. 

L'axe polaire a la direction du faisceau incident venant 
de l'étoile, la tige a donc la direction du faisceau 
réfléchi correspondant, et vient percer la plaque au point 
où se formerait l'image du pôle céleste. Toul se passe 
donc comme si le faisceau réfléchi provenant du pôle 
céleste entraînait la plaque photographique. Au lieu 
de l’image du pôle, on pourrait employer l'image d'un 
autre point du ciel arbitrairement choisi : il faudrait 
alors ajouter à l'appareil une tige de plus. 


‘ H.-H. Turner. : Monthly Notices of R. A. S., 1. 
p. 122; 1901. 
? Comptes rendus, t. CXXXII, p. 931. 


LXT. 


CHRONIQUE ET CORRESPONDANCE 


Tel est, succinctement, l'appareil de M. Lippmann 
destiné à entrainer la plaque photographique qui reçoit 
l’image fournie par un sidérostat. Antérieurement à ce 
descriptions purement théoriques de MM. Turner et G 
Lippmanv, M. P. Gautier, membre du Bureau des 
Longitudes, avait réalisé, d'après des données numé= 
riques que M. Cornu lui avait communiquées en mar 
1899, un mécanisme simple, imposant au châssis photo 
graphique un mouvement angulaire compensateur, 
suffisamment précis pour l'obtention d’un cliché astro= 
photographique de courte durée. C'est le disposili 
qu'on apu voir à l'Exposition universelle de 1900, a 
foyer de l'instrument gigantesque (lunette photogra= 
phique et sidérostat) construit par M. Gautier. 

Enfin, M. A. Cornu vient à son tour de présenter 
l’Académie des Sciences !, une solution plus élégante de 
ce problème du sidérostat photographique, tout em 
précisant les motifs qui limitent considérablemen 
l'application de tous les mécanismes compensaleurs. 

Le dispositif décrit par M. Cornu dérive d’études 
anciennes, relatives à un objet bien différent : à 
l'occasion de recherches sur la réflexion cristalline &, 
M. Cornu avait été conduit à réaliser mécaniquement 
la relation homographique qui lie les plans de pola= 
risation des rayons incident et réfléchi sur la surface 
d'un milieu isotrope ou cristallisé, et qu'on rencontre 
dans d'autres phéuomènes optiques. Cette relation est 
précisément celle qui lie l’angle de rotation du champ: 
du sidérostat avec l'angle horaire de l'autre, dont 
l'image est envoyée dans une direction fixe d'angle 
horaire. 

Le plus précis des organes cinématiques qui réalise 
cette relation est le jorut universel, ou joint hollandais, 
ou encore croisillon, souvent employé en mécanique 
pratique pour transmettre le mouvement de rotation: 
d’un axe à un autre axe incliné sur le premier, et situé 
dans un même plan. k 

Le joint universel résout d'une manière simple @ 
générale le problème de la compensation rotative du 
champ fourni par le sidérostat et l’héliostaf : lasolution: 
qui en résulte est aussi rigoureuse que celles d 
MM. Turner et G. Lippmaun, et elle a sur elles l’avan= 
tage d'être mécaniquement plus parfaite, car elle ne 
comporte que des mouvements de pivotement, réali- 
sables avec une rigueur presque indéfinie par les pro= 
cédés mécaniques usités dans la construction des ins- 
truments de précision. 

Le défaut des solutions de MM. Turneret G. Lippmann 
est de comprendre des organes frottants, tels que 
manchons où coulisses, d'une exéculion moins rigous 
reuse, qui entrainent des résistances lrès inégales 
suivant l'angle sous lequel les tiges guidantes les cons 
duisent; de là des coincements et des déformations 
qui altèrent la relation des rotations simultanées. 

Ajoutons que la solution de M. Turner est subor= 
donnée à une condition rigoureuse, que les sidérostal 
et les héliostats ne remplissent qu'imparfaitement, prés 
cisément à cause des pièces frottantes inhérentes à leur 
construction : il en résulterait des complications 
additionnelles provenant de l'imperfection .de ces. 
appareils. ; F 

Eu effet, pour pouvoir opérer la compensation désiré 
avec la précision nécessaire à la photographie céleste 
on doit supposer que l’on connait d'avance le point du 
champ autour duquel s'effectue la rotation, avec la 
même rigueur que celle dont le mécanisme compens 
sateur est susceptible. \e' US 

Il y aurait donc d'abord un réglage préliminaire à 
effectuer, à savoir la mise en coïncidence rigoureuse 


1! Comptes rendus, t. CXXXIT, p. 1013. 
? Ann. de Chim, et Phys. 4, série, t. XI, p. 282. 


CHRONIQUE ET CORRESPONDANCE 


C3 


centre de rotation du mécanisme avec le centre de 
fation du champ, et ensuile l'addition d'un dispositif 
rectification en marche, pour ramener la coinci- 
lence des divers points du champ avec les étoiles au 
r et à mesure des déplacements inévitables des 
ages durant les longues durées d'exposition. 
“Une pareille méthode de rectification est employée 
ournellement dans les observatoires avec les équato- 
aux photographiques pour l'obtention des clichés de 
Carte du Ciel; mais les conditions sont bien diffé- 
entes : avec l'équatorial, les erreurs à corriger sont 
“produites par une sorte de translation qui est sensi- 
“lement la même pour tous les points du cliché : on 
peut donc la corriger par deux monvements indépen- 
“ants, l’un en ascension droite, l’autre en déclinaison, 
ès bien définis par l'observation d'un point quelconque 
du champ. 
Dans l'observation avec un sidérostat, le problème 
“de la rectification en marche est beaucoup plus com- 
mpiexe, non seulement par suite de l’imperfection pra- 
lique des organes moteurs du miroir, mais parce que 
fous les points du champ offrent des déplacements 
différant considérablement en grandeur et en direc- 
tion : il faudrait done observer simultanément au 
moins deux points du cliché, — par exemple, l’un au 
centre, l’autre à la circonférence, — car la correction 
un seul point n'entraine nullement celle de tous les 
ïtres; et, de plus, on devrait disposer les réglages de 
anière que la rectification de l’un ne dérange pas la 
éctification de l’autre. 
Ces diverses considérations, qui s'appliquent à tous 
Bs mécanismes proposés jusqu'ici, suftisent pour mon- 
er que des solutions cinématiques, simples en 
héorie, entrainent souvent beaucoup de complications 
dans la pratique. 


Eclipse du 4° satellite de Jupiter. — lalilée 
écouvrit les quatre premiers satellites de Jupiter les 
et 8 janvier 1610; celui que nous numérotons IV, 
Callisto, observé le 7 janvier, était vu également dès le 
lendemain par S. Mayer. Or, malgré de plus récentes 
“découvertes, ces quatre satellites constituent la partie 
capitale et très importante du système de Jupiter. 

… Ce sont les éclipses des satellites de Jupiter qui 
permirent la première détermination de la vitesse de 
la lumière par Rœmer, et une détermination un peu 
précise des longitudes terrestres; puis ces corpus- 
œules suscitèrent les recherches théoriques de Newton, 
Lasranse, Bailly, Laplace, Souillart, etc.; enfin, pour des 
maisons analytiques, l'étude du système de Jupiter 
est une des plus importantes en même temps qu'une 
des plus délicates de la Mécanique céleste. 

Cependant les quatre satellites se différencient rapi- 
dement en deux groupes : tout d'abord, les trois 
premiers sont étroitement liés par une relation de 
Sommensurabilité très approchée, qui crée un nouvel 
intérêt et une difficulté daus la théorie de Jupiter; ils 
éclipsent à chacune de leurs révolutions. Mais la 
relation qui existe entre leurs longitudes les empêche 
de s'éclipser tous trois en même temps. Enfin, avant 
ie la théorie n'intervint avec succès, Bradley et 
largentin, en diseutant les observations, reconnurent 
célèbre inégalité de 437 jours qui se présente dans 
les éclipses de ces trois satellites. 

Quant au quatrième satellite, il fait nettement bande 
part : sa théorie présente la plus grande analogie 
ce celle de notre satellite, la Lune; il offre des 
égalités de même nature, mais s’éclipse beaucoup 
moins souvent que ses trois voisins. 

= Ainsi, l'observation des éclipses des satellites de 
Jupiter prend une importance réelle, et il serail fort 
ésirable que l’on cherchàt à réunir et à relier toutes 
S mesures déjà faites à ce sujet, d'autant qu'elles 
uvent assez souvent paraître très discordantes, comme 
cas s’est déjà présenté. Et, en effet, la théorie put 
établir que l'ombre de Jupiter présente une forme 
assez complexe : ainsi, le phénomène géométrique de 


pénombre et d’ombres se trouve encore compliqué de 
ce fait. 11 faudrait donc classer, en premier lieu, les 
anciennes mesures avec leurs facteurs compliqués qui 
dépendent de la distance du satellite au disque brillant 
de la planète, de l’état de l'atmosphère, de l'instrument 
employé, de la délicatesse de l'œil de l'observateur ; 
puis, selon l'indication de M. Cornu, développée 
par M. Obrecht, il faudrait rompre résolument avec 
la routine et substituer les mesures photométriques aux 
mesures micrométriques; du moins la chose ne fait 
aucun doute pour l'observation de tels phénomènes. 

Un exemple va bien mieux encore faire saisir la 
nécessité d'une étude plus systématique des éclipses. 

Dans Ja nuit du 17 au 18 mai dernier, le quatrième 
satellite de Jupiter devait s'éclipser : M. Bigourdan, à 
l'Observatoire de Paris, dont le mérite est établi depuis 
longtemps en ce qui concerne l'observation des objets 
faibles, s’apprêta à regarder l’éclipse : il avait pour 
l'observation, selon Les vieux procédés, un équatorial et 
ses deux chercheurs. Or, qu'advint-il? L'appréciation 
de la disparition et de la réapparition du satellite, 
dans les chercheurs, fournit des heures assez diffé- 
rentes de celles qui étaient prévues dans la Connaissance 
des Temps; mais, dans l'équalorial lui-même, le 
satellite ne cessa pas d'être visible. Done, il n'y eut 
point, à proprement parler, d'éclipse. Alors l'évaluation 
dans les chercheurs n'a aucune signification scienti- 
fique, et ne pourra jamais être utilisée : c'est un 
mélange indissociable de l'état atmosphérique et de la 
délicatesse de perception visuelle de l'observateur. 

Au lieu d'un résultat à peu près nul, une mesure 
photométrique de demi-éclat aurait toujours fourni 
une donnée numérique relative à la surface d'ombre. 


$ 3. — Aéronautique 


Un point d'histoire de la Locomotion 
aérienne. — J'ai éprouvé quelque surprise en rele- 
vant, dans une conférence faite à l'Institution royale, 
par M. G.-H. Bryan, membre de la Société Rovale de 
Londres, sur l'Æistoire et les progrès de la Loco- 
motion aérienne, reproduite par notre excellent confrère 
anglais Nature, du 28 mars dernier, l'indication sui- 
vante concernant les expériences récentes du comte 
Zeppelin et celles des capitaines Renard et Krebs : 
« Les expériences du comte Zeppelin faites l'été 
dernier, et consistant eu un voyage aérien dirigé, dans 
certains cas, contre un vent debout, nous autorisent à 
dire que la solution de ce problème a été obtenue 
avant la fin du xix° siècle. Le seul résultat antérieur 
approchant de celui du comte Zeppelin a été celui de 
MM. Renard et Krebs, avec le ballon La France. Ges 
aéronuutes ont réussi une fois à accomplir un voyage 
aérien en retournant à leur point de départ; mais le 
fait ne s'étant pas reproduit, et la vitesse de leur 
ballon étant donnée par un auteur comme égale à 
quatre milles, et par un autre à qualorze milles à 
l'heure, ilest bien difficile de juger, par des documents 
aussi contradictoires, le degré de succès obtenu. » 

Pensant qu'il pourrait être agréable à M. Bryan de 
posséder quelques documents authentiques sur les 
expériences de 1885, je lui expédiai, le {1° avril, ceux 
qui étaient en ma possession, savoir : une Note pré- 
sentée à l'Académie des Sciences et publiée aux Comptes 
rendus de la séance du 7 décembre 1885, et une con- 
férence faite par le commandant (aujourd'hui colonel) 
Renard, en mars 1886, devant la Société de Secours 
des Amis des Sciences, conférence dans laquelle la 
question tout entière se trouve exposée avec une nel- 
teté et une élégance qu'on ne retrouve dans ‘aucun 
écrit ultérieur touchant ce problème. Dans une lettre 
accompagnant l'envoi, j'exposais les raisons qui me 
semblaient expliquer la retraite apparente des éminents 
aérostiers de Meudon, et celles pour lesquelles l'appré- 
cialion de M. Bryan, concernant les succès remportés 
avant la fin du siècle passé, S'appliquait bien plutôt, 
à mon sens, aux expériences de 1865 qu'à celles de 1900. 


Mon envoi élant resté sans réponse, j'ai tout lieu de 
penser que M. Bryan se désintéresse de la question, et 
je crois pouvoir, sans manquer aux règles de la cour- 
toisie, plaider directement ici la cause des expériences 
de Meudon. En ce qui concerne les renseignements con- 
tradictoires, utilisés par M. Bryan, l'explication nous 
est donnée par un entrefilet publié dans Nature, le 
18 avril dernier, p. 594, que je transcrirai en entier : 

« Il s’est produit quelques divergences dans des allu- 
sions récentes faites aux expériences exécutées à Paris 
en 4886, avec le ballon dirigeable La France, M. Cha- 
nute, dans J’Engineering Magazine d'avril 4896, parlant 
d’une vitesse de 14 milles à l'heure, tandis que Sir Hi- 
ram Maxim, dans / Aeronautical Journald’octobre 1900, 
fait allusion seulement à un cas de retour au point de 
départ et parle d'une vitesse de 4 milles à l’heure. Une 
Note, parue dans l'Aeronautical Journal d'avril dernier, 
mentionne cinq retours au point de départ. En nous 
reportant à l'article original des Comptes rendus de 


TaBzrau |. — Vitesse du ballon « La France » 
dans ses diverses sorties. 


| 
| NUMÉROS 
| des Be 
DATE 

ascen- 


sions 


NOMBRE | VITESSE 
de tours |du ballon 
de l'hélice|en mètres 
par par 
minute | seconde 


OBSERVATIONS 


Le ballon rentre 
à Chalais. 
Avarie de ma- 
chine, descente 

à Vélizy. 


9 août 1884. 
6.00 fs ballon rentre 


12 sept. 1884. 


8nov. 1884. | 
_— 3) 3.82 


à Chalais. 

Id. 
Vent de 6m5 à 7m. 
Descente à Villa- 
coublay. 
Le ballon rentre 
à Chalais. 

Id. 


25 août 1885. 6,00 


6,00 


22 sept.1885. 
> 


3 sept. 1885. 


1886, nous voyons que la vitesse à été estimée entre 4et 
6 mètres par seconde, et il nous parait probable que les 
discordances sont dues à une confusion dans les 
unités. » 

Les faits sont ici correctement rétablis ; mais il peut 
paräitre singulier que des Notes livrées à une publicité 
aussi considérable que celle des Comptes rendus de 
l'Académie des Sciences aient échappé à un homme 
qui, comme Sir Hiram Maxim, a consacré, avec beau- 
coup de succès, le meilleur de ses forces au problème 
de Ja navigation aérienne, et l’on s'élonnera à bon 
droit que des documents publiés de seconde main sur 
son autorité puissent créer une légende dont la conclu- 
sion serait que les expériences de 1885 ont été, en réa- 
lité, quelque essai informe de navigation, et qu'une 
unique sortie, dans des conditions mal définies, soit 
plutôt un aveu d'impuissance que le grand progrès 
auquel on avait cru. 

Il suffirait peut-être de renvoyer aux publications 
originales, que chacun retrouvera aisément; mais il me 
semble utile d'en donner ici au moins un court résumé : 

Les étapes successives des épreuves auxquelles a 
été soumis le ballon La France ont été exposées devant 
l'Académie des Sciences le 18 août et le 10 novem- 
bre 1884, puis dans un Mémoire lu à la séance du 
23 novembre 1885, et inséré au Compte Rendu du 
7 décembre. Les premières décrivent les expériences 
des capilaines Renard et Krebs, la dernière relate les 
ascensions faites par MM. Ch. et P. Renard, aidés de 
M. Duté-Poitevin. Entre les deux séries, le moteur avait 
été changé, el divers organgs avaient été allégés, de 
manière à permettre l'enlèvement d'un troisième 
aéronaute. 


CHRONIQUE ET CORRESPONDANCE 


équipé pour la marche ? L'est-il encore aujourd'hui 


La dernière Note contient des diagrammes de J& 
vitesse du ballon mesurée par des visées sur le sol, ow 
au moyen d'un ballon formant loch aérien, aban 
donné dans l'air à la même hauteur que l'aérostats 
et se déplacant en même temps que le vent, de 


probablement un peu trop faibles, à cause du léger 
entrainement du ballonnet par le dirigeable. J& 
transcris ici (Tableau I) le résumé donné dans la Note 

On voit donc qu'à part une avarie de début, presque 
inséparable d'une mise en train, les ascensions se sont 
répétées avec le même succès, et, dans les cing 
dernières, ont donné quatre retours sur cinq sorties! 
avec un essai, très intéressant d'ailleurs, contre un 
vent trop fort. 

Après ces expériences, l'appareil était parfaitement 
connu des aérostiers qui l'avaient monté, et ces 
derniers auraient pu, sans aucun doute, répéter indé= 
finement des ascensions dans des conditions sembla: 
bles. Convenait-il, dès lors, de fatiguer inutilement le 
ballon par des expériences qui n'auraient pas appris 
grand'chose, et dont les avantages n'auraient probas 
blement pas compensé les inconvénients? Après les 
ascensions de 4885, l'établissement de Chalais-Meudon: 
possédait, cela n'est pas douteux, un navire aérien 
capable d'effectuer un voyage dirigé, toutes les fois que 
la vitesse du vent ne dépasserait pas sensiblement 
vingt kilomètres à l'heure, et d'une durée sur laquelle 
l'étude des piles et de la machine, faite désormai 
dans un atelier, pouvait renseigner très suffisamment: 

Combien de temps le ballon La France resta-t-il 


Ce sont des questions auxquelles les documents rendus 
publics ne permettent pas de répondre; mais des mil: 
lions de visiteurs l'ont vu en 1889, au Pavillon du Minis 
tère de la Guerre, et on peut affirmer qu'à cette époques 
il existait encore tout entier. ( 
Les dernières expériences avaient été exécutées, dit 
la Note du 7 décembre, en présence du général Cam 
penon, alors ministre de la Guerre, et du général Bres= 
sonnel, président du Comité des fortifications, qui 
avaient pu en constater le succès. Dès lors, le ballon 
était devenu un engin de guerre, classé comme tel, eb 
n'était plus une machine d'expérience. Le fait même de 
la cessation des essais de navigation montre la parfaite 
sécurité des aérostiers chargés de sa manœuvre, et 1 
confiance absolue qu'ils avaient dans l’ensemble de 
leur appareil. 
Quel que soit le mérite, très grand sans doute, de 
M. le comte Zeppelin, qui, avec ses propres moyens, 
tenté la construction d'un appareil nuuveau, présentant 
d'ingénieuses dispositions et au moyen duquel il a 
entrepris des ascensions dirigées, il ne semble pas qu'on 
puisse, pour le moment du moins, établir entre ses 
expériences et celles de 1885, une comparaison qui lu 
soit avantageuse; ses ascensions, intéressantes à plus 
d'un égard, se sont terminées par une chute qui eük 
été une catastrophe si elle ne s'était produite au-dessus 
d'un lac, et dans laquelle les machines ont été si forte= 
tement endommagées qu'elles ont été mises hors d'u 
sage. Mais les journaux nous ontappris que M.Zeppeli 
n'avait point perdu courage, et qu'il se proposait de 
recommencer ses expériences aussitôt quil aurait 
rassemblé les fonds nécessaires à la réparation de se 
avaries. C'est seulement lorsque son ballon aura pu 
fournir un certain nombre de voyages avec retour au 
point de départ, et avec une vitesse uniforme bien 
mesurée, que l'on pourra se prononcer définiivement 
sur les progrès réalisés par rapport aux expériences dem 
1885. Mais cette question est tellement à l’ordre du jour 
en divers pays que, d'ici là, nous aurons probablement 
à enregistrer plusieurs succès nouveaux, entre lesquels 
il y aura lieu de faire une comparaison d'ensemble. 
Ch. Ed. Guillaume. 


we CHRONIQUE ET CORRESPONDANCE 


505 


$ 4. — Physique 


Propriétés diélectriques des électrolytes. 
= D'après la théorie de Maxwell, tout corps conducteur 
le l'électricité doit être opaque à la lumière, puisque 
lopacité n'est autre chose qu'une absorption avec con- 
“uction de l'oscillation électrique. En fait, la grande 
* pacité des métaux est bien d'accord avec cette théorie, 

cela près que les coefficients que l’on en déduit de- 
“Nraient correspondre à une absorption encore plus 
érande. En revanche, la plupart des solutions électro- 


ic 


Jytiques sont transparentes ou translucides, en contra- 
iction apparente avec la théorie. 
Des expériences récentes et très curieuses de 
MM. André Broca et Turchini résolvent complètement 
à contradiction, en montrant bien nettement la dis- 
mrontinuité entre les phénomènes qui se passent dans 
les électrolytes et ceux dont les diélectriques sont le 
| Siège, discontinuité qui, comme nous allons le voir, 
“Se déplace en même temps que la brusquerie du choc 
électrique, et fait apparaître les électrolytes, dans 
Certaines conditions, comme de vérilables diélectriques. 
“Les auteurs placent, dans un cristallisoir, un excita- 
feur, qu'ils uoient dans une solution électrolytique, et 
auquel ils font arriver une oscillation électrique dont la 
fréquence est de l’ordre du million par seconde. Une 
étincelle équivalente dans l'air permet de mesurer le 
“potentiel aux bornes de l’excitateur. Dans ces condi- 
tions, si l'électrolyte est très conducteur, il dissipé, par 
“lectrolyse ordinaire, le courant alternatif qui se pro- 
duit aux bornes; mais, s'il est relativement peu con- 
ducteur, l'égalisation se fait par une étincelle disruptive. 
ette étincelle est extrèmement puissante, d'un grand 
“éclat, et donne lieu à des effets mécaniques intenses. 
Ainsi, lorsqu'elle éclate dans l’eau, la bobine consom- 
“mant 50ampères, elle fait voler le cristallisoir en éclats, 
et projelte l'eau à une grande hauteur. 

J La dilution pour laquelle l’étincelle cesse de se pro- 
“uire dépend de la forme de l’excitateur. Ainsi, entre 
dés boules de laiton de 2 centimètres de diamètre, la fré- 
“quence d’un million ne donne plus d'étincelles pour 
une concentration supérieure au quarantième pour 

l'eau additionnée d'acide sulfurique. Entre fils, on 
J'observe jusqu'à une concentration de 1/7. 

Nous voyons donc que, pour ces fréquences, des 
lectrolytes de conductivité moyenne se comportent 
‘comme le feraient des diélectriques liquides, huile, 
pétrole, etc. Si l'on arrive à une conductivité plus 
élevée, l'électrolyse se produit, et l’étincelle cesse. 
Les expériences de MM. Broca et Turchini sont encore 
incomplètes; mais les auteurs nous promettent de les 
“poursuivre en variant notamment la fréquence. Les 
résultats déjà obtenus permettent de conclure que les 
mélectrolytes peuvent devenir des diélectriques pour des 
fréquences suffisantes, et rendent tout au moins 

obable le fait que la fréquence donnant l'élincelle 
reculer…a en même temps que la conductivité, ce qu’on 
peut exprimer en disant que la conduction électrolyti- 
que ne s'établit qu'au bout d’un certain temps, qui est 
fonction de la conductivité. 
* Ce phénomène présente une certaine analogie avec 
celui qu'a observé le capitaine Abney dans l'action de 
Aa lumière interrompue sur les préparations photogra- 
phiques ‘. Plus l’éclairement est brusque et court, pour 
une même durée totale, plus l’action est faible, comme 
Shil fallait un certain temps pour que la lumière puisse 
‘décomposer la molécule de bromure d'argent, le premier 
‘choc ne produisant qu'une déformation élastique de la 
molécule, déformation après laquelle elle revient à sa 
forme primitive. 
On peut aussi en donner une image très nette en 
observant l'action des forces plus ou moins vives sur 
un corps tel que la glu marine ou le brai de goudron. 
Le choc brusque d'un petit marteau animé d’une 
rande vitesse, ne laisse aucune trace visible, ou bien 


4 Noir la Revue, t. IV, p. 520; 45 août 1893. 


fait voler en éclats une plaque d’un de ces corps, 
avec une cassure conchoïde, semblable à celle du verre 
ou de la silice, alors qu'une pièce de monnaie simple- 
ment posée sur elle y marque une empreinte très nette, 
et, creusant un trou de plus en plus profond, finit par 
passer tout au travers. Le choc agit comme l’oscillation 
électrique rapide, et le corps y résiste sans se déformer 
s'il n'est pas trop violent, ou se brise si son énergie 
est suffisante, tandis qu'un effort lentement poursuivi 
ouvre un passage sans rupture proprement dite, sem- 
blable à l’électrolyse, qui est le phénomène lent et 
continu. 


$ 5. — Biologie 


La théorie de Schenk sur la détermination 
volontaire du sexe. — On se souvient de la théorie 
de Schenk sur l'origine des sexes chez l'Homme et la 
détermination volontaire du sexe, théorie qui à fait un 
bruit considérable dans le gros public; l’auteur expose 
à nouveau ses idées, légèrement modifiées depuis 1898, 
son mode de traitement et les résultats obtenus‘: 

Pour Schenk, l'œuf est déterminé comme mâle ou 
femelle, dans l'ovaire même de la mère, par le chi- 
misme général de celle-ci (le père n'a donc aucune 
influence) : il est déterminé comme femelle, lorsque 
l'organisme recoit plus d'hydrates de carbone qu'il 
n'en brûle, ce qui se traduit par le passage dans l'urine 
d'une certaine quantité de sucre, indice d’une combus- 
tion incomplète; au contraire, il est déterminé comme 
mäle lorsque l'organisme brûle surtout ses albumi- 
noïdes, ce qui se traduit par l'apparition dans l’urine 
d'une quantité notable d'urates et d'urée. 

Lorsqu'une femme désire avoir un garcon, il y a lieu 
tout d’abord de procéder à l’analyse de l'urine, pour 
se rendre compte de la quantité d'azote et de sucre 
qu’elle renferme; la femme est ensuite soumise à un 
régime approprié, dans lequel la quantité d’albuminoïldes 
est considérablement accrue, et celle des hydrates de 
carbone diminuée le plus possible; on procède alors à 
une nouvelle analyse d'urine; si la quantité d'azote y a 
augmenté dans des proportions considérables, on est 
en droit de compter que le chimisme de la mère a été 
modifié, et par suite que les œufs de l'ovaire vont 
être déterminés comme mâles. Le traitement destiné à 
provoquer l'augmentation de la combustion azotée 
consiste soit en une nourriture spéciale, soit en bains 
froids avec massages, soit à ingérer des pastilles sur 
lesquelles Schenk ne donne pas de détails (thyroïdine ?); 
le traitement est commencé un ou deux mois avant la 
fécondation, et continué deux mois après (Pourquoi ?). 

Quand le chimisme de la mère a été modifié par le 
traitement daus le sens indiqué plus haut, on peut 
compter sur une naissance masculine; si, au contraire, 
la mère augmente de poids en utilisant l'azote fourni 
sans que la combustion d'albuminoïdes s’accroisse, il 
est inutile de suivre le traitement, l'influence détermi- 
nante sur le sexe des œufs ne pouvant se produire 
dans ces circonstances. Sur dix-neuf personnes trai- 
tées par sa méthode, Schenk rapporte que quinze ont 
eu un garcon comme elles le désiraient, trois avaient 
un chimisme tel que tout traitement élait inutile, et 
enfin une est restée stérile. 

On sait que la théorie de Schenk, point invraisem- 
blable au premier abord, a suscité de graves critiques 
(le cas des jumeaux de sexe différent, entre autres); 
d'autre part, on l'a accusé d'avoir sacrifié la science à 
ses ambitions personnelles, et ses collègues de l'Uni- 
versité de Vienne, paraît-il, l'ont forcé à demander sa 
retraite et lui ont infligé un blàme. Il est vraisemblable 
qu'ils n’ont pas eu tort; le nouveau livre de Schenk ne 
donne pas l'impression d'une œuvre de savant sérieux ; 
sa bibliographie, confuse et incomplète, n'a que de 
lointains rapports avec son sujet; il est extraordinaire 
qu'il n'ait pas eu un seul insuccès; ses pastilles sentent 
furieusement le charlatan, etc. 


1 Lehrbuch der Geschlechtsbestimmung, Malle, 1901. 


506 


LA TUBERCULOSE EN FRANCE 


‘ 


Le 22 novembre 1899, M. Waldeck-Rousseau, 
président du Conseil des Ministres, inslituait une 
Commission « à l'effet de rechercher les moyens 
pratiques de combattre la propagation de la tuber- 


culose en France ». Un an après, le 30 septembre. 


1900, cette Commission déposait son Rapport, et 
publiait, dans une série de Mémoires, les résultats 
de son enquête !. L'étude qu'on va lire est faite 
en très grande partie avec ces documents; qui nous 
donnent des renseignements assez complels sur 
la tuberculose en France. 


I. — EXTENSION ET DISSÉMINATION DE LA TUBERCULOSE 
EN FRANCE. 


$ 4. — La mortalité par tuberculose. 


Quelle est actuellement en France la mortalité par 
tuberculose? Telle est la question que M. Brouardel 
s'est posée dès le début de son enquête?. 

On évalue ordinairement à 150.000 le nombre 
d'individus qui, tous les ans, meurent en France de 
tuberculose. Mais ce chiffre n’est pas tout à fait 
exact, el cela pour plusieurs raisons. 

La première, c'est que les statistiques du Ministère 
de l'Intérieur, compulsées par M. Brouardel, ne 
sont pas complètes : elles ne portent que sur la 
population urbaine, c’est-à-dire sur un peu plus 
de 12 millions d'habitants. En second lieu, suivant 
une ancienne habitude, la tuberculose pulmonaire 
est encore fréquemment désignée parles médecins, 
dans les statistiques de mortalité, sous le nom de 
bronchite chronique. Il arrive alors ceci, surtout 
dans les petites villes : c'est que, suivant les idées des 
médecins de la localité, c’est tantôt la tuberculose, 
tantôt la bronchite chronique qui fait le plus de 
victimes. Ainsi, à Cours (Rhône), la stalistique 
donne, pour 10.000 habitants, une mortalité de 0,5 
par tubereulose et de 51,4 par bronchite chronique, 
tandis qu'à Pantin, sur 10.000 habitants, il en meurt 
tous les ans 2 de bronchite chronique et 42 de 
tuberculose. Dans certaines localités, on voit même 
brusquement, d’une année à l’autre, les bronchites 
chroniques disparaître pour faire place à la tuber- 
culose, transformation qui tient tout simplement 
à ce qu'un ancien médecin a été remplacé par 
un jeune. Ce qui rend enfin cette rubrique de 
bronchite chronique singulièrement suspecte, c'est 
qu'elle sévit avec la même intensité chez les enfants 


‘ La propagation de la tuberculose (moyens pratiques de 
la combattre). Paris, 1900. Masson et Cie, éditeurs. 
* Brouardel. Exposé de la question, p. 3. 


R. ROMME — LA TUBERCULOSE EN FRANCE 


et les adultes, et devient lrès rare chez les vieil 
lards. 

Pour établir le chiffre de mortalilé annuelle par 
tuberculose, M. Brouardel a donc considéré comme 
élant d’origine luberculeuse les bronchites chro” 
niques portées sur les statistiques. Il a trouvé 
alors que, pendant l’année 1896-1897, sur les 
12.531.624 habitants consignés dansla statistique du 
Ministère de l'Intérieur, 42.399 (soit 33,8 p. 10.000) 
ont succombé à la tuberculose; en y ajoutant ceux 
qui sont morts de bronchite chronique, il arrivé 
au chiffre de 51.624 (soit 41,2 p. 10.000). Si l'on 
admet que cetle morlalité baisse dans les petits cen= 
tres et dans les campagnes, on arrive à conclure que 
sur 35 millions d'habitants que compte la France, 
140.000 environ sont emportés annuellement par 
la tuberculose. « Si, au lieu d'être disséminée sur 
toute l'étendue du territoire, dit M. Brouardel, 
cette maladie était concentrée sur un point, ik 
disparaitrait chaque année une ville ayant la popu= 
lation de Toulouse ou une population supérieure à 
celle du Havre, de Rouen, ete. » 

Pour mieux apprécier la gravité du fléau qu'esb 
la tuberculose, il ne faut pas oublier que c’est à 
l'âge de la plus grande activité sociale que les 
individus sont emportés par la tuberculose. En 
étudiant la statistique pour la Ville de Paris, 
M. Brouardel a notamment trouvé que l'âge auquel 
la tuberculose fait le plus grand nombre de victimes 
est de trente à trente-qualre ans. Toutefois, si l’on 
considère les décès tuberculeux en rapport avec Ie 
nombre de survivants à chaque âge, on trouve, 
pour Paris loujours, que, si on laisse de côté le 
premier àge, l’âge maximum de mortalité est de 
quarante-cinq à cinquante-cinq pour les hommes. 
et de trente à trente-cinq pour les femmes. Il y & 
encore ce fait intéressant à noter, qu'à Paris la 
mortalité par tuberculose est de 62,4 p. 10.000 chez 
les hommes et de 36,9 seulement chez les femmes. 
M. Brouardel attribue cette différence en premier 
lieu à l'alcoolisme, qui est plus répandu parmi les 
hommes que parmi les femmes, en parlie aussi à 
ce que la femme est, de par sa situation sociale, 
moins exposée que l’homme à la contamination 
tuberculeuse dans l'usine, l’atelier, la fabrique, ete: 

Disons enfin que M. Brouardel a pu vérifier un 
fait connu depuis longtemps, à savoir que la mor= 
talité par tuberculose est plus élevée dans les grands. 
centres que dans les petits. Un coup d'œil jelé sur 
le tableau [ montre, en effet, l'existence de dif 
férences très appréciables entre le taux de la mor- 
talité par tuberculose dans les grandes et les 


R. ROMME — LA TUBERCULOSE EN FRANCE 


507 


petites villes. Mais il semble que les petites villes 
“sont en train de perdre cet avantage, car, depuis 
quelque temps, la tuberculose parait augmenter 
“dans les villes ayant une population au-dessous de 
5 000 habitants, tandis qu’elle reste plutôt station- 
naire dans les villes de 5 à 10.000 habitants. Ce 


MABLEAU I. — Mortalité par tuberculose et bronchite 
— chronique réunies (Moyenne de 1888 à 1897), 
E dans les villes moyennes. 


MORTALIT | 
Proportion 
Jour 
10.000 habit: 


DÉSIGNATION DES VILLES POPULATION 


Villes ayant plus de 50.000 ha- 
bitauts (31 villes). . 

Villes ayant de 10 à 50. 000 ha- 
bitants (197 villes) . . 

Villes ayant de 5 à 10. 000 ha- 
bitants (30ù villes). . 

Villes ayant moins de 5. 000 ha 
bitantes (89 villes. 24 


0.119.646 
3:803.478 


095.356 


309.046 


pui apparait très nettement dans le tableau I. 
Cette augmentation est surtout appréciable dans 
E. villes ayant moins de 3.000 habitants. Elle 
dique une sorte d'envahissement progressif des 
campagnes par la (tuberculose, fait qu'un grand 
“ nombre de médecins avaient déjà signalé à 
M. Brouardel à litre d'impression. La statistique 
ci-dessus confirme donc cette impression; mais 
elle ne fournit encore qu'une simple indication, car 


Tagzeau Il, — Mortalité par tuberculose et bronchite 
chronique réunies, dans les petites villes. 


PÉRIODE 1891-1895 | PÉRIODE 1896-1897 
| CR ER. 
Mortalité Mortalité 
Propor- Propor- 
tion pour ë tion pour 
tion 10.000 tion 10.000 


habitants habitants 


DÉSIGNATION DES VILLES 


Popula- Popula- 


Villes de 4 à 5.000 hab. 
(26 villes) 
Villes de 3 à 4 
(36 villes) . . : 
Villes de 2 à 3.000 ‘hab. 
(20 villes) . . : 
Villes de 1 à 2.000 hab. 
(7 villes). MES 


Lie 31,6 | 118.992 
4.000 hab. 


34,6 | 125.918 


50.701 
11.169 


- le nombre de petites villes sur lesquelles elle donne 
des renseignements est encore très restreint. 


$ 2. — La répartition de la tuberculose. 


- Les faits que M. Brouardel a réunis dans la partie 

de son Rapport consacrée à la répartition de la 
_ tuberculose en France sont fort intéressants. Il 
. est seulement regrettable que son enquête n'ait 
pu être poussée à fond et se trouve, en somme, 
limitée à Paris. 


M. Brouardel a eu l'idée de grouper par dépar- 
tements les villes qui ont fourni des renseigne- 
ments statistiques sur la mortalité par tuberculose 
de leurs habitants. Il est, de cette facon, arrivé à 
constater qu'il existe en France trois foyers prin- 
cipaux de tuberculose. Toutefois, il ne s'agil ici 
que d’une simple indication, car, si certains dépar 
tements nous fournissent des renseignements inté- 
ressant la plus grande partie de leur population, 
dans d’autres la statistique ne porte que sur le 
dixième, le quinzième, voire même le vingtième de 
la population totale. 

Des trois foyers principaux délimités par M. Brou- 
ardel, le premier part de Paris et des départements 
voisins, et s'étend vers le nord, où il est limité : à 
l'ouest, par le département de la Seine-Inférieure; 
à l’est, par le département du Nord. Le second foyer 
est constilué par les départements de l’ancienne 
Bretagne, avec la Mayenne. Le troisième enfin, qui 
rayonne autour de Lyon, s'étend depuis le Jura et 
l'Ain jusqu'au Gard, le long de la vallée du Rhône. 

Ces trois foyers ne sont pas les seuls. La carte de 
M. Brouardel (fig. 1} montre qu'il en exisle encore 
d'autres, moins étendus, ilest vrai, mais faisant tout 
de même tache noire. Ainsi, au Centre, on trouve 
l'Indre-et-Loire avec une mortalité de 50,3 p. 10.000; 
la Haute-Vienne avecune mortalité de 51 ,1; la Creuse, 
avee une mortalité de 37,8. Au sud-ouest, nous 
pouvons encore signaler: la Gironde avec une mor- 
lalité de 41,1; le Gers avec une mortalité de 40,5. 

Chacun des trois foyers principaux a pour centre 
de rayonnement une ou plusieurs villes dont la 
mortalité particulièrement élevée grève d'autant 
celle de tout le département. À mesure qu'on s'é- 
loigne de cette ville, surtout à partir d'une certaine 
distance, la mortalité par tuberculose diminue. Si 
nous prenons en exemple le premier foyer avec 
le département de la Seine pour centre, nous trou- : 
vons que la mortalité de 57,4 °/,5,, qu'accuse ce dé- 
partement, descend à 46,1 dans la Seine-et-Oise, à 
40,9 dans l'Oise, à 38,3 dans la Seine-et-Marne. 

Cette diminution de la tuberculose, à mesure 
qu'on s'éloigne d’un centre de rayonnement, se 
retrouve encore, quand, au lieu d'envisager le dé- 
partement, on prend une ville avec son arron- 
dissement. Ainsi, dans le département du Nord, qui 
offre une mortalilé de 42,9 °/,%, nous avons, pour 
centre, Lille avec son arrondissement, donnant 
une mortalité de 45,5 ‘50; Cette mortalité tombe 
à 44,9 pour Hazebrouck (distant de 40 kilomètres 
de Lille) et son arrondissement; à 40,0 pour Valen- 
ciennes (distant de 45 kilomètres de Lille) et son 
arrondissement, à 37,4 pour Dunkerque (distant 
de 46 kilomètres de Lille) et son arrondissement ; 
à 34,8 pour Cambrai (distant de 53 kilomètres de 
Lille) et son arrondissement; à 32,7 pour Avesnes 


508 


(distant de 87 kilomètres de Lille) et son arrondis- 
sement. Disons toutefois que l'arrondissement de 
Douai a une mortalité de 47,1, mortalité supérieure 


R. ROMME — LA TUBERCULOSE EN FRANCE 


à celle de l'arrondissement de Lille. 


Un centre de rayonnement n’est pas, non plus, 
un bloc. On peut le décomposer à son tour en 
arrondissements, en quartiers, rues, maisons, el 
mettre ainsi en vedetle certains facteurs interve- 


nant dans la 
propagation 

et l'extension 
de la tubercu- 
lose. Faute de 
documents, 

M. Brouardel 
n'a pu faire ce 
travail d’ana- 
lyse que pour 
la ville de 
Paris. 

En grou- 
pant par ar- 
rondissements 
et par quar- 
tiers les décès 
tuberculeux 
[moyenne de 
seize années), 
M. Brouardel 
a constaté 
qu'à Paris 
(fig. 2) cette 
mortalité va- 
rie dans des 


limites très 
larges d’un 
arrondisse- 


ment à l’au- 
tre !. Pour ne 
prendre que 
les chiffres 
extrèmes, 
nous lrou- 
vonsunemor- 


talité de 80 pour le xrIv° arrondissement, et une 
morlalité de 21,9, c'est-à-dire presque quatre fois 


4 Mortalité par tuberculose dans les arrondissements de Paris 
(moyenne de 1881 à 1896), pour 10.000 habitants. 


moins élevée pour le vue. Si, à la place de l'arron- 
dissement, unité administrative, on envisage le 
quartier, groupement plutôt social, on trouve des 
différences encore plus grandes : mortalité de 
104 °/,, dans le quartier de Plaisance, mortalité de 
11 °%% dans celui des Champs-Élysées. L'impor” 
tance du groupement social apparaît très nette 
ment quand, en allant du centre vers la périphérie, 


M 


Is 1e 


RN 


ET LOIRE 


Mortalité 
pour 10.000 habitants 


57, + aàaH,3 


Il #1, 1 à 35,9 


34, 8 à 30,4 


31,1à 20,1 


== ES 
sève 
SÈV À 
fl ES vu 
=, DE — | 


7 


CHARENTE! 


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Te yY 
EYRON ET, 
La À 
CE — ln 
GARONNE! GARD AUCLUSE) 2 
\ 2: 


Æ Borremans Se. 5 rue Æautereuille Farrs 


Fig. 1. — Répartition des décès par tuberculose dans les départements. 


XIVe arrondissement . . . . . . . 


XXe 
XIXe 
XVe 
XVIIIe 
XIe 
XIIIe 
LVe 

Ve 


quartier lui-même peut encore être décomposé en 


éléments plus simples, et, d'après M. 


c'est-à-dire 


vres,onprend, 
sur la carte 
dressée 


qui 


comme taux 
de mortalité 


lose, par 10: 
mille habi 
tants, les chif 
fres de : 10,8 


tier 
Champs-Ély- 
sées; de 22,1 
pour le quar- 
tier des Inva- 
lides; de 43,6 
pour le quar- 
tier de l'Éco-. 
le - Militaire ; 
de 78,4 pour 
le quartier de 
Necker; de10% 
pour le quar- 
tier de Plai-= 
sance. Le 


Brouardel, les 


7 C7 


CES 


rs 
= © de O0 CO O2 = 


œ à 


Se © D © N © SG © D IS 


= 19 CE 19 


D = 


| ont les habitants sont voués à à tuberculose. 
-« Au point de vue du plan de campagne à suivre 


inscrits sur la carte de France, aux foyers des 
“quartiers, et, en dernière analyse, à la maison 
insalubre. C’est elle qu'il faut viser. » 

Cette conclusion de M. Brouardel est des plus 
Jégitimes et ne saurait être trop approuvée, à un 


Mortalite 
pour 10 , 000 habitants 


—_ 104,1 à 66,9 


R. ROMME — LA TUBERCULOSE EN FRANCE 


509 


exerce une action très réelle, très manifeste sur la 
dissémination de la tuberculose, et constitue un 
facteur étiologique important. Seulement, il n’est 
pas le seul, et, en réalité, ses effets ne font que 
s'ajouter à une série d'autres que nous avons eu 
l'occasion d'étudier dans la /?evue générale des 
Sciences !. Il suffit, du reste, de jeter un coup d'œil 
sur la carte de Paris établie par M. Brouardel, pour 
voir les qurtiers dits pauvres enserrer comme une 
ceinture noire les quartiers bourgeois du centre, 
teints en gris, cependant que les quartiers riches 


KBatignol | 


arrières LE 


M, 9 


Re 


Z=, P1€ Monceau 


L---—" 


= du Roule, 
LE = 


ES 


1 Crime 


LU 
7 Médeleine ! s LE 


ES Vincent—| 
de Paul 


=—=Bellevile—— 
1,5 


Invalides / f 


22,1 /SThomas = 


== 


Fig. 


point de vue général. Une statistique publiée récem- 
ment par M. Sogniès', nous montre, à Nancy, 
dans la rue de l’Atrie, une maison dans laquelle se 
produisent cinq décès par tuberculose sur neuf 
constatés dans toute la rue pendant dix années; 
une autre maison, de la rue d'Auxonne, fournit 
quatre décès sur sept qui se sont produits, dans 
toute la rue, dans l’espace de sept ans. La propor- 
tion est encore plus forte dans une maison de la 
rue Berguier, qui, pour l'espace de quatre ans, 
fournit quatre décès sur six, ete., elc. 

Il est donc certain que le logement insalubre 


. 4H. Socniis : L'hygiène de l'habitation dans ses rapports 
avec la mortalité par tuberculose. — Œuvre anti-tubere., 1900, 
nos, p. 212. 


2, — Répartition des décès dans les différents quartiers de Paris de 1892 à 1896. 


se profilent en blanc. Or, la ceinture noire, de 
même que les quartiers gris qu'elle enserre, n'est 
pas composée d'une chaîne de maisons insalubres, 
et dans celles-ci, comme dans celles qui ne sont pas 
« insalubres », s'exercent en toute liberté les au- 
tres facteurs de la tuberculose : surmenage physi- 
que, repos incomplet, alimentation défectueuse et 
insuffisante, travail dans des usines et ateliers 
dont l'air est vicié, alcoolisme, ete., ete. La seule 
chose qu'on puisse dire, c'est que la misère écono- 
mique et physiologique, qui synthétise les facteurs 
que nous venons d'énumérer, est fatalement liée à 


4 R. Roue: La diminution de la tuberculose en Angleterre. 
Rev. gén. des Sciences, 1900, numéro du 30 mai, p. 680. 


»10 


R. ROMME — LA TUBERCULOSE EN FRANCE 


la maison insalubre, mais peut aussi exister dans 
une maison répondant, dans une certaine mesure, 
aux exigences de l'hygiène de l'habitation. 

C'est une raison pour ne pas se laisser éblouir 
par les statistiques, fort peu nombreuses du reste, 
tendant à incriminer la maison insalubre seule. 
Quand Philippovich ‘ note une mortalité par tuber- 
culose de 11,6 °/, dans les quartiers aisés de 
Vienne (Autriche), et de 35 °/,,, dans les quar-. 
tiers non-aisés ; quand Chadwick * signale une mor- 
talité de 11,3 °/,, dans les maisons habitées par 
des ouvriers aisés, el de 38 ‘/. dans des mai- 
sons habitées par des ouvriers pauvres, ce n'est 
pas la maison seule, mais bien plutôt les condi- 
lions matérielles générales qui donnent l'explica- 
Lion de cette différence. On peut en dire autant de 
la statistique de M. Sogniès *, quand il nous montre, 
par exemple, que, dans la même rue (rue Saint- 
Nicolas), une première partie, habitée par des gens 
aisés, accuse une mortalité par tuberculose de 
17,85 °/656, tandis que, dans la deuxième partie, 
occupée par des ouvriers et des pauvres gens, cette 
mortalité monte à 75,3 °/, C'est-à-dire à un 
taux six fois plus élevé. Dans ces conditions, il est 
difficile de dire si l'accumulation de décès tuber- 
culeux dans la même maison doit être attribuée à 
ses conditions antihygiéniques ou à la misère noire 
de ses habitants, proie toute désignée pour le bacille 
de Koch. 

I ne faut pas croire que, pour M. Brouardel, la lutte 
contre la tuberculose doit être limitée à l'assainisse- 
ment du logement. Il estlepremier à réclamer, dans 
son Rapport, la création d’un nombre suffisant de sa- 
natoria populaires. Toutefois, on nous permettra de 
citer ici encore un fait qui montre la multiplicité 
et la complexité des causes de la tuberculose, ainsi 
que l'insuffisance des moyens prophylactiques diri- 
gés contre un seul de ses facteurs étiologiques. Ce 
fait se rapporte à la question de la désinfection des 
logements ayant été habités par des tuberculeux. 

À première vue, celte désinfection, destinée à 
détruire les germes de la maladie, semble devoir 
exercer une influence appréciable sur la diminu- 
tion de la tuberculose. Or, les chiffres que nous 
trouvons dans le Rapport de M. Martin‘ ne font 
pas ressortir d’une façon bien nette cette action de 
la désinfection. 

En effet, le nombre des désinfections pour tuber- 
culose, demandées ou acceptées, et le nombre de 
décès ont suivi la marche suivante : 


 Roexer : Prophylaxie der Wobn-und Arbeitsräume und 
des Verkehrs. Bericht über den Kongress zur Bekämpfung 
der Tuberkulose als Volkskrankheït, p. 308, Berlin. 1899. 

2fTbrd, 

II. Socxiës : loc, cit. 

* A.-J. Marin : Désinfection des logements des luber- 
culeux, p. 113. 


ANNÉES DÉSINFECTIONS DÉCÈS 
ASI2 RER NET 4.5 
AIO NAN ENCRES 8.077 
ER PSS  TTE 1.389 
ASIN MR NE ET 8.130 
DOG AU ATEN RSS 8.330 : 
EH PISTE 9.506 41.605 
TSON EME CIE 10.504 12.040 
899 EURE 11.002 12.053 


Ainsi done, malgré l'augmentation progressive 
el très accentuée du nombre des désinfections, le 
nombre de décès tuberculeux n'a pas diminué. 
Tout ce qu'on peut dire, en tenant compte de l’aug- 
mentation de la population parisienne pendant ces 
huil ans, c'est que la mortalité par tuberculose est 
restée stationnaire. Et ce qui rend cette constata- 
tion encore plus significative, c’est que les désinfec-M 
tions pratiquées pour des maladies contagieuses 
épidémiques (rougeole, scarlatine, diphtérie, etc.), 
ont eu pour résultat d’abaisser très notablement la 
mortalité par ces maladies : elle comptait pour un 
dixième, et elle ne compte plus que pour un vingt- 
cinquième de la mortalité totale. 


I. — FORMATION DES FOYERS DE TUBERCULOSE. 


Ces considérations nous amènent à envisager 
une question, dont l'importance au point de vue 
de la lutte contre la tuberculose nous paraît assez 
grande. S'il existe en France trois principaux foyers 
de tuberculose, quelles sont les causes qui ont con- 
tribué à les former? 

Nous aurons à envisager, dans un moment, les 
rapports entre la tuberculose et l'alcoolisme. Mais, 
en dehors de l'alcoolisme, existe-t-il d’autres 
causes pouvant, dans une certaine mesure, nous 
expliquer la formation des trois gros foyers dont M 
parle M. Brouardel? Nous n'avons certainement 
pas la prétention de donner ici la solution de ce 
problème. Mais il nous semble intéressant de 
mellre sous les yeux de nos lecteurs quelques faits 
qui se rattachent à cette question, et dont l'expli- 
cation n’est pas aisée. 
$ 1. — Développement industriel et tuberculose. 

La première idée qui vient à l'esprit, c'est de 
ratlacher la formation des foyers tuberculeux au 
développement del’industrialisme dans ces régions, 
Or, si l’on compare la carte de M. Brouardel avec une 
carte sur laquelle se trouvent marquées, en cou- 
leurs différentes, l'agricullure, l'industrie et le com= 
merce de la France, on constate qu'il n'y a pas de. 
superposition entre le développement industriel de 
la région et la formation du gros foyer tubereu= 
leux. Ainsi, le deuxième gros:foyer, celui qui s'étend 
surlès départements de l’ancienne Bretagne avec la 
Mayenne, n'est nullement silué en pays industriel. 


R. ROMME — LA TUBERCULOSE EN FRANCE 


»11 


Le premier et le second foyers sont aussi inter- 
rompus à chaque instant par des départements 
agricoles, vinicoles, etc. 

Ce fait n'est pourtant pas particulier à la France. 
Du moins, quand on consulte les statistiques portant 
“Sur un grand nombre d'individus et sur un espace 
“de temps suffisamment long, on constate, contrai- 
“rement à ce qu'on pouvait atlendre, que le déve- 
“loppement progressif et même très intense des 
forces industrielles d'un pays ne comporte pas une 
augmentalion correspondante de la tuberculose. 

- Prenons en exemple l'Allemagne, dont l'essor 


Pays allemands 
reunis 


Prusse, Bavière Saxe) 


Prusse 


Angleterre 


1887-1893 
1887-1895 


Allemagne 
(Villes) 


industrielle a surtout porté sur la classe des sala- 
riés, le nombre des ouvriers occupés dans l'indus- 
trie s'étant élevé de 7.340.789 en 1882 à 10.269.269 
en 1895. 

D'après ce que nous savons sur la fréquence de 
la tuberculose dans les villes et les campagnes, 
d'après ce que nous savons sur les conditions hygié- 
niques de l’ouvrier de fabrique ou d'usine, nous 
devons donc nous attendre à voir les statistiques 
accuser une augmentation de la tuberculose. Il n’en 
estrien. Le graphique de la figure 3 montre très net- 
tement une diminulion progressive el constante 


France 
(Villes) 


Belgique Pays Bas 


1880-1986 


1980-1886 
1880-1886 


industriel pendant les derniers dix-quinze ans est 
. proverbial. En 1882*, on comptait 19 millions 1/2 
- d'habitants vivant de l’agriculture, 46 millions 
d'habitants vivant de l'industrie, 4 millions 4/2 
 S'adonnant au commerce. Après treize ans, en 1895, 
la population industrielle s'était élevée à 20 mil- 
. lions 1/4 d'habitants, tandis que la population agri- 
cole tombait à 18 millions 1/2 d'habitants. Pendant 
cet espace de temps — de 1882 à 1895 — le chiffre 
de la population totale avail bien augmenté; mais 
alors qu'il ne s'était élevé que de 14,48 °/,, la popu- 
- lation industrielle s'était accrue de 26,5 °/,, et 
. la population agricole avait diminué de 3,77 °/,. 
_Ajoutons enfin que l'augmentation de la population 


_ 4 CarërtEen Kann : L'état des forces productives dans les 
—… différents pays. Mouvement socialiste, 1901, n° 15, p. 157. 


Fig. 3. — Courbes de la mortalité par tuberculose dans divers pays. — Les chiffres des colonnes verticales indiquent - 
le nombre des décès par millions d'habitants. 


de la tuberculose en Allemagne, comme dans les 
aulres pays industriels, telle la Belgique, par 
exemple. 

La facon dont l'industrialisme et la tuberculose 
se présentent en France ne fait que confirmer le phé- 
nomène que nous venons de signaler en Alle- 
magne. Le graphique de la tuberculose nous montre 
en France une augmentation progressive el cons- 
tante de la tuberculose de 1880 à 1895, et cepen- 
dant son développement industriel a élé bien moins 
intense que celui de l'Allemagne. Les chiffres que 
cite M. Chrélien Karr‘ indiquent, par exemple, à 
côté d'une légère diminution de la surface de terres 
labourables, une augmentalion de la surface de 
päturages, qui, de 4.115.124 hectares en 1882, a 


! La Propagation de la tuberculose, Masson. 


R. ROMME — LA TUBERCULOSE EN FRANCE 


alteint 4.402.836 en 1892. L’émigration vers les 
villes et les centres industriels a donc été moins 
accentuée en France qu'en Allemagne, et pourtant 
la tuberculose a constamment augmenté dans le 
premier de ces deux pays. 

Une petite statistique, établie par M. Baudran et 
citée par M. Brouardel dans son Rapport, confirme 
le fait que nous venons de signaler. Dans l'arron- 
dissement de Senlis, la mortalité moyenne par tu- 
berculose est de 33,7°/,.. Cet arrondissement 
compte sept cantons, dont un industriel (Creil), avec 
une mortalité de 38,4 ; un mixte, c'est-à-dire à la fois 
industriel et agricole (Crépy), avec une mortalité de 
45,8; dans les cinq autres cantons, tous agricoles 
(Betz, Nanteuil, Neuilly, Pont-Sainte-Maxence, Sen- 
lis), la mortalité moyenne par tuberculose oscille 
entre 26,1 et 36,6 °/. 

J'ajoute que, si l'on se rapporte aux statistiques !, 
on constate que les conditions matérielles et de tra- 
vail de l’ouvrier (salaire, durée du travail, législation 
ouvrière, elc.), n’ont guère varié, au point de nous 
expliquer la diminution de la tuberculose dans les 


pays industriels. Nous nous trouvons donc en pré- 


sence d’un fait qui est en contradiction avec lout ce 
que nous savons sur les conditions étiologiques de 
la tuberculose, et dont l'explication nous échappe 
complètement, à moins d'admettre une influence 
sur la tuberculose des mesures d'hygiène générale 
dont les progrès sont indiscutables dans la plupart 
des pays. 


$ 2. — Alcoolisme et tuberculose. 


M. Baudran, dont nous avons cité la petite statis- 
tique fort instructive, estime que, pour comprendre 
la distribution et la dissémination de la tuberculose, 
il ne faut jamais perdre de vue une sorte de loi qui 
peut se formuler comme suit : « La mortalité par 
phtisie est fonction directe de l'alcool consommé 
par tête d'habitant ». Cette loi est le résumé d’un 
tableau sur lequel l'auteur à porté, pour chaque 
département, d’un côté, la consommation moyenne 
de l'alcool total par tête d'habilant, et, de l’autre, la 
mortalité par tuberculose. Il a trouvé les chiffres 
que voici, pour 10.000 habitants : 


JUFANEONACTÉS EL PRNENRE 12117 d'alcool 


KO NS ON 15,21 Te 
S0 CIRE 14,72 — 
60 TOME El CRE 16,36 — 
HU ds DO Me 1 M ENPNPRR ANSE 17,16 — 
BOND! he NL APS 17,30 — 
90 et au-dessus. . 50.70 — 


lesquels chiffres montrent que la mortalité par 
tuberculose est presque directement proporlion- 
nelle’à la quantité d'alcool consommé. 

L'influence phtisiogène de l'alcool est une notion 


LR. Rome : Joc. cit. 


clinique ancienne, et lorsque M. Landouzy écrit 
que « l'alcool fait le lit de la tuberculose », ou 
lorsque M. Hayem dit que « la phlisie se prend sur 
le zinc », ils ne font que résumer d’une façon pitto- ; 
resque un fait qui se trouve déjà noté par les clini-« 
ciens français etanglais du xvin° siècle. Mais la con- 
statation scientifique de ce fait, par l’élude comparée 
des statistiques établissant les rapports étroits entre 
l'alcoolisme et la tuberculose, ne date que de quel- 
ques années. Cette étude, faite aujourd’hui dans 
quelques pays, a montré que partout l'alcoolisme, 
quelle que soit la nature de la boisson contenant de 
l'alcool, constitue un des facteurs les plus puissants, 
sinon le plus puissant, du développement de la 
tuberculose. * 
En Angleterre, par exemple, cette relation appa- 
rait très nettement quand, avec M. Jacquet, auquel 
nous devons la connaissance de ces faits, on étudie 
la mortalité par tuberculose dans les professions. 
I1 suffit de se rapporter au tableau de Tatham * 
(dans lequel les chiffres représentant le nombre de 
décès par tuberculose, correspondent annuellement, 
pour une profession donnée, à 61.215 personnes de 
celte profession) pour voir la mortalité par tuber- 
culose augmenter d’une facon considérable, quin- 
tupler et décupler, dans les professions dans les- 
quelles l'abus de boissons spiritueuses est notoire. 
Le tableau ci-dessous nous montre, en effet, que, 
pour la phtisie, qui a fait périr 69.057 sujets mâles 
au-dessus de quinze ans pendant la période de 
1890-1892, la mortalité comparative a été :: 


Clerey men EN EC EE 67 
CultivateurS ERP RENE LE 79 
Médecins At" 7 EU RAS TER NE 105 
Maîtres d'écoles "ue SU RATERS ill 
PÉCHEUTS PAM SE EN ER IE eo 114 
ChITLEITIDDA IE EN EE N EER 185 
Cabaretiers (districts industriels). . . . 314 
Musiciens ambulants. . . . . . : Le 322 
OUVERTES TOCLS REC 325 
Garcons de cabarets {distr. agric.) . . . 352 

— —  (diste. industr.}) . . 357 
Manouvriers (Londres). : . 384 
Marchands ambulants 143 
Cabaretiers (Londres). "0... 418 
Garcons de cabarets (Londres) .°. . . . 607 


Pour l'Allemagne, la statistique qui a été publiée 
par Baer* nous montre les mêmes relations étroites 
entre l'alcoolisme professionnel et la tuberculose. 
En prenant les chiffres de mortalité pour la période 
de 1881-1893, Baer trouve sur : 


! L. Jacquet : Alcool-Maladie-Mort (Rapport à la Société 
méd. des Hôpitaux), Presse Méd., 1899, n° 98. 

? Dans la statistique anglaise, le chiffre global (185) indi- 
que la mortalité pour l'ensemble des sujets mâles exerçant 
une profession. k 

3 Barr : Alkohol 
Kongress zur Bekämplung der 
krankheïit, p. 630, Berlin, 1899. 


über den 
Volks- 


und Tuberculose. Bericht 
T'uberculose als 


R. ROMME — LA TUBERCULOSE EN FRANCE 513 


MORTS DE TUBERCULOSE 


18.703 restaurateurs. . . . 4.418 soit 24,6 °/o 

3.191 cabaretiers. . . . . 808 — 25,2 
160 cuisiniers. . . . . . 49 — 30,6 
429 sommeliers.. . . . 15% — 35,9 

2.358 garcons de café . 1.250 — 53,1 


tant de juger, d’une facon indirecte, de l'influence 
de l'alcoolisalion continue sur le développement 


e e la tuberculose. Nous savons seulement, d'après 
le Rapport de M. L. Jacquet, que, sur 252 phtisiques 


iques avant les premiers symplômes de la maladie; 
et que ce chiffre est à rapprocher de ceux de Cous- 
tan (de Montpellier), de Rendu, Barbier, Jacquet, 
qui estiment que, sur 100 phlisiques, on compte 88 
à 90 alcooliques. 

“ Les remarquables travaux que M. X. Rocques a 
publiés dans la Revue Générale des Sciences nous 
dispensent d'entrer dans de grands détails au sujet 
du développement de l'alcoolisme en France. Il 
nous semble pourtant intéressant de publier ici 
“deux tableaux, dont l'un (tableau IT) montre Faug- 
entation progressive de la consommation annuelle 
de l'alcool par tête d'habitant en France. 

Ainsi done, la consommation de l'alcool total, qui 
“en 1830 était de 7 litres par tête, est montée à 
13 litres en 1898. Mais ce chiffre n'est pas exact. Si, 
avec M. De Lavarenne, on établit la consommation 


Œawceau II. — Consommation de l'alcool en France 
depuis 1830. 


os VINS BIÈRE CIDRE Fret 
= " ota 
dautiées| 10e | 8e | 5e | ao 
litres litres litres litres 
1,12 53.7 | 9.215 | 23.0 
1,74 84,3 | 12,43 21,0 
2,94 91,4 | 19,02 26, | 
2,82 | 142,0 | 20,0 30,2 
9,71 119,0 | 21,32 | 49.0 | 
3,64 ON EEE RTE Er 
4,0 70,0 ï 955 (12 années : 
4,56 à F) ; 13,676 | 
4,32 19,0 | 23,0 18,00 13:81 
4,04 » » » | 
4,54 » » » » | 


\ 


de l'alcool en se guidant sur les tables proportion- 

- nelles de population suivant les âges, on arrive à 

- établir qu'un adulte français boit aujourd'hui en 
moyenne par an 38 à 40 litres d'alcool à 100°. 

.  Letableau IV, que nous tenons à citer, est établit 

sur les statistiques de Denis, et montre, si l’on con- 
. sidère l'alcool total, que la France est le pays le 

- plus alcoolisé du monde. 


1 TrisouLer et Marne : L'Alcool et l'Alcoolisme, Paris, 1900. 


La France est done non seulement le pays le plus 
alcoolisé, mais encore le seul pays (avec la Bel- 
gique) dans lequel l'alcoolisme a constamment suivi 
une marche ascendante. Si maintenant nous consi- 
dérons la courbe de la tuberculose en France, telle 
qu'elle figure sur notre graphique (fig. 3), nous cons- 
tatons que c'est encore la France qui paie le tribut 


Tasceau IV: — Consommation actuelle de l’alcoo!l 
dans les divers pays. 


DER- 
NIÈRE 
ANNÉE 


VIN |arcoor | TOTAL 
EN 


ALCOOL 
à 100 


BIÈRE 
etcidre 
à 1000 


à 100° à 100° 


1893 
1893 
1893 
1590 
185$ 
1890 
1894 
1893 
1890 
1893 
1890 
1S91 
1892 


France: . 
ETIENNE 
Belgique. . . . 
HÉROS ancre TR. 1. 
Autriche-Hongrie. . 
Danemark. 

| Allemagne. . 
Angleterre . 
Pays-Bas 
Etats-Unis. 
Suède . . : : 
Norvège. . 
Canada . 


© DE CS 


le plus lourd à la tuberculose, et que le nombre de 
vielimes faites par la tuberculose augmente réguliè- 
rement de 1887 à 1895. Le parallélisme de ces deux 
faits est assez éloquent pour affirmer les relations 
étroites entre la tuberculose et l'alcoolisme. 

Le Rapport très remarquable présenté sur celte 
question, à la Commission de la Tuberculose, par 
M. De Lavarenne ‘ 
relations. Les faits quil cite à l'appui de cette 
thèse sont de deux ordres : les uns personnels, 
fournis par une enquête qu'il a faite dans un dis- 
pensaire silué à Paris, rue Haxo; les autres dé- 
coulant de l'étude comparée, par département, de 
la consommation de l'alcool d'un côté, el de la mor- 
talité par tuberculose de l'autre. 

Les faits personnels de M. De Lavarenne con- 
firment les statistiques que nous avons citées plus 
haut. Sur 50 tuberculeux pris au hasard de la 
consultalion, il compte 32 hommes, dont 26, soit 
80 0/,, étaient alcooliques : ‘c'est la proportion des 
statistiques de MM. Rendu, Barbier, Jacquet. L'hé- 
rédité, qui passe pour jouer un rôle considérable 
dans l’étiologie de la tuberculose, n'a été constatée 
que cinq fois, la contagion manifeste sept fois, dont 
cinq chez des alcooliques. Dans tous les autres cas, 
l'alcool, et l'alcool seul, d'après M. De Lavarenne, 
était en cause. Ce qui le prouverait encore, c'est 
que, sur les 18 femmes tuberculeuses, on notail, 
comme éliologie : 11 fois l'hérédité, 9 fois Les pri- 


, précise encore davantage ces 


1E, De Lavarenxe : Alcoolisme et tuberculose. La propa- 
gation de la Tuberculose, p. 278. 


d14 R. ROMME — LA TUBERCULOSE EN FRANCE 


vations et le surmenage; 2 autres, chez lesquellesles | évolution rapide. Sur 16 tuberculeux observés par | 
facteurs étiologiques précédents n’existaient pas, | M. Brunon, 1 étaient alcooliques, et 5 non-alcoo= 
étaient alcooliques, et chez elles la tuberculose se | liques : les 11 alcooliques sont tous morts; des 
présentait sous forme grave. 5 autres, 2 sont morts, 2 guéris, 1 amélioré. « 


© 
CR CANNMG UE IE CD PEN RMIEULIE 


NE 


£. OFERLINW del 


Fig. 4. — Carte montrant la répartition et la consommation de l'alcool en France. 
Consommation par tête et par an. 


EE 


Moins de 2? litres d'alcool à 1000, de 5 à 7 litres d'alcool à 1000, 


C7 de 2 à 5 litres d'alcool à 1000. Fi plus de 7 litres d'alcool à 100. 
Une statistique de M. Brunon, que M. De Lavarenne ! La seconde partie du Rapport de M. De Lava- 


signale dans son Rapport, semble montrer que non , renne, celle dans laquelle il étudie comparative- 
seulement l'alcool prédispose à la phtisie, mais qu'il | ment, par département, la mortalité par tubereu- 
imprime encore à la tuberculose pulmonaire une * lose et la consommation de l'alcool ‘total) aboutità 


R. ROMME — LA TUBERCULOSE EN FRANCE 515 


méme conclusion : les départements qui four- 
justement ceux qui consomment de grandes quan- 
és d'alcool. A première vue, la règle ne parait 
générale; mais, quand on pousse l'analyse à 
nd, comme l'a fait M. De Lavarenne, les exceptions 
parentes s'expliquent fort bien. 
“Ainsi M. De Lavarenne prend, comme exemple, 
six départements dans lesquels la mortalité par 
berculose est la plus élevée : Seine, Rhône, Doubs, 
Haute-Vienne, Loire-[nférieure, Ardèche. La con- 
sommation de l’alcool (lotal), en quantités de 21 à 
litres par tête d’habitant et par an dans la Seine, 
Rhône, la Loire-Inférieure, de 18 litres 1/2 dans 
Doubs, nous fait comprendre que la mortalité par 


ée dans la Haute-Vienne et l'Ardèche, dont les sla- 
tiques n'accusent qu’une consommation annuelle 
le 10 à 12 litres d'alcool (lotal) par Lête d'habitant? 
C'est que, nous dit M. De Lavarenne, la statistique 
alcool porte sur la population de toutle dépar- 
lement, y compris celle des campagnes où l’on boit 
beaucoup moins, tandis que celle de la tuberculose 
porte seulement sur la population des villes, où l'on 
boit beaucoup plus. Or, dans la Haute-Vienne, nous 
vons Limoges, où l'on consomme 22 litres 65 d’al- 
oo! par lète; dans l'Ardèche nous avons Annonay, 
ville industrielle, où l'on boit énormément, et qui, 
dans la statistique pour tuberculose de l'Ardèche, 
fournit près de 20.000 habitants sur une totalité 
de 40.000 ». 
Il suffit, du reste, de comparer la carte de consom- 
mation de l'alcool (fig. 4), dressée par M. Rocques*, 
avec celle de mortalité par tuberculose (fig. 1), éla- 
blie par M. Brouardel, pour voir que les deux se su- 
perposent presque complètement. Les différences 
qu'on constate s'expliquent par ce fait que M.Roc- 
ques n’a tenu compte que de l'alcool des eaux-de-vie 
el autres spiritueux. Mais si l’on faitentrer en ligne 
de compte l'alcool du cidre ou du vin, on saisit de 
Suite la raison pour laquelle certains départements 
(Côtes-du-Nord, Mayenne, Sarthe, Ille-et-Vilaine, 
Gard, Ardèche, etc.), teintés en noir sur la carte de 
. Brouardel, apparaissent en gris foncé ou gris 
clair sur celle de M. Rocques. 
Comment peut-on s'expliquer l'action phtisio- 
gène de l'alcool ? M. De Lavarenne estime qu'il agit 
par les lésions des muqueuses respiratoire et intes- 
-tinale qu'il produit. L'alcool permettrait d’un côté 
au bacille de Koch de se grefler sur la muqueuse 
bronchique, et de l’autre il affaiblirait la résistance 
de l'organisme dont la nutrition se trouve compro- 


1 X, Rocouess : Etat actuel de l'industrie des eaux-de-vie 
et liqueurs en France. Rev. gén. des Sciences, 1896, p. 283. 


mise par le fait de la dyspepsie alcoolique. Bollin- 
ger ‘, qui a été frappé de la fréquence et de l'évolu- 
tion rapide de la tuberculose pulmonaire chez les 
garcons-brasseurs de Munich, généralement très 
vigoureux, est porté à incriminer l’action délétère 
de l'alcool sur le cœur. On peul encore admettre 
que, comme tous les poisons et toxines, l'alcool 
prédispose à toutes les infections, y compris l'infec- 
tion tuberculeuse, auxquelles il imprime une 
marche particulièrement grave. Les recherches 
expérimentales publiées récemment par Laitinen * 
mettent ce fait hors de doute. 

Des relations étiologiques étroites existent done, 
en France comme parlout ailleurs, entre l’alcoo- 
lisme et la tuberculose, et aujourd'hui personne ne 
cherche à les nier. Mais ce dont on ne saurait trop 
louer M. De Lavarenne, c'est d'avoir gardé la juste 
mesure, et évité les exagéralions des antialcoolistes 
fervents, « pour lesquels, comme il dit, alcoolisme 
et phtisie sont deux termes inéluctables d'une 
même équalion ». Ce serait, en effet, une erreur que 
de croire que la tuberculose résulte à peu près 
uniquement de l'alcoolisme, et que la lutte contre 
l'alcoolisme atteint directement et toujours la tu- 
berculose, comme certains l’ont soutenu. Les fails 
qui prouvent le mal-fondé de cette opinion extrême 
ne manquent pas. 

Prenons en exemple la statistique personnelle 
de M. De Lavarenne. Sur 32 hommes phlisiques, il 
trouve 26 alcooliques, et nous disons avec lui : 
C'est l'alcool qui est en cause. Mais sur 18 femmes 
tuberculeuses du même dispensaire, 2 seulement 
sont alcooliques, tandis que chez les 16 autres on 
trouve, comme cause étiologique, l'hérédité, Ja 
misère, le surmenage, mais pas d'alcool. 

Un autre fait d'ordre plus général, qui montre 
que, comme étiologie, il y a encore autre chose à 
côté de l'alcoolisme, est le suivant : Si, dans un la- 
bleau, nous établissons, par pays, d’un côté la mor- 
talité par tuberculose, et de l’autre la consommation 
de l'alcool Lotal par tête d'habitant, nous consta- 
tons tout de suite que /e plus souvent'il n'existe pas 
de rapport direct enlre ces deux facteurs. Ainsi, 
dans le tableau V, dans lequel les chiffres pour la 
tuberculose sont empruntés au Rapport de M. Küh- 
ler”, directeur de l'Office impérial de Santé de Ber- 
lin, et les chiffres pour l'alcoolisme au Rapport de 
M. Jacauet*, il est difficile de trouver une corré- 


L Barr, loc. cit. 

2 Taav. LarmNen : Ueber den Einfluss des Alkohols auf die 
Empfindlichkeit des thierischen Kürpers für Infektionsstofte. 
Zeitschr. f. Hyq., 4900, t. XXXIV, p. 206. 

s KüuLer : Allgemeines über die Ausbreitung und Bedeutung 
der Tuberkulose als Volkskrankheïit. Bericht über den 
Kongress zur Bekämpfung der Tuberkulose als Volks- 
krankheïit., p. 48, Berlin 190( 

4 L. Jacquer, La propagation de la tuberculose. 


516 


lation entre la mortalilé par tuberculose et la con- 
sommation. En faisant même, avec le tableau com- 
plet de Denis, que nous avons reproduit plus haut, 
les corrections nécessaires relatives aux années 
pour ce qui est des moyennes de la consommation 
d'alcool; en prenant même en considération que la 
mortalité par tuberculose porte dans certains pays 


TaBLEAU V.— Comparaison entre la mortalité tuber- 
culeuse et la consommation alcoolique dans les. 
différents pays. 


MORTALITÉ CONSOMMATION 


Jar de l'alcool total 
à 100° 
par an el par tête 
d'habitant 


| 
tuberculose pulmon. 
pour 
1 million d'habitants 


PAYS 


Angleterre et Pays 
de Galles . : 

Norvège . 

Belgique . 

Italie. . 

| Pays-Bas. 

Danemark . 

SUISSE RTE 

Allemagne . 

Suède . 

France . 

Hongrie . 

Autriche . 

Russie . . 


Lo V9 D NO NN 


sur les villes seules, et dans d'autres sur les villes 
et les campagnes ; en faisant, dis-je, toutes ces res- 


trictions et corrections nécessaires, il n'en reste 
pas moins vrai qu'alcoolisme et phtisie ne sont pas 
« deux termes d’une même équation ». 

Pour certains pays, la situalion qu'ils occupent au 
point de vue tuberculose et alcoolisme est tout à 
fait bizarre. Les statistiques les plus récentes rela- 
lives à la consommalion de l’alcool nous montrent 
que les deux pays qui viennent en tête de liste 
sont la France et la Belgique, et qu’en outre, dans 
ces deux pays, la consommation de l'alcool à suivi 
une marche toujours ascendante. Or, la mortalité par 
tuberculose est deux fois moins élevée en Belgique, 
pays essentiellement industriel, qu'en France, pays 
en grande partie agricole. 

La Suède, qui ne consomme que 4 litres 39 d’al- 
cool, a une mortalité tubereuleuse supérieure à PAI- 
lemagne, où l’on boit deux fois plus d'alcool. En 
France, où l'alcoolisme augmente, la tuberculose 
diminue depuis 1895. Enfin le pays qui consomme 
le moins d'alcool, la Russie, offre la mortalilé la 
plus élevée par tuberculose. Etpour apprécier l'im- 
portance de cette constatation, n'oublions pas que 
l'alcoolisme proprement dit n'existe pas en Russie, 
où il est remplacé par l'ivrognerie, et que ce qu'on 
« boit» dans ce pays, c’est le (hé, quand ce n’est pas 


12 Paisoucer et MarutEu, loc. cit. 
3 Focurer : L'alcoolisme avant la loi pénale. Paris, 1900. 


R. ROMME — LA TUBERCU 


LOSE EN FRANCE 


l'eau. Autrement dit, la misère, bien connue, des 


populations ouvrières et rurales de la Russie fait 
à elle seule « le lit de la tuberculose ». 


Les contradictions qui résultent de l'opposition 
de la « statistique-tuberculose » à la «statistique-« 
alcoolisme » n'ont pas échappé à M. De Lavarenne; 


mais l'explication qu'il en donne n’est pas toujours 


à l'abri de toute critique. Il admet que l’augmen-« 


tation de la tuberculose en Norvège, le seul pays, 


avec la Suède, dans lequel l'alcoolisme a considé-m 


rablement diminué depuis une vingtaine d'années, 
s'explique par deux faits : par la date relativement 
récente des statistiques de la tuberculose, etparune 
sorte de reprise de l’alcoolisation avec des bières et 
des vins fabriqués à Hambourg. C’est très possible; 


mais il est encore possible que les conditions éco- 


nomiques aient changé dans un sens défavorable, 
fait sur lequel nous ne possédons aucun renseigne- 
ment. Pour expliquer le cas de la Belgique, M. De 
Lavarenne fait intervenir « l'augmentation considé- 


rable du bien-être produit par le développement 


des œuvres d'association, dont le bien produit 
dépasse assurément ce que l'acoolisme a pu faire 


de mal ». Or il suffit de consulter les statistiques À 


relatives au salaire, à la durée du travail, au nombre 
d'enfants et de personnes employées dans l’indus- 
trie, etc., pour constater que toutes ces conditions, 
par lesquelles se mesure le degré de bien-être de 
l'ouvrier, ont à peine changé depuis une dizaine 
d'années, en tous cas pas au point d’influencer d'une 


“facon si remarquable la mortalité par tuberculose. 
Il est facile de s’en convaincre en jetant un coup 


d'œil sur le tableau VI", dans lequel se trouvent 
consignées, pour la ville de Liége, les variations du 
salaire depuis 1870 : 


— Variations du salaire des ouvriers à 
Liège depuis 1870. 


TaBzeau VI. 


1870-1878 | 1879-1887 


| DÉSIGNATION 


1888-1896 


h 


RO 9 0 GO É9 re En OS de 7 


| Charpentiers. . . 

| Ebénistes . . 

| Compositeurs d'i imprimerie. c 
| Mouleurs . . : CAD 
Fargerons a ŒnNn 
Mécaniciens . 5 1 

| Plombiers. . . . 

Macons (pierre : 

| Peintres en bâtiments . 
Manouvriers. 


2:38! 


HE =) CO de © 
So © 


Nous avons cité un nombre suffisamment grand 
de faits prouvant le rôle important, sinon prépon- 
dérant, de l'alcoolisme dans la genèse de la tuber- 
culose. Les considérations développées en dernier 
lieu tendent seulement à accentuer l'impossibilité 


! Bulletin de l'Office du Travail, 1898, n° 12, p. 964. 


di à 


R. ROMME — LA TUBERCULOSE EN FRANCE 517 


les autres facteurs, qui tous, et au même litre que 
Jalcoolisme, créent un terrain favorable à l’ense- 


“lose, en favorisant la misère physiologique et la 
“déchéance de l'organisme. 


III. — LA TUBERCULOSE DANS LES COLLECTIVITÉS. 


. Une série de Rapports, que nous allons analyser 
aintenant, nous fait connaître la fréquence et 
Hextension de la tuberculose dans diverses collec- 
tivilés telles que l'armée, la marine, les asiles, les 
prisons, etc. Les faits qu'ils signalent sont intéres - 
sants à connaître ; il est seulement regrettable que 
“dans un certain nombre de Rapports nous ne trou- 
ions pas d'éléments de comparaison permettant 
de mieux juger la question et d’en dégager les 
points saillants. 


$ |. — L'armée. 


Ce qui frappe d'emblée quand on étudie la 
uberculose dans l'armée française’, c’est la diffé- 
rence entre la mortalité générale et la mortalité 
par tuberculose. La première décroit d'une façon 
presque régulière depuis un quart de siècle, si bien 
que, de 10,5 pour 1.000 hommes d'effectif, en 1875, 
“elle tombe à 4,41 en 1898, ce qui nous donne une 

diminution de près de 60 °/,. La seconde, au con- 
F raire, augmente régulièrement, bien que cette 

augmentation soit relativement peu élevée. La 
statistique qu'apporte M. Letulle, et qui indique les 


Japceau VII. — Pertes de l'armée par tuberculose 
j de 1888 à 1898. 


} RÉFORMES DÉCÈS Hors 
ANNÉES À 2 des pertes 

1888 4,30 1,18 5,48 
1889 4,9% 1,05 5,99 
1890 5,10 1,08 6,18 
1891 6,10 1,33 1243 
1892. . 6,35 1,04 1,59 
1893 . 6,33 0,9% 1,21 
41894 . 6,55 1,01 1,56 
1895 . 8,34 4,1% 9,48 
1896 . 1,34 0,9% 8,28 
1897 . 1,84 0,95 8,19 
1898 . TiAE) Ü,88 8,01 


retraites et réformes 
“irès nettement. 

Cette statistique accuse bien une diminution du 
nombre de décès par tuberculose, mais elle montre 
aussi une augmentation relativement bien plus 


de 1888 à 1898, le montre 


… ©: M. Leruice : La tuberculose dans l'armée francaise, 
Loc. cit. p. 154. 


REVUE GÉNÉRALE DES SCIENCES, 1901 


accentuée du nombre de réformes. Celte augmen- 
talion peut s'expliquer soit par la fréquence de plus 
en plus grande de la tuberculose dans la popula- 
tion civile, soit par la rigueur avec laquelle le ser- 
vice de santé élimine, dès qu'il peut, toutes les 
recrues susceptibles de se tuberculiser, afin de pré- 
server ses effectifs sains. 

Si nous nous rapportons à une statistique publiée 


Tagceau_ VIII. — Pertes par tuberculose dans les 
diverses armées, 


DÉCÈS TOTAL DES PERTES 
ARMÉES pour (décès, réformes) 
1000 hommes |pour 1000 hommes 


Francaise (1886-89) . 1,2 
Allemande (1882-84). . 0,7 
Autrichienne (1878-87). LT 
Italienne (1881). . 0,8 
Espagnole (1886) . 2] 
Anglaise (1879-84). . 254 
Russe (1880-84) . 0,8 
Belge (1837-88) . 0,9 


par M. Kovatcheff!, nous constatons qu'au point de 
vue des pertes (décès, retraites, réformes) par tuber- 
culose, l'armée francaise est relativement mieux 
partagée que les armées d’autres grandes nations. 

Ces chiffres ne doivent pourtant être acceptés 
qu'avec réserve pour ce qui est de la situation 
respective des différentes armées à l'heure actuelle, 
car les données de cette statistique sont vieilles de 
dix ans, et c'est de cette époque que datent les 
diverses mesures qui ont amélioré l’état sanitaire 
de l’armée. Ajoutons que la diminution progressive 
du nombre de décès par tuberculose qu'accuse la 
statistique de l’armée française existe aussi dans 
l’armée allemande. Les chiffres cités par M. Schjer- 
ning? dans son Rapport au Congrès de Berlin, mon- 
trent notamment que la mortalité par tuberculose 
dans l'armée allemande est tombée de 0,63 °/,, en 
1883 à 0,36 en 1892, et à 0,2%en 1897. 

Plus intéressante est la question de la mortalité 
comparée par tuberculose dans l'armée et la popu- 
lation civile. M. Kovatchef, qui l'aborde dans son 
travail, cite une statistique de Marvaud, statistique 
ancienne, qui donne, pour plusieurs pays et villes, 
la mortalité par tuberculose pour 1.000 individus 
âgés de vingt à vingt-cinq ans. En la comparant à 
la statistique de l’armée, il arrive à conclure que le 
rapport entre la mortalité par tuberculose dans 
l’armée et dans la population civile, est comme 5 à 
3, c'est-à-dire que, pour le même groupe d'âge, la 
tuberculose fait presque deux fois plus de victimes 


1S. Kovarcaere : Contribution à l'étude de la luberculose 
pulmonaire dans les armées. Thèse de Nancy, 1900. 

2 ScHERNING : Die Tuberculose in der Armce, Bericht über 
den Kongress zur Bekampfung der Tuberkulose, p. 93. 


le 


518 


R. ROMME — LA TUBERCULOSE EN FRANCE 


dans l'armée que dans la population civile. 

Mais il faut dire que celte évaluation n’est qu'ap- 
proximative. En effet, dans la statistique de l'armée 
nous avons à compter non seulement avec la mor- 
talité proprement dite, qui est très faible, mais 
encore avec les réformés dont le plus grand nom- 
bre est faltalement voué à la mort, d'autant que la 
plupart d'entre eux, rendus à la vie civile, se trou- 
vent en face de conditions hygiéniques nullement 
propices à la guérison de leur tuberculose. En 
tablant sur les chiffres de la rubrique : « Pertes 
totales », on peut donc évaluer à 5 ou 6 °/,, la mor- 
talité par tuberculose chez les jeunes gens passant 
par l'armée. Si nous comparons cette mortalité à 
celle de la population civile dans le groupe d’âge 
de vingt à vingt-cinq ou trente ans, nous trouvons 
pour celle-ci, dans le Rapport, déjà cité, de M. Küh- 
ler’, les chiffres suivants : 


Tagceau IX. — Mortalité par tuberculose dans la 
population civile de 20 à 30 ans. 


MORTALITÉ 
par tuberculose 
pour 1000 hab. 


Angleterre (1891-95). . .| 20 à 25 ans 


1,88 
2:50 
3,39 
2,10 


2 #9 
2,52 


Prusse (1896) . 20 à 30 
Bavière (1894-97) . R2UNa 
Saxe (1894-97) 20 à 30 
Italie 1897). . 20 à 30 


Tout approximatif el incomplet que soit notre 
calcul, il n'en permet pas moins de dire que la mor- 
talité par tuberculose est plus élevée chez les indi- 
vidus passant par l’armée que dans la population 
civile. Parmi les causes qui expliquent ce fait, on 
peut citer le surmenage de l'éducation militaire, 
faisant éclore les tuberculoses jusqu'alors latentes, 
les maladies infectieuses agissant dans le mème 
sens, l'alimentation plutôt insuffisante, l'encom- 
brement relatif, la facilité plus grande de contagion 
qu'on trouve dans toutes les agglomérations, l'hy- 
giène générale défectueuse, etc. 


$ 2. — La marine de l'État. 


Le Rapport de M. Vincent® nous montre que la 
profession du marin est une de celles qui paient 
le tribut le plus lourd à la tuberculose. Malgré la 
rigueur de l'examen médical auquel sont soumis 
les futurs matelots, malgré la visite minutieuse des 
hommes au moment de la formation d’un équipage 
pour un bâtiment entrant en armement, la tuber- 
culose n’en sévit pas moins dans la flotte. La sta- 


! Kouzen : Allgemeines über die Ausbreilung.…., ete. 
2 JL, Vincenr : La tuberculose dans la marine de l'Etat, 
La propagation de la tuberculose, p. 173. 


tistique de l'Hôpital maritime de Brest, par exemple, 
donne, pour la période de 1888 à 1897, sur un tota 
de 1.119 morts, 501 décès par tuberculose, soit une 
proportion de 46,8 °/,. Si l’on prend la statistique 
de cinq hôpitaux maritimes (Brest, Cherbourg, 
Lorient, Rochefort, Toulon), on trouve, pour cent 
décès de causes diverses, 35,5 décès par tubereu: 
lose en 1898 et 35,1 en 1899. En 1898, avec um 
effectif de 44.344 marins, la flotte française a perdu 
un total de 2.176 hommes, et sur ce nombre là 
tuberculose entre pour un chiffre de 635 hommes 
(réformes, pensions de retraite, décès), soit 29 v} 
des pertes générales. 
Les décès par tuberculose varient suivant les: 
professions. Ce sont les gabiers, les mécaniciens: 
et les chauffeurs qui sont les plus éprouvés : sur 
100 décès par tuberculose, ils en fournissait 410 
à 11. Leurs conditions de vie et de travail expli 
quent du reste cette mortalité élevée. Les gabiers; 
par exemple, sont exposés à toutes les intempéries. 
du mauvais temps, et contribuent au dur service 
des embarcations. Les mécaniciens et les chauf 
feurs sont obligés, de par leur service, de séjourner 
dans des compartiments mal aérés et surchauffés, 
dans lesquels la température monte à 40°, voire 
même à 50 et 55°, où ils s’usent et s'anémient rapi 
dement. Cette étiologie professionnelle apparait 
encore plus clairement dans une statistique de 
Vincent ei Burot, que cite M. Kovatcheff', et d'oùil 
résulte qu'à Brest la tuberculose entre pour 53,2°/ 
des décès chez les matelots, pour 23,1 °/, chez les 
quartiers-maitres, pour 18,5 °/, chez les premiers, 
et deuxièmes-maitres. 
Pour ce qui est de la tuberculose dans la marine 
étrangère, nous trouvons, dans le travail de M. Ko= 
vatcheff, les indications suivantes : 
En Italie, la mortalité par tuberculose pendanb 
la durée du service a été en moyenne, de 1893 
1897, de 2,20 °/,,; la proportion des conscrits éli= 
minés au moment de la visite a été de 4,10 2}. 
y à donc proportionnellement plus de tuberculeux 
parmi les hommes en activité de service que parm 
les conscrits. Dans la flotte allemande, on compte 
sur 100 décès, 2? par tuberculose. En Russie, 1& 
tuberculose donne une proportion de 2 °/,, pour les 
décès et de 1,4°/,, pour les réformes, et cette pros 
porlion se retrouve presque identique dans la 
marine néerlandaise. C'est dans la marine anglaise 
que la tuberculose fait le moins de victimes : sun 
un effectif de 68.000 officiers et matelots, on ne 
compte en moyenne que 50 à 55 cas de tubercu 
lose. 
Ces faits, peu connus du public, méritaient 
crovons-nous, d'être cilés ici. 


18, Kovarcuerr : Thèse de Nancy, 1900. 


R. ROMME — LA TUBERCULOSE EN FRANCE 


»19 


J S“3: — Etablissements pénitentiaires et personnel; 
gardiens de la paix de Paris. 


. Il résulte d'une statistique établie par M. Brouar- 
“del! que la mortalité moyenne par tuberculose, 
“depuis cinq ans (1894-1898), dans 87 prisons, a été 
“en moyenne de 43,7 °/, prisonniers. Celte morta- 
lité est un peu plus élevée que la mortalité moyenne, 
et la différence s'explique quand on sait que la 
population des prisons est composée en très grande 
partie d'individus vivant habituellement dans de 
“mauvaises conditions d'hygiène, et souvent infectés 

de tuberculose au moment de leur entrée dans une 
prison. La prison ne semble donc pas aggraver 
leur tuberculose, et ce qui vient à l'appui de cette 
“proposilion, c’est que, lorsqu'on classe les dépar- 
tements et les prisons par ordre de mortalité tuber- 
‘culeuse, on constate qu'aux départements à forte 
mortalité tuberculeuse correspond une proportion 
“élevée de mortalité tuberculeuse dans les prisons. 
Le personnel des prisons n'est pas non plus très 
“éprouvé par la tuberculose : elle est de 31,2 °. 
La situation est tout autre dans les maisons 
centrales, les pénitentiaires, les colonies agricoles. 
Ici nous trouvons une mortalité par tuberculose de 
“115,3 409, presque trois fois supérieure à la mor- 
“talité moyenne et à la mortalité dans les prisons, 
“fait que M. Brouardel est disposé à altribuer à 
“l'insuffisance de la nourriture, à une hygiène 
“défectueuse des aleliers. Quant au personnel, il 
offre une mortalité par tuberculose de 19,5 °/,50, 
c'est à dire une mortalité sensiblement inférieure 
… à la moyenne. 

Ce fait est d'aulant plus curieux à noter, qu'à 
Paris, chez les gardiens de la paix, M. Landouzy* 
“à lrouvé qu'en moyenne on compte, sur 100 cas de 
mort, 49 par tuberculose. Le taux de la mortalité 
par tuberculose n’est pourtant chez les gardiens 
“de la paix que de 38,4 2, chiffre analogue à celui 
du personnel des prisons. Mais, suivant la juste 
remarque de M. Landouzy, il ne faut pas oublier 
que le recrutement des gardiensde la paix comporte 
“un examen médical très rigoureux des candidats. 
Le chiffre relativement élevé de la mortalité tuber- 
“culeuse tient donc dans cette corporation à des 
conditions particulières de profession. 


$ 4. — Asiles d’aliénés ; enfants assistés. 


…— L'étude de la tuberculose dans les asiles d’alié- 
nés à révélé à M. Brouardel* des faits tout à fait 


- : P. Brouanoez : Mortalité par tuberculose dans les établis- 
Sements pénitentiaires, Loc. cit. p. 187 et 408. 

? L. Lanouzy : Mortalité par tuberculose des gardiens de 
à. Paix de Paris, Loc. cit. p. 197. 
… ‘ P. Brouarvez : Mortalité par tuberculose dans les asiles 
…d'aliénés de France (1891-1898), p. 148 et 396. 


” 


divers asiles, on trouve pour la tuberculose une 
mortalité de 117,1 °,,,,, c'est à dire une mortalité 
trois fois supérieure à la moyenne. Mais, si l'on 
divise le nombre des asiles en trois groupes, on 
trouve que la mortalité par tuberculose y oscille 
entre 48,3 et 196,7 °,,.,. Certains asiles, comme 
celui de Cadillac (Gironde), ou de Morlaix (Finis- 
tère), perdent annuellement par tuberculose plus 
de 500 sur 10.000, tandis que d'autres, non moins 
peuplés, n'en perdent que 30: M. Brouardel est 
donc amené à se demander si, dans les asiles à 
mortalité luberculeuse élevée, la nourriture est 
suffisante et les mesures élémentaires d'hygiène 
bien prises et observées. L'enquête qu'il exige est 
d'autant plusnécessaire que, dans les asiles privés, 
d'après une statistique portant sur 716maisons avec 
une populalion moyenne de 4.261 aliénés, la mor- 
lalité par tuberculose n’est que de 39,9 °/,,,, pro- 


TagLEau X. — Mortalité par tuberculose des enfants 
assistés. 


POUR 

POUR D 

10.000 enfants 
assistés 


10.000 habitants | 


portion analogue à celle de la mortalité moyenne 
par tuberculose en France. 

La mortalité par tuberculose chez les enfants 
assislés et moralement abandonnés' n'est pas 
la même chez les garcons (66.312) et les filles 
(58.083) : elle est de 20,2 °/,,, chez les premiers, et 
de 25,4°/,% chez les secondes. Si, comme l'a fait 
M. Brouardel, on divise les départements en quatre 
groupes par ordre de mortalité décroissante, et si 
on compare la mortalité tuberculeuse des enfants 
résidant dans ces départements, on trouve les 
chiffres du tableau X. 

Ils montrent que la mortalité tuberculeuse propre 
du département n'exerce pas d'influence prépondé- 
rante sur la mortalité luberculeuse des enfants 
assistés. Ajoutons que, chez les enfants soumis à la 
surveillance de l'Assistance publique de Paris, la 
mortalité par tuberculose est seulement de 
19,8 °/ chez les garçons et de 17,2 ©}, chez les 
filles. 

Il est intéressant de comparer cette mortalité à 
celle que fournissent, dans chaque pays, les groupes 
d'âge correspondant à ceux des enfants assistés. 


4 p. Brovarwez : Mortalité par tuberculose des enfants 
assistés et moralement abandonnés, Loc eil. p. 151 et 397 


R. ROMME — LA TUBERCULOSE EN FRANCE 


Sinous prenons les statistiques citées par Kühler ‘, 
nous trouvons les chiffres du Tableau XI ci-dessous : 


Tagzeau XI. — Mortalité infantile par tuberculose 
dans les divers pays. 


MORTALITÉ 
par tuberculose 
pour 10.000 hab. 


Angleterre . 
Prusse . 
Bavière. . 
Saxe 


Belgique . 
Italie. 


= 
Do OC SE N 


DVUUSIDEUS 


12 


Pour Paris, M. Brouardel? nous indique les 
chiffres suivants : 
0 à 1 an mortalité par tuberculose de 73,3 0/60 
À à 4 ans — — — 63,9 — 
5 à 9 ans — _— — 18,1 — 
10 à 14 ans — — — 12,2 — 


So. — Mines de charbon et chemins de fer. 


Le Rapport de M. Dislère* est bien fait pour 
montrer quelles difficullés on rencontre quand il 
s'agit d'interpréter les statistiques et d'en tirer, 
non pas une conclusion, mais même une simple 
indication. Sur 54.000 ouvriers employés dans les 
mines de charbon des bassins du Nord et du Pas- 
de-Calais, M. Dislère a trouvé une mortalité 
moyenne par tuberculose de 21 ‘/,,. Mais, ce qui 
rend immédiatement suspect ce chiffre, c'est que 
cette moyenne est établie avec des chiffres dont les 
extrêmes sont 49 (pour Ferfay) et 5 (pour Anzin); 
et, si on laisse de côté ces deux chiffres extrêmes, 
on trouve encore, comme mortalité moyenne par 
tuberculose, le chiffre de 24 0/,,,. Un autre fait non 
moins curieux, c'est que, chez les femmes el les 
enfants de ces mineurs, la mortalité par tuber- 
culose s'élève déjà à 58 °/,,,. plus du double. 

Un fait sur lequel M. Dislère insiste, c'est que la 
fréquence de plus en plus grande de la tubercu- 
lose chez les mineurs — qui passaient pour être 
presque réfractaires à l'infection tuberculeuse — 
coïncide avec le développement de l'alcoolisme 
dans les centres miniers. 

L'enquête sur la fréquence de la tuberculose dans 
le personnel des chemins de fer, entreprise par 
MM. Galippe et Letulle‘, n'a pu aboulir, pour la 


1? Loc. cit. 
2 Loc. cit., p. 393. 
# P. Disière : Note sur la mortalité par tuberculose dans 


le personnel ouvrier des mines de charbon, Loc. ci. p. 283. 
! Gauirpe et M. Lerure : La prophylaxie de la tubercu- 
lose dans les chemins de fer, p. 209. 


seule raison qu'aucune de ces administrations, à 
l'exception du Nord, n’a pu fournir des éléments 
nécessaires à une telle statistique. Celle de la Com= 
pagnie du Nord, fort rudimentaire du reste, et qui 
ne dale que de 1896, donne pour 41.800 employés 
(en 1898) une morbidité par tuberculose de 7 M 
pour 1.000. En 1896 et 1897, cette morbidité étails 
respectivement de 7,75 et de 6,4 pour 4.000. 


IV. — MESURES PROPIYLACTIQUES PROPOSÉES. 


Les mesures que la Commission propose d'Oppo= 
ser en France au flot montant de la tuberculose sont 
de deux ordres. Les unes sont générales, et peuvent 
se résumer par ce mot: « guerre aux crachats ». 
Faire à ce point de vue l'éducation du public par” 
une propagande active au moyen des conférences, 
des brochures, des tracts, ete., eic., dans les collec=« 
tivités de l'Etat (armée, marine, administrations, « 
écoles, asiles, etc.), ainsi que dans les collectivités 
privées (établissements de crédit, théâtres, biblio- 
thèques, communautés religieuses, fabriques, voi- 
tures publiques, etc., etc.), prescrire la défense 
absolue de cracher à terre, multiplier les crachoirs 
hygiéniques à 1 mètre du sol, exiger le balayage 
humide des parquets, faire d'une façon particulière 
l'éducation antituberculeuse du personnel, intro- 
duire l’enseignement antituberculeux dans les 
écoles, ete. etc. Telles sont les mesures qui, suivant 
la Commission, peuvent être prises du jour au 
lendemain et dont l'efficacité contre la propagation 
de la tuberculose est indiscutable, d’après tout ce 
que nous savons sur le rôle de la contagion par les 
crachats desséchés. 

Comme mesure curative, la Commission réclame 
la création des sanatoria. Nos lecteurs connaisseut 
certainement l’organisation et le fonctionnement - 
de cesétablissements, etnous n'avons pas à insister 
là-dessus. Mais en attendant que nous en ayons, —" 
et tout porte à croire que nous n'en aurons pas de. 
silôt, — que faire des luberculeux qui encombrent 
nos hôpilaux, où non seulement ils ne trouvent 
aucune des conditions nécessaires à leur guérison, 
mais contaminent encore leurs voisins de lit? 

$ 1. — Pavillons d'isolement pour tuberculeux. \ 

La Commission spéciale ‘nommée pour étudier ce 
point a pensé qu'on pouvait dès maintenant, à Paris 
du moins, créer, dans quelques-uns des hôpitaux 
existants, des pavillons d'isolement pour tubercu= 
leux. Ceux-ci trouveront, dans les pavillons spécia=« 
lement aménagés, les éléments nécessaires à leur 
guérison, el les malades soignés dans les hôpitaux, 


!J. Graxoner et Tnomor : Rapport de la Commission de 
la Tuberculose. p. 127. 


BR. ROMME‘— LA TUBERCULOSE EN FRANCE 521 


énéraux seront ainsi mis à l'abri de la contami- 
mation tuberculeuse. 
Ces pavillons comportent naturellement une 
organisalion spéciale. Suivant M. Letulle', un 
service d'isolement pour tuberculeux doit se rap- 
procher autant que possible du sanalorium-lype, 
“conslituer une sorte de demi-sanalorium dans 
lequel « tout luberculeux hospitalisé, à quelque 
période de la bacillose pulmonaire que ce soit, 
“doit être jusqu'à la fin répulé curable et traité 
… comme tel ». 
«… En règle générale, un service pour tuberculeux 
ne doit pas contenir plus de 60 à 80 lits. Pas de 
grandes salles, où les infections et contaminations 
secondaires sont toujours possibles, mais de petites 
“chambres à 2, 3 ou 4 lits, chambres vitrées dont 
la surveillance est facile ; puis, quelques chambres 
dites d'isolement, à un seul lit, pour les moribonds, 
les conlagieux accidentels (érysipèle, fièvre ty- 
phoïde, etc.). L'installation et l'aménagement géné- 
ral doivent répondre aux exigences de la cure 
anlituberculeuse : cubage d’air abondant (40 mètres 
“cubes par lit, au minimum), aération parfaite (ven- 
tilation, fenêtres à triples châssis), chauffage hygié- 
nique, lavabos, water-closets aérés, chauftés, hygié- 
niques et commodes, bains et douches à proximité 
… du service. 
La triple base de la cure antituberculeuse : le 
repos, l'alimentation et la cure d'air, sera orga- 
| -nisce de la même façon que dans un sanalorium 
type, et il en sera de même de la discipline pour 
ce qui est, avant tout, du crachat : « la guerre au cra- 
- chat». La cure d'air, forcément incomplète et insuf- 
…. fisante dans une ville, sera réalisée au moyen des 
. galeries-vérandas avec leurs chaises-longues, sun- 
- box, etc. En ce qui concerne l'alimentation de ces 
tuberculeux, il faudra régler d’une façon spéciale 
la quantité et la variété des plats, les heures et le 
nombre des repas, etc., bref prendre la contre-par- 
tie du règlement actuellement en vigueur dans la 
plupart des hôpitaux en France. 

Les services d'isolement pour tuberculeux, tels 
- que M. Letulle les voudrait, constituent certai- 
nement un progrès. Une fois créés, ils auraient 
- pour résultat de mettre à l'abri de la contamination 
* tuberculeuse les malades quientrentdans un hôpital 
- général ponr une affection non bacillaire ; ils offri- 
 raient encore l'avantage de fournir aux tuberculeux, 
je ne dis pas le confort, mais les conditions parli- 
…. culières d'hygiène impérieusement exigées par la 
. nature même de leur maladie. Mais, demi-sanatoria, 
ils constiluent aussi une demi-mesure, un pis-aller. 
… En l'absence de sanatoria, ces services d'isolement 


. 4 M. Lerurre : Organisation d'un service hospitalier en 
— vue de l'isolement et de la cure de la phtisie pulmonaire, 
M 1oC. cit., p. 312. 


seront rapidement envahis par les tuberculeux 
avancés et incurables, au préjudice des tuberculeux 
du premier degré qui, à la rigueur, pourraient 
retirer quelque bénéfice du séjour dans ce demi- 
sanatorium urbain. En second lieu, il est à craindre 
que la promiscuilé inévitable entre les tuberculeux 
avancés et les tuberculeux encore curables n’exerce 
sur ceux-ci une action déprimante, capable de 
diminuer grandement les chances de guérison. 
Mais, comme réforme hospitalière, la création des 
services d'isolement est indispensable et urgente. 


$ 2, — Dispensaires pour tuberculeux. 


Un autre projet ayant obtenu les suffrages de la 
Commission est celui de M. Calmette, relatif à la 
création de dispensaires pour tuberculeux, desti- 
nés à suppléer, en partie, aux sanatoria qui nous 
font défaut. 

Partant de cette idée que jamais on n'aura assez 
de sanaloria pour y hospitaliser les tuberculeux 
peu aisés, M. Calmette demande que, dans chaque 
ville et centre important, on crée un nombre suffi- 
sant de dispensaires spéciaux. Leur but serait de 
dépister, d'aller chercher les tuberculeux commen- 
çants de la classe ouvrière, de leur donner les con- 
seils et les soins nécessaires. À côté de ces conseils, 
de ces consultations gratuites, l’organisation que 
comporte le dispensaire distribuera aux malades 
des secours en nature ou en espèces, des vêtements, 
des médicaments, des livres; elle fera l'éducation 
antituberculeuse du malade et de son entourage 
(« guerre au crachat »), fournira les crachoirs, désin- 
fectera, quand il sera besoin, le logement, les vête- 
ments, le linge de corps, donnera, en un mot, 
« toutes les instructions nécessaires pour assurer 
dans les meilleures conditions possibles l'hygiène 
du tuberculeux à domicile, et préserver de la con-. 
tagion ceux qui l'entourent. » La dépense annuelle 
que nécessiteraitle fonctionnement d’un tel dispen- 
saire serait de 60.000 francs environ. 

M. Calmette a parfailement raison de dire qu'avec 
ces dispensaires on aura « la certitude d'obtenir des 
résultats immédiats pour la prophylaxie de la tuber- 
culose dans la classe ouvrière ». Quant à leur uti- 
lité au point de vue du traitement et de la guérison 
des tuberculeux curables, elle est fort contestable. 
En effet, les dispensaires de M. Calmette constituent 
simplement un système perfeclionné, très perfec- 
tionné même, du traitement des tuberculeux à 
domicile. Or, s'il est une vérité, c’est bien celle qui 
consiste à dire qu'un ouvrier tubereuleux ou en 
train de se tuberculiser, ne travaillant plus et 
tombé dans la misère, ne peut pas guérir chez lui, 
où il est forcément condamné au logement encom- 


1 À. CaLETTE : Dispensaires pour tuberculeux, p. 355. 


© 
19 
19 


R. ROMME — LA TUBERCULOSE EN FRANCE 


bré, à l'air perspiré et confiné, à la nourriture 
insuffisante, non seulement comme qualité, mais 
encore comme quantité. Il n'y a pas de dispensaire 
qui puisse changer ces conditions inhérentes à la 
situalion matérielle de l’ouvrier. 

Ces dispensaires seraient par contre d'une utilité 
inconteslable pour le fonctionnement régulier des 
sanatoria. Leur organisation, telle que la comprend 
M. Calmette, en fait de véritables bureaux de recru- 
tement des tuberculeux du premier degré, qui 
seuls peuvent guérir dans les sanatoria et consti- 
tuent la raison d’être de ces établissements coûteux. 
C'est du reste de cette façon que M. Fraenkel !, le 
promoleur de ces dispensaires en Allemague, com- 
prend leur rôle. 

En second lieu, comme le veut M. Calmette, ils 
viendraient en aide à la famille de l’ouvrier hospi- 
talisé, lui trouveraient une occupation en rapport 
avec ses forces au moment de sa sortie du sanato- 
rium, compléteraient enfin très avantageusement le 
rôle social du sanatorium. C'est dire, que si les dis- 
pensaires de M. Calmette ne peuvent remplacer les 
sanatoria, ils en constiuent le complément obliga- 
toire. 

$ 3. — Sanatoria marins. 


L'agitation soulevée ces temps derniers autour 
de la création des sanatoria pour adultes pauvres, 
a laissé un peu dans l'ombre une institution mer- 
veilleuse, les sanatoria marins, dont on ne saurait 
nier l'efficacité dans la lutte contre la tuberculose 
chez les enfants. La Note de M. Bergeron” et le 
Rapport de M. Armaingaud * nous fournissent l'oc- 
casion de dire deux mots de cette institution. 

Un sanatorium marin est, suivant l’heureuse 
définition de M. Armaingaud, « un établissement 
spécial où se guérissent, par un séjour prolongé 
dans l’atmosphère marine, aidée ou non de la bal- 
néation, les enfants entachés de lymphatisme, de 
rachitisme, de faiblesse de constitution, et enfin 
les petits scrofuleux ». La clientèle de ces établis- 
sements se recrutant parmi les candidats à la tu- 
berculose, il n'est que juste de considérer les 
sanatoria marins comme un excellent moyen de 
lutte contre la tuberculose. 

Nous avons, à l'heure actuelle, échelonnés le 
long de nos côtes, quatorze sanatoria marins dans 
lesquels sont soignés près de 2.000 enfants par 
année, en y ajoulant les pelits malades placés chez 
des paysans, sur les différents points du littoral. 
Dans la plupart de ces sanatoria, les enfants ma- 


1 B. FRAENKEL : Polikliniken fur Lungenkranke. Zeitsch. 
[. Tuberkul. und Heilstältenwesen, 1901, vol. II. 

?J. BerGeron : Note sur les sanatoriums marins, loc. cil., 
p. 320. 

* ARMAINGAUD : Sur le rôle des sanatoriums marins dans 
la lutte contre le tuberculose, loc. cit. p. 325. 


. 


i 
£ 
lades sont envoyés et entretenus par les services 
d'assistance départementale ou par les municipa- 
lités des grandes villes et d’un certain nombre de 
communes. Les frais de séjour d'un enfant, jus= 
qu'à sa guérison, peuvent être évalués en moyenne à 
à 700 francs. On peut donc évaluer, très approxie 
mativement, à 1.400.000 francs le coût annuel 
(entretien des malades, intérêts du capital, conser- 
vation du mobilier) de nos quatorze sanatoria. 

Cette dépense n’est certainement pas bien élevée, 
mais elle n'en pèse pas moins sur le budget des 
communes et des départements, si bien que, pour 
la réduire, il arrive souvent que les malades sont 
retirés trop tôt du sanatorium, au détriment de 
son action curalive et surtout au détriment de lan 
durée de la guérison. Or, d'après le calcul de 
M. Armaingaud, ce n'est pas 2.000, mais 12.000 
petits scrofulo-tuberculeux qui devraient, tous les 
ans, être soignés dans ces établissements. La dé- 
pense nécessaire serait done de 8.500.000 franes 
par an. M. Armaingaud, en s'appuyant sur ce fait 
que le mouvement de la bienfaisance privée suit à. 
peu près exactement celui de l'assistance départe- 
mentale et municipale, estime que, pour quintupler 
le nombre des sanatoria, les budgets publics pour- 
raient facilement fournir les 4 millions nécessaires. 
« IL suffit, dit M. Armaingaud, pour se rendre 
compte que cet espoir n’est pas trop ambitieux, 
de considérer qu'il y a en France 36.000 communes, 
et plus de 2.900 chefs-lieux de canton, et quil 
suffit que 2 communes par canton entretiennent 
dans un sanatorium marin un enfant indigent, 
pendant un an, ou 4 communes un enfant pendant 
six mois, ou simplement 8 communes un enfant 
pendant trois mois, au prix moyen de 700 franes 
par année, pour que ce chiffre de 3.800.000 francs 
soit atteint. » 


V. — CONCLUSIONS. 


Pour s'opposer, dans la mesure du possible, à la 
marche envahissante de la tuberculose, la Com- 
mission demande donc deux choses : 1° des me- 
sures d'ordre général que résume la formule : « la 
guerre aux crachats »; et 2 Ja création d’un 
nombre suffisant de sanatoria populaires. Si l’en- 
semble des mesures destinées à empêcher la pro- 
pagation de la tuberculose par les crachats dessé- 
chés est d'une exécution relativement facile, on ne 
saurait en dire autant de la création des sanatoria. 

En l'absence des assurances obligatoires contre 
la maladie et l'invalidité, comme en Allemagne; en 
l'absence des sociétés de secours mutuels nom- 
breuses et puissantes comme en Belgique; en l’ab= 
sence des coopératives socialisles qui, comme le 
Vooruit de Gand, assurent à leurs adhérents une 


R. ROMME — LA TUBERCULOSE EN FRANCE 523 


ans toute leur complexité, les sanatoria. La seule 
essource qui s'offre à ceux qui ne veulent pas 
ester impassibles en face des hécatombes que la 
tuberculose fait tous les ans chez nous, c’est la 
tharilé, la bienfaisance privée. On l'a, en effet, uti- 


bienfaisance seule est incapable de lutter efficace- 
nent contre le mal. 

1 La Commission l'a pensé, et, d'une façon toute 
particulière, elle a attiré l'attention du Gouverne- 


ÿ 


ment sur un projet de MM. Letulle et Roux, relatif 
à la création de caisses d'assurances mutuelles 
contre la maladie, et de compagnies d'assurance 
contre la tuberculose, avec traitement au sanato- 
rium. 

MM. Letulle et Roux voudraient notamment que 
le personnel de l'État et de différentes collectivités 
professionnelless'organisäten assurances mutuelles 
contre la maladie; de leur côté, l'État et les Com- 
pagnies privées faciliteraient, par une participation 
minime et individuelle, ces assurances, qui, en cas 
le maladie, accorderaient au sociétaire une somme 
quotidienne égale à la somme mensuellement 
versée. En versant par exemple 8 francs par mois, 
“le sociétaire toucherait, en cas de maladie, et 
quelle qu'en soit la durée, la somme de 8 franes 
par jour; s'il payait 4 francs par jour au sanato- 
“rium populaire, il lui resterait 4 francs par jour 
pour subvenir aux besoins de sa famille. En ad- 
mettant que l'État, aidé par quelque combinaison 
financière, par vienne à édifier, dans les différentes 
régions de son territoire, des sanatoria populaires, 
le problème du traitement des tuberculeux dans 
ces établissements se trouverait par là résolu. 

Une autre combinaison consisterait à créer une 
“assurance particulière contre la tuberculose. 
MM. Letulle et Roux pensent que, si les Compa- 

 gnies d'assurances édifiaient des sanatoria, en y 
—… organisant la triple cure hygiénique, bon nombre 
d'individus, soit de leur propre mouvement, soit 
aidés par leurs patrons ou directeurs, contracte- 
raient ces assurances pour avoir droit, en cas de 
tuberculose, au traitement dans un sanatorium. 
…_ Une combinaison particulière permettrait même 
de subvenir aux besoins de la famille pendant le 
séjour du malade au sanatorium. 

Ces deux projets, excellents en eux-mêmes et 
très rationnels, ont le défaut d'être en désaccord 
… avec les habitudes du pays. L'assurance mutuelle 


contre la maladie existe chez nous, sous forme de 
sociétés de secours mutuels. Malgré la somme 
modique du versement annuel qui, en 1897, était 
de 23 fr. 95, les 11.335 sociétés de secours mutuels 
qui existaient en France au 31 décembre 1897 ne 
groupaient que 1.539.104 membres participants”, 
dont 250.604 femmes et 61.287 enfants. Si l'on 
songe que les membres de ces sociétés constituent 
l'élite de la classe ouvrière, jouissant d'une cer- 
taine aisance et pouvant, pour cette raison, faire 
acte de prévoyance, il est à craindre que l’assu- 
rance mutuelle contre la maladie, même favorisée 
par l'État et les grandes Compagnies, comme le 
veulent MM. Letulle et Roux, n’englobe jamais, 
tant qu'elle restera facultative, la masse des ou- 
vriers, la masse de ceux parmi lesquels la tubercu- 
lose fait le plus de victimes. On peut en dire autant 
de l'assurance facultative contre la tuberculose, 
sans compter que les Compagnies françaises d'assu- 
rances, avec le peu d'initiative qui les caractérise, 
ne consenliront jamais à se lancer dans une en- 
treprise dont le bénéfice financier ne leur apparai- 
trait pas clairement. 

En admettant même que le principe de l'obli- 
gation, en fait d'assurances, soit impossible en 
France, on pourrait faire une exceplion pour la 
tuberculose qui se présente avec tous les carac- 
tères d'un véritable désastre nalional. C'est à ce 
titre que le projet de loi sur les Caisses de retraites 
qui doit prochainement être discuté à la Chambre, 
présente pour nous un intérêt tout particulier. Le 
projet de la Commission, dont M. Guieysse est rap- 
porteur, est établi sur le modèle de l’assurance 
allemande * contre l'invalidité et la vieillesse, avec 
deux classes desalaires et participation de l'ouvrier 
et du patron à la prime, qui est relativement très 
peu élevée : 5 ou 10 centimes (suivant la taxe du 
salaire) versés par l'ouvrier par chaque jour de tra- 
vail et une somme égale ajoutée par le patron. Ces 
versements doivent fournir une somme de 200 mil- 
lions de francs. Quand ces Caisses d'assurance 
contre l'invalidité verront que la plupart des rentes 
sont payées à des ouvriers tuberculeux, elles feront 
comme les Établissements d'assurance en Allema- 
gne : pour alléger leur budget, elles trouveront un 
bénéfice à construire des sanatoria. 

Il faut, en effet, avoir le courage de regarder les 
choses en face, et d'envisager la situation telle 
qu'elle est. Pour avoir des sanatoria populaires en 
nombre suffisant, il faudra dépenser 200 millions 
de francs pour leur construction et leur installation, 


1 Les Sociétés de secours mutuels pendant l'année 1897. 
Bullet. de l'Office du Travail, 1900, n° 7, p. 691. 

2 R. Rouue : Les assurances ouvrières et la lutte contre 
la tuberculose en Allemagne, Rev. gén. des Sciences, 1899, 
nos 45 et 16 (15 et 30 août). 


D2% 


et un budget annuel de 70 millions de francs pour 
assurer leur fonctionnement. On ne peut raisonna- 
blement demander à la charité et à la bienfai- 
sance, si inépuisables qu'elles soient, de se charger 
d'une œuvre pour laquelle il faudra des millions 
et des millions. Les sociétés de secours mutuels, 
composées en majeure parlie d'ouvriers aisés, de 
contre-maitres, de petits bourgeois, de bouti- 
quiers, elc., ne semblent pas vouloir s'intéresser 


EUGÈNE CHARABOT — L'ÉTAT ACTUEL DE L'INDUSTRIE DES PARFUMS ARTIFICIELS 


<) Préparateur à la Faculté de Médecine de Paris” 


suffisamment aux sanaloria populaires. Le budgeb 
des communes et des départements est déjà forte” 
ment grevé. Dans ces conditions, il faut demander 
au pays un nouvel eflort, le lui imposer, en exi 
geant le vote du projet Guieysse, afin d'arrêter un 
mal en train de miner la nation, de désagréger la 
race et de compromettre l'avenir du pays. 


R. Romme, 


L'ÉTAT 
DE L'INDUSTRIE DES 


Aussitôt que la synthèse chimique eût ouvert 
aux chercheurs de nouveaux horizons, un grand 
nombre d'entre eux dirigèrent leurs efforts en vue 
de la production des matières colorantes artifi- 
cielles, et l’on sait combien fécondes ont été jusqu'à 
ce jour les tentatives, même les plus audacieuses, 
qui ont élé faites dans cette voie. Parmi les pro- 
blèmes à la solution desquels paraissent pouvoir 
conduire les méthodes synthétiques, il en est un 
qui s'offre sous un aspect des plus séduisants : 
nous avons nommé celui qui consiste à reproduire 
de toutes pièces, avec les seules ressources du labo- 
ratoire, le parfum délicat des fleurs. Et, cependant, 
les premiers chimistes qui ont fait application de 
ces méthodes n'ont pas cru devoir envisager cette 
question. Ce n’est, en effet, qu'en 1874 que surgit 
l’industrie des parfums artificiels, industrie qui, 
d'ailleurs, a pour but la transformation de ma- 
Uüères premières extraites des végétaux, plutôt 
que la fabrication de produits odorants par la voie 
purement synthétique. 

Il n'est pas sans intérêt d'essayer de mettre en 
lumière les raisons pour lesquelles une question 
aussi caplivante que celle de la reproduction arti- 
ficielle des matières odorantes fut si longtemps 
délaissée. 

On sait que, pour arriver à reproduire méthodi- 
quement un corps, il est nécessaire d'être fixé 
préalablement sur l’architecture atomique de sa 
molécule. Or, pendant fort longtemps, on ne connut 
rien de précis de l'histoire des composés auxquels 
les fleurs doivent leur parfum si recherché; ces 
composés apparliennent, en effet, à une série de 
corps possédant descaractères spéciaux, dont l'étude 
ne remonte pas à une époque antérieure à ces 
vingt-cinq dernières années. C'est pour cette raison 
déjà que les tentatives failes en vue de la repro- 
duction artificielle des matières odorantes sont de 
date toute récente. Il y en a une autre plus im- 


PARFUMS ARTIFICIELS 


ACTUEL 


portante encore, et qui est de nature à limiter less 
espérances que l’on pourrait fonder sur l'application" 
des méthodes synthétiques dans l'industrie des: 
parfums. Les parfums des fleurs ne sont pas dus. 
généralement à une substance unique, mais bien 
à un ensemble de plusieurs corps judicieusement 
assemblés et réunis en proportions conyenables,;, 
un cerlain nombre d'entre eux, souvent les plus 
exquis, n'existant dans le mélange qu'à des doses 
extrêmement faibles. Songer à préparer industriel: 
lement cet ensemble de corps, dont plusieurs sont 
et resteront longtemps encore inconnus, serait Chose 
téméraire, élant donné que les voies synthétiques 
sont encore trop torlueuses pour conduire à un but 
aussi difficilement accessible. 

Du reste, ainsi que nous l'avons fait remarquer. 
déjà, la plupart des substances odorantes que nous 
aurons à passer en revue dans celte monographie: 
sont, non pas des produits artificiels au vrai sens 
du mot, mais bien des dérivés de substances 
extraites des végétaux. 

Il est arrivé parfois que les chimistes qui ont 
découvert des matières susceptibles d'application 
en parfumerie n’ont nullement apprécié comme il 
convenait les propriélés odorantes de ces malières, 
si bien que plusieurs d’entre elles n’ont été utilisées 
industriellement que bon nombre d'années après. 
leur apparilion dans le domaine chimique. Nous 
cilerons, dans cet ordre d'idées, le terpinéol, dont 
l'odeur rappelle celle du muguet, l’anthranilate de 
méthyle, quel'on rencontre à faible dose dans la fleur 
d'oranger, et mème l'indol qui, envisagé jusqu'ici 
comme une matière nauséabonde, est considéré 
maintenant comme utilisable, mais à des doses 
infiniment faibles, dans l'industrie de la parfu= 
merie. 

Il faut cependant reconnaitre que, dans la voie 
de la production artificielle des parfums, aussi bien 


que dans loutes les autres branches du savoir et 


EUGÈNE CHARABOT — L'ÉTAT ACTUEL DE L'INDUSTRIE DES PARFUMS ARTIFICIELS 525 


F3 
_ | 
de l'activité humaine, ce sont les recherches 
“méthodiquement poursuivies qui ont conduit aux 
“découvertes les plus remarquables. C'est ainsi 
que Tiemann et Krüger ont préparé une substance 
‘à odeur de violette, en voulant reconstituer une 
“molécule analogue à celle de la matière odorante 
de l'iris, préalablement isolée et étudiée au point 
de vue de sa constitution. Un semblable résultat 
est digne d'admiration, et, lorsque l’on pénètre au 
cœur de la question, lorsque l’on mesure le nombre 
et l'étendue des difficultés qu'il a fallu surmonter 
pour l'obtenir, on le trouve plus remarquable 
encore. 

Pour l'ensemble des raisons que nous avons 
énumérées plus haut, la contribution de la Chimie 
‘aux arts qui utilisent les matières odorantes fut, 
jusqu'en 1874, des plus restreintes, et, parmi les 
produits connus doués d'une odeur agréable, fort 
peu avaient antérieurement trouvé leur application 
dans la parfumerie nitrobenzène (essence de 
mirbane ), aldéhyde benzoïque (essence d'amandes 
amères), salicylate de méthyle, et quelques éthers 
de fruits. 


I. — HisroriQUE. 


… L'industrie des parfums artificiels naquit simul- 
“tanément en France et en Allemagne de la belle 
- découverte réalisée en 1874 par Tiemann et Haar- 
mann, et consistant à préparer la vanilline, prin- 
cipe odorant de la vanille, par oxydation de la 
coniférine, découverte en 1861 par Hartig. 
A Grenelle, qui avait été Le berceau de l’industrie 
chimique en France, fut fondée l'usine de Laire 
et Ci®, par M. Georges de Laire, dont le nom se 
trouvait déjà inscrit dans l'histoire des matières 
| colorantes. Dans cette usine furent exploités et le 
brevet français Haarmann pour la préparation de 
. la vanilline en partant de la coniférine, et le brevet 
français Reimer, pour la production d'aldéhydes 
aromatiques par l’action du chloroforme et des 
alcalis sur les phénols. Mais la vanilline ne devint 
un produit réellement industriel que le jour 
. (48 mars 1876) où M. de Laire prit un brevet pour 
préparer ce corps en partant de l’eugénol extrait 
de l’essence de girofle. 

Tandis que se fondait en France la Société de 
Laire et C°, une usine était construite à Holz- 
minden pour exploiter la découverte que venaient 
de faire également Tiemann et Haarmann, et deve- 
nait plus tard la propriélé de la Société Haarmann 
et Reimer. Nous verrons ensuite les deux Sociétés 
de Laire et C° d'une part, Haarmann et Reimer 
d'autre part, continuer à exploiter industriellement 
les découvertes de Tiemann et de ses collabo- 
rateurs. 

Bientôt d'aulres fabrications vinrent se grouper 


autour de celle de la vanilline, fournissant égale- 
ment des produits utilisables dans la parfumerie: 
telles furent celles de la coumarine, substance iso- 
lée, dès 1825, de la fève tonka et reproduile par 
W.-H. Perkin au milieu du xIx° siècle ; de l'hélio- 
tropine, préparée artificiellement dès 1869 par 
R. Fittig et H. Mielck; de l’aldéhyde anisique. 

Ce n'est qu'à la fin de 1888 que le terpinéol, 
connu cependant depuis fort longtemps, fit son 
apparilion dans le commerce sous le nom de 
muguet. L'année 14889 marqua la découverte du 
muse artificiel Baur. 

Depuis cette époque, l'industrie des parfums arti- 
ficiels a acquis une importance toujours croissante 
parmi les autres industries chimiques, à cause de 
l'influence profonde qu'elle n'a cessé d’exercer sur 
l’évolution de la chimie des terpènes. 

En 1890, la Société de Laire et Ci° modifiait de la 
facon la plus heureuse les conditions de la produc- 
tion artificielle de la vanilline en préparant ce corps, 
non-plus directement au moyen de l’eugénol, mais 
en passant par l'intermédiaire de l'acétyleugénol. 
Enfin, en 1893, après une série de beaux travaux 
qui ont éclairé de mille lumières nouvelles les phé- 
nomènes touchant à la chimie des terpènes, Tie- 
mann el Krüger découvraient l'ionone, substance 
à odeur de violelle. 

Entre lemps, on vit des maisons anciennes et 
puissantes monter, elles aussi, la fabrication des 
parfums artificiels appartenant au domaine public, 
ou bien prendre des brevets pour proléger des 
méthodes nouvelles de préparation. 

La coumarine et l’héliotropine furent fabriquées 
en grand par la Sociélé chimique des Usines du 
Rhône (Lyon), MM. Schimmel et C!° (Leipzig), la 
Société anglo-française des Parfums perfectionnés 
(Courbevoie), MM. Bæhringer et Sæhne (Waldhof), 
de Haën (Hanovre), Heine et C'° (Leipzig), von Hey-. 
den Nachfolger (Dresde), Merck (Darmstadt), Riedel 
(Berlin), etc. Il en fut de même pour le terpinéol, 
l’aldéhyde anisique, ainsi que pour d'autres pro- 
duits encore. 

Des brevets furent pris, notamment par M. P. 
Monnet et par MM. Heine et C'°, pour la préparation 
des succédanés de l'essence de rose, qu'on lança 
dans le commerce sous des noms divers (rhodinol, 
réuniol, etc.). 

Le marché de la vanilline fut sensiblement mo- 
difié, non seulement par les nouveaux brevets de 
Laire, mais encore par suite de l'emploi de l'ozone 
comme agent d'oxydation directe de l'eugénol et de 
l'isoeugénol (brevels Otto et Verley, 1895), ainsi 
que par les brevets de la Sociélé chimique des 
Usines du Rhône, permettant de préparer la vanil- 
line au moyen de l'aldéhyde protocatéchique. 

Plusieurs fabricants, en France et en Allemagne, 


520 


ont également consacré tous leurs soins à l'extrac- 
tion de cerlains principes contenus dans les huiles 
essentielles, et cela pour des raisons très diverses : 
raison de solubilité s’il s'agit de produits employés 
pour la fabrication des liqueurs; raison d'activité 
thérapeutique s'il s'agit de substances pour l'usage 
pharmaceutique, etc. 

Après ce coup d'œil rapide jeté sur le passé de 
l'industrie des parfums artificiels, nous allons étu- 
dier : 1° quelques substances à composition définie, 
extraites des huiles essentielles ; 2° les principales 
matières odorantes obtenues, soit de toutes pièces, 
soit par transformalion de certains produits d'ori- 
gine végélale. 

Pour apporter quelque méthode à notre exposé, 
nous grouperons d’après leurs fonctions chimiques 
les différents corps que nous aurons à passer en 
revue. 


Il. — PRINCIPES A COMPOSITION DÉFINIE EXTRAITS DES 
HUILES ESSENTIELLES. 


Ces principes ne sont généralement pas employés 
directement en parfumerie. Les uns trouvent des 
débouchés dans les industries de la distillerie et 
des produits pharmaceutiques; les autres, que nous 
étudierons plus spécialement, servent de matières 
premières pour la préparation de parfums arti- 
ficiels. 

Les corps dont nous aurons à nous occuper dans 
celte première partie peuvent être groupés de la 
façon suivante : 1° des a/cools (linalol et menthol); 
2° des phénols (thymol et eugénol) et des éthers de 
phénols (anéthol et safrol) ; 3° une a/déhyde (citral) ; 
4° une célone (irone). 


$S 1. — Alcools. 


M. Haller a proposé, pour isoler les alcools 
terpéniques à l’état de pureté, l’élégante méthode 
que voici : On combine une molécule de l'alcool à 
extraire avec une molécule d'un acide bibasique de 
façon à obtenir l’éther acide correspondant. Celui- 
ci se dissout alors dans les alcalis, tandis que les 
autres composés (erpéniques sont insolubles. On le 
sépare donc facilement d'avec ces derniers. Il suffit 
ensuite de le précipiter de sa solution, et de le 
saponifier. 

Les détails opératoires varient évidemment selon 
les cas. Nous n'aurons point à les décrire ici; d’ail- 
leurs, en ce qui concerne l'extraction industrielle 
des alcools dont nous voulons nous occuper, les 
méthodes physiques sont seules d’une application 
pratique. 


1. Linalol. — Le linalol est un alcool tertiaire 
non saturé de la formule GH0. Il est très répandu 


EUGÈNE CHARABOT — L'ÉTAT ACTUEL DE L'INDUSTRIE DES PARFUMS ARTIFICIELS 


dans la Nature et existe, en particulier, dans l’es- 
sence de linaloë sous la forme lévogvre, dans Pes= 
sence de coriandre sous la forme dextrogyre Ses 
applications industrielles sont des plus restreintes: 
Il ne sert guère qu'à préparer l’acétate de linalyle, 
qui a été lancé dans le commerce comme succédaném 
de l'essence de bergamotte. L'emploi des huiles 
essentielles qui renferment cet alcool est plusM 
avantageux que l'emploi du linalol lui-même. Sons 
extraction s'effectue par simple distillation fraclion=« 
née, en recueillant le produit qui bout à 197-1980 

Le linalol possède la propriété de se transformer" 
facilement en son isomère, le géraniol, qui est un 
alcool primaire, et se trouve assez répandu dans la 
nature (essences de géranium, de palma rosa, de 
rose, etc.). Comme d'ailleurs le géraniol, le linalol 
s'oxyde en donnant une aldéhyde, le citral, conte 
nue dans les essences de lemon grass (verveine 
des Indes), de citron, etc. 


2. Menthol. — Ce corps, alcool secondaire de la 
formule C°H”"O, existe dans les essences de Wentha 
piperita de diverses origines et surtout dans l’es- 
sence de Menthe du Japon (Mentha arvensis Var. 
piperascens) qui, en raison de son bas prix, en est 
la source industrielle. 

L'extraction du menthol se fait de la facon la 
plus simple, en refroidissant l'essence de menthe 
du Japon, et essorant les cristaux qui se séparent 
dans ces conditions. 

Le menthol naturel est lévogyre. Il fond à 43° et 
bout à 212°. Par oxydalion, il donne de la men- 
thone gauche qui, sous l'influence de l'acide sulfu- 
rique, se convertit en menthone droite. Par hydro- 
génation de chacune de ces deux menthones, on 
obtient un mélange de menthol gauche et d'un 
isomère de celui-ci, l'isomenthol, qui, par oxyda- 
tion, donne de l’isomenthone. 

Le menthol possède de nombreuses applications 
thérapeutiques. On en a fait des « crayons antimi- 
graine » dont le succès a été assez grand. Ses 
vertus contre les inflammations des muqueuses de 
la gorge, pour la guérison des contusions, contre 
le coryza, etc., sont aujourd’hui universellement 
reconnues. 

Toutefois, il convient de remarquer que l’exploi- 
tation de cette substance est des moins lucratives. 
Il suffira, pour s'en rendre compte, de jeter un 
coup d'œil sur le tableau ci-dessous qui fait con- 
naître les variations de prix subies par le menthol 
au cours de ces vingt dernières années : 


| 
| 
| 


PRIX DU KILO 


ANNÉES de menthol 
119 îr. LE 
LS SAN NE NE RAT M 20 NE) 
CRE MT ON Ma de moe ol) 11) 
J'ÉS Dry Le DUREE IE UE 24e ga0 » 
AS BTE D ET ER ee 2% 5 


710 
_ EUGENE CHARABOT — L'ÉTAT ACTUEL DE L'INDUSTRIE DES PARFUMS ARTIFICIELS 527 


» 

Me 
ES RME ER EE ee ETS SUR 18 75 
RTS A DA A7- texte 271 50 
ARTS. MoN pee 32 50 
EE ÉD CE LPC) 
TRIER EE ORNE RESTE 26. » 
ROME es PMR TE AOL I0 


— La cause de cette baisse de prix est due à la sur- 
production en essence de menthe du Japon durant 
H ces dernières années. Le menthol a été vendu sans 
mhénéfice ; aussi, a-t-on dû, au Japon, restreindre les 
“récoltes de la menthe, si bien que, actuellement, les 
prix ont une tendance très marquée à la hausse. 
D'ailleurs, la consommation de menthol tend à 
s'accroitre, sans toutefois acquérir l'importance 
qu'elle avait atteinte lors de l'emploi des crayons 
antimigraine. 


e 


$ 2. — Phénols et Éthers de phénols. 


- Les phénols peuvent être très facilement extraits 
des huiles essentielles, grâce à leur propriété ‘de 
Se dissoudre dans une lessive alcaline caustique. Il 
suffit d’agiler l'essence avec une solution aqueuse 
de potasse ou de soude à 10-20 °/,, d'ajouter un 
peu d'eau chaude pour faciliter la séparation de la 
portion non phénolique, de décanter celle-ci ou de 
l'entrainer au moyen de la vapeur d'eau, enfin de 
“remettre le phénol en liberté par addition d'acide 
…— chlorhydrique étendu. 

Cette méthode est applicable à à l'extraction du 
- thymol et de l’eugénol; nous n’aurons donc pas à y 
- revenir à propos de l'étude de ces corps. 

Nous aurons à passer en revue, dans ce para- 

graphe, une série de composés aromaliques ren- 

_ fermant une chaine latérale C'H° et pouvant être 
…— groupés deux à deux de façon que chaque groupe 
… renferme : 1° un composé dont la chaine C'H° a la 
forme développée — CH?— CH — CH? (chaine ally- 
lique); 2° l'isomère dont la chaine C'H° a la forme 
développée — CH—CH—CH° (chaine propény- 
lique) : 


GOMPOSÉS ALLYLIQUES ISOMÈRES PROPÉNYLIQUES 
Eugénol. Isoeugénol (œillet artificiel). 
Estragol. Isoestragol ou anéthol. 
Safrol. Isosafrol. 


Tandis que l’isoestragol (anéthol\ et son isomère, 
l'estragol, existent tous deux dans la Nature, l’eu- 
génol et le safrol sont contenus dans les huiles 
essentielles à l'exclusion de leurs isomères propé- 
nyliques. 

Ces composés ont une importance considérable 
dans l'industrie qui nous otcupe en ce moment, 
importance qui réside dans la possibilité de les 
transformer, par oxydation de la chaîne latérale 
C°H°, en aldéhydes qui constituent de véritables 
parfums : vanilline, aldéhyde anisique (aubépine), 
pipéronal (héliotropine). Mais on sait que les corps 


non saturés s’oxydent facilement avec rupture des 
chaines à l'endroit d'une double liaison. Il en 
résulte que la transformation du groupement C°H° 
en groupement aldéhydique CHO s'effectuera plus 
facilement sur un corps à chaine propénylique que 
sur un corps à chaine allylique. Il y aura donc 
intérêt à convértir l’eugénol et le safrol respecti- 
vement en isoeugénol et isosafrol, avant d'effectuer 
leur oxydation en vue de l'obtention de la vanilline 
et de l'héliotropine. Nous nous bornerons, pour le 
moment, à indiquer que cette transformation peut 
être effectuée à l’aide de la potasse alcuolique à 
l’ébullition. 

Quant au composé propénylique, l'anéthol, qui 
conduit à l'aldéhyde anisique, il se trouve tout 
formé dans les essences de fenouil et d'anis, d'où il 
suffit de l’extraire. 

Indiquors les relations qui existent entre les 
formules de structure des phénols et dérivés phé- 
noliques dont nous venons de parler, et celles des 
aldéhydes auxquelles ils donnent naissance, aldé- 
hydes dont nous aurons à nous occuper plus loin : 


CH? — CH—CH? (1 CH = CH — CHF 
/ A 
CSS — OC (3) S—> C‘H—O0CH* 
N Ne 
ON (4) on 
Eugénol. Isocugénol. 
CHO 
ES CHE — OCHS 
on 
Vanilline. 
PA CH?— CH—CH* (1 , CH = CH — CH° 
C°H* + CH 
Noces f ocH® 
Estragol. Anéthol. 
CHO 
D Cort V4 
NocEr 
Aldéhyde anisique. 
CH?—CH—CH (1 CH = CH — CHS 
CHREO (3) > C'IF—O\ 
ss > CH® | NE > CH: 
O0 (# 0 / 
Safrol. Isosafrol. 
CHO 
VA 
> CH" — a? 
NS C ie 
() 


Héliotropine. 


1. Thymol. — Le thymol : 
CH* (2) 
Pr € 
CSH5— OH 3) 
à 
CH(CH?E (4) 
se présente sous la forme de cristaux à odeur de 
thym, fusibles à 50-510, IL bout à 232. C'est de 


l'essence d’'Ajowan plychotis, très riche en thymol 
(45-55 °/,), que l’on extrait industriellement ce 


D28 


EUGÈNE CHARABOT — L'ÉTAT ACTUEL DE L'INDUSTRIE DES PARFUMS ARTIFICIELS 


phénol, contenu aussi dans les essences de thym, 
de moutarde, de serpolet, ele. 

Le résidu de l'extraction du thymol est employé 
dans la savonnerie commune sous le nom de 
thymène. 

Les semences d'Ajowan employées en Europe 
pour là préparalion de l'essence proviennent no- 
tamment des Indes (Marwar et Rajputana). Les 
cristaux de thymol se séparent spontanément de 


l'essence; le reste est extrait comme il a été dit 


plus haut, c'est-à-dire au moyen d'une lessive de 
soude. 

Le thymol est très employé comme antiseptique. 
Il sert aussi de malière première pour la prépa- 
ralion de l’aristol, C*H?*(01}, souvent préféré à 
l'iodoforme à cause de l'odeur désagréable que 
possède ce dernier corps. Il convient d'ajouter que 
le thymol est employé encore pour la préparation 
de savons médicinaux. 

Durant plusieurs années le prix du thymol a 
baissé d'une façon constante, pour atteindre une 
limite ne laissant plus au producteur que des bé- 
néfices illusoires. Mais l'épidémie de peste qui a 
sévi dans le nord des Indes à ralenti considéra- 
blement l'arrivée d'Ajowan et déterminé la con- 
sommation sur place de cette malière première. 
Aussi le prix du thymol, qui, de 85 francs le kilo 
en 1876, était tombé à 19 francs en 1898, s'est-il 
sensiblement élevé en 1900 pour atteindre et même 
dépasser la vaieur de 40 francs. Cette hausse va 
prendre fin el les prix ne vont tarder à fléchir par 
suile de nouveaux arrivages de semences d’A7owan. 


2. Eugénol. — L'eugénol : 
CH? CH = CH) 
ns 
C'Hi = OCH* (3) 
N 
OH Ü 


est intéressant à un double point de vue : ce corps 
sert, en effet, à préparer, d’une part l'isoeugénol ou 
æillet artificiel, d'autre part la vanilline dont l'écou- 
lement est considérable. 

On l'extrait industriellement de l'essence de 
girofle en utilisant sa propriété, comme phénol, 
de se dissoudre dans une lessive de soude. 

Les clous de girofle, qui servent à préparer 
l'essence, proviennent notamment des îles de 
Pemba et de Zanzibar. Les prix de celte malière 
première avaient fléchi d’une facon très sensible 
durant ces dernières années. Depuis la suppression 
de l'esclavage en 1897, dans les iles de Zanzibar 
et de Pemba, la main-d'œuvre fait défaut, et la 
production de girofles tend à diminuer, si bien 
que les cours deviendront forcément plus tendus 
lorsque les stocks seront épuisés. Cette variation 


aura une répercussion certaine sur le cours de 
l’'eugénol. 
L'eugénol est un liquide incolore ou jaunàtres 
bouillant à 251-253°. Sa densité à 15° est de 
1,072-1,074. 
Chauffé avec la potasse alcoolique, il se trans 
forme en isoeugénol. 


3. Anélthol. — L'anéthol : 


s'extrait des essences de fenouil et d'anis par 
simple refroidissement. On essore ensuite le produib 
concret. Il possède une odeur d'anis, bout à 228: 
2990, et fond à 21°-9149,5 (à 22°-22°,5 Jorsquila 
été fortement comprimé et soumis à la cristallisan 
tion dans l'éther de pétrole). 

On l'emploie fréquemment pour la fabrication des 
liqueurs, et il sert, en outre, à préparer l’aldéhyde 
anisique où aubépine, 


4. Safrol. — Ce corps existe dans l'essence de 
sassafras. On l'extrait industriellement de l'essence 
de camphre débarrassée du camphre. L'essence 
de camphre (Laurus camphora) est produite prin= 
cipalement par le Japon. En Europe, on en extrail 
le safrol par distillation fractionnée et refroidis= 
sement des portions bouillant entre 228 et 2359 
Les produits à point d'ébullition inférieur (huile 
légère) sont utilisés dans la savonnerie; ils ont, en 
outre, la même application que l'essence de téré-= 
benthine. Les parties à point d'ébullition élevés 
(essence lourde) trouvent aussi leur emploi dans” 
la savonnerie commune. 

Le safrol : 

CH? — CH = CH® 


cm Lo, 
a puis . 


fond à + 8° et bout à 232°. Il peut être converti 
en son isomère propénylique, l'isosafrol, qui, par 
oxydation, donne l'héliotropine. C'est en cela d'ail= 
leurs que consiste l'application industrielle du 


safrol. 
$ 3. — Aldéhyde. 


Cilral. — En 1888 les chimistes de MM. Schim= 
mel et Ci° découvraient, dans l'essence de Zackou= 
sia cilriodora, une aldéhyde, le citral, qui ne devait 
pas tarder, grâce à la belle découverte de l'ionone 
(violette artificielle), à prendre dans la chimie des 
parfums une place prépondérante. Peu de temps 
après, les mêmes auteurs signalaient la présence 
du citral dans l'essence de citron, et M. Dodge mon= 
trait que cette aldéhyde se trouve abondamment 


N + 


CH5 — C = CH — CH? — CH? — C — CH — CHO 


| 
CHS Vus 


el existe sous deux formes stéréoisomériques. 
- L'extraction du citral s'effectue en mettant à 


selon les conditions, d'autres produits d’addition 
avec le bisulfile de sodium, par fixation de la mo- 


® l'hydromonosulfonate, C'H'(SO*Na).CHO. 

— On peut passer par l'intermédiaire de la combi- 
naison bisulfitique normale, dont on lave ensuite 
les cristaux au moyen de l'éther; on décompose 
ette combinaison par addition de carbonate de 


… On peut aussi, pour l’extraire, transformer le 
citral en dihydrosulfonate instable. Celte méthode 
“présente l'avantage que la combinaison formée se 
dissout dans l’eau et peut être plus facilement lavée 
à l'éther qu'un produit solide. La mise en liberté 
du citral est effectuée par addition de soude. 

Nous sorlirions du cadre que nous devons im- 

poser à notre travail en insistant davantage sur le 
“côté expérimental de la question. 
Le citral est surtout employé pour la préparation 
de l'ionone, cétone à odeur de violelte. Aussi les 
“envois d'essence de lemon grass provenant des 
Ôtes de Malabar, qui étaient d'environ 1.900 caisses 
de 7 kil. 5 en 1892-93, se sont-ils élevés l'année 
“suivante (qui à suivi la découverte de l’ionone) à 
2.300 caisses, pour atteindre 3.000 en 1896-97. 


$ 4. — Cétone. 


Irone. — Tiemann et G. de Laire avaient 
entrepris, dès 1880, une série de recherches en 
ue d'isoler le principe odorant de l'essence d’iris 
et de le reproduire artificiellement. Pensant' tout 
d'abord que l'odeur exquise de cette essence était 
due à un produit provenant d'un glucoside, l'iri- 
“line, ils poursuivirent l'étude de ce corps; mais 
leurs prévisions ne furent nullement confirmées. Ce 
fut seulement en 1893 que Tiemann et Krüger, 
grâce au puissant concours que purent leur prêter 
les usines Haarmann et Reimer, et de Laire, par- 


- vinrent à isoler le vrai principe odorant de l'iris, : 


UGÈNE CHARABOT — L'ÉTAT ACTUEL DE L'INDUSTRIE DES PARFUMS ARTIFICIELS 529 


auquel ils donnèrent le nom d’irone, et à préparer 
un isomère de ce corps, l’ionone, que nous étu- 
dierons plus loin. 

L'irone est accompagnée, dans l'essence d'iris, 
d'acides organiques, d’éthers de ces acides, d'al- 
cools et de petites quantités d'aldéhydes. On éli- 
mine les acides par dissolution dans un alcali 
étendu, les éthers par saponification, les aldéhydes 
par oxydation au moyen des oxydants très faibles. 
Finalement, on puritie l’irone en passant par son 
hydrazone que l’on isole facilement, gräce à sa 
faible volatilité avec. la vapeur d’eau. 

L'irone répond à la formule C*H"O. Elle bout à 
144 sous 16%" et dévie de + 40° le plan de polari- 
sation de la lumière sous une épaisseur de 100%. 
Sa molécule renferme un noyau hexagonal, une 
double liaison dans ce noyau et une autre liaison 
éthylénique dans une chaine latérale. 

Praliquement, il n'y a pas intérêt à isoler l’irone. 
Nous avons dû néanmoins ne point passer sous 
silence cette intéressante cétone, dont l'étude 
constitue l'introduction nécessaire à l'histoire de 
l'ionone. 


III. — PARFUMS ARTIFICIELS. 


Parmi les diverses substances exploitées dans 
l’industrie des parfums artificiels, nous ne pour- 
rons étudier ici que les plus importantes au point 
de vue commercial; ce sont, d'ailleurs, celles qui 
présentent en même temps le plus grand intérêt 
scientifique. 

Nous décrirons : 1° des composés nilrés, qui cons- 
lituent la série des muscs artificiels; 2° des a/cools 
(terpinéol, succédanés de l'essence de rose) et des 
éthers (acétate de linalyle, cinnamate de méthyle, 
anthranilate de méthyle) ; 3° un phenol(isoeugénol) 
et des éthers de phénols (éthers méthylique et éthy- 
lique du B-naphtol); 4 des aldéhydes (aldéhyde 
benzoïque, aldéhyde phénylacétique, aldéhyde 
cinnamique, vanilline, aldéhyde anisique, pipé- 
ronal ou héliotropine); 5° une célone (ionone); 
6° enfin, une /aclone (coumarine). 

Cette énumération montre déjà que toutes les 
fonctions chimiques se trouvent représentées 
parmi les parfums. Jusqu'ici, il est matériellement 
impossible de signaler l'existence, chez les ma- 
tières odorantes, de caractères et de groupements 
spécifiques. Il semble cependant que les éthers 
composés, dont le poids moléculaire n'est pas trop 
élevé, forment une série dans laquelle abondent 
les substances douées d’odeurs agréables. Les 
cétones et les aldéhydes non saturées occupent une 
place importante dans le catalogue des produits 
utilisables en parfumerie. Mais aucune des règles, 
d'ailleurs peu précises, que l’on pourrait être tenté 


530 EUGÈNE CHARABOT — L'ÉTAT ACTUEL DE L'INDUSTRIE DES PARFUMS ARTIFICIELS 


de formuler en ce qui concerne les relations entre 
la qualité odorante d’un corps et sa struclure, ne 
posséderait une généralité suffisante. Tous les fac- 
teurs, jusqu’à l’isomérie de position, interviennent 
en effet pour modifier l'odeur d'un corps. Parmi 
les substances déjà passées en revue, les composés 
propényliques possèdent des aromes plus suaves 
que leurs isomères allyliques; parmi les trois aldé- 
hydes oxybenzoïques, l'aldéhyde ortho-oxyben- 
zoïque (aldéhyde salicylique) seule possède ung 
odeur agréable. La même remarque pourrait être 
faite en ce qui concerne la vanilline et l'iso- 
vanilline. 

Il résulte de cette incertitude que les recherches 
que l’on peut lenter en vue de trouver de nouveaux 
composés odorants, ne pourront être guidées que 
par des considérations dues à de vagues analogies, 
à moins qu'on ne vise à la reproduction méthodique 
d'un principe naturel dont la structure est connue. 


$ 1. — Composés nitrés : Muses artificiels. 


On sait depuis longtemps que, sous l'influence 
de l'acide nitrique, certaines substances organi- 
ques se transforment en produits doués d'une odeur 
musquée. Kopp rapporte que, dès 1759, Margraf 
avait obtenu, en traitant par l'acide nitrique l'huile 
provenant de la distillation de l’'ambre, une résine 
appelée muse artificiel, à cause de son odeur. En 
1878, M. E. von Gerichten relate que les cymènes 
chloro et bromonitrés ont une odeur de muse. En 
1881, Kelbe décrit le trinitro-méta-cymène, et dit 
qu'il possède une odeur spéciale musquée. 

En cherchant dans la littérature chimique, on 
trouve bon nombre d’autres indications relatives à 
cette odeur musquée dégagée par des produits 
nitrés, mais aucune substance chimique définie ne 
fut employée industriellement avant 1888, pour 
remplacer le muse naturel. Le 3 juillet de cette 
même année, M. À. Baur prit un brevet allemand 
pour un procédé de fabrication du muse artificiel. 

Il avait repris l'étude de l'essence de résine, dans 
laquelle M. Kelbe avait reconnu la présence du 
méta-pseudo-butyltoluène, el parvint à reproduire 
ce carbure artificiellement, et à le transformer 
ensuite, par nitration, en une substance possédant 
une très forte odeur de musc. C'élait le premier 
muse artificiel dont la composition chimique fût 
parfaitement définie. | 

Quelques années plus tard, M. Mallmann décou- 
vrit un nouveau muse à fonction cétonique. 

Le nombre des substances connues possédant 
une odeur de musc n’a pas tardé à s'accroitre, et, 
à côté du résultat pratique, l'étude de ces corps à 
enrichi la Chimie organique d’un chapitre impor- 
tant : la défense des brevets, ainsi que le désir de 
trouver de nouveaux composés à odeur de musc, 


ont, en effet, suscilé de la part de nombreux chi 
mistes des travaux fort intéressants. n. 

Les muses artificiels sont des benzènes polysub: 
titués, trinitrés où dinitrés. Leurs propriétés odô 
rantes paraissent dues à la présence des groupe 
ments nitro (AzO?) dans des molécules telles ques 
les deux suivantes : 


R R 


f # 
6 2? 
IR’ RAR 


1 
ef 


5 3 
4 


reste alcoolique, généralement CIl*, ou un groupe 
éther phénolique O.CHP+", l 

Les groupements AzO° occupent, dans les musts 
trinitrés, les positions symétriques 2, 4, 6 : 


R R 
A0 Nazo® Az0%// \z0® 
l 
1 le 311 | ! 
à RAR 
Az0O® Az0? 


Parmi les muses connus, les deux premiers en 
date, muscs Baur, ont été le {rinitrobutyltoluène et 
le trinitrobutylxylène : 


CH cu? 
A202/ 70: A20%/ Nz0® 
Li LE 
(00) cHA| Jcicr** 
AZzO? AzO° 


Le hasard a voulu qu'ils fussent aussi les deux 
plus importants, le second surtout, au point de 
vue industriel. 

Si, dans les musces trinitrés, on remplace u 
groupe AzO° par cerlains éléments ou radicaux 
on obtient encore des muses. Ces derniers consti 
tuent la série des muscs dinitrés à laquelle appar- 
tiennent, entre autres, les muses Mallmann : 


CHS ce 
a Nazo? CH*.C0/” be 
C(CH®* cu JcicHr) 
AzO® Az0® 


Disons un mot des muscs Baur. Parmi les muses 
trinitrés, c'est le trinitro-pseudo-butylxylène qui 
est le plus employé. ; 

On prépare tout d'abord le pseudo-butylxylène 
par la méthode de Friedel et Crafts (action du 
chlorure ou du bromure d'isobutyle sur le xylène 
en présence du chlorure d'aluminium), et on Je 
nitre ensuite au moyen d'un mélange d'acide ni= 
trique et d'acide sulfurique à 15 °/, d'anhydride. 

Le trinitro-pseudo-butyltoluène s'obtient de la 
même facon, en partant du toluène au lieu du. 
xylène. 


— Ce sont des corps cristallisés. Le musc au xylène | M. Monnet prépare son « rhodinol » en saponi- 
fond à 110°, le muse au toluène fond à 96-97°. | fiant les éthers contenus dans l'essence de géra- 
On les trouve dans le commerce mélangés avec | nium, fractionnant dans le vide l'essence sapo- 
“une certaine proportion d’'antifébrine (acétanilide), | nifiée, éthérifiant les alcools de façon à les rendre 
à cause de leur pouvoir odorant considérable. plus facilement séparables, par distillation frac- 
—… Le dosage du musc dans un semblable mélange | lionnée, des produits qui les accompagnent, enfin, 
s'effectue très simplement. Il suffit de chauffer un | en saponifiant les éthers purifiés. 
“poids connu du produit à étudier avec de l'acide Pour extraire son « réuniol », M. Heine fait appli- 
chlorhydrique concentré : l'acétanilide se dissout, | cation de la méthode de M. Haller pour la purifi- 
“on extrait le musc par épuisement au moyen de | cation des alcools terpéniques, en employant l'acide 
“l'éther, on sèche la solution éthérée, on évapore le | camphorique. 
dissolvant, et on pèse le résidu. 
Nous croyons superflu d’insister sur les applica- 3. Acélate de linalyle (bergamiol). — On peut 
tions du muse artiticiel. Son emploi dans la parfu- | l'obtenir en abandonnant pendant quelques heures 
…_merie et dans la savonnerie communes n'a dû | à la température ordinaire un mélange de linalol et 
échapper à personne. La parfumerie fine peut sans | d'acide acétique en présence d'une petite quantité 
doute l'utiliser, mais à la condition de n'en faire | d'acide sulfurique, concentré. On ajoute ensuite 
“quun usage des plus parcimonieux, et de l'em- | de l’eau, et l'on fractionne dans le vide l'huile pré- 
ployer en même temps qu'une cerlaine proportion cipilée dans ces conditions. 
de muse naturel, produit dont la suavité est bien Il se forme en réalité un mélange d'éthers du 


connue. s linalol, du géraniol et du terpinéol. Le linalol pos- 
$ 2. — Alcools et éthers. sède, en effet, la propriété de s'isomériser sous 

1. Terpinéol. — Le terpinéol s'obtient par l’ac- | l'influence des acides. 
‘tion de l'acide sulfurique étendu sur l'hydrate de Une autre méthode consiste à transformer le 


“ierpine, qui prend naissance lui-même par hydrata- | linalol en son dérivé sodé, et à traiter ensuile 
tion de l'essence de térébenthine. Celte essence est | celui-ci par l'anhydride acétique. 
constituée presque exclusivement par un hydro- L'acétale de linalyle est quelquefois employé 
“carbure C"H'° connu sous le nom de pinène où | comme succédané de l'essence de bergamotte. 
… térébenthène. Sous l'action de l'acide nitrique, 
le pinène se transforme en hydrate de terpine | 4. Cinnamale de méthyle. — Ce produit, doué 
C'H*0,H°0. d'une odeur assez agréable, possède la propriété 

Pour convertir l'hydrate de terpine en terpinéol, | de fixer les parfums. On l’obtient en faisant passer 
il suffit de le dissoudre dans l’eau bouillante, | un courant d'acide chlorhydrique sec dans une 
d'ajouter un acide dilué et d'entrainer le produit | solution d'acide cinaamique dans l'alcool méthy- 
formé au moyen de la vapeur d'eau. lique. 

On obtient un produit liquide, formé d'une petite Quant à l'acide cinnamique : 
proportion d'hydrocarbures CH (terpènes), et 
d'un mélange d'isomères C°H"O, parmi lesquels on 
trouve un terpinéol fusible à 35°, et un terpinéol | 6n peut l'extraire du styrax ou le préparer artifi- : 
fusible à 32-33°. Le terpinéol cristallisé peut être | ciellement en partant de l'aldéhyde benzoïque. 
extrait par distillation fractionnée et refroidisse- Le cinnamate de méthyle fond à 35-36° et bout 
ment. vers 26%. 
Le terpinéol possède une odeur agréable qui le £ 
fait employer pour la préparation du syringua, du 
lilas, du muguet, du gardénia. La savonnerie en 
fait une consommation considérable, étant donné 
le bas prix auquel est tombé ce produit. 


k 
! 
à 


C5H° — CH = CH — COH 


5. Anthranilate de méthyle. — Ce composé a été 
signalé pour la première fois, il y a trois ans, par 
M. Gildemeister dans l'essence de fleurs d'oranger. 
Il possède une odeur rappellant un peu celle de cette 
fleur; mais son emploi est assez restreint. 

On peut l'obtenir en faisant passer un courant 
d'acide chlorhydrique dans une solution d'acide 
anthranilique : 


2. Succédanés de lessence de rose. — Les 
essences de géranium de diverses origines renfer- 
…. ment un mélange de deux alcools : le géraniol 
- C“H"O et le rAodinol C"H®*O, mélange qui possède 
une odeur assez agréable et qui a été lancé dans 
- le commerce, sous des noms divers (rhodinol de 
M. Monnet, réuniol de M. Heine, elc.), comme | dans l'alcool méthylique, chauffant le produit et 
succédané de l’essence de rose. décomposant par un alcali le sel d’anthranilate de 


ce /C00H (0 
| NH? (2 


32 


EUGÈNE CHARABOT — L'ÉTAT ACTUEL DE L'INDUSTRIE DES PARFUMS ARTIFICIELS 


méthyle ainsi formé. C'est un produit fusible à 
22-25, 


$ 3. — Phénols et éthers de phénols. 


1. Zsocugénol. — Ce corps est employé dans la 
parfumerie et la savonnerie sous le nom d'œillet 
artificiel, mais il sert surtout à la préparation de la 
vanilline, On l’obtient en chauffant vers 140° l’eu- 
génol et la potasse en solution dans l'alcool amy- 
lique, ou dans tout autre dissolvant susceptible de 
dissoudre à la fois l'eugénol et la potasse, à condi- 
tion que le mélange bouille entre 90° et 150. 

On peut encore employer l’amylate de sodium 
ou opérer l'isomérisalion au moyen de la potasse 
en fusion. 

L'isoeugénol bout à 258-262, et donne, par 
refroidissement, des aiguilles fusibles à 34°. 

Le parfum de l'isoeugénol s'allie très bien à 
celui de la rose. 


2. Ethers méthylique et éthylique du B-naphtol. 
— Ces corps, doués d'une odeur extrêmement pé- 
nétrante, sont connus, le premier sous les noms de 
yara ou de néroline, le second sous le nom de 
bromélia. 

Le yara, C'H'OCH*, s'obtient par l'action de 
l'iodure de méthyle sur le B-naphtol sodé en pré- 
sence de l’alcool méthylique. 

Le bromélia, CHTOCŒH, se prépare d'une façon 
analogue. 

Ces produits sont employés dans la savonnerie 
commune et entrent dans la composition des eaux 
de Cologne des qualités très inférieures. 


S 4. — Aldéhydes. 


1. Aldéhydes benzoïque, phénylacétique et cin- 
namique. — L'aldéhyde benzoïque, C5H°.CHO, ou 
essence d'amandes amères artificielle, peut être 
préparée par le procédé classique dû à Grimaux 
et Lauth, qui consiste à oxyder le chlorure de 
benzyle C'H°—CH°CI. Cette méthode laisse subsister 
une certaine proporlion de produits chlorés dans 
le noyau benzénique, exerçant sur le parfum une 
influence nuisible. 

Pour remédier à cet inconvénient, la. Société 
chimique des Usines du Rhône a fait breveter un 
procédé consistant à oxyder directement le Loluène 
au moyen du peroxyde de manganèse en solution 
acide. 

L'aldéhyde benzoïque sert à préparer l'aldéhyde 
et l'acide cinnamiques; elle est très employée en 
savonnerie. 

L'aldéliyde phénylacétique où a-toluique, C5 — 
CH°—CHO, s'obtient par l'action de l'acide sulfurique 
soit sur l'acide phényloxyacrylique, soit sur l'acide 


phényllactique, soit sur le glycol styrolénique. Elle« 
se prépare encore à l’aide de l'acide phénylchlo=M 
rolactique. 

M. Erdmann a récemment fait breveter un pro=« 
cédé permettant d'obtenir cette aldéhyde par décom= 
position, au moyen de la chaleur seule ou de l'eau, 
de la £-lactone de l'acide 4«-oxyphénylpropionique: 

L'aldéhyde phénylacétique est employée dans la 
parfumerie et la savonnerie sous le nom de jacinthes 

Quant à l’aldéhyde cinnamique, CH —CH —CH— 
CHO, principe odorant de la cannelle, elle s'obtient 
artificiellement par condensation de l'aldéhyde 
benzoïque avec l’aldéhyde éthylique en présence 
de la soude. 


2. Vanilline. — La vanilline, principe odorants 
de la vanille, dérive de l'eugénol, comme nous la 
vons déjà indiqué plus haut. Nous avons fait 
remarquer que l'oxydation de la chaîne propény- 
lique de l'isoeugénol se fait dans de meilleures con- 
ditions que celle de la chaine allylique de l'eugénol. 
Pour obtenir de bons rendements en vanilline, il 
faut avoir soin de protéger, avant d'effectuer l'oxy- 
dation, le groupement phénolique libre OH. 

C'estainsi que M. G. de Laire fit breveter, en 1876, 
une méthode consistant à oxyder l'acétyleugénol: 


CSH° 
A 
C'H°— OCH* ; 
N 
OCO.CH* 


et que, en 1890, MM. Haarmann et Reimer et M. de 
Laire prirent des brevets pour l'emploi de l'acétyl- 
isoeugénol ou du benzoylisoeugénol. L'oxydation 
s'effectue alors au moyen du permanganate. On 
obtient ainsi l’acétovanilline ou la benzoylvanilline, 
qu'il suffit de dédoubler par la potasse ou la chaux 
pour obtenir la vanilline. 
Tout récemment, M. Verley a proposé de bloquer 
le groupement phénolique en transformant l'eu- 
génol en acide eugénol-sulfurique et celui-ci en 
acide isoeugénol-sulfurique. 
En 1895, MM. Otto et Verley ont réussi à éviter 
de bloquer le groupement phénolique, c'est-à-dire 
à opérer directement sur l'eugénol ou l’isoeu- 
génol, en employant l'ozone comme agent d'oxy- 
dation. 
On peut encore obtenir la vanilline en partant : 
soit de l’aldéhyde protocaléchique : 
CHO (1) 
% 
CSIF—OH (3) 
N 
OH (4) 


(procédé de la Société chimique des Usines du Rhône, 


1895), soit des aldéhydes para et méla-oxybenzoï=, 
ques, soit de la pyrocathéchine : 


soit enfin du gaïacol : 


LA 

SOH 
Une lutte formidable s'est engagée sur le terrain 
industriel au point de vue de la production de la 
vamilline. Aussi, tandis que le prix de ce produit 
était de 8.800 francs en 1876, de 2.000 francs en 
1880, de 875 francs entre 1885 et 1890, et se main- 
enait encore au-dessus de 700 francs jusqu'en 
1895, sa valeur descendit brusquement à 157 franes 
en 1897, à 125 francs en 1898, à 115 francs en 1899. 
Actuellement, le prix du kilo de vanilline oscille 
enre 75 et 110 francs ! 
On peut constater que l'emploi de l'ozone comme 
agent d'oxydation a été l'une des causes qui ont le 
plus contribué à l’avilissement des prix. 
La vanilline fond à 80-81°. Ses applications sont 
fort nombreuses : la parfumerie, la savonnerie, la 
pâtisserie, la biscuiterie, la chocolaterie, etc., en 
font un usage constant, sans pour cela que les 
applications de la vanille naturelle aient été res- 
treintes. 


… 3. Aldéhyde anisique laubépine). — L'aldéhyde 
anisique : 
CHO. : (1) 


s'obtient en oxydant l'anéthol au moyen du bichro- 
ate de potassium et de l'acide sulfurique, ou 
bien encore au moyen de l'ozone. 

Cette aldéhyde entre dans la composition de cer- 
Hains bouquets. C'est, en particulier, la base des 
extraits d'aubépine et de foin coupé. 


4. Pipéronal ou héliotropine. — En chauffant le 
safrol soit avec la polasse alcoolique, soit avec le 
méthylate de sodium, on obtient l'isosafrol, que 
l'on transforme en héliotropine : 


* CHO (41) 
/ 
CH —O, 3), 
SN: 
0/ (4) 


par oxydation soit au moyen du bichromate de 
potassium et de l'acide sulfurique, soit au moyen 
de l'ozone. 

Le pipéronal fond à 31°et bout à 263°. Il sert de 
base aux parfums d'héliotropeets'emploie fréquem- 
ment à l'état de mélange avec la vanilline (hélio- 
tropine amorphe). Le prix de l’héliotropine a baissé 
avec une rapidité considérable, ainsi que l'indique 

e tableau ci-dessous : 


REVUE GÉNÉRALE DES SCIENCES, 4901. 


GÈNE CHARABOT — L'ÉTAT ACTUEL DE L'INDUSTRIE DES PARFUMS ARTIFICIELS 


533 


PRIX DU KILO 
ANNÉES d'héliotropine 
fr 
1859 49004) 
1881 2,500 » 
158 LES HEART IR 1.250» 
TEST ER RARES 150 » 
1887 500 » 
1889 . 450 » 
1891 312 » 
ET AR EE 150 » 
ETES , TU 
1897 45 » 
RU NAME TRE 31 50 
11,14) PRE RE NE 36 » 


Le prix actuel de 36 fr. le kilo ne laisse plus de 
bénéfice sensible au fabricant. 


$ 5. — Cétone 


lonone. — Après avoir découvert le principe 
odorant de la racine d’iris, Tiemann et Krüger son- 
gèrent à le reproduire artificiellement. Ils pensè- 
rent que cette cétone, de la formule C'°H®0, pou- 
vait s’oblenir en condensant une aldéhyde en C" 
avec l’acétone ordinaire CH°.CO0.CH*. Les chimistes 
de MM. Schimmel et Ci° venaient précisément de 
découvrir le citral, aldéhyde de la formule C"H"O. 
La condensation de cette aldéhyde avec l’acétone 
ordinaire devait fournir une cétone C'*H*O d’après 
l'équation : 


CCH60 + CH6O = CSH#0 + H?0, 


Tiemann et Krüger obtinrent bien, en procédant 
ainsi, la cétone C®H°*0 prévue théoriquement, 
mais ce corps ne possédait nullement le parfum 
de l’ionone. Ayant reconnu que le principe odorant 
de la racine d'iris n'appartenait pas à la série acy- 
clique, ils eurent l'heureuse idée de soumettre la 
cétone qu'ils avaient obtenue, et à laquelle ils don- 
nèrent le nom de pseudo-ionone, à l'action d'un 
agent isomérisant, l'acide sulfurique. Un isomère 
cyclique prit naissance quireçu le nom d’ionone el 
possédait une odeur rappelant celle de la violette. 

Depuis, il a été reconnu que l'ionone commer- 
ciale est un mélange de deux isomères, l’x-ionone 
et la B-ionone, qui ne diffèrent que par la position 
d'une double liaison dans leur noyau hexagonal. 
L'une d'elles, l'x-ionone, prend naissance en quantité 
prédominante quand on isomérise la pseudo-ionone 
au moyen de l'acide sulfurique étendu ; si l’on 
emploie, au contraire, l'acide concentré, c'est sur- 
tout la B-ionone qui se forme. 

C'est en 1893 que les Sociétés de Laire et CC d’une 
part, Haarmann et Reimer d'autre part, commen- 
cèrent l'exploitation du brevet Tiemann, relatif à 
l'ionone. 

Il devint aussitôt nécessaire, pour la déleuse des 
brevets, de pousser jusque dans ses plus obscurs 
recoins l'histoire des dérivés du citral et de l’ionone. 

qi" 


34 


Aussi, aux résultats pratiques que nous venons de 
signaler, ne lardèrent pas à s'ajouter d'importants 
résultatsscientifiques. Nousavons d’ailleurs la ferme 
conviction que l'étude de cet intéressant chapitre 
de la chimie des matières odorantes réserve encore 
bon nombre de découvertes. 

L'emploi de l'ionone ne tarda pas à se généra- 
liser,gràce à la façon heureuse dont ce corps seconde 
la violette naturelle, grâce aussi et surtout aux 
exquis bouquets que surent créer, à l’aide de ce. 
nouveau produit, les parfumeurs habiles et raffinés 
dans leur art qui en firentles premiers l'application. 

On trouve dans le commerce la solution alcoolique 
d’ionone au 4/10 au prix de 1.000 francs le kilog. 


$ 6. — Lactone. 
Coumarine. — La coumarine : 


CH— CH 
CHE 


: No Co! 


est le principe odorant de la fève tonka. On l'extrait 
industriellement, au moyen d’un dissolvant volatil, 
des feuilles de Ziatrix odoralissima, végétal origi- 
naire de la Virginie, de la Floride et de la Caroline. 

On l’obtient aussi arlificiellement en partant de 
l'aldéhyde salicylique et de l’anhydride acétique. 

Durant ces dernières années, les stocks de 
Liatrix s'étaient épuisés, et l’on dut avoir recours 
au procédé artificiel pour la production de la 
coumarine. Mais actuellement on dispose de nou- 
velles quantités de matière naturelle. Si l'on tient 
compte, en même temps, de la hausse subie par le 
prix du phénol quisert à préparer l’aldéhyde sali- 
cylique, on sera forcé de conclure que la’ méthode 
consistant à extraire la coumarine du Ziatrix est 
actuellement plus avantageuse que le procédé 
synthétique. 

La coumarine fond à 67°. Son prix a subi une 
baisse sensible depuis 4880. On l’emploie en parfu- 
merie et surtout en savonnerie ; elle entre, en par- 
ticulier, dans la composition du parfum connu sous 
le nom de « New-mown hay ». 


IV. — INFLUENCE DE L'INDUSTRIE DES PARFUMS ARTI- 
FICILLS SUR L'AVENIR DE L'INDUSTRIE DES PARFUMS 
NATURELS. 


Encore que très succinct, cel exposé suffira 
pour mettre en lumière les ressources scientifiques 
formidables dont a su disposer l’industrie des 
parfums artificiels. 

On peut se demandersi une aussi puissante rivale 
ne menace pas d’une facon constante l'avenir de 
celle belle industrie des parfums naturels dont 
Grasse, la terre des fleurs, a conservé le monopole. 


EUGÈNE CHARABOT — L'ÉTAT ACTUEL DE L'INDUSTRIE DES PARFUMS ARTIFICIELS 


Nous avons encore le souvenir précis des inquié- 
tudes qui, au lendemain de la découverte dem 
l'ionone, vinrent assombrir les espérances fondées 
par les laborieuses populations agricoles de l'arron= 
dissement de Grasse, sur la culture de la violette: 
Après avoir vu leur échapper les bénéfices que 
leur ménageaient jadis d'abondantes récoltes 
d'olives, ces cultivateurs avaient fait l'avance de 
leur travail et de leurs modestes ressources en plan- 
tant des violettiers à l'abri des oliviers qui semblent. 
devoir rester désormais stériles !Etl'on était en droit 
de se demander s’il n'allait pas se produire ce que 
l’on avait vu dans l’industrie des matières coloran- 
Les, où la Chimie, par ses merveilleuses méthodes dem 
synthèse, est arrivée à réaliser les mêmes assem- 
blages d’atomes que la vie végétale, remportant ainsi 
sur la Nature une victoire qui a eu pour conséquence 
la ruine d'industries agricoles, le bouleversement 
de la situation économique de plusieurs régions. 

Mais les événements n'ont pas tardé à montrer 
que ces craintes étaient sans fondement. | 

L'industrie des parfums naturels devait se déro- 
ber à ces lois perturbatrices, et ce n’est nullement 
au prix de la ruine de celle industrie que celle des 
parfums ärlificiels a dû le développement considé= 
rable dont témoigne l'abondance des produits 
décrits dans les pages qui précèdent. 

On a pu voir, au contraire, celte industrie 
nouvelle des parfums artificiels naître et se déve" 
lopper non seulement sans porter le moindre 
préjudice à celle de Grasse, mais encore en aidant 
à son évolution progressive. La Nature conservait 
en effet le monopole des fines odeurs, landis que 
l’art du chimiste eréait des produits odorants, 
manquant il est vrai de discrétion, mais d'un prix 
peu élevé, et permettant par suite de préparer des 
composilions à la portée d’une clientèle modeste. 
De nouveaux besoins sont nés de la posssibilité de 
les satisfaire, si bien que l’usage des parfums s'est 
répandu dans toutesles classes de la société. L'em- 
ploi des malières odorantes artificielles nécessitant » 
celui d’üne certaine proportion de produits natu- 
rels, il en est immédiatement résulté que ceux-ci 
ont trouvé des débouchés nouveaux dans la parfu- 
merie commune, tout 4n restant la base des compo- 
sitions les meiileures. 

C'est en particulier pour cette raison que, depuis 
l'apparition de l'ionone, c’est-à-dire depuis bientôt 
huit ans, la consommation des fleurs de violette a 
sensiblement augmenté chez lous les fabricants : il 
en est même chez lesquels elle a plus que triplé. 

Et ces deux industries, rivales en apparence, 
sont en réalité solidaires dans la voie du progrès, 
et également prospères. 

Eugène Charabot. 


Docteur ès sciences. 


P. NOLF — LA PRESSION OSMOTIQUE EN PHYSIOLOGIE 


Qc 
Π
QE 


LA PRESSION 


: — ABSORPTION DANS L'INTESTIN ET LES CAVIYÉS 
SÉREUSES. 


“Après l'analyse, que nous avons faile dans un 
premier article‘, des condilions de l'équilibre 
es liquides dans les mailles des tissus, il est plus 
facile de se rendre compte des facteurs qui règlent 
Pabsorption des liquides salins ou autres introduits 
dans les cavités naturelles du corps : cavités cœlo- 
miques, plèvre, périloine, ou cavité inteslinale, 
Ici encore ce furent des travaux d'Heidenhain sur 
Pabsorption intestinale qui ouvrirent le débat. 
Dans un mémoire, paru en 1894, Heidenhain ? élève 
contre une théorie de l'absorption intestinale des 
solutions salines, basée uniquement sur les prin- 
cipes de la diffusion, les objections suivantes : 

4° Si, dans une anse inteslinale de chien, on 


quand, dans un D on en le même liquide 
des deux côtés de la membrane, il ne se produit 
aucun mouvement osmolique. Il faudrait donc, 
d'après les lois strictes de l'osmose, que le sérum 
ne füt pas absorbé. 

2° Si l’on introduit dans l'intestin d'un chien une 
solution contenant de 0,3 à 0,4°/, (moins de 0,6 °/, à 
0,7°/,) de chlorure sodique, il existe au début de 
Pabsorption une disparition concomitante du selet 
de l'eau (celle-ci en plus grande quantité). Or, le 
sang contenant 0,65 °/, de sel marin, il faudrait, 
dit Heidenhain, si l'absorption obéit aux lois de 
losmose, que le sang cédât au début une partie de 
son chlorure sodique au liquide intestinal, alors 
que c'est le contraire qui s'effectue, 

. Si, d'autre part, la solution introduite est hyperto- 
nique (1,2°/, à 1,5°/,), l'absorption porte également 
dès le début sur le sel et l’eau (plus forte pour le 
Sel), tandis que les lois de l’osmose exigeraient un 
passage préalable de l'eau du sang vers l'intestin. 
3° Si l'on ajoute aux liquides salins des doses 
faibles d'un poison de l'épithélium intestinal, de 
fluorure de sodium, les condilions de la double 
absorplion se rapprochent davantage des Begnoe 
mènes de difusion. 


+ ! Voyez Ja Revue du 30 mai 1901, t. XII, p. 459 et suiv. 

> * HeiDENUAIN : « Neue Versuche über die Aufsaugung im 
Dünndarm ». Archiv für die gesammte Physiologie, ft: “LVL, 
p. 519, 1894. 


OSMOTIQUE EN PHYSIOLOGIE 
DEUXIÈME PARTIE : ABSORPTION INTESTINALE ET SECRÉTIONS GLANDULAIRES 


° De deux substances cristalloïdes, le sulfate 
de sodium et le sucre, dont les coefficients de dif- 
fusion sont entre eux comme 1,15 et 1,2, la pre- 
mière est résorbée 10 fois moins rapidement que 
la seconde (Rühmann), ce qui indiquerait une 
indépendance absolue des deux ordres de choses. 

Heidenhain conclut que, lors de l'absorption des 
solutions salines, il faut lenir compte (à côté des 
phénomènes osmotiques) d'une intervention aelive 
des cellules vivantes de la paroi intestinale, inter- 
vention dont la nature nous échappe. 

A ces déductions théoriques, si bien échafaudées, 
Hamburger! opposa l'expérience. Il reprit les essais 
de Heidenhain sur des chiens morts ue plusieurs 
heures (24 heures dans certains cas; el... il obtint 
les mêmes résultats que HA ne L'inteslin 
mort absorbait les solutions salines hyper et hypo- 
toniques, le mode d'absorption dans l'intestin mort 
élait identiquement celui de l'intestin vivant. 

Avant de pousser plus loin l'analyse de ces phé- 
nomènes, il est intéressant de voir ce qui se passe 
dans l'absorplion des liquides salins introauits 
dans les cavilés séreuses. 

Ce fut Orlow,élève de Heidenhain, qui entama la 
question, bientôt suivi par Hamburger, Leathes et 
Starling. Comme l'avoue Orlow?, qui tâche cepen- 
dant de leur appliquer une explication vitaliste, 
les données de l'expérience plaident ici éloquem- 
ment en faveur d’une explicalion purement phy- 
sique des phénomènes. Introduites dans les cavités 
séreuses, les solutions hypotoniques se concentrent 
rapidement par perte d'eau, jusqu'à ce qu'elles 
aient alteint le titre osmotique absolu du sérum 
sanguin (équivalent à une solution de 0,9 °/, de 
chlorure sodique). Dès ce moment leur absorption 
se continue beaucoup plus lentement. Les solutions 
hypertoniques se diluent à la faveur d’une sortie 
d'eau du sang, de facon à se mettre également en 
équilibre Cao ie absolu avec le sang, puis leur 
absorption se fait comme dans le premier cas. Ham 
burger*,LeathesetStarling* sontarrivés aux mêmes 
résultats. De plus, ces auteurs ont montré que 
l’adjonclion de fluorure sodique aux solutions 
introduites dans les cavités viscérales n'a 
d'influence sur l'absorption. 


pas 


1 HameurGer : Archiv {ür Physiologie 1896, p. 428. 


? Orcow : Archiv für die gesammte Physiologie, t. LIX, 
1894. 

# HamweurGer: Archiv für Physiologie, 1895, p. 281 ; 1896, 
p. 36, 302. 


» LeaTuEes et STARLING : Journal of Physiology, 1895. 


536 D' P. NOLF — LA PRESSION 


OSMOTIQUE EN PHYSIOLOGIE 


Il en est de même, d'après Hamburger, pour les 
détériorations causées par d’autres agents chimi- 
ques, par la chaleur, comme aussi par la mort. 

La régulation de la pression osmotlique entre le 
liquide injecté et le plasma du sang se fait surtout, 
d'après les recherches précitées, par une sortie ou 
une entrée rapide de l’eau du sang. 

D'après les lois de l'osmose, elle devrait se faire 
ainsi, en partie {out au moins, par une entrée ou 
une scrtie de sel. Celle-ci se fait effectivement: 
mais faiblement, et ce sont les mouvements du 
liquide qui règlent surtout l’équilibration de la 
pression osmotique. Cette constatation a sa valeur 
en ce qu'elle nous révèle une des propriétés osmo- 
tiques de la paroi de ces cavités : celle-ci est beau- 
coup plus facilement perméable à l’eau qu'au sel. 
Et, sous ce rapport, elle se comporte comme le simple 
endothélium vasculaire. 

Cette rapidité plus grande d'absorption pour 
l’eau que pour la substance dissoute däns l'eau 
n'est nullement obligée. Il se peut parfaitement 
que la pénétration se fasse tout aussi rapidement 
ou plus rapidement. 

On ne concoil l'action instantanément destruc- 
tive d'une solulion d'urée à 10 °/, sur des hémalies, 
qu'enadmettantunerapidité de pénétration del’urée 
au moins aussi grande que celle de l'eau. Les agents 
d'hémolyse qui pénètrent lentement, comme la gly- 
cérine ou mieux encore l’érythrite, ne provoquent la 
globulolyse qu'au bout de quelques minutes ou mème 
de quelques heures (Hedin).EtHôüber ! a montré que 
des solutions hypertoniques de chlorure ammo- 
nique, d'urée et surtout d'alcool introduites dans 
une anse inlestinale dechien peuvent y devenir hypo- 
toniques. C'est ainsi qu'une solution d'alcool, ayant 
un point de congélation de —0°,689 lors de son 
introduction dans l'intestin se congélait à — 0°,433 
après un séjour de vingt minutes, le point de con- 
gélation du sérum étant de — 0°,575. Il s'était done 
produit dans ce cas, une forte dépression osmotique 
dans l'intestin, provenant de la perméabilité plus 
grande de la paroi intestinale pour l’alcool que 
pour l’eau et pour les sels du plasma. Dépression 
osmotique qui n'était eñ rien la conséquence d'un 
processus vilal, comme on pourrait l'objecter, puis- 
qu'on peut en produire d'aussi considérables dans 
un boyau de parchemin (Hüber). 

Ce qui décidera du plus ou moins de rapidité de 
l'absorption d'une solution, ce sera donc non pas 
sa concentration, mais Sa pénélr'abilité à travers la 
cloison vivante que la solution baigne. La muqueuse 


! Hoger : Archiv für die gesammte Physiologie, 1898, t. 
LXX, p. 624; 1899, t. LXXIV, p. 225 et 246: 

Voir aussi : 

Lazanus-BanLow : The initial rate of Osmosis. Journal 
of Physiology, t. XIX, p. 140-166 ; t. XX, p. 145-157. 


intestinale se comporte tout autrement sous ce rap- 
port que les séreuses. Elle est beaucoup plus per- 
méable au chlorure sodique que celles-ci, comme 
le prouve la rapidité d'absorption beaucoup plus 
grande des solutions hypertoniques de ce sel et la 
tendance faible à l'équilibration osmotique, qui est 
à peine ébauchée. Au contraire, les sulfates alcalins 
la traversent beaucoup moins aisément; aussi des 
solutions faiblement hypertoniques de ces sels se 
mettent en équilibre osmolique complet, par sortie M 
d'eau du sang, avant d'être absorbées(Küvesi)!. On 
concoit dès lors très bien que toute cause qui dimi- 
nuera la vitesse d'absorption, laissera aux phéno- 
mènes osmotiques plus de temps pour se produire. 
C’est l'explication toute simple de l’action du fluo- 
rure de sodium sur la résorption du chlorure 
sodique dans l'inteslin. : 

Dans le même ordre d'idées, Wallace et Cushny” 
ont mis en lumière la grande différence de per- 
méabilité de la muqueusé intestinale pour toute 
une série de sels sodiques tant inorganiques qu or- 
ganiques. Celte facilité d'absorption plus où moins 
grande peut être mise en parallèle avec le pouvoir 
purgalif des sels. C'est la mise au point de l’ancienne 
théorie de Liebig, allribuant à des phénomènes 
d'osmose l’action des purgalifs salins. 

Comme on le voit, il ne reste plus grand'chose 
des arguments de Heidenhain. L'absorption des 
liquides salins dans l’inleslin ou dans les plèvres 
est un phénomène de même ordre que la résorption 
des liquides épanchés artificiellement ou naturel- 
lement dans les tissus. Et il faut s'expliquer la 
résorption finale de tous les liquides introduits dans 
la cavité intestinale par les mêmes processus phy- 
siques que ceux qui amènent, d'après Starling, la 
résorplion par les capillaires veineux des liquides 
transsudés par les capillaires artériels, empêchent 
la formation de lymphe dans les membres, s'oppo- 
sent à la transsudation à la surface des muqueuses 
et assurent la vacuité des cavités séreuses. 

Nous avons analysé à ce propos la grande impor- 
tance de la pression à l'intérieur des capillaires, 
contrebalancée en partie par la pression des tissus 
eux-mêmes. 

Dans l'intestin vivant, l'étude de ce dernier fac- 
teur prend une importance spéciale, à raison de 
l'intervention de la pression abdominale, des con- 
tractions péristaltiques de l'intestin et du jeu des 
villosités inlestinales, qui peuvent agir à l'instar 
de pelites pompes aspirantes sur le contenu intes- 
linal. Hamburger a mis nettement en lumière la 
grande importance de la pression intra-intestinale. 


! Kovest : 
1897. 

# WarLacet Cusuxy: American Journal of Physiology, 
t. 1: et Archiv für die gesammte Physiologie, t. LXXNI: 


Centralblatt lür Physiologie, t. XI, p. 353 


ar des différences très faibles de celle-ci produites 

expérimentalement, il provoqua des différences 
notables dans la vitesse d'absorption d'une même 
solution. En glissant dans une anse intestinale une 
carcasse métallique de mème forme, qui lui tint 
lieu de squelette, il a pu supprimer complètement 
la pression intra-iateslinale dans cette anse. S'il y 
-introduisait une solution isotonique de chlorure 
- sodique, celle-ci y reslait indéfiniment, sans aug- 
- ménler ni diminuer de volume. Il suffisait pour 
-provoquer un débul d'absorption d’une pression 
de 0,5 centimètres d’eau salée. 

La conclusion de tous ces travaux, confirmés et 
étendus dans de nombreuses recherches récentes, 
- est nette : il est légitime de dire actuellement que 
l'absorption des crislalloïdes dans les cavités intes- 
tinale et cœclomique peut être expliquée dans 
ous ses détails par la seule mise en œuvre de fac- 
teurs physiques, sans intervention d’une action 
vitale quelconque des parois de ces cavités. 

L'étude de l'absorption des graisses a pris dans 
ces dernières années une impulsion nouvelle. C'est 
. cependant une opinion encore classique aujour- 
d'hui que les graisses sont absorbées à l'état d’émul- 
sion. Ce genre de pénétration d'une substance dans 
. l'épithélium intestinal ne se conçoit pas, si l'on 
 n’admet une intervention active des cellules de 
l'épithélium. En effet, il résulte des recherches de 
lous les auteurs qui se sont occupés de la question, 
que la paroi intestinale est absolument imperméa- 
ble à toutes les substances finement pulvérulentes, 
telles que carmin, lycopode, encre de Chine, 
qu'on introduit dans l'intestin, en suspension dans 
un liquide. Si donc exception est faite pour les 
gouttelettes d'une émulsion graisseuse, ce doit 
ètre par suite d'un pouvoir électif des cellules de la 
muqueuse intestinale. On a voulu faire jouer aux 
leucocytes le rôle d'agents préhenseurs des goutte- 
lettes graisseuses. Mais il est prouvé aujourd'hui 
que la plus grande partie, sinon la totalité de la 
graisse absorbée, passe par les cellules épithé- 
liales. 

Dans ces dernières années, plusieurs travaux ont 
paru, dont les résultats plaident en faveur d'une 
tout autre conceplion du mécanisme d'absorption 


Rockwood, ont montré la possibilité et même la 
probabilité d'une absorption totale des graisses 
à l'état dissous, après saponification complète 
préalable. En raison du caractère particulier 
du sujet et de la copieuse littérature qu'il com- 
. porte, il est impossible d'entrer ici dans les détails 
. du débat, qui se continue d’ailleurs, très animé, 
entre les défenseurs de l’une et de l’autre théorie. 
Dans deux articles très documentés, Pflüger 
. vient d'en résumer les données, et conclut catégo- 


D: P. NOLF — LA PRESSION OSMOTIQUE EN PHYSIOLOGIE 


. des graisses, et deux auteurs anglais, Moore et 


531 


riquement en faveur d'une absorplion exclusive 
des corps gras à l’état dissous". 

Lesalbuminoïdes aussi traversent la paroi intesli- 
nale à l’état dissous et bien que l'intestin ne ren- 
ferme, à chaque instant de la digestion, que de fai- 
bles quantités de peplones, la quantité de celles-ei 
dépasse toujours notablement celle des albu- 
minoides simplement (Schmidt -Mühl- 
heim)?. Et comme, d'autre part, les peplones sont 
absorbées beaucoup plus rapidement par l'intestin 
que les albuminoïdes solubles (Friedländer)*, il 
faut bien admettre que de loin la majeure partie, 
sinon la totalité des substances protéiques ingérées 
sont peplonisées dans le cours de la digestion nor- 
male avant de pénétrer dansla muqueuse digestive, 
S'il en est ainsi, il suffit, pour produire l'absorp- 
tion des graisses el des albuminoïdes, des simples 
lois de la diffusion; et il n'est nul besoin pour 
l'expliquer de supposer que les cellules vivantes qui 
forment l'épithélium déploient une activité vitale 
quelconque qui les rendrait momentanément plus 
spécialement perméables à telle 
substances plutôt qu'à telle autre. Seulement, à 
peine absorbées, tantgraisses (acides gras ou savons) 
que peptones, subissent de profondes modifications: 
les premières sont transformées en glycérides, les 
secondes en albuminoïdes plus complexes. Cette 
élaboration est, quant à elle, conséquence d’ane 
action vitale, et l’on peut concevoir qu'elle a sur 
l'absorplion des.graisses et des albuminoïdes une 
influence indirecte, mais de haule importance. En 
effet, les substances absorbées étant transformées, 
gräce à elle, à mesure de leur pénétration, leur 
concentration doit rester très basse dans l'intérieur 
des cellules de la muqueuse; l'équilibre de teneur 
n'est donc jamais atteint entre le contenu de 
l'intestin et le contenu des cellules, et la diffusion 
se poursuit jusqu'à épuisement complet du liquide 
intestinal. f 

C'estpar un mécanisme analogue quePfeffer‘expli- 
quele pouvoir que possèdent certaines cellules végé- 
tales vivantes d'emmagasiner de grandes quantités 
de substances colorantes. Ainsi les cellules épider- 
miques des racines de Zemna minor absorbent 
le bleu de méthylène d'une solution aqueuse à 
0,001 °/, avec une énergie telle qu'après 1 à 3 heures 
la concentration de la solution intra-cellulaire 
est de 1 ?/,. Il existe à l'intérieur de la cellule vé- 


dissous 


catégorie de 


1 Priucer : Ueber die Gesundheïitschädigungen welche 
durch den Genuss von Pferdefleisch verursacht werden. 


LXXX, 1900. 
Lehre von der 
LXXXI, 


Archiv fur die gesammte Physiologie, t. 

In. : Der gegenwärtige Zustand der 
Verdauung und Resorption der Fette. /bidem. t. 
1900. 

? Scuwror-Muucuein : Verdauung der Eiweisskorper. Ar- 
chiv für Anatomie und Physiologie, 1879. 

3 FriepLanDer : Zeitschrift fur Biologie, t. XXXII. 

5 Prerrer : lflauzenphysiologre. 


D38 


gétale des substances telles que des tannins, de la 
phloroglucine ou d'autres composés inconnus, for- 
mant avec la matière colorante des combinaisons 
solubles ou insolubles, pour lesquelles la mem- 
brane cellulaire est imperméable. Cette formation 
incessante aux dépens de la matière colorante de 
composés non diffusibles équivaut, au point de vue 
osmotique, à une destruction de celle-ci, et, tant 
qu'elle se produira dans la cellule, il y entrera de 
nouvelles quantités du colorant. ; 

C'est l’analogue complet de la fixation extrême- 
ment rapide de l'anhydride carbonique d’une atmos- 
phère confinée par un bälon d'hydrate de polas- 
sium, que l’on y introduit. Cette combinaison 
(dont la nature intime peut être variable d'un cas à 
l’autre) d'un élément pénétrant la cellule avec cer- 
tains constituants de celle-ci, dont le produit est 
une substance non diffusible, joue probablement un 
grand rôle dans les processus de nutrition de la 
cellule, en ce qu'il permet à celle-ci d'accumuler 
dans son intérieur de grandes réserves nutritives 
non diffusibles, sans grande augmentation de sa 
tension osmotique. On voit immédiatement l'uti- 
lité d'un mécanisme de ce genre, non seulement au 
point de vue de la fixation, mais encore de la con- 
servation à l'intérieur de certains tissus des divers 
matériaux d'épargne : albuminoïdes complexes peu 
ou pas diffusibles, formés aux dépens des peptones; 
graisses insolubles dans l'eau (par conséquent sans 
action osmotique), aux dépens de savons solubles et 
de glycérine; glycogène de tension osmotique faible 
et peu ou pas diffusible, aux dépens des sucres. 


IT. — SÉCRÉTIONS GLANDULAIRES. 


Jusqu'ici la vie ne s’estmanifestée dansla produc- 
Lion des faits d’osmose que suivant des modes sim- 
ples : soitenélablissant dansuntissu vivantdes con- 
ditions de perméabilité constantes, permanentes, 
mais différentes de celles du même tissu mort ou 
malade (endothélium vasculaire), soit en augmen- 
tant par désintégration moléculaire la tension 
osmotique d'un milieu, soit en facilitant dans une 
mesure très grande les échanges osmotiques de 
cerlains composés par la production à leurs dépens 
de substances peu où pas diffusibles. 

Mais il existe dans l'organisme une série de 
liquides dont les valeurs osmotiques sont en dé- 
saccord complet avecles lois de l’osmose (telle que 
celle-ci se passe au travers de cloisons inertes, à 
propriétés invariables) : ce sont les liquides glan- 
dulaires. 

Ce fut Dreser ‘qui, le premier, étudia, au moyen de 


! Dreser : Ueber Diurese und ihre Beeinflüssung durch phar- 
makologische Mittel. Archiv für experimentelle Pathologie 
uad Pharmakologie, 1891, € XXIX, p. 303. 


D' P. NOLF — LA PRESSION OSMOTIQUE EN PHYSIOLOGIE 


la cryoscopie, la concentration moléculaire de 
diverses sécrétions et humeurs organiques. Dreser 
constata que, tandis que la bile, le lait, l'humeur 
aqueuse présentaient des valeurs s’écartant très 
peu ou pas du tout de celle du sérum, il en était 
tout autrement pour l'urine. C'est ainsi qu'un chat, 
privé d’eau pendant plusieurs jours, émeltait une 
urine dont le point de congélation était A — — 49,79, 
alors que son sérum se congelait à — 0°,66, ce qui » 
faisait une concentration moléculaire 7 fois plus 
forte dans l'urine. Au contraire, après l'administra- 
tion de diurétiques ou à la suite de libations copieu- 
ses, l'urine peut devenir très diluée et son point de 
congélation remonter à A——0°,33. 

Dans d'autres liquides de sécrétion aussi, tels 
que la sueur, la salive, la teneur en sels peut être 
très faible et le point de congélalion posséder des 
valeurs correspondantes. C'est ainsi que, dans un 
travail qui vient de paraitre, Ardin-Delteil ! cite 
comme valeurs du point de congélalion de la 
sueur de l'homme sain des chiffres variant entre 
A—0°,08 et A —0°,46. J'ai trouvé ? pour la salive 
tympanique du chien des valeurs très voisines 
(A = — 0°,193 à A — — 0396). 

Il faut nécessairement admettre ici une inter- 
vention active du protoplasme cellulaire qui, par 
un mécanisme encore inconnu, parvient à enlever 
au plasma sanguin, solution saline, les éléments 
d'une autre solution, où les rapports entre l’eau et 
les sels sont changés, opérant ainsi une sorle de 
distillation incomplète de l’eau du plasma : un vé- 
ritable travail, dont on peut établir la valeur en 
kilogrammètres. Et, sous ce rapport, il est intéres- 
sant d'ajouter que, d’après d'anciennes observa- 
tions de Heidenhain, confirmées d’ailleurs par 
tous ceux qui se sont occupés de la question, la 
salive sous-maxillaire est d'autant plus concentrée 
en sels qu'elle coule plus rapidement. C'est-à-dire 
que la glande sous-maxillaire, excitée fortement, 
n'opère plus aussi complètement la séparation 
entre l’eau et les sels du plasma. De ce fait, la 
dépense d'énergie est moindre; seulement la quan- 
tilé de salive sécrélée étant beaucoup plus consi- 
dérable, Le travail total est néanmoins supérieur à 
celui qui est nécessaire pour sécréter, dans le 
même temps, une salive plus diluée, mais beau- 
coup moins abondante. Dans les reins aussi, il y à 
travail fourni, que l'urine soit plus diluée que le 
plasma du sang ou qu'elle présente une concen- 
tralion plus forte. À ce sujel, tous les physiolo- 
gistes sont actuellement d'accord; mais, où les opi- 


 AnniN-DELtEIL : Cryoscopie de la sueur de l'homme sain. 
C. R. de l'Académie des Sciences de Paris, novembre 1900. 

? P. Norr : La pression osmotique de la salive sous-maxil- 
laire du chien. Bulletin de l'Acad.royale de Belgique(Sciences), 
1900, p. 960. 


D'° P. NOLF — LA PRESSION 


mions diffèrent, c'est sur le point de savoir dans 
quelle partie du rein s’effectue ce travail. 

La glande rénale occupe une situation unique 
parmi les appareils sécréteurs, par le fait que ses 
tubes, au lieu de finir simplement en cul-de-sac, 
offrent à leur extrémité aveugle un amincissement 
“de leur paroi, qui s'applique directement sur une 
houppe vasculaire, formant ce qu’on appelle le 
f#lomérule. Au niveau du glomérule, le sang est 
séparé de l'urine par un endothélium très mince, 
“doublé d'un épithélium tout aussi mince. Partout 
“ailleurs, la cloison de séparation est plus épaisse. 
De plus, les dispositions vasculaires du glomérule 
“ont extrêmement favorables à une filtration abon- 
dante et facile des éléments cristalloïdes et de 
l'eau du plasma sanguin. Le vaisseau afférent, très 
court, de la houppe vasculaire se détache directe- 
ment des premières ramifications de l'artère ré- 
male, ce qui permet de supposer que la pression 
artérielle y est encore très élévée, d'autant plus 
que le vaisseau efférent est d'un calibre moindre 
-que l'artère afférente. 

_ Ludwig admettait que, grâce à cette pression 
élevée, se produit dans le glomérule une filtra- 
tion de l'eau et des cristalloïdes du plasma sanguin, 
et que le liquide ainsi formé, en circulant au tra- 
» vers des tubes rénaux, y subit une concentration 
: par suite de la résorption d’une partie de l'eau 
- filtrée. Cette concentration transformerait le liquide 
filtré au point d'en faire l’urine définitive. La con 


+ centration dans les tubes rénaux était supposée 


s'effectuer par suite d'échanges osmotiques avec 
la lymphe concentrée qui les entoure. 
_ Ainsi concue, l'hypothèse de Ludwig n'est plus 
soutenable, depuis que des recherches précises ont 
. déterminé l'écart, parfois extrêmement considé- 
rable, pouvant exister entre la tension osmotique 
‘du sang, peu différente de celle de la lymphe, et la 
tension de l'urine. Pour mettre la théorie de 
Ludwig en accord avec les faits actuellement 
connus, il faut admettre que le liquide filtré dans 
le glomérule, liquide a/calin contenant en dissolu- 
tion tous les éléments cristalloïdes du plasma san- 
guin, estmodifié, non pas grâce à de simples phé- 
nomènes osmotiques, mais par l'absorption active 
_ d’une bonne partie de son eau et de ses éléments 
. salins (Starling), cette absorption étant due à l'inter- 
. vention des cellules épithéliales bordant les canali- 
cules rénaux. Dans cette idée, l'activité spécifique 
-du rein serait donc, non pas une sécrétion, mais 
une absorption 
Au contraire, la théorie de Bowmann, déve- 
loppée par Heidenhain, suppose une sécrétion ac- 
tive de l’eau et des sels de l'urine par le glomérule, 
avec sécrétion également active des constituants 
_Spécifiques de l'urine, urée, acide urique, elc., et 


OSMOTIQUE EN PHYSIOLOGIE 539 


d'une certaine quantité d’eau par les cellules des 
canalicules rénaux. Examinons rapidement à la 
lumière de ces deux hypothèses les principaux 
résultats de l’expérience. 

On sait depuis longtemps que la rapidité d’ex- 
crétion de l'urine croit avec la valeur de la pres- 
sion aortique, et que, lorsque celle-ci tombe au- 
dessous d’une certaine limite (30 — 40 millimètres 
de mercure),- quelle que soit d'ailleurs la cause 
de cette chûte, il se produit un arrêt complet de la 
sécrétion urinaire. D'autre part, il est établi d'une 
façon tout aussi assurée que la ligature de la veine 
rénale produit également un arrêt immédiat de 
l'écoulement de l'urine. 

Heidenhain explique ces faits en disant que ce 
qui importe au bon fonctionnement du glomérule, 
ce n'est pas la pression du sang, mais sa rapidité 
d'écoulement au travers des vaisseaux gloméru- 
laires. La chûte de pression artérielle et la ligalure 
des veines arrêteraient toute sécrétion en dimi- 
nuant notablement cette vitesse ou en la rendant 
nulle. L'explication est ingénieuse, surtout en ce 
qui concerne la seconde constalalion,; on se rend 
plus difficilement compte par elle de l'influence si 
considérable de la pression artérielle. Car les cons- 
tatations faites au sujet des glandes salivaires, 
dont l’activité nettement sécrétoire a élé mise hors 
conteste par Ludwig lui-même, montrent une in- 
dépendance beaucoup plus complète entre le phé- 
nomène de la salivation et la pression sanguine, le 
premier pouvant encore s'effectuer en l'absence de 
toute pression dans les vaisseaux. 

Au contraire, celte influence prépondérante de 
la pression artérielle est tout expliquée dans Ia 
théorie de Ludwig, dont elle constitue la base. 
L'effet de la ligature des veines, au contraire, est 
à première vue en opposilion formelle avec cette 
hypothèse. Mais des expériences ingénieuses de 
Ludwig et de M. Hermann ont montré que l'arrêt 
de l'écoulement urinaire, observé dans ces condi- 
tions, pouvait se comprendre par la dilatation des 
capillaires veineux (qui forment autour des tubes 
urinaires un lacis très riche), dilatalion dont la 
conséquence est la compression et l’oblitération 
des voies glandulaires. C'est ainsi que, de même 
que la stase veineuse influence l'écoulement de 
l'urine, de même la stase urinaire influence l'écou- 
lement veineux. 

Si l'on détermine d'une façon concomitante la 
pression aorlique et la pression à l’intérieur du 
bassinet, après ligature de l'uretère, ainsi que le 
firent plusieurs auteurs, et dernièrement encore 
Starling', on trouve qu'il existe entre les déux va- 


1 E.-N. SrarcinG : The glomerular Functions of the Kid- 
ney, Journalof Physiology, t, XXIV, p. 316, 1899. 


940 


leurs, quelle que soit leur grandeur absolue, une 
différence constante, qui est de 40 à 50 milli- 
mètres de mercure (sensiblement égale, par con- 
séquent, à la pression artérielle minima, permet- 
tant encore un écoulement urinaire). Fait très 
important, comme on le conçoit facilement, et tout 
en faveur de l'hypothèse d'une filtration dans le 
glomérule. Pour l'expliquer, Heïdenhain est forcé 
d'admettre que, dans ces conditions, il n'y a pas 
arrêt de sécrétion au niveau des glomérules. Celle- 
ci persiste. Mais l'urine, accumulée dans les canali- 
cules sous une pression pouvant être élevée (jus- 
qu'à 95 milligrammes de mercure, dans une expé- 
rience de Starling), fl{rerait au travers de leur 
paroi, avec une vitesse précisément égale à celle 
de la sécrétion dans les glomérules. Le raisonne- 
ment est étonnant de la part d’un adversaire aussi 
résolu des processus de filtration dans l'organisme. 
Voilà done Heidenhain forcé, pour justifier sa con- 
ception de l'activité sécrétoire du glomérule, d’ad- 
meltre qu'il se produit, au travers des cellules 
épaisses bordant Les canalicules, une filtration dont 
il ne veut à aucun prix, quand il s'agit de l’épithé- 
lium mince du glomérule, alors que /a pression 
lilérante y est plus énergique et que toutes les dis- 
positions anatomiques y sont réunies pour la faci- 
liter. 

Un moyen simple pour augmenter la pression 
capillaire (et non la pression artérielle) dans les 
organes abdominaux, c'est, ainsi qu'on à pu le 
voir déjà, l'injection des lymphagogues de deu- 
xième classe, des substances cristalloïdes. Or, ces 
agents sont connus depuis longtemps comme de 
puissants diurétiques. Il a déjà été dit que leur 
pouvoir diurétique a été trouvé proportionnel à 
leur valeur osmotique par von Limbeck*, constata- 
tion confirmée récemment par Münzer* pour diffé- 
rents sels sodiques, et par Hedon et Arrous*° pour 
les sucres. 

Comme il a élé dit au sujet de l’action lympha- 
.gogue de ces substances, c'est aux changements 
mécaniques de la circulation capillaire, qui se pro- 
duisent dans toute pléthore hydrémique, qu'il faut 
attribuer, en partie du moins, leur influence sur la 
rapidité d'écoulement de l'urine. Mais ül y a lieu 
aussi de tenir compte de la dilution du sang et de 
la diminution de sa tension osmotique effective 


1 Vox Limeecx : Zur Lehre von der Wirkung der Salze. Ar- 
chiv fur experimentelle Pathologie und Pharmakologie, 
t. XXV, p. 69, 1889. 

? Muxzer : Zur Lehre von der Wirkung der Salze. Zhidem, 
t. XLI, p. T4, 1898. 

* H£pox et Arnous : Sur les effets cardio-vasculaires des 
injections intra-veineuses des sucres. C R. Soc. de Biologie, 
1899, p. 642. 

In. 1n. : Des relations existant entre les actions diurétiques 
et les propriétés osmotiques des sucres, C. R. Ac. Sciences, 
t. CXXIX, p. 118, 1899. 


D' P. NOLF — LA PRESSION OSMOTIQUE EN PHYSIOLOGIE 


(due aux colloïdes du sang); et cela d'autant plu 
que la surface glomérulaire peut-être considérée 
comme étant totalement ou presque totalement 
imperméable aux albuminoïdes du plasma. À cé 
point de vue, il est frappant, comme le fait res= 
sortir Slarling, que la pression osmotique de 
albuminoïdes du plasma est précisément égale à I 
valeur minima de la pression aortique permettan 
encore une sécrétion rénale. 

Il y a lieu également de renvoyer ici à ce qui & 
été dit plus haut, concernant les injections intra 
veineuses des colloïdes, dont l'influence sur le rein 
est semblable à leur action sur l'écoulement dé 
la lymphe thoracique. Envisagées au point de vue 
osmolique, les propriétés diurétiques des cristal= 
loïdes deviennent donc d’une lumineuse simplicité: 
Mais, dans des processus aussi complexes que les 
secrétions glandulaires, il est prudent de ne pas 
généraliser trop tôt. | 

Aux facteurs principaux, délerminant un phéno- 
mène, sadjoignent souvent toute une série de 
causes secondaires, dont il faut tenir compte. C'est 
ainsi que, d'après Starling lui-même, il y a, dans la 
diurèse produite par les injections sucrées, autre 
chose que les actions exposées plus haut, et cette 
autre chose c'est une vaso-dilatation rénale causée 
directement par l’action du sucre sur les vaisseaux 
du rein. | 

Dans deux travaux récents sur la diurèse saline: 
‘(après injection de NaCl et Na SO‘), Magnus * 
arrive à des conclusions peu en accord avec ce qui 
précède. Ce qui importe, suivant Magnus, au point 
de vue de l'accélération du cours de l'urine, ce n’est 
pas le changement apporté par la pléthore hydré- 
mique dans la pression capillaire, mais bien la 
dilution du sang. La vaso-dilatation rénale ne, 
jouerait également aucun rôle important. Mais là 
dilution du sang elle-même ne rend pas compte de 
tous les faits. C’est ainsi que des solutions de sulfate 
et de chlorure sodiques âe concentrations telles que 
la dilulion du sang qu'elles provoquent soit la 
même, ont cependant un pouvoir diurétique diffé- 
rent, le sulfate sodique se montrant plus actif que 
le chlorure. Au point de vue de leur élimination 
aussi, il existe des différences : le sulfate sodique 
passe en plus grande abondance dans les urines. 
Dans une diurèse provoquée par le sulfate sodique, 
Magnus constate que l'urine obtenue ne contient 
que 0,05 °/, de NaCI, alors que le sérum en contient 
0,60°/,. Ce résulat et d'autres amènent Magnus à 
considérer le rein comme un appareil extrêmement 


! Maënus : Veränderung der Blutzusammensetzung nach 
Kochsalzinfusion. Archiv {ur experimentelle Pathologie 
und Pharmakologie, t. XLIV, p. 68,1900. 

Ib. : Vergleich der diuretischen Wirksamkeit isotonischer 
Salzlüsungen. Zbidem, p. 396, 1900. 


Sensible à la teneur du sang en eau etJen sels, 
féagissant vis-à-vis des différences faibles des 
Sonstituants normaux ou anormaux du plasma, et 
éagissant de manière à rétablir l'équilibre rompu. 
… Dans la pléthore hydrémique causée par l'injec- 
lion de Na°S0*, il y a diminution de la proportion 
de chlorure sodique dans la masse sanguine aug- 
mentée et diluée par l'eau des lissus. Le rein en a 
pour ainsi dire conscience et retient le chlorure 
sodique du plasma tout en laissant passer le sulfate. 
Magnus trouve ces faits peu conciliables avec la 
théorie de Ludwig. Il suffit pourtant, pour les met- 
tre d'accord, d'admettre que les canalicules rénaux 
ont la propriété d'absorber non seulement de l’eau 
ais encore du sels. On arrive d'ailleurs à celte 
conclusion par différentes voies. 

C'est ainsi qu'il est impossible de comprendre 
autrement, à la lumière de la théorie de Ludwig, la 
formalion d'urines extrèémement diluées, telles que 
celles examinées par Dreser (voir plus haut). D'au- 
tre part, von Koranyi a démontré que, si l'on dilue 
les urines de viogt-quatre heures, de façon à leur 
donner une tension osmotique absolue égale à celle 
du plasma, la leneur en chlorure sodique du 
liquide ainsi obtenu est de beaucoup inférieure à 
- celle du plasma. 

- Cet auteur admet que le liquide filtré au travers 
- du glomérule abandonne aux cellules des canali- 
- cules une partie de son chlorure sodique, qui 
serail remplacé par une quantité osmotiquement 
équivalente des autres constituants urinaires. 

- Plus l'urine s'écoulerait lentement au travers des 
conduits sécréteurs rénaux, plus elle serait riche 
en urée et pauvre en chlorure sodique. 

Ainsi s'expliquerait la constatation de Ludwig 
. que le liquide recueilli dans un bassinet dont 
l’urétère avait été lié élait très riche en urée et 
ne contenait plus que des traces de chlorure so- 
| dique. 


LR LT 


L'auteur a examiné, à ce point de vue, un grand 
nombre d'urines pathologiques et il est arrivé à 
des conclusions intéressantes, reprises el étendues 

. par plusieurs cliniciens français. 
. Très intéressantes sont encore les observalions 
. de von Koranyi sur les urines du célèbre jeûneur 
Succi. Au sixième jour de jeûne, Succi émettait 
| des urines extrêmement concentrées (moyenne de 
» A—— 8,15), dont la teneur en chlorure sodique 
_ était très faible (0,26 °/.). Ces différentes consta- 
| lalions s'expliquent parfaitement en admettant que 
. le rein est extrêmement sensible à de légères 
> différences dans la teneur du sang en chlorure 
| sodique, et l'organe rénal nous apparait ici comme 
| le véritable régulateur de cette teneur, constante 
à l’état normal; si cette idée est exacte, il faut 
| s'attendre à voir diminuer la quantité de chlorure 


D' P. NOLE — LA PRESSION 


| 


OSMOTIQUE EN PHYSIOLOGIE 


41 


sodique dans les urines chaque fois que, pour un 
motif ou l’autre, il y a tendance à la baisse dans 
la richesse du plasma en sel marin: baisse pouvant 
être due à un apport insuffisant ou nul de ce sel 
(inanition), où à un état de pléthore hydrémique 
ausé par un agent autre que le chlorure sodique 
(expérience de Magnus avec le sulfate sodique). 
On peut se demander si cette action régulatrice 
du rein s'effectue par sécrétion, au niveau du glo- 
mérule, d'un liquide plus pauvre en sel marin que 
le plasma sanguin, ou si elle consiste en la réab- 
sorption, par le canalicule rénal, d'une partie du 
sel marin éliminé par le glomérule. La constatation 
précitée de Ludwig plaide en faveur de la seconde 
hypothèse. Cette action régulatrice de l'organe 
rénal sur la composition du sang est très impor- 
tante, en ce qu'elle touche à une question très 
intéressante, la constance osmotique du plasma 
(ou du sérum) des Vertébrés supérieurs. 

Chez les Invertébrés marins, le milieu intérieur 
est, d'après les recherches de Fredericq* Botazzi”, 
en équilibre osmotique complet avec l’eau de mer 
qui les environne*. Parmi les Poissons, les Sélaciens 
présentent encore la même dépendance de la valeur 
osmotique lotale de leurs humeurs vis-à-vis du 
milieu ambiant. Mais cette valeur totale ne corres- 
pond plus à une teneur saline égale le sang étant 
beaucoup moins riche en sels que l'eau de mer (Fre- 
dericq*);déjàlesTéléostéens marinsontun sang beau- 
coup moins concentré. Leurs congénères d'eau 
douce ont encore diminué la valeur osmotique de 
leur plasma, dont le point de congélation ne diffère 
pas sensiblement de celui des Amphibiens et des 
Vertébrés supérieurs. Mais, de parleur vie dans une 
eau très pauvre en principes salins, Téléostéens 
d’eau douce et Amphibiens ont à se préserver non 
plus d'un excès, mais d'un manque de sel. Absor- 
bant l'eau douce par les aliments avalés et par la 
surface cutanée et respiraloire (absorption peut- : 
être très faible, mais continue), n'absorbant certai- 
nement pas la quantité équivalente de sel marin, 
ces animaux son! done forcés d'éliminer plus d'eau 
que de sel pour garder intacte la tension osmo- 
tique de leur milieu intérieur. C'est ce qu'effectue 
leur rein. Dreser a trouvé que le point de congé- 
lation de l'urine de grenouilles était A = — 0°,24. 


1 FrevericQ : Influence du milieu ambiant sur la compo- 
sition du sang des animaux aquatiques. Archives de Zoolo- 
gie expérimentale, 2e série, t. I, p. 34, 1885. 

2 Borazz : La pression osmotique du saug des animaux 
inarins. Archives italiennes de Biologie, t. XXVIIT, p. 61, 
1892. ' 

3 Ronier : Observations et expériences comparatives sur 
l'eau de mer, le sang et les liquides internes des animaux 
marins. Travaux du Lahoratoire de la Station zo0l. d'Ar- 
cachon, 1899. 

“ Frenekxico : Sur la perméabilité de la membrane bran- 
chiale. Bull. Acad. Sciences de Belgique, p. 68, 1901. 


542 


Avec la vie aérienne surgissent de nouvelles com- 
plications. Ici le danger devient double par le 
fait de grandes pertes d’eau s’effectuant par la peau 
et les poumons; la nécessité d’une seconde régu- 
lation se fait sentir et le rein s'en charge encore, 
l'effectuant d'une facon d'autant plus complète que 
le besoin en est plus grand. Oiseaux et Reptiles 
exerètent une urine presque solide. Les Mammi- 
fères règlent la concentration de leur urine suivant 
les apports de boisson. d 
Mais à ces facleurs d'origine extérieure, s'ajou- 
tent les effets de la désintégration des tissus. 
Incessamment se produisent des scissions et des 
combustions dont le résultat est une augmentation 
de la valeur osmotique de la lymphe et du sang 
veineux. L'acide carbonique en est le facteur 
dominant. Sa nature gazeuse rend facile son éli- 
mination au niveau du poumon, qui apparait ainsi 
comme organe de régulation de la constance osmo- 
tique du plasma (von Koranyi). Quant aux produits 
azolés de la désassimilation, s'ils sont en moindre 
quantité que l'acide carbonique, ils présentent 
l'inconvénient de n'être point volatils et s'accu- 
muleraient fatalement dans le sang, si un organe 
spécial, le rein, ne se chargeait de leur élimination. 
Von Koranyi, ayant enlevéles deux reins à un lapin, 
‘vit le point de congélation du sérum sanguin de 


cet animal tomber de A — — (°,56 à À = — 0°,61 
en 3 heures, à A — —(°,73 en 7 heures. 


Au cours de cet exposé, il a donc été fourni des 
arguments en faveur d'une régulation de la tension 
osmotique du plasma sanguin par le rein, dont 
l'activilé serait mise en jeu par des variations de 
la quantité d’eau, de sels solubles et de prin- 
cipes cristalloïdes provenant de la désassimilation 
des albuminoïdes. Ne sont-ce pas là des arguments 
suffisants pour localiser dans cet organe sinon 
exclusivement, du moins principalement le siège 
des forces myslérieuses qui règlent la belle 
constance osmotique du milieu intérieur des Ver- 
ltébrés? Plusieurs auteurs ont déjà insisté sur 
l'importance de cette invariabilité osmotique du 
milieu intérieur et lui ont attribué des causes dif- 
férentes. Ce fut d’abord Hamburger’ qui l'attribua 
à l'intervention active de l’endothélium vasculaire. 
Puis Winter”, qui insista particulièrement sur la si- 
gnification générale de la constance osmotique de la 
plupart des humeurs organiques et attira l’attention 
sur le rôle important du chlorure sodique dans 
l'équilibration osmotique. D'après Winter, la plus ou 


! HamsurGer : Ueber die Regelung des Blutbestandtheile, 
Zeitschrift lür Biologie, t. XXNIX, p. 259, 1890. 

2 Winrer : De la concentration moléculaire des liquides 
de l'organisme, Archives de Physiologie normale et patho- 
logique, 2 série, t. VIII, p. 114, 1896, De l'équilibre molécu- 
laire des humeurs. Rôles des chlorures. Zhidem, p. 281. 


D: P. NOLF — LA PRESSION OSMOTIQUE EN PHYSIOLOGIE 


moins grande dissociation électrolytique de ce se 
pourrait servir d’élément régulateur de cette valeur 
Enfin Fano et Bottazzi' croient pouvoir dérive” 
l'uniformité du niveau osmotique sanguin de l’exis: 
tence, dans les lissus et les liquides de l'organisme 
de combinaisons instables entre le chlorure sodiquem 
et les albuminoïdes cellulaires et humoraux, com= 
binaisons qui céderaient aux liquides ambiants du 
sel marin dès que la tension de ce dernier tom-= 
berait au-dessous d’une certaine limite, etle repren 
draient dans les conditions inverses. 

Cette opinion toute théorique a été infirmée (du 
moins en ce qui concerne une union possible entre 
chlorure sodique et ovalbumine) par un travail dem 
Bugarszky et Liebermann ?. 1 

I faut également remarquer ici que si, chez une 
même espèce animale, il règne une certaine cons 
tance osmolique du plasma sanguin, et que les 
valeurs de celte constante varient peu d'un mam- 
mifère à l’autre, l'étendue de ces variations esk 
cependant beaucoup plus considérable que nem 
l'avait indiqué Winter. Un travail récent de Tangl 
et Bugarszky* fournit à ce sujet des détails très 
intéressants. 

Mais, si nous laissons celte curieuse question de 
la constance osmotique du milieu intérieur des Ver- 
tébrés supérieurs pour en revenir au mécanisme de 
la sécrélion rénale, nous sommes obligés de recon-« 
maitre qu'il est impossible de déduire des expé-« 
riences citées plus haut une cerlitude quelconque 
concernant le mode d'activité de l'organe rénal. 

Heidenhain avait attaché beaucoup d'importance 
à l’étude de l'éliminalion de diverses matières 
colorantes par lies reins en vue de l'établissement 
de sa doctrine. Suivant lui, le mode d'élimination 
de l'indigosulfate de soude prouve, à n'en pas dou- | 
ter, la nature sécrétoire de l'épithélium des cana- 
licules contournés. Des recherches ultérieures 
d'autres savants ont confirmé le résultat des expé- 
riences d'Heidenhain sur ce point, comme d'ailleurs 
sur tous ceux dont s'est occupé l'éminent physio- 
logiste. Mais, si les faits étaient exacts, leur inter 
prétation était plus problémalique, et von Sobie- 
ransky * a montré qu'il était au moins aussi facile 
de les comprendre avec la théorie de Ludwig. 

Quant à la présence d'urates dans les cellules des 
canalicules contournés du rein des Oiseaux, cons- 
talée par von Witlich, quant aux expériences de 


! Faxo et Borrazz : Travaux du laboratoire de Physio= 
logie de Florence, 1896. 

= Buoanszky et Liësermanx : Ueber das Bindungsvermügen 
siweissartiger Kürper, Archiv für die gesammte Physio= 
logie, t. LXXIT, p. 51, 1898. ; 

3 Bucanszky et TaxGL : Moleculäre Concentrations-Verhält- 
nisse des Blutserums, Archiv für die gesammte Physiolo= 
gie, t. LXXII, p. 531, 1898. 

# Von SomieranskY : Ueber die Nierenfunction. Archiv für 
exp. Pathologie und Pharmakologie, t. XXXV, p.144, 18954 


ni x ER À F, NE ve 


D: P. NOLF — LA PRESSION OSMOTIQUE EN PHYSIOLOGIE b] 


E 
Ce 


tes respectivement par Bial! et par Adami* dans 
laboratoire de Heidenhain lui-même, qu'il faut 
énoncer à leur attribuer une valeur démonstralive 


e l'hypothèse de Bowmann: Dreser * a démontré, 
des essais avec la fuchine acide chez la gre- 
ouille, que les glomérules sécrètent un liquide 
calin qui ne devient acide que dans les canali- 
ules. Chez les Mammifères carnivores, les urines 
ünthabituellement d'autantplus acides qu'ellessont 
“lus concentrées, et, sous l'influence d’une diurèse 
nergique, l'urine peut devenir alcaline en mème 
émps qu'elle se dilue. Il est donc très probable que, 
hez eux aussi, l'urine glomérulaire primitivement 
caline ne devient acide que dans les canalicules. 
lais qui nous dira si cette acidité est due à la 
sécrélion des sels acides plutôt qu'à la résorption 
le sels alcalins ? 

» Aucune de ces recherches n’est donc en état de 
résoudre la question de savoir si le rein est une 
lande suivant l'opinion de Bowmann-Heidenhain, 
)u s'il faut comprendre son activilé comme étant 
“une filtration, compliquée de la résorption ultérieure 
active d'une partie des éléments filtrés. Il est en 
fout cas bien certain que, dans l’une ou l'autre 
“alternative, il faut l'intervention active des cellules 
des canalicules rénaux tout au moins. Ainsi mo- 
difiée, la théorie de Ludwig semble rendre compte 
au moins aussi facilement et avec moins d'hypo- 
hèses que celle de Bowmann de la plupart des 
expériences, et elle lui est manifestement supé- 
heure dans l'explication de certaines d'entre elles. 


III. — INFLUENCE DE LA CONCENTRATION SALINE 
SUR DIVERSES CELLULES. 


Avant de terminer cetterevue troplongue des tra- 
aux faits dans divers domaines de la Physiologie 
r l'influence possible de la pression osmolique sur 
es phénomènes vivants, il sera permis de rappeler 

que, même avant les travaux de Hamburger, il avait 
éLé fait par Nasse différents essais sur l’action de 
concentration saline sur les muscles de gre- 
nouille. Nasse *, ayant cherché pour différents sels 
de potassium et de sodium quelles étaient les 
foncentrations des solutions dans lesquelles les 


1 Bra : Ein Beitrag zur Physiologie der Niere, Ayrchiv 
im die gesammte Physiologie, t. XLVIT, p. 116, 1590. 
2 Apaui: Nature of glomerular activity, Journal of Phy- 
Siology, t. VI, p. 382. - 
5 Dreser : Histochemisches zur Nierenphysiologie, Zeits- 
hrift für Biologie, t. XXI, p. 41, 1855. 
Nasse: Archiv für die gesammte Physiologie, t. U, 
>: 114, 1869. 


muscles de grenouille conservent le plus longtemps 
leur contractilité, trouva 1° que ces solutions 
étaient équimoléculaires entre elles; 2° que leur 
teneur était légèrement supérieure à une solution 
déci-normale, c'est-à-dire à une teneur de 0,6 °/, 
de sel marin. Hambuger obtint depuis, comme on 
le sait, une valeur rapprochée pour la tension osmo- 
tique du sérum de grenouille. Les observations de 
Nasse, parues en 1869, étaient, comme on le voit, 
en plein accord avec la théorie osmotique, dont elles 
furent une confirmation avant la lettre. J. Loeb'a 
repris récemment les expériences de Nasse et les a 
développées considérablement. Ses conclusions sont 
également en accord avec l'idée que, pour la cellule 
musculaire comme pour toute vivante, 
les condilions créées par les propriétés osmo- 
tiques de la paroi cellulaire sont primordiales au 
point de vue de la conservalion de la vie. 

Le même auteur” étudia l'influence des mèmes 
facteurs sur le développement des œufs d’Arbacia 
(Échinoderme), et, comme on le sait, il est arrivé 
à produire le développement (incomplet) d'œufs 
non fécondés, en les plongeant pendant un certain 
temps dans des solutions plus concentrées que 
l'eau de mer. Dans son dernier travail, il attribue à 
leur seule concentration osmotique élevée, sans 
intervention chimique, spécifique des solutions, 
leur pouvoir stimulant sur la division cellulaire. 
Ces recherches sont l'application directe à la cellule 
des méthodes employées jusqu'ici, en Physiologie 
animale, à l'examen des propriétés osmotiques des 
tissus. Nul doute que, pour la cellule comme pour 
les tissus, les résultats futurs seront brillants. 
L'étude de l'influence des solutions salines sur les 
cellules végétales (microbiennes et autres), mon- 
trant l'influence des concentrations sur les phéno- 
mènes de division, de mobilité (Wladimirofl), ren- 
dant comple de la toxicilé par les propriétés des 
ions (Krænig et Paul), en est un sûr garant. 

C'est, d’ailleurs, le propre des études sur les pro- 
priétés osmotiques d'un tissu, de constituer avant 
tout l'examen d'une propriété fondamentale de ce 
tissu, commune aux cellules qui le caractérisent. 
Les méthodes employées dans ces recherches sont 
done des méthodes de Physiologie cellulaire, et 
c'est ce qui constitue leur inappréciable valeur ?. 

D: P. Nolf, 


Assistant à l'Institut de Physiologie 
de l'Université de Liège. 


cellule 


1 J. Loge : Physiologische Untersuchungen über Ionen- 
wirkungen, Archiv für die gesammte Physiologie, t. LXIX, 
p.13; t. LXXI, p: 457, 1898. 

2 J. Lors : Further experiments on artificial parthenoge- 
nesis. American Journal of Physiology, t. IV, p. 419, 1900. 

# Depuis la rédaction de cet article, terminée en février 
quelques recherches sur ce sujet, déposant dans le sens 
déjà indiqué, ont été publiées. 


44 


BIBLIOGRAPHIE — ANALYSES ET INDEX 


BIBLIOGRAPHIE 


ANALYSES 


1° Sciences mathématiques 


Carvallo(E.), £xaminateur à l Ecole Polytechnique. — 
Théorie du mouvement du Monocycle et de la 
Bicyclette. — 1 vol. in-8°. (Extrait du Journal: de 
l'Ecole Polytechnique, 2° série. 5° et 6° cahiers.) 
Gauthier- Villars, éditeur. Paris, 1901. 

M. Carvallo vient de consacrer un important Mémoire 
à l'étude du mouvement des cycles. Voici, d’après une 
communication présentée par l’auteur lui-même à la 
Société Mathématique de France, les principaux points 
qu'il a abordés dans son travail : 

Le cerceau qui roule est un système à trois degrés 
de liberté. Les paramètres naturels sont l'angle de 
chute, l'angle de marche sur le sol et l'angle de con- 
version autour de la verticale. Les trois équations du 
mouvement sont obtenues par le théorème des travaux 
virtuels. Ce sont les équations de chute, de marche et 
de conversion. Le théorème des forces vives sert de 
vérification. Les mêmes équations sont, d’ailleurs, obte- 
nues dans là deuxième partie au moyen des équations 
de Lagrange, affectées d'une modification nécessaire et 
qui est expliquée plus loin. 

Un développement en série permet de déduire des 
trois équations du mouvement deux relations très im- 
portantes : une équation d'équilibre et une condition de 
stabilité de l'équilibre. La condition d'équilibre est une 
relation entre l'angle de chute, la vitesse de marche et 
la vitesse de conversion. Elle est établie aussi par un 
raisonnement direct. Par un raisonnement analogue, 
on calcule la tendance au dérapage. Une discussion 
complète des régimes d'équilibre, avec la stabilité et la 
tendance au dérapage, est résumée dans un graphique. 
Pour terminer, l'auteur calcule l’action de la baguette 
sur la conversion du cerceau et explique les effets si 
différents qu'on oblient en appliquant la baguette à 
l'arrière ou à l’avant du cerceau. 

Le monocyele donne lieu à des développements ana- 
logues. Signalons seulement l'équation de marche, les 
réflexions qu'elle provoque sur le pédalier de la multi- 
plication, puis une digression sur certains paradoxes 
de Mécanique : une expérience sur la bicyelette, et le 
paradoxe du navire. L'étude de la stabilité provoque 
aussi des digressions sur la stabilité des appareils 
rotatifs et sur l’Electrodynamique. 

Dans la deuxième partie, consacrée à la Areyelette, 
l'auteur montre qu'on est encore en présence d'un sys- 
tème à trois degrés de liberté. Les trois paramètres 
sont l'angle de chute, l'angle de guidon et l'angle de 
marche de la roue motrice. La complication du pro- 
blème, quand on tient compte des petits détails du mé- 
canisme, est telle que la seule géométrie de la bicy- 
clette exige un chapitre spécial. Il faut une application 
attentive pour y distinguer des éléments qui paraissent 
identiques au premier abord. Ainsi, pour la roue 
motrice, l'angle de roulement sur les tourillons peut 
différer de l'angle de marche surlesol, à cause de l’abais- 
sement du cadre produit par la rotation du guidon. 
On étudie ensuite la cinématique de la bicyclette et l'équi- 
libre au repos. Cet équilibre est essentiellement instable. 

Pour les équations dynamiques de la bicyclette, le 
théorème des travaux virtuels, appliqué sans arlifice, 
conduit à des calculs si compliqués que lauteur a dû 
renoncer à les exposer dans son Mémoire. Il s'est alors 
adressé à la simplification de Lagrange, qui consiste à 
calculer le travail des forces d'inertie au moyen de la 
force vive, Son but était de vérifier ses premiers calculs 
par des calculs moins compliqués et d'arriver à une 
exposition plus abordable. Il s’est alors aperçu d'une 


ET INDEX 


parlicularité importante des équations de Lagrang 
déjà siynalée antérieurement par M. Hadamard, mais 
encore peu connue. Voici en quoi elle consiste : 

Lagrange prend pour paramètres des coordonnée 
proprement dites, par exemple les trois angles d'Eu 
dans la rotation d'un solide autour d'un point fi 
Connaissant les trois angles, on peut placer le solide 
Les coordonnées d'un quelconque de ses points maté 
riels sont des fonctions de ces trois paramètres et On 
peut appliquer à ces fonctions le théorème connu st 
le changement de l'ordre des dérivations. Les pard 
mètres naturels du cerceau et de la bicyclette ne sati 
font pas à la même condition : donnez l'angle de chute 
l'angle de marche et l'angle du guidon, vous ne pourr® 
pas dire si la bicyclette, partie de Paris dans une diree 
tion donnée, est arrivée à Versailles ou à Fontaine 
bleau. Les coordonnées d’un point de la bicyclette ne 
peuvent pas s'exprimer en fonclion seulement des trois 
paramètres; il faudrait, en outre, connaître la loi des 
variations simultanées des trois paratmètres. Il en ré 
sulte qu'une des transformations de Lagrange devien 
impossible. Les équations auxquelles il faut s'arrêter, 
moins simples que les équations délinitives de Lagrange 
apportent encore une simplification cons.dérable. M 

Pour la stabilité, la bicycleite exige aussi une mé 
thode plus puissante que le cerceau. M. Carvallo a été 
conduit à définir les régimes d'équilibre et à donnet 
une méthode générale pour étudier la stabilité de ces 
régimes. Ces deux méthodes, d'aborl appliquées au 
cerceau et au monocycle, ont permis d'aborder ensuite 
l'étude de la bicyclette: équilibre avec les mains, sans 
les mains, et stabilité de ces équilibres. ; 

Les résullats sont ceux-ci : Les termes principaux de 
l'équation d'équilibre sont la pesasteur et la force 
centrifuge. Celle-ci dépend de l'angle du guidon. Aux 
vilesses habituelles, elle à une prépondérance considé 
rable, d'autant plus grande que la marche est plus 
rapide. Aussi le guidon doit-il être manœuvré avec pré 
caution et par mouvements insensibles. Mais le corps 
peut être déplacé sans crainte de chule brusque. 

Pour le lâche-mains, l’auteur trouve que le seul ré 
gime d'équilibre est la marche rectiligne si le corp 
reste droit; une conversion ne peut être obtenue par lé 
cavalier qu'en portant et maintenant le corps incliné 
du côté où il veut tourner. 

Quant à la stabilité, elle n'existe pas si le guidon est 
fixé; mais l'instabilité est faible, assez pour que le ca 
valier ait tout le temps de porter le guidon insensible 
ment à droite et à gauche, de facon à retrouver, par 
une sorte d'oscillation voulue autour de la position 
d'équilibre, la stabilité qui n'existe pas en théorie. 

Dans le làche-mains, les formules donnent deu 
limites de la vitesse, environ 10 kilomètres et 16 kilo 
mètres à l'heure. Entre ces deux limites, le régime 
serait stable; en dehors, il serait instable. Toutefoi 
l'instabilité du côté de la limite supérieure est très 
faible; maxima vers 18 kilomètres à l'heure, elle tend 
vers zéro à mesure que la vitesse augmente. 

M. Carvallo termine en indiquant une méthode 
permet d'étudier l'influence du frottement sur la stah 
lité; il indique qu'il y aurait lieu de l'appliquer à Ja 
bicyclette et qu'elle augmenterait la stabilité. L'auteu 
poursuit actuellement cette recherche; elle fait prévoit 
que le frottement rend stables les régimes qui seraient 
instables au delà de la limite supérieure (16 kilome} 
Bien entendu, les évaluations numériques dépendent 
de la bicyclette considérée, notamment de la place dé 
l'axe du guidon par rapport au centre de la roue direcs 
trice et à son point de contact avec le sol. E, AM 


2 


2° Sciences physiques 


V. Ostwald, Professeur de Chimie à l'Université 
de Leipzig. — Die wissenschañftliche Grundlage 
der analytischen Chemie (Les bases scientifiques 
de la Chimie analytique). — 1 vol. in-8 de 221 pages. 
(Prix : 8 fr. 75.) Engelmann, éditeur. Leipzig, 1904. 
Ainsi que le titre l'indique, l'ouvrage du savant pro- 
esseur de Leipzig n'est pas un traité de Chimie analy- 
que, écrit spécialement en vue des praticiens; la partie 
pliquée est réduite, au contraire, à sa plus simple 
Kpression. 

Ce qui le distingue des autres publications sur le 
“nnème sujet, c'est la première partie, théorique, dans 
quelle l’auteur s’est efforcé de montrer tout le parti 
“que les méthodes analytiques peuvent tirer des con- 
Ceptions modernes de la Chimie physique, telles qu'elles 
se sont développées dans ces vingt dernières années. 

» Les opérations générales de la Chimie analytique y 
Sont expliquées à la lumière de ces théories, et l’auteur 
fait ressortir, avec une grande évidence, selon nous, 
leur caractère éminemment utile au point de vue 
Mtlidactique. On s'en rendra compte en jelant un coup 
d'œil sur les principales questions traitées dans cette 
première partie. 

Après un premier chapitre, relatif aux caractéris- 
“tiques qui permettent d'identifier les corps, l’auteur 
aborde, dans les deux chapitres suivants, les diverses 
méthodes de séparation, basées sur des moyens phy- 
siques : la filtration, la théorie du lavage des précipités, 
Pétat colloïdal et les phénomènes de décantalion y sont 
articulièrement étudiés, ainsi que la distillation et les 
rocédés de séparation de deux liquides par les moyens 
d'extraction. ; 

- Ici encore, la théorie donne une idée très claire 
des conditions pratiques dans lesquelles ces opérations 
“doivent être mises en œuvre. 

…. En ce qui concerne les procédés de séparation chi- 
mique, qui font l'objet des 1v° et v® chapitres, l'auteur 
“se place au point de vue général de la théorie moderne 
“des solutions ; il expose d'une facon élémentaire les 
principales propriétés des ions, puis les lois des équi- 
libres chimiques et de la dissociation, spécialement 
“considérée au point de vue des séparations chimiques; 
es réactions chimiques elles-mêmes y sont envi- 
“sagées au point de vue des vitesses de réaction. 

Dans un paragraphe consacré à la précipitation, 
auteur étudie spécialement le rôle de la sursaturation, 
les propriétés du « produit de solubilité », la disso- 
ution des précipités. 

Enfin, il indique, d'une facon élémentaire, les 
données fondamentales sur lesquelles sont basées 
ujourd'hui les méthodes de séparationélectrochimique. 

La seconde partie est consacrée à l'étude des prin- 
cipales réactions qui sont employées dans la Chimie 
analytique pratique, soit pour séparer les métaux les 
uns des autres, soit pour les doser. Ici encore l’auteur 
se place absolument au point de vue des théories mo- 
dernes, et laisse plus ou moins dans l'ombre tous les 
développements sur lesquels ces théories ne projettent 
pas quelque clarté, 

—… C'est donc cette nouvelle manière d'exposer la Chimie 
analytique qui donne à cet ouvrage an caractère qui 
ui est bien particulier. 

Ajoutons enfin que, dans un supplément d’une visg- 
taine de pages, qui termine le volume, sont décrites 
diverses expériences de cours, très faciles à exécuter, 
qui peuvent servir à illustrer cette manière d'exposer 
Ja Chimie analytique, telle que la comprend M. Ostwald. 
Nous ne doutons pas que ce petit ouvrage, qui à 
déjà été traduit en anglais, en russe et en hongrois, 
m'intéresse aussi bien vivement les lecteurs de langue 
française qui suivent les développements actuels de la 
Chimie physique contemporaine. 


Puicippe-A. GUYE, 
Professeur de Chimie à l'Université de Genève. 


L 
e 


i 


BIBLIOGRAPHIE — ANALYSES ET INDEX 545 


3° Sciences naturelles 


Chevalier (Le R.P. S.) — Atlas du Haut Yang:-tse, 
de I-Tchang fou à P'ing Chan Hien. 65 feuilles 
ä44:2.500€, 51 X 40. Zmprimerie de la Presse Orien- 
tale, à Shang-Hai.— Le Haut Yang-tseen 1897-1898 
Voyage et description. — 2 fase. avec croquis et 
figures, 97 p., 5 appendices. Ibid., 1899. La 
Navigation à vapeur sur le Haut Yang-tse. — 
Ibid., 1899. ]Zmprimerie de la Mission Catholique. En 
vente chez Kelly et Walsh, 18 p. 4 cartes extraites 
de l'Atlas, 1900 *. 

. En affrontant les ennuis et les travaux d'une longue 
navigation en jonque sur un fleuve chinois, le P. 
Chevalier a simplement entendu servir la Science. 
L'Observatoire de Zikawei qui concentre et distribue 
les observations pour l'annonce des lempêtes à 
Shang-Haï et plusieurs autres ports, souffrait. de 
l'irrégularité et de l’imprécision des télégrammes 
météorologiques originaires du Haut Yang-tse. Le 
P. Chevalier résolut d'entreprendre une tournée d'ins 
pection des stations el instruments installés par 
les Douanes Impériales, et de provoquer l'établis 
sement d'un poste au delà de Tchong King. Du même 
coup, il importait de déterminer, dans tout le réseau, les 
coordonnées des points principaux : ce fut l'objectif du 
voyage, et c'en est un des résultats décisifs. Désormais 
est fixée la position géographique des villes et escales 
riveraines du Yang-tse entre Hankeou el Sui-fou * ; 
météorologistes et cartographes n'ont plus qu'à enre- 
gistrer les données acquises avec une conscience et une 
compétence indiscutables *; la carte de l'amirauté an- 
glaise est caduque *. 

Le P. Chevalier ne s'est pas borné aux seuls relevés 
astronomiques ; sa curiosité s'est portéeaussisur l'hydro- 
graphie. Il accomplit son parcours dans des conditions 
singulièrement favorables à ce genre d'études; son 
embarcationu®, qui démarrait d'Ftchang le 5 novem- 
bre 1897, remonta le Yang-tse pendant l'étiage, à la 
période où émergent les bancs de sables et de galets. 
les écueils, où s'accusent toutes les inflexions du 
rivage, que masque la nappe d'eau gonflée par la crue ; 
tous les accidents furent relevés à la boussole et notés. 
A la descente, qui fut inaugurée le 27 janvier 1898, el 
qui fut effectuée sur la ligne médiane du fleuve, la 
sonde fut jetée par les deux aides chinois du Père, 
tandis que celui-ci pointait toutes les variations des 
mouvements de la barque. Tous ces détails méritaient 
d'être signalés, car ils garantissent la haute valeur et la 
sincérité de l'Atlas, véritable guide de la navigation. 

L'Atlas se compose de 65 feuilles, à l'échelle de 
vingt-cinq millièmes (1 centimètre pour 250 mètres) 
la légende est en trois langues : francaise, anglaise, 


1 Si l’on embrasse sous le nom conventionnel de Yang-tse 
tout le système fluvial, on sera fondé à discuter le titre 
mème : l'appellation de Æaut Yang-tse devrait être appli- 
quée à la branche maitresse de la région proprement monta- 
snense, jusqu'à Man-yng-tse (transcription anglaise : Man- 
i-ssu) terminus de la navigation, à 40 /i en amont de P'ing- 
Chom ; là commencerait le Moyen Yang-tse jusqu'au seuil 
du plat pays, à l'issue des gorges (Cf. W. R. Carres : The 
Yang-tse Chiang, dans la (eogr. Journ., XII, 4898, p. 225- 
240 avec carte; C. E. Boni : La navigabilité du Fleuve 
Bleu, dans la Æev. de Géogr., mars 1901, p. 170-180). 

2 C'est le nom abrégé, mais usnel, de Souei-tcheou-fou. 

5 Dans les appendices Il et III, voir l'exposé de la mé- 
thode et des calculs; la position de 13 villes, dont 3 en aval 
d'l'tchang, a été directement déterminée. 

5 Dans une traversée rapide d'I'tchang à Haokeou, le P. 
Chevalier a constaté qu'il y aurait lieu de rectifier et com- 
pléter ce document (p.97). Ailleurs, près du Che-cheou-hien, 
le chenal navigable s'est déplacé et la carte anglaise indui- 
sait les bateaux à vapeur en un faux chemin (p. 11}. 

5 Description de la jonque et de l'appareil de halage (p. 15- 
A8, Cf. Boni, p. 173). 


546 


chinoise ‘ — la transcription ou « romanisation » 
anglaise est par elle-même assez significative, car la 
carte sera vraisemblablement plus consultée par des 
Anglais que par nos compatriotes. — Sur chaque feuille 
sont reportés les noms des localités, rive droite et rive 
gauche ; enfin, sont figurés par des symboles spéeiaux 
les sables, galets, grosses pierres, roches basses, roches 
hautes, falaises; la profondeur est chiffrée en mètres. 
Grâce à des touches très délicatement graduées, 
l’image est claire et parlante. 

Entre l’tchang et Sui-fou, le Yang-tse se développe 
sur 1.124 kilomètres, dont 743 d'l'tchang à Tchong-king, 
et 381 de ce dernier point à Sui-fou ?. C'est la section 
la plus critique de l'artère navigable; mais elle n’en est 
pas moins fréquentée, car elle est le chemin par où 
s’échangent les produits de l'Etranger et de la plaine 
chinoise avec ceux de la riche contrée du Sechouan et 
du Tibet, dont Tchong-King et Sui-fou sont les entre- 
pôts. Aussi, est-elle suffisamment connue. Toutefois, si 
les notes et documents du P. Chevalier ne révèlent rien 
de neuf ou d’'inédit, l'hydrographie et la géographie 
feront leur profit de mainte remarque. 

La vallée d'ltchang à Sui-fou est un couloir étroit, 
s'évasant rarement en bassins où l'horizon s’élargisse. 

L'issue du défilé sur le cône de déjection étalé en 
une plaine alluviale marque la brusque retombée d’un 
gradin montagneux, que souligne une puissante fracture, 
celle du Hou Kouang ; c'est à l'itchang même que le 
Yang-tse la coupe *. L’escarpement est le rebord d’un 
massif tabuldire de calcaire paléozoïque, que le fleuve 
perce sur 138 kilomètres, et dont la section Nord-Ouest 
se redresse en plis. Plus loin, vers l'Ouest, un autre fais - 
ceau de plis plus larges se profile en falaises sur le 
fleuve. Assurément le P. Chevalier n'a pu apercevoir 
que la facade, le premier plan de cet ensemble orogra- 
phique. Il a distingué toutefois depuis l’tchang jusqu à 
la frontière de Sechouan six formations géologiques, 
qui sont des membres de ce que Richthofen appelle 
l'arc du Kouei; il étend les limites du « Bassin Rouge » de 
Richthofen au delà de Koueitcheou fou, puisque le 
grès rouge qui donne le ton domine dans les collines 
qui courent jusque vers Ouchan ; il est frappé enfin 
de l'apparition d’une zone granitique entre les défilés 
de Nieou Kan ma fei et d'l'tchang, zone dont Richthofen 
a dénoncé la signification. Le P. Chevalier a discerné 
les linéaments primordiaux de ce relief. 

« En considérant, écrit-il, que presque toutes les 
collines du Setchoan, à l'exception de quelques 
chaînes plus hautes, sont formées de sédiments, con- 
glomérats ou grès, il me paraît naturel de regarder 
le sommet de toutes ces collines comme le fond 
d'un ancien lac. Lorsque, par suite de la rupture des bar- 
rages naturels, par le creusement successif des gorges, 
les eaux se furent ouvert un passage vers l'immense 
plaine basse du Houpé, et de là vers la mer, le lac se 
dessécha ; le fond, déjà sans doute plus ou moins 


‘ Pour la figuration des caractères, dit le P. Chevalier 
dans la Préface, le système suivi est celui du Cursus litera- 
turæ sinicæ de R.P. Zorrour. Les noms chinois, recueillis 
au cours de l'expédition ont été rectifiés par des lettrés ou 
d'après les Annales (p. 61). 

2 Les estimalions du P. Chevalier ne concordent pas avec 
celles de M. Bonin (loc. cil., p. 171-172). 


M. CHEVALIER 


D'l'tchang à la mer. 1.750 kilom. 4.550 kilom. 
D'ltchang au Tchong-king. 600 — 743 — 
De Tchong-king à Sui-fou . 400 (envir.) LIRE 


M. BONIN 


La distance de P'ing-chan à la mer, évaluée par le capi- 
taine Blakiston à 1.550 milles — 2,400 kilomètres environ 
(CARLES, loc. cil., p. 231), n'est pas exacte, puisque de Sui- 
fou, la distance est déjà de 2.674 kilométres.— Ajoutons que 
le P. Chevalier a pu fixer à 400 mètres le Zi du Sechouan 
(pau): 

Ps Ricurorex * Ueber Gestalt und Gliederung einer Grund- 
linie in der Morphologie Ost-Asieus, dans les Sitzungsber, 
Akad. Berlin, XL, 1900, 893-898. 


BIBLIOGRAPHIE — ANALYSES ET INDEX 


accidenté, commença à se sillonner de ruisseaux, de 
ravins, de vallées, qui dessinaient de plus en plus 
les pics et les chaînes des montagnes actuelles. Telle 
du moins m'apparaît la genèse du « Set choan »# 

Quoi qu'il en soit de cette explication, les échantillons 
géologiques rapportés par le P. Chevalier, les figuress 
el croquis des paysages du Yang-tse, dont beaucoup 
semblent vus el rendus à la chinoise, seront d'utiless 
contributions aux notions déjà conquises sur l'architec-« 
ture de l'Asie Orientale *. s 

7 . . . % 

Le Yang-tse est un travailleur énergique et qui n'a 
point encore achevé sa phase héroïque ou militante.M 
Son lit est eucombré de rapides: autant sur la 
plate-forme nivelée d'l’tchang à la mer la pente est atté-« 
nuée (0, 062 par kilomètre), autant elle s'accuse à 
l'amont, 0%,19%, sur le bief l'tchang-Tchong-king, 
0 25 %, sur le tronçon Tchong-king-Suitou *. Ce carac- 
tère quasi torrentiel du Yang-tse n’est pas peu renforcé 
par les écueils et les éboulis contre lesquels le cou- 
rant se heurte et tourbillonne. Tous les obstacles 
soit connus des naulonniers indigènes, qui les bapti= 
sent de noms congrus et pittoresques ; la nomen- 
clature des rapides fait honneur à l'imagination et à 
l'humeur goguenarde des Chinois *. 

Aurisque de quelques chavirages et du harassementdes 
haleurs, les jonques franchissent les passes difficiles, 
même lors des maigres eaux; et, quand le plan d'eau. 
s'est haussé, elles évoluent avec aisance. Ce problème 
intéresse surlout la navigation à vapeur. Sur la foi d'un 
rapport vieux de trente ans, émanant d'une Commission 
d'exploration anglaise, le Yang-tse fut déclaré imprati- 
cable. Le P. Chevalier, dans une brochure spéciale, w 
a réfuté ce dire, et, par une description topographique « 
minutieuse, dissipé les préventions. « En remontant, 
le Yang-tse, prononce-tl, nous wavons trouvé nulle 
part ni couraut vraiment torrentiel, ni barrage, ni 
aucun endroit qui ne présentât une passe libre d'au » 
moins 400 mètres de large. Aux basses eaux, qui durent 
environ quatre mois, il existe deux rapides qui offrent 
l'aspect d'un barrage, el qu'il serait peut-ètre difficile M 
de passer autrement que par un touage » 5. Paradoxe M 
apparent : la navigation à vapeur est moins laborieuse; 
moins dispendieuse qu'à la cordelle. « Notre manière 
de naviguer à la cordelle nous oblige à longer de 1rès 
près larive sur laquelle repose notre moteur. Nous 
évitons ainsi le courant que nos haleurs ne pourraient 
vaincre, nous profiltons des remous, mais, en revan- 
che, nous sommes réduits à n'avaocer qu'au milieu 
des rochers, où nous trouvons à chaque pas une pointe 
à doubler, un récif à éviter, un rapide à franchir. Un 
bateau à vapeur qui aurait à bord une force motrice 
suffisante pour vaincre le courant du fleuve trouverait 
partout une eau profonde et un chenal large sans 
aucun écueil. Il serait donc dans des conditions de 
sécurité incomparablement supérieures aux nôtres. 
L'unique obstacle est la rapidité du courant, qui exige 
un bateau à grande vitesse et par conséquent uue 
machine consommant beaucoup de charbon *. 

L'on sait que la solution pratique de la question a été 
tentée. Le 4 mars 1898, la Jonque du P. Chevalier croi- 
sait, lors de son retour, un petit vapeur, le Lecchuen 
que montait M. Archibald Little, un des plus hardis 


1.0. 84. 

2, Parmi d'autres observations du même ordre, le P.Ghe- 
valier signale (p. 73) des marmites fluviales (CF. BRUNHES : 
Sur quelques phénomènes d'érosion et de corrosion fluviales, 
dans les ©. AR. Acad. d. Se.: XXVI, 1898, p. 5575, 60). 

# Ces évaluations sont dues au P. Chevalier (Appendice LV} 

4 Certains rapides sont appelés passage des haricots; un 
autre, banc de riz froid; un autre, ôte-tes-bottes. La topo- 
nymie locale est curieuse, et l'on saura gré au P. Chevalier. 
d'en avoir donné la traduction, même au prix de la pudeur: 
{l est fort choqué du nom de tétine de vache appliqué à 
une montagne, bien qu'il reconnaisse la justesse de l'appel- 
lation (p. 8). 

5 La navigation à vapeur, p. ÿ. 

® Voyages et descriplions, p. 30. 


pionniers, si l'on peut dire, du bassin du Yang-tse ‘, 
et qui, quatre jours après celte rencontre, atterrissait au 
quai de Tehong king. Ce futun tour de force, maisexécuté 
lans des conditions anormales, En effet, outre que le 
onnage et la vitesse de la chaloupe étaient trop faibles 
pour une marche sûre et un trafic rémunérateur, il 
fallut 100 à 150 hommes pour le hisser par-dessus les 
pides du Sint'an et de Miaochitsé, « à la facon des 
nques »,remarque assez ironiquement le P. Chevalier. 
puis cette date, une canonnière anglaise, d'un modèle 
pécial, réussit à monter jusqu’à Sui fou. Mais un vapeur 
e commerce de Brême, le Suil-Siang, d'un tonnage 
rop fort, s'échoua en chemin *. 

Le P. Chevalier aura donc bien mérité des intéressés 
en procédant, soit sur sa carte, soit dans le texte expli- 
catif, au levé des rapides les plus périlleux ou les plus 
mal famés : Le Sint'an ou nouveau Rapide de Yung-yan- 
hien (15 kilomètres en amont de cette localité); l'T'tan 
Rapide I (6 kilomètres en amont de Koei tcheou), 
Sint'an,autre nouveau Rapide (10 kilometres en aval 
> la même ville), enfin le Kong ling et le Ta-Tong, 
plus rapprochés d'l'tchang. Les rapides dits nouveaux 
sout dus à des éboulements de roches détrempées par 
les pluies; un de ces accidents s'est produit à la fin de 
896 *. Sans avoir pu partout jeter la sonde, le P. 
Chevalier a déduit, d'après la vitesse du courant et le 
débit dans les passes, la profondeur du chenal prati- 
sable. Et il conclut qu'au prix de quelques déblaiements 
Bt dérochements — travaux déjà en voie d'exécution 
sous la direction des Douanes impériales — tout vapeur 
filant 45 à 16 nœuds circulerait sans obstacle sérieux. 
Nous n'avons pas ici à contrôler le témoignage ou 
Pexpérience du P. Chevalier: ce que nous voulons rete- 
nir, c’est que l'investigation des rapides livrera des 


r 


éléments précieux pour l'hydrologie du fleuve. 
L'Atlas du Haut Yang-tse est donc aujourd'hui le 
document le plus sûr et le plus suggestif pour la péné- 
lration du bassin, et notamment du Se-Tchouan, ce 
foyer d'attraction et ce champ d'exploitation que se 
disputent les Puissances commerciales #, Il est vrai, 
“s'il faut en croire le P. Chevalier, que ces âpres con- 
yoitises s'exposent à quelques déceptions. La population 
Jui a paru moins nombreuse et moins dense qu'on se 
Î imagine. « En tout cas, elle est très pauvre el habituée 
à des besoins minimes », trop misérable encore pour 
ayer les articles « offerts à sa cupidité ». Ce n'est 
la qu’une impression personnelle, le P. Chevalier 
>onfesse: que les questions économiques lui sént peu 
amilières. 
II n’a donc fait qu'effleurer ce sujet. Que n’a-t-il usé 
de la mème discrétion au regard de la question des 
missionnaires *. Bien que le récit soit rédigé sous 
forme de journal de voyage, une polémique religieuse 
et politique n'en est pas moins déplacée dans une œuvre 


de science, qui eût gagné à n'être que le commentaire 
de l'Atlas. 


BERTRAND AUERBACH, 


Professeur de Géographie à l'Université 
de Nancy. 


.! M. Liltle a conté lui-même sa tentative dans la 3° édi- 
tion (Londres, 1898) de son célèbre ouvrage: Through the 
Yanç se gorges or Trade and Traval in Western China. 

2 Boxn, Loc. cit., 172. Cf. Eseere: Mit dem Dampfer über 
die Yang-tse Schnellen (Ostasiatische Rundschau, 1, fase. 3, 
P: 43-61. Shanghaï, Deutsche Druckerei, 1901). 

n ! On comparera la description du P. Chevalier (p. 39) 

vec celle de Bourxe : The New Rapid on the Yang-tse, 
e0gr. Journal, 1897, X, p. 191-105; ainsi que les croquis 
1 XVIII de l'Atlas et Bourne, p. 193). Cf. Evssenic: Notes 
r les rapides du Yang-tse-kiang, dans les Annales de 
160gr., p. b22-6 1895-1896. 

4 M. Boni (loc. cit., p. 1179) considère que la voie fluviale 
sera toujours préférée, pour le traïüc, au chemin de fer, et 
oute que la ligne ferrée du Tonkin, même si elle attei- 
gnait Sui fou püt jamais détourner le courant. Cf. Capit. K. 
enNarD. L'Indo-Chine (Rev. de Paris, 15 févr. 1901, p. 748.) 
_ 5 P. 60 et suiv. 


BIBLIOGRAPHIE — ANALYSES ET INDEX 


947 


4° Sciences médicales 


Lemaître (Aug.), Professeur au Collège de Genève. 
— Audition colorée et Phénomènes connexes 
observés chez des écoliers. — 1 vol. in-$ de 
1793 pages, avec 120 figures. (Prix : 4 fr.) F. Alcan, 
éditeur à Paris, et Ch. Eggimann et C', éditeurs 
à Genève, 1901. 


Sous ce titre, l'auteur nous donne les résulats d'une 
enquête qu'il a faite sur les élèves de la sixième classe 
du Collège de Genève. Ce livre est une excellente con- 
tribution à l'étude de l'audition colorée, en ce sens 
qu'il nous apporte une très ample moisson de docu- 
ments. 

Sur 112 élèves répartis entre les quatre divisions de 
cette classe, 40 possèdent des photismes, c'est-à-dire 
des associations de sons et de couleurs, soit 36 0/,, 
pourcentage sensiblement supérieur au pourcentage 
moyen (15 °/,) constaté jusqu'ici. Quant à la nature 
des couleurs correspondant aux voyelles, cette étude a, 
comme les précédentes, souligné l'absence de tout 
caractère constant. 

L'a et li s'associent à sept espèces de couleurs, 
avec, toutefois, une prédominance du rouge pour l'a 
et du blanc pour l'r. 

L'e et lu revêtent neuf espèces de couleurs, sans 
prédominance sensible de l’une ou de l’autre. 

L'o évoque aussi neuf espèces de couleurs, mais 
avec une prédominance du noir. 

Les consonnes, les jours de la semaine, les mois de 
l’année, les nombres ont aussi leur coloration, sans 
qu'on puisse y remarquer plus de fixité que chez les 
voyelles. Il est à regretter que l’auteur n'ait pas jugé 
bon de faire préciser la nature de cette image chroma- 
tique. 

Les lecteurs de la /tevue générale des Sciences que 
la question de l'audition colorée intéresse savent, en 
effet (voir numéro du 30 août 1000), que celui pour 
lequel il n'existe qu'une cerlaine convenance d'har- 
monie entre les sons et les couleurs n'est pas audilif- 
coloriste au même tilre que celui qui possède des 
images extériorisées ; el l'on peut se demänder s'il y a 
de l'audition colorée dans le fait de voir: Janvier et 
février, blancs; mars, avril et mai, verts; juillet et août, 
jaunes; septembre, octobre et novembre, gris. 

Sur les 112 élèves de la sixième classe, 21 possèdent 
des diagrammes, phénomène « qui se distingue du pho- 
tisme en ce qu'il s'applique non seulement aux mots 
considérés en eux-mêmes, mais en ce quil consti- 
tue une série, un groupement spécial de termes simi- 
laires occupant dans le champ de la vision mentale 
une position déterminée ». Ainsi, par exemple, les mois 
de l'année sont vus écrits, chaque fois que le sujet y 
pense, sur toute la longueur d'une circonférence ou 
d’une ellipse, ou encore éveillant l'idée d'une hoîle à 
compartiments ou des parallélogrammes combinés; les 
chiffres, sur une ligue qui s'élève de droite à gauche, 
ou de gauche à droite, et par paliers plus ou moins 
réguliers, etc. Enfin, 2 élèves seulement ont des per- 
sonnifications; en d'autres termes, ce sont des person- 
nages qu'évoquent chiffres, mois de l’année, jours de 
la semaine, etc. 

Mais la majeure partie du livre (11% pages) est consa- 
crée à l'exposé des synopsies de trois sujets excep- 
tionpels. On ne saurait donner une idée de la bizarrerie 
des phénomènes qu'offrent Rodolphe Moine, Pierre 
Lelort et Jules Pradel et qu'illustrent 103 figures. 

Quant à l'explication, M. Lemaitre fait une large 
part à l'associalion, surtout inconsciente, sans oublier, 
toutefois, que l'association ne peut être que la cause 
orcasionnelle du phénomène et que, pour produire 
l'audition colorée, il faut un terrain prédisposé. 


JEAN CLAVIÈRE, 
Professeur de Philosophie, 
äu Collège de Château-Thierry. 


. 


ACADÉMIES ET SOCIÉTÉS SAVANTES 


ACADÉMIES ET SOCIÉTÉS SAVANTES 


DE LA FRANCE ET 


ACADÉMIE DES SCIENCES DE PARIS 


Séance du 13 Mai 1901. 


M. le Secrétaire perpétuel annonce à l'Académie le | 
décès de M. Henry Rowland, Correspondant pour‘ la 
Section de Physique, — La Section de Médecine et de 
Chirurgie présente la liste suivante de candidats à la 
place laissée vacante par le décès de M. Potain: En 
première ligne, MM. Charrin et Jaccoud; en seconde | 
ligne, MM. Cornil, Fournier, Hayem, Lancereaux, | 
Laveran et Richet. 

19 SCIENCES MATHÉMATIQUES. — M. Henri Dulae étudie 
les intégrales réelles des équations différentielles du | 
premier ordre dans le voisinage d’un point singulier. — 
M. Lelieuvre communique ses recherches sur certaines 
relations involutives par rapport à p variables x, y..., , 
qui se rencontrent dans certains problèmes de Géomé- 
trie et qui sont caractérisées par la propriété d'être 
vérifiées par tout groupe de p quelconques des m rü- 
cines d'un polynome entier f(x).—M. F. Siacci indique 
quelques cas d’'intégrabilité d’une équation posée par 
d’Alembert et relative au mouvement d'un projectile 
dans un milieu résistant, la résistance étant supposée 
directement coutraire à la vitesse et fonction de la seule 
vitesse. — M. P. Duhem, en partant des théorèmes | 
d'Huguniot et des lemmes de M. Hadamard, démontre | 
que, quel que soit l’ordre d’une onde, elle ne peut se 
propager au sein d'un fluide visqueux. | 

20 SciENCES PHYSIQUES. — M. G. Lippmann présente | 

| 


un salvanomètre parfaitement astatique (voir page 551) 
— M. H. Pellat décrit une expérience d'oscillation 
électrique (voir le compte rendu de la séance du 7 juin 
de la Société francaise de Physique). — M. R. Paillot a 
étudié, par la méthode de l'isthme, la perméabilité des 
aciers au nickel dans les champs intenses. Pour les | 
aciers irréversibles, la perméabilité augmente sensible- 
ment dans les chàämps intenses. Pour les aciers réver- | 
sibles, elle diminue, au contraire, régulièrement quand | 
le champ augmente. — M. Larroque indique les lois 
de l'écoulement de l'air dansles instruments de musique. 
— MM. Tissier et Grignard ont préparé des dérivés | 
organo-magnésiens aromatiques: bromure de magné- | 
sium-phéuyle et de magnésium-tolyle. Le premier ré- | 
agit sur le beuzoate de méthyle pour donner le triphé- 
nylcarbinol (C*H°COH, sur l’acétone pour donner le 
phényldiméthylcarbinol C$H*(CH*?COH; sur le chlo- | 
rure d'acélyle pour donner après déshydratation le 
diphényléthylène (C6H°):CH?. — M. A. Etard, en sou- 
mettant à l'hydrolyse sulfurique les os de bœuf décal- 
citiés, a obtenu : 1° du glycocolle, de la leucine et un 
peu de tyrosine ; 2° une matière sirupeuse très so- 
luble dans l’alcool coucentré; 3° une matière tout à fait 
insoluble dans l'alcool méthylique concentré. La partie | 
insoluble peut-être obtenue à l'état cristallin; elle corres- 
pond à peu près à la composition C#HP5Az"0'ÿ et fixe 
une molécule de BaO. — M. Th. Schlæsing' fils a déter- 
miné la quantité d'acide phosphorique soluble dans 
l'eau de diverses terres et a trouvé des chiffres allant 
de 130 à 440 ky. à l'hectare, stock qui peut subvenir aux 
besoins de nombreuses récoltes. La proportion d'acide 
phosphorique soluble dans l'acide azotique très dilué 
{{ à 2 dix-millièmes) suit celle des phosphates solu- 
bles daus l'eau. — M. Hexzri Lasne à fait l'analyse de 
deux échantillons d'amblygonite recueillis à Montebras 
(Creuse), Il en déduit la formule suivante : 


EE / 0 
2[(Po+ *F(Li pts EE =. n) | 


+ mAI1F.0H):. 


DE L'ÉTRANGER 


où 21 est égal à 5 pour le premier échantillon et à $ 
pour le second. 

39 SCIENCES NATURELLES. — M. R. L. Craciunu a cons- 
taté, d’une facon générale, que les déchets qui s'accu- 
mulentdans la bile sont plus abondants dans la jeunesse 
et à l'état de maigreur que dans la vieillesse et à l’état 
d'engraissement. L'excrétion de la lécithine est maxima 
chez les animaux vieux, maigres ou gras, comme si 
cette substance était un produit de déchet de l'organisme. 
— M. A. Guilliermond a étudié la sporulation des le- 
vures, en particulier du Sacch. Ludwigii. Au moment 
de la sporulation, il semble s'effectuer une sorte de 
dissolution des grains rouges contenus dans les vacuoles 
et ces corps paraissent se comporter comme des matières 
de réserve. 


20 Mar 1901. 
membre dans la Section de 


Séance du 


M. A. Laveran est élu 
Médecine et de Chirurgie. 

1° SCIENCES MATHÉMATIQUES. — M. J. Janssen annonce 
qu'il a recu de M. de la Baume-Pluvinel, chargé d'ob- 
server l'éclipse de Soleil du 18 mai à Sumatra, une 
dépêche signalant que les observations ont été bonnes. 
M. Binot, chargé d'une mission analogue à la Réunion, 
a eu également un temps superbe. — M. G. Bigourdan 
a observé à Paris, daus la nuit du 17 au 48 mai, l'éclipse 
du quatrième satellite de Jupiter. — M. M. Luizet 
communique ses observations de Nova Persée du 
1e mars au 29 avril, faites par la méthode des degrés. 
Les variations rapides d'éclat de cette étoile atteignent 
encore une grandeur; mais il ne semble pas que leur 
périodicité soit régulière. — M. Léon Autonne com- 
munique six nouveaux théorèmes sur les groupes régu- 
liers d'ordre fini. 

20 SciENGES PHYSIQUES. — M. L.-C. de Coppet commu- 
nique les abaissements moléculaires de la température 
du maximum de densité de l’eau produits par la dis- 
solution des chlorures, bromures et iodures de potas- 
sium, sodium, rubidium, lithium et ammonium. Le rap- 
port entre les abaissements produits par le chlorure et 
bromure (ou le bromure et l’iodure) d'un même métal 
est sensiblement le même pour tous les métaux du 
groupe. — M. Pierre Lefebvre a étudié la décompo- 
sition des alcools passant sur le carbure de calcium 
chauffé vers 500°. On obtient, dans tous les cas, un 
excès considérable d'hydrogène libre ou combiné; par 
contre, les produits liquides présentent un déficit d'hy- 
drosene ; on trouve, en effet, l’aldéhyde correspondaut 
à l'alcool employé. — MM. Ch. Moureu et H. Desmots 
ont réalisé la synthèse des alcools primaires acét\ié- 
niques par la coudensation des carbures acétyléniques 
vrais avec l'aldéhyde formique. En partant de l'œnuan- 
thylidène, on obtient l'alcool amylpropiolique; avec le 
phénylacétylène, on a l'alcool phénylpropiolique. — 
M. P. Freundler, à propos de la note de M. Descudé 
relative à l'action des chlorures d'acide sur les éthers- 
oxydes en présence du zinc, rappelle que M. Freund à 
déjà obtenu des résultats analogues. M. Freundler lui- 
même étudie depuis quelque temps l'action du couple 
zinc-cuivre sur les chlorures d'acides. — M J.-A. Tril- 
lat a reconnu que : 1° tous les alcools primaires de la 
série grasse sont oxydables sous l'influence de la spi- 
rale de platine; 2 on peut limiter l'oxydation à lal- 
déhyde correspondant à l'alcool; 3° la présence d'eau 
n'est pas un obstacle à l'oxydation ; elle peut même la 
favoriser; 4° les corps poreux et le noir de platine 
donnent par oxydation les acides correspondauts plutôt 
que les aldéhydes; 5° la formation des acétals, sous 
l'influence catalytique, est constante, au moins pour 


ACADÉMIES ET SOCIÉTÉS SAVANTES 


es premiers termes de la série grasse : én outre, la 
réaction est réversible. — M. Ach.Livache à étudié la 
substitution du blanc de zinc à la céruse dans la pein- 
ture à l'huile et les enduits. Les compositions et prix 
de revient de tous les produits à base d'oxyde de zinc 
qu'il a obtenus ont été reconnus comme donnant en- 
tière satisfaction au point de vue de la pratique, tout 
en présentant le double avantage d’être inoffensifs et 
moins altérables. — M. Th. Schlæsing a recherché 
sous quel état se trouve l’alumine dans les terres végé- 
tales, en particulier certaines terres de Madagascar. La 
plupart des échantillons étudiés contiennent, en pro- 
portions souvent considérables, soit de l'alumine libre, 
Soit un silicate de cette base très attaquable par une 
“dissolution diluée de soude; cette alumine et ce sili- 
cale se trouvent, en majeure partie, à l’état sableux, et 
ne sont pas des agents de ténacité dans ces terres; 
enfin, ils ne paraissent pas faire obstacle à la végéta- 
tion. — M. P. Tailleur à constaté que la plantule du 
hêtre contient un glucoside et une diastase qui, sous 
l'action de l'eau, donnent naissance à de l'éther méthyl- 
ssalicylique et à du glucose assimilé par la plante. Cette 

réaction, localisée dans l'axe hypocotylé, ne se produit 
ni dans la graine, ni dans la plantule âgée. La forma- 

tion de l'éther méthylsalicylique est donc caractéris- 


“ tique de la période germinative du hêtre. — M. L. Hu- 
“ gounenqg, en faisant réagir le persulfate d'ammoniaque 
“sur l'albumine, a constaté la formation de 5 /, d'urée. 
…. 3° SCIENCES NATURELLES. — MM. Bordier et Gilet ont 
«étudié l'électrolyse des tissus animaux, et ont reconnu 
nm que la condition nécessaire pour que le courant ne 
subissé pas une chute sensible après le renversement, 
c'est la présence constante, au niveau des aiguilles, 
d’un électrolyte en quantité suffisante pour imprégner 
les tissus. — MM. M. Caullery et F. Mesnil ont observé 
que le cycle évolutif des Orthonectides comprend au 
moins deux termes bien distincts, ayant chacun leur 
*individualité : les plasmodes, les formes ciliées sexuées; 
il y a, si l’on veut, alternance de générations. — M. L. 
Duparc à distingué sept types principaux dans les 
schistes de Casanna en Valais : 1° micaschistes et gneiss 
à mica blanc ; 2 chlorito-schistes et gneiss chloriteux; 
3° schistes et gneiss chlorito-micacés ; 4° schistes cal- 
caréo-micacés et chloriteux ; 5° schistes amphiboliques; 
6° schistes à glaucophane; 7 schistes à chloritoide. — 
M. W. Kilian communique quelques observations sis- 
- mologiques faites à Grenoble. Cette station enregistre 
régulièrement, non seulement les ébranlements locaux, 
mais des secousses lointaines. Louis BRUNET. 


ACADÉMIE DE MÉDECINE 


Séance du 30 Avril 1901. 


M. le Président annonce le décès de M. H. Napias, 
membre de l'Académie. 

M. Hervieux lit un Rapport au Ministre de l'Intérieur 
sur les instituteurs et institutrices qui ont contribué 
le plus activement à la propagation de la vaceine. — 
M. Delorme signale le cas d’un militaire qui fut blessé 
- presque à bout portant par une balle de fusil Lebel; 
celle-ci produisit une fracture de l'humérus, une 
section de l’humérale et de la radiale et une dilacé- 
ration explosive de l’avant-bras. Traité par la méthode 
conservatrice, le membre a gardé sa fonction, ayant 
seulement perdu une partie de sa force et de sa 
— mobilité — M. E. Scrini lit un mémoire sur le 
… strabisme chez les nouveau-nés. — M. Lemoine (de Lille) 
“ communique un travail sur les sanatoria dans le 
à ‘traitement de la tuberculose. — M. Morel-Lavallée lit 
- un travail sur la nature et le traitement de la goutte. 
— M. de Langenhagen donne lecture d'un mémoire 
sur un cas de pseudo-lithiase intestinale d'origine 
- médicamenteuse, 
LI 


" Séance du 7 Mai 1901. 


\* M. Panas présente un rapport sur un travail de 
… M. José Presas relatif à de nouvelles échelles optomé 


D  "is 


#4 


CAS AE TE 


A à REVUE GÉNÉRALE DES SCIENCES, 1901, 


triques et chromo-photométriques. L'auteur a été 
amené à remplacer dans tous les cas les échelles typo- 
graphiques par les échelles formées de carrés ouverts 
d'un seul côté destinées aux illettrés. Il se rattache 
complètement au système Landolt. — M. Régis (de 
Bordeaux) lit un mémoire sur le délire onirique des 
intoxications et des infections. 


Séance du 4% Mai 1901. 


M. Chauvel présente un rapport sur un mémoire de 
M. Galezowski concernant les névrites el thromboses 
rétiniennes paludéennes et leur guérison par la quinine. 
Il ne semb'e pas que, dans tous les cas, on se trouve 
bien en présence d’affections oculaires d’origine palus- 
tre. Celles-ci n'en sont pas moins bien établies, ainsi 
que le bon effet du trailement par la quinine. — 
M. A. Raïlliet présente un rapport sur un travail de 
MM. Lucet et Costantin relatif à quelques champignons 
pathogènes nouveaux. Les auteurs ont observé, dans 
les crachats d’une femme atteinte d'une affection lente 
des voies respiratoires, un champignon qu'ils nomment 
Rhizomucor parasiticus. Un cheval atteint de teigne 
leur à fourni trois champignons : Wucor corymbiter 
var. Truchisi, M. e. var. Regnieri et Sterigmatocystis 
pSeudo-nigra. — M. J. V. Laborde cite des cas qui 
montrent que, lorsqu'on fait intervenir des sensations 
auditives agréables, en particulier des sensations 
musicales, sur unsujet, en même temps qu'on pratique 
l'anesthésie opératoire par le peroxyde d'azote, le sujet 
supporte des opérations très douloureuses, en parti- 
culier sur les dents, sans ressentir, pendant et après, 
la moindre souffrance. — M. Hacks lit un mémoire 
sur la scrofule des enfants. — M. Suarez de Mendoza 
lit un travail sur le vertige nasal guéri par l’ablation 
bilatérale d’un copeau de la cloison épaissie. 


SOCIÉTÉ DE BIOLOGIE 
Séance du 27 Avril 1901. 


M": Rondeau-Luzeau a étudié l’action des solutions 
isotoniques de chlorures et de sucre sur les œufs de 
Rana fusca. — MM. Tuffier et G. Milian montrent 
que le cytodiagnostic différencie d’une manière absolue 
la péritonite tuberculeuse du kyste de l'ovaire; le 
liquide de la première renferme des lymphocytes, 
tandis que celui de la seconde contient une très grande 
variété de cellules, surtout de très grosses cellules 
rondes ou ovalaires vacuolées. — M. André Lombard 
a reconnu que l’hyperleucocytose est constante après 
l'injection d'atropine ou de strychnine à un animal 
réfractaire. Elle est d'autant plus manifeste que l’ani- 
mal est plus réfractaire et que la dose injectée est plus 
considérable. — M. A. D. Waller à constaté que les 
rayons qui font travailler es chloroplastes sont surtout 
les rayons lumineux rouges. — M. G. Weiss à reconnu 
qu'au voisinage de l’optimum d'excitabilité du nerf, 
pour des ondes de même durée, l'excitation est direc- 
tement liée à la quantité d'électricité mise en jeu, et 
non à la quantité d'énergie dépensée. — M, H. Ribaut 
a constaté que le violet de méthyle, en se fixant sur 
les cellules hépatiques, paralyse leur fonction anticoa- 
gulante dont l'exercice est provoqué par la peptone à 
l'état normal. — MM. Bordier et Lecomte prouvent 
que les courants de haute fréquence, appliqués suivant 
la méthode de l'auto-conduction, activent notablement 
les réactions interstitielles, et par suite augmentent la 
production de l'énergie calorifique dissipée dans le 
milleu extérieur par la surface du corps des ani- 
maux. — M. H. Surmont a préparé un sérum cyto- 
toxique pour la cellule paucréatique du chien en injec- 
tant dans la cavité périlonéale des lapins une émulsion 
de cellules pancréatiques du chien. MM. P. Carnot 
et M. Garnier poursuivent depuis plusieurs mois des 
recherches analogues. — M. H. Dominici a recherché 
la formule hémoleucocytaire de la vaccine expérimen- 
tale du lapin. 11 à distingué trois périodes : mononu- 
cléose faible, suivie d’une polynucléose, qui fait place 


TES 


ACADÉMIES ET SOCIÉTÉS SAVANTES 


elle-même à une mononucléose marquée. — MM. CI. | toxique très nette. — M. P. L. Simond décrit deux 


Regaud et A. Policard ont constaté, chez la chienne, 
que l'épithélium folliculaire élabore une substance à 
réaction histochimique spéciale, qui se présente sous 
forme de gouttelettes logées dans des vacuoles intra ou 
extra-cellulaires. Cette substance passe à travers la 
zone pellucide, s'’accumule peu à peu dans le proto- 
plasma de l’ovule, qui, arrivé à maturité, en renferme 
une quantité considérable. — Les mêmes auteurs 
déduisent, de leurs recherches sur le testicule de porc, 
que la fonction sécrétoire des cellules interstitielles 
s'établit bien avant la fonction spermatogénétique ({es- 
iicule impubère) et qu'elle persiste lors même que la 
fonction spermatogénétique ne s'est jamais établie (tes- 
ticule ectopique). — M. F. Cathelin annonce quil a 
expérimenté simultanément et indépendamment de 
M. Sicard, la méthode des injections épidurales d’anes- 
thésiques par le procédé du canal sacré. Cette mélhode 
présente des avantages marqués sur celle des injec- 
tions sous-arachnoïdiennes. — M. Angel Gallardo 
montre que les croisements des radiations polaires 
dans les figures karyokinétiques ne sont nullement 
incompatibles avec l'adoption d’une interprétation dyna- 
mique, et viennent plutôt la compléter. — MM. Athias 
et C. França ont constaté la présence de Was/zellen 
dans les vaisseaux corticaux, chez un paralytique 
général. 


Seance du 4 Mai 1901. 


M. C. Bonne a constaté, au niveau d'une bronche 
chez un bœuf sain, l'existence d'une leucocytose éosi- 
nophilique avec essaimage des granulations dans le 
voisinage d'une glande en suraclivité. — MM. Lecène 
et Legros signalent un cas d'hémothorax traumatique 
infecté à streptocoque et à B. perfringens. — M. Le- 
gros a employé le sérum antidiphtérique dans le trai- 
tement de la pneumonie expérimentale chez la souris: 
les résultats ont été toujours négatifs. — MM. Sabrazès 
ei Fouquet ont constaté que l’urine du chien à la ma- 
melle n'est pas hématolysante. — M. Nocard admet 
l'identité du surra et du nagana; par contre, il lui pa- 
rait certain que le trypanosome de la dourine est spé- 
cifiquement différent de celui du nagana. — M. G. 
Weiss énonce la loi suivante de l'excitation électrique 
des nerfs : Quand une excitation électrique parcourant 
un nerf a une durée {, la quantité d'électricité néces- 
saire pour provoquer la réponse minima est liée au 
temps par la formule Q = a+ bt, a et hb étant deux 
coefficients indépendants des condilions de l’expé- 
rience. Toutes les qualités déterminées par cette for- 
mule sont physiologiquement équivalentes. — M. H. 
Stassano à observé que le petit noyau des trypanoso- 
mes donne naissance à un flagelle accessoire se diri- 
geant vers la partie postérieure. M. A. Laveran, qui a 
examiné les mêmes préparations, croit cette conclusion 
prématurée. — MM. CI. Regaud et A. Policard ont 
étudié les phénomènes sécrétoires, les formations erga- 
stoplasmiques et la participation du noyau à la sécré- 
tion dans les cellules des corps jaunes chez le Héris- 
son. — M. CI. Regaud met en lumière l'indépendance 
relative de la fonction sécrétoire et de la fonction sper- 
matogène de l’épithélium sémival: un testicule stérile 
n'est pas par cela même un organe absolument inutile. 
— M.9. P. Morat a observé, dans les ganglions spi- 
naux de la grenouille, une réserve adipeuse très abon- 
dante en hiver et qui disparait complètement en été. — 
M. C. Bonne pense que ces goutlelettes graisseuses à 
existence temporaire sont des matériaux de réserve 
destinés à la nutrition de la cellule nerveuse. — M. F. 
Cathelin indique la technique des injections épidu- 
rales par la voie du canal sacré. Il pense que la cocaine 
agit par osmose au travers des riches plexus veineux 
intra-rachidiens. — M. A. Sicard indique également la 
technique qu'il emploie dans les injections sacero-coccy- 
siennes et quel est, selon lui, le mécanisme de l'anal- 
gésie. — M. J. Hobbs à constaté que l'injection de 
sérum d’urémique chez le cobaye a une action néphro- 


nouvelles coccidies : le Coccidium Kermorganti qu'il as 
rencontré dans la rate du Gavialis gangéticus, et le 
Coccidium Legeri trouvé chez une tortue de l'Inde, le 
Cryptopus qranosus. — MM. Ch. Achard et M. Loeper 
ont étudié la formule leucocytaire dans quelques infee- 
tions expérimentales. Elle paraît indépendante de Jam 
nature des virus; elle dépend, au contraire, de la facon 
dont s'accomplissent les réactions de l'organisme à 
l'infection. 


SOCIÉTÉ FRANÇAISE DE PHYSIQUE 
Séance du 17 Mai 1901. 


A propos de la récente Note de M. Morize sur des 
méthodes propres à déterminer la vitesse des rayons\, 
M. Bernard Brunhes fait remarquer que ces mé- 
thodes ne sauraient permettre de mesurer que des 
vitesses de beaucoup inférieures à la vitesse de law 
lumière. — M. Georges Rosset présente une pile 
électrique à dépolarisant spontanément régénérable 
par réoxydalion directe à l'air. Le dépolarisant dem 
cette pile, réduit par l'hydrogène de dépolarisation, 
vient se réoxyder à l'air par la surface de la pile, 
pendant son fonctionnement même et sans nécessiter 
aucune manipulation : ce dépolarisant, qui se régénère 
ainsi spontanément par réoxydation directe à l'air, est 
donc inusable. 11 est constitué par du cuprate d'ammo- 
nium, qui, réduit dans la pile, devient du cuprite; 
celui-ci, à l'air, est ramené à l’élat de cuprate, et le 
dépolarisant se trouve ainsi spontanément régénéré. Il 
est intéressant de noter que le cuprite lui-même est un 
oxydant, et peut dépolariser au besoin en déposant sur 
le pôle positif (charbon) du cuivre métallique très bon 
conducteur : lors d’un repos, ce cuivre se redissoult… 
et reforme finalement le cuprate primitif. La solution 
excitatrice, étant à base de chlorure d'’ammonium, 
fournit de l'ammoniaque au pôle positif pendant le : 
fonctionnement, ce qui compense les pertes inévitables 
du dépolarisant en ammoniaque. La diffusion du dépo- 
larisant est évitée par l'emploi d'une membrane col- 
loïdale semi-perméable de ferrocyanure de cuivre, 
obtenue par voie de précipitation chimique dans lé- 
paisseur de la cloison poreuse. Grâce à l'ammoniaque 
libre du dépolarisant, dans laquelle le ferrocyanure 
de cuivre est soluble, cette membrane, toujours ré- 


dans l'intensité est de moins de un milliampère par 
vingt-quatre heures, pendant un mois qu'a duré l'essai. 
Cette variation est d'ailleurs très continue. La cons- 
tance de cette pile est donc remarquable. L'usure du 


zine est extrêmement régulière 
devient un véritable fil. Le renouvellement du zine et « 
de la solution excitatrice rend à la pile son énergie 
première : la courbe reprend la même allure, un mil- 
liampère au-dessus de la première. Ce fait démontre 
l'inusabilité du dépolarisant. En bouchant le trou de 
respiralion du dépolarisant, la force électro-motrice 
et le débit baissent plus rapidement que d'ordinaire, et 
remontent quand on donne de nouveau accès à l'air. 
On remarquera que les deux états d'oxydation, cuprate 
et cuprite, sont obtenus dissous, condition indispen- 
sable à ces réactions successives de réduction et de 
réoxydation à l'air; que ces deux états sont de puis- 
sants oxydants presque équivalents; que les produits 
de la réduction, même jusqu'à l’état métallique, « 
reviennent toujours à l'air à leur état primitif de 
maximum d'oxydation; que la solution excitatrice peut 
compenser au fur et à mesure les pertes inévitables du 
dépolarisant en ammoniaque; qu'enfin la composition 
même du dépolarisant permet d'entretenir la mem- 
brane semi-perméable, qui doit en éviter la diffusion, à 
l'état colloïdal convenable. Il y a là un concours de 
circonstances qui font du cuprate d’ammonium une 


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le crayon de zinc M 


| 


ACADÉMIES ET SOCIÉTÉS SAVANTES 551 


Solution particulièrement heureuse de ce problème si 
itéressant : dépolariser par l'oxygène de l'air, au 
moyen d'un intermédiaire chimique, et constituer par 
üite un dépolarisant inusable. — M. G. Lippmann 
résente un nouveau galvanomètre parfaitement asta- 
ique. Au lieu d'employer deux aiguilles aimantées 
Statisées l’une par l'autre, M. Lippmann n'emploie 
uune seule aiguille 4h demeurant invariablement 
ans le plan du méridien magnétique. Le courant à 
nésurer passe dans deux bobines AB d’axe commun ap, 
qui entourent respectivement les pôles a et h de l'ai- 
ille aimantée et agissent dans le même sens, l'une A 


porte l'aiguille ab; il est attaché au levier /, d'une 
jalance de torsion. Au moyen du tambour torseur de 
ette balance, on a réglé l'axe de la balance perpen- 
diculaire à l'axe de l'aiguille ab. Quand le courant 
it, l'aiguille ab se déplace parallèlement à elle-même 
la Terre ne tend pas à déplacer l'aiguille; la seule 
brce directrice est celle de la torsion de la balance *. 
Malgré l'emploi d’un fil de cocon, le modèle présenté 
par M. Lippmann est très maniable. La durée d'’oscil- 
ation est d'environ une minute et l'amortissement est 
complet ne trois oscillations. La sensibilité est pro- 
portionnelle à Ja longueur du bras de levier de la 
balancé de torsion. Il faut prendre une aiguille for- 
lement aimantée et pas trop légère. La sensibilité 


Rig.1.— Schéma du galvanomèlre astalique de M. Lippmann. 
— 1h, aiguille aimantée; A, B, bobines; f, fil de cocon: 
1, levier de la balance de HSQn portant un petit contre- 
poids. 


parait comparable à celle d'un galvanomètre Thomson. 
ML'amorlissement devient très grand quand le galva- 
iomètre est fermé sur lui-même. L'appareil, facile à 
construire, est d'un emploi commode : l'orientation de 
aiguille aimantée est bien fixe, tandis que les systèmes 
i sont seulement astatiques par compensation ont 
e orientation essentiellement variable. M. Pellat 
it que cette variation du zéro s’observe, en effet, fré- 
quemment avec les galvanomètres Thomson à aimant 
irecteur. M. Broca dit qu'avec le système à deux 
iguilles verticales de M. P. Weiss, formant un circuit 
magnétique complètement fermé, on à un zéro très 
ixe. 11 rappelle les excellents résultats qu'il a obtenus 
lu moyen d'un équipage à points conséquents ; l’avan- 
ge sur le galvanomètre de M. Lippmann est que ces 
uipages sont insensibles à l’action d'un champ uni- 
me et même encore à l’action d’un changement uni- 
mément varié du champ. — A propos de la commu- 
ation de M. A. Cotton, du 13 avril (Réseaux obtenus 
ja Ja photographie des franges d'interférence), 
M: Lippmann annonce la propriété suivante que devront 
posséder les réseaux obtenus par M. Cotton: Si la 
mière employée pour produire les franges renferme 
eux longueurs d'onde différentes, À et \, le réseau 
btenu par la photographie de ces franges sera capable 


4, M. Lippmann montre que son galvanomètre est net- 
ment différent de ceux qui sont dus à A. C. Becquerel. La 
alance électromagnétique de A. C. Becquerel est environ 
000 fois moins sensible que le galvanomètre astatique de 
Lippmaon. 


repoussant, l'autre B attirant l'aiguille. Un fil de cocon f 


de dévier, dans la même direction, les lumières de 
longueur d'onde À et X. Si la lumière productrice des 
franges est blanche, le réseau enverra dans une même 
direction toutes les couleurs de cette lumière et 
par conséquent constituera un réseau achromatique. 
M. Cotton indique qu'il n'a fait jusqu'ici d'expériences 
qu'avec la raie indigo du mercure, employée seule. 
Mais il avait, lui aussi, examiné le cas où les photo- 
grapbies seraient faites avec plusieurs radiations super- 
posées, et remarqué la réversibilité que M. Lippmaon 
vient de signaler. Lorsque le réseau complexe obtenu 
avec une lumière colorée, formée de plusieurs radia- 
tious simples, est éclairé par un faisceau parallèle de 
lumière blanche, il y a encore une direction priviié- 
giée où les radiations primitives ont leurs maxima su- 
perposés. En isolant (lentille et fente) les rayons dif- 
fractés dans celte direclior, on peut théoriquement 
reproduire la couleur de la lumière qui avait servi à 
faire la photographie. Mais il faut que les maxima 
soient suffisamment intenses et conservent leurs inten- 
sités relatives. Il faut done que l’action photographique 
et l'intensité de la lumière incidente aient entre elles 
uve relation telle que chaque réseau élémentaire ne 
donne qu'un spectre. M. Cotton reviendra, sur ces ques- 
tions et présentera à la Société des réseaux qu'il obtient 
avec les ondes stationnaires. — M. Guillaume signale 
un mémoire de M. Lyman (Physical Heview, jan- 
vier 1901), dans lequel l’auteur étudie l'apparition de 
fausses raies spectrales dans les spectres des réseaux de 
Rowland et les explique par l'influence des inégalités 
périodiques des intervalles des réseaux. M. A. Cornu 
signale les diverses erreurs que comporte l'emploi des 
réseaux. IL rappelle comment on peut reconnaître les 
inégalités périodiques par sa méthode du moiré, en 
superposant presque parallèlement deux réseaux trans- 
parents obtenus avec la même machine à diviser, ou, 
d'une manière plus générale, deux copies transparentes 
d'un même réseau obtenues par la méthode de M. Izarn. 
Quand on trace un réseau, il faut rendre très constante 
la tension du système qui relie la machine à diviser 
au moteur; pour cela, il convient de produire la ten- 
sion à l'aide de poulies et de poids tenseurs. Une expé- 
rience très simple pour juger des défauts d'un réseau 
consiste à observer la lueur que Je réseau diffracte 
entre le premier spectre et l’image de la fente éclai- 
rante. Dans un spectroscope à vision directe, sur Ja 
fente duquel on fait tomber la lueur précédente, on 
aperçoit plusieurs raies. Le réseau supérpose ainsi au 
spectre régulier une foule de spectres tenant aux iné- 
galités périodiques de la vis. D'une manière générale, 
l'emploi d'un spectroscope par réfraction est uu con- 
rôle nécessaire des observalions des spectres des 
réseaux, outre qu'il fournit une dispersion particuliè- 
rement grande dans l’ultra-violet. — M. D. Korda 
signale un cas remarquable de vitesse de cristalli- 
salion. En une fraction de minute seulement, il a fait 
cristalliser, par refroidissement dans l'eau, des culots 
de. ferrosilicrum. La forme des cristaux varie avec la 
proportion de silicium : longues aiguilles pour 10 2/4 
de silicium (formule Fe?Si); — tétraèdres de 1 à 10%" 
de côté pour 22 à 23 °/, de silicium (formule Fesi); 
— lames d'aspect micacé pour 50 °/, de silicium (for- 
mule FeSi®). Des cristaux jaunes de ferromanganèse, 
ou argentés de ferrochrome, se forment d’une manière 
aussi rapide dans des conditions analogues. 


SOCIÉTÉ DE CHIMIE DE LONDRES 
Séance du 18 Avril 1901 (suite). 


M. W. Ackroyd poursuit ses recherches sur les 
eaux de Moorland, et montre que la présence duw chlore 
s'explique facilement par la quantité de chlorure de 
sodium existant dans l'eau de pluie, surtout en hiver. 
— M. A. C. Perkin a étudié la rohinine, glucoside des 
fleurs du /?ohinia pseudoacacia. Séchée à l'air, elle 
possède la formule C#H*0?,8H°0. Elle est hydrolysée 
par les acides minéraux dilués en une matière colo- 


532 ACADÉMIES ET SOCIÉTÉS SAVANTES 


rante C#H!°05, identique au camphérol, et un sucre, 
qui donne une osazone mêlée, renfermant de la dex- 
trosazone et probablement de la galactosazone. L'osy- 
r'itrine, glucoside de l'Osyris compressa, séchée à 1300, 
possède la formule 2C?*H*#01%,H°0. La violaquereitrine, 
glucoside de la Viola tricolor, possède à 160 la formule 
C?7H°°0'°; séchée à l'air, elle renferme 3H?0, et se 
trouve identique à l’osyritrine. — M. J. C. Irvine 
indique un procédé rapide de préparation de l’éther 
méthylique de l’aldéhyde salicylique : on fait réagir 
avec l’oxyde d'argent sec un mélange d'aldéhyde salicyli- 
que et d'iodure de méthyle. L'éther obtenu, chauftè avec 
une solution alcoolique de cyanure de potassium, se 
condense facilement en o-diméthoxybenzoine. — M. M. 
O. Forster, en faisant réagir l'hydroxylamine sur les 
anhydrides du 1 : 1-bromonitrocamphane, a obtenu le 
dérivé C!°H10*A7!Br, fondant à 197, Il est converti, 
par l’action prolongée de la soude, en un composé 
C'°H1°0*Az?, fondant à 2080. — MM. W. Garsed et J. 
N. Collie ont observé que, si l’on ajoute à une solution 
contenant environ 1 °/, d'un sel de cocaïne un excès de 
solution décinormale d'iode jusqu’à ce que le liquide 
surnageant contienne un excès d'iode, il se précipite 
un iodhydrate de diiodococaine C!H?*AzO#HL.I®. L'ex- 
cès d’iode peut être titré par l'hyposulfite et le précipité 
peut être pesé ou déterminé d'après la quantité d'iode 
employée. L'iodhydrate est un composé bien cristallisé 
et très stable. La titration n’est pas troublée par la pré- 
sence d'ecgouine; par contre, il faut éviter la présence 
de benzoylecgonine; celle-ci peut être séparée par 
l’éther ou le pétrole qui dissout la cocaïne et laisse la 
benzoylecgonine. — M. T. Gray a préparé de l'acéto- 
nylacétone très pure, et déterminé sa densité (0,973), 
son indice de réfraction (1,4232) et sa réfraction molé- 
culaire (29,85). Elle se condense avec l’hydrate d’hydra- 
zine pour donner deux composés : C'2H*’Az!, bouillant 
à 157-8° sous 13 millimètres, et C'2H?*Az5, fondant à 430- 
1320, — MM. H. Ryanet W.S. Mills ont obtenu l’acé- 
tochlorogalactose par l’action du chlorure d'acétyle sur 
le galactose. Ce composé, traité par la potasse et l'a- 
naphtol, donue l'a-naphtylgalactoside, C°H!05.0.C!°H7; 
c'est un glucoside de synthèse, fondant à 2029-30. On 
obtient de même le »1-crésylglucoside par l’action du 
m-crésol sur l’acétochloroglucose en solution alcaline. 
— MM. C. J. Martin et O. Masson ont déterminé les 
conductibilités de solutions d'acide chlorhydrique et de 
chlorure de potassium contenant des quantités varia- 
bles de sucre, et ont trouvé que la conductibilité ne 
diffère guère de celle des solutions aqueuses, en tenant 
compte de la viscosité des solutions sucrées. Par con- 
tre, si l’on ajoute de la soude à des solutions sucrées 
de différentes concentrations, on constate que le sucre 
influe sur la conductibilité; ce fait est attribuable à la 
formation de saccharate de soude, qui est fortement 
1onisé en solution diluée, — MM. J.-B. Cohenet H. D. 
Dakin ont poursuivi leurs recherches sur l’action du 
couple aluminium-mercure comme halogénant dans la 
préparation des dérivés chlorés des hydrocarbures 
aromatiques. Ils ont obtenu toute la série des chloro- 
benzènes, ainsi que les mono, di-et trichlorotoluènes. 
L'identification de ces derniers a demandé de longues 
recherches. — M. E. Dowzard a reconnu qu'une solu- 
tion d’acétate de plomb absorbe seulement l'hydrogène 
sulfuré du gaz d'éclairage; une solution à 15 °/, de 
chlorure cuivreux dans HCI absorbe l'hydrogène sul- 
furé, phosphoré et antimonié, mais non l’arsenie, — 
M. R. C. L. Bose a fait l'analyse de la racine de 
Nerium odorum, et y a trouvé, à côté des deux corps 


déjà connus, la nériodoréine et la nériodorine, un nou-« 
veau composé, la Æarabine, C*H#O05, La nériodoréine 
esttrès soluble dans l’eau, la nériodorine dans l’eau seu-« 
lementchaude,la karabine y est insoluble. Par contre, elle 
est très soluble dans l'éther et le benzène, où les deux 
premiers constituants sont insolubles. L'auteur COnSi=M 
dére Ja nériodoréine comme une variété de saponine: 
La nériodorine et la karabine ne sont pas des gluco 
sides, mais possèdent les caractères des résines; elles 
ne contiennent pas d’azole. — M. A. Lapworth pense 
que les changements isomériques dans les composés 
organiques sont dus à la dissociation, et que la dissocia=« 
tion entre deux atomes susceptibles de se transposer 
existe, en général, seulement une fois dans la molécules 
à un inslaut donné. Celte dissociation aurait le carac=M 
tère d'une ionisation. L'influence d’un agent cataly-« 
tique peut être variable. Il peut non seulement» sut 
menter la vitesse de la transformation en élevant lan 
concentration des ions représentant un groupe labile 
dans la modification isomérique, ou soustraire certains 
ions à Ja sphère d'action en les convertissant en com-" 
posés non dissociés, mais il peut encore convertir unes 
molécule en un individu possédant les propriétés d’un 
groupe dissocié ou d'un ion, eu lui apportant des 
groupes plus simples avec lesquels elle s’unit. L’atomem 
duquel un groupe a été enlevé aura, en apparence, une 
valence d’une unité moindre que celle qu'il a dans un 
composé non dissocié ; un tel atome est dit sous-valent.M 
Tandis que les atomes en dedans d'un groupe dissocié 
ne changent pas leurs positions relatives, la position de 
sous-valence peut être modiliée par un réarrangement 
des forces attractives mutuelles entre les atomes; l'en 
lèvement d'un groupe d’un autre déjà dissocié ne cons= 
titue pas une double dissociation, mais uu transport d 
la sous-valence à ce groupe; il est analogue à la con- 
version d'un ion complexe en un ion simple et un com 
posé neutre. De ces conceptions, l'auteur déduit quel=M 
ques lois pour des cas particuliers. — M. A. Lap- 
worth explique le mécanisme de la réaction de Claisenm 
en se basant sur les hypothèses qu'il vient d'indiquer 
1° un ion sodium s’unit avec le groupe carbonyle de la 
cétone O:CR,.CHPR, pour former un groupe sous-valents 
qui perd un atome d'hydrogène : Na.0.CR,:CHR, ; 29 les 
dérivé métallique se dissocie alors, une partie réagis- 
sant avec un groupe sous-valent (produit par l’union 
d'un ion sodium avec l’oxalate, le formate, ete., d’éthyle}s 


NaOCR, : CHR, + CR,OEt : O 
(0.CR, : CHR, + CR,;(OEt)ONa] 
0: CR,.CR, : CR,.ONa + HOE. 


Ss- 
D > 


L'action de l’acide chlorhydrique, favorisant la conden- 
sation des aldéhydes avec les cétones, les phénols, ete.; 
peut être attribuée à une série de transformalions ana= 
logues, dans lesquelles un ion H agit comme un ion Na 
— M. P. C. Ray, en traitant une solution de nitrite de 
mercure par un léger excès d’ammoniaque, à obtenu 
un nitrite de dimercurammonium : 2AzHg*Az0®.H°0} 
dissous dans lacide chlorhydrique, puis la solution 
évaporée à sec, ce corps donne un sel blanc cristalli 
Azlle?Cl,4HCI. L'acide bromhydrique fournit le sel cor 
respondant. Les deux sels haloïdes, traités à froid pan 
la potasse diluée, donnent respectivement 2AzHg°CI,H20 
et 24zHg*Br,H°0. 


Le Directeur-Gérant : Louis OLIVIER. 


Paris. — L. MARETHEUX, imprimeur, 4, rue Cassette. 


N° 42 


30 JUIN 1901 


DIRECTEUR : 


Revue générale 


DOS -NCienc 


; pures el appliquées 


LOUIS OLIVIER, Docteur ès sciences. 


— — _ _— 


Adresser tout ce qui concerne la rédaction à M. L. OLIVIER, 22, rue du Général-Foy, Paris. — La reproduction et la traduction des œuvres et des travaux 
publiés dans la Revue sont complètement interdites en France et dans tous les pays étrangers, y compris la Suède, la Norvège et la Hollande. 


$ 1. — Astronomie 


L'éclipse de Soleil du 18 mai 1901. — Dans 
- une des dernières séances de l’Académie des Sciences, 
= M. J. Janssen a communiqué à l'Académie une dépêche 
de M. de la Baume-Pluvinel, chargé d’une Mission pour 
observer, à l'ile de Sumatra, la grande éclipse qui 
devait s'y produire le 18 mai dernier, dans des circon- 
stances de durée tout à fait exceptionnelles. 

D'après le programme arrêté entre M. Janssen et lui, 
M. de la Baume devait, indépendamment des pho- 
- tographies de couronne, porter ses observations sur 
la rotation de la couronne, sur la présence plus ou 
- moins marquée des raies obscures dans la lumière 
“coronale, et enfin sur la radiation calorique de la cou- 
nue Le temps, sauf quelques légers nuages, a favo- 


risé les observations, et tout le programme fut exécuté. 
Il est indispensable d'attendre le retour de la Mission 
… ou, du moins, un Rapport détaillé, pour avoir une idée 
… précise des résultats obtenus; mais déjà, d'après la 
dépêche, on remarque que la rotation de la couronne 
n'a pu être constatée; la présence des raies dans la 
lumière de la couronne n’est pas observée, comme 
“très marquée, ce qui s'accorde avec cette circonstance 
que nous sommes à une époque de minima des 
Maches, et que c'est aux époques des maxima que 
les vapeurs du globe solaire s'élèvent davantage dans 
l'atmosphère coronale et y permettent ces phénomènes 
de réflexion de la lumière photosphériques accusés 
par la présence des raies fraunhofériennes. C'est ainsi 
“qu'elles avaient déjà été reconnues en 1871 et en 1883. 
…_ L'observation de M. de la Baume est donc intéres- 
«sante à cet égard, aussi bien que sa constatation d’une 
“chaleur sensible émise par la couronne. 
— D'autre part, M. le D' Binot, chef de laboraloire à 
“l'Institut Pasteur, chargé d'une Mission à l'ile de la 
“Réunion, dans les mêmes conditions que celle de Suma- 
“tra, vient d'envoyer une dépêche informant M. Jans- 
sen qu'il fit un temps superbe, d’où l'on peut inférer 
qu'il a pu exécuter dans les meilleures conditions le 
programme dont il avait bien voulu se charger, M. le 
D: Binot à pu prendre d’ailleurs une nombreuse série 
de photographies. 
Les Missions étrangères ne semblent pas avoir été 


=" 


REVUE GÉNÉRALE DES SCIENCES, 1901, 


CHRONIQUE ET CORRESPONDANCE 


favorisées par le beau temps. À Karang-Sazo, la Mis- 
sion anglaise, sous la direction du Prcfesseur Todd, à 
été très gènée par les nuages. L'éclipse a duré 620 
environ. On a vu Mercure et Vénus. 

La Mission hollandaise, installée sur la côte même 
de Sumatra, n’a pas été mieux favorisée. On a égale- 
ment constaté que l'obscurité a duré 6%20%, 

Les astronomes américains avaient établi six stations 
sur autant de petites îles. Partout le ciel à été nuageux, 
et les photographies n'ont pas montré de traces de la 
couronne. On n’a pas vu les bandes sombres sur le sol, 
avant et après la totalité. 

A Port-Louis (ile Maurice), les observations ont été 
bonnes. On a pu noter les trois derniers contacts. 


L'activité solaire. — Nous venons de traverser 
une période de minimum d'activité solaire, nettement 
accusé. Depuis le mois de novembre 1900 jusqu'à fin 
avril 1901, done pendant six mois, on n'a vu qu'un pore 
insignifiant le 7 février, quelques petites taches du 3 au 
9 mars, et un groupe de pores le 20 mars au bord 
oriental du disque. 

Le reste du temps, la surface du Soleil n'a présenté 
d’autres indices de trouble que des facules très mar- 
quées. 

Mais ce minimum solaire est passé. Un groupe de 
taches très remarquable est arrivé au bord oriental du 
disque solaire pendant la nuit du 19 au 20 mai, et a 
été observé, dès son apparition, par M. J. Roberts, à 
Dungannon, en Irlande. Il se compose d'une tache 
jumelle et d'une troisième, le tout accompagné de plu- 
sieurs petites. 

Le même jour, cette tache, qui clôt la période du 
repos du Soleil, a été observée en France. 

C'est le cas, ou jamais, de tenter une nouvelle liaison 
entre cette apparition et les perturbations météorolo- 
giques, magnétiques, etc. 


L’éclipse du 4: satellite de Jupiter. — À pro- 
pos de la Note qui a paru dans la chronique de notre 
dernier numéro sur ce sujet (p. 503), M. G. Bigourdan 
nous écrit : 

« L'observation de ces phénomènes est déjà beaucoup 
trop négligée, et la fin de cet article pourrait avoir pour 


12 


CHRONIQUE ET CORRESPONDANCE 


effet de la faire abandonner encore davantage par ceux 
qui ne disposent que de faibles instruments. 

« À mon avis, ce serait très malheureux, et il me 
semble que cela est démontré bien clairement par 
l'observalion mème dont cet article se fait argument : 
en effet, sur les trois lunettes employées, les deux faibles 
ont donné le moment de l'opposition (moment essentiel 
à connaitre et qui s'est trouvé avoir une correction 
énorme), et la grande lunette n’a pu le faire. » 


La première comète de 1901. — La: pre- 
mière comète du xx° siècle a été découverte le 23 avril 
1901, par M. Halls, à Queenstown, dans la colonie du 
Cap. Le lendemain de sa découverte, c’est-à-dire le 
2% avril, sa position était, à 17 h. 5 m. temps moyen de 
Greenwich 


13014 
3h27! 


Ascension droite . 
Déclinaison N 


La comète élait visible à l'œil nu, et a frappé les po 
pulations de l'Afrique australe, de l'Australie et de toute 
l'Amérique du Sud. En effet, au moment de sa décou- 
verte, elle était très brillante, malgré son voisinage du 
Soleil, avec un noyau bien défini, d'un éclat supérieur 
aux éloiles de 3° grandeur, et une queue d'une lon- 
gueur triple d'environ 10°. C'est donc un objet céleste 
remarquable : cependant ce n'est pas encore là, comme 
on le voit, la comète Donat de 1858, ni celle de 1861; 
nous sommes depuis longtemps privés de ces appari- 
tions. 

La comète est apparue, le 23 avril, dans une position 
voisine de ceile de l'étoile & Poissons, est passée le 
-26 au sud de & et, continuant de suivre à peu près 
l'équateur, s'est dirigée vers Orion; le 6 mai, elle 
marquait l'augle occidental d'un triangle un peu allongé 
dont Bellatrix et Riel formaient la base occidentale. 

Celle comète fut découverte, en réalité, à Melbourne 
par un passant, qui la vit par hasard en regardant le 
ciel le 23 avril au malin : il se hâta de lancer un télé- 
gramme en Europe pour s'assurer la priorité de son 
observation, mais comme il ignorait l'adresse du Bureau 
central astronomique chargé d'enregistrer et de publier 
les découvertes de ce genre, il envoya son message à 
Valentia, au lieu de le diriger sur Kiel. Il en résulta 
un retard de transmission dont profita M. Halls, pour 
arriver le premier et lui donner son nom. 

Une photographie a été prise à l'île Maurice, montrant 
la plus longne des trois queues jusqu’à 15° de distance 
du noyau ou trente fois le diamètre de la Lune. 

La comète à dû passer à son périhélie, tout près du 
Soleil, le 24 avril : la veille on la voyait le matin, le 25 
on l’a vue le soir. 

Elle s'éloigne du Soleil et de la Terre, et son éclat va 
diminuer de plus en plus. Cette comète semble offrir 
quelque parenté avec celles de 1843 et de 1882. Nous 
saurons sans doute bientôt à quoi nous en Lenir sur son 

rbite exacte. 


$ 2. — Météorologie 


Variations de la température à diverses 
hauteurs. —Dans une note présentée à 1 Académie en 
août 1899, M. L. Teissereñc de Bort avait indiqué l:s 
résultats principaux fournis par la première série. mé- 
thodique de sondages aériens effe clués au moyen de bal- 
lons-sondes: depuis cette époque, les lancers ont conti- 
nué avec régularité à l'Observatoire de météorologie 
dynamique de Trappes, et l'on possède aujourd’hui les 
dépouillements de plus de 240 ascensions de ballons- 
sondes, réparties sur les années 1898, 1899 et 1900. Ces 
documents, groupés par mois, prouvent d'une facon 
posilive que : ] 

1° La température, dans l'atmosphère libre, éprouve 
dans le cours de l'année une variation saisonnière Irès 
sensible, au moins jusqu'à l'altitude de 10.000 mètres; 

2 L'amplitude de la variation de la température, 


jusqu'à ces dernières années, ce qui lient à ce qu'on ne 


suivant les saisons, 
mente. | 
Pour les moyennes mensuelles considérées, cette am- 
plitude est de 17° auprès du sol, de 44, 6 à 5 kilomèM 
tres et de 12° à 10 kilomètres. x 
Les résultats s'écartent beaucoup de l'opinion admise 


diminue quand la hauteur aug-« 


possédait, avant cette série, que quelques observations 
isolées pour la température à de grandes hauteurs. : 

Voici le tableau des moyennes des températures ren 
contrées par les ballons pour les divers mois à différents 
niveaux : À 


TEMPÉRATURE 
Re 


au sol à 5.000® à 10.000 
Janvier 009 — 1809 — 5204 
FEVER Eee 50% — 1503 — 4106 
Mars res Lo — 2108 — 5304 
ANTILLES a 009 — 92009 — 5307 
Mal AOL 503 — 1804 — À903 
NL ADIT : CRUE, 70 — 1608 — 5103 
Juillet. . 4102 — 808 — 4503 
AIO Le ER 1507 —- 807 — 4405 
Septembre. . 1708 — 702 — 4108 
Octobre . 1304 — ÿo7 — 4709 
Novembre. e 1002 — 110 — 4501 
Décembre. . . . 308 — 1208 — 4592 


On peut remarquer, de plus, sur les courbes repré- 
sentant l'altitude de diverses isothermes dans les diffé 
rents mois de 1898, 1899 et 1900, que la température 
moyenne de 0° se trouve vers 1.200 mètres à la fin de 
la saison froide, et remonte à 3.600 mèlres en été. Lan 
moyenne de l'altitude de cette isotherme dans le cours 
de l’année est d'environ 2.750 mètres, chiffre très voisin 
de celui qui est donné pour la hauteur des neiges per 
manentes dans les Alpes. ; 4 

L'isotherme moyenne de —50° s'abaisse jusqu'à 
8.800 mètres (8.700 mètres en 1899, 8.700 mètres en 1900) 
à la fin de l'hiver, et dépasse 11.000 mètres en été 
(11.400 mètres en 1899, 11.100 mètres en 1900). 

La distance verticale entre les surfaces isothermes ne 
reste pas constante pendant toute l’année, ce qui tient 
à ce que la variation annuelle est un peu plus grande 
dans les couches inférieures. La décroissance de tem— 
pérature étant plus rapide dans les couches élevées, le 
changement de hauteur n'est pas non plus le même aw 
cours de l’année pour les isothermes dans les régions 
basses et dans les régions supérieures, même à égalité 
d'amplitude. 

Le maximum et le minimum (hermique moyens se 
produisent plus tard en haut que dans les couches in- 
férieures; ce retard est surtout très sensible pour le 
minimum, qui a lieu seulement à la fin de l'hiver. Une 
série plus longue permettra seule de préciser les con= 
ditions de ces retards; mais il est intéressant, dès à 
présent, d'appeler l'attention sur la température relatis 
vement basse du mois de mai. Cette température, dans 
la série de M. L. Teisserenc de Bort, paraît due principa= 
lement aux résultats des ascensions faites vers le milieu 
du mois, c'est-à-dire à l’époque du refroidissement pé= 
riodique bien connu sous le nom de froid des saints de 
glace. Chose remarquable, l'inflexion est aussi mars 
quée sur l'isotherme de — 50° que sur celle de 0°, ce 
qui montre bien que l’abaissement de température n esb 
pas limité aux couches voisines du sol. Déjà, M. Hers 
gesell, à propos du cas particulier de l'ascension mters 
nationale du 13 mai 1897, avait fait remarquer que les 
basses températures élaient produites non seulement 
près du sol, mais encore daus les couches élevées d& 
l'atmosphère. Ce fait, dont on retrouve aussi la trace 
dans les observations incomplètes de 1898, tend à 
confirmer l'opinion des savants qui, comme Ch. Saintes 
Claire Deville, ont cherché à rattacher le refroidisse= 
ment de l'air, en mai, à une cause générale. à 

On ne saurait être trop obligé à M. L. Teisserenc d@ 
Bort de ses recherches persévérentes el généreuses4 
c'est l'exemple d'un observateur attentif et très cons 


CHRONIQUE ET CORRESPONDANCE 255 


cieacieux qui sut développer, chez nous, une branche 
nouvelle et très importante de la Météorologie, qui 
ommence à simposer par ses résultats mêmes. 


$ 3. — Physique 


Le déplacement des bandes d'absorption 
dans les solides en fonction de la tempéra- 
ture. — Si le pouvoir émissif des corps à des tempéra- 
tures élevées a été l'objet de travaux nombreux, au 
moins pour la partie visible du spectre, il n’en est pas 
de même du pouvoir absorbant, qui n'a été que peu 
examiné jusqu'ici loin de la température ambiante. On 
a eu, par conséquent, peu d'occasions de comparer les 
pouvoirs émissifs et absorbants dans les mêmes condi- 
tions, et de vérifier la loi de Kirchhoff dans le détail. 
Ainsi qu'il a été montré récemment dans la /evue, 
tel corps, parfaitement transparent aux rayons visibles 
à la température ambiante, émet une vive lumière lors- 
qu'il est porté à une température élevée, ce qui, en 
admettant la parfaite exactitude de la loi de réciprocité, 
montre que les propriétés optiques se modifient consi- 
dérablement avec la température. Cette modification 
est tantôt graduelle, tantôt brusque, et, dans ce der- 


ment nul dans le jaune; en revanche on voit, dans, le 
vert et plus encore dans le viulet, s'avancer la bande 
d'absorption de l’ultraviolet à mesure que la tempéra- 
ture s'élève. Le verre à l’oxyde d'argent, jaune par 
transparence, et par conséquent absorbant dans la par- 
tie la plus réfrangible du spectre visible, accentue ses 
propriétés, avec une augmentalion de l'absorption allant 
vers le rouge. Le bichromate de potasse devient de plus 
en plus absorbant dans le jaune, à mesure qu'on le 
chauffe. En revanche, on sait depuis longtemps que ce 
corps, fortement refroidi, se décolore presque complè- 
tement, ainsi que le brome, le soufre, etc. 

Des corps dont les bandes d'absorption se trouvent 
très loin dans l’ultraviolet, comme le quartz ou la fluo- 
rine, restent incolores aux températures élevées, tant 
qu'ils n'éprouvent pas de transformation, parce que le 
déplacement des bandes s'opère entièrement en dehors 
du spectre visible. 

Le travail de M. Koenigsberger est assurément fort 
incomplet, puisque le nombre des substances examinées 
est très restreint, et que les expériences ont porté seu- 
lement sur la partie visible du spectre, de telle sorte 
que l'ébauche de loi qu'il formule doit encore être con- 
sidérée seulement comme une première indication 


TaeLeau 1. — Pouvoir absorbant de quelques corps à diverses températures, d'après M. Koenigsberger. 


SUBSTANCES 


Flint lourd . 


Verre jaune à l'oxyde d'argent 


Bichromate de potasse 


TEMPÉRATURES 
EEE = 
15° 100: 1509 200 00 300 3500 
0,003 » » 0,003 » 0,004 
0,0%# 0,068 | 0,080 | 0,115 | 0,137 | 0,180 
0,082 | 0,126 | 0,148 | 0,280 | 0,247 | 0,377 
0,237 » » » » » 
0,416 » » » » 0,503 
1,09 » 1,1% » » .23 
0,317 | 1,05 1,62 2,67 3,48 » 


“nier cas, correspond généralement à un changement 
d'état. 

… En revanche, la variation du pouvoir émissif ou absor- 
bant pour une radiation donnée peut se faire, dans de 
“larges limites, d’une manière tout à fait continue pour 

ne longueur d'onde déterminée, comme l'ont déjà 
montré quelques expériences. 

Il était intéressant de rechercher si ces varialions se 
produisent suivant des règles à peu près générales, ou 
“si chaque corps se comporte, à ce point de vue, d'une 
facon indépendante de toute loi. Une étude dans ce 
Sens vient d'être entreprise par M. Koenigsberger, de 
“Fribourg en Brisgau, et l'a conduit à formuler, au 
moins pour les corps non métalliques qu'il a examinés, 
R ette règle, qu'il généralise : Les bandes d'absorption 
d'un corps solide se déplacent vers les grandes lon- 
| 0 ueurs d'onde à mesure que la température s'élève, en 
Méprouvant en méme temps un léger élargissement. 
| … Les corps examinés par M. Koenigsberger sont en- 
core peu nombreux; mais, parmi eux, il n'a trouvé 
aucune exception à celle règle. En voici quelques 
xemples : « désignant le coefficient d'absorption de la 
rmule : 

a . 

Mdans laquelle l'épaisseur traversée est représentée par /, 

s valeurs suivantes de « (tableau 1) ont été déduites 
lobservations photométriques. 

Le flint lourd, parfaitement transparent dans le 


pectre visible à la température ordinaire, conserve, aux 
utres températures, un pouvoir absorbant sensible- 


ÿ J = Je 17, 


3 à Cn. En. Guirraune : Les lois da rayonnement et la 
théorie des manchons à incandescence, dans la /tevue du 
LS0 avril 1901, t. XII, p. 358 et suiv, 


l 


pour les recherches futures. Il n'était pas moins inté- 
ressant de la mentionner dès maintenant. 


$ 4. — Métallurgie 


La production électrothermique du ferro- 
silicium. — On sait que le silicium rend de grands 
services au cours de la fabrication des aciers : on 
l'ajoute à la fin des opérations sous forme de ferrosili- 
cium pour réduire les oxydes formés et diminuer les 
soufflures dans les lingots. À ce point de vue,le sili- 
cium joue un rôle analogue à celui de l'aluminium. 
Au cubilot, le: ferrosilicium permet de fabriquer des 
fontes grises et par conséquent convenables pour le 
moulage. Enfin l'existence de silicium dans la consti- 
tution même des aciers n'est plus considérée comme 
nuisible, et la maison Hollzer fabrique actuellement 
des aciers à ressorts très élastiques et très résistants, 
qui doivent leur renommée à la présence du silicium 
dont la teneur dépasse 1,5 °/4. On comprend donc 
l'intérêt qui s'attache à l'étude des siliciures contenus 
dans tous les métaux dérivés du fer. Cette éludé a été 
conduite d'une facon remarquable, notamment par 
MM. Carnot, Goutal, Moissan, Lebeau, Gin, etc. 

Le ferrosilicium avait jusqu'ici élé préparé au haut 
fourneau. IL contenait du Fe’Si, siliciure isolé par 
MM. Carnot et Goutal et qui est, de tous, le siliciure le 
plus stable à baute température. On prépare maintenant 
ce ferrosilicium à l'usine de Meran (Tyrol) par les 
procédés d'électrothermie, en {raitant un mélange de 
battitures de fer à 72 % (1.000 kilos), de quartz 
(410 kilos) et de coke (398 kilos) avec une densité da 
puissance en régime normal de 70 watls par centi- 
mètre carré. Les opérations durent quinze heures et le 


556 


production moyenne en ferrosilicium est de 776 kilos, ce 
qui représente un rendement de 1.240 kilos par four et 
par vingt-quatre heures, soit 200 grammes par kilowatt- 
heure. Le ferrosilicium contient 21,5 % de silicium, 
17,5 de fer et son prix de revient à la tonne ressort 
à 200 francs. 

En augmentant la proportion de quartz et en faisant 
varier en sens inverse la densité du courant, on peut 
obtenir des ferrosiliciums à teneur plus élevée, jusqu'à 
83 %, sans que le prix de revient soit majoré. Cela 
présente un gros intérêt, puisque le prix de vente croît 
avec le nombre d'unités de silicium. On paie en France 
le ferrosilicium à 10 % 180 francs et celui à 25 % 
300 francs, ce qui donneS8 francs pour le prix de l'unité 
entre 10 et 25 %. 

Au lieu d'employer des batlitures de fer, on peut 
aussi, avec l'électricité, traiter directement les minerais 
de fer siliceux, contenant environ 15 % de Si0* et 
60 % d'oxyde de fer. Dans ce cas, le mélange se com- 
pose de 4.800 kilos de minerai de fer, 420 kilos de sable 
quartzeux et 720 kilos de coke. On obtient un ferrosili- 
cium à environ #5 %. 

Enfin, on à été conduit à essayer l'emploi des scories 
provenant des opérations sidérurgiques et contenant, en 
dehors d'une certaine proportion de fer, la presque 
totalité des éléments plus oxydables qye le fer et no- 
tamment le silicium. Ce sont des sous-produits dont la 
valeur est à peu près nulle. De plus, le fer et le man- 
ganèse contenus étant. à l’état de protoxydes, leur 
réduction exige moins de carbone et, par suite, une 
moindre dépense d'énergie que celle des minerais 
dans lesquels ces métaux se trouvent à l’état suroxydé. 
La réduction des scories de fer, difficile par les gaz 
réducteurs du haut fourneau, se fait très aisément au 
four électrique. De plus, les scories provenant de cor- 
nues Bessemer ou de fours Martin acides contiennent 
peu ou pas de phosphore. Les ferrosiliciums n’en 
renferment eux-mêmes que des quantités insignifiantes. 

Ces dernières fabrications ont été réalisées par M. Gin. 

Les scories employées provenaient d’un four produi- 
sant de l'acier à 0,13 de carbone et contenaient 50 % 
de Si0?, 34 % de FeO et de 10 % de Mn0. On mélan- 
geait 1.680 kilos de scories et 600 kilos de coke à 80 %. 
On fit un ferrosilicium à 30 % avec 54 % de fer, 13 % 
de manganèse et 0,5% de carbone en consommant 
5.380 kilowatts-heure par tonne. C'est une économie 
de 12 % de l'énergie consommée pour la production à 
l’aide de minerais. En outre la dépense de coke a di- 
minué de 120 kilos par tonne. 

Cette fabrication de ferrosilicium au four électrique 
est à encourager, car elle permettrait de tirer profit 
des nombreuses installations de carbure de calcium, 
qui demeurent inertes en raison de la crise subie par 
cette dernière industrie. La métallurgie francaise, qui 
consomme beaucoup de ferrosiliciums et de silico- 
spiegels, pourrait dès lors s'affranchir de l’appoint que 
lui fournit l'étranger et éviterait ainsi le droit d'entrée 
élevé de 37 francs qu'elle est obligée de payer. 


$ 5. — Chimie végétale 


Découverte de nouveaux alealoïides dans le 
tabac. — Bien que le tabac ait été l'objet de recher- 
ches très nombreuses relativement à sa composition 
chimique, on n’en à retiré, jusqu'à présent, à l’état de 
pureté, qu'un seul alcaloïde, la nicotine. MM. A. Pictet 
et A. Rotschy, ayant eu à préparer une certaine quantité 
de nicotine, vienneut de découvrir, à côté de celle-ci, 
trois nouveaux alcaloïdes dans le tabac de Kentucky. 

Ces auteurs procèdent ainsi : On extrait le jus de 
tabac par le chloroforme ou l’éther, et on débarrasse le 
produit de l’extraction de la nicotine qu'il contient par 
distillation aux vapeurs d’eau. En soumettant le résidu 
à la distillation fractionnée, on sépare deux fractions bien 
définies, bouillant à 266-2689 et à 300-3100. 

La première renferme un alcaloïde liquide, de for- 
mule C!‘H!*Az?, que MM. Pictet et Rotschy nomment 


CHRONIQUE ET CORRESPONDANCE 


nicotéine; elle est soluble dans l’eau, et lévouyre à l'état 
de base et à l'état de sels. 

La seconde fraction contient un alcaloïde solide, de 
formule C!‘HSAz®, désigné sous le nom de nicotellinef 
il fond à 147-148°, est peu soluble dans l’eau, mais très 
soluble dans l’alcool. 

Enfin, la nicotine entraînée par les vapeurs d’eau est 
mélangée d’une petite quantité d’une base secondaires 
de formule C!‘’H!*Az?, isomère avec la nicotine, et que 
les auteurs nomment nicolimine. 

La proportion des nouveaux alcaloïdes dans le tabacs 
par rapport à la nicotine est approximativement la 
suivante : nicotine, 1.000; nicotéine, 20; nicotimine, 5% 
nicotelline, 1. 


$ 6. — Géographie et Colonisation 


Institut de Médecine coloniale. — L'Union 
Coloniale française, convaincue de la nécessité de law 
création, à la Faculté de Médecine, d'un Institut de 
Médecine coloniale, vient de prendre l'initiative d’ou= 
vrir une souscription publique dont le montant servira 
à la création et à l'entretien de cet Institut. 

Nous extrayons du Manifeste qu'adressent au publie 
MM. Berthelot, Brouardel, Gréard, Perrier et Roux, les 
passages suivants : 

« La France a, depuis vingt ans, conquis un domaine 
colonial considérable. Quelques-unes des maladies qui 
sévissent sur ces territoires, dont les climats sont si 
divers, n'existent pas en Europe. Par suite, les modes 
de leur transmission et de leur traitement sont mal 
connus des médecins appelés à les traiter. 

« La responsabilité de la France est moralement 
engagée vis-à-vis des populations qu'elle a placées sous 
son autorité et vis-à-vis des Français qui s’expatrient 
pour mettre en valeur ces régions nouvelles. La pros= 
périté de leurs entreprises est intimement liée à la pré= 
servation de leur santé et de celle des indigènes. Enfin, 
les colons, à leur retour, rapportent en France les ger 
mes de maladies tropicales, dont les noms figurent à 
peine dans nos traités de Médecine. » 

«… L'Allemagne a organisé, à Hambourg et à l'Office 
impérial de Berlin, un enseignement spécial pour les 
médecins qui se destinent à exercer dans les colonies: 

« La Faculté de Médecine de Paris considère qu'il ests 
de son devoir de créer cet enseignement. Par la valeur 
de ses maitres, par le nombre de ses élèves, elle peut 
lui donner le développement nécessaire... » Ê 

Il nous a paru utile de citer ces extraits du Manifeste 
pour bien montrer aux lecteurs de la /tevue l'intérêt 
national qui s'attache à l’œuvre entreprise par l'Union 
Coloniale francaise et la nécessité, pour tous ceux qui 
veulent la prospérité de nos colonies et le bon renom 
de la science française, de contribuer de tous leurs 
efforts à sa réussite. 


Voyage de M. Hugues Le Roux dans l'E 
thiopie occidentale. — Plusieurs points des nous 
velles, envoyées dans le courant de juin par M. Hugues 
Le Roux, qui vient d'accomplir un voyage en Ethiopie, 
paraissent mériter de retenir l'attention des géogras 

hes. 

ï Toute la région qui s'étend à l’ouest d’Addis Ababz 
était restée jusqu’à présent inexplorée. 

D'Abbadie en 1843, Cecchi en 1880, Aubry en 18854 
avaient traversé du nord au sud le Djimma et le Kaffa* 
Cailliaud en 1821-22, Jean-Marie Schuver en 1881-82, 
avaient exploré la contrée arrosée par le Jabous et le 
Toumat. Enfin, plus récemment, M. de Bonchamps eb 
ses compagnons avaient, d'Addis Ababa, atteint, au 
prix de quelles difficultés et de quelles misères, on s'en 
souvient, le Baro et le Nil Blanc. Mais de la contrée 
approximativement délimitée par 32° 30! et 35° longi 
tude Est du méridien de Paris, et par 9 et 14° latitude 
Nord, nous ne savions presque rien, bien qu’elle füb 
traversée par une route commerciale, depuis longtemps 
fréquentée par les négociants éthiopiens. 


CHRONIQUE ET CORRESPONDANCE 


597 


Or, M. Hugues Le Roux annonce qu'il a pu « par- 
courir en tous sens la province occidentale du Oual- 
daga ». Il est donc probakle qu'on aura prochainement 
quelques renseignements sur la Didessa, ce grand 
affluent méridional du Nil Bleu, dont on ne connais- 
| sait jusqu'ici que le nom, ainsi que sur la haute falaise 
qui limite à l’ouest les terrasses éthiopiennes et sur- 
…plombe les plaines nilotiques. 

On n’était guère fixé non plus sur la direction exacte 
du Nil Bleu au sud du Godjam et du Damot : il avait 
été traversé en plusieurs points par des explorateurs 
E européens, mais jamais relevé sur tout son cours. M. Le 
MRoux se croit en mesure d'affirmer « que le Nil Bleu 
Ë vait été confondu jusqu'à ce jour avec un de ses 
“affluents septentrionaux et qu'il coule à un degré plus 
Mau sud qu'on ne l’a cru jusqu'à ce jour. » Ce serait là 
Mine constatation fort intéressante. Toutefois, avant de 
la classer parmi les faits acquis, nous croyons sage, 
sachant combien ces questions d'hydrographie sont dé- 
icates et fertiles en erreurs, d'attendre que le voyageur 
ait publié les preuves de sa découverte, itinéraire jour- 
“nalier, relevé du terrain à la boussole, déterminations 
des latitudes et des longitudes, preuves qu'on ne pou- 
“wait s'attendre à trouver dans la courte note qu'il a 
‘transmise en France. 

Notre compatriote ajoute encore : « J'ai eu à soute- 
nir contre les Beni Changoul (et non, comme lil écrit, 
“Beni Schangul, qui est la forme anglaise), un engage- 
assez vif. » Le fait n'a rien de surprenant. Ces popula- 
“tions du Dar Bertat, depuis qu'elles sont entrées dans 
l'histoire, c'est-à-dire depuis l'attaque infructueuse 
“qu’en 1821, Ismail, fils de Mehemet Ali, dirigea contre 
“elles, se sont toujours montrées très belliqueuses. 

Elles ont, pendant le xix° siècle, conservé leur indé- 

‘pendance aussi bien contre les maîtres de la vallée du 

Nil, khédives d'Esypte, Madhi Mohammed Ahmed, Kha- 
life Abdullah, qu'en face des Negus éthiopiens. Actuel- 
lement elles ne reconnaissent pas plus lautorité de 
Ménélik, que celle du Khédive d'Egypte ou plutôt de son 
délégué à Khartoum, le gouverneur général du Soudan, 
… MWingate Pacha. 
M. Hugues Le Roux dit enfin que les autorités abys- 
sines avaient jusqu'à présent mis le Ouallaga en inter- 
dit et que, s’il a pu le « parcourir, c’est grâce à la bien- 
. veillance de l’empereur. » Nous savions que Ménélik 

avait déjà souvent accordé son appui aux explorateurs; 
“une fois de plus, il aura donc rendu service à la Géo- 
graphie, 


P 


Li 
; 


Henri Dehérain, 
Les Docteur ès lettres, 
Sous-bibliothécaire de l'Institut. 


Croisière en Syrie et Palestine : Livres à 
lire. — A l’occasion de son premier voyage au « Pays 
des Croisés », la Aievue a déjà publié, dans son numéro 
du 15 août 1897, une bibliographie succincte des prin- 
cipaux ouvrages dont la lecture pouvait être recom- 
mandée. Nous renvoyons MM. les touristes de la pro- 
chaine croisière à cette liste, que nous complèterons 
seulement par l'indication de quelques œuvres récem- 
ment parues. 

Signalons d'abord quelques études rapportées de 
notre premier voyage au pays des Croisés : M. Charles 
Diehl, qui en avait été le directeur scientifique, comme 
il a bien voulu accepter de l'être de celui qui se pré- 
pare, a publié une de ses conférences faites à bord du 
«x Sénégal » : Les Monuments de l'Orient latin (Paris, 
Leroux, 1897, broch. in-8°). Tout récemment, dans 
Ja « Revue de Paris » du 15 avril 1901, sous le titre de 
Villes mortes d'Orient, il a évoqué, en des pages saisis- 
santes, le passé historique et la silhouette actuelle des 
“vieilles cités guerrières, Rhodes et Famagouste. Dans 
“son volume : Vers Athènes et Jérusalem (Paris, Ha- 
. chette, 1898, in-16), M. Gustave Larroumet à consigné 
… les souvenirs de sa croisière à bord du « Sénégal », et, 
“par sa grâce attique, par la poésie discrète de ses des- 
"criplions, ce journal du premier voyage en Syrie et 


1 


Palestine sera, pour les touristes du second, le plus 
charmant des Guides. Signalons aussi l’œuvre d’un 
autre de nos compagnons de bord, M. Théophile 
Calas, qui a publié l’année passée, chez Fischbacher, 
un volume illustré et plein d'intérêt : Eu terre dé- 
solée; Au Pays des Croisés avec la Revue Générale 
des Sciences. 

Depuis le voyage de 1897, il a paru sur l’ile de Chypre 
un ouvrage essentiel, de M. Camille Enlart : L'Art 
Gothique et la Renaissance en Chypre (Paris, Leroux, 
1899, 2 vol. in-8°, avec de nombreuses planches et figu- 
res). On y trouvera le description scientifique, avec les 
plus précises indications de date et de style, des mo- 
numents chrypriotes du Moyen-Age, et, en tête du pre- 
mier volume, une notice historique et une bibliographie 
au courant des plus récents travaux. F 

Pour la géographie de la Syrie et de la Palestine, 
leur administration, leur statistique et leur commerce, 
nous recommandons l'œuvre de M. Cuinet : Syrie, 
Lyban et Palestine (Paris, Leroux, in-8°), dont le der- 
nier fascicule a été publié cette année même. Comme 
souvenirs de voyage dans ces régions, signalons : de 
M. André Chevrillon, son livre : Terres mortes, The- 
baïde-Judée (Paris, Hachette, 1897, in-12), et une Con- 
ference sur la Syrie (Rouen, Gy, 1898, broch. in-4°); 
de M. Lucien Gautier : Autour de la mer Morte (Paris, 
Fischbacher, 1901, in-8°, illustré); de M. Delmas, 
Egypte et Palestine (Paris, Fischbacher, 1900, in-8, 
ill.); enfin une traduction de l'ouvrage italien du R. P. 
Dominique Zanecchia : La Palestine d'aujourd'hui, ses 
sanctuaires, ses localités bibliques et historiques 
(Paris, Lethielleux, 1898, 2 vol. in-12). 

Sur la situation politique de ces pays au point de 
vue international, M. P. Pisani a publié, en 1898, dans 
le « Correspondant », sous le titre de Questions d'Orient, 
deux études: Les Allemands en Palestine et les Russes 
en Syrie. À noter aussi un livre de W. Cambus: Paläs- 
tina, Land und Leute (Berlin, Cronbach, 1898, in-8e), 
écrit par un israélite allemand qui à surtout observé 
les essais de colonisation agricole juive tentés depuis 
un certain temps en Palestine. 

Un intéressant chapitre de l'histoire du Royaume 
latin de Jérusalem nous est donné par M. Schlumberger 
dans son livre sur Renaud de Chatillon, prince d'An- 
tioche, seigneur de la Terre d'Outre-Jourdain (Paris, 
Plon, 1898, in-8°). Il faut y joindre deux ouvrages 
étrangers : G. R. Conder : The latin Kingdom of Jeru- 
salem, 1099 to 1291 (Londres, 1897, in-8°), et la Ge- 
schichte des Kônigreichs Jerusalem, 1100-1291 (Inns- 
brück, Wagner, 1898, in-8°), par le professeur Reinhold 
Rôbricht, dont la Bibliotheca geographica Palæstinæ 
(Berlin, 1890) est essentielle pour la géographie, l'his- 
toire et l'archéologie de la Palestine. 

Mentionnons sur deux sujets très différents un livre 
d'art du baron E. Rey sur Les grandes écoles syria- 
ques du 1v° au xu° siècle (Paris, 4898, in-8°), et une 
étude médicale du Dr B. Boyer surles Conditions hyqié- 
niques de Beyrouth (Lyon, Rey, 1897, in-8°). 

Enfin les récentes affaires de Crète ont donné lieu à 
diverses publications que nous énumérerons briève- 
ment : V. Bérard, Les Affaires de Crète (Paris, C. Lévy, 
1898, 4898, in-12); Laroche, La Crète ancienne et mo- 
derne (Paris, 1898, in-12); H. Turot, L’insurrection cré- 
toise et la guerre gréco-turque (Paris, Hachette, 1898, 
in-12); Henri Couturier, La Crète, sa Situation au point 
de vue du ‘droit international (Paris, Pédone, 1900, 
in-8°). 

Indépendamment de ces ouvrages spéciaux, les mem- 
bres de la croisière liront avec vif plaisir l'ouvrage tout 
récent d'un historien doublé d’un écrivain de talent : 
En Méditerranée, Promenades d'histoire et d'art, 
volume que M. Ch. Diehl, Correspondant de l'Institut, 
directeur scientifique du voyage en Syrie et en Pales- 
tine, fait paraître ces jours-ci à la Librairie Armand 
Colin. Ils y trouveront notamment des pages char- 
mantes et pleines d'intérêt sur Rhodes, Chypre et 
Jérusalem. 


On 
© 
(ee) 


D' CUREAU — NOTES SUR L'AFRIQUE ÉQUATORIALE 


NOTES SUR L'AFRIQUE ÉQUATORIALE 
PREMIÈRE PARTIE : GÉOGRAPHIE 


La structure orographique du continent africain 
est maintenant à peu près connue dans ses grandes 
lignes. Les massifs montagneux y sont rares; leur 
étendue, même pour le plus imposant, celui des 
Monts de la Lune, est très limitée, comparative- 
ment à la superficie de cette partie du vieux monde, 
et, en tout cas, ils n'y dessinent point ces longues 
chaînes ramiliées qui forment l’arête de l'Europe, 
de l’Asie ou de l'Amérique. 

Ce ne sont ici que des étages superposés de 
plateaux et de cuvettes de faible altitude, sur 
lesquels les eaux fluviales se déversent successi- 
vement en descendant vers la mer. La figure 1 met 
en lumière cette disposition‘. Elle représente le 
profil de l'itinéraire suivi depuis Loango et Brazza- 
ville jusqu'aux plateaux nyam-nyams par le Congo, 
l'Oubanghi, le Mbomou et le Kèrè. Le profil du 
bas cours du Congo au-dessous de Brazzaville a été 
projeté sur celui de la route de Loango au Stanley- 
Pool. La pente réelle du terrain est, il est vrai, 
faussée dans un dessin ainsi compris : le relief s'y 
trouve atténué. Car le profil, au lieu d'être imaginé 
suivant une ligne droite, est figuré sur l'itinéraire 
développé, tel que le voyageur se le représente en 
s’ayançant vers l'intérieur. La carte n’est pas 
encore couverte d'un assez grand nombre de cotes 
d'altitude pour offrir les éléments d'une coupe 
rationnelle. 

Toutefois, l'erreur résultant de la disposition 
que j'ai adoptée peut être considérée comme insi- 
gnifiante, si l’on réfléchit que l'échelle des hau- 
teurs est centuple de l'échelle des distances. Avec 
celte proportion, la moyenne des sommets des 
Pyrénées et des Alpes atteindrait, sur la même 
figure, 15 à 20 millimètres, et le Mont-Blanc 37 mil- 
limètres. 

Autre particularité intéressante de ce schéma : 
ce sont les bourrelets que présente, de distance en 
distance, le profil du terrain, formant saillie sur la 
ligne basse et presque horizontale du reste de la 
figure, dans Ja parlie centrale. 

Voici d'abord, près de la mer, la chaïne côtière, 
monts de Cristal, Mayombé, Palabala, etc., de 
600 à 700 mètres d'altitude en moyenne, très rare- 
ment plus de 1.000 mètres. Cette altitude moyenne 


! Les profils représentés par les figures 1, 3 et 4 sont 
construits avec les altitudes fournies par les cartes de 
MM. Jacob et Rouvier pour les points voisins de la côte; 
pour les autres, avec les altitudes déduites de mes observa- 
tions barométriques. 


n'est guère dépassée dans l’intérieur. Toute la ré- 
gion riveraine du 


La 

24280 
bas Congo est itiée 
tourmentée, héris- st 


KÊRE 


sée de petites col- Confé du Kère 

lines, qui, aux en- 

virons du Stanley- : fa Barmeu 
ZEMIO Æ 

Pool, s’écartent en 

vaste amphithéà- 

tre pour se relier para; 

à la Série wdepla tee 

teaux qui conti-  PANGASsa 

nuent vers le Sud  ovango-mscroy 
Yakoma 

les plateaux ba- 

téké. 

Là, sur 130 kilo- 
mètres, le Congo 
est encaissé dans 
un fossé profond, È 
tracé enligne pres- 
que droite entre 
les « falaises de  raxcmi 
Douvres », sur le 
Stanley-Pool, et ; 
la pointe de | 
Tchoumbiri. Son 
resserrement sur Éè 
une largeur de 
2 kilomètres au 5] 

j 


Al 


MBomouy 
Rapides | 


Setema 


MOBAYE 


OUBANGHI 
*e de Loango aux plateaux Zandés. 


plus, l'escarpe- 

ment des parois yen 
de 100 à 150 mè- É 
tres qui l’empri- < 
sonnent, justifient "* e 
bien le nom de 

couloir, qui à été 

donné à cette par-  Nea-ntenous 

tie de son cours. 
Partout, sur ces 
rives, règne la fo- 
rêl aux grandes 
essences, (fig. 2); Comsn 
au sous-bois Oobs-  Bouenza 
trué de troncs 
morts, de bran- 
ches cassées par MertBamba 
les singes ou abat- 12460 
tues par les vents 

d'orages, d'épaisses couches de feuilles que la 
pourriture revêt, la nuit, de faibles lueurs phos- 


Fig. 4. — Profil de l'itinérai 


Profil des Eaux 


ConNGco 


BRAZZAVILLE 


LOUDIMA 


D' CUREAU — NC SUR L'AFRIQUE ÉQUATORIALE 


phorescentes. Ces solitudes sont frappées d'un | ment discordant des toucans et des lourucas, le cri 


Cr 
k 


45 
Ep À 


2 


D 4 LeT'eiys ro 


d 1 


Fig. 2. La forét du Mayombé, sur les bords de la Loukènène, 


éternel silence, que fait ressortir encore le bruisse- | plaintif de l'aigle pêcheur et, soir et malin, le con- 
ment des eaux impétueuses du fleuve, le € cert criard des perroquets qui passent à des hau- 


560 


D' CUREAU — NOTES SUR L'AFRIQUE ÉQUATORIALE 


teurs prodigieuses, se rendant aux cantons riches 
en arbres à graines, ou revenant à leurs nids. 

De l’autre côté du seuil des plateaux batéké 
s'étale la vaste dépression, au fond de laquelle les 
grands affluents de la rive droite viennent con- 


Riy Soué 
M Ndour 
R:y Yobo 


M Ndzounçou 


Mb; Eroubou 


= 
R:v Yobo = 
x, D. AE 

TAMBOURA (us Tina) se 
Mbva Baghera = 
V5 Amet == 

= 
Riv. Rembio 
Ru Zerou 
MBIMA 
RiY Karë 
25 Tawa 
5iNANGBA 


Ru Mbira -mbira 


y? Bare- mbanga 
R:v Bouda 
V3° Gamandzou 


V#-Kana 


BAKARI 


Riy. Basara 
5 


24 Rora 


ZEMIO ( Rw Mbomou) 


RE ———————— hi 


Versant du Nil 


———_—_—_—_—_—_]_]_—_—_—_—— 


Versant du Congo 


100 Xm 


50 60 70 Bo 9o 


40 


30 


M'Bamba 
(May mbe) 


Niveau de la mer 


— Profil de l'itinéraire de Zémio au Soué. 


3. 


Fig. 


fondre leurs 
eaux par une 
mullitude de 
canaux et d’a- 
nastomoses, au 
milieu de bancs 
de sable, d'i- 
lots à demi- 
submergés, de 
champs de pa- 
pyrus, de plai- 
nes vaseuses, 
hérissées de 
grands roseaux 
où le corps de 
lourds pachy- 
dermes à ou- 
vert des pas- 
sées et creusé 
des bouges. Le 
Congo acquiert 
en cet endroit 
jusqu'à une 


vinglaine de 
kilomètres de 
largeur. Pen- 


dant la crue, 
tout le pays est 
noyé par les 
eaux fangeuses 
du fleuve dé- 
bordé; les pi- 
rogues des no- 
mades Bafou- 
rou peuvent 
circuler parmi 
les arbres de 
la forêt, sous 
l’inextricable 
enlacementdes 
lianes et des ro- 
tangs. Ces lar- 
ges étendues 
d’eau, ces îles 


vaseuses, les silhouelles grèêles ou puissantes que 
projette une végétation exubérante d'arbres, peut- 
être encore innomés pour la plupart, sur un ciel 
chargé de brumes lourdes et chaudes; cette éblouis- 
sante lumière qui donne aux objets rapprochés des 
tons crus et heurtés, et fond les lointains dans des 
teintes vagues et nuageuses; les effets du mirage 


qui paraissent suspendre en l'air les îles et les 
pirogues; le reniflement 


des hippopotames;leero- & 
codile, vautré dans une 


siesteimmon- 
de à l'extré- 
mité d'un 
bancdesable, 
d’où la moin- 
dre alerte le 
fait lourde- 
ment sauter 
dans l’eau; la 
démarche s0- 
lennelle des 
pélicans et 
des aigrettes 
en quêle de 
poisson; le 
vol d'un an- 
hinga, moitié 
oiseau, moi- 
tié serpent : 
un varan, al- 
longé sur une 
branche, au- 
dessus de la 
rivière et 
guettant sa 
proie ; une 
troupe d'’élé- 
phanis, qui 


passe dans 
une clairière, 
battant des 
oreilles, ba- 
lançant la 
LrOMpeELM= 


tout cet en- 
semble forme 
un tableau 
absolument 
étranger à 
nos sites mê- 
me les plus 
sauvages 
d'Europe et 
procure l’im- 
pression d'à- 
ges géologi- 


n° Tchighigoua 


M! Galabourou 
M° Sarogo 


Djebel 
Mançayat 


M° Boughira 


Rw Sopo 
Cotlines de 
Deleb 


Riw Biri 
DEM ZIBER 


Rty. Zaka 
Riv Bari 


Riv. Bibr 


Rw_D)amba 


Riv. Neanda 


Riv Bomou 


Riv Senghu 


Riw.Daraoua 


VS Rabet 


Fe 
V*"Mazina 


BEN Riv Nswa-ngwa 


M° Koungou 
Riw Woula 
VS*Kipa 
VS Mbima 


BAKARI] 
Riv Bagara 


Riv Rora 


ZEMIO(Riv Mbomou) 


ques disparus et de fabuleuses 
époques, qui ont survécu dans 
un coin oublié par les révolu- 


tions du Globe. 


A Banghi, un nouveau seuil 
ferme la grande cuvette équatoriale. Le voyageur, 


Versant du Nil 


190 Km 


—_< 


30 


10 10 


Oubang he 
LT 
Bançghr 
Conga 
Hi 
Brazzaville 
1 


M'Samba | 
[MENTENTS) 


Versant du Congo 
60 


8o go 


70 


So 


40 


Lit 


a 


Niveau de 15 mer 


Djcbel-Mangayat, 


10 au 


de Zèm 


éraire 


Fig, 4, — Profil de l'itin 


È 
| 
| 


Qui remonte la rivière, voit peu à peu s'élever sur 
Jhorizon du Nord un rideau de collines. En arri- 
van, aux basses-eaux, dans l'espèce de cirque que 
“domine le poste, il apercoit deux promontoires 
rocheux qui s'avancent à la rencontre d’une rive à 
l'autre et ne ménagent, au milieu, qu'une brèche 
par où la rivière s'échappe en tourbillonnant. Aux 
eaux hautes, celte porte étroite ne lui suffit plus; 
le passe par-dessus le seuil et retombe de l'autre 
“côté en calaracte. 

+ Au-dessus de Banghi, l'Oubanghi est extrême- 
ent resserré entre des plateaux de médiocre élé- 
alion. Dans ce défilé, sa profondeur devient con- 
idérable, son courant torrentueux; les rapides se 


mètres de longueur, quelques-uns dangereux, 
notamment celui de l'Éléphant”. 

Au delà de ce couloir, nous rentrons dans des 
ux calmes, au milieu d'une terre nouvelle. La 
Nature a changé d'aspect. La forêt équatoriale 
“jaisse encore quelques vesliges sur la rive gauche ; 


“mais la rive droite est dénudée, plate, accore, 


“la haute futaie, maintenant disparue sans retour. 
D'immenses plaines herbeuses se développent 
jusqu'à de lointaines et basses collines. 

—…. À terrain plat, large rivière. Quoique simple 
ju et loin du grand fleuve à cet endroit, 


l'Oubanghi y alteint parfois plus de 1 kilomètre 
“d'une rive à l’autre. Celle partie de son cours est 
“partagée, par les barrières rocheuses de Mobaye et 
“de Sétéma, en trois biefs à peu près navigables en 
toute saison pour des bateaux de faible tirant d’eau. 
Les régions de rapides ne sont accessibles qu'aux 
seules pirogues indigènes. 

Laissant le Ouellé à droite, le troisième bief 
nous conduit dans le Mbomou, le tributaire le 
‘plus important de l'Oubanghi; il mesure environ 
300 mètres de largeur à son confluent. Rivière ca- 
pricieuse et pleine d’imprévu, le Mbomou présente, 
dans le quart inférieur de son cours, une série de 
rapides qui en rendent la navigalion assez péril- 
leuse pour les pirogues, impraticale pour toute 
“autre espèce d'embarcation. La figure 1 indique 
nettement la pente des eaux dans celte région; 
elle montre la rivière descendant des plateaux 
- nyam-nyams comme su: les marches d'un escalier. 
- A partir de Rafaï, le pays devient tout à fait plat. 

L’altitude se maintient uniformément aux environs 

de 630 à 650 mètres. Les figures 3 et 4 en donnent 
“ le profil suivant deux directions, l'une versle nord, 


, = 
1 4 Actuellement appelé par les indigènes Para-mbô, du 

surnom donné par eux à un de nos agents, M. Juchereau, qui 
- S'y est noyé, en 1896. 


D' CUREAU — NOTES SUR L'AFRIQUE ÉQUATORIALE 


5061 


l’autre vers l’est; les deux ilinéraires coupent en 
des points éloignés la ligne de parlage d'eaux entre 
le Congo et le Nil. Il m'a paru intéressant d'en 
rapprocher, à la même échelle, l'altitude de trois 
des principales 
étapes depuisla 
côte un des 
sommets du 
Mayombé, le 
Congo à Braz- 
zaville et l'Ou- 
banghi à Ban- 
ghi.On voit par 
là combien l'al- 
titudemoyenne 
du centre du 
continent sur- 
passe peu celle 
des points voi- 
sins de la côte. 

Il y a lieu 
d'insister sur 
l’orographie el 
l'hydrographie 
de celte région, 
parce qu'elles 
permellent de 
serendre comp- 
Le de bon nom- 
bre de particu- 
larilés de la 
géographie 
africaine. C'est 
là aussi, sans 
doute, que les 
couches  pro- 
fondes vien- 
nent le mieux 
se révéler à la 
surface. Il sera 
donc nécessai- 
re, pour ne pas nuire à 


= 
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as) 
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a 
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Lo 
n 


— HumusetDépôts végétaux 
BR sg Herbes at Arbres:Termitières 


TuLSse aux 


Coupe schématique des ter 


Galerie 


} Hd ti) 


il te 1 


J. 


Fig. 


ilot. de vegetation 


: : ° SW 
la clarté de l’ensemble, Le FE £ 
TS 
de faire marcher defront «S È € 
les descriptions de la à À = 
. 3 A 
conformalion et de la = g À s 
ML  — 
structure du sol, ainsi DRAM AE 
a 
5 CET, 
= 


que la répartition des 
eaux. 


I 


En se basant sur l'examen superficiel des ter- 
rains dans la région des plateaux zandés, on peut 
se représenter la coupe du sol comme j'ai essayé 
de le faire sur la figure 5. 

L'assise inférieure apparait aux environs de la 


562 


limile des deux bassins du Congo et du Nil. Du 
côté Congo, l’amphibolite du Namoungoua, quel- 
ques blocs de quartz disséminés aux environs du 
Kèrè, du Bégoué et du Ngwa-ngwa, y représentent 
seuls cette couche profonde. Les gneiss de Yaben- 
ghé, de Mbima, du Mbia-Gaza, du Mbia-Dou, du 
Mbia-Baghéra, voisins de la limite des deux bas- 
sins, font pressentir les massifs plus importants 
éparpillés sur l’autre versant. 

Là, du côté Nil, ces massifs de schistes cristal- 
lins sont nombreux et disséminés à 20 ou 30 kilo- 
mètres les uns des autres depuis les hautes vallées 
du Soué et de l'Iba jusqu'aux limites du Darfour el 
du Ouadaï el peut être plus loin. L'embarras est de 
les caractériser par une désignation générale. Le 
nom de rocher est trop modeste; le nom de mon- 
tagne trop ambitieux. S’iln’y en a pas déjà d'autre 
dans la science, le mot zandé mbia (caillou, rocher) 
paraïîtrait convenir aux si remarquables monoli- 


D' CUREAU — NOTES SUR L'AFRIQUE ÉQUATORIALE 


lèvement, et qui est plus rapprochée du côté nord, 

ils s'agglomèrent pour former une chaîne plus 
compacte, creusée de golfes profonds, de défilés 
étroits, au sol fangeux, encombré de quartiers de 


roches et de bambous". 


L'aspect de celte contrée estempreint d’un carac-« 


tère singulier et étrange. Gravissez un de ces som- 
mets. Autour de vous s'étend à perte de vue une 


plaine uniforme, légèrement ondulée, sans villages, 


sans habitants, sans vie; la végétation y est maigre, 
les arbres chétifs et rabougris, les herbes gréles et 
délicates; c'est un steppe désolé, brûlé par un 
soleil ardent, stérilisé par un vent sec et aride. 
Plus près de vous, le terrain se déprime en légère 
cuvelte. En cette saison sèche, le sol est, par 
endroits, dur et craquelé, gardant l'empreinte du 
pied des éléphants et du sabot des girafes; autre 


Fig. 6. 
Fig. 6 et T. — Mont Tchighigoua. (Fig. 6. — Côté nord; Fig. 1. — Côté sud.) 


thes qui hérissent cetle région. C'est à tort que les | 


cartographes les figurent avec les hachures dignes 
des plus superbes chaines. Illusion fort naturelle : 
car Junker n'avait vu que de loin l'alignement des 
Pambias, et le nom de Djebel, donné emphatique- 
ment par les indigènes arabisants au groupe du 
Mangayat, avait pu en imposer aux nombreux 
voyageurs qui sont venus à Dem Ziber, mais ne 
l'avaient pas visité”. 

Le Djebel-Mangayat est le plus considérable de 
ces massifs. C'est un faisceau de pics, affectant 
dans son ensemble une forme grossièrement ovale, 
de 20 à 25 kilomètres dans sa plus grande dimen- 
sion, du sud-estau nord-ouest. Le plus haut de ces 
pics, le Tchighigoua a 220 mètres au-dessus de la 
plaine et un kilomètre environ de longueur; ce 
n'est donc, en réalité, qu'un très gros rocher. Les 
autres pics, qui composent le groupe, présentent 


4 Les monts des Pambias et les autres massifs situés ‘dans 
la vallée du Soué ont été reconnus, en 1896, par M. le capi- 
taine Hossinger et M. le lieutenant Angot, de la Mission 
Liotard ; le Djebel Maugayat, en 1898, par M. Liotard lui- 
mème. 


Rio 


part, il est formé d’un sable fin, blanc grisâtre, 
composé en grande partie de lamelles de mica, qui 
reluisent au soleil. Dans la saison des pluies, la 
contrée disparaît sous 20 à 30 centimètres d’eau et 
se transforme en un immense marécage. 

De ce marais surgissent les géants de granit, 


isolés ici, là pressés les uns contre les autres. De. 


la hauteur que vous occupez, ils prennent des 
formes bizarres, mitres d'évèques, panthéons à 
moitié éboulés, lions couchés, monstres marins 
vautrés dans la vase, prodigieuses pierres tumu- 
laires ; tout cela gris, pelé, souillé de longues trai- 


nées noirâtres (figures 6, 7,8 et 9). Battue par les. 


pluies diluviennes, désagrégée par des tempéra= 


tures qui'passent, entre 6 heures du matin et midi, 
de + 6° à + 40° ou 45°, la roche se clive en feuil- 


lets minces; des rainures, des crevasses se creu- 


sent sur la surface lisse : juste ce qu'il faut à quel=M 
ques graines pour y germer, à de chétives herbes. 
pour y croître, à un pauvre buisson pour y assujet- 
ür son tronc rachitique contre l'effort des”tornades.\ 


{ Bambusus abyssinica. 


| 
À 
| 


D: CUREAU — NOTES SUR L'AFRIQUE ÉQUATORIALE 


563 


“ Ce chaos de pierres sans fertililé et sans vie 
laisse une impression de désolation et de mort. La 
dévastation est passée par là avec les hordes du 
Mahdi. Sur les sommets, on trouve encore quelques 
débris de poteries brisées, témoins de la fuite des 
“indigènes devant les horreurs de l'Islam. Ce lugu- 
bre pays semble porter le deuil de ses villages incen- 
diés et de ses populations massacrées ou réduites en 
esclavage. Les autres pics situés vers le Nord, Lifi, 
outou, Talgaouna, etc. ; ceux qui se trouvent dans 
la vallée du Soué, Pambias, Eroubou, Ndzoungou, 
“Ndour et bien d’autres; de même aussi, sans doute, 
ceux qui sont échelonnés entre ces deux régions et 
qui ont été recon- 
nus par les anciens 
| voyageurs, tels que 
“jé Dou, le Dara- 
goumba, le Titam- 
; tous ap- 
à dla Fig. 8. — 
formation, 

tous présentent un aspect et une constitution sem- 
blables, mais sur des proportions beaucoup plus 
Dour Fartout, ce sont gneiss el ph eites 


ss des mêé- 
es éléments, 
- mais constituée 
par des frag- 
E oblongs 
comme des mor- 
ceaux de sucre 
cé, où le quartz 
_ prédomine, et 
| soudés par un 
ciment résistant; 
celle-ci n’est 
point feuilletée 
et offre beaucoup plus de dureté que les autres. 
? Voilà donc ce que l'examen superficiel du sol 
ermet de connaitre de son assise la plus profonde. 
u-dessus vient se superposer une couche d'élé- 
ER. extrêmement complexes, épaisse sur le 
ersant du Congo, plus mince sur celui du Nil. Ce 
ont des conglomérats formés en proportions très 
| variables de cailloux arrondis, de sable, enveloppés 
dans une gangue manifestement riche en fer, dont 
“Ja teinte passe du rouge brun au noir bleu foncé. 
En quelques localités, cette partie colorée devient 
Àprédominante et sert aux indigènes de minerai 
‘pour la fabrication du fer. La consistance de cette 
roche est généralement dure. À sa surface, la gan- 
gue ferrugineuse forme des veines saillantes, cir- 
Conscrivant des alvéoles d'où se sont échappés les 
“cailloux arrondis qui y étaient logés. Elle est dis- 
posée en tables sensiblement horizontales de 1 à 


Mont 


Sarogo (côté est). 


3 décimèlres d'épaisseur, dont la superposition 
constitue les plateaux de l'Afrique centrale. L'as- 
pect de ces plateaux répond à un type assez uniforme. 

Quand on monte de la vallée sur le plateau, on 
trouve d'abord des blocs de roches provenant du 
terrain désagrégé et prêts à glisser sur la pente. 
Quelques pas encore et le sol prend son niveau à 
peu près horizontal. Le sentier est semé d'un fin 
gravier qui roule sous les pas et rend la marche 
très pénible. La roche, raboteuse, est recouverte 
d'une sorte de lichen coriace et d'herbes courtes et 
fines, très glissantes, Par places, sur les points 
déclives, se sont amassés quelques grains de terre 
végétale; des Gra- 
minées plus drues 
el plus vigoureuses 
ont pu s'y fixer. De 
singulières excrois- 
sances parsèment 
la plaine, celles-ci 
d'origine animale, 

sorte de gros champignons d'argile grise, isolés ou 

groupés en tourelles et en châteaux forts : c'est 

l’œuvre d'un névroptère, le Termes mordax. De dis- 
| tance en distance s'élèvent des ilots de végétation 
(fig. 10) : buis- 
sons et arbres 
de médiocre hau- 
teur ; la Lerre 
leur manque: 
leurs racines s'é- 
talent sur le roc. 
Ces arbres sont 
posés sur le sol 
comme les ar- 
bres naïfs des 
ménageries en- 
fantines : le pas- 
d'une tornade suffit 


sage d’un éléphant, le vent 
souvent pour les renverser, et l'on voit redressé le 
disque de racines qui les soutenail sans les accro- 
cher au sol. 

Viennent les pluies lorrentielles du Khamsin : 


la roche superficielle est délavée; l'eau court en 
torrent à sa surface, enlève les cendres du dernier 
incendie de la brousse, entraine tout l'humus qui 
n'est pas retenu par les racines des herbes. Des 
flaques d'eau se forment, où ne tardent pas à appa- 
raître des myriades de tètards, d'hydrophiles, de 
gyrins, de larves de moustiques, d'hydromètres. 
La végélation devient plus verdoyante et plus 
touflue; mais la prochaine saison sèche anéantira 
ces essais de résurrection : ces plateaux sont voués 
à la stérilité. 

Les terrains qui recouvrent les gneiss et les 
conglomérats ferrugineux sont formés par la désa- 


grégalion de ces roches. Ce sont, au fond des 
vallées, des argiles plus ou moins mélangées de 
sables, d'une couleur passant du blanc pur à l’ocre 
jaune et au rouge-brun foncé. Au-dessus viennent 
l'humus, les marais, tous les produits dela décom- 
position végétale. Sur le versant du Nil, l'action 
corrosive des agents atmosphériques sur les mas- 
sifs cristallins a répandu dans la plaine une épaisse 
couche de sables, à peine mélangés d'un peu 
d'humus et, par suite, doués d’une très médiocre 
fertilité. Dans la vallée du Soué, le mica y prédo- 
mine : là, le sable est grisàtreetcoulant. En d'autres 
points, c'est le quar!z : le sable prend une couleur 
jaune-clair ou rosée; il s'agglomère plus facilement 


ex 


D' CUREAU — NOTES SUR L'AFRIQUE ÉQUATORIALE 


signalée sur les plateaux; en maints endroits, des. 
grès grossiers, mélangés de graviers; à Matadi, près 
de l'embouchure du Congo, des micaschistes à micam 
blanc *. . 

Remarque importante : les calcaires manquent à 
peu près complétement dans toute cette partie de 
l'Afrique. À Comba, près de Brazzaville, il en passe 
une bande dirigée du Nord-Est au Sud-Ouest. A 
partir de là, on n’en trouve plus. Les eaux des 
rivières ne tiennent en solution que des traces de 
chaux tout à fait insensibles. Pourtant, l’'Oubanghi 
renferme des quantités considérables d'huîtres, dont 
les indigènes font une grande consommation. Il s'en 
trouve également dans le Souéetjusque dansle Yobo. 


Fig. 10. — Un plateau Zandé avec des ilots de végétation et des termitières. 


et, au lieu de se laisser charrier en masse par les 
eaux de pluie, ilse ravine et se découpe nettement. 

En aval des hauts plateaux, on à peu visité et peu 
décrit les pays éloignés des grands cours d'eau ', 
de sorte que la connaissance des terrains est pres- 
que exclusivement limitée aux couches alluviales 
provenant de l'apport des rivières. Les seuils des 
rapides montrent en quelques pointslaroche à nu : 
dans le Mbomou, c'est une roche granitoïde alté- 
rée (taplite), à Banghide gros blocs de quartz blanc 
laiteux soudés par celte même gangue ferrugineuse 


! Sauf dans le Bas-Congo et l'Ogowé, que des géologues 
de profession out étudiés avec toute la compétence dési- 
rable. Il est regrettable de constater que l'Etat indépendant 
du Congo a été l'objet d'investigations scientifiques sérieuses, 
alors que le Congo francais est à peine effleuré. La bonne 
volanté, dont j'essaie de faire preuve ici, ne saurait rem- 
placer les connaissances approfondies que des études 
spéciales peuvent seules donner. 


La conformation et la structure du sol étant 
ainsi élablies dans leurs grandes lignes, essayons 
de nous rendre compte de la genèse des rivières 
et des vicissiludes de leur cours. 


IT 


L'absence de système orographique entraine 
l'absence presque complète de sources. Celles-ci, 
du moins, sont rares et proviennent de faibles 
transsudations à travers les minces couches d’hu= 
mus et de sables, qui recouvrent la surface imper= 
méable des plateaux. On peut donc dire, d'une 
manière générale, que les rivières prennent nais= 
sance, non par filtration d’eaux souterraines, 


! Les déterminations des échantillons de roches que j'ai 
rapportés ont elé faites par M. Emile Haug, professeur 
adjoint à la Sorbonne. 


D: CUREAU — NOTES $ 


SUR L'AFRIQUE ÉQUATORIALE 265 


mais par ruissellement des eaux de pluie sur la | ment incliné. Je n'ai vu cet arbre que dans ce pays 


“surface imperméable des plateaux. 
Cette absence d'eaux vives occasionne de grandes 
privations aux populations du Bahr- el-Ghazal, 
“pendant la saison sèche. À cette époque, les ruis- 
“éeaux sont taris; la chaleur solaire n’est tempérée 
_ par aucun nuage; les herbes brûülées couvrent le 
sol d'un manteau de cendres; les maigres arbres, 
à moilié calcinés, ont perdu leur feuillage; tout 
le pays est desséché et aride. Pour satisfaire leur 
soif, les indigènes n'ont d'autre ressource que de 
“creuser, dans le lit d’un ruisseau ou d’un marais à 
sec, un trou de quelques décimètres de profondeur, 
“dans lequel ils puisent, avec une petite calebasse 
ou des feuilles réunies en cornet, une eau noire, 
< bourbeuse, nauséabonde, peuplée d'un monde 
d'algues et de larves de toute nature. Chose re- 
- marquable, ces populations fuient le voisinage des 
rivières, qui pourraient leur assurer une abondante 
“provision d’eau en toute saison. Elles recherchent, 
«pour s'y établir, les emplacements dénudés, brûlés, 
“au milieu du jour, par l'ardeur d'un soleil zénithal. 
“J'ai vu ainsi construire des villages à proximité 
… d’un lit desséché, alors que, à une heure de mar- 
“che, un charmant ruisseau court entre des cailloux 
“sous un ombrage délicieux. Personne n'a jamais 
pu me donner une raison suffisante d’une coutume 
si paradoxale au regard des goûts et des habitudes 
de la plupart des hommes. La consultation des 
- fétiches étant éliminée, est-ce hérédité ou tradition 
chez des peuplades dont le berceau se trouverait 
dans les contrées du Nord et de l'Est, encore plus 
arides et desséchées? Est-ce motif irraisonné de 
santé, crainte inslinclive des miasmes et des 
brouillards ? 
Mais, revenons à l'eau de pluie, que nous avons 
laissée ruisselant à la surface des plateaux. Simple 
- filet sans cours déterminé dans les dépressions 
indécises des tables rocheuses superficielles, les 
“ eaux ont, au cours des siècles, enlamé celles-ci 
dans les parties plus déclives. Sans cesse grossies 
par de nouveaux apports, à mesure qu'elles des- 
cendent vers la vallée principale, l'effet mécanique 
de leur masse s’accentue : la dépression devient 
ravinement. 
On rencontre souvent, dans l'intervalle des pla- 
+ (eaux, des vallons dont le fond est occupé par un 
- marais hérissé de grands roseaux, de hautes 
herbes au chaume quadrangulaire garni d'ailes 
tranchantes comme des rasoirs, d'arbustes épineux, 
de daltiers sauvages‘ aux pointes acérées; il s’y 
trouve également, par petils bouquets, une jolie 
miniature de palmiers, aux couleurs fraiches de 
vert clair et de rouge orangé, au stipe gracieuse- 


! Phœnix spinosa 


et dans ces vallons marécageux. 

Au ravinement succède un ravin plus profond, 
qu'on appelle, depuis Piaggia, une « galerie ». La 
galerie ne se trouve donc point sur les parties 
culminantes des plateaux, mais seulement aux 
approches des vallées principales. 

Qu'on se figure un ravin creusé dans la roche du 
plateau, de 15 à 20 mètres de profondeur, aux 
pentes très raides. Les pluies ont fait glisser d’en 
haut, d'abord des fragments de roc, puis de la 
terre végélale. L’épaisseur de la couche formée par 
celle-ci va naturellement en croissant du bord du 
ravin jusqu'au fond. Là coule le ruisseau, sur un 
lit de sable et de feuilles mortes. Dans cette retraite 
profonde, à l'abri des vents desséchants et des 
ouragans, dans une atmosphère maintenue humide 
par la proximité de l’eau, la végétation rencontre 
un milieu éminemment favorable à sa prospérité. 
Mais l'épaisseur de terre végétale, trop faible près 
du bord, ne tolère que le buisson; plus considé- 
rable au fond du ravin, elle admet les grandes 
essences ; de sorte que le faite de ces végétaux de 
taille différente s'égalise au sommet du ravin et 
que le dôme de verdure dépasse à peine la surface 
du plaleau. 

Les grandes vallées, telles que celles du Kèrè, 
du Woula, du Bamou, du Mbomou', ne sont, en 
somme, qu'une extension, un élargissement de la 
galerie. 

Partons encore de la surface du plateau, Immé- 
diatement au-dessous du bord, nous trouvons des 
éboulis provenant de la destruction de la roche. 
Plus bas commence la terre végétale; la couche 
augmente d'épaisseur; elle se mélange avec les 
sables et les argiles charriés par la rivière et dépo- 
sés par les crues. Là, suivant la richesse du sol, 
croissent de simples herbes, des buissons, des 
arbustes ou des arbres. Elus près du thalweg, les 
herbes seules subsistent; le sol devient fangeux ; 
c'est le terrain d'inondation, couvert par les eaux, 
soit tous les ans, soit seulement aux crues excep- 
tionnelles. Au milieu de cette plaine basse serpente 
un rideau d'arbres courts el rameux, qui dessine 
au loin le trajet de la rivière. En approchant, nous 
reconnaissons que ces arbres bordent un fossé aux 
parois taillées carrément comme celles d'un canal; 
la profondeur en est pour toutes les rivières de 
3 à 5 mètres en moyenne. Terre végétale en haut; 
au-dessous, sable, argile et souvent grès tendres 
dans le bas. La rivière coule tranquillement tout 
au fond de ce fossé, en saison sèche ; en saison des 
pluies, elle en remplit tumultueusement les bords 


1 Les mots Bamou et Mbomou dérivent d'un mot Karè, 
impossible à figurer dans notre orthographe et qui signifie 


eau, 


500 


D' CUREAU — NOTES SUR L'AFRIQUE ÉQUATORIALE 


de ses eaux fangeuses, puis se répand dans la 
plaine avoisinante. Des deux côtés, les arbres, 
minés en dessous par le couranl, penchent vers 
le milieu, comme se saluant d'un bord à l'autre. 
Cette circonstance facilite beaucoup l'établissement 
des ponts de lianes en diminuant leur portée. 

La nature rocheuse et la dureté variable des 
terrains, où Ja rivière a creusé son lit, l'ont obligée 
à se replier en mulliples sinuosités; on dirait les 
contorsions d'un ver coupé. Sur une partie de son 
parcours, le Mbomou fait 150 kilomètres d'oscilla- 
tons autour de sa direction générale, qui n'en a 
que 77. 

Comme le montrent les profils du sol (fig. 3 et 4), 
la crête qui sépare les deux bassins du Congo et 
du Nil est extrémement peu marquée.Elle n’est cons- 
tiluée que par un plateau à peine plus élevé que les 
autres et 
tout aussi DA Pa 
horizontal . 
On conçoit 
que, sur 
ces surfa- 
ces planes, 
le partage 
des eaux se 
fasse avec une certaine indécision et qu'elles pa- 
raissent comme hésiter entre les deux directions. 
Pour beaucoup même de ces ruisselets, le sens de 
l'écoulement n'est pas constant; sous le moindre 
prétexte, quelques mottes de terre, une poignée 
d'herbes, ils reportent d'un bassin à l’autre leur 
modeste tribut; c'est une demi-slagnation, un 


Fig. 11. 


Hauteurs 
Debut 


MR MAMAN TR NUE RE CSM CN IN D Ir 


Fig. 12. — Régime des eaux du Soué, 
— hauteurs ..….. débits. 


écoulement alternant, moitié marais, moilié ruis- 
seau. 

Les cours d'eau qui descendent des plateaux 
dans la direction du Nil, tout en conservant la 
plupart des caractères généraux décrits plus haut, 
offrent quelques particularités qui tiennent à la 
nature sablonneuse des couches superficielles sur 
lesquelles ils coulent. 

Les dépressions, occupées par les ruisseaux de 
faible débit, à cause de la nature meuble du sable 
où elles sont creusées, sont peu profondes et lrès 
évasées. La fillration des eaux de pluie à travers la 
mince couche superficielle, où elles sont maintenues 


par l'imperméabilité de la couche sous-jacente 
entretient sur les pentes latérales un état cons 
tant d'imbibilion, qui réalise ainsi un marais in 
cliné. Dans le fond de la dépression, l'épaisseur 
de vase se fait de plus en plus considérable, sous 
une eau fangeuse à peine courante; le marais de 1 
vient fondrière. | 

Les rivières de plus grand débit reprennent, dun 
côlé du Nil comme du côté du Congo, la même 
section rectangulaire de trois à cinq mètres dem 
hauteur, dont la surface correspond à la masse des 
eaux pluviales déversée par les plateaux pendant 
le Khamsin. 

L'origine des cours d’eau africains, le défaut de 
réservoirs souterrains comme régulateurs de leu 
débit, l'absence de végétalion sur les lieux élevés. 
entrainent falalement des écarts considérables dan 


le régime 
ve 


02 


Hautes caux 


trouvera ici 
(fig.11) unes 
coupe du 


F o — Coupe du Soué au confluent du Yobo 
(Echelle des hauteurs double de celle des longueurs.) 


Souéàl’em- 
bouchure 


qui donne une idée exacle de la conformation de 
toutes les rivières de la contrée, Mbomou, Woula, 
Ngwa-ngwa, Sarangou, Biri, ete. J'y joins (fig.12)les 
courbes de son niveau et de son débit moyens 
pendant l'intervalle d'une année. On y verra que 
le débit varie entre 10 et 400 mètres cubes par 
seconde, écart énorme, pour un point aussi élevé 
de son cours. 

Pour des bassins de médiocre étendue, la loi de 
ces oscillations est évidente et facile à dégager : 
elle correspond nettement, quoique avee un léger 
retard, à l'allernative des saisons. 

Mais, pour ceux qui embrassent des latitudes 
très différentes, la loi est plus complexe. Les tribu- 
taires ne sont soumis aux crues qu'à tour de rôle, 
au fur et à mesure du déplacement de la saison des 
pluies le long du méridien. Le Congo, dont 
l'immense bassin enjambe largement sur les deux, 
hémisphères, est soumis, dans ses crues, à 
des ondulalions correspondant aux contributions 
successives des bassins secondaires du Nord et du 
Sud. Il serait intéressant, au point de vue de la cli= 
malologie et de l'hydrographie africaines, que les 
Etats riverains du grand fleuve s'entendissent pour 
instiluer un service d'observations marégraphiques 
en des points judicieusement répartis du Congo et 
de ses affuents. | 

Dans son ensemble, la ligne de partage d'eaux 
est dirigée du S.E. au N.0., courant en diagonale 
des sources du Mbomou à celles du Borou et du 


D: CUREAU — NOTES SUR L'AFRIQUE ÉQUATORIALE 567 


Bahr-el-Arab. Le cours du Mbomou dans le Sud, et, 
“dans le Nord, celui du groupe Bahr-el-Homr et 
Bahr-el-Arab, prolongé par le Bahr-el-Ghazal etune 
Partie du Bahr-el-Djebel, sont sensiblement paral- 
“èles et dirigés en sens contraire, le premier de 
L'Est à l'Ouest, le second de l'Ouest à l'Est. Les 
affluents du Mbomou ont une disposition rayonnée, 
encore plus frappante, si l'on y joint le Ouellé er le 


et son affluent le Ngwa-ngwa ?, le Chinko, le Mbari, 
“6 Koto se redressent peu à peu pour venir COnver- 
er soit directement, soit par leurs prolongements, 
u point de jonction du Ouellé et du Mbomou. 

“ Du côté du Nil, les rivières suivent parallèlement 
une pente commune inclinée vers le Nord et quiles 
“conduit dans l'immense dépression transversale 
ont les marais du Ghazal occupent une bonne 
artie. C'est le cas du Babr-el-Djebel lui-même, du 
ouong, du Rôl, du Roua, de l'Iba ‘, du Soué *, du 
“Pongo, du Kourou et du Biri. 

Nous avons suivi les eaux depuis le moment où, 
recueillies par les plateaux, elles ont glissé à leur 
rface, s'y creusant un lit de plus en plus profond, 
is s'épandant sur leurs déclivités dans deux di- 
rections opposées, Nil ou Congo. Nous voici main- 


Bahr-el-Ghazal forme la partie centrale; de 
autre, la cuvette équatoriale du Congo. Ce sont Les 
k errains d'épandage des apports des deux bassins : 
Mbroduils de la dissociation des roches superficielles 


assifs de gneiss des H/hias, cendres délavées de 
incendie annuel, humus, résidus de la décom- 


1 Ou plus exactement Bekou. 
«= improprement appelé par Junker Ouarra, nom qui n'est 
“pas entendu des indigènes. 
# Improprement appelé par Junker Go2ng04. 

- * Jha est le nom zandé de cette rivière; le nom dinka est 
impossible à traduire eu orthographe francaise. La trans- 
cription du D' Schweinfurth, Tondj, n'est que grossièrement 
approchée. Si l'on veut bien preudre l'y pour une consonne 
analogue au j allemand, la vraie appellation s'écrirait Tü4y, 
“qu'il ne faut par conséquent pas prononcer Tüti, les deux 
“dernières lettres formant une seule articulation, une sorte 
“de consonne double mouillée. 
… Soué est le nom zandé de cette rivière. Dans son cours 

férieur, on l'appelle Dyour, du nom d'une population 
riveraine. Le passage des mots indigènes d'une langue euro- 
“héenne à une autre donne souvent lieu à des méprises. 
Ainsi le nom d'une rivière, judicieusement écrit Waou par 
le Dr Schweinfurth avec un w anglais, a été transformé par 
lauteur de la traduction francaise en celui totalement défi- 
üré de Vahou. Ces questions n'intéressent par le géogra- 
“phe : un nom n'est pour lui qu'une étiquette. Il n'en est pas 
“de même des voyageurs, auxquels ces travestissements 
occasionnent souvent des ennuis. 

… Cet incendie est allumé par la main des indigènes, lors- 
que les herbes sont sèches, après la saison des- pluies. À 
“celte époque, de grands espaces sont réservés par les vil- 

ges voisins: à un signal, le feu est mis sur plusieurs 
points à la fois; les chasseurs se portent en embuscade au 


Dans ces dépressions, les eaux sont maintenues 
à un niveau relativement élevé par les seuils ro- 
cheux des rapides eL des calaractes, par les étran- 
glements du fleuve situés en aval. Il en résulte un 
certain état de stagnation, très marqué dans le 
Babr-el-Ghazal, où viennent converger des cours 
d'eau d'importance médiocre comparativement à la 
superficie du bassin, moins accentué au contraire 
dans le Congo, à cause du débit considérable du 
fleuve principal et de ses affluents. Il faut remar- 
quer également que, tandis que les tributaires du 
Ghazal s’y rendent directement, descendant des? 
plateaux en ligne droite et sans arrêt, ceux qui se 
dirigent vers la cuvette équatoriale, à un niveau 
sensiblement égal au précédent, n’y parviennent 
qu'après être descendus de degré en degré et avoir 
décrit, par le Mbomou et l'Oubanghi, de longs cir- 
cuits parallèles au bord des plateaux qu'ils vien- 
nent de quitter ; durant ce long parcours, les eaux 
ont pu déjà se décharger d'une bonne partie des 
matériaux qu'elles tenaient en suspension. 

Ces diverses raisons comparalives expliquent 
sans doule pourquoi le bassin du Bahr-el-Ghazal 
est un marais pestilentiel, presque sans courant, 
obstrué de bancs d'herbes; tandis que la cuvette du 
Congo n’est qu'une expansion lacustre, maréca- 
geuse en quelques points de la rive droile, mais 
riche en formations alluviales, dans la région où la 
confluence de l'Oubanghi, de la Likouala-aux-Her- 
bes, de la Sanga, de la Likouala-Mosaka, de l'Alima 
forme un véritablé delta intérieur, Il ne m'appar- 
tient point de parler de l’autre expansion du Congo, 
siluée au nord de l'Equateur, bien plus longue et 
plus large que la première; les îles innombrables 
dont elle est parsemée doivent être dues à une for- 
mation analogue de la part du cours supérieur du 
grand fleuve et de ses affluents. 

Ces cuveltes intérieures tendent à se vider au 
fur et à mesure que les barrières naturelles, qui 
maintiennent le niveau des eaux, s'usent sous l'ef- 
fort prodigieux du courant. Quand on voit les ra- 
pides du Congo, en aval du Stanley-Pool, leurs re- 
mous vertigineux, les hautes gerbes liquides qu'ils 
projettent, les amoncellements d'énormes rochers 
roulés accumulés sur la rive (fig. 13), l'incessant gon- 
flement et resserrement du fleuve, qui forme comme 
des allernances rapides d'une sorte de flux et 
reflux, on se rend compte de la formidable puis- 
sance dynamique développée par ces eaux bondis- 
santes et tourbillonnantes, en présence des résis- 
lances relativement faibles opposées par les roches 


7 


côté opposé et abattent au passage le gibier affolé par les 
flammes. Ce premier incendie ne suffit généralement pas 
pour incinérer complètement les herbes ; les feuilles et les 
balles seules y brülent; il faut un second incendie pour 
consumer les chaumes et couvrir la Lerre de cendres. 


268 


D' CUREAU — NOTES SUR 


L'AFRIQUE ÉQUATORIALE 


feuilletées, les conglomérats, les associations hété- 
rogènes el peu compactes qui en composent la ma- 
jeure partie. C’est ainsi que, au cours des âges, le 
Congo est venu successivement à ‘bout de ses bar- 
rières primitives. Il fut une époque lointaine où il 
ne s'était pas encore frayé à travers les plateaux 
batéké l'étroit et profond ! couloir actuel; il se 
déversait alors tumultueusement de l’autre côté, 
dans ce vaste cirque qui circonserit maintenant le 
Stanley-Pool. En amont de ce couloir, sur le pour- 
tour de la cuvette équatoriale et notamment sur 
la rive gauche, moins basse que la rive droite, il a 


une sorte de falaise, qui marque une ancienne 
rive. Entre le pied de cet escarpementet le bord dé 
l’eau règne une plaine basse, en pente très douce, 
soulevée en plusieurs légères ondulations parallès 
les au fleuve. Disons, en passant, que ces ondul& 
tions sont très communes sur le bord de tous les. 
cours d’eau. Elles sont produites par les courants 
et contre-courants qui se forment dans les eaux 
d'idondation, au voisinage et par l’action du cou 
ran( principal. A l’époque actuelle, par suite de 
baisse séculaire du niveau général des eaux, ce 
bourrelets riverains émergent, même dans leg 


Fig. 13. — Amas de rochers sur le Congo, aux rapides de Kintamo (près de Brazzaville). 


laissé des traces de ses niveaux successifs, comme 
des échelons superposés, pratiqués dans la berge 
accore. Il est évident, en effet, que l'usure des 
seuils d'aval ne s'est pas opérée avec régularité, 
mais que, en raison de causes mulliples, nolam- 
ment du défaut d'homogénéité des roches, elle 
s'est effectuée avec des vitesses variables et a, pour 
ainsi dire, subi des à-coups à marche séculaire: de 
là la formation de ces gradins. 

En quelques endroits, on trouve, à une distance 
plus ou moins grande du fleuve, un escarpement, 


! J'ignore si l'on a tenté de faire des sondages en cet en- 
droit. Il paraitrait, d'après M. A. Dolisie, le regretté gouver- 
neur du Congo français, qu'une expérience de ce genre, 
pratiquée un peu au-dessous de Brazzaville et de la pointe 
de Kalina, aurait donné 75 brasses sans trouver le fond. 
Avait-on tenu compte de l'influence du courant très fort en 
cet endroit ? 


crues, tandis que les terrains situés en arrière 
couverts par les eaux débordées, ou n'offrant vers 
la rivière aucune issue pour les eaux de pluie, s8« 
transforment en marécages. Par exemple, c'est Cm 
qui fait que, sur l'Oubanghi, le bord immédiat den 
la rivière est l'endroit le plus propre à l'établisse 
nent des villages. 
Peut-être, malgré leur extrème lenteur, les 
effets de l'usure des seuils rocheux du Nil et du 
Congo ne sont-ils pas négligeables, même pour les 
époques historiques. Sur des surfaces aussi plates, 
une faible variation dans le niveau des eaux suffll 
pour À. 
pays ‘. Cela expliquerait peut-être pourquoi les 


! Comparer avec ce que Stanley rapporte, d'après les MIS 
sionnaires, sur l'abaissement considérable du niveau du 
Victoria-Nyanza (Dans les Ténèbres de l'Afrique, t. il). Le 


éographes de l'Antiquité, dressant leurs cartes 
laprès les relations des caravanes venues du sud, 
aient cru à une mer el avaient donné au con- 
inent africain une forme tronquée dans le sud. 
eut-être aussi avaient-ils été trompés par une 
exagération de langage analogue à celle qui à fait 
donner, par les indigènes arabisants, aux cours 
eau du haut bassin du Nil le nom de Babr, la 
er. 

Gette baisse lente des eaux n'a pas pour seul 
“effet de diminuer la surface des bassins de l'Afrique 
Bentrale. Elle influe encore de proche en proche 
ur l'hydrographie des contrées plus élevées et des 
plateaux, et cela de deux manières : — d'abord, le 
“niveau général baisse sur les pays d'en haut simul- 
tanément avec celui des pays d'en bas; — puis, aux 
«points où existent des seuils rocheux, la différence 
de niveau s'accroit entre les deux biefs d'amont et 


. 


d'aval; l'énergie destructive du courant augmente 


moins, après les pluies, n'y fait qu'un séjour de 


tilité du sol qu'elle entraine sans cesse l'humus en 
formation. 


cheresse tue. La limite de l'ÆZ«lis quineensis est 
gurée par une ligne qui partirait de l'embou- 
chure du Kèrè pour passer dans les environs du 
“mont Koungou, pour s'infléchir vers l’ouest. 

Ainsi, la succession des pays compris entre la 


représentent les phases successives qu'ont pu et dû 
arcourir les vastes étendues stériles de l'Afrique 
septentrionale : la haute forêt, le taillis, le buis- 
Son, le steppe, le sable. L'impression de cette évo- 
lution graduelle est très nette pour le voyageur qui 
S'avance du Sud au Nord. Outre les modifications 
dans la nature du sol, dont j'ai parlé plus haut, on 
voit les grandes essences disparaitre, la végélalion 
Sélioler; voici des légumineuses chétives et con- 
tournées, arbres à gommes et à résines, dominées 
par quelques tamarins, des Terminalia macroplera, 
dont les feuilles gaufrées simulent de loin les 


recul rapide des cataractes du Niagara est un exemple bien 


plus grandiose de la puissance destructive des eaux en mou- 
vement. 


REVUE GÉNÉRALE DES SCIENCES, 1901 


D' CUREAU — NOTES SUR L’AFRIQUE ÉQUATORIALE 


plus en plus passager; elle y prend des allures 


209 


feuilles de chêre; des Bassia, qui produisent le 
beurre végétal; des Xigelia aux longs fruits cylin- 
driques ; et le singulier Euphorbe candélabre, dont 
les branches semblent des boudins articulés. Plus 
loin apparaissent les plantes grasses, aloès et 
cactus. 

La faune se modifie parallèlement à la flore. Le 
milan, le vautour, l'hyène, le lion, les nuages de 
saulerelles annoncent un nouveau climat. 

Je ne sais rien de plus lugubre que l'aspect de 
Dem Ziber, lorsque j'y suis allé, en 1897, peu 
après l'établissement du poste’ par M. Liotard. 
Sur le versant, complètement dénudé, d'un plateau, 
se dresse un seul vieil arbre parmi les ruines épar- 
pillées de monuments en briques. Ici, sur la droite, 
deux pans de mur, l’un percé de deux grandes 
fenêtres, sont tout ce qui reste de la maison de 
Lupton..C'est là que, au moment de l’arrivée des 
hordes du Mahdi, le malheureux gouverneur, aban- 
donné de ses troupes, s'assit au devant de sa 
porte et attendit avec une sérénité antique la eapti- 
vité, dont il ne devait être délivré que par la mort. 
A soixante ou soixante-dix pas de là, en descen- 
dant, on trouve les restes mieux conservés de la 
maison de Ziber-el-Fahal, puis de son fils Soliman. 
Des chambres y sont encore intactes, ainsi qu'une 
sorte de véranda ou d’atrium, qui occupe un coin 
du bâtiment et dont la voûte maconnée est sou- 
tenue, dans l'angle, par un pilier. en bois. Les 
autres constructions sont méconnuaissables : ce 
sont des pans de mur, des monceaux de briques, 
des bouts de solives fourchues, à demi-carbonisées, 
qui servent de perchoirs à de tristes vautours, des 
débris de fortifications percées de meurtrières, des 
portes monumentales écroulées. Quelques citernes 
fournissaient l’eau, sauf au plus fort de la saison 
sèche. Maintenant elles sont comblées de terre, de 
fragments de maçonnerie, d'ossements d'hommes 
et d'animaux. Derrière la maison de Ziber, trois ou 
quatre papayers étriqués et prodigieusement hauts 
attestent d'anciens essais de culture, d'ailleurs 
restés infructueux. 

Vers le Nord, le regard s'étend sur la vallée de 
l'Oudjoukou, maigre ruisseau, desséché pendant 
une partie de l’année. Au delà, par-dessus la vallée 
du Biri, on voit se dérouler d'immenses steppes à 
peine ondulés, sous un ciel élincelant, chargé de 
brumes lumineuses. Là se dressent, à 20 kilomètres 
de la moudiria ?, et presque directement au Nord, 
les deux collines graniliques de Deleb, au milieu 
d'une forêt de Zorassus. Que ce mot de « forèt » ne 


1 Maintenant évacué, depuis le traité franco-anglais de 
1899. 

2 Résidence du moudir ou préfet turc. Nom encore donné 
par les indigènes à cette localité concurremment avec celui 
de Dem Ziber. 


12* 


570 


fasse pas croire de ma paært à une contradiction 
avec ce que j'ai dit plus haut de la végétation dans 
cette triste contrée. Rien de moins réjouissant que 
ces palmiers sans grâce, sans fraicheur et sans 
ombre. Leur haut tronc dénudé!, le long duquel 
pendent, comme des haillons, les feuilles dessé- 
chées ; leur couronnement de larges éventails, qui 
rendent,au moindre vent, un bruissement de lames 
métalliques froissées, leur donnent je ne sais quoi 
de raide, de sec, d'artificiel, d’étranger à la nalure 
végétale. La girafe fait son apparition et il ne faut 
pas pousser bien loin vers le nord pour rencontrer 
aussi l’autruche, fille du désert. La nuit, s'élève le 
lugubre concert des hurlements d2s fauves de 
toute espèce: le chacal, l'hyène tachetée, le lion 
d’Abyssinie. 

Actuellement, toute cette région est à peu près 
complètement inhabitée. La chasse à l’esclave, les 
exactions des fonctionnaires égyptiens, les hor- 
reurs de l'invasion mahdiste, les razzia des petils 
sultans zandés ont anéanti presque entièrement 
les anciennes populations ou les ont poussées à se 
fusionner avec des tribus voisines. Toute la por- 
tion de pays qui s'étend au nord d'une ligne courbe 
passant par Rabet, Mbima et les monts Ndour n’est 
guère qu'une vaste solitude. Tout au plus y sub- 
siste-t-il encore quelques être misérables, Krèychs 
pour la plupart, meuant, sous des huttes d'herbes et 
de branchages, une vie d'alertes perpétuelles, sans 
cesse traqués par les chefs zandés. On peut circuler 
pendant bien des jours dans cette contrée sans voir 
autre chose que des passées d'éléphants, des fou- 
lées de buffles et d'antilopes, ou des sentiers de 
singes * : sol ingrat, terre désolée, pays sans habi- 
tants, sans ressources, souvent sans eau, voué par 
la fatalité des phénomènes géologiques à une stéri- 
lité sans retour. 

Comment la province du Bahr-el-Ghazal a-t-elle 
pu être décrite par quelques anciens voyageurs 
sous de riantes couleurs, qui ont suscité tant de con- 
voitises en Europe? La raison en est sans doute que 
ces voyageurs n'y élaient parvenus qu'après un 
long cheminement à travers les déserts de la Nubie, 
les bancs d'herbes du Mogren-el-Bohour et les 
marais infects de la Gazelle. Les steppes qu'ils 
avaient rencontrés ensuite, entrecoupés de quel- 
ques fraiches « galeries » et de vallées buisson- 
neuses, leur étaient apparus comme une terre 
promise. 


! D'après des mesures que j'ai faites de ces arbres sur 
pied, ils atteignent de 18 à 20 mêtres jusqu'à la naissance 
des feuilles. 

* Les gros singes, cynocéphales et hamadryas, qui sont 
surtout marcheurs, suivent en effet des routes régulières 
sur les plateaux et dessinent ainsi des passées d'où l'herbe 
a disparu et qui, sauf une moindre largeur, sont parfaite- 
ment analogues aux sentiers indigènes. 


D' CUREAU — NOTES SUR L'AFRIQUE ÉQUATORIALE 


Nous, au contraire, quittant la grasse région 
fluviale et la forêt équatoriale, nous avons éprouvé 
le contrasle dans un sens tout opposé. La triste « 
végétation et les villages misérables des hauts pla- 
teaux n'ont pu que nous faire regretter la nature 
exubérante et les vigoureuses populations de l'Ou- 
banghi et du Congo. J'ai conservé très vive dans 
mon souvenir l'impression de soulagement et de 
bien-être, que j'ai éprouvée, après un séjour de: 
près de trois ans sur les plateaux nyam-nyams, en 
revovant le pays nzakara. Je ralentissais la mar 
che, j'abrégeais les élapes pour séjourner plus” 
longtemps dans de plantureux villages, prolon- 
ger mes campements sous de beaux arbres, dev 
vrais arbres, auprès d’une eau courante. Je m'ar- 
rêtais pour admirer le désordre d’une végéta- 
tion touffue : arbres gigantesques, lianes enchevé- 
trées, maniocs superbes, énormes régimes de 
bananes ; le papayer reprend des proportions nor- 
males ; d'immenses figuiers couvrent le sol d'une 
ombre épaisse; l’{/rostigma offre son écorce aux" 
ouvriers batteurs pour la confection des pagnes. 
C'est le retour à la fertilité, à l'abondance, à la. 
vie intense et riche. 


III 


Dans l'Afrique tropicale, les saisons sèche et 
pluvieuse se partagent l'année à peu près par 
moitié. Celte distinction n’est pourtant pas tout à 
fait rigoureuse, car il survient quelques petites 
ondées en saison sèche, ce qu'on appelle au Gabon 
la pluie des mangues; et, réciproquement, la sai- 
son des pluies se signale souvent par quelques 
jours de rémission. 

Dans la saison pluvieuse, les pluies ne sont pas 
continues ; elles surviennent par violents orages, 
généralement entre quatre et six heures du soir. 
Une épaisse masse de nuages noirs apparaît vers le 
nord-est; elle envahit rapidement le ciel: à peine” 
a-t-elle atteint le zénith que le vent s'élève et se 
met tout à coup à souffler en bourrasque. Aussitôt 
la foudre entre en scène; éclairs el tonnerre se 
succèdent sans relàche. Enfin une pluie diluvienne 
commence à tomber en nappes compaetes et fait 
taire peu à peu le fracas de la foudre. Avec le gros" 
de l’orage, le tonnerre s'enfuit vers l'horizon; lan 
pluie devient moins torrenlielle, mais persiste. 
encore quelques heures, parfois toute la nuit. AU 
matin, un soleil éclatant fait évanouir les dernières 
nuées et fait lever du sol trempé des brumes 
chaudes et épaisses. 

On sail combien la courbe barométrique est 
régulière sous les tropiques. J'ai souvent recher- 
ché, tant avec un enregistreur qu'au Fortin, lin- 
fluence que pouvait exercer sur elle l'approche de 


D: CUREAU — NOTES SUR 


L'AFRIQUE ÉQUATORIALE 571 


- ces orages; je n'ai jamais trouvé la moindre 
… inflexion dans la continuité du tracé. 


… Tels sont les caractères les plus généraux de la 
É climatologie de l'Afrique tropicale. Elle subit ce- 
Li pendant quelques légères modifications et affecte 


des allures spéciales, suivant qu'on la considère 
dans la région fluviale où dans la région des 
plateaux. 

Dans la région fluviale, le ciel est constamment 
couvert pendant la saison sèche; la vapeur d'eau 
ne cesse pas d'être en très forte proportion dans 
- l'atmosphère. La pluie parait toujours à l’état de 
- menace sans jamais tomber. L'horizon est consi- 
dérablement rétréci par les brumes; à Brazzaville, 
- chacun sait que la disparition de la rive gauche du 
Stanley-Pool est un indice certain du début de la 
saison sèche. 

Pendant la saison des pluies, la courbe de la 
tension de la vapeur d’eau procède par bonds 
successifs. Elle s'élève d'une manière continue 
- pendant plusieurs jours; puis survient une con- 
- densation brusque sous forme de tornade. L'atmo- 
“sphère devient d'une extrême limpidité; les loin- 
fains sont nets, clairs, et se délachent avec vigueur. 
- Bientôt la chaleur solaire aura de nouveau saturé 
l'air de vapeur d’eau, et la même suite de phéno- 
mènes se reproduira. 

La tempéralure, régularisée par l'énorme masse 
d'eau en suspension dans l'atmosphère, n'atteint 
jamais des valeurs extrêmes. À Brazzaville, elle 
- oscille entre + 20° et + 30°. Son plus faible mini- 
mum est aux environs de + 13°, un jour ou deux 
par an, dans la saison sèche, à 6 heures du malin. 

Sur les plateaux et sur le versant du Nil, la sai- 
son sèche justifie réellement son nom, et d'une 
_ manière excessive. La tension de la vapeur d'eau 
approche de zéro pendant le jour; elle se relève à 
peine pendant la nuit, et seulement dans les ter- 
rains bas. Les bois craquent: le papier devient 
raide et se froisse bruyamment comme du par- 
chemin. L’atmosphère se charge d’un mélange de 
poussières lénues soulevées par le vent de nord- 
est, et de fumée, provenant de l'incendie des 
herbes, qui, sous l'irradialion du soleil, prend un 
éclat et une luminosité excessifs. On éprouve 
. une impression pénible de cuisson au pourtour des 
. narines et des paupières. 

La température subit de grands écarts entre 
6 heures du matin et 1 heure de l'après-midi, 
maxima et minima qui peuvent alteindre + 6° 
et + 40° (à l'ombre). On reconnait là, une fois de 
plus, un des caractères particuliers des contrées 
désertiques. 


En saison des pluies, l'intervalle diminue entre 
les températures extrêmes; il ne s'étend plus que 
de +21° à +295. L'humidité atmosphérique 
prend un régime analogue à celui de la région 
fluviale; c'est-à-dire qu'il procède par oscillations 
diurnes, d'amplitude croissante pendant plusieurs 
jours consécutifs, et suivies d’une dépression 
brusque à l’occasion d’un orage. Dans une même 
journée, la proportion de vapeur d'eau se porte 
de 15 à 90 °/,. Contrairement à ce qui arrive dans 
la région fluviale, la nébulosité ne cesse d’être très 
forte; les orages ne purifient jamais le ciel. Un 
phénomène fécond en surprises est la soudaineté 
avec laquelle s'opère la condensalion des vapeurs, 
à la tombée de la nuit; quelques minutes suffisent 
pour que l'humidité, avec l’abaissement de tempé- 
rature qui suit le coucher du soleil, passe brusque- 
ment de l'état gazeux à l’état vésiculaire, puis se 
rassemble en amas floconneux, et enfin en nuages 
épais. 

Dans celte région des plateaux, les phénomènes 
hydrographiques et les phénomènes météorologi- 
ques sont intimement liés et exercent les uns sur 
les autres une réaclion réciproque. L'aridité du sol 
accroît la sécheresse de l'atmosphère; celle-ci se 
prête d'autant moins au développement d'une végé- 
tation qui rendrait au sol une féconde humidité. 
Surviennent ensuite les pluies torrentielles du 
Khamsin, qui charrient l’humus vers les cuvettes 
inférieures, dénudent la roche et préparent un ter- 
rain sans cesse plus aride. Cette progression est 
parfaitement mise en lumière par la comparaison 
des états hygrométriques de l’air, en saison sèche, 
dans la région fluviale et dans la région des pla- 
teaux. L'humidité, même en l'absence des pluies, 
ne cesse d’être très considérable dans la première, 
au contact des forêts et des larges étendues d’eau. 
Dans la seconde, au contraire, l'effet de la saison 
pluvieuse cesse de se faire sentir avec les dernières: 
ondées, et Lout de suile le climat passe de l’ex- 
trême humidité à l'extrême sécheresse. 

Ainsi se ferme un cycle de phénomènes enchai- 
nés, dont le terme ultime sera, dans un avenir 
lointain, l’empiètement des grands déserts du 
Nord jusqu'aux premières pentes du versant du 
Congo. 


Dans un second article, nous étudierons les peu- 
plades qui habitent les régions dont nous avons 
cherché à donner un aperçu géographique. 


D' Çureau, 
Chargé de Missions. 


512 


SUR LES CONCEPTIONS 
DE HAUY, DE MALLARD ET DE M. WALLERANT 
EN CRISTALLOGRAPHIE 


I. — REMARQUES AU SUJET D'UN RÉCENT 
ARTICLE DE M. DE LAPPARENT 


Tous les cristallographes auront lu avec intérêt 
l'exposé magistral que M. À. de Lapparent a donné 
dans la /evue' des doctrines cristallographiques 
francaises telles que les ont établies les immortels 
travaux d'Haüy, de Delafosse, de Bravais, de Mal- 
lard. Ces doctrines, dans lesquelles l'hypothèse a 
si peu de part qu'on chercherait en vain par où 
elles s’écartent des déductions logiques purement 
tirées de l'expérience, qui n’ajoutent aux faits qu'un 
lien solide et jamais en défaut, qui enfin sont com- 
patibles avec toutes les hypothèses imaginables 
sur la constitution de la matière, ne tarderont sans 
doute pas à s'imposer aux esprits en Allemagne et 
ailleurs, comme elles l’ont fait depuis longtemps 
en France. Et il était bon qu'une parole autorisée 
comme celle de M. de Lapparent vint rappeler aux 
trop nombreux savants étrangers qui, parfois sys- 
tématiquement, ignorent ce qui se fait chez nous, 
que même annexées et germanisées comme elles le 
seront sans doute bientôt, comme elles le sont déjà 
en partie, ces doctrines, ainsi que tant d’autres, 
sont françaises. 

Toutefois, il me paraît nécessaire qu'un élève de 
Mallard présente ici quelques observations sur cer- 
tains passages de l’article en question qui tendent 
à présenter sous un jour peu conforme à la réalité 
les idées du Maitre ou les modifications qu'on a 
tenté d'y introduire après lui. Des observations ana- 
logues, bien que moins graves, s'imposent en ce 
qui concerne Haüy. 


Mon intention n'est pas de chicaner en détail 
M. de Lapparent sur certaines phrases où il établit, 
au préjudice d'Haüy, une distinction peu justifiée 
entre la conception du milieu cristallin, telle que 
l’a reprise Delafosse et telle que, dès l’abord, elle 
s'était présentée à l’idée du fondateur de la Cristal- 
lographie. Delafosse, il est vrai, a cru nécessaire 
de montrer que la notion de particules inlégrantes 


1 De Lapparent : L'évolution des doctrines cristallogra- 
phiques, dans la Revue générale des Sciences du 15 mai 1901, 
t. XII, p. 399 et suiv. 


GEORGES FRIEDEL — SUR CERTAINES CONCEPTIONS EN CRISTALLOGRAPHIE 


contiguës, de milieu cristallin plein, telle qu'on 
l’attribuait à tort à Haüy, n'était pas nécessaire. 
Mais ce qu'il importe de rappeler, c'est que jamais 
cette notion n'a été celle d'Haïüy. La maille de Dela- 
fosse et de Bravais, bien qu'établie par un raison- 
nement plus général, bien que basée sur toutes les 
propriétés internes des cristaux, au lieu de n’être 
tirée que du seul clivage, ne diffère nullement de 
la molécule intégrante d'Haüy, comme on le répète 
trop souvent. Veut-on la preuve que la grossière 
notion de molécule intégrante, telle qu'on nous la 
présente, n'était nullement dans la pensée d'Haüy? 
« Dans l'exposé que nous faisons de certains phé- 
nomènes naturels, dit-il dans son Traité de Cris- 
tallographie, nous employons les mots de contact 
immédiat entre les molécules des corps; nous re- 
gardons les surfaces de ces corps comme des plans 
continus, parce que nous sommes portés à juger 
des choses prises en elles-mêmes, d’après la ma- 
nière dont elles s'offrent à nos observations. Mais 
lorsque nous réfléchissons sur la transparence des 
corps, nous concevons que les rayons de lumière 
doivent traverser suivant toutes les directions les 
corps qui jouissent de cette propriété, sans être 
arrêtés dans leur trajet, d’où il faut conclure que 
les molécules des corps, arrangées pour ainsi dire 
en quinconce, laissent entre elles des intervalles 
incomparablement plus considérables que leurs 
diamètres”. » On peut penser ce qu'on voudra du 
raisonnement, mais on ne saurait vraiment faire 
honneur à Delafosse, qui a assez d'autres mérites, 
d'avoir imaginé, en espacant les « molécules », un 
perfectionnement de la « molécule intégrante ». On 
voit assez qu'Haüy distinguait nettement entre le 
quinconce géométrique (réseau de molécules inté= 
grantes ou de mailles, peu importent les mots) et 
la molécule matérielle quelconque dont ce réseau 
détermine la position. J'ai tort de dire : peu im- 
portent les mots, car il apparaît trop clairement 
par cet exemple que l’on tend à leur attribuer plus 
d'importance qu'aux faits et aux idées. Haüy a 
employé assezimproprement le mot de «molécule » 
pour désigner un espace géométrique, une forme; 
et, bien qu'il ait, on le voit, expliqué fort elaire 
ment que sa « molécule intégrante » élait autre 
chose que la « molécule » matérielle, on ne lui 
LI 210 apte fur 4 ta FE ES PSN OE REEESES 


! Traité de Cristallographie, 1822, t. I, p. 241. 


GEORGES FRIEDEL — SUR CERTAINES CONCEPTIONS EN CRISTALLOGRAPHIE 513 


pardonnera pas de n’avoir pas trouvé, pour désigner 
exactement la même chose, les mols certainement 
meilleurs, mais indifférents au fond, de « maille » 
et de « réseau ». Loin de moi la pensée de diminuer 
par là l'importance de l'œuvre de Delafosse et sur- 
tout de celle de Bravais; mais ce n'est pas en ima- 
ginant le réseau qu'ils ont rendu service à la 
Cristallographie, car Haüy se faisait du réseau 
exactement la même idée qu'eux; c'est en en dé- 
montrant mieux l'existence, en en étudiant les 
modes possibles et surtout en tirant de cette notion 
des conclusions qui avaient échappé à Haüy, no- 
tamment au poini de vue de l'hémiédrie. 

Je n'insisterai pas sur la notion singulière de 
« moindre action » et de « résistance vis-à-vis du 
dehors » où M. de Lapparent voit une explication 
des groupements par pseudo-symétrie. Ce serait 
suivre l'auteur dans le domaine lilléraire, et l'on 
ne se sent pas le courage de souiller de prosaïques 
réfutalions d'aussi poétiques images. Rien ne doit 


. cependant paraître plus singulier aux élèves de 
 Mallard que de voir attribuer, comme semble le 


faire M. de Lapparent, à cet espril si merveilleuse- 
ment clair et logique une interprétation nébuleuse 
des faits qui élait bien loin de sa pensée et qu'en 
tout cas il n'a exposée ni dans ses écrits ni dans 
ses lecons. C'est précisément en détruisant cette 
vieille notion vague d’ «augmentation de symétrie », 
ou plutôt en la transformant en une notion précise 


. toute différente, celle de la continuation ‘du réseau, 


que Mallard est sorti de l’ornière et a lancé la 
théorie des groupements dans la véritable voie. Le 
Maitre serait bien étonné sans doute de l'explication 
de la macle de l’Aragonite, que M. de Lapparent 
croit reproduire selon sa doctrine. 


IT 


Ce qui me parait plus grave, car il s’agit, non du 
passé et de notions généralement classées et com- 
prises en France, mais du présent et de l'avenir, 
c’est ce que dit M. de Lapparent au sujet de la voie 


_ soi-disant nouvelle où est entrée la Cristallogra- 


phie par les travaux purement géométriques de 
MM. Sohnke, Schænfliess, elc., et surtout par les 
applications qu'a faites plus récemment de ces tra- 
vaux M. Wallerant. M. de Lapparent montre, d'ail- 
leurs, avee beaucoup de raison, qu'en somme une 
géométrie compliquée n'ajoute rien au réseau de 
Bravais; qu'elle ne sert qu'à obseurcir la notion 
fondamentale de système cristallin et d'hémiédrie 
pour la remplacer par celle de types de symétrie 
épars dépourvus de signification physique. Mais 


_ enfin cette géométrie, si elle n’est en réalité d'aucun 


usage pour le cristallographe imbu des idées fran- 
caises, n’est pas en elle-mème dépourvue d'intérêt. 


Elle constitue l’une des manières d'envisager la 
question et il est toujours bon de retourner les 
questions de toutes les manières. Ce qui est, par 
contre, extrêmement singulier, c’est que des cris- 
tallographes nourris dans les idées françaises, 
repoussant avec raison comme une complication 
inutile tout cet attirail de théorèmes, n’en gardent 
qu'une seule chose : un mot,qui,séparé de ces théo- 
rèmes, se trouve comme étranger et perdu dans la 
belle ordonnance logique du système de Mallard, 
où il n'a que faire et où il n'introduit que désordre 
et confusion. Je veux parler du domaine fonda- 
mental ou plutôt de la « particule fondamentale » 
de M. Wallerant, que M. de Lapparent adopte après 
lui. 

Je suis loin de vouloir diminuer les mérites de 
ce savant. Endormie depuis la mort de Mallard, 
trop satisfaite peut-être du merveilleux édifice 
dont il paraissait avoir presque achevé la construc- 
tion, la Cristallographie française semblait perdre 
de sa vitalité et dévier trop exclusivement vers les 
applications pétrographiques, lorsque les belles 
recherches de M. Wallerant sur le quartz, sur la 
fluorine, ses considérations sur la pseudo-symétrie 
et sur les groupements cristallins sont venues mon- 
trer que tout n'étail pas dit et remettre ces sujels 
à l’ordre du jour. Mais, si la question est posée à 
nouveau, si notamment on comprend mieux que 
par le passé combien est encore imparfaite la 
théorie des macles par hémitropie,le moment est-il 
venu de chanter victoire et de célébrer, comme le 
fait M. de Lapparent, l'acquisition non de mots 
nouveaux, mais de otions nouvelles? Je ne le crois 
pas. 

M. Wallerant, dans ses éludes sur les anomalies 
optiques, présente explicitement comme nouvelle 
celle idée que la mériédrie peut-être poussée au 
delà de celle qui conduit à un groupe de symétrie 
d'ordre immédiatement inférieur à celui du réseau. 
Pour prendre un exemple, la Boracite, dit-il, n'est 
pas « pseudo-cubique et orthorhombique » comme 
le disait Mallard, mais a bien réellement un réseau 
cubique; elle est « cubique et mérièdre », ne gar- 
dant des éléments de symétrie du cube que ceux 
du système terbinaire. mais conservant un réseau 
exactement cubique. Il y a, d’après M. Wallerant, 
une distinction bien nette à établir entre ce cas et 
celui de la Leucite, par exemple, qui n'est que 
pseudo-cubique. Cela est juste, encore que la dis- 
tinction ne soit pas si nette en pratique. 

Mais il n'y a là rien que Mallard n'ait enseigné. 
S'il ne l'a peut-être pas exprimé par le mot même 
de « mériédrie » dans ses ouvrages, c'est cependant 
l'idée que tous ses élèves se sont faite du phé- 
nomène d'après ses lecons. Et n'est-ce pas encore 
s’altacher à un mot que de présenter comme une 


D74 


nouveauté la nolion que la ‘Boracite est cubique et 
mérièdre, quand on lit dans Mallard ceci : « La 
Boracile... se trouve dans la Nature en petits cris- 
taux parfaitement cubiques. Le réseau de cette 
substance a donc bien la symétrie cubique; cepen- 
dant la substance jouit d'une double réfraction 
énergique, et l'observation montre que la symétrie 
optique est seulement terbinaire. La double réfrac- 
tion est donc due uniquement à la molécule, dont 
la symétrie doit êlre certainement rhombique. 
L'édifice cristallin, composé de l’ensemble du 
réseau et de la molécule, a ainsi seulement Ja 
symétrie rhombique... Il nous suffit ici de cons- 
later qu'une substance peut être énergiquement 
biréfringente avec un réseau rigoureusement 
cubique” ». Il n'est pas exagéré de dire que 
M. Wallerant n'a pas ajouté sur ce point un iota à 
ce que Mallard avait conçu, écrit et enseigné, et 
que M. de Lapparent se fait une étrange illusion 
quand il dit, au sujet de la mériédrie, que M. Wal- 
lerant croit avoir imaginé de pousser plus loin que 
Mallard : « Cette conception une fois admise, ce 
qu'on appelait autrefois les anomalies optiques va 
maintenant apparaître sous un jour tout différent. » 
En réalité tout reste en l’état, et parfaitement salis- 
faisant d’ailleurs; il n’y a pas trace de conception 
nouvelle, mais un mot qui n’est même pas nouveau 
dans ce sens et que Mallard, qui par malheur a été 
enlevé à la science avant la publication de son 
volume sur les groupements, employait dans ses 
leçons et dans sa conversation, en l’appliquant aux 
cas même qu'a pris pour exemples M. Wallerant *. 
La citation précédente suffit, je pense, à montrer 
que l’idée est celle de Mallard, sans la moindre 
modificalion. Elle montre aussi avec évidence que 
M. de Lapparent attribue à M. Wallerant une autre 
idée de Mallard, discutée et démontrée par lui 
tout au long dans son 7railé de Cristallographie, 
quand il dit : « Ce qui est certain, c’est que, 
d'après l'explicalion que M. Wallerant a donnée de 
ce qu'on appelait les anomalies optiques, l'allure 
optique d'un cristal est déterminée non par son 
réseau, mais par sa particule. » 


III 


J'en viens maintenant, pour ne relever que les 
points les plus importants, à ce que M. de Lap- 
parent présente comme le summum des perfection- 
nements apportés par M. Wallerant aux doctrines 


! MarranD, Cristallographie, L. 2, p. 496. 

? Dans son cours, pour bien faire comprendre la mériédrie, 
Mallard donnait pour exemple une particule anorthique se 
placant aux nœuds d'un réseau cubique. On est étonné de 
voir M. de Lapparent déclarer (p. 410) que cette idée n'était 
venue à personne avant M. Wallerant, alors qu'elle est 
absolument familière aux nombreux élèves de Mallard. 


! mental lui-même 


GEORGES FRIEDEL — SUR CERTAINES CONCEPTIONS EN CRISTALLOGRAPHIE 


de ses prédécesseurs. Je veux dire la théorie des 
macles et l'idée de pseudo-symétrie appliquée à la 
« particule complexe » et à la « particule fonda- 
mentale ». 

Ici, nous nous perdons dans un chaos de mots 
sous lesquels il est souvent difficile de découvrir 
des idées, mais parmi lesquels les contradictions 
sautent aux yeux. La « particule complexe » c'est 
la « molécule cristallographique » de Mallard qui, 
quoiqu’en pense M. de Lapparent, n'a jamais été 
pour lui, ni même pour ses prédécesseurs (sauf 
peut être Haüy), identique à la molécule chimique, 
mais composée d’un certain nombre de molécules 
chimiques. C'est tout simplement l'élément, quel 
qu'il soit, qui se répète identique à lui-même et 
identiquement placé aux nœuds du réseau de 
parallélipipèdes. Son existence physique réelle 
n'est pas plus contestable que celle de la matière 
même. C'est la matière dont la molécule intégrante 
d'Haüy est la forme. On ne lui ajoute rien, qu'un 
nom nouveau. On ne peut, comme le fait M. de 
Lapparent, « taxer de conceplion fautive, celle 
qui consiste à attribuer la même orientation » à 
toutes les molécules, car c’est leur définition même 
d'être équidistantes et identiquement orientées. 
Elles peuvent, comme Mallard l’a spécifié, contenir 
des molécules chimiques ou des groupes identiques 
de molécules chimiques diversement orientés, 
mais, par définition même, ces groupes ne sont pas 
la molécule cristallographique. Jamais Mallard n'a 
enseigné que chaque maille du réseau fût occupée 
par une seule molécule chimique. 

Mais voici que les géomètres, préoccupés de 
donner à leurs théories toute la généralilé possible, 
ont imaginé avec raison que le « domaine com- 
plexe », qui a souvent une symétrie, peut être 
considéré comme composé de plusieurs « domaines 
fondamentaux » dépourvus de symétrie, qui cons- 
tiltuent, au point de vue mathémalique, l'élément 
ultime au delà duquel il n’y a pas lieu de pousser 
la dissection du milieu symétrique, et dont, par le 
jeu des axes, plans et centres de symétrie, on peut 
tirer l'édifice complet. Ce domaine, qui nest 
qu'une conceplion géométrique, M. Wallerant le 
transporte dans la réalité physique en le remplis- 
sant par une « particule fondamentale », qui na 
d'autre définilion que celle du domaine fonda- 
: c'est une fraction de la particule 
complexe qui ne possède aucun élément desymétrie 
commun avec celle-ci. Rien ne démontre que cette 
particule fondamentale ait une existence réelle, 
qu'ainsi définie elle existe comme une entité dis- 
tincte dans l'acte de la cristallisation. Nous savons 
bien que très probablement la « particule com 
plexe » se compose de plusieurs molécules ou 
groupes de molécules chimiques; mais, de quel 


GEORGES FRIEDEL — SUR CERTAINES CONCEPTIONS EN CRISFALLOGRAPHIE D) 


21 


droit, s'il est question de réalités physiques et non 
_ plus de Géométrie, supposer que ces éléments 
soient dépourvus de symétrie? En arrivera-t-on, 
si la molécule chimique dernière a, elle-même, des 
“éléments de symétrie qui se retrouvent dans le 
. cristal, ce qui doit être fréquent, à la décomposer 
“ en particules fondamentales? Et si, au contraire, 
… comme le dit M. de Lapparent, « chacune des par- 
…icules fondamentales est très vraisemblablement 
un agrégat de molécules chimiques », ces molécules 
… chimiques se sont-elles donc groupées sans acqué- 
rir d'éléments de symétrie? Ou n'ont-elles acquis, 
sans qu'on puisse certes nous expliquer pourquoi, 
que des éléments de symétrie qui ne se retrouveront 
pas dans la particule complexe, alors qu'on veut, 
avec raison sans doute, faire jouer aux éléments 
- de symétrie des particules un rôle dominant dans 
la détermination de la symétrie de leurs grou- 
pements? 

Il est possible assurément que beaucoup de 
molécules chimiques n'aient aucun élément de 
symétrie, ou qu'élant symétriques elles forment en 
se groupant des ensembles qui n'aient plus les 
mêmes éléments de symétrie el en aient acquis 
d'autres. Mais déclarer qu'il existe toujours une 
« particule fondamentale » dépourvue de tout 
élément de symétrie de la molécule cristallogra- 
phique, et, qui pis est, que celte particule se com- 
pose de beaucoup de molécules chimiques, c'est 
- supprimer le lien qui existe certainement, el que 
l'on aperçoit déjà dans beaucoup de cas, entre la 
symétrie chimique de la molécule et celle géomé- 
trique du cristal; c'est se condamner, s'il est 
reconnu qu'un axe ou un plan de symétrie de la 
molécule chimique existe dans le cristal complet, 
à subdiviser la molécule chimique. Le géomètre a 
le droit de le faire, non le physicien, La « particule 
fondamentale » n’a pas de réalité physique; c'est 
une simple subdivision géométrique de la « par- 
. ticule complexe », qui, elle, est quelque chose de 
concret, de tangible, étant la substance même de 
la maille du réseau, et révélant sa symétrie par 
celle de l'édifice cristallin tout entier. 

Ce n'est pas à dire que l’on doive renoncer à 
rien savoir sur les particules constitutives de la 
molécule cristallographique. Mais est-ce ajouter 
quoi que ce soit à la notion, déjà bien ancienne, de 
la complexité de cette molécule que de déclarer 
. arbitrairement que la division doit êlre poussée 
. jusqu'à la disparition de la symétrie ? de prétendre 
- traiter cette « particule » comme une unité maté- 
rielle pouvant passer à l’état solide, attirer d'autres 
particules semblables, et déterminer ainsi des 
particules complexes, des réseaux, des grou- 
“1 pements de réseaux? Et si, abandonnant cette 
… définition géométriquement précise qui risque d'en 


él 44 


faire un jour une fraction d'atome, on admet que 
la « particule fondamentale » puisse avoir avec la 
« particule complexe » des éléments de symétrie 
communs, qu'est-elle de plus qu'une de ces sub- 
divisions quelconques de la molécule cristallo- 
graphique dont tout le monde admet l’existence, 
mais sur lesquelles nous ne savons rien? 


IV 


La notion arbitraire et injustifiée de « particule 
fondamentale » n’a pas élé imaginée uniquement 
pour concrétiser le « domaine fondamental » par- 
faitement rationnel des géomètres. M. Wallerant y 
voit un moyen de rendre la molécule cristalline 
plus souple à l'hypothèse, principalement pour 
l'explication des macles. A vrai dire, on ne voit pas, 
dans tout ce que dit M. Wallerant, en quoi il est 
nécessaire pour cela de préciser que la « particule 
fondamentale » est dépourvue de tout élément de 
symétrie de la « particule complexe ». N'importe 
quel groupement de molécules chimiques, ayant 
avec la particule complexe autant d'éléments com- 
muns qu'on le voudra, ferait aussi bien l'affaire, 
etle mot nouveau n'a pas engendré a ce point de 
vue de zotion nouvelle. Ce qui est nouveau, et vrai- 
ment étrange, c’est l'application à la « particule 
complexe » et à la « particule fondamentale », 
c'est-à-dire en somme à la molécule cristalline et à 
ses conslituants quelconques, de la notion d’axes 
et de plans de pseudo-symétrie déterminant les 
groupements. - 

Dans un réseau de parallélépipèdes, un axe ou un 
plan de pseudo-symétrie sont quelque chose de 
parfaitement défini en direction parce qu'on spé- 
cifie toujours implicitement qu'un axe de pseudo- 
symétrie est une rangée et un plan de pseudo-symé- 
trie un plan réticulaire. Et cette spécification que, 
je crois bien, Mallard ne s’est pas même donné la 
peine de faire, tant elle est évidemment nécessaire, 
est justifiée par l'expérience, qui nous montre les 
axes de macle coïncidant avec des rangées et les 
plans de macle avec des plans rétigalaires. Dans les 
cas, à vrai dire douteux, où cela n'a pas lieu, la 
notion d'éléments de pseudo-symétrie cesse d’être 
applicable, car ces éléments cessent d'être quelque 
chose de défini. On voit bien, quand il ne s’agit 
plus de réseaux, qu’un polyèdre quelconque peut 
avoir une symétrie approchée, autour d'un axe par 
exemple. Mais cet axe n’est pas défini, sa direction 
n'est qu'approximalivement déterminée. Voici un 
cube ; déformons-le légèrement de façon qu'une de 
ses directions de faces ne soit plus exactement per- 
pendiculaire sur les autres. L'axe quaternaire pri- 
milivement normal à cette face n'existera plus; si 
la déformation est faible, il y aura un axe quater- 


576 GEORGES FRIEDEL — SUR CERTAINES CONCEPTIONS EN CRISTALLOGRAPHIE 


naire limite. Mais où serä cet axe? Sera-ce la nor- | lins ont pu se développer, grâce à la quasi-identité 


male à la face, ou la parallèle aux deux autres, ou 
toute autre droite voisine ? Voici la seule réponse 
de M. Wallerant : « Ce qu'il importe de remarquer 
à propos de ces éléments limites, c'est que, dans sa 
position symétrique relativement à ces éléments, 
la particule coïncide plus exactement avec sa posi- 
tion primitive que dans toute autre position voi- 
sine *. Et voici celle de M. de Lapparent : « D'une 
facon générale, on peut, avec M. Wallerant, définir 
un élément ou organe de symétrie limile par cette 
condition que, traité comme un organe réel passant 
par le centre de gravité de la particule, il amène 
celle-ci dans une situation telle que sa superposi- 
tion à la Ssiluation initiale détermine une partie 
commune plus grande que pour n'importe quelle 
autre position ». Si M. Wallerant reste dans le 
vague, M. de Lapparent précise d’une manière 
absolument arbitraire et que ne justifient aucun 
fait d'observation quelconque, ni même les besoins 
d'aucun raisonnement. Dans un triangle qui n'est 
qu'à peu près isocèle, quel est l'axe de pseudo- 
symétrie? Est-ce la médiane, la bissectrice, la hau- 
teur? M. de Lapparent répondrail, je crois, que 
c'est la bissectrice. Mais pourquoi ? 

En réalité, il est impossible, à moins de tomber 
ainsi dans l'arbitraire, de définir d'une manière pré- 
cise les éléments de pseudo-symélrie d’un polyèdre. 
Et alors, que dire de la distinction, essentielle 
selon M. Wallerant”, et sur laquelle il base toute 
sa classification des groupements, entre les deux 
cas où : 1° les éléments en question font entre eux 
exactement les angles des éléments de symétrie 
d’un polyèdre, et 2° les éléments limites ne font 
qu’à peu près ces mêmes angles, par exemple les 
axes pairs ne sont pas exactement perpendiculaires 
sur les plans de symétrie. La distinetion est juste, 
elle existe, elle a été dès longtemps ‘signalée ; seu- 
lement elle n’a aucun sens si on l’applique aux élé- 
ments de symétrie de la particule, qui est un 
polyèdre quelconque, dont les éléments de pseudo- 
symétrie ne sont pas plus définissables en direction 
que ne l’est en position l'équaleur d’un œuf. Elle 
ne signifie quelque chose que si l'on parle des élé- 
ments de symétrie d'un réseau, rangéesiet plans 
réticulaires. Imbu des idées de Mallard; je com- 
prends bien que les macles de l'Albite et du Péri- 


cline révèlent l'existence dans le réseau des felds- : 


paths d'un plan de symétrie limite et d'un axe 
binaire limite qui ne sont pas exactement perpen- 
diculaires entre eux. Je vois bien que, dans les deux 
cas, en partant d'un plan réticulaire commun ou 
d’une rangée commune, les deux individus cristal- 


1 Wazzerant : Groupement cristallins. Bibliothèque Sciez- ; 
lia, 1899, p. 15. | 


3 Loc. cit.) pp. 16. 31, etc. 


de leurs réseaux dans ces positions, comme s'ils 
ne formaient qu'un seul cristal. J'ajoute volontiers : 
gräce à la quasi-identité des positions de leurs 
molécules, car j'admets tant qu'on voudra, comme 
encore le faisait Mallard, que ces éléments de 
pseudo-symétrie ne sont pas sortis de rien, que si. 
le réseau les possède c'est que la molécule a quelque 
chose du semblable en elle. Mais je demande : em 
quoi a-t-on avancé la théorie des macles en repor- 
tant du réseau que l'on voit, que l’on mesure, sur 
la particule que l'on ignore, la notion précise de 
pseudo-symétrie, qui, de cette façon, devient quel- 
que chose de vague et d'indéfinissable ? On y gagne 
simplement d’obscurcir la notion de continuation 
des réseaux, qui, il importe de le rappeler, est la 
seule base légitime de la théorie des groupements 
par pseudo-symétrie. 


V 


Je n'insisterai pas davantage sur les principes, 
bien qu'il y ait beaucoup d’autres choses à dire. Les 
résullats sont ce qu'on devait attendre. Partout où 
la doctrine de Mallard suffit, le raisonnement de 
M. Wallerant, infiniment moins clair, n'est qu'une 
traduction de celui de Mallard en un langage plus 
vague. Pour la Staurotide, pour les Feldspaths, le 
réseau est pseudo-cubique et cela suffit à expliquer 
toutes les macles ; M. Wallerant croit pousser plus 
loin l'analyse du phénomène en disant : Si le réseaw 
a des éléments de pseudo-symétrie, cela tient à ce 
que la « particule complexe » a ces mêmes élé=… 
ments, et c'est elle ét non le réseau qui détermine … 
les macles. Où est l'avantage ? Connaïit-on la parti- 
cule autrement que par le réseau, en tenant compte, 
s'il y a lieu, de la mériédrie? 

Quant aux cas où la théorie de Mallard est en dé- 
faut, c'est-à-dire quant aux hémitropies proprement 
dites, la théorie de M. Wallerant n'en explique pas 
une seule. Car on ne saurait qualifier d'explication 
l'affirmalion sans preuve, chaque fois que l’on ren- 
contre un plan de macle, que c'est un plan de” 
pseudo-symétrie de la « particule complexe » ou de 
la « particule fondamentale », plan qui ne se révèle 
que de cetle seule manière, ce qui interdit toute 
vérification. M. Wallerant voit bien que sa théorie, 
pour recevoir un commencement de juslification, 
exigerait que l'on lrouvät partout, où du moins 
dans beaucoup de erislaux {puisqu'on s'est réservé 
comme échappatoire les éléments spéciaux à la par= 
ticule fondamentale), tout l'ensemble des éléments 
de groupement disposés comme dans les Feldspaths 
ou la Staurotide suivant les positions approchées 
des éléments de symétrie d'un polyèdre. C'est ce 
qui n'a pas lieu en général. Il faut cependant que la 


£ 
particule Sy “ue et voici jusqu'où peut aller sa 
 Souplesse ! dans la Ealcite, où les éléments de 


“nacle sont précisément disposés comme les élé- 
ents de symétrie d'un cube déformé, ce cube, qui 
“est le rhomboëdre primitif bien connu, est tel que 
lune de ses faces, au sommet ternaire, 
'arète non adjacente, un angle de 109°8"! 


fait avec 
Si une 


déformation de 19° conserve la pseudo-symétrie, si 
Ja face du rhomboèdre équiaxe b! peut être consi- 
lérée comme sensiblement perpendiculaire à celle 
lu primitif, si on la considère comme une légère 
déformation du dodécaèdre rhomboïdal, c'est 
qu'alors les mots de pseudo-symétrie et de symé- 
trie limite ont perdu non seulement tout sens pré- 
Cis, mais même toute signification physique aussi 
“vague que l'on voudra. Considérer ce plan comme 
“un plan de pseudo-symétlrie, c'est vraiment user 
inconsciemment d'un trompe-l'œil. Mallard aussi à 
dit que le réseau de la Calcite était pseudo-cubique, 
Ce qu'il a eu soin d'ailleurs de justifier par d'autres 
considérations que celles tirées de la forme ou 
des macles de ce minéral, mais ce n'est pas du 
primitif de la Calcite qu'il a jamais songé à faire 
un pseudo-cube. 

. L'exemple de la Calcite, pris entre cent autres, 
ëéstun des plus typiques. Les plans de macle de 
2 minéral sont incompatibles avec aucun sys- 
“ième de symétrie ou de pseudo-symétrie possible 
dans un polyèdre. Et le fait qu'ils sont cepen- 
dant placés, par rapport au rhomboëdre pri- 
Mitif, comme le seraient les éléments de symé- 
trie d'un cube {rès déformé par rapport à ce cube, 
montre avec évidence que ce n’est pas en qualité 
“d'éléments de pseudo-symétrie du réseau ni de la 
“particule complexe qu'ils fonctionnent comme plans 
de macle, mais bien simplement comme étant, 
ainsi que les plans de symétrie du cube, les plans 
réticulaires dont le réseau est le plus serré, en un 
mot comme plans réticulaires «importants » selon 
la notion de Bravais et de Mallard. Assurément 
ous les plans réliculaires «importants » ne sont 
pas toujours des plans de macle, et la théorie de 
Mallard sur les macles par hémitropie est insuf- 
fisante en ce qu'elle ne dit pas pourquoi les uns le 
sont et les autres pas. Parfaite en ce qui concerne 
les groupements par pseudo-symétrie, elle laisse 
“presque tout à faire pour les autres. En laissant 
“de côté la subslitution de la « particule » au réseau, 
qui n'ajoute rien à ce qu'on savait, M. Wallerant 
ne s'écarte au fond de l’idée de Mallard qu'en 
ffirmant que /outes les macles sont dues à la 
seudo-symétrie, alors que Mallard, isolant ses 


os par hémitropie, ne tentait même pas d'en 


4 Loc. cit., pp. 55 et 56. 


a 


A. DE LAPPARENT — SUR CERTAINES CONCEPTIONS EN CRISTALLOGRAPHIE 


511 


donner une explication complète. L'exemple de la 
Calcite montre assez à quel point il avait raison. 
En réalité, la question reste exactement au point 
où il l'a laissée. IL ne parait guère douteux qu'un 
seul principe doive permettre de réunir dans une 
même théorie tous les groupements; mais si l’on 
ne peut encore qu'entrevoir dans quelle direction il 
faut chercher ce principe, on peut affirmer cepen- 
dant que ce n'est pas dans celle qu'a indiquée 
M. Wallerant. 

On reste convaincu, à la lecture de ses œuvres, 
que cet observateur sagace, 
tout suggestif et plein d'idées, ne persistera pas 
longtemps, en ce qui concerne la théorie, 
cette voie sans issue, et reprendra la saine tradition 
de logique, de rigueur et de limpidité dont M. de 
Lapparent fait à bon droit la caractéristique de 
l'École française. 


ce théoricien malgré 


dans 


Georges Friedel, 
Ingénieur au Corps des Mines, 
Professeur à l'Ecole des Mines de Saint-Etienne. 


II. — RÉPONSE DE M. DE LAPPARENT 

M. de Lapparent, à qui la direction avait commu- 
niqué en épreuves larticle de M. Friedel, xous à 
adressé la réponse suivante : 


Monsieur le Directeur, 


En vous remerciant de votre obligeante commu 
nicalion, je viens vous demander la permission de 
répondre, en quelques mots seulement, à l'inté- 
ressant article de M. Georges Friedel. 

Il me paraît que ce serait abuser de l'hospitalité 
de la Revue, comme de la patience de ses lecteurs 
si l'on cherchait à prolonger une controverse sur 
un sujet aussi spécial que celui de la Cristallo- 
graphie. D'ailleurs, la plus grande partie des 
observations de M. Friedel passe par-dessus ma 
tête pour atteindre les doctrines de M. Wallerant, 
en face de qui mon savant contradicteur se pose 
comme un adversaire résolu. Or, M. Wallerant me 
paraît bien armé pour se défendre, et je n’entre- 
prendrai pas de plaider ici sa cause, au lendemain 
même du jour où, dans le Zullelin de la Société de 
Minéralogie, l'auteur des Groupements cristallins 
vient de publier un nouveau et remarquable 
travail répondant, ce me semble, à plus d'une 
objection de M. Friedel. Quant au reproche, 
adressé à M. Wallerant, de n'avoir introduit que 
des mots nouveaux, et non des idées nouvelles, je 
crois savoir que plus d’un éminent minéralogiste 
sera surpris de la sévérité d’un tel jugement. 

En ce qui me concerne, je ne veux dire qu'un 
mot, à propos du dédain suprême avec lequel 
M. Friedel traite ce qu'il appelle la « notion singu- 


518 


D' SAINT-REMY — LA VALEUR MORPHOLOGIQUE DES FEUILLETS GERMINATIFS 


lière de moindre action ÿ. Je suis, je le reconnais, 
de ceux qui voient ce principe à la base de toutes les 
opéralions de la Nature. J’y suis même en bonne 
compagnie, si je me reporte à la récente et magis- 
trale étude que M. H. Poincaré a consacrée aux 
théories physiques, et où il établit que le critérium 
d'une bonne théorie est la netteté avec laquelle elle 
met en évidence les deux principes de la moindre 
action et de la conservation de l’énergie*. 
Contestera-l-on que la matière cristallisée repré- 
sente l'ordonnance la plus parfaile et, par cela 
même, la plus stable, dont les particules des corps 
soient susceptibles, ni que le maximum de stabilité 
corresponde au maximum de symétrie? Dès lors, 
en invoquant ces principes, je ne crois pas avoir 
prêté le moins du monde au ridicule, ni abandonné 
le terrain scientifique pour pénétrer dans le « do- 
maine littéraire » et celui des « poéliques images ». 


Ou alors, il faudrait trailer de poète celui qui È 
prend plaisir à remarquer que les deux lois expé- 
rimentales, de la réflexion et de la réfraction des 
rayons lumineux sont telles qu'on pouvait les pré= 
voir à priori en vertu du principe de la moindre 
action. 

Je terminerai en me félicitant d'avoir pu, grâce à 
l'obligeance de la Revue, attirer sur la cause de lan 
Cristallographie une attention que cette spécialité 
n'est pas accoutumée à rencontrer. Quelle que 
doive être l'issue du débat engagé, on y recueillera 
du moins, je pense, cette impression, que la 
science des Haüy et des Bravais compte toujours 
dans notre pays des adeptes d'une rare distine- 
tion. 

A. de Lapparent, 


Membre de l'Institut, 
Professeur à l'Institut Catholique de Paris: 


AIS 5. 


LES IDÉES ACTUELLES 
SUR LA VALEUR MORPHOLOGIQUE DES FEUILLETS GERMINATIFS 


On sait qu’on désigne sous le nom de blastoderme, 
dans le développement des Métazoaires, l’ensemble 
des blastomères ou cellules de segmentation engen- 
drées par l'œuf fécondé. À moins qu'il n'enveloppe 
dès l'origine une masse centrale de vitellus nutri- 
tif dont la présence modifie les phénomènes, ce 
germe éprouve des changements qui consistent dans 
l'écartement de ses cellules et la formation, en son 
milieu, d'une petite cavité, dite cavité de segmenta- 
tion. Sous sa forme typique, le germe constitue alors 
une blastula, et le blastoderme représente une 
couche unique dont les éléments vont subir des 
phénomènes de mulliplication, qui aboutissent en 
définitive à la constitution de deux couches ou 
feuillets germinalifs primordiaux emboîtés lun 
dans l'autre, dont l’un (ectoderme primitif) limite 
le corps de l'organisme vers l'extérieur, l'autre 
(endoderme primitif) la cavité digestive, primilive 
ou archentéron. Cette forme embryonnaire, consli- 
tuée par deux feuillets germinaltifs, est: désignée 
sous le nom de yastrula. 

Des deux feuillets primordiaux dérivent les feuil- 
lets définilifs par séparation d'un troisième, le mé- 
soderme ou feuillet moyen: celui-ci constitue un 
complexe cellulaire issu tantôt de l'ectoderme, 


4 Voyez H. Pomncané : Les relations entre la Physique 
expérimentale et la Physique mathématique (Rapport pré- 
senté au Congrès international de Physique), dans la /evue 
générale des Sciences du 15 novembre 1900, t. XI, p. 1163 et 
suivantes. 


tantôt de l’endoderme primitif, tantôt d'une zone 
indifférente des deux, tantôt de cellules parti- 
culières pouvant provenir elles-mêmes de di- 
verses cellules des premiers stades de la segmen- 
lation. L'ectoderme et lFendoderme définitifs ne 
sont, en Somme, que la persistance de l’ectoderme 
et de l’endoderme primitifs, qui se continuent res- 
pectivement en eux soit dans leur totalité, soit par- 
liellement. Aussi ces deux feuillets définitifs gar- 
dent-ils, aux yeux des embryologistes, la même 
valeur que les feuillets primordiaux. 

La raison d'être des feuillets, leur valeur morpho- 
logique ont préoccupé depuis longtemps les embryo= 
logistes, et deux théories, ou mieux, deux sortes 
de théories ontéléproposées pour expliquer leur ori- 
gine:les uns (His, Gütte) en attribuent la formation 
à des causes purement mécaniques; les autres 
depuis les travaux de Hæckel, voient dans le déve" 
loppement des feuillets la répétition ontogénétique 
d'une phase ancestrale. C’est la célèbre {héorie des 
la Gastreæa, élablie par Hæckel, reprise et modifiées 
par Melschnikoff, Ray Lankester, les frères Hert= 
wig. On en connaitle principe. La gastrula paraît 
se rencontrer, sous une forme plus ou moins carac= 
térisée, dans loutes les grandes sections du règne 
animal, et constituer un stade commun à tous les 
Métazoaires. Ge stade ne serait que la réapparilion, 
dans l'ontogénie, d'une forme ancestrale : la (ras= 
tra, dont les Cælentérés adultes, constilués par 
deux couches séparées par une lame anhiste, repro- 


RÉ LE US 


D: SAINT-REMY — LA VALEUR MORPHOLOGIQUE DES FEUILLETS GERMINATIFS 579 


duisent encore actueilement le type. Cette ingé- 
nieuse interprétation est fondée d'une part sur cette 
idée que l’ontogénie n'est autre chose que la réca- 
“pitulation de la phylogénie, et d'autre part sur l'exis- 
“tence générale de l’ectoderme et de l'endoderme, 
considérés comme respectivement homologues chez 
ous les animaux, c'est-à-dire doués de propriétés 
spécifiques qui se transmettraient aux éléments des 
tissus et des organes dérivés de chacun d'eux, 
organes naturellement bien déterminés. Quant au 
euillet moyen, il n’y a pas lieu d'en tenir compte: 
est un complexe secondaire, d'origine variable, 
u'il est impossible d'homologuer dans les divers 
roupes. 

Cette théorie phylogénétique a eu le plus grand 
uccès auprès de la majorité des zoologistes, très 
isposés à admettre les deux principes de la réca- 
pitulation ontogénétique et de l'homologie des 
euillets germinatifs, principes en apparence bien 
émontrés par de nombreux faits. Or, il s'en faut 
e beaucoup qu'on tienne aujourd'hui ces deux 
ases pour aussi inébranlables qu'elles le parais- 
aient à l'origine. Je ne veux pas m'occuper ici de 
la doctrine de la récapitulation ontogénétique : 
elle a subi des criliques sérieuses dans ces der- 
nières années (Oppel, Keïibel), et ne parait pas pou- 
voir être maintenue en tant que loi fondamentale 
iogénétique ; mais le sens général en subsiste 
Loujours, à savoir que l’ontogénie, sans êlre une 
récapitulation exacte de la phylogénie, présente 
parfois des stades correspondant à des élats 
adultes d'êtres plus inférieurs. Le principe de 
l'homologie des feuillets, la « théorie des feuillets 
germinatifs » (Keimblätterlehre), suivant l'expres- 
sion courante, mérite à lui seul une élude appro- 


Un point important à fixer tout d'abord, c'est 
de savoir ce qu'il faut entendre exactement par 
feuillet germinalif. La notion du feuillet parait très 
claire à première vue; elle est cependant moins 
simple à établir nettement, lorsqu'on veut donner 
une définition précise. Pour définir les feuillets 
germinalifs, on peut se placer soit au point de vue 
morphologique, soit au point de vue physiologique, 
c'est-à-dire qu'on peut les définir soit comme des 
“couches de l'organisme caractérisées par une cer- 
| taine situation, ou bien, au contraire, comme des 
‘is cellulaires, ébauches de certains organes, 
. destinés à remplir certaines fonclions. Braem s'est 
_ montré, dans ces derniers temps, un défenseur 
. convaincu du point de vue purement physiologique 
ou mieux organologique. Il déclare que « le con- 
_ cept du feuillet germinalif n'est nullement mor- 
_ phologique, mais physiologique. Les feuillets sont 


des formateurs d'organes. Le feuillet germinatif 
existe avant d'être morphologiquement reconnais- 
sable, indépendamment de tous les processus 
morphologiques. Une couche est un endoderme, 
non parce qu'elle est le feuillet interne d’une gas- 
trula, mais parce qu'elle présente les caractères 
physioïogiques du feuillet intestinal, soit qu'elle 
les possède déjà, soit qu'elle les acquière dans le 
cours du développement ultérieur. » 

Ce concept physiologique, incompalible avec la 
théorie morphologique des feuillets, soulève de 
trop sérieuses objections pour pouvoir être acceplé. 
Par exemple, en s’en tenant à la définition de 
Braew, les portions terminales, antérieure et pos- 
térieure, du tube digestif, devraient être stricte- 
ment qualifiées d'endoderme, alors qu'elles font 
manifestement partie d'un autre syslème que l'in- 
testin moyen. L'auteur cherche à se tirer de cette 
difficulté en- disant que ces régions ectodermiques 
servent seulement au passage des aliments, et n'ont 
rien à voir avec la digeslion proprement dite, ar- 
gument spécieux, car, en fait, l'intestin antérieur 
joue un rôle dans la digestion (glandes salivaires), 
et l'intestin postérieur peut avoir également un 
rôle physiologique important dans l'absorption. 
Au surplus, on sait que, dans quelques cas, les 
cellules de l’ectoderme contribuent à l’alimentation 
de l'embryon (cellules de l'épiderme du manteau 
chez les larves d'Anodonte, des houppes choriales 
des Mammifères); il faudrait alors les qualifier 
d'éléments endoderimiques (Faussek). Enfin, comme 
le remarque Samassa, ce qu'on arrive à distinguer 
en se conformant à la définilion de Braem, ce n'est 
plus un feuillet germinatif, c’est un organe pri- 
milif. La notion du feuillet ne peut donc être éla- 
blie sur une base exclusivement physiologique el 
organogénique ; là où cela semble possible, on ar- 
rive seulement à exprimer des analogies physiolo- 
giques, sans valeur au point de vue de la morpho- 
logie comparée. Les embryologisles n'admettent 
donc en général que le concept morphologique el 
les définitions dans lesquelles le rôle organogé- 
nique du feuillet n'inlervient pas. Telle est la défi- 
nilion proposée par O0. Herlwig, réservant le nom 
de feuillet germinalif à « toute couche de cellules 
embryonnaires disposées à la façon d'un épithé- 
lium et servant à délimiter soit la surface, soit une 
grande cavilé du corps », ou celle, moins étroite, 
de V. Faussek, interprétant « comme feuillets ger- 
minalifs, dans tous les cas lypiques, les divers 
complexes cellulaires qui se différencient dans 
l'embryon après ou même déjà pendant la segmen- 
tation. » 

C'est aux feuillets ainsi compris dans un sens 
morphologique, que les auteurs ont attribué une 
homologie complète dans les différents groupes du 


580 


D' SAINT-REMY — LA VALEUR MORPHOLOGIQUE DES FEUILLETS GERMINATIFS 


règne animal, une spécificité organogénique et 
histologique absolue. On avait vu maintes fois le 
feuillet externe (feuillet sensitif) produire le revé- 
tement externe du corps, le système nerveux cen- 
tral, les extrémités antérieure et postérieure du 
tube digestif, le feuillet interne (f. végélatif) donner 
l'intestin moyen et ses annexes (foie, etc.) : on 
n'imaginait pas qu'une autre filiation fût possible. 
Pour la plupart des embryologistes, chez tous les 
Métazoaires, tous les organés identiques, histologi- 
quement et physiologiquement, devaient toujours 
provenir exclusivement de couches germinatives 
de même siluation. Mais de nombreuses observa- 
lions sont venues contredire les idées reçues, et 
faire naître des doutes de plus en plus forts sur la 
réalité de la spécificité et de l'homologie des feuil- 
lets germinatifs. C'est l'exposé de quelques-uns de 
ces faits et l'examen de ces doutes que nous nous 
sommes proposé. On peut les grouper en deux 
catégories, suivant qu'ils sont tirés de l'étude du 
développement embryonnaire même, ou de l'étude 
de la régénération et du bourgeonnement. 


IT 


Les faits embryologiques contraires à la notion 
de l'homologie et de la spécificité sont nombreux, et 
ilest impossible de les énumérer tous. Gütle, Kowa- 
levsky et Marion, Kôlliker, les frères Hertwig eux- 
mêmes ont apporté des preuves irrécusables que 
chaque feuillet, considéré dans l’ensemble du règne 
animal, est capable de donner naissance à plusieurs 
tissus, peut-être à tous. Les frères Hertwig recon- 
naissent que « les feuillets germinalifs ne sont ni 
des unités organologiques, ni des unités histologi- 
ques »; mais ils refusent cependant d'en tirer un 
argument contre leur homologie. L’ectoderme et 
l'endoderme peuvent bien former des organes 
variés; à leurs yeux, ilsn'en restent pas moins res- 
pectivement homologues dans le règne animal, en 
tant qu'ils offrent partout les mêmes rapports de 
situation et qu'ils représentent les deux couches 
fondamentales de la gastrula, — argument faible, 
puisque l'homologie organogénique prouverait 
seule que ces couches ne doivent pas leur disposi- 
tion à de simples conditions mécaniques. 

Les observations plus récentes ont montré des 
différences très remarquables dans le mode de for- 
mation des mêmes organes dans des groupes voi- 
sins d'une même subdivision du règne animal. On 
connait des faits de substitution d’un feuillet à un 
autre dans le développement du tube digestif chez 
les Arthropodes et les Mollusques, où, dans certains 
cas, on à constaté la dégénérescence totale des élé- 
ments endodermiques chargés d’assimiler une 
énorme quantité de réserves vitellines, et usés de 


bonne heure par leur fonction digestive. Ainsi, chez 
les Insectes ptérygotes, l'endoderme disparait sans 
former aucun organe de l'adulte : l'intestin moyen“ À 
se constitue aux dépens d’ébauches ectodermiques 
(Graber, Korotneff, Heymons, Lécaillon, Pratt)M 
Chez les Céphalopodes, l'endoderme se détruit de 
même (Bobretzky, Vialleton, Faussek) et le méso= 
derme donne naissance à sa place aux organes 

formés par lui chez les autres Mollusques (intestin 
moyen, foie). Récemment, Conte a observé égale 
ment la dégénérescence lotale du feuillet interne 
chez des Nématodes, et la formation de l'intestin 
moyen par le mésoderme issu du feuillet externes 


IIT 


L'étude de la régénération et de la reproduction 
asexuée par bourgeonnement a fourni les argu= 
ments les plus forts contre la doctrine de-la spéci-= ; 
ficité. Acceptant la théorie des feuillets germinatifs 
dans toute son intégrité, on admettait autrefois que 
les phénomènes de régénération et de bourgeonne- 
ment devaient se conformer à ses indications. I 
paraissait impossible que le même organe püt se 
développer aux dépens de dérivés de deux feuillets 
différents chez deux formes d’une même espèce 
polymorphe, ou chez un même individu dans un 
cas de régénération. Les premières observations 
contraires semblèrent douteuses, car elles ébran- 
laient les bases mêmes de la théorie des feuillets, 
comme le remarquaient avec justesse Van Beneden 
etJulin. Or, les recherches poursuivies dans ces der-m 
nières années ont montré que si le plus souvent 
les organes se régénèrent, ou bien se constituent 
dans le bourgeon, aux dépens de dérivés du même 
feuillet germinatif que celui qui leur donne naïis- 
sance chez l'embryon, ce n'est pas cependant une 
règle absolue, et l’on peut voir un organe d'origine 
embryonnaire ectodermique, par exemple, sen 
former dans la régénération ou le bourgeonnement, 
grâce à la prolifération d’un dérivé endodermique: 
C'est ce qu'on appelle l’hétéromorphose d'origine 
(Bergh, Labbé’), où mieux l'héféroblastie (Sa=m 
lensky). 

Comme exemples de régénération hétéroblas-s 
tique, on pourrait citer les observations de F. Wa= 
gner etde Rievelsur la régénération du tube digestif 
de certains Turbellariés et Annélides, si la valeur 
de ces résultats n'avait élé considérablement di- 
minuée par des rectifications de F. Wagner lui- 
même. Mais Haase à fait connaître que, dans la 
régénéralion de l'extrémité antérieure des Tuhifex, 
le pharynx se reconstitue aux dépens de l'épithé- 


À 


! Lanné : L'hétéromorphose en Zoologie, Revue générale 
des Sciences, t. VIII, 1897. 


D: SAINT-REMY — LA VALEUR MORPHOLOGIQUE DES FEUILLETS GERMINATIFS 


581 


est ectodermique dans le développement embryon- 
aire. M. von Bock a vu également, chez le Chæ- 
“ogaster diaphanus, les intestins antérieur et posté- 
rieur se régénérer aux dépens de l’endoderme, à 
“l'exception d'une petite région tout à fait terminale 
Correspondant respectivement à la bouche et à 
lanus. D'après les observations de Michel, la régé- 
nération caudale chez les Annélides se fait par 
un bourgeon épidermique exclusivement ectoder- 
mique,aux dépens duquel se différencient des tissus 
qui, chez l'embryon, proviennent respectivement 
des divers feuillets germinalifs. Il semble que dans 
la génération l'organisme jouisse de la plus grande 
liberté dans le choix des matériaux nécessaires, et 
se règle sur desraisons physiologiques ou purement 
mécaniques. La nature, suivant l'expression de 
M. Von Bock, ne se laisse pas enfermer dans le 
Schéma que lui impose l'application stricte de la 
héorie des feuillets. 

Certaines observations de reproduction asexuée 
sont encore plus nettes et plus indiscutables. On 
tenait autrefois pour absolument nécessaire que, 
dans ce mode de reproduclion, des éléments issus 
de deux feuillets germinatifs fondamentaux pris- 
Sent part à la formation du bourgeon. Mais les 
observations directes n'ont pas toujours confirmé 
cette manière de voir, et, s’il en est ainsi dans cer- 
Lains cas, dans d'autres on à vu des organes cor- 
respondants et indubitablement homologues se 
former de façons diverses et aux dépens de feuillets 
germinatifs différents, non seulement dans des 
groupes voisins, mais encore dans la même espèce 
(Seeliger, Salensky). Par exemple, chez les Cœlen- 
térés, l'ectoderme et l’'endoderme de l'individu- 
mère entrent ordinairement dans la conslilution du 
bourgeon, mais Chun à rencontré une exception 
intéressante à cette règle chez deux espèces de Mar- 
gélides où les bourgeons se développent sur le ma- 
nubrium exclusivement par prolifération de cellules 
ectodermiques : la présence de la lamelle de sou- 
tien assure à l'observation une netteté exceplion- 
nelle, et il est indéniable que le nouvel endoderme 
de la jeune Méduse se différencie aux dépens d’élé- 
ments purementectodermiques.Chezles Bryozoaires 
ectoproctes, des trois feuillets qu'on trouve dans 
l'embryon, l'ectoderme est le seul qui se perpétue 
à travers la colonie, le seul qui soit représenté dans 
les individus nés par bourgeonnement, c'est-à-dire 
tous les individus de Ja colonie sauf le premier, né 
d'un œuf. L'étud: du bourgeonnement des Ascidies 
-composées fournit également des faits défavorables 
à la théorie de la spécificité des feuillets. Ainsi, 
pour ne citer que des lravaux récents, Hjort a mon- 
«tré que tous les organes importants de l'animal 
nouveau peuvent se développer aux dépens d'élé- 


. ments de l'animal-mère qui peuvent être exelusive- 


ment lantôt d'origine ectodermique (Botryllus), 
tantôt d’origine endodermique (Polyclinum), quelle 
que soit l’origine ecto-ou endodermique de ces 
organes chez l'embryon. Ces faits ont été confirmés 
par Caullery. Les deux feuillets primordiaux peu- 
vent donc se substituer l’un l'autre dans le bour- 
geonnement. 


LV 


On le voit, les observations contraires à la théorie 
de la spécificité, et par conséquent à l'homologie 
des feuillets, sont assez nombreuses et convain- 
cantes pour nous permettre de croire avec Salensky 
que la valeur future des cellules embryonnaires 
dépend de leur situation, c'est-à-dire en somme de 
conditions mécaniques. Cependant, la foi des parti- 
sans de celte théorie ne se laisse pas si facilement 
ébranler. Les explicalions les plus spécieuses ont 
été imaginées pour diminuer l'importance des faits 
acquis. À propos du processus, plusieurs fois 
observé, de la formation du système nerveux aux 
dépens de l’endoderme dans les bourgeonnements 
des Tuniciers, Ritter objecte que l’ectoderme de 
ces animaux est différencié à un très haut degré, 
n'ayant pour ainsi dire plus qu'une seule fonction, 
la production de la cellulose : par suite il n'est plus 
capable de fournir des différenciations nouvelles, 
il n'est plus un feuillet sensilif, et l’endoderme 
prend sa place. Mais comment expliquera-t-on alors 
que, dans d'aulrescas, c'estprécisément l’ectoderme 
qui fournit tous les éléments du bourgeon ? 

Pour des cas semblables, Rabaud déclare que 
« l’ectoderme, tissu primordial d’où sont nés tous 
les autres, reprend son indifférence initiale », ce 
qui ne souffre aucune difliculté puisque, « surtout 
chez les êtres inférieurs, il n’est pas un tissu étroi- 
tement différencié, qu'il est le feuillet originel ». 
Cela revient à dire, en somme, qu'il a les propriétés 
du feuillet blastodermique unique de la blastula, 
c’est-à-dire qu'il n'a aucune propriété spécifique. 

Caullery, à propos du bourgeonnement des 
Ascidies composées, el Calvet, au sujet des Bryo- 
zoaires, estiment qu'il y a lieu d'établir une distinc- 
tion entre le développement embryonnaire et le 
développement par bourgeonnement ou régénéra- 
tion. Le bourgeonnement n'est qu'une reconstitu- 
tion partielle d'un individu : c’est une sorte de régé- 
nération. 

Le bourgeonnement et la régénération, phéno- 
imènes intimement liés, s'effectuent suivant des 
processus post-embryonnaires acquis, et offrant le 
« caractère partiel d'une régénération », tandis que 
le développement par œuf est « un phénomène 
total ». « Le bourgeon porte au plus haut point 
l'empreinte d’une épigenèse, c’est-à-dire d'une 


582 


D' SAINT-REMY — 


LA VALEUR MORPHOLOGIQUE DES FEUILLETS GERMINATIFS 


évolution dépendant avant tout des conditions envi- 
ronnantes. Sa morphologie doit être fondée sur 
cette considération, etne peut ni fortifier ni affaiblir 
la théorie des feuillets » (Caullery). Cette distinc- 
tion est très admissible, mais elle n’enlève rien à 
l'importance de ce fait que des éléments issus d'un 
feuillet peuvent se substituer à ceux d’un autre. 

Pour Hjort, si le bourgeon d'une Ascidie compo- 
sée peut se former aux dépens d’un seul feuillet ger- 
minatif, c'est que ce feuillet n’en est pas au sens 
habituel du mot, et représente, comme les éléments 
de la blastula, «un matériel cellulaire indifférent 
qui doit se transmettre de génération en généra- 
tion ». Une telle interprétation n’est pas pour forti- 
fier la notion de la spécificité. 

L. S. Schull{ze a repris et perfectionné cette théo- 
rie, destinée à détruire l'effet des arguments tirés 
de la régénération et du bourgeonnement. D'après 
lui, la différence du lieu d'origine des cellules- 
mères d'un organe dans l'embryologie d'une part, 
dans le bourgeonnement ou la régénération d’au- 
tre part, n'a aucune importance au point de vue de 
la théorie de l'homologie des feuillets germinatifs 
et de la détermination de l'homologie des organes : 
il suffit d'admettre l'existence d’un matériel spécial 
de cellules destinées à proliférer dans les proces- 
sus de régénération et de bourgeonnement. Dès 
lors, les premiers phénomènes embryogéniques 
n'ont rien de commun avec les phénomènes de la 
reproduction asexuée ou ceux de la régénération ; 
on distinguera les couches formées dans ces cas 
sous des noms nouveaux : ecto-,endo-, mésolemme, 
tout à fait différents des ecto-, endo-, mésoderme 
ou feuillets germinatifs. Seulement, il reste à 
prouver par des observations directes l'existence 
de ce matériel de reproduction asexuée et de régé- 
nération, et, s'il existe, sa présence dans les divers 
feuillets suffit à leur enlever toute spécificité. 

Au surplus, comme le remarque Michel, s'il ne 
faut sans doute pas exagérer le rapprochement des 
développements embryonnaire et régénératif, et 
vouloir pousser le parallèle de la formation de 
l'embryon et du bourgeon jusqu'à une identité 
complète, on doit cependant reconnaître que « la 
spécificité absolue des feuillets conduit à des résul- 
tats absurdes. » .… « Tout processus’ dépendant 
uniquement de conditions internes, nées de l'état 


antérieur, autrement dit de l'hérédité, et de condi- 
tions externes, si les conditions se retrouvent less 
mèmes, le même processus se produit : en dehors 


de là, il n'y a que mots et systèmes. » En somme, 


il y a une sorte de spécificité apparente acquise, 
ou, comme le dit Houssay : « une spécificité de fait, 
capable, en raison de sa longue durée, d'imprimer 
des traces suffisantes pour ne pouvoir, en certains 
cas, être détruites ». Mais, sans chercher à dénier 


toute valeur morphologique à des formations aussi 


générales que les feuillets, il est permis de leur 


refuser l'importance considérable qu’on leur attri-« 
buait autrefois, et de se ranger à l'opinion ancienne» 


de His, Gütte, Külliker, sur leur valeur morpholo- 
gique secondaire. Il n'existe entre eux aucune diffé- 
rence histologique ou physiologique profonde ; ils 
ne possèdent aucune spécificité réelle, mais seule- 
ment une spécilicilé apparente, résultant de ce 
que le plus souvent chacun d'eux se trouve placé 
dans des conditions qui se répètent. Si, dans la 
plupart des cas, ils évoluent chacun suivant des 
processus particuliers, et ne donnent ordinairement 
naissance qu'à des complexes organiques bien 
déterminés, cela doit dépendre de conditions méea- 
niques du développement, et non de propriétés 
vitales intimes de leurs cellules (Faussek). Nous 
conclurons, avec Heymons, qu'on ne peut voir en 
eux des documents pour une théorie phylogéné- 
tique”. 
D° Saint-Remy, 


Professeur adjoint à l'Université de Nancy. 


‘Il n'est pas possible de donner ici la bibliographie assez 
étendue de ce sujet, pour laquelle je suis redevable de pré- 
cieux renseignements à mes amis A. Prenant et L. Cuénot; 


on la trouvera indiquée en grande partie dans les Mémoires 


suivants : 
V. Faussek : Untersuch. ueber d. Entw. d. Cephalopoden. 
Mitth. Zool. St. Neapel, x1v, 1900. 


R. Hevwoxs : Die Embryonalentw. d. Dermapteren u. 
Orthopt. Jena, 1895. 
A. Micure : Rech. sur la régénér. ch. les Annélides. Bull. M 


seientif. France et Belq., xxx1, 1899. 

Er. Ramauo : La régénér.et la cicatris. dans leurs rapports 
avec le dével. embryonn. Arch.gén. de Médecine, 1900. 

SaLexskY : Heteroblastie, Proc. 4 th. Intern. Congr. Zool. 
Cambridge, 1898. 

L. S. ScuuLrze : Die Regener. d. Ganglions von Ciona 
intestinalis L. Jen. Zschr. €. Naturwiss., xxxu1, 1899. 

O. Seeuier : Natur u. allgem. Auffassung d. Knospen- 


AE SLT 


fortpfl. Metazoen. Verhandl. d. deutsch. zool. Geselisch., 6 


Jahresvers. Bonn, 1896, 


. vrage peut se résumer en quelques mots : 


élémentaires de 


BIBLIOGRAPHIE — ANALYSES ET INDEX 


583 


2 


BIBLIOGRAPHIE 


ANALYSES ET INDEX 


1° Sciences mathématiques 


Anuario del Observatorio astronomico äe Santiago 


de Chile, publicado por A. Obrecht, Director del 

Observatorio. Tomes 1 e£ I. — 2 vol. in-8 de 254 et 

184 pages avec planches. Imprenta Cervantes, San- 

tiago de Chile, 1900. 

L'éminent directeur de l'Observatoire de Santiago 
(Chili), M. A. Obrecht, vient de commencer la publica- 
tion des travaux qui y ont été exécutés par lui ou sous 
sa direction. Les deux premiers volumes de l'Annuaire 
de l'Observatoire renferment des Mémoires importants : 
de M. Obrecht, sur la Théorie de la précession luni- 
solaire; de M. Taulis, sur la détermination des coordon- 
nées géographiques de la lunette méridienne de l'Ecole 
navale; de MM. Obrecht et Krahnass, sur la détermina- 
tion de la gravité à Santiago (g—9%,7953) ; de M.Obrecht, 


sur la détermination du mouvement du pôle terrestre 


au moyen de la photographie; de M. J. Taulis, sur les 
coordonnées géographiques et les éléments magnétiques 
de la ville de San Felipe. 


Notes et formules de l'Ingénieur, du Constructeur- 
mécanicien, du Métallurgiste et de l’Electricien, 
ubliées par un Comité d'Ingénieurs, sous la Direc- 
tion de MM. Cu. Vicreux, Répétiteur à l'Ecole Cen- 
trale, et Cu. Mizanpre (12 édition). — 4 vol. in 12 

. de 1500 pages avec 1130 figures (Prix, cartonné : 

42 fr.). E. Bernard et Cie, éditeurs. Paris, 1901. 

Le but poursuivi par les auteurs de cet excellent ou- 
mettre sous 
une forme très condensée tous les renseignements 
dont peut avoir à faire usage un technicien quelconque 
dans l'établissement du projet d’une machine ; donner 
au lecteur le moyen de se faire rapidement une idée de 
la construction ou de l'usage d’une machine ou d'un 
organe mécanique, et des propriétés des matériaux 
employés dans toutes les branches de l’industrie. 

Les chapitres de l'ouvrage donnent successivement 
des formules de Mathématiques pures et appliquées, 
avec les tables numériques correspondantes, des notions 

Mécanique rationnelle, des indica- 
tions sur le frottement et À résistance des matériaux, 
puis des renseignements sur l’'Hydraulique, la Chaleur, 
avec des applications à la tuyauterie, à l'écoulement 
des gaz, aux chaudières, à la navigalion, et, spéciali- 
sant encore, aux fabrications telles que celles du pa- 
pier, du sucre, de la bière. Viennent ensuite quatre 
parties distinctes, consacrées à la Métallurgie, à la 
Traction, à la Balistique et à l'Electricité. Eafin, un 
vocabulaire trilingue termine l'ouvrage. 

Ici pourrait s'arrêter notre tâche; car, devant une 
douzième édition, les éloges peuvent paraitre superflus, 
et les critiques réfutées d'avance par la sanction 
donnée par les lecteurs. Mais ce serait peut-être res- 
treindre trop notre devoir vis-à-vis de nos lecteurs. 

L'énorme profusion des renseignements précis, 
donnés sous une forme aussi réduite que possible, ti- 
rera toujours d'embarras ceux qui auront à faire usage 
des Notes et formules de l'Ingénieur, qui ne devraient 
faire défaut dans la bibliothèque d'aucun technicien et 
d'aucun homme de science. Mais, en y regardant de 
très près, on entrevoit la possibilité de faire mieux 
encore, de critiquer plus complètement les sources, de 
sacrifier une fois pour toutes des données numériques, 
bonnes autrefois, mais qui ne correspondent plus à 
l’état actuel des sciences techniques, tels, par exemple, 
les tableaux de Matthiessen, revisés par les recherches 


récentes en Electricité, ou certaines données concer- 
nant les poids et mesures. Puis, l'impression générale 
qui se dégage, lorsqu'on revoit dans son ensemble Ja 
table des matières, est que, si l’on trouve tout dans 
l'ouvrage, bien des renseignements sont loin de l'en- 
droit où l’on aurait cru devoir les chercher. Pourquoi, 
par exemple, les sondages, les forages, la géologie, les 
poids et mesures sont-ils rattachés à la traction ? Pour- 
quoi les unités ne sont-elles données qu'à propos de 
l'Electricité? C’est, assurément, dans cette science 
qu'elles ont atteint tout d'abord leur plus parfait déve- 
loppement, mais elles se sont heureusement répandues 
tout à l'entour. Pourquoi eucore la densité de la tourbe 
ou de la terre végétale est-elle donnée à la suite de la 
Métallurgie? Pourquoi enlin la résistance des maté- 
riaux est-elle scindée en deux parties, l’une rattachée 
à la Mécanique, l'autre à la Métallurgie ? 

Ces quelques bizarreries donnent un peu l'impres- 
sion d’un ouvrage dû à une collaboration assurément 
très compétente, mais dont le travail n'a pas subi une 
refonte suffisante, et pour lequel, si le souci du détail 
a êté grand, celui de l'homogénéité a été moindre. 

La table alphabétique complète rend, pour la prati- 
que, ce pelit défaut négligeable. Si les auteurs pensent, 
comme nous, qu'il est réel, pour l'harmonie de l'en- 
semble, ils pourront, par quelques transpositions, le 
faire disparaitre dans la treizième édition. 

Cu. Eb. GUILLAUME, 
Physicien au Bureau interaational des Poids et Mesures. 


2° Sciences physiques 


Grimaux (Ed.). — Chimie organique (8° édition). — 
4 vol. in-12 de 462 pages, avec fiqures dans le texte. 
(Prix :5 fr. 50.) — Chimie inorganique (8° édition). 
— 1 vol. in-12 de 533 pages, avec liqures dans le 
texte. (Prix : 5 fr. 50.) Felix Alcan. Paris, 1901. 
Cet admirable petit livre, dont la librairie Alcan 

nous donne aujourd'hui la 8° édition, a été revisé et mis 

au point par l'auteur peu de jours avant sa mort. Ce 
n'est pas seulement aux étudiants en Médecine, pour 
qui l'ouvrage fut d’abord écrit, qu'il a rendu et rendra 
encore des services. Quiconque désire s'initier aux 
choses de la Chimie et prendre une vue nette et précise 

dés lois générales et des méthodes de cette science, a 

le devoir de lire ces deux volumes, véritable chef-d'œu- . 

vre de haute pédagogie scientifique. 

Ed. Grimaux possédait au plus haut degré le don de 
la clarté : il exposait, de façon à être compris de tous, 
la Science la plus élevée, et lui gagnait ainsi des adep- 
tes. Ses lecons à l'Ecole Polytechnique, à la Faculté de 
Médecine, sont reslées célèbres dans le monde des 
Ecoles, et doivent à bon droit être citées comme un 
modèle d'enseignement chimique. Il ne servirait de 
rien d'analyser celles qu'il a professées à l'Ecole de 
Médecine, les faits qu'il y décrit étant de ceux que 
connaissent tous les hommes du métier. Ce qu'il faut 
louer dans cette œuvre, c’est, avant tout, le talent de 
l'écrivain, qui a su s'imposer en chaque chapitre de ne 
pas tout dire, et est arrivé à choisir de la facon la plus 
habile les faits qu'il fallait mettre en lumière et l'ordre 
suivant lequel il convenait d’en parler pour donner au 
lecteur une idée exacle du système positif de la 
Science. : 

En feuilletant ce dernier ouvrage du regretté savant, 
on ne peut s'empêcher de haïr davantage les manœu- 
yres infâmes qui ont troublé les deux dernières années 
de sa vie, et, sans aucun doute, hâté sa fin. 

Louis Oxivier. 


BIBLIOGRAPHIE — ANALYSES ET INDEX 


Park (James), Professeur à la Société Géologique de 
Londres. — The Cyanide process of Gold extrac- 
tion.—1 vol. de127pages avec gravures. (Prix : 6 sh.) 
Ch. Grillin and C°, éditeurs. Londres, 1904. 
L'auteur avait publié la première édition de cet 

ouvrage en Nouvelle-Zélande, mais il l’a considérable- 

ment amplifiée, en y adjoignant les derniers perfec- 
tionnements survenus dans cette industrie si progres- 
sive. Depuis quelques années, l'adaptation des méthodes 
scientifiques au traitement des minerais a rendu la 
métallurgie de plus en plus dépendante des connais- 
sances chimiques, et cela surtout pour les procédés de 

cyanuration appliqués à l'extraction de l'or, car il s'y 

présente souvent des cas fort perplexes provenant des 

causes les plus simples. La description du procédé Mac 

Arthur Forrest, sa théorie et son application pratique, 

les différents moyens d'extraire l'or de ses solutions, 

tels sont les principaux traits de ce petit ouvrage très 
documenté, à la fin duquel un appendice fournit des 
détails inédits sur les nouvelles méthodes de cyanura- 
tion suivies actuellement en Nouvelle-Zélande avec un 


plein succès. EuiLe DEMENGE, 
Ingén'eur-métallurgiste. 


Helot (Jules), Vice-Président de la Chambre de Com- 
merce de Cambrai. — Le Sucre de Betteraves en 
France, de 1800 à 1900. — 1 vol. in-# de 220 pages 
et dessins (Prix : 15 fr.). Imprimerie F. et P. Deli- 
gne. Cambrai, 1901. 

La fabrication du sucre de betteraves est née en 
France, au début même du siècle, La belle découverte, 
purement théorique, de Margraaf, avait été, à la fin du 
xviie siècle, de la part d'Achard, chimiste prussien, 
l’objet d'une exploitation industrielle en Silésie; mais 
Achard, malgré les prodigalités du roi Frédéric-Guil- 
laume IE, malgré l'ingéniosité des procédés employés, 
ne put réussir. C'est le 6 messidor an VIII (4800), que 
Deyeux, membre de l’Institut, fit connaître en France 
les procédés d’Achard, et montra qu'ils pouvaient four- 
nir le sucre de betteraves au même prix que le sucre 
de cannes. On abandonna cette direction imprimée par 
Deyeux pour suivre une chimère, l'extraction du sucre 
de raisins, et ce n’est qu’au moment du blocus conti- 
nental, que de nouveaux efforts furent faits, et que 
Deyeux, Crespel, Drapiez réussirent, chacun de leur 
côté, et la même année (1810), à fabriquer du sucre de 
betteraves en pains. De cette époque datent les encou- 
ragements de l’empereur Napoléon [°', qui, admirable- 
ment secondé par Chaptal et par de Montalivei, sut don- 
ner l'essor à cette industrie nouvelle. Aujourd’hui, 
après cent ans de travail, la production du sucre de 
betteraves s'élève en France à 800.000 tonnes. 

Le moment était donc admirablement choisi pour 
faire une étude rétrospective de cette grande et belle 
industrie, et personne mieux que M. Hélot, l'un des 
fabricants de sucre les plus instruits et les plus achar- 
nés au travail, n'était désigné pour en faire le pané- 
gyrique, à la cérémonie de son Centenaire. 

La question de la fabrication du sucre n'est pas une 
question isolée, au milieu de celles qui intéressent 
l’agriculture et l’industrie francaise; et, quand on se 
propose de l’étudier; il faut prendre à la fois en con- 
sidération la culture de la betterave, les perfectionne- 
ments des procédés, les modifications dans l'outillage, 
l'étabiissement de l'impôt qui frappe le sucre, et la 
concurrence qu'exerce le sucre de betteraves vis-à-vis 
des sucres coloniaux de cannes. 

Ce sont ces considérations que M. Hélot s’est, avec 
beaucoup d'habileté, attaché à faire ressortir dans le très 
bel ouvrage qu'il a publié au moment de l'Exposition 
universelle. La betterave, ou la bette de 4810, qui ren- 
fermait 4 à 5 °/, de sucre, est devenue, par les pro- 
cédés modernes de sélection, auxquels le uom de 
Vilmorin est immortellement attaché, la betterave 
riche à 15 et 20 0/4. L'avenir est peut-être même plus 
intéressant encore à considérer; de grands efforts sont 


faits, en particulier par M. Hélot lui-même, pour repro- 
duire non plus par graines, mais par boutures, les 
betteraves de race riche. Les procédés de défécation à 
l'acide, puis à la chaux, ont lait place aux procédés de 
Possou et Périer. L'outillage s’est complètement trans- 
formé; les râpes et les presses ont été délogées par les 
appareils de diffusion; les chaudières à air libre par 
les chaudières à vide : combien il esi intéressant de 
suivre ces progrès sur les plans que M. Hélot a su re- 
trouver, et qui nous montrent l'installation de sucreries 
modèles depuis 1835 jusqu'à nos jours. Enfin, l'étude 
de la législation des sucres ne doit pas être négligée; 
elle est le reflet de la situation relative des deux indus- 
tries concurrentes de la canne et de la betterave; elle 
elle est également le reflet de la prospérité de l’une et 
de l’autre. Napoléon 1°" donnait des licences aux fabri- 
cants de sucre, et faisait distribuer des secours. Au- 
jourd'hui, l'Etat n'hésite pas à prélever sur chäque sac 
de sucre un impôt de 60 francs. C’est la législation de 
1884, si habilement défeudue par M. Méline, qui a fait 
la prospérité de la sucrerie de 1900. 

Le meilleur éloge que l'on puisse faire des docu- 
ments réunis par M. Hélot dans son livre, se trouve 
dans ce fait qu’un amateur, on pourrait dire un con- 
naisseur, peu scrupuleux, a eu la hardiesse de profiter 
du désordre qui a présidé à l'installation de l'Exposi- 
tion, pour voler les pièces originales que M. Hélot 
avait cru devoir annexer à l'exposition de son ouvrage. 

L. Lixper, 
Professeur à l'Institut National Agronomique. 


3° Sciences naturelles 


Charpentier (H.), Ingénieur civil des Mines. — 
Géologie et Minéralogie appliquées.— 1 ro/. in-120 
de 64% pages avec 115 figures (Bibliothèque du Con- 
ducteur de Travaux publics. Prix cartonne : 8 fr.). 
V* Ch. Dunod, éditeur. Paris, 1901. 


Les cent cinquante premières pages du livre sont 
consacrées à une sorte de résumé des connaissances 
générales sur la Géologie et les roches nécessaires à 
l'ingénieur. L'intérêt propre du livre est de décrire, 
pour chacun des métaux usuels, des principaux maté- 
riaux de construction et des corps variés qui inté- 
ressent l'ingénieur, les minerais, les gites el les pro- 
cédés d'extraction. A ce point de vue, le livre de 
M. Charpentier peut être cité comme un modèle d’au- 
tant plus précieux que Les nombreux faits qu'il ren- 
ferme n'avaient guère été rassemblés jusqu'à présent 
dans des manuels réellement utiles au praticien. Les 
miniers y trouveront des descriptions d'une précision 
extrême, accompagnées d'une foule de coupes et de 
croquis relatifs aux gisements, et d'indications abon- 
dantes sur la production annuelle des diverses mines. 
Au sujet de chaque minéral étudié, est citée la biblio- 
graphie utile qui le concerne. RSS 


Belzung (Er.), Professeur au Lycée Charlemagne, 
Docteur ès Sciences. — Anatomie et Physiologie vé- 
gétales. — 1 vol. 1n-8° de 1.320 pages avec 1.700 gra- 
vures dans le texte. (Prix: 20 fr.) Félix Alcan, 
éditeur. Paris, 4801. 

Les modifications survenues depuis quelques années 
dans la clientèle de nos Facultés des Sciences ont dé- 
terminé l'éclosion d’un certain nombre d'ouvrages 
destinés à familiariser nos jeunes étudiants avec les 
principes généraux de la science des plantes. Aucun 
d'eux n'a l'importance et la portée de celui que nous 
devons à l'expérience pédagogique et à la science de 
M. Belzung. Nulle part, sauf dans les traités destinés 
aux études supérieures, on ne saurait trouver un 
pareil luxe de détails minutieux el circonstanciés; 
nulle part, la méthode d'exposition n'est plus précise: 
C'est un travail de longue haleine auquel l'auteur a 
consacré des années, par lequel il espère étendre à 
diverses catégories d'étudiants le bénéfice d'un ensei= 
gnement qui fait honneur à nos grands lycées. 


» 
: 


Il s'est proposé de donner des principales questions 


- d'Anatomie et de Physiologie végétales un exposé con- 


forme à l'état de la Science. Il y a réussi pour la plu- 
part d’entre elles, et plusieurs chapitres peuvent être 
cités comme des modèles de mise au point aussi exacte 


que possible. 


Ce volume n'est pourtant pas un Traité, dans la 
pensée de l’auteur. Il ÿ voit un livre d'étude, dans 
lequel le lecteur soit à même de trouver un fonds de 
connaissances qui lui permette d'aborder avec fruit les 


ouvrages plus complets et surtout les travaux spéciaux; 


par malheur, en ce qui concerne cette partie du pro- 
gramme, M. Belzung ne donne aucune indication 
bibliographique. Comment le lecteur atteindra-t-il les 
ouvrages plus complels et les travaux spéciaux? Rien 
ne lui permet de les découvrir, si ce n'est, parfois, un 
nom d'auteur accompagnant une figure. Comme livre 
d'initiation, comme livre d'étude, quelque chose man- 
que donc à celui de M. Belzung que tout étudiant doit 
réclamer, c’est la base même de la critique. Comme 
Traité, l'absence complète de renseignements biblio- 
graphiques met le Lecteur dans l'impossibilité de re- 
constituer l'historique des questions, même les plus 
fondamentales. On fait trop aisément fi de l'histoire 
des idées depuis quelques années; on se débarrasse du 
souci de la recherche des sources en la déclarant inu- 
tile et l’ou attribue, sans sourciller, des découvertes 
accomplies depuis de longues années, à des contem- 
porains qui n'y sont pour rien. Certains noms doivent 
être cités parce qu'ils marquent des dates importantes 
qu'il n'est pas permis d'ignorer, sans la connaissance 
desquelles les rapports de la Science et de ses diverses 
parties demeurent insaisissables. 

A une époque où l’activité scientifique est aussi 
grande, tout ouvrage de ce genre, sans bibliographie, 
reste un Manuel, Celui-ci est un excellent Manuel, au- 
quel il faudrait ajouter pourtant des tables détaillées 
des matières pour que chacun y puisse trouver ce 
dont il a besoin. 

Tout y est réparti avec un ordre parfait; l'ouvrage y 
est divisé en dix parties, subdivisées en seclions, en 
chapitres et paragraphes dout l'importance relative est 
signalée par des différences typographiques ; mais celte 
classification, expression d'un dogmatisme savant, pous- 
sant l'analyse jusque dans les plus menus détails, 
éloigne constamment l'esprit des notions synthétiques 
et concrètes. La forme et la structure des organes sont 
étudiées en dehors des fonctions dont ils sont le siège. 
La physiologie externe est séparée de la physiologie 
interne; ces distinctions, tout à fait arbitraires, dérou- 
tent le chercheur. On apprend à connaître la structure 
de la plante, des tissus qui la composent, des membres 
qui la forment, sa croissance, sa mulliplication, la di- 
gestion, l'absorption et la circulation des aliments 
avant d'aborder l'étude des phénomènes dont dépend 
l'assimilation de l'aliment par la cellule verte. On ne 
sait pas encore ce qu'est la cellulose qu’on connait en 
détail la structure de la membrane ; on ne connait pas 
la feuille, mais on a épuisé l'étude des stomates. On est 
en présence d'un Manuel complet de Chimie biolo- 
gique sans qu'on sache ce qu'est le tissu où s’opèrent 
toutes les transformations. C’est se priver à plaisir des 
moyens de relever l'intérêt de son sujet; il n’est pas 


possible d'établir les relations de cause à effet. A peine 


peut-on les indiquer en se mettant en contradiction 
avec le principe de la division admise. 

Chaque chapitre, chaque paragraphe doit être consi- 
déré en lui-même, comme un article de dictionnaire 
très soigneusement rédigé, trop indépendant de ses 
voisins. C'est pourquoi, malgré toute l’érudition qu'il a 
apportée à ce travail, M. Belzung ne nous parait pas 
avoir atteint le but qu'il se proposait. Il destine son 
livre aux étudiants des Universités et des grandes 
écoles et il n’en a pas fait un livre d'enseignement 
supérieur. 

Il ne faut pas perdre de vue la différence profonde 
qui devra exister entre le lycéen et l'étudiant, aussi 


REVUE GÉNÉRALE DES SCIENCES, 4901. 


BIBLIOGRAPHIE — ANALYSES ET INDEX 


En) 


longtemps que l’enseignement secondaire des Sciences 
naturelles conservera le caractère encyclopédique et 
scolastique qu'on lui a donné. Les jeunes gens qui 
quittent les bancs du lycée ont tout appris, mais 
ils ne savent rien par eux-mêmes; ils n'ont aucune 
certitude. Poussez-les; ils répondent invariablement : 
C’est ce qu’on nous a dit: Magister dixit. Cette mé- 
thode peut-elle être appliquée dans les Universités? — 
Ce serait le pire des maux. Les maîtres de l’enseigne- 
ment supérieur doivent considérer les jeunes étudiants 
comme n'ayant aucune notion personnelle des objets 
qu'étudient les sciences biologiques. 

La critique ne s'adresse pas seulement à l’œuvre de 
M. Belzung, mais à tous les ouvrages destinés à ceux 
qui abordent, en Krance, les études supérieures de 
sciences biologiques. Elles sont traitées, en général, 
comme des sciences abstraites ayant la Nature pour 
objet. L'étude de la Nature est bien le thème développé ; 
mais il semble que la Nature soit hors d'atteinte, qu'on 
ne puisse la voir. Les auteurs parlent des objets qui 
les entourent comme ils parleraient des étoiles, comme 
si eux-mêmes ne les connaissaient pas. Ils citent indit- 
féremment comme exemples les espèces les plus vul- 
gaires et celles qu'on ne voit jamais. Ils Ggurent avec 
soin des détails anatomiques qui n'en laissent pas 
moins dans le monde des abstractions les plantes les 
plus répandues auxquelles ils sont empruntés. 

La plante est le substratum de phénomènes connus 
dans tous leurs détails, mais le substratum est quel- 
conque, comme le ballon ou le creuset où s'accomplit 
une réaction chimique. 

Si cette méthode n’a pas étouffé les aptitudes natives 
et latentes pour l'observation, s'il reste encore chez le 
jeune homme quelque attrait naturel pour la Nature, 
assez fort pour déterminer le choix d'une carrière, 
médicale, agricole ou autre, notre devoir est d'éprou- 
ver ces aptitudes au plus vite, de les développer si elles 
sont réelles et de diriger ailleurs les jeunes hommes 
lorsqu'elles ne sont pas confirmées. 

Il s’agit beaucoup moins pour nous de bourrer l’es- 
prit et la mémoire de la masse des faits acquis à la 
Science que de former l'esprit à l'observation person- 
nelle. Que le jeune étudiant soit mis, dès le premier 
jour, en face de la Nature pour l’interroger lui-même, 
qu'on lui mette entre les mains les moyens de contrô- 
ler les faits sur lesquels le maître s'appuie et d'en 
faire la preuve, et, s’il est capable de penser, on verra 
bien vite se développer chez lui la curiosité de l'obser- 
vation personnelle, l'esprit de contrôle et de critique. 

Le devoir de former des intelligences à l'observation 
personnelle préoccupe tous ceux des maitres de l'en- 
seignement supérieur qui vivent en contact constant 
avec leurs élèves. Il n’est pas besoin, pour y réussir, 
de tout enseiguer; il faut et il suffit que, suivant le but 
qu'il poursuit, l'étudiant puisse se (aire une opinion 
personnelle sur la majorité des faits qu'on lui enseigne. 
Dans l’enseignement des sciences biologiques, l’ensei- 
gnement de l’amphithéâtre doit être subordonné; il est 
la synthèse et le complément de l'enseignement des 
laboratoires. Le laboratoire, c'est l'observation de la 
nature endiguée, régularisée, dirigée; mais, il ne faut 
pas l'oublier, la Nature ne se laisse pas emprisonner 
et contraindre; bon gré mal gré, il faut y revenir ou 
mieux commencer par elle et lui demander tout ce 
qu'elle peut donner directement. On ne peut être natu- 
raliste, si on ne sait pas observer la Nature: aucun des 
ouvrages destinés à nos jeunes étudiants ne les attire 
vers elle. Il fallait bien enfin signaler ce défaut. L'œuvre, 
pleine d'érudilion, de M. Belzung, nous en a fourni l’oc- 
casion. Si, comme nous l'espérons, il en donne bientôt 
une nouvelle édition, il en fera, sans peine, une œuvre 
très utile en mettant entre les mains de ses collègues 
de l’enseignement secondaire un résumé aussi complet 
que précis de nos convaissances sur l'anatomie et la 
physiologie des plantes. C. FLAHAULT, 

Professeur de Botanique 
à l'Université de Montpellier. 


12** 


586 


Be Ribaucourt (Edouard), Préparateur à la Fa- 
culté des Sciences de Paris. — Etude sur l’anato- 
mie comparée des Lombricides (7hèse pour le doc- 
torat de la Faculté des Sciences de Paris). — 1 bro- 
chure de 120 pages, avec 54 figures dans le texte et 
8 planches hors texte. Bulletin scientifique de la 
France el de la Belgique, 3, rue d'Ulm, Paris, 1901. 
M. de Ribaucourt est déjà connu par ses travaux 

antérieurs sur les Vers de terre, et la thèse qu'il sou- 

tint, en 1896, devant l'Université de Berne, sur la 

Faune des Lombricides de la Suisse, lui avait marqué 

une place à part parmi les spécialistes. 

Sa thèse de Paris (1900) débute par une étude sur la 
faune des Lombricides des environs de Paris. Cette 
faune n'est pas riche en espèces variées. On y trouve 
seulement vingt-quatre types principaux, dout trois 
entièrement nouveaux et cinq constatés pour Ja pre- 
mière fois dans cette région. 

Jusqu'à ce jour, les auteurs ont eu tendance à étendre 
à toute la famille des Lombricides les résultats par- 
tiels, spéciaux, auxquels ils étaient arrivés par l'étude 
d'une seule espèce, 

L'étude anatomique et histologique démontre l'inex- 
actitude de celte méthode. 

Outre les stries connues de la cuticule, il existe, chez 
plusieurs espèces, de grandes lignes transparentes, 
visibles à un faible grossissement et formant cadre 
aux petites stries, qui ne sont, elles, apparentes qu'à 
un très fort grossissement. A la partie inférieure de 
la cuticule adhère une couche très mince de matière 
amorphe, limitée aux petites stries et dans lesquelles 
elle se trouve moulée. Il est à remarquer que le grou- 
pement des fibrilles musculaires longitudinales varie 
suivant les espèces. Quant au muscle buccal, il peut, 
soit ne former qu'une seule masse (Lumbricus), soit en 
constituer plusieurs dans autant de segments (A//urus). 

Si l’on fait l'étude comparée des dissépiments, de 
l’æsophage, des fibres longitudinales du jabot, on 
voit qu'ils peuvent varier considérablement, non seule- 
ment suivant les genres, mais encore suivant les 
espèces. 

Il en est de même de l'anatomie comparée des 
glandes calcifères de Morren. L'auteur, qui en a déjà 
lait la description dansune Communication à l'Académie 
des Sciences (19 juin 1899), étudie plus à fond cette 
question, et appuie de nombreux dessins son étude. 
Il décrit ensuite l'anatomie du gésier et mentionne la 
striation des fibrilles qui forment les bandelettes mus- 
culaires de cette partie du tube digestif. 

Parlant du typhlosolis, il fait remarquer que cet 
organe peut être constitué par une simple lame ou être 
compliqué par la présence d'un feuillet multilobé. 
Entre ces deux dispositions, s'observe une série de 
types de passage. Quant au plasma sanguin, il se 
sépare, après fixation, en deux masses distinctes, une 
jaune et une brune, dans lesquelles sont disséminées 
des vacuoles non colorables. À mentionner de nom- 
breuses cellules amiboïdes, avec ou sans noyaux. 

M. de Ribaucourt a trouvé, dans le vaisseau dorsal, 
de véritables valvules correspondant à la segmentation 
externe (Lumbricus festivus). Ces valvules ne sont 
pas visibles chez tous les Lombricides. 

Nous appellerons tout spécialement l'attention sur le 
fait suivant, mentionné par l’auteur dans sa thèse, et 
qui nous paraît présenter un intérêt biologique consi- 
dérable : Il existe chez certaines espèces, au sortir des 
pavillons vibratiles, de véritables épididymes, semblables 
à celles que l’on observe chez les Hirudinées. 

Le travail se termine par une étude sur les chlora- 
gogènes et les éléments figurés (lymphocytes) du li- 
quide lymphatique (liquide périviscéral, plasmatique, 
d'autres auteurs), qui æarient de forme, de structure, 
uon seulement chez des espèces différentes, mais chez 
une même espèce. 

Pour l’auteur, les spermatophores se forment sur 
l’anneau qui les porte et non pas dans les spermathè- 
ques, comme on l’a cru jusqu'à présent. 


BIBLIOGRAPHIE — ANALYSES ET INDEX 


M. de Ribaucourt met en doute, aussi, le processus. 


de fécondation admis jusqu'à ce jour chez les Lombri- 
cides. 


Parlant des parasites, il cite le fait curieux d'une- 


mue de la cuticule des Nématodes enkystés à la partie 
caudale et celui d'Enchytræides carnivores tuant 
d'avord les Lombrics pour les absorber ensuite. 

On peut voir, par cette rapide analyse, que les Lom- 
bricides présentent entre eux de notables différencia- 
tions anatomiques. 

La thèse de M. de Ribaucourt, très consciencieuse, fait 
honneur à l’auteur, qui a su mettre en relief des 
faits nouveaux, particulièrement intéressants au point 
de vue biologique. Marius PERRIN. 


4° Sciences médicales 
Dubois (Raphaël), Professeur à l'Université de Lyon 


et Couvreur (Edmond), Chefdes Travaux pratiques 
de Physiologie à la Faculté des Sciences de Lyon. — 


Leçons de Physiologie expérimentale. ! vo/ 1n-80: 


de 388 pages, avec 303 gravures. (Prix, cartonné : 
14 fr.) Carré et Naud, éditeurs. Paris, 1901. 
Comme son titre l'indique, ce livre n’est pas un 


traité de Physiologie, mais bien une série de leçons 


faites dans le laboratoire, sous la forme de démonstra- 
tions pratiques. 

Dans ce travail, les auteurs se sont surtout préoccu- 
pés de décrire minutieusement les principes de l'expé- 
rimentation physiologique; on sait de quels progrès 
énormes la Physiolouie est redevable à cette méthode 
d'investigation, et l'on n'ignore pas davantage les 
idées otisinales qu'elle peut suggérer à ceux qui 
l’emploient, tout en développant chez eux l'esprit eri- 
tique dans une large mesure. 

Mas, pour aborder l'expérience sur l'animal vivant, 
il est un certain nombre de principes qu'il faut con- 
naïtre parfaitement, et, pour chaque vivisection, il est un 
manuel opératoire auquel il faut s'astreindre rigoureu- 
sement alin de mener à bien les recherches entreprises. 
Ce sont ces notions indispensables qui, groupées en 
trente et une leçous, font l'objet du livre de MM. Dubois 
et Couvreur. 

Après avoir décrit les principes de la méthode gra- 
phique et des appareils enresistreurs, les auteurs 
traitent de la contention des animaux en général et de 
leur insensibilisation. Deux lecons sont consacrées aux 
généralités sur les opérations, à l'asepsie et à l’antisep- 
SIER 

« Alors même que le sujet serait destiné à être sacri- 
fié après l'expérience, disent les auteurs, le vivisecteur 
doit appliquer aussi rigoureusement que le chirurgien 
les règles de l’antisepsie et de l’asepsie. 

« C’est une mauvaise discipline que d’avoir deux 
manières d'opérer, car certains détails de la méthode 
anti-infectieuse seront fatalement négligés quand on 
voudra l'appliquer exceptionnellement pour conserver 
des animaux vivisectés. » 


Puis, viennent les expériences relatives aux propriétés 


générales des nerfs, des centres nerveux et des muscles, 
et celles qui ont trait à la respiration et à la circula- 
tion. Les différentes manipulations classiques de Chi- 
mie physiologique forment enfin la substance de huit 
leçons. 

Le tout est écrit dans un style à la fois simple et: 
précis et dont l'intelligence est rendue très facile 
par la présence de nombreuses figures, la plupart 
schématiques, qui illustrent l'ouvrage. 

Les auteurs destinent spécialement leur livre aux 
étudiants des Facultés des Sciences, préparant le Certi- 
ficat d'études supérieures de Physiologie générale. 
Disons, pour conclure, qu'il intéressera un bien plus 
grand nombre de lecteurs, et que tous, biologistes, 
médecins, chirurgiens, vétérinaires, trouveront dans 
ces Lecons de précieuses notions et d'utiles renseigne- 


ments. JULES LESAGE, 
Chef des Travaux de Physiologie 
à l'École vétérinaire d'Alfort. 


re die sé. st nt de à 


ACADÉMIE DES SCIENCES DE PARIS 


Séance du 28 Mai 1901. 


M. le Secrélaire perpéluel annonce. Je décès de 
M. Marès, Correspondant de la Section d'Economie 
‘rurale. 

19 SGIENCES MATHÉMATIQUES. —M. Bouquet de la Grye 


décrit les travaux et les calculs qui ont été faits pour 


obtenir la parallaxe du Soleil, d'après les observations 
du passage de Vénus sur le Soleil, enregistrées par les 
Missions françaises en 1882. Par la méthode des con- 
tacts, on obtient la valeur 8",80 à un centième de se- 
-conde d'arc près. — MM. Rambaud et Sy présentent 
leurs observations de la comète 1901 à faite à l'équato- 
rial coudé de l'Observatoire d'Alger. — M.C. Duprat 
a observé une comète à la Guadeloupe, le 9 mai, vers 
‘sept heures du soir; c’est la comète 1901 a. — M. A. 
de la Baume-Pluvinel a photographié le spectre de la 
couronne solaire, à Elche, pendant l'éclipse du 28 mai 
1900, au moyen de trois spectroscopes différents, l'un 
à fente, les deux autres à prisme-objectif. Les résultats 
montrent que le minimum d'activité solaire s'est fait 
sentir sur les phénomènes de la couronne et de la 
chromosphère, qui ont présenté fort peu d'intensité 
pendant l'éclipse. 

20 SCIENCES PHYSIQUES. — MM. Ch. Fabry et A. Pérot 
-ont déterminé la longueur d'onde de quelques raies du 
fer par comparaison avec les radiations du cadmium 
mesurées en valeurs absolues par M. Michelson. — 
M. Ed. van Aubel à déterminé la densité de l’al'iage 
Al Sb, qui est de 4,2176; cette valeur s'écarte beaucoup 
de la densité théorique 5,2246. On en déduit qu'il se 
produit une énorme augmentation de volume dans la 
formation de cet alliage d'aluminium et d'antimoine, 
— M. V. Crémieu présente une balance très sensible 
pouvant servir de galvanomètre, d'électrodynamomètre 
-et d'électromètre absolu (voir la description détaillée 
dans le compte rendu de la séance du 7 juin de la 
Société de Physique, p. 589). — M. Jouniaux à étu- 
dié la réduction du chlorure d'argent par l'hydrogène 
‘el la réaction inverse, en tubes scellés. Ces deux 
réactions ont une limite distincte au-dessous de 500°, 
‘qui devient commune aux deux systèmes au-dessus de 
600°. La proportion d'HCI formé ou restant croit avec 
la température. L'application de la théorie thermody- 
namique à ces phénomènes conduit à des résultats en 
accord remarquable avec l'expérience. — M. M. Ber- 
thelot pense que, dans les équilibres ci-dessus, on 
doit attribuer un rôle à l'hydrure d'argent et à la for- 
mation d'états allotropiques de l'argent. — M. A. Maïlhe 
a fait réagir l’oxyde mercurique sur les solutions 
aqueuses de quelques sels métalliques. Avec le chlo- 
rure de zinc, il se précipite un oxychlorure ZnCF, 
3Zn0,3H°0 ; avec le bromure, on obtient un sel double 
HgBr°,Zn0,8H°0 ; avec l’azotate, il se forme (AzO‘)°Hg, 
Zn0,H°0. Avec le cuivre, on obtient les mêmes compo- 
sés, avec un nombre différent de H°0. Avec le chlorure 
de nickel, il se forme HgCl?,NiCl,7Ni0,10H°0.— MM. P. 
Sabatier et J.-B. Senderens ont hydrogéné, par le 
nickel réduit, un certain nombre de carbures aromati- 
ques. Avec le benzène et ses homologues, on obtient 
toujours le cyclohexane correspondant; le styrolène 
donne l'éthylcyclohexane. Les terpènes quadrivalents 
donnent un hydrocarbure C!°H'*. Le naphtalène et l’a- 
cénaphtène fournissent un tétrahydrure. 


Séance du 3 Juin 1901. 


1° SCIENCES MATHÉMATIQUES. — M. L. Raffy détermine 
les surfaces algébriques qui sont à la fois des surfaces 


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87 


ACADÉMIES ET SOCIÉTÉS SAVANTES 


DE LA FRANCE ET 


DE L'ÉTRANGER 


de Joachimsthal et des surfaces de Weingarten, — M. P. 
Duhem démontre que les fluides parfaits ne peuvent 
propager que des ondes exclusivement longitudinales 
ou exclusivement transversales, et cela sans supposer 
que les actions sont newtoniennes et sans faire aucune 
restriction relative à la loi de compressibilité ou à la 
relation supplémentaire. 

20 SCIENCES PHYSIQUES. — M. E. Marey a observé par 
la chronophotographie les changements de direction et 
de vitesse d'un courant d'air qui rencontre des corps 
de forme diverse. Le courant d'air renferme des filets 
de fumée et chemine dans un tube en verre où l'on 
immerge des corps divers; on photographie ces filets 
par des éclairs magnésieus. Les filets, qui marchent 
parallèlement, s’élargissent à l'approche d'un corps, 
puis s'écartent à droite et à gauche, s’écoulent sur les 
bords en se resserrant, puis continuentleur chemin sans 
se mélanger, en laissant derrière le corps un vaste 
espace où l'air est immobile et où se font les remous. 
— M. H.S. Hele-Shaw a lait des expériences analogues 
sur la trajectoire des veines liquides et leurs déforma- 
tions par des obstacles. Des veines liquides colorées 
s'écoulent dans un tube contenant des obstacles et sont 
photographiées. L'auteur a constaté que les courants 
dérivés des veines liquides ont une forme qui concorde 
absolument avec celle des lignes de force magnétique 
de l’obstacle placé dans ua champ magnétique. — M. H. 
Becquerel à reconnu, par une nouvelle méthode, que 
les rayons non déviables du radium, émis au travers 
du verre, ainsi que les moins déviés, traversent l’alu- 
minium comme si celui-ci n'existait pas et provoquent 
à peine des rayons secondaires. Les rayons déviables, 
partiellement absorbés, traversent l'aluminium sans que 
la trajectoire soit modifiée; les rayons partiellement 
absorbés provoquent sur les deux faces de l'écran d’alu- 
minium des rayons secondaires intenses. — M. Albert 
Turpain a fait des observations de résonance électrique 
dans l'air raréfié. Les mesures de longueur d'onde ont 
montré que la demi-longueur d'onde des oscillations 
qui excileut un résonateur donné est très sensiblement 
égale à la longueur du résonateur. La perturbation micro- 
métrique observée au cours des mesures faites dans 
l'air doit donc être rapportée à la présence de l'air. — 
M. René Paillot a constaté que la force électromotrice 
d'aimantation du fer doux augmente avec la tempé- 
rature, et d'autant plus que le champ est plus intense: 
La force électromotrice d'aimantation du bismuth dimi- 
nue quand la température s'élève. — M J. Semenow 
a observé que l'ionisation de l'air par les rayons de 
Rüntgen n'est pas la cause unique de la décharge des 
conducteurs chargés et que le verre se polarise sous 
l'action des rayons X. 11 faudrait attribuer la décharge 
à ce que les corps chargés d'électricité et soumis à 
l'action des rayons X deviennent des foyers d'émission 
électrique. — M. J. Jaubert donne quelques rensei- 
gnements sur l'orage qui à éclaté sur Paris dans l’après- 
midi du 29 mai. Dans la rue Linné, on a recueilli 
80 millimètres d'eau; c’est le nombre le plus élevé qui 
ait été authentiquement observé à Paris. — M. G. Car- 
taud a observé, à la surface des métaux coulés en 
plaques minces sur une plaque de verre inclinée, un 
réseau continu de cellules délimitées par des contours 
polygonaux en creux. L'aspect de ces cellules ranpelle 
à beaucoup d’égards celui des tourbillons ‘cellulaires 
observés par M. Bénard dans les nappes liquides. — 
M. L. Guillet a préparé des alliages d'aluminium et de 
molybdène en réduisant l'acide molybdique par un 
excès plus ou moins grand d'aluminium. Suivant les 
proportions employées, on obtient : 1° des cristaux 


588 


ACADÉMIES ET SOCIÉTÉS SAVANTES 


lamellaires, de compositron Al‘Mo; 2° des cristaux 
filiformes, de formule AlMo; 3° descristaux en rognons, 


de composition Al°Mo. — M. O. Boudouard a étudié la 
fusibilité des alliages d'aluminium et de magnésium 
(voir page 591). -— M. M. Berthelot à analysé un certain 


nombre de fragments métalliques trouvés dans les 
tombeaux des x1°, xu° et xiu° dynasties en Egypte. Ce 
sont des alliages d’or et d'argent. — M. M. Berthelot 
a observé, dans la neulralisation de l'acide phospho- 
rique par la chaux, que la quantité de trois équivalents 
ne représente pas le terme de saturation. Il paraît se 
former un phosphate quadribasique, qui a d’ailleurs été 
observé dans la Nature par Gmelin. Il en est de même 
pour la soude, qui continue à dégager un peu de 
chaleur au delà de la proportion PO‘H* +3 NaOH, et 
aussi pour la baryte. — M. J. Cavalier indique les 
conditions précises dans lesquelles il faut se placer 
pour utiliser les alcalino-terreux au titrage de l'acide 
phosphorique libre. — M. F. Parmentier a constaté la 
présence d’alumine dans l’eau de deux sources de 
Vichy : Puits Chomel, 0,0117 grammes; Grande-Grille, 
0,0075 grammes par litre. Cette alumine s’est pré- 
cipitée par perte d'acide carbonique et par infiltralion 
d'eaux chargées de chaux provenant de bétonnages 
récents. — M. F. Bodroux a fait réagir le bromure 
d’isobutylène sur le benzène en présence de chlorure 
d'aluminium. Il se forme d’abord le phényl-1-dimé- 
thyl-2-éthane phényle, qui, se détruisant partiellement 
sous l'influence de AICI, donne naissance à l'isobutvl- 
benzène que l’on recueille. — M. G. Favrel a constaté 
que les éthers alcoylmaloniques réagissent sur les 
chlorures diazoïques pour donner les éthers des acides 
phénylhydrazone-4-pyruviques. — MM. P. Freundler et 
L. Bunel ont reconnu que la décomposition des dérivés 
bisulfitiques des aldéhydes par les azotites alcalins 
fournit des rendements au moins égaux à ceux que 
l'on obtient en employant les carbonates. La réaction 
est analogue à celle d'un azotite sur un pyrosulfite; on 
a pu caractériser la présence d'acide nitrilosulfonique. 
— M. A. Verneuil a reliré des produits de l’action de 
l'acide sulfurique sur le charbon de bois, outre l'acide 
mellique, l'acide benzène-pentacarbonique, dont les 
cristaux orthorhombiques, séchés à l'air, possèdent la 
formule C‘H(CO?H ),5H°0. On obtient encore 2°/, d'acide 
pyromellique C6H#(CO*H)',2H°0. — M. P. Bourcet à 
recherché l’origine de l’iode de l'organisme. Il provient 
des aliments; la plupart des espèces végétales le con- 
tiennent en proportions appréciables, et il existe aussi 
dans les tissus des animaux. 

3° SCIENCES NATURELLES. — MM. H. Becquerel ct 
P. Curie ont constaté que les rayons du radium 
agissent énergiquement sur la peau, à la facon des 
rayons X. Un tube de verre contenant du chlorure de 
baryum radifère, placé dans une petite boîte renfermée 
dans une poche de gilet pendant quelques heures, à 
produit sur la peau, au bout d’une dizaine de jours, une 
inflammation, qui s’est transformée en plaie suppurée 
n'ayant guéri qu'au bout de cinquante jours. — M. P. 
Vuillemin a observé à Nancy un cas de trichosporie 
(piedra nostras). Cette affection, caractérisé par le para- 
sitisme d’un champignon sur les poils de la moustache, 
a cédé rapidement à l'emploi de lavages fréquents avec 
une solution de sublimé. — M. P. Bonnier cite un cer- 
tain nombre de faits montrant que, contrairement aux 
idées de M. Marage, ni les otolithes, ni la conductibilité 
acoustique n’ont de rapport direct avec l'audition. — 
M. Ed. Branly a obtenu des phénomènes analogues à 
ceux de l’électrolyse des tissus animaux en électroly- 
sant des liquides visqueux, soit par la méthode mo- 
nopolaire, soit par la méthode bipolaire. — M. Louis 
Léger décrit une nouvelle grégarine, l'Aggregata 
cœælomica, parasite des Pinnothères des Moules. Les 
kystes ne se rencontrent que dans la cavité générale 
de l'hôte; les sporozoïtes se forment directement 
dans leur intérieur, sans qu'il apparaisse de sporo- 
cystes. — M. P. Vignon présente quelques observa- 
tions sur les cils des Cténophores et les insertions 


ciliaires en général. — M. Bounhiol a étudié la respira- 
tion des Annélides sur le Spirographis Spallanzanii. 
Cet animal possède une respiration mixte, à la fois 
cutanée et branchiale, la respiration cutanée étant géné- 
ralement plus active que l’autre. — M. L. Bordas dé- 
crit la glande défensive ou odorante des Blattes mâles ; 
elle secrète un liquide volatil, à odeur forte, nettement 
alcalin : la sécrétion est continue: elle s'accélère en cas 
de danger, quand l'animal est poursuivi ou saisi. — 
M. Col a constalé que l'écorce des Fusains renferme 
dans sa région libérienne des cellules lactifères spé- 
ciales, qui n'ont pas été signalées chez ces plantes, et 
qui sont remplies d’une substance élastique possédant 
de nombreux caractères communs avec le caoutchouc 
et surtout la gutta-percha. — M. Marcel Dubard a 
ohservé que les rejets chez les végétaux ligneux tendent 
à prendre des caractères de plantes herbacées : crois- 
sance rapide, entre-nœuds allongés, stipules dévelop- 
pées et persistant longtemps, bourgeons dissociés, dif- 
férenciation moindre des tissus, production peu abon- 
dante de liber par rapport au bois. — M. F. Kôvessi à 
reconnu que la forme d’un arbre ainsi que l’emplace- 
ment de ses branches florifères sont, en majeure partie, 
déterminées par des conditions relatives à l'aoute- 
ment. Le degré d'aoutement des branches et, par 
suite, le nombre des fleurs et des fruits de l’année 
suivante est plus grand quand la quantité d’eau que 
reçoit la plante est moins considérable. — M. G. Jac- 
quemin à constaté qu'on peut faire évoluer facile- 
ment en moût acide à une température supérieure 
à 25° des levures basses de fermentation, Ces levures 
aiusi acclimatées font fermenter des moûts de bras- 
serie non réfrigérés et donnent une bière qui pos- 
sède toutes les qualités des bières fermentées à basse 
température. — M. A. de Lapparent signale quelques 
faits curieux de capture de cours d’eau dans la chaîne 
des Andes, dus à l'érosion régressive, par laquelle des 
rivières autrefois tributaires de l'Atlantique ont entamé 
la crête andine, et coulent maintenant vers le Paci- 
fique. — M. Ad. Carnot a examiné des échantillons de 
tellurures d'or et d'argent rappottés de Kalsoorlie 
(Australie occidentale). Il à reconnu les espèces miné- 
rales suivantes : 1° la sy/vanite, bitellurure d’or et d'ar- 
gent (Au, Ag) Te?, à texture cristalline ; 2° la calavérite, 
analogue au précédent, mais moins cristalline et con- 
teuant moins d’Ag; 3° la coolqardite, sesquitellurure 
d'or, d'argent et de mercure (Au, Ag, HgTe*; 4° Ja 
kalgoorlite (Au, Ag, Hg)Te. 
Louis BBUNET. 


ACADÉMIE DE MÉDECINE 


Séance du 21 Mai 1901. 


M. Hervieux présente un rapport sur un travail du 
D' Moreau relatif à une épidémie de Lorse-pox observée 
à Lusignun. Cette épidémie a frappé 170 juments au 
haras et à contagionné 22 personnes qui les soignaient; 
il n'ya pas eu de mortalité. — M. J. Chatin présente 
un rapport sur un mémoire de M. E. Bureau relatif 
aux Strychnos africains et aux plantes servant à 
empoisonner les armes en Afrique. Les Strychnos, 
employés en Amérique et dans l'Archipel indien, ne 
sont pas utilisés par les indigènes africains. Ceux-ci 
emploient, pour empoisonner leurs armes, le suc de 
certaines Apocynées (Carissa, Strophantus) et d'une 
Euphorbiacée, le Croton lobatus. M. J.-V. Laborde 
insiste sur l'importance de l'étude des plantes exo- 
tiques pouvant fournir des poisons ou des médicaments 
et signale d'autres recherches faites sur ces sujets. — 
M. A. Robin fait un rapport sur un mémoire de M. Gaube 
intitulé : La reminéralisation appliquée au traitement 
des rhumatisants chroniques. — M. E. Besnier présente 
le rapport de la Commission nommée, sur la demande 
du Ministre de l'Intérieur, pour examiner le projet de 
création d'un sanatorium privé pour ,lépreux dans la 
commune de Rouceux près de Neufchäleau (Vosges), 


dors SA 


Fr 


ACADÉMIES ET SOCIÉTÉS SAVANTES 


589 


projet qui a soulevé de vives protestalions dans cette 
localité. La Commission estime que, placé dans une 
région où il y a encore des lépreux, un sanatorium 
privé pour lépreux peut avoir une réelle utilité. Con- 
venablement situé et isolé, solidement réglementé dans 
sa constitution par l'autorité sanitaire et soumis par 
elle à une surveillance intérieure et extérieure perma- 
nente et effective, un tel sanatorium paraît, dans l’état 
actuel, ne devoir êlre l’origine d'aucun inconvénient 
pour la santé publique. 
Séance du 28 Mai 1901. 

L'Académie procède à l'élection de trois Correspon- 
pondants étrangers dans la Division de Chirurgie. 
MM. Aug. Reverdin (de Genève), Ceccherelli (de Parme) 
et Neugebauer (de Varsovie) sont élus. 

M. H. Huchard indique un nouveau symptôme des 
anévrismes de l'aorte, surtout de l'aorte thoracique 
descendante et de l'aorte abdominale; ce sont des dou- 
leurs névralgiques, rebelles aux médications habituelles, 
qui augmentent d'intensité dans certaines positions du 
corps. En présence de ces accidents douloureux, on 
doit se douter de la probabilité d'un anévrisme, et cher- 
cher à vérifier le diagnostic par la radioscopie. — 
M. Barette lit une observation de déciduome malin. 


SOCIÉTÉ DE BIOLOGIE 


Séance du 11 Maï 1901. 


M. H. Coupin a constaté que les composés du nickel 
et du cobalt ont une toxicité très voisine, en même 
temps que très élevée, pour les végétaux supérieurs. 
— M. Tuffier a fait un essai d'injection épidurale de 
de cocaïne par voie sacrée, suivant la technique de 
M. Cathelin. Le résultat analgésique a été absolument 
nul. -- M. P.-A. Zachariadès a étudié les crêtes et les 
caunelures des cellules conjonctives. Les cannelures 
sont le résultat d’une perte de substance; les crêtes 
sont les parties de protoplasma qui se trouvent entre 
les cannelures, et qui ont conservé leur épaisseur 
primitive. — M. F. Charlier à constaté, dans le 
rein du cheval, la présence d’un ferment très actif, 
du genre émulsine, capable de dédoubler en peu de 
temps de grandes quantités de phlorizine. — MM. La- 
griffe et Maurel : Réponse à M. Lefèvre au sujet de la 
détermination des plus basses températures compa- 
tibles avec la vie. — MM. Wertheimer et Laguesse 
décrivent de nouvelles expériences montrant l'indé- 
pendance du grain de zymogène et du ferment dias- 
tasique dans le pancréas. — M. F. Cathelin à essayé 
de produire l’anesthésie générale chez le chien par 
injection de chloral dans l’espace épidural par la voie 
sacrée. Le chien s'est endormi profondément, mais le 
lendemain il à été retrouvé mort sans qu'on puisse en 
dire la cause; les essais sont continués. — M. C. França 

résente de nouvelles recherches sur l'action du sérum 
eucotoxique sur les lésions du névraxe dans la rage. 
Il semble que la mort de l'animal rabique est due à un 
excès de défense de l'organisme, et que l'emploi judi- 
cieux du sérum leucotoxique peut apporter quelque 
bénéfice à l'animal. — MM. N. Vaschide et L. Marchand 
communiquent des recherches qui montrent, une fois 
de plus, la prédominance de la perception et de la syn- 
thèse mentale dans la genèse des émotions. — M. D. 
Olmer a étudié le pigment des cellules nerveuses. Il 
distingue d’une part une fine poussière jauvätre qui 
encombre un grand nombre de cellules, et qui est un 
pigment de dégénérescence, d'autre part un pigment 
jaune verdàtre dont la signification est à trouver. 
— M. Ch. Dopter a produit des névrites expérimen- 
tales par injections de sérums toxiques au niveau du 
sciatique du cobaye; l'acétone produit aussi des lésions 
de dégénérescence wallérienne très caractérisées. — 
M. H. Coupin a étudié la toxicité de divers métaux 
pour les végétaux supérieurs, et a reconnu qu'ils se pla- 
cent dans l’ordre décroissant suivant: Ag, Hg, Au, Pt, Pd. 


Séance du 18 Mai 1901. 


M. J.Choquet montre qu'on pent stériliser parfaite- 
ment les dents cariées en joignant au nettoyage méca- 
nique le lavage à l'alcool et un pansement à l'alcool 
absolu et à l'hydronaphtol. — M. E. de Cyon recom- 
mande l'ingénieux appareil de M. Camus pour main- 
tenir la circulation artificielle dans un cœur isolé, mais 
prélère l'emploi d'un manomètre à l'enregistrement 
par un tambour à levier. — M. H. Moreigne confirme, 
par ses recherches, que le taux de l’urée et le taux de 
l’azote total urinaire restent constants chez les adultes 
normaux soumis à un régime alimentaire invariable. 
— M. H. Moreigne a constaté que, dans la cure de rai- 
sins, l’action du jus de raisins sur l'organisme produit : 
une action évacuante sur l'intestin, une action diuré- 
tique, une diminution du degré d’acidité urinaire et 
de l'acide urique, une action d'épargne des matières 
azotées, une hypersécrétion biliaire et une diminution 
des oxydations. — M. R. Lœwy a employé les greffes 
péritonéales dans la réparation des plaies des organes 
abdominaux. — M. J. Baylac a déterminé la compo- 
sition des liquides d'æœdème; elle est en moyenne la sui- 
vante : densité, 1,007; NaCI, 6 gr. 51 ; albumine, 3 gr. 56; 
urée, 2 gr. 219; P*05, 0 gr. 40. Les propriétés toxiques, 
le point cryoscopique et la tension superficielle sont à 
peu près contants. — M. G. Weiss démontre, par des 
expériences sur le crapaud, la grenouille, la tortue, la 
généralité de la loi d’excitation des nerfs qu'il a don- 
née. — MM. M. Caullery et F. Mesnil décrivent le 
cycle évolutif des Orihonectides. Il comprend deux 
termes distincts : les plasmodes, les formes ciliées 
sexuelles ; il y a alternance de générations. — M. Et. 
Rabaud a observé un cas d'adhérence amniotique 
chez un embryon de poulet cyclocéphalien parvenu à 
la fin du quatrième jour de l'incubation. — M. Lai- 
gnel-Lavastine indique un procédé de numération, 
après centrifugation, des éléments cellulaires du li- 
quide céphalorachidien. 


SOCIÉTÉ FRANÇAISE DE PHYSIQUE 


Séance du 7 Juin 1901. 


M. V. Crémieu présente un galvanomètre électro- 
dynamomètre-électromètre absolu. Cet appareil repose 
sur le même principe que celui décrit par M. Lipp- 
mann dans la séance du 17 mai (voir page 551); c'est 
une modification de la balance électromagnétique de 
A. C. Becquerel'. Entre les deux branches CC d’une 


ne Schéma du galvanomètre-électrodynamomètre- 
électromètre absolu de M. Crémieu, vu de protil. — CC, 


chappe de laiton; B, tiges portant le fil de cocon {f'{!f; 
aa, plaquette d'aluminium ; M, miroir. 


chappe de laiton (fig. 1), on a fixé, sur deux tiges BF, 
un lil de cocon //'/'F qui supporte une plaquette d'alu- 
minium # 4. Sur cette plaquette se trouve un tube 
d'aluminium TVT (fig. 2), portant un écrou mobile E, 
et (ixé perpendiculairement au plan des brins du fil de 
cocon. Ce dispositif constitue un fléau de balance sans 
couteau ; il est d'une très grande légèreté (0,8 grammes). 
L'écrou E permet d’en régler la sensibilité et le miroir M 
d’en suivre les déplacements sur une échelle verticale. 
Aux extrémités TT on a suspendu verticalement, par 
des fils de cocon, deux aimants cylindriques NS, de 


! Voyez la description de cet appareil dans les Mémoires 
de l'Académie des Sciences, t. XXII, p. 338, 1850. 


590 


ACADÉMIES ET SOCIÉTES SAVANTES 


6 millimètres de longueur et 2? millimètres de diamètre: 
ils peuvent se déplacer dans l'axe des bobines BB, de 
6 millimètres de longueur, et dont le noyau, en cuivre 
rouge, présente une ouverture cylindrique de # milli- 
mètres de diamètre. Ces bobines portent chacune 
30.000 tours de fil, présentant une résistance de 
5.000 ohms par bobine. On règle l'appareil de facon 
que le pôle inférieur des aimants soit un peu au-dessus 
du centre des bobines. L'appareil est susceptible d'une 
sensibilité considérable. Pour une période d’oscillation 
de 8 secondes, il donne à 1 mètre de distance uue 
déviation de 12 mm. pour un courant de 10* ampères, 
circulant dans les bobines, ce qui correspond à une 
sensibilité de 3,7 X 108 (Kohlrausch). L'appareil, par 
suite de ses dispositions, est à la fois très amorti et 
parfaitement astatique. Si l’on remplace les aimants 
NS par des bobines de mêmes dimensions, auxquelles 
le fl de suspension peut facilement amener le courant, 
on à, sans autre changement, un électrodynamomètre 
sensible. Enfin, en remplacant l’un des aimants par un 
plateau circulaire placé dans un anneau de garde 
au-dessus d’un plateau fixe, et disposant l'autre aimant 
en N'S' de façon que l’action électromagnétique soit 
répulsive, on réalise les conditions de l'électromètre 


Fig, 2. — Schéma de l'appareil de la figure 1 vu de face. — 
TVT, tube d'alumivium; :E, écrou mobile; M, miroir; 
B,B, électro-aimants; NS, N'3/, aimants. 


absolu de lord Kelvin. On étalonne l'appareil à l'aide 
de poids marqués placés sur le plateau, qu'on équi- 
libre avec des courants d'intensité connue envoyés 
dans la bobine. — M. H. Pellat présente une expé- 
rience dont le résultat paraît paradoxal au premier 
abord, mais qui s'explique très facilement par les oscil- 
lations électriques. Deux condensateurs de capacité 
très inégale (une batterie de six grandes jarres et une 
petite bouteille de Leyde, par exemple), ont leurs 
armatures respectivement en communication par un 
inverseur qui permet d'alterner les communications. 
Celui-ci est monté sur colonnes d'ébonite de facon à 
pouvoir opérer avec des potentiels élevés. Toutes les 
armatures des condensateurs, ou trois d’entre elles, au 
moins, sont isolées. Deux tiges de décharges sont 
placées près du petit condensateur et permettent à 
l’étincelle d’éclater quand la différence de potentiel 
des armatures devient suffisante. Si l’on vient à charger 
lës condensateurs de facon à leur donner la moitié 
seulement de la charge nécessaire à la production de 
l'étincelle, ou même un peu moins, et qu'on vienne 
ensuile à intervertir les communications des armatures 
en faisant jouer l’inverseur, l’étincelle éclate entre les 
tiges de décharges. Or, on peut remarquer que, si 
l'étincelle n'éclatait pas, après l'inversion et l’état 
d'équilibre atteint, la différence du potentiel des arma- 
tures aurait diminué, puisque l'inversion fait commu- 
niquer l’armature positive de l’un des condensateurs 
avec l'armature négative de l’autre et vice versa. Mal- 
gré cela, la différence de potentiel des armatures du 


petit condensateur à plus que doublé à un certain mo- 
ment, par suite des oscillations électriques, puisque 
l'étincelle éclate. La théorie classique des oscillations 
électriques rend compte parfaitement de toutes les 
particularités du phénomene. Les calculs sont plus 
compliqués que dan: la décharge d’un condensateur, 
mais n'offrent pas de difficultés. On trouve ainsi pour 
la différence de potentiel maximum V,, pendant l’oscil- 
lation, en appelant V, la différence du potentiel avant 
l'inversion et G et « les capacités du grand et du petit 
condensateur, la relation très simple : 

3C — ce 

C+Hc 

Sur les deux fils parallèles qui réunissent les armatures, 
il ya uu nœud, c'est-à-dire qu'entre deux points parti- 
culiers se faisant face la différence de potentiel reste 
constante pendant l’oscillation, ses variations étant de 
sens inverse au même moment de part et d'autre du 
nœud. On a pour la position de celui-ci : 

nee 

IN CEE: 


1 Vu = Vo 


(2 


Le rapport des coefficients de self-induction L! et L 
étant sensiblement le même que celui des distances au 
petit condensateur, on voit que, si les capacités sont 
égales, le nœud est au milieu, mais qu'il est plus près 
du grand condensateur si les capacités sont inégales. 
La relation (1) montre que la différence de potentiel 
maximum eotre les armatures du petit condensateur 
tend vers trois fois la différence de potentiel initiale, 
quand le rapport des deux capacités tend vers zéro. 
M. Pellat a vérifié expérimentalement l'exactitude de 
la relation (1). Les différences de potentiel étaient me- 
surées par un électromètre de MM. Bichat et Blonilot; 
on déterminait la différence de potentiel nécessaire 
pour avoir la décharge sans inversion, puis la plus 
petite des différences qui amenaient l'explosion après 
inversion. Les tiges de décharges étaient placées aussi 
près que possible des armatures du petit condensateur, 
de facon à avoir sensiolement l'explosion correspon- 
dant à la différence de potentiel de celui-ci. Il a trouvé 
Cr 
Vo 
des expériences, tandis que la relation (1) donnait, 
d’après la connaissance des capacités, le nombre 2,8. 
La concordance paraîtra très satisfaisante, si l'on songe 
aux irrégularités des expériences où l’on mesure une 
différence de potentiel explosive. La connaissance de 
ce phénomène n’est pas sans intérêt pratique, car on 
voit que l'inversion des communications peut amener 
la rupture de l’isolant du petit condensateur, ou pro- 
duire des différences de potentiel dangereuses. En 
outre, cette expérience, facile à répéter dans un Cours, 
est très propre à montrer la profonde différence qui 
existe entre les effets de l'électricité au repos et cenx 
de l'électricité en mouvement. — M. Daniel Berthelot 
présente quelques réflexions sur une propriété des gaz 
monoatomiques. Glausius a conclu de considérations 
cinétiques que le rapport des chaleurs spécifiques d’un 
gaz parfait est égal à 1,67. Cette conclusion ne parut 
pas d'abord conforme à l'expérience ; mais on a expli- 
qué le désaccord en remarquant que la théorie de Clau- 
sius assimilait les molécules à des points matériels et 
négligeait l'énergie correspondant aux mouvements 
des atomes dans la molécule, ce qui n’est permis que 
pour les gaz à molécules monoatomiques. Et, en effet, 
pour la vapeur de mercure, qui est dans ce cas, d’après 
les chimistes, l'expérience donne exactement le rap- 
port de Clausius. MM. Rayleigh et Ramsay, ayant 
retrouvé ce même rapport pour l'argon, en ont conelu 
qu'il est monoatomique. D'autre part, en s'appuyant 
également sur des hypothèses cinéliques, M. Van der 
Waals à établi pour l'ensemble de l’état fluide l’équa- 
tion (p+a:v*)(v—b)=RT. Cette formule, tout en 
représentant bien les faits au point de vue qualitatif, 


ainsi pour le rapport le nombre 2,4 comme moyenne 


et 


ACADÉMIES ET SOCIÉTÉS SAVANTES 591 


n'offre avec eux qu'un accord quantitatif imparfait. 
Ainsi l'équation indique que l'expression RT,:p4v,, qui 
- représente le rapport du volume théorique du fluide à 
son volume réel au point critique, est égale à 2,67. 
Voici les valeurs trouvées pour quelques corps : 


Octane Heptane Ether Pentane  Benzène 
3,86 3,89 3,81 3,16 2,15 
CH# Co: A7? O2 
3,67 3,61 3,93 3,49 


On voit que ce rapport décroit en général avec le 
nombre des atomes de la molécule. Il était donc par- 
ticulièrement intéressant de chercher la valeur quil a 
pour les gaz monoaltomiques. Il n'eu est qu'un dont les 
coustantes sont assez bien déterminées pour essayer la 
vérification, c'est l'argon. D’après les dernières me- 
sures de MM. Ramsay et Travers, pe — 52 alm. 8, T. — 
155°,6 abs. et la densité liquide d—1,212 à 87° obs. En 
appliquant la formule de M. Mathias, on en tire : d = 
0,434; on trouve alors : (RT. : p.ve) — 2,62, valeur qui 
s’écarte beaucoup de celle de tous les gaz polyato- 
miques, mais qui est très voisine de celle qu'indique la 
formule de Van der Waals. Il semble donc que cette 
formule figure exactement la compressibilité isotherme 
d’un gaz monoatomique, et que, conformément au point 
de vue auquel M. Van der Waals a été amené par 
d'autres considérations et qu'il a développé tout ré- 
cemment dans un Mémoire important, les modifica- 
tions à y introduire dans le cas des gaz polyatomiques 
doivent être cherchées dans l'influence du nombre et 
des mouvements des atomes de la molécule sur la 
grandeur du covolume b. A la suite d'une remarque de 
M. Wyrouboff, M. D. Berthelot observe qu'il existe un 
grand nombre de propriétés physiques et chimiques 
pour lesquelles l'écart entre le premier et le second 
terme d'une série de composés homologues surpasse 
de beaucoup les écarts qu'on rencontre entre les termes 
suivants. Le point essentiel à noter dans l'exemple 
actuel est la concordance entre le calcul et l’observa- 
tion pour le premier terme de la série. M. Corzu fait 
remarquer l'allure asymptotique des nombres inscrits 
par M. Berthelot, et s'appliquant à des molécules de 
plus en plus complexes. 


SOCIÉTÉ CHIMIQUE DE PARIS 
Séance du 2% Mai 1901. 


MM. Ch. Moureu et H. Desmots, en faisant réagir 
le trioxyméthylène (CH°0)' sur les carbures acétylé- 
niques sodés en suspension dans l’éther anhydre, et 
traitant par l’eau le produit de la réaction, ont obtenu 
des alcools primaires acétyléniques R-C—C-CH?0H, 
avec des rendements de 30 °/,. L'alcool amylpro- 
piolique GCH%-(CH*)-C—C-CH°0H distille à 98° sous 
13 mm., et son éther acétique à 114° sous 16 mm.; 
l'alcool phénylpropiolique C°H5-C—C-CH°0H distille à 
139° sous 16 mm. et son éther acétique à 146° sous 
16 mm. Dans la réaction productrice d'alcool amyl- 
propiolique, il se forme en même temps un composé 
qui distlle à 178° sous 16 mm. et qui parait être 
l'alcool di-amylpropiolique C'‘H*O, résultant de l’éli- 
minalion d'une molécule d’eau entre deux molécules 
d'alcool amylpropiolique. Les auteurs ont commencé 
l'étude de l’action des autres aldéhydes sur les car- 
bures acétyléniques sodés. Le produit de condensation 
de l’aldéhyde benzoïque avec l’æœnanthylidène distille à 
180-182° sous 21 mm. — M. Paul Sabatier, dans les 
recherches qu'il poursuit depuis longtemps avec 
M. Senderens, a trouvé que le nickel récemment 
réduit permet de réaliser très facilement à température 
basse la fixation de l'hydrogène sur diverses subs- 
tances, et particulièrement sur les carbures incom- 
plets. On obtient ainsi très commodément, à partir du 
benzène et de ses homologues, la synthèse directe du 
cyclohexane pur et de ses divers homologues. Le cin- 
. namène fournit dans ces conditions l’éthylcyclohexane : 


en présence du cuivre, il donne seulement l'éthyl- 
benzène pur. La distinction eutre les lerpènes tétrava- 
lents et divalents est absolument justifiée par l'hydro- 
génation le limonène, le sylvestrène, le lerpinène 
fixent H* en donnant le même produit que ie cymène. 
Le pinène, le camphène ne fixent que H°, en formant 
des carbures C'°H!* oxydables, mais inattaqués à froid 
par le mélange sulfonitrique. Le naphlalène et l’acé- 
uaphtène ne tixent que H'. — M. Ad. Jouve signale un 
échantillon de chaux cristallisée qu'il a oblenu dans 
un four électrique. Cette chaux diffère des échantillons 
eristallisés décrits par MM. Meunier et Levallais, puis 
par M. Moissan, par sa densité plus faible /2,5 au lieu 
de 3,29 et 3,32) et par sa forme en aiguilles prisma- 
tiques au lieu de cubes. — M. Brenans a envoyé une 
note sur quelques dérivés sodés des phénols. — 
M. Boudouard expose les résullats qu'il a obtenus en 
étudiant la fusibilité des alliages d'aluminium et de 
magnésium: La mesure des températures s'effectuait 
au moyen du couple thermo-électrique de M. Le Cha- 
telier, placé dans un petit lube de verre pour le pro- 
téger contre l’action destructrice des métaux fondus. 
Si l’on construit une courhe en portant en abscisses 
les proportions en poids d'aluminium et en ordonnées 
les températures, on remarque que la courbe présente 
deux maxima (4559 et 462), lesquels mettent en évi- 
dence l'existence de deux combinaisons définies d'alu- 
minium et de magnésium : AIM£* et AlMg. 


SOCIETE DE PHYSIQUE DE LONDRES 
Séance du 10 Mar 1901. 

M. Chree étudie l'application des solides élastiques à 
la métrologie. La conception ordinaire d'un solide est 
celle d'un corps dont la forme et le volume sont va- 
riables seulement avec la température. Les variations 
élastiques des dimensions sont nécessairement faibles 
dans beaucoup de corps de petit volume, et sont sou- 
vent négligeables, même dans des travaux exacts. Le 
but du mémoire de l’auteur est de donner quelques 
exemples de l'influence de l'élasticité sur les mesures 
physiques. La plupart des résultats se déduisent d'un 
mémoire précédent, dans lequel M. Chree a obtenu des 
expressions pour les tensions moyennes et pour la 
variation du volume total d'un solide élastique homo- 
gène quelconque soumis à un système donné de forces 
dans sa masse et à sa surface. La formule est d’abord 
appliquée au cas d’un cylindre circulaire droit; on voit 
qu'on peut éliminer l'action de la gravité en prenant 
pour longueur et volume la moyenne des résultats 
obteuus quand le cylindre est suspendu par un fil et 
quand il repose par sa base sur une surface plane. 
L'auteur considère ensuite l'effet de la pression d'un 
milieu ambiant de densité constante sur la forme et le 
volume d'un solide isotrope, et il étend la théorie au 
cas d’un solide ælotropique dans un milieu de densité 
variable. Si un kilogramme-étalon de platine-iridium 
est suspendu au lieu d’être supporté par sa base, l’al- 
tération du volume doit être de 66 X 10—8 cc.,et s'il est 
transporté de l’air à la pression atmosphérique dans le 
vide, l’altération doit être de 24 X 10 — cc. M. Chree 
étudie alors le changement de volume de la matière 
des parois d'un vase contenant un liquide, et il montre 
que la variation est indépendante de l'épaisseur des 
parois, la dilatation moyenne par unité de volume 
étant inversément proportionnelle au volume total. 
Théoriquement, un vase dont la surface intérieure est 
un cône, formé d’un solide quelconque, le vertex vers 
le bas, possède la propriété que le volume du corps 
de ses parois n'est pas affecté par la pression dù liquide 
qu'il contient, quel qu'il soit. En général, on ne peut 
pas déterminer l'effet de la pression du liquide sur la 
capacité interne du vase qui le contient; mais, si les 
parois sont des cylindres cireulaires droits coaxiaux, 
dont l'axe commun est vertical, la solution devient 
possible. L'augmentation de volume par unité de 
volume à l'intérieur d’un tube à parois minces est en 


raison directe de la densité du liquide, de la hauteur 
du niveau et du rayon du tube et en raison inverse cle 
l'épaisseur des parois. Ainsi, un tube de verre de 
12,7 centimèlires de hauteur, de 10 millimètres de dia- 
mètre interne et de 1,5 millimètre d'épaisseur, contient 
0,11 gramme de mercure de plus que s’il était non- 
élastique. La solution est enccre possible dans le cas 
d'une enveloppe sphérique et l’auteur étudie également 
ce cas. M. Chree considère ensuite l'application de la 
théorie de l’élasticité aux élalons de longueur, et il 
s'occupe particulièrement des cinq cas suivants : le 
yard étalon, le prototype international du mètre à sec- 
tion X, un étalon de travail appartenantau Bureauinter- 
national, et deux barreaux de déviation employés dans 
des magnétomètres. Les formes de ces règles sont éta- 
blies en partie en vue de faciliter l'égalisation de la 
température le long de la barre. Les étalons les plus 
modernes ne sont pas supportés sur toute leur surface 
inférieure, mais sur deux rouleaux symétriques ou 
sur trois pointes. Une solution exacte du problème 
élastique constitué par un barreau lourd supporté par 
des pointes on des cylindres, n'a pasencoreélé obtenue; 
mais la solution de Bernoulli-Euler est très suflisante, 
excepté près des supports. Lorsqu'on emploie des 
étalons de longueur, c'est seulement la projection ho- 
rizontale de la surface graduée qui est intéressante, et 
il est prouvé qu'à moins d'opérer sur de très longues 
règles, la différence entre la corde et l'arc est très pe- 
tite. La différence augmente lorsque les supports sont 
déplacés de leurs positions les plus favorables jusque 
vers les extrémités du barreau. Le yard étalon, à ce 
point de vue, n’est pas comparable aux étalons plus 
modernes. L'auteur traite ensuite les courbures et les 
longueurs des barreaux, chargés ou non, et montre 
que, par une disposition appropriée des supports, les 
variations de longueur entre deux points dues à la 
flexion peuvent être rendues assez faibles pour devenir 
négliseables pratiquement. Dans le prototype du mètre 
à section X, les divisions se trouvent sur la surface 
neutre, et leur distance n’est pas affectée par la tension 
du barreau. Dans le cas des barreaux de déviation du 
magnétomètre, il est bon de rapprocher autant que 
possible l'aimant du barreau. L'augmentation du poids 
de l’aimant ou de l'équipage, ou la diminution de la 
distance entre les deux points de support par réduction 
du cercle gradué produisent des erreurs dues à la 
flexion. A la suite de diverses observations, M. Chree 
répond que des expériences ont été faites sur la flexion 
des barreaux et que les résultats concordent bien avec 
ceux de la théorie. La formule de correction de pression 
obtenue pour le thermomètre est analogue à celle cou- 
ramment employée. —MM. J. Rose-Innes et S. Young 
communiquent leurs recherches sur les propriétés 
thermiques de l'isopentane comparées à celles du pen- 
tane normal. La quantité R T — p v à un volume et une 
température quelconques est appelée écart de la loi te 
Boyle à ce point; les auteurs trouvent qu'il y a un rap- 
port constant entre les écarts à la loi de Boyle de l'iso- 
pentane et du pentane normal aux mêmes volumes et 
températures. Pour vérifier la loi, on détermine la va- 
leur probable du rapport, et au moyen de ce dernier 
on calcule un grand nombre de valeurs de p v pour 
l'isopentane, d’après les résultats obtenus pour le pen- 
tane normal. Ces valeurs calculées tombent sur la 
même courbe que les valeurs observées, et concordent 
avec elles à 4 °/, près. Les auteurs sont confirmés dans 
leurs conclusions précédentes que la différence de 
pression entre deux substances isomères aux mêmes 
température et volume renferme la même puissance de 
la densité que la première déviation à la loi de Boyle, 
c'est-à-dire la deuxième puissance. 


SOCIÉTÉ DE CHIMIE DE LONDRES 
Séance du 2 Mar 1901. 


MM. W. H. PerkinelJ.F. Thorpe ont éludié quel- 
ques dérivés du bicyclopentane. Par digestion avec la 


ACADÉMIES ET SOCIÉTÉS SAVANTES 


potasse de l'acide triméthylcétobicyclopentanedicar- 
boxylique : 

% C{CO?H.C (CH) COH 

CH°C£ | | 
NCH=——C0 


on obtient un acide fondant à 237%, dont l'anhydride 
se transforme par distillation dans l’anhydride d'un 
acide isomérique, fondant à 1810. Ces deux accides sont 
des lactones de l'acide triméthylhydroxybutanetricar- 
boxylique : 
C(CO*H).CH (CH) COH 
CBC NO 


NCUPEN 
CH?2—CO 


l'anneau du bicyclopentane s'étant complètement rom- 
pu pendant leur formation. Une rupture analogue à 
lieu dans l'hydrolyse du diméthyldicarboxytriméthylè- 
nemalonate d'éthyle : 

C(CO2C2H°).CH (CO?CHS}* 

cmecZ || es ‘ 
N CH.CO2CH5 


qui donne deux acides isomères fondant à 187° et 158°, 
et qui sont les lactones de l'acide diméthylhydroxybu- 
tanetricarboxylique : 


C(CO®H).CH2.COH 
(cm 207 No 


PSN 
CH?—CO 


Ces acides, chauffés, perdent CO* et sont convertis dans 
les lactones correspondantes de l'acide diméthylhydro- 
xybulanedicarboxylique. Au cours de leurs recherches 
les auteurs out encore préparé des dérivés de l’ac. 6f- 
diméthylglutarique. — MM. T. E. Thorpe et C. Sim- 
monds ont étudié l'emploi du plomb dans les couvertes 
des poteries. L'emploi d'oxydes et de carbonates basi- 
ques de plomb, tel qu'il est encore pratiqué souvent en 
Angleterre, offre un grand danger pour les ouvriers à 
cause de la solubilité de ces composés dans les acides 
de l'organisme. Sur le conlinent, ils ont été générale 
ment remplacés par des silicates ou des borosilicales 
de plomb ou des silicates complexes de plomb et d'au- 
tres métaux, dont le plomb est presque insoluble. 
Toutefois, en examinant certains silicates proposés 
pour l'emploi en poterie, les auteurs ont constaté que 
la majeure partie du plomb était soluble dans HCI ou 
le suc gastrique, tandis que d’autres spécimens élaient 
très résistants. A quoi tient celte différence de solubi- 
lité ? Les auteurs ont constaté qu’elle dépend de l’exis- 
tence d’un certain rapport entre les bases et les acides. 
Si le rapport du nombre de molécules acides au nombre 
de molécules basiques tombe entre certaines limites, tout 
le plomb est pratiquement insoluble, quelle que soit sa 
proportion dans le silicate (jusqu'à 50 ou 55 °/0). En 
réponse à diverses remarques, M. C. Simmonds annonce 
qu'on employait toujours dans les expériences un excès 
d'acide, afin d'éviter la formation d'oxychlorure inso- 
luble, et de pouvoir neutraliser les bases qui accompa= 
gnent le plomb. Les spécimens ont été expérimentés à 
à l'état de division dans lequel on les emploie; quel- 
ques-uns seulement ont été pulvérisés. L'emploi d'au- 
tres solvants donne des résultats analogues à ceux 
obtenus avec HCIL. — MM. M. O. Forster et W. Ro- 
bertson ont préparé le 2 : 6-dibromo-4-nitrosophé- 
nol par l’action de l'hypobromite de potassium sur le 


p-nitrosophénol dissous dans la potasse. — M. W., 


P. Wynne a préparé les dérivés chlorés du toluène par 
la méthode de Seelig. 


es nt ne 


19: ANNÉE 


N° 43 


45 JUILLET 1901 


Revue générale 


des Sciences 


pures et appliquées 


DIRECTEUR : 


LOUIS OLIVIER, Docteur ès sciences. 


Adresser tout ce qui concerne la rédaction à M. L. OLIVIER, 22, rue du Général-Foy, Paris, — La reproduction et la traduction des œuvres et des travaux 
publiés dans la Revue sont complètement interdites en France et dans tous les pays étrangers, y compris la Suède, la Norvège et la Hollande. 


CHRONIQUE ET CORRESPONDANCE 


$ 1. 


De lutilisation des gaz de hauts -four- 
neaux. — En octobre 1899, M. Lencauchez a été 
chargé par les Aciéries de Micheville d'étudier et d’ériger 
une installation d'épuration de gaz de haul-fourneau, 
pouvant alimenter un ou deux moteurs Otto de 300 che- 
vaux. 

Cette installation, qui a été construite dans la pre- 
mière moitié de l’année 1900, consiste : 1° en un con- 
denseur atmosphérique composé d'une série de tuyaux 
verticaux (jeux d'orgue) dans lesquels le gaz passe en 
se refroidissant et peut se débarrasser de ses grosses 
poussières; 2° de ce condenseur, le gaz est aspiré et 
refoulé par un ventilateur-exhausteur, marchant à 
grande vitesse, pour donner au gaz la pression néces- 
saire pour passer à travers des épurateurs et contre- 
balancer la pression d'un gazomètre régulateur. Deux 
appareils semblables ont été prévus, l’un de rechange; 
ils sont munis de portes de nettoyage; 3° le gaz, refoulé 
par l’exhansteur, passe à travers des épurateurs agissant 
comme filtres, et 4° il est finalement réglé par un petit 
gazomètre. Des scrubbers ou laveurs avaient été prévus; 
mais, en raison des asserlions de Seraing à cette époque 
(fin 1899), qu'aucune épuration n'élait nécessaire, on en 
différa la construction. 

Les premiers essais furent faits à Micheville en octo- 
bre 1900, et il fut reconnu que, malgré la grande résis- 
tance des filtres épurateurs, une trop grande quantité 
de poussière arrivait aux cylindres du moteur, jusqu'à 
en arrêter la marche. M. Lencauchez avait appris à 
cette époque qu'à Duddelange, pour pouvoir maintenir 
le ventilateur servant d'extracteur en état de fonctionner 
et pour s'opposer à son encombrement par les pous- 
sières, on y introduisait de l'eau de temps en temps 
sans autrement y attacher d'importance. Cet encom- 
brement ne se faisait guère sentir à Micheville, le 
ventilateur ayant été établi en conséquence. 

Il vint à l'esprit de M. Lencauchez que le ventilateur- 
exhausteur avec une grande quantité d'éau pourrait 
constituer un bon épurateur, et il pensa qu'il était 
utile d'introduire de chaque côté des ventilateurs et au 


centre un fort jet d'eau et que cette introduction serait 
un bon moyen d'épuration. 


Métallurgie 


REVUE GÉNÉRALE DES SCIENCES, 1901. 


En février dernier, les essais furent faits, et on 
constata que le ventilateur-épurateur pouvait être con- 
sidéré comme le. meilleur épurateur. Le moteur de 
300 chevaux marche tous les jours depuis fin février, 
et il semble qu'un nettoyage du moteur ne sera né- 
cessaire qu'après une très longue période de marche 
continue. 

Des résultats semblables ont été obtenus à Differ- 
dange; mais il faut noter qu'au début, dans cet établis- 
sement, aucune épuration n'avait été prévue et, en 
conséquence, qu'il n'existait pas de gazomètre ni de 
ventilateur-extracteur. Les moteurs aspiraient le gaz 
dans des réservoirs à régulateur hydraulique. 

On peut donc dire que la question de l'épuration des 
gaz de hauts-fourneaux est aujourd’hui résolue. Nous 
constatons avec plaisir que c'est la France qui a eu la 
priorité de cette solution. 


$ 2. — Chimie industrielle 


La stérilisation et le transport des moûts. 
— La rapidité avec laquelle le moût de raisin entre en 
fermentation est certainement un obstacle quand on 
veut apporter cerlains perfectionnements aux procédés 
classiques de vinification, et on pourrait espérer réaliser 
d'importants progrès si la conservation et le transport 
du moût étaient choses possibles et pratiques. 

Nous verrons plus loin quels seraient ces progrès. 
Disons d'abord comment le problème de la conservation 
et du transport du moût vient d’être résolu par M. Kuhn. 

Stérilisation du moût. — La stérilisation s'opère 
dans l'appareil Kuhu, dit « Girator ». C'est un grand 
cylindre horizontal, à l’intérieur duquel est disposé un 
faisceau tubulaire. Le cylindre est argenté intérieure- 
ment et le faisceau tubulaire extérieurement ; de cette 
facon, le moût introduit dans le cylindre ne se trouve 
en contact qu'avec de l'argent; la capacité intérieure 
varie entre 15 et 23 hectolitres dans les appareils qui 
fonctionnent actuellement. 

Le moût, aussitôt après son extraction, est introduit 
dans l'appareil, que l’on remplit complètement. On sou- 
met d'abord le liquide à l’action du vide pour extraire 
l'air en solution dans le moût et éviter que celui-ci ne 
prenne, pendant la chauffe, le goût de cuit. Le cylindre 


ep 13 


594 


CHRONIQUE ET CORRESPONDANCE 


élant fermé etcomplètement rempli de moût privé d'air, 
on fait arriver de l’eau chaude dans le faisceau tubu- 
laire. Cette eau chaude, produite par un générateur, 
étant maintenue sous pression, peut être portée jusqu'à 
1109, température qu'il est nécessaire d'atteindre pour 
opérer la stérilisation complète. Sous l'influence de la 
chaleur, le moût contenu dans le cylindre se dilate et 
produit une certaine pression. On maintient celle-ci à 
3 kilogs par centimètre carré en laissant échapper une 
petite quantité de moût. 

Le moût est chauffé à 110°, sous cette pression de 
3 kilogs, pendant 15 minutes. Pendant ce temps, le 
Girator est animé d'un mouvement de rotation qui 
assure l’égalisation de la température dans toutes les 
parties de l'appareil. 

Quand la stérilisation est terminée, on fait arriver de 
l'eau froide dans le faisceau tubu- 
laire pour ramener le moût à la 
température ordinaire. 

Transvasement aseptique du 
noût. — Il s’agit maintenant de 
transvaser ce mouût stérile dans 


robinet d, la vapeur est envoyée dans la rampe supé- 
rieure et dans les fûts. Enfin, par le robinet e, la 
vapeur est distribuée dans la rampe inférieure et dans 
le tuyau flexible reliant l'appareil stérilisateur à la 
rampe. La purge de vapeur se fait par des robinets 
placés à l'extrémité des rampes inférieure et supé- 
rieure. Des manomètres, fixés sur chacune de ces 
rampes, indiquent la pression de la vapeur pendant la 
stérilisation. 

Lorsqu'on juge que la stérilisation est complète, on 
ferme graduellement l’arrivée de la vapeur, et on 
ouvre progressivement les robinets d'arrivée de l'air 
filtré, a et b. Les robinets de purge et de vapeur étant 
fermés, l'appareil, après refroidissement, se trouve 
rempli d'air filtré et stérile. 

Pour transvaser le moût stérile dans les fûts stériles, 


Fig. 1. — Dispositif adopté pour le transva- 
sement aseptique du moût stérilisé, — N, 
stérilisateur «Girator », système Kuhn, 
contenant le moût stérilisé ; G, H, 1, fûts 
de bois destinés à recevoir le moût stérile; 
E, rampe supérieure ; J, rampe inférieure ; 
D, arrivée de l'air sous pression; À, B, C, 
filtres à air ; F, conduite d'air filtré; M, ar- 
rivée de vapeur ; L, robinet d'air; K, robi- 
net de vidange du moût; a, b, c, d'et e, 
robinets; g, g, g, glaces servant à sur- 


veiller le remplissage des fûts. 


des récipients permettant de le conserver et de le 
transporter. M. Kuhn a choisi des fûts ordinaires en 


bois assez épais; le dispositif qu'il a adopté est repré- 


senté dans les figures 1 et 2. 

Les fûts G, H, I portent sur chaque fond une tubulure 
munie d'un tube d'étain; l'un de ces tubes est relié à 
une rampe inférieure J, l’autre à une rampe supé- 
rieure E. Les füts sont donc placés debout, comme on 
peut le voir sur la figure 1. La rampe inférieure est en 
communication avec le robinet de vidange K du stéri- 
lisateur N. 

On commence par stériliser les fûts et l'ensemble de 
la canalisalion au moyen de la vapeur sous pression 
produite par un générateur et arrivant par le tuyau M. 

La vapeur estenvoyée simultanément dans les rampes, 
les fûts et les tuyaux où doit passer soit le moùût sté- 
rile, soit l'air qui est stérilisé par sa filtration à travers 
les filtres À, Bet C. 

Par le robinet €, la vapeur passe dans la conduite 
d'air qui relie les fûts à air avec le robinet L, par 
lequel se fera la rentrée d'air dans l'appareil stérili- 
sateur au moment de la vidange de celui-ci. Par le 


on ouvre les robinets L et K, on ferme les robinets e et 
d, et on envoie par le tuyau F de l'air filtré, sous une 
pression légère. On ouvre doucement le robinet de 
purge de la rampe supérieure E, de manière à ce que 
l'air contenu dans les fûts puisse s'échauffer au fur et 
à mesure qu'il est remplacé par le moût. 

On s'aperçoit que les fûts sont pleins, lorsque le 
liquide apparaît dans les glaces g, placées entre le 
tube d’étain et la rampe supérieure; on ferme alors le 
tube d'étain en l'aplatissant fortement au moyen d'une 
pince. 

Lorsque tous les fûts sont remplis, on ferme le ro- 
binet de l'appareil stérilisateur K, et l'arrivée d'air., 
Enfin, on ferme les tubes d'étain reliant les fûts à la 
rarnpe inférieure. 

Conservation et transport du moût en füts. — On 
obtient, en opérant comme nous venons de l'indiquer, 
des fûts absolument clos, remplis de moût stérile et 
portant sur chaque fond un lube d'étain fermé par 
aplatissement, On a constaté que ces fûts, gardés sur 
place, étaient susceptibles d’une assez longue conser- 
vation. De plus, ces fûts peuvent être sans aucun 1n= 


CHRONIQUE ET CORRESPONDANCE 595 


convénient expédiés à d'assez grandes distanres. 
J'ai recu deux envois comprenant chacun deux fûts. 
Le premier, expédié en petite vitesse de Lunel à Paris, 
est parti le 19 avril 1900 et est arrivé le 30 avril. La 
seconde quinzaine d'avril avait été très chaude; 
— néanmoins, le moût n’a pas souffert; un füt a été ouvert 
tout de suite; l’autre füt n'a été ouvert que huit jours 
après et tous deux étaient en bon état et n'avaient pas 
« fermenté. | ; À: 
Un second envoi, parti le 6 décembre 1900, est arrivé 
1 à destination le 18 décembre. Les deux fûts étaient 
aussi en excellent état; je les ai conservés, et ne les 
ai ouverts, pour les mettre en fermentation, qu’en 
avril 1901. Ils étaient restés parfaitement stériles, et 
leur gout était excellent. 

Le problème de la conservation et du transport du 
moût de raisin peut donc être considéré comme résolu. 
Reste à voir maintenant si la solution de ce problème 
peut devenir 
l'origine de 
progrès  im- 
portants en 
vinification. 

Tout d'a- 
bord, avant 
de préciser 
- les progrès 
possibles, on 
voit que, si la 
conservalion 
du moût peut 
être obtenue 
à un prix peu 
élevé, — et 
cela est pos- 
sible, — le vi- 
nificateur se 
trouve en pré- 
sence d'une 
situation nou- 
- velle, car, au 
lieu d'être 
obligé de con- 
vertir ses 
._moûts en vins 
aussitôtaprès 
qu'il vient de 


. dre à son gré, 
et devenir le 
maître des 
conditions 
“dans lesquelles il pourra opérer ses fermentations. 
» Au point de vue pratique, il nous semble que la 
«possibilité de conserver et de transporter les moûts 
peut faire entrer dans une voie nouvelle l'amélioration 
des vins par l'emploi des levures sélectionnées. Les 
deux facteurs qui interviennent dans la vinification 
sont le moût et la levure. Jusqu'ici, on s’est efforcé de 
répandre l'emploi des levures sélectionnées, mais 
celles-ci âgissent dans un milieu bien différent de leur 
- milieu originel. Au lieu de porter la levure auprès du 
… moût, il serait plus rationnel de porter le moùût auprès 
de la levure que l'on veut faire agir sur lui, et de 
… laisser travailler cette dernière dans les conditions de 
milieu où elle paraît se plaire. 
C'est ainsi, par exemple, que si l’on expédie en 
… Champagne des moûts stériles préparés dans l'Hérault 
(on choisit des moûts ayant une teneur en sucre et 
—_ une acidité voisines de celles des moûts champenois), 
et que l'on ensemence ces moûts avec des levures de 
. Champagne, ou des lies fraîches de bon vin de Cham- 
… pague, on obtient des vins se rapprochant beaucoup 
«plus, comme odeur et comme saveur, des vins de Cham- 
_ pagne, que si l’on fait l’ensemencement dans le Midi 
avec la levure sélectionnée, 


vront le moût stérile. A gauche, on aperçoit une partie du générateur de vapeur du 
moteur servant à envoyer l'air sous pression dans le filtre, dont on ne voit que la 
partie supérieure, 


Il serait, sans aucun doute, possible d'obtenir ainsi 
des vins de bonne qualité. 

En dehors de leur emploi en vinification, les moûts 
stériles pourraient être l’objet d'un commerce interna- 
tional, puisqu'en Suisse, en Allemagne, en Angle- 
terre, etc., on consomme beaucoup de vins sans alcool, 
qui ne sont autre chose que des moûts conservés soit par 
la chaleur, soit par l'acide sulfureux ou d'autres anti- 
septiques. X. Rocques, 

Ingénieur-chimiste, 


Ancien chimiste principal 
du Laboratoire municipal de Paris, 


$ 3. — Botanique 


La culture de la Morille. — En 1897, au cours 
d'un article sur la culture du champignon de couche, 
publié dans cette Revue!, je fis allusion à des recherches 
que je poursuivais alors dans le but de réaliser la cul- 
tureartificiel- 
le de la Mo- 
rille, en par- 
tant de la 
spore. 

Les expé- 
riences en 
question 
ayant abouti, 
ilne sera peut- 
être pas sans 
intérêt d'’ex- 
poser briève- 
ment la mé- 
thode suivie. 

La culture 
d'un champi- 
gnon supé- 
rieur, on le 
conçoit, com- 
porte d’autres 
exigences que 
celle des Mu- 
cédinées que 
l’on est habi- 
tué à manier 
dans les labo- 
ratoires, Les 
mycéliumsde 


les préparer, Fig. 2. — Stérilisation et transvasement aseptique du moüt.— On voit au centre l'ap- ces espèces 
il peut atten- pareil de stérilisation Kuhn, monté sur roues. À droite sont placés les fûts qui rece- doivent végé- 


ter pendant 
une période 
fort longue 
afin d'accu- 
muler les matériaux de réserve destinés à faire les 
frais d’une fructification volumineuse ; ils doivent aussi 
avoir à leur disposition un terrain sans cesse renou- 
velé, car ils ne végètent pas sur place, mais s’avancent 
au contraire d'une manière continue, sans jamais reve- 
nir sur le terrain parcouru. 

Afin de satisfaire à ces conditions, j'adoptai comme 
vases de culture des tubes de verre d'environ un mètre 
de longueur et 25 à 30 millimètres de diamètre. Ces 
tubes étaient bourrés d’un substratum composé de 
matières végétales réduites presque à l’état d'humus, 
telles que du bois pourri, du terreau de feuilles 
mortes, etc. L'addition d’un grand nombre de subs- 
tances nutritives a été essayée en vue d'améliorer ce 
milieu naturel, sans aucun résultat positif. 

Après stérilisation préalable, l'ensemencement se 
faisait, à l’une des extrémités du tube, au moyen de 
spores recueillies avec pureté. f 

La germination est très rapide et, déjà au bout de 
vingt-quatre heures, on peut apercevoir, au point où 
les spores ont été déposées, un fin duvet blanc; c’est la 


1 Voyez Cu. Répin : La culture du champignon de couche, 
dans la Revue du 15 septembre 1897, t. VILI, p. 705 et suiv. 


596 


CHRONIQUE ET CORRESPONDANCE 


première apparition du mycélium, qui bientôt pénètre 
dans le terreau sous forme de filaments ramifiés, par- 
court le tube dans toute sa longueur et atteint en quel- 
ques semaines l'extrémité opposée. On sectionne alors 
cette extrémité et on l’abouche avec l'orifice. d'un 
second tube préparé comme le premier. Si l'opération 
a pu être effectuée à l'abri des moisissures, le mycé- 
lium passe sans difficulté dans le second tube et s’y 
propage; si, au contraire, la culture a été contaminée, 
elle peut être considérée comme perdue, car, à celte 
période, le simple voisinage des moisissures suffil à 
tuer le jeune mycélium de la Morille. C’est pour éviter 
autant que possible leur invasion qu'il importe de choisir 
comme terrain des débris végétaux en voie de décom- 
position déjà très avancée, c’est-à-dire dontles matières 
fermentescibles ont complètement disparu. 

Au bout de plusieurs mois de végétation, lesfilaments 
du mycélium paraissent plus volumineux, plus nourris; 
parfois même, on remarque de véritables cordons 
résultant de la soudure de plusieurs filaments paral- 
lèles; en d’autres points, cette tendance des filaments 
à.se rapprocher, pour constituer des structures plus 
denses, se manifeste par la formation d’amas feutrés 
rappelant le tomentum qui, chez une famille très 
voisine de la Morille, les Pezizes, constitue la première 
ébauche du réceptacle. 

C'est là l'indice irrécusable que les cullures sont en 
bonne voie, et que la forme que nous propageons est 
bien celle qui doit aboutir à Ja production des asco- 
spores, c'est-à-dire de la Morille. Je ne parlerai donc 
que pour mémoire d'une autre forme, stérile celle-là, 
que l’on obtient en cultivant le mycélium non plus au 
sein d’un substratum poreux, mais en surface dans 
une atmosphère humide. C'est une forme Botryts, 
caractérisée par de très longs filaments droits et grêles, 
bientôt transformés en chapelets de conidies; cette 
forme se fixe et ne semble plus susceptible de faire 
retour à la forme fertile dont nous allons continuer à 
suivre l’évolution. 

On constate bientôt que le mycélium a acquis avec 
l’âge la propriété de résister victorieusement à la con- 
currence des moisissures; au lieu d'être tué par elles, il 
refoule maintenant celles qui ont pu s’introduire dans 
les tubes de culture. Dès ce moment, autant pour 
simplifier la besogne que pour me rapprocher davan- 
tage des conditions naturelles, j'abandonnai les cul- 
tures en tubes stérilisés, et j'instituai à la campagne 
des cultures « en pleine terre ». La méthode, à l’imi- 
tation de ce qui se pratique pour le champignon de 
couche, consistait essentiellement à préparer des 
couches de terreau de composition variable, enfouies 
dans des tranchées, et à y insérer de place en place 
des mises de mycélium adulte provenant de mes tubes. 

Plusieurs printemps passèrent sans qu'aucune Mo- 
rille fit son apparition sur les couches, bien que la 
prise et la propagation du mycélium eussent été cons- 
tatées. Pour la première fois, en mai 1900, je trouvai 
une demi-douzaine de Morilles disséminées sur le sol 
d'une cave, autour d'un emplacement où avaient sé- 
journé, en 1892, des cultures établies dans des pots à 
fleurs. Cette année-ci (mai 1901), le succès s’est con- 
firmé d'une manière non douteuse. Autour d’une couche 
composée de feuilles mortes et alcalinisées assez forte- 
ment avec du carbonate de soude, datant de 1896, on 
a récolté une dizaine de Morilles, et plusieurs autres 
encore sur une tranchée dans laquelle avait été déposé, 
à la même époque, un compost de marc de pommes. 
Cela fait donc trois cultures différentes ayant déjà 
donné, à l'heure actvelle, un résultat positif. 

Il est donc acquis que la Morille est un champignon 
saprophyte, que son mycélium n’a nullement besoin 
de vivre en symbiose avec les racines de certains ar- 
bres, comme le veut une opinion très répandue (dans 
les expériences en question, toutes les précautions 
avaient été prises pour ne laisser subsister aucun doute 
à cet égard) et que sa culture artificielle n’est pas très 
difficile à réaliser sous certaines conditions. Il est vrai 


que celte culture serait bien lente, puisque dans un 
cas il s'est écoulé huit ans et dans l'autre cinq ans 
entre l’ensemencement et la récolte. Mais certains faits, 
connus des mycolosistes, derécoltes extraordinairement. 
abondantes de Morilles sur des substratums particuliers, 
notamment certaines pâles de bois pour la fabricatiom 
du papier, permettent de croire qu'il serait possible de: 
reproduire régulièrement ces conditions exceptionnelles 
parfois rencontrées dans la Nature et de créer ainsi 
une méthode intensive de culture de la Morille qui au- 
rait certainement un intérêt économique. 


D' Ch. Repin, 


Attaché à l'Institut Pasteur. 


$ 4. — Géographie et Colonisation 


La Pénétration dans la Côte d'Ivoire. — À la 
Côte d'Ivoire, comme partout en Afrique, après l'occu- 
pation du littoral, a commencé l'œuvre de pénétra- 
tion. Tout d'abord, les explorateurs ont parcouru le 
pays : Binger et Treich-Laplène dans le pays de Kong 
et le bassin du Comoë; Marchand, les administrateurs 
Nebout et Pobeguin, M. Eysseric dans le bassin du Ban- 
dama; l'administrateur Thomann dans celui de la 
Sassandra ; le capitaine Blondiaux dans le Nord-Ouest 
de la Colonie; l'administrateur Hostains et le lieutenant 
d'Olonne dans le bassin du Cavally; enfin la Mission 
du chemin de fer, dirigée par le Commandant du Génie 
Houdaille, dans la région intermédiaire entre le Comoë 
et le Bandama. Je passe sous silence nombre de tra- 
vaux de détail qui permettent de coordonner, de cou- 
trôler ou d'étendre les itinéraires des voyageurs que je 
viens de nommer. 

Puis est venue l'action politique, que l’on peut consi- 
dérer comme complète dans ses grandes lignes pour 
la partie Nord et pour la moilié orientale de la colonie. 
L'action militaire engagée contre Samory nous à 
amenés à fonder les postes de Touba, Odienné, Tom- 
bougou, Seguela, Nouantogloin, Haut-Bandama, Bouaké 
Dabakala, Kong et Bouna dans le Nord de la Côte 
d'Ivoire. La pénétration pacifique, commencée en 1894 
sous l'impulsion de M. Binger, premier gouverneur de 
la colonie et continuée sous ses successeurs, MM. Mout- 
tet et Roberdeau, nous a amenés à occuper successi- 
vement les postes de Bettié, Zaranou, Attrakrou, Nia- 
bley, Manzano, Assikasso et Bondoukou dans le bassin 
du Comoë ou le long de la frontière Est, ceux de Tias- 
salé, Toumodi et Kodiokofi dans le bassin du Bandama. 
Le mouvement est à peine ébauché dans la partie Ouest 
de la colonie. L'année 1899 avait vu l'établissement des 
postes de Grabo, de Taté et d'Olodio dans le bas Cavally. 
En 1900, l'administrateur Thomann a été chargé de 
fonder un poste à Boutoubré, à une centaine de kilo 
mètres de la côte, sur le cours de la Sassandra. 

On remarquera que ces diverses lignes de pénétration 
suivent toutes les vallées des cours d’eau qui arrosent 
la colonie; ce n'est pas que les rivières de la Côte 
d'Ivoire soient d'une navigation facile, mais leur 
orientation générale Nord-Sud en fait en quelque sorte 
des fils conducteurs pour qui, du littoral, veut s'élever 
vers l'intérieur. ‘ 

Livingstone, il y a longtemps déjà, comparait l'Afri-" 
que à une auge dontles rebords, formés par une série 
de montagnes ou de plissements parallèles aux côtes, 
isolaient de la mer tout le centre du continent. Les 
fleuves africains les plus importants, le Nil, le Niger, 
le Congo, le Zambèze, n'arrivent à la mer qu'après 
s'être frayé une route pénible au prix d'une série de 
rapides ou de calaractes à travers l'obstacle géologique 
qui leur barrait le chemin. Leur navigabilité se trouve 
donc interrompue à une distance plus ou moins faible 
de leur embouchure. Cette configuration du continent 
africain, après avoir, pendant de longues années, 
entravé les reconnaissances des explorateurs, est 
aujourd'hui l'une des grosses difficultés que rencon- 
trént les nations européennes pour la mise en valeur 


CHRONIQUE ET CORRESPONDANCE 


Ce 
de) 
| 


des vastes territoires qu'elles se sont attribués en Afri- 
. que pendant le dernier quart du xix° siècle. 

1 Bien qu'appartenant tous au bassin côtier du golfe 
—. de Guinée, les fleuves de la Côte d'Ivoire ne font point 

exception à cette règle générale et ils ne se jettent 
dans l'Atlantique qu'après avoir franchi, par de nom- 
 breux rapides, les gradins montagneux et boisés qui, 
du littoral, accèdent aux plateaux de la boucle du 
Niger, où les plus importants de ces cours d'eau pren- 
nent leurs sources. 

On rencontre, en allant de l'Est à l'Ouest : le Tanoë 
dont le cours inférieur sépare notre colonie de la Côte 
d'Or anglaise. Il est navigable, mais pour les pirogues 
seulement, jusqu'à Nougouä, point à partir duquel il 
coule entièrement en territoire anglais. 

La rivière Bia, qui se Jette dans la lagune Aby, cesse 
d'être navigable pour les pirogues aussi bien que pour 
les vapeurs à Aboisso, à une cinquantaine de kilomètres 
«de la mer. 

Le Comoë, l'un des trois cours d’eau les plus consi- 
dérables de la colonie, a son embouchure à Grand-Bas- 
sam ; il cesse d’étre navigable pour les vapeurs à Alépé, 
à seulement 40 kilomètres du littoral; 50 kilomètres 
plus haut, à Malamalosso, des chutes de plusieurs mètres 
arrêtent la marche des pirogues. Les chutes de Mala- 
-malosso tournées par voie terrestre, le Comoë redevient 
navigable pour les pirogues qui pourraient, au prix de 
sérieuses difficultés, causées par les nombreux rapides 
obstruant le cours du fleuve (il y en a 17 entre Bettié 

“et Attakrou), remonter jusqu'à Nabaé, par environ 8°30 
de latitude nord. Le Comoë prend ses sources bien plus 
haut encore, dans le Kenedougou, entre le 10° et 
le 11° degrés de latitude. 

Les rivières Mé et Agneby, qui se jettent dans les 
lagunes Potou et Ebrié, sont beaucoup moins impor- 
tantes et prennent leurs ssurces dans le voisinage du 
7e degré de latitude nord. Leur cours inférieur serait 
pendant quelques kilomètres accessible aux vapeurs 
s'il était débarrassé des nombreux troncs d'arbres qui 
l'obstruent. 

Le bassin du Bandama, bien que les sources de ce 
fleuve soient un peu moins septentrionales que celles 
du Comoë, paraît, par l'importance et le nombre des 
affluents, le plus étendu des bassins fluviaux de la Côte 
d'Ivoire. Malgré son débit pendant l'hivernage, ce 
fleuve, qui a son embouchure près de Lahou, n'est navi- 
gable pour les vapeurs que jusqu'à Thiassalé, à 90 kilo- 
mètres de la mer et pendant les plus hautes eaux seu- 
lement, c’est-à-dire pendant trois ou quatre semaines; 
encore les rapides de Broubrou, à une trentaine de 
kilomètres en aval de Thiassalé forment-ils toujours un 
obstacle peu commode. Pendant le reste de l’année, la 
navigation par vapeurs s'arrête soit à Broubrou, soit à 
Ahuakrou, à une quarantaine de kilomètres seulement 
du littoral. Ses deux branches les plus considérables, 
Bandama Rouge et Bandama Blanc, ainsi que le Nzi, son 
affluent le plus important, sont encore trop peu connus 
pour qu'on puisse apprécier exactement davs quelle 
mesure leurs nombreux rapides forment obstacle à la 

-navigation des pirogues. 

Le Daguiré et le Bonico, qui arrivent à la côte auprès 
de Fresco, sont sars importance. La Sassandra, dont le 
cours supérieur a été reconnu par le capitaine Blon- 
diaux sous le nom de Ferédougouba, est le troisième 
des grands fleuves de la Côte d'Ivoire. Elle cesse d’être 
navigable pour les vapeurs à quelques kilomètres de 

-son embouchure, et on ne l’a encore remontée en 
pirogues, au prix de sérieuses difficultés, que jusqu'à 
pes poudou, un peu au-dessous du 7° degré de latitude 
nord. 

La rivière de San Pedro, beaucoup moins importante 
que la Sassandra, est, comme celle-ci, coupée par de 
nombreux rapides presque jusqu'au littoral. Les 
rivières de Wappou et de Tabou, moins importantes 


À 


encore, deviendraient accessibles pour de petites em- 
barcations sur un parcours de quelques kilomètres si 
on débarrassait leur cours inférieur des nombreux 
troncs d'arbres tombés qui l’obstruent. 

Sur le Cavally, qui forme la limite ouest de la colonie, 
le point terminus de la navigation à vapeur est Niamé, 
à 38 milles géographiques de l'embouchure; on n'est 
pas remonté beaucoup plus haut en pirogues. 

Il s’agit, bien entendu, dans toute l'énumération qui 
précède, de petits vapeurs de rivière calant au plus un 
mètre ou un mètre cinquante de tirant d'eau. 

Je me suis attaché à déterminer, aussi exactement 
que possible, pour toutes ces rivières le point où cesse 
la navigation à vapeur, car l'expérience me semble 
avoir démontré que, dans les rivières à rapides, la navi- 
gation par pirogues ne saurait suflire à un mouvement 
commercial de quelque importance. 

Les difficultés de la navigation sur ces rivières ont, 
en effet, pour conséquence première d'exiger des mari- 
niers une connaissance du cours d'eau, de ses récifs et 
de ses crues qui monopolise la batellerie au profit des 
seuls riverains. Ceux-ci augmentent leurs exigences pro- 
portionnellement aux demandes, leur nombre n'ayant 
pas varié, alors que celui des traficants et des marchan- 
dises à transporter augmentait, si bien que le temps 
arrive vite où la rareté et la cherté des transports par 
pirogues créent un obstacle presque insurmontable au 
plus grand développement du commerce dans la région. 

Le fait vient de se produire à la Côte d'Ivoire daus le 
bassin du Comoë. Il y a quatre ans encore, les pistes 
suivies par les caravanes commerciales venant de l'inté- 
rieur s'arrètaient toutes à Bettié ou à Malamalosso sur 
le fleuve, qu’elles utilisaient ensuite pour se rendre à 
Alépé ou à Grand-Bassam. Mais, depuis, la quantité de 
caoutchouc exporté est passée de 141.997 kilogrammes 
en 1896 à 633.435 kilogrammes en 1899, chiffre qui a été 
encore dépassé en 1900. La presque totalité de cet excé- 
dent provient des cercles de l’'Indénié etde Bondoukou 
ou des régions voisines qui empruntent les routes de 
l'Indénié pour leurs relations avec lelittoral. Devant cette 
surproduction, la batellerie sur le Comoë est devenue 
insuffisante et l'Administration fait, en ce moment, 
ouvrir le long de la rive gauche du fleuve une piste pour 
permettre aux caravanes d'accéder à Alépé, point ter- 
minus de la navigation à vapeur. 

Il ressort de ce rapide exposé que la question des 
moyens de transport et des voies de communications 
économiques se pose à la Côle d'Ivoire avec la même 
urgence que dans nos autres possessions de l'Afrique 
Occidentale. Si la solution est moins prochaine qu'au 
Sénégal, à la Guinée Francaise et au Dahomey, où les 
chemins de fer sont déjà en construction, elle ne sau- 
rait être infiniment retardée. La Mission Houdaille a 
déjà étudié le tracé de 200 kilomètres de voie ferrée; 
tout un plan de campagne; comprenant un complément 
d'étude et des travaux préparatoires, a été établi pour 
l'année 1901. 

En attendant la mise en train de la grosse entreprise 
qu'est toujours la construction d’un chemin de fer dans 
l'Afrique intertropicale, l'Administration locale s'est 
préoccupée de l'amélioration des pistes suivies par les 
caravanes indigènes. Elle en a tracé, élargi et amé- 
nagé plus de 1.200 kilomètres dans les cercles d’Assinie, 
de l'Indénié, de Bondoukou, du Baoulé et de Kong. 

Enfin, elle a presque achevé la construction de la 
ligne télégraphique qui doit la relier au réseau du Sou- 
dan et du Sénégal. Le fil parti de Grand Bassam et des- 
servant les postes d'Alépé, de Bettié, de Zaranou, de 
Niabley, d'Assikasso et de Bondoukou, était arrivé le 
4 août 1900 à Dabakala, à 150 kilomètres seulement de 
Kong, point qu'avait atteint deux mois plus tôt le fil 
soudanais. 

M. Clozel, 


Gouverneur de la Côte d'Ivoire. 


598 


D' CUREAU — NOTES SUR L'AFRIQUE ÉQUATORIALE 


NOTES SUR L’AFRIQUE ÉQUATORIALE 
DEUXIÈME PARTIE : ETHNOGRAPHIE: 


Rien de plus embrouillé que l’ethnographie afri- 
caine : la mulliplicité des peuplades de toutes races, 
leur confusion, l'absence de traditions ou de mo- 
numents de leur histoire, le peu de temps depuis 
lequel nous avons commencé à les connaître, ren- 
dent fort difficiles, sinon impossibles, l'établisse- 
ment de leurs parentés et la poursuite des pistes 
de leurs migrations. Tout s’efface vite sur cette sau- 
vage terre d'Afrique. La féconde Nature a bientôt 
fait disparaitre les morts et détruit la trace de leurs 
pas ou les vestiges de leurs travaux. 

Nous allons cependant essayer de donner une 
idée générale des principales peuplades qui habi- 
tent l'Afrique équatoriale, de leurs caractères phy- 
siques et de leurs coutumes, de leurs mœurs et de 
leurs langues, en nous basant sur les observations 
que nous avons ‘pu recueillir pendant un séjour de 
plusieurs années dans ces régions. 


I 


Les races africaines obéissent à la loi commune : 
elles se modifient par une évolution plus ou moins 
lente, que l'intervention européenne tend à brus- 
quer aux dépens de l'existence même de plusieurs 
d’entre elles. Pourtant, soit par soumission à une 
tradition obscure, soit par la protection de rem- 
parts géographiques, soit à cause de leurs qualités 
prolifiques, de leur énergie vitale et de leurs vertus 
guerrières, qui leur rendent superflue ou hostile 
toute immixlion étrangère, quelques-unes parais- 
sent avoir conservé un type assez homogène : c'est 
ce qui est arrivé, par exemple, pour les Pahouins, 
les Ballali et les Bobanghi. 

Ces cas sont rares. La plupart des peuplades 
offrent des types assez méêlés. En tête des circon- 
stances qui ont contribué à modifier les caractères 
ethniques primitifs, il faut placer l’infusion du sang 
étranger par la voie de l'esclavage. Notons que les 
Pahouins, qui viennent d’être cités pour avoir con- 
servé la purelé du type, ne pratiquent pas le trafic 
de l'homme : le prisonnier fait à la guerre n’est 
point réduit en esclavage; on le mange; il n'ya 
même pas de mot dans leur langue pour signilier 
« esclave ». 


! Voir la première partie de cet article dans la Revue du 
30 juin, t. XII, p. 558. 

Cette partie était consacrée à l'examen des conditions 
orographiques, hydrographiques et climatériques des régions 
africaines équatoriales, 


Chez tous les autres, au contraire, la traite de 
l'homme est très prospère (fig. 1); pour la région 
du Congo, ce sont les Bayandzi qui en sont les 
grands pourvoyeurs. D'ailleurs, sauf cas spéciaux 
et exceptions, l'esclavage n'y est pas si terrible 
qu'on l’a dit et ne justifie qu’en partie les alarmes 
de nos philanthropes : j'entends l'esclavage chez 
les noirs mêmes; car l'esclavage tel que l'avaient 
institué autrefois les Européens ou tel que ceux- 
ci l'exercent encore assez couramment, déguisé 
sous les noms les plus divers, est infiniment plus 
impitoyable et plus cruel. 

L'esclave du nègre est un peu le client de l'Anti- 
quité, à cela près qu'il peut être vendu; mais il 
fait en quelque sorte partie de la famille et jouit de 
cerlaines prérogatives. J'ai connu un nommé Mou- 
loulou, qui tirait son nom de sa tribu d’origine. 
Vendu chez les Bobanghi comme esclave, il était 
devenu possesseur d'une grosse fortune en ivoire, 
avait acheté lui-même des esclaves et s'était libéré. 
Un beau jour, il avait perdu au jeu toutes ses ri- 
chesses; il était en train de recommencer une nou- 
velle fortune. C'est un fait remarquable que l'es- 
clave puisse posséder en propre des biens et des 
esclaves, en dehors de la propriété de son maitre. 
Sur quelle loi peut reposer un droit en apparence 
si paradoxal? Quelle en est la sanction? Si cou- 
tume il y a, je ne répondrais pas qu'elle soit tou- 
jours respectée. Il est évident qu'elle n'a d'autre 
fondement que l'intelligence, l'habileté et la force 
de caractère de l'individu, mais il n'en est pas 
moins vrai aussi qu'elle repose sur une conception 
particulière de la servitude chez les races nègres. 
Il suffit que des exemples analogues au précédent 
ne soient pas rares et que, même chez des tribus 
aussi aristocratiques que les sultanats zandés, des 
esclaves aient pu s'élever au rang de chefs. 

Une autre anecdote montrera certaines particu- 
larités curieuses de l'esclavage en Afrique. Un 
esclave des Batéké, ayant été malmené par son 
maître, un chef de Kimpila nommé Malié, vint se 
réfugier au poste de Brazzaville. Il portait le cos- 
tume, la coiffure en couronne et les balafres carac- 
téristiques de la tribu. L'administrateur consenlit 
volontiers à lui donner asile ; il lui suffisait de se 
présenter le lendemain matin à l'appel et de 
prendre sa part de travail avec nos autres engagés. 
Mais notre homme ne l'entendait pus de cette ma- 
nière; il répliqua avec indignation : « Pourquoi 
viendrais-je travailler ici, alors que je ne fais rien 


Le 


| 


D' CUREAU — NOTES SUR L'AFRIQUE ÉQUATORIALE 


299 


au village? » et il s'en retourna chez son maitre. 
Je ne voudrais pourtant pas laisser croire que tout 
est rose dans la condition de l’esclave. Son exis- 
tence est assez précaire, surtout s'il est faible et 
chétif; il est exposé aux mauvais iraitements, à 


Quoi qu'il en soit de la condition des esclaves, 
ils laissent néanmoins leur empreinte sur la race 
où ils sont transplantés, soit par le concubinage 
des femmes captives avec leurs maîtres, soit par le 
mariage des esclaves entre eux, ainsi que par leur 


Fig. 1. — Esclaves à la fourche chez les Zandés, menés par des bazingers. 


être revendu, à être étranglé à la mort du chef, 
pour continuer à le servir dans l’autre monde. Il 
faut lui rendre cette justice qu'il accepte la bonne 
et la mauvaise fortune avec le plus entier fata- 
lisme. Ce n’est pas lui rendre service que d'essayer 
de le tirer de son état; souvent il s’y refuse, même 
avec la perspective d'être gardé pour la marmite, 
comme cela arrive dans le moyen Oubanghi. 


élablissement et celui de leurs enfants dans la 
tribu, où leur famille finit par prendre droit de 
naturalisation. Dans ces condilions,\la race fne 
saurait manquer de perdre la pureté de son type 
primitif. Mais elle n’en conserve pas moins son 
indépendance et son intégrité au point de vue poli- 
tique. L'esclave devient l'enfant adoptif et le ci- 
toyen de sa nouvelle patrie; il en épouse les que- 


600 


relles et redoute l'étranger. Son intérêt bien 
entendu lui commande sa conduite : il n’a rien à 
gagner au change et court le risque de troquer 
une existence médiocre, mais assurée, contre les 
hasards d’une nouvelle et incertaine condition. 

Telle est, dans ses grandes lignes, au Congo, 
l'influence de l'esclavage dans le mélange des 
races. Les Nzakaras sont trop anthropophages 
pour que les esclaves aient chance de jouer chez 
eux un rôle de quelque importance. Leur race 
n'en est pas pour cela plus homogène; elle est 
composée d'éléments disparates, venus on ne sait 
d'où, puis réunis et confondus sans doute par la 
seule raison de solidarité. Et c'est vraisemblable- 
ment cette raison de solidarité et le besoin ins- 
tinctif de relier plus intimement un tout si peu 
cohérent par soi-même, qui a poussé les Nzakaras 
à s'ériger en royaume, grotesque parodie d’un 
État constitué. 

Dans les sultanats zandés, où peut-on dire qu'il 
existe encore des individus de race pure ? Peut-être 
chez Mbia, tout à fait dans l'Est. Partout autre 
part, la population actuelle est le résultat des croi- 
sements répétés de la race zandé conquérante el 
des nombreuses races autochtones. Deux des sul- 
tans tiennent même à ne pas être de race zandé.La 
plupart de leurs enfants sont nés de femmes es- 
claves, dont les chefs possèdent toujours un assor- 
liment raisonnable. Quant aux conquis, Biris, 
Karès, Krèychs, Basiri, Pambias, Barès, Digas (ces 
derniers n'étant autre que des zandés asservis), ils 
sont en voie de disparaitre, à brève échéance, par 
la privation de leurs femmes enlevées par les chefs 
et par suite des misères et des corvées de toute 
nature. 

Le mélange des races rencontre un gros obstacle 
dans la crainte qu'éprouvent les indigènes à s'éloi- 
gner de la tribu. Si certaines peuplades commer- 
çantes, comme les Bobanghi et les populations 
riveraines du haut cours de l'Oubanghi, se risquent 
à des voyages fort loin de leur patrie, c'est que 
de larges cours d’eau offrent à leur expérience de 
navigateurs une route commode, et à leur sécu- 
rité un refuge contre les tribus moins versées dans 
l’art du pagayage; de plus, leur liberté et leur vie 
ont pour garantie les besoins et les intérêts com- 
merciaux des gens-qu'ils vont visiter. 

Il n’en va pas de même sur les cours d'eau de 
médiocre importance ou sur la plupart des routes 
de terre. Chacune des peuplades échelonnées le 
long de la rivière ou de la route établit des droits 
sur les transactions commerciales qui s'opèrent à 
travers son territoire el ne tolère, sous aucun pré- 
texte, les relations directes entre ses voisins d’amont 
et d’aval; elle impose son intermédiaire, moyen- 


nant un prélèvement, qui, répété de proche en ! 


D' CUREAU — NOTES SUR L'AFRIQUE ÉQUATORIALE 


proche, épuise promptement le stock de marchan- 
dises. ! 

Ce fut là une des raisons des lentes migrations 
des peuplades nègres vers la mer (fig. 2), tant que le 
commerce européen n'eut pas encore pénétré dans 
l'intérieur de l'Afrique. On se poussait insensible- 
ment versla source de tant de richesses: les étoffes, 
les fusils, la poudre, les liqueurs fortes. Pour cer- 
taines tribus prolifiques, comme celle des Pahouins, 
l'accroissement rapide de la population accélère ce 
mouvement vers la mer, l'extension ayant plus de 
chance de se faire avec la moindre résistance du 
côté des peuplades déjà amollies par la vie plus 
facile, les excès et les vices que leur communique 
le contact des Européens. Au siècle dernier, les 
Loangos étaient une race fière et courageuse et. 
constituaient un royaume puissant ‘; maintenant, 
ils sont läches, voleurs et paresseux, excellents 
pour la cuisine, la couture et les travaux de fem- 
mes; cent ans de domination européenne et d’al- 
cool ont suffi pour les amener à une décadence 
complète et à leur prochaine extinction. Les 
Mpongwés ont presque entièrement disparu; à 
l'heure actuelle, il en reste à peine au Gabon 
deux ou trois représentants de race pure. Même 
sort est arrivé aux Bengas, aux Kombés, aux Bou- 
lous. Tout cela a disparu sous l'inondation pa- 
houine, dont les premiers flots commencent à 
apparaitre sur l'horizon du Kouilou. 

Ainsi voilà deux causes de migration, le mirage 
des richesses et la pléthore de population. L’inté- 
rêt prend d’autres formes que celle du commerce : 
chez les Musulmans du Soudan, qui menacent les 
fronlières septentrionales de notre colonie, c'est 
le prosélytisme religieux, ou plutôt l'appât des 
terres plus grasses et plus fertiles de la région flu- 
viale, riches d'une luxuriante végétation et d’hom- 
mes vigoureux propres à l'esclavage. Chez les 
Nzakaras, c'est affaire de cuisine; leur goût du 
gibier humain les entraine tous les ans à des 
guerres contre leurs voisins, les Boubous. Les 
morts sont consommés sur place par les deux par- 
tis; les prisonniers sont emmenés comme réserve 
alimentaire par chacun des belligérants et abattus 
au fur et à mesure des besoins. Dans les sultanats 
zandés, c’est désir d'étendre le territoire ou chasse 
aux esclaves : Rafaï guette les Nzakaras; les autres 
sultans, contenus les uns par les autres, n'ont 
d'autre porte ouverte que celle du Nord. 

La conséquence de ces divers mouvements est 
que, en certains points, règnent des zones de com- 
pression de tribus, sans lien commun de parenté, 
accumulées les unes contre les autres par une 


1 L. pe Granppré : Voyage à la Côte occidentale d'Afrique, 
fait dans les années 1186 et 1187. Paris, an IX. 1801. 


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D' CUREAU — NOTES SUR L'AFRIQUE ÉQUATORIALE 


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_ poussée d'ensemble. Ainsi, nous voyons s'écraser 


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« sur la côte et s'y éteindre les Bômoudi, une frac- 


Lion des Bosyéba, les Kombés; les Mabéa, les Ben- 
gas, les Boulous, les Mpongwés et, plus au Sud, 


les six tribus sœurs des Mpongwés, toutes refou- 


lées par l'innombrable invasion des Pahouins‘. 
Vers la côte du Loango, sur une profondeur de 
400 kilomètres, se pressent sept peuplades, qui 
n'ont rien de commun entre elles, ni caractères 
physiques, ni coutumes, ni langues : Bavili (ou 


En avancant vers l'intérieur, la compression 
diminue. Déjà les Batéké (Atyo) sont fort à l'aise 
sur leurs plateaux, d'où ils se sont écoulés vers le 
Stanley-Pool (qu'ils appellent Mbankoua) pour pré- 
lever leur dime sur le commerce fluvial. 

De l’autre côté du couloir, le groupe de popu- 
lations que les gens du bas Congo comprennent 
sous la dénomination générale de Bayandzi, cou- 
vre une immense surface de pays avec leurs ra- 
mifications, Bolobo, Bonga, Bafourou, Bobanghi, 


pe 


“ 


\ 
3 __—_— 
FSC Y 


\ 


\rare. LarigouassiS\ 


\ Zimtes des grands 
s plateaux. 
. Limite du palmzer 
* aæ futile. 
Les flèches indiquent 
Le sens des nugrations: 


Grave par F'Borremans, 5 rue Hautefeuille. 


_Loangos)?, Bayombé, Bakamba, Basoundi, Bakongo, 
Ballali, Batéké (ou Atyo)°. 


1 La dénomination de Pahouins ou plutôt Mpangwen 
(mot à peu près intraduisible autrement dans notre ortho- 
graphe) est d'origine gabonaise. Les Pahouius s'appellent 
eux-mêmes Fang (les deux dernières consonnes sourdes et 


- nasales) et non Fan et encore moins Man, comme on écrit 


quelquefois; car, dans ce dernier cas, le pluriel ne pourrait 
être Befang, qui est la forme régulière. Les Pahouins appel- 
lent les Mpongwés Beyoukh (le kh guttural comme le ch 
dans l'allemand nach, doch). 

? C'est une erreur d'attribuer aux Loangos et Cabindas, 
ainsi qu'à leur langue, le nom de fiotè. Ce mot veut dire 
simplement noir (adjectif de couleur)-ou nègre, eln'a dés 
lors aucune signification, appliqué à une tribu en particu- 
lier. D'ailleurs, les indigènes protestent eux-mêmes contre 
cette dénomination. 

* Le préfixe Ba est le signe du pluriel; il remplace le pré- 
fixe du singulier Mou, qui devient selon les cas Moun ou M 
(comme dans Mvili). Bobanghi est le pluriel de Mobanghi ; 
Bangala de Mongala. 


Fig. 2. — Carte des populations de l'Afrique équatoriale et de leurs migrations. 


Bangala, auxquelles on pourrait rattacher, mal- 
gré de notables divergences, des types de tran- 
sition qui occupent la moyenne Sanga et le bas 
Oubanghi. 

Au-dessus de Banghi, nouvelle zone de compres- 
sion, composée de plusieurs couches de popula- 
tions échelonnées les unes derrière les autres et 
refoulées vers le Sud par la lente invasion des 
Musulmans du Soudan. C'est d'abord, tout à fait 
au bord de l'Oubanghi, une étroite bande de peu- 
plades assez disparates, Sabangas, Ouadas, Ban- 


- ziris et Bourakas, Sangos et Yakomas. En arrière, 


s'étend de l'Est à l'Ouest un formidable front de 
bataille, déployé entre la Sanga et le Chinko, et 
qui est composé d’une chaine de tribus de même 
race et presque de même langue, les Ndérés, les 
Langouassis, les Ngapous, les Boubous et les 


602 D' CUREAU — NOTES SUR L'AFRIQUE ÉQUATORIALE 


Gabons*. En arrière entore vient une masse com- | Dar-Four, Ce quadruple plan se pousse de proche 
pacte de fétichistes exposés, directement aux entre- | en proche et vient s'écraser sur les bords de 
prises et aux razzia des Musulmans de F'Ada- | l'Oubanghi; car, de l’autre côté de ce rempart, 


Fig. 3. — Village de Bonga (Basse Sanga). 


maoua, du Bornou, du Baghirmi, du Ouadaï, du | sont d'autres tribus qui en défendent le passage. 
TRE PE LC rot ne es En résumé, si nous faisons le dénombrement de 

! Presque tous les noms de l'Oubanghi ont été défigurés . % A TE 
par les Européens; je crois devoir néanmoins conserver toutes les populations échelonnées le iong de l'iti 
l'orthographe usuelle, pour éviter toute confusion. néraire de la figure 1 de notre premier article, 


<a hd. 


cn 


D: CUREAU -- NOTES SUR 


soit sur une distance de 2.600 kilomètres, nous y 
trouvons vingt-cinq tribus différentes, dont l’énu- 
mération serait à la fois fastidieuse et inulile. Et, 


Fig. 4 — J'amille de Ballali, 


parmi toutes ces tribus, quelles variétés de types, 
de coutumes, de dialectes ! 


I] 


Deux grandes divisions s'imposent d'abord, et, 
comme elles joignent à des caractères ethniques 
différents une architecture bien distincte, on 
pourrait les désigner aussi bien par la forme 
ronde ou rectangulaire de leurs habitations. Les 
populations à cases carrées (fig. 3), dites de langue 
Bantou, éparses sur le Congo, se séparent ainsi 
très nettement, à la fois par un signe sensible et 
par des signes de constatation plus délicate, de 
celles à cases coniques qui règnent au-dessus du 
quatrième parallèle. 

Cette première distinction, tout en limitant la 
question, est loin d'en diminuer la difficulté et 
l'inextricable imbroglio : car, des deux parts, 
malgré des similitudes générales, des analogies 
physiques ou linguistiques, les dissemblances de 


détail sont si nombreuses et souvent si tranchées 


L'AFRIQUE ÉQUATORIALE 603 


qu'il paraît bien difficile d'assigner, avec quelques 
chances de probabilité, des liens de parenté entre 
les diverses tribus. Peut-on faire dériver d'une 
même origine les Pahouins ou les Bobanghi bra- 
chycéphales et les Bakongo dolichocéphales? Puis, 
indépendamment de la forme du crâne, combien 
toutes ces races, même dans les régions où elles 
sont le plus pressées, ne diffèrent-elles pas par 
leurs formes physiques, leurs qualités morales et 
leurs aptitudes! Voici les Bakamba aux formes 
épaisses et charnues‘: à côté d'eux, les Basoundi 
et surtout les Bakongo, aux traits fins et intel- 
ligents, au front saillant, aux membres vigoureux, 
malgré leur gracilité. Voici également les Ballali 


(fig. 4), actifs, tout pelils, aux formes quasi-fémi- 


Fig. 5. — Famille de Batéké (Atyo). 


nines; à côté d’eux, les Batéké (Alyo)* à la haute 
taille, à l'allure dégingandée et paresseuse (fig. 5, 


1 J'ai vu chez eux plusieurs cas bien marqués de stéato- 
pygie chez des femmes. 
? Il s'agit ici des Batéké de Mbë, riverains du Congo, très 


60% 


D' CUREAU — NOTES SUR L'AFRIQUE ÉQUATORIALE 


6, 7). Et combien tous ces gens diffèrent encore des 
Bayandzi, beaux hommes, vigoureusement décou- 


plés, à la poi- 
trine dévelop: 
pée de pa- 
gayeurs, au 
front large 
mais bas, à la 
tête ronde ! 
Au moral, 
les divergen- 
ces sont en- 
core wplus 
grandes : — 
Le Pahouin 
est le brocan- 
teur retors, 
qui fait le pe- 
tit commerce, 
dispute pour 
une tête de 
tabac, mar- 
chande pen- 
dant des heu- 
res et des 
jours avec la 
plus mauvai- 
se foi du mon- 
de; — les Ba- 
kongo sont 
voyageurs, 
commission - 
naires, bras- 
seurs d'affai- 
res, débattant 
de gros inté- 
rèêts avec viva- 
cité, mais non 
sans quelque 
largeur d'i- 
dées et quel- 
que générosi- 
{é; — les Bal- 
lali sont les 
petits agricul- 
teurs écono- 
mes, qui vont 
avecdiligence 
porter au mar- 
ché les pro- 
duits de leurs 
plantations et 


Fig. 6. — Groupe de Batéké (Atyo). 


cherchent à en retirer un bénéfice raisonnable, | 


dillérents par leurs caractères physiques de ceux du haut 
Alima, qui sont de très petite taille; les premiers s'appelleut 
eux-mêmes Atyo (&u singulier Ityo). 


pophagie. 


| plus difficile 


mais honnête; — les Baléké (Alyo) sont gens 
d'importance, à prétentions aristocratiques, parfai- 


tement pares- 
seux, répu- 
gnant au lra- 
vail manuel, 
sachant se 
rendre néces- 
saires comme 
entrepositai - 
res et préle- 
ver leur part 
des transac- 
tions qui s'o- 
pèrentchez 
eux ; — le Mo- 
banghi est 
l'homme d’au- 
dace ; il voya- 
ge; il fait le 
commerce au 
loin et s’a- 
bouche avec 
maintes tri- 
bus, dont il 
devient l'in- 
dispensable 
pourvoyeur ; 
il trafique 
d'esclaves 
avec ceux-ci, 
d'ivoire avec 


ceux-là, con- 


nait les pro- 
duits qui font 
prime sur tel 
ou lel mar- 
ché; ila, peut- 
ètre encore 
plus que les 
autres noirs, 
la passion du 
jeu et il n’hé- 
site pas à ris- 
quer sa for- 
tune sur un 
coup de pa= 
tara ;— "les 
Baloï et sur= 
tout les Bon- 
djos sont des 
ventres; c'est 


tout ce qu'il y a de plus bestial en fait d'anthro= 


Au-dessus de Banghi, la confusion est encore 
à déméler. D'ailleurs, il faudrait 


D' CUREAU — NOTES SUR L'AFRIQUE ÉQUATORIALE 


605 


mieux connaitre les populations non riveraines 
de la rivière, que les itinéraires. tracés jusquà 
présent nous ont permis de le faire, pour établir 
des rapprochements et essayer de dégager des 
affinités. Les plus sympathiques et les plus utiles 
….j nos intérêts sont les peuplades établies immédia- 
“tement sur le bord de l'Oubanghi. Leurs aplitudes 


Fig. 7. — Jeune fille Baléké. 


à la navigalion fluviale, leur expérience des rapides 
les rendent précieux pour les transports; l'habi- 
tude héréditaire du pagayage (fig. 8) et de la pêche a 
développé leurs membres thoraciques aux dépens 
des membres inférieurs. De caractère enjoué, 
toujours gais et chantants, insouciants et impré- 
voyants à l'excès, leur commerce est en général 
agréable, mais parfois impatientant par l'extrême 
versalilité de leur caractère; ils aiment les jeux de 
société, les calembredaines, les lazzi; puis, dans 
un coup de tête, quoique sans méchanceté dans le 


fond, ils commettront un acte grave par convoi- 

tise ou par représailles. Dans leurs pirogues, 

ils chantent à journée entière, improvisent des 
paroles sur des airs connus, vous jouent des tours 
pendables et trouvent moyen de se faire pardonner 

à force de bonne humeur. 

Les Nzakaras (fig. 10) inaugurent la série des 
gens moroses. Leur goût de la viande humaine, 
attesté par les trophées d’ossements qui dé- 
corent chaque village, n’est pas d’ailleurs sans 
leur nuire quelque peu dans notre esprit. Il 
convient toutefois de se faire une idée aussi 
exacte que possible de l'anthropophagie. Ces 


Fig. 8. — Pagayeur Sanga poussant la piroque 
à la perche. 


horribles appétits sont encore fort répandus 
dans toute l'Afrique centrale, depuis le moyen 
Congo jusque dans la haute Sanga et le haut 
Oubanghi, y compris les Nzakaras. Les Pa- 
houins s’y adonnent aussi {rès volontiers, 

Il y a des degrés dans l'anthropophagie. Les 
uns, comme les Pahouins, n'abattront point un 
homme exprès pour le manger; mais ils dévoreront 
fort bien l'ennemi tué à la guerre, par manière de 
représailles ou afin d’hériter ses vertus et sa 
valeur; il n'y a pas longtemps que les héros de 
l'Ziade n'en faisaient plus autant. D'autres sont 
anthropophages par rencontre :la faim, l'occasion.…., 
quelque diable aussi les poussant; tels les Ban- 
ziris (fig. 9), Sangos et Yakomas. Les Nzakaras 
avancent d'un degré de plus : ils font la guerre 
pour se procurer la viande humaine. Quant aux 


606 D' CUREAU — NOTES SUR 


Bondjos, aux Langouassis, aux Boubous, ils tuent 
pour manger, ils achètent des esclaves pour la 
tuent entre eux; 


cuisine; ils se dans certaines 


Fig. 9. — J'emme Banziri, 


tribus au nord de l'Oubanghi, les 
hommes, dispersés dans la brousse par 
petits groupements de cases, vivent 
dans une alerte perpétuelle, de case 
en case, exposés aux embuscades! de 
leurs voisins. 

Contrairement à ce qu'on a souvent 
dit, la faim et l’absence de ressources 
ne sont point ici la cause déterminante 
de l'anthropophagie. Les pays des Bondjos, des 
Boubous, des Nzakaras sont parmi les plus fertiles 
et les plus riches de l'Afrique ; le poisson y abonde, 


L'AFRIQUE ÉQUATORIALE 


ainsi que l'éléphant, lantilope et les chèvres. Cés 
coutumes ont donc leur source dans un goût: 
nalurel pour la chair de l’homme. Si l'on met à 
part l'horrible bestialité des dernières tribus citées, 
il faut essayer de se faire, psychologiquement 
parlant, une idée exacte et dénuée de tout pré-: 


jugé, si respectable qu'il soit, au sujet des con- 


ceptions obscures et instinctives de nos indigènes 
en pareille matière; et, pour les trois premiers de- 
grés établis plus haut, il faut se garder de con- 


Fig. 10, — Femme Nzakara. 


fondre férocité avec anthropophagie. Bien des Euro- 
péens, depuis le D° Schweinfurth, ont cireulé 
absolument isolés parmi ces sauvages tribus; aucun, 


D° CUREAU — NOTES SUR L’AFRIQUE 


ÉQUATORIALE 607 


que je sache, pas plus que ceux de mes camarades 
et moi-même, qui nous sommes trouvés en pareil 
cas, n'a eu l'impression de n'être pas parmi eux en 
parfaite sécurité (j'en exceple toujours la quatrième 
catégorie). Cela lient à la notion qu'ils se font de 
l'homme libre 
et de l esclave 
ou captif. 

L'existence 
de ce dernier 
ne compte 
pas; sa forme 
humaine ne le 
différencie en 
rien, au point 
de vue alimen- 
taire, d’une 
poule ou d'un 
cabri. IL est à 
remarquer, à 
leur déchar- 
ge, que, au 
contact des 
Européens, ils 
prennent vite 
la honte de 
ces praliques; 
s'ilss’ylivrent 
encore, ils se 
cachent et, in- 
terrogés à ce 
sujet, ne veu- 
lent point en 
convenir. 

Les Zandés 
ou Nyam- 
nyams(fig.11, 
42, 13) ont, 
selon toute 
apparence,en- 
tièrement re- 
noncé à l’an- 
thropophagie. 
Et puis, peul- 
on dire qu'il 
existe encore 
vraiment des 
Zandés? Leurs 
sultanats ne sont pas des groupements naturels 
de races, mais des constitutions politiques tout 
à fait artificielles. L'élément zandé conquérant 
s’est si bien fusionné avec les conquis, que, sauf 
peut-être dans l'extrême Est, on ne retrouve plus 
le type originel décrit par le D' Schweinfurth. Les 
conquis eux-mêmes appartiennent aux races les 
plus diverses et les plus hétérogènes; comme les 


Fig. 11. — Bazinger (soldat) Zandé. 


populations de l'Oubanghi, elles ont subi le refou- 
lement vers le sud, à la suite des incursions des 
Musulmans du nord. Actuellement, ils 
voie d'extinction rapide : 


les guerres, la chasse 


sont en 
la misère, les privalions, 
à l’esclave, la privation 
de leurs fem- 
mes ont consi- 
dérablement 
dépeuplé le 
pays. Les seu- 
les popula- 
tions du Babr- 
el-Ghazal, qui 
aient jusqu'à 
présent résis- 
té victorieuse- 
ment aux in- 
fluences exté- 
rieures et 
évilé toute em- 
preinte étran- 
gère, sont cel- 
les, Dinkas, 
Chillouks et 
Nouërs, qui, 
relranchées 
au milieu de 
leurs impéné- 
trables ma- 
rais, y ont tou- 
jours trouvé 
un rempart 
inexpugnable 
contre les plus 
redoutables 
tentatives 
d'invasion. Je 
pensequ'iln'y 
a plus lieu de- 
réfuter l'hy- 
pothèse du 
D' Schwein- 
furth, tentant 
à établir l'i- 
dentité des 
Nyam-nyams 
et des Pa- 
houins. L’aire 
de peuplement de ces derniers est maintenant cir- 
conscrite. 

En outre, il y a aussi peu que possible de traits 
communs entre les deux types; leurs ‘idiomes 
ne se ressemblent non plus, ni par les mots, ni 
par la grammaire, ni par l’accentuation : le zandé 
est doux et monotone; le pahouin, rauque et gut- 
tural, 


608 D' CUREAU — NOTES SUR L'AFRIQUE ÉQUATORIALE 


les données sont encore bien vagues et insuffi- 

III samment étendues; elles nous permettent tout 
juste de trouver, entre les non moins nombreuses 

Voilà donc bien la vraie confusion des peuples: | langues qui sont parlées jusqu'au Soudan et jus- 
c’est aussi la confusion des langues. Autant de tri- | qu'au Nil, quelques traits communs qui tendraient 


bus, autant d’idio- à les ranger dans un 


mes. Des vingt-cinq 
tribus que nous 
avons relevées sur 
notre long itinérai- 
re, aucune ne Com- 
prend ses voisines. 
Pourtant, les migra- 
tions, les relalions 
commerciales, favo- 
risées par les voies 
naturelles de com- 
munication,les mul- 
tiples causes de mé- 
lange des races ont 
imprimé à quelques 
groupes de ces lan- 
gues des caractères 
communs, des règles 
de syntaxe et d’ac- 
cord, calquées surun 
modèle unique, des 
radicaux et même 
des mots entiers 
identiques, qui leur 
donnent un air de 
famille et que cha- 
eun s’est assimilé en 
les adaptant à son 
génie particulier. 
L'indigène est le 
plus souvent incon- 
scient de ces res- 
semblances; il faut 
un esprit d'observa- 
lion moins superti- 
ciel que le sien pour 
les dégager. Le seuil 
de Banghi, continué 
jusqu'à la moyenne 
Sanga, d’une part, 


Oo 


même groupe. 

Mais, qui dit simi- 
litude de langage ne 
dit point similitude 
de races; de sorte 
que la’ constatation 
qui vient d'être faite 
des analogies lin- 
guistiques, de part 
et d'autre de la li- 
mile établie, n'est 
pas en contradiction 
avec celle de la va- 
riété des races qui 
peuplent l’une et 
l'autre régions. En 
vertu de l'extrême 
facilité qu'ont les 
noirs à s'assimiler 
les langues, surtout 
celles qui répondent 
à leurs conceptions 
simplistes, ils ont 
tous plus ou moins 
subi l'influence 
d'une langue plus 
claire, plus com- 
plète, qui s’est pro- 
pagée sans doute de 
l'Est à l'Ouest. 

Le procédé qu'a 
dû suivre cette lan- 
gue bantou, pour 
s'imposer à des races 
si diverses, est en- 
core en action sous 
nos yeux dans les 
langues commercia- 
les, qui s'étendent 
sur des espaces con- 


et, de l’autre, à tra- Fig. 12. — Baziuger (soldat) Zandé filanit le coton. sidérables et permet- 


vers les territoires 

compris entre le Congo et l'Oubanghi, établit en- 
core une fois, dans le domaine linguistique, une 
ligne de démarcation bien tranchée entre l'archi- 
tecture carrée et l'architecture ronde. Au sud rè- 
gnent les nombreux dialectes confondus sous l'ap- 
pellation générale de Zangues bantou!; — au nord, 


’ Le mot bantou est le pluriel du mot kongo mountou, 


tent aux trafiquants 
de s'entendre entre eux. Ces langues commer- 
ciales dérivent toujours de lidiome d’une tribu 
prépondérante par ses relations, son trafic ou le 
chiffre de sa populalion. Mais la prononciation 
pure est singulièrement modifiée et la correction 


homme. Je crois bien que le même mot existe en Kiswahili, 
sur la cùte orientale de l'Afrique. 


| 


RATARU 1 


D: CUREAU — NOTES SUR L’AFRIQUE ÉQUATORIALE 


des règles d'accords et de syntaxe tout à fait mé- 
connue. Quelques formes grammalicales, quelques 
mots finissent par pénétrer dans les dialectes 
“particuliers à châque tribu; mais ce ne sont pas 
les mots les plus usuels et les plus communs, 
ceux qui sont d'usage courant dans la vie jour- 
nalière du village; ce sont les termes les plus 
- généraux et ceux qui ne correspondent point à 
des préoccupations habituelles et, en quelque 
sorte, intimes. Les mots Lomme, femme, enfant, 
… feu, eau, etc. trahissent bien rarement une origine 
étrangère ; ou bien 
les deux existent 
simultanément 
les Bakongodisent 
plus volontiers 
nkoko que maza 
pour désigner 
l'eau; etles Loan- 
gos en font pres- 
que autant des 
bmots »langou et 


ss) 


So 


propres, tandis 
que maza et masi, 
déjà assez sem- 
blables entre eux, 
leur ont été impor- 
tés. 

Même chose se 
passe en Europe; 
nous empruntons 
aux étrangers cer- 
lains termes de 
métiers, de jeux, 
ete.; ils nous pren- 
nent des termes 


masi; nkoko et VA 
nlangou leur sont PA 
respectivement 4 


meublement, par ' 
exemple; les mots fondamentaux ne varient pas 

Je donne (p. 610) un tableau comparatif de 
quelques mots en différentes langues indigènes; 
je les ai transcrits aussi exactement que le permet 

l'orthographe francaise; la figuration précise de 
leur prononciation nécessilerait des signes et 
_ accents conventionnels ; elle rendrait quelques 
+ rapprochements encore plus évidents. On pourra 
- néanmoins, je l'espère, se rendre compte des ana- 
— logies et des dissemblances. 

Les vingt-cinq tribus déjà citées sont reliées entre 
elles par quatre langues commerciales seulement : 
— Une mauvaise langue Kongo, qui s'étend de la 
côte au Stanley-Pool; — le Mobanghi, qui, étant 
très facile, n'a pas été très dénaturé; il va du Stan- 


REVUE GÉNÉRALE DES SCIENCES, 1901. 


de tailette et d'a- Fig, 13, — Tisserand Zandé, 


609 


ley-Pool jusque dans le bas cours de l'Alima, de 
la Sanga et de l'Oubanghi el sur une partie du cours 
supérieur du Congo; — le Sango (ou Yakoma) sur 
le cours supérieur de l'Oubanghi; — au nord du 
Mbomou, à parlir du Chinko, un mauvais arabe, 
adouei comme prononciation, simplifié à l'extrême 
comme grammaire et tellement métamorphosé 
qu'un Arabe même ne saurait le comprendre sans 
étude préalable. 

Les langues bantou sont caractérisées par quel- 
ques principes généraux, communs à toutes : 

4° La formation 
du pluriel à l’aide 
d'un préfixeajouté 
au-devant du mot 
ou substitué au 
préfixe qui mar- 
que le singulier !; 

2° L'accord des 
adjectifs, des pro- 
noms, etc., avec le 
substantif se fait 
loujours par le 
commencement 
des mots, d'apres 
une règle d'eupho- 
nie qui 
donner à tous les 
déterminants la 
même consonance 
initiale qu'au dé- 
terminé ; ainsi, on 
a en Kongo : 


tend à 


0 mamagnè 
les pierres 


mawpermbè mabotè, 
blanches (sont) belles. 


3° L'emploi d'un. 
petit mot, appelé 
relatif, destiné à 
établir la relation, la possession, l'attribution, et 
qui entre, à ce titre, dans la composition des 
adjectifs et pronoms pessessifs el démonstralifs ; 
ainsi, en mpongwé : 


mpono YINO YI 
chemin ce (il) 


kendia gqoué? 
conduit où? 


4° La permutation de certaines consonnes d'après 
des règles fixes, soit dans la formation du pluriel, 
dans la conjugaison des verbes, dans les accords, 
soit dans le passage d'un radical ou d’un mot d'une 


1 Dans les langues de l’Oubanghi (quand elles ont un plu- 
riel), et dans le Zandé, le pluriel se forme également par 
l'adjonction d'un préfixe. Ainsi, en Zandé, on dit : zandé, 
pl. azandé; ango, chien, pl. aango, chiens. 


13* 


610 


D' CUREAU — NOTES SUR L'AFRIQUE ÉQUATORIALE 


langue à une autre. C'est ainsi que le mot moban- 
ghi motoba (six) a pu devenir orowa en mpongwé. 


Ces langues ne sont pas très riches; leur domaine 
est particulièrement limité en matière d'idées 


Plusieurs de ces consonnes ont tellement de ten- | abstraites, tandis qu’elles se trouvent, au contraire, 

dances à se transformer les unes dans les autres | bien douées en ce qui concerne les occupations et 

que, dans certains idiomes, elles prennent une | travaux habituels, palabres, pêche, pagayage, 
TagLeau 1. — Tableau comparatif de quelques mots communs en différentes langues 


de l'Afrique équatoriale. 


LANGUES BANTOU 


FRANÇAIS 
PAHOUIN LOANGO 
MPONGWÉ 


(FANG) KONGO 


mountou 
bakala 


nkento 


homme onomé fam; mûr 


femme onwanto monega 


enfant onwana mone mwana 


nouni 


iko 


mnouni 
(nnouni) 
nlélè 


oiseau ononi ônon 


pagne onamba iko 


mvinou 
nkoko 
nlangou 
maza 


sale ichèkè mvin 


eau aningo medzim adza 


boire dyonga gnou noua 


manger gna dzi lia dza 


village nkala ndzal bouala oulla 


fou | 
mioumou 


milenghé 


chef oga kvouma 


cheveux itoué mfou 


couteau chouaka mbèlè 


dormir nana lala la 


œil in! yo lièsou dziou 


nti 


DERE mti 


arbre 


nz0 nz0 


maison nago 


douleur nkaja gnan ntchyenzo 


pierre ido akok magnè mèë 


esclave ochaka (néant) ndongo nkèrè 


perroquet | ngojo nkôs likousou 


chemin mpono nzen nzila 


aller kenda kwenda kè 


bonjour bolo bwèka ouki 


européen otangani moundèlè 


mbasou mbaa 


feu ogoni 


Ed A —— 
KITÉKÉ 


(1TY0) 


mbourou 
moukëèo 


mwana 


mvinou 


mfoumou 


mbyèlè 


mouti 


mpourou 


nkouo 


nkvoula 


moundèlè 


OUBANGHI 


A 

ZANDÉ 
BANZIRI SANGO 
MOBANGHI 


(MBWANDIIRI) YAKOMA 


mwénè moko-bo kori 


mwasi wolo-bo wali 


molenghé | foulé molaughi 


» pnou » 


élamba » bongo 


» ndjiri birika 


may imè 


noua mbiri 
(ko-) 118 z0 ë liè 
mboka mgba kodro 

gbya 


manghiri 


mokôndji | ngojou mokôndji 


» sou-ndjo 


moutalè mhègn sapè 


toutouma da lala 


disou lèla banghili-sè 


mwètè kèkè ngoua 


ndako da bambou 


bwalé 


likendjé 
mopika 
nkoso 

lèghi 


ndjyèla kwaji 


kè » goué 


omwa balao balao sènènè 
moundè]lè 
< nténdèlè 
liyandza 


méya 


mboundjou| mousoungou 


\ mboundjou 


zÉwa wa 


prononciation intermédiaire, très difficile à saisir 
pour nous; on ne peut distinguer le # du r;le Z du 
d; le / du v ou de l’ü consonne *. 


‘ Dans plusieurs langues (mpongwé, mobanghi, mou- 
loulou), l'ü consonne joue par rapport à l'ü voyelle le même 


portage. Certaines formes dérivées en augmentent 
notablement les ressources, dansles langues les plus M 
parfaites, et leur donnent une certaine élégance; 


rôle que le w par rapport à la diphtongue ou plutôt voyelle « 
ou. 9 


4 D' CUREAU — NOTES SUR L'AFRIQUE ÉQUATORIALE 


611 


-Vemploi d’un suffixe ajouté au radical d’un verbe 
- modifie de diverses manières le sens primilif : faire 
faire l’action exprimée par le verbe; la faire pour 
quelqu'un ou en faveur de quelqu'un; la faire fré- 
quemment ou avec continuité; la défaire; refaire 
“ce qui a élé une première fois défait, etc. 

. Cette intéressante étude des langues africaines 
‘pourrait comporter de longs développements, qui 


entrer dans les détails fastidieux pour qui ne s’in- 
éresse pas directement à ces questions. 


IV 


plus utiles et les plus industrieuses qui disparai- 
tront les premières : car c'est précisément leur 
utilité qui pousse les Européens à abuser d’elles. 
Brazzaville a notablement hâté leur extinction ; 
Jeaucoup d'entre eux ont laissé leurs ossements 
Sur la route, décimés par la variole, par les priva- 
ions, par le surmenage; depuis que la construction 
du chemin de fer de Matadi au Stanley-Pool a créé 
à l'embouchure du Congo un centre de commerce, 
2e qui avait survécu a peu à peu fui la corvée du 
porlage et va chercher du côté de l'Etat Indépendant 

ne condition moins pénible. C'est aussi, dans le 
Haut Oubanghi, l'histoire des populations riverai- 
nes. Un petit nombre d'indigènes assument, depuis 
quelques années, la lourde tâche des transports 
vers le Mbomou et vers le Chari; les hommes, 
distraits pour ces corvées du repeuplement de leurs 
Willages désertés, succombent peu à peu aux fali- 


ES 


[ cé 
Pre | 


gues, aux maladies, à l'insuffisance du régime, aux 
sagayes des gens chez lesquels leur passage cause 
des déprédations, aux répressions qu’entrainent 
leurs protestations contre les corvées. Pareille 
chose a déjà failli arriver autrefois avec les Ballali, 
producteurs de manioc, et se renouvellera certai- 
nement un jour ou l'autre. 

La conséquence logique de cet état de choses es! 


que les populations qui ont le plus de chances de 


survivre sont les inutiles ou les nuisibles, comme 
les Batéké (Atyo), les Bondjos, les Zandés et autres. 
D'ailleurs, dans cette action destructive de la civili- 
sation en Afrique, il ne faut voir qu'un paragraphe 
de l’histoire des relations des races supérieures 
avec les races primitives. 11 semble que la seule 
aclion de contact des premières soit délélère pour 
les secondes; en dehors de la destruction par des 
moyens violents, l'alcool et la propension qu'a le 
noir à ne prendre de nous que nos vices, suffisent 
à empoisonner rapidement la race. 

La terre d'Afrique est ingrate à l'Européen. La 
source du commerce de l'ivoire, qui a excité tant 
de convoilises, ne tardera pas à se tarir. Mais le 
sol, par ses productions végétales, par les cul- 
tures variées, dont il est susceptible, peut devenir 
une mine inépuisable de richesses. Les nations 
qui se sont partagé cette terre à la fois si fertile et 
si rebelle pour les races étrangères à son climat, 
feront œuvre de sagesse et de prévoyance en se 
ménageant des auxiliaires indigènes et en les pré- 
parant à leur rôle à venir, non par une éducation 
stérile et spéculalive, contraire à leurs aptitudes, 
mais par la pralique des métiers manuels et des 
travaux agricoles. Le succès futur de la coloni- 
salion est à ce prix. 


D' A. Cureau, 


Chargé de Missions. 


4 


612 ANDRÉ BLONDEL — L'INSCRIPTION DIRECTE DES COURANTS ÉLECTRIQUES VARIABLES h 


L'INSCRIPTION DIRECTE 
DES COURANTS ÉLECTRIQUES VARIABLES 


PREMIÈRE PARTIE 


L'étude des phénomènes électriques variables, 
et surtout des courants alternatifs, a pris depuis 
quelques années un grand intérêt. On concoit, en 
effet, qu'on ne puisse analyser de pareils phéno- 
mènes que si l’on peut connaitre et scruter dans 
le détail la forme des courbes, périodiques ou non 
périodiques, des courants et des forces électro- 
motrices. 

La différence entre les données fournies par les 
appareils de mesure ordinaire des courants élec- 
triques et les indications que donnent les courbes 
instantanées de ces courants est du même ordre que 
la différence entre l'étude grossière du rendement 
d'une machine à vapeur par le frein et le mano- 
mètre, et l'analyse de ce rendement par l’étude du 
diagramme du travail de la vapeur dans le cylindre. 

Créer des appareils qui rendent, pour létude des 
courants électriques, les mémes services que l’in- 
dicateur de Watt pour l'étude de la machine à 
vapeur, telle a été la tâche théorique et pratique 
que s’est donnée depuis dix ans l’auteur de cet 
article, et dont il se propose de présenter aujour- 
d'hui aux lecteurs les derniers résultats. 


I. — SUPÉRIORITÉ DES MÉTHODES DIRECTES SUR LES 
MÉTHODES INDIRECTES. 


Les méthodes employées pour l'étude des cou- 
rants variables peuvent être classées en deux espè- 
ces :lesméthodes indirectes,ouméthodespar points, 
et les méthodes directes. Les premières, qui ont 
été les seules connues jusqu'à une époque récente", 
n'ont été l'objet que de peu de perfectionne- 
ments depuis quelques années, tandis que les 
secondes paraissent appelées à être les seules 
employées dans un prochain avenir. 

Les méthodes indirectes présentent, en effet, de 
très graves défauts. Elles sont pénibles, compli- 
quées comme installation, et fort peu expédilives, 
bien que l’auteur ait pu, dès 1891°, ramener par 
l'enregistrement photographique la durée d'une 
inscription de courants alternatifs à une minute 


1 Pour l'exposé des principales méthodes indirectes (Jou- 
bert, Duncan, Pionchon, Janet, etc.), voir une intéressante 
conférence de M. Abraham au Bull. Soc. Intern. des Elec- 
triciens, 7 juillet 1897. 

? À. BLonveL : Nouvelle méthode pour l'inscription photo- 
graphique automatique des courbes périodiques des cou- 
rants alternatifs. Lumière Electrique, 20 août 1891. 


LES OSCILLOGRAPHES ACTUELS 


environ. Elles ont surtout un inconvénient de prin= 
cipe tout à fait capital, c'est qu'elles ne se prêtent 
qu'à l'étude des phénomènes périodiques (ou 
artificiellement rendus tels), et qu’elles ne révèlent" 
que des courbes moyennes de plusieurs périodes, « 
plus ou moins différentes en réalilé. Il en résulte 
que ces courbes sont déformées par les variations 
de vitesse inévitables des machines génératrices, 
et que tous les phénomènes si intéressants des 
régimes instantanés non permanents (par exemple 
les périodes variables d'établissement et de rup- 
ture des courants), échappent à l'analyse dès qu'ils 
ne peuvent plus être reproduits rythmiquement. 
Aussi a-t-on depuis longtemps ressenti le besoins 
de méthodes directes, qui pussent affranchir de 
semblables sujélions de moyennes et de périodi- : 
cité. : 

Le desideralum de ces méthodes directes esth 
d'inscrire sans retard et aussi fidèlement que pos=M 
sible les valeurs successives du courant étudié !. : 

De premières tentatives furent faites dans ce 
sens en réduisant l'inertie des galvanomètres ordis 
naires, comme le firent d'Arsonval, Arnoux, Erie 
Gérard; mais il ne s'agissait encore que d’étudie 
des variations lentes, et ces galvanomètres ne 
pouvaient analyser des courants rapides. D'autre 
part, Colley, en 1885, voulant étudier des décharges® 
oscillantes, ne se préoccupa que d’en déterminer 
la période par un galvanomètre analogue à l'électro 
dynamomètre de Bellati, et ne présentant pas de 
force directrice; un essai analogue fut fait pa 
M. Nichols à l’aide d'un filet de mercure tombant 
parcouru par un courant et oscillant dans un champ 
magnétique. On voit, par ces appareils sans force 
directrice, qu'à cette époque on connaissait peu les 
conditions à remplir. Cependant, Frülich et 
E. Thomson, en 1887 et 1888, s'en rapprochaient. 
davantage en employant comme instrument d@ 
mesure un téléphone muni d'un miroir collé sus 
la membrane. Mais le téléphone était un bien 
mauvais type d'instrument de mesure à cause de 
la complexité de la vibration de sa membrane et 
des effets d'hystérésis et courants de Foucault 


‘ Pour plus de détails sur les méthodes directes autres 
que les oscillographes, et pour la bibliographie générale 
du sujet, voir un rapport de l’auteur : Sur l'inscription 
directe des courants variables. Congrès international de 
Physique en 1900, t. II. 


ANDRÉ BLONDEL — L'INSCRIPTION DIRECTE 


“dont il est le siège; c'est tout au plus un « oscillo- 
53 » 

- Ces différents essais ne furent suivis d'aucune 
“application. Quelques années plus tard, en 1895, 
“l'auteur, partant d'une analyse de la solution 
héorique', trouva la première solution du pro- 
“blème par la création des oscillographes”, qu'on 
peut définir : des galvanomètres à oscillations très 
rapides par rapport à celles du courant, dépassant 
1.000 périodes propres par seconde, et susceptibles 
“d'être réglés à l'amortissement critique. 

— Une seconde solution fut donnée, en 1897, par 
fs Abraham, sous le nom de rhéographe. Les 
rhéographes peuvent être définis : des galvano- 
“mètres à oscillations moins rapides que celles du 
courant et dans lesquels l'inertie et l'amortissement 
sont compensés par des effets d’induction électro- 
magnétique. 
- Enfin, à la même époque, M.F. Braun, reprenant 
ét réalisant pour la première fois une idée indi- 
ée déjà en 1894 par M. Hess, utilisa la déviation 
des rayons cathodiques par un champ magnétique, 
pour obtenir, dans un tube à rayons cathodiques, 
une image de la courbe du courant traversant un 
Solénoïde voisin du tube. Nous proposerons pour 
ette méthode le nom d'oscilloradiographie. 
Chacune de ces trois méthodes peut avoir sa 
raison d'être dans telle ou telle application. Mais on 


de précision. 

Au contraire, les oscillographes sont faciles à 
nanier, très simples de construction; les derniers 
ypes, que je vais décrire ici pour la première fois, 
aissent, à cet égard, les autres très loin en arrière, 
et, grace à leur prix de revient relativement bas, 
ils pourront, j'espère, êlre bientôt d'un emploi 
énéral, de préférence aux anciennes méthodes. On 
peut dire en tout cas qu'ils constituent actuellement 
la seule méthode directe vraiment pratique. 

Nous en exposerons successivement les principes, 
es organes el les applications. 


II. — PRINCIPES DES OSCILLOGRAPHES. 


…. La théorie des oscillographes est une générali- 

sation de la belle théorie de la synchronisation de 
M. Cornu. Pour obtenir le résullat désiré, il faut 
“ que les oscillations soient non seulement synchroni- 


4 Conditions générales que doivent remplir les instru- 
ments indicateurs ou enregistreurs (Comptes rendus, 
LCXVI, p. 148 ; 1893). 

l ? Oscillographes, nouveaux appareils pour l'étude des 
… oscillations électriques lentes (Comptes rendus, t. CXNI, 
p.502; 1893 


DES COURANTS ÉLECTRIQUES VARIABLES 


613 


ques, mais, autant que possible, ? chaque instant 
proportionnelles au courant à mesurer. Si l'on se 
reporte à l'équation générale des galvanomètres 
amortis : 
- d°6 
CT" 


/l 
+ AT + CS= GI, 


(où K est le momentd'inertie, Ale coefficientd'amor- 
tissement, C le couple de torsion, G la constante 
galvanométrique, I le courant à étudier), on voit 
que, si l'on rend les deux premiers termes négli- 
geables devant le troisième, il y aura à chaque 
instant proportionnalité de l'angle au courant à me- 
surer ; et, en étalantles dévialions dans le sens per- 
pendiculaire, à l’aide des méthodes de composition 
optique bien connues, dont on parlera plus loin, 
ou traduira le mouvement oscillaloire par une 
courbe. En ce qui concerne le galvanomètre pro- 
prement dit, d'après la théorie que l’on ne repro- 
duira pas ici, les conditions à remplir sont au 
nombre de cinq, les deux premières, d'ordre gé- 
néral, applicables à toute espèce d'indicateurs, les 
autres spéciales aux oscillographes électriques: 

1° L'instrument doit avoir une période d'oscil- 
lation propre très courte par rapport à celle des 
oscillations électriques. En particulier, pour les 
courants alternatifs ordinaires, ayant une fréquence 
comprise entre 40 et 100 périodes par seconde, un 
bon oscillographe doit vibrer avec une fréquence 
au moins 50 fois plus grande, c'est-à-dire au moins 
5.000 périodes par seconde. 

2% L'amortissement doit être réglé à une valeur 
aussi voisine que possible de l'apériodicité critique 
toutes les fois que les oscillations électriques ne 
sont pas bien continues, ou que les variations brus- 
ques ne sont pas supprimées par un artifice de 
correction. L'auteur a montré la nécessité de réa- 
liser cet amortissement en plongeant les équipages 
mobiles dans des liquides visqueux, baumes ou 
huiles de vaseline, de ricin, ete., choisis empirique- 
ment el auxquels on donne la température conve- 
nable. 

Lorsque la fréquence des vibrations propres de 
l'appareil est très grande, la précision de l’amor- 
tissement perd son importance, car il est facile de 
rétablir le tracé exact sous les dentelures, d’ailleurs 
toujours vite amorties. 

3 La se/f-induction propre doit être assez faible 
pour ne pas altérer la loi de variation du courant 
mesuré. On verra plus loin comment on peut la 
compenser. 

. 4° Les phénomènes d'hystérésis et les courants 
de Foucault dans l'appareil doivent être négli- 
geables. 

5° La sensibilité doit être suffisante, ce qui eu- 
traine l'emploi de parties mobiles excessivement 
petites. 


614 


Les condilions 1°,3° et 5°, plus ou moins opposées 
entre elles, sont les plus difficiles à concilier ‘. 

L'auteur a étudié et indiqué dès le début (1893) 
trois types salisfaisant, avec des sensibilités di- 
verses, à ces conditions : l'oscillographe bifilaire, 
l'oscillographe à barreau mobile, et l’oscillographe 
à plaque vibrante. Tous ceux qui 
ont été construits depuis rentrent 
dans ces types. Mais, dans ce qui 
suit, nous ne considérerons que 
deux catégories, car lenouveau type 
d'oscillographe à fer doux est une 
combinaison du barreau et de la 
plaque vibrante en un seul organe. 


Le 


III. — OSCILLOGRAPHE BIFILAIRE. 


| C'était, en 1893, une forme com- 
plètement nouvelle de galvano- 
mètre (fig. 1), dérivant indirecte- 
ment d'un galvanomètre à cadre 
mobile. L'inertie du cadre et la 
sensibilité sont toutes deux pro- 
portionnelles au nombre de spires ; 
par conséquent, il n'y a pas d'in- 
térêt à en avoir un nombre supérieur à deux ; 
l’auteur en a conclu que la plus simple des solu- 
tions consistait à supprimer le cadre et à le rem- 


Fig.1.— Schéma 
du premier 
oscillographe 
bifilaire de 
l'auteur, cons- 
truit en 1893. 


placer par un simple hifilaire formé de deux fils! 


parallèles très rapprochés, traver- 

À Î sés par le courant étudié et por- 

2 \ | tant un miroir collé en leur milieu; 

| [| ce bifilaire était placé entre deux 

P + pôles d’électro-aimant allongés et 

aussi rapprochés que possible, 

\. comme le montre la figure 4, et 

= donnant au champ magnétique la 
plus grande intensité possible. 

| Les grands avantages de ce dis- 

positif sont la simplicité de la sus- 

pension, l'absence de toute vibra- 

\ tion parasite, la très faible self-in- 

L duction, et la grande intensité réa- 

Fig. 2. Te lisable pour le champ magné- 

ces polaires et tique, qui donne beaucoup de sen- 

sibilité. Les inconvénients sont la 


des pièces de 
concentration 


en fer doux nécessité de ce champ puissant, la 

des oscillogra- a à : 

ins finesse des fils nécessaires el la 
res. difficulté de faire tenir le miroir 


sur le bitilaire d'une facon durable. 

La fréquence ne dépassait pas, avec ce premier dis- 
positif, 4.000 à 2.000. 

Divers perfectionnements ont été apportés à l'os- 


‘ L'étude théorique plus détaillée de tous les oscillographes 
fera l'objet d'un Mémoire plus étendu dans la Revue 
« Eclairage Electrique ». 


ANDRÉ BLONDEL — L'INSCRIPTION DIRECTE DES COURANTS ÉLECTRIQUES VARIABLES 


cillographe bifilaire dans ces dernières années. Les 
deux fils de cuivre furent remplacés, en 1897, par 
M. Duddell, par deux bandes de bronze phosphoreux 
fortement tendues, ce qui permit d'accroître le 
nombre de vibrations jusqu'à 10.000 en même 
temps que la sensibilité. L'auteur croit avoir résolu 
plus complètement ce problème par l'emploi rai- 
sonné de bandes d'aluminium de section convenable 
et l'application à l’électro-aimant inducteur de prin- 
cipesde construction rationnels, inspirés des études 
de Ewing et de Weiss. La sensibilité a été ainsi 
doublée ou triplée. 

Les pôles coniques de Ewing sont utilisés en rem- 
plaçant l’isthme par de petites pièces polaires en 
biseau PP (fig. 2), entre lesquelles on a laissé un 
petit entrefer de 0,6 à 4 millimètre. 


Po 


Fig. 3. — Oscillographe bifilaire double, modèle de 1900. — 
E, électro-aimant (type Weiss): P, pièce amovible dont le 
détail est fourni par la figure 4. 


Les figures 3 et 4 indiquent en gros le mode de 
construction que j'avais adopté en 1899 pour un 
oscillographe double. 

Dans cet appareil, il y avait deux entrefers sem- 
blables séparés par une petite pièce de fer,et chacun 
comprenait un bifilaire. L'ensemble n’occupait pas 
plus de 20 millimètres de largeur, et, grâce à la 
forme conique des pôles adjacents, le champ était 
très concentré et alteignait un maximum élevé 
dans les entrefers, même avec un électro-aimant 
de 30 kilos seulement, dont les diverses parties sont 
parfaitement proportionnées. Dans les derniers 
modèles (fig. 5), le montage et l'emploi de l’appa- 
reil sont grandement facilités par un dispositif 
nouveau adopté pour les bifilaires et les pièces po- 
laires; celles-ci forment, avec des entretoises en 
bronze qui en maintiennent l’écartement (avec len- 
tille plan-convexe fixée sur le devant), des boîtes 
amovibles séparées qui contiennent toute la partie 


I PT 


ANDRÉ BLONDEL — L'INSCRIPTION DIRECTE DES COURANTS ÉLECTRIQUES VARIABLES 


615 


- délicate de chaque oscillographe, et dans lesquelles 
on introduit par le haul de l'huile, et un chevalet à 
ressort portant un bifilaire. Chacun des bifilaires 


+ 


; 


; 

Fig. 4. — Partie principale de l'oscillographe bifilaire de 
1900. — à, a, bornes-attaches des bandes; P, P, pièces 
potes en fer, qui s'appliquent contre les pôles libres de 
‘électro-aimant; c, ce, crochets-supports; F,F, bifilaires, en 
bandes d'aluminium ou de bronze; m, m, miroirs collés à 

È cheval sur les bandes, et miroir de repère collé sur une 
…_ ‘tête de vis; E, appui inférieur des bandes en ivoire; D, D, 
—. appuis supérieurs en ivoire; À, pivot commun des appuis 
. supérieurs (deux vis placées derrière l'appareil permettent 

d'obliquer l'un ou l’autre de ces appuis en les faisant tour- 
… ner autour du pivot central A); p, p, poulies tendeuses; 
—_ T,T, tiges tendues par des ressorts spiraux contenus dans 
—._ là boîte B; b, b, attaches mobiles des extrémités supé- 
rieures des ressorts tendeurs. 


p 


- est ainsi tendu séparément sur un support d'ivoire 
suspendu, orientable par une vis tangente. Les 


attaches des brins des bifilaires se font sur le che- 
valet, et communiquent par deux aiguilles avec des 
godets de mercure ménagés dans une plaque d'ébo- 
nite fixée en dessous de la boîte; leur tension est 
produile, pour chacun, à l’aide d’une petite poulie 
embrassée par le bifilaire au-dessus du chevalet. 
Chaque poulie est tendue individuellement par un 
ressort étalonné et réglable. 

Le montage et le remplacement des bifilaires se 
font avec la plus grande facilité, gràce à des dispo- 
sitifs étudiés en vue de rendre cette manœuvre 
commode. En outre, chaque appareil peut être 
muni de plusieurs chevalets interchangeables éla- 
blis suivant des données différentes, ce qui permet 
d'utiliser l'instrument pour des applications variées 
exigeant plus ou moins de sensibilité, plus ou moins 
de lumière, etc. 

Avec ces dispositions, des bifilaires très courts 
(10 à 15 millimètres) en aluminium, et des miroirs 
très petits collés à la gomme laque, on atteint des 
nombres de vibrations de 
10.000 à 15.000 par se- 
conde, et des sensibilités 
de 600 à 800 millimètres 
par ampère à 1 mètre de 
distance. On obtient ainsi 
de très bons appareils de 
laboratoire. Pour certains 
usages, on peut quintupler 
la sensibilité, en se con- 
tentant de 4.000 à 5.000 vi- 
brations par seconde. 

L'équipage bifilaire de 
ces appareils peut être considéré (et c'est là son 
grand avantage) comme un appareil à vibrations 
tournantes, étant donné que les fils ou bandes 
sont très rapprochés et parfaitement solidarisés en 
leur milieu par le miroir, de manière que toute . 
torsion de celui-ci imprime aux deux brins non 
seulement des déplacements transversaux, mais 
des torsions. Or on sait, d’après les travaux de 
Saint-Venant, que les vibrations tournantes d’une 
tige prismalique peuvent avoir une fréquence 
beaucoup plus élevée que ses vibrations transver- 
sales ; sans qu'il soit nécessaire d'appliquer au 
bifilaire des tensions très grandes, on peut donc 
accroître la fréquence propre, en augmentant le 
nombre des vibrations tournantes des deux brins. 

On démontre que le nombre de vibrations est la 
racine carrée de la somme des carrés du nombre 
des vibrations dues à l’élasticité de torsion et du 
nombre des vibrations transversales; on peut done 
le faire varier dans certaines limites en tendant 
plus ou moins le ressort auquel est attachée la 
poulie égalisatrice. Pour réduire la période de 
vibration propre, sans accroître trop la tension par 


Fig. 5.— Schéma de l'os- 
cillographe  bifilaire 
double, nouveau mo- 
dèle, muni de boïtes à 
huile distinctes, B, B:. 


616 ANDRÉ BLONDEL — L'INSCRIPTION DIRECTE DES COURANTS ÉLECTRIQUES VARIABLES 


unité de section —» il convient d'employer des 
ç 

bandes assez épaisses relativement à leur largeur 

(l'idéal serait des fils carrés ou ronds très rap- 


Coune horijontale 
par Le centre du barreau M 


Fig. 6. — Schéma du premier oscillographe à fer doux de 
l'auteur, construit en 1893. — N, $, pôles d'un aimant ou 
électro-aimant: P, P, pièces polaires plates feuilletées, 
M, petit barreau mobile en fer doux, doublé d'un miroir 
et pivoté eutre pointes, ou collé sur un fil métallique. 


prochés), et de réduire au minimum le rapport 
FE du poids spécifique au coefficient d'élaslicité par 
le choix convenable du métal. La discussion de la 
sensibilité, pour un nombre de 
vibrations donné, conduil aux mê- 
mes desiderata. 

L'auteur a pu, gräce au précieux 
concours de M. Charpentier-Page, 
fabricant de fils d'aluminium, sa- 
üisfaire à ces condilions en em- 
plovant des bifilaires d'aluminium 
très élastiques, en fils plats etronds 
de très peltiles seclions, qui don- 
nent de très bons résultats, comme 
le montrent les chiffres cités plus 
haut. Le bronze phosphoreux ou 
siliceux donne aussi de suffisants 
résultats, eLil est plus facile à pré- 
parer; pour les très grandes sen- 
sibilités (20 mm. par milliamp.), 
on préfère encore l'argent, 


un champ magnétique très intense, produit par un 
aimant où mieux par un électro-aimant puissant 
NS; le courant à étudier passait dans deux bobines 
BB' placées de part et d'autre des pièces polaires 
PP (très aplalies pour laisser la place nécessaire), 
et produisait un champ oscillatoire perpendiculaire 
au champ directeur. Pour réduire le moment d'iner- 
tie, le barreau était plus haut que large. Pour éviter 
les courants de Foucault, les pièces polaires élaient 
faites en tôles assemblées, feuilletées horizonta- 
lement. 

Par suite des attractions auxquelles le barreau 
mobile était soumis dans le champ intense, on était 
obligé de le maintenir mécaniquement par des 
pivots ou de le fixer à une petite bande métallique 
tendue verticalement ; la fréquence était au début 
seulement de 1.000 à 1.500 périodes par seconde. 

En 1897, l’auteur a présenté à l'Exposition de la 
Société de Physique un appareil de ce genre déjà 
plus perfectionné (fig. 7), construit avec le concours 
de MM. Jigouzo et Pellin, permettant la vision 
directe des courbes et donnant 5.000 à 6.000 vibra 
lions propres par seconde, ce qui assurait une 
assez grande précision pour l'étude des courants 
industriels. 

L'appareil était double, et donnait à la fois (ce 


qu'on n'avail pas réalisé encore à cette époque) les 


courbes de l'intensité de courant et de la différence 
de potentiel, dans leurs phases relatives, sur un 


même écran où sur une même plaque photogra- 


phique, qui recevait, en outre, une image de l'axe 


des temps, comme le montre la figure 9. Chacun 


Fig. 7. — Grand oscillographe double à fer doux, modèle de 1897. — F, lampes 


à incandescence; P, disque tournant entrainé par le moteur synchrone 
M; O,, O,, oscillographes à électro-aimants; P, prismes pour envoyer les 


IV. — OSCILLOGRAPHE À FER DOUX. 


rayons lumineux incidents sur les miroirs des deux galvanomètres, et ren 


voyer les rayons réfléchis dans le tube L; V, écran d'observation des courbes: 


Dans l'appareil primitif, dont la 
figure 6 donne le schéma, un très petit barreau de 
fer doux M, portant un miroir, était suspendu dans 


des oscillographes était analogue à celui de la 
figure 6 et avait son champ produit par un électro= 


ANDRÉ BLONDEL — L'INSCRIPTION DIRECTE DES COURANTS ÉLECTRIQUES VARIABLES 617 


aimant. Le barreau, réduit à 4 millimètre de lar- | Chaque élément horizontal de la bande se com- 
geur, était contenu avec ses pivots dans une petite | porte comme un petit aimant, et les déviations 
boite à huile fermée par une lentille (fig. 8). produites par l'effet des bobines se cumulent des 

Malgré les grands progrès réalisés, l’oscillo- | extrémités au centre de la bande, ce qui augmente 


graphe à barreau mobile ne donnait que des fré- | beaucoup la sensibilité ; les déviations totales indi- 
quences encore trop faibles à 


quées par le miroir sont proportionnelles au 
Élévation Coupe mon gré,et l'emploi de pivols, 


courant. 


malgré leur perfection, était Gräce aux propriétés des vibrations tournantes, 
sujet à quelques inconvé- | beaucoup plus rapides que les vibrations trans- 
nients. 


En reprenant, pour les sup- ë Ël À 
el (al 
. 5 " 
primer, le montage du bar- = SR ps 
reau sur une bande mélal- | 
lique, j'ai été amené par une | | | £ 
. » . N | t | 
étude théorique à prendre | 
comme barreau la bande elle- | | 
-même, en la faisant en fer | + L] 
doux. La combinaison ainsi | le 
réalisée, qui m'a donné des |{l 
résullats inespérés, peut être | : : 
appelée : oscillographe à | 
- bande vibrante, [|| 
o o : , se | 
Ce nouveau dispositif con- | L | 
. . . | TT | 
siste simplement dans l'em- | 
Fig. 8 — Détail de Ê , : 2 é ÿ FE. DA 
la boite à huile des ploi d'une bande plat très T| | | {| 
oscillographes de mince et très étroite (2/10 à | | 
1897, contenant le Érao Î | 
Parreau de fer doux +10 de-millimètre de largeur | | 
entre pivols. sur quelques centièmes d'é- fes | | 
[T | 
paisseur), tendue  verlicale- pl::llP | 
ment dans le champ magnélique de la figure 2, L |m re {| 
entre deux chevalets distants de 20 à 30 millimè- [ii | 
res, et portant un très pelit miroir en son milieu. ||: | 
Pour;la commodité du monlage et des réglages, | | | 
l l 
Je 
E 


À 
Fig. 10. — Boïte à huile du nouvel oscillographe à bande 

de fer vibrante. — T, tube à huile en ivoire; P, P, pièces 
| de concentration du champ magnétique, incrustées dans 
| l'ivoire (ou fixées au support); en avant se trouve une 
| fenêtre munie d'une lentille L, également incrustée dans 


la paroi; Q, anneau de cuivre muni d'une vis tang-nte D; 
C, détail du chevalet-support en ivoire contenu dans la 


Fig. 9. — Fac-similé de courbes périodiques d'un arc aller- | boîte à huile; », miroir collé sur la bande: a, attache de 
natil (crayons homogènes, circuit inductif) obtenues par la bande à un petit chariot qui coulisse dans la rainure 
l'oscillographe double de 1897. rectangulaire C: », tige d'attache de ce chariot; {, petit 

cylindre en cuivre, contenant un ressort spiral autour 

; s ;, ; EAU Te de la tige; s, bouton moleté servant d'écrou à la partie 

cette bande est renfermée dans une boîle à huile APérienee flat be oinantrce DE cr 
(fig. 10), munie d’une lentille, analogue à celle de tead plus ou moins le ressort qui soulève la tige, et, par 


suite, on tend plus ou moins la bande de fer’ doux fixée 


la figure 8, mais plus compliquée, car elle est Sn 


munie d'un tendeur, et susceptible d'orientation 
et de déplacement vertical; de’ cette manière, le | versales, cet équipage mobile tend à présenter une 
fer doux n'a plus besoin de pivots ni de fil de sus- | périodicité très élevée, qu'augmentent encore les 


pension. | influences de la tension et du champ magnétique. 


618 


On démontre, en effet, que le nombre de vibrations 
propres est la racine carrée de la somme des carrés 
des nombres de vibrations dues respectivement à 
l'élasticité de torsion, à la tension (nombre des 
vibrations transversales) et enfin au champ magné- 
tique. 

Les figures 11 et 12 représentent l’ensemble 
et les détails de construction d'un oscillo- 
graphe double de ce système, qu'expliquent 
les légendes de ces figures. 

L'auteur a 
pu obtenir de- 
puis un an, 
par ce dispo- 


ANDRÉ BLONDEL -— L'INSCRIPTION DIRECTE DES COURANTS ÉLECTRIQUES VARIABLES 


| à partir du moment où cette aimantation augmente 


moins vite 
que le champ; 
au contraire, 
le nombre de 
vibrations va 
toujours en 
croissant, d’a- 
bord très vite, 
puis plus len- 
tement, par 
suite de la sa- 
turation de la 
bande etaussi 


sitif,avecl'ha- 
bile et persé- 
vérant con- 
cours de son 
assistant M. 
Dobkévitch *, 
aujourd'hui 
constructeur, 
des fréquen- 
ces propres de 40 à 50.000 périodes par seconde, 
avec une sensibilité convenable. Cette sensibilité 
peut êlre grandement accrue si l’on se contente 
de 10.000 à 20.000 périodes ; elle atteint alors 
aisément 100 millimètres par ampère à 1 mètre, 
et même davantage, si le fer employé est très pur 
et bien recuit. 

Il semble que ce procédé donne le maximum 
d'avantages dans l'emploi du fer doux, parce qu'il 
permet d’atteindre des intensilés d'aimantation 
très élevées de la bande, même avec les champs 
relativement faibles produils par un aimant per- 
manent. Ces champs suffisent pour donner, dans 
un oscillographe simple, 30.000 à 40.000 vibrations 
avec un aimant un peu fort, 20.000 à 25.000 avec 
un petit aimant de quelques kilogrammes. 

Dans les oscillographes doubles, on réalise seu- 
lement 20 à 25.000. Grâce à sa minceur extrême, 
la bande atteint aisément la saturation. 

L'utililé d'une aimantation saturée est très 
visible si l'on trace, pour un oscillographe à élec- 
tro-aimant, des courbes du genre de celles de la 
figure 13, où l’on a porté en abscisses les ampères- 
tours magnétisants et en ordonnées les nombres 
de vibrations doubles par seconde et les sensibi- 
lités (en millimètres par ampère sur une échelle 
placée à 1 mètre de distance). On voit que la sensi- 
bilité va d’abord en croissant, grâce à l’aiman- 
tation croissante de la bande, puis qu'elle décroit, 


{ L'auteur a été également assisté par MM. Duris, Tcher- 
nosvitoff et Farmer; les bandes ont été préparées par 
MM. Gailfe et Pellin. Les oscillographes sont aussi construits 
par M. Carpentier, en France, et M. Queen, aux Etat-Unis. 


Fig. 11.— Vue générale de l'oscillographe double à bande de fer, — À, aimant carré; 
S, barre de fer qu'on peut placer à cheval sur les pôles de l’aimant pour former 
shunt magnélique, et réduire le champ magnétique et le nombre des vibrations 

propres; B, une des bobines, détachée du galvanomètre de droite. . 


de la satura- 
tion du noyau 
de l'électro- 
aimant. Il y 
ANUNEMUTES 
grande diffé- 
rencesemibre 
les résultats, 
suivant que 
le fer employé est plus ou moins parfaitement doux, 


LE 


AL, 


2 


Fig, 12. — Détail de Ja figure 11. Vue des pièces rapportées 


letées en tôle; T, tubes à huile contenant les équipages 

mobiles; v, v, vis-écrous moletés pour élever ou abaisser 

les tubes; V, vis sans fin altaquant les roues D pour orien- 

ter les tubes; M, miroir destiné à donner le {trait de repère; 
R, bouton pour orienter ce miroir. 


aussi bien pour le nombre de périodes que pour 


la sensibilité. 


entre les pôles de l'aimant. — P, P, pièces polaires feuil- * 


- ou de boîtes à huile, 


ANDRÉ BLONDEL — L'INSCRIPTION DIRECTE DES COURANTS ÉLECTRIQUES VARIABLES 


La sensibilité se règle d’ailleurs dans de larges 
limites en shuntant magnétiquement plus ou moins 
l'aimant par un cavalier de fer doux, qui permet 
d'obtenir toute une gamme de fréquences diffé- 


rentes. 


IL va sans dire que, la bande étant très petite, 
il doit en être de même des miroirs ; ceux-ci ont 
pu, grâce aux efforts de MM. Pellin, Werlein et 
Dobkévitch, être réduits à 2/10 de millimètre de 
largeur sur 1/20 à 1/10 d'épaisseur et 5/10 de 
hauteur. Ils sont en verre ou en mica, argentés 
par le procédé Martin ou Foucault; ils sont collés 
à la gomme laque sur les bandes avant le montage 
de celles-ci ; quant à ce montage, il se fait sur un 
petit chevalet d'ivoire qu'on introduit ensuite dans 
la boite à huile. La bande est ainsi préservée de 
la rouille, et mise à 
l'abri de toute dété- :s! 
rioration. 

Grâce à ce dispo- 
sitifdesboitesàahuile, 
l'oscillographe à fer 
doux réalise le même 
avantage d’inter- 
changeabilité que je 
me suis déjà efforcé 
d'obtenir pour l’ap- 
pareil bifilaire. Avec 
une série dechevalets 10 


on peul réaliser des 


L — — 


frequence 


619 


V. — MopE D'OBSERVATION ET D'ENREGISTREMENT 
DES COURBES. 


Les oscillographes, ainsi que les autres appareils 
d'étude directe, donnent un spot lumineux dont 
les déviations sont proportionnelles à l'intensité 
ou à la tension du courant étudié; pour transfor- 
mer ces déviations en courbes, il faut imprimer en 
même temps au spot un déplacement qui leur 
soit perpendiculaire et proportionnel au temps. De 
nombreux dispositifs mécaniques ou optiques ont 
été imaginés dans ce but pour l'emploi des oscillo- 
graphes ou des rhéographes : glace tombante, tam- 
bour tournant, miroir tournant, miroir oscillant, 
etc. Tous sont applicables aux oscillographes, mais 
l'auteur s'est attaché plus particulièrement à per- 

meltre la vision con- 


55000 tinue des courbes à 
| 50 000 l'œilnu aussibien que 

0 rye 1 à 

EEE Re leur photographie. 
Il a reconnu que le 

#0 000 . ., 

dispositif le plus sa- 
25000  {isfaisant pour obte- 
20000 nir ce résullat est 
l2500 Celui du miroir oseil 
lant, imaginé par 
20 900 : AE 
M.Abraham en 1896. 
1500 Les rayons lumineux 
10000 provenant des oscil- 
5000 lographes sont réflé- 
chis environ à 45° sur 


fréquences etdessen- 0 02 O4 06 08 10 12 1# 16 18 20 22 24 26 28 30 un miroir mobile au- 

sibilités variées; en Fig. 13. — Spécimen d'une courbe de relation entre les intensités {our d'un axe paral- 
ù du champ magnétique, la sensibilité et la fréquence. — Abscisses : x Re 

employant,parexem- courants d'excitation du champ (électro-aimant\ en ampères; or-  lèle au plan desdévia- 


données de droite : 


ple, des bandes plus ordonnées de gauche : 


larges avec de plus 
grands miroirs, on 
transforme l'appareil de laboratoire en appareil 
de démonstralion pour projections; celles-ci se 
font sur un écran blanc de 1 mètre carré envi- 
ron, avec des bandes de 0,8 à 1 millimètre de 
largeur. 

Enfin, grâce à l'emplacement très restreint 
occupé par les boîtes à huile et les bobines, qui 
ont moins de 30 millimètres de largeur, et aux 
faibles champs nécessaires, il est facile de loger 


À côte à côte, dans un même circuit magnétique, deux 


et même trois oscillographes semblables et indé- 
pendants. Il suffit, pour éviter complètement toute 
influence réciproque, de les séparer, comme le 
montre la figure 12, par des cloisons de tôles feuil- 
letées,. 

La convergence des images s'obtient par simple 
orientation des boîtes à huile, comme on le verra 
avec plus de détails dans le chapitre qui traite de 
l'observation et de l'enregistrement des courbes. 


nombres de vibrations doubles par seconde; 
1 déviations à 1 mètre en millimètres par 
ampère (avec de très petites bobines de 6 ohms de résistance). 


tions de ces rayons. 
Le mouvement oseil- 
lant est produit par 
une came qui donne un mouvement d'aller lent, 
proportionnel au temps, puis un mouvement de 
retour brusque aidé par un ressort. Le mouvement 
de la came est enlretenu soit par un pendule, soit 
préférablement par un moteur synchrone. 
L'auteur a réalisé pour celle application un petit 
moteur synchrone à 6 pôles, extrêmement simple, 
sans frotteur ni balais’, qu'on voit à droite de la 
figure 16. L'induit est fixe, l'inducteur est un 
aimant tournant dont l’axe porte la came et une 
vis sans fin que commande une pelite manivelle. 
Il suffit de donner à la main quelques tours de 
cette manivelle, pour lancer le moteur à sa vitesse, 
et le synchroniser. La came perpendiculaire à 


! Le principe nouveau de cette construction de moteur 
est le suivant: un induit fixe, ayant un nombre de pôles 
multiple impair de 6, présente deux pôles opposés diamé- 
tralement de signe contraire, qui peuvent exercer des actions 
concordantes sur les deux pôles d'un aimant inducteur 
formé d'un simple fer à cheval. 


620 ANDRÉ BLONDEL — L'INSCRIPTION DIRECTE DES COURANTS ÉLECTRIQUES VARIABLES 


l'arbre porte un canal creux, tracé suivant un profil 
calculé pour assurer le mouvement uniforme de 
l'image sur l'écran E, et dans lequel est guidé un 

galet d'acier ou 


"1"  d'agate fixé à 

“ l'extrémité d'un 

ne M res 7 levier passant 
Le par l'axe du mi- 

tps roir. Cet axe est 

Fig. 14. — Schéma de lartilice opti- défini par deux 


que de Boys. — ab, fente lumi- 


EL te UMI= pointes d'acier 
neuse verticale; m, petit miroir 


d'oscillographe; e, lentille cylindri- 

que à génératrices horizontales; 

a!b', image théorique de la fente 

ab; f, point suivant lequel cette 

image est concentrée par la len- 
tille C. 


fixées à une pla- 
que d'aluminium 
sur laquelle est 
collé le miroir. 


Pendant la pé- 


riode de retour du miroir en arrière, les rayons lumi- 


déviation dans le sens horizontal: la source de 
lumière est une fente verticale éclairée par le pro- 
Jecteur"etdontles miroirs plans des oscillographes, 
précédés d’une lentille plan convexe sphérique, 
donnent en S des images conjuguées: la lentille C 
réduit chacune de ces droites lumineuses à un 
point rectangulaire ayant pour hauteur celle du 
miroir correspondant réduite dans le rapport des 


A 


distances Cm: l'éclairement de l’image se trouve 


D) 


NI 
D 


1 | I \ 


ll 


1) 1] 
J l 


| | L 
| ] | | ; Al 


LL 
| [ 


| Il Il | 
| | { 


Fig. 15. — Vue d'ensemble extérieure de l'oscillographe « Kodak » double. — C, couvercle de la caisse, auquel est fixée la 
chambre noire à soufflet P, dont la queue peut se rabattre dans le plan du couvercle; L, lampe à arc; r, ouverture pour 
la mise en marche du synchronoscope ; T, tableau de distribution, contenu dans un placard; V, voltmètre; A, ampère- 
mètre; B, bornes, et J, commutateur du courant principal, passant par l'ampèregrapbe ; G, commutateur pour mise en 
court-circuit de l'ampère-mêtre; b,, bornes du circuit voltgraphe; 2,, bornes du circuit du synchronoscope; F, fusibles 
du circuit voltgraphe et du synchronoscope; m, 2, p, interrupteurs des circuits du voltgraphe, du voltmètre et du 

synchronoscope. 


neux provenant du projecteur sont obturés par 
un pelil quart du disque D commandé par le 
moteur. 

Dans sa position moyenne, le miroir est environ 
à 45° sur l'horizontale, de facon à renvoyer vertica- 
lement sur son écran horizontal les rayons qu'il 
recoit des oscillographes. Devant ce miroir, du 
côté des osciliographes, est placée une lentille de 
concentration à courbure cylindrique. 

Le professeur Boys a eu, en effet, l'ingénieuse 
idée, pour diminuer la surface du miroir des oscil- 
lographes, de concentrer verticalement les rayons 
qui en proviennent par une lentille cylindrique à 
axe horizontal C (fig. 44) qui permet leur libre 


accru en raison inverse de sa hauteur, de sorte 
que l’expression de e est : 


(1—2)(l—a)DHi, 
PE X À 


en appelant : Zet /'les distances du point image res- 
pectivement au miroir de l’oscillographe et à l'axe 
optique de la lentille cylindrique, H la hauteur de 


! En réalité, les faisceaux étant très étroits, le diaphragme 
du projecteur porte non pas une seule fente, mais plusieurs 
très voisines, éclairant respeclivement chacun des oscillo- 
graphes et le petit miroir fixe servant à produire l'axe de 
repère ; la lumière de ce dernier peut être affaiblie comme 
on veut à l’aide d'un verre jaune collé sur la fente corres- 
pondante, pour rendre le trait plus fin. 


À 
d 


Édr- à LÉ von 


FANSORE  OOPEEES > 


ANDRÉ BLONDEL — L'INSCRIPTION DIRECTE DES COURANTS ÉLECTRIQUES VARIABLES 


l'image a! L' de la fente, et la largeur du miroir, 
a le coefficient d'absorption total des rayons dans 
leur trajet à travers le projecteur et l'oscillographe ; 
s la surface éclairée du miroir ; 1 l'éclat intrinsèque 
du cratère de l'arc; 8 le coefficient de diffusion du 
verre dépoli (qu'on peut remplacer par l'unité, 
si l'on veut regarder directement les images 
aériennes à l’aide d'un oculaire micrométrique); 
a' le coefficient d'absorption de la lentille cylin- 
drique. 

On conçoit combien est précieux ce moyen, qui 


621 


mais un déplacement vertical par vis de rappel, 
comme on le verra à propos des réglages optiques 
des appareils. 

Des miroirs très petits, comme ceux dont on a 
donné plus haut les dimensions, suffisent pour 
donner un éclairement satisfaisant avec une lampe 
à arc; mais il ne faut pas exagérer leur étroitesse 
si l’on veut éviter les effets de la diffraction, qui 
rend les images beaucoup moins nettes, quand l’on 
descend au-dessous de 0,5 de largeur. 

Le dispositif qu'on vient de décrire permet la 


Fig. 16. — Vue intérieure du même appareil « Kodak » double, — O, aimant à lames, portant à sa partie supérieure les 
deux oscillographes jumeaux; D, chambre noire à soufflet: J, lentille cylindrique ; m, miroir oscillant du synchro- 
noscope; M, disque obturateur monté sur l'arbre et tournant devant l'objectif; X, objectif à lentille cylindrique fixé 
dans la paroi de la caisse et muni d’un diaphragme à trois fentes éclairant respectivement les miroirs des deux équipages 

mobiles et le miroir de repère. 


permet d'augmenter l'éclat, non par la dimension 
du miroir mobile, mais par celle d’une simple 
fente fixe; il résout complètement la question de 
l'éclairement des oscillographes, quelque petite 
que soit leur partie vibrante. En outre, il suffit que 
les miroirs de plusieurs équipages voisins employés 
simultanément soient placés sur une même hori- 
zontale, pour que leurs images, fournies par la 
lentille C à génératrices horizontales, soient égale- 
ment toutes sur une même horizontale, alors même 
que ces miroirs ne seraient pas bien verticaux. 
Pour tirer partie de cette dernière propriété, j'ai 
donné aux boîtes à huile des oscillographes à fer 
doux non seulement un mouvement d'orientation, 


vision permanente des courbes sur l'écran avec une 
très grande fixité, grâce à la puissance et à l’'amor- 
tissement du couple du moteur synchrone; on 
peut les suivre avec un crayon sur le verre dépoli. 

Le secteur tournant sert encore à un autre usage, 
très utile pour la vérification de la fréquence et de 
l'amortissement des oscillations propres des oscillo- 
graphes, comme on l’expliquera plus loin (p. 627). 

Pour l'étude des phénomènes non périodiques, 
le moteur synchrone du synchronoscope doit être 
remplacé par un simple moteur à courant continu 
en conservant la commande par came dans le cas 
ordinaire ; pour les phénomènes très rapides, on 
peut supprimer la came et placer le miroir sur 


622 


22 ANDRÉ BLONDEL — L'INSCRIPTION DIRECTE DES COURANTS ÉLECTRIQUES VARIABLES 


l'arbre même du moteur. On peut également, à 
l’aide d’un châssis enregistreur à déroulement de 
pellicules photographiques récemment imaginé, in- 
scrire un grand nombre de périodes consécutives, 
ce qui est ulile pour l'étude de certains phéno- 
mènes. 


VI. —— Caisses « KODAK » POUR L'EMPLOI 
DES OSCILLOGRAPIIES. 


Pour éviter toutes les complications d'un montage 
lors de chaque expérience, et rendre l'appareil por- 
tatif, tous les organes en sont réunis et fixés 
invariablement dans une solide caisse en bois 
de 070 à 080 de longueur (fig. 15 et 16). Cette 
caisse, à laquelle on donne le nom de « Kodak », 
par analogie 
avec les appa- 
reils photogra- 
phiques de ns 
Eastman, for- 
me chambre 
noire. À l'une 
de ses extré- 
mités est placé 
l'oscillographe, F 
à l’autre le syn- 
chronoscope 
(c’est-à-dire 
l'ensemble du 
miroir oscil- 
lant, de la len- 
tille et du mo- 


tance focale. (Ce changement s’oblient très simple- 
ment en inclinant la lentille autour de sa généra- 
trice moyenne.) 

Comme source de lumière, on emploie le plus 
simplement une lampe à incandescence placée au 
foyer de la lentille de projection, ou une flamme 
d’acétylène. Dans ces conditions, on peut photo- 
graphier avec quelques secondes de pose des 
courbes moyennes, en employant des lampes à in- 
candescence spéciales très poussées. 

Il convient de remarquer qu’en éclairant l'oscil- 
lographe à fer doux par incandescence, on na 
plus besoin d'aucun courant continu, 
condition extrêmement importante 
pour relever des courbes sur les sec- 
teurs ou dans les usines à courants 
alternatifs. La 
superposilion 
de plusieurs 
courbes est 
sans inconvé- 
nient sérieux 
dans ces appli- 
cations. 

Pour les pro- 
jections etpour 
les photogra- 
phies instanta- 
nées, on em- 
ploie l'arc élec- 
trique; un mo- 
dèle de lampe 
à arc à main, 


teur synchro- Fig. 18. étudié dans ce 

ne) et au-des- Fig. 1lret 18: — Schémas de la marche des rayons lumineux dans l'oscillogra- butpar l'auteur 
é phe « Kodak », soit pour le tracé et la photographie des courbes (fig. 11), soit P : 

sus, dans la pa- pour leur projection dans un cours (fig. 18). — S, source de lumière (arc élec- € construit par 


roi, l'objectif 
de projection 
cylindrique, 
avec diaphrag- 
me percé d'une 
ou plusieurs 
fentes verlica- 
les deslinées à 
éclairer le ou les équipages mobiles et le miroir de 
repère. La figure 17 indique schématiquement la 
marche des rayons lumineux dans cet appareil. 

De petites portes latérales permettent de régler 
l’oscillographe, et de mettre en marche le moteur. 

En outre, la caisse porle un couvercle amovible 
qui permet de découvrir tout l'appareil. C'est sur ce 
couvercle qu'est fixé le châssis qui reçoit l'écran en 
verre dépoli pour voir el tracer les courbes; cet 
écran peut être remplacé par un châssis photogra- 
phique. Un soufflet de chambre noire est ajouté 
quand on le juge nécessaire, pour changer la dis- 


trique); X, objectif ou condenseur, à lentille cylindrique horizontale; F, dia- 
phragme percé de fentes verticales éclairant chaque petit miroir »; N, miroir 
plan ä'un équipage mobile; O, petite lentille plan-convexe de la boite à huile; 
1, lentille cylindrique horizontale pour la concentration des rayons réfléchis ; 
m, miroir oscillant à axe horizontal (perpendiculaire au tableau) commandé 
par un levier g; ab, arbre moteur; C, came calée sur cet arbre et agissant 
sur l'extrémité du levier g, et calculée de facon à ce que le déplacement du 
point lumineux f sur l'écran P soit proportionnel au temps; M, disque calé 
sur l'arbre ab, et échancré de façon à n’obturer les rayons que pendant le 
retour du point /; J, miroir qui remplace la chambre noire pour les projec- 
tions; l', lentille cylindrique à long foyer ; E, écran de projection. 


M. Vassia, s’ac- 
croche contre 
la paroi de la 
caisse dans une 
position inva- 
riabhle, etse ma- 
nœuvre très fa- 
cilement. 

Pour les photographies posées, qui suffisent 
pour l'étude des phénomènes alternatifs réguliers”, 
on se contente de remplacer le verre dépoli par une 
glace sensible, et de découvrir l'objectif du projec- 
teur, pendant un temps qui varie d'une seconde 
pour l'éclairage par arc, à une demi-minule pour 
l'éclairage par incandescence. 

Pour faire la photographie instantanée, par 
l'arc, de phénomènes très changeants tels que l'arc 


RE NT IRC PEUR UT ARIANE ARR en De — 
‘ Il ne se produit de flottement des courbes que si les 

machines génératrices des courants alternatifs étudiés sont 

commandées par des moteurs à vitesse très irrésulière. 


12603 


ANDRÉ BLONDEL — L'INSCRIPTION DIRECTE DES COURANTS ÉLECTRIQUES VARIABLES 


623 


électrique, on adapte à l'objectif un obturateur | oscillographes s’emploient, si on veut, directement 


instantané à déclenchement électrique imaginé 
dans ce but; ce déclenchement est produit par un 
électro-aimant, qui recoit un courant dérivé aux 
bornes des charbons du projecteur, par un cireuit 
que ferment successivement un bouton pressé par 
l'opérateur et deux balais frottant sur un secteur 
métallique isolé, calé sur l'arbre tournant du mo- 
teur synchrone: l'angle de calage de ce secteur 
est déterminé par tâtonnement, de façon que l'ob- 
jectif se découvre un peu avant que l'image soit 
projetée sur la glace par le miroir oscillant. 

Enfin, pour faciliter l'emploi de l'appareil, on 
ajoute un pelit tableau de distribution, dans un 
placard latéral, qui s'ouvre en dehors. Ce tableau 
contient : ampère-mètre, voltmètre, interrupteurs, 
fusibles et bornes d'attache des conducteurs : de 


. sorte qu'il n’y à jamais aucun montage de fils à 


faire. Dans le même but, les rhéostats ou shunts, 
nécessaires avec les oscillographes employés 
comme voltmètre ou commeampère-mètre, peuvent 
être eux-mêmes installés à poste fixe dans la boîte. 

L'ensemble est, ainsi, portatif et indéréglable. 

Un appareil ordinaire se transforme en appareil 
à projections en recevant les rayons provenant du 
synchronoscope, non pas sur un châssis, mais sur 
un miroir à 45°, qu'on adapte au-dessus de l'appa- 
reil au lieu du couvercle et qui renvoie les faisceaux 
lumineux horizontalement sur un écran blanc de 
1 mèlre carré environ, placé à 3 ou 4 mètres de 
distance (fig. 18). En même temps, on remplace la 
lentille du synchronoscope par une autre de plus 
long foyer, et les équipages mobiles par d'autres 
formés de bandes plus larges et portant des miroirs 
de 1 millimètre de largeur. 

On accroit ainsi l'éclairement des points lumi- 
neux et l'amplitude des déziations au détriment de 
la fréquence, qui s'abaisse à 4 ou 5.000, valeur très 
suffisante pour les démonstrations publiques. Tous 
ces changements se font presque instantanément. 

Les oscillographes bifilaires peuvent être trans- 
formés de même, en quelques minutes, grâce à la 
facilité qu'on a de remplacer leurs chevalets inté- 
rieurs par d'autres portant des bifilaires plus 
larges. 

Celle qualité précieuse d'interchangeabilité de 

ces appareils permet d’avoir tout prèts, dans un 
écrin, des équipages de fréquence ou de sensibilité 
variées ou des rechanges en cas d'accident: les 
seules parties délicates des appareils peuvent être 
ainsi réparées aisément et à loisir, ou plus simple- 
ment envoyées par la poste au constructeur qui les 
retourne remises en élat de fonctionnement. Ainsi 
se trouve écartée toute difficulté d'emploi pour les 
opérateurs les moins expérimentés. 

Moyennant quelques précautions spéciales, les 


sur les réseaux à haute tension. À cet effet, on 
blinde les parois de la caisse avoisinant l'oscillo- 
graphe proprement dit de plaques d'ébonite qui 
l'isolent complètement, et l’on amène les conduc- 
teurs par des tubes d'ébonite; en outre, on s'arrange 
de facon à donner une borne commune au volt- 
graphe et à l’ampèregraphe, de façon qu'il ne 
s'établisse entre eux que de très faibles différences 
de potentiel; les rhéostats sont placés en dehors de 
la caisse. Ce disposilif présente des avantages évi- 
dents. 


VII. — COMPARAISON ET CHOIX ENTRE 
LES DIVERS TYPES. 


L'oscillographe à fer doux est, grâce à sa cons 
truction robuste, l'instrument normal qu'il convient 
d'employer dans les usages industriels. Les perfec- 
tionnements récents ont permis de lui donner des 
qualités exceptionnelles de précision et de sensi- 
bilité qu'on n'avait pu obtenir jusqu'ici. Il n'exige 
que peu de précautions et peut être mis entre des 
mains peu exercées. 

Dans les laboratoires aussi, il peut être employé 
avantageusement dans toutes les recherches où 
l'on n'a pas à analyser de courants inférieurs au 
1/10 d'ampère et où l'on ne craint pas, dansles cir- 
cuits de voltmètre, la présence d'un peu de self- 
induction provenant des bobines de l’oscillographe. 
Celle-ci peut tre d'ailleurs compensée presque 
complètement, comme on le verra ci-dessous, par 
l'addition d'un condensateur decapacité appropriée. 

Cet oscillographe présente l'avantage d'une fré- 
quence d'oscillation propre extrèmementélevée, qui 
assure l'inscription exacte de phénomènes élec- 
triques oscillatoires atteignant jusqu à 4.000 oscil- 
lations par seconde, et qui, pour les courants alter- 
nalifs ordinaires, dispense de tout réglage précis 
de l'amortissement. 

Le type bifilaire présente de plus grandes sensi- 
bilités, tout en réalisant des fréquences de plus de 
10.000 périodes complètes par seconde. Il convient 
aux recherches de laboratoire, pour lesquelles on 
désire éviter toule self-induction ou étudier des 
courants d'intensité inférieure à 1/10 d'ampère. 

Mais ilexige un électro-aimant puissant, quirend 
l'appareil beaucoup moins portatif que le précé- 
dent. Il est aussi plus délicat de construction et 
d'emploi; on a à craindre de brûler le bifilaire par 
un court-circuil. Il doit ètre enfin entretenu à une 
température constante, malgré l'échauffement des 
bandes produit par le courant, sous peine de voir 
varier le coefficient d’élasticité des bandes, et par 
suite la constante de l'appareil. 

L'oscillographe bifilaire doit donc être réservé 


"4 


| 


624 ANDRÉ BLONDEL -— L'INSCRIPTION DIRECTE DES COURANTS ÉLECTRIQUES VARIABLES 


aux travaux de laboratoire spéciaux dont on vient 
de parler, et aux opérateurs exercés, 

En outre, il ne peut être employé que si l'on a du 
courant conlinu à sa disposition. 

Comme on l’a dit, dans chacune des deux caté- 
sories précédentes, les oscillographes sont cons- 
truits à volonté : simples, doubles ou triples. 

Les oscillographes simples, ne comprenant qu'un 
seul équipage mobile, peuvent cependant enregistrer 
à volonté un courant ou une force électromotrice ; 
il suffit de munir les oscillographes à fer doux de 
deux paires de bobines interchangeables, les unes 
à fil fin, les autres à gros fil. Quant à l'oscillographe 
bifilaire, toujours à fil fin, il joue le rôle de volt- 
mètre ou d’ampèremètre, suivant qu'on le monte 
en série avec une grande résistance ou en dériva- 


l'instrument à celle du courant alternatif étudié: 

Par exemple, avec la fréquence 25.000, on peut 
étudier avec une précision de 1 °/, ainsi définie des 
courants alternatifs de 250 périodes, sauf la correc- 
tion de la self-induction, dont on va parler. 

La self-induction de l'instrument L est prali- 
quement négligeable avec les oscillographes bifi- 
laires et avec les oscillographes à fer doux à gros 
il, jouant le rôle d’ampères-mètres; elle n'entre en 
ligne de compte que dans les oscillographes-volt- 
mètres à fer doux. Or, ilest facile de voir qu'elle 
équivaut alors à un simple accroissement d'amor- 
üssement. En effet, l'équalion du galvanomètre- 
voltgraphe peut s'écrire sensiblement (au deuxième 
ordre près) : 


art à 0 G 

tion sur une faible résistance. Le type simple, suf- KT + (a TR mn) ne RM 1 = 
fisant pour des études 1 
d'ateliers, doit être LR (ER fe ben ———— K, À, C conservant les 
remplacé par le type | + mêmes significations 
double quand on veut . pos El 2 que plus haut, et U, R 
inscrire à la fois, et | : | | et R’ désignant respec- 
non successivement, la à EE É 1 0,5 0,25 tivementla tension aux 
tension et le courant Ampères. bornes, la résistance 
pour en mesurer le Pig. 19. du voltgraphe et la 
décalage; c'est le cas te résistance supplémen- 
ordinaire de la pra- Lo taire du circuit en série 
tique. | : | avec lui. On peut donc 

Les  oscillographes | 4 [ toujours compenser 
triples trouvent enfin à à 5 E ae 62 pratiquement la self- 
leur application spé- Ampères induction en réduisant 
ciale dans les recher- Fig. 20. l'amortissement, ou in- 
ches de laboratoire, Fig. 19 et 20. — Influence de la variation du champ directeur versemen! se servir de 


quand on veut inscrire 
à la fois le courant con- 
sommé, la tension aux 
bornes et une autre 
variable corrélative, telle que la force électromo- 
trice produisant le courant, ou les variations d'un 
courant soumis à des réactions, etc. 


VIII. — LimiTE D'EMPLOI DES OSCILLOGRAPHES. 


Les oscillographes sont plus simples que toutes 
les autres méthodes et se prêtent à une inscription 
facile des courbes avec une précision bien plus 
grande. Leur emploi n’est limilé que par la rapi- 
dité des variations du courant. Il ne faut guère 
dépasser des fréquences supérieures au 1/30 de 
leur fréquence propre. Leur exactitude dépend de 
l’inertie, de l'amortissement et de la self-induc- 
tion. En ce qui concerne les deux premiers fac- 
teurs, il suffit de savoir qu'avec l'amortissement 
critique, la précision, dans le cas usuel le plus 
défavorable (inscription de rectangles), est sen- 
siblement égale au rapport de la période de 


(champ produit par un clectro-aimant) sur la précision des 

oscillographes, déterminée par l'inscription d'une courbe d'éta- 

blissement etde rupture d'un courant constant. — Les excita- 

tions sont indiquées en ampères; la figure 19 se rapporte à un 

amortissement trop faible (huile de vaseline), et la figure 20 
à un amortissemen trep fort (huile de ricin). 


cette  self-induction 
pour aider à l’amor- 
tissement s'il est insuf- 
fisant". 

Il existe, du reste, un autre procédé très simple 


| pour compenser la self-induction et même l’amor- 


tissement; il suffit de shunter la résistance morte 
R' par un condensateur réglable, dont nous appel- 
lerons € la capacité. On démontre, en effet, que 
l’on à alors, encore au deuxième ordre près, sen- 
siblement : 


a?6 


: CL C 
Rs + 


[a+ - en] +0 ou. 
On peut donc toujours annuler les deux derniers 
termes de la parenthèse, ou même la parenthèse 
tout entière, par un choix expérimental convenable 
de la capacité. Il va sans dire qu'il faut, pour que 
celle-ci soit bien définie, employer de préférence 


1 J'ai indiqué d’ailleurs antérieurement (Lumière Electri- 
que, 1894) comment on peut toujours d'une courbe, faussée 
par l'amortissement, l'inertie ou la self-induction, déduire 
la courbe rigoureuse à l'aide d'une correction par points 
peu compliquée. 


ANDRÉ BLONDEL -- L'INSCRIPTION DIRECTE DES COURANTS ÉLECTRIQUES VARIABLES ( 


19 
ot 


à des condensateurs à mica ou à huile de ricin. | étudier. La courbe exacte doit être formée d'une 
— Mais, en fait, l'amortissement et la self-induction, | série de rectangles parfaits. On peut encore sim- 
3 dans leurs limites ordinaires, laissentune précision | plifier l'essai en étudiant simplement la courbe 
…. suffisante pour que l'arlifice du condensateur soit | d'établissement d'un courant continu périodi- 
inutile, dans la pratique courante, la capacité pro- | quement interrompu (la courbe de rupture ne peut 
pre des bobines étant suffisante. être employée, parce que la rupture est plus ou 


{ 
| 


———— | A 


A£nO 1 | 
AE 


= e 
Fee à 
| | À 
| | | 
| | 
Ftero | 
| B 
| 
V 
Fig. 23, 24, 25 Fig. 21, 28 
A Î Fr on Re D 
| | | 
FLD Zéro _/p 
Fig. 29. Fig. 30. 


Fig. 21 à 30, — Courbes de rupture et d'établissement du courant appliquées à la vérification de la précision des oscillo- 

graphes. 

Fig: 21 et 22. — Oscillographe à bande, réglé à 12.000 périodes, sous 110 volls, amortissement par l'huile de cèdre, rigou- * 
reusement apériodique à 169 (fig. 21), et un peu plus faible (fig. 22) sous l'influence d'une température plus élevée. 
Mig. 23, 24, 25. — Le même oscillographe, amorti à l'excès par l'huile de ricin. — A et B, angles d'établissement, puis de 
rupture arrondis par l'effet d'amortissement exagéré; C, angle d'établissement rectifié par l'addition d'une faible 
cépacité en dérivation sur la résistance ajoutée en série avec l'oscillographe; D, le même angle déformé par exagéra- 

tion de la capacité additionnelle. 

Fig. 26, 21, 28. — Le même oscillogranhe, avec amortissement un peu trop faible produit par l'huile de vaseline. — AetB, 
angles d'établissement et de rupture laissant apparaître les oscillations propres insuffisamment amorties; C, angle 
d'établissement rectifié par addition d'une self-luductance en série ; D, le même augle arrondi par l'addition d'une 
sell-inductance exagérée. 

Fig. 29 et 30. — Le même oscillographe, amortli à l'huile de ricin, sous 6 volts seulement. — L'insuffisance de la résistance 
eu circuit laisse apparaître en A et B un coude très arrondi à l'établissement et à la rupture par suite d'un excès 
d'amortissement et de la self-inductance propre de l'appareil, qui devient sensible (comparer à la figure 23); en C, 

l'angle d'établissement est rectifié par addition de capacité en dérivation. 


A 
| 
Le IX. — VÉRIFICATIONS EXPÉRIMENTAL ES DES CONDITIONS 


3 DE PRÉCISION DES OSCILLOGRAPHES. cette vérification se fait, pour l’oscillographe-volt- 


€ mètre, en faisant passer le courant qu'on y envoie 


moins altérée par l'étincelle et d’autres effets); 


_  Ilexiste un moyen simple de vérifier les condi- | par le secteur tournant calé sur l'arbre du moteur. 
tions de précision d'un oscillographe; il suffit de | Les figures 19 à 30, qui montrent des résultats 
lui faire inscrire une courbe de courants continus | variés ainsi obtenus, font aisément comprendre 
__inversés périodiquement avec une fréquence com- | cette méthode, en même temps qu'elles confirment 
..parable à celle des courants alternatifs qu'on veut | les indications théoriques qui précèdent. 


; REVUE GÉNÉRALE DES SCIENCES, 4901. 13° 


626 MICHEL PETROVITCH — ANALOGIES MATHÉMATIQUES ET PHILOSOPHIE NATURELLE 


Les figures 419 et 20 montrent l'influence de la | 


fréquence propre et de l'amortissement (elles ont 
élé relevées sur l’oscillographe de 1897); 21, 22 
montrent ce qu'on réalise avec un oscillographe 
bien réglé; 23, 24, 25 montrent les effets d'un 
amorlissement exagéré; 26, 27, 28 celui d'un 
amortissement trop faible; ces diverses courbes 
font ressortir, en outre, les effets de compensation 
de la capacité ou de la self-induction. 

Les figures 29 et 30, qui se rapportent au casle 
plus défavorable (faible voltage, excès d'amor- 
tissement), sont les seules où la self-inductance 
de l'appareil lui-même se fasse sentir, lorsqu'on le 
branche directement sur un réseau à 6 volts seu- 
lement sans ajouter aucune résistance en série 
avec celle des bobines, qui n’est que de 28 ohms 
en série; la constante de temps de l'instrument 
est alors notable, et lamortissement l’exagère 
encore‘; l’addition d’une capacilé aux bornes ne 


suffit pas à compenser cet excès. Mais toutes les 
fois qu'il s’agit d'un phénomène continu, on n'aura 
qu'à employer, en outre, un amortissement systé- 
matiquement plus faible, au lieu de l'amortissement 
exagéré, pour ramener le coude d’élablissement 
à la forme sensiblement rectangulaire. 

Il est remarquable que l'appareil puisse être 
employé industriellement jusqu'à d'aussi bas vol- 
tages; dans les études de laboratoire, au-dessous 
de vingt-cinq volts, on préférera l'oscillographe 
bifilaire dont la constante de temps est toujours 
négligeable. 


Dans un second article, nous indiquerons les 
applications des oscillographes à l'étude des ares 
électriques. 

André Blondel, 


Professeur d'Électricité appliquée 
à l'Ecole des Ponts et Chaussées. 


LES ANALOGIES 


MATHÉMATIQUES 


ET LA PHILOSOPHIE NATURELLE 


Il arrive souvent que des phénomènes d'ordres 
différents, de natures concrèles bien distinctes, 
présentent, au point de vue des relations des élé- 
ments qui les caractérisent el des lois mathémati- 
ques qui les régissent, des ressemblances frap- 
pantes. Des éléments, ayant des significations 
concrètes tout à fait distinctes dans deux phéno- 
mènés distincls, jouent souvent des rôles sembla- 
bles, et cette ressemblance des rôles conduit d'une 
manière naturelle à une ressemblance des relations. 
Les analogies mathématiques qui en résultent entre 
de tels phénomènes sont souvent si complètes que 
tout résultat obtenu dans l'étude d’un de ces phé- 
nomènes peut être immédiatement transporté, 
avec sa traduction spéciale, dans le second, en 
substituant aux conceplions particulières, rencon- 
trées dans la théorie du premier phénomène, leurs 
conceptions correspondantes dans le second. La 
Nature semble, diraient les anciens philosophes, 
construire un grand nombre de ses œuvres d’après 
un même plan primilil, caché sous des apparences 
extérieures différentes d’un phénomène à l'autre. 
Des phénomènes divers peuvent conduire aux mé- 
mes équations, diraient simplement les analystes. 

On a signalé depuis longlemps de nombreuses 
analogies de cette espèce. Pour ne rappeler que 


* M. Farmer a eu l'excellente idée d'utiliser cette courbe 
d'établissement pour en déduire la valeur de la self-induc- 
tance. 


les plus connues et les plus complètes, citons l’ana- 
logie mathémalique bien connue entre les phéno- 
mènes d'équilibre électrique, ceux de la propaga- 
tion des radialions dans un milieu homogène, et 
celui du mouvement permanent d’un liquide 
incompressible et sans froltement; l’analogie entre 
la propagation de l'électricité dans l’état permanent 
et la propagation de la chaleur entre deux surfaces 
à températures conslantes dans un milieu conduc- 
teur; entre la propagation de la chaleur et celle de 
l'électricité dans le régime variable; entre certains 
phénomènes de l'Électrostatique et du Magnétisme ; 
entre le mouvement oscillant des pendules, celui 
des liquides et la décharge des condensateurs; 
entre les phénomènes d'équilibre élastique, la 
distribution de la température à l'intérieur d'un 
corps solide et celle du potentiel; entre la théorie 
des tourbillons et celle de certains phénomènes 
électrodynamiques; entre la théorie de la pression 
osmolique et celle de la pression des gaz; entre les 
conséquences du principe de la conservation de 
l'électricité et celles du principe de Carnot dans les 
phénomènes thermiques, elc. 

Les modèles d'illustralion mécanique des phé- 
nomènes physiques, tant recherchés par les phy- 
siciens anglais, fournissent aussi des exemples 
remarquables d’analogies mathémaliques. L'idée 
fondamentale de ces illustrations consiste, comme 
on sait, en ceci: Étant donné un phénomène ®, 


Dh à nt 


MICHEL PETROVITCH — ANALOGIES MATHÉMATIQUES ET PHILOSOPHIE NATURELLE 627 


- créer un modèle mécanique pour le fonctionnement 
duquel vaudront les mêmes lois mathématiques 
“que pour le phénomène ®. Entre les phénomènes 
“auxquels donne lieu le fonctionnement d'un tel 
. modèle et les lois du phénomène ®, subsistera 
“alors une analogie de l'espèce dont il est ici ques- 
4 tion. Tels sont, par exemple, les modèles mécani- 
ques par lesquels Maxwell se représentait les phé- 
“nomènes de l'induction électrique ou la polarisation 
“des diélectriques : les nombreux modèles par 
“lesquels iord Kelvin a représenté divers phénomè- 
“nes d'Optique ; le modèle imaginé par M. Garbasso 
pour représenter la décharge des condensateurs, 
ætc., etc. 
… Enfin, on rencontre dans les diverses sciences 
une foule de phénomènes distincts, présentant 
entre eux, dans certaines particularités, des res- 
“emblances plus ou moins parfaites, que l’on ne 
peut pas préciser aussi bien que dans le cas des 
phénomènes mécaniques ou physiques, et qui 
donnent lieu à des métaphores plus ou moins heu- 
reuses. On compare tel ou tel phénomène au torrent 
dont la force destructrice grandit avec les obstacles 
qu'on lui oppose, ou bien à la marée avec son flux 
et son reflux, etc. Dans différentes sciences, on 
rencontre des phénomènes ayant des allures de 
certains phénomènes mécaniques ou physiques. 
On compare, par exemple, tel ou tel phénomène au 
mouvement pendulaire amorti, présentant une série 
oscillations autour d'un état stable, les écarts des 
oscillations étant de plus en plus restreints, et 
ainsi de suite. 
On connaît bien les services que les analogies 
mathémaliques ont rendus aux diverses parties de 
la Physique mathématique. Auguste Comte avait 
bien prévu le rôle qu'elles seraient appelées à 
jouer dans le développement de cette branche de 
Ja Science. Ohm, Lamé, Chasles, lord Kelvin, Helm- 


ætc. C'est par les considérations d'analogies entre 
les problèmes électrique et thermique que Ohm a 
“édifié sa belle théorie de la propagation de l'élec- 
“tricité, en y transportant le mode de raisonnement 
par lequel Fourier avait déjà édifié la théorie de la 
propagation de la chaleur. Maxwell s’en est très 
- fréquemment servi dans ses recherches; c’est ainsi 
qu'en comparant les phénomènes électromagnéti- 
ques à une certaine espèce de mouvement tourbil- 
Honnaire des liquides, il a trouvé les équations fon- 
damentales de l'Electromagnétisme auxquelles son 
nom est demeuré attaché. L’analogie des lois des 
gaz parfaits avec celles de la pression osmotique a 
également été un guide pour les physiciens qui ont 


établi la théorie de la pression osmotique. Les mo- 
dèles mécaniques ont souvent servi comme guide 
indiquant la direction à suivre pour les investiga- 
tions plus rigoureuses. 

Il y aurait un livre intéressant à écrire sur les 
services que les considérations d’analogies ont 
rendus à la Science. Elles ont aujourd'hui une haute 
valeur scientifique, et rendent toujours de réels et 
très grands services. Certains résultats se présen- 
tent d’une façon plus naturelle dans un ordre 
d'idées que dans un autre; c'est surtout par cette 
raison que les analogies, si incomplètes qu'elles 
puissent être, ont toujours le grand mérite de 
suggérer des recherches dans cerlaines directions, 
d'engager à essayer de préférence tel raisonnement 
ou de tenter telle expérience. 


Mais je voudrais ici insister sur un genre de 
services d’un ordre plus général et plus élevé, que 
pourraient rendre les analogies mathématiques 
convenablement interprétées. Envisageons un cas 
simple d’analogies existant entre des phénomènes 
divers qui peuvent n'avoir aucun rapport concret : 
considérons les phénomènes qui suivent la « loi 
logarithmique » : 


Y= YocËr, 


où x et y sont les variables du phénomène, y, et Æ 
des constantes. Cette loi, ainsi que les conséquences 
qui s'en déduisent, régit, comme l’on sait, une foule 
de phénomènes de natures concrètes très diverses, 
dont voici des exemples : 


1° Affaiblissement de l'intensité de la lumière passant 
à travers un milieu absorbant; 

2° Refroidissement d’un corps solide par échange de 
chaleur avec le milieu qui l’ertoure ; 

3° Déperdition de l'électricité des liquides électrisés, 
sous l'influence de l’évaporation; 

4° Distribution des températures le long d'une tige 
métallique chauffée en un point; J 

5° Décroissement de la pression barométrique quand 
on s'élève dans l’atmosphère ; 

6° Variation de la quantité d'un corps pur qui se 
transforme progressivement sous l'action d'un agent 
physique ou d'un ferment; 

7° Augmentation d'une somme d'argent prêlée à 
intérêts composés, etc. 


Le tableau T met en évidence les éléments qui 
jouent les rôles analogues dans ces divers phéno- 
mènes. 

Il est facile de se rendre compte de la raison 
intime par laquelle s'impose l’analogie entre ces 
phénomènes si variés. Un capital placé à intérêts 
composés s'accroilt à chaque époque d’un intérêt 
proportionnel à la valeur du capilal lui-même à 
cetle époque. La température d’un corps qui se 
refroidit diminue à chaque instant de manière que 


628 MICHEL PETROVITCH — ANALOGIES MATHÉMATIQUES ET PHILOSOPHIE NATURELLE 


celte diminution varie en raison directe de la tem- 
pérature elle-même. La pression barométrique varie 
demanière quesa diminution, correspondantàl’aug- 
mentalion d'une hauteur donnée, soit proportion- 
nelle à la pression à cette hauteur. Et d’une manière 
sénérale : dans les divers phénomènes énumérés 
précédemment, l'élément particulier, dont la modi- 
fication graduelle définit le phénomène, varie à 
chaque instant en raison directe de sa valeur à cet 
instant. Autrement dit : le phénomène consiste dans 
la variation progressive et continue d’un élément 
en raison directe de la grandeur de l’élément lui- 
même. Zelest le schéma commun auquel peuvent 
sé ramener lous les phénomènes en question; tel 
est le squelette qui sert de support à tous les 
organes, quelle que soit leur nature concrète. Il 
conduit directement à l'équation différentielle de 


Tagceau |. — Analogie des éléments dans 
les phénomènes variés, 


PHÉNOMÈNE VARIABLE æ 


FRE 


VARIABLE 7 


Intensité lumineuse. 
Température. 
Charge électrique. 
Température. 


40. . . .|Épaisseur de la couche. 
TER GNOME Temps. 
MS Temps. 


40. . . .| Distance au point 
chauffé. 
USER Hauteur. 
Core Temps. 


Pression barométrique. 
Quautité du corps 
primitif. 


OR RS Temps. Capital. 


tous ces phénomènes et à toutes les conséquences 
dans lesquelles consiste leur analogie mutuelle. 

De même, les phénomènes de la propagation de 
l'électricité de la chaleur, etc., se ramènent au 
schéma général suivant : un état se propage de 
proche en proche, progressivement et continuelle- 
ment; l’état d'un point n'a d'influence sensible 
que sur les points très voisins; cette influence pro- 
vient de la tendance de cet état de passer des 
points où son intensité est plus grande aux points 
où elle est plus faible ; enfin, cette influence varie 
en raison directe avec la grandeur de la différence 
de ces intensités. 

D'une manière générale, précisons les faits et les 
propriétés caractéristiques dans lesquels réside 
la raison intime de l'analogie des divers phéno- 
mènes considérés; dégageons-en ce qui est 
commun et général à ces phénomènes, ce qui 
définit les rôles des éléments correspondants et la 
manière dont ces rôles sont combinés entre eux; 
donnons à tout ceci la forme la plus simple et la 
plus générale possible en ayant soin de ne pas 
franchir les limiles de l’analogie, au delà des- 
quelles le problème devient indéterminé. Le schéma 
auquel se réduiront les phénomènes aura l'aspect 


suivant : à la place des phénomènes mécaniques, 
physiques, chimiques, etc.…..,apparaîtrontles lois de 
variation d'un certain nombre de variables carac- 
téristiques, en fonclion de certaines variables indé- 
pendantes: à la place des causes réelles (forces 
mécaniques, électriques, magnétiques, chimiques) 
ou des résistances, on verra apparaitre des causes 
fictives, définies uniquement par leurs aclivités et 
les lois de leur variation en fonction des variables 
indépendantes; les liaisons seront remplacées par 
des relalions fixes, données à l'avance, entre les 

variables caractéristiques, elc. 

Ce schéma n'est au fond que celui auquel on à 
affaire dans la mise en équation d'un problème 
mécanique ou physique quelconque. Il importe de 
le tirer non pas d'un phénomène particulier, mais! 
d’un groupe de phénomènes divers analogues entre 
eux : 11 s'en dégage alors l'image de Paction des 
causes de natures concrètes variées, agissant dans 
des circonstances diflérentes, mais douées d'une 
certaine espèce d'activité commune à tous les cas 
qu'une telle analogie embrasse. 

Un tel schéma équivaudra à un modèle mécani- 
que illustrant une foule de phénomènes divers. Le 
nombre de tels modèles ira en augmentant lorsque, 
avec le progrès de la Science, on connaîtra des 
analogies mathématiques de plus en plus nom- 
breuses. Et, lorsque leur nombre sera suffisamment 
grand, ces schémas amèneront probablement à la 
formation d'une nouvelle branche de la Philosophie 
nalurelle, destinée à s'édifier progressivement et 
indéfiniment, dont l'objet sera l'étude des rela-: 
tions mathématiques générales entre les causes et 
leurs effets, débarrassées de toutes les particula- 
rités qui les rattachent spécialement à telle ou telle 
espèce particulière de phénomènes. 


II 


Pour mieux préciser ce qu'il faut entendre par 
là, arrêtons-nous à un schéma particulier d'une 
telle espèce, mais possédant les trails essentiels de | 
tous les schémas que nous avons en vue. 

Reportons nous d'abord à la conception la plus 
générale de la cause, dans le sens physique du 
mot : envisageons-la par son côté dynamique, par 
son activité. Gelle-ci consiste en une certaine /en- 


dance, qui se manifeste dans les phénomènes 


comme force mécanique, comme pouvoir moteur, 
capacité modificatrice, capacité perturbatrice, ete. 
Etant donné l’ensemble de circonstances au milieu» 
desquelles une cause agit, la tendance de cette 
cause sera définie : 4° par son objet direct; 2° pars 
sa direction et son sens (en adoptant pour ces 
termes leur sens mécanique généralisé); 3° par son 
intensité, qui peut être constante ou variable. { 


Le 


MICHEL PETROVITCH — ANALOGIES MATHÉMATIQUES ET PHILOSOPHIE NATURELLE 629 


Les tendances ont les caractères essentiels des 
“éléments mesurables, au moins dans le sens mathé- 

matique du mot : on peut les concevoir plus fortes 
ou plus faibles, les comparer si elles ont les mêmes 
“objets directs et les mêmes directions; leurs varia- 
tions d'intensilé sont aussi faciles à concevoir que 
“celles des forces mécaniques; plusieurs tendances 
“peuvent se gêner mutuellement, s’équilibrer, 
“ajouter pour augmenter l'effet, etc... Dans les 
Sciences physiques, on les mesure pratiquement ; 
n Biologie, on compare entre elles les actions des 
“divers agents et des conditions du milieu sur un 
être ou une cellule; on peut préciser les tendances 
de diverses espèces de bacilles pour un objet 
direct donné, étudier les lois quantitatives de leur 
action simultanée, etc. Dans d’autres sciences, on 
parle de tendances prépondérantes, collectives, 
résultantes, etc. On peut connaître ou non la gran- 
deur de l'intensité d'une tendance dans un cas 
donné, mais cette grandeur est bien déterminée 
dans tous les cas. 
Ceci étant, soit un phénomène dont les variables 
Caractéristiques : 


(1) 


dépendent collectivement d'une seule variable 
indépendante /. Le phénomène sera déterminé 
lorsqu'on connaitra les lois : 


de — alt), 


d'après lesquelles les « varient en fonction de £, et 
ces lois (2) caractérisent les tendances des causes 
actives du phénomène. 

Chacune des équations (2) définit un phénomène 
Simple, consistant dans la variation d’une seule 
variable caractéristique. Supposons, pour trailer 
n Cas simple, qu'on puisse réaliser ou concevoir 
la séparation effective de ces phénomènes, de sorte 
que le phénomène complexe considéré puisse se 
décomposer en » phénomènes simples. Nous dirons 
qu'une cause C (ou un ensemble donné de causes) est 
la cause directe et exclusive du phénomène simple 
(2), si, la variable indépendante / variant d’une ma- 
nière quelconque, x cesse de varier lorsque la cause 
“Cdisparaitsubitement; qu'elle recommence à varier 
au moment où cette cause apparaît de nouveau et 
que, de plus, lorsque la cause reste identique à 
Ë elle même, la varialion de + est à chaque instant 
| proportionnelle à celle de f. La variable à sera 
alors l'objet direct de la cause C et la grandeur de 


V de : ; 1 
-la dérivée — à un instant donné mesurera l’inten- 


; de 
sité du phénomène. Ainsi, dans les mouvements, 
objet direct des forces motrices sera la vitesse 
du mouvement; dans le phénomène de refroidis- 
sement, l'objet direct de la tendance du corps à 


| 


égaliser sa température avec celle du milieu 
ambiant sera la vitesse de refroidissement, etc. 

Ces éléments si simples et si généraux consti- 
tuent un schéma de l'espèce que nous avons en 
vue, et qui se prète déjà aux spéculations de l’Ana- 
lyse mathématique. 

Ainsi l'effet direct total de la cause C, corres- 
pondant à la variation {—1, de la variable indé- 
pendante, sera mesuré par la différence 4 —, w 
et «, étant les grandeurs de x correspondant aux 
valeurs respeclives {et {,; l'effet direct élémentaire 
sera donc dx. Et, en adoptant le principe bien intui- 
tif d'après lequel l'effet direct élémentaire d'une 
cause serait proportionnel à l'intensité de la cause 
elle-même et à l'intervalle dt de la variable indépen- 
dante, on aura l'équation fondamentale : 


où X désigne l'intensité de la tendance, par laquelle 
se traduit l'activité de la cause, au moment où la 
variable indépendante a la valeur {; K représente 
un coeflicient jouant un rôle analogue à celui de la 
masse. On attribuera à X le signe + ou — suivant 
que la cause tend à faire augmenter ou diminuer 
la variable «. 

L'équation (1) généralise l'équation fondamentale : 


do 


de la Dynamique d'un point, et l'expression — K TT 
généralise celle de la force d'inertie. 

Si le phénomène élait l'effet résultant d'un en- 
semble de causes directes d'intensités X,, X,. x, 
on aurait : 

du 


( K7 = EXi 


ayec la convention précédente pour les signes des 
X:. 

Les tendances figurant dans ces équations peu- 
vent être définies : 

1° Directement, par les lois de leur variation pen- 
dant la durée du phénomène. Ainsi, dans les pro- 
blèmes de Dynamique, ce sont les forces actives: 
dans les phénomènes de la Cinétique chimique, la 
tendance aclive est proportionnelle aux quantités 
des corps actifs; la tendance destructive d'un 
groupe de bacilles de même espèce est proportion- 
nelle à leur nombre, etc., ete. ; 

2 Par les lois o(/,4)—0 que suivrait le phéno- 
mène, effet direct de la cause considérée: si cette 
cause agissait seule, la tendance serait proportion- 


nelle à la dérivée « étant tiré de 9 —0. 
(2 


Si les causes ne varient pas d'intensité, le phé- 


630 MICHEL PETROVITCH — ANALOGIES MATHÉMATIQUES ET PHILOSOPHIE NATURELLE 


nomène sera régi par des lois linéaires. Si elles 
sont variabies, la recherche de ces lois se ramène 
à l'intégration des équations différentielles ordi- 
paires. Dans le cas d’un phénomène complexe, con- 
sislant dans la simultanéité de 7 phénomènes 
simples, le problème se ramène à l'intégration 
d'un système d'équations simultanées. 

Les équations (1) et (2) conduisent à des concep- 
tions el à des principes embrassant comme cas 
particuliers ceux de la Dynamique. 

Ainsi, l'équation (2) exprime qu'il y a à chaque 
instant équilibre entre l’inertie du phénomène et 
les tendances actives. 

La vitesse du mouvement étant généralisée par 
la variable «, etle temps par la variable indépen- 
dante {, la conception du chemin parcouru sera 
généralisée par la grandeur : 


(3) q= 0 ‘adt 
lo 


qui représenterait l'exfension du phénomène (x, /). 
Le travail élémentaire de la cause directe X, cor- 
respondant à l'extension élémentaire 4, serait : 


(4 dR = Xdg; 
l'énergie du phénomène simple (x, {) serait : 


(5) = 


2 


Ka 


19! = 


Une combinaison facile de (1), (3), (4), (5) 
conduit à l'équation : 


(6) U—U,=R, 


exprimant que l'accroissement de l'énergie du 
phénomène équivaut au travail de la cause directe 
qui l'a produit, et il serait facile d'étendre le théo- 
rème aux cas où le phénomène dépend d'un nombre 
quelconque de causes directes. 


L'intégrale 
t 
A Xdt 
lo 


représenterait l'impulsion de la cause X relative à 
la variation {— /, de la variable indépendante, par 
analogie avec l'intégrale correspondante de la 
Dynamique. De l'équation (1), on tire : 


Ra) RE 
lo 
ce qui montre que l'effet direct total de la cause 
X, pendant que { varie de {, à {, est proportionnel 
à l'impulsion de cette cause. 

Ces principes s'étendraient aussi aux cas des 
phénomènes complexes, quel que soit le nombre de 
phénomènes simples dont ils sont composé. Ils 
s'étendraient aussi aux cas de plusieurs variables 
indépendantes, et on pourrait même, dans certaines 
conditions, donner aux équations fondamentales 


une forme analogue à celle des équations de La-" 
grange, etc. De plus, ces principes schématisent 
une foule de lois particulières, qu'on en déduirait" 
en attribuant, aux conceptions abstraites qui en 
font l'objet, diverses significations concrètes. Ils 
s'appliquent directement à la recherche des lois 
des phénomènes, dans lesquels on connaît la nature 
dynamique des causes actives directes, et ces lois 
restent les mêmes, quelle que soit la nature con- 
crèle de ces causes et du phénomène lui-même. 
On en tire, par exemple, bien facilement, les consé- 
quences suivantes : 

Lorsqu'un ensemble de causes tend constamment 
à renforcer ou à affaiblir un phénomène simple, 
qui en est l’effet direct, et que cette tendance varie 
en raison directe de l'effet direct total des causes, 
l'intensité du phénomène varie toujours dans un 
même sens, en croissant ou en décroissant; l’ex- 
pression : 


où « est la variable caractéristique, { la variable 
indépendante, a et » des constantes convenable- 
ment choisies, conservera une valeur invariable 
pendant toute la durée du phénomène, et cette va- 
leur sera positive ou négalive suivant que la cause 
est renforçante ou affaiblissante; l'effet total aug- 
mente indéfiniment, ou bien tend vers une limite 
finie, suivant le sens de la cause. 

Ce théorème embrasse toutes les analogies entre 
les phénomènes divers qui suivent la loi logarith= 
mique, par exemple entre ceux dans lesquels les: 
causes, en produisant leur effet, s'affaiblissent, em. 
se dépensant en raison directe de l'effet produit. 

Comme conséquence immédiate des principes 
précédents, mentionnons aussi le théorème sui- 
vant : 

Considérons un phénomène simple, effet direct 
d’un ensemble de causes, dont quelques-unes ont 
des tendances constantes en intensité et sens; 
d'autres consistent en une sorte de résistance va= 
riant en raison directe de la grandeur absolue de: 
l'effet direct total ; enfin, certaines se comportent 
aussi comme résistances, mais varient en raison di- 
recte de l'extension du phénomène. Celui-ci sera 
continu ou oseéillant, suivant le cas, et son étude se 
ramène à l'intégration d'une équation linéaire du. 
second ordre. Si les racines de l'équation caracté-\ 
rislique du second degré, relative à cette équatio 
linéaire, sont réelles, l'intensité du phénomène," 
ainsi que l'effet direct total, seront des fonctions 
continues de {, ne pouvant présenter qu'un seul 
maximum ou minimum, à partir duquel elles va=" 
rient constamment dans un même sens. Si ces ra= 
cines sont imaginaires, ce seront des fonctions 
oscillantes de { : le phénomène présentera une sé- 


MICHEL PETROVITCH — ANALOGIES MATHÉMATIQUES ET PHILOSOPHIE NATURELLE 


rie d’oscillations d'amplitudes plus ou moins rapi- 
dement amorties; son état s'approchera et s'éloi- 
gnera tour à tour d'un certain état stable, et s'en 
éloignera de moins en moins jusqu'au moment où 
ses oscillations deviendront insensibles, l’état du 
phénomène se confondant désormais avec cet état- 
limite. 

Ce théorème, avec ses conséquences, embrasse 
une foule de problèmes analogues à celui de la 
décharge entrelenue des condensateurs, oscilla- 
tions du cadre mobile d’un galvanomètre lors du 
passage du courant, etc. 

Considérons enfin un phénomène simple, résul- 
tant de l'action de deux groupes de causes directes, 
les unes étant invariables en sens et en intensité, 
et les autres tendant à détruire l’action des pre- 
mières, cette tendance destructive variant en raison 
directe de l'effet direct total, mais agissant avec 
un certain relard constant 2, de manière que, pour 
la valeur actuelle de #, elle soit proportionnelle à 
l'effet Lolal résultant, tel qu'il a été au moment où 
la variable { avait la valeur { — h. La théorie du 
phénomène se ramène à une certaine équation 
linéaire aux différences mêélées ; l'effet total résul- 
tant ou bien décroitra constamment en tendant 
vers un état-limite, ou bien présentera une série 
d’oscillations amorlies autour de cet état, en ten- 
dant à se confondre avec lui, etc. 


IT 


L'exemple simple que nous avons traité précé- 
demment donne des indications sur la possibilité 
de faire un schéma général des actions des causes, 
correspondant à la Dynamique des forces, mais qui 
ne demeurerait plus attaché à l’une ou l’autre 
espèce concrète de phénomènes. On entrevoit de 
même la possibilité de faire un schéma général de 
l'équilibre des causes, correspondant à la Slatique 
des forces. R 

L'ensemble de schémas pareils, quand on en pos- 
sédera un certain nombre, sera vraisemblablement 
appelé à constituer une branche spéciale de la Phi- 
losophie naturelle, une espèce de Mécanique géné- 
rale de phénomènes divers, n'ulilisant qu'un pelit 
nombre de notions très générales. Cette Mécanique 
aurait tout d’abord le réel avantage de relier entre 
elles et de ramener à une même base bien des théo- 
ries wayant aucun rapport mutuel. Elle donnerait 
la clef des analogies mathématiques aujourd'hui 
connues, et en fournirait une foule d'autres. Les 
analogies, d'autre part, contribueraient à l'édifi- 
cation de cetle branche de la Science en lui offrant 
des problèmes d’un intérêt réel, et en lui fournis- 
sant des applications concrètes. C'est même, comme 
nous l'avons dit, dans la recherche et l'analyse des 


631 


analogies que consisterait la méthode inductive de 
cetle édification, 

Mais y a-t-il des chances pour qu'une telle théo- 
rie, quand elle sera faite, conduise à quelque chose 
de nouveau ? Permettra-t-elle de prévoir des faits, 
de suggérer des explications de faits inexpliqués, 
de conduire à des expériences à tenter, à des 
recherches à entreprendre ? 

Voici quelques exemples contenant des réponses 
à de telles questions, et mettant en évidence le 
genre de services qu'on pourrait attendre de cette” 
théorie. 

La notion de symétrie peut ètre généralisée de 
diverses manières, et les relations entre la symétrie 
des causes et celle de leurs effets formeraient un 
chapitre important de la théorie qui nous occupe. 
L'extension, par exemple, de la nolion et de la théo- 
rie de symétrie des corps cristallisés aux divers 
phénomènes physiques de natures concrètes variées, 
telle qu'elle a été faite par M. P. Curie et M. Voigt, 
montre déjà l'efficacité de cette espèce de généra- 
lisation en ce qui concerne la prévision de la pos- 
sibililé des phénomènes ou de leur impossibilité. 
Ainsi, pour que cerlain phénomène soit possible, 
il faut que le système où il se manifeste présente 
une certaine dissymétrie, caractéristique pour ce 
phénomène : le phénomène est impossible si une 
telle dissymétrie n'existe pas. D'autre part, deux 
phénomènes de même dissymétrie ont entre eux 
des liens particuliers. Lorsque certaines causes 
produisent certains effets, les éléments de symétrie 
des causes doivent se retrouver dans les effets pro- 
duits. Lorsque cerlains effets révèlent une certaine 
dissymétrie, celle-ci doit se retrouver dans les 
causes qui lui ont donné naissance. M. P. Curie à 
montré ? le parli qu'on peut tirer des considéra- 
tions de celte espèce pour se rendre compte de la 
possibililé ou de l'impossibilité d'un grand nombre 
de phénomènes électriques, magnétiques, ther- 
miques, etc. 

Un autre genre de services que pourra rendre la 
théorie en question, consisterait dans la possibilité, 
qu'elle fournirait dans certains cas, de préciser des 
hypothèses sur la nature dynamique des causes 
donnant naissance à un phénomène dont on con- 
naît les lois mathématiques ou l'allure géométrique, 
et de provoquer des recherches ayant pour but de 
préciser la nature concrète de telles causes. 

Considérons, pour fixer les idées, un phénomène 
consistant dans les oscillations d'un de ses élé- 
ments caractéristiques autour d’un certain état 
défini, duquel il s'approche et s'éloigne ‘alternati- 
vement par une série d'oscillations de plus en plus 


1 P. Curie, Journal de Physique, 3° série, t. IT, 1894, 


p. 393-417. 


632 MICHEL PETROVITCH — ANALOGIES MATHÉMATIQUES ET PHILOSOPHIE NATURELLE 


faibles. On rencontre de telsphénomènes dans toutes 
les sciences, et l'on exprime ce caractère oscilla- 
toire de manières variées, propres à la branche de 
science à laquelle appartient le phénomène. Nous 
avons indiqué précédemment quelques manières 
dont peuvent prendre naissance de tels phéno- 
mènes. Ainsi, ils peuvent résuller, en particulier, 
de l’action retardée d'une cause, variable, détruisant 
l'action d’une autre cause, invariable. L'explication, 
que M. Sagnac a donnée récemment”, de certains 
phénomènes photochimiques, rentrerait dans ce 
type d'explications. L'expérience a montré, pour 
l'action photochimique de la lumière, que, si le 
temps d'illumination de la couche sensible va en 
augmentant, l'image se développe en noir de plus 
en plus intense jusqu'à une certaine valeur; cette 
valeur une fois atteinte, l'intensité du noir va en 
diminuant jusqu'à un certain minimum ; celui-ci 
est suivi d'un second maximum, puis vient un 
second minimum, et ainsi de suite. M. Janssen en 
a compté trois, mais la rapidité avec laquelle les 
oscillations du phénomène s'amortissent semble 
seule avoir empêché d'en compter un plus grand 
nombre. D’après le théorème précédent, l'une des 
explications de ce caractère oscillant consisterait 
en ce qu'on le considère comme effet de deux 
causes directes : l’une active, invariable en sens et 
en intensité; l’autre destructive, variant en raison 
directe de l'effet résultant, relatif à une époque 
antérieure. 

D'après l'hypothèse par laquelle M. Sagnac 
essaie d'expliquer le phénomène, la première cause 
serait la tendance directe et invariable de la lumière 
à modifier le sel d'argent de la couche sensible ; la 
seconde serait due à une réaction de la couche sen- 
sible, qui produirait, avec un certain retard, une 
modification inverse de la couche sensible. 

Si l'on imagine, de plus, que la réaction, pro- 
duite en un point P de la couche sensible, puisse 
rayonner dans un petit cercle concentrique à P, la 
même explication conviendrait aussi aux maxima 
et minima d'impression, qui se peignent aux 
limites des pénombres sur les plaques photogra- 
phiques frappées par les rayons lumineux ou par 
les rayons X, et aussi sur la rétine frappée par les 
rayons lumineux. Elle conviendrait encore à une 
foule de phénomènes variés présentant une carac- 
tère oscillant *, 


1 Sacxac : L'Optique des rayons de Rüntgen, p. 29-35. 
Paris, Gauthier-Villars, 1900. 
2 G. SAGNAC, loc. cit. 


Les phénomènes oscillatoires peuvent d’ailleurs 
prendre naissance suivant d'autres mécanismes; 
chacun d'eux fournirait une hypothèse admissible 
pour expliquer le mécanisme de leur production. 
Une étude plus approfondie des particularités du 
phénomène, où notre théorie n'aura plus rien à 
faire, décidera quel est celui qui doit êlre définiti- 
vement admis. 

D'une manière générale, certaines particularités 
de l'allure générale d'un phénomène peuvent s’ex- 
pliquer par certains mécanismes communs à une 
foule de phénomènes divers, et de tels mécanismes 
seront fournis par les schémas généraux faisant 
l'objet de la théorie qui nous occupe. Un tel mode 
d'explication pourra d'ailleurs représenter la vérité 
elle-même, ou être seulement admissible au point 
de vue purement analytique : c'est à l'étude expé- 
rimentale de décider lequel parmi eux sera le vrai. 
On cherchera, par exemple, à mettre en évidence 
telle ou telle action destructive, prévue par des 
théorèmes généraux, à découvrir sa nature con- 
crèle, les conditions qui lui font prendre naissance; 
ou bien on cherchera à démontrer l'existence des 
résistances, variant suivant les lois prévues par ces 
théorèmes, ete. Ces recherches seraient expérimen- 
tales, mais ce sera la théorie générale qui en aura 
suggéré l'idée, qui les aura provoquées et qui aura 
bien le ,droit à une certaine part de mérite si ces 
recherches aboutissent à quelque chose d'intéres- 
sant. 


Ces exemples donnent une idée de la manière 
dont une telle théorie générale pourrait s'appliquer 
directement à des problèmes concrets. Celte théo- 
rie ne serait pas dénuée d’un certain intérêt philo- 
sophique par la généralité et le petit nombre de 
notions fondamentales qu'elle ferait intervenir. Tout 
cela justifierait bien la peine qu'on se donnerait à 
l'édifier, et à cet égard il y a lieu d'insister sur l’idée 
suivante qui se dégage de cet exposé : Ce sera 
probablement par le groupement de phénomènes 
divers suivant les analogies mathématiques qui 
existent entre eux, et par l'étude des schémas géné- 
raux lirés de chaque groupe ainsi obtenu, que pren- 
dra naissance cette branche de la Philosophie natu- 
relle, consistant dans l'étude des relations géné- 
rales entre les causes et leurs effets. 


Michel Petrovitch, 


Professeur de Mathématiques 
à la Faculté des Sciences de Belgrade. 


BIBLIOGRAPHIE — ANALYSES ET INDEX 


633 


BIBLIOGRAPHIE 


ANALYSES ET INDEX 


1° Sciences mathématiques 


Sencier (G.), Zngenieur des Arts et Manufactures,.et 
Delasalle (A.), /ngénieur, ancien élève de l'Ecole 
de Physique et de Chimie. — Les Automobiles 
Electriques. — 1 vol. 1n-8° de 400 pages, orné de 
192 gravures, avec prélace de Cu. JEANTAUD. (Prix : 
45 fr.) V'e Ch. Dunod, éditeur. Paris, 1901. 

Où en est la locomotion électrique? C’est la question 
que se posent bien des gens, qui, après avoir cru à son 
application générale et immédiate en voyant dessociétés 
comme la Compagnie générale des Voitures à Paris 
monter de grandes usines électriques et mettre de nom- 
breux fiacres en circulation, n'ont pas compris pourquoi, 
un beau jour, ces fiacres sont restés sous remise et ces 
usines se sont fermées. 

La vérité est, comme le dit dans sa préface M. Jean- 

taud, un maître en la matière, que « la voiture élec- 
trique est actuellement parfaite; que le moteur, à haut 
rendement, est presque sans usure; que le combinateur 
permet de faire varier les vitesses et la puissance du 
moteur dans des limites très étendues ; que les véhicules 
eux-mêmes, si critiqués dans leur forme dès leur appa- 
rilion, sont confortables. » Mais l'accumulateur qui 
fournit à la voiture l'énergie dont elle a besoin, qui, 
depuis 1881, époque à laquelle Faure l’a créé, avec ses 
six ampères-heure au kilogramme de plaques, avait 
jusqu'en 1898 gagné annuellement un demi ampère- 
heure, est depuis trois ans resté lamentlablement sta- 
tionvaire, et on n'a pas trouvé le moyen de faire de lui 
autre chose que cet organe lourd, cher d'achat et d’en- 
tretien, qui peut bien être employé pour la traction de 
luxe, mais ne peut devenir la base d’une exploitation 
commerciale quelconque. 

Qu'en revanche on trouve le moyen de remplacer le 
plomb par un métal moins coûteux et plus léger; que 
les renseignements sur le nouvel accumulateur d'Edi- 
son, au fer, au nickel et à la potasse caustique, soient 
confirmés et que les progrès s'affirment dans cette voie 
nouvelle ; ou, mieux encore, qu’on découvre cet appa- 
reil produisant directement de l'électricité et pouvant, 
sous un poids d’une centaine de kilogrammes, donner 
économiquement un courant de 3.000 watts, à la réali- 
sation duquel M. Jeantaud croirait volontiers, et la 
question change absolument de face. La voiture élec- 
trique voit commencer immédiatement pour elle l’ave- 
nir grandiose qui lui est certainement réservé, et dont 
l'ouverture seule reste indéterminée. 

Voilà pourquoi, loin de se désintéresser de la voiture 
électrique, il faut la suivre dans ses moindres détails. 
Et nous devons savoir gré à MM. Sencier et Delasalle de 
nous en avoir fort savamment et fort clairement expli- 
qué le mécanisme. 

Cette double tâche n’était pas aisée, car, si la voilure 
est simple d'aspect, de construction et de commande, 
les principes sur lesquels elle repose ne manquent pas 
de complexité. Et c’est toute une grande partie de la 
science électrique qu'elle met à contribution. 

Ce côté théorique est parfaitement tiré au clair, si 
bien que les personnes que n'intéresse pas la chose au- 
tomobile, mais qui désirent se familiariser avec la 
grosse question des accumulateurs et des dynamos, 
feront leur profit de l'ouvrage. 

Le côté automobile y est traité fort complètement et 
fort actuellement. Nous faisons allusion à la question, 
bien à l’ordre du jour, des voitures pétroléo-électriques. 

L'idée n'est pas nouvelle d'associer le pétrole et l’élec- 
icité dans la propulsion d'un automobile. Déjà, en 


1899, on a pu voir à l'Exposition des Tuileries la voi- 
ture Pieper, dont nous avons entretenu nos lecteurs #. 
Depuis cette époque, la question n'avait pas progressé. 
Elle vient d’être reprise par les constructeurs des voi- 
tures de courses, qui, désespérant de pouvoir dépasser 
beaucoup, avec les systèmes actuels, les moyennes dès 
à présent réalisées (85 kilomètres à l'heure par la voi- 
ture Mors que pilotait M. Fournier dans la course Paris- 
Bordeaux), à cause de la fatigue que la transmission de 
l'effort moteur fait subir aux pneus des deux roues 
motrices, vont essayer de rendre motrices les quatre 
roues par l'adjonction à chacune d'un moteur électrique, 
alimenté par la génératrice qu'actionnera le moteur à 
pétrole. ï 

Ils sont en train de monter sur roues de véritables 
usines électriques, qui ne constitueront jamais que des 
véhicules d'exception. Mais de leurs efforts sortiront 
probablement quelques innovations dont profiteront les 
voitures pétroléo-électriques de tourisme, celles-là véri- 
tablement intéressantes. 

GÉRARD LAVERGNE, 
Ingénieur civil des Mines, 


2° Sciences physiques 


Nietzki, Professeur à l'Université de Bäle. — 
Chimie des Matières colorantes organiques. Tra- 
duction de MM. Cnarzes VaucuEr, CamiLce Favre el 
AxrRen Guyot, Maïtre de Conférences de Teinture et 
Impression à la Faculté des Sciences de Nancy. Avec 
préfaces de MM. C. Frigoez et E. NŒLcniNG. — 1 vol. 
in-8° de 447 pages (Prix : 10 fr.). Carré et Naud, 
éditeurs. Paris, 1901. 

Tous ceux qui s'occupent de matières colorantes 
connaissent de longue date le Traité, si elair et si 
parfait dans sa concision, que M. Nietzki a fait 
paraître en 1889, comme tirage à part de son article sur 
les matières colorantes dans le Dictionnaire de 
Ladenbourg. Ce Traité en esl à sa quatrième édition à 
l'heure actuelle, et la traduction faite sur la troisième 
édition n'ayant pu, par suite de circonstances spécia- 
les, être publiée à l'heure voulue, M. A. Guyot l’a revisée 
et complétée sur la quatrième édition allemande. Cette 
œuvre est donc au courant de toutes les découvertes 
essentielles qui ont été faites dans le domaine si varié 
et si étendu des colorants artificiels. ; 

Après une introduction, où l’auteur fait une esquisse 
rapide de l’évolution de cette chimie spéciale dans le 
cours de la seconde moitié du siècle finissant, M. Nietzki 
parcourt rapidement chacune des onze classes de 
colorants, tout en insistant sur les faits fondamen- 
taux, sur les nolions de c/romophore en particulier, 
qui donnent à chacun de ces groupes son allure parti- 
culière. Un dernier chapitre est consacré aux colorants 
de constitution inconnue. 

Ce volume contient, en somme, tous les faits essen- 
tiels concernant les principaux types de colorants et 
rendra service non seulement aux lechniciens, mais 
encore aux hommes de science et aux débutants qui 
désirent s'initier à cette classe si intéressante de com- 
posés organiques. 

À. HALLER, 


Membre de l'Institut, 
Professeur de Chimié organique 
à la Sorbonne. 


1 GérarD LAVERGNE : La deuxième Exposition internatio- 
nale d'Automobiles,.dans la Æevue géncrale des Sciences 
du 30 août 1899, t. X, n° 16, p. 61%. 


634 


Charabot (Eugène), Professeur à l’Institut commer- 
cial. — Genèse des composés terpéniques dans les 
Végétaux (Thèse de la Faculté des Sciences). — 
4 broch. in-8° de 88 pages. Gauthier- Villars, éditeur. 
Paris, 1901. 


M. Eugène Charabot, un jeune chimiste qui, depuis 
plusieurs années, publie sur les essences destravaux re- 
marqués, à soutenu récemment sa thèse de doctorat ès 
sciences physiques, intitulée : «Genèse des composéster- 
péniques dans les végétaux ». 

Sans aborder le problème purement biologique de la 
genèse histologique des essences, qui a été magistrale- 
ment traité par M. Guignard, M. Charabot s'est surtout 
proposé de suivre les variations de composition d’une 
essence donnée aux diverses époques de végétation de 
la plante mère. 

Les essences ne sont pas, en effet, des produits uni- 
ques, mais bien des mélanges de plusieurs principes 
immédiats. À l’aide d’ingénieuses méthodes analytiques, 
M. Charabot a pu déterminer les proportions de ces prin- 
cipes à plusieurs stades de la vie de la plante; ila égale- 
ment comparé, pour une même plante, l'essence fournie 
par les feuilles à celle que donnent les fleurs. 

Il arrive assez souvent que certains principes consti- 
tuants d'une même essence n’ont entre eux aucun rap- 
port chimique (par exemple, la fénone et l'anéthol de 
l'essence de fenouil); mais, dans la majorité des cas, ces 
principes peuvent être dérivés les uns des autres par 
des réactions régulières d'hydratation ou d’oxydation. 
C'est aux essences de ce genre que s’est adressé M. Cha- 
rabot, dans l'espoir d'expliquer les modifications de 
leur composition par les propriétés des divers tissus 
végétaux. 

Il à choisi cinq exemples : l'essence de bergamotte, 
celles de lavande francaise, de menthe poivrée, 
d’absinthe et de pélargonium species. 

Les deux premières sont formées de linalol partiel- 
lement éthérilié par l'acide acétique et d'un mélange de 
limonène et de dipentène, identique au produit obtenu 
par déshydratation du linalol. Elles contiennent aussi 
une certaine quantité d'acides gras libres. 

L'essence de bergamotte préparée avec des fruits mûrs 
contient moins d'acides libres et une plus forte propor- 
tion d’éthers que l'essence de fruits verts; elle est aussi 
moins riche en linalol total et plus riche en terpènes. 
L'essence de lavande s'enrichit en éther jusqu'au 
moment du complet épanouissement dé la fleur et s'ap- 
pauvrit ensuite. l'essence de pélargonium subit une 
modification analogue. 

L'essence de menthe contient du menthol, éthérifié 
en partie, et son produit normal d’oxydation, la men- 
thone, qui devient de plus en plus abondante, au fur et 
à mesure que la plante se développe et fleurit. Cette acé- 
tone se rencontre surtout dans les fleurs, organes d'oxy- 
dation très active : l'essence de feuilles en contient au 
contraire fort peu. 

L’essence d’absinthe est formée d'un alcool, le thuyol, 
de ses éthers et de l’acétone correspondant, la thuyone. 
Elle se comporte différemment des précédentes : on 
trouve, en effet, que, pendant la période de végétation 
active, la proportion de thuyone a diminué. 

Le travail de M. Charabot constitue une tentative 
neuve et originale dont il y a lieu de lui être reconnais- 
sant. 1l ne nous a pas montré par quelles réactions chi- 
miques les essences prennent naissance dans les cel- 
lules des plantes, mais nous lui devons de savoir quelles 
modilications elles y subissent une fois formées. 

L. BouveauLr, 


Professeur adjoint à la Faculté des Sciences de Nancy, 
Chargé du Cours de Chimie organique. 


Jacquemin (Paul). — Guide historique et pratique 
de l'Opticien. — 1 vol. in-8° de 99 pages de la Petite 
Encyclopédie scientifique et industrielle. Prix : 
1 fr. 50). Æ. Bernard et Cie, éditeurs. Paris, quai des 
Grands-Auqustins, 1901. 


BIBLIOGRAPHIE — ANALYSES ET INDEX 


3° Sciences naturelles 


Lagatu (H.), Professeur de Chimie à l'Ecole nationale 
d'Agriculture de Montpellier. — La Fumure inten- 
sive et économique de la Vigne. — { vol. iu-8° de 
100 pages. (Prix : 2 fr. 50). Bureaux du Progrès agri- 
cole. Montpellier, 1901. 

M. Lagatu à publié tout dernièrement un volume sur 
l'Analyse des terres et son utilisation agricole. Dans 
cet ouvrage, qui nous a vivement intéressé, l’auteur dit, 
avec raison, que l'analyse du sol suggère les modifica- 
tions susceptibles d'améliorer l’état actuel de la terre 
arable. Parmi ces améliorations possibles, il en est qui 
consistent précisément à ajouter au sol, sous une forme 
appropriée, les éléments dont la quantité paraît insuffi- 
sante et, en outre, à établir, entre tous les aliments, 
les proportions relatives qui permettent à chacun de 


jouer son rôle. 


L'analyse du sol conduit ainsi logiquement à l'étude 
de ce que l’on appelle la fumure. L’engrais n’est, en 
effet, que la matière alimentaire utile au végétal cultivé 
et qui manque au sol. 

Le travail de M. Lagatu sur la Fumure de la vigne 
est, en réalité, le complément de son précédent ouvrage. 
Comme l'indique clairement le titre choisi par l’auteur, 
il s’agit uniquement de la vigne et surtout des vignobles 
méridionaux. 

M. Lagalu part du principe suivant : « Pour chaque 
vignoble, en tenant compte de toutes les conditions du 
milieu cultural, il y a une fumure plus économique que 
toute autre, c'est-à-dire utilisant, avec un bénéfice plus 
grand et plus sûr, l’argeut dont on dispose pour fumer 
le vignoble. » 

L'auteur passe en revue les diverses catégories de 
terrains dont la fumure doit varier avec la composition 
et la nature physique du sol. C’est ainsi qu'il distingue : 

1° La fumure des terres franches calcaires ; 

20 La fumure des terres fortes calcaires ; 

30 La fumure des terres légères calcaires; 

4° Les terres non calcaires ; 

5° Les terres un peu calcaires; 

6° Les terres trop calcaires ; 

1 Les vignes de coteau. Les vignes de qualité ; 

8° La succession des fumures. La question du fumier. 

M. Lagatu s'appuie constamment sur les résultats 
fournis par l'expérience, résultats qu'il commente avec 
discernement et une connaissance approfondie du sujet 
qu'il traite. 

Nous sommes persuadé que nos viticulteurs feront 
bien de lire cet excellent travail qui fait le plus grand 
honneur à l’auteur et à l'Ecole de Montpellier où 
M. Lagatu professe la Chimie agricole. 

D. ZorLa, 


Professeur d'Economie rurale 
à l'Ecole Nationale d'Agriculture de Grignon. 


Bouin (M.), ?réparateur à la Faculté des Sciences 
de Nancy. — Histogenèse de la glande génitale 
femelle chez Rana temporaria L. (J'hèse de la Fa- 
culté des Sciences de Nancy). — 1 br. in-8 de 182 
pages avecplanches. Imprimerie Vaillant-Carmanne, 
Liége, 1901. 

Il n'existait en France, il y a quelques années, que 
deux formes possibles de thèse de doctorat ès sciences 
en Zoologie : le travail de faune et le mémoire d'ana- 
tomie zoologique. Celui-ci, pour avoir droit à tous les 
éloges, devait à son tour satisfaire à l’une ou à l’autre de 
ces deux conditions : ou bien parcourir, d'un train 
d'enfer, tout un groupe de la série zoologique, en s'ar- 
rèlant au plus grand nombre possible de types, ce qui 
ne laissait pour chacun d'eux que quelques instants 
d'arrêt; ou bien décrire, sinon exactement et minutieu- 
sement, du moins complètement, la morphologie d'un 
type (anatomie, histologie, embryologie\ avec un cha= 
pitre spécial pour le système nerveux et une figure 
dans un coin représentant les zoospermes de l'animal. 


RP PP EN PRE CES SU ER ER RR  E ET 


BIBLIOGRAPHIE — ANALYSES ET INDEX 


Des dissertations telles que celle de M. Bouin n'auraient 
pas passé pour des travaux de Zoologie; histologie ou 
embryologie, ce sont là les deux seules rubriques sous 
lesquelles on aurait songé à les désigner. 

Le Mémoire de M. Bouin représente dignement une 
forme relativement récente de thèse zoologique, sans 
doute plus propre que toute autre à faire avancer la 
solution des grands problèmes que la Zoologie se pro- 
pose. 

La limitation du sujet traité fait le mérite même du 
travail. Une seule espèce est étudiée : la /?ana tempora- 
ria; mais la valeur d’un travail zoologique ne se mesure 
pas au nombre des espèces observées. Un seul organe, 
la glande génitale femelle, est examiné; mais un tra- 
vail, pour être anatomique, n’a pas besoin de s'occuper 
à la fois du testicule et du poumon. 

L'histogenèse seule dé cet organe a fourni la matière 
d'un important Mémoire. Elencore, du développement 
de la glande génitale femelle, les deux premières périodes 
seules ont-elles été passées en revue; mais l'embryo- 
logie étant une histoire, on sait (oujours où l’on s’arrète 
et à partir de quel moment l'étude devra être reprise. 
M. Bouin a parcouru deux périodes seulement de cette 
histoire : celle qui s'étend de la toute première appa- 
rition de l'ébauche génitale jusqu'à la différenciation 
des ovules primordiaux (stade de l'ébauche génitale 
primordiale); celle qui débute avec la différenciation 
des ovules primordiaux et qui prend fin au moment où 
se différencient les premiers ovocyles (stade de la 
glande sexuelle primitive), Trois chapitres principaux 
composent ce Mémoire : le premier, pour l’ébauche 
génitale primordiale; le second, pour la glande sexuelle 


. primitive; le troisième, pour les phénomènes (ovogenèse 


proprement dite) qui marquent le passage de la glande 
sexuelle primitive (2° période) à la glande sexuelle 
jeune (3° période). 

Bon nombre de faits intéressants et nouveaux sont 
sigualés dans cette étude. 

C'est d’abord l'apparition de l’'ébauche génitale pri- 
mordiale sous forme d’une masse cellulaire impaire et 
médiane, tandis qu'on croyait auparavant, faute d’avoir 
étudié des stades suffisamment jeunes, à la parité de 
l'ébauche génitale. Les grandes cellules sexuelles pri- 
mordiales et les petites cellules germinatives qui com- 
posent cette ébauche proviennent des cellules périto- 
néales de la zone génitale, aussi bien que de cellules 
mésenchymateuses transformées par autodifférencia- 
tion ; elles ne dérivent nullement des éléments du rein 
céphalique ou du corps de Wolff. La diversité d'origine 
des cellules génitales va à l'encontre de la doctrine de 
la spécificité cellulaire. Elle tend aussi à remplacer la 
notion purement morphologique de l'organe génital, 
par celle, bien plus physiologique, de la zone ou région 
génitale, pouvant être composée d'éléments de nature 
différente, mais pareillement influencés et par suite 
évoluant dans le même sens. Les grandes cellules 
sexuelles, au cours de leur évolution, accumulent d’a- 
bord, assimilent ensuite du matériel deutoplasmique 
(plaquettes vitellines); après quoi, on peut ls appeler 
ovules primordiaux. La phase d'activité glandulaire 
par laquelle elles passent alors est homologue à la 
phase d'accroissement qui précède les divisions réduc- 
trices des cellules sexuelles; elle mérite donc le nom 
de période préparatoire aux divisions équationnelles 
des œufs primordiaux. Pendant cette phase, il n'y à 
aucun signe d'activité proliférative de ces cellules, ce 
qui permet d'opposer la forme reproductrice de l’acti- 
vité cellulaire à la forme sécrétrice. 

Dans la période de la glande sexuelle primitive, les 
ovules primordiaux augmentent d'abord, puis dimi- 
nuent de nombre. La diminution est due à l'expulsion 
d’un grand nombre de ces éléments, à une véritable 
ponte d'ovules primordiaux, comparable à celle des 
ovocytes adultes. La glande sexuelle s'édifie pendant ce 
temps par la formation du stroma conjonctif et des 
cordons médullaires fournis par du tissu mésenchy- 
mateux périwolffien immigré dans l’ébauche génitale. 


635 


A ce moment, le sexe peut êlre déjà déterminé par 
plusieurs caractères histologiques différentiels. 

A propos des corps adipeux, l'auteur confirme leur 
genèse aux dépens de la partie antérieure de l’ébauche 
génitale primordiale, partie se distioguant du reste par 
l'absence d'ovules primordiaux. Il émet, au sujet de 
leur signification, l'ingénieuse hypothèse qu'il pourrait 
s'agir d'organes représentant dans leur ensemble les 
cellules interstitielles des glandes géuitales des Verté- 
brés supérieurs, ici séparées de la partie sexuelle. 

Quant à l'ovogenèse proprement dite, c'est-à-dire à 
la transition de la deuxième période à la troisième, 
l'auteur établit que les nids d'ovogonies naissent aux 
dépens des ovules primordiaux, que, dans ces nids, un 
certain nombre d'ovogonies dégénèrent et disparaissent, 
sans se transformer, comme on l'a admis, en cellules 
de la granulosa. L'épithélium folliculaire se forme aux 
dépens de l'enveloppe épithéliale du follicule primordial, 
issu lui-même des petites cellules germinatives. Ce lroi- 
sième chapitre contient une description de faits cytolo- 
giques dans le détail desquels je ne puis entrer, et sur 
lesquels l’auteur se propose de revenir ultérieurement. 

On voit, par ce trop rapide aperçu, que les faits inté- 
ressants ne manquent pas à ce travail, et que l’auteur 
en a su tirer tout le parti théorique qu'ils comportaient. 
Ce Mémoire fait honneur à la fois à son auteur et à 
l'Université d'où il sort. Tout en étant exclusivement 
embryologique et cytologique, il demeure une très 


bonne thèse de Zoologie. A. PRENANT, 
; Professeur à la Faculté de Médecine 
de l'Université de Nancy. 


4° Sciences médicales 


Vallery-Radot (René). — La Vie de Pasteur. — 

1 vol. in-8° de 692 pages, avec un portrait. (Prix : 

1 {r. 50). Hachette et Cie, éditeurs, 1901. 

Si, comme le dit Carlyle, l'histoire universelle est, 
essentiellement, l'histoire des grands hommes qui ont 
travaillé ici-bas, « toutes les choses que nous voyons 
accomplies étant le résultat matériel extérieur, la 
réalisation pratique et l'incarnation des pensées qui 
habitèrent dans les grands hommes envoyés en ce 
monde », le xix° siècle finissant n'aura pas légué au 
siècle qui commence un plus noble et plus profond 
livre d'histoire que cette Vie de Pasteur, ni un plus 
glorieux exposé de ses titres à la reconnaissance de 
tous les siècles. Il y montrera, en effet, en face des 
grands hommes d'action dont on ne peut décider 
encore, après cent années, s'ils ont fait à leur patrie 
plus de mal que de bien ou plus de bien que de mal, 
dont on peut être assuré toutefois que le bien mème, 
c’est au détriment du reste de l'humanité qu'ils le firent 
à leurs frères les plus proches, — ily montrera, dis-je, 
l'image d'un homme en qui se résument, sans louches 
mélanges, toutes les grandeurs intellectuelles et toutes 
les grandeurs morales de son temps; dont on peut 
confronter sans crainte la vie avec l’œuvre, et dont la 
bienfaisance, égale au génie, après avoir été l'honneur 
et l'inestimable fortune de son pays, s'étend et ne 
cessera plus de s'étendre au genre humain tout entier. 

Ce livre, nul n'était plus désigné pour l'écrire, d'une 
main plus pieuse et plus sûre, que M. René Vallery- 
Radot. Dès 1883, il avait, sous les yeux de son illustre 
beau-père, composé l'ouvrage intitulé : Histoire d'un 
Savant par un Ignorant, un chef-d'œuvre de vulgarisa- 
tion, devenu populaire. Dix ans plus tard, il publiait le 
compte rendu officiel des inoubliables fêtes du Jubilé. 
Et, jusqu'au dernier jour, il n’a cessé d'être le témoin 
de la vie du Maitre, lui vouant toute la sienne avec un 
oubli de soi-même que j'ose à peine rappeler, tant est 
sincère et délicate la modestie avec laquelle il se plait 
à s'effacer dans le rayonnement d'une telle gloire. Mais 
l'ouvrage qu'il y aura consacré, sans s'y nommer une 
seule fois, n’en sera pas moins pour lui un titre de 
gloire personnelle. C'est par cet ouvrage, écrit dans la 
langue la plus pure, la plus classique, la mieux assurée 


636 


BIBLIOGRAPHIE — ANALYSES ET INDEX 


contre les variations de la mode littéraire, que la pos- 
térité apprendra à connaître Pasteur; et cette biographie 
ne sera pas plus séparable de son œuvre scientifique 
que la Vie de Blaise Pascal par M°° Périer, sa sœur, ne 
l'est de toute édition des Provinciales et des Pensées. 

L'auteur y mène de front le récit des événements 
intimes et celui des découvertes. De ces découvertes, 
je ne saurais parler avec assez de compétence. Pour- 
tant, cette incompétence même ne m'autorise-t-elle pas 
à dire combien, dans le livre de Vallery-Radot, elles 
apparaissent, füt-ce aux profanes, dans leur clarté 
entière el leur merveilleux enchainement ? 

Un jour, à l'Ecole Normale, comme le jeune Pasteur 
éludiait la Cristallographie avec l’un des maîtres de 
conférences, M. Delafosse, élève d'Haüy, une note du 
minéralogiste allemand Mitscherlich, récemment com- 
muniquée à l'Académie des Sciences, lui tombe sous 
les yeux. Ce savant y affirmait à la fois l'identité molé- 
culaire absolue et cependant la dissemblance du carac- 
tère optique entre deux combinaisons : le paratartrate 
et le tartrate de soude et d’ammoniaque. De cette note, 
que, cinquante ans plus tard, Pasteur pouvait encore 
réciter dans son texte, toute sa vie scientifique devait 
sortir. Entre les deux conclusions de Mitscherlich, la 
contradiction lui apparaît, flagrante. S'il les fallait 
admettre, toutes ses croyances en seraient troublées, 
renversées. Cette difficulté s'enfonce dans son esprit 
avec la ténacité d'une idée fixe, — et, quatre ans plus 
tard, en 1848, la difliculté est résolue pas sa décompo- 
sition de l'acide paratartrique en acide tartrique droit 
et acide tartrique gauche, qui fait exalter de joie le 
vieux Biot et qui produit dans tout le monde savant 
une émotion considérable. 

Est-ce un simple chapitre ajouté à la Chimie ceristal- 
lographique? Non, c'est l'apparition d'une grande loi, 
aux conséquences infinies, que Pasteur, le premier, 
formule en ses études sur la dissymétrie moléculaire. 
Il y touche le mur infranchissable qui sépare la Nature 
morte, c'est-à-dire les espèces minérales et les produits 
artificiels, tous à image superposable, non dissymétri- 
ques, sans influence sur la lumière polarisée, — et les 
produits des végétaux et des animaux, tous doués de 
cette dissymétrie qui se traduit au dehors par le 
pouvoir de déviation du plan de polarisation. Et de ce 
point de départ se déduiront, avec la plus surprenante 
logique, toutes les recherches de Pasteur. 

D'abord, la Chimie et la Physique cristallographiques 
l'ont conduit à la Chimie de la Nature vivante. Puis, il 
voit la dissymétrie moléculaire intervenir dans un 
phénomène physiologique, lorsque l'opposition dans les 
propriétés des deux acides tartriques droit et gauche 
lui apparaît dans toute son évidence, au moment où 
interviennent des conditions de vie et de nourriture 
d'un être organisé tel que la graine de cette petite 
moisissure verdàtre, le Penierlium glaucum. Et le voilà 
amené à l'étude des infiniment petits de la vie, au 
renversement des théories de Liebig et de Berzelius sur 
la fermentation, à la preuve que ce phénomène est 
toujours sous la dépendance d'un être microscopique 
et vivant. 

Désormais, pour employer une éloquente parole de 
M. Gaston Paris dans son éloge de Pasteur à l'Aca- 
démie française, «un nouveau règne de la Nature » 
est trouvé, « celui des êtres invisibles et partout 
présents, animaux et surtout végétaux, qui tissent et 
défont sans relâche la grande trame de la vie plané- 
taire ». Car les « microbes », pour employer le mot vul- 
gaire, Pasteur nous les fera voir présidant à toùs les 
phénomènes de la vie et de lamort. Il terrassera, par des 
expériences décisives, les partisans de la génération 
spontanée, et découvrira les corpuscules de la pébrine 
des vers à soie. Les études sur les ferments du lait, du 
vinaigre, de la bière, du vin, le couduiront, par un fil 
magique, aux grandes découvertes de Biologie médi- 
cale, à ces fermentations morbides et d’origine micro- 
bienne que sont le charbon, la septicémie, le choléra 
des poules, Eufin, l'étude des maladies virulentes l'amè- 


| 
À 


nera à ce qui marquera l'apogée de son génie : la 
théorie et la pratique de l'atténualion des virus, aux 
conséquences incalculables, dont le traitement de la 
rage n'aura été que le prélude. 

Tel est le plan de la carrière scientifique de Pasteur, 
dont M. René Vallery-Radot nous développe la splen- 
dide ordonnance. Mais il fait plus et mieux : il nous 
apprend à connaître l’homme ainsi qu'il l’a connu, et 
il nous amène à penser, sans avoir eu besoin de nous le 
dire, que c’est des hautes vertus de l’homme que le 
génie du savant est sorti, que la vie morale a été pour 
lui — sil'onme permet cette image —comme leferment 
de la vie intellectuelle. De cette vie morale, l’auteur va 
chercher les racines profondes en cette femme enthou- 
siaste et tendre que fut sa mère, et en ce père, vieux 
soldat de Napoléon, travailleur infatigable, presque 
sans culture, mais avide de savoir, et qui donne à son 
fils cette règle de vie : « Regarder en haut, apprendre 
au delà, s'élever toujours. » A elle il devra son imagi- 
nation ardente, à lui sa patience obstinée dans l'obser- 
vation. M. Vallery-Radot nous conduira ensuite au Col- 
lège d’Arbois, au Collège royal de Besancon, à l'Ecole 
Normale, et de là, d'étape en étape, jusqu'à cette sorte 
d'apothéose que décerna au grand homme la reconnais- 
sance du monde civilisé. Tour à tour nous aurons vu, à 
côté du Savant et du Maitre, le fils, l'ami, l'époux, le père, 
l’aieul admirables, le citoyen et le patriote dont l’âme 
saigne aux désastres de la patrie. Si aucune des plus 
hautes émotions du cœur ne lui fut inconnue, pas une 
seule des nobles curiosités de l'esprit ne lui fut non plus 
étrangère. À treize ans il peignait des portraits remar- 
quables, qui annoncaient un artiste; et deux ou trois 
ans avant sa mort. l'une des rares fois que j’eus l’hon- 
neur de le rencontrer et d'échanger avec lui quelques 
paroles, ce fut un dimanche, au Musée du Louvre, où 
il conduisait ses enfants et sa petite-fille, devant des 
chefs-d'œuvre. A Ja littérature, il faisait une place à 
part : il la regardait « comme la directrice des idées 
générales ». Jeune homme, quand il quittait une heure 
le laboratoire, c'était pour suivre, à la Sorbonne, les 
cours d'Hippolyte Rigaud ou de Saint-Marc Girardin; 
il ne perdit pas une seule des leçons de Sainte-Beuve, 
et il savait par cœur les Méditations de Lamartine. 
Vieillard, il avait gardé toute cette ferveur d'admira- 
tion pour les écrivains, les orateurs et les poètes : et 
sa place ne parut pas moins marquée à l’Académie 
française qu'à l'Académie des Sciences et à l'Académie 
de Médecine. En un mot, dans le plus magnifique équi- 
libre de toutes les facultés, il avait réalisé en lui 
l'homme intégral. 

Que dire de son action de parle monde ? L'Acriculturé 
et l'Industrie lui doivent de telles sources de richesses 
que Huxley pouvait écrire : « Les découvertes de 
M. Pasteur suffiraient, à elles seules, pour couvrir la 
rancon de guerre de cinq milliards payés à l'Allemagne 
par la France. » Et le savant anglais eût pu ajouter 
que, en écartant le fléau de la septicémie et de la 
fièvre puerpérale, en ouvrant à la Médecine, par ses 
études sur les maladies contagieuses et l’atténuation 
des virus, le champ presque illimité de la prophylaxie, 
il avait sauvé et prolongé beaucoup plus d’existences 
que n’en avait pu détruire la guerre. 

Cette Vie de Pasteur, où M. Vallery-Radot a con- 
centré tant de purs exemples, tant de hautes pensées, 
tant de principes d'action et tant de motifs d'espérance 
dans l'avenir de la race humaine, me semble l’un de 
ces ouvrages essentiels qu'aucun homme cultivé n’a le 
droit de ne point connaitre. S'y plonger, pendant les 
{rois où quatre jours que demande sa lecture, c'est 
faire une de ces retraites spirituelles, si réconfortantes 
et si fécondes, que la complexité et l'agitation de la vie 
contemporaine ont rendues à la fois plus difficiles et 
plus nécessaires que jamais. Et l'on n'en sortira point 
sans avoir associé à une immense gratitude pour le 
héros du livre, celle que l'on doit à l'écrivain et au filial 
disciple qui lui a élevé ce monument. 

AUGUSTE DOoRCHAIN. 


RE EE SES te es à on Éd 


ACADÉMIES ET SOCIÉTÉS SAVANTES 


637 
ACADÉMIES ET SOCIÉTÉS SAVANTES 
DE LA FRANCE ET DE L'ÉTRANGER 
ACADÉMIE DES SCIENCES DE PARIS CS? sur une amine primaire. — MM. L. Maquenne et 


Séance du 10 Juin 1901. 


49 SCIENCES MATHÉMATIQUES. — M. G. Mittag-Leffler 
recherche s'il existe un domaine de convergence de la 
série de Bernoulli. Il montre que cette série possède 
une étoile de convergence, mais qui diffère essentielle 
ment du cercle de convergence de la série de Taylor. 
— M. E, Vallier communique ses recherches sur les 
intégrales eulériennes incomplètes de deuxième espèce 
et sur les intégrales définies de ces fonctions elles- 
mêmes. — M. E. Phragmen démontre que le domaine 
de convergence de l'intégrale infinie : 


1 F (ax) ea da 
0 


possède toujours l’une des deux propriétés qui, d'après 
la définition de M. Mittag-Leffler, caractérisent une 
étoile. — M. J. Boussinesq met en équation les phé- 
nomènes de convection calorifique dans les fluides et 
en tire quelques considérations sur le pouvoir refroi- 
dissant de ces derniers. — M. Rabut signale deux cas 
où, malgré la transformation inévitable du diagramme 
qui se produit dans l'enregistrement d'un mouvement 
oscillatoire, on peut en déduire avec une rigoureuse 
exactitude certaines quantités utiles parce que celles-ci 
sont des invariants de la transformation considérée. 

20 SCIENCES PHYSIQUES. — M. A. Ponsot démontre que 
les lois de Gay-Lussac relatives aux combinaisons chi- 
miques effectuées à l’état gazeux sont seulement ap- 
prochées, quelle que soit la grandeur de la pression. 
Le volume d'un composé gazeux dissociable est plus 
petit que le volume du mélange de ses composants 
séparés par la dissociation. — M. D. Negreano a cons- 
taté que, si l’on réunit directement l’un des pôles de 
l'excitateur d’une machine Wimshurst à un bout d’un 
fil métallique tendu, isolé et contenu dans un tube, 
l'autre pôle de la machine étant au sol, le fil métal- 
lique effectue des vibrations transversales. — M. Ch. 
Pollak a poursuivi ses recherches sur l'emploi de 
plaques d'aluminium plongées dans un électrolyte 
comme redresseurs de courants; il est arrivé à pré- 
parer des plaques pour 200 volts, avec un rendement 
de 75 à 80 °/,. Il est bon que la température ne s'élève 
pas au-dessus de 40°. — M. G. Léon indique le prin- 
cipe d'un grisoumètre basé sur la différence de résis- 
tance électrique de deux fils de platine chauffés vers 
14000 par le même courant et placés l'un dans le 
grisou, l’autre dans l'air pur. L'appareil se prête au 
dosage de tous les gaz combustibles. — M. F. Gornes- 
siat communique le résumé des observations météoro- 
logiques qu'il à faites à Quito, depuis le moment ou il 
a pris la direction de l'Observatoire. — M. H. Pélabon 
a étudié expérimentalement l’action de l'hydrogène sur 
le sulfure de mercure et la réaction inverse du gaz 
sulfhydrique sur le mercure, conduisant à un système de 
quatre corps volatils. Les résultats concordent assez 
bien avec les valeurs déduites des lois de la mécanique 
chimique. — M. Recoura, en faisant réagir l’hydrate 
de cuivre sur les sulfates métalliques, a observé qu'il 
se combine avec la même quantité de tous les sulfates 
éludiés, le sulfate de nickel excepté, pour donner des 
composés 3CuO(MO,S0*), correspondant au sulfate 
3Cu0(CuO,S0®) qui se produit dans les mêmes condi- 
tions, — M. M. Delépine a préparé les éthers imidodi- 
thio-carboniques RAz—C(SR'} en faisant réagir les 
iodures alcooliques sur les thiosulfocarbonates SC 
(AzHR)SAzH'R, provenant eux-mêmes de l'action de 


G. Bertrand ont déterminé la constitution des deux 
tétrites actives qu'ils ont préparées isolément. Ce sont 
les deux antipodes optiques de l’érythrite. L'une, qui 
dérive du xylose, est la Zérythrite, l'autre est la d-6ry- 
thrite. — M. M. Berthelot a éludié le titrage, à l’aide 
de divers colorants, des acides et alcalis à fonctions 
complexes; ses recherches ont porté sur : le glycocolle 
ou acide amidoacétique, la leucine ou acide amido- 
caproique, les trois acides amidobenzoïques, l'acide 
aspartique, l'acide urique, l'acide hippurique et la tau- 
rine. — M. H. Guillemard a employé l'acide silico- 
tungstique comme réactif des alcaloïdes de l'urine. Il a 
constaté que le brightique élimine moins d'azote alca- 
loïdique par le rein’ que l’homme bien portant; le 
régime lacté provoque au début une débäcle d'azote 
alcaloïdique. — M. E. Fleurent présente un appareil, 
nommé gliadimètre, destiné à déterminer la valeur 
boulangère des farines de blé d’après la variation de 
densité que fait subir à une liqueur alcoolique conve- 
nable la dissolution de la gliadine des farines. 

39 SCIENCES NATURELLES. — M, R. Cambier a constaté 
que le bacille typhique possède la propriété de tra- 
verser une bougie de porcelaine suffisamment poreuse; 
on peut ainsi le séparer des eaux et des selles. — 
M. Marage, en réponse à une note de M. P. Bonnier, 
précise ses recherches expérimentales sur les otolithes 
de la grenouille; il se borne à signaler les faits 
observés sans tenter d'explications théoriques préma- 
turées. — M. C. Viguier a poursuivi ses observations 
sur la parthénogénèse des Oursins et confirme ses pré- 
cédentes observations. Il montre que le risque d'une 
fécondation intra-ovarique doit être écarté, et que celui 
de fécondation par des spermatozoïdes apportés par 
l'eau des expériences est insuflisant pour expliquer 
tous les développements qui se produisent. — M. A. 
Billet a observé, .dans le cycle évolutif de l’hémato- 
zoaire du paludisme, un stade grégariniforme. Il se 
rencontre dans le cours de la multiplication par voie 
endogène ou asexute, entre le stade du début et le 


stade final. — M. Louis Léger a étudié la morpho- 
logie des éléments sexuels chez les Grégarines Stylo- 
rhynchides. — M. de Lamothe a reconnu que les sys- 


tèmes de terrasses de l’'Isser, de la Moselle, du Rhin à 
Bâle et du Rhône à Valence sont entièrement compa- 
rables et même superposables. Cette formation doit 
être attribuée, dans ces quatre bassins, à une succes- 
sion de mouvements eustatiques alternativement posi- 
tifs et négatifs, mais dont la résultante a été négalive. 
— MM. L. Duparc et F. Pearce ont étudié les gabbros à 
olivine en relation avec la koswite du Kosswinsky- 
Kamen (Oural). Le feldspath y est rare. La roche pré- 
sente généralement des phénomènes dynamiques in- 
tenses. — MM. C. Girard et F. Bordas ont analysé des 
travertins provenant des bassins de quelques sources 
de Vichy. Ils contiennent les mêmes éléments que les 
eaux, mais en proportions différentes. Les matières 
ainsi perdues par les eaux expliquent pourquoi les eaux 
en bouteille ont souvent une action moins efficace 
qu'à la source même. Louis BRruNEt. 


SOCIÉTÉ DE BIOLOGIE 


Séance du 25 Mai 1901. 

M. A. Mossé a reconnu que, dans le diabète, la 
diminution de la glycosurie et l'amélioration consé- 
cutive à l'alimentation par les pommes de terre ne 
provient pas d’une transformation insuffisante de la 


638 


matière hydrocarbonée de celles-ci dans le tube digestif. 
Elle paraît dépendre : 1° de ce que les pommes de 
terre introduisent dans l'organisme une plus grande 
quantité d'eau; 2 de ce que les matières hydrocar- 
bonées de ces tubercules sont beaucoup mieux uti- 
lisées qu'on ne le croyait. — M. H. Coupin a constaté 
que les composés du fer ont, pour les végétaux supé- 
rieurs, une toxicité très différente suivant leur compo- 
sition ; les composés du plomb et de l'uranium ont une 
toxicité moyenne. — M. Bruandet a ligaturé l'utérus 
sravide du cobaye à diverses époques de la grossesse ; 
au premier tiers, le fœtus se résorbe ; au second tiers, 
il se momilie; au troisième tiers, il se macère. — 
M. Y. Manouélian a étudié la structure de la circon- 
volution de l’hippocampe. — M. N. Vaschide a observé 
l'influence des crises hystériques sur l'olfaction. Avant 
les crises, il y à une légère hyperesthésie, qui disparaît 
pour revenir à l'état uormal, avant même que la crise 
soit complètement fixée. — M. A. Sicard rappelle qu'il 
a, le premier, publié des expériences d’injections extra- 
durales par la voie sacro-coccygienne. — M. H. Coupin 
montre que le protoplasma à l’état de vie ralentie 
résiste toujours plus à l’action nocive des agents chi- 
miques que le protoplasma à l'état de vie active. — 
MM. G. Carrière et Leclereq ont obtenu des résultats 
très satisfaisants dans le traitement de la chorée de 
Sydenharm par l’antipyrine à dose suffisante. — M. Bro- 
card a obtenu l’analgésie par la méthode des injections 
épidurales de Sicard dans certaines affections d'ordre 
médical : sciatiques, zona, douleurs fulgurantes, lum- 
bago: Il insiste sur quelques particularités anatomiques 
et physiologiques de la méthode. — M. J.-V. Laborde 
montre que, pour produire avantageusement l'analgésie 
locale par la cocaïne, il faut injecter directement la 
substance sur les éléments vasculaires des circulations 
locales, de facon à déterminer l’analgésie dans un 
champ opératoire plus ou moins limité, en évitant les 
effets généraux consécutifs à l'absorption intra-vascu- 
laire et les dangers qui s’y attachent. — M. Hallion 


conteste le mécanisme de l'anesthésie cocaïnique (par 


action vaso-constrictive) adopté par M. Laborde. — 
M. Ad. Javal à constaté que, pendant la dénutrition, 
l'absorption de NaCl joue vis-à-vis des albuminoïdes 
un rôle de préservation et empêche l'excès de leur 
désassimilation. — M. Jacobson est parvenu à réaliser 
une septicémie expérimentale chez le lapin et la souris 
par l'inoculation du coccobacille de Pfeiffer. — M. G. 
Milian a constaté que le sang de la fin d'une hémorragie 
a une coagulabilité plus grande et plus parfaite que le 
sang du début de l’hémorragie ; il s'agit d’une action 
locale, due à l'accumulation de substance coagulante. 
— MM. Th. Tuffier et G. Milian montrent que l’obten- 
tion d'un liquide rouge vif dans une ponction lombaire 
permet d'affirmer l'existence d'une abondante hémor- 
ragie méningée. — MM. A. Pitres et J. Abadie 
signalent des faits qui prouvent que les effets de 
l’analgésie cocaïnique sont principalement dus à l'im- 
prégnation des racines postérieures, irrégulièrement et 
inégalement atteintes par l'injection poussée à des 
niveaux et profondeurs variables. 


SOCIÉTÉ FRANÇAISE DE PHYSIQUE 


Séance du 21 Juin 1904. 


M. E. Carvallo développe une théorie de la dispersion 
des couleurs, exposée vers 1860 par de Sénarmont, et 
reprise par M. Ricour au Congrès de 1900. L'hypothèse 
est la périodicité de l'éther identique à celle du réseau 
moléculaire ; la méthode est celle des différences finies; 
le résultat est une formule à deux constantes seule- 
ment, très semblable à celle de Baden-Powell, savoir : 


}, longueur d'onde dans le vide, 
n, indice de réfraction, 


; eu 
A) x sinh=—=Xx ji, : 
À l b,k,con-tantes É période moléculaire). 


ACADÉMIES ET SOCIÉTÉS SAVANTES 


M. Ricour a obtenu une vérification assez satisfaisante 
de cette formule avec les déterminations de M. Mascart 
sur le quartz, de la raie A (À — 76044) à la raie P 
(À 336%), En adoptant pour la période moléculaire 
- — 25%0,233, il trouve pour À sin = un nombre assez 
constant dont le logarithme varie seulement de 2,0845 
à 2,0847. M. Carvallo étend la comparaison de la 
formule à ses déterminations sur l’'infrarouge et à 
celles de M. Sarazin sur l'ultraviolet (À = 217184 à 
202"), Il trouve une variation tout à fait inadmissible 
de la prétendue constante, savoir 2,0802 à 2,0850. 
M. Carvallo montre ensuite que l'écart n'est certaine- 
ment pas dû à un choix défectueux des constantes par 
l’artifice suivant : il construit la courbe qui a pour 


ù l 
coordonnées log ; 


devrait être superposable à la courbe type dont les 


et log n. D'après la formule (1), elle 


. X 
coordonnées sont log sin x et log ER et cela par deux 


translations suivant les deux axes. Ces translations, 


égales à log Æ et log = 


constantes 2 et Æ. Tandis que la courbe type est con- 
cave vers le haut dans toute son étendue, la courbe du 
quartz est concave vers le bas pour les grandes lon- 
gueurs d'onde. La superposition est donc impossible et 
la théorie doit être rejetée. Les deux courbes sont pro- 
jetées devant la Société, à l’aide de deux clichés, dont 
l’un est fixe et l’autre mobile pour montrer la tentative 
infructueuse de superposition. — M. J. de Rey- 
Païlhade présente quelques considérafions sur la 
décimalisation du quart de cercle. On emploie actuelle- 
ment deux systèmes de notation des grandeurs angu- 
laires : 1° Celui des degrés, minutes et secondes d’are, 
datant des Chaldéens, en usage dans la marine, avec le 
nœud où mille qui correspond à la minute d'arc de 
méridien terrestre; 2° Celui de la division du quart de 
cercle en 100 grades, suivi depuis plus d'un demi- 
siècle par le Service géographique de l'Armée française. 
Le centigrade-are correspond au kilomètre au niveau 
moyen des mers. Le second système étant plus avanta- 
geux que celui des degrés, M. de Rey-Pailhade propose 
d'inscrire dans les deux systèmes les valeurs angulaires, 
par exemple : 


feraient connaître les deux 


1901795 (916,346) 


Par ce procédé très simple, le Bulletin de la Société 
française de Physique fera connaître et apprécier les 
avantages du système décimal et préparera insensi- 
blement les esprits à la réforme proposée parles auteurs 
du système métrique. M. H. Pellat dit qu'on emploie 
déjà les dixièmes et centièmes de degré pour simplifier 
les calculs ; il est encore plus rationnel d'employer les 
grades. Mais s’il est tout à fait partisan de la décima- 
lisation des angles, il tient à faire toutes ses réserves 
au sujet de la décimalisation du temps. M. Deslan- 
dres dit que ces deux questions sont connexes en Astro- 
nomie, de sorte qu'il faudrait faire les deux réformes 
en même temps. M. Pellat répond à cela que si l’on 
touche à la seconde, on doit modifier les unités du 
système C. G. S. quelques années seulement après 
qu'une loi a sanctionné en France l'usage des unités 
pratiques dérivées de ce système. M. de Rey-Pail- 
hade tient, pour faciliter le succès des deux réformes, 
à ne faire d'abord que celle des unités angulaires. IL 
n'est pas de l'avis de M. Deslandres en ce qui concerne 
la connexion des deux réformes : ce n'est pas le 
temps, ce sont les angles qui jouent le rôle le plus 
important en marine ; c'est ce qu'a montré le comman- 
dant Guyou en faisant construire des « tropomètres », 
appareils qui déterminent la position du Soleil sans 
faire intervenir le temps. M. Deslandres rappelle 
qu'il a proposé, il y a quelques années, de conserver 
l'heure, unité à laquelle trop de personnes sont accou- 
tumées, et de la diviser décimalement; la circonférence 


t 


ACADÉMIES ET SOCIÉTÉS SAVANTES 


639 


serait divisée en 240 parties, de sorte que, par exemple, 
on aurait l'heure d’un lieu sur la carte à la seule ins- 
pection du lieu. La modification du système C. G. S. ne 
serait contre cette réforme que l'argument des seuls 
physiciens et ingénieurs, c'est-à-dire d'une minorité. 
M. Lauriol fait remarquer que l'emploi pratique simul- 
tané de l'heure et de la seconde introduit à chaque 
iustant les facteurs 60 et 3.600, dont il serait commode 
de se débarrasser. Ce serait encore un avantage de la 
réforme proposée par M. Deslandres. M. de Rey- 
Pailhade ajoute que la centième partie du jour serait 
voisine de notre quart d'heure, de même que le 
centième de grade du méridien terrestre vaut un 


- kilomètre. M. Deslandres dit que le Congrès récent des 


d 
( 


} 


} 


à 


Académies s’est déjà occupé de la question et que l'on 
doit s'attendre à ce qu'un Congrès international la 
résolve. — M. G. Sagnac présente des expériences 
avec le biprisme et les glaces argentées de Jamin. 1. 
Nouvelles franges d'interférence dues ‘à la lumière 
rélléchie par un biprisme de Fresnel. Une fente éclai- 
- rante envoie la lumière sur la face en biseau d'un 
biprisme de Fresnel dont les arêtes sont parallèles à la 
fente. Au lieu d’un seul système de franges que don- 
nerait le biprisme par transmission, on en voit, dans la 
lumière réfléchie, deux et même trois (quand les deux 
- premiers sont assez voisins pourinterférer). Ces trois sys- 
tèmes de frauges sont projetés devant la Société à l’aide 
d'un biprisme dont la face plane a été argentée pour 
augmenter l'intensité des faisceaux interférents, qui 
sont tous les trois réfléchis par cette face, savoir : le 
- faisceau entré par la face verre d’une moitié P'du 
biprisme et ressorti par la même face, le faisceau 
réfléchi de même par l’autre moitié P* du biprisme; 
entin le faisceau entré par la face verre de P! et ressorti 
» par la face verre de P* après s'être réfléchi sur la face 
plane argentée, IL. Réglage, en lumière blanche, du 
_rélractomètre interférentiel à glaces épaisses argen- 
tées de Jamin. Le réglage géométrique, par superposi- 
tion des deux images de la source lumineuse, nécessite 
des tàätonnements fort longs. On trouve, au contraire, 
très vite les franges en lumière blanche en observant 
d'abord les franges en lumière jaune du sodium et fai- 
sant monter ou descendre les franges dans le champ de 


1 visée pour reconnaitre leurs maxima et minima de visi- 


- bilité dus à la constitution de la raie D. Si la source 
de lumière jaune est la flamme très chaude et très 
chargée en sel marin d'un brûleur, il ÿ a un maximum 
de netteté des franges beaucoup plus net que le précé- 
dent et que le suivant. On dépasse nettement le maxi- 
mum par le mouvement de la vis V convenable qu'on 
- ramène ensuite un peu en arrière pour regagner le 
“ temps perdu de cette vis. On remplace la lumière du 
sodium par la lumière blanche. 11 suffit alors de tour- 
ner la vis V dans le même sens que la dernière fois 
pour voir apparaître presque aussitôt les franges colo- 
- rées. IL. Zxpérience pour montrer, sans aucun réglage, 
- des franges de méme espèce que celles des qlaces 
épaisses argentées de Jamin. Ces franges se voient 
en appliquant deux glaces de Jamin G et G' (fig. 1) l’une 
contre l’autre par leurs faces verre, de manière qu’elles 
se débordent mutuelleinent en AB et A'B! sur une 
fraction de. leur longueur (un tiers par exemple). Il 
suffit de regarder par réflexion dans la face A'B' la 
lumière entrant par AB, qui vient d’un fond blanc 
uniforme. Ces franges sont projetées devant la Société. 
Dans celte expérience, comme celle de Jamin, on voit 
plusieurs images. La plus avantageuse est celle qui est 
fournie par les rayons réfléchis une fois sur l’argenture 
d'une glace et deux fois sur l’argenture de l’autre. On 
doit inciiner convenablement les glaces sur la lumière 
incidente. En les pressant plus ou moins l’une contre 
l'autre, on fait varier les positions des franges. On peut 
enlever l’une des deux glaces, puis l'appliquer de nou- 
veau contre l’autre ; les franges reparaissent as{anta- 
nément. A propos de la communication Il de 
M. G. Sagnac, M. C. Raveau signale l'importance pré- 
_ pondérante exercée par les défauts des glaces de 


Jamin quand ces glaces s'approchent d'être parallèles ; 
de là des déplacements de la région de localisation des 
franges et une complication dans l'étude de leur visi- 
bilité. Il montre pourquoi le réglage géométrique des 
glaces par superposition des deux images de la source 
lumineuse n'est pas vraiment rigoureux : on choisit, en 
effet, l'incidence pour laquelle 1l y a maximum d'écart 
des deux rayons interférents; les deux images d’un 
point peuvent alors rester superposées très longtemps 
lorsqu'on fait tourner un des deux miroirs autour d’un 
axe vertical, mais il est impossible de saisir la coïnci- 
dence exacte. M. Raveau montre, en outre, que le sys- 
tème de franges obtenues dans l'expérience IIL de 
M. G. Sagnac peut être observé avec le réfractomètre 
de Jamin (glaces non au contact), en interceplant entre 
les miroirs certains des rayons qui forment l’image 
très brillante immédiatement voisine de la première ; 
par le même procédé, on peut avoir encore dans la 
même image successivement deux autres systèmes de 
franges dont l’un est produit par des rayons qui se sont 
deux fois réfléchis sur l'argenture de chaque glace et 
dont l’écartement est double de celui des rayons ordi- 
nairement considérés. M. R. Salvador Bloch, à pro- 
pos de la communication II de M. Sagnac, indique 


Fig. 1. — Production, sans réglage, de franges colorées 2e 
les glaces de damin. — G et G', glaces de Jamin argentées 
sur les faces CD et C!D', et accolées par leurs faces verre 
en BA'; Sa..R, et Sa...R,, deux rayons interférents. 


qu'on peut encore. régler commodément les franges de 
Jamin en lumière blanche par l'emploi d'un spectros- 
éope; il suffit d'enlever l’oculaire de la lunette du 
réfractomètre Jamin et de placer la fente du spectros- 
cope derrière l'objectif de cette lunette dans la place 
où doivent se former les franges. On fait varier l’ordre 
de l'interférence jusqu'à ce que les cannelures de 
Fizeau et Foucault qui traversent le spectre se rédui- 
sent à une ou deux; les franges colorées sont à ce 
moment sur la fente du spectroscope; on remplace 
alors celui-ci par l’oculaire de la lunette si l’on veut 
observer les franges colorées. 


SOCIÉTÉ DE CHIMIE DE LONDRES 


Séance du 16 Mai 1901. 


M. H.-J.-H. Fenton et M'e A. Gostling décrivent 
la préparation et les propriétés du bromométhylfur- 
fural : 

CH : C.CH°Br 
Do P.F. —60 


/ 


| 
ln : C.COH 

et de quelques-uns de ses dérivés, — MM. W.-J. Pope 
et A.-W. Harvey, en traitant l’iodure de benzylphényl- 
allylméthylammonium extérieurement compensé de 
Wedekind par le d-camphorsulfonate d'argent, ont ob- 
tenu le d-camphorsulfonate de d-benzylphénylallyImé- 
thylammonium, dont le pouvoir rotatoire moléculaire 
est égal à +218°1, ce qui donne pour la base d-benzyl- 
phénylallyIméthylammonium [M], — +-166°k. Le résidu 
de la préparation, traité par KI, fournit du iodure de 
LbenzylphénylallyIméthylammonium, au moyen duquel 
on prépare le /-camphorsulfonate, qui possède une 
rotalion moléculaire égale à — 21006, ce qui donne 


640 ACADÉMIES ET SOCIÉTÉS SAVANTES 
pour la base gauche [M}, —— 159. Les iodures des | ture azotée et inorganique au delà d'une certaine 


bases droite et gauche sont solubles dans le chloro- 
forme, mais leur pouvoir rolatoire s'évanouit par inver- 
sion au bout d'un certain temps, ou si l’on élève la 
température. Les auteurs ont également préparé le 
nitrate et l'iodomercurate de la base droite, qui pré- 
sentent tous deux le pouvoir rotatoire. Ces composés 
se distinguent de ceux qui renferment un carbone 
asymétrique en ce que ce sont des électrolytes, qui 
doivent probablement être décomposés en solution 
aqueuse en donnant un ion optiquement actif dont la 
valence libre est attachée à l’atome asymétrique, sans 
qu'il se produise cependant d'inversion. M. Arms- 
trong fait remarquer que l'obtention de dérivés de 
l'azote optiquement actifs permet de trancher définiti- 
vement la question de la valence de l'azote dans les 
composés de l’ammonium. Ces composés ne sont pas des 
composés moléculaires, comme le croyait Kékulé, mais 
l'azote s'y trouve à l’état pentavalent. Par contre, il n'y 
a pas de doute que cette valence supérieure prise par 
l'azote dans les composés de l’ammonium (comme celle 
du soufre dans les composés du sulfonium), n'ait des 
caractères différents de la valence inférieure ou ordi- 
naire de ces éléments. M. Forster pense que la dif- 
férence numérique entre les constantes de rotation de 
dAdB et /AIB disparaitrait si /A/B était séparé d'abord 
par l'addition de /-camphorsulfonate, ou peut-être 
mieux de /-bromocamphorsulfonate. M. W.-J. Pope 
répond que le nouveau principe qu'il a cherché à mettre 
en lumière, c'est-à-dire que pendant le changement de 
valence d’un atome les directions des valences peuvent 
aussi changer, est applicable quand un atome de 
soufre bi ou tétravalent devient tétra ou hexavalent, ou 
quand un atome d'azote pentavalent devient heptava- 
lent; mais il n’est pas nécessairement applicable au 
cas où un atome d'azote trivalent devient pentavalent, 
car les deux nouveaux groupes peuvent se relier à 
l'azote dans une direction perpendiculaire au plan con- 
tenant les trois premiers groupes. — MM. R.-H. Pic- 
kard et W. Carter ont constaté que les hydroxyoxa- 
mides RAzH.CO.COAZHOH et leurs dérivés aromatiques 
réagissent comme les acides hydroxamiques en don- 
nant quantitativement des biurets substitués, des car- 
bonyl-dicarbamides et des allophanates. — MM. F.-D. 
Chattaway et K.-J.-P. Orton attirent l'attention sur 
la grande ressemblance qui existe entre les deux chlo- 
rodibromoanilines symétriques (4 :2 :6 et2:#4:6), de 
même qu'entre leurs dérivés acélylés. Par contre, les 
acétylchloroamino dérivés possèdent des points de 
fusion assez différents, et permettent de distinguer l’un 
des isomères de l’autre. Les auteurs ont préparé un 
grand nombre de dérivés de ces corps. — Les mêmes 
auteurs ont constaté que la tribromoaniline (1 : 2 : 4 : 6) 
réagit en solution chloroformique sur l’acétylchloroa- 
mino-2 : 4: dichloroacétanilide pour donner, avec dé- 
gagement de brome, un dérivé azoïque et la 4-chloro- 
2 : 6-dibromoaniline. Avec les chlorobromoanilines 
symétriques, le dégagement de brome est plus fort 
quand il y a un atome de Br en para par rapport à 
AzH°; on obtient ainsi la 2 : 4-dichloro-6-bromoaniline 
de la 2-chloro-4: dibromoaniline. — MM. W. N. Hart- 
ley, J. J. Dobbie et A. Lauder ont constaté que 
l'acide cyanurique et ses dérivés, non plus que l'acide 
isocyanurique et ses dérivés, ne présentent de spectre 
d'absorption. Ils en déduisent que la formule de cons- 
titution généralement adoptée pour l'acide cyanurique 
(chaine d'atomes de carbone et d'azote, alternativement 
doublement et simplement liés) n’est peut-être pas 
exacte, car la pyridine et la diméthylpyrazine, qui pos- 
sèdent une constitution analogue, montrent de fortes 
bandes d'absorption. — M. A. L. Stern, poursuivant 
ses recherches sur la nutrition de la levure, arrive aux 
résultats suivants : 1° Toute augmentation de nourri- 


limite n'accroît pas la quantité d'azote assimilée par la 
levure ou le poids de celle-ci; 2 Toute augmentation du 
sucre est accompagnée d’un accroissement du poids de 
l'azote assimilé et du poids de la levure, et cela jus- 
qu'aux plus grandes concentrations qui puissent être 
complètement fermentées; 3° Entre 12° et 25°, le poids 
d'azote assimilé et celui de la levure ne varient presque 
pas. A température plus haute, ils diminuent; 4 L'ac- 
croissement de la levure est, pendant une partie de la 
fermentalion, proportionnel à la quantité de sucre fer- 
menté; il se poursuit aussi longtemps qu'il reste du 
sucre non fermenté. L'auteur conelut qu'il y a une dif- 
férence essentielle entre les fonctions des aliments 
azotés et inorganiques d'une part, et celles du sucre 
d'autre part : les premiers fournissent seulement des 
matériaux, tandis que le second fournit des matériaux 
et de l'énergie. — M. H. G. Madan a conslaté que la 
pipérine cristallisée, chauffée à 135°, se solidifie par 
refroidissement en une substance résineuse transpa- 
rente, quiest une modification allotropique colloïdale. 
Mais celle-ci n’est pas permanente, car elle retourne 
spontanément au bout de quelques mois à la forme 
cristalloïde. Mais, si la pipérine a été chauffée pendant 
une heure à 180, le produit colloïde résultant est plus 
stable, car il n'a pas varié au bout de deux ans et demi. 
La pipérine colloide a une réfraction élevée (un —1,68#) 
et une dispersion remarquable (bry — pry = 0,142). — 
MM. R. H. Pickard et A. Neville ont préparé les car- 
bamides et les carbamates du furane à partir de l'acide 
pyromucylhydroxamique par la méthode de Thiele et 
Pickard. Ce sont des huiles incristallisables. L'acide 
pyromucylbydroxamique, C*H°O. COAZHOH, obtenu en 
hydrolysant le pyromucate d’éthyle avec l’hydroxy- 
lamine, fond à 124, — M. R. D. Abell a condensé 
l’éthylphénylcétone avec la benzaldéhyde en présence 
d'éthylate de sodium et a obtenu : 1° le 1 : 3-diphényl-2- 
méthyltriméthylèneglycol (F. 98-99); 20 la benzalpro- 
piophénone; 3° le 1 : 3-diméthyl-1 : 3-dibenzoyl-2 phé- 
uylpropane (F. 162°-1630). Le glycol, oxydé par l'acide 
chromique et traité par l'hydrate d'hydrazine, donne le 
3:5-diphényl-4-méthylpyrazol (F. 2220-2230). La ben- 
zalpropiophéuone, traitée par l'éthylphénylcétone, four- 
nit un mélange du composé 3° et d'un isomère (F. 1210- 
1220). Ce dernier, chauffé avec l'ammoniaque alcoo- 
lique, donne un composé qui est la triphényldiméthyl- 
pyridine ou dihydropyridine. — M. R. C. Farmer 
propose une nouvelle méthode pour la détermination 
de la dissociation hydrolyiique, basée sur la distribu- 
tion de l'acide ou de la base libre entre deux solvants. 
Une solution aqueuse du sel est agitée avec une quan- 
tité connue de benzène ou d'un autre dissolvant qui 
extrait seulement l’un des composants. De la quantité 
extraite, on peut calculer le degré d'hydrolyse du sel, 
en ayant eu soin de déterminer auparavant le coeffi- 
cient de partage de la substance entre les deux sol- 
vants. Les résultats obtenus dans plusieurs cas concor- 
dent bien avec la loi de dilution d'Arrhénius. — 
MM. S. A. Tucker et H. R. Moody décrivent la prépa- 
ration et les propriétés de quatre nouveaux borures 
Zr°Bo‘, Cr Bo, TuBo* et Mo‘Bo*. Ces composés sont 
obtenus en soumettant un mélange inlime des consti- 
tuants à l’action de la température produite par un 
courant de 200 à 275 ampères et 60 à 75 volts. — 
M. R. E. Doran a poursuivi ses recherches sur l’action 
du thiocyanate de plomb sur les chlorocarbonates et a 
préparé une série de carboxyméthyl- et de carboxya- 
mylthiocarbimides avec de nombreux dérivés. 


Le Directeur-Gérant : Louis OLIVIER. 


Paris. — L. MARETHEUX, imprimeur, 1, rue Cassette, 


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N° 14 


30 JUILLET 1901 


Revue générale 


De SP ]encC 


pures el appliquées 


DIRECTEUR : 


LOUIS OLIVIER, Docteur ès sciences. 


Adresser tout ce qui concerne la rédaction à M. L. OLIVIER, 22, rue du Général-Foy, Paris. — La reproduction et la traduction des œuvres et des travaux 
publiés dans la Revue sont complètement interdites en France et dans tous les pays étrangers, y compris la Suède, la Norvège et la Hollande. 


CHRONIQUE ET CORRESPONDANCE 


$ 1. — Distinctions scientifiques 


Élection d'un savant français à l'Acadé- 
mie Royale des Lincei. — Une des plus célèbres 
Académies étrangères, l'Académie Royale des Lincei 
de Rome, vient de décerner à M. Emile Picard, mem- 
bre de l’Académie des Sciences de Paris, un éclatant 
hommage. Désireuse de témoigner de la très haute 
estime en laquelle elle tient l'œuvre mathématique de 
notre éminent collaborateur, elle a voulu le compter 
au nombre de ses Associés étrangers. Nous rappellerons 
que deux autres Académies italiennes, celles de Turin 
et de Bologne, ont déjà conféré à M. E. Picard la 
même distinction. 


$ 2. — Météorologie 


La Météorologie au sommet de la Tour de 
300 mètres. — La Tour de 300 mètres est un obser- 
vatoire météorologique incomparable, dont le caractère 
ne tient pas à son altitude absolue, laquelle est seule- 
ment de 334 mètres; ce caractère dépend essentielle- 
ment de la hauteur, au-dessus du sol, de la couche 
d'air considérée, qui permet d'écarter les perturba- 
tions dues au voisinage immédiat de la surface. 

Déjà, à cette faible hauteur de 300 mètres, les phéno- 
mènes de vent et de température sont absolument 
différents de ceux qui se passent au niveau du sol, 
dont la température propre et le relief communiquent 
aux couches voisines des variations tout à fait spéciales. 

A cette hauteur, l'amplitude des variations de tem- 

pérature ou d'état hygrométrique est bien moindre 
que près du sol; les vents sont plus réguliers et plus 
forts, et, en somme, ce n’est que dans les stations de 
montagnes élevées que l’on retrouve des résultats ani- 
logues à ceux que fournit la Tour de 300 mètres. 
. Aussi, dès l’origine de la construction, en 1889, il a 
été installé, par les soins et sous la direction de 
M: E. Mascart, membre de l'Institut et directeur du 
Bureau Central Météorologique de France, un service 
de Météorologie extrêmement important. 

Les instruments de mesure sont disposés sur la 
petite plate-forme de 1,60 de diamètre qui termine 
la Tour, à 300 mètres du sol; à l’aide d’un câble, ils 


REVUE GÉNÉRALE DES SCIENCES, 1901. 


transmettent électriquement leurs indications à des 
appareils enregistreurs situés au rez-de-chaussée du 
Bureau Central Météorologique, qui est voisin. 

Toutes les observations sont relevées heure par 
heure : pour le vent, en vitesse et en direction, pour la 
température, pour la pression atmosphérique, pour 
l'état hygrométrique, etc.; elles sont inscrites sur les 
resistres du Bureau central, et leur résumé figure 
dans le Bulletin publié journellement. 

Ces observations sont centralisées par M. Alfred 
Angot, météorologiste titulaire du Bureau central, qui 
en a analysé les résultats comparativement aux obser- 
vations faites dans le local du Bureau central; ils font 
l'objet de Mémoires insérés dans les Annales du Bureau. 
Tous ceux que ces questions intéressent devront les 
consulter ; ils renferment tous les documents détaillés 
et leur discussion scientifique. Un premier Mémoire 
concerne les résultats de 1889; cinq autres, ceux des 
années 1890, 1891, 1892, 1893 et 1894. Enfin, un Mé- 
moire général récapitule les observations de ces cinq 
années, sauf celles relatives au vent, qui font l’objet. 
d'un Mémoire spécial, allant jusqu’en 1895. Un deuxième 
Mémoire récapitulatif, allant jusqu'en 1899, a été publié 
duns le courant de 1900. Cet ensemble constitue le 
résultat d'un effort et d'une énorme quantité de (ra- 
vail; il fait grand honneur à son auteur, mais on y 
retrouve cependant le défaut inhérent aux vieilles 
méthodes : l'amour exagéré des moyennes, avec les- 
quelles on perd trop souvent les chutes et inégalités 
les plus importantes, relatives aux instabilités les plus 
intéressantes de l'atmosphère. 

La nomenclature des instruments et le résumé des 
observations et des résultats sont empruntés à ces 
divers Mémoires. 

Les observations de pression atmosphérique ont été 
faites régulièrement au Bureau météorologique, à l’al- 
tiltude de 33,40, dans une pièce du rez-de-chaussée, 
et sur la Tour Eiffel, à l'altitude de 312,90, dans une 
des pièces qui sont au-dessus de la troisième plate- 
forme. La différence d'altitude des deux instruments 
est de 279%,5, et leur distance horizontale d'environ 
480 mètres. On a employé dans les deux stations 
des baromètres enregistreurs Richard à mercure, 
multipliant par 2 les varialions de Ja pression; la 


14 


642 


CHRONIQUE ET CORRESPONDANCE 


marche de ces enregistreurs est contrôlée par les 
sbservations directes, faites trois fois par jour au 
Bureau central, et quatre ou cinq fois par semaine, 
quelquefois même plus en été, à la Tour Eiffel, avec 
deux baromètres à mercure à large cuvette, comparés 
directement l'un à l’autre. Toutes les observations sont 
réduites à zéro et corrigées de l'erreur instrumentale ; 
les hauteurs réduites au niveau de la mer sont, de 
plus, ramenées à la gravité normale, c’est-à-dire expri- 
mées en colonnes de mercure dont la densité est éva- 
luée au niveau de la mer et à la latitude de 450. 

Une série d'observations de la température a été 
faite au Bureau central, dans la cour, à l'altitude de 
312,6 et 42,60 du sol, dans ur abri en fer à double toit, 
analogue à celui qui est en usage dans toutes les sta- 
tions françaises. À la Tour Eiffel, les thermomètres 
sont placés à l'altitude de 335",3 au-dessus de la mer, 
et à 301,8 du sol, sous un abri à double toit, accroché, 
du côté nord, en dehors de la balustrade de la plate- 
forme du paratonnerre. L'abri, comme celui de la ter- 
rasse du Bureau central, est entièrement ouvert au 
nord et par dessous. Il est fermé à l’est, au sud et à 
l’ouest, par deux séries de persiennes inclinées en sens 
inverse et distantes intérieurement de 5 centimètres 
environ. Le vent étant beaucoup plus fort à cette hau- 
teur que près du sol, les petites causes d'erreur intro- 
duites par l'abri deviennent négligeables, et les obser- 
vations de température peuvent être considérées 
comme faites dans d'excellentes conditions. Sous cet 
abri sont placés un psychromètre, un thermomètre à 
maxima, un thermomètre à minima, un thermomètre 
etun hygromètre enregistreurs Richard; on y a ajouté un 
thermomètre transmetteur électrique, de l'invention 
de MM. Richard frères, qui donne au Bureau central 
météorologique la marche continue de la température 
au sommet de la Tour Eiffel. En plus de ces instru- 
ments, on à installé à la Tour deux autres séries de 
thermomètres à lecture directe et enregistreurs, l’une 
à la plate-forme intermédiaire (230,2 au-dessus de la 
mer, 196%,7 au-dessus du sol); l’autre à la deuxième 
plate-forme (156%,6 au-dessus de la mer, et 123,1 au- 
dessus du sol). 

L'humidité est enregistrée au sommet de la Tour 
Eiffel, depuis le 10 juillet 1889, au moyen d’un hygro- 
mètre à cheveu de MM. Richard frères, installé à côté 
des thermomètres, à 301,8 au-dessus du niveau du 
sol. Cet instrument est contrôlé par les observations 
directes effectuées au psychromètre aussi souvent que 
cela est possible. 

Pour tout ce qui a trait à l'étude de la pluie et de 
l’évaporation, les chiffres des observations recueillies à 
la Tour de 300 mètres n'ont aucune signification réelle. 
Le vent est tellement fort au sommet que, dans la plu- 
part des cas, les gouttes de pluie sont animées d'un 
mouvement horizontal et ne tombent pas dans le plu- 
viomètre ; il est arrivé fréquemment que, pendant des 
averses importantes, non seulement le pluviomètre 
n'indiquait rien, mais que le sol de la plate-forme du 
sommet n’était pas mouillé,et recevait à peine quelques 
gouttes, tandis que les objets verticaux ruisselaient 

’eau. Pour obtenir, dans ces conditions, des nombres 
qui aient quelque signification, il faudrait changer com- 
plètement le mode ordinaire d'observation de la pluie, 
et la recueillir dans un pluviomètre dont l’entonnoir, 
au lieu d’être horizontal, pourrait s’incliner et se placer 
normalement au vent. 

Les anémomètres employés au Bureau central météo- 
rologique et à la Tour Eiffel sont identiques; ce sont des 
anémomètres imaginés par MM. Richard frères; ils se 
composent d'un moulinet formé de six ailettes en alu- 
minium, inclinées à 45°, et rivées sur des bras très 
légers en acier : leurs dimensions sont calculées pour 
que le moulinet fasse exactement un tour pour 1 mètre 
de vent; leur marche est, du reste, vérifiée sur un ma- 
nège et, s’il y a lieu, on établit pour chaque appareil 
une table de correction. Comme le moulinet tourne 
dans un plan vertical et doit toujours se présenter nor- 


“sol. 


malement au vent, il est monté à l'extrémité d’une pièce 
horizontale formant girouette et tournant autour d'un 
axe vertical, qui est placé très près du plan de rotation 
des ailettes afin de diminuer autant que possible la 
distance que le moulinet doit parcourir pour s'orien- 
ter. L'orientation est assurée par une queue rivée à 
l’autre extrémité de la girouette et formée de deux 
plaques de tôle à angle aigu. Le moulinet complet ne 
pèse que 150 grammes; il offre à l'air une surface 
de 6 décimètres carrés environ. Cet instrument est 
d'une sensibilité remarquable et peut mesurer des 
vitesses qui ne dépassent pas 0,1 à Ow,2 par seconde; 
il se met instantanément à tourner dès que le vent 
commence à souffler, et s'arrête aussitôt que le vent 
cesse, tandis que le moulinet de Robinson, à cause de 
sa grande masse et de sa faible surface utile, prend 
un certain temps pour acquérir sa vitesse et, une fois 
lancé, continue à tourner longtemps après que le vent 
a cessé. 

Les moulinets de ce genre, installés au Bureau central 
et à la Tour Eiffel, transmettent leurs indications sur 
des cinémographes Richard frères, qui indiquent à 
la fois la vitesse du vent à chaque instant en mètres 
par seconde, et le temps pendant lequel le vent a par- 
couru une distance de 8 kilomètres. L’anémomètre de 
la Tour Eiffel est installé à 305 mètres au-dessus du 
Au Bureau central, l'anémomètre Richard est 
installé à l’angle nord-ouest de la tourelle, à 20,9 du 
sol. L'appareil récepteur est dans la pièce qui est 
immédiatement au-dessous de la terrasse. À l’anémo- 
cinémographe de MM. Richard frères, employé au som- 
met de la Tour Eiffel depuis l’origine des observations, 
on a ajouté, en octobre 1890, un autre cinémographe 
à indications instantanées. 

La direction du vent est enregistrée d'une manière 
continue, au Bureau central, au moyen d’une girouette 
ordinaire, à deux ailes, très mobile, placée à l'angle 
nord-est de la tourelle; l'axe de cette girouelte com- 
mande directement un cylindre vertical sur lequel est 
enroulée une feuille de papier; une plume, mue par 
un mouvement d'horlogerie, descend en vingt-quatre 
heures suivant une génératrice du cylindre et marque 
ainsi à chaque instant la direction du vent. 

La circonférence, qui correspond à une rotation com- 
plète du vent, a sur le papier 457 millimètresde longueur 
et la plume descend exactement d’un centimètre par 
heure. A la Tour Eiffel, la girouette se compose de deux 
roues montées sur un même axe horizontal et dont 
l'ensemble peut se mouvoir autour d’un axe vertical ; 
quand les roues ne sont pas orientées exactement dans 
la direction du vent, elles se mettent à tourner, ce qui 
change en même temps leur orientation. Cette dispo- 
sition a l'avantage, tout en conservant une grande sen- 
sibilité à l'appareil, de diminuer les oscillations brusques 
que présentent fréquemment les girouettes. Au moyen 
d'un système de transmission électrique spécial, à trois 
fils seulement, tous les mouvements de la girouette 
se reproduisent à distance sur un cylindre vertical 
identique. à celui de la girouette enregistrante du 
Bureau météorologique. Les contacts sont établis 


Re { 
de facon que la transmission s'effectue par TS de 


circonférence, c’est-à-dire qu'il suffit que la direc- 
5 il = ; 
tion du vent change de DE de circonférence, ou de 


23045", pour que le cylindre récepteur, placé à une 
grande distance, tourne dans le sens convenable de 
la même quantité; cet intervalle est tellement petit 
que la courbe reproduit exactement l'apparence. des 
courbes obtenues par transmission mécanique directe. 
Le dépouillement des courbes, obtenues tant au Bureau 
central qu'à la Tour Eiffel, a été fait de la même manière, 
en relevant à chaque heure la direction du vent; cette 
direction est notée en chiffres de 0 à 32, 0 correspon- 
dantà N.,2 à N.-N.-E., 8 à E., 16 à S., 24 à O., et ainsi 
de suite. La direction du vent est donc appréciée à 


trs. men es 


és fre 0 


CHRONIQUE ET CORRESPONDANCE 


moins de = de circonférence, c’est-à-dire environ à 5° 
près, ce qui a paru suffisant. On a supprimé la direc- 
tion du vent et noté calme toutes les fois que la vitesse 
du vent, au moment de l'observation, était inférieure à 
0,5 au Bureau météorologique, et à 1 mètre à la Tour 
Eiffel, car, en dessous de ces limites, on n'est plus sûr 
que les girouettes obéissent au vent et s'orientent exac- 
tement. 

— En dehors de la girouette et des anémomètres, on a 
installé au sommet de la Tour Eiffel, en juillet 4889, un 
moulinet destiné à l'étude de la composante verticale 

— du vent. Cet instrument se compose de quatre ailettes 

planes, inclinées à 45° et mobiles autour d'un axe 

“vertical. Par sa construction même, ce moulinet reste 
“immobile dans un courant d'air horizontal, tourne dans 

un sens quand le vent a une composante verticale ascen- 

“dante, et dans l’autre sens quand le vent a une com- 

…posante verticale descendante. Toutefois, l'observation 

de cet instrument présente de grandes difficultés : il 

peut tourner, même dans un courant parfaitement 


ment la même aux deux extrémités du diamètre du 
—… moulinet; et il suffit pour cela du plus petit obstacle. 
rl Résumé des observations. — Ce qui frappe tout 
d'abord dans l'observation du vent au sommet de la 
Hour Eiffel, c'est la force tout à fait imprévue qu'il pos- 
sède déjà à 300 mètres de hauteur; sa vitesse moyenne 
est de 7%,05 par seconde, soit plus de 25 kilomètres à 
l'heure. Pendant la même période, un instrument iden- 
tique à celui de la Tour Eiffel, placé sur la tourelle du 
— Bureau Central Météorologique, à 21 mètresau-dessus du 
sol et à une distance horizontale d'environ 500 mètres 
de la Tour, indiquait seulement une vitesse moyenne 
de 22,24, c'est-à-dire un peu moins du tiers de ce qu'on 
…_observait au sommet de la Tour. On savait bien que la 
vitesse du vent augmente avec la hauteur puisque, près 
du sol, les mouvements de l’air sont gênés et retardés par 

“le frottement contre toutes les aspérités, collines, mai- 
sons, arbres, etc., mais on n’admettait pas jusqu'iciune 
«loi de variation aussi rapide. Ce fait a une très grande 
importance pour les études relatives à la navigation 
“aérienne; il importe, en effét, de savoir pendant com- 

“bien de temps,en moyenne, la vitesse du vent reste en 
“dessous de telle ou telle valeur contre laquelle peut 
“lutter avantageusement la machine du ballon diri- 
… geable. Or, pendant la période qui va de 1889 à 1900, la 
De du vent à 300 mètres a été pendant 59 pour 100 
du temps supérieure à 8 mètres par seconde, et pen- 
21 pour 100 supérieure à 10 mètres. 

… Les observations anénométriques de la Tour Eiffel ont 
“mis en évidence un autre fait encore plus imprévu 
“que la grandeur de la vitesse du vent : c’est la manière 
dont cette vitesse varie régulièrement dans le cours 
. de la journée. 

— Au Bureau météorologique, comme du reste dans 
_ toutes les stations basses, la vitesse est le plus faible 

vers le lever du Soleil (1,6 à 5 heures du matin) et le 
plus forte au milieu du jour {4,1 à 4 heure du soir). 

“Ala Tour Eiffel, au contraire, la plus petite vitesse 

(52,4) s'observe entre 9 et 10 heures du matin, et la plus 
“grande se produit au milieu de la nuit(8",8 à 11 heures 
du soir), C'est presque exactement ce qui se passe au 
“sommet des montagnes, comme au Puy de Dôme et au 
Pic du Midi, où la vitesse du vent est maximum pen- 
dant la nuit et mininum au milieu du jour, suivant 

ainsi une marche inverse de celle des régions basses. 

- Cette inversion est encore plus nettement mise en évi- 

dence si l’on forme le rapport des vitesses du vent à la 

Tour Eiffel et au Bureau météorologique. Ce rapport 

est le plus grand el égal à 5 entre 2 et 4 heures du 

matin; le plus petit est égal à 2 entre 10 heures du 
matin et 3 heures du soir; sa variation diurne présente 

“exactement la forme caractéristique de celle de la 
xilesse du vent sur les montagnes. C'est certainement 
la première fois que l'on signale une variation sem- 
blable à une hauteur aussi faible dans l'atmosphère. 


horizontal, si la vitesse du vent n'est pas rigoureuse- 


643 


Au point de vue de la vitesse du vent, considérée 
soit dans sa grandeur absolue, soit dans sa variation 
diurne, la Tour Eiffel se rapproche donc beaucoup plus 
des stations de montagnes que des stations ordinaires. 
Ilen est encore de même pour la température. En admet- 
tant, comme d'ordinaire, une décroissance de 1° pour 
180 mètres d’altitude, le thermomètre devrait être 
constamment plus bas de 10,6 au sommet de Ja Tour 
qu'au niveau du sol. 

Or, dans tous les mois sans exception, au moment 
du maximum diurne, la température au sommet de la 
Tour est plus basse qu'au pied; la différence est même 
beaucoup plus grande que la valeur théorique 1°,6 que 
nous avons indiquée; les journées sont donc relative- 
ment froides au sommet. Par contre, les nuits sont très 
chaudes : non seulement la différence entre le som- 
met et la base n'atteint pas 19,6, mais c'est le sommet 
qui est le plus chaud en valeur absolue. Au sommet de 
la Tour, les journées sont donc relativement fraîches 
et les nuits chaudes; l'amplitude de la variation diurne 
Fa la température est beaucoup moindre que près du 
sol. 

La cause principale de ces différences est la faiblesse 
des pouvoirs absorbant et émissif de l'air, qui s'échauffe 
très peu, directement, pendant le jour et se refroidit 
aussi très peu pendant la nuit : la variation diurne de 
la température, à une certaine hauteur dans l'air libre, 
doit donc être petite; elle devient plus grande dans les 
couches inférieures de l'atmosphère, auxquelles se 
communiquent par contact les variations de tempéra- 
ture considérables que subit le sol. Dans les 200 ou 
300 premiers mètres d'air à partir du sol, la décrois- 
sance de la température est ainsi très rapide le jour 
et très lente la nuit, et même il fait normalement plus 
chaud à une certaine hauteur que près du sol, la nuit 
durant, quand le temps est calme et beau. Ces consi- 
dérations sont vérifiées de la manière la plus complète 
par les observations de la Tour; dans les nuits calmes 
et claires, en particulier, la température y est fré- 
quemment de 5° à 6° plus haute au sommet qu'à la 
base. 

Des différences analogues ont été observées fréquem- 
ment dans les observatoires de montagnes; mais elles 
y sont beaucoup moins marquées. C’est que, dans ces 
stations, la masse de la montagne exerce encore une 
influence considérable, tandis qu'à la Tour Eiffel, on 
est réellement dans l'air libre. 

C’est ainsi que l’amplitude de la variation diurne de 
la température à la Tour Eiffel, à 336 mètres au-dessus 
du niveau de la mer, est presque égale et même plutôt 
inférieure à celle que l’on observe au sommet du Puy 
de Dôme, à 1.470 mètres. 

La marche annuelle de la température au sommet 
de la Tour suit les mêmes lois que la variation diurne; 
la température moyenne est plus basse que la tempéra- 
ture normale pendant la saison chaude, et plus élevée, 
au contraire, pendant la saison froide. 

En dehors de ces causes régulières, des causes acci- 
dentelles peuvent produire des différences de tempéra- 
ture encore plus remarquables entre le haut et le bas 
de la Tour Eiffel. 

Au moment des changements de temps, la modifica- 
tion se manifeste parfois complètement à 300 mètres 
de hauteur, plusieurs heures et même plusieurs jours 
avant de se produire près du sol; et voilà bien, comme 
nous le disions tout à l'heure, les instabilités ou cou- 
pures caractéristiques qu'il faudrait se garder de 
perdre dans les moyennes. 

Les observations de température, aussi bien que 
celles de la vitesse du vent, montrent ainsi, d'une 
manière tout à fait imprévue, à quel point les condi- 
tions météorologiques, à 300 mètres seulement de hau- 
teur, peuvent différer de celles que j’on observe près du 
sol. Malgré son altitude relativement faible, la station 
météorologique de la Tour Eiffel est donc des plus 
intéressantes ; c'est la première qui nous donne réelle- 
ment des observations faites dans l’air libre, en dehors 


644 


CHRONIQUE ET CORRESPONDANCE 


de l'influence du sol, et il est probable qu'elle réserve 
encore aux météorologistes plus d'une surprise et plus 
d’un enseignement. 


$ 3. — Chimie 


La distribution des prix à l’Institut de Chi- 
mie appliquée. — Le 13 juillet a eu lieu, sous la pré- 
sidence de M. Darboux, doyen de la Faculté des Sciences, 
secrétaire perpétuel de l’Académie des Sciences, à 
l'annexe de la Faculté des Sciences, 3 rue Michelet, la 
distribution des médailles, des prix, des diplômes et des 
certificats décernés annuellement aux élèves de l’Ins- 
titut de Chimie appliquée. Cet enseignement intéresse 
au plus haut point l'Industrie nationale, qui y trouve, 
chaque année, un recrutement de jeunes chimustes bien 
préparés aux recherches de laboratoire, véritables col- 
laborateurs de nos grands industriels de la région 
parisienne ei de celle du Nord de la Frauce. 

M.H. Moissan, directeur de l'Institut de Chimie appli- 
quée, a d’abord retracé les progrès accomplis pendant 
l’année écoulée ; il a pu féliciter les étudiants de leur 
zèle intelligent et l'Université de Paris de ses libéralités 
et de son dévouement envers nos laboratoires. Le direc- 
teur a eu le regret de constater que les bâtiments sont 
en très mauvais état. Il rappelle que les élèves ont été 
obligés parfois de chausser des sabots lorsque, par 
une pluie d'orage, l’inondation a gagné les laboratoires. 
Et cependant, la Chimie appliquée est appelée à rendre 
de grands services au pays. Il est indigne de Paris de 
constater que l’un de ses enseignements les plus 
importants est insuffisamment armé pour soutenir la 
concurrence étrangère ; sous prétexte qu'en France, le 
le provisoire seul peut durer, nous ne pouvons pour- 
tant admettre que l’on abandonne un enseignement 
aussi utile. Plusieurs fois, le sol s’est affaisé dans les 
laboratoires de la rue Michelet et les conduites d'eau et 
de gaz menacent ruine. Et, comme conclusion, 
M. Moissan remarque qu'une reconstruction s'impose. 

M. Expert-Besancon a pris ensuite la parole et à 
insisté, avec beaucoup d'opportunité et de tact, sur les 
qualités morales du chimiste, qui, par son honnêteté, 
comme par son talent, aide à la fondation de ces 
grandes maisons industrielles, où l'honneur de bien 
faire passe au-dessus du souci des bénéfices à réaliser. 

M. Darboux a terminé la série des discours par une 
spirituelle allocution fort applaudie. Il suit avec le plus 
grand intérêt le développement de l’Institut de Chimie 
appliquée et il est heureux du travail et des progrès 
des élèves. Il leur souhaite de bonnes vacances et il 
leur remet ensuite les diplômes de chimiste de la 
Faculté. 

Nous rappelons que l’Institut de Chimie appliquée 
reprendra ses cours le 1°° novembre et que les élèves 
qui désirent suivre son enseignement passeront 
l'examen d'entrée dans la seconde quinzaine d'octobre. 


La production électrothermique du ferro- 
silicium. — À la suite de la note que nous avons 
consacrée à la production du ferrosilicium dans notre 
numéro du 30 juin (p. 555), M. Keller nous écrit que la 
Compagnie électrothermique Keller, Leleux et Cie fabri- 
que actuellement en France, d’une facon courante, des 
alliages variés de fer et de silicium, et particulièrement 
des ferrosiliciums à haute teneur (50 à 86 4). 

A ce propos, M. Keller nous fait remarquer que 
l'usine de Meran (Tyrol) ne fabrique pas des ferrosili- 
ciums à 83 °/, de silicium (p. 556, 10° ligne), mais des 
ferrosiliciums à 21,5 °/, de silicium avec un rendement 
de 83 °/, en silicium. L'usine de la Compagnie électro- 
thermique est la seule qui produise industriellement, 
eu grande masse, les ferrosiliciums à 80 °/, de silicium. 


Condensation de Ia phényl-éthyleétone 
avec la benzaldéhyde. — L'acétophénone peut 
se condenser avec la benzaldéhyde de (rois manières 
différentes : 


1° Une molécule d'acétophénone avec une molécule 
de benzaldéhyde donne la benzalacétophénone ! : 


CSHS — COCHE + C'H°CHO = H°0 + C'H°CO.CH — CHCSH. 


2° Deux molécules d’acétophénone avec une molé- 
cule de benzaldéhyde donnent la benzaldiacétophénone 
ou 2-phényl-1 : 3-dibenzoylpropane * : 

C‘H:.CO.CH® 
CSH°.COCH* | 
+ CHO.CSHS = H°0 + CH.C°H: 

C°H5.COCH® | 
C‘H°.CO.. CH? 


3° Enfin trois molécules d’acétophénone avec deux 
molécules de benzaldéhyde donnent deux stéréoiso- 
mères de la dibenzaltriacétophénone ou 2-4-diphényl- 
1-3-5-tribenzoylpropane : 
CSH5.CO.CH* C‘H°.CO.CH? 


| 
CH — C°HS 


+ CHO.C°H* 
C‘H5.CO.CH* = 2H°0 + C‘HS.CO — CH 
+- CHO.CSH° CH — C'H° 


CSH5.CO.CH* CSH°.CO.CH° 

Les cétones de la forme R.CO.CH?R', par exemple la 
phényléthylcétone C°H5.CO.CH?CH®, ne donnent pas la 
troisième forme de cette condensation. 


La formation des composés précédents peut s'expli- 


quer de la facon suivante, d’après M. R. D. Abell: : 


1° Une molécule d’acétophénone se condense avec» 


une molécule de benzaldéhyde pour former la benzala- 
cétophénone. 

29 La benzalacétophénone s’additionne avec une 
molécule d’acétophénone : 


C‘H5.CO.CH 
|| 
CH— CH 
 CHeCO.CH. 0 


CSH.CO.CH? 
| 
CH — C°H 
| 
CSHS. CO — CH? 


3° La formation du troisième composé s'explique de 
même. 

Dans la première et la seconde de ces réactions, le 
groupe —CO.CH®— est présent dans l’acétophénone, 
tandis que, dans la {roisième, il n'existe pas dans la 
dicétone-1-5. 

Si, maintenant, la phényléthylcétone prend la place 


de l’acétophénone, cette substance contient aussi le 


groupe —C0—CH°— et l'on doit s'attendre à obtenir 
les réactions (1) et (2), mais pas la troisième, parce 
que la dicétone-1-5 (2-phényl-1-3-diméthyl-1-3-diben- 


zoylpropane) ne contient pas ce groupe. 


Les expériences instituées par M. Abell confirment 


pleinement cette manière de voir. 


Le cellose, un nouveau sucre tiré de la 
cellulose. — On sait que l’amidon, chauffé avec un 
acide étendu, finit par se transformer intégralement en 
glucose. Ce phénomène, étudié avec soins, a permis de 
concevoir l’amidon comme un anhydride particulier du 
glucose dans lequel 5, 6,.. n molécules de ce sucre 
se seraient soudées les unes aux autres en perdant suc- 
cessivement 4, 5,.. n-1 molécules d'eau. 

La cellulose se comporte de la même manière; mais, 
comme elle est plus résistante, on suppose qu'avec une 
constitution analogue elle possède un degré de conden- 
sation plus élevé, autrement dit que le nombre de mo- 
lécules de glucose y est plus grand que dans l’amidon. 


Bert exIiV;, CLAISEN : 


! CLAISEN et CLAPARÈDE : 2464; 
Ber., t. XX, 655. 
= Kosraneckt et Rosssacn : Ber., t: XXIX p. 1492. 


% R.-D. ABELL : J. of the Chem. Soc., t. LXXIX, p. 928. 


CHRONIQUE ET CORRESPONDANCE 


MM. H. Skraup et J. Konig viennent de montrer, dans 
un travail très intéressant, qu'il existe entre l’amidon 
et la cellulose une différence plus profonde. 

En saponifiant par la potasse le produit qui résulte 
de l’action de l’anhydride acétique sur la cellulose, ils 
ont préparé un nouveau sucre, le cellose, ayant pour 
formule .C'*H#0'!, dédoublable, par fixation d’eau, en 

deux molécules de glucose. 

Ce nouveau sucre, convenablement purifié, est une 
poudre cristalline, soluble dans environ 8 fois sou poids 

…. (l'eau froide, très soluble dans l’eau chaude, presque 
… insoluble au contraire dans l'alcool absolu. Sa saveur 
est très faible et il ne fermente qu'avec difficulté. Il 
… réduit énergiquement la liqueur de Febhling, est doué 
de la multirotation et tourne finalement le plan de la 
— lumière polarisée de 3307. 
—_ D'après ces propriétés, il ne saurait être confondu 
avec le maltose, qu'on obtient en faisant réagir la dias- 
tase sur l'amidon. Comme, d’autre part, il possède la 
même formule, il faut bien admettre que la cellulose et 
l'amidon diffèrent autrement que par leur degré de 
condensation moléculaire, que la facon dont les molé- 
… cules de glucose y sont associées entre aussi en ligne 
ï de compte. C’est là une donnée entièrement nouvelle 
dont l'intérêt ne saurait échapper, même au point de 
vue de la Physiologie végétale. 
”. 
2 


$ 4. — Zoologie 


ï Le lait utérin chez quelques Poissons. — 
— Chez divers Elasmobranches, on sait que les œufs. au 
- lieu d'être pondus au dehors, se développent dans 
l'utérus de la mère; quand l'embryon a consommé son 
… vitellus, le sac vitellin, très vasculaire, s'applique contre 
… la paroi utérine, également très vasculaire, et forme un 
placenta vitellin (Muotelus, Carcharias). N peut y avoir 
— mieux encore, comme le décrit Alcook ‘ pour cinq 
… espèces des genres Trygon, Pteroplatea et Myliobatis : 
— l'embryon vit d'abord sur l’'abondant vitellus de l'œuf, 
| et, quand celui-ci est absorbé, le sac vitellin s’atrophie 
au lieu de former un placenta; il ne se développe pas de 
membranes enveloppantes, de sorte que le fœtus se 
C trouve entièrement à nu dans la cavité utérine. Les 
« parois de cette cavité, d'autre part, sont reconvertes 
… de nombreuses villosités sécrétrices, renfermant un 
" abondant réseau sanguin, dans les mailles duquel 
… s'enfoncent des follicules tubulaires. Ces follicules, très 
“nombreux, sécrètent un liquide gras et visqueux, quel- 
… quefois d'apparence crémeuse, ayant un goùtdoucereux, 
- qui contient beaucoup de noyaux et de corpuscules en 
suspension; ce liquide est coagulable par la chaleur, et 
C contient de l'albumine et de la graisse, mais pas de 
— sucre. 
Le lait utérin est peut-être absorbé directement par 
k Le fœtus ; quelquefois, des faisceaux de villosités passent 
… à travers ses évents jusque dans le pharynx; en tout cas, 
on à trouvé à plusieurs reprises le lait utérin non modi- 
— fié dans l'intestin spiral du fœtus, ce qui ne permet pas 
de douter que ce liquide est bien absorbé par le jeune 
. Sélacien. 


u $ 5. — Géographie et Colonisation 


La Mission Lenfant. — On sait que l’arrange- 
ment franco-anglais pour la délimitation des territoires 
du Niger, signé à Paris, le 14 juin 1898, avait prévu la 
cession à bail à la France, pour trente années au moins, 
de deux enclaves sur le Niger, l’une à l'embouchure, 
l'autre en amont, entre Léaba et le confluent de la 
:rivière Moûssa. On avait eu par là en vue d'éviter que 
la navigation du Niger, libre en vertu de l'Acte général 
de Berlin de 1885, ne subisse plus désormais d’entraves. 
Ce fut une Commission mixte, dirigée par le commandant 


 Zoological Gleanings from the R. I. M. Survey Ship 
Investigator, Scientific memoirs by medical officers of the 
army India, part XII, 1901, p. 35. 


(=?) 
rs 
© 


Toutée et le commandant anglais Lugard, qui détermina 
l'emplacement de ces enclaves, l’une sur la branche 
Forcados, l’autre devant Badjibo, où, en 1895, M. Toutée 
avait déjà, aussi sur la rive droite, élevé le fort d'Aren- 
berg. 

La Mission à la tête de laquelle a été placé M. le 
capitaine d'artillerie coloniale Lenfant, a été précisément 
chargée de prendre possession de ces deux enclaves et, 
en même temps, de transporter par la voie du fleuve le 
ravitaillement de Say et du troisième Territoire militaire 
de l'Afrique Occidentale, quiest commandé parle colonel 
Péroz et qui comprend la région de Zinder, du Niger 
au lac Tchad. Il peut être intéressant de signaler les 
données que la Mission a rapportées sur la navigabilité 
du Niger. 

Le capitaine Lenfant est parti du Havre sur le Conseil 
le 29 janvier 4901; il était accompagné des lieutenants 
de Peyronnet et Anthoine, de trois sous-ofliciers euro- 
péens et de trente-six laptots. Sa flottille se composait de 
quinze chalands en bois et de cinq chalands en acier. 
Elle portait dix mille caisses de vivres et deux mille 
caisses d'outillage. 

Le 21 février, la Mission arriva à Forcados-River. Les 
rives sont vaseuses, couvertes de palétuviers, et l’enclave 
est le seul coin de terre et de sable de la région. Le 
débarquement de huit mille caisses s'effectua sans 
encombre, et le capitaine Lenfant, laissant dans l’enclave 
un sous-officier chargé de l’organiser, se mit de suite 
en route pour Badjibo-Arenberg, la seconde enclave, 
avec l’aide du remorqueur à vapeur Liberty qu'il avait 
pu Jouer, gràce à l’obligeance des autorités anglaises. 

La montée fut difficile, la crue ayant été très faible 
cette année dans le bas fleuve. Cependant, la Mission 
parvint le 43 mars à Lokodja et le 25 à Géba. Elle fut 
bientôt après à Badjibo, et le capitaine Lenfant, ayant 
organisé la seconde enclave comme il l'avait fait pour 
la première, en repartit au commencement d'avril afin 
de franchir les rapides au moment le plus favorable, 
avec soixante tonnes de marchandises réparties en 
mille neuf cents caisses. Nos compatriotes allaient main- 
tenant aborder la région dangereuse des rapides; il 
fallut au capitaine Lenfant et à ses collaborateurs une 
remarquable habileté et d'énergiques efforts pour triom- 
pher des difficultés qu'ils rencontrèrent. | 

Le 8 avril, les rapides d'Ourou furent franchis; le 10, 
ceux de K'patashi; le 22, ceux de Gurafiri et de Boussa. 
A la date du 27, le convoi avait remonté deux chutes, 
cinq grands rapides, vingt petits rapides et de nom- 
breuses cascades. Au cours de cette dangereuse navi- 
gation, aucun homme n'avait été sérieusement blessé, 
aucun chaland n'avait été brisé. La mission arriva le 
7 mai à Gaya, le premier poste français, et le 25 mai 
à Say. Le capitaine Lenfant remonta ensuite jusqu'à : 
Sorbo Haoussa, le port du troisième Territoire el y dé- 
barqua cinquante-quatre tonnes de matériel destinées à 
la colonne Péroz; puis il redescendit à Say, où il arriva 
le 8 juin. La descente ayant été rendue plus difficile par 
la baisse des eaux du fleuve, le capitaine Lenfant décida 
de demeurer à Say jusqu’à la crue du milieu de juillet, 
pour remonter à cette époque vers Ansonjo. 

La Mission avait donc accompli avec le succès le 
plus complet sa pénible et périlleuse tâche. Si, en raison 
de la saison tardive et de la baisse des eaux, l'opéra- 
tion avait été difficile et dangereuse, la Mission avait 
pu conclure néanmoins que le ravitaillement par le 
fleuve pouvait être facile et pratique à l’époque des 
hautes eaux. Ainsi se trouve démontrée la possibilité 
pour nous d’user de la voie du bas Niger, malgré les 
rapides qui gènent une partie de son cours, comme de 
la route actuellement la plus courte et la plus économi- 
que quipuissenous mettre en communication avec Say. 
Mais s’il en est ainsi, pour le moment au moins, il ne 
faut pas perdre de vue que, dans quelques années, nous 
devons avoir une voie entièrement française de péné- 
tration sur le fleuve : c’est le chemin de fer qui doit 
relier Porto-Novo au Niger à travers le Dahomey et 
son hinterland. Gustave Regelsperger 


646 


. 


L’'ALCOOLISME 
AU XIX° 


La question de l'alcoolisme est devenue d’une 
telle importance qu'elle a aujourd'hui conquis la 
première place parmi les préoccupations des socio- 
logues. De nombreux travaux, publiés aussi bien en 
France qu'à l’Étranger, ont démontré les déplo- 
rables résultats de l’intoxication éthylique au point 


D' RAOUL LEROY — L'ALCOOLISME DANS L'EURE AU XIX* SIÈCLE 


DANS LEURE 
SIÈCLE 


inquiétants, et de nature à émouvoir les esprits les 
plus optimistes. 


I, — DÉVELOPPEMENT DE LA CONSOMMATION ALCOOLIQUE. 


La statistique officielle donne à l'Eure le second 


de vue social. rang parmi les départements normands classés 
Dans le même ordre d'idées, nous avons cherché | selon l'importance de leur consommation alcoo- 
Hect. d'— a = = & = à = 2 & = — = + = & 
RO EL ar AU Se cu tate SOU Me 2 LUN = EL ENOUINE DR ME F 
56.000 L Rert| | ! [_ 2f I L 
CT | TE EEE) Ï [ en | 4 
54. 000 TT ETNOITIE latest SE aecierutestet Î { 
] JE ET Il CT [] [ete] Î | | 
] fase es) 
52.000 + +— IC 4 
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50.000! T ni le 1 af ra te} | [1 1 7. Ë 
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48.000! TTTT | si | IË El I : 
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BE Î débits 
| # 900 
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CT 4 300 
34. 000! 1 ÿ ECC 4.100, 
32.000 Ï — | I (eeateif 8. 800 
30.000 | | 3.700 
28.000 3 3.500 
] [ 
26.000 | 3.300 
| 
24.000 je 
3.100. 
| PEUR. ‘ 
22.000 F ZA SABRE 2. 800 
20.600 IBDER Ge mEI FE s 
É | ie 2.700 
18.000 | sue [12.500 
: LE 1 1 
16.000 LE 1 
14,000 | Î Eee 
12.000 2E Ï er In CI 
11.000 (Ep unter tele Hi je HE ci 
à l QE rt Hi Eee | japan (oufes| 
8.000 l Li RER EC 2 


FGORREMANS 5e 


Fig. 1. — Tableau comparatif du mouvement de la population, de la consommation alcoolique et du nombre 
des débits de boissons dans l'Eure, depuis 1827. 


à établir le bilan de l’alcoolisme dans un départe- 
ment normand, l'Eure, pendant la plus grande 
partie du xix° siècle. Cette étude porte sur une 
région riche, salubre, fertile, où les causes de déca- 
dence devraient être minimes, mais où, malheureu- 
sement, l’intoxication des habitants est intense. 
Après avoir examiné le développement de la 
consommation alcoolique, nous en montrerons les 
conséquences économiques et sociales. Notre travail 
est, avant tout, une œuvre de statistique, et les 
tableaux graphiques résument de longues colonnes 
de chiffres. Les résultats obtenus sont extrèmement 


lique, le premier étant attribué à la Seine-Inférieure. 
Si l'on considère que ce dernier contient une 
énorme population flottante (marins des ports, 
étrangers, baigneurs des villes d’eau), qui boit 
beaucoup et augmente le chiffre de l'alcool absorbé 
sans que l'habitant en prenne sa part; si l’on consi- 
dère également que, l'Eure étant un pays essentiel- 
lement rural, les bouilleurs de cru y sont infini- 
ment plus nombreux, on peut admettre que l'Eure 
est probablement le département normand qui 


absorbe le plus d’eau-de-vie. 
Le développement de l'alcoolisme dans l'Eure 


D' RAOUL LEROY — L’ALCOOLISME DANS L’'EURE AU XIX° SIÈCLE 


647 


pendant le x1x° siècle a été prodigieux. Afin de s'en 
rendre compte dans son ensemble, nous avons tracé 
le graphique ci-contre, qui indique, pour chaque 
année, de 1827 à 1898, l'effectif de la population et 
le total d'hectolitres d'alcool consommé (fig. 1). 

En examinant la courbe de l'alcool, on voit que, 
tout en étant d’une façon générale ascensionnelle, 
elle présente d'assez grandes irrégularités. La mar- 
che de la consommation éthylique de l'Eure peut 


- donc être divisée en plusieurs périodes. 


De 1827 à 1841 : Période d'augmentation progres- 
sive. Le chiffre des hectolitres d'alcool monte peu 


. à peu: 
DEPTEn SRTAROR RELREER Ear R 8.652 
MÉOCNE RS EN ERET ERTee 9.202 
TER. 0e em ee PORT POS 10.819 
LOTS SAR RNRRLE NE ESS 11.001 
LBUE L'ÉPORR A NEERRREREE AE 12.285 
AR M A us tue à 14.181 
RÉSPUTA DRRÉOORRREAOE 15.338 
A D em ae à 16.033 
JET 48 per Role PLEASE 17.351 


De 1848 à 1857: Période de diminution, présen- 
tant deux grands minima : 


La faible consommation de cette époque a peut- 
être un certain rapport avec la Révolution de 
Février et les troubles politiques ou sociaux qui 
la suivirent. Notons aussi que la loi restrictive 
des cabarets date de 1851. IL est curieux de rap- 
procher cette diminution du même fait constaté 
pour le Finistère dans un précédent travail". 

De 1858 à 1871: Période stationnaire. La con- 
sommation, qui s'était élevée en 1858 à 20.000 hec- 
tolitres environ, oscille pendant quinze ans autour 
de ce chiffre. 

De 1872 à 1898 : Période d'augmentation exces- 


. sive et brusque, surtout à partir de 1879. La courbe 


fait un véritable saut. 


LOTS NA ANAL NE US vas 24.541 hectolitres. 
TERMS PARENTS 21.863 — 
AS SOMPE PAINTAE EN. 30.071 — 
RP CERTES 44.385 — 
LES te de OT OT 46.755 — 
LEURS TO TR LCD 56.652 — 


Aquoiattribuercet énorme accroissementsurvenu 
en quelques années ? Deux événements importants 
méritent d'attirer notre attention à ce sujet: 

Le 14 décembre 1875, l'Assemblée nationale réta- 
blissait le privilège des bouilleurs de cru. 

Le 17 juillet 1880 était promulguée la loi autori- 
sant l'ouverture de tout débit de boissons après 
une simple déclaration. 


- 


# D' Raouz Leroy : L'alcoolisme dans le Finistère au 
xixe siècle, dans les Annales d'Hygiène publique et de 
Médecine légale, février 1900. 


À notre avis, le principal facteur de l’accroisse- 
ment éthylique survenu dans l'Eure depuis 1873 
doit être attribué aux bouilleurs de cru. Au fur et à 
mesure que la production du cidre s'élève, leur 
nombre augmente, passant de 16.250 en 1887 à 
23.133 en 1895, et l’eau-de-vie devient de plus en 
plus abondante. Le graphique 2 fait parfaitement 
ressortir la vérité de ce que nous avançons. 

Quant à la loi sur les débits, elle semble avoir 
exercé une influence moins néfaste. La consom- 
mation éthylique a doublé, il est vrai, depuis 1880; 
mais ce fait n'est peut-être pas imputable aux 
cabarets, car le chiffre en était déjà si élevé qu'il 
est resté à peu près stationnaire. 

En recherchant la quantité d'eau de-vie-absorbée 
par tête et par année, on arrive au même résultat 


que celui donné par le graphique de l'alcool: 
De 1825 à 1845 : augmentation progressive de 2! à 
41,08. 
dimioution de 41,08 à 31,43. 
période stationnaire. 
augmentation prodigieuse et très 
rapide de 71,45 à 16 litres. 


De 1845 à 1855 : 
De 1855 à 1870 : 
De 1875 à 1890 : 


Les chiffres de notre statistique portent sur 
l'alcool ramené à 100°, ainsi que le fait l'Adminis- 
tration des Contributions indirectes. L'eau-de-vie, 
telle qu'elle est bue, marque environ 50°, de sorte 
que les 16 litres de 1898 représentent en réalité 
32 litres d'eau-de-vie par tête, pendant le cours de 
l'année. Étant donné qu'un litre contient 40 petits 
verres, nous arrivons au (total de 1.280 petits 
verres. 

Déduction faite des jeunes enfants, des femmes 
et des gens sobres, l'alcool n'est guère consommé 
que par 1/3 des habitants; on voit donc que le 
buveur du département de l'Eure absorbe annuel- 
lement 96 litres d’eau-de-vie commerciale, repré- 
sentant la valeur de 3.800 petits verres. : 

Si ce nombre paraît incroyable, et si l’on doute 
de nos renseignements, il nous est possible de citer 
le nom d'un petit village de 300 habitants où les 
débitants vendent 1.000 litres d’eau-de-vie par 
mois. 


IT. — DÉBITS DE BOISSON. 


L'énorme développement alcoolique a été accom- 
pagné d’une multiplication des débits. 

Les cafés et les cabarets sont des établissements 
indispensables dans notre société moderne. Ils 
offrent des lieux de réunion et de rendez-vous 
d'affaires très licites à beaucoup de personnes qui 
n'en ont pas d'autres. Malheureusement, ils servent 
aussi trop souvent à la satisfaction d'un goût 
funeste. L'expérience a montré que la consomma- 
tion éthylique n'est pas toujours en rapport avec 
le nombre des cafés. En Suisse, par exemple, le 


648 


D' RAOUL LEROY — L'ALCOOLISME DANS L'EURE AU XIX° SIÈCLE 


Conseil fédéral a remarqué que le montant d'hecto- 
litres absorbés était précisément plus fort dans les 
cantons qui avaient le moins de cafés. Toutefois, 
leur abondance est une tentation pour quantité de 
gens, recrutés en général dans la partie la moins 
éclairée de la population. 

Au cabaret, l’homme oublie le travail et l’ordre; 
il y trouve la misère. Que reste-t-il pour la vie, 
quand le tiers ou la moitié du salaire passe en 
boisson ? 

Dans le département de l'Eure, les débits pullu- 
lent; il n’y a pas d'agglomération, si petite soit- 
elle, qui ne compte queiques cabarets. Leur chiffre 
semble même avoir atteint toute limite possible, car 
il descend un peu depuis 1882, certainement en 
raison de la dépopulation (fig. 1). 

Voici quelle en a été la progression depuis 1827. 


Eure. 
1827. . . . 2.565 soit 1 débit pour 164 habitants. 
1899-2092 — 14t — 
ASH EE 109 857 = 107 — 
1860. . » . 3.679 — 108 — 
1810: 1... 3.138 — 91 — 
1880. 0014.709 — 71 — 
l'890 "0004798 — 70 — 
1898. :. . . 4.699 — 70 — 
Irance (non compris Paris). 
ENS 0 4065 ba to 1 débit pour 109 habitants. 
DS US pre ee — 10% — 
IRD EL MATE — 9% — 
HE A oO AE AT M En 20 — 94 — 


Le chiffre de 70 habitants pour un débit est 
inouï, si l’on considère que l'Eure est un pays agri- 
cole, récoltant beaucoup de pommes, où le nombre 
des bouilleurs de cru est considérable. En ne comp- 
tant que la population adulte, on arrive au chiffre 
de 23 personnes pour entretenir un cabaretier. 

Si nous en croyons un Curieux passage que nous 
avons rencontré dans la collection du Musée des 
Familles, il y a nombre d'années que la profession 
d’aubergiste est lucrative en Normandie : « Quand 
on n'est pas herbager en Normandie, il faut être 
aubergiste. La cuisine est en permanence. On ne 
vide les verres que pour remplir les brocs. Si l’on 
vend des bœufs, c'est au cabaret; si l'on achèle 
des bœufs, c'est au cabaret. Le cabaret est la 
Bourse. Si l’on se rencontre, c'est pour entrer au 
cabaret; si l'on parl, on entre au cabaret; si l’on 
arrive, on s'embrasse au cabaret: si l'on pleure, on 
se console au cabaret. Le cabaret consomme ce 
que l'herbage produit. On ne saurait parler sans 
boire. Comme en Belgique on offre une choppe de 
bière à son voisin, en Normandie on offre une 
tasse de café au passant... Le café aide aux lran- 
sactions; mais il est loujours accompagné des de- 
moiselles du Calvados. Honni soit qui mal y pense 
Il ne s'agil ici ni de Paphos, ni de Cythère : les 


demoiselles du Calvados sont des petits verres très 
grands qui contiennent à peu près la valeur de 
deux à trois verres à liqueur... En Normandie, les 
estomacs sont doublés de zinc et les gosiers à 
l'épreuve du feu. A la fin d’un repas, l'usage veut 
que les convives prennent le café, le pousse-café, 
la poussette, la rincette et la surrincette. On parle 
ici des gens sobres. Les autres ne comptent pas” ». 

Il est instructif d'examiner quelle a élé l’in- 
fluence de la législation sur le nombre des débits. 
De 1852 à 1880, les cabarets ont été sous le régime 
de la loi du 29 décembre 1851, exigeant pour l’ou- 
verture la permission préalable de l'autorité admi- 
nistrative. La figure À nous apprend que, à partir 
de 1851, le chiffre de débits descend peu à peu jus- 
qu'à 1858 et tombe de 4.058 à 3.318. Il remonte 
ensuite progressivement, l'Administration s'étant 
probablement montrée plus tolérante. 

La loi du 17 juillet 1880, qui subsiste encore, 
abroge cette disposition et permet l'ouverture de 
tout café après simple déclaration. Le montant des 
débils a augmenté de 230 pendant l’année quia 
suivi la promulgation de cetle loi, de 10 seulement 
l'année suivante. Il a diminué légèrement depuis 
1882, mais moins rapidement que le nombre des 
habitants, de sorte que, toute proportion gardée, le 
total des cabarets reste de plus en plus scandaleux. 


III. — L'ALCOOL ET LE CIDRE. 


« Le Parisien s'imagine encore que les Normands 
boivent du cidre...! Ils boivent de l’eau-de-vie, et 
dans des proportions effrayantes », dit M. le D'Bru- 
non. Cette spirituelle boutade ne doit pas être prise 
à la lettre : le cidre est toujours la boisson habi- 
tuelle des Normands. 

La production du cidre augmente d'année en 
année depuis le commencement du siècle. Jusqu'en 
1865, la consommation de cette boisson dans l'Eure 
a varié entre 460.000 et 240.000 hectolitres. Elle s’est 
considérablement développée depuis cette époque, 
pour atteindre, dans les années de bonne récolte, 
un chiffre colossal. Ces années privilégiées sont : 


ASTSEE TAN ATERNE 121.000 hectolitres. 
1877 501.000 — 
ASC EEE 0 672.000 — 
1893 NN E Vos 967.000 — 
CPP EME MER ARE D 1.525.000 — 
ABOBLE LAS A MAUINTARE 954.000 — 


Celte quantité énorme d'hectolitres sera cerlai- 
nement dépassée cette année, en raison de l’abon- 
dance exceplionnelle des pommes en41900. 


Quelle corrélation existe-t-il entre la consomma-. 


tion du cidre et celle de l'alcool? Les avis sont pro- 


! Auépée Acuarp : Voyage en France. Normandie, dans 
le Musee des Familles, 1852. 


ET 


PRES 


DS RÉ 0H 0 00 


N 


: 


in 


ss 


nu 


r' a CN 


‘+ 


D: RAOUL LEROY — L'ALCOOLISME DANS L'EURE AU XIX° SIÈCLE 


fondément divisés sur ce point. Certains écono- 
mistes soutiennent que les années de cidre sont 
des années de faible consommation éthylique et que 
le cultivateur ne s'adresse aux spiritueux que pour 


compenser l'alcool, qui fait défaut dans la boisson, 


- Jors de la disette des pommes. Nos recherches prou- 
vent le contraire, et la figure 2, mettant en parallèle 
la consommation du cidre et de l'eau-de-vie, l'in- 
_ dique très nettement. Les faits sont là, irréfutables, 
pour montrer qu'on n'a jamais absorbé autant 
d'alcool dans l'Eure, que du jour où le cidre est 
devenu très abondant. 


= 
œ 
[a] 
[al 


649 


tout illusoire et qui disparaît au fur et à mesure 
que la provision s'épuise. 1901 est également une 
année exceptionnelle. On a distillé des quantités 
énormes de cidre et les cultivateurs ont fait provi- 
sion de calvados. Nous sommes persuadé que 
l'alcoolisme va sévir avec uue nouvelle intensité; 
l'avenir dira si nos prévisions sont justes. 


IV. — L'ALCOOL ET LE VIN. 


Le cidre n’est pas l'unique boisson des Nor- 
mands; le vin joue également un cerlain rôle dans 


Hect. 


|_] de cidre 


980.000 


Ï 
: |_|9#0. 000 


. 000 


.000 


. 000 


. 000 


. 000 


- 000 


Quand la récolte des pommes est faible, le pro- 
priétaire commence par fabriquer sa provision de 
cidre, et vend le surplus un bon prix; il n'a pas 
intérêt à distiller. Si, au contraire, les fruits abon- 
dent, les tonneaux sont vite pleins, la méventearrive, 
et l'alambic transforme la boisson en eau-de-vie. 
Telle est la facon dont les choses se passent à la 
campagne. Les bonnes années de pommes rem- 
plissent les caves d'alcool. Nous connaissons des 
personnes qui ont encore en réserve des stocks 
considérables de calvados provenant de la grande 
récolte de 1893. 

C'est à celte accumulation d’eau-de-vie dans le 
pays qu'est due la baisse de l'alcool constalée par 
les Contributions indirectes depuis 1894, baisse 


1+0. 000 


ORFEMAUS 50 


Fig. 2. — Consommation de l'alcool, du vin et du cidre dans-l'Eure, depuis 1N27. 


l'alimentation, et a élé, de tout temps, connu et 
apprécié. C'est une boisson de luxe, qui ne laisse 
pas d'être commune dans les bonnes maisons. 

La consommalion du vin n’a fait que croitre 
dans l'Eure depuis de longues années, sauf pendant 
la période 1843-1845, correspondant aux ravages 
des vignobles français par l’oïdium : 


1830. . . . 33.430 hectol. soit 710 par habitant. 
1850. . . . 47.664 — 11,4 — 
1860. . .". 59.947 — 14,5 — 
ASTD ED ES) — 15,8 — 
1880. . . . 60.020 — 16,4 — 
1890. . .. .» 72:588 — 20,8 — 
1895... .. 922258 — 27,0 — 


IL est intéressant de rechercher s’il existe quelque 
connexion entre le vin et l'alcool. 


650 


D' RAOUL LEROY — L'ALCOOLISME DANS L'EURE AU XIX° SIÈCLE 


La figure 2 nous apprend que leur consomma- 
tion semble le plus souvent augmenter ou diminuer 
parallèlement : années 1875, 1882, 1886, 1891, 1895. 

D'après l'étude de nos documents, on voit que 
la progression de la consommation a porté à la fois 
sur l'alcool, le cidre et le vin. Ce fait est imputable 
au développement de la richesse publique. Partout 
les terres sont mieux labourées, mieux engraissées 
les Jachères ont disparu. Les procédés agricoles ont 
été perfectionnés. Même progrès du côté de l'in- 
dustrie : des usines se sont installées sur les cours 
d’eau, apportant la prospérité dans les vallées. 

Ce favorable changement, survenu depuis moins 
de cinquante ans, a transformé les conditions de 
l'existence. Les salaires des journaliers, les gages 
des domestiques, valets de ferme, charretiers, ont 
bénéficié dans ce pays d’une hausse plus marquée 
que dans les autres provinces de la France. Il en 
est résulté une amélioration considérable du bien- 
être général. On vit mieux qu'autrefois ; d'où l’ac- 
croissement des différentes boissons. Malheureuse- 
ment, le Normand n'a pas su profiter en sage des 
bienfaits de la civilisation. L'alcool qui déprave et 
qui lue a eu ses préférences. Nous allons examiner 
quelles en ont été les suites au point de vue social 
(population, criminalité, suicides, aliénation, ete.). 


V. — L'ALCOOL ET LA POPULATION. 


La Normandie est une des contrées de la France 
où la dépopulation se fait le plus vivement sentir. 
Ilne s’agit pas seulement d’un ralentissement dans 
l'augmentation normale des habitants, mais d’une 
diminution très appréciable par la baisse du total 
des naissances, à laquelle se joint, dans certaines 
régions, l'accroissement sensible du chiffre de la 
mortalité. La Manche, le Calvados, l'Orne et l'Eure 
ont aujourd'hui une population bien inférieure à 
celle constatée en 1801. La Seine-Inférieure doit 
son meilleur rang à l'immigration dans les deux 
grands centres, Rouen et Le Havre, ainsi qu'à la 
natalité encore forte de ses marins. 

Cette situation dépend avant tout d’un état d’es- 
prit profondément inquiétant : on est résolu à ne 
plus avoir d'enfants, ou du moins à en limiter le 
nombre, et cela dans un pur profit égoïste. Chacun 
veut jouir le plus possible de l'existence sans aug- 
menter ses charges; chacun ne veut mettre au 
monde que des hommes aisés, heureux ou, tout au 
moins, supposés tels. Ce sont les moins pauvres 
qui se livrent à ce calcul, alors que l'intérêt général 
exige des familles nombreuses chez les riches, afin 
de pouvoir compter sur cette bonne moyenne de 
capacités et de qualités qui fait la valeur d'un 
peuple. Une telle manière d'envisager la vie hu- 
maine finira par tuer dans son germe toute énergie 


créatrice. Le Normand meurt de sa richesse. 
Étrange objectif, que celui qui fait sortir la stérilité 
et le néant de l’opulence elle-même ! 

Le département de l'Eure comptait en 18A 
425.780 habitants; le recensement de 1896 n’en 
accusait plus que 340.652; soit, en cinquante-cinq 
ans, une diminution de 85.000 — 1.500 par année. 
Celle-ci serait même encore beaucoup plus con- 
sidérable, si elle n'était un peu compensée par la 
venue d'éléments étrangers. Les domestiques, les 
ouvriers ruraux, les petits métayers d’origine bre- 
tonne sont très nombreux, et on peut prévoir 
l’époque où les Normands de race deviendront 
l'exception. 

Cette décroissance du nombre des habitants 
offre ce caractère particulier d’être absolument 
constante, régulière, paraissant en cela obéir à une 
règle fixe. Le mal remonte loin; avant de diminuer, 
la population étaitrestée sensiblement stationnaire 
pendant de longues années et celte période de 
statu quo avait été précédée au xvin° siècle par un 
ralentissement d'augmentation, que des esprits 
éclairés n’hésitaient pas, non plus, à rattacher à la 
continence volontaire *. 

C'est là, assurément, le facteur primordial; mais 
est-ce le seul? La question est assez importante 
pour retenir quelque temps l'attention. 

Le graphique 3, qui met sous les yeux du lecteur 
la natalité et la mortalité dans l'Eure, depuis 1828, 
parle avec assez d’éloquence pour nous dispenser 
de longs commentaires. 

En examinant le rapport du chiffre des naissan- 
ces et des décès à celui de la population, nous 
arrivons aux résultats suivants : 

1° Le total des naissances a diminué: 


1831-1840. . . . . 20 naissances pour 1.000 hab 
1851-1860. . . . . 19 — — 
ASTASABSO ER 19 — — 
1891-1898. . . . . 18 — — 


2° Inversement, le total des décès à augmenté : 


ASSIEASED EEE . 22 décès pour 1.000 hab. 
ASDIEASE EEE EE 23. — — 
ASSET 23 — — 
APS RÉ E ec re 26 — — 


Ainsi, la dépopulation du département de l'Eure 
n'est pas seulement imputable au faible dévelop- 
pement de la natalité, mais encore à l’augmenta- 
tion de la mortalité. Alors que, sous l'influence de 
l'hygiène et des progrès de la science, la mortalité 
générale de la France diminuait dans de notables 
proportions et passait de 25 pour 1.000 habitants 
en 1820, à 23 en 1890, celle de l'Eure suivait une 
progression inverse. | 


1 Lire, à ce sujet, le Mémoire de M. Louis Passy, à l'Aca- 
démie des Sciences morales, 1863. 


sant 6e, À. 7° da ét "5 


D: RAOUL LEROY — L'ALCOOLISME DANS L'EURE AU XIX° SIÈCLE 


6: 


Cette pénible constatation n'est pas faite pour 
surprendre le médecin qui connait l'influence 
désastreuse des excès alcooliques sur l’économie. 
L'abus prolongé des spiritueux détermine dans 
tous les appareils de l'organisme une série de 
- troubles fonctionnels, prélude d'accidents d'un 
ordre beaucoup plus grave, constitués par des 
lésions irrémédiables. L'estomäc commence par 
présenter des troubles dyspeptiques, aboutissant 
le plus souvent à la gastrite alcoolique simple et, 


dans certains cas, à la gastrite alcoolique ulcé- | 


De plus, l’intoxication éthylique prédispose 
singulièrement à la tuberculose, et tous les prati- 
ciens savent que les maladies infectieuses (pneu- 
monie, érysipèle, fièvre typhoïde, etc.) offrent, 
chez les ivrognes, des formes particulièrement gra- 
ves et souvent mortelles. 

Diverses Compagnies anglaises d'assurance sur 
la vie ont-démontré irréfutablement que les person- 
nes qui s'abstiennent absolument de toute boisson 
spiritueuse vivent plus longtemps, et offrent moins 
de jours de maladies que les autres. 


& 8 3 & & æ a & Décès 
LA © a o s 
Éebaeeepee) T È = PA. 800 
CEE DE . 600 
dt ES pa | 
ISO BBRE ES 
5} Deere l | 11. +00 
Lo Den 1. 200 
ÉÉRRÉPLER EEE IT EEE mi 
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———— 4 
LE PR PER EE | | | ! [10.800 
Total SELS ii: | | aus 
des EEE Lie fra) [T1 LT] ne en 10. 600 
naiss D - ! I! pt ! 
10.400 D EE CEE 10.400 
10.200 EEE Fi [ ti _ DE RRR RE nn 
“ ] ] L Ju 
10.000! |\1 HET DEEE CÉHECEECE LEE 10.000 
1 Étetiitioiio En Énaatiooon EE 
8.800 HÉBLEEETEE MORE ITS MRRRRSRRR D dl 
9.600! | \ BEEN PÉHE-CHPNE & LES Ï T 9.600 
| mi Lt nl ns 3 
9.400 TT rl E ur in LCR NT ri CHER 9.400 
9.000 DA INT NAT LEE MALE STE CETTE TE [ 9.200 
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9.000 | VA | ET BEEN 9.000 
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8.800 PEN LEE [1 un i 8. 800 
8.600 ti HE aUER FT M 8.600 
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8.400 A A [TT Î Éfaiel 8.400 
8.200 ERRREER LE IP PELrS 7 1 8.200 
8.200 Rs EREeSE| \ 1! \ \ 8.000 
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1.800 ea EJ me Î RE 1.800 
7.600 LT Ï Î SET ; | | 
à CHEEPEPEEE EE EEENL GER EE PE EEE PEER EEE 3 
7.400 | ! epsieiel [I 1 di t Rue Hi Un eue 
junte Es EP a Ë 
7.200 HE DRE fete on 1.200 
T 1 
7.000 — ] — u 7.000 
- -— LE rie 
6.800 (ES Ein EI CIE Î EE VA 6.800 
600 EEE ET FE BRRauE : D 
Ï 
6.400 Ï Hi 


reuse, comme l'a indiqué Leudet, de Rouen”. 
Le foie, à la suite des congestions à répétitions 
_ provoquées par les boissons fermentées (Claude 
. Bernard), finit par devenir cirrholique ou graisseux. 
Le cœur et les reins subissent également la dégéné- 
rescence graisseuse. Les artères s’infiltrent de sels 
calcaires, se sclérosent et cèdent ensuite à la pres- 
sion sanguine, produisant alors des anévrismes, 
des hémorragies cérébrales, etc. Cazalis a dit que 
l’homme avait l’âge de ses artères ; l’alcoolique, 
même adolescent, est donc, qu'on nous passe 
l'expression, un jeune vieillard. 


1 Leuper : Des ulcères de l'estomac à la suite des boissons 
alcooliques, Congrès médic.-chirurg. de Rouen, 1863. 


. DORREMANS 


Fig. 3. — Natalité et mortalité dans le département de l'Eure, depuis 1825. 


Voici quelques chiffres empruntés au D' Drys- 
dale * : 


Mortalité des assurés sur la vie de la Compagnie « Le Sceptre», 
de 1884 à 1889. 


NOMBRE NOMBRE 
des morts des morts 
calculées effectives 10 
Section générale. . . . 569 434 76,27 
Section des abstinents. 249 183 51,42 
[2 


Donc, 18,85 °/, de cas de mort en moins dans la 
section des abstinents que dans la section générale. 


1 DryspaLe : The comparative Death-rate of total Abstai- 
ners and moderate Drinkers, London, 1890. 


652 D' RAOUL LEROY — L’ALCOOLISME DANS L'EURE AU XIX° SIÈCLE 
Mortalité des assurés sur la vie de la Compagnie dépopulation du département de l'Eure est, sans 
Eee Eee on EU Mu doute, fort complexe, et il n’entre pas dans notre 
rôle de l’examiner sous toutes ses faces. Disons 
NOMBRE NOMBRE s é' 
de morts de morts seulement que deux des causes principales sont 
calculées effectives Cy as 4 Ê ge à Ë 
= — == l'abaissement de la natalité et l'augmentation dela 
SECHE nt ste 2) mortalité. Si la première semble au-dessus de notre 
Section des abstinents. 2.418 1.70% 10 


Donc, 29 °/, de cas de mort de moins chez les 


abstinents. 


Morbidité hebdomadaire (1866 à 1881) chez chacun des assurés 
des sociétés de secours mutuels. 


M. V. EXP. RURAL 
TOWNS 

and city Distr. 

(non abstinents) 


M.EXPERIENCE 
Rural Districts 
(non abstinents) 


SONS OF TEMPER. 
(abstinents) 


FORESTERS 
(non abstinents) 


1,40 semaines 26,20 semaines 24,68semaines 27,66semaines 


Ces considérations expliquent clairement pour- 
quoi l'Eure, pays sain et riche, a une mortalité 
considérable. D'après nos observations person- 
nelles et celles de nos confrères amis, la tubercu- 
lose fait des ravages de plus en plus marqués; les 
affections de l'estomac sont si générales (entre 
autres la dyspepsie flatulente et l’ulcère rond), que 
tous les médecins normands en ont été frappés: les 
affeclions hépatiques se voient couramment, et le 
nombre des artérioscléreux augmente de jour en 
jour. 

Un autre raison de l'accroissement des décès ré- 
side dans la grande mortalité des enfants par suite 
de l'alcoolisme infantile. Les troubles nerveux du 
bas âge sont extrêmement fréquents, et il n’est pas 
rare de voir les nourrissons présenter des convul- 
sions par le fait de l’intempérance de la nourrice. 
Nous en connaisons deux exemples remarquables, 
et M. le professeur Brouardel, doyen de la Faculté 
de Médecine de Paris, nous cilait récemment le 
cas d'un de ses élèves, établi dans la région, qui 
avait dû proscrire l'allaitement maternel dans une 
partie de sa clientèle en raison de l'ivrognerie 
invétérée des mamans. De plus, les fils de buveurs 
sont en général malingres, chélifs, prédisposés à 
toutes les maladies. « Les alcooliques, dit M. Coste, 
transmettent leur infirmité constitutionnelle à leurs 
enfants. Ceux-ci naissent frappés au coin de la 
débilité physique ou de la débilité mentale. Tantôt 
ils meurent en bas âge ; tantôt ils sont scrofuleux, 
rachitiques; tantôt ils deviennent phtisiques à la 
puberté. Ces dénouements sont bien cruels; mais 
le châtiment de l'intempérance des parents est en- 
core plus terrible, quand les enfants sont idiots ou 
faibles d'esprit; plus terrible encore, quand les 
enfants, intelligents à certains égards, sont vicieux, 
sans moralité, criminels : toutes conséquences 
d'un déséquilibre nalif qui a son origine dans 
l'état constilutionnel des ascendants. » 

La question, si grosse de conséquences, de la 


atteinte et nécessite un changement radical dans 
l'état d'esprit des habitants, la seconde n'est pas 
inaccessible à nos moyens. Il était utile de montrer 
l'importance du mal alcoolique dans la genèse de 
tant d’affections mortelles. Les règles de l'hygiène 
(la première est la tempérance) sont destinées à 
étendre la durée de la vie. Espérer que le Normand, 
devenu sobre, saura mieux conserver sa sanlé dans 
l'intérêt de sa race n'a rien qui soit au-dessus des 
chances probables. 


VI. — L'ALCOOL ET LA CRIMINALITÉ. 


IL suffit de lire les faits divers des journaux pour 
se rendre compte du rôle immense de l'alcoolisme 
dans la criminalité. La conscience et le sens moral 
s’obseurcissent vite chez le buveur; grossier, 
cynique, paresseux, il devient indélicat, mal- 
honnête, se laisse aller à tous ses mauvais pen- 
chants et arrive, tôt ou tard, à avoir affaire avec la 
justice. L'alcoolisé est susceptible, ombrageux, 
souvent agressif et batailleur; ses colères vio- 
lentes, non motivées, le poussent à l'homicide. Que 
de crimes épouvantables ne sont que le résultat de 
l'excitation éthylique ! 

Déjà Dumesnil citait ces mots qu'avait prononcés 
un échevin de Rouen en 1349 : « De vingt bandits 
ou routiers, messires, dix-neuf se sont formés au 
cabaret ». Le mal est encore décuplé par lal- 
coolisme héréditaire. Chez les enfants d'ivrognes, 
la tare originelle se révèle non seulement par des 
anomalies physiques ou mentales, mais encore par 
des monstruosités dans la sphère morale. Le cri- 
minel-né se rencontre le plus souvent dans les 
familles adonnées à l’intempérance. 

Les prisons sont peuplées de malheureux êtres 
tolalement avilis par celte dégradante pas- 
sion. M. Marambat, greffier de Sainte-Pélagie, à 
étudié l’action de l'alcool sur 2.950 prisonniers 
parisiens. Il a trouvé, comme alcooliques, 88 °/ 
condamnés pour coups et blessures, 79 °}, pour 
attentats aux mœurs, 78 °/, pour vagabondage, 
10 °/, pour vols, 57 °/, pour incendies et 53 °/, pour 
homicides. 

Une constatalion inverse et plus intéressante 
encore à été faite en Irlande vers 1810. Un capucin, 
le Père Mathew, mena à cette époque dans le pays 
une vive campagne antialcoolique. Sous l'influence 
de ses prédications, le nombre des buveurs baïissa 
considérablement : 237 débits de boissons dispa- 


D' RAOUL LEROY — L'ALCOOLISME DANS L'EURE AU XIX° SIÈCLE 


rurent, une des prisons de Dublin fut fermée; le 


nombre des détenus tomba de 3.200 à 1.600, et, au : 


lieu de 59 exécutions capitales, il n'y en eut plus 
qu'une seule. 

Puisque l'influence du développement alcoolique 
sur la criminalité est telle, on ne saurait s'élonner 
que la Seine-Inférieure et l'Eure arrivent en tête 
des départements qui fournissent le plus de 
crimes. 

D'après les documents publiés par le Ministère 
de la Justice pour la période 1878-1887", au point 
de vue de la criminalité générale (Cour d'assises 
et tribunaux correctionnels réunis), le département 
de l'Eure occupait le 8° rang, avec 742 accusés ou 


- prévenus par 100.000 habitants, la moyenne an- 


- nuelle de la France étant de 517. 


Les sept départements pour lesquels on relève 
des chiffres plus élevés sont : 


Bouches-du-Rhône. 1.015 
Corse . 982 
Seine . AD RE 961 
Alpes-Maritimes . 909 
Seine-Iuférieure . . . 834 
HÉTAUI TEE Cure 815 
Seine-et-Oise. . 151 
Eure. . . 742 


Si l'on considère que l'Eure ne compte pas une 
seule grande ville, a peu de centres industriels de 
quelque importance et un nombre d'étrangers 
infime, on doit reconnaitre qu'un tel chiffre est 
énorme et qu'il n'existe pas en France de popu- 
lation rurale présentant un état moral aussi mau- 
vais”. 

En recherchant les causes qui contribuent à un 
pareil résultat, on voit que les principales sont la 
violence et l'immoralilé. 

L'Eure vient, en effet, au 5° rang des départe- 
ments classés d'après le nombre des accusés pour 
assassinats, meurtres, coups et blessures : 


Corse . TC né 9322 
Haute-Savoie. . . . . 170 
Alpes-Maritimes: : « : . . . . 154 
Pas-de-Calais. . . . . . . 146 
ATOS EUE 0 OEM EE MATE TEE 137 


et au 6° rang relativement aux viols, attentats aux 
mœurs et adultères : 


Seine. NES QT ER 34 
Bouches-du-Rhône Ce EE 20 
BIDESMALIMES RE CL RON. 25 
Marne . ASP 2% 
Selné-InférTienre. en: ras sie dilat 25 
TOR SEE PNR RO APRES Le DER 22 


Ces chiffres remontent à quinze ans. La Commis- 
sion extra-parlementaire, instituée au Ministère des 


1 Compte rendu de l'administralion de la justice crimi- 
minelle pendant l'année 1887, Imprimerie nationale, 1889. 

? La Corse doit sa grande criminalité à une cause toute 
spéciale, dérivant des mœurs du pays. 


| Finances en vue d'élaborer la question du mono- 
pole de l'alcool (1896), a publié une statistique plus 
récente, comprenant les années 1891, 1892 et 1893. 
Celle-ci montre que l'Eure arrive actuellement à 
dépasser, comme criminalité, les départements 
urbains. 
Voici quelques indications à ce sujet : 
Classement des départements suivant la proportion par 


1.000 habitants du nombre des individus annuellement 
condamnés par les Cours d'assises : 


COS MAS PACS 0,36 
Alpes-Maritimes . 0,23 
Calvados . . 0,22 
Eure . . DCE. 0,19 
Bouches-du-Rhône 0,19 
Seine. 0,18 
Var. 0,16 
oire MA u.r 0,15 
Ille et-Vilaine . J 0,14 
Moyenne générale. . 0,09 
Classement des départements suivant la proportion par 
1.000 habitants du nombre des individus annuellement 
condamnés par les tribunaux correctionnels : 


Corse and retanener.s das Mie QUES 
Euro ea 10,88 
Seine-Inférieure . 10,81 
Hérault . 10,4% 
Calvados. 5 CN 10,2% 
Seine-AEOISP. LA ee note ee a00 
Alpes-Maritimes "C0. 1955 
Bouches-du-Rhône. . . .=., . . "9,46 
SORA ER EM TR NT R 9,44 
Moyennelgéneérale sn. RES 55 


L'Eure tend à prendre la première place; il l'oc- 
cupe même pour les délits jugés par les tribunaux 
correctionnels, en faisant abstraction de la Corse. 

Lorsqu'on examine dans son ensemble la crimi- 
nalité dans l'Eure depuis soixante-quinze ans, la 
première chose à remarquer est que le total des 
accusés jugés par la Cour d'assises était beaucoup 
plus considérable autrefois qu'aujourd'hui. Il ne 
faut pas en conclure que les crimes ont diminué 
de fréquence. Depuis nombre d'années, en effet, 
l'instruction écarte les circonstances aggravantes 
afin d'assurer, par la juridiction correctionnelle, 
une répression plus prompte et de ne pas surchar- 
ger les Cours d’assises d’affaires ne présentant pas 
un réel caractère de gravité. 

Si nous voulons juger sûrement l’état moral du 
pays, il importe, d’une part, de réunir les prévenus 
aux accusés et, d'autre part, d'étendre l'examen à 
une période suffisamment longue pour faire dispa- 
raître les exceptions pouvant se produire dans le 
cours d'une année. En suivant ces indications, 
nous obtenons les résultats suivants : 

1841-1850. 


1861-1810. 
1881-1890. 


4,6 accusés ou prévenus pour 1.000 hab. 
4,2 
88 


f —. 


19 


Ainsi, la criminalité dans l'Eure a doublé depuis 
trente ans, en même lemps que la consommation 


65% 


annuelle d'eau-de-vie passait de 5 litres à 45 litres 
par habitant. Si l'alcool n’est pas la cause unique 
de ce mal sans cesse grandissant, il faut avouer 
qu'il y contribue pour une bonne part, car ce sont 
surtout les crimes violents, les attentats aux mœurs 
et les incendies, dont le chiffre s’accroit de jour en 
jour. 


NII. — L'ALCOOL ET LES SUICIDES. 


Dans un remarquable ouvrage ‘, M. Durkeim dit, 
à propos de l’action alcoolique sur la marche des 


D' RAOUL LEROY — L'ALCOOLISME DANS L'EURE AU XIX° SIÈCLE 


sité dans la Seine et dans les départements voisins; 
elle est déjà moins sombre en Normandie et n’at- 
teint pas le Nord. La première se développe vers 
l'Ouest et va jusqu'au littoral de l'Océan; la se- 
conde a une orientation inverse. Elle est très vite 
arrêtée dans la direction de l'Ouest par une limite 
qu'elle ne franchit pas; elle ne dépasse pas l'Eure 
et l'Eure-et-Loir, tandis qu'elle tend fortement vers 
l'Est. » 

Il résulte des observations de M. Durkeim que 
les cartes de la consommation alcoolique et des 


suicides : « Au premier abord, un rapport étroit | suicides sont sensiblement comparables, à quel- 
, , 
= = =“ =\ EX À En = = _ = A EX es: 
$$$ aber. 5 Sete 
Te TETE nant 
Ï anal nn CET + mu Er $ 000 
: =} | Li | | ! | : 
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Rue, = BERSLcBEecneEsSnEUE ce 51 000 
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Fig. 4 — Marche de la consommation de l'alcool, de la population et des suicides dans l'Eure, depuis 1830. 


paraît exister entre la quantité d'alcool consommé 
et la tendance au suicide, au moins pour ce qui 
concerne notre pays. En effet, c'est dans les dépar- 
tements septentrionaux qu’on boit le plus d’alcool, 
et c’est aussi sur cette même région que le suicide 
sévit avec le plus de violence. 

« Mais d’abord, les deux taches n'ont pas du 
tout, sur les cartes, la même configuration. L'une 
a son maximum de relief en Normandie et dans le 
Nord, etelle se dégrade à mesure qu'elle descend 
vers Paris; c'est celle de la consommation alcoo- 
lique. L'autre, au contraire, a sa plus grande inten- 


1 Eurce Dunkerm : Le Suicide (Bibliothèque de Philosophie 
contemporaine), 1897. 


Î 
FE. BorrREMANS Sa 


ques départements près. Le fait qu'elles ne le sont 
pas absolument ne prouve qu'une chose : l'alcoo- 
lisme n’est pas tout et le suicide dépend de plu- 
sieurs facteurs, comme le montre l'influence des 
races, de la richesse publique, des centres ur- 
bains, ete. | 

Si la Bretagne fournit peu de morts volontaires, 
malgré son intoxication éthylique considérable, ne 
peut-on pas attribuer ce résultat à la pauvreté du 
pays, à sa grande nuptialité ou bien à la prépon- 
dérance des idées religieuses? Si la carte des sui- 
cides a son maximum dans la Seine et les départe- 
ments voisins, ne serait-ce pas gràce à la présence 
de Paris? 

En étudiant la carte des suicides des départe- 


D' RAOUL LEROY — L'ALCOOLISME DANS L'EURE AU XIX°‘ SIÈCLE 65 


ments par arrondissements, on voit que, dans l'Eure, 
l'arrondissement de Pont-Audemer est le plus 
envahi par le fléau. Or, cette région est celle où le 
mal alcoolique atteint son maximum d'intensité. 

Pour nous, nous considérons l'alcoolisme comme 
le facteur le plus important des suicides et nous 
ne craignons pas d'être démenti par nos confrères 
aliénistes en disant que les suicides des alcoo- 
liques sont d'une extrême fréquence, soit qu'ef- 
frayés par une hallucination terrifiante, ils croient 
échapper au danger en se jetant à l’eau ou en se 
précipitant d’une fenêtre, soit qu'ils se tuent à la 
suite de délires mélancoliques ou d'idées de persé- 
cution, si communes chez ces malades !. De plus, 
les habitudes d'ivrognerie agissent d'une facon 
très puissante sur l'énergie morale qu'elles amoin- 
drissent. L'homme qui boit, déprimé peu à peu par 
le poison, diminué dans sa volonté, s’exagère les 
difficultés de l'existence, se croit incapable de les 
surmonter et préfère en finir avec la vie. 

Le département de l'Eure donne la preuve écla- 
tante de l'influence de l’intempérance sur le déve- 
loppement du suicide. La progression des suicides 
y est parallèle à la progression de la consomma- 
lion alcoolique (fig. 4). 

Pour bien se rendre compte de la gravité du 
mal, il est bon de chercher le rapport des suicides 
avec la population, et de le comparer à la moyenne 


de la France : 
PROPORTION ANNUELLE 
sur 100.000 habitants 


PÉRIODES QUINQUENNALES Eure France 
Ho CU RES SRE 9 8 
RE TITRE SERRE 9 d 
1446-1850.../.1: .1.7 12 10 
1892-1855 121. -, - | D IQÉOAS 12 10,50 
42856-18600 2. . ts ÀE 16 il 
ADAM Ne nette 18 12 
ABDE=LSTDE Tr. NE Me 20 13 
ASTASLET ON PME re : 24 15 
AISÉE RNA 16 17 
ARS EE PE ENS 32 20 
ARSGASIDENS Ur EC. 40 21 
RES EICE SSSR . 46 22 


Que dire devant cette constatation ? Le total des 
suicides s'accroît chaque année dans des propor- 
tions effrayantes : il a doublé en cinquante ans, et 
dépasse aujourd'hui le double de la moyenne de la 
France. Cette marche ascendante a suivi pas à pas 
celle de l'alcool; elle s’est surtout accentuée à par- 


tir de 1877, suivant en cela le bond énorme de la : 


courbe éthylique. Le département de l'Eure, si 
pauvre en vies humaines, perd chaque année 150 
à 200 êtres enlevés par le suicide. Il y a là un fac- 
teur de dépopulation qui ne doit pas être oublié. 


* La Gazette des Tribunaux du 13 avril 1865 cite un 
exemple remarquable de suicide par suite d’alcoolisme dans 
une même famille. Les quatre frères Dufay étaient tous 
adonnés à l'ivrognerie la plus effrénée. L'ainé s'est jeté à 


© 


VIII. — L'ALCOOL ET LE SERVICE MILITAIRE. 


L'abus des boissons spiritueuses exerce une 
action désastreuse sur la constitution humaine. Il 
arrête le développement de l'organisme, et diminue 
la vigueur corporelle. Nos lois militaires ordonnant 
chaque année, en vue du contingent, l'examen phy- 
sique de tous les jeunes gens, il était utile de savoir 
s'il se dégageait quelque rapport constant entre le 
nombre des cas d’exemption et la marche de la 
consommation alcoolique. M. le sénateur Claude 
(des Vosges) relate ce fait que les départements 
de Meurthe-et-Moselle et des Vosges, renommés 
pour la validité de leurs recrues, ont accusé un 
chiffre de réformes considérable du jour où ces 
contrées, jadis sobres, se sont livrées à l'intempé- 
rance. M. Guillemet remarque, de son côté, que le 
département de la Seine-Inférieure, où il y avait, en 
1873, 405 exemptés pour 6.604 inscrits, soit 6 °/,, 
comptait, en 1893, 1.680 exemptés pour 6.796 ins- 
crils, soit 27 °/,. 

Dans l'Eure, on n'observe pas la même progres- 
sion. Le tolal des cas de réforme est singulièrement 
variable d'année en année, et la chose se comprend 
facilement si l'on considère que les Commissions 
se montrent plus ou moins sévères selon les ins- 
tructions du Ministre el les appréciations indivi- 
duelles des médecins militaires. 

Afin de se rendre compte plus exactement de la 
valeur physique de chaque classe, il est préférable 
de négliger le nombre des jeunes gens ajournés, 
réformés ou placés dans l’armée auxiliaire, pour 
s'occuper uniquement du chiffre des hommes recon- 
nus propres au service. On s'approche mieux ainsi 
de la vérité. 

Le résultat obtenu indique que le pourcentage 
des hommes bons à être incorporés est moins élevé 
aujourd'hui qu'il y a vingt-cinq ans. 


RERO RE) OS ET 70 LL PE 73 °/o 
ASSOSTSSAR EN RER Le Te. 71 
L885-A8SI PRE NU Ue 12 
LCTBICEE MONS y CESSE Te 69 
1895-1899. AVENANT US 64 


Cette diminution, surtout appréciable pour les 
cinq dernières années, donne la preuve de la dé- 
chéance imputable à l'alcoolisme des procréateurs. 


IX. — L'ALCOOL ET L'ALIÉNATION. 


L’aliénation mentale a suivi, au xIx° siècle, un 
mouvement ascensionnel inquiétant. Les asiles 
sont partout encombrés, de nouveaux éfablisse- 
ments s'ouvrent aussitôt complets, et les départe- 


l'eau, le second s'est pendu, le troisième s'est coupé la 
gorge, et le quatrième s’est jeté d'une fenêtre. 


ments voient leurs budgets obérés par ces charges. 
Une des causes de l'augmentation du nombre des 
fous hospitalisés réside dans. la plus grande facilité | 
de l'internement. Le législateur a voulu, dans un | 
but de sécurité publique, retirer de la société les 
aliénés qu'on laissait autrefois en liberté, afin de 
les guérir ou tout au moins les metlre dans l'im- 
possibilité de nuire. Des efforts inouïs ont été faits 
dans ce sens, et ce n’est pas un des moindres litres 
du xix° siècle à la reconnaissance des générations 
futures. 


D' RAOUL LEROY — L'ALCOOLISME DANS L'EURE AU XIX° SIÈCLE 


Une autre raison, attristante celle-là, est l’ac- 


L'intoxication ne se contente pas de frapper le 
buveur dans sa personne; elle le poursuit encore | 
dans ses enfants, pendant la suite des générations. 
Les idiots, les imbéciles, les hystériques, les épilep- 
tiques, les dégénérés se retrouvent en grande partie 
parmi les descendants d’alcooliques. Déjà Hippo- 
crate avait remarqué que les enfants conçus pen- 
dant l'ivresse étaient menacés des troubles phy- 
siques et psychiques les plus graves. Darwin admet » 
que les enfants héritent jusqu’à la troisième géné- \ 
ration des maladies engendrées par l'ivrognerie. 
Morel, Marcé, Roesch, Friedrich, etc., arrivent aux 


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Fig. 5. — Marche de la consommation de l'alcool, de la population et de l'aliénation mentale dans l'Eure, depuis 1827. 


croissement des aliénés par suite des progrès de 
l'alcoolisme. Tous les travaux contemporains ont 
montré l'étroite corrélation existant entre le déve- 
loppement de la consommation éthylique d'une 
contrée et la marche de la folie. L'alcool agit sur 
l'économie à la facon des toxiques qui imprègnent 
l'organisme tout entier, et y créent un état patho- 
logique général. Il n’est pas, toutefois, de système 
organique plus fréquemment atteint que le système 
nerveux,et plus spécialement le cerveau. La cellule 
cérébrale présente une susceptibilité particulière 
vis-à-vis du poison alcoolique, surtout chez les 
prédisposés : l'ivresse n'est-elle pas une courte 
folie ? L'homme qui se livre chaque jour à l'intem- 
pérance arrive Lôt ou tard, selon son degré d’éner- 
gie physique, au délire ou à la démence. 


mêmes conclusions. Plus près de nous, M. le 
D° Legrain s'est livré, à ce sujet, à une série de 
recherches fort instructives. Il a étudié 215 familles, 
de buveurs, et en a observé la descendance jusqu'à" 
la troisième génération. Le nombre d'individus nés 
de ces familles a été, pour les trois générations, de 
814, sur lesquels 174 ont succombé prématurément. 
Sur les 640 restants, une centaine seulement ont 
joui d'un état physique et mental satisfaisant ; les. 
autres ont donné lieu aux constatations suivantes 2 


élaient atteints de perversion morale, 
avaient eu des convulsions infantiles, 

ont présenté de l'hystérie ou de l'épilepsie, 
étaient des aliénés. 


62 
173 
131 


145 


Étant donné celte influence de l'alcoolisme sur 
la folie, il n’est pas étonnant que le département, 


D° RAOUL LEROY — L'ALCOOLISME DANS L'EURE AU XIX° SIÈCLE 


657 


de l'Eure présente un accroissement continu des 
cas d’aliénation. Il suffit, pour s'en convaincre, de 
jeter les yeux sur la figure 5, où nous avons mis en 
parallèle l'alcool, la population, le total des ma- 
lades et le chiffre des admissions annuelles, On y 
voit que la courbe de l'aliénation suit une marche 
’ ascensionnelle, absolument régulière dans son en- 
“semble, tandis que celle de la population baisse 
. progressivement. 
Ces documents nous permettent de nous rendre 
- compte du rapport du nombre des fous à celui des 
habitants : 


mu 1841-1850. 40 aliénés en traitement par 100.000 hab. 
1851-1860. 63 en Le 
1861-1870. 110 — — 


m… 1571-1880. 142 — _ 

…._ 1551-1890. 180 = = 

m… 1591-1898. 199 —— — 

A 4 

…_ Au point de vue du chiffre des admissions an- 

f nuelles, la proportion est celle-ci :° 

D 1851-1860. . . . . 1% admissions par 100.000 hab. 
1861-1870. . . . . * 23 — = 
1871-1880... 31 — 
1881-1890. . . . . 32 — — 
ASOIS 1898 0e 39 — = 


L'augmentation du nombre des aliénés est due, 
“sans aucun doule, à l'alcoolisme. La statistique 
montre, en effet, que le chiffre des vésanies pro- 
QU dites a plutôt tendance à diminuer, tandis 
pue celui des alcooliques et des dégénérés de 

“toute nalure se multiplie dans des proportions 

effrayantes. La physionomie de l'Asile d'Évreux a 

complètement changé depuis vingt- ne ans. Les 
agités, les grands délirants ont pour la plupart 
“disparu, remplacés par des débiles. La moyenne 
de l'intelligence des malades qui entrent chaque 
“année diminue de plus en plus. Nous avions fait 
“également la même remarque dans notre étude sur 
| l'Asile de Quimper. 

…— D'où vient donc ce changement, celte accen- 
| fuation de la dégénérescence, alors qu'en internant 
les aliénés, en les empêchant de faire souche, on 
faisait la meilleure prophylaxie de l'aliénation ? 
Les travaux de Morel, de notre maitre M. le 
D° Magnan, et de nombre de ses élèves, nous l'ap- 
prennent avec surabondance de preuves. La raison 
de cette dégénérescence, c'est le fléau élhylique, 
qui, en intoxiquant les procréaleurs, multiplie le 
nombre de familles tarées, et abàätardit la race. 

Les renseignements que nous sommes à même 
de recueillir sur les antécédents héréditaires nous 
confirment chaque jour dans cette opinion. Sou- 
vent le malade compte un aliéné dans ses ascen- 
dants; plus souvent encore, peut-être, ses parents 
se livrent à des excès de boisson. L'hérédo-alcoo- 
lique a, pour ainsi dire, le délire en puissance. 


REVUE GÉNÉRALE DES SCIENCES, 1901, 


Son père a pu absorber de grandes quantités de 
boisson avant de succomber: lui, au contraire, né 
avec le goût des liqueurs fortes, délire à la moindre 
infraction aux règles de l'hygiène. C'est avec raison 
qu'on à pu dire que l'alcool était la pierre de 
touche du dégénéré; son intoxication se traduit 
par un véritable accès d’aliénalion, et cet accès 
n'est pas le délire alcoolique (il n’a pas le lemps 
d'y arriver), c'est une des formes complexes sous 
lesquelles se révèle le délire des prédisposés. 

Le rapport si documenté de M. le sénateur Claude, 
des Vosges, donne, pour la proportion d'alcoolisés 
traités à l’Asile départemental de l'Eure, les chiffres 
de 28 °/, des admissions annuelles chez les hommes, 
et de 7 °/, chez les femmes, et cela pour la période 
1871-1885. 

Depuis 1885, le nombre des admissions alcoo- 
liques oscille autour de 30 °/, pour les hommes, et 
8 °/, pour les femmes. Beaucoup de ces malades 
sont internés à la suite d'un examen médico-légal 
qui les a reconnus irresponsables de l'acte criminel 
commis par eux. Nous comprenons dans ce chiffre 
de 30 °/, les alcooliques purs et les dégénérés 
alcoolisés, ceux-ci étant beaucoup plus nombreux 
que ceux-là. 

Quant à la question si intéressante du rapport de 
la paralysie générale et de l'alcoolisme, 
peut-être pas inutile de noter ce fail que le nombre 
des paralytiques généraux est reslé à peu près 
stationnaire depuis l'ouverture de l’Asile, et qu'il 
n'a nullement suivi la progression de la consom- 
mation alcoolique. 

En 1899, sur 108 aliénés de l'Eure entrés pour la 
première fois, il existait 11 paralytiques généraux, 
soit près de 10 °/,. En 1895, ce rapport était de 
12 pour 120, soit 10 °/,. Les chiffres des années 
précédentes donnent sensiblement la même pro- 
portion. 


il n'est 


X. — CONSÉQUENCES FINANCIÈRES. 


« Si vous avez l'illusion que nous ävons épuisé 
la liste de nos misères, hälez-vous de la perdre.Tout 
se tient dans une société, les intérêts comme les 
citoyens, et nous serions trop heureux si, après avoir 
payé à la folie, au crime et à la décrépilude d'aussi 
lourdes dimes, nous avions au moins la consolation 
de sauver le numéraire. Croyez-vous que ce soit 
impunément pour les deniers publics que nous 
tenons enfermés des milliers d’aliénés alcooliques 
ou fils d’alcooliques, que nous gardons sous clef les 
milliers de malfaiteurs que nous devons à l'alcool, 
que nous hospitalisons les infirmes, les épileptiques 
et les idiots ? Croyez-vous que le chômage du lundi 
de paresse, que le repos forcé dû à la maladie n’ont 
pas de répereussion du côté de la bourse des con- 

14° 


658 


D' RAOUL LEROY — L'ALCOOLISME DANS L'EURE AU XIX:° SIÈCLE 1 


tribuables? Quand les bras chôment, l'estomac ne 
chôme pas; il faut nourrir les affamés sans pain, il 
faut réchauffer les petits qui grelottent quand le 
père se tue au cabaret. Où l’Assistance publique 
puise-t-elle ses ressources? Qui fera le décompte 
de l'argent gàché pour la seule satisfaction d'impul- 
sions maladives, de passions grossières, de jouis- 
sances malsaines ou de préjugés néfastes? Il serait 
temps de dire bien haut où va l'argent‘. » (Legrain.) 

M.Rochard” a essayé d'évaluer, pour l’année 1881, 
les dépenses occasionnées en France par l'alcool. 
Il estime le prix de l'eau-de-vie consommée à 90 mil- 
lions, le coût des journées de travail perdues à 
960 millions, les frais de traitement pour maladie à 
10 millions, les frais d’internement des aliénés à 
3 millions, les frais de répression pour les crimes à 
9 millions, etle coût des suicides el des morts acci- 
dentelles à 5 millions. C'est un total de 1 milliard 
138 millions, et cette somme colossale est considé- 
rablement dépassée aujourd’hui, puisque limpôt 
sur les spiritueux à produit à lui seul 256 millions 
en 1894. 

Si le même travail était fait pour le département 
de l'Eure, on serait probablement effrayé du résul- 
tat. Sans traiter à fond cette question, nous pou- 
vons tout au moins donner quelques renseigne- 
ments. 

Le budget départemental est de plus en plus 
obéré chaque année par les dépenses d’assistance 
publique. Depuis cinquante ans, les frais occa- 
sionnés par le traitement des aliénés indigents ont 
triplé, alors que la construction d’un asile aurait 
dû, l'installation une fois payée, diminuer les 
charges des contribuables. En 1850, la somme con- 
sacrée à ce service était de 86.000 francs, y compris 
la contribution des communes et des familles; 
en 1860, elle s'élevait à 134.000. Voici la progres- 
sion depuis l'ouverture de l’Asile d'Évreux : 


AGIT et als e chere ee  HIO2 0UDMITANCSS 
LORS eee DDDESE ES 
ABB ANNE UE ER MA Tone 251.000  — 
A SOON LD We ee 259.000  — 
RON PC le EME 267.000  — 


Le service des enfants assistés, comprenant les 
enfants trouvés et ceux moralement abandonnés, a 
nécessité la même progression de dépenses, pro- 
gression portant principalement sur ces derniers. 
La loi du 24 juillet 1889 a voulu retirer aux parents 
indignes les malheureux enfants qui, livrés à eux- 
mêmes et poussés au vice par les mauvais exemples, 
élaient voués, falalement, à l'ignorance, au vaga- 


! Cité par M. Guinceuer, dans le Rapport sur le monopole 
de la rectification de l'alcool, Journal officiel, 1897. Annexe 
n° 2.212. 

? Rocuarp : L'alcool, son rôle dans les sociétés modernes, 


dans la Aevue des Deux Mondes, 15 avril 1886, 


bondage, au vol, à la prostitution, etc. Cette loi, 
essentiellement humanitaire et de préservation so- 
ciale, est appelée à retirer de l’armée du crime, pour 
en faire des travailleurs et des honnêtes gens, 
quantité d'infortunés qui auraient été corrompus | 
par l'influence du milieu. Ce sont les tribunaux qui 
prononcent la déchéance paternelle, et confient les 
droits de garde et de tutelle des enfants à l'Assis= M 
tance publique. 

Il faut lire les considérants des jugements pour 
se rendre compte du rôle immense de l'alcoolisme 
dans l'indignité des parents. Partout ou presque 
partout c’est la même histoire lamentable : «le père 
ou la mère se livrent à l’ivrognerie la plus effrérée, 
et sont d’une inconduite notoire ». 

De 1850 à 4899, les tribunaux du département de 
l'Eure ont rendu 283 jugements de déchéance 
paternelle, sur lesquels 226 ont eu pour cause pri- 
mordiale l’intempérance scandaleuse des parents. 
Étant donné les mœurs du pays, on ne saurait 
s'étonner que le nombre des pupilles de l’Assis- 
tance s’accroisse chaque année. 

Il était de 186 en 1890, il s'approche de 700 
en 1899, et ce n’est pas se montrer grand pro- 
phète que de prévoir une constante augmentation. 

On se plaint journellement du poids des impôts, 
chacun répète à l’envi qu'on ne travaille plus « que“ 
pour le Gouvernement », que le Minotaure dévore 
tout, que le percepteur encaisse le fruit de tous les 
labeurs. Que dirait le contribuable si on venait lui è 
prouver que cet argent des impôts directs, versé \ 
avec tant d’amertume, est moins considérable que 
celui donné volontairement à l'État pour Re 

: 


ses habitudes malsaines et ses vices? La chose est 
facile à faire, tout au moins pour l'habitant du 
département de l'Eure. Il suffit de relever, pour 
chaque année, le produit des impôts directs et celui 
des contributions indirectes concernant seulement 
les boissons et le tabac. On y trouvera un rappro- 


chement intéressant. 
CONTRIBUTIONS INDIRECTES 


Années Impôts directs Boissons Tabac Total 
1819. . . .« 9.826.000 2.567.000 1.916.000 4.483.000 
LESAP EEE 9 405.000 2.921.000 1.949.000 4.870.000 
blocs 9.516.000 5.474.000 4.305.000 9.780.000) 
1890... . 9 820.000 5.897.000 4.108.000 9.905.000 
189%. , . . 8.878.000 6.260.000  #4.022.000 10.282.000 
1895... . . 9.036.000 5.143.000 3.924.000 9.067.000 
1898. « « « 9.163.000 6.199.000 4.005.000 10.204.000: 


Ainsi, depuis 1895, les habitants de l'Eure paient 
plus en contributions indirectes (alcool et tabac seu= 
lement) qu'en impôts directs, et, pour l’année 1898, 
la différence est d'un million. 

Le rendement des boissons est passé de 
2.500.000 francs en 1879, à 6.200.000 en 1898, Cette 
progression mérite d'autant plus d'être signalée 


que nous sommes ici dans un pays contenanb 


ANDRÉ BLONDEL — L'INSCRIPTION DIRECTE DES COURANTS ÉLECTRIQUES VARIABLES 639 


25.000 bouilleurs de cru, et où, par conséquent, la 
plus grande partie de l'eau-de-vie consommée 
échappe au fisc. 


XI. — ConcLusIoNs. 


Queile conclusion tirer de cette étude? L'’alcoo- 
 lisme est un mal qui anéantit les forces vives d'une 

- nation. Il tue l'individu et, avant de le tuer, le 
déprave et l’avilit. En accroissant par la voie héré- 
ditaire la foule des faibles d'esprit, des criminels et 
des aliénés, le poison contribue, pour une large 
part, à la déchéance de la race. Perte du capital 
humain par la multiplication des morts prématu- 

… _rées, perte du capital intellectuel par l’accentuation 
« de la dégénérescence, tel est le bilan de ce fléau. 
« L'alcool, a dit Gladstone, fait de nos jours plus 
de ravages que les trois maux historiques : la 
famine, la peste et la guerre. Plus que la famine et 

… la peste, il décime; plus que la guerre, il tue ; — il 
« fait plus, il déshonore. » Un peuple n'est puissant 
- que par le nombre et la vigueur physique ou 


morale de ses enfants. L'alcoolisme nous pousse 
donc peu à peu vers la décadence, par la soustraction 
incessante de forces sociales. 

Entre toutes les régions de la France, la Nor: 
mandie est menacée de ce péril. Sa populalion dimi- 
nue tandis que monte le flot des criminels et des 
fous. Cette contrée, au climat tempéré, à la terre 
fertile, voit chaque année un grand nombre de ses 
enfants emportés par la maladie du suicide, mala- 
die dont ils ne soupconnent pas la cause. Après 
bien d’autres, nous venons signaler le danger dans 
ce pays qui nous est cher à plus d’un titre. La saine 
raison du Normand saura terrasser ce fléau, d’au- 
tant plus à craindre qu'il semble inaperçu. Elle le 
retiendra sur la pente qui l’entraine. Nous sommes 
ici en présence d'un fonds si fécond de volonté 
forte, de calcul patient et de ressources matérielles. 
qu'on peut espérer de cette riche province unintel- 
ligent et courageux effort de relèvement". 


D' Raoul Leroy, 


Médecin-adjoint de l'Asile des Aliénés d'Evreux. 


| L'INSCRIPTION DIRECTE 
DES COURANTS ÉLECTRIQUES VARIABLES 


; DEUXIÈME PARTIE : APPLICATIONS DES OSCILLOGRAPHES 
" A L'ÉTUDE DE L'ARC ÉLECTRIQUE 


Les applications des oscillographes sont dès 
“maintenant presque indéfinies, tant dans le Labo- 
f ratoire que dans l'Industrie, pour l'étude de tous 
“les phénomènes des courants alternatifs ou va- 
riables, de rapidité modérée. L'auteur a publié déjà 
plusieurs travaux de ce genre, et, à l'Étranger, di- 
«vers physiciens! ont également employé les oscil- 
… lographes avec succès. 

“ Comme exemple particulièrement intéressant de 
ces applications, je reproduirai ici d’abord quelques 
courbes relatives à un phénomène plus complexe 
“qu'il ne le parait, celui de l’arc électrique à cou- 
rants alternatifs; j'avais fait connaitre déjà les 
principales propriétés de cet arc dans de précé- 
dents mémoires?, et l'oscillographe m a donné des 
vérifications très satisfaisantes. Cet appareil a per- 
mis de relever en quelques jours des courbes 
qu'il m'avait fallu jadis plusieurs mois pour obte- 


> 


1 Il convient de citer en particulier MM. Hotchkiss et 
Millis, Mac Kittrick, Duddell et Marchant. 

? La Eumière électrique, 19 décembre 1891 et G sep- 
tembre 4893, complétée, au sujet du décalage, dans l'Z1- 
dustrie électrique, 1895, p. 329. 


nir moins parfaitement à l'aide de la méthode du : 
contactinstantané (dont l'invention remonte à M.Jou- 
bert). 

Je signalerai ensuite les curieux effets relatifs à 
l'arc entre métaux et charbons, encore peu connu. 
Enfin je compléterai cette série d'exemples par une 
autre étude, encore inédite, sur l’are pulsatoire etles 
conséquences qui s’en déduisent pour la théorie de 
la stabilité de l’arc continu. 


I. — L'ARC ALTERNATIF ENTRE CHARBONS. 


Les photolypes ci-joints (fig. 1 à 49), qui consti- 
tuent la première publication d'oscillographie 
double qui ait été faite ?, donnent les courbes de 


4 La place forcément restreinte dont nous disposions ne 
nous à pas permis d'aborder quelques questions acces- 
soires; les personnes que le sujet intéresse les trouveront 
exposées dans le Bulletin de la Société libre de l'Eure. 

? Ces relevés photographiques ont été exécutés il y a 
deux ans, sous ma direction, par mes assistants d'alors, 
MM. Dobkévitch, Tchernosvitoff, Duris et Farmer, à qui je 
tiens à exprimer ici tous mes remerciements pour leur 
habile et dévoué concours. (Travail exécuté au Laboratoire 
central d'EÉlectricité.) 


660 ANDRÉ BLONDEL 


l'intensité du courant dans l’are entre charbons et 
de la différence de potentiel entre les pointes des 
crayons dans leurs phases relatives. Ces courbes 
sont rapportées à un même axe des temps, lracé 
par l'appareil. 

Le courant était fourni par le réseau du Secteur 
de la Rive gauche, qui jouait le rôle d'une source 
allernalive à 110 volts efficaces et à 42 périodes 
par seconde, de résistance et de self-inductance 


Fig. 


Fig. 1. Courbe du Secteur de la Rive gauche. — Fig. 2 à 


U, différences de potentiel entre pointes; I, intensités. Le table: 


négligeables. La figure { montre la force électro- 
motrice de ce secteur (inscrite à une échelle plus 
réduite que les courbes suivantes), et le courant 
obtenu sur un circuit inductif sans arc (le décalage 
est sensiblement de un quart de période). On met- 
tait en dérivation sur ce réseau une lampe à arc à 
main, à charbons très courts (pour diminuer leur 
résistance), en série soit avec une résislance morte, 
soit avec une bobine de self-induction, suffisante 
pour réduire, dans les deux cas, l'intensité du cou- 
rant à une valeur voisine de 10 ampères. Les 


Fig. 


y 


L'INSCRIPTION DIRECTE DES COURANTS ÉLECTRIQUES VARIABLES 


lijures 1 à 19 sont une reproduction héliogra- 
phique directe des courbes ainsi oblenues. Les 
lettres E, U, 1, ajoutées au burin -sur les clichés, 
désignent respeciivement les courbes de force élec- 
tromotrice, de différence de potentiel entre pointes 
et d'intensité de courant. On doit les lire de gauche 
à droite (sauf la figure 19 où le sens a été inversé), 
l'axe horizontal étant celui des temps croissants 
dans cette direction. 


Courbes de l'arc alternatif entre charbons. — E, f. 6. m; 
iu | iudique les caractéristiques de chacune de ces courbes. 


Le tableau I (page 662) résume les condilions de 
production de l’are : ualure des crayons, diamètre, 
écart des pointes, voltage entre pointes et inten- 
sité de courant relevés à l'aide d'appareils de 


mesure Calorifiques !. 


‘ Les chiffres de force électromotrice, tension, intensité, 
ont été relevés à l'aide des appareils susdits, et non déduits 
des courbes. Les échelles de celles-ci ont varié suivaut les 
expériences, d'après le groupement des bobines des oscillo- 
graphes. 

Les arcs 15* et 16* ont été produits entre, des charbons 


ANDRÉ BLONDEL — L'INSCRIPTION DIRECTE 


DES COURANTS ÉLECTRIQUES VARIABLES  G61 


Ces expériences, ainsi condensées sous une forme 
succincle, permettent aisément d'établir les pro- 
priétés principales suivantes : 

Le phénomène de l'arc alternatif peut être extré- 
différent suivant et 
donne lieu à une infinie variélé de courbes (dont 
celles qui sont reproduiles ici sont seulement des 


mement les circonstances, 


échantillons caractéristiques). Mais, en définitive, 
les facteurs essentiels sont la 2a{ure des charhons 
(homogènes, ou à mèche) et la nature di circuit 


qui les contient (inducltif, ou non induelif). 


Fig. 16. 


Fig. 10 à 18. — Courbes d2 l'arc alternatif entre charbons (suite). 


Fig. 17. 


deux types très différents de courbes caractéris- 
tiques des figures 2 et 6 respectivement, lesquelles 
S'interprètent aisément, comme je l'ai montré, par 
| les phénomènes de vaporisation et d’arrachement 
disruplif du carbone. Ce dernier effet est néces- 
saire pour rallumer l'arc à chaque changement de 
signe, et se traduil par un bec de la courbe de ten- 
sion U, sauf pour les arcs très courts (fig. 5); il ya 
aussi assez souvent, à la fin de chaque alternance, 
surtout lorsque l'arc est sifflant ou ronflant (fig. 2 


et 6), un second bec, qui disparait dans les arcs plus 


18 


Fig. 


— Les lettres ont la même signification que 


précédemment. Le tableau I indique les caractéristiques de chacune de ces courbes. 


En ce qui concerne les charbons, les seuls qui 
donnent lieu à un phénomène parfaitement défini, 
que nous appellerons l'arc normal, sont les char- 
bons homogènes purs, contenant très peu de sels 
minéraux (fig. 2 à 7 inclus); les charbons à mèche 
ne donnent qu'un phénomène modifié ou bâtard. 

1° Charbons homogènes. Pour les charbons 
homogènes, l'influence de la nature du circuit est 
des plus nettes; en effet, suivant que le circuit est 
non inductif ou fortement induclif, on obtient les 


de nature différente, pour faire apparaître une dissymétrie 
marquée entre les deux alternances d'une période. 


silencieux, ou quand on diminue l'écart des char- 


J, 


bons (fig. 4 et 5), ou enfin quand on ajoute une 


àme légèrement saline (fig. 3). La grande différence 


| 

| entre les circuits non inductifs et les circuits 
inductifs, c'est que, dans les seconds, le retard du 
courant sur la force électromotrice, produit par 
l'effet ordinaire de la self-induction, permet à la 
tension de reprendre très rapidement, après chaque 
changement de signe, une valeur suffisante pour 
rallumer l’arc en sens inverse ; fandis que, dans les 
circuits non induclifs, et surtout si l’are siffle, la 


! Lumière électrique (loc. cit.). 


662 


différence de potentiel aux bornes suit, pendant 
l'extinction, la courbe arrondie de la force électro- | 


19. — Courbe de l'arc 


Fig. 
alternatif criardentre char- 
bons homogènes durs en 

circuit uon inductife 


motrice de la source sur 
une certaine longueur, 
comme le montre par 
exemple la figure 19*. 
2 Charbons à äme. 
— L'addition d’une âme 
ou mèche, formée de 
poudre de charbon mé- 
langée à des silicates ou 


substances analogues, 
change complètement 


les conditions de fonc- 
tionnement, par la pro- 
duction dans l'arc de va- 
peurs salines conduc- 
trices, qui entretiennent 
une conduclibilité arti- 


ficielle. Celle-ci tend à 


‘ramener toutes les courbes à la forme simplement 
sinusoïdale, ou arrondie (fig. 13, 14, 17), comme si 
l'arc n’était qu'une résistance morte; les charbons 


ANDRÉ BLONDEL — L'INSCRIPTION DIRECTE DES COURANTS ÉLECTRIQUES VARIABLES 


tionnement, leurs courbes se rapprochent davan- 
tage soit de la sinusoïde (fig. 8, 13, 14, 17), soit 
au contraire des formes de l’arc normal (fig. 3, 9, 
10 MAP M6) 

La différence entre les formes de courant des 
circuits inductifs ou non induclifs reste assez 
caractéristique. 

On voit qu'on peut assez bien classer, d’après 
le simple son, les ares alternatifs en deux types, 
caractérisés par des formes de courbes différentes : 
l'arc silencieux, qui donne des courbes analogues 
à celle de la force éleciromotrice d'alimentation, et 
se comporte à peu près comme une simple résis- 
tance, qu'il y ait ou non addition de self-induction 
en dehors de l'arc dans le circuit; l’are sifflant où 
criard, caractérisé par des courbes de tension ai- 
guës, avec où sans zéros prolongés de l'intensité, 
suivant qu'il y a ou non self-induction dans le 
circuit. 

L'annulation prolongée du courant ne se produit 
que sous des écarts très faibles, exceptionnelle- 
ment 2? ou 3 millimètres si l'arc jaillit sur les côtés; 
avec les écarts plus longs, il y a autour des char- 


TaBceau Ï. — Arcs à courants alternatifs entre deux charbons. 
à = ORCE TENSIOX | INTEN- 
; PSE pe a Éntretes eine è , 
NUMÉROS a électro- | pointes du NATURE OBSERVATIONS 
NATURE DES CHARBONS en de l'arc à des courant ° % 
des figures Fo] _ motrice crayons en du circuit sur le bruit de l'arc 
millim. | millim. | en volts | en volts | ampères 
DITS UE des Homogènes. 10 LAS 32,2 24,2 | Non inductif. Ronflant. 
3. . « . . .| À mèche, haut voltage. 10 10,4 443,25! 50 18,5 — Silencieux. 
4, . . . . .|  Homogènes durs. 10 0,6 113 24,2 24 — Sifflant. 
ÉLIRE = 10 0,5 113 20 3 — — 
mette — 10 DA5 112 35 26 Inductif. Ronflant. 
TOC CEE — 10 1 115 21 9,4 — Sifflant. 
8. . . . . .| À mèche, haut voltage. 10 4 116 38 9,2 | Non inductif. Criard. 
129: .|A mèche, moyen voltage. 10 9 115 3 8,8 — Légèrement ronflant. 
| 10. . . . . .| À mèche, haut voltage. 10 10,5 115 39 8,2 Inductif. Silencieux. 
11. . . . . . |A mèche, moyen voltage. 10 13 113,5 34,0 1) — Ronflant. 
12, — 10 3 115 38 10,2 — Criard. 
13. è A mèche, bas voltage. 10 ET 116,5 3225 8,9 — Ronflant., 
14. k — 10 A 116,5 26,5 9 Non inductif. — 
[45* . . . . .| A mèche, haut voltage, et 
| homogène tendre. 10 2,4 11225 36,25 8,9 — Légèrement criard. 
| 46* .|A mèche, bas voltage, et 
homogène dur. 10 4,7 112,5 40 13 Inductif. Silencieux. 
OS A mèche, haut voltage 10 6,5 113 13 8,1 | Non inductif. — 
18. - — 10 13,3 114,5 53 16 — Ronflant, 
19. Homogènes durs. 10 2,1 113 36 8,9 — Criard. 


à mèche n'ont donc que peu d'intérêt pour le phy- 
sicien. Du reste, suivant qu'ils contiennent plus 
ou moins de matières salines?, ou même que la 
mèche s’est plus ou moins vidée en cours de fonc- 


Le sifflement de l'arc produit par excès de densité de 
courant peut faire réapparaître quelquefois le trait hori- 
zontal dans un arc sur circuit inductif; mais c'est un cas 
assez rare pour qu'on puisse regarder ce zéro prolongé 
comme spécial au circuit non inductif, 

? Cette dernière circonstance rend souvent illusoire la clas- 
sification des charbons en «haut, bas et moyen voltage ». 


bons une colonne de gaz chauds qui offre un pas- 
sage conducteur continu, a fortiori s’il y a dans le 
charbon une mèche qui produit une atmosphère 
saline. 

Le rapport de la puissance vraie consommée 
dans l'arc (mesurée au wattmètre) à la puissance 
apparente (produit des volts par les ampères aux 
bornes de la lampe, déduction faite de sa bobine 
régulatrice) porte, comme on le sait, le nom de 
facteur de puissance. On peut en étudier directe- 


cé 


= * ir nf. mis de tué unes ét. cm mc à on | =. 


; 
+ 


ANDRÉ BLONDEL — L'INSCRIPTION DIRECTE DES COURANTS ÉLECTRIQUES VARIABLES 


663 


ment la valeur sur les courbes en calculant le 
rapport : 
Ordonnée moyenne volts X Ordonnée moyenne ampères. 


Produit moyen des ordonnées volts et ampères de mème 
abscisse. 


Ce rapport, toujours voisin de l’unité pour les 
courbes arrondies de l'arc silencieux, s’abaisse 
au-dessous de 0,70 pour les ares sifflants sur 
circuit non inductif, par l'effet de l'annulation pro- 
longée du courant pendant que les ordonnées de 
la tension atteignent leur maximum ; l’inductance 
des circuits inductifs réduit cette durée du zéro et 
améliore par conséquent le facteur de puissance. 
Ainsi s'explique, comme je l’ai montré il y a dix 
ans !, le fait que l'addition d’un arc sur un circuit 


de ces courbes‘, un électricien canadien fort dis- 
tingué, M. Duddell, a présenté avec M. Marchant, à 
l'Institut anglais des Ingénieurs électriciens, un 
travail analogue, contenant un nombre de courbes 
encore plus considérable, obtenues avec un oscillo- 
graphe bifilaire et confirmant complètement mes 
déduclions antérieures * 


II. — L'ARC ALTERNATIF ENTRE MÉTAUX 
ET CHARBONS 


M. Sahulka” et M. von Lang‘ ont montré, res- 
pectivement pour le fer et pour l'aluminium, qu'un 
are produit entre une électrode de métal et une 
électrode de charbon, par une force électromotrice 


… alternatif semble produire un décalage du courant. ! alternative, semble être le siège d’un courant con- 


Tagceau Il. — Arcs à courants alternatifs entre charbon et métal, 


=— 


NATURE DES ÉLECTRODES PER TENSION 


NUMÉROS 


ERA NATURE Tr ; CARACTÈRE DU SON 
du courant NATURE PE D'ARC 


des figures 


PR. 


Charbon 


Métal 


des 
électrodes 
en 
millimètres 


aux bornes 


en volts. 


en 
ampères 


du circuit 


alternatif 


qui accompagne le phé- 
k Il 


nomène 


Cuivre. 


Homogène. 
Homogène. 
A âme. 


Homogène. 


A âme. 


Aluminium. 


Fer. 


[-r] 


Mort. 
Induetif. 
Mixte. 
Inductif. 


Légèrement criard. | 
Criard. | 
Silencieux. 
Criard. 
Silencieux, 
Criard. 
Criard, période 
de trouble. 
Criard. 
Légèrement bruyant 
Criard. 


ETS 
CID 


Mixte. 
Inductif. 


12 
1 © 


Court. 
Long. 
— Court. 
Mixte. Long. 
Inductif. — 
Mort. 


En réalité, l'arc ne présente pas, même dans ce 
cas, de décalage notable, et c'est même là une 
preuve indirecte intéressante qu'il n'existe pas 
dans l'arc électrique de force contre-électromotrice 
de polarisation (comme l'avait cru Edlund) au sens 
ordinaire de ce mot?. 

_ La résistance au passage apparait en même 
temps que la vaporisation et représente le travail 
effectué dans celle-ci, mais elle se complique, au 
moment de l'allumage del’are, de la résistance du 
diélectrique, que l'échauffement rend peu à peu 
conducteur. D'autres courbes, publiées dans mon 
ancien Mémoire cité plus haut, ont permis de 
mettre en évidence les variations de la résistance 
de l'arc proprement dit, c'est-à-dire de la colonne 
gazeuse. 

Quelque temps après la première publication 


1 Soc. française de Physique, 1°" avril 1892; Lumière Elec- 
trique, 16 avril 1892, p. 136. 

# J'ai donné plus récemment une preuve directe de la 
même proposition. Voir Journal de Physique, 1896. 


linu (dénomination d’ailleurs fort impropre) dans 
le sens métal-charbon. La cause de cette apparence, 
déjà signalée par MM. Jamin et Manœuvrierÿ, a été 
élucidée en partie par MM. Eichberg et Kallir°. 
L'oscillographe m'a permis d'étudier plus complè- 
tement les conditions de production et la nature de 
cette dissymétrie” par le tracé exact des courbes 
périodiques, qui sont extrêmement variables et ne 
peuvent être saisies pour ainsi dire qu'au vol. 
Toutes les expériences ont été faites encore à 
l'aide du courant du Secteur de la Rive gauche, dont 
la tension, représentée à une échelle plus réduite 
par la courbe de la figure 20, était de 112 à 415 volts 


* Comptes rendus, 12 décembre 1898. 

? Institute of Electrical Engineers, février 1899, Ces 
auteurs ont traité également la question de l'arc entre 
métaux, dont je vais parler. 

# Sitzungsber. der Kaïiserl. Akad. der Wissenschaften, 
Vienne, t. CIII, p. 925, 1894. 

4 Wied. Ann., t. LXIII, n° 13, p. 191, 1897. 

5 Comptes rendus, t. XCV, p. 1615, 1892. 

5 Sitzunsgber. der K. Akad., Vienne; 31 mars 1898. 

7 Comptes rendus, 20 mars 1899. 


ANDRÉ BLONDEL — L'INSCRIPTION DIRECTE DES COURANTS ÉLECTRIQUES VARIABLES 


efficaces ; le tableau If indique pour chacune d'elles 
la nature des électrodes et du circuit, ainsi que 
les régimes observés à l’aide d'appareils de mesure 
calorifiques. 

Sur toutes les courbes, le Lemps est mesuré de 


gauche à droile; les alternances supérieures cor- 
respondent au sens du courant métal-charbon, 
sauf sur les courbes des figures 21,93, 25, 29 et 30, 
où c'est l'inverse qui a lieu. 

Ces tracés et les observations accessoires faites 


Fig. 20. 


tout dans le cas des longs ares. C'est pourquoi les 
charbons à mèche ont été employés de préférence, 
suivant l'exemple de MM. Eichberg et Kallir; ces 
crayons, d'après une remarque faite précédemment 
sur les arcs entre charbons, doivent donner dans 
les courbes de tension des becs moins pronontés, 
pour l’are charbon-métlal, que les charbons homo- 
gènes. 

De même, le cuivre étant le mélai qui se prête le 
mieux à l’obtention de phénomènes variés, a été 


Fig. 26. Fig. 28. 
Fig. 20 à 28. — Courbes de l'arc alternatif entre métaux et charbon. — Le tableau II indique les caractéristiques de 


chacune de ces courbes, 


au cours des mesures conduisent aux conclusions 
suivantes : 

Tous les métaux employés comme électrode en 
présence d’une autre électrode en charbon donnent 
lieu aux mêmes phénomènes et ne présentent de 
différences qu'au point de vue quantitatif. Les effets 
que l’on va décrire se produisent aussi bien, que 
l’électrode en charbon soit homogène ou munie 
d'une âme contenant des silicates ; mais la présence 
de cette dernière facilite l'observation en donnant 
des régimes plus stables et plus persistants, sur- 


employé de préférence et constitue le sujet des plus 
nombreuses figures dans celte série. 

Toute électrode de métal, associée à une élec- 
trode de charbon, sur un circuit à courants alter- 
natifs, donne lieu à deux types d’arcs différents, 
qu'on peut appeler l'arc court et l'arc long. 

1° L’arc court est celui qu'on réalise sous de fai- 
bles écarts des électrodes ; il peut être entretenu 
avec une stabilité d'autant plus satisfaisante que 
l'écart entre électrodes est plus court; il ne faut 
pas, en général, dépasser 1 millimètre avec un 


ANDRÉ BLONDEL — L'INSCRIPTION DIRECTE 


665 


DES COURANTS ÉLECTRIQUES VARIABLES 


charbon à mèche; les tensions efficaces correspon- 
dantes sont inférieures à 25 volts pour le cuivre-et 
l'aluminium (fig. 24 et 29), et peuvent atteindre 
jusqu'à 30 volts pour le fer {fig. 31). 

L'inlensité du courant peut être abaissée au- 
dessous de 10 ampères pour le cuivre (fig. 25 et 
26), tandis que, pour le fer, on ne peut marcher 
facilement avec moins de 30 ampères (fig. 31). 

Les courbes périodiques sont analogues à celles 
des ares entre charbons, avec cependant une dissy- 
métrie plus ou moins accusée entre les alternances 
succéssives. Cette dissymétrie, faible sur cireuit 


l'arc long au vol, pour ainsi dire. Avec l'alumi- 
nium, cest pire encore, parce l'électrode 
s'oxyde, se recouvre lrès vite d'une couche d’alu- 


que 


mine qui amène promptement l'extinction; il faut 
ensuite nettoyer le métal avant de pouvoir rallumer 
l'arc. Avec le fer, on peut, au contraire, maïntenir 
longtemps le régime de l’are long, à la condition de 
disposer d'un vollage assez élevé (par exemple aux 
environs de 80 volts), et de faire passer un courant 
de 25 à 30 ampères. Le zinc se prête mal aux essais 


| parce qu'il entre trop facilement en fusion. 


Tous ces arcs ne se produisent bien qu'avec des 


Fig. 


32 
2, 


Fig. : 


Fig, 29 à 34 — Courbes de l'arc alternatif entre métaux et ck 
chacune de 


99 9: 


induclif avec le cuivre et l'aluminium (fig. 22, 2: 
25, 29), est plus prononcée dans les mêmes condi- 
tions pour le zinc et le fer (fig. 31). 


La nature du cireuit modifie la forme des courbes 


, 


exactement comme pour les ares entre charbons. 

Les figures 21 et 22 montrent, par exemple, la 
différence entre les deux cas typiques d'un are sur 
circuit non inductif et d'un arc sur cireuit induelif. 

2 L'arc long se produit plus ou moins nette- 
ment dès qu'on augmente l'écart. Il est caractérisé 
par un son vibraloire criard. Il est assez difficile à 
maintenir d'une façon stable, car il y une sorte de 
flottement de régime entre l'arc long et l’are court. 
Avec le cuivre, il faut un courant d'intensité efti- 
cace de 14 à 15 ampères; mais les arcs tendent à 


Fig. 33. 


"+ fa 


30. Fig. 31. 


SN 


Fig 


1arbon (suite 
ces courbes. 


— Le tableau IT indique les caractéristiques de 


électrodes d'au moins 3 à 4 millimètres de diamètre, 
qu'on doit laisser d'abord se porter à l’incandes- 
cence par un contact prolongé avec l’électrode en 
charbon; il se forme alors à la pointe une goutte- 
lelte fondue d'où part l'arc dans le sens métal- 
charbon. Cette précaution est surtout nécessaire 
pour le fer. 

Ce qui caractérise l'arc long, c'est la suppression 
d'une alternance sur deux, l'arc ne s'allumant plus 
dans le sens charbon-métal. Il en résulte pour les 
courbes périodiques des formes caractéristiques 


qui diffè- 


oc 
Je 


très curieuses (fig. 26, 27, 28, 30, 32, 
rent peu d’un métal à l’autre. 
Dans le cas d’un circuit non inductif, le courant 


s'établit dans le sens métal-charbon à partir du bec 


revenir à l'arc court ou à s'éteindre; il faut saisir 


d'allumage de la tension; il s’annule quand celle-ci 


666 


ANDRÉ BLONDEL — L'INSCRIPTION DIRECTE DES COURANTS ÉLECTRIQUES VARIABLES 


s'abaisse au-dessous de la valeur normale. Le pas- 
sage du courant reste ensuite interrompu pendant 
une demi-période (fig. 34). Pendant celle-ci, il peut 
subsister un léger courant, dû sans doute à une 
conduction par les gaz chauds; mais, dans bien 
des cas, ce léger courant disparaît rigoureusement. 
Au moment de l'extinction, la courbe de la tension 
aux bornes rattrappe la courbe de la force électro- 
motrice du réseau, qui a déjà changé de signe,et la 


suit ensuite, jusqu'au moment où le rallumage se 


produit dans le même sens que précédemment. 

Si l'on alimente l’arc long en circuit inductif 
(fig. 27, 28, 30, 32, 33), l'apparence des courbes 
reste la même, avec cette seule différence que la 
durée d'extinction est augmentée d'autant plus que 
le circuit est plus inductif; par exemple, l'alternance 
charbon-métal (comprise entre deux zéros de la 
tension) se réduit, sur les figures 27 et 30, à 0,27 
de la période. 

On peut, je crois, expliquer assez facilement ces 
phénomènes de l'arc alternatif entre métaux de la 
manière suivante. D'abord il est très naturel que 
le courant soit plus intense dans le sens métal- 
charbon que dans le sens inverse, à cause de la 
moindre force électromotrice nécessaire pour la 
volatilisation du métal que pour la volatilisation 
du charbon. Mais il semble qu'il y ait contradiction 
entre cette propriété et la difficulté du rallumage 
de l'arc (après extinction très courte) dans ce même 
sens. Cette contradiction disparaît si l’on admet 
que le rallumage se produit par une étincelle dis- 


ruptive dirigée du pôle négatif vers le positif : il 


semble bien qu'il en est ainsi, car, en regardant 
l'arc au miroir tournant, on voit la lueur qui indi- 
que l'allumage partir d’abord du pôle négatif, puis 
se renforcer sur le pôle positif. On conçoit, dans ces 
conditions, que cette étincelle d'allumage jaillisse 
bien plus aisément de la surface du charbon main- 
tenue incandescente par la mauvaise conductibilité 
de ce corps, que de la surface de l’électrode néga- 
tive dont la conductibilité très grande abaisse rapi- 
dement la température pendant la durée de l’ex- 
tinction. On comprend, en outre, que l'arc reste 
bilatéral lant que l'écart est très faible, car l’élec- 
trode métallique est alors maintenue chaude par 
le voisinage de l’électrode en charbon. 

Enfin, lorsque l'écart est suffisant pour que l'arc 
devienne unilatéral, dans le sens charbon-métal, 
l'ensemble de ces courants interrompus, mais tou- 
jours de même sens, produit naturellement sur un 
galvanomètre une déviation de sens constant, 
comme dans un courant continu et correspondant 
à la moyenne des intensités variables. Mais on 
ne saurait en lirer aucun parti pour redresser 
le courant alternalif, car il manque une alter- 
nance sur deux, et ces courants interrompus si 


longtemps ne sembleraient susceptibles d'autre 
application, que la charge des accumulateurs si l’on 
pouvait donner quelque stabilité à ce régime. 

L'accroissement de l'alternance métal-charbon 
aux dépens de l’autre peut s'expliquer lui-même 
aisément par le retard qu'imprime la self-induc- 
tion au courant dès qu'il s’est établi, et qu'elle ne 
saurait produire dans le cas où le courant est nul. 

Il résulte de cette influence de la self-induction 
un autre effet intéressant et imprévu, que l’on cons- 
tate sur les arcs instables. 

Au moment où se fait le changement du régime 
d’are court, peu bruyant, au régime d'arc long, 
accompagné d'un son criard, et bien que l’une des 
alternances soit supprimée, on voit l’'ampèremètre 
calorique accuser un brusque accroissement de 
l'intensité moyenne efficace (\/ © moy.) du cou- 
rant, qui, pour le cuivre, passe, par exemple, de 
9 ampères à 20 ampères. 

Cette augmentation, qui n’a pas lieu sur circuit 
non inductif, provient tout simplement de ce que 
la prolongation des alternances métal-charbon per- 
met au courant de continuer à croître plus long- 
temps, de sorte que l’aire de la courbe des carrés 
des intensités pendant cette alternance est plus 
grande que la somme des aires correspondant aux 
deux alternances de l'arc court. 


III. — L'ARC PULSATOIRE ET LA STABILITÉ DE L'ARC 
A COURANT CONTINU. 


Une question fort intéressante, que soulève l'étude 
de l'arc électrique à courants continus, est celle de 
la stabilité du régime, c’est-à-dire du maintien 
d’une intensité de courant constante, sous un écart 
donné entre charbons. On a depuis longtemps 
remarqué que, si l’on maintient deux crayons de 
charbon à une distance invariable après avoir éta- 
bli l'arc entre eux, au moyen d'une batterie d'aceu- 
mulateurs à potentiel constant, cet arc s'éteint bien- 
tôt si l’on n'a soin d’ajouter en série dans le circuit 
une résistance assez importante, à laquelle on a 
donné le nom de résistance de slabilité\. Le rôle 
de cette résistance ést cependant en général fort 
mal compris, car on l’attribue à la nécessité de 
favoriser le réglage du mécanisme de la lampe, 
tandis qu'il s’agit d'un véritable phénomène phy- 
sique. L'auteur a donné, pour la première fois 
croit-il, la véritable explication de ce phénomène, 
il y a quelques années, en montrant que si, une fois 


‘ Dans ces derniers temps, on a pu supprimer la résis- 
tance de stabilité, dans les circuits de lampes à arc mon- 
tées par deux ou par trois, au moyen d'un artifice de cons- 
truction qui permet de prévenir l'extinction par rapproche- 
ment rapide des charbons. L'extinction d'un are sur potentiel 
constant est, en effet, un phénomène non pas instantané, 
mais relativement assez lent. 


»4 


ès 


El 


ANDRÉ BLONDEL — L'INSCRIPTION DIRECTE 


DES COURANTS ÉLECTRIQUES VARIABLES 6 


le régime permanent élabli, on fait varier très 
rapidement l'intensité du courant dans le circuit 
par un moyen extérieur queiconque, tout en main- 
tenant en même temps invariable la position des 
charbons, la tension aux bornes reste sensible- 
-ment constante, indépendamment de l'intensité 
variable du courant'.On peut exprimer ce fait d'ex- 
périence sous forme graphique en disant que la 
« caractéristique instantanée des régimes d'un are 
-à écart constant est sensiblement une horizontale 


“aux environs du régime préalablement établi ». IL 


ne faut pas confondre du reste cette caractéristique 


“instantanée avec les caractéristiques des régimes 


permanents à écarts constants, si bien étudiées par 
M=° Ayrton ?, lesquelles sont obtenues en laissant 
aux charbons le temps de se tailler différemment 
suivant les différentes intensités de courant, par un 
fonctionnement préalable d'au moins une heure : 


“ ces caractéristiques présentent des courbures bien 
plus prononcées que nos caractéristiques inslanta- 


nées, obtenues autour d'un régime donné, sans 
laisser aux charbons le temps de changer leur taille. 


TagLeau III, — Arcs à courants 


qui décroit linéairement quand le courant I aug- 
mente, ainsi que le montre la figure 35 ; la ligne 
représentative de la tension U est une droite incli- 


F.e.m de la source Æ 


pûintes des_charbons 


| 
{l 
à [ 
La | | 
À : àl 
à l 1 
à | | 
(l (| 
0 I ls Zutensite du courart 
Fig. 35. — Théorie de la stabilité de l'arc. 


née au-dessous de l'horizontale suivant un angle 
« ayant r comme tangente angulaire, et qui coupe 
la caractéristique instantanée de l'arc en un point M 


pulsatoires entre deux charbons. 


FORCK 
élect.-motrice 
en volts 
du courant 
continu 


< DIAMÈTRE 
NUMÉROS NATURE 


en 


des figures des charbons 


millimètres 


» 
2 homogènes. 
.|{ à âme, { homog. 


2 homogènes. 


1 à âme, 1 homos. 


FORCE 
élect.-motrice 
efficace 
du courant 
alternatif 
superposé 
brusquement 


INTENSITÉ 
du courant 
continu 
en ampères 
avant la super- 
position 


NATURE OBSERVATIONS 


du circuit sur le bruit de l'arc 


Éteint. 
Sifflant. 


Résist.morte 
Silencieux. 


Légèrement sifflant. 


Silencieux. 


DAS 


19 1 1 1 NN 19 19 


Sifflant. 
Silencieux. 


Cr Ge 


= 


Légèrement sifflant. 


SEE + © © OO D NN 19 19 


SES 


= 


La caractéristique instantanée étant voisine d’une 
ligne droite, on en conclut immédiafement qu'une 
alimentation à potentiel constant ne peut donner 
un régime stable, parce que n'importe quelle inten- 
sité de courant est compatible avec la tension qui 
permet de réaliser le régime normal : l'arc doit 
donc finir par s’éteindre. Au contraire, si l'on ajoute 
un rhéostat r en série, la force électro-motrice cons- 
tante E du réseau ou de la source ne laisse dispo- 
nible aux extrémités des charbons qu'une tension : 


U=E—71I 


! Cf. La Lumière électrique, 26 décembre 1891, p. 621. 
? The Electrician, janvier-avril 1895. 


correspondant à l'intensité normale de régime I, 
(on peut faire varier cette intensité de régime I, en 
modifiant E ou r). On voit que, si l’inclinaison de la 
ligne d'alimentation est suffisante, toute augmen- 
tation ou diminution accidentelle de l'intensité du 
courant fera apparaître une différence à h entre la 
tension aux bornes et celle qu’exige l'arc, dans le 
sens voulu pour ramener l'intensité à sa valeur 
primitive : par conséquent le régime de l'arc sera 
stable. Le même résultat serait d’ailleurs atteint, 
avec une alimentation à potentiel constant, si l'on 
pouvait donner à l’are une caractéristique d’alimen- 
tation montante. 

Il y a donc intérêt à étudier, au point de vue du 


668 


ANDRÉ BLONDEL — L'INSCRIPTION DIRECTE DES COURAN 


ÉLECTRIQUES VARIABLES 


signe, l'inclinaison des caractéristiques inslan- | 
tanées. Or, quand on étudie expérimentalement 
divers charbons, on conslate que la caractéris- 
tique instantanée n'est pas toujours horizontale, 
haut ou vers le 
bas, c’est-à-dire qu'on peut avoir, suivant la nature 


mais peut être inclinée vers le 


des charbons 


du = 
ZE} || 


di < 


MM. Frith et Rogers', qui ont les premiers 
constaté cette inversion de signe, en ont conclu à 
tort, et sans être cependant démentis, que « la ré- 
sistance d'un arc pouvait devenir négative », parce 


du u 


qu'ils ont cra pouvoir admettre — — -; en réa- 


BTE AI 


à nombre de spires variable) d’un transformateur 
dont on peut relier le primaire, au moment qu'on 
veut, à une source de courants alternatifs (dans le 
cas acluel, le Secteur électrique de la Rive gauche). 
On pouvait ainsi régler le fonctionnement sur cou- 
rant continu simple, en régime normal, puis lancer 
brusquement dans le même circuit, et sans en 
changer aucunement la résistance, une force élec- 
tro-motrice allernalive, dont l'effet se superpose à 
celui la électromotrice continue. On 
réglait l'amplitude de cette force électro-motrice 
allernalive de façon qu'elle restät loujours infé- 


de force 


ricure à la force électromotrice continue, et que 
le courant résultant fût un courant pulsaloire, tou- 
jours de même sens, et non un courant a//ernalif. 


Fig. 39. 


Fig. 


10. Fig. 41. 


Fig. 36 à 41. — Courbes de l'arc pulsatoire. — Le tableau IIT indique les caractéristiques de chacune de ces courbes. Les 
lignes de repère sont en réalité horizontales. 


lité, ces rapports ne peuvent être égaux puisque r | 
n’est pas constant. 
Nous définirons ici plus correctement le quo- 


tient = comme un coefficient de stabilité de l'arc, | 
(4 

représenté par le coefficient angulaire de la caracte- 

ristique instantanée autour du point-régime. 

Ces explications étant données, je vais exposer 
l'application intéressante de l'oscillographeà l'étude 
de ce coefficient de stabilité. 

J'ai réalisé, encore avec le concours de M. Dobke:- 
vitch, le dispositif suivant : L’are était alimenté par 
une batterie d’accumulateurs, et monté en série avec 
une résislance de stabilité et le circuit secondaire 


‘ On the resistance of the electric arc. /nstitution of Elec- 


trical Engineers, 1895 
- L 


La mise en circuit du primaire du transformateur 
se faisait à l’aide d’un simple interrupteur, qui pou- 
vait en même temps lancer le courant d’une pile 
locale dans l'oblurateur l'oscillo- 
graphe double inscrivant le courant ef la tension 


instantané de 
aux bornes de l'arc. Au moment de la fermeture, 
il s'établit des régimes troublés très complexes; 
pour obtenir un régime permanent, nous avons dû, 
pour certaines épreuves, laisser un intervalle entre 
la fermeture du circuit et l'ouverture de l'oblura- 
teur inslantané. 

Nous avons opéré comparativement avec des 
charbons à mèche et des charbons homogènes, sous 
et différentes 
amplitudes de force électro-motrice supplémentaire. 
Les figures 36 à 50 représentent quelques-uns des 


différents voltages d'alimentation 


résullats caractéristiques obtenus, et les régimes 


ANDRÉ BLOA\DEL — L'INSCRIPTION DIRECTE 


DES COURANTS ÉLECTRIQUES VARIABLES 


t69 


correspondants sont résumés dans le tableau IT. 


4. Influence de l'amplitude de la force électromo- 
trice alternative introduite. — La figure 36 montre 
tout d'abord un exemple des forces électromotrices 
pulsatoiresemployées: celle-ciestlarésultante d'une 
force électromotrice secondaire de 22 volts, obtenue 


Fig. 48. Fig:/49. 
Fig. 42 à 50, — Courbes de l'arc pulsaloire (suite 


a priori, que, suivant que l'amplitude de la force 
électromotrice alternative ajoutée est plus ou moins 
grande, la tension aux bornes peut ou non s'abais- 
ser au-dessous de la valeur nécessaire à l'entretien 
de l'arc. Dans le premier cas, on a des zéros plus ou 
fig. 38, 39, 40, A, 
ÿ), tandis que dans le second cas le cou- 


moins prolongés du courant 


Fig. 50. 


. — Le tableau IT indique les caractéristiques de ces courbes. Les lignes 


de repère sont en réalité horizontales. 


par lransformalion du courant du Secteur de la Rive 
gauche, avec la force électromolrice continue d'une 
batterie de 40 volts. 

Comme l'indique le tableau IL, ces forces électro- 
motrices ont reçu d’autres valeurs variées. La force 
électromotrice continue a été portée jusqu'à 72 volts 
pour les ares longs. 

On voit immédialement, comme cela est évident 


| rant reste toujours notable (fig. 45, 47, 48, 49, 50). 


2. Influence dela phase au moment de l'introduction 
de la force électro-motrice. — Les courbes 37 à 42 
ont été obtenues après une ou deux secondes, c’est- 
à-dire une fois un régime permanent élabli, tandis 
que les autres ont élé prises au moment même de 
l'introduction, Ces courbes, qui ne sont que des 


670 ANDRÉ BLONDEL — L'INSCRIPTION DIRECTE DES COURANTS ÉLECTRIQUES VARIABLES « 


exemples fort restreints, font ressortir déjà l’ex- 
trème variété des résultats qu’on peut obtenir, et 
qui varient non seulement avec la phase au mo- 
ment de l'introduction, mais encore avec le temps 
pendant la période variable. Elles ne constituent 
que la première ébauche d’une étude plus complète 
que l’auteur se propose de poursuivre en enregis- 
tant toute la durée du régime variable. Ces régimes 
variables peuvent seuls rendre compte de certaines 
courbes anormales, comme celles de la fig. 4%, où 
l'on voit l'arc s’éteindre (1 — 0) bien que la ten- 
sion aux bornes aille en croissant à ce moment, et 
dépasse la valeur qui suffit à l'entretenir après le 
réallumage. Les effets sont encore plus complexes 
avec les circuils inductifs, dont on ne s'occupera 
pas ici. 


3. Influence de la nature des charbons.— Lorsque 
la varialion périodique de la force électromotrice 
est assez importante pour annuler périodiquement 
le courant, les courbes obtenues présentent la plus 
grande analogie avec celles de l’are à courants 
alternatifs ordinaires. Leur tracé est continu ou 
tremblé, suivant que l'arc est silencieux ou sifflant, 
phénomène qui se produit de préférence avec les 
charbons homogènes (fig. 37, 39, 43, 47). 

Les figures 38 et 39 sont tout à fait analogues à 
celles des ares alternatifs entre charbons homo- 
gènes : pendant la durée du passage du courant, la 
tension présente un palier limité par deux becs 
brusques ; dans certains cas, si, par exemple, les 
points de jaillissement de l'arc se déplacent sur le 
cratère, on peut constater deux paliers différents de 
hauteur (fig. 38), voire même trois paliers (fig. 48). 
Bien que ces formes caractérisent ordinairement 
les charbons homogènes, elles peuvent naturelle- 
mentserencontrer aussi avec des charbons à mèche, 
lorsque celle-ci est momentanément vidée (fig. 42). 

L'effet de la mèche des charbons à âme en fonc- 
tionnement normal est caractérisé, comme avec les 
courants simplement alternatifs, par l’arrondisse- 
ment des courbes et la faible durée des zéros du 
courant, comme le montrent par exemple les 
figures 40, 41, 49. En outre, la tension aux bornes, 
au lieu de paliers, présente des pentes notables 
proportionnelles à celles de la courbe du courant. 

Les formes des courbes sont autres lorsque la 
force életromotrice alternative ajoutée est très 
faible (par exemple avec les forces électromotrices 
de 4,4 volts des figures 47 à 49), mais elles pré- 
sentent les mêmes signes distinctifs : constance 
approximative de la tension aux bornes, ou faible 
variation de sens contraire à celle du courant, s’il 
s'agit de charbons homogènes (fig. 47 et 48), et, au 
contraire, variations de même sens que celles du 
courants'il s'agit de crayons à mèche (fig. 49 et 50). 


Cette distinction est naturellement moins nette“ 


avec les arcs longs obtenus sous 72 volts, par suite 
de la flamme considérable qui les entoure et forme 
une atmosphère conductrice entre électrodes, pou- 
vant jouer un rôle analogue à celui de l’atmo- 
sphère due à l'âme (fig. 43 et 45) ; mais c’est là un 


cas spécial, qu'on ne rencontre guère dans la pra- 


tique usuelle, c’est-à-dire pour des ares à courant 


continu ordinaires, dont la tension est comprise 


entre 30 et 50 volts. Ë 
Nous sommes donc en droit de conclure que le: 
coefficient de stabilité des arcs à courant continu 


ordinaires, défini plus haut par le rapport = est 


très faible, négatif avec les charbons homogènes, 
et posilif avec les charbons à âme. Cela explique en 
partie que ces derniers ont besoin d’une moindre 
résistance de stabilité additionnelle, et confirme 
également les résultats de Frith et Rogers rappelés. 


plus haut, indépendamment de leurs conclusions « 


que nous avons rejetées comme incorrectes. 


4. Arc sifflant. — Dans ce qui précède, nous avons: 
parlé à diverses reprises d’arcs sifflants, et des 
courbes correspondantes, en prenant seulement le 


sifflement comme un moyen indirect de reconnaitre: 


la nature de l'arc. Quant au caractère propre du 
sifflement, il ressort immédiatement des tracés os- 
cillographiques, notamment de celui de la figure 37; 
on voit que le régime est soumis à des variations 
rapides, présentant un caractère plus ou moins 
périodique, de fréquence très élevée, qui produit 
le son que l’on entend. M. Duddell a étudié, derniè- 
rement, plus complètement ces variations en les 
enregistrant à une plus grande échelle, et en à 
déduit des conséquences fort ingénieuses !. Quant 
à la cause qui les produit, elle a été expliquée 
d’une façon remarquable par M Ayrton?:ilya 
sifflement toutes les fois que l'oxygène de l'air pé- 
nètre dans le cratère de l'arc; il semble s'établir à 
ce moment une lutte entre la colonne gazeuse et 
l'air ambiant sous l'influence de la rotation rapide 
de l’are, et il en résulte des variations oscillantes 
et rapides de la résistance de passage à la surface 
du cratère. 


IV. — ConcLuSIoNs. 


J'espère que ces exemples auront montré suffi 
samment lintérêt que présente l'emploi des oscil- 
lographes pour les études de laboratoire; ils sont 


1 W. Duopecz : Rapid variations in current through the 
direct current are, Znstitution of Electrical Engineers, 25 dé= 
cembre 1900. 

3 Mme Ayrron : The hissing of the electric arc, /nstitution 
of Electrical Engineers, 23 mars 1899. 


| 
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é 
U 
L 
3 


FRED. WALLERANT -— SUR CERTAINES CONCEPTIONS EN CRISTALLOGRAPHIE 


tout aussi utiles pour les études industrielles, 
telles que le relevé des courbes des alternateurs et 
de leurs harmoniques”, pour l’élude des formes 
de courant dans les recherches d'Électrophysio- 
logie. 

Il est intéressant de constater, en terminant, que 
celte méthode et toutes celles qui ont été rappelées 
au début de mon premier article sont d’origine 
française ; notre pays semble s'être fait ainsi une 


671 


spécialité de développer l'outillage scientifique des- 
tiné à l'étude des courants variables, et tout per- 
met d'espérer que les appareils décrits ci-dessus 
susciteront de nombreux travaux d'application; le 
champ large et facile ouvert aux recherches a de 
quoi tenter, je crois, les physiciens. 


André Blondel, 


Professeur d'Électricité appliquée 
à l'Ecole des Ponts-et-Chaussées. 


SUR CERTAINES CONCEPTIONS EN CRISTALLOGRAPHIE 


Monsieur le Directeur, 


Un récent numéro de votre journal* renferme 
un article bien fait pour m'étonner. Je n'aurais 
jamais pensé que la Cristallographie püt sou- 
lever de pareilles tempêtes. Je ne puis, d’ailleurs, 
que m'en féliciter, et je suis heureux de remercier 
M. Friedel, qui me fournit l’occasion de défendre 
ici les théories que j'ai publiées dans d’autres 
revues. Je me suis bien mal exprimé pour qu'un 
esprit aussi avisé m'ait si peu compris, et soit 
amené à me prêter des opinions qui n'ont jamais 
été les miennes. 

Tout d’abord, votre correspondant me reproche 
de m'être attribué des notions que Mallard a pro- 
fessées dans son cours, à l'École des Mines, et qu'il 
aurait publiées si la mort ne l'avait empêché de 
faire paraître le troisième volume de son 7railé de 
Cristallographie. Cela est fort possible, mais 
M. Friedel m'accordera bien des circonstances 
atténuantes : je n'ai jamais assisté au cours de 
Mallard, et il m'est impossible de savoir ce qui S'y 
passait. Je ferai seulement remarquer que le se- 
cond volume du Traité de Mallard a paru en 1884, 
etque, lors de sa mort, en 1894, c'est-à-dire dix ans 
après, Mallard n'avait pas encore commencé la 


rédaction de son troisième volume : il est donc 


fort probable que ses idées n'étaient pas encore 


» fixées sur ces questions délicates. Si l’on s’en tient 


à ce qui a été publié, la situation est très nette : 
Mallard à donné une théorie des anomalies op- 


. tiques, et j'ai établi que cette théorie était inutile. 


Les anomalies résultent d'une restriction non jus- 
tifiée, apportée par les anciens auteurs à la théo- 
rie générale, et il suffit, comme je l'ai montré, 
de supprimer cette restriction pour les faire dis- 
paraitre. 

L'auteur se livre ensuite, sur la particule fonda- 
mentale, à une dissertation un peu confuse, qui 


4 Voir : BLonoer, Dosxevireu, Duris, FARMER, et TCHERNOS- 
virorr : Application des oscillographes à l'étude des alter- 
nateurs, Congrès international des Electriciens, Paris, 1900, 

? Voyez la Revue du 30 juin, t. XI, p. 572. 


laisse difficilement deviner sa pensée. Pour m'en 
tenir au point principal, la particule fondamentale 
ne serait, d'après lui, qu'une: vue de l'esprit pour 
le moins inutile. Et cependant, l'individualité et 
l'indépendance relative des particules fondamen- 
tales sont nettement mises en évidence par les phé- 
nomènes du polymorphisme et des groupements 
par actions mécaniques. Comment expliquer les 
changements de symétrie observés dans un corps 
cristallisé, si l’on ne reconnait pas aux particules 
fondamentales une indépendance suffisante pour 
se grouper de différentes façons? Voici le sulfate de 
potasse, qui, vers 600°, passe de la forme orthorhom- 
bique à la forme hexagonale; une très faible varia- 
tion de température suffit pour faire passer le 
cristal de la première forme à la seconde, et inver- 
sement : à cette température, les particules fonda- 
mentales doivent donc jouir d'une grande mobilité. 
M. Friedel me répondra qu'il est inutile de faire 
intervenir ces particules fondamentales, que les 
particules orthorhombiques se groupent pour don- 
ner naissance aux particules hexagonales: mais 
c'est reculer pour mieux sauter. Un examen un 
peu attentif lui montrera, en effet, que, s il en était 
ainsi, les éléments de symétrie de la particule. 
orthorhombique n'interviendraient en rien dans la 
symétrie de la particule hexagonale, autrement 
dit, que la particule orthorhombique se comporterail 
comme une particule fondamentale. Cette théorie, 
dont le principe seul a été posé par M. Mallard, 
n'est qu'un cas particulier de la mienne; elle ne 
permet pas de donner une solution complète du 
problème du polymorphisme, ni au point de vue 
géométrique, ni au point de vue physique; elle ne 
permet pas d'établir les rapports existant entre les 
différentes formes d'un même corps, quand ces 
rapports existent bien entendu, puisque, de l'avis 
des hommes les plus compétents sur ces matières, 
il est des cas échappant à toute théorie, dans l’état 
actuel de la science. 

Il est plaisant de constater, en passant, que, si les 
arguments de M. Friedel portaient, ils toucheraient 


672 


FRED. WALLERANT — SUR CERTAINES CONCEPTIONS EN CRISTALLOGRAPHIE 


aussi bien la théorie de Mallard que la mienne. 
Mais l'examen des macles obtenues mécanique- 
ment nous fournit une démonstration concluante 
de l'indépendance et de l’individualité des parti- 
cules fondamentales, Comment, en effet, en dehors 
de cette indépendance, expliquer la formation 
des macles de la Calcite par un simple mouve- 
ment de translation? Comment un tel mou- 
vement pourrait-il transformer une particule 
complexe en une autre, symétrique de la première, 
si les particules fondamentales ne pouvaient 
modifier leurs positions relatives ? L’argument 
tiré de la considération de la Boracite, dont les 
macles se produisent sans déformation du réseau, 
et par un faible dérangement des particules fonda- 
mentales, est non moins concluant. La notion de 
particule fondamentale est donc indispensable 
pour établir d’une façon simple et rationnelle les 
théories de l’isomorphisme, du polymorphisme et 
des groupements cristallins; il faudra l'introduire, 
dès le début, dans l'exposé des doctrines cristal- 
lographiques, si l'on veut qu'elles retrouvent leur 
netteté et leur rigueur primitives. 

Dans la troisième partie de son article, M. Friedel 
combat la théorie que j'ai proposée pour expliquer 
les groupements critallins; mais toute son argu- 
mentation repose sur une confusion. Il ne s'aper- 
çoit pas que la symétrie approchée et la symétrie 
limite sont deux notions absolument distinctes et 
qu'un élément limite n'est pas forcément un élé- 
ment approché. Toul ce qu'il dit sur les éléments 


approchés est parfaitement juste, mais n'a aucun: 


rapport avec la question. 

L'élément limite d'un polyèdre est défini par 
celte propriété, que le volume commun à ce po- 
lyèdre et à son symétrique par rapport à cet élément 
est un maximum, c'est-à-dire plus grand que pour 
tout autre élément voisin; un plan est un plan 
limile, quand le voiume commun au polyèdre et à 
son symétrique, par rapport à ce plan, est plus 
grand que pour tout autre plan voisin. Très souvent 
l'élément limite est un élément approché, c'est-à- 
dire qu'il y à presque coïncidence entre le polyèdre 
et son symétrique; mais c'est là une condition qui 
n'est ni suffisante, ni nécessaire, el elle peut n'être 
pas réalisée. Quand une particule cubique se dé- 
forme, cerlains de ses éléments de symétrie devien- 
nent approchés, d'autres deviennent limites, plus ou 
moins approchés, d’autres perdent toute propriété, 
et cela quel que soit le degré de la déformation. 

L'orientation symétrique de la particule com- 
plexe par rapport à l’un de ses éléments limites, 
correspond, dans la cristallisation, à un.maximuin 
relatif de stabilité, l'orientation parallèle corres- 
pondant à un maximum absolu. Gelte orientalion 
symétrique est donc celle que la particule com- 


plexe doit choisir de préférence, quand, par suite 
de causes extérieures, elle ne peut s'orienter paral- 
lèlementauxautres:plusl'élémentlimite sera appro- 
ché, plus la macle aura chance de se produire. 

Quoi qu’en dise M. Friedel, cette théorie si simple 
s'applique aussi bien aux groupements présentant 
un plan de symétrie qu'à ceux constitués par plu- 
sieurs cristaux symétriquement orientés autour 
d'un axe. Est-ce que les macles des Feldspaths ne 
sont pas considérées par tous les auteurs comme 
des macles dites par hémitropie ? Est-ce que, par 
hasard, M. Friedel considérerait les groupements 
de l'Aragonite comme se produisant autour d'un 
axe? Ce serait singulièrement déformer les faits 
pour les adapter à une théorie. 

Mais, ce qui est plus surprenant, c’est de voir 
M. Friedel me reprocher de faire appel aux pro- 
priétés de la particule complexe pour expliquer les 
groupements sous prétexte qu'on l’'ignore. M. Frie- 
del oublie-t-il que le but de la Cristallographie est 
précisément d'expliquer les propriétés des cristaux 
en partant de l'élément constituant? Que connaïit-il 
de plus de cet élément quand il s'appuie sur ses 
propriétés de symétrie pour expliquer la symétrie 
des corps cristallisés ? Comment! pour toutes les 
propriétés physiques des cristaux, on sera en droit 
de faire intervenir la particule complexe, et il yaura 
une exception, une seule, relative aux groupements 
cristallins? €ela n'est pas sérieux. Il est évident, 
pour tout esprit sensé, que la symétrie des édifices 
cristallins et celle de leurs groupements ont même 
cause première : c'est dans la symétrie de l'élé- 
ment constituant que nous trouvons l'explication 
de la symétrie cristalline, c’est elle également qui 
doit nous fournir l'explication de la symétrie des 
groupements; je crois donc avoir eu raison de dire 
que les éléments de symétrie réelle de la particule 
complexe se retrouvent dans l'édifice cristallin, et 
ses éléments limites dans les groupements. 

En résumé, M. Friedel a obéi, en écrivant son 
article, à un sentiment très honorable, mais mal 
compris : son admiration pour son ancien maitre. 
C'est fort mal honorer la mémoire de Mallard que 
de considérer ses théories comme intangibles et 
de refuser à quiconque le droit de s'occuper de 
Cristallographie. Dans ses conceptions, Mallard est 
toujours parti de cas particuliers pour remonter 
vers le cas général, mais, selon les phénomènes, 
les questions qu’il étudiait, il a suivi des voies dif- 
férentes; aussi son œuvre manque-t-elle de cette 
unité qu'il lui aurait certainement donnée sil 
avait vécu assez longlemps pour la reprendre dans 
son ensemble. Ce que Mallard n’a pu faire, faute 
de temps, je l'ai tenté, et j'ai la conviction d'avoir 
Fred. Wallerant, 


Maître de Conférences à l'École Normale Supérieure. 


réussi, 


BIBLIOGRAPHIE — ANALYSES ET INDEX 


673 


BIBLIOGRAPHIE 


ANALYSES 


$ 1° Sciences mathématiques 


Muller (F.).— Vocabulaire mathématique français- 
allemandet allemand-français, contenantles termes 
techniques employés dans les Mathématiques pures 
et appliquées. Tome I. — 1 vol. in-8 de xn-132 
pages. B.-G. Teubner, éditeur. Leipzig, 1901. 


On raconte que l’illustre mathématicien anglais Syl- 
vester, fier d'avoir donné une désinence à un grand 
nombre de formes algébriques, se décerna un jour le 
titre d'Adam des Mathématiques, par allusion à notre 
premier ancêtre, qui aurait attribué leur nom à toutes 
les créatures de la Terre. L'exemple de Sylvester a 
été suivi par beaucoup de ses successeurs, qui ont 
introduit chaque jour de nouveaux termes dans la 
nomenclature mathématique. Si quelques expressions 
n'ont eu qu'une existence éphémère, on ne peut se 
dissimuler que, dans la dernière moitié du siècle qui 
vient de finir, le vocabulaire des Mathématiques pures 
et appliquées s’est considérablement enrichi, et on peut 
envisager le moment où les savants des divers pays ne 
se comprendront plus qu'à grand'peine. 

C'est dans le but de jeter quelque clarté dans ce 
chaos, et de faciliter la lecture des mémoires rédigés en 
français et en allemand, que M. Müller nous offre aujour- 
d’hui le premier volume deson Vocabulaire mathémati- 
que. Cet ouvrage est le fruit d’une très longue collabora- 
tion à la rédaction du recueil bien connu Jahrbuch für 
die Fortschritte der Mathematik. Depuis sa fondation, 
M. Müller a rassemblé toutes les expressions techniques 
(mathématiques, physiques et astronomiques) qu'il y a 
rencontrées; il les a disposées par ordre alphabétique, 
puis classées systématiquement, en les accompagnant 
de l'indication de la source et d’autres notices piblio- 
graphiques et historiques. Le nombre de termes alle- 
mands qu'il a actuellement recueillis s'élève à plus 
de 10.000. L'auteur a, parallèlement, recherché, dans la 
littérature étrangère, les expressions correspondantes 
françaises, anglaises et italiennes. Ses recherches his- 
toriques sur la terminologie mathématique des Grecs 
- et des Romains sont venues encore enrichir celte pré- 
- cieuse collection, qui formera la base d'un grand dic- 
- tionnaire mathématique. C'est de ces matériaux que 
… M. Müller a tiré le vocabulaire en deux langues quil 
- publie aujourd’hui. 
» Ce vocabulaire ne renferme pas seulement les voca- 
. bles simples avec leur traduction, mais aussi toutes les 
- expressions composées, avec l'expression étrangère qui 
- leur correspond. Le mot principal figure le premier et 

est suivi de tous les qualificatifs qui peuvent l'accom- 
- pagner. On se fera une idée de la richesse de la nomen- 
clature mathématique quand on saura que l’auteur a 
trouvé, en francais, 119 expressions composées com- 
mençant avec le mot angle, 89 avec le mot axe, 130 
avec le mot cercle, 242 avec le mot surface, 363 avec le 
mot courbe, etc. 

Comme on le voit, ce vocabulaire rendra les plus 
grands services aux savants francais pour la lecture oula 
traduction des mémoires allemands de Mathématiques, 
et vice versa, questions qui ne laissaient pas jusqu'à 
présent d'offrir souvent de sérieuses difficultés. En 
applaudissant au beau résultat obtenu par les patientes 
recherches de M. Müller, nous nous permettrons de 
signaler et d'encourager les efforts tentés dans le même 
sens par quelques mathématiciens français, en parti- 
culier M. J. Boyer et M. H. Brocard, qui travaillent aussi, 
depuis plusieurs années, à la préparation de diction- 
nüires mathématiques. L. B 


ET-INDEX 


2° Sciences physiques 


Da Silva Basto (Alvaro José), Professeur à l'Uni- 
 versité de Coïmbre. — Liçoes de Estereochimica 
(2° édition). — 4 vol. in-8 de xvi-136 pages, avec 
50 figures dans le texte. (Prix : 5 fr.) França 

Amado, éditeur. Coïmbre, 1901. 

Nous signalons à nos lecteurs ce petit livre portugais, 
pour attirer l'attention sur ce fait curieux du mouve- 
ment actuel de diffusion de la Stéréochimie. C’est, en 
effet, un mouvement qui continue à se propager, alors 
que l'ébranlement central qui lui a donné naissance 
voit plutôt son intensité diminuer. 

Il est bien certain qu'en France on abuse moins 
qu'autrefois des notations stéréochimiques compliquées, 
cerlaines de ces figures devenant plus difficiles à lire 
que l'exposé même des faits qu'elles ont mission de 
représenter. 

Malgré l'abus de ce système un peu compliqué de 
notalion, on doit cependant reconhaitre les services 
qu'il a déjà rendus et peut rendre encore; c'est à ce 
point de vue qu'il est surtout intéressant de constater 
la part que lui accordent certains pays étrangers dans 
l'enseignement de la Chimie. 


Lefèvre (Léon), Directeur de lax Revue générale des 
Matières colorantes et des Industries qui s'y ratta- 
chent ». — Les Produits chimiques et les Matières 
colorantes, le Blanchiment, la Teinture et l’Im- 
pression des fibres textiles. — 1 vo/. de 144 pages 
avec 1 plan, 23 dessins, #4 photogravures, 19 échan- 
tillons. (Prix : 5 fr.) Au Bureau de la « Revue », 23, 
Chaussée d'Antin, Paris, 1901. 

M. Lefèvre a eu l'heureuse idée de réunir, en une 
élégante brochure, l’ensemble des documents recueillis 
sur les différentes industries énumérées plus haut, et 
qui ont été représentées à l'Exposition de 4900. Après 
avoir émis quelques réflexions générales sur le but et 
l'utilité des expositions universelles, réflexions aux- 
quelles il a ajouté quelques critiques très judicieuses, 
l’auteur passe en revue, et examine en même temps, 
la situation de l’industrie chimique dans chacun des 
principaux pays dont la production mérite d’être prise 
en considération. Ces revues sont émaillées de statis-- 
tiques très suggestives qui font voir, dans une cer- 
taine mesure, l’état de prospérité plus ou moins avancée 
dans lequel se trouvent, pour chaque groupe de pro- 
duits, les pays mis en parallèle. [ 

A cet exposé général fait suite un chapitre de M. Tas- 
silly sur la préparation électrolytique des produits 
chimiques employés dans la teinture et l'impression. 

M. Lefèvre aborde ensuite la question des colorants 
minéraux et organiques, ainsi que celle des extraits 
tinctoriaux, fait ressortir les découvertes et améliora- 
tions introduites dans la fabrication de ces produits, 
tant en France qu'à l'Etranger, insiste, en passant, sur 
l’organisation scientifique et matérielle qui caractérise 
quelques-uns des Etablissements les plus prospères, et 
termine par une comparaison du commerce des pro- 
duits chimiques de la France et de l'Allemagne. 

Une troisième partie est consacrée au blanchiment, à 
la teinture et à l'impression. Elle comprend d'abord la 
description des nouvelles machines en usage dans ces 
industries, puis un chapitre sur la teinture sur fils et 
tissus de M. Emile Blondel, et, enfin, un autre chapitre 
sur l'impression des tissus dans les principaux pays de 
l'Europe. Une quatrième et dernière partie comprend 
lé mercérisage du coton et les nouveaux textiles artifi- 


674 


ciels brillants (soies artificielles). Les figures très bien 
réussies, les échantillons choisis avec goût ajoutent à 
l'attrait de l'exposé, qui est fait dans une langue claire, 
concise et sans redites. 

Tous ceux qui s'intéressent à ces industries si impor- 
tantes, qui sont sans cesse inspirées et fécondées par 
la Science, pourront se rendre un compte exact des 
progrès considérables qu'elles ont réalisés dans le 
cours des dix dernières années. A. HALLER, 


Membre de l'Institut, 
Professeur de Chimie organique à la Sorbonne 


Lévy (Lucien), Professeur à l'Ecole nationale des 
Industries agricoles de Douai. — Microbes et Dis- 
tillerie. — 1 vol. in-8° de 323 pages avec figures. 
(Prix : 10 fr.), G. Carré et Naud, éditeurs, Paris, 
1901. 

Il y a quelque dix ans, un distillateur agricole disait 
à un chimiste qui lui faisait des observations sur la 
pureté des moûts en fermentation : « Vous ne m'ap- 
prendrez pas à faire de l'alcool; voilà trente ans que 
j'en fais! » Ce distillateur, qui doit avoir aujourd’hui 
quarante ans de pratique, serait bien étonné, en lisant 
le livre de M. Lévy, de l'énorme quantité de choses 
qu'il faut apprendre quand on veut faire de l'alcool. 
C'est le microbe qui produit l'alcool; c'est le microbe 
également qui l'empêche de se former, à moins qu'il 
ne le détruise au fur et à mesure de sa formation. 

Les différents microbes, les bons et les mauvais, les 
saccharomyces, les amylomyces, les mucor, comme les 
moisissures, les bactéries acétiques, les ferments de 
l’amer, les amylobactes, etc., sont étudiés par M. Lévy 
dans leurs origines, dans leur développement, dans leur 
composition chimique, dans l’action qu'exercent vis-à- 
vis d'eux les différents antiseptiques. 

Mais le distillateur est un metteur en œuvre; il faut 
qu'il admette les bons, et repousse les mauvais; c'est 
là qu'interviennent les pratiques industrielles, et que 
se trouve justifiée la seconde partie du titre de l’ou- 
vrage. Il faut sélectionner la levure, la cultiver à l’état 
pur ; il faut la faire intervenir dans la préparation des 
levains ou pieds de cuves, il faut ensemencer les cuves 


par le procédé dit de coupage, etc., toutes questions . 


traitées avec méthode par M. Lévy. Le praticien dont 
je parlais au début se retrouverait dans la seconde 
partie de l’ouvrage, mais il reconnaïtrait certainement 
qu'il n'aurait jamais su formuler aussi bien les opéra- 
tions qu'il pratique, et, s’il est honnête, qu'il a appris 
beaucoup de choses du théoricien et de l'homme de 


science. L. LiNper, 
Professeur à l'Institut National Agronomique, 


3° Sciences naturelles 


Clautriau (feu G.), Assistant à l'Institut Botanique de 
l'Université de Bruxelles, — Nature et significa- 
tion des Alcaloïdes végétaux. — { vol. in-8° de 
114 pages, H. Lamertin, éditeur, Bruxelles, 4901. 


Ce Mémoire posthume est le dernier qui soit dû au 
jeune et distingué botaniste que la mort est venue fau- 
cher en plein talent, et quand la Science était en droit 
d'espérer encore de lui de fructueuses observations. 
L'intérêt de ce travail était assez grand pour qu'il ne 
füt pas laissé dans l'oubli ; aussi la Société des Sciences 
médicales de Bruxelles en a-t-elle assuré la publication, 
en même temps que celle d’une notice biographique 
rédigée par son maitre et ami Erréra ‘. 

Après avoir passé en revue les travaux publiés jusqu’à 
ce jour relativement à la nature et au rôle des alca- 
loïdes dans les végétaux, l’auteur rend compte de ses 
propres expériences, qui portent spécialement sur les 
Collea et les Thea. Gonstatant que les réactifs micro- 
chimiques des alcaloïdes ne donnent que de mauvais 


1 L. Ennéra : G. Clautriau. Esquisse biographique. Ann. 
Soc. Sc. méd, et nat. de Bruxelles, t. IX, fase. 2-3, 1900. 


BIBLIOGRAPHIE — ANALYSES ET INDEX 


résultats avec la caféine, il montre que l’analyse chi- 
mique peut seule donner des renseignements précis 
pour la recherche de cette substance. Appliquant ces 
données, il trouve que, chez les Cafés et les Thés, la 
plus forte proportion d’alcaloïdes se rencontre dans les 
parties très jeunes et en voie de développement; cepen- 
dant, une différence se manifeste entre les deux genres 
au point de vue des fruits : tandis que, chez le Café, il 
n'y a pas d’alcaloïde dans le péricarpeet qu'il en existe 
en quantité notable dans la graine, chez le Thé, le pé- 
ricarpe, seul, renferme de la caféine. 

Voulant ensuite élucider la signification des alcaloïdes, 
Clautriaù entreprend une série d’expériences sur la ger- 
mination ou les annélations à la lumière et à l'obscurité. 
Il constate ainsi que, contrairement à l'opinion d'Heckel, 
l’alcaloïde ne disparaît pas au cours de la germination 
et n'est pas utilisé directement par la jeune plantule. 
Cela ne veut pas dire qu'il ne soit jamais réassimilé : ce 
phénomène est même fréquent chez les plantes her- 
bacées annuelles vers la fin de leur végétation, mais on 
peut remarquer expérimentalement que jamais cette 
disparition n’est accompagnée d'une augmentation des 
albuminoïdes, tandis qu’au contraire toute diminution 
des matières protéiques entraîne une accumulation 
d'alcaloïdes. Ces dernières substances seraient donc des 
déchets de l’activité cellulaire. 

Quant au rôle qu'elles jouent dans le végétal, l’auteur, 
se basant sur leur localisation dans l’épiderme de cer- 
taines plantes, dans l'écorce, dans les jeunes feuilles, 
dans les tissus de réserve, admet qu’elles constituent un 
moyen de protection vis-à-vis des animaux. Il pense 
que leur production doit être un fait beaucoup plus 
général qu'on ne suppose, mais que l'accumulation 
qu'on observe n’est en quelque sorte qu'une résultante 
de la formation et de la destruction simultanée de ces 
déchets de nutrition azotée, résultante qui devient tan- 
cible lorsque la destruction n'est pas suffisamment 
rapide ou n'a pas lieu. 

Lux 


Docteur ès sciences, 
Chef de Travaux à l'Ecole de Pharmacie de Paris. 


Boule (Marcellin), Docteur ès sciences ; Glangeaud 
(Ph.), Maitre de Conférences à l'Université de Cler- 
mont; Rouchon (G.), Archiviste du Puy-de-Dôme; 
Vernière (A., Ancien président de l'Académie 
de Clermont. — Le Puy-de-Dôme et Vichy, guide 
du touriste, du naturaliste et de larchéologue. — 
4 vol. in-16 de 378 pages, avec 108 figures et 3 cartes. 
(Prix cartonné : 4 fr. 50) Masson et Cie, éditeurs. 
Paris, 1901. 

La collection des Guides publiés sous la direction de 
M. Marcellin Boule vient de s’augmenter d’un nouveau 
volume sur le Puy-de-Dôme et Vichy. Le but poursuivi 
dans ces Guides est connu : à la sèche énumération de 
curiosités de tout ordre rencontrées au hasard des iti- 
néraires, M. Boule s'est proposé de substituer des des- 
criptions raisonnées des régions naturelles de la France. 
Pénétré de cette idée que le paysage que le touriste va 
admirer n'est qu'une conséquence des phénomènes 
géologiques qui ont affecté un région, c’est autour de sa 
description géologique qu'il a groupé les notions orogra- 
phiques et hydrographiques. L'ensemble de la première 
partie du Guide embrasse les caractères physiques, la 
faune et la flore, l'anthropologie, l'archéologie, l’histoire, 
l'homme actuel. La seconde partie, consacrée aux itiné- 
raires, est conçue sur le plan des Guides classiques, mais 
le touriste y verra à chaque instant rappelée la liaison 
de la topographie avec les phénomènes géologiques et la 
nature du sol, et le naturaliste y trouvera d’intéressants 
renseignements sur les gisements de minéraux, les sta- 
tions de plantes intéressantes. 

La valeur de ces Guides ainsi compris dépasse celle 
d'un ouvrage pour le grand public; ils deviennent de 
véritables monographies régionales où le géographe, le 
naturaliste, l'historien, l'archéologue, l'économiste, qui 
voudront se faire une idée aussi exacte que rapide du 


BIBLIOGRAPHIE — ANALYSES ET INDEX 675 


pays décrit, trouveront condensés de multiples rensei- 
gnements jusqu'alors épars dans de nombreuses publi- 


cations. A. BiGoT, 
Protesseur à l'Université de Caen. 


… Deniker. (J.). — Les Races et les Peuples de la 
Terre. Eléments d’Anthropologie et d’Ethno- 
graphie. — 14 vol. 1u-18 de vu-692 pages. (Prix : 
12 fr. 50). Schleicher frères, éditeurs. Paris, 1901. 
Le titre du livre de M. Deniker en indique très exac- 

tement l'objet. Tout son ouvrage, en effet, est dominé par 

la distinction très justifiée qu'il établit entre la race, 

…_ «unité somatologique », et le peuple, « groupe ethni- 
que », constitué d'ordinaire par le mélange ou la com- 

… binaison de plusieurs races. La notion de race a une 

valeur zoologique, beaucoup plutôt qu'historique ou 

. ethnographique. Des groupes ethniques, constitués par 

des individus de même race, présentent souvent les 

différences les plus nettes au point de vue de leurs 

«mœurs, de leurs coutumes, de leur structure sociale, 

de leur civilisation matérielle, de leurs croyances, 
tandis qu'il y a fréquemment, au contraire, une res- 
semblance, qui peut aller jusqu'à une identité complète, 

- entre les institutions familiales, les rites religieux, les 

procédés de culture de populations qu'éloignent l’une 

de l'autre leurs caractères somatiques. 

. Avec grande raison, M. Deniker range au nombre des 

. caractères ethniques la langue que parle une popula- 

tion; elle est fort indépendante de la race ou des races 

auxquelles elle appartient, et c'est une méthode dange- 

. reuse et qui peut induire en de singulières illusions que 

de conclure de la communauté de langue à l'unité d’ori- 

» gine. On a dû renoncer à la notion de race celtique, qui 

- ne répondait à rien, et peut être se verra-t-on obligé 

bientôt de renoncer également à la notion de race 

aryenne. Il est vraisemblable queles Aryens, ce sont les 
populations qui, à une époque très ancienne, et anté- 

- rieurement aux grandes migrations historiques, par- 

laient déjà une langue aryenne. Il y a eu des peuples 

arvens qui ont imposé, dans les temps où nous permet- 

- tent d'atteindre nos documents, leur domination à des 

peuples anaryens et les ont marqués de l'empreinte de 

leur civilisation : il ne semble pas qu'il y ait eu de race 
aryenne. 

Et, d’ailleurs, comme le fait très justement remarquer 
M. Deniker, il n'existe que fort peu d'individus de race 
- pure. Les « unités somatologiques » sont des « types 
» théoriques », formés d’un ensemble de caractères phy- 
- siques combinés d’une certaine façon. « On peut dégager 
l'existence de ces unités par l'analyse minutieuse des 
caractères physiques d'un grand nombre d'individus 
pris au hasard dans un groupe ethnique donné » ; mais, 
de ces espèces ainsi constituées, on n'a pas le type 
sous la main. Chez les divers sujets, les formes sont 
altérées par les mélanges et les métissages, et cha- 
cun d'eux n'offre que deux ou trois des traits caracté- 
ristiques de la race. Et cette complexité des types est 
» d'autant plus grande que l'on a affaire à des popula- 
. tions plus civilisées. Ce n’est guère que chez des peu- 
plades au plus bas degré de civilisation, et qui vivent 
- dans un entier isolement, que l'on a chance de ren- 
… contrer quelque homogénéité de race. Il est, du reste, 
à remarquer que l'homme, qui n'est pas soumis, comme 
… Jes animaux domestiques, à la sélection artificielle, et 

que les conditions où il vit soustraient en partie à l’action 
de la sélection naturelle, ne peut être assimilé que sous 
certaines réserves aux autres animaux, en ce qui con- 

- cerne les lois de formation des espèces, des variétés et 

…— des races. M. Deniker estime que nulle limite précise 

… n'existe entre l'espèce et la race, et il considère que 
la querelle entre monogénistes et polygénistesn'a pas 

- une primordiale importance; il ne croit pas, d’ailleurs, 
— que la question qui les divise soit, à l'heure présente, 
…._ susceptible d'une solution scientifique. 

Le livre de M. Deniker se divise en deux parties: 

l'une générale, l'autre spéciale. Dans la première 

“ (pp. 14-332), après avoir exposé les caractères différen- 
LS 


S 


NET De 


tiels entre l'homme et les singes, il passe en revue les 
différentes caractéristiques des diverses races humaines 
au point de vue morphologique, physiologique, psycho- 
logique et pathologique et présente un court tableau de 
l'évolution linguistique et de l'évolution sociale, où il 
insiste plus encore sur les traits communs aux divers 
groupes ethniques que sur les particularités de leur 
structure et de leur développement. 

Dans la seconde (pp. 333-658), il esquisse une clas- 
sification d'ensemble des races et des peuples et étudie 
successivement les peuples des cinq parties du monde 
et les races qui entrent dans leur composition. 

M. Deniker a groupé sur les variations de la taille 
dans l'espèce humaine, d’après la race, l'ensemble le 
plus complet de documents qu'on ait réuni jusqu'ici. 

Il résulte nettement de ses recherches qu'en dépit des 
variations individuelles, la taille est l’un des caractères 
les plus constants dans un groupe ethnique donné et 
surtout dans une race : l'influence du milieu, si mar- 
quée qu'elle soit, ne vient qu'au second rang et laisse, 
d’ailleurs, reparaître celle de la race dès que les condi- 
tions se modifient quelque peu. 

M. Deniker attribüe aux particularités de structure 
des cheveux une importance prépondérante pour la 
distinction et la classification des races, mais il montre 
qu'à ne tenir compte que de ce seul ordre de caractères, 
comme de tout autre d'ailleurs, on sépareraitdes unités 
somatologiques que rapprochent leurs affinités natu- 
relles et on réunirait en un même groupe des variétés 
que l’ensemble de leurs caractères éloigne les unes 
des autres. Un autre caractère de haute valeur et dont 
la constance semble singulière, c’est la coloration de 
la peau, des yeux et des cheveux : elle est, du reste, en 
corrélation avec la structure et la morphologie de la 
chevelure. 

L'auteur semble attribuer à ces traits extérieurs, et 
aux diverses particularités de la structure de la face 
chez le vivant, autant d'importance qu'aux caractères 
craniologiques. Ces caractères, d'ailleurs, il les à 
exposés avec une remarquable clarté, et tout le chapitre 
qu'il à consacré aux mensurations craniennes est à lire 
avec grande attention. Il semble, au reste, que la forme 
du crâne, dont la valeur est considérable au point de 
vue morphologique. n'ait pas de signification nette au 
point de vue physiologique et qu’elle ne tienne sous sa 
dépendance ni la puissance intellectuelle des individus 
ou des races, ni la qualité de leur intelligence. 

Il n'apparaît pas que, même au point de vue mor- 
phologique, la signification de l'indice céphalique 
prime celle de l'indice nasal, auquel M. Deniker attache 
une valeur toute particulière. 

La capacité cranienne elle- même et le poids du cer- 
veau, qui sont sous la dépendance, en une large mesure, 
du poids et de la laille de l'individu, ne donnent que 
des indications très grossières sursa puissance mentale. 

M. Deniker, qui est au courant des récents travaux 
en matière de linguistique, a dit un sage adieu à la 
théorie qui fait à toute langue une obligation de passer 
par les trois étapes du monosyllabisme, de l’agglutina- 
tion et de la flexion. Il a présenté un très lucide résumé 
de l'histoire des premières ébauches de l'écriture. 

L'esquisse qu'il a tentée des formes primitives de la 
religion est, dans ses traits essentiels, exacte; peut- 
être, cependant, a-t-il donné au culte des morts une 
plus large place que celle qui lui appartient légitime 
ment dans l’ensemble des phénomènes religieux, et 
a-t-il établi, entre les croyances spiritiques et le féti- 
chisme, un lien plus constant et plus étroit que ne le 
révèle l'analyse des faits. Il aurait fallu montrer que 
les croyances relatives aux diverses catégories d'êtres 
supérieurs sont, dans la plupart des cas, non pas 
successives, mais simultanées: le culte des animaux, 
des arbres ou du soleil ne dérive pas du culte des 
morts ; ils se sont parallèlement développés. On pour- 
rait aussi reprocher à l’auteur de n'avoir pas assez 
nettement indiqué que l'essentiel, dans (oute religion, 
c’est le rite. Ce qui est secondaire et subordonné, ce 


676 


BIBLIOGRAPHIE — ANALYSES ET INDEX 


sont les mythes, les légendes, les dogmes, toute la thé- 
ologie en un mot. Mais il le faut louer d'avoir mis en 
lumière l'indépendance originelle de la morale sociale 
et de la morale religieuse, l'indifférence primitive des 
dieux à la conduite des hommes les uns envers les 
autres. On trouvera (p. 263 et suiv.), d'intéressantes 
indications, peut-être un peu trop rapides, sur la nu- 
méralion, la géométrie, la chronologie, la cartogra- 
phie etla médecine des non civilisés. M. Deniker, avec 
raison, rejette l'hypothèse hasardée de la promis- 
cuité primitive : il accepte, peut-être sans la sou- 
mettre à une suffisante critique, la théorie de Mac 
Lennan, de Morgan et de Fison et Howitt sur le ma- 
riage collectif (group-marriage), dont il ne distingue 
pas assez nettement la famille polyandrique; il 
semble confondre la famille maternelle avec le régi- 
me matriarcal, qui en est une forme très exception- 
nelle, et ne donne pas d'explication très claire de l'hor- 
reur qu'inspire l'inceste aux non civilisés; il ne cite pas 
à ce propos le mémoire capital sur la question, celui 
de Durckheim (Année sociologique, t. 1); il semble par- 
fois ne pas discerner aussi précisément qu'il faudrait la 
différence de nature qui existe entre la famille et le 
clan, qu'il parait parfois se représenter comme une 
agrégation de familles. Sur les formes diverses du ma- 
riage, les rites en usage lors de la naissance, l’éduca- 
üon de l’énfant, l'initiation, le traitement que recoivent 
les vieillards, les coutumes du deuil, ses indications, 
très sommaires, sont dans l’ensemble exactes. Il con- 
vient de signaler l’intéressante esquisse qu'a donnée 
l’auteur (p. 289-902) de l’organisation économique des 
sociétés primitives, mais on ne saurait admettre que 
c’est l'établissement du régime féodal qui a détruit en 
Occident la propriété collective. Sur la question du 
Totemisme, M. Deniker semble n'avoir pas utilisé les 
plus récents travaux (Jevons : Az introduction to the 
History of Religion; E. B. Tylor : Journal of Anthrop. 
Inst. 4898; G. G. Frazer : lortnightly Review, avril 
et mai 1899). Ce qui concerne le gouvernement et le 
rôle des chefs est très sommairement exposé ; il est à 
peine fait allusion à leurs fonctions religieuses. Du 
tabou, qui tient une si grande place dans l’organisation 
des sociétés non civilisées, il n’est dit qu'un mot en pas- 
sant. M.Deniker se méprend à notre sens en lui attri- 
buant en Mélanésie une signification purement civile et 
économique; nous croyons avoir établi (Bibliothèque 
de l'Ecole des Hautes-Eludes, Sciences religieuses, 
t. VIT) son caractère religieux. Sur les sociétés secrètes, 
l’auteur a donné les détails essentiels. Toute la partie 
de ce chapitre relative à la civilisation matérielle 
(armes, monnaie, véhicules, etc. est fort intéressante; 
l’auteur a su faire tenir en ces quelques pages un très 
grand nombre de faits clairement classés. 

Dans le chapitre vur, M. Deviker passe rapidement 
en revue les diverses classifications que l’on a proposées 
des races humaines et expose le système de classifica- 
tion auquel il s’est lui-même arrêté. Il distingue vingt- 
neuf races, qu'il groupe sous six chefs distincts : 
A) Cheveux crépus, nez large — Races : Bochimane, 
Négrito, Nègre, Mélanésienne; B) Cheveux frisés ou 
ondulés — Races Ethiopienne, Australienne, Dravi- 
dienne, Assyroïde ; C) Cheveux ondulés, bruns ou noirs ; 
yeux foncés — Races : Indo-Afghane, Arabe, Berbère, 
Européenne littorale, Ibéro-insulaire, Européenne occi- 
dentale, Adriatique; D) Cheveux ondulés ou droits, 
blonds; yeux clairs — Races: Européenne Nordique, 
Européenne orientale; E) Cheveux droits ou ondulés, 
noirs, yeux foncés — Races: Aino, Polynésienne, Indo- 
nesienne, Sud-Américaine ; F) Cheveux droits — Races: 
Nord-Américaine, Centraméricaine, Patagone, Esqui- 
mau, Lapone, Ougrienne, Turque, Mongole. 

Il a représenté les affinités des races en un tableau où 
sont distribuées les vingt-neuf races, qu'il a constituées 
en dix-sept groupes, dont sept seulement (Américain- 
Océanien, Négroïde, Nord-Africain, Eurasien, Melano- 
chroïde (Européen), Xanthochroïde (Européen) com- 
prennent plus d’une race. La disposition du tableau met 


en évidence, par exemple, les relations qui unissent les 
Dravidiens aux Indonésiens et aux Australiens, les Assy- 
roïdes aux Adriatiques et aux Indo-Afghans; les Indo- 
Afghans aux Ethiopiens et aux Arabes, les Esquimaux, 
aux Mongols et aux Nord-Américains à la fois. 

C'est sur de tout autres principes que s’est fondé 

M. Deniker pour la classification des groupes ethni- 
ques ; ila pris pour base les affinités linguistiques et 
sociologiques et surtout le groupement au point de vue 
géographique. 
_ Le chapitre consacré aux races et aux peuples de 
l'Europe est extrêmement remarquable : c'est peut-être 
le meilleur du livre, c’est à coup sùr le plus neuf et 
sans doute le plus utile. Après un exposé très plein, en 
sa brièveté, de ce que nous savons de l’anthropologie, 
et de l'archéologie préhistoriques de l’Europe (il laisse 
en suspens la réalité de l'existence de l’homme tertiaire), 
où il à mis à profit les beaux et classiques travaux de 
MM. de Mortillet et Salomon Reinach, l’auteur 
présente un court résumé des polémiques qu'a soulevées, 
entre ethnographes et linguistes, la question aryenne. 
Pour M. Deniker, il n’y a pas de race aryenne, et c’est 
perdre son temps que d’en chercher le point d’origine 
en Asie ou en Scandinavie :il y à une famille de langues 
aryennes, dont le berceau se trouve sans doute dans le 
Sud-Est de l'Europe,etpeut-être une civilisation aryenne, 
fort semblable d’ailleurs probablement à celle des au- 
tres populations de l’âge néolithique. 

Il en vient alors à l'étude des races actuelles. Si l'on 
ne tient pas compte des Allophyles d’origine asiatique, 
turque où mongole, la population de l’Europe est cons- 
tituée par les combinaisons de deux races blondes: la 
Nordique et l'Orientale,et de quatre races brunes: Ibéro- 
insulaire, Cévenole ou Occidentale, Littorale et Adria- 
tique. Il faut renoncer à donner une valeur anthropo- 
logique aux expressions de races latines ou de races 
Semen leur signification est exclusivement linguis- 
tique ou sociologique. La race germanique a une exis- 
tence un peu moins conventionnelle, mais il s’en faut 
que tous les germanophones soient de race Nordique 
ou sub-Nordique.— Les paragraphes qui se rapportent, 
en ce chapitre, à l’ethnographie de la France et de l'Italie 
et aux Finnois sont tout particulièrement intéressants. 

Dans le chapitre relatif aux races et peuples de l'Asie, 
nous signalerons spécialement les pages qui traitent de 
l'archéologie prémstorique et celles qui ont trait à 
l'ethnographie de la Sibérie et de l’Indo-Chine. Nous 
aurions aimé qu'une étude plus approfondie nous ait 
été donnée des races de la Chine,de l'Inde et de la Perse. 
La race sémitique semble bien avoir une réalité anthro- 
pologique et n'être pas seulement une entité linguisti- 
que, mais il s'en faut que tous les peuples de langue 
sémitique y puissent trouver place et il paraît bien que 
bon nombre des Juifs appartiennent à la race assyroïde. 
Dans le chapitre relatif aux peuples et races de l’Afri- 
que, il nous semble que tout ce qui se rapporte aux 
Baotous a été traité bien sommairement, mais il faut 
noter la conception très plausible et très suggeslive de 
M. Deniker qui en fait des métis de Nègres, de Ne- 
gritos, de Boschimans-Hottentots et d'Ethiopiens. Il n'y 
a qu'à louer, par contre, les pages très intéressantes 
et très neuves consacrées aux populations rouges de la 
région équatoriale : Sandé, Massaï, etc., et aux popu- 
lations nigritiennes, dont cependant, il n'a indiqué 
que d’une facon bien générale les traits caractéristiques 
au point de vue dela civilisation et de l'organisation 
sociale. 

L'ethnographie de l'Australie est, elle aussi, fort som- 
mairement traitée, mais il faut reconnaître que bon 
nombre des questions essentielles qu'elle soulève avaient 
été traitées dans les chapitres qui se rapportent aux ca- 
ractères sociologiques des diverses races. M. Deniker a 
montré, en se fondant sur les travaux de Ling Roth, 
qu'il fallait séparer des Australiens les Tasmaniens, 
aujourd'hui éteints, et les rattacher à la race mélané- 
sienne. Il a jeté un peu de lumière sur l’ethnographie 
sicompliquée de la Malaisie et a fait voir clairement qu'il 


BIBLIOGRAPHIE — ANALYSES ET INDEX 


n'existait pas les affinités que l'on avait cru entre les 
Polynésiens et les Indonésiens, que tous leurs caractères 
rapprochent des Malais; ce sont peut-être les Proto- 
Malais, et les Malais actuels ne seraient alors que des 
mélis, produits des croisements des Indonésiens avec 
“des Chinois,des Papous, des Négritos, des Hindous, etc. 

«Il nous semble que M. Deniker se méprend en énumé- 
rant, parmi les caractères spécifiques des Papous, l’em- 
ploi du ull-roarer; il se retrouve chez les autres 
Mélanésiens, au témoignage de Codrington. 

+ Ileüt été nécessaire de donner des détails plus pré- 
cis sur les Micronésiens, qui diffèrent à plusieurs égards 
des autres Polynésiens, en particulier au point de vue 
de la structure familiale et de l’organisation sociale. 

—_ Le chapitre consacré à l'Amérique est fort bon. Il 

renferme une bonne étude sur les mound-builders; on 

est un peu surpris que M. Deniker n'y mentionne pas 
je beau livre de Cyrus Thomas : Zntroduction to the 

«study of North american Archæology. Peut-être esti- 

« mera-t-on qu'il vaudrait mieux séparer plus complè- 

à tement les Esquimaux des autres races américaines, 

. 


… dont ils diffèrent à la fois somatiquement et ethnique- 
ment. M. Deniker reconnait l'existence d'une race 
palé-américaine, à laquelle il rattache les Indiens des 
Andes. Les paragraphes qu'il a consacrés à l’ethno- 

* graphie de Amérique centrale, du bassin de l’Ama- 

- zone et du Brésil rendront à tous les ethnographes les 

: meilleurs services. Il a décrit avec une extrême clarté 

les migrations en sens opposé des Arrawaks et des 

+ Caraïbes. Il aurait pu, mettant plus largement à profit 

| les travaux de von den Sleinen, donner de plus amples 

- détails sur les tribus du centre du Brésil, dont les mœurs 
jettent une si précieuse lumière sur diverses questions 

de sociologie. 

…. L'auteur a rendu un éminent service en écrivant son 

« livre. Nous ne voudrions pas que nos criliques de 
détail puissent donner le change sur nolre pensée; 
c'est un ouvrage excellent que celui de M. Deniker, 

- un livre méthodique et clair, amplement et sûrement 

L documenté, L. MaRILLIER, 


Maître de Conférences à l'Ecole pratique 
des Hautes-Etudes. 


4 Sciences médicales 


- Rothschild (D: Henri de). — Bibliographia lactaria. 
- Bibliographie générale des Travaux parus sur le lait 
—. et l'allaitement jusqu'en 1899, avec une préface de 
} M. E. Duczaux, Membre de l’Institut, Directeur de 
… l'Institut Pasteur.— 1 vol. in-8° jésus de 600 pages. 
(Prix : 20 fr.) O. Doin, éditeur. Paris, 1901. 
| M. Henri de Rothschild est très honorablement connu 
dans la littérature médicale par ses publications sur 
ï l'alimentation des nourrissons. Au cours de ses recher- 
ches, il a été amené à consulter ce qui avait déjà été 
écrit sur ces questions. Il a trouvé intéressant et utile 
. d'établir une bibliographie générale des ouvrages ayant 
traité du lait et de l'allaitement. C’est ainsi qu'est né le 
volume qu'il nous présente aujourd'hui. 

Ce volume in-8°, de près de 600 pages, ne contient 
que des indications bibliographiques. Celles-ci sont 
exactement au nombre de 8.375. Ainsi, sur cette ques- 

. tion limitée d'hygiène alimentaire de l'enfance, il a 616 
publié 8.375 mémoires, ouvrages, traités ou livres. Je 
n'ai pas compté le nombre d'auteurs qui ont concouru 
à l'édification de cette véritable bibliothèque : leurs 
noms, disposés par ordre alphabétique, n'occupent pas 
moins de 68 pages. 

En publiant ce volume, M. de Rothschild a voulu être 
utile à tous ceux qui s'intéressent à la question du lait. 
Certes, l'utilité d'une telle publication ne saurait être 
niée, et ce n'est pourtant pas ce côté du livre qui 
nous à frappé quand nous l'avons parcouru. Ce qui 

. nous à semblé vraiment curieux, c’est de voir que les 
questions que nous abordons aujourd'hui avec toutes 
les ressources de la science moderne (analyse chimi- 
que, microscopie, bactériologie) — sans les résoudre le 


Te, 


plus sonvent— se posaient déjà dans l'esprit des savants 
d'il y a quatre cents ans, ; 

En 1538, Acorombonus publie à Nuremberg un livre 
intitulé : « Tractatus utilissimus de natura et usu 
lactis », et en 1653 nous trouvons l'ouvrage de Ortlob 
« De lacte humano ». Je ne dirai pas qu’à cette époque 
on connaissait déjà les méfaits du lait de vache; mais, 
en fout cas, on y pensait déjà, puisqu'en 1666 pa- 
raîit le travail de Bourdelin sur «l'examen du lait 
de vache, d'âänesse et de chèvre », et qu'en 1790 
Bouillon-Lagrange publie une « Lettre contenant ‘des 
expériences sur le lait de femme et le lait de vache. » 
A ces époques lointaines, on observait comme au- 
jourd'hui, souvent mal, quelquefois bien. Si Borri- 
chius voit bien dans son « Observation sur une femme 
dont le lait était amer par l'usage qu’elle avait fait de 
l'absinthe » — cette observation date de 1766, — on 
ne peuten dire autant de l’auteur qui, en 1707, publieun 
Mémoire sous le titre suivant : « Le lait des Européennes 
qui vont à Batavia est si salé, qu'elles ne peuvent 
nourrir leurs enfants. Il n'en est pas de même du lait 
des négresses ». 

Tout comme aujourd'hui la composition du lait inté- 
ressait les savants et, comme nous, ils essayaient de 
l’analyser. Nardius fait paraître à Florence, en 1634, un 
livre intitulé : « Lactis physica analysis », et en 1756, 
Vullyamoz, dans sa dissertation inaugurale, s'occupe du 
dosage des sels du lait : « De sale lactis essentiali »! 

Quant au rôle du lait dans le traitement des maladies, 
il est connu depuis des siècles. Voici, en 1670, l'ouvrage 
de Greisel sur les effets mirifiques du régime lacie 
dans l'arthrite : « Tractatus medicus de cura lactis in 
arthritide, in quoi indigata natura lactis et arthritidis 
tandem rationibus, etc., etc. »; voici encore, en 1678, le 
livre de Bayle : « De utilitate lactis ad tabidos refi- 
ciendos et de immediato corporis alimento. » Il n’y a pas 
dix ans que nous connaissons le koumis et le kephir, 
et pourtant, dès 1811, Clarke faisait paraître un ouvrage 
intitulé : « Of the koumiss of the Calmucks and of the 
ardent spirit which they distill from milk. » C’est ainsi 
qu'à travers des siècles on voit revenir les mêmes ques- 
tions et celles-ci être prises et reprises avec de nou- 
veaux moyens d'investigations, avec d'autres idées 
préconcues, avec de nouvelles méthodes. 

« Quand on voit, écrit M. Duclaux dans la préface 
qu'il a consacrée au livre de M. de Rothschild, l'énorme 
bibliographie établie par M. le D° H. de Rothschild, à 
propos de l'étude du lait, et que l'on songe, comme on 
peut le faire en consultant les derniers ouvrages qu'elle 
mentionne, combien nous sommes encore peu avancés 
sur cette question, on se sent saisi d’une sorte de mé- 
lancolie devant l’immensité des efforts et la pauvreté - 
du résultat; des centaines de savants, des milliers 
d'années d'études, pour aboutir à deux ou trois cents 
pages de vérités! Et encore, toutes ces vérités, pouvons- 
nous en répondre? » 

Telle est la philosophie qui se dégage des 8.375 indi- 
cations bibliographiques réunies par M. H. de Rothschild 
dans son superbe volume. Dr R. ROMME, 

Préparateur à la Faculté de Médecine de Paris. 


De Langenhagen (Maurice) — L’Entéro-colite 
muco-membraneuse. Enquête sur certains points 
controversés de son histoire. — (Æx/rait de la 


Presse Médicale du 11 mai 1901). G. Carré et C. Naud, 

éditeurs. Paris, 1901. 

Dans ce Mémoire, M. de Langenhagen produit et 
discute une statistique personnelle de six cents cas 
d’entéro-colite muco-membraneuse. Ce travail, très 
complet, fait honneur à son auteur et élucide lâ plupart 
des problèmes qui se posaient dans l’histoire de cette 
affection. 


Girod (D° Paul). — Comment on se défend contre 
les Vers intestinaux. — 1 hroch. 1n-8° de 71 pages, 
avec planches. (Prix : 1 fr.) L’Edition médicale fran- 
çaise, Paris, 1901. 


678 


ACADÉMIES ET SOCIÉTÉS SAVANTES 


ACADÉMIES ET SOCIÉTÉS SAVANTES 


DE LA FRANCE ET DE L'ÉTRANGER 


ACADÉMIE DES SCIENCES DE PARIS 


Séance du 17 Juin 1901. 


M. Maupas est élu Correspondant pour la Section 
d'Anatomie et Zoologie. 

1. SCIENCES MATHÉMATIQUES. — M. G. Bigourdan donne 
la liste des nébuleuses nouvelles qu'il a découvertes à 
l'Observatoire de Paris (équatorial de la Tour de l'Ouest). 
— M. M. Hamy a constaté que deux épreuves photo- 
graphiques de la Lune, prises à des époques correspon- 
dant à une même phase et à des librations très diffé- 
rentes, regardées stéréoscopiquement, fournissent des 
données sur le relief de notre satellite. Il montre que 
la stéréoscopie peut s'appliquer à d’autres problèmes 
astronomiques. — M. Rabut donne les équations et les 
propriétés fondamentales des figures auto-polaires 
réciproques dans le plan et dans l’espace. Les lignes 
planes auto-polaires sont définies par une relation 
symétrique entre l’abscisse (ou l’ordonnée) et la sous- 
tangente. — M. A. Hurwitz communique un théorème 
général sur les séries de Fourier, dont il tire d'intéres- 
santes applications. — M. Mesnager étudie l'application 
de la théorie de l’élasticité au calcul des pièces rectan- 
gulaires fléchies. 

2. SCIENCES PHYSIQUES. — M. E. Rothé a constaté, au 
moyen de l’électromètre capillaire de Lippmann, que 
la force électromotrice du compensateur correspondant 
au maximum de tension superficielle augmente avec la 
concentration. Les hauteurs de mercure soutenues, 
soit au maximum, soit quand les deux mercures sont 
en communication, diminuent quand la concentration 
augmente. Ces résultats peuvent être prévus par la 
théorie des ions. — MM. Ph.-A. Guye et A. Baud ont 
mesuré les constantes capillaires de quelques liquides 
organiques, en vue de fixer leur degré de polymérisa- 
tion. Le phénétol, l'anisol, l'acétate d’éthyle, le nitro- 
benzène, le benzonitrile paraissent normaux. Le méla- 
crésol n'est pas polymérisé entre 9° et 55°, mais le 
devient partiellement entre 100° et 150°; c'est le pre- 
mier exemple de ce genre. — M. Eug. Demarçay a 
obtenu, par fractionnement de l’azotate magnésien, une 
petite quantité d’un nouvel élément, intermédiaire entre 
le gadolinium et le samarium, et caractérisé par de 
fortes raies violettes et ultra-violettes. Il le nomme 
europium, avec le symbole Eu — 151 (environ). — 
M. M. Berthelot a constaté qu'à froid, la précipitation 
totale de l'argent, sous forme de phosphate, dans Ja 
réaction du phosphate bisodique sur l’azotate d'argent, 
a lieu seulement lorsque les deux sels ont réagi à mo- 
lécules égales, les deux tiers de l'acide phosphorique 
demeurant dissous sous forme de sels mono et biba- 
SU La précipitation totale de l'acide phosphorique 
sous la forme de phosphate argentique a lieu seulement 
lorsque l’on a employé trois molécules d'azotate d'ar- 
gent pour une molécule de phosphate bisodique, avec 
addition finale de soude en dose équivalente à la neu- 
tralisation appréciée par la phtaléine. — M. V. Thomas 
a observé que le brome en excès réagit sur le chlorure 
thalleux pour donner le chlorobromure TCEBrs. En 
présence de solvants susceptibles de se combiner aux 
halogènes, il se forme TIBr°. Par voie sèche, on obtient 
des produits d'addilion normaux du chlorure thalleux. 
En présence d'un excès de brome, c’est le chlorobro- 
mure TICIBr qui prend naissance. — M. R. Chavas- 
telon a constaté que l’action de l'acétylène sur une 
solution saturée et neutre de chlorure cuivreux dans 
le chlorure de potassium conduit à des résultats iden- 
tiques au cas d’une solution acide précédemment 


décrit. Dans le cas d’une solution neutre, et quelle 
que soit la vitesse du courant gazeux, une agitation 
active est nécessaire. — M. Dimitry Balachowsky 
indique une méthode de séparation électrolytique du 
cobalt et du nickel. On opère en solution acétique, en 
présence de sulfocyanate d'ammonium, d’urée et d'am- 
moniaque; en employant un courant d’un volt avec 
0,8 ampère, le nickel seul se précipite à la cathode. — 
M. A. Trillat a étudié l’action de contact d’une spirale 
de platine chauffée sur les alcools secondaires et ter- 
liaires ; il se forme soit des cétones seules, soit des 
cétones et de la formaldéhyde. La chaleur dégagée par 
la réaction est suffisante GONE maintenir la spirale de 
platine incandescente. — M. A. Haller, en faisant réa- 
gir l'épichlorhydrine sur les éthers benzoylacétiques 
sodés, a obtenu une cétolactone : 


C°H5.C0.CH — CO 


| 0 
CH? — 


> 
CH.CH®CI 


qui est la2-benzoyl-4-valérolactone-5-chlorée. Ce corps, 
sous l’action d'une lessive alcaline, donne naissance à 
un cétoneglycol, qui est le 4-benzoyl-1 : 2-butanediol; 
il peut aussi se dédoubler en acide benzoïque et en acide- 
glycol. — MM. G. Bertrand et R. Sazerac indiquent 
un moyen chimique de différencier les deux principaux 
ferments du vinaigre : le Mycoderma aceti et la bacté- 
rie du sorbose ou Bacterium xylinum Brown. Tandis 
que la bactérie du sorbose oxyde rapidement la glycé- 
rine et la transforme en dioxyacétone, le mycoderme 
du vinaigre attaque à peine cette substance. — 
M. P. Miquela employé la levure de bière pour déce- 
ler les communications des nappes d’eau entre elles. La 
levure ne perd pas sensiblement de sa vitalité après de 
longs parcours souterrains, et, si l’on recueille l’eau qui 
la contient dans un bouillon de peptone sucré, il se 
déclare bientôt une énergique fermentation alcoolique. 
— M. M. Nicloux a reconnu que le gaz oxyüe de car- 
bone se rencontre à Paris dans! le sang des nouveau- 
nés. Sa quantité est, en moyenne, de 0,11 centimètres 
cubes pour 100 centimètres cubes de sang. 

3. SCIENCES NATURELLÈS. 
ont reconnu que les lécithines de l'œuf de poule aug- 
mentent l'appétit des animaux qui les recoivent par 
voie sous-cutanée ou par voie stomacale. Il en résulte, 
conformément aux recherches de Danilewsky, un 
accroissement rapide du poids des animaux. L’urée, 
l'azote urinaire total, le coefficient d'utilisation azotée 
se trouvent augmentés; on observe simultanément une 
diminution de l'acide phosphorique éliminé par les 
urines. — M.'L. Lapicque a déterminé le temps de réac- 
tion des Negritos des iles Andaman. Ceux-ci mettent, 
en moyenne, à répondre 4/100 de seconde de plus que 
de Européens cultivés. Mais les expériences faites sur 
la classe des travailleurs manuels à Paris donnent un 
chiffre du mème ordre que celui des Negritos. Il ne 
semble donc pas que la race ait une influence sur le 
temps de réaction ; ce seraient plutôt les conditions 
biologiqués. — M. Mendelssohn a étudié les effets pro- 
duits par le passage des courants électrotoniques extra 
polaires dans les nerfs sans myéline. — M. S. Leduc, 
en déposant symétriquement sur une couche de géla- 
tine des gouttes de liquide précipitant au contact, à 
obtenu des figures géométriques qui reproduisent les 
formes des cellules des tissus vivants. — M. L. Beille 
a distingué chez les Disciflores, d’après le mode de 
développement et la disposition de l'androcée, trois 
séries principales 
isostémone, diplostémone, polystémone; % les Disci- 


1° les Æuphorbiacées, à androcée. 


DR PNA 


ACADÉMIES ET SOCIÉTÉS SAVANTES 679 


fores obdiplostémones (Rutacées, Diosmées, etc.); 
30 les Disciflores eudiplostémones (Méliacées, Coria- 
riées, etc.). 


Séance du 24 Juin 1901. 


M. Ed. van Beneden est élu correspondant pour la 
Section d'Anatomie et de Géologie. 

19 SCIENCES MATHÉMATIQUES. — M. H. Deslandres 
communique une troisième série d'observations de 
la nouvelle étoile de Persée. Le 17 avril, la nouvelle 
étoile présentait très probablement la raie caractéris- 
tique des nébuleuses, — M. Dumont envoie un exposé 
détaillé des principales propriétés des surfaces du 
troisième ordre traitées par les méthodes de la Géomé- 
trie projective. — M. D.-Th. Ægorov étudie le problème 
suivant : Trouver toutes les surfaces qui admettent un 
réseau conjugué invariable dans une déformation con- 
tinue. — M. L.-E. Dickson poursuit ses recherches 
sur la théorie des groupes linéaires dans un domaine 
arbitraire de rationnalité. — M. S. Zaremba commu- 
nique quelques considérations sur l'intégration de 
l'équation Aw— p?w — 0. 

29 ScrENCES PHYSIQUES. — M. J. Violle a observé, au 
cours d’un orage, un éclair en boule, le 9 juin, près 
de Gevrey-Chambertin (Côte-d'Or), — M. A. Ponsot, 
poursuivant ses recherches sur les actions chimiques 


. dans les systèmes dissous ou gazeux, montre que la 


formation réelle ou virtuelle du système qui tend à 
exister seul à une dilution infinie et qui décroit quand 
on enlève du dissolvant, diminue la tension de vapeur 
de ce dissolvant; celle du système antagoniste accroit 
cette tension de vapeur. — MM. Ph.-A. Guye et 


- A. Baud ont déterminé les constantes capillaires de 
- la valéroxime, de la méthyléthylcétoxime, des phényl, 


méthyl, éthyl et isopropyluréthanes. Tous ces corps 
sont polymérisés à l’état liquide; chez les uréthanes 


- aliphatiques, le dérivé méthylé est moins polymérisé 


que le dérivé éthylé, et celui-ci que le dérivé propylé. 
— M. A. Besson, à la suite de la confirmation de 


- l'existence du sous-oxyde de phosphore P‘O par Mi- 


chaelis, a repris l'étude de son oxyde phosphoreux 
P°0, dont l'existence avait 6t6 mise en doute. En dis- 


- solvant HBr à froid dans du chlorure de phosphoryle, 
- puis en faisant passer un courant de PH, on obtient 


un volumineux dépôt jaune orangé, qui, purifié, cor- 


- respond bien à la composition P°0. — M. Jouniaux 


a étudié l’action des radiations solaires sur le chlorure 


- d'argent en présence d'une atmosphère limitée d'hydro- 


gène. Après une exposition au soleil suffisamment 


- prolongée, et avec une quantité convenable de chlo- 


rure d'argent, tout l'hydrogène est transformé en HCI. 
— M. M. Berthelot à étudié les réactions de deux 
bases mises simultanément en présence de l'acide 
phosphorique, l’une formant un phosphate soluble 
(soude), l’autre formant ua phosphate insoluble (chaux 
ou baryte). Dans les trois cas examinés, la proportion 
de PO'‘H* précipité est double de celle qui correspon- 
drait à la chaux ou à la baryte supposées changées en 
phosphates tribasiques. Il y a donc séparation, sous 
forme insoluble, d'une fraction de soude considérable. 
— M. Paul Sabatier rappelle, à la suite de la commu- 
nication de M. Recoura, qu'il a obtenu, il y a déjà 
longtemps, des sels basiques mixtes par action d’un 
oxyde ou d’un hydrate métallique sur les solutions 
des sels des autres métaux. — M. A. Maïlhe a pour- 
suivi l'étude de l’action de l’oxyde mercurique sur les 
solutions aqueuses de sels métalliques. Avec les azo- 
tates de manganèse et de cadmium, on obtient des 
sels du type (Az0*)*Hg, RO, 3H°0. Avec les sels ferreux, 
il y a réduction de l'acide mercurique en sel mercu- 
reux ou en mercure et oxydation du sel ferreux en sel 
ferrique. — M. G. André rappelle qu'il a aussi obtenu, 
il y a quelques années, des oxychlorures basiques ren- 
fermant plusieurs oxydes métalliques. — M. F. Par- 


mentier rappelle qu'il a indiqué, en 1892, un procédé 
d'embouteillage des eaux minérales qui assure la con- 


servation parfaite de leur composition et de leurs pro- 


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priétés thérapeutiques. — M. M. Berthelot pense que 
les corps obtenus par M. Chavastelon dans l’action de 
l'acétylène sur le chlorure cuivreux peuvent être con- 
sidérés comme des dérivés d’un chlorure double de 
cuprosacétyle monosubstitué (C*H°Cu)Cl.CuCI ou tri- 
substitué (C*Cu*)Cl.CuCI. — M. A. Colson montre que 
la réaction du chlorhydrate de pipéridine sur le chlo- 
rhydrate d'ammoniaque sec en présence du gaz 
ammoniac est réversible et limitée par la tension du 
gaz. — MM. L. Maquenne et G. Bertrand ont préparé 
l’érythrite racémique inactive par compensation en 
mélangeant des poids égaux des deux érythrites actives. 
Le corps obtenu est ideutique à celui trouvé autrefois 
par M. Griner; il fond à + 72°, — M. M. Descude a 
fait réagir le chlorure d’acétyle sur le trioxyméthylène 
en présence de chlorure de zinc et a obtenu l'acéto- 
chlorhydrine de méthylène CH°.CO0.CH:CI. Avec le 
chlorure de benzoyle, on obtient un corps (C'H'0:}, 
isomère de l’acide benzoïque. — MM. L. Bouveault et 
A. Bongert, en soumettant à l’action de l'acide nitrique 
fumant les deux butyrylacétylacétates de méthyle, 
ont obtenu le même éther méthylique C°H°Az?0"; la 
nitration de l'acétylacétate fournit également le même 
produit. Les groupes acidylés sont donc indifférents à 
la réaction et se retrouvent à la fin à l’état d'acides. 
MM. A. Haller et A. Guyot, en diazotant l’hexaméthyl- 

triamidotriphénylméthane orthoamidé en milieu chlor- 

hydrique, ont obtenu une leucobase qui, par oxydation, 

donve un colorant bleu ne présentant aucune particu- 

larité. Mais, si la diazotation a lieu en milieu sulfurique 

concentré, on obtient un dérivé fluorénique, l'hexamé- 

thyltriamidophénylfluorène. C’est la leucobase d'un 

nouveau colorant, le bleu de fluorène, soluble dans 

l'alcool et dans l’eau. — M. G. Massol a étudié la valeur 

acidimétrique de l’acide parasulfanilique C‘H*AzH?.SO'H. 

— MM. J. Minguin et E. Grégoire de Bollemont ont 

étudié les propriétés de quelques composés racémiques 

de la série du camphre. Ils ont généralement une 

forme cristalline différente de celle des composés actifs. 

Un mélange d’actif et de racémique à formes cristallines 

différentes possède un point de fusion commençant 

inférieur au point de fusion de celui des deux corps 

qui fond le plus bas. Un mélange d’actif et de racémique 

affectant la même forme cristalline a un point de fusion 

commencant un peu plus élevé que le point de fusion 

de celui des deux corps qui fond le plus bas. La densité 

du racémique est plus grande que celle de ses consti- 

tuants. — M. A. de Schulten a effectué la synthèse de 

la boronatrocalcite (ulexite) en ajoutant une solution 

de chlorure de calcium à une solution de borax en 

excès saturée à froid. Les cristaux obtenus possè- 

dent bien la composition Na°0,2Ca0,5B°0*,16H°0. — 
M. G. André a étudié l’évolution du soufre et du phos- 

phore dans la plante pendant la germination. Le soufre 

total augmente progressivement pendant la germination. 

Le phosphore des phosphates préexistants augmente 

aussi pendant la germination, tandis que le phosphore 

total reste stationnaire et n'augmente que lorsque 

l'azote lui-même s'accroît. 

39 SCIENCES NATURELLES. — MM. L.-R. Régnier et 
G. Didsbury ont pratiqué l’anesthésie locale en chi- 
rurgie dentaire à l’aide des courants de haute fréquence 
et de haute intensité. Les incisives et les canines sont 
les dents les plus faciles à anesthésier; les molaires et 
les racines découronnées le sont moins. L'électrisation 
ne provoque aucune réaction fâcheuse. — M. R. Demer- 
liac a employé le résonnateur Oudin pour actionner les 
tubes à vide. Les rayons X produits par ce moyen pos- 
sèdent la propriété de ne pas donner d’érythèmes. — 
MM. Stassano et P. Bourcet ont constaté que l’iode 
contenu dans le sang normal existe exclusivement dans 
les leucocytes. — MM. A. Chauveau et J. Tissot pré- 
sentent un outillage simple pour rendre inoffensifs 
le séjour et le travail de l'homme dans les atmosphères 
irréspirables contaminées par des gaz délétères. Leur 
appareil nasal à séparation du courant d’air expiré et 
du courant d'air inspiré permet de prendre ce dernier 


680 


à une grande distance du sujet au moyen d'un tube. 
Les sujets munis de cet appareil peuvent séjourner et 
agir sans danger au milieu d'une atmosphère quel- 
conque. Le système se prête à toutes les opérations de 
sauvetage qu'on peut avoir à réaliser dans les locaux 
envahis par les gaz délétères. — M. L. Bordas a étudié 
l'appareil digestif des Dytiscides, —M. H. Coupin a cons- 
taté que les végétaux supérieurs jouissent d’une sensi- 
bilité merveilleuse à l’action utile des sels de potassium 
et permettent d'apprécier la mesure de ceux-ci, même 
quand ils sont en proportion infime. — M. Ed. Heckel 
a étudié la constitution de la graine de Hernandia; les 
cotylédons y sont partagés en lobules plus ou moins 
nombreux par des cloisons membraneuses d’origine 
spermodermique, ce qui rapproche ces graines de celles 
de Riavensara, 
Louis Brune. 


ACADÉMIE DE MÉDECINE 


Séance du 4 Juin 1901. 


L'Académie adopte, après discussion, les conclusions 
du Rapport de M. E. Besnier sur la création d’un sana- 
torium privé pour lépreux dans les Voges (voir p. 589). 
— M. Chantemesse donne lecture d'un mémoire sur 
le diagnostic des eaux qui transmettent la fièvre typhoïde. 
— M. Mouchet (de Sens) lit une observation de kystes 
dermoïdes d’un volume extraordinaire situés dans la ré- 
gion sacro-coccygienne chez un enfant nouveau-né ; 
l’ablation de la masse kystique, six jours après la nais- 
sance, fut suivie de guérison. — M. Chavasse donne 
lecture d’un travail sur un cas de kyste dermoïde à 
contenu huileux de l'angle interne de l'orbite gauche. 


Séance du 11 Juin 1901. 


M. Chantemesse est élu membre titulaire dans la 
Section d'Hygiène publique, Médecine légale et Police 
médicale. — M. Heurteaux (de Nantes) est élu Associé 
national. 

M. Chauvel présente le rapport sur la concours du 
Prix Meynot en 1901. — M. P. Budin fait un rapport 
sur un mémoire de MM. M. Balestre et Gilletta de 
Saint-Joseph, relatif à la mortalité de la première 
enfance dans la population urbaine de la France de 
1892 à 1897. Celle-ci est considérable; les décès, pour 
1.000 enfants de 0 à 1 an, sont dus aux causes suivantes; 
385 à la gastro-entérite, 147 aux maladies des voies res- 
piratoires, 171 à la débilité congénitale, 25 à la tuber- 
culose, 50 aux maladies contagieuses et 222 aux autres 
causes réunies. Des mesures bien comprises, surtout en 
ce qui concerne la nourriture de l'enfant, pourraient 
enrayer fortement cette mortalité. — M. J.-V. Laborde 
fait un tableau des ravages causés par la consommation 
de l’absinthe et des essences toxiques similaires, et, 
en se basant sur l'amendement suivant voté par le 
Parlement : « Le Gouvernement interdira, par décrets, la 
fabrication et la vente de toute essence reconnue dan- 
gereuse et déclarée comme telle par l’Académie de 
Médecine », il propose à l’Académie : 1° De prendre sans 
tarder l'initiative de l'indication des liqueurs, apéritifs 
et boissons contenant les essences les plus dangereuses 
pour la santé publique, à l'effet d'en interdire la fabri- 
cation, la circulation, la publication et la vente; 2° De 
charger de cette étude et de cette indication la Com- 
mission de l’Alcoolisme; 3° De communiquer, sous 
forme de vœux, aux Pouvoirs publics et au Parlement, 
la délibération adoptée et prise par l'Académie à ce sujet, 
après avoir entendu le rapport de la Commission. 


Séance du 18 Juin 1901. 


M. le Président annonce le décès de M. Bleicher, 
Correspondant national. — MM. Tichomirow. (de 
Moscou) et Schaër (de Strasbourg) sont élus Corres- 
pondants étrangers dans la Division de Pharmacie. 

MM. Lancereaux et Paulesco ont administré la 
lécithine dans deux cas de diabète pancréatique, à la 
phase du dépérissement, et ont vu les malades aug- 


2e Ds | 


ACADÉMIES ET SOCIÉTÉS SAVANTES 


menter rapidement de poids en même temps que leur 
état général s'améliorait. Ils ont employé la lécithine 
dans plusieurs autres affections s’accompagnant de 
dénutrition et ont obtenu de bons résultats, — 
M. Wlaeff lit un mémoire sur la sérothérapie du cœur. 
— MM. Jacquet et Portes communiquent un travail 
sur la viciation hémo-urinaire dans la pelade. 


SOCIÉTÉ DE BIOLOGIE 


Séance du 4° Juin 1901. 


M. Ch. Féré a démontré que les odeurs, qu'elles 
soient agréables ou désagréables, ne produisent qu'une 
excitation passagère, et qu'en somme elles diminuent 
la capacité de travail d'autant plus qu’elles ont provo- 
qué une excitation plus grande. — M. A. Laveran à 
examiné des Culicides recueillis à Djibouti et à la Nou- 
velle-Calédonie. Les premiers sont des Anopheles, tan- 
dis que les seconds sont des Culex. Ces résultats con- 
cordent avec le fait que le paludisme est très grave à 
Djibouti, tandis qu'il est inconnu en Nouvelle-Calédo- 
nie. — M. H. Coupin a reconnu que les composés mi- 
néraux ayant un pouvoir antiseptique élevé sont, en 
mème temps, à de rares exceptions près (aluns), des 
poisons violents pour les végétaux supérieurs. — M. B. 
Lansac a observé un cas d’angine de Vincent dont l'a- 
nalogie clinique avec la diphtérie était telle que seul 
l'examen bactériologique a permis d'en faire le dia- 
gnostic précis, — M. A. Chipault montre que la ra- 
chicocaïnisation sous-arachnoïdienne est contre-indi- 
quée dans la chirurgie nerveuse ; par contre, il a ob- 
tenu d’assez bons résultats avec les injections épidurales 
dans une certaine position. — M. C. Simionesco à 
trouvé que les calculs biliaires sont proportionnelle- 
ment plus fréquents chez l'homme que chez les ani- 
maux. — M. Onimus rappelle qu'il a le premier indi- 
qué une méthode pour la photographie des mouve- 
ments du cœur. — M. Touche communique un nouveau 
cas aui tendrait à faire admettre que la mémoire topo- 
graphique a son siège dans le lobule fusiforme, — 
M. Sabrazès indique un procédé simple pour recon- 
naître le sang leucémique et les précautions à prendre 
pour le dosage colorimétrique de l’hémoglobine dans la 
leucémie. — M.G. Milian établit que la peau a une in- 
fluence très grande sur la coagulabilité du sang, pro- 
bablement parce qu'elle renferme une substance coa- 
gulante. — MM. Calugareanu et V. Henri ont constaté 
qu'il n'existe pas de différence appréciable entre la vi- 
tesse de diffusion dans les solutions gélifiées et dans 
l'eau pour les corps anorganiques de structure molé- 
culaire simple; au contraire, pour certaines matières 
colorantes complexes, la diffusion est bien plus lente 
dans les solutions gélifiées que dans l’eau. — M. H. 
Gilardoni a étudié les conditions mécaniques de la 
systole ventriculaire et l'influence de ces conditions sur 
la forme de la secousse musculaire. Puis il a fait tra- 
vailler, dans les mêmes conditions, un gastrocnémien 
de grenouille pour comparer au myocarde ce type 
classique du muscle. Pour cela, il a d'abord employé un 
myographe à poids variable perfectionné, qu'il a rem- 
placé ensuite, à cause de son inertie considérable, par 
un myographe à ressort de torsion. — MM. F. Arloing 
et F. de Gebhardt ont obtenu, par réaction de l’orga- 
nisme de la chèvre en présence du bacille de Koch vi- 
rulent introduit dans le tissu conjonctif, un sérum 
antituberculineux, pourvu d’un pouvoir chimiotaxique , 
positif très développé ; pourtant il est inefficace à pro- 
téger contre l'inoculation du bacille de Koch. — M. Oni- 
mus conseille, pour la destruction des larves de mous- 
tiques, le pétrole, et, pour la destruction des insectes 
ailés, le pyrèthre, en poudre ou en teinture. — M. A. 
Frouin a reconnu que la variation du pouvoir digestif 
du suc gastrique dépend surtout de l'acidité du liquide. 
Les substances alimentaires qui, ingérées dans l'intes- 
tin, produisent une sécrétion abondante, augmentent 
aussi le pouvoir digestif du suc gastrique. 


ACADÉMIES ET SOCIÉTÉS SAVANTES 


681 


. Séance du 8 Juin 1901. 


M. Ch. Féré a étudié l'influeuce de la théobromine 
sur le travail. Dans un cas, elle a non seulement sup- 
«primé les effets de la fatigue, mais elle a donné une 
“plus-value de travail de 69,21 °/,. Toutefois, si Le travail 
ce prolonge, il se produit une moins-value sur la nor- 
male etune fatigue beaucoup plus intense, — M. F. Ca- 

thelin fait l'historique de la méthode des injections 
…cpidurales par le canal sacré et donne quelques indica- 
“tions nouvelles sur la technique. Il pense qu'on pourra 
injecter avec avantage par cette voie tous les médica- 

ments solubles et facilement assimilables, de préférence 
aux voies rectale, buccale et sous cutanée. — M.C. Phi- 
“salix à reconnu que les jeunes chiens qui ont recu à 
Ru reprises des inoculations de cultures atté- 


-nuées du bacille spécifique de la maladie du chien 
résistent aussi bien à la contagion naturelle qu'à l'in- 
fection expérimentale, — M. Max Egger signale des 
phénomènes vaso-paralytiques du plexus brachial droit 
qui l'ont conduit à de nouvelles idées sur Ja topogra- 
phie radiculaire et périphérique des vaso-moteurs de 
“l'extrémité supérieure de l'homme, — M. G. Weiss 
démontre que sa formule de l'excitation électrique est 
normalement applicable a l’homme; il donne l'expli 
“cation de la réaction de dégénérescence avec inversion 
de la formule chez les malades. — M. F. Dévé a réussi 
“à reproduire expérimentalement chez le lapin l'échino- 
—coccose embolique du poumon. — M. Salomon a vu, 
dans un cas d'hémorragie cérébrale avec inondation 
ventriculaire, la ponction lombaire donner un liquide 
très chargé de globules sanguins; cette teinte rouge 
n'est donc pas absolument caractéristique de l'hémor- 
ragie méningée. — M. M. Nicloux signale la présence 
d'oxyde de carbone dans le sang du nouveau-né à Paris. 
M. J. Jolly a reconnu que l'aspect diffus, homogène, 
du noyau d’un certain nombre de leucocytes, en par- 
…ticulier dans le sang normal et pathologique de l'homme, 
n'est qu'une altération artificielle tenant à une fixation 
imparfaite. — MM. C1. Regaud et A. Policard pensenl 
que l’épithélium ovarique, du moins chez la chienne, 
‘possède une fonction glandulaire et que les tubes cor- 
ticaux de l'ovaire sont des diverticules glandulaires de 
l'épithélium ovarique. — M. CI. Regaud communique 
le résultat de ses recherches sur les cellules glandu- 
laires de l'épididyme du rat. — MM. Galavielle et 
Aoust ont constaté que la bile rabique n’a aucune pro- 
priété spécifique; la bile normale agit tout aussi bien 
que la bile rabique. Les deux ont une certaine action 
neutralisante à l’égard du virus fixe: elles ne paraissent 
pas avoir d'action préventive. — MM. Ch. Achard et 
Lœper ont reconnu que la cryoscopie comparée du 
sérum sanguin et des épanchements pathologiques ne 
saurait fournir au clinicien des indices suffisamment 
précis sur la tendance des liquides à s’accroître ou à se 
—résorber. La cryoscopie ne paraît pas non plus pouvoir 
fournir des renseignements utiles sur la cause patho- 
gène des épanchements. Toutefois, le pus septique se 
“congèle toujours plus bas que le pus tuberculeux. — 
4 MM. E. Cassaet et G. Saux ont trouvé que le suc de 
viande, obtenu par macération, est peu toxique en 
‘injections intra-veineuses. La substance toxique qu'il 
- renferme serait plutôt de nature comateuse.—M. F. Ar- 
…loing montre que la propriété chimiotaxique positive 
d'un sérum immunisant (en l'espèce le sérum antichar- 
.bonneux) peut disparaître par l’adjonction d'une subs- 
tance chimique douée, au contraire, d'un pouvoir chi- 
miotaxique négatif. 


À 


Séance du 15 Juin 1901. 


M. Ch. Féré a étudié l'influence du café sur le tra- 
vail. C'est par sa saveur que la caféine provoque l’exci- 
tation la plus considérable; mais, au bout d’un certain 
temps, il y a abaissement du travail et accélération de 
la fatigue. — M. Ch. Julliard a constaté que le pouvoir 
hématolytique des épanchements traumatiques des 


séreuses des articulations et de la bourse prérotulienne 
est en raison inversz du temps qui sépare le moment 
de l'examen du début des phénomènes morbides. — 
M. Max Egger a observé que le retard de la perception 
douloureuse et thermique, si fréquent dans le tabès, 
n'est pas rare non plus dans les affections de la subs- 
tance grise. — M. Ch. Richet montre que la détermi- 
nation de la toxicité du sérum musculaire en injections 
intra-veineuses est très difficile, car certaines condi- 
tions la modifient considérablement. Ainsi cette toxi- 
cité peut varier du simple au quintuple, suivant qu'elle 
est mesurée en hiver ou en été. Ces différences peuvent 
tenir à ce que les extraits musculaires contiennent des 
quantités d’eau et d’albuminoïdes variables avec la tem- 
pérature d'extraction. — MM. P. Ravaut et P. Aubourg 
ont constaté que le liquide céphalo-rachidien extrait 
par ponction après la rachicocaïnisation est trouble et 
sort sous forte tension. Il contient des polynucléaires 
abondants, dont la quantité va en diminuant chaque 


jour. — M. L. Lapicque a déterminé le temps de réac- 
tion suivant les races ou les conditions sociales (voir 
p. 678). — M. O. Josué a reconnu que le chloroforme 


est un excellent fixateur pour les préparations de sang. 
— M. A. Poulain a constaté que les ganglions lympha- 
tiques du mésentère renferment et secrètent une lipase 
très active agissant sur les graisses et facilitant proba- 
blement leur absorption. — MM. Sabrazès et Mathis 
ont pratiqué la cryoscopie des expectorations de diverses 
maladies, — MM. Ch. Achard et M. Lœper ont déter- 
miné les variations comparatives de la composition du 
sang et des sérosités. Elles se font toujours suivant un 
même cycle d'augmentation ou de décroissance ; mais 
la durée de ce cycle n'est pas la même pour les vais- 
seaux et pour les tissus. — MM. A. Desgrez et A. Zaky 
ont étudié l'influence de la lécithine de l'œuf sur les 
échanges nutritifs (voir p. 678). — M. J. Lefèvre pense 
que le problème de la détermination de la température 
interne minima compatible avec la vie est subordonné 
à l'étude topographique du refroidissement jusqu'à la 
mort. — M. F. Marceau pense que les cellules de Pur- 
kinje sont des formations spéciales, ayant la même 
origine que les cellules cardiaques, avec lesquelles elles 
s'anastomosent d'ailleurs, mais qui se différencient de 
bonne heure, peut être en vue de l'accomplissement 
d'une fonction encore à trouver. — MM. Gilbert, Lere- 
boullet et Herscher ont trouvé que la cholémie est très 
fréquente, mais qu'on retrouve toujours sa cause, soit 
dans une maladie chronique du foie ou des voies biliaires 
{ictère acholurique simple), soit dans une viciation tem- 
poraire des fonctions hépatiques au cours des maladies 
aiguës. — MM. H. de Rothschild et L. Netter ont 
reconnu ‘qu'il est inutile de donner au nourrisson des 
doses trop élevées de lait, mais qu'il faut, au contraire, 
établir, par l'examen des échanges nutritifs, la dose quo- 
tidienne minima qui convient à un nouveau-né sans 
nuire à sa croissance. — M. A. Chipault indique les 
recherches anatomiques sur le canal sacré qui l'ont 
conduit à proposer ses méthodes d'injections rachi- 
diennes. Il propose en même temps l'huile comme 
véhicule dans les cocaïnisations épidurales. — M. V. 
Griffon a constaté que, pour stériliser les crachats 
tuberculeux par l’aniodol, il faut employer une solution 
forte (à 1 v/,) et assurer un contact d'au moins vingt- 
quatre heures. — M. A. Rémy présente un appareil, 
nommé diploscope, qu'il à imaginé à l’occasion d’une 
expertise médico-légale sur un homme qui prétendait 
ne pas voir d'un œil, mais qui peut également servir 
pour le diagnostic et la correction de certaines affec- 
tions de l'œil, 


SOCIÉTÉ CHIMIQUE DE PARIS 


Séance du 44 Juin 1901. 


La séance est entièrement consacrée à la discussion 
d'un projet de modification aux statuts et règlements 
de la Société. 


682 


Séance du 28 Juin 1901. 
M. R. Fosse a étudié l’anhydride du binaphtylène- 
glycol, auquel Rousseau a assigné la formule : 
CHH6—C 
| 1 o. 
CH — C/ 


Cet anhydride ne possède pas la formule C#*H'®#0, 
mais C#H#0; c’est le dinaphtoxanthène : 


CAHe 


En effet, le corps de Rousseau et le dinaphtoxan- 
thène cristallisent du benzène en aiguilles incolores 
groupées, fondant à 201°, et fournissent les mêmes 
nombres à l'analyse. Pour mieux identifier ces deux 
corps, M. Fosse à préparé une combinaison picrique 
du dinaphtoxanthène fondant à 2739, cristalisant en 
aiguilles rouges à reflets verts. Gette combinaison 
répond à la formule : 


CS (AzO®}' 
CH. JO + 20H : 
Noos OH 


L'anhydride de Rousseau donne un picrate identique, 
fondant également à 273°. — M. R. Fosse a préparé les 
dérivés monobromés et chlorés du dinaphtoxanthène. 
Le monobromodinaphtoxanthène : 


est un corps cristallisé en prismes rouges à reflets 
verts, fondant de 218 à 220°. Il se combine à HBr, à 
PtCl', aux chlorure et bromure mercuriques. Il pos- 
sède la curieuse propriété de régénérer le dinaph- 
toxanthène lorsqu'on le traite par l'alcool chaud et de 
transformer ce dernier en aldéhyde. Cette propriété 
est de tous points comparable à l’action de l'alcool sur 
les sels diazoïques; on ne l'avait pas encore signalée 
comme appartenant aussi à des corps sans azote, 
L'équation de cette réaction est la suivante : 

10776 C10Y19 

Co Ka 


IN 200 — Û 2H40 } 2 
0 C'HO = HBr+ CH'O- CH D 


Br—CH 
Nous” 


Le bromodinaphtoxanthène, traité par AzH° en solu- 
tion alcoolique ou aqueuse, donne une amine secon- 
daire : 


cime 
CH 0 
VA N cons 
AI 
10p16 
SAM ENE 


1 0 
f ete 


qui se présente en cristaux brillants, fondant vers 230°. 
Cette amine, traitée par HBr, donne du bromure d'am- 
monium et régénère le monobromodinaphtoxanthène. 
Quand on emploie HCI, on obtient : 


CHS 
AzH4CI et CI—CH<  ÿO 
Nous 

fondant vers 150° et identique au corps obtenu directe- 
ment en traitant par Cl le dinaphtoxanthène, Ce corps, 
par l'alcool, régénère le dinaphtoxanthène. Il se com- 
bine à PCI“, HgCE. — M. Engel montre que le carbo- 
nate de soude ne précipite pas, en agissant sur les sels 
de magnésie, d'hydrocarbonate avec formation corré- 
lative de bicarbonate de magnésie restant en solution 
à la faveur de l'acide carbonique, comme l'indiquent 
tous les ouvrages de Chimie. C’est un carbonate neutre 
qui se précipite, entraînant une certaine dose de car- 
bonate de soude et passant rapidement à l’état cristal- 


ACADÉMIES ET SOCIÉTÉS SAVANTES 


lisé par addition de quelques cristaux tout formés.— En 
faisant réagir les éthers formiques sur les carbureS 
acétyléniques sodés en suspension dans l’éther anhydre, 
et décomposant ensuite par l’eau les produits de la 
réaction, MM. Ch. Moureu et R. Delange ont ob- 
tenu des aldéhydes acétyléniques R-C—C-CHO. L’al= 
déhyde amylpropiolique C*H‘#-C=—C-CHO distille à 899 
sous 26 centimètres (D,—0,89). L'aldéhyde phénylpro= 
piolique C°H°-C—C-CHO distille à 127-1289 sous 28 cen= 
timètres (D,—1,0791;. 


SOCIÉTÉ ROYALE DE LONDRES 


Sir Lauder Brunton et Herbert Rhodes : 
Sur la présence d’un enzyme glycolytique dans le 
muscle. — Claude Bernard, ainsi que Ludwig et Ge- 
nerich, ont découvert que le sang qui sort d'un musele 
contracté contient moins de sucre que le sang artériel 
qui y était entré. Cette destruction du sucre, pendant le 
passage du sang à travers le muscle, est sans nul doute 
due en grande partie à l’action du sang lui-même sur 
le sucre, mais il est naturel de penser qu’elle peut être 
due à l’action de quelque ferment glycolytique contenu 
dans le muscle même. | 

Un de nous (Brunton), en 1873, a essayé d'isoler ce 
ferment ou enzyme. Cet essai n’a réussi qu’en partie. 
La méthode employée a été celle de von Wittich. Un 
muscle frais a été broyé, puis entièrement mélangé à 
de la glycérine, et le mélange a été soumis au repos 
pendant plusieurs jours. L’extrait glycériné fut alors 
filtré. Quand une partie de cet extrait a été mélangée à 
une solution de glucose, et s’est reposée pendant quel 
ques heures à la température du corps, on a observé 
une diminution sensible dans la quantité du glucose; 
comme contrôle, on à traité un échantillon de glucose 
de même facon avec une quantité égale de glycérine 
pure, et il ne s’est présenté aucune diminution. Las 
présence d'une substance glycolytique fut ainsi elaire= 
ment démontrée. Un essai a été fait pour isoler un 
enzyme glycolytique de l'extrait glycériné en diluant 
la glycérine et en la mélangeant avec de l'alcool. On 
obtient un précipité blanc de peu d'importance, mais 
ce précipité ne montre que peu ou pas de pouvoir 
glycolytique. De nombreuses expériences ayant échoué 
pour isoler le ferment, elles ne furent pas publiées, et 
le résultat fut indiqué brièvement dans une note au 
bas de la page d’un mémoire sur le diabète dans le 
British medical Journal du 21 février 1874. 

A cette époque, un de nous (Brunton) donna de las 
viande crue aux diabétiques, dans l'espoir de fournir 
suffisamment de ferment glycolytique pour permettre 
au sucre d’être utilisé dans le corps même, et essaya 
aussi de leur administrer de l'extrait glycériné de mus= 
cle. Le succès qui a accompagné ces essais n’a pas été 
cependant suffisant pour encourager l'emploi constant 
de ces moyens de traitement, et l'essai d'isolement du 
ferment glycolytique a été abandonné pendant un grandi 
nombre d'années. + 

Le succès de Buchner, en séparant un ferment alcoo= 
lique de la levure au moyen d’une forte pression, à 
donné l'espoir d’un succès possible dans la séparation 
d’un ferment glycolytique du muscle par des moyens» 
semblables, et, grâce à l’amabilité de MM. Allen ek 
Hanbury, qui nous ont permis d'employer leur presse 
hydraulique à une pression de 5 tonnes par pouce 
carré (0,025), il nous a été possible de reprendre la re= 
cherche. 

Voici la méthode adoptée : L'os et la graisse 
superflue furent retirés des muscles d'un mouton 
fraîchement tué. Le muscle fut alors haché menu dans 
une machine à saucisse stérilisée, et broyé dans un 
mortier avec du sable argenté. Le sable argenté avait 
été auparavant netloyé au moyen de l'acide chlorhy= 
drique et lavé avec de l’eau jusqu'à ce que tout l'acide 
hydrochlorique eut disparu. La masse fut alors mise 
dans un sac en canevas et placé sous la presse hydrau= 
lique. Le jus fut recu dans des bouteilles propres et 


+ ACADÉMIES ET SOCIÉTÉS SAVANTES 


L 
bouchées; la quantité produite après chaque pression 
fut recueillie dans des bouteilles différentes. 
Voici la quantité de jus extraite d’un gigot de mouton: 
1.750 grammes de viande ont donné approximative- 
ment: à 0,1 tonne de pression par pouce carré (0,025), 
450 c.c. de jus; à 1,2 tonne, 350 c.c.; et à 2,5 lonnes 
25 c.c. 
—… Voici la méthode d'expérience : 5 c.c. de jus de 
muscle ont été placés dans un flacon et bouillis pen- 
dant une minute; 5 c.c. dans un autre flacon restèrent 
sans être bouillis. Dans chaque flacon on a ajouté 
50 c.c. de solution de sucre diabétique à 4 °/, et 5 c.c, 
de solution d'acide lactique à 1 °/, avec un fragment 
on thymol (environ 25 grammes). Les deux vases 


ont été soumis pendant vingt-quatre ou quarante- 
huit heures à une incubation à 37% C. Lorsque l’incu- 
bation a été terminée, on a estimé le sucre dans chacun 
des flacons par titration avec une solution de Fehling, 
près avoir précipité l’albumine en faisant bouillir, 
ft en neutralisant si c'était nécessaire, Six expériences 
nt été faites avec des résultats concordants; nous ne 
onnons que le résultat d’une comme modèle. 

Voici la quantité de sucre déduite de la réduction du 
“liquide de Fehling : 
È 1% exemple A (jus bouilli) : quarante-huit heures d'in- 
cubation ; 0,57 pour cent de dextrose. 
2° exemple B (jus non bouihi) : quarante-huit heures 
“d'incubation; 0,2 pour cent de dextrose. 
La destruction du sucre dans le flacon contenant du 
sucre non bouilli parait être presque sûrement due à 
“quelque enzyme glycolytique, puisque le contenu du 
flacon est resté tout à fait clair au moment de l’expé- 
rience. Plus tard, cependant, le contenu du flacon non 
ouilli devint trouble, et après quatre jours on a obtenu 
ne culture définie de champignons. 

Nous avons ensuite essayé de rendre le jus de mus- 
ele stérile en le filtrant dans un filtre Pasteur-Cham- 
berland. La solution de sucre a été stérilisée par ébulli- 
tion ; tous les flacons et les autres vases employés dans 
…ces expériences ont été chauffés dans un autoclave. Le 
us de muscle, après filtration, était complètement sté- 
ue comme cela a été démontré par le fait qu'il a été 


ardé, dans une bouteille bouchée avec de la laine sté- 


| 
“rilisée, pendant un grand nombre de semaines sans 


“que quelque croissance bactérienne se manifestat. 
— Le pouvoir glycolytique de ce jus de muscle stérilisé 
a été prouvé de la facon suivante : 


On a placé 5 c.c. de jus stérilisé dans chacun des 
deux flacons. Dans un des deux, le jus a été bouilli de 
facon à détruire tout le ferment glycolytique qu’il pou- 
wait contenir. On a alors mis dans chaque flacon 
“30 c.c. d’une solution stérile de sucre diabétique à 
20/,.Ils furent soumis à l’incubation pendant quarante- 
huit heures. 
» La quantité de sucre dans chaque flacon a été alors 
“constatée par titration avec une solution de Fehling de 
lä même facon qu'auparavant, et le résultat obtenu a 
été de 1,5 °/, de sucre diabétique dans le flacon con- 
tenant du jus de viande bouilli et seulement de 0,75 °/, 
“dans le flacon contenant du jus non bouilli. 

— Une action glycolytique très certaine a été ainsi 
“prouvée par cette expérience, laquelle a été répétée 
pecis fois avec des résultats identiques. Un certain nom- 
bre d'expériences ont été faites pour isoler un enzyme 
par dialyse à travers des membranes faites en peau de 
Saucisse ou en parchemin. 

Dans la première série, une action glycolyhque dis- 
tincte a été observée; mais elle a été probablement 
due à l’action bactérienne parce que le milieu devint 
trouble ; dans une série suivante, faite avec des précau- 
tions aseptiques, aucun pouvoir glycolytique n'a été 
observé dans le dialysat, quoiqu'un précipté floculent 
soit résulté de l'addition de l'alcool absolu. Un essai a 
été fait dans d’autres séries d'expériences pour isoler 
le ferment glycolytique du muscle même, par précipita- 
tion. Cet essai n'a pas été couronné de succès. Du jus 
frais fut mélangé avec quatre fois son volume d'alcool 


683 


absolu; le précipité a été recueilli, séché et pulvérisé. 
Il fut alors extrait avec de la glycérine, mais cet 
extrait avait peu ou point de pouvoir glycolytique. Il a 
donné un précipité floculent blanc avec de l'alcool 
absolu, qui était soluble dans une solution saline, mais 
qui cependant n'avait aucune action glycolytique. 

L'action du jus de muscle a alors été prouvée sur de 
l'urine neutre d'un diabétique et sur une solution 
neutre de dextrose commercial. 

Voici les résultats : 

Le flacon C contenait 2 c.c. de jus de muscle bouilli 
et 10 c.c. d'urine neutre de diabétique ; 

Le flacon D contenait 2 c.c. de jus de muscle non 
bouilli et 10 c.c. d'urine neutre de diabétique. 

Après cinquante heures d'incubation à 37 centi- 
grades, C contenait 1,25 /, de dextrose et D, 0,75 0/4. 

Le flacon E contenait 2 c.c. de jus de muscle bouilli, 
10 c.c. d'urine neutre de diabétique et 1 c.c. d’une 
solution d'acide lactique à 1 °/4. 

Le flacon F contenait 2 c.c. de jus de muscle non 
bouilli, urine et acide lactique comme dans le flacon E. 

Encore après incubatijon E contenait 2,5 °/, de 
dextrose, et F contenait 0,5 °/, de dextrose. 

Le flacon G contenait 2 c.c. de jus de muscle bouilli, 
10 c.c. d'une solution neutre à 0,5 °/, de dextrose 
commercial. 

Le flacon H contenait 2 c.c. de jus de muscle non 
bouilli, le reste comme dans le flacon G. Après incuba- 
tion : G contenait 0,37 °/, de dextrose; H n'a pas 
donné de réduction avec une solution de Fehling. 

Nous pensons que les expériences que nous avons 
décrites prouvent que le muscle contient certainement 
un enzyme glycolytique, quoiqu'il soit d'une nature si 
délicate que nous avons été incapables de l'isoler sans 
détruire son pouvoir. 


SOCIÉTÉ DE PHYSIQUE DE LONDRES 
Séance du 31 Mai 1901. 


M. A. W. Ashton déduit de ses expériences des 
formules pour les courants de charge et de décharge 
d'un condensateur à diélectrique de caoutchouc. Les 
courants sont des fonctions exponentielles du temps. 
Les courbes pour des différences de potentiel variées 
montrent que les propriétés isolantes du caoutchouc 
sont augmentées par l'application des forces électro- 
motrices rapidement variables. — M. Ashton commu- 
nique d’autres expériences sur l’électrisation des dié- 
lectriques par des moyens mécaniques: Une feuille de 
caoutchouc de Para est placée dans un condensateur 
dont les plaques sont reliées à un électromètre à qua- 
drants. On fait ensuite tomber un poids de deux livres 
sur le condensateur d’une hauteur de trois pouces. 
L'électromètre recoit deux impulsions de signe con- 
traire,se suivant rapidement. Le caoutchouc est ensuite 
étiré, et une différence de potentiel de sept volts se 
montre entre les plaques, la supérieure étant néga- 
tive. Le condensateur et l’électromètre sont alors 
déchargés, la feuille renversée et l'expérience répétée. 
Le même effet se reproduit, la plaque supérieure 
élant toujours négative. Il semble donc que la polari- 
sation d'un diélectrique étant ainsi produite par l’éner- 
gie mécanique, une partie de l'énergie mécanique 
employée à la manipulation du caoutchouc reste dans le 
diélectrique comme énergie électrique. — MM. Fle- 
ming et Ashton présentent un modèle imitant la 
facon de se comporter des diélectriques. Celle-ci, en ce 
qui concerne la charge résiduelle, est analogue à celle 
d'un fil soumis à une tension mécanique. Mais un sim- 
ple fil tordu ne peut pas imiter tous les effets diélec- 
triques ; c'est cette raison qui a conduit les auteurs à 
construire un modèle plus complet. Six pistons, séparés 
par des ressorts, sont placés à l’intérieur d’un cylindre 
vertical. Le piston inférieur ferme hermétiquement le 
cylindre; le second est plus lâche; le troisième possède 
un petit trou, le suivant un plus grand, et ainsi jus- 
qu'au piston supérieur qui a juste assez de métal pour 


684 


ACADÉMIES ET SOCIÉTÉS SAVANTES “À 


arrêter le ressort sans vibration après avoir été com- 
primé. Le cylindre est rempli d'huile de machine et de 
vaseline, Au piston supérieur est fixée une tige au 
moyen de laquelle on exerce des pressions sur les 
pistons pendant un temps quelconque; c’est le char- 
gement du condensateur, Le mouvement de la tige 
après l'enlèvement des poids représente la décharge. 
Celle-ci est enregistrée graphiquement par un tambour 
tournant, et les courbes obtenues sont tout-à-fait 
analogues à celles des condensateurs avec diélectriques. 


SOCIÉTÉ DE CHIMIE DE LONDRES 


Séance du 6 Juin 1901. 


MM. W. J. Sell et F. W. Dootson ont examiné une 


substance 
CI 


= CA 3 
dl À ce ce 
AL JE AZQUN CE 


NET Nr 
Az CL "CL 


qui s’obtient par l’action du chlore sur le chlorhydrate 
de pyridine. Elle cristallise inaltérée du chloroforme et 
de l’acétone, mais se décompose si le solvant contient 
un groupe hydroxyle. Elle réagit avec l'acide benzoïque 
suivant l'équation : 


CHCI{Az? + COHSCOSH = CSH°COCI + C!HCI'AzO* + HCI. 


MM. R. Meldola et J.-V. Eyre ont préparé, par 
l’action d’un nitrite sur la dinitroanisidine en solution 
acétique, un composé diazoïque cristallisé de formule : 


Az : AZ 
cHe.0/ N 


qui est un diazoxide. Une preuve de cette constitution, 
c'est la transformation facile de ce composé en nitro- 
méthylrésorcinol (C‘H*. AzO?, OH. OCH* — 1 :2: 4). Le 
diazoxide est très stable vis-à-vis des acides minéraux; 
il ne se décompose que par ébullition avec HI en don- 
nant l’iodonitrorésorcinol. La dinitroanisidine qui sert 
à le préparer doit posséder la constitution : 


OCH* 


Ai 
Az0° 2 


AzO? 


Elle donne, par réduction avec Sn et HCI, un triami- 
noanisol, qui doit avoir deux groupes amino en posi- 
tion ortho, car il fournit, par condensation avec la phé- 
nanthrènequinone, une azine : 


Az. C. CH 
CIO.AzH2.CHE£ | || | - 
N Az. 0. C'Ht 


M. G.-S. Newth indique une méthode de laboratoire 
pour la production de l'éthylène. On chauffe dans un 
ballon de l'acide phosphorique sirupeux jusque vers 
2209 et on y laisse tomber de l'alcool éthylique goutte 
à goutte. Il se dégage de l'éthylène presque pur. — 
MM. W.-A.-H. Naylor et C.-S. Dyer décrivent la 
méthode d'extraction et de purification de l’oroxyline, 
substance cristalline jaune retirée de l'Oroxylum Indi- 
cum. Elle est décomposée par les alcalis en aldéhyde ou 
acide benzoïque, et donne un dérivé triacétylé et un 
dérivé dibromé. La formule est C‘H#06, — MM, A. 
Lapworth et W.-H. Lenton montrent que, lorsque 
l'acide bromocamphorénique se convertit en «- mono 


bromocampholide, l'oxygène lactonique s'attache au 
noyau dans la position à par rapport au groupe carboxyle 
et non dans la position y comme on l'avait d’abord 
cru. Il en résulte que la seule formule possible pour 
l’acide camphonique est : 


CHE — CH: 
CO®H.C(CH°){ Nco. 
NC (cH:}.cH2/ 


L'acide bromocamphorénique et l'acide camphononi- 
que ont donc les formules : 


CH? CH: 
CO®H.C (CH?) 
NC (CH), CHE 


CHE— CH? 
1% 
C(CH#},CO 


NE 
Br 
CO*H.C (CH) 


— M. W-H. Sodeau conteste l'hypothèse d’après la- 
quelle la décomposition du chlorate de potasse serait 
activée par l’adjonction d’une poudre chimiquement 
inerte (comme l’est l'ébullition de l’eau). L'addition de 
1°/, de sulfate de baryum augmente la décomposition 
de 16°/, seulement, et ce fait est facilement explicablew 
par la formation d’un peu de chlorate de baryum par” 
double décomposition. — M. J.-E. Mackenzie, en fai- 
sant réagir le propylate et l’isobutylate de soude sur 
le chlorure de benzophénone, a obtenu le dipropoxy- 
et le diisobutoxydiphénylméthane. L'action du méthy- 
late et de l’éthylate de soude sur le chlorure de benzal 
fournit le diméthoxy- et le diéthoxybenzylidène. Le 
phénate de soude donne avec le premier chlorure 
le 4: 4!'-dihydroxytétraphénylméthane. — M. A. Ri-« 
chardson décrit un chalumeau construit pour utiliser 
la combustion de l'huile de kérosène à la production 
d'une flamme capable de fondre le verre. L'huile dem 
kérosène présente sur les autres huiles l'avantage de 
ne pas charbonner. — MM. W. Ramsay et H.-S.# 
Hatfield, en traitant le borure de magnésium par HCLN 
concentré dans le vide, ont obtenu un gaz qui, par re- 
froidissement, dépose des cristaux blancs. Par chauf-M 
fage, les cristaux se liquéfient, puis se gazéifient en 
fournissant un gaz à odeur forte, qui brûle avec une 
flamme verte brillante. Sa densité est de 19,36. L'étin-M 
celle électrique le décompose avec dépôt de bore, et le 
volume augmente dans le rapport de 2 à 3. Les analy- 
ses montrent que le gaz se compose en majeure partie 
d'un corps B°H*. Dans le traitement du borure de ma- 
gnésium par HCI, on obtient en outre un mélange d'hy-m 
drogène et d’un gaz qui ne condense qu'à la tempéra-M 
ture de l’air liquide ; il paraît répondre à la formule 
BH*. Le gaz B°H° semble lui-même être un mélange de 
deux composés, l’un relativement stable, l'autre très 
instable, décomposable par la potasse ou l'acide sul- 
furique. Les auteurs considèrent que les hydrures dem 
bore théoriquement possibles sont les suivants : 


BIS  H°B—BH? H°B—BH—BH° Saturés. 
IB— BH EH?B — B — BH Non saturés, 
BH BH 
/X Cyclo saturé. /X Cyclo non saturé. 
HB— BI B—=B 


Ils pensent que le composé stable B°H° est le com= 
posé cyclique. Le résidu du traitement du borure de 
magnésium par HCI dégage à chaud des torrents de 
gaz, principalement de l'hydrogène ; il renferme sans 
doute des hydrures de bore solides, que les auteurs. 
n'ont pu isoler. 


Le Directeur-Gérant : Louis OLIVIER. 


Paris, — L. MARETHEUX, imprimeur, 1, rue Cassette. 


_n 


D. 12° ANNÉE 


N° 45 


15 AOÛT 1901 


Revue générale 


Be AEIenC 


pures el appliquées 


2 -e- 


£ DirEcTEUR : 


6 


LOUIS OLIVIER, Docteur ès sciences. 


Adresser tout ce qui concerne la rédaction à M. L. OLIVIER, 22, rue du Général-Foy, Paris. — La reproduction et la traduction des œuvres et des travaux 


publiés dans la Revue sont complètement interdites en France et dans tous les pays étrangers, y compris la Suède, la Norvège et la Hollande. 


CHRONIQUE ET CORRESPONDANCE 


$ 1. — Nécrologie 


Morts récentes. — Nos lecteurs ont su la mort, 
toute récente, de deux sommités de la science contem- 
poraine, Henri de Lacaze-Duthiers, l'éminent zoologiste 

“qui à institué chez nous les études expérimentales de 
Zoologie marine, et l’illustre physicien et mathémati- 
cien d'Edimbourg P.-J. Tait, à qui la Philosophie natu- 

“relle de notre temps doit une partie de ses plus impor- 

- tants progrès. 

La ARevue consacrera prochainement à la vie et à 

«l'œuvre de chacun de ces deux regrettés savants une 

“notice détaillée. 


$ 2. — Météorologie 


L: Anciens journaux météorologiques. — M. J. 
“Vincent, météorologiste à l'Observatoire royal de 
« Belgique, nous apprend dans l'Annuaire de cet Obser- 
vatoire pour 1901, que le directeur du Service météoro- 
logique possède deux journaux météorologiques manu- 
«scrits, dont le principal intérêt réside dans l'ancienneté. 
# L'un a été tenu à Tiney, depuis l’année 1779 jusqu'à 
l'année 1810, l’autre est un peu plus récent et a pour 
“auteur M. J.-L. Hauregard, qui habitait à La Roi. Les 
auteurs de ces cahiers y ont inscrit le temps de chaque 
jour, pendant plusieurs années, mais en se bornant à 
des indications générales. C’est l'aspect du ciel, beau, 
nuageux, couvert; ce sont les pluies, les chutes de 
neige, les orages, les tempêtes; ce sont les gelées, les 
froids rigoureux, les fortes chaleurs; c'est enfin la 
direction du vent, cet élément météorologique dont la 
relation avec les météores est si attachante. 

Les Annales de l'Observatoire royal de Belgique 
annoncent la prochaine reproduction, sous la forme la 

. plus commode pour les recherches, des renseignements 
fournis par ces deux documents. 

On ne saurait trop insister sur le grand prix qu'il 
faut attacher à de telles observations : elles permettent, 
en effet, de reconstituer, dans ses grandes lignes, 
l'histoire des variations atmosphériques. Sans être 
forcément aussi complets que les registres des obser- 
Yatoires, ces documents peuvent suppléer, jusqu'à un 
certain point, à l'absence de ces établissements aux 


REVUE GÉNÉRALE DES SCIENCES, 1901. 


époques anciennes. La série des observations météorolo- 
giques de l'Observatoire royal de Bruxelles ne commence 
qu'avec l’année 1833. Or, le journal de Hauregard et celui 
de Tiney permettent, à part une lacune de quelques 
années, de remonter cinquante-quatre ans plus haut. 

Ces cahiers sont d’autant plus intéressants que l’un 
des buts essentiels de la Météorologie cousiste à re- 
chercher si les climats subissent des altérations : il 
faut, pour cela, de longues séries d'observations et l’in- 
stitution d'établissements permanents, où le travail 
quotidien des observateurs se perpétuera indéfiniment ; 
mais cette institution est si récente, qu'il ne faut rien 
négliger pour augmenter le peu de connaissances posi- 
tives que nous possédons jusqu'ici sur l'histoire de 
l'atmosphère. C'est donc rendre service à la Science que 
de mettre au jour les vieux cahiers où sont patiem- 
ment consignés ef sauvés de l'oubli les fugitifs aspects 
du temps. 


$ 3. — Génie civil 


Le chemin de fer électrique sous-fluvial 
de Liverpool à Birkenhead. — On sait qu'un chel 
min de fer avec locomotive à vapeur, passant en tunne- 
sous la Mersey, relie depuis longtemps la ville de 
Liverpool à sa voisine Birkenhead. 

Cette ligne est extrêmement fréquentée : les ingé- 
nieurs et le personnel des constructions maritimes de 
Birkenhead, les riches négociants de Liverpool qui ont 
leurs bureaux en ce port et leur villas dans la cité voi- 
sine, y circulent continuellement. Le samedi surtout, les 
trains s'y succèdent sans interruption, chargés d’une 
multitude de familles qui fuient la suie de Liverpool et 
ne rêvent que tennis, foot-ball, bicyclette ou yachting. 

Cette clientèle s’est plainte maintes fois de la fumée 
qui, pendant le passage sous la Mersey,emplit le tunnel 
et en rend l'air irrespirable. Attentive à ses doléances, 
la Compagnie exploitante vient de décider de substituer 
à la traction par la vapeur la traction électrique; elle a 
passé à cet effet un contrat-avec la British Westing- 
house Electric and Manufacturing Company, qu'elle a 
chargée d'opérer cette transformation. La Compagnie a 
calculé que le nouveau mode de traction ne lui sera pas 
plus onéreux que l’ancien, qui exigeait une ventilation 
permanente et très coûteuse du tunnel. 


15 


086 


$ 4. — Chimie physique 


Sur un nouveau facteur intervenant dans 
la solubilitf des corps solides. —-- Des recherches 
récentes vieunent de montrer que la solubilité, consi- 
dérée en tant que constante physique des corps, n’est 
pas seulement fonction d'une variable, la température, 
mais encore dépend aussi de la dimension des particules 
solides qui sont en équilibre avec la solution saturée. — 
Cette relation, quoique prévue théoriquement par Gibbs, 
n'avait pas, jusqu'ici, élé soumise à une vérification ex- 
périmentale quantitative. Celle-ci découle des recher- 
ches suivantes, dont le point de départ se trouve dans 
une discussion entre MM. Ostwald et Cohen au sujet de 
la non-identité des deux modifications rouge et jaune 
de l'oxyde de mercure. Se basant sur la force électro- 
motrice (0, 685 millivolts à 25°) de la pile Hg — oxyde 
rouge — potasse — oxyde jaune — Hg, M. Cohen‘ con- 
cluait à une véritable isomérie entre les deux oxydes. 
M. Ostwald ?, au contraire, étudiant acidimétriquement 
la réaction limitée : 


Hg0 +2KBr 22 KOH + HgBr° 


montra qu'en effet l'équilibre se déplacait d'environ 

% quand on passait de l'un des oxydes à l’autre, mais 
qu'il suffisait de pulvériser suffisamment l’'oxyde rouge 
pour obtenir avec lui la même valeur qu'avec la modi- 
fication jaune. Il ne s'agissait là, à son avis, que 
d'une différence dans la solubilité, différence due au 
degré de division plus ou moins grand de l’oxyde em- 
ployé. M. Ostwald montra, en outre, que ce fait n’était 
pas isolé et que certains sels (oxalate de chaux, azotate 
de baryte, chlorure mercurique, chlorure de plomb) 
offraient des différences allant jusqu’à 3 % dans leurs 
solubilités, suivant leur pulvérisation plus ou moins par- 
faite. 

D'un travail récent de M. G.-A. Hulett* sur le même 
sujet, travail aboutissant aux mêmes conclusions que 
les recherches précédentes, nous extrayons ce qui suit: 

L'étude de la condurtibilité électrique de solutions de 
gypse plus ou moins finement pulvérisé montre que la 
solubilité varie avec le diamètre moyen des particules 
solides. Cette influence de la grosseur des grains ne se 
manifeste d’ailleurs qu'à partir d’une certaine valeur 
(environ 2 4 —0,0002 cms). Jusqu'à ce point, la solu- 
bilité est constante et la solution saturée à 25° contient 
2 gr. 084 SO“ Ca par litre. Puis, le degré de finesse aug- 
mentant, la solubilité croît jusqu'à un maximum atteint 
pour un diamètre moyen de 0,3 y} et correspondant à 
2 gr. 475 de sel anhydre par litre. 

Cette différence représente 15,7 % de la valeur 
maxime de la solubilité. On voit ainsi combien ces varia- 
tions peuvent être importantes; pour d’autres corps, 
tels que SO* Ba, elles sont même, d'après M. Hulett, 
encore beaucoup plus considérables. 

L'explication théorique de ces faits est très simple et 
peut se résumer ainsi. Considérons un corps volatil, 
comme le soufre, sublimé sur une paroi de verre à une 
température telle que les gouttelettes obtenues restent 
liquides; noussavons que peu à peu les pluspetites dispa- 
raissent tandis que les plus grosses augmentent. Celles-ci 
ont donc une tension de vapeur plus faible que celles- 
là. Appliquons maintenant cette conclusion au cas d’une 
solution d'un corps quelconque, en équilibre avec un 
excès de ce corps solide plus ou moins finement pulvé- 
risé. La tension de dissolution sera plus élevée pour les 
particules les plus fines, et l'équilibre s'établira d'abord 
par rapport à celles-ci. Mais comme on ne peut réaliser 
une poudre dont les grains soient rigoureusement sem- 
blables, les plus gros augmenteront aux dépens des plus 
petits, la solubilité diminuera graduellement pour 
ntteindre plus ou moins vite sa valeur normale corres- 
pondant à ce que M. G.-A. Hulett nomme une solution 


1 Zoitsch. f. phys. Chem., t. XXXIV, p. 69, 1900. 
2 Jbid., t. XXXIV, p. 495, 1900. 
3 Jbid,, t. XXXVII, p. 385, 18 juin 1900. 


CHRONIQUE ET CORRESPONDANCE 


normalement saturée. Ce sera, par exemple, le cas d'une 
solution de gypse en équilibre avec un excès de sel 


Ces curieux resultats montrent done que dans la dé- 
terminalion de la solubilité intervient un facteur nou- 
veau, qui est le temps nécessaire pour, partant d’une 
solution quelconque, arriver à cette solution normale- 
ment saturée, qui seule permet de définir la solubilité 
d'un corps en tant que constante physique. Ce temps 
pouvant être relativement considérable, il y a lieu de 
reviser, surtout pour les corps peu solubles, les solubi- 
lités déterminées jusqu'ici. Ch. Marie. 


solide dont les grains auraient au moins 2 p. 


$ 5. — Chimie industrielle 
À 

Un grand perfectionnement dans la fabri- 
eation du gaz d'éclairage. — Approximativement « 
100 kilos de houille grasse, qui contiennent environ 
85 kilos de carbone total, dont 13 à 21 kilos de carbone 
volatil, et 5 à 6 kilos d'hydrogène, ne produisent que 
15 à 18 kilos de gaz renfermant 8 à 10 kilos de carbone et 
3 kilos environ d'hydrogène. En rapprochant ces quel- 
ques chiffres, on se rend compte que même les éléments 
volatils (carbone et hydrogène), que la houille contient, 
ne sont pas utilisés d'une mauière complète, et on pré- 
voit les nombreux progrès que doit réaliser encore l’in- 
dustrie du gaz. 

Le Professeur Lewes vient de montrer, par des expé- 
riences très décisives, comment on peut améliorer le 
rendement lors de la distillation de la houille dans la 
cornue. On sait qu'il se produit alors un certain nom- 
bre d'hydrocarbures, qui restent plus ou moins exposés 
à l’action de la chaleur rayonnante engendrée par les 
parois supérieures de la cornue. Ces hydrocarbures se. 
décomposent partiellement en formant une grande quan- 
tité de goudron et de charbon de cornue, ce qui, par 
conséquent, diminue notablement le pouvoir éclairant 
du gaz. De plus, cette décomposition est d'autant plus 
intense que les gaz restent plus longtemps soumis au 
régime qui la détermine : ceux qui se dégagent aux 
points les plus éloignés de la colonne montante et qui 
sont, par suile, animés d'une vilesse d'échappement 
beaucoup plus faible, donnent lieu à une décomposition 
plus grande. 

Le remède est d'empêcher cette décomposition de se 
produire, et, pour cela, il faut accélérer la vitesse d'échap-" 
pement des gaz qui se dégagent et entraîner rapidement 
les hydrocarbures hors de la coruue. Pour y arriver, 
M. Lewes a recours au gaz à l'eau, produit de préférence 
par un générateur du type Dellwik-Fleischer (dont nous 
avons déjà eu l'occasion d'entretenir nos lecteurs). Ce 
gaz à l’eau se compose en effet à peu près exclusivement 
d'un mélange d'hydrogène et d'oxyde de carbone. Il a le 
grand avantage de ne pouvoir être lui-même décom= 
posé à son tour par la chaleur intense à laquelle il est 
soumis; il est, de plus, éminemment combustible, et le . 
pouvoir éclairant qui lui manque lui est précisément 
fourni par les hydrocarbures qu'il entraine au grand 
profit de l’ensemble de la fabrication. On injecte done 
le gaz à l'eau dans la cornue, en l'y introduisant au 
moyen d'une conduite qui pénètre dans la colonne mon 
tante elle-même et vient s'appliquer contre la voûte de 
la cornue, de manière à ne pas gêner l'opération du 
chargemert du charbon ou de l'extraction du coke. A 
une certaine distance de la tête de cornue, cette con= 
duite est munie d'ouvertures latérales espacées d'environ 
15 centimètres, el son extrémité reste ouverte. 

La proportion de gaz à l'eau envoyé dans la cornue 
est généralement de 25 à 30 % du gaz fabriqué, mais 
elle peut aller dans certains cas, avec du charbon riche 
en cannels, jusqu'à 50 %. On produit ordinairement 
dans les usines à gaz 300 mètres cubes de gaz par tonne 
de charbon. Avec le secours du gaz à l'eau Dellwik= 
Fleischer, il sera possible maintenant d'obtenir de 
370 mètres cubes à 400 mètres cubes de gaz par tonne 
de charbon, tout en donnant au gaz un pouvoir éclai= 
rant d’une intensité non seulement égale, mais aug: 


ne 


D GR me En nd Bo em de de 7 


CHRONIQUE ET 


mentée d'environ une bougie, sans que ces avantages 
nécessitent une augmentation de dépense de plus de 
un centime par mètre cube. 


Extraction des cyanures dans les usines 
“à gaz. — On sait qu'entre autres impuretés, le gaz 
«d'éclairage contient de l'hydrogène sulfuré, de l’ammo- 
… niaque et de l'acide cyanhydrique. Le lavage par l’eau 
“ de cet acide avec l’ammoniaque du gaz ne permet pas 
… de l'en extraire sous forme de cyanure d’ammonium 
… facilement soluble, car l'acide carbonique, toujours 
en excès dans le gaz, décompose immédiatement le cya- 
nure d'ammonium formé en carbonate et en acide 
…— cyanhydrique. Ceci explique pourquoi les eaux ammo- 
—…niacales des usines à gaz ne contiennent pas de cyanure 
— d'ammonium. La faible quantité de ryanure que ces 
_ eaux retiennent se trouve sous forme de sulfo-cya- 
—nure d'ammonium, tune certaine partie du cyanogène 
passe dans les épurateurs, où il se produit la réaction 
suivante : le cyanogène s’unit à l’oxydule de fer de la 
—… masse épurante, à la pelite quantité d'ammoniaque 
encore présente, et aux combinaisons sulfurées, pour 
— former des ferro-cyanures et des sulfo-cyanures inso- 
1 lubles qui, peu à peu, s'accumulent dans les épurateurs. 
“Le plus, tout le cyanogène n'est pas encore retenu de 
… cette façon et une certaine partie très appréciable reste 
— dans le gaz livré à la consoromation. 
— Jusqu'en 1880, la masse épurante était, pour lesusines 
… à gaz, un déchet sans valeur. La question a bien changé 
de face depuis la découverte des nombreuses mines 
d'or et l'application à peu près générale, depuis cette 
“époque, du cyanure de potassium comme procédé 
Riextraction. Aujourd'hui, les usines à gaz tirent un 
; grand profit de la masse épurante de leurs épurateurs. 
Il n'en est pas moins vrai qu'un tel procédé d’ex- 
traction descyanures laisse beaucoup à désirer. D'abord, 
mil ne retient pas la totalité du cyanogène; ensuite, il 
empêche le fer de la masse épurante d'être entièrement 
disponible pour servir à la récupération de l'hydro- 
“sène sulfuré : il contrecarre par conséquent le but 
“ même de l’épurateur. 
Le procédé indiqué par M. le Dr Bueb et appliqué à 
«usine à gaz de Dessau présente de grands avantages 
“et mérite à ce titre d'être signalé, puisqu'il élimine la 
_ totalité du cyanogène avant l'introduction du gaz 
dans les épurateurs. Son principe est d'amener le gaz 
à sa sortie du condensateur Pelouze et Audouin dans 
un laveur mécanique spécial, type Standard, composé 
“de quatre ou cinq compartiments séparés, qu'une solu- 
“tion de sulfate de fer parcourt en sens inverse du cou- 
rant gazeux. Dans le dernier compartiment, la solution 
- concentrée et fraiche fournit, en présence de l'ammo- 
nique et de l'acide sulfhydrique, la réaction suivante : 


1 FeSO* + H°S + 2AzH° — FeS + (AzH‘}S0*. 


$ 


{ 1 y a donc transformation du sulfate de fer en sul- 
“fure de feret forwation d’une solution de sulfate d'am- 
…moniaque. Ces liquides parviennent alors dans le com- 
…partiment, précédent, et là l'ammoniaque et le cyano- 
“gène du gaz forment avec le sulfure de fer un sel double 
minsoluble de cyanure de fer et d’ammonium, tandis 
“que l'hydrogène sulfuré devient de nouveau libre, est 
“en partie entrainé par le gaz et reste en partie sous 
forme de sulfure d'ammonium. Cette réaction se con- 
tinue dans les autres compartiments jusqu'à celui 
d'entrée du gaz où elle se se termine. 

Le liquide, qui est noir foncé dans le premier com- 
partiment s'éclaircit progressivement et devient vert- 
Jaune dans le dernier. Le produit sort du laveur à cya- 
nures sous forme de boue liquide et contient 20 °/, 
“de prussiate jaune et 6 à 8 °/, d'ammoniaque. On 
fait bouillir cette boue pour la débarrasser de l’'ammo- 
niaque et on la passe au filtre-presse, ce qui donne 
finalement une pâte contenant environ 30 °/, de 
bleu et près de 44 °/, de prussiate jaune, que l'on vend 
telle quelle; pour 100 kilos de bleu de Prusse, il faut 
compter sur une dépense de 200 kilogs de sulfate de fer. 


CORRESPONDANCE 687 


$ 6. — Agronomie 


L'Institut Agricole de l'Université de Nancy. 
— À plusieurs reprises, l'Université de Nancy a déve- 
loppé ses enseignements et ses laboratoires de sciences 
appliquées. Elle vient de compléter son Polytechnicum 
en s'adjoignant un Institut d'Enseignement agrono- 
mique supérieur, qui, d'une façon générale, préparera 
les étudiants à la profession d'agriculteur. 

Cette fondation a été approuvée par la Fédération 
des Associations agricoles du Nord-Est, mais elle n'a 
pas seulement un intérêt régional. Indépendamment 
des nouveaux cours scientifiques, qui vont être inau- 
gurés en novembre prochain, la Ville de Nancy offre, 
en effet, des institutions de premier ordre : [nstitut 
chimique, Ecole de Brasserie, Ecole natiosale des Eaux 
et Forêts, Office agricole et Station agronomique, Insti- 
tut sérothérapique, qui constituent autant de ressources 
appréciées pour l'enseignement et les recherches rela- 
tives à l'agriculture. 

L'enseignement agricole, qui est dès maintenant 
organisé, conduit à la fois à un Diplôme d'études supé- 
rieures agronomiques, et à divers certificats délivrés 
par l'Etat et par l'Université. Trois de ces certificats 
confèrent la licence ès sciences avec ses prérogatives. 

L'enseignement scientifique, très complet, comprend 
les cours suivants : 


Botanique préparatoire, Histoire naturelle des plantes eul- 
tivées, Pathologie végétale, Chimie végétale, Microbiologie, 
Zoologie préparatoire, Zootechnie générale, Entomologie 
agricole et Parasitologie, Alimentation rationnelle, Piscicul- 
ture et Aménagement des chasses, Chimie préparatoire, Chi- 
mie agricole, Aualyses agricoles, Industries agricoles, Géo- 
logie appliquée, Météorologie. 

Il faut y ajouter un Enseignement complémentaire spécial, 
qui est réparti en quatre sections, à option : 10 Ætudes fores- 
tières (Sylviculture, Histoire naturelle forestière, Législation 
forestière) ; 20 Ætudes économiques (Science sociale, His- 
toire des Doctrines économiques, Droit administratif, Géo- 
gräphie économique, Agronomie générale et coloniale); 
30 Ætudes physiques (Physique préparatoire et appliquée, 
Mécanique appliquée, Eléments d'Electrotechnique, H ydrau- 
lique agricole); 4° Ætudes d'Agriculture pratique (Culture et 
Commerce des produits agricoles, Comptabilité, Arpentage, 
Génie rural, Zootechnie spéciale et Art vétérinaire). 


S'adressant plus particulièrement à la grande bour- 
geoisie rurale, cette tentative attirera à l'Université de 
Nancy un public nouveau qui y trouvera un enseigne. 
ment préparant directement aux carrières productives. 

Les cours commenceront le 15 octobre prochain." Dès 
maintenant, les inscriptions sont recues. Les pro- 
grammes sont publiés et envoyés sur demande adres- 
sée à M. le Doyen de la Faculté des Sciences. Nous fai- 
sons des vœux pour la réussite d’un enseignement qui 
pourra trouver des imitateurs dans d’autres Universités. 
Il est intéressant de voir nos Universités régionales 
pousser des racines vivaces dans le milieu spécial où 
chacune est appelée à vivre. 


S 7. — Hygiène publique 


La stérilisation domestique de leau d’ali- 
mentation. — La question de la stérilisation des 
eaux d'alimentation publique et privée a de tout temps 
préoccupé les hygiénistes. Le public lui-même, dont 
l'attention a été appelée sur cette question par les dif- 
férentes campagnes de presse entreprises depuis 
quelques années, s'en est ému, et le Lemps n’est plus 
éloigné où chacun cherchera à s'assurer la pureté de 
l'eau qui est nécessaire à ses besoins journaliers. 

Signalons aujourd'hui un nouvel appareil stérilisa- 
teur pour usage domestique qui semble marquer un 
progrès sensible dans la question de la stérilisation 
de l’eau. 

L'opinion générale des savants comme du public est 
que la chaleur est le seul agent capable d'assurer d’une 
facon complète la destruction des germes dangereux 


688 


qu'une eau peut renfermer. On a donc cherché de bien 
des côtés à la fois des appareils pouvant réaliser dans 
les ménages, d'une facon pratique et certaine, la stéri- 
lisation de l'eau par la chaleur, et c’est dans cet ordre 
d'idées qu'a été concu le nouveau stérilisateur dont nous 
allons parler. Cet appareil est dû à un ingénieur des 
Arts et Manufactures, M. Lepage. 

L'eau impure et non stérilisée remplit le réser- 
voir (1) (fig. 1) qu'alimente une conduite (2), branchée 
sur une canalisation d'eau. Le niveau de l’eau XX est 
maintenu constant dans ce réservoir grâce à un flot- 
teur. L'eau, descendant par le tuyau (3), remplit le 
compartiment (4), puis le petit bouilleur (5) jusqu’au 
niveau XX, où elle s'arrête. Si l’on approche de ce bouil- 
leur une source de chaleur quelconque (7), bec de 
gaz ou lampe à pétrole, l'eau du bouilleur entre en 
ébullition, etun mélange de vapeur et d’eau bouillante, 
montant par le tuyau (6), vient se déverser en (8), où 
l’eau arrive stérilisée. La différence de niveau entre 
XX et le sommet du tuyau (6) est calculée de facon que 


lVig. 1 = Schéma de l'appareil Lepage pour la stérilisation 
de l'eau. 


l’eau ne puisse le franchir que sous le coup d'une ébul 
lition légèrement tumultueuse, de sorte que l’eau arri- 
vant en (8) ait forcément passé par une température de 
400. Mais, en même temps, cette différence de niveau 
est assez faible pour que le temps d'ébullition soit très 
court, quelques secondes à peine, de facon que l’eau 
n'ait pas le temps de perdre les gaz dissous qui lui 
donnent sa saveur. L'eau stérilisée s'accumule dans le 
compartiment (9), puis dans le siphon (11); quand le 
niveau s’est assez élevé pour atteindre le sommet du 
siphon, l’eau sort par l'extrémité (12); on la recueille 
dans un récipient quelconque. 

Il faut remarquer qu'à mesure que l’eau en ébullition 
s'échappe par le petit tuyau (6), elle est immédiatement 
remplacée dans le bouilleur, puisque le niveau XX est 
maintenu constant par le flotteur du premier récipient; 
l'opération est de ce fait très régulière et la circu- 
lation de l’eau dans l'appareil se fait sans brusquerie. 

La cloison (10) de sépazation des deux compartiments 
(4), (9) présente une grande perméabilité à la chaleur et 
facilite l'échange de température entre l'eau non stéri- 
lisée froide du compartiment (4) et l’eau stérilisée 
chaude du compartiment (9); l'eau froide s'échauffe 
donc petit à petiten montant vers le bouilleur, de facon, 
quand elle arrive, à être déjà très chaude; en revanche, 


CHRONIQUE ET CORRESPONDANCE 


l'eau arrivant bouillante dans le compartiment (9) perd 
de sa chaleur en descendant dans ce compartiment de 
manière à arriver complètement froide dans le si- 
phon (14). 

Les principaux avantages de l'appareil sont les sui- 
vants : 

4° L'eau qui traverse l'appareil est stérilisée d’une 
facon certaine, permanente et indéfiniment, aucune 
fausse manœuvre de robinet n'étant à craindre puisque 
c’est l’ébullition seule qui force l’eau à circuler dans 
l'appareil. 

2% L'eau conserve toutes ses qualités objectives sédui- 
santes, l'opération ne durant pas assez longtemps pour 
lui faire perdre l'oxygène et les autres gaz qu’elle con- 
tenait en dissolution. Elle conserve donc sa saveur et 
ne ressemble en rien à l’eau bouillie, 


Fig. 2. — Mode d'installation de l'appareil Lepage pour 
la stérilisation de l'eau. —R, robinet d'arrivée de l’eau ; 
E, entrée de l'eau dans le récipient H; GI, flotteur; 
D, sortie de l’eau en excès; Q M N, tuyau d'amenée de 
l'eau dans l'échangeur de température K; ©, arrivée de 
l'eau dans le stérilisateur B:; A, sortie de l’eau stérilisée 
pour retourner dans l'échangeur de température; O P V; 
tuyau de sortie, amenant l'eau dans un récipient en verre V > 

. S, conduite de gaz; J, lampe à gaz. 1 


30 L'eau sort de l'appareil à une température très 
voisine de celle qu'elle avait en y entrant, ce qui per= 
met son utilisation immédiate. Il est même possible de 
faire passer de l’eau glacée dans l'appareil. Celui-ci la 
stérilisera en la faisant bouillir et la rendra glacée. 

4° Enfin, un autre point important: le prix de l’appa= 
reil est peu élevé et la dépense de combustible, gaz, 
pétrole ou alcool est iusignifiante. On peut, en effet, 
l'évaluer à deux centimes par dix litres d’eau stérilisée. 

Nous donnons (fig. 2) le dessin d'un appareil tel qu'il 
est construit actuellement pour les installations de 
ville où l'on dispose de l’eau sous pression et du gaz 
d'éclairage. D'autres modèles portatifs pour la cam= 
pagne ou les colonies sont chauffés soit à l'alcool, soit 
au pétrole. 


E. BOULLANGER — L'EMPLOI DES MUCÉDINÉES EN DISTILLERIE 


689 


L'EMPLOI DES MUCÉDINÉES EN DISTILLERIE 


Il y à quelques années, on considérait encore, 
dans les industries de fermentation, toute moisis- 
sure comme un ferment de maladie. Le rôle néfaste 
de ces microorganismes, surtout en brasserie et en 


malterie, les avait fait tenir avec juste raison 


comme très dangereux, et, jusqu à ces derniers 
temps, la Science s'était bornée à rechercher les 


“ moyens praliques de les combattre et de les 


détruire. Cependant, quelques expérimentaleurs, 
notamment Atkinson et MM. Gayon et Dubourg, 


… avaient remarqué que cerlaines espèces jouissent 


“: 


par exemple, 
- l'amidon et la dextrine en sucre fermentescible, et 


de propriétés très intéressantes et susceptibles 
d'un haut intérêt pralique. Plusiçurs Mucédinées, 
ont la facullé de transformer 


- de décomposer ce sucre en donnant de l'alcool et 


de l'acide carbonique. Une seule espèce micro- 
bienne semblait ainsi pouvoir remplir le double 
rôle du malt et de la levure dans la fabrication de 
l’alcoo!l de grains. Cependant, ces premiers travaux 
ne donnèrent lieu à aucune ulilisation industrielle 
véritable. Ce n'est qu'au cours de ces dernières 
années que la question est entrée dans une phase 
décisive, grâce à l'impulsion scientifique donnée à 
ce problème par M. le D' Calmette, le promoteur 
des idées nouvelles qui devaient conduire ses col- 
laborateurs, MM. Collette et Boidin, au résultat 
pratique définitif. L'application des Mucédinées au 
travail de la distillerie de grains a constitué le pro- 
cédé à l’'Amylomyces, autour duquel il a été fait 
tant de bruit depuis quelques années. Quelle est 
exactement la portée de cette découverte, et quelles 
sont ses conséquences praliques? C'est ce que 


- nous allons chercher à indiquer en exposant la 


série des recherches qui ont conduit au procédé 
Amylo, et en déterminant les bases scientifiques 


» sur lesquelles il repose : cetle étude est d'autant 


plus utile qu'elle nous fournit un exemple des 
bienfaits que peut donner la collaboration intime 
de la Science pure et de l'Industrie. 


On saït que les moisissures sont des végétaux 
microscopiques qu'on rencontre le plus souvent 
sur les matières en décomposition, qu'elles re- 
couvrent d’une masse de filaments grèles entre- 
lacés, en formant ce qu'on appelle le mycélium. Ce 
mycélium, qui est l'agent de nutrition de la plante, 
donne naissance, soit dans son épaisseur même, 
soit à l'extrémité de tubes aériens, à des organes 
particuliers appelés spores, qui ont pour but d'as- 


surer la dissémination de l'espèce et sa repro- 
duction. 

Parmi ces Mucédinées, les plus intéressantes à 
notre point de vue sont certainement les Mucors. 
Ils appartiennent à la classe de ces organismes qui 
peuvent mener indifféremment la vie aérobie ou 
anaérobie, suivant les conditions qui leur sont 
offertes. Pasteur nous en a donné un exemple re- 
marquable avec le Mucor racemosus. Cette espèce 
vit normalement à la surface des liquides sucrés, 
en donnant un mycélium qui se couvre rapidement 
de spores aériennes : c'est la vie aérobie du Mucor. 
Mais, si l’on vient à immerger complètement ce 
mycélium dans le liquide nutritif, le mode d’exis- 
tence de l'espèce change. On voit la plante se 
remplir de bulles de gaz carbonique, et il se forme 
de l'alcool. En même temps, l'aspect microscopique 
se modifie. Dans la vie aérnbie, on voyait de longs 
filaments peu cloisonnés et des spores aériennes, 
tandis que, dans la culture en profondeur, on trouve 
un mycélium très cloisonné, qui se renfle par 
places de manière à former des sortes de boules 
(conidies mycéliennes). Ces conidies se séparent 
bientôt du mycélium et bourgeonnent à la façon des 
levures. L'espèce possède done deux modes d'exis- 
tence : une vie aérobie, dans laquelle les propriétés 
comburantes sont très élevées et où tout le sucre 
est à peu près brûlé à Fétat d'eau ct d'acide car- 
bonique; et une vie anaérobie, dans laquelle la 
plante fonctionne comme un véritable ferment 
alcocliqne. 

Ces fails étaient d'une importance capitale à 
rappeler au début de l'étude sur l'Amylomyces, car 
nous verrons plus loin comment ces propriétés 
ont pu être utilisées dans la pratique. L 

C'est à Atkinson que nous devons les premières 
recherches importantes sur les fonctions sacchari- 
fiantes des Mucédinées. — Déjà, en 1878, Ahlburg 
avait découvert, dans le koji japonais, une moisis- 
sure particulière à laquelle il avait donné le nom 
d'Æurotium Orizæ, et qui semblait jouer un rôle 
important dans la fabrication du saké, ou bière de 
riz, au Japon. Ce koji, que l’on peul grossièrement 
considérer comme du riz recouvert par l'Æurotium 
Orizæ, sert comme agent de saccharification en 
agissant sur l’amidon du riz cuit, et en le transfor- 
mant en sucre fermentescible. M. Atkinson a étudié 
avec soin la diastase produite par celte Mutédinée, 
et a remarqué qu'elle saccharifiait avec énergie 
l'empois d'amidon. Mais, comme, dans le saké, la 
fermentation alcoolique est en majeure partie pro- 
duite par des levures, Alkinson ne reconnut pas la 


690 


fonction alcoolique chez l'Æurotium d'Ahlburg. 

Ce sont MM. Gayon et Dubourg qui ont démontré 
les premiers l'existence d'une Mucédinée pouvant 
produire à la fois la saccharification de l'amidon et 
de la dextrine, et la fermentation alcoolique. C’est 
le Mucor allernans. Ensemencé dans une solution 
de dextrine, on constate que ce corps diminue peu 
à peu, et qu'il se forme de l'alcool. Dans l'empois 
d'amidon, la Mucédinée forme du maltose, qui 
subit ensuite la fermentation alcoolique. MM. Gayon 
et Dubourg ont également constaté que le Mucor 
racemosus possède des propriétés analogues. 
Mais cette transformalion de la dextrine semblait 
lente et incomplète, et il y avait toujours une perte 
notable qu'on ne retrouvait ni à l’état d'alcool, 
ni à l'état de sucre. Cependant, ces expériences 
élaient assez intéressantes pour pouvoir faire pré- 
sager une utilisation industrielle possible. 

Ce n’est que cinq ans après, en 1892, que M. Cal- 
mette, alors directeur de l’Institut bactériologique 
de Saïgon, publia ses études sur la levure chinoise 
et sur la fabrication des alcools de riz en Extrême- 
Orient. C'est cet important travail qui a été le point 
de départ de toutes les études ultérieures qui ont 
conduit au procédé Amylo; aussi est-il nécessaire 
de nous y arrêter assez longuement. 

M. le D' Calmelte, frappé de voir les Chinois 
fabriquer de l’alcool de riz sans se servir de malt 
ni d'acide, pensa que la levure chinoise, dont se 
servaient les distillateurs indigènes, devait contenir 
un ferment analogue à l'Zurotium Orizæ du koji 
Japonais. Cette levure ghinoise, qu'on trouve 
dans le commerce sous la forme de petits gâteaux 
aplalis, est préparée, d'après M. Calmette, de la 
facon suivante : 

« On pile d’abord dans un morlier quarante-six 
espèces de plantes aromatiques, dont le but n'est 
que de parfumer ullérieurement l'alcool de riz. Le 
mélange est passé au tamis ; la poudre ainsi obtenue 
est additionnée de farine de riz, et malaxée sous 
une lourde roue dans une auge circulaire. La roue, 
passant et repassant un grand nombre de fois sur 
le mélange, le rend homogène. On le porte alors 
dans une terrine, où il est malaxé avec de l’eau 
jusqu'à consistance de pâte molle. On coule ensuile 
celte pâle en pelits pains, qu'on dispose en quin- 
conces sur des naltes couvertes d'une mince couche 
de bales de riz humectée d'eau. Les nattes sont 
échelonnées sur des étagères couvertes de paillas- 
sons dans une pièce obscure. Au bout de quarante- 
huit heures, à la lempérature de 30°, le dévelop- 
pement des germes est achevé : la pâte, restée 
humide, à pris une odeur de moisi et s’est couverle 
d'une sorte de velours blanc très fin. On l'expose 
au soleil jusqu'à dessiccation complète et on la met 
en sacs pour la vendre aux dislillateurs. 


E. BOULLANGER — L'EMPLOI DES MUCÉDINÉES EN DISTILLERIE 


« C'est à l'aide de cette levure chinoise que les. 


indigènes préparent leurs alcools de riz. Le riz, 
décortiqué à l’aide de grossières meules de bois, 
est d'abord mélangé dans une chaudière de cuisson 
avec un peu plus de son poids d'eau chaude. On 
arrête la cuisson lorsque le grain s'écrase facile- 
ment entre les doigts. On l'étale alors en couches 
minces sur des natles pour le laisser refroidir, et 
on le saupoudre de levure chinoise pilée au mor- 
üer. Ensuite, on le répartit dans des pots en terre, 
de 20 litres environ de capacité, mais en ne lesrem- 
plissant qu’à moitié, et on les ferme avec un cou- 
vercle. Au bout de trois jours, la saccharification 
est achevée; on opère le remplissage des pots avec 
de l’eau du fleuve, et on les laisse découverts. La 
fermentation alcoolique s'établit rapidement et 


dure deux jours, au bout desquels on distille toute 


Fig. 1. — Amylomyces Rouxii; 


Mycelium et spores 
mycéliennes. x 


la masse à feu nu dans des alambics en tôle. Pour. 


traiter 100 kilos de riz, il faut environ 4 kil. 500 de 
levure chinoise, et les distillateurs obtiennent avec 
cetle quantité 60 litres environ d'eau-de-vie à 36°, 
soit un rendement moyen de 18 litres d'alcool 
pur. » 

M. le D' Calmetle se demanda quel était l'agent 
actif de cette levure chinoise. Pour cela, il procéda 
à l'analyse bactériologique d'un pain de levure, et 
il reconnut bientôt qu'à côté d’un certain nombre 
de levures on rencontrait sans cesse une moisissure 
particulière, très abondante, qui se mullipliait à 
l'aide d'un mycélium rameux, et envahissait rapi- 
dement toute la surface des milieux de culture. 
C'est à cette Mucédinée que M. Calmette a donné le 
nom d'Amylomyces Rouxïi; elle est apportée dans 
la levure chinoise par la bale de riz dont est 
incruslé le petit pain de levure. 

Les propriétés morphologiques de l'espèce sont 
les suivantes : « Au contact de l'air, le tube mycé- 
lien s'allonge peu et se divise bientôt en cloisons 
transversales, au niveau desquelles le protoplasma, 


\ 


E. BOULLANGER — L'EMPLOI DES MUCÉDINÉES EN DISTILLERIE 


très réfringent, s'amasse pour former des conidies. 
Au début, ces conidies ont une forme cubique, puis 
elles s'arrondissent, mais ne s'isolent pas du rameau 
qui les a fait naître et qui se prolonge au-dessus 
d'elles pour former, un peu plus loin, une ou plu- 
sieurs aulres conidies semblables (fig. 1). 

« Dans les cultures profondes en moût gélatiné, 
partout où le mycélium échappe au contact immé- 
* diat de l’air, il s'accroit par bourgeonnement direct, 
étalant en tous sens ses ramifications tubuleuses ; 
mais aucune conidie n'apparait. 

« Noyée dans un liquide sucré, dextriné ou amy- 
lacé, la plante ne produit pas de cellules ovales ou 
sphériques en forme de levures comme le Mucor 
racemosus ou le Mucor allernans. Elle se déve- 

loppe exclusivement en mycélium rameux. » 
- Quant aux propriétés physiologiques de l'espèce, 
elles ont été fort bien décrites par M. le D' Calmette, 
et nous extrayons de son Mémoire les lignes sui- 
- vantes, qui sont du plus haut intérêt : 

« Sur du riz cuit à la vapeur, placé en couche 
mince au fond d’un ballon largement aéré, l'Amy- 
lomyces brûle directement presque tout le sucre 
qu'il forme aux dépens de l'amidon. Mais si, en 
agilant les ballons de culture, on maintient le 
mycélium dans les couches profondes du riz à 
mesure qu'il s'accroit, et si l'on empêche ainsi les 
fruclifications aériennes de se produire, la quan- 
lité de glucose formée en quatre jours atteint 64°/, 
de l'amidon. Dans le moût de bière, c'est la quan- 
lité d'alcool qui devient plus considérable : au 
bout de sept jours, on peut en obtenir jusqu'à 
3,5 °/,. Ainsi, le pouvoir ferment de la moissure 
se trouve augmenté si on lui rend plus difficile 
l'accès de l'air; toutefois, il y a une limite au delà 
de laquelle on ne peut pas pousser la privation 
d'oxygène. Ce gaz est indispensable au mycélium 
de la plante, et il est impossible de la cultiver en 
tubes clos absolument privés d’air, quel que soit le 
subetratum nourricier qu'on lui fournisse. Donc, 
pour produire un effet utile, l'Amylomyces doit être 
cullivé dans une atmosphère confinée. Celte condi- 
tion est réalisée inconsciemment par les Chinois, 
qui placent pendant trois jours un couvercle sur 
les jarres, après avoir pris soin de ne remplir 
celles-ci qu'aux deux liers avec le riz cuit mélangé 
de levure pilée. » 

L'importance capitale deces constatations n'échap- 
pera à personne; dans ces quelques lignes étaient 
déjà indiquées les conditions industrielles dans 
lesquelles on devait travailler pour obtenir des 
résultats favorables : immersion de la plante, et 
aération modérée. 

D'ailleurs, en opérant dans ces condilions en 
symbiose avec des semences pures d'Amylomyces 
et d’une levure de pale-ale, M. Calmette put dou- 


| 


691 


bler, du premier coup, le rendement en alcool 
qu'obtenaient les Chinois. 

Tel est l'important travail qui a ouvert défini- 
tivement la voie à l'application industrielle des 
Mucédinées à la distillerie de grains. Nous allons 
voir maintenant comment MM. Collette et Boïdin, 
assistés de M. Calmette, ont pu réaliser industriel- 
lement, à l'usine de Seclin, les espérances que les” 
essais de laboratoire avaient fait concevoir. 


IE 


Mais, avant d'entrer dans cette étude, il est néces- 
saire de donner quelques détails sur les opérations 
que l’on pratique d'ordinaire dans les distilleries 
de grains, afin de faire mieux comprendre de quel 
côté on devait diriger les recherches sur l'Amy- 
lomyces, pour réaliser un progrès sensible, 

Aujourd'hui, le travail des grains se fait générale- 
ment de la facon suivante : Le grain, cuit sous pres- 
sion, est trailé dans une cuve-matière par une quan- 
tilé de malt suffisante pour produire une sacchari- 
fication de l’amidon aussi complèle que possible. 
Celle quantité de malt atteint 10 à 15 °/, du poids 
du grain employé. À cet emploi de malt correspond 
déjà une perte minima de 1 kil. 400 d'amidon 
par suite du maltage, soit un litre d'alcool par 
100 kilos de grains. La saccharification par 
le. malt donne d’abord : d’une part, du maltose 
qui fermente sous l’action de la levure, et, d'autre 
part, de la dextrine qui n’est fermentescible que 
dans une proportion réduile, variable 
d’ailleurs avec l'espèce de levure: employée. 
La dextrine restante occasionnerait une perte con- 
sidérable de rendement. Pour réduire celte perte 
au minimum, on ulilise la propriété que possède 
la diastase du malt, de continuer à agir sur la dex- 
trine quand la saccharification principale est Ler- 
minée, et de la transformer en sucre, qui subitalors 
la fermentation alcoolique. Il importe donc de ne 
pas détruire cette diastase, qui doit produire la 
saccharification complémentaire. Il en résulte un 
inconvénient des plus graves : l'impossibilité 
d'opérer asepliquement et de stériliser le moût, 
la diastase étant détruite à 70-75°, température 
à laquelle résistent beaucoup d'espèces micro- 
biennes. 

Pour lutter autant que possible contre les 
ferments nuisibles, le dislillateur augmente l'aci- 
dité du moût en faisant des levains lacliques. Cette 
préparation des levains lactiques, très délicate, 
est un mal nécessaire, qui cause à l'industriel des 
déboires continuels ; car le succès ullérieür d'une 
fermentation dépend en grande partie de la qualité 
du levain. En outre, le sucre qui se transforme en 
acide lactique est perdu. Enfin l’acidificalion, avec 


très 


692 


E. BOULLANGER — L'EMPLOI DES MUCÉDINÉES EN DISTILLERIE 


tous ses défauts, n'est même pas un moyen suffisant 
pour combattre l'infection par les mauvais fer- 
ments ; ceux-ci s’habituent à la réaction acide du 
milieu, prennent bientôt le dessus, et engagent 
avec la levure une lutte pour l’existence qui se Lra- 
duit par une chute importante du rendement en 
alcool. 

On comprend dès lors quel intérêt capital il y 
avait à opérer la saccharification au moyen d'une 
Mucédinée qu'on pouvait ensemencer à l'état pur 
dans un moût stérilisé. La Mucédinée produi- 
sant de la diastase, il devenait inutile de sacchari- 
fier totalement l’amidon. On pouvait donc réduire 
beaucoup la proportion de malt. En outre, le moût 
était stérilisable, puisque l’action complémentaire 
de la diastase était produite par la Mucédinée 
ensemencée dans le moût stérile. Donc : suppres- 
sion, au moins partielle, du malt, suppression des 
levains lacliques, possibilité d'un travail aseptique 
et d'un contrôle scientifique rigoureux, voilà les 
avantages qu'on pouvait entrevoir à priori en 
employant la saccharification par les Mucédinées. 

Telles furent les idées directrices qui guidèrent 
les premiers essais d'application des Mucédinées 
au travail des grains. Déjà, en 1894, le Japonais 
Takamine avait cherché à employer la diastase de 
moisissure comme succédané du malt. On ense- 
mençaitsur du son humide des spores d’Aspergillus 
Orizæ et, après développement de l'espèce, on ab- 
tenait une matière saccharifiante qu'on délayait 
avec de l’eau. La diastase ainsi obtenue servait pour 
la saccharification à la place du malt. Mais cc pro- 
cédé, avantageux pour les pays où l'orge fait défaut, 
ne réalisait pas un progrès bien sensible dans nos 
pays, eton ne pouvait espérer travailler d’une facon 
plus pure que par l’ancien procédé. 

C'est alors que M. Calmette, devenu directeur 
de l'Institut Pasteur de Lille, fit étudier dans ses 
laboratoires l’emploi de l'Amylomyces à la saccha- 
rification des matières amylacées. Les premières 
recherches, faites par M. Boidin, ne donnèrent pas 
de résultats satisfaisants. Le rendement était mau- 
vais ; la Mucédinée brûlait toujours du sucre à l’état 
d'eau et d'acide carbonique, et il restait toujours 
de l’amidon non transformé. 

MM. Boidin et Rolants cherchèrent alors à 
employer l’Amylomyces pour la fermentation des 
vinasses de distillerie. Ces vinasses contiennent 
de la dextrine, que la Mucédinée faisait fermenter, 
et on oblenait ainsi, par litre de vinasses, 6 à 
10 centimètres cubes d'alcool, ce qui était large- 
ment suffisant pour couvrir les frais d'une nouvelle 
distillation. 

M. Boidin entreprit donc, à la distillerie de M. Col- 
lelte à Seclin, des essais industriels d'application 
de l’'Amylomyces à la fermentation des vinasses. 


Les premières expériences, effectuées dans des 
cuves de 300 hectolitres, montrèrent tout d’abord 
qu'il était possible pratiquement de stériliser ces 
grandes masses de liquide, et de les maintenir 
stériles dans des cuves complèlement closes, 
et, en outre, MM. Collette et Boidin constatèrent 
que le rendement en alcool était beaucoup plus 
élevé dans ces cuves qu'au laboratoire. 

En cherchant à expliquer ce dernier résultat, 
M. Boidin ne tarda pas à faire une remarque très 
importante : la combustion par la Mucédinée deve- 
nait inappréciable quand on faisait vivre l’Amylo- 
myces constamment à l’état immergé, sans qu'il püt 
former de fruclifications superficielles. Ces condi- 
tions étaient évidemment très difficiles à réaliser 
d'une facon parfaite dans les expériences de labora= 
toire, et l'essai industriel seul permit de mettre 
ce fait en lumière. MM. Collette et Boidin remar- 
quèrent, en outre, qu'en injectant de l'air stérilisé 
dans le moût, on accélérait considérablement le 
développement de l'Amylomyces, sans qu'il y ait 
une perle sensible par combustion directe. C'était 
là un résultat décisif. En faisant vivre à l'état 
d'immersion continue l'Amylomyces dans un moût 
de grains stérilisé et aéré constamment par de l'air 
stérile, on pouvait donc espérer transformer inté- 
gralement l’amidon du grain en sucre, puis en 
alcool, sans pertes appréciables, en supprimant 
l'emploi du malt ou de l'acide, et en faisant en une. 
seule opération la saccharification et la fermenta- 
tion alcoolique en milieu aseptique. 

Les essais de MM. Collette et Boidin furent aus- 
sitôt dirigés dans ce sens. Le procédé Amylo élait 
constitué. 


III 


Nous pouvons maintenant aborder l'étude du 
procédé à l’Amylomyces, tel que MM. Collette et. 
Boidin l'ont établi à la suite de la longue série de 
recherches que nous venons de décrire. Nous allons 
voir, en passant en revue les phases successives de 
la fabrication, avec quelle souplesse la pratique 
industrielle a su se conformer aux conditions théo- 


riques dictées par les études du laboratoire. 


1. Cuisson du grain.— Le maïs entier estd’abord 
introduit dans le cuiseur avec deux fois son poids 
d'eau. On injecte alors de la vapeur et on fait 
monter la pression pendant 3 h. 1/2 jusquà 
4 kilogrammes. L'amidon est ainsi complètement 
transformé en empois. Mais il importe que cet em- 
pois soil bien homogène : on doit avoir une masse 
exempte de fragments de grains, et bien divisée, 
qui subisse facilement la liquéfaction par le malt, 
et l'action saccharifiante de la Mucédinée. Aussi le 
cuiseur adopté dans un grand nombre d'usines qui 


E. BOULLANGER — L'EMPLOI DES MUCÉDINÉES EN DISTILLERIE 


693 


travaillent par le procédé Amylo est-il un cuiseur 
vertical, muni d'un puissant agitateur à paletles et 
de dispositifs qui permettent de cuire le grain en 
brassant fortement la masse. On obtient ainsi une 
päte tout à fait homogène. 


2. Liquéfaction. — Si l'on envoyait directement à 


… Ja cuve de fermentation l'empois ainsi formé, dilué 


avec une quantité d'eau convenable, la masse ferait 


prise par le refroidissement, s'empäterait dans les 
… conduites, et la Mucédinée ne pourrait se multiplier 


dans un milieu aussi compact. Il est donc néces- 
saire de liquéfier l'amidon par une faible quantité 
de malt, quantité qui représente 1 à 2°/, du poids 


« du grain employé, tandis que dans les procédés 


anciens, où l’on cherchail à produire une sacchari- 
fication complète, on employait une proportion de 
410 à 15 °/, de malt. 

On place donc, dans une cuve-matière, 10 à 
90 kilogrammes de malt par 1.000 kilogrammes de 


… maïs, et on fait un lait de malt avec de l’eau froide. 


- L’empois, chassé directement par la pression du 


cuiseur, tombe dans cette cuve-matière, où il se 
trouve en contact avec le malt. La tempéralure ne 
doit jamais dépasser 70°, pour ne pas tuer la dias- 
tase. On laisse en contact pendant une heure à 60°- 
65°, en agitant constamment. Si l’on examine, au 
bout de ce temps, le moût obtenu, on constate que 
la filtration, impossible au début, est devenue très 
facile : la masse est complètement fluide. Le liquide 
filtré donne la réaction rouge des érythrodextrines, 
et réduic très fortement la liqueur de Fehling. Les 
matières insolubles restées sur le fillre donnent la 
réaction violette de l’amidon. Cette opéralion cons- 
titue done plus qu'une liquéfaction; il y a un véri- 
table commencement de saccharification, qui fait 
passer à l'état de sucre fermentescible et de dex- 
trine une partie assez considérable de l’amidon 
présent. On obtient donc, au sortir du macérateur, 
un moût bien fluidifié, qui ne fait plus prise par le 
refroidissement et qui conlient à la fois du maltose 
et de la dextrine provenant de l'action du malt, et 
de l’amidon non transformé. 


3. Stérilisation. — I faut maintenant détruire 
totalement les germes de ce milieu de manière à 
avoir un liquide parfaitement stérile dans lequel 
on puisse ensemencer à l’état pur la Mucédinée 
saccharifiante qui doit terminer la transformation 
de l'amidon et de la dextrine en sucre. Cette stérili- 
sation se fait dans un immense autoclave horizontal 
où le moût est chauffé pendant une demi-heure à 
une pression de vapeur de 1 kil. 1/2, c'est-à-dire à 
une température d'environ 128°. Le milieu se 
trouve ainsi parfaitement stérilisé, et il est alors 
chassé dans la cuve de fermentation. 


4. Fermentation. — C'est ici que nous allons ren- 
contrer une réalisation industrielle surprenante des 
travaux de bactériologie du laboratoire. Imaginons 
un immense matras en tôle de 1.000 hectolitres, 
hermétiquement clos et stérilisable par la vapeur 
(fig. 2). 

C'est dans ce gigantesque ballon de culture que 
va s'effectuer la fermentation : le moût stérile va 
être introduit, refroidi et ensemencé avec une cul- 
ture pure d'Amylomyces, en suivant exactement le 
mode opératoire d’une expérience faite au labora- 
toire avec un ballon de 500 centimètres cubes. Au 
premier abord, on se refuse à croire que l’asepsie 
rigoureuse puisse être réalisée sur des masses de 
liquide aussi considérables. Nous allons voir, au 
contraire, que quelques précautions simples suf- 
fisent pour obtenir facilement une stérilité parfaite. 

La cuve, d'une hauteur totale de 6 mètres, est 
absolument close, de manière à éviler toute conta- 
mination venant de l'extérieur. À sa partie supé- 
rieure se trouve le tuyau d'arrivée du moût venant 
du stérilisateur ; à sa partie inférieure, le robinet 
d'évacuation du moût fermenté, Un tuyau de 
vapeur débouche dans le fond de la cuve, et permet 
l'injection de vapeur dans le moût, pour le muinte- 
nir en ébullition pendant toute la durée du charge- 
ment. Par une manœuvre très simple, on peut 
remplacer la vapeur par de l'air comprimé, qui 
$e débarrasse de tout germe en traversant un filtre 
à coton flambé au préalable à 465°. On peut ainsi 
injecter dans le moût de l'air stérile, et réaliser par 
conséquent une des premières conditions de la vie 
active de l'Amylomyces : la culture en aération 
continue. La cuve porte, en outre, dans son intérieur 
un puissant agitateur, dont l'arbre est muni d’un 
calfat qui rend toute infection impossible. Cet agi- 
lateur permettra de réaliser la culture de la Mucé- 
dinée en profondeur, et d'éviter les fructificalions 
superficielles: seconde condition nécessaire, comme. 
nous l'avons vu, pour avoir des rendements satis- 
faisants. Enfin, de la partie supérieure de la cuve 
part un tuyau de dégagement des gaz, air et acide 
carbonique, qui va s'ouvrir dans un barboteur de 
4 hectolitres, rempli d’eau. 

Dans le dôme de la cuve, bien à la portée de la 
main, se trouve une petite tubulure de 5 à 7 centi- 
mètres de diamètre, et de quelques centimètres de 
hauteur. Sur celte tubulure s'engage un tuyau de 
caoutchouc d'environ 20 centimètres, bouché par 
un manchon métallique qui l'obture hermétique- 
ment. C’est l’orifice par lequel se fera l’ensemence- 
ment. Sur le côté de la cuve, à 1 mètre environ de 
la calotte supérieure, est placée une autre tubulure 
identique à la première : c'est la tubulure de prise 
d’échantillon du moût. Enfin un thermomètre, 
plongeant dans une gaine métallique qui fait corps 


694 


E. BOULLANGER — L'EMPLOI DES MUCÉDINÉES EN DISTILLERIE 


avec la cuve, indique la température du liquide. 

Pour supprimer les infections possibles par les 
joints elles robinets, tous ceux-ci sont plongés dans 
des euvettes remplies d’eau formolée. D'ailleurs, 
nous verrons bientôt que, dans le travail, on laisse 
toujours dans la cuve un léger excès de pression, 
afin que les fuites, si elles se produisent, aient 
toujours lieu de l’intérieur vers l'extérieur, et non 
inversement. Toute rentrée est ainsi rendue impos- 
sible. 


l'air de la cuve. Quand la cuve est déjà assez avan- 
cée, on badigeonne avec du formol les deux tubu- 
lures, on place les deux tubes de caoutchoue, et on 
les obture avec les manchons métalliques fortement 
flambés à l’aide d'une lampe à alcool; puis, on con- 
tinue l'injection de la vapeur et l'admission du 
liquide jusqu'à ce que la cuve soit pleine de moût 
stérile. Des regards vitrés permettent de se rendre 
compte aisément de l'instant où l’on doit arrêter. 

Il s’agit maintenant de refroidir ce moût sans 


Fig. 2. — Installation de seize cuves de fermentation de 1100 hectolitres, 


Telle est la cuve qui fut construite par MM. Col- 
letle et Boidin, pour la fermentation par l'Amy- 
lomyces en milieu stérile. Suivons maintenant le 
travail du moût dans cet appareil. 

Le liquide stérile, venant de l'autoclave, arrive 
dans la cuve à l'ébullition. La vapeur, qu'on in- 
jecte d'une facon continue par la valve inférieure 
de la cuve, maintient celte ébullition pendant tout 
le remplissage. La vapeur produite échauffe peu à 
peu la tôle, se condense sur les parois de la cuve 
en entrainant avec elle les germes qui peuvent s'y 
trouver. Bientôt elle commence à sortir par tous 
les orifices, stérilisant les tubulures d'échantillon 
et d'ensemencement, et chassant complètement 


l'infecter d'aucun microbe étranger. On ferme 
l'arrivée de vapeur, qu’on remplace immédiate- 
ment par un fort courant d'air stérile. Cet air 
produit dans la cuve un excès de pression qui 
empêche toute rentrée de l'air extérieur impur. On 
remplit le barboteur d'eau, et, par le regard vitré 
de cet appareil, on se rend compte aisément de la 
rapidité du passage de l'air comprimé. Au bout 
d’une heure environ, on met l'agitateur en mouve- 
ment et on procède au refroidissement du moût. La 
cuve porte, à cet effet, à sa partie supérieure, une 
couronne d'arrosage percée de trous, par laquelle 
on fait ruisseler de l’eau froide sur les parois exté- 
rieures. L'agilateur amène constamment de nou- 


E. BOULLANGER — L'EMPLOI DES MUCÉDINÉES EN DISTILLERIE 


velles couches de moût chaud au contact de la 
paroi froide, l'air comprimé qu'on injecte em- 
pêche le vide que produirait la condensation, et 
aère en même temps la masse. Il se produit, au 
contact de la nappe d’eau froide qui coule le long 
de la cuve, une évaporation intense qui refroidit 
rapidement le moût et amène en quelques heures 
à 38°C les 1.000 hectolitres du liquide. 

On à ainsi réalisé le problème d'avoir, dans une 
cuve stérile, un moût parfaitement stérile. Il s'agit 


695 


fique par le laboratoire est commencé, et, si un 
insuccès se produit, ce contrôle permettra toujours 
de reconnaitre à quoi il est dû, et à quelle phase de 
l'opération il s'est produit. On vérifie également au 
microscope la pureté de la culture d'Amylomyces 
qu'on va employer, et, si le résultat est favorable, 
on ensemence, suivant les règles de l’asepsie usitées 
dans le laboratoire, le ballon d'Amylo destiné à 
peupler les 1.000 hectolitres de la cuve. 
L'ensemencement effectué, on met l’agitateur en 


par le procédé Amylo, aux distidleries Bugnot-Colladon et 


maintenant d’ensemencer l'Amylomyces à l'état 
pur, sans introduire aucun autre microbe. 

C'est alors que commence la collaboralion active 
du laboratoire et de l'usine. On a préparé d'avance 
au laboratoire, sur 20 grammes de riz cuit réparti 
au fond d’un ballon de 1 litre environ, une culture 
vigoureuse d'Amylomyces. Cetle minime quantité 
de semence, qui ne représente à l’état sec que 
quelques centigrammes, va servir à ensemencer 
l’énorme cuve de 1.000 hectolitres. Avant de pro- 
céder à l'ensemencement, on fait aseptiquement 
une prise d’échantillon du moût de la cuve, dont 
on contrôlera au laboratoire la stérilité, et qui sera 
soumise à l'analyse chimique. Le contrôle scienti- 


Boulet, à Eouen. 


mouvement, et on aère énergiquement la masse. 
Grâce à cette aération et à la température très 
favorable de 38°C, la Mucédinée se mulliplie rapi- 
dement. L'agitation continue empêche la formalion 
du mycélium superficiel, qui brûlerail le sucre à 
l'état d'eau et d'acide carbonique. Au bout de 
vingt-quatre heures, on fait une prise d'échan- 
tillon, et on vérifie au microscope la pureté de la 
culture. On constate alors que ces vingt-quatre 
heures ont suffi pour que toute la masse soit envahie 
par les filaments mycéliens de l'Amylo. Au point 
de vue chimique, on remarque que la réaction à 
l'iode est devenue plus faible; le travail saechari- 
fiant de la Mucédinée a commencé, travail qui va 


696 


E. BOULLANGER — L'EMPLOI DES MUCÉDINÉES EN DISTILLERIE 


remplacer celui de la diastase du malt dans la saccha- 
rification complémentaire, mais avec l'immense 
avantage de l’asepsie parfaite et d'un contrôle 
scientifique rigoureux. 

La transformation de l’amidon et de la dextrine 
en sucre fermentescible par la Mucédinée s'accom- 
pagne d'une fermentation alcoolique : l'Amylo 
décompose le sucre qu'il forme en alcool et acide 
carbonique. Mais l'expérience montre que cette 
fermentation, pour être complète, demande tou- 
jours un lemps assez long. Nous possédons dans 
la levure un ferment alcoolique infiniment plus 
actif que la Mucédinée, et, d'ailleurs, M. le D' Cal- 
mette n'avait-il pas constaté déjà la symbiose 
mucédinée-levure dans la fabrication des alcools 
de riz en Indo-Chine? Il est donc tout naturel que 
MM. Collette et Boidin aient songé à utiliser surtout 
les propriétés saccharifiantes de l’Amylomyces, el à 
confier à la levure, vivant en symbiose, le travail de 
la transformalion du sucre en alcool. Il y avait là 
en quelque sorte l'avantage évident qu'on retire 
en prenant un train express au lieu d’un train 
omnibus. Ce changement de train se fait du reste 
d'une façon très simple. On refroidit d’abord la 
cuve à 33°C, parce que la température de culture de 
l'Amylo est un peu élevée pour la levure, puis on 
ensemence, avec les mêmes précautions que pour 
l'Amylomyces, un ballon de 500 centimètres cubes 
d'une culture pure de levure en pleine fermenta- 
tion. C’est cette minime quantilé de semence qui 
va assurer, en se mullipliant, la fermentation 
alcoolique du liquide. Au bout de vingt-quatre 
heures, une nouvelle prise d'échantillon permet de 
constater que toute la masse est peuplée de cellules 
de levure ; on cesse alors l'injection d'air stérilisé, 
et le travail symbiotique des deux organismes 
Amylo-levure commence. 

La levure va parcourir avec une rapidité très 
grande la voie qui lui a été tracée par l'Amylo- 
myces ; celui-ci, quiaquarante-huitheures d'avance, 
continuera à préparer le chemin, plus lentement il 
est vrai, mais il ne sera rejoint cependant pär la 
levure qu'au moment où son travail sera enlière- 
ment terminé. 

D'ailleurs, il est facile de suivre la marche de 
la transformation de l'amidon, et de la fermenta- 
tion, {en faisant chaque jour une prise d'échan- 
tillon du moût depuis le moment de l’ensemen- 
cement de la levure. C'est, d'ailleurs, ce qu'on 
fait pour chaque cuve, et ce contrôle scientifique si 
précis permet de reconnaître sans retard les fautes 
commises et l'instant où elles l'ont été. Au moment 
de l’ensemencement de la levure, l’iode donne 
encore une forte réaction bleue. La réduction à la 
liqueur de Febhling est devenue un peu plus consi- 
dérable, d'abord parce qu'une partie de l'amidon 


passe à l’état de sucre réducteur, et surtout parce 
que la Mucédinée hydrolyse le maltose et le trans= 
forme en glucose dont le pouvoir réducteur est 
plus élevé. Vingt-quatre heures après l'ensemence= 
ment de la levure, le liquide donne à l’iode une: 
réaclion rouge foncé; les pailles, une réaction bleue. 
Si l’on examine le moût au microscope, on constate 
que le liquide est totalement envahi par les deux 
espèces microbiennes, l'Amylomyces et la levure: 
Le jour suivant, le liquide filtré se colore encore: 
légèrement en rouge par l'iode; il y a donc encore 
un peu d'érythrodextrines; les pailles ne donnent 


plus qu'une très faible réaction bleue. Le dégage-w 


ment d'acide carbonique se ralentit dans le barbo= 
teur. Enfin, trois jours après l'ensemencement de la, 
levure, le liquide filtré ne donne plus de réaction 
à l'iode; il n'y a plus de bleuissement dans les 
pailles, et seul l'examen microscopique permet de 


Fig. 3. 


— Mücor $-Mycelium et fructifications aérienne. 


retrouver des traces d’amidon. La saccharificalion 


est finie, la transformation intégrale du sucre est 


achevée, comme il est facile de s'en rendre compte « 


par la liqueur de Fehling; la cuve est prête à être. 
distillée. 
Tel est le mode de travail imaginé par MM. Col- 


lette et Boidin et désigné sous le nom de procédé 


Amylo, dans lequel, comme nous l'avons vu, Jai 
saccharification et la fermentation alcoolique se 
font simultanément par la symbiose des deux orga- 
nismes Mucédinée et levure. Depuis 1897, le procédé 


a subi quelques modifications qu'il est maintenant. 


nécessaire de décrire. 

Le procédé Amylo avait, à l'origine, l'inconvénient 
fort grave de ne convenir qu'à des moûts dilués, 
d'environ 1030 de densité, ce qui augmentait dans. 


des proportions nolables les frais généraux de la 


fabrication. L'Amylomyces Rouxiine possède pas, 
en effet, des propriétés saccharifiantes assez éner- 
giques pour conduire à une bonne atténuation dans 
des moûts concentrés. Aussi, M. Boïdin ne tarda pas 
à entreprendre l'étude de diverses autres Mucédi- 


E. BOULLANGER — L'EMPLOI DES MUCÉDINÉES EN DISTILLERIE 


697 


nées saccharifiantes dont les propriétés pouvaient 
être plus actives. Pour la distillerie, la meilleure 
espèce élait évidemment celle qui poussait le plus 
loin l’atténuation, en donnant l'acidité la plus faible. 
-M. Boidin a isolé ainsi sur un échantillon de koji 
japonais, dû à l'obligeance de M. Armand, ministre 
plénipotentiaire de France au Japon, un Mucor 
“qu'il a désigné sous le nom de Mucor £ {fig. 3). Ce 
“Mucor se mentra supérieur à l'Amylomyees Rouxii : 
a saccharification était plus complète, l'acidité 
“moindre, le rendement plus élevé. En utilisant ce 
Mucor £ au lieu de l'Amylomyces, M. Boidin cons- 
“tala qu'on pouvait travailler en moûts concentrés, 
“à 18, 20 et même 25 °/, de grains. Une autre Mucé- 
“dinée, le Mucor J, isolée sur du riz venant du Tonkin, 
a donné des résultats analogues. Le procédé ne 
laisse donc plus rien à désirer au point de vue de 
la concentration. 
— On a également beaucoup reproché au procédé à 
l'Amylomyces d'être délicat et très dangereux à 
cause des minimes quantités de semence qu'on 
“emploie. Pendant toute la durée du développement 
“de la moisissure, c'est-à-dire pendant vingt-quatre 
“heures, le moût est maintenu à la température de 
“38°C., très favorable au développement des fer- 
ments de maladie. Si une faute est commise au 
“moment de la fermeture de la cuve ou de l’ense- 
-mencement, cette faute peut entrainer les consé- 
“quences les plus graves, le ferment de maladie 
“pouvant se développer plus vite encore que l'Amy- 
«lomyces. Aussi a-t-on cherché à éviter cet écueil en 
faisant des levains de Mucédinées. La cuve àlevains, 
“de dimensions réduites, est ensemencée avec une 
“culture pure de Mucédinées : s’il y a par hasard une 
“infection, on la stérilise et on réensemence. Dans 
“tous les cas, on envoie à la grande cuve un fort 
É levain de Mucédinée pure, ce qui permet d'ense- 
…mencer aussilôt la levure et de gagner ainsi du 
“ lemps, avec une marche plus sûre. Cependant, ilne 
… faudrait pas croire que cette petite complication du 
“procédé soit nécessaire. L'exemple d'un grand 
… nombre de distilleries qui travaillent sans levains, 
… d'après la méthode préconisée au début par 
… MM. Collette et Boidin, prouve qu'il est facile, avec 
un personnel dressé, d'arriver à une réussite par- 
Bite : les infections deviennent exceptionnelles et 
; n'abaissent pas la moyenne des rendements. 

Un dernier perfectionnement du procédé a été 
son application aux distilleries agricoles. On pou- 
vait, en effet, reprocher à la méthode d’être inap- 
plicable sur une petite échelle à cause du matériel 
important qu'elle exige. La difficulté a été résolue 
en combinant un appareil à usages multiples, qui 
sert à la fois de cuiseur, de cuve-matière, de sté- 
rilisateur et de cuve de fermentation. Toutes les 
opérations se font ainsi dans un même appareil, et 


avec la plus grande facilité. Le procédé est donc 
maintenant accessible à la petite distillerie agri- 
cole. 


II 


Nous avons vu, par ce qui précède, que le procédé 
Amylo repose sur des bases scientifiques solides, 
et qu'il constitue un progrès réel sur les anciennes 
méthodes. Mais on sait que, dans l'industrie, les 
résultals économiques donnés par une méthode 
passent avant sa valeur scientifique, et on peut dire 
que peu de distillateurs auraient adopté le procédé 
Amylo, s'il n'avait eu pour avantages que ceux qui 
résultent d'un travail plus rationnel et d'un con- 
trôle scientifique rigoureux. Quels sont donc ies 
résultats praliques fournis par le procédé Collette 
et Boidin ? 

Nous en avons déjà signalé quelques-uns : d’a- 
bord, la dépense en malt est considérablement 
réduite, puisqu'on n'emploie que 2 °/, de malt au 
lieu de 45 à 25 °/,. C'est là un premier avantage, 
très important pour les usines qui emploient de 
grandes quantités de malt. La malterie étant ré- 
duile au minimum, il en résulte une économie sen- 
sible qui est encore augmentée 
par le fait de la suppression des levains. Le travail, 
si délical et si aléaloire, de la fabrication de la 
levure, est remplacé par le travail précis et rigou- 
reux du laboratoire où l'on prépare les ballons qui 
serviront à ensemencer les cuves. Enfin, nous avons 
vu que le procédé Amylo permet d'effectuer la sté- 
rilisation parfaite du moût et de travailler en moût 
stérile avec des organismes bien définis. C'est là 
un immense avantage, qui met le distillateur à 
l’abri de toutes les difficultés qui proviennent de 
l'invasion du moût par les ferments étrangers. 

Mais ce n'est pas tout, MM. Collette et Boidin 
garantissent, en outre, un rendement en alcool 
plus élevé que par toutes les autres méthodes, et 
la production d’un alcool de meilleure qualité. En 
effet, avec les maïs ordinaires, le nouveau procédé 
conduit à un rendement minimum de 37 à 39 litres 
d'alcool pur par 100 kilos de grains, au lieu de 
34 litres, que donnent, comme maximum, les an- 
ciens procédés les plus perfectionnés. Les savants 
chimistes anglais H. Roscoe, H.-T. Brown et À. Mac- 
fadyen, qui ont soumis au contrôle le plus rigou- 
reux une cuve de 4.017 hectolitres à la distillerie 
de Seclin, ont constaté que le rendement en alcool 
était de 37 1. 81 par 100 kilos de grains, le rende- 
ment théorique maximum déduit par l'analyse du 
grain étant de 38 1. 76. Le rendement d'alcool 
donné par le procédé Amylo atteignait done, dans 
cette expérience, 97,5 °/, du rendement théorique. 
Il semble difficile de pouvoir arriver à un chiffre 
plus élevé. À la Société anonyme des Distilleries 


de main-d'œuvre, 


698 


E. BOULLANGER — L'EMPLOI DES MUCÉDINÉES EN DISTILLERIE 


Bugnot-Colladon et Boulet réunies (usine de 
Bapeaume-lès-Rouen), le rendement moyen indus- 
triel de 15 cuves Amylo a été de 38 L. 93 d'alcool 
par 100 kilos de grains. A la distillerie de Temes- 
var (Hongrie), le rendement moyen de 29 cuves 
Amylo s'est élevé environ à 39 litres d'alcool par 
100 kilos de grains. Il est donc hors de doute que 
le procédé à FAmylomyces fournit des rendements 
en alcool supérieurs à ceux que l’on obtient par 
tous les autres procédés usités en distillerie. 

La quantilé de combustible supplémentaire 
nécessitée par la stérilisation des moûts s'élève, 
d’après un Rapport de M. le D' Delbrück, à environ 
20 kilos par hectolitre d'alcool. Les frais généraux 
de l'installation deviennent très minimes dans les 
grandes cuves de 1.000 à 1.200 hectolitres, d'autant 
plus qu'ils se répartissent sur un nombre d’hecto- 
litres d'alcool considérable. L'augmentation des 
dépenses est donc loin de compenser le bénéfice 
obtenu par le rendement plus élevé, et nous pou- 
vons conclure que, au point de vue économique 
comme au point de vue scientifique, le procédé 
Amylo donne des résultats très satisfaisants. 

La qualité de l'alcool produit est également supé- 
rieure. La quantilé de moyens et mauvais goûts est 
beaucoup moindre, et ces alcools de moyens et 
mauvais goûts sontde meilleure qualité. De100 litres 
de fegmes on retire, en effet, à la rectification : 


ANCIEN PROCÉDÉ PROCÉDÉ AMYLO 


litres litres 

BONVEOUTE SPA CIRE 12,98 79,62 
MOYEUREOUL MEME ER 20,29 13,16 
Mauvais SOUL. EP RENEe 3,88 2,94 
97,15 97,29 

Pertes ER 2,85 2,71 


En outre, MM. Brown, Roscoe et Macfadyen ont 
constaté que la quantité d'alcools supérieurs était 
moindre que celle produite par l'emploi des pro- 
cédés ordinaires de fermentation. 

M. Boidin a signalé également un autre avantage 
du procédé Amylo, qui n’esl pas sans importance. 
La fermentation des dextrines élant très complète, 
la filtration des drèches devient très facile. Or, on 
sait combien cette filtration présente de difficultés 
dans les procédés ordinaires. La levure forme avec 
la dextrine restante une masse gluante qui obstrue 
les filtres-presses, et on n'oblient qu'un liquide 
trouble, qui passe péniblement. Avec le procédé 
Amylo, les filaments mycéliens de la Mucédinée 
semblent exercer une action favorable en envelop- 
pant les cellules de levure, et les drèches se 
laissent presser sans difficulté. 

I] devient alors très facile d'obtenir des tour- 
teaux qui renferment 70 à 72 °/, d’eau et dont le 
traitement ultérieur va être une source nouvelle de 
bénéfices. Ces tourteaux renferment l'huile du 


grain de maïs, et un laux assez élevé de matières 
azolées. On les dessèche dans l'appareil Donard et 
Boulet, eton obtient des poudrettes qui contiennent 
19 à 21°/, d'huile et 6,5 à 7 °), d'azote. Ces pou- 
drettes sont épuisées de leur huile dans l'appareil" 
Donard et Boulet, au moyen de l'éther de pétrole, 
eton oblient ainsi, par 100 kilos de maïs, environ: 
3 kilos d'huile, et 20 kilos de drèches qui peuvent 
être vendues pour l'alimentation des bestiaux. 

Un autre sous-produit que le procédé permet 
seul de récupérer, c'est l'acide carbonique de fer- 
mentation. Des énormes cuves de 1.200 hectolilres 
s'échappent des torrents de gaz carbonique, qu'on 
peut recueillir et comprimer dans des cylindres 
pour le vendre à l’état liquide. 

C'est grâce à ces avantages multiples que le pro- 
cédé Amylo a permis aux distillateurs de grains de 
résister pendant longtemps à la crise que subit en 
ce moment cette industrie. Le prix de l'alcool, qui 
était encore, il y a quelques années, de 40 francs 
l’hectolilre, est maintenant descendu à 28 francs. 
En même temps, le prix du charbon s’est considé- 
rablement accru, ainsi que le prix des grains; les . 
mais ont été, en outre, récemment frappés d’un 
nouveau droit d’accise qui à rendu les conditions 
encore plus désastreuses. Il devenait dès lors diffi- “ 
cile d'avoir des résultats satisfaisants au point de 
vue économique, el il n'est pas surprenant d’avoir 
eu à constater l’arrêt d'un grand nombre de distil- 
leries de grains, même de celles qui travaillent par 
le procédé Amylo. Certaines usines qui obtenaient 
des rendements moyens de 38 litres à 39 litres 
d'alcool par 100 kilos de grains, qui extrayaient et 
vendaient l'huile des drèches, les drèches elles- 
mêmes, l’acide carbonique de fermentation, et 
livraient même parfois leurs alcools avec surprime, 
à cause de leur excellente qualité, ont dû renoncer 
à peu près complètement à une fabrication qui, 
dans ces conditions cependant exceptionnelles, ne 
donnait pas de bénéfices. 

Mais ce sont là des conditions économiques pas- 
sagères; et les résultats excellents obtenus dans 
les autres pays, notamment en Hongrie, en Es- 
pagne, au Tonkin, justifient pleinement la valeur 
de la nouvelle méthode. Elle nous reste, en outre, 
comme le témoignage des bienfaits que peut donner 
la collaboralion de la Science pure et de l'Industrie. 
Le procédé, comme nous l'avons vu, repose sur 
des bases scientifiques rigoureuses: cette inven- 
tion, comme d’ailleurs toutes celles qui s'appuient 
sur des principes solides, donnera des résultats 
féconds le jour où l’état économique du marché 
des grains et de l'alcool permettra son extension. 


E. Boullanger, 
Chef de laboratoire à l'Institut Pasteur de Lille. 


X. ROCQUES — L'ÉTAT ACTUEL DE L'INDUSTRIE DES CONSERVES ALIMENTAIRES 


699 


L'ÉTAT ACTUEL ET LES BESOINS 


DE L'INDUSTRIE DES CONSERVES ALIMENTAIRES EN FRANCE 


PREMIÈRE PARTIE 


L'industrie des conserves alimentaires est née | 


en France au début du xix*siècle, et Nicolas Appert 
en a élé le promoteur. Appert fit ses premiers 
essais en 1796, et il appliqua pour la première fois 
son procédé en 1804, dans une petite fabrique qu'il 


… avail créée à Massy (Seine-et-Oise). 


Le procédé Appert, qui est encore appliqué 


(ans certains cas sous sa forme primilive, consiste 


à renfermer dans des bouteilles ou des bocaux les 


— substances que l’on veut conserver, à boucher soi- 
“ yneusement ces vases de manière à en assurer la 


fermeture hermétique, à plonger ensuite les bou- 
teilles closes dans un bain-marie, et à les soumettre 


- pendant un temps plus ou moins long, suivant leur 


nature, à l'action de l’eau bouillante. 

Ce procédé fut modifié, en 1839, par Fastier, qui 
chassa l'air des vases pendant la cuisson en prali- 
quant un petit orifice dans le bouchon. On ferme 
ce trou avec un peu de cire à cacheter, quand le 
chauffage est terminé. 

Le procédé Appert fut rapidement adopté, et 
des fabriques de conserves, établies à Bordeaux, à 
Nantes, au Mans, en firent usage avec succès jus- 
qu'en 1847, époque à laquelle la plus grande partie 
de leur production s'’altéra. 

Les causes d’allération des substances animales 
ou végétales n'étaient encore que bien peu connues, 
et l'on ne savait pas qu'une température inférieure, 
ou, au plus, égale à 100° était insuffisante pour luer 


- tous les germes de putréfaction. Cependant, en 1850, 


un chimiste, Favre, indiqua de stériliser les con- 
serves dans un bain d’eau salée dont la température 
d'ébullition était supérieure à 100°. Vers la même 


. époque, Collin, de Nantes, substituait les boîtes de 


fer-blanc aux vases de verre, et il opérail la stérili- 
sation dans un bain de sel ou de chlorure de cal- 
ciumn bouillant à 105° et même à 110°. 

Mais ce procédé de chauffage présentait un grave 
inconvénient. A 1107, la tension de la vapeur 
étant déjà assez élevée (1 atm. 1/2 environ), les 
boîtes se déformaient, se dessoudaient, et quelques- 
unes même éclataient. Ce fut l'adoption de l’auto- 
clave qui permit d'appliquer dans la pratique la 
température de 110°et même de 115°, indispensable 
à la réussite de la stérilisation. Ce perfectionnement 
est, en général, attribué à Martin de Lignac, qui 
employa en 1854 l’autoclave pour la préparation 
des conserves alimentaires ; mais il faut en faire 


FABRICATION 


remonter le mérite à Chevalier-Appert, qui fit bre- 
veler en 1852, pour la fabrication des conserves, une 
chaudière à bain-marie concentré, munie d'un ma- 
nomètre servant à indiquer à la fois la pression et 
la tempéralure d’ébullition de l'eau. Ajoutons, 
pour être juste vis-à-vis de Martin de Lignac, que 
ce savant inventeur fit de nombreuses et intéres- 
santes recherches, qui ont rendu de grands services 
à l'industrie des conserves. 

Telle est, rapidement esquissée, l'histoire de l'in- 
dustrie des conserves alimentaires. 

En même temps que cette industrie prenail son 
essor, des progrès considérables, réalisés parallè- 
lement dans la Science, lui apportaient de pré- 
cieuses clartés. 

En 1810, Gay-Lussac, dans un Mémoire présenté 
à l'Institut, attribuait la conservation des substances 
alimentaires par le procédé Appert à l'absence de 
l'oxygène, celui qui se trouve renfermé dans Îles 
boîtes ayantété absorbé et n'existant plus que sous 
forme d’une nouvelle combinaison « qui n'est plus 
propre à exciter la fermentation ou la putréfaction ». 

Jusque vers 1865, on assignait à l'oxygène le rôle 
prépondérant dans les phénomènes de fermenta- 
tion. Cetle théorie, appuyée par la haute autorité 
de Liebig, était officiellement adoptée. 

Ce fut Pasteur qui, en 1862, en démontrant que 
la putréfaclion n'était pas due à l’air, mais aux 
germes que celui-ci renferme, détruisit la théorie 
de Liebig et fit entrer les recherches sur les fer- 
mentalions dans une voie nouvelle et fructueuse. 

Aussi nous est-il permis, associant au début de 
cette étude les noms de Pasteur et d’Appert, de citer 
ces deux Français comme étant les promoteurs des 
connaissances théoriques et pratiques qui forment 
la base de l’industrie des conserves alimentaires. 

Cette industrie, créée et étudiée en France, s'est 
depuis répandue dans tous les pays civilisés. Elle 
devaitnaturellementse développer dans les régions 
agricoles, où il y a surproduction d'aliments ani- 
maux ou végélaux : la malière première y està bon 
marché, et la préparalion des conserves devient un 
moyen de favoriser l’utilisation, la vente etl'expor- 
tation de ces produits. Il en est de même pour les 
contrées où la pêche est une industrie importante et 
où la préparation des conserves de poissons est de- 
venue une source de richesse. Telle a été la cause 
du développement de l'industrie des conserves aux 


700 


X. ROCQUES — L'ÉTAT ACTUEL DE L'INDUSTRIE DES CONSERVES ALIMENTAIRES 


Etats-Unis, sur les côles du Canada, en Suède, en 
Norvège, sur les côtes du Portugal et de l'Espagne, 
à la Guadeloupe, etc. 

La France a su conserver, dans cette fabrication, 
une place importante : si elle a été dépassée par les 
Etats-Unis sous le rapport de la quantité, elle est 
restée la première pour la qualité, et ses conserves 
continuent à faire prime sur le marché étranger. 


I. — TECHNIQUE GÉNÉRALE. 


La fabrication comprend, d'une part des procé- 
dés généraux, applicables dans tous les cas, quelle 
que soit la nature de la conserve; et, d'autre part, 
des procédés spéciaux à chaque ordre de produits. 

Toutes les conserves alimentaires doivent réa- 
liser deux conditions essentielles : 

1° Le vase dans lequel on les renferme doit être 
absolument étanche ; 

2 Le contenu du vase, c'est-à-dire le produit 
alimentaire, doit être absolument stérile. 

Étanchéité du contenant, stérilisation du con- 
tenu: voilà donc les deux conditions indispensables 
à réaliser, pour produire des conserves. 

Nous sommes donc conduits à étudier successi- 
vement : 4° la fabrication des boîles et flacons et 
leurs modes de fermeture ; 2° la stérilisation. 

Dans la pratique, il est assez fréquent de voir ces 
deux parties de la fabrication séparées. Les fabri- 
cants de boîtes métalliques, qui préparent les 
boîtes de toute nature servant à l'emballage, sont 
outillés ou s'outillent facilement pour la fabrica- 
tion des boîtes de conserves alimentaires, et 
deviennent les fournisseurs des fabricants de con- 
serves. Mais lorsque ces derniers ont une pro- 
duction assez importante, ils ont tout avantage à 
réunir les deux industries, et à devenir fabricants 
de boîtes de conserves; c’est ce qui se produit dans 
la plupart des grandes installations. 


$1. — Etanchéité des récipients. Fabrication des 
boîtes ou flacons de conserves. Modes de fer- 
meture. 


Les boîtes de fer étamé sont les plus employées 
par les fabricants de conserves alimentaires. Les 
flacons de verre ne s'emploient guère que pour 
cerlaines conserves préparées avec des fruits ou 
des légumes choisis. Les conserves en flacons sont 
toujours plus coûteuses et sont employées, de pré- 
férence, pour les produits dé marque. 

Les avantages de la boîle de fer-blanc sont assez 
nombreux pour qu'on s'explique la généralisation 
de son emploi. D'abord, ces boîtes sont solides: 
il n'y à pas à craindre la casse pendant les mani- 
pulations et surtout pendant la stérilisation, casse 
qui est quelquefois assez importante quand on se 


sert des flacons de verre. Il faut, ensuite, mettre en 
ligne de compte la facilité de fermeture de la boîte 
métallique. La fermeture des vases de verre pré- 
sente, comme nous le verrons plus loin, de grandes 
difficultés. Enfin, il y a une différence de prix assez 
notable entre la boîte mélallique et le bocal de 
verre, et à l'avantage de la première. 

À côté de ces avantages, la boîte métallique pré- 
sente l'inconvénient de se laisser plus ou moins 
atlaquer par les substances qu'on y renferme; il en 
résulte, en pratique, deux inconvénients : le con- 
tenu de la boîte peut prendre une couleur anormale, 
provenant de la formation de composés métal- 
liques, de sulfures notamment; ou bien il peut 
prendre un goûl assez sensible de métal. On re- 
médie à ces inconvénients en appliquant à l’inté- 
rieur des boîtes un vernis destiné à empêcher le 
contact avec le métal. La difficulté est de trouver 


un vernis qui adhère à celui-ci, qui soit peu coû- 


teux, qui ne se dissolve pas dans les liquides avec 
lesquels il est en contact, qui ne se désagrège ou ne 
craquèle pas quand on porte la boîte à la tempéra- 
ture de 110° à 120°, nécessaire pour effectuer la 
stérilisation. Ce vernis idéal est encore à trouver; 
jusqu'ici on s’est borné à employer des vernis à 
base de gommes-résines. L'argenture a donné de 
mauvais résultats. La solution de ce problème pré- 
sente donc un grand intérêt pratique. 

Nous avons dit que la fabrication des boîtes mé- 
talliques était une industrie importante. Les ma- 
chines servant à faire ces boîtes sont fabriquées 
principalement aux États-Unis, en France et en 
Allemagne. 

La fabrication des boîtes de conserves comprend 
la série d'opérations suivante : 1° découpage ou 
estampage des fonds ; 2 découpage des corps de 
boîtes; 3° cintrage de ces corps; 4° préparation 
des agrafes des corps; 5° serrage de ces agrafes; 
6° soudage des corps; 7° sertissage des fonds. 

Chaque opération peut être faile par une ma- 
chine différente; mais on peut aussi réduire le 
nombre des machines et faire effectuer par la 
même machine plusieurs opérations. On a même 


poussé plus loin le perfectionnement de l'outillage … 


et on a imaginé des machines faisant automatique- 
ment les boites. Nous avons décrit ici (Revue géné- 
rale des Sciences, 1899, p. 844) une machine amé- 
ricaine réalisant ces conditions. Ces machines 
automatiques ne présentent d'intérêt que lorsqu'on 
doit produire une très grande quantilé de boîtes 
d'un modèle unique (conserves destinées à l’armée 
el à la marine, par exemple). Dans les fabriques 
françaises, où l'on est, en général, obligé de pré- 
parer des boîtes de plusieurs formats différents, il 


vaut mieux posséder les divers outils produisant 


chacun un travail simple. 


mm smith td RS SE Sd ee te 


X. ROCQUES — L'ÉTAT ACTUEL DE L'INDUSTRIE DES CONSERVES ALIMENTAIRES 


Les boîtes de fer-blanc sont constituées par trois 
pièces : un corps cylindrique agrafé et soudé lon- 
gitudinalement, et deux fonds emboutis. Ces fonds 
Sont assemblés au corps soil par soudure, soit par 

sertissage. La soudure est le procédé le plus 
ancien, et il continue à être employé dans un grand 
nombre de cas; le sertissage, procédé plus récent, 
tend à se substituer au soudage. 
Nous décrirons ici quelques-uns des principaux 
- modes de fermeture‘. 
Voici d'abord deux types de boites soudées ; le 
premier se rencontre 
A REA plus particulièrement 
= dans les boîtes fran- 
caises, et le second 
dans les boites amé- 
ricaines. Dans le pre- 


Fig.” 1. 
d'une boîte 


— Coupe 
de 


d CONSÉTVE  SOU- E ; 
£ FAURE mier (fig. 1),lecorpsC 
F Vercle de la de la boîte est légè- 
boite; C, corps rement élargi pour 
FE. te UE nee laisser pénétrer le 
a dure. couvercle À, quis’em- 
à boite à l'intérieur; 
È dans le second (fig. 2), le couvercle A 
# s’'emboîte exlérieurement. 

| Chacun de ces procédés assure une 
4 bonne étanchéité. 

à MM. Besse’et Lubin ont récemment 


proposé un procédé de soudage mécanique. Celui- 
* ci présente l’avantage de réaliser une grande éco- 
“ nomie de main-d'œuvre. Le métal qui servira à 


effectuer la soudure est déposé mécaniquement 


en 


- d'avance sur la boile. Celle-ci est placée dans la 
“machine à souder (fig. 3), et un mouvement de 
4 rotation amène le cou- 
4 A vercle au-dessous du fer 
: à souder, qui s'y appli- 
Fig. 2. — Coupe que exactement. 

; d'uneautresorte Dans les systèmes de 
.B de boïte de con- : à 

à serve soudée. — fermeture par serlis- 
À nel ee sage, les deux lames de 
è ? re précédente. fer-blanc à relier sont 
fortement serrées l’une 
-contre l’autre, et, pour assurer l'étanchéité, on 
“ interpose entre ces deux lames une substance 
D éemment malléable pour qu'elle remplisse 


tous les interstices du métal. Cette substance est, 
- en général, à base de caoutchouc. Elle est for- 
mée par un mélange de bon caoutchouc Para, 
de substances minérales et de fibres de chan- 
vre. La partie minérale était, il y a quelques 
années, à base d'oxyde de plomb, et cette sub- 
stance, associée au caoutchouc, assurait une grande 


4M. Aurientis, directeur des usines Potin, a bien voulu 
nous donner de précieux renseignements sur cette question 
et nous l'en remercions bien vivement. 


REVUE GÉNÉRALE DES SCIENCES, 1901. 


701 


herméticité à la fermeture. Mais un règlement 
d'hygiène a interdit, en France, l'emploi de com- 
posés plombifères pour le sertissage, et on a rem- 
placé l'oxyde de plomb par d’autres substances 
minérales, notamment par de l’oxyde de fer. 

Nous décrivons ici deux modes de fermeture par 


— Machine Besse et Lubin à souder les boïtes de 
conserves. — La boite à souder, munie de son couvercle, 
est placée dans la position indiquée à gauche; par la 
rotation de l'appareil, cette boîte est amenée au-dessous 
du fer à souder automatiquement, comme on peut le 
voir dans la partie droite de la figure. 


Fig. 3. 


sertissage. Dans le premier, le Jjoint est formé par 
un bracelet de composition caoutchoutée, de coupe 
rectangulaire, fixé sur le corps de la boite,'en des- 
sous du rebord destiné à effectuer le sertissage. 
Le couvercle, dont le rebord est environ deux fois 
plus large que celui du corps, est mis en place 
comme l'indique la figure 4, puis on procède à trois 


15* 


102 


serrages successifs, qui donnent les résultats.indi- 
qués dans les figures 5, 6 et 7. 

Ces serrages successifs sont obtenus au moyen 
de trois séries de molettes à profils différents et 
appropriés aux résultats à obtenir. La boîte, animée 


Fig. 4. Fig. 5. 


X. ROCQUES — L'ÉTAT ACTUEL DE L'INDUSTRIE DES CONSERVES ALIMENTAIRES 


tion du second procédé, qui assure une bonne étlan- 
chéilé avec des joints à base de caoutchouc non 
plombifère. 

On a proposé de remplacer le joint de caout- 
chouc par un joint en étain pur. Les figures 12 à 14 


Fig. 6. Fig. 7. 


Fig. 4 à 1.— Schémas montrant les coupes successives de la boïte, de son couvercle et du caoutchouc.— À gauche, on voit 
le couvercle posé sur la boîte, le caoutchouc étant placé sous le rebord du corps de la boite. Les figures 5, 6 et 1 mon- 
trent les résultats donnés par les 3 serrages successifs. 


d'un mouvement rapide de rotation, passe succes- 
sivement sous les trois molettes. Suivant les 


Fig. 8. 


Fig. 9. 


montrent la manière dont s'opère le sertissage 
dans ce cas. Le ruban d’étain, qui est collé sur le 


Fig. 10. Fig. A1. 


Fig. 8 à 11. — Coupe montrant les positions successives de la boïte et de son couvercle pendant le sertissage. 


constructeurs, ces trois serrages successifs sont 
obtenus sur le même appareil ou sur trois appa- 
reils différents. 

Dans le second procédé, le joint de caoutchouc, 
au lieu de for- 


pourtour du couvercle, a une épaisseur de 2/10 de 
millimètre. Le sertissage s'opère à l'aide d’une 
machine spéciale qui imprime à la boîte un mou- 
vement de rotalion de 800 tours environ. Deux 

molettes en 


mer un bra- LÉ ESS acier trempé, 
celet entou-  * À profilées con- 
rant le haut À venablement, 
de la boite, Ÿ sont  appli- 
présente l’as- quées succes- 
pectd'unmin- sivement sur 
ce ruban col- la boiteetpro- 
lé'au couver- duisentle ser- 
ANR Fig. 12. Fig. 43. Fig. L4. ses 

les trois ser- Fig, 12 à 14. — Coupes montrant la façon dont s'opère le sertissage au moyen d'un Les joints 
rages Succes- ruban d'étain. de caoutchouc 


sifs donnent 

les résultats indiqués sur les figures 9, 10 et 11. 
Le premier système de sertissage donnait d’ex- 

cellents résultats quand on se servait de joints de 

caoutchouc plombifères; il en a donné de mauvais 

quand on a substitué à ceux-ci des caoutchoucs 

non plombifères, et c'est ce qui a nécessité l’adop- 


et ceux d'é- 
tain ne sont pas les seuls qui puissent être uli- 
lisés pour le sertissage. L'amiante en poudre four- 
nirait, paraît-il, un joint excellent. Mais, jusqu'ici, 
le joint de caoutchoue est le seul dont l'emploi 
se soil généralisé. 

Le procédé de fermeture par sertissage présente 


a hs ti tente de de DES Se ns à Éd es de D 


X. ROCQUES — L'ÉTAT ACTUEL DE L'INDUSTRIE DES CONSERVES ALIMENTAIRES 703 


l'avantage d'être plus pratique que la soudure. Il 
n'exige pas un personnel spécial dont les exigences 
sont parfois un obstacle à une fabrication régulière. 
\ L'étanchéité s'obtient 
plus facilement par la 
soudure; cependant, le 
sertissage bien fait 
donne aussi d’excel- 
lents résultats. 

Au point de vue éco- 
nomique, le prix de 
revient des boîtes sou- 
dées à la main est bien 
plus élevé que celui 
des boites serlies. Le 
prix de revient est 
sensiblement le même 
pour les boites serties 
et pour celles qui sont 
Ber. Soudées  mécanique- 


“Fig. 15. — l'ermelure 
thoud (grossie 2 fois). — ment. 
A, capsule de fer blanc: B, re . 
disque de liège; C, face du Voici, suivant MM. 


verre dépolie; D, flacon. Besse et Lubin, le prix 

de revient comparatif 

de 1.000 boîtes de conserves du type de la boite 

“cylindrique, dite « demi-pois » (le prix du fer-blanc 
non compris) : 


SENISSAC PAM Ed e-N Ci 28 fr. 40 
Soudage à la main . . . . . . . 66 fr. 20 
ML IMÉCANIQUE.. 6 de 2OUIT- 20 


Un des inconvénients du sertissage est de ne 
pouvoir s’appli- 
quer aux conser- 
ves à l'huile, car ce 
liquide altaque et 
désagrège le joint de caout- 
chouc. Il serait intéressant de 
trouver un joint assurant l'étan- 
chéité des boites de conserves 
à l'huile. 
On à proposé un grand nom- 
E bre de procédés de fermeture 
pour les flacons de verre des- 
tinés aux conserves. Nous in- 
diquerons quatre de ces pro- 


cédés. 
Les figures 15 à 18 repré- 
Fig.16.— Zerme-  Sentant la coupe des bocaux 
ture Petit (gros- i a Ù p 
LE ERIN munis de ces fermetures, nous 
7 capsule de fer- en éviteront une longue des- 
- blanc; B, feuille pti 
À d'étain ; 4 face cription. 
=  deverredépolie; La fermeture Berthoud (fig. 
D, rondelle en 13) s' loi Het 
hrs ») s'emploie pour les flacons 
… tré; E, flacon. de compotes de fruits. Le bou- 
+ chon se compose d’une capsule 


… en mélal avec un disque de liège s'appliquant sur 


le goulot du flacon. Pour fermer, on porte le fla- 
con muni de sa capsule dans une machine à sertir 
à molette. Le flacon tourne rapidement, en même 
temps que la capsule est fortement appliquée au 
vase de verre. On sertit ensuite la capsule mélal- 
lique au-dessous du goulot. 

Cette fermeture est très bonne. Elle est recom- 
mandable pour la confection des conserves de fruils 
rouges, car il n'y a pas de contact avec le métal et, 
par suite, il n'y a aucune crainte de bleuissement 
des sirops. 

On peut reprocher à ce système le peu de facilité 
du débouchage. 

Dans la fermeture Petit (fig. 16), sur le col rodé 
du flacon vient s'appliquer une capsule de fer-blane 
garnie à l'intérieur d'une feuille d'étain. Une ron- 
delleencaout- 
chouc feutré 
assure l’étan- 
chéité. Pour 
rendre l'ou- 
verture facile, 


Fig. 17. — l'ermeture ae 
Borde (gross. 2? fois). Ja capsule de 
—A,capsuleenétain: fer porte deux 


B. rondelle de caout- lletacési 
ehouc feutré: C,bou- Mollelagesin-. 


chon à vis en fer- lérieurs avec 

blanc; D, bocal. Se 2 
une partie dé- 
tachée  per- 
mettant d'enlever, au moyen d'une 
clef, une bande métallique. La ma- 
chine à sertir est une machine à 
quatre molettes tournantes, le flacon 
restant fixe. En raison du contact 
de la matière avec l’étain, on ne 
peut employer cette fermeture pour les conserves 
de fruits rouges. 

La principale critique à faire à ce système, c’est 
qu'il est nécessaire, pour que la fermeture soit 
bonne, que tous les flacons soient exactement cali- 
brés à la verrerie. Celte uniformité est difficile à 
réaliser dans la pratique : aussi y a-t-il souvent 
des fuites au cours du serlissage ou de la stéri- 
lisation. 

La fermeture Borde, ou fermeture pneuma- 
tique (fig. 17), est un peu compliquée. Il faut ap- 
porter un assez grand soin pour la réussir. Au 
centre de la capsule en étain se trouve un petit 
tube, également en étain, qui sert à l'évacuation 
de l'air. Quand on juge que celle-ci est suffisante, 
on pince le petit tube métallique pour l’obturer. 

Dans ce système, il arrive que les vases de verre 
ne sont pas toujours bien calibrés, ce qui occasionne 
des fuites par suite de la mauvaise position du 
caoutchouc. On ne peut aussi l'employer pour les 
fruits rouges à cause du contact avec l’étain. Il 
nécessite également l'emploi d'autoclaves spéciaux. 


70% 


X. ROCQUES — L'ÉTAT ACTUEL DE L'INDUSTRIE DES CONSERVES ALIMENTAIRES 


Enfin, la fermeture Philippe (Gg.18) donne de très 
bons résultats; elle est facile et rapide. Pour la sté- 
rilisation des flacons bouchés par ce procédé, il est 
nécessaire d'employer des cages à vis de pression 
pour maintenir 
les  fermelures 
pendant l'ébulli- 


B : 
4 Fig. 18. — JFer- VUOn. 

meture Philippe Nousdonnons, 
(grossie 2 fois). à 
—A,capsuleen Pour terminer, 
étain; Bfilécru; Jes coupes de 
C, bague en s 4 
caoutchoucélas- deux systèmes 


tique; D, bague 
en fer-blanc; E, 
flacon. 


de fermeture de 
terrines (fig. 19 
et 20) servant à 
loger les conserves de foie gras 
quand celles-ci sont destinées à une 
assezlongue conservation ou qu'el- 
les doivent ètre exportées. 

Aucun de ces procédés de fer- 
meture des flacons de verre n’est parfait, et il 
reste là un problème intéressant à résoudre. Une 
solution assez satisfaisante consisterait à trouver 


NNNNNNNNNNNNRRNNNNNNNNNENNNNR 


TILLL LILI 22 


VLLLLLLL, 


SIKKKKKKK 


SNSNSJIQIQE 


! 


Fig. 19. — Fermeture Philippe pour terrines de foie gras 
(grossie 2 fois). — À, capsule en étain; B, couvercle en 


poterie vernissée: C, fil écru; D, bague en fer-blanc; 
E, bague en caoutchouc élastique; F, terrine. 


un bon procédé de soudure du métal sur le 
verre. On pourrait alors terminer les vases de 
verre par un col métallique, el sur celui-ei pour- 
rait venir s'appliquer un couvercle soudé ou 


serli, d'une manière analogue à celui des boîtes 
de métal. $ 
En résumé, les desiderala de la fabrication des 
vases destinés à contenir les conserves alimen- 
taires sont, pour les vases de métal, de trouver un 
bon vernis intérieur, et de perfectionner le sertis- 
sage pour qu'il puisse se généraliser et s'appliquer 
aux conserves à l'huile, et, pour les vases de verre, 


| de trouver un bon procédé de fermeture. 


$S 2. — Stérilisation. 


Les boîtes ou les flacons de conserve étant pré- 
parés de manière à réaliser les conditions d'étan- 
chéité indispensables, il faut en stériliser le contenu. 


| 


Fig. 20. — Fermeture Weissenthauer, dit bouchage Phénix 
(grossie 2 fois). — A, couvercle en poterie vernissée; 
B, rondelle en caoutchouc feutré; C, bague en fer-blanc ; 

D, terrine; E, capsule en étain. 


Cette stérilisation s’oblient par un chauffage à une 
température comprise entre 100 et 120° et pendant 
un temps qui oscille entre quelques minutes et 


plusieurs heures. La température et la durée de » 


stérilisation varient, en effet, dans d’assez grandes 
limites, suivant la nalure des substances à con- 
server et suivant la grosseur des boites. Lorsque 
cela est possible, il vaut mieux adopter une tem- 
pérature de stérilisation assez élevée, car alors la 
durée de l'opération peut être réduite dans une 
grande proportion. La stérilisation à basse tempé- 
rature à l'inconvénient d'exiger un Lemps très long; 
elle est, par conséquent, onéreuse. De plus, elle ne 
permet pas, autant qu'une stérilisation à plus haute 
température, d'éprouver le métal des boîtes. 

La stérilisation à température élevée offre tou- 


jours plus de chance de réussite. On sait, en effet, 


que les spores de certains ferments peuvent sup- 


X. ROCQUES — L'ÉTAT ACTUEL DE L'INDUSTRIE DES CONSERVES ALIMENTAIRES 


105 


porter une température élevée sans être tués; les 
spores du Bacillus filiformis, par exemple, ne sont 


tuées qu'à 120°. 


Les conserves que l’on veut stériliser à la tempé- 


-ralure de 100° seu- 
lement sont placées 
dans un bain-marie 
à l'air libre. Lors- 
qu'on stérilise à une 

tempéralure supé- 

rieure à 100”, on 
Be dans un au- 
toclave. L’autoclave 
Je plus communé- 
ment employé a la 
forme d'un cylindre 
ertical (fig. 21), 
dont la hauteur dé- 
asse peu le dia- 

“mètre. La ferme- 
“iuresefaitau moyen 
d'un couvercle mu- 
ni de charnières, 
quis'assujettil rapi- 
dement au moyen 
de boulons à oreil- 
les. Les boites 
“stériliser sont pla- 
cées dans un pa- 
nier métallique de 
“forme cylindrique 
‘qui s'emboile dans 
‘autoclave. 

Le chauffage est 
obtenu par la va- 
peur qui circule 
ans un serpentin 


à 


n manomètre indique la pression de la vapeur 
à l'intérieur de l'appareil; il porte comme gradua- 


en ébullilion ; on laisse penda 
vapeur d'eau s'échapper par un 


[] 
ñ 


= 


LL 


Fig. 21. — Autoclaves servant à stériliser les conserves (Usine Félix 
= Potin). — On voit, à gauche, un autoclave ouvert ; le panier métal- 
lique servant à placer les boites est en partie hissé par le palan. 

A droite, autoclave fermé. 


place au fond de l’autoclave. | 23). C'est là le caractère des 


présentent, au bout de peu de 


sous une pression de 3 à 4 atmosphères, produite 
par une chaudière quelconque. 


L'eau entre bientôt 
nt quelque temps la 
robinet placé sur le 
couvercle de l'auto- 
clave, de manière à 
purger  complète- 
ment l'appareil de 
l'air qu'il contenait. 
Cette précaution est 
indispensable pour 
obtenir à la lecture 
du manomètre l'in- 
dication exacte de 
la température. 
Quand on juge 
l'opération  termi- 
on arrêle le 
chauffage, on laisse 
tomber 
ment la pression, 
puis on ouvre l'au 
toclave et on enre- 
‘tire les conserves. 
À la sortie 
l'autoclave, les boi- 
tes sont bombées 
par suite de la di- 
latation de leur con- 
tenu, mais, par re- 
froidissement, ce 
bombage disparait, 
et les fonds pren- 
nent, au contraire, 
une forme légère- 
ment concave (fig. 
boites réussies; les 


née, 


complète- 


de 


boîtes mauvaises, que l'on nomme hoites-fuiles, 


temps, un bombage 
plus ou moins 


ratures d'ébul- bonne flocheuse mauvaise accentué (fig. 
lition de l'eau 25). Celui-ci est 
sous pression d l'indice d’un dé- 
La stérilisa- gagement ga- 
tion se prati- zeux provenant 
que d’une ma- d'une fermen- 
nière très sim- Fig. 22. Fig. 93. Fig. 24. Fig. 95. tation ; la stéri- 
« ple. Les boites Fig. 22 à 25. — Schémas des déformations d'une boîte de conserve. RU fig. 2 lisalion à élé 
Dé lconserves Hontre la boite atantia stérilisation, ces roi schqmes 2 AL 6 (ONE NE insuffisante ou 
sont rangées qu'elle est bonne, flocheuse ou mauvaise. il s'est produit 


FL. ë 
_ dans le panier 


- métallique, et celui-ci, après remplissage, est 
- hissé au moyen d'un palan et introduit dans 
 l'autoclave, que l'on a partiellement rempli d'eau. 
- On met le couvercle en place, on l'assujettit, 
… puis on fait arriver dans le serpentin de la vapeur 


A 


une introduction de germes 
vaises, il y a aussi les boîtes 


niconvexes; ilscèdentalternat 


une fuite et 
d’altération., 


En dehors des boiles nettement bonnes et mau- 


nommées f//ocheuses 


(fig. 24). Les fonds de ces boîtes ne sont ni concaves 


ivement l’unetl'autre 


106 X. ROCQUES — L'ÉTAT ACTUEL DE L'INDUSTRIE DES CONSERVES ALIMENTAIRES 


sous la pression des doigts. Les boites flocheuses 
sont, en général, bien stériles, et c’est, la plupart du 
temps, à la mauvaise qualité du métal de la boite 
qu'est dû cel accident; le métal manque de résis- 
tance ou d’élasticilé. Ces boites ne sont pas mar- 
chandes. Quand on constate leur présence dans 
une fabrication, il faut s'assurer si la cause n’en 
est pas une allération. Si la conserve est parfaite- 
ment saine el si elle est bien stérile, on peut la sté- 
riliser à nouveau après avoir piqué un fond, fait 
sorlir l'excès de liquide ou d'air et fermé le trou 
par une goutte de soudure. Cette opération n'est, 
bien entendu, légitime, qu'autant qu'on s’estassuré 
de la parfaite conservation du contenu de la 
boite. 

Il ne doit pas, dans une fabrication normale, y 
avoir plus de 1 °/, de boites-fuites. Quant aux 
boîtes flocheuses, il ne doit pas, en principe, y en 
avoir. 

Dans le mode de stérilisation que nous venons de 
décrire, on n’élimine pas l'air, comme l'a [indiqué 
Fastier dans la modification qu'il a fait subir au 
procédé Appert. L'élimination de l'air se pratique 
dans certains cas, par exemple pour les conserves 
de viandes destinées à l’armée et à la marine, pour 
les conserves de fruits en flacons, etc. 

Pour les conserves de viandes, le couvercle de la 
boîle porte en son centre unpelit massif d'étain de 
forme sphérique,'Z (fig. 26), dont lamoitié est logée 
dans une dépression obtenue par emboutissage, 
l’autre moitié faisant saillie sur le plan du couvercle. 
Au milieu de ce massifest ménagé un petit trou co- 
nique d'environ 2 millimètres de diamètre moyen. 
On chauffe les boites en les plongeant presque 
complètement dans un bain de chlorure de calcium 
chauffé à 120°. Le contenu des boîtes ne tarde pas 
à entrer en ébullition et la vapeur sort par le petit 


ZZ Z 
NS, 
C » 
Fig. 26. — Schéma du mode d'élimination de l'air des con- 
serves de viande. — B, massif d'étain pur percé d'une 


ouverture; À, cheville d'étain pur; C, capsule de fer-blanc 
empêchant le contenu de la conserve de venir boucher 
l'orifice B. 


orifice du couvercle. Quand on juge l'élimination 
suffisante, on obture cet orifice au moyen d'une 
petite cheville d’étain À (fig.26), qu’on enfonce au 
marteau; on passe ensuile un fer à souder pour 
fondre ensemble l'élain de la cheville et celui du 


petit massif fixé au couvercle. On continue ensuite 
la stérilisation à 120°. 

Pour les fruils conservés en flacon, le système 
Borde permet de faire l'élimination de l'air. Nous 
avons dit que le couvercle d'étain était muni à son 


centre d’un petit 


tube capillaire 0 
d'étain (fig. 27). / 
Les flacons sont ' 


placés dans un WA III | 


bain-marie que 
l’on porte à l'é- 


bullition, et, [A 
quand on juge 22 
que l’air a été éli- f) 
miné suffisam- TITI III NTI III ID 


ment, on serre 


fortementletube  #ig- 21. — Schéma du mode d'élimi 


nation d'air des flacons de con 


capillaire pour serves de fruits. — Le schéma 
Robin 2 supérieur montre le petit tube 
opLurer, puis d'étain placé sur le couvercle et ser- 
on continue la vant à la sortie de l'air. Le schéma 
PR RE inférieur montre le même tube qui, 
stérilisation. lorsque l'air a été éliminé, a été 


Voici, à titre aplati pour faire l'obturation. 
d'indicalion, les 
conditions de température et de durée de stérili= 
sation de quelques-unes des principales conserves : 


TEMPÉRATURE 


de stérilisation PURÉE 


Légumes. 
\ 1150 20 min. 
Pois (boite de 1 litre). . :. : = - i ou 1120 30 
ou 105° 60 
2 1150 10 
Haricots verts (boîte de 1 litre). . ou 1100 15 
ou 105 30 
Haricots flageolets (boite de 1 lit.) . 1150 25 
Champignons (boîte de 500 CAE 2 
1ampignons (boîte de 500 gr.). . en t10e 20 
= pre { 41450 30 
SatCetOMeles Re Ÿ ou 110 40 
Fruits. 
Boîte ou flacon de verre. . . . . . 1000 30à45 
Viandes. 
Boite de 1 kilo (pour assurer la con- 1150 1h.45 
servation pendant un an environ). ou 412 2h. 


Boite de 1 kilo (pour assurer une 


plus longue conservation) . . . . 118-1209 A1h.45 


( 102-1050 45 


Flacontdevertre mettre i ou 1080 10. 


On sait que, pour effectuer la stérilisation, om 
peut, au lieu de faire une seule chauffe à une tem- 
pérature assez élevée, faire plusieurs chauffes suc= 
cessives à des températures inférieures à celles 
nécessaires pour tuer les spores et suffisantes pour 
tuer les bactéries adultes ou en voie de développe 
ment; et mettre entre les chauffages des inter: 


X. ROCQUES — L'ÉTAT ACTUEL DE L'INDUSTRIE DES CONSERVES ALIMENTAIRES 


707 


valles permettant aux spores de germer sans leur 
donner le temps de se reproduire. 

C'est le principe de la méthode de Tyndall, que 
M. Rosensthiel a appliqué à la préparation des con- 
serves alimentaires (brevel pris en 1895). 

Les substances à conserver sont enfermées dans 
des vases clos. Elles sont stérilisées dans ces vases 
par des chauffages répétés à des intervalles de 12 à 
48 heures. Le nombre des chauffes dépend de la 
température à laquelle on opère, et celle-ci est 
adaptée à la substance qui doit être conservée. 
Entre 70 et 90°, trois ou quatre chauffes suffisent. 
A 60-709, il faut six chauffes, et à 53-607, il en 


faut de six à douze. La durée de la chauffe est 


qu'il ait d'ailleurs été appliqué à une fabrication 
régulière. 


IT. — TECHNIQUE SPÉCIALE. 


Nous avons étudié, dans le précédent chapitre, 
les conditions générales qu'il faut réaliser pour 
assurer la conservation en vases fermés. 

Nous devons dire maintenant quels sont les pro- 
grès qui ont été faits dans la pratique des industries 
de la conservation. 


1. Léqumes et fruits. — Dans l’industrie des 


| légumes, un certain nombre d'appareils permettent 


—— 
nn 


Fig. 28, — Machine Navarre 


de une heure, comptée à partir du moment où l'in- 
térieur de la masse est arrivé à la température 
voulue. 

Le procédé Rosensthiel présente l'avantage de 
dénaturer beaucoup moins que le procédé ordi- 
naire les substances alimentaires. On peut repro- 
cher à ce dernier de cuire parfois d'une manière 
excessive. La stérilisation à une température infé- 


-rieure à celle dé la coagulation de l’albumine, 


appliquée aux viandes, par exemple, laisse à 
celles-ci un aspect bien plus voisin de celui de la 
viande fraiche que la stérilisaiion à 120°. 

Par contre, le procédé Rosensthiel a le grave 
inconvénient d'être fort long et d’exiger un travail 
très compliqué, puisqu'il faut faire de trois à douze 
chauffes à des intervalles déterminés. Il y a là une 
très grosse difficulté pratique qui risque fort d’em- 


pêcher ce procédé de se répandre. Je ne crois pas 
0 


à écosser les pois. 


d'obtenir un travail plus rapide et plus écono-. 
mique ; l'écossage mécanique des pois, par exemple, 
tend à remplacer, dans les installations d'une cer- 
taine importance, à la main. On peut 
aussi effectuer mécaniquement certaines opérations 
pour lesquelles on employait autrefois la main- 
d'œuvre manuelle ; le découpage des haricots verts, 
le dénoyautage des fruits, etc. 

La machine à écosser les pois, 
M: Navarre (fig. 28), 
pois à l'heure. 

Le prix de revient de l’écossage mécanique (y 
compris la force motrice) est de 5 fr. 50 à 6 francs 
les 1.000 kilos de pois en cosses (soit 300 kilos de 
pois écossés) tandis que le prix de revient de l’é- 
cossage à la main est de 58 à 60 francs, soit dix fois 
plus élevé 

L'écossage mécanique a non seulement l’avan- 


l'écossage 


construite par 
écosse environ 750 kilos de 


708 


X. ROCQUES — L'ÉTAT ACTUEL DE L'INDUSTRIE DES CONSERVES ALIMENTAIRES 


tage d’être économique, mais aussi celui d'exiger 
un personnel très restreint. Une machine à écosser 
750 kilos à l'heure occupe 2 hommes et 5 femmes. 

La machine à écosser se compose d’un tambour 
cylindrique formé d'amatures métalliques en petits 
fers à T sur lesquels se réunissent des toiles métal- 
liques perforées. A l’intérieur, monté sur un arbre, 
sont disposés trois croisillons portant à leur extré- 
mité des tringles en bois disposées en hélice. 

Les pois sont amenés dans l'intérieur du cylindre 
et entrainés par un mouvement de rotation assez 
rapide. En mème temps, et en sens inverse, tournent 
les tringles en bois qui, en recontrant les cosses 


pleines, les forcent à passer entre elles et entre les | 


importance, car de sa réussite dépendent l'aspect et 
la qualité du poisson conservé. S'il est insuffisant, 
la dépense d'huile peut être du double ou triple de 
ce qu'elle doit être normalement; de plus, le pois- 
son manque de fermeté, et l'huile des boîtes prend 
un aspect trouble et boueux. Si, au contraire, le 
poisson est trop chauffé au séchage, les écailles se 
lèvent, le poisson crève et jaunit. 

M. Fouché a construit, pour cette dessiccation, un 
séchoir méthodique à chariot dans lequel on peut 
effectuer le séchage avec une grande régularité. 

On procède ensuite à la cuisson dans l'huile. 
Celle-ci se faisait autrefois dans de petites bassines 
chauffées à feu nu. Or, pendant la cuisson, il se 


LS 


Ps 


Fig. 29. — Crible Navarre pour classer les pois verts selon leur grosseur. 


parois du cylindre perforé. Dans ce mouvement, les 
cosses se trouvent roulées sur elles-mêmes et s'ou- 
vrent, laissant libres les grains qui traversent le 
cylindre métallique, tandis que la cosse continue à 
ôtre entrainée et est chassée à une extrémité de la 
machine. Les grains tombent sur une toile écrue 
maintenue humide, qui les amène dans des augels 
en bois où ils sont recueillis pour être passés au 
crible classeur représenté par la figure 29. 


$ 2. — Poissons. 


La fabrication des conserves de sardines, dont 
l'importance est très grande en France, a subi aussi 
des perfectionnements qui permettent de réaliser, 
dans de meilleures conditions qu'antérieurement, 
le séchage et la cuisson. 

Cette fabrication comprend trois opérations 
essentielles : le séchage, la cuisson et l'ébullition. 

La première opération, le séchage, a une grande 


détache des poissons des débris d’écaille et des 
fragments de chair qui se réunissent au fond de la 
bassine et se carbonisent. Aussi l'huile prend-elle 


D ne 


À À 


Fig. 30. — Chaudière à dos d'âne servant à faire frire les 
sardines destinées à être mises en boîtes. 


un goût désagréable, et il faut la renouveler assez 
souvent. 

M. de Lagillardare a réalisé un perfectionnement 
important en imaginant la chaudière dite « à dos 


X. ROCQUES — L'ÉTAT ACTUEL DE L'INDUSTRIE DES CONSERVES ALIMENTAIRES 


709 


d'âne ». Cette chaudière (fig. 30) est traversée dans 
loule sa longueur par un bâli S, à la partie supé- 
rieure duquel se trouve le carneau H, dans lequel 
circulent les gaz chauds provenant du foyer. La 
Chaudière AAKK est remplie d'huile. La partie supé- 
rieure AA, soumise directement à l’action du feu, 
est portée à une lempérature de 130 à 160°; on y 
introduit les grils remplis de sardines à cuire. La 


générateurs multitubulaires. Le chauffage à la 
vapeur évite les coups de feu; il est done plus 
régulier et a l'avantage de noircir beaucoup moins 
l'huile. 

Parmi les perfectionnements apportés à la fabri- 
cation des conserves de poissons à l'huile, signa- 
lons l'appareil emplisseur automatique de MM. Besse 
et Lubin (fig. 32). Les boites contenant le poisson 


Fig. 31. — Appareil Besse et Lubin pour emplir automatiquement les boïtes de conserves d'huile. 


partie inférieure de la chaudière KK n'est pas 
portée à une température supérieure à 80°; c'est 
dans cette partie que viennent s'accumuler les 
déchets, qui ne peuvent se carboniser. 

On a perfectionné ce procédé de cuisson en 
adoptant le chauffage à la vapeur. Celui-ci néces- 
site l'emploi de générateurs à haute pression, car, 
pour obtenir une température de 180°, il faut de la 
vapeur à 10 atmosphères. On peut oblenir cette 
pression d'une manière pratique par l'emploi de 


sontsoudées, puis placées dans la grande caisse rec- 
tangulaire de l'appareil dans lequel on à placé au 
préalable la quantité d'huile nécessaire. On ferme 
l'appareil, puis on y fait le vide. Comme on a eu 
soin de ménager dans le couvercle des boîtes un 
trou de 1 millimètre, le vide se fait dans celles-ci. 
En faisant ensuite rentrer l’air dans l'appareil, les 
boîtes se remplissent aussitôt par aspiration. On 
enlève les boîtes, qui, pour plus de commodité, 
ont été disposées dans un panier métallique, et on 


710 


X. ROCQUES — L'ÉTAT ACTUEL DE L'INDUSTRIE DES CONSERVES ALIMENTAIRES 


ferme l'orifice au moyen d'une goutte de sou- 
dure. 
$ 3. — Viandes. 

La fabrication des conserves de viandes a été 
perfectionnée par M. Montupet. Voici quel est le 
procédé ordinairement suivi pour la fabrication 
des conserves de l’armée. On opère successive- 
ment : 4° le blanchiment ou cuisson de la viande: 
2° la stérilisation en 
boites. 

On commence par 
préparer la viande; 
pourcela,onretireles 
morceaux de choix et 
les parties grasses; 
on enlève les tendons 


à la concentration définitive par évaporation dansM 


le vide. 
L'autoclave servantàlacuisson est vertical (fig. 32)» 


La viande est disposée sur lesplateaux perforés d'un 


grand panier métallique. On chauffe à 415° pendant 


une heure aumoyen de la vapeur. Onretire la viande 


cuite, ainsi que le jus qu’elle a produit. On laisse 
refroidir celui-ci pour le débarrasser de la graisse, 
puis on le concentre. 
L'appareil à concen- 
trer (fig. 33) se com- 
pose d'un évapora- 
teur R à double en- 
veloppe E remplie en 
partie d’eau, muni à 
la partie inférieure 


et les os, et on coupe 
la viande en mor- 
ceaux de 500 à 800 
grammes. 

Le blanchiments'o- 
père en placant la 
viande dans des pa- 
niers en tôle perforée 
que l’on met dans 
des chaudières à dou- 
ble fond, chauffées 
par la vapeur. On met 
ordinairement dans 
ces chaudières un 
poids d’eau sensible- 
ment égal au poids 
de la viande à cuire 


d'un serpentin de va- 
peur S. Il est sur- 
monté d'une tubu- 
lure T, reliée au réfri- 
gérant F. Ce réfrigé- 
rant se compose d'un 
serpentin et d’un ré- 
cipient P muni d’un 
tube de niveau NN. 

Le bouillon à con- 
centrer est introduit 
dans le récipient R. 
On ferme celui-ei et 
on fait arriver la va- 
peur par le serpen- 
tin S. On porte le 
bouillon à l’ébulli- 


DL 


et l’on fait trois opé- 


tion et on continue 


rations successives 


celle-ci jusqu’à ce 


de cuisson dans le 
même bouillon; la 


première opération 
dure une heure, la | 
seconde une heure l 


un quart et la troi- 
sième une heure et 
demie. 

On concentre en- 
suite ce bouillon. 

On remplit les boîtes, ‘qui doivent renfermer 
800 grammes de viande (celle-ci a perdu par la 
cuisson de 40 à 45 °/, de son poids) et 200 grammes 
de bouillon concentré. 

On stérilise les boîtes à 115-118° pendant une 
heure un quart au moins. 

M. Montupet a remplacé fort avantageusement le 
blanchiment à l’eau et à l'air libre par la cuisson 
dans la vapeur saturée et en vase clos. 

Ce mode de cuisson présente l'avantage de don- 
ner un bouillon déjà très concentré, qu'on amène 


| 
(LIT | 


| 


NW 


2. — Appareil Montupet pour cuire les viandes sous pression. 


que la vapeur sorte 
d'une manière inin- 
terrompue par la tu- 
bulure E'. On ferme 
alors celte tubulure 
E', et on ouvre le 
robinet G d'entrée 
d'eau froide dans le 
réfrigérant. Cette eau 
condense la vapeur 
qui existe dans le récipient P et dans le ser- 
pentin F, et produit un vide plus ou moins grand, 
qui permet de concentrer le bouillon à une 
température inférieure à 400°. On extrait l’eau 
condensée dans le récipient P au moyen d’une 
pompe. 

On concentre le bouillon au tiers de son volume ; 
il pèse alors 5° Baumé à la température de 20°. 

On remplit ensuite les boites en mettant dans 
chacune d'elles la quantité voulue de viande et de 
bouillon; on soude et on stérilise. 


X. ROCQUES — L'ÉTAT ACTUEL DE L'INDUSTRIE DES CONSERVES ALIMENTAIRES 


711 


$ 4. — Lait. 


La conservation du lait présente un grand inté- 
rêt en raison de la facilité avec laquelle s’altère cet 
utile aliment. Mais cette conservation est difficile à 
réaliser dans de bonnes conditions. En effet, quand 
on soumet le lait à la température de 108 à 110°, 
nécessaire pour assurer la stérilisation, le lait 


TN 


AT 
DNS 


CIO 
RKKKKKK 


sente presque Lojours les inconvénients que ‘nous 
avons signalés. 

Le procédé Kuhn est préférable. Il consiste à 
opérer la stérilisation dans un grand cylindre) à 


| l'intérieur duquel est disposé un faisceau tubulaire, 


Le faisceau tubulaire est argenté extérieurement 
et le cylindre intérieurement. On remplit le cy- 
lindre de lait, puis on fait circuler de l’eau chaude 


Fig. 53. — Appareil Montupet pour concentrer le bouillon dans le vide. 


jaunit ou brunit légèrement et il prend un goût de | dans le faisceau tubulaire. Le lait se dilate et fait 


cuit; il perd donc les qualités qui le rendent appé- 
tissant, sa belle couleur blanche etson goût naturel. 

On prépare dans l'industrie des laits stérilisés et 
des laits concentrés sucrés ou non sucrés en boîtes 
métalliques. 

Les laits stérilisés se préparent le plus générale- 
ment en bouteilles munies d’une fermeture hermé- 
tique, et la stérilisalion s'opère directement sur le 
lait en bouteille. Dans ces conditions, le lait pré- 


pression sur lui-même. On laisse s'écouler une 


| petite quantité de lait, de manière à obtenir une 


pression de 3 à 4 almosphères à une température 
de 108-110°. Dès que la stérilisation est obtenue, 
on cesse de faire arriver de l'eau chaude et on 
remplace celle-ci par de l'eau froide, de manière à 
ramener le lait le plus rapidement possible à la 
température ordinaire. On soutire alors aseptique- 
ment le lait dans des bouteilles, bidons, etc. 


O0. CALLANDREAU — REVUE ANNUELLE D'ASTRONOMIE 


La fabrication du lait concentré se pratique sur 
une grande échelle en Suisse et aux États-Uunis. 
On en prépare aussi en Suède et en Norvège. 

En France, celte fabrication na pas pris 
encore uve grande extension, et cependant 
nous sommes placés à ce point de vue dans 
une situation très favorable. C'est la pré- 
paration du lait concentré additionné 

de sucre qui est de beaucoup la 

plus importante. On cherche 

à développer la fabrication 

du lait concentré non sucré, 

qui se rapproche beaucoup 

plus du lait naturel que le 


lait est additionné de 12 à 13 °/, de sucre. On con- 


centre ensuite dans de grands appareils à vide 
analogues aux cuiseurs de sucrerie; 
l'ébullilion a lieu vers 50° (fig. 34). Lan 
concentration est terminée quand lan 
densité est de 1,300. Il faut atteindre 
celte densité pour que le lait ait la con- 
sistance mielleuse exigée, et il ne faut, 
pas la dépasser pour éviter la cristal-. 
lisation du lactose. On fait refroidir, 
puis on met en 

boîtes. 100 litres 

de lait donnent 

10 boîtes d'une 


lait concentré sucré, mais, livre anglaise 
outre que la fabrication du fe (450 grammes), 
lait concentré non sucré est à ce qui corres- 
plus difficile, ce lait ne reste pond à un rende- 
pas aussi homogène que le ment de 31,5 °/, 
lait concentré sucré, qui à en poids. 
une consislance visqueuse Lo AA A ELA 

Quelle que soit la nature Dans un pro- 
du lait concentré NC chain article, 
qu'on se propose K nous examine-… 
de préparer, il rons le dévelop- 
est nécessaire de pement pris par 
partir d'un lait _ HE l'industrie dont 
très sain, frais, = : = nous venons d’é» 
résistant bien à CS À ludier la Lech- 
la coagulation. FSorremas Se nique, Mets 
Aussi est-il de Fig. 34. — Appareil pour concentrer le lait dans le vide. essaierons aussi 
toute nécessité d'indiquer l'im- 


d'en faire l'essai préalable. Il faut aussi y doser 
le beurre, car les laits riches en beurre se pré- 
tent mal au travail de la concentration; dans le 
vas de laits riches, on écrème partiellement. Le 


porlance des problèmes d'Hygiène qui s'y rat- 
lachent. X. Rocques, 
Ingénieur-Chimiste; 
Ancien Chimiste principal 
du Laboratoire municipal de Paris. 


REVUE ANNUELLE D’ASTRONOMIE 


L'année 1900 a vu beaucoup de Congrès; il n'y 
a pas eu de Congrès astronomique proprement dit. 
Comme dédommagement, nous avons eu une ma- 
gnifique réunion pour la Physique, sous la prési- 
dence de M. Cornu. M. Ch.-Ed. Guillaume et 
M. Lucien Poincaré ont déjà publié les Rapports pré- 
sentés au Congrès : ces Rapports occupent trois 
volumes. 

MM. Guillaume et Poincaré! ont donné ici 
même une idée des questions qui y ont été trai- 
lées, en particulier de ce qui pouvait présenter un 


! Cu. En. GuirLaume et L. Poixcaré : Le prochain Congrès 
international de Physique, dans la Revue du 30 mai 1900, 
t. XI, p. 669 et suiv. 


intérêt spécial pour l’Astronomie et la Physique 
générale. 


La Conférence astronomique internalionale de la 
Carte du Ciel, qui s'est tenue à Paris, à l'Observa- 
toire, sous la présidence de M. Læwy, a emprunté 
aux circonstances une importance parliculière. En 
dehors des mesures à prendre pour assurer le suc- 
cès de la Carte du Ciel, le grand problème de la 
détermination de la distance de la Terre au Soleil 
ou, comme on dit, de la parallaxe solaire, au moyen 
des observations d'Eros, a sollicité l'attention de la 
Conférence. M. Lœwy a cerlainement beaucoup 


TE 


0. CALLANDREAU — REVUE ANNUELLE D'ASTRONOMIE 


contribué, par son activité scientifique, à la réus- 

site d'une belle entreprise astronomique, sur 

laquelle nous reviendrons tout à l'heure. 

Je voudrais faire remarquer, en passant, à pro- 
pos de la Carte du Ciel, fruit de l'initiative de 
l'amiral Mouchez, combien l’idée de coopération 
a fait de progrès parmi les astronomes depuis 
une quinzaine d'années. A l'origine, les meilleurs 
esprits concevaient quelques doutes sur la réalisa- 

“tion du projet de l'amiral ; aujourd'hui, nous voyons 
avec quel empressement se produit le concert 

“ désiré. La science est dès lors en mesure d'attaquer 

_ des problèmes qu'on aurait jadis qualifiés de chi- 

-mériques. C'est ainsi que M. J.-C. Kapteyn, de Gro- 

“ningue, dont le nom fait autorité, juge possible 

“ d'aborder aujourd'hui la détermination des paral- 

$ laxes des 800.000 étoiles inférieures à la dixième 

“ grandeur, avec une erreur probable de 0",025. Il 

“estime qu'une telle entreprise ne demanderait pas 

- plus de temps et d'efforts que la Carte du Ciel et 

* nous fournirait des matériaux suffisants pour l'étude 
des parties de l'Univers stellaire les plus voisines 

- de notre système. C'est aussi aux efforts réunis du 

« D' Kapteyn et de sir David Gill, directeur de l'Obser- 

vatoire du Cap de Bonne-Espérance, que nous 

devons ce que les astronomes appellent la Zurch- 
 musterung photographique du Cap, catalogue des 

- positions approchées des étoiles du ciel austral, 

indispensable à tout astronome observateur de 

l’autre hémisphère. 

À peine les astronomes avaient-ils fini que les 
membres du Congrès de Chronométrie prenaient 
possession de la grande salle de l'Observatoire. Le 
Congrès s’est tenu du 28 juillet au 4 août, sous la 
» présidence de M. Caspari, l’un de nos vice-prési- 
- dents. Les procès-verbaux sommaires font désirer 
- une publication in exlenso dans un délai rappro- 
ché. Plusieurs des communications, une en parti- 
culier de M. Ch.-Ed. Guillaume sur l’ensemble des 
propriétés des aciers-nickels susceptibles de trouver 
- des emplois importants en horlogerie, offrent le 

plus grand intérêt. 

Une place à part doit être faite à la treizième 

- Conférence de l'Association géodésique inlernatio- 
nalé, qui s'est tenue à Paris du 5 septembre au 
6 octobre, sous la présidence de M. Faye. Il faut lire 
dans l'Annuaire du Bureau des Longitudes la note 
que lui a consacrée M. Bouquet de la Grye !. 

.  L’Associalion, d'européenne qu’elle était d'abord, 
est devenue universelle ou mondiale, pour employer 
une nouvelle expression, par l'adhésion des États- 
Unis, du Mexique, du Japon et en dernier lieu de 
l'Angleterre. L'Association comprend aujourd'hui 


Lun 


Le 


1 Voyez aussi G. Perrier : La treizième Conférence géné- 
rale de l'Association géodésique interoationale, dans la Revue 
des 15 et 30 novembre 1900, 


113 


21 Étals; il ne reste en dehors d'elle que la Chine, 
avec la Corée et le royaume de Siam, puis les Répu- 
bliques de l'Amérique Centrale et du Sud. 

Je ne puis qu'énumérer en passant quelques-unes 
des questions abordées au cours de séances qui ont 
laissé dans l'esprit de tous uu souvenir ineffaçable : 
la haute situation des délégués, l'élévation de leur 
langage empreint d'une sincère cordialité, les 
grands intérêls en jeu, tout cela faisait penser à 
ces congrès fameux où sont débaltues les destinées 
des empires 

Sir David Gill, directeur de l'Observatoire du Cap, 
est venu présenter un projet de mesure d'un arc de 
méridien parlant de l'extrémité sud de l'Afrique el 
aboutissant à Alexandrie. La différence en latitude 
est de 66°, el rien ne s'opposera ensuite au prolon- 
gement du réseau à travers l'Asie Mineure, pour 
aboutir en Russie, au 66° degré de latitude nord. 

IL à été parlé par M. Backlund, directeur de 
l'Observatoire Central Russe, d’une autre grande 
entreprise qui se poursuit dans les glaces du Spitz- 
berg, et qui met à une rude épreuve l'énergie et la 
persévérance des savants russes el suédois. Malgré 
les dangers et les difficultés de toutes sortes, le 
dévouement des observateurs va permettre de réa- 
liser la mesure d'un are de méridien d'une longueur 
supérieure à celle de l'arc de Laponie, dû jadis à des 
Savan({s français qui s'appellent Maupertuis et Clai- 
raut. 

Dans la première séance, M. Leygues, minisire 
de l'Instruclion publique, qui la présidait, assisté 
de ses collègues de la Guerre et des Travaux 
publics, avait, dans un éloquent discours, en sou- 
haitant la bienvenue aux délégués, annoncé la vo- 
lonté du Gouvernement français de procéder à une 
nouvelle étude de l'arc du Pérou, opération deman- 
dée depuis dix ans par l'Association. 

Le général Bassot, qui aura la haute direc- 
de cette grande opération, nous a montré com-. 
bien la renommée scientifique de la France était 
intéressée à cette nouvelle mesure de l'arc du 
Pérou ou de Quito, avec quelles difficultés de 
toutes sortes on aurait à lutter, difficultés de 
nature à paralyser les efforts de savants qui ne 
seraient pas en même temps doués de qualités 
exceptionnelles d'énergie et d'endurance. L'entre- 
prise se poursuivra par les soins du Service Géogra- 
phique de l'Armée, sous les auspices de l'Académie 
des Sciences, et, pour commencer, celui de ses 
membres qui possède la plus haute autorité scien- 
tifique, je veux dire M. H. Poincaré, a recu la mis- 
sion de rapporteur. Sans perdre de temps, M. Poin- 
caré s’est attaqué aux questions à l’ordre du jour 
de la haute géodésie : les perturbations de la gra- 
vité et les dévialions de la verticale. La Æevue a 
publié in extenso, dans son numéro du 15 août 


714 


O0. CALLANDREAU — REVUE ANNUELLE D'ASTRONOMIE 


dernier, son Rapport à l'Académie des Sciences !. 

Cet arc de Quito, à la mesure duquel nosofficiers 
vont se consacrer, sous la direction du comman- 
dant Bourgeois, chef de la Section géodésique ?, 
peut être considéré comme un chaînon d’un réseau 
qui, partant de l'Océan Arctique, s'étendrait jus- 
qu'au cap Horn, embrassant un arc de méridien 
de 120°. Au Nord, les ingénieurs du Coast Survey 
viennent d'achever de grands travaux; il y a peu 
de semaines élaient publiés les résultats définitifs 
concernant deux arcs d’une étendue inusitée : un 
arc de parallèle, par 39° de latitude, qui s'étend de 
la côte orientale de l'Atlantique jusqu’au Pacifique, 
avec une amplitude de 49° et un développement 
de plus de 4.000 kilomètres; un second arc qui 
raltache le golfe du Mexique au Canada. Ils laissent 
aux Canadiens le soin de prolonger le réseau plus 
au Nord. Le Mexique, de son côté, poursuit, sous 
la direction d’un Institut géographique, des travaux 
de même nature. Il serait à désirer que les gouver- 
nements de l'Amérique du Sud se rattachent officiel- 
lement à l'Associalion géodésique. 

Dans celte énumération rapide des grands tra- 
vaux géodésiques de notre époque, ne saurait être 
omise l’œuvre, tout récemment achevée, de l'un 
des vétérans de la Science, M. Oudemans : la triän- 
gulation de l’île de Java, poursuivie pendant de 
longues années, en tenant compte des exigences 
scientifiques de l’ordre le plus élevé. 

Bien des questions d'ordre plus spécial ont 
retenu l'attention du Congrès. Nous citerons la 
variation des latitudes traitée dans le Rapport de 
M. Albrecht, des communications de M. Cornu sur 
un appareil appelé par lui nadirozénithal, et de 
M. Ch.-Ed. Guillaume sur l’utilisation des alliages 
d'acier et de nickel en Géodésie, le Rapport du 
D' Helmert, directeur du Bureau central de l’Asso- 
ciation, sur l’intensilé de la pesanteur ; enfin, les 
questions qui se rattachent aux marées et au nivel- 
lement de précision ont été traitées par M. G.-H. 
Darwin, l'un des fils du grand naturaliste, délégué 
de l'Angleterre, et par M. Lallemand, qui a été 
chargé de faire, pour la prochaine Conférence, un 
exposé général des recherches concernant les 
opérations de nivellement. 


IT 


M. Lœwy à eu la bonne idée de profiter de la 
présence à Paris des astronomes réunis à l’occasion 
de la Carte du Ciel, pour élaborer et fixer le pro- 
gramme des observations d'Eros, pendant l’oppo- 
silion très favorable qui vient d'avoir lieu. I s'agis- 


! Voir la Æevue du 15 août 1900, t. XI, p. 925 et suiv. 
* Voir, pour plus de détails, la Revue du 30 mars 1901, 
t. XII, p 249. 


sait d'obtenir une détermination de la parallaxe 
solaire d'une précision exceptionnelle, au moyen 
des mesures micrométriques ou photographiques 


de la planète, prises soit le matin et le soir dans un 


même observatoire, soit dans des observatoires 
appartenant aux deux hémisphères, à des latitudes 
irès différentes. Le programme comprenait, en 
outre, la détermination des positions d'un nombre 
assez considérable d'étoiles de comparaison. 

Pour faciliter la coopération de la trentaine d’ob- 
servatoires qui avaient promis leur concours, 
M. Lœwy à publié, au nom d'un Comité spécial, 
une série de circulaires, contenant soit des rensei- 


gnements utiles aux observateurs, soit des com-" 


munications provisoires de ceux-ci concernant 
leurs mesures. On y voit que M. Hermann Struve, 
à Kœnigsberg, digne héritier d'un nom illustre, par 
une seule mesure complète, en suivant la méthode 
de la parallaxe diurne, obtient la parallaxe solaire 
avec une incertitude moindre que 0",03. MM. Henry 
ont, d'autre part, fait des recherches sur la préci- 
sion qu'on peut attendre des mesures des épreuves 
photographiques : l’incertitude semble du même 
ordre que pour les mesures directes de M. Struve:; 
elle paraît devoir augmenter notablement pour les 
étoiles de comparaison d'éclat très faible. 

Le résultat final, je veux dire une détermination 
de la parallaxe solaire plus précise et plus sûre que 
celle que nous possédons aujourd'hui, ne sera, je 
serais disposé à le penser, que le moindre bénéfice 
de l'entreprise. Il résultera, sans doute, de la 
comparaison de tous les résullats obtenus par les 
différents procédés une série d'indications pré- 
cieuses de nature à assurer un progrès marqué des 
méthodes d'observation, tant visuelles que photo- 
graphiques. 

Mais la tâche de discuter loutes les observations 
sera fort lourde; elle nécessitera une forte dépense 
et exigera beaucoup de temps. M. Læwy n'a pas 
craint, au nom du Comité international, d'en 
réclamer la responsabilité. 

Eros nous ménageait encore des surprises : sa 
variation d'éclat, qui avait plus où moins frappé les 
observateurs dès le début, a été mise ensuite hors 
de doute, el ce qu'on appelle la courbe lumineuse 
est connu d'une manière assez approchée. Des 


estimations de MM. J. Guillaume, Le Cadet et Luizet. 


à l'Observatoire de Lyon; Montangerand et Ros- 
sard, à Toulouse; Deichmuller, à Bonn...., aux- 
quelles il faut ajouter, entre autres, une belle série 
due à M. Hartwig, à Bamberg, et comprenant un 
très long intervalle, il résulte une durée de la 
période voisine de 2h. 38 m. 25 s., avec une ampli- 
tude atteignant une grandeur. M. André, directeur 
de l'Observatoire de Lyon, a indiqué qu'Eros peut 
être regardée comme une planète double qui doit 


DST 


LT D ER LS 


RE sr 


+ 


L 


0. CALLANDREAU — REVUE ANNUELLE D'ASTRONOMIE 71 


26 


Ja plus grande partie de sa variation lumineuse 
actuelle aux éclipses réciproques de ses deux com- 
posantes. Cette explication a paru peu probable 
à quelques-uns; cependant, le savant le plus 
autorisé dans la matière, M. E.-C. Pickering, ne 
“rejette point les idées de M. André, Tout n'est 
pas encore élucidé dans cette question, qui touche 
de près, on le conçoit, à la Cosmogonie. 

Je puis citer cette année comme s'étant livrés, 
“i l'égard des petites planèles, à des recherches 
“statistiques intéressant la Cosmogonie, M. de 
“reycinet, le colonel du Ligondès et M. Jean 
| Mascurt. A coup sûr, la séance de l’Académie où 
illustre homme d'Etat exposa à ses confrères les 
conclusions d'une étude qui complétait les indica- 
“tions de-:Laplace, fut remarquée; les journaux en 
_parlèrent. Il paraît par là qu'un philosophe ne peut 
S'en tenir au terre à terre des questions de détail 
et des notions susceptibles d’une vérification 
“nathématique immédiate; il lui faut s'élever plus 
haut, au risque de perdre contact avec les faits 
expérience. Cependant, j'ai entendu M. Bertrand, 
lillustre secrétaire perpétuel dont nous déplorons 
perte, déclarer qu'il faisait bon marché de la 
célèbre note finale de l'Exposition du système du 
onde de Laplace. Les tendances actuelles, ce 
goût qui nous a pris pour le fait d'expérience, je 
dirais pour les possibilités dont le lien logique nous 
chappe, et, par une suite naturelle, l'espèce de dis- 
“erédit où est tombé ce qu'on appelait la théorie 
pure, tout cela paraissait à M. Bertrand le signe de 
dispositions fâcheuses de la part des écoles d’au- 
jourd'hui. Quoi qu'il en soit, les astronomes sen- 
ent, depuis une vingtaine d’années, s'ouvrir, gràce 
“àla plaque photographique et au spectroscope, une 
ère nouvelle pour l'astronomie sidérale. M. Ch. 
ndré a été très heureusement inspiré en compo- 
sant un traité destiné à initier le lecteur français 
iux plus récentes conquêtes de la science. 


III 


L'étoile de Tycho-Brahé, parue en 1572 dans 
Cassiopée, plus brillante que Jupiter, et visible 
pendant seize mois à l'œil nu; l'étoile de Képler, 
dans Ophinchus, en 1604, à peu près aussi brillante 
“que celle de Tycho et visible pendant deux ans, 
…. sont les manifestations les plus connues de cette 
- curieuse classe de corps célestes, qu'on appelle 
étoiles nouvelles ou Noræ. 
… C'est à l’occasion de la neuvième découverte de 
ce genre, pour T Couronne Boréale, aperçue en 
1866 par l’astronome amateur Birmingham, que 
l’on commenca, grâce aux indications fournies par 
le spectroscope, entre les mains du D’ Huggins, à 
obtenir des renseignements précis. T Couronne, 


avant et après l'illumination subite qui en fit pen- 
dant quelques jours une étoile de deuxième gran- 
deur, était une des étoiles anonymes des zones 
d'Argelander. Son spectre, soigneusement éludié 
par Huggins, accusait fortement les raies brillantes 
de l'hydrogène, comme s’il s'agissait d’un soleil 
tel que le nôtre, avec, sur toute sa surface, des 
explosions ou protubérances d'hydrogène incan- 
descent. 

La Nova, découverte ensuite par Schmidt, à 
Athènes, en 1876, a une histoire analogue. Son 
spectre a été étudié par notre collège M. Cornu, 
puis par M. Vogel, de Potsdam, avec ce résultat 
que le spectre, qui présentait l’apparence de deux 
spectres superposés, l’un continu, l’autre formé de 
raies brillantes, se rapprocha de plus en plus, 
après la période du maximum, de celui des nébu- 
jeuses. Nous voyons par là un mode de transition 
entre deux classes de corps, qui paraissent d'abord 
irréductibles l’une à l’autre. 

A partir de 1893, la photographie est venue en 
aide à l’observation directe, et les découvertes se 
sont multipliées. Il est hors de doute que les Nova 
ne se montreraient pas trop rares si l’on pouvait 
suivre de près toutes les petites étoiles faibles; et 
ilest aisé de pressentir l'importance, à ce point de 
vue, de la photographie continue de l’ensemble du 
ciel, à intervalles aussi rapprochés que possible, 
telle qu’elle a été organisée, pour les deux hémi- 
sphères, par l’éminent directeur de l'Observatoire 
de Cambridge (États-Unis), M. E.-C. Pickering. 

Je dois entrer dans quelques détails en parlant 
de la dernière découverte due au D' Anderson, 
d'Edimbourg, qui a signalé le 21 février 1901, au 
commencement de la soirée, la Nova de Persée et a 
estimé sa grandeur de 2",7 environ. 

Dans une circulaire (n° 56), issue de l’'Observa- 
toire du Collège Harvard, M.E.-C. Pickering résume 
ce que les plaques du Service de photographie con- 
tinue du Ciel nous indiquent pour la période anté- 
rieure au 22 février. Il se trouve que des plaques 
de la région de la Nova ont été prises les 2, 6,8, 
18 et 19 février. Aucune étoile de onzième grandeur 
n'élait visible à la place en question. 

Les plaques prises àla lunette Bache, de8 pouces, 
les 6 et 8 novembre et le 12 décembre 1887, n'in- 
diquent rien. Aucune trace du même objet ne se 
rencontre sur une plaque prise avec la lunette 
Bruce de 24 pouces, le 18 octobre 1894, tandis que 
les étoiles de 12,5 sont bien visibles. 

Il parait donc qu'à la date du 19 février 1901 et 
antérieurement, l'étoile était invisible, ou du moins 
plus faible que la 11° grandeur Le 21 février, sa 
grandeur était 27,7, d'après M. Anderson. Le 22 fé- 
vrier, elle était de 0",5, et, après avoir augmenté 
sans doute un peu d'éclat le 23, elle diminuait et 


716 0. CALLANDREAU — REVUE 


25 


tombait le 25 février à 12,1. Son spectre, les 2 et 
23 février, élait du type d'Orion, à peu près con- 
tinu, traversé par de fines raies sombres. Dans les 
vingt-quatre heures qui ont suivi, un changement 
extraordinaire se manifesta, de sorte que le 24 fe- 
vrier, le spectre ressemblait à celui des autres 
Nov&. Il était traversé par des bandes brillantes 
et sombres, et les principales raies sombres étaient 
accompagnées de raies brillantes du côté le moins 
réfrangible. 

Sur les huit Novæ qu’on a vues depuis quatorze 
ans, M. Anderson a découvert les deux plus bril- 
lantes, celle du Cocher, en 1892, et celle dont :] 
s'agit aujourd'hui; toutes les autres proviennent 
de l'examen, fait par M®° Fleming, des photogra- 

.phies du Draper Memorial. 

Pour la Nova de l’Aigle, en 1899, la photographie 
continue du ciel a aussi permis de reconstituer 
son passé. On n'a pu la voir sur des plaques prises 
le 1% novembre 1898 et auparavant, là où des 
13% élaient visibles. Le 24 avril 1899, elle était de 

On la note sur 18 pholographies prises 
pendant l'été, et le 27 octobre 1899, elle était de 
10%. En juillet 1900, quand on la découvrit, elle 
était comparable à une étoile de 12". Les raies 
brillantes HS, He, Hô, Hy, 4693, HB et la raie des né- 
buleuses 5007 se montrèrent dans le spectre pho- 
tographié le 3 juillet 1899. Finalement, les raies 
se réduisaient, le 27 octobre 1899, à Hy et à 5007, 
de sorte que le spectre était devenu celui d'une 
nébuleuse gazeuse. 

Il est malaisé de préciser les idées que les astro- 
nomes se font de ces phénomènes. Il peut y avoir 
— c'élait sans doute le cas pour la Nova du Cocher, 
— des protubérances ou explosions gigantesques 
sur un Corps unique, avec un caractère de persis- 
tance plus ou moins marqué, dont le Soleil a offert 
parfois des exemples; mais aussi, à en juger par 
les indications dues à l'emploi du principe de 
Doppler-Fizeau, il pourrait y avoir plus d’un corps. 
M. Vogel (Astronomische Nachrichten, n° 3693) 
assigne une vitesse d'environ 700 kilomètres par 
seconde à l’ensemble des raies du spectre autres 
que les deux H et K du calcium auxquelles corres- 
pondrait une vitesse beaucoup plus faible : il y 
aurait donc au moins deux corps; c'est aussi 
l'opinion de M. Deslandres dans ses premières 
notes des Comples rendus. M. George E. Hale, dans 


7e 


ANNUELLE D'ASTRONOMIE 


le Bulletin n° 16 de l'Observatoire Yerkes, insiste 
sur l’analogie avec la Nova du Cocher. 

Les éloiles nouvelles appartenant pour les trois 
quarts à la Voie lactée, là où la densité stellaire 
est plus forte, la supposition de collisions de 
masses cosmiques animées de vilesses différentess 
est toute indiquée. Toutefois, les vitesses énormes 
qu'il faudrait attribuer aux corps en mouvement, 
comparables à un miilier de kilomètres par se 
conde, d'après l'intervalle des raies, paraissent 
excessives. Il est vrai que la variation de longueur 
d'onde peut résulter, d'après les expériences de 
Humphreys et Mühler (1896), d'une forte pression. 
M. Wilsing, en faisant éclater l’étincelle disruptive 
dans un liquide entre des électrodes métalliques 
ou des électrodes de charbon, a constaté ques 
l'aspect caractéristique des spectres des étoiles 
nouvelles : raies doubles, composées d'une raie 
brillante déplacée vers le rouge, et d'une raie 
noire déplacée vers le violet, peut s'expliquer pars 
l'influence de pressions anormales, développées. 
subitement dans l'atmosphère d'un corps céleste à 
noyau incandescent, aussi bien que par les phé-" 
nomènes que provoquerait le conflit de deux corps. 
Rien n'empêche d'ailleurs de faire intervenir les 
deux causes à la fois. 

En résumé, la Nouvelle découverte par les 
D' Anderson à commencé par ressembler à la 
Nouvelle du Cocher; peu après s'est accusé le 
spectre caractéristique des raies doubles. Dans la 
dernière période, l'éclat de la Nouvelle a diminué. 
lentement, non pas d'une manière continue, mais. 
en subissant des variations périodiques assez 
régulières, el son speclre, malheureusement diffi- 
cile à observer, a offert, comme dans plusieurs cas 
antérieurs, les particularités des spectres des né- 
buleuses, état vers lequel tendent, pourrait-on 
croire, les Nouvelles. 500 

Avec le temps seront précisées les indications 
précédentes; l'étude des détails de l'univers sidéralm 
ne fait que de commencer !. 


0. Callandreau, 


Membre de l'Institut. 
Astronome à l'Observatoire de Paris. 


1 Cet article reproduit avec quelque développement une 
conférence de l'auteur récemment donnée à la réunion 
annuelle de la Société Astronomique de France. C 


BIBLIOGRAPHIE — ANALYSES ET INDEX 


BIBLIOGRAPHIE 


ANALYSES ET INDEX 


1° Sciences mathématiques 


—…_Buhl (A). — Sur les équations différentielles si- 
_. multanées et la forme aux dérivées partielles 
adjointe. (Thèse de Ja Faculté des Sciences de 
Paris). — 1 broch. in-8°. (Naud, éditeur. Paris, 
1904.) 
Tous les mathématiciens connaissent le théorème de 
“ Poisson que Jacobi a qualifié de théorème prodigieux 
et sans exemple. Ce théorème, qui a fait l'objet de 
nombreux travaux, donne une troisième intégrale d'un 
système spécial d'équations différentielles appelé sys- 
“ème canonique, dès qu'on connaît deux intégrales de 
te système. É 
— M. Buhl s'est proposé de découvrir pour un système 
quelconque d'équations simultanées, non canonique, un 
théorème général analogue à celui de Poisson. Le fait 
qu'il doit exister un théorème de ce genre résulte de ce 
qu'un système quelconque d'équations différentielles 
—… peut toujours, comme l’a montré M. Kænigs, être réduit 
«à la forme canonique. Mais celte réduction entrainant 
des calculs souvent très longs quand on ne veut pas, 
comme l'avait fait Liouville, introduire des variables 
parasites, il est évidemment du plus haut intérêt de 
posséder un théorème immédiatement applicable à 
“ des équations de forme quelconque. 
M. Bubhl est arrivé à énoncer ce théorème général 
sous une forme des plus simples. Etant donné un sys- 
… 1ème d'équations différentielles 


__dXn 
RENNES 


C' 


K, dx, dx 
(1) x, Xe 


— M. Buhl associe aux fonctions X,, X,, .…., X, d'autres 
fonctions Y,, Y,, …, Y, dites adjointes, qui possèdent 
“la propriété suivante : Si F est une intégrale du sys- 
…tèrnce (1), l'expression 

| Cr . dF 

UE + Y, +... Yn 


ACLE dXu 


k “ 
# en est une autre; inversement à tout système (4) qu'on 
sait intégrer, correspondent une infinité d'autres Sys- 
“ièmes admettant X,, X,, .…, Xn pour fonctions ad- 
jointes. 
M. Buhl, après avoir établi les propositions fonda- 
- mentales, en discute l'application et en indique des 
exemples. Il fait voir sommairement comment cette 
—…._ étude se rattache à la théorie des groupes de Lie et 
… réseve le développement de cette idée pour un autre 
_ Mémoire. 
-  Letravail de M. Bubl fait faire un progrès à lathéorie 
des équations différentielles ordinaires : il constitue 
… un pas en avant dans un domaine exploré par Poisson, 
_ par Jacobi, par Joseph Bertrand, par Sophus Lie; il 
… paraît appelé à rendre des services dans l'intégration 
des équations de la Mécanique céleste. 

M. Buhl a communiqué son théorème à l'Académie 
des Sciences en février 1901 ; il est juste d'ajouter que 
le même théorème se trouve dans un intéressant tra- 
vail de M. de Donder, qui a été publié peu après la 
Note de M. Buhl, dans les Rendi Conti del Circolo 


Mathematico di Palermo, en 1901. P. APPELL, 
Membre de l'Institut. 


D'a 


iesten ([.). — Annuaire astronomique de l’Ob- 
servatoire royal de Belgique, pour 1901. — 1 vol. 
in-16 de 246 pages, avec planches et un Supplément 
formant À vol. in-16 de 200 pages avce planches. 
(Prix : 3 fr.) Hayez, imprimeur. Bruxelles, 1901, 


HEVUE GÉNÉRALE DES SCIENCES, 1901. 


Holzmüller (G.), Directeur de l'Ecole royale de Mé- 
canique de Hagen. — Die Ingenieur-Mathematik in 
elementarer Behandlung T. Il : Das Potential 
und seine Anwendung. — 1 vol. in-8° de 440 pages 
avec figures. (Prix : 7 fr. 50.) B. G. Teubner, édi- 
teur, Leipzig, 1901. 

Ce livre, qui répond bien à son but, est divisé en 

16 chapitres : 

I. La loi d'attraction newlonienne. — II. La courbe 


se l : ; 
de la gravitation y — — et la notion de potentiel. — 


IT. Attraction d'une couche sphérique homogène, d'ure 
sphère pleine et d’une sphère creuse. — IV. Les tubes 
de force les plus simples, et les surfaces de niveau; di- 
vision cellulaire de l'espace et ses applications phy- 
siques. — V. Les problèmes relatifs à plusieurs points. 
— VI. Les équations de Laplace et de Poisson et leur 
signification physique. — VIT. La méthode des images ; 
de la symétrie et de l’inversion dans l'espace. — VII. 
Distributions superficielles et distributions en volume, 
centrées. — IX. Etude indépendante des problèmes à 
deux dimensions, et du potentiel logarithmique. — X. 
Les problèmes plans relatifs à plusieurs points ou à des 
lignes. — XI. Considérations physiques sur le courant 
galvanique et son potentiel. — XIT. Magnétisme. — XIII. 
Actions électromagnétiques et électrodynamiques des 
courants galvaniques, — XIV. Analogies hydrodynami- 
ques : a. Généralités ; ». Mouvements tourbillonnaires ; 
e. Marche des eaux souterraines d’après le professeur 
Forchheimer. — XV. Compléments sur la gravitation 
etl'électrostatique. Ellipsoïdes.— XVI. Unités et dimen- 
sions. 

Ce que la table des matières n'indique pas suffisam- 
ment, c'est le nombre et la variété des problèmes 
traités, et la valeur instructive qu'ils tirent de la sim- 
plicité des méthodes et de l'emploi systématique de 
figures (au nombre de 240) construites à l'échelle avec 
soin. À cet égard, les chapitres 1x, x sont particulière- 
ment riches. MARCEL BRILLOUIN, 

Professeur de Physique générale et mathématique 
au Collège de France. 


2° Sciences physiques 


Franche (Ch.). — Manuel pratique du fabricant de 
vinaigre (Préface de M. Tricrar, Directeur du Ser- - 
vice d'analyses et de Chimie appliquée à l'Institut 
Pasteur). — 4 vol. in-8° de 281 pages avec 29 fiqures 
dans le texte. (Prix : 4 fr. 50.) Bernard Tignol, édi- 
teur. Paris, 1901. 

L'industrie du vinaigre est, parmi les industries ali- 
mentaires, une de celles dont les bases scientifiques 
sont les mieux établies. Depuis que Pasteur en a posé 
les fondements, l'étude chimique et bivlogique du phé- 
nomène de l’acétification a été faite avec soin. 
M. Franche s’est efforcé de les résumer clairement 
dans la première partie de son livre; je souhaite que 
tous les vinaigriers la lisent, car leur ignorance des 
notions scientifiques est souvent la cause de leurs insuc- 
cès de fabrication. 

Après avoir exposé ces notions scientifiques géné- 
rales, l’auteur aborde la fabrication du vinaigre. C'est 
naturellement la partie la plus développée du Jivre, les 
procédés et les appareils servant à l’acétification étant 
nombreux. Il ne s’agit d’ailleurs ici que de la prépara- 
tion du vinaigre par l’acétification du vin ou des liquides 
alcooliques au moyen des ferinents acéliques. L'acéti- 
fication obtenue chimiquement, au moyen de la mousse 
de platine, par exemple, n'est pas du domaine pratique 


15#* 


718 


et la iabrication de l'acide acétique par la distillation 


du bois est une industrie différente, dans la description 
de laquelle M. Franche n'est pas entré. 
Si nombreux que soient les appareils servant à acéti- 


fier le vin, on peut les classer de la manière suivante : 
en premier lieu la méthode dite « d'Orléans » dans 
laquelle l’acétification est obtenue en fûts, les bactéries 
agissant seulement à la surface du liquide contenu 
dans ceux-ci. Ce procédé a l'inconvénient d’être lent, 
d'exiger une assez grande main-d'œuvre; il est par 
conséquent, assez coûteux. On ne peut produire que 
40 litres de vinaigre par fût et par mois, et le prix de 
revient de l'opération est de 2 fr. 50 à 3 fr. 50 par hec- 
tolitre. Par contre le vinaigre obtenu par cette acéti- 
fication lente a un bouquet agréable et recherché. 

Cela explique pourquoi, actuellement encore, le 
vinaigre pur vin est fabriqué presque complètement 
par le procédé d'Orléans. 

Les procédés dits « rapides » n'ont, en effet, été 
adoptés dans l'industrie que pour produire des vi- 
naigres d'alcool. Le procédé d'Orléans, tel qu'on l'appli- 
que, ne permet pas d'acétifier les dilutions d'alcool 
contenant moins de 25 °/, de vin. Si l’on descend au- 
dessous de cetle proportion, il faut ajouter des phos- 
phates et des albuminoïdes pour que les bactéries acé- 
tiques trouvent dans le liquide des aliments en quan- 
tité suffisante, 

Il faut dire aussi que le vin ne se prête pas à l’acé- 
tification par les procédés rapides à cause des dépôts 
de tartre et de colorants qui encrassent rapidement 
les copeaux ou les corps servant à opérer la division 
du liquide. 

Le procédé d'Orléans a reçu de M. Claudon des per- 
fectionnements importants, et cet inventeur a construit 
un appareil rationnel d’acétification à grande surface, 
en se basant sur les conclusions des travaux de Pas- 
teur. On peut abaisser ainsi à 0 fr. 80 le prix de l’acé- 
tification par hectolitre. 

A côté du procédé d'Orléans, caractérisé par sa len- 
teur, mais par la qualité du vinaigre qu'il permet 
d'obtenir, il faut classer les procédés dits « rapides ». 

Ceux-ci se distinguent par l'accroissement considé- 
rable de la surface acétifiante et le caractère de conti- 
nuité de l'opération. 

On connait le principe de l'appareil allemand, ou 
essighilder. C'est un grand cylindre de bois rempli de 
copeaux, dans lequel le liquide alcoolique à acétifier 
arrive à la partie supérieure pendant que l'air arrive à 
la partie inférieure. 

Les avantages du procédé allemand sont incontes- 
tables; cependant, l'appareil tel qu'il a été conçu dans 
sa forme primitive présente des inconvénients dont le 
principal est un excès de circulation d’air, qui donne 
lieu à une évaporation excessive, et, par conséquent, à 
des pertes. 

Knapp a fait une étude très soignée des conditions de 
fonctionnement de l’essigbilder et il a indiqué les con- 
ditions dans lesquelles il faut se placer pour éviter les 
inconvénients du procédé. L'appareil qu'il a conçu, 
ainsi que l'appareil Barbe, qui est utilisé dans plusieurs 
fabriques francaises, réalisent un grand progrès dans 
la fabrication du vinaigre d'alcool. 

A côté des appareils du type allemand, il faut placer 
les appareils du type dit « hollandais ». L'acétification 
y est également obtenue sur une grande surface de 
copeaux, mais ceux-ci au lieu d'être placés dans un 
appareil fixe, garnissent des tonneaux qui sont animés 
d'un mouvement de rotation. Le procédé Agobet, dit 
procédé d'Orléans rapide, est basé sur ce principe et 
permet d'obtenir en dix jours l’acétification complète 
du liquide, alcoolique traité. 

Enfin, nous signalerons les appareils à plateaux qui 
sont des appareils continus, mais dont l'usage ne paraît 
pas s'être répandu dans l'industrie. 

Après avoir ainsi traité d'une manière très complète 
la partie industrielle, M. Franche étudie le vinaigre au 
point de vue chimique et fait la critique des méthodes 


BIBLIOGRAPHIE — ANALYSES ET INDEX 


d'analyse employées dans les laboratoires officiels, 
Sa principale critique porte sur le rapport que l’on 
admet entre la teneur en acide acétique et la teneur en 
extrait sec. Ce rapport varie suivant la nature des vins 
qui ont servi à la préparation de l'acide acétique. En 
réalité, il faut tenir compte. des divers éléments du 
vinaigre : tartre, acides fixes, cendres, etc., pour tirer 
des conclusions de l’analyse. X. Rocques. 
Ingénieur-chimiste, 


Ancien chimiste pETeTE 
du Laboratoire municipal de Paris, 


Pozzi-Escot (M.-E.). — Les Diastases et leurs 
applications. — 1 vol. in-8° de 218 pages de l'Ency- 
clopédie scientifique des Aide-Mémoire. (Prix : bro= 
ché, 2 fr. 50; cartonné, 3 fr.) Gauthier-Villars et 
Masson, éditeurs. Paris, 4901. 


Ce nouveau venu de la très intéressante et très utile 


collection scientilique de M. Léauté s'adresse, comme 
le dit son auteur dans la préface, non pas aux biolo- 
gistes, mais aux ingénieurs et aux chimistes. 

A ce titre, il ne traite ni des sérums, ni des venins, 
passe sous silence une foule de ferments solubles dont 
l'intérêt est exclusivement scientifique, mais étudie en 
détail les diastases qu'on pourrait appeler industrielles. 
Une série de chapitres sont consacrés à l’amylase, au 
rôle de cette substance dans la Brasserie et la Distillerie, 
au malt et à la maltase, aux mucors et amylomyces, à 
la sucrase et à ses applications, à la zymase de 
Buchner, etc. Les oxydases, dont le rôle apparaît tous 
les jours plus important, font aussi l'objet d'un chapitre 
spécial. 

Toutes ces études sont précédées d’un exposé général 
dans lequel se trouvent succinctement et clairement 
exposées les principales notions relatives à la sécrétion, 
à la classification, à la préparation, à la composition, 
aux caractères et au mode d'action des diastases. Plu- 
sieurs chapitres s’occupent même de la zymogenèse, 
du dosage des diastases, enfin des interprétations nou- 
velles qu’on a proposées des actions diastasiques. 

Fortement inspiré de certains ouvrages sur les 
mêmes sujets, particulièrement du beau Traité de Micro- 
biologie de Duclaux, à la lecture duquel il prépare, ce 
petit livre résume assez bien ce qu'il est essentiel de 
connaître des ferments solubles. Il rendra certainement 
service à beaucoup de praticiens, de ceux qui veulent 
s'affranchir de la routine et cherchent dans les données 
positives de la Science un guide vers le progrès. 


GABRIEL BERTRAND, 
Chef de service à l'Institut Pasteur. 


3° Sciences naturelles 


Lorin (Henri), Professeur de Géographie coloniale à 
l'Université de Bordeaux. — L'Afrique à l'entrée du 
vingtièmesiècle. Lettre-préface de M, Pierre FONGIN, 
A vol. in-42 de xn-377 pages, avec carte, (Prix : 
3 fr. 50.) A. Challamel, éditeur. Paris, 4901. 


L'ouvrage de M. Heori Lorin sur l'Afrique n'est ni un 
traité de géographie physique, ni une histoire de Ja géo- 
graphie, ni une étude de géographie coloniale, et cepen- 
dant c'est à la fois un peu tout cela. Il définit lui-même 
son travail, « une étude, fondée sur la Géographie, des 
problèmes que pose l'appropriation progressive de 
l'Afrique noire par les puissances européennes; c'est, 
si l’on veut, ajoute-t-il, un manuel des questions afri- 
caines au début du xx° siècle ». Des notions de géogra- 
phie physique et surtout de pluviométrie, de tempéra- 
ture et de végétation; puis, des considérations sur les 
indigènes; ensuite, un exposé de ce qui a été fait par 
les Européens, et, enfin, des problèmes qui se posent 
devaut eux, tel est le plan généralement suivi par l’au- 
teur, dans chacun de ses chapitres. IL n'est pas facile 
de diviser judicieusement l'Afrique. M. Lorin s'en est 
habilement tiré en groupant les contrées qui présentent 
des caractères physiques analogues. Il a ainsi partagé 


| les régions africaines en quatre grands groupes : plaines 


. 


— Page 
-vembre 1899 pendant l'expédition du colonel Wingate, 
- mais le calife Abdullah, son successeur. — Page 353. 


BIBLIOGRAPHIE — ANALYSES ET INDEX 


équatoriales; plateaux du centre; Soudan et Sahara; 
Afrique australe. 

Nous avons relevé quelques inexactitudes, que nous 
nous permettrons d'indiquer ici. 

Page 136. Les Matabélés ne sont pas seulement appa- 
rentes aux Zoulous, ce sont véritablement des Zoulous, 
semblables à ceux qui habitent au nord du Natal. Au 
commencement du xix° siècle, à l'époque du règne de 
Chaka, un groupe de Zoulous se détacha de la nation 
sous les ordres du chef Mosilikatsé et alla s'établir à 
Vouest du Limpopo. Les premiers voyageurs Européens 
qui les virent, notamment Andrew Smith en 1834-1835, 


“les appellent indifféremment Matabélés ou Zoulous. 


Page 178. L'Ounyoro et l’Ouganda n'ont jamais été 
« liés politiquement au Soudan Egyptien par des expé- 


- ditions militaires venues du Nord ». C'était bien le désir 


du khédive Ismail Pacha, d'étendre sa domination 
jusque-là, mais il ne réussit pas et ces pays restèrent 
indépendants jusqu'à l’arrivée des Anglais. — Page 180. 
Les premiers missionnaires anglais sont arrivés dans 


Ouganda non pas en 1875, mais en 1877. — Page 181. 


La British East Africa Company fut bien fondée en 1885, 


-mais elle ne recut sa charte et par conséquent son titre 


d'«imperial» qu'en 1888. — Page 217. La ville de 
Sennar est située sur le Nil Bleu et non sur le Nil Blanc. 
223. Ce n'est pas le Mahdi qui a été tué en no- 


C'est non pas au xvii* siècle mais au xvin®, que des rela- 
tions se sont établies entre les colons du Cap et les 


. Cafres de l'Est, et au xix° siècle seulement entre ces 


colons et les Basoutos. — Page 354. Les Griquas sont 


-non pas des métis de colons européens et de femmes 


cafres et basoutos, mais de colons européens et de Hot- 
tentotes. — Page 355. Ce n’est pas par le Natal que les 
Basoutos ont commencé à avoir des rapports avec les 
Anglais, mais par le Nord, par la vallée du Caledon. — 
Page 358. La première tentative des Anglais pour s’em- 
parer du Cap a eu lieu non en 1780 mais en 1781. — 
Même page. Ce n'est pas en 1795 que les Anglais s'em- 
parèrent définitivement du Cap. Ils le conquirent alors 
une première fois, le restituèrent à la Hollande en 1803, 
après la signature de la paix d'Amiens, et le conquirent 
une seconde fois en 1806. — Même page. Les républi- 
ques boers furent fondées non seulement par les Boers, 
qui quittèrent le Natal après l’occupation anglaise de 
1842, mais encore par ceux qui étaient restés entre 
l'Orange et le Vaal après leur départ du ,Cap, et qui 
n'étaient pas allés au Natal. — Page 360. Ce n'est pas 
en 1880 que le district diamantifère où s'élève aujour- 


- d'hui Kimberley a été attribué à l'Angleterre par un 
- arbitrage, mais en 1871. Signalons encore deux incor- 


reclions orthographiques : Page vin, lire d'Abbadie et 
non d'Abadie; page 181, lire Mackinnon et non Makin- 
nou. Enfin nous exprimerons le regret que M. Lorin 
n'ait pas cru devoir composer un index des noms géo- 
graphiques cités. 

Ces légers défauts ne doivent pas nous faire mécon- 
naître les nombreuses qualités de cetouvrage. L'auteur 
possède manifestement une érudition très étendue ; il 
ne se laisse pas dominer par elle, mais en demeure 
le maître, si bien que la lecture de l'ouvrage reste 
toujours agréable et facile. Comme il fallait s’y at- 
tendre dans un livre écrit par un professeur de géo- 
graphie coloniale à l'Université d'une ville essentielle- 
ment commercçante, ce sont les passages de géographie 
économique qui nous ont paru le mieux venus. 

Le livre de M. Lorin sera utile au public français, La 
bibliographie africaine est déjà positivement immense, 
et chaque jour elle s'accroît. Elle se compose principa- 
lement de récits de voyageurs, dans lesquels il y a beau- 
coup à prendre mais aussi beaucoup à laisser, et 
d'études de détail composées par des géographes ou 
des historiens. Il est nécessaire de synthétiser ces tra- 
vaux pour les présenter aux personnes qui s'intéressent 
aux questions d'Afrique, mais n’ont pas le loisir de lire 
“out ce qui se publie. Le public anglais possède des 


749 


livres tels que The partition of Africa par Scott Keetie, 
ou The colonization of Africa par Sir Harry H. Johnston, 
le public allemand, l'Afrika de Sievers, dont M. Hahn 
nous donne actuellement une nouvelle édition (rès re- 
maniée. Nous sommes moins bien pourvus en France, 
jusqu'à présent. Il faut louer M. Lorin, d’avoir, dans une 
certaine mesure, remédié à cette lacune de notre biblio- 
graphie. 

Ajoutons enfin que dans unelettre-préface, M. Pierre 
Foncin esquisse à grands traits les rapports séculaires 
de la France et de l'Afrique, et insiste fortement et avec 
raison sur la nécessité de la diffusion de la langue fran- 
çaise parmi les indigènes. HENRtT DEHÉRAIN, 

Docteur ès Lettres. 


De Rocequigny (Comte), Déléqué au Service agricole 
du Musée social. — Les Syndicats agricoles et leur 
œuvre. — 4 vol. in-16° de 412 pages avec une carte. 
(Prix : 4 tr.) A. Colin et Ci, éditeurs. Paris, 1904. 


La loi du 21 mars 1884, relative aux syndicats profes- 
sionnels, a eu pour conséquence de servir à grouper 
dans les campagnes les agriculteurs désireux de s’en- 
tendre pour étudier et défendre leurs intérêts. Le 
{er juillet 1884, les syndicats étaient au nombre de 5; 
le 31 décembre 1899, on en comptait 2.133 représentant 
près de 500.000 adhérents. Ce résultat est à coup sûr 
fort intéressant. M. de Rocquigny a fait l'histoire de ce 
mouvement syndical dans les campagnes, et il nous 
présente, dans son ouvrage, le tableau de ces progrès 
aussi bien que l’énumération des services qu'ils peuvent 
rendre au point de vue économique ou social. L'auteur 
a consigné beaucoup de faits utiles à connaître dans les 
400 pages de son volume; on devine sans peine qu'il 
est très fervent admirateur des bons effets de l’associa- 
tion et du groupement professionnel agricole. Son zèle 
sincère et son optimisme convaincu ne nous paraissent 
pas blämables; bien au contraire. La foi soulève des 
montagnes et le scepticisme est stérile. Pourquoi nous 
priver, d'ailleurs, du plaisir d'applaudir à des efforts 
généreux, à des initiatives, désintéressées, à des succès 
féconds? 

Et il y à vraiment lieu de signaler les manifestations 
diverses de toutes les activités louables en parlant des 
syndicats. 

M. de Rocquigny a très heureusement divisé son livre 
en trois parties : 

La première a pour objet l'étude des syndicats et des 
groupes de syndicats appelés Unions. 

Ces Unions sont au nombre de dix et se partagent la 
France tout entière. 

M. de Rocquigny signale également l'existence de 
certains syndicats généraux qui s'occupent d'achats ou 
de ventes, de publications, ou même de certaines cam-. 
pagnes économiques. 

Dans une deuxième partie, l’auteur parle du fonction- 
nement des syndicats et des services d'ordre matériel 
qu’ils rendent à l'exploitation du sol. Il s'agit d'achats 
d'engrais industriels, d'instruments, de la vente en 
commun des produits agricoles, etc., etc. 

L'amélioration du bétail est citée comme un des 
objets que se proposent les syndicats par l'achat de 
bons reproducteurs, l'établissement de livres généalo- 
giques, l'achat d'aliments provenant de résidus indus- 
triels. 

Dans une troisième partie, M. de Rocquigny décrit 
les services économiques et sociaux du syndicat. — 
Parmi ces services, il faut compter les publications, con- 
férences, enseignement primaire; la fondation des 
coopératives de production et de consommation, le 
Crédit agricole, les Assurances, la Prévoyance, l'Assis- 
tance, et la Défense collective des intérêts profession- 
nels en toutes occasions. 

Dans ses conclusions, l’auteur résume les œuvres 
syndicales et en fait ressortir le mérite; il espère et il 
croit que les Syndicats « ont donné aux classes rurales 
une organisation qui leur manquait et les ont élevées à 
une conception plus haute de leurs droits et de leurs 


720 


BIBLIOGRAPHIE — ANALYSES ET INDEX 


devoirs. — Ils les ont affranchies — poursuit l’auteur — 
des servitudes que de longs siècles d'ignorance, de 
faiblesse et d'isolement faisaient peser sur eux... » 
Nous ne sommes pas convaincu que les syndicats 
aient fait tant de choses depuis seize ans. Notamment, 
il y aurait lieu d'étudier les associations déjà existantes 
avant 1884 et les raisons pour lesquelles le groupement 
des cultivateurs est devenu plus utile. En somme, il est 
inutile de discuter ici pareille question. Les syndicats 
rendent des services, il faut le reconnaître, et louer 
M. de Rocquigny de l'avoir très bien montré, 
D. Zozra, 
Professeur à l'Ecole d'Agriculture 
de Grignon. 


À treatise on Zoology, édité par M. E. Ray Lan- 

KESTER, tuembre de la Sociète lioyale de Londres, 

Correspondant de l'Institut, Directeur des Départe- 

ments d'Histoire naturelle au British Museum. — 

3° partie: The Echinoderma, par MM. P. A. Ba- 
ther, Assistant au Département géologique du 

British Museum, J. W. Gregory, Professeur de 

Géologie à l'Université de Melbourne et E.S. Goo- 
drich, Démonstrateur d'Anatomie à l'Université 
d'Oxford. — 1 vol. 1n-8° de 344 pages avec figures. 

Prix 15 fr. 65.) Adam et Charles Black, éditeurs, 

Soho Square, Londres, 1901. 

Cet important Traité de Zoologie est caractérisé sur- 
tout par sa méthode rigoureusement taxonomique, 
c'est-à-dire que les faits principaux de la morphologie 
animale y sont exposés eu suivant l’ordre naturel 
de la classification. À en juger par le volume qu 
vieut de paraître, l'ouvrage ne sera pas seulement un 
livre d'élude pour le serious student auquel 1l s'adresse, 
mais encore el surtout un répertoire condensé de l'état 
des connaissances zoologiques au début du xx° siècle. 
Souhaitons que les dix volumes dont il doit se com- 
poser se succèdent assez rapidement pour que les pre- 
miers n'aient pas sensiblement vieilli avaut l'achève- 
ment des derniers, et pour que l'ouvrage puisse 
conserver dans son ensemble toute l'homogénéité dési- 
rable, à une époque où la science évolue sans cesse et 
où les théories, en particulier, vieillissent vite. 

Le premier volume dans l’ordre d'apparition, mais 
qui est en réalité le troisième de l'ouvrage, est consacré 
aux Echinodermes, et ceux-ci sont divisés en deux 
grands groupes : 1° Les Eleuthérozoaires, qui embras- 
sent la presque totalité des formes actuelles, Oursins, 
Astéries, et Holothuries. Les trois chapitres qui leur 
sont consacrés sont trailés par J. W. Gregory et 
E. S. Goodrich. 2 Les Pelmatozoaires. Ce sont les 
Echinodermes fixés, qui ont eu leur plus riche épa- 
nouissement pendant les temps primaires, et qui ne 
sont plus représentés dans nos mers actuelles que par 
quelques genres de Crinoïides. Leur histoire a été contiée 
à la plume autorisée de P. A. Bather, et les deux tiers 
environ du volume leur sont consacrés; c'est la pre- 
mière fois, je crois, qu'un Traité de zoologie générale 
lait une place aussi importante à des types fossiles. 
Elle est parfaitement justiliée, du reste, non seulement 
par le nombre et la variéte de leurs formes (quatre- 
vingt-quatorze familles et plus d'un millier de genres sont 
caractérisés où enumérés dans les quatre chapitres qui 
les concernent), mais surtout par le fail que les Echino- 
dermes sont aujourd’hui de toutes les grandes divisions 
du regne animal la plus complètement isolée, saus 
aucune de ces formes de passage que moutrent les 
aulres groupes, el que seule l'étude atteutive des 
iormes eteinces peut Jeter quelque jour sur les affinités, 
sur l'origine et sur l'évolution du type Echinoderme 
lui-même. 

Partant de l'idée, assez contestable d’ailleurs, que 
l'évolution larvaire doit reproduire les traits essentiels 
de l’histoire généalogique des organismes, les z0olo- 
gistes ont créé, en synthétisant les caractères communs 
ue toutes les larves d'Echinodermes, un ancêtre hypo- 
thétique, la Dipleurula, qui devait ètre un animal hbre 


à symétrie bilatérale, de forme allongée, avec un grand 
lobe préoral, un cœlome divisé en deux paires de vési=" 
cules dont l'antérieure débouchait au dehors par une 
paire d’orilices (hydropores), et portait en arrière deux 
prolongements en culs-de-sac, les deux hydrocæles 
droit et gauche; dans l'épaisseur du tégument étaient 
éparses des particules calcaires, Sans insister, peut 
être sans croire beaucoup à la réalité objective d’un 
organisme ainsi constitué, les auteurs du Traité regar- 
dent néanmoins ces différents caractères comme pri- 
nutils, et ils eu partent pour suivre, au milieu du dédale 
des formes éteintes, les modifications successives de la 
symétrie et la marche des différenciations qui ont 
abouti à la diversité des formes actuelles. | 

En premier lieu, l'Echinoderme primitif, libre jus- 
qu'alors, s’est fixé par le sommet du lobe préoral, et un 
peu sur le côté droit. Comme conséquence de cette 
lixation, la bouche s'est déplacée et s’est portée jusqu'à 
l'extrémité opposée devenue l'extrémité supérieure, en 
entrainant avec elle les organes voisins dans un mou- 
vement de torsion assez comparable à celu: des Gasté- 
ropodes, au cours duquel j'hydrocæle droit a disparu. 
En même temps, les spicules calcaires se multipliaient 
et s'agrégeaient eu plaques irrégulières. C’est le stade 
Pentactiæa, qui se retrouve au cours du développement 
de l’Autedon, et c'est sous cette forme qu'apparait 
l'Échinoderme le plus primitif connu, l'Aristocystis 
bohemicus, de l'Ordovicien de Bohème; c'est un petit 
corps pyriforme, fixé au sol par une de ses extrémités, 
couvert de cent cinquante ou deux cents plaques irrégu- 
lièrement polygonales, dépourvu de tous appendices, 
bras ou tentacules, sans trace encore de symétrie 
radiaire. Tous les Amphoridés sont construits sur cer 
plan. 

Dans leur descendance immédiate, apparaissent w 
d'abord trois, puis, par bifurcation des deux laté- 
raux, cinq sillons superliciels, probablement cilliés, 
rayonnant autour de la bouche, avec différenciation eu 
régularisation des plaques de test sur leur trajet, avec 
souvent des ramilications secondaires des sillons se 
prolongeant sur des « brachioles » saillantes, articulées, 
plus ou moins allongées, c’est la première ébauche de la 
symétrie radiaire, conséquence de la vie fixée (Rhombi- 
feres, Aporites, Diploporites). Cette symétrie pentamère 
s’accentue chez les Blastoides, par la régularisation des 
sillons et le groupement délini des plaques du test en 
deltoides, basales, radiales. Et, enfin, de véritables 
« bras », développés au sommet des plaques radiales, 
parcourus par les troncs nerveux, les canaux ambula- 
craires, Les cordons génitaux, se forment chez les Cri- 
noides comme ditférenciation ultime du type pelma- 
Lozoaire. 

Mais, dès le début des temps primaires, il s'était 
détaché de la souche commune un autre rameau dont 
l'évolution a été bien différente; c’est lui qui a abouti 
aux Eleuthérozoaires actuels. Les Edrioastéridés au 
début ont encore des Amphoridés primitifs le corps 
sacciforme, dépourvu d’appendices et fixé par un point 
indeterminé de sa surface. Mais les cinq sillons ambu- 
lacraires qui rayonnent autour de la bouche sont 
couverts chacun d'une double rangée de plaques 
exothécales, et entre elles font saillie au dehors des 
podia où tubes ambulacraires, divertuicules des canaux 
aquifères sous-jacents, qui sont complètement étran- 
gers au type précédent. U'est la première apparition du 
type d'ambulacres caractéristique des Echinodermes 
actuels à vie libre, qui tirent ainsi tous leur origine des 
anciens Pelmatozoaires sédentaires. Un Edrioastéride 
typique (Stromatocystis, Édrioaster), vu par sa face 
orale, ressemble entièrement à une Astérie dont les 
bras ne se seraient pas encore prolongés au delà du. 
disque. On peut mème ajouter que c’est l'acquisition 
de ces appendices ambulacraires souples etcontractiles, 
dont l'extrémité a pu se différencier en ventouse pour 
la locomotion, qui a permis le retour à la vie vagabonde, 
à la libre recherche de la nourriture, et l’épanouisse- 
ment du type éleuthérozoaire en formes de plus en plus 


c 


BIBLIOGRAPHIE — ANALYSES ET INDEX 124 


multipliées, alors que le type pelmatozoaire sédentaire 
et immobilisé était de ce fait relativement frappé de 
_ caducité. 
— Les Astérides sont probablement le dernier groupe 
issu directement de formes fixées : l'Asterina montre, 
“en effet, dans son développement embryonnaire, une 
Janv pentactæa fixée par le lobe préoral et se recour- 


‘bant ensuite sur la face ventrale pour amener la bouche 
“en bas, avant d'assumer de nouveau la vie libre et de 
développer ses cinq bras. Les Holothurides ont dù se 
“détacher de la souche commune à un stade plus pré- 
coce, avant le complet développement du système sque- 
Jettique et avant l'achèvement de la symétrie pentamère, 
car l'organe génital est encore unique, et, d’ailleurs, les 
deux rangées ambulacraires latérales du trivium se 
développent plus tardivement que les trois autres. 
uant aux Echinides, ils se sont probablement détachés 
peu près en même temps et de la même manière que 
les Holothuries, car la Paléontologie enseigne que les 
remiers Oursins (Bothriocidaris, Echinocystis) avaient 
un corps flexible, à paroi musculaire, et couvert d'un 
revêtement uniforme de plaques irrégulières, parmi 
lesquelles les cinq doubles rangées de plaques ambula- 
craires ne se distinguaient des autres que par la pré- 
sence des pores pour le passage des podia. 
…— Mais il est à noter que toutes ces différenciations se 
sont produites rapidement, car tous les principaux 
types d'Echinodermes sont déjà représentés dès le 
Silurien inférieur. 
. On trouvera, dans le chapitre consacré aux généra- 
lités sur les Echinodermes (chap. vu), l'exposé des 
particularités anatomiques des formes actuelles qui 
ont été longtemps regardées comme énigmatiques, 
mais qui s'éclairent à la double lumière de l'Embryo- 
génie et de la Paléontologie, et qui s'interprètent aisé- 
ment par la théorie de l’évolution dont je viens de résu- 
mer les grandes lignes et les principaux arguments. 
G. Pruvor. 
Directeur du Laboratoire de Banyuls. 


4° Sciences médicales 


Jacquet (L.), Médecin des Hôpitaux. — Alcool. Ma- 
ladie. Mort. (apport sur l'alcoolisme dans les hôpi- 
taux parisiens, lu à la Sociélé médicale des Hopi- 
taux). — Bull. de la Soc. méd. des Hüp., Paris, 

- décembre 1900. 


Le D' Jacquet dénonce le péril alcoolique dans toute 

sa gravité. Il en étudie les causes et les modaïités, en 
détermine les conséquences pathologiques directes et 
indirectes et préconise les premières réformes que l'on 
doit accomplir pour combattre le fléau. 
» La lutte contre l'alcoolisme, dit-il, est le premier 
devoir social de ce temps. C'est une question de vie ou 
de mort pour la population francaise, stationnaire, et 
la plus alcoolisée du globe. : 

Comme exemple particulier de ce grand péril social, 
“le D' Jacquet résume les observations faites sur 4.74% 
malades répartis en 23 services de différents hôpitaux, 
“et représentant au point de vue morbide l'ensemble de 
la population parisienne. Ont été considérés comme 
- alcooliques, seuls les malades présentant des stigmates 
ou avouant absorber chaque jour au moins un litre et 

demi de vin et deux petits verres ou apéritifs, 
$ Les femmes, qui représentent près d’un tiers du total 

- général, comptent 10 v/, d’alcooliques ou alcoolisées. 
—…. Cette proportion est très inférieure à la réalité, car les 
_ femmes nient toujours s'alcooliser, et, d'autre part, les 
… stigmates sont inconstants. L’alcoolisation féminine, fai- 
— ble jusqu'à ces dernières années, progresse rapidement. 
| Les 4.744 malades se répartissent en 3.416 consul- 
“lants et 1.328 hospitalisés; 23°/, des premiers et 47 °/, 


des seconds sont alcoolisés ou alcooliques; l'écart de 
ces deux pourcentages est significatif. 

_ Sous quelles formes se fait l’intoxication? La con- 
sommation du vin et celle même de l’eau-de-vie et du 
rhum tendent à s'accroîlre suivant une progression 
- moins rapide que celle des boissons à essences, apéri- 


tifs, amers et quinquinas, mensongèrement proclamés 
hygiéniques. Mais l'absinthe les distance tous; elle de- 
vient par excellence la boisson nationale; elle s'infiltre 
dans la bourgeoisie et ruisselle dans la classe ouvrière. 

La qualité, le degré de pureté de ces breuvages est 
de mince importance: la quantité des impuretés est 
trop faible pour être très nocive. L'alcoolisme est ques- 
tion de quantité bien plus que de qualité. Et toutes les 
mesures législatives visant uniquement la rectification 
sont d'avance frappées d’absolue insuffisance. 

Quelle est l'expression pathologique de l'alcoolisme ? 
Sur les 30 °/, de ces malades intoxiqués, 5 °/, sont 
frappés d'affections spéciales, ou peu s’en faut, à l'alcool: 
gastrites, affections du foie, paralysies, etc., les autres 
sont atteints de maladies banales, qui trouvent en eux 
un terrain facilement attaquable et destructible; leur 
morbidité totale est fortement accrue, surtout sous la 
forme tuberculeuse : 88 à 90 °/, des phtisiques sont, en 
ellet, alcooliques. 

Les statistiques anglaises citées par le D' Jacquet font 
ressortir la plus grande morbidité des alcooliques et la 
résistance des sujets sobres. Les manouvriers et les 
cabaretiers subissent une mortalité plus de deux fois 
supérieure à la moyenne; celte mortalité est due, pour 
près des deux tiers, à l’alcoolisme ou à ses complica- 
tions, et pour le resté, à la phtisie. 

A Paris, où la consommation d'alcool a quintuplé en 
vingt ans, le maximum de mortalité s'observe, comme 
à Londres, parmi les professions intempérantes, et la 
phtisie y exerce de grands ravages. Pourtant, la mor- 
talité parisienne est en diminution; mais, si son taux 
s’abaisse pour un certain nombre de maladies infec- 
tieuses, il s'accroît fortement pour quelques maladies, 
qui, comme la cirrhose du foie et les népbrites, relèvent 
plus particulièrement de l'alcool. La phtisie à subi un 
recul, mais des plus modestes, et bien moins accentué 
que dans le reste de l'Europe. Enfin, la nalalité décroît, 
tandis qu'elle reste forte dans les autres pays. 

La suralcoolisatioe se répercute sur le budget de l’As- 
sistance publique. Tandis que de 1878 à 1896 la popu- 
lation parisienne augmentait de 23 °/,, les dépen-es du 
service de santé s'accroissaient de 57 °/,, et le chiffre 
des secours à domicile doublait, ou peu s’en faut, d’où 
une élévation de budget de 1# millions 1/2. Quant aux 
asiles d'aliénés, leur clientèle s'élevait de 450.000 
à 700.000 malades. 

Les médecins, il faut l'avouer, sont un peu respon- 
sables de cette poussée alcoolisatrice. Exagérant la 
vertu thérapeutique de l'alcool, ils ont prodigué les pré- 
parations alcoolisées, nocives et très onéreuses et 
prescrit à outrance Le vin de Champagne, dont la con- 
sommalion progresse rapidement. Cette alcoolisation 
médicamenteuse encourageant l’alcoolisation univer- 
selle, devait facilement entrainer une alcoolisation 
administrative: les infirmiers recoivent une allocation 
quotidienne de rhum, faible, mais bien inutile. ‘ 

Le danger est done multiple et pressant. Les conseils 
individuels sont vains; il faut organiser une action 
collective. L'alcoolisation médicamenteuse due aux mé- 
décins disparaîtra par leur effort : plus de potions 
alcoolisées, ni de vins médicamenteux. Une simple 
décision directoriale supprimera l’alcoolisat‘on admi- 
nistrative, un lieu convenable de réunion offert aux 
infirmiers pour y passer les heures de loisir, les atti- 
reràa hors du cabaret. 

Le grand alcoolisme politico-social est plus difficile 
À combattre, même sur le seul terrain hospitalier. Il 
faut, avec insistance, répéter aux ouvriers que l'alcool 
ne donne pas de forces, mais seulement surexcite, et 
est, en réalité, un poison. L'auteur propose de distri- 
buer à chaque sortant de l'hôpital un mémento suceinet 
des dangers dont l'alcool, sous ses différentes [ormes, 
menace aussi bien l'individu que sa descendance. Une 
Commission permanente de l'alcoolisme, veillant à 
l'exécution des rélormes adoplées, en préparant de 
nouvelles, assurerait la continuité et la progression de 
l'effort antialcoolique. F, TRÉMOLIÈRES. 


ACADÉMIES ET SOCIÉTÉS SAVANTES 


ACADÉMIES ET SOCIÉTÉS SAVANTES 


DE LA FRANCE ET 


ACADÉMIE DES SCIENCES DE PARIS 


Séance du 1°" Juillet 1901. 


4° SCIENCES MATHÉMATIQUES. — M. G. Bigourdan com- 
munique la liste des nébuleuses nouvelles qu'il a dé- 
couvertes à l'Observatoire de Paris. — MM. Doué et 
Rivet ont observé en mer, entre Tahiti et Panama, la 
comète de mai 4901. — M. A. Seligmann-Lui donne 
l'interprétation mécanique suivante du second prin- 
cipe de la Thermodynamique : Soit un système en 
mouvement permanent. Si l’état d'équilibre vient à ces- 
ser par suite d'une modification infiniment petite, le 
système tendra à prendre un état d'équilibre nouveau. 
Ce déplacement se fera dans le sens des forces agis- 
santes, qui produiront un travail positif, de sorte que 
l'énergie cinétique du système ira toujours croissant. 

20 ScrENCES PHYSIQUES. — MM. J. de Kowalski et J. 
de Modzelewski ont calculé les indices de réfraction : 
des mélanges de liquides par la loi des mélanges, et 
out obtenu des résultats concordant avec l'expérience. 
Pour les constantes diélectriques, on trouve au con- 
traire des anomalies qui s'expliquent en admettant que 
c'est l'absorption dans l’infra-rouge qui change dans 
ces mélangesd'une manière irrégulière. — M. F. Lar- 
roque a reco nu que les ondes hertziennes émises par 
certains masnfs orageux étaient susceptibles de par- 
venir par propagation successive à des distances énor- 
mes en suivant la moyenne et la haute atmosphère. — 
M. M. Berthelot a constaté que le rapport entre une 
molécule d'acide phosphorique combinée et le nombre 
d'équivalents des bases alcalino-terreuses qui concou- 
rent à saturer cette molécule dans les phosphates pré- 
cipités, varie depuis 2 jusqu à 4 équivalents, suivant la 
nature et les proportions relatives des corps mis en 
présence, acides et bases libres ou combinées, chlorures 
alcalino-terreux, etc, Ces variations sont d’ailleurs 
fonction du temps écoulé depuis le commencement des 
réactions. — MM. A. Astruc et J. Tarbouriech ont re- 
connu que la saturation de l'acide arsénique et de 
l'acide phosphorique par les bases alcalines ne présente 
pas de différences sensibles ; au contraire, elle diffère 
sur plusieurs points avec les bases alcalino-terreuses; 
en particulier, le sel trimétallique obtenu à froid et en 
liqueur étendue par l'acide arsénique, en présence des 
alcalis et d’un excès de chlorures alcalino-terreux, se 
transforme en dimétallique dès qu'on sature l'excès de 
base par un acide titré, ce qui n’a pas lieu pour l'acide 
phosphorique.— M. H. Moissan indique la préparation 
et les propriétés de la fonte de niobium (p. 726). — 
— M. A. Helbronner, en faisant réagir un éther de 
l'aldéhyde G-oxy-«-naphtoïque sur le camphre sodé, a 
obtenu l’éthoxynaphtalcamphre : 


= CH — C'°HS — OC°H* 


œuu£ Ÿ 
SN CO 
Par réduction, il fixe deux H à la double liaison. — 
MM. A. Seyewetz et G. Blane ont obtenu, en mélan- 
geant le tétrazotolylsulfite de soude avec l’éthylnaphty- 
lamine-$, une combinaison non colorante qui, après 
avoir été isolée, est susceptible de donner, sous l'action 
de la lumière, la même matière colorante que le mé- 
lange prolongé des réac'ifs. — M. G. Martine a cons- 
taté que le menthol sodé se comporte comme le bornéol 
sodé vis-à-vis de l’aldéhyde benzoïque, et qu'il donne 
de la benzylidènementhone. La réaction se passe néan- 
moins en partie suivant l'équation donnée par Claissen. 


DE L'ÉTRANGER 


La benzylidènementhone peut aussi être obtenue en 
traitant la menthone sodée par l’aldéhyde benzoïque. 
M. Fr. March, en faisant agir la bromacétophénone 
sur l'acétylacétone sodée, a obtenu une tricétone 
(CH3.CO0)?CH.CH?.CO.C'H"; c’est le diacétylbenzoylmé- 


thane. 11 est décomposé par la soude en acétophénona-" 


célone eten acide acétique.— M. F. Leteur, en faisant 
passer un courant de H°S dans une solution chlorhy- 
drique d'acétylacétone, a obtenu un corps cristallisé, 
fondant à 162°-1630,5, de formule (C'H*S?}?. — M. H. 
Hérissey a constaté l'influence, nettement favorable, 
qu'exerce le fluorure de sodium dans la digestion, par 


la séminase, des hydrates de carbone des albumens « 


cornés; en qualité d'antiseptique, il empêche, en outre, 
l'invasion des microorganismes. — M. H. Causse indi- 
que une nouvelle réaction caractéristique des eaux 
pures. Lorsqu'on y verse une solution sulfureuse et 


incolore de violet cristallisé, la couleur primitive réap- 


paraît, surtout si l'on chauffe à 35-400, Avec les eaux 


souillées ou contenant de l’oxysulfo-carbonate de fer, la M 


coloration ne réapparaît ni à chaud, ni à froid, 

30 SCIENCES NATURELLES. — MM. A. Charrin et G. 
Delamare ont observé des tares cellulaires précises 
et identiques chez des ascendants et des descendants. 
Toutefois, on ne peut conclure forcément à l'inter- 
vention de l'hérédité cellulaire, car il se peut que, chez 
la mère et l'enfant, les mêmes groupes cellulaires aient 
été soumis à l’action altérante des mêmes agents mor- 


bifiques. — M. M. Nicloux a constaté, par des expé- 


riences sur le cobaye et le chien, que l’oxyde de carbone 
respiré par la mère passe du sang de la mère dans 
celui du fœtus. Il n'y a pas simple diffusion, mais 
dissociation, au niveau du placenta, de l'hémoglobine 
oxycarbonée contenue dans le sang maternel.—MM. De- 
noyès, Martre et Rouvière ont constaté que les 
courants de haute fréquence agissent sur la sécrétion: 
urinaire en produisant une augmentation du volume 
d'urine, de l’urée, de l’acide urique, de l'azote total, 
du rapport azoturique, des phosphates, des sulfates et 
des chlorures éliminés en vingt-quatre heures. — M.P. 
Vignon pense qu'en dehors des cas où la présence du 
granule appelé centrosome coexiste avec une différen- 
ciation caractéristique d'un état d'équilibre déterminé, 
les centrosomes, organes obligatoirement dynamiques, 
se comporteraient comme des substances inertes. — 
M. G. Chauveaud a étudié le développement de la 
racine des Cryptogames vasculaires. La séparation tardive 
de l'écorce et de la stèle se traduit par la superposition 
radiale de leurs cellules (Fougères, Salviniacées), tandis 
que la séparation hâtive se traduit par l'alternance de 
leurs cellules (Equisétacées). — M. R. Bouilhac a 
observé que le saccharose, le maltose et l’amidon 
sont susceptibles de remplacer le glucose pour cultiver 
le Nostoc punctiforme mal éclairé. Avec le lactose, on 
n'obtient qu'une très faible végétation. — M. H. Devaux 
a constaté la fixation, par la paroi cellulaire des jeunes 
plantes, des métaux suivants : K, Li, Na, Ca, Sr, Ba, 
Fe, Ni, Co, Cd, Cu, Pb, Ag. La proportion de métal 
fixé est toujours faible pour tous les métaux; par 
contre, l'énergie de fixation est assez grande, car elle 
se produit encore dans des solutions très diluées. — 
MM. F. Pearce et L. Dupare ont rencontré, dans un 
gabbro à olivine de l’Oural, des feldspaths basiques du 
groupe de l’anorthite mäclés selon la macle du péri- 
cline; la macle de l’albite est rare. — M. G. B. M. 
Flamand annonce la découverte, dans le Sahara ocei- 
dental (Gourara, Archipel touatien), de fossiles, tels 
que la Calceola sandalina, qui caractérisent nettement 
la présence du Dévonien moyen dans ces régions. 


ACADÉMIES ET SOCIÉTÉS SAVANTES 


123 


Séance du 8 Juillet 1901. 


1° SCIENCES MATHÉMATIQUES. + M. G. Bigourdan com- 
munique la suite de la liste des nébuleuses nouvelles 
qu'il a découvertes à l'Observaloire de Paris. — M. H. 
Morize envoie les observations de la comète Hall (1901 à) 
qu'il a faites à l'Observatoire de Rio de Janeiro. — 
“M. J. Guillaume communique ses observations du 
“Soleil faites à l'Observatoire de Lyon pendant le premier 
mrimestre de 1901. Les taches ont diminué tant en 
— nombre qu'en étendue, Les facules ont aussi diminué. 
M. Demartres démontre le théorème suivant : Pour 
“qu'une surface soit de révolution, il faut et il suffit 
“qu'elle soit divisée en carrés par deux familles de 
“lignes dont les courbures soient dans un rapport 
constant; toute surface de révolution admet une infi- 
nité de pareils systèmes; les courbes qui les composent 
*sout des loxodromies. L'alysséide est caractérisée par 
le fait que, dans chaque réseau, chacune des deux 
courbes géodésiques, séparément, reste conslante. 
— 20 SCIENCES PHYSIQUES. — M. Ch. Pollak fait remar- 
—_quer qu'on ne peul praliquement mettre en série des 
… voltamètres disjoncteurs de courant à lame d'alumi- 
“ nium, à moins de mettre en dérivation sur ces volta- 
… mètres des résistances convenablement choisies pour 
leur donner le même débit.-— M. V. Auger, en fondant 
“l'azotate de manganèse avec l'acide phosphorique, a 
obtenu un pyrophosphate Mn“P°0*!,14H°0. Par l’action 
À de l'acide phosphorique sur le bioxyde de manganèse, 
il a obtenu du métaphosphate manganique MnP*0?, — 
M. L. Henry rappelle, à propos du récent mémoire de 
M. Descudé, qu'il a fait réagir le chlorure d'acétyle sur 
le méthanal polymérisé et a obtenu le chloroacé- 
tate de méthylène. Avec le chlorure de benzoyle, en 
présence de ZnCl, on obtient le chlorohbenzoate de 
….néthylène. — MM. L. Bouveault el A. Bongert ont 
_ fait réagir les amines substituées sur le produit de ni- 
- tation e l'éther acétylacétique. Avec la diéthylamine, 
on obtient le sel de diéthylamine d’un acide CTHAz*0#, 
— Avec la diméthylamine, on obtient le sel de diméthyla- 
nine d’un acide C‘H7A7°05 et d'autre part, de l'alcool 
“et du diméthyluréthane. — MM. Ch. Moureu et R. 
Delange, en faisant réagirles éthers formiques RH.C:0 
sur les carbures acétyléniques sodés R.C:CNa, ont 
réalisé la synthèse des aldéhydes acétyléniques 
…R.C:C.CHO. Ceux-ci, sous l'influence des solutions 
alcalines bouillantes, régénèrent le carbure acélylé- 
& nique et donnent des formiates alcalins. — MM. A. 
“Haller et J. Minguin ont reconnu que l'acide non 
saturé COOH.C8H'#.CH:CH.CSHS qui prend naissance 
“quand on traite le benzylidènecamphre à chaud par 
HBr, ou le benzylcamphre bromé par de la potasse ou 
de l'’ammoniaque alcoolique, fixe une molécule d'HBr 
: pour fournir l'acide phénylbromohomocampholique : 
COOH.C#H'#CH2CHBrC°H5. L'action du brome sur le 
… benzylcamphre droit donne deux benzylcamphres bro- 
— més stéréoisomères (I) différant du benzyleamphre 


# bromé (Il) : 


À CBr.CH®.C°H5 CH.CHBr. CA 
\ cpu | CH | 

| Nco Nco 

@) (11) 

“ — M. R. Fosse décrit les propriétés des dérivés du 
. dinaphtoxanthène (p. 682). — M. A. Astruc a éludié 


* l'action des alcaloïdes végétaux sur quelques réactifs 
indicateurs. Ils agissent d’une façon différente, non 
seulement suivant le groupe auquel ils appartiennent, 
mais encore suivant le pouvoir dissociant du liquide 
dans lequel ils sont dissous. 

3° SCIENCES NATURELLES. — M. A. d’Arsonval rappelle 
que les cellules microbiennes ne sont pas tuées par un 
séjour prolongé dans l'air liquide. Cette résistance à la 
congélation peut s'expliquer par le fait de l'énorme 
pression osmotique qui existe dans ces petites cellules, 
pression qui abaisse considérablement le point de con- 
gélation de l’eau. Si l’on abaisse la tension osmotique 


des cellules de levure de bière en les plongeant dans 
des solutions hypertoniques, elles ne résistent plus à 
un abaissement de température. — M. P. Bonnier ré- 
pond à la note de M. Marage sur la conductibilité acous- 
tique et l'audition. — MM. N. Vaschide et C1. Vurpas 
ont terminé l'examen histologique du système nerveux 
de leur anencéphale. La disparition complète du fais- 
ceau pyramidal, malgré l'intégrité relative du faisceau 
sensitif, semble prouver qu'il peut y avoir des mouve- 
ments spontanés ou associés en l'absence totale du 
faisceau pyramidal. Une intégrité à peu près parfaite du 
système musculaire a coexisté avec la dégénérescence 
des cellules nerveuses sur toute la hauteur du névraxe. 
— M. Ch. Lepierre a constaté que presque tous les 
microbes, pathogènes ou non, poussent parfaitement 
dans les liquides où l'azote est exclusivement fourni 
par les glucoprotéines &«. — M. H. Stassano établit 
que les leucocytes ont une part prépondérante dans 
l'élimination de toutes les substances introduites dans 
l'organisme. — M. J. Beauverie montre que la forme 
du Botrytis cinerea faisant le passage de la forme coni- 
dienne normale à la forme stérile dite toile, peut ser- 
vir à immuniser les plantes contre les atteintes de 
celles-ci. — M. F. Parmentier a examiné l'eau de la 
source intermittente de Vesse, près de Vichy. Comme 
minéralisation et teneur en bicarbonate de soude, cette 
source peut rivaliser avec ses voisines. Elle est com- 
plètement stérile et se conserve remarquablement 


bien, Louis BRUNET, 
ACADÉMIE DE MÉDECINE 
Séance du 25 Juin 1901. 
M. Troisier est élu membre titulaire dans la Section 
de Pathologie médicale. — M, Galtier (de Lyon) est 
élu Associé national. — MM. Livon {de Marseille) et 


Motais (d'Angers) sont élus Correspondants nationaux 
dans Ja Division de Médecine. 

M. J.-V. Laborde présente un nouvel appareil audi- 
phone portatif construit avec le concours de M. F. Dus- 
saud. — M. M. de Fleury lit un mémoire sur quelques 
graphiques de la pression sanguine et de l’état des forces 
chez les neurasthéniques. 


Séance du 2 Juillet 1901. 


M. Bureau est élu membre titulaire dans la Section 
de Thérapeutique et d'Histoire naturelle médicale. 

M. François-Franck présente un rapport sur les 
travaux présentés au Concours pour le Prix de l'Aca- 
démie. — M. H. Rendu lit un rapport sur un mémoire 
de M. Martin du Magny intitulé : Accidents pul- . 
monaires conséculifs aux lésions du nez, de ses cavités 
accessoires, de l'oreille et de la région rétropharyngée. 
L'auteur montre que des congestions pulmonaires et 
des broncho-pneumonies sont fréquemment le résultat 
de la propagation directe d'une inflammation naso- 
pharyngée. La cause initiale de ces phegmasies bron- 
chopulmonaires est un écoulement purulent qui prend 
sa source dans le nez, les sinus frontaux ou maxil- 
laires, l'oreille et le pharynx. L’ensemencement direct 
de cet écoulement crée la maladie pulmonaire, — 
M. A. Gautier lit la première partie d'un mémoire sur 
la médicatiou par l’arsenic latent. — MM. Jullien et 
Justin de Lisle présentent un mémoire intitulé 
Recherches bactériologiques sur la syphilis. 


Séance du 9 Juillet 1901. 


MM. Istrati (de Bucarest) et Ladenburg (de Breslau) 
sont élus Correspondants étrangers. ; 

M. François-Franck présente un rapport sur les 
mémoires déposés pour le Prix Louis. — M. Richelot 
lit le Rapport sur le Prix Daudet. — M. A. Gautier 
termine la lecture de son mémoire sur la médication 
par l’asenic latent. En voici les conclusions : Les pré- 
parations cacodyliques rendent de remarquables ser- 
vices dans les affections les plus diverses, et particu- 
lièrement dans les maladies consomptives, la tuber- 


1 

19 

= 
, 


ACADÉMIES ET SOCIÉTÉS SAVANTES 


culose pulmonaire au premier et au second degrés, 
les tuberculoses osseuses et viscérales, le diabète, les 
neurasthénies avec dépérissement général et affaiblis- 
sement des fonctions, les troubles de la vision, l'intoxi- 
cation palustre, la grippe, les anémies graves, l'asthme, 
la chorée, les longues convalescences, les blessures 
avec perte de substances, les fractures, les suites de 
grossesses répétées, les vomissements incoercibles, le 
myxædème, les maladies de la peau, etc. Elles ont 
donné des résultats variables ou douteux dans la ma- 
Jadie de Parkinson, les dégénérescences qui accompa- 
gnent les troubles psychiques et le cancer. La méthode 
de choix pour l'administration de ces préparations est 
la voie hypodermique. Elles peuvent être employées 
durant des années consécutives sans provoquer aucun 
désordre de la nutrition, aucune congestion du côté du 
foie, des reins, du tube intestinal, des centres nerveux, 
de la peau. Elles agissent en excitant la reproduction 
des cellules, multipliant les hématies, rajennissant les 
tissus et conférant à l’économie une extraordinaire 
résistance aux déchéances de cause morbide. — M. V. 
Babes et Mlle H. Densusianu ont observé divers cas 
de néphrites pyramidales hématoyènes dans des infec- 
tions aiguës. Les lésions papillaires étaient analogues 
à celles observées par M. Levaditi dans des empoisonne- 
ments pardes poisons chimiques — M.P. Budin montre 
l'importance que présente l'exploration de la cavité uté- 
rine dans le traitement de l'infection puerpérale. Si, de la 
fièvre survenant chez une femme récemment accouchée, 
l'on constate dans l'utérus la présence de caillots 
fétides ou non, les enlever et laver la cavité de l’organe 
peut suflire. Si la muqueuse de la matrice est atteinte, 
surtout au niveau de la caduque inter-utéro-placen- 
taire, il faut sans hésitation procéder au curage digital 
et à l'écouvillonnage; lorsqu'on intervient vite, la gué- 
rison est habituellement très rapide. Si l'infection dure 
depuis quelques jours lorsqu'on pratique le nettoyage, 
la guérison est plus lente, car il y a eu pénétration 
des germes ou des toxines dans l'économie. Si l’infec- 
tion dure depuis longtemps, ou si elle est très grave, 
la mort peut survenir. 


SOCIÉTÉ DE BIOLOGIE 
Séance du 22 Juin 1904. 


M. Ch. Féré a étudié l'influence des excitations 
visuelles sur la fatizue dans le travail. L’excitalion à 
une des doses les plus favorables, si l'on considère les 
effets primitifs, donne encore un déficit de plus d'un 
tiers relalivement au travail exécuté sans excilant. — 
M. A. Giard, à propos de l'invasion des Charentes par 
les Acridiens, rappelle qu'il a montré que la multipli- 
cation exagérée de ces Insectes coïncide avec les 
années de minimum des taches solaires. En se basant 
sur ce fait, on devrait détruire à l'avance les œufs de 
ces animaux. — MM. F. Widal et L. Le Sourd ont 
constaté que la réaction de fixation de Bordet est aussi 
neite sur les bacilles tués par la chaleur que sur les 
bacilles vivants. — MM. J. Ville et J. Moiïitessier ont 
reconnu que l'urine ne renferme pas de chlore à l’état 
de composés chloro-organiques. — M. F. Arloing 
montre que les différences dans la rapidité de la coagu- 
lation du sang peuvent recevoir des interprétations 
variées, et que la rétraclilité du caillot n’est pas tou- 
jours en raison inverse de la coagulation. — M. F. Tour- 
neux à étudié le revêtement endothélial des tendons 
de la queue des Rongeurs. Chaque cellule tendineuse 
superficielle se compose : 1° d'un corps protoplasmique 
s'étalant à la surface du tendon et s'anastomosant avec 
les expansions des éléments voisins; 2 d'une lame 
superficielle individualisée et pouvant être délimitée 
par les imprégnations au nitrate d'argent. — MM. A. 
Laveran et KF. Mesnil ont constaté que le Trypano- 
some de la Grenouille verte présente toutes les particu- 
larités que Wasielewsky et Senn regardent comme 
caractéristiques du genre Âerpetomonas. Dans ces 
conditions, ce genre doit disparaître et le nom géné- 


rique Zrypanosoma servira seul à désigner tous les 
Flagellés parasites du sang des Vertébrés, du moins 
tous ceux connus jusqu ici. — MM. Legros et Lecène 
ont trouvé, dans un cas de gangrène gazeuse aiguë 
mortelle, un bacille particulier, non encore décrit; 
qu'ils nomment hacille septique aérobie. — MM. Ch: 
Richet et J.-Ch. Roux ont traité la méningite tuber- 
culeuse expérimentale par la zomothérapie. La morta= 
lité est tombée de 100 % chez les animaux témoins, à" 
75 % chez les animaux nourris avec de la viande crue. 
— M. G. Weiss énonce la loi suivante : Si deux 
ondes inverses l’une de l’autre sont assez courtes et se 
succèdent assez rapidement pour que l'ensemble des 
opérations tombe dans la période latente, au moment 
où l'on arrive au seuil de l'excitation, l’une seule des 
deux ondes est active; l’autre peut être supprimée 
sans rien changer au résultat. — MM. Barjon et Cade 
ont cherché la formule cytologique des pleurésies par 
infarctus chez les cardiaques. La formule diffère de 
celle de l'hydrothorax : 1° par la richesse du liquide en 
éléments figurés; 2 par l'abondance des polynucléaires. 
— M.J. Rehns a constaté que l'absorption des toxines, 
agglutinines, etc., injectées au niveau des voies respi- 
ratoires, est aussi rapide qu'après introduction sous- 
cutanée. — M. J. Païillard présente un appareil ayant 
pour but d'injecter directement le liquide contenu 
dans une ampoule quelconque. — M. Rappin a observé 
que l’urée empêche le développement des cultures de 
tuberculose en houillon. — M. Cololian a observé que 
la sensibilité des poissons de mer et des poissons d’eau 
douce aux différents poisons est la même. — M. Cha- 
vigny indique quelques troubles sensitifs qui carac- 
térisent les traumatismes articulaires, les hydarthroses 
en particulier. 


Séance du 29 Juin 1901. 


M. Ch. Féré a étudié l'influence du haschich sur le 
travail. A l'excitation du début succède une dépression 
qui ne fait que s'accentuer, de sorte que le travail total 
est inférieur au travail normal. — MM. Benoit et 
Roussel ont constaté que le cobaye est un animal 
réactif excellent pour la vaccination jennérienne; Pin- 
fection provoquée prut être transportée sur la génisse. … 
— M. R. Dubois a isolé des organes photogènes de la 
pholade dactyle, par son procédé de dissociation plasti- 
daire (dialyse chloroformique), une substance qui donne 
de la lumière par oxydation. — M. Milian pense que 
les expériences de M. F. Arloing n'infirment pas sa 
théorie sur l'influence de la peau dans la coagulation 
du sang, car M. Arloing a étudié des hémorragies abon- 
dantes. — MM. Tuffier et Milian ont reconnu que le 
liquide de l'hémarthrose est incoagulable. — MM. N. 
Vaschide et L. Marchand ont ohservé un cas d’anes- 
thésie gustative des deux tiers antérieurs de la surlace 
supérieure de la langue avec hypoesthésie tactile causées 
par une lésion de la corde du tympan. — M. Mauclaire 
a essayé les injections iodoformées par la voie épidu= 
rale pour traiter cerlaines formes de mal de Pott. Ces 
injections n'ont eu aucun mauvais résullat et pourront 
être employées utilement comme adjuvant à l'immobi- 
lisation. — MM. Ch. Achard el A. Clerc ont observé 
un abaissement léger du pouvoir amylolytique du sérum 
sanguin chez les diabétiques, et un abaissement très 
marqué dans les cachexies, présageant la mort à bref 
délai. La pilocarpine, à dose hypertoxique, exalte mani- 
festement l'activité de l’amylase sanguine. — M. M. Ni- 
cloux a constaté le passage de l’oxyde de carbone de 
la mère au fœtus (p. 722). — M. E. Weil pense que les 
organes hématopoiétiques réagissent dans la cyanose 
pour produire l'hyperglobulie; mais leur participation 
n'est ni uniforme, ni constante. — MM. E. Cassaet et 
G. Saux ont trouvé aue la toxicité du suc gastrique est 
à peu près deux fois plus élevée que celle de la macé- 
ration de viande préparée dans des conditions identi- 
ques. — MM. G. Rosenthal et G.-A. Weïill établissent 
qu'il est possible d'utiliser l'injection intra-trachéale et 
l'absorption pulmonaire dans le traitement des maladies 


aiguës et chroniques, surtout dans les affections des 
voies respiratoires. Ils indiquent la technique qu'ils ont 
usitée dans ces injections. — M. J.-F. Ferrier a éludié 
par la radiographie l'élargissement du pied pendant la 
marche. Son rôle est probablement d'accroître l’élasti- 
cité du pied, il ne doit pas être contrarié par la forme 
. des chaussures. 


SOCIÉTÉ FRANÇAISE DE PHYSIQUE 
à Séance du 5 Juillet 1901. 


M. L. Benoist avait élabli, dans ses recherches 
antérieures, que l'absorption des rayons X ne dépend 
pas uniquement de la masse des corps qu'ils traversent, 
suais aussi de la nature de ces corps et de La qualité des 
“rayons X employés. Pour étudier complètement l’in- 
“ilueuce de ces divers facteurs, il a principalement 
“employé la méthode de l'écran fluorescent convena- 
“plement perfectionnée. L'étude a porté sur la plus 
“srande partie des corps simples et sur un nombre con- 
Denis ve de leurs composés. Chaque corps a été carac- 


“iérisé par la masse qui, réparhe sur un centimètre 
_cairé de base, produit sur les rayons X employés une 
nsorption d'ordre déterminé. C'est ce qui constitue 
l'équivalent de transparence de ce corps vis-à-vis d’un 
étalon de transparence convenablement choisi. On 
“reconnait ainsi que l'équivalent de transparence d'un 
“corps, pour un inème élalon et une même espèce de 
“rayons X, a une valeur constante indépendante des 
“changements d'état physique, des groupements molécu- 
“aires ou atomiques quelconques que ce corps peut pré- 
Door, mais fonction uuiquewuent du poids atomique de 
ce corps ou des corps simples qui le composent. En por- 
ci les poids atomiques en abscisses et les équivalents 


de transparence en ordonnées, on oblient la courbe 
…d'isotranspar2nce des corps simples pour la qualité de 
rayons X considérés. En moditiant cette qualité, en 
“changeant l'épaisseur élalon, en interposant des écrans, 
Rec on obtient un faisceau de courbes qui donnent 
… les lois générales de trausparence de la matière pour les 
rayons À. La principale peut se résumer ainsi : L'opa- 
cité spécilique de la matière pour les rayons X est une 
pr'opriélé additive et essentiellement atomique. Cette 
“opacité, dans le cas des corps Simples, est une fonction 
“termine et généralement croissante de leur poids 
, atomique. Ces courbes donnent aussi les lois du radio- 


«chroisme, c'est-à-dire de l'absorption sélective exercée 


par la matière sur les rayons X. Ce radiochroisme aug- 
unente, en général, avec le poids atomique, en présen- 
tant toutefois, dans le cas de rayons assez mous, un 
minimum remarquable dans la région de l'argent. 
D'autres applications de ces courbes et de ces lois sont : 
1° La définition précise de chaque qualité de rayons X ; 
2° La classilication des rayons X, des rayons secon- 
daires, des rayons de l'uranium et du radium, etc. ; 
3° La caractérisation précise des tubes radiogènes et de 
leurs différents états (on peut construire des échelles 
: de teintes, ou chronometres, formées par des couples 
de corps de radiochroisme tres différent) ; 4 Le pertec- 
 tionnement des tubes radiogènes, en permettant d'uti- 
 liser le rapport qu'elles signalent entre le pouvoir absor- 
bant d'une substance, pour une qualité donnée de rayons 
X, et le pouvoir émissil de ce corps pour cetle mème qua- 
lité, lorsqu'il sert d’anticathode ; 5° La détermination ou 
la vérilicatiou des poids atomiques des corps simples par 
uue méthode plus générale et plus précise que celle de 
Dulong et Petit, avec un contrôle précieux fourni par le 
radiochroisme (c'est ainsi que M. L. Benoist a pu 
.… démontrer que ie poids atomique de l'indium doit être 
113,4 et non 75,6); 6° Enfin, une méthode générale 
d'analyse des composés et des mélanges, méthode 
pouvant dès à présent donner une précision qui dépasse 
Souvent l’ordre du millième. Au sujet de la Communi- 
cation de M. L. Benoist, M. P. Villard rapproche les 
anomalies de trausparence aux rayons X observées par 
M: Benoist pour les métaux voisins de l'argent et les 
anomalies analogues que M. Villard a observées lui- 


4 08 


ACADÉMIES ET SOCIÉTÉS SAVANTES 


195 


même en étudiant l'intensité de l'émission des rayons X 
par une anticathode formée de divers métaux juxta- 
posés, étudiée pendant son fonctionnement en faisant 
l'image de cette anticathode sur une plaque radiogra- 
phique au moyen d'une chambre noire de Pora. M. G. 
Sagnac rappelle que des anomalies du même genre 
ont été déjà signalées par lui pour l’activité et le degré 
de translormation des rayons secondaires émis dans le 
vide (ou dans l’air à une distance suffisamment petite) 
par des métaux divers. C’est ainsi que le fer et. le 
nickel, toutes choses égales d’ailleurs, émettent des 
rayons secondaires plus actifs que ceux du ziuc et 
surtout que ceux du cuivre, bien que l’ordre des poids 
atomiques décroissants soit précisément d'ordre inverse. 
— M. A. Champigny : loyers conjugués des pinceaux 
lumineux obliques à une surface sphérique réfringente. 
Formule de Thomas Young. Applications. Soient P et 
Q les distances d'un point lumineux A et de son con- 
Jugué B, comptées à partir de la surface réfringente 
sur les rayons incident et réfracté. On sait que, x 
désignant l'indice de réfraction el R le rayon de la 
suriace sphérique réfringente, on a, dans le cas des 
rayons centraux : 


Depuis longtemps, Thomas Young a établi, par des 
considérations géométriques, une formule qui résout 
le problème dans le cas où l'on considère un pinceau 
lumiueux tombant sur la surface réfringente sous une 
incidence quelconque 7. Si r est l'angle de réfraction, 
cette formule est : 


Rcosi+P_, 
Rcosr+Q 


cos r P 
cos i Q° 


M. A. Champigny insiste sur l'importance de cette 
formule, dont il expose une démonstration très simple : 
il considère le triangle AMN dont le sommet est le 
point lumineux A, et dont la base est définie par la 
largeur du pinceau lumineux à sa rencontre avec la 
suriace sphérique réfringente. La relation des sinus 
donne daus ce triangle : 

sas 


Cosi di—do 
en appelant 0 l'angle sous lequel la longueur P — AM 
est vue du centre O de la surface réfriugente. On a 
ainsi : 
(R cos À + P)do = Pdi, 
Le triangle BMN donne de même : 
(R cos r + Q)do = Qdr 


d’où l’on déduit la formule de Thomas Young en divi- 
sant membre à membre ces deux relations et rempla- 

di cos r 
cant — par sa valeur 
ÿ dr cos 1 


La formule de Young permet, pour un pinceau 
d'ouverture quelconque, de donner, point par point, la 
surface conjuguée qui est le lieu de tous les pinceaux 
étroits de sominet commun A. On peut ainsi aborder 
la question des aberrations sphériques et faire d'une 
manière systématique la théorie des objectifs de mi- 
croscope et des ovjectifs photographiques qui sont 
grand-angulaires. M. A. Cornu rappelle qu'il a fait con- 
naître en 1863, dans les Vouvelles Annales de Mathé- 
matiques, une construclion géométrique qui permet de 
trouver très simplement le point B correspondant au 
point lumineux A, pour chaque pinceau incident. — 
Au nom de M. Damien, M. G. Sagnac présente un 
appareil, construit par M. Pellin, qui permet de 
produire les phénomènes d’interférence dus à la 
biréfringence crculaire, analogues aux phénomènes 
dus à la birélringence rectiligne, déjà présentés à la 
Sociélé de Physique dans la séance du 15 Mars 1901. 
M. Pellin projette devant la Société les anciennes 


726 


expériences, pnis les nouvelles. Dans les secondes, on 
fait intervenir la biréfringence circulaire en rempla- 
cant les cuvettes de quartz de Biot par des cuvette de 
quartz dont la face plane, au lieu d'être parallèle à 
l'axe, est perpendiculaire à l'axe du quartz. Les franges 
de soustraction, analogues aux franges des prismes de 
Sénarmont, sont produites en projetant l’image de deux 
telles cuvettes formées de quartz de signes contraires, 
superposées avec leurs centres distincts et placées entre 
deux nicols croisés. Les anneaux d'addition s'obtien- 
nent de même avec deux cuvettes formées de quartz de 
même signe; seulement, à cause de la faiblesse de la 
biréfringence circulaire comparée à la biréfringence 
rectiligne, les cuvettes doivent être ici très profondes. 
Elles ont été taillées par M. Pellin en hémisphères de 
18 millimètres de rayon. Pour empêcher les rayons 
d'être fortement déviés aux bords de la cuvette ou 
réfléchis totalement, un hémisphère de verre, d'indice 
voisin de l'indice ordinaire du quartz, a été collé au 
baume de Canada dans la cuvette de quartz; chaque 
quartz à ainsi l'apparence d'un cylindre transparent. 
L'épaisseur (32,5) du quartz au centre de la cuvette a 
été compensée par une lame de quartz perpendiculaire 
à l'axe de même épaisseur et de signe opposé collée 
sur la face plane de la cuvette. Un tel système, placé 
entre deux nicols à l’extigction et projeté, présente 
des anneaux à centre noir produits par la biréfringence 
circulaire, comme les anneaux classiques de la cuvette 
de Biot sont produits par la biréfringence rectiligne. Ce 
sont les franges primaires des nouvelles expériences 
de M. Damien, lesquelles produisent, quand il y a deux 
systèmes de cuvettes superposés, les franges secon- 
daires d’addition ou de soustraction, 


SOCIÉTÉ CHIMIQUE DE PARIS 


Séance du 28 Juin 1901 (suite). 


M. H. Moissan expose des recherches sur la fonte 
de niobium. L'emploi du four électrique lui a permis 
d'obtenir avec facilité, à partir de la niobite naturelle, 
une fonte mixte de niobiumet de tantale, de laquelle, en 
appliquant la méthode de Marignac, on peut séparer le 
niobium et le tantale sous forme de composés oxygénés. 
L'acide niobique, qui est irréductible par le charbon à 
la plus haute température de nos fourneaux ordinaires 
et à celle du chalumeau à gaz oxygène, peut être ré- 
duit au four électrique et donner une fonte très dure, 
ne contenant qu'une petite quantité de carbone com- 
biné. Cette fonte, qui reste solide à la température de 
fusion du platine, qui est à peu près inattaquable par 
les acides, qui n’exerce pas d'action au rouge sur la 
vapeur d’eau, qui brüle dans l'oxygène avec facilité en 
produisant un acide stable, possède en même temps 
des propriétés réductrices très curieuses. Cet ensemble 
de réactions éloigne le niobium des métaux et rap- 
procne ce corps simple du bore et du silicium. — 
M. V. Thomas, continuant ses recherches sur les chlo- 
robromures de thallium, a pu isoler les aiguilles 
orangées qui se produisent par l’action du Br sur le 
chlorure thalleux en présence de l’eau. Ges aiguilles 
correspondent à la formule TClBr. Sous l'influence 
d’une chaleur ménagée, elles deviennent d’un rouge 
intense et se décomposent ensuite lorsqu'on les chauffe 
à température élévée. Un chlorobromure TICIBr? + aq. 
s'obtient très facilement en grandes aiguilles inco- 
lores, en ajoutant du brome à une solution aqueuse 
renfermant TICI en suspension. On obtient ainsi une 
huile qui, lorsqu'on cherche à la concentrer, perd très 
facilement des halogènes, mais qui se prend immé- 
diatement en masse lorsqu'on la refroidit à — 18° dans 
un mélange de glace et de sel. Les aiguilles sont stables 
à température ordinaire, mais se décomposent très 
rapidement lorsqu'on les chauffe même légèrement. 


Séance du 12 Juillet 1901. 


M. Wyrouboff dépose un travail de MM. Sabanejeff 
et Rosin sur les isonitriles et les nitriles cycliques. — 


ACADÉMIES ET SOCIÉTÉS SAVANTES 


M. Béhal présente un travail de M. Maïlhe sur l’action 
de l’oxyde mercurique sur les solutions aqueuses des 
sels métalliques (p. 679). — M. P. Freundler signale 
quelques propriétés du phénylcarbazinate de phényl- 
hydrazine C6H5. AzH.AzH.COOH.CSHSAzH.AzH, décrit 
autrefois par M. Fischer. Les propriétés de ce corps. 
permettent de l'appliquer soit à la préparation de 
certaines hydrazones à point de fusion bas, soit à la 
régénération des résidus de phénylhydrazine, soit à 
la séparation de cette dernière base d'autres bases aro= 
matiques. — M. V. Auger a étudié la solution violette 
aqueuse produite par dissolution dans l’eau de là 
masse violette obtenue en chauffant à 220° du ses- 
quioxyde de manganèse dans l’acide phosphorique. I 
en à isolé un sel bien cristallisé dont la formule est: 
Mn'P°0*,14H°0.— MM. Moureu et Delange ont observés 
que les alcalis en solution aqueuse attaquent les aldé= 
hydes acétyléniques R—C=—C—CHO, avec production: 
d'acide formique et de carbure acétylénique. Dans le 
cas de l’aldéhyde amylpropiolique CFH'C=C—CHO, 
il se forme en outre de la méthylamylcétone CH“ — 
CO—CH* et de l'acide caproïque C°H‘—CO°H; ces. 
faits sont faciles à expliquer si l’on admet la formation 
préalable et transitoire de l’aldéhyde C5H!! — CO — 
CH°— CHO, qui peut se dédoubler dans deux sens 
différents. — M. Leidié communique en son nom et 
en celui de M. Quennessen une note relative à um 
procédé de dosage du platine et de l’iridium dans la 
mine de platine. Ce procédé est une application d'une 
méthode générale précédemment indiquée par l’un des 
auteurs. — M. Léger a analysé les corps dont ii a 
signalé autrefois la formation dans l’action de Na*°0? 
sur les aloïnes et leurs dérivés chlorés [ Bull. Soc: 
chim. (3), t. XXV,p 99]. La barbaloïne donne un corps 
C#H805, l'isobarbaloïne un isomère de ce corps. L’homo: 
natalnine donne au contraire un dérivé de formule 
CiSH#05. La chlorobarbaloïne donne C{6H°Cl'05 et la 
chlori-obarbaloïne un dérivé chloré isomère. Les corps 
C'#H505 seraient des trioxanthraquinones nouvelles, 
tandis que CSHSCI“O* seraient les dérivés tétrachlorés 
de leurs produits méthylés. Le corps C‘H‘05 repré= 
senterait l’éther méthylique d'une méthyltrioxanthra= 
quinone. Se basant sur les résultats obtenus par ses 
devanciers et par lui-même, M. Léger pense pouvoir 
représenter la barbaloïne par la formule C#H*0*, qui 
peut s’écrire : 


OH 
H 
CCG 
HO YEN cu 14 
| | 
ON—CK 2H — 0 — CH — CHOH —CHOH — COH 4 


k Co É eee 
CH* 

ce qui en ferait un produit de condensation avec perte 
de H°0 d’une dihydrométhyltrioxanthraquinone avec 
l'éther méthylique d’un pentanetétrolal. Cette formule 
rend compte de la plupart des faits observés jusqu'ici: 
Cependant, ces faits étant assez peu nombreux, M. Lé- 
ger ne donne cette formule qu'avec réserve, se pro- 
posant d'en véritier l'exactitude. Il fait remarquer que 
la chlorocétylbarbatoïne, corps parfaitement cristal= 
lisé, qui, avec cette formule, correspond à un poids 
moléculaire M—724, donne à la cryoscopie dans le 
benzène M—713. En outre, la barbaloïne, chauffée à 
sec dans un tube, dégage des vapeurs qui donnent la 
réaction du furfurol (coloration rouge) avec le papier 
imprégné d’acétate d’aniline. — M. Blondel, par l'action 
ménagée de la chaleur ou des réducteurs sur le sulfate 
platinique, a obtenu un composé cristallisé contenant 
du sesquioxyde de platine et de l'acide sulfurique, 
dans lequel les éléments sont dissimulés, comme le 
sont ceux des acides chromiques complexes décrits 
par M. Recoura. Ce nouvel acide complexe forme avec. 
les bases des combinaisons bien cristallisées, 


» 


ACADÉMIES ET SOCIÉTÉS SAVANTES 727 


SOCIÉTÉ ROYALE DE LONDRES 


pe SCIENCES PHYSIQUES. 


_ H. A. Wilson : Sur la conductivité électrique de 
l'air et des vapeurs salines. — Les expériences décri- 
fes dans ce mémoire ont été entreprises dans le but 
d'obtenir des informations sur la variation de la con- 
ductivité de l'air et des vapeurs salines avec un chan- 
“sement de température et sur le courant maximum 
“qu'une quantité déterminée de sel sous forme de vapeur 
“peut conduire. Ces expériences sont la continuation 
“des deux séries de recherches sur le même sujet 
“publiées en 1899. 

— Quelques observations sur la variation de la conduc- 
“ivité avec la température à différentes hauteurs dans 
“ja flamme ont été données dans le mémoire sur la 
… conductivité électrique et la luminosité des flammes ». 
Elles montrent une augmentation rapide de conduc- 
“tivité avec l'élévation de température. 

ù Voici la méthode employée dans les expériences 
décrites dans ce mémoire : On a fait passer un courant 
air, contenant en suspension, sous forme de goutte- 
dettes, une petite quantité de solution saline, à travers 
“un tube de platine chauffé dans un fourneau à gaz ; ce 
“iube constituait l'une des électrodes, l’autre élant fixée 
“Suivant son axe. La température du tube a élé mesurée 
‘au moyen d'un thermo-couple platine et platine- 
“rhodium ; la quantité de sel passant à travers le tube a 
“été estimée en recueillant les gouttelettes sur un tam- 
…pon de laine de verre. 

» L'énergie nécessaire pour produire l'ionisation peut 
“être calculée d’après la variation de température de la 
“conductivité, celle-ci comparée à l'énergie nécessaire 
“pour ioniser des corps en solution. 

— Depuis la publication des recherches mentionnées 
“ci-dessus, plusieurs mémoires du D' E. Marx sur la 
“conductivité des vapeurs salines dans les flammes ont 
“paru. La première partie de ce mémoire-ci contient 
“une discussion de quelques conclusions du docteur 
“Marx, lesquelles portaient sur mon travail précédent. 
# La fin du mémoire est divisée comme suit : 
—…. 1° Description de l'appareil employé. 
—…. 20 Variation du courant avec la f. e. m. 
L 3° Variation du courant à travers l'air avec la tem- 
… pérature. 
4° Variation du courant à travers des vapeurs salines 

“avec la température. 

… ;° Sommaire des résultats. 
La relation entre le courant et la f. e. m. dans l'air 
dépend beaucoup de la direction du courant. Quand 
lélectrode extérieure est négative, le courant atteint 
une valeur de saturation avec une f. e. m. d'environ 
200 volts; mais, quand le tube extérieur est positif, 
elle augmente rapidement avec le courant, même avec 
une f. e. m. de 800 volts, de façon qu'une f.e. m. plus 
grande est nécessaire pour produire la saturation si la 
saturation peut être produite. Avec des vapeurs salines, la 
soie entre le courantetlaf.e.m.n'a pas été beaucoup 


affectée par le renversement du courant. Le courant 
était toujours plus grand quand le tube extérieur était 
négatif, lé contraire étant le cas avec de l’air seul. A 
basse température, le courant a atteint une valeur de 
“saturation, mais au-dessus de 1000° on a découvert 
“qu'elle augmentait davantage presque proportionnel- 
_ lement à la f. e. m. 
Il est possible de représenter approximativement la 
- variation du courant à f. e. m. constante avec la tem- 
… péralure, pour l'air, par une formule du type C—A6" 
üans laquelle C est le courant, © la température abso- 
lue, et À et » des constantes. 
La constante n dépend de la f. e. m. employée. Avec 
240 volts, elle a été de 17, et avec 40 volts, de 13. Cepen- 
dant le courant ne commence pas tout d’un coup quand 


on élève la température, mais augmente toujours régu-" 


lièrement avec la température, si bien que la plus 
- basse température à laquelle le courant peut être décelé 
dépend entièrement de la sensibilité du galvanomètre. 


L'énergie nécessaire pour ioniser une molécule- 
gramme d'air a été estimée en supposant que la frac- 
tion de gaz dissociée en ions est proportionnelle au 
courant pour de pelites f. e. m. 

L'énergie en question peut être obtenue au moyen 
de la formule th-rmo-dynamique ordinaire donnant 
la variation de la dissociation avec la température. Le 
résultat pour l’air est de 60.000 calories entre 1.000 et 
1.300° €. Cette quantité d'énergie est du même ordre 
de grandeur que l'énergie mise en liberté quand les 
ions H et OH se combinent pour former de l'eau en 
solution. 

La relation entre le courant et la température pour 
des vapeurs salines est assez compliquée. 

Avec KI, en employant une f. e. m. de 800 volts, le 
courant a les valeurs suivantes (1—10—* ampère) : 


Température . 5009 600 700° Sono 9000 4.0000 
BEA AN EN EE NORE TON AS A OP EMA TE D 4.0 
Température . . . . 1.141000 11500 1.2000 1.3000 
CORANTIENS ES SNS 3.5 3.6 1.0 1.0 


En employant une f. e. m. de 100 volts, les valeurs 
suivantes du courant ont été obtenues (1—10-* ampère): 


Température . . . . . 3000 4009 500° 60ûo 7000 sûûo 


Courant. . 0.2 198054 DA AUD Ur 
Température 900 1.000 41.100 1.200 1.300 
Courant. . 5.5 5.3 6.8 8.2 92 


Ainsi le courant a un maximum près de 900° C, et il 
s'élève très rapidement près de 1.150°. Des résultats 
semblables ont été obtenus avec d'autres sels. 

L'énergie nécessaire pour ioniser une molécule- 
gramme de K I à environ 300° C a élé estimée à 15.000 
calories de la même facon que pour l'air. 

Le courant maximum transporté par la vapeur saline 
(à 1.300° avec 800 volts) est presque égal à celui néces- 
saire pour électrolyser la même quantité de sel en 
solution. Ce fait peut être considéré comme une preuve 
en faveur de l’hypothése que les ions sont de même 
nature dans les deux cas. 


SOCIÉTÉ DE PHYSIQUE DE LONDRES 


Séance du 1% Juin 1901. 


M. Lehfeldt rappelle que M. Jahn a publié récem- 
ment des mesures des f. e. m. des piles de concentra- 
tion, d’où il a cherché à conclure que la loi de dilution 
est applicable aux solutions concentrées. L'auteur 
montre que cette conclusion repose sur un cercle vi- 
cieux, car la loi d'Ostwald est comprise dans la for- 
mule employée par M. Jahn pour calculer les degrés 
de concentration. Les formules de Nernst et d’Arrhe- 
nius ne donnent pas de résultats concordants ; la pre- 
mière est bonne pour calculer les concentrations, la 
seconde pour calculer les pressions osmotiques. — 
M. J.-H. Jeans cherche à obtenir une réponse aux 
deux questions suivantes : 4° Quelles conclusions peut- 
on tirer, quant au mécanisme de l'émission de la ra- 
diation, de l'examen des formules de l'Optique physi- 
que ? 2° Est-il possible, à l’aide de ces conclusions, de 
bâtir une conception de la matière qui explique suffi- 
samment les divers phénomènes optiques ? Il développe 
ensuite une théorie très intéressante, basée sur les 
propriétés moléculaires et atomiques de la matière, et 
au moyen de laquelle il explique plusieurs phénomènes 
optiques, notamment ceux de la spectroscopie, — 
M. S.-P. Thompson présente quelques échantillons de 
verres d'Iéna avec des graphiques donnant l'indice de 
réfraction, la dispersion entre les lignes C et F et l’in- 
verse du pouvoir dispersif de chacun. L'auteur pro- 
pose pour cette dernière quantité le symbole vet la 
qualification de réfraction achromatique du. verre. 
L'introduction du baryum dans un verre augmente la 
déviation, mais n’influe pas sur la dispersion. Il est 
done possible de faire du crown à indice de réfraction 

\ plus élevé que le flint, et de construire ainsi une len- 


728 


tille achromatique donnant un champ plan. Générale- 
ment, les objectifs achromatiques sont construits exac- 
tement achromatiques pour les rayons rouges et vio- 
lets; on peut obtenir un meilleur effet en les faisant 
approximativement achromatiques sur toute l'étendue 
du spectre. On y arrive en compensant l'irrationnalilé 
d'un verre par un autre, et en construisant une paire 
achromatique au moyen des deux. 


SOCIÉTÉ DE CHIMIE DE LONDRES 


Séance du 20 Juin 1901. 


MM. P. Gordan et L. Limpach ont substitué par des 
groupes méthyles l'hydrogène benzénique des formyl- 
et acétylanilides et ont obtenu 38 composés différents. 
Ceux-ci peuvent être classés suivant le nombre 9 de 
groupes subslituants ou suivant leur position relative. 
La moyenne D des points de fusion d’une série d'iso- 
mères peut se déduire de p; l’un des points de fusion 
est identique à cette valeur moyenne, et les autres en 
diffèrent en plus ou en moins de quantités égales. — 
M. S. Ruhemann a condensé les éthers des acides chlo- 
rofumarique et phénylpropiolique avec le thymol et le 
carvacrol. L'action du thymol sur le chlorofumarate 
d'éthyle donne le thymoxyfumarate. d’éthyle; l'acide 
correspondant se condense, sous l’action de l'acide 
sulfurique concentré, en acide 5-méthyl-8-propyl-1 : 4- 
benzopyrone-2-carboxylique : 


CSH7 
NN C.coH 
Il 
CH 
NAN 
CH* CO 
Le carvacrol donne le carvacroxyfumarate d’éthyle et 
l'acide 5-propyl-8-méthyl-1 : 4-benzopyrone-2-carbo- 
xylique. — M. C. O'Sullivan a étudié les constituants 
de la gomme adragante. La partie insoluble dans les 
acides et alcalis froids est de nature cellulosique. Les 
acides gummiques sont lévogyres; ce sont des acides 
polyarabinane-trigalactane-geddiques; le principal pos- 
sède la formule 4#C!°H104,3C'2H201°,C#H?°02°,H°0. Les 
granules sont apparemment des granules d'amidon. La 
matière azotée n'a pu êlre encore complètement puri- 
fiée. La bassorine, sous l’action d'un excès d'alcalis, se 
dédouble en deux acides, les acides «& et $-adragantane- 
xylane-bassoriques. L'acide « possède la formule 
C#H%020,H20 ; il donne des sels de Ba, Ca et Ag. Digéré 
avec de l'acide sulfurique vers 989, il se dédouble en 
adraganthose, un pentose lévogyre, et en acide xy/ane- 
bassorique C*H?*017., Ce dernier donne aussi des sels 
métalliques et se dédouble en xy/ose et acide hasso- 
rique CH%0%, L'acide £ possède la même formule 
que l'acide «et donne les mêmes produits de dédouble- 
ment. — MM. T. Purdie et J. C. Irvine, en alkylant 
les tartrates de méthyle, d’éthyle et de propyle par 
l'oxyde d'argent et l’iodure de méthyle, ont obtenu les 
diméthoxysuccinates aclifs correspondants, dont ils 
ont déterminé le pouvoir rotatoire. — MM. T. Purdie 
et W. Barbour ont comparé la rotation des diméthoxy- 
succinates avec celle des tartrates correspondants dans 
divers dissolvants; en général, la rotation des premiers 
est moins influencée par les solvants que celle des 
derniers. Des déterminations des poids moléculaires 
des éthers par la cryoscopie dans divers liquides, les au- 
teurs concluent que l'agrégation des molécules dissy- 
métriques n’est pas un facteur prédominant dans l'in- 
fluence des solvants sur la rotation. — MM. W. A. Bone 
et D. S. Jerdan ont constaté que le carbone et l'hydro- 
gène se combinent à 1200° en formant un hydrocarbure 
saturé qui est du méthane; il s'établit un équilibre 
défini entre l'hydrocarbure, l'hydrogène et la vapeur 
de carbone. Le passage de l'arc entre charbons dans 
une atmosphère d'hydrogène produit aussi, à côté de 
l'acétylène, du méthane et de l'éthane ; l’état d’équi- 
libre est caractérisé par les proportions suivantes : 


ACADÉMIES ET SOCIÉTÉS SAVANTES 


H,90-91 °/, C2H2,8-9 0/,; CH,1,25; C2H5,0,25. — MM. E. 
Divers et M. Ogawa ont isolé l’imidosulfite d'ammo- 

nium des produits de décomposition de l’amidosulfitem 
C'est un corps cristallisé, qui se décompose à 1500 en 
laissant du soufre, du sulfate et de l’amidosulfate d'am-« 
monium. Bouilli avec HCI, il donne du soufre, SO? el 
l'acide amidosulfurique (S et SO? représentant sans 
doute le thiosulfate décomposé) : ! 


2 AzZH(SO®AzH#} + H°0 = 2 AzH?SOSAZHS + S?0*(AzH*}. L 4 


MM. E. Divers et T. Haga ont préparé le nitrilosul=« 
fate de soude en faisant passer un courant de SO? dans 
a solution la plus concentrée possible de nitrite et de 
carbonate de sodium, dans le rapport de deux molécules 
du premier pour trois du second, jusqu'à ce que le nou=« 
veau sel commence à cristalliser. Il forme des prismes 
contenant 5H°0 et très instables. — MM. W. A. Bones 
et D. S. Jerdan ont étudié la décomposition des hydro= 
carbures à haute température. Ceux-ci étaient placés 
dans un tube de porcelaine vide, primitivement chauffé 
à 11509, et pourvu d’un manchon pour empêcher les 
gaz du fourneau d'y diffuser. L'acétylène est rapide-m 
ment décomposé à 1150°; après cinq minutes, il n'en 
reste plus que des traces. Il se forme d’abord du mé- 
hane, qui se décompose ensuite lentement en ses 
éléments ; les produits finaux sont l'hydrogène, les 
méthane et un dépôt de carbone. Le méthane se ré- 
sout en ses éléments à 1150° plus rapidement qu'on 
ne le suppose. Comme avec l’acétylène, il ne se forme 
pas d'hydrocarbures non saturés. Au bout de (rente mi- 
nutes, il ne reste que 6,6 °/, de méthane. — M. H. J.H. 
Fenton, en traitant la cellulose par HCI sec et en éli- 
minant les dérivés du méthylfurfural qui se produisent, 
a obtenu un résidu brun sombre, d'où l’on extrait, par 
digestion avec de l'eau chaude, du dextrose, Cär AC IEr CI 
sible par son osazone. Avec le papier-filtre suédois, on 
obtient de même du chlorométhylfurfural et du dex-M 
{rose, en proportions moléculaires égales. Ces failsm 
présentent un grand intérêt si on les rapproche de las 
découverte récente du cellose C'2H?0‘# par Skraup et 
Künigdansles produits d'hydrolyse dela cellulose. Si l'on 
admet que ce cellose contient à la fois des résidus de 
cétohexose et d’aldohexose, l’action de HCI peut être 
représentée par les équations : 


Ct2H2010 EL HCI=— CSHSOECI + CH 08 + 2H°0 
C'2[2081  HCI— C'HO2CI + CSH#09 + 3H°0 


— M. M. O. Forster a préparé le 1-benzoxy-2-benzoyl- 
camphène (1) par l'action du chlorure de benzoyle sur 
le camphre sodé. Par hydrolyse de ce composé avec la 
potasse, on oblient le 1-hydroxy-2-benzoylcamphène, 


CACOCLHE / G-CO.C*A° 
cc Il CERTA Il 
NC.0.C0.C'H° C.OH 
(1) (1) 
Il cristallise en octaèdres et donne des sels de soude, 
de cuivre et de fer. L'«-benzoylcamphre : 
.CO. C‘A° 
AU Co.c'f 
Nco 


est obtenu en faisant bouillir une solution de son iso- 
mère dans l'acide formique. Par fusion, la forme céto- 
nique se convertit dans l'isomère énolique. — M. J. N. 
Collie a constaté que, si de l’anhydride carbonique à la 
pression de 5 millimètres est soumis, dans un tube à 
vide, à l'action de l'étincelle électrique, 63 °/, sont déjà 
décomposés, au bout de dix minutes, en oxyde de car- 
bone et oxygène. En 15 secondes, la décomposition est 
déjà de 48 °/,; et, sous une pression de 1 millimètre, 
elle est de 65 v/, en dix secondes. Mais, si les électrodes 
de platine rougissent, la recombinaison se produit. 


a 
Le Directeur-Gérant : Louis OLIVIER. 
Paris, — L. MARETHEUX, imprimeur, 1, rue Cassette. 


Led 


12° ANNÉE 


NOMG 


30 AOÛT 1901 


Revue générale 


Mes Sciences 


DIRECTEUR : 


in 


pures el appliquées 


LOUIS OLIVIER, Docteur ès sciences. 


Adresser tout ce qui concerne la rédaction à M. L. OLIVIER, 22, rue du Général-Foy, Paris. — La reproduction et la traduction des œuvres et des travaux 
publiés dans la Revue sont complètement interdites en France et dans tous les pays étrangers, y compris la Suède, la Norvège et la Hollande. 


EE — 


ee CHRONIQUE ET CORRESPONDANCE 


4 $S 1. — Nécrologie 


« Mort du Professeur et Explorateur Nor- 
“denskiôld. — Alors que le numéro de la Æevue était 
Sous presse, nous avons reçu de Stockholm la nouvelle 
“de la mort du baron de Nordenskjôld, Une Notice sera 
“prochainement consacrée ici même à la vie et à 
œuvre de l’illustre savant. 
—… Entrainé par ses études de Minéralogie à explorer 
“l'Océan Arctique, Nordenskjôld s'était pris de passion 
pour les choses de la navigation, spécialement dans 
“les régions polaires; applaudissant à toutes les ten- 
“atives faites pour propager le goût des voyages par 
“mer, il portait le plus grand intérêt aux croisières de 
“là Revue générale des Sciences et avait bien voulu 
“nous promettre son concours pour organiser, à desti- 
“nation des terres du Nord, un voyage où fussent conviés, 
“en même temps que les savants voués à l'étude de la 
Physique du globe et à la Biologie marine, toutes les 
ersonnes désireuses de s'initier à leurs recherches et 
e goûter les splendeurs du monde boréal. — La /ievue 
labandonnera pas ce projet, 


LS $ 2. — Astronomie 
x À 
— La formation des petites planètes. — Au 


“temps de Laplace, quelques astéroïdes, seuls, étaient 
“connus et constituaient pour ainsi dire une singularité 
mans le système solaire; aussi bien leurs masses sont 
msi petites qu'il n'yavait pas lieu d’y attacher autrement 
“d'importance, et Laplace n'eut à s’en préoccuper, après 
‘coup, qu'à l'état d'instabilité temporaire dans la forma- 
“tion successive des planètes. L'hypothèse si élégante de 
Laplace sur l'origine du système solaire devait préoccu- 
per bien des savants, et la cosmogonie doit d'importants 
travaux à Kirkwood, G. Darwin, Trowbridge, Roche, etc.; 
Cependant, dans ces dernières années, M. Faye crut 
devoir soumettre le système de Laplace à certaines 
critiques, pour lui faire supporter de profondes modi- 
fications; mais, d'autre part, M. Wolf s'est efforcé, dans 
un ouvrage très précieux sur ces questions, de montrer 
qu'il n’y avait là aucune objection irréfutable : en fait, 
ven effet, les hypothèses de Laplace peuvent être con- 
servées dans leurs grandes lignes, elles sont très 


REVUE GÉNÉRALE DES SCIENCES, 1901. 


simples, et figurent 
mondes. 

Malheureusement, la Cosmogonie n’estenseignéenulie 
part en France : on peut même dire plus, elle est à 
peine effleurée, comme sujet accessoire de recherches; 
elle n’est pas bien vue, pour ainsi dire, et cela pour des 
raisons fort regrettables et qu'il serait trop long d'expo- 
ser ici. 

Quoi qu'il en soit, on peut considérer aujourd'hui 
les petites planètes comme constituant la pierre de 
touche et le nœud de toute hypothèse sur la formation 
de notre système; leur nombre s’est considérablement 
accru, leurs orbites offrent des différences caractéris- 
tiques, comme pour servir de lien intermédiaire entre 
les grosses planètes et les comètes, et leur situation 
même, près de Jupiter, est rendue critique, tant au 
point de vue de leur formation qu'à celui de l'étude 
analytique des perturbations. 

Cependant Kirkwood allait bientôt signaler des lacunes 
dans l'anneau des pelites planètes, vers les régions de 
commensurabilité avec le moyen mouvement de Jupiter, 
et l’on peut concevoir que les molécules abandonnées 
dans le voisinage des lacunes, si leurs orbites sont assez 
excentriques, aient disparu par le fait de leur absorption 
dans l'atmosphère de la nébuleuse solalre en voie de 
condensation. L'étude théorique des lacunes n’est pas 
sans soulever les plus grandes difficultés au point de 
vue de la stabilité des trajectoires, et M. Callandreau fut 
conduit à rechercher si la formation des planètes, 
toutes choses égales d'ailleurs, n’a pas été, sinon 
impossible, du moins relativement plus difficile dans 
la région de commensurabilité, et à examiuer quel 
put être l'effet de Jupiter sur un système de molécules 
représentant les matériaux constitutifs des astéroïdes, 
molécules abandonnées par la nébuleuse, dans des 
orbites à très peu près circulaires, surtout vers les 
points de la nébuleuse en conjonction avec Jupiter, où 
des marées considérables doivent se produire. 

Ces lacunes, à vrai dire, diminuent de jour en jour; 
les découvertes récentes font connaître des planètes de 
plus en plus petites, qui se rapprochent des régions cri- 
tiques, montrant, par leur faible masse elle-même, 
qu'il y avait là une instabilité dans la condensation 
nébulaire. En tout vas, le phénomène des marées dans 


16 


très clairement la genèse des 


130 


CHRONIQUE ET CORRESPONDANCE 


la nébuleuse a été pressenti par Kirkwood, et personne 
aujourd'hui ne parait douter de l'influence de Jupiter 
sur cet anneau d'astéroïdes, et pour sa formation, et, 
par les perturbations, pour avoir singulièrement com- 
pliqué sa contexture présente. 

M. J. Mascart a étudié avec soin, au point de vue sta- 
tistique, les données si complexes de cet anneau, en 
reprenant aussi l'étude détaillée des lacunes; enfin, en 
rapportant les orbites au plan même de l'orbite de 
Jupiter, il s’est efforcé de voir si les singularités, coïn- 
cidences, moyennes, ne devenaient pas plus frappantes : 
il n'en est résulté, à notre connaissance, qu'une série 
d'observations générales, saus loi formelle. M. R. du 
Ligondès s'est appliqué aux mêmes études, insistant 
sur les coups de hache qui correspondaient aux lacunes, 
pour mettre encore en évidence l'influence de Jupiter : 
les comètes, alors, seraient des résidus de matière, 
premiers matériaux absorbés par Jupiter. 

M. de Freycinet vient d'attirer à nouveau l'attention 
sur ces problèmes, en y consacrant deux longues Notes 
à l’Académie; au reste il ignore, ou veut ignorer, les 
immenses efforts suscités par ces questions, et cherche 
à confirmer la théorie de Laplace, bien qu'il semble 
révoquer en doute l'influence de Jupiter sur la généra- 
tion des planètes télescopiques et sur les alternances de 
leur répartition autour du Soleil. Le grand intervalle de 
350 millions de kilomètres où se rencontrent les asté- 
roides permettrait presque, déjà, d'écarter l'hypothèse 
de leur formation par la rupture d’un ou de piusieurs 
anneaux, d'autant plus qu'aux distances mêmes où il 
paraît y avoir un peu de condensation, la densité de la 
matière semble encore bien trop faible pour avoir cons- 
titué un anneau continu. De plus, on voit diflicilement 
— surtout en négligeant tellement Jupiter — comment 
un anneau circulaire à peu près plat permetira une 
telle dispersion d’inclinaisons et d’excentricités. Si la 
génération des petites planètes provenait de la rupture 
d'anneaux issus de l'atmosphère solaire, les groupe- 
ments de fortes excentricités seraient parmi les plus 
voisines de la planète troublante, et c’est à peu près le 
contraire que l’on observe. 

D'ailleurs, M: de Freycinet reporte tout à l'équateur 
solaire actuel : c’est là un plan qui a bien varié depuis 
l'origine, et les inclinaisons présentes des astéroïdes 
n'auront qu'une valeur relative. Enfin il considère tantôt 
trois subdivisions, tantôt cinq, tantôt huit anneaux : 
pourquoi ? Si l’on néglige les relations de commensu- 
rabilité, le nombre des anneaux est absolument arbi- 
traire; mais alors, pourquoi prendre toujours comme 
limites de ces anneaux — sans aucune raison — les 
zones mêmes de cesrelations de commensurabilité ? On 
voit qu'il reste bien des difficultés, bien des aléas, 
malgré les coïncidences extraordinaires que trouve 
l'auteur entre une théorie approchée et les moyennes, 
et, puisque les pages des Comptes Rendus lui sont si lar- 
sement ouvertes, il serait à souhaiter qu'il. y donnât 
ses calculs plus détaillés encore, avec les changements 
d’orbites qui pourraient être fort utiles à d’autres. En 
tout cas, M. de Freycinet à pensé mettre en évidence la 
relation entre les grandes inclinaisons et les fortes 
excentricités, bien souvent utilisée depuis Tisserand, 
et qui parait inhérente à toutes les hypothèses cosmo- 
goniques imaginées jusqu'ici. 

$ 3. — Géologie 

L'origine des nitrates dans les cavernes. 
— M. E.-A. Martel, analysant dans la Géographie’, un 
récent Mémoire d’un géologue américain, M. Hess, sur 
l'origine des nitrates des cavernes, nous donne à ce 
sujet les intéressantes indications que voici : 

# « L'origine des nitrates, du salpètre, si abondants 
dans certaines cavernes d'Amérique (Mammoth, Wyan- 
dot, Luray), qu'ils donnèrent lieu, pendant les guerres 
de 1812 et de Sécession, à une active exploitation pour 
RDA ES RE DR ER EE RSS 


! La Géographie, n° 8, 15 août 1901. 


la fabrication de la poudre, était attribuée à Ja décome 
position des malières animales, notamment du guano 
de chauve-souris. Observant que les nitrates se ren 
contrent dans les cavernes, à de considérables distances: 
souterraines où n'ont point l'habitude d'aller les chéi= 
roptères, M. Hess est arrivé à douter que cette explis 
cation füt la vraie. Il s’est livré à de nombreuses € 
savantes analyses de terres extérieures et intérieures, 
avec où sans nitrates; il en a conclu que les nitrates: 
des cavernes ont été amenés du dehors par les eaux 
d'infiltration, à travers les fissures des vouütes. Exté 
rieurement, les eaux entraînent ces nitrates, formés 
par la décomposition d'amas de matières végétales 
intérieurement, elles les déposent dans les eaux d 
cavernes, en s'y incorporant et en précipitant à no 
veau les nitrates entraînés. 

« [explication de M. Heiss parait très plausible! 
remarquons qu'elle est, en tout, pareille à celle re 
connue depuis longtemps pour la formation des conc 
tions calciques (stalagmites et stalactites). L'eau perd 
nouveau ses nitrates, de même qu'elle se dépouiile 
d'une part, de la calcite (carbonate de chaux), d'autre 
part, de l'acide carbonique qu'elle contenait. Comm® 
l'évaporation seule peut amener ce résultat, il faut, 
pour la précipitation des nitrates, que deux conditions 
soient réalisées : absence d'eaux courantes (qui conti 
nueraient l'entrainement) et équilibre entre la quantité 
infiltrée et celle d’eau évaporée. Ces condilions, nor 
tons-le bien, sont nécessaires également pour la fo 
mation des concrétions calcaires. » 


$ 4. — Biologie 


De la double spécificité des sérums pré 
cipitants. — On sait‘ que, si l'on injecte à quatre ou« 
cinq reprises espacées de six à huit jours, à un animal 
a d'espèce À, du sérum d’un animal d'espèce B, 
sérum de a acquiert la propriété de précipiter le sérum 
d'un animal d'espèce B et de cette espèce seulement 
Il y a là une première spécificité remarquable ayanl 
donné lieu à des applications pratiques importante 
(caractériser le sang humain par exemple). 

Dans un travail présenté comme thèse de doctorat 
en Médecine à la Faculté de Médecine de Lille, M. Van: 
steenberghe insiste sur une seconde spécificité des 
sérums précipitants; sur leur spécificité chimique 
pourrions-nous dire, pour la distinguer de la première 
spécificité indiquée par les expérimentateurs et qu 
conviendrait d'appeler la spécilicité zoologique. 

M. Nolff, et après lui quelques autres, ont établi que; 
dans le sérum des animaux B, la substance utile pou 
faire apparaitre dans le sérum de à la propriété précis 
pitante, est la sérumglobuline. On peut, en effet, fair 
apparaitre cette propriété en injectant, au lieu et place 
de sérum de B, des solutions de sérumglobuline, obtes 
nue aussi pure que possible en partant de sérums di 
B; tandis que cette propriété n'apparaît pas à la suilé 
d'injections de solutions de sérumalbumine de B. 

D'autre part, la substance précipitée dans le sérum 
de Best la sérumglobuline de ce sérum, car en ajoutant 
du sérum de à à une solution de sérumglobuline de B; 
on obtient un précipité; on n'en oblient pas en ajou 
tant du sérum de a à une solution de sérumalbumine 
de B. 

M. Vansteenberghe a repris cette étude, vérifié les 
faits fondamentaux, exposé des conclusions fermes là 
où ses prédécesseurs n'avaient fourni que des indica 
tions provisoires, La propriété précipitante apparait 
la suite d'injections de globuline ou de caséine, extraites 
du sang, du lait, de l'œuf d'un animal d'espèce diffé 
rente; elle n'apparaît pas à la suite d’injections d'a 
bumines ou de protéoses. D'une façon générale, om 
peut dire qu'en injectant à un animal à, à plusieurs 
reprises, des solutions de globuline ou de caséine em 


! Voir La Revue générale des Sciences du 15 mars 1901 
p. 205. : . 


nb Se. Pin LS 


> 


CHRONIQUE ET CORRESPONDANCE 


131 


pruntées à des liquides ou tissus organiques d'animaux 
d'espèce différente B, on communique au sérum de a la 
propriété de précipiter les solutions des substances 
injectées à l'animal a et celles-là seulement. 

On comprend qu'il sera par là possible de caractériser 
des substances protéiques et de les différencier, alors 
que les moyens dont nous disposions jusqu’à ce jour 
étaient insuffisants. Injectant à des lapins du sérum 
de bœuf, M. Vansteenberghe a obtenu du sérum de 
lapin capable de précipiter le sérum de bœuf, ce qui 
était un fait connu, capable de précipiter le lait de 


“ vache, ou le lactosérum de vache, ou la lactoglobuline 


extraite du lait de vache : la lactoglobuline est donc 
identique à la strumglobuline. Inversement, injectant 
à des lapins du lait de vache, il a obtenu des sérums 
de lapins capables de précipiter le lait de vache, ce 
qui était un fait connu, et capables de précipiter le 
sérum de bœuf. 

M. Vansteenberghe n'a pas mulliplié les exemples de 
semblables recherches phvsio-chimiques ; il s'est con- 
tenté de poser le principe de la méthode. Il sera pos- 
sible sans doute d'établir entre les substances protéi- 
ques des disuünctions plus précises qu'on ne l'a fait 
jusqu'ici. Il sera possible de donner de nouvelles 
preuves de la différence fondamentale du fibrinogène 
et de la fibrine, du caséogène et de la caséine, etc. 

M. Vansteenberghe a eu le grand mérile, dans son 
travail, de ne pas suivre la voie toute tracée par les 
expérimentateurs qui l'ont précédé; son travail méri- 
tait une mention spéciale, car il contient l'indication 
d'une méthode nouvelle permettant de caractériser 
les espèces chimiques de la famille protéique. 


$ 5. — Hygiène publique 


Le passage des microbes à travers les 
filtres. M. W. H. Horrocks, professeur-adjoint 
d'Hygiène, à l'Ecole de Santé militaire de Netley, vient 
de se livrer à une intéressante étude comparative des 
filtres Chamberland et Berkefeld'. Il à cherché à 
observer par des expériences directes si la filtration 
d'une culture de bacilles typhiques par les bougies 
Chamberland et Berkefeld est suivie de l'apparition de 
ce bacille dans le filtrat, et pendant quel nombre de 
jours il en demeure indemne. 4 

Le procédé adopté est le suivant : Une bougie Ber- 
kefeld (n°12 du Catalogue), placée dans un cylindre de 
verre, fut solidement maintenue en position par une 
vis de serrage. Le tube métallique de décharge fut 
alors relié, au moyen d’un fort tuyau de caoutchouc 
préalablement enfilé sur un robinet, à un court tube 


- en verre qui traversait un bouchon de caoutchouc 
- enfoncé lui-même d'une manière élanche dans un 


flacon de Kitasato. 
Le col du flacon et l’orifice du cylindre de verre étaient 


“ houchés avec de la ouate. Tout l'appareil était ensuite 


placé dans le stérilisateur, et passé à la vapeur pendant 
une heure. On le laissait refroidir : la bougie filtrante 
et l'enveloppe en verre étaient soutenues dans la posi- 
tiou verticale par un support à burette ordinaire, et on 
introduisait 50 centimètres cubes de bouillon stérile 
dans le flacon avec toutes les précautions possibles. Le 
robinet étant mis en position sur le tube de caoutchouc 
de manière à séparer la bougie et le cylindre en verre 
du flacon ,on rendit étanches tous les joints de l'appareil 
à l’aide de cire paraftinée. On remplit alors le cylindre 
de bouillon, de manière à recouvrir complètement la 
bougie filtrante sans toucher au bouchon de ouate. On 
ouvrit le robinet et on laissa filtrer 10 centimètres cubes 
du bouillon contenu dans le cylindre de verre, de la 
bougie dans le flacon. La filtration s'opérait simplement 


en vertu de la pression atmosphérique, et la bougie 


4 British Medical Journal, n° 2111, 15 juin 1901, p. 4471. 


fonctionnait dans des conditions qui permettaient à 
son influence moléculaire d'agir en plein. L'appareil 
fut alors placé dans un casier maintenu à la température 
moyenne de 25° C. Après quarante-huit heures, le 
bouillon du cylindre et celui du flacon étaient parfai- 
tement clairs, ce qui prouvait que les manipulations 
n'avaient en rien contaminé le liquide. On ensemenca 
alors le bouillon du cylindre avec une cuillerée d'une 
culture de B. typhique sur agar âgée de vingt-quatre 
heures. Le lendemain, le bouillon élait trouble dans 
tout le cytindre, mais celui du flacon était parfaitement 
clair. On ouvrit alors le robinet et on laissa filtrer 
10 centimètres cubes du contenu du cylindre, qui 
allèrent dans le flacun. Le lendemain, le bouillon con- 
tinuant à être parfaitement stérile, on fit de nouveau 
filtrer 40 centimètres cubes comme précédemment. Le 
même système de filtration fut employé de jour en jour 
et la quantité de bouillon filtrée chaque jour fut rem- 
placée dans le cylindre par du bouillon stérile, la ma- 
nipulalion étant faite avec toutes les précautions 
possibles. Le bouillon du flacon de Kitasato demeura 
parfaitement clair pendant quatre jours; le cinquième 
jour, on le trouva légèrement troublé; on en retira 
quelques gouttes au moyen d'un fil de platine introduit 
dans le col du flacon, puis déposé sur une couche 
d’agar. La culture obtenue présentait tous les caractères 
du bacille typhique. 

M. Horrocks a exécuté neuf autres essais analogues 
ävec des bougies Berkefeld et a réussi à faire passer le 
bacille dans le filtrat à des dates diverses, mais toutes 
inférieures au onzième jour. 

Il a ensuite expérimenté des bougies Chamberlani 
ävec des eaux d’égout, des eaux résiduaires, des eaux 
de réservoir polluées, ensemencées à plusieurs reprises 
avec de larges doses de bacilles typhiques. Les opéra- 
tions ont été poussées pendant (rois semaines sans 
qu'on püt découvrir de bacille typhique dans le filtrat: 
on avait d’ailleurs soin de s'assurer que le liquide à 
filtrer contenait toujours une grande quantité de 
bacilles typhiques vivants. 

M. Horrocks termine son Mémoire par les conclusions 
suivantes : 

1° Les bacilles typhiques ne sont pas capables de 
proliférer à travers les parois de la bougie Chamberland, 
et si l’on prend des soins suffisants pour empêcher le 
passage direct des bacilles à travers les fissures du 
corps filtrant ou les imperfections des joints, le filtre 
Chamberland doit donner uue protection complète 
contre la fièvre entérique d'origine hydrique; 

2 Les bacilles typhiques peuvent proliférer à travers 
les parois de la bougie Berkefeld, probablement à cause 
de la dimension plus grande des pores, et la diminution 
des influences d’immobilisation et de dévitalisation. Le 
temps nécessaire pour que les bacilles typhiques tra-° 
versent une bougie varie de quatre à onze jours, et 
semble dépendre principalement de l'alimentation 
fournie aux organismes par le milieu dans lequel ils 
existent. Si l’on veut obtenir une protection complète 
contre la fièvre entérique d’origine hydrique, lorsqu'on 
emploie des filtres Berkefeld, il est nécessaire de 
stériliser les bougies dans l’eau bouillante tous les 
trois jours. 


$ 6. — Sciences médicales 


à 


Institut Pasteur : Cours d'Analyse et de 
Chimie appliquée à lHygiène. — Le Cours 
et les manipulations du nouveau service d'Analyse etde 
Chimie appliquée à l'Hygiène (2° année), commen- 
ceront le mardi 5 novembre. 

Ce Cours s'adresse spécialement aux pharmaciens, 
médecins et chimistes industriels. ; 

Il peut donner lieu à un certificat. 

Pour les conditions, s'adresser, 26, rue Dutot (Ser- 
vice d'Analyse). 


PAUL VUILLEMIN — LES BLASTOMYCÈTES PATHOGÈNES 


LES BLASTOMYCÈTES PATHOGÈNES 


Depuis quelques années, il est souvent question, 
dans la littérature médicale, de Blastomycètes 
pathogènes ; mais les médecins auraient peine à 
trouver, dans les ouvrages généraux qui traitent 
soit de Botanique, soit de Pathologie, des notions 
assez explicites pour leur apprendre si les Blasto- 
mycètes forment un groupe de parasites bien cir- 
conscrit par ses caraclères morphologiques, par 
ses propriétés biologiques, par son mode d'action 
sur l'organisme humain; si, d'autre part, les hlas- 
lomycoses se distinguent des autres groupes 
nosologiques par leurs caractères cliniques et 
analomiques. 

Sans vouloir prétendre que ce double problème 
soit, dès à présent, susceptible d’une solution défi- 
nitive, sans songer à faire un exposé magistral qui 
marque une élape parcourue de l’évolution seien- 
tifique, il nous a semblé opportun de grouper les 
données acquises, afin de permettre à chaque pra- 
ticien d'apprécier des cas embarrassants et d'ap- 
porter de nouvelles contributions à un chapitre 
encore obseur de la Pathologie. 

Et d'abord, il faut nous entendre sur la signifi- 
calion du mot Blastomycètes. Il ne désigne pas un 
groupe naturel, une famille botanique fondée sur 
les affinités généalogiques, une série de plantes 
rattachées à un genre-type comme les Tubéracées 
se rattachent à la truffe. 

Il existe bien un genre Zlastomyces, mais, quel- 
que étrange que cette asserlion paraisse, les Plas- 
tomyces ne sont pas des Blastomycètes. Ce n'est 
point la dernière des causes de confusion dont on 
a, comme à plaisir, hérissé l'étude de ce groupe. 
Costantin et Rolland! nomment Plastomyces des 
champignons filamenteux dont les éléments 
sporiformes terminaux, latéraux ou intercalaires 
peuvent s'isoler par désarticulation. L'ordre des 
Blastomycètes, créé antérieurement par Frank?, 
comprend les champignons, tels que la levure de 
bière, dont les éléments s’isolent par bourgeonne- 
ment et non par désarticulation. En vertu de la 
loi de priorité, il semblerait que le nom de Blasto- 
mycète, tel que l'entend Frank, doive seul subsis- 
ter. Mais, si les naturalistes s'interdisent de donner 
le même nom à deux genres, leur législation n'a 
pas prévu le cas où un genre usurpe le nom d'un 
ordre. Par suite de cette bizarrerie des règles de 
la nomenclature, le genre de Costantin et Rolland 
est légal. Heureusement pour la clarté de notre 


1 Cosranun et RoLrann : Blastomyces, genre nouveau, 
dans la Soc. mycol. de France, t. 1V, 1889. 
2 Frank : Drei Natur Reiche, II. 


sujel, il n'est pas légitime et il tombe en raison de 
l'insuffisance de ses caractères distinelifs, qui n'ont 
pas une valeur générique. 

Le terme de Blastomycètes s'est maintenu en 
Botanique et vulgarisé en Médecine avec une accep- 
tion voisine de celle qui l'a fait introduire par 
Frank, mais qui doit être élargie. 

D'après son élymologie (8kéorn bourgeon, uüxne 
champignon), il signifie champignons bourgeon- 
nants. A-t-il en Botanique et en Médecine un sens 
plus spécial, plus large ou plus restreint? Nous ne 
le pensons pas. Il signifie ce qu'il dit, rien de plus, 
rien de moins; c’est un vocable qui, malgré sa 
forme grecque, appartient au langage vulgaire. La 
définition des Blastomycètes se confond avec leur 
nom. Donc, par Blastomycèles nous entendons tous 
les champignons qui se présentent, à un moment 
donné, sous forme de globules bourgeonnants, 
quelles que soient leurs affinités, quels que soient 
les aspects qu'ils revêtent à d'autres moments de 
leur existence. Telle espèce présente toujours ce 
mode de végélation, par exemple la levure de, 
bière; telle autre la présente seulement sous cer- | 
laines conditions de milieu, par exemple le cham- 
pignon du muguet. 

Quand nous parlons de Blastomycètes patho- 
gènes, nous ninvoquons donc pas l'idée de 
Champignons supérieurs ou de Champignons infé- 
rieurs — les plus parfaits des Champignons, les 
Basidiomycètes, sont Blastomycèles à leurs heures; 
— nous n'affirmons pas l'existence ou l'absence de 
tel ou tel mode de reproduction; nous exprimons 
la même idée que si nous parlions de Champignons 
pathogènes bourgeonnants. Ce mot est-il utile? 
Sans doute; il abrège le langage, et les formes 
grecques n'ont jamais rebuté le médecin ni le 
naturaliste. Est-il bien choisi? Ce point est pius 
contestable ; il a une fàächeuse consonnance avec 
Phycomycètes, Ascomycèles, etc., et, sous cet habit 
de nom technique, il ferait croire aisément qu'il 
invoque des caractères botaniques précis, qu'il 
résume, lui aussi, un ensemble de propriétés d'où 
se dégage la certitude d'une affinité, d'une parenté. 
réelle, d’une filiation commune. Il suffit d’être 
prévenu pour éviler cette confusion. 

Tout ce que nous venons de dire revient à avertir 
le lecteur qu'en parlant de Blastomycètes, nous ne 
parlons pas le langage taxinomique ; nous adoptons 
une formule conventionnelle pour éviter une 
périphrase. 

Une autre convention permettra de circons- 
crire plus nettement notre sujet: nous laisserons 


PAUL VUILLEMIN — LES BLASTOMYCÈTES PATHOGÈNES 133 


de côté les Champignons qui, durant l'existence 
parasitaire, présentent habituellement des formes 
filamenteuses mélangées aux globules bourgeon- 
nants ; tels sont : l'Zndomyces albicans du muguet, 
le Malassezia fufur du pityriasis versicolor. Mais 
nous n'affirmons nullement que les Champignons 
- retenus dans le cadre de cette étude soient inca- 
pables de donner aussi des filaments, s'ils vivent 
dans un milieu différent de l'organisme de l'homme 
- ou des animaux à sang chaud. 

Nous allons donc éludier, dans ce groupe empi- 
rique des Blastomycètes, les parasites de l'homme 
qui s'offrent, à l'examen médical, principalement 
sous forme de végétation globuleuse et bourgeon- 
nante. 


L'importance médicale des Blastomycètes fut 
entrevue dès le jour où l'on reconnut la nature 
… végétale de la levure de bière. On ne songea point, 
— tout d'abord, à chercher dans ce groupe les agents 
- spécifiques de plusieurs maladies. Pouvaitil en 
-être autrement il y a 60 ans, alors que le micros- 
-cope ne percevait aucun détail de structure dans 
les levures, et que l'analyse morphologique, seule 
- base connue des distinctions spécifiques en Bota- 
“nique, ne parvenait à y saisir aucun caractère 
“ différentiel ? On ne songeait même pas à discuter 
l'unité du cryplocoque du fermeut. 
C'est donc au cryptocoque du ferment, à celte 
r végétalion aquatique rappelant les algues les plus 
«inférieures, que Vogel", en 1842, compare le parasite 
… du muguet. C'est au même cryplocoque que l'on 
- rapporle, dans les années suivantes, des globules 
“ovales ou elliptiques aperçus à la surface des mu- 
n queuses, dans les déjections, les urines, les matières 
-vomies. Ces observations sont faites sur des malades 
k atteints d'affections diverses et surtout de ces affec- 
* tions à étiologie obscure: diabète, typhus, cho- 
_ léra, qui tentent naturellement la sagacilé des 
… chercheurs en quête de nouveauté. Cesconstatations 
. sommaires ne pouvaient ébranler le dogme intan- 
4 de la spécificité morbide, et le cryptocoque du 
. ferment apparut, non comme un agent de maladie, 
… mais plulôt comme l'artisan de ces fermentations 
d'humeurs viciées, depuis longtemps dénoncées 
…_ comme l'effet et non comme la cause des maladies 
les plus variées. 

Il ne faut pas remonter à vingt ans d'ici pour 
voir encore diverses affections imputées à la levure 
de bière ou plutôt à ce groupe colleclif non défini, 
non analysé, que lesmédecins désignent sous le nom 
delevure, sans même se demanders'il neconfondent 

-pas sous une rubrique commune des êtres aussi 


1 Vocez : (A/1g. Zeitung für Chirurgie, 1842). 


disparates que les ferments industriels et le parasite 
du muguet. Toule une série d'observations de 
levures dans les affections gastro-entériques échap- 
pentainsià la critique par l’ absence ou l'insuffisance 
des données botaniques. Lesthéories pathogéniques 
sont encore plus fantaisistes que les vagues indi- 
calions qui leur servent de base, soit qu'elles 
invoquent un empoisonnement par l'acide carboni- 
que produit dans l'estomac par les ferments ingérés, 
soit qu'elles soutiennent que la levure en excès 
dans la boisson passe dans le sang, dans l'urine, et 
peut même s'échapper par la peau en causant l'acné 
et le psoriasis ! 

Ceperdant, la conception du rôle pathogène des 
Blastomycètes s'est modifiée depuis que la diver- 
sité des levures ressort, non seulement de la forme 
et de la structure, mais encore des propriétés phy- 
siologiques et des actions variées exercées sur le 
milieu qui leur sert de support et d'aliment. 

La vogue des levures comme médicament n'a 
pas subi les mêmes vicissitudes que l'appréciation 
de leur action délétère. Dès1852, lalevure de bière 
est préconisée par M. Mosse dans le traitement des 
furoncles. D'autres la chargent d'aller détruire le 
sucre dans l'organisme des diabéliques, sans avoir 
beaucoup à se louer de ses services. Les théories 
thérapeutiques reflètent les théories pathogéniques. 
Pendant cette période primitive, la fermentation 
qui transforme les humeurs semblait susceptible 
d'être, selun les circonstances, nuisible ou salu- 
laire. 

Plus tard, s'ouvre l'ère des microbes, et aussitôt 
se révèle l’antagonisme des bactéries et des levures 
Pasteur dénonce les bactéries comme les pires 
ennemis des ferments industriels. Tandis que les 
brasseurs cherchent à éliminer des cuves les mi- 
crobes, ferments de maladie, Heer! (188$) songe à 
susciter aux bactéries pathogènes la concurrence 
de la levure en l'introduisant, soit dans l'intestin 
des typhoïsants, soit dans la gorge des diphlé- 
riques. Boinet et Ræser” la préconisent dans la diar- 
rhée de Cochinchine et dans le muguet. Les auteurs 
récents la recommandent dans la leucorrhée vagi- 
nale, la vaginite blennorragique, la constipation”, 
la pneumonie", la bronchopneumonie, les furoncles, 
les orgelels, etc. 

On ne sait trop si la levure est utile en faisant 
concurrence aux microbes. On pourrait invoquer 
en faveur de cette interprélation les expériences 


1 Herr : (Deutsche medie. Zeitung, n° 68, 185$), d'après 
Boinet et Rœæser. ’ 

2 Boner et Rorser : Action de la levure de bière. (Bull. 
gén. de Thérapeutique, CXIX, 30 sept. 1890). 

3 Braxcuer : La levure de bière dans le traitement des 
entérites (ONE se méd., Paris, 1900). 

# ManIE : Traitement de la pneumonie par la levure de 
bière (Soc. méd. des Hôpitaux, 18 mai 1900). 


de Boinet et Rœser (1890) sur l'atténuation des 
virus charbonneux ou typhoïde inoculés avec la 
levure, celles de d’Arsonval et Charrin! (1893) sur 
la concurrence vitale entre le bacille pyocyanique 
et la levure de bière. Faisans ? (1900) considère la 
levure comme un agent de désinfection gastro- 
entérique dans la grippe et la fièvre typhoïde. Las- 
sar”* (1899), à propos de la leucorrhée vaginale, croit 
à un parasitisme subslitutif. Il se pourrait aussi 
bien que l’action fût imputable aux produits de la 
fermentation, car Murer‘ ne la constate qu’en pré- 
sence du sucre. Hallion * (1899) pense que la levure 
atténue la toxine diphtérique en entretenant l'aci- 
dilé du milieu; Nobécourt” est du même avis. Peut- 
être enfin n’agit-elle ni comme parasile, ni comme 
ferment, ni comme être vivant, mais comme uu 
vulgaire laxatif; Ross ?(1900) trouve la levure stéri- 
lisée plus efficace contre la constipation que la 
levure avalée vivante. 

La levure de bière, plus ou moins pure, plus ou 
moins exactement déterminée, est le seul Blasto- 
mycète essayé en Thérapeutique, si nous exceptons 
quelques essais de sérothérapie dont nous discu- 
terons les résultats après avoir examiné la nature 
des affections auxquelles on à voulu opposer ce 
remède. En somme, les Blastomycètes n'offrent 
guère à la Thérapeutique qu'un remède empirique, 
préconisé depuis une cinquantaine d’années avec 
des alternatives de vogue et d'oubli, et dont le 
mode d'action est trop mal défini pour éclairer la 
biologie des parasites de ce groupe. 

Au contraire, le rôle pathogène de ces champi- 
gnons devient très envahissant : ils sont observés 
dans des affections banales, telles que les troubles 
digestifs, les angines', les endométrites, les olites 
moyennes, les dermatoses; de nouveau, ils sont 
accusés de causer les maladies occultes comme le 
typhus et la rage. Enfin, toute 11 gamme des néo- 
plasies, depuis les simples kystes, les tuméfactions 


! D'Arsonvaz et Carr : Le bacille pyocyanique et la 
Levure de bière (C. R. de la Soc. de Biol., t. XUV, 1893). 

= Farsas : De l'emploi de la levure de bière comme agent 
de désinfection gastro-intestinale (Soc. médic. des Hôpitaux, 
25 mai 1900. — Semaine médicale, t. XX, 1900). 

% Lassar : La levure de bière contre la furonculose des 
diabétiques (Zbid., 15 février 1899). 

# Muxer : Valeur de la Levure de bière dans le traitement 
de la vaginite blennorragique (Thèse Méd.; Paris, 1899). 

* Hazcion : Action de la Levure de bière et des acides 
qu'elle sécrète sur la toxine diphtérique ( Volume jubilaire 
de la Soc. de Biologie, 1899), 

5 Nosécourr : Action in vitro des Levures sur les microbes 
et leurs toxines (C. R. Soc. de Biologie, 28 juillet 1900). — 
Le sort et le rôle des Levures introduites dans le tube 
digestif (Semaine médicale, 9 janvier 1901). 

? Ross : La Levure de bière contre la constipation habi- 
tuelle (Semaine médicale, t. XX, 1900). 

# De Sreckuix : Recherches cliniques et expérimentales 
sur le rôle des Levures trouvées dans les angines suspectes 
de diphtérie (Archives de Méd. expér. et d'Anat. pathol., 
t. X, 1898). 


PAUL VUILLEMIN — LES BLASTOMYCÈTES PATHOGÈNES 


inflammatoires jusqu'aux tumeurs malignes, dont 
l'étiologie reste un des points les plus controversés 
de la médecine contemporaine, devrait, s'il faut em 
croire quelques auteurs, rentrer dans le cadre des 
blastomycoses. 

Les Blastomycèles n'auraient plus, dans ces ma- 
ladies diverses, le rôle accessoire et uniforme attri- 
bué jadis au cryptocoque du ferment : ce seraient 
des agents spécifiques au même titre que le bacille 
diphtérique ou, tout au moins, que les Actinomy- 
cètes. En un mot, les Blastomycètes tendraient à 
prendre en Pathologie une importance analogue à 
celle des bactéries. 

Les praticiens ont peine à accepter des assertions 
aussi imprévues. On s'étonne que des parasitesrela- 
tivement volumineux aient élé si longtemps mé- 
connus, alors qu'on appliquait des méthodes suffi- 
santes pour déceler des êtres plus petits et plus 
délicats. Cependant, on considérera que la délica- 
tesse de la technique est moins essentielle dans ce 
genre de recherches que son appropriation exacte « 
au but poursuivi. Dans les cancers, par exemple, on 
a éherché des bactéries ou des protozoaires. Or, les 
réactifs qui fixent les lissus pathologiques et les 
parasites animaux dont la consistance approche de 
celle des cellules humaines, de même que les caus- 
tiques qui sacrifient les éléments anatomiques pour 
faire ressortir les microbes de consistance plus 
ferme, laissent transparentes les membranes végé- 
tales et déforment le protoplasme, au point de 
rendre une levure méconnaissable. On a tout fait 
pour voir autre chose que des Blastomycètes, et 
tous les progrès de la technique tendent à dissi- 
muler davantage ces champignons, au cas où il 
s’en trouverait dans les tissus malades. 

Nous n'avons donc pas lieu d'être surpris de la 
découverte de Blastomycètes dans des affections 
où les parasites ont été longtemps recherchés sans 
succès. 

Ce n’est pas à dire que tous les résultats annoncés 
dans cette voie nouvelle de recherches offrent un 
égal degré de certitude, une semblable garantie 
d'authenticité. Il faut faire la part de l'engouement 
et des conclusions prématurées, basées sur des 
analogies plus que sur des faits complètement 
clairs. Mais, sans généraliser hâtivement, sans ac- 
cepter sans contrôle des théories plus retentissantes 
que solides, le médecin doit tenir compte des faits v 
positifs établissant l’action pathogène de certains 
Blastomycètes. 


RS LE 


PPT 


IT 


SA Mn dm 


L'existence de Blastomycètes dans l'organisme 
vivant, dans les tissuset les produits pathologiques, 
est démontrée par un grand nombre d'observations. 
À leur forme de globules sphériques, ovales ou i 

| 


.| 


K: 


PAUL VUILLEMIN — LES BLASTOMYCÊTES PATHOGÈNES 


1 
FÈ 
O6 


elliptiques, à leur structure de cellules à membrane 
| bien distincte, à noyau fixant les malières colo- 
autes appropriées, à la présence de bourgeons 
| plus ou moins volumineux, adhérents par un point 
étroit à la cellule-mère, on reconnait sans peine 
Jes éléments de Blaslomycètes : dans les matières 
| (Demme), les écoulements vaginaux et uté- 
s(Colpe”, Bossi, Rossi-Doria?), le mucus retiré de 
la Pompe d'Eustacne (Maggiora et Gradenigo*). Ils 
sont d'observation courante dans la salive et les 
“crachats. Ils ont été conslatés dans diverses affec- 
tions cutanées, telles que l'eczéma séborrhéique 
isenberg ‘), l'acné chéloïdienne (Secchi°), le pso- 


ouvrant les ie nm Gilchrist et 


a ARE la conjonctivite M Homatonse 
azza, dans le rhinosclérome; Attiolo et Simoni, 
ans les amygdales hypertrophiées. Ils se sont 
montrés avec un aspect non moins typique dans 
des poches kystiques sous-cutanées (Saccharomy- 


btenu par incision d'une tuméfaction d'aspect 
hlegmoneux ($S. granulatus de Vuillemin et Le- 
grain), dans des nodules inflammatoires chro- 
niques (Cryplococcus hominis de Busse), dans le 
farcin d'Afrique (Cr. farciminosus de Rivolta). 

Les Blastomycètes sont parfois accumulés sans 
mélange en masses visibles à l'œil nu. Ainsi, 
forment de vastes enduits d'aspect crémeux à la 
face des muqueuses buccale et pharyngienne. 
“Les médecins sont portés à englober toutes les 
stomatiles et angines crémeuses sous le nom de 
muguet et à les imputer à l'Xndomyces albicans. 
Cependant, Troisier et Achalme” ont démontré, par 


4 COLPE : 
enitalkanal (Archiv für Gynäkologie, t. XL VII, 1894) 
Rossi-Donra : La teoria blastomicetica del cancro (71 
ale infettante (Zbid., t. III, 1896). 

% MAGGrorA e Graven160 : Bakteriologische Beobachtungen 
über den Iuhalt der Eustachischen "Trompete bei chro- 
nischen katarrhalischen Mittelohreutzündung. (Centr. f. 


4 EISENBERG : 
5 SEcOnt : 


Bakteriologische Diagnostik, 1891. 
Ueber die nt ua Le LIÉE serre 


Dermatologie, t. XXV. 1397). 
“— RivOLTA : Parassiti vegetali, 1873. 

Rivoura e Micgcroxe : (Giorn. di Anat. e Fisiol. degl. 
L 1883). 

2 =: Giccurisr and Rovaz Srokes : The presence of an oidium 
inthe tissues of a case of pseudolupus vulgaris (Zbid., 1), 
" Journal of exp. Med., t. III, 1898). 


A case of pseudolupus vulgaris caused by a blastomyces 

8 Hcava : Vyzman microorganismu pri variole (Prag., 
887 et Centr.{. Bakt., t. I, 1887). 

 Trorsier et Acnatye : Sur une angine parasitaire causée 


par une levure, et cliniquement semblable au muguet (Arch. 
“4 Méd. expér., t. V, 1893). 


asis (Rivolla®). Nous en avons vu dans des croûtes | 


. | 
ils 


Hefezellen als Krankheitserreger im weiblichen | 


Policlino, t. 1, 1894). — I blastomiceti nel sarcoma puerpe- | 


une étude très complète, l'existence d’un vrai Sac- 
charomyces dans une angine cliniquement sem- 
blable au muguet. Le diagnostic différentiel a son 
importance, car le Blastomycète de Troisier et 
Achalme, que nous appellerons Saccharomyces 
Anginæ (fig.1),ne possède pas, comme les Hypho- 


Fig: 1. — Saccharomyces Anginæ. Globules bourgednnants 
et asques (d'après Troisier et Achalme). 


mycètes auxquels se rattache l’Ændomyces albicans, 
de filaments capables de s'insinuer, par Île fait 
même de leur végétalion, jusque dans la profondeur 
des tissus. Ce diagnostic est d’ailleurs délicat, car 
le champignon du muguet donne surtout, à la sur- 


Fig. 2. — A. Blastomycète simulant le muguet buccal; a, 
chlamydospore ; B, Endomyces albicans du muguet buccal” 
au même grossissement. 


face des enduits, des globules bourgeonnants en 
proporlion assez considérable pour masquer les fila- 
ments si l'examen n'est pas suffisamment appro- 
fondi. Les difficultés de ce diagnostic s'applani- 
ront dès que l'altention des praticiens sera éveillée. 
Le S. anginæ ne se distingue pas seulement de 
lÆ. albicans par le caractère négatif de l'absence 


7136 


PAUL VUILLEMIN — LES BLASTOMYCÈTES PATHOGÈNES 


de filaments; ses globules sont deux fois plus 
gros; les asques et les spores obtenus dans les cul- 
forme toute différente. Divers 
auteurs n'ont vu que des globules dans de prétendus 
muguets. De mon côté, j'ai rencontré, dans un cas 
diagnostiqué comme muguet buccal, un Blasto- 
mycète différant à la fois de l’Z. albicans et du 
S.anginæ (fig. 2); le sujet est loin d'être épuisé. 

Des Blastomycètes disséminés dans des liquides 
en moindre quantité attirent l'attention par leur 
couleur. Maintes fois on a signalé des levures roses 
dans la bouche, le pharynx, la trompe d'Eustache, 
la séborrhée ; le S. granulatus, que j'ai observé 
avec Legrain”, donnaitune teinte spéciale au liquide 
séro-sanguinolent issu de l'incision des {umeurs 
inflammatoires. 

La recherche des Blastomycètes dans l’intérieur 
des tissus malades ne donne pas, en général, de 
résultats aussi évidents que l'examen des sécrétions 
ou des enduits. Les éléments rapportés par les 
auteurs aux Blastomycètes ne présentent plus las- 
pect classique des levures. 

Dans les ganglions lymphatiques d'un bœuf 
atteint de carcinome du foie avec généralisation à 
tout le système lymphatique, Sanfelice? découvrit, 
en 1895, des globules qu'il rattache aux Blastomy- 
cèles sous le nom de Saccharomyces lithogènes. 
Cette observalion fut le pivot d’une théorie nouvelle 
sur l'étiologie du cancer, théorie insuffisamment 
ctayée jusqu'alors par des données anatomiques et 
expérimentales. Mais les globules en question 
étaient revêtus d'une capsule calciliée, ou même 
encastrés dans des masses pierreuses de grande 
étendue, au sein desquelles la struclure d'une cel- 
lule végétale élait singulièrement masquée. Des 
capsules douées d’un éclat vitreux revètent les élé- 
ments du Plastomyces vitro simile degenerans, 
sigoalé par Roncali dans une série de tumeurs 
malignes de l'homme. 


tures sont d'une 


1 VuiLLeN et LEGRAIN : Sur un cas de saccharomycose 
humaine (Archives de Parasitologie, t. HI, 1900). 

? Saxreu1ce : Ueber eine für Thiere pathogene Sprosspilzart 
{Centr. f. Bakt., XNII, 1895). — Ueber die pathogene Wir- 
suug der Sprosspilze, Zbid.).— Ueber einen neueu pathoge- 
uen Blastomyceten welcher innerhatb der Gewebe unter 
Bildung kalkartig aussehender, Massen degenerirt (Centr. f. 


Bakt., XVIU, 1895). — Ein weiterer Beitrag…. (Centr. f. 
Bakt., XXIV, 1998). — Ueber die pathogene Wirkung der 
Blastomyceten I-V Abhandlungen (Zeitschr. f. Hyg., XXI- 
XXIX, 1896-1898). — Ueber die Immunität gegen Blastomy- 


ceten (Centr. f. Bakl., XX, 1896). — Note à la Société i. r. 
des médecins de Vienne, 16n0v. 1906(Sem. médie.,t. XX,1900). 

3 RoncaLr : Die Blastomyceten in den Adeno-Carcinomen 
der Ovariums (Centr. f. Bakt., t. XVII, 1895). — Die Blas- 
tomyceten in den Sarkomen (/bid.). — Di un nuovo blasto- 
miceto isolato da un epitelioma... (Centr. f. Bakt., t. X\, 
1896). — Klinische Beobachtungen und histologische und 
inikrobiotische Untersuchungen über einen Fall von pri- 
‘mären Adenocarcinom (Centr. f. Bakt., t. XXIV, 1898). — 
Sopra uu caso di epitelioma delle mammella del maschio. 
(Supplem, al Policlinico, 13 octobre 1900). 


Les globules observés dans les lissus ne s'écartent 
pas seulement de la description classique des 
levures par les caractères de leur enveloppe ; le 


des granulations noires, réfringentes, qui gran 
dissent et deviennent libres par éclatement de | 
membrane. Dans le pus des chevaux japonais 
atteints d'une lymphangite épizootique analogue 
au farcin d'Afrique, Tokishige? trouve des Blasto 
mycètes contenant un pelit noyau cocciforme, for 
tement réfringent, animé d'actifs mouvements, eb 
de petits corps semblables, libres entre les cellules; 
isolés ou unis en diplocoques. D'après Bra*, les para 
sites globuleux des tumeurs malignes présentent, 
à un cerlain stade, un contenu sporulé et sont 
ensuite réduits à leur membrane d'enveloppe irré 
gulièrement gaufrée. Inutile d'ajouter que Bra croit 
trouver aussi des périthèces entiers, analogues à 
ceux des MVeclria, dans l'intérieur des tumeurs 
malignes. De telles interprélalions ne soutiennenk 
pas l'examen‘. Dans du tissu frais de carcinome“ 
Rosenthal et Léopold observent des granulation 
mobiles, contenues dans les cellules ou s'en échap= 
pant activement. 

Toutes ces formations observées dans les cellules 
parasites sont mal définies. Rien ne permet de leur 
assigner la valeur d'un organe spécial qui manquez 
rait aux levures ordinaires. Effectivement, l'histo= 
logie des Blastomycètes n'a pas été étudiée avec la 
même précision sur les éléments enfouis dans les 
tissus malades que sur les abondantes végétations 
des cultures ; la fine structure du protoplasme el 
du noyau de la cellule de levure n'a pas été recher=« 
chée dans les inelusions des tumeurs. Notre igro= 


1 Conseczr uud Frisco : Pathogene Blastomyceten bei 
Menschen. (C. f. Bakt., t. XVII, 1895). 

2 TokisuiGe : Ueber pathogene Blastomyceten (Centr. 1: 
Bakt., XIX, 1896). 

3 Bra : D'un champignon parasite du cancer (C. R. Soc: 
Biol., 1898). — Le champignon parasite du cancer (Presse 
médie., 23 févr. 1899). — Culture de Vectria, parasite des 
chancres des arbres. Analogies de ces cultures avec celles 
du champignon parasite du cancer humain (C. R. Acad: 
Se., 10 juillet 1899). — Le cancer et son parasite (Paris; 
1900). 

4 Voruceix : Cancer et tumeurs végétales (Bulletin des 
séances de la Soc. des Sciences de Nancy, 15 février 1900} 

® RosexruaLe : Ueber Zellen mit Eigenbewegung des Inhalts, 
beim Carcinom des Menschen und über die sog. Zelleins= 
cblüsse auf Grund von Untersuchungen an lebensfrischen! 
Material (Archiv. f. Gynäkologie, t. LI, 1896). 

ü Lroporp : Untersuchungen zur Æliologie des Carcinoms. 
und über die pathogenen Blastomyceten (Archiv für Gynà 
kologie, t. LXI, 1900). 


se 


PAUL VUILLEMIN — LES BLASTOMYCÈTES PATHOGÈNES 


137 


rance lient à des difficultés techniques: il faut éga- 
lement faire la part des erreurs d'interprétation 
émanant de savants moins versés dans les connais- 
sances bolaniques que dans les connaissances 
pathologiques. Rien ne prouve, par exemple, que 
les diplocoques de Tokishige et de Bra corres- 
pondent aux granulalions observées dans l'inté- 
rieur des globules levuriformes. Nous admettrons 
difficilement que les corpuscules de Léopold soient 
comparables aux zoospores par leur motilité, 
quand l'auteur nous déclare que le mouvement 
persiste dans les cellules plongées dans l'acide 
chlorhydrique et même dans des fragments de tissu 
enrobés depuis trois jours dans la paraffine. Des 
organismes si délicats n'auraient pas survécu à 


Fig. 3. — Saccharomyces tlumefaciens. Formes parasilaires 
munies de grosses capsules gélifiées (Curtis). 


l’action préalable des liquides fixateurs el déshy- 
dratants. : 

On peut négliger, comme insuffisamment établies, 
les données concernant les formations endogènes 
Spéciales à l’état parasitaire des Blastomycètes. 

Il est, au contraire, parfaitement établi que les 
globules provenant des tissus possèdent souvent 
une capsule volumineuse d'aspect pierreux ou 
vitreux, qui n'est point habituelle chez les levures. 
Mais l'expérience a prouvé que des globules encap- 
sulés, provenant des Lissus, donnent des Blasto- 
mycètes typiques. Ainsi Sanfelice, Roncali obtien- 
nent des cultures caractéristiques en placant dans 
des milieux putritifs des fragments de tumeurs 
contenant, d’après le premier, le Saccharomyces 
lithogenes ; d'après le second, le Zlastomyces vitro 
simile degenerans. Restait à prouver que les cul- 
tures provenaient bien des corps calcifiés ou vitreux 
et non de germes masqués dans la masse néopla- 
sique. Les Blastomycètes, débarrassés par repi- 
quages successifs des impuretés que la semence 
d'origine aurait pu entrainer, ont élé inoculés à des 
cobayes. Dans les expériences de Roncali comme 


dans celles de Sanfelice, les animaux présentèrent 
des globules encastrés dans une gangue piérreuse 
ou vitreuse au milieu de nodules inflammatoires. 
Les masses pierreuses provenant du rein d'un 
cobaye inoculé, placées dans de l’eau stérilisée, se 
décalcifient progressivement 
dans une période de vingt- 
quatre à quarante-huitheures ; 
il ne reste plus, autour de la 
membrane fine et réfringente 


de la cellule levuriforme, © K : 
qu'une capsule hyaline. Une © F) NA) 
semblable capsule hyaline @) 


s'est montrée autour des cel- 


: Fig. 4. — Cryptocoe- 
lules contenues dans les tissus, € 


cus Hominis (Vieille 


à la suite de l’inoculation de culture, sur jus de 
ÿ : pruneaux d'après 
levures banales pratiquée par Busse). 


Sanfelice et Nesczadimenko #. 

La démonstralion est complète : les enveloppes 
pierreuses, débarrassées de la substance incrus- 
tante, prennent le caractère de capsules hyalines. 
Des globules encapsulés engendrent des globules à 
membrane mince, et réciproquemeni. Par consé- 
quent, les capsules qui, par leur développement 
extrême, ont frappé les anatomistes, peuvent fort 
bien appartenir à des Blastomycèles. 

Nous dirons plus : elles représentent un organe 
normal des Blastomycèles. Chez le Saccharomyces 
tumefaciens, dont la capsule atteint un prodigieux 
développement dansle produit pathologique, Curtis? 
l'a retrouvée sans peine dans les cultures (fig. 3); 


Fig. 5. — Saccharomyces granulatus. — a, b, aspect de la 
surface : granules isolés ou confluents en réseau; €, 
forme allongée : d, chlamydospores ; e, asques. 


chez le Cryplococcus Hominis, Busse* l'a reconnue 
dans les milieux artificiels (fig. 4), dès que son 


1 NESCZADIMENKO : Zur Pathogenese der Blastomyceten 
(Centr. f. Bakl., t. XXV, 1899). 

? Curns : Contribution à l'étude de la saccharomycose 
humaine (Ann. de l'Institut Pasteur, t. X, 1896). — A 
propos des parasites du cancer (Presse méd., 11 mars 1899). 

3 (. Busse : Ueber parasitäre Zelleinschlüsse und ihre 


138 


PAUL VUILLEMIN — LES BLASTOMYCÈTES PATHOGÈNES 


altention eut été éveillée par les observations de 
Curtis; chez le Saccharomyces granulatus, elle 
forme un revétement orné d'élégantes saillies ponc- 
tiformes ou soudées en réseau (fig. 5). D'une façon 
plus générale, la membrane des Blastomycètes se 
compose de deux couches, dont l'externe, géné- 
ralement réduite à une mince pellicule, s'épaissit 
et se différencie sous diverses influences. Cette 
sorte de cuticule, prenant un développement inso- 
lite dans les tissus malades, devient la capsule. 

Ce développement exagéré est considéré à tort 
comme un signe de dégénérescence; les globules du 
S. tumefaciens se multiplient abondamment, malgré 
la capsule géante qui les protège. Il résulte assu- 
rément de l’action du milieu hospitalier sur le para- 
site; mais chaque espèce réagit à sa manière 
contre la provocation des tissus auxquels elle 
dispute le terrain ; suivant ses tendances propres, 
elle donnera des capsules minces ou épaisses, hya- 
lines, cornées ou pierreuses. Les capsules repré- 
sentent, en un mot, une adaplation parasitaire de 
la couche superficielle de la membrane des Blas- 
Ltomycètes. 

Il est donc démontré que les Blastomycètes sont 
capables de vivre dans l'intimité des tissus et 
s'adaptent à ce milieu exceptionnel, en prenant 
des caractères aberrants, qui les feraient mécon- 
naître par des observateurs non prévenus. 

Partant de cette donnée exacte, divers observa- 
teurs rapportent sans hésiter aux Blastomycètes 
les corps avides de couleur qu'ils observent dans 
les tumeurs et qui répondent à peu près, par leur 
forme et leurs dimensions, aux cellules de levures. 
Roncali, Binaghi', Aievoli”, s'engagent hardiment 
dans cette voie et concluent de leurs observations 
que les Blastomycètes existent constamment dans 
les tumeurs malignes. Les partisans de la théorie 
trouvent des arguments jusque dans les observa- 
tions destinées à démontrer l'intervention des 
Protozoaires. Albarran *, Banti*, Gilchrist avaient 
antérieurement mentionné des phénomènes de 
bourgeonnement peu conformes au mode d’évolu- 
tion des animaux. 


Züchtung (C.f. Bakt., 1. XVI, 1894). — Ueber Saccharomy- 
kosis hominis (Virchow's Archiv, t. CXL, 1895, et t. CXLIX, 
1896). — Die Helen als Krankheitserreger (Berlin, 1891). 

1 BiaGur : Ueber das Yorkommen von Blastomyceten in 
den Epitheliomen und ïbre parasitäre Bedeutung (Z. f. 
Hygiene, XXIII, 1896). 

? AxevoLr : Osservazioni preliminari sulla presenze di blas- 
tomiceti nei neoplasini (77 Policlinico, I, 1895). — Nuova 
contribuzione aïlo studio dei blastomiceti nei neoplasmi 
{Riforma medica, nov. 1895). — Ricerche sui Blastomiceti 
nei neoplasmi (Centralblatt für Bakter., XX, 1896), 

3 Acparnax : Sur les tumeurs épithéliales contenant des 
psorospermies (C. R. Soc. de Biologie, 1889). 

# Banrr : | parassili nella malattia mammaria del Paget 
(Lo Sperimentale, t. XLVII, 1894). 

5 Giccuristr : À case of blastomicetic’ dermatitis in 
(J. Hopkins Hospital Reports, t. 1., 1896). 


man 


Les corps fuchsinophiles, décrits d’abord par 
Cazia” comme les produits d'une dégénérescence 
hyaline des cellules cancéreuses, avaient été, peu 
après, considérés par Russell * comme des cellules 
parasites. L'auteur anglais n’était pas éloigné de les 
rapporter aux Blastomycètes ; mais il songeait … 
d'autant moins à en faire les agents spécifiques du 
cancer, qu'il en avait retrouvé d’analogues dans des 
lésions syphilitiques ou tuberculeuses. D'ailleurs, les 
travaux de Soudakewitch?, Foa‘, Ruffer et Walker” 
Metchnikoff®, ete., avaient mis les Sporozoaires à la 
mode et les corps avides de fuchsine tombaient 
dans l'oubli, quand les découvertes de Sanfelice 
attirèrent de nouveau l'attention sur ces productions 
mal définies. Cependant personne n’a constaté en 
eux la structure d'une cellule de champignon. 
Pianese ? combat énergiquement leur assimilation 
aux Blastomycètes, tant par des raisons hislolo- 
giques que par des preuves expérimentales. Il à 
constaté l'apparition de corps de Russell dans les 


Fig. 6. — Corps de Russel se produisant à la suite d'une 
injection de sublimé (d'après Pianese). 


tissus dégénérés sous l'influence d'’injections asep- 
tiques de sublimé (fig. 6). 

Les données histologiques sont, en somme, insuf- 
fisantes pour démontrer que les inclusions des 
tissus cancéreux soient des Blastomycètes. Quand 
les descriptions son! assez vagues pour justifier 
l'hésitation entre un Blastomycète et un Protozoaire, 
oumême un produit d'altération d'un tissu humain, 
il nous paraît sage de conclure, en bonne logique, 
qu'elles sont insuffisantes pour appuyer l'une ou 
l’autre des théories en présence. 


{ Cain : Contribution à l'étude des dégénérescences 


cellulaires (Journal de l'Anal. et de la Physiol., t. XXVNI, 
1900). 

? RusseLL : An adress on à charakteristic organism © 
cancer (British medical Journal, 1890). 

# SounakewIrsCu : Recherches sur le parasitisme intracel- 
lulaire etintranucléaire chez l'homme (Ann. Institut Pasteur, 
1891.) 

+ Foa : Sui parassiti e sulla istologia patol. del cancro 
Arch. per le scienze mediche, t. XVIII, 1593). 

5 Rorrer and WALKER : On some parasitic proftozoa found 
in cancerous tumours {Journal of Pathology and Bacter., 
1892). 

Rurrer and Primuer : Further researches on some para- 
sitic protozoa found in cancerous tumours (/bid., 1893). 

S MercuxiKkorr : Carcinomes et coccidies (Revue géncrale 
des Sciences, t. 111, 1892). 

7 Pranese : Su i corpi fuxinofili di Russell (Archives de 
Parasitologie, t. 1, 1898). 


PAUL VUILLEMIN — LES BLASTOMYCÈTES PATHOGÈNES 


Des preuves physiologiques ont été invoquées à 
l'appui des renseignements imparfails de l'histo- 
logie. Léopold a pu obtenir la fermentation alcoo- 
lique en présence des tissus cancéreux; mais ce 

n'est là encore qu'une indication, non une preuve. 
Si les Blastomycètes comptent dans leurs rangs les 
agents les plus importants des fermentations indus- 
trielles, ils n'ont pas le monopole de cette fonction. 


III 


Pour prouver la nature végétale d'un corpuscule 
contenu dans un tissu, le procédé le plus sûr est 
de constater qu'il végète. Cette observation est 
pupossible, tant que l'élément en litige est enfoui 
dans l’ organisme ; elle n’est pas pratiquement réa- 
Misable dans les tissus eux-mêmes. Léopold a bien 

“attaqué de front la difficulté, en conservant pen- 
“dant plusieurs mois des fragments de tumeurs sous 
Je microscope plongeant dans une éluve maintenue 
à la température du corps ; mais les conclusions 
“qu'iltire de ces expériences sur la croissance et les 
“mouvements des Blastomycètes dans les tissus 
“nourriciers soulèvent de sérieuses objections. 
“ Ilest donc nécessaire d'isoler les éléments soup- 
“connés d'être des Blastomycèles parasiles et de les 
“cultiver. Les cultures en terrains variés ont en 
“outre l'avantage de mettre en jeu la plasticité d'or- 
“ganismes très sensibles aux influences de milieu, 
artant de multiplier les manifestalions de l'acti- 
vité, de varier les caractères morphologiques et de 
- faciliter les distinctions spécifiques. 

On a isolé et cultivé sans peine les Blastomycètles 
“agglomérés en grandes masses dans des enduits 
* superficiels (Troisier et Achalme), dans des poches 
 kystiques (Curtis) et ceux qui flottent librement 
dans les sécrétions, le pus et autres produits patho- 
- logiques. Le semis des issus et notamment des 
- néoplasmes donne des résultats moins constants et 
moins certains. Tandis que Léopold réussit du pre- 

« mier coup des cultures dans la gélatine ou le bouil- 

* lon nutritif ordinaires, Bra, et à sa suite Chevalier” 

| insistent sur la nécessité d'acclimater d’abord les 

4 Blastomycèles des cancers dans un milieu spécial 
. ayant pour base le bouillon de mamelle. Corselli et 
. Frisco n'obtiennent un résultat pOSitie avec un Sar- 
come des ganglions mésentériques qu'en faisant les 
premiers ensemencements sur fucus, surtout neutre 
ou alcalin, Roncali se trouve mieux de l'emploi 
des liquides acides et sucrés usités journellement 
dans l'étude des levures. Après maints essais 
infructueux, Plimmer * réussit à isoler un Cryplo- 


1 Cnevauier : Sur un champignon parasite dans les 
affections cancéreuses. (C. A. Acad. Se., 23 et 12 juin 1898). 
— Le cancer, maladie parasitaire. (Thèse Méd., Paris, 1899). 

2 Priumer : Note préliminaire sur cerlains organismes 


139 


coceus d'un carcinome en ensemençant en culture 
anaérobie une infusion de tissu cancéreux addi- 
tionnée de substances nutritives. Wlaiev' se procure 
aussi des cultures de Blastomycètes en semant des 
tissus Bonome? réussit dans 7 
sur 23. 

Malgré les résultats encourageants obtenus dans 
le carcinome du bœuf, Sanfelice ne présente 
qu'avec une extrème réserve les premiers résulials 
de ses tentatives d'isolement des parasites des 
tumeurs humaines. Le petit nombre des colonies 
obtenues laisse subsister des craintes de contami- 
nation par les germes de l'air. Effectivement le 
nombre des Blastomyceètes qui ont germé n'est pas 
en rapport avec la multitude des globules observés 
dans les tumeurs considérés agents 
pathogènes ; ces globules restent donc stériles, au 
moins pour la plupart, dans les milieux de cul- 
ture où ils sont introduits expérimentalement 
Cela ne prouve pas qu'ils aient cessé de vivre et 
perdu la propriété de se multiplier dans les ‘issus 
eux-mêmes. Sans doute, beaucoup de parasites 
périssent dans l'organisme et finissent par être vic- 
times des altérations qu'ils ont provoquées autour 
d'eux; la dégénérescence frappe à la fois les tissus 
malades et les agents pathogènes. Mais, comme le 
remarque Sanfelice, les Blastomycètes pliés aux 
conditions nouvelles qui leur sont imposées par 
leurs connexions avec les cellules de l'organisme 
humain, ont pris de nouvelles habitudes biolo- 
giques et ne savent plus faire usage de la liberté 
qui leur est brusquement rendue. L'insuccès des 
cullures ne nous donne pas une preuve suffisante 
de l'absence de Blastomycètes vivants dans les 
organes lésés; mais il nous prive d'une preuve 
importante de leur existence. 

Par suite de leur viabilité affaiblie dans les con- 
ditions expérimentales, les Blastomycètes patho- 
gènes sont aisément supplantés dans les cultures 
par des cultures banales qui y trouvent les condi- 
tions les plus favorables à leur extension. Aussi les 
résultats positifs des cultures doivent-ils être sou- 
mis à une critique rigoureuse. Il ne faut pas iden- 
tifier hâtivement un Blastomycète obtenu en cul- 
ture avec les éléments observés dans les tissus 
semés. 

Dans bien des cas, la comparaison de la forme 
cultivée avec la forme reconnue dans les produits 
pathologiques est suffisamment convaincante. Plus 
souvent, les éléments des cultures diffèrent des glo- 


Cancéreux ; cas 


el comme 


isolés du cancer et leurs effets pathogéniques sur les 
animaux (Pevue gén. des Sciences, t. X, 1899). — On the 
aetiology of cancer (The Practitioner, t. LXII, 1899). 

1 Wrarev : Sérothérapie des tumeurs malignes (Mémoire 
présenté à l'Acard. de Médecine, 20 nov. 19007. 

2 BoxouE : Sull’ importanza dei blastomiceti nei tumori 
(Auti del R. Istituto Veneto, t. IX, 1898). 


PAUL VUILLEMIN — LES BLASTOMYCÈTES PATHOGÈNES 


bules intra-organiques. Quelques espèces perdent 
même, dans les milieux artificiels, le caractère de 
Blastomycèles qui, par définition, repose sur la 
végélation bourgeonnante. Ainsi le Cryptococcus 
degenerans s'allonge en filaments, contrairement 
au (Cr. lithogenes qui lui ressemble beaucoup, 
dans l'organisme, par la dégénérescence pierreuse 
de ses capsules. Roncali insiste sur cette différence 
et en conclut que son parasite est intermédiaire 
entre les Blastomycètes et les Oïdiées. Il faudrait 
même aller plus loin et considérer le Cr. degene- 
rans comme un Hyphomycète réduit, par adapta- 
tion parasilaire, à l'état de globules bourgeonnants, 
si les formations mycéliennes prennent réellement 
le dessus dans des conditions plus favorables de 
nutrition. Tokishige établit une distinelion analo- 
gue entre le Cryptococcus de la lymphangite épi- 
zootique du Japon et le Saccharomyces du farein 
d'Afrique. GilchristetR.Stokescomparent au Cham- 
pignon du muguet les cultures filamenteuses d'un 
Blastomycète isolé d'un cas de pseudolupus. Hek- 
toen * oblient un Hyphomycète semblable à un Spo- 
rotrichum en cultivant des Blastomycèles extraits 
du pus d'abcès sous-cutanés. G. Memmo* avait ob- 
servé dans la moelle épinière d’un enfant mort de 
rage, et chez des lapins inoculés avec le virus rabi- 
que, des formes semblables aux Blastomycètes 
signalés par Sanfelice dans les tumeurs. Les eul- 
tures ensemencées avec la substance cérébrale de 
l'enfant lui donnèrent un Champignon intermé- 
diaire entre les Saccharomyces et les Oidium, c'est- 
à-dire un mélange de globules bourgeonnants et de 
filaments cloisonnés ou continus. Calmette*, ayant 
observé des levures dans la salive de malades 
atieints de typhus, vit se développer à leurs dépens 
des filaments spirilliformes dont la nature est peu 
claire. Û 

Tous ces Champignons, inoculés aux animaux, 
ont reproduit dans l'organisme les formes de Blas- 
tomycèles exclusivement. Par conséquent, l'appa- 
rilion de filaments ne prouve pas la contamination 
des cultures par des germes extérieurs distincts 
des Blastomycètes observés dans l'organisme. 

Les asques ou sporanges caractéristiques du 
genre Saccharomyces se forment dans des condi- 
tions de milieu assez strictement déterminées. Ils se 
montrent pour chaque espèce dans d'étroites limites 
de tempéralure (Hansen) et de préférence quand 
les levures en voie d'active évolution sont brusque- 
ment sevrées, quand on les transporte, par exemple, 


© HEKkTOEN : Un nouveau Champignon pathogène (Centr. f. 
Bakt., t, XXVII, 1900). 

* MEwwo : Britrüge zur Ætiologie der Rabies (Centr. 1. 
Bakt., t. XX, 1896). 

* CaLuerTE : De la présence d’un microorganisme dans le 
sang, les crachats et les urines des malades atteints de 
typhus exanthématique (Ann. de Microgr., févr. 1893). 


sur des blocs de plâtre (Engel), du papier buvar 
(Wasserzug), ou quand les globules anciens son 
écartés de la gélatine nutrilive par les nouvelles 
couches qui les soulèvent (Swan). Ces conditions 
ne se réalisent guère dans l'organisme. À part le 
Saccharomyces farciminosus, où les cellules endo= 
gènes (à paroi mince d'ailleurs) se montrent par- 
fois dans le pus (fig. 7), d'après Fermi et Aruch!, 
les ascospores n’ont jamais été observées à l’examert 
direct des tissus ou des produits pathologiques. 
Leur existence dans les cultures a élé signalée 
par Achalme et Troisier chez le S. anginæ, par 
Busse chez le S. fumefaciens de Curtis. Des cellules* 
endogènes à paroi mince, répondant à la descrip= 
tion de Fermi et Aruch, ont été obtenues chez le 
S. granulatus transporté sur des blocs de plâtre. 
Mais ces organes reproducteurs font défaut dans* 
la plupart des milieux de cultures comme dans 
l'organisme. La formation decapsules danslestissus 
de chlamydospores dans les cultures, manifestent 
également la réaction du Cham- 
pignon contre des influences de 


se ; a CS) 6 
milieu restreintes et n'infirment É) 0 
en rien Ja communauté d'origine 6 
des globules observés dans le 0 O0: 
corps et des végétalions déve- 

ps 8 2) @ 


loppées in vitro. 

Les diagnoses botaniques ba- 
sées sur l'étude des cultures con- 
viennent donc pour la plupart 
aux Blastomycètes préexislant 
dans les tissus ou les produits 
semés. Elles ont permis de dresser une liste déjà 
longue des Blastomycètes parasites de l'homme. 

Le genre Saccharomyces, fondé sur la présence 
des asques, comprend les espèces cilées plus haut, 
S. Anginæ, tumelaciens, larciminosus, granulatus. 
On a cité d’autres Saccharomyces parasites : S. 2 
lipsoidens dans ia trompe d'Euslache, S. Cerevi-. 
si dans le mucus ulérin, sans toutefois fournir la 
preuve de l'existence des asques, qui justifierait 
cette détermination. Les levures roses signalées 
fréquemment dans les produits pathologiques se 
rattachent sans doute en parle au S. Fresenii. La 
forme des globules roses isolés par Stéphen Artault” 
des cavernes pulmonaires sous le nom de Cryplo=-. 
coccus cavicola répond assez bien à la diagnose de 
cette espèce ; mais la preuve de cette assimilation 
fait défaut, et d'ailleurs il ne semble pas que le pa- 
rasite ait végélé dans l'organisme en quantité suf- 
fisante pour nuire. 


Fig. 7. — Crypto- 
coccus  {farcimi- 
nosus dans Je 
pus (d’après Fer- 
mi et Aruch). 


1 Kenur und Anucu : Ueber eine neue pathogene Hefeart 
und über die Natur des soz. Cryplococcus farciminosus 
Rivoliæ (Centr. f. Bakt., t. XVII, 1895). 

? Srernex Auraurr : Flore et faune des cavernes pulmo- 
näires (Archives de Parasilologie, 1, 1899). 


PAUL VUILLEMIN — LES BLASTOMYCÈTES PATHOGÈNES 


1 
LS 
— 


Les autres Blastomyeètes parasiles, à défaut 
d'organesreproducteurscaractérisliques d'un genre 
définitivement fixé, rentrent dans le genre pro- 
visoire Cryplococcus. Nous ne saurions étendre, 
avec Sanfelice, la dénomination de Saccharomyces 
à tous les ferments alcooliques. En attendant la dé- 


couverte de caractères qui les rattachent à divers 


é os 

£ SES æ) 

ra K ® \ DZ 

Fig. 8. — Cryptococcus Tokishigei donnant des filiments 
— en culture sur gélose (d'après Tokishige). — x, globules 


typiques ; b, e, globules conteuant des granulations ; 4, 
—… granulations libres, supposées issues des globules : e, f, 
À transformation des globules en filaments. 
genres d'Hyphomycètes, nous laissons aux (Cryp- 
“lococceus les espèces qui donnent des filaments dans 
“les cultures : Cr. degenerans, Tokishigei (fig. 8), 
“Gilchristi, ainsi que les espèces fort douteuses 
“signalées par Hektoen dans les abcès sous-culanés, 
par Memmo dans les centres nerveux des rabiques, 
par Calmette dans le typhus. 
| Les espèces constamment globuleuses se dislin- 
…puent par des caractères dont la valeur spécifique 
“est inégale, souvent incerlaine; par le mode de 
nec dans les tissus : Cr. lithogenes ; 
| “par leur coloration rose : Cr. glulinis, rouge 
“framboise: Cr. ruber, noire: Cr. niger de Maf- 
“fucci et Sirleo', Cryplococcus de Corselli 
risco. La distinction des levures incolores repose 
principalement sur leur origine. Peut-être pourra- 
-on invoquer la préférence du Cryplococcus de 
Plimmer pour les milieux privés d'air, les grandes 
imensions du Cr. psoriasis, la sphéricité du Cryp- 


et 


ères considérés comme spécifiques par les bota- 
_nistes font jusqu'ici défaut pour distinguer le 
“Cr. hominis de Busse, le Cr. granulomatogenes du 
poumon du porc et divers Blastomycètes isolés des 
tumeurs humaines par Sanfelice, Léopold, Wlaïev, 
ccm, le Gr. albus, de Hlava, le Cryplococcus 
trouvé par Gotti et Brazzola* dans un polype nasal 
. de la jument, etc. 


1 Marrucer und Sirzeo : Beobachtungen und Versuche 

über einen pathogenen Blastomyceten (Centr. f. allq. 

… Pathol. u. Anat., t. VI,-1895 et t. VII, 1896). — Ueber die 

Blastomyceten als Infektionserreger bei bôsartigen Tumoren 
(Zeitschr. f. Hyq., XXVII, 1898). 

? Gorrr e Brazzora : Sopra un caso di blastomicosi 

“nasale in una cavalla (%/emorie d, R. Acc. d, Scienze di 

… Bologna, t. VI, 1891). 


x 


Lococcus que j'ai vu dansl'ecthyma; mais des carac- | 


IV 


Les procédés combinés de l'Anatomie patholo- 
gique et des cultures ont établi la coexistencr 
entre une série de lésions et une série de Champi- 
gnons parasites appartenant au groupe des Blaslo- 
mycèles. Le résultat est fort intéressant pour le 
bolaniste, en lui montrant que le terrain vivant 
convient à ces divers Champignons. Mais le méde- 
cin ne saurait s'en coulenter; il lui importe de sa- 
voir s'il existe entre le parasite et la lésion un rap- 
port de cause à effet. Est-ce l’altération préalable 
du terrain organique qui détermine la fixation et la 
mulliplication des Blastomycètes? Est-ce au con- 
traire le parasite qui cause la lésion ou du moins 
contribue à la produire ? 

Dans des circonstances spéciales, bienrestreintes, 
on a vu le Blastomycète à l'œuvre dans l'organisme. 
Son aclion mécanique est appréciable, quand le 
Saccharomyces Anginæ forme des plaques cré- 
meuses envahissant le pharynx, quand le S. /ume. 
faciens dissèque les tissus en séparant la peau des 
muscles par l'extension de sa masse. 

L'action chimique a été mesurée par l'analyse 
des sécrétions produites par les Champignons dans 
les cultures. Mais quand il s'agit de démontrer la 
toxicité d'un produit, il ne suffit plus de l'analyser, 
il faut constater son aclion sur un organisme com- 
parable à celui de l'homme. 

Les catarrhes gastro-entériques observés par 


Fig. 9. — Cryptococcus ruber. Culture dans du bourllon. — 
a, chlamydospore. 


Demme chez des enfants en bas âge ayant ingéré 
le Cryptococcus ruber (fig. 9, 10 et 11) avec du 
lait eru ou mal cuit sont d'origine toxique. Nous en 
avons la preuve dans l'expérience de Casagrandi”, 


1 Casacrawot : Il Saccharomyces ruber (Ann. d'Ig. sper., 
t. VII et VIII, 1898). 


qui donna la diarrhée à une petite fille en lui faisant 
boire du lait dans lequel le Cr. ruber avait été 
cultivé, par stérilisation fractionnée. 
Les chiens et les lapins avaient fourni au préalable 
le même résultat. Si le Cr. ruber est cultivé dans 


puis tué 


Fig. 10. — Cryptococcus ruber dans le sang du cœur d'un 
lapin inoculé depuis cinq mois. — g, globule rouge. 


le bouillon, on l'ingère impunément en grande 
quantité, à la seule condition d’exclure le lait de 
l'alimentation. Ce Blastomycète n’élabore donc de 
principes toxiques qu'en se nourrissant de lait; le 
poison est un produit de la transformation du lait 
par le Champignon. 

Cet exemple nous fait loucher du doigt la diffi- 
culté que soulève l'appréciation de la production 
toxique d'un Blastomycète. Les sécrétions d’un pa- 
rasite varient avec son alimentation ; les sorties sont 
réglées par les entrées. Dans les expériences de 
Demme * et de Casagrandi, nous avons pu suivre 
dans le tube digestif la substance aux dépens de 
laquelle le Blastomycète élabore le poison in vitro. 
Mais, dans la plupart des lésions à Blastomycètes, 
nous ignorons si le parasite rencontre à l'intérieur 
du corps humain des aliments comparables à ceux 
de nos milieux artificiels. Qui sait si les produits 
de la nutrilion parasilaire sont les mêmes que les 
produits de culture? Les premiers peuvent être 
inoflensifs, quand les seconds sont toxiques, et 
réciproquement. 

On atténue cette difficulté en introduisant dans 
le péritoine des sacs de collodion contenant des 
cultures ; le parasitisme est alors réduit aux 
échanges chimiques entre le Champignon et l’or- 
ganisme hospitalier. Par ce procédé, Legrain obtient 
chez le lapin, avec le Saccharomyces granulatus, un 
amaigrissement extrêmement considérable en huit 


! Dewme : Saccharomyces ruber (Volume du jubilé d'Hé- 
noch, 1889, — Ann. de Microgr., 1889, et Anpali d'Ig. sper., 
t. VII, 1897). 


PAUL VUILLEMIN — LES BLASTOMYCÈTES PATIHOGÈNES 


| à dix jours. C'est encore avec un fort amaigrisses 


ment que périssait un lapin, cinq jours après avoit 
recu dans les veines une vieille culture du mémt 
parasite en bouillon. Un homme atteint de tumeurs 
de la mächoire contenant le même Blastomycète 
avait perdu 6 kilogrammes de son poids en un mois 
On observe donc, dans ce cas, une cerlaine con 
cordance entre les symptômes de la maladie spon 
fanée el ceux del'intoxication expérimentale. 

Mais le syndrome clinique est autrement com* 
plexe que l’ensemble de phénomènes reconstitué 
par la synthèse des actions mécaniques et des ac 
tions chimiques séparées par l'analyse. Pour être 
fixé sur le rôle étiologique d’un Blastomycète, ul 
faudrait reproduire expérimentalement la maladie 
spontanée, en faisant agir le parasite et en sépa 
rant de son action celle des agents accessoires qui 
la renforcent, la complètent, la modifient ou s’as 
socient à elle. 

Aucune tentative de ee genre n'a été faite pour 
les Blastomycètes observés par Hlava dans la va 
riole, par Rivolla, Eisenberg et d'autres dans 
diverses affections cutanées, les exanthèmes, les 
otites, le rhinosclérome, l'hypertrophie des amyg 
dales. Dans d’autres cas, l'inoculation est restée 
sans effet. 

Dans une autre série d'expériences, la lésion 


Fig. 11. — Cryptococeus ruber dans le pus d'un lapin. 
a, cellules vivantes; b, enveloppes vides; c, blastomy- 
cètes englobés par les leucocytes. 


provoquée diffère totalement de la maladie d'ori 
gine. Lalevure trouvée par Calmette dans le typhus. 
est inoffensive pour le lapin, quand elle est dépo= 
sée sur les muqueuses nasale, pharyngienne, vagi= 
nale; les phagocytles en ontraison en quatre jours: 


PAUL VUILLEMIN — LES BLASTOMYCÈTES PATHOGÈNES 


743 


Les crachats et les cultures de Blastomycètes qui 
en proviennent, inoculés dans la trachée du lapin, 
provoquent une fièvre de 40 à 42° C., jamais d'exan- 
thème ; l'animal guérit sans traitement au boul 
d'une quinzaine de jours. 

Les résuliats positifs les plus nets ont élé obte- 
nus avec des Blastomycètes provenant de simples 


affections inflammatoires. Nous avons déjà vu le 


Zryplococcus ruber reproduire l'entérite. Une 
evure, isolée par Colpe des écoulements d'une 


- femme alteinte d'endométrile catarrhale, fut cul- 


tivée et injeclée dans le vagin d'une lapine ; l’ani- 
maleut pendant quinze jours un écoulement séreux 
contenant le parasite. 

Les causes d'irriltation les plus banales eussent 
produit un effet analogue. Du moment qu'un Blas- 
tomycète peut s'étendre à la surface d'une mu- 
queuse délicate, il est tout naturel qu'il en provoque 
linflammation. L'expérimentation a même paru 
superflue à Troisier et Achalme lorsqu'ils ont pris 
sur le fait la levure de l’angine crémeuse. 

Le Blastomycète comparé par Hektoen à un Spo- 
rotrichun d'après les caractères des cultures a 
reproduit des abcès sous-cutanés chez le chien, le 
cobaye, la souris et le rat; il prend donc place dans 
la catégorie des pyogènes. 

La lésion initiale est encore reproduite chez le 
porc par le Cr. granulomalogenes de Sanfelice ; 
les granulomes provoqués ont exactement la struc- 
ture histologique du granulome qui a fourni le 
parasite. 

Les poches à levures dont Curtis isola le $S. {ume- 
laciens ont élé reproduites avec leurs caractères 
de pseudo-tumeurs lobulées, contenantdes colonies 
géantes de Blastomycètes, chez les rats et les sou- 
ris inoculés sous la peau avec des cultures pures. 

Dans les cas précédents, il s'agit d'affections 
locales, et la lésion reproduite est d’un type assez 
simple, pour ne pas dire banal, On a cherché à 
reproduire aussi des maladies nellement spécifi- 
ques. Memmo donne aux animaux une maladie 
mortelle, qui lui parait être la rage du type paraly- 
tique, en leur inoculant, soit sous la dure-mère. soit 
sous la peau, soit dans le péritoine, des cultures de 
Blastomycètes provenant des centres nerveux des 
animaux morts de rage. Les accidents éclatent après 
une longue période d’incubation, dont la durée est 
de six à huit jours chez le lapin, onze à vingt jours 
chez le cobaye, trente à soixante jours chez le 
chien.Chez ce dernier, la maladie, une fois déclarée, 
se juge en sept à huit jours. L'animal est maigri, 
hargneux, agressif; il a parfois la manie de mordre ; 
il refuse la nourriture; il a l’écume à la bouche, la 
mâchoire pendante; la paralysie envahit tout le 
corps. La maladie a pu être transmise en série aux 


chiens, non aux lapins, par inoculalion sous-cuta- 


née d'une émulsion de substance cérébrale des 
chiens qui ont succombé avec les symptômes qui 
viennent d'être décrits. 

Les expériences de Memmo méritent d'être répé- 
tées et variées; elles sont d'un haut intérêt, mais 
encore trop restreintes pour permettre de classer 
définitivement la rage parmi les blastomycoses. 

Dès que l’on sort des simples abcès, des kystes 
ou des granulomes, les tuméfactions expérimen- 
tales sont difficiles à identifier avec les lésions 
spontanées. Le Cryptocoecus Gilchristin'a pas re- 
produit le pseudo-lupus; il a provoqué des abcès 
sous la peau du cheval, une masse purulente dans 
la plèvre du chien; les inoculations à la souris et 
au cobaye n'ont pas donné de résultat. Les cultures 


la® see e229 2 
206 LOST OECS 


Fig. 12. — Cryplococcus Hominis logé dans la paroi d'un 
abcès du tibia humain (d'après Busse). 


des (r yplococeus du farcin d'Afrique ou du Japon, 
le plus souvent inoffensives, ont donné tout au plus 
des nodules locaux tendant à suppurer. Le S. gra- 
nulatus, injecté sous la peau des lapirs, provoque 
des nodules inflammatoires, qui finissent par 
s'abcéder et se résorber; son action est purement 
infectieuse à la suite d'inoculalion intraveineuse. 
Avec le jetage d'une jument alteinte de polypes 
nasaux, Gotti et Brazzola obtiennent un tissu de 
granulations. 

Les difficultés redoublent lorsqu'on aborde le 
chapitre des tumeurs malignes. D'abord, le dia- 
gnostic est discuté, soit pour la maladie d’origine, 
soit pour la maladie provoquée. Sanfelice veut 
trouver un sarcome généralisé dans l'affection 
décrite par Busse comme une inflammation para- 
sitaire chronique. Le Cryptococcus hominis (Gg.12 
et 13), extrait de cette affection, n'a provoqué chez 
les animaux que des phénomènes inflammatoires 


1 
ES 
= 


et, dans les cas les plus favorables, chez le chien, 
une tumeur composée d’un tissu de granulalions 
mou, vasculaire, œdémateux avec de grands et de 
petits espaces infiltrés de graisse. La lésion expé- 
rimentale ne présente donc pas la malignité soup- 
connée par Sanfelice aux tumeurs d'origine; elle 
est même au-dessous des prévisions de Busse. 

Sanfelice n'a rien obtenu avec le Cr. lithogenes 
provenant d'un bœuf cancéreux. Il ne se loue pas 
davantage des résultats, très inconstants d’ailleurs, 
obtenus par l'inoculation aux chiens, soit des émul- 
sions de tumeurs de l'homme et des animaux, soit 
des cultures qui en provenaient. 

Maffucci et Sirleo avaient obtenu le Cr. niger en 
semant les issus d’un cobaye atteint de tumeur 
myxomaleuse du poumon avec ganglions tuméfiés. 
Ils n'ont pas inoculé des cultures pures, mais des 
fragments de poumon malade, et ont obtenu, chez 
le cobaye, une tumeur locale qui s’ulcéra et s’ac- 
compagna d'un gon- 
flement des ganglions 
axillaires. Leur con- 
clusion est qu’un 
Blastomycèle peut 
produire des néopla- 
sies de nature chro- 
nique, dont les pro- 
duits cellulaires ont 
la propriélé d’émi- 
vers les gan- 


grer 
do ne 
une cellule géante : abeès du  €t que le parasite 
tibia humain (d'après Busse). émigre avec les élé- 
ments de la néopla- 
sie. Ils restent néanmoins convaincus que les pro- 
cessus déterminés jusqu'ici (1898) par les Blasto- 
mycèles ne représentent nullement une forme de 
néoplasie équivalente à la formation anatomique 
du cancer et du sarcome. Jusqu'ici, disent-ils, les 
Blastomycètes ont causé, chez l’homme et les ani- 
maux, de la septicémie, de la suppuration, et des 
néoplasies inflammatoires chroniques à la façon de 
la granulie. 

Corselli et Frisco, les premiers, déclarent qu'ils 
ont reproduit des néoplasies de nature maligne et 
mortelle avec un Blastomycèle provenant d'une 
maladie semblable, et'ils concluent que la parfaite 
analogie dans le siège, la structure et la marche 
de ces altéralions provoquées chez l'animal et des 
lésions spontanées de l'homme, démontrent la spé- 
cificité de leur action pathogène dans les deux cas. 
Malgré la netteté de ces asserlions, on hésite à 
porter le diagnostic de cancer dans le cas de Corselli 
et Frisco. Leur malade présentait une sorte de 
sarcome des ganglions mésentériques avec ascile 
chyleuse:; les animaux inoculés n'ont jamais offert 


PAUL VUILLEMIN — LES BLASTOMYCGËTES PATHOGÈNES 


l'exsudat laiteux qui donnait une allure si parli- 
culière à la maladie humaine. La démonstration 
que les auteurs croient avoir fournie pour ce cas 
particulier n’est donc pas complète: en tout cas, — 
ils le reconnaissent eux-mêmes, — elle n'est pas 
valable pour les tumeurs malignes en général. 

Le Cryptococcus degenerans (fig. 14), extrait par 
Roncali des adénocarcinomes, des épithéliomes et 
des sarcomes, a provoqué, chez les cobayes et les 
chiens, une réaction néoplasique et non inflam- 
matoire; mais la mort rapide des animaux inoculés 
n'a pas permis le développement de tumeurs com- 
parables aux lésions d’origine. 


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Fig. 14. — Coupe d'une tumeur adhérente au côlon humain 
et renfermant du Cryptococcus degenerans (d'après 
Roncali). 


Les résullats énoncés par Bra à la suite de l’ino- 
culation de champignons isolés du cancer sont 
beaucoup plus saisissants. Il observe toute une 
gamme allant de l’inflammation aiguë ou chronique 
et de la sclérose jusqu'au fibro-sarcome et au sar- 
come inclusivement. Seulement, il n’est pas facile 
de se faire, d'après les descriptions de l’auteur, une 
idée exacte de ce que sont, au point de vue bota- 
nique, les champignons isolés des tumeurs mali- 
gnes. Bra a observé, soit dans l'organisme malade, 
soit dans les cultures, des formes bourgeonnantes 
colorées ou incolores, des éléments cocciformes, 
des filaments chargés de conidies allongées, des 
périthèces analogues à ceux des Nectria qui sont des 
Ascomycètes d'un type très élevé. Il décrit en outre, 
comme endospores, des grains rouge rubis sem 


vi ne Lost MN 


PAUL VUILLEMIN — LES BLASTOMYCÈTES PATHOGÈNES 745 


blables à des microcoques et des inclusions plus 
volumineuses, rondes ou allongées, contenues dans 
les globules levuriformes. Rapportant toutes ces 
formes à une même espèce, l’auteur conclut avec 
“une inconteslable logique que le champignon du 
cancer n'est pas un Blastomycète. Mais, si le rai- 
sonnement est juste, les observations qui lui ser- 
vent de base sont tout à fait insuffisantes. 
…. Bra à bien voulu, à deux reprises différentes, 
nous fournir des échantillons vivants de son para- 
Sile. Les cultures, multipliées pendant dix-huit 
“mois dans notre laboratoire, ont donné constam- 
ment un Blastomycète répondant à la diagnose du 
“Cryptococcus ruber. Dans une note toute récente", 
ra objecte que la coloration n'est pas constante ; 
mnais cette remarque n'infirme pas notre détermi- 
“nalion ; chez tous les champignons chromogènes, la 
f formation du pigment peut être entravée ou abolie 
“par une nutrilion défectueuse. Nous concluons 
“donc que Bra a obtenu, des tissus cancéreux, un 
lastomycète, le Cr. ruber; mais il n'est pas suf- 
“isamment élabli qu'il ail toujours opéré avec la 
-même espèce de champignon. 
L'incertitude du point de départ retentit sur la 
rigueur des résultats expérimentaux. Ces résultats, 
Er ailleurs, sont loin de confirmer les prévisions de 
_ Bra sur la spécificité de l’action parasitaire : il 
“obtient, en effet, des dermatites, des glossites, des 
“ulcères de l'estomac, des cirrhoses hypertrophi- 
pures des infections aiguës ou subaiguës, des ca- 
“chexies sans lésions mycosiques. Les lumeurs 
“ provoquées sont le plus souvent des poches kysti- 
ques remplies de champignons; tantôt elles se 
résorbent, tantôt leur paroi s'épeissit progressive- 
ent de manière à combler la cavité; parfois les 
chiens ont offert des noyaux indurés dans _ 
viscères. 
Chevalier répète les expériences de Bra et arrive 
“aux mêmes résultats. 
Le Cr. ruber avait déjà été inoculé par Demme et 
par Casagrandi; le premier le considère comme 
inoffensif, le second oblient des nodules à contenu 
puriforme, en tout identiques à ceux que produisent 
- d'autres Blastomycètes. 
— MlkKovatcheva' a inoculé le Cr. ruber donné par 
Bra comme champignon extrait du cancer. Les 
« cobayes périrent en quelques jours. Chez les lapins, 
- l'injection n'eut d'autre conséquence immédiate 
- qu'un amaigrissement passager, parfois accompa- 
_gné de l’évolution d'une poche à contenu puriforme 
“au point d'inoculatiom. Les suites éloignées sont 


L 


| 


! Bra : Sur les formations endogènes du Champignon isolé 
des tumeurs cancéreuses (C. R. Acad. Sc., 10 décembre 
190 0). 

©? K. Kovarcueva : 
Nancy, 1900). 


Blastomycètes et tumeurs (Thèse Méd., 


REVUE GÉNÉRALE DES SCIENCES, 1901. 


plus intéressantes. Après une période d'incubation 
de plusieurs mois, durant laquelle les animaux 
gardaient toutes les apparences de la santé, la 
courbe des pesées présente une nouvelle chute qui 
signale le début de l’évolution de tumeurs viscé- 
rales. 

De ces diverses expériences on ne saurait con- 
clure que le Cr. ruber ou les champignons de Bra, 
quels qu'ils soient, aient une action spécifique dans 
la production du cancer. 

La lenteur de l’évolution des tumeurs malignes 
ne, permet guère d'apprécier les productions épi- 
théliales observées par Plimmer chez les cobayes 
morts de treize à vingt jours après l’inoculalion de 
son Cryplococcus. D'après la description et les fi- 
gures, il est très douteux, disent Petersen el Exner', 
que ces nodules aient le caractère de vraies lu- 
meurs; nous ne trouvons rien qui ne puisse êlre 


rapporté avec autant de raison à des modificalions 


inflammatoires. En lout cas, — et Plimmer lui- 
même l'avoue, — il ne s'agit pas de carcinome. 


inoculés avec les Blastomycètes de 
D'après 


Les rats 
Wlaïev ont péri d'infection généralisée. 
Lucas-Championnière 
chez ces animaux ne sauraient êtres assimilées à 
de véritables tumeurs cancéreuses. 

Leopold vient de publier le résultat positif d'une 
inoculation de Blastomycèles provenant d'un carci- 
nome de l'ovaire dans les testicules d'un rat. L'ani- 
mal périt au bout de cent quatre-vingt-quinze jours; 
il présentait une quantité de nodules sur tous les 
sur le péritoine pariélal, 


les néoplasies observées 


organes de l'abdomen, 
dans les ganglions lymphaliques rétro-péritonéaux, 
avec ascile des nodules du 
péritoine donna, six jours après le semis, une cul- 
ture blanchâtre de Blastomycèles à la surface de la 
gélatine restée parfaitement claire. 

Ce résultat est d'autant plus intéressant, que 
Leopold croit trouver des Blastomycètes sembla- 
bles dans les lissus cancéreux conservés sous le 
microscope chauffé et dans les tumeurs expéri- 
mentales obtenues deux fois à la suite du transport 
de ussu carcinomateux frais de l'homme dans la 
cavi é abdominale des rats. 

Cependant, avant d'en apprécier la portée, il est 
juste d'opposer à cette unique donnée positive les 
nombreux échecs du même expérimentateur. Les 
premiers essais de culture des tissus cancéreux sont 
tous infructueux. Dans les deux dernières années, 
Leopold réussit quatre fois sur vingt à obtenir 
des cultures de champignons. Dans ces cas heureux, 
les filaments mycéliens l'emportent au début sur 


hémorragique. Un 


1 Perensex und Exwer : Ueber Hefepilze und Geschwulst- 
bildung (Beiträge zur Klin. Chir., t. XXV, 1899). 
? Lucas-CHAMPIONNIÈRE Rapport sur un Mémoire de 


Wlaïev (Acad, de Méd., Paris, 20 novembre 1900). 
16* 


746 


les Blastomycètes et ne sont éliminés que par des 
repiquages successifs. Si les formes filamenteuses 
représentent une impureté, il n'est pas prouvé que 
les formes globuleuses proviennent davantage de 
la tumeur. Quelque incertitude plane done encore 
sur l’origine cancéreuse de ces quatre séries de 
cultures de Blastomycètes. Une seule de ces cul- 
tures a été inoculée à cinq rats, dont un seul a 
donné le résultat cherché. Encore les tumeurs 
expérimentales du rat offraient-elles la structure 
d'un sarcome à cellules géantes, d’une tumeur con- 
jonctive et non d’un carcinome comme la tumeur 
humaine dont la semence paraissait provenir. 

L'inoculation des cultures de Blastomycètes pro- 
venant des lésions humaines n’a donné, en somme, 
que des résultats incertains, discutables, quand 
on à leur demandé de reproduire chez l’animal 
des maladies spécifiques d’un type bien net. Les 
conclusions de Memmo sur la rage expérimentale 
demandent confirmation; celles de Roncali, de Cor- 
selli et Frisco, de Bra, de Plimmer, de Leopold sur 
les tumeurs malignes ne reposent pas sur des 
preuves péremptoires. La lymphangite farcinoïde 
n'a pas été reproduite avec les Blastomycètes de 
Fermi et Aruch, de Tokishige, ni ie pseudolupus 
avec celui de Gilchrist. 

L'action expérimentale des Blastomycètes d’ori- 
gine humaine consiste en intoxications, en inflam- 
mations des muqueuses, abcès, poches kystiques, 
granulomes et autres néoplasies inflammatoires, 
subaiguës ou chroniques. Ces diverses lésions pro- 
voquées n’ont pas de caractères franchement spéci- 
fiques et ne cadrent pas avec les lésions spontanées 
qui ont fourni les cultures. Les Blastomycètes pro- 
venant des malades se sont donc montrés patho- 
gènes; mais l'expérience ne résoud pas le pro- 
blème de l’étiologie des lésions dont ils ont été 
isolés. 

C'est que l'expérience ne réalise pas toutes les 
conditions de l'infection naturelle. D'abord, elle 
ne réussit qu'en faisant pénétrer simultanément 
des quantités de germes sans rapport avee celles 
qui entrent spontanément dans le corps humain; 
elle introduit le parasite par des voies artificielles; 
elle choisit arbitrairement ses sujets. Or, chaque 
espèce animale réagit à sa manière aux provoca- 
lions d'un même parasite et, pour chaque espèce, 
la prédisposition individuelle varie dans des limites 
aussi larges qu'inconnues. 

La constance des lésions provoquées par un 
parasite est loin de prouver la spécificité de son 
action pathogène. L'organisme prédisposé est tou- 
jours sur la défensive et la lutte qu'ilengage contre 
Fennemi hérédilaire n’est point exempte de péri- 
pélies et de chances de succès. Les ravages causés 
par un parasite d'occasion, les manifestations 


PAUL VUILLEMIN — LES BLASTOMYCÈTES PATHOGÈNES 


banales de l'irritabilité des tissus en imposent trop 
souvent pour la reproduclion d'un type morbide 
défini, que l’expérimentateur recherche avec des 
idées trop préconçues pour garder une rigoureuse 
impartialité. Ce sont là des vices inhérents à la 
méthode d’expérimentation sur l'animal appliquée 
à la solution des problèmes de pathologie humaine. 


V 


Le rôle étiologique des Blastomycètes dans la 
production de diverses maladies, et notamment 
des tumeurs, n'étant pas suffisamment élucidé par 
l'observation des lésions qui les fournissent et par 
l’inoculation des cullures qui en proviennent, il 
nous reste à chercher un complément d’information 
dans des observations et des expériences qui, sans 
aborder de front le problème, en éclairent diverses 
faces par voie d'analogie. 

On a inoculé aux animaux des Blastomycètes ne 
provenant pas des malades. Diverses levures indus- 
trielles se montrent inoffensives. Falk*', Boinet et 
Roeser, Gilkinet? n’enregistrent que des insuccès. 
Raum *, comme Neumayer‘, ne détermine chez le 
lapin qu'une fièvre éphémère en injectant les 
levures dans les veines. C’est seulement en forçant 
la dose au point d'amener une distension et une 
obstruction mécanique des capillaires du poumon, 
qu'il provoque la dyspnée, le refroidissement, le 
collapsus et la mort. L'aclion est purement trau- 
malique. 

M'e Rabinowitsch a essayé cinquante espèces de 
levures, dont 43 n’ont pas causé d'accidents, 
à moins d'être injectées en masses énormes. Les 
sept espèces pathogènes, dont nous pourrions 
encore retrancher les deux formes mélangées à des 
filaments, inoculées sous la peau des souris, ame- 
naient la mort en quelques jours. Le résultat était 
moins constant chez le lapin après inoculation 
sous-cutanée ou intra-veineuse. Les levures se mul- 
tipliaient dans les organes ; on les retrouvait dans 
le sang et dans les viscères (reins, rate, foie), entre 
les cellules, plus rarement dans leur intérieur. 
Jamais les organes ne furent le siège de déforma- 
tions ou de tumeurs. ‘% 

De Gaetanoÿ nomme Saccharomyces septicus 


1 Fark : Ueber die Eiowirkung von Verdauungssäften auf 
Fermente Archiv. f. Physiol., 1882. 

2 Gizxiner : Arch. de Med. expér., t. VII, 1897. 

8 Rauu : Zur Morphologie und Biologie der Sprosspilze 
(Zeïtschr. f. Hyg., t. X, 189). 

4 Neumayer : Untersuchungen über die Wirkungen der 
verschiedene Hefearten (Zeïtschr. {. Hygqg.,t. XII, 1891). 

5 L. RABINOWITSCU Untersuchungen über pathogene 
Hefearten (Zeitschr. f. Hyq.,t. XXI, 1896). 

© Dr Gagrano : Di un blastomicete patogeno, dotato di 
rapido potere setticemico per le cavie (La Riforma med.; 
n° 200, 1897). 


D 


PAUL VUILLEMIN — LES BLASTOMYCÈTES PATHOGÈNES 


une levure qui donne aux Cobayes une péritonite 

fibrineuse et une septicémie rapidement mortelle. 

Raum obtint une fois, avec la levure de bière, 
une tumeur remplie d’une masse caséeuse. Dans 
cette expérience, l'émulsion qu'il voulait introduire 
dans la veine auriculaire avait fusé, par accident, 
dans le tissu conjonctif ambiant. Noisette* oblient 
des lésions viscérales analogues aux affections pro- 
voquées par le champignon du muguet, en inoculant 
- des cultures de levure de bière; mais il ressort des 
- descriptions, que l’auteur avait employé des cham- 
pignons filamenteux mélangés comme impuretés au 
« Saccharomyces Cerevisiæ dans les levures com- 
merciales. 

Des nodules à contenu puriforme ont été obser- 
vés sous la peau ou dans le péritoine, par Casa- 
grandi et Buscalioni*, à la suite de l’inoculation du 
… S. gultulatus, hôte inoffensif du tube digestif des 

. rongeurs. 
Avec deux espèces de levures rondes et une 
- espèce ovale, toutes trois indélerminées, Nesezadi- 
menko obtient aussi, chez le rat et le cobaye, des 
abcès sous-cutanés et des nodosités périlonéales 
riches en Blastomycètes. 
… Sanfelice se loue particulièrement de l'emploi 
d'une levure trouvée dans des jus de fruits sucrés, 
nommée par lui Saccharomyces neoformans. Nous 
la désignerons sous le nom de Cryplococcus neo- 
formans, puisqu'elle est inconnue sous la forme 
sporifère caractéristique du genre Saccharomyces. 
Un chien et une chienne inoculés dans les lesti- 
cules et dans les mamelles présentèrent des 
tumeurs dans les glandes en question, avec repro- 
ductions métastatiques dans les ganglions lympha- 
tiques. La mort arriva au bout de cinq mois pour 
le chien, de six mois pour la chienne. Le diagnos- 
tic d’adéno-carcinome fut posé par les maitres de 
la chirurgie de Rome et confirmé par l'anatomie 
pathologique. 

Une banale levure des jus sucrés a donc causé 
une maladie qui, dans l'état actuel de la science, 
ne peut êlre distinguée d’un cancer typique. Sup- 
posons qu'elle pénètre dans l'organisme humain et 
y suscite les mêmes désordres que chez le chien, 
le médecin se défendra difficilement de l'idée que 
le Cr. neoformans soit agent du cancer. 

Cependant, le (/r. neolormans provoque d’habi- 
tude des réactions moins remarquables. Divers 
expérimentaleurs, notamment Petersen et Exner, 
n'obtiennent, dans les cas les plus favorables, 
qu'un envahissement des organes par les cellules 
de levure, avec une faible réaction des tissus. 


1 Noiserte : Recherches sur le Champignon du muguet 
(Thèse méd., Paris, 1898). 

? CasaGranNDpt e BusCALIONT : Il Saccharomyces guttulatus 
(Ann. d'Ig. sper., t. VII et VIIL, 1898). 


] 
= 


Sanfelice lui-même n'a rien obtenu de plus chez le 
cobaye. Chez le chien, il n'a obtenu de tumeurs 
qu'après une série de passages destinés à accou- 
tumer le Cryplococcus à vivre dans l'organisme de 
cet animal. 

Ce résultat, considéré par Sanfelice comme très 
favorable à sa théorie, n'est-il pas plutôt de nature 
à la compromettre? 1l est peu probable que les 
globules observés dans les cancers appartiennent 
au même Cr. neoformans. Sanfelice lui-même fait 
de ce dernier une espèce distincte de son Cr. litho- 
genes. On serait ainsi amené à supposer quil 
n'existe pas un Blastomycète, agent de cancer, mais 
que des espèces de ce groupe, en nombre illimité, 
seraient susceptibles d'intervenir dans la produc- 
tion du cancer, du moins dans certaines conditions. 

La première de ces conditions, d'après Sanfelice, 
c'est que les parasites n'aient pas perdu, par une 
longue adaplation au milieu spécial réalisé par les 
tissus d'un malade, la capacilé de se développer 
dans un nouvel organisme. Ainsi s'expliquerait 
l'échec des expériences tendant à reproduire le 
cancer avec les parasites isolés de lésions invété- 
rées. Sanfelice attend de meilleurs résultats de la 
méthode indirecte, consistant à prendre un Blaslo- 
mycèle sauvage el à faire en quelque sorte son édu- 
cation en lui imposant des passages successifs à 
travers l'organisme d’un animal prédisposé, jusqu'à 
ce qu'il ait acquis le degré voulu de virulence. 

Une autre série d'expériences est destinée à 
rechercher si les propriélés des Blastomycètes sont 
capables d'expliquer la production des cancers. 
Pour cela, on a étudié séparément leur action chi- 
mique et l'action mécanique des corpuscules qui 
leur ressemblent. 

Sanfelice fait, sous la peau des cobayes, des 
injections quotidiennes de bouillons de culture de 
Cr. neolormans filtrés sur bougie Chamberland ; 
il n’en obtient d'autre effet qu'une élévation passa- 
gère de la température à la suite des premières 
injections. L’injection des produits solubles est 
donc inoffensive. 

D'après Bra, les produits filtrés du champignon 
qu'il a isolé du cancer ne sont pas inoffensifs comme 
ceux du Cr. neoformans. Is déterminent des phé- 
nomènes vaso-constricteurs, une accélération des 
mouvements respiratoires et cardiaques, le rétré- 
cissement pupillaire, l'opisthotonos, des contrac- 
tures, des secousses dans les membres postérieurs 
et la mort brusque, probablement par arrêt de la 
respiration dû à l’action prédominante du poison 
sur les centres nerveux. Ces effets, il est vrai, ont 
été obtenus par l'injection intraveineuse de doses 
massives de 15 à 20 grammes par kilo de poids de 
l'animal et même de 30 à 35 grammes si le liquide 
a été chauffé; d'autre part, des phénomènes iden- 


7148 


PAUL VUILLEMIN — LES BLASTOMYCÈTES PATHOGÈNES 


tiques ont suivi l'inoculation des cultures fillrées de 
champignons quelconques, comme on en trouve sur 
les arbres chancreux. 

Chevalier avait noté l'amaigrissement notable des 
cobayes auxquels il avait injecté les produits de 
culture ou les substances extraites du même cham- 
pignon. M'° Kovatcheva a cherché à préciser les 
conditions de ces variations de poids. Elle se ser- 
vait pour ses injections des produits préparés par 
le D' Bra et considérés par cet auteur comme un 
sérum anticancéreux. L'injection du sérum est 
immédiatement suivie d'une chute dans la courbe 


2? Décembre 
Janvier 

x 

1° Février 

5 Avril 


5 


. BORREMANS SC 


Fig. 15. — Courbes bimensuelles du poids de deux lapins 
inoculés avec 2 ce. de bouillon de culture de Cryptococeus 
ruber, avec où sans injection préventive de sérum de 
Bra. — X lujection de sérum (6 grammes). © Inoculation 

des cultures (Expérience de M!1e Kovatcheva). 


des pesées, même chez les lapins traités en pleine 
période de croissance. La même chute se manifeste 
à la suite de l'inoculation des cultures vivantes. Est- 
elle due alors à la toxicité des produits solubles ou 
aux troubles plus complexes liés à la nutrition du 
parasile? L'expérience suivante parle clairement 
en faveur de la première hypothèse (fig. 15). 

Deux lapins de la même portée sont inoculés 
simultanément avec des cultures de Cr. ruber ;Vun 
d'eux, injecté préventivement avec le sérum de Bra, 
venait de perdre 170 grammes; l’autre présentait, 
au moment de l’opéralion, une courbe ascendante 
de croissance, Dans la semaine qui suit l'injection 
de culture, le premier diminue seulement de 
> grammes; le témoin, non trailé préventivement, 


perd 180 grammes. La chute totale a done été 
identique dans les deux cas; l’immunitlé apparente 
du lapin traité au sérum tient à ce qu'il avait payé 
d'avance son tribut à l'action toxique des produits 
parasilaires. 

L'action toxique du Cr. ruber se manifeste dans 
les expériences de Mi!° Kovalcheva comme celle du 
S. granulatus dans celles de Legrain. Mais l’amai- 
grissement qui la révèle est passager ; la courbe se 
relève bien vite. Quand les tumeurs chroniques se 
mettent à évoluer après plusieurs mois de santé 
apparente, le poids diminue de nouveau; mais 
celte chute secondaire na pas de rapport avec 
l'amaigrissement passager du début; elle est la. 
même chez les lapins qui ont reçu d’abord le sérum 
de Bra et chez ceux qui ont été inoculés immédiate- 
ment avec les cultures de Cr. ruber. 

L'expérience n'a donc pas réussi à prouver que 
les Blastomycètes interviennent dans la production 
des tumeurs par l’aclion isolée de leurs produits 
toxiques. Quant aux symptômes d'intoxication, ils 
sont d'ordre trop banal pour être invoqués en 
faveur d'une évolution cancéreuse. 

En dehors de leur végétation el de leur nutrition, 
les Blastomycètes représentent une poudre impal- 
pable dont les particules sont disséminées dans les 
tissus. On appréciera assez exactement leur aetion 
mécanique par l'effet des particules solides de même 
dimension, mais de nature différente. 

Le Plasmodiophora Brassicæ est un Myxomycète 
qui cause, sur la racine du chou, des tumeurs 
connues sous le nom de hernie; après une phase 
d'activilé pendant laquelle il ressemble à une 
amibe, il se résoud en une masse de spores rondes, 
semblables aux cellules des Blastomycètes, mais 
n'offrant pas, comme elles, de phénomènes d’accrois- 
sement et de multiplication. Podwyssotzki! trans- 
porte sous la peau ou dans le péritoine de divers. 
animaux de tout pelits morceaux de tissu de chou 
rempli de spores de Plasmodiophora. Déjà au bout 
de quinze à dix-huit jours, les lapins et les cobayes 
présentaient des tumeurs grosses comme une noix. 
La tumeur résulte d'une forte hypertrophie et d'une 
prolifération des cellules fixes du tissu conjonctif 
et principalement de l'endothélium des espaces 
cireumvasaux, si bien qu'on pourrait, dit l'auteur, 
parler avec raison d'un périthéliome ou d’un gra- 
nulome parasitaire. Comme la spore ne croit ni ne 
bourgeonne, son action est comparable à l'irrita- 
lion de contact déterminée par les levures en dehors 
de leur végétation envahissante. 

Des tumeurs analogues se forment autour des 
œufs d'Helminthes. Rappelons, par exemple, l'obser- 


! Ponwyssorzki : Myxomyceten, resp. Plasmodiophora 
Brassicæ, als Erreger der Geschwülste bei Tieren (Centr, f. 
Bakt., t. XXVII, 1900). 


LL SUR 


PAUL VUILLEMIN — LES BLASTOMYCÈTES PATHOGÈNES 749 


vation de Dujardin !, qui vit, dans la rate hyperitro- 
phiée d’une musaraigne, des fubereules blanc jau- 
nâtre d’un aspect crétacé remplis d'œufs de Calo- 
dium; celle de Davaine”, qui décrit, dans la cavité 
branchiale d'un aigle-bar (Scisna aquila), une 


tumeur lobulée, plus volumineuse qu'un œuf de 


poule et formée par un lacis inextricable de tubes 
de tissu cellulaire qui contenaient des amas ou des 
trainées d'œufs operculés. Rappelons encore, parmi 
les lésions si variées produites par les œufs de la 
douve de Bilharz (Schistosomum hæmatohium), les 
ganglions mésentériques hypertrophiés, les lésions 
pulmonaires simulant une tuberculose miliaire, les 
polypes et les tumeurs richement vascularisées, 
faisant saillie sur la muqueuse de l'inteslin, de la 
vessie ou du vagin. Au dire d'Albarran et Bernard”, 
la réaction provoquée par ces œufs amène parfois 
la constilution d'un véritable épithélioma. 

Ces actions mécaniques sont indépendantes de la 
croissance des parasites au sein des tissus et même 
de leur nature animale ou végétale. Des particules 
inertes aussi fines causeront le même genre de 
désordres. Nous en trouvons la preuve dans un cas 
récemment publié par W. Dubreuilh et A. Vénot*. 
Un enfant de onze ans s'était introduit sous la peau 
de l’index un petit éclat de coquille d'huitre. Deux 
mois plus tard, l’écaille est expulsée spontanément 
par un abcès bientôt cicatrisé. Cependant, un empà- 
tement persiste ’et grandit, sans occasionner de 
trouble local ou général. Au bout de six mois, on 
énuclée un néoplasme de la grosseur et de la 
forme d’une amande, ayant la consistance d'un 
myxosarcome. Le néoplasme est formé d'un tissu 
conjonclif jeune, divisé en lobes linégaux et irré- 
guliers par des travées de tissu fibreux ; il est farci 


_d’abcès microscopiques, contenant chacun un tout 


petit fragment de coquille d'huitre. 

Il s'agissait donc d'une lumeur offrant clinique- 
ment l'aspect du sarcome, mais causée, en réalité, 
par des corps étrangers multiples et de volume très 
faible comparable à celui des Blastomyceètes. 

Dans ces expériences et ces observations, des 
spores non germées de Myxomycètes, des œufsnon 
éclos d'Helminthes, des parcelles inertes de coquille 
d'huitre ont provoqué l'apparition de tumeurs sem- 
blables aux granulomes, aux sarcomes, aux épi- 


2 DusarDiN : Histoire naturelle des Helminthes (Paris, 
1845). 

? Davanxe : Note sur une tumeur singulière contenant une 
quantité prodigieuse d'œufs d'Helminthes, observée chez un 
Poisson vulgairement appelé Aigle-bar ‘Sciæna aquila). — 
(GC. R. Soc. Biol. 2 S., t. I, 1854). 

% AzparRan et BerNarD : Sur un cas de tumeur épithéliale 
due à la Bilharzia hæmatobia (Arch. de Méd. expérim., IX, 
1897). 

* DugreurLn et Véxor : Tumeur d'aspect sarcomateux 
causée par des corps étrangers multiples (Ann. de Dermat. 
et Syph., oct. 1900). 


théliomas. Les cellules de Blastomycètes, qui sont 
des particules solides de même dimension, ne 
peuvent-elles pas provoquer des tumeurs cancéri- 
formes par simple action de contact? L'analogie est 
assez frappante pour appuyer celte hypothèse, 
d'autant plus que nous ne connaissons pas, parmi 
les produits solubles des Blastomycèles, de subs- 
tance dont l'injection soit suivie de processus néo- 
plasique. 

Cependant, d'autres expériences révèlent chez les 
Blastomycèles un pouvoir pathogène plus complexe 
qui les mel au rang des agents infectieux. Ainsi, 
d'après Bra, des lapins soumis préalablement à 
l'inoculation sous-culanée de doses infinitésimales 
et croissantes de cultures de son champignon, 
résistent à l'inoculalion inlra-veineuse de doses 
massives. Il parait se faire là une sorte de vaccina- 
tion. 

D'après Sanfelice, une culture de Cr. neoformans 
délayée dans l'eau et chauffée pendant 20 à 30 mi- 
nutes à 60°C. perd beaucoup de sa virulence. Des 
cobayes inoculés préventivement avec ces Blasto- 
mycètes atténués par la chaleur résistent à une 
inoculalion de culture ordinaire. 

On ne s’expliquerait pas une accoutumance ana- 
logue à une action purement mécanique. Mais il 
faut noter que l'expérience de Sanfelice concerne 
les cobayes, qui ne sont pas sujets à des tumeurs 
comparables à celles des chiens. On pourrait donc 
soulenir que la toxicité seule a été modifiée et que 
les animaux, moins affaiblis pour l'action loxique, 
ont opposé une résistance plus efficace à l'action 
mécanique des levures inoculées. Les cultures 
alténuées par la chaleur sont restées sars effet 
quand elles ont été inoculées, non plus préventi- 
vement, mais après les cultures virulentes. 

On à eu recours enfin à une sorte de confronta- 
tion entre les Blastomycètes et leurs victimes sup- 
posées, en étudiant l'influence des cultures vivantes, 
de leurs produits, des sérums modifiés par eux sur 
la marche des cancers. 

Dans des tumeurs de l’homme qui n'offraient à 
la biopsie aucune apparence de cellules végétales, 
Bonome introduit en masse des cultures de Blasto- 
mycèles isolés d’autres cancers humains. La tumeur 
se ramollit bientôt par dégénérescence de ses élé- 
ments. Les parasites injectés ne se multiplient pas 
abondamment; pourtant, on peutles extraire vivants 
pendant plusieurs mois. Cetle expérience montre 
que des Blastomycètes peuvent vivre dans les tissus 
des lumeurs sans participer à leur formation. La 
facon dont ils en ont modifié la structure n'éveille 
pas l'idée d'une aclion spécifique. D’autres auteurs 
ont obtenu des résullats analogues de l'injection de 
levure de bière ou de bactéries dans les tissus can- 
céreux. Un érysipèle inlercurrent modifie d'une 


150 


facon plus avantageuse certaines tumeurs malignes, 
par exemple un lymphosarcome du cou dans une 
observation de Nieden ‘. 

Les produits de culture des Blastomycètes connus 
sous le nom de sérum de Bra exercent parfois une 
modificalion avantageuse sur la santé des cancé- 
reux; mais la spécificité de cette aclion n’est pas 
démontrée. Les cures obtenues par ce moyen ne 
sont pas assez radicales pour révéler, selon le vieil 
adage, la nature des maladies. 

La sérothérapie proprement dite n'avait pas réussi 
à Sanfelice dans ses essais d'immunisation des ani- 
maux à l'égard du Cr. neoformans. Les cobayes 
supportent impunément l'injection des produits 
solubles de ce parasite; mais ce (raitement pré- 
ventif n'atténue pas la marche de l'infection pro- 
duite par une inoculalion conséculive de culture 
vivante. Des cobayes qui ont reçu dans l'abdomen 
8, 10 ou 15 centimètres cubes du sang des animaux 
ainsi traités périssent lous d'infection diffuse, si on 
leur injecte ensuite une culture pure. Le sérum 
des chiens qui s'étaient montrés réfractaires à 
l'inoculation des cultures virulentes n'a pas non 
plus conféré d'immunité aux cobayes. 

Les tentatives de Wlaïev ont fourni des résultats 
plus encourageants. Le sérum des oiseaux de basse- 
cour qui avaient reçu des cultures de Blastomy- 
cêtes isolés du cancer à préservé les rats de la 
maladie consécutive à l’inoculalion des mêmes 
parasites, tandis que les témoins périssaient. Ce 
sérum, efficace contre une blastomycose expéri- 
mentale, d’ailleurs inoffensif, pouvait être injecté 
à l’homme. Wlaïev a cherché à démontrer son 
efficacilé dans le traitement du cancer. Cette effi- 
cacilé est réelle, d’après les appréciations de plu- 
sieurs chirurgiens éminents, tels que Lucas-Cham- 
pionnière, Berger”, Le Dentu*; ce dernier lui 
reconnait même une influence plus constante sur 
les tumeurs épithéliales qu'aux autres modes de 
traitements médicaux. Pourtant l'amélioration 
n’est pas définitive et le sérum de Wlaïev, pas plus 
que les cultures vivantes ou les produits directs des 
Blastomycètes, n'a pas encore à son actif une gué- 
rison où même un acheminement vers la guérison 
d'une tumeur maligne. 


VI 


Des faits que nous venons d'exposer, fil nous 
semble que les conclusions suivantes se dégagent: 
Plusieurs espèces de Blaslomycètes sont aptes à 


1 Nine : Emploi du sérum cancéreux.. (Semaine médi- 
cale, 12 août 1896). 
* BerGer : Observations à propos du sérum Jde Wlaïev 


(Acad. de Méd., 20 nov. 1900). 
*Le Denru : De la sérothérapie des tumeurs malignes 
(Acad. de Méd., Paris, 21 novembre 1900). 


PAUL VUILLEMIN — LES BLASTOMYCÈTES PATHOGÈNES 


vivre en parasiles dans le corps humain. Leur pré" 
sence s'accompagne d’allérations histologiques: 
mais ces lésions répondent aux types les plus 
variés, et il n'est pas toujours possible de dire si 
elles résultent de l’action parasitaire ou si ce n'est 
pas plutôt l’allération préalable des tissus qui à 
préparé les voies à l'invasion des champignons. 

Les Blastomycètes signalés dans le typhus, la 
variole sont sans rapport avec la genèse de ces 
maladies. 

Plusieurs espèces ont un rôle évident ou suffi- 
samment démontré dans des affections inflamma- 
loires des muqueuses, telles que vaginites, endo- 
métrites, entérites, stomalites, angines, amygda- 
hites, otites moyennes, tandis que, dans d’autres cas » 
analogues, on n’a pas exclu la possibilité d'une 
simple coïncidence ou d'une intervention secon- 
daire et accessoire. 

Pénétrant dans l'intimité du corps, les Blasto- 
mycètes sont capables de produire des abcès, de 
vastes kystes parasitaires, des nodules inflamma- 
toires, des granulomes. | 

Le rôle des Blastomycètes, comme agents des 
lymphangites épizootiques connues sous les noms 
de farcin d'Afrique, de farcin japonais, est très 
probable. 

Les arguments invoqués par Memmo en faveur 
de l'intervention des Blastomycètes dans la rage 
sont loin d’être négligeables; mais le dernier mot … 
n'est pas dit sur celte question, qui a déjà recu 
tant de solutions contradictoires. 

C'est surtout au sujet de l’origine des tumeurs 
malignes que les Blastomycètes ont exercé la saga- 
cité des chercheurs depuis quelques années. Il 
existe bien certainement des tumeurs à levures; 
c'est même à elles que l'usage tend à assigner plus 
spécialement le nom de saccharomycoses ou mieux 
blastomycoses, bien que ce terme s'applique avec. 
autant de justesse aux affeclions précédentes. 

Les tumeurs à levures, spontanées ou provo- 
quées expérimentalement, sont l'œuvre d'espèces 
variées et non d'un agent spécifique à part. Les 
mêmes espèces, selon leur mode de pénétralion, 
selon l'animal choisi comme sujet d'expérience el 
selon diverses circonstances accessoires, peuvent 
se montrer inoffensives ou produire de simples 
phénomènes d'obstruction ou d'intoxication sans 
lésions anatomiques. Les tumeurs à levures sont 
des inflammalions parasilaires chroniques, dont 
les analogies avec la tuberculose et l'actinomycose. 
ont élé soulignées par Busse. 

Les tissus néoplasiques produits par la réaction 
inflammatoire autour des cellules parasites, isolées 
ou agglomérées en amas, rappellent parfois la 
charpente des sarcomes et des carcinomes; des 
foyers nouveaux s'organisent autour des levures 


» 


X. ROCQUES. — L'ÉTAT ACTUEL DE L'INDUSTRIE DES CONSERVES ALIMENTAIRES 


151 


emportées par voie sanguine ou lymphatique. Mais, 
daas ces colonies nouvelles, non plus que dans les 
lésions principales, on n’a pas démontré la pré- 
sence des cellules spécifiques qui constituent le 
caractère objectif des tumeurs malignes. 

Il existe donc une catégorie de tumeurs 
levures longtemps méconnue. Leur diagnostic est 
parfois facile, pourvu que l'attention des méde- 
-cins soient éveillée sur elles. Dans d’autres cas, il 

est délicat, comme le montrent les discussions sou- 
levées par la remarquable observation de Busse. 
Les cancers eux-mêmes sont-ils des blastomy- 
“coses. ou bien seront-ils un jour démembrés en 
plusieurs familles dont l’une se rattachera aux blas- 
… tomycoses? 
è Il serait prémaluré de trancher ces questions. 
“ On a trouvé des Blastomycètes dans des cancers, 
“ mais leur constance n'est pas cerlaine. On a re- 
produit avec des Blastomycètes, comme d'ailleurs 
“avec des corpuscules de nature différente, des 
- affections rappelant le cancer, mais dont l'identité 
… avec celte maladie est contestable. 
- On a modifié les tumeurs malignes par l'em- 
« ploi des Blastomycètes et de leurs produits; mais 


à 


+ 


L'ÉTAT ACTUEL 


la spécificité de cette action n’est pas démontrée. 

Bonome, frappé de l'abondance des Blasto- 
mycètes dans les jeunes nodules métastatiques et 
dans la carcinose miliaire diffuse, a suggéré l'idée 
que les Blastomycètes ne sont peut-être pas les 
producteurs du cancer, mais les agents de la diffu- 
sion de l4 maladie. On ne s'explique pas aisément 
comment un champignon globuleux pourrait servir 
de porte-virus, à moins qu'il ne s'agisse d'un virus 
soluble susceptible de l'imprégner et d'émigrer 
avec lui. Behla' a déjà émis l'hypothèse que l'agent 
du cancer pourrait êlre un virus soluble analogue 
à celui que Beijerinck* a découvert dans une ma- 
ladie du tabac; mais nous ne possédons aucun fait 
à l'appui de cette hypothèse, en sorte que les rap- 
ports des Blastomycètes avec le cancer sont encore 
problématiques *. 

Il reste donc beaucoup à faire pour connaitre 
l'importance des Blasltomycètes pathogènes. Les 
résultats acquis suffisent à montrer que leur étude 
ne saurait être négligée du médecir 

Paul Vuillemin, 


Professeur à la Faculté de Médecine 
de l'Université de Nancy. 


ET LES BESOINS 


DE L’INDUSTRIE DES CONSERVES ALIMENTAIRES EN FRANCE 


… |. — DÉVELOPPEMENT DE L'INDUSTRIE DES CONSERVES 


“ La produclion des conserves en France est très 
ÿ importante. Il est assez difficile, en l'abseuce de 
- stalistiques officielles, de la caiffrer avec quelque 
« précision; néanmoins, nous croyons qu'on peut 
“l'évaluer à 120 millions de boites par an. Dans 
î cette quantité, c'est la production des conserves 
« de sardines, avec Nantes pour centre, qui occupe 
- la place la plus importante. La production y est 
d'environ 80 millions de boites par an. Bordeaux 
- vient ensuite, avec une production d'environ dix 
“ millions de boîtes. Dans la région bordelaise, la 
- fabrication des conserves a pris un grand dévelop- 
pement, surtout la fabrication des conserves de 
légumes. Les conserves de cette région sont, en 
général, faites avec un très grand soin, et elles 
sont fort appréciées. La région parisienne viendrait 
ensuite, avec une production qu'on peut évaluer à 
8 millions de boiles: légumes, fruits, champi- 
gnons, elc. La région du Mans est aussi très im- 


1 Voir la {re partie de cetle étude dans la Revue du 
45 août 1901, t. XII, pages 699 et suiv. 


DEUXIÈME PARTIE : PRODUCTION, HYGIÈNE: 


portante pour ses conserves de légumes (environ 
> millions de boiles). Parmi les autres régions 
productrices, citons la région méridionale pour 
les tomates et les fruits, la région du Périgord 
pour les truffes, la région de l'Est, dans laquelle 


! BeurA : Die geographisch statistische Method als Hülfs- 
factor der Krebsforschung (Z. f. Hygiene, t. XXXII, 1899). 
— Ueber neue Forschungswege der Krebsaetiologe (C. f. 
Bakt., XX VII, 1900). 

? BererNGk : De l'existence d'un principe contagieux 
vivant fluide, agent de la nielle des feuilles de Tabac (Arch. 
néerl., 2e s., t. Ill, 1899). 

3 Voir encore sur cette question : Mox6our : Des produits 
solubles du Champignon parasite du cancer humain et du 
Nectria ditissima.… (Soc. de Méd. et de Chir. de Bordeaux, 
5 janvier 1900.— Journ. de Med. de Bordeaux, 25 février 1900. 
— Bull, médical, 18 juillet 1900. 

MoreurGo : Farbbare Kérper in den Krebszellen (Centr. 
f. Bakt., XVI, 1896.) Osservazioni ed esperimenti intorno 
ad un blastomiceto patogeno con inclusione dette steno 
nelle cellule dei tessuti patologici (71 Policlinico, t. 11, 1895). 

Kanaxe : Versuch einer Theorie des Carcinoms auf bio- 
logischer Grundlage (Centr. f. all. Pathol. und pathol. 
Anat., t. VI, 1895). — Notiz, betreffend das Vorkommen von 
Blastomyceten in Carcinomen und Sarkomen (Centr. f. 
Bakt., t. XVIII, 1895). 

Kororxerr : Untersuchungen über den Parasitismus des 
Carcinoms (Beriin, 1893). 


752 


X. ROCQUES — L'ÉTAT ACTUEL DE L'INDUSTRIE DES CONSERVES ALIMENTAIRES 


on produit des conserves de viande, de foie, etc. 
Voici quelle serait chez nous, suivant le recen- 
sement de 1896, la statistique de l'industrie des 


Conserves : 


PRE NOMBRE 
lola . 
de personnes ë te 
occupées tablissements 
Fabriques de salaisons, de con- — — 
serves de viandes, d'extraits de 
viande etc M AE 350 29 
Fabriques de conserves de pois- 
sons, fromages, etc. . Bpe 1.200 128 
Fabrication de conserves de lé- 
gumes, fruits secs, etc. . 3.500 87 
5.050 25% 


Il s'agit sans doute ici du personnel permanent : 
les industries de conserves sont des industries sai- 
sonnières, qui occupent, à l'époque d'activité, un 
personnel féminin considérable (fig. 4). 

Les pays dans lesquels nous exportons des con- 
serves sont principalement : l'Angleterre, les États- 
Unis, l'Amérique du Sud. 

Notre exportation de conserves s'est beaucoup 
amoindrie depuis les traités protectionnistes de 
1892. Auparavant, la France avait presque le mo- 
nopole de cette industrie, et elle écoulait ses 
produits dans toute l'Europe et en Amérique. 
Depuis, ces différents pays, l'Amérique notamment, 
ont frappé de droits importants nos conserves, de 
sorte que celles-ci sont devenues un article de 
luxe. L'Espagne, l'Allemagne, la Suisse et l'Italie 
se sont mises à fabriquer des conserves, et nolre 
exportation s’en est trouvée atteinte. En Allemagne, 
à Brunswick, dans des terrains sablonneux, on a 
cultivé avec succès les asperges, dont l’exportalion 
a pris en Angleterre une assez grande importance; 
la Belgique fait des conserves, et le prix de la 
main-d'œuvre y est peu élevé. Ces pays, dont nous 
élions autrefois les seuls fournisseurs, exportent 
des conserves en Angleterre. Maintenant, on nous 
demande surtout les qualités supérieures; pour les 
qualités ordinaires, on se contente des produits 
allemands, italiens, ete., quisont à meilleurmarché. 
Chaque pays, appliquant les procédés de fabrication 
aux produits de son sol et de son élevage, est 
devenu un concurrent, de consommateur qu'il 


élait autrefois. La production américaine est 
notamment une de celles dont l'accroissement 


rapide a lieu de nous occuper plus spécialement. 
La production annuelle de conserves en boites 
aux États-Unis peut être évaluée à environ 700 mil- 
lions de boîtes, qui se répartissent ainsi : 


Viandes . 200.000.000 de boîtes. 
Saumon . 140.000: 000 — 
MO ÉTES AMENER ON 150.000 ,000 — 
Corn pack ‘mais doux). 102.000.000 — 
POTS EPP. me 40.000.060 — 
ETUIS RTE TE 85.000.000 — 
SOUPES M FANS. 5.000.000 — 


2.000.000 de boites. 


La production des viandes ‘en boites est con-" 
centrée au nord-est, dans l'Illinois, le Missouri, 
Wisconsin, Nébraska, et les grands centres de cette 
fabrication sont Cincinnati et Saint-Paul. L'industrie 
des conserves de poissons se trouve sur les côtes 
de l'Atlantique et du Pacifique. Sur l'Atlantique, 
le long des côtes du Maine, ontété installées trente 
quatre fabriques de conserves de sardines, à Port 
land, Eastport, Lubec et Brunswick 

Plus au sud, dans le Maryland, Baltimore est le 
grand centre des conserves d'huîtres; on y compte 
quatre-vingts établissements faisant en même temps … 
les légumes et les fruils en boîtes. La Virginie, 
avec Morfolk, produit également des conserves 
d'huitres. Sur le Pacifique, les États producteurs 
sont l'Orégon, le Washington et la Californie pour” 
la conserve du saumon, qui y est très importante. \ 
Astoria et Portland, dans l'Orégon, Seattle, Ana- 
dortes et Tocama, dans le Washington, et San 
Francisco, dans la Californie, sont les centres prin- 
cipaux. Les conserves de légumes se font prin- 
cipalement dans le Maryland, à Baltimore, dans 
l'État de New-York, l'Ohio, l'Indiana, l'Illinois, le 
Maine, le New-Jersey et la Californie. Les conserves 
de tomates se font principalement dans les États 
de Maryland, New-Jersey, Delaware, New-York, 
Ohio, Iowa et Virginie. Les conserves de mais 
doux dans les États du Maine, Maryland, New- 
York, Iowa et Ohio. Les conserves de fruits en 
boites se font principalement dans la région cali- 
fornienne. On en produit aussi à Baltimore (Ma- 
ryland), à Syracuse et Rochester (État de New-York), 
dans le New-Jersey, Delaware, Pensylvanie, Ohio, 
Indiana et Michigan. Toutes ces industries sont en 
grand progrès; le Gouvernement les favorise par 
le larif de douane qui leur assure une protection 
sérieuse en frappant les produils similaires étran- 
gers. Aussi, non seulement la consommation inté- 
rieure de conserves américaines augmente-t-elle. 
mais, aussi, la concurrence que peut faire l'industrie 
américaine devient-elle de plus en plus grande. 

Les extraits de viande sont protégés par un droit 
de douane de 1 fr. 75 par livre de 453 grammes et 
les légumes en boîtes par un droit de 40 °/, ; les 
fruits en boîtes paient 0 fr. 10 par livre et 35 °/, de 
la valeur; les poissons en boites entrent avec un 
droit de 30 °/,; les sardines, suivant la grosseur 
des boîtes, paient 0 fr. 42 à O fr. 50 la boîte; seules, 
les conserves de homards entrent en franchise. Les 
saumons en boîles paient 95 °/,; enfin, les fruits 
secs, pommes et prunes, 0 fr. 10 par livre. 

Dans le Nord de l'Amérique, le Canada produit 
environ 13 millions de boîtes de homards et six 
millions de boites de tomates. Le marché principal 
est Halifax. 

Les Etats-Unis produisent également une grande 


X. ROCQUES — L'ÉTAT ACTUEL DE L'INDUSTRIE DES CONSERVES 


ALIMENTAIRES 353 


quanlité de conserves de lait concentré; on en fabri- 
que notamment New-York, 
Whitefield (New-Hamspshire), Richmond (Vermont) 
et Highland (Illinois). 

La fabrication des conserves à pris une grande 
extension aux Etats-Unis, non seulement parce 
que celte industrie y a rencontré abondamment les 
malières premières, mais aussi parce que les Amé- 
ricains, de même que les Anglais, sont grands con- 


à San-Francisco, 


la morue et du hareng, pour une valeur de 
2.500.000 francs. L'importation des Etats-Unis à 
été, la même année, de 5.500.000 francs de conserves 
de sardines, venant principalement de France, et 
de 3.500.000 franes de homards. 

L'exportation des Etats-Unis en conserves de 
fruits en boites a été de 8.000.000 de francs en 
1897-1898. 


Si l'Amérique est pour la France une concur- 


1 


Fig. 1. — Vue de l'une des cours de l'usine K. Potin, au moment de la labrication des conserves. 


sommateurs de conserves. Chez eux la cuisine joue 
un rôle moins important que chez nous. 

L'industrie des conserves américaines développe 
aussi ses exportations, comme le montrent les 
chiffres suivants : 

L'exportation des conserves de viandes en boites 
s'est élevée, dans l’année douanière 1897-1898, à 
37.000.000 de livres américaines (la livre : 453 gr.), 
valant environ 16.000.000 de francs. 

La même année, les Etats-Unis ont exporté 
27.200.000 livres de saumon en boite, valant 
12.500.000 francs, d’autres poissons en boîtes pour 
une valeur de 500.000 francs et 12.500.000 livres 
de poissons séchés ou fumés, principalement de ! 


rente très redoutable, l'Europe aussi doit allirer 
notre attention. Nous avons dit que, depuis une 
dizaine d'années, l'industrie des conserves alimen- 
taires s'y était beaucoup développée. 

Sur les côtes de l'Espagne et du Portugal, on 
fabrique beaucoup de conserves de sardines à 
l'huile. 

En Espagne, on trouve, sur les côtes des provinces 
maritimes de Vigo et de Villagarcia, 162 usines qui 
préparent principalement des conserves de sardines 
à l'huile et des sardines pressées et salées. Leur pro- 
duction a élé, en 1898, d'environ 5.000.000 de kilos 
de conserves de sardines à l'huile. Ces sardines 
se sont vendues en moyenne 20 peselas par caisses 


me y 


194 


X. ROCQUES — L'ÉTAT ACTUEL DE L'INDUSTRIE DES CONSERVES ALIMENTAIRES 


de 100 boîtes dites « quarts » ; l'exportation en a 
été de 2.283.000 kilos. 

A Bilbao et Santander, 10 usines préparent aussi 
des conserves de sardines. 

A la Corogne, on en produit une quantité impor- 
tante. On en prépare aussi à Higarita, à l'embou- 
chure de la Guadiana. 

À Tavira, près de Cadix, on prépare des conser- 
ves de thons et de sardines. 

On fabrique aussi en Espagne es conserves de 
légumes et de fruits, à Lerida, Saragosse, Tudela, 
Ponferrada, Madrid, Seville, etc. 

Dans les îles Baléares, on prépare des conserves 
de fruits et de tomates. 

Sur les côtes de Portugal, la fabrication de con- 
serves de sardines est importante. À Espinho, 
arrondissement industriel de Porto, une usine de 
conserves occupant 4 à 500 ouvriers produit de 
2.000.000 à 2.500.000 boîtes de conserves. 

Dans l'arrondissement industriel de Lisbonne, on 
compte 36 usines occupant 2.109 ouvriers. 

On trouve des usines de conserves à Lisbonne, 
Setubal. On en trouve aussi à l’Algarve, Faro, 
Lagos, Olhäo, Villaréal. 

En Italie, la fabrication de conserves est assez 
importante. On prépare beaucoup de conserves de 
tomates dans toute l'Ilalie; mais surlout dans la 
région de Naples, des conserves de fruits, de 
légumes. Sur la côte ouest, entre Civita-Vecchia et 
Gênes, on prépare des conserves de sardines, de 
thons et d’anchois. 

À Palerme, en Sicile, on prépare des conserves 
de thons. 

En Autriche, la fabrication des conserves est 
encouragée par le Gouvernement. L’Administralion 
de la Guerre donne aux fabriques de conserves 
des commandes de boites de conserves de viande 
pour une somme équivalente à l'intérêt du capital 
engagé dans les fabriques. On a obtenu, de celte 
manière, une organisation telle qu'elle permettrait 
de faire en temps de guerre 450.000 boites de 
conserves par jour. 

On fabrique surtout, en Autriche, des conserves 
de viande, et, sur la côte de l'Istrie et de la Dalmalie, 
des conserves de sardines. 

Les principaux centres de fabrication sont : 
Vienne, où l'on fabrique notamment dans une 
grande usine, 200.000 boites de conserves de viande 
par jour, Buda-Pesth, Isola (Istrie), Grado, Rovigno, 
Fasana, Kædling. 

À Botzen, dans le Tyrol, deux grandes fabriques 
font les conserves de fruits et les confitures. 

On sait que Vienne est aussi le grand marché 
des foies gras. 

En Suisse, c'est la fabrication du lait condensé 
qui occupe la première place dans la fabrication 


des conserves. On trouve des fabriques de lait con- 
densé à Cham, Vevey, Gruyère, Yverdon, Em- 
menthal. La production aurait atteint, en 4897, 
68.000.000 de boîtes, et on pourrai! l’évaluer ac- 


tuellement à 70.000.000. L'exportation annuelles 
(moyenne de 1892 à 1898) est de 184.850 quintaux 


métriques, représentant une valeur de 18 millions 
de francs. 

Signalons aussi une importante usine à Saxon 
(Valais), préparant des conserves de légumes, fruils 
et viandes. 


En Allemagne, on prépare des conserves de 


viande à Brunswik, Gottingue, Eisenberg i. Th., 
Apoldo, Hambourg, Lubeck, Strasbourg ; des con- 
serves de poissons à Barth, Stralsund, Greiferwald 
et Lubeck; des conserves de fruits et légumes (pois, 
asperges, haricots, etc.) à Brunsvick, Metz et 
Schlitigheim (Alsace), Magdebourg, Hanovre et 
Lubeck. 

L'industrie des conserves en Alsace-Lorraine 


s'est beaucoup développée et a bénéficié des traités 


de 1892. 

La Belgique compte plusieurs usines importantes 
où l'on fabrique très bien les conserves de légumes 
et de fruits. 

En Hollande, on trouve aussi des fabriques de 
conserves. . 

Le Danemark exporte beaucoup de beurre con- 
servé en boîtes. On fabrique aussi à Copenhague 
des tonneaux de hêtre pour loger le beurre destiné 
à être exporté. 

On fabrique aussi des conserves diverses; une 
maison importante existe à Copenhague; il yen a 
aussi une à Faaborg. 

En Angleterre, on fabrique des conserves de 
viandes. À Londres, d'importantes maisons pré- 
parent des conserves de pâtes de viande; les An- 
glais sont très amateurs de ces conserves fortement 
épicées. 

En Suède, on rencontre des fabriques de con- 
serves. À Gothembourg, dans une usine importante, 
on met des morues en boites; à Karlshamn, on 
prépare des conserves de harengs marinés. 

En Norvège, il y a d'importantes fabriques de 
conserves, principalement des conserves de pois- 
sons, notamment à Stavanger et à Kristiansund. 
On en trouve aussi à Bredvold, Balstad, Grimsæ, 
Bodæ, Trondjem, Brandæsund. 

Une importante fabrique de lait concentré non 
sucré à aussi été établie à Christiania. 

En Russie, l'industrie des conserves à pris 
une certaine extension. On prépare des conserves 
de fruits à Moscou, Saint-Pétersbourg, Kertch; des 
conserves de poissons, à Odessa, Amour, Balaklava, 
Nicolaev, Revel (sardines d'Esthonie). Une école 
de conserves de poissons a élé créée à Tobolsk. 


RE Le fe 


LA 


T8 


X. ROCQUES —— L'ÉTAT ACTUEL DE L'INDUSTRIE DES CONSERVES ALIMENTAIRES 


tete 
199 


En dehors de l'Europe etdes Etats-Unis, il existe 
- des fabriques de conserves alimentaires. Nous cite- 
-rons principalement la fabrication des conserves 
“d'ananas. La Guadeloupe étaitautrefois le lieu de pro- 
“duction principal de celte conserve, et celte colonie 
en fabriquait annuellement de 600 à 800.000 boites. 
Mais, depuis 1890 environ, la culture de l'ananas et 
sa mise en conserve ont pris une grande importance 
à Singapore, et l'ananas de Singapore fait une 
concurrence considérable à celui de la Guadeloupe. 
Actuellement, la Guadeloupe ne produit plus guère 
“que 200 à 250.000 boites d'ananas, tandis qu'à Sin- 
gapore on en produit de 5 à 6.000.000 de boîtes. 
Comme qualité, l'ananas de la Guadeloupe a con- 
servé sa supériorilé. 
On voit que l'industrie des conserves est très 
répandue ; la France continue à être à la tête de 
celte industrie, sinon comme quantité, puisqu'à ce 
point de vue elle est dépassée par les Etats-Unis, 
out au moins comme qualité de ses produits et 
comme soin avec lequel ils sont préparés. Notre 
pays ne peut donc espérer lutter pour la grande 
production à bon marché: sa supériorité est dans 
la qualité de ses produits. Il faut done que les 
industriels francais conservent cette supériorité et 
améliorent sans cesse leur fabrication. 


IT. — LES CONSERVES ALIMENTAIRES AU POINT DE VUE 
DE L'IYGIÈNE 


On a souvent porté, au nom de l'Hygiène, des 
accusations contre les conserves alimentaires. Les 
conserves de viandes deslinées aux troupes de la 
Guerre et de la Marine ont été surlout fréquemment 
incriminées. Si l’on compare cependant le nombre 
considérable de ralions de conserves consommées 
par les troupes ! avec le nombre relativement très 
restreint d'accidents observés, on voit que les con- 
serves ne peuvent pas, 4 priori, êlre considérées 
comme un aliment qu'on doit metlre en suspicion, 
D'autant plus qu'il faut observer que les accidents 
constatés sont souvent peu graves, qu'ils se bor- 
nent à des tranchées ou à des vomissements, et que 
ces indisposilions disparaissent promptement. Les 
cas mortels sont d'une très grande rareté. 

Les conserves de poissons donnent lieu aussi 
quelquefois à des accidents : on les observe surtout 
‘avec les conserves de homard, de saumon et les 
« conserves de sardines à l'huile. 

4 Il ne parait pas y avoir d'accidents causés avec 
É' 


s 


A 


- les conserves de légumes, ou du moins ces accidents 
sont-ils d'une rareté très grande. 
E Les inconvénients que peuvent présenter, au 
… point de vue de l'Hygiène, les conserves alimen- 
£ laires peuvent avoir deux causes : 


1 Les troupes consomment annuellement 3.000.000 de boites 
renfermant chacune 5 rations. 


PTE 


TS RL 


4° La nature de la boîte ou du récipient servant 
à les contenir ; 

2% La nature du contenu, c'est-à-dire de la con- 
serve elie-même. 

Examinons successivement les conditions que 
doivent remplir la boîte et son contenu pour que la 
conserve se présente dans les meilleures condilions 
hygiéniques possibles. 


$ 1. — Boîtes. 


La boîte ou le récipient servant à emmagasiner 
les conserves doit réaliser les conditions suivantes: 

4° La fermeture doit être parfaite pour prévenir 
toute cause d’altération venant de l'extérieur; 

2 Les parois intérieures de la boile et toutes les 
parties de la boite pouvant se trouver en contact 
avec les substances à conserver doivent être abso- 
lument dépourvues de substances nuisibles pouvant 
s'introduire dans le contenu de la boite. 

Pour ce qui est du premier point, la fermeture 
parfaite, les fabricants sont obligés de la réaliser 
sous peine de voir leurs conserves s'altérer. Nous 
avons vu que cette fermeture hermétique pouvait 
s'obtenir soit par soudure, soit par sertissage et que 
ces procédés, lorsqu'ils étaient bien appliqués, 
donnaient tous deux de bons résultats. 

Au point de vue des conditions que doivent rem- 
plir les parties de la boite en contact avec le con- 
tenu de celle-ci, il y a lieu de considéder : 4° la sur- 
face intérieure de la boite; 2° les joints (soudure 
ou sertissage). 

Pour les boîtes de fer-blane, l'étamage doit être 
fait à l’étain fin‘. On doit, suivant Grimaux”, enlten- 
dre par étain fin à employer pour les bainsd'étamage 
ou de rétamage, celui qui contient au moins 97 [0 
d'étain dosé à l’état d'acide métastannique, et qui 
renferme moins de 0,5 °/, de plomb et moins de 
0,01°/, d'arsenic. Suivant M. Pouchet*, on a observé 
en Russie des accidents provenant de la présence - 
de l'arsenic dans l’étain employé à l'étamage d'us- 
tensiles de cuisine. 

Lorsqu'on emploie pour l'étamage des boites de 
conserves de l'élain renfermant du plomb, on re- 
trouve dans le contenu des boîtes une quantité de 
plomb qui peut être assez importante. Cest ainsi 
que Schutzenberger et Boutmy, qui ont examiné 
16 boites de conserves de viandes de la marine, ont 
obtenu les résultats suivants : Le métal employé 
pour l’étamage renfermait de 5,93 à 20,13 °/ de 
plomb (12°/, en moyenne), et la viande en contact 
avec l'étamage renfermait de 8 à 143 milligrammes 
de plomb par 100 grammes de viande. 


1 Ordonnance de police du 31 décembre 1890. 
2 Comité Consultatif d'Hygiène, 27 janvier 1890. 
3 Comité Consultatif d'Hygiène, 1890. 


756 


D'autre part, MM. A. Gautier et Pouchet ! ont 
trouvé les résultats suivants en analysant des boiîles 
de conserves de poissons à l'huile dans lesquelles 
on avait pratiqué des soudures intérieures avec de 
l'étain plombifère : 

PLOMB PAR KILO 
=, 


de poisson d'huile 


Sardines. 33 milligr. 68 milligr. 
— PRE ES RE DRE PE MEL NREES 3 — 
Maquereaux Re PO RE ILES 
Thon 30° — = 
AM Le MO sex NS SA 0e 223 0 — 170 — 
Sardines (vieille boite). . . . . +: 43 — 168 — 


Au sujet de l’étamage, nous ajouterons que, pour 
produire des fers-blanes d’un prix peu élevé, on 
réduit la couche d’étain le plus possible, et on 
arrive à avoir une couche si mince de métal pro- 
tecteur du fer, que ce dernier peut être atlaqué par 
les liquides contenus dans la conserve. 

M. Doremus a examiné des boîtes de conserves 
de poissons qui étaient dans ce cas; elles étaient 
gonflées et avaient l'apparence extérieure de 
conserves, avariées. Cependant, en ouvrant ces 
conserves, on constalait que les poissons étaient 
fermes, de bonne couleur, sans goût ni odeur 
désagréable et que leur contenu était stérile ; mais 
l'examen chimique indiqua la présence de fer et 
d’étain. À l'intérieur, on constatait une corrosion 
étendue des côtés et du fond de la boîte, tandis que 
le couvercle, qui était revêln d’un étain différent, 
était inlact. 

Le gaz qui gonflait ces boîtes contenait 80 °/, 
d'hydrogène. 

Le gonflement était dû à la mauvaise qualité du 
métal des boîtes, et surtout à un étamage insuffi- 
sant. 

On a cherché à parer aux inconvénients que 
présente le contact des conserves avec un métal 
quelconque en enduisant l’intérieur des boiles mé- 
talliques d’un vernis protecteur. Malheureusement, 
jusqu'ici on n’a découvert aucun vernis susceptible 
de résister parfaitement à une stérilisation de 
110-115° et à l’action des matières contenues dans 
les boites. Il y a là, comme nousl'avons déjà dit, un 
problème intéressant à résoudre. 

Les divers modes de fermeture des boites ont 
donné lieu aussi à des réglementations. 

Comme il entre généralement une notable pro- 
portion de plomb dans les alliages servant à faire 
les soudures, il était prescrit® de pratiquer les 
soudures uniquement à l'extérieur des boîles. Cette 
circulaire a soulevé de nombreuses protestations 
de la part des fabricants de conserves de sardines, 
qui ont déclaré qu'il leur fallait de toute nécessité 


‘ Comité Consultalif d'Hygiène, 1er octobre 1888. 
* Arrêté ministériel du 4 mars 1879. 


X. ROCQUES — L'ÉTAT ACTUEL DE L'INDUSTRIE DES CONSERVES ALIMENTAIRES 


pratiquer des soudures à l’intérieur des boîtes. Lam 
question, soumise à plusieurs reprises au Comité 
Consultalif d'Hygiène, a été réglée dans les cireu 
laires ministérielles des 31 mai 1880 et 12 août 1889 
permettant l'usage de soudures intérieures, à la 
condition qu'elles soient pratiquées à l’étain fin. 
La soudure, lorsqu'elle est pratiquée à l'extérieu 
avec de l’étain plombifère, ne présente aucun incon« 
vénient quand elle ne pénètre pas; mais il n’en est 
pas toujours ainsi dans la pratique, et il pénètren 
quelquefois dans les boites de conserves des 
goultes de soudure plombifère qui peuvent conta=« 
miner le contenu de la conserve. | 
Lorsque, au lieu de pratiquer la soudure, on pra= 
tique le sertissage, on emploie des caoutchoucs« 
renfermant des oxydes mélalliques. Ces caout= 
choucs étaient autrefois addilionnés d'une forlem 
proportion d'oxyde de plomb (30 à 40 °/,); mais, à 
la suite de protestations du syndicat des ferblan=s 
tiers soudeurs, le Comité Consultatif d'Hygiène a, 
dans sa séance du 21 mai 1894, adopté les conclu 
sions d’un rapport du D’ Dubrisay tendant à inter, 
dire l'emploi de tous les procédés de sertissage quim 
comportent l'emploi de substances plombifères. A: 
la suite de cette interdiction, on a adopté divers 
oxydes, mais on a éprouvé des mécomptes, car les” 
autres oxydes qu'on a employés n’ont pas l'étans, 
chéilé que procurait le minium ou la litharge 
Les premières tentatives faites dans le but de sup=« 
primer les caoutchoucs plombifères ont été très 
onéreuses pour les fabricants; on a, cependant, 
réussi à employer des caoutchoucs non plombifères,« 
mais à la condition de changer la disposition du 
mode de fermeture et de poser le joint de caoult=M 
chouc sur le couverele, etnon sur la boite. (Voir la 
première parlie de cette étude.) 


rm > 


$ 2. — Contenu des boîtes. 


Le contenu des boîtes doit, pour répondre aux 
desiderata de l'hygiène, satisfaire aux conditions 
suivantes : | 

1° Les substances à conserver doivent être, au 
moment de la fabrication, en parfait état de conser- 
vation ; 

2° Les opérations de préparation doivent s’effec- 
tuer avec la rapidité désirable et les précautions 
indispensables; 4 

3° Toute boite mal réussie, reconnaissable par 
le bombage, doit être rejetée et ne doit jamais 
donner lieu à l'opération dite de la représervation à 

4 Enfin, la stérilisation doit être parfaite pour 
assurer la destruction de tous les germes. 

M. le D' Vaillard, qui a fait une étude très com- 
plète des conserves de viandes destinées à l’armée, 
à cherché si les conserves renfermaient des subs- 
tonces toxiques, ou si elles pouvaient renfermer 


X. ROCQUES — L'ÉTAT ACTUEL DE L'INDUSTRIE DES CONSERVES ALIMENTAIRES 


(1 
—] 


) 


des microbes vivants capables de provoquer une 
infection intestinale. 

M. Vaillard ne pense pas que le fait du vieillis- 
“étment des conserves puisse être cause de la for- 
Une conserve 


9% Une viande saine à l’origine peut devenir 
loxique au cours de la fabrication, lorsque, par suite 


5, basilles. Dans cette classe de conserves, M. le 
D' Vaillard signale principalement les conserves 


ées, dont le fond avait bombé, et que l'on a voulu 
réutiliser. Pour exécuter cette opération, on fait un 


ces conserves représervées sont dans des condi- 
tions hygiéniques mauvaises, car si les microbes 
ont élé tués, les produits de leurs sécrétions 
restent dans la conserve; 

. 3 Dans une conserve insuffisamment stérilisée, 
les germes peuvent persister vivants el se déve- 
lopper par la suite. Si les anaérobies ont été tués, 
il peut rester des aérobies qui ne peuvent se déve- 
lopper en l'absence d'oxygène libre; lorsqu'on 
ouvre la boite pour la consommalion, les aéro- 
bies peuvent se développer librement et rendre le 
éontenu de la boîte malsain. 

Les conserves à l'usage de l’armée paraissent 
contenir, dans certains cas, des substances Loxiques. 
Des expériences de Pouchet paraissent tout au 
moins le démontrer. Ce savant a injecté à des co- 
bayes des extraits de conserves, et quelques-uns 
de ces extraits ont déterminé la mort en quelques 
heures. Des extraits, préparés d'une manière iden- 
dique avec des viandes fraiches et saines, ne don- 
“nent jamais, dans les mêmes conditions, desexlraits 
… toxiques. Les conserves alimentaires de l'armée ne 
“renferment pas seulement, dans certains cas, des 
produits toxiques; elles contiennent aussi des mi- 
- crobes, et le D' Vaillard a pu, en aérant aseptique- 
- ment des conserves paraissant saines, y détermi- 
ner le développement de microbes aérobies qui 
n'avaient pas été lués. Il a pu ainsi constater que 


10 et même 80 °/, des boites qu'il a examinées, 
contenaient des germes revivifiables. Il semblerait 
donc que fréquemment les conserves sont impar- 
faitement slérilisées ; la cause en serait due à l'in- 
suffisance du degré et du temps de chauffe. 

Le D' Vaillard a constaté qu'en soumettant des 
conserves à 120° dans des autoclaves employés 
par l'industrie, c'est seulement après une heure 
trente environ que le centre de la boite alteint 
116°. 

La conclusion à tirer de ces faits, c'est que les 
conserves de viandes, pour être parfaitement salu- 
bres, doivent être fabriquées dans les conditions 
que nous avons indiquées plus haut, et, surtout, ne 
pas être soumises à la pralique vicieuse de la repré- 
servalion. 

Ajoutons que c’est avec juste raison que l’on 
recommande de consommer les conserves dès que 
les boites ont été ouvertes; les inconvénients que 
présentent les conserves se manifestent, en effet, 
la plupart du temps quand cn ne consomme les 
conserves que quelque temps après l'ouverture des 
boites. Le même fait se produit avec les conserves 
de poissons. 

Si nous passons maintenant aux conserves de 
légumes, nous constatons qu'il y à une grande dif- 
férence dans les accidents observés. Tout d'abord, 
il parait difficile d'employer pour préparer les con- 
serves alimentaires des légumes gâlés, en raison de 
l'aspect défectueux de ceux-ci. Ja stérilisation des 
produits végétaux s'obtient avec beaucoup plus de 
facilité que celle des substances animales. Quand 
il se développe une altéralion ayant pour résultat 
de faire bomber la boite, cette altération est due au 
développement de ferments acidifiants, et l'on con- 
naît très peu de cas d'accidents provoqués par de 
telles conserves. 

Nous devons dire un mot de la pratique du 
reverdissage qui est appliquée aux légumes verts. 
Cette pratique, qui a été adoplée en raison des exi- 
gences de cerlains consommateurs et des demandes 
de l'exportation, a pour but de rendre leur belle 
teinte verle aux légumes qui ont été décolorés 
pendant les diverses opérations de cuisson et de 
stérilisation. Ce résultat s'oblient par l'addition 
d’une petite quantité de sulfate de cuivre (45 à 50 
grammes de sulfate de cuivre par bassine conte- 
nant 70 à 75 kilos de pois, ou 50 à 55 kilos de hari- 
cots verts). 

L'emploi des sels de cuivre était interdit depuis 
1860’. A la suite d'un rapport de M. Grimaux au 
Comité Consultatif d'Hygiène, celte interdiclion a 
été levée”. 


1 Ordonnance du 20 décembre 1860. 
2 Ordonnance du 18 avril 1889 


758 


$ 3. — Date de la fabrication. 


Pour terminer l'étude des conserves alimentai- 
res au point de vue de l'Hygiène, il nous reste 
à parler d’une proposition de loi de M. Muteau, 
député de la Côte-d'Or, soumise en ce moment au 
Parlement, loi tendant à obliger les fabricants de 
conserves alimentaires à mentionner d’une facon 
apparente la date de fabrication. M. Muleau espère 
éviter ainsi les inconvénients qui peuvent résulter 
de l'usage des conserves alimentaires avariées. 

Cetle question avait été déjà discutée au Congrès 
international d'Hygiène tenu à Paris en 1900, et le 
Congrès avait émis un vœu dans le même sens. 

Une réglementation analogue est déjà en usage 
er Autriche, où les boîtes de conserves portent la 
date de la fabrication; mais je ne crois pas que cette 
mesure puisse être appliquée d'une manière géné- 
rale à tous les produits alimentaires commerciaux ; 
elle doit être restreinte aux conserves de viandes 
destinées aux troupes. 

En France, les industriels ont l'habitude de faire 
estamper sur les boites de conserves des lettres ou 
des signes leur permettant de reconnaître la date 
de fabrication. Mais ces indications conservent un 
caractère secret et ne renseignent pas le consom- 
mateur. Le résullatique l’on veut oblenir est, au 
contraire, defrendre apparente au public l'époque 
de fabrication d’une boite de conserve quelconque. 

Si l’on‘veut que le consommateur connaisse la 
date de fabrication d'une conserve qu'on lui offre, 
c'est qu'en [admet que cette conserve est sujette à 
s'altérer avec le temps. Il doit donc y avoir une rela- 
tion entre l’âge d'une conserve et son état d’alté- 
ration, et il doit y avoir ainsi une période de temps 
au bout de laquelle la conserve n’est plus saine. La 
vérilé est que ce n'est pas le temps qui est le fac- 
teur le plus important de l’altération : c'est l'état 
de stérilisation de la conserve. Une conserve est 
bien ou mal stérilisée. Si elle est bien stérilisée, 


X. ROCQUES — L'ÉTAT ACTUEL DE L'INDUSTRIE DES CONSERVES ALIMENTAIRES 


| 
toute action microbienne cesse : il ne peut plus se 1 
produire que des actions d'ordre physique ou chi= | 
mique. Peut-il se former sous ces seules actions 
des composés loxiques? Cela parait bien peu vrai= 
semblable. 

M. le D'° Vaillard, parlant des conserves de 
viandes, dit que la Chimie, aidée de l’expérimen= 
tation sur l’animal, a été impuissante à constater 
l'existence de produits toxiques dans des conserves 
datant de plus de dix ans et restées inaltérées; 
d'autre part, des millions de conserves dont lan 
fabrication remonte à cinq et six ans sont consom=" 
mées journellement dans l'armée sans déterminer 
d'accidents. Il ajoute qu’une conserve bien faite à 
l’origine ne subit aucun changement appréciable au 
cours du temps et demeure inoffensive. 

Ce qui est vrai pour les conserves de viandes, - 
l’est plus encore pourles conserves de légumes. J'ai 
eu l'occasion d'examiner un assez grand nombre 
de ces conserves datant de six à douze ans: elles» 
étaient parfaitement stériles, ne présentaient pas 
trace d’altération et ont élé consommées sans qu'il 
en soit résulté le moindre inconvénient. 4 

Je crois que si l’on voulait exercer un contrôle 
efficace sur la valeur hygiénique des conserves * 
alimentaires, il faudrait faire porter ce contrôle sur ' 
l'état de stérilisation. Une conserve bien stérile 
peut être sans inconvénient consommée au bout. 
d'un temps très long, alors qu'une conserve mal. 
stérilisée est susceptible au bout d’un temps res- 
treint de déterminer des accidents. 

On ne saurait trop engager les industriels à s’as= 
surer que les conserves qu'ils préparent sont bien 
stérilisées. Le bombage des boîtes, qui est un signe 
d’altération, n’est pas le seul, et des conserves peu-" 
vent sans se bomber ne pas être complètement sté= 
rilisées. 


x 


st gt * 


Le 


Xavier Rocques, 
Ingénieur Chimisle, 
Ancien Chimiste principal 
du Laboratoire municipal de Paris : 


Eh ef 


LE COMMERCE EXTÉRIEUR DE LA FRANCE 
AU XIX’ SIÈCLE 


Le but de la Revue est de faire connaître, à mesure qu'iis se produisent, les progrès dans chaque 
branche des études positives, de synthétiser les résultats obtenus, et d'en dégager l’enseignement ; enfin, 
indiquer, en des articles d'avant-garde, les idées nouvelles qui dirigent les chercheurs, le sens dans 
lequel semblent devoir s'orienter le plus utilement linvestigation expérimentale ou les essais 
application. Sciences « pures » et « Applications » des Sciences ont également droit à l'hospitalité de la 
Revue. Mais faut-il classer les Sciences économiques parnni celles dont ses lecteurs ne sauraient se 
désintéresser? Nous nous sommes posé la question. Et nous avons cru pouvoir la trancher affirma- 
livement, — sous certaines conditions, cependant. 

La science économique groupe les faits relatifs à la vie particulière des nations et à la vie 
générale du monde civilisé; elle étudie ensuite ces faits, s'eflorce d'en discerner lenchaïnement et la 
Subordination, puis d'en déduire des lois générales. Il y a done, dans les travaux des économistes, une 
artie positive, indépendante de toute appréciation personnelle, et une partie, plus subjective, qui 
orcément donne prise à la controverse : une partie où s'exerce l'observation, et une partie réservée 
à Ja discussion. Demander à la Revue d'accueillir des articles économiques de discussion serait 
dentraïner dans une voie qui n’est pas la sienne; mais il semble bien qu'elle demeure fidèle à son 
programme général et à sa ligne de conduite, en publiant, de temps en temps, certaines études portant 
Sur des faits précis, el présentant des conclusions d'intérét national. 

Tel nous parait être le double caractère du travail qu'on va lire. 

Quelle a été, pendant le XTX* siècle, et quelle est aujourd'hui la puissance d'expansion 
commerciale de la France? De celte question, nul ne Saurait se désintéresser; elle doit préoccuper 
Thomme cultivé, le savant, plus encore que le citoyen moins éclairé, car le commerce extérieur est, 
de nos jours, le grand facteur de la puissance d'un peuple. Au XV£ et au X VIF siècle, le missionnaire 
était le pionnier des nations colonisatrices : on querroyait alors pour des idées. Actuellement, le 
marchand est le porte-drapeau de sa patrie, et Ton se bat pour conquérir des marchés nouveaux. 11 
importe done de savoir quelles sont nos chances de succès dans la lutte qui emplira le XX° siècle. 
Pour élucider le problème, le mieux est de s'en tenir aux méthodes scientifiques de lobser- 
wation. Le simple examen des faits, accompagné d'une explication précise, dira mieux que les 
plus ingénieuses dissertations ou les plus éloquents discours des hommes politiques, comment $est 
développé notre commerce pendant le XTX® siècle et pourquoi la situation de l'heure présente apparait 
Comme grave. 

L. O. 


Il n’est peut-être pas sans intérêt de résumer | commerciales; Richelieu et Colbert avaient, de leur 
lhistoire commerciale de la France pendant le | côté, perfectionné ce service; mais le « Bureau de 
xIx° siècle, et d'examiner ensuite si quelque lecon | la Balance du Commerce » n’en était pas moins tout 
tile ne se dégage pas de l'observation des faits. | à fait insuffisant. L'Assemblée nationale de 1792, 
Nous allons donc essayer d'établir : quelles ont été | voulant remédier au mal, ordonna la formation 
les causes des variations de notre commerce exlé- | d’un « Bureau central d'Administralion du Com- 
rieur; quel à été le rang de notre pays au point de | merce », dont la mission serait de réunir tous les 
vue de l'importance des échanges internationaux; | mouvements commerciaux. Le « Bureau de la Ba- 
quelle est enfin notre situation comparée à la fin | lance du Commerce » devint celui des « Archives du 
de l’année 1900. Commerce », et la Douane fut chargée de recueillir 
I les renseignements. Le Règlement du 17 janvier 
1792 organisa le service. Et bientôt paraissait le 
Pour le premier quart de ce siècle, les documents | premier tableau semestriel du commerce de la 
précis n'abondent pas. Sully avait bien organisé, | France. Mais, au milieu des troubles de tous genres 
vers 1602, un « Cabinet de politique et de finance » | qui secouaient le pays, l'entreprise ne put être 
# chargé” de réunir les éléments des statistiques | poursuivie, et on attendil en vain le deuxième ta- 
bleau. Ce n’est qu'en 1818 que furent inaugurée 
1 GEonGEs PaLraix : Les Douanes françaises. les publications annuelles de l'Administration de 


760 


Douanes, faisant foi en la matière; et la première 
publication décennale comprend les chiffres de la 
période 1827-1830. 

Notons, cependant, que les statistiques de celte 
époque sont loin d'offrir loutes les garanties néces- 
saires d'exaclitude. D'une part, l'organisation du 
service central laissait à désirer, et ce n’est guère 
qu'en 1851, sur la demande de M. Thiers, ministre 
du Commerce, que les documents furent enfin col- 
lationnés, détaillés et publiés rationnellement. 

D'autre part, l'évaluation des valeurs était faite 
d’étrange facon. De 1818 à 1826, le tableau d’éva- 
luation fut dressé par l'Administration des Douanes 
d'après les renseignements recueillis auprès du 
commerce et de l'industrie. Mais, à cette dernière 
date, on décida de dresser un tableau définitif des 
évaluations, après consultation d’une commission 
spéciale de commercants et de manufacturiers; et 
l'ordonnance du 29 mars 1827 stipula que les va- 


leurs moyennes ainsi fixées, dites « valeurs offi-. 


cielles », serviraient désormais de base permanente 
à la stalistique. Et il en fut ainsi jusqu'en 1847, 
année où une réorganisation du service amena la 
constitution d’une « Commission permanente des 
valeurs » de Douane, définitivement établie le 
13 décembre 1848. 

Depuis 1848, nous possédons des statistiques 
consciencieuses et précises. Il est aisé de compren- 
dre que les publications afférentes à la période 
1826-1841 n'offrent pas les mêmes garanties d’exac- 
titude. Par suite de l’applicalion du tableau des 
« valeurs officielles », la Douane ne tenait aucun 
compte des variations des prix des marchandises. 
IL est vrai qu'à cetle époque les osallations du 
marché international n'étaient ni aussi brusques, 
ni aussi amples que de nos jours; mais elles 
avaient une certaine importance, cependant; en les 
négligeant, on faussait sensiblement les conclu- 
sions que chacun pouvait tirer de la lecture des 
documents publiés. 

Il est done bien entendu que les chiffres dont 
nous userons doivent être tenus : pour de simples 
évaluations, s'ils sont antérieurs à 1818; pour des 
documents d'une précision insuffisante, s'ils sont 
antérieurs à 1848; et qu'ils n'auront toute leur 
force probante qu'aulant qu'ils auront été puisés 
dans les tableaux dressés pendant la seconde moi- 
tié du siècle. La «Commission permanente des va- 
leurs de Douane » fournit, en effet, chaque année, 
des évaluations concordant avec les prix actuels 
du marché, et la statistique offre, dès lors, une 
base solide d'appréciation. 

Cette observation faite — et elle était nécessaire, 
— voyons quels ont été les mouvements de notre 
commerce extérieur, depuis la Révolulion jusqu'à 
la fin du xix° siècle. 


MARCEL BICHON — LE COMMERCE EXTÉRIEUR DE LA FRANCE AU XIX° SIÈCLE 


IT 


Quand survint la Révolution de 1789, nous étions 
régis par les lois du Système mercantile, organisé 
par Colbert, c'est-à-dire par le système protection= 
niste, dont la formule peut-êlre résumée ainsi: 
assurer aux produits nationaux, agricoles et manu- 
facturés, le marché intérieur du pays, en arrêtant 
à la frontière douanière, par des droits élevés, par- 
fois même par des prohibitions, les produits étran- 
gers concurrents. L'œuvre libérale de Turgot 
n'avait produit d'effels que sur le marché inté- 
rieur, et elle n'avait d’ailleurs pas élé durable. 
L'Economie politique n'était pas encore née, et les 
Physiocrates — Quesnay, Gournay, Mercier de la 
Rivière, l'abbé Beaudeau, Dupont de Nemours — 
avaient à peine frayé la voie, dans laquelle l'Ecos= 
sais Adam Smith et le Français Jean-Bapliste Say 
entraineront plus tard les nations civilisées. 

La Révocation de l'Édit de Nantes avait eu, entre 
autres résullats, celui de répandre dans toute l'Eu- 
rope le Système mercantile, car chacune des nations 
auxquelles les Protestants émigrés étaient venus « 
apporter des industries nouvelles avait tenu à 
protéger ces entreprises naissantes en fermant son 


territoire aux produits rivaux. 

L'Europe du nord-ouest, la seule importante au 
point de vue de la production et des échanges, était 
hérissée de barrières douanières que les commer- 
cants franchissaient avec de grandes difficultés. 

En 1789, notre commerce extérieur général — la 
statistique n'élait pas assez précise pour que nous | 
puissions faire la part du commerce spécial — élait M 
évalué à 4.078 millions, dont 441 millions à l'im- 
porlation, et 637 millions à l'exportation. 

En 1799, il arrive à 1.732 millions, grâce à l’œu- 
vre de la Constiluante, à laquelle nous devons la 
suppression, en 1791, des douanes intérieures, et 
l'adoption d'un tarif douanier libéral. Mais les 
luttes de la Convention contre l'Angleterre brisent. 
net l'effort du commerce, et, en 1799, — sous le 
Direcloire, — nous sommes au chiffre global de 
590 millions de francs, y compris le commerce avec 
les colonies. 

Le Consulat succède au Directoire, et l'Empire 
au Consulat. La lutte s'engage bientôt entre l'An 
gleterre et Napoléon, et le Blocus continental rend 
impossible toute entreprise commerciale régulière 
et de longue haleine. Notre commerce extérieur est 
gravement atteint : après être monté de 790 mil= 
lions en 1802, à 933 millions en 1806, il retombe 
à 769 millions en 1807 et à 621 millions en 1809. 

Mais il serait puéril de demander aux chiffres de 
celte période des indications sur les causes écono- 
miques des mouvements de nos échanges internas 
Lionaux : un duel à mort est engagé entre Napoléon 


met l'Angleterre, et l'Empereur fait la guerre avec 
ses douaniers comme avec ses soldats. 

Il faut donc attendre la Restauration pour que le 
parché international, affranchi des servitudes 
errières, se remetle en équilibre, et fonctionne 
normalement. 

En 1815, notre commerce extérieur oscille au- 
tour du chiffre de 500 millions de francs. Déjà, les 
idées libérales ont fait quelques progrès et le gou- 
“vernement des Bourbons ne parait pas hostile à 
l'établissement d'un régime douanier, protection 
misie sans doule, mais sans prohibitions ni taxes 
“excessives. Mais ces tendances ne purent prévaloir, 
par suile des nécessités politiques. Les Chambres 
la Reslaura- 
ion, élues au 


# 000 


MARCEL BICHON — LE COMMERCE EXTÉRIEUR DE LA FRANCE AU XIX° SIÈCLE 


761 


alors la doctrine proleclionniste; et elle ne com- 
mença guère qu'en 1836. Mais la prospérilé indus- 
trielle s'affirmait lous les jours. D'autre part, la 
campagne de « l'Anli-corn-law-league », acti- 
vement menée en Angleterre par Cobden et la 
Ligue de Manchester, avait sa répercussion en 
France, où, sous l'impulsion de Bastiat, Horace- 
Emile Say, Michel Chevalier, ete., se fondait, à 
Bordeaux, « l'Association pour la liberté des 
échanges », le 10 février 1846. Aussi voyons-nous 
apparaitre, le 31 mars 1847, le projet douanier, 
relalivement libéral, de M. Cunin-Gridaine, mi- 
nistre du Commerce. Mais l'opposition protection- 
niste fut si ardente, que la discussion s'éternisa : 
elle durait en- 
core, quand s'é- 


régime censitai- 
re, étaient peu- 


croula le trône de 
Louis-Philippe. 


plées de genlils- 
{ 5 3.500 


Pendant celle 


hommes, pour : 


période, nos 


lesquels « labou- 
rage et pälurage 


échanges s'é- 
aient sensible- 


3 000 


étaient les deux 


ment accrus : 


-mamelles de la 
rance » : ils te- 


En 1829, notre 
commerce exté- 


naient en médio- 


rieur avait élé 


cre estime et les 


2.000 


de 988 millions; 


industriels et les 


en 1836, il attei- 


commercants. 
Parmi les pro- 


1 500 


gnait 1.193 mil- 
lions ; en 1847, 


ducteurs, les 


il arriva à 1.676 


igriculteurs ont 
été de tout temps 


1.000 


millions (fig. 1). 
La France pre- 


es plus détermi- 
nés proteclion- 
nistes. 

La politique 
commerciale de 
ja Restauration 
lorienla done peu à peu, et de plus en plus, vers 
la protection bien caractérisée, souvent même vers 
la prohibilion. Aussi, bien que la paix régnût en 
Europe, et que les entreprises commerciales 
fussent assurées d'une sécurité absolue, nos 
échanges n’augmentèrent que bien lentement : en 
829, ils se chiffrent, au commerce spécial, le seul 
dont nous nous occuperons désormais, par 988 mil- 
lions (fig. 1). 

> La monarchie de Juillet parut, tout d'abord, 
‘vouloir revenir à des taxes douanières plus modé- 
rées : elle avait, en effet, à satisfaire une clientèle 
olilique composée plutôt de financiers, de com- 
-meérçants et d’industriels, que d'agriculteurs; aux 
gneurs: « terriens » avaient succédé les repré- 
sentants de la haute bourgeoisie. Cependant, 
évolution fut lente, très lenté, tant était puissante 


1827 


o 
m e 
œ œ 


— = 


1840 


REVUE GÉNÉRALE DES SCIENCES, 1901, 


Fig. 1. — Commerce extérieur de la France de 1827 à 1860. (Commerce spécial 
en millions de francs, numéraire non compris.) Période du régime de 
protection caractérisée. 


| nait rang, de 

ra 8 plus en plus, 

parmi les Puis- 

sances indus- 

trielles. Et l'éta- 

blissement dé 

notre grand réseau ferré allait contribuer, gran- 
dement, au développement des entreprises com- 

merciales. 

Arrivé au pouvoir avec la Révolution de 1848, le 
Socialisme entreprit de supprimer la concurrence 
internationale, et l'Assemblée nationale revint à 
une protection exagérée, même aux prohibitions. 
Mais la réaction ne fut pas. plus durable que la 
Révolution. Et quand Napoléon II eut rétabli 
l'Empire, la marche vers la liberté reprit immé- 
diatement. 


un) 
+ 
œ 


1850 


III 


Napoléon, dans sa jeunesse, avait passé de 
longues années en Angleterre. Il avait assisté aux 
principaux actes de la Ligue de Manchesler, et 
avait été conquis par les ardents apôtres du libre- 

16** 


162 


MARCEL BICHON — LE COMMERCE EXTÉRIEUR DE LA FRANCE AU XIX° SIÈCLE 


échange. Il comptait appuyer son action politique 
non plus sur la noblesse — qu'il humilia volon- 
tiers, surtout au début de son règne, — ni même 
sur la haute bourgeoisie, mais bien sur le peuple. 
La population des campagnes tenait toujours à la 
protection douanière; le peuple des villes, le plus 
ardent des bataillons politiques, avait encore 
besoin d’une longue éducation économique pour 
en arriver à comprendre que toute mesure sus- 
ceptible d'étendre notre commerce extérieur 
vivifiait par cela même l'industrie, et augmentait 
le bien être de la classe ouvrière. Aussi Napoléon HI 
se montra-t-il très prudent dans la préparation de 
l'évolution économique qu'il jugeait indispensable. 
La période de 1850 à 1859 vit apparaître une série 
de décrets, réalisant, petit à petit, ce qu'une-loi 
n'eût pu réaliser en bloc, sans émouvoir profon- 
dément le pays. L'Exposition de Londres de 1851, 
celle de Paris de 1855, prouvèrent que nous étions 
armés suffisamment pour la lutte internationale. 
Notre commerce montait, d'ailleurs, très rapi- 
dement et d'une façon ininterrompue (fig. 1): 


En 1852 millions 
En 1855. 


En 1860. 


Cette augmentation était due, surtout, au déve- 
loppement de l'industrie, et à l'importation des 
matières premières. 

Le moment était venu de chercher la formule 
qui donnerait satisfaction aux libre-échangistes, 
sans atteindre directement les protectionnistes. 
Michel Chevalier trouva cette formule : il préconisa 
les Traités de Commerce. Un traité de commerce 
n'est pas, nécessairement, un acte delibre-échange; 
il peut être, tout aussi bien, un acte de proteclion. 
Mais, qu'il soit à tendances protectionnistes, ou à 
tendances libre-échangistes, il comporte toujours 
des tarifs modérés, car la libre: discussion entre 
deux Puissances ayant des intérêts rivaux aboutit 
fatalement à un compromis et exclut toute exagé- 
ration, En fait, les Traités de commerce inaugurés 
en 1860 n'ont été, vraiment, des actes de libre- 
échange que parce qu'ils mettaient fin à une longue 
période de protection plus ou moins accentuée, En 
les appréciant en eux-mêmes, on aperçoit qu'ils 
procèdent d'une théorie libre-échangiste, ou pro- 
tectionniste modérée : il est permis d'adopter l’une 
ou l’autre hypothèse, sans méconnaïître les fails. 
Leur grand avantage fut de codifier les taxes des 
produits échangés par les principales nations 
européennes, pour une période assez longue : de 
dix années d’abord, puis de plusieurs fois dix 
années, par renouvellements suecessifs, et de per- 
mettre ainsi aux grandes entreprises industrielles 
et commerciales d'établir leurs travaux sür des 
bases stables. 


Michel Chevalier fut l'organisateur du système. 
Il convertit à ses convictions Napoléon IIL en« 
France, Cobden et Gladsitone en Angleterre. Lam 
retentissante « Lettre-Programme », publiée au 
Moniteur du 5 janvier 1860, était signée Napoléon 
mais elle traduisait nettement les idées de Michel d 
Chevalier : l'empereur approuvait l'œuvre de l'éco- 
nomiste, la prenait à son compte et allait la réaliser: 

Quel fut le programme sommaire de cette évo-. 
lution économique, qui donna au commerce de la 
France une si vive impulsion ? 

Il tient en quelques formules : 

1° Développer la production agricole nationale : à 
en multipliant les capitaux par l'expansion des 
institutions de crédit; en facilitant la circulation 
des marchandises par l'exéculion de grands 
travaux publics, nolamment par l'extension de 
notre réseau ferré; 

2 Développer la production industrielle : en 
laissant entrer en franchise, ou à des faxes très 
modérées,les matières premières utiles aux usines; 
en stimulant l’action du capilal par la création dem 
nombreuses banques; 

3° Favoriser enfin l'échange international des 
produits agricoles ou manufacturés : en supprimant 
les prohibitions; en donnant au commerce, par 
l'institution de traités à longs termes, conclus avec 
les principales nations civilisées, la stabilité indis= 
pensable aux entreprises de longue haleine. 

Comment fut réalisée chaque partie de ce pro-M 
gramme? Nous ne le rappellerons pas ici, car ce 
serait élargir considérablement le cadre de cette 
étude. Il nous suffira de dire que de la théorie on 
passa à la pratique, et que l'ère des Traités de 
commerce fut ouverte le 23 janvier 1860, par law 
signature du traité de commerce franco-anglais. Ce 
traité fut suivi de conventions analogues avec 
toutes les grandes nations commerçantes. Et les 
traités de commerce ont été la base de notre orien- 
tation commerciale jusqu'à la réforme du 11 jan- 
vier 1892. Ë 

Quels furent les résultats immédiats de l'appli- 
cation du système des Traités de commerce ? Une 
prospérilé générale indéniable, qui dura jusqu'à la 
fatale guerre franco-allemande de 1870-1871; une 
activité industrielle si intense que, dès 1868, la 
surproduction mettait en crise le marché indus- 
triel; une activilé agricole que les hommes de la 
campagne vantent encore, et d'autant plus qu'ils 
ne savent pas toujours reconnaitre que les temps 
sont changés. 

Quant à notre commerce extérieur (fig. 1 et 2), 
il augmenta toujours, grâce au développement des 
échanges avec les nations bénéficiant d’un traité : 

En 1860, il atteint 4.174 millions. 

En 1868, il se chiffre par 6.094 millions. 


+ 


Er Me EEE md ner hndr 2 


La surproduction industrielle n'’eût-elle pas 
amené une réaction sensible? La question reste en 
_ suspens, car la guerre franco-allemande vint mettre 
“üun lerme à la prospérité matérielle de la période 
ppériale et modifier la situation commerciale de 
Europe. Somme toute, l'expérience avait donné 
d'heureux résultats. Et nous n'avions aucune 


- Cependant, un traité de commerce avait disparu : 
celui qui régissait nos rapports avec le Zollverein 
allemand. Il était remplacé par l’article 14 du traité 


MARCEL BICHON — LE COMMERCE EXTÉRIEUR DE LA FRANCE AU XIX:° SIÈCLE 


163 


IA" 


Jusqu'en 1870, nous n'avions connu qu'une na- 
tion concurrente sur le marché international, et 
cette nation était l'Angleterre. Par suite du déve- 
loppement général des voies de communication, de 
l'augmentation du tonnage des navires, — cause im- 
médiate de l'abaissement du prix du fret, — enfin du 
remplacement progressif des navires à voiles par 
les navires à vapeur, à marche de plus en plus 
rapide, le marché internalional va désormais être 
la proie du plus hardi, du plus souple, du plus 
habile, et nous allons y voir paraitre les nations 
jeunes, pleines de sève : l'Allemagne, née en 1871, 


Main par les et les Etats- 
plénipotentiai-  & 5° Unis,unifiésune 
es français el + t ne fois encore — 
allemands. Cet 8 000 nn et mn s'il est permis 
article 11 stipa- —— —+ = de se servir de 
lait que l'Alle- 7500 LE + cette expression 
1 . . . | 

agne jouirait, | Je +1 — par la guerre 

l'égard de la 7.000 | ja EI EN LL Le) de Sécession. 

nel 
E de la 1m: JOUR. | | Let pi L'entrée en 
lause de la na- 6.500 | | [| | || | ligne de ces na- 
lon la plus favo- EN! | || tions devait 
lisée; c'est-à-  & 000 | || avoir pour con- 
dire que les con- L el | séquence un re- 
3 4 + L ++ : - : | > 
cessions doua- tour au sysième 
DA 5- 000 TE À ES EE | F = + + — NT. 
nières par nous El de la protection. 
faitesaux divers DRE LS | | |] k Une nation ne 
pays commer- [A ET À ao ? peut paraitre 
: s [en | LIEN en .. | | | ÿ 
ants seraient, Dal | = avantageuse- 
] + # [e] = | Je. = LE En 5 
le plano, faites Ex l | ment, en effet, 
$ - [+ , 
ussi à l'Alle- S = D ÉONE LE Fo > à  surlemarchéin- 
8 2 5 & & a 8 ® ; 

Toute- es o e & e è © © ternational, que 

So l'art: Fig. 2. — Commerce extérieur de la France de 1861 à 1892. (Commerce Spécial AY ST , 
IS; l'article ne en millions de francs, numéraire non compris.) — Période de libre-échange lorsqu elle P20 


ait applica- 
qu'autant 
ue les concessions auraient été faites à l’Angle- 
erre, la Belgique, les Pays-Bas, la Suisse, l’Au- 
triche et la Russie. D'autre part, l'Allemagne accep- 
ait une clause de réciprocité. 

Cette convention commerciale avait ceci de par- 


ourparlers : inscrite dans un traité de paix, elle 
> pouvait être modifiée que par un acte de 
guerre. 

On a beaucoup discuté sur la portée économique 
l'article 11 du traité de Francfort. En réalité, 
effets ont été peu sensibles sur les mouve- 
ents de notre commerce extérieur. C'est ail- 
leurs qu'il faut chercher les causes non pas de 


modéré et de traités de commerce à longs termes. 


duit beaucoup 
et à bas prix: 
elle ne produit à bas prix que quand elle dispose 
d'un puissant outillage industriel; or, pour assurer 
le développement de son outillage industriel, elle 
doit, tout d’abord, réserver aux usines nationales 
son marché intérieur; et, pour arriver à ce but, 
elle est obligée de fermer ses frontières aux pro- 
duits étrangers rivaux. Toute nation jeune est 
done, forcément, proteclionniste. Elle n'évolue vers 
le libre-échange que quand sa production se 
transforme en surproduclion. Si plusieurs nations 
ferment leurs frontières, les autres sont tenues de 
suivre leur exemple, sous peine de se trouver en 
état d'infériorité. 

L’Angleterre seule fait exception à la règle : 
reine de la mer, maitresse des transports mariti- 
mes internationaux, peu agricole, essentiellement 
industrielle, elle ne peut maintenir sa suprématie 
que par le libre-échange. Mais les autres na- 


MARCEL BICHON — LE COMMERCE EXTÉRIEUR DE LA FRANCE AU XIX° SIÈCLE 


lions ne sauraient échapper à la règle commune. 

L'expérience l'a prouvé avec une entière nettelé. 

Quand la France eut pansé ses blessures, elle se 
préoccupa de réorganiser ses douanes. La majorité 
parlementaire, élue sur un programme de paix, 
comprenait surtout de gros propriétaires fonciers. 
C'est dire qu'elle était plutôt protectionniste. D'au- 
tre part, la France avait besoin d’argent pour 
reconstituer sa puissance militaire, et réparer les 
désastres de la guerre. Il fallait créer de nouveaux 
impôts. Les douanes devaient être appelées à fournir 
leur contingent de subsides. Quelques mesures 
protectionnistes élaient done imposées par les 
circonstances. Mais, sauf le traité de commerce 
franco-allemand, tous les autres subsistaient. Et 
les industriels et les commerçants se souvenaient 
des années prospères vécues sous le régime des 
traités. 

Le législateur dut tenir compte des deux élé- 
ments de la situation, et, s'ilrevint à la protection, 
ce fut très lentement, partiellement, et avec tous 
les ménagements désirables. Après des débats sou- 
vent orageux, les trailés de commerce venus à 
expiration furent renouvelés, à peu près dans les 
mêmes conditions que précédemment. La démis- 
sion du maréchal de Mac-Mahon, en 1876, en lais- 
sant le champ libre à l’action des progressistes, 
donna un regain de vitalité aux théories libre- 
échangistes. D'ailleurs, notre commerce se déve- 
loppait sans cesse, et du chiffre de 6.440 millions 
en 4871, il s'élevait en 1879 à 7.826 millions, et, 
en 4880 à 8.501 millions (fig. 2). 

Cependant, l'idée protectionniste allait bientôt 
prédominer, par suile de l'entrée en scène de 
l'Allemagne. Le prince de Bismarck s'occupait alors 
d'organiser l'action commerciale de l'Allemagne, 
comme il avait organisé sa puissance mililaire : 
en 4879, il surélève les barrières douanières. Les 
Etats-Unis avaient, de même, fermé leur territoire, 
de 1874 à 14879, par le vote de taxes de plus en plus 
élevées : ils devaient en arriver, en 1890, avec les 
larifs Mac-Kinley, à des taxes parfois prohibitives. 

La Russie, désireuse de devenir une puissance 
industrielle, agissait de même. 

Elait-il possible que les autres nations, arrêtées 
dans leur expansion par ces barrières, pussent 
ouvrir leurs frontières aux produits de concurrents 
sussi peu libéraux ? Il fallut bien songer à se dé- 
feadre et à traiter les produits étrangers avec une 
certaine sévérité. 

La France, en 1881, entra dans la voie de la 
protection de ses produits agricoles, assez timide- 
ment d’ailleurs. Et, une fois encore, de 1881 à 1886, 
elle renouvela les traités de commerce venant à 
échéance. 

Mais le mouvement proteclionniste, qui entrainait 


f 


le monde civilisé, se faisait sentir de jour en jour 
plus vivement dans notre pays. L'idée républicaine 
s'imposant de plus en plus äla Nation,les populations 
rurales, essentiellement protectionnistes, venaient 
à leur tour prendre rang dans la majorité gouver 
nementale. Dès lors, le mot « liberté », tout en con= 
servant sa signification en malière politique, n 
pouvait plus avoir la même emprise sur les foules 
au point de vue économique. La France redevink 
protectionniste, ouvertement, et une campagne, à 
laquelle M. Méline a attaché son nom, s'organisa 
pour amener une revision de nos tarifs douaniers: 
Michel Chevalier avait fait passer la France, insen= 
siblement, de la protection au libre-échange mo= 
déré ; M. Méline allait diriger le mouvement qui 
substituera au libre-échange la protection mo= 
dérée. 

La situalion de notre commerce extérieur n 
fournissait, d’ailleurs, aucune indication précise M 
il demeurait à peu près stationnaire. Nous avons 
enregistré, pour 1880, le chiffre de 8.501 millions 
en 1886, nous notons 7.457 millions, et, en 1890 
8.021 millions (fig. 2). 

Les traités de commerce, généralement conclus 
pour dix ans, allaient de nouveau arriver à termes 
Il fallait les renouveler, ou les dénoncer. Un grandk 
débat s'ouvrit dans toutes les assemblées, politique 
ou techniques, du pays. Et, de celte vaste enquêèlen 
est née la loi du 11 janvier 4892, qui est encor 
notre charte commerciale. | 

Voici l'idée maîtresse de cette réforme : 

1° Protection efficace pour les produits agricoles ss 

% Protection efficace pour les produits manufac= 
turés ; ] 

3° Taxes modérées sur les matières premières 
étrangères nécessaires à nos usines ; ñ 

4° Et quand ces matières premières font concur= 
rence à la production nationale similaire, un jeu. 
de primes met le produit national en mesure de 
subir cette concurrence. > 

Le principe des primes a surtout trouvé son. 
application dans la question des soies. Nous pros 
duisons des cocons, 1 à 9 millions de kilogrammes. 
par an. Cette culture fait vivre une partie 4 
populations de la vallée du Rhône, des Corbières, 
aux Cévennes etaux Alpes, et de Valence à Marseille 
Mais notre production ne suffit pas à alimente 
les usines de la région lyonnaise. Nous avons don 
laissé les soies d'Italie entrer assez facilemenk 
mais les sériciculteurs et les filateurs français 0 
obtenu des primes qui suflisent à les maintenir 
gain. 

Une grosse question avait été soulevée, qu 
mettait en jeu le principe même des traités di 
commerce : on leur reprochait de nous lier oi 
longtemps, alors que la situation économique gés 


: 


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buse. tt) 


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MARCEL BICHON — LE COMMERCE EXTÉRIEUR DE LA FRANCE AU XIX° SIÈCLE 


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… nérale évoluait sans cesse; on les accusait, en oulre, 


Es Es 8 2 5 & e 2 
o o 
e È e 8 e e e o 
Fig. 3. — Commerce extérieur de la France de 1893 à 
— 1900. (Commerce spécial en millions de francs, numtraire 
non compris.) — Période de protection modérée, avec 


traités de commerce à courts termes. Les chiffres de 1900 
ue sont que provisoires. 


par la Constitution, maitre de passer des traités 
de commerce suivant sa volonté. Mais, en pratique, 
on Jui a indiqué les limites en decà et au delà 
desquelles il ne saurait agir sans trahir la volonté 
nationale. Ces bornes ont élé posées par le nouveau 
tarif, qui offre la particularité d’être un tarif double, 
comportant un tarif général et un tarif minimum. 
2e tarif général est un tarif de protection large. Le 
tarif minimum est un larif de protection stricte. 
Le Président de la République ne peut, dans une 
Convention commerciale, descendre au-dessous du 
larif minimum sans mettre en jeu, indirectement 
du moins, sa responsabilité, et sans méconnailre 
la volonté du Parlement. 


765 


général : cela veut dire qu'ils ne peuvent être 
conventionnalisés. Quelques autres sont portés au 
tarif minimum avec la mention : Exempts; cela 
veut dire qu'on peut, par convention, les laisser 
entrer en franchise. 

En pratique, les traités de commerce ont survécu. 
Mais les négociateurs se bornent à accorder à la 
nation contractante le barème du tarif minimum, 
en totalité ou en partie. La clause de la nation la plus 
favorisée a été maintenue : mais elle ne peut plus 
produire de surprises, grâce au tarif minimum. 
Et les conventions n’ont plus, comme jadis, nous 
l'avons vu, une durée définie. 

C’est sur ces bases que nous avons traité, depuis 


5000 - 


5.800! ous | 
#.000 52 -— 
À 
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1900) 


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EE ES e es = É 
Fig. 4. — Commerce extérieur de la France. Importations 


ét exportations de 1830 à 1890. (Commerce Spécial, en 
millions de francs.) 


le 30 janvier 1892, avec loutes les Puissances com- 
commerciales du monde civilisé. L'accord ne s’est 
fait qu'en 1895 avec la Suisse et qu'en 1899 avec 
l'Italie. Mais, à l'heure actuelle, deux Puissances 
seulement n'ont pas, avec nous, de traité de com- 
merce librement consenti : l'Allemagne, qui con- 
serve le bénéfice de l’article 11 du Traité de 
Francfort, et le Portugal. 

Pourquoi cette indifférence de la part du Por- 
tugal? Elle s'explique par ce fait que cette nation 
est sous la dépendance économique de l'Angleterre. 
Nous n'avons, d’ailleurs, pas de raisons sérieuses 
pour lui faire des avances. Nous avons à régler 
avec elle trop de questions financières délicates 
pour ne pas attendre une manifestation sincère 
de sa bonne volonté. 


766 


MARCEL BICHON — LE COMMERCE EXTÉRIEUR DE LA FRANCE AU XIX° SIÈCLE 


Y 

Qu'est devenu nolre commerce extérieur sous 
le régime inauguré en 1892? IL a baissé d'abord 
(fig. 3) : de 8.190 millions en 1890, il est tombé 
à 6.928 millions en 1894, pour remonter ensuite à 
8.671 millions en 1899, et se fixer autour de 8 mil- 
liards et demi en 1900. Les chiffres de 1900 et de 
1880 sont sensiblement égaux. Et, en réalité, depuis 
vingt ans, notre commerce extérieur est plutôt 
slationnaire. Nous ne saurions tenir ces chiffres 
pour satisfaisants. 

Si nous examinons les importations de notre 


pays, de 1830 — année où notre commerce extérieur 
a pris son essor 


tel n’est pas le cas. Nos exportations ne se dévelop= 
pent qu'avec une extrême lenteur. Et c'est le mar 
ché national qui absorbe surtout les produits des 
usines. Il y a donc, dans l'intérieur du pays, un 
roulement actif de capitaux. Mais la richesse na= 
tionale ne s'accroit pas comme elle le ferait si nous 
développions notre clientèle étrangère. 1 
La caractéristique de notre commerce extérieur, 
pour la période de 1870 à 1900, pendant laquellen 
l'activité du marché mondial a été si remarquable, 
est que nous progressons très lentement, tandis que: 
d’autres nations témoignent d’une véritable force 
d'expansion : nous marckhons, tandis que l’A:lema= 
gne et les États- 


Pain WE Fpha” 


É $ 13 —— È 

— jusqu'en 1900 | À Unis courent. 
(fig. 4), nous | REA L Celte constata- 
constatons:qu'a  ,, | | Î tion est inquié-. 
près avoir grandi | la &] Hp tante. . 
parallèlement ee e Les progrès in-. 


aux exporta- 


dustriels de l'A 


tions, de 1850 à 


lemagne ont été 
considérables 


1870, principale- 
ment pendant la 


pendant ces 


période des Trai- 
tés de commerce, 


vingt-cinq der-, 


elles ont ensuite 


nières années. 
Grâce à l’activité 


augmenté brus- 


de ses usines, la 


quement jus- 
qu'en 1880, pour 


nation germani-. 
que à pu, tout 


se rapprocher 


d'abord, alimen- 


ensuite du chiffre 
des exportations. 


ter son marché 
intérieur; puis, 


Sinous exami- 
nons ensuite les 
exportations, 
nous constatons 
qu’elles ont aug- 
menté, d'une ma- 
nière continue, lentement de 1830 à 1850, rapide- 
ment de 4850 à 1870, lentement de 1870 à 1900. 

Que nos importations aient beaucoup augmenté 
pendant la seconde moitié de ce siècle, principale- 
ment pendant le dernier quart, c’est un fait dont 
il n’y à pas lieu de se réjouir outre mesure : la 
France, en effet, est, de toute l’Europe, le pays qui 
devrait le moins importer, car il est à la fois — el 
c'est pour cela qu'il est riche — gros producteur 
agricole et gros producteur industriel. Pour les 
denrées de première nécessité, nous pouvons, en 


nous-mêmes. En 
important des denrées élrangères, nous nous ap- 


année normale, nous suffire à 


pauvrissons d'autant. Que mous importions, de 
plus en plus, des matières premières nécessaires 
à l'industrie, rien de mieux : à condition, toutefois, 
que nos exporlalions de produits manufacturés 


Fig. 5. — Commerce extérieur de la France, comparé à celui des grandes 
nations commerçantes aütres que la Grande-Bretagne. (Commerce spécial, 
en milliards de francs.) 


F. BonpEmans 5e. 


elle s’est présen- 
tée sur le marché 
international, et 
y à conquis une 
place telle, 
qu'elle s’est po- 
sée en rivale de la nalion anglaise. 

Dès 1885 (fig. 5), le commerce extérieur de l’Alle- 
magne égalait le nôtre ; en 1890, il avait une avance 
de plus d'un milliard; en 1900, il nous distance den 
près de quatre milliards et demi. 

Un autre concurrent est apparu, tout aussi redou— 
table, sur le marché du monde : ce sont les États= 
Unis. Il ya vingt-cinq ans, les États-Unis n’impor= 
taient guère, en Europe, que des denrées agricoles, 
et leur commerce extérieur était de tout deuxième 
ordre. En 1891, se manifeste une activité indus= 
trielle intense. 

Le marché intérieur de l'Union absorbe, tout 
d'abord, le supplément de production. Puis les 
produits américains apparaissent sur tous les mars 
chés du monde. Classé au quatrième rang, en 1890 
après celui de l'Angleterre, de l'Allemagne et de lan 


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—_ MARCEL BICHON — LE COMMERCE EXTÉRIEUR DE LA FRANCE AU XIX* SIÈCLE 


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France, le commerce extérieur des États-Unis nous 
“enlève la troisième place en 1891 (fig. 6), et il 
grandit si rapidement, qu'il semble devoir bientôt 
disputer le deuxième rang au commerce allemand. 
“Jusqu'en 1870, il n'y avait que deux grandes 
nations commerçantes : l'Angleterre et la France, 
et elles se partageaient le marché du monde. 
- Aujourd'hui, la clientèle mondiale a quatre four- 
sseurs de premier ordre : Angleterre, Allemagne, 
tats-Unis, France, — et il ne faut pas dédaigner la 
Belgique et la Hollande, dont les progrès économi- 
ques méritent de retenir l'attention. Et si l'on tient 
compte de l’activité industrielle qui 
se manifeste en Russie et au Japon, 
il faut bien reconnaitre que la lutte 
pour la conquête des marchés de 
consommation va devenir sévère. 
C'est une des raisons qui ont 
poussé les grandes nations euro- 


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18 __ 1 Fig. 6. — Commerce extérieur de Ja 
France comparé à celui des grandes 
FE Aalions commerçantes. (Commerce spé- 


bi cial, en milliards de francs.) — Les 

statistiques commerciales britanniques 

ne donnent que les chiffres du com- 
merce général. 


IL 
IV II 
Ê è 
: è ÿy 
1890 — S 


péennes à développer leur puissance coloniale. 
Mais, s'il est vrai que le marché de consommation se 
soit accru par les conquêtes coloniales, sa puissance 
bsorption ne sera pas comparable, de longtemps, 
a puissauce de production des grandes nations 
européennes. Déjà, l'Allemagne semble en état de 
urproduction, et un tassement général se produit 
Sur son marché. L'activité industrielle de l'Angle- 
lerre se ralentit et les progrès récents du commerce 
britannique ne sont qu'apparents : c'est à l'élévation 
“dés prix de la houille et des matières premières 
nécessaires aux industries métallurgiques, qu'est 
lue l'élévation du chiffre du commerce de la Grande- 
elagne pendant ces deux dernières années. 


La puissance d'absorption de la clientèle exté- 
rieure n’augmentant pas aussi vite que la produc- 
tion, l'Angleterre, l'Allemagne, les États-Unis et la 
France vont en être réduits à lutter entre eux, 
pour se maintenir sur les marchés d'exportation. 
La victoire reviendra au plus actif, et au mieux 
oulillé. Nous ne sommes certainement pas en état 
d'infériorité, au point de vue des éléments de la 
production. Mais nous lémoignons, au point de vue 
de la diffusion des produits, d'une atonie qui peut 
compromettre notre avenir. 

Nous ne saurions compter sur le développement 
de notre marché intérieur pour assurer des débou- 
chés nouveaux à notre production, car la population 
francaise n'augmente plus. Tandis que la natalité 
procure, tous les trois ans, à l'Allemagne, une popu- 
lation égale à celle que lui valut l'annexion de l’AI- 
sace-Lorraine, c’est à peine, chez nous, si les nais- 
sances sont aussi nombreuses que les décès. Au 
commencement du siècle, nous étions sinon la na- 
tion la plus nombreuse, du moins la plus importante 
des nalions civilisées et définitivement unifiées. 
Aujourd'hui, avec nos 38 millions et demi d'habi- 
tants, nous sommes loin de la Russie, qui en 
compte 106 millions sur son territoire européen ; 
de l'Allemagne, dont la population dépasse 55 mil- 
lions; de l'Autriche-Hongrie, qui recensera bientôt 
45 à 46 millions de citoyens. Nous avons perdu, 
récemment, le quatrième rang, que le Royaume- 
Uni nous enlève avec 40 millions d'habitants. Et 
le jour approche où l'Italie sera aussi peuplée que 
notre pays. Nous devons donc nous lancer, résolu- 
ment, dans l'exploitation du marché extérieur, du 
marché mondial, le nôtre ne pouvant suffire à notre 
activité industrielle. 

En étudiant attentivement les résultats obtenus 
par un siècle d'efforts, nous constatons qu'à la pé- 
riode très active, celle de 1850-1870, a succédé une 
période d’atonie. Le fait est inquiétant, car il nous 
est particulier. Le tableau suivant en témoigne : 


Commerce extérieur des principales nations (en chiffres 
ronds). 

PAYS 1880 1900 GAIN 

milliards milliards milliards 

Angleterre. 17 22 4/2 5 1/2 

Allemagne . 8 12 1/2 4 1/2 

États Unis ne T 11 1/2 41/2 

Hollande . 3 1/2 sl 30472 

Belgique . 3 4 17/2 AE 
Russie . 2/2 5 1/2 3 
France . . 8 1/2 8 1/2 (l 


Dans l'état présent du monde économique, qui 
n'avance pas recule. Ne laissons donc pas le champ 
libre aux Puissances rivales. Si une amélioration 
ne se produit pas, et tout de suile, nous n'aurons 
plus de chances sérieuses de reconquérir le terrain 
Marcel Bichon, 


Sous-directeur de l'École Supérieure de Commerce 
de Montpellier 


perdu. 


768 


BiBLIOGRAPHIE — ANALYSES ET INDEX 


BIBLIOGRAPHIE 


ANALYSES 


1° Sciences mathématiques 


Festschrift zur Feier der Enthüllung des Gauss- 
Weber Denkmals. — Grundlagen der Geometrie, 
von D' David Hirgerr, O-Professor an der Universität 
Gittingen. — Grundlagen der Elektrodynamik, 
von D' Emile Wrecuert, A-0-Pro'essor au der Uni- 
versität Güttingen. — 1 voi. iu-4° de 204 pages avec 
figures dans le texte, (Prix : 6 mk.) B.-G. leubner, 
éditeur. Leipzig, 1901. 

Ces deux essais ont été publiés à l’occasion du jubilé 
de Gauss. 

Le premier, consacré aux principes fondamentaux de 
la Géométrie, que M. Hilbert a plus profondément étu- 
diés que personne, a été récemment traduit en francais‘. 
C'est une œuvre digne de l'illustre géomètre auquel elle 
est dédiée. En voici les principaux chapitres. 

Introduction. — I. Les cinq groupes d’axiomes : 
1. Axiomes d'association; 2. Axiomes de distribution; 
3. Axiomes des parallèles; 4. Axiomes de congruence ; 
». Axiome de continuité (ou d'Archimède) |axiome 
complémentaire, axiome d'intégrité]. — II. La non-con- 
tradiction et l'indépendance des axiomes. — IIT. Théo- 
rie des proportions. — IV. Théorie des aires planes. — 
V. Le théorème de Desargues. — VI. Le théorème de 
Pascai. — VII. Les constructions géométriques repo- 
sant sur les axiomes 1... 5. — Conclusion. 

Le second essai, dû à M. Wiechert, est un des expo- 
sés les plus nets et les plus concis des principes de 
l'Electrodynamique moderne. Il est divisé en quatre 
parties : 

I. Introduclion mathématique. — II. Principaux faits 
d'expérience. — II. Théorie de l'Electrodynamique sans 
avoir égard à la constitution moléculaire de la matière 
(Maxwell, von Helmholtz, Heaviside et Hertz); extension 
de la théorie de Maxwell aux milieux en mouvement, 
d'après Hertz. — IV. Théorie de l'Electrodynamique en 
ayant égard à la coustitution moléculaire de la matière 
(Lorentz, Wiechert). 

Dans ce chapitre, l'auteur rappelle qu'it a lui-même 
proposé dès 1897 (janvier) de faire jouer, dans la con- 
ductibilité des métaux, un rôle important aux ions, dont 
l'étude des décharges dans les gaz a montré la réalité. 
A vrai dire, pas plus que Riecke et Drude, qui ont 
cherché à préciser ces notions, il n'a montré l’origine 
de la résistance ohmique. 

Au moment même où les expériences de M. Crémieu 
rendent très douteuse la production d'un champ magné- 
tique par convection, il est intéressant de voir quelles 
difficultés d'interprétation comportent ces expériences 
dans toutes les théories, car toutes donnent le champ 
magnétique dû à la convection comme conséquence de 
la propagation des oscillations hertziennes, et même, 
plus simplement, de l'unité de la force électrique. 
L'ouvrage de M. Wiechert, par sa forme condensée et 
l'absence de digressions, fournit une excellente base de 


discussion. MARCEL BRILLOUIN, 
Professeur de Physique générale et mathématique 
au Collège de France. 
Gaget (Maurice). — La Navigation sous-marine. — 


1 vol. in-18 de 472 pages, avec figures dans le texte. 

(Prix : 10 fr.) Ch. Béranger, éditeur. Paris, 1901. 

Le livre de M. Maurice Gaget est une initiation à la 
navigation sous-marine. Il aborde la question sous 
toutes ses faces. On y trouve l’histoire des sous-marins, 
leur théorie et la description des sous-marins modernes 


‘ Annales de l'École Normale, 3e strie, t. XVII. 


ET INDEX 


avec toutes les données peu connues souvent des 
hommes du métier eux-mêmes parce qu'elles résultent 
fréquemment d'indiscrétions publiées dans des jour- 
naux. Aujourd'hui que le grand coup porté par l'Angle- 
terre en se lançant après la France et l'Amérique dans 
celte voie, a plus que jamais appelé l'attention sur les 
sous-marins, cet ouvrage est arrivé à son heure. L'au- 
teur à, d'ailleurs, élargi le champ de son livre au delà 
des limites de la navigation sous-marine : le plaidoyer 
qu'il fait pour les torpilies Howell, dont cette Revue à 
déjà parlé avec éloge, la deuxième partie, qui contient 
l'exposé le plus clair qui ait été fait des idées de 
l'amiral Aube et de son Ecole, vaudraient une étude à 
elles seules; cette dernière est particulièrement inté- 
ressante parce qu'elle met en lumière l’idée fausse que 
l’on se fait, en général, de la suppression des lettres de 
course par le Traité de Paris, en l’appliquant non seu- 
lement à la guerre faite sur mer par les particuliers, 
mais à la guerre de course faite par l'Etat, que le Traité 
de Paris n'a nullement visée. Bref, c'est un livre sur les : 
conclusions duquel les opinions peuvent différer, mais 
qui mérite d'être lu et médité. 


2° Sciences physiques 


Garrigou (D'EF.). — Le Vin concentré comparé avec 
les moûts et les raisins concentrés. — 1 r0/. in-18 
de 193 pages (Prix : 2 fr. 50). Société d'Editions 
scientifiques. Paris, 1901. 

L'idée de concentrer le vin parait à priori assez 
peu pratique, quand on songe à la complexité de sa 
composilion et à la facilité avec laquelle on altère son 
goût délicat lorsqu'on le soumet à des manipulations 
qui ont quelque chose d'un peu brutal. 1] paraitrait 
beaucoup plus rationnel de concentrer le moùt pour 
augmenter sa richesse saccharine et, par suite, Ja ri- 
chesse alcoolique du vin qu'il produira. Mais, dans cette 
voie, on est limité, car le fonctionnement des levures 
s'arrête quand on atteint une certaine teneur alcooli- 
que. 

M. Garrigou est d'avis qu'il vaut mieux chercher à 
concentrer le moût que le vin; d'abord, parce qu'on 
peut pousser la concentration de ce dernier beaucoup 
plus loin, et, ensuite, parce qu’on peut opérer en tout 
temps sur du vin, alors que la concentration du 
moût doit être faite dès la vendange, ce qui exige un 
matériel coûteux, utilisé pendant un mois au plus. 

Pour opérer la concentration partielle du vin, on 
peut employer deux procédés ; la congélation, qui per- 
met d'éliminer de l’eau sous lorme de glace, et la con- 
centration dans le vide. 

Disons tout de suite que le premier procédé, qui est 
d'un emploi assez ancien, est encore utilisé en Bour- 
gogne. Il est excellent pour concentrer dans une faible \ 
mesure, pour porter à 12°, par exemple, du vin de 10e. 
Dans ces conditions, la glace que l'on extrait du vin 
est de l'eau presque pure. Mais, si l’on. voulait pousser 
beaucoup plus loin la concentration, on obtiendrait 
de la glace qui retiendrait une forte proportion de vin, 
et la perte serait importante. 

Pour obtenir une concentration plus grande, à moitié 
par exemple, il faut concentrer dans le vide. C'est le 
mode opératoire que M. Garrigou a adopté. 

Le procédé est assez complexe: on distille le vin dans 
le vide: on obtient, d'une part, un liquide distillé con- 
tenant l'alcool, les substances volatiles et une partie de 
l'eau du vin, et, d'autre part, un résidu renfermant les » 
matières fixes. On rectifie l'alcool, de manière à éliminer 
la plus grande partie de son eau, et on ajoute cet alcool 


BIBLIOGRAPHIE — ANALYSES ET INDEX 169 


concentré au résidu contenant les matières fixes du vin. 
Ce mélange est le vin concentré, auquel il suffit d’a- 
jouter l’eau enlevée pour reproduire le vin primitif. 


“._ Onpeutainsiamener le vin à la moitié de son volume. 


Si l'on veut pousser plus loin la concentration, ramener 


j 


À 


# le vin au quart de son volume, par exemple, M. Garri- 


gou conseille de ne pas ajouter au résidu aqueux con- 
tenant les principes extraclifs la totalité de l'alcool 
“ extrait du vin, mais d'en ajouter un quart seulement. 


nr (jn conserve à part les trois quart restants d'alcool pour 


- jes ajouter en même temps que l’eau. lors de la recons- 
“hitulion du vin primitif. Si l’on ajoutait la tolalité de 

l'alcool, on précipiterait une notable proportion des 
… substances extratives du vin, et celles-ci ne se redissou- 
- draient qu'imparfaitement ensuile. 

M. Garrigou décrit les appareils qu'il propose pour 
opérer la concentration. Ces appareils ne paraissent 
pas pratiques pour une opération industrielle, et nul 
doute que des modifications y seraient. apportées si la 
concentration du vin devenait une industrie nouvelle. 
Ce qu'il faut surtout retenir des observations de M. Gar- 
. rigou, c'est que l’on doit écarter le cuivre, le plomb, 
» J'étain et l’antimoine dans la construction des appareils 
de distillation, tout au moins pour les parties en con- 
tact avec le vin, car ce liquide attaque ces métaux 
d'une facon très appréciable. M. Garrigou préconise la 
distillation dans des vases de verre ou d'aluminium. 


- L'argent pourrait également être utilisé, et M. Garrigou 


n’écarte son emploi que pour des raisons d'économie. 


- Les avantages que présenterait le vin concentré peu- 


vent se résumer aiusi: facilité de transport et conser- 

. vation assurée. Ce sont certes là deux résullats fort 

importants, et de nature à contrebalancer les incon- 

vénients du procédé; car il y a des inconvénients : 

d’abord, la difficulté de l'opération, qui est assez ‘élicate 
et complexe; ensuite, la qualité du vin, qui subit une 

. certaine dépréciation ; celle-ci n'est peut-être pas con- 
sidérable, mais le vin concentré n’a pas les qualités de 
fraicheur du vin naturel. 

Un inconvénieut d'un autre ordre, auquel se sont 
heurtés et auquel se heurteront probablement encore 
ceux qui entreprendront la concentration du vin, est le 
régime fiscal. Sans doute, M. Garrigou envisage la con- 
centration comme une opéralion parfaitement licite et 
honnête, dans laquelle la Régie n'est point lésée; mais 
la Régie, de son côté, flaire la fraude et trouve l'opéra- 
tion op favorable aux fraudeurs. Je ne doute d’ailleurs 
pas que, si la concentration entrait dans la pratique, une 
entente s'établirait et que la Régie exercerait un con- 
trôle qui lui garantirait ses droits. 

De sorte que, en définitive, c’est surtout la difficulté 
de l'opération, telle que la concoit M. Garrigou, qui me 
piraîl être la pierre d'achoppement de son procédé. À 
ce point de vue, je préférerais un appareil continu, tel 
qu: celui qu'ont inraginé MM. Schribaux et Baudoin, 
pour opérer la co icentration. 

Ce; observations ne retirent nullement le mérite du 
travail de M. Garrigou, qui a le premier appelé l'atten- 
lion sur l'intérêt que présente la concentration du vin. 
Je ne doute pas qu'un tel procédé pourrait rendre des ser- 
vices dans certains cas. C'est peut-être dans son appli- 
Ca'ion que l'on trouvera une solution du trouble écono- 

 nomique dans lequel est plongée la viticulture méri- 

dionale, car la concentration appliquée aux petits vins 

de plaine du Midi pourra en faciliter la conservation, 

d'abord, le transport ensuile, el pallier dans une cer- 

taine mesure les inconvénients actuels de celte surpro- 
duction de petits vins. X. ROCQUE», 

Ingénieur-Chimiste, 
Aucien Chimiste principal 
du Laboratoire municipal de Paris. 


Lancaster (A.), Directeur du Service météorolo- 
gique de Belgique, Membre de l'Académie royale 
des Sciences. — Annuaire météorologique de l’Ob- 
servatoire royal de Belgique pour 1901. — 1 vol. 
in-16 de 516 pages, avec planches. (Prix : 3 fr.) 
Hayez, imprimeur. Bruxelles, 1901. 


3° Sciences naturelles 


Haug (F.). — Les Géosynclinaux et les Aires con- 
tinentales. Contribution à l'étude des transgres- 
sions et des régressions marines. — Extrait du Bull. 
Soc. géol. de France. 3° série, t. XX VIII, p. 617-711, 
3 cartes, 1901. 

M. Haug a publié récemment un important travail, 
très documenté, qui intéresse à la fois géologues et 
géographes, et dans lequel il s’est ‘surtout eflorcé 1e 
rechercher les causes de la répartition des terres el 
des mers aux diverses époques géologiques. 

Suess, qui avait déjà essayé de déterminer les lois qui 
président aux déplaczments des rivages, avait recours, 
pour expliquer ces déplacements, à des mouvements 
propres de la masse océanique. Il ne croyait pas que 
les o-cillations des continents pussent expliquer les 
submersions et les émersions réitérées de la terre 
ferme. 

M. Haug s'élève avec force contre ces conclusions. 

11 établit d'abord le rôle joué par les dépressions 
connues sous le nom de géo-yneclinaux, qui n'ont pas 
cessé, depuis le commencement des temps géologiques, 
d'être les portions mobiles de l'écorce terrestre, com- 
prises entre des, masses continentales toujours stables 
et qui sont au nombre de cinq : continents nord-atlan- 
tique, sino-sibérien, africano-brésilien, australo-indo- 
malgache et pacifique. Grâce à la grande érudition de 
l'auteur, les limites et les conditions d'existence de 
ces continents sont déterminées avec som lant au 
point de vue géologique qu'au point de vue des êtres 
qui les ont habités (animaux et végétaux). 

Les continents actuels résultent du morcellement, 
parfois très récent, de ces anciennes masses conli- 
nentales. 

- L'auteur déduit de ces données générales : d'abord, 

que les principales transgressions sout toujours cousé- 

cutives d'une phase de plissement, puisque les dépla- 
cements des lignes de rivage sont en relalion étroite 
avec les mouvements du sol. 

Il en arrive à formuler la loi suivante : 

« Toutes les fois qu'un terme déterminé de la série 
sédimentaire se présente en transgression sur les aires 
continentales, le même terme est en régression dans 
les géosynclinaux, et réciproquement. » Ce qui revient 
à dire que les transgressions sur les aires continentales 
sont compensées par les régressions dans les géosyn- 
clinaux el vice versa. 

Cette conclusion, inconciliable avec toutes les hypo- 
thèses cosmiques ou telluriques qui supposent des mou- 
vements propres de la nappe océanique, s'accorde bien, 
au contraire, avec l'hypothèse d'oscillations de la terre 
ferme, qui seraient dues, pense l’auteur, à des mou- 
vements épeirogéniques (inouvements verticaux) des 
aires continentales. 

Ce sont là des idées nouvelles fort intéressantes, 
car elles sont basées sur un ensemble de faits; aussi 
ne peuvent-elles être que fructueuses en résultats. 

Pa. GLANGEAUD, 
Maitre de Conférences à l'Université 
de Clermont-Ferrand. 


Clautriau (feu Georges), Assistant à l'Insti ut Bota- 
nique de l'Université de Bruxelles. — La digestion 
dans les Urnes de Nepenthes. — 1 rochure in-5° 
de 54 pages. (Wxtrait des Mémoires. de l'Académie 
roy. de Belgique.) Hayez, éditeur. Bruxelles, 1901. 


La digestion des substances albuminoïdes dans les 
urnes de Nepenthes a fait l'objet d'un grand nombre 
de travaux; mais, jusqu'ici, on avait constaté seulement 
la présence d'une zymase dans le liquide qui emplit les 
urnes, et on avait reconnu que ce ferment protéoly- 
tique se rapprochait de la pepsine, sans cependant en 
préciser la nature. d 

D'autre part, les recherches effectuées par les divers 
expérimentateurs avaient été poursuivies sur des Nepen- 
thes cultivés en serre dans nos pays, aussi les obser- 


1 
1 
© 


BIBLIOGRAPHIE — ANALYSES ET INDEX 


vations de Clautriau présentent-elles d'autant plus d'in- 
térêt qu'elles ont été faites 1n situ sur des plantes 
vivant en épiphytes dans les forêts de Java où l'auteur 
a pu séjourner pendant un certain temps. 

Certaines expériences ont porté sur les urnes de Ne- 
penthes melamphora, dans lesquelles Clautriau ajoutait, 
au moyen d'une pipette stérilisée, une quantité assez 
minime d’albumine rendue incoagulable par le sulfate 
de fer et stérilisée également. D'autres ont été conduites 
in vitro avec le liquide des urnes. 

L'auteur a pu ainsi constater qu'il existe bien chez 
les Nepenthes une zymase peptonifiante agissant en 
milieu acide et transformant les albumines en peptones 
vraies; mais cette substance, de même que l'acide 
qui l'accompagne dans le produit de sécrélion des 
urnes, ne prend naissance que sous l'influence d’une 
excitation préalable. Il semble, d’ailleurs, que la pep- 
tonilication complète des albuminoïdes ne soit pas 
nécessaire pour leur absorption. L'assimilation des pep- 
tones est extrêmement rapide, et c’est probablement 
la cause de l'absence presque constante des Bactéries 
ou des Champignons dans le liquide de l’urne; mais, Si 
les matières organiques (débris d'insectes) sont trop 
abondantes, une putréfaction se manifeste, sans aucun 
inconvénient, d’ailleurs, pour la plante. 

Dans ces conditions, il paraît admissible que les 
urues apportent au végétal un appoint notable à la quan- 
tité d'azote qu'il peut tirer normalement du sol. 

L:Lurz, 
Docteur ès sciences, 
Chef de Travaux à l'École de Pharmacie de Paris. 


Jumelle (Henri), Professeur adjoint à la Faculté des 
Sciences et Chargé de cours à la Chambre de Com- 
merce de Marseille. — Les cultures coloniales : 
I. Plantes alimentaires. II. Plantes industrielles. 
2 vol. in-8° 425 pages, et 360 pages, avec figures. 
(Prix : 4 franes le vol.) J.-B. Baillière et fils, 19, rue 
Hautefeuille. Paris, 1904. 

En même temps que l'attention est attirée vers les 
ressources agricoles de nos colonies, la nécessité s’im- 
pose de développer l’enseignement colonial au point de 
vue spécial de l'exploitation du sol. C’est une tâche où 
l’Université de Marseille a déjà rendu de grands services. 
Son Institut colonial, de fondation peu ancienne, a 
déjà un passé qui l'honore grandement; son avenir 
s'annonce comme très brillaut, grâce au zele de ses 
dévoués collaborateurs. Il suffit de rappeler les nom- 
breuses publications qui sont sorties de ses laboratoires ; 
elles arrivent au bon moment et font œuvre d'utilité 
pratique. 

C'est le cas, notamment, du nouveau livre de M. Ju- 
melle, qui vient apporter à la Botanique coloniale un 
heureux appoint. L'auteur a voulu résumer, pour les 
planteurs de nos colonies et les élèves de nos Ecoles 
coloniales ou de Commerce, les diverses méthodes 
appliquées à la culture des plantes utiles dans les diffé- 
rentes régions intertropicales. 

Avec les ressources du Musée Colonial de Marseille 
et les renseignements qu'y envoient ses nombreux cor- 
respondants, avec l'autorité que donnent des travaux 
antérieurs si appréciés, le livre de M. Jumelle devait 
avoir un caractère vraiment scientifique. 

Dans le premier volume l’auteur passe successivement 
en revue les plantes féculentes et les céréales, les 
plantes potagères, les fruits, les plantes saccharifères, 
les épices et les aromates, les caféiques. Le second 
volume comprend les plantes textiles ou oléagineuses, 
les plantes à caoutchouc ou à gutta, les plantes à par- 
fum et à vernis, les plantes tinctoriales, tannantes, 
médicinales, narcotiques, fourragères. 

On appréciera beaucoup la comparaison des méthodes 
de culture et des rendements oblenus, qui intéresse 
tant la partie commerciale de la question. Les rensei- 
gnements si précis fournis par le texte permettront de 
tracer quelques cartes de la répartition géographique 
«les principales cultures coloniales, ce genre d'illustra- 


tion étant en général apprécié de nos élèves, futurs com- 
merçants ou colons. Les migrations successives des 
plantes cultivées sont parfaitement indiquées, mais 
M. Jumelle a eu surtout pour but d'exposer la pratique 
culturale. Tel qu'il nous est présenté, son ouvrage s2 
recommande tout particulièrement pour les bibliothè- 
ques des Ecoles de Commerce et pour tous ceux qu'in- 
téressent les productions tropicales. C'est une précieuse 
contribution à la connaissance de l'Agriculture des 


pays chauds. EDmoxD GAIN, 
Professeur à l'Ecole Supérieure de Commerce, 
Maître de Conférences à l'Université de Nancy. 


Müntz (A.), Membre de l'Institut, Directeur des Labo- 
ratoires à l'Institut National Agronomique, et Rous- 
seaux (Eug.), /ngénieur-Agronome, Préparateur de 
Chimie à l'Institut Nationa! Agronomique. — Etude 
sur la valeur agricole des terres de Madagascar. 
— 1 vol. in-8° de 216 pages, avec une carte. Impri- 
merie Nationale. Paris, 1901. 

Quand, au prix de sacrifices considérables, une na- 
tion est parvenue à acquérir une nouvelle colonie, il 
importe, si elle veut tenir son rang parmi les contrées 
voisines, qu'elle ne s'endorme pas dans l'inaction, et 
qu'elle recherche tout de suite les meilleurs moyens 
de mettre en valeur le nouveau pays. 

C'est le cas qui s’est présenté pour Madagascar. Aussi 
le gouverneur de l'île, M. le général Galliéni, pensant 
avec raison que la plupart des pays exotiques valent 
surtout par leurs productions agricoles, a-t-il demandé 
à M. Müntz, et à son disciple, M. Rousseaux, de vouloir 
bien examiner les terres des principales parties de la 
colonie. C'est à ce travail considérable et ingral, mais 
nécessaire, que se sont attachés l’'éminent agronome et 
son collaborateur, dans l'étude très intéressante et très 
documentée qu'ils ont publiée dans le Bulletin du 
Ministère de l'Agriculture. On y trouve les résultats 
de cinq cents analyses environ de terres provenant des 
districts les plus divers de Madagascar, ainsi que les 
conclusions particulières et générales qui en découlent. 
Nous pouvons maintenant, grâce à cette étude, nous 
faire une juste idée des ressources agricoles que nous 
devons attendre de notre colonie de l'océan Indien. 

Les recherches de MM. Müntz et Rousseaux nous 
montrent que les sols de cette île, qui avaient été si- 
gnalés par certains voyageurs comme possédant une 
grande valeur agricole, sont, pour la plupart, peu riches 
en principes fertilisants, n’offrent que peu de ressour- 
ces à la grande culture et sont difficiles à exploiter. 

A l'exception des fonds de vallée, la région centrale 
se présente dans de trop mauvaises conditions pour être 
mise en valeur, et ne pourra vraisemblablement jamais 
devenir un pays de production intensive; .la région 
Ouest est meilleure, formée de terres plus riches, per- 
méables et d'un travail facile, pouvant être avaula- 
geusement exploitées. 

Le littoral Est, quoique assez pauvre, renferme cepen- 
dant des terres cultivées qui paraissent un peu fertiles; 
le climat chaud et humide contribue à y favoriser la 
végétation. Enfin, le Sud de l'ile possède des terrains 
d'une certaine richesse et d'un travail facile. 

En résumé, il ne faut pas regarder toute l'ile de 
Madagascar comme un pays de grand avenir agricole; 
mais, cependant, beaucoup de points, même dans les 
régions déshéritées, méritent d'attirer l'attention des 
colons. Les terres pauvres, qui manquent simultané- 
ment des principaux éléments de fertilité, ne peuvent 
être améliorées d’une façon économique par des en- 
grais ou des amendements nécessitant des tranports 
coûteux, et l’exploitalion de ces sols serait onéreuse et 
aléatoire. Par contre, on peut les utiliser, soit comme 
pays d'élevage dans les endroits où poussent des herbes 
propres à la nourriture du bétail, soit comme pays fo- 
resliers, là où se trouvent des forêts dont il importe 
d'empêcher l'incendie par les indigènes. 

Le colon devra donc choisir les points privilégiés sous 
le rapport de la nature des terres et du régime des 


BIBLIOGRAPHIE — ANALYSES ET INDEX 771 


+ eaux et y concentrer ses efforts. La partie restreinte de 
l'ile qui sera ainsi exploitée pourra donner des résul- 
tats importants, et assurer à la colonie une certaine 
prospérité agricole. L'étude de MM. Müntz et Rousseaux, 
“en établissant ces divers points, permettra aux colons 
dé ne pas s'engager dans de fausses spéculations et les 
empêchera de voir leurs espérances déçues; c'est là un 
véritable service rendu à la fois à notre pays et à sa nou- 
elle colonie. A. HÉgErr. 


4 Sciences médicales 


…Hédon (E.), Professeur de Physiologie à la Faculté 
de Médecine de Montpellier. — Physiologie nor- 
male et pathologique du Pancréas. — 4 vol. in-8° 
de 192 pages de l'Encyclopédie scientifique des Aïde- 
Mémoire. (Prix : broché, 2 fr. 50; cartonné, 3 fr.) 
Masson et Ci, éditeurs. Paris, 1901. 

On connaît les beaux travaux de M. Hédon sur le 
pancréas. Ses expériences comptenc parmi les plus 
importantes de celles qui nous ont fait connaitre le 
- rôle du pancréas comme glande à sécrétion interne. 

D'autre part, tous ceux qui ont lu son Traité de Phy- 
siologie en ont pu apprécier les qualités didactiques, la 
clarté et l’élégante concision. 

- Nul n'était donc mieux qualifié que le professeur 

. Hédon pour nous donner une bonne monographie de la 

glande pancréatique. 

M. Hédon a étudié cet organe au triple point de 
. ue anatomique, physiclogique et pathologique. Natu- 
rellement, la partie physiologique est la plus impor- 
tante. 

Très au courant des travaux les plus récents, l'au- 
teur a su, en évitant les détails trop minutieux, nous 
donner un aperçu clair et concis de tous les faits domi- 
. nateurs et des résultats les plus récemment acquis. 

La technique expérimentale occupe une place assez 
imporlante dans ce petit livre, et à juste titre, car 
c’est bien à propos du pancréas qu'on peut dire : tant 
vaut la technique, tant valent les résultats, puisqu'il 
suffit qu'uu minime fragment d’organe soit conservé 
pour que les troubles consécutifs à l'ablation complète 
n'apparaissent pas. Et ce que je dis au point de vue 
de la sécrétion interne s'applique entièrement à la 
sécrétion externe. 

N'est-ce pas à une technique aussi judicieuse qu'ir- 
. réprochable que Pawlow etses élèves doivent en partie 
les beaux résultats de leurs recherches sur la diges- 
tion ? 

. Mais quelque nombreuses que soient les expériences 
sur la sécrétion interne du pancréas, quelque riche 
que soit la littérature physiologique sur ce sujet, il faut 
bien reconnaître que nous ne sommes pas encore {out 
. près de connaître le mécanisme des troubles graves de la 
nutrition quisuccèdent à l’ablation totale de cette glande. 
- Après nous avoir brièvement exposé les diverses 
- théories qui ont été proposées (auto-intoxication ; fer- 

ment glycolytique de Lépine ; théorie de Chauveau et 
 Kaufmann; et, enfin, l'opinion plus récente de M. Lé- 

- pine, sur l’action adjuvante qu'exerce la sécrétion 

- interne vis-à-vis de la glycolyse des tissus), M. Hédon 

réserve sou opinion, très sagement à notre avis. 

- L'enquête n'est pas encore close et nous conclurons 
avec M. Hédon qu'il est impossible encore, dans l'état 

actuel de la Science, de donner une explication formelle 

de cette question, dont la solution serait pourtant d'un 
immense intérêt en Physiologie aussi bien qu'en Patho- 
logie. J.-E. ABELOUS, 
Professeur à la Faculté de Médecine 
de Toulouse. 


4 Puiade (D' P.). — La Cure pratique de la Tubercu- 
ulose. — / vol. in-8° de 374 pages. (Prix : 3 fr. 50). 


G: Carré et C. Naud, éditeurs. Paris, 1901. 


5° Sciences diverses 


Lefèvre (André). — La Grèce antique. Entretiens 
sur les Origines et les Croyances. — 1 vo/. in-18 
de 463 pages. (Prix : 6 fr.) Schleicher, éditeur. 
Paris, 1900. 

Le sous-titre de ce livre en indique très exactement 
la nature et le contenu. M. André Lefèvre a réuni en 
un volume les lecons qu'il a professées à l'Ecole d'An- 


- thropologie sur la civilisation homérique et l'histoire 


des religions helléniques. De nombreuses traductions 
de fragments d'Homère et d'Hésiode y sont insérées, 
écrites en cette langue souple et colorée que s'entend 
Si bien à manier M. Lefèvre. Pas plus que dans ses 
autres ouvrages, il n'a su — ou voulu peut-être — se 
défendre ici contre la tendance qui l’entraine à trans- 
former en une sorte de réquisitoire contre les idées et 
les croyances qu’il ne partage pas, des recherches 
historiques qui devraient, à notre sens, conserver un 
caractère d'entier désintéressement et de parfaite 
objectivité. Il enlève peut-être ainsi à ces livres de 
haute vulgarisation quelque peu de l'autorité qu'ils 
pourraient légitimement revendiquer. Il ne semble pas, 
d’ailleurs, qu'il ait eu à cœur de se tenir très au cou- 
rant des travaux qui, au cours de ces dernières années, 
ent un peu renouvelé l'aspect de la mythologie hellé- 
nique, dont on ne fait plus seulement un chapitre de 
la mythologie indo-européenne, mais qu'on étudie 
davantage en elle-même et par une méthode moins 
étroitement philologique, en donnant à l'examen des 
rites, des coutumes et des institutions une importance 
beaucoup plus grande dans l'interprétation des mythes 
cosmiques et des légendes divines. 

L'absence d’index et, pour la plupart des faits cités, 
de références précises enlève au livre de M. Lefèvre une 
partie de son utilité, et c'est grand dommage, car nul 
ouvrage n’est plus propre à faire sentir la prestigieuse 
beauté et la magie séductrice et naïve des antiques 
cosmogonies de l'Hellade. 

Nous ne saurions présenter ici la critique détaillée 
d'un livre dont la matière ne rentre pas strictement 
dans le cadre de la Æevue, à moins que l’on ne veuille 
considérer les spéculations d'Hésiode sur la genèse et 
l'évolution de l'Univers, comme un chapitre d'une 
sorte de préhistoire des sciences; il nous suffira d’en 
indiquer sommairement le contenu. Les deux premiers 
chapitres sont consacrés à une brève description des 
premières populations qui se sont succédé et mêlées 
sur le sol de la Grèce, à un rapide inventaire des 
croyances animistes, des cultes zoolatriques et lithola- 
triques, de la religion du feu, du foyer et de la famille, 
et du culte, le plus ancien peut-être de tous, des arbres 
et de la forêt. Il esquisse ensuite à grands traits les 
principaux linéaments de ce qu'il appelle la mytho- 
logie pré-hellénique, de cette religion pré-homérique 
que les découvertes archéologiques nous permettent, 
en quelque mesure, de reconstituer, et s'attache à 
déterminer quelle a été la part des peuples d’Asie-Mi- 
neure, des Thraces, des Phéniciens dans la genèse de Ja 
religion grecque. L'histoire littéraire des poèmes homé- 
riques, l'étude des personnages divins et des légendes 
héroïques et divines qui y figurent, le tableau de la vie 
grecque à ce stade de l'évolution de la société hellénique 
remplissent les chapitres suivants. M. Lefévre parle 
ensuite des mœurs et des idées au temps d'Hésiode, 
de sa cosmogonie el de sa théogonie. La légende et le 
culte d'Heraklès et de Dionysos, le mythe de Dèmeéter, 
les mystères éleusiniens et la théologie orphique font 
l'objet des derniers chapitres du livre, que termine un 
bref exposé de l'expansion de Ja civilisation hellénique 
et de la décadence de la Grèce. : 

L. MARILLIER, 
Maître de Conférences 
à l'Ecole pratique des Hautes-Etudes 


772 ACADÉMIES ET SOCIÉTÉS SAVANTES 
ACADÉMIES ET SOCIÉTÉS SAVANTES 
À DE LA FRANCE ET DE L'ÉTRANGER 
. L = D RE NE la pyridine, a obtenu la pyridylmonoxydichloroquinone. 
ACADEMIE DES SCIENCES DE PARIS i 


Séance du 15 Juillet 4901. 


1° SCIENCES MATHÉMATIQUES. — M. J. Coulon indique 
deux transformations que l'on peut faire subir à la for- 
ule de Green pour les équations aux dérivées par- 
tielles du second ordre linéaires et à un nombre quel- 
conque de variables indépendantes, ainsi que les 
applications qui peuvent en être failes pour étendre 
la méthode d'intégration de Riemann dans le cas des 
caractéristiques réelles. — MM.Eug. et Fr. Cosserat 
cherchent la solution des équations de l’élasticité dans 
le cas où les valeurs des inconnues à la frontière sont 
données. — M. L. Décombe étudie le mouvement du 
pendule en milieu résistant. Lorsque la résistance du 
milieu est une fonction paire de la vitesse, il est facile 
de démontrer l'isochronisme des oscillations pour une 
loi de résistance absolument quelconque. Lorsque c'est 
une fonction impaire, les vitesses du pendule à des 
instants équidistants de ceux pour lesquels la vitesse 
est maxima suivent les termes d’une progression géo- 
métrique décroissante. — M. G. Kœnigs présente un 
Joint qui permet non seulement de transmettre inté- 
gralement la rotation d'un arbre à l’autre, mais encore 
de faire varier continument et indépendamment l'angle 
que ces arbres forment entre eux. 

2° SCIENCES PHYSIQUES. — M. A. Cornu indique le prin; 
cipe d'une nouvelle méthode pour la détermination des 
trois paramètres optiques principaux d’un cristal, en 
srandeur et en direction, au moyen du réfractomètre, 
— M. J. Macé de Lépinay a constaté que, dans la pro- 
duction des franges de Herschell, il se forme, au voisi- 
nage de la réflexion totale et avant cette dernière, tout 
à la fois un retard de phase par réflexion sur Ja pre- 
mière et une avance de phase par réflexion sur la 
seconde des surfaces limitant la lame mince. Il en 
résulte que la véritable limite de la réflexion totale 
serait à 3,1 de la limite apparente. — MM. A. Pérot 
el Ch. Fabry ont comparé directement 33 raies du 
spectre solaire à la radiation verte du cadmium, fournie 
par un tube de M. Michelson: ils donnent le rapport de 
la longueur d'onde indiquée par Rowland avec celle 
qu'ils ont trouvée. Ce rapport varie de 1,0000286 à 
1,0000381. — MM. B. Brunhes et P. David rappellent 
que l'argile cuite prend une aimantation dirigée dans 
le sens dn champ magnétique terrestre à l'instant dela 
cuisson. Or, ils-ont trouvé, dans la région volcanique 
du Puy-de-Dôme, des couches d'argile de Ja fin du Plio- 
cène cuites sur place par un fleuve de lave ayant coulé 
dessus. Ces couches présentent une aimantation de 
direction bien définie et différente de la direction 
actuelle du champ terrestre; on a ainsi un moyen pour 
retrouver la direction du champ terrestre aux époques 
reculées. — M. E. Esclangon a observé à Floirac 
(uironde), le 5 juiliet à 8 h. #4, un gros bolide chemi- 
naut à raison de plus de 10 kilomètres à l'heure. — 
M. de Forcrand à reconnu l'existence de quatre hy- 
drales de potassium, KOH +-0,5H°0, KOH-H°0, 
KOH+2H?0, qui se forment avec les dégagements de 
chaleur suivants : 


KOH + 0,5 H?0 — 12 cal. 60 
KOH, 0,5 H°0 + 0,5H°0 — 6 cal. 30 
KOH, H£O + H°0 — 3 cal. 04 


— M. P. Brenans a préparé quelques éthers-oxydes 
el éthers-sels du diiodophénol et du triiodophénol. 
— M. H. Imbert en faisant réagir le chloranile sur 


Avec la picoline-B, on obtient un dérivé analogue. Avec 
le bromanile, il se produit le composé dibromé corres- 
pondant. — M. A. Bongert, en faisant réagir l'hydrazine 
sur le butyrylacétylacétate de méthyle dans des condi- 
tions variées, a obtenu dans un cas le propylméthyl- 
pyrazolcarhonate de méthyle, dans l’autre la propyl- 
pyrazolone. Avec l'iodure de méthyle, on obtient le 
méthylbutyrylacétate de méthyle, qui se combine avec 
la phénylhydrazine en donnant la propylméthylpyra- 
zolone. — M. Chavanne a étudié les propriétés de 
l'acide isopyromucique et de ses sels métalliques. — 
M. L. Ferrand, en traitant l’orthoxylène par le chlore 
eu présence d'iode, a obtenu les trois dérivés chlorés 
possibles dont il poursuit l'étude. — MM. R. Lépine et 
Boulud ont constaté, dans le sang de gros chiens nour- 
ris exclusivement de viande, la présence de sucre 
réducteur lévogyre (lévulose), celle de pentoses, de 
maltose el quelquefois de saccharose. 

3° SCIENCES NATURELLES. — MM. A. Chauveau el 
Tissot ont observé qu'un chien, pourvu de leur appa- 
reil respiratoire, peut séjourner pendant une heure 
sans être indisposé dans un milieu contenant beaucoup 
d'acide sulfhydrique. La peau e‘ les muqueuses exté- 
rieures ne constituent donc pas une voie d'introduction 
active pour l'hydrogène sulfuré. — MM. Denoyes, 
Martre et Rouvière ont étudié l'action des courants 
de haute fréquence sur la sécrétion urinaire. Ils ont 
constaté : 1° une augmentation de la quantité de subs- 
tance toxique éliminée dans les vingt-quatre heures 
et par kilo de poids vif; 2° une diminution du nombre 
de molécules élaborées moyennes nécessaires pour 
tuer { kilo d'animal. — MM. A. Charrin et Guillemonat 
ont observé, au cours de la grossesse, une série de 
modifications humorales, en particulier un abaissement 
de l'alcalinité de certains plamas et une hyperacidilé 
de quelques autres. Ces changements, en favorisant la 
solubilisation des éléments minéraux, en particulier le 
fer, peuvent expliquer la genèse des anémies perni- 
cieuses de la grossesse. — MM. Apostoli et Laquer- 
rière ont conslalé que les courants galvaniques cons- 
tants peuvent détruire les microbes, ou atténuer leur 
vitalité et Jeur virulence proportionnellement à l'inten- 
sité de leur application. — MM. Cornil et G. Petit 
décrivent les lésions de la cirrhose atrophique du foie 


dans la distomatose des Bovidés. — M. C. Viguier 
indique les précautions à prendre daus l'étude de la 
parthénogenèse des Oursins. — MM. A. Laveran et 


F. Mesnil concluent, d'une étude comparative, que les 
Trypanosoma et les Trichomouas-sont construits sur 
le même type, mais que les 7richomonas, au point de 
vue des appareils de relation, sont heaucoup plus 
compliqués que les Trypanosomes. Il est probable que, 
chez tous les Flagellés, les flagelles aboutissent à un 
système centrosomique ; quant à la membrane ondu- 
lante, quand elle existe, elle apparait comme une sorte 
de flagelle rattaché au corps sur une partie de sa 
longueur ; ses relations avec le centrosome sont celles 
d'un flagelle ordinaire. — M. P. Lesage a reconnu que 
la germination des spores des Penicillium glaucum 
dépend moins de la quantité absolue de vapeur d’eau 
que de l’état hygrométrique de l'air. La limite infé- 
rieure de cet état hygrométrique est 0,82. — M: Ph. 
Glangeaud à observé la formation de nappes de glace, 
en été, sous les coulées de laves des volcans d'Auver- 
gue. Cette formation paraît être due à l’évaporation 
énergique de l'eau souterraine à travers la lave 
poreuse, évaporation qui produit un fort refroidis- 
sement. À 


ACADÉMIES ET SOCIÈTÉS SAVANTES mr 


Séance du 22 Juillet 1901. 


M. le Président annonce le décès de M. H.de Lacaze- 
Duthiers, membre de la Section de Zoologie. 

19 SCIENCES MATHÉMATIQUES. — M. G. Bigourdan com- 
“ munique la suite de la liste des nébuleuses nouvelles 
qu'il a découverte à l'Observatoire de Paris. — M. L. 
Autonne indique les propriétés principales de l'her- 
+ mitien et de l'hermitienne. — MM. Eug. et Fr. Cosse- 
“rat poursuivent leur étude de l'application des fonc- 
tions potentielles à la théorie de l'élasticité, — M. E. 
- Vallier continue ses études sur la loi des pressions 
dans les bouches à feu, et montre le moyen d'obtenir 
“une approximation supérieure à celle qu'il a donnée 
. précédemment. 

20 Sciences PuysiQues. — M. E. Bouty recherche l'in- 
fluence de la paroi sur le passage de l'électricité à tra- 
vers les gaz. L'étude des perturbations amenées par la 
- paroi établit que le phénomène critique est en lui- 
même lout à fait indépendant de la matière isolante 
- qui emprisonne le gaz. Celle-ci n'agit qu'indirectement, 
en modifiant d'une manière plus ou moins irrégulière 
le champ qui règne au sein de la masse gazeuse. — 
M.G. Meslin indique comment il a pu obtenir par la 
photographie de franges rigoureusement achromatiques 
des réseaux dont la période est arbitraire. — M. H. 
Becquerel a observé le rayonnement de l'uranium aux 
très basses températures; il a constaté une diminution 
de la charge d'un électroscope par l'air ionisé par les 
rayons uraniques. Ce phénomène ne parait pas altri- 
buable à une diminution de la radioactivité de l'ura- 
nium quand ce mélal est refroidi, mais plutôt à 
l'absorption des rayons très absorbables, actils dans 
l'ionisation, par la couche d'air froid très dense qui 
avoisine le métal refroidi. — M. J. Semenow conclut, 
d'une étude sur les rayons X, que ceux-ci représentent 
l:s directions de transmission, par l'intermédiaire de 
l'éther, des vibrations électriques. Ces vibrations se 
communiquent à tous les corps qu'elles rencontrent 
. sur leur passage. Lorsque ces corps sont charsés d'élec- 
tricité et quils sont protégés contre la décharge par 
convection, ils perdeut leur charye par rayounement,. 
— M. Athanasiadis adresse une note relalive à un 
instrument servant à mesurer l'intensité du courant 
électrique; c'est une modification de l'aréomètre élec- 
trique. — M. Jean Sterba à préparé l'oxyde de cérium 
pur par la méthode de MM. Wyrouboff et Verneuil, en 
la rendant plus rapide par l'emploi de lélectrolyse 
comme agent d'oxydation. L’oxyde de cérium parfaite - 
ment pur peut être coloré d’une facon très sensible; 
mais, par l'élimination de l'azote, il devient blanc de 
- neige. L'action de l'hydrogène sur l'oxyde de cérium 
donne une réduction incomplète avec formation de 
Ce?0%, — M. de Forcrand a fait l'étude thermique des 
- hydrates de soude solides; il a constaté l'existence des 
hydrates 3NaOH ÆH°0, NaOH + H°0 et NaOH + 71H20. 
Comme pour la potasse, les premières portions d'eau 
fixées sur NaOH dégagent moins de chaleur que les 
suivantes. — M. A. Mailhe à fait réagir les hydrates de 
cuivre sur quelques chlorures et bromures; il a obtenu 
les sels mixtes suivants : HgCEË, 3Cu0, H°0 ; ZnCl'Br°), 
3Cu0, 4H°0; MnCEË, 2Cu0, 6H°0; CoCP, 3Cu0, 4H°0; 
NiCI?, 2Cu0, 6H°0 ; etc. — M. Jouniaux a étudié l’ac- 
tion de l'argent sur l'acide bromhydrique, et a obtenu 
des résultats parallèles à ceux qu'on observe dans l’ac- 
tion de Ag sur HCI. — M. C. Marie, en faisant réagir 
à chaud l'acétone sur l'acide hypophosphoreux, a ob- 
tenu un mélange de trois acides : C‘H'O'P (= PO*H* 
—+ 2C*H‘0), monobasique ; C*H°O*P (= PO*H* —Æ C'H'O), 
monobasique, fort; C*H°0*P (— PO*H'E CSH°O), biba- 
sique. — M. H. Imbert poursuit l'étude de l’action des 
bases pyridiques sur les benzoquinones tétrahalogé- 
nées. — M. R. Fosse montre que les éthers bromhy- 
drique et chlorhydrique qu'on fait dériver du pré- 
tendu binaphtylèneglycol de Rousseau, sont en réalité 
les dérivés monobromé et monochloré du dinaph- 


toxanthène. — M. F. Bidet a étudié la réaction entre. 


le giz ammoniac et les chlorhydrates de monoéthyl- 
amine et de diéthylamine.— M. André Kling a constalé 
qu'à de légères différences d'activité près la bactérie du 
sorbose et le Mycoderma aceti d'Orléans agissent de la 
même manière sur le propylglycol racémique, oxydant 
la fonclion alcool secondaire de l'isomère gauche et le 
transformant en acétol. — M.M. Berthelot à déterminé 
l'acidité de quelques sécrétions animales : suc gastrique, 
salive, urine. — M. H. Mouton a-réussi à extraire, d'une 
espèce d'Amibes très abondante dans la terre de jar- 
diu, une diatase qui doit servir, chez l'animal vivant, à 
la digestion intracellulaire des bactéries dont il à fait 
sa nourriture ; elle se rapproche des ferments protéo- 
lytiques qui agissent en milieu alcalin, tels que la 
trypsine. — M. Balland à déterminé le rendement des 
farines en pain. Il y à d'autant plus d'eau dans le pain 
que la croûte est en moindre proportion; le rendement 
des farines en pain est donc étroitement lié au déve- 
loppement que prend Ja croûte au four. 

3 SCIENCES NATURELLES. — M. J. Tarchanoff donne 
le résumé d'une série d'expériences concernant l'iu- 
fluence de différentes conditions sur l’activité lumineuse 
des bacilles phosphorescents de la mer Baltique. — 
M. G. Weiss a constaté que, si une onde électrique, 
portée sur un nerf ou un muscle, est juste suffisante 
pour donner la réponse minima, une autre onde moins 
efficace, de sens inverse, n’ajoute rien, ni ne retranche 
rien à l’effet obtenu, qu'elle précède la première onde 
ou qu'elle la suive. — M. E. Drake del Castillo à élu- 
dié quelques espèces végétales nouvelles de Madagascar, 
les A/luaudia et Didierea. Au point de vue anatomique, 
elles ont de grandes analogies; on y observe, dans la 
moelle et dans l'écorce, des vaisseanx remplis d'une 
matière colorante d'un rouge brun, et paraissant rem 
plir les fonctions de laclicifères. — M. A. Guilliermond 
a observé la sporulation des Schizosacchiromycètes. 
Chez le Schiz. octosporus, il existe une vérilable conju- 
gaison qui précède la formation de l'asque, lequel 
provient de deux cellules sœurs qui s'unissent et fu- 
sionnent leur noyau. Le Schiz. Pombe présente des 
phénomènes analogues. — M. F. Garrigou propose 
d'employer comme engrais les 3.600.000 hectolitres de 
vinasses et les 10.000.000 d'hectolitres de vins perdus 
par maladie qu’on jette en moyenne chaque année en 
France. Il suffirait de les abandonner à l’évaporation 
dans des fosses ou sur des aires planes et de répandre 
sur les terrains le concentré qui renferme des quanli- 
tés appréciables de substances minérales et organiques. 

Louis BruNEr. 


ACADÉMIE DE MÉDECINE 


Séance du 16 Juillet 1901. 


M. H. Hallopeau présente un Rapport sur un travail 
de M. Dezautière, intitulé : Une épidémie de pelaie. 
Il résume, à cette occasion, tous les arguments qu'on à 
invoqués en faveur de la transmissibililé de la pelade 
et les objections qu'on à opposées à cette manière de 
voir. Il conclut que la pelade ne se transmet que dans 
certaines conditions, dont la principale parait être un 
contact intime entre la plaque contaminée ou ses pro- 
duits de desquamation et les régions pilaires de l'in- 
dividu infecté. En dehors de ces contacts intimes, la 
transmission ne se fait pas. — M. A. Pinard fait un 
Rapport sur la question de la prophylaxie des oph'al- 
mies ou conjonctivites des nouveau-nés. Il n'y à pas 
une ophtalmie, mais des ophtalmies purulentes des 
nouveau-nés, toutes d’origine infectieuse et de nature 
contasieuse; causées le plus souvent par le gonocoque, 
elles peuvent naitre sous l'influence d'autres agents 
microbiens. L'emploi des différentes méthodes d'anti- 
sepsie, visant à obtenir l'asepsie de l'appareil génital 
maternel avant l'accouchement, et de l'appareil oculaire 
de l'enfant au moment de la naissance et dans les trois 
semaines qui la suivent, a fait diminuer le nombre des 
ophlalmies purulentes des nouveau-nés dans des pro- 
porlions considérables, quel que soit l'agent médica- 


774 ACADÉMIES ET SOCIÉTÉS SAVANTES 


menteux employé (jus de citron, acide citrique, per- 
manganate de potasse, alcool, etc.). — M. Du Castel 
présente le Rapport sur le Prix Buisson en 1901. — 
MM. Lancereaux et Paulesco communiquent de nou- 
veaux cas montrant que les injections de sérum gélatiné 
constituent à l'heure actuelle la seule méthode de trai- 
tement inoffensive et capable d'amener la guérison des 
anévrismes vrais de l'aorte, non justiciables d’un trai- 
tement chirurgical. — M. Roustan lit un travail inti- 
titulé : Epidémie de grippe à forme abdominale observée 
à Cannes et dans ses environs. 


Séance du 23 Juillet 1901. 


M. Chauvel présente un Rapport sur un {ravail de 
M. Chavasse relalif à un cas de kyste dermoiïde à con- 
tenu huileux de l'angle interne de l'orbite gauche. Le 
contenu du kyste était composé de #1 °/, d'oléine et 
56 */, de palmétine. La paroi kystique offrait la struc- 
ture de la paroi normale. — M. F. Raymond fait un 
Rapport sur un Mémoire de M. Boinet relatant trois 
cas d'hémichorée préparalytique. L'un d'eux montre les 
relations de l'hémichorée avec l'hémiathétose, un autre 
les relations de l'hémichorée et de la démence paraly- 
tique. — M. H. de Brun a constaté que l'existence de 
vibrations abdominales chez un sujet qui parle indique 
l'apparition d'un épanchement liquide dans la cavité 
péritonéale. — M. Ant. Poncet signale trois observa- 
tions nouvelles d'accidents articulaires d’origine tuber- 
culeuse. Il propose de grouper ces affections sous le 
nom de rhumatisme tuberculeux ou pseudo-rhuma- 
tisme d'origine bacillaire. — M. R. Blanchard à étu- 
dié les lésions du foie déterminées chez 
et chez l'homme par la présence des Douves. Elles 
provoquent l'obstruction des canaux biliaires et l'arrêt 
de la bile. — M. Galipre lit une note sur l'hérédité des 
stigmates dystrophiques maxillo-dentaires. 


SOCIÉTÉ FRANÇAISE DE PHYSIQUE 


Séance du 5 Juillet 1901 (suite). 


M. A. Cotton a poursuivi les expériences sur l'obten- 
tion de réseaux par la photographie de franges d'inter- 
férences dont il a déjà entretenu la Société le 16 Avril. Les 
réseaux qu'il présente aujourd'hui ont été obtenus en 
photographiant des ondes stationnaires, c'est-à-dire 
en faisant interférer une onde directe et une onde 
réfléchie, comme dans les expériences de Wiener et 
de Lippmann. I. Lorsqu'un faisceau parallèle et mono- 
chromatique se réfléchit sur un miroir plan, la partie 
commune à ce faisceau et au faisceau réfléchi est tra- 
versée par des surfaces d’interférences fixes, qui for- 
ment une série de plans équidistants parallèles au 
miroir. Si, à l'exemple de Wiener, on dispose une 
couche sensible très mince, dont la surface plane est 
oblique par rapport au miroir, on photographie sur 
cette surface une série de franges rectilignes et équi- 
distantes, d'autant plus serrées que l’angle de la surface 
sensible et du miroir est plus grand. Or, on peut aug- 
menter cet angle et photographier un grand nombre de 
franges serrées si l’on prend certaines précautions que 
la théorie indique sans difficulté; cette théorie est la 
même que dans le cas général de l’interférence de deux 
faisceaux paralléles. La radiation monochromatique est 
toujours fournie par la raie indigo de l'arc au mercure. 
La lumière de cet arc, filtrée par des absorbants con- 
venables, éclaire la fente d’un collimateur: cette fente 
doit être d'autant plus étroite et plus courte que l'on 
veut photographier des franges plus éloignées du mi- 
roir. La surface argentée de ce miroir a été disposée 
d'avance, par aulocollimation, normalement au fais- 
ceau : c’est, en effet, l'orientation qui fournit les ondes 
slationnaires d'ordre donné les plus nettes pour 
une ouverture donnée de la fente du collimateur, 


Ces ondes sont alors distantes de 5) On dispose alors 


la glace sur laquelle doivent se fixer les franges : la 


le bœuf 


surface sensibilisée repose à l’une de ses extrémités 
sur le miroir et en est séparée à l’autre extrémité par 
une cale de verre dont l'épaisseur varie suivant le 
nombre de franges que l’on veut photographier. II. Le 
procédé photographique employé dérive du daguer- 
réotype. Une couche d'argent très mince (couleur bleu 
clair par transmission) est déposée sur la glace; on la 
traite par les vapeurs d'iode et de brome jusqu'à ce 
qu'il se soit formé, à la surface de l'argent devenu plus 
mince encore, une couche d'épaisseur convenable 
d'iodure et de bromure d'argent. Après la pose, la 
plaque est révélée à la vapeur de mercure qui se 
dépose en buée très fine aux endroits où la lumière a 
agi. Dans le cas actuel, ce développement fait appa- 
raitre un réseau, sans qu'il soit nécessaire de plonger 
dans un liquide la plaque, qu'il n’est pas nécessaire de 
fixer. IT. M. Cotton présente à la Société un de ces 
réseaux dont la surface rayée a environ 5 centimètres 
de largeur. Comme il y a environ 90 traits au milli- 
mètre, le réseau porte en tout plus de 4.000 traits. La 
cale employée avait près d’un millimètre d'épaisseur. 
Les spectres, surtout nets par réflexion, sont assez 
purs pour qu'on puisse dédoubler la raie jaune du 
mercure. Cependant, les glaces utilisées étaient simple- 
ment des glaces du commerce, et l'on ne peut espérer 
obtenir le [pouvoir séparateur théorique qu'avec des 
glaces travaillées spécialement et contrôlées au préala- 
ble. Une propriété géométrique curieuse de ces réseaux 
se justifie sans peine : Considérons une onde plane qui 
occupe par rapport au réseau la place du miroir qui a 
servi à l'obtenir : le réseau pour cette onde, et pour la 
radiation qui avait servi, est au minimum de déviation, 
c'est-à-dire que, fonctionnant sous cette incidence 
comme réseau par réflexion, il renvoie dans la direc- 
tion des rayons incidents les rayons de cette couleur 
particulière. Cette propriété est indépendante de 
l'angle des plans : on pourrait donc, pour obtenir le 
réseau, utiliser une surface formée de plusieurs mor- 
ceaux accolés (ou même une surface courbe, pourvu 
que les ondes soient planes à la sortie). La photographie 
une fois faite, toute la surface de ce réseau en mo- 
saïque cenverrait dans la direction du faisceau paral- 
lèle incident, arrivant sous cette incidence privilégiée, 
la radiation qui a servi à fixer les franges. Les spectres 
diffractés du premier ordre ont beaucoup plus d'éclat 
que les autres, ce qui tient à la continuité du tracé 
(voir la communication du 16 avril). L'épaisseur de la 
couche du sel. d'argent n'est pas indifférente à ce point 
de vue : on lui a donné une épaisseur telle que la lame 
mince qu'elle forme sur le reste d'argent non attaqué 
ne réfléchisse pas sensiblement la radiation bleue ser- 
vant à faire la photographie. Dans ces conditions, les 
réflexions successives n'interviennent plus, et en outre 
la plaque est plus sensible. Avec une autre épaisseur 
donnée à la couche, on pourrait favoriser, au con- 
traire, les réflexions successives, changer la distribu- 
tion de la lumière dans les franges, et donner au réseau 
obtenu des propriétés qui se rapprocheraient davan- 
tage de celles des réseaux à traits discontinus. IV. Un 
daguerréotype, fait sur un support d'argent mince, 
fonctionne comme un négatif par transparence et peut 
servir à obtenir des copies, sur papier par exemple. 
Dans le cas des réseaux, il était tout naturel d'employer 
pour ces copies le procédé de la gélatine bichromatée, 
suivant la technique de M. Izarn. Il fournit, en effet, 
sans difficulté, des copies qui donnent, par transmis- 
sion surtout, des spectres plus brillants que ceux 
fournis par l'original, ce qu'il est facile de com- 
prendre. Ce procédé à la gélatine bichromatée, si com- 
mode pour les copies, ne s'est pas montré assez sen- 
sible pour qu'on pût l'utiliser pour fixer directement 
les franges très serrées conslituant le réseau, en appli- 
quant le procédé décrit par M. Izarn (C. 24. 1894). Ce 
procédé est très commode quand on dispose d’un 
faisceau intense, comme cela est possible lorsqu'on me 
veut pas un très grand nombre de franges. V. M. Cotton 
présente encore à la Société un objectif à diffraction 


obtenu encore par phofographie. C’est M. Cornu qui a 
“ indiqué le premier que la photographie des franges 
d'interférence pouvait servir à faire des réseaux. 
M. Cornu avait prévu et vérifié qu'en photographiant 
des franges suivant les lois des anneaux de Newton, 
on obtenait facilement un réseau ayant les propriétés 
focales des écrans de Fresnel et des réseaux de Soret. 
“1 était intéressant de vérifier que les ondes station- 
naires fournissent ici encore un moyen d’oblenir ce 
résultat sans objectif. Il a suffi, en effet, de remplacer 
Je miroir plan postérieur par un miroir sphérique. 
Celui-ci, préparé en argentant la surface convexe d’une 
Jentille, avait près de 0,50 de rayon de courbure. Le 
“réseau obtenu par ce procédé, qui a encore une sur- 
face rayée de 5 centimètres de diamètre, montre des 
“anneaux visibles à l'œil nu au centre du champ, et qui 
vont en se resserrant régulièrement jusqu'au bord, où 
il y en à environ 200 au millimètre. On fixe ainsi d’un 
seul coup plus de 2.000 franges circulaires : c’est beau- 
coup plus que dans les appareils analogues antérieu- 
rement construits, et que Soret, Wood, etc., avaient 
obtenus en photographiant des dessins. Aussi les foyers 
“obtenus par transmission ou par réflexion sont-ils très 
distincts. Ici encore, les copies à la gélatine bichro- 
matée donnent des images spectrales plus brillantes 
. que l'original. VI. M. Cotton termine en faisant remar- 
-quer que les conditions expérimentales dans lesquelles 
il s'est placé (expérience I) sont exactement celles que 
lon suppose quand on fait la {héorie des expériences 
de Wiener et de Lippmann. Or, il est intéressant de 
noter que ces conditions n'étaient pas exactement 
remplies dans ces expériences mêmes, telles qu'elles 
ont été faites. Wiener en particulier, pour obtenir les 
clichés qui ont servi à ses mesures, n'utilisait pas un 
faisceau parallèle et monochromatique, mais bien un 
faisceau convergent. M. Cotton reviendra sur ce point 
lorsqu'il aura pu faire des expériences avec les couches 
sensibles transparentes comme en préparait M. Wiener, 
et avec l’émulsion sans grain que M. Lippmann emploie 
pour la photographie des couleurs. 


SOCIÉTÉ ROYALE DE LONDRES 


E.-W. Mott et W.-D. Haïlliburton : La chimie de 
la dégénération nerveuse. — Nous avons démontré 
auparavant que, dans la maladie de la paralysie géné- 


ACADÉMIES ET SOCIÉTÉS SAVANTES 


ES | 
— 


vail, et avons découvert que ce caractère n’est pas par- 
ticulier à la maladie ci-dessus mentionnée; mais que, 
dans plusieurs autres maladies nerveuses dégénératives 
(sclérose combinée, sclérose disséminée, névrite alcoo- 
lique, béri-béri), on trouve aussi de la choline dans le 
sang. 

Nous avons fait surtout deux essais pour découvrir 
la choline : 1° un essai chimique, c’est-à-dire l'obtention 
de cristaux ocfaédriques caractéristiques du sel double 
de platine obtenu de l'extrait alcoolique du sang; 2 un 
essai physiologique, c'est-à-dire l’abaissement de la 
pression sanguine (en partie d’origine cardiaque, en 
partie dû à la dilatation des vaisseaux périphériques) 
que produit une solution saline du résidu de l'extrait 
alcoolique; cette chute est abolie, ou même remplacée 
par une élévation de la pression artérielle, si l'animal a 
été atropinisé. Il est possible que ces essais aient une 
valeur diagnostique pour la distinction entre les ma 
ladies organiques et fonctionnelles du système nerveux. 
On peut obtenir facilement l'essai chimique avec 10 cen- 
timètres cubes de sang. 

Un effet semblable a été produit artificiellement sur 
les chats par la division des deux nerfs sciatiques, eLil 
a été le plus marqué parmi les animaux chez lesquels 
le processus dégénératif est à son plus haut point, 
comme on le prouve histologiquement par la réaction 
de Marchi. On a également fait une analyse chimique 
des nerfs eux-mêmes. On a pris une série de 48 chats, 
on a divisé les deux nerfs sciatiques et tué les animaux 
postérieurement, à des intervalles variant de 1 à 
106 jours. Les nerfs sont restés normaux tant qu'ils ont 
été irritables, c'est-à-dire jusqu'à trois jours après 
l'opération. A partir de ce moment, on a remarqué une 
augmentation progressive dans le pourcentage d’eau et 
une diminution progressive dans le pourcentage de phos- 
phore, jusqu'à dégénérescence complète. Quand la 
régénération a lieu, les nerfs reviennent approximati- 
vement à leur condition chimique première. L’explica- 
tion chimique de la réaction de Marchi paraît être le 
remplacement de la graisse phosphorée par de la graisse 
non phosphorée. Quand la réaction de Marchi disparait 
dans le dernier état de dégénérescence, la graisse non 
phosphorée a été absorbée. Cette absorption a lieu 
plutôt dans les nerfs de la périphérie que dans les nerfs 
du système nerveux central. 

Ceci confirme les observations précédentes faites par 


TABLEAU I. — Résumé des expériences sur la dégénération des nerfs. 


NERFS SCIATIQUES DES CHATS 
JOURS 
après la sec- Phosphore 
dans 
les solides 


tion À Solides 


100 —106 


ÉTAT DU SANG 


résence de traces minimes 
de choline. MR Dee 

Plus grande abondance de ? Perte de l'irritabilité; commencement de 
choline. 


Choline moindre. 


Disparition presque totale } Absorption de la graisse presque complète; 
de choline. \ 


\ 
( 
Choline abondante. 
( 
| 


ÉTAT DES NERFS 


Nerfs irritables et sains histologiquement. 


dégénérescence. 


Dégénérescence bien montrée par la réac- 
tion de Marchi. 

La réaction de Marchi est toujours visible, 

mais l'absorption de la graisse dégénérée 
a commencé. 


retour des fonctions: nerfs régénérés. 


- rale des aliénés, la dégénération marquée qui a lieu 
_ dans le cerveau est accompagnée par le passage des 
. produits de dégénération dansle liquide cérébro-spinal. 
Parmi ceux-ci, on découvre le plus rapidement le 
4 nucléo-protéide et la choline. La choline se trouve éga- 
lement dans le sang. Nous avons continué notre tra- 


lun de nous (Mott) sur le cordon spinal, dans lequel la 
dégénérescence unilatérale du faisceau pyramidai par 
des lésions cérébrales a produit une augmentation d’eau 
et une diminution de phosphore dans le côté dégénéré 
du cordon qui se colore par la réaction de Marchi. 

Le Mémoire entier est illustré par des dessins repré- 


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ACADÉMIES ET SOCIÉTÉS SAVANTES 


sentant les effets, sur la pression artérielle, de la choline 
séparée du sang dans les cas de muladies nerveuses 
ci-dessus mentionnées, et du sang des chats sur les- 
quels on à opéré, 

On donne aussi des tableaux des analyses des nerfs, 
des dessins et des photo-micrographies des spécimens 
histologiques des nerfs. 

Le tableau 1 (page 775) représente le résumé des résul- 
tats principaux des expériences faites sur les animaux. 


SOCIÉTÉ DE PHYSIQUE DE LONDRES 
Séance du 28 Juin 1901. 


M. S.-A.-F. White a recherché si l'action de la 
lumière sur une résistance de séléuium peut être imitée 
par l'emploi des oscillations électriques à haute fré- 
queuce. Il a trouvé que ces oscillations augmentent tou- 
Jours la résistance du sélénium. L'effet du champ sur 
une pièce à haute résistance peut êlre renversé par 
l'exposition à la lumière ou par un réchauffement et 
un refroidissement successifs. Pour le tellurium, un 
champ de haute fréquence diminue temporairement la 
résistance, comme le ferait une élévation de tempé- 
rature. Un chauffage et uu refroidissement répétés d'un 
morceau de tellure augmentent sa résistance. Il semble 
probable que tous les effets sont dus à un échauffe- 
ment causé par de pelites étincelles jaillissant dans la 
masse. L'augmentation de résistance par le chauffage 
et le refroidissement répétés est peut-être due à la for- 
mation de tellurures avec le métal des électrodes. L'effet 
négatif de température considérable que présente le 
tellure le fera utilement employer à la recherche des 
radiations calorifiques. — MM.E.-C.-C. Baly et H.-W. 
Syers ont obtenu ie spectre du cyanogène en forcant 
le gaz pur à traverser un tube à vide et en observant 
de l'extrémité du tube. Cela est nécessaire à cause du 
dépôt brun de paracyanogène qui se forme et rend 
impossible l'observation à la manière ordinaire. Le 
spectre obtenu diffère du spectre de flamme et consiste 
en une série de cannelures équidistantes à travers le 
rouge et le jaune, — rappelant un peu celles du spectre 
de baudes positif de l'azote. Ces expériences prouvent 
que : dv le spectre de Swan n’est pas produit par un 
composé de carbone ne contenant pas d'oxygène; 
2e le spectre de Swan est celui de l’oxyde de carbone, 
car il se change dans celui de l’anhydride carbonique 
par admission d'oxygène ou décharge électrique intense. 


SOCIÉTÉ DE CHIMIE DE LONDRES 
Séance du 20 Juin 1901 (suite). 


MM, M. O. Forster et W. Robertson ont reconnu 
que l'huile qui se produit dans la transformation du 
1 : {-bromonilrocamphane en son anhydride est du 
bromo-p-cymène (CH: : Br : C'H78 — 1 : 2: 4). De même, 
dans la préparation de l’anhydride du 1 : 1-chloro- 
nitrocamphane, il se forme accessoirement du chloro- 
p-cymène. — M. G. Martin expose une théorie de la 
combinaison chimique. L'action chimique wa lieu 
d'elle-même que lorsque le degré de variation de la 
tension de l’éther produit par une molécule à l'appro- 
che et au recul des molécules voisines est tel qu'il 
coincide avec le degré de vibration interne d’un atome 
ou d'une molécule. — MM. T. E. Thorpe et J. Holmes 
ont trouvé, dans l'extrait des feuilles de tabac par 
l'éther de pétrole, deux paraffines, l'hentriacontane, 
C*H5!, et l’heptacosane, C*’H°°. Les auteurs pensent que 
la substance blanche satinée trouvée par Kissling dans le 
tabac de Kentucky, ainsi que la substance analogue trou- 
vée par lui dans la fumée de tabac, sont un mélange de 
ces deux hydrocarbures. — M. H. E. Burgess a retiré 
deux nouvelles substances de l'huile de citron; l'une, 
soluble dans le métabisullite de soude, est un aldéhyde, 
donnant par oxydation un acide huileux ; Faure, solu- 
ble dans l’acétone, est cristallisable et fond à 1459. Elle 
est oxydée en acide oxalique et anhydride carbonique. 
— M. À. W. Crossley à obtenu, par condensation de 


l'isobutylidénacétone avec le malonate d'éthyle, le 2 : 6- 
dicéto-4-isopropylhexaméthylène-3-carboxylate d'éthile, 
qui est transformé par la potasse en 2:6-dicéto-#- 

isopropylhexaméthylène : 
D /CH ECO 

CH°CH< 

Ncx— 
Il est hydrolysé à son tour par la baryte en acide B-iso- 
propyl-y-acétylbutyrique. — MM. J. T. Hewitt el 
J. N. Tervet ont bromé les trois toluène-azophénols 
en solution acétique glaciale et ont obtenu dans les trois 
cas les toluène-azodibromophénols. — MM. F.R. Japo 
et À. J. Michie ont reconnu que, dans la réduction de 
l'x-y-dibenzoylpropane par le sodium, il se produit un 
mélange de 1:2-diphényl-1 : 2-dihydroxycyclopentane 


Neo 
CH°, 
co 


el de a:-diphényl-x:-dihydroxypentane. Dans la réduc- 


tion du dibenzoyldiphénylbutadiène par AL, il se forme 
du 2:3:5-triphénylfurfurane et de l'acétophénone. — 


MM. F. R. Japp et N. Meldrum ont trouvé que. souss 


l'influence de la potasse, le benzyle se condense avec 
les homologues de l’acétone pour donner des homo- 
louues de l'anhydracétone-benzyle (diphényleyelopen- 
ténolone) : 

LT EE 

C‘H5.C CH Na 

CSHS.C(OIT).CH2/ 


Les auteurs ont préparé plusieurs de ces dérivés. Ils 
sont réduits par HE en diphényleyelopentéaones (1), 
qui se réduisent à leur Lour en dérivés du diphényley- 
clopentane (I). 
C‘H5.C CH? 
co 
C5. C. CH®/ 


C‘H5.CH.CH? 
Sc. 
CU. CIL. CH? 

(D (1) 
MM. F.R. Japp ei W. Maitland, en chauffant le 
&-naphtol avec le chlorhydrate de phénylhydrazine; ont 
obtenu le phényl-$ naphtylcarbazol : 
CSH: 


N 
À Re Goes 


L'a-naphlol donne une réaction analogue. — MM. H. M. 
Dawson et J. Mac Crae ont constaté que si l’on ajoute 
de l’ammoniaque à des solutions aqueuses de sels ulca- 
lino-terreux, les ions calcium sont ceux qui forment 
le plus facilement. quoique à un faible degré, des ions 
complexes avec l’ammoniaque, tandis que les ions 
barvuum les forment le plus difficilement. D'autre part, 
le sulfate de cuivre fixe plus d'ammoniaque à basse 
qu'à haute température. — M. G. H. Morris a conslalé 
que, si des granules d’amidon non gélatinisés sont 
soumis à l’action combinée de la diastase du malt et 
de la levure, une quantité trois fois plus grande est 
décomposée que par l'extrait de malt seul. Il n'y a pas 
d'augmentalion du pouvoir de la diastase en présence 
de la levure, si le pouvoir fermentatif de cette dernière 


a été supprimé par le chloroforme. — M. C. A. Bell 
décrit une pipette à mercure simple et pratique pour 
les opérations de calibrage. — M. F. S. Kipping a 


préparé la $-méthylhydrindone par l'action du chlo- 
rure d'aluminium sur le chlorure de l'acide «-méthyl- 
hydrocinnamique. Elle donne une oxime qui, par 
réduction, fouruit l’x-amido-8-méthylhydrindène : 


‘He CH'CHS 
om/CE -CHCH®) | 
N CH(AZH?) 


Ce corps conténant deux atomes de carbone asymé- 
triques doit théoriquement exister sous quatre formes 
optiques différentes, et donner avec les acides optique 
ment inactifs deux séries de sels. Il fournit, en ellet, 
avec HC]I deux chlorhydrates, séparables par eristallisa- 
tion fractionnée, et qui sont probablement les sels 
des deux bases extérieurement compensées. 


Le Directeur-Gérant : Louis OLivier. 


Paris. — L. MARETHEUX, imprimeur, 1, rue Cassette. 


| 


Be. 


DIRECTEUR : 


N°17 


15 SEPTEMBRE 1901 


Revue générale 


es SCrenc 


pures el appliquées 


LOUIS OLIVIER, Docteur ès sciences. 


Adresser tout ce qui concerne la rédaction à M. L. OLIVIER, 22, rue du Général-Foy, Paris. — La reproduction et la traduction des œuvres et des travaux 
publiés dans la Revue sont complètement interdites en France et dans tous les pays étrangers, y compris la Suède, la Norvège et la Hollande. 


$S 1. — Nécrologie 


de perdre l'un des esprits les plus originaux parmi ceux 
qui ont le mieux contribué aux progrès des Sciences 
physiques et de la Philosophie naturelle : le Professeur 
ait, qui, par suite de l'affaiblissement de sa santé, 
avait dù, il y a quelques mois, abandonner la chaire de 
d'Université d'Edimbourg qu'il avait occupée sans inter- 
ruption durant une quarantaine d'années, et autour de 
laquelle plus de 10.000 élèves étaient venus, pendant ce 
emps, entendre ses lecons solides et brillantes, s’est 
éteint doucement le 4 juillet dernier. 
L'histoire de sa vie est des plus simples : Il naquit à 
Dalkeith, le 28 avril 4831; il fit de brillantes études à 
Dalkeith d’abord, à Edimbourg et à Cambridge ensuite; 
ses succès scolaires et ses triomphes dans les exercices 
physiques nesont pas oubliés à l'Université de Cambridge. 
11 fut nommé professeur au Collège royal de Belfast 
en 1854, et il obtint em 1860 la chaire de Physique 
d'Edimbourg, contre un compétiteur qui était déjà l'un 
de ses meilleurs camarades de jeunesse et qui devint 
son plus intime ami, l'illustre Clerk Maxwell: il a 
d'ailleurs consacré à la vie et à l'œuvre de son ami une 
notice émue et pleine d'apercus scientifiques remar- 
quables. 
… Une telle amitié exerca sur la vie intellectuelle de Tait 
la plus profonde et la plus heureuse influence, et l’on 
peut penser que, pareillement, Maxwell, dont le génie, 
plus profond peut-être que celui de son ami, se serait 
sans doute développé même dans l'isolement, a cepen- 
dant, lui aussi, beaucoup gagné dans le commerce d’un 
esprit aussi original et aussi hardi que celui de Tait. 
Aussi bien, la correspondance échangée entre ces deux 
« srands physiciens est pieusement conservée; elle sera 
“intégralement publiée quelque jour et elle nous four- 
nira certainement de précieux renseignements. 
Au début de sa carrière, Tait rencontra aussi deux 
+ hommes qui furent ses collègues à Belfast, et dont on 
etrouye aisément l'influence dans quelques-uns de ses 
rafaux. D'une part, il se lia avec le physicien et chi- 
iste Andrews; ils collaborèrent, dès 1856, à des 
recherches sur l'ozone; Andrews lui donna le goût de 
“expérience claire et précise et l’initia à ses admirables 


REVUE GÉNÉRALE DES SCIENCES, 1901, 


Le Professeur Taït. — Le monde savant vient | 


CHRONIQUE ET CORRESPONDANCE 


découvertes relatives à la continuité des états liquide 
et gazeux. Tait s'intéressa d’ailleurs toujours d’une 
facon spéciale à ces questions si importantes, et c'est 
ainsi qu'il suivait avec le plus grand soin les travaux 
de notre compatriote M. Amagat, pour qui il professait 
une estime toute particulière. Le mathématicien Ha- 
milton, l'inventeur de la théorie des quaternions, fut, 
d'autre part, celui des professeurs de Belfast qui séduisit 
le plus l'esprit de Tait par son originalité; il fut très 
frappé par l'élégance et la commodité des symboles 
imaginés par son collègue: il se considéra comme le 
champion de la nouvelle théorie et fit, dans ses travaux 
personnels, grand usage des quaternions; il a publié, 
en 1867,un Jrailé des Quaternions, qui a rendu d'in- 
contestables services. Peut-être doit-on estimer, avec 
de bons esprits, que Tait attribuait une importance 
exagérée à un mode de représentation que son intelli- 
gence parfois un peu paradoxale voulait rattacher à des 
idées philosophiques et à des principes contestables, 
mais l’on ne saurait nier qu'à un moment où la notion 
de grandeur dirigée prenait, en divers chapitres de la 
Physique, une importance capitale, les nouveaux pro- 
cédés pouvaient servir à simplifier considérablement 
les calculs. 

L'œuvre qui contribua le plus à rendre le nom de 
Tait véritablement célèbre est, sans aucun doute, le 
traité de Philosophie naturelle qu'il publia en 1867, 
en collaboration avec Thomson (Lord Kelvin). Cet 
ouvrage, qui a eu de nombreuses éditions, et qui a été 
traduit dans toutes les langues, est devenu rapidement 
populaire en Angleterre sous le nom humoristique de 
Traité de T'et T’'; son influence fut immense sur le 
développement et la transformation de la Physique ma- 
thématique. Pour la première fois, les idées qui résul- 
taient des travaux de Joule, d'Helmholtz, de Rankine 
et de Thomson lui-même étaient exposées d'une façon 
générale ; la notion d'énergie et le principe de la con- 
servation de l'énergie apparaissaient avec toutes leurs 
conséquences et retentissaient profondément dans les 
divers chapitres de la Physique et de la Mécanique. Il 
est difficile de déterminer la part personnelle qui 
revient à chacun des deux collaborateurs dans cette 
œuvre désormais classique, mais la reconnaissance de 
tous les savants est à jamais acquise à tous les deux. 


17 


1178 


CHRONIQUE ET CORRESPONDANCE 


On ne saurait songer à parler ici de tous les Mé- 
moires publiés par Tait; son activité scientifique fut 
considérable; il fut un mathématicien distingué, et il a 
publié des travaux relatifs aux Mathématiques pures, 
comme ses recherches relatives au « Théorème de 
Green» (1870), aux « Surfaces isothermes orthogonales » 
1870), à la « Géométrie de position » (1880); à la Méca- 
nique, comme son mémoire « Sur la rotation d'un corps 
rigide autour d'un point fixe » (1868), qui est un véri- 
table modèle de simplicité et d'élégance; il fut aussi un 
expérimeutateur habile, et il a exécuté des recherches 
miuutieuses el adroites, comme ses expériences bien 
connues sur la conductibilité thermique et électrique, 
sur la compressibilité des gaz et des liquides, les den- 
sités des vapeurs saturantes, etc...; mais son goût par- 
ticulier le portait surtout vers les éludes de Physique 
mathématique, et son Traité de Dynamique, ses mé- 
moires sur les tourbillons, sur la surface d'onde, sur 
la théorie cinétique des gaz prouvent les heureux 
résultats que sait obtenir l’étroite alliance des mathé- 
matiques et des connaissances expérimentales exactes. 
On ne doit pas non plus oublier quelques articles 
remarquables de vulgarisation; il excellait dans ce 
genre où tant de savants anglais furent des maitres; 
ses notices sur les propriétés de la matière, sur la 
lumière, sur la chaleur (1884), sur les récents progrès 
de la Physique (1876), sont dignes de figurer parmi les 
chefs-d'œuvre du genre. 

L'œuvre de Tait ne périra pas; le physicien d'Edim- 
bourg sera toujours compté au nombre de ces mer- 
veilleux ouvriers qui ont construit le plus bel édifice 
scientifique que nous à laissé la seconde moitié du 
xIx° siècle : la théorie de l'énergie, et son nom sera 
cité dans l'avenir, à côté de celui de son illustre colla- 
borateur, Lord Kelvin, dont la verte vieillesse nous 
promet d’ailleurs encore tant de fruits magnifiques. 


Lucien Poincaré, 
Recteur de l'Académie de Chambéry. 


Adolf Erik Nordenskiôld. — Le doyen des 
explorateurs des régions polaires, le baron Adolf Erik 
Nordenskiôld, intendant des Collections minéralogiques 
du Musée d'Histoire naturelle de Stockholm, associé 
étranger de l'Institut de France, est mort le 42 août 1901. 

Il était né à Helsingfors le 18 novembre 1832. Son 
père, Nils Gustave Nordenskiüld, fut un minéralogiste 
distingué, passionné pour sa science, n'hésitant pas à 
accomplir de longs voyages pour augmenter ses collec- 
tions, et dont l'exemple et les conseils eurent une 
influence marquée sur la direction de la vie de son fils. 

Nordenskiüld étudiait l'Histoire naturelle, principa- 
lement la Minéralogie et la Géologie, à l'Université 
d'Helsingfors; déjà il avait acquis une certaine habileté 
dans la classification des minéraux et paraissait un suc- 
cesseur désigné à son père, quand, en 1855, ses opi- 
nions libérales, opinions auxquelles, d’ailleurs, il resta 
fidèle toute sa vie, le firent regarder comme suspect par 
les autorités russes. Il vit aisément qu'il lui serait im- 
possible de faire sa carrière en Finlande, si bien qu'en 
1858 la place de professeur et d'intendant du Musée 
minéralogique de Stockholm lui ayant été offerte, il 
l'accepta. Il vécut désormais en Suède, nonobstant 
quelques retours passagers en Finlande. 

Malgré ces prémisses, la notoriété, puis la célébrité 
devaient arriver à Nordenskiôld, non par la Minéra- 
logie, mais par l’exploration. En cette même année 
1858, il entreprit la première de ses croisières dans les 
régions arctiques, qu'il devait couronner en 1878-79 par 
la découverte du passage du Nord-Est, si obstinément 
el si infructueusement cherché par les marins des 
siècles passés. 

Il s'intéressa d’abord très longtemps à l'archipel du 
Spitzherg. Il y était allé en 1858; il y retourna en 
1860-61, en 1864, en 1868 et en 1872-73. Grâce à ces 
voyages successifs, méthodiquement conduits, Nordens- 
kiôld réussit à opérer un relevé complet de ces terres, 
profondément échancrées par les fjords. La plus haute 


latitude qu'il atteignit fut celle de 81042, en 4868: 
Comme il avait toujours soin d'emmener avec lui un 
ou plusieurs naturalistes, il contribua beaucoup à 
accroître les connaissances relatives à la faune et à la 
flore des contrées polaires. Généralement, la campagne 
se développait pendant l'été et l'automne. Cependant, 
en 1872-73, Nordenskiold hiverna et ce fut en traineau 
qu'il gagna la partie nord-est du Spitzherg. 

Entre ces voyages, s’en était intercalé, en 1870, un autre“ 
au Groenland, en vue d'étudier l'usage que l’on pour- 
rait faire des chiens comme animaux de trait pendant 
la future expédition au Spitzhberg. Mais Nordenskiüld 
était l'un de ces fortunés qui éclairent tout ce qu'ils 
touchent : il était parti pour le Groenland dans le rôle 
utile, mais modeste, d'un acquéreur de chiens; ül 
en revint avec une quantité d'observations nouvelles 
sur l’/ulandsis, ce glacier sans fin qui couvre tout le 
pays. ts 
A partir de 1875, l'Océan glacial sibérien devint 
l'objet particulier de son attention. Sur un navire à 
voile, le Prüven, il atteignit l'embouchure de l'Iénissei, 
et l'année suivante, 1876, il refit le même voyage à 
bord du vapeur l'Ymer. Or, ces deux expéditions pré- 
sentent un grand intérêt, non seulement parce que 
la découverte des îles Sibiriakov et une connaissance 
exacte de l'estuaire de l'Iénissei en résultèrent, mais 
encore parce qu’elle constituent le prélude de la grande 
croisière accomplie en-1878-79. 

C'est, en effet, à ce moment que se présenta à l'esprit 
de Nordenskiüld l'hypothèse dont le célèbre voyage 
démontra la justesse, et qui peut se formuler ainsi : A 
la fin de l'été, les masses d'eau des puissants fleuves 
sibériens, Obi, [énissei, Khatanga, Olenek, Lena, 
Kolyma, échauffées par la chaleur estivale, doivent, à 
mesure qu'elles se déversent dans l'Océan Arctique, 
fondre les masses de glace sur leur passage et ménager 
ainsi, le long de la côte septentrionale de l'Asie, un 
chenal de mer libre, par où un navire parti du cap 
Nord doit vraisemblablement pouvoir atteindre le dé- 
troit de Behring. 

Cette hypothèse reposait d'une part sur les propres, 
observations faites par Nordenskiüld dans la mer de 
Kara pendant les étés 1875 et 1876, et d’une autre sur 
une critique très fine des rares renseignements extraits 
des relations des voyageurs, notamment Minin, Prout- 
chichev, Laptev, Tcheliouskine, qui, de 1734 à 1743, sen 
hasardèrent, soit en bateau, soit en traîneau, dans les” 
parages les plus septentrionaux de la Sibérie. 

Le plan d'expédition, dont aujourd'hui encore la 
lecture procure un vif plaisir intellectuel, tant lesw 
arguments y sont logiquement déduits, convainquit, 
ceux à qui il s'adressait. Non seulement les Mécènes 
ordinaires de Nordenskiüld, Oskar Dickson, Alexandre 
Sibiriakov, dont la libéraïté avait défrayé ses précé- 
dents voyages, mirent de nouveaux et larges crédits à 
sa disposilion, mais le roi Oscar voulut contribuer per= 
sonnellement à l'expédition. De son côté, le Gouverne=M 
meut suédois consentit à payer les frais d'armement 
d'un navire spécialement aménagé et de la solde dem 
l'équipage pendant la campagne. 3 : 

Le 4 juillet 1878, la Véga, capitaine Palander, l'an 
cien chef de l'expédition suédoise de 1872-73 au 
Spitzhberg, montée par tout un état-major scientifique 
dirigé par Nordenskiüld, quitte Gæteborg. Comme elle 
est accompagnée de deux vapeurs, la Léua el le Fraser, 
et d'un voilier, l'Zxpress, c’est toute une escadrille qui, 
Je 1er août 1878, pénètre dans la mer de Kara par le. 
détroit d'Yougor. Le 6 août, Port-Dickson est atteint à 
l'embouchure de l'Iénissei, point auquel le Fraser et 
l'Express se séparèrent de leurs compagnons pour 
pénétrer dans le grand fleuve sibérien. Le 14 août, la 
Véqga et la Léna arrivent, après avoir traversé d'épais. 
brouillards, à l'ile Taymyr, et le 19 devant l'extrémité 
septentrionale de l'Asie, le cap Tcheliouskine. On re= 
connut qu'il était situé par 77 36 49" lat. N. et pan 
1309 17! 12" long. E. Greenwich, et qu'il se composait 
bien de deux pointes séparées par un golfe; ainsi était 


CHRONIQUE ET CORRESPONDANCE 


démontrée l'exactitude, souvent mise en doute, des 
“assertions du vieux voyageur russe, qui, en mai 1742, 
“avait, dans son traineau, atteint le cap qui porte son 
nom. Le 27 août, la Léna et la Véga atteignirent, non 
sans que les glaces ne leur eussent opposé quelques 
difficultés, l'embouchure de la Léna, où elles se sépa- 
èrent, la première pénétrant dans le fleuve, la Véga 
continuant sa route vers l'archipel de la Nouvelle- 
Sibérie et les îles des Ours. Tout allait bien, et faisait 
présager pour octobre une heureuse arrivée au Japon, 
quand, à la fin de septembre, la Véga se trouva, contre 
“oute attente, emprisonnée dans les glaces à une petite 
distance du détroit de Bebring. Le 27 septembre 1878, 
elle naviguait à l'ouest du cap Serdze-Kamen; elle avait 
aversé de la glace nouvellement formée, mais nulle 
part assez forte pour s'opposer à sa marche; le soir, à 
ord, on croyait déjà atteindre l'Océan Pacifique. Mais, 
e 28, la Véga se trouva enfermée dans des glaces 
flottantes, soudées entre elles par de la glace nouvelle. 
ordenskiôld, sachant que des baleiniers avaient 
maintes fois navigué dans ces parages jusqu’à la mi- 
octobre, ne s'alarma pas, tout d'abord, de ce contre- 
temps. Mais les jours se passèrent sans amener de 
changement, si bien que l'expédition dut se résigner à 
un hivernage, qui ne prit fin que le 18 juillet 1879, et 
dura par conséquent 294 jours. 
Ainsi Nordenskiüld venait d'accomplir ce que les 
marins des peuples du nord, Hollandais, Anglais, 
“Russes avait vainement tenté : le passage de l'Océan 
Atlantique à l'Océan Pacifique par l'Océan Sibérien. Ce 
“Srand résultat n'était pas le seul de l'expédition sué- 
doise de 1878-79. La topographie de la côte sibérienne 
“était précisée en plusieurs points, et particulièrement 
“depuis Port-Dickson jusqu'à la baie de la Khatenga; 
a profondeur de l'Océan Glacial était relevée, grâce à 
de nombreux sondages; l’un des membres de l’expé- 
dilion, Almquist, avait composé un Mémoire sur la 
flore des algues de la mer Glaciale et sur la végétation 
“des côtes s2ptentrionales de la Sibérie; l'ethnographie 
‘des Tchoutches, les habitants de cette extrème pointe 
nord-est de l'Asie, avait été étudiée. 

Nordenskiüld espérait même que son exploration 
aurail des résultats économiques, Dans un Mémoire 
“« Sur la possibilité de la navigation commerciale dans 
‘la mer Glaciale de Sibérie », qu'il composa pendant 
lhivernage de la Véga, il disait : « IL n'existe pas de 
difficultés pour l’utilisation, comme route commerciale, 
‘de la voie par mer entre l'Obi-lénissei et l'Europe. 
Selon toute probabilité, la route par mer entre l'Iénissei 
let la Léna, et entre la Léna et l'Europe, peut être éca- 
lement utilisée comme route de commerce, mais l'aller 
et le retour entre la Léna et l'Europe ne pourront se 
faire dans le courant du même été ». 

Après sou retour de cette mémorable expédition de 
878-719, Nordenskiôld ne resta pas inactif et satisfait 
“de sa gloire. En 1883, il entreprit un nouveau voyage au 
“Grænland. Il supposa, d’après certains indices, qu'au 
delà de la ceinture blanche qu'on voit entourer le pays, 
il devait y avoir à l'intérieur une région sans glaces. 
Les observations lui donnèrent tort. Il s'avanca person- 
mellement à 118 kilomètres de la côte occidentale, il 
envoya deux Lapons à 225 kilomètres encore plus loin : 
partout la calotte de glace recouvrait le sol. 

… Ce voyage de 1883 fut le dernier de Nordenskiôld. 
- Vers 1890, il faillit diriger une expédition antarctique, 
“dont les frais auraient été faits en commun par Oscar 
Dickson et les colonies australiennes ; mais le pro- 
jet échoua. Dans les dernières années de sa vie, 
—Nordenskiold s'intéressa surtout aux anciens voyages, 
_ ou deux ouvrages sur l'histoire de la Géogra- 
_ phie. 

À Nordenskiôld eut la bonne fortune de posséder à la 
fois les qualités de l'homme d'action et celles du savant. 

. En même temps qu'il voyait les problèmes à résoudre, 
 ilétait doué de la force physique nécessaire pour sup- 
- porter les pénibles campagnes des mers arctiques. 
… Aussi, a-t-il étendu considérablement nos connais- 


(1 
y 


sances sur la partie du globe qui, pour être la moins 
apte à la vie des hommes, n’en est pas moins aussi 
digne que toute autre de l'intérêt des savants : il restera 
l’un des grands noms de l'exploration arctique. 

Henri Dehérain, 


Docteur ès Lettres, 
Sous-bibliothécaire de l'Institut. 


$ 2. — Astronomie 

Systèmes cométaires résultant de la désa- 
grégation de comètes. — M. H. Krentz, astro- 
nome à l'observatoire de Kiel, vient de découvrir qu'un 
certain nombre de comètes appartiennent certainement 
à un corps unique qui se serait ultérieurement divisé. 
Les savants calculs de M. Krentz ont principalement 
porté sur les comètes de 1668, 1843 I, décembre 1872, 
18801, 1882 II, 1887 I, et d’autres encore, dont les orbites 
se coupent en un point si.rapproché du Soleil qu'il 
touche presque la couronne solaire elle-même. La 
comète de 1882 s’est également fractionnée d'une ma- 
nière analogue en quatre nouveaux astres périodiques, 
dont les orbites elliptiques sont parcourues respective- 
ment en 670, 770, 880 et 960 années. 

1] existerait donc, suivant M. H.Krentz, des systèmes 
cométaires qui résulteraient de la segmentation de co- 
mètes primitives, s'éparpillant de plus en plus le long 
de leurs orbites, et finissant probablement même par 
se désagréger complètement : c'est ce qui dut arriver 
pour la comète 1889 V, qui était accompagnée de quatre 
astres secondaires. Les satellites de celte comète 
s'étaient probablement détachés du noyau principal 
quand celui-ci, lors du passage de 1886, avait presque 
frôlé la surface de Jupiter. De plus, au retour de 1896, 
les compagnons avaient disparu : peut-être avaient-ils 
été capturés dans leur course ; il est aussi fort possible 
qu'ils se soient résolus en essaims d'étoiles filantes, 
comme l'ont déjà fait de nombreuses comètes. 

A nos yeux, cet important travail aurait encore une 
autre conséquence très élevée : il devient de plus en 
plus improbable, en général, que l’origine des comètes 
soit extérieure à notre système — contrairement à 
l'opinion trop fréquemment admise encore. 


$ 3. — Chimie industrielle 


Programme des prix de la Société Indus- 
trielle de Mulhouse pour 1402. — la Société 
industrielle de Malhouse vient de publier le programme 
des prix à décerner en 1902. 

Parmi les nombreux sujets que sont appelés à traiter 
les concurrents, nous relevons les suivants : : 

Théorie de la fabrication des rouges à l’alizarine. — 


Synthèse de la cochenille. — Carmin de cochenille. — 
Matière colorante du coton. — Composition des noirs 
d’aniline. — Transformation du coton en oxycellulose. 
— Action du chlore sur la laine. — Constitution des 
matières colorantes. — Noir d’aniline solide. — Noir 
soluble et solide. — Bleu pour l’azurage des laines. — 


Fixation des couleurs d'aniline. — Golorants immédiats. 
— Impression de poudres métalliques. — Blanchiment 
et coloration des diverses espèces de coton. — Blan- 
chiment et coloration des diverses espèces de laine. — 
Blanchiment et coloration des diverses espèces de 
soie. — Blanchiment à l’eau oxygénée. — Indicateur 
totalisateur du travail des machines à vapeur. — 
Moteurs à gaz de graude puissance. — Force motrice 
nécessaire à la filature du coton, de la laine, etc. — 
Ventilation et humidification des salles et ateliers. — 
Propagation des méthodes de culture intensive: — Sta- 
tistique de la population ouvrière. — Variation du prix 
de la main-d'œuvre depuis un siècle. — Carte des 
établissements industriels du Haut-Rhin. 

Les Mémoires, dessins, pièces justificalives et échan- 
tillons devront parvenir à la Société avant le 15 fé- 
vrier 1902. 


780 


$ 4. — Géologie 


L'Association géologique de Londres en 
Auvergne. — L'Association Géologique de Londres a 
fail, cette année, une excursion de quinze jours dans 
notre pays. Elle à étudié la région volcanique si inté- 
ressante et si variée de la France centrale : successi- 
vement la chaine des Puys et le massif du Mont Dore, 
sous la direction de M. Glangeaud, la Limagne, sous 
celle de M. Girond, le grand volcan du Cantal, sous celle 
de M. Boule. 

Partout, les savants anglais, au nombre d'une qua- 
rantaine, parmi lesquels il faut compter le président de 
l'Association, M.Whitaker, etM. Armstrong, de la Société 
Royale de Londres, des professeurs, des ingénieurs, etc, 

. ont recu l’accueille plus empressé et le plus chaleureux. 

Ils ont emporté de l'Auvergne géologique, pittoresque 

et thermale, un souvenir qui ne s’effacera pas. 


$ 5. — Sciences médicales 


1: Congrès égyptien de Médecine. — Ce 
Congrès, qui a obtenu le haut patronage du khédive et 
l'appui officiel du Gouvernement égyptien, se tiendra 
au Caire du 40 au 14 décembre 1902. 

Les travaux du Congrès porteront surtout sur les 
affections particulières à l'Egypte, telles que la bilhar- 

‘a, l’'ankylostome, la fièvre bilieuse, les abcès du foie, 
te., etc. Les questions relatives aux épidémies qui, 
depuis quelques années, visitent régulièrement l'Egypte, 
les mesures prophylactiques à prescrire, les quaran- 
taines à observer, seront également à l’ordre du jour. 

L'utilité incontestable de cette œuvre ne peut man- 
quer d'attirer sur elle l'attention des médecins d'Eu- 
rope, qui sont d'ailleurs conviés par leurs Confrères 
d'Egypte à assister aux réunions du Congrès. 


$ 6. — Géographie et Colonisation 


Les limites du Gulf Stream dans l'Océan 
Aretique. — Le prince Galitzine a publié dernière- 
ment, sur cette question, dans le Bulletin de l'Acade- 
mie des Sciences de Saint-Pétershourg, une étude fort 
intéressante el très documentée. M. le D'° Laloy donne 
de ce travail, dans /a Géographie du 15 août 1901, la 
substantielle analyse suivante : 

« Dans l'Océan Arctique, le Gulf Stream se distingue 
nettement des eaux qui l'entourent par sa couleur plus 
bleue, sa salinité plus forte et sa température en géné- 
ral plus élevée. Les vents régnants peuvent imprimer 
de grandes modifications à son parcours. D’après Pet- 
terson, il subirait même des variations dans son inten- 
sité, qui paraissent êlre en rapport avec certaines 
conditions climatologiques et notamment avec l'exis- 
tence de vents chauds ou froids en Europe septen- 
trionale. 

« Après avoir doublé le cap Nord, le Gulf Stream se 
dirige, à travers l'Océan Arctique, vers les côtes de la 
Nouvelle-Zemble. La limite septentrionale de la bande 
qu'il forme n’est pas encore déterminée d’une facon 
précise; quant à sa limite méridionale, elle se dirige 
vers l’est-sud-est, parallèlement à la côte mourmane, 
qu'elle suit à une distance de 50 à 60 milles. Vers le 40° 
long. E., et par 69°30!-70° de lat. N., cette limite 
méridionale du Gulf Stream se dirige franchement à 
l’est, passe près de l'ile Kolgouyev et vient toucher la 
Nouvelle-Zemble à hauteur de la Terre des Oies (Gousi- 
naia Zemlia). Suivant les années, la distance du courant 
à la côte mourmane est plus ou moins grande. Les 


CHRONIQUE ET CORRESPONDANCE 


vents du sud peuvent la rejeter à 100 milles vers le 
nord, tandis que, dans d’autres circonstances, le Gult 
Stream est tout près de la côte; d’après certains au-h 
teurs, il peut même pénétrer dans les baies mourma- 
nes. En tout cas, certaines années, on le rencontre 
presque à la sortie du havre Iekaterinski. 

« D'après Jdanko, dans les années froides, la limite 
méridionale du courant se trouve à 100 milles au nord 
du cap Kanine et ne se dirige pas plus loin vers l’est. 
Le prince Galitzine l’a, au contraire, trouvée, en 1896, 
par 69030" de lat., au niveau du cap Kanine. Quant à 
sa limite nord, elle était bien marquée, par 48 long. E., 
dépassant légèrement le 71° de lat. N. — Par le tra- 
vers du cap Kanine, la largeur du Gulf Stream était 
de 120 milles; d’après Middendorf, elle peut atteindre 
en ce point 240 milles. 

« Au niveau de l'ile Kolgouyev, à l'endroit où le Gulf 
Stream change de direction pour atteindre la Terre des 
Oies, ilenvoie, vers l’est, un petit rameau qui se perd, en 
se mélangeant aux eaux douces venues de la Petchora. 
Cependant, on peut rencontrer, jusqu'à hauteur dé 
l'île Vaigaich, des courants d’eau plus salée, qui pro- 
viennent visiblement du Gulf Stream. Quant à la bran- 
che principale, qui longe les côtes ouest de la Nouvelle- 
Zemble, les opinions sont assez partagées à son égard. 
D'après les uns, elle baignerait immédiatement le 
rivage, tandis que, d’après les autres, elle s’en écarte- M 
rait de 50 à 60 milles. Il est hors de doute que, dans 
certaines années, le courant pénètre dans la baie de 
Moller et contribue à adoucir le climat de la partie occi- 
dentale de la Nouvelle-Zemble; mais, en général, il 
s’en tient assez écarté. On a tout lieu de penser qu'il 
vient du détroit de Kara des courants froids qui ont 
pour effet de refouler le Gulf Stream à l’ouest. En effet, 
la température et la salinité très variables montrent M 
qu'il y a mélange d'eaux de provenance diverse. On 
observe, d’ailleurs, un fait analogue près du cap Kanine, 
où les variations de la température de l’eau atteignent 
3 degrés. 

« L'existence de rameaux détachés du Gulf Stream 
dans le voisinage du cap Kanine et du cap Sacré (Svia- 
toi Nos) est encore controversée. Dans certaines an- 
nées, un rameau contourne le premier de ces promon- 
toires, mais se perd bientôt sans pénétrer dans la mer 
Blanche. L'existence d'un courant détaché dans le voi- 
sinage du Sviatoi Nos est également très vraisemblable; 
il se pourrait même que le courant du Kanine ne soit 
que le prolongement de celui qui passe le long du cap 
Sacré. Mais il est impossible de savoir, pour le mo- 
ment, si une branche du Gulf Stream contourne la pé- 
ninsule de Kola à partir du cap Sacré et pénètre dans 
la mer Blanche, en suivant la côte de Ter. En 1896, 
rien de pareil n'existait; mais, en 189% et 1895, il y 
avait le long de toute cette côte, presque jusqu'au cap 
Orlovski, de l'eau très salée; ce qui porte à croire que M 
l’eau du Gulf Stream peut effectivement pénétrer dans . 
la mer Blanche, non pas, comme le croyait Middendorf, 
en suivant sa côte orientale, mais bien le long de sa 
rive occidentale. a 

« Nous avons vu que le Gulf Stream se distingue des 
eaux environnantes par sa couleur, sa température et. 
sa salinité. Celle-ci est soumise à des variations assez . 
rapides qui dépendent de diverses circonstances, eb 
notamment du vent. Mais, en même temps que Îles 
mouvements de l'air, lorsqu'ils sont prolongés, refou- 
lent les eaux du Gulf Stream dans une direction donnée, 
on voit se déplacer l’isotherme de 0°, ce qui prouve 
que, même en ce point de son parcours, le grand cous 
rant chaud a encore une influence appréciable sur le 
climat des régions avoisinantes. » 4 


L 
L 


JACQUES BOYER — L'ÉTAT ACTUEL DE L'INDUSTRIE DU MARBRE EN FRANC 


L'ÉTAT 


Es 
V4 


à 


DE L’INDUSTRIE DU 


…. La France est la mieux partagée des nations au 
point de vue de l'industrie marbrière : sous ce rap- 
“port, elle n'a guère que l'Italie pour rivale. Encore, 
la majeure partie des marbres de la Péninsule 
sont-ils travaillés sur notre territoire. Celle silua- 
lion privilégiée, notre pays la doit à la beauté et à 
l'abondance des variétés marmoréennes des Pyré- 
nées, et aux nombreux débouchés que l'exportation 
lui assure. Pourtant, les gens du métier se plaignent 
de la décadence actuelle de leur industrie, et 
“cependant, dans ce commencemént de siècle, le 
luxe de l'habitation s'accroissant, une ère de pros- 
périté devrait s'ouvrir pour eux. Cet état de choses 
tient sans doute un peu à la mode : on délaisse au- 
jourd'hui les décorations trop chères, pour des 
matériaux moins artistiques, mais plus écono- 
miques. Peut-être aussi, et nous nous poserons la 
question, faut-il souhaiter que le législateur inter- 
vienne au sujet de certains desiderata formulés 
par les marbriers parisiens. 


I. — PRINCIPAUX GISEMENTS. 


Le mot de marbre n'a aucun sens scientifique. 
- On désigne communément sous ce nom des masses 
minérales cristallisées, dures et susceptibles de 
recevoir un beau poli. C'est exclusivement de ces 
matériaux que nous nous occuperons ici. 

Dans l’industrie marbrière, telle qu'elle est prati- 
quée en France, on ne considère comme #marbre 
proprement dit que des calcaires cristallisés. Les 
uns sont saccharoïdes ou grenus, tandis que les 
autres sont lamellaires et spathiques. Leurs nom- 
breuses variétés sont disséminées un peu partout à 
la surface de la Terre. Les veines et la coloration des 
échantillons proviennent de l'infiltration de matières 
bitumineuses et ferrugineuses, ou tiennent à la pré- 
sence de quelques coquilles fossiles désagrégées. 

Pour qu’un gisement soil exploitable commercia- 
lement, il faut qu'on y trouve la pierre en couches 
assez importantes, que sa lexlure soit homogène, 
compacle ou cristalline. Le praticien ne s'inquiète 
- pas, du reste, du mode de formation de la masse ni 

du terrain avoisinant. Les caicaires secondaires el 
. tertiaires lui conviennent aussi bien que ceux des 
- errains archéens. De plus, la substance extraite 
1 doit réunir plusieurs qualités : être dure et suscep- 
_Lible d'un beau poli, posséder des couleurs vives 
- ou offrir une gamme de teintes agréables à l'œil. 
En général, les marbresles plus estimés et les 


bé 


181 


ACTUEL 
MARBRE EN FRANCE 


plus beaux se rencontrent dans les roches sédimen- 
laires les plus anciennes. Donc, la connaissance 
géologique d'une carrière fournira des indications 
utiles sur sa composition et sa valeur. 

Quant à la classification même des marbres, il 
est à remarquer que, dans le commerce, on ne con- 
nait guère d'autre groupement que celui des lieux 
de production. Ainsi, on range dans la même caté- 
gorie tous les marbres d'Italie. Or, quelques-uns 
appartiennent à des genres très divers. Dufrénoy, 
dans son ?raité de Minéralogie (1847), distingua 
les marbres par la couleur prédominante de chacun 
d'eux. Plus récemment, M. Tournier a proposé une 
classification plus rationnelle, que mous indiquerons 
ici. Il divise d'abord les marbres en deux groupes : 
4° les marbres simples, et 2° les marbres composés, 
subdivisés à leur tour en sections et variétés. Le 
tableau suivant résume son travail : 

A. — MARBRES SIMPLES. 


1. Les marbres blancs; 
2. Le bleu Turquin; 

3. Le rouge Languedoc; 

4. Le jaune de Sienne et le jaune de l'Aude; 
5. Le noir antique. 


G 


B. — MARBRES COMPOSÉS : 
1. Composés ordinaires. 
1. Le campan; 
2. La griotte dite d'Italie et de Caunes; 
3. Le vert antique; 
4. Le vert d'Egypte et de Gènes. 
II. Lumachelles! : 
. Le lumachelle d'Italie ; 
La brocatelle d'Espagne ; 
Le drap mortuaire; 
. Le petit granité; 
. Le lumachelle de Narbonne. 
Brèches®? et poudinques : 
1. La brèche violette; 
2, La brèche africaine; 
3. La brèche jaune; 
ñ 
b) 


TES D = 


III. 


. La brèche des Pyrénées ; 
. La brèche tarentaise, 


Enfin, la marbrerie française travaille également 
les porphyres rouges et verts, certains albâtres aux 
couleurs chatoyantes et plusieurs espèces de granit. 

Examinons à présent les principaux gisements, 
non seulement de France, mais de l'Étranger, car, si 
quelques marbres ordinaires se débilent sur place, 


1 Lumachelle vient de Jumaca (limacon). Ces marbres 
sont ainsi dénommés parce que les calcaires qui les forment 
sont pétris de coquilles dont la couleur diffère souvent de 
la pâte qui les englobe. 

? Les brèches sont constituées par des fragments angu- 
leux ou ronds de grosseur variable et réunis par un ciment 


calcaire dont la teinte est différente de celle des grains, 


182 


JACQUES BOYER — L'ÉTAT ACTUEL DE L'INDUSTRIE DU MARBRE EN FRANCE 


presque tous les marbres riches du monde entier 
sont mis en œuvre à Paris. 

La région des Pyrénées nous retiendra tout d'a- 
bord. Les marbres blancs de Saint-Béat (Haute- 
Garonne), connus déjà du temps des Romains et 
remis en exploitalion au commencement de notre 
siècle, possèdent une tendreté et une contexlure 
à gros grains brillants qui les rendent très estimés 
des statuaires. On en rencontre de même nature 
dans l'arrondissement de Bagnères-de-Bigorre. 
Mais, les marbres de couleur sont de beaucoup les 
plus nombreux dans ces départements. Le Saint- 


Fig. 1. — Carrière de marbre à Hon-Hergis (Nord), appartenant à M. Blondeau. 


Anne d'Arudy (Basses-P yrénées) offre assez de res- 
semblance avec les marbres de la vallée de Biesme 
(Belgique). Il est à fond grisätre veiné de blanc. 
Ses variélés dites « grand dessin », « rubané » et 
« granilé » s'emploient beaucoup sur place, car 
ailleurs on lui préfère son similaire belge. Le noir 
d'Izeste ou des Pyrénées, gris, semé de taches 
blanches, se trouve dans le même canton. Le luma- 
chelle, l'aspin et le turquin de Lourdes s’utilisent 
surtout dans la région. Le sarrancolin d’Arreau 
(Hautes-Pyrénées) produit un joli effet décoratif, 
dont on peut juger par l'examen du chambranle de 
l'Opéra-Comique de Paris. A Saint-Laurent et à Mau- 
léon-Barousse, signalons la brèche de Bize, d’un cail- 
loutage très serré et très brillant, noyé dans une pâle 
jaune d'or, la brèche Portor formée de galets noirs 


et gris réunis ensemble par un ciment silico-cal- 
caire. La griotte de Sost ressemble beaucoup à 
celle de Caunes (Aude), dite « griotte d'Italie ». 


D'un magnifique rouge brun semé de points blancs, 


c'est un des marbres pyrénéens les pius demandés. 

Les campans verts, mélangés de rouge, servent 
principalement dans la grande décoration. Le rouge 
antique, qu'on tire de Caunes, trouve des appli- 

calions dans la marbrerie artistique. Quant aux 

gisements de l'Ariège et de l'Hérault, on commence. 
seulement à les exploiter. 

Les marbres de Hon-Hergis (Nord), noir uni et 


semés d'amandes blanches, s'emploient pour les . 
cheminées ordinaires (fig. 1). 

Dans le Jura, aux environs de Molinges, on extrait 
deux variétés assez recherchées : le jaune Lamar- 
tine, à fond jaune parsemé de petites veines fines 
rosées, et la brocatelle violette. 

Les autres marbres de France sont moins esti- 
més, sauf toutefois le vert Maurin qu’on trouve près 
de Prunières, la brèche Galiffet ou Alep qui vient. 
d'Aix en Provence, le Jaspé ou Rosé du Var que 
fournissent les carrières des environs de Pour- 
cieux. Enfin, le Sarrancolin ou rosé de l’ouest et le 
marbre Bois-Jourdan, qui proviennent des carrières 
de Sablé (Sarthe), et les marbres dits « de Boulo- 
gne », qui arrivent de Marquise (Pas-de-Calais), 
sont des produits communs. 


 JACQUES BOYER — L'ÉTAT ACTUEL DE L'INDUSTRIE DU MARBRE EN FRANCE 183 


# 


“envoient des marbres translucides connus sous le | Kléber, la brèche de Numidie est seule importée en 
“nom d'onyx. La province d'Oran nous approvi- | France, mais le rosé et le jaune de Numidie servent 


— Nos colonies de l'Algérie et de la Tunisie nous | sifs à cause de sa transparence. Des marbres de 


Fig. 2. — Sciage dans la roche, dans la carrière de marbre de « Cava Torrione », à Carrare (Appartenant à M. Faggioni) 


L 
#4 


- sionne d'onvx de l'Isser, dont une des variétés les | en Amérique pour la grande décoralion. Les diffé- 
— plus recherchées est l'onyx cachemire. Les carrières | rentes variétés de marbres de Guelma (le Saint- 
…sises près de Nemours (Oran) nous fournissent | Augustin, le Sutulle, le Boisé romain et le Kalama), 
… l'onyx ambré, qui s'emploie surtout en travaux mas- | rosés d'un veinage très fin, sont utilisées dans 


784 


la marbrerie artistique'. Quant aux carrières de 
Chemtou (Tunisie), exploitées déjà du temps des 
Romains, elles semblent avoir donné plus de mé- 
comptes que de bénéfices à leurs propriétaires. 

Mais un grand nombre de marbres venant du 
dehors sont ouvrés en France; disons donc quelques 
mots des variétés étrangères les plus connues sur 
le marché parisien. 

En Europe, la Belgique nous approvisionne en 


JACQUES BOYER — L'ÉTAT ACTUEL DE L'INDUSTRIE DU MARBRE EN FRANCE 


de cheminées dans le sud-ouest de notre pays. Mais 
c'est surtout à l'Italie que nous achetons le plus de 
marbres. Carrare arrive en première ligne (fig. 2 


et3). Voici les principaux genres qu'il nous fournit : « 


le blanc clair pour les travaux courants, le blanc 
pour slaluaire, de Seravezza (gisements très im- 


porlants), le Paonazzo à fond ivoire avec veinage « 


violet foncé, le Paonazzetto à fond blanc avec vei- 
nage brèché noir, la brèche violette à grandes vei- 


Fig. 3. — Vue de la scie héliçoïdale en action dans la carrière de marbre de « Cava Torrione », à Carrare (Italie). 


rouge de Flandre, rouge royal et rouge rance, qu'on 
rencontre aux environs de Romedenne, en vrai 
Sainte-Anne, qui vient de Biesme, en noir fin, que 
produisent les carrières de Golzimes, près de Namur, 
et de Denée, près de Dinant. La Suisse nous fournit 
du Cipolin vert et rose, qu’on trouve à Saxou, aux 
environs de Lucerne. Le noir de Saint-Triphon est 
également très employé pour la confection des foyers 


! Ces derniers renseignements nous ont été obliseamment 
communiqués par M. Heurley, négociant en marbres à 
Paris, 


nes violettes et cailloutée blanc, la fleur de pêcher, 
le véritable bleu Turquin uni à fond bleu, et le bleu 
fleuri, marbre à fond bleu clair avec veines violelles 
foncées. Près de la Spezzia, gisent le Portor à 
fond noir avec veinage d'or et le Levanto. Sienne 
donne un beau marbre jaune, Vérone un joli marbre 
rouge, et Gênes une variété verte à points rouges, 
dénommée commercialement « vert d'Égypte ». 
La Grèce possède le vert antique de la Thessalie, 


dont le fond vert à cailloux blanc verdàtre produit 


un joli effet dans certaines décorations artistiques. 


} 
1 


JACQUES BOYER — L'ÉTAT ACTUEL DE L'INDUSTRIE DU MARBRE EN FRANCE 185 


L'Espagne nous envoie sa brocatelle, marbre jaune | L’onyx vert dit « du Brésil » vient des environs de 
or tiré des environs de Tortosa, au sud de Barcelone. | San Luis (République Argentine). On l'embarque 

-L'« agate maures- à Buenos-Aires, et 
“que » de Malaga il est aujourd'hui 
s'emploie dans la à la mode pour la 
 tabletterie, et le petitemarbrerie.On 
marbre Teba à fond l'utilise par exem- 
rosé orange pour ple pour la confec- 
les dessus de toi- tion des füts de 
lettes etles lavabos. lampes. Quant à 
Dans les contrées l'onyx blanc du Ve- 
du Nord, la France nezuela, c'est une 


sapprovisionne, raretécommerciale. 
pour l'imitation des 
meublesanciens, du II. — EXPLOITATION 


rosé de Norvège à 
fond blanc, veines 
rose très clair, lais- 
sant voir la cristal- 
lisation, et du vert 
de Suède veiné 
d'une belle couleur 
oncée. Comme au- 
res marbres euro- 
péens, on peut en- 
ore citer le vert 
d'Irlande et la ser- 
pentine d'Écosse. 
Ce dernier, à fond 
brun parsemé de 
points rouges, sert 


DES CARRIÈRES. 


Les anciens pro- 
cédés d'exploitation 
des carrières de 
marbre élaient pri- 
mitifs, lents,el d'un 
prix de revient éle- 
vé. Mais aujour- 
d'hui, gràce à l'in- 
vention de la scie 
héliçoidale (fig. 5) 
par un ingénieur 
belge, M. Paulin 
Gay, on débite les 
blocs d'une manière 
plus expédilive et 


. 2 Fig. 4 — Perforatrice. — À, tube cylindrique en tôle d'acier; B, À : 
seignes de bouli- allonge du tube servant de couteau: C, axe; D, manchon fixant plus économique. 


À l’allonge sur l'arbre vertical; G, poulie à gorge; 1, châssis suppor- à 2 
| a POP tant les poulies et la chaine; P, poulie de renvoi; R, fil hélicoïdal; Cet appareil APCORS 
exposé à l'air et à V, cabestan; W, chaîne de descente, pose d'une corde 


a pluie, il a le pré- - sans fin obtenue par 
eux avantage de conserver très longtemps son poli. | la torsion en hélice de trois fils d'acier. D'un côté, 
. L'Amérique du Nord nous expédie le marbre dit | elle s'enroule sur une poulie fixe calée sur l'arbre 


C 


Fig. 5. — Installation du fil héliçoïdal dans une carrière. — X, fil hélicoïdal; À, poulie fixe; B, schéma du moteur; 
C, chariot tendeur; D, E, débiteuse ou instrument de sciage proprement dit; M, bloc de marbre à attaquer. 


« Tonkin », granité vert, aussi tendre que le marbre | du moteur et, d'autre part, sur la poulie folle d’un 
blanc. Depuis quelque temps, on exploite les | chariot tendeur posé lui-même sur les rails d'un 
“marpres fossilifères d'Orizava, près de Vera-Cruz | plan incliné et chargé de poids destinés à équili- 
(Mexique), qui présentent des dessins très variés. | brer l'effort de traction. On installe la débiteuse 


786 


(ou instrument de‘sciage proprement dit) à l'endroit 
voulu du circuit. Cette dernière comprend quatre 
poulies maintenues et guidées entre des colonnes 
dont l'écartement varie avec la longueur de la masse 
de marbre à découper. Le déplacement des poulies 
inférieures s'obtient au moyen d'un mécanisme in- 
génieux. Les chariots qui les supportent sont fixés 
par des coulisses aux extrémités de vis verticales 
dont les écrous se trouvent au sommet des châssis. 
Un levier à deux branches articulées, mû par l'arbre 
de la poulie supérieure, commande chacune de ces 
vis et, à chaque révolution, un corbeau agencé sur 


JACQUES BOYER — L'ÉTAT ACTUEL DE L'INDUSTRIE DU MARBRE EN FRANCE 


la continuité du sciage, assure la grande rapidité 
du travail. Done, le fil découpe la roche sur tous 
les points de la carrière, et il divise la pierre pour 
en faciliter le transport ultérieur. 

Actuellement, pour pratiquer les puits nécessaires 
à l'installation du fil hélicoïdal, on emploie une per- 
foratrice (fig. 4). Essenliellement, celle-ci est for- 
mée d'un tube en tôle A, d'une hauteur et d’un 
diamètre variables. À sa partie inférieure se trouve 
rivée une allonge en fer B, beaucoup plus épaisse, 
qui lui sert de couteau. Un manchon D le fixe sur 
un arbre vertical à section carrée, qui lui commu- 


Fig. 6. — Descente d'un bloc de marbre de la carrière d'extraction au lieu de gerbage. 


la branche inférieure du levier attaque une roue 
dentée dont le mouvement se transmet, à l’aide 
d'engrenages, à la vis de suspension de la poulie 
mobile. Comme la vitesse de translalion de la scie 
est d'autant plus rapide que la branche du levier 
est plus courte, l'ouvrier doit régler celle-ci selon 
le degré de durelé du marbre. 

En outre de ces mouvements de translation 
et de descente, la cordelette est animée d'un 
mouvement giratoire qui a pour but de dégager 
continuellement le fond de l’entaille de la boue 
produite par le sciage. Un sablier déposé au-dessus 
de la masse fournit le sable humidifié, qui est rapi- 
dement véhiculé le long du trait en même temps 
que sur tous les points de la périphérie du brin 
engagé dans la pierre. Cette combinaison, jointe à 


nique un mouvement de rotation tout en lui lais- 
sant la faculté de descendre en vertu de son propre 
poids. La transmission télédynamique communi- 
quant à l'axe du cylindre sa giration par l’inter- 
médiaire d'une poulie à gorge G, peut changer de 
direction au fur et à mesure des déplacements de 
l'appareil. D'autre part, le sable et l'eau projetés 
sur le pourtour du couteau accélèrent l'usure de la 
roche. De temps à autre, les matières broyées 
s'accumulent entre le tube et les parois du marbre, 
et enrayent la marche de la perforatrice; aussi 
l’ouvrier doit-il relever ce tube à l’aide d'une 
chaine W s'enroulant sur un cabestan V rivé au 
chässis. Cette simple manœuvre suffit pour net- 
toyer l'entaille de la boue qui l'obstruait, et qui 
aurait fini par provoquer la ruplure de l'outil. 


cts 


LE cu 


Ar 


JACQUES BOYER — L'ÉTAT ACTUEL DE L'INDUSTRIE DU MARBRE EN FRANCE 


187 


Pour extraire, en pleine roche, un quartier de 
marbre de la dimension désirée, on creuse, au 
moyen de la perforatrice, aux quatre coins de son 
périmètre, des puits que l'on approfondit jusqu'à 
ce que l'on atteigne le premier dessous séparant 
la masse des assises inférieures. On descend en- 
suite et on fixe dans ces cavités les supports verti- 
caux de la débiteuse. En deux traits de scies 


. parallèles et espacés de 0%,60, on relie deux de ces 
“puits par une tranchée à parois verlicales, et l'on 
dégage ainsi le massif sur tout son pourtour. Alors, 


Fig. 7. — Gerbage des blocs de 


au moyen de coins et de leviers, on détache au- 


dessous la masse ainsi isolée, puis on l'amène sur 


le chantier où on la façonne en morceaux plus aisé- 
ment maniables. Parfois, l'opération du gerbage 
des blocs sur les lieux d'extraction n'est pas chose 
aisée (fig. 6 et 7). 

Les avantages de cette méthode sont mulliples. 
Facilement transportable, la perforatrice ne broie 
qu'une faible partie de la surface du roc, et con- 
somme peu de force motrice. De plus, par trois 
forages successifs disposés en triangle, elle creuse 
un puits où les supports de la débiteuse peuvent 
se mouvoir en tous sens. 

Les déplacements de la perforatrice et de la 


débiteuse ont lieu sans l'intermédiaire d’une poulie 
de renvoi, la cordelette prenant la direction et 
l'inclinaison voulues, sans qu'on ait besoin de 
modifier la transmission. Pour cela, il suffit de 
monter sur une double rotule chacune des poulies 
du poteau distribuleur placé au sommet de la 
carrière. D'autre part, la poulie à rotules se meut 
dans un plan horizontal et peut s'incliner à volonté 
sur l'horizon par la rotation du plateau sur lequel 
s'opère sa translation. Enfin, la scie héliçoïdale 
possède deux qualités essentielles en l'espèce : la 


marbre à proximité de la carrière. 


résistance nécessaire pour entamer les marbres 
les plus durs, et une incroyable rapidité d'action, 
due à la vilesse et à la continuité de son mou- 
vement. 


IIT. — TRAVAIL DU MARBRE. 


D'ordinaire, les marbres se scient en passe, c'est- 
à-dire qu'ils se débitent dans le sens où on les a 
trouvés dans la carrière. Mais, dans quelques cas, 
cependant, on est forcé de les scier à contre-passe. 
Quoi qu'il en soit, l'opération est exéculée au moyen 
du chässis à scier ordinaire ou à descente automa- 
tique (fig. 8 et 9). 

La commande de ce dernier appareil, le seul 


188 


que nous décrirons, se compose d'un arbre à ma- 
nivelle mû par une poulie A. L’entablement sup- 
portant les paliers est boulonné sur un massif en 
pierre, en maconnerie ou en béton, B. En C se 
trouve un débrayage. Le chässis proprement dit 
est un cadre en fer et fonte, formé de deux lon- 
gerons rigides D, dont la section doit être calculée 
suivant le nombre de lames à la tension desquelles 
ils doivent résister. 

Deux fortes traverses en fer plat forment la tête 
de châssis, et réunissent à chaque extrémité ces 
longerons. Un créneau, dans lequel on place les 
tirants-tendeurs, est ménagé entre ces traverses ; 
une lame va d'un tirant à l'autre, et la tension se 
fait au moyen d’une clé. 


JACQUES BOYER — L'ÉTAT ACTUEL DE L'INDUSTRIE DU MARBRE EN FRANCE 


mécanique ou instrument distributeur d'eau et de 
sable, dont les systèmes sont très nombreux. D'or- 
dinaire, le mouvement de commande sert pour 
deux chàssis, l'arbre portant une manivelle à cha- 
que extrémité. Quelquefois, le sciage s'effectue sur 
wagon, pour obtenir plus de célérité. 

Nous passerons rapidement sur les autres outils 
employés pour travailler le marbre : débiteuses, 
sciotteuses, machines à moulurer, tourner, creuser 
et raboter. Cela nous entrainerait hors des limites 
de cette étude, Ajoutons seulement que les pièces 
cylindriques (socles, colonnes, vases, ete.) s'ébau- 
chent au ciseau et se terminent au tour. Quant à la 
scie diamantée, elle est encore en usage, malgré les 


Un châssis comprend un nombre de lames va- 
riant de 50 à 150, selon l'épaisseur des tranches à 
obtenir. Bien entendu, chacune d'elles peut se rap- 
procher ou s’écarter à volonté. En outre, le châssis 
porte un attelage en fonte E, et quatre charnières 
de suspension. La bielle F reliant le chàssis à la 
commande est formée d'une pièce en sapin, munie 
à une extrémité d'une lête de bielle ordinaire avec 
coussinet en bronze s'adaplant à la broche de la 
manivelle, et à l'autre bout d’une chape dont la vis 
permet de régler la longueur de la bielle au fur et 


NES ESS 


Fig. 8. — Chässis à scier avec descente et remonte automatique (Système Decamps). — À, poulie; B, massif supportant le 
moteur; C, débrayage; D, longeron; E, pièce d'attelage; F, bielle reliant le châssis à la commande; G, traverses de guide 
en acier; H, colonnes du chässis; K, engrenages de descente; L, tambour d’'enroulement des chaines: M, chaïnes. 


à mesure de la descente du chässis. Les quatre tiges 
sur lesquelles se fait le balancement du cadre sont 
pourvues à leur extrémité de ferrures en bronze 
s'arliculant, d'une part, avec les charnières de 
suspension, et de l’autre côté avec les broches en 
acier des traverses de guide G. Ces deux dernières 
sont elles-mêmes suspendues à des chaines. Quant 
aux qualre colonnes H, elles servent à guider le 
chàssis dans son mouvement alternatif, et les tra- 
verses dans leur ascension et leur descente, au 
moyen de coulisseaux. 

Les rouages K actionnent les tambours d’enrou- 
lement L des chaines par l'intermédiaire d'engre- 
nages ou de vis. Ces lambours, en déroulant les 
chaînes M, laissent descendre le chàssis au fur et à 
mesure du sciage. On règle à volonté cette des- 
cente, suivant la dureté du marbre et le nombre de 
lames. Enfin, entre les colonnes se place l’arrosage 


frais d'établissement élevés qu’elle nécessite, et 
surtout l'inconvénient qu'elle à de « brûler » le 
marbre, comme disent les gens du métier. Il faut 
entendre, par ce terme, qu'elle produit des arra- 
chements au cours du sciage. La rapidité constitue 
son unique avantage. 

La dernière opération que subit le marbre dé- 
grossi est le polissage. Celui-ci exige cinq manipu- 
lations successives : 1° l'égrisage, destiné à adoucir 
les aspérilés, et qui s'exécute en frollant la pièce 
avec un morceau de grès mouillé; 2 le rabat ou con- 
tinuation du frottement; mais, cette fois, avec des 
morceaux de faïence sans émail n'ayant subi qu'une 
cuisson; 3° à la suite de ce premier poli, le houchage 
des cavités du imarbre avec du mastie de couleur 
appropriée. La substance qui sert à cet effet se com- 
pose, en général, d'un mélange de cire jaune, de ré- 
sine et de poix blanche, additionné d’un peu de sou- 


JACQUES BOYER — L'ÉTAT ACTUEL DE L'INDUSTRIE DU MARBRE EN FRANCE 


7189 


fre et de plâtre lamisé très fin, auquel on donne la 
consistance d'une pâte épaisse. La coloralion s’ob- 
tient en ajoutant du noir de fumée et de la potée 
rouge, en proportion convenable, jusqu'à ce que l’on 
ait obtenu la nuance désirée. Parfois aussi, on intro- 
duit des fragments concassés de l'échantillon, s'il 
s'agil de marbres verts et jaunes. La gomme-laque 
permet également de donner du corps et du bril- 
lant; 4° l’adouri ou frottement à la pierre ponce 
avec addition d'eau, mais sans aucun ingrédient 


des machines à dresser et à polir. Enfin, pour aller 
plus vite en besogne, certains marbriers mettent 
de l’alun dans l’eau. Cette pratique doit être con- 
damnée, car si ce mordant, qui pénètre dans les 
pores du marbre, lui donne beaucoup plus rapi- 
dement le brillant voulu, celui-ci se ternit très 
vite à l'humidité. La fraude se reconnaît d'ailleurs 
aisément : il suffit de mettre une goutte d’eau sur 
la surface du marbre soupçonné. Si le polisseur 


s’est servi d'alun, la pierre absorbant le liquide, une 


Fig. 9. — Châssis à scier ordinaire de la marbrerie Heurley, à Paris. (Photographie montrant la disposition des lames 
pendant le sciage d'un bloc.) 


solide ni mordant; 5° enfin, le piqué. Pour ce der- | tache blanchâtre apparaîtra après essuyage. Là s’ar- 


nier travail, on mêle du plomb en limaille avee de 
la boue d'émeri provenant du polissage des glaces, 
et l’on frotte la pièce avec un tampon de linge fin 
bien serré et imprégné de cette composition. 

Pour les ouvrages destinés à être exposés au 
dehors, on s’en tient là. Mais si l’on désire un 
brillant plus parfait, on procède au Zustré. On lave 
bien les surfaces, on les laisse se ressuyer, ét on 
prend un tampon de linge humidifié légèrement et 
imprégné d'un peu de potée d'élain. Après avoir 
frolté pendant quelques instants, on passe des 
chiffons secs avec légèreté. On utilise également 


rête, à proprement parler, l’industrie du marbre, 
dont nous examinons plus loin les divers emplois. 


IV. — STATISTIQUE ET CONSIDÉRATIONS ÉCONOMIQUES. 


En France, les scieries de marbres sont, autant 
que possible, installées non loin des lieux d’extrac- 
tion, à proximité de nos frontières, parce que 
les matériaux bruts ne paient pas de droits de 
douane, alors que, sciés, ils acquittent des taxes 
élevées. D'autre part, le sciage faisant perdre 
de 1/6 à 1/3 à la masse, les frais de transport à 


190 


JACQUES BOYER — L'ÉTAT ACTUEL DE L'INDUSTRIE DU MARBRE EN FRANCE 


Paris seraient inutilement majorés du poids des 
déchets. À proximité de l'Italie et de la Suisse, 
les scieries s’échelonnent : aux environs de Gre- 
noble (Isère), du Sault-Brénaz et de Glandieu (Ain), 
de Molinges et de Saint-Amour (Jura). Pour les 
marbres de Belgique, les usines sont établies près 
de Jeumont, Guissignies, Bellignies, Cousolre et 
Maubeuge. Quant à ceux d'Espagne, on les scie et 
on les ouvre à Paris. Enfin, quelques scieries fonc- 
tionnent à Marseille et à Toulouse. La plus grande 
partie des plaques débitées en ces diverses localités 
sont dirigées sur Paris, qui est le grand centre de 
la marbrerie manufacturée. 

Les usages du marbre sont nombreux : 

Dans le bâtiment, on l’emploie aussi bien pour les 
cheminéesriches que pour les cheminées ordinaires, 
pour certains carrelages, pour des revêtements d’es- 
calier, pour des colonnes, des soubassements, etc. 

Dans l'ameublement, on l'utilise pour les toilettes, 
dessus de tables, buffets, dressoirs, guéridons et 
lavabos. 

Les sculpteurs se servent principalement des 
marbres de Carrare. 

Les marbres transparents, connus commercia- 
lement sous le nom d'onyx, s’allient aux bronzes 
pour faire des socles, des vases, des pendules et 
des colonnettes pour lampes. 

Dans les boucheries, boulangeries, charcuteries 
et autres bouliques d'alimentation, les comploirs 
et les enseignes sont généralement en marbre. 

Tels sont les plus importants débouchés des diffé- 
rentes variétés marmoréennes. 

La question du transport joue un rôle restreint 
dans le négoce des marbres précieux, celte matière 
étant d'un prix assez élevé pour supporter aisément 
le voyage, par voie ferrée, du port de débarquement 
à Paris. Ainsi, les marbres d'Algérie, de Tunisie, 
d'Espagne et de Thessalie arrivent presque tous par 
Marseille. De là, ils empruntent le réseau P.-L.-M. 
pour atteindre la Capitale; quelques-uns viennent 
pär le Havre; puis, par batellerie fluviale, jusqu'à 
Paris; mais c'est là l'exception. Les onyx du Mexi- 
que et de la République Argentine débarquent à 
Saint-Nazaire ou à Anvers. Les produits de la Suède 
et de la Norvège passent également par le port 
d'Anvers, et ceux de l'Angleterre par Dunkerque. 

Les marbres riches ne se travaillent guère qu'en 
France; seuls; les marbres ordinaires étrangers 
s'ouvrent sur place; toutefois, en Chine et au Japon, 
on exécute assez bien la petite marbrerie. 

D'après les dernières statistiques du Service des 
Mines, on a extrait en France, pendant l’année 1898, 
un total de 47.025 mètres cubes ou 124.161 tonnes 
de marbres. L'Algérie, durant la même période, en 
a fourni 304 mêtres cubes ou 985 tonnes. 

Les négociants français vendent leurs produits 


fabriqués un peu partout; ils exportent même le 
marbre brut dans l'Amérique du Nord, l'Angleterre, 


la Suisse, l'Allemagne, l'Autriche, la Russie, la 
Hollande et le Danemark. Les chiffres d'exportation 
et d'importation fournis par le Ministère du Com- 
merce, pour 1898, sont les suivants : 


EXPORTATION 
en tonnes 


IMPORTATION 
en tonnes 


28% 58 


Marbres blancs us AELE 

statuaires PUDES 2: 
moulurés. 9 49 

Autres marbres de toute es- 
DÉCE ESA NEC EE 46.569 6.814 


Les centres de vente sont, par ordre d'impor- 


tance : Carrare, Paris, Londres, Anvers et Bruxelles. 


Comme nous l’avons écrit au commencement de 
cette étude, les négociants en marbre se plaignent 
de la situation qui leur est faite. D'abord, dans l'in- 
dustrie du bâtiment, ils ont le désavantage d'arriver 


après les autres corps de métier, le marbre n'étant « 


employé que pour la décoration. À ce moment de 
la construction, l'architecte a souvent dépensé dans 


le gros œuvre le devis fourni, les imprévus ont 


majoré ses estimations. Il doit donc réaliser des 
économies sur les travaux restant à exécuter; c'est 


ainsi que, partout où cela sera possible, il rempla-" 
cera le marbre par le stuc, ou autres procédés " 


décoralifs. L'imprévoyance de l'homme de l’art 
retombera sur le marbrier! D'autre part, en ce qui 
concerne l'octroi, l'industrie marbrière parisienne 
ne semble pas favorisée. En effet, le marbre, qu'il 
soit brut, scié ou ouvré, paie 30 francs d'entrée par 
mètre cube (2.700 kilos). D'après ce Larif, une che- 
minée toute sculptée acquittera des droits moins 
élevés, pour entrer dans la Capitale, que la matière 
première nécessaire à l’exécuter, puisque son poids 
sera diminué des déchels de la fabrication. Le 
résullat fâcheux de cette anomalie administrative 
est que l'octroi parisien favorise la province et 
l'étranger au détriment du négociant en marbres 
de la Capitale, qui ne peut plus, par suile, lutter 
à armes égales avec ses concurrents du dehors. 
Le remède parait cependant des plus simples. 
Il suffirait que le tarif, pour le marbre brut, fût 
moins élevé que pour le marbre ouvré. C'est là une 
réforme qui s'impose. En outre, les gens du métier 
adressent aux Compagnies de transport le reproche 
suivant : Les chemins de fer, dans le but d'augmen- 
ter leur trafic dans divers centres, ont accordé des 
conditions spéciales très avantageuses à certaines 
localités. Nous n’en citerons qu'un exemple, typique, 
il est vrai : un lavabo, avec dessus en marbre, 
expédié d'Autun à Paris, paie des frais de transport 
moins élevés que s’il est envoyé de Paris à Autun! 
Il y a là, nous semble-t-il, un abus, qu'il appar- 
tiendrait au Ministre des Travaux Publics de faire 
cesser. Jacques Boyer. 


1 


nn 


Sarthe Sub 17" 


Te. 


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FPVEN 


AUGUSTE PETTIT — LES MATÉRIAUX DE L'HISTOLOGIE COMPARÉE 191 


LES MATÉRIAUX DE L’'HISTOLOGIE COMPARÉE 


, INSTRUCTIONS POUR LES EXPLORATEURS (CONFÉRENCES DU MUSÉUM) 


& Messieurs, 


Une comparaison familière, mieux que de lon- 
% gues considérations théoriques, vous fera com- 
prendre sans peine le but de l'Histologie comparée. 
Le corps d'un animal peut être assimilé à une 
“maison. L'anatomiste en étudie la disposition, 
lagencement des diverses pièces, les ouvertures, 
les moyens de communication; l'histologiste,au con- 
traire, se préoccupe de la nature intime des maté- 
riaux de construction, des rapports que ces derniers 
affectent les uns vis-à-vis des autres, des moyens 
d'union des diverses parties constiluantes, etc. 
- Nécessairement, à des fins aussi différentes cor- 
respondent des techniques distinctes et, en dehors 
de quelques instruments de dissection, aucun des 
procédés que je vous indiquerai dans cette Confé- 
rence ne pourrait convenir pour les études d'Ana- 
tomie proprement dite. 

Pour ces dernières, il importe d'obtenir, sinon 
-des animaux complets, tout au moins des organes 
entiers, présentant encore leurs rapports naturels : 
un membre avec ses muscles, ses vaisseaux et ses 

nerfs; une cage thoracique avec son cœur, ses pou- 
mons, ses plèvres et son péricarde; un tube 
digestif, maintenu en place dans la cavité cœlo- 
mique par les divers replis péritonéaux, elc. 

Les exigences de l'Histologie comparée sont sin- 

J 


gulièrement plus faciles à satisfaire ; pour ce genre 
d'études, les pièces volumineuses, les organes 
sont, non seulement inutiles, mais inutilisables ; il 
n'est besoin que de morceaux d'organes, de frag- 
ments de vaisseaux ou de nerfs, de lambeaux de 
tissus; mais ceux-ci doivent être prélevés avec des 
soins spéciaux, dont l'exposé fera précisément 
l'objet de la présente conférence. 


L — MATÉRIEL. 


Tout d'abord, je dois vous donner des indications 
sur le matériel nécessaire à la récolte des pièces 
- destinées aux études d'Histologie comparée. 
- Je n'insisle pas sur les instruments de dissec- 
. tion, car ceux-ci sont exactement les mêmes que 
pour les recherches d'Anatoômie comparée; ils vous 
serviront donc à deux fins, et ce sont, vous ne 


* ! Conférence faite pour les voyageurs, explorateurs, méde- 
cins de marine et administrateurs coloniaux, au Laboratoire 
d'Anatomie comparée, dirigé par M. le Prof. Henri Filhol, 
au Muséum d'Histoire naturelle de Paris. 


l'ignorez pas, quelques scalpels, une pince à dissé- 
quer, une ou deux scies, un marteau et un ciseau. 

Le choix des récipients (tous en verre) dont 
vous devrez vous munir mérite attention; je vous 
recommanderai, de préférence aux tubes à fond 
plat d’un usage courant dans les laboratoires, mais 
vraiment trop fragiles, des flacons à parois résis- 
tantes, munis de bouchons de liège de la meilleure 
qualité possible et d’une faible contenance : n’ou- 
bliez pas que les morceaux volumineux sont impro- 
pres à toute étude, et qu'une faible quantité de 
tissu suffit pour les études microscopiques; par 
conséquent, choisissez un assez grand nombre de 
flacons d'une contenance de vingt grammes environ 
et quelques-uns de dimensions plus considérables, 
125 et 250 grammes. 

Je ne crains pas de le répéler, ce qui importe, c'est 
la conservation parfaite des pièces, et non pas la 
quantité; et, pour dissiper loutes les inquiétudes 
que vous pourriez avoir sur la petilesse des frag- 
ments que je vous conseillerai de prélever, je vous 
rappellerai que les appareils à couper dont on se 
sert dans les laboratoires pour étudier les tissus 
permettent de débiter un morceau de 1 millimètre 
d'épaisseur en trois cents tranches. Par conséquent, 
ne vous embarrassez pas de récipients inutilement : 
un nombre relativement peu élevé suffira, si les 
sujets d'étude sont bien choisis et convenablement 
traités, pour des recherches étendues. 

Vous ajouterez enfin, à ces récipients, quelques 
flacons à l'émeri (125 gr.), destinés à la conserva- 
tion des fixateurs, une éprouvette graduée, quel- 
ques Lubes de verre, du fil de Bretagne, du papier . 
blanc fort, des crayons Conté et un peu de tar- 
latane. 

Comme vous le verrez bientôt, les études héma- 
tologiques exigent l'emploi de plaques de verre, 
coupées suivant des dimensions conventionnelles ; 
ces lames se vendent chez lous les fournisseurs 
d'instruments microscopiques; vous vous en procu- 
rerez plusieurs centaines de la qualité la plus ordi- 
naire et une douzaine à bords soigneusement rodés. 

La question des réactifs à recommander à un 
voyageur est parliculièrement épineuse, non pas 
par pénurie, mais, au contraire, par trop grande 
richesse. La technique histologique est actuelle- 
ment fort compliquée, et le nombre des fixateurs, 
en particulier, est considérable. 

Or, cette abondance, qui, pour l’homme de labo- 
ratoire, constitue une condition des plus favorables, 


792 


pourrait devenir un obstacle pour l'explorateur. 
En voyage, les manipulations compliquées sont 
inexécutables, et je connais trop l'impérieuse né- 
cessité, pour le voyageur, de simplifier toute chose 
le plus possible, pour songer à vous donner un 
apercu, même sommaire, des méthodes de fixation 
actuellement usitées; mon but est beaucoup plus 
modeste; je me suis simplement proposé de vous 
indiquer un très petit nombre de réactifs qui, 
choisis entre beaucoup d’autres, vous permettront 
de rapporter des matériaux histologiques dans des 
conditions salisfaisantes pour l'étude. 

Nous examinerons plus tard la préparation de 
ces solutions ; pour le moment, je vous énumérerai 
simplement les produits que vous devez emporter 
pour confectionner ces solutions sur le terrain 
même de vos explorations : 

1° Alcool à 100° (placer dans le récipient, pour 
éviter l'hydratation, une certaine quantité de ba- 
ryle calcinée) ; 

20 Alcool à 90°; 

3° Bichlorure de mercure ; 

4 Acide picrique ; 

5° Acide acétique cristallisable ; 

6° Bichromate de potasse pulvérisé ; 

7° Chlorure de platine ; 

8° Acide osmique ; 

9° Formaldéhyde à 40°. 

Vous le voyez, le matériel qui vous est nécessaire 
n'est pas trop compliqué, et, comme ilne faut que 
de petites quantités de chacun des produits, je pense 
que les exigences de l'Histologie ne vous paraîtront 
pas exagérées; en lout cas, je me suis efforcé de 
simplifier le plus possible, et de vous indiquer les 
moyens nécessaires, strictement nécessaires, pour 
l’accomplissement de la tâche que vous voulez bien 
vous imposer. 


II. — Cox DES MATÉRIAUX. 


Une nouvelle question se pose immédiatement 
à l'esprit : Quels animaux, quels organes choisir ? 

Malheureusement, je ne puis pas vous donner 
une règle formelle qui vous permette de reconnai- 
tre, à première vue, les matériaux fructueux, et 
d'établir deux catégories tranchées d'objets : l’une 
sans intérêt pour l'histologiste, l'autre devant né- 
cessairement fournir des résultats. Les faits bio- 
logiques ne se plient pas aisément à de telles exi- 
gences de catalogage. Mais, à défaul d’une no- 
menclature ou d’un critérium formel, je puis vous 
donner des indications générales sur les faits qui 
devront décider votre choix. 

Tout d'abord, ai-je besoin de le dire, la beauté 
d'un animal (si même on peut parler de beauté 
dans le langage scientifique) ne devra, en aucune 


AUGUSTE PETTIT — LES MATÉRIAUX DE L'HISTOLOGIE COMPARÉE 


façon, influencer vos décisions, car il ne parait pas 
que les muscles du plus beau des Tigres doivent 
présenter plus d'intérèt pour l’histologiste que 
ceux du plus vulgaire Chat. 

D'autres considérations devront déterminer votre 
choix dans la récolte des matériaux : ce sont les 
conditions spéciales de vie des animaux, leur place 
dans la série des êtres, leurs affinités zoologiques, la 
singularité (au sens étymologique du mot) et lacom- 
plexité des appareils anatomiques. Quelques exem- 
ples, d’ailleurs, suffiront à préciser ces indications. 

1° Comme vous le savez, le milieu exerce une. 
influence indéniable sur les animaux; or, il est 
d'un grand intérêt pour l’histologiste d'étudier les 
variations qui relèvent d'une telle cause; aussi, le 
sang des animaux vivant aux allitudes élevées, les 
sinus des poissons des grands fonds, les tissus dé- 
pigmentés des êtres cavernicoles, elc., ont-ils une 
grande valeur à nos yeux. 

2° Les animaux qui occupent une place isolée 
dans l'échelle zoologique, ceux qui sont les der- 
niers survivants de groupes, autrefois puissants, 
mais actuellement en voie de disparition, tels les 
Aptéryx, les Monotrèmes, les Spirules, les Nau- 
tiles, etc..., pourront être l’objet d’investigations 
fructueuses, car ils n’ont pas leurs analogues à 
proximité des laboratoires et, par conséquent, 
n’ont pas pu, pour le plus grand nombre tout au 
moins, être étudiés par les histologistes. 

3 Il en est de même des appareils anatomiques. 
qui semblent être l'apanage de quelques animaux 
seulement, d'un seul genre ou même d'une seule 
espèce, ou encore des organes qui présentent une 
complexité exceptionnelle : yeux pinéaux de Sau- 
riens (/Jatteria), glandes venimeuses de Reptiles, 
Batraciens, Poissons et Insectes, glandes salivaires 
d'Edentés, glandes odorantes de Mouffette, organes 
photogènes, organes électriques, etc. 

Ces quelques exemples suffiront pour vous mon- 
trer combien vaste est le champ de vos recherches 
et quel profit les histologistes pourront tirer de 
l'étude des formes animales qui font défaut au 
voisinage des laboratoires. k 

Si quelques-uns d'entre vous conservaient en- 
core des doutes à ce sujet, il leur suffirait, pour se 
convaincre de l'importance qu'il convient d’atta- 
cher aux recherches de cette nature, de se reporter 
au beau travail que le professeur A. von Kælliker 
vient de consacrer à l'étude de la moelle allongée 
et des tubercules quadrijumeaux de l'Ornitho- 
rynque et de l'Echidné : ils se rendraient compte 
alors de la valeur des enseignements que l’illustre 
maitre de Wurzbourg a réussi à dégager del’examen M 
histologique de deux cerveaux de Monotrèmes!, M 


1 En l'absence d'un catalogue impossible à établir, nousindi- 


AUGUSTE PETTIT — LES MATÉRIAUX DE L'HISTOLOGIE COMPARÉE 193 


_——.— 


III. — T£écuNiIQuE. 


Le lraitement des malériaux destinés aux études 
“histologiques exige des soins minutieux ainsi que 
“des manipulations longues et compliquées; ces 
dernières sont exposées, avec détail, dans de nom- 
breux Traités, parmi lesquels, celui de Bolles Lee 
et Henneguy, que je vous présente’, jouit d'une 
légitime autorilé; d'après la grosseur de ce vo- 
lume, vous concevez aisément qu'un nombre 
d'heures considérable me seraient nécessaires pour 
ous mettre au courant de celte technique, qui, 
ailleurs, ne pourrait qu'être un embarras pour 
vous. Le but que je poursuis-dans cette Conférence, 
e vous l'ai déjà dit, est tout autre et je veux, sup- 
imant radicalement tout ce qui n'est pas es- 
Sentiel, retenir uniquement les procédés qu'il est 
indispensable que vous sachiez meltre en œuvre 
sur les lieux mêmes de vos investigalions. 
Je supprime donc lout ce qui à trait à l'inclu- 
sion, à la confection et à la coloration des coupes 
pour ne vous parler que de la seule opération (la 
fixation) que vous aurez à effectuer vous-mêmes; 
et encore, pour celle-ci, je ne vous entretiendrai 
que d'un nombre minime de méthodes, choisies 
entre des centaines d'autres et se recommandant 
à votre choix tant par la simplicité d'emploi que 
par l'excellence des résultats. 

Ces réaclifs ne s'appliquent pas indistinctement 
à toutes les catégories de tissus, et tel mélange 
fixateur, qui fournira d'excellentes préparations 
-pour le système nerveux, ne donnera que des résul- 
Lats médiocres où même mauvais pour l'étude des 
glandes ; d'autre part, les éléments figurés du sang 
exigent une technique spéciale; aussi, devons-nous 
envisager les lraitements qui conviennent aux di- 
verses espèces tissulaires, et, comme il s'agit ici 
de queslions purement pratiques, vous m'excuse- 
rez d’avoir recours à une classificalion artificielle, 
sans base scientifique, mais qui aura au moins 
l'avantage de la commodité. 

. Nous examinerons successivement les méthodes 
de fixation applicables : 

1° Au sang; 2 au système nerveux; 
autres Lissus *. 


ÿ° aux 


Œuons ici quelques-unes des pièces que le Laboratoire serait 
- particulièrement désireux d'obtenir : Organes venimeux de 
Reptiles, Batraciens, Poissons, Arachnides et Insectes. Pla- 
. centas d'Anthropoïdes, Lémuriens et Sélaciens. Appendices 
- d'Anthropoïdes. Glandes salivaires d'Edentés. Poumons de 
Dipneustes. Foies et Poumons multilobés. Yeux pinéaux. Cer- 
- veaux et moelles de Célacés, Eléphants, Marsupiaux, Ratites, 
gros Ophidiens, très grands Poissons osseux et cartilagi- 
= neux. Organes lumineux. Organes électriques. Sang des ani- 
. Maux non représentés en Europe, etc. 

—._ 4 Le conférencier met sous les yeux de ses auditeurs un 
- exemplaire de cet important ouvrage. 

 ? Dans cette Conférence, je me bornerai simplement, j'in- 


REVUE GÉNÉRALE DES SCIENCES, 1901. 


Pour chaque réactif, la technique varie; néan- 
moins, certaines règles sont applicables dans tous 
les cas : les lissus, destinés à être étudiés au mi- 
croscope, doivent être recueillis sur l’animal vivant 
ou immédialement après sa mort, et même, pour 
le sang, le prélèvement doit être effectué sur l’ani- 
mal vivant. Si les dimensions’ des organes ou des 
animaux sont trop volumineuses, il faut débiter 
ceux-ci en fragments de grosseur convenable au 
moyen d'une lame bien aiguisée, en évitant toute 
compression et toute malaxalion ; enfin, les pièces 
ainsi recueillies sont directement plongées dans le 
mélange fixateur, sans lavage ni autre traitement 
préalable. 

$S 1. — Sang. 

La récolte et la conservation des éléments figurés 
du sang sont relativement simples. Le matériel 
nécessaire est très réduit, et la préparation des 
lames exige un simple tour de main, qui s'acquiert 
rapidement. 

Chez l'Homme, chez les Singes, dont les doigts 
sont dénudés, voici une des meilleures façons de 
procéder * : 

L'extrémité (face) d’un des doigts est soigneu- 
sement lavée sur l'étendue d'une pièce de un frane 
avec du savon, puis avec de l'alcool ou un mélange, 
à parties égales, d'alcool à 100° et d’éther. 

On laisse sécher et on pratique une légère inei- 
sion dans la pulpe du doigt, soit au moyen d’une 
lancette spéciale, soit au moyen d'une pointe de bis- 
touri ou de tout autre instrument piquant. 

Dès qu'une gouttelette de sang est formée, on 
se hàâle de la recueillir sur une lame de verre, en 
amenant cette dernière au contact; immédiatement 
après, on étale la petite gouttelelte ainsi déposée à 
la surface de la lame au ou du bord rodé d'une 
autre lame, qu'on promène à la surface de la pre- 
mière. Les deux porte-objets sont orientés de telle 
façon qu'ils forment entre eux un angle de 45°, 

Pour la réussite de celte opération, il importe 
d'aller vite pour éviler l'évaporation du sang, et de 
ne pus sur la lame qu'une très minime quan- 
tité de sang; autrement, le bord rodé ne permet 
pas d' EL suffisamment les divers éléments. 

Dans la plupart des cas, il vous suffira d’étiqueter 
les lames ainsi obtenues, et de les rapporter telles 
quelles, soit emballées dans des boîtes à rainures, 


siste sur ce poiut, à indiquer quelques-unes des méthodes 
de fixation qui me paraissent permettre aux voyageurs de 
rapporter, dans des conditions satisfaisantes, des matériaux 
destinés aux études histologiques. J'ai dû supprimer, en 
raison de leur complication, les méthodes très précises (or, 
argent, etc.), qui sont inutilisables dans le cas présent. 

1 Voyez ce qui a trait à cette question à propos de chacun 
des réactifs examinés ici. 

2 Le sang doit toujours être récolté sur des animaux vi- 
vants, 


17* 


794 


AUGUSTE PETTIT — LES MATÉRIAUX DE L'HISTOLOGIE COMPARÉE 


soit empaquetées dans du papier avec des cales | logistes ont, jusqu'à présent, limité leurs inves- 


intermédiaires, afin d'éviter tout frottement.Mais, 
dans les pays humides, il sera prudent de chauffer 
les lames, au moyen d’une source de chaleur quel- 
conque, pendant une ou deux minutes, à 60° en- 
viron, 

Tous les animaux ne présentent pas des dispo- 
sitions anatomiques aussi favorables que l'Homme 
et le Singe; mais il vous sera facile de vous tirer 
d'affaire dans tous les cas. Chez les Mammifères 
poilus, vous devrez d'abord raser les poils, s'il 
n'existe pas de régions glabres; celles-ci mérite- 
raient alors votre préférence : le nez, les oreilles 
sont souvent dans ce cas. 

Chez les Oiseaux, vous choisirez de préférence le 
pli correspondant à l’arliculation huméro-cubi- 
tale, où existent de nombreuses veines superti- 
cielles. 

Si quelque condition spéciale (taille, par exemple) 
contre-indiquait un tel choix, vous pourriez toujours 
puiser le sang directement dans le cœur": c’est, 
d’ailleurs, cette voie que vous adopterez pour le 
plus grand nombre des Reptiles, des Batraciens et 
des Poissons. 

J'altirerai votre attention sur les résultats que 
pourraient fournir des matériaux ainsi récoltés : en 
effet, ces lames, dont la préparation est, en somme, 
aisée, permettent d’éludier simultanément l'histo- 
logie proprement dite du sang, et son histoire pa- 
rasitologique; or, vous n’ignorez pas quel intérêt 
puissant est attaché en ce moment à l'étude des 
hématozoaires, pour laquelle ce procédé fournit 
des renseignements très salisfaisants. 

Enfin, chez les animaux venimeux ou à sérum 
toxique, il conviendrait de faire des prélèvements 
de sang. Pour cela, il vous suffirait d’aspirer, dans 
une pipette? de bactériologiste, préalablement stéri- 
lisée, quelques centimètres cubes du sang du cœur 
ou d'un gros vaisseau; naturellement, cette opéra- 
lion devrait être effectuée sous le couvert d'une 
asepsie soigneuse, d'ailleurs facile à réaliser au 
moyen d’une tige métallique portée au rouge, et 
utilisée comme cautère. Le sang serait rapporté 
dans les pipettes, scellées à la lampe, séance 
tenante ?. 

$ 2. — Système nerveux. 

En l'état actuel des connaissances, FHistologie 
comparée du système nerveux constitue un 
domaine de recherches extrêmement étendu, et on 
peut légitimement fonder de sérieuses espérances 
sur les études dirigées dans cette voie. Les neuro- 


1 Il va de soi que, dans ce cas, tout lavage est inutile. 

* Un simple tube de verre étiré aux deux extrémités, muni 
ou non d'un tampon d'ouate, suffirait à la rigueur. 

* Ce procédé est applicable également aux produits de 
sécrétion; voyez plus loin, 


ligations à un nombre peu étendu d'espèces 
zoologiques; aussi, peut-on croire qu'il y aurait un 
sérieux profit à examiner histologiquement les 
systèmes nerveux de la plupart des groupes qui ne 
sont pas représentés dans la faune européenne ; 
l'étude des types primitifs ou aberrants (Marsu- 
piaux, Monotrèmes, Dipneustes, etc.) semble 
devoir être particulièrement fructueuse. 

Pour les études névrologiques comparées, c'est 
le névraxe qui doit surtout attirer votre attention; 
il ne semble pas, en effet, que le prélèvement des 
nerfs soit utile, mais je me garderai bien de toule 
affirmation à cet égard, 

En tout cas, voici ce qu'il conviendra de faire 
dans la plupart des circonstances : 

S'il s’agit d'un animal de la taille d'un lapin, vous 
mettrez à nu le cerveau et la moelle; ensuite, au 
moyen d'une lame mince bien affilée, vous débite- 
rez l'encéphale en une série de coupes frontales 
de 1 centimètre d'épaisseur, et vous inciserez la 
moelle de centimètre en centimètre, en réser- 
vant, toutefois, une petite portion de tissu afin 
que les divers tronçons restent unis les uns aux 
autres. 

Sur les surfaces de section, vous prélèverez avec 
le même couteau de minimes parcelles mesurant 
au maximum 5 millimètres de largeur et 3 à 4 milli- 
mètres d'épaisseur; vous plongerez ces dernières 
dans dix fois leur volume d'alcool marquant au 
moins 98°; elles y séjourneront jusqu'au retour. 

Les fragments principaux seront plongés (et 
rapportés) dans vingt fois leur volume d'une solu- 
tion aqueuse de formaldéhyde à 10 °/,. 

Ces procédés sont applicables aux plus grands 
animaux; mais il est évident qu'on ne peu: songer 
à rapporter le névraxe entier d’un gros Cétacé, d’un 
grand Squale, d’un long Ophidien, etc... : dans ce 
cas, on se résignera à ne prélever que le cerveau, 
le bulbe et les renflements médullaires cervicaux 
et lombaires. 

En revanche, pour les êtres de la taille de la sou- 
ris, il suffira d'extraire le névraxe et de le fixer 
in loto, 

Enfin, je vous rappellerai que la fixation par la 
formaldéhyde est également applicable aux yeux 
et à la plupart des organes sensoriels; mais, pour 
assurer la pénétration du liquide à l'intérieur du 
globe oculaire, il faut pratiquer une incision équa- 
toriale. 

$ 3. — Tissus en général. 

J'ai déjà eu l’occasion d'insister sur la richesse 
de la technique histologique moderne et sur la 
nécessité de faire un choix parmi ses innombrables 
méthodes. 

Après mûre réflexion, je crois que vous Fouvez 


AUGUSTE PETTIT — LES MATÉRIAUX DE L'HISTOLOGIE COMPARÉE 


“vous borner aux trois réactifs suivants : ce sont 
des agents fixateurs très suffisants, et, en outre, ils 


ont l'avantage de répondre à la plupart des exi- 


à -gences. Ces réactifs sont : 

1° La solution aqueuse saturée de bichlorure de 
- mercure; 

… Je liquide de Bouin; 

3° Le liquide de Lindsay. 

…. Mais, avant de vous indiquer la préparation et 
“le mode d'emploi de ces réactifs, je dois atlirer 
“votre attention sur toute une série de précautions 
“qu'il importe d'observer si l'on veut obtenir de 
bonnes fixations. 

Tout d’abord, les tissus destinés aux recherches 
histologiques doivent élre prélevés sur des ani- 
maux vivants ou qui viennent de mourir, et plon- 
gés sans retard dans les mélanges fixateurs. 

En second lieu, j'insisterai sur un point capi- 
tal, presque toujours négligé d’ailleurs. La plupart 
du temps, on entasse des fragments volumineux 
dans un flacon de petite dimension, et on remplit 
les interstices avec le mélange fixateur : au lieu 
d'une fixalion, c'est-à-dire d’une coagulation rapide 
du protoplasma, on n'obtient pas d'autre résultat, 
en procédant ainsi, qu'une macératior fâcheuse des 
“éléments tissulaires, qui deviennent, de cette facon, 
impropres à toute étude histologique. 

Pour obtenir une bonne fixation, il est indispen- 

sable de plonger de très petits fragments dans une 
“quantité considérable de réactif. 
Je vous indiquerai, à propos de chacun des trois 
réactifs précités, les dimensions maxima des 
fragments; mais je dois, auparavant, vous donner 
quelques renseignements sur le prélèvement des 
pièces. 

Lorsque le volume d'un organe ne dépasse pas 
le maximum correspondant à un réactif donné, il 
faudra simplement inciser les tissus avec un scalpel 
bien aiguisé, en évitant soigneusement toute com- 
pression, et plonger immédiatement la pièce dans 
le mélange fixateur. 

Dans le cas contraire, vous vous bornerez à rap- 
porter des fragments d'organes, prélevés, je ne 
crains pas de le répéter, avec une lame LUE affilée, 
“en évilant toute malaxation. 
Pour chacun des organes que vous jugerez bon 
‘de récolter, vous devrez toujours pratiquer sinon 
trois, au moins deux fixations. 
“ Vous prélèverez, tout d'abord, des fragments 
relativement volumineux, qui permettront d'obtenir 
“des vues d'ensemble : ceux-ci seront fixés par le 
sublimé. Ensuite, vous détacherez avec votre 
“scalpel de minimes fragments, destinés aux 
recherches plus délicates; vous plongerez ces der- 
“miers dans une certaine quantité de liquide de 
- Bouin et de liquide de Lindsay. 


1° Bichlorure de mercure. 
Solution aqueuse saturée de bichlorure de mercure. 
Ajouter, au moment de s'en servir, à 0/0 d'acide acétique 
glacial. 

Les fragments destinés à être fixés par celte solu- 
tion seront prélevés avec un couteau bien affilé et 
mesurerontau maximum 15 millimètres de largeur 
sur 3 à 4 d'épaisseur; ils seront plongés immédia- 
tement après l'ablation dans vingt fois leur volume 
de liquide et y séjourneront jusqu'à blanchisse- 
ment (ce changement se produit en un laps de 
temps variant de deux à six heures). 

Au sortir de la solution bichlorurée, les pièces 
seront directement transportées dans l'alcool à 70°, 
où on les conservera, sans aucune autre manipula- 
tion, jusqu'au retour. 

Naturellement, dans le cas d'organes ou d'ani- 
maux, dont les dimensions seraient inférieures aux 
maxima sus-indiqués, la pièce pourrait être fixée 
in loto, sauf le cas où une enveloppe résistante 
(chitine, tissu conjonctif, elc.) s'opposerait à la pé- 
nétration du liquide, ou la retarderait simplement; 
il serait alors indispensable de pratiquer une inci- 
sion‘, 

2 Liquide de Bouin. 


RormaldéRyude, EME MR NE A ae 
Solution aqueuse saturée d’ acide picrique 
‘Acide acétique cristallisable. 


10 volumes, 
30 


N. B. — La solution s'altère au bout de quelques 
sémaines. 

Les pièces devront mesurer au maximum 10 mil- 
limètres de largeur sur 3 d'épaisseur. Elles seront 
plongées dans vingt fois leur volume de liquide 
et y séjourneront de six à douze heures. 

Au sortir du mélange de Bouin, elles seront plon- 
gées dans l'alcool à 70°, où on les conservera jus- 
qu'au retour. 


3° Liquide de Lindsay. 


Solution aqueuse de bichromate de potasse 
ADD 0 au ee ee 
Solution aqueuse de chlorure de platine à 
1/0 ds 
Solution aqueuse ® d'acide osmique * à 2 °/,. 
Acide acétique cristallisable # , , . . . . . 


70 volumes. 


Ce mélange fournit des résultats remarquables, 
mais à la condition que les pièces n'aient que des 
dimensions extrêmement faibles : à millimètres 


1 Cette précaution est particulièrement indiquée pour les 
yeux, dont les tuniques résistantes empêchent la pénétra- 
tion rapide des fixateurs. 

? Toutes ces solutions doivent être faites dans l'eau distil- 
lée, ou, à défaut, dans de l’eau de pluie très propre. 

3 L'acide oswique se veud dans des tubes en verre scellés 
à la lampe, par 1/2 et 1 gramme (7 francs le gramme envi- 
ron); ce corps dégage des vapeurs, dont l'inhalation (en rai- 
son des propriétés fixatrices) est dangereuse. 

4 On peut remplacer l'acide acétique par une égale quan- 
tité d'acide formique. 


796 


de largeur, sur 1 ou 2 d'épaisseur au maximum. 

Les lissus sont plongés dans dix fois leur volume 
de Lindsay pendant six à douze heures; puis, ils 
sont lavés à l’eau courante (dans un nouet en tar- 
latane) pendant le même laps de temps, et enfin 
plongés dans l'alcool à 70°, où ils seront conservés 
jusqu'au retour. 

Je vous propose ces trois méthodes, parce que 
leur combinaison, ainsi que je vous l'ai déjà indi- 
qué, répond à la plupart des besoins (Tableau I). 

D'autre part, il est tout à fait illusoire de se fier 
aveuglément aux images fournies par une méthode 
unique; en effet, el c'est là une notion fondamen- 
tale, tous les réactifs, même les meilleurs, modi- 
tient, plus ou moins, la structure du protoplasma ; 
il est, par conséquent, indispensable de contrôler 


Tagceau I. — Schéma 


AUGUSTE PETTIT — LES MATÉRIAUX DE L'HISTOLOGIE COMPARÉE L 


En terminant, vous me permettrez d'insister, 
encore une fois, sur l'intérêt que présenteraient des 


matériaux récoltés dans les conditions que je viens : 


de vous indiquer. 

Le champ d'investigation de l'Histologie a tou- 
jours été extrèmement restreint et c'est pres- 
que invariablement aux mêmes animaux qu'on s'est 
adressé pour chercher la solulion des problèmes 
les plus importants de l’Analomie générale. L'étude 
des innombrables formes animales qui peuplent le 
Globe est cependant pleine d'enseignements, et les 
trop rares travaux d'Histologie comparée, publiés 
actuellement, ont mis en évidence l'impérieuse né- 
cessité de s'écarter de l'étroit sentier servilement 
suivi jusqu'à ce jour par les médecins et les natu- 
ralistes, pour lesquels l'hôpitaletl’abaltoirsemblent 


des manipulations. 


TISSUS FIXATION 


NOMBRE DE VOLUMES 
de 
liquide fixateur pour un volume 
de tissu. 


DIMENSIONS DES PIÈCES 
exprimées en millimètres 
— . 

Épaisseur 


Largeur 


(Recueillir sur un porte-objet 
une goutte de sang; étaler, 


Tissus nerveux et organes sen-\ 
SORIEIS NE Ra NT LR LUE 


AICODI A bSOLEE 


sécher, chauffer légèrement. 


Solution de formaldéhyde . .| 


celle de 
l'organe entier 
ù 


Solution de bichlorure . 
Tissus*en général . . - : . ‘Liquide de Bouin . . - 
| Liquide de Lindsay . 


10 


Rapporter les préparations de s 
seusoriels dans les liquides fixateurs; 


æ dans des boîtes en bois ou métalliques à l'abri de l'humidité ; les tissus nerveux et les organes 
les autres tissus dans dix fois leur volume d'alcool à 70°. 


les résultats obtenus avec une solution fixatrice par 
l'emploi d'autres mélanges de composilion et d’ac- 
lion différentes. Cette simple remarque suffit pour 
réndre indiscutable la nécessité des méthodes con- 
vergentes. 

Lors, donc, que vous vous .proposerez de rappor- 
ter des matériaux histologiques, pour chaque sujet 
d'étude, vous ferez, en premier lieu, des fixations 
au sublimé de pièces assez volumineuses; ces der- 
uières seront précieuses pour l'obtention des 
coupes d'ensemble ; puis, pour l'étude appro- 
fondie des éléments, vous prélèverez de petits et de 
minuscules fragments que vous plongerez dans les 
liquides de Bouin et de Lindsay. Et, comme il faut 
toujours prévoir les innombrables difficultés qui 
surgissent presque toujours en voyage, àlarigueur, 
dans les cas de nécessité, vous pourrez vous borner 
à l'emploi des deux réactifs dont l'emploi est le 
plus simple : la solution bichlorurée, et le liquide 
de Bouin !. 


1 L'étiquetage des pièces destinées aux études histologiques 
peut être réalisé à peu de frais ; il suffit de plonger avec les 


résumer l’ensemble de la création. Les types zoolo- 
giques qui n'ont pas d'analogues à proximité de 
nos laboratoires, ceux qui représentent des formes 
aberrantes ou primitives, constituent des matériaux 
incomparablement fructueux. Vous seuls, Mes- 
sieurs, êtes en mesure de recueillir de tels sujets 
d'étude, et c'est précisément pour vous engager 
dans cette voie inexplorée, que mon cher et émi- 
nent Maître, le Professeur H. Filhol, m'a chargé de 
faire devant vous cette Conférence; malgré l’aridité 
du sujet, vous avez bien voulu m'écouter avec une 
attention et une bienveillance dont je vous suis 


sincèrement reconnaissant. Auguste Pettit, 
Docteur ès Sciences et en Médecine, 


Attaché à la Chaire d'Anatomie comparéé M 


du Muséum. 


pièces, à même le liquide, un morceau de papier fort sur 
lequel sont écrites au crayon Conté les indications relatives 
à l'organe et à l'animal. Dans le cas où des objets d'origines 
diverses devraient être réunis dans le même récipient, il. 
suffirait d'envelopper chaque lot, avec l'étiquette correspon= 
dante, dans un nouet de tarlatane ; ce procédé rend des ser- 
vices dans le cas où l'on désire rassembler, dans un ou deux 


bocaux, toutes les collections faites au cours d'un voyage €t 


traitées suivant une même méthode. 


LÉON FREDERICQ — REVUE ANNUELLE DE PHYSIOLOGIE 


197 


REVUE ANNUELLE DE PHYSIOLOGIE 


I. — GÉNÉRALITÉS. 


1. Bibliographie. — Parmi les publicalions nou- 
velles, nous signalerons : 

Deux traités de technique physiologique : 

Dugois et Couvreur : Leçons de Physiologie expé- 


.rimentale, Paris, 1900; et W.-T. Porter: An intro- 
… ductory to Physislogy, Cambridge, Mass, 1901 ; 


La première partie du Tome V du Lictionnaire 
de Physiologie de Cu. Ricuer; 
Le volume I du grand Traité de Physique biolo- 


-giqie, publié sous la direction de MM. d'ARSONVAL, 


CHaAuUvEAU, GARIEL, MAREY et WEIss; 
Le volume II du grand Zexthook of Physiology, 
publié, sous la direclion de E.-A. SCuAFER, par une 


. réunion de physiologistes anglais ; 


Deux monographies allemandes, consacrées, l’une 
à la chimie des matières albuminoïdes, l’autre à 
l'étude des ferments : 

Orro Counneim : Die Chemie der Eiweisskôrper, 


_Braunschweiz, 1900 ; 


OrPPenueIner : Die Fermente und ihre Wirkun- 
gen, Leipzig; 1900. 350 pages; 

La traduction française (HÉpox) de la Physiologie 
générale de VERWORN, Paris, 1900, 664 pages ; 

Enfin : 

Un volume de Aicerche di Fisiologia e Scienze 
alfini, dédié au professeur Lucranr, Roma, 1900; et 
les £ssais de Philosophie et d'Histoire de la Bio- 
logie d'E. GLey, Paris, 1900. 


2. Commission internationale de Contrôle des 
instruments enregistreurs et d'Unilicalion des mé- 
thodes en Physiologie. — Lors de la quatrième ses- 


sion du Congrès international de Physiologie réuni 
à Cambridge en août 1898, M. Marey a insisté sur 


la confusion qui s’est introduite par l'emploi de la 


-méthode graphique en Physiologie, el sur la néces- 


sité qui s'impose d'établir une entente parmi les 
physiologistes pour faire donner à leurs instru- 
ments enregistreurs des indications fidèles et pour 
rendre comparables entre elles les courbes oble- 
nues. 

« La méthode graphique, disait-il, semblait 


devoir constituer entre les physiologistes une sorte 


de langue universelle éminemment favorable aux 
progrès de notre science. Elle devait exprimer les 
phénomènes d'une manière simple et toujours uni- 
forme, afin d'en rendre la comparaison facile. 

« Or, il est arrivé que les différents auteurs ne 
s'étant pas concerlés pour le choix d'une échelle 
commune servant à évaluer les durées et les inten- 


sités des phénomènes, les divers tracés physiolo- 
giques sont difficilement comparables entre eux. 

« Bien plus, la construction de certains instru- 
ments n'étant soumise à aucun contrôle, il s'ensuit 
que plusieurs d’entre eux donnent des courbes 
défectueuses. 

« La Science s'encombre ainsi de travaux non 
seulement inutiles, mais nuisibles, car ils soulèvent 
des discussions stériles et mettent parfois en 
doute les faits acquis. 

« Il appartiendrait à une Commission internatio- 
nale d'établir une échelle commune pour l'expres- 
sion graphique des phénomènes physiologiques, de 
faire construire des types aussi parfails que pos- 
sible pour les instruments usuels, tels que mano- 
mètres, myographes, sphygmographes, ete.; enfin 
d'établir une sorte de Zureau de contrôle des ins- 
truments existants, afin d'en évaluer le plus ou 
moins de précision. 

« Pour d’autres sciences, des commissions ana- 
logues ont réalisé d'immenses progrès. En entrant 
dans la mème voie, la Physiologie se mettra au 
niveau des sciences les plus précises! ». 

La proposition de M. Marey fut adoplée à l'unani- 
mité le 26 août 1898, dans une séance plénière du 
Congrès de Cambridge. Voici le texte des résolu- 
lions votées : 

« 4. Il est créé une Commission internationale 
pour l'étude des moyens de rendre comparables 
entre eux les divers inscripteurs physiologiques et 
d'une facon générale d'uniformiser les méthodes 
employées en Physiologie. 

«2. Cette Commission estformée deMM.Bowdilch, 
Foster, von Frey, Hürthle, Kronecker, Marey, Mis- 
lawsky, Mosso et Weiss. 

« 3. Chacun des commisstuires dans le pays qu'il 
représente recueillera les avis de ses collègues et 
ceux des physiciens les plus compétents. Il se tien- 
dra en relations avec M. Marey. 

« 4. Enfin, tous les commissaires se réuniront 
en septembre 1900, à la Station physiologique de 
Paris, où seront centralisés et discutés les résultats 
obtenus. » 

La Commission ainsi constituée nomma M. Ma- 
rey président, M. Kronecker vice-président et 
M. Weiss secrétaire. 

L'un des vœux de la Commission était de voir 
créer pour ses travaux un élablissement central où 
l'on, pût soumettre à un contrôle rigoureux les 


1 Leonaro Hire : An ace. of the pruc. of the fourth intern. 
physiolog. Congress held at Cambridge, Aug. 23-26, 1898, 
Journ. of Physiol., t. XXII, suppl., p. 6. 


798 


divers instruments usilés en Physiologie et déter- 
miner pour chacun d'eux son degré de précision et 
les limites dans lesquelles on peut considérer ses 
indications comme exactes. Le rôle d’un tel établis- 
sement serait tout à fait analogue à celui du Pavil- 
lon de Breteuil pour la Commission internationale 
du Métre, où à celui du PAysikalische-technisehe 
Reichsanstall de Charlottenburg et à d'autres créa- 
tions similaires faites en différents pays. 

L'Etat français, comprenant l'utilité d'un sem- 
blable bureau de contrôle pour les instruments de 
Physiologie, à fait les frais d'un laboratoire qui 
pourra se développer suivant les besoins ultérieurs. 
La construction des nouveaux bâtiments, à la Sta- 
tion physiologique, sur un terrain concédé par la 
Ville de Paris, fut poussée activement, de sorte 
‘que la Commission put s'y installer lors de ses 
réunions de septembre 1900 et d'avril 4901. 

Déjà, quelque temps avant la première de ces 
réunions, une série d'appareils enregistreurs 
avaient élé envoyés de divers pays dans le nouveau 
bâtiment de la Station physiologique. La Commis- 
sion a été frappée de la remarquable exécution de 
certains appareils enregistreurs; elle a constaté le 
nombre et la variété des organes employés pour 
explorer, transmettre et inscrire divers phéno- 
mènes physiologiques ; et elle a pensé que de lon- 
gues études techniques devaient s'ajouter encore à 
celles qui ont élé déjà faites. Pour ce complément 
de recherches, elle a nommé des sous-commissions 
permanentes chargées de les poursuivre, soit à la 
Station physiologique, soit dans d’autres labora- 
toires. Les résultats de ces études seront soumis au 
Congrès international de Physiologie dans ses 
réunions triennales. 

Entre temps s'était conslituée, comme l’on sait, 
une Association internationale des Académies, 
ayant pour but « de préparer ou de promouvoir 
des travaux scientifiques d'intérêt général, qui 
seront proposés par une des Académies qui en font 
partie, et, d'une manière générale, de faciliter les 
rapports scientifiques entre les pays » (Art. 3 des 
statuts). 

Présentée par l’Académie des Sciences de Paris à 
l'Association des Académies, la Commission inter- 
ualionale de Contrôle des appareils enregistreurs 
et d'Unilicalion des méthodes en Physiologie y fut 
favorablement accueillie et placée sous le haut 
patronage de cette Association. Il fut décidé que les 
différentes Académies faisant partie de l’Asso- 
ciation seraient invilées à se faire représenter au 
sein de la Commission internationale. C'est ainsi 
que trois nouveaux membres ont été adjoints à la 
Commission : MM. Chauveau et Cornu, par l'Aca- 
démie des Sciences de Paris et M. Léon Fredericq 
par l'Académie Royale de Belgique. 


F e 
LEON FREDERICQ — REVUE ANNUELLE DE PHYSIOLOGIE 


Les premières recherches de la Commission lui 
ont permis de formuler certains principes généraux 


dont l'admission par les physiologistes remédierait M 


déjà en grande partie aux désaccords constatés dans 
l'emploi des appareils enregistreurs. Ces principes 
seront soumis, sous forme de vœux, au Congrès de 
Physiologie qui se tiendra à Turin du 17 au 21 sep- 
tembre de cette année. 


IT. — Sac. 


1. Constitution des globules rouges. — Le sang 
se compose, comme l’on sait, d'une partie liquide, 
incolore ou peu colorée, le plasma, dans laquelle 
nagent les éléments figurés, dont les plus impor- 
tants sont les globules rouges. Ces globules doi- 
vent leur coloration à l'hémoglobine dont ils 
sont imprégnés. Pourquoi cette hémoglobine ne 
diffuse-t-elle pas dans le plasma, dans lequel elle 
est extrèmement soluble? Il n’y a pas longtemps 
encore, les physiologistes étaient à peu près una- 
nimes pour donner de ce fait une explication 
chimique et pour admettre que l'hémoglobine est 
retenue dans le stroma globulaire par une affi- 
nité chimique spéciale. Les agents tels que l’eau 
distillée, l’éther, les sels biliaires etc., qui dissol- 
vent l’hémoglobine et la font passer en solution, 
étaient censés libérer cette substance en décom- 
posant la combinaison qu’elle forme avec le 
stroma.. 

Ce sont principalement les recherches de Ham- 
burger, sur l’action exercée par les solutions 
salines isotoniques sur les globules rouges, qui 
ont été le point de départ d’une conception nou- 
velle de la constitulion de ces éléments *. 

Hamburger a montré que l’action dissolvante ou 
altérante que les solutions salines très diluées, ou 
l’eau distillée, exercent sur les globules rouges, 
dépend bien plus des propriétés osmotiques, c'est- 
à-dire purement physiques de ces solutions, que 
de la nalure chimique des corps dissous. Si 
certaines solutions ratatinent les globules, si d’au- 
tres les font gonfler, si d’autres enfin les dissol- 
vent, cela dépend uniquement de la valeur de la 
tension osmolique de ces solutions. Le globule 
sanguin se comporte comme s'il était formé d'une 
enveloppe semi-perméable (c'est-à-dire se laissant 
traverser par l'eau, mais non par les sels) et d'un 
contenu liquide tenant l'hémoglobine en solution. 
Les solutions isotoniques ne changent rien à son 
volume; les solutions hypertoniques lui enlèvent 
de l'eau et le ratatinent par conséquent; les solu- 
tions modérément hypotoniques lui cédent au 
contraire de l’eau et le font gonfler jusqu'à établis- 


4 Voir Revue générale des Sciences, t. IV, 1893, p. 35. 


1 LÉON FREDERICQ — REVUE ANNUELLE DE PHYSIOLOGIE 


199 


sement de l'équilibre osmotique avec la solution. 
“ Si le gonflement dépasse la limite d'extensibilité 
de l'enveloppe du globule, celle-ci crève ou tout 
au moins est altérée et la solution d'hémoglobine 
se répand à l'extérieur. 

La dissolution du globule pour chaque espèce de 
sang se fait, en effet, à un degré de pression osmo- 
lique ou de dilution moléculaire tout à fait typique 
et indépendant de la nature chimique du sel 
dissous. 

Un des côtés faibles de cette théorie, c'est qu'au 
point de vue histologique, le globule rouge ne 
paraît pas du tout formé par un liquide coloré, 
renfermé dansune vésicule à paroisemi-perméable. 
On peut, il est vrai, se tirer d'affaire en admettant 
que le liquide rouge est contenu dans une multi- 
tude de vacuoles, entre les mailles d’un réticulum 
de stroma à surface semi-perméable. 

Un travail récent de Meltzer ! me paraît confirmer 
la nouvelle théorie. Mellzer a constaté que l'agi- 
tation mécanique des globules, surtout si elle a 
lieu au contact de corps durs, anguleux, les rédui- 
sait en menus fragments et finalement en une 
- espèce de poussière ténue. Or, cette division pure- 
ment mécanique du globule a toujours pour effet 
de faire passer l'hémoglobine eu solution. 

On sait l'importance considérable qu'ont prise en 
+ Physiologie les notions d'isotonie, de concentra- 

tion moléculaire, etc., notions basées, comme on le 
sait, sur les nouvelles conceptions concernant la 
nature des solutions. 
» Les nombreux travaux exécutés dans cette 
direction pendant ces dernières années ont été 
analysés récemment dans cette Revue par M. Nolf. 

Je puis done me dispenser d'y revenir ici et 
renvoyer aux deux articles très documentés : La 
pression osmotique en Physiologie : Première 
partie : Sang et Lymphe; Deuxième partie : 
Absorption intestinale et Sécrétions glandulaires, 
publiés dans la Revue”, 


9, Sang des Singes anthropomorphes. — On sait 
- que le sérum du sang d'un animal jouit de pro- 
- priétés globulicides vis-à-vis des hématies appar- 
tenant à une autre espèce animale. 
. Le sérum du sang de chien, de porc, de mouton, 
. de cheval, de lapin, etce., dissout les globules rouges 
du sang de l'homme; et, réciproquement, le 
. sérum du sang de l'homme détruit les globules du 
sang de chien, de mouton, de lapin, ele. Cette 
propriété globulicide du sérum explique les 
accidents graves qui surviennent, quand on pra- 
- tique, chez l'homme ou chez l'animal, la trans- 


1 Johns Hopkins Hospital Reports, t. IX, 135. 
? Revue générale des Sciences du 30 mai 1901, p. 459 et 
du 15 juin, p. 535. 


fusion au moyen de sang appartenant à une autre 
espèce, d'où l'impossibilité d'utiliser le sang 
des animaux comme matériel de transfusion chez 
l'homme dans un but thérapeutique. Les globules 
du sang étranger sont décolorés : l'hémoglobine 
passe en solution dans le sang et peul être éliminée 
par les urines, les stromas globulaires s’agglutinent 
et peuvent venir obstruer les vaisseaux ou consti- 
tuer le point de départ de coagulations intravas- 
culaires. 

Il n'y a d'exception à cette règle que si l'on 
s'adresse à des espèces animales très voisines; le 
sang du lièvre n'exerce pas d'action nuisible sur 
celui du lapin et réciproquement. De même, le 
sang de rat n'altère pas celui de souris. On peut 
de même mélanger le sang ou pratiquer impuné- 
ment la tranfusion de l'âne au cheval, du chien 
au renard ou au loup, du chat au jaguar. 

L'examen de l’action réciproque qu'exerce le 
sang de deux espèces animales constitue donc un 
élément permettant de délerminer les affinités 
zoologiques des deux animaux. Hans Friedenthal * 
a appliqué cette méthode au sang de différentes 
espèces de singes sur lequel il a fait agir du sang 
humain. Il a constaté que le sang de l’homme atta- 
quait les globules sanguins d’un grand nombre 
de singes appartenant aux groupes des Zému- 
riens, des Platyrhiniens et des Catarrhiniens. 
Parmi ces derniers, le sang de Macacus se mon- 
tra dans certains cas réfractaire à l’action des- 
tructive du sérum sanguin emprunté à cerlaines 
personnes. 

Seul, le sang des singes anthropomorphes : 
Gibbon, Orang-outang, Chimpanzé, peut êlre mé- 
langé avec le sang humain, sans qu'il se produise 
la moindre altération des globules. La transfusion 
du sang humain au Chimpanzé put être faite sans 
aucune suite fâcheuse. Le sang de Chimpanzé se 
comporte ici comme le ferait du sang de nègre. 
L'examen des propriélés du sang vient donc con- 
firmer ce que nous savions sur l'étroite parenté 
zoologique de l'homme et des singes anthropo- 
morphes, parenté altestée par les données anato- 
miques et embryologiques. Les affinités sont si 
grandes que Selenka avait proposé de séparer les 
singes anthropomorphes des Catarrhiniens et d'en 
former un groupe de Primates comprenant éga- 
lement l'espèce humaine. 


3. Vaccination au moyen de sang étranger. — 
Les propriétés globulicides dont il vient d'être 
question s'exercent vis-à-vis de toute espèce de 
sang étranger : elles n'ont rien de spécifique. Elles 
sont dues à la présence, dans le plasma sanguin, de 


1 Arch. {. Physiol., 1900, p. 494. 


800 


LÉON FREDERICQ — REVUE 


ANNUELLE DE PHYSIOLOGIE 


substances (les alexines), qu'un chauffage à 56° 
suffit à détruire. 

Mais il est possible de provoquer artificiellement, 
dans le sang d'un animal À, l'apparition de pro- 
priétés globulicides ou destructives spécifiques, 
c’est-à-dire ne s'exercant que vis-à-vis du sang 
d'une autre espèce déterminée B, etque le chauffage 
à 56° ne supprimera plus. Ces propriétés dépendent 
de la formation, dans le séram de A, de Corps 
nouveaux (an{icorps), corps qu'il ne faut pasconfon- 
dre avec les a/exines. On arrive à ce résultat en 
praliquant chez l'animal de l'espèce À un certain 
nombre d'injections de petites quantités de sang 
de l'espèce B. Un exemple coneret fera mieux 
comprendre ce dont il s'agit. 

Dans les conditions ordinaires, le sérum de lapin 
(animal A) n’a qu'une action globulicide modérée 
sur le sang de la poule (animal B), action qu'un 
chauffage à 56° supprime d'ailleurs. Mais, si l’on 
injecte à l'animal A (lapin), pendant plusieurs 
jours de suite, quelques centimètres cubes de sang 
de poule (animal B), le sérum du lapin acquiert une 
série de propriétés nouvelles destructives vis-à-vis 
du sang de poule. Ce sérum attaque et dissout éner- 
giquement les globules du sang de poule; il les 
agglutine, c'est-à-dire qu'il provoque l'adhérence 
des stromas globulaires les uns aux autres; enfin 
il amène la formation d'un précipité albuminoïde 
dans le sérum de sang de poule, alors que, dans 
les conditions ordinaires, le mélange des sérums 
de lapin et de poule reste parfaitement liquide. 

Ces faits, découverts par Bordet (Ann. Instil. 
Pasteur, 1899), ont été confirmés par d'autres expé- 
rimentateurs : Ehrlich et Morgenroth, v. Dungern, 
Landsteiner, Nolf. 

Nolf” a repris ces expériences et a réussi à dé- 
montrer que les trois propriétés nouvelles, pré- 
cipitante, agglutinarte et hémolytique (globulicide), 
qui apparaissent dans le sérum du lapin sous l’in- 
fluence d'injection de sang de poule, sont provo- 
quées chacune par l’action d'un élément différent 
appartenant au sang de poule. On peut faire apparai- 
tre isolément la propriété précipitante dans le sérum 
de lapin, en lui injectant simplement du sérum de 
poule, les globules du sang de poule ne prenant 
aucune part au phénomène. De plus, dans le sérum 
de l'animal À, c'est la globuline (c'est-à-dire la 
partie des albuminoïdes précipitable par le sulfate 
de magnésium) qui constitue l'élément actif, dont 
l'injection chez l'animal B fait apparaître la pro- 
priélé précipilante. Le précipité que le sérum de 
l'animal À vacciné au sang de B fait apparaitre 
dans le sérum de B, est lui-même, d’ailleurs, de la 
globuline. Quant aux propriétés glohulicides et 


? Annales de l'Institut Pasteur, 1900, p. 297. 


agglutinantes, elles apparaissent dans le sang du 
lapin après injection de globules du sang de poule, 
et non après injection de sérum de poule. Ici aussi 
on peut pousser l'analyse plus loin. 

En résumé, chaque substance (albuminoïde ?) 
empruntée au sang de B el injectée à A, provoque 
chez A la formation d'un corps nouveau, qui jouit 
d’une action spécifique altérante, s'exercant préci- 
sément sur la même substance du sang de B. 

Il y a là une série de faits rappelant la formation 
des antitoxines, sous l'influence des injections vac- 
cinantes de toxines, ou celle des antienzymes après 
injection d’enzymes, faits qui occupent une place 
si importante en Bactériologie. 

Dans le même ordre d'idées, Uhlenhut‘' et 
Schütze ont constaté que, si l'on injecte du lait de 
vache à un animal, son sérum acquiert la propriété 
de précipiter seulement les albuminoïdes du lait de 
vache. La précipitation se produit encore avec 
quelques goultes de sérum dilué au 1/100.000. 
Aucune autre réaclion chimique des albuminoïdes 
n'a une pareille sensibilité. Si, au lieu de lait de 
vache, oninjecle du lait de femme, on observe la 
même aclion spécifique s'exercant vis-à-vis de l’al- 
bumine du lait de femme. 

Leclairché et Vallée constatent que le sérum de 
lapin auquel on a injecté de l'urine humaine albu- 
mineuse acquiert la propriété spécifique de préci- 
piler exclusivement cette albumine, à tel point 
qu'il peut lui servir de réactif. 

Chaque substance albuminoïde injeclée au lapin 
développe ainsi la propriété, dans le sérum de lapin, 
de précipiter celte substance, à l'exclusion de 
toules les autres. 

Uhlenhut * d’une part, Wasserman et Schütze * de 
l'autre, ont proposé d'uliliser ces propriétés spéei- 
fiques pour le diagnostic des taches de sang en 
Médecine légale. Le sérum d’un lapin auquel on a 
injecté au préalable du sang humain, peut ullé- 
rieurement servir de réactif vis-à-vis du sang hu- 
main qu'il précipite à l'exclusion de tous les autres. 

Nous serions enfin dotés d'un moyen pratique et 
infaillible de reconnaitre si une lache de sang est 
d'origine humaine ou si c'est une vulgaire tache de 
sang d'animal. On sait l'importance capitale de 
ce problème en Médecine légale. 


4. Coagulation du sang. — À la liste déjà assez 
longue des substances dont l'injection supprime 
la coagulation du sang, il faut, d'après L. Camus 
et P. Lequeux, ajouter l'extrait aqueux de ver de 
terre * qui jouit, comme l'exlrait de sangsue, de 


! Deutsche med. Wochens., 1900, p. 734. 

? Deuts. med. Wochens., 11 janv. 1901, p. 82. 
* Berlin klin. Wochens., 18 fév. 1904. 

‘ C. R, Soc. Biol., 1900, p. 690. 


TRE re RQ É EL Gags per. De me 2 


Sms 


' LEON FREDERICQ — REVUE 


ANNUELLE DE PHYSIOLOGIE 


S01 


propriétés anticoagulantes énergiques. Comme 
pour la peplone, il est nécessaire que l’on injecte 
extrait de ver de terre dans le torrent circulatoire 
“le l'animal vivant. La substance n'agit qu'in vivo. 
Ajoutée à du sang liré du vaisseau, elle est sans 
action ; l'extrait de sangsue au contraire agit in 
“itro comme 12 ViVO. 


5. Présence de Tiode dans le sang normal. 
«E. Gley et P. Bourcet ‘ constatent, au moyen de 
Ja inéthode de Rabourdin-Nicloux, modifiée par 
Bourcet, la présence constante de l’iode (1/80 à 1/9 
de milligramme par litre de sang) dans le plasma 
Sanguin. L'iode parait combiné à l'albumine ou à 
Ja nucléine. 
- Armand Gautier a pareillement constaté la pré- 
sence normale de petites quantités d'arsenie dans 
différents tissus de l’homme et des animaux : 
glande thyroïde, thymus, mamelles, peau, 05°. 
G. Quantité totale de sang. — On admet générale- 
“ment que le corps de l'homme et des mammifères 
contient une quantité de sang qui correspond envi- 
on au treizième du poids du corps, de sorte qu'un 
homme de 70 kilos aurait un peu plus de 5 kilos 
“de sang. Ces 5 kilos de sang contiendraient environ 
100 grammes d'hémoglobine, représentant un peu 
lus de deux grammes de fer. 
Toutes ces valeurs seraient trop fortes d'après 
*J. Haldane et J. Lorrain Smith *. 
Gréhant et Quinquand avaientautrefois déterminé 
a quantité de sang lotale chez le chien, par la mé- 
thode de l’oxyde de carbone : respiration dans un 
mélange titré d'oxyde de carbone et d'air, et dosage 
de l'oxxde de carbone fixé dans le sang. Les phy- 
siologistes anglais ont modifié le procédé d'une 
façon ingénieuse pour l'appliquer à l'homme. 
. 14 analyses, faites sur 11 sujets différents, ont 
donné comme rapport entre le poids du sang et le 


— avec 


poids total, des chiffres variant de si à 16 


90 


1 Rae 
une moyenne de Tr? valeur très inférieure, comme 


On voit, à la valeur cl 


1 

13" 
1. Hémocyanine. — Chez un grand nombre d'In- 
vertébrés, notamment les Mollusques Céphalopo- 
- des (poulpe, seiche) et Gastéropodes (escargot) et 
“les Crustacés (langouste, homard, écrevisse), la 
fonction respiratoire du sang paraît remplie par 


ACCRA TC CXXN: p. 1121. 

# ? À. Gaurier : L'existence normale et le rôle de l’Arsenic 

+ les Animaux, dans la Revue générale des Sciences du 
15 mars 1901, p. 207 et suiv. 
a * Journ. of Physiol., t. XXV, 1900, p. 331. 


une matière colorante bleue, cuprifère, l'hémocya- 
nine, dont l'histoire physiologique et chimique 
serait calquée sur celle de l'hémoglobine. L'hémo- 
cyanine incolore se combine dans l'organe respi- 
ratoire du Crustacé, du Mollusque, avec l'oxygène 
pour former une combinaison bleue, instable, l'oxy- 
hémocyanine. Cette combinaison, transportée dans 
le torrent de la circulation, s’y dissocie en hémo- 
cyanine réduite et en oxygène qui sert à la respi- 
ration des tissus. 

Le cuivre joue dans le sang de ces animaux le 
même rôle que le fer de notre sang. Ces fails 
avaient été mis en doute par Kruckenberg et, plus 
récemment, par Heim !. Heim avait nié l'existence 
du cuivre dans le sang des Crustacés décapodes et 
insisté avec raison sur les causes mulliples d'intro- 
duction accidentelle -du cuivre, qui avaient pu 
induire en erreur plusieurs chimistes. La théorie 
de l'hémocyanine cuprique, si intéressante au point 
de vue de la Physiologie générale, demandait donc 
une revision. C'est travail qu'a entrepris 
Ch. Dhéré ?. Il a constaté la présence du cuivre en 
quantité notable (maximum : 23,5 milligrammes de 
cuivre pour 100 centimètres cubes de sang chez le 
poulpe; minimum : 4 milligrammes pour 100 eenti- 
mètres cubes de sang chez l'écrevisse) dans le sang 
des Mollusques et des Crustacés. Il a constaté aussi 
que la capacité respiraloire de ce sang (mesurée 
par la quantité maximum d'oxygène absorbable) est 
supérieure à celle de l'eau et.en rapport avec sa 
teneur en cuivre. 

Phisalix ?, Guénot et Couvreur * ont constalé des 
faits analogues en ce qui concerne le sang de l’es- 
cargot. 

L'hémocyanine se trouve ainsi réintrégrée dans 
la catégorie des protéides métallifères, jouant dans 
la respiration des Invertébrés le même rôle que 
l'hémoglobine des animaux supérieurs (et de 
quelques Invertébrés). 


ce 


JIT. — CIRCULATION. 


4. L'intersystole du cœur. — Chauveau* a repris. 
dans ces dernières années, l’élude du mécanisme 
de la pulsation cardiaque chez le cheval, en partie 
au moyen d'appareils nouveaux. 

J'ai mentionné, dans ma Revue de l’année der- 
nière, ses inscripteurs à transmission électrique 
permetlant de déterminer exactement les moments 
tant d’occlusion que d'ouverture des valvules 


1 Etude sur le sang des Crustacés décapodes. Thèse. Pa- 
ris, 1892. 
C. R. Soc. Biol., 1900, p. 458. 
C. R. Soc. Biol., 1900, p. 729. 
C. R. Soc. Biol., 1900, p. 395. 


Physiol. et Path. gén., 1900, p.125. 


a æ 2 


802 LÉON FREDERICQ — REVUE 


ANNUELLE DE PHYSIOLOGIE 


artérielles, ainsi que des valvules auriculo-ventri- 
culaires. 

Chauveau a utilisé également un procédé d'enre- 
gistrement des déplacements du plancher aortique. 

Un résultat très important de ces nouvelles re- 
cherches, c’est la distinction, dans le cycle d’une 
pulsation cardiaque, d’une période intersystolique, 
s'intercalant entre la fin de la systole auriculaire 
et le début de la systole ventriculaire qui lui fait 
suite. Chauveau a constaté, sur tous les graphiques 
recueillis chez le cheval, que la chute de la courbe 
qui marque la fin de la systole auriculaire est tou- 
jours séparée de l'ascension initiale de la courbe 
de systole ventriculaire par un intervalle très 
appréciable. On constate, pendant cet intervalle, 
une pulsalion brève pouvant se traduire à l’exté- 
rieur, dans le tracé du choc du cœur, par une ondu- 
lation positive, se marquant également à l'intérieur 
par un accroissement brusque de la pression 
intra-ventriculaire (ondulation positive du tracé de 
pression ventriculaire). Cette pulsation positive 
serait due à une contraclion active des muscles 
papillaires, dont l'entrée en jeu précéderait done la 
contraction des parois ventriculaires proprement 
dites. 

L'intersystole est caractérisée également par un 
soulèvement fugitif du plancher formé, à l'orifice 
aortique, par les valvules sigmoïdes abaissées, 
avec où sans oscillations concomitantes de la pres- 
sion intra-aortique. 


2. Vaso-moteurs du cerveau. — La tunique 
musculaire des vaisseaux, spécialement des vais- 
seaux artériels, est innervée, comme.on le sait, 
par deux catégories de nerfs vaso-moteurs : les 
vaso-constricleurs, qui président au resserrement 
des vaisseaux ; les vaso-dilatateurs, qui provoquent 
leur relâchement. 

L'état des vaisseaux dans chaque territoire vas- 
culaire est, à chaque instant, la résultante du conflit 
local d'innervation entre les vaso-constricteurs et 
les vaso-dilalateurs. 

Un certain nombre de physiologistes admettent 
que les‘vaisseaux des centres nerveux font excep- 
tion à la règle et ne reçoivent pas de nerfs vaso- 
moteurs. Les dilatations ou constrictions que l'on 
observe si souvent sur les vaisseaux cérébraux à 
la suite de la section ou de l'excitation de tel ou 
tel nerf périphérique, seraient dues non à une 
intervention directe de nerfs affectés à l’innerva- 
tion des vaisseaux cérébraux, mais ne seraient que 
le retentissement passif de changements provoqués 
activement dans d’autres départements vasculaires. 
C'est ainsi que la constriction des vaisseaux céré- 
braux qui se montre lorsqu'on provoque la dilata- 


tion d’autres territoires, notamment de celui de la 


peau, serait un effet purement mécanique de la 
diminution de pression. 

Cohnstein ! a abordé le problème du côté anato= 
mique. L'examen histologique le plus minulieux 
des vaisseaux des centres nerveux, exécuté au 
moyen de méthodes variées, ne lui a permis, dans 
aucun cas, de conclure à la présence d'éléments 
nerveux. 


3. Mécanismes régulateurs de la pression san- 
quine. — La valeur moyenne de la pression arté-m 
rielle présente, en général, une remarquable 
constance. | 

Les causes qui, à première vue, semblent de 
nature à amener une altération complète de cette 
valeur moyenne, telles qu'une saignée ou une {rans- 
fusion abondante, ne la modifient en général que 
d'une façon tout à fait passagère. C'est qu'il existe 
dans l'organisme une série de mécanismes régula- 
teurs qui entrent en jeu pour contrebalancer les 
influences perturbatrices. L'un de ces mécanismes 
est constitué par l'appareil nerveux modérateur du 
cœur. Chaque fois que la pression tend à baisser, 
le cœur précipite ses battements et rétablit par un 
supplément de travail actif l'équilibre de pression. 
Toute hausse de pression provoque, au contraire, 
une diminution de l’activité du cœur, un ralentis- 
sement de ses battements, d'où également retour à 
la pression primitive. Le centre nerveux qui inter- 
vient ici est situé dans la moelle allongée et 
exerce son action modératrice sur le cœur par des 
fibres nerveuses qui suivent le trajet du nerf 
preumogastrique. L’excitalion de ces fibres ou du 
centre de la moelle allongée ralentit les battements 
du cœur; la suppression ou la paralysie soit de 
ces fibres, soit du centre de la moelle allongée 
émancipe le cœur de cette action frénatrice, d'où 
une accélération des pulsations du cœur, 

On admettait généralement, avec Bernstein, un 
mécanisme assez simple pour cette autorégulation 
de la pression artérielle : toute augmentation de 
pression artérielle agit localement au niveau de la 
moelle allongée pour comprimer les cellules du 
centre modérateur, d’où excitation de ce centre, 
renforcement de l’action frénatrice, ralentissement « 
du cœur et tendance à la chute de pression. Par 
contre, toute diminution de pression artérielle 
amène une diminution de l'excitation tonique du 
centre modérateur de la moelle allongée, d'où, 
diminution de l’action frénatrice, c'est-à-dire accé- 
lération des pulsations cardiaques et relèvement 
de la pression sanguine. 

Les recherches récentes de E. de Cyon‘surl'hypo-. 


1 Arch. 1. mixr. An.,t. LV, p. 516. 
# Arch. £. d. ges. Physiol., 1900, t. LXXX, p. 267. 


LÉON FREDERICQ — REVUE ANNUELLE DE PHYSIOLOGIE 


803 


simple, L'hypophyse du cerveau est, comme on le 
sait, un organe peu volumineux, faisant saillie à la 


“base du cerveau, dans le voisinage de l'origine 


elle turcique du cràne. 

Cet organe avait été rangé avec le thymus, les 
capsules surrénales, le corps thyroïde, etc., dans 
écatégorie hybride des glandes vasculaires. On a 
plaisamment de cette catégorie d'organes qu'ils 
mavaient qu'un seul point commun, c'était l'insuf- 
fisance de nos connaissances au sujet de leurs 
onctions. De Cyon fait jouer un rôle mécanique 
important à l'hypophyse dans la régulalion par 
oie nerveuse des altéralions de la pression san- 
guine artérielle. Les moindres changements de 
pression dans la cavité cranienne (dus en général 
à des changements de pression artérielle) influen- 
éraient directement l'hypophyse ; celle-ci réagirait 
ën met{ant en action l'appareil modérateur contenu 
ns la moelle allongée et, par son intermédiaire, 
agirait sur la pression sanguine en modifiant le 
“nombre et la force des battements du cœur. Il y 
durait un chainon de plus dans le mécanisme qui 
lecommode à chaque instant le nombre des batte- 
ments du cœur aux besoins de la pression artérielle. 
Outre ce rôle de régulation mécanique, de Cyon 
dttribue encore à l'hypophyse un rôle chimique 
“de suppléance vis-à-vis du corps thyroïde. 
-Schäfer et Swale Vincent’ ont constaté de leur 
“COlé que les extraits du Lissu de l'hypophyse con- 
tiennent deux substances dont l'injection intra- 
Veineuse modifie la pression sanguine. L'une de 
s substances, insoluble dans l'alcool et dans 
Déther, produit une hausse durable de la pression 
sanguine chez l'animal auquel on l’injecte; l’autre, 
qui se dissout dans l'alcool et l’éther, produit, au 
Contraire, une baisse passagère de la pression san- 


IV. — RESPIRATION. 


“1. Apnée. — On a donné le nom d'apnée à l’état 
dans lequel se trouve un animal vivant qui sus- 
nd momentanément sa respiration, par suite de 
bsence du besoin de respirer. 
il est facile à l'homme de se meltre en état 
apuée. Il suffit d'exécuter un certain nombre de 
ouvements respiraloires extrêmement profonds, 
e manière à exagérer la ventilation pulmonaire : 
ant de sauter à l’eau, les plongeurs de profession 
ht recours instinctivement à cette manœuvre, qui 
ur permet ensuite de supporter plus longtemps 


à l’état d'apnée, on pratiquera sur lui, au moyen 
d’un soufflet approprié, la respiration artificielle, 
en ayant soin d’exagérer les insufflations. Au bout 
de quelques instants, l'animal sera à l'état d'apnée, 
c'est-à-dire qu'il ne se remettra pas immédiatement 
à respirer si l'on cesse la respiration artificielle. 

L'apnée s'explique très bien dans la théorie de 
Rosenthal, en vertu de laquelle le stimulus qui, 
dans les conditions ordinaires, entretient l'activité 
des centres nerveux respiraloires de la moelle 
allongée, est constitué par un certain degré de 
vénosité (déficit d'oxygène, excès de CO°) du sang 
qui baigne la moelle allongée. La respiration arti- 
ficielle produit une surartlérialisation de ce sang : 
le stimulus physiologique des centres respiratoires 
faisant ainsi défaut, ceux-ci suspendent leur action 
et l'animal cesse momentanément de respirer. 

Cette théorie de l'apnée n’a pas été admise sans 
contestalion. Un certain nombre de physiologistes 
refusent d'admettre que l'apnée soit due aux chan- 
gements chimiques qui se passent dans le sang. 
Pour eux, la cessation des mouvements respira- 
toires qui suit la ventilation pulmonaire exagérée 
est un effet d'inhibition réflexe, ayant son point de 
départ dans les phénomènes mécaniques dont le 
poumon est le siège, lors de la respiration artifi- 
cielle. Hering et Breuer ont, en effet, montré que 
toute insufflation pulmonaire, toute distension mé- 
canique des alvéoles, provoquait, par voie réflexe, 
l'excitation des fibres d'arrêt du pneumogastrique, 
excitation qui coupe tout mouvement d'inspiration 
et place l'animal dans la position d'expiration. 

L'expérience suivante me parait trancher la ques- 
tion de l'apnée en faveur de ia théorie chimique”. 
Sur deux chiens, À et B, convenablement anes- 
thésiés et préparés de manière à ce que leur sang 
soit rendu incoagulable (par une injection préalable 
de propeplone), j'élablis la circulation céphalique 
croisée, c'est-à-dire qu'après avoir lié les artères 
vértébrales, j'élablis au moyen des carotides un 
échange de sang. Le bout central d'une carotide 
de A est relié, au moyen de eanules et d’un tube de 
caoutéhouc, avee le bout céphalique de la carotide 
de B, et réciproquement. La tête de B, y compris 
ses centres respiratoires, ne reçoit que du sang qui 
vient du tronc de A, et réciproquement. Dans ces 
conditions, je produis l’apnée chez B, en pratiquant 
la respiration artificielle chez À. L'influence ner- 
veuse se trouve exclue dans cette expérience, où le 
seul lien physiologique entre ces deux animaux esl 
constitué par le sang de la circulation croisée. C'est 
donc le sang qui vient du tronc de À dans la tête 
de B qui y produit l’apnée, et l'expérience résout 
la question en faveur de la théorie chimique. 


1 Arch. de Biol., 1901. 


804 


LÉON FREDERICQ — REVUE ANNUELLE DE PHYSIOLOGIE 


Mais une seconde question se pose alors. La ven- 
tilation pulmonaire pratiquée sur le chien A enri- 
chit son sang en oxygène et l’appauvrit en acide 
carbonique. Quelle importance faut-il attribuer à 
chacun de ces facteurs dans la production de 
l'apnée? L'expérience a montré qu'il s'agit avant 
tout de la diminution de CO?, dont la teneur absolue, 
ainsi que la tension, tombent pendant l’apnée à la 
moitié de leur valeur, tandis que l'oxygène ne subit 
que des varialions insignifiantes. 


2. Réiablissement de la respiration dans les cas 
d'asphyxie et de mort apparente. — Le procédé le 
plus efficace pour ramener à la vie un noyé, une 
personne en état de mort apparente, a été décou- 
vert, comme on le sait, par Laborde. Il consiste à 
exercer sur la langue des tractions dont le rythme 
imite celui des mouvements respiratoires normaux. 
L'excitation des nerfs sensibles de la base de 
la langue se transmet aux centres respiratoires 
et finit par réveiller ceux-ci de leur torpeur, 
quand celle-ci n’est pas irrévocable. Laborde a fait 
construire des appareils grâce auxquels son pro- 
cédé des traclions rythmées de la langue fonctionne 
automatiquement pendant plusieurs heures. 

Dans plusieurs cas, le rappel à la vie de noyés 
ou d'animaux asphyxiés dans un but expérimental 
a été obtenu après l'énorme durée de trois heures 
de mort apparente. Laborde admet que c'est là 
l'extrême limite et que, si, au bout de trois à quatre 
heures, à plus forte raison de cinq heures de trac- 
ions prolongées, les mouvements respiratoires ne 
se sont pas rélablis, la mort peut être tenue pour 
réelle el irrévocable. 

Nous avons là un signe certain et nouveau de la 
mort, et qui résout d'une façon positive une question 
importante d'hygiène ”. 

Puisque j'en suis à m'occuper de la distinction 
de la mort réelle et de la mort apparente, je deman- 
derai la permission de citer un travail récent de 
Waller qui a trait au même sujet. 


D'après Waller”, la matière encore vivante se 


distingue de la malière morte en ce qu'elle répond 
à une excitation électrique en produisant elle- 
même un courant de même sens. Ce procédé peut 
servir à étudier l'ordre dans lequel les fonctions 
vitales s’éleignent successivement dans les difré- 
rents organes au moment de la mort. 


3. Air atmosphérique. — Tout semblait avoir 
élé dit sur la composition chimique de l'air atmo- 
sphérique, lorsque, il y a quelques années, la 
découverte retentissante de l’argon a été le point 


1 Le signe automatique de la mort réelle. Paris, 1900, et 
C. R. Soc. Biol., 1900; n°21, 74,427: 
2 C. R. Ac: Sc., t. CXXXI, p: 482. 


de départ d'une série de travaux sur notre atmo= 
sphère. Si l'année dernière n'a pas ajouté un élés 
ment à la liste des nouveaux corps simples de l'air, 
elle a cependant enrichi nos connaissances de 
plusieurs données importantes dues principalemen 
aux recherches d’Armand Gautier*. 


2/10.000 de son volume d'hydrogène libre. Il cons 
tient également des traces d'hydrocarbure, notams 
ment de méthane. L'air des villes, celui des bois 
est beaucoup plus riche en hydrocarbures. Celui dt 
la mer contient de l'hydrogène (0 ce. 2 par litre 
mais pas d'hydrocarbure, . 

L'auteur a trouvé, dans 100 litres d'air puisé dans 
les rues de Paris : % 

H, 19 ce. 5; CH‘, 12 cc. 1; gaz très carburés® 
L ec. 7; oxyde de carbone, ete., 0 ce. 2. 


V. — NUTRITION. DIGESTION. ABSORPTION. 
SÉCRÉTIONS. 


1. Rôle des microbes dans la nutrition. — Pasteur 
avait émis l’idée que les bactéries jouent un r6l8 
important dans la digestion des animaux supés| 
rieurs, et que la vie deviendrait impossible si 
nous supprimions tous les microorganismes dé 
notre lube digestif. J'ai signalé ici, dans ma Revue 
de l’an passé”, les expériences de Nultal et Thierfel= 
der d'une part, celles de Schottelius de l'autre 
entreprises dans le but de soumettre l’idée de Pas 
teur à la crilique expérimentale. Nuttal et Thier: 
felder étaient parvenus à extraire aseptiquement 
un jeune cochon d'Inde de l'utérus maternel, età 
le maintenir en vie, au moyen d'aliments exemptSl 
de bactéries. 4 

Schottelius*, expérimentant sur de jeunes pous 
sins au sortir de l'œuf, avait constaté, au contraires 
l’action nuisible, mortelle, d'une nourriture stéri | 
lisée. 

Kijanisin‘, non content d'affirmer l'influence 
délétère de la stérilisation de l'eau et des aliments 
consommés par ses sujets d'expériences, va plus 
loin encore, et affirme l'utilité, la nécessité même 
des bactéries qui se trouvent dans l'air que nous), 
respirons. Ces microbes, introduits dans notre corps 


agiraient comme stimulant de nos leucocytes eb, 


4 À. Gautier, C. R. Ac. Sc.,t. CXXX, p. 167; t.1CXXM 
p- 13, 86 et 535. Voyez aussi : Les gaz combustibles de l'ai 
dans la Revue générale des Sciences du 15 septembre 1900) 
t. XI, p. 998 et 999. 

2 Voyez la ltevue générale des Sciences du 30 juillet 1900 


t. XI, p. 897. 
3 Archiv 1. Hygiene, t. XXXIV, 210. 
4 Arch. Biol., t. XVI, p. 663. 3 


LEON FREDERICQ — REVUE ANNUELLE DE PHYSIOLOGIE 


a" 


inciteraient ces derniers à produire en quantité 
suffisante les ferments oxydants indispensables à 
notre vie. Ces ferments ont pour rôle de transfor- 
mer en anhydride carbonique et en urée les pro- 
duits de la désassimilation. 

5 L'auteur en voit la preuve dans les alléralions 


que l’on oblige à ne respirer que de l'air stérilisé. 
Jes animaux dépérissent, victimes d'un empoison- 
nement chronique dû à une accumulalion de pro- 
“duits intermédiaires de la nutrilion (leucomaïnes), 
dont l'excès se constate directement dans les 


Cependant, l'exemple des mammifères, des oi- 
seaux, des poissons des régions polaires, don! l'or- 
ganisme, et spécialement le tube digestif, est géné- 
alement vierge de tout microbe, et qui respirent 
hn air exempt de microbes, nous montre que les 
Inimaux supérieurs se tirent parfaitement d'affaire 
Sans l’aide des infiniments petits. L'air stérile des 
“hautes montagnes, celui des régions arctiques 
passent d’ailleurs pour extrêmement sains. 


2. Absorption de la graisse. — Le rôle du suc 
pancréatique dans la digestion de la graisse a été 
découvert, comme on le sait, par Claude Bernard. 
“Chez le lapin, le canal de Wirsung, qui déverse le 
Suc pancréatique dans l'intestin, débouche à 


( 


“sur la digestion des graisses, et de conslater par 
“exemple que l'absorption de ces dernières ne com- 
mence qu'à partir du point où les matières alimen- 
‘taires ont subi le contact du suc pancréalique. C'esl 
“seulement à parlir de ce niveau que les chylifères 
présentent l'injection laiteuse caractéristique de 
l'absorption de la graisse. Claude Bernard déter- 
mina la substance à laquelle le suc pancréalique 
doit son action digestive vis-à-vis des graisses. Il 
montra que ce suc contient un ferment saponifiant 
(nommé depuis lipase, stéapsine), qui jouit de la 
propriété de dédoubler les graisses en glycérine et 
acides gras. Ces derniers peuvent ultérieurement 
Se transformer en sayons alcalins au contact de l'al- 
cali du suc pancréalique ou de la bile. 
— Or,il suffit d'une petite quantité de savon alcalin 
“pour transformer en peu de temps une masse con- 
sidérable d'huile ou de graisse fusible en une 
“émulsion durable. Comme c'est sous forme d’émul- 
Sion que la graisse apparaît dans les chylifères au 
moment de son absorption, il semblait assez ra- 
tionnel d'admettre que les globulins de graisse, 
émulsionnée dans l'intestin par celle action des 
savons dus au ferment saponifiant, étaient directe- 


4 absorbés à travers le revêtement épithélial 


M 


de la nutrition qui se montrent chez les animaux 


805 


de l'intestin. Dans cette théorie, une pelite partie 
seulement de la graisse était censée dédoublée par 
le ferment saponifiant. Cette saponification avait 
pour conséquence d’émulsionner le reste de la 
graisse, et c’est sous forme de goultelettes de 
graisse émulsionnée que la plus grande partie de 
cette substance devait être absorbée à la surface de 
l'intestin. La plus petite portion, transformée en 
glycérine et savon, élait seule absorbée sous forme 
réellement soluble et après transformalion chi- 
mique !. 

Pflüger s'est récemment avec énergie 
contre cette doctrine pour ainsi dire classique. Il a 
affirmé que la totalité de la graisse alimentañe 
absorbée l'était sous forme soluble : g/ycérine et 
acides gras Ou savons, et avait par conséquent 
subi intégralement la décomposition hydrolytique 
sous l'influence de l’action du ferment saponifiant. 

Voici les arguments mis en avant par Pflüger 
pour combattre l'idée de l'absorption directe de la 
graisse non saponifiée. D'abord, si l'on examine au 
microscope les cellules vivantes de l'épithélium 
intestinal pendant la digestion de la graisse, on 
constate que leur portion basilaire, celle qui est 
directement en contact avec le contenu intestinal, 
est absolument claire, transparente et ne contient 
pas le moindre globulin de graisse (contesté par 
Exner, von Basch, etc.). La graisse n'apparait sous 
forme de globulins que plus loin, dans les portions 
plus profondément situées de la cellule. L'aspect 
des cellules correspond tout à fait à l'idée que la 
graisse traverse le plateau canaliculé de la cellule 
sous forme dissoute, invisible, pour se précipiter 
plus loin sous forme insoluble et apparente. 

Quantà l'utilité de l’émulsion de la graisse, Pflüger 
la voit dans ce fait que le ferment saponifiant, étant 
dissous dans l’eau, doit agir difficilement sur les 
graisses qu'il ne mouille pas. L'émulsion provoquée 
par l’action du sue pancréatique et de la bile à 
pour effet d'augmenter la surface d'attaque de la 
graisse et de permettre un contact plus élendu avec 
le ferment saponifiant. 

Les acides gras peu solubles mis en liberté par 
le ferment saponifiant décomposent les carbonates 
du suc pancréatique et du suc intestinal, mais sur- 
tout décomposentles glycocholates et taurocholates 
de la bile, pour former des savons, corps solubles 
dans l’eau et directement absorbables. D'ailleurs 
l'acide taurocholique, résultant de la décomposition 
des taurocholates par les acides gras, contribue à 
dissoudre ces derniers, comme le savait déjà 
Strecker (1848). Ce dernier fait a été confirmé par 
Marcet et récemment par Moore et Brockwood. 


élevé 


4 Arch. f. d..g. Physiol.,t-"LXXX, p. 114, 4900,,Zbid,, 
t. LXXXI, p. 311, 1900 ; t. LXXXII, p. 403, 381,1900;t. LXXXV, 
p. 1, 1901. 


806 


LÉON FREDERICQ — REVUE ANNUELLE DE PHYSIOLOGIE 


n 


Si l'on objecte que la saponification ou la solubi- 
lisation de toute la graisse de l'alimentation re- 
présente un énorme travail chimique, on peut ré- 
pondre que Ja possibilité de l'exécution d’un tel 
travail de saponificalion a été établie par les expé- 
riences d'Otto Frank’, de I. Munk, etc. Frank fait 
ingérer à un chien une grande quantité d’éthers 
éthyliques des acides gras et retrouve dans le chyle 
une émulsion laiteuse de graisse ordinaire, c’est-à- 
dire d'éthers glycériques, sans traces d’éthers éthy- 
liques. 

Ici, les éthers éthyliques ont évidemment été sa- 
ponifiés en entier et la glycérine a pris la place de 
l'alcool éthylique. De même, le palmitate de cétyle 
(blanc de baleine) est transformé en palmitate de 
glycérile — après saponification complète — lors 
de son absorption par les chylifères. 

On sait depuis longtemps” que l'ingestion de 
savons alcalins ou d'acides gras fait apparaître de 
la graisse neutre dans les chylifères et a la même 
valeur nutritive que la graisse elle-même. Iei aussi, 
les savons alcalins, les acides gras ont dû être 
absorbés sous forme soluble et ce n'est qu'arrivés 
dans le protoplasme de l’épithélium intestinal qu'ils 
ont régénéré de la graisse neutre en se combinant 
à la glycérine. Il est établi que cette synthèse de la 
graisse au moyen de glycérine et d'acides gras peut 
être réalisée in vitro par le revêtement épithélial de 
l'intestin enlevé à un animal vivant”. 

Enfin, la théorie de Pflüger a l'avantage de com- 
prendre dans une même formule la digestion des 
trois grandes catégories d'aliments; les féculents, 
lès graisses et les albuminoïdes. Dans les trois cas, 
la digestion serait une fermentalion qui hydrate- 
rait les matières alimentaires insolubles et les 
transformerait en produits solubles. 

Naturellement, les objeclions n’ont pas manqué 
de se produire. Presque en même temps que 
Pflüger, L. Hofbauer”* cherchait à résoudre la ques- 
tion de l'absorption directe de la graisse en nour- 
rissant des chiens avec de la graisse colorée au 
moyen de matières colorantes insolubles dansl'eau : 
rouge d'alcanna, rouge laque À, etc. Si la graisse 
est saponifiée avant d'être absorbée, disait Hof- 
bauer, la matière colorante, le rouge d'alcanna, 
insoluble dans l’eau, sera précipitée au sein du 
contenu intestinal et ne passera pas dans les villo- 
sités intestinales. Celles-ci ne contiendront que de 
la graisse incolore. 

Au contraire, si la graisse émulsionnée et colorée 


1 Zeit. {. Biol., t, XXXVI, p. 568. 

* Radziejewsky et Kühne, 1868, Perewoznikoff, 1876, Will, 
1876, Munk, 1879, etc. 

# C.-A. Ewald, 1883, H.-J. Hamburger, 1900. 

* Arch. f. d.g. Physiol., t. LXXXI, p. 263, 1900. 

5 Jbid., t.LXXXIV, p. 619, 1891. 


| J. Munk pour établir la possibilité de l'absorption de 


par l'alcanna est absorbable en nature, sans sapo 
nification préalable, alors on doit rencontrer, dans 
les villosités intestinales et dans les chylifères, des 
globulins de graisse colorée. 

Or, en sacrifiant l'animal, on constatait la présence 
dans le chyle de graisse fortement colorée. Hof 
bauer en concluait la possibilité de l'absorption 
directe de la graisse simplement émulsionnée, sans 
saponificalion préalable. 

Pflüger a mis en doute l'exactitude des prémisses 
posées par Hofbauer. Il a montré que, si le rouge” 
d'alcanna est insoluble dans l’eau, celte matière 
colorante se dissout au contraire plus ou moins 
bien dans les solutions analogues à celles qui cons- 
tituent la bouillie intestinale et qui contiennent de“ 
la glycérine, des acides gras, des savons et des 
acides biliaires, etc., et que la matière colorante 
avait donc pu pénétrer à l’état dissous, tout comme 
la graisse, à travers le revêtement épithélial de l'in- 
testin. 

V. Henriques et C. Hausen! ont constaté, comme 
Pflüger, la solubilité du rouge d'alcanna et d’autres 
malières colorantes analogues dans les solutions 
de savons alcalins et l'impossibilité de trancher la 
question de l'absorption directe des graisses par le 
procédé de Hofbauer. 

Ils ont repris l'expérience en incorporant à la 
graisse alimentaire de la paraffine fusible, subs- 
tance lout à fait insoluble dans l’eau. Ils avaient 
constaté que le mélange à parties égales de graisse 
de porc et de paraffine donne une émulsion typique - 
au contact des solutions de carbonate de soude, à 
condition que l’on ajoute une petite quantité d'acide” 
gras. Dans ce cas, chaque globulin de l'émulsion est” 
formé de parties égales de paraffine et de graisse. 
Si les globulins sont absorbés comme tels sans sa- 
ponification préalable, on devra retrouver la paraf- 
fiue dans le chyle, tandis qu'il y aura un déficit de … 
paraffine dans les excréments, Or, les auteurs 
constatent au contraire l'absorption presque com- 
plète de la graisse seule el l'élimination complète 
de la paraffine par les excréments, Il y a donc eu 
ici, par le fait de l'absorption, une séparation de la 
paraffine et de la graisse, ce qui n'aurait pas eu lieu 
si les gouttelettes avaient pénétré comme telles à 
travers le plateau canaliculé des cellules épithéliales M 
de l'intestin. 

Cetle question de l'absorption de la graisse a 
donné lieu à un débat assez acerbe entre Pflüger 
d'une part et J. Munk de l’autre ?. 

Un des principaux arguments mis en avant par 


l 


la graisse sans saponification préalable, était tiré 


! Centralbl. f. Physiol., t. XIV, p. 313, 1900. 
? Centralbl, f, Physiol. 


h LÉON FREDERICQ — REVUE ANNUELLE DE PHYSIOLOGIE 


807 


du fait que les animaux privés de pancréas | présente des valeurs en apparence paradoxales, ne 


“peuvent encore absorber des quantités considéra- 
_bles de graisse, quand cette dernière leur est offerte 
“sous forme d'émulsion (lait). On peut répondre 
avec Pflüger que l'exemple des animaux dépan- 
éréalisés ne prouve rien, puisqu'on sait que la 
“oraisse peut être saponifiée en quantité notable 
ans l'intervention du suc pancréatique, notamment 
“dans l'estomac. 

« Hédon n'a-t-il pas constaté la présence de sa- 


3. Graisse et féculents. — On donne le nom de 
quotient respiratoire au rapport entre le volume 
de CO° exhalé par la respiration et le volume de 


CO En 
Voxygène consommé : ce rapport TE est générale- 


> 


ment inférieur à l'unité, c'est-à-dire que tout 
, ane consommé par l'organisme ne reparait 
pas sous forme de C0 dans l'air expiré. Une 
partie de cet oxygène est employée à réaliser 
d'autres oxydations que celle du carbone, à pro- 
duire de l’eau par exemple. 

La valeur du quotient respiratoire varie néces- 
Sairement suivant la nature du combustible brûlé 
dans notre corps. Avec une alimentation exclusive- 


ent composée de féculents, le quotient respira- 
3 


“toire — PE 
0? 


lunité. En effet, les substances hydrocarbonées 
(fécule nC°H"0*, glycose C'H°0", etc.) contiennent 
par elles-mêmes assez d'oxygène pour transformer 
tout leur hydrogène en H°0. Il suffit de leur four- 
nir l'oxygène nécessaire à la combustion du C en 
CO°. De même, quand on brûle de la fécule à l'air, 
le volume de l'oxygène consommé 0° est exacte- 
ment égal au volume de CO° produit. Le quotient 


2 


TX 


devient = 1, ou lend à se rapprocher de 


de combustion — 


égal à 1. 

Les graisses (stéarine GH'"05, palmitineC5H%05, 
oléine CTH"*05, etc.) contiennent peu d'oxygène 
et beaucoup d'hydrogène; aussi leur quolient de 
combustion (ou de respiration) est-il notablement 
inférieur à l'unité (Q. R. — 0,70). 

+ Dansla combustion de l'albumine, le quolientres- 
iratoire est également notablement inférieur à 
‘unité. 

La valeur du quotient respiratoire varie en géné- 
ral avec la nature de l'alimentation et nous montre 
“que les phénomènes d'oxydation qui se déroulent 
dans notre corps atteignent principalement le com- 
bustible alimentaire introduit en dernier lieu par 
le tube digestif. 

Mais, dans certains eas, le quotient respiratoire 


comme on pourrait l'appeler, est 


cadrant pas avec le quotient de combustion des 
aliments. 

Ces anomalies trouvent leur explication si l’on 
réfléchit que, dans certaines circonstances, par 
exemple dans les phénomènes de croissance ou 
de simple engraissement du sujet, une partie 
des aliments n’est pas destinée à -être brûlée et 
peut subir des transformations chimiques autres 
que la simple combustion, 

Hanriot a étudié, il y a quelques années (1893), 
un cas de ce genre. Il a constaté que le quotient 
respiratoire pouvait dépasser l'unilé chez l'homme 
sain à la suile d’ingestion d'une quantité notable 
d’hydrocarbonés (glycose). Le glycose n'est pas 
brûlé, mais se dédouble en fournissant d’une 
part CO?, et d'autre part de la graisse qui se dépose 
dans les Lissus. 

Un exemple d’une transformation inverse, celle 
de la graisse de l'organisme en glycogène, a été 
étudié récemment par Bouchard et Desgrez!. 
Pour se transformer en glycogène, la graisse doit 
absorber des quantités notables d'oxygène, qui ne 
reparaitront pas sous forme de CO? dans l'air de 
l'expiration. Le quotient respiratoire acquerra une 
valeur extrêmement basse; de plus, l'organisme 
pourra momentanément augmenter de poids par 
suite de cette fixation d'oxygène dans les tissus. 

Cette augmentation temporaire de poids a été 
notée par ces expérimentateurs dans (toute une série 
d'expériences faites tant chez l'homme que chez 
l'animal. 

On sait que, dans les conditions ordinaires, si 
l'on place un animal vivant sur un plateau de 
balance, on constate une diminution continue de 
poids provenant de la combustion organique. Si le 
sujet a été soumis à une abstinence plus ou moins 
complète pendant plusieurs jours, et si on lui 
donne alors un repas très riche en graisse, l'assi- 
milalion de cette graisse pourra s'accompagner 
d'une augmentation temporaire de poids, due à la 
formation de glycogène aux dépens de la graisse, 
avec fixation d'oxygène atmosphérique. 

Ce glycogène se dépose exclusivement dans les 
muscles, d’après les expériences de Bouchard et 
Desgrez. 

Le foie n'aurait aucune part au phénomène, 


4. Digestion. — Je n'analyserai pas ici les tra- 
vaux récents de Pawlow et de ses élèves sur les 
sucs digestifs. Ces travaux ont été passés en revue 
par M. Arthus dans la Revue du 15 juillet 1899. 
La Revue est revenue sur le même sujet dans le 
numéro du 30 janvier 1900, p. 60. 

1 Arch. 


Physiol. et Path., 1900, p. 237. 


808 LÉON FREDERICQ -— REVUE 


5. Sueur.— Ardin-Delteil! a constaté que la sueur 
humaine constitue un liquide dont la concentration 
moléculaire est toujours notamment inférieure à 
celle de la lymphe ou du plasma sanguin. Le moyen 
le plus convenable pour apprécier le degré de con- 
centration moléculaire consisté, comme l'on sait, à 
délerminer la température à laquelle le liquide se 
congèle : l'abaissement du point de congélation est 
proportionnel au nombre de molécules dissoutes 
(les ions dissociés comptant chacun comme une 
molécule entière, et agissant d'ailleurs comme tels 
dans les phénomènes osmotiques). Le point de con- 
gélation moyen de la sueur est de — 0°,237 (sang 
— 0°,45). Maximum — 0°,46, minimum —0°,08. 

Le même expérimentateur * a cherché, en colla- 
boralion avec Mairel, à résoudre la queslion con- 
troversée de la toxicité de la sueur. La sueur 
humaine, recueillie asepliquement sur des indi- 
vidus dont la peau a été préalablement bien net- 
toyée, peut être injectée dans les veines du lapin 
en quantité considérable (116 à 361 centimètres 
cubes par lapin), sans produire d'accidents graves. 
La sueur peut cependant tuer le lapin si elle est 
fort diluée : elle Lue alors par osmonocivilé. 


6. Variations diurnes de la quantité de graisse. 
— On connaît la remarquable périodicité diurne 
que montrent la plupart des fonctions physiolo- 
giques. 

La valeur des échanges respiratoires, le taux de 
la température interne, le nombre des pulsations 
et des respiralions, etc., présentent un minimum 
nocturne et un maximum diurne, et parcourent 
pendant les vingt-quatre heures un cycle de phases 
tout à fait typiques. M. J. Gaule? a signalé un fait 
tout à fait surprenant qui se rapporte au même 
ordre d'idées. Les grenouilles présentent, en avant 
des organes génitaux, des amas de graisse à sur- 
face élégamment festonnée. Ces corps adipeux 
seraient, d'après Gaule, sujets à d'énormes varia- 
tions diurnes de leur volume. Ils disparaîtraient 
presque complètement la nuit pour se reformer le 
jour suivant. L'apparition et la disparition des 
corps adipeux se poursuivraient ainsi journellement 
chez la grenouille, même pendant la période de 
torpeur hivernale. La lumière parait êlre le fac- 
teur prépondérant qui provoque l'apparition de la 
graisse dans le corps adipeux, tandis que le séjour 
dans l'obscurité la fait disparaître. Fait extrème- 
ment curieux, ce n’est pas par l'intermédiaire de 
l'œil que la lumière agit, car le changement de 
volume du corps adipeux se produit encore après 
extirpation des yeux ou section des nerfs optiques. 


1 C, R., CXXXIT, p. 844, 1900. 
? C. R. Soc. Biol. 1900. 
* Contralbl. f. Physiol., t. XIV, p. 25: 


ANNUELLE DE PHYSIOLOGIE 


C'est donc probablement par l'intermédiaire de la 

peau que la lumière provoque l’émigration journa= 

lière de la graisse du corps adipeux. 
5 Il 


VI. — SYSTÈME NERVEUX. 


1. Théorie du neurone. — On considérait au 
trefois le tissu nerveux comme constitué par 
deux espèces d'éléments anatomiques : les cel= 
lules et les fibres nerveuses. Dans la compa- 
raison classique, qui assimile le système nerveux 
d'un animal supérieur au réseau tlélégraphiques 
d'un grand pays, les cellules nerveuses représen- 
taient les différents bureaux télégraphiques et les 
nerfs étaient les fils électriques reliant les diffé- 
rents bureaux ou cellules entre elles ou avec las 
périphérie du corps. Comme on Je sait, cette con= 
ception du système nerveux est généralement 
abandonnée aujourd'hui. On n'oppose plus les 
fibres ou fibrilles nerveuses aux cellules nerveuses : 
on sait que les fibres et fibrilles nerveuses consti- 
tuent les prolongements naturels des cellules ner- 
veuses. 

Fibres ou fibrilles nerveuses et corps cellulaire 
ne sont que les parties de l'élément unique du 
système nerveux que Waldeyer a baptisé du nom: 
de neurone. 

Le neurone dérive d’une cellule embryonnaire: 
transformée, de manière à présenter des prolonge 
ments plus ou moins longs, plus ou moins ramifiéss 
et arborisés (contesté par Apathy). C'est par leurs» 
prolongements juxtaposés, articulés les uns avec 
les autres, que les différents neurones communi- 
quent les uns avec les autres et que l'influx ner 
veux passe d'un neurone à l'autre. Si nous vou=" 
lons reprendre la comparaison énoncée tanlôt, nous» 
dirons que l'unité nerveuse c'est le bureau télé" 
graphique (la cellule) avec un certain nombre de 
bouts de fils télégraphiques (prolongements, fibres 
nerveuses) attachés par une extrémilé au bureau, e 
se terminant librement par l'autre. Ces extrémités" 
libres se rattacheront par juxtaposition ou autre= 
ment aux bouts libres des fils télégraphique 
émanant des bureaux voisins. 

Malgré les attaques dont la théorie du neurone & 
été l'objet dans ces dernières années, on peut dire 
que la conception du neurone comme individualité 
formée d'un corps cellulaire et de prolongement 
est sortie triomphante du débat. 

Quelle importance faut-il attacher au corps cellu= 
laire dans le fonctionnement du système nerveux? 
Faut-il le dépouiller de sa dignilé de bureau télé= 
graphique central et faire, au contraire, jouer le rôle 
iniportant, dans les actes nerveux centraux, aux 
articulations plus ou moins arborisées par lesquelles: 
les neurones communiquent entre eux? Dans cell 


LÉON FREDERICQ — REVUE ANNUELLE DE PHYSIOLOGIE 


809 


"|  —— ———_ —— —"—"— —"—"—"—"—"’—  " ”—/7— —"—"— —— 


4 

“théorie, le corps cellulaire ne jouerait qu'un rôle 
econdaire, trophique, il n'interviendrait pas dans 
“les actes nerveux proprement dits. Les fibrilles 
erveuses des différents prolongements d'un même 


autres et l'influx nerveux pourrait passer de l’un à 
l'autre, sans que le corps de la cellule y prenne 
une part active. 
Bethe a cherché à étayer ces vues théoriques par 
des expériences directes *, exécutées sur le système 
nerveux relativement simple des Crustacés. Chez 
le Carcinus, l'Astacus, etc., les cellules nerveuses 
motrices de la chaine gavglionnaire ventrale (ana- 
Jogue, au point de vue de la production des mou- 
vements réflexes, à la moelle épinière des Vertébrés) 
ont leur corps cellulaire en dehors du ganglion, 
dans lequel ne plongent que leurs prolongements 
avec ses ramificalions dendritiques. La structure 
de ces cellules rappelle celle des cellules des gan- 
glions spinaux des Verlébrés, c'est-à-dire que ces 
cellules sont en apparence unipoiaires, leur prolon- 
gement unique se ramifiant à une petite dislance 
du corps cellulaire par une division en T en deux 
prolongements : l'un constituant la fibre nerveuse 
motrice périphérique, l'autre le prolongement 
formant le tronc des dendrites. 
Bethe réussit, dans plusieurs expériences, à 
enlever tous les’ corps cellulaires moteurs d'un 
ganglion, tout en laissant intacts les prolongements 
en T. La suppression des corps cellulaires n'em- 
pêcha pas les mouvements réflexes de se produire 
encore pendant un certain temps. La condition 
sine qua non de la production du réflexe, c’est 
donc, dit Bethe, la continuité entre la fibre nerveuse 
“et les prolongements dendritiques, et nullement la 
conservation de l'intégrité de la cellule nerveuse. 
Le corps cellulaire proprement dit ne serait donc 
pas intercalé, pour Bethe, dans le trajet parcouru 
par l’influx nerveux. 
- L'expérience de Bethe a déjà donné lieu à de 
vives controverses : on a fait observer notamment 
que Bethe n'avait enlevé que le noyau et une partie 
du protoplasme cellulaire, et que son expérience 
prouvait seulement que les fonctions des cel- 
-lules nerveuses pouvaient encore s'exécuter en 
l'absence du noyau et d’une partie du protoplasme. 
Cela n'a rien d'étonnant, fait observer Verworn, si 
l'on considère ce qui se passe dans d’autres cellules 
- dont le protoplasme peut également continuer à 
fonctionner après l'enlèvement du noyau. 

La question de l'amiboïsme et de la plasticité 
. des prolongements des cellules nerveuses est tou- 
jours à l'ordre du jour. Elle a donné lieu, dans ces 
… derniers temps, à une série de publications inté- 


4 Biol. Centralbl.,t. XVIL, p. 843. 


ressantes, sorties de l'Institut Solvay de Bruxelles 
et dont une partie a déjà été analysée ici (recher- 
ches de Héger, Demoor, Stefanowska, etc.). 

Je n'ai pas non plus à revenir sur les théories de 
Rabl-Rückhard, Lépine, Mathias Duval, etc., qui 
avaient la prétention de donner une explication 
rationnelle des phénomènes de sommeil, d'anes- 
thésie, d'inhibition, de mémoire, d'éducation, etc., 
en partant de la notion de l'amiboïsme des neu- 
rones cérébraux. Ces théories sont, jusqu à présent, 
restées au stade purement hypothélique. 


2. Cocainisation de la moelle épmière. — La 
cocaïne jouit, comme on le sail, de la propriélé de 
paralyser les éléments nerveux avec lesquels on 
la met en contact. Getle propriété est utilisée de- 
puis plusieurs années par les oculistes pour obtenir 
l'anesthésie locale de la cornée, par les chirurgiens 
pour obtenir celle de la peau, ete. Les physiolo- 
gisles y ont eu souvent recours : ainsi, Aducco 
avait cherché à résoudre la question controversée 
de la localisation des centres respiratoires dans la 
moelle allongée, en badigeonnant la surface du 
bulbe au moyen d'une solulion de cocaine : la 
cocaïne, pénétrant peu à peu dans la profondeur, 
provoquait un ralentissement, puis un arrêt com- 
plet des mouvements respiratoires. Les résultals 
de l'expérience sont ici d'accord avec la théorie 
classique, qui place dans le bulbe le primum n0- 
vens des mouvements respiratoires. En 1899, Sicard 
a obtenu l’anesthésie de l’arrière-train chez le chien 
par une injection de cocaïne dans le canal verté- 
bral. La méthode a élé reprise par les chirurgiens 
Bier, Tuffier, etc., et a déjà été appliquée chez 
l'homme un grand nombre de fois. 

La solution de chlorhydrale de cocaïne (stérilisée 
par un chauffage à ++ 60°) est injectée, au moyen 
d'une seringue à canule piquante, dans le liquide 
cérébro-spinal qui entoure la queue de cheval. 
dans la région lombaire. On enfonce la pointe de 
la canule au niveau d’une ligne qui joint les épines 
iliaques supérieures, de manière à pénétrer entre 
la 4%et la 5° vertèbre lombaire, à travers la peau, 
les muscles, les ligaments et la dure-mère jusque 
dans le liquide cérébro-spinal. 

Il se produit presque immédiatement une anes- 
thésie complète des membres inférieurs, du bassin 
et d'une partie des organes abdominaux, sans que 
le fonctionnement de l'encéphale ni de là partie 
supérieure de la moelle soit compromis, et avec 
conservation (au moins parlielle) de la motilité, 
même dans la région anesthésiée. Tuffier, et Hal- 
lion! ont montré que la cocaïne porte son action 
pour ainsi dire exclusivement sur les racines 
RARE 1 (AT nn ARE AE AE TER EU EUR 


1 C, R. Soc. Biol, t. 1900, p. 1855, 


810 


LÉON FREDERICQ — REVUE ANNUELLE DE PHYSIOLOGIE 


rachidiennes. Les racines sensibles sont beaucoup 
plus fortement atteintes que les racines motrices. 

On sait que ce procédé de cocaïnisalion a été 
employé avec succès comme anesthésique dans un 
grand nombre de cas d'opérations chirurgicales, 
de névralgies rebelles, d’accouchements difficiles 
ou même physiologiques, ete. . 

Les médecins discutent les avantages et les 
inconvénients de cette nouvelle méthode, compa- 
rativement à l’anesthésie chloroformique. 


3. Organes des sens des chauves-souris. — 
R. Rollinat et E. Trouessart ! ont repris les an- 
ciennes expériences de Spallanzani sur la faculté 
que présentent les chauves-souris de se mouvoir 
avec rapidité dans l'obscurité la plus complète, tout 
en évitant les obstacles variés placés sur leur 
route dans un but d'expérience. 

La faculté qui avertit la chauve-souris de l’ap- 
proche d’un obstacle n’est pas localisée dans tel 
ou tel organe des sens ; elle résulle du concours des 
sensalions fournies par plusieurs de ces organes, 
surtout par ceux de l’ouïe et du toucher (mem- 
brane alaire, expansions nasales, pavillon de 
l'oreille). 


4. Canaux semi-circulaires. — De Cyon?s'occupe 
depuis de longues années des fonctions des canaux 
semi-circulaires. Ses recherches l'ont conduit à 
considérer ces canaux comme les organes péri- 
phériques du sens de l’espace : « Ils servent chez 
les animaux à l'orientation dans l’espace, et chez 
l'homme, en outre, à la formation de la notion 
d'un espace à trois dimensions sur lequel nous 
transportons nos impressions visuelles et tactiles 
et autres* ». 

Les trois paires de canaux semi-circulaires, dit 
de Cyon, situés dans les trois plans de l’espace, nous 
permettent de nous orienter dans les trois direc- 
tions : donc, les animaux qui ne possèdent que 
deux paires de canaux semi-circulaires ne devraient 
se mouvoir que dans deux directions de l’espace; 
ceux à une paire, que dans une seule direction. 

Les expériences faites sur les lamproies, qui se 
trouvent dans le premier de ces cas, avaient pleine- 
ment confirmé cette prévision. 


1 C. R, Soc. Biol., 1900, p. 604. 
Arch. {. d, g. Physiol., t. LXXIX, p. 211, 1900. 
Livre jubil. Soc. Biol., p. 54%, 


M. Rawitz' a découvert que les souris japonaises, 
de la variété dite dansante, ne possèdent qu'une 
seule paire de canaux semi-circulaires en parfai 
état de fonctionnement, celle des verticaux supé= 
Les deux autres paires ne se trouvent qu’ 
l'état rudimentaire. Ces souris sont douées d'un 
mobilité extrême. Elles sont constamment en mou! 
vement, avancent en zigzag et exécutent avec grâce 
une danse tournante qui rappelle la valse. 

De Cyon a étudié le mécanisme du mouvement de 
ces animaux ne possédant qu'une seule paire de 
canaux semi-circulaires, et a trouvé que les résul= 
tats de cette étude cadraient parfaitement avec sa 
théorie. Il les formule de la facon suivante : dl 

« # Les souris japonaises ne sont aptes à se mou= 
voir que dans uue seule direction, à droite ou & 
gauche; quand elles persistent dans un de ces 
mouvements, elles tournent en cercle (mouvement 
de manège). Il leur est impossible de marcher droit 
(en avant ou en arrière) ou de se mouvoir dans le 
sens vertical. Ces souris ne connaissent qu'un es- 
pace à une dimension. 

« 29 La danse à laquelle elle s’adonnent avec pas= 
sion et constamment, en dehors de leurs repas et 
de leur sommeil, n'est pas un mouvement forcé: 
Les souris peuvent l’interrompre et le reprendre à 
volonté. Cette danse est une valse à plusieurs 
figures, dont plusieurs s'exécutent avec une rapis 
dité vertigineuse. 

3° L'aveuglement subit des souris japonaises 
provoque chez elles, immédiatement et avec une 
rare violence, tous les phénomènes de Flourens, qui 
suivent la destruction simullanée des six canaux 
semi-circulaires. 

« 4° La rapidité extrême avec laquelle les souris 
exécutent pendant des heures des mouvements de 
rotation sur place autour d’un axe vertical (plus de 
trois mouvements à la seconde) ne provoque chez 
elles aucun vertige: et cela en conformité avec ma 
théorie que le vertige visuel est dû à un désaccord 
entre l’espace idéal (subjectif) provenant du laby= 
rinthe, et l’espace visuel (objectif). Les sourds= 
muets, auxquels manquent les canaux semi-circu= 
laires, ne connaissent pas non plus le vertige. 
visuel ». 


r'ieurs. 


Léon Fredericq, 


Professeur de Physiologie 
à l'Université de Liège. 


1 Arch. f, Physiol., 1899. 


1° Sciences mathématiques 


Laussedat (Colonel A.), Iembre de l'Institut, Direc- 
teur honoraire du Conservatoire des Arts et Métiers. 
— Recherches sur les instruments, les méthodes 
“et le dessin topographiques. Tome 11, Première 
partie : Iconométrie et Métrophotographie.— 1 vol. 
in-8° de 198 pages, avec 51 figures et 15 planches. 
(Prix: 10 fr.) Gauthier- Villars, éditeur. Paris, 1901. 
Après avoir indiqué les origines de l’/conométrie, 
l'ancien Directeur du Conservatoire des Arts et Métiers 
passe en revue les premières tentatives faites pour 
utiliser la photographie dans les reconnaissances topo- 
graphiques et géologiques. Ces essais remontent à 1843. 
Effectivement, durant le siège de Sébastopol, des pho- 
tographes français et anglais cherchèrent à prendre des 
vues des travaux de défense des Russes. Deux ans plus 
tard, le colonel Langlois se rendit sur les lieux pour 
“composer un panorama militaire, puis, après une visite 
aux positions occupées par les armées, il leva des plans 
à l’aide d'appareils photographiques. En 1858, un ancien 
officier du génie, Aimé Civiale, appliqua l'invention de 
Daguerre à l'étude de la constitution physique et géolo- 
#ique des Pyrénées et des Alpes. A la même époque, 
Nadar photographia, du haut de la nacelle du ballon 
captif de Godard, l'Arc-de-Triomphe, à Paris. 
C'étaient là d'intéressants débuts, mais il fallait dé- 
montrer les propriétés et les avantages des images sur 
tableau plan, faire appel aux principes généraux de la 
perspective pour tirer des procédés métrophotographi- 
“ques tout ce qu'ils semblent susceptibles de donner. 
L'auteur de cet ouvrage y contribua plus que quicon- 
que. Il substitua d'abord, pour les opérations faites à 
terre, aux dessins à vue toujours plus ou moins incor- 
rects, des images rigoureusement géométriques, tracées 
‘au moyen de la chambre claire sur ua tableau plan 
vertical et dans une position parfaitement déterminée 
par rapport au point de vue. Enfin, en 1859, il réalisa 
la première chambre noire topographique, qui lui 
permit d'obtenir des vues photographiées représentant 
des perspectives géométriques du terrain ayant le centre 
de l'objectif pour point de vue. Dès lors, la métropho- 
tographie entra dans le domaine de la pratique. L'usage 
suggéra de multiples modifications aux plotothéodo- 
lites imaginés pour répondre aux desiderata formulés, 
et les instruments primitifs sont devenus aujourd'hui 
d'une grande simplicité et d'une précision remarquable. 
Le colonel Laussedat décrit dans les dernières pages 
de ce fascicule (dont l'intérêt fait vivement désirer 
la suite) les dispositions générales adoptées par les 
constructeurs et les circonstances dans lesquelles on 
peut avoir à opérer. Jacques Boyer. 


Engel (Friedrich). — Sophus Lie. — 1 broch. in-8° 
de A pages. Teubner, éditeur. Leipzig, 41901. 

- Nos lecteurs mathématiciens liront avec plaisir cette 
plaquette consacrée à l’un des plus grands mathémati- 
ciens du siècle qui vient de s'achever, l'illustre analyste 
Sophus Lie. Ils y trouveront, en même temps qu'une 
‘courte biographie, la bibliographie complète de ses 
importants travaux. 


Rollet (P.), Professeur à l'Ecole nationale d'Arts et 
… Métiers d'Aix, et Foubert(E.), Professeur à l'Ecole 
. primaire supérieure de Lille. — Cours d’Algèbre, 
poùr les Ecoles primaires supérieures et profession- 
nelles, et pour la préparation aux Arts et Métiers. — 
4 vol. in-12 de 400 pages. (Prix, cartonné : 3 fr.) 
Félix Alcan, éditeur. Paris, 1901. 


BIBLIOGRAPHIE — ANALYSES ET INDEX 


ANALYSES 


811 


BIBLIOGRAPHIE 


ET INDEX 


2° Sciences physiques 


Larmor (Joseph), Membre de la Société Royale de 
Londres, Fellow du Collège Saint-John à Cambrigde. 
Aëther and Matter. À development of the Dy- 
namical Relations of the Aether to Material Sys- 
tems on the basis of the Atomic constitution of 
Matter.— 1 vol. in-8 de 365 pages. (Prix: 12 fr.50.) 

University Press. Cambridge, 1901. 

Le titre complet de l'ouvrage de M. Larmor est le 
suivant : « Ether et Matière, développement des -rela- 
tions dynamiques de l'éther et des systèmes matériels, 
fondé sur la constitution atomique de la matière, 
contenant une discussion de l'influence du mouvement 
de la Terre sur les phénomènes optiques. » 

Pendant longtemps, c'est seulement à propos de 
questions d'Optique pure que les physiciens étaient 
conduits à examiner les relations entre l'éther et la 
matière ordinaire. En particulier, l'étude de ces rela- 
tions s'est imposée quand on a cherché à expliquer 
l'aberration de la lumière et les résultats des recher- 
ches expérimentales sur des sujets connexes. Une par- 
tie importante de l'ouvrage de M. Larmor, comme l'in- 
dique le titre lui-même, se rapporte à ce sujet. 

Mais les idées actuelles sur l'électricité et la lumière 
ont permis de rattacher à l'étude des relations de 
l'éther et de la matière, non seulement les phénomènes 
électro-optiques, mais des phénomènes purement élec- 
triques. L'ouvrage de M. Larmor est, en réalité, un essai 
de théorie générale où il étudie, non seulement l'op- 
tique des milieux en repos ou en mouvement, mais un 
nombre considérable de faits ou de théories se ratta- 
chant à d'autres branches de la Science. 

L'hypothèse fondamentale est celle de la constitution 
« atomique » de la matière : il faudrait dire plutôt 
« corpusculaire »; car les corpuscules matériels, char- 
gés d'électricité, lés électrons, sont distincts, comme on 
sait, des atomes des chimistes, qui sont des édifices plus 
complexes. Dans les Mémoires antérieurs de M. Larmor 
(Philos. Transactions, 1894 à 1897), cette notion des 
électrons avait été introduite d'une façon secondaire et 
pouvait mème passer inaperçue : cette fois, M. Larmor 
en fait une notion fondamentale et la fait intervenir 
à propos de tous les sujets qu'il aborde. A ce titre, 
l' « Essai » de M. Larmor vient prendre sa place à côté 
des travaux de M. Lorentz, dont l'importance a surtout 
été reconnue le jour où Zeeman en a fait la brillante 
application que l’on sait. Il doit aussi être rapproché 
des travaux de Wien, Riecke, Drude, J.-J. Thom- 
son, etc.., auxquels M. Brillouin a consacré, cette 
année, ses lecons au Collège de France. 

Dans l'introduction qui précède son ouvrage, M.Lar- 
mor à indiqué brièvement la marche qu'il suit, La pre- 
mière section contient une revue historique rapide des 
recherches sur l’aberration de la lumière et les sujets 
qui s'y rattachent, puis un exposé général, au point de 
vue cinématique, de la propagation des ondes et des 
rayons dans un milieu en mouvement. 

Dans la deuxième section, après avoir déduitles équa- 
tions de Maxwell, pour l’éther libre, de l'application du 
principe de la moindre action, M. Larmor introduit la 
considération des électrons et l'applique à la théorie 
d'un certain nombre de questions d'Electrodynamique 
et d'Optique, Puis, il examine l'influence du mouvement 
de la matière : l'hypothèse fondamentale est que l’éther 
reste en repos, malgré le mouvement de la matière qui 
le traverse, et que ses propriétés ne sont modifiées que 
par le mouvement des particules électrisées que la ma- 
tière entraine. Il explique ainsi l’aberration et les au- 


812 


BIBLIOGRAPHIE — ANALYSES ET INDEX 


tres résultats d'expériences, en ne tenant compte d’a- 
bord que des termes du premier ordre. Sur ces points, 
l’auteur est d'accord avec Lorentz, au moins pour les 
idées fondamentales. 

Dans la troisième section se trouve une discussion 
plus approfondie de l'influence du mouvement de la 
matière sur l'éther, L'’atome matériel est supposé uni- 
quement formé d'électrons positifs ou négatifs en 
mouvement, et les forces interatomiques sont, pour la 
plus grande part au moins, supposées d'origine élec- 
trique. Les atomes ainsi constilués forment des sys- 
tèmes indépendants dont les positions relatives ne sont 
pas altérées par le mouvement. Ces hypothèses per- 
mettent d'établir, entre les configurations d’an système 
en repos et en mouvement, des relations qui permet- 
tent de tenir compte de termes de l’ordre du carré de 
l’aberration, et de rendre compte aïnsi des expériences 
de Michelson et Morley. 

Dans la quatrième section, M. Larmor s'occupe des 
phénomènes de polarisation rotatoire ordinaire et ma- 
gnétique, et montre que le mouvement de la Terre ne 
doit pas les affecter, conformément aux expériences 
de M. Mascart et contrairement aux résullats théori- 
ques de M. Lorentz. 

La cinquième section est consacrée à l'émission des 
radiations. M. Larmor cherche à expliquer pourquoi 
l'émission, produite par les mouvements oscillatoires 
des électrons, n'apparaît que lorsque les molécules sont 
violemment agitées, et examine, ici encore, l'influence 
du mouvement de la source. Enfin, il étudie les ques- 
tions relatives au rôle du spectroscope, à la constitu- 
tion de la lumière blanche et des rayons de Rôntgen, à 
la régularité du mouvement lumineux. 

L'ouvrage proprement dit est suivi d'un appendice 
d'une centaine de pages. Voici les titres des chapitres : 
Principes de Ja théorie de la polarité électrique et ma- 
gnétique; Sur le but d’une explication mécanique et sur 
l’idée de force; Sur l'électrolyse et les courants de con- 
duction ; Développement historique de la théorie ato- 
mique et de la théorie de l'éther; Modes de représen- 
tation de l’activité de l’éther; Influence du magnétisme 
sur la radiation. 

Le deuxième chapitre s'adresse à tous ceux qui s'in- 
téressent aux principes généraux de la Mécanique; le 
quatrième est formé de citations empruntées à divers 


auteurs, de Fermat à Lord Kelvin. ASC: 
Œchsner de Coninck. — La Chimie de l'Ura- 
nium. — À hroch. in-8 de 24 pages. Firmin et Mon- 


tane, éditeurs. Montpellier, 1901. 


Au moment où les rayons uraniques attirent si légi- 
timement l'attention même du grand public et conti- 
nuent d'exercer la sagacité des physiciens, on sera 
particulièrement reconnaissant à M. OEchsner de Co- 
ninck de nous offrir aujourd'hui une bibliographie 
complète des travaux consacrés à la chimie de l'Ura- 
nium. 

Son opuscule contient, d’ailleurs, plus que des indi- 
cations bibliographiques, l'auteur y ayant joint de très 
précises indications sur les résullats des principaux 
Mémoires qu'il a énumérés. 


3° Sciences naturelles 


Van den Broeck (Ernest). — Le dossier hydrolo- 
gique du régime aquifère en terrains calcaires et 
le rôle de la Géologie dans les recherches et 
études des travaux d'eaux alimentaires. — 1 ro- 
chure iu-8°, de 178 pages avec 12 figures. Extrait du 
Bull. Soc. Belge Géol., Pal. et Hydr., £. XI, fase. 10, 
avril 1901. 

Dans cette brochure, l'auteur a réuni des documents 
relatifs au mode de pénétration et de circulation de l'eau 
dans les terrains calcaires. Si les géologues sont sufli- 
samment édiliés, surtout depuis les études de M. Mar- 
tel, sur le régime des eaux souterraines dans les ré- 
gions calcaires, il n’était pas inutile de grouper pour les 


| techniciens les multiples arguments qui démontren 
une situation toute différente de celle des terrains 
perméables. M. Van den Broeck, qui a exercé une très 
heureuse influence sur le rôle de la Géologie dans l'étude 
préliminaire des projets d'adduclion d'eau, a réelle-« 
| ment constitué dans ce travail un dossier hydrologique 
des terrains calcaires. Les géologues y trouveront 
groupées d'intéressantes indications el les ingénieurs 
pourront ÿ puiser des renseignements d’une grande 


utilité pratique. A. Bicor, { 
Professeur à l'Université de Caen. 


Forel (F.-A.) et Sarasin (Ed.). — Les Oscillations 
| des Lacs. — 1 brochure in-8° de 15 pages avee 
figures. Gauthier- Villars, éditeur. Paris, 14901. 


Sarasin (Ed.). — Les Oscillations du Lac des 
Quatre-Cantons. 1 hrochure in-8° de 12 pages, 
avec 3 planches. Eggimann et Ci, éditeurs. Ge= 
nève, 4901. 


On sait que toute masse d’eau est, par sa nature 
même, essentiellement mobile et réagit avec la plus 
grande sensibilité aux moindres impulsions qui lui 
viennent du dehors. Il en est ainsi de l'eau d'un lac! 
qui, même sous l'apparence du plus grand calme, est, 
toujours en mouvement et présente continuellement 
des dénivellations plus ou moins marquées. . 

Ces mouvements sont de deux sortes : les uns, 
rapides et superficiels, les vagues, facilement visibles 
pour tous; les autres, lents, profonds, affectant toute 
la masse de l’eau. Ces derniers sont depuis longtemps 
connus à Genève sous le nom de seiches. 

C'est à l'étude de ces mouvements dans les divers 
lacs de la Suisse que se sont employés MM. Forel et 
Sarasin, et c'est le résultat de leurs patientes obser- 
vations qu'ils ont consigné dans les deux brochures 
ci-dessus. à 

Disons en terminant que, pour M. Forel, les seiches 
seraient « un mouvement de balancement de part et 
d'autre d'un axe médian ». Marius PERRIN. 


L'Année biologique, publiée sous la direction de 
Y. Delage. 4° année, 1898. — 1 vol. in-8 de 
847 pages. (Prix : 48 fr.) Schleicher frères, édi- 
teurs. Paris, 1901. 


Au premier volume de l'Année biologique, publié en 
1897 par M. Delage avec la collaboration d'un comité 
de rédacteurs, et présenté aux lecteurs de cette Revue 
par le D' H. Beauregard *, sont venus s'ajouter succes- 
sivement les volumes de 1898, de 1899 el de 1900. 
Ainsi s’est constituée une œuvre considérable, dont on 
ne saurait méconvaitre la valeur et l'utilité. 

Le volume que voici n'est pas moins important que 
les précédents. Il se rapporte aux travaux parus en M 
1898. Suivant la méthode adoptée dès l'origine, tout 
chapitre comprend, outre un index bibliographique et 
de nombreuses analyses, un apercu des progrès réa- 
lisés dans l’année. Ces résumés, très clairs, mettent en « 
lumière les Mémoires les plus importants et constituent, 
par leur ensemble, une esquisse rapide du mouvement 
de la Biologie générale. 

Pour donner une idée de l'intérêt de ce quatrième 
volume, nous nous bornerons à mentionner les princi-" 
paux chapitres qui ont été l'objet d'analyses impor- 
tantes. Le chapitre 1 est un résumé très complet de nos 
connaissances nouvellement acquises sur la cellule; 
toutes les recherches récentes de Gylologie, notamment 
celles qui sont relatives au centrosome, sont analysées 
en détail. Le chapitre 11 concerne les produits sexuels 
et la fécondation ; la question de la spermatogénèse y 
est particulièrement étudiée. Dans les chapitres sui- 
vants, les travaux sur la parthénogénèse, la reproduc= 
tion asexuelle, l'ontogénèse, la tératogénèse, la régéné- 
ration et la greffe, le sexe, la corrélation, la mort et le 


1 Rev. gén. des Se., t. IX, p. 299. 


BIBLIOGRAPHIE — ANALYSES ET INDEX 


813, 


plasma germinatif sont successivement passés en revue. 
chapitre xiv est consacré à la morphologie et — 
rtout — à la physiologie générales. Les chapitres 
Suivants sont relatifs à l'hérédité, à la variation, à l'ori- 
ne des espèces, à la distribution géographique des 
res; ils sont tous richement documentés. Le cha- 
tre xix, le plus important de l'ouvrage, est divisé en 
ux parties, dont l’une contient un exposé des tra- 
ux publiés en 1898 sur la structure et les fonctions 
de la cellule nerveuse, des centres nerveux et des 
organes des sens; la seconde partie, relative aux pro- 
ssus psychiques, ne présente pas moins d'intérêt 
ur le philosophe que pour le physiologiste et le mé- 
ecin. 
La table analytique qui termine le volume contribue 
rendre les recherches faciles et rapides, malgré l’abon- 
dance des matériaux accumulés. 

Comme on le voit, ce volume ne diffère pas d’une 
acou sensible des précédents. Ceux-ci, pourtant, conte- 
ient, annexés à certains chapitres, de véritables 
articles originaux destinés à mettre au point quelques- 
unes des grandes questions à l’ordre du jour. On pour- 
regretter la disparition de ces excellentes revues 
nérales si, en raison du développement considérable 
l'ouvrage, il n'avait été préférable de les sacrifier 
que de diminuer le nombre ou l'étendue des analyses. 
On des grands avantages que présente cette publica- 
ion et qu'on espère retrouver dans les prochains 
umes, est, en effet, de fournir au lecteur des ana- 
es assez détaillées pour le dispenser, dans bien des 
tas, de recourir aux originaux : ce ne sont pas de 
simples indications bibliographiques, ce sont des résu- 
més complets donnant, outre les conclusions des Mé- 
moires, un exposé des faits nouveaux ou des théories 
qu'ils renferment. 

On remarquera l'espace réservé au système nerveux 
ët aux fonctions mentales, qui font l'objet d'un cha- 
bitre spécial de 248 pages, tandis que les autres sys- 
lèmes et fonctions (sauf la reproduction) sont confondus 
dans le chapitre de morphologie et physiologie géné- 
rales, et l'on se demandera peut-être pourquoi, parmi 
les recherches descriptives relatives à la structure des 
rsanes, celles qui concernent les organes nerveux 
sont seules analysées en détail. Mais il faut tenir compte 
du but que s'est proposé le fondateur de l'Année biolo- 
gique : « Trier les seuls Mémoires où il est question des 
phénomènes généraux de la Biologie et ceux surtout 
ù l'on cherche à fournir l'explication, à donner la 
use des faits décrits ». Ce programme oblige à re- 
ousser les investigations purement descriptives et, 
Pautre part, à accueillir, en ce qui concerne la vie 
sychique, toutes les tentatives d'explication ‘des actes 
intellectuels par la constitution des organes quien sont 
e siège ou les agents. 

Tel qu'il est, cet euvrage est conforme au plan déve- 
Joppé par M. Delage dans la préface du premier volume, 
Tous les grands problèmes de la Biologie qui ont été 
discutés dans l'année, tous les faits qui présentent un 
intérêt général, y sont successivement exposés, à l’'ex- 
clusion des recherches spéciales et des monogra- 
phies. ) 
- Les faits de détail et de morphologie pure ne rentrent 
pas dans le cadre de cette publication, largement ou- 
erte aux recherches expérimentales et aux considéra- 
tions théoriques qui tendent à l'explication des phéno- 
mènes vilaux. 

Inspiré par ces idées, qui caractérisent la direction 
uvelle des études biologiques, ce recueil, unique en 
Rrance, — et même à l'étranger, — rendra d’inappré- 
&iables services à tout biologiste soucieux de se tenir au 
courant des progrès de la Science. L'impatience avec 
aquelle l'apparition de chaque volume est attendue 
est l'indice de l'incontestable utilité de cette publica- 
tion et de l'estime dans laquelle on la tient. 


D' P. Vicier, 
Préparateur-adjoint d'Histologie 
à la Faculté de Médecine de Paris. 


Catois (Eugène), Professeur à l'Université de Caen. 
— Recherches sur l'Histologie et l'Anatomie mi- 
croscopique de l'Encéphale chez les Poissons 
(Thèse de la Faculté des Sciences de Paris). — 
1 vol. in-8 de 168 pages, avec 10 planches hors texte. 
L. Daniel, imprimeur. Lille, 4901. 


La thèse présentée par M. Catois est une étude très 
travaillée sur l’encéphale des Poissons, envisagé aux 
points de vue histologique et anatomo-microscopique. 
Indépendamment de l'historique et de la technique, le 
travail comprend deux parties principales, l’une histo- 
logique, l'autre anatomo-microscopique, d'ailleurs iné- 
galement développées. 

La partie analomo-microscopique, qui ne se prête 
pas à une analyse à cause de son caractère purement 
descriptif, l'emporte de beaucoup sur l’autre. Elle est 
illustrée par plusieurs planches représentant dans leur 
ensemble les ganglions et les trajets fibreux du Télen- 
céphale, du Diencéphale et du Mésencéphale chez les 
Téléostéens et les Sélaciens; un paragraphe spécial est 
consacré à l'étude du Mésencéphale et à la difficile 
question du cervelet des Poissons. Cette description 
anatomo-microscopique offre une valeur documentaire 
considérable. 

La parlie histologique du fravail a recu des déve- 
loppements moindres. Les résultats rapportés par l'au- 
teur dans cette partie ont trait d'une part à la forme 
et aux rapports, d'autre part à la structure des élé- 
ments nerveux et autres de l’encéphale. 

Sur le premier point, et spécialement sur la forme 
des cellules nerveuses, il est à noter qu'en général la 
différenciation de l'axone est moins accusée et que les 
dendrites sont moins abondamment ramifiés chez les 
Poissons que chez les Vertébrés supérieurs; les cellules 
psychiques ou cellules pyramidales de l'écorce céré- 
brale, par exemple, ne présentent pas chez les Séla- 
ciens la forme différenciée si caractéristique qu'elles 
offrent ailleurs, et ne sont représentées que par des 
éléments indifféremment multipolaires. 

Quant aux rapports des éléments nerveux entre eux, 
ils ne sont pas étudiés, par la raison bien simple que 
l'auteur ne soupçonne pas qu'ils puissent être autre- 
ment que conformes à la théorie du neurone, tant est 
grande sans doute la confiance qu'il a dans cette 
théorie et dans les méthodes d'investigation sur les- 
quelles elle repose. Il n'y a pas de doute, en effet, que 
ces méthodes ne montreront jamais que des faits nou- 
veaux venant toujours à l'appui de la théorie, puisque 
celle-ci est née de faits analogues dus aux mêmes 
méthodes. Pour pouvoir aujourd'hui décerner le titre 
de « recherches historiques » au chapitre histologique 
d'un travail consacré comme celui-ci à l'étude du sys- 
tème nerveux, la première condition est qu'il y ait 
véritablement recherche, c’est-à-dire que, par l'emploi 
des méthodes très diverses déjà en usage, et au besoin 
de méthodes nouvelles et originales, on se propose 
d'éprouver l'exactitude des faits déjà produits et la 
valeur des théories en cours, et qu'on ne s'affranchisse 
pas du devoir obligatoire d'examiner comparativement 
et de critiquer. C’est faute de pratiquer cet examen 
critique, en matière de système nerveux, et c’est pour 
accepter les yeux fermés une théorie dogmatiquement 
établie, que l’histologie risquera fort de rester « im- 
puissante à donner la solution du problème » (du pro- 
blème physiologique du système nerveux), et que, 
suivant la prédiction même de Ramon y Cajal {cité par 
l’auteur), « l'achèvement complet de l'édifice de la 
névrologie nécessitera encore un labeur de plusieurs 
siècles ». Tout ceci, bien entendu, ne s'adresse pas 
spécialement à ce travail, mais en général à tous ceux 
qui, conçus dans le même esprit, s'inspirent d'un 
dogmatisme trop facile et par cela même dangereux, 
et sont néanmoins des travaux le plus souvent fort 
estimés. = 

Quant au chapitre consacré à la structure des élé- 
ments nerveux, il est moins important que le précé- 


814 


dent; il renferme des documents intéressants relative- 
ment aux fibres nerveuses et aux cellules de soutien, 
mais il est extrêmement réduit pour ce qui est de la 
cytologie des cellules nerveuses. 

En somme, si, dans la partie histologique, ce travail 
n’est pas devenu une véritable contribution à l’histo- 
logie du système nerveux, en s’élevant au-dessus de la 
description pure, et surtout en s’affranchissant de 
toute idée préconçue sur les rapports des éléments 
nerveux, du moins est-il, par sa partie anatomo-mi- 
croscopique, qui est {rès riche en faits et qui précise 
sur beaucoup de points la texture de l’encéphale des 
Poissons, un excellent Mémoire descriptif, d’une valeur 
anatomique et zoologique considérable, et dont les 
résultats très précis prouvent l’habileté du technicien 
et la sagacité de l'observateur. 

- A. PRENANT, 
Professeur à l'Université de Nancy. 


4° Sciences médicales 


Hartmann (Henri), Professeur agrégé à la Faculté de 
Médecine. — Chirurgie gastro-intestinale. — 1 vol. 
in-8° de 154 pages avec figures. (Prix:8 fr.) G. Stein- 
heil, éditeur. Paris, 1901. 

H. Hartmann est avec Chaput, Doyen, Quénu, Terrier, 
Tuffier, un des chirurgiens parisiens qui se sont le plus 
occupés des questions de chirurgie gastrique et de chi- 
rurgie intestinaie. 

Il a déjà publié sur ce sujet de beaux ouvrages : un 
livre avec Terrier sur la Chirurgie de l'estomac, un 
autre avec Quénu sur la Chirurgie du rectum. 

Dans son nouveau livre, il complète, et surtout il 
condense ses travaux antérieurs. 

L'ouvrage se divise en six lecons essentiellement pra- 
tiques; l’auteur ne noie pas son lecteur dans les ren- 
seisnements bibliographiques etles aperçus historiques; 
en historique, il ne donne que les points essentiels; 
avant tout et surtout il expose la manière de faire, 
il décrit les procédés qui lui ont paru les meilleurs. 
La description de chaque opération est suivie de l'étude 
de ses résultats et de la discussion de ses indications. 
On voit dans tout le livre le souci de la précision dans 
les détails opératoires, de la netteté dans les indications 
thérapeutiques. 

La première lecon est consacrée à l'anatomie de 
l'estomac, à l'examen clinique d'un estomac, à la techni- 
que générale des anastomoses entre deux organes creux. 

Dans ce chapitre, on trouve le résumé des travaux de 
Cunéo sur les lymphatiques de l'estomac, travaux indis- 
pensables à connaître pour tout opérateur qui s'occupe 
de chirurgie gastrique. 

La deuxième lecon traite d’une des plus importantes 
opérations sur l'estomac, de la gastro-entérostomie. 
L'auteur trace brièvement l'historique de cette opéra- 
tion: il décrit surtout la gastro-entérostomie postérieure 
de von Hacker, qu'il considère comme le procédé de 
choix. 

La troisième lecon est celle qui nous a le plus intéressé; 
elle contient une excellente étude des diverses variétés 
de gastrorectomies. Hartmann fixe les conditions indis- 
pensables pour obtenir, dans les opérations de ce genre, 
une guérison complète et durable; il décrit le procédé 
qu'il emploie dans les résections stomacales. 

Dans la quatrième lecon sont exposées diverses opé- 
rations qui sont, pour la plupart, d’un intérêt secon- 
daire. 11 n’est pas certain que la dilatation du pylore, la 
pyloroplastie, la gastrorraphie, la gastropexie soient des 
opérations destinées à rester dans la pratique chirur- 
gicale; il était difficile néanmoins de les passer sous 
silence. 

Le traitement des lésions traumatiques de l'intestin, 
les divers procédés d'entérectomie, l'entéro-anastomose, 
l'excision de l'intestin forment le sujet de la cinquième 
leçon. 

La sixième’lecon renferme la description de l’entéro- 


BIBLIOGRAPHIE — ANALYSES ET INDEX 


tomie de Nélaton, de la typhlotomie, de la colostomie 
iliaque et de la colostomie lombaire. 
La septième lecon est réservée à la question de l’abla* 
tion des cancers du rectum ; après avoir cité les prin= 
cipaux procédés, Hartmann considère comme la voie la 
meilleure pour enlever un cancer du rectum l’ancienne 
voie périnéale, modifiée et améliorée. Il décrit 
manuel opératoire de l'ablation périnéale du rectum. 
L'auteur termine son ouvrage par une sorte d'adden: 
dum consacré à la gastrostomie, et par l'exposé de sx 
statistique personnelle des opérations praliquées Sur 
l'estomac pendant les années 1898, 1899, 1900. 
De cette statistique, il résulte, pour l’auteur, quedë& 
succès dépend en grande partie de la précocité de ins 
tervention ; savoir poser à temps l'indication thés 
rapeutique est, pour lui, un point d'une importante 
capitale. k 
Le livre de H. Hartmann est, avant tout, un livre d'en 
seignément; dans l’avant-propos, l’auteur met en reli 
l'idée directrice qu'il voudrait inculquer aux jeune 
chirurgiens ; c’est que : comme la chirurgie des me 
bres, la chirurgie des viscères doit étre régie pan 
l'anatomie de la région sur laquelle on opère. Ces temp 
derniers, deux des prosecteurs de l'Ecole nous ont 
donné à ce point de vue des travaux extrèmeme 
utiles : Fredet s’est consacré à l'étude des vaisseaux 
de l'utérus ; Cunéo, à l'étude des lymphatiques de les» 
tomac; souhaitons que cet exemple soit suivi. Un bom 
anatomiste n’est pas nécessairement un bon chir 
gien, mais l'Anatomie est une des plus utiles servant 
de la Chirurgie. , 
Le livre de H. Hartmann est bien édité, bien illustré 
On y trouve les magnifiques dessins de Leuba cons& 
crés aux lymphatiques de l'estomac, quelques figures 
plus ou moins schématiques de Devy, et, en très gran 
nombre, les planches très claires de Warine; les dessi 
de Warine manquent un peu de souplesse; mais à 
témoignent d'une grande conscience et d’un très rée 
talent. Pour illustrer un livre de technique chirurgi 
cale, l'illustration par la photographie est défectueuse: 

Le dessin est aussi fidèle et infiniment plus clair. 
P. DEsrosses. 


5° Sciences diverses 


Finot (Jean). — La Philosophie de la Longévité.= 
4 vol. in-8° de 332 pages. (Prix : 5 fr.). Schleiche 
freres, éditeurs. Paris, 1901. 
Sous ce titre, M. Jean Finot, directeur de La Revue 

(ancienne revue des Revues), vient de faire paraître un 

ouvrage de forme un peu romantique, mélange de faits 

et d'hypothèses sur le problème de la Mort. 4 
Sans doute, beaucoup, parmi les idées qu'émet 

l'auteur, ne sont guère susceptibles, au moins actuel 

ment, d'être scientifiquement démontrées; mais ] 
questions qu'il agite et que s'est de tout temps posé 
l'Humanité, semblent, à l'heure présente, comme res 
mises à l’ordre du jour à la suile des beaux travaux 
d'un illustre collaborateur de la Æevue générale des 

Sciences, M. Metchnikoff, sur ce qu'on pourrait appe 

ler l'éloignement progressif de la vieillesse. ä 
M. Finot passe en revue, dans son livre, des sujets 

bien divers, dont plusieurs sont toutau moins tangen! 

à la science positive, et, par la facon même dont il} 

expose, parait, en vérité, les rajeunir. , 
Après avoir indiqué les faits qui tendent à prouver 

que la vie humaine ne cesse d'augmenter, il se po 

l'éternel problème de la guérison de la vicillesser 
considère tour à tour les différentes conceptions 
l'esprit humain s'est failes de la pérennité de la viee 
de la survivance de la personnalité. 
Si son livre ne convainc pas toujours le lecteur, ila 
du moins, le mérite de linciler à penser. Ajoutons quul 
est écrit d'un style alerte et avec une clarté qui ren 
dent attrayantes des spéculations, d'un caractère ordi 
nairement fort aride. MP 


ACADÉMIES ET SOCIÉTÉS SAVANTES 


ACADÉMIE DES SCIENCES DE PARIS 
Séance du 29 Juillet 1901. 


A9 SCIENCES MATAÉMATIQUES. — M. Ch. André a pour- 
suivi ses recherches sur la variation lumineuse de la 
planète Eros. Depuis le 29 mars, les minima successifs 
d'ordre pair et-impair se produisent à des intervalles 
de temps sensiblement égaux. — M. A. Demoulin mon- 
tre que la principale difficulté du problème de la recher- 
che des surfaces susceptibles d'une déformation con- 
linue avec conservation d'un système conjugué consiste 
dans l'intégration d'une équation aux dérivées partielles 
qui, dans le cas général, est du quatrième ordre, et, 
dans les cas particuliers, du troisième ou du deuxième 
ordre. — M. H. Dulac étudie les intégrales analytiques 
des équations différentielles du premier ordre et de 
degré quelconque dans le voisinage de certaines valeurs 
singulières. — MM. Eug. et Fr. Cosserat poursuivent 
l'étude de la déformation infiniment petite d'un corps 
“élastique soumis à des forces données. — MM. C. Ché- 
neveau et G.Cartaud ont photographié les ondes pro- 
duites, sous l'influence de vibrations, à la surface des 
liquides contenus dans des cuvettes de formes variées. 
Les figures ne sont pas sensiblement influencées par la 
pature et l'inclinaison des parois. — M. J. Boussinesdq, 
recherchant le pouvoir refroidissant d'un courant 
liquide ou gazeux, montre que le flux F, émis par 
l'unité d’aire du corps chauffé immergé dans le courant, 
est proportionnel à l'excès moyen 4 de température du 
“corps et à la racine carrée du produit de la conducti- 
_bilité K du courant par la capacité calorifique C de son 
- unité de volume et par sa vitesse v. 

20 SGIENCES PHYSIQUES. — MM. P. Curie et A. De- 
bierne indiquent divers procédés pour communiquer 
les propriétés radio-actives à l’eau distillée ; mais cette 
radio-activité disparait au bout de quelques jours en 
vase ouvert où fermé. Les dissolutions de sels de radium 
pérdent également peu à peu leur activité à l'air libre, 
mais ils la recouvrent ensuite en tubes scellés. — 
M. H. Stassano apporte des faits nouyeaux à l'appui 
de l'hypothèse de De la Rive, qui attribue à l'évaporation 
équatoriale l'origine de l'électricité des aurores polaires. 
- — M. L. Décombe explique la continuité des spectres 
dus aux solides et aux liquides incandescents, formés 
pourtant de molécules finies, par la considération des 
phénomènes qui se passeraient dans la couche superfi- 
cielle. Son interprétation conduit à une nouvelle éva- 
luation de l'intervalle moléculaire moyen, qui concorde 
avec celles obtenues par d’autres méthodes. — M. G. 
Gouy à étudié l’action électrocapillaire des molécules 
-non dissociées en ions. Les courbes électrocapillaires 
pis corps organiques sont très variées; le sens de l'effet 

du corps organique est toujours une dépression ou 
È diminution de 2, surtout marquée vers le milieu de la 
courbe; elle tend à s’annuler en s’approchant des 
. extrémités. — MM. Massol et Maldès ont constaté que 
- les dissolutions obtenues avec un mélange de sulfate de 
cuivre et de sulfate de soude (les deux sels étant en 
- excès) présentent une composition invariable aux tem- 
» pératures peu élevées, ainsi que l'avait observé Rudorf'; 
mais, dès que la température est suffisante pour que la 
modification sulfate de soude anhydre puisse prendre 
. naissance, la composition de la dissolution varie avec 
- les proportions relatives des deux sels mis en présence. 
- —M.C. Matignon a déterminé les principales constantes 
pebysiques du chlorure de néodyme; il a signalé un 

nouvel hydrate NdCI.H*0 et donné une méthode de 
_ préparation simple par le chlorure de néodyme anhy- 


815 


ACADÉMIES ET SOCIÉTÉS SAVANTES 


DE LA FRANCE ET 


DE L'ÉTRANGER 


dre; enfin, il a démontré que le néndyme est trivalent 
dans son chlorure. — M. L. Guillet a isolé, dans la 
réduction de l'acide molybdique par l'aluminium, cinq 
combinaisons correspondant aux formules Al Mo, AlMo, 
AlMo, AÏMo, AlMo* et, enfin, un composé très riche en 
molybdène qui semble correspondre à AlMo*®. — 
M. Jean Sterba, par des essais de cristallisations de 
l'oxyde de cérium à différentes températures, a toujours 
obtenu ce corps en cubes ou cubo-octaèdres, isotropes, 
incolores et transparents, mais dont la densité variait 
suivant la température de cristallisation. — M. C. Cha- 
brié a extrait le cæsium du pollux en attaquant une 
partie de ce minéral par 100 parties d'acide fluorhydri- 
que, puis en transformant les fluorures en carbonates. 
L'auteur à préparé divers sels de cæsium : sulfites, 
hyposulfite et hyposulfate. — M. M. Delage poursuit 
l'étude des acides pyrogallolmono- et disulfoniques ; il 
a préparé leurs sels de sodium, potassium et ammonium 
el indiqué les conditions de leur dosage alcalimétrique. 
— M. Marcel Guerbet, en faisant réagir l'alcool éthy- 
lique sur l'éthylate de baryte à 230°-240°, a obtenu une 
petite quantité d'alcool butylique normal; la réaction 
est lente el ne donne que de faibles rendements. — 
MM. E. Bourquelot et H. Hérissey ont reconnu qu'il 
y à production, durant la germination des graines de 
Phœænix canariensis, d’un ferment soluble capable 
d'hydrolyser les mannanes de l'albumen avec formation 
de maunose; ce ferment pévètre dans l'albumen et 
imprègne au moins les portions de cet albumen qui 
touchent au cotylédon; le mannose formé est utilisé au 
fur et à mesure de sa formation. 

39 ScIENGES NATURELLES. — MM. N. Vaschide et Cl. 
Vurpas ont observé que leur monstre anencéphalien 
possédait deux rétines normalement constituées, mal- 
gré l'absence de cerveau. — M. E. Hédon a constaté 
que les globules rouges ayant fixé une quantité appré- 
ciable d'un acide ou d'un sel acide deviennent impéné- 
trables à la solanine ; inversement, les globules ayant 
fixé un peu d’alcali subissent plus rapidement l'hémo- 
lyse par la solanine que les globules normaux... — 
M. G. Carrière a étudié l'influence de la lécithine sur 
les échanges nutritifs. Ce corps à produit chez des en- 
fants une notable augmentation de poids, une élévation 
de la taille et une augmentation du nombre des hé- 
malies. — M. Louis Mangin a reconnu que la forma- 
tion des thylles gommeuses a lieu, dans les tiges végé- 
tant normalement, toutes les fois qu'une dépression se 
produit pendant un certain temps dans l'atmosphère de 
la tige. Elles doivent se produire dans les cultures en 
sol mal aéré. — M. J. Ray a réalisé des cultures arti- 
ficielles de plusieurs parasites végétaux (charbons, 
rouilles) et obtenu des formes atténuées d'un certain 
nombre d'entre eux. — M. P. Thomas a étudié la nutri- 
tion azotée de la levure en employant un milieu mi- 
néral sucré auquel il ajoutait des poids connus de 
substances azoltées parfaitement pures. La concentra- 
tion de 20 °/, de sucre parait être la plus favorable 
pour une bonne assimilation de l'azote, que celui-ci 
soit présenté sous forme d'urée ou de bicarbonate 
d'ammoniaque. 


Séance du 5 Août 1901. 


49 SCIENCES MATHÉMATIQUES. — M. Ch. André a observé 
que l'amplitude de la variation lumineuse d'Eros, d'abord 
de deux grandeurs, a diminué depuis le 20 février d’une 
facon à peu près continue. Le 23 avril, on n'a plus cons- 
talé de variation. — M. P. Appell montre que le théo- 
rême communiqué récemment par M. Buhl et dont il 
a déduit comme cas particulier le célèbre théorème de 


816 


ACADÉMIES ET SOCIÉTÉS SAVANTES 


"a 


Poisson, peut être considéré à son tour comme une 
conséquence du théorème de Poisson. — MM. Eug. et 
Fr. Cosserat étudient la déformation infiniment pe- 
tite d’une enveloppe sphérique élastique. — M. E. Val- 
lier indique les méthodes de calcul du coefficient de 
lenteur dans les formules relalives à la pression dans 
les bouches à feu. — M. Gravaris a trouvé qu'il existe, 
entre l'angle & caractéristique de la déformation des 
métaux et le coefficient newtonien de restitution €, 
9 


3 AMEN : 
une relation de la forme e — = Cette relation se 
vérifie pour le fer, le cuivre, le zinc, le verre. — M. G. 


Kænigs présente une étude critique sur la théorie gé- 
nérale des mécanismes. Il examine la classification de 
Monge, qui se base sur le mouvement produit, et celle 
de Willis, qui fait intervenir la nature des liaisons 
mises en jeu. 

20 Screxces PHysiques. — M. K.-R. Johnson rappelle 
qu'il a publié dans les Annalen der Physik des expé- 
riences semblables à celles de MM. Broca et Turchini 
sur la décharge disruptive dans les électrolytes, et qu'il 
en à aussi tiré la conclusion que l’électrolyte se com- 
porte à peu près comme un diélectrique. — M. G. de 
Metz a constaté que le corps humain se charge tout 
comme un conducteur métallique; sa capacité élec- 
trique reste constante quand le voltage varie de 100 à 
1.000 volts; elle varie avec les circonstances et la pose; 
elle est en moyenne de 0,00011 de microfarad. — M.F. 
Beaulard a mesuré la différence de potentiel aux 
bornes d'un micromètre, entre les boules duquel éclate 
une étincelle ayant le caractère oscillatoire. Cette va- 
leur, calculée par la formule de l’électromètre, diffère 
de celle qui correspond à la même distance explosive 
sur les tables de MM. Bichat et Blondlot d’une quantité 
variable, passant par un maximum. Ce résultat s'ex- 
plique par l'amortissement plus-ou moins rapide de 
l'excitateur mis en jeu. — M. Ch. Nordmann à étudié 
la transmission des ondes hertziennes à travers des so- 
lutions d’acide sulfurique, de NaCI, de KCI etde Mg SO*. 
Pour ces liquides, les épaisseurs maxima que peuvent 
traverser les ondes employées, c’est-à-dire les trans- 
parences pour ces ondes, varient dans le même sens 
que les résistances, mais croissent moins vile que 
celles-ci. — M. A. Ponsot montre qu'en général si, 
dans un dissolvant qui ne prend pas part à fa réaction 
chimique, la substitution d’un corps À à un corps B 
dans le composé BC se produit avec dégagement de 
chaleur, la tension de vapeur du dissolvant est plus 
élevée quand il renferme une masse donnée de AC que 
quand il renferme une masse équivalente de BC. — 
MM. P. Sabatier et J.-B. Senderens ont réalisé la 
réduction du nitrobenzène et de ses homologues en 
aniline et bases correspondantes par l'hydrogène en 
présence de cuivre ou de nickel très divisé : 


CSHS.A20? + 6H — CSHS.AzII° + 2H°0. 
La même réaction a lieu avec le gaz à l’eau: 
C5H5AZ0° + 200 + H°— CSH5, AZI + 2C0?. 


Vu le bas prix de revient de ce dernier corps, cetle 
réaction pourrait devenir industrielle. — M. N.-A.Bar- 
bieri décrit une méthode d'analyse immédiate du tissu 
nerveux. Elle lui a permis d'en retirer de la chlolesté- 
rine, de la cérébcine, de l'homocérébrine, de la kéra- 
tine, une globuline-x et une globuline-$, et d'autres 
substances non encore identifiées. 

30 SCIENCES NATURELLES. — M. Yves Delage pense 
que la maturation cytoplasmique est peul-être due à 
la diffusion, dans le cytoplasme, du suc nucléaire qui 
peut, selon sa constitution, modifier la teneur de 
celui-ci en eau et en sels ou lui apporter des ferments 
spécifiques. Le moment où le suc nucléaire diffuse 
dans le cytoplasme est un stade critique où la sensibi- 
lité de l'œuf aux agents est maximum. — M. G. M. 
Stanoiéviteh présente un photomètre physiologique 
basé sur ce principe qu'une quantité d'énergie lumi- 


neuse minimum etconstanteestnécessaire pour produire 
l'impression lumineuse sur la rétine de l'observateur. 
Un diaphragme iris, dont on peut faire varier l’ouver- 
ture au moyen d'un tambour divisé, est ouvert peu à 
peu jusqu’à ce qu'on percoive ce minimum. — M. Collot 
a déterminé des échantillons de Goniatites rapportés 
du Sahara (chemin de Figuig à Igli). Cette découverte 
ramènerait à un âge un peu plus récent que celui 
admis par M. Ficheur les couches carbonifères du 
Sahara oranais, ou bien elle montrerait qu'il y a plu= 
sieurs niveaux. 


Séance du 12 Août 1901. 


19 SCIENCES MATHÉMATIQUES. — M. G. Mittag-Leffler 
indique un critère pour reconnaître les points singu= 
liers de la branche uniforme d’une fonctron monogène. 
— MM. Eug. et Fr. Cosserat étudient la déformation 
infiniment petite d'un ellipsoide élastique soumis à des 
efforts donnés sur la frontière. — M. G. Gravaris a vé- 
rifié expérimentalement, pour le verre, l'acier, le cui 
vre et le plomb, la relation qu'il a trouvée entre l’angle 
caractéristique de la déformation des métaux et Ie 
cœflicient de restitution de leur élasticité. 

20 Sciences puysiques. — M. G. M. Stanoiévitch 
rappelle que les perturbations de l'état moléculaire 
d'un nuage à grêle, produites par une ou plusieurs 
ondulations, peuvent empêcher la formation de Ian 
grêle. Pour produire ces vibrations, il préconise l'em= 
ploi de cerfs-volants ou de ballons captifs, pouvant” 
monter à des hauteurs variables, et porteurs de fortes: 
sonneries ou sirènes. — M. G. Vaillant a vérifié cxpé-" 
rimentalement que : 1° Dans des solutions complète- 
ment dissociées, ne contenant qu'un ion coloré, la 
coloration est indépendante de la nature de l’autre ion; 
2 Si, au contraire, l'ionisation est incomplète, la colo- 
ration varie avec la concentration et la nature de l'ion. 


non coloré. — M. de Forcrand a établi la formule : 
2e M = 30, 


dans laquelle z et s indiquent les chaleurs de liquéfac- M 
tion etet de solidification de l'unité de poids d'un corps, 
M son poids moléculaire et T sa température absolue 
d'ébullition. Il s'en sert pour calculer le poids molécu- 
laire de divers corps au point d'ébullition. — M. M. 
Descudé, en faisant réagir l’anhydride benzoïque ou le 
chlorure de benzoyle sur le trioxyméthylène en pré-" 
sence de chlorure de zinc, a obtenu du dibenzoate de 
méthylène (C°H5, COO ŸCH®, cristallisant en prismes eli- 
norhombiques incolores, fondant à 99°. 
Louis BRUNET. 


ACADÉMIE DE MÉDECINE 


Séance du 30 Juillet 1901. 


M. le Président annonce le décès de M, Moncorvo, M 
correspondant étranger, et de M. de Lacaze-Duthiers, 
membre libre de l'Académie. 

M. R. Blanchard présente, au nom de la Commis- 
sion du paludisme, un Rapport sur les moustiques de 
Paris et leurs méfaits. Ceux-ci peuvent propager le 
paludisme, les maladies filariennes, la fièvre jaune et … 
peut-être la lèpre. IL importe donc, dans les maisons 
envahies par les moustiques, de faire usage des mous- 
tiquaires pour se protéger pendant la nuit; il est utile 
également, pour chasser les moustiques, de répandre 
dansles chambres des vapeurs de formol. Pour atténuer 
les effets de la piqûre, il est avantageux d'employer la 
teinture d'iode en badigeonnage. Pour se débarrasser 
des moustiques, il importe avant tout de faire dispa= 
raître les eaux stagnantes, en les remplaçant par de 
l'eau courante; pour détruire les larves de moustiques 
dans l'eau, on se servira avec avantage d'huile de 
pétrole qui s'étalera à la surface de l’eau. — M. Kelsch … 
présente une étude sur les cardiopathies latentes et la 
mort subile dans l'armée. Il signale la fréquence des 


ME 


affections idiopathiques du cœur et des gros vaisseaux 
“chez les soldats, leur évolution silencieuse et leur réveil 
“brusque, leur révélation soudaine dans une catastrophe 
“finale provoquée par l'effort professionnel, tel que le 
pas de gymnastique, le saut d'obstacles, l'exercice, la 
manœuvre, la marche, etc., effort qui vient surprendre 
inopinément le cœur et réclame de lui un déploiement 
d'énérgie incompatible avec sa déchéance. 


SOCIÉTÉ DE BIOLOGIE 


Séance du 6 Juillet 1900. 


M. Ch. Féré a constaté que les excilalions du goût 
augmentent la capacité de travail au début lorsqu'elles 
font courtes; quand elles sont prolongées, elles pro- 
duisent une dépression immédiate. Dans tous les cas, 
elles précipitent la fatigue et diminuent le travail total. 
L'opium en petite quantité produit d'abord une aus- 
Mentation; en quantité plus grande, il cause dès le 
début une dépression du travail. Dans tous les cas, le 
travail total est au-dessous de la normale. — M. E. Mau- 
rel a reconnu que le danger de la cocaine réside dans 
sa pénélration dans les veines, autres que celles du 
système porte, à un litre suffisant pour tuer le leuco- 
cyte, ou du moins pour lui donner la forme sphérique. 
La mort accidentelle par la cocaïne est due aux leuco- 
Cytes rendus sphériques el rigides qui, arrêtés par les 
“capillaires du poumon, remplissent le rôle de véritables 
embolies. — MM. Jean Camus et P.Pagniezontobservé 
“de grandes variations dans le pouvoir hémolysant de 
différents sérums, sans que celles-ci paraissent liées à 
telle ou telle affection. D'autre part, ils croient àfla pré- 
sence, dans le sérum, d’une substance protectrice, 
existant à côté de l’alexine et capable de s'opposer dans 
“une certaine mesure à son action. — MM. L. Camus et 
“E. Gley rappellent leurs recherches analogues sur le 
sérum d'anguille, qui les avaient conduit à des résultats 
contradictoires. — MM. J. Camus el P. Pagriez croient 
avoir décelé dans le sérum des phtisiques l'existence 
d'une sensibilisatrice. — M. Widal a fait une ohserva- 
tion analogue. — MM. F. et J. P. Tourneux ont observé 
que la durée de l'incubation des œufs de perruche 
ondulée est, en moyenne, de dix-huit à vingt jours. 
L'intervalle qui sépare deux pontes successives peut 
varier de sept à quarante-neuf jours. — MM. H. Roger 
et E. Weil ont reconnu que les animaux inoculés avec 
le pus variolique résistent fréquemment lorsqu'ils sont 
bien nourris. D'autre part, le sang des animaux, ino- 
culés n’est virulent que pendant un temps très court. 
— MM. Léri et Du Pasquier ont comparé la valeur des 
injections de cocaïne sous-arachnoïdiennes et épidu- 
rales dans le traitement de la sciatique. Les premières, 
qui présentent des inconvénients, ne doivent ètre em- 
ployées qu'après échec des secondes, qui sont sans dan- 
ger. — M. E. Couvreur pense que l'accélération dans 
e refroidissement, constatée par M. de Tarchanoff 
après section des pneumogastriques au cou, est due 
simplement aux troubles respiratoires très marqués 
qui suivent immédiatement la double section. — 
MM. Doyon et Morel ont constaté, chez le lapin, que, 
sous l'influence d'un séjour de vingt et un jours dans 
l'air comprimé, le nombre des globules a diminué de 
plus d'un tiers. Cette modification à disparu lorsque la 
pression est redevenue normale. — M. L. Lauroy à 
“mis en évidence l’ergastoplasme dans les cellules des 
glandes Jabiale supérieure et sous-linguales des cou- 
“euvres Zamenis viridiflavus et Tropidonotus viperi- 
nus soumises pendant dix minutes à l’action de la pilo- 
carpine. — M. Laignel-Lavastine a observé que le 
“liquide céphalo-rachidien des paralyliques généraux 
‘paraît stérile à toutes les périodes de la maladie. — 
M: G. Carrière a étudié la méthode de séro-diagnostic 
de la tuberculose. Elle est d'une pratique difficile, mais 
«elle est très sensible et a une grande valeur ajoutée 
‘aux autres éléments de diagnostic. — M. L. Bard à 
reconnu que l'hémoglobine du sang épanché et héma- 


ACADÉMIES ET SOCIÉTÉS SAVANTES 


tolysé dans le liquide céphalo-rachidien y subit une 
transformation pigmentaire spéciale qui précède sa 
résorption définitive et qui permet de constater pen- 
dant un certain temps l'existence d’un épanchement 
antérieur. 

Séance du 13 Juillet 1901. 


M. Ch. Féré a observé que les excilations auditives 
produisent une suractivité du travail, surtout si elles 
sont variées; mais la répétition d'une note monotone 
fait bientôt disparaître l'effet exaltant primitif et pro- 
duit une diminution de travail, De même, à la suite 
d'une excitation cutanée prolongée, l'augmentation 
initiale fait place à une dépression du travail. — 
M. Ch. Féré à constaté que l'injection préalable de 
doses faibles d'une solution d'antipyrine dans l’albu- 
men de l'œuf a une action excitante sur le développe- 
ment de l'embryon de poulet, tandis que l'injection de 
doses fortes .a un effet nuisible. — MM. B. Auché et 
L. Vaillant ont étudié les altérations du sang pro- 
duites par les morsures de serpents venimeux; elles 
consistent principalement dans une hématolyse des 
globules rouges et une augmentation des globules 
blancs. — MM. Albarran el Cathelin ont vu l'inconti- 
nence d'urine disparaitre plus ou moins complètement 
à la suite d'injections épidurales de cocaine. — 
MM. E. Wertheimer el L. Lepage ont observé que de 
très fortes doses d’atropine ne suppriment pas, chez le 
chien, les réflexes sécrétoires du pancréas et qu'elles 
ne paraissent même pas les atlénuer. — MM. E. Bar- 
dier et H. Frenkel ont constaté qu'une excitation 
légère du rein par le nitrate d'argent, incapable de 
provoquer une véritable néphrite, exagère l'activité 
glandulaire. Une cautérisation plus profonde produit 
une petite diminution de la quantité d'urine excrétée. 
L'injection d'acide chromique dans le rein produit une 
néphrite intermédiaire entre la simple irritation de la 
surface et la néphrite épithéliale. — MM. R. Oppenheim 
et M. Lœper ont étudié les lésions des capsules surré- 
nales dans quelques maladies infectieuses aiguës. Elles 
consistent en altérations du protoplasma des cellules, 
thromboses des veines capsulaires, nodules infec- 
tieux, elc. — M. E. Retterer à reconnu que la fonction 
principale du ganglion lymphatique est de produire 
des hématies et du plasma. Les leucocytes qui s'y déve- 
loppent ne sont que des restes cellulaires qui finissent 
également par se convertir, dans le courant lympha- 
tique ou sanguin, en éléments hémoglobiques. — 
MM. Ch. Féré el Aug. Pettit ont éludié la structure 
des téralomes expérimentaux et ont trouvé certaines 
ressemblances avec les néoplasmes spontanés. — 
M. A. Lesage a isolé, dans seize cas de gastro-entérite 
du nourrisson terminés par la mort, un cocco-bacille 
possédant les caractères du genre Pasteurella. — 
MM. A. Charrin el G. Delamare ont étudié les pro- 
priétés du placenta dans le but de rechercher si cet 
organe possède une activité propre capable de modifier 
ou d'arrêter certains produits; leurs éxpériences ne : 
sont que préliminaires. — M. Ch. Lapierre à employé 
les glucoprotéines comme milieux de culture chimi- 
quement définis pour l’élude des microbes. L'étude 
comparée du coli-bacille et du bacille typhique lui a 
permis d'établir cinq types de transition définis entre 
ces deux formes, mais il n’y a pas passage au bacille 
d'Eberth. Les cinq types sont des variétés de l'espèce 
coli, à laquelle il est possible de les faire revenir. — 
M. F. Arloing à étudié un sérum antituberculineux 
qui exalte la virulence du bacille de Koch, ou bien 
favorise l'infection de l'organisme par l'agent tubercu- 
leux. — MM. E. Cassaet et G. Saux ont reconnu que 
les produits acides de la digestion artificielle des 
viandes sont les mêmes que ceux des hyperchlorhy- 
driques; leur principale propriété est une action tétani- 
sante. — MM. V. Henri et Larguier des Bancels ont 
étudié l’action de l'acide chlorhydrique sur le saecha- 
rose et sur l'acétate de méthyle; les deux ‘réactions 
se produisent avec la même vitesse séparément et 


818 


ACADÉMIES ET SOCIÉTÉS SAVANTES 


simultanément. Elles sont donc purement catalytiques. 
— M. A. Poulain a reconnu qu'à l’état normal le pou- 
voir lipasique est sensiblement le même dans les gan- 
glions périphériques et dans les ganglions du mésen- 
tère. Dans les infections intestinales, l'activité lipasique 
des ganglions mésentériques diminue beaucoup par 
rapport à celle des ganglions périphériques; le con- 
traire se produit dans les infections cutanéo-mu- 
queuses. — M. C. Simionesco a employé avec succès 
le cacodylate de soude dans diverses affections. Le 
traitement cacodylique prolongé n'a pas produit de 
phénomènes d'intoxication, — MM. Grossard et Pégot 
ont constaté l'existence d'un centre psychique d’auto- 
audition. — M. Tribondeau a observé 14 cas d’éléphan- 
tiasis des membres supérieures avec engorgement du 
ganglion sus-épitrochléen. 


SOCIÉTÉ ROYALE DE LONDRES : 


SCIENCES NATURELLES. 


R. Kennedy : Sur la restauration des mouve- 
ments coordonnés après le croisement des nerfs, 
avec changement de la fonction des centres corti- 
caux cérébraux. — Dans le membre antérieur du 
chien, le centre nerveux des muscles fléchisseurs peut 
être croisé avec celui des muscles extenseurs avec ce 
résultat, malgré le changement de l'innervation, de 
rendre à l'animal, comme auparavant, le pouvoir 
d'exécuter des mouvements volontaires et coordonnés 
de ses membres. 

Le fait de croiser les nerfs n’ajoute rien matérielle- 
ment au temps qui serait nécessaire pour recouvrer 
le fonctionnement du membre si les mêmes nerfs 
avaient été seulement divisés et réunis par suture avec 
toute l'exactitude possible. 

Le résultat du croisement du centre nerveux des 
groupes de muscles antagonistes est que les centres 
nerveux qui innervaient le premier groupe autrefois, 
servent maintenant à l’autre groupe; et ce changement 
s'étend jusqu'aux centres cérébraux corticaux dont la 
position est changée, mais qui conservent leur irrita- 
bilité. sx 

Les centres cérébraux corticaux dont la position a été 
interchangée par le croisement peuvent émettre, en 
réponse à la volonté, des impulsions qui amènent dans 
les nouvelles terminaisons périphériques des mouve- 
ments parfaitement coordonnés, ; , 

Chez l’homme, le nerf facial peut être détaché du 
centre facial et attaché au nerf spinal accessoire; de 
cette facon les nerfs faciaux sont innervés par le centre 
spinal accessoire, en permettant ainsi le rétablisse- 
ment partiel des mouvements coordonnés de la face 
à la fois volontaires et réflexes. 

Dans le cas de la réunion d’un nerf divisé, il n’est 
pas nécessaire de supposer que la régénération a res- 
tauré les anciens trajets des impulsions nerveuses, 
car si de nouveaux trajets sont formés par la coadap- 
tation imparfaite des extrémités du nerf divisé, en 
modifiant les connexions des cellules du nerf central 
avec les extrémités périphériques, l'organisme à le 
pouvoir de compenser cette altération. : 

Dans le cas de paralysie d'un muscle ou d’un groupe 
de muscles, si le nerf qui commande le ou les muscles 
affectés est greffé à un nerf efférent voisin qui com- 
mande des muscles sains, il est probable que le groupe 
de muscles affectés, s’il n'est pas complètement détruit 
par un processus dégénératil, reprendra sa fonction 
normale. 


SOCIÉTÉ DE CHIMIE DE LONDRES 


Séance du 20 Juin 1904 (suite). 


MM. H.-E. Armstrong et T.-M. Lowry pensent que 
l'acide camphorsulfonique de Reychler est probable- 
ment un acide «, le groupe sulfo occupant la même 
position que l'atome de brome dans l'x-bromocamphre. 


Quand le sulfochloro- ou le sulfobromocamphre es 
traité par l'’ammoniaque diluée, la réaction est normale 
et il se produit seulement l'«-sulfonamide, fondant 
2230; quand l’ammoniaque est concentrée, la réactio 
est violente et il se forme l’«-sulfonamide isomère, fon: 
dant à 1320. C’est une substance labile, qui est aisémen 
convertie dans l’x-sulfonamide stable par le brome o 
les acides. Les auteurs ont préparé beaucoup de dérivés 
sulfonés et halogénés du camphre. L’«-bromocampbhre 
a-sulfonamide, bouillie avec l’anhydride acétique, se 
convertit en un anhydride qui paraît répondre à [à 
formule : 

C.Br — S0? 

CH O | 
C——Az 


— M. A.-T. Larter a répété les expériences d'Arms= 
trong et Rennie sur la nitration du dinitrothymol eta 
toujours obtenu le trinitrométacrésol et non le trini= 
trothymol comme prétend l'avoir obtenu Maldotti. La 
nitration de l’éther éthylique du dinitrothymol donne 
également l'éther éthylique du trinitrométacrésol. = 
M. A. C. Hill a observé que l'hydrolyse des solutions 
diluées d’amidon par la diastase du taka aboutit à un 
transformation complèle en glucose. Une solution co 
tenant 35 °/, de glucose et 6 °/, d'hydrate de maltose, 
traitée par la diastase du taka renfermant de la mal= 
tase, s'hydrolyse jusqu'à renfermer 39 °/, de glucose 
et 2 0/, d'hydrate de maltose. Par contre, une solution 
renfermant 60 °/, de glucose, traitée de la même facon, 
contient, au bout d'un certain temps, 58 °/, de glucose 
et 2 0/, d'hydrate de maltose; il y a donc eu unes 
action inverse du ferment; si l’on dilue la solution, 
l'hydrolyse reprend de nouveau. 


ACADÉMIE DES SCIENCES D'AMSTERDAM 


Communications récentes. 


1° SCIENCES MATHEMATIQUES. — MM. H. G. et E. F. 
van de Sande Bakhuizen font connaitre et expliquent 
les dépêches se rapportant aux résultats de l'expédition 
néerlandaise destinée à l'observation de l'éclipse solaire 
totale du 18 mai 1901 à Karong Sago, près de Païnan, 
sur la côte occidentale de l’île de Sumatra. Malheureu-« 
sement, pendant l'observation, la plus grande partie du 
ciel a été couverte de nuages (alto-cumuli). C'est ainsi 
que les observations avec le grand spectrographe n'ont 
pas permis de déduire des résultats relatifs au mou=. 
vement de la couronne. Au contraire, les observa- 
tions avec le petit spectrographe ont livré des images 
du spectre entier de la couronne et du phénomène 
connu sous le nom de « flash », etc. — M. W. Kap- 
teyn : Sur des cas particuliers de l'équation différen= 
tielle de Monge. Autrefois (Rev. gén. des Se., t. XI, 
p. 658), l'auteur s’est occupé du cas s + At + p —=0; 
maintenant il étudie le cas r—Xt+1—0, en suppo= 
sant en premier lieu que À et # sont des fonctions des 
pet q, et en second lieu que X et y ne dépendent que 
de x, y, z: Ensuite M. Kapteyn s'occupe d’une intégrale 
définie où entrent des fonctions de Bessel. U démontre 
la relation: : 


r(m—ne) f° CO 10 Se Su ESA TE 
(1 t P} 


où In(/), In(t) sont des fonctions de Bessel de première 


/ 


espèce et des ordres différents m, »n, et le cas particu- 


lier : 
Ee dt_, 
2n f° in (+=. 


— M. J. Cardinaal présente, au nom de M. K. Bes : 

Détermination analytique du neuvième point dinter- 
section de deux cubiques planes menées par huit points 
donnés. L'auteur exprime les coordonnées du neuvième. 
point à l'aide de déterminants contenant les coordon- 
nées des huit points donnés. Il remarque que le hui- 
tième point d'intersection de trois quadriques menées 


ar sept points donnés de l’espace se détermine d’une 
amère analogue. — M. H. G. van de Sande Bak- 
ayzen présente encore : 1° « Korte handleïding, enz. » 
Pelit aperçu des observations simples à faire pendant 
éclipse totale du Soleil le 18 mai 1901), et 2° la thèse de 
b J.-W.-J.-A. Stein, S. J., intitulée : Beobachtungen 
ur Bestimmung der Breitenvariation in Leiden nach 
er Horrebow-Methode angestellf von Juni 1899 bis 
ani 1900 (Observations pour la détermination de la 
ariation de la latitude de Leyde, d’après la méthode 
le Horrebow, faites de juin 1899 à juin 1900). 

20 SCIENCES PHYSIQUES. — M. H. Kamerlingh Onnes : 
Représentation de l'équation critique des qaz et des 
luides par des séries. Les calculs de l’auteur sont en 
ation avec les résultats des expériences de M. Amagat 
nales de Ch. et de Phys., série 6, t. XXIX, 1893). 
Quoiqu'il ait recherché le développement de l'équation 
ritique p — f (v,T) en série infinie double convergente 


Suivant la densité moléculaire = et la température ab- 


solue T, il a dû se restreindre à une représentation 
Dar un polynôme ne contenant qu'un nombre fini de 
ermes, pas même convergent pour toutes les densités. 
our chaque isotherme, il a dù déterminer les coefli- 
ents des termes de ce polynôme, etc. En partant de 
à forme : 


B Ch YD E F 
PÉEPA HEE AE ENTRE LL 


l obtient des résultats assez sensiblement d'accord 
avec les expériences de M. Amagat en représentant une 
elconque des fonctions B, C, D, E, F, en #{ par des 
expressions de la forme : 

Mit + Me + 


My | My 


ELU CÉ 


M. Onnes présente ensuite, au nom de M. J.-C. Schalk- 
wyk: {sothermes de précision. Suite d'une commu- 
ication précédente (Rev. gén, des Se., t. XII, p. 151). 
IL. Précision de la mesure de la pression à l’aide du 
manomètre à air libre de Kamerlingh Onnes. IT. Man- 
feau d’eau d'une température ordinaire constante. 
IV. La calibrage des tubes piézométriques. V. L'iso- 
therme de l'hydrogène à 20° au-dessous de 60 atmo- 
sphères. — M. H.-A. Lorentz présente, au nom de 
M. EF. Schuh : Ondes lumineuses planes dans un milieu 
diélectrique homogène, électriquement et magnétique- 
ent anisotrope. Déduction de l'équation connue de la 
surface de l'onde, tant en coordonnées tangentielles 
a'en coordonnées ordinaires. Etude des propriétés de 
cette surface. — M. J.-D. van der Waals présente, au 
iom de Ph. Kohnstamm et de B.-M. van Dalfsen : 
Pensions de vapeur de mélanges d'éther et de chloro- 
forme, D'après les résultats déposés par les auteurs en 
ne table et un diagramme, la relation simple 

4 — d,a, de Galitzine-Berthelot semble assez impro- 
ble. — M. H.-W. Bakhuis Roozeboom présente, au 
m de A. Smits et de L.-K. Wolff : Sur la r'étrogra- 
tion de l'ionisation de solutions de NaOH, Na,CO, et 
NaHCO, par l'addition de NaCI. En 1900, M. Starke 
uvait qu'en ajoutant 1 centimètre cube d’une solu- 
ion de NaOH de 0,15 °/, à 25 centimètres cubes d’une 
olution de NaCI de 15 °/, où à 25 centimètres cubes 
eau distillée, on obtient des solutions de réaction 
caline différente, la réaction de la solution de NaCI 
nt la plus forte. Il répétait ses épreuves en substi- 
ant des solutions de Na,CO, et de NallCO, à celle de 
l; le résultat restait le même. Il parvint ainsi à 
ette conclusion que, contrairement à la théorie, la 
ion alcaline d'une solution de NaOH, au lieu de 
minuer, s'accroît sensiblement par l'addition d’un sel à 
n homologue. MM. Smits et Wolff trouvent entre autres 
e cette contradiction disparaît quand on se sert d’eau 
re ne contenant pas des traces d'acide carbonique. — 
Roozeboom s'occupe ensuite des Amalgames de 
dmium en faisant connaître les résultats d’une étude 


ACADÉMIES ET SOCIÉTÉS SAVANTES 


819 


cadmium et le mercure se mélangent dans toutes les 
proportions. En refroidissant ces mélanges, on engendre 
des cristaux correspondant aux lignes AG et CB du 
diagramme (fig. 1), dont la première joint le point de 
fusion À (— 40°) du mercure au point G (1880) et la 
seconde ce point C au point de fusion B (321°) du cad- 
mium. Ces deux lignes forment en C un point saillant 
au lieu de s'y toucher. Elles ont été déterminées par 
la méthode ther- 

mique el par la mé- F 

thode dilatométri- 
que ; elles font con- 
naître, pour une 
proportion quel- 
conque des deux 
substances, la tem- 
pérature où la con- 
gélation commen- 
ce. Car aucun des 
amalgames liquides 
ne congèle à une 
température déter- 
minée. Ainsi, [au 
contraire, les lignes 
AE, ED, DB font 
connaître la tem- 
pérature où la fu- 
sion commence. Les 
lignes AE, DB limi- 
tent les deux séries 


possibles de cris- Fig. 1. — Diagramme des points de 
faux de mélange. A solidification des amalgames de 
cadmiurn. 


la température de 
188°, elles se joi- 
gnent à peu près en laissant entre elles un petit hiatus 
situé entre 75 et 77°/, de cadmium. La question, très 
importante, si les limites des deux espèces de cristaux 
du mélange subissent des variations pour des tempéra- 
tures plus basses, a été étudiée par la méthode élec- 
trique. A cette fin, on mesurait la force électromotrice 
d'alliages de concentration différente dans une solution 
de sulfate de cadmium avec un pôle réversible de 
mercure comme pôle positif, à des températures de 
25° à 75°. Les lignes du 

diagramme (fig. 2) indi- 

quent la force électro- 

motrice; les parties ab, 

cd, ef correspondent aux 

parties homonymes de £ 
la même horizontale de ; 
25° dans la figure 1. La d 

partie horizontale be à 

une grande signification 

en rapport avec les élé- S 
ments Weston (voir /tev. NS 
gén. des Sciences, t. XI, 

p. 1252, l'étude de M.E. 

Cohen, et surtout t. XIT, 

p. 348, celle de M. C.-H. 

Wind). On en déduit 

qu'on obtient un élé- 

ment de force électro- Hÿ 
motrice constante en 
choisissant comme pour- 
centage de l’amalgame 
qui sert comme pôle né- 
gatif celui qui correspond 
à un point quelconque de 
droite be. De plus, toutes les irrégularités observées 
dans ces éléments s'expliquent d’une manière assez 
simple par la remarque que, si l'on prend un amal- 
game d'une composition correspondant à un point tout 
près de « (b), un refroidissement (échauffement) qui 
donne à la partie horizontale be une translation vers b 
(e) fait correspondre cette même composition à un 
point qui ne fait plus partie de cette partie hotizontale 
be, etc, — Enfin, M. Roozeboom présente Ja thèse de 


Concentration Cd 


Fig. 2. — Forces électromo- 
trices d’amalgames de cad- 
mium dans une solution de 

sulfate de cadmium. 


520 


M. H.-C. Bijl : « De Cadmiumamalgamen en hun elec- 
tromotorisch gedrag » (Les amalgames de cadmium et 
leur conduite électromotrice), et la thèse de M. E. van 
de Stadt Kzn : « Barnsteenzuuranhydride en phtaal- 
zuuranhydride in hun gedrag tegenover water » (Les 
anhydrides des acides succinique et phtalique et leur 
conduite vis-à-vis l’eau). — M. H. Behrens : liecher- 
ches microchimiques sur les métaux du groupe des 
cérites. Etude des succinates des métaux du groupe des 
cérites. — M. C.-A. Lobry de Bruyn présente au nom de 
M. G. van der Sleen : Sur l'acide «-oxyhutyrique (acide 
vinylglycolique) et ses transformations. L'étude de 
l'acide vinylglycolique ‘CH, : CH.CH (OH) (COOH), com- 
mencée en 1885 par M. Lobry de Bruyn lui-même, a élé 
reprise en 1898 par M. van der Sleen, lorsque l'on eut 
réussi à préparer cette substance en quantité assez im- 
portante, par exemple d'environ 600 grammes par jour. 
— M. Lobry de Bruyn présente encore, au nom de M. C. 
Prey Jz., une étude : « Sur la synthèse de l'acide éry- 
thrique », CH,OH.CHOH.CEOH.COOH, et, au nom de 
M. P.-K. Lulofs, la thèse : « Reactiesnelheid by aro- 
matische [halogeennitroderivaten » (Vitesse de réaction 
des dérivées nitriques aromatiques halogènés). — 
M. A.-N.-P. Franchimont : Une nouvelle classe de 
nitramines ». En 4895, M. van Breukelenveen a préparé 
l'uréo-éthanol (Hev. gén. des Se., t. VI, p. 198), dans 
l'espoir d'en déduire un nitramine-alcool; mais cette 
tentative n'a pas réussi, la combinaison de l'uréo- 
éthanol avec Az0,H développant à la température ordi- 
naire immédiatement A20, et CO,. Donc, M. Franchi- 
mont a essayé, avec l’aide de M. Lublin, la préparation 
d'un nitramine-alcool d'une toute autre manière, et 
cette fois-ci il a réussi. Sa méthode s'explique assez 
simplement à l’aide des deux équations : 


CHE. Az — CO CHE. AZH 
(4) | ME CHU OH LIRE CO 
CH2.OH OCH CH —0 
CHE. A7 — Az0° _ CH?.AzH:-A70* 
CE INS SRE ERD EE 
CH2.0 — CO CH2.OH 


La substance du premier membre de l'équation (4) fut 
déduite de l’amine-éthanol. En l’échauffant, elle se dé- 
compose, même in vacuo, comme l'indique cette équa- 
tion, en méthyle-alcool et l'olide de l'acide oxéthyla- 
mine-formique. En ajoutant cet olide à l'acide nitrique 
réel, on obtient le dérivé mononitrique qui figure dans 
le premier membre de l’équation (2). En le faisant 
bouillir avec de l'eau, on fait naître, d’après l'équa- 
tion (2), de [l'acide carbonique et le nitramine-éthanol 
dissout dans l’eau, qu'on obtient après vaporisalion de 
l'eau sous forme d’un fluide sirupeux. L'auteur en a pré- 
paré un sel de mercure cristallisé en aiguilles minces, un 
sel d'argent cristallisé en plaques à éclat de nacre, etc. 
— Ensuite M. Franchimont présente, au nom de M'° E. 
van Aken : L'oxydation des substances organiques 420- 
tées et la détermination de leur carbone et de leur 
azote suivant la voie humide. Critique scientiique et 
expérimentale des méthodes de Mill et Varrentrapp, 
de Kjeldahl, de Budde et Schou et spécialement de M. P. 
Fritsch (Liehig's Annalen, t. CXCIV, p. 7, 1897). 

3. SCIENCES NATURELLES. — M. M. W. Beyerinck : 
Suite des recherches sur les bactéries oligonitro- 
philes (voir Rev. gén. des Se., t. XII, p. 392). Dans 
celte seconde partie, l’auteur s'occupe des espèces qui 
se développent sous l'influence de la lumière en des 
fluides nutritifs ne contenant que des traces de 
substances azotées, c'est-à-dire des espèces dont la 
nutrition en carbone se fait à l’aide du carbone de 
l'atmosphère. Ensuite M. Beyerinck s'occupe de : Bac- 
téries lumineuses comme réactif dans les recherches 
sur la fonction de la chlorophylle. Des algues marines 
enfermées dans une quantité d'eau salée contenant 
des bactéries lumineuses, n'émettant pas de lumière 
par suite d'une admission insatisfaisante de l'air, for- 
ment un réactif très précieux pour reconnaître la sé- 
crétion de l'oxygène dans la lumière et le rapport de 


+ CO! 


ACADÉMIES ET SOCIÉTÉS SAVANTES 


cette sécrétion avec la couleur de :a lumière. L'auteur 
se sert d’une boîte en verre, rémplie d'une gélatine de 
culture à 3°/, de NaCI, contenant une grande quantité 
de bactéries lumineuses (Photobacter phosphorescens), 
et donc lumineuse sous une admission satisfaisante 
d'oxygène, portant dans son milieu une bande large 
d'une espèce d'algue ({/1va) introduite avant la congé 
lation de la gélatine. Dans l'obscurité, la gélatine ces 
sait bientôt de dégager de la lumière, les parois e 
verre empêchant l'entrée de l'air. Exposée à la lumière; 
la décomposition de l'acide carbonique par l'Ulva pro 
cure l'oxygène nécessaire pour que les bactéries rede 
viennent lumineuses, ce qui fait naître une tache de 
lumière qu’on peut faire disparaître et reparaître plus 
sieurs fois. Si l’on s'imagine cette boîte placée dans une 
chambre obscure, munie d'une coulisse qui permet de 
l'exposer par partie à des rayons de différentes cou 
leurs, on à une idée de l'instrument de l’auteur. De 
cette manière, il trouve que la lumière rouge seule 
favorise la décomposition de l'acide carbonique ; cam 
c'est seuleinent en admettant cette lumière que les 
bactéries recommencent à devenir lumineuses. De plus, 
l’auteur démontre que des feuilles de plantes de terres 
enfermées en gélatine contenant des bactéries lumis 
neuses, ne sécrètent qu'une petite quantité d'oxygène, 
quand on les éclaire après qu'on les a déprivées de 
l'air; ainsi il vérifie le résultat de M. Stabl (Botanische« 
Zeitung, 1894, p. 117 ét 1897, p. 71), que la respiration 
se fait à travers les stomates. — M. J. W. Moll : Appa- 
reil pour l'ajustage à distance du microscope de pro= 
Jjection. Description d’un mécanisme inventé par le 
directeur du Laboratoire botanique à l'Université de 
Groningue, à l’aide duquel le démonstrateur peut ajus= 
ter le microscope de projection, de manière que cer= 
taines parties de l’image grossie cinq mille fois et plus 
se montrent aussi distinctement que possible, sans 
qu'il soit nécessaire qu'il quitte la chaire, éloignée de 
6 mètres des appareils à projection. — M. Th. Place 
présente au nom de M. J. W. Langelaan: Sur le 
tonus des muscles (suite) (voir Rev. gén. des Se., t. XI$ 
p. 1355). L'auteur démontre que la relation /= Ap— 
Bplogp, déduite d'expériences prises avec des gre 
nouilles, est vérifiée de même dans le cas de chats 
dont on a coupé la moelle épinière. Ensuite, M. Place 
présente au nom de M. Al. Kleyn : Æxamen bactério= 
logique d'exeréments humains. le partie : 4° L'hommem 
adulte sain sécrète dans les fèces un nombre de bacté- 
ries beaucoup plus grand qu’on ne le croyait jusqu'à 
présent (en vingt-quatre heures, environ 8.800 mil= 
liards, constituant 1,3 °/, de la substance solide des 
fèces); 2° la majeure partie de ces bactéries sont mortes 
(environ 99 °/,); 3° ordinairement, on observe dans les 
fèces des actions anti-bactérielles qui font diminuer en 
dehors du corps humain à 37° le nombre des microbes 
vivants et leur multiplication. — Rapport de MM. C. A: 
Pekelharing et Th. Place sur une communication de 
M. C. Nicolai intitulée : Un nouveau muscle de l'œil 
(Musculus papillæ nervi optici). Ce travail, démon- 
trant l'existence d'un muscle annulaire autour du nerf 
optique au point où ce nerf perce la paroi de l'œil, 
paraitra dans les Mémoires de l’Académie . 
M. C. A. J. A. Oudemans offre pour ces Mémoires : 
Enumeratio systematica Fungorum in Ranunculacea 
run, Berberidacearum, Nymphæacearum, Papavera 
cearum et Fumariacearum Europæarum organis di 
versis hucusque observatorum. — M. B. J. Stokwis 
présente au nom de M. E. Cohen : Voordrachten ovei 
physische Scheikunde voor geneeskundigen (Leçons de 
Chimie physique pour les étudiants en médecine). 

M. F. A. F.C. Went présente la thèse de M. S. L.Schou 
ten : Reinkulturen uit een onder het mikroskoop geï- 
soleerde cel (Cultures déduites d'une cellule unique; 
isolée sous le microscope). P.-H. Scnoure. 


Le Directeur-Gérant : Louis OLrvier. 


Paris. — L. MARETHEUX, imprimeur, 1, rue Cassette. 


12° ANNÉE 


N° 18 


30 SEPTEMBRE 1901 


Revue générale 


DIRECTEUR : 


Des SCiences 


pures el appliquées 


LOUIS OLIVIER, Docteur ès sciences. 


Adresser tout ce qui concerne la rédaction à M. L. OLIVIER, 22, rue du Général-Foy, Paris. — La reproduction et la traduction des œuvres et des travaux 
publiés dans la Revue sont complètement interdites en France et dans tous les pays étrangers, y compris la Suède, la Norvège et la Hollande. 


;: A L'OCCASION DE L'INAUGURATION 


C'est le 29 septembre, sous la présidence de 
M. Liard, directeur de l'Enseignement supérieur, 
À que la ville d’Arbois à inauguré solennellement la 
statue de Pasteur. Ce monument, dû au ciseau du 
seulpteur Daillon, s'élève sur la place de la Petite- 
Foule. La stalue, qui a figuré au dernier Salon, est 
Bon bronze et représente le grand homme assis 
dans l'attitude pensive qu'il avait souvent. 

Des discours ont élé prononcés, le jour de 
l'inauguration, par M. Cailletet, au nom de l'Aca- 
démie des Sciences, par M. Chamberland, repré- 
sentant l'Institut Pasteur, et par M. Boutroux, 
: professeur à la Faculté de Besancon, ancien pré- 
parateur de Pasteur. 


Le 
2 


Dans la petite cilé franc-comtoise, aux environs 
‘agrestes, serpentés par une jolie rivière, la Cui- 
sance, s'écoulèrent l'enfance et la première jeu- 
nesse de celui qui devait être une des grandes 
- gloires du dix-neuvième siècle. 

…—_ Vers 185, le père de Pasteur, tanneur de son 
… état, vint se fixer à Arbois, dans une tannerie 
| qu'il avait louée et dont il fut plus tard propriétaire. 
Il avait combattu sous Napoléon, et sur la poitrine 
de l'humble travailleur brillait la croix de chevalier 
de la Légion d'honneur. Le jeune Louis, qui devint 
ensuile le grand Pasteur, était alors tout enfant. 
Il fréquenta d'abord l’école primaire, puis le collège 


] 


| 


REVUE GÉNÉRALE DES SCIENCES, 1901. 


PASTEUR A ARBOIS 


DE SA STATUE (29 SEPTEMBRE 1901) 


d'Arbois. Le rêve de son père était de le voir un 
jour professeur de ce même collège. Pendant ses 
premières années d'élude, aucun succès ne distin- 
gua le jeune écolier, ni ne fit pressentir son génie. 
Vers l'âge de treize ans, il ne manifestait encore 
qu'un goût prononcé pour le dessin; il maniait 
avec grâce le crayon et le fusain, et avait même 
fait un essai de pastel, un portrait témoignant 
d'une main très sûre et d'un vif sentiment de la 
réalité. Ce portrait, pieusement conservé dans la 
demeure familiale, représente sa mère, un matin 
qu'elle se rendait au marché, coiffée de son bonnet 
blanc, les épaules serrées dans un châle écossais 
bleu et vert. L'heure de l'étude passée, il était 
des premiers à aller s'ébatitre joyeusement dans 
la campagne. Les écoliers en vacance couraient 
dans les bois, ou organisaient des parties de 
pêche sur les bords la Cuisance. Souvent 
aussi, l’on se réunissait dans la cour de la tannerie, 
située derrière la facade de la maison, où s'ali- 
gnaient sept fosses pour la préparation des peaux, 
Là, Louis Pasteur et ses petits camarades s’amu- 
saient à utiliser les déchets d'écorce, à placer les 
débris de tan dans des rondelles de fer, et à fabri- 
quer, d’un mouvement de talon brusque et tour- 
nant, des séries de mottes destinées au chauffage. 

Le principal du collège d'Arbois, M. Romanet, fut 
le premier à deviner, dans l’écolier studieux et 
altentif, le génie qui devait un jour illustrer notre 
époque. Il parla d'avenir et de la grande École 

18 


de 


822 


normale à ce jeune élève qui l’écoutait les yeux 
brillants, le cœur rempli du feu de l'enthousiasme. 

Après bien des hésitations, son père consentit au 
départ de Louis pour Paris. Quitlant pour la pre- 
mière fois les siens, qu'il aimait tendrement, il 
partit vers les derniers jours d’octobre 1838 avec 
son ami Jules Vercel, qui venait préparer son bac- 
calauréat. Son séjour dans la capitale fut de courte 
durée. Malgré les efforts de sa volonté et son amour 
pour le travail, la nostalgie l’accabla. Il disait à 
Vercel : « Si je respirais seulement l'odeur de la 
tannerie, je sens que je serais guéri ». 

Sa famille, avertie par lui, s’alarma de ce mal 
moral qui prenait des proportions si intenses. Un 
matin, au milieu de novembre, Joseph Pasteur, 
ne pouvant endurer l’inquiélude, arriva à Paris 
sans être attendu, et le père et le fils retour- 
nèrent ensemble à Arbois. Durant les quelques 
mois qu'il passa auprès de sa famille, il revint 
à son passe-lemps favori, et reprit ses crayons, 
qu'il avait abandonnés depuis dix-huit mois. Des 
portraits au pastel, la plupart d’une touche gra- 
cieuse et fine, fixèrent les traits des amis qui fré- 
quentaient la maison du tanneur. 

À la fin de 1839, Pasteur achevait sa rhétorique ; 
il fut alors résolu qu'il se rendrait à Besançon pour 
suivre au lycée la classe de philosophie; il comp- 
tait dans cette ville finir ses études et préparer ses 
examens de l'École normale, point de mire de ses 
rèves et de ses aspirations. Son père se rendait à 
Besançon les jours de grand marché pour y vendre 
les cuirs de sa lannerie. Ces visites rendaient la 
séparation moins amère. 

En 1840, reçu bachelier ès lettres, il fut nommé 
maitre supplémentaire au lycée de Besancon. 

Deux ans après, il partit pour Paris pour se pré- 
_ parer au concours de l'École normale. Des lettres 
fréquentes à ses parents el à ses sœurs rappro- 
chaient la distance qui le séparait de son cher 
Arbois. Bien que l'éloignement du pays où vivait 
sa famille lui fût toujours aussi douloureux, son 
énergie, son enthousiasme pour l'étude l’aidèrent à 
surmonter cette épreuve que son attachement pour 
les siens rendait si pénible. 


IT 


À partir de celte époque, Pasteur cessa d’habiter 
Arbois; mais il resta fidèle à ce lieu rempli de 
souvenirs qu'il aimait: jusqu'à la fin de sa vie, il 
garda le culte voué à ce joli coin de terre où 
ses parents avaient vécu, où lui et ses sœurs 
avaient grandi. 

Chaque été il revenait à Arbois, dans l’ancien 
logis paternel, qu'il avait religieusement conservé. 
A mesure que sa famille s'était accrue, la vieille 


2 D' ADRIEN LOIR — PASTEUR A ARBOIS 


de sa famille. 

De douloureux événements Îe rappelèrent à 
maintes reprises en Franche-Comté, le frappant 
dans ses plus chères affections. 

Sa mère mourut à Arbois peu de temps avant le 
mariage de Pasteur. Quelques années après, sa 
fille aînée, étant en vacances auprès de son grand 
père, élait brusquement enlevéé par une fièvre 
typhoïde. Cette mort fut suivie de près par celle dem 
Joseph Pasteur. k! 

Il perdit deux autres de ses filles, l’une à Cham 
béry, l’autre à Paris. Ce fut lui qui reconduisit 3" 
Arbois leur dépouille mortelle. 

On vivait simplement dans celte maison, que; 
durant les vacances, M. et M": Pasteur ouvraient à 
leur famille et à quelques amis intimes. 4 

Dès huit heures, le savant se rendait dans son 
cabinet, conligu au laboratoire aménagé dans l'ha=M 
bitation, et travaillait jusqu'à midi. Dans le labo 
ratoire, Pasteur s'adonnait surtout à des expériences 
pour arriver à faire bénéficier ses compatriotes de 
ses recherches sur la vinification. Il passait, pour" 
les paysans franc-comlois du voisinage, pour une 
sorte de médecin des vins. Souvent on frappait à 
sa porte, lui apportant des bouteilles de ce célèbre 
vin jaune d’Arbois dont un fût menacait de s'altérer 
Consciencieusement, Pasteur analysait le vin eb 
faisait le nécessaire pour arrêter la maladie. Dans 
les caves d’Arbois peut-être en trouverail-on encore» 
des bouteilles chauffées par Pasteur lui-même. Il 
faisait aussi des recherches sur le charbon et le 
choléra des poules et surveillait la fabrication du 
vaccin du rouget des porcs. Il aimait à avoir ainsi 
dans ce laboratoire d'Arbois des travaux à suivre 
de près, mais il faisait surtout des projets d'expé- 
riences pour le retour à Paris. Du reste, il dirigeait 
de loin comme s'il eût été présent les grandes re- 
cherches du laboratoire de Ÿ Ecole normale. L'étude 
de la rage, qui a occupé une si longue période de“ 
sa vie, n'a subi aucune interruption durant ces 
mois de villégiature. Tenu au courant par ses pré- 
parateurs, il enregistrait chaque jour le résultat 
des expériences dans ces gros cahiers noirs dont 
parle Jules Claretie dans ses chroniques du Temps: 
Malgré son absence, grâce à cette comptabilité. 
scrupuleuse, il suivait pas à pas le développement 
de ses travaux. 

L'heure du déjeuner réunissail à table la fa-l 
mille. Les repas étaient égayés par les saillies 
spirituelles de son fils Jean-Baptiste, par la bonho= 
mie remplie d'humour de son ancien camarade” 
Bertin, qui devenait, ainsi que sa fille, l'hôte des 
Pasteur pendant la durée des vacances. Pasteur 
se laissait aller volontiers au courant de gaieté des” 


CHRONIQUE ET CORRESPONDANCE 


Conwives : Bertin surtout avait le don d’exciter sou- 
ent son hilarité, et il riait de son bon rire de franc- 
gomtois en écoutant les amusants à-propos de son 
_mieil ami. 
— Après le déjeuner l'on se rendait dans le minus- 
ule jardin, longé par la rivière, qui avait remplacé 
cour de la tannerie d'antan. 
Pasteur retournait ensuite dans son cabinet, où 


éitéré leur appel. On partait généralement vers 
atre heures; on allait d'habitude sur la route 


Dans son livre : Ja Vie de Pasteur, M. Vallery- 
Radot, son gendre, dit que cette petite excursion 
avait été aussi la promenade favorite du père du 
grand savant. Vers le second kilomètre, Pasteur 
possédait une vigne de quelques arpents : c'était 

but de la promenade, C’est dans cette vigne que 
furent faites, en réponse aux écrits posthumes de 


raisin. 
- Arbois fut la première étape du voyage expéri- 


823 


mental qu'il poursuivit jusqu’à la mer de Glace au 
moment de ses études sur la génération spontanée. 
À peu de distance de la tannerie paternelle, il mit 
ses premiers ballons de verre en contact avec l'air 
extérieur. 

Quoique n'étant pas sa ville natale, Arbois a 
toujours été son pays de prédilection et le théâtre 
de ses joies et de ses douleurs. Cette brève histoire 
de Pasteur à Arbois montre les liens qui atta- 
chaient le grand savant au petit pays jurassien. Il 
y allait encore pendant les dernières années de sa 
vie, toujours entouré de la tendresse de sa dévouée 
compagne et de ses enfants et de l'affection filiale 
de son gendre, M. Vallery-Radot. 

Ce brillant écrivain, digne historiographe du 
grand homme auquel il a consacré sa vie, nous a 
donné le plus complet document qui existe sur 
Pasteur. En lisant ces pages, où se trouvent retracées 
pieusement toutes les époques de sa vie, on revit 
non seulement l'histoire de ses découvertes, mais 
aussi la vie intime de l’illustre savant. C’est à juste 
titre que le docteur Roux à dit du grand maitre 
les paroles que Vallery-Radot à mis en tête de son 
beau livre : 

« L'œuvre de Pasteur est admirable: elle montre 
son génie, mais il faut avoir vécu dans son intimité 
pour connaître toute la bonté de son cœur ». 

D' Adrien Loir, 


Ancien préparateur de M. Pasteur. 


CHRONIQUE ET CORRESPONDANCE 


$ 1. — Astronomie 


La constitution physique du Soleil, La Zevue 
a récemment publié une longue étude sur les Eclipses 
ét la constitution physique du Soleil !. 
- Nous voulons aujourd'hui revenir sur ce sujet à pro- 
pos d'un mémoire important dont l'auteur est M. Kr. 
Birkeland, professeur à l'Université de Christiania. 
Dans ses Recherches sur les taches du Soleil et leur 
origine, M. Birkeland ne se montre pas satisfait par 
les nombreuses hypothèses émises jusqu'à ce jour sur 
lintérieur du globe solaire. 
L'intérieur du Soleil renferme évidemment de vio- 
lents foyers thermodynamiques qui se manifestent de 
temps à autre au dehors, à travers la photosphère : les 
taches et les facules du Soleil doivent figurer au nombre 
de ces indices. Il est donc rationnel de rechercher les 
moyens de constater, à l'aide d'observations faites sur 
les taches et les facules, s’il existe une certaine persis- 
tance dans ces foyers, supposés cachés à l'intérieur du 

oleil, s'ils donnent lieu à des éruptions à retour pério- 
dique et si, dans la suite des temps, les différents 


v 


foyers forment entre eux une configuration de quelque 
invariabilité. 


… ! Voir : J. Mascanr : Les Eclipses et la constitution phy- 
sique du Soleil, dans la Revue des 15 et 30 mars 1901, €. XII, 
p.213, à 222 et 270 à 282. 


M. Birkeland examine d'abord le cas très simple où, 
à l'intérieur du Soleil, tournerait un noyau contenant 
un ensemble, à configuration fixe, de centres éruptifs 
distincts, bien séparés les uns des autres, et trahissant 
de temps à autre leur position instantanée en donnant 
lieu à des taches, au-dessus d'eux, sur la surface de la 
photosphère. Mais, en réalité, lorsqu'on veut procéder 
à une recherche sur la persistance des foyers qui pour- 
raient exister ainsi à l'intérieur du Soleil et servir de 
centre à des cataclysmes thermodynamiques, il con- 
vient de ne pas s'imaginer que de tels foyers existent, 
soit de facon distincte, soit séparés les uns des autres: 
on doit, au contraire, imaginer qu'il existe un système 
extrêmement compliqué de cratères et de fissures, en- 
chevètrés les uns dans les autres. 

En outre, on ne peut pas admettre comme évident 
que chaque volcan trahit sa position momentanée par 
des taches faisant leur apparition juste au-dessus du 
cratère considéré : car, si l'on veut bien considérer que 
les masses dont se composent les taches doivent tra- 
verser la photosphère, il est manifeste que les courants 
dominant dans celle-ci doivent, jusqu'à un certain 
point, influer sur la position qu'aura finalement la 
tache à l'instant de son apparition. Tout ce que l'on peut 
donc supposer, c’est que les taches apparaîtront au 
voisinage des points de la surface solaire qui sont 
situés au-dessus de centres éruptifs internes. 

Pour ces motifs, il faut renoncer à l'idée que l'on 
pourra obtenir la coïncidence parfaite des taches au 


824 


CHRONIQUE ET CORRESPONDANCE 


dessus des foyers auxquels elles doivent leur origine : 
mais, cependant, il était intéressant, et c'est ce qu'a fait 
M. Birkeland, de rechercher s'il existe une répartition 
nettement accusée des taches, subsistant d’une facon gé- 
nérale,invariable d'une année à l’autre, pour des dizaines 
ou peut-être même pour des centaines d'années. 

M. Birkeland, en se basant sur plus de 2.000 observa- 
tions de taches solaires empruntées, soit aux Greenwich 
Observations, soit à Carrington (Observations of Solar 
spots), soit à De la Rue, Stewart, etc.., est conduit à 
cette hypothèse qu'il y aurait dans l'intérieur du Soleil 
un noÿau, ayant une stabilité relativement considérable, 
et possédant une période unique de rotation de 
25 jours, 149 : ce noyau contiendrait les centres d’érup- 
tion qui, pendant de longues années consécutives, 
occasionnent des éruptions périodiques et trahies par 
des taches à la surface du Soleil. 

Un tel résultat une fois admis, il reste impossible de 
défendre l'hypothèse suivant laquelle l'intérieur du 
Soleil serait gazeux, du moins au sens qu'on attache 
d'ordinaire à la notion de cet état d’agrégation. En effet, 
nous ignorons à priori quel est l'état des corps qui doit 
être le plus stable aux températures en question, et sous 
des pressions énormes longtemps prolongées. Espérons 
que M. Birkeland trouvera des éléments pour la solution 
de ce dernier problème dans les curieuses expériences 
que poursuit M. Tammann, sur les changements subis 
par la viscosité des corps lorsqu'on les soumet à des 
pressions considérables !. 

Quoi qu'il en soit, cette hypothèse de M. Birkeland, 
tendant à supposer le noyau du Soleil d'une rigidité 
effective au moins comparable à celle de l'acier, est des 
plus intéressantes, et il est à souhaiter qne les recher- 
ches du savant professeur de Christiania, tant sur la 
constitution physique du Soleil que sur l'influence des 
planètes sur les taches solaires, le conduisent à un ré- 
sultat encore plus certain. Les travaux de M. Birkeland 
sont une nouvelle preuve que la Physique et l'Astrono- 
mie sont déjà arrivées au degré de développement où 
les sciences, après s'être d'abord séparées, se rejoi- 
gnent et permettent des synthèses générales : en outre, 
il devient de plus en plus évident que l’astronome mo- 
derne ne peul manquer d'instruction générale, notam- 
ment sur la Physique, et qu'il est grand temps pour lui 
d'abandonner les errements de ses anciens. 


$ 2. — Météorologie 


La foudre en boule. — Une récente observation 
de foudre globulaire, communiquée par M. J. Violle à 
l'Académie des Sciences de Paris, vient de nouveau 
d'attirer l'attention du monde savant sur cet étrange 
phénomène, qui touche à la fois à la Météorologie et à 
la Physique : la foudre en boule. 

Devant de pareils faits, il n’est guère possible de se 
soustraire à l'idée qu'il existe une espèce de matière 
subtile, susceptible de s'unir temporairement avec la 
matière ordinaire : c'est cette matière fulgurante qui 
jouirait de la propriété d’entrainer dans sa course des 
sphères incandescentes composées de gaz ramassés 
dans l'atmosphère; c'est elle qui donnerait, à ces 
effrayants mobiles, des mouvements désordonnés, en 
quelque sorte volontaires. 

Qu'est-ce, en réalité, que cette matière fulqurante, 
dont Arago parle à chaque instant dans sa célèbre 
Notice sur le Tonnerre? Nous ne nous chargerons, pas 
plus qu'il ne le fait lui-même, de la définir. 

Mais, bien que nous ne puissions rattacher encore 
ces faits extraordinaires à l'ensemble de nos idées 
scientifiques, bien que nous ignorions la nature de 
Ja substance fulgurante, que nous connaissions à peine 
les phénomènes dont elle est, sinon l'agent, du moins 
la matière première, il nous serait vain, désormais, de 


—_——————————_———_————_——_—____ -——  ——_]——]"— "— 


1 G. Tammanx : Uber die Grenzen des festen Zustandes, 
I-IV, dans les Wied, Ann, et Ann. der Physik}; 1897-1900. 


ne pas tenir compte des cent cinquante cas de foudres 
globulaires authentiques réunis par le D' Sestier, dans 
son savant ouvrage, et des nombreuses observations 
plus récentes de ce phénomène. 

Le 18 août 1777, à 9 heures du soir, on vit un globe 
de feu de 2 à 3 pieds de diamètre frapper le paraton= 
nerre de l'Observatoire de Padoue; le même phénos 
mène fut observé au village de Villers-la-Garenne, le 
18 août 1792; le 24 décembre 1821, une troisième boule. 
de feu atteignait le paratonnerre d'une maison de 
Grabon. 

Nous voyons, dans les Annales de Poggendorf, que, ik 
y a une cinquantaine d'années, un autre éclair en 
boule apparut près de la ville de Cœthen, dans le duché 
d'Anhalt : cette fois, du moins, il y avait un grands 
nombre de personnes qui, toutes, virent la sphère 
merveilleuse couverte d'une teinte d'un vert clair: 
M. Colon, ancien vice-président de la Société géolo= 
gique de France, vit une boule descendre lentement du 
ciel sur la terre en suivant l'écorce d’un peuplier : elle 
n’exigea pas moins de cinq à six minutes pour aller du“ 
sommet jusqu'à la base, comme si elle avait à vaincre 
la résistance de l'air; mais elle choqua le sol, rapide 
comme l'éclair, rebondit et disparut sans avoir éclaté, 

En 1823, dans un orage observé par le Professeur 
Schübler, au-dessus de la forêt Noire, on apercut 
deux globes lumineux remorqués par deux langues de 
flammes. L'amiral Duperrey raconte qu'il assista, dans 
les îles de la Sonde, au spectacle effrayant d'un nuage 
sphérique qui lançait dans toutes les directions des 
éclairs et des tonnerres. Du globe de feu qui fil inva= 
sion dans l’église de Stralsund sortirent plusieurs gre- 
nades qui se brisèrent avec un fracas énorme. Le globe 
fulminant de Beaujon fit autant de dégâts, autant de 
bruit qu'une machine infernale qui aurait éclaté dans 
la rue : il lanca une douzaine de foudres en zigzag, 
qui frappèrent de tous côtés les objets environnants? 
l'une d'entre elles troua un mur, comme l’eut fait un 
boulet de canon. Un autre éclair perça le mur d'une 
grange à Effels pour tuer deux vaches et une jument: 
qui s'y trouvaient attachées. Un globe fulminant, ayant, 
éclaté à Everdon au milieu d'une grange remplie de 
moissonneurs, en blessa ou foudroya plusieurs : on 
trouva un grand nombre de brûlures lenticulaires à la 
surface du corps des victimes. ! < 

Nous pourrions aisément multiplier les exemples; 
mais arrivons enfin à l'observation de M. Violle : 
« … Tout à coup, écrit-il, je vis une boule de feu 
paraissant tomber du ciel, à la facon d'une pierre. Peu 
après, la région considérée fut encore illuminée à plu- 
sieurs reprises par des éclairs en effluves, sous forme 
de décharges diffuses localisées en un espace res= 
treint. » M. Violle ne croit pas possible d'attribuer à 
une erreur d'optique le phénomène qu'il a vu et qui a 
été vu, en même temps, de facon identique, par une 
personne placée à côté de lui et à laquelle le phéno= 
mène arracha une exclamation immédiate. 

Quelques mots maintenant de la dimension du ton- 
nerre en boule. Le volume de ces sphères brillantes 
n'est jamais bien considérable : sur quarante et une 
observations qui évaluent approximativement les di- 
mensions du météore, on n’eu trouve qu’une seule dans. 
laquelle il ait dépassé un mètre; le plus souvent on le 
compare au globe apparent de la lune, quelquefois 
même à une bille d'enfant. 

Presque toujours ces boules fulminantes se déplacent 
aussi lentement que celle qui visita les rues de Milan: 
des curieux purent marcher derrière elle pendant trois. 
ou quatre minutes avant qu'elle n'allât échouer sur la 
croix d'un clocher. Quelquefois, par exemple, les obsers 
valeurs qui ont vu passer ces curieux méléores purent 
s'imaginer qu'ils étaient entraînés par un léger courant 
d'air, tant leurs allures semblent nonchalantes. 

Ce sont là des faits bien curieux qui nous montrent, 
une fois de plus, que notre connaissance de la Nature 
est encore fort imparfaite, et que l'étude du monde qui 
nous entoure nous réserve encore bien des surprises: 


$S 3. — Art de l’Ingénieur 


La destruction des ordures et la produce- 
‘ion de l'énergie électrique.— La question de la 
“Combustion des ordures des villes et de la production, au 
moyen de la chaleur dégagée, de vapeur et d'énergie 
mécanique ou électrique est une de celles qui intéres- 
Sent le plus, actuellement, les ingénieurs. Un éminent 
échnicien anglais, M. J.-S. Highfield, vient de com- 
muniquer au Congrès des Associations électriques 
Municipales, à Glasgow, le résultat de ses expériences 
en la matière, en qualité de directeur d'une station 
“d'énergie électrique à St-Helens, où la plus grande 
Mhartie de la vapeur est produite par la chaleur de 
Dmbostion des ordures ménagères. Voici quelques- 
| unes des remarques les plus intéressantes faites par 
M. Highfield : 
| -I1 est absolument certain que dans la plupart des 
milles, dans toutes, sauf dans les villes côtières, il n'ya 
À pas de meilleur moyen pour se débarrasser des ordures 
Mménasères, que celui de l’incinération, et le but prin- 
cipal de tout destructeur doit être de brûler les ordu- 
. es d’une facon parfaitement hygiénique. Dans les 
villes ayant 100.000 habitants ou plus, il sera générale- 
ment plus économique d’avoir deux emplacements, et 
dans les très grandes villes plus de deux, car le prix 
Supplémentaire du transport dépasse l'économie réa- 
lisée en brülant toutes les ordures dans un grand 
destructeur central. A St-Helens, il y a deux destruc- 
meurs; le prix de transport par tonne au n° 1, est 
de 3 fr. 15, et au n° 2 de 3 fr. 15 aussi; si toutes les or- 
dures étaient transportées au n° 1, le prix moyen par 
tonne serait de 3 fr. 65. 

. Si l’on considère la question de l'emplacement, là 
où deux ou un plus grand nombre de destructeurs sont 
nécessaires et où il n'existe pas déjà de station cen- 
trale, il est préférable de placer le plus grand destruc- 
teur sur un emplacement qui soit aussi convenable 


=} 


de facon que le transport ue soit pas trop cher depuis 
les districts où les ordures fournissent le meilleur com- 
bustible. Si une station centrale existe déjà, et si 
emplacement est suffisamment grand, et dans une 
position suffisamment favorable au point de vue du 
transport, alors naturellement ce sera l'emplacement 
pour le destructeur des ordures. 

» Si l’on n'y adjoint pas de chaudières, un bon des- 
tructeur doit réaliser les conditions suivantes: 1° tirage 
forcé ; 2° disposition convenable des carneaux doubles; 
3 chargement rapide des matières; 4° chambres de 
dépôt ou installations pour empêcher la poussière 
d'entrer dans la cheminée; 5° dispositions pour enlever 
rapidement et à bon marché le mächefer. 

Si, au moyen de l'incinération des ordures ména- 
gères, on désire obtenir une grande quantité de vapeur, 
est nécessaire de fournir : 

1° Une chaudière à haute pression en relation avec 
haque four; il doit y en avoir au moins deux, dont 
une de rechange; 

. 2 Chaque fourneau doit avoir deux divisions ou cel- 
lules, dontune doit toujours être allumée, pendant que 
l'autre est nettoyée ou chargée; 

. 3° Des carneaux dérivés de façon que toute chaleur 


, 
… 4° Des dispositions pour empêcher l'air froid d'entrer 
dans la chaudière pendant le chargement ou le net- 
toyage; 
5e Des carneaux en double pour permettre aux four- 
“neaux d'être employés coutinuellement de semaine en 
semaine, une série de carneaux étant refroidie pour le 
nettoyage périodique. 
. Généralement, quand un destructeur est adjoint à une 
station d'énergie électrique, on à en réserve une grille 
- séparée pour pouvoir brûler du charbon sous la chau- 
- dière. Cela est seulement nécessaire quand, pour une 
raison quelconque, on désire chauffer les chaudières 


pour la station centrale, et de choisir cet emplacement: 


CHRONIQUE ET CORRESPONDANCE 825 


sans ordures ménagères, avec du charbon seulement, 
ou quand les ordures sont d’une qualité excessivement 
variable. 

L'auteur n’a encore jamais employé de charbon pour 
aider les feux du destructeur, mais quelquefois les 
ordures ménagères ont été de mauvaise qualité et il a 
été nécessaire d'aider le destructeur avec de la vapeur 
d’autres chaudières. 11 a trouvé bon de mélanger du 
mächefer et des cendres aux ordures ménagères quand 
elles consistent principalement en poisson et en papier ; 
par ce moyen ces matières brülent d'une meilleure 
facon; on obtient plus de vapeur et aussi on se débar- 
rasse d'une grande quantité de produits d'une facon 
économique. 

Un des facteurs les plus importants de la production 
de la vapeur consiste dans la rapidité de chargement et 
de nettoyage des fourneaux. Le carneau ci-dessus men- 
tionné doit être en double ou disposé de facon que les 
fourneaux n'aient jamais besoin d'être arrêtés; les dis- 
positifs du tirage forcé devraient être aussi en double. 

La vapeur doit être produite sans interruption pen- 
dantenviron 16heures, et, si possible, pendant 24 heures 
chaque jour. Il n’est désirable en aucune facon de faire 
marcher le destructeur de façon à suivre les variations 
d'un circuit de lumière; si un circuit de lumière doit 
être alimenté, et si la charge du jour est petite, l'em- 
ploi du destructeur doit être limité à la fourniture 
d'une faible part de la chafge. Dans le cas d’une ins- 
tallation à courant direct, une grande batterie d’accu- 
mulateurs est le complément le plus utile; elle permet 
d'améliorer le facteur de charge et par conséquent 
l’utilisation de la vapeur, 

Le meilleur moyen d'installer le destructeur dans un 
cas semblable est d'établir une chaudière beaucoup 
trop grande pour que le destructeur puisse vaporiser 
seul toute sa capacité. Quand la charge la plus forte se 
produit, on peut brûler du charbon dans le second 
fourneau pour produire la quantité lotale de vapeur 
nécessaire. 

Si cependant la vapeur est employée en rapport avec 
une station de traction, ou une station qui fournit à la 
fois de l'énergie pour l'éclairage et la traction, alors la 
vapeur du destructeur peut avoir un meilleur emploi. 

L'installation dont l’auteur est chargé, à Saint-Helens, 
consiste en deux fourneaux de Beaman et Dea, chacun 
partagé en deux cellules, chaque fourneau servant à 
donner de la vapeur, à sa capacité entière, à une 
chaudière Babcock de 1.470 pieds carrés de surface de 
chauffe. Le tirage forcé est fourni par un ventilateur 
de 18 chevaux, la pression moyenne dans les cendriers 
fermés étant de 3 pouces. L'installation de la station 
centrale consiste en cinq générateurs de vapeur d'un 
rendement total de 1.000 kilowatts. En plusdela vapeur 
des chaudières du destructeur, de la vapeur est fournie 
par une batterie de % chaudières Lancashire de 
30 X 8 pieds. 

La distribution de la vapeur est arrangée de facon à 
ce que deux moteurs d'une capacité de 125 kw. 
puissent être commandés par le destructeur indépen- 
damment des autres chaudières; d'autre part, les 
chaudières du destructeur et les chaudières du Lan- 
cashire peuvent fournir toute la vapeur en parallèle; 
dans chaque cireuit de machine, un wattmètre-heure 
enregistreur est disposé pour mesurer le rendement 
du générateur. D'habitude, l'énergie nécessaire pen- 
dant la journée est fournie par les destructeurs seule- 
ment,commandant un ou deux moteurs de 125 kilowalts ; 
plus tard, quand on a besoin d’une plus grande quan- 
tüité de force, on met parallèlement les deux séries de 
chaudières en travail. 

Le travail pendant cette année a été quelque peu en- 
{avé par suite de la nouvelle installation; un grand 
nombre de changements et de reconstructions ont été 
faits, ce qui a empêché d'obtenir le rendement maxi- 
mum du travail. 

On a trouvé que la valeur calorifique du combustible 
était bien supérieure en été qu'en hiver. Les’ordures 


826 


varient quelque peu de qualité d'un jour à l’autre. 
Voici les chiffres relatant le (ravail du 31 mars 1900 
au 31 mars 1901 pour un destructeur d'ordures à deux 
chaudières : 
TOTAL 
pour l'année 


MOYENNE 
par semaine 


Poids d'ordures brülées . . 9.778 tonnes. 188 tonnes. 
Energie électriqueemployée 

pour conduire le ventila- 

teur etles autres moteurs. 70.000 unités. 


Unités produites par la va- 


1.346 unités. 


DÉC E- ODEUUURRRE 1.019 — 
Dépenses de chauffage. . . 18.750 francs. 360 fr. 60. 
Frais de réparations . . . 2.150 — 41 fr. 35. 
ErAIS MOT AUX EME REEE E RA UNION 404 fr. 95. 
Poids du màächefer produit. 3.900 tonnes. 75 tonnes. 
Valeur du mortier vendu . 5.538 fr. 05. 106 fr. 45. 
Valeur des unités électri- 

ques produites, à 0 fr. 30 

PARU ER AR 25 0 fran ess 216"fr. 35. 


Moyenne par tonne d'ordures brülées. 


Unités produites. . . . 9 IS UDITÉS: 


Unités employés pour les travaux . HS TI 
Prix de la combustion (comprenant les salaires, 

latlumieretetlamonce) PRET 2e SD: 
Prix des réparations (salaires et matériel). ONfT AS 
Poseto al dede COCHON EE RERO 0! 
Prix pour enlever le mäcbeler qui n'est pas 

SUÉRAMERNEMINID YÉMEN CR DDC UNIT ROIS 
Prix total pour détruire les ordures et pour 

enlever une partie du mâächefer. . . . . . . 3 fr. 18. 


Par les chiffres ci-dessus, on voit que l'économie 
netle due à l'emploi du destructeur en combinaison 
avec une station électrique, est de 11.250 francs, moins 
1.250 francs pour réparations de chaudière, et. moins 
2.250 francs, représentant l'intérêt et l'amortissement 
d'une somme de 37.500 francs (prix supplémentaire 
pour les chaudières faisant marcher les broyeurs de 
mortier, le ventilateur, etc.). Il reste un bénéfice de 
7.750 francs, ou #1 °/, des frais totaux. 

Le prix pour incinérer les ordures et enlever le mà- 
chefer est donc réduit de 3 fr. 15 par tonne à 2 fr. 40 
par tonne. 

11 faut remarquer qu'en plus de la vapeur fournie 
pour les travaux électriques, le destructeur en fournit 
aussi pour faire marcher deux broyeurs à mortier et un 
treuil à vapeur. 


$ 4. — Chimie 


Nouvelles recherches sur l'affaiblissement 
des clichés photographiques. — Il y a quelques 
années, MM. Lumière et Seyewelz' ont montré que le 
persulfate d’ammoniaque jouit de propriétés précieuses 
permettant de l’'employer à l’affaiblissement des clichés 
photographiques. A la suite de ces recherches, diverses 
substances douées de propriétés oxydantes ont été pro- 
posées comme affaiblisseurs, agissant davantage sur les 
parties très opaques du cliché que sur les portions de 
moindre intensité, et permettant ainsi d'affaiblir les 
clichés manquant de pose et trop développés sans 
atténuer l'importance des détails des parties les plus 
transparentes. 

Citons, parmi ces substances : l'eau oxygénée®, le per- 
manganate de potassium addilionné d'acide sulfurique, 
et même le bichromate de potassium additionné d'acide 
sulfurique. 

MM. Lumière et Seyewetz ont examiné comparative- 
ment ces divers composés et ont mis en lumière 
quelques particularités intéressantes du persulfate 
d'ammoniaque : 

1° Le persulfate d'ammoniaque agit plus rapidement 
lorsque le cliché soumis à son action est humide que 
lorsqu'il est sec; 


1 Bulletin de la Société fr, de Photographie, 1898. 
? ANDRESEN : l’hotographische Correspondenz, 1898. 
% Namras, Bull. della Societa Lotografica italiana, 1899. 


CHRONIQUE ET CORRESPONDANCE 


2° L'action affaiblissante du persulfate d'ammoniaque 
ne se manifeste qu'au bout d'un temps relativemen 
long, après l'immersion dans le bain; mais, dès que 
celte action à commencé, elle se continue régulière 
ment, tandis qu'avec tous les autres affaiblisseurs 
même dans le cas du permanganate de potassium addi 
tionné d'acide sulfurique, l’action affaiblissante com” 
mence presque immédiatement après l'immersion du 
cliché dans la solution: 

3° Les clichés affaiblis au persulfate d’ammoniaque 
doivent être plongés dans une solution susceptible 
de détruire l'excès de persulfate d'ammoniaque qui 
mouille le cliché (solution de sulfite ou de bisulfite 
alcalin), sinon l’action affaiblissante s'exerce encore 
quelque temps après que le cliché a été retiré du bains 
même sous l'eau de lavage. Cette précaution n’est pas 
nécessaire avec les autres affaiblisseurs, car l’action 
cesse dès qu'on les retire de la solution pour les 
laver; | 

4° Quelle que soit la concentration de la solution de 
persulfate, le résultat final est constant au point de vue 
du rapport des intensités entre les parties opaques et 
les parties transparentes; seule la rapidité de l'action: 
varie et se trouve d'autant plus diminuée que la solu= 
tion est plus étendue. Il n'en est pas de même des 
autres affaiblisseurs qui donnent des résultats différents: 
suivant qu'ils agissent en solution étendue ou con 
centrée ; 

o° Le voile produit par surexposition ou par un déve- 
loppement trop prolongé n'est pas sensiblement atténué 
par l'action du persulfate d’ammoniaque, tandis qu'il 
peut être détruit par tous les autres affaiblisseurs. » 

Ces différences essentielles, qui paraissent exister 
entre le mode d'action du persulfate d'ammoniaque 
et celui des autres substances affaiblissantes, ont con= 
duit MM. Lumière et Seyewelz à rechercher un moyen» 
de mettre en évidence d’une facon précise les résultats 
fournis par les divers affaiblisseurs. 

Dans ce but, ils ont impressionné une plaque sensible 
de facon à produire sur celle-ci une série de bandes 
verticales continues correspondant à des temps de pose 
croissants, en prenant la précaution de commencer pan 
un temps de pose extrêmement faible. Ils ont ains 
obtenu, d’une extrémitè à l’autre de la plaque, une 
échelle d’intensités variées dont le premier terme est 
très faible et le dernier très intense. En divisant ensuite 
cette plaque, dans un sens perpendiculaire aux bandes: 
formant l'échelle, en autant de parties qu'il y avait 
d'affaiblisseurs à comparer, on peut en affaiblissant 
chacune d'elles de facon à ramener l'impression la plus 
opaque à être la même sur toutes les bandes, juger 
facilement ainsi par comparaison que est celui des 
affaiblisseurs qui attaque le moins les parties les plus 
transparentes des bandes. 

Dans ces conditions ont été expérimentés les affai= 
blisseurs suivants : 1° A l’eau oxygénée; 2° Au pers 
sulfate d'ammoniaque; 3° Au permanganate de potas 
sium et à l'acide sulfurique (formule Namias); 4 Au 
sulfate cérique ; 5° Au ferricyanure de potassium et à 
l'hyposullite de soude; 6° Au bichromate de potassium» 
et à l'acide sulfurique. 

Les résultats obtenus montrent que le persulfate 
d'ammoniaque est bien le seul des affaiblisseurs préco= 
nisés jusqu'ici, qui, pratiquement, permette d’atténue 
l'intensité des parties opaques des clichés sans détruire 
les faibles impressions. MM. Lumière et Seyewetz ont; 
en outre, observé que les résultats obtenus avec le pe 
sulfate d'ammoniaque peuvent varier suivant la naturë 
du révélateur ayant servi à développer le cliché soumis 
à l’action de cet affaiblisseur. 

Ainsi l’action spéciale du persulfate d'ammoniaques 
qui est très marquée lorsque le cliché a été développé 
au diamidophénol, ou avec la plupart des révélateurs; 
se trouve non seulement atténuée, mais complètement 
inversée lorsque le développement a lieu avec le paras 
midophénol. Dans ce cas, le cliché affaibli au persulfaté 
d'ammoniaque conserve beaucoup moins de détails 


CHRONIQUE ET CORRESPONDANCE 


827 


“dans les parties les plus transparentes que s'il a été 
_ soumis à l'action des autres affaiblisseurs. 

Le développateur au paramidophénol paraît être le 
Seul présentant vis-à-vis de l'emploi du persulfate 
d'ammoniaque cette curieuse anomalie ; tous les autres 
svélateurs expérimentés se comportent, à cet égard, 
comme le diamidophénel. C'est dans le cas de photo- 
“ypes développés avec le dernier révélateur que l'on 
peut retirer les plus grands avantages de l'emploi du 


Les Expéditions antarctiques anglaise et 
allemande. — On peut certainement attendre d'im- 
rtants résultats scientifiques des deux grandes expé- 
ions, l’une anglaise, l'autre allemande, qui sont par- 
ties, dans le courant du mois d'août dernier, pour les 
régions polaires antarctiques. Non seulement elles sont 
Orsanisées de longue date et avec un très grand soin; 
Mais, comme il doit être procédé par l'une et l’autre à 
diverses études et notamment aux observations magné- 
liques et météorologiques d’après un programme élaboré 
en commun par les savants des deux pays, cette enquête 
méthodiquement poursuivie dans les régions les plus 
néridionales de l'hémisphère sud ne peut manquer 
d'être d'un grand profit pour la science. 

L'Expédition anglaise, qui a pu être organisée grâce 
surtout aux efforts de Sir Clements Markham, président 
de la Société royale de Géographie de Londres, à pris 
a mer le 6 août, et le navire qui la porte, la Discovery, 
rte de baleinière, réunit toutes les conditions de cons- 
fruction désirables pour résister aux plus forts assauts 
des glaces. Il a été construit à Dundee sur les plans de 
& Discovery, dont il a pris le nom, l’un des bâtiments 
de Sir John Nares dans son expédition arctique de 1872- 
1873, et il passe pour présenter une force de résistance 
supérieure à celle du Fram, de Nansen. Long de 55 mè- 
tres sur 10%, 10 de large, le navire de l'Expédition anglaise 
déplace 1.570 tonnes. Sa machine à vapeur est forte de 
50 chevaux; sa mâture et sa voilure sont disposées de 
lle sorte qu'il pourra profiter du moindre soufile de 
ent. Le navire est en chêne et sa résistance aux pres- 
sions du dehors est assurée par des revêtements exlé- 
ieurs et par un système de poutres géminées, unissant 
diverses parties de sa carcasse. Les laboratoires sont 
installés des deux côtés du pout supérieur, et l'obser- 
atoire magnétique est isolé soigneusement de toute 
influence perturbatrice extérieure, Des canots destinés 
ux explorations polaires sont suspendus aux flancs du 
vire ; il emporte aussi ce qui est nécessaire pour armer 
ballon captif qui, sur la banquise, servira d’observa- 


La Discovery est commandée par le capitaine Scott, 
de la Marine royale, avec le lieutenant Armitage comme 
écond, et c'est de lui que dépend l'état-major scienti- 
que civil. Les travaux savants devaient être d’abord 
dirigés par le D' Gregory, professeur de Géologie à 
Université de Melbourne; il a été remplacé par 
D George Murray, Directeur du département botanique 
au British Museum, qui n'accompagnera pas ses collè- 
gues au delà de Melbourne. Avec l'équipage, le navire 
compte à son bord quarante-huit personnes. 
“L'Expédition allemande, dont le promoteur est le 
G. Neumayer, est en préparation depuis plusieurs 
nées et a été également organisée avec le soin le plus 
nutieux. Le navire qui la porte a recu le nom d’un 
es plus célèbres mathématiciens ailemands : c’est le 
auss. Ce navire, qui est par le gréement un trois-mâts 
oélette, mesure 50%, 40 de longueur sur 40%, 50 dans sa 
plus grande largeur. Un modèle du Gauss à figuré à 
Exposition de 1900. 

A babord se trouve un pavillon aux parois épaisses, 
où sont logées la tabie et les cartes pour les travaux 
nagnétiques ; de même que sur la Discovery, le fer est 
anni de toute cette partie du navire. Une grue en fer 


.£ 40 . 


lassif est, à l'autre extrémité, destinée à lancer et à 


Î 
Î 


retirer les filets que le vaisseau laisse trainer au fond 
de la mer. Dans le salon des officiers et des savants, 
sont rangés les divers instruments devant servir aux 
observations météorologiques et autres, et notamment 
les thermomètres pour mesurer la température au fond 
de la mer. Dans l’entrepont, se trouve tout le matériel 
nécessaire pour gonfler sept fois le petit ballon qu'em- 
porte avec lui le navire, ainsi que de nombreux cerfs- 
volants qui feront connaitre la direction du vent. 

Le chef de l’'Expédition est le Professeur Erich von: 
Drysalski, le savant explorateur des glaciers du Groen- 
land ; c'est l'Empereur lui-même qui lui en a confié la 
conduite. Il se chargera spécialement des travaux océa- 
nographiques et géodésiques, et il est accompagné de 
plusieurs autres savants; mais, ce qui est remarquable 
dans l’organisation de cette Expédition, c’est qu'il a la 
haute main sur le capitaine du navire lui-même. Le 
Professeur von Drygalski a le droit de disposer entiè- 
rement du vaisseau et de tous ses moyens d'action, ainsi 
que de tout son personnel; ce droit n'estlimité que dans 
le cas de péri! du navire ou de la vie de l'équipage. On 
pense généralement que ce mode d'organisation, qui n’a 
pas été admis pour l'Expédition anglaise, est le seul 
rationnel pour une importante mission scientifique. 
L'équipage comprend, en y joignant les officiers, vingt- 
huit hommes. 

Afin de régler et de coordonner les travaux des deux 
Expéditions, anglaise et allemande, les Comités antarc- 
tiques des deux pays ont divisé de concert les régions 
polaires antarctiques en quatre quadrants, en prenant 
comme méridien initial celui de Greenwich : 1° Qua- 
drant Victoria, du 90° de long. E. au 1809; 2° Quadrant 
de Ross, du 180° au 90° de long. O.; 3° Quadrant de 
Wedell, du 90 de long. O. à 0°; 4 Quadrant d'Enderby, 
du 0° au 90° de long. E. Chacun de ces quadrants corres- 
pondra à un cadre spécial d'activité scientitique. 

L'Expédition de la Discovery a pour mission l'explo- 
ration des deux premiers quadrants, Victoria et Ross. 
Du Cap, le navire se dirigera sur Melbourne, puis sur 
le port de Lyttelton, dans la Nouvelle-Zélande; et, si 
tout se passe selon les prévisions, il sera dès la fin de 
l'année dans les régions ylacées. Pendant l'été 1901-1902, 
l'Expédition cherchera à reconnaitre l'extension de la 
terre Victoria vers l'est, et elle passera, s’il est possible, 
l'hiver 1902 sur la côte ouest de cette masse continen- 
tale. Pendant cette période, des reconnaissances seront 
faites en traîneau vers le sud et vers la région volcanique 
du mont Erebus. La Discovery est équipée pour un 
voyage de trois années, c'est-à-dire pour deux hiver- 
nages dans les glaces du pôle sud. Dans le courant 
de 1902, un autre navire partira d'Angleterre pour ravi- 
tailler les explorateurs. 

Le Gauss abordera la région opposée à celle que doit 
explorer l'Expédition anglaise, c'est-à-dire le côté 
atlantique et indien du pôle sud, en prenant les îles 
Kerguelen comme base d'opération. Une station y sera 
installée à Three Island Harbour, pour exécuter des 
observations météorologiques et magnétiques, en même 
temps que d’autres seront faites aussi d’après le même 
programme dans certaines autres stations, notamment 
dans celle que la République Argentine doit installer 
dans l'ile des Etats, grâce à l'intervention du D' Moreno. 

Des îles Kerguelen, qu'elle laissera dans le courant de 
décembre 1901, l'Expédition fera route, d’abord vers 
l'est, jusqu'au 90° de Jong. E. de Gr., puis dans le sud. 
Le Professeur von Drygalski fera ensuile tous ses efforts 
pour atteindre les terres antarctiques et pour s'appro- 
cher, autant que possible, du pôle sud. Il cherchera à 
reconnaître les relations qui pourraient exister entre la 
terre Victoria et les terres de Kemp et d'Enderby. Il a 
le projet d'établir une station scientifique sur l’une des 
terres antarctiques, où les savants de l'Expédition se 
livreraient à des recherches pendant une année. Le 
vaisseau restera en exploration au plus tard jusqu’en 
juin 1904. Si, à cette date, on n'avait pas recu de ses 
nouvelles, une autre Expédition serait envoyée à sa 
recherche. Gustave Regelsperger. 


E. DE CYON — LES GLANDES RÉGULATRICES DE LA CIRCULATION 


LES GLANDES 
DE LA CIRCULATION 


L'étude des glandes vasculaires —corps thyroïdes, 
capsules surrénales et hypophyse — occupe actuel- 
lementune des premières places, sinon la première, 
parmi lesrecherches des physiologistes. Depuis une 
vingtaine d'années, ces organes, considérés jus- 
qu'alors comme inaccessibles à une expérimenta- 
tion méthodique, ont fait l'objet des éludes expé- 
rimentales les plus variées, tant chimiques que 
pathologiques. La voie avail élé ouverte aux tra- 
vaux de laboratoire par de nombreuses observa- 
tions cliniques sur les maladies des glandes vascu- 
laires et sur les graves perturbations qu’elles pro- 
voquent dans l’économie générale des organismes 
atteints. La symptomatologie de ces affections, 
admirablement décrile par cerlains cliniciens, 
avait sinon révélé le rôle physiologique de ces 
glandes, du moins indiqué la route où l'expéri- 
mentation devait d'abord s'engager pour le décou- 
vrir. 

Ainsi s'explique la ‘endance des premiers expé- 
rimentaleurs à reproduire artificiellement, chez 
des animaux, diverses lésions de ces organes, 
afin d'en observer les suites de plus près et dans 
des conditions variées. L'ablation totale ou par- 
tielle des glandes vasculaires, telle fut donc, au dé- 
but, la méthode prédominante, presque exclusive, 
à laquelle recoururent, dans leurs innombrables 
recherches, physiologistes et pathologistes. Mais, 
pour être les plus anciens de la Physiologie, ces 
procédés d’expérimentation ne laissent pas d'offrir 
de graves inconvénients. Les résultats obtenus de 
la sorte n'autorisent que des conclusions exces- 
sivement restreintes et leur interprétation présente 
souvent des difficultés insurmontables. D'ailleurs, 
la méthode de l’extirpation ne peul être appliquée 
avec fruit que quand il s'agit d'organes facilement 
accessibles à l'opérateur, et surtout quand il est 
possible à celui-ci de les enlever soit en partie, 
soit en totalité sans porter atteinte aux organes 
voisins. Or, parmi les glandes vasculaires, seuls 
les corps thyroïdes et les parathyroïdes répondent 
à peu près à ces conditions. Pour ce qui est des 
capsules surrénales et de l’hypophyse, la méthode 
de l’extirpation ne saurait leur être appliquée sans 
produire des lésions et perturbations graves dans 
des appareils voisins, dont le fonctionnement est 
souvent plus important que celui de ces glandes 
elles-mêmes. 

Aussi, quelque nombreuses et intéressantes que 
soient les observations recueillies par les recherches 


RÉGULATRICES 


ET DE LA NUTRITION 


expérimentales sur ces organes, elles n'ont pas 
réussi à nous fournir des données certaines eb 
préeises, susceptibles de nous en dévoiler le rôles 
physiologique. Pour s’en convaincre, il suffit de 
se rappeler le nombre incalculable d’hypothèses 
émises sur ce rôle, hypothèses contradictoires, dont. 
aucune ne donnait satisfaction aux exigences des 
physiologistes. C'est surtout la thérapeutique des 
maladies de ces organes qui a profité des recherches 
effectuées; encore est-elle restée trop souvent toute 
empirique. Le concours que les investigations des 
chimistes ont pu prêter aux cliniciens devait 
également rester très limité, lant que le fonction= 
nement physiologique des glandes vasculaires" 
n'aurait pas été suffisamment éclairci. } 

Cette étude ne pouvait être entreprise utilement 
que par des physiologistes, à l’aide des méthodes 
précises que leur science emploie avec tant des 
succès dans la déterminalion des fonctions d’autres: 
organes. Pour les glandes vasculaires, notamment, 
il fallait recourir aux procédés d'expérimentationn 
directe qui ont donné des résultats si brillants à 
Claude Bernard, Ludwig et autres dans leurs clas- 
siques recherches sur la glande sous-maxillaire. La 
physiologie de ces organes serait encore à présent 
lettre close pour la Science si l'on.s’était contentés 
de les extirper pour en déterminer les fonctions 
C'est en observant directement le jeu normal d'un 
organe qu’on en saisit le mieux le mécanisme. C'est 
en modifiant à volonté les conditions de ce fone= 
tionnement qu'on arrive peu à peu à élablir tous 
les détails d'un mécanisme d'ordinaire très com= 
plexe. | 

Aussi, quand, il y à cinq ans, j'abordai l'étude 
des glandes thyroïdes, c’est à celte méthode d'ex= 
périmentation direcle que j'eus exclusivement 
recours. C'est à elle en première ligne que je dois 
les résultats précis et incontestables qui m'onts 
permis de fixer les traits principaux de la desti= 
nation physiologique de ces corps *. 


Je débulai dans mes recherches par une élude 
analomo-physiologique des nerfs des glandes 


! Mes expériences sur les glandes thyroïdes, l'hypophyse» 
et les capsules surrénales sont exposées en détail dans les. 
nombreuses études publiées dans l'Archiv von PfAügers 
vol. LXX, LXXI, LXXII, LXXIII, LXXIV, LXXVII, LXXXIMeR 
LXXXIII, et dans un volume : Beiträge zur Physiologie 


E. DE CYON — LES GLANDES RÉGULATRICES DE LA CIRCULATION 


829 


 thyroïdes, et cela chez trois animaux choisis de 
“préférence pour mes expériences : le cheval, le 
chien et le lapin. En établissant l’origine, la dis- 
- tribution et le fonctionnement des nerfs vaso- 
moteurs des corps thyroïdes, je pus constater 
| “influence tout à fait hors pair qu'ils sont à même 
d'exercer aussi bien sur la circulation dans ces 


glandes elles-mêmes que sur la pression sanguine 
mdes artères voisines. 


4 


Leur action peut, en effet, accélérer considéra- 
blement la circulation du sang dans les glandes, /a 
mquadrupler méme, el diminuer d’une manière très 
“sensible la pression sanguine dans les deux caro- 
tides. Pour ces expériences, j'appliquai directement 
“aux artères et aux veines des thyroïdes la mélhode 
de mensuration de la pression sanguine et de la 
Vitesse de la circulation. Pendant que celle-ci 
S'accroissait dans les vaisseaux de la glande sous 
l'excitation des nerfs thyroïdiens, je pus aussi 
observer de visu les changements de volume des 
“aisseaux lymphatiques, notamment leur gonfle- 
ment considérable. Comme les substances colloïdes 
“des thyroïdes quittaient la glande par ces derniers 
“vaisseaux (Langendorff, Hürthle et autres), ce gon- 
flement indiquait que l'excitation de certains nerfs 
“thyroïdiens augmentait l'écoulement et très proba- 
blement la production même de ces substances. 
Certains nerfs du cœur, notamment les nerfs 
dépresseurs et les nerfs pneumogastriques, exer- 
“cent de leur côté un effet analogue sur la circulation 
“sanguine dans les thyroïdes : les premiers nerfs — 
“pur une action réflexe sur les vaisseaux de la 
“glande ; les pneumogastriques — grâce à l’aug- 
“mentation de la force des pulsations cardiaques et 
au ralentissement de leur rythme. 

La grande puissance des nerfs vaso-moteurs des 
| thyroïdes et les limites très larges dans lesquelles 
elles peuvent, grâce aussi à leur extrême vascula- 
ilé ", varier la masse du sang qui les traverse, 
oivent forcément exercer une influence notable 
ur la circulation intracranienne. La quantité du 
Sang qui pénètre par les carotides dans le cerveau 
doit être déterminée en grande partie par l'état de 
a circulation dans les vaisseaux thyroïdiens ; ces 
erniers forment, pour ainsi dire, des écluses de 
défense à l'entrée même des carotides dans la boîte 
“cranienne. 

— Ce rôle purement mécanique des corps thyroï- 
diens, les médecins l'avaient depuis longtemps 
“soupçonné en observant les augmentations pério- 


4 


+ 


der Schilddrüse, etc., Bonn, 1898. Une partie de mes re- 
cherches est résumée dans les Comptes Rendus de l'Aca- 
démie des Sciences, années 1897 et 1898, et dans les 
“Archives de Physiologie, n° 3, juillet 1898, etc. 
… 4! D'après les calculs de Sommeri ing, le diamètre des vais- 
‘seaux des thyroïdes représente huit fois celui des artères 
_ cérébrales. 


—_ REVUE GÉNÉRALE DES SCIENCES, 1901. 
" 


diques de ces glandes pendant la menstruation et 
la grossesse, comme aussi certains rapports entre 
ces augmentations et les congestions cérébrales. 
Mes recherches n’ont faitqu'indiquer le mécanisme 
nerveux à l’aide duquel les thyroïdes peuvent rem- 
plir cette fonction régulatrice de la circulation cra- 
nienne. 

Parmi les nombreuses substances extraites par 
les chimistes de ces glandes et représentées comme 
déterminant leur destinalion chimique, je choisis 
pour mes expériences l'iodothyrine de Baumann, 
dont l’aclion sur les oxydations du corps avait déjà 
été très neltement démontrée par plusieurs 
recherches antérieures. Cette concordant 
avec l'effet thérapeutique des glandes thyroïdes, 
employées dans leur intégrité ou par extraits 
aqueux, indiquait déjà clairement que l'iodothyrine 
devait être classée parmi les principes actifs de la 
glande. Sa richesse en iode, dont l'efficacité dans le 
trailement de certains goitres était connue depuis 
longtemps, parlait en faveur de la même conclu- 
sion. Une étude expérimentale sur les propriétés 
physiologiques de l'iodothyrine s'imposait donc. 
Les résultats que j'oblins vinrent confirmer le 
grand rôle que la substance de Baumann joue dans 
le fonctionnement des glandes thyroïdes. Je pus, 
en effel, constater que l'iodothyrine exerce sur le 
système nerveux cardiaque et vaso-moteur une 
action considérable et très constante : elle aug- 
mente et entretient l’activité et l'excitabilité des 
nerfs pneumogastriques, dépresseurs et vaso-dila- 
lateurs, landis que, par contre, elle diminue celles 
des nerfs accéléraleurs et vaso-constricteurs. La 
vérilable portée de cette action m'apparut surtout 
quand de nombreuses expériences, faites sur des 
animaux atteints d'affections strumeuses!, meurent 
révélé que les dégénérescences et les atrophies des 
corps thyroiïdes aflaiblissent très notablement l'ac- 
tivilé des nerfs pneumogastriques et dépresseurs, 
tandis contraire elles exallent à un haut 
degré celle des accélérateurs et des vaso-constric- 
teurs. L’eflel général des aflections strumeuses très 
avancées est done entièrement opposé à celui que 
produit l'introduction de l'iodothyrine dans la cir- 
culation. Ce fut là, sur la destination physiologique 
de cette substance, un trait de lumière permettant 
enfin d'élucider la véritable nature du processus 
qui s’accomplit dans les thyroïdes. Je dirigeai done 
mes nouvelles recherches dans la voie indiquée. 
Bientôt je pus me convaincre que l’iodothyrine est 
en mesure de rétablir l’excitabilité des pneumogas- 
triques et des dépresseurs, même dans les cas où 


action 


qu'au 


1 Mes recherches furent exécutées dans le Laboratoire de 
Physiologie de Berne; or, dans cette ville, comme dans 
beaucoup d'autres villes suisses, la plupart des animaux 
sont atteints de goitres. { 


18* 


830 E. DE CYON — LES GLANDES RÉGULATRICES DE LA CIRCULATION 


celle-ci a été complètement éteinte par la mise hors 
fonetion des glandes thyroïdes. C'est après cette 
constatation que je me mis à étudier les effets de 
l'ablation des corps thyroïdes sur le système ner- 
veux cardiaque. Ici encore, les résultats de mes 
expériences furent on ne peut plus concluants. Les 
premiers jours, après la thyroïdectomie, le fonc- 
tüonnement normal des nerfs cardiaques et vaso-mo- 
teurs est complètement bouleversé. Le mot anarchie 
est le seul qui rende exactement l’état anormal 
dans lequel se trouvaient les nerfs dont la tâche 
consiste à régulariser les fonctions des organes de 
la circulation. Cet état dure plus ou moins long- 
temps ; il cède ensuite la place à une série de mo- 
difications plus fixes dont j'ai pu constater la per- 
sistance huit et dix mois après l'opération. Ces phé- 
nomènes consistent en une exagéralion de l'action 
des nerfs accélérateurs et vaso-constricteurs, jointe 
à une diminution considérable de l'activité des 
nerfs modérateurs et régulateurs du cœur et des 
vaisseaux. Get état correspond donc entièrement à 
celui observé dans la plupart des animaux goitreux, 
et— comme chez ces derniers — l'introduclion de 
l'iodothyrine fut à même de rétablir l'équilibre 
troublé et de rendre aux nerfs modérateurs et vaso- 
dilatateurs leur excitabilité diminuée ou abolie. 

Fait très important à relever : les modifications 
que les affections strumeuses ou la thyroïdectomie 
amènent dans le système nerveux cardiaque et 
vaso-moteur s’élendent aussi bien aux centres 
cérébro-spinaux de ces nerfs qu'à leurs centres 
périphériques situés dans les ganglions du grand 
sympathique et du cœur lui-même. Bien plus, il 
n'est pas jusqu'aux troncs nerveux qui ne soient 
souvent atteints dans le même sens. Or, l'iodo- 
thyrine exerce aussi son action bienfaisante sur 
tous les centres du même système nerveux. Ainsi, 
par exemple, elle provoque une notable augmen- 
tation de la force des battements du cœur en même 
temps que leur ralentissement, même après la 
section préalable des deux pneumogastriques. 

La grande importance physiologique de liodo- 
thyrine ainsi établie, il devenait nécessaire de 
déterminer quelle part dans son action revient à 
l’iode qu’elle contient. Le D' Barbèra voulut bien, 
à ma demande, exécuter des recherches expéri- 
mentales sur l’action de l’iode pur et de l'iodure de 
sodium sur les mêmes systèmes nerveux, tant chez 
les animaux pourvus de glandes normales et stru- 
meuses que chez les sujets thyroïdectomés. Le 
résultat capital de ces expériences fut que l’action 
de l'iode était dans tous les cas opposée à celle de 
l'iodothyrine. L'iode agissait sur les nerfs du cou 
et des vaisseaux dans le même sens que la thyroiï- 
dectomie ou les affections strumeuses. L'iode et 
l’iodothyrine étaient donc, au peint de vue de leur 


aclion sur le système nerveux, des antagonistes 
Bien plus, l'iodothyrine pouvait agir commen 
antidole de l'iode, et plusieurs fois je réussis à 
neutraliser les effets paralysants de 7 gramme 
d'iode par une injection intraveineuse de 2 cen= 
timètres cubes d'iodothyrine, ne contenant que 
1 milligr. 8 d’iode. 

Etant donné cet anlagonisme entre l’iodothyrine 
et l'iode dans leur action sur les pneumogastriques; 
il était d'un très grand intérêt de rechercherm 
comment ces deux substances se comporteraient 
vis-à-vis de l’atropine et de la muscarine qui exer= 
cent, comme l'on sait, une action contraire sur les 
mêmes nerfs cardiaques. La puissance de l'iodo- 
thyrine irait-elle jusqu’à rétablir l'excitabilité des 
preumogastriques paralysés par l’atropine ? L'iodes 
de son côté, pourrait-il inhiber la forte et souvent 
mortelle excitation des pneumogastriques pro 
voquée par la muscarine? De nombreuses expé= 
riences donnèrent des réponses affirmatives aux 
deux questions: l'iodothyrine est un énergique 
antidote de l’atropine, comme l’iode est un antidoté 
de la muscarine. Indépendammeut du haut intérêt 
qu’ils présentent pour la pharmacologie", ces faits, 
faciles à observer, précisent encore davantage lem 
rôle important de l'iodothyrine dans le fonction- 
nement de la glande thyroïde : en dehors de sim 
faculté d'accélérer les échanges organiques et 
d'augmenter la production de l’urée, l'iodothyrines | 
est, en effet, destinée à entretenir le bon fonction-m 
nement des nerfs modérateurs du cœur et des vaso= 
dilatateurs et à les défendre contre des agents: 
toxiques et nuisibles. 

En résumé, l’expérimentation directe sur les 
glandes thyroïdes a mis en lumière des fonctions 
bien déterminées de ces organes: une fonction 
mécanique, toute locale en apparence, consistant à 1 
régulariser la circulation du sang dans la boites 
cranienne, et la fonction chimique plus générale que 
je viens de préciser. Quels sont les rapports entre 
ces deux fonctions des corps thyroïdes et cette se- 
conde propriété de l’'iodothyrine, déjà connue avants 
mes recherches, d'augmenter notablement les échan- 
ges organiques? Je reviendrai sur celte question 
d'une portée générale à la fin de mon exposé, parce 
qu'elle se pose également et presque dans les mêmes 
termes à propos du fonctionnement des autres 
glandes vasculaires. 

Auparavant, je veux résumer les résultats dem 
mes recherches ultérieures, instituées surtout pour 
mieux approfondir la nature et les fonctions des, 
corps thyroïdes. 
en DEN OMOPEN MP AP CES SERRE 


1, Jusqu'à présent l’atropine avait été considérée comme 
un poison absolu pour les pneumogastriques et cette. 
substance pouvait seule inhiber les elfets mortels de La 
muscarine. 


E. DE CYON — LES GLANDES RÉGULATRICES DE LA CIRCULATION 


IT 


C'est l’antagonisme physiologique entre l'iode et 
“l'iodothyrine qui, selon moi, constitue le nœud du 
problème chimique à résoudre dans l'étude des 
fonctions des glandes thyroïdes. Parmi les nom- 
“ breux travaux des chimisles, ceux qui se ratta- 
3 chaient de plus près aux recherches de Baumann 
sur l'iodothyrine devaient donc être les plus inté- 
“ressants pour le physiologiste. C'est par là que les 
études d'un élève de Baumann, le D' Oswald, se 
“recommandaient tout particulièrement à mon atten- 
» Lion. 

— Prenant pour point du départ de ses recherches 
l'assertion de Baumann que l'iodothyrine existe 
“dans les thyroïdes unie à un corps albuminoïde, 
Oswald s'attache à isoler ce corps el à en étudier 
les propriélés chimiques et physiologiques. Il 
réussit à dégager dans la thyroïde deux substances 
albuminoïdes dont l’une contenait de l’iode et élait 
ibre de phosphore, tandis que l’autre, au contraire, 
élait libre d'iode et contenait du phosphore. Con- 
formément à leurs propriétés chimiques, Oswald 
dénomma la première thyroïglobuline et ‘désigna 
la seconde comme nucléo-protéide. Les deux subs- 
tances se trouvent dans la masse colloïde de la 
glande, qui ne serait qu'un mélange de ces deux 
—…_ Corps. 
… C'estla thyroïglobuline qui nous intéresse le plus, 
puisque c'est elle qui contient l'iode sous forme 
Blicdothyrine. Ainsi que l'avaient montré quelques 
—… expériences d'Oswald, la thyroïglobuline exerce 
sur les oxydations dans l'organisme les mêmes 
… effets que la substance de Baumann ou la glande 
. thyroïde ingérée intégralement. 

Il était donc du plus haut intérêt d’éprouver son 
action sur les appareils nerveux qui régularisent la 
circulation du sang. Les études expérimentales 
faites dans cette direction par Oswald et moi, et 
. dont une partie a paru dans l'Archiv von Pflüger 
(vol. LXXXIIT), confirmèrent de tous points nos 
prévisions. Voici quelles furent les conclusions de 
nos premières recherches : 

a) La thyroïglobuline doit être considérée comme 
- la substance albuminoïde qui contient l'iodothyrine ; 
D) l'antagonisme entre l’action physiologique de 
. l'iodothyrine sur les nerfs du cœur et des vaisseaux 

et celle de l'iode se rapporte aussi à l’iode que les 
thyroïdes peuvent contenir sous une autre forme 
- que l’iodothyrine. C’est-à-dire qu'aucun autre pro- 
duit de ces glandes, füt-il même iodé, ne possède 
les propriétés physiologiques de l'iodothyrine. 
Quelques faits observés au cours de nos recher- 
ches méritent encore d'être signalés, parce qu'ils 
soulignent la grande portée de l'iodothyrine dans 
le fonctionnement des thyroïdes. La thyroïglo- 


, 


+ 


TS 


buline des veaux de Zurich‘ ne contient diode sous 
aucune forme : aussi est-elle dépourvue de toute 
action sur le système nerveux cardiaque. Par contre, 
la même substance, recueillie par Oswald sur des 
veaux envoyés de Paris, renferme, en moyenne, 
jusqu’à 0,56 °/, d'iode. 

L'autre fait est encore plus significatif : la thy- 
roïglobuline extraite par Oswald de glandes thy- 
roïdes normales d'hommes contient 0,34 °/, d'iode; 
celle d’un habitant de Zurich ne donne que 0,19 °}, 
et celle d'un goitre basedowien que 0,07 °/, ?. La 
thyroïglobuline provenant des glandes strumeuses 
d'un habitant de Zurich que je viens d’expérimenter 
est restée sans effet sur les nerfs du cœur et des 
vaisseaux. 

Dans les chapitres consacrés à la synthèse des 
fonctions des glandes thyroïdes j'ai groupé de 
nombreux faits relatifs à l'étiologie et à la théra- 
peutlique des goitres, faits qui tous trouvent aisé- 
ment leur explication dans le trouble des fonctions 
chimique et mécanique, lelles que je viens de les 
exposer. Je ne puis que renvoyer le lecteur à ces 
chapitres ”, 


III 


Une lacune avait été signalée dans ma théorie de 
la fonction physique où mécanique des thyroïdes : 
j'avais bien démontré, m'objectait-on, l'existence 
dans ces glandes de mécanismes nerveux suscep- 
tibles d'influencer les quantités de sang qui pénè- 
trent par les carotides dans la boîte cranienne, 
mais il restait à établir, par quelque preuve directe, 
que lesdits mécanismes remplissent eflectivement 
ce rôle d’écluses. Le fait est que la présence d’un 
autre rouage est encore indispensable pour que 
l'ingénieux outillage nerveux et vasculaire des 
glandes thyroïdes soit à même d'exercer son action 
protectrice du cerveau. Il faut, en outre, que ce 
dernier, se trouvant en danger, puisse 2voquer à 
temps le secours de cet outillage et le mettre anto- 
maliquement en jeu. 

« Démontrer expérimentalement la justesse de 
celte déduction, écrivais-je en 1898, c'était asseoir 
ma théorie sur des bases inébranlables, les preuves 
déductives jointes à celles qu'on à obtenues par la 
méthode d'induction donnant toujours le plus haut 
degré de certitude qu'on puisse atteindre dans les 
Sciences naturelles ». 

C'est à l'hypophyse que je m'adressai pour 
découvrir le rouage en question, les recherches 
antérieures de Rogowitz, Slieda, Gley et autres 


£ Et probablement de la plupart des veaux suisses. 

2 M. Gley a également constaté la diminution de l'iode 
dans la maladie de Baseaow. 

$ Chapitres vi et vin des Beiträge zur Physiologie der 
Schilddrüse. 


832 


E. DE CYON — LES GLANDES RÉGULATRICES DE LA CIRCULATION 


ayant déjà altiré mon atlention sur les relations 
physiologiques entre cet organe et les glandes thy- 
roïdes : située dans la partie la plus abritée du crâne, 
entourée de grands sinus veineux et abondamment 
pourvue elle-même de vaisseaux sanguins, enfer- 
mée en outre dans une cavité à parois rigides, 
l'hypophyse paraissait, en vertu de ces conditions 
anatomiques, éminemment apte à ressentir toutes 
les variations de la pression intracranienne. Elle se 
prêtait donc parfaitement au rôle d’un avertisseur 
automatique destiné à mettre en mouvement le 
mécanisme protecteur des glandes thyroïdes. 

C'est encore à l'expérimentation directe que 
j'eus recours pour déterminer les fonctions de 
l'hypophyse. La méthode de l’extirpation était ici 
contre-indiquée. Les inévitables lésions des parties 
cérébrales voisines auraient rendu impossible toute 
interprétation précise des résullats obtenus. Au 
contraire, avecl'expérimentation directe sur l'hypo- 
physe, ces lésions pouvaient être aisément évitées. 
Mes procédés opératoires les réduisirent, le plus 
souvent, à une simple incision de la muqueuse du 
palais de la bouche (chez le chien) ou à une section 
du pharynx {chez le lapin) et à une ouverture de 
2-% millimètres à la base du crâne chez les deux. 

L'hypophyse ainsi mise à nu, une simple pression 
mécanique exercée sur elle-même ou sur les parois 
de sa cavité suffisait pour la mettre en fonction. 
Une légère excitation électrique (de la force de 
3-5 volts) réussissait à activer notablement le fonc- 
tionnement de l'hypophyse et permettait d'observer 
en détail le mécanisme par lequel elle parvient à 
régler la pression intracranienne. 

Voici les principales indicalions que m'ont don- 
nées, sur le rôle physiologique de l'hypophyse 
cérébrale, les recherches de plusieurs années : 

1° L'hypophyse préserve le cerveau des dange- 
reux afflux de sang et le protège contre les con- 
séquences des pressions trop fortes dans la boite 
cranienne ; 

2 Elle régularise, en outre, les échanges orga- 
niques du Corps. 

La première de ces fonctions, l'hypophyse la 
remplit par deux voies : 4) Toule augmentation de 
pression dans la cavité provoque un renforcement 
et un ralentissement notables des pulsations car- 
diaques ainsi qu'une légère élévation de la pression 
sanguine. Par suite de ces changements, la vitesse 
de la circulation veineuse, surtout dans les corps 
thyroïdes, s'accroit d'une manière considérable, les 
sinus veineux se vident avec facilité et la pression 
intracranienne baisse, C'est là la voie mécanique; 
b) De plus, l'hypophyse produit deux substances 
dont l'action simultanée entrelient constamment les 
centres nerveux cardiaques et vaso-moteurs dans 
un état d’excitalion tonique extrêmement favorable 


à l'écoulement du sang des veines intracraniennes. 
Les deux voies — la mécanique et la chinrique — 
agissent donc dansle même sens el principalement 
par l'intermédiaire des centres pneumogastriques. 
Le tonus de ces nerfs est dü en grande partie à 
l'hypophyse. C'est par l’action des mêmes subs- 
tances que Fhypophyse intervient dans les échanges 
organiques : elle provoque une notable augmenta- 
tion de ces échanges et, conséquemment, une 
diminution dans le poids du corps. 


La principale substance active de l'hypophyse, à 


laquelle j'ai donné le nom d’hypophysine, agit 


donc en général dans le même sens que l'iodothy- « 


rine, mais avec beaucoup plus d'énergie. Ainsi, par 
exemple, non seulement elle peut inhiber plus 
complètement l’action paralysante de l’atropine sur 
le cœur, mais son introduclion préalable est à 
même d'empêcher cette action de se manifester. 
Comme l'indiquent les nombreux graphiques repro- 
duils dans mes Mémoires, les substances actives 
de l'hypophyse peuvent aussi augmenter la force 
des battements du cœur dans une mesure beaucoup 
plus considérable que ne le fait l’iodothyrine. En 
outre, celte augmentation persiste plusieurs heures 
après l'introduction de la substance. Howell, Li- 
von, Cleghorn et d’autres ont, indépendamment de 
moi, constaté les mêmes phénomènes. 

Quant à l'action des extraits de l’hypophyse ou 
de l’hypophyse entière sur les oxydations, j'avais 
pu reconnaitre, par des observalions faites sur les 
malades, qu’elle est aussi d’une efficacité supérieure 
à celle de l’iodothyrine. 

Ainsi, quoique se trouvant en quantité bien 
moindre, les substances actives de l'hypophyse 
peuvent remplir en grande partie la fonction chi- 
mique de l'iodothyrine, lorsque celle-ci fait défaut 
par suite de la thyroïdeelomie. Pour ce qui est du 
rôle de l'hypophyse en tant qu'auto-régulateur 
mécanique de la pression intracranienne, elle est à 
même également de l'accomplir, mais en partie 
seulement, chez les animaux thyroïdectomés, grâce 
à son action sur la vitesse de la circulation dans 
le système veineux du corps entier. 

Parmi lesrésultats, souvent contradictoires, obte- 


nus en procédant par l’extirpation ‘! de l'hypophyse, \ 


il en est pourtant plusieurs qui apparaissent avec 
plus de régularité, grâce à l'exécution plus soi- 


gneuse de l'opération. Ce sont, en premier lieu, 
l'accélération des battements du cœur et le ralen-« 


tissement des mouvements respiratoires qui, selon 


‘ Une discussion détaillée des expériences exécutées à 
l'aide de cette méthode est sur le point de paraître dans 
l'Archiv von Pflüger, vol. LXXXVI. Dans la même étude, la 
plupart des symptômes de l'acromégalie et d’autres affections 
de l'hypophyse sont aisément expliqués à l'aide de ma théo- 
rie de son fonctionnement. 


+ 


sa * 


D me SP RS MORE 


E. DE CYON — LES GLANDES RÉGULATRICES DE LA CIRCULATION 


… Caselli, se manifestent constamment après l'opéra- 
lion et persistent pendant huit ou dix jours. Une 


— dépression psychique, suivie d'un état comateux, 


— apparait également aussitôt après l’extirpation de 


4 
e 


l'hypophyse et dure jusqu'à la mort de l'animal. 
Les désordres moteurs, allant jusqu'aux convul- 
“sions cloniques, et les variations du poids de l’ani- 
mal sont égalementles conséquences très fréquentes 
“de l'opération, mais elles se manifestent sous di- 
verses formes. Le plus souvent, le poids augmente 
“malgré les troubles digestifs et la dépression de 
l'animal opéré. 

Le premier symptôme observé par Caselli con- 
firme d'une manière éclalante ma thèse, que l’ex- 
“citation lonique des pneumogastriques est due en 
“grande partie au fonctionnement normal de l'hy- 
pophyse. La dépression psychique et le coma sont 
les résultats inévitables de l'augmentation de la 
pression intracranienne, par suile de la mise hors 
fonction de l'appareil qui en est le régulateur auto- 
matique . 

Les troubles moteurs ont la même origine que 
les convulsions épileptiformes que j'ai souvent 
observées après une excitation prolongée de l'hy- 
- pophyse : une anémie des centres cérébraux provo- 
quée par cette excitation. Enfin, l'augmentation de 
poids de l'animal à la suite de l’ablation de l'hypo- 
| - physe s'explique aisément par l'absence des subs- 
tances actives de cette glande qui favorisent les 
- oxydations dans l'organisme. 

Ma théorie des fonctions de l’hypophyse, basée 
sur les résultats de l’expérimentation directe, se 
- rouve donc pleinement d'accord avec les prinei- 
paux faits observés par les pathologistes qui 
avaient le plus habilement opéré des extirpations 
de l'hypophyse. 

La thèse que ces pathologistes avaient soutenue 
pour expliquer les fonctions de l'hypophyse, notam- 
ment que cet organe était destiné à détruire des 
toxines accumulées dans l'organisme, n'a donc 
plus aucune raison d'être. 

La lâche de désintoxiquer le sang incombe, en 
premier lieu, au foie; l'élimination des produits 
nocifs des désassimilations organiques, aux reins 
et aux glandes sudorifiques. Le concours qu'une 
glande aussi minuscule que l'hypophyse pourrait 
prêter à ces organes serait vraiment d'une impor- 
. lance dérisoire. 


IV 


En somme, la méthode de l’expérimentation di- 
- recte m'a permis d'élucider les fonctions principales 
4 

4 Aussi, ai-je pu observer chez des acromégaliens une 
— amélioration notable d'une dépression psychique analogue 


—… par un traitement avec l'hypophyse en poudre. Voir LancE- 
 REAUX : Bull. de l'Acad. de Méd., 22 Novembre 1898. 


833 


des deux glandes vasculaires, les corps thyroïdes 
et l'hypophyse,ei de préciser le véritable caractère 
des imporlants rapports physiologiques qui existent 
entre ces glandes. 

Grâce à la nature de ces rapports, ces glandes 
peuvent se suppléer en cas d’ablation de Zune 
d'elles, au moins jusqu'à un certain point. Ces abla- 
tions n'en produisent pas moins de graves pertur- 
bations dans le fonctionnement des centres nerveux 
qui président à la régularisation de la circulalion 
sanguine. Mais ces désordres ne doivent nullement 
amener la mort immédiate, comme le pensent à tort 
plusieurs expérimentateurs, comme par exemple Lo 
Monaco et van Rynberk. Ce n’est que l'examen direct 
de ce fonctionnement qui permet de constater, aus- 
silôt après l'opération, la gravité de ces désordres, 
et ce n’est qu'après un laps de temps plus ou moins 
long qu'apparaissent les symptômes morbides qui 
font périr les animaux opérés. 

Seule l’ablation des capsules surrénales s'est Jus- 
qu'à présent toujours montrée mortelle dans un 
délai très court. Mais, étant données les lésions 
concomitantes, les causes intimes de cette mort ne 
sont pas encore entièrement élucidées. Par leur 
situation anatomique, les capsules se prêtent, d’ail- 
leurs, très difficilement à l’'expérimentation directe. 
Aussi me suis-je borné, dans mes études sur ces 
organes, à préciser davantage l’action de leurs pro- 
duits chimiques sur les nerfs cardiaques et vaso- 
moteurs. Les recherches antérieures faites par 
M. Oliver et Schäfer, par Cybulski et Szymonowicz, 
par Langlois, Gottlieb et autres n'avaient fourni que 
des indications peu concordantes sur la nature de 
cette action. Des expériences avec l'introduction 
d'extraits des glandes surrénales tantôt dans la cir- 
culation isolée du cer veau, tantôt dans celle du reste 
du corps, ainsi que l'étude de l’excitabililé des 
nerfs cardiaques et vaso-moleurs pendant ces intro- 
ductions, ont permis d'établir que les substances 
actives des capsules surrénales augmentent nota- 
blement l’activité physiologique des centres des 
nerfs vaso-constricteurs et des accélérateurs. Elles . 
agissent dans un sens opposé sur les vaso-dilalateurs 
et les nerfs modérateurs du cœur. Par conséquent, 
ces substances sont des antagonistes de l'iodothyrine 
et de l'hypophysine. 

Loin de nuire au bon fonctionnement des nerfs 
régulateurs de la circulation, cet antagonisme en 
est uné condition indispensable. L'appareil cireu- 
latoire n'est pas, en effet, un simple appareil hy- 
draulique fonctionnant dans des conditions im- 
muables. La cireulation du sang doit se modifier 
sans cesse pour s'adapter aux multiples besoins de 
chaque organe, Tantôt c'est le cerveau, tantôt c’est 
l'estomac ou le système des muscles volontaires, 
qui exige un afflux de sang plus considérable afin 


534 


de pouvoir äccomplir sa tâche fonctionnelle. La 
quantité de sang dont dispose l'organisme est loin, 
en effet, de suflire à un fonctionnement simultané 
de tous les organes du corps. L'appareil de la cir- 
culalion doit également s'adapter aux innombrables 
modifications qu'exercent constamment sur le corps 
les influences extérieures, Lelles que les variations 
de la température, de la pression barométrique, de 
l'humidité de l'air ambiant, etc. Les conditions de 
la circulation varient aussi avec l’état de repos ou 
de travail, avec l'attitude du corps (couché ou 
debout); elles sont différentes la nuit et le jour, 
Tantôt, c'est une accélération des battements du 
cœur, avec une diminution ou une augmentation de 
la pression sanguine, qui répond le mieux au besoin 
momentané de l'organisme; — tantôt, tout l’op- 
posé. 

La somme des périodes d'activité du cœur dans 
un temps donné reste, il est vrai, la même, quelle 
que soit la rapidité des pulsations cardiaques. Mais 
celte loi de la constance du travail du cœur dans 
certaines limites délerminées, que j'ai établie en 
1866, ne reçoit son exécution que gräce à l'antago- 
nisme entre les diverses fonctions des nerfs du 
cœur et des vaisseaux. Pour que le cœur puisse 
varier son rythme selon les besoins momentanés 
de l'organisme, sans que la somme de son travail 
utile soit diminuée, l'intervention de nombreux 
appareils régulateurs (nerfs accélérateurs, nerfs 
modérateurs, dépresseurs el vaso-moteurs du cœur) 
est indispensable. 

La quantité de sang dont dispose l'organisme 
entier est également presque constante. Mais, pour 
que chaque organe puisse disposer, à un moment 
donné, de la quantilé de sang qui lui est nécessaire, 
le jeu automatique des nerfs vaso-constricteurs el 
vaso-dilatateurs affectés au service de cet organe 
doit intervenir d'une manière diverse. 

C'est donc sur l'harmonie entre toutes les in- 
fluences antagonistes et modératrices des nerfs que 
repose le fonctionnement normal et régulier du 
cœur et du reste de l'appareil circulatoire. Les 
glandes qui, par leurs sécrétions et produits divers, 
maintiennent les nerfs antagonistes en bon état de 
fonctionnement, remplissent par conséquent un 
rôle physiologique d’une portée vitale. Il est évi- 
dent que, suivant qu'une quantité plus ou moins 
forte de telle ou telle de ces substances actives 
arriverait dans la circulation, la prépondérance 
appartiendrait tantôt à certains nerfs, tantôt à cer- 
tains autres. /] doit donc exister normalement entre 
ces quantités un rapport harmonique qui ne saurait 
être troublé longtemps sans provoquer des acci- 
dents pathologiques plus ou moins graves. Ce sont 
ces perturbalions qu'on observe en premier lieu 
après l’ablation de la thyroïde ou de l'hypophyse. 


E. DE CYON — LES GLANDES RÉGULATRICES DE LA CIRCULATION 


Ainsi, j'ai pu constater queles battements irréguliers 


du cœur qu'on désigne sous le nom de pulsus bige- 


minus Où {rigeminus sont aisément provoqués par M 


des introductions artificielles des produits de l’une 
ou de l’autre glande, ces pulsations élant dues à 
une disharmonie anormale entre les nerfs modé- 


rateurs et les nerfs accélérateurs du cœur, Des * 
introductions semblables produisent également des M 


oscillations toutes particulières de la pression san- 
guine, connues sous le nom d'’oscillations de Traube. 
Les oscillalions spontanées de cette pression dé- 
pendent d’une rupture de l'équilibre entre les inner- 
vations toniques des vaso-constricteurs et des 
vaso-dilatateurs. ILest donc extrêmement probable 
que, normalement, cet équilibre est maintenu par 


les actions antagonistes des diverses substances 


actives des glandes vasculaires”. 


V 


Les glandes dont les fonctions viennent d'être 
exposées ici sont-elles les seules qui soient chargées 
de régulariser la circulation? Certainement non. 
Les glandes parathyroïdes de Gley, les glandes 
carotides et les pelites glandes du même genre, 
disséminées, selon Stilling, sur le parcours du 
grand sympathique, ont une destination analogue. 

Pour les parathyroïdes, les recherches de Gley 
avaient déjà établi le concours qu'elles fournissent 
aux corps thyroïdes. Les résultats obtenus par 
Luzena, Gatla, Caselli et autres, en procédant par la 
méthode de l’exlirpation, n'admettent, il est vrai, 
que des interprélations très vagues ; il n’en ressort 
pas moins de leurs expériences que le rôle de ces 
glandules est encore assez important. 

La glande coccygée de Luschka, qui, par sa struc- 
ture et sa situation anatomique, présente tant 
d'analogies avec l'hypophyse, serait particulière- 
ment intéressante à étudier. Elle paraît être des- 
tinée à régulariser la circulation dans le petit 
bassin. 

D'autres problèmes concernant ces organes res- 
tent encore à résoudre : l'action des glandes yas- 
culaires sur les oxydations organiques s'exerce- 
t-elle par l'intermédiaire des nerfs qui régularisent 
la circulation du sang ou dépend-elle d’une action 
directe sur les nerfs trophiques? Il est hautement 
probable que ces oxydations sont réglées à la fois 
par les nerfs vaso-moteurs et par les nerfs tro- 


phiques. Une partie considérable de ces derniers, M 


sinon la totalité, se trouve dans le pneumogas- 
trique et dans le grand sympathique. Le rôle du 
premier de ces nerfs à l'égard des glandes diges- 


4 Le professeur Livon (de Marseille) est arrivé par ses 
propres recherches à une explication analogue des oscilla= 
tions périodiques de la pression sanguine. 


4 
ù 


lun 


j; 


E. DE CYON — LES GLANDES RÉGULATRICES DE LA CIRCULATION 


“tives (estomac et pancréas) vient encore d'être 
“établi dernièrement d'une manière éclatante par 
les études de Pawlow et de ses élèves. On connaît 
depuis longtemps son action sur les organes de la 
respiration, sur le foie, etc. Or, est-il possible 
admettre que les substances actives de la thyroïde 
et de lhypophyse, dont l'effet est si puissant sur les 
centres périphériques el cérébraux de ces nerfs, 


se rendent dans le cœur et les vaisseaux, laissant 
en dehors de leur action celles qui se distribuent 
dans les poumons, le foie et les glandes digestives ? 
ien n'autorise une conclusion aussi paradoxale. 
u contraire, les effeis connus de ces substances 
ctives sur les échanges organiques s'explique- 
raient très aisément dans l'hypothèse que l'iodothy- 
rine, l'hypophysine et l’épinéphrine exercent les 
effets que nous venons de constater sur la totalité 
des systèmes pneumogastrique et sympathique. 

C'est en ramenant le plus grand nombre de phé- 
nomènes biologiques aux mêmes causes. iniliales 
que le naturaliste parvient à découvrir les lois qui 
les régissent. 

Est-il besoin de dire que les chimistes se four- 
voient complètement lorsque, négligeant l’interven- 
tion du système nerveux, ils prétendent expliquer 
l'action des substances en question par d'hypothé- 
tiques combinaisons chimiques ? Procéder de la 
sorte, c'est méconnaitre entièrement l'essence 
même des phénomènes physiologiques dont on 
cherche l'interprétation. 

Comment doit-on désignerles glandes vasculaires, 
à présent que le mystère qui couvrait leur destina- 
tion physiologique vient d'être en grande partie 
dissipé ? 

Brown-Sequard, qui aimait beaucoup les mots 
à effets, les a désignées autrefois sous le nom de 
« glandes à sécrétion interne ». Cette dénomina- 
tion n'était ni neuve ni exacte; mais, comme elle 
n'avait aucun sens et n’expliquait rien, elle devint 
rapidement populaire, chacun pouvant lui faire 
signifier ce qu'il voulait. La désignation em- 


agissent exclusivement sur les fibres nerveuses qui | 


835 


ployée par Gley : « glandes protectrices de l'orga- 
nisme contre lui-même » vaut déjà mieux. Mais 
l'élargissement de nos connaissances sur les fonc- 
tions de ces glandes nous permet aujourd'hui de 
préciser bien davantage. Je propose de les dési- 
gner comme les glandes régulatrices de la cir- 
culation et de la nutrition (Schutzdrüsen für die 
Regulirung der Blutlaufs und der Ernährung). Cela 
répond exactement à leur destination physiolo- 
gique, telle qu'elle ressort avec évidence des der- 
nières recherches. 

Antérieurement, j'avais désigné les substances 
actives que ces glandes produisent comme les poi- 
sons physiologiques du cœur et des vaisseaux". Le 
développement ultérieur des recherches sur les 
sécrétions des autres glandes permettra très pro- 
bablement d'étendre davantage leur rôle et de les 
désigner comme les poisons physiologiques du 
système nerveux. 

Le mot « poison » a été choisi avant tout pour 
marquer l'analogie de leur action avec celle des 
poisons du cœur les plus connus, comme l'atropine, 
la nicotine, la muscarine, le chlorol, dont ces pro- 
duits sont les antagonistes victorieux. Il fallait 
aussi, en les désignant comme poisons physiolo- 
giques, bien indiquer qu'il s’agit de substances tout 
opposées aux « toxines ». Ces dernières, produils 
accidentels des désassimilations organiques ou des 
sécrétions microbiennes, sont des substances 
pathogènes qui doivent être éliminées du corps. 
L'iodothyrine, l'hypophysine, l'épinéphrine de 
Abel (ou la suprarénine de Furth) sont, au con- 
traire, des substances physiologiques produites par 
des glandes ad hoc; leur présence est indispen- 
sable au bon fonctionnement du système nerveux 
qui domine la circulation du sang et la nutrition. 


E. de Cyon. 


PERRET 

{ Voir mon étude sous ce titre dans l'Archiv von PAüger, 
vol. LXXIII, LXXIV et LXXVII, ainsi que le chapitre L 
de mon article « l'Innervation du cœur », dans le Diction- 
naire de Physiologie de Ch. Richet, vol. I. 


836 


L'ÉTAT ACTUEL ET LES BESOINS 
DE LA CULTURE DES PRAIRIES NATURELLES 
ET DES PATURAGES EN FRANCE 


I. — IMPORTANCE CULTURALE ET ÉCONOMIQUE. 


Les prairies naturelles ou polyphytes, c'est-à- 
dire constituées par le mélange d'un grand nombre 
d'espèces végétales, surtout de Graminées et de 
Légumineuses, forment, après les céréales, les cul- 
tures les plus importantes de la France; car, s’il est 
vrai que les diverses céréales occupent une étendue 
totale d'environ 15.000.000 d'hectares, les prairies 
naturelles et herbages viennent immédiatement 
après, avec une superficie de près de 6.300.000 hec- 
tares ‘: Cette étendue comprend : les prairies nalu- 
relles proprement dites, ou prairies de fauche, 
consacrées à la production du foin et du regain, 
prairies qui, à elles seules, dépassent 4.400.000 hec- 
tares, et les herbages où pälurages qui forment le 
reste. Toutefois, cette distinction n’est pas absolue, 
car il arrive, dans bon nombre de cas, qu'une sur- 
face enherbée est à la fois fauchée et pâturée, soit 
dans le courant d'une année, soit pendant la 
période qu’elle occupe le sol. 

Les causes qui militent en faveur de l’accroisse- 
ment de la surface des prairies artificielles sont les 
mêmes pour ce qui à trait aux prairies naturelles; 
nous n'insislerons donc pas sur ce point. 

Non seulement l'herbe verte et le foin servent à 
la nourriture des bestiaux, dont le nombre va 
toujours en augmentant dans la plupart des exploi- 
tations rurales, mais encore c’est l'agriculture qui 
doit fournir le foin nécessaire à l'armée, à la cava- 
lerie des Omnibus, des Petites-Voitures et autres 
entreprises de transport dans les grandes villes; la 
p'oduction du foin est donc des plus impérieuses, 
car elle intéresse au plus haut point le commerce, 
l'industrie et la défense nationale. 
$ 1. — Rôle économique. 


à 


Les prairies naturelles, les prés, comme on les 
appelle quelquefois, constituent un excellent sys- 
tème de cullure, et cela à bien des points de vue. 
Tout d'abord, elles ne demandent que très peu de 
main-d'œuvre, ce qui est à prendre en sérieuse 
considération, à une époque où le manque de bras 


! L'étendue consacrée aux prairies artificielles n'atteint 
que 3.000.000 d'hectares. Voir : L'Etat actuel et les besoins 
de la culture du trèfle, de la luzerne et du sainfoin en 
France, dans la Revue générale des Sciences du 45 août 1898, 
t. IX, n° 15, 


A. LARBALÉTRIER — LA CULTURE DES PRAIRIES NATURELLES EN FRANCE 


se fait de plus en plus sentir; de plus, elles per- 


mettent l'entretien d'un nombreux bétail, source de 


# à . . ° à ‘ 
bénéfices indiscutable, puisque la consommation 


de la viande va toujours en augmentant; il en 
résulte aussi une production abondante de fumier. 
Or, on sait que, malgré l'accroissement dûment 
constalé en ces dernières années dans l'emploi des 
engrais chimiques, le fumier de ferme n'en reste 
pas moins l’engrais type par excellence, la base 
de toute fertilisation rationnelle et économique, 


les engrais artificiels ou commerciaux n'étant que 


complémentaires dans un système de culture bien 
compris. 

On peut donc dire, sans éxagération aucune, que 
la prairie est l'appui de tout progrès agricole, 
puisque avec les bestiaux on fait de l'argent et 
qu'avec le fumier en abondance il n'y a pas de 
mauvaises terreslabourables. D'ailleurs, il est avéré 
que les systèmes de culture les plus productifs sont 
précisément ceux qui font aux prairies la plus large 
part. C'est ainsi que l'ile de Jersey, dont la cullure 
est si riche, n’a que un sixième de son étendue 
consacrée aux céréales, tandis que le reste est 
en prairies. 


$ 2. — Rôle améliorateur. 


Contrairement aux autres cullures, qui sont plus 
ou moins épuisantes, les prairies naturelles, tout 
comme les prairies artificielles et presque autant 
que celles-ci, améliorent le sol qui les porte. En 
effet, on sait que la formation de l'azote nitrique 
(nitrification) est due à une fermentation; or, le 
ferment nitrique est aérobie. Il en résulte que, dans 
une terre labourée, perméable par conséquent, la 
nitrification est très intense et les plantes ne 
peuvent pas toujours absorber les nitrates au fur 
et à mesure de leur formation; il en résulle une 
perte, du fait de l'entrainement par les eaux de 
drainage, perte qui n'existe pas dans un sol en 
prairie où la nitrification est beaucoup moins 
active. D'autre part, les plantes de la familie des 
Légumineuses sont toujours plus ou moins abon- 
dantes dans une prairie polyphyte, et on sait que, 
non seulement ces plantes n'absorbent pas l'azote 
du sol, mais qu'elles captent l'azote libre de l’atmo- 


sphère par un phénomène biologique des plus 


intéressants, que nous n'avons pas à décrire. Il 
semble donc, comme le fait observer notre émi- 


nent maitre M. P.-P. Dehérain', qu'il y ait deux 
causes agissant en sens inverse : la nitrification, 
5 cause de perle qui s'exerce surtout sur les sols 
—… riches, tandis que la fixation microbienne de l'azote 
…nyintervient pas, cette fixalion entrant en jeu au 
L- dans les sols pauvres ; on concoit toutefois 
- que, même lorsque cette fixation d'azote intervient 
-dans des sols labourés chaque année, elle soit con- 
trebalancée par la nitrification et que la teneur en 
azote ne subisse plus de grands changements, tan- 
dis qu'au contraire, si l’on retarde la nitrification 
- en supprimant les labours, les actions microbiennes 
dominent et la terre s'enrichit en azote. 
- «Quand, il y a quelques années, dit M. Dehérain, 
nous ignorions que l'azote de l'air intervient effica- 
- cement dans la végétation, nous pouvions craindre 
que l’impossibililé où nous sommes encore d’en- 
. gager directement l'azote de l'air en combinaison 
n'amenàt, après l'épuisement des gisements connus 
de nitrates, un appauvrissement considérable de 
nos terres-cullivées; et il est certain que cet épui- 
sement du nitrate du Pérou causera un grand 
préjudice, sans toutefois amener nos terres à la sté- 


ki 


A. LARBALÉTRIER — LA CULTURE DES PRAIRIES NATURELLES EN FRANCE 


837 


riblement aux récoltes qui suivent le défriche- 
ment. » ; 
$ 3. — Etendue cultivée. 

La surface consacrée aux prairies el aux pätu- 
rages est en voie d'accroissement marqué, ainsi 
que le montrent les chiffres du tableau 1, que 
nous empruntons aux statistiques officielles. 


TABLEAU I, — Accroissement de la culture des prairies 
naturelles et des herbages depuis 1840. 


PRODUCTION PRODUIT 


ANNÉES cultivée herbacte moyen 


en tonnes 


| ÉTENDUE 
| 

| par hectare 
| 


en hectares | 
| 


————— | ————  ————————— | ———— 


1810 (86 départ.) .| 4.198.197 | 10.520.203 2.640 
1862 (S9 —  ) 5.021.246 | 16.009.500 3.381 
1882 (86 — ) 5.946.260 | 18.528.519 3.527 

86 — }).| 6.230.671 | 16.003.057* 2.832 


| 1892 


Déjà, il y avait en France, en 1700, d’après Vau- 
ban, 4.267.000 hectares de prairies, el soixante ans, 
plus tard, Mirabeau évaluait à 5.000.000 d'hec- 
tares l'étendue prairiale de notre pays. 


TABLEAU IL. — Répartition des prairies et pâturages en catégories. 


CATÉGORIES 


—————— 


Prairies naturelles irriguées : 
19 Naturellement par les eaux de rivières . . . . 
20. A l'aide de canaux d'irrigation ou de travaux 
spéciaux . NET ere 
Prairies uaturelles non irriguées . 


RENDEMENT 
moyen 
par hectare 
en quintaux en quintaux 


PRODUCTION 
totale 


SUPERFICIE VALEUR TOTALE 


en hectares en francs 


———————— 


198 38.024.828 


37.343.837 
52.484.658 


181 
S51 


Totaux et moyennes . 


836 127.853.323 


Herbages pälurés de plaines . 
de côteaux 
alpestres . 


562 
827 


219 3.385.396 


Totaux et moyennes . 


608 35.562.643 


Totaux généraux et moyennes générales 


213.444 163.415.966 .980.25 


rilité, en effel, nous savons aujourd'hui qu'une 
terre maintenue en prairies s'enrichit d'azote, et 
nous avons dès lors entre les mains une méthode 
qui nous permettra toujours d'augmenter le stock 
. d'azote combiné que renferment nos terres, méthode 
qu'il ne faut au reste employer qu'avec précaution, 
car, Si la création des prairies temporaires de Gra- 
minées laisse le sol enrichi en azote, la culture de 
ces prairies défrichées est très difficile, à cause 
… des insectes qui y pullulent et souvent nuisent ter- 
4 
L 


SeP:-P- 


page 503. 
LA 


DEuÉRAIN : Trailé de Chimie agricole, 1898, 


La statistique officielle, d'accord en cela avec la 
pratique courante, divise les prairies de fauche en 
deux grands groupes : 

1° Les prairies irriguées ; 2° les prairies non irri- 
guées. 

Les herbages ou pâturages sont divisés, à leur 
tour, en trois séries : 


! Dans cette dernière colonne se trouvent aussi les prai- 
ries artificielles et le trèfle incarnat. 

? La différence en moins constatée pour l’année 1892 ne 
doit pas être considérée comme un recul; elle tieut unique- 
ment à ce que la récolte en foin de cette année à été infé- 
| fieure, environ d'un quart, à celle d'une année moyenne. 


838 


1° Les herbäges de plaines; 2° ceux de coteaux; 
3° les pâturages alpestres ou de montagnes. 

Les résultats de l'enquête décennale de 1892 
donnent, pour ces diverses surfaces enherbées, la 
répartilion consignée dans le tableau If. 

Par les chiffres qu'il présente, on voit que la 
valeur totale des produits fournis par les prairies 
naturelles et les pâturages en France dépasse le 
chiffre formidable de un milliard deux cents mil- 
lions de francs. 


A. LARBALÉTRIER — LA CULTURE DES PRAIRIES NATURELLES EN FRANCE 


AAN IG SIL METIER RRRIE 


NE: 
MANCHE CALVADOS r : 
RXANNOOS 


Il 
ORN 


TANISTÉRE 2 


Diapason des Teintes 


Moins de 20.000 hect 


de 20000 à 50.000 


de 50.000 à 70.000 


NU de 70.000 à 90.000 
— de 90.000 à 100,000 


plus de 100.000 


YR NÉS 


CDR 

4 LÉ NN 

D LA NE x 
o Qre KR N 2 


17 hectares par cent habitants: 

93,20 hectares par cent cultivateurs; 

L'hect. O1 par 1.000 kilos de poids vif des ani- 
maux. 

Les prairies naturelles se rencontrent dans tous 
les départements, car partout on fait du foin; 
mais c'estsurtout dans ceux du Centre et de l'Ouest 
que les superficies consacrées à ces cultures sont 
les plus vastes. En 1898, on comptait six départe- 
ments dans lesquels l'étendue réservée aux prai- “ 


LE, LA 
COLE 
CLAAL LL LL 


Grave’ par F:_Borrenans 5 rue Hautefenille - Paris 


Fig. 1. — Répartition des prairies naturelles en France par départements. 


Si l’on ajoute, aux totaux ci-dessus indiqués, le 
total des prés temporaires, c'est-à-dire des prairies 
à base de Graminées, dont la durée est limitée et 
ne-dépasse guère plus de quatre ans, on trouve 
que les prairies naturelles, prés et herbages, occu- 
pent en France comme superficie : 

12,53 °/, du territoire de la France ; 

12,92 °/, de la superficie totale du territoire 
agricole ; 

20, 39 °/, de la superficie des terres labourables 
et prés. 

Relativement à la population, ils représentent : 


ë 
| 


ries de fauche dépassait 100.000 hectares. C'est ce 
que montre la carte de la figure 1. 

Le département qui tient la tête est celui du Puy- 
de-Dôme, avec 154.500 hectares de prairies nalu- 
rellesé. 

Ceux qui cultivent le moins de prairies natu- 
relles sont, indépendamment du département de 


‘ Le département du Puy-de-Dôme comprend une super- 
ficie totale de 795.051 hectares, dont 410.630 hectares de 
terres labourables. En 1862, on y comptait 83.167 hectares 
de prairies et, en 1882, 92.013 hectares, sur lesquels il n'y . 
en avait que 29.388 non irrigués. 


_ Ja Seine (avec 430 heclares), les départements qui 
… suivent : 
- Somme : 8.034 hectares; Seine-et-Oise : 
“hectares; Corse : 5.310 hectares. 
+ Dans aucun département, on ne constate l'ab- 
sence totale des prairies de fauche. 

Par contre, dix départements sont complètement 
privés de päturages, car on ne peut comprendre 
sous ce terme les landes ou pâtis fournissant quel- 
ques maigres herbes aux moutons ou aux chèvres. 


6.550 


A. LARBALÉTRIER — LA CULTURE DES PRAIRIES NATURELLES EN FRANCE 


839 


rencontre surtout les prairies naturelles non irri- 
guées, dont le rendement est toujours moindre. 

Ce sont, ainsi que nous l’avons vu, les départe- 
ments voisins de la mer, ou situés dans lesrégions 
montagneuses de l'Est et du Centre,qui occupent 
les plus grandes surfaces en päturages (fig. 2). 

Les herbages de plaines les plus productifs sont 
ceux du Calvados, puis viennent ceux de l'Orne et 
de la Manche, 

Les herbages de coteaux dominent surtout dans 


Diapason des Teintes 


Pas ou presque pas d'herbages 
Moins de 2.000 hectares 
de 2.000 à 9.000 


de 9. 000 à 20.000 


lame 


de 20.000 à 50.000 EANDESS 


de 50.000 à 70.000 


Plus de 70.000 


— 


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ARONNE, 
1 ff] 


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\ MEDITERRANÉE 


* 


Fig. 2.— Répartition des herbages en France par départements. 


Le département qui tient la tête pour les pâtu- 
rages est celui du Calvados, avec 96.500 hec- 
 tares. 

Pour en revenir aux prairies de fauche, les dé- 
partements les mieux dotés pour les prairies irri- 
_ guées naturellement par les crues de rivières sont 
. ceux de Saône-et-Loire et de la Vendée. Pour les 
prairies arrosées à l’aide de canaux ou de travaux 

spéciaux, il faut citer les Vosges et quelques dé- 
partements du plateau central, notamment la 
Haute-Vienne, le Cantal et le Puy-de-Dôme. 

C’est dans l'Ouest, le Sud-Ouest et le Nord qu’on 


le Calvados et dans la Lozère. Enfin, c'est dans la 
Savoie et les Hautes-Alpes que les pâturages al- 
pestres ou de monlagnes occupent les plus grandes 
surfaces. 


II. — CRÉATION ET ENTRETIEN DES PRAIRIES. 


Nous n'avons pas l'intention de développer ici la 
technologie de la culture prairiale, mais nous vou- 
drions présenter quelques critiques au sujet de la 
manière dont ces cultures sont créées et entretenues, 
afin de faire ressortir ce fait, indéniable à notre 


A. LARBALÉTRIER — LA CULTURE DES PRAIRIES NATURELLES EN FRANCE 


avis, que, si lès surfaces enherbées étaient mieux 
soignées, leur puissance productive serait considé- 
rablement accrue et leur durée beaucoup plus 
longue. 

$ 1. — Climat et situation. 

Ces deux facteurs, qui influent beaucoup sur la 
productivité des surfaces enherbées, sont détermi- 
nés par l'élévation au-dessus du niveau de la mer. 
ainsi que par la latitude et l'exposition de la con- 
lrée. C'est pourquoi les agronomes sont générale- 
ment d'accord pour diviser les prairies de fauche 
en prairies hautes, prairies moyennes, prairies 
basses et prairies marécageuses, qui se définissent 
d’ailleurs elles-mêmes. 

Toutefois, comme le fait observer M. V.-F. Dun- 
kelberg”, « on trouve la végétation de l'herbe aussi 
riche sur l'Himalaya, à une hauteur de 5.400 mètres 
au-dessus du niveau de la mer, qu'à 2.400 mètres 
dans les Andes de Quito, à 1.200 mètres en Suisse, 
comme aussi dans les plaines de Hollande, au bord 
de la mer du Nord. La riche croissance de l'herbe 
est liée à un certain degré de chaleur et surtout à 
une certaine quantité d'humidité de l'air et du sol, 
ou à tous deux simultanément ». D'ailleurs, les 
prés irrigués des vallées sont ceux qui, avec un 
traitement convenable, garantissent le plus grand 


rapport. 
$ 2. — Sol et engrais. 


L'influence du terrain sur lequel est établie la 


prairie est double; il faut la considérer eu égard à 
ses propriétés physiques, qui influent beaucoup sur 
le degré d'humidité ou de fraicheur; puis, au point 
de vue des propriétés chimiques et de la plus 
grande abondance, ainsi que de la proportion rela- 
tive des principes fertilisants qui s’y trouvent; 
ceux-ci ayant une action marquée tant sur la na- 
ture des plantes que sur leurs qualités nutritives et 
la durée de la prairie. 

La profondeur du sol doit aussi être prise en 
considération. 

En effet, la plupart des plantes qui forment l'enga- 
zonnement ont des racines peu profondes. D'après 
les recherches de M. Joulie, on peut admettre, 
d'une facon générale, que, pour cent parties en 
poids de radicelles contenues dans la couche super- 
ficielle de 10 centimètres, la couche immédiate- 
ment sous-jacente de même épaisseur n’en ren- 
ferme que dix parties: dans la troisième couche, 
la quantité de radicelles est insignifiante. 

Sur prairies nouvellement établies, les racines 
pénètrent un peu plus profondément, mais le dé- 
veloppement de la végélation leur rendant l'accès 
de l'air moins facile, les force à se reporter vers la 


! V.-F. DuxkecserG: De la création des prairies irriquées, 


pot: 


surface. L'air est indispensable aux racines non 
moins qu'à la graine, à la tige et aux feuilles. 


En général donc, on se gardera d'utiliser, pour 


prairies, les terrains qui possèdent dans le sous- 


sol les plus fortes réserves d'éléments nutritifs. 


En effet, les Graminées ne peuvent en retirer les 
mêmes avantages que les plantes des terres arables. 
Les sols de fertilité moyenne et sains sont moins 


appropriés, attendu qu'il est aisé d’incorporer les“ 


engrais nécessaires à la couche superficielle, dans 
laquelle les Graminées se développent. 

Tant au point de vue physique qu'au point de 
vue chimique, on doit accorder la plus sérieuse 
altention à la nature géologique du sol, qui donne 
de très utiles indications. 

Quoiqu'on rencontre des prairies dans tous les 
étages géologiques, c'est en général sur les assises 
jurassiques qu'on trouve les plus productives, car 
ces terrains renferment la chaux et l'acide phos- 
phorique en quantité suffisante, éléments absolu- 
ment indispensables aux plantes des prairies. En 
outre, on y trouve le plus souvent, surtout dans le 
lias, de petils cours d’eau à débit lrès irrégulier, 
et des sources qui ont traversé les calcaires et qui 
viennent sourdre aux affleurements des couches 
marneuses. 

Ceci nous conduit tout naturellement à dire un 
mot de la fertilisation des prairies. 

On a longtemps prétendu que les surfaces enher- 
bées pouvaient se suffire à elles-mêmes, qu'elles 
« devaient toujours fournir et ne jamais rien rece- 
voir ». Or, quoique d'une manière générale on 
soit quelque peu revenu de cette erreur, il n’en est 
pas moins vrai que, dans certaines régions de la 
France, on se refuse encore à fertiliser les prai- 
ries et les pâturages. 

La fumure des prairies ne doit pas être quel- 
conque. Etant posé ce principe qu'une bonne prai- 
rie doit reposer sur un sol suffisamment calcaire, 
la proportion des Légumineuses, dans ce cas, sera 
suffisante et celles-ci, puisant la totalité de leur 
azote-dans l'atmosphère, l'apport de ce dernier élé- 
ment, pour subvenir .aux besoins des Graminées, 
pourra être assez restreint. Il n’en est pas de même 
pour l'acide phosphorique el la potasse, qui 
augmentent à la fois la végétation des plantes des 
deux familles, quoique ayant une action plus éner- 
gique sur les Légumineuses. 

Aiïnsi que le fait observer M. F. Berthault *, avec 
la chaux et l'azote assimilable, on régularise sur- 
tout Ja flore. 

La première profite exclusivement aux Légumi- 
neuses; l'azote favorise les Graminées. 


1 K, BerruAurr : Les Prairies, t. 1: 
p. 196. 


Prairies de fauche, 


: 
| 


A. LARBALÉTRIER — LA CULTURE DES 


PRAIRIES NATURELLES EN FRANCE SAL 


Cela ressort neltement de l'analyse botanique 
des prairies effectuée par MM. Lawes et Gilbert. 
Tous les engrais ont restreint la proportion des 
plantes diverses ; mais, tandis que les engrais mi- 


Tagcrau III. — Influence des engrais sur la flore 
, des prairies. 


PARCELLE 
à engrais mi-| 


. ARCELLE 
TEMOIN ES 


# PLANTES avec engrais néraux et à | 
sans engrais AN E À 

4 6 MINETAUX engrais azotés 

, # e | 

Graminées . 67,43 0Jo 61,03 °)o 95,91 0, | 

Légumineuses . . 8.20 23,06 0,01 | 

Plantes diverses . 24,31 15,91 4,08 | 


néraux développaient énormément les Légumineu- 
ses, l'engrais azoté donnait aux Graminées une 
prépondérance excessive (tableau HT) * 

L'acide phosphorique exerce un rôle prépondé- 

*rant dans les prairies, à la condition toutefois que 
le sol en contienne plus que les plantes n'en exi- 
gent. En Bretagne, par exemple, l'emploi des en- 
grais phosphatés a eu pour conséquence de faire 
produire à des régions jadis déshéritées des 
 fourrages plus nutritifs, ce qui permet d'y entre- 
tenir aujourd’hui des animaux de plus grande 
taille, dont le cadre s’est en quelque sorte élargi à 
mesure que la richesse des fourrages en acide 
F phosphorique allait en augmentant. 
“ Les engrais phosphatés, notamment les scories 
À Thomas, font surtout merveille dans les prairies 
. humides et tourbeuses, lors qu'elles ont été préa- 
 lablement assainies. 

C'est ainsi que M. Ayraud a suivi la transforma- 
tion imprimée à la flore par le phosphatage dans 


ÿ Taureau IV. — Modification de la flore des prairies 
basses sous l'influence du phosphatage. 


PRÉ PRÉ 
NATURE DES PLANTES ; e 
phosphaté sans engrais 


Bonnes graminées . . de 

Graminées des pins basses. 
Légumineuses . . . . SL 
Plantes indifférentes . . . . . 
Plantes nuisibles. . . 


5,05 0/0 
91 
9,96 


19 = 10 

19 © O0 C3 —1 
UE & IN 
= 


GORE 1 


12 


—…._ des prairies basses; il est arrivé aux constatations 
L: que résume le tableau IV. 
M. Bourgne, professeur départemental d'Agricul- 


# 4 Les engrais phosphatés doivent être incorporés en au- 

tomne et on peut en répandre une forte dose pour plusieurs 

années, surtout quand on s'adresse aux phosphates miné- 

…_ raux naturels ou aux scories de déphosphoration. 

v La potasse peut être employée moitié à l'automne, moitié 
… au printemps. Pour les engrais à azote assimilable, il faut 
_ toujours choisir le printemps. 


4 
t 


ture de l'Eure, cile également un cas remarquable 
où l'emploi des phosphales et des sels de potasse 
semble avoir en quelque sorte créé des Légumi- 
neuses dans une prairie où elles élaient fort rares. 
Le rendement y a passé, d'une année à l’autre, 
de 1.427 kilos à 2.040 kilos à l'hectare. 

D'autre part, dans le courant d'une seule année, 
M. Muntz a vu des prairies médiocres transformées 
en prés excellents, à rendement triplé, sous l'in- 
fluence des engrais phosphalés * 

Lorsqu'on ne fait pas usage des engrais chi- 
miques, la meilleure fumure pour les prairies et 
herbages consiste dans l'emploi des composts. 


$ 3.— Influence des engrais sur la valeur nutritive 
des produits. 


Pendant longtemps aussi on a cru que la compo- 
silion chimique des plantes des prairies était sen- 
siblement constante pour une même espèce. Celte 
supposition était gratuite. M. Joulie a montré qu'il 
y avait des différences dans la composition d’une 
même plante arrivée à une mème période de végé- 
lation suivant la nature du sol. Il a démontré 
également que cette composilion chimique, essen- 
liellement variable, avait une influence considéra- 
ble sur le développement des plantes, et que, pour 
les prairies qui étaient plus particulièrement l'ob- 
jet des travaux de ce chimiste, le développement 
maximum de chaque espèce végétale correspondait 
à la présence dans le sol d’une quantité minimum 
des éléments minéraux constitulifs de la plante, 
quantité moins variable naturellement avec chaque 
espèce. Cette constatation élait d'autant plus pré- 
cieuse à établir qu'une fois les conditions les meil- 
leures de développement de chaque végétal 
l'analyse du sol qui doit le produire 
donne à l'agriculteur le moyen d'obtenir des ren- 
dements maxima dans les conditions physiques de 
sol et de climat dans lesquelles il opère. 

M. L. Vassillière a déduit de cette importante 
découverte cette autre conséquence, qu'il faut do- 
rénavant avoir recours à la composition chimique 
d'un foin et non seulement à la composition bota-" 
nique, pour en estimer la valeur nutritive. 

A ce point de vue, il nous parait inléressant de 
donner ici la composition moyenne comparée des 
Légumineuses et des Graminées des prairies (Ta- 
bleau V). 

Ces chiffres suffisent pour bien montrer que les 


connues, 


1 L'usage des scories de déphosphoration sur les prés se 
généralise de plus en plus, parce que ces engrais, contenant 
de l'acide phosphorique assez assimilable, renferment en 
outre de 35 à 45 % de chaux; elles ont donc une action dou- 
ble. De nombreuses observations ont démontré que l'emploi 
des scories permet d'augmenter le rendement d’un quart et 
d'en obtenir un foin d'une valeur nutritive double ou triple 
de celui qu'elles produisent ordinairement. 


A. LARBALÉTRIER — LA CULTURE DES PRAIRIES NATURELLES EN FRANCE 


Légumineuses exigent des sols plus fertiles que les 
Graminées, seulement pour donner des pro- 
duits rémunérateurs, mais encore pour végéler 
dans de bonnes conditions. 

La conclusion de ce qui précède, c'est que, par 
l'emploi judicieux des engrais, l’agriculteur peut 
en quelque sorte conduire les prairies à sa guise et 
cela économiquement. Les engrais phosphatés, 
potassiques et calcaires font développer les Légu- 
mineuses. Les engrais azotés favorisent la végé- 
tation des Graminées. Les rendements paient la 
dépense lorsqu'elle est faite dans de sages propor- 
tions, et, à défaut de la constatation du poids du 
fourrage obtenu, l'examen de la flore, le change- 
ment de couleur de l'herbe dansles prairies pauvres, 


non 


Tagzezau V. — Composition chimique comparée 
des Légumineuses et des Graminées. 


DANS 100 KILOS DE FOURRAGE 
SEG 


SUBSTANCES EE 


Graminées 


Légumineuses 


————— — 


12,39 
4,68 
3:66 
4,95 
1.39 

18,14 
1,34 
2.21 

15,31 


AzoteR nd 
Acide phosphorique. : 
Acide sulfur aus è 
Chaux . 

Magnésie. 

Potasse. 

Soude . . 

Oxyde de fer . 

Silice. 


le séjour prolongé du bétail, viennent démontrer au 
cultivateur qu'il n'a perdu ni son temps ni son 
argent. 


Cr 


$ 4. — Création des prairies. 


On a beaucoup discuté sur l’opportunité de la 
création des prairies. Les uns prétendaient qu'il 
valait mieux laisser le terrain s’engazonner seul, 
tandis que les autres préconisaient le semis direct. 
Or, parmi ces derniers, quelques-uns utilisent les 
balayures de fenil ou /eur de foin; d’autres préfè- 
rent le mélange rationnellement effectué de graines 
fourragères choisies avec discernement. La cou- 
tume encore très répandue d’ensemencer en fleur 
de foin ne constitue pas un progrès sur l’engazon- 
nement naturel primitif, quoique beaucoup d' agri- 
culteurs prétendent, on ne sait trop pourquoi, 
« qu'il faut rendre au sol la semence qu'il a pro- 
duite lui-même ». 

Il résulte d'expériences très nombreuses que le 
rendement de la fleur de foin est de moitié infé- 
rieur à celui d’un mélange de graines fourragères ; 
en outre, et pourvu que la prairie soit fertilisée, on 
empêche l'introduction des plantes nuisibles ou 
inutiles, qui se produit déjà suffisamment dans les 
conditions normales. 


Sans entrer ici dans la pratique même de la 
création des prairies, nous dirons que les mélanges 
doivent être composés d’après certains principes. 
Ceux-ci ont été succinctement indiqués par M. C. 
Denaiffe 

1° Les Légumineuses ne doivent y entrer, en gé- 
néral, que pour un tiers (33 °/,), si l'on veut que 
la culture soit dans les meilleures conditions de 
rapport et de durée; 


2 La proportion du Ray-Grass d'Italie ne doit 
pas être de plus de 20 °/,, parce que, dans les” 
deux premières années, il étouffe souvent les es-« 
pèces qui se développent plus lentement et que, par 


là, lorsqu'il a disparu lui-même, il se prod des 
oe dans l’herbage; 

3° Pour la même raison, il ne faut pas que le 
Ray-Grass anglais dépasse 15 °/,, quoiqu'il soit de 
plus longue durée que le précédent; 

4 Il faut mettre à la fois des herbes hautes, 
moyennes et basses; 

° Les espèces les plus durables, telles que le 


dactyle, la fétuque et le paturin des prés, doivent 


y participer dans des proportions convenables. 


Ces prescriptions, toutefois, s'appliquent surtout 


à 


aux prairies temporaires, d'une durée de trois à 
six ans. 

Nous ne pouvons donner ici d'exemples de mé- 
langes, ceux-ci variant beaucoup avec la nature du 
sol, son état de fraicheur, la pureté des graines, 
leur pouvoir germinatif, etc.; enfin, les mélanges 
pour prairies de fauche ne sont pas les mêmes que 
pour les päturages, car, pour ces derniers, il faut 
surtout donner la préférence aux herbes qui re- 
poussent bien sous la dent du bétail. 

Voici néanmoins, pour fixer les idées sur ce 
point, et à titre de simple indication, un mélange 
indiqué par M. G. Heuzé pour créer une prairie 
permanente sur un terrain argilo-calcaire bien 
fumé ? : 


A. Ray-grass 10 0) 5k000 
A. Vulpin des prés. . . . . 10 » 2,500 
B. Paturin ‘des prés 10 » 2,000 
A Fétuquesduretten "000€ 8 » 2,500 
AÉMETOMENTILÉENN NIET 8 » 8,000 
AABrÔMEMESADTÉSEE Er 8 » .000 
A. Houque lainease . . . . SE) 1,000 
A. Avoine jaunâtre . . . . 0e 1,500 
ASPDAC VIe CRT EEE Se) 2,000 
B'AHJéole des ERÉ Re 5 » 0,500 
B. Canche flexueuse . . . . CR 1,600 
BARTÉHENIOIÉ TER ERA EE 6 » 1,200 
B'S81nt0ID - 600 7,500 
B. Trèfle hybride PE 6 » 1,200 
B:uTréfle“blanc- 40 #7: 4 » 1,000 


2 C. DENAIFFE : 
fourragères et les créations de prairies. 

? Le semis doit être fait en deux fois. On répand d'abord 
le mélange comprenant les grosses semences indiquées p ar 
la lettre À, qu'on enterre par un hersage très léger; ensuite 


Renseignements succincts sur les plantes 


ER RL. 


= 
x 
v 


“0[ PU090$ UN BI} UO JUOP SIG 40 SOSSOIS SOURIS SOI OUFISOP A ‘O[AWOSUO SogWoOS 019 qjuoatop Inb sopanor jo soymod sourer8 so auBISOp Y o4jj0] PJ ‘nvoqe] 09 sue; 


*al0u0n ne SUDEES 


(ouyndny obrapan) 


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£ ‘u01}8]289A-SN08 (-suadou wnio/uir) 
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AVATAY J, 


A. LARBALÉTRIER — LA CULTURE DES PRAIRIES NATURELLES EN FRANCE 


Le tableau VI résume toutes les indications pra- 
tiques sur ce point, tout au moins en ce qui con- 
cerne les principales plantes des prairies. 


$ 5. — Entretien. 


Indépendamment de la fumure, il est essentiel, 
dans les prairies et päturages, d'enlever les mau- 
vaises plantes au fur et à mesure qu'elles se mon- 
trent; c'est le plus sûr moyen d'en prolonger la 
durée. 

En outre, plus la prairie vieillit, plus il se forme 
d'humus; c'est un motif pour recourir au hersage. 
Grâce à lui, l'air pénétrant dans le sol provoquera 
la décomposition de l'humus. D'ailleurs, les avan- 
tages du hersage se traduisent dans l'expérience 
suivante effectuée par Anderegg : 


NON FUMÉE FUMÉE 
Non hersé . 3717 kilos. 833 kilos. 
Hersés ANS APN TIR 1.563 — 


Le chaulaye permet aussi de combattre l'influence 
nuisible de l'excès d'humus‘. 

Une pratique trop souvent négligée dans l’entre- 
tien des surfaces enherbées et dont l'oubli contribue 
beaucoup à en abréger la durée, c’est la destruction 
des herbes nuisibles au fur et à mesure qu'elles se 
montrent. Parmi ces mauvaises plantes qui élimi- 
nent peu à peu les bonnes, il faut citer les Plan- 
tains (Plantago), le Rhinanthe crête de coq (Rhi- 
nanthus erista yalli), les Chardons (Carduus) etsur- 
tout le Colchique etles mousses. Le colchique (Co1- 
chicum autumnale) est en outre vénéneux. Il se 
montre surlout dans les prairies fraiches. Quand il 
est peu abondant (et il ne faut pas attendre qu'il se 
multiplie), on peut couper les feuilles rez-terre deux 
années de-suite; la plante finit par périr. Des her- 
sages pendant deux années successives, à l’époque 
de la floraison, déterminent aussi la pourriture des 
bulbes. La mousse (J/uscedo) prend rapidement la 
place des bonnes plantes dans les prairies mal 
entretenues et insuffisamment fumées. On en 
débarrasse plus ou moins complètement le terrain 
en travaillant vigoureusement sa surface au moyen 
d'ure herse à dents serrées et bien épointées, avant 
l'hiver et préférablement au printemps, quand le 
sol est frais; on les recueille au rateau, on les fait 
sécher et on les brûle. On peut aussi arroser les 
places envahies avec du purin tenant en dissolution 
5 °/, en poids de suifate de fer, et quelques 


on procède à l'épandage des petites semences désignées par 
la lettre B. Ce deuxième semis doit être suivi par un roulage. 

4 La chaux ne doit, ou plutôt ne devrait pas être incor- 
porée directement; on la mélangera à de la terre, sous forme 
de compost. Ce compost sera réparti avec la herse à chai- 
nons. Daus le nord de la France, on utilise aussi très avan- 
tageusement dans ce but les écumes de défécation ou boues 
de sucrerie. 


semaines après on engazonne de nouveau les places 
ainsi traitées. 

Les Taupes (Ta/pa), quoique rendant des services 
en détruisant les vers blancs, sont parfois nuisibles; 
en effet, l'abondance des laupinières contrarie non- 


seulement les opérations du fanage, mais souvent 


elle empêche l'herbe de pousser sur des étendues 
parfois considérables; aussi ne saurait-on trop 
recommander, dès le printemps, d'exécuter l'étau- 
pinage, c'est-à-dire le nivellement des monticules 
de terre. La même observation s'applique aux 
fourmilières. 

Si la prairie a été pâturée après la première ou 
la seconde coupe, il faut avoir soin de répandre les. 
déjeclions des animaux et de couper les touftes 
d'herbes laissées par ces derniers. 

L'irrigalion prend également place parmi les 
soins d'entretien. Naturellement, plus l'eau sera 
chargée de matières organiques et meilleure elle 
sera. 

Toutefois, l'eau ne doit jamais être stagnante : le 
sol deviendrait acide. Ainsi que le fait remarquer 
M. P. de Vuyst', l'eau peut couler depuis l'époque 
de l'enlèvement du regain jusqu'aux premières 
gelées; comme la végétation est alors à l’élat la- 
tent, l'irrigation peut durer longtemps; en effet, 
l'on a surtout en vue l'enrichissement du sol en 
principes nutritifs. Après l'hiver, on irrigue quand 
l'eau a une température supérieure à celle de l'air 
ambiant, c'est-à-dire au premier printemps. Après . 
l'hiver, les arrosages doivent se faire par inter- 
valles, car la plante qui se développe doit avoir de 
l'air, aussi bien pour la racine que pour la tige. 


III. — UTILISATION DE LA PRODUCTION HERBACÉE. 


L'herbe verte, le foin et le regain ne sont pas 
toujours récoltés et utilisés d'une manière bien ra- 
tionnelle. Dans beaucoup de régions, sous l'in- 
fluence de l’empirisme et de la tradition séculaire, 
on ne fait pas assez l'application des dernières dé- 
couvertes de la Science à cette partie de l'Économie 
rurale. 

Tout d'abord, c'est par le pâturage qu'une sur- 
face enherbée donne le plus grand rendement, car 
alors les jeunes pousses sont ulilisées au fur et à 
mesure qu'elles apparaissent; or, ainsi que nous 
allons le démontrer, c'est dans l'herbe jeune que 
se trouve la plus grande quantité d'éléments nutri- 


LISE 


4 P. DE VuysrT : 
spéciales, p. 254. 

? Les cultivateurs semblent se préoccuper surtout de 
l'abondance de la récolte et ne pas tenir suffisamment 
compte des qualités nutritives qu'elle peut offrir, et cela 
tant au point de vue de la fertilisation qu'au point de vue 
de la récolte. 


Manuel pratique et raisonné des cultures 


à 


{ 


A. LARBALÉTRIER — LA CULTURE DES PRAIRIES NATURELLES EN FRANCE 845 


$ 1. — Fauchage et fenaison. 


—…_ D'une manière générale, les prairies naturelles 
sont fauchées trop tardivement. Il y a à cela deux 


onne un foin de moins belle couleur, moins aro- 


“cile; en outre, le fauchage tardif est préjudiciable 
“au regain, car, en différant la coupe, on retarde 


Dans une série d'analyses faites sur le foin de la 
grande prairie de Caen, M. Is. Pierre a trouvé, par 
kilo de fourrage vert! : 


MATIÈRE SÈCHE EAU 
Coupe du 18 Juin . 231 gr. 163 gr. 
— 2 Juillet 281 — 7119 — 
— Ler Août :. 350 — 650 — 


Les proportions d'azote contenues dans chaque 
kilo de ces mêmes foins considérés soit à l'état 
vert, soit à l’état fané, à 20 0/, d'humidité, soit 
complètement privés d'eau, ont été trouvées les 
suivantes : 


FOIN 
CRE nn Re. 
à 20°/, d'hu-  complète- 
vert midité ment sec 
Coupe du 18 Juin , . 3gr. 4 A{gr.6 14 gr. 5 
— 2 Juillet . 3gr.7 A1 gr. 13 gr. 8 
— 1er Août. . 4 gr. 5 10 gr. 3 12 gr. 


Comme fourrage vert, le foin s’est enrichi pris 
en masse, parce qu'il est de moins en moins aqueux ; 
“mais comme fourrage complètement privé d'hu- 
midité ou amené, par le fanage, à contenir, dans 
les trois cas, la même proportion d'humidité, il 
S'appauvrissait à mesure que son développement 
vançait. 

L'importance qu'il y a de faucher le foin de 
bonne heure découle encore des analyses suivantes, 
beaucoup plus complètes, exécutées par Warington: 


HYDRATES 

JOUR ÉLÉMENTS MATIÈRES de carbone 

d fauchage azotés grasses solubles CELLULOSE CENDRES 
# : OA VA [0 CA ‘lo 
A4 Mai. . 17,65 3,19 40,86 22,97 15,53 
9 Juin. . 11,16 2,14 43,21 34,88 7,95 
25 Juin. , 8,46 2,71 42340 38/15 7,34 


Il se produit des changements importants pen- 
dant la fenaison : le foin perd beaucoup de ses 
principes nutritifs en temps de pluie. Le fanage 


. 


“doit donc se faire avec beaucoup de soin et, si pos- 


hi ” 
… «Is, Pierre: Études comparées sur la culture des céréales, 
“des plantes fourragères et des plantes industrielles. 


REVUE GÉNÉRIT. DES SCIENCES, 1901. 


atique et plus dur, d'une mastication plus diffi- | 


sible, par un temps sec et une chaleur modérée, 
afin d'obtenir du foin sec et vert. 


S 2. — Rendements. 

En France, la proportion des prairies à faible 
rendement l'emporte malheureusement de beau- 
coup encore sur celles à rendements élevés. La 
récolte moyenne par hectare donne, pour les prés 
submersibles, un rendement moyen de 35 quintaux 
69 par hectare; pour les prairies non irriguées, 
31 quintaux 25 seulement. 

Les prairies basses donnent souvent des rende- 
ments élevés, surtout dans les années sèches. mais 
le foin ainsi obtenu est généralement de mauvaise 
qualité. 

Les prairies moyennes, non arrosées, donnent, 
suivant leur nature, des rendements qui oscillent 
entre 4.000 et 5.000 kilos. Enfin, les bonnes 
prairies, à deux, trois, et même qualre coupes, 
fournissent de 6.000 à 10.000 kilos de foin par 
hectare. 

On peut admettre, eu égard à leur productivité, 
cinq groupes bien distincts de prairies naturelles !. 

Nous les résumerons dans le tableau ci-dessous. 


Tagceau VII — Rendement des prairies. 


RE ——————————————.——"————— ——"#î{ 


NATURE DES PRAIRIES PRODUCTION DE FOIN 


6.000 à 10,000 kilos. 
1.000 à 5.500 kilos 
et un pâturage. 
3.000 à 4,000 kilos 
et un päturage. 
2.000 à 2.800 kilos. 
1.800 à 1.500 kilos 
et au-dessous. 


A plus de deux coupes (irriguées). 
A deux coupes arrosées , , . . 


non arrosées . 


À 1 coupe. . 


Les départements qui consacrent la plus grande 
étendue aux prairies ne sont pas ceux qui ob- 
tiennent la production moyenne par hectare la 
plus élevée. 

En 1898, les plus forts rendements ont été obte- 
uus dans les départements qui suivent : 


VAR HFCTARE 


fn CRE Ds cou NEC 65 quintaux. 
Côtes-du-Nord . . 65 _ 
Manche. , . 65 — 
Vaueluse. . . . . 6% quint. 60. 
Seine-et-Oise. . . . . . 62 quint. #1. 


Drôme 60 quintaux. 


Pour les herbages, durant la même année, c'est 
dans les départements qui suivent que les rende- 


ments ont été les plus élevés : 
PAR HECTARE * 


Mayenne Cie I ER: 55 quintaux. 
A A EU a MO ICE LE 49 quint. 6€. 
Nord ENTRE NE nc 45 quintaux. 
Manche. '. 1.1.1" 0u2. . 44 _ 

LH bd 


XXX — LE 5° CONGRÈS INTERNATIONAL DE ZOOLOGTE 


3. — Foin et regain. 

Malgré l'accroissement des cultures prairiales en 
France, nous ne produisons pas assez de fourrage 
pour notre consommation. Bien peu d'agriculteurs 
produiront du foin et du regain pour les grandes 
villes, qui sont cependant de grands consomma- 
teurs; aussi les importations viennent-elles combler 
le déficit. C'est ainsi que, tous les ans, l'étranger 


formé de feuilles et de tiges moins élevées, qui ne 


rer quelquefois, ou bien on le fauche vers la fin de 
septembre. Le cultivateur a tout intérêt à récolter 
soigneusement le regain, qui convient {très bien 
aux bovidés et particulièrement aux veaux. Le 
chevaux, en sont, en général, moins friands". k 
Le fanage du regain est souvent difficile à cause 
des mauvais temps, si communs à celte époque de 


Tagzeau VIII — Composition comparée du foin et du regain. 


MATIÈRES 


EE SÈCHES 


Re RE 
Subs- 
tances 
orga- 
niques 


DÉSIGNATION par 


100 kilos 


Foin de pré naturel, 


re qualité. . 
2e : 


3e 
Regain de pré naturel. . 


TS 


Cendres| Brutes 


PROTÉIQUES 


MATIÈRES SUBSTANCES 


GRASSES HYDRATES DE CARBONE 


ALIMEN-|, 
TAIRE 


par sh 
100 kilos!}. 


RO ER 


Diges- 


Diges- 


tibles tibles 


nous envoie de 12.000.000 à 19.000.000 de kilos 
de fourrages, représentant une valeur de 1.900.000 
à 11.000.000 de francs. C’est surtout la Belgique, 
l'Allemagne et l'Italie qui y pourvoient. 

Les prairies donnent souvent deux et même trois 
ou quatre coupes par an, suivant leur fertilité. La 
dernière coupe, ou regain, est plus riche que le 
foin de première coupe; c'est ce qui résulte de 
l'examen du tableau VII. 

Le regain diffère aussi du foin en ce qu'il est 


DE 


LE ) 

Le 5° Congrès international de Zoologie s'est 
tenu à Berlin, du 42 au 16 août, sous la présidence 
de M. le Professeur Mübius, directeur du Musée 
Zoologique de cette ville. Inauguré en 1889 à 
Paris, ce Congrès international à tenu successi- 
vement ses assises à Moscou, à Leyde et à Cam- 
bridge. Son succès est allé sans cesse en grandis- 
sant et l’on peut dire que, cette fois, il a dépassé 
toute prévision : en effet, le nombre des membres 
inscrits a été supérieur à 600, dont 500 au moins 
étaient présents. di 

Un tel résullat démontre mieux que tout dis- 
cours à quel point était nécessaire le Congrès 
fondé, voilà onze ans, par A. Milne-Edwards et 
M. R. Blanchard; il prouve également le soin 
apporté à l’organisation du Congrès de Berlin par 
le Comité local, en particulier par M. Matschie, 
conservateur des Mammifères, qui remplissait avec 


l’année; aussi, dans certaines contrées, le rentre- 
t-on à demi desséché pour le mélanger avec de lan 
paille de blé ou d'avoine, qui absorbe l’eau sura- 
bondante. \ 

Quoique le regain soit plus nutritif que le foin, 
de première coupe, il est cependant moins re- 
cherché dans le commerce; cela tient à ce qu'il est. 
moins long, et qu'il plaît moins à l'œil. 

Albert Larbalétrier, 


Professeur à l'Ecole d'Agriculture de Grand-Jouan 


CONGRÈS INTERNATIONAL DE ZOOLOGIE 


zèle et talent les délicates fonctions de Secrétaire 
général. : 
Tous les zoologistes allemands étaient présents, 
à de très rares exceptions près : non seulement les 
Universités étaient représentées par leurs profes- 
seurs, leurs privat-docenten, leurs assistants ; mais 
les grands Musées, comme ceux de Hambourg, de. 
Stuttgard, de Brunswick, de Magdebourg, etc.," 
avaient aussi délégué leurs directeurs. De l’Etran=\ 
ger étaient venus un grand nombre de savants = 
d'Angleterre, MM. Hartert, Hoyle, lord Rothschild, 


Comme le fait remarquer M. Joulie, le plus souvent, lan 
relation nutritive et la valeur alimentaire s'élèvent de coupe 
en coupe, et souvent dans de très larges proportions, de 
telle sorte que la valeur alimentaire de la dernière coupe est. 
quelquefois double de celle de la première, Aussi, les culti- 
vateurs bien avisés se gardent-ils bien de porter au marché 
leurs regains, qu'ils utilisent dans la ferme ou font manger 
sur place par les animaux. f D 


XXX — LE ÿ* CONGRÈS INTERNATIONAL DE ZOOLOGIE 84 


Sclater, Scharff, M. et M! R. B. Sharpe; d'Au- 

triche, MM. Babor, L. von Graf Mrazek 

D. L. S. Schenk (Vienne) et Siedlecki (Cra- 

. covie); de Heu le D' Pelseneer; des Etats- 
à “Unis, MM. Stejneger et C. W. Stiles; de Hollande, 
# MM. van Bemmelen, Hoek, Horst, Hubrecht, M. et 
Mu Max Weber; de Hongrie, MM. Apathy et Hor- 
vath; d'Italie, MM. Al. Brian, Emery, 
—Livini; du Japon, MM. lIjima, Matsumura et Osawa: 
de Roumanie, MM. Antipa et Cosmovici; de Russie, 
MM. Salensky, Scheviakoff et Zograf:; de Serbie, 
M. Yovanovitch; de Suède, M. Aurivillius; de 
“Suisse, MM. Blanc, Field, A. Forel et Th. Studer. 
La France était représentée par cinquante-cinq 
“personnes el comptait de nombreuses délégations. 


(Graz), 


Grassi 


MM. Th. Barrois, R. Blanchard, Yves Delage, 
A. Giard, J. de Guerne, Ch. Janet, L. Joubin, 
:C. Schlumberger et L. Vaillant; cette délégation 
“était présidée par M. Edmond Perrier, directeur 
du Muséum. Le Ministère de l'Agriculture était 
représenté par M. le Professeur Railliet, d'Alfort. 
Signalons aussi MM. A. Certes (Paris), G. Darboux 
(Lyon), J. Guiart, Hérouard, Pizon, Pruvôt (Gre- 
noble) et Racovitza (Banyuls). 

M. le comte von Ballestrem, président du Reich- 
stag, avait mis gracieusement le magnifique palais 
“ du Reichstag à la disposition du Congrès La 


grande salle des séances servait aux réunions gé- | 


“ nérales; les vastes salles de Commissions élaient 
- utilisées pour les séances de sections. Le restau- 
“ rant, le bureau de poste, la salle de lecture et 
“ toutes les autres dépendances étaient libéralement 
ÿ ouverts aux congressistes, qui ont trouvé là l’orga- 
Buisation la plus parfaite et l'hospitalité la plus 
) gracieuse. 

Il nous est difficile d'entrer dans le détail des 
È travaux accomplis par le Congrès; nous ne signa- 

lerons donc que les faits essentiels. 


I 


Le Congrès de Moscou, en 1892, avait créé un 
Comité permanent dont le siège fut fixé à Paris, 
en considération de ce que le premier Congrès 
avait eu lieu en France : A. Milne-Edwards et 
M. R. Blanchard furent désignés respectivement 

à comme Président et comme Secrétaire général de 
- ce Comité. Le même Congrès de Moscou fonda 
# deux prix, grâce à des sommes considérables, que 
“ l’empereur Alexandre III et S. A. I. le Tsarévitch 
“ (actuellement S. M. l’empereur Nicolas Il) lui 
- avaient accordées. Une Commission internationale 
- fut également constituée, à l'effet de décerner ces 
4 prix, avec A. Milne-Edwards comme Président et 
M. R. Blanchard comme Secrétaire général Le 


4? 
“w 
ES 
& 

4 


el | 


Le Ministère de l'Instruction publique avait envoyé 


|: montrant les parts qui, 


décès de M. A. Milne-Edwards, survenu depuis le 
Congrès de Cambridge, avait done désorganisé les 
deux Comités dont nous venons de parler. Ceux-ci, 
usant de leur initialive, avaient appelé provisoire- 
ment à la présidence M. Edmond Perrier, le 
nouveau directeur du Muséum de Paris. Cette dé- 
signation provisoire fut soumise à l'approbation 
du Congrès de Berlin, qui la ratifia par un vote 
unanime. 

Le prix de S. M. l'Empereur Alexandre III 
est décerné alternativement par le Congrès de 
Zoologie et par le Congrès d'Anthropologie et 
d’Ethnographie préhistoriques. Cette année, il 
appartenait à ce dernier Congrès d'en disposer; 
dans trois ans, ce sera le tour du Congrès de Zoo- 
logie. 

© Le prix de S. M. l'empereur Nicolas II appartient 
en propre au Congrès de Zoologie, qui le décerne à 
chacune de ses sessions. La Commission interna- 
tionale des prix avait mis au concours la question 
suivante : Déterminer l'influence de la lumière sur 
le développement de la couleur chez les Lépidop- 
tères. Sur le rapport de M. R. Blanchard, le prix a 
été décerné à M. le D° J. Th. Oudemans, d'Amster- 
dam. L'auteur présente à l'appui de sa thèse un 
ensemble remarquable de faits bien observés, dé- 
dans la production de la 
couleur des ailes, reviennent respectivement à 
l'hérédité, au mimétisme et aux diverses influences 
actuelles. 

Le prochain Congrès, qui doit se réunir dans trois 
ans à Berne, sous la présidence de M. le Professeur 
Studer, aura donc à décerner deux prix : nous en 
ferons connaitre le programme dès qu'il nous aura 
élé communiqué par la Commission internationale. 

D'après le règlement, les zoologistes du monde 
entier peuvent prendre part au concours, à l’excep- 
lion de ceux du pays où doit se tenir le prochain 
Congrès. 

Son Altesse Impériale le prince héritier avait bien 
voulu accepter le patronage du Congrès, qu'il avait 
l'intention d'ouvrir en personne. La mort de sa. 
grand'mère l’Impératrice Frédéric l'empécha de 
meltre ce projet à exécution. M. le Président Mô- 
bius ayant proposé d'adresser au Kronprinz, à l'Em- 
pereur et à la famille impériale un télégramme de 
condoléances, M. Edmond Perrier, désigné à cet 
effet par les membres étrangers du Congrès, prit la 
parole pour appuyer chaleureusement cette motion, 
Son intervention, formulée en excellents termes, a 
produit la meilleure impression. 

La séance d’inauguration, malgré le deuil na- 
tional, s'est ouverte en grande pompe, en présence 
de deux ministres, du recteur, du bourgmestre et 
d'une nombreuse délégation du Magistrat (admi- 
nistration municipale) de la ville de Berlin. Après 


818 


XXX — LE 5° CONGRÈS INTERNATIONAL DE ZOOLOGIE 


les discours d'usage, parmi lesquels celui de M. Per- 
rier, au nom de la délégation francaise, le Profes- 
seur Grassi, de Rome, fit une conférence sur le 
paludisme et sa propagation par les Insectes. On 
sait quelle part considérable revient au savant ita- 
lien dans les récentes découvertes dont il devait 
entretenir ses auditeurs; aussi son discours a-t-il 
eu le plus grand succès, d'autant plus qu'il s’ex- 
prime en allemand de la facen la plus correcte. 

Parmi les autres conférences failes en séance 
générale, nous signalerons tout spécialement celle 
de M. le Professeur Yves Delage, de la Sorbonne, 
sur les théories modernes de la fécondation". Nos 
lecteurs connaissent les ingénieuses expériences de 
notre savant compatriote sur la mérogonie; leur, 
exposé vivant et lucide a valu au conférencier 
d'unanimes applaudissements. Il en a été de même 
pour M. A. Forel, qui a décrit de charmante facon la 
vie psychique des Fourmis”; pour M. Bütschli, qui a 
lu un long mémoire doctrinal sur la question du 
vitalisme et du mécanisme; pour M. Branco, qui a 

_traité de l'Homme fossile, du Pithecanthropus et de 
a descendance des races humaines, 

Nous devons encore une mention spéciale à la 
communication faite, en séance générale, par le 
Professeur S. L. Schenk, de Vienne, sur la pro- 
création volontaire des sexes. On connait sa doc- 
trine, qui a fait quelque bruit, voilà deux ans : elle 
consiste essentiellement à produire la dénutrition 
de la femme par un régime approprié, dès le début 
de la grossesse, ou mieux, quelque temps avant la 
conception; une femme dont le poids diminue pro- 
gressivement et dont l'urine renferme une quantité 
déterminée d'albumine, grâce au régime spécial, 
produirait sûrement des mâles. Telle est, dans ses 
grandes lignes, la théorie du savant viennois. Il a 
su l’exposer avec éloquence, avec une verve toute 
méridionale, et, malgré les sérieuses objections qui 
lui ont été présentées, son succès a été considé- 
rable. D'ailleurs, succès mondain plutôt que scien- 
tifique, car, pour cette séance, le nombre des toi- 
lettes claires avait singulièrement augmenté dans 
la salle. Il faut croire que l'éternel féminin est 
partout le même et que les questions quelque peu 
croustillantes ont autant d’attrait pour les jolies 
Berlinoises que pour nos gracieuses Parisiennes. 

Les Sections ont entendu de nombreuses com- 
munications. Mentionnons, entre autrés, celle de 
M. Pizon, du lycée Janson-de-Sailly, sur la forma- 
tion et l'accroissement des colonies de Botryllides 
(Tuniciersde petite taille), et surtout celle de M, Ijima 
_sur les Eponges japonaises de la famille des Hexac- 


! La Revue publiera in extenso cette conférence dans son 
prochain numéro. 

2 La Revue publiera également cette étude dans up de ses 
prochains numéros. 


tinellides. Le savant de Tokio avait apporté une nl 
admirable collection de ces Eponges : les formes 
les plus diverses s’y trouvaient représentées par dess 
exemplaires d'une taille considérable et d'une con-m 
servalion parfaite. Il a fait présent de cette splen« 
dide collection à l'Institut Zoologique du Professeur 
F. E. Schulze:; elle en sera sans aucun doutele joyau 
le plus précieux. j 


IT 


Le résultat le plus important du Congrès de Berlin 
est l'entente définitive des zoologisles au sujet de 
la nomenclature. À Paris en 1889, et à Moscou en- 
1892, M. R. Blanchard avait présenté deux longs 
et substantiels Rapports, lraitant de celte impor-« 
tante question. Faute de temps, on n'avait pu les 
discuter qu'en partie. Le Congrès de Leyde en 1893 
avait nommé une Commission internationale, àm 
l'effet d'étudier les questions encore pendantes. Gette« 
Commission se réunit à Baden-Baden en 1896, puis 
à Cambridge en 1898: elle s’adjoignit alors un cer- 
tain nombre de membres nouveaux et résolut dem 
saisir le Congrès de Berlin d'un dernier Rapport, 
ne portant d'ailleurs que sur un petit nombre de 
points encore litigieux. 

Sous la présidence de M. R. Blanchard, la Sec 
tion de nomenclature a fait de bonne besogne. 
Après de longues et vives discussions, auxquelles 
ont pris part, entre autres, MM. le comte von Ber- 
lepsch, J. V, Carus, von Martens, F. E. Schulze 
Stejneger et C. W. Stiles, elle a pu aboutir à une 
entente complète et présenter au Congrès un en 
semble de décisions qu'il a ralifiées à l'unanimité. 
La rédaction du code définitif des règles de la nc- 
menclature à été confiée à une Commission de trois 
membres, composée de MM. ??. Blanchard pour la 
langue française, #, von Maehrenthal pour l'alle= 
mand et €, W, Stiles pour l'anglais. Cette Commis- 
sion publiera prochainement le texte officiel des 
règles de nomenclature adoptées par les Congrès 
internationaux de Zoologie. 

L'élaboration de ces règles a été longue, mais il 
est juste de reconnaitre que rien n'était plus indécis 
ni plus arbitraire, et qu'il était très important de 
donner à cette question, une fois souleyée, une 
solution définitive, pour autant qu'il peut y avais 
quelque chose de définitif dans la science, donk 
l'essence est de toujours progresser. I] nous plai 
de rappeler ici que ce résultat capital est l'œuvre de 
l'un de nos compatriotes, M. le Professeur R. Blan: 
chard. 


ro ge 


III 


La dernière séance générale de clôture a eu lie 
le 16 août, sous la présidence de M. R. Blanchard 
SE. M. le D' Studt, ministre de l’Instruction publi=« 


XXX — LE 5° CONGRÈS INTERNATIONAL DE ZOOLOGIE 


“que, y assistait. Après les conférences de MM. Büts- 
_chli et Branco, et après l'expédition de diverses 
“ilaires administratives, le président, dans un long 
“discours en langue allemande, accueilli par les 
applaudissements de l'assemblée, a résumé les tra- 
vaux du Congrès et exprimé les remerciements des 


qu'à se louer de la courtoisie discrète et des préve- 
mances loujours en éveil de leurs collègues alle- 
mands. 

. Un Congrès ne va pas sans excursions, réceptions 


zoologique. : 

Citons tout d’abord la charmante excursion sur 
e Wannsee, organisée à la hâte à la place d'une 
visite à Potsdam, les châteaux impériaux de celte 
localité étant interdits au publie en raison des obsè- 
ques de l’Impératrice Frédéric qui devaient y être 
célébrées le lendemain. 

Mentionnons encore le déjeuner du 14 août au 
“Jardin Zoologique, admirable établissement que 

M. le D' Heck dirige avec un talent digne des plus 
- grands éloges. Ce jour-là, le Congrès tout entier 
«(plus de 500 personnes) était attendu par 150 lan- 
daus. C'était vraiment un coup d'œil extraordinaire 
“que celui de toutes ces voitures, défilant sous un gai 
soleil par la Siegesallee et le Thiergarten et décri- 
-vant les cireuits les plus capricieux, afin de montrer 
aux Congressistes les monuments ou les sites les 
plus remarquables. Le hasard, qui fait bien les 
choses, voulut que l'escorte renconträt plusieurs 
fois l'Empereur. 

… Le Magistrat de Berlin a offert un diner d'au moins 
500 couverts dans les salons du Rathhaus ou 
« Rothhaus », comme disent plaisamment les Ber- 


et autres fêtes ; il est juste que nous disions un mot | 
de celles qui ont eu lieu pendant el après le Congrès 


linois, à cause de la construction en briques rouges 
de leur Hôtel de Ville. 

L'Oberbürgermeister, M. Kirschner, a souhaité 
la bienvenue au Congrès dans une chaleureuse 
improvisation; divers orateurs lui ont répondu, 
notamment M. Edmond Perrier au nom des savants 
français ; le succès a été pour M. Ijima, qui a ter- 
miné son discours allemand par des vivals poussés 
en langue japonaise. 

Signalons encore, pour être complet, le grand 
banquet qui eut lieu, le 15 août, au Jardin Zoolo- 
gique. 

Tel est l’ensemble imposant des fêtes et récep- 
tions qui furent offertes aux Congressistes. Le Comité 
d'organisation avait préparé encore d’autres attrac- 
tions, que le deuil national ne permit pas de réali- 
ser: 

Le Congrès était à peine clos qu'on prenait le 
train pour Hambourg, où était préparée une bril- 
lante réception, de la part de la Municipalité. Avec 
sa bonne grâce coutumière, M. le D'Kraepelin a fait 
les honneurs du magnifique Musée zoologique. La 
principale attraction a été, sans contredit, la visite 
du port de Hambourg : c'estun spectacle saisissant 
que celui de ce port immense, où affluent des navi- 
res de tous les points du globe et. où s'accomplit 
unmouvementcommercial chaque jour grandissant. 

Une excursion finale a eu lieu à l'ile d'Helgoland, 
où le D' Heincke dirige une importante station de 
Biologie marine. Depuis le peu d'années qu'il appar- 
tient à l'Allemagne, l'ilot d'Helgoland est devenu, 
non seulement un centre scientifique important, 
mais aussi une slalion balnéare de plus en plus 
fréquentée. La visite de cette terre isolée, aux 
falaises abruptes où nichent les Oiseaux des mers 
du Nord, est vraiment intéressante : par ses cou- 
tumes, la population n’est pas sans analogie avec 
celle de l'ile de Marken, dans le Zuiderzée. 

ZXX. 


850 


BIBLIOGRAPHIE 


ANALYSES ET INDEX 


4° Sciences mathématiques 


Russell (Bertrand-A.-W.). — Essai sur les Fonde- 
ments de la Géométrie.(1raduit par M. ALBERT CADE- 
Nat et annoté par l'auteur et par M. Louis Coururar). 
— 1 vol. in-$8° de 274 pages, aveë figures. (Prix :9 fr.) 
Gauthier- Villars, éditeur. Paris, 1901. 


Ayaut à rendre compte, pour les lecteurs de cette 
Revue, de cet important ouvrage, je me bornerai à 
dire succinctement ce qu'on y trouve, sans m'engager 
bien avant dans ies polémiques que le livre a soule- 
vées dès son apparition. 

Sans parler déjà de l'excellente exécution matérielle, 
habituelle à tout ce qui sort de l'imprimerie Gauthier- 
Villars, on doit signaler que la publication est très soi- 
gnée. En elfet, le corps de l'ouvrage est accompagné : 
1° de deux préfaces par l’auteur, l’une de l'édition fran- 
caise, l’autre de l'édition anglaise; 2° d'un lexique phi- 
losophique par M. Couturat; 3° de notes mathéma- 
tiques par l’auteur; 4° d'une table détaillée et systé- 
matique des matières, véritable répertoire. Le tout 
conslitue un ensemble de 274 pages. 

Quoique fortement teinté de Mathémaliques, le livre 
est un livre de Philosophie. Il est très analogue, par 
suite, aux études récentes de M. Hannequin sur l'hypo- 
thèse des atomes ou de M. Couturat sur l'infini. Les 
mathématiciens purs y trouveront, à côté des considé- 
rations qui leur sont familières, les apercus dont, à 
tort ou à raison, ils s’abstiennent habituellement. 

Abordant le vaste domaine de recherches qu'on 
nomme Géométrie non euclidienne ou Métagéométrie 
(comme on dit Métaphysique par rapport à la Physique), 
M. Russell rappelle d’abord, avec critique appropriée, 
ce qui a déjà été publié d'important. Puis il développe 
ce quil pense lui-même sur la matière. Il y a donc 
uve partie historique et critique et une partie dogma- 
tique. 

Dans le développement historique de la Métagéomé- 
trie, M. Russell distingue trois périodes : 

I. (Les précurseurs : l'italien Saccheri de 1733 et 
l'allemand Lambert de 1786; puisles fondateurs : Gauss, 
Lobatchevski, Jean Bolyai). Le but poursuivi est de 
montrer qu on peut édifier, en se privant du postulatum 
d'Euclide, une géométrie logiquement cohérente. 

IT. (Riemann, Helmholtz, Lie,...). Le principal objet 
de recherches est la discussion du principe de libre 
mobilité (« le déplacement des figures est possible sans 
déformation »); la méthode principale est l'emploi des 
coordonnées; l’espace est envisagé comme une multi- 
plicité, c’est-à-dire comme lieu d'un point défini par des 
coordonuées — nombres. La notion principale intro- 
duite est la courbure des espaces. 

IT. (Surtout MM. Klein et Poincaré) C'est l'époque 
(actuelle) de la Géométrie projective. On ramène tout à 
des intersections de droites et au rapport anharmoni- 
que, ce dernier défini par la méthode de Staudt, c'est-à- 
dire sans aucune intervention de la distance. 

Chemin faisant sont examinées les opinions de quel- 
ques savants ou philosophes. Signalons l'excellente cri- 
tique des théories de Lotze, qui sont encore aujour- 
d'hui l'arsenal où se munissent d'arguments les derniers 
euclidiens intransigeants. 

Voici maintenant ce que M. Russell pense lui-même 
sur tous ces problèmes : 

I. La Géométrie projective est entièrement a priori 
et repose sur des axiomes dont voici les essentiels : 
1° On peut discerner dans l'espace des parties élémen- 
taires ou « points », qui, tout en étant qualitativement 


BIBLIOGRAPHIE — ANALYSES ET INDEX 


t tous pareils, sont cependant discernables comme exté-" 


rieurs les uns aux autres. 2 L'espace a un nombre fini 
et entier de dimensions. 

IT. La Géométrie métrique s'obtient en introduisant 
dans la Géométrie projective l'idée de mouvement et 
trois axiomes nouveaux : 1° Le principe de la libre 
mobilité; 2° celui (empirique) des {rois dimensions de 
notre espace ; 3° la notion de la distance de deux points. 

IT. Le chapitre 1v est purement métaphysique. On y 
examine la question suivante : Quel rapport une notion 
purement logique de l’espace (telle que celle qui pré- 
cède) peut-elle avoir avec notre espace ambiant, objet 
de la perception? Cette question n'est qu'un cas parti- 
ticulier du problème, probablement à jamais insoluble, 
de l'intelligibilité de l'Univers. Je n'insiste pas sur ce: 
chapitre 1v. 

Le livre est intéressant et suggestif, parce que M. Rus- 
sell remue beaucoup d'idées et a beaucoup réfléchi sur 
les matières qu'il traite. Mais enfin, commé personne au 
monde ne peut avoir aujourd'hui la prétention de 
résoudre complètement les problèmes posés, il n’y à 
rien d'étonnant à ce que de nombreuses réserves soient 
à faire aux théories de l’auteur. 

Je ne veux pas m'engager bien avant dans la polémi-. 
que, mais quon me permette de signaler deux de ces 
réserves. 

D'abord, est-ilbien sûr que la démonstration du para- 
graphe 37 (Deux points, et non quatre, ont une relation « 
mutuelle, leur distance, indépendante des autres points) 
soit péremptoire? La distance ne peut-elle pas, sans 
faire l’objet d'un axiome distinct, être réductible à la . 
Géométrie projective? M. Russell dit que, sans la dis- 
tance de deux points, on ne pourrait plus distinguer les 
différents points d'une droite. Mais on les distingue déjà 
par l’axiome primordial, la discernabilité des points exté- 
rieurs les uns aux autres. L’axiome de la distance serait 
surabondant, comme réductible à d'autres axiomes. 

En second lieu, on ne trouve (du moins je n'ai pas 
trouvé) aucune allusion à un fait algébrique, découvert 
il y a quelques années, lequel est passablement décon- 
certant. Voici ce que c'est : 

En Géométrie analytique, il est impossible d'établir 
une différence de nature entre figures à nombre diffé- 
rent de dimensions. Prenons l'exemple le plus simple 
de cette particularité. Soit, dans un plan, un point m, 

X— Xi (L), AE 
où X et Y sont des fonctions réelles, continues, unilor- 
mes-de la variable réelle £. Faisons varier t, c'est-à-dire 
attribuons-lui une suite infinie de valeurs. Si X et Y 
sont les fonctions usuelles de l’analvse, le lieu du point 
1 est une courbe C, figure à une dimension. Mais on 
peut choisir X et Y de facon que les points de C rem- 
plissent toute une région du plan, par exemple tout 
l'intérieur d'un reclangle. On obtient ainsi la même 
figure à deux dimensions que si l’on avait fait varier 
séparément x et y. Cela est d'accord avec la théorie des 
ensembles de Cantor, où l’on apprend qu'il n’est ni plus 
ni moins général d'envisager : 

soit une suite infinie de nombres, 

soit plusieurs pareilles suites. 

Il semblerait donc qu'on peut reproduire tous les 
points, à » coordonnées indépendantes, d’un espace à 
n dimensions, en faisant varier un paramètre unique. 
Notre univers serait intrinsèquement à une dimension. 
C'est précisément ce que l’auteur (paragraphes 135 et 
suivants) soulient impossible. 

Nous n'’attachons pas d'importance dogmatique abso-= 


“lue aux observations ci-dessus, mais on souhaiterait 
qu'à propos, par exemple, de l’axiome des dimensions, 
x. Russell expliquât ce qu'il pense des doutes et diffi- 
ultés qui viennent d'être énumérés. 
LÉON AUTONNE, 
Ingénieur des Ponts et Chaussées, 


L, 


2° Sciences physiques 


londel (A.), /ngénieur des Ponts et Chaussées, Pro- 
fesseur d'Electricité à l'Ecole nationale des Ponts 
et Chaussées. — Moteurs synchrones à courants 
- alternatifs. — 1 vol. in-8° de 244 pages, de l'Ency- 
elopédie scientifique des Aide-Memorre. (Prix : 
broché, 2 fr. 50; cartonné, 3 fr.). Gauthier- Villars, 
éditeur. Paris, 1901. 

Quel spectacle touchant et admirable nous donne 
M. Blondel, qu'un mal implacable condamne à l’im- 
mobilité et qui, non seulement se lient au courant des 
progrès accomplis dans tous les domaines de l’Electri- 
ité, mais dirige ces progrès sur plusieurs points et 
publie avec une fécondité inlassable des travaux mar- 
ques à la fois aux coins de l’érudition et de l’origina- 
EM 

Sa nouvelle production touche à un sujet difficile, 
qu'il affectioune spécialement, et à l'avancement duquel 
il a beaucoup contribué. En M. Potier, M. Maurice Le- 
blanc et en lui, les machines à courants alternatifs ont 
trouvé des analystes délicats, rompus aux difficultés 
du calcul, qui par des moyens différents nous ont 
montré le jeu complexe de ces appareils si simples en 
apparence. Avec les alternomoteurs on ne se contente 
pas, comme avec les moteurs à vapeur ou à eau, de 
considérer les résultats dans leur ensemble et de faire 
abstraction du mécanisme intime des phénomènes, 
dont une investigation approfondie montrerait dans tous 
les cas la complication. L'étude des alternomoteurs con- 
duit à appliquer aux courants alternatifs les propriétés 
générales des mouvements ondulatoires, telles que 
celles utilisées dans la synchronisation des pendules 
ou dans la propagation des ondes lumineuses. Ainsi 
l'Electrotechnique, bien plus que les autres arts de 
l'ingénieur, est amenée à côtoyer les recherches de la 
Physique pure, et à apporter la rigueur de cette der- 
nière dans ses développements. 

Malheureusement, les matériaux qu’elle emploie sont 
sujet à des imperfections qui ne permettent pas d'ap- 
pliquer les résultats des calculs basés sur l’hypothèse 
de matières idéales. De même que la vapeur ne pré- 
sente pas, au point de vue de l'analyse, la simplicité 
d'un gaz parfait, le fer ne possède pas une perméabi- 
lité magnétique invariable. De là des complications 
devant lesquelles le calculateur le plus habile recule. 
De là aussi, pour les constructeurs, la nécessité d’em- 
ployer dans les projets de machines électriques des 
formules empiriques déduites de la comparaison des 
moteurs existants. 

La considération de machines théoriques, plus ou 
moins simpliliées dans leur essence, n'en est pas moins 
utile pour l'analyse qualitative des phénomènes com- 
plexes auxquels donne lieu le jeu des appareils réels. 

Le chapitre 1 de l’ouvrage que nous examinons pré- 
sente une description générale et un exposé au point 
de vue physique des alternomoteurs synchrones. Vien- 
nent ensuite les théories classiques de Hopkinson, de 
Blakesley et de Steinmetz. Cette dernière, basée sur 
l'emploi des imaginaires, suggère l'observation typique 
suivante : « Cette méthode donne lieu à des calculs 
plus simples que celle de Hopkinson; mais, au fond, 
elle ne constitue qu'un artifice d'écriture de la méthode 
graphique et remplace des raisonnements détaillés par 
des opérations algébriques effectuées mécaniquement 
sans profit pour l'intelligence des phénomènes phy- 
siques. » 

Le chapitre n est une exposition très complète de la 
méthode de l’épure bipolaire que l’auteur a imaginée 
pour simplifier l'étude des alternateurs et dont il a tiré 


BIBLIOGRAPHIE — ANALYSES ET INDEX 


851 


{ les résultatsles plus heureux. Entre autres applications 
intéressantes, il faut lire l'étude économique de la com- 
pensation dans les réseaux par les alternomoteurs, en 
considérant le capital engagé et les frais annuels. C'est 
là un problème technique traité de main de maître. 

Le chapitre ur comporte quelques compléments théo- 
riques, en vue de tenir comple, dans une certaine 
mesure, de l'imperfection des matériaux employés dans 
les machines, el de la complexité des courbes de force 
électromotrice réellement observées. Il y a, dans ces 
lignes, des remarques d’un intérêt sérieux sur l'effet 
défavorable des termes harmoniques qui s'ajoutent à 
l'onde fondamentale. 

Le chapitre 1v est consacré à la mise en marche et 
aux oscillations des moteurs synchrones. Ce dernier 
phénomène est analysé avec altention et sera étudié 
avec profit par ceux qui ont charge des alternateurs. 

Enfin, les chapitres v et vi sont attribués respective- 
vement aux essais des mofeurs synchrones, et à quel- 
ques appareils qui peuvent se rattacher à ces derniers. 

Le livre de M. Blondel, pour modeste qu'il soit dans 
son format, sera accueilli avec le plus vif intérêt par 
les électriciens de plus en plus nombreux qui s'occu- 
pent des courants alternatifs. Il faut souhaiter que 
l'auteur ne tarde pas trop à nous donner la suite qui 
sera consacrée aux moteurs asynchrones et, souhai- 


tons-le, aux commutatrices. - Eric GERARD, 
Directeur de l'Institut Monteñore. 


Walker (J.), Professeur de Chimie à University 
College (Dundee), — Introduction to Physical Che- 
mistry.— 1 vol. in-8° de 336 pages avec fig. (Prix : 
42 fr. 50.) Macmillan et Cie, éditeurs. Londres, 1901. 
« Au cours de dix années d'expérience dans l’ensei- 

gnement de la Chimie physique, j'ai remarqué — nous 
di! l'auteur dans sa Préface — que la majorité des étu- 
diants retirent peu de profit réel de la lecture des 
grands traités qu'ils ont à leur disposition, et cela 
parce qu'ils ne sont pas capables d'établir une relation 
entre les connaissances chimiques communes qu'ils 
possèdent et les nouvelles notions placées devant eux. 
Ils gardent soigneusement à part leur chimie de tous 
les jours et leur chimie physique et, au lieu de retirer 
quelque secours de cette dernière discipline pour la 
compréhension de leur travail systématique ou pra- 
tique, ils sont comme encombrés d'un fardeau nouveau 
et inulilisable. » 

L'auteur a cherché, dans le présent volume, à remé- 
dier à cet état de choses en choisissant certains cha- 
pitres de Chimie physique et en traitant à fond les 
sujets qu'ils contiennent, avec une considération cons- 
tante de leurs applications pratiques. Les vingt-sept 
chapitres du livre passent successivement en revue: les - 
unités et élalons de mesure, la théorie atomique et les 
poids atomiques, les équations chimiques, les lois des 
gaz simples, les chaleurs spécifiques, la loi périodique, 
la solubilité, la fusion et la solidification, la vaporisa- 
tion et la condensation, la théorie cinétique et l’équa- . 
tion de Van der Waals, la loi des phases, les variations 
thermochimiques, la variation des propriétés physiques 
dans les séries homologues, les relations des propriétés 
physiques avec la composition et la constitution, les 
propriétés des substances dissoutes, la pression osmo- 
tique et les lois des gaz dans les solutions diluées, les 

méthodes de détermination des poids moléculaires, la 
complexité moléculaire, les électrolytes, l'électrolyse et 
la dissociation électrolytique, les équilibres chimiques, 
la force relative des acides et des bases, et les principes 
thermodynamiques. 

Comme on le voit, cet ouvrage n'est pas un traité 
complet ou systématique de Chimie physique. Mais 
l’auteur pense que l'étudiant qui l'aura lu et médité 
soigneusement sera alors en mesure de profiter des 
traités plus vastes d’Ostwald, de Nerust et de Van’t Hoff, 
D'autre part, comme M. Walker estime qu'il est bon 
pour les étudiants de se familiariser de bonne heure 

| avec les mémoires originaux, il a donné, à la fin de 


BIBLIOGRAPHIE — ANALYSES ET INDEX 


chaque chapitre, une liste des travaux sur le sujet con- 
sidéré les plus accessibles aux commencants. 
IE, 


3° Sciences naturelles 


Houdaiïlle (F.), Professeur de Physique et Météorolo- 
gie à l'Ecole nationale d'Agriculture de Montpellier. 
— Les Orages à grêle et le Tir des canons. — 

vol, in-8° de 24% pages, avec 63 figures dans le texte. 

(Prix : 3 fr. 50.) Félix Alcan, éditeur. Paris, 1901. 

La lutte contre les orages à grêle à l'aide du tir des 

canons est une question à l” ordre e du jour. Si les phy- 
siciens ne sont pas d'accord pour encourager les agri- 
culteurs, il semble que ceux-ci, cependant, se laissent, 
par l'expérience, convaincre de l'efficacité du tir. 

En France, cette année, les divers concours agricoles 
régionaux présentaient des expositions de matériel 
pour ce tir spécial. Mais on sait que c’est en Autriche 
et en Italie que les essais ont été les plus nombreux. 
Un congrès s’est réuni à Padoue, en 1900, un autre va 
se tenir à Lyon, pour étudier les résultats obtenus. En 
Belgique, dans la région des serres pour la culture de 
la vigne sous verre, à Hoeylaert, par exemple, on pré- 
fère déjà le tir des canons, qui coûte cinq fois moins 
que la prime aux compagnies d'assurances. 

Dans son livre, M. Houdaille, après avoir tracé l'his- 


torique du sujet, décrit le matériel de tir et l organisa- 


lion des stations de ir. Il donne les statuts des diverses 
associations dont quelques-unes existent déjà en Saône- 
et-Loire. On lui saura gré aussi d'avoir écrit un inté- 
ressant chapitre scientifique, en passant en revue les 
“diverses théories qui ont été émises pour expliquer la 
ormation de la grêle. Enfin, nous mentionnerons la 
parlie statistique relative à la répartition et à la fré- 
quence des orages à grêle. 

M. Houdaille avait élé chargé, par le Ministère de 
l'Agriculture, d’une mission en Italie pour l'étude des 
tirs contre la grèle. Il était donc spécialement qualifié 
pour nous présenter cet exposé très documenté, qui 
fait suile à son intéressant Rapport publié antérieure- 
ment. D'après lui, les faits observés donnent à Ja pra- 
tique des tirs la meilleure espérance de succès pour 
l'avenir. Eomonp Gain, 


Maître de Conférences 
à la Faculté des Sciences de Nancy. 


D'Arsonval, Professeur au Collège de France, 
Membre de l'Institut et de l'Acadénne de Médecine ; 
Chauveau, Professeur au Muséum d'Histoire na- 
turelle, Membre de l'Institut et de l'Académie de 
Médecine; Gariel, Zngénieur en chef des Ponts et 
Chaussées, Professeur à la Faculté de Médecine de 
Paris, Membr e de l'Académie de Médecine; Marey, 
Professeur au Collège de France, Membre de 
l'Institut et de l'Académie de Médecine, Directeurs. 
— G. Weiss, /ugénieur des Ponts et Chaussées, 
Prolesseur agrége à la Faculté de Médecine de 
Paris, Secrétaire de la rédaction. — Traité de Phy- 
sique biologique. — 1 volume in-8°, de 1150 pages 
avec 91 fiqures. (Prix : 25 fr.) Masson et Ci, édi- 
teurs. Paris, 1901. 

Ce premier volume d'un ouvrage qui doit paraître en 
troistomes, s'impose à l'attention de toutes les personnes 
qui s'inté ressent aux Sciences biologiques. Ce qui carac- 
térise cet ouvrage et le distingue de tous ceux qui l'ont 
précédé, c’est son adaptation spéciale à la Biologie et 
sa forme encyclopédique. Le lecteur n'y retrouvera 

pas l’enchainement habituel des chapitres des traités 

Éctnes de Physique, mais la réunion d'une série 

d'articles, le plus souvent indépendants les uns des 

autres, où sont exposées, d’une facon très complète et, 
en général, par un auteur très compétent, des questions 
de Physique biologique. Quelques-uns de ces chapitres 
ont l'importance de véritables petits traités. La Phy- 

‘sique pure n'occupe que peu de place et n’a recu de 

développement que pour permettre au biologiste de 

suivre l'exposition des questions qui l'intéressent. 


Dans un chapitre préliminaire, M. Weiss traile des” 
erreurs dans les mesures; il rappelle les causes d’er=« 
reurs auxquellesle physiologiste est le plusfréquemments 
exposé, il montre l'importance que présente la détermina= 
tion de la limite de ces erreurs. Dans un autre chapitre, 
le même auteur expose les principes généraux de Mé= 

canique dans ce qu'ils ont de plus indispensable au bios 
logiste ; il rappelle les principales notions de Cinémas 
tique, ‘de Statique et de Dynamique; de nombreux 
exemples et de nombreuses figures faciliteront la lecs= 
ture de cet article aux personnes les moins familiarisées 
avec les formules mathématiques. M. Gariel, dans um 
court chapitre sur les propriétés des solides, définit les 
états des corps, et ce qu'il faut entendre par cohésion, 
adhésion et dureté; il traite ensuite, avec. quelques 
détails, de la résistance des matériaux, de l’élasticité, 
de la traction, de la compression, de la flexion, de la 
torsion, il äonne l'application de l'élasticité aux appa= 
reils de Physiologie; enfin, dans un chapitre spécial, il 
montre l'application des notions précédentes à l'archi- 
tecture des os, surtout en ce qui concerne leur réaction 
à la compression, L'article suivant de M. Weiss, sur 
l'architecture du muscle, continue cette étude : on y 
trouve décrites la disposition qu'affectent les fibres des 


différents muscles, l'adaptation structurale des muscles 
aux mouvements qu'ils produisent. Un excellent article 
du même auteur, sur la méthode graphique en Phy- 
siologie, interrompt ici l'étude commencée du muscle; 
nous Ja retrouvons dans AU suivant, encore du 
même auteur, intitulé de la contraction musculaire. M 
Après les myographes classiques, sont étudiées la se- 
cousse musculaire et les conditions physiques qui las 
modifient. Les variations de l’élasticité musculaire dans 
la contraction sont présentées, d’après les travaux de 
Marey et ceux, plus récents et très précis, de Chauveau. 

Dans un importaut article de plus de 90 pages, le 
D' P. Richer expose, avec uu très grand nombre dem 
dessins, les questions de Statique et de Dynamique 
humaine ; il montre que si les muscles sont soumis 
sur le vivant aux influences de leurs aponévroses d’en- 
veloppe, on peut cependant en faire très utilement 
l'étude aux travers des téguments; il discute l'inter-m 
vention de différents groupes musculaires exlenseurs M 
et fléchisseurs dans Ja production d'un seul mouve- 
ment. Il passe en revue, pour chaque seswment du 
corps, les attitudes compatibles avec la station verti-" 
cale droite symétrique, avec la station verticale asymé-" 
trique ; cette étude de statique se trouve complétée 
par quelques considérations sur la station à genoux, la 
station assise et la pathologie de Ja station. La locomo- 
tion, qui est la partie principale de cet article, est étu- 
diée par les méthodes graphiques et chrono 
phiques; les plus larges emprunts sont faits aux 
travaux de Marey. Les tracés des appuis sont obtenus 
avec la chaussure explorairice; ces tracés sont étudiés 
dans les différentes allures de la marche, dans l'ascen- 
sion et la descente d'un escalier. Le pas et ses modifi- 
cations sont aussi étudiés par la méthode des em- 
preintes et à l’aide des tracés de l’odographe de la. 
Station physiologique. Le fonctionnement des muscles 
des différents segments du corps est envisagé pour 
chaque temps de la marche. De nombreux dessins, exé- 
cultés par l’auteur, d'après des photographies de A. 
Londe, accompagnent cette étude et: aussi celle sur les 
mouvements à reculon, la marche avec fardeau, sur 
la marche en poussant et en tirant, sur la marche 
ascendante ou descendante. Quelques considérations 
sur la marche en flexion, sur la marche sportive, et 
une étude sur le saut terminent cet article. 

Un article de M. Marey, sur la locomotion animale, 
fait suite à cette étude de la locomotion chez l'homme, 
et résume les belles recherches de l'illustre physiolo=\ 
giste sur le mouvement. Dans la partie sur la locomo= 
tion des animaux terrestres est étudiée spécialement la 
marche du cheval, par la méthode graphique et par 
méthode chronophotographique ; avec le schema de 
Le Hello est faite l'analyse et la synthèse du mouve- 


“ment. De même est étudiée par la chronophotogra- 
. phie, la locomotion des Reptiles, des Insectes, des Mol- 
“lusques. C'est encore la chronophotographie qui a 
permis à l'auteur d'étudier la locomotion aquatique, le 
role des ondes du corps de l’anguille dans les mouve- 

“ments de progression, la flexion de la queue des pois- 
sons qui détermine la propulsion, le mouvement des 
mageoires. Avec la chronophotographie on suit encore 
les mouvements des Comatules, mouvements dus à la 
“résistance inégale que rencontrent leurs bras couverts 
de villosités, puis les mouvements de l’ombrelle de la 
Méduse et les mouvements des membres de la Tortue 
qui nage. Les mouvements dans l'air sont étudiés suc- 
cessivement chez les Insectes et chez les Oiseaux. L'aile 
(lé l'insecte se compose d'uve partie rigide, la nervure, 
et d'une partie flexible, la membrane; la résistance de 
Pair sur cet organe engendre des flexions alternatives 
qui déterminent la progression. De rapides mouvements 
“'oscillation imprimés à une aile artificielle reprodui- 
“sent le mouvement de l'aile de l’insecte; un point 
“hrillant du bord de cette aile décrit une lemniscate, 
comme le fait l'aile de l'insecte en liberté; on peut, de 
plus, constater, avec la flamme d'une bougie, que l'air 
» est aspiré d'un côté et repoussé de l’autre. Un-appareil 
du mème auteur, l'insecte artificiel, démontre l'influence 
de la vitesse et de la direction du mouvement des ailes 
“sur le déplacement de l'insecte. Sur un cylindre enre- 
peser. couvert de noir de fumée, on peut obtenir 


inscription directe du nombre des battements de 
- l'aile, mais ce n'est que par la chronophotographie que 
- l'on peut apprécier les changements de forme de l'aile. 
Dans la partie relalive au vol des Oiseaux, l’auteur 
montre comment il a pu inscrire directement le mou- 
vement des ailes et en obtenir l'indication par la chro- 
nophotographie; il résume sur ce sujet ses principaux 
travaux, longuement exposés dans son volume sur le 
vol des oiseaux. Enfin, l’auteur explique le mécanisme 
- de vol glissé, et donne la démonstration et l'existence 
du vol à voile, que l'on n’a pu, jusqu'à présent, étu- 
» Jdier par la chronophotographie. 

- Un court résumé, par M. Weiss, des principes d'Hy- 
— drostatique et d'Hydrodynamique sert d'introduction à 
l'étude du cœur et de la circulation. 

La cardiographie et la physiologie du cœur est un 
- article soigneusement écrit, avec de nombreuses indi- 
cations bibliographiques, comme sont les articles de 
- M. le Professeur Wertheiner. Les variations de Ja pres- 
… sion à l'intérieur des cavilés cardiaques sont longue- 
ment éludices, d'après les tracés de Chauveau, Marey, 
- Fredericq, Hurthle: également bien étudiés, sont les 
tracés des bruits du cœur obtenus avec le microphone 
de Hurthle et les tracés obtenus avec le cardiographe 
- placé sur la poitrine. De l’ensemble de ces tracés et de 

ceux recueillis avec les appareils intracardiaques ou 
. intravasculaires, un résullat important se dégage : il 
est possible de préciser sur la courbe d'un bon car- 
. diogramme les différentes parties du fonctionnement 
cardiaque. Les données nécessaires au calcul du tra- 

vail du cœur sont facilement obtenues expérimentale- 
ment, mais les chiffres des auteurs sur le débit du 
- cœur sont assez variables. Les appareils de Kronecker, 
de Marey, de Dreser, permettent de faire cette mesure 

. du travail du cœur. ; 

Avec précision, M. Meyer expose, en cinquante pages, 
la question de la circulation. Les vaisseaux ont des 
propriétés physiques et vilales qui modifient le cours 
du sang; les premières sont seules étudiées ici. Après 

. avoir décrit les appareils en usage pour l'étude de 
… l'élasticité et de la pression artérielle, l'auteur explique 
avec de très beaux fracés les caractères graphiques 
des courbes de pression : oscillations du cœur, oscilla- 
« tions mécaniques de la respiration, oscillations respi- 
 ratoires d'origine nerveuse (courbes de Traube-Héring), 
. oscillations vaso-motrices spontanées (courbes de Sig- 
. mund Mayer). Les caractères du pouls et son inscrip- 
tion avec les sphygmographes de Marey, de Dudgeon, 
… de Von Frey sont particulièrement étudiés; le rap- 


Æ BIBLIOGRAPHIE — ANALYSES ET INDEX 


853 


prochement des tracés sphygmographiques et des car- 
diogrammes permet d'apprécier les rapports du pouls 
et de la pulsation cardiaque. La circulalion veineuse 
est due à divers facteurs : l’action du cœur, l'aspiration 
thoracique, la présence des valvules. De très beaux 
tracés de pression veineuse montrent l'influence de Ja 
circulation périphérique sur cette pression. 

La pléthysmographie, qui a donné de remarquables 
résultats entre les mains de François Franck et Hallion, 
est décrile par ce dernier auteur. Les nombreux appa- 
reils sont classés en quatre catégories : 4° les appareils 
à récipient contenant de l’eau; 2° les appareils à réci- 
pient contenant de l'air; 3° les appareils à inscription 
directe; 4° les appareils à paroi élastique; dans cette 
dernière catégorie se range le pléthysmographe de Hal- 
lion : c’est un instrument qui est simple dans sa cons- 
truction, facile à manipuler, et qui donne les meilleurs 
résultats. L'auteur donne ensuite la technique à suivre 
dans l'exploration de chaque organe. 

Les deux articles suivants de M. Imbert intéresseront 
surtout les biologistes qui s'occupent des phévomènes 
moléculaires; l'un de ces articles traite de la capil- 
larité et de la tension superficielle; l’autre est relatif à 
la solubilité des solides et à l'imbibition. 

Faisant suite à cette étude, un très important article 
de M. Dastre sur l'osmose mérite toute l'attention. Ce 
travail, de plus de 200 pages, forme un véritable traité 
sur la question. L'exposition est claire et méthodique, 
la mise au point du sujet est irréprochable. La courte 
analyse que nous donnons ici ne rendra que très impar- 
faitement compte de cet arlicle qui est, à l’henre 
actuelle, la meilleure et la plus complète publication 
sur ce sujet, Très logiquement cette étude a élé divisée 
en plusieurs parties; trois seulement de ces parlies 
ont trouvé place dans ce volume, ce sont : 1? l'osmose; 
20 Ja tonométrie; 3° la cryoscopie; les deux autres par- 
ties, qui ont trait : l'une à la conductibilité électrique, 
l’autre aux applications biologiques, auraient offert un 
caractère d'ensemble très intéressant pour }a question, 
si la division de l'ouvrage n’en avait obligé le rejet dans 
un autre tome. Les sommaires détaillés, avec de nom- 
breux numéros d'ordre, facilitent beaucoup la lecture 
et les recherches. Un premier chapitre, sur l'étude 
expérimentale des phénomènes osmoliques, fait con- 
naître l'évolution de la question en même temps qu'il 
prépare à une étude théorique complète en montrant 
toutes les influences qui peuvent modifierle phénomène. 
Les membranes osmotiques, cloisons naturelles et cloi- 
sons arlificielles, sont l'objet d’une étude détaillée qui 
periuet de comprendre les hypothèses émises sur le rôle 
de la membrane dans l’osmose, et qui, au point de vue 
pratique, renseigne sur un point important de la cons- 
truction des osmomètres et sur-leurs qualités. Avec 
l'osmomètre artificiel de Pfeffer, on constate les in- 
fluences de la concentration et de la température; avec 
l'osmomètre naturel, la cellule végétale, de Vries, on 
arrive aux mêmes constatations, et on élablit la loi 
des concentrations moléculaires et la loi des coeffi-. 
cients isotoniques moyens. Le deuxième chapitre donne 
la coordination des résultats obtenus; on y trouve bien 
exposée la théorie de Van t'Hoff, et sa conséquence 
principale qui est la forme définitive des lois de l'os- 
mose. La formule de ces lois, ses formes variées et les 
caleuis auxquels elle donne lieu, ont reçu un dévelop- 
pement qui pourra servir dans les applications cou- 
rantes de la Biologie. Enfin, un paragraphe sur les 
substances électrolytes, où estexposée l'hypothèse d’Ar- 
rhénius, termine cette étude de l’osmose,que complètent 


. deux tableaux résumant les données osmotiques expé- 


rimentales. Pratiquement, la mesure directe de la pres- 
sion osmotique estune opération difficile; il est en géné- 
ral plus aisé de déduire la pression osmotique de la 
mesure de grandeurs qui sont aussi fonction du nombre 
de molécules. L'auteur se trouve ainsi amené à exposer 
la tonométrie et la cryoscopie, qui permettent de faire 
la détermination indirecte de la pression osmotique. 
Encore méthodiquement et avec un développement bien 


854 


BIBLIOGRAPHIE — ANALYSES ET INDEX 


ménagé sont exposés les (ravaux qui ont conduit aux 
lois générales. La mise en équation de ces lois est accom- 
pagnée de calculs élémentaires très développés qui 
faciliteront l'emploi des formules les plus usuelles. 

La question des gaz est traitée avec grande compé- 
tence par M. Tissot; trois chapitres sont consacrés à 
cette étude : l’un est relatif aux propriétés des gaz, 
l’autre aux analyses de gaz, et le troisième aux £az du 
sang. Dans ces deux derniers chapitres on trouvera 
longuement exposées, parmi les techniques les meil- 
leures, les méthodes et l'instrumentation du Professeur 
Chauveau, qui sont, comme chacun sait, d'une préci- 
sion remarquable. M. Tissot a encore écrit un chapitre 
sur les phénomènes physiques de la respiration; on y 
remarquera surtout la partie relative à la mesure des 
quotients, coefficients et du débit respiratoires; la 
méthode de Chauveau et l’instrumentation de Chauveau 
et Tissot y sont décrites en détail. 

Un article de M. Weiss sert d'introduction à la partie 
de l'ouvrage qui traite de la chaleur; dans cet article 
sont condensés en quelques pages les notions et prin- 
cipes généraux de Physique relatifs à la chaleur. Plu- 
sieurs articles sont encore traités par M. Gariel; dans 
l’un, sur la thermométrie, il décrit les thermomètres 
usuels, leurs usages et les calculs de correction; dans 
un autre, il aborde la question du travail fourni par les 
animaux et du rendement des moteurs animés. En pas- 
sant, il relève l'incorrection de langage commise en 
qualifiant de travail statique l'énergie dépensée pen- 
dant la contraction statique; puis, il apprécie la valeur 
du travail pour les différents muscles et dans des con- 
ditions variées. Il donne l'évaluation et la quantité de 
travail que peuvent fournir l'homme et le cheval dans 
certaines formes de travail; enfin, par le calcul, il 
montre que le travail ne peut emprunter son énergie 
à la chaleur; la transformation de la chaleur en travail 
n'a pas lieu dans l'organisme. 

Sous le titre température, M. Langlois donne les 
principaux résultats d'observations de température chez 
les animaux poikilothermes et chez les animaux homéo- 
thermes. La température de l'homme est étudiée dans 
ses variations par rapport au temps et aux organes, 
dans les multiples conditions d'âge, de sexe, de race, 
de climat et d'activité musculaire. Brièvementestensuite 
exposé le mécanisme de la régulation thermique, ainsi 
que l'influence de la température sur les fonctions 
organiques; enfin, un certain nombre d'indications sur 
les limites des températures compatibles avec la vie 
terminent cet article bien documenté. 

La calorimétrie est traitée par M. Sigalas, qui la 
divise en trois parties : la première, la calorimétrie 
physique, qui a pour objet la mesure des quantités de 
chaleur dégagées ou absorbées par les corps lorsqu'ils 
sont le siège de variations de température ou de chan- 
“ements d'état; la seconde, la calorimétrie chimique, qui 
mesure les quantités de chaleur dégagées ou absorbées 
dans les réactions chimiques; la troisième, la calori- 
métrie biologique, qui mesure les quantités de chaleur 
dégagées ou absorbées par les êtres vivants; cette der- 
nière partie a été surtout développée par l'auteur qui 
passe en revue successivement les principaux appareils 
dont il fait la critique : appareils à corps calorimétrique 
solide, appareils à corps calorimétrique liquide et appa- 
reils à corps calorimétrique gazeux; à la fin de cette 
étude, l’auteur donne les méthodes suivies pour l'étalon- 
nage des calorimètres. Dans un autre chapitre, M. Siga- 
las fait la description des étuves, fours et régulateurs 
en usage dans les laboratoires. 

La chaleur animale est un article important de plus 
de cent pages écrit par M. Laulanié. L'auteur développe 
la question des sources de la chaleur animale; il expose 
les théories du Professeur Chauveau, et donne les prin- 
cipaux résultats expérimentaux sur la chaleur produite, 
en tenant compte soit des aliments dépensés, soit Je 
l'oxygène consommé. Il fait l'étude de la thermogénèse 
et de ses variations chez les animaux; puis, après avoir 
rappelé la fixité relative de la température centrale, 


l’auteur se trouve amené à parler, dans la lutte contre 
le froid, de la régulation de la température, de l'in- 
fluence des réflexes vaso-constricteurs, du frisson ther- 
mique, de l’exagération des combustions ; dans la lutte 
contre la chaleur, du rôle des réflexes vaso-dilateurs, 
sudoripare, respiratoire, de la polypnée thermique. 
L'auteur étudie ensuite l’action de la chaleur et du 
froid sur les êtres et les tissus vivants, l'influence du 
système nerveux sur la calorification; puis, les troubles 
qui peuvent survenir dans la régulation thermique. 
Beaucoup de personnes trouveront sans doute que cet 
important article serait mieux à sa place dans un granu 
traité de Physiologie que dans un ouvrage de Physique 
biologique. 

L'influence de la pression sur la vie est un article de 
MM. Regnard et Portier, où sont étudiées toutes les 
modifications que les variations de la pression font subir 
aux organismes et aux tissus vivants. Action de la pres- 
sion de l’eau et action de la pression des gaz, influence 
de l'air comprimé et de l'air raréfié, mal des mon- 
tagnes en particulier sont analysés très en détail. Une 
place importante a été judicieusement donnée dans ce 
travail aux expériences de P. Bert et aux ingénieux 
dispositifs expérimentaux de P. Regnard. 

Le chapitre suivant : de l'influence des agents atmo- 
sphériques sur les éléments cellulaires, est un article à 
allure très générale, comme sait en écrire M. Charrin, 
et où l’on trouvera des considérations intéressantes. 
Les parties les plus différentes de la Physique ont été 
envisagées dans cet article; le lecteur en est d’ailleurs 
prévenu dès l’abord par la coupure suivante faite au 
milieu du titre : — Température (chaleur, froid); lu- 
mière ; état hygrométrique (sécheresse, humidité) ; élec- 
tricité, ozone, pesanteur, mouvement, pression, oxygène. 

Pour le plus grand avantage de l'étude de la Physio- 
logie végétale, trois chapitres de Physique écrits par 
M. Mangin ont élé rapprochés, bien qu'ayant rapport à 
des parties différentes de la Physique. Dans le premier 
sont étudiées les actions hygrométriques sur les végé- 
taux; dans le deuxième, l'influence de la chaleur sur 
les végétaux, et dans le troisième les achons méca- 
niques sur les végétaux. Ces trois chapitres, qui sont 
méthodiquement exposés, sont suivis d'indicationsbiblio- 
graphiques précises. 

En résumé, cet ouvrage, dans son ensemble, répond 
bien à son titre, et son succès est assuré non seulement 
par le patronage des savants, MM. d'Arsonval, Chauveau, 
Gariel, Marey, qui en ont la direction, mais encore par 
l'ensemble des travaux que ces auteurs ont fourni à 
cette publication, et par la part importante que plu- 
sieurs d’entre eux ont déjà prise dans Ja rédaction des 
articles. Enfin, il n'échappera à personne que si cette 
œuvre est menée à bien, le zèle, l'activité et la science 
du secrétaire de la rédaction, M. Weiss, y sont pour 
beaucoup. L. Caxus. 


4° Sciences médicales 


Vaullegeard (A). — Étude expérimentale et 
critique sur l’action des Helminthes : I. Cestodes 
et Nématodes. (Æxérait du Bulletin de la Société 
Linnéenne de Normandie). — 1 hroch. in-8 de 
64 pages. E. Lanier, imprimeur. Caen, 1901. 


Les idées relatives à l'action pathogène des Hel- 
minthes intestinaux se sont singulièrement modifiées 
en ces derniers temps. C'est ainsi qu'un certain nombre 
d'auteurs l’attribuent à des substances foxiques éla- 
borées par ces parasites. Tel est le cas de M. le D: Vaul- 
legeard. I] a donc étudié les substances actives conte- 
nues dans diverses espèces de Vers, et a pu isoler deux 
produits toxiques, dont l’un agit sur les centres ner- 
veux, tandis que l’autre agit sur les muscles. L'étude 
critique des principaux symptômes observés dans les 
maladies vermineuses par les différents auteurs lui 
permet du reste de montrer que bon nombre de ces 
symptômes sont analogues à ceux que provoque l'injec- 
tion des substances toxiques. M. le D' Vaullegeard 


r 
% 


ee: 


rejette donc les autres théories admises en Helmintho- 
logie pour s'en tenir exclusivement à la théorie de 
l'action chimique. 

Celle-ci n’est pas niable, en effet, et tous les parasi- 
tologues s’y sont ralliés depuis les importantes obser- 
vations de Miram, Cobbold, Bastian, Vignardou, von 
Livstow et Railliet. Les résultats de Vaullegeard sont 
“du reste à peu près identiques à ceux obtenus anté- 
mieurement par Chanson, Mingazzini et Cafiero, chez 
JPAscaride; par Lussana, Arslan, Crisafulli et Tomaselli 
chez l'Ankylostome, et enfin plus récemment par Mes- 
ineo chez les Ténias de l'Homme. Le travail de Vaulle- 
“eard vient donc confirmer ce que les parasitologues 
Connaissaient déjà sur l’action toxique des Helminthes. 
Le reproche que je lui ferai, c’est tout d'abord de 
‘être pas suffisamment éclectique, et de faire jouer 
ux toxines sécrétées par les Helminthes un rôle un 
eu trop prépondérant, alors qu'il ne tient aucun 
mpte des autres mécanismes qui peuvent intervenir, 
tel que celui de l’inoculalion, sous la muqueuse intes- 
tinale par exemple, de Bactéries pathogènes pouvant, 
Iles aussi, sécréter des toxines. De plus, en ce qui con- 
erne l'Ankylostome, il admet que l’anémie serait le 
résultat des multiples saigoées produites par le para- 
site. Or, on sait, à l'heure actuelle, avec quelle rapidité 
se réparent les pertes de sang chez les Vertébrés supé- 
rieurs, et tous les auteurs modernes sont portés à 
admettre que l’uncinariose ou anémie des mineurs 
serait bien piutôt une aulo-intoxication produite par 
les substances toxiques secrétées par le parasite. Enfin 
je ferai remarquer à M. Vaullegeard que les toxines 
sérrétées par les Helminthes ne sont pas toujours aussi 
dangereuses qu'il le pense et peuvent même jouer un 
rôle bienfaisant, puisque MM. Picou et Ramond pré- 
tendent que l'extrait de Ténia possède une action bac- 
téricide des plus nettes vis-à-vis de certaines Bactéries 
pathogènes, ce qui expliquerait pourquoi les porteurs 
de Ténias sont rarement atteints de diarrhée infec- 
tieuse, et en particulier de fièvre typhoïde, et ce qui 
semblerait donner raison aux Abyssins qui ne se con- 
sidèrent comme bien porlants que lorsqu'ils possèdent 
un ou plusieurs Ténias. Dr J. Gurarr, 

Professeur agrégé 
à la Faculté de Médecine de Paris. 


5° Sciences diverses 


Aupetit (Albert). — Essai sur la Théorie générale 
de la Monnaie. — { vol. in-8° de 297 pages.(Prix : 
10 fr.) Guillaumin et Ci, éditeurs. Paris, 190, 
L'Economie politique est née, au xvin® siècle, des 

travaux des Physiocrates et de l'œuvre, plus précise, 
d'Adam Smith. Mais cette science ne s’est vraiment 
constituée qu'au xix° siècle. L'œuvre des économistes 
est aujourd'hui considérable. Et, malgré le scepticisme 
de la foule, elle s'est affirmée si sérieuse, si pratique, 
que force a été aux détenteurs de l’action publique de 
prendre en considération la science nouvelle et d’en 
respecter les enseignements. 

On a longtemps reproché aux économistes de se li- 

vrer à une « gymnastique intellectuelle » et de formuler 

des lois à ce point vagues que leur application dans 
la vie pratique était impossible. Le reproche n'était 
pas fondé. Mais on comprend qu'il ait été formulé. 

Rien n’est plus délicat, en effet, que l'étude des pro- 

. blèmes économiques. D'une part, l’économiste ne peut 

appuyer une formule théorique d'expériences qui en 

démontreraient l'exactitude rigoureuse. Sans doute, les 
expériences ne font pas absolument défaut : faut-il 
citer le système de Law, la loi du Maximum, l'aventure 

- des assignats, et vingt autres? Mais elles sont de telle 

nature, elles s'étendent sur un si long espace de temps, 

qu'elles échappent au contrôle des esprits superficiels 
et ne s'imposent pas à la raison du grand public, inca- 
pable d’en saisir toute la portée. 


BIBLIOGRAPHIE — ANALYSES ET INDEX 855 


D'autre part, il est impossible de ne pas tenir compte, 
en cette matière, d'un facteur particulièrement mobile : 
l'intervention de l'homme. A vrai dire, cette action de 
l'homme n'est pas à ce point prédominante qu'elle 
puisse fausser le jeu d’une loi économique; mais elle 
suffit à le troubler, et à cacher, aux yeux de l'observa- 
teur inattentif, les conséquences du principe. 

Il à donc fallu du temps, beaucoup de temps, et de 
patientes recherches, pour que la science économique 
prit définitivement corps. Aujourd'hui, elle repose sur 
des bases solides. La somme des observations est suffi- 
sante pour que la théorie puisse s'affirmer avec toute 
la précision voulue. 

De tait, deux groupes de savants ont concouru à ob- 
tenir ce précieux résultat : les statisticiens, dont les 
travaux sont imposants, ont fourni un ensemble de 
renseignements où les théoriciens ont puisé selon leurs 
besoins; d'autre part, les théoriciens ont, de plus en 
plus, condensé leurs formules et ils en sont arrivés à 
les exprimer avec toute la rigueur d'un calcul mathé- 
matique. 

Désormais, toute œuvre économique doctrinale est, à 
la fois, rationnelle et expérimentale; de portée univer- 
selle dans sa partie rationnelle, d'application particulière 
dans sa partie expérimentale. Et l'Economie politique 
a le droit de revendiquer le nom de Science. 

Ce double caractère est mettement affirmé dans 
l'Essai sur la Théorie générale de la Monnaie, que 
vient de faire paraitre M. Albert Aupetit. Vaste serait 
la bibliothèque qui pourrait contenir tout ce qui a été 
écrit sur la monnaie. Cependant, M. Aupetit n'a pas 
hésité à reprendre le sujet. Il l’a traité d’une manière 
personnelle : avec la rigidité d'un problème mathéma- 
thique et avec la sobriété qui convenait à une thèse 
de doctorat ès sciences économiques. 

L'auteur a divisé son ouvrage en deux parties. La 
première est purement rationnelle. Le rôle de la mon- 
naie y est étudié à un triple point de vue : fonction de 
numéraire, fonction de circulation, fonction d'épargne. 
Cette moitié de l'ouvrage est purement scientifique et 
les abstractions y sont enfermées dans des formules 
mathématiques. 

La seconde partie a, nettement, le caractère expéri- 
mental : les phénomènes monétaires y sont notés et 
décrits avec précision, et une statistique détaillée, 
accompagnée de graphiques, établit la concordance de 
la théorie et des faits. 

Nous sommes peu accoutumés, en France, à des 
ouvrages économiques rédigés avec toute la rigueur 
d'un traité de Mathématiques. Cournot, qui inaugura 
cette « économie pure », n'a pas connu la popularité. 
Mais les économistes d'Angleterre, d'Allemagne, d'Au- 
triche, de Suède, d'Italie, de Suisse, des Etats-Unis 
ont suivi la voie tracée par notre compatriote, et leurs 
travaux ont beaucoup contribué à établir que la science 
économique était, en partie, une science « exacte ». 

L'ouvrage de M: Aupetit n'est évidemment pas destiné 
au grand publie, mais il aura sa place dans la biblio- . 
thèque des savants : il sera utile, parce qu'il résume Ja 
théorie générale de la monnaie et la rend plus précise; 
utile aussi, parce qu'il contient des renseignements 
statistiques précieux. C’est un travail consciencieux et 
sévère, qui prouve, une fois encore, que les questions 
économiques sont des problèmes scientifiques, suscep- 
tibles d’être résolus par la méthode mathématique, 
bien que les faits dont elles traitent nous apparaissent, 
à première vue, comme confus et rebelles à l'analyse 
précise. Et cette étude mérite d’être signalée à l’atten- 
tion des hommes que les progrès des Sciences pures 
ne laissent pas indifférents, 

Marcez BICHON, 


Sous-directeur 
de l'Ecole Supérieure de Commerce 
de Montpellier. 


ACADÉMIES ET SOCIÉTÉS SAVANTES 


ACADÉMIE DES SCIENCES DE PARIS 


Séance du 19 Août 1901. 


M. le Président annonce le décès de l'amiral de 
Jonquières, membre libre de l’Académie, et de M. A. E. 
Nordenskiôld, associé étranger. 

1° SCIENCES MATHÉMATIQUES. — M. F, Siacci donne la 
solution d'un problème de d'Alembert. — MM. Eug. 
Lt Fr. Cosserat signalent un point crilique particulier 
‘le la solution des équations de l’élasticité dans le cas 


où les efforts sur la frontière sont donnés. — M. G. 
Kæœnigs poursuit son étude critique sur les principes 


zénéraux des mécanismes. Reuleaux, dans sa théorie, 
s’est affranchi du préjugé de la classification, mais il 
eut dù aussi s'affranchir de cet autre qui consiste à ne 
voir dans un mécanisme qu'un moyen de translormer 
ou de produire un mouvement, 

29 SCIENCES PEYSIQUES. — M. Ch. Eug. Guye indique 
une méthode permettant de calculer la valeur absolue 
du potentiel dans un réseau de conducteurs parfaite- 
ment isolés présentant de la capacité. — MM. E. Cha- 
rabot et A. Hébert ont reconnu que l'éthérificalion 
dans les plantes se produit par l'action directe des 
acides sur les alcools; elle se trouve favorisée par un 
agent particulier, jouant le rôle de déshydratant. Cet 
arent ne serait autre qu'une diastase, dont l’action 
déshydratante s'exerce en milieu chlorophyllien. 

3° SCIENCES NATURELLES. M. F. Bouffé considère 
que le psoriasis est une trophonévrose ayant son siège 
dans les centres nerveux et notamment dans le grand 
sympathique; il présente une grande analogie d’origine 
avec la neurasthénie, Dans le psoriasis, il y a diminu- 
tion de l’activité nerveuse et École Le traile- 
ment de choix consiste dans les injections d’orchitine. 
— M. C. Flammarion a étudié l'influence des lumières 
colorées sur la production des sexes. Des œufs de vers 
à soie, placés sous des verres de couleur foncée, ont 
donné une plus grande proportion de mâles; à ‘l'air 
libre, et sous le verre incolore, lés proportions des deux 
sexes sont les mêmes. — M. A. Thévenin a étudié les 
dépôts littoraux et les mouvements du sol pendant les 
temps secondaires dans le bas Quercy et fe Rouergue 
occidental. — M. André Berthelot fait connaître que 
l'origine de la source de la Loue, qui jaillit à 12 kilo- 
mètres de Pontarlier, vient d’être élucidée à la suite 
de l'incendie de l'usine d’absinthe Pernod. De grandes 
quantités d’absinthe ayant coulé dans le Doubs, on re- 
marqua, deux jours après, que les eawx de la source de 
la Loue avaieut une odeur et un goût d'absinthe très 
accusés. La Loue ne serait done qu'un bras souterrain 
du Doubs. — M. M. Berthelot a analysé deux échan- 
tillons de cette eau et y a constaté la présence d’es- 
sence d’anis. 


Séance du 26 Août 1901. 


4° SCIENCES MATHÉMATIQUES. — M. Janssen annonce 
la découverte d’un nouveau radiant des Perséides, au- 
dessus de la constellation de Cassiopée, dans celle des 
Lézards. — M. E. Sarrau signale quelques particula- 
rités de l'application du principe de l'énergie aux phé- 
nomènes électrodynamiques et électromagnétiques. — 
M. A. Petot éludie le mode de fonctionnement des 
freins dans les automobiles 

29 Sciences PHYSIQUES. — M. O. M. Corbino conclut, 
de la discussion de quelques phénomènes d'Optique, 
que deux radiations se trouvant en deux points diffé- 
rents du spectre continu produit par la lumière bian- 
che sont complètement indépendantes, et qu'on ne 


ACADÉMIES ET SOCIÉTÉS SAVANTES 


DE LA FRANCE ET DE L'ÉTRANGER 


peul, en conséquence, les considérer comme deux 
composantes sinusoidales d'une seule vibration com- 
plexe. 

3° SCIENCES NATURELLES. — M. Louis Léger a cons- 
taté que, chez les Stylorhynchides, la conjugaison n'est 
pas isogame, les gamètes étant aussi protondément dif- 
lérenciés que chez les animaux supérieurs. En outre, 
ce qui est remarquable, c'est qu'ici le spermatozoide 
très gros RORE avec lui la grande partie de la réserve 
nutritive, tandis que l'œuf, beaucoup plus petit, n'en 
renferme qu'une quantité beaucoup moindre. — M. A. 
Giard critique les expériences de M. Flammarion rela- 
tives à l'influence des couleurs sur la détermination du 
sexe chez les Lépidoptères et pense qu'on n’en peut 
tirer aucune conclusion. — M. G. Delacroix signale 
une nouvelle maladie de la pomme de terre, qui sévit 
depuis peu en France; elle est due à une bactérie, qui 
paraît être le Bacillus Solanacearum d’'E. EF. Smith. Le 
seul traitement qu'on puisse indiquer jusqu'ici est 
l'emploi d'un assolement au moins triennal. — M. P. 
Carles signale l'envahissement des cours d’eau du dé 
partement de l'Hérault par le Jussiæa grandiflora 
(Michaux). L'introduction de cette plante paraît proye- 
nir du lavage des laines d'Amérique; elle fructilie 
abondamment et se répand par des graines. 


Séance du 2 Septembre 1901. 


1° SCIENCES MATHÉMATIQUES. — MM. Rambaud et Sy 
présentent leurs observations de la comète d'Encke, 
faites à l'Observatoire d'Alger. —M. G. Humbert montr 6 
que la représentation géométrique, sur une surface de 
Kummer, de la transformation quadratique des fonc- 
tions abéliennes fournit, pour les trois équations mo- 
dulaires de la transformation, une expression remar- 
quablement simple. — M. G. Tzitzeica étudie la 
déformation continue des surfaces qui admettent un 
réseau conjugué invariant. — M. G. Kæœnigs esquisse 
une théorie géuérale des mécanismes; il y introduit 
une considération nouvelle, celle des déplacements dis- 
sociatifs, c'est-à-dire qui provoquent la rupture de 
l’état des liaisons. — M. R. Liouville montre qu'il est 
possible de réduire à un problème unique toutes les 
questions d'équilibre concernant un corps, de forme 
primitive donnée, quelles que soient les forces qui le 
liennent en équilibre après déformation; il ne s'agit 
que de calculer les effets, sur ce même corps, d'un 
seul système de forces, choisi d’une facon convenable 
et d’ailleurs entièrement connu. — M. E. Sarrau étudie 
l'application des équations de Lagrange aux phéno- 
mènes électrodynamiques et électromagnétiques. Les 
résultats s'accordent avec le principe de l'énergie; mais, 
pour cela, il semble nécessaire d'admettre que l'énergie 
interne d’un système de courants et d’aimauts est pure- 
ment cinétique, sans partie potentielle, et d'attribuer 
par suite le caractère de forces d'inertie aux actions 
mutuelles du système. — M. Ch. Frémont à reconnu 
que la limite élastique du cisaillement d’un acier 
permet d'avoir, avec une certaine approximation, la 
limite élastique à la traction de cet acier, car le rapport 
entre la limite élastique et la résistance maximum de 
rupture d'un acier paraît être le mème pour le cisail- 
lement et pour la traction. 

20 SCIENCES NATURELLES. — MM. L. Léger et O. Du- 
boseq communiquent leurs observations sur trois 
grands groupes de Polycystidées, 
Dactylophor ides, Clepsidrinides; elles montrent LE 
l'évolution typique de ces Grégarines ne comporte, à 
aucun moment, de stade intracellulaire, En ce point, 
elles diffèrent notablement des Monocystidées intesli- 


Actinocéphalides,, 


ACADÉMIES ET SOCIÉTÉS SAVANTES 


857 


nales, dont les stades jeunes se passent à l'intérieur 
des cellules épithéliales. — M. Arm. Billard a observé 
la scissiparité chez plusieurs espèces d'Hydroïdes : 
Obelia flabellata Mincks, O. geniculata Lin., Leptoscy 

hus tenuis Allman, Campanularia anqu'ata. La se 
parité de ces espèces assure leur multiplication rapide 
dans les conditions où elles se trouvent placées. — 
MM. J.-D. Catta el A. Maige signalent l'apparition 
du tot blanc (Charrinia diplodiella) en Algérie; la ma- 


— jadie a été enrayée après un énergique traitement à la 


DR LS SR Li 


œ 


é 
ÿ 


EE 


bouillie bordelaise. — M. A. Jurie cite un cas de dé- 


…(erminisme sexuel, produit par la greffe mixte de deux 


plants de vigne. L'influence de la sève élaborée du 


greffon a amené sur le rejet une inflorescence à fleurs 


en partie hermaphrodites, 


Séance du 9 Septembre 1901. 


1° SCIENCES MATHÉMATIQUES, — M. F. Sy communique 
ses observations de Ja planète G Q, faites à l'Observa- 


… toire d'Alger. — M. W. Stekloff poursuit ses recher- 


ches sur l'existence des fonctions fondamentales. — 
M. Th. de Donder montre l'importance des invariants 
intégraux relatifs du premier ordre. ; 

20 SciENCES PHYSIQUES. — M. F. de Montessus de 
Ballore démontre l'impossibilité de représenter par 
des courbes isosphygmiques, ou d'égale fréquence de 
séismes, la répartition de l'instabilité dans une région 
sismique donnée. Il y faut un procédé discortiuu, 
comme le phénomène lui-même. 

3° SCIENCES NATURELLES. — M. A. Billet a constaté la 
coïncidence de l'apparition des premiers cas de palu- 
disme dans la région de Constantine avec celle des 
premiers moustiques Anopheles de l’année. — M. A. 
Menegaux a étudié.la biologie d’un parasite de l’orme, 
la Galeruca xanthomelaena, qui s'est développé abon- 
damment depuis quelques années. Pour sa destruc- 
tion, on obtiendrait de bons résultats en offrant aux 
larves, sous les Ormes, un lit de mousse ou de foin, où 


elles pourraient se réfugier pour se chrysalider et qu'on 


incinérerait ensuite; ou bien en détruisant les adultes 

en les faisant tomber des branches, le matin au lever 

du soleil, et en les recueillant sur des toiles étendues. 
Lou's BRUNET, 


SOCIÉTÉ DE BIOLOGIE 


Séance du 20 Juillet 4901. 
M. Ch. Féré a constaté que le travail digestif diminue 


J'activité du travail manuel. — M. A. Laveran propose 


un essai de classification des Hématozoaires endoglo- 
bulaires ou Haemocytozoa. I les divise en trois genres : 
Hacemamoeba, Piroplasma et Haemogregarina. — M. H. 


Mouton a extrait, d'une espèce d'Amibes très abon- 
 dante dans la terre de jardin, une diatase qui doit 


servir, chez l'animal vivant, à la digestion intracellu- 
laire des bactéries dont il fait sa nourriture. — M. Fer- 
rier a examiné le liquide céphalo-rachidien dans une 
forte leucémie et n’y a trouvé que quelques rares glo- 
bules rouges et un nombre moindre de leucocytes. — 
M. E. Sacquépée a observé que les troubles de l'équi- 
libre leucocytaire persistent longtemps et survivent de 
beaucoup à la maladie causale. — MM. N. Vaschide et 
C1. Vurpas ont reconnu que la vilesse des réactions 
n'est pas toujours proportionnelle au sens et à la nature 
de ces réactions, mais dépend aussi de la vie mentale 
des sujets. — M. A. Poncet résume ses travaux sur 
l’actinomycose humaine. — M. P. Bergouignan a 
obtenu un succès complet dans le traitement des crises 
vésicales du tabes par la méthode des injections épidu- 
rales de cocaïne de Cathelin. — MM. Portier et Bierry 
ont étudié l'influence de l'alimentation sur les sécré- 


tions diastasiques, L'alimentation prolongée d'un canard 


avec du lactose et du son provoque la sécrétion de lac- 
tase dans l'intestin grêle ; on a noté la présence de glu- 
cosazone. — M. Doyon à observé, chez une chienne, 
l'existence d’anastomoses entre le système porte et le 


système des veines caves par l'intermédiaire de l'épi- 


| 


ploon. — M. R. Loewy a utilisé une anse d'intestin 
grêle en guise d'uretère. — MM. J. Hulot et K. Ra- 
mond ont constaté qu'après une hémorragie, si le sang 
séjourne dans les tissus, l'anémie qui suit revêt un 
caractère particulier d'intensité. 


Séance du 27 Juillet 1901. 


M. Ch. Lesieur a reconnu que certains bacilles, dits 
pseudo-diphtériques, sont capables de déterminer chez 
le cobaye des paralysies mortelles, analogues à celles 
que produit le véritable bacille de Lüffler. — Le même 
auteur a constaté que ces mêmes bacilles pseudo-diph- 
tériques non virulents ne se comportent pas autrement, 
au point de vue de l’agglutinabilité, que les bacilles de 
Lôüffler vis-à-vis du sérum spécifique. — MM. H. Claude 
et A. Zaky ont observé que l'emploi de la lécithine 
n'entrave pas directement l’évolution de la tuberculose, 
inais modifie heureusement la nutrition du sujet tuber- 
culisé ; il augmente de poids et l'élimination du phos- 
phore diminue. — M. Ch. Féré, M'° M. Francillon et 
M. Ed. Papin ont constalé que les excitations qui 
paraissent défatiguer pour un moment provoquent uu 
abaissement rapide de la pression artérielle, qui trahit 
une menace pour l'organisme. — MM. Aug. Pettit el 
J. Girard ont reconnu que la muscarine et l'éther 
provoquent, chez le chien, le lapin et le cosaye, une 
hypersécrétion dans les cellules de revèlement des 
plexus des ventricules latéraux. — MM. D. Courtade 
et J.-F. Guyon ont trouvé que la tonicité des muscles 
vésicaux, qui règle la capacité physiologique de la 
vessie normale, semble, dans certaines conditions, 
absolument indépendante du centre médullaire. 
M. D. Anglade présente des préparations de bacille de 
Koch trouvés dans les selles des tuberculeux. — M. A. 
Zaky a constaté que l'ingestion de la lécithine pro- 
voque chez l'homme : 4° une augmentation de l'azote Lo- 
tal, de l’urée et du coefficient d'utilisation azotée ; 2° une 
diminution de l'acide phosphorique; 3° généralement 
une diminution de l'acide urique. — M.E. Wertheimer 
a noté l'existence, chez l'homme, d'une importante 
anastomose des pneumogastriques, qui, derrière l’æso- 
phage, unit la partie supérieure du nerf gauche à la 
partie inférieure du nerf droit. — M. P. Mégnin signale 
un cas extraordinaire de parasitisme du T'enebrio mo- 
litor sur les jambes des poules immobilisées par l’in- 
cubation. — M. G. Loisel a constaté, à la suite d’une 
néphrectomie chez un chien, une production anormale 
de graisse dans les canalicules du testicule. Le jeûne, 
d'autre part, arrête complètement la spermatogenèse ; 
l'épithélium des canalicules séminifères est en voie de 


régression. — M. E. Maurel a observé une immunité 
relative du lapin à la strophantine donnée par la voie 
gastrique. — M. L. Mangin a entrepris l'étude des 


tissus lignifiés. Pour les colorer, il a fait usage soit de 
malières colorantes, soit de certaines substances aro= 
matiques (beuzidine, dianisidine, etc.), qui réagissent 
sur la substance ligneuse et la teignent d’une manière 
spéciale. — M. Bierry a observé que le sang ou le. 
sérum de chiens auxquels on a lié une artère rénale 
devient au bout d’un certain temps néphrotoxique pour 
des chiens neufs. L'injection de sang ou de sérum nor- 
mal n’a jamais donné lieu qu'à une albuminurie 
légère. 


SOCIÉTÉ CHIMIQUE DE PARIS 


Séance du 26 Juillet 4901. 

M. R. Fosse a étudié quelques dérivés du prétendu 
binaphtylèneglycol, L'éther bromhydrique esl repré- 
senté par Rousseau comme possédant la formule : 

CH°—C—Br 
| I + HBr + 3H°0: 
CH6— C— OH 


convenablement purifié et séché dans le vide à 400, sa 
formule est : 


858 


ACADÉMIES ET SOCIÉTÉS SAVANTES 


cop 


? ; NT 

3r — CH DE 

: ? G CPR k 
c'est le monobromodinaphtoxanthène, précédemment 
décrit et obtenu par M. Fosse par l’action de Br sur 

COS 
* hre/ NN 
CH< À 
AS 


De même l'éther chlorhydrique de Rousseau, purifié 
et séché à 100° dans le vide, n’est autre chose que le 
monochlorodinaphtoxanthène. Rousseau pensait que 
ces deux éthers, traités par l'alcool chaud, perdaient 
simplement de l'hydracide et régénéraient l'anhydride 
du glycol d'après l'équation : 


CH — C— CI CH — C 
(1) | Le =Ha) I 0. 
CH — C—OH C!H5— C 
M. Fosse a montré que l'anhydride de Rousseau 


n’est autre que le dinaphtoxanthène, que l’éther chlor- 
hydrique ou bromhydrique du glycol ne sont autres 
que le monochloro où bromodinaphtoxanthène, que 
l'alcool sur les dérivés halogénés du dinaphtoxanthène 
régénère le dinaphtoxanthène, en se transformant en 
aldhéhyde avec dégagement d'hydracide, de sorte que 
l'équation (1) doit être remplacée par (2) : 


cine 


Cl—CH£ NO + CH°O—HCI-+ CH:0 
(2) Niro” 
7 CAC 
2 O0 
1 CH Ncugs/ Ÿ 


L'amine 
C'0H5— C— AzH° 


| 
CH — COH 


que Rousseau avait obtenue par AzH* sur la bromhy- 
drine du glycol n'est autre que la bis-dinaphtoxan- 
thène-amine : 


CH CHS 
0€ ÿcH AH CHA; 
C2HS Ncips/ 


que M. Fosse a déjà décrite et obtenue par AzH° sur 


L'action d'HCI et HBr sur l’amine ne donne pas, comme 
l'avait cru Rousseau, les sels correspondants, mais les 
chloro ou bromodinaphtoxanthène avec formation de 
AzH*Cl ou AzH‘Br. Le produit de l’action d'HCI surl'amine, 
traité par PICI', ne donne pas un chloroplatinate de base, 
mais un chlorure double de platine et de dinaphtoxan- 
thène : 
C!°HS 
PtClU+2CICHS No. 
Nçuns” 


Les dérivés halogénés du dinaphtoxanthène, traités 
par les alcalis en solution alcoolique, remplacent leur 
halogène par OH en donnant l'alcool correspondant, le 
dinaphtoxanthydrol 

C2HS 
CHOH£ 0, 
Nciops/ 


fusible à 144, très soluble dans l'éther froid, d'où il 
cristallise en aiguilles. HCI et HBr le transforment en 
chloro et bromodinaphtoxanthène. Cet alcool perd faci- 
lement H°0 en donnant l'éther oxyde, l’oxyde de bis- 
dinaphtoxanthène, qui fond avec décomposition vers 
2500 : 
Ciopre CH 
0ÉLAdHE DEC GUIoI 
Nous” Nous” 


— M. Ch. Moureu présente une note de M. G&. Oddo sur 1 


les anhydrides sulfurique et disulfurique. — M. G. Ber- 


trand présente une note de M. Kling sur l'oxydation 


du propylelycol par les ferments oxydants.— MM.Junge- 


fleisch et Léger ont envoyé deux mémoires sur l'hy- 


drocinchonine et sur la cinchonine. 


SOCIÉTÉ ROYALE DE LONDRES 


1° SCIENCES PHYSIQUES. 


J. Dewar : Le point d'ébullition de l'hydrogène M 
liquide, déterminé par les thermomètres à hydro-… 


gène et à hélium. — Dans un précédent mémoire, 
l’auteur a indiqué que le thermomètre à résistance de 
platine donne pour le point d’ébullition de l'hydrogène 
— 238°,4 C. ou 349,6 absolus. Comme cette valeur 
dépend d'une loi empirique reliant la température et 
la résistance, qui peut se modifier à des températures. 
aussi basses, et comme elle a été, en tout cas, obtenue 
par une large extrapolation, il était nécessaire de la 
vérifier au moyen de thermomètres à gaz. Les gaz 
utilisés comme substances thermométriques ont été 


l'hydrogène, l'oxygène, l'hélium et l'anhydride car- 


bonique, 

Si l’on prend comme les plus probables les valeurs 
moyennes dounées par les expériences, le point d'ébul- 
lition de l'oxygène est de — 182°,5 et celui de l'hydro- 
gène de — 252°,5 C. ou 200,5 absolus. La température 
trouvée pour le point d’ébullition de l'oxygène concorde 
avec les résultats moyens de Wroblewski, Olszewski et 
d’autres. 

Dans un prochain mémoire, l'auteur envisagera la 
température de l'hydrogène solide. 


T. J. Baker : La thermochimie des alliages de 
cuivre et de zinc. — Les chaleurs de formation d'un 
grand nombre d’alliages de cuivre et de zinc ontété 
déterminées par la mesure de la différence des cha- 
leurs de dissolution, dans des solvants appropriés, de 
chaque alliage et d’un poids égal d’un mélange con- 
tenant les métaux dans la même proportion. 

Les solvants suivants ont été employés : 1° une 
solution aqueuse de chlore, 2° un mélange de solutions 
de chlorure d'ammonium et de chlorure ferrique; 3° un 
mélange de solutions de chlorure d'ammonium et de 
chlorure cuprique. ; 

Le premier solvant n'a pas donné de résultats satis- 
faisants, tout en montrant que la chaleur de disso- 
lution d'un alliage est sensiblement moindre que celle 
du mélange correspondant. Les solvants 2° et 3° sont 


- très appropriés ; les réactions qui se passent sont de 


simples réductions et il n’y a pas de dégagement ga- 
zeux. 

Deux séries d'expériences faites sur 21 alliages ont 
donné des résultats très concordants. Une chaleur de 
formation maximum bien définie a été trouvée pour 
l’alliage contenant 32 °/, de cuivre, c'est-à-dire corres- 
pondant à Cu Zn°; elle s'élève à 52,5 cal. par gramme 
d'alliage ou 10.143 cal. par molécule-gramme, Il y a 
quelques indices d’un sous-maximum pour l’alliage 
Cu/n. RU: 

A partir de ces deux points, il y a une diminution de 
la chaleur de formation, soit pour les alliages contenant 
moins de 32 °/, de cuivre, soit pour ceux en contenant 
plus de 50 °/,. } 

Les résultats, en général, confirment l'existence de 
composés intermétalliques, et les valeurs obtenues 
s'accordent avec celles qu'exige le calcul des dimensions 
moléculaires du cuivre et du zinc par Lord Kelvin. 


C.-T.-R. Wilson : Sur l'ionisation de l'air atmo- 
sphérique. — Dans une note préliminaire, l'auteur à 
montré qu'un corps chargé d'électricité et suspendu 
dans une cage contenant de l'air sans poussières perd 
sa charge par perte à travers l'air. M. Geitel était arrivé 
à la mème conclusion dans un mémoire publié peu 


san RÉ an 


ACADÉMIES ET SOCIÉTÉS SAVANTES 


8959 


“avant. La perte fut attribuée par les deux savants à la 
production continue d'ions à travers le volume de 
ts l'air. 
Dans le présent mémoire, M. Wilson donne la des- 
mm cription de son appareil et des nouveaux résultats qu’il 
a obtenus. L'air, dans la plupart des expériences, était 
contenu dans un vase de verre, recouvert intérieu- 
rement d'une couche d'argent suffisamment mince pour 
permettre de lire, au moyen d'un microscope, la position 
d'une feuille d'or située à l’intérieur. Cette feuille d’or 
“élait attachée à une étroite tige de laiton, fixée au 
moyen d'un bain de soufre à un barreau de cuivre tra- 
versant l’ouverture du vase. La tige de laiton et la 
feuille d'or formaient le système dont on observait la 
chute de potentiel; la capacité était donc très faible. 
Pour éviter tout danger de perte par le support isolant, 
le barreau de cuivre était maintenu à un potentiel 
constant au moyen d’un condensateur en plaques de 
zinc enrobées dans du soufre. Par un contact très court, 
le potentiel initial du système dont on observait la 
décharge lente était rendu égal à celui de son support. 
La vitesse de décharge dans l'air à la pression atmo- 
sphérique correspond à la production d'environ 20 ions 
de chaque signe par centimètre cube et par seconde; 
l'ionisation est à peu près proportionnelle à la pression. 
Des expériences faites avec un appareil portatif ont 
montré que l’ionisation dans un vase clos est la même 
quand on opère dans un tunnel souterrain qu'à la 
surface de la terre. Elle ne parait donc pas due à l’ac- 
tion de radiations ionisantes traversant notre atmo- 
sphère. 


F. Gowland Hopkins et S.-W. Coles : Sur 
la réaction d'Adamkiewicz et la chimie de l’acide 
glyoxylique. — En 1874, Adamkiewicz signalait une 
nouvelle réaction des substances protéides, qui porte 
aujourd'hui son nom : elle consiste dans la production 
. d'une couleur violette quand on ajoute de l'acide sul- 
furique concentré à la solution d'un protéide dans 
l'acide acétique glacial. Cette réaction ayant donné des 
résultats assez variables dans la main de divers expéri- 
mentateurs, les auteurs ont repris l'étude de son mé- 
canisme et sont arrivés aux conelusions suivantes : 

La réaction des protéides, décrite par Adamkiewiez, 
n’est pas une réaction du furfurol, mais dépend de la 
présence de petites quantités d'une impureté dans 
l'acide acétique employé. Quelques échantillons d'acide 
acétique ne donnent pas cette réaction, et tous peuvent 
être privés du pouvoir chromogène par la distillation. 

La substance essentielle de la réaction est l'acide 
glyoxylique. 

De petites quantités d'acide glyoxylique sont pro- 
duites pendant l'oxydation de l'acide acétique au moyen 
du peroxyde d'hydrogène en présence de fer ferreux. 
. Dans les conditions ordinaires, une partie de l'acide 
glyoxylique se scinde en donnant de la formaldéhyde. 

De l'acide glyoxylique se forme lentement quand 
l'acide acétique est abandonné à l'air, et plus rapide- 
ment en présence de fer ferreux et sous l'influence de 
la lumière solaire directe. La plupart des échantillons 
d'acide acétique contiennent de petites quantités d’acide 
glyoxylique. 

Une solution aqueuse d’acide glyoxylique (qui peut 
être préparée facilement en réduisant l'acide oxalique 
par l’amalgame de sodium) constitue un admirable 
réactif pour les protéides quand on l’emploie à la place 
d'acide acétique dans les conditions ordinaires de la 
réaction d'Adamkiewicz. 


SCIENCES NATURELLES, 


- B. Moore et W. H. Parker : Sur les fonctions 

E de la bile comme solvant. Voici les conclusions des 
recherches expérimentales des auteurs : 

_ 1° La bile a une double fonction comme dissolvant : 


À Physikalische Zeitschrift, t. AI, n° 8, 4116-19. 


a) elle agit comme dissolvant pour la lécithine et la 
cholestérine, et, de plus, elle aide à l'extraction de ces 
corps, autrement insolubles, des cellules du foie, et 
à leur marche vers l'intestin ; b) elle agit comme dis- 
solvant dans l'intestin pour les acides gras en liberté 
et les savons, donnant aux premiers leur entière solu- 
bilité et augmentant beaucoup la solubilité des der- 
niers, 3 

20 Ces propriétés dissolvantes de la bile sont princi- 
palement dues aux sels qu'elle contient; mais, quant 
aux acides gras et aux savons, la quantité dissoute est 
beaucoup augmentée par la présence simultanée de la 
lécithine. 

3° Ces actions dissolvantes des sels biliaires expli- 
quent l'utilité de leur réabsorption et de leur circulation 
à travers le foie, de facon à ce qu'ils servent à plusieurs 
reprises comme agent dissolvant. Dans l'absorption, les 
sels biliaires transportent les savons des acides gras 
dans la cellule columnaire; dans le foie, ils sont 
absorbés par les cellules du foie, transportent avec eux 
la lécithine et la cholestérine sécrétées, et passent dans 
les canalicules biliaires tenant ces substances en disso- 
lution ; par la bile, la lécithine et la cholestérine sont 
portées en dissolution dans l'intestin ; et dans l'intestin 
les savons et les acides gras sont dissous, et sont ren- 
dus capables par les sels biliaires d'être absorbés par 
les cellules columnaires, tandis que la lécithine et Ja 
cholestérine qui sont incapables d'absorption sont pré- 
cipitées à mesure que les sels biliaires sont absorbés. 

40 La lécithine possède une grande solubilité dans la 
bile et la cholestérine une fable solubilité. La faible 
solubilité de la cholestérine explique le fait que les 
calculs biliaires sont composés presque entièrement de 
cette substance. 

5° Les savons de sodium ne possèdent qu'une faible 
solubilité dans l’eau, le palmitate et le stéarate étant 
pratiquement insolubles ; mais la solubilité est aug- 
mentée par la présence des sels biliaires, et spéciale- 
ment en présence de lécithine ; de plus, le caractère de 
la solution est différent dans les deux cas; la solution 
biliaire est moins colloïdale. 

6° Même dans la bile ou dans la solution de sels 
biliaires, les savons calcaires et magnésiens ont une 
faible solubilité; mais, des deux, les savons magnésiens 
sont les plus solubles. 

1° Ces résultats jettent quelque lumière sur les fonc- 
tions relatives du suc paneréatique et de la bile dans la 
digestion et l'absorption des graisses. L'enzyme du suc 
pancréatique divise les graisses neutres, mettant des 
acides gras en liberté, qui sont convertis en savons par 
l'alcali, tandis que la bile donne la solubilité aux acides 
gras et aux savons ainsi produits. Maintenant il est bien 
connu que le pouvoir d'absorber les graisses est affai- 
bli, mais non complètement détruit par l'absence de 
l'une ou de l’autre secrétion et qu'il est perdu quand 
les deux secrétions manquent. Ces faits peuvent proba- 
blement être mieux expliqués comme suit : a) En 
l'absence du ferment pancréatique, puisque la bile n’a - 
pas d'action sur les graisses neutres, et que celles-ci 
sont insolubles, ne peut être absorbée que la portion 
qui est libre dans la graisse lorsqu'elle est ingérée, où 
qui est mise en liberté dans l'estomac, ou par l'action 
bactérielle dans l'intestin. Puisque l’action bactérielle 
est minimum dans l'intestin grêle, la plus grande par- 
tie de la graisse n’est pas mise en liberté avant d'avoir 
atteint le gros intestin, où les sels biliaires ont tous été 
réabsorbés et ne peuvent alors l'aider à se dissoudre. 
Par conséquent, en l'absence de la secrétion pancréa- 
tique un grand pourcentage de graisse apparait comme 
acides gras dans les fèces; b) En l'absence de la bile, 
quoique la graisse soit décomposée dès l'entrée dans 
l'intestin et convertie en acides gras et en savons, l’ab- 
sorption est lente parce que l’action dissolvante de la 
bile fait défaut et alors une fraction seulement est 
absorbée, et le reste passe principalement comme 
acides gras pour être rejeté dans les fèces. Quant à la 
fois la secrétion pancréatique et la bile sont absentes, 


860 


ACADÉMIES ET SOCIÉTÉS SAVANTES 


premièrement une petite quantité seulement est dé- 
composée dans l'intestin grêle, et deuxièmement il n'y 
a rien pour donner la solubilité à cette faible portion ; 
il en résulte que l’absorption est presque nulle. 


S. Monckfon Copeman : Le micro-organisme 
de la maladie du chien et la production d’un vacein 
contre la maladie. — La maladie des chiens est une 
maladie si fatale, et particulièrement aux chiens de 
bonne race, qu'on à depuis longtemps recherché une 
méthode prophylactique, 

Voici les résultats des recherches bactériologiques de 
l'auteur sur cette maladie, recherches exécutées en 
continuation de celles commencées dans son labora- 
toire à l'hôpital de Saint-Thomas il y a environ dix ans 
par feu Everett Millais. 

Le micro-organisme spécifique de la maladie est un 
petit cocco-bacille, qui se teint par les couleurs d’ani- 
line ordinaires, mais qui est décoloré par la méthode 
de Gramm. Il croît facilement à la surface de l’agar à 
la température du corps; quand les colonies indivi- 
duelles sont isolées par la méthode de culture en pla- 
ques, elles ont une apparence grisâtre, reluisante,* à 
demi transparente à la lumière réfléchie et une teinte 
brun ciair à la lumière transmise, La forme générale 
est circulaire, mais accidentellement, et particulière- 
ment dans les cultures originelles, les bords sont un 
peu irréguliers. Le microbe croit bien aussi dans un 
bouillon de bœuf, occasionnant d’abord un trouble 
général. Plus tard, un dépôt se forme au fond du tube, 
et le liquide surnageant devient plus clair. 

Daus les préparations provenant des bouillons de 
culture, on trouve souvent les bacilles unis ensemble, 
formant quelquefois des chaines d’une longueur consi- 
dérable. Le bacille peut croître, bien que lentement, 
sur du sérum de sang solidifié, et aussi dans du lait, 
qui, lui, ne se coagule pas, Il se développe difficilement 
sur une pomme de terre; mais, de temps à aulre, après 
quelques jours d'incubation, on apercoit une bande 
d'apparence humide d’une couleur chamois pâle. Si 
l'on ensemence de la gélatine, la croissance s'opère 
lentement à la température de la chambre, et après 
quelque temps le milieu tend à se liquéfier, 

On peut continuer la croissance sur l’agar, semaine 
après semaine, pendant bon nombre de générations; 
mais, après une douzaine de déplacements, les carac- 
tères morphologiques et biologiques du bacille ont 
changé quelque peu. 

L'auteur donnera postérieurement un compte rendu 
de ces variations et de l’histologie pathologique de la 
maladie. 

De la même manière, les propriétés pathogéniques 
du micro-organisme semblent devenir graduellement 
plus faibles, mais il peut regagner sa virulence à l'aide 
d'inoculations répétées sur le cobaye. 

Si l'on injecte, sous la peau de l'abdomen d’un chien 
pesant 7 kilos, { ce, d'un bouillon de culture vieux de 
sept jours, tiré à son tour d'une sous-cullure d'agar, 
cette injection produit une attaque de la maladie, qui 
se termine fatalement environ une semaine après l'in- 
jection. Chez un grand nombre d'autres chiens sur 
lesquels M. Millais et l'auteur ont fait des expériences, 
celles-ci se sont terminées par une crise non mortelle 
après l'inoculation dans la membrane iuqueuse nasale. 

Le principal caractère de la maladie produite expé- 
rimentalement est la diminution progressive du poids 
que l’on constate chez l'animal pendant toute la durée 
de la crise. Parmi les autres symptômes de la maladie, 
bien connus des éleveurs de chiens, ceux qui sont les 
plus apparents sont le résultat de l’inflammation plus 
ou moins grande des différentes surfaces muqueuses. 

Après examen post-mortem, l'auteur s'est aperçu que 
la voie respiratoire entière était particulièrement 
affectée, les poumons montrant une consolidation 


preumonique dans presque toute leur étendue. La tra- 
chée est apte à être congestionnée, et à contenir une 
quantité de mucosités, tandis que les yeux et le nez 
sont bouchés par uue matière purulente où muco-puru- 
lente. Si l'on fait des cultures sur plaques d'agar de 
l’exsudation des poumons, du mucus de là trachée ou 
de la sécrétion nasale, le bacille spécifique peut être 
isolé dans les deux premiers cas en cultures presque 
pures. 

Après avoir examiné des animaux morts de la maladie 
des chiens, provenant de l'inoculation expérimentale, 
ou contractée de la manière ordinaire, l'auteur na 


jamais réussi à obtenir des cultures du sang retiré avec 


des précautions aseptiques du cœur, du foie, de la 
vésicule biliaire, des reins et de la rate. 

Il n’a pu examiner des animaux inoculés à des périodes 
intermédiaires de la maladie offrant une certuine gra- 
vilé, ce qui lui aurait peut-être permis d'isoler lé bacille 
dans l’un ou l’autre cas. Dans un cas où les vaisseaux 
sanguins du cerveau étaient très congestionnés, l'inocu- 
lation d’un tube d’agar avec une grande spatule de 
platine pleine de fluide cérébro-spiual, bien étendu sur 
la surface de l’agar, eut comme résultat l'apparition 
d'une demi-douzaine de colonies isolées d’une culture 
pure du bacille de la maladie. 

Si l’on chauffe un bouilllon de culture du bacille 
à 60° C., pendant une demi-heure, et que l’on y ajoute 
subséquemment une petite quantité d'acide carbolique 
comme préservatif, on obtient un vaccin qui agit d’une 
facon semblable à ceux préparés par Hafïkine et 
Wright comme préventifs de la peste et de la fièvre 
eutérique. Le vaccin peut être étalonné de la manière 
indiquée par Wright dans ses travaux sur la fièvre 
entérique, 

La dose doit varier sensiblement suivant la taille 
du chien, mais M. Copeman a trouvé dans trois cas 
différents que l'injection de 2 centimètres cubes de la 
culture stérilisée du bacille suffit pour protéger de 
petits fox-terriers pesant environ 1 kil. 500 contre 
l'attaque de la maladie, tandis qu'un chien non pro- 
tégé du même lot contracta la maladie à la suite de 
l'introduction d'un chien malade. L'auteur à trouvé 
aussi que les cobayes peuvent être protégés de celle 
manière contre les effets d’une dose de culture vivante 
qui serait généralement fatale en quarante-huit heures, 


A. Ransome et A.-G.-R. Foulerton : De l'in- 
fluence de l’ozone sur la vitalité de quelques bacté- 
ries pathogènes ou autres. — [es expériences des 
auteurs montrent qu'à l’état sec l'ozone n'a pas d'uc- 
tion appréciable sur la vitalité des diverses bactéries 
employées ; ces résultats s'accordent avec ceux de Sonn- 
tag et Ohlmüller. Une exposition prolongée à l'action 
de l'ozone n'a pas non plus diminué la virulence du 
bacille de la tuberculose dans le pus. L'ozone aurait à 
peine une légère influence sur la virulence des Z, mal- 
lei et anthracis. 

D'autre part, les auteurs confirment les conclusions 
d'Ohlmüller quant aux propriétés bactéricides de l’ozone 
passant à travers un liquide contenant des bactéries 
en suspension. 

Une comparaison de l'inactivité de l'ozone comme 
désinfectant à l'état sec avec son action en présence 
d’eau suggère une ressemblance superficielle avec 
d’autres gaz, comme le chlore et l'anhydride sulfureux. 

L'action purificatrice que l'ozone parait avoir dans 
l'économie de la Nature est due à l'oxydation chimique 
directe de la matière organique putrescible ; elle n’em- 
pèche pas l'action des bactéries, qui, d’ailleurs, tra- 
vaillent dans le même sens. 


Le Directeur-Gérant : Louis OLIvreR. 


Paris, — L. MARETHEUXx, imprimeur, 1, rue Cassette. 


42° ANNÉE 


Nor4:9 


15 OCTOBRE 1901 


: 


des 


DIRECTEUR : 


| Revue générale 


NCICnCeSs 


pures el appliquées 


LOUIS OLIVIER, Docteur ès sciences. 


Adresser tout ce qui concerne la rédaction à M. L. OLIVIER, 22; rue du Général-Foy, Paris. — La reproduction et la traduction des œuvres et des travaux 
q 3 


publiés dans la Revue sont complètement interdites en France et dans tous les pays étrangers, y compris la Suède, la Norvège et la Hollande. 


CHRONIQUE ET CORRESPONDANCE 


1 $S 1. — Art de l'Ingénieur 


; L'emploi de laluminium comme conduc- 
“teur pour l’électricité. — Le prix élevé que, par 
une combinaison de causes naturelles et artificielles, 
“Je cuivre à atleint dans ces dernières années a ra- 
“mené l'attention sur l'emploi de l'aluminium comme 
“succédané du cuivre dans la transmission de l'élec- 
Lricité. 
À Pour comparer le cuivre avec l'aluminium au point 
le vue du prix de revient, il faut tenir compte de leur 
mdlensité et de leur conductibilité différentes, Si l'on 
prend le cours moyen de ces deux métaux, dans nos 
“pays, on arrive à celte conclusion que, pour une égale 
Capacilé de conduction, une ligne en aluminium coù- 
“ierait 1.000 francs, alors que la même ligne en cuivre 
“coûlerait seulement 798 francs L'aluminium est donc 
chez nous le plus cher des deux métaux. 
Mais il s'est trouvé qu'en Amérique on a vendu, de- 
puis quelques années, des quantités considérables 
d'aluminium à des prix très bas, ce qui a ramené le 
1325 
1.000 P°" 
une égale capacité de conduction; ce fait explique 
a facilité avec laquelle les ingénieurs électriciens du 
Nouveau-Monde ont adopté le métal blanc comme 
conducteur. Il faut dire qu'aujourd'hui et jusqu’à ce qu'il 
soit tombé à un prix beaucoup plus bas relativement 
au cuivre il n’est pas encore question d'employer l’alu- 
minium pour des conducteurs couverts; mais il jouit 
déjà d'une grande vogue pour les lignes aériennes. 

Voici les caractéristiques de quelques-unes des lignes 
“de transmission en aluminium pur déjà installées au 
delà de l’Allantique. 
…_ Aux chutes du Niagara, il y a deux lignes de trans- 
mission en aluminium. Ces deux lignes sont courtes et 
“sont notées comme donnant un travail satisfaisant. 
… La Hartiord Electric Light and Power Company 
une ligne en aluminiuin entre sa station centrale à 
“Tariffville et Hartford, à une distance de 17 kilom. 700. 
“Le diamètre du câble employé est de 0,0187 et il pèse 
environ 422,5 kg par kilomètre. 

La ligne de transmission en aluminium de la Sno- 
_qualmie Falls Power Company a été fréquemment 


upport entre le cuivre et l'aluminium à 


2 


REVUE GÉNÉRALE DES SCIENCES, 1901. 


décrite dans la presse technique. Elle va entre les chu- 
tes et les deux villes de Tacoma et Seattle. Sa longueur 
totale est de 54 kilom. 716. L'aluminium employé a été 
allié avec 1 ‘/, % de cuivre, et l'augmentation de la 
ténacité obtenue par cet alliage a permis d'employer 
avec sûreté des câbles de 362,500 à 45,600. 

La Blue Lakes Power Company a une ligne en alu- 
minium, en usage entre sa maison centrale à Blue 
Lakes et Sockton, à une distance de 57 kilom. 934. La 
ligne d'origine a été remplacée par une autre d’une plus 
grande capacité de conduction, et 446 tonnes de métal 
ont été employées pour la nouvelle ligne. A 4 fr. 45 par 
livre (453 gr. 54), cela représente une dépense totale de 
1.510.000 francs (ou 41.925 fr. par mille) pour le métal 
seulement. 

Un des plus intéressants systèmes de transmission 
de force aux Etats-Unis dans lesquels l'aluminium soit 
employé, est celui de la Telluride Power Company. 

Cette Compagnie produit un courant à Provo, dans 
l'Utah, et le distribue, sur un circuit de 128 kilom. 75, 
aux mines de Mercur et de Tintic. 

Voici quelques autres Compagnies américaines dans 
lesquelles l'aluminium est employé ou est sur le point 
de l'être à la place du cuivre : 

jo North Yuba Power Company, 101 kilom. 385; 

20 The Municipal Supply Company, 28 kilom. 967; 

3° The Big Cotton Wood Power Company ; 

4% The Standard Electrie Company. Cette dernière a 
été invitée à établir un projet pour alimenter San Fran- 
cisco d'une station génératrice située dans les mon- 
tagnes de la Sierra Nevada, à une distance de 2#1 kilo- 
mètres 395 mètres. 

Le succès de ce projet dépend de la possibilité 
d'employer et de maintenir la tension proposée de 
60.000 volts. On a décidé d'employer des câbles en alu- 
minium pour le trajet, et les devis ont été préparés. 

Dans la plupart de ces installations, la difficulté de 
souder l'aluminium a été surmontée par l’emploi de 
joints mécaniques. Le joint à manche Mac Intyre a été 
généralement adopté. \ 

L'examen des principales installations où l'aluminium 
est employé comme conducteur montre les progrès 
considérables qui ont été faits. Si ce métal présente des 
conditions de durée suffisantes, et si son prix de re- 


19 


862 


CHRONIQUE ET CORRESPONDANCE 


vient continue à diminuer, il peut devenir un rival im- 
portant du cuivre dans ce nouveau champ d'emploi. 


$ 2. — Physiologie 


Recherches sur la coagulation du sang et 
les sérums anticoagulants. — Dans un travail 
publié sous ce:titre, dans les Annales de l'Institut 
Pasteur, par MM. Jules Bordet et Octave Gengou, on 
trouve des faits dignes d'être signalés, se rapportant : 
les uns à la question physiologico-chimique de. la coa- 
gulation du sang; les autres à la question physiologique 
de la production d’antidiastases par un organisme dans 
lequel on à injecté des diastases. 

Freund a montré, il y a quatorze on quinze ans, que 
le sang des Mammifères coagule très lentement, quand 
il est recu dans un vase dont les parois ont été enduites 
de vaseline, le passage du sang de l'artère dans ce vase 
se faisant par un tube vaseliné intérieurement. MM. Bor- 
det et Gengou obtiennent les mêmes résultats en rece- 
vant le sang dans un vase paraffiné. A cet effet, on a 
fait fondre la paraffine, puis on l’a fait couler sur la 
paroi du vase de facon à l’enduire complètement; on 
refroidit ensuite brusquement le vase en le plongeant 
dans l’eau froide. La paraffine préseute un avantage sur 
la vaseline; on peut, en effet, centriluger les tubes 
peraffinés, sans délacher la paraffine de la paroi, tandis 
que la vaseline s'en détache presque toujours, pendant 
la centrifugation. On peut des lors obteuir, dans les 
tubes paraffinés, une séparation (par centrifugation) 
des globules et du plasma, qu'on ne saurait obtenir en 
tubes vaselinés (en effet, le sang venant au contact du 
verre, il se produit une coagulation rapide.) 

Le plasma, ainsi séparé en tube paraffiné, peut être 
enlevé au moyen d’une pipette paraffinée et introduit 
dans un tube paraffiné. Il s’y conserve liquide pendant 
un temps généralement long, qui peut atteindre vingt- 
quatre et même trente heures; — mais il coagule en 
quelques minutes, si on le verse dans un vase quelcon- 
que non paraffiné, ou si on y plonge un corps quelcon- 
que non paraffiné, par exemple, une baguelte de verre 
non paraflinée. 

Deux hypothèses sont possibles, pour interpréter ces 
faits : ou bi :n le plasma en tubes paraffinés ne contient 
pas de filrin‘erment, agent de la transformation du 
fibrinogène ea fibrine; les éléments figurés du sang, 
les leucocytes, générateurs du fibrinferment, n'au- 
raient pas élé soumis aux impressions qui, au contact 
des parois non paraflinées, leur font sécréter ou excré- 
ter le fibrinferment (le liquide ne mouille pas les 
parois paralfinées); — ou bien le contact d'une paroi 
non paraffinée est une condition nécessaire de l’un des 
phénomènes qui se passent dans la transformation du 
fibrinogène en fibrine. 

La première hypothèse ne saurait être acceptée, car 
l'examen microscooique du plasma centrifugé en tubes 
paraffinés n'y révèle la présence d'aucun élément figuré. 
Ce plasma coagulant au contact des parois non paraf- 
finées, il faut done admettre qu'il contenait du fibrin- 
ferment. C'est là une conclusion qui peut surprendre 
les physiologistes, accoutumés à considérer le phéno- 
mène de la coagulation du sang comme un phénomène 
purement el uniquement chimique; il est vraisembla- 
ble, comme le disent MM. J. Bordet et 0. Gengou, qu'un 
phénomène purement physique joue un rôle important 
dans la coagulation. 

Dans la seconde partie de leur important travail, 
MM. J. Bordet et O. Gengou montrent que le fibrinfer- 
ment, produit dans le sang des divers Mammifères, tout 
en étant capable de transformer en fibrine un fibrino- 
gène quelconque, extrait du sang d’un animal quelcon- 
que, ou un plasma non spontanément coagulable, que ce 
fibrinfermentprésente pourtant des dissemblances, selon 
qu'il provient du sang de telle ou telle espèce animale. On 
peut, en effet, en injectant, dans l'organisme d’un animal 
d'espèce À, du sérum d’un animal d'espèce B, à plu- 
sieurs reprises, et à quelques jours d'intervalle, obtenir 


un sérum de A contenant une substance antagoniste 
du fibriuferment de B. Des cobayes recoivent à cet effet 

trois injections, pratiquées à buit jours d'intervalle, 

de 5 c. c. de sérum de lapin; on saigne ces cobayess 
douze jours environ après la dernière injection, et ot 
laisse leur sang coaguler, de facon à en extraire, ving 
quatre heures plus lard, le sérum. À 

On sait que le sang d'oiseau, extrait en évilant tout 
contact avec les bords de la'plaie, fournit par ceutrifu= 
galion un plasma pur non spontanément coagulable, 
mais coagulable par addition de sang défibriné ou de 
sérum quelconque. Un tel plasma d'oiseau coasule par 
addition de sérum ou de sang délibriné de lapin. 

On sait, d'autre part, qu'un sérum ou un sang défi- 
briné quelconque perd la propriété de faire coaguler 
les liqueurs fibrinogénées, quand il a été chauffé pen- 
dant trois quarts d'heure à 580,5. Le chauffage, à cette 
température, détruit le fibrinferment. 

Ceci posé : ajoutons à du plasma d'oiseau un mé= 
lange formé de 1 partie de sérum de lapin frais et de 54 
à 6 parties de sérum de cobayes préparé comme nous 
l’avons indiqué ci-dessus (nous dirons sérum de cobaye 
actif), préalablement chauffé à 582,5 pendant trois 
quarts d'heure; nous constatons que le mélange ne 
coagule pas. Le sang de cobaye actif chauffé, qui ne 
contient plus de fibrinferment, renferme done une 
substance antagoniste du fibriuferment du lapin. Si, au 
plasma d'oiseau, on ajoute un mélange, dans les mêmes, 
proportions, de sérum de lapin et de sérum de cobaye 
actif, non chauffé, la coagulation se produit. C’est donc 
que la substance antagoniste pour le fibrinferment du 
lapin n'est pas anlagonisie pour le fibrinferment du 
cobaye. 

Ce sont là des faits inléressants qu'il convient d'en- 
registrer avec soin, en attendant l’époque où il sera 
possible de donner de ces faits et de nombreux autres 
semblables une interprétation commune. 


$ 3. — Sciences médicales 


Le Congrès britannique de la Tuberculose,“ 
tenu à Londres du 22 au 26 juillet 1901. 
— Il faut avoir le courage de le dire : les travaux du 
dernier Congrès international contre la Tuberculose ont 
présenté un intérét très médiocre. La cause en est facile 
à comprendre. Depuis quatre où cinq ans que la tuber- 
culose est à l'ordre du jour, la question commence à 
être épuisée. Tout ce qui concerne l'étiologie, la pa= 
thowénie, la prophylaxie et la symptomatologie est 
aujourd'hui bien connu, et, si certains points de détail 
peuvent encore faire l’objet d'une élude expérimentale 
ou clinique ou statistique, il n'y a certainement plus 
de matière pour remplir d'une facon. intéressante les 
séances d'un Congrès auquel prennent part plusieurs 
centaines de médecins. ; 

Aussi bien, quand à tête reposée on relit les com= 
municatious, on leur trouve quelque chose de déjà vu, 
de déjà connu. Souvent même; c'est la reproduction 
d'une communication déjà faite à Paris, à Berlin, à 
Naples, où se sont réunis les congrès précédents. 

Seul M. Aoch a trouvé le moyen de faire une com= 
munication sensationnelle. M. Koch est le grand mailne” 
de la Bactériologie moderne. A ce titre, nous avons le 
devoir de faire connaitre à nos lecteurs la nouvelleu 
découverte de ce savant, d'autant qu'elle.est en contra 
diction formelle avec tout ce que nous savons sur le 
point qu'il a abordé : les rapports entre la tuberculose 
humaine et la tuberculose animale. 

Jusqu'à aujourd’hui on a considéré ces deux formes 
de tuberculose comme identiques et produites par les 
même bacille. M. Koch s'inscrit en faux contre cetles 
identité. Pour lui, la tuberculose bovine diffère totale= 
ment de la tuberculose humaine, si bien que les bacilless 
tuberculeux de provenance humaine, injectés à des 
animaux de l'espèce bovine, seraient incapables de pro:n 
voquer chez eux des lésions tuberculeuses. A l'appui de 
cette assertion, M. Koch a cité les expériences suivantes: 


NDS ET RS, 2 ee 


“Un lot de jeunes veaux, éprouvés par la tuberculine 
pouvant êlre ainsi reégardés comme indemnes de la 
tuberculose, fut infecté suivant différents procédés par 
+ es cultures pures de bacilles tuberculeux provenant 
étuberculose humaine. Quelques-uns recurent direc- 
ment des crachats de phtisiques. Dans quelques cas, 
bacille tuberculeux ou le crachat étaient injectés 
ous la peau; dans d’autres cas, dans la cavité péri- 
pnéale; dans d’autres enfin, dans la veine jugulaire. 
Six animaux furent alimentés avec des crachats tuber- 
ux presque quotidiennement pendant sept où huit 
js, quatre inhalèrent de grandes quantités de bacilles 
suspension dans l'eau qu'on pulvérisait dans l'air. 
un de ces animaux ne présenta le moindre symptôme 
orbide et tous augmentèrent de poids. Six où huit 
nois après le début de l'expérience, ils furent sacrifiés. 
ans les organes, on ne trouva pas trace de tuberculose. 
t seulement aux points où avaieut été faites les 
échions que l’on rencontra de petits foyers de sup- 
uration renfermant quelques bacilles tuberculeux. 
Gest exactement ce que l'on lrouve, quand on injecte 
corps de bacilles morts sous la peau des animaux 
actaires. Ainsi les animaux réagissaient contre le 
ille humain vivant comme s'ils avaient recu des 
icilles morts. Ils étaient absolument réfractaires. 
e résultat a élé tout à fait différent quand la même 
érience fut faite sur des veaux non tuberculéux avec 
bacilles provenaut d’un animal atteint de tubercu- 
bovine. Après une période d'incubation d’une 
aine environ, les plus graves lésions tuberculeuses 
e produisaient dans les organes de tous les animaux 
ectés. L'infection tuberculeuse suivait sa marche 
atale : quelques-uns des animaux ont succombé au 
out de un ou deux mois, d'autres furent sacrifiés au 
out de trois mois. Dans les deux cas, on trouvait, à 
topsie, une inliltralion tuberculeuse très étendue au 
int où avait élé faite l'injection, ainsi que dans les 
joumons, la rate, ele. 

En résumé, le bétail se montrait aussi sensible au 
acille de la tuberculose bovine qu'il était réfractaire au 
cille de la tuberculose humaine. Les expériences ana- 
œues faites sur des chèvres et des porcs ont donné 
résullats ideuliques. Aussi M. Koch se croil-il auto- 
soutenir que la tuberculose humaine diffère de la 
Dberculose bovine et ne peut être transmise au bétail. 
Sul en est ainsi, on doit done se demander si la 
berculose bovine est transmissible à l’homme. M. Koch 
se que non, et voici les faits qu'il a cités à l'appui 
son opinion : 
On sait, dit-il, que le lait et le beurre consommés 
ans les grandes vitles contiennent une grande quan- 
té, de bacilles vivants. La plupart des habitants des 
iles consomment donc chaque jour des bacilles de la 
erculose bovine, vivants et virulents, et réalisent 
si uve véritable expérience. Or, d'après M. Koch, les 
de tuberculose primitive de l'intestin sont exces- 
ement rares. Pour sa part, il n’a observé que deux 
de ce genre. A l'hôpital de la Charité, à Berlin, 
n'aurait constaté dans cinq ans que 10 cas de 
berculose primitive de l'intestin. De même, Biedert, 
ur 3.10% autopsies d'enfants tuberculeux, n'a observé 
[ue 46 cas d’entérite tuberculeuse primitive. 11 y a 
même plus : ces cas de tuberculose primitive de l'in- 
èstin pourraient, d'après M. Koch, tenir à la pénétration 
écidentelle, dans l'intestin, des bacilles Cuberculeux 
iumains. Et M. Koch eu conclut que la transmissibilité 
le la tuberculose bovine à l'homme n'existe probable- 
ment pas et que par conséquent il n’y a pas lieu de 
rendre des mesures particulières contre la propagation 
ë la tuberculose par le lait ou la chair des animaux 
luberculeux. | 
s faits, comme nous l'avons dit, sont en contradiction 
complète avec tout ce que nous savons sur les rapports 
tre la tuberculose bovine et la tuberculose humaine. 
Koch a-t-il raison ou tort? Il est certain que la 
rande autorité de M. Koch fera remettre cette question 
étude et que nous ne tarderons pas à être rensei- 


CHRONIQUE ET CORRE *PONDANCE 


863 


gnés sur ‘ce point. En attendant, il nous semble inté- 
ressant de reproduire ici la réponse de M. Nocard. 

M. \ocarda commencé par citer les expériences 
déjà anciennes de M. Chauveau. Des veaux, au nombre 
de quatre, ont été infectés, soil par la voie digestive, 
soit par l'injection intra-veineuse, avec des produits 
tuberculeux empruntés à l’homme. Ces quatre ani- 
meux, sacrifiés après un laps de temps variable, allant 
jusqu'à cinquante-neuf jours, ont, à l'autopsie, pré- 
senté des lésions tuberculeuses très importantes, pro- 
cédant manifestement de l'infection expérimentale. 
Du reste, des expériences analogues ont élé faites un 
peu partout et ont souvent donné le même résultat. 

Quant à la transmissibilité de la tuberculose bovine à 
l'homme, M. Nocard a signalé un certain nombre de 
faits positifs qui valent les-faits négatifs et les considé- 
ralions théoriques de M. Koch. 

Parmi ces faits, il en est qui ont trait à des vétéri- 
naires qui se sont blessés en faisant l’autopsie des 
vaches tuberculeuses : les'uns ont guéri grâce à une 
intervention chirurgicale hälive et radicale ; les autres, 
moins heureux, ont fini par succomber à l'évolution 
progressive de l'infection tuberculeuse. D'un autre côté, 
il existe des faits nombreux et authentiques d'infection 
tuberculeuse par l'usage alimentaire du lait provenant 
de vaches atteintes de mamwmite tuberculeuse, lesquels 
faits ont parfois la valeur d'une véritable expérience. 

M. Nocard à enfin cité l'observation fort curieuse 
concernant l'extension de la tuberculose en Angleterre. 
On sait notamment, depuis les travaux de Thorn-Thorn, 
qu'en Angleterre la mortalité générale par tuberculose 
a, depuis cinquante ans, diminué de 45 °/,, laudis que 
la mortalité par tuberculose abdominale chez les enfants 
a, pendant ce temps, augmenté de 27 °/,. L'explication 
de ce phénomène réside dans l'absence, en Angleterre, 
de touté surveillance des laileries, de loule mesure in- 
terdisant l'usage du lait provenant de vaches {ubercu- 
leuses. « 

En attendant de nouveaux faits, M. Nocard continue 
donc: de croire à la transmissibilité de Ja tuberculose 
bovine à l'honrme. 

Üne autre communication, ayant dans une certaine 
mesure le mérite de l'originalité, et qu'il nous semble 
intécessant de citer ici, est celle de MM. Cornil et 
Chantemesse sur l'influence de la viande crue sur 
l'évolution de la tuberculose expérimentale. 

Nos lecteurs connaissent celle question d’après le 
travail publié dans notre Revue par M. Richet. MM. Cor- 
nil et Chantemesse ont voulu étudier comparativement 
l'influence de la viande cuite et de la viande crue sur 
des chiens rendus tuberculeux. Les conditions de l’ex- 
périence étant les mêmes pour les deux groupes de 
chiens; ils ont constaté que les chiens nourris à satiété 
avec de la viande cuile ont sutrombhé dans un espace 
de temps variant entre quatre semaines el trois mois. 
A l'autopsie, les animaux présentaient des lésions de 
tuberculose généralisée avec nodules caséeux plus ou 
moins volumineux; le foie était frappé de dégénérés- 
cence graisseuse avancée. 

Les animaux nourris avec de la viande crue ont sur- 
vécu. Quand on les sacrifiait au moment où les chiens 
nourris avec de la‘viande cuite succombaieut, on trou- 
vait, chez eux aussi, des lésions tuberculeuses, mais 
celle-ci étatent moins nombreuses et moins étendues. 
En outre, les animaux avaient conservé un certain degré 
d'embonpoint. Chez un chien qui n’a été sacrifié qu'au 
bout d’un au, on a trouvé, à côté des lésions tubercu- 
leuses, une néphrite chronique que MM. Cornil et Chan- 
temesse n'hésitent pas à attribuer à l'usage prolongé 
de la viande crue. De ces expériences, MM. Cornil et 
Chantemesse concluent que l'utilité du régime de la 
viande crue dans le traitement de la tuberculose ne 


‘réside pas dans un phénomène de suralimentation 


pur et simple, mais qu'il repose sur une qualité parti- 
culière, antituberculeuse, de l'aliment. 

Telles sont les deux communications qu'il hous à 
semblé intéressant d'analyser ici. 


864 


LES THÉORIES DE LA FÉCONDATION 


CONFÉRENCE FAITE 


Mesdames et Messieurs, 


Après avoir accepté, à la demande des organisa- 
teurs de ce Congrès, d'exposer en séance générale 
les théories de la fécondation, j'ai éprouvé, je dois 
l'avouer, un réel embarras. La question est si vaste 
etsi compliquée, l'auditoire est composé d'éléments 
si variés, qu'il apparait fort difficile de trailer 
dignement le sujet sans être obscur ou ennuyeux 
pour personne. 

Deux idées s'offrent tout d'abord à l'esprit. 

La première est de se placer au point de vue de 
la vulgarisation, en présentant le tableau d'en- 
semble de nos connaissances et la marche de leur 
développement. Mais c'est presque une injure : on 
vulgarise pour le vulgaire et non pour des savants. 

La seconde est de faire un exposé critique appro- 
fondi, en laissant de côté ce qui peut être supposé 
connu et s’attachant à ce qui est litigieux, compa- 
rant les cas particuliers et les opinions indivi- 
duelles, s’efforcant de rendre justice à tous et de 
montrer la place de chacun dans le conflit général 
des opinions. Cela serait intéressant peut-être, mais 
c'est un sujet de Mémoire écrit et non de confé- 
rence. Ce menu détail n’intéresse que les spécia- 
listes ; il serait fastidieux pour les autres et, d’ail- 
leurs, exigerait un temps beaucoup plus long que 
celui qui m'est accordé. 

Finalement, j'airejelé ces deux manières de faire 
pour me rabatltre sur une troisième, et j'ai adopté 
le plan que voici : Rappeler l'opinion classique, 
celle que nous enseignons à nos élèves, sans tenir 
comple des innombrables variantes particulières 
aux divers auteurs, et cela en peu de mots, uni- 
quement pour servir de base à la discussion; puis, 
diseuter la valeur des explications qu'elle propose, 
scruter la significalion vraie des phénomènes, exa- 
miner si l'on ne s'est pas quelquefois laissé absor- 
ber par la contemplalion de ce qui est le plus 
apparent, en négligeant peut-être ce qui est le 
plus essentiel ; chercher, enfin, de quel côté 
doivent porter nos eflorts pour produire le maxi- 
num d'effet utile. 

La question ainsi comprise doit être examinée à 
lrois points de vue : phylogénétique, histologique 
et physico-chimique. L'ordre dans lequel, je viens 
de les énumérer est, à mon sens, celui de leur 
importance croissante : aussi est-ce celui que je 
suivräi dans mon exposilion, 


YVES DELAGE — LES THÉORIES DE LA FÉCONDATION 


AU CONGRES 
(SESSION DE BERLIN 


INTERNATIONAL DE ZOOLOGIE 
AOÛT 1901) 


I. — LA FÉCONDATION AU POINT DE VUE 
PUYLOGÉNÉTIQUE. 


Il serait fort intéressant, à coup sûr, de savoir 
comment s’est développée la fécondation dans 
l'évolution générale des fonctions organiques“ 
Toutes les questions phylogénétiques sont d'un 
haut intérêt. Mais cela ne veut pas dire qu'il faille 
s’absorber dans leur étude et négliger pour elle lam 
solution de problèmes non moins importants el 
plus accessibles. Le propre des études phylogéné 
liques est que les conclusions qu'elles proposent 
sont invérifiables et, par là, se placent près de 
limite où s'arrête la science vraie. Reconstituer un@ 
phylogénèse, c'est réunir par un lien les débris 


uniformes; s'il suffisait, comme dans les sciences 
mathématiques, qu'une conclusion fût logique 
pour être vraie, nous serions autorisés à attribuer 
une valeur objective à nos essais de reconstitution® 
Mais, en examinant comment les choses se passeni 
dans les cas où l'observation nous fournil des 
documents positifs, nous ne tardons pas à nous 
convaincre que l'espoir est chimérique de reconss 
tituer par la pensée les lignées phylogénétiques 
disparues. Dans la formation des organismes règnê 
en mailre l'imprévu, l'impossible à prévoir, et je 
dirai presque qu'un tableau phylogénétique a d'au 
tant moins de chances de représenter la vérité 
quil est plus rationnel et plus séduisant. 

Une conférence entièrement consacrée à ce sujel 
suffirait à peine à en montrer les nombreux 
exemples. J'en citerai ici un seul. fl 

Reportons-nous en 1860 et supposons un 20018 
giste ou un paléontologiste, ayant (sauf sur le point 
spécial qu'on va deviner) toutes les idées et Loutes 
les connaissances que nous avons aujourd'hui 
auquel on eût demandé d'imaginer une forme de 
passage entre le Reptile et l'Oiseau. Il eût répondu 
en altribuant à cette forme des caractères intem 
médiaires à celles des deux groupes qu’elle devail 
relier; en ce qui concerne spécialement la queue 
il eût décrit celle-ci comme fort raccourcie eb cous 
| verte de productions mixtes tenant à la fois de 


l'écaille et de la plume. Et, s'il eût attribué à cet 
être une longue queue de Replile garnie de vraies 
} plumes d'Oiseau, on lui eût ri au nez. 
L'année suivante, on découvraitl'Archæopteryx. 
De pareils exemples doivent nous rendre circons- 
“ects el nous faire comprendre qu'en cherchant à 
reconstituer la phylogénèse, nous obéissons au 
besoin légitime de concevoir comment les choses 
auraient pu se passer, sans chances sérieuses de 
“découvrir comment elles se sont passées en réalité. 
— Ces réserves faites, je reconnais qu'on à décou- 
vert, entre la fécondation et la reproduction, agame 


les principaux termes : 
4 L'être se reproduit au moyen de spores 
asexuces, simples cellules de l'organisme donnant 


tion a lieu par conjugaison : 
» x) Les gamètes sont d'abord identiques entre 
eux : la conjugaison est donc isogame; et jusqu'ici 
il n'y a pas encore de sexualité, puisqu'il n'y à pas 
de différences sexuelles ; 
b) Puis, les différences sexuelles s'établissent : 
de des gamètes devient gros, lourd, moins mobile, 
chargé de réserves, tandis que l'autre reste petit, 
“pauvre en réserves, très mobile : c'est la conjugai- 
son anisogame, avec laquelle apparaît la sexualité. 
Cette sexualité n’est d'abord qu'indécise, en ce 
“sens que la conjugaison est /acullative avant d’être 
nécessaire; elle n’est aussi d'abord que relative, en 
ce sens que certains gamèles peuvent, dans la 
onjugaison, jouer indifféremment le rôle d'élément 
mâle ou celui d’élément femelle, de même que 
cerlains corps chimiques sont électro-positifs dans 
une combinaison, électro-négatifs dans une autre. 
C’estainsi que, chez la Pandorina, il y a des spores 
“de trois tailles : petites, moyennes et grosses; les 
… pelites peuvent se conjuguer aussi bien entre elles 
“ (isogamie) qu'avec les moyennes ou les grosses 
(anisogamie); et les moyennes, en se conjugant 
avec les petites, jouent le rôle de femelle, en se 
. conjugant avec les grosses celui de mäle ; 
… 3’ Le dernierstade est celui de la différenciation 
- complète des gamètes en produits sexuels, avec les 
caractères si tranchés qu'ils présentent dans les 
! œufs etles spermatozoïdes des animaux. 
£ 


Ainsi se présentent quatre stades bien nets d'évo- 
 lution progressive : 


(s Reproduction agame. 

Facultative, puis nécessaire, 

avec différenciation relative, 
puis absolue. 


Hi Conjugaison isogame . FA 
… Conjugaison anisogame. . l 


YVES DELAGE — LES THÉORIES DE LA FÉCONDATION 


865 


Avec différenciation complète 
des produits sexuels. 


Fécondation. 


Au point de vue des phénomènes intimes, on peut 
distinguer plusieurs stades d’'évolulion : 


{ Cytoplasmique (Plastogamie de 
Hartog, chez les Myxomy- 
cètes). 

Nucléaire (Caryogamie de Mau- 
pas, chez les Infusoires). 

A la fois cytogamique et nu- 
cléaire. 


Conjugaison partielle 
Conjugaison totale, . . . 


Et la fécondation peut, à ce double point de vue, 
êlre définie : une conjugaison totale, mais surtout 
nucléaire, de gamèêtes complètement diflérenciés, 
l'un en œuf gros, immobile, chargé de réserves; 
l'autre en spermalozoïde, petit, très mobile, sans 
réserves. 

Mais, même en admettant que la série d’intermé- 
diaires ainsi étabiie soit réelle, il s’en faudrait de 
beaucoup que le problème phylogénétique de la 
fécondation fût élucidé, car il resterait à montrer 
comment, sous quelles influences, se sont produites 
ces différenciations progressives, et cela soulève les 
plus graves question de la Biologie générale. 

Il est relativement aisé de montrer l'avantage 
qui résulte pour l'embryon de posséder de grosses 
réserves, ce qui explique l'œuf; et la nécessité 
pour l’un des gamèles au moins de conserver une 
mobilité parfaite, ce quiexplique le spermatozoïde. 
Mais, nous ne sommes plus au temps où il suffisait 
de prouver qu'un caractère est avantageux pour 
croire qu'on avait expliqué son apparition. Weis- 
mann, en montrant les graves objections qui s'élè- 
vent contre l'hérédité des caractères acquis, Pfeffer, 
en dévoilant les difficultés de la majoration des 
caractères, alors qu'ils sont trop peu accusés pour 
donner prise à la sélection, ont fait justice de celte 
facile philosophie. 

La phylogénèse de la fécondation, qui semble, 
au premier abord, si simple, reste donc pleine 
d'obscurités. Particulièrement obscure est la ques- 
tion de l'introduction de la réduction chromatique 
dans la fécondation. Aussi conclurai-je ce rapide 
exposé en émettant l'avis qu'il y a mieux à faire 
que de chercher à résoudre ces questions, peut-être 
insolubles, et que, pour le moment au moins, il est 
préférable de s'attaquer à l'étude des problèmes 
histologiques et physico-chimiques qui se ral- 
tachent à la fécondation. 


II. — LES PHÉNOMÈNES HISTOLOGIQUES 
DE LA FÉCONDATION, 


Le point de vue histologique est, de beaucoup, 
celui qui a le plus attiré l'attention, celui qui a pro- 
voqué le plus de travaux, celui où la question de 


- fait est la mieux connue. Et cependant, nous allons 


806 


YVES DELAGE —- LES THÉORIES DE LA FÉCONDATION 


voir que, de ce côlé aussi, bien des choses sont 
admises, qui sont loin d'être démontrées. 

Rappelons d'abord, sommairement, l'opinion 
classique, en laissant de côté, à dessein, les cas 
particuliers et les opinions individuelles. 

Une première question domine le problème : 
c'est celle de la maturation des produils sexuels. 

Commençons par l'œuf. 

Les cellules germinales, mères des éléments 
sexuels, se présentent sous l'aspect d'éléments non 
différenciés, très semblables aux blastomères de 
la segmentation. Chez quelques animaux, on les 
voit effectivement s'individualiser dès la formation 
des feuillets; mais, même lorsqu'il n'en est pas 
ainsi, leur ressemblance avec les blastomères est 
telle qu'on est autorisé à admettre qu'ils des- 
cendent directement de l'œuf, sous une forme plus 
ou moins voilée : ils ont gardé des caractères 
embryonnaires, tandis que tout se différenciait 
autour d'eux. 

Lorsque la glande sexuelle commence à entrer 
en activité, ces cellules germinales se mulli- 
plient rapidement et, pendant loute cette période, 
s’accroissent moins par nutrition qu'elles ne dimi- 
nuent par la division, en sorte que leur volume 
s'amoindrit progressivement : on les désigne sous 
le nom d’ovoygonies. Quand elles ont fini de se 
multiplier, elles manifestent un mode d'activité 
inverse, se metlent à grossir énormément et de- 
viennent ce qu'on appelait autrefois l'ovule, ce 
qu'on appelle aujourd'hui l'ovocyte de premier 
ordre, et qui est caractérisé par son volume consi- 
dérable, par l'abondance des réserves dans le cyto- 
plasme et par son noyau, la vésicule germinalive, 
très gros, avec un ou plusieurs nucléoles ou /aches 
germinalives el une membrane nucléaire très évi- 
dente. 

Après un temps variable, l'ovocyle de premier 
ordre se divise coup sur coup deux fois, sans phase 
de repos intermédiaire et d'une manière très iné- 
gale, expulsant chaque fois la moitié de son noyau 
avec une quantité négligeable de cytoplasme. Les 
parties expulsées sont les globules polaires, et ce 
qui reste après leur expulsion est l'œuf mür, qui a 
conservé tout le cytoplasme et toutes les réserves 
de l’ovule, mais qui n'a plus qu'un noyau très 
réduit, d’où le nom de divisions réductrices donné 
aux deux divisions successives qui lui donnent 
naissance. 

Pour le spermatozoïde, c'est la même chose, à 
quelques différences près : 1° l'accroissement des 
dernières spermaloyonies en spermatocytes de pre- 
mier ordre-est moins considérable et ne comporte 
pas d’accumulalion de réserves; 2° les divisions 
maturatives sont égales et donnent naissance à 
quatre éléments également actifs; 3° enfin, le pro- 


duit de la deuxième division n'est pas le sperma 
tozoïde achevé : c'est la spérmatide, qui n'es 
encore qu'une cellule ordinaire et doit se trans 
former en spermalozoide avec sa queue, flagellum 
locomoteur formé essentiellement par le cytos 
plasme, et sa tête comprenant le noyau, le centro 
some et une quantilé de cytoplasme très minimes 
Mais la spermatide se transforme en spermatozoïde 
par simple réarrangement de ses parties, sans st 
diviser ni rien rejeter. ‘11 
Ces divisions maturatives si singulières Se 
montrent chez tous les êtres qui ont une fécondas 
tion, avec une généralité tout à fait remarquable 
Aussi les considère-t-on, avec loute apparence de 
raison, comme jouant dans la fécondation un rôle 
capital, et l’on a énormément travaillé et discuté 
pour élablir ce rôle. 
L'opinion courante est qu'elles ont pour but dé 
produire une triple réduction de la chromatine 
numérique, quantilative et qualitative, et que ces 
trois réductions, également nécessaires, sont la 
raison d'être des divisions qui les produisent. 
Examinons-les successivement. 


1. liéduction numérique. — Dans le noyau au 
repos, la chromaline est disséminée en granula 
tions disposées sur les filaments du réseau achro= 
malique; mais, à chaque division nucléaire, ces 
granulations se groupent en un long filament con 
tinu, qui se coupe en un certain nombre de seg= 
ments appelés chromosomes. 

On a remarqué que, sauf cerlaines exceptions, 
les chromosomes étaient en même nombre dans 
toutes les cellules du corps de chaque espèce ani- 
male ou végétale. Aussi a-t-on élé conduit à pen- 
ser que ce nombre devait rester fixe, et implici-= 
tement on semble croire qu'il ne saurait varier, 
sans entrainer des conséquences graves. Or, s'il 
n'y avait pas une division réductrice spéciale, non, 
seulement il varierait, mais il doublerait à chaque 
génération. Si l'œuf et le spermatozoïde appor- 
taient chacun 7 chromosomes, il y en aurait 22 
dans l'œuf fécondé; chaque cellule de l'organisme 
engendré en aurait aussi 22: à la génération sui- 
vante, elles en auraient 4n, à la suivante 8», et ainsi 
de suite. . 

La réduction numérique a, dit-on, pour rôle de 
remédier à cet inconvénient, et cela de la manière 
suivante : 

Dans les gonies, comme dans les cellules ordi- 
naires de l'organisme, à chaque division, chaque 
chromosome se fend en long, le nombre » devient 


., 21 
2n, et chaque cellule fille en reçoit — — », en sorte 


que le nombre n’est pas modifié. 
On a cru d’abord que, dans la deuxième division 


YVES DELAGE — LES THÉORIES DE LA FÉCONDATION 


maturative, la division longitudinale était sup- 
“primée, et qu'une moilié des chromosomes allait à 


chaque cellule fille, en sorte que l'œuf mûr, comme 
Je deuxième globule polaire, en recevait seule- 


‘à 11 
ment 5 


—. Mais, en y regardant de près, on a vu que les 
f , . 3 

“choses sont moins simples. On trouve dans l'ovo- 
“cyte de premier ordre le nombre des chromosomes 


2 ., .n : 1 
“déjà réduit à 5. Mais ces ; Chromosomes sont qua- 


A 


druples, formant chacun un complexe de 4 chro- 
mosomes, dit groupe quaterne. Chaque division 


. 11 
malturalive respecte le nombre - de ces groupes, 
9 
= . 2 — n 
mais les décompose tous, la première en - groupes 
5° 


D. n L 
« binaires, la seconde en 5 chromosomes simples. 


+ La constitulion de ces groupes quaternes, qui est 
la clef de la réduction numérique, est encore en- 
- tourée de grandes obscurités. Mais ce qu'il y a de 
* certain, c’est que le but est atteint : chaque élément 


1 : ; : : 
sexuel a = chromosomes simples, et l'œuf fécondé 


mari j 
en a2 —», en sorte que le nombre fixe est con- 


Riservé. 
Y a-t-il là, comme on le croit, une explication 
suffisante de l'existence des divisions maturatives ? 
Je ne le crois pas. 

… Je ne le crois pas, d'abord, parce que la néces- 
» sité d'un nombre fixe de chromosomes n'a rien 
- d'impérieux; ensuite, parce que ce nombre n'a pas 

besoin d’une opération spéciale pour se maintenir. 
+ D'abord, si le nombre » était modifié, rien ne 
. prouve que quoi que ce soit d’essenliel serait mo- 
. difié dans l’animal. 
Ona maintes fois trouvé, à titre d'anomalies, un 
- nombre de chromosomes différent de celui qui 
. devrait exister. D'autre part, Guignard a donné des 

exemples de chromosomes réduits dans des cel- 
. lules somatiques chez certaines plantes. Von Wini- 
| warter a montré que, chez le lapin, les cellules 
sexuelles réduites ayant 12 chromosomes, les cel- 
lules somatiques devraient en avoir 24. Or, elles en 
out un nombre variable et fort différent, allant de 
36 à 80, et en moyenne égal à 42. Et le lapin ne 
s'en porte pas plus mal!Il en est de même pour 
les variétés hivalens et univalens d'Ascaris mega- 
locephala et pour les deux variétés d'Arlemia dé- 
crites par Brauer, l'une à &4, l'autre à 168 chro- 
mosomes. 

D'autre part, j'ai montré, dans des recherches 
antérieures, que les embryons mérogoniques de 
Strongylocentrotus, provenant de fragments anu- 


we] 
©? 
Zi 


HR ï : : 1 
cléés d'œufs fécondés possédant en lout = — 9 chro- 


mosomes exclusivement paternels, avaient cepen- 
dant dans leurs cellules 18 chromosomes. 

Boveri, dont cette conclusion ébranle la théorie 
de la permanence et de l'individualité de ces élé- 
ments, a élevé des objeclions contre sa valeur et 
émis l'idée que je pouvais avoir eu affaire à des 
individus anormaux. J'ai déjà répondu, ailleurs, 
à cette objection, et j'ajouterai ici que J'ai compté 
les chromosomes dans lrois cas où j'avais fécondé 
les deux moitiés, l’une nucléée, l’autre anueléée, 
d'un même œuf, avec le même sperme, dans la 
même goutte d'eau, et que, dans ces trois cas, les 
chromosomes, comptés dans plusieurs cellules de 
chaque embryon, se sont trouvés au nombre de 
18, aussi bien dans ceux provenant de la méro- 
gonie que dans les normaux. 

Mais voici une expérience nouvelle, plus démons- 
trative encore, que j'ai faite il v a quelques 
semaines au Laboratoire de Roscoff. 

À l'aide de procédés analogues à ceux de Locb, 
j'ai fait développer parthénogénétiquement des 
œufs de Strongylocentrotus et j'ai compté les chro- 
mosomes dans les embryons et les larves. Or, 
partout j'en ai trouvé 18. Pas une seule cellule ne 
m'en à montré 9 seulement. Et ici, comme les em- 
bryons s'obliennent par centaines, c'est sur des 
centaines que j'ai vérifié le fait. 

Ainsi donc, quand un œuf a reçu seulement 
= chromosomes, que ceux-ci soient exclusivement 


= 


paternels (mérogonie), ou exclusivement maternels 
(parthénogénèse expérimentale), on retrouve tou- 
jours » chromosomes chez l'embryon. 

Cela montre : que les chromosomes ne sont pas, 
comme le croient Rabl et Boveri, des individualités 
permanentes; que leur nombre est une propriété 
cellulaire; qu'il se rétablit par autorégulation quand 
il a élé modilié; et que, par conséquent, il m'est pas 
besoin d'une opération spéciale pour le maintenir. 

La prétendue nécessité d’une réduction numé-. 
rique ne fournit point une explication suffisante 
de l'existence des divisions maturalives. 


2. Réduction quantitative. — On admet qu'il 
existe, parallèlement à la réduction numérique, 
une réduclion quantitative qui serait également de 
moitié. Voici comment on raisonne. 

Une gonie, au moment de sa naissance, à une 
masse de chromatine m. Pendant la période de 
repos qui précède une division nouvelle, cette masse 
s’accroit et devient 2m, et chaque cellule fille 


Me Ne NON 
en recoit la moilié, soit le CI sorte que la 


quantité ne varie pas. Il en est ainsi jusqu'au cyte 


YVES DELAGE — LES THÉORIES DE LA FECONDATION 


de premier ordre, lequel, sortant d’une période de 
repos au moment où il se divise, attribue de 
même » à chacune de ses cellules filles. Mais 
celles-ci, les cytes de deuxième ordre, se divisant 
sans période de repos préalable, sans avoir eu le 
temps de porter » à 2m, lèguent à l'œuf ou à la 


- mm s 
spermatide seulement -- de chromatine. 


Mais toutes ces évaluations sont arbitraires et ne 
reposent sur rien de précis. La quantité de chro- 
matine que possède une cellule est sujelte à des 
variations qui peuvent être considérables, suivant 
la consommation qu'elle en fait dans ses opérations 
cataboliques et suivant la quantilé qu'elle en recoit 
par la nutrition. Les différences individuelles doi- 
vent être notables entre les glandes sexuelles des 
divers individus, sous le rapport de la quantité de 
chromaline contenue dans les éléments germinaux, 
en sorte quil est incompréhensible quil faille 
toujours réduire cetle quantité de moilié pour 
obtenir le taux convenable. 

Kulagin (en 1898) a montré que les œufs d'insectes 
soumis à un jeûne prolongé n'émettent plus qu'un 
globule polaire. Mais il faut un jeûne d'une durée 
déterminée, pour obtenir ce résultat. Un insecte qui 
a jeûné pas tout à fait assez longtemps pour qu'un 
de ses globules polaires soit supprimé a évidem- 
ment dans ses cellules germinales moins de chro- 
matine que celui qui à recu une alimentation abon- 
dante. En émettant ses deux globules, le premier 
laisse dans ses œufs mûrs une quantité de chro- 
matine cerlainement moindre que le second. Ilest 
donc impossible de dire que l'œuf mûr doit con- 
tenir une quantité de chromatine fixe, toujours 
égale à elle-même et toujours égale à la moitié de 
ce que conlient l’ovocyte de premier ordre à l'état 
normal. 

Puisque des variations élendues dans la quantité 
de chromatine sont compatibles avec la fécondation 
et le développement, il n'est pas admissible qu'une 
opération spéciale soit nécessaire pour réduire cette 
quantilé toujours exactement de moilié. 

On a des raisons de croire qu'une diminution de 
la quantité de chromatine est nécessaire à l'œuf 
vierge pour la fécondation ; mais on n’en a aucune 
d'admettre qu'il en soit de même pour le sperma- 
tozoïde ou pour l'œuf fécondé. Cependant, la réduc- 
tion quantitative est la mème pour les éléments 
sexuels des deux sexes. 

D'autre part, il ne semble pas que la quantité 
absolue de chromatine soit le point important dans 
la physiologie de la cellule : ce qui entre en jeu, 
c'est plutôt la quantité relative, le rapport entre la 
quantité de chromatine et celle de cytoplasme. 
L'énergie pouvant résulter de l’abondance de la 
chromatine (en raison de sa teneur en phosphore) 


dépend de la masse de cytoplasme dans laquelle elle 
se dépense. 
Or, si l’on envisage non plus m, mais le rapport, 


In . . = A 
7” tout ce que l’on a admis relativement à la réduc 


tion quantitative devient inexact. 

Premièrement, le rapport est indépendant de 
l'existence ou de l'absence d’une période de repos 
précédant la division. S'il y a une période de repos, 
devient 2e chaque cellule fille recoit : 
C [ei 


S'il n'y a pas de période de repos, chaque cellule 
fille recoit : 


Par contre, le rapport dépend de la nature égale 
ou inégale de la division. Pour le spermatozoïdes 
où les divisions maturatives sont égales, le rapport 
In x : 

— reste le même que dansle cyte de premier ordre, 
c 

et ces divisions maluratives ne produisent aucune 
réduction relalive. Pour l'œuf, au contraire, ces 
divisions sont très inégales; les globules polaires ne. 
recoivent qu'une quantité négligeable de cylo- 
1/4m 


m : 
plasme, en sorte que le rapport = devient 


Chez l'œuf mur, la réduction relative est non de 
moitié, mais des (rois quarts. 


D'autre part, le rapport © dépend dela nutrilion, 


car, dans la période de repos précédant la division, … 
m et « peuvent s'accroitre inégalement. 

Or, c'est précisément ce qui a lieu, pour l'œuf en 
particulier. Dans la multiplication des ovogonies, le. 


m ; : d 
rapport 7e augmente progressivement. Mais quand 


vient l’accroissement de l’ovocyte de premier ordre, 
il diminue considérablement, car le noyau s'accroît M 
beaucoup moins que le cyloplasme, et, en outre, son 
accroissement est dù, pour la plus grande partie, au 
suc nucléaire; en sorte que la réduction délinitive, 
sans pouvoir être évaluée exactement, est certaine- 
ment, par rapport aux dernières ovogonies, très 
supérieure aux 3/4, égale peut-être aux 9/10. 

Chez le mâle, au contraire, non seulement les … 
divisions réductrices ne font pas fléchir la masse 
relative de chromatine, puisqu'elles sont égales, 
mais, dans l'accroissement du spermatocyte de pre- 
mier ordre, le cytoplasme se développe beaucoup 
moins que dans l'œuf; et surtout, dans la transfor- 


YVES DELAGE — LES THÉORIES DE LA FÉCONDATION 


mation de la spermalide en spermatozoïde, la 
presque totalité du cytoplasme passe dans la queue, 
et il n’en reste que très peu dans la tête, qui seule 
sera utilisée dans la fécondation; en sorte que, 
“finalement, pour le spermatozoide, il n'y a point 
réduction quantitative relative, mais au contraire 
“augmentation chromalique ou, si l'on veut, réduc- 
—… Lion cyloplasmique. 
—._ Ensomme,laréduction quantitative relative étant 
… a seule importante au point de vue fonctionnel, 
cette réduction manquant chez le spermatozoïde et 
se produisant chez l'œuf, en parlie indépendamment 
. des divisions maturatives, en parlie parsuite d'une 
particularité de ces divisions spéciale à l'œuf et 
manquant chez le spermatozoïde, on ne peut 
admettre que ces divisions maturatives, envisagées 
» dans leur ensemble, soient suflisamment expliquées 
par la nécessité de la réduction quantitative. 


Û 


3. Réduction qualitative. — La notion d'uncréduc- 
tion qualitative tire son origine de ce fait que les 
globules polaires, qui sont pour l'œuf un des pro- 
duits des divisions maturatives, ne sontpas utilisés 
dans le développement de l'embryon, d'où le nom 
de corpuscules de rebut qui leur a été donné. 

Diverses explications de l’utililé de cette réduc- 
tion ont été proposées, mais aucune n’est pleine- 
ment satisfaisante. Voici les principales : 

a) Elle a pour but d'enlever à l'œuf la chroma- 
line d'origine paternelle, au spermatozoïde celle 
d'origine maternelle pour développer en eux leur 
polarité sexuelle propre. De graves objections se 
dressent contre celle conception. 

D'abord, elle ne repose sur aucune observation 
positive. On a vu parfois leschromosomes paternels 
et maternels rester distincts dans l'œuf fécondé, 
mais on n'a jamais pu les dislinguer dans l'œuf de 
la généralion suivante. En outre, Weismann a fait 
remarquer que l'élimination des chromosomes du 
sexe opposé se concilie mal avec le fait que chaque 
conjoint peut transmettre au produit les caractères 
hérédilaires particuliers de la lignée ancestrale du 
sexe opposé. Enfin, Francotte à vu, chez une Pla- 
naire, un globule polaire, particulièrement gros, 
être fécondé tout comme un œuf normal. 

b) Elle a pour but d'éliminer des substances inhi- 
bitrices de la fécondalion et du développement. 

L'observation ci-dessus de Francotte va à l’en- 
contre de cette idée. Chez les Conjuguées, la réduc- 
lion ne s'opère qu'après la conjugaison, pendant la 
division du zygote. Enfin et surtout, chez le mâle, 
les quatre produits de la réduction sont également 
fonctionnels. 

c) Elle a pour but d'éliminer une partie des 
plasmas ancestraux pour élargir la gamme des 
variations individuelles (Weismann). 


869 


Il serait trop long de discuter ici cette question. 
Je l'ai fait ailleurs et me contenterai de faire remar- 
quer que cette opinion est entièrement hypothé- 
tique. 

Ainsi, rien ne démontre la nécessité où méme 
l'utilité d'une réduction qualitative. 

La réalité de son existence semble appuyée 
sur une observation histologique. Voici le fait : 

Tandis que dans toutes les autres divisions indi- 
rectes, quelles qu’elles soient, les chromosomes des 
cellulestilles proviennent deladivision longitudinale 
de ceux de la cellule mère, dans une des divisions 
maturatives, ils proviennent de leur division lrans- 
versale. Or, il semble, au premier abord, naturel de 
penser que la division longitudinale est une pré- 
caution spéciale prise pour éviler loute différence 
qualilative entre les deux moiliés, et que, par con- 
séquent, la division transversale comporte une dif- 
férence de cetle nature. 

Chez quelques animaux, cependant, celle divi- 
sion transversale semble manquer (Ascaris, divers 
Vertébrés). Aussi s’est-on donné beaucoup de mal 
pour la retrouver chez eux. Sabachnikov (en 1897), 
chez l'Ascaris, Montgommery (en 1901) chez les 
Vertébrés, y sont à peu près arrivés. Ce dernier a 
montré que les deux moiliés du chromosome, dans 
l'une des divisions longitudinales, ne sont pas les 
deux parts d'un même chromosome, mais repré- 
sentent deux chromosomes dislinels, momentané- 
ment rapprochés dans une sorte de copulation. 

Ainsi, les divisions maturatives auraient pour but 
de produire une réduction qualitative, et ce qu'il 
y à de tout à fait spécial dans ces divisions, c'est- 
à-dire l'intervention d'une division transversale, 
serait en rapport avec cette réduction qualitative 
et destiné à la produire. 

Je ferai remarquer d'abord que toute cette con- 
ceplion repose sur l’idée que la constitution des 
chromosomes varie dans le sens de la longueur et 
ne varie pas dans le sens de l'épaisseur. Or, c'est 


‘là une pure hypothèse, qui n'a d'autre fondement 


qu'une grossière assimilation des chromosomes 
avec des objets de toute autre nature, comme une 
canne, une épée, un porle-plume, ou encore une 
branche d'arbre ou le corps d'une anguille. 

Tout fin quil est, par rapport à nous, le chro- 
mosome peut fort bien présenter des différences de 
structure dans le sens de l'épaisseur. Même s'il est 
formé d'une simple file de mierosomes, il peut en 
être de même; car ces microsomes, si pelits par 
rapport à nous, sont sans doule, par rapport aux 
particules élémentaires qui les constiluent, des 
microcosmes, où des différences de structure très 
notables peuvent trouver place. Inversement, au- 
cune constatation positive ne permet d'affirmer que 
les microsomes soient qualilalivement différents 


810 


YVES DELAGE — LES THÉORIES DE LA FÉCONDATION 


les uns des autres, ni que le filament chromatique 
présente dans sa longueur des différences essen- 
tielles de constitution. 

Rien done ne nous autorise à dire que le chro- 
mosome est homogène en épaisseur, ni hétérogène 
en longueur. Je dirai même que, selon toute pro- 
babilité, c'est le contraire qui est vrai. Et j'en don- 
nerai deux raisons : 

ä) Quand le filament chromatique se fend en 
long, ses deux moiliés commencent à s'écarter 
l’une de l’autre, avant qu'aucun filament achroma- 
tique capable (si lantest qu’ils le soient jamais) de 
les tirer se soit formé et fixé sur eux. Ce qui les 
écarte ne peut donc être qu'une force répulsive ; 
et une force de ce genre ne peut se développer 
entre eux que s'ils présentent une différence de 
quelque nature. Les deux moitiés d’un tout homo- 
gène ne sauraient se repousser. 

D) Dans l’évolulion ontogénétique, toutes les di- 
visions indirectes sans exceplion se font avec divi- 
sion longiludinale des chromosomes, et cependant 
elles marchent de pair avec la différenciation pro- 
gressive des éléments. L'idée que cette différencia- 
tion serait due tout entière à la place des cellules 
dans le complexe embryonnaire (0. Herlwig) n'est 
pas admissible : l'effet est hors de proportion avec 
la cause, surtout pour les cellules très voisines que 
l’on voit subir des différenciations opposées. L'ob- 
servalion embryogénique démontre que les deux 
cellules filles d’une mème cellule mère peuvent 
recevoir à leur naissance des aptitudes évolutives 
différentes, malgré la division longitudinale des 
chromosomes. Rien donc n'empêche qu'il en soit 
de même pour les divisions maturatives. 

Il résulte de là que, s’il existe vraiment une ré- 
duction qualitative, elle n'est point liée à la division 
transversale des chromosomes qui se présente dans 
les divisions maluratives ; et que, par conséquent, 
ce qu'il y a de spécial, de caractéristique chez 
celles-ci n'est pas expliqué par la nécessité d’une 
réduction qualitative. 

Ainsi, ni la réduction numérique, ni la réduction 
quantitative, ni la réduction qualitative ne rendent 
compte suffisamment des divisions maturatives et 
de ce qu'elles présentent de particulier. 

Et cependant, leur nécessité est absolue. 

Jamais on n'a vu un ovocyte de premier ordre 
accepter la fécondalion el se développer. Jamais on 
n'a vu de spermatide féconder un œuf mûr. Mais la 
cause de cette nécessité nous échappe encore. Elle 
réside peut-être dans des phénomènes physico- 
chimiques, connexes des phénomènes morpholo- 
giques de la réduction chromatique, mais indépen- 
dants de ceux-ci !. 


! Ivanzov (en 1897) a émis l'idée que l'œuf non mür, muni 


4. La fécondation. — Avant d'aborder l'examen de 
l'interprétalion des phénomènes que comporte la 
fécondalion, il importe de préciser une distinction 
que j'ai établie dès mon premier travail sur la 
mérogonie et qui me parait avoir une imporlance 
capitale. * 

La fécondation a un double but : 1° mellre l'œuf 
mûr en état de se développer et de former un être 
nouveau, c'est-à-dire déterminer l’'embryogénèse; 
2° donner à cet être nouveau deux parents (au lieu 
d'un seul, comme dans la reproduction agame ou 
la parthénogénèse), c'est-à-dire introduire dans 
son évolution l’amphimixie, avec les avantages 
d'une double lignée ancestrale. 

Embryogénèse et amphimixie sont deux choses 
qu'il faut absolument distinguer, si l’on veut acqué- 
rir des idées justes sur la fécondation et le déve- 
loppement. 

Dans la fécondation normale, les deux buts sont 
atteints à la fois, et l’on ne voit pas, au premier 
coup d’æil, ce qui, dans les phénomènes qui la 
constituent, appartient au déterminisme de l'em- 
bryogénèse et à celui de l'amphimixie. 

La tête du spermatozoïde contenant le noyau 
avec un peu de cytoplasme, et le segment intermé-" 
diaire, formé principalemant du spermocentre et 
d'un peu de cinoplasme actif, entrent dans i'œuf 
formé d'un -cytoplasme riche en réserves, conle- « 
nant le noyau réduit avec un ovocentre et un 
cinoplasme sinon atrophié, du moins en état d'inhi- 
bition fonctionnelle. Les aovaux se fusionnent; le 
spermocentre et le cinoplasme ambiant, unis peut- 
être au cinoplasme engourdi de l'œuf, forment l'ap- 
pareil de division de l'œuf fécondé. 

Qu'est-ce qui, dans tout cela, est nécessaire à 
l'embryogénèse ? Qu'est-ce qui est relatif à l'am- 
phimixie? 

Pour le déterminer, il faut séparer les deux phé- 
nomènes. 

IL est à priori impossible d'obtenir une ampbi- 
mixie sans embryogénèse!; mais on peut obtenir 
une embryogénèse sans amphimixie ou avec une 
amphimixie réduite. 

On y arrive, d'une part, au moyen de la parthé- 


d'un noyau puissant, digérerait les spermatozoïdes, et qu'il 
réduisait son noyau pour se meltre hors d'état de les digérer 
et pour se reudre apte à subir la fécondation. Les observa-, 
tions de spermatozoïdes pénétrant dans l'œuf non mûr et y 
attendant la maturation pour jouer leur rôle vont à l’en- 
contre de cette idée, et son inexactitude est démontrée par 
le fait que les fragments anucléés d'œufs non mürs sont 
inaptes à la mérogonie. 

1 Lœb a cependant suggéré l'idée de faire pénétrer le 
spermatozoïide dans l'œuf d'un animal appartenant à une 
espèce trop éloignée pour que la fécondation soit possible, 
et de faire développer cet œuf par les procédés de la par- 
thénogénèse expérimentale. Mais rien ne dit que l'expérience 
réussirait et que le spermatozoïde ne resterait pas duns le 
cytoplasme comme un corps étranger inerte. 


YVES DELAGE — LES THÉORIES DE LA FÉCONDATION 


811 


» nogénèse expérimentale, de Vautre au moyen de la 
mérogonie. 
. Ces deux modes d'investigation von! nous mon- 
“rer que les phénomènes morphologiques de la 
fécondation, en parliculier la copulalion nucléaire, 
Sont relatifs essentiellement à l’amphimixie et que 
l’'embryogénèse dépend de phénomènes physico- 
- chimiques concomitants, encore peu étudiés. 
Cela nous amène à la troisième et dernière partie 
de cette étude, celle qui est relative à l'examen de 
la fécondation au point de vue physico-chimique. 


ILI. — LES PHÉNOMÈNES PHYSICO-CHIMIQUES 
DE LA FÉCONDATION. 


C'est, avons-nous dit, à la mérogonie et à la par- 
thénogénèse expérimentale que nous devons le 
moyen de séparer ce qui, dans la fécondation, ap- 
partient à l'embryogénèse etce qui estrelatif à l'am- 
phimixie. 


1. Mérogonie. — Je passerai rapidement sur la 
mérogonie, el, des conclusions développées dans 
mon Mémoire, reliendrai seulement ceci : c'est que 
la copulation nucléaire n'est pas nécessaire à lem- 
bryogénèse, puisqu'ici nous obtenons un embryon 
sans intervention d'un noyau femelle. Elle nous 
montre aussi que ce qui peut rester dans l'œuf de 
l’ovocentre et du cinoplasme qui l'entoure n'est 
pas nécessaire non plus. Mais elle ne nous dit pas 
si l'union du cytoplasme ovulaire avec le noyau 
et le spermocentre mäles ne suffit pas à déter- 
miner un cerlain degré d'amphimixie, les expé- 
riences de Boveri n'élant pas suffisamment dé- 
monstralives à cet égard. 

2. Partheénogénèse expérimentale. — La parthé- 
nogénèse expérimentale a ici un intérêt tout spécial, 
parce qu'elle nous montre une embryogénèse sans 

trace d'amphimixie. 

Lorsqu'on la compare à la fécondation normale 

chez la même espèce animale, on voit que : 


Fécondation — embryogénèse + amphimixie, 
Parthénogénèse — embryogénèse; 


et l’on est autorisé à penser que l'embryogénèse 
est, sinon identique, du moins très semblable dans 
l'un et l’autre processus, en sorte que le délermi- 
nisme de la parthénogénèse expérimentale éclaire 
celui de l'embryogénèse dans la fécondation. 

Examinons donc le déterminisme de la parthé- 
xogénèse expérimentale. 

Avant Loeb, on avait fait déjà quelques essais 


_ dans ce sens, mais on sait que c'est lui surtout qui 


a contribué à la faire connaître. 
Son procédé est bien connu : il place des œufs 


murs et vierges dans des solutions de sels alcalins 
KCI, NaCI, MgCP, puis les reporte dans l’eau de 
mer, où ils se développent sans avoir été fécondés. 

Ainsi que cela arrive souvent, ces expériences 
n'ont pas donné d'emblée leur résultat définitif et 
leur auteur a plusieurs fois varié dans ses inter- 
prétations. 

a) Au début, il à cru à une action exclusive des 
ions mélalliques, etémis l'idée que c'était en appor- 
tant ces ions à l'œuf que le spermatozoïde déter- 
minait l'embryogénèse. L’essence de la fécondation, 
nous dirons, nous, celle de l'embryogénése, eût été : 
l'apport à l'œuf d'ions particuliers auxquels Je 
spermalozoide sert de véhicule. 

Diverses objections ont été élevées par d’autres 
et par moi-même contre celte interprélation, à 
laquelle le coup de gràce a été donné par mon fils 
ct moi lorsque nous avons moniré que, /andis que 
MgCE détermine la parthénogénèse chez loursin, 
la proportion de Mg est moindre d'environ 4°}, 
dans le sperme que dans les œufs de cet animal. 

D) Mais, dès avant que ce résultat eût été publié, 
Lœb avait modifié sa manière de voir et admis, 
conformément aux idées de Bataillon, que les solu- 
tions salines agissent, non par la spécificité de leurs 
ions métalliques, mais par leur pression osmolique, 
en soustrayant de l’eau à l'œuf. On peut dès lors 
se demander si, dans la fécondalion normale, le 
déterminisme de l'embryogénèse ne réside pas 
dans une souslraclion d'eau opérée sur l'œuf par 
le spermatozoïde. 

L'analyse des phénomènes semble confirmer 
cette vue. Le pronucléus màle, à son entrée dans 
l'œuf, est considérablement plus petit que le pro- 
nucléus femelle, puisqu'il n’est autre chose que la 
tête du spermatozoïde. Mais, pendant son court 
voyage à travers le cyloplasme, il se gonfle consi- 
dérablement et devient égal au pronueléus femelle. 
Pour cela, il se charge d'eau qu'il emprunte au 
cytoplasma ambiant; il déshydrate done celui-ci, 
toutcomme ferait une solution hypertonique. li est 
donc possible que ce soit là un facteur important et 
même suffisant du déterminisme de l'embryogé- 
nèse conséculive à la fécondation. 

Réciproquement, il semble que l’eau du cyto- 
plasme soit indispensable au pronucléus mäle pour 
son évolution dans l'œuf et que le cytoplasme se 
charge d'eau spécialement pour ce but. 

J'ai fait à Roscoff, il y a quelques semaines, une 
série d'expériences, encore inédites, qui sont très 
suggestives à cet égard”. 

On se rappelle peut-être que j'ai fait connaitre, 
dans un travail récent, l'existence d'une maturation 


1 Elles seront publiées dans le prochain numéro des Ar- 
chives de Zoologie expérimentale. 


812 


YVES DELAGE — LES THÉORIES DE LA FÉCONDATION 


cytoplasmique. J'ai montré qu'un fragment anueléé 
d'ovocyte de premier ordre, mis en présence du 
sperme, est absolument rebelle à l'embryogénèse, 
tandis qu'un fragment anucléé d'œuf mûr se prêle 
aisément à la mérogonie. Dans ces nouvelles expé- 
riences, j'ai serré de plus près la question et 
montré ceci : 

Chez Asterias glacialis, quel que soit le degré de 
maturité générale de la glande sexuelle, jamais 
l'œuf n'est mûr dans l'ovaire. Il y reste indéfini- 
ment à l'état d'ovocyte de premier ordre, muni de sa 
vésicule germinalive. Placé dans l’eau de mer, il y 
entre aussilôt en maturalion et, en une heure ou 
deux, émet ses deux globules. Quand on suit le 
phénomène, on voit la vésicule germinalrice 
d'abord intacte, lurgide, bien sphérique, à mem- 
brane parfaitement lendue. Puis, au bout de 
quelques minutes, on la voit s’affaisser peu à peu, 
perdre sa lurgescence, se froisser; sa membrane, 
si évidente, s'estompe et bientôt disparait; souvent, 
des traînées claires divergentes montrent que le 
suc nucléaire se répand dans le cytoplasme dès que 
la barrière qui le maintenait, la membrane nu- 
cléaire, a élé forcée. 

ER bien, tant que la vésicule est turgide, tant que 
le suc nucléaire ne s'est pas répandu dans le cyto- 
plasme, la fécondation des fragments anueléés est 
absolument impossible; dès que la vésicule a pris 
l'aspect froissé et les bords estompés, indices de 
la diffusion du suc nucléaire dans le cytoplasme, 
la fécondation mérogonique se fait avec la plus 
grande facilité. Et pourtant, à ce moment, non seu- 
lement il n'y a pas trace de globule polaire, mais 
rien n'est accompli encore des phénomènes qui 
caractérisent la réduction chromalique. 

De là nous pouvons conclure : 

1° Que la réduction chromatique de l'œuf n'est 
pas nécessaire à l'embryogénèse et n'est utile qu'à 
l'amphimixie ; 

2 Que la pénétration du suc nucléaire dans le 
cytoplasme est nécessaire, peut-être pour empé- 

cher l'œuf de se développer parlhénogénétique- 
ment, sürement pour fournir au pronucléus mäle 
l'eau nécessaire à son évolution dans l'œuf; 

3° Que Ja délinition différentielle des produits 
sexuels doit étre complétée de la facon suivante : 
spermalozoide petit, mobile, sans réserves, PAUVRE 
EN EAU; œuf gros, immobile, riche en réserves, 
RICHE EN EAU ; 

4° Que, dans la fécondation normale, au nombre 
des causes délerminantes de Tembryogénèse, on 
peut compter la soustraction d'eau au cytoplasme 
par le pronucléus mile, qui l'absorbe, s'en imbibe, 
déshydrate le cytoplasme et, par là, communique à 
l'œuf l'aptitude à se segmenter. 

Je ferai remarquer cependant que nous ne sa- 


vons pas la composition du suc nucléaire et que, 
outre l’eau, il peut fournir au cytoplasme des subs- 
tances diverses : sels, ions mélalliques, gaz dis- 
sous, ferments spécifiques, ele., ete. 

Les dernières expériences de Lœb, celles qui 
ont porté sur le Chætopterus, ont montré que la 
soustraction d'eau n'était pas le facteur unique de 
la parthénogénèse expérimentale. Il a pu, en effet, 
obtenir celle-ci avec des solutions de KCI hypoto- 
niques par rapport à l’eau de mer; et il en revient 
à l’idée d'une action spécifique des sels, mais com- 
prise autrement qu'au début : ce serait une action 
catalytique, accélératrice du développement. L'œuf 
aurait une tendance naturelle au développement 
parthénogénétique; mais, dans les conditions nor- 
males, son évolution serait si lente qu'il mourrait 
avant d'avoir pu entrer en développement; en 
accélérant le processus, les calalyseurs lui per- 
mettraient d'atteindre avant de mourir un stade 
assez avancé pour qu'il puisse continuer ensuite à 
évoluer par ses propres forces. 

Mes récentes expériences sur l’Asferias confir- 
ment la notion d'une action spécifique des solu- 
tions salines et montrent que cette action est beau- 
coup plus considérable qu'on ne croyait. 

On sait le rôle singulier que Bertrand a assigné 
au manganèse comme vecteur de l'oxygène dans 
les ferments oxydants. Guidé par certaines induc- 
tions théoriques fondées sur ce rôle du manganèse, 
j'ai essayé dans la parthénogénèse le chlorure de 
ce métal, et J'ai reconnu que AnCP à une action 
spécilique très supérieure à celle des sels alcalins, 
et qu'il détermine le développement dans des con- 
ditions où ces derniers se montrent inaclifs. 

J'ai trouvé aussi qu'un simple agent physique, la 
chaleur, peut déterminer la parthénogénèse, à la 
condition qu'on l’applique d’une manière particu- 
lière, en immergeant les œufs brusquement dans 
l'eau de mer entre 30 et 35°. 

J'ai reconnu que les actions des différents agents 
s'ajoutent en général (chaleur, action spécifique 
des sels, hypertonicilé, acidification très légère par 
HCI°,“etc.): 

Enfin, j'ai constaté que tous ces agents ont, 
chez l'Asterias, une efficacité toute particulière 
quand on les applique au moment précis où la 
mérogonie devient possible, à ce stade où le suc 
nucléaire se répand dans le cyloplasme, véritable 
stade crilique, où l'œuf se montre particulièrement 
sensible aux influences capables de déterminer son 
évolution. 

Il résulte de là que, outre la pression osmotique, 
des agents variés sont capables de déterminer la 
parthénogénèse, et je comprends leur action d’une 
autre manière que Lœæb. Pour moi, l'œuf vierge est 
dans un état d'équilibre instable. Sans aide, et dans 


| 
Fi 
| 
i 
| 
| 
| 


YVES DELAGE — LES THÉORIES DE LA FÉCONDATION 


813 


les conditions normales, il est incapable de se dé- 
velopper; mais il lui manque peu de chose pour 
qu'il puisse entrer en évolution, et ce quelque chose 
n'a rien de spécifique. Les excitants les plus variés 
peuvent le lui fournir : il suffit, pour qu'il se déve- 
loppe, de rendre plus excitant le milieu où il vit. Il 
répond aux excitalions appropriées, quelle que soit 
leur nature, en faisant ce qu'il sait faire, se seg- 
menter; comme la rétine répond aux excitations 
qu'elle recoit, mécaniques, physiques ou chimi- 
ques, en donnant ce qu'elle sait donner, la sensation 


. Jumineuse. On peut aussi le rendre lui-même plus 


excitable, en substituant à son noyau et à son 
appareil ovocentrique inertes un appareil nucléaire 
et spermocentrique plus excitable : c'est ce qu'on 
fait dans la mérogonie. 

De tous ces moyens de déterminer l'embryo- 
génèse dans la parthénogénèse expérimentale, 
quel est celui qu'emploie le spermatozoïde dans la 
fécondalion normale ? 

Nous sommes encore hors d'état de le dire d’une 
manière précise, mais nous possédons déjà quel- 
ques indications. 

Nous savons, de par les expériences de mérogonie, 
que le noyau mixte de l'œuf fécondé et son 
appareil centrique sont plus excitables que les 
organes similaires de l'œuf vierge; les expériences 
que j'ai faites avec mon fils montrent qu'un apport 
d'ions de magnésium par le spermatozoïde ne peut 
être mis en cause; nous venons de voir que la 
soustraclion d'eau au cytoplasme par le pronueléus 
mäle très pauvre en eau est capable de jouer un 
rôle important ; enfin, ilest possible qu'intervienne 
l'apport par le spermatozoïde de ferments spéci- 
fiques, comme les expériences de Pieri (en 1899) et 
ceiles plus précises de Winckler (en 1900) 
semblent l'indiquer. 

C'est vers la solution de ce problème que doivent 
tendre nos recherches relatives à la fécondation. 


IV. — ConNcLuUSsIONS. 


Nous pouvons résumer en quelques proposilions 
les conclusions principales de cetle étude. 

1° Une série assez complète de transitions relie 
la fécondation à la reproduction agame ; mais cela 
ne nous permet pas d'affirmer que la phylogénèse 
de la fécondation s’est opérée suivant celle série. 

On ne sait rien de posilif sur l'introduction de la 
réduction chromalique dans le cycle de la fécon- 
dation. 

2° Les divisions maturatives des éléments sexuels 
doivent avoir une raison d’être importante et 
générale ; mais cette raison n’est pas tout entière 
contenue dans la réduction chromatique : la réduc- 
tion numérique n'a pas besoin, pour s'opérer, d'une 


opération spéciale ; la réduction quantitative 
relative, la seule à considérer, n'a pas lieu pour le 
spermalozoïde (où elle est remplacée par une opéra- 
tion inverse); elle a lieu pour l'œuf, mais indépen- 
damment des phénomènes chromatiques des 
divisions maturatives ; la réduclion qualilalive n'a 
pas lieu pour le spermatozoïde, elle n'est pas 
démontrée pour l'œuf, et rien n'indique, si elle 
avait lieu, qu'elle dépendrait de la division trans- 
versale, qui constitue le caractère le plus saillant 
des divisions réductrices. IL doit donc y avoir, der- 
rière les phénomèmes morphologiques de la réduc- 
tion chromatique, des phénomènes physico-chi- 
miques qui restent à étudier. 

3° Concurremment à la maturation nucléaire, il 
existe une maturation cyloplasmique, qui paraît 
consister dans la diffusion du suc nucléaire dans 
le cytoplasme à la suite de la destruclion de la 
membrane de la vésicule germinative. Cette hydra- 
tation semble avoir pour effet : a) d’empêcher l'œuf 
de se développer parthénogénétiquement; b) de per- 
meltre la fécondation en fournissant au pronu- 
cléus mâle l'eau dont il a besoin. Réciproquement, 
le pronucléus mâle, en s'imbibant de l’eau du cylo- 
plasme, déshydrate celui-ci et le place dans Ja 
condition requise pour le développement ultérieur. 

41] ya lieu d'ajouter à la caractéristique différen- 
tielle des éléments sexuels la richesse en eau pour 
l'œuf, la pauvreté en eau pour le spermatozoïde, et à 
la caractéristique de la fécondation le déplacement 
d'une cerlaine quantité d'eau qui, venant de la 
vésicule germinative, dont elle constitue le suc 
nucléaire, diffuse dans le cytoplasme auquel le 
pronucléus mâle l'emprunte pour s'hydrater, en 
même Lemps qu'il déshydrate le cytoplasme. 

5° Il convient de distinguer dans la fécondation 
normale deux opérations absolument différentes et 
séparables : l’embryogénèse ou formation 
embryon, et l’amphimixie ou participation de deux 
parents a la formation de cet embryon. 

6° Le déterminisme de l'embryogénèse et celui 
de l'amphimixie sont essentiellement différents. 
C'est à cette dernière, presque exclusivement, 
qu'appartiennent les phénomèmes morphologiques 
qui ont surtout fixé l'attention. 

1° La mérogonie et la parthénogénèse expérimen- 
tale démontrent que la copulation nucléaire et les 
phénomènes morphologiques qui l'accompagnent 
ne sont point nécessaires à l'embryogénèse. Les 
facteurs de cette dernière ne sont point spécifiques. 
Elle peut être déterminée par des excitants de 
nature très variée, physiques, chimiques et biologi- 
ques. Il reste à déterminer lesquels, parmi les 
nombreux exeitants possibles, interviennent effec- 
livement dans la fécondation normale : un apport 
d'ions métalliques par le spermatozoïde semble peu 


d'un 


814 


GERVAIS-COURTELLEMONT — LA FRANCE EN AFRIQUE 


probable, l'intervention d'une série d'hydralations 
et de déshydralalions par un déplacement d’eau 
est à peu près démontrée, celle d'un apport de fer- 
d'être recherchée avec 


ments spécifiques mérite 


Soin. 


Telles sont, Mesdames el Messieurs, les quelques 
idées que j'ai cru devoir vous soumettre dans cet 
entretien. 

La brièveté du (temps qui m'étail accordé ne m'a 
pas toujours permis de prendre toutes les précau- 
nécessaires quand on présente, 
comrne je l'ai fait, des conceplions passablement 
révolutionnaires, de faire les réserves et les res- 
trictions qui eussent convenu. Je n’ignore point les 
grosses objeclions que l’on peut faire à cerlaines 
de mes théories. Ce n’est pas ici le lieu de les dis- 
cuter. 


tions oratoires 


Même si je ne suis point parvenu à vous con- 
vaincre que tous les opinions développées ici sont 
justes, je serai cependant salisfait si j'ai pu atlireru 
votre atlenlion sur quelques points trop négligés, 
jeter dans votre esprit quelques doutes touchant 
la valeur de certaines explications trop facilement 
acceptées, provoquer des expériences pour con- 
trôler mes vues; mais surtout si j'ai réussi, car 
c'était là principalement le but de ce plaidoyer, à 
vous convaincre que l'on consacre trop de temps à 
l'observation €es phénomènes morphologiques, 
et que l’on ferait faire de plus grands progrès à nos 
connaissances biologiques, si l'on se préoccupait 
davantage de rechercher les condilions physico- 
chimiques des phénomènes biologiques, car c'est 
en elles qui résident eurs causes actuelles. 

Yves Delage, 


Professeur à la Faculté des Sciences de Paris. 


LA FRANCE 


Pour s'exercer utilement, l'action coloniale de la 
France ne devrait pas s’éparpiller sur toute la sur- 
face du globe. Et c'est là, cependant, une tendance 
fâächeuse de notre époque, dont les conséquences 
peuvent nous être funestes. 

Noire domaine colonial, aujourd'hui quinze fois 
grand comme la France continentale, est disséminé 
un peu partout dans le monde.Tel qu'il est,ilexcède 
déjà, pour le présent au moins, nos facullés coloni- 
satrices; et, cependant, nous révons encore d’an- 
nexions nouvelles! Cela tient à ce que nous n'avons 
pas l'habitude d'examiner la question colonialé dans 
son ensemble, nous contentant de considérer sépa- 
rément chaque colonie en particulier. 

Tout nous y porte, d’ailleurs. D'abord, l'émiel- 
tement de notre adminisl coloniale en 
plusieurs ministères : Intérieur pour lAlgérie, 
rattachée à la France; Affaires étrangères pour 
la Tunisie, pays de protectorat; et Colonies pour 
les autres; sans parler des questions spéciales 
traitées encore par d’autres ministères : Guerre, 
Marine, Travaux publics, Agriculture, etc. Ensuite, 
la pénurie d'hommes connaissant toutes les colo- 
et la difficulté d’embrasser un aussi vaste 
champ. 

Aussi, en résulle-l-il un manque absolu d'unité 
de vues; aucune tradilion n'est suivie, pas le 
moindre esprit de suile ne nous dirige. Partout 
on peut voir des institutions précaires, modifiées 
au jour le jour, au caprice des tiraillements de 
l'opinion publique locale ou de la politique inté- 
rieure de la Métropole. 


‘ation 


nies 


EN AFRIQUE 


L'étude de l’ensemble de notre France extérieure, 
comprenant toules nos possessions d'outre-mer, — 
car il serait puéril d'objecler que l'Algérie et la 
Tunisie ne sont pas des colonies el ce serait 
vraiment jouer sur les mots, — ne tente, à la 
vérité, personne, el chacun prélère se consacrer 
à une colonie ou, tout au plus, à un groupe de 
colonies, comme c'est le cas au Pavillon de Flore. 

Qui le ferait avec autorité et efficacité, d'ailleurs? 
Le ministre des Colonies? Mais nous avons dit 
que l'Algérie et la Tunisie lui échappaient totale- 
ment. Le président du Conseil? Nous savons 
tous que les absorbanles préoccupations de la 
polilique intérieure ne lui en laissent pas le loisir, 
et l’on peut en dire autant du Président de la 
République et du Conseil des ministres. 

En réalité, il n y a aucune centralisation, aucune 
direction. A la tête de chaque colonie, sont placés 
de hauts fonctionnaires, Gouverneurs ou Résidents, 
animés du plus grand désir de bien faire et qui, 
sachant la Métropole fort insoucieuse à l'égard de 
ses possessions coloniales, s'efforcent d'altirer son 
attention et de gagner ses sympathies au profit dela 
colonie qu'ils administrent. D'une facon générale, il 
leur est plutôt désagréable de s'abstraire de cette 
préoccupation, fort légitime d’ailleurs, pour essayer 
de déterminer dans quelle mesure il conviendrait 
d'envisager l'importance relative de leur colonie. 
Certains croiraient mème, en le faisant, sortir de 
leur rôle où manquer à leur devoir. 

Aussi, assistons-nous à des revirements M con- 
tinuels dans les sentiments de popularité dont 


GERVAIS-COURTELLEMONT — LA FRANCE EN AFRIQUE 


875 


& 
f 
É 


jouissent successivement nos diverses possessions, 
En la popularité que leurs Gouverneurs ont su 
“acquérir. Les uns ont alteint ce but par leur 
“ascendant personnel, par la sympathie qu'ils 
avaient inspirer à tous, tel le général Gallieni; 
les autres, par leur facilité à fermer les yeux 
sur beaucoup de choses et à prendre des initia- 
lives. hardies, tel M. de Lanessan; d'autres, 
enfin, par le grand crédit politique dont ils jouis- 
Sent au Parlement, tel M. Doumer. Tous ont con- 
tibué, à leur facon, au développement et à la 


mais, il faut bien le dire, trop souvent au détriment 
d'autres possessions momentanément placées en 
des mains plus faibles ou moins habiles. 


Ainsi, notre France extérieure, nôtre France 
coloniale, marche à l'aventure, un peu par la 
vitesse acquise et au hasard des circonstances, 
beaucoup par les impulsions diverses qu'elle reçoit. 
Mais pas une ligne directrice ne gouverne ses 
“destinées. C'est ce qui explique, sans la justifier, 
la défaveur dont souffre actuellement notre Afrique 
francaise, alors que ses rivales, Madagascar et 
l'Indo-Chine, sont relativement si populaires. 

Et, cependant, comparativement à nosautres colo- 
mies, dispersées sur le globe et, quelquefois, comme 
“perdues au delà des océans, isolées de la Métropole 
télégraphiquement et militairement, que d'avan- 
tages ne nous offre-t-elle pas? 

Elle forme un tout, un ensemble complet, 
depuis les dernières conventions avec l'Alle- 
magne et l'Angleterre. Et lorsque le Maroc, — 
qui, tôtou tard, par la force des choses, tombera 
entre nos mains Comme un fruit mûr, — viendra 
s'ajouter à la Tunisie et à l'Algérie, ce sera, avec 
nos autres colonies africaines, presque le tiers 
d'un continent que la Destinée aura placé sous 
notre domination. 

> M'avancé-je trop en considérant la question du 
Maroc si facilement résolue à notre avantage? Je 
ne le crois pas, si nous savons nous maintenir à 
notre rang de grande Puissance et si nous savons 
profiler des fautes ou des faiblesses de nos rivaux 
d'outre-Manche. Certes, au lendemain de .Ladys- 
mith, au moment des événements d'Insallah, 
l'occasion s'offrait belle pour nous et, peut-être, 
“avons-nous eu tort de la laisser passer. D'autant 
“plus qu'avec quelques concessions habilement 
faites aux Allemands en Chine, nous aurions faci- 
lement obtenu leur acquiescement. Mais il ne 
“faut désespérer de rien el une occasion nouvelle 
peut se présenter demain. Appliquons-nous, en 
attendant, par une sage politique musulmane en 


Algérie el en Tunisie, à nous concilier les esprits 
des gens du Maroc. Déjà, la classe bourgeoise de 
ce pays est lasse de l’anarchie qui y règne. 
L'exemple de la Tunisie, heureuse et prospère, 
peut les décider à nous accepter presque comme 
des libérateurs. 

Au sud du Maroc, s'étend le pays des Maures, où 
la pénétration européenne a élé presque nulle 
jusqu'à nos jours. On se souvient des difficultés 
rencontrées récemment par la Mission du Malin, 
confiée à la direction de M. Blanchet. Mais, quoique 
ces pays paraissent n’offrir.que bien peu de res- 
sources, il serait néanmoins utile de les étudier 
plus complètement, surtout au point de vue géolo- 
gique, et de ne pas laisser inachevée lœuvre 


commencée par Blanchet. 

Puis, viennent nos possessions du Sénégal, 
Fouta-Djallon, Guinée francaise, Côte d'Ivoire et 
Pahomey, le Soudan et, enfin le Congo, qui sy 
rattache par le Chari et le lac Tchad. 

Toutes ces possessions constituent un immense 
domaine, presque d'un seu] lenant, comportant 
bien quelques enclaves, colonies portugaises, an- 
glaises et allemandes, mais formant néanmoins un 
véritable empire dont la possession n'est certes 
pas à dédaigner. 

Dans un précédent article’, j'ai brièvement exposé 
la situation favorisée quinousélait faite en Extrème- 
Orient par la possession de l’Indo-Chine française. 
Mais, combien celte colonie n'est-elle pas éloignée 
de la mère patrie; combien, en cas de conflit euro- 
péen, ne s'en trouverait-elle pas isolée ! 

Et, qu'on n'oublie pas que la perle des grands 
empires à toujours eu pour cause leur dispersion 
etleur manque d'homogénéité. D'autre part, jamais 
le Francais ne s'acclimatera véritablement dans 
celle presqu'ile indo-chinoise, jamais il n'y fera 
souche. D'ailleurs, la place est prise : le pays est 
très peuplé, les Jaunes sont là chez eux, dans leur 
élément, très différents de nous, il est vrai, mais 
non pas nos inférieurs au sens propre du mot. Ils 
se façconneront très vile à notre contact, et je vois 
en eux des concurrents redoutables pour nous : 
dans l'avenir. 

En Afrique, au contraire, je vois des Noirs en- 
core attardés au dernier échelon de la hiérarchie 
humaine, d'une domination facile et qui, de long- 


‘temps, ne songeront à réclamer impérieusement 


leur émancipation. Je vois, non point des civilisa- 
tions différentes de la nôtre comme en Extrème- 
Orient, mais pas de civilisation du tout; je vois la 
possibilité de communiquer rapidement avec la 
France; je vois un premier essaimage des Francais 
; ROSE LE SES CURRENT TON PRE Pa 

1 Genvais-CounreLcemont : La Rénovation de l'Asie. A 
l'occasion d'un livre récent, dans la Æevue générale des 
Sciences du 15 décembre 1900, t. XI, n° 23, p. 1272 et suiv. 


810 


en Algérie et en Tunisie, précédant un deuxième 
essaimage vers les régions tropicales et équalo- 
riales. Je vois, enfin, une grande diversilé de celi- 
mats dans cet immense domaine qui s'échelonne, 
en suivant les mêmes méridiens, sur plus de 50 de- 
grés de latitude, du nord au sud, cordition excel- 
lente pour les échanges et le trafic d'un pays à 
l’autre. 

Nous avons peut-être trop de colonies, cela peut 
se disculer, mais ne nous restàt-il un jour que 
celle-là, que cette Afrique française, dont nous 
méconnaissons trop l'importance, nous ne serions 
pas encore à plaindre. 

Est-ce à dire que nous devrions abandonner ou 
même simplement négliger nos autres possessions 
pour favoriser celles d'Afrique? Non point, mais 
je pense qu'il conviendrait de les considérer 
comme très précieuses... pour l'avenir. 

Je pense, d'ailleurs, que nous négligeons beau- 
coup trop toutes nos colonies en général. Telle 
cette Nouvelle-Calédonie dont d'autres, plus entre- 
prenants ou plus avisés que nous, auraient certai- 
nement tiré un meilleur parli. Nous y possédons 
les plus importants gisements de nickel du monde 
et, au lieu de donner l'exemple de l'emploi de ce 
mélal pour la monnaie divisionnaire, nous serons 
les derniers de l'Europe à l'adopter. Singulière 
aberration ! 

Nous négligeons beaucoup trop également la 
Tunisie, où la colonisalion marche à tout petits pas, 
et nos colonies du Pacifique, Tahiti et ses sœurs, 
au point de les abandonner presque. On pourrait 
croire que nous avons totalement oublié nos vieilles 
colonies, la Réunion et les Antilles, et nous ne 
faisons rien pour la Guyane. 

L'Indo-Chine et Madagascar jouissent seules 
d’une certaine popularité, grâce à l’activité de leurs 
gouverneurs, et nous nous en OCCUpons un peu... 
mais si peu, en dehors, j'entends, des grands tra- 
vaux publics, fruits de l'initiative gouvernementale. 

Mais, hélas, à côté de cela, nous prêtons sans 
compter nos milliards à nos voisins. Voici les 
chiffres que je prends dans le beau livre du P. Pio- 
let, La France hors de France, dans lequel il plaide 
la même cause avec une chaleur et une autorité 
très remarquables. 

Nous avons prêlé : 


A la Russie . : 7 milliards. 

ANA DUTUIE. en. UE 3 — 

A l’Autriche-Hongrie. 2 milliards 500 millions. 

A l'Espagne et Cuba . 3 — 600 -- 

A l'Italie. Il — 600 — 

A l'Angleterre . LISE | _ 

A diverses Mines d'or,ete. 2 — 600 _— 
Total. . . . . . 21 nulliards 300 millions. 


Nous venons de souscrire pour une large part à 
l'emprunt allemand, et la Russie prépare un nouvel 


GERVAIS-COURTELLEMONT — LA FRANCE EN AFRIQUE 


emprunt auquel nous ne manquerons pas d'appor- 
ter encore notre écot. 

Et dire que nous nous montrons si parcimonieux 
quand il s’agit de mettre en valeur notre propre 
domaine, notre domaine colonial, que la dixième 
partie de ces sommes que nous avons placées à 
l'élranger suffirait à mettre en valeur rapidement 
et fructueusement. 

L'exemple des Anglais aux Indes devrait nous 
servir de lecon de choses, cependant : Ils n'ont 
-pas craint d'y dépenser à milliards en travaux pu- 
blics, chemins de fer, routes et hydraulique agri- 
cole; mais, outre qu'ils en retirent un inlérêl 
annuel de 500 millions, ils bénéficient de l'immense 
trafic que ces travaux ont développé et qui fait 
vivre une flotte de dix mille vapeurs portant leur 
pavillon !. 

li faut sortir de notre léthargie. Il faut nous dé- 
cider à nous occuper activement de nos colonies ou 
les abandonner. 


IT 


En Afrique, particulièrement, il faudrait éludier 
avec le plus grand soin le rôle que nous devons 
jouer, nous documenter sur la valeur de chaque 
province, sur leurs richesses révélées ou laten‘es. 

Il fut un temps où l'opinion publique, en France, 
n'étant pas encore sollicitée par l'Indo-Chine et par 
Madagascar, portait toute son altention sur l’Afri- 
que. L'idée d'un chemin de fer transsaharien, qui 
devait nous ouvrir les portes du Soudan, élait 
alors très répandue. Lors du départ de la Mission 
Flatiers, l'Algérie tout entière, par la voie de 
ses Conseils généraux, de sa dépulation et de 
ses assemblées locales, la presse métropolitaine, 
tout le monde, enfin, parlait du transsaharien, 
avec plus ou moins de faveur; mais la question 
intéressait. 

Aujourd'hui que le Soudan est à nous, que Tom- 
bouctou et le Tchad sont définilivement entre nos 
mains, que nous avons accès au Congo par le Ghari, 
que toutes nos possessions africaines sont recon- 
nues, délimitées, nous paraissons nous désinté- 
resser de cette mème queslion. 

Il est nécessaire de réagir et, après avoir, incon- 
sidérément peut-être, parlé de cette entreprise 
comme d'une chose nécessaire et même indispen- 
sable, il conviendrait de ne pas subitement l’aban- 
donner, uniquement parce que nous pensons à 
autre chose. 

Après la conquête de la Tunisie, qui contribuait 
à nous rendre maîtres d'une importante partie de 
l'Afrique septentrionale, l'utilité de la relier à nos 
possessions de l'Afrique centrale et de la Côte ocei- 


1 Discours de lord Dufferin à Calcutta. 


à GERVAIS-COURTELLEMONT — LA FRANCE EN AFRIQUE 


-dentale parut tout à fait évidente. A partir de 1889, 
“Cette idée a été poursuivie avec le plus grard 
esprit de suite, une ténacité el une opiniàtrelé à 
mjoute épreuve, par quelques grands esprits et 
“quelques grands cœurs que rien ne rebuta et qui, 
en s'intéressant si passionnément au développe- 
ment de notre influence en Afrique, lémoignèrent 
l'une grande clairvoyance de nos intérêts les plus 
ssentiels. 
Depuis longtemps la question avait été l’objet 


ravaux publics de M. de Freycinet avail retenu le 
projet très remarquable de l'ingénieur Duponchel; 

a Mission Choisy, puis les Missions Flatters, 

en travaillé dans le même but. On peut dire 
üe, depuis 1889, et tout particulièrement sur l’ini- 
tiative du Comité de l'Afrique francaise, les efforts 
les plus persévérants n'ont cessé d'être tentés. 
La figure qui se détache avec le plus de relief 
dans la pléiade des explorateurs qui se vouèrent à 
cette œuvre de pénétration dans le continent noir 
st, sans contredit, celle de Foureau, et son nom 
est entré dans l’histoire, car, à lui revient le 
double mérite du long effort et du succès. Mais 
combien d’autres épopées à 
martyrologe ! 

En 1889, l'explorateur Crampel, qui s’'élait déjà 
distingué au Congo sous les ordres de M. de Brazza, 
forma le projet de se rendre du Congo en Algérie 

“par le lac Tchad, c'est-à-dire de traverser dans 
1 son étendue, du sud au nord, notre domaine 
africain. Parti du Congo en mars 1890, il était tué 
dans des circonstances mystérieuses vers la fin 
d'avril, sans avoir atteint seulement le lac Tchad, 
tant étaient grandes les difficultés à vaincre. 

Le 5 août de la mêmé année, une convention 
signée entre la France et l'Angleterre étendail vers 
le sud, à travers le Sahara, l’arrière-pays de nos 
possessions méditerranéennes jusqu à une frontière 
placée entre Say, sur le Niger, et Barroua, sur le 
lac Tchad, de l'ouest à l'est. L'accès du lac nous 
était donc assuré diplomatiquement, mais avec 
quels territoires et dans quelles limites, voilà ce 
qu'il s'agissait d'établir par des reconnaissances et 
des prises de possession effectives. A celte lâche, se 
ouèrent d'abord les Missions Mizon et Monteil. 

- La première atteignit l'Adamaoua par le Niger et 
le Benoué, mais revint par la Sangha et le Congo, 
ans s'être approchée du lac Tchad. 

Plus heureux, Monteil, après avoir traversé la 
boucle du Niger, puis franchi le fleuve à Say, le 
25 août 1891, parvint à Kouta, presque sur les 
bords du lac Tchad, le 9 avril 1892. Il en repartit 
Je 25 août pour remonter vers le nord en suivant 
les rives du lac ei rentra en France par le Sahara 
et la Tripolitaine, merveilleux tour de force qui n'a 


REVUE GÉNÉRALE DES SCIENCES, 1901, 


études très sérieuses. La Commission des grands ‘ 


signaler, et quel long 


871 


Jamais été égalé, car il traversa de bout en bout ce 

Sahara tantredouté, dans un très modeste équipage 
et sans autre compagnon européen que l'héroïque 
Badaire. 

Mais les contrées entre le Niger et le Tchad res- 
taient à explorer plus en détail. À celle œuvre, 
s'attachèrent les Missions Dybowsky (1890-1891) et 
Maistre (1892-1893). Les résultats géographiques 
en furent très intéressants; mais il fallait obtenir, 
en outre, des résultats politiques. D'aulant plus 
que l'Allemagne, désireuse d'assurer, elle aussi, 
l'accès du lac Tchad à sa colonie du Cameroun, 
envoyait dans la région des agents lrès actifs. Les 
efforts simultanés de ces agents et des nôtres ren- 
daient la situation si confuse qu'un accord fut jugé 
nécessaire. Une délimitation fut faite, qui précisa 
la frontière demeurée provisoire depuis le 2% dé- 
cembre 1885 (Convention du 15 mars 1894). 

. La frontière tracée par cet accord se prolongeail 
jusqu'au sud du Tchad, où elle était formée alors 
par le cours même du Chari, jusqu’au 10° degré de 
latitude. 

Pour la politique francaise dans le Centre afri- 
cain, cette convention avait deux sortes de consé- 
quences : tout d'abord, en prolongeant jusqu'au 
Tchad l’arrière-pays du Cameroun, elle nous obli- 
geait à renoncer à l'espérance que nous avions 
conçue de réunir un jour, par les territoires silués 
à l’est du lac, nos possessions de l'Afrique du nord 
et notre colonie du Congo; elle nous par 
contre, toute liberté d'action au sud du Tchad, dans 
les territoires situés à l’est du Chari et sur le Chari 
lui-même. 

Malheureusement, elle nous écartait d'une facon 
définitive du Bornou, qui devenait ainsi l'apanage 
de l'Angleterre et de l'Allemagne. Il faut évidem- 
ment le regretter, car ce royaume jouit d'une excel- 
lente réputalion. Les Arabes se plaisent à le repré- 
senter comme la meilleure contrée des environs du 
Tchad, les gens du Bornou sont très connus du 
monde musulman et notamment à la Mecque, où 
leurs « Metouafs » (représentants) sont très estimés. 
Dès le onzième siècle de notre le Bornou 
comptait des lettrés et des philosophes célèbres. La 
population de ce royaume ne serait pas, parait-il, 
d'origine nègre, mais arabe. 

La voie fluviale du Chari était donc, désormais, 
notre voie d'accès du Congo au lac Tchad, et M. Gen- 
til, administrateur colonial, ancien officier de ma- 
rine, offrit, aussitôt après la signature de la conven- 
tion franco-allemande, d'essayer de l'utiliser tout 
en travaillant à développer notre influence dans la 


assurait, 


ère, 


région. 

En 1895, le Gouvernement lui confia donc, sur sa 
demande, la mission de transporter un, bateau 
démontable du bassin du Congo au lac Tchad. Le 


19° 


818 


GERVAIS-COURTELLEMONT — LA FRANCE EN AFRIQUE 


montage el le lancement du Léon-Blot furent effec- 
tués par ses soins à Brazzaville, et il lui fit remon- 
ter le Congo, l'Oubanghi et la Tomi jusqu'à Kré- 
bedjé sur un parcours de 1.200 kilomètres. Démonté, 
puis transporté par voie dé terre, à travers la forêt 
et la brousse, pendant 300 kilomètres, le Zéon-PBlot 
fut remonté et de nouveau lancé sur la Nana. Il 
redescendit alors ce cours d’eau, affluent du Gri- 
bingui, puis le Gribingui lui-même, et enfin le 
Chari jusqu'au lac Tchad, où il parvenait le 1* no- 
vembre 1897. 

En dehors de cet admirable résultat, M. Gentil 
avait en outre accompliune œuvre politique considé- 
rable. Il avait, au nom de la France, conclu un traité 
de protectorat avec le sultan de Baguirmi el installé 
un Résident dans la nouvelle capitale de cet État : 
Massénya. Il avait recueilli de nombreux rensei- 
gnements sur la situation du bassin du Chari etsur 
les forces de Rabah, ancien esclave devenu poten- 
lat, qui s'était taillé un vérilable empire sur les 
bords du Tchad. 

lei se place chronologiquement la malheureuse 
épopée de Marchand, dont je ne parlerai que pour 
mémoire, puisque celte œuvre de longue haleine, 
entreprise un peu aventurément el sans but très 
défini, menée sagement! mais très lentement par un 
chef habile, eut à subir les pires vicissitudes du 
fait de l’extrème et déplorable versatilité de notre 
politique et de l'instabilité gouvernementale, si 
funeste à notre pays. La direction de cette cam- 
pagne passa de mains en mains et reçut des impul- 
sions très diverses. Elle n'eut pour résultat, malgré 
son éclatant succès matériel, que le douloureux et 
retentissant échec de Fachoda. Notre pavillon s'était 
glorieusement promené, nous comptions un héros 
nalional et populaire de plus, mais notre prestige 
en sortait singulièrement amoindri. 

Les conventions franco-anglaises qui suivirent 
(14 juin 1898 et 21 mars 1899) tracèrent les limites 
de nos possessions du Centre africain, vis-à-vis de 
l'Angleterre tout au moins. 

Depuis Barroua, les rives du Tchad, au nord, 
nord-est, est et sud-est, élaient reconnues fran- 
vaises. Le Cameroun allemand commence à l'em- 
bouchure (rive droile) du Chari; puis vient la pos- 
session anglaise du Niger jusqu'à Barroua. 

Pour se prémunir contre toute éventualité du côté 
de l'Allemagne et aussi de l'Empire ottoman qui, à 
la rigueur, pouvait demander la continuation de 
l’arrière-pays de la Tripolitaine jusqu'au Tehad, il 
importait de rendre plus effectives notre prise de 
possession et notre occupation des bassins du Chari 
et du lac Tehad. Ce fut l'œuvre à jamais mémorable 
de Gentil. 

En février 1899, le Gouvernement prépara l'ac- 
tion combinée de trois Missions : l’une partant du 


| Niger (Voulet-Chanoine); la deuxième, partie de 


l'Algérie (Foureau-Lamy); la troisième (Missions 
Gentil), avec laquelle les deux premières devaient 
opérer leur jonction en convergeant vers le lac 
Tchad. 

De douloureux et sanglants épisodes m'em- 
pêchent de m'étendre sur la marche de la première 
de ces Missions. Je me bornerai à dire que ses 
survivants purent rejoindre la Mission Foureau- 
Lamy et grossir le nombre des braves qui eurent 


‘raison de Rabah. 


Quant à la Mission saharienne (Foureau-Lamy), 4 
je dois lui consacrer une mention tout à fait spé- 
ciale. Son chef, M. Foureau, poursuivait depuis 
vingt ans sa marche en avant, à la conquête du 
Sahara. Propriétaire des domaines de l'Oued-Rihr, 
au sud de Biskra, il avait converti en ferliles oasis 
des solitudes mortes et, grâce à la sonde arté- 
sienne, les palmeraies de daltiers avaient remplacé 
le désert stérile. C’est de son oasis qu'il partait tous 
les ans, patiemment, obstinément, s’avançant : 
chaque année un peu plus au sud. Faiblementw 
soutenu, il ne disposait jamais que de moyens 
insuffisants; mais son expérience saharienne n'en 
grandissait pas moins, et quand, en 1898, un 
concours de circonstances favorables lui donna les 
moyens de s'organiser comme il convenait, il était 
tout à fail préparé et en forme, Tout d’abord, un 
legs généreux assez imporlant (140.000 francs), au 
lieu des infimes crédits qu'il réunissait d'habitude, 
échut à son entreprise. Le ministère de la Guerre y 
ajouta une escorte, des vivres, des munitions et un 
concours très utile pour le recrutement des cha- 
meaux. Tout fut préparé dans le plus grand secret 
et, le 23 octobre 1898, la Mission partait de Ouargla. 

Après deux ans d'efforts, de lultes et de souf- | 
frances, le Sahara élait vaincu. Foureau rentrait en 
France, ayant traversé l'Afrique centrale de l’Algé= 
rie au Congo, non plus en héros isolé comme les: 
René Caillé, les Duveyrier ou les Monteil, mais avec 
une troupe admirablement outillée, pourvue d’um 
matériel scientifique complet et qui rapportait des 
observations précises et nombreuses. 

Gloire donc à Foureau et à ses vaillants compa- 
gnons, sans excepter son malheureux camarade, le 
commandant Lamy, chef de son escorte militaire,. 
qui, lui, n’est pas revenu, tombé au champ d'hon- 
neur, au combat de Kossouri, le 22 avril 1900, sous 
les balles des partisans de Rabah. 

La contribution de la Mission saharienne à 
l'étude géologique des régions traversées est pré= 
cieuse. Malheureusement, elle n’est pas très favo= 
rable et, à ce propos, il faut savoir gré à M. Foureau 
de sa franchise et de son désintéressement. 

Après vingt années de labeur consacrées au 
succès d'une idée, il n'hésite pas à nous dire la 


GERVAIS-COURTELLEMONT — LA FRANCE EN AFRIQUE 


879 


Vérité toute crue, sans céder à la crainte d’amoin- 
“rir son œuvre en en diminuant volontairement les 
_ résultats pratiques. C'est un rare exemple de cou- 
rage stoïque et c'est le fait d'un homme qui veut 

oir autre chose que son intérêt personnel. 

Il nous dit : le problème n'est pas résolu, nous 
—ommes insuffisamment documentés, soyons pru- 
dents. Certes, il ne doute pas quil y ait un intérêt 
olilique à réunir par une voie ferrée nos posses- 
sions de l'Afrique centrale à l'Algérie, si proche de 
a France et si forte. Il est d'avis qu'à moins d'im- 
ossibilité absolue, rigoureusement démontrée, il 
e faut pas renoncer totalement à ce projet; mais 
1 conseille de poursuivre nos investigations et nos 
ludes préliminaires, afin d'essayer de marcher à 
oup sûr. Combien je préfère ces sages avis à 
lardeur de ceux qui, comme M. Paul Leroy-Beau- 
ieu, dans son article de la Æevue des Deux 
ondes du 1° Juillet 1899, jettent feu el flammes 
et voudraient nous voir nous lancer lèle baissée 
dans celle entreprise. 

Certes, je reconnais volontiers avec lui que le 
grand instrument de défense, comme le grand 
instrument de civilisation et de commerce, est la 
voie ferrée. J'ajouterai même que nos possessions 
du Soudan central sont peut-être très favorables au 
développement des cullures riches, car, en matière 
“d'agriculture tropicale, quelle que soit la qualité 
“de la terre, du moment où l’on dispose d'une 
“main-d'œuvre abondante et à bon marché, on peut 
obtenir d'excellents résultats par les amendements, 
“les procédés de culture scientifiques, elc. Nous en 
avons d'admirables exemples à Java, en Birmanie 
et aux Indes. 

Mais, néanmoins, toutes ces questions demandent 
être étudiées très attentivement avant de rien 
entreprendre. Il faudrait done, à mon avis, orga- 
niser de nouvelles Missions d’études. En première 
ligne, une Mission géologique, qui nous dirait si, 
bui ou non, nous pouvons compter sur des richesses 
inières quelconques, nous renseignerait sur 
l'importance des gisements de nitrate, etc. 

D'autres recueilleraient des renseignements pré- 
cis el certains sur les questions agricoles et com- 


également lieu de se préoccuper de là question 
“d'exploitation. Ne conviendrait-il pas de recher- 


chauffage au pétrole ou à l'alcool, toutes choses 
de nature à modifier considérablement les données 
économiques du problème ? 

Mais le point essentiel, la donnée capitale est. 
avant tout, de savoir si l'on peut espérer quelque 


adjuvant de trafic, sur le parcours saharien, de 


richesses minières encore inconnues. Là est cer- 
tainement le nœud de la question, et, celte éven- 
tualité écartée, on prendrait définitivement un 
parti et l’on déciderait s'il faut continuer quand 
même et se lancer dans cette entreprise considé- 
rable, si importante pour le développement de 
notre action en Afrique et, par contre-coup, dans 
le monde entier. 

En effet, notre puissance militaire s’en trouverait 
si considérablement accrue, tant par les contingents 
noirs que nous pourrions y recruter que par la 
solidité de l’organisation que cela nous donnerait, 
que l'on ne peut, sans y bien réfléchir au préalable, 
abandonner radicalement cette idée pour la classer 
au rang des utopies irréalisables. 


III 


Pendant que les trois Missions du Centre africain 
opéraient si brillamment et avec tant de succès, 
une aclion fort intéressante portait également notre 
domination dans l'Extrème Sud Oranais, jusqu'à 
Insalah. 

Depuis plus de douze années, bien que ne dis- 
posant que de ressources presque dérisoires, un 
géologue de l’École supérieure des Sciences d'Alger, 
M. Flamand, poursuivait modestement ses études 
de géologie saharienne dans le Sud oranais. Sa 
persévérance avait fini par triompher de l’indiffé- 
rence ordinaire et il avait réussi à intéresser à 
son œuvre M. Jules Cambon, alors gouverneur 
général de l'Algérie. 

Flamand s'appuyait, dans ses pérégrinations, sur 
les grands chefs indigènes du Sud et, grâce à eux, 
il était sur le point de pénétrer pacifiquement à 
Insalah, lorsque M. Cambon quitta l'Algérie. Son 
successeur, M. Lépine, commit quelques impru- 
dences dans sa politique à l'égard de ces grands 
chefs et toute pénétration au Touat fut momenta- 
nément impossible. 

Ce n'est que sous l'administration de M. Lafer- 


| rière, qui lui succéda, que M. Flamand putreprendre 


sa marche, pourvu, celle fois, d'uneescorte militaire, 
très suffisante pour le protéger contre une surprise 
des bandes pillardes, mais tout à fait insuffisante 
pour une action militaire quelconque. Les instruc- 
tions qu'il emportait élaient, d’ailleurs, absolument 
précises el sa Mission devait être toute pacifique. 

Le hasard en décida autrement et une attaque 


des gens d'Insalah, fort heureusement et presque 


830 


miraculeusement repoussée par nos troupes, amena 
la conquête de l’oasis, conquête que des renforts 
arrivés ensuite ont affirmée et considérablement 
étendue. C'est là une nouvelle étape franchie, un 
nouveau bras tendu vers le Centre africain, une 
nouvelle base d’opéralions. 

D'autre part, la réunion, sur les bords du lac 
Tehad, des trois Missions de l'Afrique centrale 
nous à permis d'en finir, une fois pour toutes, avec 
Rabah. Ses troupes, déjà vaincues une première 
fois par Gentil et le capitaine Robillot au combat 
de Kouno, le 29 octobre 1899, furent définitivement 
écrasées, et Rabah lui-même décapité au combat 
de Kossouri. 

Il importait donc, en présence de tous ces événe- 
ments, de parachever notre victoire de Kossouri et 
de débarrasser à jamais les rives du Tchad et du 
Chari de ces pirates qui, depuis plusieurs années, 
ravageaient le pays, portant partout la dévastalion 
et la mort. 

Il semble que Gentil, victorieux, mais presque 
sans hommes et sans ressources, eût dû être rapi- 
dement secouru, comme il le demandait. C’est un 
peu le contraire qui fut fait, telle est l'indifférence 
qui règne au sujet des choses d'Afrique. Dans une 
lettre datée de Gribinghi, le 21 novembre 1899, 
Gentil, en rendant compte du combat de Kouno, 
demandait des renforts et terminait en ces ter- 
mes : 

« Quand les moyens manquent, on peut toujours 
mourir. C'est ce qu'ont fait Crampel, Bretonnet et 
bien d'autres. Ils ont puisé leurs forces dans l'idée 
du devoir qui les a poussés jusqu'au bout. C'est 
par devoir que je parle comme je fais. Si nous nous 
devons au Pays, corps et âme, lui, se doit à nous. 
Les moyens dont nous disposons actuellement sont 
insuffisants. C’est à vous et au Parlement de décider 
si on nous les fournira. Quant à nous, il ne nous 
reste qu'à attendre ». 

Cette lettre est parvenue au ministre des Colonies 


GERVAIS-COURTELLEMONT — LA FRANCE EN AFRIQUE 


le 23 avril 1900 et les renforts demandés si instam-m 
ment ne sont partis qu'au mois d'octobre! 

Il est vrai que le Ministère, en plein feu d'inau- 
guration de l'Exposition, redoutant le moindre 
choc avec le Parlement, n'osa pas lui demander 
des crédits pour le Chari. Il altendit les vacances 
pour les demander, à titre extraordinaire , au 
Conseil d'État, qui les lui accorda.. en octobre; 
le décret les mettant à la disposition du Ministre 
fut signé le 6 octobre, et la régularisation de 
l'opération, demandée au Parlement, fut accordée 
à la rentrée. 

Tout a bien fini, fort heureusement. Après cinq 
années d'efforts persévérants, M. Gentil à pu 
achever la conquête du Chari, et l’on ne peut que 4 
rendre hommage à son énergie et à sa ténacité 
admirables, qui n’ont d'égales que son désintéres-M 
sement et sa modestie. 

Ilestaujourd'huideretouren Franceet ses explica=" 
tions verbales trouveront peut-être plus d'écho ques 
ses lettres. Espérons qu'il arrivera à secouerl'inertie 
gouvernementale et qu'une ère nouvelle s'ouvrira 
pour l'Afrique francaise ; que des Missions d’études 
vont être envoyées pour nous permettre de déter-, 
miner sciemment le rôle à jouer par la France 
dans ces contrées, que je veux espérer assez riches 
pour justifier l'effort immense que nous avons 
fourni depuis quelques années. 

Les hommes de cœur et de bonne volonté ne 
manquent pas pour cela. Il suffira de vouloir les 
employer.S'ils’agitde géologie saharienne,n'avons- 
nous pas Flamand, géologue et saharien, qui ne 
demande qu'à continuer son œuvre momentanément" 
interrompue par les coups de fusils, à Insalah? S'il 
s'agit d'étudier les ressources agricoles ou com- 
merciales, les hommes compétents désireux de se 
distinguer ne manquent pas non plus. Qu'on se 
mette donc énergiquement et courageusement à 
l’œuvre. 


Gervais-Courtellemont. 


D' HENRI HARTMANN — REVUE ANNUELLE DE CHIRURGIE 


881 


REVUE ANNUELLE DE CHIRURGIE 


4 ÎI. — QUESTIONS GÉNÉRALES. 


$ 1. — Sérothérapie du cancer. 


— Depuis les recherches de Richet et Héricourt, qui 
“considéraient 


comme sérum anticancéreux le 
“sérum d'animaux auxquels ils avaient injecté le 
produit du broiement d'une tumeur fraichement 
“enlevée, le silence s'était fait sur la sérothérapie 
du cancer. Ce sérum exerçcait certainement une 
action favorable, mais n'amenait jamais la guéri- 
son; son action était banale et comparable, comme 
le montrèrent les expériences d'Arloing et Cour- 
-mont, à celle des injections de sérum d'animaux 
non inoculés, qui donnaientdes résullats identiques. 
On ne pouvait parler de sérothérapie du cancer. 

La question vient d'être reprise cetle année par 


- de Wlaëff, qui, pensant que les tumeurs malignes 
- sont le résultat de l’action de blastomycètes, se 


sert d'un sérum obtenu par des inoculations à des 


+ oiseaux, pigeons, poules, oies, animaux réfractaires 


aux blastomycètes. 

A en croire les premières communications faites, 
on aurait possédé un sérum anlicancéreux. En 
réalité, il ne s'agissait encore que d'améliorations 
temporaires comparables à celles qu'on obtient par 
l'injection hypodermique où intra-musculaire de 
bromhydrate ou de chlorhydrate de quinine, mé- 
thode conseillée par Jaboulay, puis par Launois, et 


- dont nous avons pu constater les bons effets dans 


certains cas. 


$ 2. — Le cytodiagnostic en Chirurgie. 


Le cytodiagnoslic est un moyen de diagnostic 
qui consiste à reconnaitre la qualilé des éléments 


cellulaires contenus dans un liquide et à en tirer 


des conclusions au point de vue de la nature de 


- la maladie. Il repose sur cette notion que les sé- 
+ reuses réagissent différemment suivant la nature 


de l'agent irritant. 
Etudié surtou au point de vue de la différencia- 


tion des pleurésies par Widal et Ravaut, le cyto- 


diagnostic peut être utile dans certains cas chi- 


. rurgicaux. 


Dans l’hémothorax, existence de leucocytes po- 
lynucléaires après le vingt-quatrième jour ou leur 
présence en nombre plus considérable que le total 
des lymphocytes et des mononucléaires, seraient 


L'indice d'une infection de l'épanchement (Tuffier 
et Milan). 


Les Aydarthroses tuberculeuses sont à lympho- 
cyles {Achard et Loeper). 
Les Avydrocèles diffèrent suivant leur nature : 


dans l’hydrocèle symptomatique d'une vaginalite 
blennorragique, on trouve des polynucléaires ; dans 
l’hydrocèle tuberculeuse, des lymphocytes; dans 
l'hydrocèle dite idiopathique, de rares éléments 
cellulaires se présentant avec l'aspect de grandes 
cellules endothéliales, isolées ou en placards. 

Ces quelques faits suffisent, croyons-nous, à 
montrer qu'il y a là un champ de recherches qui 
permettront peut-être, dans l'avenir, d’utiliser,avec 
grands avantages, en Chirurgie, le cylodiagnostie. 
$ 3. — L'hémodiagnostic en Chirurgie. 


Une série de travaux publiés cette année en 
Amérique par Th. Dunham, H. Stuart, Maclean, 
H. Cushing, Da Costa et Kalleyer, Cabot, Blake et 
Hubbard, rapprochés de l'étude d’une série de cas 
examinés dans notre service par J. Silhol, mon- 
trent ce qu'on peut lirer de l'hémodiagnostic. 

Trois recherches doivent être faites sur la goutte 
de sang que l'on veut examiner. Il faut : 1° Mesu- 
rer la quantité d'hémoglobine ; 2° Faire une numé- 
ralion des globules rouges et blancs; 3° Faire des 
préparations sèches pour distinguer les variétés de 
leucocytes et aussi les changements de forme des 
hématies. 

Ces constatations nous ont permis, à Silhol et à 
moi, de faire, dans des cas difficiles, le diagnostic 
dillérentiel du cancer et de l'ulcère de l'estomac. 
Nous croyons qu'on est autorisé à dire qu'un ma- 
lade atteint d'affection gastrique à un néoplasme 
quand il présente le type suivant : 

Diminution considérable de l'hémoglobine, ré- 
duite à moins de la moitié; 

Diminution notable du nombre des hématies. Leu- 
cocytose marquée, au moins 15 à 20.000. Si les 
mononucléaires sont dans une proportion élevée, 
c'est une raison de plus, car celle proportion indi- 
querait la participation ganglionnaire ; À 

Globules rouges inégaux, présentant une pro- 
portion élevée des formes extrêmes, petiles et 
grosses, déformés, si bien que, dans un champ mi- 
eroscopique, ils sont extrêmement dissemblables. 

Dans les suppuralions, l'examen du sang nous a, 
de même, paru donner des résultats constants. 
Sauf les suppurations tuberculeuses, elles s'accom- 
pagnent toutes de leucocytose polynucléaire. 


II. — ANESTHÉSIE. 

S {. — Injections sous-arachnoïdiennes. 
Les nombreux travaux, parus au cours, de l'an- 
née qui vient de s'écouler, sur la rachicocainisation, 


882 


nous obligent à revenir sur cetle question que 
nous avons déjà abordée dans notre Revue l'an 
dernier. Violemment atlaquée par quelques chi- 
rurgiens, la rachicocaïnisation a été défendue avec 
vigueur par d'autres, qui ont peut-être nui quelque 
peu à la cause qu'ils soutenaient, parce qu'au dé- 
but ils ont cherché trop systématiquement à laisser 
dans l'ombre les inconvénients de cette méthode 
d'anesthésie. 

Aux cas de morts de Dumont, Goïlaw, Henne- 
berg, Jonnesco, Julliard, Keen, Tuffier, relatés par 
Reclus à l'Académie de Médecine, on peut ajouter 
ceux de Bousquet, de Rouff, communiqués au 
cours de la discussion qui eut lieu cette année à la 
Société de Chirurgie, si bien qu'il semble dès au- 
jourd’hui que la mortalité consécutive à ce mode 
d’anesthésie soit au moins aussi grande que celle 
qui suit les inhalalions chloroformiques. Quant 
aux accidents moindres que nous avions, il ya un 
an, signalés d’après nos propres observations et 
que les propagateurs de larachicocaïnisation avaient 
passés sous silence (affaiblissement, pâleur de la 
face, accélération du pouls, élévation de la tempé- 
rature, vertiges, céphalée, vomissements, quelque- 
fois même raideur de la nuque), ils sont aujour- 
d'hui reconnus par tous les chirurgiens; chez 
quelques malades, à ces symptômes se sont même 
ajoutés des tremblements généralisés, une rachial- 
gie intense, une perte des réflexes patellaires, en 
un motdes symptômes de méningite légère. Ces 
faits ont été scientifiquement étudiés par deux 
élèves de Widal, Ravaut et Aubourg, qui, pour 
diminuer l'intensité de la céphalée, ont pratiqué, 
quelques heures après l'opération, une nouvelle 
ponction lombaire, espérant ainsi débarrasser le 
malade d'une certaine quantité de cocaïne libre 
dans le liquide céphalo-rachidien (ce qu'ont dé- 
montré les examens chimiques) et peut-être aussi 
diminuer la tension du liquide, qui pouvait être 
augmentée. 

Leurs recherches ont montré que la tension 
céphalo-rachidienne était considérablement aug- 
mentée dans les cas de céphalée intense, qu'elle 
l'était peu lors de céphalée très légère. De plus, 
l'examen du liquide a établi que l'injection était 
toujours suivie d’un certain degré d'inflammation, 
caractérisée par une très légère réaction polynu- 
cléaire dans les cas sans accidents, par la présence 
d'un véritable culot de pus et même par la forma- 
tion d'un coagulum fibrineux lors de céphalée 
intense. 

Il semble que la cocaïne agisse comme une 
toxine sur l'enveloppe arachnoïdo-pie-mérienne. 
L'innocuilé absolue de ces injections sous-arach- 
noïdiennes de cocaïne reste donc encore à démon- 
trer, el sur ce point nous ne sommes pas plus 


D' HENRI HARTMANN — REVUE ANNUELLE DE CHIRURGIE 


avancés que l'an dernier. Aussi Bier, l'inventeur de 
laméthode, conclut-il, au dernier Congrès allemand 
de Chirurgie, que nous ne possédons pas encore 
une méthode susceptible d'être recommandée aux 
praliciens. 


$ 2. — Injections épidurales. 


A côté de l'injection sous-arachnoïdienne de 
cocaïne, faite dans le but de déterminer une anes- 
thésie suffisante pour permettre la pratique des 
opérations chirurgicales, nous devons parler de la” 
méthode des injections épidurales, pratiquées par” 
la voie sacro-coccygienne. Inulilisables pour l'anal- 
gésie chirurgicale, ces injections épidurales sup=" 
priment la douleur dans certaines affections médi- 
cales : sciatique, lombago, zona, etc. Pour les 
pratiquer, il suffit d'enfoncer une aiguille de 4 à 
4 centimèlres, obliquement en haut et en avant, 
entre les Lubercules sacrés inférieurs, à un travers. 
de doigt de l'origine du pli interfessier. Le liquide 
diffuse dans l’espace épidural jusqu'au niveau de 
la région dorsale et mème de la cervicale, agissant w 
soit directement sur les troncs nerveux, soit en 
provoquant des phénomènes de vaso-constriction. 


III. — CHIRURGIE DE LA SURDITÉ. 


Depuis quelques années, on a beaucoup parlé du 
traitement chirurgical de la surdité. Partant de ce . 
principe que, si l'oreille interne est saine, la surdité 
provient d’un obstacle à la propagation des sons 
siégeant dans l'appareil transmelteur (caisse du 
tympan, osselets, etc.), on a successivement per- 
foré le tÿmpan rigide et épaissi, réséqué le tympan, 
le marteau et l’enclume, sectionné des adhérences 
de la caisse, fait l'évidement pétro-mastoïdien. 

On a obtenu quelques succès; mais, le plus sou- 
vent, le malade est resté aussi sourd après qu'avant 
l'opération, sinon plus, quelquefois même atteint 
secondairement d'une paralysie faciale, due à une 
intervention malencontreuse sur le rocher, ou d'une 
suppuration de la caisse, conséquence de l'infec- 
tion déterminée par l'opération. 

Aussi, au dernier Congrès international d'Otolo- 
gie, les orateurs qui prirent part à la discussion, 
tout en admettant que le traitement chirurgical 
peut avoir de bons résultats lorsqu'il s'agit de mo- 
ditications scléreuses consécutives à une olite 
moyenne suppurée ou lorsqu'on se trouve en pré- 
sence d’un calarrhe à forme hypertrophique, ont-ils 
conclu à son inutilité dans le traitement de l’otite » 
scléreuse primitive. Dans celte dernière cause, la 


plus habituelle, de la surdité, la sclérose est irrémé- M 


diable parce qu'elle porte sur le labyrinthe, c’est- 
à-dire sur l’organe percepteur. L'otologiste qui 
veut, en pareil cas, faire une opération sur l'oreille 


D' HENRI HARTMANN — REVUE ANNUELLE DE CHIRURGIE 


moyenne, agit, comme on l'a dit, sans plus de mé- 

thode que l’oculiste qui enlèverait une cataracte 

chez un tabétique atteint d’atrophie papillaire. Le 
résultat est nécessairement nul dans les deux cas. 
' 


IV. — PONCTION LOMBAIRE ET FRACTURE DU CRANE. 


=. Tuffer et Milian ont appelé l'attention sur un 
“nouvel élément de diagnostic des fractures du 
ne. : la coloration rouge du liquide céphalo-rachi- 
dien, retiré par ponction lombaire. Ils ont rap- 
porté plusieurs cas dans lesquels, les signes eli- 
niques élant insuffisants, la ponction lombaire 
ramena un liquide franchement hémorragique, et 
l’autopsie montra une fracture du crâne. 
Inversement, dans un cas douteux, le liquideétait 
clair et le malade guérit. 
De ces faits, Tuffier et Milian ont tiré les conclu- 
sions suivantes : 1° la présence du sang dans le 
- liquide céphalo-rachidien « suffit pour faire ad- 
- mettre le diagnostic de fracture du crâne »; 2° la 
elarté du liquide écarte tout de suite toute idée de 
fracture. 
Malheureusement, ce signe n'a pas la valeur 
que veulent lui donner ces auteurs : un liquide, 
hémorragique le premier jour, peut cesser de l'être 
lequatrième, comme le montre un fait de Ricard, et, 
de plus, la teinte hémorragique peut exister à la 
suite d’une hémorragie cérébrale en l'absence de 
. toute fracture. 


V. — SYSTÈME VASCULAIRE. 


$ 1. — Traitement des anévrismes du tronc 
brachio-céphalique. 


._ Les cas d’anévrismes du tronc brachio-cépha- 
lique traités chirurgicalement sont encore peu 
nombreux. L'extirpation, la ligature au-dessous du 
sac ne sont guère praticables, et, le plus souvent, 
on à dû se borner à la ligature au-dessus du sac, 
par la méthode de Brasdor. 11 semble, d'après 

. les observations réunies dans un Mémoire récent 
de Grenet et Piquand, que la ligature simultanée 
de la carotide et de la sous-clavière est indiquée à 
moins d'oblitération de la carotide gauche, qui 
doit faire craindre des troubles cérébraux, ou de 
dilatation et d'insuffisance aortiques, qui rendent 
l'opération dangereuse. L'efficacité de cette double 
ligature diminue en raison de l'ancienneté des 
lésions, à cause de la dilatation des collalérales qui 
suppléent l'artère principale. 

Lorsque cette double ligature a échoué, on peut 
essayer les injections sous - culanées de sérum 
gélatiné, que Lancereaux a préconisées dans le 
traitement des anévrismes dits médicaux. Cette 
méthode repose sur cette idée, qu’en ipjectant sous 


883 


la peau du sérum gélatiné (gélatine, 5 grammes; 
solution de NaCI à 7°/,,, 200 centimètres cubes), 
on fait passer dans le sang une substance coa- 
gulante qui favorise le dépôt de caillots dans le 
sac anévrismal. C’est là une hypothèse les faits 
publiés nous semblent actuellement insuffisants 
pour établir l’action coagulante de ces injections, 
et des recherches expérimentales seraient néces- 
saires pour élucider cette question d'une manière 
définitive. 


$ 2. — Traitement des plaies du cœur. 


De toutes les plaies, celles du cœur semblent les 
plus difficiles à traiter à cause des mouvements 
constants auxquels cet organe est soumis, mouve- 
ments dont la cessation est incompatible avec la 
vie. Malgré les difficultés que semble à première 
vue présenter cette suture, les chirurgiens l'ont 
déjà pratiquée un certain nombre de fois, et, dans 
un Mémoire récent, MM. Terrier et Raymond ont 
pu en réunir 11 observations, avec 3 guérisons 
ets morts. 

Pour aborder le cœur, il est nécessaire de faire 
une brèche au thorax, d'y tailler un volet, que l’on 
a fait à base supérieure (Roberts), à base interne 
s'arrêtant au bord gauche du sternum (Roiter) 
ou comprenant une partie du sternum et s'arrélant 
à son bord droit (Marion), à base inférieure gau- 
che (Giordano), etc. Le procédé le plus rapide et 
le plus simple semble celui de Fontan, grand volet 
à charnière verticale et externe, se rabattant en 
dehors, obtenu en seclionnant au bistouri les car- 
tilages des 4°, 5° et 6° côtes, à bords passant en 
haut par le troisième espace, en bas par le sixième, 
à base obtenue par la section à la cisaille des deux 
côtes supérieure et inférieure 4° et 6°, et par la 
fracture de la côle intermédiaire. 

Le cœur mis à nu, on a suturé la plaie à la soie 
ou au catgut. Il semble que, pour placer les fils, la 
diastole soit le moment le plus favorable. 

La suture cardiaque faite, on termine l'opéra- 
tion par la suture du péricarde, et par celle de la, 
plèvre dans le cas où il existe, comme cela est fré- 
quent, une lésion simultanée de cetle dernière 
séreuse, 


VI. — TUBE DIGESTIF. 


$ 1. — Traitement chirurgical des perforations de 
l'intestin au cours de la fièvre typhoïde. 


Le traitement chirurgical des perforations de 
l’inteslin au cours de la fièvre typhoïde, déjà étu- 
dié par Dieulafoy, Lereboullet, Monod et Vanverts, 
Finney, Keen, a fail l'objet, cette année, d'un impor- 
tant travail d'Harvey Cushing et d'une discussion à 
la Société de Chirurgie. En 1898, Keen réunissait 
83 cas avec 19,3 °/, de guérisons; en 1899, il 


584 


D' HENRI HARTMANN — REVUE ANNUELLE DE CHIRURGIE 


publiait 75 nouveaux cas avec 21 guérisons, soit 
28 ‘/,. Cushing publie la série intégrale des cas 
observés dans le service d'Osler au Johns Hopkins 
Hospital et arrive avec 411 cas ayant donné 5 guéri- 
sons, soil 45,4 °/,. La proportion des guérisons va 
donc sans cesse en augmentant.C'est à faire précoce- 
ment le diagnostic qu'on doit maintenant s'attacher. 

Les douleurs abdominales, la rigidité du ventre, 
la cessation de la respiration diaphragmatique, la 
chute de la température, une poussée de leucocy- 
tose temporaire sont autant de signes qui, par leur 
réunion, font soupconner la perforation de l'in- 
testin. 

$ 2. — Exclusion de l'intestin. 

Peu pratiquée en France jusqu'à ces derniers 
temps, l'exclusion de l'intestin a fait, au cours de 
celte année, l’objet de Mémoires importants de 
Terrier et Gosset, de Delore et Patel; nous-même 
avons éludié cetle question dans nos lecons sur 
la chirurgie gastro-intestinale, et la Société de 
Chirurgie en a fait le sujet d’une de ses discussions. 

Quelques auteurs rangent dans l'exclusion l’en- 
téro-anastomose simple; il nous semble que cette 
dénomination doit être réservée aux cas où une 
portion du canal intestinal est réellement exclue 
par suite d'une interruplion chirurgicale de sa 
continuité. Cette exclusion peut êlre unilatérale, 
lorsque l’anse exclue n'est oblitérée qu'à une de 
ses extrémités; elle esb bilatérale, lorsque l'occlu- 
sion porle sur les deux bouts. Dans ce dernier cas, 
l'exclusion bilatérale peut êlre ouverte ou fermée, 
suivant qu'il existe ou non sur elle une fistule, soit 
spontanée, soit créée par le chirurgien. 

L'exelusion bilatérale fermée ou exelusion totale, 
préconisée autrefois par Baracz et Obalinski, sem- 
ble aujourd'hui délaissée. C’est donc à l'exclusion 
bilatérale fistuleuse ou à l'exclusion unilatérale 
qu'il faut avoir recours. Ainsi comprise, l'exclusion 
peut être d’une réelle ulilité, en particulier dans la 
cure des fistules pyostercorales, lorsqu'une opéra- 
tion plus radicale, telle que la résection de l'in- 
testin, semble impossible par suite de l'extension 
des lésions. ; 

D'après les recherches de Delore et Patel, il y 
aurait des différences à établir entre les fistules 
suivant leur siège. Lorsqu'elles se trouvent sur le 
gros intestin, l'exclusion unilatérale suffirait ; au 
contraire, lorsqu'elles occupent l'intestin grêle, il 
faudrait praliquer l'exclusion bilatérale, les ma- 
tières s'accumulant dans le segment inférieur et la 
fistule persistant lorsqu'on s’est borné à pratiquer 
une exclusion unilatérale. 


$ 3. — Appendicite. 


Si l’on en croyait M. Metchnikoff, l'appendicite 
serait, dans un grand nombre de cas, la consé- 


quence de la présence d'ascarides dans l'intestin. 
Ces parasites agiraient de deux manières diffé 
rentes: par influence directe, mécanique ou chi 
mique, sur l’appendice; par l'intermédiaire de mi 
crobes qu'ils introduisent dans la muqueuse. De là, 
la nécessité de pratiquer, dans tous les cas suspects 
d'appendicite, l'examen helminthologique des ma- 
tières fécales pour voir s'il y existe des œufs d’as- 
carides ou de tricocéphales, de manière à inslituer 
mmédiatement le traitement vermifuge s'il y a 
lieu. 

La plus grande fréquence actuelle de l'appendi-, 
cite serait due à ce qu'on donne beaucoup moins 
fréquemment qu'autrefois des vermifuges aux en- 
fants, et à ce que l’on fait une consommation plus 
grande des légumes et des fruits crus, que l'on, 
trouve maintenant en toutes saisons et qui pous- 
sent souvent dans des terrains maraichers que l'on 
arrose (comme dans les environs de Paris) avec . 
des eaux d'épandage. 

Cette théorie demande à être confirmée, d'au- 
tant que, d'après les constatalions d'un médecin 
militaire, Matignon, l’appendicite est exceplion- 
nelle à Pékin, où Chinois et Européens sont cons- 
tamment atteints d'helminthiase. 


NII. — TRAITEMENT CHIRURGICAL DE L'ASCITE. 


Fréquemment on voit des malades atteints de 
cirrhose hépatique succomber à une ascite à répé- 
tition, due à ce que les ramuscules de la veine porte 
sont oblitérés dans le foie par le processus scelé- 
reux qui les enserre. Il était donc permis d'es- 
pérer qu'en dérivant le sang de la veine porte, on 
arriverait à guérir sinon la cirrhose, lout au moins 
l’'épanchement qui en résulle. C'est une idée 
qu'avait eue, dès 1889, Talma (d'Utrecht), qui, fxant 
le grand épiploon à la paroi abdominale anté- 
rieure, espérait ainsi créer une circulation complé- 
mentaire entre les branches épiploïques de la veine 
porte et les branches d'origine de la veine cave 
inférieure. 

Peu pratiquée, celte déviation chirurgicale du 
sang de la veine porte a fait cette année l’objet 
de nombreux travaux, tant en France qu'à l'Étran- 
ger; elle a été en particulier discutée à la So- 
ciélé de Médecine et de Chirurgie de Bordeaux. 
L'opération n'est malheureusement pas toujours 
réalisable, par suite de l'existence d’altérations 
pathologiques de l'épiploon; de plus, elle est 
grave, les hépatiques chez lesquels on la pratique 
résistant mal au moindre shock chirurgical. C'est 
donc une opération qu'on ne doit faire qu'excep- 
tionnellement, dans les cas où la persistance et 
l'abondance de l'ascite menacent d'entrainer la. 
mort à bref délai. 


À | D' HENRI HARTMANN — REVUE ANNUELLE DE CHIRURGIE 


882 


VIII. — GYNÉCOLOGIE. 


$ 1. — L’hystérectomie dans l'infection puerpérale. 
—. Une discussion de la Société de Chirurgie a, cette 
-année,rappelé l’attentionsur l'hystérectomiecomme 
moyen de traitement de l'infection puerpérale, et 
3 un certain nombre d'orateurs se sont déclarés par- 
isans de ce mode de traitement. Si, théoriquement, 
lopération est indiquée dans les cas de lésions 
“ infectieuses profondes du muscle utérin, pratique- 
ment il est actuellement difficile de poser l'indica- 
tionopéraloire, car nous ne savons pas diagnostiquer 
“ces lésions. Enlever l'utérus de toutes les femmes 
atteintes de fièvre puerpérale, c'est faire un grand 
nombre d'opérations inutiles, car les unes auraient 
guéri spontanément ou à la suite d'interventions 
bénignes (lavages intra-utérins, curettage), des 
autres auraient succombé parce que l'infection 
» avait dépassé le muscle utérin. C’est donc à perfec- 
- Lionner nos moyens de diagnostic que nous devons 
4 
4 


. nous attacher; c'est seulement quand nous saurons 
* cliniquement établir des distinctions entre les cas, 

‘que nous pourrons opérer rationnellement et être 
- uliles aux malades qui se confieront à nos soins. 


$ 2. — Fibromes et grossesse. 


Une importante discussion de la Société d'Obsté- 
- (rique et de Gynécologie nous montre qu'il n'y à 
pas accord entre les chirurgiens et les accoucheurs 
+ au sujet: de la conduile à tenir en présence des 
» {ibromes compliquant la grossesse. 

Tandis que les chirurgiens semblent assez dis- 
| posés à intervenir, les accoucheurs sont, au con- 
- traire, parlisans de l’abstention. Dans les cas où 
apparaissent, du faitdel'utérusfibromateuxgravide, 


sx 


- des accidents immédiats graves, meltant en danger 
‘la vie de la mère, que l’on soit à une époque rap- 


prochée ou éloignée de la viabilité de l'enfant, peu 
importe, il faut opérer immédiatement. Sur ce point, 
tout le monde est d'accord. 

La discussion porle sur les cas douteux. Tandis 
que les chirurgiens Schwartz, Richelot, ete., sem- 
blent assez portés vers l'intervention, les accou- 
cheurs, Varnier en tête, s'appuyant sur l'évolution, 
habituellement heureuse pour la mère, de la gros- 
sesse compliquée de fibromes, estiment que le doute 
doit profiter à l'enfant, c'est-à-dire à l’expectation. 
C'est une opinion que vient appuyer de sa grande 
autorité Pinard, en apportant la statistique des 
femmes qui se sont présentées à la clinique Baude- 
locque. Sur 84 femmes atteintes de grossesse com- 
pliquée de fibromes, il y eut30 interventions : Apen- 
dant la grossesse, 26 pendant le travail; 81 femmes 
guérirent, 3 succombèrent; Gà enfants sorlirent 
vivants; résultats qui, on le voit, plaident en fa- 
veur de l’expectation. La réalité est, croyons-nous, 
moins belle, et nombre de femmes sont aïteintes 
par suite de leurs fibromes. Celles-ci ne vont pas 
dans les cliniques d'accouchement; elles entrent, 
pour les accidents qu'elles présentent, dans les ser- 
vices de Chirurgie. C’est peut-être parce qu'ils 
observent dans des milieux différents, les uns 
voyant surtout les femmes chez lesquelles la gros- 
sesse est le point principal, le fibrome l'accident 
secondaire des grossesses compliquées de fibromes; 
les autres, parce qu'ils sont consultés pour des acci- 
dents fibromateux au cours desquels une grossesse 
a néanmoins commencé, qu'accoucheurs et chirur- 
giens soutiennent ainsi théoriquement des opinions 
différentes, alors que, croyons-nous, en présence 
d'un cas déterminé, ils suivraient une ligne de 
conduite identique. 

D' Henri Hartmann, 


Professeur agrégé à la Faculté de Médecine, 
Chirurgien de l'Hôpital Lariboisière. 


886 BIBLIOGRAPHIE — ANALYSES ET INDEX 
BIBLIOGRAPHIE 
ANALYSES ET INDEX 
1° Sciences mathématiques Il vient, pour déterminer y, 
Serret (J.-A.) — Lehrbuch der Differential und (2) PR 
Integralrechnung. Zweiler Band: Integralrech- GET AA 0 
nung. — | vol. in-8° de 428 pages, avec 55 figures 


dans le texte. Teubner, éditeur. 

Leipzig, 1901. 

Le Traité de Calcul différentiel et intégral de Serret 
continue, à juste titre, à être en faveur dans les pays 
de langue allemande. La première édition allemande, 
publiée par A. Harnack, qui y a joint de nombreuses 
annotalions, a été épuisée en une dizaine d'années. A 
la deuxième édition du tome 1 (/1{ferentialrechnung), 
parue il y à quatre ans, vient s'ajouter le tome Il, 
consacré au Calcul intégral; le troisième volume, inti- 
tulé Dillerentialgleichungen paraîtra sous peu. Les 
tomes IL et IT de l'édition allemande correspondent 
au tome IT de l'ouvrage francais, qui ne comprend que 
deux volumes, 

La publication de l'édition allemande est dirigée par 
M. le professeur Bohlmann, de GϾttingue. Bien que, 
dans ses grandes lignes, cette édition corresponde à 
l'ouvrage primitif, il a été introduit quelques modifi- 
cations destinées à donner plus d'unité aux diverses 
parties et à rendre l'ouvrage d'une consultation encore 
plus facile. D'autre part, les annotations dues à Har- 
nack ont été fondues avec le texte, qui a été entière- 
ment revu. 

Cet ouvrage classique est bien connu de tous ceux 
qui s'occupent de Calcul infinitésimal, aussi croyons- 
nous pouvoir nous dispenser d'une analyse détaillée 
des matières qui y sont contenues. Nous nous borne- 
rons à faire l’'énumération des huit chapitres que com- 
prend ce volume : 


(Prix : 10 fr.) 


1. La notion d’intégrale. — 2. Intégration de fonc- 
tions connues; fonctions ralionnelles, algébriques, 
elliptiques et transcendantes. — 3. Théorie de l'inté- 
grale définie. — 4. Théorie de l'intégrale eulérienne; 
la fonction gamma. — 5. Quadrature et rectification 
de courbes. — 6. Cubature, quadrature de surfaces 
courbes; intégrales multiples. — 7. Fonctions de plu- 


sieurs variables réelles; différentielle et intégrale, — 
8. Fonctions d'une variable complexe. 

Vient ensuite, en Appendice, la remarquable étude 
de Harnack, intitulée : Propriétés fondamentales de la 
série de Fourier et de l'intégrale de Fourier. 

L'ouvrage se termine par une table analytique des 


matières par ordre alphabétique. FER, 
Professeur adjoint à l'Université de Genève: 


Davidoglou (Antoine). — Sur l'équation des vibra- 
tions transversales des verges élastiques. { Z'hèse 
pour le Doctorat de la F'aculté des Sciences de Paris.) 
— Une brochure in-4° de M pages. Gautier- Villars, 
éditeur. Paris, 1904. 


Considérons une verge élastique dont on néglige les 
dimensions transversales pour l’assimiler à une courbe 
géométrique W=—/{x), où W et x sont l’ordonnée et 
l’abscisse. La verge est encastrée aux deux points a et h 
de l'axe des x et vibre dans le plan. W dépend, à 
chaque instant, de x et du temps £. La physique apprend 
que l’on à : 

(1) 


a:W aW 


ax 


Cherchons à satisfaire à (1) par un mouvement pen- 
dulaire à amplitude variable y : 


W=—y(x)cos (Vr. 


M. Davidoglou fait, par la méthode des approxima- 
tions successives due à M, Picard, et en restant dans le 
réel, une étude approfondie des intégrales Y{x, R) de (2), 
telles que la courbe y — Y touche l'axe des x aux points 
a et b, comme la nature de la question de physique“ 
l’exige. On met en lumière certaines valeurs remar- 
quables du paramètre r el on construit, pour Y, un 
développement asymptotique, c’est-à-dire valable pour 
r très grand. 

Dans cette excellente thèse, M. Davidoglou a montré 
qu'il savait manier à son aise des théories abstrailes et 
difficiles. LÉON AUTONNE, 

Ingénieur des Ponts et Chaussées, 


2° Sciences physiques 


Hemsalech (Gustave). — Recherches expérimen- 
tales sur les spectres d’étincelles. (Thèse de la 
Faculté des Sciences de Paris.) — 1 vol. gr. 1n-8°v 
de 139 pages avec 33 liqures. A. Hermann, éditeur. 
Paris, 1901. ; 
L'intéressante thèse que nous devons à M. Hemsalech 

comprend deux parties. La première est consacrée à la 4 

constitution matérielle de l’étincelle électrique et spé- 

cialement de l’étincelle osciilanteétudiée par la pho- 
tographie sur pellicules tournantes animées d'une « 
grande vitesse. C’est la continuation de recherches 

antérieures où l’auteur y collaborait avec M. Arthur 

Schuster ‘, de Manchester, et d'où il résulte + que la 

décharge initiale donne le spectre du gaz, et que les 

oscillations qui apparaissent dans l’auréole donnent le 

spectre du métal. Dans cette thèse, M. Hemsalech s’est M 

attaché surtout à faire ressortir les différences d'effet, 

sur l’étincelle, de self-inductions variées, sans noyau 
ou avec noyau métallique (fer ou cuivre), et des cou- 
rants de Foucault. Le noyau agit uniquement par sa 
surface; l'effet maximum est obtenu avec un tube « 
miuce; les oscillations sont supprimées par le magné- \ 
tisme du fer, ou très diminuées en nombre par les cou- » 
rants de Foucault lorsqu'on fait agir le cuivre. Dans le « 

cas du fer, ces deux causes s'ajoutent l'une à l’autre. M 

Pour obtenir des étincelles bien oscillantes et formées 

uniquement de fragments vaporisés des électrodes, on 

devra donc éviter toujours les bobines de self-induction 

à noyaux métalliques, comme le primaire d’une bobine 

de Rhumkorff. 

Ce travail est précédé d'une courte introduction histo- 
rique. Qu'il nous soit permis d'y regretter l'omission 
des travaux d'Adolphe Perrot? qui, le premier, a effectué 
la séparation entre l’auréole et le trait de feu par des 


dérivations ou par un courant d'air, et de J.-M. Séguin 


qui, étudiant au spectroscope la composition de l’au- 
réole et du trait de feu, et promenant la fente verticale 
de l'appareil sur toute la longueur d’une étincelle hori- 

zontale, a distingué pour la première fois les raies 


! Scnusrer et Hemsazecn : On the conslitution of the 
electric spark. Philos. Trans., vol. CXCIIT, 1899. 

? Sur la nature de l'étincelle d'induction de l'appareil 
Rhumkorff. Thèse de Doctorat, Paris, 1861, et Comptes 
Bendus, t. XLIX, p. 351. L 

“ Analogies de l'étincelle d'induction avec les autres 
décharges électriques. Ann. de Chim. et de Phys., 3° série, 
t. LXIX, 1863. 


BIBLIOGRAPHIE — ANALYSES ET INDEX 


887 


appelées depuis « longues » ou « courtes ». Ces Mé- 
moires sont généralement peu connus; aussi M. Hem- 
salech ne nous en veudra pas de profiter de l’occasion 
“pour rappeler ici les deux noms de Perrot et de Séguin. 
— La seconde et principale partie de la thèse est la plus 
neuve et la plus importante au point de vue des applica- 
Br à l'analyse spectrale. Elle est consacrée à l'étude 
“des spectres de l'air et de quatorze corps simples que 
j'auteur classe en deux groupes : le premier comprend 
seulement Fe, Ni, Mn dont les raies sont presque toutes 
lus ou moins renforcées en augmentant la self-indu- 
ion ; le second est formé des dix autres corps simples 
expérimentés : Cd, Zn, Co, Mg, Al, Sb, Sn, Bi, Pb, Cu, 
g, qui donnent des raies fortes, mais relativement 
moins nombreuses, moins neétles, et presque toutes 
[us ou moins affaiblies par la self-induction. 
. Les résultats d'ensemble de tout le travail peuvent 
tre résumés d'une manière générale ainsi qu'il suit : 
L'étincelle ordinaire est formée de trois parties : la 
décharge iniliale, ou trait de feu donnant principale- 
ment les raies de l'air, puis quelques oscillations très 
rapides produisant les raies métalliques, dites de haute 
tempéralure ou « enhanced lines » de N.-Lockyer, et 


tiques dites de basse température. 

L'étincelle oscillante, au contraire, obtenue par l'in- 
tercalation d'une self-induction dans le circuit de 
décharge du condensateur, est composée presque uni- 
quement de l’auréole, et ne contient plus que des raies 
des métaux. Les raies de haute température ou raies 
courtes de l'étincelle ordinaire s'affaiblissent jusqu'à 
disparaître et les raies de basse température devien- 
ment plus vives. Avec une faible self-induction, les raies 
“de l'air ont disparu; quant à celles des métaux, l’action 

de la self-induction les répartit en trois classes 
NT lignes diminuant rapidement d'intensité pour dis- 
- paraître avec l'augmentation de la self : raies de l'air, 
… doublets verts de Cd et de Zn, lignes 424,5 et 438,7 de 
- Pb; 2° lignes s'affaiblissant lentement et d'une manière 
“ continue par l'accroissement de la self ‘, tel le triplet 
MS du vert qui correspond au groupe b de Frauen- 
“ hofer; 3° lignes qui, après avoir diminué et atteint un 
“minimum, augmentent cousidérablement d'éclat jusqu'à 
pu maximum, pour diminuer de nouveau : principales 
raies Fe et Co, etc. 

M. Hemsalech ayant circonscrit son étude à la por- 
tion du spectre photographiable avec des systèmes opti- 
ques de verre sur des plaques d'usage courant isochro- 
matiques où non, le champ embrassé est compris entre 
À 590 et À 350. La dispersion, obtenue par l'emploi soit 
de deux prismes ordinaires en flint, soit d’un ou deux 
prismes composés de Rutherford, avec des objectifs à 
long foyer (0,80 et 1,05), était assez forte pour four- 
nir des spectrogrammes d'une lecture aisée, permettant 
de suivre facilement à l'œil nu les variations spectrales 
successives de vingt-deux épreuves obtenues l’une au- 
dessus de l’autre sur un même cliché, déplacé vertica- 
lement dans le plan focal. Les mesures de longueurs 
d'onde étaient faites sur une machine à diviser et trans- 
formées avec des courbes à grande échelle. Les self- 
.inductions de grandeurs variables étaient obtenues par 
l'intercalation de couches successives de fils enroulés 
en deux bobines de longueurs différentes (0,20 et 

. 0%,50), et dont l’ordre de grandeur en totalité pouvait 
s'élever approximativement, d'après l’auteur, Jusqu'à 
0,06 henry. Tout en regrettant que le temps ne lui ait 
pas permis la mesure des coefficients de self-induction 
. employés, nous noterons les détails donnés sur la con- 

struction de ces bobines, et qui permettront d'en con- 
. Struire facilement de semblables. Toute la partie expé- 
rimentale de ce Mémoire est décrite avec la plus grande 
précision. L'installation et le réglage des appareils spec- 
. trographiques sont donnés avec beaucoup de soins et de 
- clarté, et forment ainsi une instruction pratique sur la 


t 4 La plupart font partie des séries de MM. Kayser et 
4 Runge. 


ES Re SE 


nfin l’auréole elle-même, qui fournit les raies métal- 


photographie spectrale, intéressante à lire pour tous 
ceux qui s'intéressent à la spectroscopie. 

Le meilleur éloge à faire de l’important Mémoire de 
M. Hemsalech est de montrer qu'il a été suivi et conli- 
nué. 1] a, en effet, suscité en Allemagne la thèse de 
M. Berndt', qui s'est spécialement attaché à faire la 
comparaison entre la self-induction et celle d'une résis- 
tance équivalente, sur les spectres d'étincelle. Il à 
donné raison à M. Hemsalech contre M. Hagberssel*, en 
montrant que, tandis que la self-induction augmente la 
durée de la décharge et fait disparaitre un grand 
nombre de raies, rendant celles qui subsistent plus 
étroites, ces effets ne sont pas produits par leur résis- 
tance équivalente, celles-ci n'apportant aucun retard à 
Ja décharge. M. Berndt a mesuré et calculé avec exac- 
titude les constantes physiques (self-inductions, résis- 
tances, capacité) des dispositifs mis en jeu, mais n’a 
malheureusement pas dépassé des self dix fois infé- 
rieures à celles de M. Hemsalech. D'autre part, son tra- 
vail, effectué avec une faible dispersion, mais avec uu 
spectrographe de quartz, complète celui de M. Hemsa- 
lech, en s'étendant jusqu'à À 200. 

Non seulement la thèse de M. Hemsalech a fait pro- 
gresser nos connaissances sur la nature de l'élincelle 
électrique, mais elle a aussi fourni un procédé nouveau 
qui permettra, dans bien des cas, d'éliminer le spectre 
de l’air et de simplifier les spectres, souvent si compli- 
qués, qui se rencontrent dans la pratique de l'analyse 
spectrale. A. DE GRAMONT. 


Dugast (J.), Directeur de la Station agronomique 
d'Alger. — Les Vins d'Algérie. — 1 vol. in-8 de 
140 pages. (Prix : 2 fr.) Giralt, imprimeur. Alger- 
Mustapha, 1901. 

M. Dugast a écrit cette notice à l'occasion de l'Expo- 
sion de 1900; il a voulu montrer quelle était l'impor- 
tance et rechercher quel était l'avenir du vignoble 
algérien. 

M. Dugast signale les progrès que la vinification a 
faits en Algérie; ces progrès sont très grands, et il était 
d’ailleurs indispensable que l'Algérie les réalisàt, car la 
réputation de quelques-uns de ses vins commencait à 
être compromise. Je suis tout à fait de l'avis de M. Dugast 
quand il dit que c'est en produisant des vins solides et 
bien constilués que les colons pourront avantageusement 
lutter. Quel est, en effet, l'objectif principal de l'Algérie? 
C’est d'exporter ses vins en France. Or, nous produisons 
dans le Midi une grande quantité de pelits vins. Il nous 
faut donc acheter de préférence des vins riches. L'Algérie 
peut produire ces vins alcooliques, corsés, riches en 
couleur que le commerce va actuellement chercher en 
Espagne, en Italie, etc. L'objectif de l'Algérie doit donc 
être de se substituer complètement à l’étrangér dans 
l'importation en France de ce genre de vins. 

Tout cela est parfaitement juste, et cela l'était beau- 
coup plus au moment où M. Dugast a écrit sa notice. 
Depuis, en effet, la situation économique de l'industrie 
viticole, et surtout de l’industrie vilicole algérienne, à : 
considérablement changé. Deux faits nouveaux se sont 
produits, qui ont amené ce changement : l'importance 
de la vendange de 1900 et la modification de la loi des 
boissons; la viticulture traverse une crise économioue 
dont la durée est difficile à prévoir; la surproduction 
de la vendange de 1900 peut se reproduire fréquem- 
ment, étant donnée l'importance du vignoble reconstitué, 
eton ne prévoit pas que la loi sur les boissons, qui à 
favorisé la consommation des petits vins du Midi, puisse 
recevoir une modification avantageuse pour l'Algérie. 

Le vignoble algérien est donc, en ce moment, dans 
une situation économique critique. Il faut, pour en sor- 
tir, qu'il produise d’abord des vins pouvant prendre 


1 Ueber den Einfluss von Selbstinduction auf die durch 
den luductionsfunken erzeugten Metallspectra im ultra- 
violett. Inaugural-dissertation. Halle A. S. //ofbuchdruckerei 
vou Kœwmmerer, 1901. £ 

? Journal de Physique, Ie série, t. IX, p. 153, 1900 


888 


BIBLIOGRAPHIE — ANALYSES ET INDEX 


chez nous la place des vins étrangers. Il faudrait aussi 
que l'Algérie s’orientàt vers la production des vins de 
liqueurs, des raisins secs, des moûts concentrés, etc.; 
en un mot, qu'elle mit à profit les ressources de son 
climat pour utiliser plus avantageusement tous les rai- 
sins qu'elle produit et qu'elle se borne actuellement à 


transformer en vin ordinaire. X. ROCQUES, 
Ingénieur-Chimiste, 
Ancien Chimiste principal du Laboratoire 
de Paris. 


3° Sciences naturelles 


Chalon (J.), Professeur à l'Université nouvelle de 

: Bruxelles. — Notes de Botanique expérimentale, 
2me édition. — 1 vol. in-8°, de 339 pages, avec 
T planches (Prix : 7 fr. 50.) Librairie scientifique de 
Ad. Wesmael-Charhier. Namur, 1901. 


« Celui qui aura épuisé les Notes pourra déjà se dire 
fort, plus que s'il avait lu dix gros bouquins... sans 
toucher une plante. Il sera mûr pour des travaux 
personnels, ilaura en mains l'outil précieux, la méthode 
el il pourra espérer d'ajouter à son tour des chapitres 
nouveaux à la science. » Qu'est-ce donc que ces Votes 
de Botanique expérimentale dont l’auteur attend de si 
heureux résultats? Disons-le tout de suite : le livre ne 
répond pas à son titre. On y chercherait en vain des 
expériences personnelles sur divers sujets de Botanique. 
L'expérimentation, au sens des physiologistes, n'y tient 
pas la première place. La confection d'un herbier, 
l’assemblage des collections, les préparations micros- 
copiques sont, pour M. Chalon, des moyens de traiter 
expérimentalement les questions botaniques. La 
description des organes, la simple énumération des 
plantes qui en offreut de bons exemples, prennent 
place sous le titre de physiologie. « Voir pour savoir, 
telle est l'idée simple de ce livre, où il ne faut pas 
chercher un cours de Botanique, mais un guide 
d'initiative et d'observation. » Laissons donc de côté la 
Botanique expérimentale, pour parcourir cette inté- 
ressante série de leçons de choses botaniques. 

L'étudiant y trouvera un guide précieux pour utiliser 
les matériaux les plus vulgaires, développer le sens et 
l'esprit d'observation, du moins s'il est assez favorisé 
pour recourir souvent aux lumières d'un maitre aussi 
sagace que l’auteur du livre, si sa bibliothèque est 
garnie d'une dizaine au moins de « gros bouquins » 
énumérés dès la première page, et s'il est à portée d'une 
bibliothèque publique possédant les périodiques aux- 
quels les Notes font de nombreux renvois. 

Les Notes seront, croyons-nous, d'un maniement 
plus commode et d’un profit plus net pour ceux qui 
ont déjà reçu l'initiation verbale dans un laboratoire 
ou dans des excursions botaniques. Les maitres eux- 
mêmes y trouveront une foule de renseignements. 

C'est, en effet, un livre de renseignements sur les 
moyens de se procurer les matériaux d'étude, soit 
dans la Nature, soit dans le commerce ou par voie 
d'échange. C’est un répertoire d'adresses, d'indications 
bibliographiques, de recettes, de procédés concernant à 
peu près tous les chapitres de la Botanique, donnés 
au reste un peu au hasard, sans proportion bien 
pondérée entre les diverses parties. Mais il serait 
injuste d’en faire un reproche à un ouvrage si modeste 
dans son titre. Comme forme, ce sont bien des Notes. 

D'ailleurs, nous nous y retrouverons sans peine. 
Après un chapitre de technique générale, dans lequel 
l'auteur s'étend surtout sur les procédés simples, 
économiques, à la portée de tous, nous abordons la 
technique spéciale avec la cellule. L'étude de la mem- 
brane y tient une place prépondérante ; l'épaissis- 
sement de la paroi cellulaire ne comprend pas moins 
de vingt paragraphes énumérés à la table des malières. 
Les protoplasmes et le noyau sont traités au contraire 
brièvement. Les chapitres suivants sont consacrés à la 
racine, à la tige, à la feuille, à la multiplication par 
fragments, à la reproduction sexuée. Dans chacun 


d'eux, l'organographie, l'anatomie, la physiologie sont 
envisagés successivement. 

Les rapports dés plantes avec le milieu inerte ow 
vivant font encore l'objet de quelques pages à la fin 
volume. 

Les Cryptogames ont fourni un cerlain nombre 
d'exemples dans les chapitres précédents, notamment 
au sujet de la cellule, de la fécondation, de la germi 
nation. Néanmoivs, un chapitre spécial est consacré à 
la technique des Cryptogames. M. Chalon ne l'a pas 
traité avec le même luxe de détails que le reste du 
livre, sans doute parce qu'il considère cette étude: 
comme moins abordable pour le débutant privé d'ex= 
olications verbales. Pour l'étude des Bactéries, des 

aboraloires spéciaux sont nécessaires ; pour les. 
Lichens, « il faut absolument demander à un spécialiste 
les trois où quatre espèces dont nous avons besoin »; 
pour les Mousses, « si un bryologue complaisant consent 
à communiquer les premiers spécimens, la tâche sera 
simplifiée ». Pour les Algues, les Champignons, les 
exemples sont classés dans l’ordre alphabétique ; ainsis 
le Bolet se trouve en compagnie des Aspergilles et de 
la Carie ; les Mucor, les Phycomyces, les Rhizopus sont 
décrits à des pages différentes, et, à défaut d'ordre 
logique, une simple coquille d'imprimerie (comme 
Mycomycètes pour Myxomycètes) doit jeter le bota- 
niste novice dans un sérieux embarras. 

Le développement des diverses questions est donc 
inégal. Cette disproportion s'explique par l'esprit qui 
se dégage de tout le livre. Le botaniste inexpérimenté 
qui l'aura pris pour guide comprendra qu'il est des 
sujets délicats au-dessus de sa portée. Avant d'aborder 
la technique difficile de la cytologie et de la cryploga- 
mie, il y trouvera le moyen de multiplier, de varier les 
observations faciles, simples, infaillibles. Voir beaucoup 
pour apprendre à voir, observer sûrement pour devenir 
observateur, c'est assurément une meilleure gymnas- 
tique intellectuelle que d'aborder d'emblée des pro- 
blèmes complexes dans lesquels l'imagination et l'au= 
torité viennent trop complaisamment au secours des 
l'expérience en défaut. Il n'est pas mauvais qu'un mi: 
crographe commence par bien voir les formes et les 
ornements de la membrane cellulaire avant de deviner 
les stades de la mitose, qu'un physiologiste s'exerce 
d'abord à des expériences simples. Toutes celles dont 
nous trouvons le détail dans le livre de M. Chalon sont 
faciles à répéter sans outillage dispendieux et encom-= 
brant. 

L'illustration comprend cinq planches montrant Iles 
applications de la photographie à la reproduction ico= 
nographique des plantes, depuis un Chêne géant réduit 
plus de 100 fois, jusqu'à un fragment de Diatomée am- 
plifié 10.000 fois. Une cinquantaine de figures dans le 
texte représentent des instruments et des appareils faciles 
à construire. Les procédés graphiques employés pour 
ces figures sont expliqués à la fin du livre. j 

M. Chalon n'a rien négligé, on le voit, pour faire des 
Notes un livre pratique, un répertoire qui a sa place 
sur la table du laboratoire. Tous ceux qui veulent faire 
de l’histoire naturelle en observant la Nature y trouve- 
ront un guide; ils y rencontreront les indications que 
nul étudiant n'est censé ignorer, mais que les trois 
quarts de nos licenciés ne connaitront jamais, s'ils s'en 
tiennent à la préparation classique des grades universis 
laires. 

Les Notes de Botanique de M. Chalon sont donc le 
complément nécessaire des traités didactiques. Nous 
souhaitons que la troisième édition ne tarde pas à cor= 
riger quelques lapsus, tels que les vaisseaux aëriens 
et la triple coloration de l'Amylobacter, à combler 
quelques lacunes, et, sans en faire un livre banal, à 
accuser les grandes lignes, à donner aux diverses par= 
ties la proportion et l'harmonie qui n'ont jamais déparé 
une œuvre scientifique. 

PauL VUILLEMIN, 
Professeur à la Faculté de Médecine 
de l'Université de Nancy. 


“ne s’agit pas d'un 


BIBLIOGRAPHIE — ANALYSES ET INDEX 


839 


Houssay (Frédéric), Maitre de Conférences à l'Ecole 
Normale Supérieure. — La Forme et la Vie. Essai 
de la Méthode mécanique en Zoologie.— 1 vol. 11-8° 
de 924 pages, avec 782 fiqures dans le texte. (Prix: 
broché, 40 fr.; relié, k5 fr.) Schleicher frères, édi- 
teurs. Paris, 1901. 


Dès la préface de ce livre, le lecteur est prévenu qu'il 
rajeunissement de Traités de Zoologie 


ordinaires, mais d'une œuvre entièrement originale 


RÉ É 


* 


dont le modèle n'existait pas encore, et qui rompt 
bsolument avec les procédés d’exposilion suivis jus- 
qu'ici. Une telle œuvre, venant d’un homme qui occupe en 


…Loologieune importante situation officielle, mérite d'être 
“examinée avec grand soin; elle n’est pas, à coup sùr, 


d’un penseur ordinaire. 

Après avoir rappelé qu'une Grenouille a changé de 
forme, en fonction du temps, depuis l'œuf jusquà 
l'adulte, que le Cheval actuel a été précédé par une 


‘série de formes continues, fonction du temps, M. Hous- 


say concoit l’histoire de la forme animale comme celle 
d'un mouvement, comme une Mécanique, et, consé- 


»quent avec cette idée, il divise son ouvrage en Statique 


(corps au repos en équilibre), en Cinématique (mouve- 


-ment du corps indépendamment des causes qui le pro- 
- duisent), et en Dynamique (mouvement produit par des 
causes données. 


La Statique comprend l'étude sommaire des embran- 
chements, caractérisés, comme ceux de Cuvier, par la 
disposition du système nerveux : Vertébrés, Mollus- 
ques, Articulés, Echinodermes, Gastréades (= Plathel- 
minthes + Cœlentérés) et Protozoaires ; puis vient 
l'étude succincte de la cellule au repos et des tissus : 
en somme, la Slatique comprend l'Anatomie et l'Histo- 
losie. 

La Cinématique débute par un chapitre intitulé « La 
continuité dans la forme », qui montre que les embran- 
chements et les classes sont reliés entre eux par des 


types intermédiaires, Amphioxus,Tuniciers (reliant les 


Vertébrés aux Mollusques), Balanoglossus, Cephalo- 
diseus, Rhabdopleura, Brachiopodes, Géphyriens, Péri- 


pates (reliant les Vers annelés et les Arthropodes), ete. ; 


- vient ensuite un résumé de l'Embryologie, comprenant 
- la description des principales formes larvaires et des 
. processus morphogéniques, plissements et métabolies, 


le développement métamérique, la formation et la cor- 
respondance des extrémités céphaliques, etc. Puis, 
symétriquement à la cellule au repos en Statique, 
l'étude de la division cellulaire, ensuite l'histogénèse et 
la différenciation, la phagocytose, la fécondation, la 
régénération, et enfin les théories sur l’isotropie de 
l'œuf et la spécificité des feuillets, En somme, la Ciné- 
matique est un mélange d'Embryologie, de Cytologie 
et d’un certain nombre de chapitres de Biologie géné- 
rale. 

La Dynamique comprend divers chapitres de Biologie 
ou de Zoologie générale : dynamique de la cellule et de 
la fécondation, action des milieux, dimorphisme sexuel 
et déterminisme du sexe, déterminisme des métabolies, 


- adaptation, mimétisme, parasilisme, fixation, etc.; en 


somme, l'étude des déterminismes. 

Chacun de ces trois livres est terminé par une revue 
des théories générales suggérées par les faits techni- 
ques exposés au point de vue statique, cinématique ou 
dynamique : dans le premier, la théorie de l'unité de 
plan de composilion et le principe des connexions de 
Geoffroy Saint-Hilaire (en somme, la Morphologie), puis 
les théories microméristes sur la constitution de la 
matière vivaute (Weismann):; dans le deuxième, la 
loi de concordance des stades embryologiques et des 
séries d'adultes; dans le troisième, le lamarckisme, que 
M. Houssay adopte dans toute sa plénitude, le darwi- 
nisme et l'origine de la matière vivante. 

Cette sorte de table des matières que je viens de 
dresser suffit à montrer l'incontestable nouveauté de 
l'arrangement; cette joriginalité se poursuit dans la 
rédaction des chapitres techniques ou théoriques; 


l'auteur use avec une visible prédilechon du langage 
philosophique ou mathématique, en général assez 
étranger aux biologistes; par exemple : « [étude 
complète des qualités des vivants revient donc à dé- 


terminer par des mesures possibles une fonction 
FE (y, ©, 0) — 0, c'est-à-dire à construire une surface » 
(p- 256). 


« L'Embryologie poursuit la solution de la formule 
générale suivante : 


À HR rr (p. 261 


û 
p—"1 

« L'évolution normale est proportionnelle aux carrés 
des temps » (p. 908). — « Réaumur, Fabre, etc., ont 
donné, à propos des phénomènes de la Nature, d'inté- 
ressantes et copieuses descriptions, sans s'inquiéter de 
réduire la qualité à la quantité et sans rien mesurer; 
mais, justement pour cela, leur œuvre est toute litté- 
raire et point scientifique (p. 2#) ». 

Ces citations suffisent à montrer que l'écriture de 

M. Houssay n’est pas banale; mais elle reste le plus 
souvent claire et même attachaute, malgré son appa- 
reil métaphysique. 
à Critique. — Depuis les origines de la Zoologie, on 
s’est certainement peu préoccupé de lui reconnaitre des 
points de vue statique, cinématique ou dynamique, 
ce qui ne parait pas du reste lui avoir fait de tort; les 
savants se sont bornés à décrire ce qu'ils voyaient, ce 
qu'ils observaient de manière plus ou moins expéri- 
mentale (Anatomie, Histologie, Physiologie et Embryo- 
logie), en groupant et en sériant autant que possible les 
faits de facon à aider la mémoire (Morphologie et Zon- 
logie générale); puis, avec les progrès de la connais- 
sance, ils se sont attachés à la recherche, infiniment 
plus difficile, des déterminismes. 

Ces trois étapes de la Science, découverte et descrip- 
tion, groupement, explication, doivent forcément se 
succéder d'une facon chronologique pour un même 
objet, ce qui est, du resle, une évidence de sens com- 
mun; il à fallu d'abord trouver la cellule, puis les 
phénomènes de la vie cellulaire (ÿ compris la division), 
avant de tenter la recherche des déterminismes de ces 
phénomènes et de la constitution de la cellule. Que 
M. Houssay veuille donner à ces trois étapes les noms 
de Statique, Cinématique et Dynamique, il est per- 
mis de trouver que la nouveauté est beaucoup plus 
dans les termes que dans la méthode; qu'à toute force, 
il veuille faire rentrer telles observations dans la Sta- 
tique (étude des Vertébrés, Mollusques, etc.), et telles 
autres dans la Cinématique (étude de l'Amphioxus et 
des Tuniciers, pour montrer la continuité entre les 
grandes coupures de la Statique), alors que les unes et 
les autres sont tout simplement des descriptions d'ob- 


jets tels qu'ils apparaissent à nos sens, je n'y puis voir 


que la préoccupation paradoxale de ne pas « faire défi- 
ler le règne animal embranchement par embranche- 
ment, comme desrégiments dont on se borne à changer 
l'uniforme ». 

M. Houssay dit quelque part que les ouvrages de 
Zoologie sont toujours disposés sur un plan uniforme, 
rappelant celui des Suites à Buflon où de l'Anatomie 
comparée de Cuvier; mais, je trouve, au contraire, 
qu'ils sontextrèmement disparates, suivant l'objet qu'ils 
se proposent : la Zoologie de Claus ou de E. Perrier, 
celle de Delage, l'Analomie comparée de Roule, de 
Lang, les Traités d'Hertwis, sans parler des livres plus 
spécialisés d'Histologie, d'Embryologie, de Biologie gé- 
nérale, sont aussi différents que possible. M. Houssay 
a écrit, à son tour, un Traité encore différent de ceux- 
là, dont l’arrangement est basé sur une certaine idée 
théorique; reste à voir, pour juger du mérite de cet 
arrangement, si les matières se présentent daus un 
ordre logique et pratique, allant du simple au complexe, 
du facile à comprendre au plus compliqué, des faits 
aux théories qui les groupent et les expliquent. 

Je ne puis pas convenir qu'il en soit ainsi : étudier la 


890 


structure de la cellule en Statique, puis les phénomènes 
de la division beaucoup plus loin eu Cinématique, puis 
enfin donner les tentatives d'explication de la mitose 
et des phénomènes cellulaires beaucoup plus loin, en 
Dynamique, je n'y vois pas d'avantages notables et je 
trouve une foule d'inconvénients à scinder ainsi tout 
ce qui a rapport à un même objet. Il paraît singulier 
d'étudier la genèse des formes et des tissus avant de 
connaitre la division cellulaire, alors que celle-ci est 
facteur de celle-là; il me paraît illogique de passer en 
revue (1° livre : Statique) les formes et Ja structure des 
animaux et leur division en groupes depuis les Verté- 
brés jusque et y compris les Protozoaires, alors que le 
lecteur est censé ignorer encore ce que sont une cel- 
lule et un tissu. La fonction des organes est indiquée 
dans la Statique ; comment se fait-il que la phagocytose 
soit réléguée dans la Cinématique? N'est-ce pas une 
fonction de cellule, au même titre que la sécrétion de 
diastases ou la différenciation de neuro-fibrilles ? 

Avec la meilleure volonté du monde, je n'arrive pas 
à comprendre pourquoi M. Houssay restaure à peu 
près, en Statique, les cinq embranchements de Cuvier, 
Vertébrés, Mollusques, Articulés, Echinodermes et Gas- 
tréades; ce n’est pas la peine d’avoir travaillé pendant 
trois quarts de siècle pour en revenir à quelque chose® 
qui est sûrement incomplet et inexact. Même observa- 
tion pour la division en classes des embranchements : 
les Mollusques comprennent autre chose que les Cépha- 
lopodes, les Acéphales et les Gastropodes; pourquoi 
les Amphineures et les Scaphopodes sont-ils passés 
sous silence en Statique? Les zoologistes accepteront 
difficilement la division des Protozoaires en Monères, 
Amibes, Rhizopodes, Ciliés (renfermant les Flagellés) 
et Sporozoaires; on sait bien que presque sûrement il 
n'y à pas de Monères, et que les Amibes sont insépa- 
rables des autres Rhizopodes. La recherche de l'origi- 
nalité, très estimable en soi, ne peut cependant pas 
aller jusqu'à modifier sans bonnes raisons ce qui est 
admis dans la Science. 

Quelques négligences de rédaction ou des Zapsus 
calami, bien excusables du reste dans un livre aussi 
volumineux, ne laissent pas d’être regrettables, notam- 
ment au sujet du cou des Oiseaux (p. 69), du polypier 
des Madréporaires (p. 450), de la glande venimeuse 
des Scolopendres (p. 104). 

D'une facon générale, si ce livre n'avait pas, avant 
tout, un caractère théorique et transcendant, il y au- 
rait peut-être lieu de regretter que l’auteur se soit 
peu préoccupé de mettre les faits au courant de la 
science actuelle. 

Pour résumer cette longue analyse, je dirai que le 
livre de M. Houssay ne me semble pas fait pour des 
étudiants, si avancés qu'ils puissent être; c’est plutôt 
une Zoologie transcendante, qui ne pourra être goûtée 
que par des professionnels, et qui, pour cette raison, 
aurait pu être considérablementallégée danslapartie des- 
criptive. Geux qui sont enclins aux spéculations méta- 
physiques y trouveront de quoi se satisfaire amplement ; 
les positivistes, qui apprécient surtout les faits et les 
expériences et n'acceptent les belles théories qu'avec 
un grain de scepticisme, ne seront pas fâchés non plus 
de lire un livre si opposé à leurs tendances, Les uns 
et les autres en retireront d’ailleurs profit; si je n'ai 
pas ménagé les critiques, je dois dire que j'ai lu avec 
grand plaisir la plupart des chapitres isolés de Mor- 
phologie ou de théories générales : signification des 
formes larväires, tête et céphalisation, mort et immor- 
talité, métamérie, etc.; on y rencontre des aperçus 
iutéressants, souvent paradoxaux, comme cette com- 
paraison de la fécondation d'un œuf mérogonique avec 
une greffe (p. 607). En somme, si cet essai de la mé- 
thode mécanique en Zoologie me parait prématuré et 
peu pratique, on doit néanmoins savoir gré à M. Houssay 
d'avoir tenté du nouveau, quel que soit le sort de sa 
tentative. 

L. Cuénor, 
Professeur à l'Université de Nancy. 


BIBLIOGRAPHIE — ANALYSES ET INDEX 


4 Sciences médicales 


Jeanselme (E.), Médecin des Hôpitaux de Paris. = 
Etude sur la Lèpre dans la péninsule Indo-Chi- 
noise et dans le Yunnan. — { rochure in-8° de 90 
pages, avec gravures dans le texte. Carré et Naud 
éditeurs. Paris, 1901. 

On a beaucoup écrit, ces temps-ci, sur la lèpre. Le 
livre de M. Jeanselme présente ceci de particulier et 
d'intéressant que c'estune étude faile sur place. Chargé 
par le Ministre de l'Instruction publique et par le Minis= 
tre des Colonies de rechercher les moyens propres à 
combattre la lèpre dans les colonies francaises de 
l'Extrème-Orient, il a d’abord visité les divers foyers 
d'endémie lépreuse qui existent dans l'Indo-Chine 
française et dans le Yunnan; puis, il a étudié l'aména- 
gement des léproseries établies dans les colonies 
anglaises de la Birmanie et du Gouvernement des 
Détroits. Il à ainsi recueilli des faits fort intéressants, 
qui forment la base de son étude documentée eb cons= 
ciencieuse. 

La lutte contre la lèpre présente-t-elle vraiment un 
intérêt pratique? Les faits que cite M. Jeanselme ne 
laissent aucun doute à ce sujet. On est tout surpris 
d'apprendre, par exemple, que le nombre des lépreux 
disséminés dans nos possessions indo-chinoises est 
de 12.000 à 15.000. On comprend alors que toutes ces 
existences improductives, qui sont à la charge de la 
colonie, représentent, au point de vue économique, un 
énorme déchet, et que cette endémie lépreuse ait pour 
résullat d'accroitre la pénurie de la main-d'œuvre indi- « 
gène el d’écarter les colons européens de notre do- 
maine d'outre-mer. Il est, en effet, démontré aujourd'hui 
que le colan contracte fort bien la lèpre et que celle-ei 
tend à s'infiltrer dans la population blanche. Il ne 
saurait, du reste, en être autrement; car, dans nos colo= 
nies, les précautions les plus élémentaires, pour se pré- 
munir contre la contagion, sont négligées. Voici, parmi 
les faits que cite M. Jeanselme, quelques-uns qui sont 
particulièrement probants à cet égard. 

Nombre de lépreux à Saigon font le métier de 
coolies; ils gagnent leur vie à décharger sur le port 
les bagages des voyageurs ou les légumes arrivant de 
Chine; d'autres errent en ville, mendiant aux alen- 
tours de la ville. 

A Hanoï, dans une grande boucherie européenne, le 
garcon indigène qui débite la viande est lépreux. 

Le gardien indigène du dispensaire du Haïphong, où 
sont enfermées les prostituées atteintes de maladies 
vénériennes, est un lépreux. Dans les prisons de Saigon, 
de Pnom-Penh, de Vinh, de Luang-Prabang, des lépreux 
vivent au milien des détenus sains. 

Pour combattre l'extension du fléau, M. Jeanselme 
demande qu'à l'exemple des colonies anglaises, on in- 
terdise aux lépreux avérés l'exercice de certaines pro- 
fessions telles que celles de boulanger, de boucher, 
de blanchisseur, de barbier, de domestique, d’intir- 
mier, etc., etc. Ces mesures élémentaires devront être. 
complétées par une surveillance étroite de l'immigra- 
tion jaune, par la construction de léproseries ter- 
restres et insulaires où seraient internés et isolés les 
lépreux, par la surveillance des foires, marchés.et tous 
autres lieux de rassemblement. Pour ce qui est des 
détails de l’organisation de cette défense si légitime, 
nous ne pouvons que renvoyer nos lecteurs au livre si 
intéressant de M. Jeanselme. 

Dr R. Roue, 


Préparateur à la Faculté de Médecine 
de Paris. 


Meunier (D'), Médecin en chef de l Hôtel-Dieu de Pou- 
toise, et Plieque (D' A.-F.), Médecin en chef du 
Sanatorium d'Angicourt. — Le Traitement hygié- 
nique des tuberculeux dans l’ancienne médecine 
(Extrait du Bulletin médical). — Une broch. 1n-8° de 
22 pages, Librairie du Bulletin médical. Paris, 1901. 


ACADÉMIES ET SOCIÉTÉS SAVANTES 


891 


ACADÉMIE DES SCIENCES DE PARIS 


Séance du 16 Septembre 1901. 


» 4° SCIENCES MATHÉMATIQUES. — M. G. Poisson donne 
ine solution générale du problème de la voûte élastique 
Supportant uue charge hydrostatique; la méthode em- 
ployée est fondée sur la considération des filets élé- 
menlaires obtenus en décomposant la section droite de 
la voûte par une série de courbes orthopiéziques 
infiniment rapprochées. 

20 Scexces PHysIQuEs. — M. A. Cornu expose la 
démonstration des formules qu'il a données précé- 
demment pour la détermination complète, en grandeur 
et en direction, des paramètres optiques d'un cristal. 
__ M. E. Mercadier a expérimenté, sur le circuit de 
Paris à Bordeaux, l'emploi simultané de la télégraphie 
multiplex à courants ondulatoires et de la télégraphie 
ordinaire à courants continus; on obtient ainsi une 
transmission excessivement rapide, — M. J, Mascart 
a observé le 9 septembre à Bréval trois larges rayons 
lumineux divergents émergeant d'un point situé à 180° 
du Soleil. — M. de Forerand a appliqué sa règle à 
l'hydrate de chloral et trouvé que ce corps, à la tem- 
» pérature de l’ébullition, donne une vapeur contenant à 

Ja fois de l'eau, du chloral et un peu (#4 à 5 °/,) d'hy- 
… rate de chloral non dissocié. 

… 39 Sciences NATURELLES. — MM. L. Duparc et F. 
À Pearce ont étudié la dunnile du Koswiosky-Kamen 
… (Oural); elle présente de nombreux filons en voie de 
serpentinisation.—MM.L.CapitanetH.Breuilsignalent 
l'existence de figurations d'animaux, gravées sur les 
parois d’une grotte sise aux Combarelles, commune de 
Tayac (Dordogne). Ces figurations remontent à l'époque 
où vivaient, en France, le mammouthet le renne ; elles 
sont donc paléolithiques et très vraisemblablement 
magdaléniennes. 


Séance du 23 Septembre 1901. 


40 Sciences MaruémarIQuEs. — M. G. Kœnigs étudie 
les systèmes binaires et les couples d'éléments cinéma- 
tiques. 


20 SCIENCES NATURELLES. — MM. H. Claude et A. Zaky 
ont constaté que la lécithine, grâce à son action en 
quelque sorte spécifique sur l'élimination des phos- 
phates par les urines, à son influence remarquable sur 
les échanges nutritifs, peut ètre considérée comme un 
adjuvant précieux des diverses méthodes de traitement 
de la tuberculose. — MM. G. Gastine et V. Vermorel, 
à la suite des ravages causés par la Pyrale dans les 
vignobles du Beaujolais, ont cherché à détruire ces 
papillons nocturnes au moyen de pièges lumineux, 
alimentés par le gaz acétylène, et entourés d'un bassin 
rempli d'eau recouverte d'huile qui tue les insectes qui 
s'y jettent. Ce moyen a été de tous le plus efficace et il 
ne représente qu'une dépense de 6 fr. 40 par hectare 
pour trois semaines. — M, A. Astruc à constaté que : 
4 L'acidité de la tige d'une plante diminue à mesure 
que l’on s'éloigne du sommet ; 2 L'acidité des feuilles, 
supérieure à celle de la tige, est en raison inverse de 
l'âue ; 3° Dans une même feuille, le maximum d’acidité 
se trouve vers la zone de croissance ; 4° L'acidité de la 
fleur décroit depuis l'état de bouton jusqu'à complet 
épanouissement. — MM. L. Capitan et H. Breuil 
décrivent une série de véritables peintures à fresque 
qu'ils ont observées dans la grotte de Font-de-Gaume 
(Dordogne); elles sont très vraisemblablement de 
l'époque magdalénienne. 


ACADÉMIES ET SOCIÉTÉS SAVANTES 


DE LA FRANCE ET DE L'ÉTRANGER 


ACADÉMIE DE MÉDECINE 


Séance du 1° Octobre 1901. 


M. le Vice-président annonce le décès de M. A. Leo 
Roy de Méricourt, membre de l’Académie. 

M. G. Pouchet résume des expériences qui démon- 
trent : 1° que l'action toxique de l’antimoine, ainsi que 
sa localisation, ne commencent à se montrer qu'à une 
dose élevée relativement aux doses correspondantes 
d'arsenic ; 2° que la localisation de l’antimoine est 
très différente de celle de l'arsenic ; 3° que, dans les 
mélanges d’arsenic et d'antimoine, ce dernier, loin de 
diminuer le pouvoir toxique de l’arsenic, paraît au 
contraire le soutenir et mème l’accroître. 


SOCIÉTÉ ROYALE DE LONDRES 


1° SCIENCES PHYSIQUES. 


J.-W. Walker: L'application de la théorie 
cinétique des gaz aux propriétés électriques, ma- 
gnétiques et optiques des gaz diatomiques. — L'au- 
teur a cherché à appliquer la méthode de la théorie 
cinétique des gaz de Botzmann-Maxwell aux propriétés 
électriques, magnétiques et optiques des gaz. Pour sim- 
plifier, il a supposé la molécule comme formée de deux 
atomes; les résultats s'appliquent donc aux gaz comme 
l'oxygène et l'hydrogène. La plupart des résultats 
indiquent, d’ailleurs, ce qui doit se passer qualitative- 
ment pour les autres molécules. 

Un des atomes est supposé chargé positivement et 
l'autre négativement, et la force qui agit entre les deux 
atomes est considérée comme la force électrostatique 
ordinaire. Les molécules peuvent être classées en trois 
types : 1° Celles dans lesquelles les atomes tournent en 
contact; 2 celles dans lesquelles les deux atomes 
suivent des orbites elliptiques autour de leur centre de 
gravité, mais non en contact; 3° celles dans lesquelles 
les deux atomes suivent une orbite hyperholique 
pendant le court instant où ils s'influencent d'une 
facon appréciable. 

La première partie du mémoire est consacrée au 
calcul des proportions relatives de ces trois sortes de 
molécules ; quoiqu'une solution complète n'ait pas été 
obtenue, les résultats sout importants et préparent la 
voie à des recherches plus complètes. 

L'auteur montre ensuite qu'un tel système doit 
présenter des propriétés magnétiques et il calcule le 
coefficient de susceptibilité magnétique. Les formules: 
obtenues concordent avec les expériences du profes- 
seur Quincke sur le sujet. Le système possède aussi 
des propriétés électriques, et l’auteur calcule la cons- 
tante diélectrique. La formule diffère essentiellement 
de celles des autres théories, en particulier de celle de 
Boltzmann, surtout en ce qui concerne l'influence de 
la température. La théorie concorde bien avec les 
résultats obtenus par M. K. Baedecker dans ses expé- 
riences sur l'effet de température. La conductibilité 
est également calculée d’après le nombre d’atomes 
libres présents. | 

Les propriétés optiques sont enfin considérées, el 
l’auteur calcule la réfraction produite par les atomes 
libres et les molécules. Les atomes libres accélèrent la 
vitesse avec laquelle les ondes sont transmises; quant 
aux molécules, leur influence optique dépend de w, 
w étant la vitesse angulaire de rotation de deux atomes 
autour de leur centre de gravité commun. La disper- 


892 


ACADÉMIES ET SOCIÉTÉS SAVANTES 


sion dépend essentiellement de la loi de distribution 
des vitesses. 

L'auteur calcule aussi le degré de rotation du plan 
de polarisation dans un champ magnétique, et il mon- 
tre que le signe de rotation dépend de l'atome qui a 
la plus grande masse; si les masses sont égales, il n’y 
a pas de rotation. 

Les formules obtenues sont appliquées au cas de 


, 3 , . e e 
l'oxygène dans le but d'obtenir les valeurs de — et —;, 
œ 111 11) 
1 a 


e étant la charge et m, et m, les masses des deux 
atomes; les valeurs d'u et aussi de 2 r,, la somme des 
rayons des deux atomes, sont également calculées. La 


e . A 
valeur de — concorde numériquement avec celle dé- 
11 


duite de considérations électrolytiques, tandis que la 
e 


valeur de concorde avec celle déduite de la cousi- 


1, 


dération de l'effet Zeeman, 


A.-E. Tutton : Etude cristallographique com- 
parée des séléniates doubles de la série R°Mg(SeO!};, 
GH°0. — Ce mémoire sur les séléniates doubles magné- 
siens, dans lesquels R représente le potassium, le 
rubidium ou le césium, conduit aux mêmes conclu- 
sions que le mémoire précédent de l’auteur sur les 
séléniates doubles zinciques. On observe une progres- 
sion uniforme, dans les propriétés morphologiques et 
physiques, avec l'augmentation des poids atomiques 
des trois métaux alcalins présents; les constantes du 
sel de rubidium sont généralement intermédiaires 
entre celles des sels de césium et de potassium. 

Le groupe magnésien présente un intérêt particulier 
en ce que la diminution progressive de la double 
réfraction, d'après la loi qui a été établie pour les 
séries des sulfates et séléniates doubles, conduit, dans 
le cas du séléniate de magnésium et de césium, à un 
tel rapprochement des trois indices de réfraction que 
les cristaux de ce sel présentent des phénomènes 
optiques exceptionnels : dispersion des axes optiques 
dans les plans des axes croisés à la température ordi- 
naire, la figure à un axe étant produite pour la lon- 
gueur d'onde 466 dans le bleu; formation de la figure 
uniaxiale pour chaque longueur d'onde lorsque la tem- 
pérature est élevée, l'obtention de l’uniaxialité pour 
Ja lumière rouge du lithium ayant lieu à 94°. Comme 
Ja vie propre du sel finit à 100°, à cause de la présence 
d’eau de cristallisation, cette substance simule des pro- 
priélés unaxiales à toute température entre ses limites 
d'existence tout en conservant les caractères généraux 
de la symétrie monoclinique. A ce point de vue, elle 
ressemble au sulfate correspondant, mais elle présente 
une plus grande dispersion. 

Il est intéressant de constater que les propriétés 
optiques du séléniate double de magnésium et de césium 
peuvent être prévues étant données les constantes du 
sel de potassium et les lois de progression établies 
pour les sulfates doubles et les séléniates doubles du 
groupe du zinc. 


20 SCIENCES NATURELLES. 


A. Gamgee : Sur la facon dont se comportent, 
dans le champ magnétique, l'oxyhémoglobine, l’hé- 
moglobine oxycarbonée, la méthémoglobine et cer- 
tains de leurs dérivés, et sur l’électrolyse des com- 
posés de l’hémoglobine. —— Les recherches de l’auteur 
peuvent se résumer comme suit : 

La matière colorante du sang, l’oxyhémoglobine, 
ainsi que l'hémoglobine oxycarbonée et la méthémo- 
globine sont des corps tout à fait diamagnétiques. 

Les dérivés contenant du fer, l'hématine et l'acéthé- 
mine, sont des corps fortement magnétiques. Les dil- 
férences, au point de vue magnétique, entre la matière 
colorante du sang d'une part, l’acéthémine et l'héma- 
tine d'autre part, montrent la profonde transformation 


qui a lieu dans la molécule d'hémoglobine quand elle 
est décomposée en présence d'oxygène. 

L'étude préliminaire de l’électrolyse de l'oxyhémo- 
globine et l’hémoglobine oxycarbonée semble montrer 
que, dans la matière colorante du sang, le groupe con- 
tenant le fer (duquel ses propriétés physiologiques 
dépendent) est (ou est renfermé dans) un radical élec 
tro-négatif; d'après les analogies, le fer, dans ce com- 
plexe, posséderait des propriétés diamagnétiques et 
non magnétiques. ( 


M. C. Potter: Sur la maladie bactérienne du 
navet (Zrassica napus). — Ge mémoire donne les ré- 
sultats d’une étude sur la cause d’une maladie spéciale 
de la tête du navet. La maladie est visible sur les 
plantes en train de pousser dans les champs; quelques 
racines ont été trouvées toutes pourries; la partie dété- 
riorée est blanche et possède une odeur particulière et » 
désagréable. La recherche microscopique la plus minu- 
tieuse n’a pas réussi à faire découvrir quelque trace 
d'hyphes de champignons supérieurs dans la masse 
attaquée, mais seulement une quantité considérable de 
bactéries. Les tissus sont complètement désorganisés, 
les cellules séparées les unes des autres le long de la 
lamelle moyenne; les parois des cellules sont molles, 
gonflées et faiblement striées; le protoplasma aussi a 
perdu sa couleur primitive et est devenu brun et con- 
tracté. La maladie peut être rapidement communiquée 
à des racines saines qui sont dans la période de crois- 
sance en faisant simplement une légère incision et en 
inoculant la racine à la partie atteinte. ; 

Après de longues séries de cultures, une bactérie à 
été isolée et des cultures pures obtenues à partir d’uu 
seul individu, lesquelles produisirent tous les symp- 
tômes du « rot blanc» lorsqu'il a été semé sur des 
morceaux stériles de navets vivants. Cette bactérie li- 
quélie rapidement la gélatine; c’est un bâtonnet court, 
mobile, avec une seule flagelle polaire, et, si on l’adopte 
la classification de Migula, il a été décrit sous le nom 
de Pseudomonas destructans. Quand il pousse dans le 
tissu d'une plante vivante ou dans des solutions nutri- 
tives, il secrète une cytase; celle-ci a été isolée par la 
méthode bien connue de la précipitation par l'alcool, 
et il a été prouvé qu'elle était la cause de la dissolution 
des cellules, de l'amollissement et du gonflement des 
parois des cellules de l'hôte. 

L'apparence du tissu malade n’a pas pu être entière- 
ment expliquée par l’action de la cytase. On a décou- 
vert que le jus bouilli et filtré d'un navet qui s’est pourri 
sous l'influence d'une culture pure de ?. destruc- 
tans avait un puissant effet toxique sur la cellule d’une 
plante vivante. Ce toxique est de l’acide oxalique. Une 
réaction a probablement lieu entre le pectate de cal- 
cium de la lamelle moyenne et l'acide oxalique produit 
par la bactérie, le pectate de calcium neutralisant 
l’acide oxalique et permettant ainsi la croissance con- 
tinuelle de la bactérie. 

L'action de cette bactérie sur les tissus de plante vi- 
vante est semblable à celle de quelque champignon 
parasite ; dans les deux cas, l'organisme envahi produit 
de l'acide oxalique qui agit comme un toxique du 
protoplasma et, décomposant le pectate de calcium, 
produit la dissolution des cellules ; il y aussi la secré- 
tion d'une cytase, qui a une action destructive sur la 
paroi de la cellule et la substance iatercellulaire. La 
question du parasitisme de la bactérie a donc la même 
importance que celle des champignons, et on peut éta- 
blir une homologie complète entre tes deux sujets. De 
nombreuses observations dans les champs permettent 
d'affirmer que le P. destructans est toujours introduit 
dans une partie blessée par l'intermédiaire des limaces 
et des larves. 


Le Directeur-Gérant : Louis OLiviEr. 


Paris. — L. MARETHEUX, imprimeur, 1, rue Cassette, 


N° 20 


30 OCTOBRE 1901 


DIRECTEUR : 


Revue générale 


Des SCienc 
pures el appliquées 


LOUIS OLIVIER, Docteur ès sciences. 


Adresser tout ce qui concerne la rédaction à M. L. OLIVIER, 22, rue du Général-Foy, Paris. — La reproduction et la traduction des œuvres et des travaux 
publiés dans la Revue sont complètement interdites en France et dans tous les pays étrangers, y compris la Suède, la Norvège et la Hollande. 


$ 1. — Métrologie 


La troisième Conférence internationale 
“du Mètre. — Les délégués des Etats signataires de 
Ma Convention du Mètre viennent de se réunir à Paris 
pour là troisième fois, afin de prendre connaissance du 
MRapport préparé par le Comité international des Poids 
pet Mesures concernant les travaux exécutés depuis six 
ans dans le Bureau dont il a la haute surveillance, et 
e discuter en même temps le programme futur des 
echerches et les mesures propres à assurer la propa- 
ation du système métrique. 

» La Conférence a tenu quatre séances, dont l'une au 
inistère des Affaires étrangères sous la présidence de 
. Delcassé, et les trois autres au Pavillon de Breteuil, 
MSiège du Bureau international. M. Millerand, ministre 
lu Commerce, a tenu à présider lui-même l’une des 
ances, et à témoigner, dans un beau discours, l'inté- 
ët que le Gouvernement de la République prend à 
euvre commune et au développement de la belle ins- 
fitution créée il y a vingt-cinq ans par une entente de 
Ja plupart des Etats civilisés ; les autres séances ont été 
présidées par M. Bouquet de la Grye, vice-président de 
PAcadémie des Sciences, remplacant M. Fouqué, à qui, 
conformément aux dispositions de la Convention du 
Mètre, cette fonction revenait, et qu'une indisposition 
Mienait momentanément éloigné de Paris. 

n Dans le Rapport présenté à la Conférence par 
M: Færster, président du Comité international, l'émi- 
nent directeur de l'Observatoire de Berlin a décrit 
ommairement les recherches faites pour établir, par 
des procédés dérivant de ceux de M. Michelson, des 
échelles micrométriques dont les valeurs sont déter- 
Mminées avec une précision inconnue jusqu'ici, sans 
“qu'il soit nécessaire d'avoir recours à l'opération très 
“longue et fastidieuse de l’étalonnage d’une règle; il a 
parlé aussi de la construction et de l'étude, entreprise 
par le Bureau, d'étalons du décimètre d'une grande per- 
“iéclion, dont un grand nombre d'exemplaires ont été 
répandus dans les observatoires etles laboratoires, et qui 
mendront de très grands services dans les mesures de 
précision; il a décrit enfin les longues et patientes re- 
‘herches exécutées en vue de déterminer l'importante 
ustante naturelle qui définit le rapport entre le kilo- 


REVUE GÉNÉRALE DES SCIENCES, 1901. 


CHRONIQUE ET CORRESPONDANCE 


gramme et la masse du décimètre cube d’eau, et les 
expériences qui ont conduit à la découverte des pro- 
priétés si curieuses et si importantes des aciers au 
nickel. Ces divers travaux ont été développés dans des 
communications faites par le très distingué directeur 
du Bureau international, M. J.-R. Benoit, et par ses 
collaborateurs dévoués, MM. P. Chappuis et Ch.-Ed. 
Guillaume. 

Il résulte en particulier de ces communications que 
la masse du décimètre cube d’eau est presque certai- 
nement comprise entre 999,940 et 990,975 granimes, 
limites beaucoup plus serrées que celles entre lesquelles 
oscillent les résultats des travaux anciens. Cependant, 
l'écart paraît encore un peu trop considérable, eu égard 
à la perfection des méthodes employées, et la Confé- 
rence a appuyé le projet du Comité de faire poursuivre 
les recherches afin de resserrer si possible encore ces 
limites. 

La Conférence a été appelée aussi à se prononcersur 
une définition rationnelle du litre, volume de 1 kilo 
d’eau pure, à son maximum de densité et sous la pres- 
sion atmosphérique normale, et celle du kilo, unité de 
masse, représentée par la masse du kilo international. 

Une résolution au sujet de ces définitions était dési- 
rable, alña de donner, aux législateurs, une base pré- 
cise pour une terminologie encore mal fixée des poids 
et mesures. 

Au sujet des législations, d'importants progrès ont 
été enregistrés depuis la dernière réunion de la Confé- 
rence, qui eut lieu en 1895. Parmi les vingt et un Etats 
qui contribuent actuellement à l'entretien du Bureau 
international, dix, dans lesquels le système métrique 
est obligatoire, ont sanctionné par des lois ou des 
décrets les étalons internationaux, qui sont aussi 
reconnus dans trois Etats où le système n’est pas 
obligatoire; dans les autres, ces étalons sont entrés 
dans l'usage sans qu'on ait jugé nécessaire jusqu'ici 
de leur donner une existence légale; mais cette recon- 
vaissance d’un état de fait ne saurait tarder beaucoup à 
se produire. 

Depuis six ans aussi, le système métrique à beaucoup 
progressé dans les pays qui, comme le Royaume Uni 
de Grande-Bretagne et d'Irlande ou les Etats-Unis 
d'Amérique, ne l'avaient que toléré ou autorisé. En 


29 


894 


Angleterré, en particulier, il est légal depuis 1897, et 
admis à égalité avec le système britannique. En Russie, 
il est facultatif dans les mêmes conditions, et en Dane- 
mark, l'adoption en a été proposée dans une loi au su- 
jet de laquelle les deux Chambres ne sont point encore 
arrivées à se mettre d'accord. 

Le système métrique est aujourd'hui d’un usage gé- 
néral dans la Science; et, dans toutes ses applications 
aux mesures de laboratoires, le progrès qui reste à 
accomplir est fort peu de chose. En revanche, d’autres 
systèmes sont encore couramment employés par l'in- 
dustrie, notamment dans les pays anglo-saxons, et 
c’est dans cette direction que la propagande en faveur 
du système métrique aura à s'exercer avec le plus 
d'efficacité. Sur ces sujets très actuels, la Conférence 
a écouté avec beaucoup d'intérêt les communications 
de M. Simon, au nom du bureau du Congrès des textiles, 
qui a adopté, l'an dernier, un numérotage des filés basé 
sur les unités métriques, et une autre communication 
de M. Sauvage, au nôm de la Société d'encouragement 
pour l'Industrie nationale, sur la question des filetages 
et du système international des pas de vis adopté par 
le Congrès de Zurich. 

Dans une autre direction, le commandant Guyou, 
membre de l’Institut, a relaté les résultats très remar- 
quables obtenus à bord de cinq bâtiments de l'Etat 
dans la détermination du point en mer à l’aide de tro- 
pomètres, c'est-à-dire de chronomètres à division déci- 
male. Il ne s’agit point ici, bien entendu, de la décima- 
lisation de l'heure civile, mais seulement de la division 
décimale des angles et du temps, qui permet d'exécuter 
des calculs très rapides des positions et d'éviter de 
nombreuses erreurs. 

Le budget primitif du Bureau international était de 
100.000 francs par an; puis il avait été réduit d'un 
quart, et, après une période d'essai de douze années, 
la Conférence, après avoir constaté que celte réduction 
ne pourrait être maintenue qu'au détriment du déve- 
loppement normal du Bureau, a décidé de recomman- 
der aux Gouvernements le retour à l’ancien budget. 
M. Millerand, dans la séance qu'il a présidée, s’est 
déclaré nettemeut favorable à cette augmentation. Une 
caisse de retraites a aussi été instituée pour le person- 
nel du Bureau. 

Enfin, il a été décidé que l’on pousserait activement 
les publications qu'un surcroît de travail avait obligé à 
ralentir depuis quelques années et qu'on continuerait 
la vérification périodique des étalons nationaux, qui 
seule peut assurer l'identité indéfinie des unités mé- 
triques dans le monde entier. 


$ 2. — Physique 


Une nouvelle relation entre les raies spec- 
trales. — Dans les spectres, déjà nombreux, où l'on 
a pu grouper tout ou partie des raies en séries obéis- 
sant, avec une grande approximation, à la loi de Bal- 
mer ou à celle de Rydberg, la parenté des raies d’une 
même série s'accuse, en particulier, par un caractère 
découvert successivement par Hartley, Rydberg et Ju- 
lius : ces raies ne sont pas simples; elles sont tout à 
la fois des doublets et des triplets et, si l'on appelle 
n, n! les nombres d'ondes (c'est-à-dire le nombre de 
longueurs d'onde contenues dans un centimètre) des 
composantes d'un doublet, la différence v—=n'—n 
est une constante pour tous les doublets d’une même 
série; de même, les nombres d'ondes de la deuxième et 
de la troisième raie d’un triplet s’obtiennent, en ajou- 
tant, au nombre d'ondes de la première, des quantités 
v, , qui ont la même valeur pour toule la série. Y 
a-t-il une relation entre ces constantes spectrosco- 
piques des éléments et les autres nombres qu'ont 
déterminés des procédés d'étude différents? 

M. Rydberg a cherché à relier les constantes v, v,, », 
aux poids atomiques des métaux; il est arrivé à ce 
résultat que le quotient de v, par le carré du poids 
atomique est fonction périodique de ce poids atomique. 


CHRONIQUE ET CORRESPONDANCE 


SO Ne 


M. William Sutherland, de l'Université de Melbourne, 
vient de découvrir, entre les éléments d'une même 
famille, des relations numériques extrêmement sim 
ples, qui constituent un des pas importants qu'on a 
faits dans l'étude de la constitution des spectres, de 
puis la publication de la formule de Balmer, mais qui 
faisant en quelque sorte un tout des éléments d'un 
même groupe, orientent les recherches dans une tout 
autre direction. à 

La relation générale est la suivante: les quantités 
v, ,, , sont des fonctions de la forme æp—f, où 
est un nombre entier, « et 6 des constantes qui ontfla 
même valeur pour un groupe d'éléments. Ainsi, en 
faisant p successivement égal à 1, 3, 12, 28, et en pre* 


nant «—19,6, $——?2, on calcule pour les métaux alcas 
lins les valeurs de v: 
Na K Rb Cs 
VE SUITE 56,8 233,2 546,8 


Les valeurs observées sont : 
17,2 56,8 


Dans la série Zn, Cd, Hg on trouve, pour v,, en fais 
sant 8— 0, et en prenant les valeurs 1, 3, 12 de p: 


Vi NAS MS NE 1.1:9,2 4.636,8 
à côté de 


386,4 1.159,4 4.633,3. 


M. Sutherland a calculé les « et $ pour les groupes: 
suivants : 


Viet re M D Ca Sr Ba 
LOST Te Du Cu Ag Au 
VERRE Ga In TI 


Ici, il y a une petite ombre au tableau; pour le 
corps inscrits dans l’avant-dernière colonne, la con 
cordance cesse d'être aussi bonne. - 

Les valeurs 1, 3, 12, 28, qu'on a données à p, sonb 
celles que prend l'expression : 


6) RE 
1—52+ 52 


quand on y fait successivement » —0, 1, 2, 3. Il est 
impossible de conserver cette expression quand On» 
passe à d’autres quantités v; on à alors: 


(famille de Zn) EEE DEAR f 
he 1,3, 12,24. 
; 3, 12, 26: 


Ve 
vsr(famille deMe)e. CRE 
y (certains doublets de Ca, Sr, Ba) 


Il peraît bien difficile, malgré la légère différence de 
ces quatre séries de facteurs, de considérer comme un: 
pur hasard l'existence de relations numériques à coeffi= 
cients entiers entre les valeurs de v, v,, v., relatives 
aux éléments d'une même famille. Le Mémoire où 
M. Sutherland à fait connaître ce résultat contient 
beaucoup d'autres considérations intéressantes, destis 
nées à étayer l'idée que tous les spectres doivent leur 
naissance à des vibrations tournantes d'électrons, déris 
vant d’une même oscillation fondamentale; mais c@ 
travail demanderait une étude approfondie et il nous a 
paru préférable d'isoler et de mettre en relief le résultats 
le mieux établi et le plus inattendu. , 


$ 3. — Botanique 


L'enseignement de la Botanique dans les 
Universités. — Notre très distingué collaborateur 
M. Vuillemin rend compte, dans une autre partie de la 
Revue d'un intéressant et très origininal Traité de 
Biologie végétale, dù à M. Pavillard. Nous voudrions 
prendre occasion de la publication de ce livre pour 
appeler l'attention des professeurs sur une question 
de pédagogie scientifique que M. Ch. Flahault a spé 


SE ————— ———— 


4 Voir plus loin, page 932 


CHRONIQUE ET CORRESPONDANCE 


cialement traitée dans la préface qu'ila donnée à cet 
ouvrage. 
—…._ L'éminent professeur de Montpellier est, on le sait, 
“particulièrement qualifié pour apprécier les méthodes 
en vigueur dans l'enseignement des Sciences natu- 
relles, et nous devons être attentifs au cri d'alarme 
“qu'il profère au sujet des tares fondamentales, des 
“Jacunes et des dangers d'une pédagogie surannée, où 
tant de place estencore laissée à une routine irréfléchie 
“et incohérente. 


ds 


… M. Flahault rappelle d'abord les conditions actuelles 
me l'enseignement des Sciences naturelles, en particu-® 
lier de la Botanique, dans nos établissements universi- 
aires. Conformément à l’évolution de nos convuaissan- 
ces, la théorie cellulaire y joue un rôle prépondérant; 
“elle est la base fondamentale de tout le système, le 
point de départ de toutes les déductions; elle s'impose, 
comme inévitable, à l'esprit des maîtres et des élèves. 
Ouvrez n'importe quel ouvrage élémentaire : il débute 
invariablement par la notion de la cellule, par l'analyse 
abstraite de sa constitution, de ses attributs, de sa 
systématique. Cette méthode est loin d'être à l'abri de 
tout reproche. 

« A partir du jour où il est établi que la cellule est 
l'élément fondamental de tout organisme vivant, écrit 


M. Flahault, il semble que tout livre destiné à l’ensei- 


+ 


gnement de la Botanique doive nécessairement com- 
mencer par l'analyse détaillée de la cellule. Cette 
manière à ses avantages; nous nous garderions d'y 
trouver à redire, lorsqu'il s'agit d’un enseignement 
préparé par la connaissance générale des objets de la 
Nature. Mais l'enfant échappe à peine à cette obses- 
sion : on daigne encore lui dire ce qu'est une plante, 
à quoi servent ses diverses parties; c'est une concession 
à son jeune âge; le temps des lecons de choses passé, 
on n'y revient plus. L'enfant est au lycée; il va subir 
- une longue réclusion pour apprendre à faire bon usage 
de la liberté. Il ne verra plus la Nature qu'en rêve, ou 
pendant de courtes envolées. Ses maitres, obéissant à 
… des exigences étrangères à la Science, n'ont pas le pou- 
… voir de la lui montrer, de lui en faire apprécier la 
£ sublime harmonie. La discipline le veut ainsi. 
- «La parole du maitre doublée de manuels, ce sont les 
- seuls moyens par lesquels les jeunes gens de nos gran- 
ki des villes, sans contact avec la Nature, apprendront à la 
connaître. On à pourtant la prétention de ne pas la 
leur laisser ignorer. Pour y réussir, on l'analyse jusque 
dans les détails les plus minulieux; on en dissèque tous 
les éléments constitutifs. On étudie les fonctions indé- 
» pendamment les unes des autres et, parfois, pour plus 
de simplicité, en dehors des organes qui les accomplis- 
sent. L'horizon est de plus en plus borné. La Botani- 
que, ainsi traitée, devient une science abstraite qui a la 
Nature pour objet. L'étude de la Nature est bien le 
thème développé; mais il semble que cette Nature soit 
… hors d'atteinte; on parle des objets qui nous entourent 
- comme on parlerait des étoiles. On ne les décrit pas; 
on ne les montre pas, et les détails minutieux qu'on en 
fait connaître n'en laissent pas moins l'objet le plus 
vulgaire dans le monde des abstractions. On met beau- 
coup de logique à catégoriser les faits; chaque chapi- 
tre est un compartiment bien clos, on entrevoit à peine 
- ses rapports avec les compartiments voisins. Au milieu 
de cet ordre parfait, nous ne voyons plus vivre la 
plante; nous n'avons plus l'idée du fonctionnement 
harmonique de toutes ses parties. Elle est le substratum 
de ses phénomènes déterminés avec précision, mais ce 
substratum est quelconque, comme le ballon oule creu- 
set où s’accomplit une réaction chimique. » 
Une telle méthode apparaîtra, sans doute, comme le 
. résultat de notre régime de centralisation absolue, où 
toute tendance individuelle est paralysée par l’unifor- 
… mité des programmes, tout écart d'indépendance bridé 
- par la contrainte des obligations administratives, régime 
- dont l'idéal semble être le fonctionnement automatique 
Re mécanismes immuables, de rouages parfaitement 
réglés, mais dont toute âme serait absente. 


| 
) 


895 


L'abus des classements artificiels, des procédés 
géométriques et des vues a priori, la multitude des 
noms de genre et d'espèce, et des termes techniques, 
suffisent amplement pour slupéfier les jeunes gens, en 
sollicitant l'intervention exclusive de la mémoire, pour 
bannir de leur esprit, comme de celui des maitres, 
toute tentative d'effort intellectuel, pour étouffer chez 
eux toute aptitude à l’investigation personnelle. . 

La conquête rapide d'un grade plus ou moins 
auréolé, palladium indispensable à l'entrée de toute 
carrière libérale, est, pour le plus grand nombre, le but 
suprème d'une scolarité laborieuse, qui dicte, à l'exa- 
men, les réponses stéréotypées, incomprises ou rete- 
nues à l’aide de futiles procédés mnémoniques. 

Qui ne voit au bout d’un pareil régime l'effacement 
complet de la personnalité, le recul, peut-être l'atro- 
phie d’une intelligence, comprimée dans son essor par 
des procédés niveleurs et tortionnaires ? L'enfant 
modelé par la contrainte, faconné d’avauce à tous les 
renoncements, hésite, et sent sa raison faiblir à la plus 
légère contradiction. Son esprit, habitué aux affirma- 
tions sommaires, aux jugements ex cathedra, recule 
devant tout essai de critique, s’abstient de tout initia- 
tive soit pour découvrir, soit même pour comprendre, 

« Les jeunes gens qui nous viennent, écrit encore 
M. Flahault, ont tout appris; mais ils ne savent rien 
par eux-mêmes. Ils n’ont aucune certitude. Pour peu 
qu'on les pousse, ils s’abritent derrière l'autorité de 
leur professeur : Magister dixit ; « cest ce quon ma 
dit ». d 

On a parlé de la faillite de la Science; c'était une 
bêtise; mais ne semble-t-il pas que nous marchions, 
tète baissée, vers la faillite de notre éducation scienti- 
fique ? ; 

Bien lourde est !a charge des professeurs de l’ensei- 
snement secondaire, obligés de se tirer d'affaire dans 
un cadre aussi restreint, en accommodant leur rôle 
d'éducateurs aux exigences du mécanisme adminis- 
tratif. Autrement grave serait la responsabilité des 
maîtres de l’enseignement supérieur, si, ne s'avisant 
pas des devoirs qu'impose leur situation privilégiée, — 
l'entière liberté dout ils jouissent, — ils ne s’efforçaient 
d'orienter leur enseignement dans le sens du progrès 
intellectuel et moral de leurs disciples. Leur rôle est 
nettement tracé : 

« Si toutes les aptitudes natives et latentes de l’en- 
fant pour l'observation n'ont pas été étouffées, s'il 
reste encore chez le jeune homme quelque désir d'aller 
vers elle assez fort pour déterminer le choix d'une 
carrière scientifique, agricole, médicale ou autre, notre 
devoir est d'éprouver ces aptitudes au plus vite et de 
donner une autre direction aux jeunes hommes lors- 
qu'elles ne sont pas confirmées. ? k 

« Nous avons le devoir de faire l'éducation de la 
pensée par l'observation. Les sciences physiques el 
naturelles en fournissent d'excellents moyens. Il s'agit 
beaucoup moins pour nous de bourrer l'esprit et la 
mémoire de la masse des faits acquis à la science que 
de former l'esprit à l'observation personnelle. Que le 
jeune étudiant soit mis, dès le premier jour, en face de 
la Nature pour l'interroger lui-même; quon lui mette 
entre les mains les moyens de contrôler les faits sur 
lesquels le maître s'appuie el d'en faire la preuve et, 
s'il est capable de penser, on verra bien vite se déve- 
lopper chez lui la curiosité de l'observation personnelle, 
l'esprit de contrôle et de critique. Ce devoir de former 
des intellisences et de les dégager des procédés scolas- 
tiques préoccupe les maîtres de l'enseignement supé- 
rieur qui vivent en contact constant avec leurs élèves. 
Il n’est pas besoin, pour y réussir, de tout enseigner. 
I] faut et il suffit que, suivant le but qu'il vise, l'étudiant 
puisse se faire, sur la majorité des faits qu'on lui 
enseigne, une opinion qui lui soit propre.» ; 

Fortifier le jugement, développer et affermir | intelli- 
sence, exercer l'esprit par l'observation des phéno= 
mènes de la Nature, par la recherche personnelle des 
causes et des relations, cela vaut mieux, sans doute, 


896 


que dérouler l’entendement et décourager les vocations 
par les vains artifices d’une nomenclature outrancière, 
par les compilations indigestes, l'analyse sèche et minu- 
tieuse des moindres détails, l'étalage puéril des réac- 
tifs, flacons et appareils. Mettre les jeunes gens en 
présence du monde organisé, les intéresser aux formes 
dominantes, aux aspects caractéristiques, les initier 
aux manifestations essentielles de la vie des végétaux 
et des animaux, tel nous apparaît le régime rationnel 
de l'enseignement des sciences naturelles dans les 
Universités. Méthode bien simple, en vérité; et, pour- 
tant, que de lacunes, de négligences ou de défaillances 
dans l'application! Nombreux sont les étudiants qui 
arrivent à la licence sans avoir jamais vu d’autres 
plantes que celles qui végètent dans le sol artificiel 
des jardins botaniques. Nous pourrions citer telle 
Faculté où l'on n'herborise jamais! 

Est-elle réellement propre à élever l'esprit, à « l'ou- 
vrir au sentiment de l'harmonie universelle des êtres 
vivants », celte dogmatique froide et prétentieuse qui 
se flatie d'éclairer un point obscur de la philosophie 
naturelle, en ramenant la suggestive évolution des 
Fougères à la succession de deux tronçons de longueur 
inégale ! 

Que dire encore ? Le mal est grave, mais il n'est pas 
irréparable. De toute part, en effet, surgissent déjà 
d'heureux symptômes. Depuis quelques années, un 
souffle puissant, régénérateur, a passé, emportant au 
loin les antiques formules, les procédés rouliniers, 
encombrant héritage du passé. En Physique appliquée, 
en Chimie industrielle, dans toutes les formes de 
l'Art, des progrès admirables ont été réalisés. 

Sous l'impulsion des conquêtes prodigieuses du savoir 
humain, de l'étonnante éclosion d'idées qui est sortie 
de ces conquêtes, grâce enfin à l'influence d’un sens 
critique toujours plus raffiné, l’enseignement scienti- 
fique en France a commencé à sortir de sa torpeur; 
un malaise indéfinissable s’est emparé de tous les 
esprits ; les meilleurs ont eu comme l'intuition d'avoir 
fait jusqu'ici fausse roule. A l’œuvre donc, et qu'on 
réforme, puisqu'il en est temps encore ! 

C'est d’abord l'organisation du travail qu'il importe 
d'adapter à son rôle, en restituant à l'éducation indivi- 
duelle, à l’investigation personnelle, la prépondérance 
usurpée par la forme doctrinaire de l’enseignement 
magistral : 

« Lorsqu'il s'agit de l'enseignement supérieur des 
sciences biologiques, les cours professés à l’amphi- 
théâtre doivent être subordonnés: ils doivent être le 
complément de l’enseignement des laboratoires, en 
relier les diverses parties, en établir l'enchainement, 
en tirer les conclusions. L’enseiynement des labora- 
toires régularise et complète ce que l'observation 
directe de la Nature a, nécessairement, de fortuit et de 
fragmentaire. Le laboratoire, c’est l'observation de la 
Nature endiguée, régularisée, dirigée; mais, il ne faut 
pas l'oublier, quoi qu'on fasse, la Nature ne se laisse 
pas emprisonner et contraindre. Bon gré, mal gré, il 
faut y revenir, ou mieux commencer par elle, et lui 
demander tout ce qu’elle peut donner directement. 

« N'est-ce pas là, d’ailleurs, que tend l'effort entier 
de notre peuple ? Pouvons-nous demeurer étrangers à 
ce mouvement qui partout, hors de France, pousse les 
maitres de la Science à délaisser les facilités de leurs 
laboratoires pour se mettre en rapport plus intime 
avec la Nature par l'observation directe des faits, par 
la recherche des rapports de l'être avec le milieu qui 
lentoure ? De quelles découvertes insoupconnées ne 
sommes-nous pas redevables à ces vaillants champions 
de la vérité qui, des pôles à l'équateur, des forèts 
tropicales aux neiges éternelles, forcent la Nature 
à leur livrer ses secrets : Haberlandt, Kerner, Fritz 
Müller, Schimper, Treub, Warming, et tant d'autres. 
En voulant que les botanistes.... sachent observer la 
Nature, nous suivons la voie où s'engage la Science. On 
ne devient pas natucaliste par d’autres moyens. » 

En second lieu, c'est la forme mème de l'enscigne- 


CHRONIQUE ET CORRESPONDANCE 


ment qu'il faut mettre à la hauteur des progrès généraux 
de l’esprit humain et de l’évolution de la pensée scien- 
tifique. Depuis un demi-siècle, des notions nouvelles 
se sont fait jour; des idées anciennes, naguère domi- 
nantes, ont décliné; quelques-unes ont été totalement 
abandonnées; d’autres les ont remplacées, déjà entre- 
vues dans le passé, ou nées d'hier, et dont l'essor fut 
aussi rapide que brillant. Chacune doit trouver sa place 
dans un enseignement rationnel, fondé sur l’interpréta= 
tion légitime des formes et des phénomènes. S'adres: 
sant à des jeunes gens, dont la culture intellectuelle 
offre pour garants les diplômes déjà conquis, l'ensei= 
gnement supérieur doit dépouiller toute la raideur 
d'ane dogmatique impérieuse, sans s’abaisser au terre 
à terre de la leçon de choses; faire appel au sens cris 
tique, à l'esprit d'analyse, sans rien concéder à la 
curiosité mesquine et frivole. Aux conceptions sim 
plistes, peut-être erronées, de l'unité du Règne végétal, 
de l'indépendance des deux domaines, morphologique 
et physiologique, il doit substituer un enchaivement 
méthodique, un développement harmonique des progrès 
de l’organisation, de la différenciation des fonctions, 
des rapports de l’être avec le milieu. 

C'est les yeux fivés sur le monde qui nous entoure, 
que l'étudiant doit être initié à l'épanouissement gra 
duel de la vie des plantes et des formes végétales: 
L'humble plasmode des Myxomycètes, le grumeau pro= 
toplasmique lui fournira l’occasion d'analyser les pro: 
priétés vitales fondamentales, manifestations obscures, 
mais universelles, de la vie de toute matière vivante. 

La théorie cellulaire, déchue de son rang usurpé de 
souveraine, sera remise à sa place dans le cortège 
méthodiquement ordonné des progrès morphologiques: 

La grande loi de la division du travail, introduite. 
dans les sciences biologiques par la sagacité d'un H: 
Milne-Edwards, ressortira comme le trait d'union né= 
cessaire des deux domaines, anatomique et physio- 
logique, comme le mécanisme créateur, le principes 
dominateur de toutes les conquêtes réalisées dans 
l'ordre du progrès morphologique, comme le guide 
infaillible à l’aide duquel nous pouvons gravir, d'échelon: 
en échelon, tous les degrés de l'orgauisation, depuis" 
les êtres les plus élémentaires jusqu'au sommet de las 
série végétale. 

Enfin, la concurrence vitale, la lutte pour l'existence, 
conception géniale d’un poète, devenue réalité vivante 
par l'effort continu de plusieurs générations de pen= 
seurs, répandra sur tout le domaine de la philosophie 
naturelle la clarté lumineuse de ses explications, élu- 
cidant tous les problèmes, répondant à toutes less 
questions légitimes, s'appliquant à tous les processus 
de l'évolution individuelle, à tous les mécanismes de 
l'adaptation, à lous les facteurs multiples de la survi=. 
vance spécifique et de l'extension territoriale. À 

Quel tableau impressionnant pourrait dresser un. 
botaniste, connaissant et aimant la Nature, et bornant 
ses désirs à la faire connaître el aimer par d'autres M 
Affranchi de la tutelle de l'anatomiste, qui dissèque, el. 
du collectionneur, qui dessèche, il n'aurait d'autre. 
ambition que de montrer la plante, mais la plante 
vivante, en place, dans la plénitude de ses fonctions, 
dans l’infinie diversité de ses manifestations vitales, 
dans ses rapports multiples avec Je temps, le milieu eb 
les autres plantes ; tâche grandiose, mais non surhu- 
maine, dont s'acquittent, avec un succès aujourd hui 
notoire, les éminents directeurs de l'Institut Botanique 
de Montpellier. ; 

En signalant ici à nos lecteurs les remarques que 
l'un d'eux vient d'émettre incidemment, dans lan 
préface d’un Traité didactique, au sujet des procédés. 
ordinaires d'enseignement, nous ne devons pas omettre 
d'indiquer combien fécondes se sont montrées les 
méthodes qu'il préconise. Il s'agit là, en effet, non de 
vues à priori et qu'il resterait à soumettre au contrôle 
de l'expérience, mais de tout un système d'éducation 
scientifique soigneusement appliqué et qui, à l'heure 
actuelle, a fait ses preuves. Louis Olivier. 


CT T Se VONT © 


L sd 


E. GLEY — LA PATHOGÉNIE DU GOITRE EXOPHTALMIQUE 


897 


LA PATHOGÉNIE DU GOITRE EXOPHTALMIQUE 


Le goitre exophlalmique, cette curieuse maladie 
que caractérisent trois grands symptômes, l’hyper- 
trophie de la glande thyroïde ou goitre, la projec- 
“tion du globe oculaire ou exophtalmie et l’accélé- 
ration persistante des battements du cœur, très bien 
connue cliniquement dans loutes ses particularités 
- et dans son évolution, est encore inexpliquée. Et, 
sans contredit, c'est une des questions médicales les 
- plus discutées de’ ce temps que la question de sa 
pathogénie. Il me semble cependant que, grâce 
à plusieurs travaux publiés dans ces dernières 
années, il n'est pas impossible présentement de 
délimiter le champ des hypothèses. 


sf 


LE 


En premier lieu, la remarque s'impose de l'aban- 
don définitif des anciennes théories. Aucun mé- 
decin sans doute ne considère plus maintenant le 
goitre exophtalmique comme une maladie du cœur 
ou comme une névrose pure et simple. 


ner re, D. ii ds | SF M ET, Po EPS 


Il 


Il faut aussi abandonner la théorie plus récente 
de la suractivité fonctionnelle de la glande thy- 
roïde ou, pour employer un néologisme usilé, de 
« l'hyperthyroïdation ». Depuis que cette hypothèse 
a élé mise au jour, on a fait observer que les 
injections d'extrait thyroïdien ou « l'alimentation 
thyroïdienne » n'ont, en définitive, jamais donné 
lieu au syndrome décrit par Basedow et par Graves. 
Il n’eùt pas été difficile cependant, au cas où cette 
conception eût été exacte, de l'appuyer solidement 
sur des vérifications expérimentales. En fait, per- 
sonne n'a réussi, même en administrant pendant 
longtemps à des animaux des extraits thyroïdiens, 
à réaliser la maladie. C’est déjà ce que constatait 
Brissaud, en 1895, dans son Æapport sur le corps 
thyroide et la maladie de Basedow, au VI° Congrès 
des aliénistes et neurologistes français : « Chez le 
chien, disait-il, l'ingeslion de lobes thyroïdiens 
en quantité considérable ne provoque ni la tachy- 
cardie, ni l'exophtalmie, ni le goitre. Quant aux 
accidents qui, chez l'homme, résultent de la médi- 
calion thyroïdienne intempestive ou excessive, ils 
n'ont aucun rapport, en quoi que ce soit, avec la 
maladie de Basedow. » Dans ce même Congrès, je 
montrais moi-même que la plupart des symptômes 
du goitre exophtalmique, sinon tous, pourraient 
aussi bien s'expliquer par une diminution que par 
une exagération de la fonction thyroïdienne. 


« L'idée de la diminution de la ‘sécrétion thyroï- 
dienne comme cause de cette maladie, disais-je, 
peut être défendue par des raisons aussi valables 
que l’idée de l’exagération de cette sécrétion. » Un 
peu après, Walter Edmunds écrivait à son tour ‘ : 
« Le contraste entre la maladie de Graves et le 
myxædème n'exisie bien que pour le myxædème 
chronique ; dans le myxædème aigu, tel qu'on le 
voit chez les chiens, et quelquefois chez les singes, 
il y a des tremblements et des attaques de dyspnée 
qui ressemblent à ceux de la maladie de Graves. » 

Le seul argument qui pourrait encore être in- 
voqué en faveur de l'hyperthyroïdation, c’est celui 
que l'on a liré des bons effets de la thyroïdectomie 
dans le goilre exophtalmique. Les stalistiques de 
ce traitement chirurgical qui ont été produites à la 
LXXI Réunion des Naluralistes et Médecins alle- 
mands (Münich, 17-22 septembre 1899) donnent 
près de 70 °/, d'améliorations (Rehn, Reinbach, 
Kümmel). Mais Allen Starr, dans un autre travail 
de statistique, publié en 1896 dans les Afedical 
News, rapporte que, sur 190 opérés (thyroïdec- 
tomie partielle), il y eut 33 morts immédiales; et, à 
ces désastres de la méthode, il faut ajouter les sim- 
ples échecs et les cas d'amélioration passagère suivie 
de récidive. Enfin et surtout, il importe de se rap- 
peler que l'on a plusieurs fois obtenu la guérison 
du goitre exopüulalmique non seulement par des 
traitements. médieaux dont il 
inutile de parler ici, mais aussi par la résection 
du sympalhique cervical là un 
que j'examinerai tout à l'heure) ou bien par 
l'alimentation thyroïdienne. Les observations con- 
cernant cette dernière méthode, lrès génantes pour 
les partisans de l’«hyperthyroïdalion », ne peuvent 
êlre mises en doute. J'ai été moi-même appelé 


très divers, esl 


(c'est point 


occasionnellement, il y a plusieurs années, à faire 
appliquer ce traitement dans un cas grave de. 
goilre exophtalmique et j'en ai constaté le succès; 
j'ai vu la tumeur thyroïdienne diminuer de volume, 
les tremblements disparaitre, le cœur se ralentir 
un peu et les forces revenir peu à peu. Ainsi donc 
la thérapeulique du goitre exophtalmique n'est pas 
simple et une. Le vieil aphorisme : Naturanm mor- 
borum ostendunt curationes, ne s'applique pas au 
traitement chirurgical de cette maladie; car il n'a 
de valeur que s'il est absolu. Une médication ne 
peul avoir de signification pathogénique qu'à la 


1 Wauren Eouunos : Observations and experiments on the 
pathology of Graves's disease. Transactions of pathol. Soc. 
of London, 1895 et Journal of Pathol. and Bacteriol., January 
1896. 


898 


= 


condition de réussir dans lous les cas. La théorie 
de « l'hyperthvroïdation » se trouve donc dépos- 
sédée de sa preuve la plus solide en apparence. 


III 


Pendart que la théorie de « l'hyperthyroïdation » 
essayait de se maintenir, une autre conceplion se 
faisait jour, amenant un nouveau traitement du 
goitre exophtalmique, dont le résultat à son tour 
apparaissait comme constituant la preuve la plus 
sûre à l'appui de celte conception. On voulut voir 
la cause de la maladie dans une excitation per- 
manente du sympathique cervical. Cette idée avait 
déjà élé émise par Trousseau. Elle fut implicite- 
ment reprise par Jaboulay (de Lyon) pour justifier 
son traitement du goitre exophtalmique par la 
section du sympathique cervical. Elle a été 
exposée avec une grande clarté par Ch. Abadie ‘. 

IL est très vrai que l’on peut, en supposant une 
excitation permanente des filets nerveux vaso- 
dilatateurs de la glande thyroïde et de la tête, 
expliquer la dilatation des artères de la tête et du 
cou, la projection du globe oculaire, le gonflement 
de la thyroïde ; d'autre part, la tachycardie et la 
dilatation de la pupille tiendraient à l'excitation 
des nerfs accélérateurs du cœur et des nerfs 
dilatateurs de la pupille, qui ont une commune 
origine dans la moelle et qui suivent les mêmes 
voies que les vaso-dilatateurs de la tête. 

Dans celie conception cependant, ni les tremble- 
ments, ni les convulsions épileptiformes, ni les 
crises de dyspnée, ni la polyurie, ni la diarrhée, 
ni la boulimie, ni l'anémie, ni la faiblesse, ni la 
cachexie, que présentent si souvent les malades 
dont il s’agit, ne se trouvent expliqués. Je n'insis- 
terai pourtant pas sur ce point, car une remarque 
plus importante est tout de suite à présenter. 

De quoi dépend cette excitation permanente de 
celte partie du système sympathique? On ne nous 
le dit pas. 

Ce phénomène ne s'explique pourtant point 
par lui-même ; il a donc besoin à son tour d’une 
raison causale. C'est qu'il en est de cette théorie 
comme de toutes les théories pathogéniques dites 
nerveuses; elles ne se suffisent pas. Une lésion 
nerveuse, un trouble nerveux fonctionnel peuvent 
bien rendre compte de toute une série de 
désordres, mais ils doivent avoir eux-mêmes une 
cause qu'il faut délerminer. La conception dont il 
est question ne pourrait donc, à supposer qu'on 
l'admit sans réserves, constituer qu'une élape dans 
la voie des explications. 


‘ Aganie : Pathogénie et traitement du goitre exophtal- 
mique. Presse médicale, 3 mars 1897, p. 93. 


E. GLEY — LA PATHOGÉNIE DU GOITRE EXOPHTALMIQUE 


IV 


A la même époque à peu près où se produisait . 


celle théorie, nos connaissances sur la physiologie 
de l'appareil thyroïdien subissaient une évolution. 


Jusqu'en 1891, les physiologistes ne connurent « 


que la glande thyroïde proprement dite. Mes 
recherches, publiées à la fin de cette année et en 
1892-93 *, élablirent le rôle important des petites 
glandules annexées à cette glande, ou glandules 
parathyroïdes. Cetle donnée fut confirmée par 
plusieurs expérimentateurs. Entre temps, A. Nico- 
las (de Nancy)? et Kohn (de Prague)* montrèrent 
que les glandules sont au nombre, non pas de 
deux, comme je l'avais cru d'abord, mais de 
quatre. L'existence de ces deux paires de glan- 
dules fut constatée sur des animaux de diverses 
espèces. Il devenait alors indispensable de chercher 
quels seraient les effets de l'extirpation simultanée 
de toutes les parathyroïdes. J'avais dit précédem- 
ment (Arch. de Physiol., 1892) que l’extirpation 
des glandules externes ne détermine aucun 
accident ; mais il se pouvait que la suppression de 
celles-ci et des deux glandules internes en même 
temps provoquàt des troubles. Les premiers, 
Vassale et Generali realisèrent cette expérience “; 
les chiens et les chats opérés présenlèrent les 
accidents habituels de la thyroïdeclomie, suivis de 
mort rapide. Rouxeau (de Nantes) et moi-même, 
indépendamment l'un de l'autre, nous fimes voir 
que l’on peut observer le même fait sur le lapin‘, 
et je le vérifiai sur le chien ‘. Moussu’ confirma à 
son tour les résultats des recherches de Vassale, 
De ces données nouvelles plusieurs expérimenta- 
teurs tirèrent très vile la conclusion que la 
glande et les glandules ont des fonctions absolu- 
ment distinctes. 

Il n’est pas inutile de remarquer combien cette 
conclusion était prématurée. Je possède deux cas 
de survie, chez le chien, après exlirpation de 
toutes les glandules, un seul lobe de la thyroïde 
élant conservé. J'ai observé, d'autre part, sur 
deux autres animaux, à la suite de la même opé- 
ralion, le développement lent d'accidents qui se 
sont aggravés après l’ablation d'un lobe restant de 
la thyroïde et ont alors amené la mort. J'ai vu un 
fait du même genre chez le chat. Un autre chien, 
après la parathyroïdectomie, n'a présenté que des 


* C. R. de la Soc. de Biol. et Archiv. de Physiol. 

* Bull. de la Soc. des Sc. de Nancy, V, p. 13,3 mai 1893. 
* Archiv {. mikrosk. Anat., XLIV, p. 366, 1895. 

* VASSALE et GENERALI : Av. di palol. nerv. e mertale, 


1896, 1, p. 95 et 249. 

* Rouxeau : Comptes rendus de la Soc. de Biol., 9 janvier 
1897, p. 17. — E. Grey : Zbid., p. 18 et Bull. du Muséum 
d'Hist. nalur., 4897, n° 1, p. 23. 

® E. GLey : Joc. cit. 


* G. Moussu : Soc. de Biol., 16 janvier 1897, p. 44. 


ax 


fi 


E. GLEY — LA PATHOGÉNIE DU GOITRE EXOPHTALMIQUE 


899 


troubles nutritifs qui ont mis un mois à évoluer 
jusqu'à l'issue fatale. Sur le lapin, enfin, j'ai vu 
plusieurs fois l'extirpation des glandules externes 
“(celle de la glande ayant été faite préalablement 
_ depuis un certain temps) n'être suivie que de 
troubles nutritifs chroniques entrainant la mort 
“en un mois environ. Walter Edmunds a également 
M des cas de survie (4 sur 9) chez les chiens 
“parathyroïdectomisés ‘. Et il considère cette opé- 
ration, contrairement à Vassale et Generali, à 
oussu, à Lusena, comme moins grave que la 
hyroïdectomie complète (ablalion de l'appareil 
hyroïdien tout entier, glande et glandules). Telle 
serait aussi mon opinion. 
L'idée d'une distinction absolue entre ces deux 
parties du même appareil est donc déjà battue en 
brèche par ces expériences. D'autres faits, d'un 
autre ordre, la contredisent encore. Ainsi, Walter 
Edmunds à montré que la suppression des para- 
thyroïdes entraine des modifications histologiques 
dans la glande. Je reviendrai plus loin sur ce 
point. Vassale et Generali ont eux-mêmes trouvé 
que, chez les chiens qui succombent à la paralhy- 
roïdectomie, les vaisseaux lymphatiques de la thy- 
« roïde ne contiennent plus de substance colloïde. 
G. Lusena, vérifiant cette observation, a vu que, 
dans les cellules de la thyroïde des chiens en 
tétanie, après la parathyroïdectomie, on ne trouve 
plus de granules colloïdes*. Cette sécrétion est 
donc strictement dépendante de la présence des 
glandules parathyroïdes. Or, le rôle physiologique 
de la sécrétion colloïde paraît indiscutable. D'au- 
tres expériences du même auteur, il résulte que 
la médication parathyroïdienne agit aussi bien sur 
les accidents consécutifs à l'extirpation de la thy- 
roiïide que sur ceux qui suivent l'extirpation des 
parathyroïdes. — Autre chose maintenant. Je rap- 
pellerai que j'ai trouvé * autant et plus d'iode dans 
les glandules que dans la glande chez le chien et 
chez le lapin, et que Lafayette Mendel ‘ a récem- 
ment confirmé ce fait intéressant. Or, nous savons 
. que l’iode est nécessaire à l'action de la sécrétion 
thyroïdienne. — D'autre part, ver Eecke ‘, dans des 
. expériences très bien conduites sur le lapin, a éta- 
bli que les échanges nutritifs subissent des modi- 
fications de même sens après la thyroïdectomie 
totale ou partielle (réduite à l'ablation de la thy- 
roïde proprement dite). 
- Pour toutes ces raisons, il me semble que l'idée 
que j'ai émise dès 1897 °, à savoir qu'il se pourrait 


Lé À 


1 J. of Pathc]. and Bacteriol., may 1899. 
…. © G. LusenA : F'üisio-patologia dell apparecchio tiro-para- 
- tiroideo, Firenze, 1899. 
# Comptes rendus de l'Acad. des Se., 2 août 1897. 
# American J. of Physiol., 1, p. 283, 1900. 
n ÿ Arch. intern. de Pharmacodynamie, IV, p. 81, 1898. 
ÿ E. Gzey : Rapport sur la physiologie pathologique du 


fort bien qu'il y eût entre la thyroïde et les para- 
thyroïdes une véritable association fonctionnelle, 
devient de plus en plus plausible. WalterJEdmunds 
a été amené, de son côté, à conclure de ses recher- 
ches (loc. cit., mai 1899, p. 71) que ces deux sortes 
de glandes ne sont pas indépendantes, puisque 
l'extirpation des lobes thyroïdiens amène des 
modifications de structure dans les parathyroïdes 
et que l’extirpation de celles-ci provoque de même 
des altérations dans la thyroïde. Je noterai encore 
volontiers ici que Cunningham (de New-York) a 
trouvé dans une parathyroïde de chien, à la fois les 
deux tissus, thyroïdien et parathyroïdien, et que 
Walter Edmunds à eu aussi l'occasion de faire la 
même constatation (loc. cit., p. 71). Ainsi, on peut 
démontrer physiologiquement qu'il n'y a pas indé- 
pendance entre la glande et les glandules, 


Voyons maintenant si de toutes ces recherches 
sur les glandules parathyroïdes ne sont pas sorties 
des conséquences pathologiques. Il me semble que 
deux théories en sont plus ou moins directement 
issues, relatives à la pathogénie du goitre exo- 
phtalmique. 

1°. — Les expériences de Vassale et celles de 
Moussu avaient conduit leurs auteurs à cette con- 
clusion que la thyroïde et les parathyroïdes cons- 
tituent deux organes différents. La suppression 
du premier de ces organes n'amènerait que des 
troubles trophiques (plus ou moins analogues au 
myxædème de l'homme), et celle du second déter- 
minerait des accidents convulsifs et la mort. D. A. 
Welsh” peut être rangé aussi parmi les promo- 
teurs de cette théorie. Moussu, poursuivant celte 
voie el appliquant cette idée à la pathologie, 
émit l'hypothèse que le goitre exophtalmique relè- 
verait d'une « insuffisance parathyroïdienne » ?. 
« On ne peut s'empêcher, dit-il, d'établir un rap- 
prochement entre celte symptomatologie (celle de 
l'insuffisance parathyroïdienne) et celle de la mala- 
die de Basedow » (0e. cit., p. 71). Mais comment 
cet auteur a-t-il pu concevoir que les symptômes : 
de la maladie de Basedow résultent de la perte ou 
de la diminution de la fonction parathyroïdienne, 
alors que les effets essentiels de l’extirpation des 
parathyroïdes ne sont nullement identiques à ces 
symptômes ? La suppression des parathyroïdes ne 
réalise pas plus la maladie que l'administration 


myxædème (12° Congrès intern. de Méd.. Moscou, 1891). 
Voy. aussi du même auteur : Les relations actuelles entre la 
physiologie et la pathologie de la glande thyroïde, Physio- 
logie pathologique du myxœdème (Revue gén. des Se. 
15 janvier 1898) et : Glande thyroïde et glandules para- 
thyroïdes (Presse médicale, 12 janvier 1898). 

1! J, of Anal. and phys., XXXII, p. 292-307 et 380-402, 1898. 

? Moussu : Recherches sur les fonctions thyroïdienne et 
parathyroïdienne (Thèse, Paris, 1897). 


900 


exagérée d'extrait thyroïdien *. On a, d’ailleurs, vu 
plus haut qu'il y a des cas où la parathyroïdecto- 
mie n'est suivie d'aucun accident d'aucune sorte. 

Un peu plus tard, sans doute, Moussu a essayé 
d'appuyer celte hypothèse sur les résultats du trai- 
tement du goitre exophtalmique par l’administra- 
tion de glandules parathyroïdes ; mais il n'a publié 
qu'une seule observation, dans laquelle, sous l’in- 
fluence de ce traitement, ilse produisit une amélio- 
ration de la maladie *. D'un autre côté, je sais bien 
que Easterbrook et Hutchison ‘ ont vu que l'ali- 
mentation parathyroïdienne est sans utilité dans le 
myxædème. Mais, pour asseoir une théorie patho- 
génique sur des observations du genre de celle 
que Moussu a publiée, il faudrait en avoir au moins 
un certain nombre. D'ailleurs, le fait, s'il se 
vérifiait, serait passible d’une autre explication. 
On pourrait penser que l'introduction de glandes 
parathyroïdes dans un organisme dans lequel la 
fonction thyroïdienne esttroublée, apporte au corps 
thyroïde lui-même, incontestablement altéré dans 
la maladie de Graves, quelque chose qui iui man- 
quait et qui rétablit son fonctionnement normal. De 
fait, comme je l'ai déjà dit plus haut, Lusena, qui a 
récemment beaucoup étudié leseffets de laparathy- 
roïdectomie, déclare que « l’organothérapie para- 
thyroïdienne modifie avantageusement d'une façon 
certaine aussi bien le syndrome thyréoprive que le 
syndrome parathyréoprive » (loc. cil., p. 402). Et 
c'estici lelieu derappelerles observations de Walter 
Edmunds * qui montrent qu'après l’extirpation-des 
parathyroïdes la glande thyroïde est profondément 
altérée. — Quant aux observations de Easterbrook 
et Hutchison, n'est-il pas possible de les expliquer 
par la supposilion légitime que l'alimentalion 
parathyroïdienne peut demeurer sans effet dans le 
myxædème parce que la glande thyroïde est grave- 
ment malade et que la substance ainsi administrée 
ne trouve plus ou plus assez de tissu sain sur 
lequel agir. 

20, — [1 faut donc enarriverà une conceplionnou- 
velle, qui me paraît reposer sur un ensemble de 
preuves expérimentales, histo-physiologiques et 
chimiques. 

Considérons d'abord les preuves d'ordre hislo- 
physiologique. Ce sont les faits si bien observés 
par Walter Edmunds. Cet expérimentateur a mon- 
tré, d’une part, qu'il se produit chez le chien, après 
l'extirpation des parathyroïdes, si l'animal survit 


4 La question de savoir si on ne la reproduirait pas par 

l'administration en excès d'extrait parathyroïdien seul ne 
‘est pas encore posée. Rien, en tout cas, n'indique présen- 

tement que cet extrait aurait cette propriété. 

? Moussu : Soc. de Biol., 25 mars 1899, p. 2#2. 

# Cités par Wacter Enxunps : J. of Pathol. and Bacteriol., 
mai 1899, p. 71. 

# J. of Pathol. and Bacteriol., January 1896. 


E. GLEY — LA PATHOGÉNIE DU GOITRE EXOPHTALMIQUE 


quelques jours, une hypertrophie de la glande 
thyroïde (développement de vaisseaux et de tissi" 
embryonnaire) et que la substance colloïde dispas 
rait des vésicules, si l'animal survit plus longtemps! 
cetle dernière constatation a été faite aussi pat 
Vassale et par Lusena, comme je l'ai déjà noté plus 
haut; d'autre part, Walter Edmunds a observé 
dans des cas de goitre exophtalmique, des lésions 
analogues, le développement dans la glande d'u 
tissu ressemblant à celui des parathyroïdes ‘. L’ims 
portance de ce dernier fait n’a pas besoin d'êtré 
relevée. De son côté, J. Renaut(de Lyon)* a vu qué 
la thyroïde, dans le goitre exophtalmique, ne con 
tient plus de substance colloïde. Or, nous savon 
que la sécrélion colloïde de la thyroïde contient la 
substance active formée dans cet organe. IL est 
clair que, dans l'ordre d'idées dont il est main- 
tenant question, il nous faudrait une étude soignée 
de la structure des glandules parathyroïdes, dan 
un cerlain nombre de cas de goilre exophtalmique: 

Que la glande thyroïde elle-même soit altérée 
dans cette maladie, c'est encore ce qui résulte 
fait, d'ordre chimique, que nous avonsobservé l'un et 
l'autre, A. Oswald (de Zurich) et moi, la diminu- 
tion de l’iode de la glande. Il est bien établi aujour- 
d'hui, et récemment encore il a été bien prouvé 
par les expériences de E. de Cyon et Oswald *, que 
la ‘substance active de la sécrétion thyroïdienne est 
un proléide iodé. Le fait de la diminution de l’iode 
dans la maladie de Graves offre donc un réel inté 
rêt. Oswald a trouvé, dans un cas, O0 gr. 00394 
d'iode °/, de glande fraîche; et, dans un autre cas, je 
n'ai trouvé * que 0 gr. 00201 °/,. La moyenne entre 
ces deux chiffres est de 0 gr. 00295 ou, pour sim- 
plifier, de 0 gr. 003. Or, on peut admettre, d'après 
les. nombreux dosages d’iode faits dans des thy= 
roïdes humaines, qu'il y a en moyenne de 0 gr. 05 à. 
0 gr. 03 d'iode °/, de glande normale, à l’élat frais. 
On pourrait done dire qu'il y a environ dix fois 
moins d’iode dans le goilre exophtalmique que 
dans la glande normale. Ce n'est là évidemment 
qu'une indication approximative ; il est à désirer 
que les résultats d’autres dosages viennents'ajouter 
à celui d'Oswald et au mien. 

Si, conformément à l'opinion que j'ai émise il y 


! En présence de certains des faits constatés par Walter 
Edmunds, on peut se demander si le goitre exophtalmique 
ne consisterait pas primitivement en une hypertrophie, ave@ 
altérations, des parathyroïdes. 

? VIe Congrès des aliénistes el des neurologistes français, 
Bordeaux, 1885. 

% Archiv f. die gesammte Physiol., LXXXIIT, p. 4199, 
1901. Voy. aussi la toute récente étude de E. pe Cow. Les 
glandes régulatrices de la circulation et de la nutrition (Rev. 
générale des Se., XII, p. 828, 30 septembre 1901). 

* À, Oswazp : Zur Kenntniss des Thyreoglobulins (Zeits: 
f. physiol. Chemie, XXX, p: 121-144, 1901). 
5 E. Gex : Présence de l'iode dans le goitre exophtal- 
mique (Comptes rendus de la Soc. de Biol., 20 avril 1901). 


E. GLEY — LA PATHOGÉNIE DU GOITRE EXOPHTALMIQUE 


a plusieurs années, les parathyroïdes et la thyroïde 
sont des glandes fonctionnellement associées et 
- que, par exemple, la formation de la substance 
protéique iodée ne puisse se faire sans la participa- 
“ Lion des parathyroïdes, on comprend que, dès que 
— celles-ci sont altérées, cette formalion diminue. 

—. Nous voici alors amenés peu à peu à cette con- 
»- ceplion que le goitre exophtalmique est lié à une 
altération de l'appareil thyroïdien, intéressant 
d'abord les parathyroïdes, dont le fonelionnement 
normal est troublé. 

S'il en est ainsi, il conviendrait de chercher 
d'abord quelle est l’action physiologique des 
extraits de parathyroïdes normales et malades 
(provenant de goitre exophtalmique) comparalive- 
ment à celle des extraits des thyroïdes correspon- 
— dantes. Ce travail s'impose d'autant plus que nous 
1 connaissons déjà bien, depuis les expériences d'Oli- 
“ ver et Schäfer! et celles de l’un de mes anciens 


 clèves, Haskovec (de Prague)?, les effets cardio- 
; vasculaires des injections intra-veineuses d'extrait 
* lhyroïdien normal. Haskovec, en particulier, à 
prouvé que cet extrait possède une action excitante 
‘sur le système sympathique et possède aussi une 
action dépressive directe sur le cœur. La question 
devra être examinée maintenant de savoir si celle 
aclion appartient à l'extrait de thyroïde propre- 
ment dite ou à l'extrait parathyroïdien ou à l'un et 
à l’autre ; car les recherches n'ont été pratiquées 
jusqu'à préseat qu'avec des extraits pour lesquels 
cetle Séparalion n'avait pas été faite, avec des 
extraits provenant de tout l’appareil thyroïdien. 
Dans un récent lravail *, Haskovec, s'appuyant sur 
cette donnée que, dans tout goitre exophtalmique, 
la glande thyroïde est malade, arrive à la conclu- 
sion que le mécanisme de quelques-uns des symp- 
tômes de celte affeclion dépend de l'excès dans 
l'organisme de substances toxiques qui ont une 
action élective sur le système sympathique. Il nous 
est permis, d'ailleurs, aujourd’hui de concevoir que 
ces substances, aussi bien que des poisons végé- 
taux, puissent agir de préférence sur une parlie 
localisée du syslème nerveux et, par exemple, sur 


2-01 Physiol., XVIII, p. 211, 1895. 
? Wiener medic. Blalter, 1895, n° 41. 
3 Wiener medic. Wochens., 1900. 


901 


toute cette région de la moelle d’où proviennent les 
nerfs accélérateurs du cœur, vaso-dilatateurs de 
la tête el du cou et irido-dilatateurs. 

Pourrait-on aller plus loin? Ces substances 
toxiques résultent-elles d’une suraclivité fonction- 
nelle des glandules parathyroïdes en voie d'altéra- 
lion? ou sont-elles produites dans l'organisme, où 
elles s'accumuleraient parce que les glandules 
malades et la thyroïde, secondairement altérée, ne 
peuvent plus les neutraliser? Il faut reconnaitre 
que les faits que nous possédons actuellement ne 
permettent pas de trancher cette importante ques- 
tion. Mais la voie dans laquelle il serait utile main- 
tenant de chercher ne parait-elle pas s'ouvrir? Ne 
devons-nous pas entreprendre de déterminer exac- 
tement les troubles fonctionnels des glandules 
parathyroïdes et les relalions entre ces troubles et 
le système nerveux sympathique ? 


V 


Cette conclusion de l'étude critique qui vient 
d'être faite, quelque réservée qu'elle soit, montre 
néanmoins, je crois, les progrès réalisés dans ces 
dernières années sur cette question de la patho- 
génie du goitre exophtalmique. On en jugera mieux 
encore peut-être, si l'on me permet de rappeler la 
conelusion, beaucoup plus modeste, à laquelle me 
conduisait une semblable étude critique, il y a 
six ans ‘. Voici, en effet, comment je Lerminais ce 
actuellement 


travail: « Nous ne dire 


qu'une chose, c'est qu'il y a beaucoup de cas de 


pouvons 


maladie de Basedow, sinon tous, dans lesquels on 
saisit une relation, et sans doute une relation de 
cause à effet, entre des altéralions de la glande 
thyroïde et celte maladie. Il faut savoir, pour le 
moment, s’en tenir à ce point. » Ne semble-t-il pas 
que nous avons maintenant dépassé ce point?” 
E. Gley, 
Professeur agrégé de Physiologie 


à la Faculté de Médecine de Paris, 
Assistant au Muséum. 


1 E. Gcey : Sur le fonctionnement de la glande thyroïde 
et la maladie de Basedow. V/e Congrès des Médecins alié- 
nistes et neurologistes français, Bordeaux, 1895. 

? Communication faite à la 69° réunion de l'Association 
médicale britannique, 30 juillet-2 août 1901, à Cheltenham. 


902 


E. MATHIAS — LA PRÉPARATION INDUSTRIELLE DES GAZ LIQUÉFIÉS 


LA PRÉPARATION INDUSTRIELLE 
ET LES PRINCIPALES APPLICATIONS DES GAZ LIQUÉFIÉS 


PREMIÈRE PARTIE : LIQUÉFACTION 


I y a des corps que les progrès de la Science 
font passer, en peu d'années, de l’état de curiosités 
scientifiques au rang de matières industrielles; de 
ce nombre sont les gaz liquéliés. On appelle ainsi 
les liquides qui ont, à la température moyenne de 
nos climats (15°), une tension de vapeur supé- 
rieure à la pression atmosphérique. Interprétée à 
Ja lumière de la loi approchée de Pawlewski, d'après 
laquelle la différence entre la température critique 
et la température d'ébullition normale serait sen- 
siblement constante et voisine de 165° à 170°, la 
conception des gaz liquéfiés devient celle des corps 
dont la température critique centigrade est infé- 
rieure à — 180° ou à + 185°. 

D'après le tableau des constantes critiques des 
corps, un assez grand nombre de substances 
satisfont à la condition précédente; pratiquement, 
il n'y en à qu'un très petit nombre qui appar- 
tiennent à l'industrie; ce sont, rangés dans l’ordre 
ascendant de leurs points d’ébullition normale ou 
de leurs températures criliques : l'air atmosphé- 
rique, le protoxyde d'azote, l'acide carbonique, 
l’acétylène, l’'ammoniac, le chlore, le chlorure de 
méthyle, l'acide sulfureux et le chlorure d’éthyle. 
C'est dans cet ordre que nous étudierons ces gaz 
dans ce qui suit. 

Nous considérerons successivement la prépara- 
tion industrielle des gaz liquéfiés, leur conser- 
vation, les applicalions tant physiques que chi- 
miques auxquelles ils ont donné naissance et, 
dans la mesure du possible, leur importance 
économique, ainsi que les circonstances qui favo- 
risent où paralysent le développement en France 
de l’industrie de la liquéfaction. 


Ï. — PRÉPARATION INDUSTRIELLE DES GAZ LIQUÉFIÉS. 


Celle opération comprend ordinairement deux 
phases distinctes : la préparation chimique du 
gaz et sa liquéfaction ultérieure; pour l'air, que 
nous étudierons en premier lieu, le problème de 
la liquéfaction seul se pose. 


$S 1. — Air liquide. 


Tous les dispositifs employés actuellement pour 
l'obtention de l'air liquide, et dont quelques-uns 
sont connus des lecteurs de la /?evue, sont cons- 
truits d’après le principe suivant : ou détend l'air 


comprimé sans vilcsse sensible, le refroidissement 
étant produit uniquement par l'effet Joule-Thomson, 
et on accumule le froid produit par les détentes sue- 
cessives, en se servant de l'air détendu et refroidi 
pour abaisser, au moyen d'un appareil à contre- 


courant, la température de l'air comprimé qui va 


se détendre. Dans ces conditions, la température de 


l'air et de l’ensemble de l'appareil s'abaisse cons- 


lamment jusqu'au point de liquéfaction de l'air. 
Je décrirai d’abord les appareils à liquéfaction 
de l’air qui ont figuré à l'Exposilion Universelle 


de 1900, c’est-à-dire ceux de Linde et de Tripler. 


1. Appareil Linde.— La figure 2 montre une vue. 
d'ensemble de la machine de l'Exposition, tandis 
que la figure 1 en donne un plan schématique assez 
détaillé *. 

L'air extérieur arrive par la droite de l'appareil 
où il est aspiré, dans la proportion de 19 mètres 
cubes à l'heure, par le premier piston d'un com- 
presseur À à trois cylindres, chargé de gouttelettes 
d'eau *, puis amené à une pression de 7 kilos par 
centimètre carré”. Au moyen d'un serpentin, plongé 
dans un bain d'eau et qui le ramène sensiblement 
à sa température initiale, l'air arrive dans un 
deuxième cylindre de section plus petite, débitant 
2%%9 à l'heure, et où sa pression passe de 7 à 
50 kilos; il arrive enfin dans un troisième cylindre 
beaucoup plus petit, et faisant passer en une heure 
4%5,9 d'air de la pression de 50 à celle de 200 kilos. 

L'air ainsi comprimé, refroidi par un serpenlin, 
passe dans un séparaleur d'eau B où il laisse la 
majeure parlie de l’eau qu'il a entrainée et où un 
manomètre métallique donne sa pression. Un robi- 
net de purge, placé à la partie inférieure de B, 
permet d'évacuer l'eau de temps en temps. De B, 
l'air comprimé passe dans un tube C, où il se dessè- 
che complètement sur du chlorure de calcium 
L'’absolue dessiccation de l'air est une condition 


! Due, comme la figure 2, à la gracieuseté de M. A. Des- 
vignes, représentant à Paris de la Compagnie des Machines 
Linde. 

? La chaleur développée par la compression est en grande 
partie absorbée par la vaporisation de l'eau liquide entrai- 
née. C'est là un procédé aussi simple qu'efficace, pour em- 
pêcher l'échauffement exagéré de l'air pendant sa compres- 
sion. 

# Dans le langage des ingénieurs, les pressions données en 
kilos par centimètre carré, expriment l'excès de la pres- 
sion réelle sur l'atmosphère. 


\ 


E. MATHIAS — LA PRÉPARATION INDUSTRIELLE DES GAZ LIQUÉFIÉS 903 


"|| || —(€—(————————Z—Z  — 


indispensable à remplir pour le bon fonctionnement | traire de l'air sec, dans un tube large, concentrique 
de l'appareil Linde. Sans quoi, la vapeur d’eau, | à celui de l'air et extérieur à lui, où elles s'éva- 
venant à se solidifier, obstruerait les serpentins, et | porent sous l'aspiration de la pompe L. Le froid. 
a marche de l'appareil serait absolument arrêtée. | produit par l'évaporation de l’ammoniaque liquide 
u sortir du dessiccateur C, l'air passe dans un | refroidit l'air énergiquement, et celui-ci arrive, par 
rigérant D appelé réfrigérant à air; le tube | un conduit soigneusement protégé contre la chaleur 
roit qui l'amène est, à cet effet, entouré d'un | extérieure, dans le tube central de l'échangeur à 
be concentrique plus large où circule, en sens | contre-courant F. Arrivé au premier robinet de 
Gntraire, l'air froid qui a échappé à la liquéfaction | réglage G, l'air franchit une soupape, subit une 
ét auquel une première récupération en F n'a pas | chute de pression qui le ramène à 50 atmosphères, 
enlevé la totalité de sa puissance réfrigérante. | et se refroidit à — 130° environ; la plus grande 
Cet air, ramené sensiblement à la température | partie de l'air ainsi refroidi revient sur ses pas et 
ordinaire, retourne au compresseur À sous la | circule de nouveau autour du tube central, mais 
pression de 50 kilos, et atteint celui-ci dans la | en sens contraire, en refroidissant l'air qui arrive 


= 


Fig. 1. — Schéma de la machine Linde pour Ja liquéfaction de l'air. — A, compresseur à trois cylindres, aspirant l'air 

extérieur et le refoulant dans la machine; B, séparateur d'eau ; C, tube à chlorure de calcium ; D, réfrigéraut à air; 

E, réfrigérant à ammoniaque avec son compresseur L et son condenseur M; F, échangeur à contre-courant; G, premier 
robinet de réglage ; H, second robinet de réglage ; I, collecteur de l'air liquide; K, robinet de soutirage. 


valeur, c'est-à-dire entre le deuxième et le troisième | en D, puis en A. 

cylindre. Une partie seulement de l'air qui a franchi la 
“ Le réfrigérant à air D est suivi d'un réfrigérant | première soupape franchit le second robinet de 
ammoniaque E, actionné par une petite machine | réglage M, puis une seconde soupape, subit une 
frigorifique indépendante, à ammoniaque, du sys- | deuxième détente et un nouveau refroidissement; 
tème Linde. Les vapeurs d'ammoniaque liquéfiées | la pression est alors voisine de la pression atmo- 
dans le compresseur L, après avoir traversé le | sphérique. Dans ces conditions, l'air liquéfié 
Serpentin condenseur M où elles se refroidissent | s’amasse dans le collecteur T, tandis que l'air non 
dans un bain d’eau, s'en vont passer, en sens con- | liquéfié s'échappe par la partie supérieure de la 
È cavité commandée par la seconde soupape, et passe 
dans un /roisième serpentin F concentrique et 
exlérieur aux deux autres, pour former chemise de 
vapeur, et protéger contre le réchauffement le 
deuxième serpentin F, avant de retourner dans 
Fatmosphère, à une température encore assez 
basse. On recueille au dehors l'air liquide dans des 
vases appropriés, en manœuvrant le robinet de 


s 


"D 


+ : La réfrigération en D pourrait n'être pas suffisante, 
surtout dans le cas des machines de faible puissance dont 
Jauto-refroidissement initial est très lent; il est donc éco- 
nomique d'avoir un réfrigérant indépendant avant l'entrée 
de l'air dans l'appareil à contre-courant. Dans les machines 
“à faible débit, ei surtout lorsqu'on ne dispose que d'une 
“orce motrice insuffisante, le refroidissement en E se fait 
“au moyen d'un mélange réfrigérant ordinaire, glace et sel 


région où la pression a sensiblement la même | en F; de là, l'air passe, comme nous l'avons vu, 
marin, ou glace et chlorure de calcium. | 


E. MATHIAS — LA PRÉPARATION INDUSTRIELLE DES GAZ LIQUÉFIÉS 


soulirae K. Tous les organes de cette machine 
sont en cuivre. 

Le volume d'air envoyé par heure dans l'échan- 
geur F par le troisième cylindre À, est aone, ramené 
à la pression atmosphérique, 1,9 X50—95 mètres 
cubes. Sur ces 95 mètres cubes, il y en à 19 qui 
quittent la machine en traversant les deux ré- 
gleurs G et H; un tiers passe à l'état liquide’, et 
deux tiers échappent à la liquéfaction, et retournent 
à l'atmosphère comme on vient de le voir. 

Les 95 —19— 76 mètres cubes qui restent sont 


faut comprimer à 200 kilos pour remplacer l'air 
qui s'échappe de la machine, ce qui exige théoris 
quement 3%,8": soit un travail théorique tolal de” 
7%,8. En réalité, le compresseur de l'Exposition 
absorbe 12 chevaux, ce qui donne un rendement 
mécanique de 64 °/,. Î 
Il convient d'ajouter à la force ci-dessus les 3 
chevaux absorbés par la machine à ammoniaques 
qui produit le refroidissement préliminaire gràcé 
auquel la machine produit8 litres à l'heure, alors 
que, sans ce refroidissement, elle ne donnerai 


Fig. 2. — Installation de la machine Linde pour la liquélaction de l'air à l'Exposition Universelle de 1900. 


ceux qui retournent au troisième compresseur À 
après avoir traversé le premier régleur, c'est-à 
dire à la pression de 50 kilos par centimètre carré. 

On voit donc qu'il y a dans la machine Linde 
deux circuits : le premier, ou circuit de refroidis- 
sement, exige par heure la compression de 50 à 
200 kilos d’un volume initial d'air de 76 mèlres 
cubes [à la pression atmosphérique), par suite 
4 chevaux”; le second, ou circuit d'alimentation, 
puise dans l’air, par heure, 19 mètres cubes qu'il 


! Ce qui représente environ $ litres d'airliquide à l'heure, 
production normale de la machine. 

* On a, en elïet : 
" .P1 16X 10332 200 76 X 10332X 2,3 
D PVE LE TE 3600 * 50 15. X 3600 


log.i—4chev. 


que à litres; le rendement définitif est donc de 


E — 01,533 d'air liquide par cheval et par heure. 

2. Appareil Tripler. — L'air aspiré dans l'ats 
mosphère est d'abord saturé de vapeur par un las 
vage à l’eau; après quoi, il subit trois compressionss 
successives en A, B, C (fig. 3), qui l'amènent à 
5 atm. 3, puis à 27 atm. 7, puis enfin à 170 atmos- 
phères?: après chacune des deux premières com=" 


! On », en effet : 
pr 19%x<10332 à 19X410332+<23 3 : 
= LU Le ———— 200 —3 3 
Pa 13% 3600 3600 108200 —3;8ch 
2 Les pressions successives sont respectivement de SU, 
115 et 2.500 pounds par pouce carré; or, l'atmosphère cors 
respond sensiblement à 15 pounds par pouce carré. A. SIE= 


5 


pv£ 


E. MATHIAS — LA PRÉPARATION 


pressions, l'air est refroidi en D par un courant 
d'eau, et ramené à sa tempéralure initiale d’en- 
viron 13°. ‘ 
Après la troisième compression, il est amené en E 
“à une lempéralure voisine de — 17°,8, et dépouillé 
par congélation de sa vapeur d'eau, très probable- 
“ment au moyen d'une solution aqueuse de chlorure 
“le calcium refroidie par l'air qui revient des liqué- 
“facteurs à la pression atmosphérique sans avoir 
“épuisé complètement son pouvoir de réfrigération. 
—._ Comprimé à 170 atmosphères, il se purifie d'abord 
“dans un séparateur F qui lui enlève les poussières et 
huile qu'il entraine. Il arrive enfin dans les liqué- 
acteurs, qui sont au nombre de deux et dont le pre- 
ier H n'est au- 
tre qu'un échan- 
qeur de tempé- 
rature, formé 
… vraisemblable- 
- ment de tubes de 
. cuivre concentri- 


ques verlicaux 
dans lesquels 
l'air comprimé 


…_ quiarrive est re- 
_ froidi par l'air 
_ froidquiaéchap- 
. pé à la liquéfac- 
tion, et qui che- 
_ mine en sens 
contraire. La 
neige provenant 


F Borremans So 


Fig. 3. — Schéma de la machine Tripler pour la liquc- 


INDUSTRIELLE DES GAZ LIQUÉFIÉS 905 


| disseur et alimentaire tout à la fois. Pour faciliter 
la comparaison, Supposons que dans l'appareil Tri- 
pler l’air soit comprimé à 151 atmosphères ; comme 
il se détend jusqu'à la pression atmosphérique, on 
voit que la chute de pression est la même que 
dans la machine Linde, où l'air tombe de 200 kilos 
à 50 kilos par centimètre carré!. Par conséquent, 
pour une même quantité d'air circulant dans les 
deux appareils (95 mètres cubes à l'heure, par 
exemple), et en supposant que l'échangeur Tripler 
soil aussi bien isolé que celui de la machine Linde, 
la quantité d’air liquéfiée sera la même, soit 5 litres 
à l'heure, ce qui est la production de la machine 
Linde de l'Exposition fonctionnant sans refroidisse- 
ment préalable. 
La machine Tri- 
pler fonction- 
nant sans retour 
d'une partie de 
l'air au compres- 
seur, il faudra, 
par heure, com- 
primer 95 mètres 
cubes de 1 à 151 
atmosphères, ce 
qui exige théo- 
riquement 18,2 
chev.?, alors que 
lamachine Linde 
ne demande que 
7 chev. 8, soil 
2,3 fois moins. 


laction de l'air. — ABC, compresseur; D, réfrigé- J Ù 
" de la congéla- rant à eau; E, second réfrigérant; F, séparateur; K La machine 


à G, G, tubes où s'emmagasine 
tion de la vapeur : 


- d’eau tombe 
. alors au bas de 
- l'appareil, tandis que l’airdesséché etrefroidi main- 
lenant à — 73°,3 passe en lraversant une soupape 
- dans la partie centrale du second liquéfacteur I 
où il se délend jusqu'à la pression atmosphérique, 
et se liquéfie si la tempéralure s'est abaissée à 
—191°% L'air qui à échappé à la liquéfaction 
s'échappe par la partie supérieure, et revient sur 
. ses pas en refroidissant, dans un serpentin à con- 
- tre-courant, l'air comprimé qui arrive : cet air, déjà 
un peu réchauffé, passe à son tour dans le premier 
 liquéfacteur, etc. Après un quart d'heure de fonc- 
tionnement de l'appareil Tripler, on commence 
à recueillir du liquide". 
Si l’on compare cet appareil à celui de Linde, on 
voit qu'il n’y a ici qu'un seul circuit, qui est refroi- 


» Enr : /ce and Réfrigeration, octobre 1900, pp. 117-120, à 
qui j'ai emprunté divers renseignements sur la machine Tri- 
pler. - 

- : Le liquéfacteur Tripler, probablement perfectionné, vient 

. d'être décrit dans Z. f. comp. und A. Gase, t. IV, p. 151. 


l'air comprimé ; 
H, échangeur de température; I. liquéfacteur ; J, ro- 
binet qui commande la soupape de détente; K,robiuet de soutirage de l'air. 


Tripler de l’Ex- 
position produi- 
sait environ 10 
| litres d'air liquide à l'heure, et absorbait à peu près 
 »o chevaux, soit un rendement de 0!,182 par heure 
| et par cheval, tandis que la machine Linde sans 
réfrigérant indépendant donne 5 litres pour 12 che- 
vaux, soit O!,M7 par cheval et par heure; le rap- 
port des deux rendements pratiques est sensible- 
ment le même que celui des travaux théoriques de 
compression. 


3. Autres appareils à liquéfaction de l'air. — Les 
lecteurs de la Æevue en connaissent deux qui re- 
montent à l’année 1896: le premier est celui du 
Professeur J. Dewar *, dans lequel l'air, avant de se 


! À la condition de confondre l'atmosphère pression de 
1 kil., 033 par centimètre carré, avec la pression de 1 kilo- 
| gramme. 
? On a, en effet : 

95 X 10332 95>x<103325C2,3 
pren XX ET Ant ARCS 
Pa 15 X 3600 15 X 3600 

% Revue géncrale des Sciences, t. VII, p. 

1896. 


ASE 


27%; 15 mars 


906 E. MATHIAS — LA PRÉPARATION INDUSTRIELLE DES GAZ LIQUÉFIÉS 
détendre, subit un double refroidissement, d’abord Il faut faire en sorte que p, — p, soit le plus grandi, 


par l'acide carbonique solide à 79, puis par 
l'acide carbonique liquide détendu soit à la pres- 
sion atmosphérique, soit à une pression plus faible. 
Avec de l'air comprimé d'abord à 200 atmosphères, 
on liquéfie environ 5 °/, de l'air employé, le liquide 
commençant à couler après 6 minutes de fonction- 
nement. Le second est celui du D' Hampson, décrit 
par le Professeur Tilden”, qui liquéfie 6,6 °/, de l'air 
détendu, la liquéfaction mettant environ 15, mi- 
nutes à se produire. La compression iniliale de 
l'air à 120 atmosphères exige une force d'environ 
3 chevaux et demi. 

Dans les appareils de Dewar et de Hampson, la 
phase préalable de compression de l'air est abso- 
lument séparée de la liquéfaction proprement dite; 
ces appareils peu encombrants, très commodes, 
sont exclusivement des liquéfacteurs qui paraissent 
très bien convenir, surtout le dernier, à la prépa- 
ration de l'air liquide dans les laboratoires de Phy- 
sique ou de Chimie. Dans ces conditions, c'esl-à- 
dire toutes les fois que la préparation de l'air li- 
quide a pour but de répondre à un besoin qui ne se 
fait sentir que de tempsen temps, on est trop heu- 
reux de sacrifier l'économie à la commodité. 

Lesappareils analogues à l'appareil Linde n’ont,en 
effet, d'intérêt réel que s’il s'agit d’une préparation 
vraiment industrielle de l'air liquide, c'est-à-dire 
d'une préparation en grand, qui, pour être éco- 
nomique, doit être nécessairement continue. 

L'appareil du D' Hampson est à peu près exclusi- 
vement répandu en Angleterre; rappelons que 
c’est grâce à lui que l’usine Brin de Londres a pu 
fournir au professeur W. Ramsay l'air liquide qui, 
par une distillation fractionnée bien conduite, l'a 
amené à la mémorable découverte des gaz néon, 
erypton et xénon, lesquels accompagnent l'argon, 
l'oxygène, l'azote et l'acide carbonique dans l'air. 


Remarques sur la liquéfaction de Pair. — 
Tous ces appareils sont, comme celui de Tripler, 
dans un notable état d’infériorité économique vis- 
à-vis de l'appareil Linde, parce que s'ils accumulent 
comme lui le froid produit par la détente, avec ou 
sans travail extérieur, ils n’obéissent pas, comme 
l'appareil Linde, à la condition essentielle qui ex- 
prime que le travail de compression isotherme du 
gaz sera minimum. Pour une chute de pression 
p,— p., le travail de compression isotherme de l'u- 
nité de masse de gaz, repassant de la pression p, à 


la pression p,, est donné par : 


1 Revue générale des Sciences, t. VII, p. 329, 15 avril 


1896. 


possible et à le plus petit possible. 


C'est ce qu'ont bien compris MM. Ostergreen eb 
Bürger, qui, à des détails près de constructions 
sont, dans leur récente machine à liquéfaction de | 
l'air, revenus purement et simplement aux idées 
ue de la machine de Linde et à à l'emploi 
de deux cycles, un cycle de refroidissement et un 
cycle d'alimentation : seulement, le cycle de re= 
froidissement fonctionne entre des pressions, 
environ moitié moindres que celles qu'utilisent 
les machines Linde à grand débil!. Ce « nou 
veau » procédé est exploité à New-York par la 
« General Liquid Air and Refrigerating C° », don 
l'installation serait capable de produire de 6 
7.000 litres d'air liquide en 24 heures; la plu 
grande machine Linde existantil y a quelques moi 
produisait seulement 50 kilos d'air liquide à l heure, 
soit environ 1.100 litres par jour, avec une 100 
inférieure à 100 chevaux. Plus s’accroitront les di= 
mensions et la puissance des machines à liquéfier 
l'air et plus le rendement en sera économique. Il 
est tout à fait possible que l’on arrive à un rende= 
ment de 4 kilo d'air liquide par heure et par che= 
val. Il suffit, pour le montrer, de calculer le travail 
théorique nécessaire pour liquéfier 4 kilo d'air par 
heure sous la pression atmosphérique. 

Prenons 1 kilo d’air à + 20° et amenons-le à l'éta 
liquide à son point d’ébullilion normal — 4194°; ül 
faudra pour cela abaisser d’abord sa température à 
— 191°, puis le liquéfier sous la pression de l'at- 
mosphère et dès lors fournir un travail qui est l’é= 
quivalent de sa chaleur de vaporisation. L'abaisse=\ 
ment de + 20° à —191° correspond, vu la cOnS= 
tance de la chaleur spécifique de l'air 0,2374, à 
une absorption d'environ 50 calories par kilo d'air”. 
Mais le travail qu'il faut dépenser pour absorber ces" 
50 calories ne leur est nullement proportionnel. IL 
faut, en effet, imaginer que le kilo d'air à 20° est, 
comprimé isothermiquement à une pression p telle 
que, par détente sans vitesse sensible, la tempéra-. 
ture s’abaisse de 214°, la pression finale étant la. 
pression atmosphérique. 

On a, en simplifiant un peu les calculs : 


2110 — 0026 (p—1), d'où p — 813 atmosphères, 
d'où 


10332 
Spy S 81 = 5 X 2,3 X log. 813— 53125 kilogrammêtres: 


{ La machine de MM. Ostergreen et Bürger fonctionne 
entre les pressions de 4.250 livres par pouce carré (83atm.), 
et de 300 livres par pouce carré (20 atm.); la pression 
maxima est donc exactement moitié de celle de la machine 
Tripler. 

? Nous nous exprimons ici dans le système du kilo- 
gramméètre. 


2 + 


Le 


E. MATHIAS — LA PRÉPARATION INDUSTRIELLE DES GAZ LIQUÉFIÉS 


On voit que le travail isotherme de la compres- 
53.125 
425 

Il faut maintenant enlever à l'air sa chaleur 
de vaporisation. Or, la chaleur de vaporisation 


sion équivaut à — 125 calories. 


- proprement dite est donnée par la loi de Trouton 


on ue, LA 


hp Cut, tee nt 


n 


M2 


T — 21, où M est le poids moléculaire, et T la 


+ température absolue d'ébullilion normale. L'air 


liquide étant un mélange d'oxygène de poids molé- 
culaire 32 et d'azote de poids moléculaire 28, on 
peut admettre M —29. On alors: 

À ZE —59:cal. 4, 
Soit À—60 calories en nombres ronds. Le travail 
total, nécessaire 
àlaliquéfaction 


907 


l'autre à M. Raoul Pictet actuellement en passe de 
devenir citoyen des États-Unis. 

L'idée de M. Tripler est d’actionner sa machine 
à liquéfier l'air par un moteur à air liquide de son 
invention; d’après lui, lorsque le moteur a con- 
sommé 13 litres et demi (3 gallons) d'air liquide, 
le liquéfacteur de son appareil a recueilli 31 litres 
et demi (7 gallons), d’où un bénéfice net de 18 litres 
(4 gallons, d'air liquide n'ayant rien coûté. Mouve- 
ment perpétuel ! allez-vous dire ; non, répond l'in- 
venteur, l'énergie qui fait fonctionner le moteur à 
air liquide est prise à l'air extérieur, donc en défi- 
nitive au soleil, source de loute énergie terrestre ; 
le principe de la conservation de l'énergie est 
respecté. La réponse est spécieuse. 

L'idée de M. Pictet consiste à remarquer que si 
de l'air à la 
pression atmo- 


de l'air sous la 
pression atmo- 
sphérique, cor- 
respond donc à 
495 +60 —185 
calories, ce qui 
à l'heure don- 


nes 

185X425 ; 

TE X3600 — 0 ch. 3. 
Théorique- 


SSS 
Ÿ 
RS 


ment, on pour- 
rait donc obte- 
nir par cheval 
et par heure 
3 kilos d'air li- 
quide, tandis que le meilleur rendement actuel est 
six fois moindre’, D'après le Professeur Linde, le 
prix de revient du kilo d’air liquide dans les ma- 
chines débitant 1.000 kilos par jour est inférieur à 
0 fr. 125, prix qui ne peut que diminuer pour des 
installations plus grandes, et qu'augmenter pour 
des installations de moindre importance. 

Les raisonnements qui précèdent montrent qu'il 
y a place encore pour bien des perfectionnements 
de détail, susceptibles d'améliorer le rendement 
de la fabrication de l'air liquide ; il y a place aussi 
pour les utopies et les espérances déraisonnables, 
s'il faut en croire les nouvelles récentes qui nous 
arrivent de l’autre côté de l'Atlantique. Sans pré- 
tendre aucunement les ranger dans cette dernière 
catégorie, nous croyons utile de signaler aux lec- 
teurs de la Æevue deux projets de perfectionnement 


FE Bopyeuans £&. 


de la liquéfaction de l'air dus, l’un à M. Tripler,. 


4 Line : Zeitschrift des Vereines deutscher Ingenieure, 
t. XLIV. 


Fig. 4. — Schéma du dispositif de M. Raoul Pictel pour la liquéfaction de l'air. 
R, pompe; CG, serpentin plongeant dans l'air liquide: A, B, robinets. 


sphérique est 
refroidi à —191° 
par de l'air li- 
quide, sa liqué- 
faction peut se 
faire sans dé- 
pense notable 
de force. Sup- 
posons donc un 
serpentin C 
(fig. 4) relié 
d'une part à 
une pompe à 
main R, de l’au- 
tre à un tube 
deux fois re- 
courbé et fermé 
au besoin par un robinet B; le serpentin plonge 
dans de l'air liquide obtenu par un procédé quel- 
conque. Si l’on ouvre le premier robinet et si l’on 
pompe, l'air gazeux contenu dans le serpentin va se 
liquélier, en abandonnant sa chaleur de vapori- 
sation, soit 60 calories par gramme, à l'air liquide 
qui baigne le serpentin. Conclusion: cet air va. 
bouillir, et il va se vaporiser aulant d'air liquide 
extérieur qu'il s'en liquéfie dans le serpentin ; on 
peut même penser que, grâce à la chaleur qui 
arrive de toute part à l'air liquide extérieur, la 
quantité qui s'en évapore dans un temps donné est 
plus grande que celle qui se liquéfie à l’intérieur 
du serpentin. C'est là, parait-il, une simple appa- 
rence ; l'air extérieur bout bien, mais il s’évapore 
avec plus de lenteur que l'air intérieur ne se 
liquélie, de sorte que si l’on a soin de faire débou- 
cher l'orifice de sortie de l'air qui vient d’être 
liquéfié dans le bain liquide qui entoure le serpen- 
in, le bain liquide non seulement ne diminue pas, 
mais augmente indéfiniment pendant que la pompe 


908 E. MATHIAS — LA PRÉPARATION 


INDUSTRIELLE DES GAZ LIQUÉFIÉS 


En ————— "| |] — |" — — " — —.(—(.(—î——.—.——.————— 


fonctionne‘! La méthode précédente, appliquée sur 
une grande échelle, permettrait, grâce à des dispo- 
sitions extrêmement ingénieuses, de séparer l'air 
en ses composants, d'obtenir à part, à l’état solide 
ou liquide, l'acide carbonique de l'air, etc*. 

£2. — Gaz liquéfiés autres que l’air. 

1. Protoxyde d'azote liquide. — Ce corps est 
préparé en minime quantité, car il n'a d'application 
courante que comme anesthésique”. Il servait 
autrefois dans ce but aux dentistes, qui en em- 
ployaient d'assez notables quantités, mais l'emploi 
en a été longtemps interdit à la suite d'accidents 
mortels ; il est de nouveau permis. Ce produit n'est 
guère préparé en France que par M. Duflos, phar- 
macien à Paris, qui s'en est fait une spécialité. 
Pour le préparer, on prend de l’azotate d'ammo- 
niaque très pur et bien cristallisé, et on le chauffe 
dans un grand ballon où l’on a mis, pour faciliter 
le dégagement gazeux, du sable de rivière débar- 


rassé de ses matières organiques et de ses carbo- ! 


nates par un lavage à l'acide chlorhydrique. Le 
gaz, après traitement par le sulfate ferreux*, est 
envoyé de la pompe de liquéfaction, par un rac- 
cord de volume très petit, dans la bouteille de fer 
où il est livré au commerce; chaque bouteille con- 
lient 850 grammes de liquide pouvant fournir 
450 litres de gaz. La pompe qui sert à liquéfier 
ce gaz est une pompe de Natterer horizontale, qui 
n'offre rien de particulier. 

Parmi les usines étrangères qui préparent le pro- 
toxyde d'azote liquide, on peut citer la « Sauerstoff 
Fabrik, de Berlin. » 


1 ]f the coiled tube is so bent that its mouth discharge 
into the bulb, the liquid air, it will be found, can be produ- 
ced in volumes which not only compensate for the loss due 
to evaporation, to radiation and to the solidification of car- 
bone dioxyde, but a remainder will be left which can be 
reserved for further use. (Scientilic American, 31 mars 1900, 

201) 

È 2 Scientific American, 31 mars 1900, p. 202. — Les idées 
de M. Raoul Pictet sur la liquéfaction et la distillation frac- 
tionnée de l'air atmosphérique ont été l’objet d'un échange 
d'explications entre la « Gesellschaft für Linde’s Eismaschi- 
nen » el M. Raoul Pictet sans-qu'une partie ait convaincu 
l’autre. Voir Zeitsch. fur comprimirlie und flüssige Gase, 
4e année, pp. 65-71, août 1900. 

# ]l en aura une autre sous peu, car M. A. Desvignes a 
bien voulu me confier que le Professeur Linde étudie en ce 
moment une machine frigorifique à protoxyde d'azote 
liquide, qui parait donner de bons résultats. L'intérêt de 
cette machine serait de donner une réfrigération intermé- 
diaire entre celle de la machine à air liquide et celle de la 
machine à ammoniaque. 

4 Le sulfate ferreux enlève la plus grande partie du bioxyde 
d'azote, mais l'absorption est limitée par la tension de dis- 
sociation du composé formé par le bioxyde et le corps 
absorbant: il reste donc un peu de Az0 ; si on veut réduire 
ce corps par la limaille de zinc humide, la réduction va trop 
loin et donne du protoxyde d'azote mêlé d'azote dont on ne 
peut pas le débarrasser. 

5 R. Bennanp et P. Grogss : Les produits chimiques à 
l'Exposition Universelle de Paris, Moniteur Scientifique du 
D' Quesneville. Janvier 1901, p. 14. 


2, Acide carbonique liquide. — Ce corps fera 
l'objet d'un article spécial. 


3. Acétylène liquide. — Le gaz s’oblient, comme 
l'on sait, au moyen de la décomposition du car- 
bure de calcium par l’eau. Le gaz desséché peul 
être liquéfié à la tempéralure ordinaire, et livré au 
commerce dans des bouteilles d'acier. Pendant les 
années 1895 et 1896, l'Institut Pictet de Paris à 
ainsi fabriqué et expédié un peu partout, par che- 
mins de fer, plus de mille kilos d'acétylène liquide”. 
Depuis l'explosion terrible survenue à cet établis- 
sement el au laboratoire Isaac de Berlin, il a été 
établi que l'acétylène liquide est d’une manipula- 
tion redoutable, surtout dans sa phase de liqué- 
faction. Comme le pouvoir explosif de l’acétylène … 
liquide n'existe plus à la température de — 80°, on 
a proposé de le liquéfier à cette température, 
l'emploi du liquide à la température ordinaire 
paraissant sans danger pourvu que le robinet qui 
commande la bouteille d'acier où le fluide est 
rassemblé ne grippe pas. Quoi qu'il en soit, et 
malgré l’optimisme des personnes qui, comme le 
D° Altschul, croient encore à l'avenir de l’acétylène 
liquide, sa préparation industrielle a été totale- 
ment abandonnée en France et en Allemagne. Pour 
ce qui concerne les recherches faites sur le pouvoir 
explosif de l'acétylène gazeux ou liquide, elles sont 
connues des lecteurs de la Æevue générale des 
Sciences”. 

4. Gaz ammoniac liquéfié. — L'étude de ce gaz 
liquéfié a été faite récemment dans cette Æevue par 
M. Truchot, dont la compétence est bien connue*. 
À son savant article je me permettrai seulement 
d'ajouter les renseignements suivants : Jusqu'en 
1896, la France était tributaire de l'Allemagne pour 
l’'ammoniac liquéfié, et tout particulièrement de la 
fabrique Kunheim et C°, de Berlin, et du « Verkaufs- 
syndicat der Kaliwerke », de Stassfurt; mais, depuis 
celte époque, M. Bardot a installé à Paris, 274, rue 
Lecourbe, une fabrique d’ammoniac anhydre, 
liquéfié au moyen d'appareils Linde, qui alimente 
presque tous les possesseurs de machines à ammo- 
niac de notre pays. La consommation annuelle 
d'ammoniac anhydre en France est d'au moins 
10.000 kilos ; celle de l'Allemagne n’est pas moindre. 
de 150 à 200.000 kilos, le produit y valant actuelle= 
ment 125 francs les 100 kilogs. 


5. Chlore liquide. — Le chlore préparé en vue 
de la liquéfaction doit être aussi pur que possible; 


1Z. für comp. und Aüssige Gase, t. 1, p. 14, avril 1899. 

* Marcez Guicuann : Le pouvoir explosif de l'acétylène, 
Revue générale des Sciences, t. VII, p. 847, 1896. 

3 L, Trucnor : Etat actuel de l'industrie de l’'ammoniaique 


; E. MATHIAS — LA PRÉPARATION INDUSTRIELLE DES GAZ LIQUÉFIÉS 


909 


le meilleur procédé de préparation parait être 

l'électrolyse d'une dissolution aqueuse de sel marin. 
| Dans ces condilions, le chlore se porte à l’anode et 
“je sodium à la cathode, mais il ÿ a action secon- 
_daire du sodium sur l’eau, formalion de soude 
auslique, et dégagement d'hydrogène à la cathode. 

M. Culten‘ emploie une anode et une cathode en 
charbon. La soude caustique, plus lourde que la 
- liqueur salée qui lui a donné naissance, tombe au 
Bond du réservoir dans lequel se fait l'électrolyse, et 
passe de là dans des réservoirs à canaux où elle 
S'accumule. Quant au chlore produit à l'anode, il 
est aspiré par une pompe, accumulé dans une 
conduite centrale, et envoyé de là dans un dispo- 
Sitif spécial où il est desséché au moyen du chlo- 
rure de calcium ; une pompe réfractaire aux acides 
‘envoie ensuite dans une chambre où il s’accumule 
et se liquéfie. La petite quantité d'air et de gaz 
“étrangers que le chlore peut avoir entrainés s'accu- 
ule au-dessus du chlore liquide où ils sont peu 
solubles, et la pression de liquéfaction, qui ne 
serait que de 4 à 5 atmosphères à la température 
“ordinaire pour le chlore pur, va constamment en 
augmentant. Lorsque le réservoir à chlore liquide 
est presque rempli, une soupape placée à la partie 
… supérieure se soulève, et les gaz étrangers s'échap- 
_ pent, en même temps qu'un peu de chlore; le 
- liquide restant est à peu près complètement purgé 
des impuretés qu'il renfermait. 
4 La liquéfaction du chlore est obtenue par une 
pompe à piston liquide (fig. 5) formé d'acide sulfu- 
rique concentré, lequel est sans action sur le chlore. 
La pompe est constituée par un tube cylindrique en 
forme: d'U, en fonte doublée intérieurement de 
plomb. Dans les deux branches, il y a de l'acide 
sulfurique ; dans celle de gauche en cd, l'acide est 
surmonté par du pétrole dans lequel se déplace le 
piston plongeur 4 d'une pompe aspirante et fou- 
lante. Lorsque le piston à monte, la soupape d'aspi- 
ration / s'ouvre et le chlore gazeux est aspiré par 
le tuyau 2; quand le piston descend, le pétrole 
refoule l'acide sulfurique qui oblige le chlore à 
soulever la soupape de refoulement X et à se liqué- 
fier dans l’espace 31. On supprime tout espace nui- 
sible en maintenant de l'acide sulfurique dans 
l'espace qui sépare les deux soupapes au moyen 
d'un petit conduit réglable à l’aide du robinet p 
qui, au moment de l'aspiration, fait arriver un peu 
d'acide sulfurique, en même temps que la sou- 
pape / laisse passer du gaz. L'espace y représente 
n bain-marie au moyen duquel on porte l'acide 


caustique, de l'ammoniaque liquéfiée et des sels ammonia- 
“caux, Æevue générale des Sciences,t. VIIT, p. 743, 1897. 

4 Revue de Chimie Industrielle, t. WI, p. 182, 1892. 

2 Jauserr : Dictionnaire de Würlz, 2e supplément, 39° fas- 
icule, p. 643. 


REVUE GÉNÉRALE DES SCIENCES, 1901, 


sulfurique à une température comprise entre 
50 et 80°, pour laquelle le coefficient de solubililé 
du chlore dans ce corps est nulle. 

Le tube o est mis en communicalion avec une 
bonbonne à chlore D par l'intermédiaire d'un ser- 
pentin entouré d'eau froide; la bonbonne porte 
deux robinets, dont l'un sert à la sortie de l’air. 
Lorque celui-ci est expulsé, on ferme le robinet 
correspondant, en laissant l’autre ouvert, et la bon- 
bonne se remplit; l'indicateur de niveau » et le 
manomètre qui surmontie #1 permettent de suivre 
la marche de l'opération. 

Le chlore liquide est emmagasiné dans des réei- 
pients en acier éliré qui peuvent contenir 50 kilos. 
En l'absence de l'humidité, le chlore liquide 
n'atlaque pas à froid ni le fer nilecuivre. Sa densité 


Î 


À 


CT ILLLZZ 


CLLLLILZIZ 7177 


RES 
ZZZ 
| 


2 


SSSS 
= 
= 


RQ 


Fig. 5. — Pompe à liquélier le chlore. — a, piston plon- 
OF PaT acide sulfurique formant piston liquide ; 
f, soupape d'aspiration; h, tuyau d'arrivée du chlore; 
g, bain-marie pour chauffer l'ac ide sulfurique; X, soupape 
de refoulement; m, chambre de liquéfaction; n, niveau; 
0, tube de communication avec la bonbonne à chlore D. 


moyenne est de 1,4; un kilogramme de ce corps 
représente 300 litres de chlore, et correspond à 
3 kilos de chlorure de chaux. Le chlore liquéfié 
donne donc le transport le plus économique du 
chlore ; ce transport se fait d'ailleurs sans aucune 
espèce de danger. 

Certaines usines emploient pour le contenir des 
bouteilles en tôle d'acier doublées de plomb ou 
d'ébonite, mais cela parait inutile si le chlore est 
parfaitement desséché. Pour l'usage des labora- 
toires, le commerce de demi-gros le transvase dans 
des bouteilles plus petites. 

C'est à la « Badische Anilin und Sodafabrik » que 
le chlore liquide dut son apparition dans l'industrie 
chimique en 1892; il rend depuis les plus grands 
services dans les laboratoires de Chimie où il a 
permis de supprimer totalement la préparation si 

20* 


910 E. MATHIAS — LA PRÉPARATION 


. 


INDUSTRIELLE DES GAZ LIQUÉFIÉS 


ennuyeuse du chlore. Son prix actuel en Allemagne 
oscille entre 75 et 87,50 fr. les 100 kilogs; ce prix 
ne peut que continuer à baisser. 

Il est regrettable de constater qu'on ne fabrique 
pas en France de chlore liquide, tandis qu'on peut 
citer en Allemagne au moins quatre usines qui 
fabriquent annuellement 250 tonnes de ce produit, 
destiné à remplacer l’eau de Javel et le chlorure de 
chaux ; ce sont : la « Badische Anilin und Sodafa- 
brik », de Ludwigshafen, —la « Chemische Fabrik 
Rhenania », d'Aix-la-Chapelle, — la fabrique « Ku- 
nheim et Ci », de Berlin; enfin, les usines de 
Griesheim, de Bitterfeld et de Rheinfelden de la 
Compagnie « Chemische Fabrik Griesheim Elek- 
tron » fabriquent actuellement, par le procédé 
Griesheim, le chlore liquide”. 

La dépendance où nous sommes vis-à-vis de 
l'Allemagne en ce qui concerne le chlore liquide — 
alors qu'il y a en France de puissantes et floris- 
santes usines où se préparentdu chlorure de chaux, 
des chlorates et de hypochlorites, — prendra 
bientôt fin; une nouvelle Société productrice de 
chlore, la « Volta Lyonnaise », a, parait-il, l'intention 
de liquéfier une partie du chlore qu'elle produira ”. 
On ne peut qu'applaudir à cette nouvelle et sou- 
haiter à la « Volta Lyonnaise » bienvenue et réussite, 
d'autant que le chlore liquide répond à une néces- 
sité industrielle et que l’industrie n’en produit pas 
assez pour satisfaire aux besoins exprimés. 


6. Chlorure de méthyle. — Ce gaz liquéfié est 
susceptible de deux préparations industrielles. 
Dans le procédé Camille Vincent, le chlorure de 
méthyle est un sous-produit de la fabrication de la 
potasse avec les vinasses de betterave. La distilla- 
tion en vase clos des vinasses donne des produits 
de décomposition qui, condensés, donnent, après 
traitement des eaux-mères, du chlorhydrate de tri- 
méthylamine. La distillation de ce chlorhydrate 
donne de la triméthylamine libre, de l’'ammonia- 
que et du chlorure de méthyle. Un lavage à l'acide 
chlorhydrique enlève toutes les traces d’alcali, et le 
gaz, recueilli sous une cloche pleine d’eau, peut 
être ensuite desséché au moyen de l'acide sulfuri- 
que et liquéfié à la température ordinaire sous une 
pression de 3 à 4 atmosphères. Ce procédé est ex- 
ploité en France par trois maisons : la maison « La- 
barre », à Montreuil-sous-Bois (Seine), la maison 
« Brigonnet et Naville », de la Plaine-Saint-Denis, 
et la maison « Cerckel », rue Bergère, à Paris. 


1 R. Bennarp et P. GLorss : Les produits chimiques à 
l'Exposition Universelle de Paris, Moniteur Scientifique du 
Dr Quesneville. Janvier 1901, p.9. 

2 Léon Guiccer : Etat actuel de l'industrie des produits 
inorganiques en France, Moniteur Scientifique du Dr Ques- 
neville, 4 série, t. XV, p. 85, février 1901. 


Le second procédé industriel est dû à M. P. Mon | 
net : il date de 1875. Il consiste à chauffer sous. 
pression l'acide chlorhydrique du commerce avec | 
molécules égales d’alcool méthylique ; on obtient 
la réaction suivante : 


CHS.0H + HCI = CH*CI + H°0. 


Le même inventeur a trouvé que l'acide bromé 
hydrique et l'acide iohydrique en solution aqueuse: 
chauffés sous pression avec l'alcool méthylique à Ja 
température de 120°, donnent également du chlorure 
et de l’iodure de méthyle. Le brevet Monnet est ap 
pliqué aux « Usines du Rhône », à Lyon. 

On livre ordinairement le chlorure de méthyle 
dans des vases en cuivre. 


7. Anhydride sulfureux liquide.— La « Compagnie 
industrielle des procédés Raoul Pictet pour la pro 
duction du froid et de la glace » est la seule en Eu 
rope, et sans doute dans le monde entier, qui 
obtienne l’anhydride sulfureux liquide chimique 
ment pur comme produit de première fabrication 
Cette fabrication repose sur le procédé de Melsens; 
c'est-à-dire sur la réduction de l’acide sulfurique 
concentré par le soufre ; le dessin schématique ci= 
contre (fig. 6), dû à la bienveillance de M. Mendès, 
montre les diverses phases de cette fabrication 

Dans une cornue en fonte a d'une capacité de 
1.500 à 2.000 litres, on introduit environ 500 kilos 
de soufre en canons redistillé et, en plusieurs fois, 
au fur et à mesure des besoins de la fabrication, 
qui dure environ trente heures, 2.500 kilos d'acide 
sulfurique à 66° Baumé absolument pur et sans. 
traces d'arsenie. La cornue, placée dans un four à 
double retour de flammes, est recouverte d'un, 
dôme, également en fonte, muni d’un hrise-mousse 
en platine ; deux tubes de sürelé placés sur ce 
dôme et remplis à hauteur convenable d'acide sul- 
furique permettent de surveiller la pression inté- 
rieure du mélange chauffé, et d'introduire dans la 
cornue, au cours de la fabrication, les quantités 
d'acide sulfurique nécessaires. 

Le mélange est chauffé à l’ébullition ; le gaz sul= 
fureux produit est dirigé dans une série de grands 
dépotoirs piombés b, b, munis de chicanes en 
plomb et constamment refroidis par une circulation 
d'eau froide. L'acide sulfureux abandonne là le 
soufre et l'acide sulfurique non combinés, la vas 
peur d'eau et la majeure partie de ses impuretés: 
De là, le gaz passe dans un filtre à coke sulfurique 
c,puis dans une série de filtres ou pots laveurs d, d, 
munis de plateaux étagés sur lesquels sont disposés 
des déchets de coton blanc et de fibres d'amiante 
qui retiennent toutes les poussières et toutes les 


impuretés solides. 
OR NE Eee RE 


1 P. Monwer : Revue de Chimie Industrielle, t, I, p.38, 1892, 


: Dans cet élat, le gaz sulfureux est introduit dans 
- une sorte de chambre froide /, munie d’un jeu d'or- 
. que métallique e, e, e, à l’intérieur duquel une 
— pompe provoque l'évaporation d'acide sulfureux 
… préalablement liquéfié. La chambre est maintenue 
par ce moyen à une température voisine de — 10°, 
… ce qui est suffisant pour congeler toute la série 
des hydrates de l'acide sulfureux. L'anhydride sul- 
“ fureux, ainsi épuré, se rend dans un gazomètre 
y dont la cloche plonge dans une cuvette annu- 
aire remplie d'huile, d'où il est aspiré par une 
| pompe aspirante et foulante 2 qui l'envoie 
dans un condenseur tubulaire en cuivre 1, refroidi 
par une double circulation d’eau froide et dans le- 
quel il se liquéfie. Il est dirigé de là soit dans de 


Réservoir : 
d'acide sulfurique 


633] 
(1) 
(Le) 


S 


E. MATHIAS — [LA PRÉPARATION INDUSTRIELLE DES. GAZ LIQUÉFIÉS 


911 


tour à coke de 20 mètres, à l’intérieur de laquelle 
ruisselle de l’eau froide qui le dissout. La solution 
d'acide sulfureux est ensuite portée à l'ébullition 
dans de grandes chaudières de plomb chauffées 
par la chaleur perdue, où elle abandonne le gaz 
sulfureux ; celui-ci passe d'abord dans un serpentin 
refroidi où il se débarrasse de l’eau entrainée, puis 
il se sèche sur de l'acide sulfurique, et est finale- 
ment liquéfié au moyen d'une pompe de compres- 
sion ordinaire, puis emmagasiné dans des bou- 
teilles en fer forgé d’une contenance de 100 kilos !. 
La production annuelle de l'Allemagne est d’envi- 
ron 2.500 tonnes; les centres d’expédilion sont les 
districts de Kattowitz, d'Allona, d'Essen et- de 
Lud wigshafen. 


É 
4 J A FA 
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RAR NS HS ï 
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: Er CZ ty 208) 
_ Fig. 6. — Préparation et liquéfaction de l'anhydride”sulfureux. — a, cornue où l’on fait réagir le soufre sur l'acide sulfu- 
2 rique ; L, b, dépotoirs ea plomb; c, four à coke sulfurique ; d, d, pots laveurs ; f, chambre refroidie par l'évaporation 
A d'anhydride sulfureux liquide dans les tubes e, e, e; q, gazomètre ; h, pompe aspirante et foulante; i, condenseur ; k, 
[4 bonbonne à anhydride sulfureux liquide, 
» 


- grands réservoirs en acier, d'une contenance de 
… 2,500 à 3.000 litres, où iles temmagasiné, soit dans 
“ es bonbonnes en cuivre qui'servent à son transport. 
: L'anhydride sulfureux chimiquement pur de la 
- « Compagnie industrielle des procédés Pictet » est 
. fabriqué exclusivement à l'usine d'Anthy-Séchex 

(Haute-Savoie) jusqu'à concurrence de 4à 5.000 kilos 

par jour. Cette usine, non seulement alimente la 
- France d'anhydride sulfureux d'une façon presque 
- exclusive, mais encore exporte ce produit dans 
- toutes les parties du monde ; l'importation étran- 
- gère annuelle ne dépasse guère 10 à 12.000 kilos 
} d’anhydride liquide non rectifié venant d'Allema- 
- gne et plus spécialement des usines de zine d'Ober- 

hausen (Provinces Rhénanes). Le produit résulte 

de l’utilisation, obligatoire en Allemagne, des gaz 
. provenant du grillage des pyrites, des sulfures et 

_sulfoarséniures, des blendes, ele. À Oberhausen, le 
- gaz sulfureux provient du grillage des blendes 
- dans des fours spéciaux ; de là, il passe dans une 


LéTC MR 


8. Chlorure d'éthyle. — Ce corps dont le point 
d’ébullilion normale est à Æ 11°, n’est en hiver 
qu'un liquide très volatil et ne devient un gaz 
liquéfié qu'en été; il s'obtient industriellement par 
le procédé Monnet * en chauffant sous pression 
l'acide chlorhydrique avec l'alcool ordinaire, à 
molécules égales. La réaction est donnée par 
l'équation : 


CH5.OH + HCI = CHSCI + H°0. 


Dans un autoclave émaillé, muni d'un manomè- 
tre et d’un thermomètre plongeant dans le liquide, 
on chauffe, pendant cinq heures, 100 kilos d'acide 
chlorhydrique du commerce à 33 °/, d'acide réel et 
46 kilos d'alcool éthylique à 93° centésimaux. Quand 
la température est descendue par le refroidisse- 


4 Jaueerr: Dictionnaire de Würtz, 2° supplément, 39 fas- 
cicule, p. 644. : 

2,P. MOoNNET : 
1892. 


Revue de Chimie industrielle, t. III, p. 38, 


IX 


E. MATHIAS — LA PRÉPARATION INDUSTRIELLE DES GAZ LIQUÉFIÉS 


ment à 50 ou 60°, on ouvre un robinet placé sur le 
couvercle de l'autoelave et communiquant avec un 
récipient métallique fermé et refroidi, et le chlorure 
d'éthyle vient se condenser dans ce récipient. Le 
corps ainsi obtenu contient un peu d'acide chlor- 
hydrique entrainé dont on le débarrasse par dis- 
üllation sur de l’eau légèrement alcaline. Il est 
alors propre aux usages médicaux et enfermé par 
fractions de 10 grammes dans des ampoules de 
verre terminées en pointe effilée et fermées à la 
lampe. 


II. — CONSERVATION DES GAZ LIQUÉFIES. 


La question des vases dans lesquels on doit re- 
cueillir et conserver les gaz liquéfiés jusqu’au mo- 
ment de s'en servir est, évidemment, une question 
capitale, tant au point de vue économique qu'au 
point de vue de la sécurité. Les gaz liquéliés qui 
sont passés en revue dans cette étude se partagent, 
à ce double point de vue, en deux groupes bien 
nets : l'air liquide, et les autres corps. 


$ 1. — Coxservation de l’air liquide. 


La conservation de ce corps s'effectue dans des 
vases ouverts ou pratiquement ouverts, où l'excès 
de pression sur l'atmosphère est toujours excessi- 
ment faible !; la question de sécurité ne se pose 
donc pas, et la question économique consistant à 
ralentir l'évaporation, seule, subsiste. Quel rôle, en 
effet, peut espérer un corps dont on ne pourrait 
empêcher l'entière vaporisation ? D'un tel corps, 
assez éphémère pour ne servir à rien, pourrait-on 
dire que sa préparalion revient à bon marché ? Ces 
deux questions, dont les réponses s'imposent, 
montrent bien que l'importance industrielle de l'air 
liquide dépend presque exclusivement de sa con- 
servation dans des vases pratiquement imperméa- 
bles à la chaleur, et très peu de l'abaissement de 
son prix de revient actuel. 

Le problème de la conservation de petites quan- 
tités d'air liquide est résolu en fait par l'emploi de 
vases de verre à doubles parois argentées, entre 
lesquelles on a fait le vide (solution de d'Arsonval, 
perfectionnée par James Dewar). Un litre d'air 
liquide, dans de pareils flacons, peut mettre qua- 
torze jours à se vaporiser. Ces vases affectent or- 
dinairement les formes ci-contre (fig. 7). La forme 
primitive À est réservée aux pelites capacités allant 
jusqu'à 600 centimètres cubes, par exemple; la 
forme B devient assez malaisée à construire dès 
que l'on atteint des contenances de plusieurslitres ; 


: Si on laissait la pression s'élever, au moyen de vases 
hermétiquement clos, la température de l'air liquide s'élè- 
verait en même temps et l'on n'aurait bientôt plus que de 
l'air gazeux comprimé. 


dès que l'axe du vase cesse d'être rigoureusement 
vertical; jusqu’à 4 litres, la solidité est satisfais 
sante. La forme C est construite par Richard Mül 
ler-Uri de Brunswick, d'après Weinhold, le réser= 
voir intérieur pouvant être, au besoin, muni d'une 
graduation. ] 

Dans les grandes fabriques d'air liquide, on em- 
ploie des vases métalliques ordinaires, d'une conte= 
nance de 50 lib'es, recouverts de feutre ou de laine 
de mouton; mais de lels vases laissent évaporer 
deux litres de liquide en une heure !, de sorte que 
le contenu du vase est évaporé en un jour ! 

La «General Liquid Air and Refrigerating C° » em- 
ploie, soit de petils réservoirs en pâte de bois, soib 


Fig. 1. — l'ormes diverses de récipients pour la conservation 
de petites quantités d'air liquide. 


des réservoirs métalliques à double enveloppe très 
ingénieusement disposés. La sortie du liquide se 
fait au moyen d’un tube plongeant jusqu'au fond, 
le remplissage se faisant, au contraire, par une ou- 
verture plus large. La paroi iuléricure du vase 
porte à sa partie supérieure une soupape de sûreté 
qui s'ouvre dès que la pression de l'air dépasse de 
0 kil. 4 environ celle de l'atmosphère; l'air froid 
passe entre les deux enveloppes métalliques, for= 
mant ainsi chemise de vapeur avant de s'échapper 
à la partie inférieure de l'enveloppe extérieure. 
Celle-ci est protégée contre le réchauffement exté= 
rieur par une enveloppe isolante, et le tout esb 
contenu dans un panier d'osier. 


S 2. — Conservation des autres gaz liquéfiés. 


Les gaz liquéfiés autres que l'air, pouvant être 
amenés à la température ordinaire sans cesse 
d'être liquides, peuvent et doivent êlre conservés 


1 Lanoe : Zeitschrift des Vereines deutscher Ingenicure 
t. XLIV. 6 


dans des enveloppes hermétiquement closes. Les 
“deux questions de la zature de l'enveloppe et de 
la résistance à lui donner seront traitées plus loin, 
… à propos du transport des gaz liquéfiés où elles in- 
Mérviennent comme touchant à la sécurité publique, 
met où elles sont régies, très sagement d'ailleurs, 
«par des règlements officiels. La question de l'étan- 
…chéité des robinets est liée intimement à celles qui 

précèdent, car la résistance du réservoir devient 

“illusoire si le robinet fuit. Enfin, au point de vue 
de l'emploi des gaz liquéfiés, il peut être désirable, 
K à un moment donné, d'avoir exclusivement soit du 

liquide, soit du gaz, et, dans ce dernier cas, d’avoir 
du gaz à une pression convenable, variable à vo- 
lonté, résultat que l’on obtient au moyen d'un de- 
tendeur. 

- Les robinets des récipients à gaz liquéfiés sont 
n invariablement des robinets à pointeau. Ce sontdes 
! vis à pas très serré, terminées par une extrémité 
l conique d'environ 60°, très dure, très bien travaillée 
à 


Fig. 8. — Bonbonne pour la conservation de l'anhydride 
sulfureux. — A, calotte en cuivre; B, orifice de sortie: 
C, pointeau. 


- et qui s'applique exactement sur l'ouverture légè- 

- rement évasée d'un conduit très étroit ayant même 

- axe que la vis. Si les surfaces qui doivent s’appli- 
quer l’une contre l’autre, et qui sont de révolution, 

. sont parfaites, la faible résistance que l’on éprouve 

en faisant tournér la vis dans son écrou, dans le 
sens dextrorsum, s'accroît subitement quand l’ex- 
trémité du pointeau rencontre l'orifice à obturer. 

. Ilest alors inutile de forcer! et il suffit de donner 
une légère impulsion tangentielle à la vis pour par- 
faire le contact; le pointeau est alors serré à hloe, 
et la fermeture est absolue, quelque grande que 
soit la pression. 

Pour ouvrir le robinet, il suffit de donner 
d'abord à la vis une légère impulsion tangentlielle 
dans le sens sinistrorsum, pour vaincre l'adhérence 
des surfaces en contact, el continuer à dévisser 
légèrement le pointeau. 


4 Si les surfaces qui doivent s'appliquer l'une contre 
l'autre sont mal travaillées, le pointeau n'obture pas avec 
un serrage modéré et le robinet fuit. Si l'on serre à 
outrance, on déforme de plus en plus les surfaces et l’on 
finit par avoir une fuite plus grande qu'avec un serrage 
modéré. 


E. MATHIAS — LA PRÉPARATION INDUSTRIELLE DES GAZ LIQUÉFIÉS 913 


L'orifice de sortie du gaz liquéfié est toujours 
perpendiculaire à l’axe du pointeau; aussi, pour 
empêcher le gaz de sortir dans la direction du 
pointeau, faut-il que la tête de celui-ci, cylindrique 
et lisse, soit serrée dans une boite à cuir d'où 
émerge l'extrémité carrée que l'on manœuvre de 
l'extérieur au moyen d'une clef de forme variée. 

La forme des récipients à gaz liquéfiés et la dis- 
posilion du robinet varient évidemment avec la 
nature du corps et avec le constructeur. La descrip- 
tion des bonbonnes employées pour l’anhydride 
sulfureux liquide, par la Société Piclet, donnera en 
particulier l'exemple d’une disposition permettant 
d'obtenir à volonté le gaz ou le liquide. Ces bon- 
bonnes, dont la forme 
et les dispositions sont 
protégées par des mar- 
ques de fabrique, sont 
en cuivre rouge et éta- 
mées intérieurement à 
l'étain fin. Elles se com- 
posent d'un corps eylin- 
drique soudé et brasé à 
deux calottes également 
en cuivre, dont l'une | 
supporte le robinet, du 
lype à pointeau. L'ori- | 
fice de sortie se prolonge 
à l’intérieur de la bon- | 
bonne par un tube re- | 

| 


courbé qui, selon que la 
bonbonne est placée sur | 
le dos ou sur le ventre, Thu 


permet d'obtenir à vo- 


Fig. 9, — Bouteille à chlo- 

lonté l’anhydride sulfu- rure de méthyle. — À, clé 
Nr LR s ; en forme de disque per- 
reux liquide ou gazeux, mettant de manœuvrer la 


comme le montre la tête carrée du pointeau; 
B, écrou à oreilles permet- 


figure 8. tant de fixer l'appareil à 
Le chlorure de mé- projection de liquide sur 

L ES l'orifice de sortie du gaz 
thyle est ordinairement liquéfié; C, poignée du 


srmé d: EEE pointeau commandant la 
renfermé dans des vases projection du liquide; D, 


en bronze construits par corps de la bouteille (en . 
Mondollot, et qui offrent onze); P, orifice de pro- 
cette particularité de pré- thyle. 

senter un second poin- 

eau latéral qui se meut au moyen d’une molette 
fixe et qui se raccorde à la bouteille au moyen 
d'un écrou à oreilles muni intérieurement d'un 
cuir. Au moyen de cet écrou et du second poin- 
teau, on peut produire un jet de chlorure de mé- 
thyle liquide et le diriger à volonté, tout en modé- 
rant ou activant son intensité (fig. 9). 

Il est inutile évidemment de décrire ici tous les 
perfectionnements de détail apportés à certains ré- 
cipients, et dont quelques-uns, comme celui de 
M. Fournier, par exemple, ont des soupapes de 


914 


PH, GLANGEAUD — LE VIII: CONGRÈS GÉOLOGIQUE INTERNATIONAL 


sûreté fonctionnant automaliquement dès que la 
pression intérieure dépasse une valeur fixée à 
l'avance, et nous terminerons la question de la 


Fig. 10. — Détendeur ou réducteur de pression. — À, arrivée 
du gaz liquéfié; B, pièce métallique portée par le levier 
BOC; C, ressort, DE, membrane de caoutchouc; F, disque 
métallique commandé par le ressort G; V, vis de réglage; 

R, robinet d'échappement: M, manomètre. 


conservation des gaz liquéfiés, en décrivant le dé- 
tendeur ou réducteur de pression (fig. 10). Celui-ci 
consisté essentiellement en une boîte métallique 


dans laquelle le gaz liquéfié arrive en A, sous la 
pression de sa vapeur saturée à la température de 
l'expérience. Le conduit d'arrivée, terminé en 
biseau, est obturé hermétiquement par une ron- 
delle d'ébonite encastrée dans une pièce métal- 
lique B placée à l'extrémité d’un levier BOC; 
celui-ci est mobile autour de l'axe O perpendicu- 
laire au plan de la figure et commarsdé par un très 
fort ressort C. La chambre d'arrivée du gaz est 
limitée par une paroi de caoutchouc DE, qui presse 
contre un disque métallique F commandé par un 
fort ressort G. La tension de ce ressort, de laquelle 
dépend le fonctionnement du réducteur de pres- 
sion, est commandée du dehors par une vis de ré- 
glage V. Si les choses sont disposées de telle sorte 
que le disque F presse sur le ressort C, l'orifice du 
conduit À est ouvert, et le gaz pénètre dans la 
chambre ADE et s’y détend ; si la pression du gaz 
est trop forte, elle repousse la paroi de caoutchouc 
DE, et le disque F cesse de presser sur le ressort 
C; dès lors, l’arrivée du gaz est suspendue. Si la 
pression du gaz est trop faible, le ressort G presse 
sur C, et l'orifice de À est ouvert. Donc, le gaz 
s'écoule par le robinet R sous une pression sensi- 
blement fixe indiquée par le manomètre métallique 
M, et que l’on règle à volonté au moyen d'une clef 
agissant sur une vis V à tête carrée. 


Dans un second article, nous examinerons les 
principales applicalions des gaz liquéfiés et les 
conditions de leur transport. 

E. Mathias, 


Professeur de Physique à la Faculté 
des Sciences de Toulouse. 


LE VII CONGRÈS GÉOLOGIQUE INTERNATIONAL 


Le VII: Congrès géologique international a été 
particulièrement brillant, au milieu des autres 
Congrès qui ont tenu leurs séances dans ce palais 
de la place de l’Alma, si peu somptueux, et qui 
a été, cependant, ainsi que l’a dit M. Millerand, 
l'âme de l'Exposition. 

Plus de mille géologues. dont plus de la moitié 
étaient étrangers, s'étaient fait inscrire. Parmi eux 
figuraient tous les grands noms de la science géo- 
logique. Près de cinq cents ont pris une part effec- 
live aux séances qui ont eu lieu à Paris et aux 
excursions organisées à travers toutes les régions 
françaises. Ainsi, notre pays a été parcouru et étu- 
dié par les savants du monde entier, qui ont pu 
apprécier, à travers son pittoresque, toutes les 
richesses minérales de son sol et les nombreux 
problèmes scientifiques qu'il soulève. 


Le Compte rendu de ce Congrès vient de paraître, 
moins d'un an après les séances de Paris, sous la 
forme de deux gros volumes de plus de 1.300 pages. 
Je désirerais en présenter ici les résultats, le plus 
sommairement possible. 

Mais il convient de louer, tout d’abord, le Comité 
d'organisation qui à eu la lourde tâche de prépa- 
rer le livret-guide des excursions, d'organiser les 
séances et de mener si rapidement l'impression 
du compte rendu, et cela malgré les deuils si cruels 
qui ont frappé l’éminent el si sympathique prési- 
dent du Congrès M. Albert Gaudry, dont le dévoue- 
ment a élé absolu, et le secrétaire général M. Ch. 
Barrois, dont le zèle et l'activité n'ont pas cessé un 
instant de se manifester. 

Ils ont été secondés dans leur tâche par les vice- 
présidents, MM. Michel Lévy et Marcel Bertrand, 


“par les secrétaires et les autres membres du Comité 
d'organisation. 

à L'œuvre du Comité, qui est celle de tous les géo- 
“ogues francais, a été telle qu'il est permis d'espé- 
rer que le VII° Congrès géologique sera fécond en 
résultats. 

Je ne saurais passer sous silence üne innovation, 


qui a une portée et une significalion sur lesquelles 


articipation au Congrès des Sociétés industrielles 
“ét minières françaises, au nombre de plus de cin- 
‘quante, et de la générosité avec laquelle elles ont 


exclusivement dans le domaine de la théorie, et 
Jindustrie minière, qui sait profiter de toutes les 
recherches et de Loules les découvertes géologiques. 
Qu'on me permette d'ajouter encore un mot. 
Depuis trente ans, la Géologie, science relativement 
jeune, à fait des progrès remarquables. Ainsi que 
le disait sir Archibald Geikie, « elle est entrée dans 
une période où l’on doit attendre les plus grands 
avantages de méthodes d'investigation plus pré- 
cises et de la convergence des efforts individuels, 
librement associés, sous une même règle et vers 
un même but ». Ses applications multiples : à la 
“ Géographie, rénovée en grande partie, grâce à elle, 
“à l'Industrie minière, à l'Hydrologie, à l’'Agricul- 
_ ture, ete., montrent que cette science, à l’évolution 
de laquelle ont pris part tant de noms français, 
devient de plus en plus féconde, par les idées philo- 
sophiques qu'elle fait naîlre et développe, el par 
les résultats pratiques, dont le nombre va en crois- 
sant d’une facon remarquable, qui en découlent. 

Le Compte rendu de la VIII session du Congrès 
géologique international est divisé en sept parties. 
La première parlie comprend la liste des mem- 
bres du Congrès; la deuxième fait connaitre les 
travaux préparatoires de la VII session; la troi- 
sième est consacrée aux procès-verbaux des séances 
générales, des séances des sections et des séances 
des commissions. La quatrième présente les rap- 
ports des Commissions et les communications rela- 
tives aux œuvres colleclives des Congrès. La cin- 
quième a élé réservée aux Mémoires présentés 
dans les séances. La sixième renferme un résumé 
très succinet des excursions. La septième est occu- 
pée par le lexique pétrographique. 

Il a été rendu compte, ici même, par M. Barrois 
du livret-guide des excursions’. Ce sont donc les 
troisième, quatrième, cinquième et seplième par- 
Hies qui constituent, à proprement parler, l'œuvre 


1 Voyez cette analyse dans la Revue générale des Sciences 
du 15 juillet 1900, t. XI, p. 857. 


PH. GLANGEAUD — LE VIII: CONGRÈS GÉOLOGIQUE INTERNATIONAL 


915 


du Congrès. Je désirerais les analyser, avec le 
regret de ne pouvoir parler, faute de place, de tra- 
vaux fort intéressants, mais sur lesquels je revier- 
drai ailleurs. 


I, — RÉGIONS NOUVELLEMENT EXPLORÉES. 


C'est l'Afrique qui a fait l'objet des plus nom- 
breuses études de la part des géologues anglais et 
français. Si l'on tient compte des travaux de M. Mo- 
lengraff sur le Transvaal, publiés très récemment 
dans le Pulletin de la Société géologique de France, 
de ceux de divers géologues et d’explorateurs sur 
la colonie du Cap, le Congo, etc., et de ceux dont 
nous allons parler sur l'Egypte, Madagascar, l'Al- 
gérie et le Sahara, on peut se faire une idée d’'en- 
semble assez précise du continent africain, au point 
de vue géologique. 


Les Découvertes géologiques récentes de M. Hugh 
J. L. Beadnell dans la vallée du Nil et le désert 
Libyen Yont amené à modifier les idées (émises 
par Zittel) que l'on se faisait sur les rapports du 
Crétacé supérieur et du Tertiaire inférieur. Le 
savant paléontologiste de Munich pensait que, dans 
le désert Libyen, il n’y avait pas de ligne de 
démarcation tranchée entre l'Éocène et le Crétacé, 
ni discordance de stratilication, ni intercalalion de 
dépôts d'eau douce, ni interruption dans la sédi- 
mentalion : en un mot, qu'il existait un lien étroit 
entre les deux formations. Or, M. Beadnell a 
observé, dans plusieurs points du désert Libyen 
(régions d'Abou Roach et de l’oasis de Beharieh), 
qu'il existe une discordance très nette entre les 
deux séries de dépôts. Il y a plus : le Grétacé avait 
été exondé, plissé, faillé et arasé en partie avant le 
dépôt de l'Éocène. 

Ainsi, à mesure que les recherches se poursui- 
vent dans les diverses régions du globe, on arrive 
à cette conclusion que, s'il y a eu des périodes pen- 
dant lesquelles les mouvements du sol ont été par- 
ticulièrement intenses et généraux, il y a eu aussi 
des mouvements à toutes les époques géologiques, 
dont l'importance et l'extension géographiques ont 
été très limitées. 

Le rôle joué par la température et les phéno- 
mènes éoliens (sables poussés par le vent, etc.) sur 
la topographie font l'objet de remarques intéres- 
santes, qui sont à rapprocher de celles faites dans 
d'autres régions africaines, el aussi en Chine, par 
von Richthofen. 

En outre, M. Beadnell arrive aux importantes 
conclusions suivantes : 

« La vallée du Nil s'est vraisemblablement for- 
mée lors du Pliocène inférieur. ‘ 

« La direction générale nord-est de cette vallée, 


MG 


PH. GLANGEAUD — LE VIII® CONGRÈS GÉOLOGIQUE INTERNATIONAL 


E. 


en Egypte, les hautes falaises qui la bordent, l'ab- 
sence de vrais dépôts fluviatiles attribuables au 
Nil à un niveau notablement au-dessus du fleuve, 
l’absence presque complète de collines ou de lam- 
beaux détachés du plateau dans la vallée, l'exis- 
tence de grandes failles de bordure le long de la 
presque tolalité de la vallée, font considérer cette 
gorge, non comme une vallée d’érosion ordinaire, 
mais comme le résultat de failles, de rifts, d’impor- 
tantes fractures et de flexures. 

« Ces dislocations sont probablement dues aux 
grands mouvements orogéniques qui ont déter- 
miné les principaux traits de la géographie phy- 
sique de l'Afrique nord-est et d'une partie de l'Asie, 
tels que la vallée du Jourdain, la mer Morte, 
l'isthme de Suez, la mer Rouge, les lacs Rudolf, 
Tanganiyka, Baringo, ete. » 

Au commencement du Pléistocène, la vallée fut 
occupée par une série de lacs. A la fin de la même 
période, « un fleuve, le Pater Nilus, commença 
sa carrière en creusant un chenal à travers les dé- 
pôts antérieurs de la vallée, déposant couche par 
couche le limon du Nil, et formant ainsi la longue 
bande de terrain cultivableet habitable sans laquelle 
l'Egypte fertile que nous connaissons n'existerail 
pas. » 


Les Notes sur la géologie du désert oriental de 
l'Egypte, par MM. 7. Barron et W.F. Hume, vien- 
nentajouter beaucoup à nos connaissances sur cette 
partie de l'Afrique et complètent le travail précé- 
dent et les suivants. Il faut retenir surtout de ce 
Mémoire la partie qui a trait aux plages soulevées 
et aux récifs coralliens. 

Les mouvements pléistocènes qui se sont fait 
sentir dans cette région et sur les bords de la mer 
Rouge sont indiqués par cinq séries de récifs co- 
ralliens, qui s’étagent du niveau actuel de la mer à 
l'altitude de 170 mètres et sont d'autant plus 
éloignés de la mer qu'ils sont plus anciens. 

Ces mouvements du sol, qui ont relevé les récifs 
coralliens au Pléistocène, sont les mêmes que ceux 
qui ont produit la chaîne du Gebel Esch, parallèle 
au golfe de Suez, et ont donné naissance à la der- 
nière parlie de la vallée du Nil. 

Dans son étude sur la Géologie du Sinaï oriental, 
Hume insiste également, avec raison, sur la forma- 
tion de récifs coralliens dans celte région, en voie de 
soulèvement, les plus anciens étant les plus élevés 
(200 mètres d'altitude). Il établil aussi qu'en géné- 
ral la formation d'un récif corallien est indépen- 
dante de la nature de son soubassement. 

Un autre point sur lequel il faut attirer l’atten- 
tion est la modification progressive des appareils 
récifaux, quand ils sont émergés. 11 y à d'abord 
une disparition continue des squelettes, du test ou 


à | 
& 


d | 
des coquilles, disparilion due en grande partie à 1 
l'instabilité de l'aragonite constituant les parties 
dures de certains de ces organismes. Puis, dans un 
récif plus âgé, il se produit une altération chimiques 
plus avancée, décelée par le passage du calcaire à la 
dolomie, par enrichissement en magnésie. Cette 
dernière question a fait, dans ces dernières années, 
l’objet de nombreuses discussions. 


Un autre (ravail de Hume sur les Æifts valleys 
de TEst du Sinaï fournit, avec la Géologie du Sinaï 
oriental, des données précieuses sur les rapports: 
de la Géologie et de la Géographie physique et sur 
les effondrements linéaires qui ont donné à cette 
contrée sa physionomie si particulière. « La struc-= 
Lure spéciale du Sinaï est due à des dykes de roches 
éruptlives, de couleur variable, parallèles les uns 
aux autres, continus sur un grand nombre de kilo= 
mètres, et déterminant la direction de beaucoup de 
chainons montagneux. Ce sont surtout des felsites 
sphérulitiques, des diabases, des dolérites, qui 
constituent ces dykes. On n’a pas trouvé de basalte. » 


Dans une étude synthétique des plus intéres- 
santes, M. Poule fail connaitre la Géologie et la Pa- 
léontologie de Madagascar dans l'état actuel de nos 
Connaissances. 

L'esquisse de la carte géologique qui accompa- 
gne cette étude permet de mieux saisir la constitu- 
tion de la grande ile africaine, sur laquelle plusieurs 
géologues anglais et français, notamment MM. Ba- 
ron et Newton, Grandidier, Boule, Douvillé, Sta 
nislas Meunier, Lacroix, Haug, etc., ont publié 
récemment d'assez nombreuses notes. 

Voici un résumé du travail de M. Boule. 

Madagascar se divise en deux régions différentes : 
1° une région centrale et orientale, comprenant la 
chaîne de montagnes qui forme l'ossature de l'ile, 
constituée par des roches cristallines (granites, 
gneiss, schistes, etc.); 2° une région occidentale de. 
plateaux et de plaines, formée de terrains sédimen- 
taires. Une troisième calégorie de terrains, com- 
posés de roches volcaniques, se rencontre en des 
points variés de l'ile. 

Les terrains primaires sont inconnus jusqu ici à 
Madagascar. Les terrains secondaires (Trias, Juras- 
sique et Crétacé) sont, au contraire, très développés 
et forment presque entièrement la bande sédimen= 
laire. 

Le Trias, mal déterminé au point de vue paléon= 
tologique, présente cependant de grandes anas 
logies avec le Trias de la colonie du Cap (Xaroa 
lormation) et la Gondwana formation de l'Inde, € 
qui permet de supposer que Madagascar aurait faib 
partie, à l’époque triasique, du continent relianb 
l'Inde à l'Afrique du Sud. Le Jurassique et le Cré 


PH. GLANGEAUD — LE VIII® CONGRÈS GÉOLOGIQUE INTERNATIONAL 


917 


tacé, très fossilifères, offrent des affinités, surtout 
avec les formes de l'Europe pour le Jurassique, et 
» celles de l'Inde pour le Crétacé. 

La découverte de sédiments crétacés sur la côte 
“orientale de l'ile conduit M. Boule à admettre, 
“contrairement à l'opinion reçue, que, dès cette 
; époque, peut-être même au Jurassique, Madagascar 
“ était déjà une ile et n'était plus reliée à l'Inde par 
“un continent. Il faut signaler encore d'assez nom- 
“breux restes de Dinosauriens dans les couches 
… secondaires des terrains éocènes en relrail vers la 
- côte occidentale, et les combreux ossements si 
inléressants recueillis par MM. A. et.G. Grandi- 
dier, qui représentent forme récemment 
éteinte. 


une 


… M. Boule « fait jouer aux failles un grand rôle 


dans l'explication de l'orographie et de la tectonique 
de l'île. C’est à leur faveur, et probablement à des 
époques diverses, que des volcans se seraient éla- 
blis un peu partout, le long des cassures, en don- 
nant des lrachyles, des andésiles, des phonoliles 
et surtout des basalles ». 

La communication de M. Douvillé, sur le Juras- 
sique de Madagascar, complète, sur certains points, 
le travail précédent. L'auteur montre la grande 
richesse en fossiles de ces terrains et « l'analogie 
qu ils présentent avec ceux des colonies allemandes 
de l'Afrique orientale, qui se prolongent par le 
pays des Somalis dans l'Abyssinie. Il y a également 
beaucoup d'affinilés avec la province de Cutch et 
les couches à plantes de l'Inde ». 

Signalons encore ici la troisième édition de la 
Carte géologique de l'Algérie au 1/800.000, pré- 
sentée par M. Ficheur, et la communication sur la 
Géologie des hauts piateaux et des régions saha- 
riennes, par M. Flamand. 

Les travaux que nous venons d'analyser briève- 
ment, venant s'ajouter à ceux qui ont récemment 
paru sur la Géologie africaine, prouvent les grands 
progrès de la Géologie dans cette partie du monde. 


On sait l'importance considérable présentée par 
l1 Géologie de la Palagonie, en raison des curieuses 
formes de Vertébrés qui ont élé trouvées dans cette 
région par MM. Gervais, Ameghino, Burmeister, 
Moreno, elc., et les controverses passionnées aux- 
quelles ces découvertes ont donné lieu. La discus- 
sion ne semble pas près d'être close, à en juger 
par un nouveau travail de M. Ameghino, que je 
viens de recevoir. 

J'ai rendu comple, en son temps', des belles 
découvertes des frères Ameghino, et exposé som- 
mairement l’élal de la question, en faisant remar- 


* Pn. GLANGEAUD : Les Manimifères crélacés de la Patagoni 
Revue générale des Sciences, 28 février 1898. 


quer que les documents paléontologiques marins 
recueillis n'étaient pas suffisants pour dater les 
couches d'une façon précise. 

Depuis quatre ans, des missions ont élé orga- 
nisées pour l'étude géologique el paléontologique 
de la Patagonie : d'une part, par M. Moreno el ses 
éléves; d'autre part, par MM. Ameghino et aussi 
par M. Hätcher. 

M. Scott, qui présente le résumé des recherches 
de ce dernier, fixe ainsi la série des couches : 

Gault. Renfermant des ammonites qui montrent . 
une complète ressemblance avec la faune synchro- 
nique du sud de l'Afrique. ({ruaranien de M. Ame- 
ghino.) 

Magellanien. Terrain d'âge éocène ou oligocène. 
Nombreux restes de Vertébrés. (Couches à Pyro- 
therium de M. Ameghino, qui les range dans le 
Crélacé supérieur.) 

Palagonien. Formation miocène étendue 
superficiellement, d'origine marine, dont les fos- 
siles (plus de 200 espèces d'Invertébrés) offrent une 
étroite parenté avec le Miocène d'Australie et de la 
Nouvelle-Zélande. 

M. Ameghino rapporte cetle faune à l'Éocène 
inférieur. 


très 


Miocène d'eau douce 
ou terrestre, très fossilifère, avec Mammifères. La 
faune se relie davantage à celle de l'Australie qu'à 
celle de l'Amérique du Nord, et présente une diffé- 
rence profonde et radicale avec les faunes euro- 
péennes. La formation santacruzienne, si impor- 
tante en raison de sa richesse en Mammifères, est 
considérée par M. Ameghino comme éocène supé- 
rieur. 

Il convient de dire, avec M. Depéret, qui a fait à 
ce sujet de judicieuses remarques, que, si M. Ame- 
ghino avait trop vieilli ces couches, MM. Scott et 
Hatcher les ont singulièrement rajeunies, car il 
existe de telles affinités paléontologiques entre les 
Palæotherium européens et les Prothérothéridés 
palagoniens, qu'il est permis de croire à l'äge oli- 
gocène probable des couches de Santa-Cruz. C'est 
également l'opinion de Ziltel. On peut conclure 
en disant qu'il est nécessaire de reprendre, d'une 
façon rationnelle, une grande partie de la géologie 
et de la paléontologie palagoniennes. 

Je menlionnerai encore, au sujet des régions. 
nouvellement explorées, la présentalion de Ja 
Carte géologique du Portugal, par MM. Delgado et 
Chofät, le travail de M. Douvillé sur les Zxplora- 
tions géologiques de M. de Morgan en Perse, celui 
de M. Zeiller, sur la Ælore fossile du Tonkin, et un 
excellent exposé de l’Ælat actuel des recherches 
sur les volcans de l'Italie centrale, par M. Sabatini, 
el spécialement de ceux du Lalium, dont j'ai publié 
une élude ail'eurs. 


Couches de Santa-Cruz. 


918 


Il. — OROGRAPHIE ET STRATIGRAPHIE 
PALÉONTOLOGIQUES. 


Dans ces dernières années, les recherches sur la 
topographie du fond des océans se sont multipliées 
et ont conduit parfois à des résultats fort inat- 
tendus. 

M. Edward Hull, qui s'est fait une spécialité de 
cette étude, a rendu compte, à plusieurs reprises, 
dans des Revues scientifiques étrangères, de ses 
explorations. 

J'ai eu l’occasion de parler ici même’, assez 
longuement, des faits si intéressants signalés par 
ce géologue et des conclusions qu'il en tirait, 
relativement aux causes de l'époque glaciaire. 

Depuis celte époque, M. Hull à fait de nouveaux 
sondages sur les côtes de l'ouest de l'Europe et des 
îles Britanniques, qui lui ont permis de schéma- 
liser, de la facon suivante, la figure topographique 
des régions sous-marines voisines du Continent. I] 
existe d'abord une terrasse doucement inclinée de 
la côte vers le large, désignée sous le nom de 
plate-forme continentale, à la suite de laquelle vient 
une pente rapide où un escarpement, correspon- 
dant à la fin de la plate-forme et dont les fonds 
atteignent rapidement 500 à 600 mètres. 

Ce qu'il y a de particulièrement remarquable, 
c'est l'existence des vallées sous-marines, ayant 
fréquemment tous les caractères des canons du 
Colorado et des Causses, qui ne font souvent que 
prolonger les vallées actuelles et s'étendent à tra- 
vers la plate-forme continentale, parfois jusqu'à 
plus de 100 kilomètres au large, jusqu'aux grandes 
profondeurs abyssales. 

Des observations analogues ont élé faites le long 
des côtes orientales de l'Amérique du Nord et des 
iles occidentales de l'Inde et ont conduit à des 
résultals analogues. 

Hull conclut de ces données, à la suite d’autres 
géologues, que ces vallées se sont creusées à la fin 
du Pliocène, et il pense qu'il y eut, à cette époque, 
un soulèvement du sol quiaffecta toutes les régions 
orientales du bassin de l'Atlantique. La plate-forme 
fut alors en partie arasée et les rivières creusèrent 
leurs vallées à travers cette plate-forme jusqu’à la 
base de l’escarpement qui la limitait vers l'Océan. 
Après une longue période de repos, marquée par 
celte érosion, eut lieu un nouveau mouvement 
d'affaissement qui amèna l’invasion de la mer et la 
submersion de la plate-forme et des vallées qui la 
sillonnaient. 

Ces conclusions, très originales, mais encore 
bien hypothéliques, permettent à Hull de croire que 


? Pu. GLanGeauD : Les vues nouvelles sur les Causes de 
l'époque glaciaire. Revue générale des Sciences, 15 jan- 
vier 1899, 


PH. GLANGEAUD — LE VIII: CONGRÈS GÉOLOGIQUE INTERNATIONAL 


l’'exhaussement du sol européen et nord-américain 
a dù être une cause suffisante pour l'établissement 
de la période glaciaire post-pliocène. 


Les recherches de M. W. Hudleston sur la Bor- 
dure de la parlie septentrionale du bassin de l Atlan- 
lique semblent appuyer cette interprétation ; ce 
dernier géologue indique, en outre, que le nord de 
l'Atlantique, la mer de Norvège et l'Océan Polaire 
septentrional apparliennent à une seule et même 
dépression géosynclinale, très étendue, et seulement 
interrompue, par places, par des épanchements 
volcaniques. 


M. Oshorn, l'éminent paléontologiste américain, 
publie, avec le concours de paléontologistes fran- 
çcais et étrangers, la (troisième édition de son Tableau 
des horizons de Mammifères tertiaires en Europe 
et en Amérique, en faisant remarquer que, pour 
comprendre l'évolution des Vertébrés, on doit 
tenir grand compte de l’orographie, de la nature 
du sol, de la végélation dans laquelle ont vécu ces 
êtres et aussi des migralions auxquelles ils ont pu 
être soumis. Le problème paléontologique se rat- 
tache ainsi à la Géologie, à la Zoogéographie, à la 
Zoologie et devient alors un problème biologique. 

A l'heure actuelle, on peut considérer comme 
bien près d'être établie l'exactitude des corréla- 
tions entre les divisions de l'Éocène, en Europe et 
en Amérique, tandis que celles del'Oligocène, du Mio- 
cène, du Pliocène et du Pléistocène ne doivent être 
envisagées que comme provisoires. Quoi qu'il en 
soit, on a suffisamment d'éléments aujourd'hui pour 


conclure, avec M. Gaudry, que la marche de l'évo- | 


lution a été la même en Amérique et en Europe. 

Les travaux de MM. Dollfus, Guébhard, Bleicher, 
Stanilas Meunier, Martel, Raulin, Fabre, Van den 
Broeck, etc., seront certainement développés par 
ces auteurs dans des Revues françaises. Je n'en 
parle pas pour cette unique raison. 


III. — PÉTROGRAPUIE. 


Les pélrographes ont pris une large part au 
Congrès de Géologie de 1900. La présence des 
représentants les plus autorisés de cette science, 
les discussions parfois passionnées qui eurent lieu 
dans les réunions préparatoires et durant le Con- 
grès pour arriver à une entente sur un certain. 
nombre de questions louchant aux principes fon- 
damentaux de celle science, montrent son impor- 
lance croissante. 

Tous les congrès émettent des vœux, souvent 
platoniques, car ils ne lient pas les savants, qui 
conservent loute leur liberlé d'action. Et parfois, 
les dissidents ont plus tard raison contre ceux 


;. 


qui avaient voulu enfermer la science dans 
d'étroites limites, et qui croyaient d’ailleurs, par là, 
de très bonne foi, la faire avancer plus vite. 

M. Becke, l’éminent professeur de Vienne, 
estime que la Pétrographie est encore dans la 
“période d'accumulation des faits et que le temps 
“n'est pas encore venu où l’on puisse les systéma- 
“liser avec fruit. Une nomenclature rationnelle, 
Systématique des roches devrait être basée sur 
bujoutes les relations des roches (rôle géologique, 
“composition minéralogique et chimique, struclure). 
Moute préférence pour l’un de ces points de vue, 
préférence inévitable dans la période de transition 
que traverse actuellement la Pétrographie, dispa- 
raitra certainement plus tard. 

Les classifications, même provisoires, ont cepen- 
dant du bon, car elles permettent de grouper les 
choses apparentées les unes aux autres, de mieux 
Saisir les relations qui les unissent et de simplifier 
la nomenclalure. 
Les travaux des Commissions de Pétrographie 
ont porté surtout sur la nomenclature des roches. 
tetenons seulement, parmi les vœux votés, les sui- 
ants, qui sont les plus importants : 

4% Vœu : Les noms d'auteur devront toujours 
être indiqués, à la suite des noms de roches, 
“comme cela est d'usage en Zoologie et en Bota- 


2% Vœu : Il y a lieu de nommer une Commission 
internationale, chargée de publier les noms nou- 
“veaux des roches, avec leur description aussi pré- 


“au besoin, avec un dessin reproduisant leur struc- 
ture. 

3° Vœu : Il est avant lout désirable de régulariser 
la nomenclature des roches éruptives où le manque 
d'unité est particulièrement sensible. 

Ces trois vœux ont été adoptés à l'unanimité. Il 
n'en a pas été de même du quatrième, ainsi conçu : 

% Vœu : La caractéristique des grands groupes, 
par exemple des familles, doit se baser sur la 
composition minéralogique appuyée sur la compo- 
sition chimique et la structure. 

Ce vœu, qui a été voté à une assez forte majorité, 
“est un succès pour l'Ecole française, représentée 
par deux de ses fondateurs, MM. Fouqué et Michel 
- Lévy, qui accorde une importance prépondérante à 
la composition minéralogique sur la composition 
- chimique, tandis que l'autre École fait l'inverse. 
La section de Minéralogie et de Pétrographie a 
“également voté la publication d’un Journal inter- 
national de Pétrographie, qui renfermerait des ré- 
sumés et des travaux extrêmement courts. 

Nous ne pouvons examiner que quelques-uns 
des Mémoires de DLERES qui ont été pré- 
2 


PH. GLANGEAUD — LE VIII: CONGRÈS GÉOLOGIQUE INTERNATIONAL 


919 


M. Joly, professeur de Géologie el Minéralogie à 
Dublin, a fait une série d'expériences destinées à 
déterminer l'ordre de formation des silicates dans 
les roches. Ces expériences lui ont montré, que les 
points de fusion, un peu inférieurs à ceux qui sont 
actuellement admis, sont en complète harmonie 
avec la théorie de Rosenbuch, suivant laquelle 
l’ordre de consolidation des silicates est fonclion 
du degré de basicité. 

Les anomalies dans l’ordre de formation de ces 
minéraux, le phénomène d'accroissement intratel- 
lurique qu'ils présentent, et qui ont fait l’objet 
de nombreux travaux de MM. Fouqué et Michel 
Lévy, s'expliquent, d'après M. Joly, par la variation 
de stabilité des silicates soumis à une chaleur pro- 
longée. Les expériences de ce géologue auront 
leurs applications dans les recherches de tempéra- 
ture des laves solidifiées el dans la fusion des en- 
claves. ; 

L'étude de M. Weinschenk, le Dynamo- 
métamorphisme et la piézocristallisalion, est fort 
intéressante, bien qu'un peu obscure etassez hypo- 
thétique. L'auteur ne tient guère comple, ou si 
peu, des travaux des pétrographes et des géologues 
français, qui ont cependant fait avancer beaucoup 
l'état de la question, et des géologues anglais, qui 
ont émis des idées se rapprochant des siennes par 
certains côtés. 

M. Weinschenk ne parait pas avoir résolu 
toutes les difficultés sur la question de l’origine des 
schistes cristallins et du terrain primitif. 

Pour ce géologue, il y aurait, pour les Alpes, par 
exemple, un rapport très net entre les plissements 
montagneux et l'apparition des masses graniti- 
ques. « Par la pression exercée pendant les plisse- 
ments, le magma fluide s'est élevé de la profon- 
deuret s’est injecté entre les couches des différents 
horizons géologiques, tandis que des mouvements 
et des dislocations colossales accompagnaient le 
phénomène de l'intrusion. La tension n’étail pas 
supprimée par l'injection du magma liquide, et ce 
magma s’est consolidé sous la pression des monta- 
gnes qui se plissaient encore. » M. Weinschenk dé- 
signe sous le nom général de piézocristallisation 
« l’ensemble des phénomènes qui se sont passés 
pendant la consolidation du granite central des 
Alpes » ; il croit que tous les fails constatés s'ex- 
pliquent si l'on admet que la solidification du gra- 
nite s'est faite sous une grande pression. 

« La consolidation de la roche a commencé 
la séparation des éléments noirs (biotite et horn- 
blende). Le mica s'est d'abord formé dans la masse 
liquide. À ce moment, les pressions orogéniques 
ont agi sur la zone périphérique du magma, orien- 
Lapt ce minéral normalement à la pression.’Au sein 
de la masse visqueuse, cette faculté d'orientation a 


sur 


avec 


920 


élé remplacée par une tension intérieure dirigée 
dans tous les sens. » Ainsi s'expliquerait, pour le pro- 
fesseur de l'Université de Munich, la zone périphé- 
rique schisteuse qui passe à un noyau granili- 
que. « Quand il s'est formé de grands cristaux de 
feldspath, les pailletles de mica se sont disposées 
autour de lui, ont empêché sa croissance et l'ont 
contraint à prendre une forme œæillée. À un état 
plus avancé de la cristallisation, le magma était 
transformé en un squelette solide dont les espaces 
interstiliels étaient remplis par le résidu liquide. 
Les efforts orogéniques ont amené aussi l'écrase- 
ment de ce squelette cristallin ; les feldspaths se 
sont froissés, les micas se sont tordus. Dans les 
parties où commencait la cristallisation du der- 
nier élément, le quartz, celui-ci a élé influencé 
dans son développement par ces pressions énormes. 
La trituration des éléments composants ne serait 
pas toujours due à l'influence de pressions posté- 
rieures à leur consolidalion. 

« Pendant ce temps, les minéralisaleurs à haute 
température se sont infiltrés dans les sédiments, 
déjà fortement plissés et disloqués etont commencé 
leur réaction métamorphique sous l'influence de la 
pression élevée. Celle action diffère du métamor- 
phisme de contact normal par la tendance de la 
roche à prendre le plus petit volume possible : les 
roches de contact piézométamorphiques contien- 
nent toujours, de deux minéraux dimorphes, celui 
qui a la plus grande densité. » 

J'ai tenu à donner presque in extenso les princi- 
pales conclusions de l’auteur, afin qu’elles parais- 
sent plus compréhensibles. En résumé, pour 
M. Weinschenk, trois agents seraient intervenus 
dans la formation des schistes cristallins : 

1° Le magma fondu, consolidé sous l'influence 
de la pression, aurait permis l'alignement des élé- 
ments cristallisés ; 2° mais les mouvements oro- 
géniques auraient troublé cette régularité; 3° enfin, 
les minéralisateurs seraient inlervenus avec plus 
ou moins de force. 

Suivant le rôle variable considérable de ces trois 
facteurs, et la nature du magma, on avait des ro- 
ches schisteuses de nalure différente. 

M. W. Salomon propose un Æssai de nomen- 
clalare des roches de contact et M. Saccoune Clas- 
silication générale des roches. 


Dans un important Mémoire relatif aux Æoches 
accompagnant les lherzolites et les 
ophites des Pyrénées, et qu'il nomme ariégites et 
hornblendites, M. Lacroix éludie la structure, la 
composition chimique et minéralogique de ces nou- 
velles roches et les relations qui les unissent aux 
ophites et aux lherzolites. Il conclut qu'elles sont 
élroitement apparentées et constiluent des varia- 


basiques 


PH. GLANGEAUD — LE VII CONGRÈS GÉOLOGIQUE INTERNATIONAL 


tions d’un même magma profond. Des expériences 
de laboratoire ont permis également à l’auteur de 
montrer que ces mêmes roches, fondues el recris 
tallisées, reproduisent des roches microlitiques 
offrant la composition des basaltes. Ces derniers" 
pourraient done êlre considérés comme la forme 
d'épanchement des premières, qui sont des roches 
de profondeur à structure holocristalline et pres- 
que loujours grenue. 


Le Congrès a décidé l'impression, dans les 
Comples rendus, du Lexique pétrographique de 
M. Lœwinson-Lessing, qui rendra les plus grands 
services aux pétrographes. 

Ce Lexique, qui est plutôt une seconde édition" 
qu'une simple traduction de l'œuvre de l’éminent 
pétrographe russe, n’a pas moins de 300 pages, et il 
a été modifié avec le concours d'un grand nombre” 
de pétrographes européens et américains. 

Dans ve travail, presque tous les termes utilisés 
par les pétrographes du monde sont indiqués, avee 
leur signification, et le nom de l’auteur qui les 
a employés la première fois. M. Barrois, qui a 
revu ce Lexique avec grand soin, à fait suivre éga= 
lement, conformément aux vœux du Congrès, le 
nom des roches du nom de l’auteur et de la date, 
d'émission. 


IV. — GÉOLOGIE DU CARBONE. 


La géologie du carbone s’est enrichie d’impor- 
tantes contributions dues à MM. Eug. Bertrand, 
Grand'Eury, Lemière, Renault et Weinschenk. 

Disons d’abord quelques mots de la Mote de 
M. Weinschenk sur la formation du graphite. Une 
opinion assez répandue veut que les gisements de 
graphite soient d'anciennes veines de houille, an- 
térieures aux premières couches fossilifères et mo 
difiées par métamorphisme. À la suite de l'étude 
minutieuse d'un assez grand nombre de gisements 
de graphite (Ceylan, Bavière, Cumberland), M.Weins- 
chenk établit qu'on ne trouve jamais de termes de 
passage entre le charbon et le graphite. Tous les 
gisements étudiés par l’auteur lui font conclure que 
le carbone des gisements graphitiques a été amenés 
par des émanations volcaniques, ou que, provenant 
de substances organiques, il a été remis en mouve- 
ment sous l'influence d'actions volcaniques. Il a 
fréquemment, en effet, une allure filonienne, est 
en relation avec des roches intrusives, et les roches. 
imprégnées de graphite sont, en outre, remplies de 
minéraux d’allération. 

« Ce seraient des fumerolles, principalement. 
composées d'anhydride carbonique, de carbonyles 
et de cyanures métalliques, qui auraient déposé, 
d'une part le graphite, d'autre part les oxydes de 


f 


; PH. GLANGEAUD — LE VIli® CONGRÈS GÉOLOGIQUE INTERNATIONAL 


92L 


lilane et de manganèse qui l'accompagnent, tout en 
- décomposant la roche encaissanle. » 

11 faut rapprocher cette opinion de celle d’'Armand 
“Gautier sur l’origine des carbures d'hydrogène et 
“de l'acide carbonique, qui est assez analogue à 
“celle du professeur de l'Université de Munich. 


4 


à 


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MM. Renault et Eug. Bertrand, qui ontattaché leur 


_ nom à tant de travaux intéressants relatifs à l'ori- 


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Lots à. ss, “| 


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L 


gine des charbons fossiles, ont donné au Congrès 
de Géologie deux Mémoires qui se complètent l’un 
l'autre et permettent d’avoir une idée générale sur 
la genèse des produils carbonés. 

M. Æug. Bertrand présente de celte façon le 
résumé de ses recherches sur les deux types de 
combustibles que l'industrie nomme bogheads et 
schistes bilumineux. Les premiers sont formés 
- par des algues gélosiques, comparables aux fleurs 
» d’eau, enfouies dans une gelée brune. L'accumula- 
tion d'algues s’est faite rapidement, en une saison, 
. et la fossilisation a eu lieu en présence du bitume. 
. Les schistes bitumineux sont des accumulations de 
gelée brune, faites dans les mêmes condilions que 
celle des bogheads, mais les corps figurés n’y in- 
terviennent que pour une part insignifiante. 

L'addition d'algues en fait des bôgheads, l’addi- 
dilion de spores en fait un charbon de spores, 
l'addition de coprolites peut en faire un charbon 
animal. 


M. Renault, dans son travail sur le Ale de quel- 
ques baclériacées fossiles au point de vue géolo- 
gique, fait ressortir le rôle important que les infini- 
ment pelits ont joué dans la formation de quel- 
ques-unes des couches du globe où on les rencontre 
en abondance * : 

1° En déterminant, sous forme de zooglées, 
issues de la décomposition des plantes, la forma- 
tion de roches oolitiques siliceuses à structure 
radiée ; 

2° En pratiquant la décomposition partielle des 
végélaux dans des marais ou en eau profonde. 
Dans le premier cas, ils ont contribué à la forma- 
tion des tourbes, des lignites et des charbons li- 
gnitoïdes. Dans le second, ce sont des bogheads, 
des houilles, des cannels el des anthracites qui se 
sont formés. Dans tous les cas, il y a eu perte 
d'oxygène et d'hydrogène en plus grande propor- 
tion que de carbone, sous forme d'hydrogène pro- 
tocarboné et d’acide carbonique ; 

3° La nature des végélaux paraît avoir eu une 
certaine influence sur la qualité des combustibles 
produits. 


! Voyez aussi à ce sujet B. Rexaczr : Les bactéries fos- 
Siles et leur œuvre géologique, dans la ffevue générale des 
Sciences du 15 octobre 1896, t. VII, p. 804 à 813. 


à] 


a) Les Logheads ont été formés par l'accumula- 
tion d’'alques d'eau douce; 

D) Les cannels, par une sorle de séiection porlant 
sur des fruclilications de eryptoqames et d'alques 
d'eau douce. 

c) Les houilles résultent de l'assemblage de tous 
les organes des plantes, bois, écorce, feuilles, 
fruclilications variées, elce.; leur composition dé- 
pend de l’allération plus ou moins profonde que la 
fermentation microbienne leur a fait subir. 


Dans son Mémoire sur la 7ransformation des vé- 
gélaux en combustibles fossiles, M. Lemitre, ingé- 
nieur, fail à son tour de curieux rapprochements 
en essayant d'établir qu’ « il y a une analogie com- 
plète entre la fermentation houillère et la fermen- 
tation alcoolique ». 

Les travaux MM. Renault 
trand semblent bien appuyer 
M. Lemière, qui « assimile les formations de la 
houille à la fabrication de l'alcool, en retrouvant 
dans la première opération, accomplie parles forces 
nalurelles, les mêmes phases de macération, de vie 
microbienne aérobie et anaérobie, les mêmes dé- 
gagements de gaz et finalement un enrichissement 
des matières premières en carbone, phénomènes 
que l’on reproduit lous les jours dans l'industrie. 
L'alcool réduit aux pulpes et drèches est un produit 
comparable à la houille ». 

Relenons, parmi les conclusions de M. Lemière, 
qui sont des plus intéressantes, mais dont cer- 
taines recevront vraisemblablement des modifiea- 
tions, les considérations suivantes : 

« Les facteurs principaux de la transformation 
des végétaux en combustibles fossiles sont : les 
ferments solubles, les ferments vivants et les anti- 
sepliques. Les deux premiers sont des agents de 
trans'ormation, le troisième est un agent de conser- 
vation ; les ferments solubles ne sont peut-être pas 
indispensables pour obtenir un certain degré de 
carbonisation : exemple, la tourbe; mais, quand ils 
existent, ils développent beaucoup la macération, 
c'est-à-dire la formation de la matière fondamen- 
tale pulpeuse. 

« Les ferments vivants sont les agents de la 
fermentalion, et par suite de la carbonisation; 
enfin, les antisepliques sont indispensables pour 
limiter la transformation en gaz et sauver de la 
destruction complète une partie de l'accumulation 
végétale. 

« Dans le cas le plus général, celui des houilles, le 
processus de la formation des combustibles miné- 
raux est diastasique et microbien, c’est-à-dire que 
l’action des diastases correspond à la macéralion 
et que l'action proprement dite des microbes cor- 
respond à la fermentation. » 


et 


les 


Ber- 
de 


de Eug. 


théories 


€ 22 


2 PH. GLANGEAUD — LE VII: CONGRÈS GÉOLOGIQUE INTERNATIONAL 


M. Grand Eury, qui a soutenu l'opinion que l’on 
sait sur l’origine de la houille, essaye encore de 
trouver des arguments pour combattre la théorie 
de M. Fayol, si généralement admise, en étudiant 
les tiges enracinées des terrains houillers, qui, 
pour l’auteur, « ont vécu là où on les trouve, et ont 
le plus contribué à former la houille ». Le savant 
ingénieur admet cependant que ces tiges sont irré- 
gulièrement distribuées et à toute profondeur, et 
que «le bassin s’est creusé pendant sa formation 
par des mouvements d’affaissement lents et 
brusques ». 

M. Grand'Eury, qui a publié des travaux remar- 
quables sur la flore houillère, semble oublier que 
s’il y a eu affaissement, produit généralement par 
l'enfoncement progressif des synclinaux ou des cu- 
veltes déterminant les dépressions houillères, il y a 
eu aussi élévation correspondante, par plissement, 
des parties continentales, parfois trèsmontagneuses, 
quientouraient ces dernières. 

N'est-il donc pas logique d'admettre la formation 
de torrents descendant de ces régions élevées, cou- 
vertes de forêts, et charriant les végétaux dans les 
parties basses? 


Je regrette de ne pouvoir parler, faute de place, 
des travaux sur les rolcans, les glaciers, les grottes 
et cavernes,ceux sur la Géologie appliquée, et sur- 
tout ceux sur l’Aydrologie. 

On doit retenir, toutefois, que la Géologie tend de 
plus en plus à devenir pratique et à prêter son con- 
cours à de nombreuses recherches minières, d’eau 
potable, d’eau minérale, ete. 


V. — TRAVAUX INTERNATIONAUX DU CONGRÈS. 


Divers projets d'ordre collectif ont été adoptés 
par le Congrès. 

Sir Arch. Geikie a demandé qu'il y eût une 
coopération internationale dans les investigations 


géologiques, pour soumettre les faits observés à des 
mesures précises et pour les contrôler. 

A ce sujet, M. Albert Gaudry disait: «Ce projet, qui 
exige une action continue, me semble fécond. Notre 
Congrès,comme certains couvents au Moyen-Age, de= 
viendrait une institution permanente, poursuivant, 
s’il le faut, pendant un siècle, les œuvres qu'uné 
courte vie humaine ne peut accomplir. » 


M. Chamber lain, le distingué géologue américain, 


ne demande pas moins qu'on revienne à l'étude et 
à la discussion des principes fondamentaux qui 
doivent servir de base à la classification géolo- 


gique. 


Tous ceux qui se sont occupés de Paléontologie 


savent les difficultés qu'on éprouve souvent à dé- 


terminer une espèce ou à recourir aux travaux Spé-M 


î 


ciaux ou généraux, dans lesquels les premières dia- 
gnoses ont été faites. Pour faire disparaitre ce 
facheux inconvénient, M. (Æhlert proposa au Con- 
grès la fondation d'une publication destinée à 
rééditer les types des fossiles décrits et ligurés 
antérieurement à une époque déterminée. Je n'ai 
pas besoin de faire ressortir l'intérêt considérable 
d'une telle œuvre, qui avait déjà été indiquée par 
M. Kilian. Aussi son exécution fut-elle adoptée à 
l'unanimité, 


Pour terminer cet exposé, que je regretle si som- 
maire, disons, avec l'éminent président du Con- 
grès, M. Albert Gaudry, que « outre les jouis- 
sances d'amitié internationale, les Congrès de 
Géologie antérieurs à celui de 1900 ont déjà 
apporté de nombreux avantages scientifiques, 
établi bien des accords et préparé la solution de 
hautes questions ». Celui de Paris, qui a eu tant 
de succès, contribuera pour une large part, nous 
l’espérons, à développer ces résultats. 


Ph. Glangeaud, 


Maître de Conférences 
à l'Université de Clermont-Ferrand 


ES 


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panne “her PAT he 


D' A. LÉTIENNE — REVUE ANNUELLE DE MÉDECINE 92€ 


REVUE ANNUELLE DE MÉDECINE 


I. — CYTOoDIAGNOSTIC. 


—… Regarder une cellule sous un microscope, en dé- 
rire les caractères normaux et les attributs patho- 
logiques, étudier sur elle l'effet des divers réactifs 

et interpréter les phénomènes observés, ces actes, 

dont les applications sont variables à l'infini, con- 
F stiluent une branche spéciale de la Science qu'on 
appelle (ytoscopie. En Médecine, l'acception de ce 
— mot est devenue beaucoup plus restreinte ; et, pra- 
à tiquement, on ne l'applique guère aujourd'hui qu'à 
… l'étude des cellules en suspension dans un liquide 
“— humoral quelconque : sang, Iymphe, urine, pus, 
… exsudats divers, épanchements pleurétiques, péri- 
tonéaux, articulaires, etc. 

La facilité avec laquelle on peut aujourd’hui puiser 
2 sans danger, par la ponction lombaire, le liquide 
à céphalo-rachidien a étendu la cytoscopie à l'étude 
: de cette humeur sur le vivant. 

+ De l'examen des cellules contenues dans ces di- 
» vers liquides, on tire des conclusions qui, dans 
- certains cas (et ceux-ci deviendront sans cesse plus 
- nombreux), sont utiles pour établir ou confirmer 
un diagnostic. De là vient le mot ceytodiagnostie, 
dont la valeur est analogué à celle du mot sérodia- 
gnostic, qu'avait imaginé M. Widal et que nous 
- avons expliqué dans une précédente Revue. 

Ce sont les résultats acquis jusqu à ce jour que 
nous allons résumer. Rappelons que c'est surtout 
la théorie de Metchnikoff, la phagocytlose, c'est-à- 
dire la réaction des globules blancs sur les divers 
, agents infeclieux ou simplement sur les corps 
— étrangers à l'organisme, les périodes de coloration 
- découvertes par Ebrlich et le procédé technique de 
la centrifugation, qui ont permis à la cytoscopie et 
“ au cytodiagnoslic de prendre leur importance ac- 
' tuelle parmi les méthodes d'investigation clinique. 
- Les multiples travaux de tous ordres qu'elles ont 
; suggérés ont abouti à l'application et à la généra- 
| lisation du procédé. 


“ 1. — Sang. — Sans revenirsur la composition du 
. sang et les diverses modifications que peuvent 
subir les globules rouges, nous ne parlerons que 
- des globules blancs, leucocytes, parce que ceux-ci 
- ont une propriété caractéristique de migration qui 
les fait retrouver à divers états dans les autres 
. liquides de l'économie. 
“ Ces leucocytesontune grande variabilité d'aspect. 
- On en a fait une véritable classification. Elle amè- 
- nera sans doute à la connaissance des causes qui 
« président à ces variations. Le principal élément de 


2 
‘Ai 


différenciation des globules blancs réside dans les 
caractères du noyau. 

Les uns ont un novau sphéroïdal, unique, de 
forme assez régulière. Pour cela, on les a appelés 
mononucléaires. Les autres ont une masse nucléaire 
irrégulière, fragmentée : la cellule parait avoir 
plusieurs noyaux, être polynucléaire. 

Le leucocyte mononucléaire a un protoplasma 
assez homogène dans lequel se détache bien le 
noyau, isolé, unique, souvent sphéroïdal ou cylin- 
drique et plus ou moins contourné en U. Mais on a 
établi entre ces mononucléaires des différences qui 
portent surtout sur leur volume. On en distingue 
des grands,des moyenset des petits. La proportion 
des grands et des petits est différente suivant les 
conditions. 

Les leucocytes polynucléaires, outre la multipli- 
cité des noyaux, ont un caractère commun, qui les 
différencie déjà nettement des précédents : ils ont 
un protoplasma grenu, formé de granulalions de vo- 
lume variable. Les uns ont des granulations très 
fines et presque égales; les autres ont des granula- 
tions inégales et volumineuses. Ces derniers sont 
appelés polynucléaires et éosinophiles, parce que 
leurs granulations prennent et fixent avec une affi- 
nité spéciale certaines substances colorantes (é0- 
sine). 

C'est, du reste, sur ces propriétés colorantes des 
granulations leucocytaires qu'est fondée la division 
universellement adoptée d'Ebrlich, et qui comporte 
les quatre variélés suivantes : 

4° Les leucocytes polynucléaires neutrophiles, 
dont le protoplasma est granuleux avec un noyau 
irrégulier, fragmenté, polymorphe. De plus, ce pro- 
toplasma contient des granulations neutrophiles, 
ainsi appelées parce qu'elles présentent une réac- 
tion spéciale. Colorées avec le réactif triacide 
d’Erhlich, composé de vert de méthyle, d'orangé et - 
de fuchsine acide, elles prennent une teinte vio- 
lette. Or. le réactif dittriacide est en réalité neutre, 
d'où la dénomination de neutrophiles appliquée à 
ces granulations, qu'on nomme aussi granulations e. 

2 Les leucocytes polynucléaires éosinophiles. 
L'aspect général de la cellule est le même que dans 
la variété précédente; mais, colorées avec le même 
réactif triacide d’Ehrlich, certaines granulations 
protoplasmiques prennent une teinte rouge très 
nette. Elles fixent avec intensité la couleur acide; 
d’où leur nom d’acidophiles ou éosinophiles. Cette 
granulation éosinophile, généralement plus grosse 
que la précédente, est dite aussi granulation «. 

3° Des leucocytes à protoplasma vasculaire, à 


924 


D' A. LÉTIENNE — REVUE ANNUELLE DE MÉDECINE 


noyau irrégulier, multilobé, nommé mastzellen 
d'Ebrlich. Elles ne contiennent pas de granula- 
tions « ou s, mais des granulations colorées en 
violet rougeàtre. 

x Enfin des leucocytes monucléaires à noyau 
sphéroïdal et à protoplasma homogène. 

Dominiei, dans un intéressant travail sur l’ori- 
gine et la valeur de ces divers éléments, a donné 
les proportions dans lesquelles on les trouve nor- 
malement. 

Si l'on examine les diverses humeurs qui, à 
l'état normal ou pathologique, occupent certaines 
cavités du corps, on remarque, après quelques 
essais, que leur richesse en leucocytes est très 
variable et que les leucocytes trouvés ne sont pas 
tous de la même espèce. C’est sur la variabilité de 
ces éléments qu'on s'appuie pour arriver au dia- 
gnostic. Examinons-les successivement. 


2. Plèvres. — Widal et Ravaul ont tiré quelques 
conclusions pratiques de l'examen histologique de 
l’exsudat pleural. 

L'épanchement provoqué par la pleurésie simple 
(si souvent tuberculeuse) donne un liquide que 
caractérisent de pelits leucocytes mononucléaires, 
lymphocytes, en nombre assez considérable. Ils 
sont accompagnés d'une petite quantité d'hématies. 

La pleurésie consécutive à des lésions tubercu- 
leuses avancées du poumon a une autre formule 
cytoscopique. Le nombre des lymphocytes et des 
hématies est restreint, mais on y trouve des leuco- 
cytes polynucléaires à noyau très fragmenté et à 
granulations neutrophiles; en outre, quelques 
mononucléaires déformés et dégénérés. 

Les épanchements par stase, les liquides 
d'hydro-thorax (ceux observés chez les cardiaques 
par exemple) présentent de grandes cellules prove- 
nant du revêtement épithélial de. la plèvre, isolées 
ou réunies en lambeaux. Il y a relativement très 
peu de lymphocytes. 

Dans la pleurésie streptococcique, ce sont les 
polynucléaires neutrophiles qui dominent. 

Dans la pleurésie pneumococcique, outre un 
nombre beaucoup plus considérable qu'ailleurs de 
lymphocyles et d'hématies, il y a une grande 
abondance de polynucléaires et de grandes cellules 
mononucléces, qui, selon Widal et Ravaut, auraient 
un pouvoir phagocylaire accentué et engloberaient 
les polynucléaires. 

Le liquide de la pleurésie cancéreuse est carac- 
lérisé par les cellules distinctives du néoplasme. 

On voit donc que, d’après la seule formule cyto- 
scopique d’un épanchement pleural, on peut avoir 
une indication valable pour le diagnostic de la 
nature de l'affection causale. 

Signalons encore l'intérêt de l'étude cytologique 


plèvre, consécutif à un traumatisme. Tuffier et 
Milian ont montré qu'elle pouvait en faire prévoir 
la suite clinique. Les polynucléaires, si le liquidem 
est aseptique, disparaissent progressivement etM 
sont toujours en nombre beaucoup moindre que 
les lymphocytes et mononucléaires. S'ils prédu-m 
minent au contraire, c'est que la cavité pleurale est 
infectée et que les signes cliniques de la suppu- 
ralion ne tarderont pas à se manifester. 


3. Périloine et autres séreuses. — Les résultals 
sont ici absolument comparables à ceux que nous 
venons de voir pour les plèvres. Le liquide séreux 
d'ascile (épanchement dans la cavité péritonéalem 
cours d'affections cardiaques, hépatiques, 
rénales) est pauvre en éléments figurés, tandis que 
le liquide de la péritonite luberculeuse contient 
des lymphocyles en nombre appréciable. 

Les liquides des kystes de l'ovaire contiennent 
des cellules de diverses espèces et en particulier de 
grosses cellules ovalaires ou rondes, remplies de 
vacuoles, et moins constamment des cellules eylin- 
driques, dont l’un des pôles porte une toufle de 
cils vibratiles (Tuffier et Milian). ; 

Les hydarthroses tuberculeuses ont pour carac- 
téristique la présence des lymphocytes (Achard et 
Lœæper). De même, l'hydrocèle tuberculeuse, l'hy- 
drocèle blennorragique, comme la plupart des 
infeclions aiguës, contiennent des polynucléaires. 


au 


al D RTE 


4. Liquide céphalo-rachidien. — Normalement, et 
dans un grand nombre de maladies, le liquide 
céphalo-rachidien puisé sur le vivant au moyen de 
la ponelion lombaire est extrêmement pauvre en 
éléments figurés. Le nombre (rès restreint de leu- 
cocyles el d'hémalies qu'on y trouve parfois peut y 
être apporté du fait de la traversée des tissus par 
l'aiguille. Mais, quand il y a une cause morbide M 
locale, quand les méninges sont lésées, même très. 
superficiellement, on voit dans ce liquide des cel- 
lules en nombre très notable. Celles-ci varient sui- 
vant les cas. Widal, Sicard et Ravaut les ont 
éludiées spécialement dans la méningite tubereu= 
leuse. Dans cette affection, ils ont remarqué une 
prédominance accusée des lymphocytes, quelque- 
fois des hématies (si nombreuses en quelques cas 
que le liquide prend un aspect hémorragique), 
puis de rares polynucléaires. Chose importante, 
dans la méningite cérébro-spinale, ce sont au con- 
traire les polynucléaires qui prédominent et les 
lymphocytes qui sont rares.Ces auteurs en arrivent 
donc à conclure que la formule eytologique de las 
méningite tuberculeuse est la lymphocylose. . 

On comprend aisément la valeur de cette consla- 
lalion. L'absence de lymphocyles permet d’écarter 


D' A. LÉTIENNE — REVUE ANNUELLE DE MÉDECINE 


“le diagnostic de méningite tuberculeuse, lorsque 
des désordres nerveux la simulent. 

- Les résultats précédents ont élé confirmés par les 
“recherches de Griffon, qui, dans trois cas de ménin- 
gite aiguë de l’aduite, trouva une lymphocytose 


‘1 


“prédominante ; par celles de Sicard et Brécy qui, 
“dans la méningite cérébro-spinale, trouvèrent de 
très nombreux leucocyles polynucléaires. Ce pro- 
cédé de diagnostic est d'autant plus intéressant que 
souvent, ni les méthodes de coloralion, ni les cul- 
ures, ni même les inoculalions aux animaux ne 
“décèlent de microbes dans le liquide céphalo- 
rachidien, et que le diagnostic bactériologique 
direct ne peut donc être établi. 

. Dans diverses maladies de l'axe cérébro-spinal : 
paralysie générale, myélites, tabes, lésions syphi- 
litiques du système nerveux, on trouve surtout des 
lymphocytes. R. Monod, entre autres, a signalé, 
dans la paralysie générale, des lymphocytes, quel- 
ques polynucléaires neutrophiles ou éosinophiles 
et de rares hématies. Dans le tabes, le dépôt du 
liquide céphalo-rachidien est formé à peu près des 
mêmes éléments. Dans la névrile périphérique 
alcoolique, les résultats sont peu précis. Ils sont 
négatifs, à part la présence de quelques rares mo- 
nonucléaires, dans le rhumatisme chronique, l’al- 
_ coolisme et l'hystérie. 


> 
5. Affections chirurgicales. — Les données pré- 
Mintes, appliquées soil au sang, soit aux diverses 
humeurs, sont suffisamment assises pour que les 
“chirurgiens y voient un argument décisif pour ou 
contre l'opportunité de l'intervention qu'ils pro- 
jettent. 

Hartmann a déjà signalé ces avantages et cons- 
até que le diagnostic différentiel entre le cancer 
ét l'ulcère de l'estomac pouvait être fait, avant 
Jopération, par l'examen du sang. Il insiste sur ce 
fait que, dans le cancer, l'hyperleucocytose porte 
urtout sur les mononucléaires. 

Des abcès latents, développés au sein des pa- 
reuchymes, peuvent être décelés. Boinet a trouvé 
“chez un homme que l'on soupconnait atteint d'un 
abcès du foie une augmentation considérable (6 à 
10 °/, environ) des leucocytes du sang : elle était 
fournie principalement par les polynucléaires. 
> Dans l'appendicite, Laignel Lavastine a signalé 
“une tendance spéciale à l'éosinophilie du sang. 
Pendant la crise aiguë, on trouve dans le sang une 
proportion élevée de leucocytes polynucléaires 
“éosinophiles. Après l'ablation de l'appendice, cette 


REVUE GÉNÉR: T: DES SCIENCES, 1901. 


Cependant il faut, pour que les enseignements 
de la cytoscopie soient nets en clinique, ne pas se 
contenter d'une seule constalation. Plusieurs exa- 
mens sont nécessaires. Leurs résultats doivent tou- 


| jours être concordants, et la disproportion des élé- 


ments dans le même sens flagrante. Le sang est 
en effet un liquide changeant, le nombre des leu- 
cocytes y est variable suivant le moment où on le 
considère. Des phénomènes physiologiques l’in- 
fluencent; la digestion, par exemple, augmente la 
leucocytose, et parfois dans des proportions très 
notables. Cette augmentation semble même se faire 
surtout au profit des polynucléaires. 

C'est encore une modalité du eytodiagnostie que 
l'épreuve dite du vésicatoire qu'ont instiluée Roger 
et Josué. Elle consiste à examiner les cellules con- 
tenues dans le liquide séreux qui s'accumule sous 
l'épiderme soulevé par l'application d'un vésica- 
toire. Ce liquide, quand la phlyctène est bien for- 
mée, est recueilli, centrifugé; puis le dépôt, étalé 
et desséché sur une lame, est coloré au triacide ou 
à la thionine. 

Dans ces conditions, on trouve des différences 
nettes entre les sérosilés provenant d'un sujet sain 
et d'un sujel malade. À l'état normal, il y a unetrès 
forle proportion de leucocytes polynucléaires éosi- 
nopbhiles. 

A l'état pathologique, celles-ci sont rares ou 
manquent. Elles reparaissent lors de la guérison. 
Roger et Josué expliquent ce contraste par l’action 
des loxines sur les organes hématopoïéliques, et 
surtout sur la moelle des os. Les toxines empêche- 
raient la moelle de fournir des polynucléaires éosi- 
nophiles; elle ne donnerait que des neutrophiles. 
L'épreuve du vésicaloire sert donc d'indice pour 
mesurer le degré de l'imprégnalion toxi-infectieuse 
de l'organisme. 

Les éosinophilesont ici une valeur prédominante. 
On trouve, en outre, dans le liquide des phlyctènes, 
des cellules neutrophiles, des lymphocytes et des 
myélocytes, qui, d'ordinaire, n'existent pas dans 
les exsudats:; enfin, des cellules à réaction colorée 
spéciale, dont la nature est indéterminée et aux- 
quelles les auteurs ont donné la dénomination 
d'attente de « cellules du vésicatoire ». 

Chez les tuberculeux, en général, la présence des 
éosinophiles indique que la lésion est peu accusée 
ou que le sujet résiste bien à la maladie. Dans 
l'érysipèle, les éosinophiles disparaissent pour 
reparailre à la convalescence. Roger et Josué ont 
fait la même constatation dans des affections très 
diverses, comme les oreillons, l’angine simple, 
le zona, la bronchopneumonie, etc. Ils insistent 
sur la sensibilité de cetle épreuve du vésicatoire. 
Son but n'est pas de renseigner sur la nature de 
l'affection, mais sur l’état de maladie, sur le degré 


20** 


926 


D' A. LÉTIENNE — REVUE ANNUELLE DE MÉDECINE 


de l'infection, sur la résistance de l'organisme. 
Ces considérations en font un élément de pronostic 
important. 


IT. — VARIOLE. 


Pendant les dix-huit derniers mois, la population 
parisienne a été éprouvée par une épidémie de 
variole assez sévère et surtout prolongée. La réap- 
parition épidémique de cette maladie a été une 
cause de surprise. Les résultats acquis donnaient 
en effet à espérer que la variole s’éteindrait peu à 
peu. Les chiffres stalistiques de Roger, portant 
sur ces dernières années, étaient des plus salisfai- 
sants. L'hôpital d'Aubervilliers avait reçu 38 va- 
rioleux en 1896: 20, en 1897; 2, en 1898; et, de 
juin 1898 à décembre 1899, la variole n'avait néces- 
silé aucune admission. A la fin de décembre 1899, 
une femme y arriva avec une varioloïde légère; 
et, dès ce jour, le nombre des malades est progres- 
sif : 8 entrent en janvier; à la fin de 1900, le 
total en dépasse 900. Depuis lors, l'intensité de 
l'épidémie est en décroissance. Les causes de la 
prolongation de cette épidémie ont été recherchées 
par Roger. Il en voit les raisons dans la négligence 
que mettent les habitants à se faire revacciner.Onne 
consent généralement à subir cette minuscule opé- 
ration qu'une fois l'épidémie en plein développe- 
ment. Ce n’est malheureusement pas la raison, 
mais la peur qui pousse la population à prendre 
celte précaulion, si souvent efficace et toujours 
sans danger. Une revaccination posilive et récente 
préserve complètement de la variole ou tout au 
moins atténue considérablement l'affection. Une 
revaccination négative et récente semble même 
porter ses fruits ou démontrer une immunité rela- 
tive du sujet; car, s’il vient à prendre la variole, 
celle-ci est d'ordinaire bénigne. Il arrive qu'une 
première revaccinalion soit négative, alors qu’une 
seconde ou une troisième, pratiquée quelques jours 
plus tard, est suivie de succès. Ce fait est connu 
depuis longtemps ; mais Roger signale cette parti- 
cularité curieuse que, lors de la seconde revacci- 
nation, non seulement les dernières piqûres, mais 
les premières qui étaient restées stériles, se cou- 
vrent d'une vésicopustule. « Le virus déposé avait 
sommeillé, dit-il, et il a pu se développer quand 
on en à introduit une nouvelle dose. » La conclu- 
sion pratique de ces observations est la suivante : 
En dehors des épidémies, se faire revacciner tous 
les dix ans environ; en temps d'épidémie, se faire 
revacciner, bien qu’une vaccinalion antérieure de 
un an ou de deux ans ait élé positive. 

Une autre cause de la prolongation de l'épidémie, 
Roger la trouve dans l'isolement défectueux des 
malades. Un varioleux, même reclus dans un hôpi- 
tal, correspond avec l'extérieur au moyen delettres 


et dissémine ainsi l'agent de contage. On désin=« 
fecte bien les leltres, mais cette désinfection n'est 
parfaite qu'à la surface. Pour obvier à cet incon= 
vénient, Roger, dans son service, a conseillé à ses 
malades de n’employer que les cartes postales pou 
les correspondances banales : il n'a pu obtenir 
d'eux cette complaisance. L'isolement du varioleu 
devrait durer quarante jours. Or, combien se rési 
gnent à cette exclusion. La maladie, une fois à peu 
près guérie, avant que l'épiderme ait été débarrassé 
des croûtelles et des squames qui le souillent, le 
convalescents reprennent la vie commune : les uns 
retournent au bureau ou à l'atelier, les autres visi 
tent leurs parents ou amis; ils se servent sans 
scrupule des voitures publiques, et tous dissémi 
nent le germe morbide.A Paris surtout, les moyen 
de contagion sont innombrables : et, dans la plu= 
part des maladies infectueuses, il est presque rare 
que nous trouvions avec certitude le lieu et le mode 
de contagion. 

Aux pratiques de revaccination, il est done 
urgent d’adjoindre un isolement des malades effee 
üf et rigoureux. 

Le développement de l'épidémie parisienne à 
coïncidé avec la recrudescence d’une épidémie, 
qui sévissait discrètement à Lyon depuis le mois de 
juin 1899, et sur laquelle Courmont et ses internes 
ont fait des observalions intéressantes. À Lyon 
comme à Paris, la variole s'élait montrée très rar@ 
les années précédentes, si rare qu'on avait pu dis 
cuter la question de la désaffectation de l'hôpital 
d'isolement lyonnais. Ainsi qu'on l’observe habi 
tuellement, la variole a frappé de préférence les 
femmes, qui ne sont pas, comme les hommes, sou 
mises à des revaccinalions successives obligatoiress 
Les chiffres de Courmont sur la proportionnalité 
des sexes atteints suivant l’àge sont démonstralifs 
avant 10 ans, le nombre des garcons atteints de 
variole est sensiblement égal à celui des filless 
de 10 à 20 ans, le sexe masculin est plus frappés 
les obligations mililaires ou administratives 
n'ayant pas encore été remplies; après 20 ans, Je 
nombre des femmes est à peu près double de celui 
des hommes ; après 50 ans, l'égalité reparait. La 
mortalité est aussi plus élevée chez les femme 
La forme la plus grave de la variole, la variole 
hémorragique primitive, n'a frappé presque exclus 
sivement que des sujets non vaccinés où revaceis 
nés depuis plus de dix ans. 

Comme dans toutes les maladies infectieuses, le 
sang subit au cours de la variole des modifications 
importantes ; généralement, le nombre des hématies 
et leur richesse en hémoglobine diminuent et la pra 
portion des leucocytes augmente. Courmont &@ 
Montagard ont vu que cette hyperleucocytose Se 
faisait surtout aux dépens des lymphocytes mos 


D' A. LÉTIENNE — REVUE ANNUELLE DE MÉDECINE 


927 


nonucléaires dans les cas simples. Si la maladie 
est compliquée, si des suppuralions surviennent, 
ce sont les polynucléaires qui apparaissent dans le 
Sang. En outre, le sang variolique serait caracté- 
risé par la présence d'hématies nucléées et de leu- 
ocytes mononucléaires éosinophiles et surtout 
neutrophiles. Ces éléments sont de provenance 
myélogène ; ils ont leur siège normal dans la 
moelle des os. Ils sont si constants dans la variole 
qu'ils peuvent servir à affirmer le diagnostic. Ces 
constatalions de Courmont et Montagard sont 
confirmées par E. Weill, dans un travail impor- 
“tant consacré au sang et aux réactions défensives 
de l'hématopoïèse dans l'infection variolique, que 
nous retrouverons plusloin. 

On sait que jusqu'ici l'agent causal de la variole 
a déjoué toutes les recherches. Aussi les nouvelles 
investigations de H. Roger et Weill, aboutissant 
à la détermination d’un parasite déjà entrevu, 
mais mal défini, ont-elles eu un retentissement 
considérable. . 

Examinant le pus variolique coloré au bleu de 
Lüffler, ils virent de petits corps arrondis, de vo- 
. lume variable, fixant la couleur beaucoup plus 
énergiquement que les noyaux cellulaires. Ces 
 corpuscules sont libres, quelquefois englobés dans 
des leucocyles mononucléaires. Ils se retrouvent 
également dans la pustule variolique avant sa sup- 
puration, dans les épanchements sanguins et l’hé- 
maturie. Ils sont plus nombreux dans la variole 
hémorragique que dans la variole simple. Ils 
existent dans la varioloïde. 

. Si on inocule au lapin du pus variolique pur 
contenant ces corpuscules, non mélangés à d’au- 
tres bactéries surajoutées, comme le streptocoque 
ou le pneumocoque, on détermine chez l'animal 
une maladie mortelle, mais plus ou moins rapide 
suivant le lieu ou le mode d’inoculation. Elle 
dure de cinq à six Jours ou de deux à trois 
semaines. En reprenant du sang chez l'animal 
ainsi inoculé, on y trouve les mêmes corpuscules. 
De plus, cultivés dans le sang même, ils augmen- 
tent de nombre dans les quarante-huit heures sui- 


provoque chez lui une maladie encore mortelle. 
Dans leurs premières expériences, Roger et Weill 
n'avaient pas observé chez le lapin la formation de 
. pustules nettes et comparables à celles qui se 
produisent chez l’homme. Mais, dans une nou- 
welle série de recherches, ils obtinrent chez les 
animaux inoculés le développement de papules 
qui se dessèchent et se recouvrent de croûtelles 
avant de suppurer. Roger et Weill font remarquer 
que, chez les nouveau-nés issus de mères vario- 
liques, la variole ne détermine pas souvent l'érup- 
tion pustuleuse normale : celle-ci est remplacée 


vantes. Cette culture, réinoculée à un animal neuf, 


par une éruption papuleuse diserète. De plus, en 
recherchant les raisons pour lesquelles l'inocula- 
tion aux lapins n'est pas toujours positive, ils 
virent que, si le sang de l'animal inoculé donne à 
la cullure les corpuscules caractéristiques, l’ani- 
mal mourra certainement, tandis qu'il survivra si 
ces cultures sont négatives. 

Weill, dans sa thèse, a mis en relief l’action de 
l'agent pathogène dans la production des réactions 
leucocytaires constatées dans le sang. Il compare 
la polyleucocytose variolique à celle de la leucé- 
mie myélogène. Il explique la différence que l’on 
remarque entre les réactions cellulaires de la va- 
riole et celles des autres affections par ce fait que 
le microorganisme pathogène est lui-même très 
différent. Il le classe parmi les Sporozoaires. 
Comme Courmont, il pense que la formule héma- 
tologique de la variole est si caractéristique, qu’a- 
vant l'éruption même, on peut la distinguer des 
autres fièvres éruptives (scarlatine, rougeole, érv- 
thèmes, purpuras, etc.). Cette formule est iden- 
tique dans la varioloïde et même la varicelle. Ce 
dernier point est un argument favorable à la thèse 
déjà soutenue, que la varicelle n'est qu'une variété 
de variole. L'état du sang peut même donner des 
indications précieuses pour le pronostic. L'absence 
d'une hyperleucocytose mononucléaire et la pré- 
dominance de la polynucléose sont des signes de 
gravité de l'affection. 

Les altérations du sang dans la variole sont pous- 
sées à un degré excessif dans la forme hémorra- 
gique, où la terminaison fatale est presque la règle. 
Hayem et Bensaude en ont fait l'étude. Ils ont ob- 
servé une diminution des globules rouges, une 
augmentation considérable des leucocytes et une 
pauvreté extrême du réticulum fibrineux et des 
hématoblastes. De là, une absence de rétraction 
du caillot sanguin et de formation du sérum. En 
outre, le sang contient des noyaux libres de glo- 
bules rouges nucléés. Ce sont ces noyaux qui, 
d’après Hayem el Bensaude, auraient été pris par. 
Roger et Weill pour des’ parasites du sang vario- 
lique. (Nous avons vu plus haut que la démonstra- 
tiôn bactériologique de la réalité de ces parasites 
s’appuyait sur des arguments de grande valeur.) 

La forme hémorragique de la variole tiendrait 
à une pénétration dans le sang des loxines. Celles- 
ci détermineraient la formalion d’une infinité de 
petites concrétions granuleuses qui favorisent 
l’'agglutination des hématoblastes. Ces concrétions 
obstrueraient les petils vaisseaux, d’où la produc- 
tion d'infaretus minuscules et des hémorragies. 

La thérapeutique de la variole ne s’est accrue 
d'aucune ressource nouvelle. Cependant, mention- 
nons l'emploi judicieux qu'a fait Roger du chlorure 
de calcium dans les formes hémorragiques. Il à 


D' A. LÉTIENNE — REVUE ANNUELLE DE MÉDECINE 


mis à profit les propriétés hémostatiques de ce sel. 
Les résultats qu'il en a obtenus ont été satisfai- 
sants au point de vue de la cessation des hémor- 
ragies hémorragiques, entérorragies, 
métrorragies) tout au moins, car le chlorure de 
calcium ne semble pas atténuer la virulence de 
l'affection. 

Legrand, par l'application de bandelettes ou de 
päle de Vigo, s'oppose à la formation des cicatrices 
disgracieuses qui suivent la guérison des pustules. 

Courmont préconise avec une juste ardeur les 
bains. Ceux-ci doivent être pris quotidiennement, 
et durer quinze à vingt minutes. Pendant l'épi- 
démie lyonnaise, il employa les bains au sublimé 
‘(30 grammes par litre). Il attribue nettement à 
celte balnéation la rareté des complications sup- 
purées observées. 

Contre l'ophtalmie variolique, complication 
assez fréquente et redoutable, il a employé avec 
profit les instillations répétées, plusieurs fois par 
jour, de bleu de méthylène à 1/500. 


(pustules 


III. — RÉGULATION DE LA COMPOSITION DU SANG. 


On a lu, dans les courts chapitres précédents, des 
allusions fréquentes aux modifications qu'apporte 
l'état morbide dans la constitution des diverses 
humeurs de l'organisme et du sang. Ce sujet solli- 
cite vivement l'attention des médecins. Aussi je 
voudrais résumer ici une des pages les plus inté- 
ressantes qui aient été écrites cette année sur la 
Pathologie générale. C'est celle où M. Achard 
expose le mécanisme régulateur de la composition 
du sang. 

On a toujours élé surpris qu'au milieu des 
échanges ‘incessants dont le sang était le siège à 
l’état normal, la composition de ce liquide restät 
pour ainsi dire fixe. Pour se rendre compte d'un 
équilibre aussi constant, il faut admettre l’inter- 
vention d'un mécanisme régulateur, dont l'exis- 
tence, pressentie depuis longtemps, trouve sa 
démonstration dans les notions nouvelles sur le 
rôle des cellules de l'organisme. 

Le sang comprend, entre autres éléments figu- 
rés, des hématies et des leucocytes de diverses 
variétés. L'état normal ne comporte que de faibles 
variations dans la proportion relative de ces cel- 
lules. De même, le sérum comprend un nombre 
sensiblement égal de molécules dissoutes. L'intro- 
duction expérimentale de substances étrangères au 
sang ou l'élévation artificielle du taux des subs- 
lances qui font partie de sa composition amènent 
aussitôt l'élimination de ces matières. Que le corps 
introduit soit gazeux, ou liquide, ou solide, le lieu 
et le mode d'élimination varient; mais celle-ci ne 
s'en fait pas moins. Inversement, si l’on enlève 


artificiellement au sang uné parlie de ses élé-N 


ments, ce que réalise une saignée, par exemple, 
les pertes se réparent non seulement en matières 
salines ou albuminoïdes, mais en cellules vivantes. 


Ces deux phénomènes ne se passent cependant pas” 


avec la même activité. L'équilibre physique se 
rétablit plus vite que l'équilibre chimique. Il faut, 
en effet, que les conditions physiques soient réor- 


données pour que les échanges chimiques puissent 


se produire normalement. 

La régulation étant démontrée, M. Achard en 
étudie le mécanisme. Les divers actes physiolo= 
giques : évaporation pulmonaire et cutanée, pro- 
cessus digestifs, élaboration moléculaire cellulaire, 
changent la concentration et la composition du 
sang. Les divers émonctoires et principalement les 


reins éliminent l'excès des matériaux qui s'accu- 


mulent dans le sang. L'expérience d'Hällion et 
Carrion montre qu'aprèsinjection dans lesang d'une 
solution hypertonique de chlorure de sodium, le 
rein se met à éliminer une partie du sel injecté : 
en même temps, pour s'opposer à la concentralion 
du sang, les tissus lui cèdent de l'eau. La masse du 
sang est ainsi augmentée et la quantité d'hémo- 
globine qu'il contient pour un volume déterminé 
diminue. ; 
L'élimination des matières en excès ne se fait 
pas indistinctement par ’tous les émonctoires. Ils 
ont chacununrôle défini. Iséliminent de préférence 
l’un une substance, l’autre une autre. Il convient 
de remarquer que si une voie dévient insuffisante, 
une autre y supplée. La voie rénale, par laquelle se 
fait l'élimination de l’urée, vient-elle à être obstruée, 
celle-ci passe par les voies digestives et même par 


la peau, comme le prouvent les sueurs d’urée chez. 


certains brightiques. Plus encore, si les émonc- 
toires extérieurs sont insuffisants, la dépuration 
se fait au sein même des lissus, dans la lymphe 
interstitielle, dans le proloplasma cellulaire. Ce 
fait ressort des expériences d’Achard et Lœper. 
« Si on lie les uretères d'un animal ou le pédicule 


vasculaire des deux reins, de manière à tarir com. 


plètement l'éliminalion rénale, et qu'on injecte 
dans les veines une certaine quantité de ferrocya- 
nure, ou de sulfocyanure de potassium, ou de chlo- 


rure de sodium ou de bleu de méthylène, on ne 
retrouve plus dans le sang, trois heures après l'in 


jection, qu'une faible partie de lasubstance injectée. 
Au bout de vingt-quatre heures, on n’en peut plus 
déceler que des traces. Pourtant, toute la substance 


est restée dans l'organisme. Mais le sang l'a dé- 
7. “= . Se % 
versée presque tout entière dans l'intimité des 


tissus, et l’on peut s'en assurer par des dosages 
rigoureux praliqués sur les différents organes de 
l'animal. » Ce que l'expérience prouve, certaines 


conditions morbides le réalisent. Ainsi, dans lan 


4 


pneumonie, où il y à une baisse si remarquable 
“les chlorures urinaires, on peut, comme l'ont fait 
F Achard et Lœper, faire ingérer au malade des 
quantités nolables de chlorure de sodium sans les 
voir réapparaitre dans l'urine. L'élimination ne se 
“fait pas davantage par les fèces (Moraczewski); et 
cependant le sel reste dans l'organisme sans ame- 
“ner pour cela une concentration permanente du 
Sang. Il se trouve, en effet, dans les tissus des 
divers organes (cerveau, muscles, cœur, elc.), où 
“l'on peut le déceler en plus grande abondance après 
la mort, ou même sur le vivant dans les exsudats 
ou lranssudats. 

Celte accumulation des substances en excès dans 
les tissus n'est que temporaire. Peu à peu, les 
tissus les rejettent dans le sang ; et ces substances 
s'éliminent lentement par leurs voies de prédilec- 
tion. C'est également ce qu'on observe dans l'im- 
prégnalion biliaire : une jaunisse peut encore colo- 
rer les téguments d'une façon intense, tandis que 
les urines n'éliminent plus que de faibles quantités 
de pigments. 

L’emmagasinement des matières étrangères dans 
les tissus permet au sang de reprendre au plus tôt 
i ses qualités indispensables à la vie, de ne pas avoir 
“ une surcharge excessive et massive de matériaux à 
“ éliminer. Pour ne pas succomber sous le faix, il le 
“fragmente, l’entrepose et le transporte en détail. 

” À l'état de maladie, les qualités du sang, ses pro- 
“ priétés physiques changent, la concentration mo- 
“ léculaire augmente ou diminue suivant les cas; il 
s'en suit que ses propriétés chimiques sont alté- 
“rées. Le mécanisme régulateur accomplit quand 
umnèéme sa fonction; mais celle-ci ne s'effectue plus 
M avec la même activité ou plutôt avec la même mé- 
thode. On comprend donc que, si une lésion orga- 
“ nique locale prive partiellement la dépuration uri- 
naire de ses émoncloires, grâce au mécanisme 
régulateur, la difficulté puisse être tournée, parce 
que des voies de suppléance ou des relais s'éta- 
blissent. C'est pourquoi une survie relativement 
longue est encore compatible avec la lésion orga- 
nique. 


IV. — PALUDISME: 


On s'est beaucoup occupé récemment des moyens 
“de combattre la malaria. Laveran, après avoir 
‘découvert l'hématozoaire, cause du paludisme, 
“s'est attaché à rechercher l'habitat du parasite. 
es recherches furent simultanément poursuivies 
« par nombre de savants, dans toutes les contrées 
ù sévissaient les fièvres palustres, Les belles 
expériences de Ross, jadis relatées dans cette Revue 
même, montrèrent que la dissémination de la ma- 
adie pouvait se faire par l'intermédiaire des mous- 
iques. Depuis lors, ce mode de contamination a 


D' A. LÉTIENNE — REVUE ANNUELLE DE MÉDECINE 


929 


trouvé des preuves surabondantes. Il est aujour- 
d’hui admis sans conteste que, dans la plupart des 
cas, c’est le moustique qui, en suçant le sang du 
fiévreux, y puise le parasite et l'inocule à l’homme 
sain. Cependant, le fait n’est pas aussi simple qu’il 
est exprimé, et le mécanisme semble plus com- 
pliqué que le transport banal d'un germe d'un 
Sujet à un autre. Le moustique ne porte pas l'hé- 
matozoaire comme l'abeille porte le pollen fécon- 
dant d'étamine à pistil, ni même comme une 
mouche qui s'est posée sur un corps septique vient 
infecter la plaie minuscule qu'elle fait à l'homme. 
Il y a plus qu'un simple contact. Le moustique 
puise dans le sang du fiévreux l'hématozoaire, qui 
s’y trouve dans un état particulier, sous forme de 
corps sphériques et de croissants. Dans l'estomac 
de J'insecte, la fécondation du parasite s'opère. 
Il adhère alors à la paroi de l'estomac du mous- 
tique. Celle-ci le recouvre : il s’y enkyste. Pendant 
cet enkystement, le développement de l'héma- 
tozoaire se poursuit. Le contenu du petit kyste se 
subdivise en une multitude de petits corps fusi- 
formes (sporozoïtes). Puis, le kyste se rompt et les 
sporozoites passent dans la cavité générale de lin- 
secte, s’y répandent et pénètrent dans les glandes 
salivaires. C'est alors que le moustique, piquant 
l'homme, peut introduire dans le sang des éléments 
qui vont poursuivre leur évolution, former les 
corps sphériques, envahir les globules rouges et 
donner naissance aux phénomènes cliniques du 
paludisme. 

Tous les moustiques ne se prêtent pas également 
aux élapes successives de la vie de l'hématozoaire. 
Une espèce surtout, l'Anopheles claviger, en est 
l'hôte. Cette espèce pullule dans les pays à fièvres. 
A Paris, où les moustiques abondent, Blanchard à 
montré que l'espèce la plus commune était le Culex 
pipiens; et, bien qu'il fasse des réserves sur le rôle 
du Culex dans la transmission d’autres affections, 
il le met hors de cause en ce qui concerne le palu- 
disme. 

Ces connaissances élant acquises, on en a tiré 
au point de vue prophylactique des déductions pra- 
tiques, que Dopter, dans un tout récent travail, a 
bien développées et expliquées. II montre, en effet, 
comment le paludisme peut s'établir en un lieu où 
il n'existait pas auparavant. Il suffit qu'un palu- 
déen vienne y séjourner et que le pays compte les 
Anopheles dans sa faune. Ceux-ci sucent son sang, 
s'infectent et transmettent la maladie aux habitants. 
Aussi Dopter a-t-il groupé les moyens prophylac- 
tiques en deux catégories : les mesures à prendre 
contre le moustique, d'une part, contre l'homme 
même, d'autre part. Û 

I1 faut tout d’abord s’efforcer de détruire les 
moustiques. Pour y arriver, la suppression des 


°930 


eaux stagnantes est nécessaire. C'est là que le 
moustique pond et éclôt. Le desséchement des 
mares, le drainage du sol, l'écoulement facile des 
eaux, la mise en culture des lieux marécageux, 
sont des moyens généraux depuis longtemps re- 
connus efficaces. Les plantations d'arbres souvent 
réputées comme salubres, et qui le sont effective- 
ment à bien des égards, ont ici des inconvénients. 
« L'eucalyptus notamment, dit Dopter, que l’on 
supposait doué de propriétés fébrifuges, offre au 
moustique un abri favorable pendant les chaleurs 
du jour.» Les conifères, pins, sapins, cèdres, sont 
préférables, surtout dans le voisinage des habita- 
tions. 

Si ces condilions ne peuvent être réalisées, on 
s'attaque au moustique en détruisant sa larve. 
Celle-ci vil à la surface de l'eau. En recouvrant cette 
surface d'une mince couche de pétrole, on la tue 
par asphyxie. D'après Celli et Casagrandis, la pou- 
dre de chrysanthèmes aurait l'avantage de ne pas 
allérer l’eau et de tuer les larves en un quart 
d'heure. L'acclimatement de certains insectes des- 
tructeurs de moustiques, tels qu'une espèce de 
libellule (Haward), rendrait aussi des services. Pour 
chasser les moustiques des appartements, divers 
moyens ont élé préconisés : combustion de poudre 
de fleurs de chrysanthèmes ou de racines de valé- 
riane, fumée de pétrole, ete. Mais ils n’ont pas, en 
général, un véritable pouvoir destructif. Onimus 
recommande l'évaporation dans les chambres 
d'huile de cajeput. 

Le meilleur moyen d'éviter les piqüres est l’em- 
ploi de la moustiquaire. En Italie, Celli, puis 
Grassi firent des expériences praliques très inté- 
ressantes à ce sujet. Au lieu d’avoir des mouslti- 
quaires individuelles, suivant la coutume, c'est 
toute la maison qu'ils garantissent par des toiles 
métalliques fines appliquées sur les fenêtres et les 
portes, celles-ci défendues en outre par un tam- 
bour treillissé. Dans des contrées extrêmement 
malsaines, les résullats obtenus ont été surpre- 
nants. D'autres expériences ont été faites en divers 
endroits, en Sicile, en Sardaigne, etc., avec le 
même succès. 

A défaut de moustiquaire ou d'habitation appro- 
priée, on peut recourir à des frictions faites sur 
les parties découvertes du corps avec des pom- 


EEE a ——— 


D: A. LÉTIENNE — REVUE ANNUELLE DE MÉDECINE 


mades aromatiques (menthol, phénol, térében-* 
thine, etc.). Ce procédé est très ancien. Peut-être 
la coutume qu'avaient les anciens et qu'ont encore 
certaines races de s'oindre d'huiles odorantes, 
l'habitude qu'ont certaines peuplades sauvages de 
se recouvrir le corps de couches de terres coloriées 
et préparées, n’ont-elles qu'un but prophylactique 
contre les parasites de toute espèce. 

Il va sans dire qu'il est imprudent de coucher 
en plein air, surtout sans que le corps soit com- 
plètement garanli. . 

Dans l'établissement d'une maison, on doit 
veiller à ce qu'il n’y ait pas de mares ou d'eaux 
stagnantes aux environs, disposer le rez-de- 
chaussée en surélévalion et éviter d’y habiter la 
nuit. On a constaté à maintes reprises que les 
moustiques étaient d'autant plus nombreux qu'on" 
se rapprochait du niveau du sol. 

Dans les mesures qu'il conseille de prendre 
contre l'homme, Dopter, avec Laveran, Celli, etc., 
fait bien voir le danger que fait courir à ses voi- 
sins l'individu atteint de paludisme. Qu'un mous- 
tique vienne à le piquer, il puise dans son sang de 
quoi inoculer plusieurs autres personnes saines. 
Aussi le moyen le plus simple est-il de guérir le 
paludéen. 

La quinine est l'agent thérapeutique le plus 
efficace. Mais il importe de poursuivre le traite- 
ment assez longtemps. Celli conseille de donner læ 
quinine après l'accès, au moment où les héma- 
tozoaires sont encore jeunes. Koch donne quoti-" 
diennement 4 à 2 grammes de chlorhydrate de 
quinine jusqu'à la disparition des accès; puis, 
pendant les deux mois suivants, il la fait prendre 
tous les huit jours, pendant deux mois consécutifs. 

L'isolement du paludéen a élé proposé par 
Celli : isolement qui est réalisé dans l'habitation 
au moyen d'une moustiquaire individuelle ou par 
le groupement de tous les paludéens dans une 
habitation isolée. 

À ces mesures prophylactiques spéciales, il faut 
joindre toutes les règles d'hygiène générale ordi- 
naires : éviter le surmenage, les privations, la 
fatigue, les excès, les intoxications et surtout l’al-. 
coolisme. 


D:' A. Létienne. 


BIBLIOGRAPHIE — ANALYSES ET INDEX 


931 


BIBLIOGRAPHIE 


1° Sciences mathématiques 


André (Ch.), Directeur de l'Observatoire de Lyon, 
Professeur d'Astronomie à l'Université de Lyon. — 
… Traité d’Astronomie stellaire. 27° partie : Etoiles 
. doubles et multiples. Amasstellaires. —-1{ vo/. in-8° 
de 429 pages, avec 74 figures et 3 planches. (Prix : 
44 fr.) Gauthier- Villars, Imprimeur. Paris, 1901. 


Les groupes stellaires multiples, particulièrement les 
groupes formés de deux composantes, désignés sous le 
nom d'étoiles doubles, n'ont guère attiré l'attention des 
astronomes avant l'invention des instruments d'optique. 
es premières observations systématiques entreprises, 
vers la fin du xviue siècle, par Christian Mayer, en vue 
de la découverte de ces astres, en firent connaitre une 
soixantaine. Quelques années plus tard, W. Herschel, 
persuadé que la proximité apparente de deux étoiles 
est un effet de perspective, fut amené à rechercher, 
‘pour la détermination de leurs parallaxes, tous les 
groupes de cette espèce. Cette eutreprise devait le 
conduire, après quarante années d'observations, à 
‘une des découvertes qui illustrent le plus son nom. 
a discussion de toutes ses mesures lui fit voir que 
« beaucoup d'étoiles doubles ne le sont pas qu'en 
“apparence, mais doivent être considérées comme une 
combinaison réelle de deux étoiles intimement reliées 
June à l'autre par le lien de leur attraction mutuelle », 

L'historique du sujet, l'exposé des travaux des astro- 
“…nomes du xix° siècle, pour défricher le nouveau champ 
d investigations ouvert devant eux, tel est l’objet des 
premières pages du second volume du Traité d'Astro- 
nomie stellaire de M. André. 

Après avoir parlé de l'élimination des erreurs systé- 
matiques qui se glissent dans les mesures, erreurs 
dont l'influence est considérable, l'auteur développe les 
méthodes de calcul qui permettent de discuter les 
“observations d'étoiles doubles ; il apprend au lecteur à 
discerner, parmi ces étoiles, celles qui, liées l’une à 
l'autre par l'attraction, forment un système binaire, de 
celles qui, réunies simplement par un effet'de perspec- 
tive, ne sont qu'un groupe optique. 

M. André est ainsi conduit à parler de la détermina- 
tion des éléments de l'orbite d’un système binaire, 
recherche qui nécessite l'étude préalable de l'orbite 
apparente de l'étoile secondaire autour de l'étoile prin- 
cipale, c’est-à-dire de la projection, sur la sphère 
céleste, de l'orbite véritable. Cette orbite apparente est 
toujours une cllipse, excentrée le plus souvent, par 
rapport à l'étoile principale. C’est ce seul fait, bien 
établi par l'expérience, qui a permis d'étendre à tout 
l'Univers la loi de la gravitation, dont on ne pouvait, en 
toute rigueur, admettre la généralité, avant que la 
connaissance de la solution du problème célèbre, posé 
par J. Bertrand et résolu simultanément par Halphen 
et M. Barboux, n'ait donné la certitude à cet égard. 

Un tableau énumérant les étoiles doubles dont on 
connait les orbites termine cette partie du livre, dans 
laquelle le rare talent d'exposition de l’auteur, son éru- 
dition et la clarté qu'il sait mettre dans ses écrits, char- 
ment à chaque pas le lecteur. 

M. André étudie ensuite le nombre, les dimensions, 
les masses et distances au Soleil des systèmes binaires, 
beaucoup plus répandus dans le ciel que les groupes 
optiques, Des discussions se dégage cette conclusion 
que « les étoiles qui composent les systèmes binaires 
ne diffèrent pas beaucoup, en moyenne, ni du Soleil, ni 
. des étoiles simples par leurs dimensions, leurs masses 
et leurs densités, mais que, comme les étoiles simples, 


La 


ANALYSES ET INDEX 


| elles se distinguent entre elles et du Soleil par leurs 
éclats intrinsèques ». 

Suit la description de quelques binaires que l'œil, 
armé d’une lunette suffisamment puissante, dédouble 
facilement. Par la grandeur des excentricités des 
orbites et surtout par l'égalité ou, plus exactement, la 
similitude de grandeur des masses des composantes, 
ces systèmes se distinguent nettement du système so- 
laire où l’astre principal s'est formé aux dépens de la 
presque totalité de la nébuleuse originelle, La même 
différence, et ce fait est hien de nature à montrer com- 
bien il est difficile d'arriver à une conception juste de 
la formation de l'Univers, la même différence, dis-je, 
se retrouve dans les systèmes binaires, tels que Sirius 
et Procyon, dans lesquels le compagnon, dont l'éclat 
est considérablement moindre que celui de l’astre prin- 
cipal, a été découvert par des considérations théoriques, 
fondées sur la discussion des irrégularités de leurs 
mouvements propres, avant d'être vu dans les lunettes. 

Les composantes des étoiles doubles, dont la dis- 
tance angulaire est petite par rapport à 0",1, ne peu- 
vent être séparées, même par l'emploi des plus puis- 
santes lunettes actuellement en service dans les grands 
observatoires. Le dédoublement périodique des raies de 
leurs spectres, dû aux variations des vitesses relatives, 
dans le sens du rayon visuel, permet cependant de con- 
clure, comme Pickering l’a fait le premier pour {Grande 
Ourse et & Cocher, à l'existence d'un système double. 
L'usage du spectroscope ne se borne pas, d'ailleurs, à 
cette simple constatation. Faisant connaitre, à chaque 
instant, la vitesse relative du compagnon dans la direc- 
tion de la ligne de visée, il conduit à la détermination 
de l'orbite relative de l’une des étoiles autour de l’autre, 
et fournit des données importantes sur la valeur de la 
masse totale du système. On a pu ainsi acquérir la cer- 
titude que les masses des cinq systèmes binaires spec- 
troscopiques actuellement étudiés sont, comme celles 
des autres étoiles, tout à fait comparables à la masse 
du Soleil. 

Après avoir exposé le sujet avec l'ampleur qu'il com- 
porte, M. André aborde la description des phénomènes 
que présentent certaines étoiles variables, dites étoiles 
doubles photométriques à variations lumineuses dis- 
continues, dont la plus anciennement connue est 
Algol. IL développe les considérations qui ont conduit à 
expliquer les variations d'éclat de cet astre, en admet- 
tant l'existence d’un satellite obscur éclipsant périodi- 
quement le corps principal, hypothèse qui a été défi- 
nitivement confirmée par les observations spectrosco- 
piques de Vogel. M. André montre comment la con- 
naissance des variations d'éclat fournit la valeur des 
éléments de l'orbite du satellite. Les moyens de calcul, 
la discussion numérique des observations photomé- 
triques sont très nettement exposés dans le volume. 

La descriplion des caractères de quelques étoiles du 
type d'Algol, la détermination du diamètre de cet astre, 
la théorie d’une inégalité périodique dans les époques 
de minima d'éclat des étoiles doubles photométriques, 
dont la cause a été rattachée par Tisserand à l’aplatis- 
sement du corps principal, achèvent d'épuiser le sujet 
et M. André passe à l'étude des étoiles dont l'éclat 
change avec le temps, mais dont les variations lumi- 
neuses sont continues. Les observations photométriques 
et spectroscopiques de ces astres décèlent des carac- 
tères qui appartiennent aux étoiles doubles, mais l'ex- 
plication complète des phénomènes nécessite l’interven- 
tion d’autres causes encore mal connues, Aussi l'auteur 
insiste-t-il avec raison sur l'immense intérêt qui s'at- 
tache à l'observation physique de ces étoiles, dont la 


«932 


surface est vraisemblablement, pour certaines d'entre 
elles, le siège de manifestations de l'énergie analogues 
à celles qui causent la période solaire. 

Avant de passer aux amas stellaire, aux nébuleuses, 
à leur distribution dans l'espace, M. André consacre 
quelques pages à la description des systèmes triples et 
multiples. 1l expose ensuite les particularités des amas 
globulaires, dont quelques-uns, les plus denses, possè- 
dent des variables en proportion considérable, avec des 
périodes obéissant à des lois bien définies. L'étude des 
éloiles colorées, celle des changements de coloration 
des systèmes binaires, puis un aperçu de la conception 
de Mädler, concernant la position, dans l'espace, du 
soleil central, autour duquel évolueraient les astres qui 
font partie de la Voie lactée, terminent le volume, dont 
les dernières pages résument les idées d'Herschel sur 
la genèse du monde céleste. 

L'importance du sujet traité dans ce livre, l’art avec 
lequel y sont conduites les discussions d'observations, 
en font un ouvrage de premier ordre à mettre entre 
les mains des jeunes astronomes. Faisant connaître 
une branche de l’Astronomie, presque complètement 
ignorée dans notre pays, il est appelé, croyons-nous, à 
exercer une notable influence sur la direction des 


recherches astronomiques. MAURICE Hay, 
Astronome-adjoint à l'Olservatoire de Paris. 


2° Sciences physiques 


Leidié (E.), Professeur agrégé à l'Ecole Supérieure 
de Pharmacie de l'Université de Paris.— Palladium, 
Iridium, Rhodium. (Tome NI, 17e cahier, 3° fasci- 
cule de l'Encyclopédie chimique de Fremy). — 1 vol. 
in-8° de 395 pages. (Prix : 17 fr. 50.) Veuve Ch. 
Dunod, éditeur. Paris, 1904. 


L'auteur de ce livre a publié, soit seul, soit en colla- 
boration avec Joly, d'importants travaux sur les métaux 
associés dans la mine de platine, sur les solutions 
qu'on peut adopter pour résoudre le difficile problème 
de leur séparation complète, comme aussi sur la pré- 
paration de leurs combinaisons, enfin sur la délermi- 
nation de leurs poids atomiques. Ces recherches pré- 
cises, longues et laborieuses, lui donnent, pour traiter 
ce sujet spécial, une particulière autorité. 

Dans les anciens trailés de Chimie, les renseigne- 
ments qu'on trouve sur ces métaux précieux sont 
presque inulilisables, car les traitements anciens n'ont 
réalisé qu'une séparation incomplète. Les ouvrages 
modernes ne donnent, pour la plupart, que des rensei- 
gnements sommaires sur des sujets aussi spéciaux. 

Une exacte monographie de ces mélaux était indis- 
pensable. [! n’est plus possible, en effet, d'admettre 
que l'étude des corps rares soit mise à part, et séparée 
de l'étude des éléments les plus usuels. 

La théorie et la pratique, comme il convient, ont à 
présent, et auront de plus en plus, à fusionner. Les 
métaux rares, les couples électriques formés par leur 
contact, leurs alliages, soit entre eux, soit avec les mé- 
taux communs, sont indispensables à connaître, même 
pour les applications. Les actions dites de contact, dont 
le mécanisme, encore mal connu, est si curieux, sont 
et seront de jour en jour plus fréquemment utilisées. 
Au point de vue théorique, la découverte et l’étude des 
alliages de palladium et d'hydrogène ont donné aux 
Ciimistes des notions d'une importance capitale. La 
plupart de ces métaux précieux sont capables de 
donner des combinaisons, très complexes, mais très 
définies et dont les formes cristallines sont très nettes; 
elles ont beaucoup étendu les connaissances chimiques. 
On trouvera sur tous ces points, dans l’ouvragé de 
M. Leidié, l'exposé des découvertes faites, en France 
et à l'Etranger, par tout un siecle de laborieux efforts. 

L’excellent ouvrage que l’auteur vient de nous donner 
représente véritablement l'état actuel de la science. 


LÉéoN PIGEON, 
Professeur adjoint 
à la Faculté des Sciences de Dijon. 


BIBLIOGRAPHIE — ANALYSES ET INDEX 


3° Sciences naturelles 


Pavillard (J.), Chargé d'un Cours complémentaire de 
Botanique à la Faculté des Sciences de Montpellier, 
— Eléments de Biologie végétale. — 1 vol. in-8# 
de xvi-589 pages, avec planches et figures. Société 
d'Editions scientifiques. Paris, 1901. 
En écrivant ses Æléments de Biologie vegétale, 

M. Pavillard s'est proposé de combler une lacune entre 
les manuels élémentaires où l'élève s’initie aux rudi= 
ments de la Science et les grands traités didactiques en 
usage dans le haut enseignement. Il s'adresse spéciale= 
ment aux candidats en Médecine qui, déjà dégrossis par 
l'enseignement secondaire, ont besoin, avant de franchir 
le seuil des écoles spéciales, d'apprendre à penser pas 
eux-mêmes el à raisonner sur les faits observés. 

Cette entreprise excitera la sympathie de tous ceux 
qui déplorent l'insuffisant développement de l'esprit 
d'observation et de l'esprit critique chez beaucoup de 
jeunes étudiants. Nous applaudissons à l’éloquent plais 
doyer que l'auteur a mis dans sa préface en faveur des 
exercices pratiques. Rien ne se grave mieux dans l'esprit: 
que les notions dégagées d'une causerie en pleins 
champs, sans autre ordre que celui des faits glanés au 
hasard de la course, Les élèves de M. Pavillard ont, à 
coup sûr, beaucoup de ces idées nettes dans l'ésprit, 
puisque leur maitre leur à appris à étudier l'Histoire 
naturelle en face de la Nature. 

Mais cette libre allure convient-elle à un cours com- 
plet ne laissant, dans un programme très vaste, aucune 
queslion sans réponse? Telle est, en effet, l’audacieuse 
entreprise dont ce livre est le produit. 

Selon l’auteur, il est urgeut de rompre avec de 
vieilles habitudes pédagogiques et d'adopter un plan 
nouveau plus conforme à l’ordre uaturel. M. Pavillard 
ne veut point faire l'exposé d’une science abstraite 
divisée en compartiments indépendants. Effectivement, 
les vieux cadres sont quelque peu endommagés dans 
son livre; nous ne trouvons plus ici la classique divisions 
en Botanique générale et Botanique spéciale, qui se ren- 
contre, plus ou moins nettement, dans la plupart des 
traités. Valait-il mieux décrire les plantes en particulier 
avant de connaître les propriétés qui les distinguent ou 
au contraire les propriétés avant de connaitre les 
plantes qui les présentent? M. Pavillard cherche à sup- 
primer cet irritaut problème en prenant le progrès de 
l’organisation pour base de la division méthodique des 
matières et en montrant les mécanismes fonctionnels 
de plus en plus différenciés dans des catégories d’orga- 
nismes de plus en plus complexes. 

Les Eléments de Biologie végétale sont partagés en: 
huit parties. Ces huit parties, typographiquement équi- 
valentes, sont, en réalité, bien inégales. Six d’entre elles 
ont pour titres les noms des grandes subdivisions dus 
règne végétal, tout comme les chapitres de la partie 
spéciale des traités de jadis. La première et la dernière," 
par contre, traitent de questions générales : celle-là est 
consacrée à l’organisation générale des êtres vivants; 
celle-ci est intitulée : « Dispersion des végétaux, Espèces, 
Géographie botanique ». A elles deux, elles répondent 
assez bien à la Botanique générale ; toutefois, leur disso- 
ciation n’est point une simple réminiscence de la sages-e 
de Salomon; elle trahit l'intérêt très différent que 
l’auteur porte à l'une et à l’autre. 

Tous les problèmes ardus touchant à la vie intime de 
la plante sont elfleurés dans la première partie. Leur 
exposé sommaire ne le cède en abstraction à aucun 
manuel de forme ancienne. 1l semble que l'auteur ait 
voulu, au début de sa course, se décharger des ques 
tions du programme dont l'étude se prète le moins aisés 
ment à ses conceptions pédagogiques. : 

Ces problèmes, indiqués plutôt que résolus méthodi= 
quement, se dresseront à maintes reprises au cours des 
descriptions consacrées à la série ascendante des végé= 
taux. Les uns seront traités à fond à l'endroit même où 
se présenteront les exemples les plus propices; les 


BIBLIOGRAPHIE — ANALYSES ET INDEX 


933 


autres seront présentés par fragments successifs difti- 
“ciles à réunir en une synthèse féconde. Beaucoup sont 
“abordés trop tôt ou trop tard pour répondre au but de 
“l'auteur et nous regretions de ne pas voir leur dévelop- 
. pement réuni aux généralités du début pour donner à 
celles-ci plus de corps, ou rejeté après la description 
“es plantes qui fournissent les éléments de la solution. 
… Ainsi, c'est à propos des Myxomycètes dépourvus de 
“mycélium que nous abordons la biologie générale des 
Champignons. C'est sur l'étude du #ucor aux gamètes 
“incertains et, en tout cas, sans différenciation sexuelle 
“connue, qu'est fondée l'étude de la reproduction sexuée. 
Ce faux départ jelte de la confusion sur tout ce qui 
touche à la sexualité. La cytologie des Champignons, à 
laquelle les travaux de ces dernières années ont donné 
“un si haut intérêt biologique, est totalement négligée; 
“celle des Algues manque de précision. 

L'auteur s'est resolu à pousser plus avant, dans le 
chapitre des Algues, l'examen des fonctions de la chlo- 
rophylle et de leurs conséquences; mais la précision 
de cet exposé lient aux exemples empruntés à la Pomme 
de terre pour son amidon, au Dablia pour son inuline, 
à l'Olivier pour son huile, au Chêne pour son lanin, 
beaucoup plus qu'aux renseignements offerts par les 
…_ohjets qu'on s'attendait à rencontrer dans ce chapitre. 
È D'autre part, il est assez plaisant que la biologie des 

Champignons ait pu être épuisée bien avant le chapitre 
… des Lichens, dans lequel est développée la notion du 
- parasitisme. 

…_ Au cours de ces six parties consacrées à la Botanique 
« spéciale, les notions de biologie intime ébauchées dans 
“ la première partie se sont progressivement complétées. 
- En même temps, la plante s'est peu à peu dégagée sous 
“ ses aspects variés, sous des formes de plus en plus 
concrètes. | 
Une huitième partie vient heureusement couronner 
Fœuvre. Elle est consacrée à la vie extérieure des 
plantes. M. Pavillard a traité ce sujet avec une prédi- 
lection marquée; il y fait preuve d'une expérience, 
d'une compétence personnelle qui font vite oublier le 
chemin aride qui nous à conduit vers ces sommités 
fleuries. Regardant les plantes par le dehors, découvrant 
» les relations qu'elles contractent entre elles ou avec le 
- milieu extérieur, dans le temps et dans l’espace, l'étu- 
. diant aura le sentiment de la vie végétale, si les données 
- complexes tirées de leurs propriétés intimes ne lui en 
ont pas déjà fourni la démonstration claire. 
- Cette partie est la plus originale, parce que l'auteur 
y à introduit une note artistique que nous ne sommes 
. pas habitués à trouver dans les manuels d'Histoire natu- 
relle. L'étude préalable des principaux groupes de 
. plantes fournit à ces généralités une base positive qui 
achève de les mettre en opposition avec les abstractions 
du début. 

En somme, l'étudiant, à qui ce livre est destiné, y 
trouvera traitées, sous une forme parfois neuve, la plu- 
part des questions qu'il lui importe de connaitre. Si la 
disposition des matières est un peu déconcertante, peu 
conforme peut-être à la vieille méthode qui consistait à 
aller du clair à l’obseur, du connu à l'inconnu, si le 
. livre ne peut être lu de suite que par un botaniste 
- depuis longtemps rompu à l'observation de la Nature et 
aux travaux de laboratoire, il sera toujours facile à 
- consulter grâce à une double table des matières très 
- soignée. Il fournira sans peine à l'élève des renseigne- 

ments sur les objets ou les phénomènes qui lui auront 
- été montrés au laboratoire ou dans la campagne. 


; PauL VUILLEMIN, 
Professeur à la Faculté de Médecine 
de l'Université de Nancy. 


4 


LS 


nt cf 


ai mhee dd 


Nawville (A.). Doyen de la Faculté des Lettres et des 

_ Sciences sociales à l'Université de Genève. — Nou- 
velle classification des Sciences (2° édition. — 
{ vol. in-12 de 186 pages. (Prix : 2 fr. 50.) Félix 
Alcan, éditeur. Paris, 1901. 


mi 


ET 7 


Richet (Charles), Professeur à la Faculté de Médecine 
de Paris. — Dictionnaire de Physiclogie. — Tome 
V, fase. 1 et 2. — 2 fasc. in-8° de 320 pages chacun, 
avec gravures dans le texte. (Prix : le fase. 8 fr. 50 ; 
le vol. 25 fr.) Félix Alcan, éditeur, Paris, 1901. 

Ces deux fascicules continuent le beau Dictionnaire 
publié sous la direction de M. Charles Richet. 

Nous relevons, dans ces livraisons, des articles d'ane 
importance considérable, dont voici Les principaux : 

Digitale (études botanique, chimique, pharmacolo- 
gique, physiologique et thérapeulique), par le Profes- 
seur G. Pouchet; Dioptrique oculaire; Diurétiques, 
par M. Charles Richet; Domestication, par M. Henry 
de Varigny; Douleur, par M. Charles Richet; ƣflort, 


par M. E. Wertheimer; Ælasticité, par M. Georges 
Weiss; Ælectricité ({héorie physique, phénomènes 


électriques en Biologie, poissons électriques, etc., appli- 
calions thérapeutiques), par MM. André Broca, Maurice 
Mendelssohn et H. Bordier; £lectrotonus, par M. Mau- 
rice Meudelssohn; Æmulsine, par M. H. Hérissey; 
Epilepsie corticale, par M. H. Lamy; Ærgométrie, par 
M. André Broca; £rgotine, par M. L. Guinard ; Æspace, 
(le sens de l’espace), par M. E. de Cyon,; Æstomac. 


4° Sciences médicales 


Bowlby (Anthony A.), Footh (Howard H.), Wat- 
lace (Cuthbert), Calverley (John E.), Kilkelly. 
— À civilian War Hospital. — 1 vol. 1n-8 de 
344 pages, avec nombreuses fiqures. (Prix : 45 fr.). 
John Murray, éditeur. Londres, 1901. 

La guerre du sud de l'Afrique, en raison de sa longue 
durée, en raison de l'autorité des chirurgiens attachés 
directement ou indirectement au corps expéditionnaire 
anglais, a permis de réunir de nombreuses observa- 
tions. Ces observations peuvent éclairer la Science sur 
les elfels des armes modernes; elles peuvent fournir 
d'utiles renseignements à tous ceux que préoccupent 
les questions d'assistance des blessés et des malades 
en temps de guerre. 

L'Angleterre avait envoyé dans le sud de l'Afrique, en 
même temps que des médecins et des chirurgiens d'ar- 
mée, un certain nombre de médecins civils, destinés à 
compléter l'œuvre de leurs confrères de l'armée. 

Un groupe de ces médecins civils, faisant partie de 
l'état-major médical du « Portland Hospital », vient de 
publier le résultat des observations recueillies au cours 
de la campagne. 

Le « Portland Hospital » fut le premier hôpital civil 
envoyé dans le sud de l'Afrique après la déclaration de 
guerre en octobre 1899. Il devait son nom au duc de 
Portland, fondateur de l’œuvre. 

Le « Portland Hospital» embarqua à Liverpool, le 13 dé- 
cembre 1899, et débarqua à Cape-Town, le 28 décembre; 
il commenca son œuvre à Rondebosch, près Cape-Town, 
le 8 janvier 1900. Le 6 avril, il évacua ses malades et fut . 
envoyé à Bloemfontein, où il put ouvrir à nouveau, le 
17 avril 1900. Le 21 juillet, il procéda à une seconde et 
définitive évacuation; il partit pour l'Angleterre le 
4er août, où il arriva le 18 août. 

Cet hôpital civil eut donc une période de mobilisa- 
tion de 248 jours; 65 jours furent employés aux divers 
déplacements, 184 jours furent consacrés aux soins 
hospitaliers. Le nombre des malades et blessés recueillis 
fut de 1.009. A cette époque, le nombre des malades et 
blessés de l’armée anglaise parait avoir été d'environ 
15.000, — 10.000 malades et 5.000 blessés. Dans le livre 
que le corps médical a consacré au « Portland Hos- 
pital », il ne faut donc pas s'attendre à trouver une his- 
toire complète de la médecine et de la chirurgie au 
cours de la suerre Sud-Africaine. 

Le corps médical du « Portland Hospital » n’a étudié 
qu'un pelit coin du théâtre de la guerre; il a groupé 
cependant des renseignements fort intéressants. 

Primitivement, le « Portland Hospital » devait conte- 
nir 104 lits; mais, dans la suite, le nombre des lits fut 


BIBLIOGRAPHIE — ANALYSES ET INDEX 


porté à 160 :130 lits pour les sous-officiers et soldats et 
30 lits pour les officiers. 

L'état-major médical comprenait 5 médecins ou chi- 
rurgiens; 4 nurses élaient atlachées à l'hôpital. 

Le personnel proprement dit était composé de 6 sous- 
officiers, 24 infirmiers, 6 serviteurs. 

Chaque homme avait signé un contrat pour six mois 
de service, Durant le voyage, on procéda à la revacci- 
nation du personnel et à des inoculations préventives 
de la fièvre typhoïde. Le directeur du «Portland Hos- 
pital » avait eu soin de prendre parmi les sous-ordres un 
nombre suffisant d'hommes spécialisés dans divers 
métiers. Ces ouvriers, charpentiers, forgerons, furent 
extrêmement utiles dans l'établissement de l'hôpital et 
durant toute la campagne. 

Il y avait trois cuisiniers et plusieurs aides de cui- 
sine divisés en deux groupes. Une cuisine pour les 
ofliciers et les nurses, une cuisine pour les malades 
ordinaires et les sous-ordres; aux cuisines étaient an- 
nexés ua garde-manger, une glacière, un filtre Pas- 
teur-Chamberland. 

Au point de vue hygiénique, on construisit de nom- 
breuses latrines; les selles des dysentériques et des 
typhiques étaient brülées avec de la sciure; les linges 
élaient bouillis dans une chaudière spéciale ou portés 
à l’étuve de désinfection. 

Les salles de malades étaient constituées par des 
tentes au nombre de 24, de grandeurs différentes, ce 
qui permettait un isolement facile des malades. 

Dans les climats sud-africains, les tentes for- 
mèrent des salles de malades parfaites, très saines, très 
faciles à ventiler. D'autres tentes étaient réservées à 
l'état-major médical, aux nurses et au personnel. 

L'ensemble du matériel pour 160 lits pesait 70 tonnes 
et occupait 12 wagons, y compris les wagons occupés 
par les bêtes de trait (six mules et trois chevaux). 

Tout ce qui concerne un mobilier chirurgical moderne 
complet se trouvait réuni dans les magasins du « Port- 
land Hospital » : instruments, gouttières à fracture, 
substances médicamenteuses, antiseptiques, anesthé- 
siques, appareils à rayons X, etc. 

Une condition excellente pour la bonne organisation 
de l'équipement médico-chirurgical, c'est que le choix 
de cet équipement avait été donné non pas à une com- 
mission administrative incompétente, mais à l'état- 
major médical lui-même. Médecins et chirurgiens choi- 
sirent les objets et les substances que leur expérience 
leur faisait prévoir comme nécessaires ; on ne se char- 
gea d'aucune inutilité. 

Le chapitre médical est rédigé par H. Tooth et G. Cal- 
verley. Ces auteurs donnent la première place dans leur 
rapport à la fièvre entérique, fièvre typhoiïde. Ils en ont 
observé 232 cas, ayant donné 29 décès, soit une mor- 
talité de 12 °/,. Les traits un peu particuliers que pré- 
sentèrent les cas observés furent l'élévation de la tem- 
pérature, la fréquence de la dépression mentale, la 
rarelé des complications pulmonaires. On nota un nom- 
bre exceptionnellement grand de cas de phlébite. 

Dans la campagne sud-africaine, le corps médical de 
l'armée anglaise s'intéressa beaucoup à une question 
peu connue en France : la question des inoculations 
préventives contre la fièvre typhoide. Un très grand 
nombre de soldats envoyés en Afrique ont subi des 
inoculations au moyen de sérum de Wright. Ce sérum 
est préparé avec des cultures de bacilles typhiques 
tuées par la chaleur. L'inoculation à l'homme détermine 
des troubles généraux caractérisés par l'élévation de la 
température, de la céphalée, de la courbature. 

Ces inoculations antityphoiïdiques provoquent chez 
les sujets l'apparition de la réaction agglutinative de 
Widal. Chez un des médecins du «Portland Hospital», 
le sang examiné trois mois après l’inoculation montra 
une séro-réaction positive; 13 mois après, la séro- 
réaction ne se manifestait plus. Les auteurs considè- 
rent que cette réaction est jusqu'à un certain point la 
mesure du degré de l’immunité acquise. 

Tooth et Calverley donnent, en ce qui concerne le 


« Portland Hospital », le résultat de ces inoculations : 
le personnel de l'hôpital comprenait 41 personnes: 
28 avaient été inoculées, 13 n'avaient pas été inocu- 
lées. 

Sur les 28 personnes inoculées, il y eut 7 cas de 
fièvre typhoide, terminés par guérison; sur les 13 per= 
sonnes non inoculées il y eut 2 cas de fièvre typhoïde 
graves, un terminé par la mort. 

A l'hôpital, sur les 232 malades atteints de fièvre 
typhoïde, 54 avaient été inoculés et eurent une morta- 
lité de 7,4 °/,; sur 178 malades qui n'avaient pas été 
inoculés, 25 moururent, soit une mortalité de 14 0/,. 
Ces chiffres, sans être absolument démonstratifs, parais- 
sent néanmoins en faveur de l'inoculation préventive 
de la fièvre typhoïde. 

La dysenterie donna 94 cas. Parmi ces malades, 
78 avaient acquis leur maladie dans le sud de l'Afrique, 
et 16 avaient été autrefois dans l'Inde ou dans une autre 
région tropicale. 3 malades succombèrent, ce qui donne 
une mortalité de 3,1 0/4. 

Au point de vue symptomatique, parmi les particu- 
larilés de la dysenterie dans le sud de l'Afrique, Tooth 
et Calverley signalent la rareté des complications hépa- 
tiques. Dans les formes ordinaires de la dyseuterie tro- 
picale, la tendance aux inflammations secondaires du 
foie est au contraire extrêmement marquée. Au point 
de vue anatomo-pathologique, on ne trouve signalé 
rien de particulier. Tooth et Calverley publient dans le 
livre deux photographies montrant ies lésions ulcé- 
reuses de la muqueuse du gros intestin. 

36 malades atteints de diarrhée entrèrent au « Port- 
land Hospital »; quelques-uns présentèrent des vomis- 
sements et parfois de l’élévation de température; il y 
avait de la tendance à la chronicité; les médecins de 
l'hôpital se demandèrent si diarrhée et dysenterie 
n'avaient pas une commune origine. 

Malgré la chaleur intense qui régna à certains mo- 
ments, le coup de soleil fut absolument exceptionnel. 

D'une façon générale, les affections des voies intesti- 
nales furent fréquentes; les autres maladies furent 
exceptionnelles. 

Le rôle du « Portland Hospital » fut surtout un rôle 
chirurgical; on eut àsoigner principalement les blessures 
par armes à feu. 

Les fusils dont se servaient les soldats anglais et ceux 
qui étaient utilisés par les Boers avaient des calibres 
analogues et leurs effets étaient semblables. Les troupes 
anglaises étaient armées soit du «Lee-Metford Mark 41», 
soit du « Lee-Enfield », armes du même calibre, 72,7, 
Le poids de la balle était de 13 gr. 93. Les Boers tiraient le 
plus souvent avec les Mauser de calibre 7° ; le poids 
de la balle était de 11 gr. 80. Les projectiles dans les 
deux camps étaient recouverts d’une enveloppe métal- 
lique, Dans quelques rencontres, les Boers se sont 
servis de fusils de différents systèmes, notamment du 
Martini-Henry dont le calibre est supérieur. 

Les points principaux sur lesquels les armes à feu 
modernes différent des armes auciennes sont l’augmen- 
ation de vitesse et de force de pénétration des projec- 
tiles, la diminution de volume des projectiles, l’adjone- 
tion d'un revêtement de métal dur au noyau de plomb, 
l'addition d’un magasin, l'emploi de la poudre sans 
fumée. Au point de vue militaire, ces différences se 
traduisent par l'augmentation dans la portée des armes 
et dans la rapidité du tir, d’où augmentation d'étendue 
de la zone dangereuse. 

Il ne faut pas croire que ces perfectionnements ap- 
portés dans la puissance destructive des fusils modernes 
les aient rendus beaucoup plus meurtriers que leurs 
devanciers, mais les effets des projectiles sont diffé- 
rents de ce qu'ils étaient autrefois. 

La douleur au moment de la blessure fut en général 
légère, souvent nulle : un soldat occupé à tirer en po- 
sition penchée sent sa pipe se casser dans la poche de 
son pantalon; il porte la main pour se rendre compte 
de ce quiarrivaitetilsort de lapochesa pipe cassée eten 
même temps une balle. Voyant du sang sur sa main, il 


BIBLIOGRAPHIE — ANALYSES ET INDEX 


935 


ensa qu'il devait être blessé. Or, il avait été frappé 
ar une balle ayant pénétré par l'épaule et traversé le 
poumon et l'abdomeu; le passage du projectile n'avait 
déterminé aucune sensalion spéciale. 

Les blessures de la poitrine et des poumons furent 
fréquentes, mais elles présentèrent en général assez 
peu de gravité ; il est vrai que le « Portland Hospital » 
ne recueillait pas les blessés directement sur le champ 
“de bataille, et que les blessés qui arrivaieut à Bloem- 
fontein un jour ou deux après leur blessure étaient 
ceux qui avaient survécu aux premiers accidents d’hé- 
morragie et de dyspnée. Il est infiniment probable, par 
exemple, que les soldats qui étaient frappés au niveau 
des pédicules pulmonaires succombaient sur ie champ 
de bataille même. L'hémothorax ne s'observa que dans 
a minorité des cas ; l'emphysème fut exceptionnel; les 
ccidents secondaires tels que l’'empyème furent très 
ares. 

A. Bowlby et Cuthbert Wallace attribuent aux faibles 
dimensions du projectile la tolérance du poumon pour 
les plaies par balles ; ils comparent le passage de Ja balle 
au passage d'un trocart explorateur. En fait, les résultats 
des plaies pénétrantes du thorax furent extrèémement 
satisfaisants et un grand nombre de blessés, au bout 
pue semaine ou deux, purent reprendre leur service 
actif. 
Quelle fut la gravité des plaies pénétrantes de l'ab- 
domen? Un certain nombre de chirurgiens de la guerre 
sud-africaine ont parlé de la bénignité relative des 
plaies pénétrantes de l'abdomen. Les chirurgiens du 
« Portland Hospital » croient qu'il est difficile de porter 
un jugement; car uve question principale est de savoir si 
Vintestin est blessé ou intact; or, il leur paraît certain 
qu'une balle peut traverser l'abdomen sans léser l’in- 
_testin. Quand l'intestin est lésé, la plaie pénétrante 
paraît fort grave. Bowlby et Wallace rapportent des 
faits tirés de la pratique de leurs confrères qui se 
trouvaient à l'avant. Theatle, par exemple, sur 10 cas, a 
yu 9 fois la mort survenir ; le seul cas de guérison con- 
cerne un homme qui guérit sans invident d’une plaie 
par balle Mauser ayant pénétré à 1 pouce 1/2 au-dessus 
et à gauche de l’ombilic, et étant sortie au niveau de la 
région dorsale à un niveau correspondant. 

Les résultats fournis par les chirurgiens varient 
énormément suivant que le chirurgien est à 
l'avant, sur la ligne de feu, ou dans un hôpital, 
à la base d'opérations, Watson Cheyne, lorsqu'il était 
à un hôpital de la base, au Cap, avait observé que la mor- 
talité des plaies abdominales n'était que d'environ 20°/;/; 
mais, aux combats de Paardeberg et de Karee Siding, il 

» vit que les résultats n'étaient plus aussi bons. D'une 
* façon générale, les plaies pénétrantes de l'abdomen 
paraissent graves, et, étant donné les conditions défa- 
vorables dans lesquelles on est obligé d'opérer, l'inter- 
vention chirurgicale paraît fort discutable ; la plupart du 
temps, le chirurgien s'abstient. 

La lumière des rayons X est indispensable aujour- 
» d'hui pour l'étude des fractures; les chirurgiens du 
. «Portland Hospital » étaient munis d'appareils radio- 
. graphiques, ils purent réunir des observations bien com- 
plètes concernant l'effet des projectiles sur les os;'ils 
donnent dans leur livre plusieurs belles reproductions 
de radiographies. 

D'une facon générale, les lésions osseuses ont [paru 
d'autant plus graves que la distance du tir était plus 
courte ; certains chirurgiens avaient émis l'idée qu'un 
. projectile animé d'une grande vitesse perforait l'os 
comme à l’emporte-pièce plutôt que de déterminer une 
fracture; Bowlby et Wallace ne partagent pas cette 
manière de voir; pour eux, uneballe animée d'une très 
grande vitesse en frappant un os produit pour ainsi dire 
. une action explosive. Cet effet explosif est extrêmement 
. marqué. Quand la balle a été tirée à moins de 50 mètres, 
> 


l'os est pour ainsi dire pulvérisé dans une plus ou moins 
2 
. 


grande portion de son étendue; il se forme une multi- 
tude de petits fragments qui vont se loger dans les par- 
lies molles; quand le tir est fait à grande distance, la 
fracture est d'autant plus étendue et d'autant plus 
grave qu'elle siège sur un os plus dense, plus compüct, 
plus résistant. Les lésions osseuses sont beaucoup plus 
étendues lorsqu'elles siègent sur la diaphyse que lors- 
qu'elles siècent sur les épiphyses. Les simples perfora- 
tions osseuses par balle ne sont pas fréquentes; au 
niveau des diaphyses, il y a toujours formation d’es- 
quilles, les traits de fracture suivant toujours des direc- 
tions très obliques, parfois presque longitudinales; les 
auteurs auraient vu cependant un cas ou deux de per- 
foration de tibia. Au niveau des épiphyses, les perfora- 
tions simples ont été moins rares, surtout au niveau de 
l'extrémité inférieure du fémur ; les perforalions de l’ex- 
trémité inférieure de l’humérus étaient toujours asso- 
ciées avec des fissures osseuses, En ce qui concerne 
l'angle d'arrivée du projectile sur l'os, il semble prouvé 
que la fracture est généralement plus grave lorsque la 
balle vient frapper l'os perpendiculairement à la sur- 
face, que dans les cas où elle l’atteint obliquement. 

Le choc de la balle sur un os détermine souvent une 
déformation du projectile ; l'enveloppe métallique peut 
éclater, ce qui détermine des lésions beaucoup plus 
grandes dans les blessures des parties molles. Aussi, les 
dimensions des blessures des parties molles et spécia- 
lement de la peau dans les cas où l'os a été atteint ont 
été très considérables. Si, dans quelques cas heureux, 
l'orifice de sortie ne présente pas de dimensions excep- 
tionnelles, ordinairement il est extrêmement élargi. 

Les blessures des articulations furent en général 
assez peu graves. Autrefois, la blessure par arme à feu 
d'une grande articulation était presque toujours suivie 
de mort; dans tous les cas de blessures de ce genre 
observés au « Portland Hospital », la guérison s’effectua 
sans incidents notables. 

Les blessures des gros vaisseaux n’ont pas paru être 
suivies souvent d'hémorragies mortelles. En tout cas, 
on vit guérir sans incident des plaies où le trajet de la 
balle était tel qu'il paraissait impossible que des gros 
vaisseaux n'eussent pas été blessés. 

Les auteurs citent par exemple le cas d’un cavalier 
frappé d'une balle Lee-Melford à courte distance; la 
balle entra immédiatement au-dessous du chef sternal 
du muscle sterno-mastoidien gauche et ressortit à un 
pouce au-dessous de l’épine de l'omoplate gauche; il 
semble difficile qu'un gros vaisseau de la base du 
cœur n'ait pas été atteint, et pourtant l'homme ne pré- 
senta aucun accident grave. 

On observa assez souvent des{cas d'anévrisme et 
d'anévrisme artérioso-veineux. 

Au point de vue chirurgical, les résultats obtenus au 
«Portland Hospital» ont été extrêmement remarquables. 
L'hôpital recut 303 blessés, il n'y eut que 3 décès; l’un 
concerne un officier frappé au poumon et à la moelle 
épinière; un autre concerne un homme atteint de plaie 
pénétrante du crâne; le troisième concerne un homme 
alteint de gangrène de la jambe et qui succomba à la 
suite de la gangrène de l’autre jambe, une semaine 
après l'amputation de la jambe; il y avait une embolie 
dans l'aorte. Tous les autres blessés guérirent presque 
sans suppuration, sans érysipèle, sans accidents pyé- 
miques. : 

Les interventions opératoires importantes furent très 
peu nombreuses et la méthode conservatrice donna des 
résultats parfaits. 

Ces faits sont encourageants. Il est réconfortan 
pour les chirurgiens de savoir qu'ils ont entre les 
mains une méthode certaine et que désormais tout 
blessé, dans une ambulance bien tenue, sera à peu près 
complètement sûr de guérir rapidement et dans 
d'excellentes conditions. 

P. DEsrosses, 


936 


ACADÉMIES ET SOCIÉTÉS SAVANTES 


DE LA FRANCE ET DE L'ÉTRANGER 


ACADEMIE DES SCIENCES DE 
Séance du 30 Novembre 1901. 
1° SCIENCES MATHÉMATIQUES. — M. P.-J. Suchar 
expose le résultat de ses recherches sur les équations 
différentielles linéaires du second ordre à coefficients 
algébriques. — M. J. Boussinesq étudie le problème 
de la dissipation, en tous sens, de la chaleur dans un 
mur épais à face rayonnante. Il emploie la méthode 
qui consiste à ramener le problème du refroidissement 
ou de l'échauffement des corps par rayonnement à 
celui du refroidissement ou de l'échauffement des 
mêmes corps par contact. 

29 SCIENCES PHYSIQUES. — M. A. Petot montre qu'on 
peut trouver, dans les problèmes sur l’état variable des 
courants, certains résullats sans connaître les lois de 
variation des diverses résistances. Cetle considéralion 
permet d'entreprendre létude du combinateur des 
automobiles électriques, de la commulation dans les 
dynamos à courant continu. — M. de Forcrand montre 
qu'au moyen de sa nouvelle formule, on peut calculer 
la chaleur latente de vaporisation quand on connaît 
la chaleur de fusion et le poids moléculaire à l'ébulli- 


PARIS 


tion. Pour le phosphore (31 sr.), on trouve L'—#%.0%% cal. 
Pour l’arseni:, le SAÉnruu le carbone, on arrive à des 
valeurs approchées par un calcul analogue. — MM. Léo 


Vignon et F. Gérin ont constalé que : 1° la penta et 
l'hexanitromannite réduisent énergiquement la liqueur 
cupropolassique; 2° cette propriété, dans son intensité 
principale, n’est pas attribuable à la formation de man - 
nose; 3° la nitromannite, traitée par le chlorure ferreux, 
donne de la mannite nou réductrice; à ce point de vue, 
elle ue se comporte pas comme les nitrocelluloses. — 
M. J. Gnezda, eu traitant l’albumine par l'acide hypo- 
chloreux, à obtenu un corps qui parait posséder les 
propriétés d'une chlorisatine. — M. G. Pouchet : Sur 
la localisation et la dissémination de l'antimoine dans 
l'organisme (voir p. 891). — MM. M. Berthelot et G. 
André rappellent que les liquides végétaux sont géné- 
ralement acides, mais que la plus grande partie des 
acides sont généralement combinées à l’état de sels, 
de sorte que le litre acidimétrique des jus ne saurait 
donner une idée sur la quantité totale d'acide contenue 
dans la plante. 

3° SCIENCES NATURELLES. — M. E.-L. Bouvier a étudié 
la reproduction et le développement du Peripatopsis 
Blanviller. La présence d'annexes embryonnaires n'est 
pas, comme le pensent plusieurs zoologistes, le résultat 
d'une évolution qui consisterait daus la réduction yo 
gressive du volume de l'œuf; on ne peut, dès lors, la 
considérer comme un c: ractère primilif du groupe. — 
M. Arm. Billard à constaté que la scissiparité et la 
stolonisation sont des moyens actifs de multiplication 
chez les Hydroïdes et qu'ils se rencontrent chez un 
grand nombre d'espèces. Ces deux modes de mullipli- 
calion sont délerminés par les conditions d'habitat : les 
espèces scissipares vivant, sauf de rares exceptions, 
dans les courants ou dans les eaux profondes; les 
espèces à stolons se rencontrant généralement sur 
le littoral. — MM. Ch.-Eug. Bertrand et F. Cornaille 
ont étudié les pièces libéro -ligneuses élémentaires 
du stipe et de la fronde des Filicinées actuelles : le 
faisceau bipolaire et le divergeant. — M. Em. Ri- 
vière à étudié les dessins gravés et peints à l'époque 
paléolithique sur les parois de la grotte de La Mouthe 
(Dordogne). Ils représentent des animaux : bison, bou- 
quetin, renne, équidés, un oiseau, et peut- -être un 
mammouth. L'exploration de la grotte n’est pas ter- 
terminée; il reste environ encore 70 mètres à dé ‘blayer. 


ACADÉMIES ET SOCIÉTÉS SAVANTES 


Octobre 1901. 


1 SCIENCES MATHÉMATIQUES. — M. K. Bohlin indique 
une extention d'une formule d'Euler au calcul des 
moments d'inertie principaux d'un système de poinis 
matériels. M. G. Koenigs passe en revue les pro= 
priétés Bénérales des couples d'éléments cinématiques. 

2 SCIENCES PHYSIQUES. — M. L.-J. Simon a constalé 
que l’uréthane se combine directement à l'acide pyru= 
vique, sans agent de condensation, pour donner l'acide. 
diuréthane pyruvique CH*. C(AzH.C0* C?H5CO®H, corps 
blanc cristallisé fondant à 1389-1399. C'est un acide 
assez énergique, qu'on peut tirer alcalimétriquement: 
Chauffé avec l’eau, il régénère ses deux constituants. 
— M. R. Lespieau a reconnu que le corps qu'il avait 
obtenu par l’action non ménagée du brome sur divers 
composés en €? est la dialdéhyde bromée, CHO.CHBr. 
CHO. C'est un corps solide, cristallisé, fondant à 1402 et 
donnant un dérivé potassé. Avec la phénylhydrazine, 
elle se condense en fournissant le 1-phényl-4-bromo- 
pyrazol. — MM. Léo Vignonet F. Gérin ont éludié les 
propriétés réducrices des dérivés nitrés des alcools 
mono et polyalomiques. Jusqu'aux alcools triatomiques 
(glycérine), elles sont nulles. L'érythrite (alcool tétraz 
tomique) réduit faiblement la liqueur de Fehling; la 
mannile et la dulcite (hexatomiques) la réduisent for- 
tement. 

30 SCIENCES NATURELLES. — M. A.-N. Vitzou a observé 


Séance du 7 


que la substance grise de la moelle est excitable, 
comme celle de l'écorce cérébrale, avec les excitants 
artificiels, électriques et mécaniques. — M. N. Vas- 


chide et Ml M Pelletier ont recherché les signes 
physiques de lintelligence sur des élèves des deux 
sexes de l'école de Villejuif. Ils ont reconnu que la 
hauteur auriculo-bregmatique est constamment plus 
grande chez les sujets intelligents que chez les sujels 
non intelligents. Mie C. de Leslie à observé 
que si l'on injecte à la souris blanche male du 
sérum spermotoxique fourni par le cobaye, elle perd 
l'aptitude à la reproduction; son sperme contient 
toujours des spermatozoïdes vivants, mais ils ont perdu 
leur fonction fertilisante. Ils la recouvrent de seize à 
vingt jours après l'injection. — MM. C.-Eug. Bertrand 
et F. Cornaille poursuivent l'étude des pieces libéro- 
ligneuses élémentaires du stipe et de la fronde des 
Filicinées actuelles (divergeant fermé, pièce apolaire, 
masse libéro-ligneuse indéterminée). M. Marin 
Molliard considère que certaines plantes à fleurs 
doubles peuvent provenir d’une association parasitaire 
s'exercant aux dépens des organes souterrains de ces 
plantes. 


Séance du 14 Octobre 1901. 


{° SCIENCES MATHÉMATIQUES. — M. Perrotin commu- 
nique les éléments elliptiques de la comète 1900 €. Cet 
astre appartient au groupe si curieux des comètes jié- 
riodiques dont la capture peut être attribuée à Jupiter. 
— M. A. Davidoglou énonce quelques théorèmes relu- 
tifs aux iutégrales réelles des équations différentielles 
binomes. — M. P. Duhem a reconnu qu'en un fluide 
visqueux, qui est ou mauvais conducteur ou compres- 
sible, ou à la fois mauvais conducteur et compressible, 
on peut observer une onde d'ordre » par rapport à 
certains éléments du mouvement et d'ordre supérieur 
à n pour les autres. Aucune onde n'est possible dans 
un fluide visqueux, incompressible et bon conducteur. 

20 SCIENCES PHYSIQUES. — M. A. Colson a étudié les 
phénomènes calorifiques qui se produisent quand on 
ajoute à des dissolutions plus ou moins chaudes de sel 
de l'eau à la même température. Il a trouvé qu'il existe 


ACADÉMIES ET SOCIÉTÉS SAVANTES 957 
un point fixe auquel le mélange se fait sans change- | cycle évolutif des Orthonectides comprend deux 
ce point est indépendant du | phases : 1° le sporocyste ou phase plasmodiale para- 


“ment de température : 

faux des dissolutions diluées: Pour le sel marin, ce 
point est à 52°. — M. M. Berthelot, comparant les 
ÿ hènomènes observés dans la réaction des acides sur 
+ Esyde d'argent ordinaire, d'une part, sur le peroxyde 
Larcent, d'autre parl, a constaté les résultats suivants : 
“ie Eu opérant à 13° avec Ag°0 ordinaire, récemment 
«précipité, et mis en présence des acides sulfurique, 
“azolique, lactique étendus, à équivalents égaux, la 
“combinaison chimique et la réaction thermique qui en 
“ résulte sont complètes au bout de peu de minutes; 
2° en opérant vers 13°, avec la substance qui résulte 
de l’action immédiate de Ag°0 récemment précipilé sur 

H20: étendu, et en meltant aussitôt cette substance en 
“présence des acides sulfurique, azotique et lactique 
étendus, dans des conditions identiques aux précéden- 
“es, une première réaction chimique et thermique s’ac- 
complit également en peu de minutes. Cette réaclion 
est suivie de certaines autres, beauccup plus lentes; la 
chaleur qui en résulte est minime et son dégasement 
parait se poursuivre indéfiniment. Ces faits confirment 
l'existence de peroxyde d'argent dans le corps obtenu 
par l'action de H*0*. — M. L.-J. Simon, en fai- 
sant réagir l'urée sur l'acide pyruvique, a obtenu, 
dans certaines condilions, l'acide homoallantoïque 
….(AzH°.CO.AzH)*C(CH°)CO®H. Celui-ci, dissous dans l'eau 
chaude, se déshydrate en donnant le pyvurile de Gri- 


… maux : 
SLR A 
DAS 
AzH°.CO.AzH AzH.CO AZI. 


CH* 


“ — MM. Léo Vignon et F. Gérin ont constaté que les 
- dérivés nitrés des alcools à chaine ouverte dont l'ato- 
micilé est égale ou supérieure à # manifestent des 
» propriétés réductrices par rapport à la liqueur cupro- 
potassique. Toutefois le dérivé tétranitré de la pentaé- 
rythrile est dénué de toute propriété réductrice. On 
doit done adinettre que cerlains éthers nitriques ont 
une constitution spéciale. — M. L. Lewin a reliré du 
sang des animaux empoisonnés par la phénylhydrazine 
une matière colorante verte, qu'il nomme hémover- 
- dine. Elle est soluble dans l'alcool, la paraldéhyde, 
l'acétone; son spectre est caractérisé par quatre bandes. 
…. 3° SCIENCES NATURELLES. — MM. Lannelongue, Achard 
et Gaillard ont reconnu que mi le froid modéré, ni 
les variations légères de température n'ont d'influence 
marquée sur le développement de la tuberculose. Au 
- contraire, les variations thermiques brusques et con- 
- sidérables, quoique compatibles avec la vie des cobayes 
sains, ont précipité d'une facon remarquable la marche 
de l'infection. — M, P.-S. de Magalhaes a observé 
* un cas de Piedra sur une jeune dame de Rio de- 
* Janeiro. Il en a isolé le parasite et a observé la forma- 
+ tion des spores, notamment à l'intérieur des filaments. 
. La constitution cellulaire et filamenteuse de la subs- 
tance hyaline qui enveloppe les spores n'avait pas 
encore été signalée. — M. Arm. Gautier, à propos de 
- la note récente de M. Molliard, rappelle qu'il existe des 
“ variations qui sont dues à des causes plus générales 
- que l'hybridation par le pollen. Il les attribue à l’ino- 
- culation directe, dans le protoplasme végétal, de ma- 
tières secrétées par des bactéries ou des parasites. Les 
- mêmes remarques s'appliquent aux animaux. 
- M. G. Bohn a étudié la vie fouisseuse de quelques 
animaux marins (Annélides en particulier); il mon- 
- Lre les modifications qu'ils ont subies et qui ont en 
. partie pour but d'échapper à l'action toxique des mi- 
lieux marins. — M. Raphaël Dubois à constaté que 
le Distomum margaritarum s’enkyste dans le Aytilus 
edulis et y provoque la formation des perles. L'année 
suivante, si le parasite n'est pas mort, il provoque 
la fonte physiologique de la perle, reprend sa vie 
active et se reproduit; les jeunes distomes s’enkys- 
. tent alors de nouveau pour former des perles. — 
MM. M. Caullery et F. Mesnil ont observé que le 


masse … diff 


ESS ls, on mé 


D dde 


site produisant les mäles et les femelles; 2° une phase 
libre, asexuée, représentée sans doule par des embryons 
devenant les plasmodes après pénétration dans l'hôte. 
— MM. A. Laveran et F. Mesnil ont trouvé, chez des 
poissons marins (Soles et Blennies) deux espèces nou- 
velles d'Hémogrégarines : Æ:emogregarina Simondi et 
H. bigemina. — MM. L. Duparc et F. Pearce ont élu- 
dié les roches éruptives du Tilai Kamen (Oural). Ce 
sont des pyroxénites et des gabbros à olivine, ayant 
subi des phénomènes dynamiques intenses, et traversés 
par des filons de clunite et de gabbro-aplites. 
Louis BRUNET. 


ACADÉMIE DE MÉDECINE 


Séance du 8 Octobre 1901. 


M. Hallopeau présente un rapport sur deux {travaux 
de M. Bonnet {de Massiac). Dans l'un, l’auteur fait con- 
naître les propriétés de l’hydrate de chloral comme 
vésicant et ses avantages sur la cantharide, surtout 
pour les grands vésicatoires. Par contre, pour les petits 
vésicatoires employés en ophtalmologie et en dermato- 
logie, le chloral semble n'avoir aucun avantage sur la 
teinture de cantharides. Le second est relatif au traite- 
ment de l’ozène par les irrigations nasales au bleu de 
méthylène; cette méthode a donné d'excellents résultats. 
— M. Hervieux rend compte d’un travail du D' Gros 
qui propose la formation de vaccinateurs indigènes 
pour combattre le fléau de la variolisation en Algérie et 
Tunisie. 


Séance du 15 Octobre 1901. 


M. Sevestre lit le rapport sur le concours pour le 
prix Alvarenga. — M. Huchard lit le rapport sur le 
Prix Mège. — M. P. Brouardel communique le rapport 
sur le concours pour le prix Clarens. — M. Ehrmann 
présente quelques considérations sur 4 cas de palato- 
plastie en deux temps daus les divisions congénitales 
du palais. L'opéralion en deux temps, quoique exigeant. 
une double chloroformisation et une durée de traite- 
ment plus longue, présente des suites opératoires plus 
simples et une guérison plus certaine. 


SOCIÉTÉ DE BIOLOGIE 
Séance du 5 Octobre 1901. 


MM. F. Widal et L. Le Sourd ont recherché par 
le procédé de fixation de Bordet l'époque d'appari- 
tion de la seusibilisatrice dans le sérum des typhiques. 
La réaction de fixation ne saurait être considérée 
comme un témoin de l’immunité. — M. L. Camus à 
reconnu que l'état de lactation n'empêche pas les 
chiennes d'être sensibles aux injections de lait. Elles 
sont sensibles aux injections de lait de vache et elles 
peuvent l'être aussi aux injections de leur propre lait. | 
— M.J.Ch. Roux a constalé que la peptone parait être 
un des excitants moteurs de l'estomac; dans certaines 
conditions, elle paraît mettre en train l'évacuation de 
l'estomac; toutefois, sous son influence, cette évacua- 
tion ne se fait pas en bloc, mais progressivement. — 
M. Ch. Julliard a vérifié que l'albumine en solution 
n'a aucune action spécifique sur les hémalies, sur les- 
quelles elle n’agit qu'en raison de sa tonicilé seulement. 
Elle n'abaisse le point de congélation d’une solution 
que d'une facon très restreinte et provoque le laquage 
du sang, même à des concentrations relativement très 
élevées. — M. G. Delamare a reconnu qu'on peut 
observer dans le‘tissu ganglionnaire sain des hématies 
à noyaux. — M. M. Molliard rappelle qu'on peut obte- 
nir expérimentalement la transformation des étamines 
du chanvre en carpelles, à des degrés très variables: la 
cause de ces variations parait résider dans l'action 
d'une faible intensité lumineuse, mais elle peut être 
plus complexe. — M. A. Slatineano a provoqué la sep- 
ticémie expérimentale par le bacille de Pfeiffer chez le 


938 


ACADÉMIES ET SOCIÉTÉS SAVANTES 


cobaye, le lapin et-la souris. Il est parvenu également à 
immuniser ces animaux contre la maladie; le sérum 
des immunisés jouit de propriétés préventives. 


Séance du 12 Octobrè 1901. 


M. Et. Sergent a observé queles Anopheles sont très 
communs dans la vailée de l'Essonne, bien que l'endé- 
mie palustre ait disparu de cette région. — MM. Caul- 
lery et F. Mesnil : Sur la phase libre du cycle évolutif | 
des Orthonectides (voir p. 937). — M. E. Maurel a re- 
connu que les doses minima mortelles de chlorhydrate 
d’émétine par la voie hypodermique, aux titres de 0,5 
à { gramme pour 10 grammes d’eau distillée, sont de 
0,15 gramme par kilogramme pour le congre, le pigeon 
et le lapin, et de 0,25 gramme pour la grenouille. I ré- 
sulte d’autres expériences que, pour le lapin et pour 
le chlorhydrate d'émétine aux titres employés, la dose 
minima mortelle est sensiblement la même pour la 
voie gastrique et pour la voie hypodermique, landis 
qu'elle est cinq fois moindre pour la voie intra-vei- 
neuse. — M. E. Castex, au moyen d'un nouvel appa- 
reil qu'il nomme réflexomètre rotulien, a mesuré la 
valeur normale du réflexe rotulien. Elle est, chez 
l'homme ou la femme adulte, de 130 grammes-centi- 
mètres sur une surface de choc de 1 centimètre carré. 
— M.Aug. Mizzoni a isolé, des eaux du vieux port de 
Marseille, un nouveau microbe pathogène, sous forme 
d'un bâtonnet droit, cylindrique, qui, par la culture, 
devient trapu. Ses milieux de cullure exhalent rapide- 
ment une odeur putride. — M. Ch. Féré signale un cas 
d'épilepsie réflexe provoquée par la miction et la défé- 
cation. — M. H. Milian montre que le cytodiagnostic 
peut être d’une très grande utilité pour le diagnostic et 
l'étude pathogénique des affections du rein. — MM. Tuf- 
fier et Milian ont observé, chez une femme atteinte de 
brûlures, une hémoglobinurie provenant de l'action 
hémolysante de l’uriue. — MM. P. Nobécourt et G. De- 
lamare ont reconnu, par l'examen cryoscopique des 
urines, que la grossesse, à n'importe quelle période, ne 
détermine aucun ralentissement de la circulation 
rénale. 


SOCIÉTÉ ROYALE DE LONDRES 


1° SCIENCES PHYSIQUES. 


J. Dewar : Le nadir de la température et les 
problèmes qui s’y rattachent. — 1° Les propriétés 
plysiques de l'hydrogène solide et liquide. Le point 
d’ébullition de l'hydrogène, mesuré au thermomètre à 
hélium, est de 20,5, et son point de fusion de 46°. La 
chaleur latente d’ébullition de l'hydrogène est de 200 
unités et sa chaleur latente de fusion de 16 unités. Sa 
chaleur spécifique moyenne entre ses points de fusion 
et d'ébullition est de 6. L'hydrogèue obéit à la loi de 
Dulong et Petit et possède la plus grande chaleur spé- 
cifique connue. 

La tension superficielle de l'hydrogène à son point 
d'ébullition est environ le 1/5 de celle de l'air liquide 
dans les mêmes conditions; elle ne doit pas dépasser 
le 1/35 de celle de l’eau à la température ordinaire. 
Son indice de réfraction à l'état liquide est de 4,12; il 
concorde avec celui prévu par la théorie. 

2° Séparation d'hydrogène libre et d'autres gaz de 
l'air. En liquéfiant l'air dans certaines conditions, qui 
empêchent les gaz les plus volatils de se dissoudre dans 
la partie liquéfiée, on obtient un résidu composé de : 
I 32,5 °/,; Az 8 °/,; hélium, neon, etc., 60°. Après 
élimination de l'hydrogène et de l'azote, le néon peut 
être solidifié par refroidissement dans l'hydrogène 
liquide, et il ne resteque les portions les plus volatiles. 
On peut obtenir un autre constituant de l’air sans re- 
courir à la liquéfaction de ce dernier. On aspire une 
grande quantité d'air à travers un tube rempli de laine 
de verre et immergé dans l'air liquide; si l'on réchauffe 
ensuite Je tube, il se dégage un gaz qui s'était condensé 
et qui est formé en majeure partie de xénon. 


3° Thermométrie au moyen de résistances électri- 


ques au point d'ébullition de l'hydrogène. Sept thermo“ 
mètres ont été étudiés : deux en platine, un en or, en 
argent, en cuivre et en fer, un en alliage platine-rho= 
dium. Le {thermomètre d'or donne le plus bas point d 
fusion : 239,5 au lieu de 20°5 indiqué par le thermo 
mètre à héliam. Les métaux présentent une diminutio 
extraordinaire de leur résistance au point d’ébullitio 
de l'hydrogène; elle n'est plus pour le cuivre que 
1/105, pour l'or que 1/30, pour le platine que 1/35 à 
1/17, pour l'argent que 1/24, pour le fer que 4/8 de 
leur résistance dans la glace foudante. La loi reliant 
la résistance électrique à la température entre ces 
limites est inconnue, et aucun thermomètre à résis 
tance ne peut être employé pour obtenir des tempéra= 
tures exactes aux environs du point d'ébullition de 
l'hydrogène. 

4° Expériences sur la liquéfaction de l'hélium à 
point d'ébullition de l'hydrogène. Les essais n'ont jus= 
qu'à présent donné aucun résultat; l'hélium a été re- 
froidi jusqu'à 9° ou 10° absolus sans apparence de 
liquéfaction. Il est vrai qu'à cause de sa faible réfrac- 
tivité, la formation de goutteleltes sera très difficile à 
constater. Il est probable qu'on ne pourra liquélier 
l'hélium, qui paraît avoir un point d'ébullition de 59 
absolus, qu'en le soumettant au même processus qui à 
réussi pour l'hydrogène : emploi de l'hydrogène liquide 
bouillant sous pression réduite et récolte du liquide 
produit dons des tubes à vide entourés d'hydrogène 
liquide. 

5° Phosphorescence et pyro-électricité des corps 
aux basses températures. Le sulfure de zine, refroidi 
à 21° absolus et exposé à la lumière, présente une bril=" 
lante phosphorescence lorsque la température remonte. 
Le radium conserve sa luminosité à l'obscurité dans» 
l'hydrogène liquide. 

L'action photographique persiste, quoique diminuée. 

Quelques cristaux placés dans l'hydrogène liquide 
deviennent pour un temps très lumineux, par suite des 
décharges électriques que le refroidissement produit 
entre les molécules du cristal. L’air liquide étant très 
isolant, ce fait montre que le potentiel électrique en- 
gendré par le refroidissement doit être très élevé. 
Quand le cristal refroidi est réchauffé, la luminosité et" 
les décharges électriques persistent jusqu'à la tempé- 
rature ordinaire. Un cristal de nitrate d'uranium est 
tellement chargé que, quoique sa densité soit 2,8 par” 
rapport à celle de l’air liquide, il ne tombe pas au fond, 
s’attachant au bord du vase et exigeant une force me- 
surable pour en être détaché. 


Hertha Ayrton : Le mécanisme de l'arc électri- 
que. — L'objet de ce mémoire est de montrer qu'en 
appliquant les lois ordinaires de la résistance, du 
réchauffement, du refroidissement et de la combus- 
tion de l'arc, considéré comme une rupture dans un 
circuit fournissant son propre conducteur par la volatili- 
sation de sa malière propre, on peut expliquer tous les 
phénomènes principaux qui se passent sans faire inter- 
venir l'existence d’une grande force coutre-électro- 
motrice, ou d’une résistance négative, ou de tout autre 
attribut spécial. 


XV. KR. Dunstan ef T. A. Henry : La nature et 
l’origine du poison du Lotus arabicus. — Les auteurs 
ont déjà donné un compte rendu préliminaire de ces 
recherches ! et ont montré que la propriété vénéneuse 
de ce fourrage égyptien est due à l’acide prussique qui 
se forme pendant que la plante macère dans l’eau, au 
moyen de l’action hydrolytique d'une enzyme, la lotase,… 
sur un glucoside, la lotusine, laquelle est décomposée 
en acide cyanhydrique, dextrose et lotoflavine, une 
matière colorante jaune. 

Les auteurs ont continué leurs recherches dans le 
but de fixer les propriétés et la constitution chimique 
de la lotoflavine et de la lotusine, et aussi d'étudier les 


* Voyez à ce sujet la Revue du 30 octobre 1900, p. 1156. 


ropriétés de la lotase en relation avec celles d'autres 
enzymes hydrolytiques. 

Lotusine. — La lotusine peut être séparée d'un ex- 
frait alcoolique de la plante par un procédé ingénieux 
qui donne un très petit rendement, environ 0,025 °/, 
La lotusine est un glucoside cristallin jaune, plus so- 
Juble dans l'alcool que dans l’eau. Quand on la chauffe, 
elle se décompose graduellement sans montrer aucun 
point fixe de fusion. Les combustions d’une substance 
puriliée spécialement donnent des nombres d'accord 
vec ceux déduits de la formule C**H**Az0#°, 

Dans la notice préliminaire, la formule C*H‘Az0" 
avait été provisoirement assignée à la lotusine, d'après 
l'idée qu'une seule molécule de dextrose est formée 
dans son hydrolyse. La formule donnée ci-dessus comme 

ésultat d'une analyse ultime, est confirmée par l'ob- 
Servation que deux molécules de dextrose sont produites 
par l'hydrolyse acide, laquelle est donc représentée 
par l'équation : 


CH31Az016 + 2H°20 — 2 CH!°06 + HCAz + C!H!06 
Lotusine. Dextrose. Acide  Lotoflavine. 
prussique. 


Quand une solution de lotusine est chauffée avec de 
l'acide chlorhydrique dilué, l'hydrolyse se produit de 
suite. Le liquide acquiert une forte odeur d'acide 
cyanhydrique el un précipité cristallin jaune de lotofla- 
vine se dépose, tandis que la solution réduit fortement 
Ja liqueur de Fehling. L'acide sulfurique dilué produit 
seulement très lentement l'hydrolyse de lotusine. 

Quand elle est chauffée avec des alcalis aqueux, la 
» lotusine est graduellement décomposée; de l’ammo- 
niaque se dégage et un acide se forme auquel on à 
donné le nom d'acide lotusinique : 


: C*#H#1016 E 21H20 — CH#0!8 + AzH°. 

À 

- L'acide lotusinique est un acide monobasique qui 
- fournit des sels cristallins jaunes. Il est rapidement 
. hydrolysé par des acides dilués en formant de la loto- 
- flavine, du dextrose et de l'acide heptogluconique 
- (acide dextrose-carboxylique) : 


CESH0 + 2H20 — CIO + CeHO® + CHAOS 
Acide Lotoflavine. Dextrose. Acide 
lotusinique. heptogluconique. 


à 

à 

| A l'exception de l'amygdaline, la lotusine est le seul 

- glucoside entièrement connu qui fournisse de l'acide 

| prussique comme produit de décomposition. 

/ Lotollavine. — La lotoflavine est une matière cris- 
talline colorante jaune, rapidement dissoute par l'alcool 

4 ou par l'acide acétique glacial chaud, et aussi par les 
alcalis aqueux qui forment des solutions jaune clair. 

- Elle est toujours présente en quelque mesure dans les 
plantes, spécialement dans les plantes vieilles. L'ana- 
lyse ultime conduit à la formule C‘*H!0°, Elle est donc 

 isomérique avec la lutéoline, la matière colorante jaune 

- du Æeseda luteoja, et avec la fisétine, matière colorante 

| jaune du Zhus cotinus. La morine, du Morus tinctoria, 

. parait être l'hydroxylotoflavine. 

- La lotoflavine ne forme pas de composés avec les 
acides minéraux. Elle fournit un dérivé tétracétylé et 
deux éthers triméthyliques isomériques mutuellement 

. convertibles, qui sont capables de former une seule et 

» même acétyl-triméthyl-lotoflavine. Par l'action de la 
potasse fondue, la lotoflavine est convertie en phloro- 

. glucine et en acide £-résorcylique. 

Dextrose. — On a trouvé que le sucre qui résulte de 
l'hydrolyse possède toutes les propriétés du dextrose 

. ordinaire. 

… Acide eyanhydrique. — On a déterminé la quantité 

d'acide prussique fourni par les plantes à différentes 

époques de leur croissance, Des plantes mûres portant 

. des gousses ont fourni 0,345 °/, de cet acide, calculé 
sur une substance séchée à l'air, ce qui correspond 

à 5,23 °/, de lotusine. De plus jeunes plantes ayant des 

boutons donnent 0,25 ‘/,, tandis que des quantités 


ACADÉMIES ET SOCIÉTÉS SAVANTES 


939 


encore plus petites sont fournies par de très jeunes 
plantes, et presque rien par de vieilles plantes dont les 
graines sont tombées. 

La formation du poison paraît donc atteindre son 
maximum à la période des graines, et, après celle 
période, elle diminue rapidement. Les Arabes savent 
que la plante est bonne à être employée comme four- 
rage lorsque les graines sont tout à fait müres, mais 
pas avant. Nous avons découvert que c'est la lotusine 
qui disparait pendant que les graines mürissent. Les 
vieilles plantes contiennent une certaine quantité de 
lotase et de lotoflavine, mais peu ou point de lotusine. 

Lotase. — Dans ses propriétés générales, la lotase 
ressemble aux autres enzymes hydrolytiques, desquels 
cependant elle diffère à plusieurs points de vue impor- 
tants. Elle peut être comparée à l'émulsine, l'enzyme 
des amandes amères. L'émulsine cependant n'attaque 
la lotusine que très lentement, tandis que la lotase x 
seulement une faible action sur l'amygdaline, le gluco- 
side des amandes amères. La lotase est beaucoup plus 
rapidement détériorée et privée de son pouvoir hydro- 
lytique que l'émulsine. C'est pourquoi il est difficile de 
l'isoler à l'état solide. Son pouvoir disparait rapide 
ment, non seulement par la chaleur, mais il est aussi 
rapidement détruit par le contact avec l'alcool ou la 
glycérine. En outre de la lotase, la plante contient un 
enzyme amylolytique et un enzyme protéolytique. 

Constitution de la lotoflavine et de la lotusine. — En 
considérant ces réactions et spécialement la production 
par l’action des alcalis fondus d'un acide G-résorcy- 
lique et de la phloroglucine, les auteurs concluent que 
la lotoflavine est représentée par la formule suivante : 


0 on 
- 
OR VEN ÿoH 


NES 
OH CO 


qui est celle d’un composé appartenant à la même 
classe (des phéno-y-pyrones phénylées) que ses iso- 
mères, la lutéoline et la fisétine. La particularité mon- 
trée par la lotoflavine, qui contient quatre groupes 
hydroxyles mais fournit seulement un éther lrimé- 
thylique, s'explique par le fait qu'un des groupes 
hydroxyles est en position ortho par rapport à un 
groupe carbonyle. 

Les réactions de la lotusine sont le mieux repré- 
sentées par la formule suivante : 


0 .0H 
A ne 
CO CHE OA NL ou 
el Fe 
AZ V4 
OH CO 


qui est celle d’un éther lotoflavinique de maltose- . 
cyanhydrine. 

Cette formule explique d'une facon satisfaisante 
l'hydrolyse partielle du glucoside par les alcalis, qui 
donne l'acide lotusinique et l’ammoniaque, et la dé- 
composition de la substance par les acides qui donnent 
la lotoflavine et l'acide maltose-carboxylique, lequel 
est immédiatement décomposé en dextrose et en acide 
heptogluconique. Elle rend compte aussi de lhydro- 
lyse de la lotusine, par les acides, en lotoflavine et 
maltose, qui est ensuite changé en dextrose. 

Pour localiser la position du groupe cyanogène dans 
la lotusine, on à recherché si les différentes cyanhy- 
drines de constitutions connues fournissent de l'acide 
cyanhydrique quand on les traite par l'acide chlorhy- 
drique dilué. On a trouvé que le nitrile mandélique, la 
lévulose-cyanhydrine et le pentacétyl-glucenitrile, 
dans lesquels le groupe cyanogène occupe une position 
analogue à celle qu'on lui a assignée dans la, formule 
suggérée pour la lotusine, sont, comme la lotusine, 
aisément décomposés par l'acide chlorhydrique dilué 


90 


ACADÉMIES ET SOCIÉTÉS SAVANTES 


en formant de l'acide prussique et l’aldéhyde ou Ja 
cétone correspondante. 


20 SCIENCES NATURELLES. 


A. D. Waller : Essai de détermination de la 
vitalité des graines par une méthode électrique. — 
L'auteur rappelle la méthode qu'il a indiquée précédem- 
ment pour reconnaitre l'existence de la vie. Appelons 
« coup de feu » (blaze current) le signe galvanomé- 
trique d'un changement soudain produit localement 
dans la matière vivante; on appellera «coup de feu non 
équivoque » le courant excité de mème direction que 
le courant excitant; ce ne peut donc être un contre- 
courant de polarisation. Or, d’après l'auteur, la pré- 
sence d’un coup de feu non équivoque ou homodrome 
est une preuve positive que l’objet examiné est en vie; 
l'absence de cet effet est une forte présomption qu'il 
soit mort où plutôt non vivant. Caril peut être dans cet 
état paradoxal d’immobilité que l'on appelle vie latente, 
et qui ne présente pas de coup de feu; puisqu'il est 
capable de se réveiller, il n’est done pas mort. C’est 
pourquoi l'auteur adopte la catégorie plus générale des 
substances non vivantes. L'auteur formule donc la règle 
suivante : Si les réponses produites par des courants 
induits simples dans les deux sens sont de méme 
direction que ces courants, l'objet examiné est en vie. 

En pratique, parle fait que la plupart des objets exa- 
minés ne sont pas physiologiquement homogènes, il y 
a une direction favorable et une direction défavorable 
à la réponse; c'est pourquoi il faut essayer le courant 
dans les deux sens. Quand les objets sont à peu près 
physiologiquement homogènes, il peut y avoir réponse 
non équivoque dans les deux sens, mais il est rare 
que les deux coups de feu soient égaux et opposés. Il y 
a donc lieu de distinguer trois cas : 

1° Les deux réponses à des excitations simples dans 
les deux sens sont homodromes aux courants excitants; 
l'objet est en vie; 

2° Les deux réponses sont de même sens; l'objet est 
en vie; 

3° Les deux réponses sont dans la direction de pola- 
risation ; l’objet est non-vivant. 

La valeur électromotrice du coup de feu excède géné- 
ralement de beaucoup celle d'un courant de polarisa- 
tion ordinaire; pour des graines vigoureuses, elle peut 
alteindre 0,1 volt, tandis que le courant de polarisation 
arie de 0,0005 à 0,001 volt. Il ne peut y avoir d'hési- 
lation que pour des graines très faibles qui donnent un 
coup de feu de l’ordre du courant de polarisalion ; mais 
celles-ci peuvent être pratiquement considérées comme 
mortes, car elles ne germeut généralement pas. 

La figure 1 donne la disposition d'une expérience 
pour la détermination de la vitalité d’une graine par la 
méthode électrique. Un haricot fraîchement écossé et 
non brisé est placé latéralement entre deux électrodes 
non polarisables À et B. 1° 11 donne un coup de feu 
dans la direction négative en réponse à une excitation 
induite négative. 2° La même graine, après qu'on a 
coupé une tranche à sa surface inférieure B, donne des 
coups de feu dans la direction négative en réponse à une 
excitation positive (coup de feu équivoque) et à une 
excitation négative (coup de feu non équivoque); c’est 
le contraire qui se produit si la tranche a été coupée à 
la surface supérieure A, 3° Une graine bouillie ne donne 
aucune réponse, mais seulement de faibles contre-cou- 
rants de polarisation. 

Par sa méthode, M. Waller a étudié la détérioration 
des graines avec l'âge et il l’a vérifiée par des essais 
comparatifs de germination. Pour les vieilles graines, la 
méthode à été modifiée comme suit : Les graines sè- 
ches sont trempées dans l'eau pendant douze heures à 
259, puis posées sur de la flanelle mouillée pendant un 
jour; elles sont décortiquées, séparées en deux, et la 


radicule détachée et placée entre les deux électrodes de 
facon que l’apex touche l'électrode inférieure B. Le cou- 


rant d'excitation était négatif. D'autre part, des essais 
de germination ont été faits soit sur [a même graine, 


soit sur des graines du même lot. 


Le résultat général de nombreuses expériences est 


une correspondance générale, quoique non complète, 


entre la production de coups de feu et l’activité germi-M 


nale. L'existence d’un courant de réponse est bien un 
signe de vie, et sa grandeur peut en quelque sorte me- 
surer la vitalité. Lorsque la vitalité est grande, les deux 
épreuves sont toujours concordantes; ce n’est que 
Jorsque la vitalité est très faible qu'il y a des chances 
de discordance entre les deux épreuves. Les graines 


Josiive 


2017807 
Do 624 


Cmpénsateur 


URUE 


EX Ojet à 
3 etamirer 
Ævcitateur 
Fig. 1. — Schéma d'une expérience pour déterminer la vila- 
lité des graines par la méthode electrique. — L'appareil 


se compose : 40 d'un compensateur pour balancer tout 
courant accidentel dans le circuit et mesurer la f. 6. m. 
de réaction, 2° d'une bobine d'induction pour produire 
l'excitation; 30 de l'objet à examiner: 4° d'un galvano- 
mètre. — En haut, on voit la disposition de la graine et 
des électrodes À et B; les expressions « positive» et 
« négative » signifient que l'excitation va respectivement 
de B à À et de À à B. 


fraîches et vigoureuses offrent un fort coup de feu 
(0,05 volt ou plus) et germent rapidement. Des graines 
plus vieilles et moins vigoureuses présentent uue ré- 
ponse moins accusée (0,01 volt au moins) et une germi- 
nation moins active. Enfin, les graines très vieilles, 
incapables de germer même dans les conditions les 
plus favorables, présentent une réponse de 0,001 volt 
ou moins, ou nulle. ou encore un faible contre-couranf 
de polarisalion de 0,0005 volt en moyenne. 


ERRATUM 


P. 887, 2° colonne : 
1° ligne, au lieu de comparaison entre la self- 
induction, lire : comparaison entre l'action de la 
self-induction ; 
9e ligne, au lieu de Hagberssel, lire : Hasselberg." 


Le Directeur-Gérant : Louis OLIVIER. 


Paris. — L. MARETHEUX, imprimeur, 1, rue Cassette. 


À 
à 


Ë 12: ANNÉE 


_ 


DIRECTEUR : 


N° 21 


15 NOVEMBRE 1901 


Revue générale 


Des Sciences 


pures el appliquées 


LOUIS OLIVIER, Docteur ès sciences. 


Adresser tout ce qui concerne la rédaction à M. L. OLIVIER, 22, rue du Général-Foy, Paris. — La reproduction et la traduction des œuvres et des travaux 
publiés dans la Revue sont complètement interdites en France et dans tous les pays étrangers, y compris la Suède, la Norvège et la Hollande. 


$ 1. — Astronomie 


- Un changement à longue période des ta- 
“ches solaires. — Dans une récente séance de 
la Société Royale de Londres, sir William Lockyer a 
présenté une Note importante sur l'activité solaire 
“pendant la période qui s'étend de 1833 à 1900. Ce sa- 
“ant a principalement appelé l'attention sur la décou- 
“erte qu'il vient de faire, dans la manifestation des 
“taches solaires, d'une nouvelle variation périodique 
dont la durée est d'environ trente-cinq ans. 

—…. On sait depuis longtemps, et Rudolf Wolf, de Zurich, 
fut le premier à le signaler, que si la longueur d’une 
période de taches solaires est en moyenne de onze ans, 
a longueur réelle de toute période peut différer de 
cette valeur de plus ou moins deux ans. Un autre fait 
lobservation consiste en ce que les époques des 
maxima ne se présentent pas un nombre constant 
d'années après le minimum précédent : Wolf a déter- 
miné l'intervalle moyen comme étant égal à quatre ans 
et demi. — Le minimum suit le maximum dans un 
intervalle moyen de six ans et demi. 

On a remarqué, de plus, que l'intensité de chaque 
période, autrement dit la quantité totale de surface 
tachée comprise entre un minimum et le minimum 
suivant, n'est pas constante : Wolf croyait que ces 
“quantités devaient révéler une certaine périodicité, et 
“il supposa d'abord que la période était de 178 ans, 
plus tard de 55,5 — ou un cycle embrassant cinq 
hpériodes de onze ans. 

Dans son travail actuel, sir William Lockyer s’est 
“limité à l'intervalle de temps qui s'étend de 1833 à 
“1900, intervalle pendant lequel on fit des observations 
systématiques précises de la surface solaire ; et comme 
“les chiffres relatifs de Wolf s'accordent bien avec les 
faits d'observation de cette période, sir William Lockyer 
“na pas hésité à les employer. 

— Enfin les importants résultats magnétiques obtenus 
par William Ellis ont servi de contrôle à tout le travail, 
“pour montrer que les courbes relatives aux éléments 
“magnétiques sont en complète harmonie avec celles 
des taches solaires : toute variation déterminée des 
“courbes des taches doit avoir sa contre-partie dans les 
“courbes magnétiques. 


? REVUE GÉNÉRALE DES SCIENCES, 1901. 


CHRONIQUE ET CORRESPONDANCE 


La discussion de ces soixante-huit années d'observa- 
tions conduit à l’importante conclusion que: au-des- 
sous de la période ordinaire d'environ onze ans des 
taches, il existe un autre cycle de plus grande ampli- 
tude, environ trente-cinq ans. Ge cycle modifie non 
seulement le moment des maxima, relativement aux 
minima précédents, mais produit encore des change- 
ments dans toute la surface tachée, d'une période de 
onze ans à une autre. 

Du moment qu'il y a, en plus de la période undécen- 
nale bien connue, un autre cycle embrassant environ 
trente-cinq ans, indiqué par les changements dans les 
époques des maxima aussi bien que par les variations 
de surface des périodes undécennales consécutives des 
taches et du magnétisme, il est naturel de supposer 
que cette variation à longue période est l'effet d'un 
cycle de perturbation dans l'atmosphère solaire elle- 
même. 

Si le cycle était assez intense, il produirait une 
variation dans la circulation normale de l'atmosphère 
terrestre, et il devrait être marqué dans les phéno- 
mènes météorologiques. 

Or, nous devons précisément à Ed. Brückner un 
travail important sur les changements des climats : 
l'auteur y traite les variations de la hauteur de l'eau 
des mers intérieures, des lacs et des rivières; les varia- 
tions dans la quantité de pluie tombée, la pression 
barométrique et la température, dans le mouvement 
des glaciers, dans la fréquence d’hivers froids, dans le 
développement des vignes, etc. Brückner, comme 
résultat de toutes ses recherches, a trouvé l’exis- 
tence d'une variation périodique des climats sur 
toute la Terre dont la période moyenne est d'environ 
34,8 + 0,7 ans. 

Brückuer était tellement convaincu des incontestables 
modifications climatologiques qu'il avait déduites, et 
tellement sûr que de telles variations ne sauraient être 
causées que par une influence extérieure, qu'il avait 
examiné les données de Wolf sur les taches solaires, 
afin de voir s’il n’y avait aucune trace d’un cycle sem- 
blable ; n’en trouvant pas, il osa affirmer qu'une varia- 
tion analogue à celle qu'il cherchait devait exister dans 
le Soleil, bien qu'elle puisse être indépendante des 
taches. Il finit par conclure que les variations des cli- 


21 


° 942 


CHRONIQUE ET CORRESPONDANCE 


mats constituent le premier symptôme d'une variation 
à longue période dans le Soleil, période que l’on décou- 
vrirait plus tard. 

Mises en regard de la période d'activité solaire indi- 
quée par sir W. Lockyer, les conclusions de Brückner 
sont d’un puissant intérêt, parce que, non seulement la 
longueur de la période, mais aussi les époques critiques 
de son cycle sont en parfaite harmonie avec les con- 
clusions de sir William Lockyer. 

Le professeur Ed. Richter a également trouvé un 
cycle de trente-cinq ans dans une recherche détaillée 
du mouvement des glaciers, et il attira l'attention sur 
ce fait que les variations étaient, en général, d'accord 
avec les modifications climatériques de Brückner 
cependant la période glaciaire était accélérée pendant 
les phases humides et fraîches. 

Charles Egeson a trouvé, lui aussi, non seulement 
une période séculaire de trente-trois à trente-quatre 
ans dans la chute de la pluie, la production des orages 
et la prédominance des vents d'ouest en avril pour 
Sydney, mais encore que les époques des maxima de 
ces deux derniers concordent avec celles du cycle de 
trente-cinq ans déduit des taches. 

Nous citerons encore rapidement à ce sujet les 
recherches de Meldrum et Poey sur la correspondance 
entre le maximum des cyclones et celui des taches 
solaires, ainsi que les indications de Kæppen sur la 
correspondance entre la température moyenne annuelle 
et la variation des taches, etc... Sans doute, pour se 
distinguer des prévisions aléatoires des fabricants 
d’almanachs, les météorologistes ont écarté dès le 
début d'une manière très violente l'idée de périodicité; 
elle a encore des adversaires acharnés et, cependant, 
la question entre véritablement dans une voie nouvelle, 
scientifique, et du plus haut intérêt pour la transmis- 
sion de la force à l’intérieur du système solaire. 

Il ne paraît donc pas douteux que, pendant la pé- 
riode 1833-1900, les phénomènes météorologiques, le 
nombre des aurores et d'orages magnétiques, montrent 
des variations d’une période voisine de trente-cinq ans 
et dont les époques cadrent bien avec celles des varia- 
tions des taches solaires. Comme nous entrons mainte- 
nant dans une phase qui tend vers un nouveau maxi- 
mum de taches — qui devrait correspondre comme 
intensité et comme époque à celui de 1870,8 — il sera 
intéressant d'observer si tous les phénomènes solaires, 
météorologiques et magnétiques vont se répéter dans le 
même ordre. 


$S 2. — Mécanique expérimentale 


Essai des métaux à la flexion par choc de 
barreaux entaillés. — Une nouvelle méthode d’es- 
sai des métaux, qui préoccupe vivement consommateurs 
et producteurs de métaux, a été exposée tout récem- 
ment devant la Société des Ingénieurs Civils par notre 
collaborateur M. Charpy‘, dont on se rappelle les beaux 
travaux sur la trempe des aciers. On sait que l’essai de 
traction, si préconisé autrefois, ne renseigne pas sufli- 
samment sur les propriétés mécaniques d’un métal, et 
qu'en particulier il n'y a pas de corrélation entre la 
résistance d'un métal aux efforts statiques, et sa résis- 
tance aux efforts dynamiques. Aussi, pour le matériel 
des chemins de fer, on pratique depuis longtemps l'essai 
au choc en vue de la réception des essieux et des ban- 
dages, mais cet essai se fait pour ainsi dire en grand 
sur quelques spécimens que l’on prélève dans un lot et 
qui sont sacrifiés. Lorsqu il ne s’agit pas d’une fabrica- 
tion en série, l'essai de choc a lieu sur des barreaux 
détachés de la pièce, et la rupture de ces éprouvettes, 
d'une section généralement carrée, est obtenue sous 
les chocs répétés d’un mouton tombant d’une hauteur 
plus ou moins élevée. Le nombre des coups sert à 
différencier les résistances, et on admettait jusqu'à 


! Mémoire de la Socièté des Ingénieurs civils de France, 
Bulletin de juin 1901. 


ces derniers temps que deux barreaux supportant Je 
même nombre de coups de mouton étaient identiques: 
au point de vue de la fragilité. M. Charpy, reprenant 
les essais de MM. André Le Chatelier, Auscher, Barba 
Frémont et Le Blant, montre la nécessité qu'il y à 
modifier l'essai précédent en préparant la ruptun 
de la barrette par une entaille faite à l'outil. 25 ba 
reaux d'acier doux, de qualité courante pour lamis 
nés, classés par ordre de résistance croissante à a 
traction depuis 34 kil. 8 jusqu’à 50 kil. 4, ont supporté 
sans casser 15 coups d’un mouton de 18 kilos tombant 
d'une hauteur de 2,75, et ont été ensuite pliés à bloc 
sans criques notables. Ils devaient donc être après cela 
considérés comme non fragiles, et sensiblement équiva 
lents. On pratiqua sur des barreaux identiques, pri 
dans les mêmes barres, une entaille d’une profondeut 
égale à la moitié de l'épaisseur du barreau, et l’ordre 
primitivement établi dans le classement des éprou 
vettes fut totalement bouleversé. Certains métaux 
parmi les plus doux, furent démontrés nettement infé 
rieurs aux autres, et les nombres de coups de mouton 
varièrent de 4 à 5. Le nouvel essai dénonce donc cer 
tains métaux qui, recus avec les exigences des cahiers. 
de charges actuels, auraient pu donner lieu en service 
à de graves mécomptes. 

M. Charpy a apporté au mode d'essai sur barreaux 
entaillés une amélioration importante, qui va contri 
buer à en généraliser très rapidement l'application 
Les différents expérimentateurs avaient adopté jus 
qu'ici des entailles de formes très variées. M. Le Chate 
lier pratiquait un trait de scie de 1n" X 1m; M. Aus= 
cher obtenait au moyen d’un burin une coupure trian= 
ulaire équilatérale de 1 millimètre de côté; M. Barba 
aisait d’abord une rainure avec un outil de raboteuses 
et en terminait le fond au moyen d’un couteau d’acie 
trempé, à angle vif, enfoncé à la presse. Dans d’autres! 
essais, ce fond était constitué par un arrondi d’un rayon 
ne dépassant pas deux dixièmes de millimètre. Tous! 
ces types d’entailles pouvaient varier avec l’état de 
l'outil employé, et le service plus ou moins prolongé de 
cet outil. Le trait de scie a une section parfaitemenk 
rectangulaire et à angles vifs avec une scie neuve, mais 
qui s’arrondit au fur et à mesure que les dents de 
l'outil s'émoussent. Les burins et autres instruments 
tranchants ne restent pas à la longue identiques 
eux-mêmes, et comme le résultat de l'essai est com 
plètement modifié suivant que les entailles sont 
fonds plus ou moins arrondis, la description de l'outil 
adopté pour pratiquer l’entaille type ne suffit pa 
pour définir celle-ci dans un cahier des charges: 
M. Charpy a tourné la difficulté d'une facon très heu 
reuse. Il s'attache à donner au fond de l'entaille un 
rayon bien défini, et assez considérable pour que les 
variations inévitables dans le travail n'aient qu'une 
influence négligeable. Pour cela, il perce dans le bars 
reau, à la moitié de sa hauteur, un trou cylindrique de 
2 millimètres où # millimètres de rayon, aû moyen 
d’une mèche hélicoïdale et d’un alésoir, estimant avec 
raison que les stries ont moins d'influence lorsqu'elles 
sont produiles par un outil travaillant perpendiculai 
rement à la direction de l’entaille. Celle-ci est achevée 
par un trait de scie entre le trou et l’une des faces d 
barreau. C'est là un procédé simple à définir, et per 
mettant de reproduire en tout temps des entailles 
identiques. | 

M. Charpy donne, en outre, la description du mouton 
pendulaire que, d'après les idées de M. Russel, il a faib 
construire aux usines de Saint-Jacques, à Montluçon“ 
pour l'essai au choc des barreaux entaillés. Le mouton 
est formé par une plaque de métal découpée en forme 
de c, de façon que son centre de gravité coïncide ave@ 
le couteau qui produit le choc. Cette pièce est suss 
pendue à un portique en charpente, par l'intermédiaire 
de tubes sans soudure disposés en triangle, et d’un axe 
roulant sur billes. Le barreau à essayer est maintenu 
au moyen de plaques et boulons sur deux supports 
contre un massif métallique formant chabotte. La hau- 


CHRONIQUE ET CORRESPONDANCE 943 


teur à laquelle le pendule remonte après avoir rompu 
“Je barreau est retranchée de celle à laquelle il a été 
“lâché de l'autre côté, et la différence obtenue, mul- 
“tipliée par le poids du mouton, mesure le travail 
k absorbé par la rupture, après qu'on a tenu compte des 
“pertes dues aux résistances passives et à la force vive 
… imprimée aux fragments du barreau, pertes très faibles 
met faciles à évaluer. On a donc un moyen simple et 
pratique de classer au moyen de chiffres les résultats 
“de l'essai, le degré de non-fragilité du métal ou, comme 
Je propose M. Charpy, sa résilience, c’est-à-dire la 
“résistance vive à la rupture dont est capable une tranche 
“infiniment mince de ce métal. Le travail de rupture 
ainsi défini est évalué d'autant plus exactement que la 
“déformation se trouve limitée à ia section de rupture. 
Aussi, à ce point de vue, l'essai de choc sur barreaux 
“entaillés, qui localise la déformation, est certainement 
“plus sensible que l'essai de traction ordinaire. 

Les industriels sauront grand gré à M. Charpy d’avoir 
“précisé et rendu pratique un nouveau mode d'essai 
qui ne fera évidemment pas disparaître des cahiers des 
charges les exigences sacro-saintes des essais de trac- 
tion, mais qui placera ces derniers essais au second 
rang, c'est-à-dire à leur vraie place. 

Emile Demenge, 


Ingénieur métallurgisle, 
$ 3. — Chimie 


- Synthèse complète de l'acide apocampho- 

… rique (Camphopyrique). — M. Komppa à montré 

autrefois ‘ que la condensation de l'éther oxalique avec 

… le ff-diméthylglutarate d'éthyle donne naissance à 

… un nouvel éther dicétonique, cyclique, selon l'équa- 
- tion : 


COOR 


H.CH.CO0R CO — CII — COOR 
+  ÿc(cH}—2R.0H+ | Decre} 
11.CH.CO0R CO — CH — COOR 


+ 


COOR 


… Cet éther cyclique fond à 115-1169 (éther diméthyli- 
- que); l’éther éthylique fond à 98e. 
La réduction conduit aisément au dioxyacide : 


k 
j OH.CH — CH — COOH 
N cn GE 
ACL 
| | OH.CH — CH — COOH 
… Ce dioxyacide lui-même *, soumis à la réduction au 


moyen de l'acide iodhydrique (D — 1,7) et du phosphore 
- rouge, fournit un acide fusible à 203-209°, non saturé et 
y répondant vraisemblablement à la formule (}) ou (ID) : 

CH — C.COOH CH — CI — COOH 

Nc CH Nctcree 
D C< Gp | Dc(cH?) 
CH = C.COONH CH — CH — COON 
(1) (II) 


Comme il n'est pas réduit par l'alcool amylique 
et le sodium, c’est la formule (Il) qui a le plus de 
chances d’être exacte. Enfin, le traitement de cet acide 
- non saturé par l'acide bromhydrique en solution acé- 
… tique fournit un acide hydrobromé (II) que l'acide 
. acétique et la poudre de zinc convertissent en un 
‘nouvel acide (IV) : 


BrH.C— CH — COONH 


# 


CH? — CH — COOH 

Dotca} Jeccr*” 
HEC — CH — COOH CHE — CH — COOH 
J (III) (IV) 


Celui-ci fond à 1609-1700; il ne réduit point le per- 
ns de potasse, el il est identique à l'acide 


M. : Ber. Ch. Ges., t. XXXII, p. 1421. 
2 Ber., t. XXXIV, p. 2472. 


k 


0 


mésocamphopyrique de March et Gardner. Cet acide 
mésocamphopyrique se scinde aisément en ses deux 
composants, les acides cis et trans-apocamphorique 
(camphopyrique), identiques aux acides provenant de 
l'oxydation nitrique du camphène. f 

L'auteur en conclut, en particulier, que cette synthèse 
démontre l'exactitude de la formule de Bredt pour le 
camphène et le camphre : 


CHE = CH CH CH? —— CH —— CH? 
Coms | Liens : 
CHE — b CH Qu — L C0 
Gus Gus 
Camphène. Camphre. 


Nous nous permettrons de faire remarquer que cette 
conclusion n’est pas rigoureusement exacte. En effet, 
si l'oxydation nitrique du camphène donne bien, entre 
autres produits, l'acide carboxylapocamphorique (cam- 
phoïque), l'oxydation manganique n’en fournit point 
trace et donne d’autres composés de structure fort 
différente, et tous les chimistes, ou du moins la grande 
majorité des chimistes, sont d'accord pour rejeter cette 
formule du camphène. ; 

Quant à la relation qui lie le camphre au camphène, 
personne pe la connaît, bien qu'il ait été émis sur ce 
sujet bien des hypothèses. 

Que la formule du camphre de Bredt soit exacte, cela 
est à présent extrêmement probable, presque certain ; 
mais le travail de M. Komppa, quoique fort intéres- 
sant, ne peut le prouver. 


$ 4. — Zoologie 


Notes sur des Nautiles vivants. — Sous ce 
titre ‘, M. Bashford Dean donne quelques détails sur les 
mœurs du Nautile, ce dernier représentant du groupe 
des Céphalopodes Tétrabranches, qui, pendant long- 
temps, est resté un animal rare, dont on ignorait le 
genre de vie. M. Dean a trouvé aux Philippines, dans le 
bras de mer qui s'étend entre les îles de Negros et de 
Cebu, des stations où les Nautiles sont capturés vivants 
en grande abondance; la chair est mangée, mais est 
peu estimée; les coquilles sont achetées surtout par 
des Chinois, qui les exportent pour en faire des 
boutons. Les pêcheurs de cette région pêchent le 
poisson avec des nasses en bambou, qu'ils immergent 
à de grandes profondeurs, de 100 à 200 mètres, peut- 
être mème beaucoup plus; ces nasses sont amorcées 
avec des poules entières, des viscères de chevreau ou 
des chiens et des chats; les Nautiles sont attirés par 
l'odeur, et entrent dans les nasses, où l’on en trouve par- 
fois une vingtaine. L'animal est d’un blanc opaque, avec 
une légère teinte ocracée sur le capuchon; il n'a pas 
de chromatophores comme les Dibranches; il ne vit : 
que peu de temps en aquarium, et reste volontiers 
rétracté, le capuchon s’adaptant à l'ouverture de la 
coquille à la manière d'un opercule. 


$ 5. — Physiologie 


Les relais des réflexes. — On sait que, dans les 
phénomènes désignés parles physiologistes sous le nom 
de phénomènes réflexes, une impression, produite à la 
périphérie, engendre un ioflux nerveux qui, chemi- 
nant dans un nerf, gagne les centres nerveux, pour 
s'y réfléchir et venir à la périphérie, en suivant un 
trajet nerveux, déterminer une réaction motrice ou 
sécrétoire. On sait que l'influx nerveux centripète che- 
mine au voisinage des centres dans les racines posté- 
rieures des nerfs rachidiens (neurones de ganglions 
spinaux), ou dans leurs équivalents bulbo-protubé- 


! Notes on Living Nautilus, The American Naluralist, 
vol. XXXV, 1901, p. 819. 


944 


CHRONIQUE ET CORRESPONDANCE 


rautiels, et que l'influx nerveux centrifuge chemine, au 
voisinage des centres, dans les racines antérieures des 
nerfs rachidiens (neurones de cornes antérieures), ou 
dans leurs équivalents bulbo-protubérantiels. Les études 
récentes des anatomistes et des histologistes ont établi 
que les terminaisons intramédullaires des neurones de 
ganglions spinaux se ramifient dans la moelle, au voi- 
sinage des ramifications terminales des prolongements 
protoplasmiques des neurones des cornes antérieures, 
du même côté ou du côté opposé, et aux divers niveaux 
de la moelle. Par conséquent, on peut imaginer que 
l’influx nerveux passe directement du neurone de gan- 
glion spinal dans le neurone de corne antérieure, sans 
traverser d'autres neurones interposés. Toutefois, l’exis- 
tence, bien démontrée, de neurones anastomotiques 
entre les divers étages de la moelle permet de supposer 
que, dans certains cas tout au moins, de tels neurones 
interposés peuvent prendre part à la constitution de 
l'arc réflexe (ensemble des éléments conducteurs de 
l’influx nerveux dans un phénomène réflexe déterminé). 

Dans les Æléments de physiologie que M. Maurice 
Arthus vientd'écrire, nousrelevons les passagessuivants, 
au sujet du schéma qu’il convient d'adopter pour les 
phénomènes réflexes : 

« On a donné de ce phénomène réflexe un schéma 
absolument faux, qu'il faut éliminer. On a imaginé que 
l'arc réflexe le plus simple comprend au moins cinq 
éléments : un organe périphérique d'impression, une 
fibre nerveuse centripète, une cellule nerveuse, une 
fibre nerveuse centrifuge, un organe périphérique de 
réflexion. La cellule était dite centre réflexe, parce que 
c'était à son niveau que l’influx nerveux se réfléchissait, 
de centripète devenant centrifuge. Cette conception est 
inacceptable, car jamais un corps de neurone n'est en 
continuité à la fois avec une fibre d’une racine. posté- 
rieure et une fibre d'une racine antérieure; d’ailleurs, 
une fibre nerveuse, ne peut être considérée comme un 
élément anatomique distinct du corps de neurone. 

« Dans tout arc réflexe, il y a à considérer au moins 
deux neurones : un neurone de ganglion spinal et un 
neurone de corne antérieure. Donc, l'arc réflexe le plus 
simple comprend au moins quatre éléments : un organe 
périphérique d'impression et un organe périphérique 
de réflexion, réunis par une chaîne de neurones, com- 
prenant au moins deux neurones, mais pouvant en con- 
tenir plus de deux. Dans le cas d’une chaîne à deux 
neurones, on peut distinguer le premier neurone (ou 
neurone sensitif), élément des ganglions spinaux, et le 
second (ou dernier) neurone (ou neurone moteur), élé- 
ment des cornes antérieures. Dans le cas d’une chaîne 
à plus de deux neurones, on peut encore distinguer le 
premier neurone, élément des ganglions spinaux, et le 
deinier neurone, élément des cornes antérieures, faci- 
lement accessibles à l’expérimentation… 

« Où doit-on placer le centre réflexe, c’est-à-dire le 
point où se fait la réflexion de l’influx nerveux? Si les 
divers neurones de l'arc réflexe étaient anastomosés 
entre eux de facon à constituer un tout anatomique, 
pour ainsi dire indivisible, on pourrait conserver la 
vieille conception ; et, faisant abstraction des cylindres- 
axesextra-médullaires, considérer comme centre réflexe 
l’ensemble des neurones entrant en activité, Mais il a 
été élabli que les neurones ne sont pas en continuité 
de substance, mais seulement en contiguité : done, l'arc 
réflexe est formé d'éléments distincts ; d'autre part, on 
n'a pas le droit de séparer les cylindres-axes des neu- 
rones auxquels ils appartiennent. Ausei a-t-on pro- 
posé ! de placer le centre réflexe entre les deux 
neurones intéressés, dans la substance interposée, 
puisque c'est à son niveau que l’influx nerveux passe 
du premier neurone, centripète, dans le second neu- 
rone, centrifuge. Toutefois, il nous déplait de consi- 
dérer comme centre réflexe une région banale, un 
terrain vague, compris entre les éléments actifs; ce 
n'est pas là un centre, au sens généralement adopté 


1 M. le Professeur Morat. 


pour ce mot. Comme on a abandonné la vieille con- 
ception du réflexe, il faut abandonner l'expression de 
centre réflexe, et lui substituer une autre expression, 
qui constitue une image plus exacte de la réalité : nous 
proposons l'expression relai du réflexe. Cette substi= 
tution est d'autant plus nécessaire que, dans le cas, au 
moins possible, d’un arc réflexe à plus de deux neu- 
rones, il est difficile de préciser la place du centre : sera 
ce entre le 1% el le 2°, entre le 2° et le 3°, entre le n« 
et le (2 + 1)°? Faudra-t-il donc admettre autant de 
centres qu'il y a d'espaces interneuroniques? Ce ne 
serait pas conforme au sens qu'on attribue généralement 
à l'expression centre. Il faut donc, à l'expression de 
centres réflexes, substituer l'expression de relais des 
réflexes. 

« En résumé, dans un réflexe, on peut considérer un 
organe d'impression et un organe de réflexion, réunis. 
par une chaîne de neurones; ces neurones présentant 
entre eux des points de communication par contiguité, 
non par continuité; ces points constituant ce que les 
histologistes appellent les articulations de neurones, ce 
que les physiologistes auront avantage à appeler les 
relais des réflexes, » 5 


$ 6. — Géographie et Colonisation 


Le Congrès international de Sociologie 
coloniale. — La multiplicité des Congrès tenus à 
Paris pendant l'Exposition Universelle, la saison dans 
laquelle ont eu lieu quelques-uns d’entre eux, n’ont 
pas toujours permis aux intéressés de les suivre 
avec toute l’assiduité désirable. Cependant, ces Congrès 
ont parfois fourni une somme de travail considérable et 
réuni des documents précieux. Aussi conviendra-t-ik 
d'en reparler au fur et à mesure que paraïîtront leurs 
comptes rendus. 

Deux Congrès coloniaux se sont tenus en 1900 : l'un 
se proposait pour but l'étude des progrès matériels, 
l’autre avait pour objet la Sociologie coloniale. C'est de 
ce dernier que nous nous proposons aujourd'hui d’en- 
tretenir les lecteurs de la Revue. 

Le mot de Sociologie coloniale est un peu vague, et 
les études qu'il embrasse assez mal définies. S'il est. 
relativement facile d'apporter une méthode scientifique 
et de s’appuyer sur des faits précis dans l'examen des 
moyens propres à assurer la mise en valeur des colonies,. 
tels que le régime des chemins de fer, de la navigation 
fluviale, celui des concessions, celui de la main-d’œu-" 
vre, on risque davantage de s'égarer lorsqu'il s’agit de 
l'organisation juridique, politique et sociale à donner 
aux populations coloniales, par suite de l'ampleur 
même du problème et des préoccupations d'ordres 
divers qu'on apporte dans cette étude. Aussi, bon nom- 
bre de coloniaux, connaissant l'esprit qui anime, em 
France et en Angleterre notamment, certaines Sociétés 
dites de protection des indigènes, plus généreuses que 
prudentes, n’étaient-ils pas sans inquiétude et crai- 
gnaient-ils de voir le Congrès verser dans la phraséo= 
logie et l'utopie. Hàtons-nous de dire que, s’il a quel- 
quefois côtoyé ces écueils, il les a néanmoins suffisam= 
ment évités pour donner tort à ses détracteurs et pour 
que son œuvre ait conservé, dans l’ensemble, une. 
portée sérieuse et un caractère pratique. Le mérite en 
revient à la Commission d'organisation, à l'éminenb 
président du Congrès, M. Le Myre de Vilers, à sons 
secrétaire général, M. Paul Leseur, professeur de Légis= 
lation coloniale à l'Université de Paris. + 

Les publications du Congrès, récemment parues; 
occupent deux volumes ‘; le premier comprend les Rap- 
ports qui ont servi de base aux discussions, le compte 
rendu sténographique des séances, séances de sec= 
tions ou séances plénières ; le tome second est consas 
cré à la reproduction des Mémoires composés à l'occa=n 


1 Exposition Universelle internationale de 1900. Congrès 
international de Sociologie coloniale, teou à Paris du 6 au 
A1 août 1901. 2 vol., in-80. Paris, Rousseau, 1901. 


np? 


D 


CETTTTe 


CHRONIQUE ET CORRESPONDANCE 


V5 


————  ——_—_—_— —…—…—…—…"…"…"…"—"—"…"…"…"…"…"—"…"—"…"…"…"…"…"…"—"—"”"—"—…"…"—"—"—"—"…"…"…"…—…—…—…——…—…..———————_—— —.—— 


sion du Congrès. Le thème général choisi était l'étude 
des devoirs que l'expansion coloniale impose aux 
Puissances colonisatrices, dans les colonies proprement 
dites, à l'égard des populations indigènes. Trois sec- 
tions devaient étudier respectivement la condition 
politique et juridique des mdigènes, leur condition 
matérielle et leur condition morale. 

Deux systèmes sont en présence en ce qui concerne 
Ja politique à suivre vis-à-vis des indigènes : ou bien les 
laisser s'administrer eux-mêmes sous la tutelle euro- 
péenne et n'intervenir que dans la mesure où cette 
intervention est reconnue absolument indispensable ; 
ou bien les assimiler aux habitants de la métropole en 
leur imposant nos idées et nos lois, et ne les laisser 
vivre de leur existence propre que dans la mesure où 
il n’est pas possible de faire autrement. C’est au pre- 
mier de ces systèmes, le seul raisonnable et le seul 
qui ait jamais réussi en fait, que s'est finalement rallié 
le Congrès ; c’est celui qu'ont préconisé les trois Rap- 
ports les plus remarquables que le Congrès ait eu à 
discuter, ceux de MM. Van Kol, Girault et de Saussure. 

M. Van Kol, membre du Parlement hollandais, avait à 
exposer dans quelle mesure et dans quelles conditions 
il y avait lieu de maintenir les organismes adminis- 
tratifs indigènes ; il a conclu avec beaucoup de force 
que la politique coloniale devait tendre au maintien de 
ces organismes. 

« Nous ne pouvons, a-t-il dit, régler l'évolution à 
à notre gré. Nos souhails sont impuissants, nos ordres 
ridicules et nuisibles. Ce n’est pas à coups de décrets 
qu'on change une organisation sociale, encore moins 
par une armée de soldats et de fonctionnaires. Gouver- 
ner directement ces peuplades des pays lointains et 
inconnus, ces indigènes dont nous ne connaissons ni 
les vœux ni les désirs, nous ne l’avons jamais su, nous 
ne le saurons jamais ». fl faut gouverner les indigènes 
avec et par leurs chefs. L'oubli de ce principe conduit 
à des mécomptes, parfois même à des catastrophes. 
« Citez-moi, dit M. Van Kol, un seul exemple, depuis 
des siècles, d’un gouvernement européen qui ait 
réussi, même eu apparence, à assimiler une colonie 
qu'il à administrée, et je suis prêt à me déclarer 
xaincu. Partout, au contraire, où l’on a gardé les admi- 
nistrations indigènes, on a réussi. » 

M. Arthur Girault, professeur à la Faculté de Droit 
de Poitiers, s'est occupé, dans un Rapport très docu- 
menté, de la condition des indigènes au point de vue 
de la législation civile et criminelle et de la distribution 
de la justice. « Les nations colonisatrices, a-t-il dit, 
doivent respecter la double organisation de la famille 
et de la propriété à laquelle les indigènes sont habi- 
tués et attachés; ce n’est jamais impunément qu'on 
entreprend de bouleverser cette organisation, Il faut 
aussi en principe maintenir les juridictions indigènes 
sauf en matière pénale, où le soin de rendre la jus- 
tice doit être confié aux autorités européennes. La 
séparation des autorités administrative et judiciaire, 
qui apparaît aux Européens comme une base essen- 
tielle des libertés publiques, n’est pas désirable aux 
colonies, et y offre, au contraire, des inconvénients de 
plus d'un genre; aux yeux de l'indigène, c'est une 
chinoiserie pure, un émiettement incompréhensible du 
pouvoir; il ne comprend pas que celui-là qui com- 
mande ne puisse pas réprimer ». 

Le Congrès, à une faible majorité, il est vrai, s'est 
refusé à suivre sur ce dernier point M. Girault; à notre 
avis, c'est le Congrès qui a eu tort. 

M. de Saussure, auteur d’un intéressant ouvrage sur 
la Psychologie de la colonisation française, à rédigé un 
Rapport très philosophique sur la condition morale des 
indigènes et les moyens auxquels il convient d'avoir 
recours pour élever leur niveau. Il a condamné la doc- 
trine de l'assimilation, qui pousse au prosélytisme de 
la langue, de la morale et des institutions. L'éducation 
est, pour M. de Saussure, l'art de développer et d'uti- 
liser les facullés héréditaires en vue des fonctions 


qu'elles auront à remplir dans le milieu auquel elles 
sont destinées. « Quel que soit le milieu social, a-t-il 
dit, quel que soit son degré d'évolution, au lieu de le 
bouleverser, au lieu de chercher à le faire entrer artifi- 
ciellement dans les cadres de notre civilisation, nous 
devons chercher à le développer, à utiliser ce qui existe 
et nous garder de détruire systématiquement ce que 
nous ne pouvons remplacer etficacement. » 

Le Rapport de M. de Saussure constituant, à certains 
égards, un réquisitoire contre la politique coloniale de 
la France, M. J. Chailley-Bert a très justement relevé 
ce qu'il contenait d'excessif à ce sujet; il a montré 
que la France a pu, en effet, être séduite autrefois par 
l'idée d'assimilation, mais qu'elle s’est ressaisie depuis 
lors, qu'elle n’a pas persévéré dans ses anciennes 
méthodes, et qu'elle marche vers une colonisation ra- 
tionnelle et scientifique, tenant compte du milieu et 
desraces, sachant, par exemple, qu'on ne peut prétendre 
par l’école transformer un peuple en une génération, 
parce que, selon un mot célèbre, l'humanité se com- 
pose de plus de morts que de vivants. 

Nous avons insisté sur ces trois Rapports de MM. Van 
Kol, A. Girault et de Saussure, qui nous ont paru les 
plus importants. Il faut y joindre un Rapport de M. le 
D: Georges Treille sur les moyens propres à assurer la 
conservation des races indigènes et à préverir leur 
dégénérescence physique; ici, tout le monde est d’ac- 
cord sur les grandes lignes, notamment sur la lutte 
contre l'alcoolisme, les mesures contre la lèpre et les 
épidémies, 

Il y aurait, au contraire, bien des réserves à faire sar 
les conclusions de M. Alexander, qui proposait d'ac- 
corder aux indigènes la liberté de réunion et la 
liberté de la presse, conclusions que n'a, d’ailleurs, pas 
ratifiées le Congrès, et sur celles de M. Nouet, qui a 
demandé la suppression de la corvée sans trop indiquer 
par quoi on la remplacerait. 

Les mémoires et communications individuelles, qui 
occupent le tome IT du Congrès, sont, si l'on en excepte 
les documents communiqués par le Gouvernement por- 
tugais sur la situation des indigènes de ses colonies, 
sans grande importance, quelques-uns même tout à 
fait dépourvus d'intérêt. 

Le Congrès à décidé qu'il serait périodique ; la Com- 
mission permanente qu'il a constituée devra seulement 
prendre garde de borner sa tâche à préparer les tra- 
vaux du prochain Congrès, ainsi qu'elle en a recu la 
mission. 

La véritable conclusion nous est fournie par l'un 
des hommes qui ont le plus fait pour notre renais- 
sance coloniale : « Concilier les intérêts des colons avec 
les intérêts matériels des indigènes, a dit M. Chailley- 
Bert, telle est la noble cause qui doit être le but de la 
politique coloniale. » Le Congrès international de Socio 
logie coloniale a très bien fait de s'occuper des indi- 
gènes : il ne devra pas oublier cependant que la colo- 
nisation suppose des colons. AS1B-40E 


La Revue d’Asie. — Nous avons plaisir à annon- 
cer l'apparition toute prochaine d’un recueil bimensuel 
consacré aux questions d'Asie. La Revue d'Asie', — 
c’est le titre de la nouvelle publication, — exposera, 
selon les indications de l'actualité, les questions écono- 
miques et politiques relatives aux pays asiatiques, spé 
cialement celles où se trouvent engagés les intérêts 
économiques ou politiques de notre pays. 

La Revue d'Asie est dirigée par M. Maurice Gandolphe, 
Le premier numéro, qui paraît aujourd'hui même, 
contient un ärticle de M. Anatole Leroy-Beaulieu sur 
l'Asie, des « Opinions », de M. Stéphen Pichon sur le 
rôle politique de Liom Shun et des notes de M. Roger 
Max sur les Beaux-Arts à la prochaine Exposition de 
Hanoi. 


7 


1 Rédaction et administration, 1, rue de Grammont, Paris. 


946 


LES CARBURES 


Dans la Métallurgie et la Céramique, l'industriel, 
depuis des milliers d'années, a utilisé de hautes 
températures pour obtenir des métaux, des verres 
et des terres cuites. Ces températures élevées étaient 
produites par la combustion du bois ou du charbon. 
Plus tard, les savants et les curieux de nouveaux 
phénomènes ont concentré la chaleur solaire au 
moyen des miroirs et des verres ardents pour 
réaliser quelques expériences intéressantes. Il y à 
deux siècles, l'importance de l’action de la chaleur 
dans les différentes réactions était si bien appréciée 
qu'elle a servi de base à la théorie du phlogistique 
de Sthal. Et, lorsque la Chimie s'est constituée à 
l’état de science, les idées de Lavoisier sur la 
combustion ont été le point de départ de cette 
profonde transformation. 

L'emploi du chalumeau à hydrogène el à oxy- 
gène permit à Robert Hare ?, en 1802, d'obtenir des 
températures plus élevées que celles des fours indus- 
triels les plus puissants et de réaliser en petit 
plusieurs expériences très curieuses, telles que la 
fusion du platine et la volatilisalion de la silice. On 
sait quelle heureuse application Deville et Debray 
firent plus tard du chalumeau à hydrogène pour 
l’élude de la métallurgie des métaux du platine*. 

Mais la plus importante des découvertes réa- 
lisées sur ce sujet, dans le siècle dernier, fut celle 
de la dissociation faite par Henri Sainte-Claire 
Deville *. Après un grand nombre d'études et de 
recherches heureusement poursuivies sur ce sujet, 
on comprit mieux l’action de la chaleur, et, dans un 
certain nombre de cas simples, on put en établir 
les lois. 

Enfin, la question du chauffage des fours ordi- 
naires, après de grandes discussions, à été fixée 
comme pralique et comme théorie par les travaux 
d'Ebelmen * et les belles recherches de Siemens ‘. 

À chacune de ces étapes correspond un ensemble 


z 


! Cet article est la mise au point et le développement 
d'une conférence non publiée donnée l'an dernier au Con- 
grès international de Chimie. 

? Rosert HARE : Memoir on the supply and application of 
the Blow-pipe (1802). Phil. Mag., XIV, p. 238-245, 298-306. 
Ann. de Chim., 1802, t. XLV, p. 113-138. 

% H. SainTe-CLatREe Device et DEsraY : Du platine et des 
métaux qui l'accompagnent. Ann. de Chim, et de Phys. (3), 
t. LVI, p. 385-496. 

% H. Sare-CLaiRE DEvILLE : De la dissociation ou décom- 
position spontanée des corps sous l'influence de la chaleur 
(1857). C. R., t. XLIII, p. 857. 

* EseLmex : Recherches sur la production et l'emploi des 
gaz combustibles dans les arts métallurgiques (1843). Ann. 
des Mines, t. II, p. 207-263. 

° Charles-William SIEMENS : On a regencrative gas fur- 
nace, as applied to glass house, puddling, heating, etc. (1862). 
Chemical News, t. VI, p. 19-20, 33-35. 


H. MOISSAN — LES CARBURES MÉTALLIQUES 


MÉTALLIQUES 


de découvertes, soit que l'étude d'un certain 
nombre de réactions fût poussée plus loin, soit que 
de nouveaux composés vinssent enrichir la Science 
et finalement l'Industrie. 

Mais le chalumeau à oxygène et à hydrogène ne 
permet d'atteindre qu'une température de 4.800°, 
Le point de fusion du platine, mesuré par 
M. Violle ‘, est de 1.775°. Il était utile d'étudier nos 
réactions chimiques au delà de cette température 

Déjà, différents chercheurs parmi les savants et 
les industriels avaient tenté d'utiliser la tempé- 
rature élevée de l’arc électrique, découvert il y a 
bientôt un siècle par Humphry Davy. Mais ces 
essais ne pouvaient être poursuivis avec succès 
avant la mise au point de la machine dynamo- 
électrique. La découverte de Gramme et le perfec- 
tionnement continu des dynamos mettaient enfin 
dans la main des chimistes une source puissante de 
courant électrique qu'il était facile de transformer 
en chaleur. 

Par une coïncidence assez curieuse, notre Science 
a pu, en quelques années, reculer les frontières 
connues de la chaleur et du froid. Après les expé- 
riences si importantes de M. Cailletet *, qui ont servi 
de point de départ à ces nouvelles études, après les 
recherches originales de Raoul Pictet, d'Ols- 
zewski, .de Wroblewski, M. Dewar° a pu obtenir 
l'hydrogène liquide à l’état statique et, par l’ébul- 
lition de ce dernier, descendre à la température la 
plus basse obtenue jusqu'ici, ceile de la solidifi- 
cation de l'hydrogène — 252°,5, c'est-à-dire 2095 au- 
dessus du 0 absolu. L'échelle maniable de nos tem- 
pératures s’est donc considérablement agrandie. 

Moins heureux que M. Dewar, nous n'avons pu, 
dans la longue série d'expériences que nous avons 
exécutées au moyen du four électrique, déterminer 
d'une facon exacte à quelle limite extrême de tem- 
péralure nous étions parvenu. 

À la suite d'expériences délicates, M. Violle ‘ a 
donné comme point de volatilisaiion du carbone là 
température de 3.500°. Mais, ainsi que nous le 
démontrerons plus loin, la température de l’are 
granditavec l’intensité du courant, et la question de 
la mesure de ces températures élevées exige de 
nouvelles recherches. Pour fixer dès lors les con- 


! Vrozce : Chaleur spécifique et chaleur de fusion du pla- 
tine (1877). C. R., t. LXXXV, p. 543-546. 

? Career : Sur la condensation des gaz réputés incoer- 
cibles (1877). C. R., t. LXXXV, p. 1270-1271. 

# Dewar : Sur la liquéfaction de l'hydrogène et de l'hélium 
(1898). C. R., t. CXXNI, p. 1408. 

“ Vioze : Sur l& température de l'arc électrique (1892). 
C. R.,t. CXN, p- 1278 ett. CXIX, p. 949: 


* 


H. MOISSAN — LES CARBURES MÉTALLIQUES 


947 


ditions de nos essais, nous avons indiqué avec soin 

le voltage et l'ampérage du courant et la durée de 
“l'expérience. Le diamètre des électrodes et la capa- 
“cité du four avaient été établis au préalable et 
restaient constants. 

Tout d'abord, nous avons reconnu qu'à la tem- 
“pérature de notre four électrique, les oxydes métal- 
“liques regardés jusqu'à présent comme irréduc- 
- tibles sont facilement décomposés. De même, des 
“réactions, qui étaient limitées aux plus hautes tem- 
Maures de nos fourneaux ordinaires, sont deve- 

nues totales. Un grand nombre de nos corps com- 
posés ont été dissociés à ces températures élevées, 
“ct, par contre, de nouvelles séries de combinaisons 
“définies et cristallisées ont été obtenues. Nous 
avons préparé ainsi des composés inconnus, pré- 
sentant une grande stabilité, tels que les carbures, 
les borures et les siliciures. La plupart de ces 
“ nouveaux composés binaires peuvent aussi être 
“ détruits en iout ou en partie si nous augmentons 
- l'intensité du courant, c'est-à-dire la température. 


- Quelques-uns de ces carbures nous présenteront | 


une gamme bien nette de dissociation. Nous 
retrouvons ainsi, aux environs de 3.000°, les mêmes 
ois générales qui régissent la décomposition des 
corps par la chaleur à des températures plus basses. 

Lorsque nous avons voulu reproduire le dia- 
mant’', nous avons bien vite reconeu que nos 
recherches devaient s'étendre et embrasser l'étude 
des différentes variétés de carbone”. Cette question, 
ainsi généralisée, comprenait un chapitre intéres- 
sant, qui était celui de la solubilité du carbone 
dans les métaux en fusion. Et, comme un certain 
nombre de ces métaux avaient un point de fusion 
très élevé, nous avons entrepris des expériences 

- au moyen du chalumeau à gaz oxygène et hydro- 
gène. 

Dans ces conditions, la fusion du métal en pré- 
sence d’un excès de charbon se produit dans une 
atmosphère riche en vapeur d'eau, c’est-à-dire 

_oxydante. D'autre part, la combustion du charbon 
et la vapeur de carbone fournissent un milieu 
réducteur. De telle sorte que, si l’on n’atteint pas 
une lempérature constante, il est impossible d’ob- 
tenir un équilibre défini entre ces différentes 
réactions. 

De plus, on n'arrive pas, dans ces conditions, à 
des réactions complètes, et les résultals sont varia- 
bles d'une expérience à l’autre. C'est pour obvier 
en partie à ces inconvénients que nous avons ima- 
giné notre four électrique. 


1 Morssax : Sur la préparation du carbone sous une forte 
pression (1893). C. R., t. CXVI, p. 218. 

? Morssan : Recherches sur les différentes variétés de 
carbone. Ann de Chim. et de Phys. (1896), (1), t. VII, 
p- 240-289; 289-306 : 466-559, 


Avec cet appareil, nous opérons dans une atmo- 


| sphère réductrice, et, si l'on utilise un courant 


assez intense, on obtient très rapidement une 
température constante, qui est celle de l’ébullition 
de la chaux vive. Au contraire, si l’on place la 
substance à étudier très près de l'arc, c'est-à-dire 
du conducteur gazeux de vapeur de carbone qui 
réunit les électrodes, la température s'élève avec 
l'intensité du courant. Une réaction chimique va 
nous le démontrer. 

Avec un courant de 400 ampères sous 50 volts, 
la réduction de l'acide titanique par le charbon 
fournit un oxyde de couleur bleu indigo. Avec 
300 ampères et 70 volts, on obtient une masse 
fondue d’azoture jaune, tandis que la haute tempé- 
rature d’un are de 1.200 ampères sous 70 volts 
donne un carbure de titane exempt d'azote. 

Avec un courant aussi intense, l’azoture de titane 
ne peut plus se former; sa dissociation par la cha- 
leur est complète et le carbure seul peut subsister. 

Nous rencontrerons, en poursuivant cette élude, 
d'autres exemples de combinaison, puis de décom- 
position sous l'action d'un arc électrique de plus 
en plus intense. 


L — HisToRIQUE. 


Jusqu'à ces dernières années, la chimie des car- 
bures métalliques était très sommaire. 

Nous devons rappeler tout d’abord que, en 1827, 
Thénard' n'indique dans son Zrailé de Chimie, 
comme composés du carbone et des métaux, que 
les carbures de fer, qui, d’après lui, comprennent 
surtout l'acier et le graphite. En 1826, Edmond 
Davy avait signalé, dans la préparation du potas- 
sium, sans qu'on y attachàt une grande impor- 
tance, la formation d’un composé noir qui se 
détruisait en présence de l’eau, en fournissant un 
nouveau carbure d'hydrogène. 

Nous arrivons maintenant aux recherches de 
Hare*, Ce chimiste a chauffé, en 1839, sous l’action 
d'un are fourni par la pile électrique, un mélange - 
de sucre et de carbonate, d'oxyde ou de nitrate de 
calcium. Il annonça avoir obtenu un carbure de 
calcium, bon conducteur de l'électricité qui, frotté 
sur le biscuit de porcelaine, prenait l'aspect de la 
plombagine, et qui était inattaquable par l'acide 
acétique et l'acide chlorhydrique. Ces propriétés 
rapprochent plutôt le produit de Hare du graphite 
que du carbure de calcium. Il n'en à pas donné 
l'analyse. 


Beaucoup plus el Cahours* 


tard, Gerhardt 


1 Tuénaro : Traité de chimie (1821). 

2 Hare : Proceedings of the philosophical Sociely, 1839 et 
l'Institut, du 10 septembre 1840, n° 350, p. 310. 

# Gernaror et Canours : Recherches chimiques sur les 


"948 


signalèrent la formation d'un carbure d'argent 
CAg, préparé sous forme d’une poudre noire amor- 
phe par la calcination du cuminate d’argent. 

En 1861, la question s'élargit au moment où 
M. Berthelot publie son étude magistrale de l'acé- 
tylène et des acétylures'. Ce savant découvre 
l’acétylure de cuivre ; en le décomposant par l'acide 
chlorhydrique, il obtient l'acétylène pur, et, en 
chauffant dans ce gaz un métal alcalin, il prépare? 
les composés métalliques carburés CHNa et C?Na’. 
Cette dernière expérience est loujours accompa- 
gnée d'une polymérisation partielle de l’acétylène, 
etilse produit en même temps un dépôt noir de 
charbon. 

Peu de temps, après le début des recherches de 
M. Berthelot, Wæœhler indiqua la première réaction 
chimique pouvant produire du carbure de cal- 
cium. En chauffant l’alliage de zinc et de cal- 
cium préparé par Caron, dans une brasque de 
charbon, il obtint une masse pulvérulente noire 
renfermant un excès de charbon qui, au contact de 
l’eau froide, dégageait un mélange de différents 
gaz. Parmi ceux-ci, Wæhler a caractérisé qualila- 
tivement l’acétylène. L'analyse complète du 
mélange gazeux n’a pas été faite et le carbure de 
calcium n’a pas été analysé. 

MM. Troost et Hautefeuille * ont indiqué, de 
leur côté, la préparation d'un carbure de manga- 
nèse fondu CMn*, sans étudier longuement ses 
propriétés et sans parler de sa décomposition par 
l'eau. 

Enfin, nous devons rappeler aussi le bel ensemble 
de recherches publiées sur le rôle du carbone dans 
les fontes et les aciers. À la suite d'un grand 
nombre de travaux, parmi lesquels nous tenons à 
citer ceux de Sir F. Abel, de Deering, de Muller, 
d'Osmond et Wærth(1885), d'Arnolds et Read (1894), 
de Mylius, Fœrster et Schweng (1896), qui est un 
modèle de patientes recherches et d'habileté expé- 
rimentale, ceux de Campbell (1896), de Juptner 
(1896), on est arrivé à retirer de l'acier recuit ou 
fondu un carbure cristallisé nettement défini, de 
formule CFes. 


II. — CARBURES MÉTALLIQUES. 


Tel était l'historique de la question au moment 
où nous avons commencé nos recherches. Tous les 


huiles essentielles. Ann. de Chim. et de Phys. (1840) (3), t. I, 
p- 16. 

* BenrueLor : Synthèse de l’acétylène par la combinaison 
directe du carbone avec l'hydrogène (1861). C. R., t. LIV, 
p. 640 et 1042; et Recherches sur l'acétylène (1863). Ann. 
de Chim. et de Phys. (3), t. LXVNII, p. 52. 

* BerrueLor : Sur une nouvelle classe de radicaux métal- 
liques composés (1866). Ann. de Chim. et de Phys. (4), 
t. IX, p.385. 

® Tnoosr et HAUTErEUILLE : Étude calorimétrique sur les 


H. MOISSAN — LES CARBURES MÉTALLIQUES 


chimistes, à cette époque, savaient que certains 
oxydes étaient irréductibles par le charbon, et il 
était logique de penser que, par une élévation plus 
grande de température, la réaction deviendrait 
possible, et que l’on préparerait ainsi certains 
métaux. Il n’en est rien cependant, et nous allons 
démontrer que les oxydes chauffés avec du charbon 
à haute température ne fournissent le plus souvent 
que le composé binaire du métal avec le carbone: 
stable à la température à laquelle on opère. 

Ces nouveaux composés, ces carburesmétalliques, 
que l’on prépare et étudie facilement au laboratoire, 
peuvent se diviser en deux grandes classes : La 
première renferme les carbures non décomposables 
par l’eau; ce sont les suivants : 


Carbureïde fer: em: TR ER CFe® 
—=%-Heichrome. MM IEEE C?Cr* 
— TES LOUE VAS SU CCr* 
—Hude MolyDAÈnE NRC CMo? 
de TU SS ENC MENT CTu 
— on tte VOTE AT à ACTU 
— de vanadium . . . . . . . CVa 
— JeATCOMUME CN ER RE CZr 
—rhrdertitanc int. en ARE . CTi 


La deuxième famille contient les carbures dé- 
composables par l'eau froide, tels que vous les 
voyez groupés dans ce tableau : 


Carbure de thIUmMN. EF ETES C°Li? 
—Waderpotassium M 0. C?K? 
— de SOU CRC C?Na° 
— MIE CALCIUM EU CCE 
MIE SILODTIUMI Se NC C?Sr 
JE DECYUULE- Ce C°Ba 
—, Cie /CÉTIUR NE ee C?Ce 
—de Janthane fee C?La 
M delpres 0 MERE EN TE CéPr 
—1\Wdenéodyme CCR CNd 
—AMPTerSAMATIUDE EME C?Ssm 
NV ECO EN ENS NE EN EMENUR CC» 
— Mid ;deéthonium te ON C?Th 
— 0 d'AluMINIUM 0e CAL! 
"de SlUCINIUIN- -- Ce CGE 
Hadermainsanese. MIE CMn° 
Aura: Ne ce CAUr° 


$ 1. — Carbures non décomposables par l’eau. 


Parmi les carbures stables en présence de l’eau, 
nous donnerons quelques détails sur les plus im- 
portants. 


1. Carbure de fer. — Le carbure de fer CFe’, 
dont l'existence dans l'acier a été nettement établie 
par de nombreux savants, peut se préparer avec 
facilité au four électrique’. Nous avons déjà fait 
remarquer que, en chauffant, dans notre four élec- 
trique, du fer doux avec un excès de charbon de 
sucre, la solubilité du carbone augmente nelte- 


carbures, les siliciures et les borures de fer et de manga- 
nèse (1816). Ann. de Chim. et de Phys., (5), €. IX, p. 6. 

1 Motssan : Préparation du carbure de fer par union 
directe du métal et du carbone (1897). C. /., t. CXXIV, 
p. 716-722. 


à 


Ai 


H. MOISSAN — LES CARBURES MÉTALLIQUES 


ment avec la lempéralture, et, résultat inattendu, 
lorsque le creuset de charbon esl très fortement 
chauffé, la fonte devient visqueuse. Il est alors pos- 
sible de retourner le creuset, sans rien laisser écou- 
ler, mais quelques instants plus tard, grâce au 


refroidissement, la fonte ne tarde pas à reprendre 


£ 


M 


Lu AITRES = 


r 


toute sa fluidité. Lorsque celte fonte se refroidit 
lentement à l'air, elle ne renferme après l’expé- 
rience que du graphite et 1 °/, de carbone combiné. 
Il en est tout autrement si l’on refroidit avec rapi- 
dité cette fonte dans l’eau. On réalise facilement 
l'expérience à l’aide d’un creuset contenantenviron 
300 grammes de fer chauffé au four électrique, en 
présence d’un excès de charbon de sucre, avec un 
courant de 1.200 ampères sous 60 volts. Après huit 
minutes de marche, lorsque la distillation du fer 
commence à se produire, on ouvre le four et le 
creuset est plongé dans l’eau froide. Une violente 
ébullition se fait aussitôt; il y a dissociation de l’eau 
et dégagement d'hydrogène que l’on voit brûler 
avec une flamme peu éclairante. Nous avons ici à 
envisager deux phénomènes : ou bien la résistance 
intérieure du culot métallique a été suffisante pour 
permettre à la partie encore liquide d'augmenter de 
pression en passant de l’état liquide à l’état solide, 
et, dans ce cas, ilse produit du diamant. Ou bien, la 
partie extérieure, qui est la première refroidie, s'est 
craquelée, la fonte liquide intérieure est sortie par 
les craquelures, il n'y a pas eu de pression et loute 
la masseaprès refroidissement présente une cassure 
nettement cristalline. Dans ce deuxième cas, le 
culot estpresque entièrementformé decarbureCFe, 
carbure très bien cristallisé que l’on sépare avec 
facilité en traitant la masse par un acide étendu. 

Les cristaux de carbure de fer sont très brillants, 
mais très oxydables. Ils sont lavés rapidement à 
l'alcool, puis à l’éther, et enfin séchés dans le vide. 
Leur densité est de 7,07. Ils ne sont pas attaqués 
par l'oxygène sec à la température ordinaire; mais, 
réduits en poudre, ils prennent feu dans l'air 
à + 150° et brûülent avec éclat dans l'oxygène à la 
mème température. L'acide azotique monohydraté 
ne les attaque pas. Chauffés en tube scellé avec de 
l'eau pure ou saturée de chlorure de sodium à la 
température de + 150°, ils ne produisent aucune 
décomposition. Il n’y a pas formation de carbures 
d'hydrogène liquides ou gazeux. Le carbure de fer 
est relativement stable. 

En résumé, cette nouvelle préparation du car- 
bure de fer nous a semblé assez curieuse. Lorsque 
l’on chauffe du fer pur et du charbon de sucre à la 
haute lempérature du four électrique, puis qu'on 


. laisse refroidir lentement le creuset, on ne trouve 


dans le métal qu'une très petite quantité de car- 
bone combiné, comme nous l'avons fait remarquer 
précédemment. On obtient ainsi une fonte grise 


solidifiable vers 1.150. Si le métal, à une tempéra- 
ture de 1,300° à 1.400°, est coulé dans une lingotière, 
il renferme, après refroidissement, du graphite et 
une quantité plus grande de carbone combiné : 
c'est la fonte blanche. Enfin, si l'on refroidit brus- 
quement dans l'eau le fer saturé de carbone 
à 3.000°, il se produit dans le métal une abondante 
cristallisation et l’on peut en séparer un carbure 
cristallisé et défini de formule CFe*, Ce carbure est 
identique à celui de l'acier. 

Tous ces faits peuvent s'expliquer simplement 
en admettant que le carbure de fer peut se former 
à une température très élevée, puis se décomposer 
progressivement par une diminulion de tempé- 
rature. On en retrouve une notable quantité dans 
l'acier dont le point de fusion estélevé, un peu moins 
dans la fonte blanche et très peu dans la fonte 
grise. Dans toutes nos expériences, nous n'avons 
envisagé que la formation .du carbure dans le 
métal liquide. 


2. Carbures de chrome. — Adressons - nous 
maintenant à un autre métal, le chrome, que nous 
pouvons préparer en grande quantité sous forme 
de fonte au moyen du four électrique. 

Le chrome, chauffé en présence de charbon, peut 
donner naissance à deux carbures C'Crt et C°Cr° ("). 

Le premier se présente en aiguilles brillantes 
mordorées, qui se rencontrent souvent à la surface 
des lingots de fonte de chrome. Le deuxième est 
formé de lamelles brillantes, qui se produisent 
lorsque l’on chauffe le chrome en présence d'un 
excès de charbon. Ces deux carbures, très stables, 
à peu près iuattaquables par les acides, possèdent 
une grande dureté. Nous ne nous arrêterons pas 
aux propriétés de ces différents composés dont 
l'étude chimique a été faite par nous d’une manière 
aussi complète que possible, mais nous tenons 
surtout à établir les relations qui les relient les 
uns aux autres. Nous rappellerons que ces car- 
bures peuvent être affinés au four électrique et 
fournir un métal pur dont les propriélés sont 
toute nouvelles, car il est très malléable, il peut se 
limer avec facilité, prendre le poli du fer etne raye 
mème pas le verre. 


3. Carbure de molyhdène. — Le carbure de 
molybdène CMo*, qui se prépare au four électrique 
en chauffant le molybdène avec un excès de char- 
bon, se présente en petits prismes allongés très 
brillants, attaquables par l'acide nitrique. 


4. Carbure de tungstène. — Le tungstène nous 
a donné deux carbures métalliques. Le premier, 


1 Morssan 


: Nouvelles recherches sur le chrome (1894) 
C. R, t. CXIX, p. 185-191. 


950 


H. MOISSAN — LES CARBURES MÉTALLIQUES 


CTu nous l'avons obtenu au four électrique en 
maintenant le tungstène liquide en présence d'un 
excès de charbon‘. Le second a été préparé dans 
notre laporatoire par M. Williams* en faisant 
agir le carbone sur un mélange de fer et de tungs- 
tène toujours au four électrique. Dans cette der- 
nière préparation, on obtient des cristaux cubi- 
ques, et ce carbure CTu peut se former parce 
que l'addition du fer au tungstène abaisse le point 
de fusion du métal. En résumé, le composé CTu se 
produit à une température plus basse que le com- 
posé CTu”. Et lorsqu'on chauffe fortement au four 
électrique le carbure CTu, il donne le composé CTu* 
en abandonnant du carbone. 


>. Carbures doubles. — Nous devons rappeler 
aussi que M. Williams * a obtenu le premier des car- 
bures doubles tels que : CFe’. GMo°— CFe*. 3 CCr?, 
etc., etc., dont quelques-uns ont été retrouvés par 
MM. Carnot et Goutal dans les aciers et les ferro- 
chromes, auxquels ils donnent des qualités spé- 
ciales. 

Dans cette série se trouvent les carbures de va- 
nadium, de titane, de zirconium”, qui ont pour 
formule générale CM, qui sont très bien cristallisés 
el possèdent une stabilité remarquable. Ils se pré- 
parent tous les trois au four électrique par union 
directe des éléments et possèdent une propriété 
physique importante : leur grande dureté. 


$ 2. — Carbures décomposables par l’eau froide. 


Les carbures de la deuxième classe, c'est-à-dire 
ceux qui sont décomposables par l’eau froide, pré- 
sentent aussi des propriétés curieuses. 


1. Carbure de Lithium. — Nous avons pu pré- 
parer le carbure de lithium CL par l’action du 
carbone sur le carbonate de lithine au four élec- 
triquef. Nous obtenons ainsi un corps transparent 
parfaitement cristallisé, à réactions énergiques : 


COSLi + 4 C— CLi + 3 CO. 


On remarque tout de suite que sa préparation au 
four électrique est plus délicate que celle des car- 


4 Moissan : Recherches sur le tungstène (1896). C. AR. 
t. CXXIII, p. 13. 

= P. Wiccraws : Sur la préparation et les propriétés d'un 
nouveau carbure de tungstène (1898). C. R.,t. CXXVI, p. 1722. 

# P. Waccrams : Sur un carbone double de fer et de 
tungstène ; et Sur la préparation, les propriétés des carbures 
doubles de fer et de chrome, de fer et de molybdène (1898). 
C. R., t. CXXNII, p. AOet p. 483. 

4 Carxor et GouraL : Recherches sur l'état chimique des 
divers éléments contenus dans les produits sidérurgiques. 
Carbures doubles de fer et d'autres métaux (1899). C. R., 
t. CXXVIII, p. 207. 


* Morssax : Le Four électrique (1897), p. 243, 250, 259, 
5 Moissan Sur le carbure de lithium (1896). C. A. 
t. CXXII, p. 362. 


( 


bures précédemment décrits. Quand on emploie une 
quantité de carbonate de lithine suffisante et un i 
arc électrique peu intense (400 volts sous 50 am- 
pères), la préparation est assez facile; mais pour 
peu que la température s'élève rapidement ou que» 
l'expérience soit de trop longue durée, le carbure 
obtenu est en partie décomposé et le rendement: 
devient très faible. 

Le carbure de lithium décompose l’eau froide en 
donnant du gaz acétylène pur et de l'hydrate de 
lithine. Un kilogramme de ce composé fournit 
587 litres d’acétylène : 


ŒLi + 2 H°0 — CH? + 2Li0H. 


Ce carbure de lithium prend feu à la tempéra=m 
ture ordinaire dans le gaz fluor. Si l'on examine 
un appareil à fluor en marche, on peut voir qu'en 
approchant un fragment de carbure du tube des 
cuivre par lequel le fluor se dégage, il se produit 
une incandescence très vive. 

La même expérience peut également se repro- 
duire avec le chlore. Si l'on prend un tube de verre 
contenant une nacelle remplie de carbure de 
lithium à la température du laboratoire, et que 
l'on fasse arriver dans cet appareil un courant 
rapide de chlore, tout de suite le carbure est porté 
au rouge vif. La réaction est violente. | 
_ Du reste, nous tenons à faire remarquer en pas- 
sant que cette expérience est importante et ques 
par l’action du chlore sur les carbures, nous pou- 
vons préparer avec facilité les chlorures métalli= 
ques. Cette réaction est générale. 1 

Nous ajouterons que le carbure de lithium, 
chauffé vers 300°, prend feu et brûle avec vivacité M 
dans l'oxygène, dans la vapeur de soufre et de. 
sélénium. C'est un réducteur d'une très grande 
énergie. 


2. Carbure de potassium. — Passons maintenant 
à l'étude du carbure de potassium C°K°. M. Berthe= 
lot en a indiqué l'existence. Il l’obtenait en chauf- 
fant du potassium dans une cloche courbe remplie 
de gaz acétylène. Nous avons pu préparer le mêmes 
composé, en partant d’un corps cristallisé qui an 
pour formule C°K?.C*H° et que l’on obtient par l'ac=m 


tion de l’acétylène sur le potassammonium" : 
3 C2H® + 2 AzH°K — C?K2CH° + 2 AzH° + CH*. 


L'expérience peut se faire rapidement. Dans 
une solution de potassammonium dans le gaz am- 
moniac liquéfié, l'on amène un courant de gaz 
acétylène pur à la température de — 40°. On voit 
alors la couleur bleue disparaitre et il se dépose 
en même temps un composé cristallin qui peul être M 


1 Morssax : Action de l’acétylène sur les métaux ammo= 


niums (1898). €. 2, t. CXXVII, p. 911. 4 


H. MOISSAN — LES CARBURES MÉTALLIQUES 


951 


dissocié dans le vide à la température ordinaire. 
Par suite de cette dissociation, il se dégage de 
acétylène et il reste le carbure transparent C°K°. 
a réaction précédente, qui se produit avec un 
égagement régulier d’éthylène CH”, est un curieux 
xemple d'hydrogénation de l'acétylène à la tem- 
éralure de — 40°, sans formation de produits de 
polymérisation. 

Nous ajouterons que, par l’action sur les métaux 
calins du gaz acétylène à froid, ou par l’action de 
acétylène liquéfié avec ou sans pression, nous 
avons obtenu les composés intermédiaires ou acé- 
lènes sodés et potassés à l’état de pureté C°K°,C° 
12 et C°Na°,C'H°. L'existence de ces composés avait 
été déjà indiquée par M. Berthelot. 

Par élévation de température, ces corps se dis- 
ocient ; ils fournissent un dégagement d'acélylène 
èt ils laissent comme résidu les carbures C°K° et 
ENa’. Si l'on chauffe davantage, ces carbures sont 
fomplètement décomposés en carbone et en métal. 
Ces dernières expériences nous font comprendre 


alcalins au four électrique. 


3. Carbure de sodium. — Le même procédé de 
préparation peut s'appliqueræu carbure de sodium 


RE 


lure sur un excès de gaz acétylène sec (Matignon, 
1897 :). 


4. Carbures alcalino-lerreux. — Nous arrivons 
“maintenant aux carbures alcalino-terreux ?, Nous 
“avons insisté précédemment sur les curieuses expé- 
tiences de Wæhler*. En 1892, M. Maquenne', en 
duisant le carbonate de baryte par le magnésium, 
Lobtenu, mélangé à un excès de magnésie, un car- 
bure de baryum impur qui, en présence de l’eau, 
légageait de l'acélylène ne renfermant que 3 à 
2°/, d'hydrogène. En 1893, M. Travers, en faisant 
réagir le sodium sur un mélange de chlorure de 
lcium et de charbon, avait obtenu une masse grise 
contenant environ 16 °/, de carbure de calcium dé- 
omposable par l'eau. Dès le début de nos recher- 
ches au four électrique, en étudiant la fusion et la 
olatilisation de la chaux, nous avions remarqué la 
rmalion d'un carbure de calcium fusible à haute 


Qui regarde l'industrie du carbure de calcium. 

L : Préparation de l’acétylène par le carbure de 

cium (1862). Annalen der Chemie und Pharma’, 

CXXIV, p. 220. 

# MAQUENNE : Sur une nouvelle préparation de l'a ylène 
3). Ann. de Chim. et de Phys. (6), t. XXVIII, p. 257-270. 


pourquoi nous n'avons pu obtenir les carbures 


température. Voici ce que nous écrivions à ce su- 
jet, le 12 décembre 1892, dans les Comptes rendus 
de l'Académie des Sciences : « Si la température 
atteint 3.000°, la matière même du four, la chaux 
vive, fond et coule comme de l’eau. A cette tempé- 
rature, le charbon réduit avec rapidité l’oxyde de 
calcium, et le métal se dégage en abondance; il 
s'unit avec facilité au charbon des électrodes, pour 
former un carbure de calcium, liquide au rouge, 
qu'il est facile de recueillir. » 

Dans cette Note, nous indiquions doncnettement, 
pour la première fois, la formation du carbure de 
calcium au four électrique par l’action du charbon 
sur l’oxyde de calcium. En 1894, nous complélions 
cette étude, et nous publions les propriétés de ce 
carbure de calcium cristallisé. Le produit ainsi 
préparé avaitune apparence mordorée, une couleur 
foncée et une densité de 2,2. Sa propriété carac- 
léristique élait de se décomposer complètement, 
en présence de l'eau froide, en produisant de 
l'hydrale de chaux et un dégagement tumultueux 
d'acétylène : 

C?Ca + 2 H°0 — C°H° + Ca (OH). 


Ce fut surtout cette réaction qui attira l'attention, 
et, comme le gaz acétylène possède un pouvoir 
éclairant très grand, cette préparation en quelques 
années devint rapidement industrielle’. Cependant, 
d'autres propriétés du carbure de calcium méritent 
de fixer l'attention. 

Dès nos premières recherches, nous avions 
indiqué les propriétés réductrices du carbure de 
calcium au moyen des expériences suivantes. 
Nous placons du carbure de calcium au contact 
d'acide chromique en fusion, et l'on voit tout de 
suite se produire une ivcandescence très vive el 
en même lemps de l'acide carbonique se dégager. 

Si nous projetons maintenant un petit fragment 
de carbure sur du chlorate de potassium en fusion, 
le carbure est porté au rouge et la décomposition 
se produit avec un grand dégagement de chaleur. 

Voici un autre exemple. Nous avons disposé 
dans un tube de verre un mélange en poudre 
grossière de bioxyde de plomb et de carbure de 
calcium. Nous chaufflons ce mélange. Aussitôt 


la réduction se fait avec mise en liberlé de 


! Cette industrie du carbure de calcium a pris, en peu de 
temps, un grand développement en France. Jusqu'ici les 
courants intenses produits par les chutes d'eau n'avaient 
été utilisés que pour des électrolyses : préparation de l’alu- 
minium et du chlorate de potassium. La fabrication du 
carbure de calcium a appris aux industriels à manier la 
haute température fournie par l'arc électrique et les a 
préparés à poursuivre différentes applications de nos travaux, 
telles que la préparation au four électrique du chrome, du 
tungstène, des ferrochromes et des ferrosiliciums. Nous 
sommes heureux de reconnaître que nos recherches scienti- 
fiques ont ouvert la voie à une métallurgie nouvelle. 


952 


chaleur, car le tube de verre fond en quelques 
instants. 

Pour bien montrer que ces réactions peuvent 
ètre très énergiques, broyons dans un mortier, 
à la température ordinaire, un mélange de fluorure 
de plomb et de carbure de calcium. Dès que le pilon 
frotte sur les parois du mortier, la masse devient 
incandescente et est projetée sur la table, 

Nous ajouterons que celte réaction du carbure 
de calcium sur un grand nombre d’oxydes nous a 
fourni une nouvelle méthode de préparation des 
carbures inattaquables par l’eau’. 

Enfin, un autre point n'a pas tardé à fixer notre 
attention. Si le carbure de lithium peut se préparer 
au four électrique sous la forme d'un composé 
absolument transparent, il n’y avait pas de raison 
pour qu’il n’en fût pas de même pour le carbure 
de calcium. Voici, en effet, un autre mode de pré- 
paration de ce carbure, qui va nous donner un 
composé cristallin et transparent?. Nous avons 
dans un tube en U du calcium, ammonium à la 
température de —40° et nous condensons à sa 
surface un excès de gaz ammoniac. Puis, nous 
faisons arriver, dans ce liquide bleu, un courant 
d'acétylène pur et sec. On peut remarquer que 
très rapidement la couleur bleue disparail ; il se 
dépose aussitôt un corps cristallin incolore qui à 


pour formule : 
C2Ca, C?H°, 4 AzH. 


Ce composé, par dissociation dans le vide à la 
température de 100°, laisse une poudre blanche 
qui a pour formule C'Ca. C'est le carbure de ceal- 
cium pur et transparent. 

Ce carbure de calcium transparent peut encore 
être obtenu par union directe au rouge sombre du 
noir de fumée avec le calcium cristallisé ?. 

Nous avons préparé de même au four électrique 
le carbure de strontium (Sr et le carbure de 
baryum C?Ba. Ces carbures, que l’on peut obtenir 
cristallisés, ont des propriétés identiques à celles 
du carbure de calcium. 

Nous avons parlé précédemment de la facile 
décomposition par la chaleur des carbures alcalins. 
Le phénomène est identique, bien qu'il se pro- 
duise à une température plus élevée, pour les car- 
bures alcalino-terreux *. 


1 Morssan : Nouvelle méthode de préparation des car- 
bures par l’action du carbure de calcium sur les oxydes (1897). 
C. R., t. CXXV, p.839. 

? Morssan : Action de l’acétylène sur les métaux ammo- 
piums (1898). C. R., t. CXX VII, p. 911. 

3 Moissan : Sur la couleur du carbure de calcium (1898). 
C. R., t. CXXVII, p. 917; et Recherches sur le calcium et 
ses composés (1899). Ann. de Chim. et de Phys. (1), t. XVIN, 
p. 289. 

* Morssan : Sur les conditions de formalion des carbures 
alcalins, des carbures alcalino-terreux et du carbure de 
magnésium (1898). C. R., t. CXXVI, p. 302. 


H. MOISSAN — LES CARBURES MÉTALLIQUES 


Voici, sur ce sujet, des expériences qui nous 
paraissent concluantes : : 

1° Lorsque nous avons préparé de petites quan: 
tités de carbure de calcium avec des courants € 
1.200 ampères sous 60 volts, il nous est arrivé, 
l'expérience dure dix minutes, d'obtenir un résidu 
formé de graphite pulvérulent ne contenant plus, 
que des traces de carbure de calcium. Il n’y a pas 
eu volalilisation du composé, car le carbone sous 
forme de graphite en poudre est resté dans 
creuset. Il est plus vraisemblable de penser que 
l’on se trouve en présence d’une dissociation du 
carbure, le calcium distillant avec facilité et le car 
bone pulvérulent restant comme résidu. 

2° Dans des expériences faites au moyen dt 
tube froid de Deville et qui avaient pour but d’étu 
dier la condensation de la vapeur de carbone, nous 
n'avons jamais obtenu de condensation de carbure 
de calcium. Si l’on chauffe, en effet, dans le fout 
électrique, du carbure de calcium fondu, on n€ 
retrouve sur le tube de cuivre traversé par un cour 
rant d’eau froide qui se trouve au milieu du fou 
que de la poussière de graphite, de la chaux puk 
vérulente et du calcium. Ce dernier, au contact d 
l’eau, dégage de l'hydrogène dont la pureté a été 
vérifiée par une analyse eudiométrique. ! 


5. Carbure d'aluminium. — Le carbure d'alumis 
nium C'Al‘ se présente en belles lamelles hexago 
nales transparentes, de couleur jaune, pouvanl 
atteindre un centimètre de diamètre ‘. Ce nouveau 
carbure ne décompose pas l’eau froide brusque 
ment comme les carbures alcalins et alcalino: 


et un gaz qui est du méthane pur. Nous avons and 
lysé le gaz par combustion eudiométrique, nous 
avons pris la densité, et, de plus, nous avons ét 


tant d’un poids déterminé de ce carbure : 
C'ALS + 12 H°0 — 3 CH: + 2[Al(OH)5]. 


Le carbure d'aluminium, comme les précédents 
se prépare au four électrique par union directe 
deux éléments. Par un procédé analogue, M. Lez 
beau * a pu obtenir le carbure de glucinium, qu 
lui aussi décompose l’eau froide en produisant de 
l'hydrate de glucine et du méthane 


CGE + 4H°0 — CH + 2GI(0H, 


Les différents carbures définis et crislallisés que 
nous avons passés en revue jusqu'ici ne fournissent 


1 Moissan : Préparation du carbure d'aluminium cristal 
lisé (1894). C. R., t. CXIX, p. 16. 
2 Lengau : Sur le carbure de glucioium (1895). GC. Rs 
t. CXXI, p. 496. 4 


par leur décomposilion en présence de l’eau froide, 
Qu'un seul carbure d'hydrogène, soit l'acétylène, 
Soit le méthane. Nous allons nous trouver mainte- 
nant en présence de réactions plus complexes. 


6. Carbure de manganèse. — Le carbure de 
manganèse CMn*° va être obtenu avec facilité et par 
kilogrammes à la température du four électrique *. 
Be carbure décompose l’eau froide lentement, et, si 
lon recueille les gaz qui se produisent, on recon- 
nait, ainsi que nous l'avons démontré en partant 
d'un poids déterminé de ce composé, que la réac- 
ion répond à l'équation suivante : 


CMn* + 6 H°0 — CH‘ + H? + 3Mn(OH}. 


Te 9 


Nous recueillons dès lors un mélange à volumes 
égaux d'hydrogène et de formène. 


1. Carbure d'uranium. — Le métal uranium, que 
nous avons pu préparer en grande quantité au four 
électrique, et qui est devenu si cher aux physiciens, 

“nous a donné’, en présence d’un excès de charbon, 
un carbure de formule C‘Ur?, en prenant Ur — 240. 
Ce carbure, dont on peut aisément faire une pré- 

“paration, s obtient en chauffant au four électrique 
500 grammes d'oxyde d'uranium et 60 grammes 

de charbon. 

… Le carbure d'uranium est difficile à fondre, et 
“nous devons chauffer pendant dix minutes pour 

“terminer la réaction. On remarquera que l'ampè- 
“remètre placé à côté du four indique 1.000 am- 

“pères, et le voltmètre 50 volts. 

Nous ne nous arrêterons pas aux propriétés 
curieuses de ce carbure d'uranium ; nous ne vou- 
ons, pour le moment, que parler de son action 
sur l’eau froide. Le carbure d'uranium crislallisé 
décompose lentement l’eau froide, et l'on recueille 
un mélange gazeux, complexe, ânélange renfer- 
mant, tout à la fois, de l'acétylène, de l’éthylène, 
du méthane et de l'hydrogène. 

Si maintenant, après avoir fait l'analyse de ce 
mélange, nous additionnons le carbone de la tota- 

“lité de ces différents carbures d'hydrogène, nous 

remarquons tout de suite qu'il nous manque envi- 
ron les trois quarts du carbone du carbure d’ura- 
nium. Eh bien! ce carbone, nous le retrouvons en 
épuisant par l'éther l’eau au milieu de laquelle la 

— décomposition s'est produite. Ce carbone qui nous 

“ manquait est sous forme de carbures liquides et 

… solides, et, si nous faisons une étude qualitative de 

o carbures, nous voyons qu'ils contiennent des 


composés salurés et non saturés. 


> 4 Morssax : Sur le carbure de manganèse (1896). C. Æ., 
te CXXIT, p. 421. 

. 2 Morssax : Etude du carbure d'uranium (1896). C, Z., 
À CXXIT, p. 214: 


LS 


4 
Le 


H. MOISSAN — LES CARBURES MÉTALLIQUES 953 


La décomposition du carbure d'uranium par 
l'eau froide est donc des plus complexes. Le car- 
bone passe à l’état de carbures d'hydrogène gazeux, 
liquides et solides, et nous verrons tout à l'heure 
quel résultat nous pouvons en tirer au point de 
vue de l'étude de certaines questions géologiques. 

Nous ne voulons pas, dans cette rapide étude, 
entrer dans le détail de toutes ces expériences. 
Nous tenons néanmoins à rappeler qu'en utili- 
sant cette méthode du four électrique nous avons 
pu préparer un grand nombre de carbures cristal- 
lisés et parfaitement définis. 


8. Carbure de cérium. — Le carbure de cérium 
C?Ce se présente en hexagones jaunes rougeûtres, 
et il décompose lentement l'eau froide en déga- 
geant un mélange d’acétylène, d'éthylène et de 
méthane. Il donne aussi en même temps des car- 
bures liquides saturés et non saturés *. 


9. Carbure de lanthane. — De même, le carbure 
de lanthane C?La nous fournira, en présence de 
l’eau, de l'acétylène, de l'éthylène et du méthane, 
et les quantités des différents carbures d'hydro- 
gène ainsi obtenues seront voisines pour le lan- 
thane etle cérium. 


10. Carbure d'yltrium. — Le carbure d'yttrium 
C°Y nous donnera loujours en présence de l’eau 
froide les trois carbures fondamentaux et de l'H. 


11. Carbure de néodyme et de praséodyme. — 
Les deux carbures de néodyme et de praséodyme * 
Ce et C‘Pr dégagent, dans les mêmes condi- 
tions, les trois carbures fondamentaux sans hydro- 
gène; il en est de même pour le carbure de sama- 
rium* C'Sa; enfin, le carbure de thorium* C°Th 
nous fournit tout à la fois de l'hydrogène, de l’acé- 
Lylène, de l'éthylène et du méthane. Et il est à 
remarquer que, parmi les carbures de la famille de 
la cérite et de l’yttria, la production et la compo- 
sition des différents carbures d'hydrogène formés 
restent à peu près les mêmes pour des corps à pro- 
priétés similaires. 


En résumé, à la haute température du fourélec- 
trique, un cerlain nombre de métaux, tels que l'or, 
le bismuth, l'étain, ne dissolvent pas de carbone. 

Le cuivre liquide n’en prend qu’une très petite 


1 Morssax : Préparation et propriétés du carbure de 
cérium (1896). C. R., t. CXXII, p. 351. 

2 Morssax : Préparation et propriétés des carbures de 
néodyme et de praséodyme (1900). C. R., t. CXXXI, p. 595. 

3% Morssan : Etude du carbure de samarium (1900). C. Z., 
t. CXXXI, p. 924 

4 Morssax et Eraro : Sur les carbures d’yttrium et de 
thorium (1896). C. R., t. CXXII, p. 573. 


954 


quantité, suffisante déjà pour changer ses pro- 
priétés et modifier sa malléabilité. 

L'argent, à sa température d’ébullition, dissout 
une pelite quantité de charbon, dont il abandonne 
ensuite la plus grande partie, par refroidissement, 
sous forme de graphite. 

Cette fonte d'argent, obtenue à très haute tem- 
pérature, présente une propriété curieuse : celle 
d'augmenter de volume en passant de l’état liquide 
à l’état solide. Ce phénomène est analogue à celui 
que nous renconlrons avec le fer. 

L'argent et le fer purs diminuent de volume en 
passant de l’état liquide à l’état solide.Au contraire, 
la fonte de fer et la fonte d'argent, dans les mêmes 
corditions, augmentent de volume. 

L'aluminium possède des propriétés identiques. 

Les métaux du plaline, à leur température d’ébul- 
lition, disolvent le carbone avec facilité et l’aban- 
donnent sous forme de graphite avant leur solidifi- 
cation. Ce graphite est foisonnant'. 

Un grand nombre de métaux vont, au contraire, 
à la température du four électrique, produire des 
composés définis et cristallisés, les carbures mé- 
talliques. 

Nous avons pu préparer ces carbures par trois 
méthodes différentes : 

1° Par la réduction des oxydes par un excès de 
charbon et par l’action directe du carbone sur les 
métaux à la température du four électrique ; 

2° Par la réaction du carbure de calcium sur 
les oxydes et autres composés métalliques ; 

3° Pour les métaux alcalins et alcalino-terreux, 
par l’action de l’acétylène sur les ammoniums cor- 
respondants, puis par dissociation de la combi- 
naison ammoniacale ainsi obtenue. 


IIT. — NOUVELLE THÉORIE DE LA FORMATION 
DES PÉTROLES. 


Un fait général se dégage des nombreuses re- 
cherches que nous avons entreprises au four élec- 
trique. Les composés qui se produisent à haute 
température sont toujours de formule très simple, 
et, le plus souvent, il n'existe qu’une seule combi- 
naison. 

La réaction qui nous a paru la plus curieuse dans 
ces recherches est la production facile de carbures 
d'hydrogène gazeux, liquides ou solides, par 
l’action de l’eau froide sur certains de ces carbures 
métalliques. Il nous à semblé que ces études pou- 
vaient présenter quelque intérêt pour les géologues. 

Les dégagements de méthane, plus ou moins pur, 
qui se rencontrent dans certains terrains et qui 


? Moissax : Préparation au four électrique de graphites 
foisonnants (1895). C. Æ., t. CXX, p. 17. 


H. MOISSAN — LES CARBURES MÉTALLIQUES 


durent depuis des siècles, semblent bien avoir pour 
origine l'action de l’eau sur le carbure d’alumi: 
nium. Lu 

Une réaction du même ordre peut expliquer la 
formation des carbures liquides. 

On sait que les théories relatives à la formation 
des pétroles sont les suivantes : 1° production pat 
la décomposition de matières organiques, animales 
ou végétales; 2° formation des pélroles par réaction 
purement chimique; théorie émise pour la première 
fois par M. Berthelot, en 1866, et qui a fait 
sujet d’une intéressante publication de M. Men 
deleef; 3° production de pétroles par suite df 
phénomènes volcaniques, hypothèse indiquée par 
de Humboldt dès 1804. Enfin, nous devons ajouter 
qu'en traitant par une solution d'acide chlorhy: 
drique ou d'acide sulfurique des fontes et d 
ferro-manganèses, Cloez, en 1874, a obtenu des 
carbures d'hydrogène semblables à ceux que Pe 
louze et Cahours avaient retirés des pélroles de 
Pensylvanie. ; 

En partant de 4 kilogrammes de carbure d'ura 
nium, qui ont été décomposés par l'eau froide, nous 
avons préparé, dans une seule expérience, plus de 
100 grammes de carbures liquides. | 

Le mélange ainsi obtenu est formé, en grande 
partie, de carbures éthyléniques et, en petite quan? 
tité, de carbures acétyléniques et de carbures 
saturés. Ces carbures prennent naissance en pré” 
sence d'une forte proportion de méthane et d'hy 
drogène à la pression et à la température ordinaires 
ce qui nous amène à penser que, quand la décom 
position se fera à une température plus élevée, il 
ne se produira que des carbures saturés analogues 
aux pétroles. 

M. Berthelot, en effet, a établi que la fixation die 
recte de l'hydrogène sur un carbure non saturé 
pouvait être produite par l'action seule de la cha® 
leur. 

L'existence de ces nouveaux carbures métalli= 
ques, destructibles par l’eau, peut done modifier 
les idées théoriques qui ont été données jusqu'ici 
pour expliquer la formation des pétroles. l 

Il est bien certain que nous devons nous mettre 
en garde contre des généralisations trop hàtives. 

Vraisemblablement, il existe des pétroles d'oris 
gines différentes. À Autun, par exemple, les schistes. 
bitumineux paraissent avoir été produits par la 
décomposition de matières organiques. 

Au contraire, dans la Limagne, l’asphalte im= 
prègne toutes les fissures du calcaire d’eau douce 
aquitanien, qui est bien pauvre en fossiles. Cet as= 
phalte est en relation directe avec les filons de pé-= 
périte (tufs basaltiques), par conséquent en rela=" 
lion évidente avec les éruptions volcaniques de la 
Limagne. 


H. MOISSAN — LES CARBURES MÉTALLIQUES 


955 


Un sondage récent, fait à Riom, à 1.200 mèires 
» de profondeur, a produit l'écoulement de quelques 
» litres de pétrole. La formation de ce carbure liquide 
pourrait, dans ce terrain, être attribuée à l’action 


- de l’eau sur les carbures métalliques. 


Nous avons démontré, à propos du carbure de 
calcium, dans quelles conditions ce composé peut 
se brûler et donner de l'acide carbonique. 

Il est vraisemblable que, dans les premières pé- 

riodes géologiques de la Terre, la presque totalité 
du carbone se trouvait sous forme de carbures mé- 
talliques. Lorsque l’eau est intervenue dans les 
réactions, les carbures mélalliques ont donné des 
carbures d'hydrogène, et ces derniers, par oxyda- 
tion, de l'acide carbonique. 
* On pourrait peut-être trouver un exemple de 
cette réaction dans les environs de Saint-Nectaire. 
Les granits, qui forment en cet endroit la bordure 
du bassin tertiaire, laissent échapper, d’une façon 
continue et en grande quantité, du gaz acide car- 
bonique. 

Nous estimons aussi que certains phénomènes 
volcaniques pourraient être attribués à l’action de 
l'eau sur des carbures métalliques facilement dé- 
composables. 

Tous les géologues savent que la dernière mani- 
festation d'un centre volcanique consiste dans des 
émanations carburées très variées, allant de l’as- 
phalte et du pétrole au terme ultime de toute oxy- 
dation : à l’acide carbonique. 

Un mouvement du sol, mettant en présence l’eau 
et les carbures métalliques, peut produire un dé- 
gagement violent de masses gazeuses. En même 
temps que la température s'élève, les phénomènes 
de polymérisation des carbures interviennent pour 
fournir toute une série de produits complexes. 

Les composés hydrogénés du carbone peuvent 
donc se produire tout d'abord. Les phénomènes 
d'oxydation apparaissent ensuite et viennent com- 
pliquer les réactions. En certains endroits, une fis- 
sure volcanique peut agir comme une puissante 


cheminée d'appel. On sait que la nature des gaz 


recueillis dans les fumerolles varie suivant que 
l'appareil volcanique est immergé dans l'océan, ou 
baigné par l'air atmosphérique. À Santorin, par 
exemple, M. Fouqué a recueilli de l'hydrogène 
libre dans les bouches volcaniques immergées, 
tandis qu'il n'a rencontré que de la vapeur d’eau 
dans les fissures aériennes. 


L'existence de ces carbures métalliques, si faciles 
à préparer aux hautes températures, et qui, vrai- 
semblablement, doivent se rencontrer dans les 
masses profondes du globe, permettrait donc d'ex- 
pliquer, dans quelques cas, la formation des car- 
bures d'hydrogène gazeux, liquides ou solides, et 
pourrait être la cause de certaines éruptions 
volcaniques. 


IV. — ConcLusIons. 


Nous ajouterons que le carbone de tous nos com- 
posés organiques actuels a dû se trouver originai- 
rement combiné aux métaux, sous forme de car- 
bures métalliques. Il est vraisemblable, pour nous, 
que ce sont ces composés qui peuvent subsister 
dans les astres à température élevée. Nous ajoute- 
rons que, pour cette même période, l'azote devait 
se rencontrer sous forme d'azotures métalliques, 
tandis que, vraisemblablement, l'hydrogène exis- 
tait en grande quantité à l’état de liberté, dans un 
milieu gazeux complexe, renfermant peu de car- 
bures d'hydrogène. Le four électrique semble bien 
réaliser les conditions de cette époque géologique 
reculée. 

Enfin, nous pouvons tirer un autre enseignement 
de ces recherches. Nous avons démontré avec quelle 
facilité la plupart de ces carbures pouvaient se for- 
mer en grande quantité, à la haute température du 
four électrique. 

On remarquera, en outre, que certains décom- 
posaient l'eau à la température ordinaire pour 
produire les carbures d'hydrogène fondamentaux, 
l'acétylène, le formène et l’éthylène, puis des car- 
bures liquides saturés et non saturés, des carbures 
solides, en un mot des produits complexes de po- 
lymérisation. 

Ces dernières réactions sont d'autant plus inté- 
ressantes qu'elles se font toutes à froid, et nous 
savons que les carbures d'hydrogène ainsi formés 
sont les points de départ de toute la Chimie orga- 
nique. | 

Aucune étude n'établit aussi nettement l’étroite 
liaison qui réunit la Chimie minérale à la Chimie 
organique, aucun exemple ne démontre mieux 
l'unité de la Science chimique. 

H. Moissan, 


de l'Institut. 
Professeur de Chimie à la Sorbonne. 


956 


M. BUCQUOY — LA PESTE À BORD DU ‘: SÉNÉGAL ” 


LA PESTE À BORD DU ‘ SÉNÉGAL” 


UNE QUARANTAINE AU FRIOUL 
ECTURE A L'ACADÉMIE DE MÉDECINE 


Je crois répondre au désir de l'Académie en 
venant apporter à celte tribune la relation de l’épi- 
démie de peste qui s’est déclarée récemment à bord 
du Sénégal et nous a obligés, un certain nombre de 
nos confrères et moi, de subir une quarantaine au 
lazaret du Frioul. 

L'Académie se rappelle l'intéressante communi- 
cation qui lui a été faite, au mois de mars dernier, 
par notre collègue M. Proust, au sujet de la peste. 
Il nous a montré comment cette maladie, qui règne 
à Bombay depuis 1896, a, par le fait des communi- 
cations par la navigation à vapeur, disséminé des 
foyers dans les cinq parties du monde, et devient 
par là un danger redoutable pour l'Europe. Ce 
danger est plus grand et menace plus directement 
la France depuis que le fléau atteint, comme c’est 
actuellement le cas, des ports de la Médilerranée 
avec lesquels notre pays est en relations conti- 
nuelles. 

Mais M. Proust a eu grandement raison quand il 
a ajouté que ce danger pouvait être conjuré grâce 
à l'application rigoureuse des mesures sanitaires 
édiclées par les règlements, et qu'il y avait lieu 
d'espérer que la peste serait facilement éteinte sur 
place, dès qu'on s'opposerait à la formation de 
foyers (Séances du 19 et du 26 mars 1901). 

Mais les règlements, si bons qu'ils soient, n'ont 
de valeur et d'efficacité que par la manière dont ils 
sont appliqués. Or, une assez fâcheuse expérience, 
à laquelle la Presse a donné un cerlain retentis- 
sement, nous a mis en mesure d'apprécier comment 
les services sanitaires sont armés pour parer aux 
dangers d'une invasion de la maladie, et comment 
sont appliquées les mesures préservatrices pres- 
crites en pareil cas. 

Le récit des faits dont nous avons été témoins, je 
pourrais dire les victimes, permettra à l’Académie 
de se rendre compte des lacunes regrettables que 
j'aurai à lui signaler. 


Tout le monde connait ici, au moins de réputa- 
tion, les croisières organisées par M. Olivier, direc- 
teur de la Revue générale des Sciences, avec un 
zèle au-dessus de tout éloge, et grâce auxquelles 
on peut utiliser ses vacances en faisant des voyages 
aussi.instruclifs que récréatifs. 


Ceite année, le programme élait des plus at- 
trayants. Il comprenait Rhodes, Chypre, le Liban, 


la Galilée, Jérusalem, avec retour par Candie et 


l'ile de Malte. Aussi les adhérents furent nombreux, 
et plus nombreux que d'habitude. Gent soixante- 
quatorze passagers s'embarquaient lesamedi 14 sep- 
tembre, à Marseille, sur le Sénégal, paquebot des 


Messageries Maritimes que M. Olivier nolise habi= 


tuellement pour ses voyages”. 
Nouspartions souslesauspicesles plus favorables 


Un certain nombre de passagers retrouvaient sur. 


le Sénégal des compagnons des croisières précé- 
dentes. On peut dire que la société était choisie. 
Nous comptions parmi les membres de la croisière 
un ancien ministre, M. Raymond Poincaré: un 
membre de l'Institut, M. E. Picard; M. Diehl, pro- 
fesseur à la Sorbonne, directeur scientifique de la 
croisière ; des magistrats et des avocats distingués; 


le peintre Clairin; plusieurs ecclésiastiques, et, chose » 


intéressante dans les circonstances qui allaient se 


produire, dix-septmédecins : avec moi, le D'Chauf- 


fard et le D' Richardière, médecins des Hôpitaux; 
le D' Demons, professeur de Clinique chirurgicale à 
Bordeaux ; le D' Aubert, ancien chirurgien de l'Anti- 
quaille de Lyon; M. Bernheim {de Nancy) ; un méde- 
cin connu de La Haye, le D' de Zwaan; plusieurs 
confrères de Paris et de la province, auxquels leur 
nom etleursitualion donnaientune grande autorité. 
J'ajoute que, presque tous, nous étions accompagnés 
de nos familles, femmes et enfants. 


Le dimanche 15, relâche à Ajaccio et départ le 


soir, à 4 heures, pour l'ile de Rhodes, où nous 
devions débarquer le jeudi matin. 

Dans la matinée du lundi 16, surlendemain de 
notre départ, par une mer calme, alors que tous 
étaient tranquilles et tout à la joie d’une traversée 
qui s'annoncait heureuse et des salisfactions qu'on 
se promettait dans ce beau voyage, le D'Piotrowski, 
médecin du bord, vint prier le D' Chauffard de voir 
avec lui un homme de l'équipage qui lui donnait 
quelque préoccupation. 

C'était le second maître d'équipage, qui, depuis 
deux jours, élait souffrant. La veille, on lui avait 
trouvé des signes d'embarras gastrique et prescrit 
ee RE RM € 


1 En fait, la Zevue générale des Sciences ne loue pas le 
bateau; elle entreprend la croisière avec le concours de la 
Compagnie de navigation pour la partie maritime du 
voyage. ND:ar ee 


Î 


{ 


* 
; 
J 
ñ 


une purgation ; mais, ce matin-là, le D° Piotrowski 
mGonstatait qu'il avait une fièvre assez vive et, de 


“dans l'aine gauche. 

Cet homme, qui appartenait depuis longtemps 
à l'équipage du Sénégal, était âgé de trente à trente- 
trois ans et de constitution extrêmement robuste. 
11 n'était pas couché, se sentait à peine malade et 
demeurait jusque-là mêlé au reste de l'équipage. 
- Cette adénite, qui ne reconnaissait pas de cause 
raumatique, ni spécifique, et que le malade attri- 
buait aux faligues qu'il avait subies avant le départ 
du Sénégal, s'accompagnant d'une fièvre aussi 
intense, parut aussi suspecte au D’ Chauffard qu'au 
médecin du bord, et mon avis, qu'ils voulurent 
bien me demander, fut absolument conforme au 
leur. 

La chose était assez sérieuse pour que nous dési- 
rions d'autres lumières, et nous priàmes le D' De- 
ons, de Bordeaux, de s'adjoindre à nous et de 
faire l'examen chirurgical. Pas plus que nous, après 
les plus minulieuses exploralions, M. Demons ne 


- Le cas élait donc suspect, à supposer que ce ne 
fûL pas un cas de peste confirmée. Dans ces condi- 
tions, que fallait-il faire? Quel parti prendre au point 
“de vue du voyage que nous commencions ? 

- D'abord, pour le malade, pratiquer son isolement 
“immédiat et faire, si possible, une injection desérum 
antipesteux. Mais du sérum antipesteux, il n'y en 
avait pas à bord, quoique le Sénégal fit le service 
d'Alexandrie, port infecté, où la peste avait subi de 
la recrudescence à la fin d'août, et où le bateau y 
avait séjourné les deux jours réglementaires ! 

On m'avait signalé pour celle époque, à Alexan- 
drie, onze cas de peste, dont six morts; rien 


Pour la seconde question, fallait-il, en attendant 
la confirmation ou l'infirmation du diagnostic pré- 
sumé, continuer le voyage, ou,!dès ce moment, 
retourner en arrière? La solution de la question 
nous fut donnée par le Commandant et le médecin 
du bord, qui nous rapportèrent des faits très pro- 
bants ne laissant pas de doute que, ayant à bord un 
malade atteint d'adénite, quelle que fût sa nature, 
ous les ports de la Turquie nous seraient fermés. 
Nous nous exposions donc à une navigation pro- 
longée, désormais sans objet, et finalement à une 
quarantaine probable, dans un lazaret turc, et dans 
uelles conditions ! 

. Le plus sage était donc de regagner au plus tôt 
n port français pour débarquer le malade, avec la 
possibilité, si nos craintes n'étaient pas justifiées, 
de repartir de là avec patenie nette et de recom- 
mencer le voyage. Marseille était tout indiquée. 


REVUE GÉNÉRALE DES SCIENCES, 1901, 


M. BUCQUOY — LA PESTE A BORD DU ‘: SÉNÉGAL ” 957 


C'est l'avis que nous avions émis, et en cela nous 
étions d'accord avec le Commandant du Sénégal. 
Mais nous avions à compter avec nos familles et 
les passagers qui ne soupconnaient rien de ce qui 
se passait. Avant de prendre une décision aussi 
grave, nous crûmes devoir en référer à nos con- 
frères, qui, convoqués par nous, sur l'exposé des 
faits, furent unanimes à conclure au retour im- 
médiat à Marseille. 


IT 


Je dois dire, à la louange de tous les passagers 
du Sénégal, que ni la contrariété de voir manquer 
un voyage très désiré, ni, surtout, l’idée d’avoir la 
peste à bord, n’eurent sur leur moral l'influence 
fâcheuse qu'on aurait pu redouter, Tout le monde 
comprit qu'on se trouvait en présence d’une fatalité 
qu'il fallait subir, que le mieux était de sortir le plus 
tôt possible de ce mauvais pas sans s’exposer à de 
fâcheuses éventualités. 

Le Sénégal, qui arrivait aux iles Lipari, retourna 
en arrière. Le soir, une conférence intéressante, 
faite par M. Diehl sur les pays que nous ne devion 
plus voir, occupa les esprits, et le lendemain 
mardi 17, nous repassions au détroit de Bonifacio, 
d'où le Commandant du Sénégal put avertir la direc- 
tion des Messageries Maritimes que nous avions à 
bord un cas suspect de peste et que le bateau reve- 
nait à Marseille. 

Notre arrivée à Marseille, ou plutôt au Frioul, fut 
retardée par un brouillard épais dans la matinée 
du mercredi 18. Nous étions attendus par le Service 
sanitaire à à heures du matin; il était 11 heures 
quand nous arrivaämes. 

Vers L heure, visite du D' Jacques, chargé de la 
visite des passagers, de l'examen du malade, et de 
recueillir, pour l'examen bactériologique, du liquide 
bubonique. Déjà, dans les quarante-huit heures qui 
ont précédé, le Commandant du Sénégal avait pro- 
cédé à la désinfection des locaux occupés par 
l'équipage. Ceux-ci et les hommes eux-mêmes 
avaient été lavés au sublimé, leurs effets désin- 
fectés à l'étuve; aucune autre mesure nouvelle ne 
fut prescrite. 

En attendant le résultat des examens, les pas- 
sagers restaient sur le Sénégal, dans les eaux du 
Frioul, dans le voisinage d’un autre bateau des 
Messageries qui terminait sa quarantaine deux 
jours après, l'Ærnest-Simons. 

Quelques heures après, nous reçûmes la visite 
du D' Catelan, directeur du Service sanitaire de 
Marseille, accompagné du D' Gauthier, chargé du 
laboratoire de Bactériologie. Les premières re- 
cherches sur frottis avaient donné des bacilles 
pesteux, mais en petit nombre et mal caractérisés. 


cs 


958 


M. BUCQUOY — LA PESTE À BORD DU ‘: SÉNÉGAL ? 


Le cas, toutefois, ne paraissait pas douteux. On | 
demanda des rats; on en trouva quelques-uns 
bien vivants, qui furent emportés. 

Les rats avaient été recherchés dès le début; on 
ne trouvait pas de rats morts. Pour nous, dont 
l'expérience en matière de peste était nulle, c'était 
une circonstance à laquelle, dans ce cas douteux, 
mais suspect, nous atlachions quelque impor- 
tance. 

Au reste, la chose n'était pas tellement claire, 
même à notre arrivée au Frioul, que le D' Jacques, 
qui avait soigné les pestiférés du Zaos et avait 
déjà, comme son collègue, le D' Gauthier, contracté 
la peste, n'eût émis lui-même des doutes sur la 
nature de la maladie. C'était pourtant bien la peste. 
Transporté tout de suite à l'hôpital de Ratoneau, le 
malade recut, mais trop tardivement, les injections 
qui lui avaient manqué jusque-là; la fièvre et le 
délire se maintinrent et augmentèrent, et dans la 
nuit du samedi au dimanche, il succombait. 

Comment avait-il contracté la peste? Nous ne 
comprenions pas que, parti de Marseille, port 
indemne, après un séjour de dix-sept jours, retour 
d'Alexandrie, il eût pris la maladie dans ce der- 
nier port, l’incubation de la peste n'ayant qu'une 
durée de quelques jours. 

La question d'étiologie fut résolue le lende- 
main de notre débarquement au lazaret et nous 
eûmes la confirmation de l’origine de ce cas de 
peste par les rats, quand on ouvrit la soute au 
linge sale, où l'on trouva un certain nombre de 
rals morts, dont je n'ai pas le chiffre officiel. 

Nous sûmes aussi, par les recherches bactério- 
logiques, que les rats vivants, quoique en appa- 
rence bien portants, étaient tous infectés du 
bacille pesteux. La même remarque avait déjà été 
faite pour les rats du Laos. 

L'explication la plus probable dans ce cas de 
peste est donc celle-ci: On sait avec quelle facilité 
les rats pénètrent par les cordages et les amarres 
dans les bâtiments au mouillage. Pendant son 
séjour à Alexandrie, le Sénéqal est resté deux 
jours à quai et a pu embarquer ces agents d'infec- 
tion, chez lesquels la maladie a évolué pendant son 
retour à Marseille. C’est ainsi que des rats pes- 
tueux ont infeelé le bateau, auquel cependant, 
grâce à uñe inspection sanitaire insuffisante, on à 
donné une patente nette sur celte considération 
que le navire avait quitté Alexandrie depuis dix- 
sept jours, et qu'il n'avait présenté aucun cas de 
maladie. 

De là cette aventure, probablement unique dans 
l'histoire des quarantaines, d’un bateau partant 
d'un port non infecté, et obligé de faire au départ 
une quarantaine qu'on ne fait ordinairement qu'au 
retour. 


III 


Je continue notre odyssée. Nous atlendions M 
décision du Conseil de Santé et nous nous prép 
rions à débarquer au lazaret. On n'était pas pressé 
de nous y recevoir, car, me disait M. Catelan, il ve 
bien des logements, mais pas de serviteurs. Or 
nous arrivions 174etil yavait, pour tout ce monde 
6 gens de service. Il fallait donc pourvoir à tot 
ce qui était nécessaire, non seulement au loges 
ment, mais à la nourriture et à l'entretien dur 
nombre tout à fait inusité de passagers, et de pass 
sagers de première classe. 

Nous devions donc rester jusqu'au samedi su 
le Sénégal, lorsque, le lendemain de notre arrivée 
jeudi 19, un nouveau cas de peste se mamifest 
chez un autre homme de l'équipage, qui fut immés 
diatement débarqué et conduit à l'hôpital de Rato» 
neau. 

Plus heureux que son camarade, il put recevoïit 
tout de suite les soins nécessaires et, en particulie 
les injections de sérum de Yersin : il guérit. Les 
journaux annoncçaient ces jours-ci sa convalescence 
et sa guérison. k 

Alors, la patience des passagers du Sénégal fut 
bout. Déjà on s'expliquait mal qu'on nous laissé 
un temps aussi long sur un bateau infecté sans nous 
soustraire au danger de la contagion et sans nous 
débarquer, ni qu'aucune des mesures de désinfec: 
lion auxquelles on s'attendait ne fût prise immés 
diatement, soit à l'endroit des passagers, soit pour 
la désinfection du Sénégallui-même. Et voilà qu'un 
nouveau cas de peste éclate à bord! 

Des instances furent faites pour obtenir un débars 
quement immédiat. Celui-ci ne pouvail se faire, 6 
raison de l'heure tardive; il fut avancé de vingt 
quatre heures, et, le vendredi 20, nous quittions le 
Sénégal pour entrer en quarantaine au lazaret du 
Frioul. Je n’ai pas besoin de vous dire avec quel 
soulagement on abandonna le bateau infecté. 

Ce fut donc le vendredi 20, à midi, que no 
primes possession du Frioul. Depuis le mardi 4, 
notre retour était signalé de Bonifacio. A la porte 
de Marseille, qui offre toutes les ressources, près de 
Toulon, qui pourrait par la Marine donner tout 
personnel nécessaire, rien n’était prêt pour nous 
recevoir. Personnel insuffisant, de sorte que ce 
furent les hommes mêmes de l'équipage du Sénégal 
qui durent transporter nos bagages dans n0S 
chambres; pas de linge, de bougies, de savon, ni 
d’autres objets indispensables. En un mot, pas de 
service organisé. 

Les journaux se sont beaucoup occupés de notre 
triste aventure. Ce qu'ils ont dit de l’inconfort que 
nous avons trouvé au Frioul est vrai et dépasse tout 
ce qu'on pourrait supposer. 


M. BUCQUOY — LA PESTE À BORD DU ‘‘ SÉNÉGAL ” 


959 


Je n'aborde pas ce côté de la question, car heu- 
reusement la bonne humeur, l’entrain de nos com- 
- pagnons d'infortune, le talent artistique de certains 
d’entre eux nous ont aidés à passer sur bien des 
desiderata. 

Une fois au lazaret, nous n’entendimes plus parler 
“de rien. Consigne sévère limitant nos promenades 
—… une enceinte soigneusement fermée; un char- 
mant confrère, le D'° Jacques, chargé de nous sur- 
veiller et de nous soigner au besoin; puis, un pelo- 
ton de neuf gendarmes pour nous garder et nous 
empêcher d’enfreindre la consigne et de dépasser 
les limites de notre internement. 

Mais, par une bonne chance, la présence de 
M. Poincaré parmi nous et ses bons rapports avec 
M. Lutaud, préfet de Marseille, nous valurent des 
adoucissements auxquels se refusait l'Administra- 
tion sanitaire. Des promenades étendues dans l'ile 
- déserte, mais des plus pittoresques, ont bien dimi- 
nué les amertumes de notre quarantaine et charmé 
nos ennuis. 

Nos compagnons, nous médecins en particulier, 
nous nous imaginions que, sortant d'un bateau 
infecté, avec des bagages dont quelques-uns avaient 
voisiné avec les rats-morts, nous aurions à subir 
cerlaines épreuves de désinfection : il n'était ques- 
ñ tion de rien. 

& Le D' Jacques disait bien qu'il serait bon de se 
pire inoculer, mais personne pour l'imposer el 

_ faire valoir lés avantages de l’inoculation. Nous- 
À mêmes, consultés par nos amis, nous étions fort 
_embarrassés pour émettre un avis. 

Cette situation se prolongeant, le samedi, après 
en avoir causé avec mes confrères, j'envoyai au 
D' Catelan un télégramme le priant de venir ré- 
pondre lui-même aux questions qui nous élaient 
adressées et donner des instructions positives sur 
ce qu'il y avait à faire. 

Sur la question des injections préventives el 
préservalrices, l'avis de M. Catelan fut formel. Il 
fallait les faire. Elles étaient, d’ailleurs, d'après lui, 
sans inconvénients, et il nous affirmait que sur 7 
ou 800 cas où il les avait vu praliquer, pas un seul 
cas de peste ne s'était manifesté. 

Pourquoi n’avaient-elles pas été conseillées tout 
d’abord ? C’est, chose incroyable, qu'on n'avait pas 
de sérum frais à Marseille ni au Frioul. Il en res- 
tait encore une certaine quantité de l'épidémie du 
Laos ; on en attendait de Paris depuis trois jours"! 


1 La faute ne saurait, en aucune facon, être attribuée à 
linstitut Pasteur : « Depuis l’année 1899, d'accord avec le 
Ministre de l'Intérieur et le Conseil Municipal de Paris, a 
- déclaré M. Roux, une provision de 10.000 doses de sérum 
antipesteux est toujours gardée à la disposition des auto- 
rités. » 

A quoi M. Bucquoy a répondu : « Il n'en est que plus 
étonnant que le Service de la Santé de Marseille n'en ait pas 


Le soir même, on commenca les injections avec 
ce qui restait de sérum, et, pour donner le bon 
exemple, les médecins de la croisière furent les 
premiers àse faire inoculer. Le lendemain, diman- 
che, le sérum nouveau arrivait enfin, et, sur 174 que 
nous étions, 165 subirent l'opération. 

La visite du D° Catelan nous valut aussi quelques 
mesures de désinfection, au moins pour la forme. 
L'étuve était un peu redoutée. Les vêtements du 
D' Demons et du D° Chauffard, qui avaient été plus 
directement en contact avec le malade, sortirent de 
l'étuve du Sénégal dans un état qui les rendait 
immettables. La casquette du D° Demons, en par- 
ticulier, est restée légendaire dans la croisière. 

On n'exigea pas un pareil sacrifice pour les vête- 
ments de nos compagnes; le linge de corps seul 
passa à l’étuve, mais soumis à une température 
convenable et suffisante. 

Pour les autres vêtements, ils restèrent dans les 
malles, qu'on désinfecta fermées, avec des pulvéri- 
sations de sublimé. 

Rien à dire sur ces mesures, si ce n’est, comme 
vous le voyez, qu'elles ont été prises bien tardive- 
ment, ne donnant pas aux personnes qui les voyaient 
appliquer l'idée que l'Administration sanitaire les 
considérait eomme bien nécessaires et même bien 
utiles. 


IV 


Pendant ce temps-là, que devenait l'équipage du 
Sénégal, toujours interné à son bord depuis notre 


- retour au Frioul ? Il attendait !... 


Je vais vous communiquer la lettre que m'écri- 
vit, le 23 septembre, le D" Catelan, et qui vous 
montrera, mieux que je ne pourrais le faire, l'état 
moral de ces pauvres gens et les mesures prises à 
leur égard : 

Marseille, le 23 septembre 1901. 


MONSIEUR Et TRÈS HONORÉ CONFRÈRE, 


Je tiens à vous renseigner sur les mouvements qui 
se produisent au port du lazaret du Frioul, et sur les 
dispositions prises pour éteindre le foyer d’ infection du 
Sénégal. 

Comme il arrive à peu près toujours en ces circons- 
tances, l'équipage du Sénégal a réclamé avec une insis- 
tance dont la dépression morale donne la mesure — 
et à laquelle Commandant et Compagnie se sont asso- 
ciés, — a réclamé, dis-je, d'être débarqué à son tour. 

Vous comprenez, Sans que j'aie besoin d'appuyer, 
pourquoi j'ai refusé absolument de faire droit à cette 


F requête. 


Quoique les hangars de Ratoneau, sous lesquels il 
eût été indiqué alors de placer l'équipage, puissent être 
gardés par un cordon d'agents, ce sont là des précau- 
tions illusoires de séparation ; malgré tout ce qu'on eût 
pu faire, bientôt vous auriez vu ces ‘hommes passer par- 
dessus foutes les barrières, et aller partout où on leur 
eût interdit de pénétrer. 


une provision suffisante pour tous les besoins qu'il peut 
être appelé à satisfaire. » N. 0.1. D 


M. BUCQUOY — LA PESTE A BORD DU ‘SÉNÉGAL ” 


Après en avoir longuement conféré avec le directeur 
et les agents de la Compagnie des Messageries Mari- 
times, j'ai oblenu que la Compagnie envoyät un 
deuxième paquebot, n'ayant pas, pendant cette der- 
nière année, fréquenté les ports d'Egypte, dans les 
eaux du port du Frioul: ce paquebot, l'Ortégal, doit 
ètre prêt aujourd'hui lundi à aller se ranger auprès du 
Sénégal. < 

Un médecin spécial a été envoyé sur ce dernier na- 
vire, pour y diriger, avec le concours du D' Piotrowski, 
l'exécution des mesures prescrites, et pour lesquelles 
des instructions écrites lui ont été remises. 

Après vaccination au sérum antipesteux des hommes 
de l'équipage, de tous les hommes, état-major com- 
pris, et désinfection nouvelle et minutieuse des linges, 
effets à usage, etc., etc., l'équipage du Sénégal passera 
sur l'Ortégal. 

Le Sénégal, qui aura, au préalable, débarqué sur cha- 
lands ses 100 tonnes de marchandises, sera alors soumis 
à une vaste et radicale opération de désinfection, qui 
consiste à remplir, après avoir envoyé des jets de va- 
peur brûlante dans toutes les capacités closes, tous les 
compartiments intérieurs de vapeurs d'acide sulfureux. 

Le paquebot, alors, restera de trente-six à quarante- 
huit heures, avec toutes ses ouvertures, panneaux, sa- 
bords, hublots, obturées avec soin, soumis à l'action 
des vapeurs sulfureuses. Dès que l’imprégnation sera 


suffisante, c'est-à-dire au bout de trente-six à quarante- | 


huit heures, il sera un peu incliné, de facon à être mis 
en travers du vent, et aéré aussi largement que pos- 
sible. 

Si les instructions sont bien suivies, et l'opération 
bien exécutée, ce qu'il est permis d'espérer, pas un ron- 
geur, pas un parasite ne pourra s'échapper. 

C'est la meilleure des sauvegardes, car, il n'est pas 
besoin dele dire, s'il y avait eu un va-et-vient incessant 
entre le Sénégal et les établissements de la Quaran- 
taine, ce qui eût été inévitable en débarquant l'équi- 
page dans les hangars de Raloneau, personne ne pou- 
vait plus répondre de rien. 

En vous communiquant ces renseignements, afin que 
vous ayez la bonté de n'en rien laisser ignorer aux 
touristes, vos compagnons d'infortune, j'ai surtout eu 
en vue de vous mettre à même d'apprécier l'emploi des 
mesures de défense de la santé publique, et de protec- 
tion pour les personnes internées, 

D'ailleurs, à l'heure actuelle, sans être prophète, je 
crois pouvoir vous affirmer que, parmi les passagers, il 
n’y à plus la moindre probabilité d'une atteinte quel- 
conque; que, de plus, il est fort probable qu'il en sera 
de même dans l'équipage; enfin, l’aération déterminée 
par les mouvements de l’atmosphère est le purifica- 
teur par excellence, et vous êtes servis à souhaits en 
ce moment. 

Je vous prie d'agréer, Monsieur et honoré Confrère, 
l'assurance de mes sentiments les plus dévoués. 

D' CATELAN. 


Ce ne fut que le mardi 24 que l’Ortégalparut dans 
les eaux du Frioul, et le mercredi 25, c'est-à-dire 
huit jours pleins après que notre retour avait été 
signalé, qu'eut lieu le débarquement de l'équipage 
du Sénégal. Fort heureusement, malgré toutes ces 
lenteurs, les prévisions du D' Catelan ont été jus- 
tifiées ; aucun cas nouveau ne s’est produit dans 
cet équipage déjà suffisamment éprouvé. 

Du côté des passagers du lazaret, tout continua 
à aller bien, sauf quelques accidents intestinaux 
dus au mauvais régime el à la mauvaise nourriture : 
c'est ce qu'on appelait là-bas « la Frioularde ». 

Plus tard, quelques-uns d’entre nous furent assez 
éprouvés par l'injection anlipesteuse, dont les suites 


rappelaient beaucoup ce que nous observons avec 
les injections antidiphtéritiques. Je passe sur ces 
détails. x 

Je serai bref maintenant sur les derniers jours 
de notre quarantaine. Malgré le bon état de santé 
de tous et l'accomplissement de toutes les pres” 
cripüions sanitaires, on tenait à nous garder dix 
jours pleins à partir de notre débarquement au 
Frioul, ce qui nous conduisait au lundi 30. Mar- 
seille ne se souciait pas de nous recevoir. Il nous. 
sembla que la mesure élait sévère; des instances 
furent faites pour en abréger la durée. M. Poincaré 
agissait auprès du préfet; de notre côté, nous récla® 
mions l'intervention de notre collègue, M. Proust 

C'est au préfet que nous dûmes notre libération: 
le vendredi 27, après sept jours pleins de lazaret e 
huit jours après le second cas de peste déclaré. On: 
tenait, parait-il, beaucoup à nous garder, car 
M. Proust, qui avait répondu en faveur de la libé= 
ration après sept jours, eut sa dépêche gardée dans 
les bureaux sanitaires; elle ne nous à jamais été 
communiquée, et ce fut le préfet seul qui usa de 
son autorité pour nous donner notre exeal. 4 

Celui-ci nous fut remis avec un passeport régle= 
mentaire de surveillance administrative limitée à 
trois jours. La plupart d'entre nous passèrent à 
l'étranger, et, de surveillance après notre arrivée à 
Marseille, il ne fut jamais question. * 


N 


Telle est la relation exacle de la petite épidémie 
de peste à bord du Sénégal qui nous a fourni l'oc= 
casion d'expérimenter,par nous-mêmes, les mesures 
protectrices employées contre le fléau qui depuis 
longtemps menace l'Europe. 

Bien loin de moi la pensée d’incriminer le Ser= 
vice sanitaire dans la personne de nos confrères, 
dont nous nous plaisons à reconnaitre la courtoi- 
sie, la science et le dévouement. Au Frioul, pour là 
construction duquel on a dépensé des somme 
considérables, on manque de tout, faute d'argents 
Et c'est au moment où la peste est à nos portes 
qu'on peut invoquer une pareille excuse et qu'a 
raie du budget les sommes nécessaires pour l’en: 
tretien d'un lazaret à la porte de Marseille, plu 
exposée que toute autre ville à recevoir des ports 
de la Méditerranée des navires contaminés | 

La question sera, je l'espère, portée devant un 
autre assemblée plus compétente par M. Poincaré 
Ici, et devant cette Académie gardienne de la sant 
publique, il me reste à relever les fautes grave 
qui ont été commises et les lacunes observées dans. 
l'application des mesures sanitaires. À 

La première faute capitale a été de nous eme 
barquer sur un bateau à qui a manqué, avant le 


M. BUCQUOY — LA PESTE A BORD DU 


4 

‘départ, une inspection sanilaire suffisante, aussi 
ien de la part des Messageries Maritimes que du 
Service de Santé lui-même. Si la cale et les soutes 
avaient été visitées et convenablement explorées, 
on aurait trouvé le corps du délit, et la patente 
nette n'aurait pas été délivrée.Je n'ai pas à recher- 
cher à qui incombent les responsabilités. 

Un second fait, qui nous a particulièrement 
émus, c'est le manque de sérum antipesteux à 
“bord du Sénégal, sur un navire qui fait le service 
des côtes de la Méditerranée et un séjour réglemen- 
taire de quarante-huit heures à Alexandrie, port 
depuis longlemps contaminé. À ses autres étapes 
de Port-Saïd et de Beyrouth, le Sénéqal touchait 
aussi à des ports qui n'avaient pas été à l’abri de la 
peste. Dans le cas actuel, les conséquences ont été 
déplorables, puisqu'il y a eu mort d'homme. Une 
ou plusieurs injections faites au début chez notre 
“malade alteint de peste bubonique, de forme en 
apparence bénigne, lui eussent probablement sauvé 
la vie, comme elles l'ont fait chez le second malade 
contaminé. 

Nous avons été aussi singulièrement étonnés 

quand nous apprenions que, quatre jours après 
- notre arrivée au Frioul, on manquait encore de 
sérum pour nous faire, ainsi qu'à l'équipage du 
Sénégal les injections préservatrices. Je ne crois 
…— pas que ce soit de la faute de l’Institut Pasteur’. 
“ Nya-t-il pas lieu aussi d'être surpris que le cas 
… suspect étant reconnu véritablement pesteux, on ait 
laissé sur le bateau infecté, pendant plusieurs jours, 
les passagers, et plus longtemps encore, une semaine 
entière, l'équipage du Sénégal déjà si éprouvé? On 
répond que le débarquement n'était pas possible, 
rien n’élant prêt pour nous recevoir et nous in- 
terner. C'est précisément ce que nous sommes en 
droit de reprocher, moins peut-être aux agents du 
Service sanilaire qu'à ceux qui, en refusant les 
crédits nécessaires, les mettent dans l'impossibilité 
d'accomplir leur devoir. 

Que dirai-je maintenant de l'installation au 
Frioul? Lazaret ne dit pas un lieu de délices. Mais 
puisqu'on a fait un grand établissement sanilaire, 
ne serail-il pas sage de pourvoir à son entretien 
et d'assurer son bon fonctionnement, et au lieu 
de prendre pour modèles les lazarets de certains 
pays répulés pour leur saleté et leur mauvaise ins- 
 tallation, imiter les Japonais, par exemple, qui ont, 
parait-il, dans le lazaret de Nagazaki, pour les vic- 
times des quarantaines, des hôtels de premier 
ordre? 

On objectera que les grandes épidémies sont 
rares, et que des années se passent quelquefois 
sans qu'on ait à utiliser ces lazarets. Rien n'oblige 


- 4 Voir la note au bas de la page 959. N. D: L'R. 


SÉNÉGAL ” 961 


à v avoir des services permanents el coûteux; 
mais pourquoi n'avoir pas ce que j'appellerai un 
plan de mobilisalion qui permette, le cas échéant, 
de pourvoir dans un bref délai, chose facile à la 
porte de villes comme Marseille, Bordeaux, Dun- 
kerque, aux nécessités matérielles des personnes 
soumises aux quarantaines. Après la récente épi- 
démie du Za40s, cette incurie semble incompréhen- 
sible et sans excuse. 

Quant aux mesures de désinfection, dont nous 
n'avons pas à discuter la valeur, et qui sont régle- 
mentées d’après les données de la science et de 
l'expérience, est-il admissible qu'elles ne soient 
pas appliquées immédiatement, dès le débarque- 
ment des passagers et des bagages qui, venant 
d'un bâtiment contaminé, peuvent infecter à leur 
tour le lazaret qui devrait leur assurer la sécurité? 

Ajouterai-je encore un fait-qui m'a stupéfié? La 
veille de notre départ du Frioul, nous avions lu 
dans les journaux que la peste élait à Naples. Le 
D' Calelan, à qui j'en parlai, me dit qu'il avait vu 
aussi cette nouvelle dans le journal, qu'alors il 
s'était empressé de télégraphier à Paris, d'où la 
chose lui fut confirmée, en lui disant de plus que la 
peste était à Naples depuis un mois, mais qu'on le 
tenait caché! Or, trois bateaux venant de Naples 
sont arrivés ce jour-là à Marseille! À quoi donc 
servent les agents consulaires? 

VI 

En faisant à cette tribune la relation de cette 
fâcheuse aventure, ne croyez pas que je veuille 
faire ici d'inutiles récriminations. Le hasard ayant 
fait qu'un certain nombre de médecins des plus 
autorisés, el avec eux des hommes distingués de 
toute carrière, fort capables d'apprécier ce qui se 
passait sous leurs yeux, aient pu constater par une 
expérience personnelle combien le Service sani- 
taire avait été défectueux dans l'épidémie du Sé- 
négal, il était de mon devoir de porter, comme ils : 
me l'ont demandé, ces faits à la connaissance de 
l'Académie. Je crois faire œuvre d'utilité publique 
en la saisissant de cetle question de protection 
sanitaire et en la priant de formuler elle-même les 
conclusions qui découlent des faits que je viens 
d'exposer. Gardienne de la santé publique, c’est à 
elle à réclamer de l'autorité les réformes qui s im- 
posent dans l'application des mesures sanitaires. 

Je ne terminerai pas sans remercier, au nom de 
mes compagnons de quarantaine, l'Académie de 
l'intérêt qu'elle a pris à notre infortune, et dont 
sa Commission permanente, par l'intermédiaire de 
notre collègue M. Motet, a bien voulu nous adres- 


ser le touchant témoignage. 
D' M. Bucquoy. 


Membre de l'Académie de Médecine. 


D' A. LOIR — LA DÉSINFECTION PAR L’ACIDE SULFUREUX 


LA DÉSINFECTION PAR L’ACIDE SULFUREUX 


RÉCENTES EXPÉRIENCES EN AMÉRIQUE ET EN ANGLETERRE 


Il y a quelques semaines, une croisière organisée 
par la Revue générale des Sciences, et composée 
de nombreux touristes, quiltait Marseille à desti- 
nation de la Palestine, à bord du paquebot le 
Sénégal. 

Le navire se trouvait à la hauteur des iles Lipari 
lorqu'un cas de peste fut signalé parmi les hommes 
de l'équipage. La croisière fut alors interrompue, et 
le Sénégal ramené au lazaret du Frioul, à Mar- 
seille, où les passagers durent subir la quarantaine 
de rigueur. 

Ce paquebot était rentré dix-sept jours aupara- 
vant d’un voyage aux Echelles du Levant, au cours 
duquel il avaittouché plusieurs ports contaminés. 
Rentré à Marseille, il avait bien, paraît-il, subi la 
désinfection prescrite par les règlements, mais 
cette désinfection avait été insuffisante, car l’exa- 
men bactériologique des rats vivants capturés dès 
l’arrivée des touristes au Frioul, ainsi que des nom- 
breux cadavres de rats trouvés dans la soute du 
linge sale, démontra qu'ils étaient porteurs du 
germe du terrible fléau. 

Le mode de désinfection actuellement en usage 
est défectueux, puisque, s'il fait périr les rats, il 
ne fait pas disparaitre leurs cadavres et, par con- 
séquent, ne détruit pas leurs parasites (puces, etc.), 
qui sont le principal véhicule de la peste. 

Le meilleur procédé à employer serait donc celui 
qui, permettant de s'emparer des rats vivants, ren- 
drait possible la destruction rapide et complète de 
ces rongeurs et de leurs parasites. 

Seul, un gaz asphyxiant serait capable de pro- 
duire ces effets. Si ce gaz se trouvait être, en même 
temps, un destructeur de microbes, son emploi 
serait des plus avantageux pour la désinfection, 
et aurait une grande importance au point de vue 
de l'hygiène. 


L'acide sulfureux pourrait rendre ce service, si, 
toutefois, on trouvait une source de production 
importante de ce gaz, dont les propriétés désinfec- 
tantes sont connues. 

Depuis longtemps, les avantages de la désinfec- 
tion par l'acide sulfureux ont été signalés. Des 
expériencés faites par Dujardin-Baumetz, Pasteur, 
le D' Roux, et d’autres savants, ont attiré l’atten- 
lion sur le pouvoir désinfectant de ce gaz. 

L’emploi de l'acide sulfureux est réglementaire 
dans l'armée; il a élé recommandé officiellement 


par le Comité consultatif d'Hygiène publique de 
France; il a été employé dans les dernières épi 
démies pour la désinfection des chambres de cho- 
lériques. 

Les expériences faites par Vallin, Dujardin- 
Baume{z, Pasteur, Sternberg, les résultats obtenus 
pour la désinfection des salles de casernes ou 
d'hôpitaux contaminés et des navires, prouvent, 
comme le démontrent Legouest, Ollivier, Potier, 
Raoul, la valeur que peut avoir ce gaz dans la 
pratique. 

Sternberg a constalé qu’il détruit les microco- 
ques de l’érysipèle et de la septicémie puerpérale. 
Vallin a stérilisé le virus du chancre mou, du far- 
cin, du tubercule en le soumettant à l'action de ce 
gaz. Il peut aussi rendre de grands services dans 
les petites localités et dans les campagnes. Nous 
ne dévons pas, fait observer Sternberg, rejeter 
l'acide sulfureux avant d’être en mesure de recom- 
mander à sa place quelque chose de meilleur pour 
la désinfection des appartements et des navires. 

M. Legouest dit que l'emploi de l'acide sul- 
fureux comme agent de désinfection a été fait 
dans l’armée. Les casernes sont désinfectées à 
l'acide sulfureux, et les vêtements des galeux net- 
toyés par ce procédé, en usage depuis longtemps 
dans les lazarets. Ces opérations ont été praliquées 
avec de la fleur de soufre, et la désinfection de 
toute une caserne a coûté 250 ou 300 francs. Pour 
désinfecter la caserne installée dans l’ancien Chà- 
teau des Papes à Avignon, infectée par la fièvre 
typhoïde, M. Czernicki a employé 30 grammes de 
soufre par mètre cube. Le chiffre de 20 grammes 
est, en général, considéré comme suffisant. M. Méhu 
dit qu'il a plusieurs fois procédé à la désinfection 
de salles d'hôpital à la suite d’épidémies de fièvre 
puerpérale et de fièvre typhoïde, et que la maladie 
n'a jamais reparu immédiatement après l'opération : 
dans ces salles. Des expériences faites par M. Vallin 
sur la literie, les châlits en fer, les vêtements et 
objets d'équipement, les objets enveloppés dans 
des matelas ou des couvertures de laine, ont 
montré le grand pouvoir de pénétration du gaz sul- 
fureux. Depuis la réoccupation des casernes, après 
désinfection, aucun cas d’épidémie ne s’est produit. 
Ce mode de désinfection avait donné de tels résul- 
tats qu'il fut question de désinfecter loutes les 
casernes à l'époque des grandes manœuvres ; ce 
projet n’a pu avoir de suite, pour la raison qu'on 
ne possède pas d'appareil permettant une applica- 


“tion pratique du procédé. De nombreux inventeurs 
ont cherché à faire des appareils producteurs de SO”; 
le D: Gibier, entre autres, crut avoir résolu le pro- 
Plème. Jusqu'à ces derniers temps, cependant, 
Aucun système pratique n'avait réussi à s'imposer. 


IT 


L'acide sulfureux est obtenu habituellement par 
Ja combustion du soufre. Trois procédés peuvent 
Ctre utilisés pour la désinfection par l'acide sulfu- 
reux; ce sont : la combustion du soufre, l'acide 
Sulfureux liquéfié, la combustion du sulfure de car- 
bone. Il est reconnu que la pénétration du gaz est 
considérable, quelle que soit la méthode employée 
pour le produire. Des papiers à réactifs, placés 
dans l’intérieur de matelas ou d'armoires, dans des 
pièces soumises à l'action de cet agent de désin- 
fection, ont été atteints par lui. 

Le procédé par la combustion ‘du soufre est le 
plus simple et le moins coûteux. Pasteur conseillait, 
afin d'éviter tout danger d'incendie, de se servir 
d'un fourneau en terre réfractaire placé sur une 
plaque de tôle, et dont les parois sont percées de 
petits trous, pour faciliter la combustion. 

On arrose la surface avec de l'alcool, que l’on 
enflamme ensuite pour obtenir une combustion 
égale sur toute la surface. 

—…. On peut ainsi, disait Pasteur, produire la com- 

“bustion complète de 20, 40 et 50 grammes de soufre 
“par mètre cube. 

L'emploi de l'acide sulfureux liquide anhydre 
présente les mêmes avantages. Ce gaz, liquéfié par 
. Raoul Pictet, de Genève, pour servir à l'in- 
dustrie, se vend dans des siphons analogues à 
eux d’eau de Seltz, et qui contiennent 750 grammes 
d'acide sulfureux. Il faut employer, pour la désin- 
feclion, un siphon par 20 mètres cubes. Ce gaz 
n'a qu'un inconvénient : c’est de coûter fort cher, 
La combustion du sulfure de carbone avait 
élé signalée par M. Péligot comme pouvant pro- 
duire une quantité importante d'acide sulfureux. 
M. Ckiandi a inventé une lampe pour brûler ce 
corps; mais ce procédé offre des difficultés dans la 


fection la place qu'il devrait occuper. 


f III 


- Il y à quelques années, un appareil producteur 
d'acide sulfureux par la combustion du soufre à 
été inventé, en Amérique, par M. Clayton. Dans ce 


D' A. LOIR — LA DÉSINFECTION PAR L’ACIDE SULFUREUX 


963 


système, le soufre est brûlé à l'intérieur d'un 
cylindre constamment alimenté d'air au moyen 
d’un ventilateur mû par un petit moteur à vapeur 
ou à gaz. Ce ventilateur, relié par des conduites 
aux chambres à désinfecter en aspire l'air, tandis 
que les vapeurs d'acide sulfureux produites dans 
le cylindre à combustion arrivent, sous pression 
et par d’autres canaux, dans ces mêmes chambres. 
Lorsque le gaz désinfectant a suffisamment séjourné 
dans ces pièces, on arrête la combustion du soufre, 
puis, au moyen du ventilateur, on chasse l'acide 
sulfureux et on le remplace par de l'air sec. 

Cette machine, dont la destination première était 
de servir de pompe à incendie, a été rapidement 
expérimentée pour la désinfection et la destruction 
des animaux nuisibles. Les résultats obtenus ont 
été tellement concluants que l'emploi de cet appa- 
reil est entré maintenant dans la pratique. Ce sont 
les expériences faites au moyen de cet engin pen- 
dant ces dernières années en Amérique el en 
Angleterre, que nous allons relater ici. 

Aux États-Unis, on fumige les navires depuis 
plusieurs années, en introduisant, dans les cales 
qui renferment la marchandise, du gaz SO* au taux 
de 10à17°/,, et cela sans le plus léger dommage 
pour les bateaux. Depuis huit ans, les bateaux de 
la Morgan C°, qui font le service de la Havane à 
la Nouvelle-Orléans, subissent, tous les quinze 
jours, du 4% mai au 31 octobre, la désinfection par 
l'appareil Clayton. Le gaz sulfureux est générale- 
ment maintenu dans les cales pendant vingt-quatre 
heures, sans qu'il en résulte le plus léger inconvé- 
nient pour l'équipage ni les passagers. Ce système 
de fumigation a été employé pour empêcher l'intro- 
duction de la fièvre jaune. Le but a été atteint et 
les résultats satisfaisants qu'a donnés ce mode de 
désinfection font eroire que le même procédé peut 
ètre utilement employé contre la peste. 

Des expériences faites en Amérique ont prouvé 
que l'acide sulfureux avait une action efficace sur 
les balles de peaux et les balles de coton. Une balle 
de coton pressée hydrauliquement a été placée 
dans une pièce où l’on produisait 16 °/, de SO”; les 
résultats de l'expérience ont élé les suivants : 
non seulement les touffes de coton du centre de la 
balle dégageaient une forte odeur de gaz, mais, 
quand on les trempait dans l'eau fraiche, la solu- 
lion obtenue était suffisamment acide pour faire 
passer au rouge le tournesol. Malgré la compres- 
sion, le gaz avait donc bien pénétré dans toutes 
les parties de la balle. 

L'acide sulfureux ne sert pas seulement à détruire 
les germes de maladies, mais encore toute sorte 
de vermine (puces et autres insectes parasites, 
ainsi que leurs œufs), et tue les rats, ces agents 
redoutables de la propagation de la peste. 


964 


Dès le début du dégagement du gaz, les rats, 
cherchant à fuir les vapeurs asphyxiantes, déser- 
tent leurs cachettes et viennent mourir au-dessus 
des sacs contenant les marchandises. Il est alors 
aisé de s’en emparer pour les détruire. Ce moyen 
offre l'avantage de ne pas laisser, dans la cale des 
bateaux, de cadavres de rats, qui pourraient pro- 
voquer une nouvelle infection, s'ils étaient conla- 
minés par la peste. 

De semblables expériences ont été faites sur 

de nombreux paquebots. Un navire ayant eu 
à son bord plusieurs cas de peste fut soumis à 
la fumigation, qui détruisit des quantités de rats. 
La disparition de ces animaux fut complète. Aucun 
des navires désinfectés n’a subi de dommage, et 
les cargaisons sont demeurées intactes.Des échan- 
tillons de divers aliments ont élé soumis à une 
-atmosphère de 10 °/, sans éprouver la moindre 
altération. Un échantillon de thé, placé dans une 
cabine pendant la fumigation du navire, a été 
soumis à des experts sans que ceux-ci aient pu 
trouver de différence entre l'échantillon exposé au 
gaz et un échantillon, provenant du même colis, qui 
n'avait pas été en contact avec le désinfectant. Il 
en a été de même pour des échantillons de café. 

À la suite d'expériences faites sur l'orge, pour 

détruire les charancons, on a constaté aussi que, 
pour un même échantillon, 96 grains sur 100 non 
traités, et 90 sur 100 traités, avaient germé. 
L'orge soumise à la fumigation reste, par consé- 
quent, propre à malter. 
- Plusieurs Compagnies anglaises de navigation 
emploient maintenant lesdits appareils. Tout récem- 
ment, l'Ormuz, navire contaminé par la peste, 
ayant refusé de rester au Frioul (fin juillet 4901), 
a été, en arrivant en Angleterre, désinfecté avec 
succès par les appareils Clayton et a repris son 
service de navigation après autorisation des auto- 
rités sanitaires anglaises. 

Au début, les armateurs redoutaient de voir les 
bateaux et les cargaisons endommagés par l’aclion 
de l'acide sulfureux ; mais ces craintes ont disparu 
devant les résultats obtenus. 

Le prix de revient du gaz est tellement minime 
qu'il ne peut être pris en sérieuse considération. 

De nombreuses expériences ont aussi été faites 
pour montrer l'action de l'appareil en cas d'in- 


D' A. LOIR — LA DÉSINFECTION PAR L'ACIDE SULFUREUX 


cendie, et les Compagnies d'assurances acceptenk 
maintenant des risques sur le coton et accordent 
une réduction de 33 °/, sur les cargaisons des 
baleaux transportant du charbon inflammable, 
munis de l'appareil Clayton. 

Des barils de sucre, de bois de sapin, ete., d'en: 
viron huit pieds de hauteur, furent assemblés en 
pile dans une chambre et saturés d'huile de pétrole 
Un feu fut allumé et on le laissa brûler de toute son 
intensité pendant trois minutes et demie environ 
avec la porte de la chambre ouverte ; au bout de cê 
laps de temps, le gaz fut introduit dans la chambre 
et son effet sur les flammes fut immédiat, car 
on les vit baisser très notablement. La porte un® 
fois fermée, les flammes disparurent. Pendant 
plusieurs minutes, en plaçant l'oreille près de a 
porte, on entendit le craquement du bois. 

Du jute en feu, trempé dans du pétrole, fut de 
même éteint immédiatement; on obtint le même 
résultat pour de petites balles de coton. Des chars 
bons d'anthracite enflammés furent placés dans 
une boîte en sapin, et celle-ci recouverte, en divers 
endroits, par des couches de charbons bitumineux 
On mitces matières en combustion et on y laissa 
couver le feu durant vingt-quatre heures. Dès lim 
troduction de l'appareil dans la chambre, le feu 
élait étouffé et, au bout d’une heure et demie, riem 
n'indiquait plus que le charbon continuàt 
brûler. 

Le charbon rempli de ce gaz n'offre aucun danger 
de combustion spontanée et, de plus, il peut être 
employé immédiatement, car il n'a subi aucune 
altéralion. 

En résumé, ces expériences prouvent que nous 
sommes en présence d'un appareil capable de 
produire de grandes quantités d'acide sulfureux 
A un moment où l'Europe entière prend des me 
sures de préservalion conlre une invasion toujours 
possible du terrible fléau asiatique, il nous a paru 
utile de faire connaitre les expériences de désinfecs= 
tion qui ont eut lieu en Amérique pendant ces der 
nières années. Ces expériences ont donné des ré 
sultats très satisfaisants et prouvé que l’on possède 
dans l'acide sulfureux convenablement emplo 
uu agent de désinfection rapide et sûr. 

D' À. Loir, 


Directeur de l'Institut Pasteur de Tunis 


E. MATHIAS — LA PRÉPARATION INDUSTRIELLE DES GAZ LIQUÉFIÉS 


Dans un premier article, nous avons étudié les 
"procédés de liquéfaction des gaz et les moyens de 
les conserver à l’état liquide‘. Nous allons mainte- 
“ nant examiner leurs principales applications et 
indiquer les conditions de leur transport. 

Les gaz liquéfiés ont une application directe, 
commune à tous, le chlore excepté”, c'est la pro- 
duction industrielle du froid. On sait le rôle im- 
- mense que joue l'industrie du froid dans notre 
civilisation, rôle qui grandit de jour en jour. C'est 
- donc par celte application physique qu'il convient 
; de montrer d'abord l'importance de plus en plus 

considérable prise par les gaz liquéfiés. Leurs 
applications autres que les applications frigorifi- 
- ques varient beaucoup d'un corps à l’autre et sont 
- surtout des applications chimiques; elles seront 
étudiées en dernier lieu. 


I. — PRODUCTION INDUSTRIELLE DU FROID 
- PAR LES GAZ LIQUÉFIÉS*. 


Les machines frigorifiques à gaz liquéfiés consti- 
tuent le moyen le plus efficace et le plus écono- 
mique de production du froid à l'heure actuelle ; 

- leur supériorilé sur les machines frigorifiques à 
+ air ou à alfinilé parait aujourd'hui incontestable. 
. Le fonctionnement de ces machines est aisé à com- 
. prendre ‘: une certaine quantité d'un gaz liquéfié 
* quelconque, placée dans un réfrigérant, s'évapore 


4 Voyez la Revue du 30 octobre 1901. 

? Uniquement à cause de son action corrosive sur les 
métaux et alliages usuels. 

# J'ai beaucoup emprunté pour cette rédaction aux magis- 
trales études de M. Gustave Richard : « Les machines fri- 
gorifiques et leurs applications à l'Exposition Universelle 
de 1889 », Revue lechnique de l'Exposition de 1889, 11° par- 
tie, Industries Chimiques, t, 1, p. 109; Bernard, Paris, et 
« Les machines frigorifiques », Revue de Mécanique, janvier 
et mai 1897, Dunod, Paris. 

# Leur théorie complète est au contraire malaisée à faire. 
Elle a été donnée, pour la première fois, par Linde en 1870, 
dans le Bayer Industrie und Gewerbeblatt, complétée par lui 
en 1871, dans le même journal, et enfin, en 1875, dans le 
Verhandlungen des Vereines für Gewerbefleiss Preussen. 

M. Ledoux a publié, dans les Annales des Mines de 1878, 
une théorie plus complète s'étendant à toutes les machines à 
froid, et donné daus des Tables les coefficients thermiques de 
l'acide sulfureux et de l'ammoniaque. Enfin, M. Zeuner a 
| publié en 1881, dans le Zivilingenieur, une théorie des ma- 
chines à gaz liquéfiés qui n'est autre que celle de Ledoux, 
mise au point à l'aide de données plus récentes, et qui con- 
tient en outre la théorie de la machine à acide carbonique 
liquide. 


L a Sn né id Le : e 


965 


LA PRÉPARATION INDUSTRIELLE 
ET LES PRINCIPALES APPLICATIONS DES GAZ LIQUÉFIÉS 


DEUXIÈME PARTIE : APPLICATIONS ET TRANSPORT 


sous l'aspiration d'une pompe aspirante et fou- 
lante; le gaz liquéfié, pour s’évaporer rapidement, 
est obligé d'emprunter de la chaleur au corps qui 
l'entoure, c'est-à-dire au réfrigérant. Les vapeurs 
résullantes sont ensuite comprimées dans un /iqué- 
facteur où elles repassent à l'état liquide, pendant 
qu'un courant d’eau enlève la chaieur développée 
par la compression des vapeurs, et ramène le li- 
quide à sa température initiale. Le liquide retourne 
alors, par l'intermédiaire d'un robinet régleur, 
dans le réfrigérant où il est de nouveau aspiré, etc. 
La même masse de gaz parcourt done un cycle 


| fermé, et sert indéfiniment sans pertes si la ma- 


chine est parfaite. 

Une machine frigorifique contient donc trois 
organes essentiels : le compresseur, le liquéfacteur 
et le réfrigérant, auxquels on adjoint un organe 
régleur appelé le détendeur. 

Le compresseur peut être à simple ou à double 
effet. — Lorsque le compresseur est à simple effet, 
on le double le plus souvent, les deux cylindres 
étant actionnés par une même manivelle, de facon 
que l’un aspire pendant que l'autre refoule. Les 
cylindres sont alors presque loujours verticaux, et 
portent chacun deux soupapes coniques à ressort, 
l'une d'aspiration, l’autre de refoulement, à leur 
parlie supérieure; la boîle à éloupes se trouve, au 
contraire, à la partie inférieure, où elle n’est jamais 
au contact direct du gaz à comprimer que par les 
fuiles du piston. Celui-ci est pourvu de plusieurs 
segments, comme les pistons des machines à va- 
peur, et est surmonté d'une couche d'huile, sans 
cesse renouvelée pour éviter les émulsions, qui 
pénèlre en partie dans la soupape de refoulement 
et supprime les espaces nuisibles, tout en lubrifiant 
le cylindre et en augmentant l'étanchéité du piston. 

Lorsque le compresseur est à double effet, on le 
place dans le prolongement de Ja tige du piston du 
moteur à vapeur qui commande la machine frigori- 
fique, el il est actionné par elle ; il est alors le plus 
souvent horizontal. Dans ce cas, la boite à étoupes 
doit se maintenir étanche, non seulement pendant 
l'aspiration, mais encore pendant qu’elle supporte 
la pression du refoulement. Dans ce but, on dis- 
pose deux boites à étoupes entre lesquelles est un 
espace communiquant avec l'aspirateur du com- 
presseur. Les fuites provenant du refoulement, 
que la première boite à étoupes n'a pu arrêter, 


966 


E. MATHIAS — LA PRÉPARATION INDUSTRIELLE DES GAZ LIQUÉFIÉS 


sont arrêtées par la seconde qui n’a plus qu'à 
vaincre la pression de l'aspirateur. 

Les compresseurs à double effet sont, en Europe, 
de beaucoup préférés aux autres, à cause de leur 
prix moins élevé et de leur forme plus ramassée ; 
mais ils s'usent plus vite parce que les cylindres 
horizontaux s'ovalisent, ce qui exige des répara- 
tions onéreuses. De plus, les boîtes à étoupes étant 
plus compliquées absorbent plus de travail. Enfin, 
en cas d'obstruction des cylindres, les accidents 
des machines à double effet sont graves à cause de 
la rigidité du lien qui rattache leur piston à celui 
du moteur. 

Les compresseurs verticaux sont plus encom- 
brants, plus chers, mais ne s’ovalisent pas, et 
durent beaucoup plus longtemps que les autres; 
ils sont, de plus, faciles à conduire, ont des presse- 
étoupes aisément élanches, et, à cause de leur 
transmission par courroies, donnent lieu à des 
accidents moins redoutables. Ce type de machines 
domine aux États-Unis. 

Dans toutes les machines frigorifiques, on combat 
l’échauffement du compresseur dans la phase de 
refoulement, soit au moyen d'une enveloppe d’eau, 
soit plus efficacement par l'injection automatique 
d'une petite quantité de gaz liquéfié, laquelle fonc- 
tionne comme l'eau qui salure l'air dans les com- 
presseurs à air (Voir p. 902). 

Le liquéfacteur est constitué toujours par des 
tubes métalliques droits ou courbes (serpentins) 
parcourus par le gaz à liquéfier, et refroidis par une 
circulation d'eau. Les tubes droits ont cet avantage 
que, si quelques-uns s'obstruent, la machine conti- 
nue de fonctionner; mais leur construction néces- 
sile de nombreux joints, difficiles à faire, et qui 
sont rarement étanches sous des pressions élevées. 
Les serpentins réduisent au contraire au minimum 
le nombre des joints, mais ils doivent être mulli- 
ples, pour que l’obstruction de l’un d'eux n'arrête 
pas le fonctionnement de la machine. 

Le détendeur n’est, le plus souvent, qu'un robi- 
net de réglage disposé entre le liquélacteur et le 
rélrigérant, robinet que l'on commande à la main. 
D'autres fois, le détendeur est commandé automa- 
tiquement en utilisant la différence de pression qui 
existe entre les deux organes qu'il réunit. 

Le réfrigérant est l'analogue, en sens contraire, 
du liquélacteur. Le gaz liquéfié, refroidi par une 
rapide vaporisation, circule dans des tubes droits 
ou des serpentins baignés dans un liquide incon- 
gelable que des turbines agitent et forcent à circu- 
ler méthodiquement d'un bout à l’autre du réfri- 
gérant. 

Proposons-nous maintenant de passer en revue 
les principaux types de machines frigorifiques à gaz 
liquéfiés ; si l'on considère que l'appareil Linde dé- 


crit page 902 est en somme une machine frigorifique" 
à air liquide et qu'il n’y a pas de machines à pro= 
toxyde d’azole, à acétylène ou à chlore liquide, on 
voit que, si l'on met à part l'acide carbonique, les 
machines frigorifiques en question se réduisentaux" 
machines à ammoniac, à chlorure de méthyle el" 
à acide sulfureux liquides ; il y a lieu également de 
dire quelques mots des machines à liquides mixtes: 


S 1. — Machines frigorifiques à gaz ammoniac 

liquéfié. 

Au point de vue chronologique, on peut citer 
les machines de « Carré » (1864), de « Linde » (1875), 
de « Kilbourn » (1879), de « Lavergne » (1880), de 
« Wood » et « Richmond » (1882), de « Fixary » 
(1883), de « Puplett » (1884), de « Lebrun » (1887), 


ammoniac 


Linde à 

Jiquélié. — A, compresseur horizontal à double elfet ac- 

tionné directement par le moteur M; B, liquéfacteur; C, 

cylindre frigorifique; D, manomètre indiquant la pression 

dans le liquéfacteur; E, manomètre indiquant la pression 
dans le serpentin de détente. 


Fig. 4. — Machine frigorilique de 


de « Rouart » (1889). Les types de machines à ammo- 
niac créés aux Elats-Unis depuis 1889 sont extré- 
mement nombreux: il suffira de citer les machines 
« Frick », « Hercule », « Shou », « Ballantine », 
« Hesketh et Mariet » et celles de la « Arctic C2 », de 
la « Case Refrigerating C°», de la « York Manufacto- 
ring C», de la« Consolidated Ice Machine C° », ete. 

Dans ces appareils, il est impossible d'employer 
le laiton ou le bronze; toutes les pièces sont en 
fonte, en fer ou en acier. 

La machine « Linde » est une des meilleures ma- 
chines à ammoniac actuelles (fig. 1). Son compres- 
seur est horizontal, à double effet, accouplé au 
volant du moteur par une bielle et une manivelle. 
Le piston est à segments de fer, et s'applique sur les 
deux fonds du cylindre avec une rigoureuse exac- 
tilude, l'espace nuisible étant ainsi supprimé méca- 
niquement, Le presse-étoupes, d'où vient presque 


E. MATHIAS — LA PRÉPARATION 


INDUSTRIELLE DES GAZ LIQUÉFIÉS 


967 


“oute la valeur de cette machine, est double, avec 
Chambre intermédiaire remplie d'une huile miné- 
rale incongelable qui forme joint hydraulique, cette 
“chambre étant réunie à l'aspiration par un petit 
u yau. Dans ces conditions, la seconde garniture 
“ne supporte que la pression de l'aspira- 
on (2 kilos) et n'a pas de gaz à retenir» 
mais simplement de l'huile liquide‘. 
Cette disposition supprime tout autre 
graissage, car l'huile entraînée goutte à 
goutte par la tige dans le cylindre est 
finement pulvériséeet lubréfie les organes 
intérieurs. Le réfrigérant et le liquéfac- 
teur sont composés de serpentins en 


NN 


NN 


CRE E. 


AT 27 
AN A 
SA 7 AIG /4 
A NEW D 
\ 222224 2 
= = +4 
NS 
SREIE 
TZR AZ 
S S 
RS SNS Se. 


PA 
L 
EE 


9 


Kis. 2. — Compresseur de la machine de Lavergne à gaz 
ammoniac liquéfié.— A, soupape d'aspiration de l'ammo- 
niac: À, tuyau d'alimentation du bain d'huile; S, soupape 
du piston laissant passer, lorsque le piston descend, AzH* 
et une partie notable de l'huile: R, soupape de refoule- 
ment unique baignant dans l'huile et sans autre ressort 
que l'ammoniac comprimé en B; R', tube de refoulement 

_ aboutissant au condenseur; », anneau amortisseur des 
chocs par compression de l'huile entre lui et la partie 

- inférieure de B; /,{. purgeurs. La compression a lieu pen- 

dant la montée du piston, l'huile redescendant en partie 

entre les segments de la garniture du piston et les parois 
du cylindre. 


fer d'une seule pièce. Pour les pays tropicaux, où 
les pressions de refoulement peuvent atteindre 


4 Dresez : Observation sur la communication de M. G. Ri- 
chard, relative aux machines à froid, Joe, cit.,pp. 301 à 305. 
— Le brevet du presse-étoupes de Linde est tombé dans le 
domaine public en 1890, et depuis cette époque il a été 
adopté par la plupart des constructeurs de machines frigo- 
rifiques. 


| 


| 
| 


13 et 14 kilos, M. Linde emploie des compresseurs 
compound où lacompression est faite en deux temps. 
Il y a lieu designaler un {ype marin, destiné aux 
vaisseaux, lequel porte sur un seul socle le moteur 
à vapeur et un compresseur compound. Le socle 
DLOUUII/I/I0IIIIT 
F2 


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LL 
NN 


S 


si 


- 
— 
\ | 


À 


Î 


Fig. 3.— Soupapes de la machine frigorifique à gaz liquéfié de Wood 


et Richmond, 


contient à l'intérieur le liquéfacteur, et sur ses 
flancs d’un côté le condenseur à vapeur, et de 
l'autre une pompe à eau puisant directement à la 
mer. La machine « Linde » est très répandue en 
Allemagne et en France. 

Les machines de « Kilbourn » et de « Lavergne » 


| sont verticales, à simple effet, avec deux compres- 


seurs accouplés par manivelle à 180°; elles se distin- 
guent par des détails de construction très remarqua- 
bles en ce qui concerne les joints et les robinets. 
Dans la machine de « Lavergne », très répandue 
aux États-Unis, dont la figure 2 montre le compres- 
seur, la couche d'huile qui surmonte le piston esl 
très épaisse; les segments du piston n'étant pas 
tout à fait étanches, la majeure partie de l'huile 
s'écoule pendant la montée du piston entre sa gar- 


| niture et les parois du cylindre, le reste passant, 


par la soupape de refoulement, dans la circulation 
de graissage. Cette disposition complète l'étanchéité 
du piston, réduit les frottements, et dissipe la cha- 
leur de compression du fluide. 

La machine de « Wood » et « Richmond », répan- 
due égalementaux États-Unis, est du même type que 
les deux précédentes. Les soupapes d'aspiration et 
de refoulement (fig. 3), disposées à la partie supé- 
rieure des compresseurs, sont particulièrement 
accessibles et faciles à régler du dehors. L’échauf- 
fement des compresseurs est combattu par l’injec- 
tion automatique d’ammoniac liquide pulvérisé. 

Les remarquables machines « Fixary », si répan- 
dues en France, sont de deux sortes : horizontales 
et verticales. Les machines verticales dé faible 
puissance sont à un cylindre, les plus puissantes 
à deux; ces dernières machines sont caractérisées 


968 E. MATHIAS — LA PRÉPARATION INDUSTRIELLE DES GAZ LIQUÉFIÉS 


par les précaulions prises pour éviter loute espèce | 
de fuite (fig. 4). En effet, les deux compres- | 


seurs communiquent à la par- 
tie inférieure par une nappe 
d'huile D où les pistons vien- 
nentbaigner. Lacouche d'huile 
qui surmonte les pistons sup- 


Dans les presse-éloupes, où circule l'huile refrois 
die, les garnitures en coton, chanvre ou amiante: 


prime tout espace nuisible ; 
quant aux fuites qui se pro- 
duisent par les garnitures des 
pistons, elles viennent s'ac- 
cumuler dans une chambre 
d'équilibre E, placée entre les 
deux cylindres et communi- 


quant avec les soupapes d’as- EN —— 
piration B par l'intermédiaire \ 
d'une soupape de refoulement ù 
S qui s'ouvre dès que la pres- N 
sion du gaz dépasse une cer- \ 


taine valeur. 
Quant aux boites à étoupes, 


Z 
4 


LLODOODOD) 


| 


77 


él 


TL TIL, 


2/77/7127, 


TTL 


2 


I 


W, 


elles sont entourées 


d'une gaine d'huile —> = 
aa qu'une dérivation 
d'ammoniac liquide 
d venant du réfrigé- 
rant congèle en par- 
tie : l'huile forme 


EEK 
4 


N 


papes de dégagement: a, 4, gaine d'huile autour de la tige de 


alors autour de la 
tige du piston un S, soupape de refoulement; B, B, soupapes d'aspiration: C, C, sou- 
Joint pätleux absolu- piston: d, dérivation d'ammoniac liquide. 


ment imperméable et 

sans frottement. Ce joint se retrouve, mais beau- 
coup plus utilement, dans les machines horizon- 
tales à double 


Ur 
A * 


Fig. 4. — Machine frigorifique Fixary à gaz ammoniac liquéfié. 
— AÀ,A,compresseurs; D, nappe d'huile ; E, chambre d'équilibre ; 


suffit done de remplacer l'eau évaporée pour assus 
rer le service de la liquéfaction. Dans les pays tem= 


effet, à peu près (4 RAF 
seules construi- 

tes aujourd'hui, noel : 

dont la boite à | =, 

étoupes est sou- 

mise directe- [T} Pompe rl 


ns = 
ment à la pres- L= 
sion de l'ammo- 
niac comprimé. 
Dans ce cas, on 


au join de 
re at AN 


gueur un peu 


plus grande que FBoppemans Se vanlage d’être fa 
la course du pis- Fig. 5. — Forme primitive de la machine frigorifique Vincent à chlorure de  cilement acces- 
+ méthyle. — À, tuyau d'aspiration du chlorure de méthyle gazeux: B, refou- : : 
ton, de manière lement au liquéfacteur D; E, serpentin; C, tuyau amenant le nt sibles sur tous, 
- liquéfié au robinet de détente R du bac à glace 1: M, mouleaux; H, turbine côtés et fa 
que les pie agitant le bain 1: R', robinet d'isolement; ab, circulation d’eau du liqué- les À 3 
de la tige qui facteur. ciles à surveil 


pénètrent dans 
le compresseur ne voient jamais l'atmosphère. Les 
pertes de gaz sont ainsi totalement supprimées. 


Liquéfacteur 


V 7 denseursont,sur 


[1 
Nr ser) 


et à nettoyer. Il y a lieu de signaler une machine 
Fixary, du type marin, créée récemment. 


rayaient à la longue 
la tige du piston du 
compresseur ; On & 
remplacé ces garni 
tures par des bagues 
métalliques à pans 
coniques composées 
d'un alliage malléa 
ble de plomb, d'étai 
et d'antimoine, les 
quellesassurent, sans 
qu'on ait à les rem 
placer plus d’une fois 
tous les deux ou trois 
ans, l'étanchéité de 
la garniture et sup 
priment l'usure de la 
tige du piston.’ 

Dans les machines 
Fixary récentes, le 
refroidissement du 
gaz comprimé es 
obtenu, non par 
l'échauffement d'une 
circulation d’eau, 
mais par l’évapora- 
tion d'une petile par 
tie de l’eau qui tombe 
en pluie sur les tube 
du liquéfacteur ; il 


n 


pérés, ce sys 
tème économise 
les 8/10 de l’eau 
consommée pa 
les condenseurs. 
à immersion €@ 
réduit la force 
motrice pendant 


tique, ces con= 


les autres, l'a- 


ler, à entretenir. 


l 


Ca E. MATHIAS — LA PRÉPARATION INDUSTRIELLE DES GAZ LIQUÉFIÉS 


969 


Enfin, la machine anglaise de « Puplett » a un 


Condenseur horizontal et à double effel recevant, 
omme celui de lamachine « Wood » et« Richmond », 


üne injection d'ammoniac liquéfié; elle est carac- | 


Le réfrigérant se compose de serpentins de cui- 
vre pour les gros appareils et d'un corps tubulaire 
de même métal pour les petits, disposés au milieu 
d'une bàäche en tôle contenant un liquide incongela- 

ble. La figure 


érisée par un 
liquéfacteur 


6 représente 


la forme ac- 


lune forme 


tuelle donnée 


spéciale. 


par M. Douane 


S2. — Machi- 


à la machine 


nes frigori- 

ques à chlo- 
rure de 

. méthyle. 


On peut ci- 
ter la machi- 
e « Vincent » 
1880) (fig. 5), 
actuellement 
construitepar 
“ Douane ». 
Dans les mo- 
‘dèles puis- 

sants,les com- 

presseurs 
- sont doubles, 
verticaux et à 
simple effet; 
comme dans 
les machines 

« Fixary » ils 
; communi- 
-quent entre 
| eux par le bas 
avec un espa- 
ce libre sans 
cesse en rap- 
port avec l’as- 
piration, dont 
la pression est 
d'une atmo- 
sphère envi- 
_ron. Les boi- 
tes à étoupes, — 
| protégées 
d’ailleurs par 
une cerlaine 
. hauteur de glycérine, étant sollicitées à l'intérieur 
- el à l'extérieur par des forces égales, les fuites 
_ sont évitées. 

Dans les machines de faible puissance, il n'y a 

- qu'un cylindre compresseur dont le piston et les 
organes conducteurs sont enfermés dans une cage 
-en fonte entièrement close, L'arbre qui donne le 
. mouvement au piston lraverse la paroi de la cage 
en fonte par un presse-étoupes. 


O0 


RO EE à à nt né 


Fig. 6. — Forme donnée par M. Douane à la machine Vincent à chlorure de 
méthyle liquélié, 


« Vincent ». 


$S 3. — Machi- 
nes frigori- 
fiques à acide 
sulfureux 
liquide. 


Parmi cel- 
les-ei, on peut 
citer les ma- 
chines « Ree- 
1865), 
| « Pictet » 
(4875), « Mac- 
kay » (1888). 
La machine 
« Pietet », qui 
est la princi- 
pale, est ca- 
| ractérisée par 
un compres- 
seur horizon- 
tal à double 
effet actionné 
directement 
ou indirecte- 
ment par un 
moleur à va- 
peur (fig:9);. 
Le compres- 


| ce » 


seurestà dou- 
ble enveloppe 
et parcouru, 
ainsi que Ja 
tige creuse du 
piston, par un 
courant d’eau. 
Les presse-étoupes sont doubles, avec chambre inté- 
rieure et récupération des fuites par l'aspiration du 
compresseur, Comme dans la machine « Vincent » 
la pression d'aspiration est très voisine de la pression 
atmosphérique. Les soupapes sont silencieuses, très 
en évidence, très étudiées; les soupapes de refoule- 
ment sont munies d'amortisseurs. L'acide sulfureux 
liquide, étant un lubréfiant, permet de supprimer le 
graissage de tous les organes internes de lamachine. 


970 E. MATHIAS — LA PRÉPARATION INDUSTRIELLE DES GAZ LIQUÉFIÉS 


Le réfrigérant (fig. 7), tout en cuivre, se compose 
de deux gros tubes horizontaux réunis latéralement 
par deux tubes demi-circulaires et verticalement 
par de nombreux tubes en U. L'ensemble plonge 
dans une dissolution de chlorure de calcium. Le 
presse-éloupes (fig. 8) se compose d'une boite 
cylindrique remplie de bagues en matière plas- 
tique que l’on a trempées dans de la paraffine pas 
trop chaude. 

Ces bagues, de 10 à 12 millimètres d'épaisseur, 
embrassent exactement la tige du piston et entrent 
juste dans la boite dans laquelle elles sont serrées 
modérément au moyen de pièces de serrage b, c, 
par l'intermédiaire de la bague métallique a. Les 
machines « R. Pictet » sont très répandues en - 
France et dans les pays chauds. | Fig. 8. — Presse-étoupes de la machine Pictet. — à, bagu 


métallique: 2, e, e, pièces de serrage; d, tige de pistons 
1, bagues en matière plastique trempées dans la paraffines 


une certaine quantité d'acide carbonique liquide“ 
La question de la supériorité des machines à 
« liquide Pictet » sur les autres a été jugée défini 
tivement dans une série d'essais faite en 1890 à 


$S 4. — Machines frigorifiques à liquides mixtes. | 
C'est à MM. Tessié du Motay et Rossi qu'est due | Station d'essais de l'Asssociation polytechnique 
l'idée d'employer les liquides mixtes résultant de | de Munich, comparativement avec une machine 
l'absorption par l’éther de 50 °/, de son poids d'a- « Linde » à ammoniac ; la machine à 
cide sulfureux ou de 6 °/, de son poids d'ammo- « liquide Pictet » avait, en moyenne, 
niaque. L' un rendement de 25 °/, inférieur à celux 


On obtient ainsi des liquides incolores fonc- KM de la machine à ammoniac liquéfié®? 
tionnant comme un gaz liquéfié homogène, et (ep elle a été définitivement abandonnée. 
n'ayant pas la fâcheuse propriété de facile inflam- 
mation qui à fait abandonner les machines à éther. | $ 5.— Rendement des machines frigors 


fiques à gaz liquéfiés. 


Le rendement frigorifique est le rap= 
port du nombre de calories absorbées 
par le réfrigérant à l'équivalent calori- 

fique du travail correspondant indi- 

qué au compresseur. Si T, est la tem- 

pérature absolue du compresseur et D, 

la température absolue du réfrigérant, 
la valeur théorique du rendement fri- 


gorifique est donnée par a elle 
augmente lorsque la température du 
compresseur et la chute de tempéran 
ture T,—T, diminuent, ensemble ou 
séparément. 

Si on laisse de côté les machines fris 
gorifiques à liquides mixtes, les machines 
décriles précédemment produisent en 
moyenne de 2.500 à 2.900 calories néga= 
tives, ou frigories, par cheval-heure 
indiqué au compresseur, ce qui veub 

Fig. 7. — Réfrigérant de la machine frigorifique Pictet à anhydride dire qu'en une heure et pour un cheval 

sulfureux liquide, indiqué au compresseur, le réfrigérant 
peut abaisser de 10° la température de 
I y a aux États-Unis un très petit nombre de ces ! 250 à 290 kilos d’eau. 
machines en fonctionnement. 

Il y a lieu de citer la tentative faite par M. R. 
Pictet pour élever le rendement des machines à 
acide sulfureux liquide en mélangeant à ce corps | 


| 

| 1 C.-E. Guvxe : La Production du froid et ses récentes applis 
| cations, Revue générale des Sciences, 1292, t. II, p. 635. 

| ® Essais comparatifs de machines à froid exécutés à la 
| Siation d'essais de l'Association Polytechnique de Munich} 


E. MATHIAS — LA PRÉPARATION INDUSTRIELLE DES GAZ LIQUÉFIÉS 971 


PE a distillati réalable de l’eau destinée à être 
II. —— APPLICATIONS DES MACHINES FRIGORIFIQUES I stillation préalabl au destinée à êtr 


À GAZ LIQUÉFIÉS congelée donne uné glace parfaitement stérilisée el 


Une des applications Îles plus impor- 
tantes est la fabrication de la glace; mais 


les applications les plus nombreuses se 
font soit par l'intermédiaire de l'air froid HE 
et sec, soit par l'intermédiaire d'une sau- 
mure refroidie sans cesse par la machine = 
et qui circule d'une façon continue autour Ë 
ou à l'intérieur des substances à refroidir. E 
S {. — Fabrication de la glace. GMA 
La fabrication de la glace, au moyen 


d'une eau préalablement stérilisée par la AAEBE ÉEEEE 
chaleur, est une véritable nécessité so- 


Il est surabondamment démontré 1 ÉÉÉÉE E E 


vières, des lacs ou des marais est un véri- 
table réceptacle à microbes, les froids les = 
plus intenses ne détruisant pas ces micro- à 


organismes. Toute glace naturelle doit | 
done être considérée comme suspecte, el | 

la prudence la plus élémentaire consiste 

à n'employer pour l'alimentation que de 
la glace artificielle faite avec une eau sté- 
rilisée. 

La congélation d'une eau aérée donne 
une glace opaque, légère et fondant vite: 
cette glace, à cause des bulles d'air qu'elle 
renferme et qui lui donnent son opacilé, 
est plus hygiénique mais moins belle que 
la glace transparente obtenue avec de l’eau 
privée d’air. Comme cette dernière fond 
moins vile et par suite se conserve plus 
longtemps, et que le goût du publie con- 
corde avec l'intérêt des industriels, on ne 
fabrique guère pour la consommation que 
de la glace transparente !. 


pis 


lyau men 


ciale. 
aujourd'hui que la glace naturelle prove- 
nant de la congélation de l'eau des ri- 


compresseur. 


la gla 


alion de 
È 


Le procédé le plus employé consiste à 
refroidir une eau pure, privée d'air, ren- 
fermée dans des mouleaux mobiles placés 
dans des bacs où circule un liquide froid 
incongelable (fig. 9). On peut procéder par 
congélalion lente, comme dans la nature, 


ou en agilant mécaniquement les mouleaux pour 
faciliter le départ de l’air dissous; ces deux pro- 
cédés sont aujourd'hui abandonnés comme exigeant 
un matériel trop encombrant ou trop compliqué. 


15 


Plan de 
piration de $ 


brochure de 87 pages, avec 21 planches. Imprimerie Chaix, 
Paris, 1891. 

! Il est assez curieux de constater que les cafés font excep- 
tion à cette règle, en exigeant de l'industrie des carafes 
frappées à glace opaque; il S'agit là uniquement d'une ques- 
tion de visibilité, et aussi beaucoup d’une question d'habi- 
tude. |! de combustible augmente le prix de revient dans 


| très transparente; mais la dépense supplémentaire 


972 


E. MATHIAS — LA PRÉPARATION INDUSTRIELLE DES GAZ LIQUÉFIÉS 


des proportions inacceptables. On a tourné la diffi- | 


culté en utilisant, pour la stérilisation de l’eau, la 
chaleur du moteur qui actionne la machine frigo- 
rifique. À cet effet, M. Linde (fig. 10)chauffe la chau- 
dière de son moteur avec une chaudière auxiliaire 
qui produit de la vapeur à une température plus 
élevée que la première; dès lors, cette vapeur se 
condense dans la première chaudière tout en 
échauffant de celle-ci. L'eau, ainsi condensée sous 
pression, est amenée dans un récipient où règne la 
pression atmosphérique et où elle abandonne, par 
ébullition, l'air qu’elle contenait; elle passe ensuite 
dans les mouleaux après avoir, dans un échangeur 
de température, cédé une plus grande partie de sa 
chaleur à l'eau qui doit alimenter les deux chau- 
dières. La solution de M. Linde donne une glace 
absolument par- 
faite, mais con- 
duit à un appareil 
compliqué et coù- 
teux. 

La solution de 
M. de Sloppani, 
plusdirecte et plus 
économique, con- 
siste à utiliser la 
vapeur d'échappe- 
ment du moteur 


& à 


précédemment produisent de 25 à 29 kilos de glace 
à l'heure par cheval indiqué au compresseur. 

Mais ce sont là des machines industrielles à pro 
duction énorme et économique. Les machines à glace 
à très faible production ont, à un autre point de 
vue, un très grand intérêt aussi, mais un intérêt 
domestique et non industriel; elles permettent de 
faire de la glace dans les endroits isolés (châteaux, 
pleine campagne), où il est absolument impossible 
de s'en procurer, quel que soit le prix qu'on y 
mette. De telles machines domestiques s'imposent 
tout particulièrement aux colonies, où l'emploi 
quotidien de la glace pure est une nécessité plu 
encore qu'un luxe. 

La maison « Douane » s'est faite une spécialité de 
ces sortes de machines; la plus remarquable esb 

un appareil d’un 
poids total de 58 
kilos (fig. 11}, dé 
montable en piè- 
ces dont la plus 
lourde pèse 30 ki- 
los et qui, mû par 
deux manœuvres 
quelconques, don- 
r ne,après un quark 
d'heure de mar- 
che, de 300 à 400 


de la machine fri- 
gorifique. Cette va- 
peur, déjà partiel- 
lementcondensée, 
passe dans un sé- 
parateur formé de 
lames de tôle dis- 
posées en chica- 
nes où elle aban- 
donne l'huile 


Fig. 10. — J'abrication de la glace par 
le procédé Linde. — À, chaudière à 
haute pression; a, tuyau amenant la 
vapeur formée à se condenser dans le 
serpentin de la chaudière à basse 
pression B: /, réducteur de pression; e, tuyau conduisant la vapeur de 
A dans le récipient C, à la pression atmosphérique, où elle se met à 
bouillir et expulse par g l'air qu'elle contient: h, tube amenant l'eau 
distillée et privée d'air dans l'échangeur de température D, d'où la 
pompe H l'extrait par le tube qg pour l'envoyer par r au service des 
mouleaux; E, pompe aspirant l'eau froide par 7 et la refoulant dans le 
serpentin P où elle s'échauffe et alimente ensuite par À la chaudière A 
et par / la chaudière B; d, tuyau amenant la vapeur de B au moteur G 
qui actionne toutes.les pompes: », sortie de la vapeur qui va à un 
condenseur. 


grammes de glace, 
soit de 1.200 à 
1.500 grammes en: 
une heure. Cette 
machine fonction= 
ne au moyen d'un. 
cycle chlorure de 
méthyle (fig. 5,) M 

Au point de vue 
historique, elle esb 


qu'elle avait en- 

trainée; la vapeur achève ensuite de se liquéfier 
dans un condenseur à surfaces où une pompe à 
vide force l’eau à dégager l'air qu'elle avait dissous. 
Elle passe de là dans les mouleaux après avoir 
traversé un échangeur de température où l'on ré- 
cupère la plus grande partie dela chaleur spécifique 
de l’eau pour chauffer celle qui doit alimenter 
la chaudière du moteur. La méthode de M. de Stop- 
pani, adaptée ordinairement aux machines à ammo- 
niac Fixary, a le très grand avantage de pouvoir 
être appliquée aux machines frigoriliques de tous 
les autres systèmes; mais elle donne une glace 
moins pure que le procédé Linde. 

Si l’on part en moyenne d’eau à + 20°, il faudra 
lui enlever 20 + 80 — 100 calories par kilo pour 
la transformer en glace; ce qui montre, d'après la 
page 950, que les machines frigorifiques décrites 


le perfectionne 
ment de l’ancien appareil domestique de Vin 
cent (fig. 12) lequel, grâce à ses formes ramas 
sées eb à l'introduction du compresseur dan 
l'enveloppe du condenseur, élait mû à bras 
d'homme et donnait de 2 à 3 kilos de glace 
l'heure. 


$ 2. — Production de l’air froid. 


On peut refroidir l'air par contact direct avec un. 
liquide incongelable ou utiliser directement le réfris 
gérant de la machine frigorifique. Dans le premier, 
système, on fait passer l'air à travers des surfaces 
mouillées par une saumure froide ou à lravers un, 
ruissellement (systèmes d'Osenbruck et de Linde); 
ou même une véritable pluie d’eau salée (systèmes, 
Linde et Pictet). {1 y à alors un très grand contact 
entre le liquide et l'air, et celui-ci se refroidit 


E. MATHIAS — LA PRÉPARATION 


INDUSTRIELLE 


973 


DES GAZ LIQUÉFIÉS 


pendant que l'eau salée froide et fortement hygro- 


“ seurs « Linde » à 


A 


métrique absorbe les gouttelelles de vapeur con- 
densée ; comme celles-ci ont pour noyaux les cor- 
puscules organiques ou inorganiques entrainés 
mécaniquement par l'air, il s'ensuit que celui-ci se 
purifie en même temps qu'il se dessèche et se 
refroidit. 

Les  refroidis- 


surfaces mouillées 
se composent d’a- 
xes horizontaux et 
parallèles portant 
chacun une série 
de disques en tôle 
espacés de quel- 
ques centimètres 
et dont la partie 
inférieure plonge 
dans un bac qui 


contient le bain incon- 
gelable d’eau salée. Par 
une rotation lente, ces 
disques se recouvrent 
d'une mince couche 
d'eau salée et forment 
une série de canaux 
étroits et paral- 
lèles dans les- 


quels l’air, 

chassé par des 

ventilateurs # Fig. 11,— Machine Douane à bras pour 
hélice, se re- la fabrication domestique de la glace. 
froidit. 


Le refroidisseur « Rouart » se compose de toiles 
métalliques verticales sur lesquelles circule une 
dissolution de chlorure de magnésium. 

Le seul inconvénient de ce système est que le 


_ titre de la saumure va constamment en diminuant, 


en même temps que son volume augmente, par 
suite de l'absorption de l'humidité de l'air. Il faut 
avoir soin de soulirer l'excès de liquide et d'ajouter 
du sel, de manière à maintenir son titre constant. 

Le second système, dans lequel tout liquide 
incongelable est supprimé, conduit évidemment 
à des appareils plus simples; mais il à un gros 
défaut, c'est que l'air qui vient se refroidir au 
contact du serpentin du réfrigérant de la machine 
frigorifique abandonne en même temps, sous forme 
de givre, l'humidité qu'il contient. Cette couche de 
givre constitue un écran mauvais conducteur de la 
chaleur qui annihile bientôt l'action réfrigérante 


REVUE GÉNÉRALE DES SCIENCES, 4901. 


du serpentin ; 
grand nombre 


il faut donc dégivrer celui-ci. Un 
de solulions de ce problème ont été 
proposees. 

Un des plus simples consiste à munir le réfri- 
gérant de plusieurs serpentins. indépendants el 
pouvant être isolés les uns 
des autres. Dès que l’un 
est givré, on l'isole, le cou- 
rant de gaz liquéfié inté- 
rieur passant dans un autre serpentin, et l’on fait 
fondre le givre par exemple au moyen de la chaleur 
empruntée à l'air extérieur; mais ce moyen est lent 
el peu 
l'intérieur du serpentin givré un courant d'air 


On peut aussi faire passer dans 


chaud, ou même de vapeur d'eau. La société 
« Linde » préfère utiliser le serpentin givré comme 
dérivation momentanée du liquéfacteur de la ma- 
chine ; la chaleur de vaporisation considérable dé- 
gagée par les vapeurs d'ammoniaque au moment 
de leur liquéfaction sous pression se transmet à 
travers l'épaisseur du serpentin de fer, et le givre 
fond aussitôt. 

M. Fixary a eu l'idée d'opérer le dégivrement 
du serpenlin isolé À en faisant passer d’abord sur 
lui l'air chaud et humide qui doit ensuite aller se 


refroidir sur le serpentin suivant B, refroidi, inté- 


F, BOFFEMANS 550 


Fig. 12.— Appareil domestique Vincent pour la fabrication 
de la glace. — C, compresseur à simple effet; a, soupape; 
C!, serpentin liquéfacteur; D, robinet de détente du bac à 
glace G; A, indications en traits discontinus du tube par 
lequel les vapeurs détendues du chlorure vont du bac à 

glace à l'aspiration du compresseur. 


rieurement par l’'ammoniaque liquide détendu; dès 
lors, l'air fait fondre une partie du givre de A et 
va ensuite se dessécher sur B. Lorsque À est ainsi 
dégivré et que B ne fonctionne plus, on renverse, 
par un jeu de robinets, la circulation de l'air qui 
se fait alors de B sur À, tandis que l'ammoniaque 
passe de nouveau à l’intérieur de A. 


cl 


Toutes les solutions du second système ont le 
même inconvénient, c'est que l'air qui se refroidit 
au contact des serpentins réfrigérants et qui dépose 
son givre sur eux n'a pas, avec ces surfaces métal- 
liques, le contact intime qu'il à avec ia saumure 
liquide dans le premier système ; en particulier, les 
poussières qu'il transporte avec lui ne paraissent 
pas arrêlées d'une facon aussi efficace el l’on peut 
se demander si la solution si élégante du dégivre- 
ment donnée par M. Fixary n'a pas pour effet 
d'augmenter le nombre des germes que contient 
l'air. D'autre part, la nécessité, pour le machiniste 
qui conduit l'opération de la réfrigération de l'air, 
de surveiller l’état de givre ou de dégivrement des 
serpentins réfrigérants nécessile une surveillance 
qui ne peut être efficace que dans une installation 
de petite ou moyenne importance, comme l’est, 
par exemple, celle d'un navire frigorifique. La 
méthode de refroidissement de l'air par surfaces 
mouillées au moyen d'une saumure incongelable, 
entièrement automatique, parait, au contraire, émi- 
nemment applicable aux très grandes installations 
frisgorifiques, comme celle des abattoirs de Magde- 
bourg. 

Les considérations relatives aux avantages et aux 
inconvénients des deux systèmes d'obtention de 
l'air sec et froid sont, en quelque sorte, justifiées 
a posteriori par les derniers perfectionnements 
apportés à la méthode Fixary, laquelle est actuel- 
lement une combinaison heureuse des deux systè- 
mes primitifs. 

Les serpentias évaporateurs de la machine fri- 
gorifique plongent partiellement dans le liquide 
incongelable occupant le fond d'un réservoir et 
partiellement dans l'air à refroidir, qu'un ventila- 
teur fait circuler à la surface des serpentins. 

D'autre part, une pompe aspire le liquide incon- 
gelable dans le bas du réservoir et le refoule dans 
des tubes perforés placés au-dessus des serpentins 
d'où il ruisselle en pluie uniforme sur la surface de 
ceux-ci. Ce bain salé, refroidi par la machine fri- 
gorifique, empêche la formation du givre et 
absorbe l'humidité dans l’air à refroidir. 

Il ne saurait être question, pour le moment du 
moins, de la production de l'air froid et sec au 
moyen de l'air liquide; c’est une application pos- 
sible, désirable même, qui viendra à son heure, 
lorsque l'industrie de l’air liquide se sera géné- 
ralisée. 

Le grand intérêt de la production de l'air froid 
est dans la conservation des malières alimentaires 
fermentescibles par l'air froid sec’; comme appli- 
cation de celui-ci, on peut citer : la conservation 


1 L'air froid et humide n'empêche pas la putréfaction; 
c’est pour cela qu'on ne peut pas conserver la viande de 
boucherie au moyen de la glace. 


E. MATHIAS — LA PRÉPARATION INDUSTRIELLE DES GAZ LIQUÉFIÉS 


des viandes dans les abattoirs, leur transport par 
bateaux frigorifiques *, le ravitaillement des places 
fortes au moyen d’entrepôts frigorifiques, la con- 
servation du lait, la conservation des graisses 
destinées à la fabricalion de la margarine, la 
conservation des cadavres en médecine légale. 

L'air froëd et sec permet en outre de modérer et 
de conduire à volonté la marche des fermentations 
par levure basse {Saccharomyces cerevisiæ) dans 
les brasseries *, de la fermentation par les mucors 
dans les fromageries, de la croissance du ver à soie 
dans les magnaneries, de la fermentation du vin 
en Algérie, de la croissance en serre de certaines 
plantes, comme le lilas blanc, qu'il y a intérêt à 
obtenir très tardivement, etc. 


$ 3. — Applications des machines frigorifiques 
obtenues par circulation de saumures froides. 


Elles sont extrêmement nombreuses; il suffira de 
citer la solidification et le démoulage du chocolat, le 
foncage des puits et des tunnels dans les terrains 
aquifères par le procédé Poeltsch (1886), la décan- 
tation des vins de Champagne et de Saumur cham- 
pagaisés par congélation du dépôt, l'extraction du 
sel des solutions concentrées par le procédé Conrad 
Hirzel, la concentration par congélation des liqueurs 
alcooliques, des jus sucrés ou des eaux minérales 
(Châtel-Guyon), l'extraction des malières cireuses 
contenues dans les parfums naturels, la congélation 
et l'entretien des skating-ring, la fabrication de la 
nitro-glycérine, etc. 


III. — APPLICATIONS DES GAZ LIQUÉFIÉS 
AUTRES QUE LE FROID INDUSTRIEL. 
$S 1. — Applications de l’air liquide. 


A côlé des applications purement physiques pro- 
venant de sa très basse température (mesure de 
différents phénomènes physiques à la température 
du bain d'air liquide sous la pression de l’atmos- 
phère) se place l'application médicale consistant 
dans une projection d'air liquide sur la peau dans 
le cas de certaines affections chirurgicales, d'ori- 
gine microbienne, telles que l’abcès du pied, le 
lupus, l’anthrax ; à l'anesthésie provoquée par le 
froid succède, comme l’a constaté le D' Campbell 
While, de New-York, une 2yperhémie persistante 
qui favorise la phagocytose et amène finalement la 
guérison de l'affection traitée‘; les projections d’air 


1 Orrvier : Revue d'Hygiène (Valeur hygiénique des viandes 
congelées), Revue gén. des Sciences, t. IX, p. 240. 

2 Pgrrr : L'état actuel et les besoins de l'industrie de la 
Brasserie, Revue gén. des Sciences, t. X, p. 9. 

2 Corn : L'état actuel de l'industrie des vins de Cham- 
pagne, Revue gén. des Sciences, t. X, p. 99. 

4C. Linor, dans Zeitschrift der Vereines deutscher Inge- 
nieure, t. XLIV. 


à 
= 
L« 
Mquide paraissent donc agir à la facon d'un ré- 
- vulsif. 
A l'emploi de l'air liquide comme force motrice 
%e raltache ce qui suit : 
On a pu voir fonctionner, à la récente Exposition 
d'automobiles de New-York, comme aussi à Paris 
vers la fin de l'Exposition Universelle, l'automobile 
à air liquide de M. Tripler'; il offre une très grande 
ressemblance avec les « autos » à pétrole, et un 
homme seul le conduit sans difficulté. L'air liquide, 
puisé au fond d’un réservoir L (fig. 13), passe 
d'abord dans un serpentin de dilatation 1 ou déten- 
deur où il se vaporise, puis dans un serpentin 
horizontal MN appelé radiateur, placé au-dessous 
de la voiture, où les vapeurs sont amenées à une 
température voisine de la température atmosphé- 
rique grâce au rapide renouvellement de l'air. L'air 
passe ensuite dans un égalisateur de pression E 
qui annule au- 
tant que possi- 
ble les varia- 
_ tions brusques 
de pression 
lorsque, par 
l'effet du robi- 
net F dit de ra- 
 pide pression, 


Le 


E. MATHIAS — LA PRÉPARATION INDUSTRIELLE DES GAZ LIQUÉFIÉS 975 


se prolonge sous forme de serpentin dans l'air 
liquide et aboutit au robinet de rapide pression F; 
le troisième conduit part du sommet de l'air gazeux 
pour aboutir, d'une part, à un manomètre métal- 
lique À sans cesse sous les yeux du conducteur, de 
l’autre à une soupape de sûreté. Un robinet de 
secours H permet de mettre, au besoin, ce conduit 
en communication avec le serpentin de dilatation ]; 
enfin, le quatrième tube K n’est qu'un orifice ser- 
vant au remplissage du réservoir. 

La provision d'air liquide employée est suffisante 
pour faire un parcours ininterrompu de 50 milles; 
comme la « Tripler Liquid Air Company » s'engage 
à fournir l'air liquide au prix de O0 fr. 75 le gallon, 
il s'ensuit que l'automobile fait 1 mille avec une 
dépense de 0 fr. 15. 

A côté de l'automobile Tripler, citons celui de la 
« Liquid Air Power and Automobile Company », de 

Boston (Massa- 
chusetts) (capi- 
tal — 5.000.000 
de dollars !). De 
l'automobile, 
n nous dirons 
seulement ceci: 
du réservoir 
d'air liquide, 


on admetdirec- 
tement dans le 


moteur l'air qui 
vient du réser- 
“voir, sans le 
faire passer par 
» l'égalisateur de 
… pression. L'air 
“ liquide, ainsi réchauffé, donne naissance à un 
rent volume de gaz à la température ordinaire, 
“ lequel peut faire marcher un moteur du genre de 
“ ]a turbine de Laval. On peut faire à ce sujet toutes 
“ les suppositions que l’on voudra, M. Tripler n'ayant 
- rien livré de son moteur. 
“ Le serpentin de dilatation est renfermé dans un 
Bnindre métallique placé à côté du réservoir à air 
- liquide dans la caisse de la voiture, derrière le 
siège du conducteur. 
Le réservoir à air liquide est en cuivre, d'une 
“ contenance de 10 gallons (45 lit. 4) et à double 
paroi, dont l'intervalle est rempli d'air et d'une 
matière mauvaise conductrice de la chaleur. De la 
partie supérieure du réservoir partent 4 tubes. Le 
premier est un tuyau d'alimentation qui part du 
fond du cylindre intérieur et porte l'air liquide 
“ dans le serpentin de dilatation 1; le conduit voisin 


4 D'après le Scientific American du 1‘ décembre 1900, 
p. 243. 


ÉFig. 13. — Organes de l'automobile Tripler à air liquide, — L, réservoir à air 
= liquide; I, serpentin de dilatation ou défendeur; MN, radiateur; E, égalisateur 
de pression; F, robinet de rapide pression; À, B, manomètres; C, tube con- 
duisant l'air comprimé au moteur; D, robinet de réglage ; H, robinet de secours; 

K, orifice de remplissage du réservoir L: G, J, tubes accessoires. 


porté par la voi- 
ture l'air estas- 
piré puis refou- 
lé dans des ser- 
pentins chauf- 
fés par des fils 
qui s’enroulent 
autour d'eux et 
qui proviennent d'une dynamo mise en mouvement 
par une turbine actionnée par l'air sortant des ser- 
pentins. Le mouvement de l'induit de la dynamo 
est transmis par des engrenages et des arbres aux 
roues de derrière de la voiture. L'emploi de poulies 
à rayon variable permet d'augmenter à volonté et 
dans une proportion considérable l'effort commu- 
niqué à l'engrenage de marche, ce qui est néces- 
saire quand on veut monter une côte ou aller sur 
des routes détrempées. 

Alors que les applications de l'air liquide comme 
réfrigérant restent fort circonscriles, ses applica- 
tions comme force motrice, donnant lieu à des 
machines légères sans combustible et sans flamme, 
peuvent se multiplier sans qu'on puisse {axer cet 
espoir de déraisonnable. 

Il est intéressant de signaler les propriétés explo- 
sives de l'air liquide en présence des carbures 
d'hydrogène liquides, et les essais pratiques aux- 
quels s’est livrée une commission officielle nommée 
par le Gouvernement autrichien. On formait des 


F Bcaqemans 5e. 


976 


E. MATHIAS — LA PRÉPARATION INDUSTRIELLE DES GAZ LIQUÉFIÉS 


cartouches en faisant absorber à du kieselquhr 
(marne siliceuse, terre d’infusoires) de l'huile mi- 
nérale, et on saturait le tout avec de l'air liquide; 
on portait ensuite les cartouches au fond de trous 
profonds creusés dans le roc, et on les faisait détoner 
à l’aide d'une capsule de fulminate de mercure. 
Les expériences montrèrent que le mélange d'air 
liquide et d'huile minérale est un explosif puissant, 
mais moins efficace loutefois que la dynamite, le 
fulmi-coton ou la gélatine explosive. Ce mélange 
explosif est avantageux pour les mines, parce que 
le transport des cartouches n’est pas dangereux 
et que les gaz dégagés par l'explosion ne sont pas 
vénéneux elirrespirables comme ceux que dégagent 
les explosifshabituellement 
employés. Les ratés eux- 
mêmes ne sont pas dange- 
reux, pour cette raison 
qu'au bout de 15 minutes 

> D | environles cartouches char- 
LE gées ont perdu leur pouvoir 
explosif, par suite de l’éva- 
poration de l'air liquide. 
Il suffit donc d'attendre ce 
temps pour pouvoir enle- 
ver sans danger une car- 
touche qui a raté, ce qui 
est toujours dangereux avec 
les explosifs usuels. D’au- 
tre part, l'efficacité d'une 
cartouche saturée d'air li- 
quide va en diminuant con- 


a 


Fig. 14 — Séparateur 
d'oxygène et d'azote. — 
À, arrivée de l'air com- 
primé ; NO, liquéfacteur 
à contre-courant; pb, 
écoulement de l'air li- 
quide; r,, robinet per- 
mettant d'envoyer l'air 
liquide dans le collec- 
teur; r,, robinet pour 
l'évacuation de l’oxy- 
gène liquide ; n, sortie 
de l'azote; 0, sortie de 
l'oxygène ; c, d, ro- 

binets. 


stamment depuis le mo- 
ment de la saturation jus- 
qu'à l’évaporation complète 
de l'air; par suite, son pou- 
voir explosif est inégal, in- 
connu à l'avance et, par 
conséquent, impossible à 
régler. La contre-partlie de 
cetinconvénient sérieux est 
que l’on n’a plus à craindre 


le vol du corps explosif, vu 

la rapidité avec laquelle se perd cette propriété. 
L'essai d'application qui vient d'être signalé 
conduit naturellement à insister sur la façon dont 
s'opère l’évaporation de l'air liquide”. Au moment 
de sa liquéfaction, l'air liquide a très sensiblement 
la composition de l'air atmosphérique; lorsqu'il 
s'évapore, il se produit une distillation fractionnée, 
et l'azote, beaucoup plus volatil que l'oxygène, 
s'échappe en quantité plus grande que celui-ci, de 
sorte que les vapeurs sont plus riches en azote que 
l'air atmosphérique, tandis que le liquide restant 


1 Bay : Phil. Magazine, juin 1900. 


est d'autant plus riche en oxygène que l'évaporation 
dure depuis plus longtemps. C’est sur ce phéno- 
mène qu'est fondé l'appareil ci-contre (fig. 14), con- 
struit par le Professeur Linde pour la séparation - 
automatique des deux composants de l’air et qu'il 
faut, par la pensée, mettre à la place de l'échan- 
geur F dans la machine à air liquide de la figure 4 
de la première partie (page 903). 

L'air comprimé, distribué en À à deux appareils 
à contre-courant N et O, se rassemble de nouveau 
en b, s'écoule par un serpentin placé dans le col- 
lecteur, et arrive enfin par le robinet », dans ce 
collecteur où une partie (principalement de l'oxy- 
gène) reste liquéfiée, tandis que l’autre partie (prin- 
cipalement de l'azote) retourne par le serpentin 
extérieur de N,et sort en ». En se liquéfiant dans le 
serpentin, l'air dégage sa chaleur de vaporisation, 
et provoque l’évaporation de l’air liquide rassemblé 
dans le collecteur. On règle le niveau du liquide 
dans le collecteur au moyen du robinet 7, qui laisse 
passer de l'oxygène liquide plus ou moins pur, 
lequel va dans le serpentin extérieur O et sort en a: 
après avoir refroidi l'air comprimé qui arrive. On: 
manœuvre les robinets cet d de façon que la tem- 
pérature de sortie des gaz de n et o soit inférieure 
de quelques degrés seulement à la température de: 
l'air comprimé en A. On peut obtenir ainsi en oum 
mètré cube de gaz à 50 °/, d'oxygène par cheval- 
heure; quant au gaz sortant par 2, il renferme, au. 
début de la vaporisation, 92 °/, d'azote et 8 
d'oxygène; la proportion de ce dernier gaz aug- 
mente avec la durée de la vaporisation. La plus. 
précieuse des applications de l'air liquide parait 
êlre la préparation à bon marché des mélanges. 
d'oxygène et d’azole riches en oxygène; on a 
essayé, grâce à cet air suroxygéné, de simplifier 
certaines préparations chimiques, celle de l'acide 
sulfurique, par exemple; l'usine « Rhenania », en 
parliculier, à fait des essais très sérieux qui ne 
paraissent pas avoir très bien réussi. La conelusion 
de tout cela est que, si l’air liquide est plein de 
promesses pour l'avenir, il a, jusqu'ici, beaucoup 
moins Lenu que promis. 


$ 2. — Applications du chlore liquide. 


Indépendamment de ses applications dans les 
laboratoires de chimie pure, le chlore liquide est 
utilisé dans l’industrie du papier, dans l'extraction 
de l'or et dans l’industrie des produits organiques 
et des matières colorantes'; il sert enfin pour les. 
analyses métallurgiques et comme désinfectant. 


$3. — Applications du chlorure de méthyle. 


En dehors de la fabrication des produits méthy- 
lés, le chlorure de méthyle sert encore à l'extraction … 


1 Jausert: Dict. de Wurtz, 2e suppl., 39° fasc., p. 644. 


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E. MATHIAS — LA PRÉPARATION INDUSTRIELLE DES GAZ LIQUÉFIÉS 97 


des parfums ; il faut pour cela qu'il soit parfaite- 
ment pur et qu'il ait été traité à l’état gazeux par 
de l'acide sulfurique concentré, qui retient l'odeur 
désagréable du liquide commercial. On procède 
alors de la manière suivante : on remplit un vase 
digesteur avec les fleurs dont on veut avoir le par- 
fum ; on ferme l'appareil et on fait arriver du chlo- 
rure de méthyle pur de manière à baigner les 
fleurs ; après deux minutes de digestion, on fait 
écouler par la partie inférieure du vase le liquide 
qui filtre ainsi sur les fleurs, et on renouvelle le 
liquide plusieurs fois de façon à épuiser méthodi- 
quement les fleurs. Après la dernière opération, on 
récupère le chlorure de méthyle retenu par celles-ci, 
au moyen d'un courant de vapeur d'eau que l’on 
condense, le gaz étant recueilli dans son gazomètre, 
puis desséché et comprimé. Le chlorure de méthyle, 
chargé de parfum, est rassemblé dans an vase que 
l'on porte à 30° avec un courant d'eau et où on fait 
le vide pour vaporiser le dissolvant; le parfum 
reste associé à des matières grasses et cireuses 
qu'il suffit de traiter par l'acool pour obtenir le 
parfum absolument pur. Le chlorure de méthyle 
évaporé est de nouveau condensé et rentre dans la 
circulation. 

Cette élégante méthode, due à M. Camille Vincent, 
permet l'extraction des parfums trop altérables 
pour être obtenus par distillation et qu'on recueille 
ordinairement par dissolution à froid dans la 
graisse, comme ceux du jasmin et de la violette’. 


$ 4. — Applications de l'acide sulfureux liquide. 


L'anhydride sulfureux pur est employé dans la 
fabrication du sucre où il fonctionne comme un 
excellent agent décolorant remplaçant avantageu- 
sement le noir animal, et jouissant d’une action 
antiseptique qui prévient les allérations et les 
fermentations des jus sucrés et qui facilite leur 
cristallisation pendant la cuisson. 

L'acide sulfureux liquide est aussi employé pour 
le blanchiment des matières animales, soies, 
Jaines, plumes, éponges, colles, gélatines, ete., ou 
végétales : coton, paille, objets en osier, herbes, 
gomme arabique, ete. On l’emploie alors pour pré- 
parer les dissolutions dans l’eau bouillie, d’un titre 
déterminé, dans lesquelles on plonge les matières 
à blanchir pendant un laps de temps variant de 
huit à vingt heures. 

L'anhydride sulfureux liquide est un puissant 
agent de désinfection pour les locaux malsains ou 
contaminés, les linges d’hôpitaux, ete., et de des- 
truction des microbes et des insectes parasites. Il 
est intéressant de constater que, dans la désin- 


4 CamiLLe ViNcENT, dans La Nature, 8° année 1880, ler se- 
mestre, p. 86. 


fection des appartements contaminés, l'anhydride 
sulfureux pur laisse intactes les dorures et les 
parties métalliques, tout en ayant une grande force 
de pénétration. 

Les propriétés antiseptiques de ce corps sont 
utilisées dans le traitement des vins pour suppri- 
mer la « graisse » et arrêter les fermentations 
anormales, pour la conservation des fruits confits 
et de tous les liquides fermentés. Les dessécheurs 
de morue s’en servent pour détruire le champignon 
rouge qui cause la putréfaction des morues pen 
dant le séchage ; il sert aux minotiers pour -détruire 
les charançons des greniers à blé, en médecine pour 
traiter la gale et certaines maladies de la peau, etc. 

Enfin l’anhydride sulfureux liquide est souve- 
rain pour l'extinction des feux de cheminée. 


$ 5. — Applications du chlorure d’éthyle. 


Ce corps sert en médecine pour l'anesthésie 
locale. A cet effet, on brise la pointe effilée de l'am- 
poule de verre qui le contient et on dirige le jet de 
liquide sur la partie du corps dont on veut amener 
l'insensibilité’. Le chlorure d'’éthyle est, en outre, 
employé dans l'industrie des matières colorantes 
artificielles et dans celle des produits pharmaceu- 
tiques. 

IV. — TRANSPORTS ET DOUANES. 


On peut se demander comment il se fait que 
l'industrie des gaz liquéfiés, si ulile à tant de points 
de vue, se soit développée si tard en France, alors 
qu'elle était florissante en Allemagne et que nous 
étions tributaires de ce pays pour cette sorte de 
produits. L'Administration française s'est cepen- 
dant montrée assez libérale envers notre industrie 
en ne frappant d'aucun droit particulier la fabri- 
cation et la liquéfaction des gaz. Toutefois, elle fait 
une différence entre les fabriques « de glace ou 
de réfrigération » (pour employer la nomenclature 
officielle) qui emploient l'anhydride sulfureux, et 
celles qui emploient les autres gaz liquéfiés, le gaz 
ammoniae y compris, les premières étant dans la 
deuxième catégorie (émanations nuisibles), tandis 
que les secondes sont en troisième catégorie. 
L'emploi de machines frigorifiques à anhydride 
sulfureux liquide dans les fabriques d'extraits de 
parfums, comme celles de M. Chiris à Grasse et à 
Moscou, démontre jusqu'à l'évidence qu'il y a lieu 
de revenir sur cette classification remontant au 
décret déjà ancien du 7 mai 1878. Mais là n'est pas 
la vraie cause du trop lent développement de notre 
industrie. L'étude des précautions excessives im- 


4 L'Anhydride sulfureux liquéfié chimiquement pur, ses 
propriétés et ses usages industriels. Compagnie indus- 
trielle des procédés Pictet. 

2 Monxer, dans Æevue de chimie industrielle, 1892, t. I, 
p. 58. 


978 E. MATHIAS — LA PRÉPARATION 


posées pour le transport des gaz liquéfiés et la 
véritable rançon exigée des producteurs par les 
Compagnies de chemins de fer et de navigation 
jetteront une assez vive lumière sur les entraves 
apportées au développement de notre industrie par 
ceux-là mêmes qui auraient intérêt à la protéger 
et à l’encourager. Comme les questions indus- 
trielles sont inséparables des questions écono- 
miques, quelques renseignements fournis sur le 
fonctionnement de Ja Douane à l'égard des gaz 
liquéfiés ne paraîtront peut-être pas inutiles. 


$ 1. — Transport des gaz liquéfiés. 


Le transport par chemin de fer des gaz liquéfiés 
est soumis à un règlement publié sous forme 
d'Arrété en date du 42 novembre 1897, par les 
ministres des Travaux Publics, de la Guerre et des 
Finances. Si on laisse de côté: l'air liquide, quin'a 
pas encore, au moins en France, donné lieu à un 
transit, l'acide carbonique, qui sera traité à part, 
et le chlorure d’éthyle qui n’est pas expressément 
visé en tant que gaz liquéfié, on peut résumer ainsi 
qu'il suit les prescriptions ministérielles relatives 
au transport des gaz liquéfiés. 

Le protoxyde d'azote, l’acétylène, le chlore 
anhydre, le gaz ammoniac et l'anhydride sulfureux 
liquides doivent être renfermés dans des récipients 
en fer forgé ou en acier doux recuit; dans le cas 
de l’'anhydride sulfureux, le récipient peut être en 
cuivre ‘ ou en acier simplement doux. Dans le cas 
unique du chlorure de méthyle, il n'est rien spé- 
cifié sur la nature du vase, qui doit offrir, sous la 
responsabilité du fabricant, une résistance suffi- 
sante, el n'être rempli qu'aux neuf dixièmes. La 
question de la résistance du récipient est très net- 
tement explicitée pour les autres gaz liquéfiés. 

Avant leur mise en service, ces récipients 
devront être soumis, aux frais des intéressés, à 
une épreuve officielle constatant qu'ils supportent, 
sans fuites ni déformations permanentes, une pres- 
sion par centimètre carré égale à 150 kilos” pour 
le protoxyde d'azote et l'acétylène liquides, à 
100 kilos pour le gaz ammoniac liquéfié, à 50 kilos 
pour le chlore liquide, à 30 kilos pour l’acide sul- 
fureux s’il s’agit de récipients en fer ou en acier, à 
15 kilos pour le même corps s'il s’agit d'un réci- 
pient en cuivre.Cette épreuve doit être renouvelée 
tous les trois ans ; pour les récipients de cuivre ser- 
vant à l’'anhydride liquide, l'épreuve n'est impo- 
sée que tous les dix ans. 

Chaque récipient doit porter une marque offi- 


‘ Cette clause (et l'épreuve décennale à 15 kilos) n'est 
valable que pour les (transports en France; elle n’est pas 
encore insérée dans la Convention internationale de Berne 
pour nos exportations. 

* En plus de la pression atmosphérique. 


INDUSTRIELLE DES GAZ LIQUÉFIÉS 


cielle, placée à un endroit bien apparent, indi- 
quant : la date de la dernière épreuve, le poids du 
récipient vide et la Charge maxima en kilos qu'il 
peut contenir et qui est limitée à 1 kilo de liquide 
pour : 


11 34 de capacité dans le cas du protoxyde d'azote. 


A, 34 — — de l’acétylène liquide. 
1, 86 — — de l’ammoniac liquide. 
0, 09 = - du chlore liquide. 

0, 08 — -- de SO* liquide. 


Quand les récipients sont chargés en vrac, ils 
doivent être peints en blanc et être confectionnés 
de facon à ne pouvoir rouler, ou pourvus d’une 
garniture extérieure remplissant ce but; de plus, 
les soupapes et robinets doivent être protégés par 
des chapes ou couvercles de même métal que les 
récipients et vissés sur eux. 

L'arrêté du 17 novembre 1897 range le protoxyde 
d'azote et l’acétylène liquéfiés dans la première 
catégorie, avec les explosifs de guerre, la poudre, 
les obus chargés, la dynamite, la mélinite (article 3); 
le chlore, l'ammoniaque, l'acide sulfureux liquides 
et le chlorure de méthyle sont dans la deuxième ca- 
tégorie avec les munitions de guerre, le phosphore, 
le sulfure de carbone, les allumettes, ete. En vertu 
des articles 153 et 157, tous les gaz liquéfiés sont 
exclus des trains de voyageurs sur les lignes ou 
sections de lignes où circulent des trains de mar- 
chandises réguliers. Il ne leur est permis de cir- 
culer dans les {rains mixtes que là où il n'y a pas 
de trains de marchandises réguliers. 

Une seule exception est faite pour le chlorure de 
méthyle, qui peut être admis au transport par 
grande vitesse, comme colis postal, par flacon con- 
tenant 300 grammes au plus de chlorure de mé- 
thyle, ce flacon étant isolé dans une caisse ne devant 
contenir aucun autre produit. 

L'esprit le moins prévenu ne peut qu'être frappé 
de l’exagération des précautions prévues pour le 
transport des gaz liquéfiés par l'arrêté du 12 no- 
vembre 1897 ; l'effet de terreur que produisent ces 
malheureux corps sur les personnes qui n'ont pas 
eu l’occasion de les manier ou de les voir de près 
est très curieux à constater. C'est par là que l'on 
peut s'expliquer leur assimilation aux explosifs les 
plus dangereux et aux corps les plus inflammables. 
Qu'il faille prendre des précautions contre eux, 
cela est évident; et celles qui se rapportent à la 
résistance des récipients qui doivent les contenir 
et au poids maximum de gaz liquéfié qu'un réci- 
pient donné doit contenir sont très sages ; mais ces 
précautions sont déjà très suffisantes, et l'exclusion 
du transport par grande vitesse ne se peut com- 
prendre, car il n'y a aucune assimilation possible 
à faire entre le danger que font courir les explosifs 
de guerre ou les corps inflammables comme le 


U 


, 


| 


| 


E. MATHIAS — LA PRÉPARATION INDUSTRIELLE DES GAZ LIQUÉFIÉS 


979 


phosphore et les allumettes, et le danger moral des 
gaz liquéfiés, l'acétylène liquide excepté. La suspi- 
cion jetée involontairement, mais injustement, par 
les ministres des Travaux Publies, de la Guerre et 
des Finances sur les gaz liquéfiés autres que l'acé- 
tylène, a eu un retentissement immédiat auprès des 
Compagnies de chemins de fer, ces corps élant, sur 
la plupart des réseaux, frappés d'une surtaxe de 
transport pouvant alteindre dans cerlains cas 


50 °/, en sus des prix de la première série. En Alle- | 


magne, au contraire, SO* liquide, en raison de son 
trafic élevé et pour développer son industrie, est 
admis à voyager dans des wagons-citernes en fer, 
d'une capacité égale à celle d’une quarantaine de 
grosses bouteilles ordinaires et astreintes aux 
mêmes conditions de résistances qu'elles. 

A ceux qui douteraient encore de l'influence 
néfaste jouée par les Compagnies de chemins de 
fer à l'encontre du développement de l'industrie 


française des gaz liquéfiés, il suffira de la citation 


suivante. Comme nous l'avons rappelé plus haut: 
« on s'est efforcé en France d'introduire le chlore 
liquide dans l'industrie ; mais les efforts de la mai- 
son Péchiney et Ci*, de Salindres, qui exploitait le 
procédé de la « Badische Anilin und Sodafabrik »,ont 
échoué gräceaux diflicultés que les administrations 
de chemins de fer (le Paris-Lyon-Méditerranée en 
particulier) ont opposées à l'expédition du chlore; 


- ce mauvais vouloir des Compagnies françaises est 


PAPE ETS 


d'autant moins justifié, qu'en Allemagne le chlore 
circule librement, et qu'on en expédie même en 
Amérique‘ ». Les mêmes inconvénients se retrou- 
vent auprès des Compagnies francaises de naviga- 
tion, qui ne consentent à charger certains gaz 
liquéfiés, et particulièrement l'anhydride sulfureux 


liquide, que sur le pont et à un taux de fret majoré 


. le plus souvent de 50 à 100 °/,. Auprès des Compa- 


vit s'necatot LL obod d n . dé ittés cbr dE 


gnies étrangères, les difficultés sont plus grandes 
encore, et nombre d'elles, notamment les lignes 
allemandes et anglaises, refusent absolument de 
charger les gaz liquéfiés, ou ne les acceptent qu'en 
limitant le poids des colis à 40 ou 60 kilos, et à un 
fret dont le taux est majoré huit ou dix fois. Il est 
inutile d’insister, l'opinion publique devant faire 
justice de pareils errements. 


$ 2. — Douanes. 


Tous les gaz liquéfiés, quels qu'ils soient, figu- 
rent au Tarif général des Douanes sous la rubrique 
« Produits chimiques non dénommés », et sont 
soumis à leur entrée en France à un droit uniforme 
ad valorem de 5 °/, de la valeur totale, liquide et 
enveloppe; en outre, et dans le but évident de 
protéger notre industrie métallurgique, le récipient 


1 Jaugerr, dans Dictionnaire de Würtz, 2e suppl., 39e fasc., 
p. 644. 


métallique qui renferme le gaz liquéfié importé 
est frappé d'un droit de 95 francs par 100 kilos. 

Presque toujours, l'importeteur ne déclare que 
la seule valeur du gaz liquéfié, laquelle est fort 
variable avec son degré de pureté, et peut descen- 
dre jusqu'à 15 ou 20 francs par 100 kilos. De plus, la 
Douane se contente souvent de percevoir le droit 
ad valorem de 5 °/, sur la valeur déclarée du gaz 
liquéfié, sans tenir compte des droits très élevés 
relatifs au récipient métallique qui le contient. 
Cette générosité est doublement fâcheuse, car elle 
paralyse notre industrie naissante, en favorisant 
outrageusement l'importation étrangère, d'autant 
que la réciprocité n'existe pas pour nous de la part 
de l'étranger. Quand nous exportons notre anhy- 
dride sulfureux pur en Autriche, par exemple, nous 
payons un droit de 25 francs par 100 kilos de poids 
brut, bonbonne comprise, ce qui, pour 100 kilos de 
liquide, donne un droit de douane de 35 à 40 francs, 
alors que l'importateur étranger paye un frane 
pour 400 kilos de SO* valant 20 franes les 100 kilos ! 

Dans la question de la défense de notre indus- 
trie contre l'industrie étrangère, le thermomètre 
de la situation, si l’on peut s'exprimer ainsi, c'est 
le quantum de l'importation annuelle donné par 
une statistique bien faite. Il est fâcheux d'avoir à 
constater que, dans l’état actuel des choses, cette 
importation ne peut êlre connue exactement pour 
les gaz liquéfiés; il en sera ainsi tant que l'Admi- 
nistration des Douanes les rangera dans la caté- 
gorie des « Produits chimiques non dénommés ». 
Cette Administration rendrait à notre industrie 
des gaz liquéfiés un service signalé, en explicilant 
dans ses Tarifs les gaz liquéfiés avec leur nom, de 
facon que l’on püût connaître, pour chacun d'eux, 
le tribut annuel que nous payons à l'étranger. 


V. — CONCLUSION. 


La conclusion de ce long travail sera très courte. 
Le développement normal de la science pure, c'est 
la science appliquée ; un des plus beaux exemples 
de cette évolution naturelle, c’est le développement 
prodigieux pris par l'industrie des gaz liquéfiés. 
Qu'est-ce que cette industrie, sinon ie laboratoire 
de Chimie et le laboratoire de Physique transportés 
dans l'usine? Grâce à elle, l'ingénieur est désor- 
mais inséparable du chimiste et du physicien, el 
inversement. L'industrie et la science pure ont 
besoin l’une de l’autre; les innombrables applica- 
tions des gaz liquéfiés démontrent surabondam- 
ment la fécondité de leur union intime. Tout ce 
qui gène ou relarde cette union va à l'encontre des 
intérêts généraux de l'humanité, et doit être con- 


damné ou rejeté par elle. E. Mathias, 
Protesseur de Physique à la Faculté des Sciences 
de l'Université de Toulouse, 


980 


BIBLIOGRAPHIE — ANALYSES ET INDEX 


BIBLIOGRAPHIE 


ANALYSES 


1° Sciences mathématiques 


Boehm (Karl). — Zur Integration partieller Dif- 
ferentialsysteme. — 1 broch. iu-8 de 55 pages. 
(Prix : 1,80 mk.) Teubner, éditeur. Leipzig, 1901. 
Cet opuscule fournit une importante contribution à 

la théorie des équations aux dérivées partielles. II se 
rattache, quant à la méthode suivie, aux travaux fon- 
damentaux de Cauchy, de Sophie Kowalevsky et de 
M. Darboux. M. Boehm examine l'existence des inté- 
grales d’un système d'équations aux dérivées partielles 
en se bornant toutefois au problème de la détermina- 
tion des coefficients des séries auxquelles se ramène 
l'intégration. Il compare d’abord le nombre des déri- 
vées d’un ordre quelconque au nombre des équations 
qui les lient, et parvient à en déduire que les problèmes 
d'intégration doivent être répartis en deux grandes 
classes, suivant que le nombre m des équations est plus 
grand que le nombre des fonctions à déterminer, ou ne 
l'est pas. 

Le cas particulier 11 —1 fait l'objet d'une étude très 
approfondie, dans laquelle l’auteur montre que le 
problème de l'intégration peut toujours être résolu. 
Quant à la démonstration de la convergence de la 
série qui forme la solution du problème, elle peut être 
déduite des théorèmes donnés par M. Riquier; aussi 
l’auteur se dispense-t-il de la reproduire dans son 
travail. 

Vient ensuite le cas d'un système de m équations 
aux dérivées partielles à 22 fonctions inconnues et à » 
variables indépendantes. Cette étude, qui se rattache 
directement aux célèbres recherches de Sophie Kowa- 
levsky, apporte une simplification dans les condi- 
tions d’intégrabilité. C'est précisément à ce point de 
vue que le travail de M. Boehm mérite d'être signalé à 
ceux qui s'intéressent à la Théorie des équations aux 
dérivées partielles. Feu, 

Professeur à l'Université de Genève, 


Baclé (L.), /ngenieur civil des Mines.— Les Plaques 
de blindage. — 1 vol. in-4° de 236 pages, avec 200 fi- 
gures.(Prix :10 fr.) Veuve Ch. Dunod, éditeur. Paris, 
1901. : 
Personne n'était mieux placé que l’auteur de ce tra- 

vail pour présenter sous leur vrai jour, aux yeux du 

public compétent, les nombreuses faces de la question 
si intéressante et si actuelle de la fabrication des blin- 
dages. M. Baclé est depuis fort longtemps attaché à la 
maison Marrel frères, et auparavant il faisait partie de 
la Ci° Châtillon et Commentry, deux des Sociétés fran- 
çaises qui, en même temps que les usines du Creusot, 
de Saint-Chamond et de Saint-Etienne, ont toujours 
contribué à soutenir la bonne réputation francaise vis- 

à-vis des firmes étrangères les plus renommées. Il a 

donc eu sous les yeux tous les rapports dressés à la 

suite des multiples expériences officielles qui ont eu 
lieu à Gavres, à Ochta, à Portsmouth, à Indian Head, 

à Meppen, etc.; souvent même il a assisté en personne 

à ces épreuves grandioses, et, avec l'esprit de méthode 

et le talent d'exposition que tout le monde reconnaît 

au dévoué secrétaire des nombreux congrès ou com- 
missions où les conditions de réception des matériaux 
sont agitées, il a su coordonner des milliers de résul- 
tats, les grouper sous une forme nullement aride pour 
le lecteur, et en tirer des conclusions évidemment très 
profilables au double point de vue métallurgique et 
militaire. 

Il est certain que la nécessité de fabriquer des pla- 
ques d’acier d'une masse imposante, dures à la surface 


ET INDEX 


et néanmoins résistantes au choc, a obligé nos indus- 
triels à perfectionner leur outillage et leurs méthodes 
de travail, et que tous ces progrès ont profité même 
aux consommateurs autres que la Marine ou la Guerre. 
D'un autre côté, les problèmes posés aux métallur- 
gistes une fois résolus, les ingénieurs des constructions” 
navales et les marins ont dû modifier profondément 
l'emménagement et la manœuvre des navires, sans comp- 
ter l'artillerie qui s’est trouvée dans l'obligation d'amé- 
liorer la puissance de ses moyens d'attaque. La question 
des blindages a donc été le point de départ d’une 
série de transformations dans un grand nombre de 
branches du génie industriel de la seconde partie du 
siècle dernier. Son étude rationnelle est par conséquent 
capable d'intéresser vivement le monde des ingénieurs. 

Après avoir dit un mot de ces formidables appareils 
que l’on admire dans nos forges modernes, et qui sont 
indispensables pour façonner les grosses plaques, après 
avoir rappelé les noms si connus des chercheurs aux- 
quels nous devons de mieux connaître les propriétés 
des alliages métalliques, M. Baclé examine les change- 
ments successifs qui se sont produits dans la matière 
constitutive des blindages. Après le fer puddlé ordi- 
naire, le métal compound, c'est-à-dire composé d'acier” 
soudé au fer; puis, l'acier homogène, d'abord ordi- 
naire, bientôt amélioré par le chrome, par le nickel, 
par le chrome et le nickel à la fois ; enfin, l'acier rela-" 
tivement doux cémenté et durci à la surface, autrement 
dit le métal Harvey ou le métal Krupp. Des gravures 
montrent les résultats au tir se rapportant à ces di- 
verses qualités, et en font très bien ressortir les diffé- 
rences essenlielles. 

Mais, pour traduire dans un langage toujours compa- 
rable les conditions très variées des expériences de 
toutes les nations ainsi que leurs résultats, il fallait 
avoir la clef des formules de perforation employées ; 
aussi, M. Baclé passe ces formules en revue, les discute, 
et montre combien elles deviennent complexes avec les. 
métaux actuels. Il fait ensuite la comparaison des con- 
ditions de recette appliquées aux divers types de blin- 
dages et dans les différents pays : seule, l'épreuve du 
tir permet d'apprécier les qualités du métal qui contri- 
buent à lui donner la résistance à la perforation, et il 
est bien regrettable à tous points de vue que cette 
caractéristique n'ait pas une relation plus certaine avec 
les autres ‘essais mécaniques, beaucoup moins coûteux, 
tels que ceux de traction, pliage, choc, etc. On sait, par 
exemple, que les conditions du tir d'épreuve sont plus 
rigoureuses en France qu'en Angleterre. Pour appré- 
cier impartialement les résultats, et en tirer des con-" 
clusions certaines, il était donc indispensable de con- 
naître et d'analyser point par point, comme l'a fait 
M. Baclé, toutes les divergences qui existent dans les 
cahiers des charges. 

Nous retrouvons ensuite, combinés et formant un 
tout, les divers articles de l’auteur, que nous avons lus 
avec tant d'intérêt dans le Génie civil, et qui ont 
trait à fous les essais officiels qui ont eu lieu depuis 
1876 jusqu'à nos jours. De nombreux clichés émaillent 
très heureusement le texte : c'est un résumé complet, 
qui n'existe nulle part ailleurs, et qui montre bien 
à la fois les progrès réalisés et les raisons de ces pro- 
grès. | 
‘ Après les plaques de navires, l'ouvrage de M. Baclé 
traite des cuirassements métalliques appliqués dans les 
forteresses de terre et des principaux essais qui sy 
rattachent. 

L'auteur résume ses conclusions d'une façon très. 
saisissante, en démontrant que, pour traverser un blin- 


kdage avec un projectile de 194, il faut une vitesse de 
perforation de 385 mètres, si la plaque est en fer puddlé ; 
«le 461 mètres, si elle est en acier ordinaire ; de 528 mè- 
F3 es, si elle est en acier spécial au chrome-nickel; de 
612 mètres, si l'acier précédent est en plus cémenté. 
Ces quelques chiffres donnent une idée du chemin 
arcouru #t des améliorations apportées dans la qua- 


ité du métal. EuiLE DEMEXGE, 
Ingénieur-Métallurgiste. 


2° Sciences physiques 


rémieu (Victor), Z1gén1eur agricole. — Recherches 
expérimentales sur l’électrodynamique des corps 
en mouvement (1hèse de la Faculté des Sciences 
“de Paris). — 4 vol. in-8° de 120 pages. Gauthier- Vil- 
lars, éditeur. Paris, 1901. 
Soulenu et guidé par les conseils les plus précieux, 
Slimulé par l'intérêt uénéral qu'ont excité ses pre- 
mières publications, et par le désir de répondre aux 
nombreuses objections qu'on lui a présentées, M. Cré- 
mieu à consacré quatre ans d'une activité infatigable, 
“servie par une grande habileté manuelle, à l'étude de 
questions aussi fondamentales dans la théorie de 
l'Electrodynamique que remplies de difficultés d'ordre 
“expérimental. 3 
HA Quoi qu'il doive advenir des conclusions formulées 
“par M. Crémieu, la lecture de ce travail ne cessera 
jamais de présenter la plus grande utilité au physicien 
“qui voudra se familiariser avec les mesures de forces 
“extrêmement petites et le maniement des potentiels 
“élevés. L'auteur nous a conté, par le menu, l'histoire 
“des nombreux insuccès, qui ont toujours précédé la 
» réalisation satisfaisante de chaque dispositif, et il les a 
- parfaitement expliqués chaque fois. Peut-être pourrait- 
“on trouver qu'il n'était pas indispensable qu'il nous fit 
“part des conséquences fâcheuses qu'avaient eues de 
simples distractions; ne suffit-il pas d'avoir fait huit 
- jours de laboratoire et d'avoir lu un seul Mémoire de 
Physique pour comprendre, sans autres indications, que, 
“si un auteur recommande telle précaution, c’est parce 
“qu'il a pâti de l'avoir négligée d'abord? Enfin, si les 
«détails précis ont toujours leur valeur, il est vraiment 
“impossible de considérer comme autre chose qu'un 
“ ornement littéraire un peu inutile des remarques comme 
"celle de la page 47, où l’auteur nous parle des « diffi- 
- cultés qui, une fois résolues, n'apparaissent plus que 
. comme des enfantillages » et des insuccès dus « à mille 
octites choses insignifiantes, si insigniliantes qu'on 
. n'avait pas eu l'idée qu'elles pussent apporter de 
- telles perturbations ». 
- M. Crémieu expose d'abord comment il a tenté de 
mettre en évidence les forces électrostatiques qui, 
d'après Faraday et Maxwell, doivent prendre naissance 
-en tout point de l'espace où, au moyen d'un circuit 
métallique, on peut constater l'existence de forces élec- 
-{romotrices d'induction; ce sujet n'avait jusqu'ici été 
abordé que par M. Lodge, qui n'a fait connaitre que des 
résultats incertains. M. Crémieu utilisele champ variable 
produit par la rupture du courant dans deux bobines 
montées sur un même noyau de fer soigneusement 
tourné. Les bobines sont entourées d’un écran électro- 
statique et leurs joues en regard portent des armatures 
bien dressées, entre lesquelles est suspendue une cou- 
ronne d'aluminium, divisée en deux parties suivant son 
« diamètre. Au moyen d'un interrupteur spécial, on réa- 
lise périodiquement les opérations suivantes, séparées 
par des temps égaux : mise au sol de la couronne d’alu- 
minium, le courant étant rompu ; fermeture du courant; 
charge de la couronne; rupture du courant. L'effet 
cherché serait celui de la rupture du courant sur la 
. charge prise par la couronne. En fermant d'abord cette 
couronne sur un galvanomètre, on constate que la 
déviation maxima s'obtient avec cinq ou six interrup- 
tions du courant par seconde et correspond à une 
force électromotrice moyenne induite de 230.850 C. G.S. 
-électromagnétiques, ce qui donnerait, sur la circonfé- 


BIBLIOGRAPHIE — ANALYSES ET INDEX 


981 


rence moyenne du disque, dont le diamètre est 91 mil- 
limètres, une force électrostatique de 81.10° volt-cen- 
timètres. 

La couronne d'aluminium est soutenue par un cadre 
de verre, suspendu à un fil de quartz et supporté par un 
flotteur, dont on supprime les mouvements génants en 
le guidant verticalement et en donnant à la partie 
voisine de la ligne de flottaison une forme qui assure 
une grande stabilité. On peut donner à la couronne 
une charge de 250 C. G. S. éls. sans rendre l'équilibre 
instable. Dans ces conditions, le couple moteur calculé 
exercerail, pour une rotation d'unradian, un travail de 
3 ergs 10—1; la déviation attendue serait 2°38/, et cor- 
respondrait à un déplacement de 94 millimètres par 
une échelle divisée. M. Crémieu a cherché à la mettre en 
évidence en faisant d’abord osciller à vide la couronne 
d'aluminium; après avoir déterminé le zéro et le décré- 
ment des oscillations, il faisait fonctionner le com- 
mutateur ; il n'a jamais observé de changement dans 
le régime des oscillations; d'où il conclut qu'un corps 
électrisé, placé dans une région qui est le siège de 
variations magnéliques, n'est soumis à aucune force 
pondéromotrice. 

Une objection très spécieuse a été élevée par M. H.-A. 
Wilson contre l'interprétation du résultat négatif des 
expériences; il observe que, dans la charge de la cou- 
ronne d'aluminium, ilse produit un courant, soumis, de 
la part du champ de l’électro-aimant, à une action égale 
et de sigue contraire à celle que M. Crémieu cherchait 
à mettre en évidence; l'existence de cette première 
action n'étant pas douteuse, il résulterait de l'expé- 
rience de M. Crémieu que l'effet électrostatique existe 
bien réellement et compense l'effet électromagnétique. 
La question est de savoir si, comme le pense M. Cré- 
mieu, les trois pièces de fer qui réunissaient les deux 
extrémités du noyau de son électro-aimant ne laissaient 
échapper qu'une très petite partie des lignes de force 
magnétiques. 

Lorsque Rowland crut pouvoir conclure de ses 
expériences de Berlin qu'un courant de convection 
exercait son champ magnétique conformément à une 
hypothèse de Maxwell, M. Lippmann montra que l’exis- 
tence de ce champ entrainait comme conséquence 
celle d’un champ électrostatique connexe d’un champ 
magnétique variable. Le résultat négatif de l'expé- 
rience précédente rendait douteux celui de l'expérience 
de Rowland; M. Crémieu a cherché d'abord à vérifier 
une autre conséquence du fait annoncé par le savant 
américain. 

Si un disque chargé mis en mouvement produit un 
champ magnétique, on devra, en renversant le signe 
de la charge, produire une force électromotrice 
induite dans un circuit conducteur voisin. M. Crémieu 
a fait tourner uu disque d'aluminium, entouré d'une 
bobine annulaire de 13.000 tours de fil; le disque 
est placé entre deux couronnes de fonte, qui, reliées au 
sol, forment avec lui un conducteur et qui sont en 
mème temps prolongées par d’autres pièces de fonte 
qui enveloppent les bobines, de façon à renforcer nota- 
blement l’action électromagnétique. La charge était 
fournie par une batterie de 3.000 accumulateurs; la 
vitesse était mesurée par une méthode stroboscopique. 
On se servait du commutateur de facon à obtenir, s’il 

avait un effet, une déviation permanente, dont la 
valeur était déterminée à priori, au moyen d'une spire 
témoin traversée par un courant de conduction d'in- 
tensité égale à celle du courant de convection. Les 
déviations obtenues n'ont jamais dépassé 7 millimè- 
tres, au lieu de 37 millimètres, valeur calculée minima ; 
leur sens n'était d'ailleurs pas toujours celui qu'on 
aurait prévu. 

De nombreuses objections présentées à M. Crémieu 
l'ont amené à discuter son expérience: il a,d’abord 
prouvé que la charge communiquée au disque n'allait 
pas, comme le craignait M. Pellat, se coller aux lames 
de verre qui isolaient les couronnes de fonte; il est 
parvenu ensuite à supprimer ces lames de verre en re- 


982 


couvrant le disque d’une couche de caoutchouc, par 
évaporation d'une solution dans la benzine. Sur le 
conseil de M. H. Poincaré, le disque d'aluminium fut rem- 
placé par un disque d'ébonite, doré suivant trois sec- 
teurs isolés, pour être bien sûr que la charge était en- 
traînée dans le mouvement; après une observation de 
M. Blondlot, la face interne des couronnes de fonte fut 
recouverte de mica sur lequel élaient collés des sec- 
teurs de papier d’étain isolés, pour éviter l’entraîne- 
ment possible de la charge induite. Sur une autre ob- 
jection de M. Blondlot, on vérifia que l'effet magnétique 
persistait encore, lorsqu'on remplacait la spire témoin 
unique, traversée par un courant de conduction, par 
une série de spires réparties sur tout le disque de façon à 
produire un système aussi semblable que possible à la 
nappe de courant de convection utilisée. Enfin, on s'est 
assuré que la décharge ne devenait pas oscillante el 
qu'elle s’effectuait bien complètement à chaque période 
du commutateur. $ 

M. Crémieu conclut qu'un disque, tournant dans des 
conditions telles qu'on est sûr qu'il entraine avec lui 
toute charge électrique qu'on lui communique, ne donne 
pas, quand on fait varier cette charge, les ellets d'in- 
duction que donnerait un courant de conduction trans- 
portant des quantités d'électricité égales et soumis à 
des variations de même ordre. 

Il convient d'ajouter que M. H. Pender vient de pu- 
blier les résultats d'expériences basées sur le même 
principe, qu'il a entreprises sous la direction de Row- 
land et presque complètement achevées avant sa mort. 
M. Pender croit avoir observé l'effet que l'expérience 
fondamentale de Rowland permettait de prévoir et dont 
M. Crémieu nie l'existence. Dix-sept déterminations 
exécutées avec un disque plein lui out fourni pour y la 
valeur 3,05.101°, les chiffres extrèmes élant 2,75 et 3,24; 
quatre autres expériences faites avec des disques et des 
armatures divisés en secteurs ont donné en moyenne 
2,96. 10°, Il semble difficile, dans ces conditions, de 
considérer la question comme définitivement résolue 
dans le sens de M. Crémieu. 

N'ayant pas constaté, par la méthode qui lui est 
propre, l'existence du champ magnétique dû à la con- 
vection électrique, M. Crémieu a répété l'expérience de 
Rowland. On sait qu'outre les expériences de Berlin, 
exécutées en 1879, le professeur de Baltimore en a fait 
une seconde série, en collaboration avec Hutchinson, 
et que Himstedt a ‘exécuté également des recherches 
qui lui ont donné satisfaction, après que Lecher eut 
tenté, sans succès, de revoir l'effet observé par Rowland. 

Le disque en ébonite tourne à l'intérieur d’un bâti de 
bronze, fermé presque complètement par des couronnes 
de laiton, dont les faces internes sont recouvertes de 
mica, sur lequel on a collé des secteurs d'étain de 60°, 
reliés au sol. Le système astatique, enfermé dans un 
tube de cuivre rouge, reste absolument insensible à la 
rotalion du disque, bien que la déviation, pour un cou- 
rantde convection voisin de 10-“ampères, eûtdù atteindre 
de 50 à 70 millimètres. Dans les appareils de Rowland et 
de Himstedt, le disque tournant n'était séparé de l’équi- 
page magnétique que par une lame de métal collée sur un 
diélectrique ; or, en supprimant l'enveloppe extérieure 
de laiton fixée à son bâti, M. Crémieu a observé des 
déviations dont le sens était toujours celui qui aurait 
résulté de l’action du courant de convection, quoique 
leur valeur crût beaucoup trop lentement avec l’inten- 
sité. La discussion des conditions expérimentales con- 
duit l’auteur à admettre que cette action est due aux 
portions de courant de conduction qui prennent nais- 
sance dans les secteurs fixes, quand les secteurs mo- 
biles chargés défilent devant eux. Cette explication, qui 
implique l'existence de courants de conduction ouverts, 
a été corroborée par une expérience spéciale, exécutée 
depuis, mais rendue malheureusement douteuse dans 
son interprétation par les critiques de M, H. Pender et 
de M. H. À. Wilson. 

Pour répondre à une objection de M. Potier, qui 
pensait que l'effet en question ne devait pas être 


BIBLIOGRAPHIE — ANALYSES ET INDEX 


recherché en dehors d’une enveloppe conductrice, à M 
térieur de laquelle la perturbation due à la rotatio 
du disque se trouverait localisée, M. Crémieu a modi 
son appareil de facon à n'interposer, entre le disque 
tournant et l'équipage magnétique, qu'une enveloppeté 
papier grapbité, destinée à protéger les aimants contre 
les actions électrostatiques. On obtient alors des dévia 
tions qui, pour une certaine position des aimants,se 
trouvent être très sensiblement égales à celles quo 
avait calculées; mais ellessemblent encore être d’origin 
électrostalique, car elles subsistent même quand 
détache les petits barreaux aimantés de la lame de mit 
qui les supporte et elies disparaissent quand on pro 
tège l'équipage magnétique par une feuille d'étain 
Enfin, cerlaines impulsions accidentelles, d'origine 
certainement magnétique, semblent dues à des aigrettes 
qui jaillissent, au moment de l'inversion de char 
entre le disque et les armatures. M. Crémieu concl 
qu'un disque tournant, chargé d'une manière constante, 
ue produit pas le champ magnétique d'un courant de 
conduction transportant la même quantité d'électricité 
Cette conclusion, qui renverse l'interprétation que 
Rowland, Hutchinson et Himstedt donnaient de leurs 
expériences, n'est pas corroborée par M. E. P. Adams 
qui vieut tout récemment d'annoncer qu'il avait observé 
l'effet magnétique du mouvement de sphères chargées! 
d'électricité, , 
Souhaitons que le mouvement suscité par les re= 
cherches de M. Crémieu ne s’éteigne pas avant de 
nous avoir apporté une réponse certaine et unanime 
aux questions fondamentales de l'Electrodynamique des 
corps en mouvement. AC" 


3° Sciences naturelles 


; 
Laulanié (F.), Directeur et Professeur de Physio» 
logie à l'Ecole nationale vétérinaire de Toulouse. 
Eléments de Physiologie. 1°" et 2 fascicules® 
Fonctions de nutrition. — 2 vol. in-8° de 620 pages, 
avec 125 figures. (Prix : 18 fr.) Asselin et Houzeau 

éditeurs, Paris. 1901. 

Il est différentes manières d'exposer les éléments 
d'une science. Les uns se trouvent satisfaits lorsqu'ils 
sont parvenus à résumer clairement et exactement le 
plus grand nombre de faits possible dans un ordre. 
convenable : les autres sont en même temps préoccupés: 
de dégager de ces faits particuliers quelque loi © 
quelque théorie fondamentale qui puisse leur servi 
de lien. M. Laulanié est de ces derniers : dans son 
ouvrage, les apercus généraux et synthétiques viennent 
sans cesse s'ajouter à un exposé substantiel et docu- 
menté des résuitats expérimentaux. Ces tendances 
s'accusent dès les premières pages, non pas tant pa 
les considérations en quelque sorte obligées sur les 
conditions des phénomènes de la vie, que par un 
préambule sur l'énergie, sur ses transformations dans 
l'organisme et sur la nécessité d'introduire, ave 
M. Chauveau, dans l'équation qui exprime ces trans 
formations, le terme « travail physiologique », c’est-à= 
dire le travail intérieur des lissus vivants « envisagé 
en dehors de ses manifestations sensibles et utiles »n 
M. Laulanié ne se borne pas à énoncer ces principes” 
il montre aussi, à travers tout l'ouvrage, comment ils 
trouvent leur application. 

C'est aux fonctions de nutrition que les fascicules 
parus sont consacrés : le premier, à l'alimentation, lan 
digestion, l'absorption, le sang, la circulation et la res 
piration; le second, aux sécrétions, à la nutrition et à 
la chaleur animale. 

L'étude des aliments embrasse leur composition chi= 
mique, leur origine, leurs fonctions, la mesure de 
l'énergie potentielle qui y est contenue et qui est représ 
sentée par leur chaleur de combustion. Celle de: la 
digestion débute par des notions générales sur les fer=u 
ments solubles, sur les modifications qu'ils font subi 
aux différents principes immédiats alimentaires et Se 
poursuit par l'examen des digestions particulières , M 


BIBLIOGRAPHIE — ANALYSES ET INDEX 


983 


buccale, gastrique, intestinale, c’est-à-dire des phéno- 
nènes, tant mécaniques que chimiques, qui caractéri- 
ent chacune d'elles. ; 

… L'absorption digestive est traitée comme un cas par- 
ticulier d'un acte très étendu qui relève des lois de 
losmose et de la pression osmotique. 

Les propriétés physiques et la composition chimique 
lu sang, sa coagulation, son rôle comme milieu inté- 
rieur, la pression osmolique du sérum, les effets des 
Hhémorragies et des transfusions font l'objet de la qua- 
irième partie. 

Les phénomènes mécaniques de la circulation, les phé- 
pomènes mécaniques et physico-chimiques de la respira- 
# occupent la deuxième moitié du premier fasei- 
ule. 
Dans les chapitres relatifs aux sécrétions, par lesquels 
Slouvre le second fascicule, l'auteur retient, d'une part, 
celles qui éliminent des produits excrémentitiels, urine, 
bile, sueur {excrétions),et, d'autre part, celles dont les 
produits sont versés dans la circulation (sécrétions 
internes). La formation des poisons dans l'organisme 
et les moyens dont celui-ci dispose pour se protéger 
Contre les auto-intoxications trouvent leur place ici. 
L'étude de la nutrition proprement dite est conçue 
d'après un plan large et compréhensif, et s'inspire à la 
fois des enseignements de M. Chauveau et des recher- 
hes personnelles de l'auteur sur l'énergétique animale. 
C'est d'abord le bilan nutritif qui est dressé, suivant 
que la ration est suffisante, insuffisante ou surabon- 
dante; puis on voit comment les transformations subies 
par les principes immédiats tendent vers deux résultats : 
le Ja préparation des réserves alimentaires; 2° l'utilisa- 
ion de ces réserves : comment celles-ci sont dépensées 
“et à la rénovation de la matière vivante et à la produc- 
ion du travail physiologique, celui du muscle étant 
pris comme type, et enfin à la production de la chaleur, 
onsidérée comme « le dernier terme» des transforma- 
ons de l'énergie attachées à l’activité des tissus. 
… Tel est le cadre dans lequel M. Laulanié a fait tenir 
les fonctions de nutrition. Le tableau qu'il en présente 
“est traité avec le même soin dans ses diverses par- 
lies. Je signalerai particulièrement le chimisme respi- 
ratoire, la chaleur animale, domaines de la Physiologie 
que l’auteur à d’ailleurs contribué à enrichir, grâce à 
“un outillage nouveau et ingénieux. Les principales 
“questions, telles que la circulation, dont le texte est 
“illustré de nombreux graphiques originaux, telles que 
mes sécrétions, ont aussi recu les plus heureux dévelop- 
pements, dans la mesure que comporte un traité élé- 
mentaire. Seuls, quelques-uns des chapitres consacrés 
äu chimisme de la digestion, à l'absorption digestive, 
“au sang, auraient peut-être gagné à être un peu plus 
détaillés pour se trouver en harmonie avec le reste de 
ouvrage. Celui-ci ne s'en recommande pas moins, dans 
Son ensemble, par toutes les qualités que l’on peut 
demander à uu bon livre d'enseignement: choix éclairé 
et groupement méthodique des matériaux employés, 
mise en œuvre des acquisitions les plus récentes de la 
ence; enfin, l'exposé, outre qu'il est clair et précis, 
t fait en un langage expressif qui commande et retient 


l'attention. E. WERTHEIMER, 
Professeur de Physiologie 
à la Faculté de Médecine de Lille. 


Bourne (Gilbert-C.), Chargé du Cours d'Anatomie coni- 
parée à l'Université d'Oxford. — An introduction 
> to the study of the comparative Anatomy of 
- Animals. Vol. I : Animal organisation. The Pro- 
. tozoa and Cœlenterata. — 1 vo/. in-8° de 269 pages, 
avec figures. (Prix : 6 fr. 25). George Bell and 
Sons, éditeurs. Londres, 1901. 

- Il s'agit ici d’un livre élémentaire, écrit pour les 
jeunes étudiants qui abordent l'étude de la Zoologie; 
mais l’auteur estime que le caractère élémentaire d'un 
Ouvrage consiste seulement dans l'élimination des 
matières les moins es-entielles et n'exclut pas les 
“descriptions détaillées ni la discussion approfondie des 


points les plus importants; la claire intelligence des 
choses est à ce prix. Frappé de la difficulté qu'éprouve 
l'étudiant novice à s’assimilér d'emblée les questions 
ardues de structure et de division cellulaires, point de 
départ habituel de l’enseignement, il juge préférable 
de le mettre aux prises, d'abord avec un objet qui lui 
soit familier, et l'ouvrage, comme le cours professé à 
l’Université d'Oxford dont il est l'écho, s'ouvre par 
une monographie de la Grenouille commune, pré- 
cédée seulement d'une courte introduction sur les 
échanges dont la matière vivante est le siège, et sur 
les principes de la biologie des plantes et des animaux. 
L'idée est très acceptable, mais on peut se demander 
si, après les nombreuses monographies de Ecker, Vogt 
et Yung, Marshall, etc.…., le besoin d'une nouvelle 
étude descriptive, forcément sominaire, de la Grenouille 
se faisait bien réellement sentir. 

Le reste du volume est consacré aux Protozoaires et 
aux Cœlentérés. Peut-être trouvera-t-on que ces der- 
niers sont un peu sacrifiés; ils ne sont représentés que 
par deux types appartenant tous les deux aux Hydraires 
(Hydra et Obelia), tandis que, par exemple, six types 
sont étudiés pour les seuls Flagellés. L'exclusion com- 
plète des Spongiaires est également à regretter. Un 
deuxième volume, dont la publication prochaine est 
annoncée, sera consacré aux Métazoaires cœlomates. 

G. Pruvor. 


4 Sciences médicales 


Ribard (D: Elisée). — La tuberculose est curable, 
avec une préface du D° Maurice LeTuLrE. — 1 vol. 
in-12, de 173 pages. (Prix : 2 fr.) C. Naud, éditeur. 
Paris, 1901. 

Voici un excellent petit ouvrage que nons devons 
signaler ici, bien qu'il n'ait pas la prétention d'apporter 
des faits nouveaux à la connaissance de la tuberculose. 
C’est, avant tout, un livre de vulgarisation, qui s'adresse 
au grand public, et contribuera très eflicacement à 
répandre dans notre population cette idée, presque 
neuve, et aujourd'hui scientifiquement établie, que, 
prise à ses débuts, la tuberculose est curable. 

L'auteur insiste principalement sur la tuberculose 
pulmonaire. Il indique en quoi elle consiste, comment 
on la prévient, commenton la reconnaitet comment on 
la guérit. Il examine successivement toutes les causes 
prédisposantes : l’affaiblissement de l'organisme, l'al- 
coolisme, la mauvaise hygiène, etc. Il apprend ensuite 
à la mère à « savoir regarder son enfant », examiner 
son état général, l’état de ses yeux, de son visage, de 
ses membres et de ses ongles, et appelle son attention 
sur les malformations congénilales susceptibles de 
jouer un rôle prédisposant dans la genèse de la mala- 
die. Il insiste ensuite sur l'importance de la pesée, de 
la taille, du développement de la poitrine et de la tête 
chez l'enfant qui se développe mal ou se trouve déjà 
atteint par la maladie. Les renseignements qu'il donne 
sur les formes de début de la tuberculose, de la tuber- 
culose pulmonaire (dyspepsie, diarrhée, anémie, chlo- 
rose, amaigrissement, essoufflements, battements de 
cœur, fatigue, polyadénites, névralgies variées, zona, 
refroidissements, altérations de la voix, rhumes, bron- 
chites, hémoptysie, etc.), seront, pour tous les éduca- 
teurs, des plus précieux. ; 

M. Ribard traite ensuite des devoirs du médecin à 
l'égard du malade et de sa famille, des mesures préven- 
tives et curatives qu'il doit imposer soit dans les sana- 
toria, soit dans la famille. : 

J1 faut souhaiter que ce petil livre, accessible à tous 
les lecteurs, se répande le plus possible dans les famil- 
les et les écoles. IESNOE 


n 


Comte (D' Albert). — Paralysie pseudo-bulbaire et 
phénomènes laryngés (Æxtrait de « La Parole », 
n° 4 de 1901). 1 Drochure in-8° de 16 pages. Lihraï- 
rie de « La Parole ». Paris, 1904. 


987 


ACADÉMIES ET SOCIÉTÉS SAVANTES 


ACADÉMIES ET SOCIÉTÉS SAVANTES 


DE LA FRANCE ET DE L'ÉTRANGER 


ACADÉMIE DES SCIENCES DE PARIS 


Séance du 21 Octobre 1901. 


1° SCIENCES MATHÉMATIQUES. — M.J. Guillaume a mesuré 
le diamètre de Jupiter à l'équatorial Brunner de l'Obser- 
vatoire de Lyon. Les valeurs obtenues sont moindres 
avec le plus fort grossissement qu'avec le plus faible; 
c'est une conséquence des lois de la diffraction dans 
les instruments d'optique. — M. P. Hatt étudie le pro- 
blème de la jonction des deux extrémités d’un réseau 
fermé de triangulation et indique les conditions d’une 
compensation satisfaisante du réseau. — M. G.-A. Miller 
présente quelques résultats nouveaux sur les groupes 
de substitution. — M. P.-J. Suchar donne la forme que 
doivent avoir les coefficients d’une équation différen 
tielle linéaire de second ordre pour qu’elle soit de 
deuxième ou de troisième espèce. — M. A. Demoulin 
étudie deux classes particulières de congruences de 
Ribaucour : celles qui sont formées desnormales d’une 
surface et celles pour lesquelles le segment focal est 
constant. — M. G. Kœnigs indique les propriétés des 
chaines cinématiques secondaires. 

2° Sciences PHYSIQUES. — M. G. Wallerant commu- 
nique des formules, relatives aux variations de l’aiman- 
tation dans un cristal cubique, qui reproduisent toutes 


les particularités constatées expérimentalement par | 
M. Weiss. — M. A. Ponsot a étudié comparativement | 


la limite des réactions chimiques et celle du produit PV 
dans les gaz: a) Les deux hypothèses : 1° PV tend vers 
une valeur limite pour V infini; 2 il ya des réactions 
chimiques entières, sont incompatibles; ) Les deux 
hypothèses : 1° PV tend vers une valeur limite pour 
V infini; 2 les réactions chimiques sont toujours limi- 
tées, sont compatibles; c) Les deux hypothèses : 19 P— 0 
pour une valeur de V très grande et les valeurs supé- 
rieures de V; 2° il y a des réactions chimiques entières 
et des réactions limitées, sont compatibles. — M. H. Im- 
bert a obtenu, par réduction sulfureuse des dérivés 
résultant de l'action des bases pyridiques sur les qui- 
nones tétrahalogénées, l'acide pyridyl-monochlorhydro- 
quinonesulfonique CÿH*Az.C'CI(SO*H)(0H)>.0H et l'acide 
pyridyl-moncxydichlorhydroquinone CFH*Az.C‘CE(0H. 
OH. Ce fait prouve que la fonction quinonique n’est pas 
altérée dans les premiers produits de réaction. — 
M. H. Fournier à oxydé divers carbures benzéniques 
au moyen du bioxyde de manganèse et de l’acide sulfu- 
rique. L'o-xylène donne 37 °/, d'aldéhyde o-toluique ; le 
pseudo-cumène donne 22 °/, d'aldéhyde ; le p-cymène 
donne très peu d’aldéhyde cuminique ; l'éthylbenzène 
donne de l’acétophénone et de l’aldéhyde benzoïque. — 
M. R. Dhommée a étudié les conditions de formation 
de la benzylamine par l’action de l’ammoniaque sur le 
chlorure de benzyle. La benzylamine se forme surtout 
en présence d'un grand excès d'ammoniaque; lerende- 
ment atteint 4%,5 °/, du chlorure de benzyle. — 
M. R. Fosse à étudié l’amine qui dérive du binaphty- 
lène glycol de Rousseau; c’est la bisdinaphtoxanthène- 
amine : O.(C‘H‘)?.CH.AzH.CH.(C'‘H}-0. Les hydra- 
cides fumants la décomposent en AzH“CIl et en mono- 
chloro ou bromonaphtoxanthène. — MM. L. Vignon et 
F. Gérin ont constaté que la d-arabite pentanitrée et la 
rhamnite pentanitrée réduisent énergiquement la li- 
queur de Fehling. Les auteurs expliquent les propriétés 
réductrices de ces corps et des corps analogues en 
admettant que l'acide nitrique éthérifie d'abord les 
groupes CH.OH et oxyde le groupe CH°0H terminal en 
CH(OH}; puis l'acide nitreux réagit sur ce dernier en 
donnant un groupe isonitrique CH(OH)(0Az0) qui est 


| et F. Perrin, en faisant réagir le trichiorure de phos* 
| phore sur la glycérine, ont obtenu l'acide glycéropho 


| D. Sulzer signalent un nouveau phénomène d'inerti 
| rétinienne dont ils se proposent d'étudier les applicæ 


| les Fougères comprenant les deux grands group 


évidemment réducteur. MM. A. et L. Lumiè 


phoreux OPH(OH)0C*H*(0H}. Il donne facilement dl 

glycérophosphites avec les bases, la plupart solub 

dans l’eau. 
30 SCIENCES MM. 


NATURELLES. André Broca ét 


tions pratiques à la fatigue de la lecture. — MM. Lorte 
et Hugounenq ont étudié les Poissons momifiés qu 
se retrouvent en quantités considérables dans certaine: 
nécropoles égyptiennes. Ce sont des Lates niloticusälk 
étaient macérés dans les eaux fortement saumâtres d 

lacs de natron, puis entourés d’une couche de vasen 
chargée de substances salines. Ils sont si bien conservés 

qu'ils renferment encore une forte proportion de m& 
tières animales. — M.J. Bohn a reconnu que les trans 
formations histolytiques présentées par les Annélid 
à l'automne, et accompagnées de troubles circulato 
et respiratoires d'origine toxique, auraient pour con 
quences, soit la dissémination des œufs par une fon! 
pélagique (épitokie), soit simplement l'expulsion dl 
œufs par la rupture des téguments d'une forme rest 
sédentaire {exotokie matricide). — MM. C. Vaney 
A. Conte ont trouvé un individu d'A/hurnus mirande 
Blanch. dont l'ovaire était complètement infesté par unt 
nouvelle A/1crosporidie parasite, la Pleistophora me 
randellæ. N y a des kystes de deux sortes, renfermant 
des microspores et des macrospores. — M. L. Du 
camp a étudié le dévéloppement de l'embryon chez Ie 
Lierre (Hedera Helix). Dans la formation du cône radis 

culaire, le cylindre central reste étranger au suspeñ 
seur; celui-ci complète inférieurement l'écorce et don 
naissance à la coiffe; les éléments supérieurs de cette 
dernière sont fournis par la base de l'épiderme 
embryonnaire. — MM. Ch. Dépéret et G. Carrière o 
découvert à Robiac, près Saint-Mamert (Gard), un riche 
gisement de Mammifères de l'Eocène supérieur. 
rencontre le Lophiodon rhinocerodes Rütim. 
L. Isselensis Cuvier, le Paloplotherium magnum Rütim 
le P. lugdunense, le Pachynolophus Duval Pomel, l'An 
chilophus Desmaresti, etc. — M. B. Renault montre que 


Eusporangiées et Leptosporangiées ont eu, à l'époque 
houillère, des gerres hétérosporés. 


Séance du 28 Octobre 1901. 


1° SCIENCES MATHÉMATIQUES. — M. P. Hatt a appliq 
la méthode des moindres carrés au problème de 
jonction d’un réseau trigonométrique fermé. — M. 2 
S. Chessin donne la soiution du problème de la toupie 
de Foucault (déterminer le mouvement d'un solide de 
révolution homogène, fixé par un point de son axe 
figure à la surface de la Terre, après lui avoir imprim 
une rotation initiale de grande vitesse autour de @ 
axe maintenu immobile relativement à la Terre). IMy 
arrive par la méthode dite des perturbations. Ë 

20 SCIENCES PHYSIQUES. — M. G. Sagnac explique, pal 
un phénomène de perspective, la production de rayons 
lumineux divergents à 180° du Soleil, observée récem= 
ment par M. Mascart. — M. Maurice Leblanc a étudié 
la stabilité de marche des commutatrices dans divers 
cas (branchement sur une batterie d’accumulateurs; 
addition d’un survolteur à courants alternatifs). = 
M. de Forcrand déduit de sa formule que la chaleur 
tolale de combinaison Q est rigoureusement propo 
tionnelle à T'; leur rapport, 30, est le même pour tous 
les corps. Il en a calculé la limite inférieure pour un 


certain nombre de corps; les résultats coucordent bien 
‘avec l'expérience. — M. M. Berthelot a observé que, 
“sous l'influence du rayonnement du radium, l'acide 
bdique est décomposé en iode et oxygène el l'acide 
mitrique en vapeur nitreuse et oxygène, réactions ana- 
ogues à celles qui se passent sous l'influence de la 
ümière solaire. Par contre, la transformation du S 
Ctaédrique, dissous dans CS, en S insoluble, et l’oxy- 
atiou de l'acide oxalique dissous par l'oxygène libre, 
nt pas été opérées par le radium, quoique elles le 
Soient par la lumière. — Le même auteur a mesuré la 
quantité de chaleur dégagée dans la réaction de l'oxy- 
éène libre sur le pyrogallate de potasse. La chaleur 
dégagée est considérable, et va en diminuant, pour un 
mème poids d'oxygène, à mesure que l'absorption aug- 
ente. — M. Léon Guillet, en appliquant à l’'oxyde de 
ivre la méthode qu'il a indiquée pour les acides 
jungstique et molybdique, a pu isoler les trois combi- 
naisons qui ont été signalées dans les études de M. Le 
dhätelier : Cu°Al, CuAl, AlCu, la combinaison CuAl 
étant obtenue mélangée avec 2 à 3 °/, d'un siliciure de 
Quivre et d'aluminium. — M. P. Nicolardot a constaté 
que, si l'on ajoute à une solution de chlorure ferrique 
bouillante une solution d’un sulfate, tout le fer se pré- 
Gipite à l’état de sulfate de fer condensé. Par ce moyen, 
on peut séparer le fer des autres métaux quand la 
solution n'est pas trop acide. — M. G. Denigès indique 
deux procédés de détermination qualitative et quanti- 
lative de traces d'antimoine en présence de fortes pro- 
portions d'arsenic. L’un consiste dans la précipitation 
“du Sb sur le platine par une lame d'étain, l’autre dans 
la formation d'un sel double de césium recherché par 
voie microchimique. — M. Em. Bourquelot a recherché, 
dans les végétaux, le sucre de canne à l'aide de l’in- 
vertine et les glucosides à l’aide de l’émulsine. Par ce 
moyen, il a trouvé, dans le rhizôme du Serophularta 
nodosa, 4 grammes de sucre de canne par kilog. et un 
pu d'un glucoside lévogyre. Le péricarpe du Cocos 

ataï et la graine d’asperge renferment le premier 
25 grammes, et la seconde 15 grammes de sucre de 
“canne par kilog. — MM. A. et L. Lumière et H. Bar- 
bier ont déterminé l’alcalinité du sang, en le traitant 
par un excès d'acide libre et titrant cet excès par l'iode 
et l'iodure de potassium. Aucune méthode ne peut 
donner avec exactitude l’alcalinité du sang; cette der- 
nière se distingue toutefois par ses résultats constants. 

3° SCIENCES NATURELLES. — M. F. Le Dantec expose 
quelques-unes des considérations qui l'ont amené à 
oncevoir l'existence de deux états de la substance 
vivante chez les êtres sexués. — M. L. G. Seurat 
rappelle les observations de Garner, antérieures de 
“rente ans à celles de M. R. Dubois, sur la présence de 
Distomes dans les perles des Mytilus; mais il pense 
que les recherches récentes sur l’origine parasitaire 
des perles des Moules ne donnent pas la solution du 
“mode de formation des perles fines. — M. Willot a 
observé que, sous l'influence de la chaleur et de l’hu- 
midité, les femelles brunes mortes du Nématode de la 
betterave se gonflent et que le canal vulvaire s'ouvre 
mécaniquement et permet aux larves de sortir; dans 
les années de sécheresse, les larves sont retenues à 
l'intérieur. — MM. A. Laveran et F. Mesnil ont étudié 
le Trypanosome du Rotengle; il possède une mem- 
brane ondulante et un flagelle à chaque extrémité. Les 
auteurs le nomment 7rypanoplasme. Le Brochet et la 
Sole renferment aussi chacun un parasite spécial. Les 
auteurs n'ont pas encore pu observer les formes de 
division de ces Hématozoaires. — MM. Ch. Eug. Ber- 
rand et F. Cornaille poursuivent l'étude des chaînes 
libéroligneuses des Filicinées, de l'union et de la sépa- 
ration des pièces libéroligneuses élémentaires et de 
leurs conséquences. — M. M. Berthelot a examiné 
une lampe préhistorique, trouvée dans la grotte de la 
Mouthe, et formée d’une pierre creusée portant des 
dessins. La masse noire située dans le creux est sem- 
“blable au résidu de la combustion d’une matière ani- 
male, suif ou lard, qui aurait servi à l'éclairage. 


| 


ACADÉMIES ET SOCIÉTÉS SAVANTES 


985 


ACADÉMIE DE MÉDECINE 


Séance du 22 Octobre 1901. 


M. Le Dentu présente un malade ayant subi la 
laryngotomie totale, à la suite d'un rétrécissement 
syphilitique infecté du larynx; il possède un larynx 
artificiel, construit par M. CI. Martin (de Lyon). — Le 
même auteur, à propos de la récente communication 
de M. Ehrmann sur l'uranoplastie en deux temps, rap- 
pelle qu'il a obtenu de bons résultats par l'opération 
en un temps chez les adultes; ilest possible, cependant, 
que l'opération en deux temps soit préférable chez les 
jeuves enfants. — M. Rendu présente le rapport du 
concours pour le Prix Civrieux. — M. Hallopeau com- 
munique un rapport sur un travail du D' Butte relatif 
au traitement du lupus tuberculeux par le perman- 
ganate de potassium. Ce traitement amène rapidement 
la cicatrisation des ulcères lupiques, l'affaiblissement 
des nodules, ainsi que la disparition des saillies végé- 
tantes et chéloïdiennes; mais son action ne s'exerce 
sur les altérations profondes du derme que d'une ma- 
nière insuffisante pour amener la guérison complète. 
— M. E. Vallin lil le rapport sur le concours du Prix 
Vernois. — M. E. Bourquelot commuuique le rapport 
sur le concours du Prix Nativelle. — M. Poncet com- 
munique un nouveau cas qui établit, d'une facon indis- 
cutable, l'existence d'un rhumatisme articulaire aigu 
d'origine tuberculeuse, simulant le rhumatisme aigu 
ordinaire. — M. G. Dieulafoy apporte une observation 
de gomme syphilitique du lobe frontal avec attaques 
d'épilepsie jacksonienne ; l'épilepsie jacksonienne étant 
généralement d'origine rolandique, ce fait coustitue une 
grave atteinte à la doctrine des localisations cérébrales. 
— M. M. de Fleury lit un mémoire sur la théorie du 
sommeil. 

Séance du 29 Octobre 1901. 


M. P. Reclus présente le rapport sur le concours du 
Prix Godard. — M. Kelsch communique le rapport sur 
sur le concours du Prix Ricord. — M. Bucquoy entre- 
tient l’Académie des cas de peste qui se sont déclarés 
sur le Sénégal et de la quarantaine qui a suivi au 
Frioul. Cette communication est reproduite in-extenso 
dans ce même numéro (p. 956 et suiv.). 


SOCIÉTÉ DE BIOLOGIE 


du 49 Octobre 1901. 


M. Ch. Féré à constaté qu'au cours de l’accumula- 
tion de la fatigue, la suggestibilité augmente pendant 
une période variable suivant l’état du sujet, puis ses 
effets diminuent graduellement. Quand la suggestion 
a produit une fois son effet, le travail sans suggestion 
subit une dépression considérable. — M. A. Giard 
rappelle que c’est J. Rostafinski (de Cracovie) qui, en 
4877, a fait les premières expériences de mérogonie 
et indiqué le technique à suivre. — M.E. Maurel à 
reconnu que la chlorhydrate d'émétine, donné par la 
voie hypodermique et aux doses thérapeutiques, produit 
de la vaso-constriction et active la circulation normale; 
il peut même la rétablir sur les points où elle a été 
ralentie ou arrêtée artificiellement. — MM. E. Wer- 
theimer el L. Lepage ont étudié les effets antagonistes 
de l’atropine et de la pilocarpine sur la sécrétion pan- 
créatique. — M. L. Maillard expose ses idées sur 
l'autorégulation des pressions osmotiques de l'orga- 


Séance 


‘ nisme par la dissociation électrique et sur le rôle biolo- 


gique des sels minéraux. — M. Gellé à observé que le 
premier temps de la déglutition a lieu en même temps 
qu'une inspiration plus ou moins forte; la respiration 
est suspendue au deuxième temps, si rapide, de l'acte 
d'avaler; puis une expiration immédiale s'impose. Elle 
se fait par le nez; mais, dans certains cas pathologiques, 
avec oblitération des voies nasales, elle se fait par la 
voie buccale avec production de bruits insolites. — 
MM. A. Laveran et F. Mesnil ont reconnu que le 


986 


ACADÉMIES ET SOCIÉTÉS SAVANTES 


prétendu Trypanosome de l'huître (7ryp. Balbianii 
Certes) est très vraisemblablement une bactérie, qui se 
placerait à côté des Spirilles et des Spirochètes. — 
M. Armand-Delille a constaté que l'introduction, au 
niveau des méninges rachidiennes, du poison tubercu- 
leux caséifiant est suivie d’une inflammation plastique 
de ces membranes, très analogue à celle qu'on voit 
survenir au Cours de certaines tuberculoses vertébrales. 
— M. Dominici montre qu'il y a aucune contradiction 
entre les deux processus évolutifs qui assurent la for- 
mation du polynucléaire ordinaire. — Le même auteur 
confirme la conception de M. Metchnikoff, concernant 
la parenté qui existe entre les macrophages et les cel- 
lules fixes du tissu conjonctif. MM. Auché et 
Tribondeau ont obtenu une action antiseptique puis- 
sante, en Thérapeutique chirurgicale, par l'association 
de l'eau oxygénée et du permanganate de potasse. — 
MM. Chemin et Tribondeau ont constaté que leschéma 
anatomique du plexus brachial du Gibbon, singe qui 
possède le bras le plus semblable au nôtre, diffère 
très peu des schémas du plexus brachial humain. 


SOCIÉTÉ ROYALE DE LONDRES 


W. Duddell : Sur la résistance et les forces 
électromotrices de l'arc électrique. — L'auteur, 
dans un résumé historique, montre que plusieurs de 
ses prédécesseurs n’ont pas réussi à mesurer la vraie 
résistance et la force contre-électromotrice de l'arc 
parce qu'ils ont fait leurs mesures après que les condi- 
tions de l’arc eurent été modifiées par le courant 
d'épreuve. Les méthodes (semblables à celle de Kohl- 
rausch pour la mesure de la résistance d’un électro- 


lyte) dans lesquelles un courant d'épreuye alternatif 


est superposé à un courant continu (comme celle em- 
ployée par Frith et Rodgers, qui trouvèrent que l'arc 
a quelquefois une résistance négative) ont failli parce 
que la fréquence du courant alternatif n'était pas assez 
élevée. 

Par des recherches préliminaires, l’auteur a été con- 
duit à employer la méthode suivante : Soit un appa- 
reil A possédant une résistance et une f. 6. m., mais 
pas de self-induction, ni de capacité, et traversé par 
un courant continu. On lui ajoute un courant d’épreuve 
alternatif. Si l'appareil A possède une résistance vraie 
et que la fréquence du courant d’épreuve soit telle que 
les conditions de l'appareil n'en soient pas changées, 
la résistance de A sera constante sur toute l'échelle de 
variation du courant, et sera égale à l’impédance de A 
pour le courant alternatif superposé. Un critérium pour 
la constance de la résistance de À, c'est que le facteur 
de puissance de A pour le courant alternatif soit égal à 
l'unité. Donc, pour prouver que l'arc a une vraie résis- 
tance et pour trouver sa valeur, il faut montrer 
1° qu'il est possible de trouver une valeur de la fré- 
quence du courant d'épreuve pour laquelle le facteur 
de puissance de l'arc par rapport à ce courant soit 
l'unité ; 2° que le facteur de puissance reste l'unité et 
l'impédance constante, même si la fréquence est aug- 
mentée ; 3° déterminer, dans ces conditions, la valeur 
de l’impédance de l'arc qui est sa vraie résistance. 

L'appareil de l’auteur se compose d’un alternateur, 
d’un thermo-galvanomètre mesurant les trois voltages, 
et d’une résistance étalon avec laquelle on compare 
l'impédance de l’arc. Les mesures ont permis de cons- 
tater que l'arc, aux basses fréquences, possède un fac- 
teur de puissance négatif, ce qui indique qu’il fournit 
de l'énergie à l'alternateur. L'existence de cette force 
contre-électromotrice n'est pas en opposition avec le 
principe de la conservation de l'énergie, car elle pro- 
vient d'une transformation du courant continu fourni 
à l'arc. 

L'auteur a étudié l'influence de la variation du cou- 
rant direct, de la longueur de l’arc et de la nature des 
électrodes sur ces phénomènes. Il a reconnu que la 
force contre-électromotrice se compose de deux parties 
localisées aux ou près des contacts des électrodes avec 


la colonne de vapeur. La force à l’électrode positive, 
d'environ 17 volts, est opposée au flux du courant direct, 
tandis que la force à l’électrode négative, d'environ 
6 volts, est dans le sens du courant direct : c'est donc 
une f. 6. m. directe. 

L'auteur considère que la plus grande partie de ces 
deux f. é. m. est due à des forces thermo-électriques: 
Ce qui tendrait à le confirmer, c'est qu'il est possible 
d'obtenir une différence de potentiel de 0,6 volt en 
chauffant inégalement deux électrodes de carbone” 
solides avec un chalumeau, le charbon le plus chaud 
étant positif par rapport au plus froid. En employant 
des charbons à mèche et en ajoutant des sels de potas-" 
sium, on a élevé cette différence de potentiel à 4,5 volt." 
Or, les différences de température qui existent dans 
l'arc sont bien plus élevées que celles que donne un 
chalumeau. 


ACADÉMIE DES SCIENCES D'AMSTERDAM X 
Séance du 28 Septembre 4901. 


1° SCIENCES MATHÉMATIQUES. — M. J. de Vries : Sur Le 
nombre des coniques reposant sur huit droites de 
l'espace. À l'aide du principe de la conservation du 
nombre, dû à M. Schubert de Hambourg, l'auteur 
détermine le nombre (92) des coniques en question, 
ainsi que l’ordre de plusieurs surfaces qui s'y rappor- 
tent. — M. L. Gegenbauer, de Vienne : Contribution 
a la théorie des restes biquadratiques. Communication 
en rapport avec la fonction de Môbius-Mertens, des- 
tinée à compléter et à simplifier des travaux analogues 
de MM. Schering et Max Mandl. — M.J. C. Kapteyn 
présente la thèse de M. W. de Sitter (Groningue), 
intitulée : Discussion of heliometer-observations of 
Jupiter’s Satellites. 

29 SCIENCES PHYSIQUES. — M. W. H. Julius : Sur Ja 
formation de lignes doubles dans le spectre de la chro- 


mosphère par la dispersion anomale de la lumière pho- 


tosphérique. Dans la séance du 24 février 1900 (voir 
Rev. génér. des Sciences, {. XI, p. 563), l'auteur a 
montré qu'il est possible d'interpréter un grand nombre 
de phénomènes solaires en admettant que la lumière 
nommée chromosphérique se compose essentiellement 
d'une partie réfractée de la lumière photosphérique, 
ayant subi une dispersion anomale dans les vapeurs 
absorbantes du Soleil. D’après cette hypothese, les 
longueurs d'onde des raies brillantes du spectre des 
protubérances, de la chromosphère, du « flash », ne 
peuvent pas être rigoureusement égales aux longueurs 
d'onde des raies d'absorption correspondantes du 
spectre de Fraunhofer. En effet, chaque raie brillante, 
qui correspond à une raie d'absorption de longueur 
d'onde À, se compose de deux groupes de radiations 
dont les longueurs d'onde, toujours voisines de X, sont 
un peu plus grande que À pour l’un et un peu plus 
petite que À pour l’autre. Dans la présente note, l'auteur 
se propose de préciser quelle sera, d’après sa théorie, 
la distribution caractéristique de la lumière dans une 
ligne chromosphérique, dans l'hypothèse que l'on à 
exclusivement affaire à des rayons anomalement dis- 
persés et que le spectre est fourni par la « chambre à 
prisme ». La courbe de dispersion du gaz absorbant à 
proximité d’une quelconque des raies absorbantes 
prend la forme indiquée par la figure 1. Les abscisses, 
mesurées sur XX, représentent les longueurs d'onde ; 
l'abscisse du point O est égale à À. Une ordonnée zéro 
signifie que l'indice de réfraction est égal à l’unité. Si la 
partie considérée du spectre ne contient pas de raie 
absorbante, la courbe de dispersion ne diffère qu'in- 
sensiblement de la droite NN° parallèle à XX'. Dans le 
cas contraire, où les rayons de longueur À subissent 
une absorption assez considérable, la courbe montre le 
caractère d'une hyperbole équilatère au centre O dont 
NN' est une des asymptotes. Dans le spectre chromo- 
sphérique, la lumière À fait défaut. Des rayons AHè 
correspondant aux points à et a! du spectre normal nous 
seront envoyés d’un anneau chromosphérique d'une 


ACADÉMIES ET SOCIÉTÉS SAVANTES 


jargeur assez considérable; les rayons À + 2ù, cor- 
…respondant aux points b et l', prennent leur origine 
dans un anneau chromosphérique plus étroit, etc. A 
intérieur, ces anneaux sont limités par la photosphère. 


240, À + 20, etc., dépendront des ordonnées de la courbe 
de dispersion. Comme première approximation, on 
peut supposer que ces largeurs sont proportionuelles 
aux ordonnés a, a, — a!, a!,, b, b,— b', l', de cette courbe 
par rapport à la droite NN'de dispersion normale. 
Pour chaque espèce de rayons contenue dans la lumière 
chromosphérique, la chambre à prisme projette une 
“image de la lunule chromosphérique, de manière 
qu'on obtient une infinité de lunules à côté l’une de 
autre. La distribution de la lumière dans une quel- 
conque de ces lunules nous fera connaître l'intensité 
de la lumière de cette espèce émise par les différentes 
parties de la lunule chromosphérique. Ordinairement, 
une image monochromatique montrera donc la plus 
grande intensité du côté convexe limité par le 
bord de la Lune, tandis que du côté concave la lumière 
S'eflacera par degrés insensibles. Mais les lunules cor- 


15 
AU 


respondant à des espèces de rayons voisines empiète- 
ront l’une sur l’autre, surtout s'il s'agit des deux groupes 
de rayons dont une raie de la chromosphère est la 
résultante. Donc cette superposition de deux images 
donnera lieu à une distribution de lumière toute diffé- 
rente de celle de la lumière simple, etc. Soit Z (fig. 2) 
une partie du bord de la Lune au moment du second ou 
du troisième contact d'une éclipse solaire. Représen- 
tons la lumière composée fournie par la colonne Zz de 
la chromosphère par son spectre horizontal parallèle 
à la droite PP'; seulement, pour faciliter l'inspection de 
ce que toutes les espèces de lumière contribuent à l'in- 
tensité totale de l’image entière, au lieu de déposer ces 
spectres sur la même parallèle nous représentons sur 
des parallèles équidistantes PP', QQ', RR'... les spectres 
correspondant à la lumière À, À Hô, À + 28, ete. Soit O 
l’image du bord de la Lune correspondant à la lumière 
parfaitement monochromatique d’une longueur d'onde. 
Les rayons À étant absorbés, la droite PP! ne montre 
rien. Eu QQ' nous trouvons d’abord la lumière X-, pour 
laquelle le bord de la Lune se projette en aet qui s'étend 
“tout en diminuant d'intensité jusqu'au point &, et 
ensuite la lumière À + à s'étendant de la même manière 
de a jusqu'à «!. Ainsi nous trouvons sur RR' les rayons 
À-25 et À + 25 recouvrant respectivement les segments 

bp et D! f', surSS'lesrayons À — 350 et À + 3 à recouvrant 
…cyetc! y, etc. Comme les segments de droite aa — ul, 
DB— D G,... représentent les largeurs des anneaux 
chromosphériques correspondant aux espèces diffé- 
rentes de rayons, ils sont proportionnels aux quantités 
va, a, — à, d',, b, b, = D', }', de la figure 1. Donc les 


er 


lieux des extrémités «, 8... et «, 8... sont des courbes 
dont la forme est liée intimement à celle de la courbe 
de dispersion. De cette manière on trouve en quoi con- 
tribuent toutes les ondes intermédiaires à l'intensité 


Mie 22: 


totale de l’image. Il va sans dire qu'il ne faut pas perdre 
de vue que l'intensité de chaque espèce de lumière 
diminue en procédant de gauche à droite, comme Île 
montre la partie supérieure de Ja figure 3. Pour 
obtenir enfin la distribution de la lumière dans la ligne 
de la chromosphère, on n'a qu'à comprimer cette figure 
dans le sens vertical. L'intensité résullante qu'on obtient 
de cette manière est représentée par la partie inférieure 
de la figure 3. Ce 
spectre montre 
une raie double 
dont les deux 
composantes s'ef- 
facent lentement 
de partet d'autre, 
de manière que 
l'espace intermé- 
diaire contient 
encore de la lu- 
mière d’une in- 
tensité assez con- 
sidérable. Ce se- 
rait donc une 
épreuve éclatante 
pour la vérité de 
l'opinion de l’au- 
teur, s'il se mon- 
trait qu'en effet 
toutes les raies 
de la chromo- 
sphère sont des 
raies doubles du 
caractère  indi- 
qué. Eh bien, 
l'Expédition né- 
erlandaise a eu 
la chance d'ob- 
tenir avec la chambre à prisme les premiers photo- 
grammes ne laissant pas même une trace de doute par 
rapport à ce point. Car tuutes les raies chromosphé- 
riques qui s’y présentent sont des raies doubles. En 
premier lieu, nous devons ce résultat important à l’ob- 
servateur, M.Nyland, tant par la manière soigneuse dont 
il a préparé le projet de l'observation avec la chambre à 


prisme de Cooke que par la précision extraordinaire 


Fig. 3. 


988 


ACADÉMIES ET SOCIÉTÉS SAVANTES 


avec laquelle il a exécuté les manipulations nécessaires 
avant et pendant l'éclipse. Mais probablement la cir- 
constance, très regrettable, au reste, que le ciel était tant 
soit peu couvert de nuages pendant l’éclipse, a exercé 
à cet égard-ci une influence favorable. Car si la lumière 
n'eut été affaiblie considérablement, les raies chromo- 
sphériques se seraient montrées sur la plaque plus 
intenses et en plus grand nombre, et alors le redouble- 
ment aurait été peut-être aussi douteux que sur les 
clichés obtenus auparavant. Comme les raies doubles ne 
sont pas des objets limités distinctement, il est difficile 
d'en évaluer la largeur. Seulement on peut pointer 
les parties les plus claires des deux composantes et, à 
l’aide du comparateur, en déterminer la distance. Cette 
distance semble être inégale pour les raies doubles 
différentes: d'après une évaluation provisoire, elle 
varie entre 0,7 et 4,3 des unités d'Angstrôm. Des sys- 
tèmes plus larges et plus étroits se succèdent l’un 
l’äutre dans un ordre assez irrégulier; seulement en 
général la distance des deux composantes diminue à 
mesure qu'on s'approche du violet. Peut-être cette 
circonstance est-elle importante pour les théories de 
l'absorption. Peut-être les photogrammes obtenus par 
l'Expédition néerlandaise, qui se prêtent si bien à faire 
connaître le rôle joué par la dispersion anomale dans 
la formation de la lumière chromosphérique, n'ont-ils 
pas une (elle importance. En effet, l'auteur n'a re- 
marqué nulle part une particularité dans la distribu- 
tion de la lumière chez les raies doubles indiquant la 
nécessité d'attribuer une une partie de cette lumière à 
la radiation propre des gaz chromosphériques. Cepen- 
dant sans doute ces gaz émettent dela lumière ; donc on 
n'a qu'à se demander en quels cas et à quel degré l'in- 
tensité de cette lumière propre peut être comparée à celle 
de la lumière photosphérique réfractée anomalement. 
Il serait à souhaiter que les spectrogrammes obtenus 
par les autres expéditions fussent étudiés sous ce rap- 
port. — Ensuite M. W. H. Julius présente au nom de 
M. A. Smits: ltecherches avec le micromanomètre. 
Suite d'une communication antérieure (voir /tev. 
génér. des Sce., t. X, p. 887). L'auteur décrit d’abord 
quelques améliorations apportées à son micromano- 
mètre; ensuile il fait connaître les résultats de plusieurs 
séries nouvelles d'expériences. Enfin il s'occupe du 
désaccord entre les expériences d’après la méthode du 
décroissement de la tension de la vapeur et celles d'après 
l’abaissement du point de congélation; dans cette der- 
nière partie, il défend la théorie de la dissociation due à 
S. Arrhenius contre les attaques de M. Kahlenberg 
(Journal of physical Chemistry, t. NV, p. 339), — 
MM. S. Hoogewerff et W. A. van Dorp : Sur l'influence 
de la position mutuelle des groupes d'atomes, sur le 
cours des réactions. En 1894 et 1895, dans les dernières 
années de sa vie, le Professeur Victor Meyer s'est 
occupé dans un grand nombre d'études du retard 
qu'éprouve la réaction de l'alcool méthylique et de 
l'acide chlorhydrique dans les acides aromatiques dans 
lesquels on a remplacé l'hydrogène des deux places 
ortho par rapport au carboxyle par d'autres atomes 
ou d’autres radicaux. Il cherche à expliquer ce retard 
en supposant que ces”deux atomes nouveaux ou ces 
deux radicaux s'opposent à la formation du groupe de 
méthyle à cause de la place qu'ils occupent. D'après 
les expériences des auteurs, publiées dans le ecuerldes 
Travaux chimiques des Pays-Bas et de la Belgique, 
t. XVIII, p. 211, et devancés en partie par une commu- 
nication de MM. Klages et Allendorf et une communica- 
tion de MM. Klages et Lickroth, l'hypothèse de Victor 
Meyer que nous venons de citer exige d'être complétée. 
Car ces expériences démontrent que le remplacement 
des deux atomes d'hydrogène favorise d’autres réac- 
tions. — M. H.W.Bakhuis Roozeboom présente: 1°la 
première partie de son travail. Die heterogenen Gleich- 
gewichte vom Standpunkte der Phasenlehre (Les équi- 
libres hétérogènes du point de vue de la loi des phases), 
et 2 au nom deM. W. E. Ringer la thèse Over mengsels 
van zwavel en seleen (Sur des mélanges de soufre et de 


sélénium).— M. C. A. Lobry de Bruyn présente, au nom 
de M. G. van der Sleen, la thèse « Ueber die a-Oxy= 
butensäure und ihre Umlagerungen » (Sur les acides 
vinylglycoliques et leurs transpositions). + 
39 SCIENCES NATURELLES. — M. W. Burck : Sur Je 
stigmates excitables de Torena Fournieri et Mimulus. 
lutens et sur les moyens préventifs contre la germi 
nation de pollen étranger sur le stigmate. Suite d'uné 
communication précédente (Rev. gén. des Se., t. XI 
p. 1252). Chez les espèces examinées, le stigmate s8 
compose de deux lamelles larges, divergentes sous unk 
angle important dans l'état normal et se rapprochant” 
l’une de l’autre jusqu'à ce qu'elles se couvrent après 
excitation. Dans la nature, la fermeture de ces lamelles 
est causée par un insecte qui vient chercher du miels 
d'après la construction de la fleur, l’insecte ne peut pars 
venir jusqu'au miel sans toucher ces lamelles. Ces 
lamellesrestent fermées si l’insecte a déposé du pollens 
dans le cas contraire, elles se rouvrent bientôt. Dans les 
expériences de l’auteur sur la fécondation artificielle 
de Torena Fournieri, les lamelles du stigmate se com 
portaient de deux manières différentes, suivant que le 
pollen avait été emprunté aux deux élamines longues 
ou aux deux étamines courtes. Dans le premier cas, le 
stigmate se rouvrit après quelques minutes; dans le 
second cas, le stigmate restait fermé pour toujours. L'es-« 
pèce Mimulus Fournieri se comporte tout à fait de la 
mème manière. Un examen minutieux des stigmates de 
ces deux plantes démontre que le côté intérieur des 
lamelles estexcessivement irritable, de manière que les 
lamelles se ferment par le moindre contact. Au con 
traire, le côté extérieur deslamelles peut subir des Se 


tations assez considérables sans que les lamelles se” 
ferment. L'auteur suppose donc que le contact du côté 
intérieur est accompagné d’une perte d’eau des cellules 
turgescentes qui la composent, par laquelle ces couches 
de cellules perdent en même temps leur tension. En 
général, après quelques minutes la teneur en eau de ces» 
couches est rétablie et le stigmate se rouvre. D'après ce 
considérations, une autre cause doit être en jeu, si le 
stigmate ne se rouvre pas. L'auteur la cherche dans une 
action différente de l'humeur du stigmate sur le pollen,» 
etc. etc. —M.A.-A.-W.'Hubrecht: Sur lagastrulation et 
la formation du mésoblaste chez les Mammifères. L'au= 
teur montre et explique un onzain de planches faisant 
partie d’un mémoire sur l’ontogenèse de Tarsius SpeC= 
trum qui paraîtra dans les publications de l’Académie. 
— M. Th.-W. Engelmann : Sur l'influence négative= 
ment isotrope du nerf pneumogastrique sur le cœur. 
Dans le laboratoire de Donders (Utrecht), M. Nuel à 
découvert et étudié l'influence affaiblissante du nerf 
preumogastrique sur les contractions ducœur. En appli- 
quant sa méthode de suspension du cœur de grenouille 
et son pantokymographe aux contractions des oreil- 
lettes du cœur de grenouille, le physiologiste de Berlin” 
trouve qu’en qualité l'effet d'une excitation ne dépend 
nullement du lieu où elle est appliquée, ou à la branche 
principale du nerf, ou aux origines dans le cerveau, ou 
aux oreillettes mêmes, ou même quand l'excitation, pre 
nant naissance dans les entrailles, se propage au Cœur 
par réflexion. Très peu de Lemps après une excitation 
momentanée, les contractions diminuent graduelle= 
ment en importance et en durée ; après quelque temps, « 
les systoles ordinaires se rétablissent. L'intensité et lan 
durée de la perturbation s'accroissent avec la force de 
l'excitation. La durée de la période de l’affaiblissement 
croissant est très constante, trois à quatre secondes à 
peu près. Au contraire, la période régénératrice du 
décroissement de l’affaiblissement peut surpasser une 
minute même. La phase de la période du cœur aw 
moment d'excitation n’exerce pas d'influence sensible, 
etc.,etc. L'auteur fait circuler plusieurs cardiogrammes \ 
se rapportant à son sujet. P.-H. Scnoure. 


Le Directeur-Gérant : Louis OLIVIER. 
Paris. — L. MARETHEUXx, imprimeur, 1, rue Cassette. 


12° ANNÉE 


DIRECTEUR : 


Ne 22 


30 NOVEMBRE 1901 


Revue générale 


bS NClences 


pures el appliquées 


LOUIS OLIVIER, Docteur ès sciences. 


Dimanche dernier a eu lieu, dans le grand 
Amphithéâtre de la Sorbonne, une belle et louchante 
cérémonie. 

On célébrait le cinquantième anniversaire des 
premiers travaux de M. Berthelot. 

Au cours de celle cérémonie, que présidait 
M. Loubet, président de la République, et dont un 
Comité, composé des savants les plus éminents de 
._ Luus les pays, avait pris l'iniliative, une médaille 
commémoralive, gravée par Chaplain, a été offerte 
à notre illustre compatriote. 

La vaste salle du grand Amphithéâlre pouvait à 
peine contenir tous ceux qui avaient lenu à appor- 
Lér au Maitre vénéré le témoignage de leur respec- 
tueuse admiralion. C'est qu'en effet M. Berthelot 
est l’un des plus illustres savants dont s'honore 
notre pays. 

Ce n'est pas seulement la Chimie qui lui estrede- 
vable, mais la Philosophie naturelle tout entière. 

Doué d’une extraordinaire puissance de travail, 
curieux de lout savoir, sa vive et pénétrante intel- 
ligence le porta, dès l'adolescence, vers toutes les 
grandes questions qui intéressent le monde phy- 
sique et l'Humanité. 

Tout jeune, il montra une aplitude remarquable 
aux études’les plus variées et se passionna pour les 
sciences de la Nature, l'histoire des civilisations et 
la Philosophie. Au Concours général de 1846, il 
obtint le prix d'honneur de Philosophie. Depuis, il 
n'a cessé de mener de front les études générales, 
tout en portant son effort particulier sur sa science 
de prédilection : la Chimie. 

Dans cette science, M. Berthelot s'esl principa- 


REVUE GÉNÉRALE DES SCIENCES, 1901. 


Adresser tout ce qui concerne la rédaction à M. L. OLIVIER, 22, rue du Général-Foy, Paris. — La reproduction et la traduction des œuvres et des travaux 
publiés dans la Revue sont complètement interdites en France et dans tous les pays étrangers, y compris la Suède, la Norvège et la Hollande. 


HOMMAGE À M. MARCELLIN BERTHELOT 


lement adonné à la recherche des principes et des 
lois; il ne s'est guère occupé d'application que 
pour ia défense nationale; rappelons, à ce propos, 
que c'est en partant des principes de Thermochimie 
établis par M. Berthelot et des conceptions méca- 
niques de M. Sarrau, que M. Vieille estarrivé à sa cé- 
lèbre etglorieuse invention de la poudre sans fumée. 

Quant à la Science pure, nous n'avons pas des- 
sein d'énumérer ici celle longue suite de recherches 
triomphales qui se rapportent à la Mécanique chi- 
mique, à la Thermochimie, aux Equilibres chi- 
miques, à la synthèse des matières organiques, à 
la Biologie. Ces grands travaux sont aujourd'hui 
classiques, et l'on peut dire que les principes géné- 
raux qu'ils ont introduits dans le vaste domaine de 
la Chimie animent actuellement toute cette science. 

Quiconque la cullive, en quelque lieu du monde 
que ce soit, est tributaire des méthodes créées par 
M. Berthelot, des faits qu'il a découverts et des: 
principes dominants et directeurs qu'il a dégagés 
de l'expérience. 

Aussi la grande manifestation de dimanche der- 
nier n'a-t-elle pas été uniquement française. Toutes 
les nations savantes avaient tenu à honneur de s'y 
trouver représentées. De toutes les parties du 
monde, anciens élèves du Maître ou ses confrères, 
les plus hauts dignitaires de la Science, fiers de se 
déclarer ses disciples, sont venus exprimer à 
M. Berthelot leur respectueuse reconnaissance. 

En s'associant pleinement à cetéclatanthommage, 
la Zievue a la certitude de répondre au sentiment 
unanime de ses savants collaborateurs et de ses 
lecteurs. 

22 


990 


CHRONIQUE ET CORRESPONDANCE 


CHRONIQUE ET CORRESPONDANCE 


$ 1. — Distinctions scientifiques 


Les médailles de la Société Royale de Lon- 
dres. — C'est aujourd'hui, dans sa séance annuelle, 
que la Société Royale de Londres doit décerner les 
cinq grandes médailles dont elle dispose. 

La Médaille Copley est attribuée au Professeur 7. Wi1 
lard Gibbs, membre étranger de la Société Royale, 
pour ses beaux travaux de Physique mathématique. 

L'une des Médailles royales est décernée à M. W. Z. 
Ayrton, pour ses recherches sur l’Electricité; l’autre à 
M. W. 7h. Blanford, pour ses travaux sur la distribution 
géographique des animaux. 

La Médaille Davy est attribuée à M. G. Liveing, pour 
ses recherches dans le domaine de la spectroscopie. 

Enfin, le titulaire de la Médaille Sylvester est l’un de 
nos compatriotes, le Professeur Æenri Poincaré, mem- 
bre étranger de la Société Royale, dont les grands tra- 
vaux mathématiques n’ont pas besoin d’être rappelés 
ici. Nos lecteurs trouveront, dans le présent fascicule, 
une magistrale étude de l'illustre savant sur une ques- 
tion qui passionne à l'heure actuelle le monde des phy- 
siciens : l’Electrodynamique des corps en mouvement. 


S 2. — Cristallographie 


La méthode chronophotographique appli- 
quée à l'étude de la genèse des cristaux. — 
L'opinion généralement admise, relativement à la cris- 
tallisation d'une solution, est que la séparation des 
cristaux est précédée de la formation d'une nouvelle 
phase liquide, dont plusieurs petites goutteleltes se 
soudent entre elles, puis se modifient pour former les 
cristaux. 

Il a paru à MM. Th-W. Richards et E.-H. Archibald 
que cette théorie est insuffisamment vérifite par l’ex- 
périence, el ils ont eu l’idée ingénieuse ! d'appliquer à 
l'étude de la naissance et du développement des cris- 
taux la méthode chronophotographique, utilisée par 
M. Marey pour l'analyse des phénomènes de courte 
durée. 

Leur appareil est un dispositif microphotographique 
ordinaire, muni d'un oblturateur rotatif qui découvre 
l'objectif pendant un temps égal au cinquième de la 
durée de sa révolution : il permet, par exemple, de 
prendre, en une seconde, dix épreuves, dont chacune 


est posée _ de seconde. Pendant cette rotation, la pel- 


licule photographique est régulièrement déplacée au 
fond de la chambre noire. L'éclairage, qui doit être 
très intense, d'autant plus que le grossissement est 
plus considérable, est produit par la lumière solaire. 

A signaler le procédé qui consiste à placer le liquide 
entre deux nicols croisés, de telle manière que, quand 
un cristal se forme (sauf s'il appartient au système 
cubique), il apparaît en clair sur fond noir; dans ce 
cas, on à trouvé prélérable de laisser la pellicule fixe, 
et de faire glisser légèrement le porte-objet, avant 
chaque ouverture de l’obturateur, par l'intermédiaire 
d’une sorte d'échappement à ancre, mis en jeu par 
l’obturateur lui-même. Mais il faut remarquer que ce 
procédé ne permet pas de décider si l'apparition des 
cristaux est ou non précédée de la formation de glo- 
bules liquides, puisque ceux-ci, isotropes, ne rétabli- 
ront pas la lumière éteinte par les nicols, et par consé- 
quent ne seront pas photographiés. Aussi, les auteurs 
opèrent plutôt en lumière non polarisée, et, dans la 
plupart de leurs photographies, les cristaux se déta- 
chent en sombre sur fond lumineux. 


1 Phil. Mag. (6), t. 11, p. 488, Novembre 1901. 


Avec un microscope grossissant 580 fois, et en agran= 
dissant ensuite les clichés, on est parvenu à un gros 
sissement de 4.000 diamètres: aucune épreuve nd 
décelé l'existence de globules n'ayant pas la struclur® 
cristalline. Si bien qu'il ressort de ce travail, plus in 
téressant par son principe que par la certitude de sts« 
résultats, les conclusions suivantes : | 

Si, dans les solutions étudiées (solutions aqueuses 
de substances ayant un point de fusion très supérieur 
à la température des observations : BaCEÆ, AzOSNa, 
SO'Cu, Nal, KI..), des globules liquides se forment 


avant les cristaux, leur existence ne dure pas = d& 


seconde, ou leur diamètre n'atteint pas ——— 


limètre. 

Dès que la photographie donne une image, celle-ci 
révèle la structure cristalline. Le diamètre des cristaux 
croit d'abord très vite, puis beaucoup plus lentement, 
suivant une loi très voisine de D°— À! : 


LeMpo er nt 
Diamètre D" "0 


2 
= Qr 


1 
0,57 


a. Ari. 


Il semble bien que, surtout au début de sa crois- 
sance, alors qu'il n'est pas encore soumis à l'influence 
des cristaux qui se développent dans son voisinage, 
chaque cristal s'accroit en restant semblable à lui- 
mème; et, d’après la loi précédente, son volume varie 
proportionnellement au temps. 

Encore une fois, une certaine indécision subsiste, 
quant au problème que s'étaient posé les auteurs, mas 
l'application du principe du cinématographe à la mi- 
crophotographie semble devoir permettre quelques 
progrès dans la connaissance intime de la matière et 
de ses transformations. 


Lane ve TENTE Pa À 


os 


$ 3. — Chimie industrielle 


Le développementet l'état actuel de lIndus- 
trie chimique en Suisse.— Deux faits principaux 
ont caractérisé l’évolution de l’industrie chimique dans 
le dernier quart du xix° siècle: d’abord, le développement 
merveilleux de la chimie organique industrielle, matiè- 
res colorantes, parfums etmédicaments; puis la part de 
jour en jour plus grande prise par l'énergie électrique, 
soit qu'elle fit découvrir des corps pour ainsi «lire nou- 
veaux comme le carbure de calcium, soit qu'elle permit 
dans des conditions plus avantageuses la préparation 
de corps déjà connus, mais de consommation considéra= 
ble, comme la soude et le chlore. — Ces transforma- 
tions ont eu pour résultat des déplacements dans les 
centres d'activité industrielle, et ces variations ont élé 
l'objet de statistiques et d’études nombreuses pour les 
grandes Puissances, comme la France, l'Allemagne et 
l'Angleterre. Dans cetarticle, nous ferons rapidement la 
même étude pour la Suisse, et nous verrons quelle est 
à l’heure actuelle la situation de l'industrie chimique 
dans ce pays. x 

1. Grande industrie chimique. — La difficulté des 
communications, la pauvreté en malières premières et 
l'absence complète de charbon constituaient pour la 
Suisse un ensemble de conditions défavorables qui 
n'empêchèrent pas cependant vers la fin du xvrie siècle, 
et surtout dans le commencement du xix°, la fondation 
d'un certain nombre de petites usines produisant les 
produits chimiques les plus nécessaires. Ce furent d'a- 
bord les acides sulfurique, chlorhydrique, azotique, 
puis, en 1827, la soude brute, et en 1845 la soude cris- 
tallisée. — Dès 1850, la production considérable d’acide 
chlorhydrique fit installer la fabrication du chlorure de 
chaux. A l'heure actuelle, la production de ces diffé- 


éncore insuffisante, ainsi que le montrent les chiffres 
de l'importation et de l'exportation pour l'année 1900 
Tableau 1). 


rents produits, malgré son développement continu, est 


| 
| 


| 


Meceau [. — Importation et exportation des produits 
| 


“de la grande industrie chimique en Suisse en 1900. 


IMPORTATIONS EXPORTATIONS 


ee ol dl| CR 


Quantités Valeur Valeur 
en en en en 


quintaux francs quintaux | francs 


Quantilés 


Carbonatedesoude 
D Cristallisé . . .| 9.4: 61.321 
Carbonate de soude 


1.219 9.629 


anhydre . . . .| 99.857 |1.148.355 183 1.913 
MAcide sulfurique .| 65.249 | 473.055 | 1.882 | 24.232 
IL Chlorure de chaux. 415 192.240 | 42.753 |164.158 


| Soude et potasse 
caustiques , . 


21,913 839,190 1.025 | 30.724 


. L'introduction en Suisse, vers 1850, des engrais arti- 
ficiels et leur emploi toujours croissant permirent, 
depuis 1862, la fondation d'usines destinées à celte pro- 
duction; mais, devant la concurrence des produits 
similaires allemands, un certain nombre de fabriques 
durent disparaitre, ef l'exportation (18.125 quintaux), 
est maintenant très faible devant l'importation (630,968 
quintaux), composée surtout de superphosphates et de 
Scories Thomas. 

La distillation du bois, relativement prospère vers 
4870-1880, alors que l’acétate de fer trouvait un écoule- 
ment facile dans la teinture, à vu depuis la produc- 
tion diminuer des 9/10 et, par suite, la fabrication d’acide 
acétique et d’acétale de soude a complètement disparu. 
Une conséquence de la faible production a été lim- 
possibilité d'installer la fabrication de la créosote, qui 
exige, pour être rémunératrice, de pouvoir traiter des 
quantités considérables de goudrons. 

Le sulfate de fer et les mordants de fer fabriqués 
baguère en grandes quantités ont vu diminuer de beau- 
>oup leur production depuis que le chlorure d'étain 
est introduit dans la teinture de la soie. Par contre, 
Pindustrie des sels d'étain a profité de celte transfor- 
mation, et actuellement le tétrachlorure d'étain est 
fabriqué dans un grand nombre d'usines, à Zurich, 
Glaris, Uetikon, etc. 

Le sulfate d'aluminium nécessaire aux leintureries 
de coton, fabriqué jadis à Uelikon, vient maintenant 
d’Allemayne, el le sulfate de cuivre que produisaient 
presque toutes les premières usines suisses n'est plus 
fabriqué maintenant, malgré sa consommation toujours 
croissante dans la viticulture. 


… 2. Industries électro-chimiques et électro-thermi- 
es. — Les événements ne paraissent pas avoir justi- 
tié les prédictions optimistes faites au début de ces 
industries. La Suisse, disait-on, devait trouver dans les 
nouveaux procédés une large compensation aux diffi- 
cultés inhérentes à sa situation et au manque de 
matières premières; ces difficultés devaient disparaitre 
devant l'extraordinaire bon marché de l'énergie four- 
nie par les torrents de ses montagnes, par ce que, poé- 
tiquement, on appelait la houille blanche. En réalité, la 
situation de ces industries est stationnaire depuis quel- 
ques années; des innombrables usines qui, par exem- 
ple, devaient fabriquer des millions de tonnes de 
carbure, quelques-unes en restèrent à la période d'essai; 
d’autres, tuées par l’avilissement des prix dû à une 
concurrence acharnée, furent obligées de cesser la fabri- 
cation, Actuellement, le prix du carbure est tombé 
de 700 francs en 1896, à 200 francs la tonne, prise à 
l'usine ; la majeure partie de la production annuelle, 


CHRONIQUE ET CORRESPONDANCE 


de 8.000 tonnes environ, est exportée dans tous les 
pays du monde ; un millier de tonnes suffisent pour la 
consommation personnelle du pays. 

Quant à l'industrie de l'aluminium, représentée exclu- 
sivement par l'Alumintum Industrie Aktiengesellschaft, 
elle continue à se développer rapidement, ainsi que le 
montre la production, passée de 1.500 tonnes, en 1899, 
à 2.500 en 1900. 

La préparation électrothermique du phosphore, entre- 
prise à Chatelaine, a cessé et, à l'heure actuelle, on ne 
trouve plus dans le commerce de phosphore obteou 
par ce procédé. 

Parmi les industries électrolytiques, celle des chlo- 
rates est en pleine prospérité ; mais, pour la soude et 
le chlore, les résultats ne paraissent pas encore défini- 
üifs; on sait que l'énergie disponible dans les usines 
suisses représente une production possible de 3.000 à 
3.500 tonnes de soude à 70°, et de 7.000 tonnes envi- 
ron de chlorure de chaux, mais on ignore quelle est la 
production réelle ; l'influence de cette nouvelle indus- 
trie ne s'est jusqu'à présent fat sentir que par une 
augmentation dans les exportations de chlorure de 
chaux. D'ailleurs, cette industrie rencontre en Suisse 
une difficulté particulière, due à l'existence d'un impôt 
prohibitif qui vient augmenter le prix relativement 
élevé du sel nécessaire à celte fabrication. 


3. Matières colorantes, produits pharmaceutiques et 
produits divers. — La Suisse, surtout dans sa parlie 
allemande, a suivi l'Allemagne pour ces industries, qui 
sont à l'heure actuelle en pleine prospérité. Grâce à sa 
merveilleuse situation au point de vue des transports, 
Bâle est devenu le centre de cetle production. Depuis 
le jour où, en 1859, fut installée la première usine 
suisse de matières colorantes artificielles, la production 
a cru sans cesse, et la valeur des produits fabriqués, 
qui était de 7 millions en 1875, est passée à 16 millions 
en 1896, pour atteindre 18-millions en 1899. 

Un quinzième seulement de celle production ést 
utilisé dans le pays; le reste est exporté dans le monde 
entier, et principalement aux Etats-Unis. 

Cette prospérité a eu-pour contre-coup immédiat la 
disparition des extraits de bois, dont la valeur, de 
1.647.000 francs en 1890, est tombée à 420.000 francs 
en 1899. 

Les laques et vernis, d'abord fournis par l'Angle- 
terre et la Hollande, furent peu à peu, depuis 1860, 
fabriqués à Berne, Bâle, Coire, etc., etc.; mais, la 
facilité des transactions augmentant, les produits fran- 
çais et allemands sont venus rendre plus dures les 
conditions d'existence de ces industries. 

Il en est de même des matières colorantes minérales, 
pour lesquelles les produits français, surtout dans la 
Suisse française, font une concurrence (très sérieuse 
aux produits indigènes, grâce aux tarifs douaniers très 
peu élevés. 

Quant aux produits pharmaceutiques, photogra- 
phiques, et aux parfums synthétiques, leur préparation 
se développe rapidement, et l’analogie des recherches 
nécessaires à la découverte de ces produits et à celle 
des matières colorantes, a fait qu'un certain nombre 
d'usines suisses ont réuni ces industries. 

En résumé, la Suisse doit chercher de plus en plus à 
restreindre ses importations de produits de la grande 
industrie chimique, produits de consommation consi- 
dérable, tels que les acides, la soude, etc., sans viser, 
quant à ces matières, à une exportation que les frais de 
transport et les droits de douane semblent lui inter- 
dire complètement. Cette impossibilité d'exporter 
n'existe plus, dès qu'il s’agit de substances chères et 
susceptibles de supporter des frais de transport et de 
douane : tels les matières colorantes, les produits phar- 
maceutiques, les parfums, etc. 

C'est d’ailleurs, nous l'avons vu, dans cette direction, 
que, à l'heure actuelle, l’industrie chimique suisse 
prend le développement le plus considérable. 

Les chiffres et documents qui ont servi à cette étude 


992 


CHRONIQUE ET CORRESPONDANCE 


sont empruntés à une brochure publiée par le D' Georg 

Lunge et consacrée à l'histoire et au développement 
des industries chimiques en Suisse. C. Marie, 

Préparateur de Chimie appliquée 

à la Facullé des Sciences de Paris. 


S 4. — Zoologie 


La parthénogénèse provoquée chez les 
Echinodermes. — Dans une chronique précédente, 
nous émettions le vœu que les expériences de Loeb 
fussent reprises dans un de nos laboratoires maritimes, 
aliu de lever les critiques de M. Viguier et de nous assu- 
rer définitivement de la réalité d'un fait aussi curieux. 
C'est chose faite maintenant, et M. Delage? vient de 
montrer, dans un travail d'une précision et d’une clarté 
qui ne laissent aucune prise au doute, que la parthéno- 
génèse expérimentale des œufs d'Echinodermes est un 
fait bien réel, dont on commence à entrevoir le dé- 
terminisme. 

Chez l'Asterias glacialis, un certain nombre d'œufs 
sont naturellement aptes à se développer sans féconda- 
tion, mais leur nombre semble varier beaucoup suivant 
les individus ; telle Astérie donne jusqu'à 6 °/, d'œufs 
qui, non fécondés, se segmentent plus ou moins com- 
plètement; telle autre ne donne rien, pour des raisons 
mal connues, mais qui tiennent probablement, non pas 
à l'individu, mais à l’âge plus ou moins convenable des 
œufs. Or, c'est précisémentlorsqueles œufs d'un individu 
montrent une tendance au développement sans fécon- 
dulion que les traitements expérimentaux réussissent le 
mieux,etc'esttout nalurel; mais l'énorme disproportion 
entre le taux pour cent des réussites naturelles et celui 
des réussites expérimentales (de 5 à 80°/, de segmenta- 
tions dont un nombre variable, jusqu'à 100°/,, atteignent 
le stade de blastule nageante), ne laisse aucun doute 
quant à la réalité de l'agent mis en œuvre. M. Delage a 
obtenu des réussites avec les réactifs les plus variés, 
solutions de KCI et de NaCI mélangées à l'eau de mer 
(solutions hypertoniques), HCI en solution très faible 
(0,01 °/,), et surlout avec le chlorure de manganèse, qui 
a donné une fois jusqu’à 95 °/, de segmentations parthé- 
nogeneéliques. 

Chez les Asterias, il semble qu'un très grand nombre 
des œufs qui se dév-loppent par parthénogénèse naturelle 
ou provoquée n'éliminent qu'un seul globule polaire, 
de sorte quelesagents qui déterminent la parthénogénèse 
expérimentale asiraient en empêchant la formation du 
second globule, et en plaçant ainsi l'œuf dans la condi- 
lion de la parthénogénèse naturelle. Le second globule 
polaire joue le rôle du spermatozoïde en laissant dans 
l'œuf les matériaux (ovocentre, chromatine) qui lui font 
défaut après l'expulsion de ce globule. 

Enfin, M. Delage confirme ses résultats antérieurs au 
sujet du nombre des chromosomes*. Les noyaux soma- 
tiques des Strongylocentrotus et des Asterias ont nor- 
malement dix-huit chromosomes; or, c'est ce même 
nombre que l’on retrouve, soit dans l'œuf normalement 
fécondé, soit dans l'œuf qui s'est développé par parthé- 
nogénèse expérimentale, soit dans celui qui à subi la 
fécondation mérogonique, et, cependant, dans le pre- 
mier cas il renferme une chromatine mixte (9+9), 
dans les autres une chromatine exclusivement mater- 
nelle ou exclusivement paternelle. Il n’y a donc ni indi- 
vidualité, ni permanence des chromosomes chez ces 
espèces; leur nombre est l'effet d’une auto-régulation 
sous la dépendance du cytoplasme qui entoure le noyau. 

Aux géniales recherches de MM. Loeb et Delage, il 
ne manque plus qu'une expérience, plus importante 
peut-être que toutes les autres : ce serait de féconder 
un œuf sans noyau d'une espèce donnée, par le sper- 
matozoide d'une autre espèce (on sait que l'hybridation 


1 Revue générale des Sciences, du 30 décembre 1900. 

= Etudes expérimentales sur la maturation eytoplasmique 
et sur la parthénogénése artificielle chez les Echinodermes. 
Arch. Zool. exp. (3\,t. IX, 1901, p. 285. 

* Voyez la Revue générale des Sciences, du 30 juillet 1900. 


mérogonique est possible, MM. Loeb et Delage sac 
cordent à le croire), et de voir quelle serait la forme dun 
produit. S'il ressemble uniquement au père, c'est 4 
démonstration finale et précise que le noyau est l’uniqueh 
support de la transmission héréditaire ; s'il a quelques 
caractères maternels, c’est que l’hérédité est transmises 
par autre chose que le noyau, et toutes nos idées eb 
théories sur l’hérédité sont à reviser. ’ 


Voyages aériens des Araignées. — Il & 
bien connu que certaines Araignées peuvent être tram 
portées par le vent, gräce à un fil de soie très ténw 
qu'elles émettent par unelilière, et qui est entrainé p 
le courant d'air ascendant qui part du sol; un fil d'un 
mètre de long, d'après les expériences de M. Favierw 
peut porter un lest d'un demi-milligramme, poids d'une 
jeune Araignée. Depuis plusieurs années, M. Favier suit 
à chaque printemps la dispersion d’un grand nombre 
de nids de jeunes Araisnées (Epéires ou autres); en 
quelques heures, par un temps favorable, un millier de 
jeunes s’envolent du même nid, pour aller commence 
au loin leurs travaux et leurs chasses; l’Araignée n'est 
pas absolument passive, elle peut régler son ascension 
au départ et en cours de route; il lui suffit d’augmenten 
la longueur de son fil pour monter plus vite et de le 
pelotonner pour atterrir. Il ne serait pas impossible que 
certaines espèces hivernantes pussen£ accomplir, pat 
ce procédé, une sorte d'émigration périodique. | 


$ 5. — Physiologie 


La formation de lacide urique chez les 
Oiseaux. — On sait que la proportion des différents. 
composés azotés de l'urine des oies subit une modifi 
cation importante après l’ablation du foie, pendant les 
quelques heures de la survie. Daus l'urine de l'oie nor 
male, les 60 à 70 °/, de l'azote existent sous forme 
d'acide urique, les sels ammoniacaux n’en contenanis 
que 40 à 20 o/,. Dans l'urine de l’oie privée de foie 
l'acide urique ne contient plus que 5 °/, de l'azolem 
total; les sels ammoniacaux en contiennent 50 à 60 9/6 
On est ainsi conduit à penser que, chez l'oie normale 
une importante fraction, sinon la totalité de l'acide 
urique urinaire, provient de +els ammoniacaux, dérivés, 
des substances protéiques des tissus et transformés eus 
acide urique par le foie (Minkowski). D 

Toutefois, cette conclusion est sujette à uue objec= 
tion : l'urine des oies vpérées contient du lactalen 
d'ammoniaque en abondance; l'urine des oies nor 
males n’en contient pas; on peut imaginer qu'à la suite 
de l'ablation du foie il se produit anormalement, dans 
l'organisme de l'oie, de l'acide lactique, et que la pré= 
sence de cet acide détermine la production et l'élimi= 
nation d'un composé anormal, comme l'introduction 
d'un acide non combustible dans l'organisme des 
Mammifères augmente la quantité des sels ammonias 
caux de l'urine. sd 

L'expérience de Minkowski devait donc être coms 
plétée; il convenait de démontrer directement, sur un 
foie d’oie extrait de l'organisme, la transformation dés 
sels ammoniacaux en acide urique dans le sang chargé 
de ces sels qu'on fait circuler dans ses vaisseaux. L'ex= 
périence a été récemment faite par MM. K. Kowalewski ets 
S. Salaskin®. Il résulte de cette expérience que le foie 
de l'oie peut transformer en acide urique le lactate 
d'ammoniaque et aussi l’arginine. LES 

Cette expérience prévue, dont le résultat était 
escompté, vient combler une lacune signalée de divers 
côtés. Désormais, le parallèle est parfait entre, d’unes 
part, le foie des Mammifères, qui transforme en uréen 
les sels ammoniacaux, les acides amidés et les uratess 
et, d'autre part, le foie des Oiseaux, qui transforme em 
acide urique les sels ammoniacaux, les acides amidés 
et l’urée. 1 


= : L 
1 Note sur les voyages aériens de certaines Araignées, Bull. ë 
Soc. Entomol. de France, n° 14, 1904, p. 249. . 
2 Zeitschrift für physiologische Chemie, XXXII, p. 210. 


CHRONIQUE ET CORRESPONDANCE 


$ Ü. — Géographie et Colonisation 


Le chemin de fer du Yun-nan.— Le Yun-nan 
St depuis longtemps considéré, à juste titre, comme 
in prolongement naturel de l Indo-Chine vers le nord 
b l'une des régions où, de celte colonie, nous avons 
plus d'intérêt à étendre notre action écoriomique. 
ussi, l'idée d'un chemin de fer de pénétration du 
nkin vers cette partie de la Chine devait-elle néces- 
sairement rencontrer d'unanimes adhésions. 
Nous rappelons que, dès 1897, M. Guillemoto, ingé- 
nieur des Ponts et Chaussées, commenca des études 
Pour son établissement; mais la Mission fut d'abord 
entravée par les autorités chinoises. Il fallut, pour la 
reprise des travaux, que la Convention du 10 avril 1898, 
renouvelant sur ce point celle du 24 juin 1895, concédât 
à la France le droit de construire un chemin de fer 
jusqu'à la capitale du Yun-nan. A la fin de 1898, 
M: Guillemoto put achever les plans d’un tracé qui, 
Suivant la rive gauche du Fleuve Rouge sur 65 kilo- 
Mètres, emprunte ensuite un de ses aliluents, le Sin- 
chien-ho, pour arriver sur le plateau de Monx risé et à 
Yun-nan-sen. 
C'est alors que, d’après les projets élaborés par 
M. Doumer, gouverneur général de l'Indo-Chine, une 
loi du 25 décembre 1898 autorisa l'émission d'un em- 
runt de 200 millions pour la construction de chemins 
de fer en Indo-Chine. La ligne de Haï-phong à Lao-kay 
fut classée en premier rang, par ordre d'urgence, et 
Ja loi autorisa la construction immédiate de celle de 
Lao-kay à Yun-nan-sen, qui est le prolongement de la 
‘première. On se souvient que la révolution chinoise 
entraina le départ précipité du Yun-nan de notre 
consul, M. Francois, et interrompit un certain temps les 
études préparatoires ; elles ont pu être reprises depuis, 
et une loi du 5 juillet 1901 à approuvé une convention, 
conclue par le gouverneur général de l’Indo-Chine, 
Pour la construction partielle et l'exploitation du che- 
in de fer de Haï-phong à Yun-nan-sen. 
La longueur totale de la ligne est de 475 kilomètres 
environ. Jusqu'à Lao-kay, elle: comprend trois sections : 
Haï-phong-Hanoï, Hanoiïi-Viétri, Viétri-Lao-kay. La pre- 
Mmière doit être achevée avant le 1° avril 1903 et les 
deux suivantes avant le 1e avril 1905. Aucune date 
n'est prévue pour la ligne de Lao-kay à Yun-nan-sen, 
mais l'infrastructure et les travaux d'art pourront être 
commencés, tandis que la ligne se construira dans le 
Tonkin. 
Après Lao-kay, la voie franchit le Nam-ti, sur un 
pont de 75 mètres, qui est l’un des ouvrages d'art les 
plus importants de toute la ligne; elle suit presque 
constamment la berge du Fleuve Rouge, jusque vers 
Sin-kay, au confluent du Sin-chien-ho. 
. Le tracé remonte le long de cet affluent du Fleuve 
Rouge, qui d’abord coule avec une faible pente, dans une 
vallée assez large ; le cours d'eau devient ensuite plus 
rapide, et la vallée se rétrécit à ce point, qu'aux environs 
de Tao-tsé, la rive gauche forme, eu certains endroits, 
une muraille verticale de 60 mètres de haut, d'où descen- 
dent en cascades de nombreux affluents. La ligne se 
maintient à flanc de coteau; les ouvrages d'art sont 
nombreux, mais de peu d'importance. 
C'est ensuite, entre Tou-tou-peu et Ho-kia-{chay, 
Jorsqu'il s'agit de franchir la coupure qui donne accès 
. dans le cirque de Mong-tsé, que des difficultés se pré- 
sentent. On a dù adopter un tracé contourné, et dans 
cette section, les travaux d'art sont non seulement 
rapprochés, mais relativement importants; cependant, 
-le plus long tunnel ne dépasse pas 300 mètres. On 
“entre à Ho-kia-tchay, dans la vallée du Si-kiang, dont 
paraissent être tributaires les lacs sans écoulement 
qui se trouvent dans le cirque de Mong-tsé. 
La ligne sort de ce cirque par un seuil peu élevé et 
0 le cours du Lin- -gan- ho, affluent du Si- kiang, 
s ce dernier fleuve, qui coule aussi dans un cirque 
Roue. On passe par un tunnel de 900 mètres, le plus 
| 
| 
hi 
{ 


+ 


long de toute la ligne, du bassin du Si-kiang dans celui 
du Yang-tsé-kiang. La voie atteint en ce point son 
maximum d'altitude, qui est de 1.880 mèlres environ. 
A la sortie de ce tunnel, une descente en pente douce 
amène au bord du grand lac, long de 50 kilomètres et 
large de 10, à la pointe nord duquel est situé Yun- 
nan-sen. 

Aucune voie de pénétration au Yun-nan ne se pré- 
sente dans des conditions plus favorables que celle-ci, 
et les difficultés de construction de la ligne sont aussi 
faibles que possible. La situation des Anglais est loin 
d'être la même. Ils ont poussé leurs chemins de fer de 
Birmanie, d'une part jusqu'à Myitkyina, dans la vallée 
de l’'Iraouaddy, d'autre part jusqu’à Kun-long, près de 
la frontière de Chine, dans la direction du Yuu-nan; ils 
forment bien le projet de prolonger leur ligne de Kun- 
Jong jusqu'au cœur du Yun-nan par Tali-fou, mais 
ils se trouvent en présence de chaines de montagnes 
dont la traversée, a-t-on dit, équivaudrait à sept fois 
celle des Alpes. Quoi qu'il en soit, la partie qui resterait 
à construire par nos voisins serait tout à la fois plus 
difficile et plus longue que la totalité de notre ligne de 
Hanoï à Yun-nan-sen. 

Parvenus à Yuu-nan-sen, devrons-nous nous y arrè- 
ter ou pousser plus loin notre pénétration? Occuper 
Yun-nan-sen, c’est avoir le Yun-nan tout entier. Mais 
le Yan-nan est, comme l'a fait remarquer M. Doumer, 
« l'origine de toutes les hautes vallées ». Aussi est-il 
convaincu que le chemin de fer du Yun-nan, prolongé 
jusqu'à Siou-fou, sur le Yang-tsé-kiang, et de là, d’un 
côté à Tchouang-king, sur le mème fleuve, de l’autre à 
Tehing-tou, la capitale du Sé-tchouen, drainerait vers 
le Tonkin les produits de la Chine centrale et aurait 
chance de les détourner peut-être des voies anglaises 
de Chang-hai et de Canton. 

Pour le moment, il nous suffit de constater que la 
ligne, même limitée au Yun-nan, présente un incon- 
testable intérêt politique, qui est d'assurer la pro- 
tection de nos possessions indo-chinoises en exerçant 
une surveillance constante sur les provinces chinoises 
voisines. 

L'intérêt économique n'est pas moindre. Le sol du 
Yun-nan est riche et fertile. Sans ètre abondante comme 
dans les deltas du Mékong et du Fleuve Rouge, la cul- 
ture du riz peut y être fortement accrue. Dans les ré- 
gions insuffisamment irriguées, elle peut être remplacée 
par celle du mais. Selon l'altitude, on cultive aussi le 
sarrasin, l’avoine, l'orge, le Hé ou l'opium. Presque 
toutes les plantes de nos jardins d'Europe viennent 
avec facilité dans ces régions. La vigne existe un peu 
partout à l’état siuvage au-dessous de 1.800 mètres, et 
surtout vers 1.200 mètres. Par son climat, le Yun-nan 
constitue un véritable sanatorium pour nos compatriotes 
fatigués par les chaleurs torrides de la vallée. 

Au point de vue minier, on a é{é exactement rensei- . 
gné sur les ressources du Yun-nan par M. Leclère, in- 
génieur en chef des Mines, qui, en 1897, a effectué plus 
de 6.000 kilomètres à travers le haut Tonkin, le Yun- 
nan, le Kouei-tcheou et le Kouang-si, et a procédé à 
une étude géologique complète de ces régions. Sa con- 
clusion est que tout le pays quis'étend du Fleuve Rouge 
au Yang-tsé-Kiang est appelé à devenir l'un des pays 
miniers les plus intéressants du globe. 

Les principales richesses minérales du Yun-nan con- 
sistent dans la houille, le cuivre et l’étain. On trouve 
de la houille dans toute la région comprise entre le 
Tonkin et le Fleuve Bleu, en passant par Yun-nan-sen. 
Cette richesse houillère se trouve jointe à des gisements 
de fer situés sur les bords mêmes du Fleuve Rouge et 
à d'innombrables gisements de cuivre; ces derniers 
sont exploités depuis plus d'un millier d'années, mais 
il reste encore des gisements profonds qui peuvent être 
traités par les méthodes modernes. Les mines d'étain 
de la région de Mong-tsé sont exploitées activement par 
une population d'environ trente mille individus. 

Gustave Regelsperger. 


994 H. POINCARÉ — À PROPOS DES EXPÉRIENCES DE M. CRÉMIEU 


À PROPOS DES EXPÉRIENCES DE M. CRÉMIEU 


La /'evue à rendu compte des récentes expé- 
riences de M. Crémieu‘, qui, si elles étaient 
confirmées par des recherches ultérieures, boule- 
verseraient complètement nos idées sur l'Électro- 
dynamique. 

Pour faire comprendre à quel point les idées de 
Crémieu sont révolutionnaires, il est nécessaire 
d’abord de résumer succinetement toute l'histoire 
de l'Électrodynamique el de remonter aux origines, 
c'est-à-dire à Ampère. 

Je suivrai dans cette exposition un ordre logique, 
qui ne sera pas absolument d'accord avec l’ordre 
historique. 


I. — TuéorIE D'AMPÈRE. 


Quand Ampère a étudié expérimentalement les 
actions mutuelles des courants, il n’a opéré et il ne 
pouvait opérer que sur des courants fermés. 

Ce n’est pas qu'il niât la possibilité des courants 
ouverts. Si deux conducteurs sont chargés d'élec- 
tricité de nom contraire et si on les met en 
communication par un fil, il s'établit un eourant 
allant de l’un à l’autre et qui dure jusqu'à ce que 
les deux potentiels soient devenus égaux. Dans les 
idées qui régnaient du temps d'Ampère, c'était là 
un courant ouvert; on voyait bien le courant aller 
du premier conducteur au second, on ne le 
voyait pas revenir du second au premier. 

Ainsi, Ampère considérait comme ouverts les 
courants de cette nature, par exemple les courants 
de décharge des condensateurs ; mais il ne pouvait 
en faire l’objet de ses expériences, parce que la 
durée en est trop courte. * 

On peut imaginer aussi une aulre sorte de 
courant ouvert. Je suppose deux conducteurs, A et 
B, reliés par un fil AMB. De pelites masses conduc- 
trices en mouvement se mettent d'abord en contact 
avec le conducteur B, lui empruntent une charge 
électrique, quittent le contact de B, se mettent en 
mouvement en suivant le chemin BNA, et, en 
transportant avec elles leur charge, viennent au 
contact de A et lui abandonnent leur charge; qui 
revient ensuile en B en suivant le fil AMB. 

On à bien là en un sens un circuit fermé, 
puisque l'électricité décrit le circuit fermé BNAMB: 
mais les deux parties de ce courant sont très 
différentes : dans le fil AMB, l'électricité se déplace 
à travers un conducleur fixe, à la façon d'un 


! Voyez à ce sujet la Revue du 15 novembre 1901, t. XII, 
P. J8T. 


BNA, l'électricité est {ransporlée par un condue 
teur mobile; on dit qu'elle se déplace par 
conveclion. 
Si, alors, le courant de convection est considéré 
comme tout à fait analogue au courant de condues 
lion, le circuit BNAMB est fermé ; si, au contraires 
le courant de convection n'est pas « un vrai cou 
rant », et, par exemple, n'agit pas sur les aimants 
il ne reste plus que le courant de conduction AMBY 
qui est ouvert. 
Par exemple, si l'on réunit par un fil les deux 
pôles d’une machine de Holtz, le plateau tournant 
chargé transporte d’un pôle à l’autre par convee 
tion de l'électricité, qui revient au premier pôle 
par conduction à travers le fil. 
Mais des courants de celle espèce sont très 
difficiles à réaliser avec une intensilé appréciables 
Avec les moyens dont disposait Ampère, on peut 
dire que c'était impossible. L 
En résumé, Ampère pouvait concevoir l’existences 
de deux espèces de courants ouverts, mais il ne« 
pouvait opérer ni sur les uns ni sur les autres 
parce qu'ils étaient trop peu intenses où parce 
qu'ils duraient trop peu de temps. 
L'expérience ne pouvait done lui montrer que 
l’action d'un courant fermé sur un courant fermé, 
ou à, la rigueur, l’action d'un courant ferm : sur 
une portion de courant, parce qu'en peul l'aire 
parcourir à un courant un circuit /ermé CON ,10-ÉM 
d'une partie mobile et d'une partie fixe. On jui 
alors étudier les déplacements de la partie mobile 
sous l’action d’un autre courant fermé. 
En revanche, Ampère n'avail aucun moyen 
d'étudier l’action d'un courant ouvert, soit sur um 
courant fermé, soit sur un autre courant ouvert. 


Le 
L 
; 

1. Cas des courants fermés. — Dans le cas 4 
l'action mutuelle de deux courants fermés, l’expé-= 
rience révéla à Ampère des lois remarquablement 
simples. | 

Je rappelle rapidement ici celles qui nous seront 
utiles dans la suite : 

1° Si l'intensité des courants est maintenue 
constante, et si les deux circuits, après avoir subi 1 
des déplacements et des déformations quelconques, ? 
reviennent finalement à leurs posilions initiales, le M 
travail total des aclions électrodynamiques sera - 
nul. 

En d'autres termes, il y a un potentiel électro- 


H. POINCARÉ — À PROPOS DES EXPÉRIENCES DE M. CRÉMIEU 


995 


ynamique des deux circuits proportionnel au 
roduit des intensilés et dépendant de la forme et 
e la position relative des circuits; le travail des 
clions électrodynamiques est égal à la variation 
e ce potentiel; 

2% L'action d'un solénoïde fermé est nulle; 

3° L'action d'un circuit C sur un autre circuit 
oltaïque C! ne dépend que du « champ magné- 
tique » développé par ce circuit C. En chaque point 
de l’espace, on peut, en effet, définir en grandeur et 
direction une certaine force appelée force magné- 
tique et qui jouit des propriétés suivantes : 


\ 


… à) La force exercée par C sur un pôle magnétique 


est appliquée à ce pôle; elle est égale à la force 
magnélique multipliée par la masse magnélique 
du pôle; 

D) Une aiguille aimantée très courle tend à 
prendre la direction de la force magnétique, et le 
couple qui tend à l'y ramener est proportionnel au 
produit de la force magnétique, du moment 
magnétique de l'aiguille et du sinus de l'angle 
d'écart ; 

ce) Si le circuit C'se déplace, le travail de l'action 


. électrodynamique exercée par C sur C' sera égal à 


l'accroissement du « flux de force magnétique » qui 


lraverse ce circuit, 


2. Action d'un courant fermé sur une portion de 
courant. — Supposons que le cireuit C' se compose 


- de deux parties, l’une fixe, l’autre mobile ; sur la 


figure 4, la partie fixe sera représentée, par exemple, 
par la ligne DBFMEAH, 
tandis que la partie mo- 
bile AB se déplacera de 
facon que ses deux extré- 
milés À et B glissent en 
s'appuyant sur les deux 
fils EAH et FBD. 

Si un semblable cireuit 
est soumis à l’action d'un 
courant fermé C, la par- 
lie mobile se déplacera 
comme si elle subissait 
l’action d'une force. Am- 
père admet que la force 
apparente à laquelle celle partie mobile AB semble 
ainsi soumise, représentant l’action de C sur la 
portion AB du courant, est la même que si AB était 
parcouru par un courant ouvert qui s'arrêlerait en 
A et en B, au lieu de l'être par un courant fermé 
qui, après être arrivé en B, revient en À par le 
chemin BFMEA à travers la partie fixe du cireuit, 

Cette hypothèse peut sembler assez naturelle ; 
néanmoins, elle ne s'impose pas, puisque nous 
verrons plus tard que Helmholtz l’a rejetée. Quoi 
qu'il en soit, elle permit à Ampère, bien qu’il n'ait 


Fig. 1. 


pu jamais réaliser un courant ouvert, dénoncer les 
lois de l'action d’un courant fermé sur un courant 
ouvert, ou même sur un élément de courant. 

Les lois restent simples : 

1° La force qui agit sur un élément de courant 
est appliquée à cet élément ; elle est normale à 
l'élément et à la force magnétique et proportion- 
nelle à la composante de cette force magnétique 
qui est normale à l'élément; 

2° L'aclion d'un solénoïde fermé sur un élément 
de courant reste nulle. 

Mais il n'y a plus de potentiel électrodynamique, 
c'est-à-dire que, quand un courant fermé et un 
courant ouvert, dont les intensités ont été main- 
tenues constantes, reviennent à leurs positions 
initiales, le travail total n’est pas nul. 


3. Rolations continues.— Parmi les expériences 
électrodynamiques, les plus curieuses sont celles 
où l'on à pu réaliser des rolalions continues et 
qu'on appelle quelquefois expériences d’induction 
unipolaire. Un aimant peut tourner autour de 
son axe ; un courant parcourt d'abord un fil fixe, 
entre dans l'aimant par le pôle N par exemple, 
parcourt la moitié de laimant, en sort par un 
contact glissant et rentre dans le fil fixe. 

L'aimant entre alors en-rolalion continue sans 
pouvoir jamais atteindre une position d'équilibre. 
C'est l'expérience de Faraday. 

Comment cela est-il possible? Si l’on avait affaire 
à deux circuits de forme invariable, l’un fixe C; 
l'autre C! mobile autour d'un axe, ce dernier ne 
pourrait jamais prendre de rotalion continue ; eu 
effet, il existe un potentiel électrodynamique; il y 
aura donc forcément une posilion d'équilibre, ce 
sera celle où ce potentiel sera maximum. 

Les roialions continues ne sont done possibles 
que si le circuit C’ se compose de deux parties : 
l’une fixe, l'autre mobile autour d'un axe, comme 
cela a lieu dans l'expérience de Faraday. Encore 
convient-il de faire une distinction. Le passage de 
la partie fixe à la parlie mobile ou inversement 
peut se faire, soit par un contact simple (le même 
point de la partie mobile restant constamment en 
contact avec le même point de la partie fixe), soit 
par un contact glissant (le même point de la partie 
mobile venant successivement en contact avec 
divers points de la partie fixe). 

C’est seulement dans le second cas qu'il peut y 
avoir rolation continue. Voici ce qui arrive alors : 
le système tend bien à prendre une position 
d'équilibre; mais, quand elle va être ätleinte, le 
contact glissant met la partie mobile en communi- 
cation avec un nouveau point de la parlie fixe; elle 
change les conñexions, elle change donc les con- 
ditions d'équilibre, de sorte que, la position d’é- 


996 


H. POINCARÉ — A PROPOS DES EXPÉRIENCES DE M. CRÉMIEU 


quilibre fuyant, pour ainsi dire, devant le syslème 
qui cherche à l’atteindre, la rotation peut se pour- 
suivre indéfiniment. 

Ampère admet que l'action du cireuit sur la par- 
tie mobile de C' est la même que si la partie fixe 
de C'n'exislait pas et si, par conséquent, le courant 
qui circule dans la partie mobile élait ouvert. 

Il conclut donc que l'aclion d'un courant fermé 
sur un courant ouvert, ou inversement celle d'un 
courant ouvert sur un courant fermé, peut donner 
lieu à une rolalion continue. 

Mais cette conclusion dépend de l'hypothèse que 
je viens d'énoncer et qui, ainsi que je l'ai dit plus 
haut, n'est pas admise par Helmholtz. 

On peut se rendre compte d'une autre manière 
des rotations continues qui doivent se produire 
dans la théorie d'Ampère. 

Envisageons l’action mutuelle d'un aimant recli- 
ligne et d’un élément de courant E. Cette force 
mutuelle sera appliquée à l'élément E el non pas 
sur l'axe de l'aimant; son moment par rapport à 
cel axe ne sera donc pus nul. Si, en particulier, 
l'aimant est indéfini dans un sens, de telle façon 
que, l'un des pôles étant très éloigné, l’action de 
l’aimant se réduise à celle de l’autre pôle, nous 
pourrons dire que la force mutuelle qui s'exerce 
entre un pôle magnétique et un élément de cou- 
rant n'est pas appliquée au pôle, mais à l'élément. 

Si, au lieu d'un élément isolé, nous avions affaire 
à un courant fermé, l'action du courant fermé se- 
rait la résullante des actions de ses divers élé- 
ments. Chacune des composantes serait appliquée 
à l'élément correspondant, mais la résultante serait 
appliquée au pôle, de sorte que son moment par 
rapport à l'axe de l'aimant serait nul. 


4. Action mutuelle de deux courants ouverts. — 
En ce qui concerne l’aclion mutuelle de deux cou- 
rants ouverts et, en particulier, celle de deux élé- 
ments de courant, toute expérience fait défaut. 
Ampère a recours à l'hypothèse. Il suppose : 1° que 
l'action mutuelle de deux éléments se réduit à une 
force dirigée suivant la droite qui les joint; 2° que 
l’action de deux courants fermés est la résultante 
des actions mutuelles de leurs divers éléments, 
lesquelles sont, d'ailleurs, les mêmes que si ces élé- 
ments élaient isolés. 

Ce qui est remarquable, c'est qu'Ampère fait ces 
deux hypothèses sans s'en apercevoir, puisque, 
par une singulière illusion, il intitule son immortel 
ouvrage : Théorie des phénomènes électrodynami- 
ques, uniquement fondée sur l'expérience. 

Quoi qu'il en soit, ces deux hypothèses, jointes 
aux expériences sur les courants fermés, suffisent 
pour déterminer complètement la loi de l’action 
mutuelle de deux éléments. 


Mais alors, la plupart des lois simples que nous 
avons rencontrées dans le cas des courants fermés, 


ne sont plus vraies. 


D'abord, il n'y a pas de potentiel électrodynan 


mique; il n'y en avait d’ailleurs pas non plus 
comme nous l'avons vu, dans le cas d'un couran! 
fermé agissant sur un courant ouvert. | 
Ensuite, il n'y a plus, à proprement parler, de 
force magnétique. 4 
Et, en etfet, nous avons donné plus haut de cette 
force trois définilions différentes : , 
1° Par l’action subie par un pôle magnétique; 


2° Par le couple directeur qui oriente l'aiguille” 


aimantée ; 
3° Par l’action subie par un élément de courant, 
Or, dans le cas qui nous occupe maintenant, non 


seulement ces trois définitions ne concordent plus;s 


mais chacune d'elles est dépourvue de sens, et en 
effel : 


1° Un pôle magnétique n'est plus simplement 


soumis à une force unique appliquée à ce pôle. 


Nous avons vu, en cfet, que la force due à l'action 


d'un élément de courant sur un pôle n'est pas 
appliquée au pôle, mais à l'élément; elle peut, 
d'ailleurs, être remplacée par une force appliquée 
au pôle et par un couple; 

2° Le couple qui agit sur l'aiguille aimantée 
n'est plus un simple couple directeur; car son 
moment par rapport à l'axe de l'aiguille n’est pas 
nul. 11 se décompose en un couple directeur pro- 
prement dit et un couple supplémentaire qui tend 
à produire la rotation continue dont j’ai parlé plus 
haut; 

3° Enfin, la force subie par un élément de cou- 
rant n’est pas normale à cet élément. 

En d'autres termes, l'unité de la force magné- 
tique a disparu. 

Voici en quoi consiste celte unité. Deux systèmes 
qui exercent la même aclion sur un pôle magné- 
tique, exerceront aussi la même action sur une 
aiguille aimantée infiniment petite, ou sur un élé- 
ment de courant, placés au même point de l'espace 
où était ce pôle. 

Eh bien, cela esl vrai si ces deux systèmes ne 
contiennent que des courants fermés; cela ne 
serait plus vrai, d'après Ampère, si ces systèmes 
contenaient des courants ouverts. 

Il suffil de remarquer, par exemple, que, si un pôle 
magnétique est placé en À et un élément en B, la 
direction de l'élément étant sur le prolongement 
de la droite AB, cet élément, qui n’exercera aucune 
aclion sur ce pôle, en exercera une, au contraire, 
soit sur une aiguille aimantée placée au point A, 
soil sur un élément de courant placé au point A. 


5. Induction. — On sait que la découverte de 


H. POINCARE — À PROPOS DES EXPÉRIENCES DE M. CRÉMIEU 


997 


l'induction électrodynamique ne larda pas à suivre 
les immortels travaux d'Ampère. 

Tant qu'il ne s'agit que de courants fermés, il 
n y à aucune difficulté, et Helmholtz a même re- 
. marqué que le principe de la conservalion de l'éner- 
gie pouvait suffire pour déduire les lois de l'induc- 
tion des lois électrodynamiques d'Ampère. 

Le même principe permet encore cette déduction 
dans le cas des courants ouverts, quoique, bien 
entendu, on ne puisse soumeltre le résultat au 
contrôle de l'expérience, puisque l'on ne peut réali- 
ser de pareils courants. 

Si l’on veul appliquer ce mode d'analyse à la théo- 
rie d'Ampère sur les courants ouverts, on arrive 
à des résultats bien faits pour nous surprendre. 

D'abord, l'induction ne peut se déduire de la 
variation du champ magnétique d’après la formule 
bien connue des savants et des praticiens, et en 
effet, comme nous l'avons dit, il n'y a plus à pro- 
prement parler de champ magnétique. 

Mais il y a plus. Si un circuit C est soumis à 
l'induction d'un système voltaïque variable S; si 
ce système $S se déplace et se déforme d'une ma- 
nière quelconque, que l'intensilé des courants de 
ce système varie suivant une loi quelconque, mais 
qu'après ces variations, le syslème revienne fina- 
lement à sa siluation iniliale, il semble naturel de 
supposer que la force électromotrice moyenne in- 
duite dans le circuit C est nulle. 

Cela est vrai si le cireuit C est fermé et si le sys- 
tème S ne renferme que des courants fermés. Cela 
ne Serail plus vrai, si l’on accepte la théorie d'Am- 
père, dès qu'il y aurait des courants ouverts. De 
sorle que, non seulement l'induction ne sera plus 
la variation du flux de force magnétique dans 
aucun des sens habituels de ce mot, mais elle ne 
pourra pas êlre représentée par la variation de 
quoi que ce soil. 


IT. — TuéortEe DE HELMuoLrz. 


J'ai insisté sur les conséquences de la théorie 
d'Ampère et de sa façon de comprendre l'action 
des courants ouverts. 

Il est difficile de méconnailre le caractère para- 
doxal et artificiel des propositions auxquelles on 
est ainsi conduit; on est amené à penser que « ça 
ne doit pas être ca ». 

On conçoit donc que Helmholtz ait été amené à 
chercher autre chose. ; 

Helmholtzrejette l'hypothèse fondamentale d’Am- 
père, à savoir que l’action mutuelle de deux élé- 
ments de courant se ramène à une force dirigée 
suivant la droite qui les joint. 

Il admet qu'un élément de courant n'est pas sou- 
mis à une force unique, mais à une force et à un 


couple. C'est même ce qui a donné lieu à la polé- 
mique célèbre de Bertrand et d'Helmholtz. 

Helmholtz remplace l'hypothèse d'Ampère par la 
suivante : deux éléments de courant admettent 
toujours un potentiel électrodynamique, dépen- 
dant uniquement de leur position et de leur orien- 
tation, et le travail des forces qu'ils exercent l'un 
sur l’autre est égal à la variation de ce polentiel. 

Dans le cas des courants fermés, seul accessible 
à l'expérience, les deux théories concordent: dans 
tous les autres cas, elles diffèrent. 

D'abord, contrairement à ce que supposait Am- 
père, la force à laquelle semble soumise la portion 
mobile d'un courant fermé n'est pas la même que 
cette portion mobile subirait si elle était isolée et 
constituait un courant ouvert. 

Revenons à la figure 1; dans la seule expérience 
réalisable, la portion mobile AB n'est pas isolée, 
mais fait partie d'un fermé ABFMEA. 
Quand elle vient en A'B', le potentiel électrodyna- 
mique total varie pour deux raisons : 1° il subit un 
premier accroissement parce que le poteutiel de 
A'B' par rapport au circuit C n’est pas le même que 
celui de AB ; 2% 1l subit un second accroissement, 
parce qu'il faut l'augmenter des potentiels des élé- 
ments AA et B'B par rapport à C. 

C'est ce double accroissement qui représente le 
travail de la force à laquelle la portion AB semble 
soumise. 


circuit 


Si, au contraire, AB étail isolée, le potentiel ne 
subirait que le premier accroissement, et c'est ce 
premier accroissement seulement qui mesurerait le 
travail de la force qui agit sur AB. 

En second lieu, il ne peut pas y avoir de rota- 
tion continue sans contact glissant; et, en effet, 
c'est là, comme nous l’avons vu à propos des cou- 
rants fermés, une conséquence immédiate de 
l'existence d’un potentiel électrodynamique. ; 

Dans l'expérience de Faraday, si l’aimant est 
fixe et si la partie du courant extérieure à l'aimant 
parcourt un fil mobile, cette partie mobile pourra 
subir une rotation con.inue. Mais cela ne veut pas 
dire que si, l'on supprimail les contacts du fil avec 
l'aimant et qu'on fit parcourir le fil par uo courant 
ouvert, le fil prendrait encore un mouvement de 
rotalion conlinue. 

Je viens de dire, en effet, qu'un élément isolé ne 
subit pas la même action qu'un élément mobile 
faisant parlie d'un circuit fermé. 

Autre différence : L'action d'un solénoïde fermé 
sur un courant fermé cst nulle d'après l'expérience 
et d'après les deux théories; son aclion sur un 
courant ouvert serait nulle d'après Ampère; elle 
ne serait pas nulle d'après Helmholtz. 

D'où une conséquerce importante. Nous avons 
donné plus haut trois définitions de la force magné- 


998 


H. POINCARÉ — À PROPOS DES EXPÉRIENCES DE M. CRÉMIEU 


tique; la troisième n'a ici aucun sens puisqu'un 
élément de courant n’est plus soumis à une force 
unique. La première n'en a pas non plus. Qu'est-ce, 
en effet, qu'un pôle magnétique? Cest l'extrémité 
d'un aimant linéaire indéfini. Cet aimant peut être 
remplacé par un solénoïde indéfini. Pour que la 
définition de la force magnétique eût un sens, il 
faudrait que l’action exercée par un courant ouvert 
sur un solénoïde indéfini ne dépendit que de la 
position de l'extrémité de ce solénoïde, c'est-à-dire 
que l'action sur un solénoïde fermé fût nulle. Or, 
nous venons de voir que ce n'était pas vrai. 

En revanche, rien n'empêche d'adopter la 
deuxième définition, celle qui est fondée sur la 
mesure du couple directeur qui tend à orienter 
une aiguille aimantée. 

Mais, si on l’adopte, ni les effets d’induction ni les 
effets électrodynamiques ne dépendront unique- 
ment de la distribution des lignes de force de ce 
champ magnétique. 


IIT. — DirFriCULTÉS SOULEVÉES PAR CES TIHÉORIES. 


La théorie de Helmholiz est un progrès sur celle 
d'Ampère; il s’en faut cependant que toutes les 
difficultés soient aplanies. Dans l’une comme dans 
l’autre, le mot de champ magnétique n’a pas de 
sens, ou, si on lui en donne un par une convention 
plus ou moins artificielle, les lois ordinaires, si 
familières à lous les électriciens, ne s'appliquent 
plus: c’est ainsi que la force électromotrice induite 
dans un fil n'est plus mesurée par le nombre des 
lignes de force rencontrées par ce fil. 

Et nos répugnances ne proviennent pas seule- 
ment de ce qu'il est difficile de renoncer à des 
habiludes invétérées de langage et de pensée. Il y 
a quelque chose de plus. Si nous ne croyons pas 
aux aclions à distance, il faut expliquer les phéno- 
mènes éleetrodynamiques par une modification du 
milieu. C'est précisément cette modification que 
l'on appelle champ magnétique, et alors les effets 
électrodynamiques ne devraient dépendre que de 
ce champ. 

Toutes ces difficultés proviennent de l'hypothèse 
des courants ouverts. 

On peut même présenter l'objection sous une 
autre forme : Peut-il exister des courants ouverts ? 
Cela dépend de la délinilion que l’on donne du 
courant. Si par courant on entend seulement cou- 
rant de conduelion, il est clair qu'il existe des cou- 
rants ouverts; nous en avons cilé des éxemples. 
Mais si l’on appelle courant ce qui agil sur le qalva- 
nomètre, tous les courants sont fermés par défi- 
nilion. 

Et, en effet, si l’on décrit un petit contour entou- 


rant le fil parcouru par le courant, celui-ci sera | devient le siège d’un phénomène particulier agis- 


égal par définition à la force magnétique mesurée« 
par la déviation de l'aiguille aimantée, ou plutôt à 
la valeur moyenne de cette force le long de ce con= 
tour. 

Donc, si l’on a une aire quelconque, la SOMME 
algébrique des intensités des courants qui traver= 
sent cette aire sera proportionnelle au travail de 
la force magnétique le long du contour qui limiles 
cetle aire. Ge sera là la définition même du cou- 
rant. 

Imaginons alors qu'il existe un courant ouvert 
AMB (fig. 2), et soit B une de ses extrémités. Soit 
CPDQ un volume quel- 
conque en forme de len- 
tille, contenant B à son 
intérieur. Sur la figure, 
j'aurai en CPD la section 
d'une des faces de la len- 
tille et en CQD la section 
de l’autre face. 

La courbe qui sert de 
contour commun à ces 
deux faces coupe le plan 
de la figure en C et en D. 

Alors, le travail de la 
force magnélique le long 
de cette courbe CD sera proportionnel à la somme 
des courants qui traversent la face CPD limitée par 
cette courbe. Il ne sera donc pas nul, puisque celte 
face est traversée par le courant AMB. D'autre 
part, ce travail sera proportionnel à la somme des 
courants qui traversent la face CQD limitée égale- 
ment par cette courbe. Il sera donc nul, puisque 
celle face n'est traversée par aucun courant. 

Il y a donc contradiction, et, si l'on définit le 
courant par le galvanomètre, il ne peut y avoir de 
courant ouvert, et il ne s’agit pas de savoir si le 
courant se ferme, mais comment il se lerme. On 
peut appliquer cela en particulier à la théorie de 
Helmholtz, et on voit alors que cette théorie revient 
en somme à admeltre que les courants de conduc- 
tion ouverts sont fermés par certains courants 
auxiliaires dont l'expression est assez simple, el 
qui ne sont pas sans analogie avec les courants de 
déplacement de Maxwell. 


C 


Fig. : 


IV. — Tuéorte DE MAXWELL. 


Telles élaient les difficullés soulevées par les 
{héories régnantes quand parut Maxwell, qui, d’un 
trait de plume, les fit Loutes disparaitre. Dans ses 
idées, en effet, il n'y a plus que des courants. 
fermés. 

Maxwell admet que, si, dans un diélectrique, le 
champ électrique vient à varier, ce diélectrique 


H. POINCARÉ — A PROPOS DES EXPÉRIENCES DE M. CRÉMIEU 999 


sant sur le galvanomètre comme un courant et 
qu'il appelle courant de déplacement. 
Si alors deux conducteurs portant des charges 


contraires sont mis en communication par un fil, il 


règne dans ce fil pendant la décharge un courant 
de conduction ouvert; mais il se produit en même 
temps, dans le diélectrique ambiant, des courants 


- de déplacement qui ferment ce courant de con- 


duction. 

On sait que la théorie de Maxwell conduit à 
l'explication des phénomènes optiques, quiseraient 
dus à des oscillations électriques extrêmement 
rapides. 

Au bout de vingt ans, les idées de Maxwell 
recurent la confirmation de l'expérience. Hertz 
parvint à produire des systèmes d'oscillations élec- 
triques qui reproduisent toutes les propriétés de 
la lumière et n’en diffèrent que par la longueur 
d'onde, c’est-à-dire comme le violet diffère du 
rouge. Il fit en quelque sorte la synthèse de la 
lumière. 

On pourrait dire que Hertz n'a pas démontré 
directement l'idée fondamentale de Maxwell, l'ac- 
tion du courant de déplacement sur le galvano- 
mètre. C'est vrai dans un sens, et ce qu'il a montré 
directement, en somme, c'est que l'induction élec- 
tromagnétique ne se propage pas instantanément 
comme on le croyait, mais avec la vitesse de la 
lumière. 

Seulement, supposer qu'il n'y a pas de courant de 
déplacement et que l'induction se propage avec la 
vilesse de la lumière; ou bien, supposer que les 
courants de déplacement produisent des effets 
d'induction et que l'induction se propage instanta- 
nément, cela est la méme chose. 

C'est ce qu'on ne voit pas au premier abord, 
mais ce que l’on démontre par une analyse que je 
ne puis même songer à résumer ici. 


V. — EXPÉRIENCES DE ROWLAND. 


Mais, je l'ai dit plus haut, il ÿ a deux sortes de 
courants de conduction ouverts : Il y à d’abord 
les courants de décharge d’un condensateur ou 
d'un conducteur quelconque. 

I] y a aussi les cas où des charges électriques 
décrivent un contour fermé, en se déplaçant par 
conduction dans une partie du circuit et par con- 
vection dans l’autre partie. 

Pour les courants ouverts de la première sorte, 
la question pouvait être regardée comme résolue : 
ils étaient fermés par les courants de déplacement. 

Pour les courants ouverts de la deuxième sorte, 
la solution paraissait encore plus simple; si le cou- 
rant était fermé, ce ne pouvait être, semblait-il, 


cela, il suffisait d'admettre qu'un « courant de con- 
», c'est-à-dire un conducteur chargé en 
mouvement, pouvait agir sur le galvanomètre. 

Mais la confirmation expérimentale manquait. Il 
paraissait difficile, en effet, d'obtenir une intensité 
suffisante, même en augmentant autant que pos- 
sible la charge et la vitesse des conducteurs. 

Ce fut Rowland, un expérimentateur extrèême- 
ment habile, qui le premier triompha ou parut 
triompher de ces difficultés. Un disque recevait une 
forte charge électrostatique et une très grande vi- 
tesse de rotation. Un système magnétique astatique, 
placé à côté du disque, subissait des déviations. 

L'expérience fut faite deux fois par Rowland: 
une fois à Berlin, une fois à Baltimore; elle fut 
ensuite reprise par Himsteédt. Ces physiciens cru- 
rent même pouvoir annoncer qu'ils avaient pu 
effectuer des mesures quantitatives. 

En fait, depuis une vinglaine d'années, la loi de 
Rowland était admise sans contestation par tous les 
physiciens. 

Tout, d’ailleurs, paraissait la confirmer. L'étin- 
celle produit certainement un effet magnétique ; 
or, ne semble-t-il pas vraisemblable que la dé- 
charge par élincelle est due à des particules arra- 
chées à l’une des électrodes et transportées sur 
l'autre électrode avec leur charge? Le spectre même 
de l’étincelle, où l'on reconnait, les raies du métal de 
l'électrode n’en est-il pas une preuve? L'étincelle 
serait alors un véritable courant de convection. 

D'un autre côté, on admet aussi que, dans un 
électrolyte, l'électricité est convoyée par les ions 
en mouvement. Le courant dans un électrolyte 
serait donc aussi un courant de conveclion; or, il 
agil sur l'aiguille aimantée, 

De même pour les rayons cathodiques; Crookes 
attribuait ces rayons à l'effet d’une matière très 
subtile, chargée d'électricilé négative, et animée 
d'une très grande vitesse; il les regardait, en d'autres 
termes, comme des courants de convection. Or, ces 
rayons cathodiques sont déviés par l’aimant. En 
vertu du principe de l’action et de la réaction, ils 
doivent à leur tour dévier l'aiguille aimantée. 

Il est vrai que Hertz crut avoir démontré que les 
rayons cathodiques ne convoient pas d'électricité 
négative et qu'ils n’agissent pas sur l'aiguille ai- 
mantée. Mais Hertz se trompait; d'abord Perrin à 
pu recueillir l'électricité transportée par ces rayons 
et dont Hertz niait l'existence ; le savant allemand 
paraît avoir été trompé par des effets dus à l’action 
des rayons X, qui n'étaient pas encore découverts. 
Ensuite, et tout récemment, on à mis en évidence 
l’action des rayons cathodiques sur l’aiguille ai- 
mantée. 

Ainsi, Lous ces phénomènes regardés comme des 


veclion 


que par le courant de convection lui-même. Pour | courants de convection, étincelles, courants élec- 


1000 


H. POINCARÉ — A PROPOS DES 


EXPÉRIENCES DE M. CRÉMIEU 


trolytiques, rayons cathodiques, agissent de la 
même manière sur le galvanomètre et conformé- 
ment à la loi de Rowland. 


VI. — TuÉORIE DE LORENTZ. 


On ne tarda pas à aller plus loin. D'après la 
théorie de Lorentz, les courants de conduction eux- 
mêmes seraient de véritables courants de convec- 
tion : l'électricité resterait indissolublement alta- 
chée à certaines particules matérielles appelées élec- 
trons, ce serait la circulalion de ces électrons à 
travers les corps qui produirait les courants vol- 
taïques, et ce qui distinguerait es conducteurs des 
isolants, c'est que les uns se laisseraient traverser 
par ces électrons, tandis que les autres arrêteraient 
leurs mouvements. 

La théorie de Lorentz est très séduisante, elle 
donne une explication très simple de certains phé- 
nomènes dont les anciennes théories, même celle 
de Maxwell sous sa forme primilive, ne pouvaient 
rendre compte d'une facon satisfaisante, par 
exemple, l’aberration de la lumière, l'entrainement 
parliel des ondes lumineuses, la polarisation ma- 
gnélique, l'expérience de Zeeman. 

Quelques objections subsistaient encore. Les 
phénomènes dont un système est le siège semblaient 
devoir dépendre de la vitesse absolue de transla- 
tion du centre de gravité de ce système, ce qui est 
contraire à l’idée que nous nous faisons de la rela- 
tivilé de l’espace. À la soutenance de M. Crémieu, 
M. Lippmann à mis cette objection sous une forme 
saisissante. Supposons deux conducteurs chargés, 
animés d'une même vilesse de translation. Ils sont 
en repos relatif; cependant, chacun d'eux équiva- 
lant à un courant de conveclion, ils doivent s’alli- 
rer, el on pourrait, en mesurant cetle altraclion, 
mesurer leur vitesse absolue. 

Non, répondaient les partisans de Lorentz; ce 
que l’on mesurerait ainsi, ce n’est pas leur vitesse 
absolue, mais leur vilesse relative par rapport à 
l'éther, de sorte que le principe de relativité estsauf. 

Quoi qu'il en soit de ces dernières objections, 
l'édifice de l'Électrodynamique semblait, au moins 
dans ses grandes lignes, définitivement construit; 
tout se présentait sous l'aspect le plus satisfaisant; 
les théories d'Ampère et de Helmholtz, faites pour 
les courants ouverts qui n'existaient plus, ne sem- 
blaient plus avoir qu'un intérêt purement histo- 
rique, et on avait à peu près oublié les complications 
inextricables auxquelles ces théories conduisaient. 


VII. — PREMIÈRES EXPÉRIENCES DE M. CRÉMIEU. 


C'est celte quiétude que les expériences de M. 
Crémieu sont venues troubler. Ce jeune physicien 


débuta par une expérience fort intéressante, dont 


je ne parlerai pas ici parce qu'elle ne se rapporte à 


notre sujet qu'indirectement et que cet article est 
déjà trop long, mais qui le mit sur la voie de ses 
recherches ultérieures en lui inspirant des doutes 
sur les résultats de Rowland. 

Dans les expériences de Rowland, l'appareil 
astatique magnétique doit être très sensible et placé 
tout près du disque tournant; on peut craindre dans 
ces condilions des perlurbations, soit éleetrosla- 
liques, à cause des forles charges que porte ce 
disque, soit mécaniques, à cause des courants d’air 
dus à sa rotation rapide. 

D'un aulre côté, si un courant de convection 
produit un champ magnétique, il doit produire éga- 
lement des effets d’induction; et, au lieu d'observer 
la déviation d'une aiguille astalique, on peut obser- 
ver les courants induits par un courant de convec- 
tion variable dans un cireuit voisin. 

Pour mesurer ces courants induits, il faudra na- 
turellement encore une aiguille astalique ; mais on 
pourra l'éloigner autant qu'on voudra du disque 
tournant et, par conséquent, des causes perlurba- 
trices. 

Dans ces conditions, les résultals obtenus furent 
négalifs. 

Le dispositif, toutefois, différait beaucoup de celui 
de Rowland, et, avant d'aller plus loin, il importait 
de reprendre les expériences du savant américain 
dans des conditions identiques ou aussi peu difé- 
rentes que possible. Les résultats restèrent négalifs 
en géuéral, mais il faut reconnaitre qu'ils furent 
beaucoup plus capricieux. Dans certaines séries, on 
conslata des déviations de l'appareil astatique. Ces 
déviations purent souvent être altribuées avec cer= 
titude à une cause perturbatrice déterminée; 
d'autres fois, elles restèrent sans explication salis- 
faisante. 

Si l'on considère toutefois que les résultats ont 
été constamment négalifs dans de nombreuses 
séries où le disque tournant était à découvert (au 
moins dans la partie voisine de l'aiguille aimantée), 
pourvu que cette aiguille fût mise à l'abri des per- 
turbations électrostatiques par un lube de cuivre 
formant écran; que, dans d’autres circonstances où 
l'on avait observé une déviation de la plaque de 
mica portant les aiguilles aimantées, cette déviation 
subsistait encore quand les aiguilles aimantées 
élaient enlevées, ce qui prouvait bien son origine 
électrostalique, on sera frappé de l'importance de 
ces perturbations électrostatiques et on sera porté 
à accorder plus de confiance à la première forme 
de l'expérience où ces perlurbations sontcomplète- 
ment écarlées. 

Remarquons pourtant que Rowland avait eu 
soin d’enfermer son aiguille aimantée dans un lube 


{ 


Pr 


AP 


H. POINCARÉ — A PROPOS DES EXPÉRIENCES DE M. CRÉMIEU 


métallique formant écran et que les résultats 
avaient été positifs. : 
Les expériences de Crémieu peuvent sembler 
convaincantes à ceux qui les ont vues; mais on ne 
peut oublier pourtant que Rowland élait un expé- 


» rimentaleur lout aussi habile, qu'il a montré ses 


résultats à plusieurs savants éminents el que ces 
savants ont été également convaincus. 
Dans ces conditions, on hésite à se prononcer et 


. on en vient à désirer qu'une sorte de liers arbilre 


tranche définitivement la queslion. Quelques per- 
sonnes avaientcommencé des recherches en Angle- 
terre, mais elles ne paraissent pas les avoir poussées 
jusqu'au bout. 

De son côté, Rowland s'était remis au travail et 
voulait reprendre les expériences de Crémieu et 
les siennes. C'est alors malheureusement que la 
mort est venue le surprendre. Certes, à n'importe 


_ quel moment la mort d'un physicien aussi éminent 


aurait été une perte crueile pour la Science, mais 
elle estpour nous aujourd’hui doublement fâcheuse. 
Qui pouvail mieux que lui découvrir la cause des 
divergences entre les résullats du savant français 
elles siens? Celui qui voudra les chercher mainte- 
nant, eût-il même l'habileté de Rowland, ne pourra 
connailre aussi bien que luiles détaile de son appa- 
reil et la facon dont il a opéré autrefois. 


VITT. — CRITIQUES DIVERSES. 


Les critiques de Crémieu ont généralement suivi 
une autre voie; ils n'ont pas contesté les résullals 
expérimentaux; ils ont cherché plutôt à montrer 
qu'on aurait pu les prévoir; que, loin d’être con- 
traires à la loi de Rowland, ils en élaient une 
confirmation indirecte. 

La plupart de ces critiques se sont trop pressés; 
la thèse de M. Crémieu vient seulement de pa- 
ruitre, el jusque-là on ne connaissait que quelques 
Notes succinctes insérées aux Comptes Rendus; il 
en résulte que beaucoup des observations qu'on 
avait cru pouvoir faire, ou bien ne se rapportaient 
pas exactement aux expériences qui avaient été 
réellement faites, ou bien étaient réfutées d'avance 
par d'autres formes de ces mêmes expériences. 

Quelques-unes de ces objections ont cependant 
plus de portée; je ne puis les discuter ici en détail, 
mais je voudrais, au moins, en indiquer l'esprit et 


faire voir d’une façon générale ce qu'on peut en - 


tirer. 

On sait que Faraday a substitué le premier aux 
anciennes idées classiques sur l'électricité une 
facon entièrement différente d'envisager les choses. 
Pour lui, la réalité véritable, ce n’est plus un 
fluide électrique circulant dans des conducteurs, 
mais une certaine modification du diélectrique qui 


1001 


cesse d’être purement inerle et devient le siège du 
phénomène principal. Ge qui joue le premier rôle, 
c'est done le « champ électrique », le « champ 
magnétique » et la distribution des « lignes de 
force ». 

Ces conceptions, considérées d'abord comme 
paradoxales, sont aujourd'hui familières à lLout le 
monde, aux praticiens comme aux théoriciens. 
C'est de Faraday que Maxwell procède directe- 
ment; les théories qui sont sorties de celle de 
Maxwell, par exemple celles de Hertz et de Lorentz, 
dérivent donc des idées de Faraday. Mais cela ne 
veut pas dire qu'il y a identité entre la pensée de 
Faraday et celle de Lorentz. 

La théorie de Lorentz est sortie de celle de 
Faraday, mais beaucoup d'autres en auraient pu 
sortir. La pensée de Faraday n'était qu'une forme 
encore vague et indéterminée, une sorte de pâte 
molle, qui pouvait se préciser de bien des ma- 
nières. C'est justement ce qui en à fait la fécon- 
dité. 

En ce qui concerne la question de la convection 
qui nous occupe maintenant, les parlisans de 
Faraday n'admeltront pas qu'on identifie à un 
courant vollaique un conducteur chargé en mou- 
vement; cela serait croire que l'électricité est 
quelque chose; cela serait, à leurs yeux, un maté- 
rialisme grossier. Mais ils diront qu'un champ 
magnétique doit se produire si les lignes de force 
électrique sont en mouvement. 

Les lignes de force, pour eux, ne sont pas, en 
effet, de simples entilés mathématiques; ce sont 
des objets réels, et c'est pourquoi ils croient s'en- 
tendre eux-mêmes quand ils disent que ces objets 
sont en repos ou en mouvement, de même que 
les anciens électriciens croyaient s'entendre eux- 
mêmes quand ils parlaient du mouvement de 
l'électricité, qui pour eux était une chose. 

Mais cela ne suffit pas; pour que celte considé- 
ralion puisse servir à quelque chose, il faut savoir 
reconnaitre si ces lignes sont en mouvement. Elles 
peuvent se mouvoir, soit; mais comment saurons- 
nous si elles se meuvent? 

Le problème s'est posé d'abord à propos des 
lignes de force magnétique, et a donné lieu à de 
longues polémiques. Les lignes de force émanées 
d'un aimant qui tourne, lournent-elles avec cet 
aimant ou restent-elles immobiles? Selon la réponse 
à cette question, il semblait, à en croire beaucoup 
d'auteurs, que certains phénomènes, et en parli- 
culier ceux de « l'induction unipolaire:», devaient 
être très différents. J'ai montré ailleurs qu'il n'en 
élait rien el que la question n'a pas de sens. 

En ce qui concerne les lignes de force électrique, 
au contraire, la question ne peut être éludée et, 
suivant la solution qu'on lui donnera, on arrivera 


1002 


H. POINCARÉ — A PROPOS DES EXPÉRIENCES DE M. CRÉMIEU 


à des conséquences absolument différentes. Un 
courant vollaïque cireule dans un fil. Admettrons- 
nous que les lignes de force qui aboutissent à ce 
fil se déplacent de facon que leurs extrémités se 
meuvent le long de ce fil, dans le sens du courant; 
ou même devrons-nous admetlre deux systèmes 
de ligues de force, les unes positives, les autres 
négalives et se déplaçant en sens contraire? Il le 
faut bien, si nous voulons rendre compte des 
effets magnétiques du courant voltaïque, et si nous 
croyons qu'un champ magnétique ne peut être dû 
qu'au mouvement des lignes de force électrique. 

Supposons maintenant un disque chargé tour- 
nant; entrainera-t-il les lignes de force dans sa 
rotation, ou resleront-elles immobiles? Aucune de 
ces deux hypothèses ne peut être regardée comme 
en contradiction avec les idées de Faraday; et 
cependant, dans un cas, la loi de Rowland est 
vraie; dans l'autre, elle est fausse. 

Ce qui est gênant, c'est que chacune de ces 
interprélations contradictoires peut, à son tour, 
apparaitre comme la seule naturelle, suivant le 
point de vue où on se place. 

Faraday, Maxwell lui-même avaient beaucoup 
laissé dans le vague. Leurs successeurs ont cherché 
à préciser; quelques-uns croyaient y ètre parvenus, 
el deux théories complètes s'étaient édifiées, celle 
de Hertz et celle de Lorentz. 

Chacune de ces deux théories prétendait prévoir 
ce qui se passerait dans un cas quelconque. Elle 
nous prédisait, en particulier, et sans ambiguïté, 
ce que devaient donner les différentes expériences 
de Crémieu; or, ce n’est pas ce qu'elles ont donné. 
Donc, ou bien Crémieu s'est trompé, ce que des 
expériences nouvelles pourront seules nous ap- 
prendre, ou bien la théorie de Lorentz, comme 
celle de Hertz sont fausses. 

Mais, répond-cn, laissons Hertz et Lorentz de 
côlé, et revenons à Faraday. Le résultat de Crémieu 
est ce que la doctrine de Faraday nous permettait 
de prévoir. Cela, c'est possible, car cette doctrine 
est plastique et peut prendre bien des formes, 
mais à ce compte elle permettait également de 
prévoir le résultat contraire. 

Il y aurait sans doute beaucoup à tirer des écrits 
dont je parle. Mais à une condition: il aurait fallu 
que l’auteur commencât par distinguer entre les 
différentes interprétations possibles des vues de 
‘araday, qu’il les définit avec précision, puis qu'il 
s'attachât à discerner celles que l'expérience de 
Crémieu confirme et celles qu’elle contredit. 

Loin de là, la plupart du temps, il se borne à 
constater, avec satisfaction, qu'elles ne sont pas 
toutes contredites. 

Ce qu'il n'a pas fait, il faut donc que le lecteur 
le fasse pour lui. À ce prix, il pourra tirer du fruit 


| de sa lecture; il n’en lirera aucun, au contraire, 


s'il conclut simplement : « Ah! oui, ce que Crémieun 


2 trouvé était facile à prévoir », et s’il croit ainsi 
que 


de Hertz et de Lorentz comme les autres. 
| On comprend aisément la préoccupalion qui a 
guidé ces criliques, dont beaucoup sont Anglais. 
Évidemment, les publications de Crémieu ont jelé 
l'alarme parmi les admirateurs de Maxwell; et 
alors ceux-ci s'efforcent de démontrer que nous 
ne serons pas réduits à abandonner les conquèêles 
de Faraday et de Maxweli. Cela, je l'espère bien, 
mais ce n'est pas de cela qu'il s'agit. k 
J'ai cru devoir insister sur ces observalions, 
parce quil serait à craindre que ces criliques, mal 
comprises, ne fissent regarder comme inutiles ces 
expériences nouvelles qui, selon moi, sont néces- 
saires. 


1. /nlluence des écrans. — D'après ce qui pré- 
cède, on comprend pourquoi ces polémiques n'ont 
pas donné tous les fruits qu'on en aurait pu 
attendre. Je m'arréterai seulement sur un point. 

Dans une des nombreuses séries d'expériences 
qu'ila exécutées, M. Crémieu, qui continuait à avoir 
des résultats exclusivement négatifs quand l’appa- 
reil était enfermé dans une boîte métallique entiè- 
rement close, obtenait, au contraire, des déviations 
de l'aiguille aimantée quand il supprimait cette 
boite. 

A la vérité, ces déviations semblaient bien trop 
faibles pour pouvoir être attribuées à l'effet Row- 
land. Mais ce qui élait remarquable, c'est qu'elles 
disparaissaient quand on interposait un écran 
métallique. 

Cette série où se sont produits ces effels inex- 
pliqués, reste le point faible de l’œuvre de Cré- 
mieu. l'explication donnée par M. Crémieu lui- 
même ne tient pas debout; celles que j'ai proposées 
moi-même, étincelles, etc., demeurent probléma- 
tiques. 

Quoi qu'il en soit, ces anomalies ont particuliè- 
rement atliré l'attention de MM. Poddington el 
Wilson, qui ont cherché à démontrer : 

1° Que l'effet Rowland doit se produire toujours 
en l'absence d'écran métallique, et ne disparait 
que par suite de l’interposilion d’un écran; 

2% Que si les déviations observées par Crémieu 
sont plus faibles que les dévialions prévues, c'est 
par suite d'erreurs d'expérience; 

3° Enfin que cette disparition de l'effet Rowland 
par l'inlerposition d'un écran est un phénomène 


tout naturel et prévu par la théorie. 
En ce qui concerne le premier point, M. Crémieu 
répond qu'il à fait aussi plusieurs séries d'expé- 


toutes les facons contradictoires de com- 
prendre Faraday sont confirmées en bloc, celles 


PS TT D TT ET 


tonte jme 


PS 


iences où le disque chargé tournant était entière- 
ment nu et sans aucune espèce d'écran métallique, 
et que les résullals ont été nettement négatifs. 
Melles sont les expériences relatées à la fin de sa 
thèse et celles dont je parlerai plus loin sous la 
rubrique : /éalisalion des courants ouverts. 

Mais examinons le troisième point. Pourquoi ces 
auteurs considèrent-ils la disparition de l'effet 
owland comme un phénomène prévu par la 
théorie? C'est parce qu'ils supposent qu'il doit se 
produire dans l'écran un courant de conduclion 
dont l'effet contre-balance exactement celui du cou- 
rant de convection. 

Mais est-ce bien cela que prévoit la théorie ? 

Pour moi, cette question à un sens précis; par 
-« la théorie », j'entends celle de Hertz ou celle de 
Lorentz; parce que, si la pensée de Faraday peut 
revêtir beaucoup d'autres formes, il n'y en a pas 
jusqu'ici d'autre qu'on ait développée complèle- 
ment et mise sur ses pieds. 

Que prévoit donc la théorie de Hertz? (Car, pour 
cette question particulière, celle de Lorentz con- 
duirait au même résultat.) 

Si nous avions un écran derrière lequel des 
charges posilives se déplaceraient par convection, 
dans un mouvement recliligne de translation, il est 
clair qu'elles induiraient sur l'écran des charges 
de nom contraire, qui se déplaceraient paral- 
lèlement, mais par conduction, de sorte qu'il y 
aurait compensation entre les deux sortes de cou- 
rants. 

. C’est ainsi que raisonnent MM. Poddington et 
Wilson. 

Mais si l'écran est circulaire et si les charges 
mobiles sont entraînées dans un mouvement de 
rolalion, voici ce qui arrive : les charges induites 
sur l'écran restent toujours vis-à-vis des charges 
mobiles el se déplacent avec elles; ce déplacement 
se fait par conduction; mais ici ces charges induites 
peuvent aller d’une position à une autre par deux 

. chemins, par le plus court et en faisant le tour de 
. la circonférence. Cela fera deux courants de con- 
| duction, l'un direct, l’autre inverse. 

Or, le calcul montre quil y a compensation 

entre le courant de conduction direct et le courant 
de conduction inverse, de sorte que le courant de 
convection devrait rester seul, bien loin qu'il y ait 
. compensation entre le courant de convection et les 
. courants de conduction. 
La théorie ne prévoit donc nullement la dispari- 
_ tion de l'effet Rowland par l'interposition d’un 
écran. Si donc les résultats de Crémieu n'étaient 
. pas contredits par des expériences nouvelles, ils 
auraient prouvé que la théorie est en défaut quand 
_ même ils n'auraient pas démontré la non-exis- 
| tence de l'effet Rowland. 


H. POINCARÉ — A PROPOS DES EXPÉRIENCES DE M. CRÉMIEU 


1003 


2. Objection el expérience de M. Pender. — 
L'objection de M. Pellat, reprise par M. Peuder, 
est beaucoup plus sérieuse. Dans la plupart des 
expériences, les secteurs mobiles comme les sec- 
teurs fixes élaient recouverts d'une couche de 
diélectrique (verre, caoutchouc ou ébonite). Si l'air 
interposé entre ces deux couches diélectriques, 
l’une fixe, l’autre mobile, n’était pas suffisamment 
isolant, il pourrait se faire que les surfaces de 
contact du diélectrique et de l'air prissent par 
influence des charges contraires à celles des sur- 
faces de contact du diélectrique et du métal. 
Alors, le disque, en tournant, entraînerait à la fois 
des charges positives et négatives dont les effets se 
neutraliseraient. 

M. Crémieu dit avoir vérifié qu'il n'en élait pas 
ainsi, mais il a fait cette vérification sur les disques 
au repos, et M. Pender se demande si cela est 
encore vrai quand ils sont en mouvement. 

Les pages qui précèdent élaient déjà composées 
quand à paru, dans le numéro d'août du Philo- 
sophical Magazine, la relation d’une expérience 
de M. Pender, qui ne s’est pas borné à une critique 
purement théorique. 

Nous avons donc la satisfaction d'apprendre que 
les expériences dont je signalais la nécessité sont 
déjà commencées, et mieux encore, que Rowland, 
avant de mourir, a pu en dresser le plan et assister 
aux premiers essais. 

M. Pender a repris l'expérience de Crémieu 
sous sa première forme, c'est-à-dire qu'il a étudié 
les courants induits produits par ia variation du 
champ magnétique dû aux courants de convection. 

Seulement, il s'est servi d'un disque lournant 
analogue à celui qu'avait employé Rowland et non 
pas à ceux qu'a employés Crémieu. C'est-à-dire que 
ces disques n'étaient pas enfermés dans une boile 
en fonte ; que les parties métalliques fixes et mo-- 
biles n'étaient pas recouvertes d'une couche de 
diélectrique et n'étaient séparées que par de l'air. 

Il fallait, par conséquent, les éloigner l’une de 
l'autre, ce qui diminuait la capacité, et par consé- 
quent l'intensité du courant de convection produit. 

Dans ces conditions, les résultats ont été positifs, 
ce qui est contraire aux idées de Crémieu. 

Il faut évidemment attendre ce que M. Crémieu 
répondra, et aussi de nouvelles expériences an- 
noncées par M. Perder. 


IX. — LE PROBLÈME DU COURANT OUVERT. 


De nouvelles expériences sont encore néces- 
saires. 

M. Pender et M. Crémieu doivent les faire ect 
hiver, chacun de son côté. 

Supposons qu'à la suite de ces expériences les 


100% 


idées de M. Crémieu viennent à {riompher; sera-ce 
là une solution définitive ? Non, la difficulté ne 
fera que commencer. Sur les ruines des anciennes 
théories, il faudra rebàtir. 

Ce que j'ai dit au début fera comprendre aisément 
la nature de cette difficulté. Va-t-on être obligé de 
revenir à l'hypothèse des courants ouverts, et dans 
ce cas ne va-t-on pas se trouver aux prises avec les 
complications inextricables des théories, aban- 
données, d'Ampère et de Helmholtz? 

Dans les expériences où l’on fait simplement 
tourner un disque chargé, la contradiction n'appa- 
rait pas encore. La répartition des charges demeure 
invariable, puisque chaque charge électrique, en 
quittant un point del'espace, y est immédiatement 
remplacée par une autre charge égale. 

Le champ électrique ne change pas; le courantde 
convection se ferme sur lui-même, il n’y a donc 
pas de courant ouvert. 

La difficulté commencerait, au contraire, si nous 
avions affaire à une petite sphère isolée et chargée, 
entraînée dans un mouvement de translation ou de 
rotation, qui serait, par exemple, attachée sur la cir- 
conférence d’un disque tournant, isolant et sans 
charge. Alors, le point de l’espace où était la sphère 
chargée est occupé un instant après par de la ma- 
tière isolante dépourvue de charge. La répartition 
des charges n'est plus invariable et la distribution 
des lignes de force change à chaque instant. Il y 
a dans le diélectrique ce que Maxwell appelle un 
courant de déplacement. 

Dans la conception Maxwell-Rowland, le circuit 
complet, qui est fermé, se compose de courants de 
déplacement et de courants de convection. Si 
maintenant nous admettons que les courants de 
convection sont sans action, il ne nous reste plus 
que des courants de déplacement ouverts. 

Malheureusement, il est à peu près impossible 
d'opérer de la sorte, pour plusieurs raisons, et sur- 
tout parce que la capacité d'une pareille sphère 
serait beaucoup trop petite. 

En revanche, on peut chercher à réaliser des 


circuits fermés, composés de courants de convec- | 


lion et de courants de conduction. Si les courants 
de convection sont regardés comme sans action, il 
restera alors un courant de conduction ouvert. 

C'est la réalisation de ces courants ouverts qui 
constilue, à proprement parler, le paradoxe. 

Et, comme c'est en allant au devant des difficultés 
qu'on peut espérer des résultats nouveaux, ce sont 
ces courants ouverts qu'il importait de réaliser. 
M. Crémieu a donc, sur mon conseil, fait deux 
tentatives dans ce sens : 

1. Première tentative. 


Dans un premier 


disposilif, on fait tourner un disque doré, dont la | tenir 


H. POINCARÉ — À PROPOS DES EXPÉRIENCES DE M. CRÉMIEU 


dorure est interrompue par une série de rainures 
circulaires ; ces rainures, toutefois, ne règnent pas 
sur toute la circonférence, de sorte que toutes les 
parties de la dorure restent en communication 
entre elles et peuvent être mises au sol. ‘ 

La figure 3 représente ce disque, lés parties 
dorées étant couvertes de hachures. On voit que 
sur la plus grande partie du disque, il peut y avoir 
des courants circu- 
laires, mais pas de 
courants radiaux. 

Vis-à-vis de ce dis- 
quetournant,on place 
un secteur métallique 
fixe en communica- 
tion avec une batterie 
d'accumulateurs. Ce 
secteur et la dorure 
du disque tournant 
vont former les deux 
armatures d’un con- 
densateur. Le secteur fixe va se charger posili- 
vement, par exemple, et le disque mobile se char- 
gera négativement par influence. Seulement, ces 
charges négalives resteront toujours dans la par- 
tie du disque qui est vis-à-vis du secteur fixe; 
elles seront donc fixes dans l’espace; mais, comme 
le disque qui les porte est en mouvement, elles 
seront en mouvement relalif par rapport à ce 
disque. 

Les charges positives, étant fixes dans l’espace et 
fixes par rapport au conducteur qui les porte, 
ne produiront aucune action magnélique. Qu'ar- 
rive-t-il maintenant dans le disque mobile? 

Si les charges négalives étaient invariablement 
fixées au disque, elles seraient enlrainées par le 
mouvement de ce disque, ce qui constiluerait un 
courant de convection. Ge courant ne serait contre- 
balancé par rien si le disque était chargé, mais 
parfaitementisolant; ou encore s’il élail formé d’un 
très grand nombre de conducteurs très petits et 
parfaitement isolés les uns des autres. Chacun de 
ces pelits conducteurs conservera sa charge inva- 
riable et l'entrainera avec lui; seulement, quand l’un 
d'eux ne sera plus vis-à-vis du secteur fixe, sa capa- 
cité diminuera, et, puisque sa charge n’a pas changé, 
son potentiel augmentera. Il se produira donc des 
différences de potentiel entre les différents petils 
conducteurs. 

Supposons maintenant que l'isolement de ces 
petils conducteurs ne soit pas parfait; il se produira 
entre eux des courants de conduction qui tendront 
à diminuer la différence des potentiels, en rame- 
nant les charges vis-à-vis du secteur fixe. 

Les différences de potentiel qui pourront se main- 
ainsi, seront évidemment d'autant plus 


érandes que l'isolement sera meilleur; si nous pas- 
sons enfin au cas de notre disque doré, la résistance 
Dpposée aux courants de conduction sera très faible, 
de sorte que ces différences seront extrèmement 
betites el que la distribution s'écartera très peu de 
la distribution statique. 

« Les charges négatives sont donc soumises, d'une 
part, à un courant de convection qui tend à les 
écarter de leur position normale, vis-à-vis du sec- 
teur fixe, et, d'autre part, à des courants de conduc- 
lion qui les y ramènent sans cesse. 

Comment sont distribués ces courants de con- 
duction ? Les charges écartées de leur position nor- 
Male peuvent y revenir par deux chemins, par le 
plus court, ou en faisant le tour du disque; c'est ce 
que j'appellerai le courant de conduction direct et 
le courant inverse. 

- Comme le premier chemin oppose beaucoup 
moins de résistance que le second, il est clair que 
le courant direct sera plus intense que le courant 
inverse. Si, par exemple, le secteur fixe occupe la 
sixième partie de la circonférence, le courant direct 
sera égal aux - et le courant inverse au = du cou- 
rant de convection. 

Dans les idées de Rowland, que doit-il se passer ? 
Nous aurons le courant de convection dont l’inten- 
Sité sera par exemple 1, qui sera compensé en par- 
lie par le courant de conduction directdont l'inten- 


a 
4 DA. d ë 1 
silé est G’ l'intensité résultante sera &’ nous aurons 


donc un effet sur l'aiguille aimantée, mais cet effet 
sera assez faible. 

Dans les idées de Crémieu, au contraire, le cou- 
rant de convection n'agit pas; il semble qu'il doit 
rester seulement le courant de conduction direct 


égal à à el que l'effet produit doit être cinq fois plus 


Srand que dans les idées anciennes. 

Ces courants de conduction vont du bord aval 
après le sens de la rotation) de la porlion du 
lisque mobile qui est vis-à-vis du secteur fixe, au 
bord amont de cetle même portion; ce seraient 
donc des courants ouverts; de sorte qu'on aurait 
réalisé le courant de conduction ouvert et que Cré- 
Mier pouvait avoir l'espoir de vérifier ses vues par 
une expérience donnant un résultat positif (la dé- 
ialion devant être cinq fois plus grande que dans 


land avait déjà essayé un dispositif analogue. En 


» Cela est resté jusqu'ici inexpliqué. Crémieu pense 


REVUE GÉNÉRALE DES SCIENCES, 1901. 


ARÉ — À PROPOS DES EXPÉRIENCES DE M. CRÉMIEU 


100% 


que les courants qui ramènent les charges à leurs 
positions normales ne sauraient être assimilés à de 
véritables courants de conduction, qu'ils ne pro- 
duisent pas de chaleur de Joule, qu'il ne se produit 
pas, dans le disque, des différences de potentiel 
même très faibles ; qu'enfin, c’est pour cela que ces 
courants n'ont pas d'effet magnétique : mais je ne 
saurais en aucune façon adopter cette manière de 
voir. 

Cette première tentative pour obtenir des cou- 
rants ouverts avait donc échoué ; j’ajouterai cepen- 
dant que M. Crémieu a, je crois, l'intention de la 
reprendre en modifiantles dispositions des rainures 
qui inlerrompent la dorure du disque. 


2. Réalisation des courants ouverts. — Ce pre- 
mier échec ne découragea pas M. Crémieu, qui, sur 
mon conseil, essaya un dispositif différent. 

La figure 4 représente ce dispositif schématique- 


œ 


Fig. 4. 


ment. Elle est construite comme on le fait habituel- 
lement pour les schémas destinés à faire com- 
prendre le fonctionnement des machines de Hollz 
ou de Wimshurst. Je veux dire que les disques tour- 
nants ou fixes sont supposés remplacés par des cy- 
lindres que la figure représente par leur section. 

La partie essentielle de l'appareil est un plateau 
d'ébonite tournant; sur la figure, nous supposons ce 
plateau remplacé par un manchon cylindrique 
dont la section droite est représentée couverte de 
hachures. Ce plateau porte d'un côté des secteurs 
d'étain «x, isolés les uns des autres. Un secteur 
fixe SS/, placé près du disque tournant, est en COmM- 
munication avec une source d'électricité. 

Vis-à-vis des deux bords de ce secteur fixe, deux 
balais B et B' frottent sur les secleurs d'étain x et 
sur le plateau d'ébonite; ces deux balais sont reliés 
par un fil B'MB. 


222 


1006 


Le plateau tournant dans le sens de la flèche, le 
secteur SS'est, par exemple, chargé positivement; le 
secteur «, sur lequel frotte le balai B, va se charger 
négalivement par influence et sa charge négative 
lui viendra par le balai B et le fil B'MB. Ce secteur «, 
entrainé par le mouvement du disque, quittera le 
balai B et emportera sa charge. 

Au bout d'un certain temps, il viendra au con- 
tact du balai B'et, en mème lemps, il cessera d’être 
en face du secteur SS', de sorte que sa charge néga- 
tive cessera d'être retenue par l'influence de la 
charge positive de SS'. Le secteur « va donc aban- 
donner sa charge au balai B' et au fil B'MB. 

Les secteurs « compris entre B et B' seront donc 
chargés, les autres seront déchargés, les premiers 
entraineront leur charge, ce qui constituera un 
courant de convection ; les charges abandonnées au 
balai B' reviendront au balai B par le fil B'MB, de 
sorte que le circuit sera fermé par un courant de 
conduction. 

En réalité, M. Crémieu a reconnu que les choses 
ne se passent pas d’une facon aussi simple, à cause 
du rôle important joué par la PE de l’ébo- 
nite; mais nous nous contenterons de cet aperçu. 

L'expérience réussit parfaitement, beaucoup plus 
neltement que celles des séries précédentes. Il était 
facile de mesurer le courant de conduction B'MB 
au galvanomètre et de constater que le courant de 
convection n’agit pas sur l'aiguille aimantée ; cette 
aiguille est déviée, au contraire, quand le fil de 
retour B'MB est placé tout contre le plateau tour- 
nant, landis que, dans ce cas, il devrait, d’après les 
idées de Rowland, y avoir compensation entre 
l'effet du courant de convection et celui du courant 
de conduction. 

M. Crémieu admet qu'il a réalisé un courant 
de conduction ouvert. 

Pourquoi, maintenant, a-t-on réussi de celte ma- 
nière et avait-on échoué avec le dispositif que j'ai 
d’abord décrit? C'est ce que M. Crémieu ne peut 
expliquer. 


X.— ExPÉRIENCE DE M. CARvALuUO. 


Ainsi, le courant ouvert semble réalisé; nous 
sommes en face du paradoxe ; il reste à le résoudre. 

Nous ne pouvions croire à l'existence des cou- 
rants ouverts, parce que nousn'arrivions pas à Con- 
cevoir comment ils pourraient se comporter. 

Maintenant, nous en avons un, Ou nous croyons 
en avoir un ; nous n avons qu à regarder comment 
il se comporte. 

Va-t-il suivre les lois d'Ampère, ou bien celles de 
Helmholtz, ou d'autres encore ? 

D'après Ampère, nous l'avons vu, les courants 
ouverts doivent produire des rotations continues 


H. POINCARE — À PROPOS DES EXPÉRIENCES DE M. 


CRÉMIEU 


C'est là un critérium précieux. M. Carvalho a pro 
posé de soumettre un aimant, dans des conditions 
convenables, à l'action de ce que Crémieu croit être 
un courant ouvert et de voir s'il tendra à prendré 
une rotation continue. M. Crémieu a commencé des 
essais dans ce sens. J'ai cru pouvoir sans indiscré: 
tion dire un mot de ce projet, puisque tout le monde 
en parle parmi les personnes qui s'intéressent à la 
Physique. 

Peut-être les difficultés techniques ne permet 
tront-elles pas de faire l'expérience; mais, si ellë 
peut se faire, je serais étonné que l'aimant se mil 
à tourner; j'en serais étonné même si j'étais sûr 
que l'effet Rowland n'existe pas. 

J'ai dit plus haut, en effet, les invraisemblaho 
auxquelles conduit la théorie d'Ampère. 

Celle de Helmholtz pourrait être soumise à un cri 
térium analogue. On pourrait chercher si un solé 
noïde fermé peut subir une action de la part de 
ces soi-disant courants ouverts. 

Mais la théorie de Helmholtz, quoique plussatisfai 
sante que celle d'Ampère, estencore bien invraisem 
blable. Avec elle, je l'ai expliqué ci-dessus, il n'y 
pas, à proprement parler, de champ magnétiques 

Admetire cela, ce serait, pour le coup, renoncer àk 
l'idée fondamentale de Faraday, à ce qu'elle con= 
tient d’essentiel et non plus seulement à l’une des 
nombreuses formes qu'on peut lui donner. | 

J'aime mieux rappeler une remarque que j'a 
faite plus haut : on peut définir les courants par 
leur action sur le galvanomètre, et alors tous les: 
courants sont fermés par définition. Il n'y a plus 
dès lors qu'à rechercher comment un courant se 
ferme. Dans le cas qui nous occupe, nous croyions 
le savoir; mais, d’après M. Crémieu, ce ne seraib 
pas comme cela. Il faut chercher autre chose; om: 
le trouvera en étudiant systématiquement les dé 
viations de l'aiguille aimantée dans le voisinage 
de ces courants paradoxaux et, en particulier, près 
des points où cessent les courants de conduction 
C'est aussi ce que M. Crémieu a le projet de faire. 

Quels que soientles résultats de ces expériences 
nous aurons un champ magnétique et des courants 
qui seront fermés; cela est certain, puisqu'il ny 
là que des délinitions. 

Cela reste vrai dans toutes les hypothèses, aussi 
bien dans celles d'Ampère et de Helmholtz ques 
dans les autres. Seulement, voici la différence : si 
nous restons fidèles aux idées de Faraday, l'action | 
pondéromotrice subie par un élément de courant 
ne dépendra que de la force magnétique. Il n'e 
serait plus ainsi dans les vues d'Ampère ou de 
Helmholtz, et c'est pour cela que ces vues son 
paradoxales. 

J'arrêterai là ce trop long article, heureux si j'ai 
pu faire comprendre l'importance des problèmes 


soulevés par les recherches de M. Crémieu et la 
alure des questions engagées dans le débat. Va- 
t-on se trouver en face du paradoxe du courant 
ouvert; va-t-on être obligé de chercher une nou- 
elle explication des rayons cathodiques, des cou- 


F. DIENERT — LES SOURCES DE LA CRAIE 


1007 


rants éleclrolyliques, de la polarisalion magné- 
tique, du phénomène de Zeeman ? C’est ce que nous 


saurons bientôt. H. Poincaré 
* L 


Membre de l'Institut et du Bureau des Longitudes, 
Professeur d'Astronomie théorique 
et mécanique céleste à la Sorbonne, 


Quiconque rencontre une source s'y arrèle et 
admire celte eau claire et limpide qui sourd de 
Lerre à cet endroit. Le cadre pittoresque, quelque- 
fois sauvage, du lieu attire le poète, qui en chante 
es beautés. Le penseur, tout en se laissant aller à 
une douce rêverie, s'efforce d'expliquer l’origine de 
cette eau pure comme du cristal. 

Nos ancêtres donnèrent, de la formalion des 
sources, des théories souvent extravagantes. Ils 
en reportèrent longtemps l'origine à de vastes ré- 
servoirs, qu'ils plaçaient volontiers sous les monta- 
gnes d’où l’eau des sources semblait provenir. 

Quant à se demander par quel hasard la Nature 
avait pu rendre élanches les parois de si vastes 
éservoirs, aucun ne s'était arrêté devant celte 
question. 

Il vint un moment où l'on voulut expliquer l’ali- 
mentlation de ces réservoirs, et ces explications 
furent suivies d'hypothèses, aussi compliquées que 
fantaisistes, que nous n'aborderons pas pour ne pas 
lrop allonger notre sujet. 

Quelques esprits curieux, avides de savoir ce que 
devenaient les eaux fournies par les pluies, remar- 
quèrent que tous les terrains ne les ulilisent pas 
de la même façon. 

Sur cerlains sols, après les grandes pluies, il se 
forme des ruisseaux temporaires, qu'on n'observe 
pas sur d’autres. Ces eaux, dites de ruissellement, 
s'en vont rejoindre les thalwegs des vallées, puis 
les rivières et les fleuves, enfin la mer. Elles seront 
évaporées sous l'influence du soleil et retomberont 
sous forme de pluie. Le cyele de leur transforma- 
Lion est connu, il n'y a donc plus à s’en occuper. 
Mais quand les eaux de ruissellement manquent, 
que devient l’eau de pluie ? 

- L'évaporation, l'absorption par les végétaux en 
utilisent bien une partie; mais y a-t-il un excédent 
qui tende à s'enfoncer de plus en plus dans la terre? 
Les sources seraient toutes désignées pour expli- 
quer l'évacuation de ces eaux, étant donné que, 
chaque année, à la même époque, le niveau de la 
nappe souterraine reste sensiblement le même. 
Deux choses sont nécessaires à connaitre: la 
quantité d'eau qui tombe actuellement sur un ter- 
rain perméable à l’eau, et celle prise par les végé- 


1 


LES SOURCES DE LA CRAIE 


taux par leurs parties aériennes. L’excédent de l’eau 
disponible prendra le nom d'eau d'infiltration. 

Au moyen d'un instrument très connu et fort 
simple, le pluviomèlre, on-constale le volume 
d'eau tombé dans une année. Aux environs de 
Paris,un heclare reçoit par an environ 5.000 mètres 
cubes d’eau. Si tout arrivait aux sources, il faudrait 
6 hectares pour obtenir un débit moyen de 1 litre 
par seconde environ pendant toute l’année, c’est- 
à-dire de quoi satisfaire à l'alimentation de plus de 
250 Parisiens pendant plus d'un an. Mais Paris 
n'est pas l’un des lieux où il pleut le plus abon- 
damment. Dans les pays de montagne, la quantité 
d'eau tombée est souvent doublée. Nous savons 
qu'elle n’est pas toute absorbée par le sol. Dans les 
terrains argileux, les eaux de ruissellement entrai- 
nent la plus grande partie de l’eau de pluie. Les 
sables, les graviers, les grès, les calcaires, ete., 
donnent peu d’eau de ruissellement; la quantité 
de celle-ci, essentiellement variable, augmentera 
avec les grandes pluies où les averses, chaque 
fois que l’arrivée de l’eau sera supérieure à son ab- 
sorplion. Les terrains boisés, les cuvettes, en un 
mot, lout ce qui tend à entraver la libre circulation 
des eaux de ruissellement, laissent le temps à la 
terre de les absorber et d'en diminuer la quantité. 

Les études nombreuses faites sur l'évaporation 
de l’eau par les sols et les végétaux (celles de 
M. Dehérain entre autres) ont montré qu'ils étaient 
incapables d'utiliser une aussi grande quanlité 
d’eau. Il y a donc un excédent, variable suivant que 
les eaux de ruissellement sont plus ou moins 
abondantes, mais qu'on évalue en moyenne au 
liers des eaux tombées annuellement. 

Une certaine quantité de l’eau des pluies arrivera 
donc à la nappe souterraine qui tendra à s'écouler 
par les orifices spéciaux qui forment les sources. 

Comment se fait l’infiltration ? Dans les terrains 
sableux (sables, graviers, galets), l'eau trouve, 
à travers les innombrables interstices de ces sols, 
des chemins pour s'y infiltrer. 

Les grès et certaines craies s’imbibent d'eau sans 
pouvoir dépasser un certain taux d'humidité, au 
delà duquel toute arrivée d’eau par la partie supé- 
rieure est accompagnée de la mise en liberté d’une 


1008 


F. DIENERT — LES SOURCES DE LA CRAIE 


égale quantité de liquide par la parlie inférieure. 

Certains terrains ne sont perméables que parce 
qu'ils sont fissurés. Les calcaires sont dans ce cas. 
L'eau trouve passage à travers les fissures qu'elle 
parvient à agrandir par érosion et dissolution. On 
leur donne le nom de /ithoclases quand elles sont 
petites, de diaclases quand elles sont grandes. Les 
terrains fissurés sont souvent plus perméables que 


Fig. 1. — Coupe schématique montrant la formation 
d'une source d'affleurement A. 


les terrains meubles comme les sables, car, en 
s'engouffrant, l’eau rencontre moins de frottement 
et acquiert plus de vitesse. L'écoulement souter- 
rain de l’eau est plus abondant. 

Suivons ces eaux d'infiltration. Elles vont s'infil- 
trer dans le sol jusqu’au moment où, rencontrant 
une couche imperméable", elles se metlront à ruis- 
seler à sa surface. Les eaux de la nappe souter- 
raine sont donc des eaux de ruissellement pro- 
fondes. Comme ces dernières, elles vont suivre la 
pente générale de la couche imperméable(fig. 1). 

Supposons que la couche argileuse affleure en A 


Cheminée [par ou sont 
d'eau de] tæ 


Fig. 2. — Coupe schématique d'une source de thalweg et, 


en particulier, d'une source de la craie. 


au niveau du sol; il y aura,en ce point, une zone 
émissive ou de sources dites d’affleurement. 

Il peut quelquefois y avoir une zone émissive 
sans affleurement de couche imperméable. Les 


1 En terrains calcaires, il y a quelques exceptions à celte 
règle. Les belles recherches de M. A. Martel ont montré 
qu'il existait souterrainement de larges diaclases parcou- 
rues par de véritables rivières souterraines. Le lit de celles- 
ci est également formé de calcaire qu'elles n'ont encore pu 
entamer, A la longue, ces eaux arriveront à élargir une 
fissure dans leur lit, elles s'engageront plus profondément 
eu terre, et cela jusqu'au moment où elles pourront s'écouler 
sur une zone imperméable. 


sources de la craie, par exemple, sont formées par 
l'affleurement du niveau de la nappe souterrain 
ou niveau piézométrique avec le sol (fig. 2). Ces 
sources sont dites de {halweg. Nous verrons plu 
loin qu'elles sortent comme par une cheminées 
l'étude ‘ détaillée de ce genre de sources va nous 
retenir un cerlain temps. 


I. — NATURE DES SOURCES DE LA CRAIE. 


La craie est une roche qui s'imbibe légèrement, 
comme les grès. Elle forme surtout des terrains 
fissurés. Elle est friable, et l’eau peut l’attaquer 
assez facilement. En s’infiltrant, les pluies exercent 
sur elle une action mécanique de frottement pro- 
duisant l'érosion, qui élargira un certain nombre 
de fissures. 

Sous l'influence du temps, certaines lithoclases 
deviendront des diaclases. Les eaux circuleront de 
plus en plus facilement dans ces espaces, et un 
vérilable courant se dirigera vers les sources. 

Les eaux des rivières ou des ruisseaux pérennes 
de ces terrains produisent les mêmes effets avec 
plus d'intensité. Le sol devient une véritable pas- 
soire, ou bien il se forme une diaclase verticale, 
véritable cheminée capable d’engloutir d'énormes 
masses d’eau. Quelques-unes absorbent facilement 
200 à 300 litres d'eau à la seconde. On donne à ces 
trous le nom d'aven, de hétoire ou de gouflre sui- 
vant les régions. Ce sont, dans ces conditions, des 
béloires d'aflouillement. 

De vastes galeries sont creusées souterrainement 
par les eaux. Elles sont encore rares, celles que 
l'homme a pu rencontrer et explorer à l'intérieur 
de la craie. Récemment, M. Le Couppey en a 
exploré un certain nombre dans la région de la 
Vanne; la figure 3 représenie la coupe et le profil 
d'une caverne qu'il a explorée. Celle-ci est parcourue 
par un courant souterrain, el, comme dans les explo- 
ralions si connues de M. À. Martel, on est arrêlé 
brusquement parune chambre sans issue où l'eau 
s’engouffre pour rejoindre probablement une autre 
galerie plus profonde. 

Supposons que, pour une cause quelconque, le 
plafond de cette galerie ne soit pas assez solide 
pour supporter la charge du sol silué au-dessus, 
d'elle. Il y aura un effondrement, qui se manifestera 
souvent à la surface sous la forme d’un entonnoir 
plus ou moins ellipsoïdal ou arrondi. Ces entons= 
noirs prennent le nom de fosses ou de mardelles 
quand ils sont situés sur un plateau. Ils formenb 
des béloires dits d'effondrement quand, s'étant 


‘ Les courants souterrains que nous signalions à la note 
précédente peuvent également donner naissance à des 
sources quand la diaclase va rencontrer une faille qui la 
mettra à jour. Ces sources sont, néanmoins, assez rares. 


st in 


F. DIENERT — LES SOURCES DE LA CRAIE 


1009 


ormés dans la vallée, ils peuvent recevoir les eaux 
de ruissellement ou des ruisseaux. Les dimensions 
e ces mardelles sont très variables. Je citerai 
implement les deux plus grandes que je connaisse. 
lles se trouvent près d'Évreux, en amont de la 
commune de La Bonneville. Il y a la Fosse aux 
Terriers, dont le diamètre est de 40 mètres et la 
profondeur de 18, et le Champ Guérin, dont le 


Joureette 
12% cascade 
17 de haut 


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1% cascade 


2 de haut 


Lassage de 0735 060 de haut ! 


de haut au-dessus 


contour ellipsoïde a un grand axe d'environ 
100 mètres. Sa profondeur est de 18 mètres égale- 
ment. Ces mardelles imposent par leurs vastes 
dimensions. 

_ Ce ne sont pas là des propriétés exclusives aux 
terrains crétacés. Tous les calcaires sont suscep- 
tibles de ces affouillements et de ces effondrements. 
_ Les eaux de surface, pour alteindre la nappe 
souterraine, suivront loutes les calégories de fis- 
_sures qui se présenteront à elles : les lithoclases, 
les diaclases, les béloires et les mardelles. L'impor- 


7, Lt 
LL 
WW 7 


2% rapude 


variera avec leurs dimensions et les facilités que 
l'eau trouvera pour s’écouler. 

Les eaux de ruissellement arrivant dans les thal- 
wegs rencontreront les béloires qui les absorbent. 
Ces eaux ne suivent pas le chemin que nous indi- 
querons plus loin, c'est-à-dire ne rejoignent la mer 
que dans des conditions exceplionnelles, comme 
les fontes brusques de neige. L'eau ne pouvant 


Point d'arrivee de l'eau 


Chambre 
d ‘absorption 


1 
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Galerie 


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Chambre 
d'absorption 


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de profondeur / LL 
WW 
Fig. 3. — Puits et galcries de la Guinand (près Bœurs-en-Othe, Yonne), explorés par M. Le Couppey. 


-être entièrement bue par le sol, une partie arrive 
à trouver un lit peu perméable qui la conduit plus 
loin que la zone émissive, c'est-à-dire la zone des 
sources. 

La nappe soulerraine de la craie reçoit des 
quantités d'eau plus considérables que les sables. 
Les sources qui en sortent acquièrent également 
plus d'importance. Quand, dans les calculs, on 
admet que le tiers seulement des eaux de pluie 
arrive à la nappe, on reste bien au-dessous de la 


réalité. 


_ tance des volumes d'eau pris par chacune d'elles 


Nous connaissons maintenant les fissures qui 


1010 


F. DIENERT — LES SOURCES DE LA CRAIE 


conduisent l’eau à la nappe. Laissons pour l'instant 
de côté les phénomènes de purification et suivons 
l'eau à travers les fissures du sol. 

La nappe souterraine de la craie ‘ repose sur les 
argiles du Gault. L'épaisseur du Crélacé étant très 
considérable, la craie est imbibée d'eau sur une 
épaisseur dépassant quelquefois 400 mètres. Pour 
une surface de plusieurs dizaines de kilomètres 
carrés, on voit le volume d'eau énorme qu'emma- 
gasine la craie. 

En ne considérant que l'ensemble, cette nappe 
s'écoule selon l'inclinaison générale de l’assise 
argileuse ; mais, en examinant les détails, on s'aper- 
çoit qu'il n’en est pas toujours ainsi. 

Nous avons déjà rapporté plus haut l'exemple de 
la galerie de la Guinard, parcourue par un courant 
souterrain. On en connait deux autres plus anciens: 
le courant des Boscherons (Eure), ainsi que le 
courant du puits de Gaudreville (Eure), creusé 
par M. Ferray sur l'emplacement d’une mardelle. 
Tous ces courants communiquent avec des sources, 
comme le démontrent les expériences à la fluo- 
rescéine. 

L’acide carbonique qui se dégage dans certains 
cas contribue à l'agrandissement de ces galeries. 
En Normandie, on dit qu'un puits est pouf quand 
il renferme beaucoup d'acide carbonique. Les puits 
ne sont poufs qu'à certaines époques. Le puits des 
Boscherons, au fond duquel on trouve le courant, 
est rempli d'acide carbonique au mois de juin. 
Le séjour au fond est rendu impossible, les bougies 
ne brûlant plus. Au bout de deux mois, l'aération se 
rélablit. Voici l'explication de ce phénomène : La 
craie est formée de carbonale de chaux, et par 
places elle doit renfermer des bicarbonates. Ceux-ci 
se décomposent, laissant dégager de l'acide car- 
bonique, qui trouve dans la galerie du courant un 
écoulement facile. Au moment des hautes eaux, 
ce gaz n'a plus un dégagement aussi facile, car 
le puits se remplit d'eau; il se forme, à un endroit 
différent plus proche du puits, des bicarbonates? 
qui se redécomposeront au moment où les eaux 
baisseront, c'est-à-dire au mois de juin et don- 
neront un dégagement de CO* abondant quand la 
pression exercée par l’eau diminuera. Au bout de 
quelques mois, le dégagement gazeux se régularise 
et n'est plus assez abondant pour empêcher la 
bougie de brûler. 


1 La craie, prise comme un tout, est, en réalité, formée 
de quatre couches géologiques distinctes : Le Cénomanien, le 
Turouien, le Senonien el le Danien ou craie pisolithique. 
Les sources de l'Avre sortent du Turonien, celles de la 
Vanne et de la vallée du Loing et du Lunain sortent du 
Sénonien. 

* Les expériences de M. Schlæsing ont démontré que la 
décomposition des bicarbonates était une réaction rever- 
Sible, fonction de la pression de GO*. 


La craie, comme lout calcaire, oppose des ré- 
sistances très inégales à la dissolution. Le cas d 
courant de la Guinand, qui se termine par une” 
chambre où l’on voit l'eau se perdre par le fond, 
montre neltement que l'eau a trouvé dans une 
autre direction la craie la plus friable et la plus 
facile à entamer. 

Pour les diaclases plus petites, on peut faire la 
mème observalion. Ainsi, à cerlaines places, les 
puits sont alimentés par de larges fissures, l’eau 
se renouvelle facilement et la température de ces 
eaux est voisine de celle des sources siluées aux 
environs”. À d'autres places, les puits sont ali- 
mentés par des larmes, comme disent les puisa- 
tiers, c’est-à-dire par de très fines fissures. Ceci 
ne veut nullement prétendre qu'en creusant 
plus profondément on n’arriverait pas à une forte 
diaclase. Nous sommes persuadé du contraire, 
comme nous avons pu nous en rendre comple 
dans la région du Lunain. 

En résumé, la direclion des courants souterrains, 
tout en suivant approximalivement une direction 
dans le sens de la pente des couches des argiles de 
la base, dépend surtout de la résistance de la craie. 
Il arrivera qu'un courant prenne la direction O.-E. 
quand l'inclinaison de couche est nettement S.-N. 

La connaissance des principaux courants à une 
importance de tout premier ordre, car c'est surlout 
par eux que les sources peuvent être contaminées. 

La présence des mardelles, leur disposition par 
rapport aux sources, peuvent êlre utiles du moment 
qu'elles sont la manifestation superficielle des cou- 
rants souterrains. Mais il n'y en a pas partout. 
Quand le plateau est trop élevé, il est souvent 
impossible d'en découvrir. Les effondrements, s'il 
y en à, restent invisibles aux êlres humains. 

Un autre moyen pourrait également nous ren- 
seigner sur ladirection des courants : l'étude des 
niveaux piézométriques, faite en notant l'allitude 
de l’eau dans les différents puits à une époque 
donnée. 

L'eau s'écoulant ne peut que se diriger vers un 
point plus bas de la nappe. Si l'abaissement de la 
nappe est rapide, le courant le sera également. Si 
done on trace sur une carte des lignes reliant 
entre eux les puits dont le niveau de l’eau est à la 
même allitude, nous pourrons dire quil y a un 
courant là où les courbes sont le plus rapprochées. 


1 En étudiant l’alcalinité des puits de la région de l'Avre 
et en supprimant tous ceux qui recoivent de la surface des 
eaux riches en calcaire et en chlore, comme les eaux de 
fumiers (le dosage du chlore permet de faire cette élimi- 
nation), on peut reconnaitre que souvent les puits dont les 
eaux sont peu alcalines se trouvent groupés ensemble. 
L'alcalinité de l'eau peut servir à apprécier approximati- 
vement les diaclases qui alimentent un puits, la quantité 
de CaO étant d'autant plus grande que les fissures sont 
plus petites. 


F. DIENERT — LES SOURCES DE LA CRAIE 


IO{L 


Malheureusement, les puits n'atleignent que la 
partie supérieure de la nappe; les courants princi- 
aux peuvent être plus profonds et échapper ainsi 
à notre élude. IL faudrait pouvoir creuser les puits 
e 20 à 30 mètres dans la nappe. On serait certain 
d'avoir le niveau piézométrique réel, le seul inté- 
ressant pour la recherche des courants, car on 
aurait pu entamer la diaclase profonde si elle existe 
à l'endroit du puits. Malheureusement, au point de 
vue pécuniaire, ce serait une opération onéreuse. 
Le niveau piézométrique, tel qu'on peut le déter- 
miner, ne rend guère de services que si l'on examine 
d'allure générale des courbes. On peut alors savoir 
si une surface donnée concourt à l'alimentation 
d'une source à éludier ; mais, quant à déterminer, 
par ce moyen, aux environs de plusieurs sources, 
es parties qui alimentent une source donnée, il 
faut y renoncer, les puits examinés ne donnant 
qu'un niveau fictif, qui peut monter si l’on vient à 
les approfondir. 

Nous indiquerons plus loin comment, dans cer- 
{ains cas, on peut arriver à connaitre approxima- 
livement la direction de ces courants quand les 
moyens que nous venons de relaler font défaut. 

Qu'il suffise de retenir, pour le moment, qu'il 
existe souterrainement des diaclases formant quel- 
quefois de grandes galeries qui vont drainer les 
eaux el les amener aux sources. 

Rien ne peut, en effet, faire mieux comprendre la 
circulation de l'eau dans ces terrains fissurés que 
-la disposition d’un drainage. Dans les deux cas, le 
but à atteindre est identique : l'assainissement du 
sol, sa non-saturation par l’eau; c'est la Nature qui 
a agi dans l’un des cas, c’est l'homme dans l'autre. 

Pour des raisons économiques et techniques, 
l'homme dispose les drains suivant des règles don- 
nées, à des profondeurs uniformes. On recherche 
les lignes de plus grande pente pour y disposer les 
canaux collecteurs, la sorlie de ceux-ci pouvant 
être comparée à une source. 

La Nature a ulilisé les parties les plus faciles à 
entamer. Les canaux collecteurs sont souvent nom- 
breux, placés à des profondeurs variables, non en 
ligne droite, avec des solutions de continuité quand 
- la roche leur opposait une trop grande résistance. 
> Les grosses diaclases, à l'intérieur desquelles on 
trouve les vilesses les plus grandes, drainent les 
plus pelites en raison même du principe d'hydrau- 
lique qui veut que l'abaissement du niveau piézo- 
métrique soit d'autant plus grand que la vitesse du 
courant est plus forte. Cel abaissement de niveau 
“fait affluer l’eau des niveaux plus élevés. C’est, du 
reste, sur ce principe que reposent les trompes 

Les exemples des quelques galeries souterraines 
qu on connait dans la craie, l'assimilation du dépla- 
cement de la nappe à un vaste drainage donnent 


une idée de la circulation souterraine de ces ler- 
rains. 

Les eaux d'infiltration arrivant à la nappe, puis 
aux sources, ne prennent pas toutes des chemins 
aussi faciles. Le lemps de leur apparilion aux 
sources sera très variable. Trouvant de fines fis- 
sures, il leur faudra plus de temps qu'à travers une 
galerie. Les décantalions qui se produisent purifient 
ces eaux; mais, comme elles n’ont lieu que lente- 
ment, ne seront bien décantées que les eaux arrivant 
avec une très faible vitesse. L'importance de la 
connaissance des courants principaux se présente 
pour la première fois dans le cours de cette étude. 
Elle va être l’objet de nos conslantes préoccupa- 
tions. 

L'épaisseur considérable de la craie fait que le 
niveau piézométrique de la nappe coupe le sol en 
plusieurs endroits (fig. 4). Le schéma que nous 


Fig. 4. — Coupe schématique montrant la succession des 
zones émissives dans les terrains crayeux. 


avons tracé montre la succession de zones émis- 
sives plus ou moins étendues selon la configuralion 
du sol. 

C'est toujours par un phénomène d'érosion que 
l’eau de la diaclase s’est fait jour. Une fissure s'est 
agrandie verticalement et a formé une cheminée. 

Existe-t-il bien une diaclase alimentant les 
sources? Si l'on trouve des courants et des galeries 
dans la craie, tout porte à croire qu’il y a des dia- 
clases assez grandes alimentant les sources. On 
peut se convaincre de leur existence en visitant les 
travaux de captage exécutés par la Ville de Paris 
dans la vallée du Lunain. Sur les conseils de M. l’in- 
génieur des mines Janet, on a été prendre les eaux 
dans leur gisement naturel, comme il esf preserit de 
le faire quand il s’agit d'eaux minérales. Pour deux 
sources, on à foré jusqu'à la craie de grands puits 
bétonnés sur les parois et ayant l'un 4 mètres envi- 
ron de diamètre et 9 de profondeur, l’autre 3250 
de diamètre et 11 de profondeur. On est arrivé, dans 
les deux cas, à rencontrer une cassure assez grande 
de la craie par où l’eau arrivait principalement. On 
l'apercoit facilement à travers la colonne d’eau 
claire du puits. 


1012 


Notre comparaison de la circulation des eaux sou- 
terraines à des drains et des sources à la sorlie de 
l’eau d’un collecteur, se trouve justifiée. 

Le débit des sources sera très variable, tout 
comme le débit des collecteurs de drainage. En 
période pluvieuse, l'élévation des eaux de la nappe 
augmentera la charge d'eau aux sources. Le débit 
augmente en mème temps qu'un certain approvi- 
sionnement d'eau s'accumule dans le sol. En été, le 
niveau baissera et quelquefois la source deviendra 
béloire si le niveau piézométrique descend au- 
dessous du niveau du sol. Les sources hautes, 
c'est-à-dire situées dans la partie amont de la zone 
émissive, tariront généralement les premières. 

Quelquefois, il n'en est cependant pas ainsi. Des 
sources siluées au milieu de la zone émissive tar- 
rissent et divisent celle-ci en deux zones différentes 
en été. Nous avons constaté ce phénomène dans la 
vallée du Betz, affluent du Loing. 

Le moment est venu d'apporter une démonstra- 
tion de la communication réelle des eaux de 
béloire avec les sources. 
II. — EXPÉRIENCES AVEC LES MATIÈRES COLORANTES. 

Dans l'impossibilité de suivre sous terre les 
divers cours d’eau qui existent, on à imaginé, 
depuis près de trente ans, une méthode très simple 
pour savoir où se rendent les eaux qui se perdent. 
On a coloré ces eaux au moyen de couleurs déri- 
vées de la houille, et, parmi celles-ci, la fluorescéine 
a donné les meilleurs résultats. 

[Il ne faut pas chercher à déterminer par ce 
moyen la limite extrème du périmètre d'alimen- 
tation des sources. Il peut y avoir des diaclases pro- 
fondes drainant des eaux avant séjourné assez 
longtemps dans la nappe. Ces eaux, plus riches en 
chaux et plus pures, sortent quelquefois, non dans 
la zone émissive voisine, mais dans une zone émis- 
sive inférieure. Ces diaclases ne sont pas les plus 
dangereuses, du moment que leurs eaux ont acquis 
par décantalion une purilicalion suffisante. Ce qu'il 
est utile de connaître, c'est la direction que 
prennent ces courants superficiels qui drainent les 
eaux de surface s’engouffrant dans les bétoires. Le 
périmètre qu'on déterminera ainsi formera une 
zone dangeteuse, indispensable à surveiller étroi- 
tement. Il est quelquefois nécessaire de suivre ces 
eaux dans une zone émissive voisine pour recher- 
cher les limites du périmèlre dangereux. Une 
expérience récente, que j'ai faite dans la vallée de 
Belz, affluent du Loing, avec l’aide toute dévouée 
et intelligente de mon collaborateur M. Guillerd, 
ingénieur agronome, a montré que l'eau engouf- 
frée dans un bétoire situé à 1 kilomètre seulement 
de sources réapparaissait encore à 9 kilomètres 


F. DIENERT — LES SOURCES DE LA CRAIE 


de là dans une zone émissive inférieure. Bien 
entendu, l'intensité de la coloration allait en dimi= 
nuant de la partie amont vers la partie aval. 

La direction du courant indiquée par la fluores-= 
céine n'implique pas une généralisation du résultab 
aux diaclases voisines, la dureté de la craie étant 
chose essentiellement variable, comme nous l'avons 
vu plus haut. 

La fluorescéine se décèle dans les eaux très 
facilement, Au moyen du /uoroscope inventé par 
M. Trillat, on arrive à la retrouver dans des dilu- 
tions très faibles : un dix-milliardième environ. 

L'instrument employé se compose de deux tubes 
en cristal aussi homogène que possible et fermés 
à leur partie inférieure par un bouchon noirci.M 
Dans l’un de ces tubes, on introduit l'eau témoin 
exempte de fluorescéine; dans l’autre, l’eau à exa- 
miner. S'il y a de la fluorescéine, l’eau se projelte 
en bleu verdàtre tandis que l’eau témoin est bleu 
foncé. 

Toutes les fluorescéines n'ont pas le même pou- 
voir colorant. M. Marboutin a eu l’occasion d'exa=" 
miner un grand nombre d'espèces de fluorescéine 
pour lesquelles la sensibilité au fluoroscope était 
très variable. La fluorescéine en poudre est la plus 
mauvaise. Le fabricant est obligé, pour la mainte- 
nir sous cet élat, de la mélanger avec des matières” 
inertes comme l'amidon ou le sulfate de soude. 

L'introduction de la fluorescéine varie suivant 
les circonstances : 

Ou bien le bétoire est isolé. L'eau qui y arrive 
s'engouffre entièrement. On introduit la fluores- 
céine dans le trou, en plusieurs heures, de façon 
à colorer un grand volume d’eau. Ou bien le bétoire 
n'absorbe pas l’eau entièrement et se trouve noyé. 
Si c'est un petit ruisseau, on peut, au moyen de 
digues, l'isoler, et on est conduit au cas d’un bétoire » 
isolé. Si c'est un fleuve ou une grande rivière, il faut, 
comme, en 4877, M. Trinck fut obligé de le faire 
pour les sources d’Aach, en communicalion avec 
le Danube, jeter une grande quantité de matière 
colorante dans la rivière. S'absorbe ce qui peut 
être pris. L'expérience a réussi à M. Trink et plus 
récemment à M. Marboutin. Il est nécessaire, néan- 
moins, d'avoir des perles sensibles, sinon la fluo= 
rescéine, arrivant trop diluée, peut échapper à 
l'observaleur. | 

Dans un puils ou un béloire ne recevant pas 
d'eau, on verse la fluorescéine et on chasse la 
matière colorante dans la élevant le 
niveau piézométrique par l'arrivée d'eau qu'on 
pompe au cours d’eau le plus proche ‘, 4 


nappe en 


4 La conduite d’une expérience avec la fluorescéine de- 
mande beaucoup d'attention. Il faut procéder avec méthode 
et employer un personnel auxiliaire assez nombreux. La 
fluorescéine jetée, le but principal à observer est les 


nn 


F. DIENERT — LES SOURCES DE LA CRAIE 


1013 


- Nous avons adopté la règle suivante dans l'in- 


troduclion de la fluorescéine : 2 kilos de matière 
colorante pour un débit des sources de 1"° à la se- 
conde, quand le béloire est à 8 ou 10 kilomètres 
des sources. Nous augmentons celte quantité’ avec 


la distance et le débit. 


L'emploi de grandes quantités de couleur n'a 


de recueillir de l’eau verte à son robinet. Pour les 
sources non captées, il n'y à aucun inconvénient, 
même aux endroits où sont installés des lavoirs. 
Les habilants se persuadent rapidement que le 
linge ne se tache pas et cette couleur les diverlil 
très fort. Il est même ulile, quelquefois, de verser 
beaucoup de fluorescéine. Certaines sources, rece- 


Légende 
Jources … —__. A (nes 
:| Bctoires et betoires souces @ 
Mardelles.. _..... w | aw commencement de 
—— || Juin 1899 révèle des 


. a | LA ï 
Lit perm® ou erevasse’ = | cas de fièvre typhoide 


| Zays où d'engquete fiate — 


Lit imperméable 


Hares Blot 


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Tom | anne 

_ — —_ 

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de 


1" Hôme _Chaumondot 
2m <haumeoncot 


\ 
Myra Bluct 
69 : La Chap eo 
Bét® du Souci de 


Charvigny 


=. 


® du Nouvet 
© des Taies 


Armentières 
/ 
[Bois à 
1 
</Rohaire 


\ | -Forli 


SA à Cimetiére 
Y/Sce de Lamblore 


ornemans 5 pue Hautefeuitle = Fhris 


Fig. 5. — Sources, bétoires et mardelles des bassins de l'Avre et de la Vigne. 


d'inconvénients que pour les sources captées ser- 
vant à l'alimentation des villes. Il est désagréable 


sources. Dans la craie, les expériences effectuées jusqu'ic! 


n'ont pas accusé de vitesses de courant, calculées d’après 
la distance en ligne droite du bétoire aux sources, supé- 
rieures à 330 mètres à l'heure et dans des régions {rès riches 
en mardelles. On fait le plus généralement commencer 
l'observation des sources en calculant la vitesse du courant 
égale à 205 mètres à l'heure. Par surcroit de précautions, 
avant de faire effectuer les prises régulièrement, on demande 
à quelques personnes de regarder en passant la couleur des 
sources quand elles ont l'occasion d'aller de leur côté. Avec 
uvue vitesse supérieure à 200 mètres, la fluorescéine serait 
visible à l'œil nu quand on en emploie des quantités assez 
grandes. 

D'autre part, les vitesses varient avec les sources. Ces chan- 
gements, qui peuvent être considérables (la vitesse peut 
varier comme 1 à 3), ne doivent pas être ignorés de l'expé- 
rimentateur, qui s’en méfie. Eutre le bétoire et les sources, 
on observe les puits. Il arrive quelquefois de les colorer; 
Mais ce cas est rare. Si on a celte bonne fortune, ce sont 
des points de repère précieux, qu'il ne faut pas négliger. 

1 Cette quantité paraitra considérable à quelques expéri- 


vant une grande quantité de ces eaux de bétoire, 
prennent la plus grande partie de la couleur. Le res- 
tant se dilue beaucoup et peut échapper au fluoro- 
scope. La carte de la région de l’Avre (fig. 5) montre 
l'emplacement des bétoires, des sources, et des 


mentateurs qui ont préconisé les petites quantités afin 
de s'éviter les récriminations, toujours désagréables, des pro- 
priétaires dont les puits seraient colorés. M. Marboutin, qui, 
en wars et avril 1900, a fait deux expériences à la fluores- 
céine dans la région de l’Avre, craignait de colorer à peu 
près tous les puits et avait introduit environ cinq fois moins 
de fluorescéine que nous. Les résultats de ses expériences 
semblaient confirmer ses craintes. Cet expérimeutateur 
trouva un {rès grand nombre de puits colorés, ce qui lui 
permit de tracer les courbes dites isochronochromatiques, 
c'est-à-dire des lignes passant par les puits colorés à la 
même heure. L'avantage de ces courbes était très grand. 
On pouvait connaitre la direction générale des courants, 
ceux-ci se manifestant aux endroits qui se coloraient le 
plus rapidement. Malheureusement, ces résultats, tout inté- 
ressants qu'ils puissent être, n'ont pu être retrouvés par 
nous. Nous croyons que cette divergence dans les conclusions 


101% 


F. DIENERT — LES SOURCES DE LA CRAIE 


mardelles. Les sources se trouvent aux environs 
de Rueil et de Verneuil. Elles sont indiquées par 
des ronds noirs €. 

L'examen des mardelles ne nous donne, sur cette | 


Les expériences à la fluorescéine exécutées dans 


la région ont donné les résultats du Tableau I. 


Les béloires sont en relalion avec des courants 
qui ne communiquent pas avec toutes les sources. 


TaBLeau |. — Expériences sur les communications des bétoires avec les sources. 


| VITESSE 
| NUMÉRO calculée à 
du bétoire ÉPOQUE L l'heure 
PRSCANGe BÉTOIRES SOURCES ATTEINTES (distance prise 
indiqué sur de l'expérience en ligne droite 
| la carte du bétoire 
à la source) 
mètres 
L Juillet 1900. . ChennebTUN Ne MES - = eee Toutes les sources de Rueil. 133 
Groupe du Nouvet ete 
| S. des Ho s. à 
9 : ; ES D.1des raviers. 5 
2 Juillet 1900, . BOISSY-le-SEC- en. - CENSURE ET 2 133 
S. de Launai . 3 
S. des Trois- Mulets. 
\ SE au Trou-d'eau . 158 
ns Q , Re S. de la Rivière. . 158 
3 Septembre 1900 MoruITers RER Rr. Loan AiT 
R S. des Trois-Mulets. 147 
{ Octobre 1900. Bétoire de la Vallée, près de Normanlel.l Toutrs les sources de Rueil. 84 
(A dnone DS. 120 
se G. du Nouvet. 115 
5 Décembre 1000, ; Le Per bereene (sur l'Avre, en aval de) &° 4e Foisys et Risrel 113 
Séint-Viclor) . + : +. . 0 QE de Pod à 108 
S. de Launai et Trois-Mulets. 124 
S:d'Erigny.. 2. 81 
\ G. du Nouvet. . 14 
6 Janvier 1901. . . .| Souci, près de Moussonvilliers . . S. des Foisys et Rivière. 80 
S. de Launai . . . ë 18 
: S. des Trois-Mulels : 18 
G. du Nouvet. 138 
| 1 Mars. 1901 . . . . .| Sorel (rue de Lépinai). . S. des Graviers. 138 
| S. de Launai et Trois- Mulets. 138 
Side tlamRiviere cer 2 208 
8 Avril 1901 . Boullay-Sainte-Claire . . . . : SAM ETONeAUE ne 
S. des Trois-Mulets. 208 
: GATUANOUVEL A0 131 
S: d'Erigny- . . : 133 
4 Mai 1901. . . . . .| R. Sainte-Nicolle (bétoire de la vallé2) .< S. des Foisys et Rivière . 133 
S. des Graviers. . . 133 
S. de L ai et Trois- Mulets. 133 
SAGOnOrTEE PE Jar 6! 
9 Juin 1901 ROREITE MA RENE S. Poelay. . . 61 
Toutes les sources de Rueil. 6! 
| 


carte, aucune indication précise de la direction des 
courants se dirigeant vers les sources. 


En allant du bord droit du bassin au bord gauche, 
on constate qu'il y a : 


lient à ce qu'étant au début de ses travaux, cet expérimenta- 
teur ignorait encore qu'un certain nombre de puits, qu'il 
pensait avoir colorés, l’étaient déjà préalablement en vert 
par suite des infiltrations de fumier, etc., ce qui peut trom- 
per le premier venu. Pour quelques puits, cette teinte n’a lieu 
qu'à certaines heures, le matin par exemple, sans qu'on ait 
pu connaître exactement la cause de ce changement. 

La sensibilité dela fluorescéine, dans ces eaux, est générale- 
ment moindre. La couleur même de l'eau colorée varie chez 
quelques-uns. Une teinte légèrement jaune sale remplace la 
teinte bleu verdâtre. Nous avons souvent adjoint aux deux 
tubes du fluoroscope un troisième tube qui recevait de 
l'eau témoin avec 2 gouttes d'une solution de fluorescéine 
donnant le milliardième. C'était le tube de comparaison. 

Quelques-uns des puits colorés ne sont alimentés que par 
de fines diaclases, comme les expériences suivantes ont pu 
le démontrer. Après avoir déterminé le volume d'eau se 
trouvant dans le puits, nous y versions le soir une quantité 
déterminée de fluorescéine, de façon à avoir à peu près la 


dilution de 1/500.000.000.On prélevait un échantillon, on fai- 


sait des prises trois fois dans la nuit. Le matin, on se ren- 
dait compte de la disparition de la fluorescéine. Quelques- 
uns de ces puits sont restés colorés plus de huit jours. 
Nous avions eu soin d'opérer la nuit pour éviter les prises 
d'eau faites pour les besoins de la ferme et qui auraient 
troublé les résultats. 

Toutes ces expériences ne seraient pas convaincantes si 
une expérience décisive n'avait amené nos convictions. Une 
expérience faite l'an dernier à Boissy-le-Sec (voir la carte), 
dans un bétoire, avait donné comme vitesse moyenne 133 mè- 
tres à l'heure ; une autre, faite au bétoire du Souci, à peu 
près 80 mètres; à celui de Sorel, 135 mètres à l'heure ; à 
celui de la Lambergerie, 110 mètres à l'heure, tandis que 
celle exécutée à Rohaire, situé au milieu d'eux, n'a donné 
qu'une vitesse moyenne de 68 mètres. Ce temps considérable 
s'est manifesté aussi bien pour les sources de Rueil-la- 
Gadelière que pour celles de Poelay et de Gonord. En période 
sèche, les sources de Rueil sont seules atteintes. Il faut à 
peu près autant de temps à la fluorescéine pour aller du 
Souci aux sources, que de Rohaire aux sources. L'hypothèse 


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1° À droite, une région communiquant avec 
es sources Rivière, Trou-d'eau et Launai-Trois- 
Mulets ; 
- 2° Au milieu, une région communiquant avec 
outes les sources de Rueil; 

3° À gauche, une région communiquant avec 
Erigny, le groupe du Nouvet et Foisys. 

Dans l'expérience de la Lambergerie, la source 
des Graviers, située cependant entre le Foisys et le 
groupe du Nouvet, n’a pas élé atteinte. 

Les sources du Breuil et de La Valette n’ont ja- 
mais été colorées; elles ne recoivent done pas d’eau 
des bétoires expérimentés. Il y a lieu de supposer 
que les communications entre les différentes vallées 
où circulent les ruisseaux se font surtout dans les 
régions des mardelles. Le renseignement est peut- 
êlre un peu flottant, mais suflisant, et on peut, en 
alliant les expériences à la fluorescéine et l'em- 

lacement de ces effondrements, avoir un ensemble 
du régime souterrain de la région. 

Nous avons cherché à savoir si une source taris- 
ant l'été, la source Gonord, était en relation avec 
d'autres sources. Au moyen de fluorescéine, il nous 

été facile de le savoir. À ce moment, la source de 
Poelay ne coulait pas; mais, au moyen de la pompe 
élévaloire de la ville de Verneuil, on pouvait y pui- 
ser à peu près 3 litres d’eau à la seconde. Pendant 
quatre jours, on ne puisa pas d’eau à la source de 

Poelay et, malgré la distance très faible (2 kil. 4) 
qui sépare cetle source de la source Gonord, on 
ne retrouva pas de coloration. Au bout de ce 
temps, la ville de Verneuil ayant besoin d'eau, pré- 
leva 3 lilres à la seconde, et le lendemain elle 
était colorée. La diaclase qui fail communiquer ces 
deux sources reste donc absolument sans commu- 
nication avec d'autres émergences !. 

La source du Breuil n’a donc aucune communi- 
Calion avec la source Gonord ni celle de Poelay. 
Dans aucune de nos expériences, elles ne furent 
colorées. 


de diaclases distinctes de celles communiquant avec le 
béloire du Souci ou celui de Boissy, semble mieux répondre 
aux résullats de nos expériences. 

D'autre part, cetle expérience a été effectuée avec une 
grande quantité de fluorescéiue (6 kil.\ pour un bétoire situé 
-à 10 kilomètres des sources. Aucun des puits n'a été coloré. 

Nous avons encore jelé de la fluorescéine dans le puits de 
Ja mairie du Verneuil, et nous en avons chassé la couleur en 
faisant arriver de l’eau pendant un mois consécutif, la 
durée d'écoulement élant de deux heures par jour. Cette 
couleur, n'ayant pas rencontré immédiatement de diaclases 
- assez fortes, n’a pu étre retrouvée dans aucune source. 

Malgré toute l'habileté de M. Marboutin, nous considérons 
comme non démontrée l'existence des courbes isochrono- 

Vonromatiques. Dans la vallée de l'Iton, nous avons eu des 
. puits bien colorés. Mais jamais ils n'ont pu être en assez 
grand nombre pour y tracer de telles courbes. 

1 Dans une de ses expériences, M. Marboutin a trouvé la 


Des expériences à la fluorescéine on peut dire : 

1° Que, dans la majorité des cas, ce sont les 
sources hautes qui, dans une zone émissive, recoi- 
vent la plus grande quantité de la fluorescéine ; 

2° Que certaines sources, même éloignées, peu- 
vent communiquer entre elles. Les expériences 
faites dans la région de l’Avre montrent bien, par 
leurs résultats, des communications nombreuses 
entre les diverses sources ; 

3° D'après des expériences faites dans d’autres 
régions, la vitesse de la fluorescéine a varié de 
25 mètres à 330 mètres à l'heure. Seules des diaclases 
peuvent être parcourues par de tels courants. Dans 
la région de l’Avre, leurs directions peuvent être 
connues approximativement._ Les sources sont bien 
groupées et les diaclases principales se dirigent 
des béloires vers Rueil, en hiver vers Verneuil 
également; 

4 La fluorescéire ne reparait pas entièrement 
aux sources. On constate loujours une perte, qui 
est souvent importante et qui, dans une expérience, 
a atteint les 9/10. 

La valeur de cette perte dépend d'une série de 
facteurs, qui sont : la saison, l'arrivée continue ou 
intermittente de l’eau, l’élat de la nappe souter- 
raine. Chaque béloire a, à ce point de vue, une 
valeur qui lui est propre. 

L'arrivée continue de liquide produit une chasse 
d'eau qui la force à rechercher le passage le plus 
facile, c’est-à-dire des bétoires. L'arrivée inter- 
miltente! permet à l’eau de s'écouler à travers 
toutes les fissures. Comme à lravers les pelites 
diaclases l'écoulement sera plus lent, la fluores- 
céine aura le lemps de perdre sa coloration et 
n'apparaîtra plus aux sources. 


III. — EXPÉRIENCES A LA LEVURE DE BIÈRE. 


La fluorescéine a des avantages nombreux; mais 
elle a aussi quelques inconvénients. Etant soluble, 
elle passe partout, même à travers les sables, les 
graviers. Elle ne donnera aucun renseignement 
sur l’épuralion des eaux dans le sol. 

M. Miquel a préconisé l’emploi des cellules 
vivantes, et en particulier des levures, pour recher- 
cher si la filtration des eaux élait suffisante. 

D'autre part, quand les fissures sont trop petites, 
la fluorescéine ne peut être employée. Elle se dilue- 
rait trop et échapperail à l’expérimentateur. Au 
contraire, la levure se faufile facilement à travers 
ces lithoclases (elle passe bien à travers certains 
sables) et, drainée par les diaclases, arrive aux 
sources. 


1 Cette arrivée intermittente correspond à celle de l’eau 


Source Gonord colorée et Poelay non colorée. Résultat | des pluies qui forment un ruisseau temporaire de faible 


_ impossible d'après cette expérience. 


| 
Ë 


"4 


durée. 


1016 


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in employant ces cellules, j'ai pu démontrer la 
communication de parties de ruisseaux dont l’ab- 
sorption sur 4 mètre carré n'élait pas de 0100 à 
la seconde. 

Leur multiplication est facilitée en mélangeant 
la levure à du sucre. La fermentation qui s'établit 
gonfle les cellules de glycogène qui leur permettra 
de végéter suffisamment dans le sol. 

La recherche des levures se fait aux sources. On 
ensemence l'eau dans du bouillon légèrement acide, 
comme M. Miquel l’a indiqué, de façon à empé- 
cher les ferments lactiques de se développer trop 
vite. 

Dans tous les endroits où la fluorescéine a donné 
des résultats, la levure de bière en a également 
fourni. Avec les quantilés considérables (10 à 
50 kilos) qu'on emploie, on ne peut conclure de 
leur présence aux sources que le sol ne pratique 
pas une purification parlielle de ces eaux de 
béloires. 

Comme les fermentations sont plus ou moins 
actives, nous pensons qu'une fermentation aclive 
obtenue dans les ballons de culture indique une 
communication facile sans filtration aucune. Au 
contraire, les fermentations peu actives sont dues 
à une difficulté rencontrée par les cellules dans 
leur voyage souterrain. 


IV. — PURIFICATION DES EAUX SOUTERRAINES. DES 
DIFFÉRENTES SOURCES DE LA CRAIE AU POINT DE 
VUE HYGIÉNIQE. 


Nous avons déjà indiqué que les lithoclases, 
opposant une résistance considérable au mouve- 
ment de l'eau, permettaient à celle-ci de se dé- 
pouiller par décantalion des nombreuses impuretés 
qu'elle entraine dans son infiltration. 

Un bétoire, au point de vue hygiénique, repré- 
sente l'élément nocif par excellence. Il le sera 
d'autant plus qu'il absorbera plus d'eau, et que 
celle-ci aura recueilli les déjections humaines ou 
l'eau des lavoirs. 

Les eaux des terrains boisés peuvent s'infillrer 
dans le sol; elles n'y apportent que rarement un 
germe dangereux. 

Les eaux des béloires peuvent être plus dange- 
reuses en été qu'en hiver. Il existe, en effet, des 
lavoirs qui vident leurs eaux usées tous les huit ou 
quinze jours, eaux qui s'éliminent généralement 
dans les bétoires. Ce sont elles qui peuvent être le 
véhicule des germes typhiques. Les eaux des lavoirs 
sont de magnifiques bouillons de culture et, par la 
quantité de microbes qu'elles contiennent, elles 
peuvent entrer en comparaison avec la masse de 
levure employée dans nos expériences. 


Les eaux de certaines sources de la craie ne sont | 


la région de l'Avre, des appareils spéciaux permet 
tant la mesure quolidienne du débit des source 
et des ruisseaux de 


la région amont qui Ni 
s'infiltrent dans le 210 
sol. 100 
Nous avons uli- 0 
lisé les résultats ob- state PR. so 
lenus pendant les 
mois de novembre Au 
1900 et juillet 1901 1900 
et nous avons tracé 900 
les courbes compa- 800 
ralives du débit des Es Tes Re SE 
sources et celui des Fig. 6. — Débit des ruisseaux qui 


ruisseaux. (Fig. 6 
et 7)°. 

Au mois de novembre, les eaux commencent à 
remonter. Les ruisseaux augmentent de débit, les 
sources beaucoup moins. 

Au mois de juillet au contraire, et nous pouvons 
ajouter le mois d'août, les sources baissent régu- 
lièrement, les ruis- 


s'infiltrent dans les béloires. 


seaux ont approxi- 
malivement le mé- 
me débit. 

Dans ces. deux ; 

: à SOS MZOM2HA0 
exemples, le rap- Novembre 1900 
port des eaux dis ho 
parues en amont 0 
des sources el de 

Ja 1400 
ces dernières est 

\ 1300 
nviron de — si 
AD 10 1200 EE EE 
l’on ne suppose au- 00 

rte. 
cune pe ee rl 

Leseaux dessour- 

k À 900 lee | 
ces sont done com- 

LT WU 800 
posées de deux par ne 
lies distinctes au Juillet 1900 
point de vue de la Fig. 1. — Débit des sources. 


pureté : 

1° Une quantité à d'eau provenant des bétoires 
et qui arrive aux sources avec la fluorescéine 
introduite : ce sont les eaux dangereuses. 

2 Une quantité D d'eau ayant séjourné un 
temps plus ou moins long dans la nappe, et qui ne 
sort aux sources qu'après s'être dépouillée de la 
plus grande partie de ses impuretés. Ce sont les 


‘ On a pris les débits moyens d'une période de cinq 
jours, de facon à éliminer les sauts brusques du débit des 
ruisseaux, sauls dus à la marche intermittente des moulins. 


F. DIENERT — LES SOURCES DE LA GRAIE 


1017 


lus pures ; elles fürment la majorité des eaux de 
a craie. 

- La valeur d'une source dépend donc du rapport 
BU 
a+ D 
— 0, c'est-à-dire quand il n'y arrive que des 
eaux de bétoire. La valeur de à croit avec le nom- 
bre des bétoires, qui varie avec l'hiver et l'été. 
Nous avons vu, en effet, qu'en saison pluvieuse, 
grâce à l'élévation du niveau piézométrique, cer- 
tains bétoires forment sources. Supposons que tous 


Elle sera hygiéniquement nulle quand 


* Zéro 
de la pluie 


12 du degré 


à la fluorescéine, ne se troublent jamais l'hiver. 


Pour celles-là, la valeur est sensiblement 


li) 

égale à l'unité. Elles sont situées parfois près de 
sources qui se troublent, comme c'est le cas de la 
source du Breuil ; le plus souvent, elles sont proté- 
gées par d'immenses el hauts plateaux crayeux ou 
encore recouverts de sable de Fontainebleau. Cette 
disposilion se retrouve loujours pour les sources des 
zones émissives les plus basses de la craie. Les 
sources du Loing et du Lunain se présentent aussi 


hydrotimétrique. 


Zéro 


des Bacteries 


organique | | 


Juilt 


| Z° de la matière 


Sbre [octbr® Note Dédre|Janv!|Févt"|Mars 


Nov?re Déc'e |Janv AR 


Al: t- 
Mai | Juin | Juilt 
18 


1898 


1899 h 1900 


F Borpamang Je 


métrique dressés par MA. Miquel et Lévy. 


| Fig. 8. — Relations entre les graphiques de la pluie tombée, de la matière organique, des bactéries et du deçré hydroli- 


les bétoires nuisibles sourdent l'hiver : la source 
. deviendra bonne l'hiver. Certaines sources de la 
vallée du Belz, affluent du Loing, sont dans ce 
tas. 
La saison fait varier également cette valeur de a. 
. En hiver, au moment de la fonte des neiges, cer- 
laines sources se troublent complètement, Ceci 
tient à l'arrivée brusque de ces eaux pauvres en 
chaux qui maintiennent en suspension de l'argile 
_colloïdale. Comme, à ce moment, il arrive beaucoup 
plus d’eau des bétoires, ainsi que nous allons le dé- 
montrer bientôt, ces eaux troubles ont une grande 
importance sur la pureté de l'eau des sources. 
Certaines sources, comme par exemple celle du 
Breuil (dans la région de l’Avre), qui a toujours 
donné des résullats négalifs dans les expériences 


k 


siluées au bas d'une zone émissive; elles n'ont pas 
été colorées par nos expertises. Si donc il n’y a pas 
de bétoires dans les vallées en amont des sources, 
ou si d'autres sources en amont reçoivent loules 
ces eaux, on obtient des sources qui restent lim- 
pides l'hiver. L'étude hygiénique de ces dernières 
est utile à connaitre quand il s’agit de les faire 
contribuer à l’alimentalion d'une ville. Elle ne peut 
se faire que par comparaison avec celles des ré- 
gions trouées, comme celles de l'Avre par exemple, 
du fait que la fluorescéine ou la levure ne peuvent 
être jetées nulle part. 

Là où les expériences à la fluorescéine et à la 
levure ne peuvent donner de résultats, l'emploi 
des méthodes physiques, chimiques et microgra- 
phiques est utile. 


1018 


F. DIENERT — LES SOURCES DE LA CRAIE 


MM. Miquel et Lévy ont montré depuis longtemps 
la relation qui existe entre l’eau tombée, le nombre 
des microbes el la matière organique des sources 
dans les régions de l’Avre et de la Vanne (fig. 8.) 
On voit qu'aussitôt qu'arrive un afflux d'eau, le 
calcaire des eaux s'abaisse rapidement, tandis que 
la matière organique s'élève. Tout ceci ne témoigne 
pas d'un long séjour des eaux dans le sous-sol. 


froide arrivant aux sources devait, en effet, y ame” | 
ner un abaissement nolable de la température. Get 
abaissement atteint à peu près 1°, ce qui est enco ! 
faible; mais il ne faut pas oublier que le sol ren” 
ferme un énorme volume d’eau ayant une tempé= 
rature plus élevée, qui réchauffe ces eaux froides: 

La température de la source du Breuil varie bie 
moins. Son débit est également presque constant, 


1500 


1000 


mn 
Le] 
= 


ELU 


| 


IEEE 
JA LU hu 


S 10 1520 25 


5 10 15 20 25 


A LL 
5 10 15 20 25 5 101520 25 


SN i2 
OcE Pre 1900 | Nov! 1900 | Déc Lre 1900| Janvier 1901] Février 1901] Mars 1901 | Avril 1901 | Mai 1901 | Juin 1901 


F. BopfEMaNs 3Q 


Fig. 9. — Graphiques comparés des quantités de pluie tombées et de la température de l'air 
avec le débit total et la tempéralure des sources. 


M. Miquel a montré, en outre, l’existence fréquente 
du Pacillus coli". C'estsurtout aumomentdeshautes 
eaux que cette augmentation se fait le plus sentir. 

Le graphique de la figure 9 montre que l’a- 
baissement de la tempéralure des sources se pro- 
duit au moment des hautes eaux. C'est quand les 
ruisseaux avaient le débit le plus élevé et quand 
la température de l’air élait encore basse (7 à 8°) 
que celle des sources diminuait et atteignait son 
maximum d'abaissement. Un grand volume d’eau 


! L'élévation du nombre des microbes est brusque. Il 
semble qu'il y ait prolifération par suite de l'arrivée de la 
uulière, suivie d'un décroissement rapide. 


tandis que celui des sources de l’Avre passe de 600 
à 2.000 litres. 

En résumé, une source qui ne peut être étudiée 
au moyen de la fluorescéine et de la levure de bière 
peut encore l'être par comparaison en utilisant les 
données fournies par la température, les variations 
de compositions chimique et bactériologique et 
par celles du débit. Quand celles-ci seront faibles, 
on pourra admetlre que la source ne reçoit pas 
ou peu d'eau de bétoires ; que la valeur hygiéni- 
que __ est proche de l'unité. Au contraire, si les 
varialions sont sensibles, il faudra rechercher les 


| 
| 


F. DIENERT — LES SOURCES DE LA CRAIE 


1019 


bétoires, les mardelles causes de tout le mal. 
La mardelle peut exister sans être nuisible. Les 


- expériences effectuées sur des béloires ne recevant 


-pas d'eau à l'époque où on les expérimentait, ont 
montré que l’arrivée d'une vingtaine de mètres 


- cubes d'eau n’amène aux sources qu'une faible 


quantité d'eau (2 dans une expérience). 


A plus forte raison, l'arrivée des eaux de pluie 
dans ces mêmes effondrements produit généra- 
lement un effet peu sensible sur la limpidité et les 
caractères physiques et chimiques d'une source. 

Une fosse d’aisances peut communiquer avec un 
courant. La contamination nous échappe naturel- 
lement jusqu'au moment où la présence du bacille 
typhique nous avertit de ce fait grave. 

Nos méthodes sont donc encore imparfaites. 
Elles sont suffisantes dans la majorité des cas. 

Maintenant, y a-t-il lieu de s'inquiéter outre 
mesure des dangers que courent les sources cap- 
tées dans la craie? Il n'y a guère qu'une partie des 
microbes nuisibles engouffrés dans les bétoires qui 
peuvent arriver aux sources. C’est quelquefois suf- 
fisant et il y a lieu de se méfier de leur présence. 


V. — ConNcLüsIONS. 


Les faits que nous venons d'exposer vont nous 
servir à lirer quelques conclusions uliles pour 
l'utilisation de ces eaux. 

Nous avons indiqué qu'il y avait deux sortes de 
sources de la craie: les unes, comme celles de l’Avre, 
qui reçoivent les eaux des bétoires; les autres, 
comme celles du Breuil, dont les diaclases semblent 
ne pas communiquer avec ces efflondrements. Ces 
dernières sont les plus pures au point de vue 
hygiénique, mais elles sont rares. Les premières 
sont les plus nombreuses et les plus abondantes 
comme débit; doivent elles être écartées? Tant 
qu'on ne trouvera pas le moyen pralique de prendre 
l'eau dans des diaclases profondes, que nous sup- 
posons exisler el qui ne doivent pas communiquer 
librement avec ces bétoires, il faut s'arrêter à 


des moyens-termes. Audacieux serait celui qui 


chercherait à atteindre une diaclase profonde ali- 
mentée par les lithoclases des profondeurs et ali- 


. mentant des sources éloignées. 


Empêcher complètement les ruisseaux de s'en- 


gouffrer demande la confection d’unlitimperméable 
jusqu'à leur sortie de lazone émissive voisine, sinon 
on s'expose à voir se produire tôt ou tard de nou- 
veaux béloires d'affouillement. 

On ne peut guère chercher qu’à en diminuer les 
débits. Il faut également rendre leurs eaux moins 
nuisibles en évitant l'arrivée des maladies hydriques 
comme la fièvre typhoïde. La surveillance médicale 
du périmètre dangereux de la source est nécessaire 
si on veut la capter. Enrayer une maladie comme la 
fièvre typhoïde, c’estdiminuer le nombre de germes 
nuisibles pouvant accéder à la nappe. D'autre part, 
la communicalion entre les fosses d’aisances et un 
courant peut se produire, avons-nous dit, à l'insu 
de tous. En temps normal, le mal n’est pas grand; 
en temps d’épidémie, ilest considérable. Empêcher 
son éclosion, c'est tuer le mal dans son œuf. 

Le médecin, malheureusement, n'arrive pas lou- 
jours au début de la maladie. Il faut compléter cette 
surveillance par la recherche des bacilles patho- 
gènes que l'eau peut contenir. Cette recherche est 
encore aléatoire. On veut trouver l'épingle dans 
une botte de foin (on prélève au maximum 10 litres 
d'eau sur plusieurs milliers de mètres cubes que 
donne la source). Cependant, quand on oblient des 
résullais positifs, on a un prélexte pour faire 
metlre les sources incriminées en décharge. 

La vitalité du bacille typhique n'est que de 
trente jours dans l’eau, d’après Chantemesse. À ce 
moment, la source n’est plus nuisible et peut être 
remise en circulation. 

Tels sont les moyens auxquels toutes ces études 
ont conduil. C'est le résumé approximatif des 
conclusions de la Commission instituée à cet effet 
par le Préfet de la Seine, et en particulier celles de 
M. Duclaux, le rapporteur général des travaux de 
cette Commission. Ces mesures exigent aussi l’in- 
terdiction d'aller jeter au béloire des détritus de 
toute sorte, et la désinfection obligatoire en cas de 
maladies. La loi sur la santé publique, actuellement 
pendante devant la Chämbre des Députés et votée 
par le Sénat, viendra apporter une force nouvelle 
aux mesures prises par la Ville de Paris. 

F. Dienert, 
Docteur ès sciences, 
Chef du Service local de surveillance 
des sources de la Ville de Paris 


pour la région de l'Avre 
et les sources environnantes, 


1020 E. LAGUESSE — REVUE ANNUELLE D'ANATOMIE 
REVUE ANNUELLE D’ANATOMIE 
L. — GÉNÉRAUITÉS = L'ANATOMIE SECMENTANE, muscle ou la portion de muscle qu’elle irnerve. 


Le professeur Louis Bolk, d'Amsterdam, vient 
de publier une série de travaux fort intéressants 
sur ce qu'il appelle l'Anatomie segmentale”. Nous 
savons, dit-il en substance, que le corps des Vers 
est, en général, décomposable en une série de seg- 
ments ou anneaux (métamères, zoonites) tous sem- 
blables, et dont chacun représente une sorte d’in- 
dividu élémentaire dans l'individu complet. Tous 
les animaux articulés sont bâtis sur le même type, 
bien que les segments n'aient plus la même unifor- 
mité. Nous savons enfin que, chez les Verlébrés, le 
corps de l'embryon offre d'abord une disposition 
métamérique analogue très marquée (protover- 
tèbres, chaine ganglionnaire, etc...). Or, « mani- 
feste ou occulte, le principe de la segmentation 
‘existe dans tous nos systèmes, et le corps de 
l'adulte, si compliqué qu'il soit, n'est pas moins 
régulièrement segmenté que celui du plus jeune 
embryon... L'Anatomie segmentale se propose de 
rechercher quelle part a eue chaque segment en 
particulier dans sa formation, à retrouver dans 
notre organisation les lignes de démarcation entre 
les segments. » La disposition métamérique de tel 
ou tel système anatomique a déjà été étudiée; 
mais, cé qui caractérise l'œuvre de Bolk, c'est pré- 
cisément de rechercher les limites exactes de ces 
métamères chez l'homme, et cela, comme on va le 
voir, jusqu'en des points où l’on ne croirait guère 
d'abord qu'on puisse songer à les établir, jusque 
dans le squelette des membres par exemple. 

Bolk part de cette hypothèse fondamentale que 
les fibres nerveuses provenant d'une racine rachi- 
dienne « restent en connexion avec les muscles 
dérivés du myoltome isomère », se distribuent 
dans les muscles ou porlions de muscles dérivées 
du segment musculaire primitif de même numéro, 
nées du même mélamère primitif. S'il en est 
ainsi, il suffira d'abord de suivre chaque branche 
nerveuse musculaire jusqu'à sa racine originelle, 
pour savoir à quel métamère il faut rapporter le 


Nous ne parlerons plus qu'incidemment de faits embryÿo- 
logiques, une Revue annuelle d'Embryologie devant être 
donnée par un autre collaborateur. 

* L. Borx : Beziehungen zwischen Skelet, Muskulatur und 
Nerven der Extremität. Morphologisehes Jarbuch:, t. XXI. 
— Die Segmentaldiferenzirung des menschlichen Rumpfes 
und seiner Extremiläten. Série de Mémoires in Morpholo- 
gisches Jarbuch, 1898, 1899, 1900. — Sur la signification de 
la Sympodie au point de vue de l'Anatomie segmenlale. 
Discours prononcé au Cercle des médecins d'Amsterdam). 
Overdruck uit Perrus Cawrer : Nederlandsche PBiydragen 
tot de Anatomie, 1900. 


C'est un travail que Féré, Herringham... avaient 
déjà poussé assez loin, et que les méthodes exné- 
rimentale (Lannegràce et Forgues, Sherrington) et 
anatomo-clinique (Starr, Mills, Thorburn) étaient 
venues confirmer. C'est un travail que Bolk re-" 
prend en détail à l’aide de la seule dissection chez. 
un jeune enfant d'environ trois ans; el, segment 
par segment, avec la plus grande patience, il 
dresse ainsi l'inventaire de nos muscles. Chemin 
faisant, il confirme les lois déjà connues, à savoir, 
que les troncs nerveux ne sont que des groupe- 
ments secondaires de fibres d'origines les plus 
diverses, qu'une racine fournit à plusieurs muscles, 
et qu'un muscle est généralement divisible en 
deux ou trois portions (souvent plus) innervées par 
autant de racines différentes; en un mot, que la 
distribution des fibres radiculaires est essentielle- 
ment segmentaire. 

Mais la partie véritablement originale est celle 
où l’auteur arrive à montrer qu'il existe « une rela- 
tion segmentale entre les muscles et le squelette 
des membres »; c’est l'étude de la Sclérozonie. On 
sait que chacun des membres naît comme une 
sorte de prolongement latéral d'un groupe de 
cinq à six mélamères successifs, et que ses 
muscles, dérivés des protovertèbres ou myotomes 
au voisinage de l'axe rachidien, ne s’éloignent 
que peu à peu de cet axe, à mesure que le membre 
grandit. Chaque musele définitif se forme généra- 
lement de fragments empruntés à deux ou trois 
myotomes différents. 

Or, si l’on dessine sur un os les surfaces d'inser- 
tion de ces muscles, avec le numéro du myotome 
correspondant, on s’apercoit qu'on peut tracer une 
série de lignes sinueuses séparant les surfaces 
d'insertion des différents myotomes, lignes sensi- 
blement parallèles à l'axe du membre. L'os iliaque, 
par exemple, se trouve ainsi divisé en une série 
de zones parallèles, que Bolk appelle les Scléro- 
zones, limilées par les lignes d'insertion des fais- 
ceaux musculaires dérivés de huit myotomes dif- 
férents, du 20° au 27°,el ces zones sont régulièrement 
échelonnées d’après leur numéro d'ordre, du bord 
antérieur au bord postérieur de l'os. 

Sur l’omoplate (fig. 4), nous retrouvons six sclé- 
rozones analogues (du 3° au 8° segment). Sur les os 
longs, les sclérozones sont de minces bandes, 
d'inégale largeur, mais limitées par une ligne très 
régulière; elles sont généralement doubles, cha- 
cune d'elles se retrouvant sur la face ventrale el 
sur la face dorsale de l'os. L'auteur se croit en 


droit d'en déduire que le système musculaire 
cquiert ses insertions définitives, ou plutôt ses 
apporls avec le tissu squelettogène, avant la dif- 
érenciation des unités musculaires, lorsqu'il est 
encore sous forme de myotomes, et que vraisem- 
blablement chacun de ceux-ci ne s'attache qu'à la 
ortion du tissu mésenchy- 
mateux du squelette déri- 
vée de son propre segment. 
« Le myotome est isomère de 
sa sclérozone. » 

Ceci permet, par consé- 
quent, d'établir de quel seg- 
ment prend naissance cha- 
cun des éléments consti- 
tuants du squelette d'un 
membre, et Bolk peut recon- 
struire, d’après la sclérozo- 
nie, une esquisse du sque- 
lette du membre inférieur 
où chaque portion d'os se 
trouve projetée sur la bande 
segmentaire à laquelle elle 
doit appartenir d’après sa 
théorie (fig. 2). 

Il n’est rien de tel, pour 
juger d'une hypothèse nouvelle et un peu auda- 
cieuse, que de lui imposer l'explication de quel- 
“que fait obscur jusqu'ici. Bolk vient de le faire en 
tentant l'explication de la sympodie, et la théorie 
résiste merveilleusement à celte première épreuve. 

On sait que les monstres sympodes, ou Sirènes, 
ont le corps terminé par une sorte de colonne 
conique : desinit in piscem. Cette colonne, due 
à la soudure des membres inférieurs incom- 
plètement développés, peut être longue, laisser 
reconnaitre à l'état d'é- 
bauches les formes des 
membres constituants, 


E. LAGUESSE — REVUE ANNUELLE D'ANATOMIE 


Fig. 1. — Sclérozones de l'omoplate. 


1021 


cation ne rend pas compte de la symétrie parfaite, 
el du manque de toute la partie médiane dans le 
bassin des Apodes. 

Pour Bolk, l’origine est tout autre. La sympodie 
est une anomalie segmentaire. Les différents seg- 
ments {marqués par les protovertèbres) apparais- 
sent successivement d'avant 
en arrière dans le tronc de 
l'embryon, et, chez l'homme, 
il s'en forme trente-six, dont 
les trois derniers sont des- 
tinés à disparaitre. Nous 
avons vu que du 20° au 27° 
ils contribuaient à l'édifica- 
tion du membre inférieur. 
Or, si l’on imagine que l'ap- 
parition de nouveaux seg- 
ments, ralenlie par une cause 
pathologique à élablir, cesse 
après formalion du 23°, le 
membre impair, conslitué 
per soudure des deux bour- 
geons devenus voisins, aura, 
d'après l’esquisse donnée 
plus haut, un squelette iden- 
- tique à celui qu'on trouve 
chez les Sirènes apodes, c’est-à-dire un bassin 
d'une seule pièce sans sacrum el sans petit bas- 
sin, un fémur unique formé de deux moitiés 
symétriques fusionnées, et un tronçon de tibia 
constitué de mème. Si l'on suppose la segmenta- 
tion arrêtée après le 24° métamère, le squelette 
sera celui du monopode avec pelit nombre d'or- 
teils; après le 25°, celui du monopode à grand 
nombre d'orteils; après le 26°, celui du dipode. 
Enfin, s'il manque seulement tout ou partie des 27°, 
98: et 29° segments, il y aura bien deux membres, 
mais absence, ou différencialion incomplète, anor- 
male, des organes gé- 
nitaux externes, de la 


etse terminer par deux 
pieds réunis seulement 


vessie et du périnée, 


par le talon (Dipodes 


qui tirent leur origine 


des Allemands, ou Sy- 


de ces segments. Cela 


mèles de Geoffroy 
Saint-Hilaire).Elle peut 
aussi, la soudure étant 
_ plus complète, se ter- 
miner par un seul pied 
à nombre d’orteils très 
variable (Monopodes, ou Uromèles). Elle peut enfin, 
la fusion étant encore plus intime, être très courte 
et terminée en pointe, réduite aux premiers seg- 
ments d'un membre en apparence unique (Apodes, 
‘ou Syrénomèles). On invoque généralement, pour 
expliquer celte monstruosité, une compression des 
membres par l'amnios trop étroit, mais cette expli- 


REVUE GÉNÉRALE DES SCIENCES, 4901. 


ig. 2. — Esquisse du squelette du membre 
inférieur, d'après la sclérozonie. 


explique également 
leur absence totale 


chez les Sirènes. 

Bolk pense que celte 
épreuve est concluante pour sa théorie, et que là 
genèse métamérique du squelette des membres 
est définitivement établie. Il est permis d'espérer, 
en effet, que l'anatomie comparée ne fera que con- 
firmer ces données, uniquement appuyées jus- 
qu'ici sur l'anatomie humaine. Nous ne pouvons 
quitter l'anatomie segmentale sans dire quelques 
mots de la question, toujours très discutée, de /à 
métamérie nerveuse dans la moelle épinière. 

99** 


1022 


À certains slades du développement, et chez 
certaines espèces surtout, la moelle épinière peut 
offrir une série métamérique de renflements ou de 
groupes cellulaires. Persiste-t-il un vestige de cette 
segmentation dans le névraxe de l’homme adulte? 
Les travaux dont nous venons de parler font pres- 
sentir qu'une disposition de ce genre peut exister 
pour la portion motrice. 

Mais les recherches sur les localisations motrices 
dans la moelle sont encore trop peu avancées pour 
nous fournir des données nettes à ce sujet. Quel- 
ques travaux, ceux de Van Gehuchten ‘ par exemple, 
mettent en évidence, dans les renflements cervical 
et lombaire, des centres d’innervation peu nom- 
breux, qui jusqu'ici semblent correspondre plutôt 
aux différents segments des membres (cuisse, 
jambe, pied), qu'aux segments métamériques. On 
a bien prononcé ici le mot métamère (voir plus 
loin : Brissaud), mais avec une acception que Van 
Gehuchten lui-même considère comme inexacte. 

Les localisations sensitives ont provoqué, depuis 
longtemps déjà, des recherches de même ordre, et 
qui ont fait plus de bruit. Le véritable centre sen- 
silif est le ganglion rachidien, et, par les méthodes 
expérimentale, anatomique, ou anatomo-clinique, 
Sherringlon, Herringham, Bolk ?, Allen Starr, etc., 
ont pu déterminer de facon plus ou moins précise 
la limite des territoires cutanés (dermatomes, rhizo- 
mères)innervés par chaque ganglion, territoires qui, 
du reste, empiètentréciproquement l’un sur l’autre. 

Mais on a voulu aller plus loin. La clinique a 
montré, dans certaines affections viscérales, l’exis- 
tence de bandes cutanées segmentaires d'hyperes- 
thésie douloureuse et thermique. Au cours de cer- 
taines affections médullaires, telles que la syringo- 
myélie, on a observé aussi assez généralement un 
aspect segmentaire dans les zones d'anesthésie, 
partielle ou dissociée, qui caractérisent celte ma- 
ladie. Dans le zona, l'éruption caractéristique peut 
revêtir le même aspect. Or, dans lous ces cas, les 
bandes segmentaires ne correspondent ni à la distri- 
bution des nerfs, ni aux zones rhizomériques. Head 
en Angleterre (1893-96), Brissaud”* en France ont été 
amenés, par l'étude de ces cas, à admettre dans la 
moelle sensitive l'existence d'unités segmentaires 
dont la lésion ou l'excitation seraient mises en 
évidence par l'apparition de ces zones cutanées. 
Consiensoux ‘ donne un exposé de l’élat actuel de 


1 Van GEeuvcurex et pe Bucn : Revue neurologique et 
Journal de Neurologie, 1898. — Van GEnUCuTEN et NELIS : 
La localisation motrice médullaire est une localisation seg- 
mentaire. Journal de Neurologie, 1899. 

? Dans le travail déjà cité : Segmentirunqg.… 

% Buissaup : Lecons sur les maladies nerveuses, 2° Sie 1899, 
et articles divers in Presse et Semaine médicale, 4896 à 1901. 

 Consrensoux : L'étude sur la métamérie du système ner- 
veux elles localisations métamériques. Thèse de Paris, 41900. 


E. LAGUESSE — REVUE ANNUELLE D'ANATOMIE 


la question, el y ajoute un certain nombre d'0b- 
servations personnelles. C'est avec raison, croyons= : 
nous, qu'il insiste sur ce point : quelque sédui=M 
santes que soient ces théories, il faut bien se 
garder de les considérer actuellement comme vé- 
rités anatomiques démontrées. Les zores dites 
myélomériques de la peau, ou myélomères (Head), 
paraissent bien correspondre à des localisations 
sensitives médullaires, puisqu'elles ont des carac- 
tères différents des zones rhizomériques, puisque 
par exemple, elles n'empiètent jamais les unes sur 
les autres. Mais il nous est difficile de comprendre, 
à l'heure actuelle, la nature exacte de ces localisa- 
tions, et jamais encore on n'a déterminé dans la 
moelle les limites de noyaux sensitifs. De plus, 
les symptômes qui ont servi à tracer les limites 
des myélomères sont encore bien incomplèlement 
étudiés, et correspondent rarement à des lésions 
médullaires pures. Si bien que Head et Brissaud 
ne s'accordent aucunement sur ces limites, aux 
membres nelamment. Ici, en effet, pour expliquer 
certaines lésions en gants, en manchettes, en 
manches, Brissaud admet que chaque membre” 
« comme un nouvel être, comme une branche entée 
sur le tronc principal », possède une segmentation 
propre, qu'il appelle mélamérie secondaire. Les 
membres seraient « constitués par des métamères 
de métamères (Houssay) », et leur axe nerveux, 
bien que rudimentaire, aplati (au niveau des ren- 
flements dorsal et lombaire), serait de même décom- 
posable en segments nerveux autonomes. Quel que 
soit l'avenir de celte dernière conception, il est à 
peu près certain qu'elle est appelée à changer de 
forme, et surtout de nom, tellement le mot méta- 
mère se trouve ainsi dévié de sa signification pri- 
mitive. 


1542 sonne er ADN 5 


at: 


rrelhhr sd sr 


En 


Il. — Tissus ET SYSTÈMES. 


S 1. — Les glandes. Différenciation protoplasmi- « 
que dans les cellules sécrétantes et mécanisme 
de l'élaboration. 


De nombreux auteurs ont récemment étudié la 
cellule sécrétante des glandes, particulièrement 
des glandes séreuses, et, plus on l'étudie, plus 
paraissent complexes sa structure et le mécanisme 
de l'élaboration sécrétoire. Nous sommes déjà loin 
du temps où l'on se contentait de dire de son pro- 
toplasme (ou cytoplasme) qu'il était finement ou 
grossièrement granuleux. Très souvent, dans la 
cellule séreuse, le produit élaboré s'accumule sous 
forme de grains de sécrétion isolables, de réac- 
tions chimiques très variées; très souvent, en 
outre, au stade qui précède immédiatement l’éla= 
boralion de ce produit, on voit apparaitre dans le 
protoplasme des portions différenciées sous forme M 
lamelleuse, filamenteuse, etc... de réactions spé- 4 


E. LAGUESSE — REVUE ANNUELLE D'ANATOMIE 


ciales, et qui jouent manifestement un rôle actif 
dans les transformations chimiques dont la cellule 
est à ce moment le siège. 

Depuis longtemps déjà, on avait signalé des stries 
à la base de certaines cellules sécrélantes (rein, 
pancréas), et Heidenhain avait pu même isoler des 
sortes de bâtonnets correspondant à ces stries. 
Plusieurs auteurs avaient, depuis, décrit plus com- 
| plètement ces filaments, Eberth et K. Muller, 
notamment (1892) dans le pancréas. D’après eux, 
ils S'enrouleraient et se fusionneraient pour former 
les corpuscules paranucléaires (paranuclei, noyaux 
accessoires, Nebenkerne), sans paraitre jouer un 
rôle dans le processus de la sécrétion. Parmi ces 
» auteurs, il faut encore rappeler tout particulière- 
- ment Altman, qui a décrit et figuré avec la plus 
grande netteté, dans le pancréas et les glandes 
_ salivaires notamment, des filaments parfaitement 
. limités auxquels il attribue le rôle capital dans 
l'élaboration définitive des grains de sécrétion. Les 
vues théoriques particulières de cet auleur sur la 
constitution générale du protoplasme avaient jeté 
un certain discrédit sur ses descriplions; mais 
Mouret a revu et figuré depuis, dans le pancréas, 
moins nettement il est vrai, ces filaments « prézy- 
 mogènes ». Enfin, B. Solger (1894-96) avait attiré 
l’attention sur la présence de « filaments hasaux » 
dans la glande sous-maxillaire de l'homme. 

Ce sont ces formalions qui viennent de provoquer 
tout récemment de nombreuses recherches. Ch. Gar- 
nier’, élève de Prenant, les étudia d’abord sommai- 
rement, et, convaincu de leur rôle capital dans 
l'acte sécréloire, il leur donna, d'accord avec M. et 
P. Bouin, qui en trouvaient d’analogues dans cer- 
laines cellules végétales, le nom de formations er- 
gastoplasmiques, où d'ergastoplasme, c'est-à-dire 
de plasma élaborateur par excellence. Prenant” à 
développé cette idée dans un travail dont nous 
avons déjà parlé ici,et décrit l’ergastoplasme parmi 
les variétés de proloplasma supérieur douées d’une 
activité spéciale. Enfin, Ch. Garnier a repris plus 
récemment le sujet en détail. Pour lui, l'ergasto- 
plasme se présente très généralement sous l'aspect 
filamenteux, mais peut affeclter d'autres formes 
(sphérules, par exemple). Admettant la théorie de 


4 Cu. GARNIER : Les filaments basaux des cellules glandu- 
laires. Bibliographie anatomique, 18917. — Contribution à 
l'étude de la structure et du fonctionnement des cellules 
 glandulaires séreuses. Thèse Nancy, 1899 et Journal de 
l'Anatomie, 1900. — Considérations générales sur l'ergasto- 
plasme, protoplasme supérieur des cellules glandulaires.…. 
Journal de Physiol. et Path. gén., 1900. 

? M. et P. Bouin : Sur la présence de filaments particu- 
. liers dans le protoplasme de la cellule embryonnaire des 
Liliacées. Bibliographie anatomique, 1898, et Archives 
d'Analomie microscopique, 1899. 

3 Prenant : Sur le protoplasma supérieur. Journal de 
l’'Anatomie, 1899. 


1023 


la constitution réticulaire du protoplasma, il con- 
sidère les filaments ergastoplasmiques comme des 
portions différenciées de ce réseau, restées en con- 
tinuité avec lui, mais épaissies, et ayant une élec- 
ion particulière pour les couleurs basiques d’ani- 
line (violet de gentiane notamment), dans les 
colorations combinées. Ils tendent à se ramasser 
vers la base de la cellule, autour du noyau, de pré- 
férence au-dessous de lui, donnant souvent « l’idée 
d'une corbeille qui contient à son intérieur la sphère 
nucléaire », formant souvent aussi cun vérilable 
feulrage de fibrilles chromatiques », qui rem- 
plissent la zone basale de la cellule, et lui donnent 
un aspect foncé et strié caractéristique. Dans toutes 
les glandes étudiées (parotide, sous-maxillaire, la- 
crymale, glandes de la base de la langue, pancréas), 
et chez plusieurs espèces animales (homme, chien, 
chat, hérisson, cobaye, rat), Ch. Garnier retrouve 
les mêmes formations avec des caractères analo- 
gues; mais elles sont particulièrement développées 
dans les glandes salivaires séreuses du rat, dans la 
sous-maxillaire de l'homme, et dans le pancréas de 
la salamandre. 

Suivant la glande aux différentes phases de son 
activité, Garnier montre que l'ergastoplasmeabonde 
au moment où la cellule vient d'excréter son maté- 
riel de sécrétion et recommence à l'élaborer de 
nouveau, qu'il diminue, jusqu’à disparaître parfois, 
quand la cellule est rechargée de grains. Il en con- 
clut au rôle actif de ce plasma particulier dans l'éla- 
boration, mais sans trouver de relations directes 
entre lui et les grains. 

Ces observations ne sont pas isolées. Erik Muller! 
décrit et figure dans les glandes salivaires des fila- 
ments analogues, mais plus nettement limités, à 
la manière d'Altman. Il dit seulement qu'ils aug- 
mentent de nombre quand l'activité de la cellule 
est exagérée, après pilocarpinisation par exemple. 
Gianneili*, dans la cellule paneréatique, voit à la 
base une substance « prézymogène », divisible en 
massettes allongées qu'il figure très semblables aux 
corpuscules de Nissl de la cellule nerveuse. Hans 
Held?, dans les salivaires, retrouve les « filaments 
végétatifs d'Altman », mais n'admet pas qu'ils re- 
présentent un stade dans la formation de la sécré- 
lion. Zimmermann‘, dans la glande lacrymale, le 
pancréas, trouve les stries basales, mais les consi- 
dère comme l'expression de systèmes de lamelles 
parallèles, et non de filaments. Mathews, dans le 


1 Erik Muirer : Drüsenstudien. Zeitschrift 1ür wissen- 
schaftliche Zoologie, 1898. 1 

2 Grannezut : Ricerche macroscopiche e microscopiche 
sul pancréas. Siena, 1898. 

3 Fjaxs Heco : Beobachtungen am tierischen Protoplasma. 
Archives de Schulze, 1899. 

5 Zimuermanx : Beiträge sur Kenntniss einiger Drüsen 
und Epithelien. Archives de Schulze, 1898. 


1024 


pancréas’, considère tout le cytoplasme de la zone 

. basale comme fibrillaire, et le figure comme à peu 
près uniquement constitué par un buisson serré de 
très longs filaments lisses, légèrement sinueux, 
dirigés pour la plupart dans le sens de l'axe de 
l'élément. Il constate l'augmentation manifeste de 
la zone filamenteuse de la cellule après l’excrétion, 
et la « dégénérescence » des filaments à mesure 
qu'’apparaissent les grains de zymogène. Ceux-ci 
naitraient done comme des « produits de décompo- 
sition des filaments ». Enfin, Michaelis”, par le vert 
Janus, arrive à colorer exclusivement, sur la cellule 
vivante, dans les glandes salivaires et le pancréas, 
des filaments courts sur la nature desquels il ne se 
prononce pas, mais qu'il rapproche plutôt de ceux 
décrits par Altman que des filaments basaux de 
Solger. Dans d'autres glandes encore, on a retrouvé 
des formations analogues. 

Ainsi, dans les cellules principales des glandes 
du fond de l'estomac, Zimmermann” a décrit, à la 
base, les mêmes lamelles que dans le pancréas. 
Bensley* y voit un cytoplasme très coloré,vaguement 
fibrillaire, qu'il considère comme du « prozymo- 
gène », et Cade* y retrouve l’ergastoplasme de Gar- 
nier. L'un et l’autre observent aux différents stades 
fonctionnels des variations analogues à celles dé- 
crites plus haut. Cade montre, après certaines 
lésions, et pendant l'hibernation, c’est-à-dire pen- 
dant le repos absolu des glandes, la disparition pa- 
rallèle de l’ergastoplasme et des grains de sécrétion. 
Théohari® y distingue des filaments basophiles plus 
nettement limités, et d'autres décomposables par- 
fois en un chapelet de fines granulations neutro- 
philes, qui, en grossissant, seraient destinées à 
constituer les grains de sécrélion pepsinogènes. 
Quand filaments et grains sont bien développés, la 
muqueuse gastrique offre un pouvoir digestif 
intense. L'ingestion d'iodure de potassium, qui 
amène leur disparition, supprime en même temps 
ce pouvoir digestif”. W. Carlier* donne une des- 
cription se rapprochant de celle de Bensley. 

Ainsi, encore Théohari” rapproche de l’ergasto- 


! A. Maruews : The changes in structure of the pancreas 
cell. Journal of Morphology, 1899. 

? L. Micuaeus : Die vitale Färbung, eine Darstellungs- 
methode der Zellgranula. Archives de Schulze, 1900. ; 

3 ZIMMERMANN : loco citato. 

* Bexscey : The structure of the mammalian gastrie glands. 
Quarterly Journal of microscopical Science, 1898-1899. 

5 Cape : Étude de la constitution histologique normale et 
de quelques variations fonctionnelles et expérimentales des 
éléments sécréteurs des glandes gastriques. Archives d'Ana- 
tomie microscopique, 1901. 

® Tnéonaur : Étude sur la structure fine des cellules de 
l'estomac... Archives d'Anatomie microscopique, 4899-1900. 

7? Taéonani et Vayas : C. R. de la Société de Biologie, 4900. 

5 W. Caruter : Changes that occur in some cells of the 
Newts stomach during digestion. La Cellule, 1899. 

* Taéonan: : Etude sur la structure fine de l’épithélium des 
tubes contournés du rein. Journal de l'Anatomie, 1900. 


E. LAGUESSE — REVUE ANNUELLE D'ANATOMIE 


plasme le réseau cytoplasmique à larges mailles 
allongées et granulations nodales qu'il trouve dans 
la cellule rénale, et fait de son existence la condi- 
tion essentielle de l'intégrité de la fonction sécré- 
toire. 

Tous ces travaux mettent donc en évidence l’exis- 
tence, dans le cytoplasme des cellules sécrétantes, 
de portions différenciées qui semblent jouer un 
rôle dans l'élaboration. Mais il existe encore un 
certain désaccord dans la facon de comprendre le 
rôle et la structure de ces portions. 

Si, pour quelques-uns, l'ergastoplasme est cons- 
titué par des filaments nettement limités, bien 
individualisés (Altman), pour d’autres (Garnier), 
ces filaments ont un certain flou, et se perdent 
dans un réseau cytoplasmique. Pour Giannelli, ce 
sont des massettes ; pour Zimmerman, ce sont des 
lamelles ; pour Bensley, c’est une masse vaguement 
striée; enfin, Cade emploie le mot ergastoplasme 
comme synonyme de zone basale de la cellule en 
bloc, pourvu que celle-ci soit vaguement striée et 
vivement colorable. Le concept tend donc à perdre 
de sa nelteté. 

L'emploi, sur la cellule pancréatique et salivaire, 
de la dissociation à l'acide osmique, de la fixation 
aux mélanges chromo-acéto-osmiques forts, suivie 
de coloration à l’hématoxyline au fer, nous à 
permis de mettre en relief, dans le protoplasma 
de ces éléments, et plus particulièrement à la base, 
un certain nombre de filaments sinueux ou vermi- 
cules, de bätonnets ou de grains à peine allongés, 
peu serrés, assez généralement parallèles à l’axe 
cellulaire, et dont le nombre augmente pendant la 
période d'élaboration, surtout si l’activité glandu- 
laire est surexcilée par une injection de pilocar- 
pine. Ces filaments ou bätonnets sont très nettement 
limités, parfois isolables dans les dissociations, 
colorables sur la glande vivante par le vert Janus, 
tout à fait analogues, par conséquent, à ceux 
décrits par Altman, Érik Muller, Michaelis. Comme 
ces auteurs, nous les voyons se délacher sur un 
protoplasma d'aspect homogène, et dont rien ne 
nous révèle la constitution réticulaire. Nous croyons 
donc qu'il faut admettre l'existence de l’ergasto- 
plasme et l'importance de son rôle dans l'élaboration 
du produit de sécrétion, rôle assez oublié depuis 
Altman, malgré la tentative de Mouret, et que 
l'École de Nancy à remis en lumière. Mais il ya 
lieu de se demander si les lrainées figurées par 
Garnier sont toujours identiques aux filaments que 
nous voyons. Nous ne le croyons pas. Le cyto- 
| plasme basal de la cellule nous apparait souvent 


! Livre Jubilaire de la Société de Biologie, 1899, et 
XIIIe Congrès international de Médecine. Section d'Histo- 
| logie, 1900 (Sur les paranuelei et le mécanisme de l’élabo- 
ration dans la cellule pancréatique de la Salamandre.) 


E. LAGUESSE — REVUE 


ANNUELLE D'ANATOMIE 1025 


lamelleux, et c'est parfois dans l'épaisseur même 
de ces lamelles que nous apercevons les filaments 
nettement limités et vivement colorés. D'autres 
réactifs fixateurs nous les montrent plus estompés, 
comme dans les dessins de Garnier, ne laissant plus 
bien distinguer ce qui est filament, ce qui est 
lamelle, ce qui est rétraction causée par le réactif. 
Nous pouvons donc parfois désigner par le même 
mot des choses différentes. Pour l'éviter, peut-être 
serait-il préférable de comprendre sous la dénomi- 
nation d’'ergastoplasme, qui tend à devenir chaque 


. jour plus vague, l'ensemble du plasma élaborateur, 


c'est-à-dire toute la portion du cytoplasme, com- 
prenant parfois la zone basale entière, qui a subi 
des modifications spéciales en vue de l'élaboration. 
On réserverait alors un nom particulier aux bâton- 
nets ou filaments nettement différenciés, ayant des 
réactions spéciales sur le vivant, le nom d’ergasti- 
dions par exemple {diminutif de spyusrns, ouvrier), 
pourutiliserlemêmeradical.Ces ergastidions, héma- 
téinophiles, sont pour nous l'agent par excellence 
de l'élaboration, car ils deviennent moniliformes, 
et dans chacun de leurs renflements (lardivement 
égrenés) naît un grain de sécrétion safranophile. 

Si nous n'avons point parlé jusqu'ici de l'origine 
première des différenciations ergastoplasmiques, 
c'est parce que celte question est liée à une autre 
fort importante et dont il nous reste à parler : celle 
de la participalion du noyau à l'acte sécrétoire. Il 
y a longtemps que cette participation est soupçon- 
née, démontrée même, pour certaines glandes. 
En ce qui concerne les glandes séreuses, Ogala est 
un des premiers qui aient cherché à en expliquerle 
mécanisme. On sait que, pour lui, dans le pancréas, 
à chaque nouvelle sécrétion se développe dans le 
noyau un nouveau nucléole, ou plasmosome, qui 
en sort par effraction, devient de ce fait un corpus- 
cule paranucléaire (noyau accessoire, Nebenkern), 
et se segmente aussitôt en granules, qui ne sont, 
autre chose que les grains de zymogène. Cette con- 
ception était par trop simple, et on dut bientôt 
l'abandonner. Mais de nombreuses autres tenta- 
lives furent faites. Quand l'attention se porta sur 
l’ergastoplasme, on tendit bientôt de divers côtés 
à le considérer comme un intermédiaire nécessaire 
entre le noyau et le matériel de sécrétion, destiné 
à porter à ce dernier certains éléments chimiques 
que le premier seul possède. 

Aïnsi, Ch. Garnier’, Prenant ‘le considèrent 
comme un « intermédiaire entre les matériaux 
plasmatiques et nucléaires », un agent spécialisé 
pour les transformations chimiques comme le kino- 
plasme pour le mouvement. Avant l'élaboration, 
dit Garnier, « le noyau augmente de volume, puis 


1 Mêmes Mémoires pour tous les auteurs cités. 


| 


son ou ses nucléoles plasmatiques s’hypertrophient, 
et finalement cèdent de leur substance chroma- 
tique par diffusion à l'intérieur du suc nucléaire » ; 
la chromatine, s'en imprégnant, devient safrano- 
phile à son tour. Les filaments basaux se rapprochent 
du noyau et leur basophilie augmente, « car le 
noyau peu à peu leurcède sa substance chromatique, 
par exosmose vraisemblablement. » Souvent, les 
filaments viennent « s'insérer, pour ainsi dire », 
sur le noyau; « ils drainent alors les produits 
nucléaires au profit du cytoplasme ». Souvent, le 
noyau commence par subir la division directe ou 
amitose, et l’une des deux sphérules résultantes 
disparaît complètement dans le processus d'élabo- 
ration. Mathews raltache encore plus directement 
l'ergastoplasme au noyau, Pour lui, en effet, cha- 
cun des filaments dérive de ce dernier; on le voit 
naitre à l’intérieur même d'une des massettes de 
chromatine périphériques qui le sécrèle. La véri- 
table substance élaboratrice serait la chromatine 
nucléaire ; le filament ne formerait ensuite le maté- 
riel de sécrélion que par une sorte de dégénération. 
Cade, au contraire, ne croit pas à une intervention 
aussi directe du noyau; la chromatine constituerail 
plutôt, pour lui, un matériel de réserve où le cyto- 
plasme puiserait, pendant le lravail de « ségréga- 
lion », les substances nécessaires à sa régénération 
et à un déploiement plus intense de son activité. Il 
constate la présence d'amitoses et de caryolyses, 
c'est-à-dire de destruction de noyaux au sein du 
cytoplasme auquel ils apportent leur substance. 

Enfin, Macallum ! (cellule pancréatique), et, à sa 
suite, Bensley (cellule stomacale) ont constaté dans 
l'ergastoplasme, ou « prozymogène », comme ils 
l'appellent, la présence d'une certaine quantité de 
fer organique larvé, qui proviendrait de la chroma- 
tine nucléaire. ; 

Quant aux corpuscules paranucléaires, que l'on 
voit souvent apparaître et disparaitre au cours du 
processus sécrétoire dans les cellules pancréa- 
tiques et salivaires, disons seulement que, pour 
Garnier, Mathews, qui les ont particulièrement 
observés, ce ne sont que de simples agglomérations 
tout à fait secondaires de filaments ergastoplas- 
miques enroulés. Pourtant, d’après Garnier, ces 
filaments peuvent, en outre, se fusionner, et, d'autre 
part, à côlé des paranuclei d'origine cytoplas- 
mique, il en existe d’origine nucléaire (noyaux 
dégénérés après amitose) ou mixte. Pour lui, ce 
sont des résidus de la dernière élaboration qui 
seront utilisés lors de la sécrétion prochaine. 

Les changements de volume et de colorabilité du 
noyau, la production évidente, à certaines phases 
de la sécrélion, de chromatine nouvelle, puis de 


1! MacaLLum : Journal of Physiology, 1891. 


1026 


nucléoles aux dépens de celle-ci, ne nous laissent 
pas de doute sur la participation du noyau à l'éla- 
boration du produit de sécrétion. Mais nous ne 
croyons pas, dans le pancréas tout au moins, à une 
relation directe entre le noyau et le filament d’er- 
gastoplasme (ergastidion). Au contact du noyau, 
directement ou par l'intermédiaire de paranuelei, 
paraissent se reformer à chaque sécrétion de nou- 
velles lamelles cytoplasmiques, qui tirent évidem- 
ment une partie au moins de leur substance de la 
sphère nucléaire. C'est dans ces lamelles seulement, 
déjà fusionnées ou encore distinctes, que nous 
voyons s'individualiser les ergastidions, généra- 
lement sous la forme de vermicules. Les paranuclei, 
quand ils existent, nous semblent donc, comme 
l’admettait Platner notamment, être des intermé- 
diaires entre le noyau et le cytoplasme, portant au 
second des substances dérivées de la chromatine. 
Is peuvent se former de facons très diverses. Ainsi, 
chez le chien, nous constatons, comme Garnier, de 
vérilables amitoses limitées au noyau; l’un des 
nouveaux noyaux étant destiné à dégénérer, et 
revêtant à un moment donné, mais de facon peu 
nette, l'aspect de paranucleus. Chez la salamandre, 
cette forme ne s'observe que rarement. Le plus 
souvent, la division du noyau est très inégale, et, 
comme l'avait vu Platner, comme nous l'avions 
constaté depuis longtemps chez la truite, il ne s’en 
détache qu'une sorte de bourgeon ou de croissant. 
Tantôt, comme l’a décrit ailleurs Vigier, un nucléole 
seul, ou presque seul, paraît s’en dégager, au fond 
d’une sorte d’encoche. 

Mais ce n'est pas ici le lieu de développer ces 
idées. Mentionnons simplement que, dans d'autres 
glandes où ne semble pas intervenir l’ergasto- 
plasme, plusieurs auteurs ont récemment signalé 
de nouveaux faits de participation du noyau à la 
formation du matériel de sécrélion. Ainsi Henry‘, 
dans les cellules de l’épididyme, montre lesnoyaux 
se multipliant par amitose, et croit qu'ils forment 
directement, par mise en liberté des nucléoles, une 
partie des « boules safranophiles » qui constituent 
le produit de sécrétion. Ainsi, dans les cellules des 
glandes à venin de la salamandre, M° Phisalix- 
Picot” décrit la formation directe des grains de 
venin dans l'intérieur du noyau, aux dépens de la 
chromatine, tandis que P. Vigier”, dans celles du 
triton, voit simplement les nueléoles excréter 
d'énormes vacuoles qui viennent s'ouvrir dans le 


* Henuy : Efude histologique de la fonction sécrétoire de 
l'épididyme chez les Vertébrés supérieurs. Archives d'A na- 
tomie microscopique, t. LI, 1899-1900. 

© Mme Prisarix-Picor : Les glandes à venin de la Sala- 
mandre terrestre. Thèse, Paris, et XIIIe Congrès interna- 
tional de Médecine (Section d'Histologie), 1900. 

* P. Vicrer : Le nucléole dans les glandes à venin du 
Triton. Même Congrès, 1900, et Le Nucléole. Thèse Paris, 1900. 


E. LAGUESSE — REVUE ANNUELLE D'ANATOMIE 


cytoplasme pour lui apporter les matériaux néces- 
saires à l'élaboration. 

L'étude de tous ces phénomènes est très difficile, 
el il est évidemment nécessaire que les faits ob- 
servés soient confirmés par plusieurs observateurs 
avant d'être définilivement admis: mais il paraît 
certain, dès maintenant, que le noyau joue un rôle 
bien manifeste dans la fonction sécrétoire de beau- 
coup de cellules, et que les modes de son activité, 
les aspects morphologiques sous lesquels elle se 
manifeste, peuvent être très variés. 


$ 2. — La graisse dans les tissus 
autres que l’adipeux. 


Le tissu adipeux a pour mission spéciale de 
constituer une réserve de graisse où l'organisme 
puise quand les circonstances de sa nubition 
l'exigent, mais on sait que d’autres éléments peu- 
vent en fabriquer, pour leurs besoins ou dans 
d’autres buts. Voici quelques exemples nouveaux 
ou plus complètement éludiés. 

Bonne’ éludie les grosses gouttelettes grais- 
seuses qui s'accumulent, pendant l’engourdisse- 
ment hibernal, chez la grenouille, dans les gan- 
glions rachidiens (Morat), pour disparaitre pro- 
gressivement au printemps. Chaque goutteletle 
est logée, non pas dans la cellule nerveuse, 
comme on serait tout d'abord tenté de le croire, 
mais dans une des cellules conjonctives de sa 
capsule. Cette cellule, devenue globuleuse, dé- 
prime à la périphérie l'élément nerveux. Ces 
gouttelettes constituent « évidemment des maté- 
riaux de réserve deslinés à être lentement con- 
sommés », mais « la cellule nerveuse est trop 
hautement différenciée pour se charger elle-même 
du double courant d'apport et de consommation. » 
(Bonne). 

Sacerdotti * insiste sur ce fait que, dans la cellule 
carlilagineuse, la graisse se rencontre de façon 
normale, à peu près constante, et n'est pas, comme 
on le croit souvent à tort, une production sénile. 
Ce qui le montre bien, c'est son abondance chez 
les rongeurs jeunes, et particulièrement chez le 
lapin. Chez cet animal, il en existe dès la naissance 
dans les cellules les plus périphériques des car- 
lilages costaux. Elle envahit bientôt toute leur 
épaisseur, et forme dans chaque élément une 
énorme goutleletie, qui le remplit presque en en- 
ler, refoulant et aplatissant le noyau, comme dans 
la cellule adipeuse. Cette graisse n'est pas une 
réserve utilisable par l’ensemble de l'organisme, 
car elle ne diminue pas dans l’inanition. Ce serait, 
pour l’auleur, une réserve individuelle de la cellule, 

! Boxe : Société de Biologie, 1901, et Province médicale, 
901. 

“ SACERDOTTI : Archives de Virchow, t. CLIX, 1900. 


E. LAGUESSE — REVUE ANNUELLE D'ANATOMIE 


1027 


s'accumulant par une sorte d'infiltration à l'état 
dissous, ayant peu de tendance à disparaitre, parce 
que la cellule consomme peu, dépense très peu 
d'énergie. L'absence de nerfs, l'impossibilité pour 
la cellule cartilagineuse d’entrer en relations 
directes par voie réflexe avec les autres éléments 
-de l'organisme, rendraient cette graisse inutilisable 
pour ces éléments dans l'inanition. 

Rappelons enfin que, dans la cellule glandulaire 
séreuse, semblable accumulation de graisse peut 
avoir lieu, moins abondante, mais assez marquée 
pourtant, et semble servir également de réserve 
individuelle ‘. Elle se produit chez la salamandre 
(pancréas) quand la cellule, étant chargée de grains 
de sécrétion, prête à fonctionner, le jeûne se pro- 
longe un certain nombre de jours. Dans ce cas aussi, 
il semble que la cellule, continuant à recevoir du 
sang des matériaux en excès, n'a plus qu’à thésau- 


 riser. 
N 3. — Les Clasmatocytes. 


un 


Voici longtemps déjà que le Professeur Ranvier 
a décrit, pour la première fois, mais sans la figurer, 
. la nouvelle variété decellules auxquelles il a donné 
le nom de clasmatocytes. Pourtant, certains auteurs 
ne les admettent point ou les passent sous silence; 
d'autres continuent à les confondre avec les cellules 
conjonclives. Aussi Ranvier revient aujourd'hui sur 
ce sujet” en accompagnant ses descriptions de 
nombreuses et belles figures. C’est dans le mésen- 
tère du triton crèté que le clasmatocyte doit être 
observé tout d'abord. Il y acquiert des dimensions 
colossales et l'aspect étoilé caractéristique, avec 
. larges prolongements dendritiques jamais anastlo- 
mosés, irréguliers, moniliformes, chargés de 
nombreuses granulations très réfringentes, et très 
colorables par le violet de méthyle 5 B. Ce sont ces 
. prolongements qui s’'égrènent pour mettre en liberté 
les granules, vraisemblablement employés à la 
nutrilion du tissu. Le corps et le noyau persistent, 
et semblent pouvoir recommencer une nouvelle 
évolution. C'est une sorte de glande unicellulaire 
_mérocrine. La forme fondamentale des clasmato- 
cytes est globuleuse; c'est sous cet élat qu'on les 
rencontre dans la lymphe péritonéale ; leur forme 
dans un tissu « résulte de l’action des éléments qui 
les avoisinent, résistance ou irrilalion. » On les 
retrouve facilement, mais moins nets, dans la 
membrane d'enveloppe du sac périæsophagien de 
la grenouille, dans le grand épiploon du lapin. 
. Dans les régions très ajourées, réticulées, du grand 
épiploon du cobaye, les cellules conjonctives fixes 
sont absentes, ou plutôt uniquement représentées 


1 On. Garniex : C. R, de la Société de Biologie, 1900, et 
nous-même, dans le même recueil. 
… 2 RANVIER Des clasmatocytes., Archives d'Anatomie 
+ microscopique, t. IN, 1899-1900. 


par l’endothélium. Tous les éléments inclus dans 
les travées du réseau sont des clasmatocytes. 

Injectez quelques gouttes de nitrate d'argent 
dans la cavité péritonéale d'un lapin; vingt-quatre 
heures après, tous les clasmatocytes du grand épi- 
ploon auront fait retour plus où moins accusé à la 
forme de leucocytes ordinaires. Faites la même 
expérience avec le cobaye; quarante-huit heures 
après, tous les clasmatocytes, par conséquent toutes 
les cellules fixes des régions réticulées, auront dis- 
paru et seront remplacés par des leucocytes; du 
septième au huitième jour, ils reparaitront. Injee- 
tez, dans la même cavité, de la poudre de vermillon 
que les globules blancs accaparent avec tant de 
facilité; vous constaterez qu'au bout d'un jour, les 
leucocytes de la sérosité péritonéale et quelques- 
uns des clasmatocytes de l’épiploon contiennent du 
vermillon, qu'au bout de quatre jours beaucoup en 
ont. De tous ces faits et d’autres bien connus (for- 
mation de clasmatocytes in vitro), Ranvier se croit 
en droit de conclure que les clasmatocytes ne sont 
autre chose qu'une variété de leucocytes. Ils ont 
perdu la propriété de se mouvoir pour acquérir 
celle d'élaborer des substances nutritives: ils peu- 
vent au besoin reprendre leur forme première de 
leucocytes errants, contribuer aussi à la formation 
du pus lors de l'inflammation. Les Wastzellen (ou 
cellules engraissantes) d'Ehrlich sont une variété de 
clasmatocytes. 

D’après Jolly !, qui a particulièrement étudié ce 
point, c'est seulement chez les Amphibiens que 
clasmatocytes et Mastzellen offrent les mèmes réac- 
tions et ont une évidente parenté. Dans le grand 
épiploon des Mammifères au contraire, on trouve- 
rait côte à côle, sous forme d'éléments parfaite- 
ment distincts, clasmatocytes, Mastzellen et Plas- 
mazellen d'Unna. L 

Stassano et Haas *, de leur côté, ont observé, d'une 
part, l'augmentation de nombre des clasmatocytes 
et de leurs granulations en réchauffant et nourris- 
sant la grenouille d'hiver; d'autre part, une diminu- 
tion considérable du nombre de leurs granulations 
après deux mois de jeûne et de refroidissement 
dans la glace. Cette expérience vient donc à l'appui 
de la théorie de Ranvier, et de celle d’'Ehrlich sur 
les cellules granuleuses en général : ce seraient des 
éléments amassant une réserve de matériaux 
nutritifs probablement albuminoïdes. 

Enfin, M Phisalix ? signale la grande abondance 
des clasmatocytes dans le derme des salamandres, 
où ils forment un véritable feutrage, et acquièrent 
des dimensioas énormes. 


! Joy : C. R. de la Société de Biologie, 1900, et Associa- 
tion des Anatomistes, 1901. 

= Srassano et Haas : C. R, de la Société de Biologie, 1900. 

% Mme Pyisacix : C. R. de la Société de Biologie, 1900. 


1028 


III. — APPAREIL CIRCULATOIRE. 


$ 4. — Le canal artériel. 


Le canal arlériel, ce vaisseau qui, chez le fœtus 
et le nouveau-né, unit l'artère pulmonaire à l'aorte, 
était encore peu étudié. Gérard’ vient d’en faire 
l'objet d'unemonographietrèscomplète. S'appuyant 
sur de.très nombreuses observations personnelles, 
il en précise la direction, les dimensions et la 
situation exacte, ainsi que la topographie de toute 
la région voisine chez le nouveau-né. Il montre 
qu'avant Ja naissance, le diamètre du canal artériel 
est égal, sinon supérieur, à celui des branches pul- 
monaires droite et gauche. Au point de vue histo- 
logique, le canal appartient aux artères du type 
musculaire. L’oblitéralion physiologique commence 
dès l'établissement de la respiration pulmonaire. 
Mais, longtempsencore,le canal reste perméable aux 
injections. L'oblitération histologique commence 
dès les premiers jours, mais progresse lentement 
« etest assez rarement définitive avant le quaran- 
tième jour ». La tunique interne prolifère, en un 
point de son pourtour particulièrement, et forme 
une saillie qui, peu à peu, vient oblitérer complète- 
ment la lumière. C’est assez tardivement (fin de la 
première année) qu'a lieu l’accollement, la soudure 
qui supprime définitivement celle-ci: et pendant 
plusieurs années encore, dans le ligament artériel, 
reste du canal atrophié, on trouve des vestiges des 
différentes tuniques de celui-ci. 


$. 2. — Les veinules de la rate. 


On sait que les veinules de la rate ont pour uni- 
que paroi, chez les Mammifères, une simple assise 
de fines fibres annulaires espacées, réunies par 
des anastomoses en une sorte de treillis, sur lequel 
reposent directement les cellules endothéliales, 
allongées selon l'axe du vaisseau. 

Avec Henle, Frey, on avait considéré jusqu'ici 
ces fibres comme de simples trabécules du réticu- 
lum splénique ayant une orientation particulière. 
D'après von Ebner”, ce seraient, au contraire, de 
véritables fibres élastiques, reconnaissables à leur 
réfringenee et à leur colorabilité par l'orcéine. 
Elles seraient incluses dans une membrane conti- 
nue de même nature, excessivement fine, qui les 
réunit toutes entre elles. Schumacher * confirme la 
description de von Ebner, non seulement chez 
l'homme, mais chez plusieurs autres Mammifères 

marmotte, singe, écureuil, lapin, rat, cobaye, 


! GérarD : 1. Le canal artériel: 11. De l'oblitération du 
canal artériel. Journal de l Anatomie, 1900. 

* Von Ener : Ueber die Wand der capillaren Milzvenen. 
\natomischer Anzeiger, t. XV, 1899. 

*S, von SCaumACHER : Das elastische Gewebe der Milz. 
Archives de Schulze, t. LV, 1900. 


E. LAGUESSE — REVUE ANNUELLE D'ANATOMIE 


chauve-souris, chien) ; pourtant, il ne retrouve 
qu'avec difficulté la fine membrane continue, sauf 


chez la marmotte, et fait des réserves sur l'imper- 


méabilité des parois veineuses. Hæhl ‘ fait remar- 


quer que les fibres en question ne se teignent que 
difficilement par l’orcéine, et dans certaines condi- 
tions seulement. Par l'ensemble de leurs réactions 
colorées et leur résistance à la digestion par la 
pancréatine, elles se rapprocheraient plutôt des 
fibres conjonctives ordinaires collagènes. Hoyer* 
fait les mêmes réserves à propos des réactifs colo- 
rants. S'appuyant sur le développement, il croit 
pouvoir revenir à l'ancienne conception : les fibres 
annulaires sont des trabécules du réseau orientées. 


Il montre que cette orientation ne s'établit que peu 


à peu dans la rate du nouveau-né (à mesure que 
s'élargissent les veines), grâce à une sorte d’étire- 
ment transversal des mailles. Adaptées à une fonc- 
tion nouvelle, obligées de suivre le mouvement 
d'expansion du vaisseau, ces trabécules, simples 
prolongements cellulaires densifiés, peuvent alors 
subir une modification chimique. Elles s'imprégne- 
raient d’élastine ou d'une substance voisine, et pren- 
draient des propriétés qui les rapprochent des 
fibres élastiques. Cette manière de voir, qui s'ac- 
corde parfaitement, en somme, avecles observations 
de von Ebner, nous parait être la plus rationnelle. 
Ainsi s'expliquent l'épaisseur plus grande, la réfrin- 
gence, la colorabilité et l'aspect particulier de ces 
travées annulaires, toutes choses faciles à vérifier, 
et qui avaient déjà altiré l’attention. C’est, sans 
doute, un processus analogue qui serait capable 
d'amener, dans les ganglions lymphatiques, la 
transformation élastique du réticulum décrite par 
Retterer*®. Quant à la fine membrane unissante de 
von Ebner, Hoyer ne l’a pas retrouvée, et son exis- 
tence reste encore un peu douteuse. Pourtant, plus 
récemment, Weidenreich* la décrit de nouveau, 
tout en y admettant par place des stomates arron- 
dis; en ce qui concerne les fibres circulaires, il 
parlage, en somme, l'opinion de Hoyer. 


IV. — APPAREIL RESPIRATOIRE. 


L'INNERVATION DU DIAPHRAGME. 


L'innervation du diaphragme n’est pas exclusi- 
vement réservée au nerf phrénique. Depuis long- 
temps, Luschka à signalé l'intervention de filets 
provenant des nerfs intercostaux; mais cette des- 


‘ Horus : Ueber die Nalur der cireulären Fasern der capi- 
laren Milzvenen. Anatomischer Anzeiger, t. XVII, 4900. 

> H. Hoyer : Zur Histologie der capillaren Venen in der 
Milz. Anatomischer Anzeïger, t. XVII, 1900. 

3 Rerrener : Développement et évolution des ganglions 
lymphatiques. C. R. de la Société de Biologie, 1900. 
4 Wernenreion : Das Gefäisssystem der menschlichen Milz. 
Archives de Schulze, t. LVII, 4901. 


étonne attes s 


OT TS 


Cription, celle plus récente de Pansini, avaient été 
resque complètement oubliées. Cavalié‘ reprend 
ette étude et l’élargit, en s'appuyant sur l’Anato- 
mie et la Physiologie comparées. 

Au cours de l’évolution phylogénétique des 
fertébrés, l'innervation du diaphragme s'est éta- 
blie en trois étapes successives. À la première 
(Vertébrés inférieurs), le muscle encore rudimen- 
aire est uniquement sous la dépendance des nerfs 
intercostaux. À la seconde (Oiseaux), le diaphragme 
est plus développé, double même : les nerfs inter- 
-costaux fournissent des filets à la portion coslale, 
les ganglions dorsaux du sympathique aux deux 
diaphragmes. À la troisième étape (Mammifères), 
ces deux sortes de rameaux persistent, mais nous 
assistons, en outre, à l'apparition d’un nouveau 
nerf, hautement différencié et particulièrement 
destiné au musele en question : c'est le nerf phré- 
nique. Les filets intercostaux passent donc ici au 
second rang, mais ce sont des vestiges encore im- 
portants de l'état primitif, Chez l’homme, par 
exemple, le territoire des intercostaux est limité 
à la partie marginale du diaphragme: celui-ci 
recoit d'eux cinq à six filets de chaque côté, prove- 
nant des six derniers nerfs intercostaux. 


V. — APPAREIL DIGESTIF. 
$ 1. — Les cellules étoilées du foie. 

Dans l’intérieur des lobules hépatiques, la trame 
conjonclive de soutien est excessivement réduite. 
Par l'emploi du chlorure d'or, Von Kupffer à décrit 
- autrefois ce tissu comme constitué par un treillis 
de très fines fibres grillagées, et par des cellules 
étoilées que l'imprégnation détache en violet noir 
sur fond clair. Or, Von Kupffer lui-même”, dans de 
nouvelles recherches, montre que ces cellules étoi- 
lées du foie ne sont point des éléments conjonctifs. 
Elles font partie intégrante de la paroi même des 
capillaires sanguins. Ce sont, par conséquent, des 

cellules endothéliales, mais des cellules endothc- 
liales particulières, non aplalies, qui proéminent 
dans la lumière. Elles possèdent au plus haut degré 
le pouvoir phagocytaire, englobent et retiennent au 
passage les corps étrangers pulvérulents (encre de 
Chine injectée, hématies, microbes) et par consé- 
 quent représentent un des éléments importants du 
. foie, puisque celte glande est considérée à juste 
titre comme une sorte de filtre que doivent traver- 
ser les malériaux nutrilifs absorbés dans l'intestin 
_ par la veine porte. Browiez® confirme les données 


1 Cavauté : De l'innervation du diaphragme. Thèse, Tou- 
louse, 1598. 

3 C: von Kurrrer : Ueber die sogenannten Sternzellen der 
Säuvethierleber. Archives de Schulze, t. LIV, 1899. 

3 BROWICZ : 
laren der Leberacini; Archives de Schulze, t. LV, 1900, 


E. LAGUESSE — REVUE ANNUELLE D'ANATOMIE 


Ueber intravasculaire Zellen in den Blutcapil- | 


1029 


de von Kupffer en faisant cette réserve : c'est que 
pour lui, les cellules proéminentes ne feraient pas 
partie, à proprement parler, de l’assise endothé- 
liale, ne contribueraient jamais à former la lamelle 
externe de cet endothélium. Elles représenteraient 
une sorte de seconde assise, interne, discontinue,. 
Ce n'est pas la première fois qu'on attribue aux 
endothéliums le pouvoir phagocytaire; mais, en un 
tel point et avec une telle netteté, cette constala- 
tion acquiert un grand intérêt. 


$ 2. — Les îlots de Langerhans dans le Pancréas. 


Plusieurs travaux viennent de paraitre, en Italie 
notamment, sur ces formations. On sait que ce 
sont des groupes de cellules, parfois volumineux, 
toujours assez nombreux, qui existent de façon 


| constante dans le pancréas des Vertébrés, cellules 


ordonnées en général non autour de lumières 
excrélrices, comme celles des acini, mais autour 
de vaisseaux capillaires dilatés. Gette disposition, 
et d'autres raisons Lirées de l'histogénie, nous les 
avaient fait considérer, dès 1893, comme des amas 
cellulaires endocrines, c'est-à-dire comme les orga- 
nites de la sécrétion interne récemment attribuée 
au pancréas par les physiologistes. 

Von Ebner, Renaut acceptent cette hypothèse 
dans leurs Traités d'Histoiogie (1899). Diamare", 
Massari’, W. Schulze, Tribondeau*, Gentès', 
Jarotsky® l'acceptent également dans leurs Mé- 
moires, apportent des faits nouveaux à l'appui, et 
plusieurs d'entre eux se servent couramment des 
termes ilots endocrines, tissu endocrine*. Au con- 
traire, quelques auteurs, Giannelli notamment, la 
rejettent. 

Giannelli s'appuie sur deux ordres de faits sur- 
tout. D'une part, il constate chez les Ophidiens, 
dans les cordons cellulaires constitutifs des îlots, de 
très fines lumières ou des fentes. Ce ne seraient 
donc pas des cordons pleins : ils pourraient sécré- 
ter une des parties constituantes du suc pancréa- 
tique. D'autre part, suivant le développement chez 
un Saurien (Seps Chalcides)", il a constaté que, dès 


{ Dramare : Studii comparativi sulle isole di Langerhans 
del pancréas. Journal international d'Anatomie, t. XVI,1899, 
et Sul valore anatomico et morfologico delle isole di Lan- 
gerhans, Anatomischer Anzeiger, 1899. 

2 Massari Sul pancreas dei Pesci. 
Lincei, 1898. 

# TRIBONDEAU : Pancréas des Ophidiens. XIII Congrès 
international de Médecine. Section d'Histologie, 1900. 

* Genrës : Les ilots de Langerhans du pancréas. Thèse, 
>ordeaux, 1901. 

5 Jarorsky : Ueber die Veränderungen in der Grosse und 
im Bau der Pancreaszellen bei einigen Arten der Inanition. 
Archives de Virchow, t. CLVI, 1899. 

5 Giacomini semble y arriver également aujourd'hui. 

7 GYANNELLI Ricerche macroscopiche e microscopiche 
sul pancreas (Siena), 1898. Sullo sviluppo del pancreas nella 
Seps chalcides (Siena), 1899. — Sulla dispositione degli 


Accademia dei 


1030 


E. LAGUESSE — REVUE ANNUELLE D'ANATOMIE 


le début, les ilots, peu nombreux ici mais très gros, 
apparaissent en un point précis, à l'extrémité dis- 
tale de l’ébauche pancréatique dorsale, et restent 
cantonnés pendant toute la vie au voisinage de ce 
point. Il en serait à peu près de même chez les 
Amphibiens. Il admet donc (et Massari, Diamare 
sont d'accord avec lui sur ce premier point), que 
ce sont des formations permanentes, restant toute 
la vie ce qu'elles étaient chez l'emhryon. Il est 
amené à en conclure que les îlots représentent une 
portion rudimentaire de la glande, peu différen- 
ciée et sans grande importance fonctionnelle ac- 
tuelle. Il défendait encore récemment cette manière 
de voir’. Oppel”, bien que très éclectique d’ailleurs, 
soutient une opinion analogue. 

Diamare, après avoir étudié Téléostéens, Rep- 
tiles, Oiseaux et Mammifères, admet que les îlots 
sont des formations permanentes, mais à fonction 
endocrine. Ce sont de vrais corpuscules épithéliaux 
du pancréas (Æpithelkürperchen), à rapprocher des 
parathyroïdes, de la surrénale, de la pituitaire, et 
ayant la structure caractéristique des glandes à 
sécrétion interne. Chez les Sélaciens, il ne trouve 
pas de véritables ilots de Langerhans formés de 
cordons pleins ; mais les canaux excréteurs les plus 
fins sont bordés de cellules granuleuses qui, par 
leur aspect et leurs réactions, rappellent celles des 
ilots. Il est tenté de considérer ces canaux comme 
la forme primitive revêtue par le tissu endocrine 
dans le pancréas des Vertébrés. 

Un nouveau fait vient à l’appui de cette hypo- 
thèse. Giacomini, qui a collaboré aux premiers tra- 
vaux de Giannelli (4890), trouve par places chez la 
Lamproie, dans un organe que sa structure et ses 
rapports permettent de considérer comme le pan- 
créas, des acini tout à fait différents par leur 
structure des acini ordinaires. Ce sont de larges 
vésicules, assez analogues à celles de la thyroïde, 
et contenant parfois des hématies (à la facon de 
certains ilots des embryons Mammifères.) 
Giacomini considère ces vésicules comme les équi- 
valents des ilots de Langerhans des Vertébrés supé- 
rieurs. 

L'existence, chez les Ophidiens, de figures de 
transitionsnombreuses entre acini et cordonspleins, 
la trace des remaniements évidents de la glande 
par les vaisseaux, la présence d'ilots même dans 


de 


les portions provenant de l’'ébauche ventrale, nous | 


permettent de continuer à croire que la plupart de 


accumuli di Langerhans degli Anfibii..… Siena, 1899. (Acca- 
demia dei Fisiocriti.) 

1 GranNeLcr : Verhandlungen der Anatomischen Gesells- 
chaft, Pavyia, 1900. 


* Orrec : Verdauungs-Apparat, in Ærgebnisse der Anæ- 
tomie, t. 1X, 1900. 
* Giacomini : Sul Pancreas dei Petromyzonti..… Verhand- 


lungen der anatomischen Gesellschaft, Pavia, 1900. 


ces ilots ne sont pas des formations permanentes !M 
L'existence de grains de sécrétion très nets, isola- 
bles sur le vivant, accumulés au contact du vais-W 
seau et non au voisinage de la lumière quand il en 
persiste des vestiges (Ophidiens), nous confirme 
dans l'idée qu'il s'agit ici d'organes à sécrétion 
interne. Les données de Diamare sur les Sélaciens, 
de Giacomini sur les Cyclostomes, s accordent 
assez bien avec cette hypothèse. Si elles sont con- 
firmées, elles nous montreront vraisemblablement 
la sécrélion interne s’établissant chez les Vertébrés 
inférieurs à l’aide des éléments dont elle peut dis- 
poser, c'est-à-dire aux dépens de certaines portions 
de l'arbre glandulaire creux; puis, peu à peu, la 
lumière devenue inutile diminuant, s’atrophiant 
(Ophidiens), enfin disparaissant complètement 
(Mamuifères), à mesure que s'établit plus intime 
le rapport avec les vaisseaux, à mesure que se fait 
mieux sentir ce que Renaut appelle le rôle mode- 


* lant de ceux-ci dans le remaniement de la glande. 


Mais il ne faut pas oublier que nous ne connaissons 
les ilots de Langerhans que depuis quelques 
années, et que nous avons vraisemblablement 
encore beaucoup à apprendre sur eux. 


Nous ne pouvons mieux terminer ce court exposé 
qu'en résumant les très intéressantes expériences 
de M. W. Schulze, qui sont tout en faveur du rôle 
endocrine des ilots. Chez une série de cobayes, cet 
auteur isoie, par une ligature, un pelit fragment de 
pancréas de facon à oblurer complètement ses 
canaux excréteurs tout en respectant les vaisseaux. 
Au bout de quelques jours, le tissu exocrine s’a- 
trophie, est remplacé par du tissu conjonetif, mais 
les ilots restent intacts et le sont encore après plus 
de deux mois. Schulze en conclut que ce sont 
des formations indépendantes du pancréas exo- 
crine * au point de vue fonctionnel. On sait, dit-il, 
gne l’extirpation lotale du pancréas produit le 
diabète; l'atrophie qui suit la ligature du canal 
excréteur ne le produit pas; done, ce sont les por- 
tions de la glande résistant à cette atrophie, c’est- 
à-dire les ilols, qui empêchent le diabète. Ce sont 
eux qui versent dans le sang la sécrétion interne, 
la sécrétion qui influe sur l’utilisation des matières 
sucrées. 

E. Laguesse, 


Professeur d'Histologie 
à la Faculté de Médecine de Lille. 


! Bibliographie 1899; Société de Bio 
logie, 1900. 

= W. Scuurze : Die Bedeutung der Langerhanschen Inseln 
im Pancreas; Archives de Schulze, t. LVI, 1900. 

3 Exocrine, c'est-à-dire à sécrétion externe; endocrine, à 


sécrétion interne. 


anatomique, 


BIBLIOGRAPHIE — ANALYSES ET INDEX 


1031 


4° Sciences mathématiques 


chupmann (L.), Professeur à l'Université W'Aix- 
la-Chapelle. — Die Medial-Fernrohre (Les Lu- 
nettes astronomiques médiales). — 1 vol. in-8° de 
“ 146 pages, avec %S figures dans le texte (Prix: 
4 mk. 80.) Teubner, éditeur. Leipzig, 1901. 

Dans cel ouvrage, l'auteur nous apporte une contri- 
ution importante à la solution d’un problème qui 
réoccupe de plus en plus le monde astronomique, 
roblème qui peut être résumé par les considérations 
uivantes : 

L'installation d’une grande lunette astronomique, 
lun grand équatorial par exemple, exige le concours 
de plusieurs artistes, de plusieurs talents: le fondeur 
de verre fournira un bioc de matière aussi grand et 
ussi homogène que possible, le tailleur de verre ou 
‘opticien apportera tout son savoir et toute son habi- 
eté pour exécuter l'ohyeetif, partie essentielle de l'ins- 
rument. Il faut yajouter le mécanicien, chargé de la 
monture et de l’ajustage de toute la partie métallique, 
et, enfin, n'oublions pas l'ingénieur-archilecte, à qui 
incombe le soin de construire un bâtiment et une cou- 
ole mobile destinés à abriter l'instrument. Or, ces 
divers genres de travaux n'ont pas progressé dans la 
même proportion; en particulier, la construction des 
coupoles mobiles n’a pas pu suivre la fabrication d'ob- 
ectifs de plus en plus grands, avec des distances foca- 
es croissantes. 

Cela surtout à cause du prix de revient; déjà, pour 
les grands équatoriaux actuels, le prix de revient de la 
coupole est considérablement plus élevé que celui de 
l'objectif lui-même. Ainsi, pour le grand équatorial de 
trente pouces de l'Observatoire impérial russe de Poul- 
kowa, près Saint-Pétersbourg, les crédits absorbés pour 
‘installation complète ont été de 300.000 roubles, tandis 
que l'objectif taillé par Alvan Clark a coûté 32.000 dol- 
lars. La longueur focale de cet instrument est de 
14 mètres, et lorsqu'on sait que la lunette du grand 
équatorial de l'Observatoire du Mont-Gros, près de Nice, 
a 18 mètres de longueur, on peut se représenter la 
dépense faite pour celte œuvre par M. Bischoffsheim, et 
concevoir les difficultés techniques que les établisse- 
ments Eilfel ont eues à surmonter pour construire la 
coupole mobile qui abrite ce grand instrument. 

Il résulte de ces faits que l’utilisation d'objectifs à 
ouverture plus grande et à distance focale plus consi- 
dérable, tels que les opticiens peuvent en produire, se 
trouve forcément liée à la question de savoir comment 
diminuer les dimensions d’une lunette, sans racourcir 
en mème temps la longueur focale de son objectif. 

Dans l'instrument proposé par M. L. Schupmann, 
l'objectif est formé par une seule lentille de crown, 
et, pour corriger les aberrations de couleur et de sphé- 
ricité, un dispositif spécial se trouve placé dans le voisi- 
nage du foyer de l'objectif. Cet appareil comprenant, 
‘entre autres, un prisme droità réflexion totale, un miroir 
concave et deux ou trois ménisques, il en résulle que la 
partie optique de la nouvelle lunette participe à la fois 
du réfracteur et du réflecteur. De là le nom de médial, 
donné à cet instrument. D'autre part, une autre dispo- 
sition, également proposée et calculée par l'auteur, 
consiste à arrêter le cône des rayons lumineux venant 
de l'objectif, au milieu ou aux deux tiers de son trajet, 
par un miroir concave qui ramène ainsi le foyer avec 
Son appareil de correction vers le centre de la lunette, 
près du pilier. Il en résulte donc une sorte de lunette 

risée, qui a pu recevoir le nom de hrachymédiale. 

La valeur réelle des modifications proposées par 


BIBLIOGRAPHIE 


ANALYSES ET INDEX 


l'auteur et calculées à grand renfort d'analyse et 
d'équations, est bien difficile à apprécier, sil est un 
domaine où le vieux proverbe allemand : « Probiren 
geht über studiren » (Essayer vaut mieux qu'étudier) 
soit vrai, c'est bien celui des applications de l'Optique. 
Ii suffirait de rappeler que les objectifs les plus grands 
et les plus parfaits qui existent ont été l'œuvre d'un 
Alvan Clark: leurs surfaces n’ont pas été calculées de 
toutes pièces, mais simplement laillées de manière à 
fournir une image parfaite sous tous les rapports. A 
première vue, le fait de supprimer la deuxième len- 
tille de l'objectif paraît une simplification importante 
puisqu'elle réduit de moitié le coût de l'objectif, mais 
elle laisse entier l'inconvénient des longues distances 
focales et des grandes coupoles, qui constitue, comme 
nous l'avons vu, la plus grosse dépense d'une installa- 
tion astronomique. Dans cet ordre d'idées, la lunette 
dite brachymédiale remplit beaucoup mieux les condi- 
tions du problème que nons avons à résoudre, puisque 
la lunette elle-même est plus courte que la distance 
focale de l'objectif qu'elle renferme. Rappelons aussi 
que Littrow, dans son dialyte construit par Plüss|, avait 
déjà enlevé la lentille de flint de l'objectif pour la 
reporter vers le milieu de la distance focale de l’objec- 
tif et que cette modification avait donné de bons résul- 
tats. Sans insister sur l'inconvénient de faire cheminer 
un faisceau lumineux à travers de nombreux milieux 
et de lui faire subir une ou même deux réflexions sur 
argent, il faut surtout relever le fait que, dans la con- 
struction préconisée par M. L. Schupmann, la lentille- 
objectif se trouve, en réalité, à l'extrémité d'un tube 
élastique, tandis que l'appareil de correction se trouve 
à l'extrémité opposée où au centre de l'instrument. 
Que devient alors le centrage exact et permanent du 
système optique dans toutes les positions de la lunette? 
Quoi qu'il en soit, les calculs et les essais de l’auteur 
méritent une sérieuse attention, et, si les résultats pra- 
tiques viennent confirmer ses prévisions, il aura droit 
à foute la reconnaissance du public astronomique en 
général. INENOExX 
Astronome à l'Observatoire de Genève. 


2° Sciences physiques 


Wagner (R.). et Fischer (F.). — Traité de Chimie 
industrielle, 4° édition française, rédigée sur la 
15° édition allemande, par le D' L. Gautier. — 
2 vol. grand in-8°, avec très nombreuses figures 

dans le texte. Tome I. (Prix : 30 fr.) Masson et 

Cie, éditeurs. Paris, 1901. 


L'ouvrage qui vient de paraître est une nouvelle 
édition d'un livre dont la réputation n’est plus à faire. 
IL est apprécié de tous ceux qui en ont fait usage; il est 
classique en Allemagne. Pour tenir un pareil livre au 
courant des progrès réalisés, il faut, à chaque édition 
nouvelle, y faire les plus larges additions. Les auteurs 
allemands l’ont fait avec beaucoup de soin, et le tra- 
ducteur, le D‘ Gautier, a ajouté à leur texte de fort 
utiles compléments. 

La présente édition diffère donc beaucoup des pré- 
cédentes, tant par son étendue que par sa physionomie. 
L'ouvrage, primitivement composé d'un volume, en 
comprend deux sous sa forme actuelle. Le premier 
volume est seul publié jusqu'ici, le second devant 
paraître au début de l'année prochaine. 

Les questions exposées dans ce premier volume sont 
le chauffage, l'éclairage, la métallurgie chimique, et la 
fabrication des produits chimiques inorganiques. 

On peut sisnaler comme caractéristique le développe 


1032 


BIBLIOGRAPHIE — ANALYSES ET INDEX 


ment donné partout aux méthodes électriques em- | l'hypothèse est à la base de leurs méthodes. Aussi um 


ployées à produire des réactions par voie sèche ou par 
voie humide. La préparation ou le raffinage des 
métaux, la décomposition des chlorures avec où sans 
diaphragme pour la préparation de l'élément chlore ou 
de l’alcali, s'y trouvent décrits dans leur état actuel. 
L'industrie des explosifs y est étudiée dans ses traits 
essentiels. L’acide sulfurique forme aussi uu important 
chapitre, et les procédés par contact, dont l'importance 
s'aflirme tous les jours davantage, y sont traités avec 
quelque développement. 

Pour donner une idée nette de l'allure rapide avec 
laquelle les progrès ont été réalisés, les auteurs ont eu 
l'heureuse idée, chaque fois qu'ils décrivent une 
méthode ou un brevet, de noter entre parenthèses 
l’année pendant laquelle ces dispositions ontété annon- 
cées ou mises en œuvre. Peut-être eût-il été possible 
même, entrant dans cette voie plus largement encore, 
de donner l'indication complète des sources originales 
où les questions sont étudiées dans le plus complet 
détil. L'usage de les mentionner est devenu très 
général, comme aussi l'usage d'indiquer, au début ou 
à la fin d’un chapitre, quels sont les traités modernes, 
français ou étrangers, que l’on peut utilement consulter 
si l'on veut des renseignements plus complets. 

Des tableaux stalistiques permettent de juger le 
développement de chaque industrie et les abaissements 
de prix que les perfectionnements successifs ont 
permis de réaliser. Les tableaux relatifs à l'industrie de 
aluminium en donnent un remarquable exemple. 

L'abondance des renseignements réunis dans cet 
ouvrage, et le soin avec lequel il a été tenu au courant 
des progrès modernes, le rendent tout à fait utile à 
ceux qui cherchent à perfectionner les méthodes, à 
ceux aussi qui veulent étudier les développements de la 
Chimie industrielle. LÉON PIGEON, 

Professeur adjoint 
à la Faculté des Sciences de Dijon. 
Villon (A.-M.) et Guichard (P.). — Dictionnaire de 

Chimie industrielle. Tome NI, fase. 26-27. (Prix : 

2 fr. le fascicule.) — Bernard Tignol, éditeur. Paris, 

1901. 

Ce fascicule comprend, notamment, les articles: Li- 
noléum, Magnésium, Malt, Manganèse, Mélasses, Mer- 
cerisage, Mercure, Molybdène, Monazites, Mordants, 
Mortier, Naphtaline, Nickel, Nitrates, Noirs, Opium, 
et le commencement de l’article Or. 


Molinié (Marcel). — Comment on obtient un cliché 
photographique. — 1 vol. in-18 de 188 pages. (Prix: 

2 fr. 75.) Brunel et Ci, éditeurs. Paris, 1901. 

La plupart des petits Manuels de photographie n'of- 
frent aucune valeur soit scientifique soit technique ; aussi 
sommes-nous heureux de signaler ce volume, qui a le 
grand et rare mérite d’avoir été écrit par un homme 
compétent. 


3° Sciences naturelles 


Guède (H.). — La Géologie. — 1 vol. in-8° de 724 pa- 
ges, avec 451 liqures dans le texte. (Prix : 8 fr. 
Schleicher frères, éditeurs. Paris, 4901. 

Ce petit livre peut être très utile en attirant, sur une 
science relativement jeune et trop souvent négligée, l'at- 
tention des hommessérieuxetinstruits. Malgré lesremar- 
quables progrès qu'elle a réalisés depuis quelques années, 
malgré l'intérêt philosophique et pratique qu'elle pré- 
sente pour tous les esprits tant soit peu ouverts et 
malgré la sagacité de sa méthode, la Géologie ne jouit 
pas en France, auprès du grand publie et même dans les 
milieux universitaires, de toute la considération qui lui 
est due. Il nous suffira de citer l'appréciation suivante, 
extraite d'un travail récent, publié dans une Revue des- 
tinée aux officiers de notre armée des Alpes {: « Ses 
docteurs les plus autorisés avouent eux-mêmes que 


1 Cne Prnreau : L'épopée des Alpes, io Revue du Cercle mili- 
taire, ete..., de Lyon, no 2 (1er Avril 1901). 


profane ne peut-il que feuilleter avec discrétion Ie 
théories géologiques, et doit-il se borner à transcrire 
quelques-unes de leurs conclusions les mieux établies. 

Cette opinion n’est que le reflet d'une manière de vo 
qu'excuse seule l'ignorance complète dans laquelle on 
été laissés pendant longtemps, en ce qui concerne les 
questions géologiques, les hommes cultivés de notre 
temps. En reprochant à la Géologie de coordonne 
les faits d'observation par des hypothèses, on oublie 
que c'est là précisément la méthode de toutes les 
sciences inductives, et que la Physique et la Chimie 
par exemple, que d’aucuns se plaisent à opposer aux 
Sciences naturelles, vivent, elles aussi, sur des hypo 
thèses; que sont, en effet, Les notions de l'éther, de là 
constitution moléculaire des corps, des groupements 
atomiques, et tant d'autres, sinon des hypothèses relianf. 
rationnellement un grand nombre de faits observés”? 

La moindre faveur que rencontrent auprès du publi@ 
les sciences géologiques tire son origine du fait que ces 
sciences ont été, jusqu’à ces derniers temps, à peu près 
exclues des programmes de l’enseignement secondaire 
la plupart des personnes qui se montrent si méprisantes 
à leur égard ne savent rien de leur méthode, des 
résultats auxquels elles conduisent, du but qu'elles 
visent et de l'intérêt qu'elles présentent. Ce singulie 
état d'esprit paraît être trop souvent, surtout en pro 
vince, entretenu, il faut bien le dire, par les représen- 
tants plus ou moins attitrés des sciences rivales, qui 
verraient avec un certain déplaisir l'enseignement de 
la Géologie se développer aux dépens de budgets dont 
elles avaient jusqu’à présent la plus grande part, eb 
partager auprès des Pouvoirs publics des ressources et 
des honneurs qui leur semblaient à tout jamais réservés 

On comprendra dès lors.combien tous les amis de 
notre science applaudissent à chaque tentative faite pour 
faire pénétrer les notions géologiques dans les milieux 
éclairés, et pour intéresser ce qu'on est convenu d'appe= 
ler les « gens du monde » à l'histoire de notre Globe. M 

Le livre de M. Guède n’est destiné, dit l’auteur, ni aux 
savants, ni aux professeurs; il s'adresse à toutes les per 
sonnes instruiles; son but est de leur inspirer « le res 
pect et l'admiration pour une science dont l’utililé pra= 
tique est démontrée par de plus autorisés que lui, et qui 
recherche la solution du plus mystérieux problème qui 
soit posé à l'esprit humain ». M. Guède s'est proposé de 
présenter à ses lecteurs un ouvrage suffisamment débar= 
rassé de l'appareil documentaire et technique qui rend 
inaccessible ou fastidieuse à la plupart la lecture de cer- 
tains traités classiques, mais cependant suffisamment 
renseigné pour fournirune base solide à ceux qui désirent 
se rendre compte et s'instruire, pour montrer aussi aux 
« sceptiques et aux incrédules que tout n'est pas, en 
Géologie, du ressort de l'imagination, qu’elle est une 
science véritable », que sa méthode est remarquable 
d'ingéniosité et que son but n'est en aucune façon, 
comme on a voulu le faire croire, la satisfaction de quel", 
que manie de collectionneur bonne à faire l'objet de 
plaisanteries renouvelées de Toeppfer et à fouruir un 
aliment facile aux railleries dés gens d'esprit. | 

Considéré comme un résumé d'ouvrages plus com 
plets, notamment du Traité de M. de Lapparent, le livres 
de M. Guède mérite des éloges pour sa clarté et poux 
la facon consciencieuse avec laquelle il a été élaboré. 

Peut-être trouvera-t-on certains chapitres, très subs 
tantiels, un peu trop concis, ce qui donne à l’ensemble 
une certaine sécheresse et en rend la lecture difficile 
pour les personnes habituées à l'allure ordinaire des 
œuvres de vulgarisation. On regrettera aussi que le 
nombre des illustrations ne soit pas plus élevé. Parmi 
les 151 figures intercalées dans le texle, beaucoup, 
notamment celles qui représentent des fossiles, sont 
d'une très mauvaise exécution ‘, On peut aussi repro- 


! Voir notamment les figures 44 (Spirifer), 77 (Trigonia 
navis) et 89 (Nerinea), qui ne peuvent donner qu'une idée 
fort imparfaite de ce qu'elles sont censées représenter. 


her à l’auteur des érreurs de détails (ÆHoplites |!) 
Misus, p. 576, etc), qui lui sont imputables, et d’autres 
ui ne sont que la réédition d'inexactitudes contenues 
dans les ouvrages dont il s’est servi. Il est à remarquer, 
ën outre, d’une facon générale, que la citation des sour- 
es n'est pas toujours faite avec discernement, et l’on 
Sapercoit parfois trop clairement que M. Guède n'a pas 
étudié lui-même le fond des questions qu'il expose. On 
beut le louer, en revanche, d’avoir reproduit quelques- 
unes des conclusions de la Paléontologie moderne, et 
de contribuer ainsi à détruire dans le public un certain 
ombre d'idées fausses citées fréquemment comme des 
dogmes de la science moderne. 

L'auteur reconnait que son livre ne contient pas 
d'idées originales; aussi est-il difficile de lui faire des 
ritiques qui ne retombent pas sur les ouvrages qu'il 
le plus fréquemment utilisés. On y trouve, en effet, 
sans peine la trace des savants dont il s’est inspiré: 
ainsi qu'il est dit dans la Préface, l'autorité de M. de 
Lapparent, dont il a pris le Traité classique pour guide, 
estsouvent invoquée, et l’enseignement de la Sorbonne 
semble également avoir eu quelque influence sur la 
édaction du volume. M. Guède ne pouvait en vérité 
ieux choisir ses Maîtres; aussi le pelit livre qu'il vient 
de faire paraître constitue-t-il un essai de très bonne et 
sérieuse vulyarisation, et trouvera-t-il sa place dans la 
bibliothèque de toutes les personnes soucieuses de suivre 
d'un peu près le mouvement scientifique actuel; il ren- 
“ra également des services appréciables aux prolesseurs 
de nos lycées, lorsque ceux-ci n'auront pas les loisirs 
nécessaires pour consulter des ouvrages plus complets. 
Enfin, il peut être recommandé, pour le début de leurs 
études, aux étudiants qui se destinent à suivre l’ensei- 
gnement de nos Facultés; ils y trouveront un premier 
résumé des matières qu'ils sont appelés à approfondir 
par la suite. W. KiLiaw, 


Professeur de Géologie 
à l'Université de Grenoble. 


4° Sciences médicales 


‘Gouget (A.), Médecin des Hôpitaux.— L’Insuffisance 
_ hépatique. — { vol. 1n-8° de l'Encyclopédie scienti- 
lique des Aide-Mémoire. (Prix, broché : 2 fr. 50; 
cartonné : 3 {r.) Masson et Cie, éditeurs. Paris, 1901. 
Un organe est dit insuffisant lorsqu'il n’est plus apte 

à remplir normalement sa tâche; cette définition, 

donnée par M. Gouget en tête de son ouvrage, délimite 

nettement son sujet et la manière dont on doit l’en- 
tendre actuellement. 

. Il ne s’agit donc pas, dans l'espèce, d'une maladie 
particulière, ni d’une phase ullime de désorganisation, 
mais bien de toute déchéance fonctionnelle, grande 
ou petite, de l'organe, et des causes multiples qui peu- 
vent l’amener. D'ailleurs, dans la conception moderne 

| de la Pathologie générale, lé mot d'insuffisance est 

. employé el entendu de même pour tous les organes, 

L'étude de l'insuffisance organique comporte une con- 
naissance approfondie de la physiologie locale, et c'est 

. pourquoi on peut seulementaujourd'hui esquisser, sinon 

. établir, le tableau de l'insuffisance du foie : cette glande 

n'est plus, comme autrelois, uniquement l'organe sécré- 

teur de la bile. Les travaux des dernières années ont 
montré que le foie a pour fonctions : 1° l'élaboration 
de la bile ; 2° l'emmagasinement de la matière glycogène 

_ et sa transformation en sucre, qu'il rend à l'organisme 

_ au fur et à mesure de ses besoins; 3° la protection de 
l'organisme contre les poisons du dehors et du dedans, 
qu'il emmagasine ou qu'il transforme pour les éliminer. 

Ces fonctions capitales s'’accomplissent dans la cel- 
lule hépatique, et de l'intégrité de cette cellule dépend 
le rôle physiologique normal du foie : done, étudier 
l'insuffisance hépatique se ramène, en dernière analyse, 
à étudier l'insuffisance de la cellule hépatique. 

Or, les causes sont innombrables qui peuvent altérer 

_ cette cellule; l’auteur classe les causes déterminantes 

en mécaniques, toxiques, parasitaires, dyscrasiques et 


BIBLIOGRAPHIE — ANALYSES ET INDEX 


1033 


nerveuses. Les causes toxiques sont de beaucoup les 
plus fréquentes, comme le rôle physiologique du foie 
pouvait le faire supposer à l'avance, depuis les poisons 
minéraux comme le phosphore, jusqu'aux poisons orga- 
niques, comme l'alcool et les toxines digestives ou autres. 
C’est dans cette catégorie que doivent rentrer la plupart 
des causes dites parasitaires, car c’est par les toxines 
microbiennes que le plus grand nombre des infections 
yicie le fonctionnement de la cellule hépatique et cause 
ces insuffisances, parfois si brusques qu'on a pu em- 
ployer pour elles l'expression d'asphyxie hépatique. 

Nous ne pouvons suivre M. Gouget dans l'étude des 
symptômes qu'il a classés par systèmes d'une façon par- 
faitement claire et dont il fait l'interprétation eritique 
avec une compétence marquée. Au lieu de se perdre 
dans une infinité de formes cliniques, faciles à établir 
suivant la prédominance symptomatique, l’auteur pré- 
fère distinguer trois formes, d'après l'importance des 
manifestations : une {orme latente, reconnaissable seu- 
lement à l'examen de l'urine; une petite insuffisance, 
« petits signes de l'hépatisme » ‘de Hanot observés au 
cours d’une affection hépatique ou d'une maladie aiguë 
ou chronique, indiquant une atteinte sérieuse des 
cellules hépatiques; enfio, la grande insuffisance, décrite 
autrefois sous le nom d'ictère grave, et dont la physio- 
nomie a élé précisée par les travaux récents. 

- Le traitement sera surtout prophylactique, et l'étude 
des causes suffit à en établir les règles. Une fois consti- 
tuée, l'insuffisance hépatique peut être enrayée tant 
qu'il s'agit de forme latente ou petite. Pour cela, il faut 
dépister la cause; puis s'adresser aux grands modifica- 
teurs de la nutrition générale, iodures, alcalins, hygiène 
alimentaire, cures hydrominérales appropriées, et 
peut-être opothérapie. La grande insuffisance ne laisse 
que peu d'espoir à la thérapeutique. 

Le petit livre de M. Gouget se recommande par sa 
clarté; il ne s'encombre pas d'un luxe d'érudition inu- 
tile ; il constitue une suite naturelle au magistral volume 
de M. H. Roger sur la Physiologie du foie, publié dans 
la même Encyclopédie. Ray. Duranp-FARDEL, 

Ancien chef de Clinique à la Faculté de Médecine. 


5° Sciences diverses 


Geoffroy-Saint-Hilaire (Etienne). — Lettres 
écrites d'Egypte, recueillies et publiées avec 
une Préface et des Notes, par le professeur E.-T. 
Hamy. — 1 vol. in-16 de 280 pages. (Prix : 3 fr. 50.) 
Hachette et Ce, éditeurs. Paris, 1901. 


Etienne Geoffroy-Saint-Hilaire, membre de la Com- 
mission des Sciences et des Arts que Bonaparte 
emmenait en Egypte à la suite de l’armée, s’'embar- 
qua à Toulon le 29 floréal an VI (18 mai 1793). IL revil 
les côtes de Provence le 27 brumaire an X (18 novem- 
bre 1801). Pendant ces trois ans et demi, il écrivit 
régulièrement à sa famille, au directeur du Muséum 
et aux professeurs ses collègues, à ses amis enfin, et 
particulièrement à Georges Cuvier, avec qui il était 
étroitement uni. Certaines de ces lettres, celles, en 
particulier, que Geoffroy envoya pendant son voyage 
en Haute-Egypte, sont perdues ou inaccessibles (il doit 
y ea avoir notamment dans les Archives de l’Amirauté 
anglaise). Cependant, grâce à des recherches prolon- 
gées dans les Archives de la famille Geoffroy-Saint- 
Hilaire, dans celles du Muséum, à la Bibliothèque de 
l'Institut et dans d’autres dépôts encore, M. Hamy 
en a recueilli soixante-six, qu'il vient de publier et 
qui constituent pour l'histoire politique de l'Expédition 
d'Egypte et pour l'histoire de la Commission des 
Sciences une source précieuse de renseignements. 

La lettre XIII contient un récit de la bataille d'Abou- 
kir donnant quelques détails ignorés jusqu'ici. On 
trouvera dans la lettre XV un récit de la formidable 
insurrection qui éclata au Caire le 30 vendémiaire 
an VII, coùta la vie à des officiers et même à des 
savants, et fit courir à Geoffroy-Saint-Hilaire lui-même 
un certain danger. Il vivait, en compagnie de plusieurs 


1034 


collègues, dans les maisons de Beys affectées par 
Bonaparte à l'Institut d’Egypte.: Déjà, l'insurrection 
arrivait jusqu à eux. Ils délibérèrent s'ils ne se reti- 
reraient pas sur le quartier général. « Mais la crainte 
de livrer au pillage la bibliothèque et les laboratoires 
de Chimie nous a retenus, dit Geoffroy, et déterminés 
à disposer nos maisons en une petite forteresse; nous 
nous sommes assigné des postes. » Mais, avant que 
les savants n'aient eu à faire usage de leurs fusils, 
Lannes arriva et les délivra. 

Geoffroy aimait déjà cet Institut d'Egypte, qui venait 
d'être créé; il en espérait beaucoup et il y revient 
souvent dans sa correspondance. Il avait fait partie 
de la Commission chargée d'organiser cette Société 
savante, qui fut fondée le 3 fructidor an VII. Dans une 
lettre du 6 fructidor ‘, il en décrit ainsi l’organisation : 
« Deux palais de Beys et deux autres maisons de riches 
particuliers, toutes contiguës, logeront tous les savants 
et artistes. Ces maisons nous fournissent peut-être plus 
de commodités et au moins autant de magnificence qu'on 
en trouve au Louvre. Un jardin immense, dont la 
superficie équivaut à peu près à 35 arpents de France, 
bien planté, avec nombre de terrasses élevées, où 
jamais l’eau du Nil ne parvient dans les inondations, 
est destiné à la Culture et à la Botanique. La salle 
d'assemblée est déjà garnie des plus riches meubles 
trouvés chez les mameloucks.» Il constitua une ména- 
gerie avec les animaux curieux renfermés dans les 
palais des Beys, dont la bataille des Pyramides avait 
anéanti la puissance. « Mais, ce qui fait surtout l’am- 
bition des membres de l’Institut, dit-il encore, c’est de 
vous envoyer le premier volume de nos Mémoires avant 
que celui de l'Institut de France ait paru. Nous travail- 
lons, pour y réussir, avec constance. » Aucun des 
membres de l'Institut national du Caire ne mit plus 
de zèle que Geoffroy à en rendre les séances animées 
et intéressantes. Dès l'ouverture, il lit un Mémoire sur 
l'aile de Fautrüche, et il en préparait un autre sur le 
Cynocéphale des anciens Egyptiens au moment où 
éclata l'insurrection du 30 vendémiaire. Les événements 
politiques entravent la régularité des travaux de l'Ins- 
titut; mais, sitôt qu'il peut tenir séance, Geoffroy 
apparait, un manuscrit à la main, et il lit, un jour, un 
Mémoire sur le Zichir, et, le lendemain, un autre sur 
le Fachhaca. I est animé d’une ardeur au travail que 
rien ne peut éteindre. Et si, comme ses collègues, 
quoique moins que ses collègues, il a des moments 
d'angoisse et même de désespoir, en voyant sans 
cesse ajourné l'instant du retour en France, il se res- 
saisit bien vite, grâce à sa passion pour la Science. 

Si Geoffroy souffrit beaucoup en Egypte, moralement 
et même physiquement, puisqu'il fut atteint d'une 
ophtalmie très grave, dont il conserva toujours des 
traces, il y recueillit une quantité de notions nouvelles, 
dont il bénéficia toute sa vie. 

Geoffroy apparait, dans sa correspondance, non 
seulement comme un savaut ardent à la recherche de 
la vérité, mais aussi comme un fils très affectueux et 
un ami attentif. Il écrit, le 23 pluviôse an IX, à son 
père : « À l'exception de vous revoir tous, mes bons 
parents, je n'ai rien ici à désirer... Qui me dédom- 
magera de votre privation et de celle de toute la 
famille ? » Il exprime son amitié à Cuvier de celte 
facon délicate : « J'ai beaucoup vu de monde dans 
mon grand voyage, mais je n'ai connu personne qui 
pût par les brillantes qualités du cœur et de l'esprit 
me faire oublier mon ancien ami. » 

Il s'intéresse aux travaux et à la carrière de ses 
collègues. Il s'inquiète de Dolomieu et déplore les 


1 Pour les lettres XVII et XIX, la concordance entre les 
dates du calendrier révolutionnaire et celles du calendrier 
grégorien n'est pas exacte. Le 6 fructidor an VI correspond 
au jeudi 23 août 1198. — Signalons aussi une contradic- 
tion. L'arrêté créant l'Institut d'Egypte est donné p. vu 
comme ayant été promulgué le 23 fructidor an VI, et p. 70, 
note 4, le 3 fructidor an VI. C'est cette dernière date qui 
est exacte. 


BIBLIOGRAPHIE — ANALYSES ET INDEX 


. auprès du général anglais en personne; peine perdue 


inattendu. Hamilton, soudain effrayé de l’horrible res- 


« injustes vexations qu'on lui a fait éprouver ». Ets 
l'intérêt qu'il prend au décès de Daubenton est peus 
être partiellement causé par l'espoir d'hériter de so 
losement au Muséum, on excusera facilement, em 
raison des tribulations subies par Geoffroy, ce léger 
sentiment d'égoisme. ) 

Le courage constitue encore un des traits du caraë 
tère de Geoffroy. Dans une circonstance critique, il 
rendit, par son énergie, un immense service à son pays | 
et à la Science. Un article de la capitulation signée p 
le général Menou et quiabandonnait l'Egypte à l'arm 
anglo-turque, stipulait que les manuscrits arabes, les 
statues et les autres collections faites pour la République 
francaise seraient considérés comme propriété pus 
blique et mis à la disposition des généraux de l’armée 
combinée. La chose s'était passée entre militaires, qui 
considéraient ces caisses dans lesquelles les savants 
francais avaient emballé leurs trouvailles comme un 
bagage encombrant et de peu de valeur. Si le générah 
anglais Hutchinson avait tenu à l'insertion de cet article 
c'est qu'il agissait sous l'inspiration d’un certain littéra= 
teur, W.-R. Hamilton, alors dans son camp, qui avait 
jugé tout simple de récolter la moisson péniblements 
préparée par d’autres. Nos savants dépouillés, ayant 
sans succès représenté à Menou l'importance du dom 
mage qu'il leur causait, décident d'aller s'expliquer 


Hamilton vient de sa part les informer que la capi 
tulation doit être exécutée dans toute sa teneur. Mais 
alors, Geoffroy, se voyant privé, lui et ses collègues, dew 
ce qu'ils n'avaient acquis qu'au prix d'un labeur 
immense et de mille souffrances, est saisi d’une noble 
indignation. Il déclare que les collections seront dé 
truites plutôt que d'être livrées aux Anglais : «Il ne 
sera pas dit qu'un pareil sacrifice ait pu s'accomplir.M 
Nous brûlerons nous-mêmes nos richesses. C’est à la 
célébrité que vous visez. Eh bien! comptez sur les sou- 
venirs de l'Histoire : vous aurez aussi brülé une biblio- 
thèque d'Alexandrie, » Ces paroles produisent un effet 


ponsabilité qu'il encourt, reconnait la malhonnèteté de 
l'acte qu'il allait commettre, se fait auprès du général M 
Hutchinson l'avocat de la cause dont il était, il y a quel- 
ques heures, l'adversaire irréductible, et le convainc. 

Si les savants et les artistes français ont conservé et 
rapporté les précieux cocuments qui leur ont permis 
d'édifier cette œuvre grandiose qu’est la Description de 
l'Egypte, c'est donc à Geoffroy Saint-Hilaire que la 
France et la Science en sont redevables. 

Comme on en peut juger, l’intèrêt intrinsèque de cette 
correspondance est grand ; cépendant, la manière dont 
elle est présentée en accroît considérablement la valeur. 

Dans la Préface, M. Hamy nous fait suivre Geoffroy 
depuis le moment où il consent, sur les instances de 
Berthollet, à faire partie de l'Expédition, jusqu'au jour 
(6 pluviôse au X) où il reprend sa place à l'assemblée 
des professeurs du Muséum. Un appendice contient M 
plusieurs morceaux qui complètent très heureusement L 
les Lettres : un récit de Geoffroy sur la visite de Bona- 
parte aux Pyramides, une conversation de Bonaparte M 
sur « la dignité des sciences », tenuele 1°° fructidor an 
VII, dans les jardins de son palais du Caire, avant son 
départ pour la France. Enfin, pas un personnage ne 
figure sans être introduit par quelques mots brefs, mais 
précis : c’est un modèle de commentaires. On regrelte 
seulement l'absence d’un index alphabétique. 

M. Hamy a entouré les Lettres d'Etienne Geoffroy 
Saint-Hilaire d'un appareil d'érudition dont l'abondance 
et la sûreté n'étonneront aucun de ceux qui ont mesuré, 
pour en avoir maintes fois bénélicié, l'étendue de ses 
connaissances. C'est un plaisir de revivre, grâce à lui, 
dans la société des Geoffroy Saint-Hilaire, des George 
Cuvier, des Lacépède, des de Jussieu, dans le grand et 
beau monde scientifique de la fin du xvune siècle. 

Hexri DERÉRAIN, 


Docteur ès lettres, s 
Sous-Biblhothécaire de l'Institut. 


ACADÉMIES ET SOCIÉTÉS SAVANTES 


1035 


ACADÉMIE DES SCIENCES DE PARIS 


Séance du 4 Novembre 1901. 


1° SCIENCES MATHÉMATIQUES. — M. Obrecht présente 
1: GERS de la comète 1901 à, faites à l'Obser- 
valoire de Santiago du Chili, et calcule les éléments de 
Cette comète. — M. Birkeland a recherché si les pla- 
nètes Mercure, Vénus et Jupiter exercent, par la gra- 
vitation, une influence sur la fréquence des taches 
solaires ; le résultat est négatif, et la cause de la période 
undécennale doit être recherchée dans le Soleil même. 
-— M. H. Poincaré étudie, au point de vue de l’aualy- 
sis situs, certaines variétés fermées à quatre dimen- 
sions qui sont formées par les points réels et imaginaires 
d'une surface algébrique. — M. H. Poincaré présente 
un Rapport sur Tes papiers laissés par Halphen. Ce sont 
surtout des rédactions de Mémoires qui ont été publiés 
ou des essais de rédaction. 11 n'y a que quelques Notes 
inédites susceptibles d'être publiées par des recueils 
… périodiques. — M. L. Raffy démontre les propositions 
- suivantes : Si l’une des familles d'un réseau conjugué 
persistant est plane, l’autre famille l’est aussi. Les 
seules surfaces qui présentent un réseau conjugué 
persistant, dont une famille est formée de courbes 
planes, sont les surfaces de M. Goursat. — M. G. Mo- 
reau détermine l'équation de la courbe adiabatique. 
20 SCIENCES PHYSIQUES. — M. V. Raulin rappelle l'hy- 
pothèse, qu'il a émise en 1866, d'une rotation du pôle 
magnétique boréal autour du pôle terrestre, sur le 
parallèle du 70°, qui s'effectuerait en 600 ans. L’obser- 


. vation de la variation de la déclinaision et de l’'inclinai- 
. son dans ces 35 dernières années confirme pleinement 
. cette hypothèse. — M. H. Hervé décrit les expériences 


d'aéronautique maritime récemment faites par le comte 
de la Vaulx avec son ballon Le Méditerrancen. Le 


- problème de la sécurité par l'emploi des méthodes de 


stabilisation dépendante, et celui de la dirigeabilité 
par un engin déviateur paraissent résolus. 1 reste à 
réaliser l'équilibre indépendant sans communication 
avec la surface liquide. — M. R. Blondlot communi- 
que une méthode propre à déceler de très petites 
charges électriques; on induit sur des conducteurs 
semblables des charges égales et de signe contraire 
qu'on communique plusieurs fois de suite à un con- 
ducteur isolé; on mesure ensuite la charge de celui-ci 
avec un électromètre idiostatique extrêmement sensi- 
ble. —- M. H. Becquerel a observé quelques réactions 
chimiques dues à l'influence du rayonnement du 
radium. Ce sont, outre la coloration des verres, déjà 
signalée par M. et M“ Curie, M. Berthelot, la trans- 
formation du phosphore blanc en phosphore rouge, la 
réduction du bichlorure de mercure en présence d'a- 
- cide oxalique. L'action prolongée du rayonnement du 
radium a Ôté aux graines de cresson la faculté de ger- 
mer. — M. H. Moissan à constaté que le chlorure 
d'ammonium en solution dans l’ammoniac liquéfié 
s'électrolyse avec facilité; mais il ne fournit que de 
l'hydrogène au pôle négatif et du chlore au pôle positif. 
Ces expériences confirment, celles de M. Ruff sur l'io- 
dure d'ammonium et la non-existence de l’'ammonium 
en présence de iammoniac liquéfié. — M. H. Moissan 
a observé également que le calcium-ammonium et le 
lithium-ammonium réagissent sur le chlorure d’ammo- 
nium en solution dans l’ammoniac liquéfié à — 80°; 
mais, dans ces conditions, il y a mise en liberté d'am- 
moniac et d'hydrogène, et le groupement AzH*, l’am- 
monium, ne peut être isolé. — M. V. Thomas, en 
faisant réagir le brome, en présence de l’eau, sur TI CI, 


DE LA FRANCE ET DE L'ÉTRANGER 


a obtenu un seul chlorobromure du IXT, à savoir 
EIBSCE. Il cristallise en aiguilles et en lamelles mé- 
langées, ou en lamelles seulement; les deux paraissent 
d'ailleurs appartenir au même système cristallin. — 


M. A. Clermont, en traitant un mélange d'alcool et 
d'acide trichloracétique par H°SO' mouohydraté, a 


obtenu l’éther trichloracétique. Additionné d'ammo- 
niaque, ce dernier, se transforme en trichloracétamide. 
— M. M. Delacre communique un certain nombre 
d'expériences sur la pinacoline, qui le conduisent à 
admettre que celle-ci correspond à un état d'équilibre 
entre les deux formules : 


(CH#}C.CO.CH* et (CH°)°.C — C.(CH*}°. 


NA 
0 


— MM. E. Charon et D. Zamanos ont recherché la 
constitution du picéol, phénol obtenu par dédoublement 
de la picéine, glucoside du sapin épicéa. Il est identi- 
que à la paraoxyacétophénone. Ils en ont préparé 
l’oxime, l’hydrazone et la semicarbazone. — MM. F. 
Bordas et de Raczkowski ont étudié les effets de la 
congélation sur le lait. La partie supérieure du bloc est 
presque exclusivement constituée par de la crème, tan- 
dis que le centre et la base contiennent peu de beurre 
et la majeure partie du lactose, de la caséine et des 
sels. — M. V. Génin indique une méthode de calcul 
du mouillage et de l'écrémage simultanés d'un lait 
falsifié en tenant compte du volume spécifique du beurre 
qui est sensiblement constant par rapport aux autres 
caractéristiques du lait. — MM. Lépine et Boulud étu- 
dient les sucres du sang, leur glycolyse et la formation 
d'acide glycuronique conjugué dans diverses conditions. 
— M. H. Lecomte a étudié la formation de la vanilline 
dans les fruits du vanillier pendant leur préparation : 
un ferment hydratant transforme la coniférine nais- 
sante en alcool coniférylique et en glucose; puis une 
oxydase transforme l'alcool coniférylique en vanilline. 
— MM. J. Dybowski et Ed. Landrin ont retiré des 
racines de l’/hoga, plante connue par ses propriétés 
excitantes, un alcaloïde, l'ihoganeïne, cristallisé, inso- 
luble dans l’eau, soluble dans l'alcool, F. 152°, de for- 
mule probable CH°5Az"0®. 

3° SCIENCES NATURELLES. — M. R. Bouiïlhac a observé 
que le Nostoc et l'Anahæna, semés ensemble en solu- 
üons nutritives et exposés à des radialions lumineuses 
trop faibles pour décomposer l'acide carbonique, sont 
incapables de végéter sans avoir une malière organique 
à leur disposition; dans ce cas, le méthylal peut être 
utilisé. M. L. Ducamp a étudié la formation de 
l’ovule et du sac embryonnaire dans les Araïiacées et 
les modifications dont le tégument est le siège. — M. P. 
Lesage a constaté que les spores de Penicillium glaucum 
placées sur l’eau ne germent pas quand elles sont frôlées 
par un courant d'air alternativement sec et saturé de 
vapeur d’eau, mais germent bien dans un mélange des 
deux. 


Séance du 41 Novembre 1901. 


1° SCIENCES MATHÉMATIQUES. — M. Janssen fait savoir 
qu'il a recu une dépêche du Caire lui annonçant que 
l'observation de l'éclipse, du 11 novembre, par MM. de 
la Baume-Pluvinel et Pasteur, a bien réussi. — M. Ed. 
Maillet communique ses recherches sur les équations 
différentielles rationnelles. — M. A. Davidoglou donne 
une intégrale faisant connaitre le nombre exact de 
racines communes à plusieurs équations. 

29 SGIENCES PHYSIQUES. — M. R. Blondlot commu- 
nique une série d'expériences dont le résultat est 


1036 


qu'il n'existe pas de déplacement électrique lors du 
mouvement d'une masse d'air dans un champ magné- 
tique. Ce résultat est contraire à la théorie de Hertz 
sur l’électrodynamique des corps en mouvement, mais 
conforme à celle de Lorentz. — M. A. Blondel indique 
une méthode nouvelle pour l'étude de la parole et des 
courants microphoniques. Elle consiste à amplifier les 
courants microphoniques par la résonance électrique, 
et à inscrire les courants amplifiés au moyen de l’oscil- 
lographe. — M. H. Moïssan décrit une nouvelle mé- 
thode de manipulation des gaz liquéfiés en tubes scellés. 
— Le même auteur a fait réagir à 73° l'hydrogène sul- 
furé liquide sur le lithium-ammonium et le calcium- 
ammonium; il se produit de sulfure de Li ou Ba et il se 
dégage de l'ammoniaque ou de l'hydrogène. L’ammo- 
nium n'existe donc pas en présence de l'hydrogène sul- 
furé liquide. — M. A. Chassy a étudié la formation de 
l'ozone par le passage de l’effluve électrique dans l’oxy- 
gène. La quantité d'ozone formée tend vers une limite 
qui dépend uniquement de la température et non de 
l'intensité du courant. — MM. A. Desgrez et V. Bal- 
thazard signalent quelques modifications à leur appa- 
reil pour la régénération de l'air confiné au moyen du 
bioxyde de sodium. C 

3° SCIENCES NATURELLES. — MM. P.-P. Dehérain et 
C. Dupont étudient l’origine de l'amidon du blé. Ils 
montrent que ce sont les tiges du blé restées encore 
vertes, quand les autres parties de la plante sont déjà 
jaunies, qui décomposent l'acide carbonique aérien et 
élaborent les hydrates de carbone qui s'accumulent dans 
le grain, sous forme d’amidon. Cette production tar- 
dive d'amidon n’est abondante que si la dessiccation 
des tiges n’est pas prématurée; les auteurs rappel- 
lent qu'à Grignon, on à recueilli, en 1888, une récolte 
surpassant celle de 1889 de 4 q. m. par hectare et que 
cette notable différence était due à l'insuffisance de la 
production d’amidon; en 1888, année pluvieuse, on 
avait moissonné au milieu d’aout et le grain présentait 
une composition normale, tandis que le blé ayant été 
abattu trois semaines plus tôt pendant l'été brülant 
de 1889, l'amidon n'avait pas eu le temps de se produire. 

Louis BRuxET. 


ACADÉMIE DE MÉDECINE 
Séance du 5 Novembre 1901. 


M. X. Delorme présente un rapport sur un mémoire 
du Dr Coromilas (d'Athènes) relatif au traitement des 
tuberculoses chirurgicales et de la tuberculose pulmo- 
naire par le sulfure de carbone térébenthiné. Dans les 
premières, l'auteur a obtenu de bons résultats qui sem- 
blent tenir à ce que le sulfure de carbone est un 
topique qui modifie d’une facon avantageuse les suppu- 
rations. Pour la tuberculose pulmonaire, les résultats 
sont moins certains; d'autre part, les injections pul- 
monaires de ce corps peuvent provoquer des accidents 
(suffocation, dyspnée). — M. Boinet communique cinq 
cas de rupture de la rate chez des Paludéens pendant 
un accès de fièvre intermittente ou un abcès pernicieux. 
_— M. Ed. Schaer annonce la découverte, dans l'écorce, 
le bois et la racine de gaïac, d’un nouveau constituant, 
appartenant à la classe des saponines. — M. Pitres, à 
propos de la récente communication de M. Dieulafoy, 
pense qu'elle ne constitue qu’un exemple de plus à ajouter 
à la longue liste des observations déjà connues dans 
lesquelles l’épilepsie jacksonienne à été provoquéepar 
une lésion siégeant en dehors de la zone motrice, mais 
qu’elle ne porte aucune atteinte à la doctrine des 
localisations cérébrales. M. Lucas-Championnière, à 
propos de la même question pense que, dans des cas 
analogues, on doit toujours intervenir par la trépana- 
tion; alors même qu'on ne tomberait pas exactement 
sur le siège de la tumeur, il se produirait une décom- 
pression, qui aurait les meilleures conséquences. — 
M. A. Proust répond aux critiques formulées par 
M. Bucquoy à propos du cas du Sénégal. Des instructions 
formelles ont été données depuis longtemps en vue de 


ACADÉMIES ET SOCIÉTÉS SAVANTES 


la destruction des rats sur les navires au point de vue 
de la prophylaxie de la peste. Pour les navires, seuls 
ceux qui transportent des émigrants sont tenus d'avoir 
du sérum antipesteux à bord ; mais il y avait au FrioulM 
une quantité suffisante de sérum pour inoculer tous les 
passagers. Le débarquement et la désinfection eussent 
dù être faits à l'ile de Pomègues, où se trouve tout la 
nécessaire. En ce qui concerne l’organisation du Frioul, 
elle ne s'est montrée insuffisante que par suite du grand 
nombre de passagers du Sénégal, nombre qui ne se 
présente pas dans les circonstances ordinaires. — 
M. Debove rappelle que l'Etat a encaissé, comme taxes 
sanitaires, de 1891 à 1900, 13.701.935 francs, tandis 
qu'il n’a dépensé que 5.239.075 francs. Si les installa- 
tions sanitaires laissent quelque chose à désirer, ce n'est 
pas faute d'argent. 


Séance du 12 Novembre 1901. 


M. Périer communique les résultats d’une expérience 
faite à la gare du Nord sur l'utilisation des crachoirs 
placés à la demande de la Commission de la Tubercu- 
lose. Il résulte des observations que la grande majorité 
des passants crachent à terre au lieu d'utiliser les era- 
choirs. — M. Magnan présente le rapport sur le Con- 
cours du Prix Lorquet. — M. H. Monod revient sur la 
question du Sénégal. L'inspection sanitaire officielle 
des pavires au départ est d'une exécution extrêmement 


“difficile. Le retard apporté au débarquement de l'équi- 


page provient de ce qu'on n'a pu obtenir plus tot 
un second bateau pour le transborder. M. L. Colin 
exprime le vœu que, dans des cas analogues, toutes les 
mesures soient prises pour assurer le débarquement 
immédiat du personnel, équipage et passagers, du bàti- 
ment infecté. 


SOCIÉTÉ DE BIOLOGIE 
Séance du 26 Octobre 1901. 


MM. Guillemonat et G. Delamare ont recherché le 
fer dans les ganglions mésentériques de divers animaux ; 
la quantité est faible; elle diminue dans l’inanition et 
augmente après la splénectomie. — M. Ch. Féré a cons- 
taté des oscillations inverses du travail des deux mains 
au cours de la fatigue. — M. E. Hédon à déterminé la 
température de coagulation du sérum de chien dialysé; 
à 1007, il n'est pas modifié; à 150°, il se coagule en 
quelques minutes. — M. J. Audrain à observé que les 
spermatozoidessont très fréquemment placés quatre par 
quatre sur les cellules de Sertoli dans les tubes sémi- 
nifères. — M. G. Meillière, sans nier l'influence mar- 
quée que peuvent avoir les produits biliaires sur la 
mesure de la tension superficielle des urines, pense 
qu'il est prudent de ne pas accorder à cette dernière 
une valeur diagnostique absolue. — Le même auteur 
indique une méthode d'extraction des acides bilaires 
des liquides organiques, et en particulier de l'urine. — 
M. G. Weiss à constaté que le régime alimentaire 
apporte rapidement des modifications importantes dans 
la structure des organes de la digestion des animaux. 
— M. Em. Bourquelot recherche, dans les végétaux, 
le sucre de canne à l’aide de l'invertine et les glucosi- 
des à l’aide de l’émulsine (p. 985). — MM. L. Grimbert 
et G. Legros proposent, comme milieu de culture pour 
les bacilles typhique et coli, au lieu du petit-lait tour- 
nesolé de Pétruschky qui n'a pas grande valeur, une 
solution peptonée de lactose pur parfaitement neutre 
et additionnée de teinture de tournesol sensibilisée. — 
MM. J. Camus et P. Pagniez ont constaté que l'éthéro- 
bacilline a une action hémolysante sur les globules 
rouges humains, action qui est empêchée par le sérum. 
— M. Touche a pratiqué l'autopsie dans un cas d’apha- 
sie motrice ; il existait, outre une lésion de la troisième 
frontale, une lésion temporale et une lésion insulaire. 
— M. Alezaiïs a étudié les dimensions du canal rachi- 
dien chez un certain nombre de Mammifères. Elles 
sont fonction de la mobilité de la région cousidérée et 
aussi du volume de la moelle. — M. A. Chipault à 


“pratiqué 57 cas de ponction sacro-lombaire dans une 
intention thérapeutique; 9 fois la ponction est restée 
blanche ; 25 cas ont donné un résultat nul, 14 un résul- 
tat palliatif et seulement symptomatique, 9 un résultat 
- curalif. — M. V. Balthazard a constaté que la teneur du 
foie en lécithine s'accroît dans les infections, intoxica- 
tions et aulo-intoxications. Une grande partie des léci- 
thines hépatiques proviendraient de la destruction des 
leucocytes du sang circulant, — M. J. Lefèvre démon- 
tre l'absence de constante calorimétrique dans les 
 calorimètres déperditeurs; les résultats obtenus par 
ces appareils sont doncentachés d'erreurs graves. Pour 
graduer les appareils déperditeurs non rétrogradeurs, 
» ou pour comparer des sources caloriques à l’aide de 
ces appareils, il faut employer des sources constantes. 


Séance du 2 Novembre 1901. 


M. Ch. Féré a trouvé que la digitale et la spartéine, 
qui ont une action durable sur l’activité automatique, 
n'ont qu'une action éphémère sur l’activité volontaire. 
— Le même auteur a constaté que la vue d’un objet en 
mouvement détermine une excitation dont les effets 
- sont pondérables. L'excitation est plus marquée à la 
- main droite qu'à la main gauche. — MM. Emmerez de 
+ Charmoy et P. Mégnin ont observé chez les poulets de 
- l'île Maurice une nouvelle maladie parasitaire conta- 
- gieuse; c'est une ophtalmie, provoquée par la présence 
- de petits vers sous la membrane nictitante. Ces vers 
| constituent une espèce nouvelle de Spiroptères : Spi- 
» roptera Emmerezii.— M. J. Brault à fait l'examen du 
) sang d'un certain nombre de paludiques avérés n'ayant 

pas pris de quinine depuis longtemps, et il n'a pas 
* trouvé l'hématozoaire de Laveran chez beaucoup d’en- 
- tre eux. M. Laveran craint que la technique de 
- M. Brault ne laisse à désirer. — M. J. Brault a constaté 
que la diazoréaction d'Ehrlich est généralement nulle 
dans la malaria et très franche dans la dothiénentérie ; 
c'est un moyen assez précieux de diagnostic. — M. Eug. 
Dupuy a remarqué une corrélation des états patholo- 
giques de la thyroïde, de la prostate et de l'utérus. — 
M. G. Rosenthal conseille, pour la séparation des 
germes anaérobies cullivés en tubes de Zuber-Veillon, 
la méthode d'isolement et de lavage dans une boîte de 
Pétlri. — MM. Oddo et Darcourt ont étudié les troubles 
des réactions électriques dans la paralysie familiale 
périodique. — M. V. Henri a recherché la loi d'action 
de la sucrase; elle correspond à la formule : 


K=+ LE 


08 a— x" 

où a est la concentration de la solution de sucre au 
début, et x la quantité intervertie dans un temps 4. — 
Le mème auteur a vérifié les conséquences de cette loi 
en faisant agir la sucrase sur un mélange de saccharose 
et de sucre interverti. — M. F. Arloing a reconnu que 
le sérum antituberculineux, introduit dans l'organisme 
en même temps que l’agent microbien par la voie sé- 
reuse, exerce une action favorisante certaine sur l’infec- 
tion par le bacille de Koch en culture liquide homo- 
gène. 


SOCIÉTÉ CHIMIQUE DE PARIS 


Séance du 8 Novembre 4901, 


M. R. Delange a obtenu le dichlorométhènedioxy- 
propylbenzèue en traitant le propylméthènedioxy- 
benzène, produit de réduction du safrol, par le per- 
chlorure de phosphore. Ge corps est, dans ses réactions, 
comparable à un chlorure d'acide; il réagit sur les 
alcools, les phénols, l'ammoniaque, les amines, etc. — 
M. Wyroubof discute la théorie de M. Posternak sur 
les colloïdes, et note qu'elle n’est applicable ni aux col- 
loïdes organiques solubles, ni aux colloïdes solubles ou 
insolubles d’origine minérale. Il fait voir, par l'exemple 
du métaoxyde de thorium et de l'acide sulfochromique, 
que la cause de la coagulation n’est pas la même dans 


REVUE GÉNÉRALE DES SCIENCES, 1901, 


ACADÉMIES ET SOCIÉTÉS SAVANTES 


1037 


tous les cas, que ce phénomène est dù à la formation 
de corps insolubles très différents par leur caractère 
chimique, mais qui ont tous une composilion cons- 
tante et obéissent tous à la loi des proportions définies. 
— M. le D' Posternak fait remarquer, en réponse à 
M. Wyrouboff, que les colloïdes ne peuvent plus être 
définis, à l'heure actuelle, comme des corps ne passant 
pas à travers une membrane, vu la variabilité des phé- 
nomènes osmotiques suivant la nature de la membrane 
étudiée, comme cela nous a été révélé par les travaux 
de Jolly, Pfeffer, Traube, Hamburger, Hedin, etc. Il 
insiste ensuile sur /a relativité de la conception des 
colloïdes et sur la nécessité qui en découle d'introduire 
dans la définition des colloïdes l'indication du dissol- 
vant par rapport auquel les propriétés physiques d'un 
solide sont étudiées. Quant au rapport des matières 
salines aux colloïdes minéraux et spécialement aux 
oxydes des terres rares, M. Posternak se plaît à cons- 
later qu'aucune des objections nombreuses contre 
l'interprétation chimique des phénomènes de modifi- 
cation d'état des colloïdes qu'il a développées dans son 
mémoire, publié dans les Annales de l'Institut Pasteur, 
n'a trouvé de réponse satisfaisante dans la communi- 
cation de M. Wyrouboff. Aux faits plus anciens de 
M. Béchamp, de MM. Zinder et Picton, viennent se 


joindre ceux que M. van Bemmelen a publiés récem- 


ment sur l'absorption des matières salines par l'acide 
mélastannique, qui plaident résolument contre les idées 
de MM. Wyrouboff et Verneuil sur Ja polymérisation 
variable des oxydes condensés des terres rares et sur la 
facullé que ces derniers posséderaient de former de 
véritables sels avec les acides minéraux. — M. Mois- 
san expose l'étude des combinaisons du fluor et du 
soufre qu'il a faite en collaboration avec M. Lebeau. Il 
décrit l'hexafluorure de soufre, les fluorures de sulfu- 
ryle, de thionyle, et enfin le tétrafluorure de thionyle. 
Il montre avec expériences à l'appui les propriétés 
fondamentales de ces divers corps. — M. Béhal pré- 
sente une note de M. L. Lindet sur le dosage de l’amidon 
dans les graines des céréales, et deux de MM. Reverdin 
et Crerieux sur l’action de l'acide nitrique sur la toluène 
o.-nitro-p.-sulfamide-1.2.4 et la nitration du p.-sulfo- 
chlorure de toluène et sur quelques dérivés du p.-sulfo- 
chlorure de toluène et l'o.-nitro-p.-sulfochlorure de to- 
luène. — MM. Darzens et Armingeat présentent une 
note sur l'emploi du salicylate de sodium pour le dosage 
des mélanges d’alcools terpéniques et de leurs éthers. 


SOCIETE ROYALE DE LONDRES 
1° SCIENCES MATHÉMATIQUES. . 

G. H. Darwin : La figure pyriforme d'équilibre 
d’une masse fluide en rotation. — L'auteur à repris 
quelques-uns des résultats obtenus par M. Poincaré 
daus son mémoire des Acta, avec des notations adaptées 
à l'emploi de l'analyse harmonique. Ayant trouvé les 
expressions générales des coefficients de stabilité, 
celles des sept coefficients correspondant aux harmo- 
niques du troisième degré, applicables aux éllipsoïdes 
de Jacobi, sont réduites en intégrales elliptiques. 

Un résultat numérique semble indiquer que, lorsque 
l'ellipsoide s’allonge, il devient plus stable vis-à-vis des 
déformations du troisième degré et d'ordres supé- 
rieurs, et moins stable pour les ordres inférieurs du 
même degré. 

La solution numérique de l'équation obtenue en ré- 
duisant à 0 le coefficient correspondant à la troisième 
harmonique zonale montre que l’ellipsoïde critique de 
Jacobi est tel que ses axes sont proportionnels à 
0,65066 ; 0,81498 et 1,88583; la vitesse angulaire w et Ja 


densité p du liquide sont reliées par l'équation 
p? , . . 
= — 0,142. L'ellipsoide est la figure stable la plus 


longue des séries de Jacobi. Une figure de déformation 
de cet ellipsoïde crilique par la troisième harmonique 
zonale a été tracée par l’auteur. La figure pyriforme est 
plus longue que ne le supposait M. Poincaré. 


DD+** 


1038 


H. Poinearé : Sur la stabilité de l'équilibre des 
figures pyriformes affectées par une masse fluide 
en rotation. — J'ai publié autrefois, dans le Tome VIl 
des Acta Mathematica, un mémoire où J'étudie diverses 
figures d'équilibre nouvelles d'une masse fluide homo- 
gène en rotation. Presque toutes ces figures sont insta- 
bles; une d'elles cependant, qui est pyriforme, est (rès 
probablement stable. Mais la preuve directe de cette sta- 
bilité ne pourrait être obtenue que par de longs calculs. 
Le but du présent travail est de faciliter ces calculs, en 
donnant à la condition de stabilité une forme analy- 
tique aussi simple que possible. La question cependant 
reste indécise, parce que les formules analytiques n’ont 
as été réduites en chiffres. 

Il fallait d'abord obtenir une expression de l'énergie 
de gravitation d'une pareille figure en poussant l'approxi- 
mation plus loin qu'on ne l'avait fait jusqu'ici. L'emploi 
des fonctions de Lamé peut conduire au résultat, mais 
on se trouve en présence d'une petite üifticulté. Le 
potentiel d’un ellipsoide, ou d'une couche ellipsoïdale, 
affecte des formes analytiques différentes selon que le 
point envisagé est à l’intérieur ou à l'extérieur de l’ellip- 
soide. Il en résulte que dans chacune des intégrales il 
faudrait donner à la fonction sous le signe /, tantôt 
une forme pour les parties de la surface pyriforme qui 
sont au-dessous de la surface de l’ellipsoide, tantôt une 
autre forme pour les parties qui sont au-dessus. Mais 
j'ai reconnu que cette difficulté est purement artificielle 
et qu'on obtiendra encore un résultat final correct en 
donnant à ces fonctions sous le signe /, soit foujours 
la première forme, soit toujours la deuxième. En opé- 
rant de la sorte, on commet une erreur sur chacune des 
intégrales, mais ces erreurs se compensent complète- 
ment dans la somme des intégrales. 

Je me suis attaché ensuite à écrire l'inégalité qui 
exprime la condition de stabilité, et à réduire aux inté- 
grales elliptiques les plus simples toutes les intégrales 
qui figurent dans cette inégalité. 


20 SCIENCES PHYSIQUES. 


B. D. Steele : La mesure des vitesses ioniques 
en solutions aqueuses et l'existence des ions com- 
plexes. — La méthode de mesure des vitesses ioniques 
décrite par Masson à été étendue par l'auteur de telle 
facon que, dans la nouvelle méthode, l'emploi d'une 
solution de gélatine et d'indicateurs colorés n’est pas 
nécessaire. 

Une solution aqueuse du sel à mesurer est enfermée 
entre deux cloisons de gélatine qui contiennent les ions 
indicateurs en solution, l'appareil étant toujours 
arrangé de facon à ce que la solution la plus lourde 
soit placée au-dessous de la plus légère. Lors du pas- 
sage du courant, les ions de la solution mesurée s’éloi- 
gnent de la gelée, suivis à chaque extrémité par les 
ions indicateurs; la limite est tout à fait visible à cause 
de la différence de l'indice de réfraction des deux solu- 
tions. La rapidité du mouvement des bords est mesurée 
au moyen d'un cathétomètre, et le rapport des vitesses 
des bords donne de suite le rapport des vitesses 
ioniques. 

On a trouvé que, pour la production et le maintien 
d'un bon bord de réfraction, une certaine chute de po- 
tentiel est nécessaire pour n'importe quelle paire de 
solutions donnée, el cette étendue diffère beaucoup 
suivant les différentes limites; par exemple, la limite 
entre l'acétate et le chlorure de potassium est stable 
pour une chute de potentiel de 0,82 volts, tandis que, 
pour la stabilité de la limite sulfate de cadmium-sul- 
fate de cuivre, un voltage de 2,54 volts est au moins 
nécessaire. 

On doit chercher l'explication de ceci non dans la 
chute du potentiel dans la solution mesurée, à laquelle 
les chiffres ci-dessus se rapportent, mais plutôt dans 
le changement de la chute du potentiel en passant de 
la solution indicatrice à cette dernière; il se relie pro- 
bablement à la théorie des piles liquides de Nernst. 

On a noté certaines régularités dans l'influence de 


ACADÉMIES ET SOCIÉTÉS SAVANTES 


différents sels sur les points de fusion des gelées et il 
semble que cette influence est plus ou moins d’une na= 
ture additive, dépendant de la nature de l’anion et du 
cation. Parmi les anions, l'ion SO, a le maindre et les 
ions I et AzO, le plus grand effet pour abaisser le point 
de fusion. Parmi les cations, l'ion K a une influence 
moindre que les ions Li ou Mg; ces relations sont 
encore, cependant, seulement qualitatives. 

Les valeurs pour le nombre de transport qui ont été 
obtenues montrent une remarquable concordance avec 
les nombres de Masson, tels qu'ils ont été mesurés dans 
la gélatine, pour les chlorures de potassium et de s0- 
dium. D'un autre côté, pour le chlorure de lithium.et le 
sulfate de magnésium, il n'existe aucune ressemblance. 
Pour tous les sels, une comparaison avec les chiffres 
de Hittorf montre seulementune ressemblance approxi- 
mative, presque aussi bonne que celle montrée par une 
comparaison des chiffres pour le même sel, tels qu'ils 
ont été mesurés par différents investigateurs par la 
méthode indirecte de Hittorf. 

De la connaissance de la résistance spécifique de la 
solution mesurée il est possible de calculer la chute du 
potentiel dans cette partie du système, et de là la 
vitesse moyenne absolue U — x u, où x est le coefficient 
de ionisation et u la vitesse ionique absolue. 

Une ressemblance très frappante existe entre la 


somme des vitesses d’anion et de cation et la somme 


calculée d'après les chiffres de conductibilité de Kohl- 
rausch. Les vitesses d’un grand nombre d'ions de dif- 
férents sels à des concentrations différentes ont été 
calculées, et la vitesse des ions hydrogène et hydroxyle . 
a élé aussi mesurée, avec les résultats suivants : 


TROUVÉ  CALCULÉ 
0,001435 0,00145 
0,00158  0,00152 


| OOU282 ) Le 
00027 & 0,00280! 


OH dans KOH 0,5 N. 
NaOH 0,2 N 


HA70;0,2N, 


H — 


Le rapport du courant mesuré par le galvanomètre 
à celui calculé par la vitesse des bords de la manière 
indiquée par Masson, n'est égal à l'unité que pour 
quelques sels du type du chlorure de potassium ; pour 
d’autres sels, cerapporta, dans quelques cas, une valeur 
plus grande; dans d’autres, moindre que 1. La même 
irrégularité a été auparavant indiquée par Masson pour 
les solutions en gélaline des sulfates de magnésium et 
de lithium. ; 

Le travail a été fait pour expliquer cette déviation des 
conséquences de la théorie, et aussi la difficulté que 
Kohlrausch est incapable d'assigner aux éléments 
dyades une valeur quelconque pour la vitesse ionique 
spécifique, laquelle est la même quand elle est calculée 
d'après les mesures de différents sels du même métal 
(dans l'hypothèse, proposée tout d’abord par Hittorf, que, 
dans les solutions conrentrées de ces sels, l’ionisation 
a lieu de telle facon qu'il se forme des ions complexes 
en plus des ions simples); la conclusion est tirée que, 
dans tous les cas où quelque changement considérable 
dans les chiffres du nombre de transport se produit 
avec des changements dans la concentration, des ions 
complexes sont présents en plus ou moins grande 
quantité. 


SOCIÉTÉ DE PHYSIQUE DE LONDRES 
Séance du 25 Octobre 1901. 

M. E. P. Harrison présente les résultats de ses 
recherches sur les variations, avec la température, de 
la force électromotrice et de la résistance du nickel, du 
fer et du cuivre entre — 200 et Æ 1050. Les courbes 
de la variation des f. 6. m. des couples cuivre-nickel 
et cuivre-fer sont approximativement une droite et 
une parabole respectivement. Les différences entre ces 
courbes et une droite choisie dans le premier cas, une 
parabole dans le second, ont été dessinées graphique- 
ment en fonction de la température. Ces courbes de 


: ACADÉMIES ET SOCIÉTÉS SAVANTES 


1039 


différences montrent que les variations maximum ont 
lieu, pour le cuivre-fer, à 70°, 230° et 3709; la tempé- 
rature d'inversion (la jonction froide étant à 0°) est de 
536°, et le point neutre est à 2620C. Dans le cas du 
éuivre-nickel, les variations maximum ont lieu à 70° et 
3F00, el il parait y avoir un léger effet d'hystérèse à ce 
dernier point; la température d'inversion ne se trouve 
pas dans les limites de l'expérience, et il n'y a pas de 
point neutre. La courbe de f. 6. m. pour un couple 
mickel-fer jusqu'à 700° à été obtenue par addition des 
deux courbes expérimentales précédentes; au-dessus 
de cette température, des observations directes ont été 
faites. Cette courbe est presque linéaire jusqu'à 9009; à 
partir de ce point, il y a diminution de la f. 6. m. Les 
courbes de la force thermoélectrique ont été déduites 
des courbes de f. 6. m. par des tangentes. Pour le 
‘cuivre-fer, la plus grande partie est composée de lignes 
droites ; le reste est parabolique ; pour le cuivre-nickel, 
ce sont des morceaux de lignes droites. La variation 
du coefficient de Peltier pour le fer-cuivre est d'abord 
“parabolique, puis en ligne droite; pour le cuivre-nickel, 
elle est représentée par des fragments de paraboles. 
La résistance du nickel augmente presque parabolique- 
ment avec la température jusqu'à 370°, puis ensuite 
beaucoup moins rapidement, et presque linéairement 
jusqu'à 1050°. Pour le fer, la courbe de résistance para- 
bolique va jusqu'à 8009, et se continue linéairement 
jusqu'à 10500. L'auteur conclut que le changement 
thermo-électrique du couple nickel-cuivre coïncide 
approximativement avec le changement de résistance, 
“tandis qu'il n'existe aucune particularité thermoélec- 

trique pour le couple fer-cuivre, à la température du 

changement de résistance du fer. — M. G. W. Walker 

envoie un mémoire sur l’'asymétrie de l'effet Zeeman. 
… M. Voigt avait prévu une asymétrie du triplet normal, 
laquelle a été vérifiée par Zeeman, L'auteur a traité le 
sujet mathématiquement, et il trouve que l'asymétrie 
peut provenir d'un terme du second ordre dû au 
champ magnétique. L'asymétrie serait d’aulant plus 


distincte que le champ serait plus grand, ce qui est. 


contraire à la théorie de Voigt. En donnant des valeurs 
numériques aux symboles, on voit que l'effet est 
excessivement faible. L'auteur pense que sa théorie 
peut fournir l'explication de la non-résolvabilité d'une 
ligne. 

Séance du 8 Novembre 1901. 


M. R.-A. Lehfeldt présente un voltamètre pour 
courants faibles. L'instrument se compose d’un tube 
- capillaire d'environ 25 centimètres de longueur, com- 
plètement rempli de mercure, à l'exception d’une bulle 
de solution de nitrate mercureux, d'environ 1 centimètre 
- de long, placée près du milieu du tube. Pour employer 
l'instrument, on le met dans la position verticale, 
l'anode étaut au sommet; et la quantité d'électricité qui 
le traverse est mesurée par le changement de volume 
de chaque électrode. Dans une expérience d'essai, le 
changement de volume a été mesuré au moyen d'un 
micromètre ; il concordail à 0,6 % près avec la quantité 
 déduite du courant connu. fl est nécessaire que les 
courants soient faibles pour éviler les complications 
dues à la polarisation. — M. J. Buchanan envoie une 
note sur un modèle, dû à MM. Fleming et Ashton, qui 
imite la facon dont se comportentles diélectriques. L'ac- 
tion de ce modèle dépend de la viscosité d'un liquide, et 
les diagrammes qui en dérivent montrent par leur forme 
que le mouvement du crayon qui les trace s'approche 
de ce que l’on peut appeler « le mouvement d’un fluide 
visqueux par diffusion ». En d'autres termes, les courbes 
de déplacement obtenues par le modèle, etleurs courbes 
de vitesse dérivées, sont de la même forme que les 
graphiques de certaines solutions de l'équation bien 
connue de Fourier : 


dre rdar 
FCO EE) 


" Lord Kelvin a montré que le potentiel et le courant 


en chaque point d'un fil de càble peuvent être exprimés 
par des solutions appropriées de cette équation; la diffu- 
sion de l'électricité dans le ou hors du diélectrique d’un 
condenseur peut êlre traitée de la même manière par 
l'emploi de solutions de cette équation. II semble donc 
que le mouvement du modèle et ia diffusion de l’élec- 
tricité dans un diélectrique soient soumis à une seule 
et mème loi mathématique. L'auteur suppose que les 
inventeurs pourraient obtenir des diagrammes d’hys- 
térèse par le chargement cyclique des ressorts. — 
M. J. Macfarlane Gray rappelle une théorie thermody- 
namique qu'il a soutenue il y a vingt ans et dans 
laquelle il suppose un éther granulaire sous forte pres- 
sion. Elle explique aisément les propriétés des corps. 
Chacun est caractérisé à l'état de vapeur par une cons- 
tantenumérique, déduite d'observationsexpérimentales, 
Celle de l'eau, d’après les dernières expériences de Lord 
Rayleish sur le poids de l'hydrogène, est de 25,33776. 
D'après l’auteur, l'eau commence à geler à 95° K., et la 
variation de la chaleur spécifique de l’eau aux basses 
températures est due à la chaleur latente de la glace; 
la formation de particules de glace explique aussi le 
changement du volume de l’eau quand elle est refroidie 
jusqu'à son point de congélation. 


SOCIÉTÉ ALLEMANDE DE PHYSIQUE 
Séance du 18 Octobre 1901. 


M. O. Lummer présente un nouveau photomètre et 
pyromètre à interférences. {l'est basé sur l'emploi des 
franges d'interférence de Herschell à la limite de la 
réflexion totale, qui se produisent quand on place l’un 
contre l'autre, suivant leur hypothéuuse, deux prismes 
à angle droit et qu'on regarde dans la direction des 
rayons réfléchis totalement une surface lumineuse dif- 
fuse ou un disque mat. Comme les franges d’interfé- 
rences en lumière transmise sont complémentaires de 
celles en lumière réfléchie, elles doivent disparaître 
quand les deux surfaces diffuses sont de même clarté. 
L'emploi du photomètre comme pyromètre repose sur 
la relation qui existe entre l'énergie photométrique d’un 
corps et sa température, et qui a été établie par l'auteur, 
Pringsheim, Planck, Rubens, Kurlbaum, ete, —M.F.F. 
Martens : Sur les indices de réfraction du quartz et du 
spath fluor. Sur un grand spectromètre de précision avec 
dispositif pour la photographie spectrale. : 


Séance du 1 Novembre 190i. 


M. E. Lampe communique de nouvelles remarques 
sur la question de la forme la plus favorable des pointes 
de projectiles conforme à la théorie de Newton. Ses: 
recherches montrent que, daus la pratique, on peut 
remplacer la courbe minima de Newton par des hyper- 
boles choisies convenablement, sans s'écarter de la 
résistance mioimum de quantités appréciables. — 
MM. E. Aschkinass et W. Caspari présentent leurs 
recherches relatives à l'influence des rayons de Bec- 
querel sur les substances organisées. 


ACADÉMIE DES SCIENCES DE VIENNE 
Séance du 10 Octobre 1901. 


M. Ed. Suess est réélu président de l'Académie. 
M. V. Uhlig est élu membre titulaire. M. M. Berthe- 
lot est nommé membre d'honneur. MM. P. Forchhei- 
mer, E. Lecher,J.Seegen, K. von Linde, G. Retzius 
et Al. Kowalewski sont élus correspondants étrangers. 

19 SCIENCES MATHÉMATIQUES. — M. E. von Oppolzer : 
Théorie de la scintillation des étoiles fixes! — M. P. 
R. Fischer : Démonstration du cinquième postulatum 
d'Euclide. 

20 SCIENCES PHYSIQUES. — M. R. Hoernes : Tremble- 
ments de terre et lignes de choc en Styrie. — M. W. 
Laska : Les tremblements de terre de Pologne (I). — 
M. K. Przibram : Etudes photographiques sur les 
décharges électriques. — M. W. Pauli et P. Rona 
Recherches sur les modifications d'état physique des 


ACADÉMIES ET SOCIÉTÉS SAVANTES 


colloïdes. — MM. A. Smolka et Ed. Halla ont préparé 
les chlorhydrates d'xetf-naphtylbiguanide en chauffant 
pendant huit heures en tube fermé la dicyandiamide 
avec les chlorhydrates d'x et f-naphtylamine et de l’al- 
cool à 95 °/ Les briguanides sont mis en liberté 
par la soude. Ce sont des bases donnant des sels avec 
les acides, mais aussi avec le cuivre et le nickel. 

3° SCIENCES NATURELLES. — M. R. von Wettstein 
envoie du Brésil des renseignements sur le voyage 
d'études botaniques dont il a été chargé par l’Académie 
dans la région de Sao-Paulg. — M. F. Schaffer : Nou- 
velles études géologiques dans le sud-est de l'Asie 
Mineure. — M. R. Hoernes décrit de nouvelles Cérithes 
du groupe du Clava bidentatatrouvées à Oisnitz (Styrie 
moyenne) et fait quelques remarques sur la répartition 
de ce groupe dans l’Eocène, l'Oligocène et le Miocène. 


Séance du 47 Octobre 1901. 


1° SCIENCES MATHÉMATIQUES. — M. E. Weiss commu- 
nique ses observations des Laurentides dans les nuits 
du 9 au 12 août. Les météores observés ont été de 55, 
110 et 481; mais la plus grande partie appartenaient 
aux Perséides. L'auteur décrit aussi un globe de feu 
qui a été observé à Vienne, le 3 octobre, à 7 h. 25. 

20 Scrences PHYSIQUES. — M. Zd. H. Skraup rappelle 
que l'identité de la cinchonifine et de la cimchotine, 
récemment annoncée par Jungfleisch et Léger, a déjà 
été prouvée par Hesse, lui et ses élèves. — Le même 
auteur a étudié les propriétés physiques de l’& et de la 
G-1-cinchonive; elles sont si différentes qu'il n'est pas 
possible que ces deux corps soientdes isomères optiques. 
— MM. Zd. H. Skraup et R. Zwerger ont isolé, des 
produits d’oxydation de la-i-cinchonine, un acide 
dioxypipéridine butyrique et un acide pipéridine-car- 
bouique chloré: il semblerait que l'«-1-cinchonine con- 
tient un noyau pipéridique. — M. Ad. Franke a 
préparé, par réduction du diacétonealcool, le méthyl-2- 
pentane-2 : 4-diol ; il est isomère avec la pinacone, qui 
possède bien la formule d'un tétraméthyléthylèneglycol. 
— MM. J. Herzig et F. Wenzel ont préparé les éthers 
carboniques de la phloroglucine par traitement des 
acides phloroglucinecarboniques substitués ou non 
avec le diazométhane. 

30 SCIENCES NATURELLES. — M. Fr. Berwerth commu- 
nique ses recherches sur les échantillons recueillis au 
“ond de la Méditerranée orientale pendant les expédi- 
tions de la Pola. Les sédiments sont composés : 1° de 
restes organiques riches en chaux (petits Mollusques et 
Foraminifères); 2° de fragments d'organismes siliceux 
(Spongiaires et Radiolaires, plaques siliceuses d’origine 
organique); 3 de divers minéraux et fragments de 
pierres; les minéraux dérivent principalement des 
vieux schistes cristallins ; 4° d’un précipité, qui n’est pas 
exactement déterminable au microscope et qui forme 
la plus grande partie du limon; il se compose d’une 
partie calcaire (coquilles broyées) et d'une partie argi- 
leuse. 


ACADÉMIE DES SCIENCES D'AMSTERDAM 
Séance du 28 Octobre 4901. 


40 SCIENCES MATHÉMATIQUES. — M. P. H. Schoute : 
Etude analytique d'une confiquration du D' C. Segre. 
Première partie. Il s'agit d'une configuration dans l’es- 
pace à quatre dimensions se composant de quinze points, 
de quinze droites, de quarante-cinq plans et de quinze 
espaces tridimensionaux. — M. J. de Vries présente, au 
nom de M. $. L. van Oss : Le mouvement élémentaire 
de l'espace FE, à quatre dimensions. L'auteur effectue 
d'une manière tout à fait géométrique la réduction du 
mouvement élémentaire de l'espace E, à deux rotations 
autour de deux plans, normaux l’un à l'autre, en s'ap- 
puyant sur la réduction connue du mouvement élé- 
mentaire en notre espace. — M. H. G. van de Sande 
Bakhuyzen présente, au nom de M. J. Stein, S. J. : 
Discussion de la critique de M. J. C. Kapteyn sur Ja 
méthode de détermination de l'Apex du mouvement so- 


laire donnée par Airy. L'auteur rappelle que, dans 
une communication à l'Académie en janvier 1901 (voir 
Rev. gén des Se., t. XI, p. 224), M. Kapteyn a pré- 
tendu que ni la méthode d’Airy, ni celle d'Argelander, 
ne s'appuient entièrement sur l'hypothèse que les mou- 
vements propres particuliers des étoiles fixes r'ont pas 
de prédilection pour une direction déterminée. Au con- 
traire, d'après M. Steyn, la méthode donnée par Airy 
est en accord parfait avec cette hypothèse, même quand 
on applique aux équations de conditions la théorie des 
moindres carrés. De plus, d'après M. Steyn, les condi- 
tions déduites de la méthode d’Airy par M. Kapteyn 
sont inexactes. — M. J. C. Kapteyn rélule les consi- 
dérations de M. Steyn en prétendant : 1° que les équa- 
tions déduites par M. Steyn ne prouvent rien contre 
ses considérations; et 2° que la critique directe de ses 
déductions est inexacte. 

29 SCIENCES PHYSIQUES. — M. CG, A. Lobry de Bruyn pré- 
sente, au nom de M. N. Schoorl, la thèse « Verbin- 
dingen van Suikers met Urea » (Combinaisons des 
Sucres avec les Urées), et une communication : Sur les 
dérivés uréiques (carbamides) des sucres. Suite d'une 
communication antérieure (Æev. gén. des Se., t. XIT, 
p. 151). Ici M. Schoorl s'occupe des poids moléculaire 
et spécifique (216 et 1,480), de la chaleur de combustion 
(6,736 cal. par molécule-gramme) et des propriétés chi- 


‘ miques de la glucose-uréide (C,H,.0,.Az.C0.A7H,). Ont 


été isolées la galactose-uréide, la mannose-uréide 
(G,H,.0,.Az.CO.AZH, + C,H,.0,) et la lactose-uréide 
(C,.H,.0,,.Az.C0.AZH, + 4,0). 

30 NCIENCES NATURELLES. — M. J. L.C. Schroeder van 
der Kolk : Le commencement d'une nouvelle carte 
géologique des Pays-Bas. Exposé de ce qui a été fait 
depuis 1898. Sont en préparation les planches couvrant 
une bande dans la direction ouest-est formant à peu 
près une tangente au Zuiderzee et la partie méridio- 
nale d’une bande dans la direction nord-sud de De- 
venter à Maestricht. — M. J. W. Moll : Sur l’hydrosi- 
mètre. L'instrument servant à faire connaître la pres- 
sion de l’eau dans les plantes (Üwp— eau, dot — choc) 
se distingue des instruments antérieurs en ce quil 
permet de tenir les deux colonnes de mercure aux 
mêmes niveaux. Il se compose d'une bouteille de Ma- 
riotte fixée à un tube en forme d'U par un serpentin 
de caoutchouc, etc. — M. K. Martin présente : Report 
on the geology of the Philippine Islands, by G.F. Becker, 
followed by a version of « Ueber tertiäre Kossilien von 


den Philippinen » 1895, by K. Martin (Rapport surla. 


géologie des îles Philippines, suivi d’une translation de 
« Sur les fossiles tertiaires des Philippines »)}. — 
M. H. J. Hamburger présente les thèses de MM. G-: A. 
van Lier : Die Durchlässigkeit der rothen Blutkür- 
perchen für die Anionen von Natriumsalzen (La per- 
méabilité des corpuscules rouges du sang pour les 
anions de sels de soude), H. J. van der Schroef : Ueber 
die Permeabilität von Leukocyten und Lymphdrüsen- 
zellen für die Anionen der Natriumsalze (Sur la perméa= 
bilité des leucocytes et des cellules des glandes lympha- 
tiques pour les anions de sels de soude), D. G. Ubbels : 
Vergleichende Untersuchungen von mütterlichem Blute, 
fütalem Blute und Fruchtwasser (Examen comparatif 
du sang maternel, du sang de fœtus et du liquide d'am- 
nios). — M. J. W. van Bemmelen présente, au nom de 
M. J. F. van Bemmelen : Der Schädelbau der Mono- 
tremen (La structure du crâne des Monotrèmes). — 
M. B. J. Stokvis présente 1°: Virchow und die nieder- 
ländische Mediein (M. Virchow et la médecine en Hol- 
lande), et 2° : Der kleine Virchow (Le petit Virchow). 
P. H. Scnoure. 


N. B. — Dans la Revue générale des Sciences du 
15 novembre 1901, p. 133, colonne 2, ligne 20, au lieu 
de : surfaces exposées au vent, traduction de wind- 
schief Flächen, lire : surfaces gauches. S. 


Le Directeur-Gérant : Louis OLIvIER. 


Paris. — L. MARETHEUX, imprimeur, 1, rue Cassette.” 


4 


mt tatin tpm de... 


12 ANNÉE 


DIRECTEUR : 


Ne 93 


15 DÉCEMBRE 1901 


Revue générale 


Des SCienc 


pures el appliquées 


LOUIS OLIVIER, Docteur ès sciences. 


Adresser tout ce qui concerne la rédaction à M. L. OLIVIER, 22, rue du Général-Foy, Paris. — La reproduction et la traduction des œuvres et des travaux 
publiés dans la Revue sont complètement interdites en France et dans tous les pays étrangers, y compris la Suède, la Norvège et la Hollande. ( 


$ 1. — Distinctions scientifiques 


Élection à l'Académie des Sciences de 
Paris. — Dans sa séance du 25 novembre, l'Académie 
a procédé à l'élection d’un membre dans sa Section 
d'Anatomie et de Zoologie, en remplacement de M. de 
Lacaze-Duthiers. La Section avait présenté la liste 
suivante de candidats : en première ligne, M. Léon 
Vaillant, professeur au Muséum; en seconde ligne, 
MM. E. Bouvier, professeur au Muséum, Y. Delage, pro- 
fesseur à la Sorbonne, el F. Henneguy, professeur au 
Collège de France; en troisième ligne, MM. R. Blan- 
chard, professeur à la Faculté de Médecine, F. Hous- 
say. maitre de conférences à l'Ecole Normale, et 
- E. Oustalet, professeur au Muséum. 

._ Au premier tour de scrutin, le nombre des votants 
tant 63, 


M. Y. Delage a obtenu. 


31 suflrages. 


NN Int 0e fi CS 0 
M. E. Bouvier CPE | — 


En conséquence, M. Yves Delage a été déclaré élu. 
Le nouvel académicien est l’un des plus éminents 
- parmi les zoologistes contemporains. L'Anatomie com- 
. parée et l’'Embryologie lui doivent quelques-unes de 
| leurs plus précieuses acquisitions. Ses beaux travaux 
sur le système circulatoire des Crustacés, sur le déve- 
- loppement de la sacculine, la structure et l’évolution 
- des Spongiaires sont aujourd'hui classiques. Ses 
» recherches micrographiques expérimentales sur la fé- 
- condation et les premiers développements de l'œuf ont 
- mis au jour une série de faits de première importance, 
- dont devra, désormais, tenir compte toute tentative 
d'explication des phénomènes de reproduction et 
d'hérédité. 
- Depuis quelques années, M. Delage s’est principa- 
- lement occupé des conditions mécaniques de l’évolu- 
- tion de la celiule, des tissus et des appareils organiques 
chez l'individu, et, tout en prenant lui-même une part 
active à cet ordre de recherches, s’est appliqué à faire 
connaitre en France les travaux que divers naturalistes 
.de Suisse et d'Allemagne poursuivent dans cette direc- 
‘on. 
Professeur remarquable, M. Delage a su grouper 


REVUE GÉNÉRALE DES SCIENCES, 1901. 


CHRONIQUE ET CORRESPONDANCE 


autour de sa chaire de nombreux auditeurs, et réussi 
à former, dans son laboratoire, quelques élèves, dont 
les thèses de doctorat ontété très justement appréciées. 
Grâce aux ouvrages didactiques qu'il a publiés sur 
l'ensemble de la Zoologie et qui permettent au débu- 
tant d'aborder cette science selon la bonne méthode, 
en allant du connu à l'inconnu, en étudiant — non plus 
des exposés généraux, pour lui vides de sens, — mais 
des faits concrets pour arriver progressivement aux 
lois générales; grâce à l'Année biologique, qui, régu- 
lièrement enregistre et précise les faits nouvellement 
acquis dans tous les départements de la Biologie géné- 
rale et spécialement de la Zoologie, l'enseignement 
de M. Delage s'étend aujourd'hui bien au delà de la 
Sorbonne et des laboratoires qui dépendent de sa 
chaire : il porte ses fruits partout où la Zoologie est 
cultivée et, loin même de nos frontières, contribue 
puisamment au bon renom de notre science. 


$ 2. — Mathématiques 


L'étude des Mathématiques à l'Université 
de Genève. — Les professeurs de Mathémathiques 
de l'Université de Genève ont eu l'idée excellente de 
rédiger pour leurs élèves une Note sur la facon d'étu- 
dier, la marche à suivre et la peine à s'imposer pour 
parvenir à une connaissance intelligente des Mathéma- 
tiques supérieures. La question de méthode qu'ils agitent 
offrant un intérêt absolument général, nous pensons 
rendre serviceauxlecteursen résumanticileurs conseils, 

Faisons d'abord remarquer, avec l'un de ces Maîtres. 
notre savant collaborateur M. H. Fehr, que, pour suivre 
avec fruit les cours de Mathématiques de l'Université, il 
est nécessaire d’avoir compris l'Algèbre élémentaire, 
les éléments de Géométrie, de Trigonométrie et de Géo- 
métrie analytique enseignés dans les écoles secon- 
daires !. Au sujet de l'intelligence précise de ces parties 
de la Science, M. Fehr* écrit très justement : 


! A ce propos, M. Febhr cite fort justement comme un 
chef-d'œuvre de pédagogie mathématique, les Leçons de 
Géométrie élémentaire de M. J. Hadamard. 

? H, Feur : Les Lecons d'introduction et les Lecons de 
revision dans l’enseignement secondaire supérieur, Znsei- 
gaement mathématique, n° 5 de 1901. 


23 


1042 


CHRONIQUE ET CORRESPONDANCE 


« Quels que soient les programmes et les manuels 
imposés par l'autorité scolaire, le maitre ne doit jamais 
oublier que toutes les branches de l’enseignement 
secondaire doivent contribuer à développer chez les 
élèves la faculté d'attention et leur donner l'habitude 
de travailler d'une façon rationnelle. 11 doit s’efforcer 
de anettre en évidence les idées fondamentales et de 
montrer les formes diverses sous lesquelles elles ont été 
appliquées. A cet effet, quelques remarques faites pen- 
dant le cours sont déjà d’une grande utilité. Mais il est 
indispensable qu'en outre le maître consacre de temps 
en temps une lecon à l'étude de questions générales 
embrassant à la fois plusieurs chapitres, étude dans 
laquelle il peut aborder soit le côté philosophique du 
sujet, soit le développement historique. 

« À côté de ces considérations d’un caractère philo- 
sophique, les lecons générales doivent contenir quelques 
indications quant au développement historique de la 
branche étudiée. L'étude de chaque branche devrait se 
terminer par un court aperçu historique présenté 
sous la forme d’une simple causerie et limité aux faits 
les plus importants. Les questions historiques inté- 
ressent toujours vivement les élèves; ils tiennent à 
savoir quels étaient les moyens de calcul dont se ser- 
vaient les Anciens, à quelle époque remonte l'usage des 
fractions décimales, comment les rapports trigonomé- 
triques se sont introduits dans les calculs, etc., etc. Le 
développement considérable qu'ont pris depuis une 
vingtaine d'années les recherches sur l'Histoire des 
Mathématiques, a donné lieu a de nombreuses publi- 
cations; il existe aujourd'hui une série de manuels 
d'Arithmétique, d’Algèbre, de Géométrie et de Trigono- 
métrie contenant un chapitre ou simplement quelques 
notes sur l'Histoire des Mathématiques. IL est donc 
facile au maître de compléter ses connaissances dans ce 
domaine afin d’en tirer parti dans son enseignement. 

« Les lecons de revision se font assez généralement 
dans l’enseignement secondaire; mais ce sont presque 
toujours des revisions dans le sens étroit du mot : 
répétition pure et simple des règles ou des théorèmes, 
travail mécanique fait uniquement en vue des examens, 
Pour que les leçons de revision soient d'une utilité 
réelle, il faut qu'elles apportent des considérations nou- 
velles, il faut qu'elles présentent le caractère d’une 
lecon générale. La préparation aux examens, puisque 
examens il y a, n'en sera que meilleure, et le but que 
poursuit l'enseignement secondaire n'en sera que mieux 
atteint. 

« Dans ces lecons générales, on se bornera à l'étude 
des notions fondamentales et de leurs conséquences 
immédiates. On attirera l'attention des élèves sur les 
formes, souvent très diverses en apparence, sous 
lesquelles une même propriété à été utilisée; on fera 
ressortir les liens quiexistent entre les divers chapitres 
ainsi que les points de contact qui rattachent la théorie 
étudiée à d'autres branches de la science. Il y aura lieu, 
en outre, de passer en revue les applications les plus 
importantes el d'insister sur les méthodes de résolution 
auxquelles on peut avoir recours. » 

Initiés à l'esprit des Mathématiques par un enseigne- 
mentainsi compris, les élèves sont en état de poursuivre à 
la Faculté l'étude des Mathématiques supérieures. Voici, 
sur la marche qu'ils ont à suivre à cet effet à l'Univer- 
sité de Genève, et sur la discipline qu'ils doivent s'impo- 
ser, les indications et conseils que leur donnent MM. C. 
Cailler, H. Febr et R. Gautier : 

« Les cours de Mathématiques pures et appliquées qui 
figurent dans les programmes de la Faculté se répartis- 
sent en cours généraux, donnés par les professeurs 
ordinaires, et en cours spéciaux, donnés par les pro- 
fesseurs ou les privat-docents. Les cours de cette se- 
conde catégorie sont destinés soit aux commençants, 
soit aux étudiants plus avancés; leur objet peut varier 
d’un semestre à un autre. Nous n’envisagerons ici que 
les cours généraux. Ce sont les suivants: A/gébre, 
Géométrie analytique (semestre d'hiver), Géométrie 


descriptive et projective (semestre d'été), Calcul diffé- 


rentiel et intégral, Mécanique rationnelle et Astro= 
omie, avec les branches qui s'y rattachent. 

« Nous ne conseillerions à personne de suivre à Ja 
fois l'ensemble de ces cours, d'autant plus que la plu- 
part des étudiants sont appelés à assister, en outre, à 
certains cours appartenant aux sciences physiques ou 
chimiques. Pour être faite d'une manière rationnelle, 
l'étude des éléments des Mathématiques supérieures 
doit étre répartie sur une période de deux ans. 

« La première année doit ètre consacrée à l'A/gèbre# 
et à la Géométrie?, qui constituent une première ini-" 
tiation aux Mathématiques supérieures. Ces deux cours 
figurent encore dans les programmes et règlements 
d'examens, sous la dénomination incorrecte de « Ma-" 
thématiques spéciales ». Chacun de ces cours comprend 
trois heures pendant toute l’année (théorie, deux 
heures; exercices, une heure). Seuls, les étudiants 
sortis en très bon rang de la Section technique du 
Gymnase, ou ayanl une préparation équivalente, peu- 
vent, éventuellement, suivre en même temps les lecons 
de Calcul différentiel et intégral. à 

« Le Calcul différentiel et intégral et la Mécanique 
rationnelle font l'objet de la seconde année d’études. IL 
est affecté à chacune de ces branches cinq heures par 
semaine (théorie, trois heures ; exercices, deux heures}. 

« Relativement à l’Asfronomie et aux branches rat- 


. fachées à cette science, nous faisons les remarques 


suivantes : 

« Le cours de Géographie physique, qui traite des 
questions générales de morphologie et d'océanogra- 
phie, et plus spécialement de météorologie, est un 
cours qu'il sera bon de suivre pendant la première 
année. 

« Une fois en possession des notions fondamentales, 
l'étudiant peut se livrer sans difficulté à une étude 
approfondie de quelques-unes des branches des Ma- 
thématiques supérieures. Il aura l’occasion de se fa- 
miliariser avec les parties plus élevées de la science 
en prenant part aux conférences et en suivant les 
cours SpECIAUX. : 

« Ces conférences, faites au début du semestre par 
le professeur, puis, à tour de rôle, par les étudiants, 
poursuivent un double but; ayant pour objet l'étude 
des principes fondamentaux de telle ou telle branche 
des Mathématiques supérieures, pures ou appliquées. 
elles fournissent aux étudiants l’occasion de s'initier 
aux travaux de recherches. 

« Dès ce moment, le travail personnel, accompa- 
gnant la lecture des ouvrages classiques, doit prendre 
la place prépondérante. A cet effet, les étudiants trou- 
veront, soit à la Bibliothèque mathématique de ? Uni- 
versité, soit à la Bibliothèque publique, la plupart des 
ouvrages et revues dont ils pourront avoir besoin. 

« À côté de ces branches, qui forment le bagage 
indispensable à tous ceux qui s'engagent dans le 
domaine des sciences mathématiques, physiques ou 
chimiques, l'étudiant ne doit pas perdre de vue le 
développement de sa culture générale. À cet effet, 
nous l’engageons à suivre régulièrement, dès la seconde 
année si possible, au moins un cours de la Faculté des 
Lettres et des Sciences sociales. 1 ne doit pas oublier 
que la culture universitaire ne comprend pas seulement 
l'étude approfondie destel ou tel domaine de la science, 
mais, de plus, des vues générales sur l’ensemble des 
connaissances humaines. 

« En première ligne, nous devons signaler la PAr- 
losophie et, de plus, pour ceux qui se destinent à 
l'enseignement, la ?édagogre. 

« Il nous paraît indispensable de faire suivre ces 
conseils relatifs au choix des cours de quelques conseils 
sur la méthode de travail. Le développement de l'esprit 


1 Le programme d'Algèbre comprend, entre autres, les 
théories suivantes : Déterminants; Dérivées et lutégrales 
définies; Séries; Théorie générale des équations. 

2 Géométrie analytique à deux et à trois dimensions; 
Géométrie descriptive et projective. 


hathématique ne peut se faire d'une facon rationnelle 
que si l'étudiant fait preuve de volonté, de persévérance 
ét d'initiative dans le travail. L’acquisition des connais- 
ances mathématiques exige un effort constant. Une 
fréquentation régulière, non seulement des cours, mais 
tussi des lecons d'exercices est indispensable. Les 
hotes prises au cours seront aussi brèves que possible; 
elles devront toujours être revues et développées à la 
maison, le jour même si possible. Pour ceux des étu- 
diants qui font des Mathématiques leur principal 
objet d'étude, ces notes devront souvent être complé- 
fées à l’aide des traités classiques. Dans tous les cas, il 
s'agit non pas d’accumuler des notes et de se livrer à 
an simple travail de rédaction, au point de vue du soin 
et de l'ordre dans le texte, mais, avant tout, d'un é#ra- 
wail d'assimilation. C'est à ce moment-là que l'étudiant 
se rendra compte s'il a compris l’enchaïnement des 
idées et la méthode employée dans la démonstration. 
S'il reste des points obscurs, il s'efforcera de les faire 
disparaitre, et, en cas d'insuccès, il s'adressera le len- 
demain, soit à un camarade, soit à son professeur, qui 
sera toujours heureux qu'on lui signale les passages 
pouvant offrir quelque difficulté. 

« De plus, il est indispensable qu'à la fin de chaque 
chapitre l'étudiant se livre à un fravail de revision, 
qui lui permettra de se rendre compte d'une facon 
précise des idées directrices auxquelles on a eu 
recours, et qui, étendu à un ensemble de chapitres, lui 
donnera une vue générale sur les questions développées 
et sur les liens qui peuvent exister entre elles. Ce tra- 
ail de revision devra être repris et développé pendant 
les vacances; il devra être accompagné de nombreux 
exercices. La résolution de quelques problèmes permet 
souvent, mieux que toute revision, de constater les 
Jacunes qui restent à combler. 

Les cours universitaires ne fournissent pas un exposé 
dogmalique de la branche traitée; d’ailleurs, le temps 
accordé aux diverses théories ne le permettrait pas. Ils 
doivent être envisagés comme un simple guide et 
comme un stimulant pour l'étude personnelle. Ceux 
qui poursuivront les études mathématiques, en fré- 
“quentant les conférences et les cours spéciaux, se 
feront peu à peu une idée générale de l’ensemble des 
sciences exactes; ils seront mis à même de suivre le 
développement de la science dans le domaine auquel 
ils se sont plus spécialement consacrés et, plus tard, 
pourront à leur tour contribuer à ses progrès. » 


$ 3. — Astronomie 


_ La carte du Ciel. — Sous les auspices de l'Acadé- 
mie des Sciences, vient d'être publié le compte rendu des 
séances de la Réunion du Comité international perma- 
nent pour l'exécution de la Carte photographique du 
Ciel. Conformément à la décision prise dans la ses- 
sion de 1896, la nouvelle Conférence internationale 
s'était tenue à Paris, en juillet 1900, pour poursuivre 
Vexamen des mesures destinées à assurer le succès de 
cette entreprise. 

Les résultats acquis sont déjà nombreux, présentent 
une valeur scientifique réelle, et, bien que ce grand tra- 
vail soit inachevé, il faut faire remonter le mérite d’un 
pareil monument scientifique à l'initiative hardie de 
Mouchez et à la féconde sollicitude de Tisserand, qui 
parvint à grouper tant de bonnes volontés et de talents. 

Sans doute, comme en toute réunion un peu nom- 
breuse, trop peut-être pour produire un travail effectif, 
mon s'est fort congratulé mutuellement : cependant les 
directeurs ou représentants des divers observatoires ont 
présenté des Rapports sur l'état des travaux concernant 
“la carte du Ciel et il est juste de reconnaître que la plu- 
part des adhérents fournissent un travail effectif, On 
dut déplorer pourtant la défection de l'Observatoire de 
La Plata, de celui de Rio de Janeiro sous la direction de 
A. Cruls, et de celui de Santiago avec M. Obrecht; mais, il 
est vrai, leurs collègues sesontempressésdese distribuer 
la besogne qui leur avait été primitivement attribuée 


CHRONIQUE ET CORRESPONDANCE 


et, de plus, de nouvelles initiatives fructueuses se sont 
révélées avec M. Thome, directeur de l'Observatoire de 
Cordoba, dans la République Argentine, et M. Legrand, 
qui fonde un observatoire dans sa propriété, aux envi- 
ron de Montevideo, avec le concours précieux du Gou- 
vernement de l'Uruguay. 

Il s'est encore fait place pour une bonne coopéra- 
tion : certains observatoires sont remplis de bonne 
volonté, quoique fort pauvres; d’autres, sans être 
riches (!!), ont cependant des ressources plus étendues. 
Les derniers se sont offert à prèter leur concours, soit 
pour la mesure, soit au besoin pour la réduction des 
clichés des moins favorisés de la fortune. Puis, sont 
venues les questions plus techniques : choix du cata- 
logue fondamental auquel seront rattachées les étoiles 
de repère; utilité de déterminer ces étoiles par des 
observations méridiennes, à une époque qui ne soil pas 
trop éloignée de celle de la pose du cliché, etc... On 
pourrait s'étonner que ces questions n'aient pas été 
réglées dès l'origine : cela eut certes été préférable, 
mais il faut convenir qu'il est impossible — ou du 
moins fort malaisé — de régler à l'avance tout les petits 
détails; au reste ceux-ci sont relativement moins im- 
portants que ceux dont nous allons avoir à parler. 

Pour la détermination des yrandeurs photogra- 
phiques, par exemple, l'entente est loin d'être réalisée 
en vue de l'adoption d'un procédé uniforme : c’est là 
un inconvéoient, un défaut d'entente à regretter, mal- 
gré tous les beaux rapports où chacun est venu dévelop- 
per sa propre méthode. Puis, il reste encore les ques- 
tions relatives à la publication des catalogues photo- 
graphiques, les éléments qu'il serait désirable de four- 
nir avec des coordonnées rectilignes, etc; quelques 
observatoires ont déjà commencé la publication d'un 
catalogue photographique, ont engagé des travaux 
relatifs à cette publication et l’on en est encore à étu- 
dier les diverses dispositions typographiques qu'il est 
opportun de donner à ces documents. Ceci est une 
erreur assez importante et, pour l'homogénéité même 
de ce travail, on aurait dû s'entendre avant d'entamer 
les publications proprement dites. 

Sans nous arrêter à une enquête projetée sur le 
nombre probable des étoiles pour les différentes zones, 
nous devons, au moins, signaler la recherche, d’un inté- 
rêt général, des mesures propres à assurer la conserva- 
tion des clichés. M. Bouquet de la Grye signale le résul- 
tat satisfaisant obtenu pour les plaques photographiques 
du passage de Vénus, en 1882 : elles sont restées, depuis, 
sans modifications sensibles et les seules précautions 
prises pour conserver ces plaques ont consisté à les 
maintenir dans un endroit sec, c'est-à-dire simplement . 
à l'abri de l'humidité, mais non dans une atmosphère 
complètement desséchée par des substances capables 
d’absorber la vapeur d’eau, ce qui peut entrainer à se 
craqueler les plaques soumises à une telle action.Voici, 
d'ailleurs, la solution préconisée par M. L. Lumière : 
lavage aussi complet que possible après le fixage, alu- 
nage au moyen de l’alun de chrome, suivi d’un lavage 
abondant, dessiccation et maintien des clichés à l'abri 
de l'humidité. Contrairement à la pratique de certains 
auteurs, il faut proscrire absolument l'emploi des ver- 
nis dont les résines s’oxydent sous l'action de l'air, en 
sorte que le vernis finit par se craqueler ; il faut éviter 
l'application d'une couche de collodion normal sur le 
cliché pour ne pas avoir à compter avec un dégagement 
de vapeurs nitreuses, qui pourraient, à la longue, alté- 
rer le pyroxyle lui-même ; quant à l'emploi du formol, 
souvent préconisé, on peut dire que le formol a l’incon- 
vénient de modifier la constitution de la gélatine et 
d'en rendre la couche fragile et cassante. De même, 
naturellement, il faut éviter de conserver les clichés 
dans des boîtes métalliques, ou même de bois, herméti- 
quement closes, car si de l'air saturé d'humidité s'était 
trouvé une fois enfermé dans ces boîtes, on aurait à 
redouter ensuite les effets fâcheux d'une condensation 
de la vapeur d’eau sur le cliché, sous l'action d’un 
abaissement de la température. 


104% 


Enfin, et cela surtout est le but important de cette 
réunion, une Commission spéciale fut nommée pour 
étudier la petite planète Eros; mais nous avons tenu 
le lecteur au courant, au fur et à mesure, de cette 
recherche particulière. 


Étoile à fort mouvement propre. — L'étoile 
1830 Groombridge est animée d’un mouvement extré- 
mement rapide, qui lui permet de parcourir un degré 
en cinq cents ans, et, si l'on adopte le chiffre de 0,14 
pour sa parallaxe, sa vitesse perpendiculaire au rayon 
visuel peut être estimée à 240 kilomètres par seconde. 
11 paraît bien qu'un astre de l'hémisphère austral aille 
encore plus vite, mais toute détermination numérique 
est impossible, comme vitesse réelle, car sa parallaxe 
est malheureusement inconnue. 

En outre, d'après le Bulletin de Liek Observatory, 
on vient de tenter à Lick la détermination de la vitesse 
radiale de 14830 Groombridge à l'aide du spectrographe 
Mills : quatre photographies spectrales s'accordent 
pour faire estimer que cette étoile se rapproche de la 
Terre avec une vitesse de 25 kilomètres par seconde. 


La géographie de Mars. — Cette science fait 
des progrès de jour en jour, de sorte qu'il est bien 
légitime d'en dire un mot de temps à autre. Et cepen- 
dant, la tâche n'est pas facile! De prime abord, le mot 
de science risque en l'espèce de paraître bien pré- 
somptueux; pourtant il n’est guère exagéré. 

Certes, la connaissance de Mars rentre d’une manière 
générale daus l’Astronomie : l'astronome doit en faire 
des observations positionnelles, il doit chercher en- 
suite à les enserrer dans des formules et déployer là 
toutes les ressources de la Mécanique céleste. Mais la 
géographie: de Mars? Ici le vulgaire — le vulgaire astro- 
nome entendons-nous — en sait autant que le dilet- 
tante : il connait les canaux et a entendu dire que des 
pionniers laborieux les observaient sans cesse. Et, en 
effet, il s'est formé un groupe d’observateurs zélés qui 
se sont spécialisés dans l'observation de cette planète : 
à cet égard, la propagande de M. Flammarion ne fut 
pas saus entraîner un grand nombre d'amateurs, et, 
lui-même, avec M. Antoniadi, continue des observa- 
tions régulières à Juvisy. 

Mais voilà où commence la difficulté : cette société 
d'admirateurs de Mars n'a pas tardé à tout baptiser. La 
moindre ligne, la plus petite nébulosité, tout point 
brillant, toute zone noire, tout a un nom: c’est un 
nouveau vocabulaire assez inextricable. Cependant, il 
faut reconnaître que, du moins pour les adeptes, cette 
géographie se développe très rapidement : elle est 
purement descriptive, si l’on veut, mais la moindre 
singularité superlicielle est immédiatement notée, 
située, dénommée, et suivie dans ses moindres trans- 
formations. . 

Alors, comment rendre compte de toutes ces recher- 
ches? Sans doute nous voyons bien que, dans un 
observatoire officiel, à Meudon, M. Millochau poursuit 
de telles études; mais, d'autre part, il faudrait tout un 
article pour énumérer les amateurs, sür toute la 
surface de la Terre, qui s'intéressent à celle question. 
De plus, une nouvelle difficulté surgit si l'on veut ana- 
lyser ces travaux si spéciaux, difficulté qui naît de ce 
que les auteurs ont fini par acquérir un vocabulaire un 
peu trop conventionnel à notre avis. Mais écoutons-les 
plutôt en ce qui concerne les particularités de Mars à 
son opposition de 4901 : Hesperia, facile, paraït se 
continuer avec Ausonia; lac Mæris très diflicile; 
Euphrate très faible et difficile; la fontaine Siloé n'est 
pas très difficile: Deucalionis Regis très estompée ; 
etc., etc.; il y en aurait un volume à écrire de la sorte, 
et le lecteur ne serait pas trèsavancé, même sinous lui 
disions encore où en étaient la grande Syrte, Nerigos, 
le portus Sigeus, le Nilokeras, Hephæstus, l'Eunostos 
et Cyclops — ces quelques termes n'étant destinés qu'à 
donner une idée de la littérature marsienne. 

Mars, cette année, présentait une opposition défec- 


CHRONIQUE ET CORRESPONDANCE 


. trichlorure de phosphore, puis de l’eau, les acides phé- 


tueuse, à une très grande distance de la Terre, et son 
diamètre apparent n’a pas dépassé 14,1; et, cepen= 
dant, les observations sont loin d’avoir été infru 
tueuses : on n’a pu relever aucun changement dans les 
détails topographiques importants de la planète; Jes 
canaux furent larges et souvent diffus, les lacs com 
posés de points noirs entourés d’une pénombre, = 
quelques-uns d'entre eux s'étant peut-être dédow 
blés. 

On a fait un relevé assez complet des terres qui blan 
chissent avec l'obliquité ; les canaux avaient l'aspect de 
chapelets de petites masses sombres et irrégulières 
Enfin, la calotte polaire boréale a paru bien centrée 
autour du pôle; on a suivi avec soin ses dimensions 4 
fur et à mesure de la fonte des neiges et des glaces 
parfois encore, on a pu noter de subites augmentations 
dans son diamètre, d’un caractère particulier et qu'il 
paraît vraisemblable d'attribuer à la présence de 
masses nuageuses considérables. 

Il nous est bien difficile malheureusement de donner 
plus de détails tant que cette géographie restera aussi 
peu classée au point de vue systématique, et, maintes 
tenant que les efforts ont porté leurs fruits, maintenant 
que l’on possède un grand nombre de faits et de des 
criptions concordants, il serait à souhaiter qu'une 
entente s'établit pour débaptiser toutes les petites locas 
lités, et pour établir à nouveau une géographie de Mars 
plus simple, mieux classée, qui serait accessible aux 
semi-ignorants non spécialistes. À 


$ 4. — Chimie 


Action des chlorures de phosphore sur les 
éthers aromatiques de la glycérine. — L'éther 
symétrique 

CHE — CH — CHÉ 
oÙsns de ob 
a été obtenu pour la première fois par Rüssing! à partir 
de la dichlorhydrine. Un peu plus tard, Linderman® 
prépara les éthers phényl et p-tolylique au moyen des 
l'épichlorhydrine. Ces composés paraissent être les 
seuls représentants des éthers aromatiques de la glycé= 
rine qui ont été décrits jusqu'ici, et leurs propriétés. 
sont incomplètement connues. En particulier quand, 
sur l'éther diphénylique, on fait agir le pentachlorure 
de phosphore, on obtient, d'après M. D. R. Boyd*, le 
chlorure : 
CIE — CH — CI 


(LTÉE heal 
OCHENCINNOCHE 
Mais, si, au contraire, on emploie le trichlorure de phos-M 
phore, il se forme un dérivé phosphoré, qui, traité par 
l'eau, fournit à son tour un acide diphényloxyisopro= 
pylphosphoreux. ; 

Avee les éthers phényl-p-tolylique et di-p-tolylique 
de la glycérine, on obtient également, par laction du 


uyl-p-tolyl et ditolyl-oxyisopropylphosphoreux. 

Cette réaction est quelque peu en désaccord avec less 
observations de Jaroschenko * relatives aux alcools pri- 
maires. Les acides phosphoreux ainsi obtenus sont des 
corps sirupeux dont les sels sont assez instables. 


$ 5. — Physiologie 


Sur l’érepsine, diastase de l'intestin. — On 
sait, grâce aux recherches de Salvioli, d'Hofmeister, de - 
Neumeister, que les produits de la digestion des subs- 
lances protéiques ne pénètrent pas dans le sang sous la 
forme de protéoses ou de peptones. En effet, on ne peut 


! Ber., 1886, t. XIX, p. 63. 

2 Ber., 1891, t. XXLV, p: 2147. 

5 D. KR. Bovp : Chem. Soc, t. LXXIX, p. 1221. 
‘Chem. Centr., 1897, p. 333. 


nanifester dans le sang la présence de ces substances, 
nalgré la sensibilité des méthodes d'analyse que nous 
ossédons, même au moment du maximum d'activité 
e l'absorption intestinale; ce résultat négatif ne sau- 
t être attribué à une transformation rapide des pro- 
éoses et peptones du sang par un organe tel que le 
die, par exemple, car les protéoses et peptones direc- 
ent introduites dans le sang, passent en totalité 


En mélangeant in vitro une solution de protéoses et 
de peptones et du sang défibriné, et en y introduisant 
des fragments d'intestin de chien, Neumeister a montré 
que Les protéoses et peptones ne tardent pas à dispa- 
tre dans ce mélange. Il en concluait que ces subs- 
ces sont transformées par la muqueuse -intestinale 
en substances albuminoïdes naturelles, la muqueuse 
intestinale jouant vis-à-vis des peptones le même rôle 
d'agent de synthèse qu'elle joue déjà vis-à-vis des pro- 
duits de dédoublement des graisses. 

. Dans un intéressant travail publié dans le Zertschrift 
für physiologische Chemie, Otto Cohnheim arrive à des 
conclusions toutes différentes. Répétant l'expérience 
de Neumeister sur une solution de peptones peptiques, 
soit en présence de sang défibriné, soit en l'absence de 
sang détibriné, il montre que les peptones ne tardent 
pas à disparaître : la liqueur soumise à la température 
d'ébullition en présence de chlorure de sodium et 
d'acide acétique, et débarrassée par filtration du volu- 
aineux coagulum qui s'est produit (au moins dans le 
mélange avec du sang défibriné), ne donne plus la 
réaction si sensible du biuret : elle ne contient donc 
plus de protéoses et de peptones. Mais cette même 
liqueur donne avec l'acide phosphomolybdique un 
abondant précipité d'aspect cristallin, contenant, sous 
une forme chimique non déterminée par Otto Cohnheim, 
Ja totalité de l'azote introduit primitivement sous forme 
de peptone. Les protéoses et peptones sont donc trans- 
formées par la muqueuse intestinale non pas en subs- 
ances protéiques coagulables, mais en substances solu- 
bles dans l’eau, aon coagulables par la chaleur, préci- 
pitables par l'acide phosphomolybdique, n’appartenant 
plus au groupe des protéoses, puisqu'elles ne donnent 
plus la réaction du biuret,. 

Cette transformation n'est pas un phénomène vital 
Mié à la présence et à l'activité immédiate de la muqueuse 
intestinale vivante. En effet, une macération d'iutestin, 
débarrassée du tissu par filtration, détermine, dans une 
solution de protéoses et de peptones, les mêmes trans- 
formations que la muqueuse elle-même. On est ainsi 
onduit à admettre dans la muqueuse intestinale et 
dans ses macérations la présence d'une diastase. 

En faisant agir cette diastase purifiée (sinon pure), 
par des procédés qu'il est inutile de décrire ici, sur une 
solution de protéoses et de peptones, Otto Cohnheim a 
pu retirer de la liqueur des cristaux de leucine et de 
tyrosine, et obtenir avec cette liqueur la réaction 
colorée de Millon (caractéristique de la tyrosine, ou de 
substances contenant le noyau tyrosine dans leur molé- 
cule). On est ainsi conduit à se demander si les résultats 
que nous venons de signaler ne doivent pas être rap- 
portés à la présence de trypsine (transformant les albu- 
minoides en acides amidés) dans la muqueuse intesti- 
nale qui à servi à faire ces expériences; el cela, 
d'autant plus, que la présence de trypsine en petite 
quantité a été signalée dans la muqueuse intestinale 
cinq jours après suppression de tout écoulement de suc 
pancréatique. Otto Cohnheim démontre que l'agent de 

a transformation intestinale des protéoses et peptones 
m'est pas de la trypsine, mais un autre ferment soluble, 
qu'il appelle l’érepsine : en effet, la trypsine peptonise 
Ja fibrine, tandis que la diastase des macérations intes- 
tinales, très active vis-à-vis des protéoses et peptones, 
n'agit pas sur la fibrine. 

L'érepsine est fabriquée par la muqueuse intestinale 


CHRONIQUE ET CORRESPONDANCE 


elle-même, car on la retrouve abondante dans les 
macérations d’anses intestinales, isolées depuis plu- 
sieurs Jours. 

L'importance de ce travail n'échappera pas aux lec- 
teurs, car la question de la destinée des protéoses et 
peptones intestinales, qui était considérée comme 
résolue par les travaux de Neumeister, se trouve de 
nouveau posée. 


$ 6. — Sciences médicales 


Mesures sanitaires à bord des navires. — 
M. le Professeur Bernheim, qui faisait partie de notre 
XIIIe croisière, si malencontreusement arrêtée par la 
peste, vient de faire connaître, dans la Revue Médicale 
de l'Est, son appréciation sur l’organisation du lazaret 
du Frioul. Il termine cet intéressant article en recom- 
mandant l'étude des mesures sanitaires que voici : 

« 4° Le procédé de désinfection totale des navires sera 
réglementé, il doit être placé sous la surveillance effec- 
tive ct continue d'agents compétents du Service sani- 
taire. Des équipes spéciales, dont feront partie des hom- 
mes de l'équipage, seront dressées à cette pratique et 
instruites de facon à la réaliser suivant les règles de la 
science; 

« 20 Chaque navire devra être inspecté minutieuse- 
ment dans loutes ses parlies avant son chargement et 
une seconde fois avant l'embarquement des passagers; 

« 3° Au moment de l'embarquement, chaque passager 
et homme de l'équipage sera soumis à une inspection 
médicale ; 

« 4° Quand un navire a été infecté par une maladie 
infectieuse ou contagieuse, il devra, après sa désinfec- 
tion, rester en observation pendant un temps à déter- 
miner et ne recevoir des passagers qu'après avoir été 
habité pendant un certain temps par les hommes de 
l'équipage, sans nouveau cas; 

« 5° Chaque navire faisant de longs voyages devra 
être muni d'appareils à désinfection. Le Service médical 
y devra avoir à sa disposition du vaccin, des sérums 
antipesteux, antidiphtérique, etc., en quantité suflisante. 
Il devra être muni d’un petit laboratoire de bactériolo- 
gie; le médecin du bord devra être familiarisé avec les 
recherches élémentaires indispensables au diagnostic; 

« 69 Aussitôt qu'un cas de maladie contagieuse se 
présente à. bord, le malade sera isolé dans une cabine 
prévue à cet effet; la désinfection des locaux jugés con- 
taminés sera faite. Des inoculations préventives seront 
pratiquées, s’il y a lieu, sur les passagers et les hom 
mes de l'équipage; 

« 7 S'il s'agit d’une maladie contagieuse dont le 
caractère exige une désinfection radicale et un isole- 
ment des passagers, telle que peste, choléra, typhus, 
fièvre jaune, etc., le navire sera dirigé sans délai vers 
un lazaret ; 

« 8° Arrivé devant le lazaret, tout le personnel, équi- 
page et passagers, sera immédiatement débarqué. Si 
les locaux du lazaret sont occupés ou insuffisants, il 
sera provisoirement transburdé sur un bateau ponton 
où il séjournera jusqu'à ce que le lazaret soit prêt à le 
recevoir. Les effets et colis sont laissés provisoirement 
sur le navire; ne seront transbordés sur le baleau pon- 
ton que les effets indispensables préalablement désin- 
fectés ; 

« 9° Le personnel du navire, aussitôt après son débar- 
quement, avant de pénétrer dans les pavillons du laza- 
ret, passera par un grand bâtiment à désinfection où 
personnel et effets seront soumis à une désinfection 
préalable, après laquelle seulement ils seront ‘admis à 
entrer dans le lazaret; 

« 10° Les locaux divers du lazaret seront aménagés 
suivant les règles de l'hygiène et du confort; ils seront 
toujours en état de recevoir. Ils seront périodiquement 
inspectés par les agents du Service sanitaire, qui s’assu- 
reront de son parfait aménagement. » 


1046 


ARMAND GAUTIER — MÉCANISME DE LA VARIATION DES RACES ET DES ESPÈCES 


LES MÉCANISMES MOLÉCULAIRES 
DE LA VARIATION DES RACES ET DES ESPÈCES 


L'analyse rationnelle des faits matériels, contrôlée 
sans cesse par le calcul et l'expérience, est la seule 
route, route étroite et raboteuse, il est vrai, qui 
mène sûrement à la vérité. L'étude du plus petit 
phénomène, si elle était suffisamment analytiqueet 
complète, nous conduirait à la connaissance des 
lois de l'Univers, car, dans l'édifice admirable de la 
Nature, tout se tient, s'équilibre et s’enchaine. 
Cette pensée me revient à l'esprit quand je songe 
au point de départ du présent travail. II a eu pour 
origine l'examen du pigment des vins rouges; 
l'étude attentive de ce pigment m’a logiquement 
conduit à chercher l'explication des mystérieux 
mécanismes qui président à l’évolution des êtres 
vivants. 

On connaît, dans le genre Vilis, une vingtaine 
d'espèces à fleurs hermaphrodites, originaires de 
l’'Ancien-Continent, et quinze environ à fleurs dioï- 
ques ou polygames, dites Vignes américaines. A 
elle seule, l'espèce Vitis vinifera fournit un nom- 
bre considérable de variétés ou cépages : L. Portes 
el Ruyssen, dans leur Traité de la Vigne”, en décri- 
crivent 719; ils donnent, en plus, des indications sur 
200 autres cépages américains. Le savant ampé- 
lographe V. Pulliat, dans son exploilation de 
Chiroubles, avait réuni près de 2.000 variétés de 
vignes, 

Quelle est l'origine de ces innombrables races, 
et comment se fait-il que, dès qu'un végétal 
est utile ou agréable à l'homme par ses fruits, ses 
fleurs ou son feuillage, on voie se multiplier ses 
variélés comme à plaisir et presque indéfiniment, 
ainsi qu'il arrive pour la vigne, le pommier, le poi- 
rier, l’oranger, le caféier, le tabac, le rosier, les 
bégonia, ete.? 

Pour le botaniste et le zoologiste, ce qui distingue 
l'espèce, c’est un ensemble de caractères se répétant 
chez un grand nombre d'individus, et pouvant se 
transmettre héréditairement, sans que, de généra- 
tion en génération, de semis en semis, ces carac- 
tères communs, dits spécifiques, viennent à dispa- 
railre. Toutefois, parmi les individus d'une même 
espèce, des modificalions sensibles peuvent se pro- 
duire permettant de les classer en variétés ou races ; 
elles fontapparaître des caractères de second ordre 
qui se différencient des premiers par leur variabilité 
mème et quelquefois par leur manque de fixité. Ces 
modifications secondaires peuvent s’accentuer ou 


1 Paris, 1886. O. Doin, éditeur. 


disparaitre après quelques générations ou semi 
successifs, et la majeure partie des individus ain$ 
reproduits, perdant les caractères secondaires q 
avaient fait distinguer les races, revient à l’un des 
types stables de l'espèce ou des espèces prim 
tives. 

L'espèce est done variable dans une certaine 
mesure, et l’on peut se demander : 

1° Dans quelles conditions naissent et se pro 
pagent les nouvelles races ; 

2° En quoi consistent les variations ainsi sur 
venues ; 

3° Par quel mécanisme intime se produisent ces 
transformations de races et d’espèces ? 


On sait qu'on obtient généralement les races 
nouvelles par deux procédés: 

1° En accouplant deux variétés distinctes (Métis: 
sage) ou deux espèces plus ou moins rapprochées 
(Hyhridation). On réussit généralement, chez les 
végélaux, en pollinisant une variélé ou une espèce 
par le pollen d'une autre, recueillant les graines 
qui en résultent, les semantet choisissant les pieds! 
qui ont varié dans le sens qu'on désire pour les 
reproduire ensuite indéfiniment par greffe ou pañ 
bouture ; 

2 En profitant des häasards heureux qui fonb 
apparaitre de temps à autre des individus, où 
parties d'individus, différents de ceux au milieu 
desquels ils vivent, séparant ces sujets et les repro= 
duisant, par accouplements réciproques s'il s'agit 
des animaux, par greffe ou par bouture si l’on veut 
conserver des variétés végétales. ! 

J'analyserai plus loin les conditions qui donnent 
naissance à ces variations dites spontanées où de 
hasard, el je ferai connaître un nouveau principe 
de production de races, j'oserai presque dire, d'es= 
pèces, principe resté à peu près ignoré ou presque 
improductif jusqu'ici, mais dont la connaissance 
semble devoir mettre en nos mains les plus puis-= 
sants moyens d'action dont nous puissions dis= 
poser pour modifier les êtres vivants. 

Inutile de m'étendre sur la pollinisation entre 
races ou espèces différentes; j'essaierai seulement 
tout à l'heure d'analyser les effets que nous dési- 
gnons sous les noms de métissage el d'hybridation: 
Mais, si, dans cet ordre de faits, tout est enveloppé 
de mystère, ce mystère s'accentue encore lorsque 


v 


ARMAND GAUTIER — MÉCANISME DE LA VARIATION DES RACES ET DES ESPÈCES 


1047 


la variation parait se produire comme d'emblée et 
spontanément. On a longtemps cru qu'elle s’expli- 


-quait, dans ces cas, par une sorte de relour au type 


ancestral, par télégonie, par les hasards d’une 
pollinisation venue de races ou d'espèces élran- 
gères ayant primitivement agi sur la fleur, l’ovule 
et la graine qui porte désormais en elle la raison 
immédiate ou lointaine de la variation du végétal 


- à venir. Mais on ne saurait expliquer ainsi, pour 


prendre un exemple, la pousse d'un rameau d’Aralia 
à feuilles simples se faisant tout à coup sur un 
pied d’Aralia à feuilles profondément heptalobées, 
ou l'apparition, sur un Zigustrum ovalifolium nor- 
mal à feuilles opposées deux à deux, de branches 
vigoureuses à feuilles verticillées. Or, ces faits de 
varialions partielles et subiles et leurs analogues 
sont aujourd'hui innombrables. 

Pour tenter de les éclairer, il est indispensable 
d'établir auparavant en quoi consiste essentielle- 
ment la modification d’où résulte l'hybride ou le 
mélis nouveau. 

Lorsqu'un végétal varie et se transforme, en 
partie ou en lotalité, en une race nouvelle, la taille 
et le port, la forme et l'abondance de feuilles, des 
rameaux et des racines, la couleur des fleurs, 
l'aspect, le goûtetle parfum des fruits, leur richesse 
en produils nutrilifs, leur précocité, l'hypertrophie 
ou l’atrophie de certains organes secondaires, la 
résistance de la plante au froid, à la chaleur, à la 
sécheresse, à l'attaque des moisissures ou des In- 
sectes, ele., tous ces caractères extérieurs, ou du 
moins quelques-uns, se modifient plus ou moins, 
et l’on croit généralement que la variation se résume 
dans l’ensemble de ces changements presque tous 
quantitatifs, de telle sorte qu'ilsemble qu'on pourrait 
expliquer les modifications observées en admettant 
quelanutrilion,devenue prépondérante, de telles ou 
telles parlies du végétal, de tels ou Lels organes, est 
l’origine de ces variations de formes. C'est là, du 
moins, ce que jepensais, ettoutlemondecomme moi, 
jusqu'en 1877. Mais j'ai montré, vers cette époque, 
en étudiant les catéchines des Acacias, et surtout de 
1878 à 1886, en faisant un long et minutieux examen 
des malières colorantes produites par les différents 
cépages", et, plus tard, en examinant les alcaloïdes 
des tabacs, les tanins végétaux, les diverses albu- 
mines animales, elc., que chaque fois qu'il y a va- 
rialion el production d'une nouvelle race, non seu- 
lement les caractères extérieurs, anatomiques et 
histologiques, du nouvel être varient, mais encore 


1 Voir : C. Rend. Acad. Sciences. t. LXXXIV, pp. 342 et 752; 
t. LXXXIV, p. 668 et 1507; t. LXXXVII, p. 54. — Bull. Soc. 
chim., {2}, t. XXVII, p. 496. — Article Vix, du Dictionnaire de 
Chimie de Würtz, t. II, p. 691.— Mécanisme de la variation 
des êtres vivants, par ARMAND GauUTier, en HouwmaGe 4 M, 
CnevreuL, p. 39, et suiv. F. Alcan, éditeur, Paris, 1886. 


que la structure et la composition même de ses plas- 
mas, ou du moins des produits immédiats de leur 
fonctionnement, varient parallèlement, aussi bien 
dans les cellules destinées à la reproduction que 
dans les cellules somatiques ou végétatives, dont 
les plasmas et produits spéciliques sont tous frap- 
pés de variation. 

J'ai découvert ce principe et en ai donné les 
preuves expérimentales, en particulier au cours de 
mes recherches sur les matières colorantes des vins. 
À celte époque, se fondant sur quelques observa- 
tions très incomplètes de Mülder et sur un bon 
Mémoire de A. Glénard, alors doyen de la Faculté 
des Sciences de Lyon, on croyait que la matière 
colorante des vins, l'œnocyanine de Mülder, l'æno- 
line de Glénard, constituait une seule et même 
substance pour tous les cépages à vins rouges, et 
que la variété de coloris des diverses races de 
raisins tenait à la quantité relative de ce pigment 
et aux produits accessoires qui pouvaient l'accom- 
pagner ou s'unir à lui, tels que les matières lanni- 
ques ou colorantes secondaires, le fer, etc. Glénard 
n'avait même pas cru devoir, dans son Mémoire !, 
dire quel cépage lui avait fourni la matière colo- 
rante des vins rouges qu'il avait éludiée sous le 
nom d'œnoline. Je sus plus tard par lui qu'il l'avait 
retirée, en 1858, du vin de Gamay que produit le 
cépage bourguignon de ee nom. Il lui avait trouvé, 
la composition CH!°0, que nous remplacerons par 
la formule polymère de même composition G*°H*0". 
Mais les recherches que je fis sur l'ænoline en 1878 
m'ayantamenéàuneautrecomposition,en cherchant 
la raison de cette différence et approfondissant ce 
sujet, je finis par m'apercevoir que chaque cépag 
possède une matière colorante spécifique, matière 
qui lui est propre, et qu'on peut distinguer à la 
fois par ses caractères chimiques et par sa compo- 
silion centésimale. C’est ainsi que les cépages sui- 
vants me fournirent les matières colorantes dont 
j'inscris ici ïes formules : 


L'Aramon . . . CHs02 
Le Carignan . GEHMOES 
Le Grenache . . CiH4020 
Le Teinturier. . CH0% 


C#H#02 
C#H#072 


Le Petit Bouschet 
Le Gamay . 


L'analyse très attentive de chacune de ces sub- 
slances colorantes? permet donc de les différencier; 
mais leur examen un peu précis suflirait déjà pour 
enlever tous les doutes sur leur non-identité. Quel- 


1 Anu. Chim. phys. [3], t. LIV, p. 366. 

2 On remarquera que la plupart de ces formules sont 
divisibles par 2 et souvent par 4, ce qui simplifie beaucoup 
les difficultés de l'analyse. Ces substances se comportent 
comme des acides-phénols complexes répondant à des sortes 
de tanins colorés. 


1048 ARMAND GAUTIER — MÉCANISME DE LA VARIATION DES RACES ET DES ESPÈCES 


ques-unes sont solubles dans l’eau pure, comme 
celles que donnent le Teinturier et le Petit-Bouschet; 
les autres, et c’est le plus grand nombre, sont insc- 
lubles. Les unes précipitent l'acélate de plomb en 
bleu indigo, tels les pigments du Carignan ou du 
Teinturier, elc.; d’autres en vert foncé, comme 
celui de l’Aramon. Les unes sont aptes, après leur 
préparation, à se polymériser et à devenir lente- 
ment insolubles dans l'alcool, comme la couleur du 
Carignan. Des matières colorantes satellites et 
différentes à chaque cas, accompagnent les prinei- 
pales en faible proportion; parmi elles, on en 
distingue même d'azotées. En un mot, tous ces 
pigments issus de races de vignes différentes cons- 
tituent des espèces chimiques définies, caractéris- 
tiques, diflérentes en chaque cépage”. 

Les mêmes faits s’observent pour les tanins for- 
més par les espèces de même famille végétale et 
quelquefois pour ceux que fournissent des plantes 
de même espèce, mais ron de même variété, et, 
ce qui pourrait surprendre encore davantage, dans 
un même végétal, comme le chêne, pour les tanins 
de telles ou telles parties de la plante. 

J’ai fait des remarques semblables pour les caté- 
chines, corps intermédiaires entre les tanins.et les 
pigments colorés : chaque acacia (Acacia calechu, 
A.farnesiana, A.arabica, elc.) produit sa catéchine 
spéciale, comme chaque cépage donne sa matière 
colorante propre. 

On peut généraliser encore et faire, pour les 
essences hydrocarbonées, pour les camphres, les 
alcaloïdes, etc., des observations analogues. Le 
Pinus maritima des Landes donne un lérébenthène 
C°H" déviant à gauche le plan de la lumière po- 
larisée ; le Pinus australis de la Caroline fournit 
une essence correspondante CH", de même com- 
position, mais qui dévie à droite. Cerlaines varié- 
tés de menthe poivrée présentent une curieuse 
modification : elles portent à l'extrémité de leurs 
rameaux non pas des fleurs purpurines en verti- 
cilles interrompus à la base et formant des épis 
obus, mais des grappes semblables aux sommités 
du basilic après que sont tombés les pélales. Cette 
variété de menthe poivrée, dile hasiliquée, peut 
même n’apparailre que sur certains rameaux d’un 
individu par ailleurs normal. Or, tandis que l’es- 
sence produile par la menthe poivrée ordinaire est 
lévogyre et d’une odeur agréable, celle qu'on 
exlrait des plantes basiliquées, ou de leurs ra- 
meaux, est dexlrogyre et présente une tout autre 
odeur (E. Charabot et Ebray). 


1! La coloration est si particulièrement spécifique de 
chaque cépage que lorsqu'on pollinise le Aupestris avec le 
chasselas rose, la couleur faiblement rosée de ce dernier 
cépage se transmet de semis en semis jusqu'à la huitième 
et neuvième génération. 


Il faut maintenant faire un pas de plus. Re- 
marquons que ces matières colorantes, ces tanins, 
ces catéchines, ces essences, ces camphres, ces 
alcaloïdes, etc., sont des produits directement issus 
des transformations des plasmas cellulaires; et, 
si les principes formés dans ces cellules ont 
varié dans leur structure et leur compositions 
il faut que les plasmas dont ils sont originaires 
aient eux-mêmes varié sous l'action des causes; 
quelles qu’elles soient, qui ont déterminé la varia=M 
tion de la plante et l'apparition d'une race nou=« 
velle. 

Que les matériaux des plasmas vivants soient 
différents entre eux suivant l'espèce ou même la 
race, nous en avons la preuve chaque fois que nous 
examinons soigneusement les substances albumi- 
noïdes qui composent les plasmas de la cellule et 
de son noyau. Nous savons aujourd'hui que ces 
matières albuminoïdes, autrefois toutes confondues 
entre elles, se différencient très sensiblement 
dès qu’on passe d’une espèce à une autre, et, pour un 
même individu, presque d'un état à un autre. Les 
recherches sur les albumines de mêmes groupes 
chimiques, mais appartenant aux espèces animales 
les plus rapprochées, telles que le singe etl’homme, 
lechevaletl’âne,etc.,etsurtoutlestravaux modernes 
sur les antitoxines et les anticorps, sont venus 
démontrer cette variation à peu près indéfinie. On. 
a depuis longtemps remarqué qu'en passant d'un 
animal à l’autre, l'hémoglobine du sang diffère 
chaque fois, comme le démontrent ses formes cris- 
tallines, ses propriétés secondaires et les hématè- 
nes qui en dérivent (P. Cazeneuve). On sait depuis 
longtemps que l'albumine de l'œuf d'oiseau, injectée 
dans les veines d'un mammifère, est aussitôt rejelée 
par les reins; elle ne peut entrer directement dans 
la constitution des plasmas spécifiques de ces ani- 
maux. Si le sérum du sang de brebis est convulsi- 
vant pour les chiens et celui d’anguille ou de reptile 
si puissamment toxique pour les animaux à sang 
chaud, c'est que les albuminoïdes qui les compo- 
sent, quoiqu'à peu près identiques de composition 
el de propriétés générales, constituent, en réalité, 
des espèces chimiques différentes, impropres à 
s'assimiler directement par les cellules d'autres 
êtres et à fournir les produits spécifiques dont ces 
cellules ont besoin en chaque cas pour bien fone- 
tionner. 

Lors donc que, dans le végétal donton a constaté 
la variation, les produits qui se forment changent 
de composition, c'est que les plasmas dont ils dé- 
rivent ont eux-mêmes varié, ceux du moins dont 
ces produits sont directementissus. Or, la variation 
des plasmas cellulaires entraine celle des cellules 
qu'ils servent à construire. Il est, d’ailleurs, évident 
que, dans ces cellules qui se modifient par hybrida- 


EC nn. dd 


ARMAND GAUTIER — MÉCANISME DE LA VARIATION DES RACES ET DES ESPÈCES 


1049 


tion ou pour toute autre cause, tous les principes 
constitutifs essentiels n'ont pas nécessairement 
arié, mais ceux-là ont dû êlre moléculairement 
transformés qui sont particuliers à la famille ou à 
l'espèce que l'on considère, qui servent à imprimer 
à leurs membres un type spécifique et qui mani- 
festent leur autonomie par la formation des pig- 
-ments, lanins, glycosides, essences, alcaloïdes, etc., 
propres à chacun de ces groupes botaniques na- 
turels. 

Les modifications d'où résulte la formation des 
races sont donc très profondes puisqu'elles attei- 
gnent jusqu'aux molécules constitutives des plas- 
mas spécifiques et noyaux celullaires ainsi que 
leurs dérivés ou produits immédiats. À un examen 
attentif, ces modifications se traduisent par la for- 
malion de principes conslitulifs distincts, d'es- 
pèces moliculaires chimiquement définies ; il n°y 
a aucun doute, par exemple, que deux essences, 
même de composition identique, l’une lévogyre, 
l’autre dextrogyre, ne constituent deux espèces 
chimiques. J'en dirai autant de deux matières 

colorantes, l'une soluble, l’autre insoluble, et, 
a fortiori, si l'une el l’autre répondent à des com- 
posilions et à des propriétés différentes, comme il 
arrive pour les pigments des divers cépages de 
la Vitis vinifera. 

Toutefois, si, comme je l'ai fait, on examine s'il 
existe des rapports entre les divers composés homo- 
nymes ainsi modifiés lorsque, l'espèce dontils sont 
originaires subissant des variations, il s’est produit 
une race nouvelle, on s'aperçoit que dans chaque 
groupe homo nyme entrant dans la constitution de 
l'être, de ses plasmas ou de ses produits (essences, 
pigments, matières amylacées, substances pro- 
téiques, elc.), la variation, tout en modifiant chaque 
espèce de substances dans leurs détails secondaires, 
leur conserve cependant à Loutesles caractères géné- 
raux de la famille ou groupe chimique auquel ces 
. substances appartiennent. Dans mes recherches sur 
les matières colorantes de la Vitis vinifera, par 
exemple, j'ai observé que lous les pigments des 
cépages que j'ai étudiés jouissent d’une même cons- 
tilution, de propriétés générales semblables, de 
dédoublements parallèles sous l’action des réactifs; 
qu'ils constiluent, en un mot, une famille chimique 
naturelle. Les édifices qui constituent ces produits 
tomplexes sont {ous bâtis sur un plan commun : 
autour d’un noyau trivalent viennent se greffer trois 
branches lalérales constituant des radicaux com- 
plexes dérivant de la phloroglucine et des acides 
protocatéchique et hydroprotocaltéchique. Ainsi 
défini, cet édifice, tout en conservant sa structure 
générale, peut varier, en chaque cépage, par intro- 
duelion ou substitution, dans samoléeule primitive, 
de radicaux secondaires différents (hydrogène, mé- 


LR énû 74 id id nr à déni 


| thyle, allyle, amidogène, etc.), radicaux qui, par leur 
présence ou leurs substilutions réciproques, im- 
priment aux pigments de chacune de ces variétés 
leurs caractères différentiels accessoires. Mais les 
molécules ainsi modifiées continuent d’appartenir 
toutes à la même famille chimique. C'est à peu 
près comme si,, dans une construction gothique 
ou romane, on venait adjoindre des tourelles 
ou des clochetons qui, sans toucher au plan 
général de l'édifice, le modifieraient dans ses dé- 
lails. 

Il résulte de ce qui précède que la variation d’où 
résulte l'apparilion d’une nouvelle race végétale 
atteint non seulement les parties extérieures et 
apparentes de la plante, maïs jusqu'aux molécules 
chimiques spécifiques, intégrantes, de chacune de 
ses cellules. Cette variation respecte, toutefois le 
plus souvent, la structure générale des diverses 
espèces chimiques conslitutives. De race à race, 
elles varient seulement dans leurs détails secon- 
daires, de sorte que, pour une même famille de 
composés, les pigments par exemple, les termes 
ainsi modifiés font tous partie d'une même famille 
chimique, de même que les variétés végétales dont 
elles proviennent appartiennent toujours à la même 
espèce botanique. 

Maintenant, dirons-nous que la race, en variant, 
a fait varier les espèces chimiques constitutives, 
ou plutôt ne conclurons-nous pas que c’est l'espèce 
chimique et le protoplasma cellulaire d’où elle sort, 
qui, en se modifiant, sous l'influence de causes à 
déterminer, ont fait varier la race? Cette seconde 
conclusion nous parait seule logique : Un êlre vivant 
est ce qu'il est par ses organes, et chacun d'eux, à 
son tour, totalise les fonctions de l’ensemble de ses 
cellules spécifiques. Mais celles-ci ne fonctionnent 
elles-mêmes qu'en raison des transformations qui 
se produisent dans leurs plasmas, transformations 
qui obéissent aux forces et lois physicochimiques 
présidant à l'action réciproque des molécules et à 
leurs associalions. 

Dans chacun de ces proltoplasmas, ce qui pro- 
duit le fonctionnement élémentaire, ce sont les 
réactions muluelles des moléeules albuminoïdes 
qui les constituent. Si celles-ci viennent à varier, 
elles fonctionneront autrement, c'est-à-dire que, 
dans ce protoplasma modifié de structure et de 
composition chimiques, la nutrition, l’assimilation, 
les réactions de toule sorte seront modifiées, et, 
avec le protoplasma, variera l'élément cellulaire 
auquel il appartient et l'organe tout entier dont cet 
élément est l'unité primilive. L'ensemble de ces 
modifications d'organes fonctionnels se totalisera 
exlérieurement par la variation de l'être tout entier 
et fera naïître le changement de race, à caractères 
transmissibles ou non par hérédité. 


1050 


ARMAND GAUTIER — MÉCANISME DE LA VARIATION DES RACES ET DES ESPÈCES 


IT 


On vient de voir que les variations d'espèce et 
de race ont pour origine les transformations des 
molécules spécifiques des plasmas, d'où résultent 
les modifications de fonctionnement de la cellule, 
les variations des organes el, par suite, celle de 
l'être tout entier. Il faut maintenant se demander 
quelles sont les influences qui peuvent ainsi faire 
varier, dans les êlres vivants, la nature des espèces 
chimiques entrant dans leur constitution. 

Examinons d'abord sous quelles influences et 
conditions les êtres organisés se modifient. 

D'après les idées de Lamark et de Darwin, les 
plantes et les animaux reçoivent et totalisent, pour 
ainsi dire, les impressions ou influences des milieux 
où il vivent : climat, lerrain, alimentation, aide ou 
concurrence vitale, etc., dont ils suivent les varia- 
tions. Ils prospèrent et se modifient en vertu de 
l'aptitude plus ou moins grande que possèdent 
tels ou tels de leurs organes à s'adapter aux condi- 
tions de ces milieux, et, grâce à la sélection na- 
turelle, tout être puissant et bien organisé se subs- 
titue peu à peu aux autres. Mais cette sélection 
naturelle est une conséquence de la propriété 
d'adaptation, et celle-ci présuppose l'aptitude de 
certains organes à évoluer en harmonie avec les 
conditions du milieu dont ces organes utilisent le 
mieux possible les variations, Or, si ces variations 
sont trop brusques, l’adaptalion n’a pas le Lemps 
de se produire et l'être vivant, ne trouvant plus les 
conditions d'existence adéquates au bon fonction- 
nement de ses organes, souffre et disparait; et, si 
ces variations sont très lentes, l'adaptation l'est 
aussi et les variations restent à peu près insensi- 
bles : témoins les espèces et même les races d’ani- 
maux ayant pu vivre, presque sans varier, dans les 
milieux les plus divers, dans les climats gelés de 
l'Himalaya et les sables brûlants de l'Afrique, tels 
que le bouquetin, la chèvre, le chien, le chat, 
l’homme lui-même, dont les races, depuis des mil- 
liers d'années, ont été à peine modifiées, ainsi 
qu'en témoignent les dessins qui datent de l’âge 
de la pierre polie et ceux des tombeaux de l’an- 
cienne Egypte. 

L'adaptation, qu'on ne saurait nier en principe, 
n'est donc qu'unecause très secondaire de variations. 
D'ailleurs, sa caractéristique essentielle est de faire 
passer l'animal ou la plante qui se modifie par 
une suite de transilions, de formes intermédiaires ; 
or, les faits paléontologiques aussi bien que les his- 
toriques, montrent qu'à l'état sauvage les variations 
des plantes et des animaux, lorsqu'elles ont lieu, 
se produisent brusquement, ou, du moins, sans 
laisser trace de termes transilionnels, à moins 
qu'on ne veuille appeler ainsi les espèces successives 


qu'on peut assembler en genres et familles natu- 
relles. Mais, entre chacune de ces espèces, le saut 
est loujours brusque et l'on ne trouve générale- 
ment pas d'intermédiaires. Dans les temps géolo- 
giques, avec la Période secondaire commence le 
vrai règne des Reptiles : eux, qui n'avaient eu que 
quelques très rares précurseurs à la fin de la pé- 
riode paléozoïque, foisonnent dès le début de lère 
suivante en espèces innombrables, Comment admet- 
tre que ces diverses espèces sont issues les unes 
des autres par adaptations successives et sélection 
et qu'elles n’ont eu cette étrange puissance de va- 
rialion rapide, el sans transitions, que dans cette 
période des temps? De même, au commencement 
de l’Ere tertiaire, on voit se produire presque tout 
à coup de nombreuses espèces de Mammifères ; jus-… 
que-là, ils s'étaient bornés à quelques Marsupiaux 
apparus vers la fin de la Période secondaire. En 
même temps, dans le règne végétal, les palmiers et 
les arbres à feuilles caduques succèdent rapide- 
ment aux Gymnospermes. L'homme se rencontre 
enfin, presque partout à la fois, à la fin du Ter- 
liaire ou dés le commencement du Quaternaire; et 
l'on en est encore a chercher le Pithécanthrope, 
ce fameux terme de passage entre le Singe et 


l'Homme. 


Ces faits, observés depuis bien longtemps, 
avaient donné lieu à l'hypothèse des créations sue- 
cessives, hypothèse qui me parait inadmissible, 
mais qui montre combien les philosophes natu- 
ralistes avaient été frappés de l'observation uni- 
verselle, dont on ne saurait méconnaitre la portée, 
que les types intermédiaires que suppose l’adap- 
tation n'apparaissent pas dans la Nature, et même 
que les espèces dites d® transition sont bien loin de 
se répartir dans l'ensemble des temps, tandis que les 
types nouveaux foisonnent tout à coup à la fois, 
ou se succèdent, au cours de certaines périodes 
relativement très courtes. 

Dans les temps historiques, comme je le disais 
plus haut, pas plus que dans les temps géologiques, 
les passages d'une espèce à l’autre par termes 
insensibles n'ont été observés. Cependant, d'une 
race à l’autre, les termes transitionnels existent 
quelquefois, surtout chez nos animaux domesti- 
ques; el de l'observalion, de quelques varialions 
superficieles et sélectionnées qui ne peuvent même 
pas permettre de suivre la filialion de race à race, 
on à déduit le principe de l'évolution des espèces 
par adaptation aux milieux. Mais les faits observés 
démontrent que les grandes variations dérivent, 
en général, non de changements continus et insen- 
sibles, mais de modifications monstrueuses, ani- 
males ou végétales, se produisant d'emblée et sans 
transilion. De ces produits, dits spontanés ou de 
hasard, sont issues, grâce à la sélection naturelle 


| 
: 
À 


La 


ARMAND GAUTIER — MÉCANISME DE LA VARIATION DES RACES ET DES ESPÈCES 1051 


ou artificielle, les races domestiqnes ou végélales 


actuelles ‘. 


Pour revenir aux Végétaux, les faits sont là 
pour démontrer que leurs transformations im- 
portantes ne sont généralement précédées d'au- 
cun indice de variation. L'Aralia ordinaire à 
feuilles heptalobées produit de temps à autre et 
tout à coup, comme spontanément, des rameaux à 
feuilles simples, que l’on peut propager par bou- 
tures. C'est un cas de dimorphisme que rien ne 
précède ni ne peut faire prévoir. Il en est de 
même d'une foule d’autres semblables : La rose à 
feuilles de chanvre a paru un jour sur l’un des 
rosiers du Luxembourg. Sur un Ziqgustrum ovalifo- 
lium à feuilles opposées, M. L. Henry, professeur 
actuel à l'École d'Horticulture de Versailles, à 
observé et décrit un rameau très vigoureux dont 
les feuilles étaient verticillées quatre à quatre. Sur 
un Sambucus nigra normal du Muséum de Paris, le 
même savant horliculteur a remarqué la fascialion 
d'une branche qui, reproduite par bouture, à 
donné des sureaux fasciés dont les fleurs avaient 
une corolle à 6 et 8 divisions, au lieu de 5 comme 
dans les fleurs normales. Sur un lilas Varin, à 
fleurs normalement bleu-violacé, il a observé, en 
1901, une branche unique dont les fleurs étaient 
celles du lilas Saugé, qui sont rouge, pourpre et sur 
lequel à son tour Carrière a vu se développer, en 
1876, une branche à fleurs entièrement blanches. 
On sait depuis longtemps que certains saules pré- 
sentent souvent des rameaux dits aberrants, à 
feuilles opposées et non alternes, d’où sont nées les 
variétés de saule ainsi conformées que l’on peut 
reproduire par bouture. 

Des observations semblables de variations d’or- 
ganes ont été faites sur les Animaux. Je cilerai 
comme exemples : larace algérienne des moutons à 
quatre cornes, que, depuis, l’on reproduit par géné- 
rations successives: celle des chiens bassets à 
jambes torses; celles des bœufs Niala de la Répu- 
blique Argentine portant un allongement mons- 
trueux du maxillaire inférieur, race née sur place 
et transmettant ses caractères particuliers à sa des- 
cendance. Chez les Insectes, les variations tératolo- 
giques des ailes, dit M. Giard, « apparaissent d'une 
facon brusque, en discontinuilé avec l’état normal. 
Si elles se maintiennent par hérédité, elles consti- 
tuent des variélés nouvelles, parois même des 
espèces ou des genres nouveaux, lorsque d’autres 
caractères viennent à se modifier addilionnelle- 
ment”. » 


1 Je parle de races différant par des caractères tranchés, 
squelettiques ou autres, et non pas seulement par quelques 
caractères extérieurs tels que la longueur et la couleur des 
poils, la forme des feuilles, etc. 

= Sur un exemplaire de Pterodela pedicularia à nervation 


Les faits analogues, bien observés par les natu- 
ralisies de nos jours, sont innombrables. Ces 
variations se produisent toutes sans étre annoncées 
par des modifications préparatoires intermédiaires. 
On les appelle des monstruosilés lorsqu'elles sont 
isolées, isolées dans notre esprit en nos observa- 
tions ; mais, si elles se perpétuent, si la variation 
se conserve par semis ou copulation entre deux 
êlres ayant également varié, elles créent la race et, 
au besoin, deviennent l'origine d'une espèce nou- 
velle. 

Il nous faut montrer, maintenant, quel est dans 
celte création de race et d’espèce, le poids des in- 
fluences apportées par les milieux, l'adaptation et 
la sélection, et celui des causes de variations qui 
viennent d’autres origines. 

Nous avons rappelé plus haut que les influences 
dites lamarkiennes ou darwiniennes d'adaptation 
au milieu ne provoquent jamais de variations 
brusques. Les prétendues monstruosilés ont été 
expliquées par Darwin, par l'hypothèse d'un 
retour au type ancestral, de telle sorte que, loin 
d'être l’origine de races ou d'espèces nouvelles, ces 
monstruosilés en reduiraient le nombre en reve- 
nant aux types primilifs. Nous verrons tout à 
l'heure que telle n'est pas leur raison d’être, leur 
signification, ni leurs effets. 

En dehors de toute préoccupation d'École, l'ob- 
servation a montré que les varialions brusques des 
êtres vivants ont deux origines principales : 

1° Les influences réciproques des cellules géné- 
ralrices ou, pour nous en tenir aux Végétaux, la 
pollinisalion entre races ou espèces différentes; 

2° La spontanéité, du moins apparente, que je 
remplacerai tout de suite par le principe de la 
coalescence des plasmas, dont je donnerai tout à 
l'heure la définition et l'explication. 

La varialion par pollinisation entre races ou 
entre espèces est trop évidente et trop connue pour 
que je m'y arrêle longlemps. Son explication rentre 
d'ailleurs, comme on va le voir, dans celui des 
coalescences. Je rappelle seulement, ce que je. 
disais plus haut, que la variation de race par 
pollinisation se manifeste non seulement sur les 
parties du végétal destinées à le reproduire, l’ovule 
et la graine, mais aussi sur les cellules végétalives 
et jusque sur les matériaux spécifiques constitutifs 
de ces cellules. Je peux'en donner ici une démons- 


doublement anormale (Actes de la Société scientilique du 
Chili, & NV, p. 19, 1895). M. Giard ajoute : «Partant de la, 
certains naturalistes ont prétendu que toutes les espèces 
avaient une semblable origine et que l'action des facteurs 
primaires ou secondaires de l'évolution devaient céder la 
place à © tte nouvelle conception de la descendance des 
êtres vivants par modifications tératologiques discontinues. 
C'est là, pensons-nous, une interprétalion inexacte et exa- 
gérée de ces faits. » Je ne puis être ici de l'avis de mon très 
savant confrère. 


1052 


ARMAND GAUTIER — MÉCANISME DE LA VARIATION DES RACES ET DES ESPÈCES 


tration parliculièrement probante et qui me parait 
jeter une vive lumière sur la facon dont chaque 
générateur participe à la formation de la race 
nouvelle. 

Il existe divers cépages créés, de 1842 à 1850, 
grâce à une longue suite d'efforts intelligents, par 
M. Bouschet de Bernard, savant viticulteur de 
Montpellier. La variété aujourd'hui cultivée un peu 
partout, dans le Midi de la France, sous le nom de 
Pelit-Bouschet résulte du semis de graines obte- 
nues en faisant agir le pollen de l'Aramon sur les 
fleurs du Yeinlurier préalablement châtrées de 
leurs étamines ‘. Le Petit-Bouschet descend done 
par une filiation historique et régulière de deux 
autres cépages, très différents d’ailleurs au point 
de vue de leurs formes, de leur hâtivité, de l’abon- 
dance de leurs fruits et de leur goûtet, plus encore, 
de leurs matières colorantes; matières solubles 
dans l’eau et très abondantes dans le Teinlurier, 
insolubles et en faible proportion dans l'Aramon. 
Dans quelle mesure les plasmas générateurs, mâle 
et femelle, se sont-ils alliés pour former la nou- 
velle race? Existe-t-il des rapports qui lient la 
couleur du Petit-Bouschet à celle de l'Aramon et 
du Teinturier? S'est-il confondu avec l'un d'eux ? 
Ou plutôt en diffère-t-il, d'après cette loi que j'ai 
plus haut établie, que, pour toute race nouvelle, les 
principes spéciaux à la famille botanique à laquelle 
celle race appartient sont constitués par des 
espèces chimiques différentes ? 

La question valait la peine d'être examinée de 
très près. Je préparai donc et analysai avec grand 
soin les malières colorantes principales de trois 
cépages, el je trouvai que le pigment du métis, 
c'est-à-dire du Petit-Bouschet, était exactement 
l'intermédiaire, et, pour ainsi dire, la moyenne, de 
ceux des deux ascendants : 

CSESIO 


cf 10()20 
CH 020 


Pigment de l’'Aramon (paternel). . . . . 
Pisment du Teinturier (maternel). 
Pigment du Petit-Bouschet (flia] . 

Ce résultat est intéressant à divers points de vue. 
Il démontre d’abord, comme nous le disions plus 
haut, que la variation pollinique se fait sentir sur 
toutes les parties de l'être et jusque sur ses ultimes 
principes conslituants. Il montre surtout que les 
malières spécifiques importantes, et certainement 
aussi les substances albuminoïdes très complexes 
des plasmas dont elles sont régulièrement issues, 
sont en rapport très simple avec les substances 
correspondantes des deux générateurs. Le pig- 
ment du Petit-Bouschet est comme la somme, la 
moyenne arithmétique, des pigments paternel et 
maternel de l'Aramon et du Teinturier. 


Fait qui m'a été de nouveau confirmé par le fils du 
créateur de ce cépage. 


Nous n'avons pas le droit d'en conclure que toutes 
les qualités des ascendants se transmettenttoujours 
ainsi par égale part. On sait que l'influence mater- 
nelle introduit dans la graine, à l'état latent, l’apli= 
tude à reproduire le port, le facies, la rusticité, la 
fécondité du porte-ovule; le pollen étranger agit 
sur la couleur, le goût, la forme de la fleur, du 
fruit, de la graine. Mais celle-ci porte en elle, en 
vertu de l’action pollinique, un principe de varia- 
tion qui peut atteindre toutes les parties du végétal. 
Ceci découle des faits rapportés plus haut et plus 
encore des observations d'influence réciproque 
qu’exercent les unes sur les autres, dès qu'on les 
accouple, les cellules végétatives elles-mêmes 
quand elles appartiennent à des races ou à des 
espèces différentes, C'est ici le nœud de mon sujet. 


III 


‘Je viens de dire que chaque cellule d'un hybride 
obtenu par pollinisation est constitué par des plas- 
mas spécifiques‘ aptes à former des produits nou- 
veaux témoignant quela varialion dont on n'observe 
directement que les marques extérieures, a réelle- 
ment frappé tous les malériaux spéciaux à l'espèce 
ainsi modifiée. Plasmas et produits portent done 
en eux la marque, l'impression, de l'agent féconda- 
teur, cause première de la varialion. Mais de même 
que la graine de la plante hybridée peut repro- 
duire directement par semis un nouveau végétal, 
chacun des bourgeons à feuilles de ce végétal porte 
aussi en Jui l'impression, quelle qu'elle soit, de 
l'agent fécondant qui a modifié la race primitive, 
puisque le rameau qui sortira de ce bourgeon pro- 
duira plus tard la fleur et enfin la graine qui, elle, 
pourra reproduire l'hybride. L'organe essentielle- 
ment végétatif, le bourgeon à feuilles, porte donc 
dans ses plasmas vivants une forme moléculaire 
dérivée de celle des plasmas mâle et femelle géné- 
rateurs de la graine dont est sorti le végétal nou- 
veau. Ainsi, dans ce bourgeon, la matière polli- 
nique primilive et la substance spécifique de l'ovule 
dont est sorti le végétal qui porte ce bourgeon 
ont laissé leur marque et, virtuellement au moins, 
leurs aplitudes. Partant de là, j'ai pensé que le 
mariage des races, qui généralement se fait par 
pollinisalion, pourrait résulter aussi peut-être de 
l’accouplement des cellules végétalives, de la coa- 
lescence de leurs plasmas”, et, généralisant aussitôt 
cetle hypothèse, il m'a semblé que chaque fois 
que les formes moléculaires internes, stéréochi- 


! J'entends ici par ce mot plasmas toutes les parties des 
cellules végétales ou animales propres à fonctionner et à se 
reproduire, en un mot les protoplasmas de la cellule aussi 
bien que ceux du noyau. 

? De coalescere, S'accroitre en commun. 


x 


ARMAND GAUTIER — MÉCANISME DE LA VARIATION DES RACES ET DES ESPÈCES 


1053 


miques, de deux plasmas vivants, quelles qu’en 
soient les origines, pourraient être assez sem- 
blables entre elles pour admettre une liaison, une 
alliance, un accroissement simultané ou coales- 
cence, celle union devrait avoir pour conséquence 
la modification partielle ou totale des cellules et, 
avec elles, celle de l'être primitif qui en est 
formé. Ce mariage des plasmas que déterminent 


avant tout les hasards d’analogie de leur structure 


interne, peut se concevoir d’ailleurs à priori entre 
cellules d'espèces très différentes, et même entre 
cellules appartenant à des règnes différents, végé- 
tales, animales ou microbiennes, pouvant, d'autre 
part, posséder des aptitudes très différentes. 

Darwin observe, dans son célèbre ouvrage sur la 
Variation des Espèces, que le greffage d’un bour- 
geon de rameau à feuilles panachées sur une plante 
de même espèce, mais à feuilles de couleur uni- 
forme, suffit à produire quelquefois, sur d’autres 
branches du sujet n'ayant pas subi la greffe, des 
bourgeons d'où sortent des feuilles panachées et, 
dans mon premier Mémoire sur le Mécanisme de 
la variation des élres vivants, j'ajoute après avoir 
cité cette observation : 

« Jei le tissu cellulaire (le tissu végétalif) d'une 
race végétale, et non plus son pollen, a suffi pour 
hybrider au contact les tissus d'une race distincte. 
Nous voyons clairement, dans ce cas, les causes 
qui avaient produit l'hybridation.. agir notoire- 
ment sur un autre individu par l'intermédiaire des 
cellules d’un ascendant une première fois impres- 
sionnées ou modifiées... Ces quelques exemples 
nous montrent que ces varialions, et les influences 
plus ou moins définitives qu'elles traduisent, ont 
transmis à ces cellules (végétatives) l'aptitude à 
reproduire les modilications de race lorsque les 
circonstances sont favorables à celle transmis- 
Sion. » ‘. 

Or, si les cellules végétalives peuvent ainsi se 
modifier gràce à leur influence directe réciproque, 
cette coalescence des plasmas doit être une cause, 
un principe de variation, bien autrement puissant 
que le mélissage ou l’hybridation par les pollens. 
La pollinisalion, en effet, réussit surtout entre 
races de même espèce, quelquefois d'espèces dif- 
férentes, mais assez rapprochées, tandis que l'on 
sait depuis longtemps déjà (et les beaux travaux 
de M. Lucien Daniel sont venus donner une 
grande exlension à ces fails) qu'on peut réunir 
par greffage ou coaplation non seulement des 
races, mais des espèces, souvent même des genres 
différents, elc., qui n'auraient pu se marier par 
fécondation. Le. piment et la tomate, le navet et 


! Hommage à M. Chevreul, p. 35 F. éditeurs, 


Paris, 1886. 


Alcan, 


le chou sont dans ce cas : ils peuvent s'allier par 
greffe et vivre ensemble. Il faut donc s'attendre 
à voir ce mode d'application du principe de la coa- 
lescence des plasmas donner naissance à des varié- 
tés, sinon à des espèces nouvelles. 

L'observation a démontré, chez les Animaux 
comme chez les Plantes, que, lorsqu'un être infé- 
rieur, d’une famille, quelquefois même d'un règne 
différent, vit en symbiose sur un hôte, celui-ci se 
modifie en modifiant à son tour son parasite. Il se 
fait une adaptlalion, une modification réciproque 
des cellules en contact direct, quelquefois même 
de cellules lointaines et de l'être tout entier. Ces 
modifications peuvent souvent se transmettre par 
hérédité. De ces faits, il faut rapprocher ceux de 
même ordre, mais d'une analyse moins compliquée, 
relatifs à l’action, sur les animaux, des vaccins et des 
microbes pathogènes dont les plasmas et diastases, 
en vertu d'analogies d'aptitudes et de stucture 
dont le détail nous échappe encore, sont aptes à 
modifier l'être qu'ils atteignent en alliant leurs 
plasmas aux siens. Or, la constitution de ces cel- 
lules et plasmas vaccinaux ou pathologiques est si 
spécifique qu'ils n'agissent que sur telle ou telle 
espèce, telle ou telle race animale, quelquefois sur 
telle ou telle partie d’un même êlre. C'est ainsi que 
chez l’homme seul se produisent les graves modi- 
fications de la syphilis, de la pellagre, de la lèpre, 
du myxædème, sous l'influence d'organismes ou 
plasmas pathologiques, donnant lieu à des modifi- 
cations qui peuvent se transmettre héréditaire- 
ment, eomme c'est le cas pour l'hérédo-syphilis 
chez l'homme. Je rappellerai encore l’immunité, 
plus ou moins prolongée, acquise aux animaux 
dont les mères et les ascendants avaient été plus 
ou moins complètement immunisés vis-à-vis de la 
diphtérie, du tétanos, du charbon... (Chauveau, 
Ebrlich, Vaillard, Wernicke, Dziergowski.) 

Dans beaucoup de maladies microbiennes ou 
parasilaires nous trouvons des êtres très inférieurs, 
microbes, amibes, coccidies, protozoaires, elc., 
alliant leurs plasmas cellulaires, ou les toxines 
albuminoïdes qui en dérivent immédiatement, aux 
cellules et plasmas des animaux. Et, dans cette 
alliance d'où résulte toujours une modification de 
l'être envahi, il semble qu'il n'y ait d'autre limite à 
la symbiose où coalescence de ces plasmas que la 
mystérieuse constitution de ces milieux vivants qui 
permet l'union entre deux êtres d'espèces souvent 
très éloignées, quelquefois même appartenant à 
des règnes différents. 

Pour en révenir aux Végétaux, dans mon second 
Mémoire sur le Âécanisme intime de la variation 
des races !, j'expliquais les varialions rapides et 


! Revue scicntilique, 6 février 1897, p. 164. 


1054 


ARMAND GAUTIER — MÉCANISME DE LA VARIATION DES RACES ET DES ESPÈCES 


comme spontanées qui surviennent quelquefois 
chez les Végétaux, par l'hypothèse de l'introduction 
dans leur tissus, en raison de circonstances for- 
luites et locales, de plasmas étrangers aptes à les 
influencer. J’exprimais ainsi cette opinion : 

« Je suis porté à penser que les modifications 
rapides observées sur les végétaux peuvent être 
dues, soit à l’action de certains pollens d'espèces 
éloignées, soit plutôt à l’inoculation de matières 
destinées à la reproduction, telles que celles qui se 
rencontrent dans les spores et les bactéries, ma- 
tières qui, grâce à un hasard heureux, une piqüre, 
une blessure... sont mises en relation immédiale 
avec Le proloplasma végétal qu'elles modifient 
ensuile. En vertu de quelque mystérieuse analogie 
qui nous échappe encore entre la constilution des 
deux protoplasmas, ces matières destinées à la 
reproduction d’autres types viennent modifier l’or- 
ganisme récepteur, à peu près comme le virus vac- 
cinal, le microbe de la fièvre typhoïde, le venin de 
la vipère ou du cobra, modifient la constitution 
tout entière et le développement de celui qui les 
recoit, sans qu'il y ait une relation connue entre 
l’origine, l'espèce, la constitution de ces substances 
modificatrices et celle de l'être qu'elles impres- 
sionnent. » 

Ainsi directement introduite au sein des plasmas 
vivants, la matière modificatrice spécifique produit 
sur les cellules végétatives des réactions et trans- 
formations non plus lentes et graduelles, mais 
rapides, sans termes de transition, exactement 
comme cela se passe lorsque le plasma germinatif 
du pollen d’une espèce agit directement au contact 
sur les substances spécifiques de l’ovule d'une autre 
espèce et fait varier immédiatement les matériaux 
et l'évolution de la graine qui en sortira. 

Voici quelques exemples de ces changements 
subits appelés, bien à tort, syontanés, et dus en 
réalité non à des-retours ataviques, mais à l’action 
des êtres inférieurs sur les Végétaux : 

Sur un rosier à sépales glabres, un rameau à 
roses mousseuses apparut il y a quelques années 
au jardin du Luxembourg, à Paris. Or, en exami- 
nant cette variété, on trouve toujours sur ses pieds 
une certaine quantité de bedeguars à surface mous- 
seuse, galles produites par la piqûre et l'inocula- 
tion d'un Cynips qui semble bien communiquer au 
rosier qui le porte, comme à la galle où il enferme 
sa larve, la propriété de produire les singulières 
excroissances mousseuses qui caractérisent celle 
variété. 

Je disais plus haut que dans la menthe poivrée 
(Wentha piperita) la forme de l'inflorescence peut 
se modifier. Certains rameaux prennent la dis- 
posilion des sommités fleuries d’un genre voisin, 
le basilic (Ocymum basilicum). Ces rameaux dits ha- 


siliqués produisent dès lors une essence dextrogyre 
d'odeur particulière etnon plus l'essence de menthe, 
lévogyre que fournit le reste de la plante. Or, 
MM. Charabot et Ebray ! ont établi, en 1898, que 
celle varialion de la menthe poivrée est aussi due 
à la piqûre d’un insecte. On prend ici sur le fait la 
tendance au passage d’une espèce à une autre, et 
presque d'un genre à un autre, sur le rameau du 
végétal piqué par l'insecte et sur lui seul. 

D'après M. Marin Molliard”, les fleurs du Matri- 
caria inodora, lorsqu'elles sont atteintes par le 
Peronospora Radii, prennent l'aspect des fleurs 
doubles des Radiées. Beaucoup d'Ombellifères et de 
Crucifères, sous l’action des Hémiptères et des Aca- 
riens, offrent une virescence de Lous leurs organes 
floraux. 

Le même auteur vient d'observer plusieurs de 
ces faits de variation subite dus à la coalescence 
de plasmas étrangers, encore empruntés à des 
Cryptogames, mais dont les effets se faisaient sen- 
tir, non plus seulement in situ, comme dans les 
cas précédents, mais à distance : au milieu de 
nombreux pieds de Primula officinalis normaux, 
M. Molliard eut l'occasion d’en remarquer trois 
dont les fleurs étaient devenues pétaloïdes ; aucun 
parasite ne fut trouvé sur la partie aérienne de ces 
plantes, mais les radicelles de ces trois pieds, et 
de ces pieds seuls, étaient envahies par le mycé- 
lium d'une Dematiée. Une observation plus inté- 
ressante encore fut faite sur un pied de Scabiosa 
columbaria dont les étamines se changaient en 
pétales; M. Molliard reconnut que ses racines 
seules étaient envahies par de très nombreuses 
galles d'Aeterodera radicicola. Iei l'expérience de 
contrôle suivante fut faite, el elle enlève tous les 
doutes: des pieds normaux de Scabiosa columbaria 
furent repiqués sur le terrain envahi par l'Æetero- 
dera précédent, et ces pieds présentèrent, dès la 
lloraison, la monstruosité observée. 

M. Molliard ajoute qu'il a pu se convainere que 
la forme dioïque du Publicaria dyssenteriea 
(Gaertner) décrite par M. Giard * est aussi due à 
une associalion parasitaire intéressant les organes 
souterrains du végétal. 

Dans le même ordre d'idées, je pourrais encore 
citer les faits de tuberculisalion des bourgeons 
souterrains sous l'influence de l'infection des raci- 
nes par des champignons endogènes. Tel est, 
d'après M. N. Bernard’, le cas de la formalion des 
tubercules de pomme de terre se développant 
sous l'influence du Æusarium Solani, dont on 


1 Bull. Soc. Chim. [3], t. XIX, p. 119. 

? Recherches sur les cécidies Aorales, 1895. 

* Bull. scientifique de France et de Belgique, &. XX, p. 53, 
1889. ‘ 

? Complt. rend. Acad. Sciences, t. OXXXIT, p. 355. 


| 
} 
1 
: 
| 


trouve toujours les filaments et les spores dans 
les cellules subéreuses de la surface des tubereules 
sains, alors que les graines du végétal semées dans 


“un terrain stérilisé, mais fertile, ne reproduisent 


pas de pieds à tubercules. Il est permis de rap- 


‘procher encore de ces faits les variations subies par 


les Végétaux dans leurs fonction physiologiques et 
leur réceptivité aux maladies, observées par M. J. 
Beauverie et par M. J. Ray; je veux parler de l'im- 
munilé acquise contre les maladies cryptogamiques 
après innoculations préalables de vaccins consis- 
tant dans la forme atténuée de Cryptogames di- 
vers 

L'envahissement du système radiculaire par les 
Cryplogames infestant tous les sols cultivés donne, 
très probablement, l'explication de la perte de 
résistance des vignes sauvages des forèls de 
l'Alsace, lesquelles, d'après les observations de 
M. Obertin, quoique résistant indéfiniment aux ma- 
ladies cryptogamiques et aux Insectes tant qu'elles 
restent incultes, deviennent sensibles aux attaques 
des parasites végétaux et animaux aussilôt qu'on 
les soumet à la culture. 

Toutes ces variations des végétaux se traduisant 
par des changements analomiques des organes 
végétatifs ou floraux, ou simplement modifications 
de léurs fonctions, ne sont pas toujours aptes à se 
conserver par semis successifs, quelquefois même 
par boutures; mais elles ont ces caractères com- 
muns, qu'elles se produisent subitement et sans 
transition, et qu'elles peuvent frapper un seul indi- 
vidu au milieu de tous les autres et même un seul 
rameau sur le même individu. En un mot, la produc- 
tion de ces variétés échappe aux règles de l’adapta- 
tion, de la sélection, des modifications lentes et suc- 
cessives. Chaque espèce de cellule conjointe, quelle 
qu'en soit l’origine, ayant apporté avec elle ses prig- 
cipes spécifiques, ses diastases, ses plasmas, elc., 
l'hybridalion ou plus simplement la variation naît 
nécessairement ef immédiatement de cette associa- 
tion de deux plasmas différents vivant en commun. 

Nous venons de parler des effets, généralement 
dus à d'heureux hasards, des venins, diastases et 
plasmas étrangers inoculés aux Végétaux et em- 
pruntés à des espèces souvent très éloignées, sous 
forme de piqûres ou au cours d'une symbiose 
cryptogamique et même animale. Mais les exemples 
les plus frappants et les plus instructifs de l'appli- 
cation du principe de la variation des races par 
coalescence de deux plamas végétatifs, empruntés 
à des espèces différentes, nous sont fournis par 
l'étude de la greffe. Ici je m'appuierai en grande 
partie sur les belles recherches de M. Lucien 
Daniel, le distingué Chargé de Cours de la Faculté 


1 Jbidem, t. CXXXII, p. 107 et 307. 


ARMAND GAUTIER — MÉCANISME DE LA VARIATION DES RACES ET DES ESPÈCES 1055 


des Sciences de Rennes, tout en ne concevant pas 
comme lui cette cause de variations‘. 

J'ai dit plus haut comment j'avais, en 1886°, 
prévu et expliqué que de l'influence réciproque des 
cellules végétatives vivantes amenées en contact 
immédiat par piqûre, coaptation ou grefflage 
pouvaient résulter des variétés nouvelles, comme 
par une hybridation asexuée. En voici les preuves : 

Que l'on porte, comme l'a fait M. L. Daniel, un 
greffon d'aubergine sur un pied de tomate à fruit 
côtelé rouge vif, et l’on obtiendra, sur ce pied de 
tomate, à la fois des fruits allongés pyriformes 
comme ceux de l’aubergine dont ils ont la couleur, 
des fruits ovoïdes comme ceux du Solanum ovi- 
gerum et des fruits aplatis, eôtelés, rappelant bien 
la tomate par leur forme. C'est là une démonstra- 
tion très sensible de l'influence du sujet porte- 
greffe sur les produits sortis du greffon. Mêmes 
remarques si l’on greffe le piment conique sur la 
tomate rouge : on obtient ainsi des piments aplalis 
ayant tout à fait l'aspect de la tomate. Encore ici, 
les plamas du porte-grefle ont noloirement réagi 
sur ceux du greffon, résultat d'autant plus intéres- 
sant que le piment, qui appartient au genre Capsi- 
cum, n'hybride pas son pollen avec l’ovule de la 
tomate, qui appartient au genre Zycopersicum. 
Si l'on greffe l’alliaire officinale sur le chou vert, 
l'odeur alliacée, si caractéristique, de l’alliaire 
diminue beaucoup et se mélange de l'odeur de 
chou. Le rameau d'alliaire greffé sur chou parait 
d'ailleurs se développer normalement; mais, si 
l'on vient à semer les graines provenant de ce 
rameau, on remarque des différences tranchées 
dans l'appareil assimilaleur des descendants : les 
feuilles en rosettes de ces alliaires sont plus nom- 
breuses, plus pleines, à odeur d'ail bien plus atté- 
nuée que dans les plantes normales. Les racines 
beaucoup plus ramifiées, plus développées, épais- 
ses, se rapprochent surtout, de celles du chou. 
Ces différences s'accentuèrent après un nouveau 
semis ; .la seconde génération présentait l’année 
suivante un aspect trapu, des feuilles vertes 
rapprochées, des inflorescences serrées (et 
lâches et allongées comme à l'état normal), 
odeur faible d'ail et de chou qui faisait de ces 
alliaires greffées sur chou une variété bien distincte 
résultant de l’action primitive du plasma végétalif 
du chou porte-greffe sur le-greffon d'alliaire. 


très 
non 
une 


1 Voir plus particuliérement : La Variation dans la greffe 
et l'hérédité des caractères acquis de M. Lucien Danier. 
Paris, Masson, éditeur, 1899.—Voir aussi S. Joux, Le Jardin, 
n° du 20 janvier 1899, p. 22. — D'après M. L. Daniel, les 
variations dues à la greffe dépendraient bien plus du rap- 
port entre la nutrition générale du sujet et du greffon, et 
de ce qu'il nomme leur capacité fonctionnelle propre, que de 
la nature, de la parenté, de l’analogie et aussi des difiéren- 
ces spécifiques des sèves ou des plasmas cellulaires. 

? Hommage à M. Chevreul. Passage cité, p. 35. 


1056 ARMAND GAUTIER — MÉCANISME DE LA VARIATION DES RACES ET DES ESPÈCES 


Le célèbre horticulteur de Nancy, M. Lemoine, 
a souvent obtenu des variétés d’abutilons et de pas- 
siflores à feuilles panachées, en greffant des bour- 
geons d'espèces à feuilles vertes sur des pieds 
d'espèces panachées. C'est l'inverse de l'observa- 
tion de Darwin citée plus haut. 

Nous multiplierions à volonté ces exemples 
de l'influence du porte-greffe sur le greffon. L’hé- 
rédité des variations spécifiques ainsi produites a 
été établie par M. Daniel, par exemple, pour la 
greffe du navet sur chou cabus, du chou rave sur 
chou cabus, de l’alliaire sur chou, etc. 

L'action des plasmas du porte-greffe sur le greffon 
est done aujourd'hui indiscutablement établie. 

Des remarques analogues ont été failes relative- 
ment à l’action réciproque du greffon sur le sujet 
qui le porte. J'en cilais plus haut un cas observé 
par Darwin, mais l'exemple le plus frappant est 
celui du néflier de Bronvaux, près Metz ‘. Il pro- 
vient d'un néflier autrefois greffé sur aubépine. 
Toute la partie de l'arbre sortie du greffon est bien 
un néflier normal; mais, un peu au-dessous de la 
greffe, le sujet, c'est-à-dire l'épine blanche, a donné 
naissance à une branche de néflier qui diffère de la 
partie greffée en ce qu'elle est épineuse et qu'au 
lieu de porter des fleurs solitaires, celles-ci, au 
nombre de 12 e! semblables à celles du néflier, 
sont réunies en corymbe comme dans l'épine blan- 
che. Les fruits de ce rameau sont de petites nèfles 
aplaties ou allongées. Dans leur ensemble, ces 
caractères sont donc bien intermédiaires entre 
ceux des deux générateurs. Les graines sont 
malheureusement stériles. Sur une autre branche 
anormale poussée sur la précédente, les feuilles 
sont plus grandes que celles de l’aubépine, lobées, 
mais à lobes moins prononcés que dans l’aubé- 
pine; les fleurs sont celles de l’aubépine, mais 
de couleur rose; les fruits, de la grosseur et de la 
forme de ceux de l'aubépine, sont bruns et velus 
comme ceux de la nèfle. 

M. L. Daniel? ayant greffél'/clianthus lætiforus, 
sorte de Petit Soleil vivace, sur le Grand Soleil 
(Hælianthus annuus), observa la plus remarquable 
influence du greffon sur le sujet. L'/Zlianthus læti- 
{lorus possède, à l’état naturel, une tige ligneuse 
couverte d'un épiderme vertsombre avec nombreux 
poils remplacés de bonne heure par des lenticelles 
étendues, d'aspect caractéristique. Son pied porte 
des rhizomes très développés qui se renflent en tu- 
bercules gorgés d'inuline. Le Grand Soleil, plante 
annuelle, possède une tige à moelle abondante, 


1 Signalé au Congrès de la Sociélé nationale d'Horti- 
culture par MM. Jou. Procès-verbal de la séance du 20 mai 
1898, p. 17. Voir, à ce sujet, une note de M. L. Henny sur les 
formes intermédiaires entre néllier et aubépine in Journ. 
Soc. Agriculture de France, octobre 1599. 

# Voir Comptes Rend., Acad. Sc., t. GXXXIV, p. 866. 


très peu ligneuse, un épiderme vert pâle, des poils 


persistants, pas de rhizomes. Les pieds d'Hælian- 


thus annuus, greffés d'Hælianthus lætiflorus, furent 


profondément modifiés : alors que les autres 
Grands Soleils voisins étaient morts depuis long- 
temps, les pieds greffés vivaient encore, fin octobre, 
presque aussi verts qu'à la fin de l'été. La tige avait 
pris l'aspect de celle de l’Æælianthus lætiflorus; elle 
était d'un bois fort dur et deux fois et demie aussi 
grosse que celle des Soleils ordinaires. Les poils 
élaient tombés et avaient été remplacés par les len- 
üicelles de l'A. Jætiflorus. Les racines étaient très 
développées, à chevelu inextricable. Les rhizomes 
à inuline n'avaient pas paru, la substance mère de 
celle-ci ayant élé probablement changée en bois ef 
fixée dans la lige. 

Tous ces faits, rapprochés de ceux que j'exposais 
plus haut sur l’action des inoculations par piqûres 
d'Insectes, ou par parasilisme d'Animaux inférieurs 
ou de Cryptogames agissant sur les Végétaux, me 
paraissent dériver du principe de la coalescence 
des plasmas, soit que les celluies végétatives restent 
en place, soit qu'elles puissent émigrer, comme 
cela se voit si souvent chez les Animaux. Mais, pour 
que cette symbiose ou coalescence se réalise, 
pour que la grefle réussisse et devienne l’origine 
de variélés aptes à se reproduire par boutures ou 
par graines, il faut que les plasmas aient des cons- 
titutions semblables, qu'ils soient aples à se péné- 
trer, que leurs molécules constitutives puissent se 
remplacer au besoin. Or, cette aplitude, qui résulte 
de leur structure intime, préexiste à leur rappro- 
chement. Je ne puis donc être de l'avis de M. L. 
Daniel quand ildit': «Pour qu'une greffe réussisse, 
il faut et il suffit que les protoplasmas du sujet et 
du greffon n'aient pas, à a suite de l'opération, 
leurs propriétés chimiques et physiologiques modi- 
fées au delà d'une limite délerminée qui annihile 
les propriétés essentielles de la substance vivante ». 
Quant à moi, je pense que, pour que l'association 
et les modifications mutuelles se produisent, il faut 
qu'il y ait similitude de structure, analogie suffisante 
etpréexistante entre les plasmas vivants, essentiels, 
des cellules végélatives des deux races ou espèces 
qu'on essaie de rapprocher. Je dis analogie non 
pas bolanique, mais tissulaire, structurale, chimi- 
que. Si toutes les Chicoracées se greffent entre 
elles, sauf les espèces qui forment de l'inuline sur 
celles qui n’en forment pas, c'est que celles à inu- 
line ont un protoplasme inverse, ou symétrique, 
du protoplasma de celles qui n’en produisent point; 
le premier est propre à faire naître des produits 
tournant à gauche le plan de la lumière polarisée, 


1 Los variations dans la greffe, p. 132. Masson, éditeur. 
Paris, 1892. 


ARMAND GAUTIER — MÉCANISME DE LA VARIATION DES RACES ET DES ESPÈCES 1057 


des inulines à structure gauche; les seconds for- 
ment des amidons à structure inverse lournant à 
droile le plan de la lumière polarisée. La produc- 
tion de l’inuline, en place d'amidon, chez certaines 
Chicoracées, est la meilleure révélation de la struc- 
ture inverse de leurs protoplasmas. Si l’on me 
permet une comparaison un peu vulgaire, je dirais 
que, pour que deux plasmas s'allient, il faut qu'ils 
puissent s'emboîter; or, rien ne s'emboile plus mal 
que deux hélices dextrogyre et sinistrogvre. 

Je sais bien qu'on a reconnu que la coalescence 
par greffage peut réussir, dans quelques cas, entre 
espèces assez éloignées, pouvant même quelquefois 
- appartenir à des familles différentes. Exemples : le 
- chrysanthème (Chamomillées) et l'absinthe (Arté- 
 misces) se greffent sur le Soleil (/élianthées); le 
fenouil (Sésélinées) et le panais (Peucédances) se 
greffent sur la carotte (Daucinées), alors que, dans 
la famille des Légumineuses, on ne peul parvenir à 
greffer entre elles les plantes appartenant à deux 
tribus différentes, et que dans les Chicoracées on 
: ne réussit pas à souder celles à inuline à celles à 
amidon*. Ceci paraîtrait contraire au principe de la 
coalescence des plasmas, et le serait, en effet, si 
. l'on pouvait affirmer que la classification bolanique* 

est fondée sur la structure intérieure des organes 
et plasmas, au lieu de l’êlre sur les formes exté- 
rieures de la fleur *. 

ILest possible, d’ailleurs, que ces faits négatifs 
tiennent quelquefois à l’activité végétalive très dif- 
férente du greffon et du sujet, qui ne permet pas 
l'union intime ou l’utilisation des matières nutri- 

. tives pouvant être parvenues à un degré différent 
d'assimilabilité daus le greffon et dans le porte- 
greffe. Tel me parait être le cas de la greffe, excep- 

_tionnellement délicate, du cognassier sur poirier. 

Il est certain que l’analogie des plasmas germi- 
natifs et végétatifs des plantes qui peuvent se fé- 
conder mutuellement ou s'unir par greflage est 
liée aux analogies des structures de la fleur et de 
la graine sur lesquelles est fondée la classification 
botanique, puisque la pollinisation et le greffage 
réussissent le plus souvent entre variétés d'une 
même espèce ou entre espèces voisines Ÿ; mais 
cette analogie des deux plasmas n'est pas une iden- 


: Des faits semblables se remarquent du reste pour l'hybri- 
dation pollinique; chez les Crucifères, Gaertner n'a jamais 
-pu obtenir de croisements entre deux espèces différentes. 
Chez les Solanées, on ne réussit jamais entre deux espèces 
appartenant à deux genres différents, alors qu'on est certain 
de l'analogie de la structure florale. 

? Toutefois, il faut qu'il existe, en général, quelque rap- 
port simple, quelque analogie mystérieuse entre les carac- 
tères extérieurs de la fleur et la structure stéréochimique 
des plasmas fécondatifs et végétatifs pour que ce soit le 
plus souvent entre espèces voisines que s’allient les plasmas 

générateurs et que réussissent les greffes. 

_ * De même, chez les Animaux, l'analogie de structure des 
. plasmas est liée à la structure anatomique. En ellet, les 


REVUE GÉNÉRALE DES SCIENCES, 1901. 


tité, et le rapport qui les unit en chaque cas peut 
être plus ou moins étroit : M. L. Daniel a montré 
qu'on peut greffer le chou sur l’alliaire, le chou sur 
le navet, le piment sur la tomate, et réciproque- 
ment; mais les fécondations du chou par l’alliaire 
ou le navet, de la tomate par le piment ne réussis- 
sent pas, pas plus que ne réussit celle du Soleil 
par le chrysanthème ou l’absinthe, qui se gref- 
fent cependant sur lui. Pour qu'il y ait coales- 
cence, il faut avant tout (sans que ce soit toujours 
une condition suffisante) que les plasmas cellu- 
laires puissent, en vertu de l’analogie de leurs 
structures, coexister, se remplacer l’un l’autre, 
comme les substances isomorphes, sans être iden- 
liques cependant entre elles, peuvent se remplacer 
el coexister l’une à côté de l’autre, en proportions 
variables, dans un même cristal. 

Tout semble venir appuyer cette comparaison et 
démontrer, en effet, que, dans la structure des 
nouvelles races, les molécules issues des deux gé- 
nérateurs s'associent d’abord sans se fusionner 
en une molécule mixte. Elles paraissent se juxta- 
poser, comme nous savons que se produit en 
physiologie, la soudure des diastases aux corps 
qu'elles modifient; en pathologie, l'union des 
toxines aux antitoxines, des corps aux anticorps, 
etc., etc. Sur le singulier rameau du néflier de 
Bronvaux, on voit les branches de l'espèce nèfle 
pousser à côlé des branches de l’épine blanche, et, 
sur la même branche, les caractères des deux géné- 
ralteurs peuvent encore se disjoindre. Dans les 
greffes de piment sur tomate, on peut apercevoir 
de semblables dissociations. Mèmes effets s’il s'agit 
d'hybrides par pollinisalion, comme en témoignent 
les fleurs panachées des deux couleurs des ascen- 
dants, ou la diversité des individus sortis du semis 
de graines issues d’un pied unique ayant reçu le: 
pollen d'une autre variété. Tous les degrés de mé- 
lange des plasmas générateurs se rencontrent géné- 
ralement dans les sujets issus de ces mariages etils 
peuvent même comporter le divorce des conjoints, 


espèces voisines seules peuvent allier leurs plasmas fécon- 
dateurs; et les plasmas végétatifs eux-mêmes, ceux du sang 
en particulier, ne se fusionnent que dans les espèces à struc- 
tures extérieures très rapprochées. C'est ainsi que, si l’on 
injecte à un animal du sang d'une espèce différente, ces 
sangs ne se fusionnent pas, et l'animal détruira ce sang 
étrauger ou sera détruit par lui. Le sang de l'homme détruit 
le sang de chien, de mouton, de lapin, de bœuf, et récipro- 
quement. Au contraire, de mème que s'allient leurs plas- 
mas générateurs, le sang de lièvre peut être injecté au 
lapin, celui du rat à la souris, du chien au loup et'au renard, 
du chat au jaguar, et réciproquement. Seuls les sangs des 
singes anthropomorphes, chimpanzé, orang, gibbon, peu- 
vent être mélangés au sang huwain, et le sang humain in- 
jecté au chimpauzé; maisles sangs des singes platyrrhiniens 
ne peuvent être injectés à l'homme sans être détruits. La 
structure interne de leurs plasmas diffère donc trop de 
celle du sang humain, comme diffèrent trop les structures 
externes des animaux qui les fournissent, 


23% 


1058 ARMAND GAUTIER — MÉCANISME DE LA VARIATION DES RACES ET DES ESPÈCES 


que l’on peut voir se séparer des diverses parties du” 


végétal ou plus souvent à la suite de semissuccessifs. 

La coalescence des plasmas végétalifs ou fécon- 
dateurs semble done être comme un accouplement 
où chaque espèce chimique conserve plus ou moins 
longtemps sa personnalité, je dirais presque sa 
liberté. Aussi cette coalescence ne suffit-elle pas 
toujours à assurer la stabilité des races nouvelles. 
Pour qu'elles se fixent, il faut que l'alliance soit 
profonde et répétée, que les deux plasmas qui se 
marient, se fusionnent enfin en une espèce unique. 
A ce phénomène définilif qui fixe désormais la 
race, contribuent la continuilé et la répétition des 
influences, l’ensemble des forces physico-chimi- 
ques réagissant dans la cellule, en particulier la 
chaleur et la lumière, qui, en général, font tendre 
les molécules constituantes vers des états d'équi- 
libre de plus en plus stables. De deux molécules 
plasmaliques assez rapprochées et déjà très insta- 
bles par elles-mêmes, comme le sont tous les com- 
posés albuminoïdes, dérive enfin une molécule 
définitive nouvelle qui vient fixer la race ou l’es- 
pèce en lui communiquant sa stabilité relative. 

Concluons : Un être vivant varie parce que les 
plasmas spécifiques de ses organes ont varié. Je l'ai 
établi au début de cet article. Ces modifications 
moléculaires sont généralement dues à l'action des 
plasmas étrangers, fécondatifs ou végélatifs, que 
des circonstances naturelles ou fortuites ont mis 
en coalescence avec les cellules de l'être que l'on 
considère. Cette coalescence ou accroissement en 
commun est la conséquence de l'analogie de 
fonctionnement de deux plasmas, elle-même corré- 
lative de l'analogie de leur structure, et celle-ci 
semble à son tour plus ou moins expressément en 
rapport avec les formes extérieures de la fleur et 
de la graine chez les plantes, avec la structure 
anatomique chez l'animal. La race nouvelle 
demeure variable, tant que les plasmas alliés 
restent coaptés ou inlimement unis sans arriver, 
grâce à la continuité de leur contact et à l’action 
des agents extérieurs : chaleur et lumière surtout, 
à former une molécule unique nouvelle, générale- 
ment plus stable que celles des deux composants. 

Sauf les cas où intervient la sélection artificielle, 
c'est donc vers un état de stabilité toujours plus 
grand que tendent les races et, à plus forte raison, 
les espèces végétales et animales. La fixité de ces 
dernières, démontrée par la grande difficulté 
qu'elles ont de passer d’une espèce à une autre, est 
la conséquence rationnelle de la fixité de la partie 
commune de l'édifice moléculaire propre aux diffé- 
rentes variétés de l'espèce, et de l'impossibilité 
qu'on éprouve le plus souvent à faire passer ces 
molécules spécifiques de leurs photoplasmas d’une 
famille chimique à une autre famille. 


TV 


En appliquant maintenant ces vues à la produe= 
lion de nouveaux cépages, il me semble qu'il x 
aurait intérêt à tenter les essais suivants : 

En ce qui touche aux influences dérivées des 
plasmas reproducteurs, essayer des fécondations 
par pollens de Vitis vinifera sur plants américains 
puis sur les races qui découleraient successive- 
ment de celte hybridation, de façon à produire; 
sinon des cépages nouveaux, directement utilisables 
par leurs fruits, au moins des porte-greffes modi- 
fiés par le pollen européen et dès lors aptes à 
se marier par greffage neutre et solide aux meil- 
leurs cépages de vinifera sans que le porte-grefte 
influence sensiblement le greffon en raison de la 
modilicalion préalable de ses plasmas. 

Pour ce qui est des influences réciproques du 
greflon et du sujet, il semble qu'un premier gref- 
fage, même à yrefle mixte, c'est-à-dire où la végé- 
tation du porte-greffe est assurée par la conserva- 
tion de quelques-uns de ses rameaux, ne confère 
au greflon qu'une partie des aptitudes du sujet, 
puisque nous avons vu que celui-ci est lui-même 

#modifié par le greffon. Mais, si un œil de greffe pris 

sur une branche déjà greffée sur un pied de race 
étrangère, et qui par conséquent est déjà modifié lui- 
même par la greffe qu'il a subie, est porté sur un 
second pied de cette même race n'ayant jamais 
subi de greffage, celui-ci communiquera au gref- 
fon déjà impressionné une nouvelle modifica- 
tion dans le même sens que le premier sujet; el, 
sices grefles successives sur pieds vierges de race 
pure se répètent une troisième, une quatrième 
fois, elc., on accumulera sur le greffon de troi- 
sième et quatrième portée les qualités du porte- 
grefle. Telles seront, si l'on a bien choisi celui-ci, 
la résistance au froid, à la sécheresse et aux 
moisissures, la hâtivité, l'abondance du fruit, etc. ; 
en même temps, on conférera à la race ainsi 
modifiée une plus grande fixité. 

Supposons que nous choisissions comme porle- 
greffe un plant américain, bien résistant au phyl- 
loxera, à la chlorose et aux moisissures, et pet où 
pas foxé. Greflé d'un de nos bons cépages fran- 
cais, il communiquera en quelque mesure à son 
greflon certaines de ses qualités secondaires, peut- 
être une parlie de sa résistance aux atteintes du 
phylloxera. Le greffage d'un bourgeon emprunté à 
ce rameau déjà impressionné, sur un autre pied 
vierge américain de même race, accentuera Sans 
doute encore la résistance acquise, et ainsi, de 
greffe en greffe jusqu'à la quatrième ou cin- 
quième opération. Que l'on sème alors la graine 
du cépage français ainsi modifié par ces grefles 
successives sur pieds vierges américains, il en 


RE ES SE ns à à. 


CH. MAURAIN — MAGNÉTISME ET COUCHES DE PASSAGE 


1059 


résullera des variélés nouvelles et l’on pourra 
recueillir celles où se sont accumulées à la fois les 
“propriétés du plant américain apte à la résistance 
“au phylloxéra, et qui aura le mieux conservé au 
fruit les qualités du plant français primilif. 

Mais j'entre ici dans le domaine de la pratique et 
je m'aperçois que je m'adresse à de savants agri- 
culteurs, des œnologues éminents, des profes- 
seurs de Viticulture, à qui je dois demander le 
résultat de leur expérience plutôt qu'essayer de 
suggérer mes idées et mes plans. En écrivant cet 
article, mon but à été seulement de tenter 
d'expliquer, d’après mes observations person- 
nelles et celles des autres, combien profondes 
sont les modifications que l’hybridation sexuelle 
. introduit dans la constitulion, dans la trame 
même du végélal, et comment le principe nou- 
veau de la coalescence des plasmas explique les 


» faits dits de variation spontanée et permet de les 


rapprocher des hybridations par pollens d'espèces 
ou de variétés différentes. Ce principe me parait 
donner la raison à la fois des modifications dites 
monstrueuses et de celles que les travaux des sa- 


vants modernes sur les effets de la greffe sont 
venus nous faire connaitre. L'étude méthodique, 
expérimentale, des modifications produites par les 
piqüres d’Insectes, la symbiose des Bactéries, des 
moisissures, des parasiles de toute espèce, les ino- 
culations de toxines ou de plasmas divers, et sur- 
tout les hybridations par greffe entre espèces voi- 
sines ou éloignées, constilue un vaste domaine plein 
de promesses pour l'avenir. Il me semble qu'éclai- 
rés par le principe de la coalescence des plasmas, 
qui permet de tenter et d'expliquer les alliances 
les plus lointaines et les plus imprévues, horticul- 
teurs ou viliculteurs ne seront désormais plus obli- 
gés, en dehors des variations obtenues par polli- 
nisation et semis, d'attendre de hasards plus ou 
moins heureux, mais toujours rares et incertains, 
la production de races nouvelles que, sans le prin- 
cipe de la coalescence, on ne savait comment expli- 
quer, diriger, imiter ou provoquer’. 


Armand Gautier, 


de l'Académie des Sciences, 
Professeur à la Faculté de Médecine de Paris, 


Le magnétisme a été, depuis une vingtaine d'an- 
nées, l'objet de nombreux travaux ; mais, si ceux-ci 
ont mis en évidence beaucoup de résultats nou- 
veaux ebont conduit en particulier à de notables 
améliorations dans l'industrie électrique, il en est 
assez peu qui aient contribué activement à une 
connaissance plus intime des actions magnétiques 


_ et de leur mécanisme. J'ai essayé d'augmenter cette 


catégorie d'expériences en étudiant non pas les pro- 
priétés de substances magnétiques ordinaires, mais 
celles de substances magnétiques en formation et 


. soumises à la force magnétique pendant leur for- 
. mation même. Il élait naturel d'employer des 


| 


dépôts électrolytiques. Le sujet est loin d’être nou- 
veau, car, dès 1860, Beetz! constata qu'on obtient 


. ainsi facilement la saturation magnétique, résultat 


favorable à la théorie de l'aimantation de Weber : 
mais je ne crois pas que, depuis cette époque, ce 
genre d'expériences ait été repris, 

J’indiquerai d'abord brièvement le principe des 
recherches : On sail que, pour aimanter un morceau 
de fer, il faut le soumettre à une force magnétique 
ou, comme on dit habituellement, le placer dans 


un champ magnétique, c'est-à-dire dans un espace 


4 Beerz : Pogg. Ann., t. CXI, p. 107-121 ; 1860. 


MAGNÉTISME, COUCHES DE PASSAGE 
ET ACTIONS À PETITE DISTANCE 


où agissent des forces magnétiques produites soit 
pas des aimants, soit par des courants électriques. 
On appelle intensité du champ la valeur de la 
force au point considéré. Le cas le plus favorable 
pour obtenir des résultats nets est celui où Le champ 
est uniforme, c'est-à-dire où la force y est cons- 
tante en grandeur et en direction. Dans mes expé-- 
riences, le dépôt électrolytique de fer s’opérait dans 
un champ magnétique uniforme, d'intensité connue, 
et un magnélomètre permettait de connaitre à 
chaque instant l’aimantation acquise par le dépôt. 

1° J'ai mesuré l’aimantation des dépôts pour diffé- 
rentes valeurs du champ magnétique agissant pen- 
dant leur formation; puis, les dépôts une fois for- 
més, j'ai étudié l’action exercée sur leur aimantation 
par un champ magnétique variable, c’est-à-dire que 
j'ai construit leurs courbes d'hystérésis. 

29 Au début de la formation de chaque dépôt se 
produit une perturbalion qui ne peut être attribuée 
qu à la cause suivante : les propriétés magnéliques 
d'une substance ne prennent une valeur définie 
qu'à une certaine distance de la surface. J'ai déter- 
miné l'épaisseur limite correspondante en effec- 


4 Mémoire lu le 16 novembre 1901, au Congrès interna- 
tional de l'hybridation de la Vigne, tenu à Lyon, 


1060 


CH. MAURAIN — MAGNÉTISME ET COUCHES DE PASSAGE 


tuant des dépôts de fer sur différents métaux, 
argent, cuivre, laiton, or, platine; j'ai étudié aussi 
des dépôts de nickel. 

3° Lorsque le dépôt de fer est effectué sur une 
électrode d'un métal magnétique préalablement 
aimantée elle-même, l’aimantation de l'électrode 
entraine une aimanlation du dépôt de même sens 
que la sienne, et cette action magnétisante au con- 
tact est si active qu'elle l'emporte sur l’action d'un 
champ magnétique de sens contraire, agissant en 
même temps. J'ai étudié en détail cette nouvelle 
action magnélisante. 

4° J'ai cherché comment varie cette action ma- 
gnétisante de l’électrode quand, au lieu d'effectuer 
le dépôt directement sur l’électrode aimantée, on 
recouvre d'abord celle-ci d’une couche très mince 
d'un métal non magnélique, c'est-à-dire que j'ai 
étudié le rayon d'activité de celte action magnéli- 
sante. 

Ce sont ces différents points que je vais examiner ; 
je n'entrerai pas ici dans les détails techniques ! et 
j'exposerai surtout les résultats, en indiquant l'in- 
térêt qu'ils présentent au point de vue général. 


I. —— ACTION DU CHAMP MAGNÉTIQUE SUR LES DÉPOTS 
ÉLECTROLYTIQUES. 


Les dépôts électrolytiques sont effectués à l'inté- 
rieur d'un long tube de verre vertical: les cathodes 
sont des tiges cylindriques disposées suivant l’axe 
du tube ; l’anode est une carcasse cylindrique en 
fils de platine, qu'on peut faire glisser le long dela 
paroi du tube; le champs magnétique est produit 
par un courant électrique circulant dans une bobine 
dont les spires entourent directement le tube de 
verre ; le magnétomètre est disposé près du tube. 


$ 1. — Aimantation acquise par les dépôts pendant 
leur formation. 


Supposons qu'on produise un dépôt, les condi- 
tions de l’électrolyse restant bien constantes, et le 
champ magnétique ayant aussi une valeur fixe. 
Sur l'échelle divisée qui recoit un rayon lumineux 
réfléchi par le miroir du magnétomètre, on 
observe un mouvement de la tache lumineuse : la 
déviation de cette tache à partir de sa position ini- 
liale mesure, à un moment quelconque, l'aimanta- 
tion totale du dépôt; si donc l'épaisseur de celui-ci 
croit proportionnellement au temps, et si l'aiman- 
tation acquise par chaque parcelle a une valeur 
constante, la courbe qui représente des déviations 
de la lache en fonction du temps doit être une 
ligne droite, et le coefficient angulaire de cette 
droite mesure l'intensité de l'aimantalion acquise 


1‘ On pourra les trouver dans le Journal de Physique el 


l'Eclairage Electrique. 


par le dépôt dans cette expérience. C’est bien ce 


que donne l'expérience, sauf cependant au début 
de chaque dépôt : il se produit là une perturbation 


dont je parlerai plus loin; les courbes ont, près de 


l'origine, une partie légèrement courbe, mais le 
reste est une ligne droite, ce qui permet de mesurer 
l'intensité d’aimantation de chaque dépôt. 

En effectuant une série de dépôts de fer dans 
des conditions identiques, et en faisant varier seu- 
lement le champ magnétique dans lequel est pro- 
duit le dépôt, on obtient une série de valeurs de 
l'intensité d'aimantalion, et on peut ainsi tracer 
une courbe représentant l'intensité d’aimantation 
des dépôts en fonction du champ. C’est la courbe A 
de la figure 1‘; pour qu'on puisse la comparer 
facilement avec la courbe d'aimantation ordinaire, 
j'ai déterminé celle-ci pour le même fer. Pour cela, 


i H 

10 20 30 yo 50 
Fig. 1.— Jntensilé d'aimantation d'un dépôt électrolytique 
en fonction du champ magnétique. — À, pendant sa for- 


mation: B, après sa formation. 


j'ai effectué un dépôt dans les mêmes conditions 
que les précédents, mais dans un champ magné- 
tique aussi faible que possible, c’est-à-dire en fai- 
sant passer dans la bobine un courant de sens et 
d'intensité Lels qu'il compensàl aussi exactement 
que possible la composante verticale du champ 
terrestre ; laimantation acquise par ce dépôt est 
très faible : après sa formation, on peut alors l'ai- 
manter à la manière ordinaire, en faisant croitre le 
champ magnélique produit par la bobine; on 
oblient ainsi la courbe B. On voit que la courbe 
d'aimantation des dépôts monte beaucoup plus vite 
que la courbe ordinaire; elle n’a, d'ailleurs, pas 
la mème allure : elle ne présente pas de point d'in- 
flexion, et sa croissance est très rapide dès l’ori- 


4 Dans cette figure, et dans les figures 2 et 3, les abscisses 
représentent les valeurs du champ en gauss (unité électro 
magn. C. G. S.), et les ordonnées les valeurs de l'intensité 
d'aimantatien en unités arbitraires. La forme de la courbe B 
vérifie, ce qui est bien connu, que le fer électrolytique se 
comporte comme un acier dur. 


_ Lhstitt bise dis, sé. 


ine ‘ ; dans chaque expérience donnant un point 
P 


- de la courbe À, le champ correspondant agit à 


chaque instant pendant la formation même du 


- dépôt; on doit donc considérer cette courbe comme 


donnant l’aimantation la plus grande que puisse 
atteindre le fer étudié sous l'action d'un champ 


» agissant seul. C'est, si l'on veut, une courbe nor- 


male d'aimantation. 


$ 2, — Courbes d’hystérésis des dépôts obtenus 


dans un champ magnétique. 


Un dépôt de fer ayant été formé dans un champ 
H,, on peut, en prenant certaines précautions sur 
lesquelles je n'insiste pas ici, étudier l'influence 
sur son aimantalion d'une variation du champ 
magnétique. 

D'abord, en ramenant le champ à 0, on constate 
que l’aimantation rémanente est très sensiblement 
égale à celle acquise par le dépôt pendant sa for- 
mation; cette aimantation est d’ailleurs moins 
sensible aux chocs que celle des aimants ordi- 
naires; les aimants obtenus ainsi sont donc de 
très bons aimants permanents; mais il est difficile 
d'en obtenir d’un peu épais. 

Les courbes des figures 2 et 3 indiquent suffi- 
samment l’action de cycles du champ magnétique ; 
on voit que l’hystérésis est très intense; on remar- 
quera l'allure de la branche AB, correspondant à 
l’action d’une augmentation du champ à partir de 
H,, qui n'est pas celle des courbes d’aimantation 
ordinaires. Un champ magnétique négatif croissant 
reste longtemps sans aclion sensible sur l'aiman- 


. 


Fig. 2. — Courbe d'hystérésis d'un dépôt électrolytique 
obtenu dans un champ magnétique. 


lalion du dépôt; pour une certaine valeur du 
champ, son action augmente brusquement et ren- 
verse bientôt cette aimantation. Lorsqu'on est ar- 
rivé à cette période de variation rapide et qu'on 


1 C'est pourquoi, quand on cherche à obtenir un dépôt 
non aimanté, en compensant le champ terrestre, la compen- 
sation n'étant jamais parfaite, il se produit toujours une 
certaine aimantation dans un sens ou dans l’autre. 


CH. MAURAIN — MAGNÉTISME ET COUCHES DE PASSAGE 


1061 


fixe un moment le champ, on conslate un trainage 
magnétique considérable, c'est-à-dire une varia- 
tion rapide d’abord, puis de plus en plus lente, de 
l’action du dépôt sur le magnétomètre; ce lrainage 
a ceci d'intéressant qu'il a lieu pour des valeurs 
élevées du champ magnétique. 

Les propriétés révélées par ces courbes presque 


Ï 
— -+ 

i 

1 

| 

rite x BASE 
30 2u 18 12 6 (o] 6. H,12 18 24 30 
Fig. 3. — Courbe d'hystérésis d'un dépôt électrolytique 


obtenu dans un champ magnétique. 


rectangulaires sont bien particulières aux dépôts 
obtenus dans un champ magnétique notable, car 
les courbes d'hystérésis obtenues avec des dépôts 
identiques, mais préparés, comme il a été dit plus 
haut, dans un champ presque nul, ont une forme 
ordinaire, bien plus arrondie. 

En résumé, les caractères de l'aimantation ac- 
quise par les dépôts formés dans un champ magné- 
tique sont d'être très élevée, relativement à celle 
obtenue par les procédés ordinaires (évidemment, 
pour les valeurs du champ qui n'entrainent pas la 
saturation par ces procédés), el très lenace. 


II. — PROPRIÉTÉS MAGNÉTIQUES DE COUCHES 
TRÈS MINCES DE FER. 


J'ai dit plus haut que les courbes qui représen- 
tent la marche du magnétomètre en fonction du 
temps pendant la formation d'un dépôt de fer sont 
des droites, sauf près de l’origine ; elles commen- 
cent par une partie courbe, concave vers le haut 
(fig. 4, courbe C; on n’a figuré qu'une partie de la 
droite, pour donner plus d'importance dans la 
figure à la partie courbe); l'interprétation nalu- 
relle de ce fait est que l'intensité d’aimantation 
acquise par les premières couches est plus faible 
que l'intensité bien définie acquise par les couches 
qui se déposent lorsque l'épaisseur du dépôt a dé- 
passé une certaine valeur; la forme de la portion 
iniliale de la courbe, qui se raccorde sans coude 
brusque avec la portion rectiligne, montre que 
l'intensité d'aimantation croit à mesure que l'épais- 
seur du dépôt se rapproche d'une valeur limite, à 


1062 


partir de laquelle lintensité devient bien dé- 
finie. On pourrait penser que cette perturbation 
initiale ne correspond pas à une varialion des pro- 
priétés magnétiques, mais à un trouble dans le 
début de l'électrolyse ; une discussion approfondie, 
que je ne reproduirai pas ici, montre que cette 
hypothèse est inadmissible. D'ailleurs, une preuve 
suffisante résulte d’un fait qu'il me reste à indi- 
quer : la partie initiale courbe est très netle pour 
les champs assez faibles, de quelques gauss ; mais, 
si l'on effectue le dépôt dans un champ plus intense, 
elle est moins marquée, et, si la valeur du champ 
est telle que l'aimantation soit dans la région de 
saturalion, c’est-à-dire si celle valeur dépasse 
douze ou quinze gauss, la partie courbe disparait 
pratiquement, c’est-à-dire qu'alors les premières 
couches s’aimantent à saturation comme les cou- 


Temps 


Fig. 4. — Intensité d'aimantation d'un dépôt électrolytique 
près de l'origine, — C, fer; C', nickel. 


ches suivantes: la différence des propriétés ma- 
gnétiques n'apparait que lorsqu'on opère dans 
des champs pour lesquels la saturation n’est pas 
atteinte. Or, pour revenir à l'hypothèse faite tout 
à l'heure, si la partie courbe provenait d'un 
trouble dans l'électrolyse, il n'y aurait pas de 
raison pour qu'elle disparaisse pour certaines va- 
leurs du champ. 

J'ai déterminé la valeur de l'épaisseur limite à 
partir de laquelle commence à se former une couche 
de fer de propriétés magnéliques bien définies, en 
opérant pour des valeurs convenables du champ, 
et en déduisant l'épaisseur de chaque dépôt de sa 
masse. J'ai pris comme supports des dépôts de diffé- 
rents mélaux, pour rechercher l'influence possible 
de la nature du support. Voici les moyennes des 
résultats obtenus pour chacun de ces métaux, en 
uy (millionièmes de millimètre). 


Dépôts sur argent. 79 pu 
— CUIVLE NE NE NU 
— TALONS A PR TENNEE ArON 
= L00 AE A ES Te D ERRAE 2: L 


— Platine ten ONCE 


CH. MAURAIN — MAGNÉTISME ET COUCHES DE PASSAGE 


La moyenne de toutes les déterminations est à 
très peu près 83 ve: eu égard aux difficultés des 
expériences, les nombres obtenus avec ces diffé- 
rents supports s'accordent suffisamment, et il 
semble bien qu'on puisse conclure des résultats 
précédents que la nature du métal pris comme 
support est sans influence. 

Les expériences du même genre relatives au 
nickel conduisent à des courbes dont la partie 
iniliale a, au contraire de celles correspondant au 
fer, un coefficient angulaire plus élevé que la partie 
rectiligne (exemple : courbe C, fig. 4); il en résulte 
que l'intensité d’aimantation est plus grande pour 
les premières couches que pour les couches sui- 
vantes; l'épaisseur à partir de laquelle commence à 
se former une couche de propriélés magnétiques 
définies est beaucoup plus grande que pour le fer, 
environ 200 uv. 

Des résultats précédents, que faut-il conclure, 
relalivement à l'épaisseur des couches de passage? 
Dans cette Revue’, M. Vincent a exposé el inter- 
prété les expériences se rapportant à ce sujet. J'y 
renverrai le lecteur; mais, pour indiquer nette- 
ment l'état de la-question, je résumerai ici les 
faits, dont plusieurs ont été acquis postérieure- 
ment au travail de M. Vincent, en les séparant de 
l'interprétation. Plateau” constate que la tension 
superficielle de membranes savonneuses reste 
constante quand leur épaisseur a été diminuée jus- 
qu'à A1A4uu (il n'a pas opéré sur des couches plus 
minces). MM. Reinold et Rucker * reprennent ces 
expériences et montrent que l'épaisseur à partir 
de laquelle la tension superficielle commence à 
varier est comprise entre 45 et 96 uw. M. Quincke 
cherche quelle épaisseur d’un certain corps solide 
il faut appliquer sur une surface de verre pour 
que la hauteur d'un liquide soulevée par capilla- 
rité le long de cette paroi (ou l'angle de raccorde- 
dement) prenne la valeur correspondant à ce corps 
intermédiaire ; il trouve celle épaisseur limite : 


pour le système verre-argent-eau. . . . . . . . > bäuu,2. 
— verre-iodure d’argent-mercure. — 59. 
— verre-sulfure d'argent-mercure. = ASuÿ,3 
— verre-collodion-mercure. . . . 80. 
' 


M. Vincent” trouve, comme résultat d'expériences 
faites avec le plus grand soin, que des lames minces 
d'argent ne renferment une couche intérieure de 
conductibilité électrique bien définie que quand 
leur épaisseur est supérieure à 50 mr. 


1 G. Vixcenr : Revue gén. des Sciences, t. X, p, #18; 1899, 

2 PLareau : Statique des liquides, t. 1, p. 204-211. 

3 Reno et Rucker: Phil. Trans. Roy. Soc. London, 
1881, 1883, 1886, 1893. 

1 G. Quincke : Pogg. Ann., t. CXXXVII, p. 402-414; 1869. 

s G. Vincenr : Loc. cit. et Ann. de Ch. et de Ph., t. XIX, 
p. 421-516; 1900. 


M. Vincent déduit des résultats précédents qu'il 
existe deux couches de passage, une sur chaque 
face, ayant une existence objective, dont les épais- 
eurs ont une somme voisine de 50 ur, et il émet 
l'hypothèse‘ que celte épaisseur est la même pour 
tous les corps. 

- M. Moreau à obtenu, plus récemment, des résul- 
Mats qui appuient l'hypothèse précédente : il mesure 
l'effet Hall sur des lames d'argent de différentes 
épaisseurs, et trouve que la couche intérieure pour 
laquelle le coefficient de l'effet Hall a une valeur 
définie n'apparaît que quand l'épaisseur des lames 
dépasse 50 ey; puis, il opère sur des lames d'argent 
recouvertes de nickel par électrolyse, et mesure soit 
l'effet Hall, soit la conductibilité électrique de l’en- 
semble : en calculant ce qui, daus chaque mesure, 
doit se rapporter à l’argent, il trouve par différence 
. ce qui correspond au nickel; les résultats relatifs à 
ce métal sont les mêmes que pour l'argent, c'est-à- 
dire que les deux procédés conduisent à une épais- 
seur limite de 50 y. 

Enfin, parmi les expériences du même genre, on 
doit ranger la suivante : M. H. Weber* a cherché 
pour quelle épaiseur d'huile répandue sur l'eau la 
tension superficielle devient constante, et a trouvé 
145 vu (en indiquant que cé résultat est un peu 
trop fort, à cause d'un détail d'expérience). 

Il faut remarquer qu'en s'adressant à d'autres 
propriélés physiques, on obtient des résultats dif- 
férents : ainsi, l'indice de réfraction de l’iodure 
d'argent garde une valeur pratiquement constante, 
mème à des épaisseurs très inférieures à 50 eg; si 
cette quantité varie avec la profondeur, sa variation 
est soit Lrès faible, soit localisée dans une couche 
d'épaisseur très petile par rapport à 50 vv; la densité 
semble se comporter de même”. 

Voici maintenant des résultats obtenus en utili- 
sant les propriétés optiques" : M. Mascart’ trouve 
que la valeur de l'incidence principale, dans la 
réflexion sur le verre argenté, croit d'une manière 
continue avec l'épaisseur d'argent, et qu'elle n'a 
pas alteint encore une valeur définitive pour une 


LS ÉTÉ RS né de cn éd 


1 M. Bouass> avait déjà interprété de mème les résultats 
de M. Quincke (Ann. de Ch. et Ph., (5), t. XXVIIL, p. 172; 
1893). M. Quincke les interprète autrement : il pense que les 
nombres qu'il trouve donnent le rayon d'activite moléculaire. 

= G. Moreau : J. de Physique, (3), X, p. #18; 1901. 

# H. Weser : Drude's Ann. d. Physik, t. IV, p. 106-719; 
1901. 

4 D'après l'auteur, ce résultat indiquerait que la valeur du 

. 3 5 
rayon d'activité moléculaire est — , résultat qui lui semble 


bien s'accorder avec celui de M. Quincke. 

* Ces faits résultent de l'accord qui existe entre les résul- 
tats de mesures d'epaisseurs par différentes méthodes, où 
interviennent ces deux quan'ités. 

5 On doit reconnaitre que l'interprétation de ces résultats 

- est particulièrement délicate. 


1 E. Mascarr : C. R. de l'Acad. des Sciences, t. LXXNI, ! 


p. 866; 1873. 


CH. MAURAIN — MAGNÉTISME ET COUCHES DE PASSAGE 


1063 


épaisseur d'environ 138 u'. M. Wiener” a montré 
que la varialion de phase éprouvée par la [lumière 
dans Ja réflexion normale sur une couche d'argent 
devient constante dès que l'épaisseur de la couche 
atteint 42 us. M. Meslin', en opérant sur des lames 
dorées, a constaté que l'incidence principale croit 
d’abord avec l'épaisseur d’or, a un maximum pour 
29 y, puis un minimum pour 4lux, puis augmente 
de nouveau; il a constaté aussi que la variation 
de phase dans la transmission croil d’une manière 
continue avec l'épaisseur d’or, celle-ci ayant varié 
de 6 à 9% vu, sans avoir atteint encore de valeur 
définitive. 

M. Oberbeck" s'estadressé aux forces électromo- 
trices entre un métal et un liquide; ilcherche pour 
quelle épaisseur minimum de zine, par exemple, 
recouvrant une lame de platine, la force électro- 
motrice entre la lame et une solution d’un sel de 
zinc où elle est plongée prend la valeur constante 
correspondant à une lame de zinc compact; iltrouve, 
pour cette épaisseur limite, des valeurs oscillant 
entre ? et 3 uv pour le zinc, 1 à 2 y pour le cadmium, 
el inférieures à 4 eg pour le cuivre. 

Enfin, mes propres résullats montrent que la 
variation des propriétés magnétiques se fait encore 
d'une manière différente, qui dépend de la nature 
du métal et de la valeur du champ magnétique. 

Il me semble donc que l’altribulion aux couches 
de passage d’une existence objective avec une épais- 
seur constante n'est pas suffisamment justifiée; 
ce qui est hors de doute, c'est que dans les couches 
superficielles les propriétés physiques varient, à 
cause des actions moléculaires; maisilne paraît pas 
probable que ces actions aient sur les diflérentes 
propriélés physiques une influence tellequ'une dis- 
continuité se produise toujours à la même profon- 
deur, quel que soit le corps, et je crois que, dans la 
considération des couches de passage, il faut tenir 
compte el de la nature du corps et de celle de la pro- 
priélé physique considérée. 


III. — ACTION MAGNÉTISANTE DE CONTACT. 


Dans les expériences relatées jusqu'ici, la cathode 
recevant le dépôt était d'un métal non magnéti- 
que, et l’aimantation du dépôt se faisait sous l’action 
d’un champ magnétique restant constant pendant 
toute sa formation. Supposons maintenant que la 
cathode, tout au moins sa surface, soit d’un métal 
magnétique, et préalablement aimantée, et que le 
champ extérieur soit, au contraire, aussi faible que 


‘ M. Mascart évalue les épaisseurs en fraction de la lon- 
sueur d'onde de la partie la plus brillante du spectre; la 
plus grande épaisseur correspond à la fraction 0,23. 

2 O. Wrexer : Wied. Ann., t. XXXI, p. 669; 1887. 

3 G. MEsux : Ann. de Ch. et de Ph., (6), t. XX, p. 56; 1890. 

4 A. Osenvecx : Wäed. Ann., t. XXXI, p. 338-359; 1881. 


106% 


possible : l'expérience montre qu'alors les couches 
déposées par électrolyse prennent, sous l’action de 
la cathode aimantée, une aimantation de même 
sens que celle de la cathode, et peu inférieure, en 
général, à celle-ci. De plus, si, pendant la forma- 
tion du dépôt, on fait agir un champ, qui, agissant 
seul, entrainerait une aimantation de sens inverse 
à celle de la cathode, l’action magnétisante de la 
cathode l'emporte sur celle de ce champ inverse, 
c'est-à-dire que les couches qui se déposent s’ai- 
mantent dans le sens de l'aimantation de la 
cathode. On peut 
opérer ainsi avec 
un champ magné- 
tique inverse de 
plus en plus in- | 
tense : l’action de 
la cathode sur les 
premières couches 


En 
magnetometre 
RE "mn, de l'echelle 


va 


CH. MAURAIN — MAGNÉTISME ET COUCHES DE PASSAGE 


! 
| 
| 


et devient même négalive au bout d'un certain 
temps si le champ négatif est assez intense; dans 
ce dernier cas, on peut observer une action cu 
rieuse : ces couches à aimantation négative agis- 
sent à leur tour sur les couches antérieures : leur 
action s'ajoute à celle du champ négalif et arrive 
à un certain moment, si on les laisse s'accroilre, à 
renverser de proche en proche l’aimantation des 
couches antérieures; il se produit alors un trainage 
énergique, et bientôt s'est établie dans toute la 
masse une aimantation négative déterminée, dont 
l'intensité dépend 
de Ja valeur du 
champ. 

Ces résultats me. 
paraissentêtre 
une sorte de vé- 
rification expéri- M 
mentale des hy-. 


Ts, s 


déposées l’em- 
porte toujours sur 
celle du champ 
et cela jusqu'à ce 
que le champ in- 


pothèses de M. 
Ewing! sur les 
liaisons magnéti- 
ques des parli-. 
cules* et éclairer 


verse soit assez 
intense pour ren- 
verser l’aimanta- 
tion même de la 
cathode *. 

On peut donc 
dire que l’action 
de la cathode sur 
l'aimantation des 
couches qu'elle re- 
coit reste toujours . 
prépondérante. 

Ce qui précède 


x 1 > _ ? d 

se rapporte à l'ai- Fig. 5. — Intensités d'aimantation des depôts obtenus dans un champ tion d'un champ * 

mantation des pre- magnétique sur cathode aimantée recouverte de couches d'or de diverses sur un noyau ma. 
épaisseurs, — En a, dépôt direct sur cathode aimantée; en b, dépôt sur 


mières couches dé- 
posées sur la ca- 
thode aimantée ; 
si le champ négatif est considérable et qu'on 
continue le dépôt électrolytique, l'aimantation 
posilive des couches successives diminue lentement 


‘ Dans ces expériences, j'utilisais comme cathodes des 
dépôts de fer sur laiton, obtenus dans un champ magnéti- 
que, comme il a été dit plus haut; nous avons vu que leur 
aimantalion est très stable, résiste à des valeurs considé- 
rables d'un champ inverse, et cède brusquement quand ce 
champ atte nt une certaine valeur : lorsque, dans les expé- 
riences actuelles, on arrive à cette région critique du champ, 
des phénomènes de traînage se produisent dans les couches 
primitives, et l'indication du magnétomètre ne permet plus 
de voir ce que devient l'aimantation des nouvelles couches; 
d'ailleurs, bientôt l'aimantation des couches primitives 
étant devenue négative par suite de ce traînage, son action 
de contact devient de même sens que celle du champ négatif. 


cathode non aimantée; entre deux, dépôts sur couches d'or d'épaisseurs 
données en millimètres. 


a le mécanisme de 
l'hystérésis ; l'in-. 
fluence directrice 
qui s'exerce dans 
mes expériences 
entre les particu- 
les voisines existe 
aussi dans un « 
noyau magnétique 
quelconque, et. 
cause, au moins 
en grande partie, 
le retard dans l'ac- 


gnétique; cette 
action directrice, 
et par suite l'hys- 
lérésis, se manifestent d'une façon particulière-" 
ment marquée quand il y a déjà une direction 
d'orientation générale des particules, c'est-à-dire 
quand le noyau est aimanté; dans mes dépôts, 
où l'orientation a été aussi complète que possible, 
l'hystérésis est aussi extrêmement intense. Les 
phénomènes de lrainage correspondent aux cas 
où ces actions cèdent de proche en proche, après. 
une impulsion due à une varialion du champ; dans 


! J.-A, Ewixc : Revue gén. des Sciences, t. Il, p. 737, 1891; 
et, pour plus de détails : Magnetic Induction in LZron, 
London, 1894. S 

2 Sans préjudice, évidemment, des liaisons moléculaires 
d'autre nature. 


les conditions ordinaires, on les constate le plus 


“facilement quand un champ faible agit sur un 


noyau primilivement non aimanté, parce que, 
comme il n'y à pas alors d'orientation générale, 
les actions directrices intérieures sont faibles, et 
une légère action initiale suffit pour les troubler 
de proche en proche. 


IV. — RAYON D'ACTIVITÉ DE L'ACTION 
MAGNÉTISANTE « DE CONTACT ». 


L'action magnétisante dont il vient d'être parlé 


. est une action moléculaire, comme celles qui inter- 


viennent dans les phénomènes capillaires, ou 
comme les actions directrices qui s'exercent dans 
l'accroissement des cristaux. L'occasion était favo- 
rable d'essayer d'obtenir des renseignements sur 
le rayon d'activité d’une action moléculaire déter- 
minée. J'ai cherché comment varie l’action de Ja 
cathode aimantée lorsqu'au lieu d'y déposer direc- 
tement les couches magnétiques on commence 
par recouvrir la cathode d’une couche d’un métal 
non magnétique. J'ai utilisé des couches d'or, de 
cuivre et d'argent déposées par électrolyse, et dont 
l'épaisseur était déduite de leur masse. Pour que 
les résultats fussent comparables, j'ai fait toutes les 
expériences dans les mêmes conditions; celles qui 
m'ont paru les plus favorables sont d'opposer à 
l'action de cathodes fortement aimantées (prépa- 
rées toujours de même) celle d'un faible champ 
(1 g, 65) de sens inverse à celui de l’aimantation 
de la cathode; de cette façon, en augmentant gra- 
duellement l'épaisseur de la couche non magnéli- 
que intermédiaire, l’action du champ inverse 
devient de plus en plus forte par rapport à celle de 
la cathode, et finit par l'emporter complètement. 

Le meilleur moyen de représenter les résullals 
est de construire, à partir d'une même origine, 
les courbes représentant pour les différentes expé- 
riences la déviation du magnélomètre en fonction 
du temps, compté à partir du commencement du 
dépôt. Le coefficient angulaire d’une telle courbe 
représente à chaque instant, comme nous l'avons 
déjà vu, la valeur de l’aimantation des couches 
déposées pendant cet instant, et l’ordonnée repré- 
sente l'intégrale de l’aimantalion de la couche 
totale déposée depuis le début de l'expérience. Je 
ne reproduis ici que les courbes correspondant 
à des couches intermédiaires d'or (fig. 5) et de 
cuivre (fig. 6). Dans chaque figure, la courbe a 
est celle obtenue en effectuant le dépôt de fer 
directement sur la couche aimantée, sans aucun 
intermédiaire; la courbe À est celle obtenue au 
contraire en effectuant le dépôt sur une cathode 
de laiton, auquel cas le dépôt s'aimante sous 
l’action unique du même champ négalif qui 


CH. MAURAIN — MAGNÉTISME ET COUCHES DE PASSAGE 


1065 


s'exerce dans. toutes ces expériences. Entre ces 
deux courbes extrêmes s'échelonnent celles qui 
sont obtenues pour différentes épaisseurs de la 
couche d'or ou de cuivre intermédiaire, les nombres 
placés à côté de chaque courbe indiquant en uy 
(millionaièmes de millimètre) l'épaisseur correspon- 
dante. Les abscisses des courbes donnent le lemps 
en minules; l'épaisseur de fer déposée par minute 
était d'environ 38 ve. 

On voit que, pour une couche intermédiaire de 20 
à 25vy, le coefficient angulaire est déjà notable- 
ment diminué; pour 304 l'allure est complète- 


|Péviatior # 


Fig. 6. — Intensités d'aimantation des dépôts obtenus dans 
un champ magnétique sur cathode aimantée recouverte de 
cuivre de diverses épaisseurs, — En a, dépôt direct sur 
cathode aimantCe; en b, dépôt sur cathode non aimantée; 
entre deux, dépôt sur couches de cuivre d'épaisseurs 

données en millimètres. 


ment modifiée : les premières couches de fer 
seulément s’aimantent dans le sens de l'aiman- 
tation de l’électrode; bientôt l'action du champ de 
sens inverse l'emporte et le coeflicient angulaire 
change de signe, sa valeur absolue augmentant 
peu à peu; pour les épaisseurs plus fortes, l'action 
du champ inverse l'emporte dès le début, et la 
courbe tend vers celle obtenue quand la cathode 
est entièrement formée d'un métal non magné- 
tique ‘. 


4 On peut remarquer que la partie initiale troublée qui 
a servi plus haut à étudier les propriétés des premières 
couches n'apparait pas dans les courbes où dowine l’action 
magnétisante de l'électrode ; elle réapparait quand les 


1066 


CH. MAURAIN — MAGNÉTISME ET COUCHES DE PASSAGE 


Les courbes des deux faisceaux eorrespondant 
à l'or et au cuivre s’échelonnent à peu près de 
même’; lorsque les couches intermédiaires sont 
d'argent, on obtient encore des courbes de même 
allure, s'échelonnant entre à et D, mais la valeur 
trouvée pour l'épaisseur d'argent qui produit une 
certaine modification est notablement plus grande 
que celle d'or ou de cuivre produisant le même 
effet. Je ne crois pas qu'il faille conclure de ce 
dernier résullat que la nature de la couche inter- 
médiaire influe sur le mode de transmission de 
l’action de la cathode aimantée : les couches inter- 
médiaires d'argent sont plus difficiles à obtenir ré- 
gulières que celles d’or ou de cuivre, etla mesure de 
leur épaisseur comporte moins de précision. C'estle 
parallélisme des résultats obtenus avec l'or et le 
cuivre qui semble au contraire à retenir. D'ailleurs, 
il serait bien extraordinaire que cette couche non 
magnétique joue dans la transmission d'une action 
magnétique un rôle où intervienne autre chose que 
son épaisseur. 

L'interprétation rationnelle des résultats précé- 
dents est que l’action magnétisante de l’électrode 
se fait sentir à de faibles distances, à travers les 
couches intermédiaires, mais décroit très vite 
quand la distance augmente. On pourrait objecter 
qu'il est possible que ces couches si minces pré- 
sentent des trous, par lesquels se réaliserait le 
contact immédiat des nouvelles couches de fer 
avec la cathode aimantée; l'action de celle-ci 
serait de moins en moins forte parce que la sur- 
face des trous diminuerait, à mesure que la masse 
intermédiaire augmente. Je ne crois pas cette 
hypothèse admissible : d’abord, l'examen attentif 
des dépôts intermédiaires semble montrer qu'ils 
sont bien continus; de plus, la modification régu- 
lière des courbes s'expliquerait difficilement dans 
l'hypothèse des trous; enfin, dans plusieurs expé- 
riences faites en amalgamant la couche intermé- 
diaire, j'ai obtenu des courbes tout à fait analogues 
aux précédentes *. 


couches intermédiaires sont assez épaisses pour que cette 
aclion soit faible devant celle du champ magnétique. 

! La grande difficulté qu'il y a à rendre les expériences 
exactement comparables et les difficultés expérimentales 
elles-mêmes, ne permettaient guère d'espérer une concor- 
dance plus complète. 

? Il est c-pendant possible qu'il y ait, par accident, 
quelques trous, dont l'influence aurait peut-être une part 
dans la forme de la première parlie de certaines courbes 


Ces expériences donnent ainsi des renseigne= 
ments sur la variation avec la distance d’une 
aclion moléculaire, action un peu particulière, il 


est vrai; on ne possédait guère jusqu'ici à ce sujel 


que des renseignements indirects, obtenus en inter 
prétant les résultats expérimentaux que j'ai résumés 
plus haut à propos des couches de passage‘; je 
ferai ici une remarque analogue à celle que j'ai 
faite à propos des couches de passage : on ne doit 
pas parler, à mon avis, du rayon d'activité molé- 
culaire en général, mais d’un rayon d'action dans 
chaque cas; ainsi, il semble que la distance à 
laquelle l'attraction des molécules les unes sur les 
autres est sensible dépende de la nature du corps; 
M. Brillouin” à montré que cette distance doit être 
beaucoup plus grande pour les corps isotropes 
que pour les cristaux, et que, pour ces derniers, elle 
est en relation avec leur symétrie; il y a d’autres 
rayons d'action à considérer, par exemple celui de 
action des molécules sur l’éther, qui intervient 
dans les propriétés optiques, et celui dont il s'agit 
ici, relalif aux actions magnétiques ?. 

En somme, ces expériences ont conduit à quel- 
ques résultats nouveaux concernant les propriétés 
magnétiques, et ont permis d'explorer un peu les 
phénomènes relatifs aux aclions à petite distance; 
ces phénomènes sont encore bien peu connus; on 
n'aura de chances d'en trouver les lois que quand 
on aura rassemblé un grand nombre de faits; les 
recherches précédentes apportent à cette œuvre 
une modeste contribution. 

Ch. Maurain, 


Maître de Conférences 
à la Faculté des Sciences de Rennes. 


correspondant à des couches intermédiaires d'or, qui pa- 
raissent un peu surélevées par rapport à l’ensemble. 

1 Voir l’article de M. Vixcewr, dans la Revue générale des 
Sciences, t. X, p. #18, 1899. 

2 M. Brizzoui : Ann. de Ch. et de Ph. (1), t. NI, p: 540; 
1895. 

3 Il serait fort intéressant de faire des expériences du 
genre de celles-ci sur l'accroissement des crislaux, c'est- 
à-dire de chercher à recouvrir un cristal de couches étran- 
gères assez minces pour qu'en le plongeant ensuite dans 
un bain nourmsseur, le cristal continue à s'accroilre dans 
son ensemble, puis de couches assez épaisses pour qu'elles 
se comportent comme un support quelconque, et sur les- 
quelles se formeraient de petits cristaux indépendants. Maïs, 
d'après les raisonnements de M. Brillouin, les premières 
couches devraient être beaucoup plus minces que celles 
réalisées ici. Quelques essais que j'ai tentés dans cette voie 
ne m'ont donné aucun résultat. 


| 
- 
| 


qu'ils ont de changer de forme et de se mouvoir. 
Tantôt, cette propriélé semble appartenir à tout 
l'individu; tantôt, certaines parties de cet individu 
se différencient et sont plus spécialement destinées 
à la locomotion et aux divers mouvements. Dans 
ce dernier cas, ces organes portent le nom de 
muscles; les muscles présentent dans la série 


. animale la plus grande variété. Cette variété est due 


à la grande diversité de mouvements que les 
muscles doivent produire : chacun a une fonction 
physiologique différente et, par suite, une autre 
structure tant au point de vue macroscopique 
qu'au point de vue histologique. Il est, en effet, un 
principe qui doit aujourd'hui dominer toute l'Ana- 
tomie et la Physiologie, c’est le principe de l'adap- 
tation fonctionnelle. Le muscle permet, d'une 
facon relativement facile, d'étudier la relation qui 
existe entre la structure d'un organe et sa fonction, 
et nous ferons notre possible, dans cet article, pour 
faire apparaître cette relation. Nous arriverons 
aisément à ce résullat dans quelques cas particu- 
liers, sans pouvoir toutefois poser de lois géné- 
rales, trop de points de ce champ immense restant 
encore inexplorés. 

Il importe, au début d’une étude pareille, de 
bien déterminer les limites du cadre dans lequel 
nous désirons rester. Il ne semble pas qu'il y ait 
lieu d’y faire rentrer tous les tissus susceptibles de 
changer de forme : il faudrait, pour cela, y com- 
prendre les globules blancs du sang, par exemple. 

En effet, si l'on observe au microscope un globule 
blanc ayant une forme sphérique au moment où 
l’on vient de le déposer avec une goutte de lymphe 
sur une lame de verre, on le voit bientôt se 
déformer spontanément, pousser des prolonge- 
ments appelés pseudopodes qui s'allongent et se 
rétractent et à l'aide desquels le globule se 
déplace. Si l’on désirait éludier de la facon la plus 
complète les phénomènes du mouvement dans la 
vie, on ne pourrait se limiter à la Zoologie; il 
faudrait en sortir pour pénétrer dans le domaine 
de la Botanique. Il existe, en effet, des plantes qui, 
sous l'influence d'une excitation extérieure, sont 
susceplibles de mouvoir certaines de leurs parties; 
c'est ainsi que nous voyons la Sensitive (J/imosa 
pudica) replier ses feuilles quand on vient à les 
toucher. D’autres plantes, en grand nombre, ouvrent 
ou ferment leur corolle à diverses heures de la 


D' G. WEISS — LE MUSCLE DANS LA SÉRIE ANIMALE 


1067 


LE MUSCLE DANS LA SÉRIE ANIMALE 
PREMIÈRE PARTIE : DISPOSITION ET ARCHITECTURE DES MUSCLES 


+ Une des conditions les plus essentielles de l'exis- ! journée. Certains Cryptogames, enfin, peuvent se 
tence des êlres organisés réside dans la faculté 


déplacer dans le milieu ambiant, soit en rampant à 
la surface de corps solides, soit en nageant dans 
l’eau; telles sont la fleur de tan et quelques algues 
unicellulaires. 

Les Protozoaires n'exécutent leurs déplacements 
que grâce à un mouvement pareil à celui du glo- 
bule blanc, et appelé mouvement amæboïde, ou à 
leurs cils vibratiles. Ces cils vibratiles, uniques ou 
multiples, parfois en très grand nombre, sont de 
pelits prolongements filamenteux exécutant une 
série d’oscillations et faisant progresser le petit 
êlre microscopique dans un milieu liquide, comme 
les mouvements des rames ou de la godille font 
avancer une barque à la surface de l’eau. Les cils 
vibratiles ne se rencontrent pas seulement chez les 
organismes inférieurs : on les retrouve dans toule 
la série animale. Mais ils ont alors un autre rôle 
que de permettre à une cellule de se déplacer; 
ils agitent le milieu ambiant, y produisent des 
courants et entraînent les particules solides pour 
les rejeter hors de certaines cavités. C'est ainsi que 
les bronches, pour ne citer qu'un exemple, sont 
tapissées par un épithélium à cils vibratiles qui 
orientent vers l'extérieur la marche de la moindre 
poussière qui s'y est introduite accidentellement. 

Les cils vibratiles sont les organes différenciés 
du mouvement les plus rudimentaires ; aussi, 
certains expérimentaleurs ont-ils entrepris leur 
étude, ainsi que celle des mouvements amœboïdes, 
dans le but d'éclaircir le phénomène encore si 
mystérieux de la contraction musculaire. Ces 
organismes, étant à la base de l'échelle des êtres, 
semblaient, par suite de leur simplicité anatomique, 
se présenter sous la forme la plus schématique à 
l'expérimentalion physiologique. Mais ces espé- 
rances n'ont pas été couronnées de succès; pas un 
progrès n’a élé fait de cette facon dans la physio- 
logie du muscle. Ce résullat aurait pu être prévu. 
Si, en effet, un organisme est idéalement simple, si 
aucune de ses parties n’est différenciée, c'est qu'un 
même substratum doit être le siège de loutes les 
fonclions de cet organisme. Toutes ces fonclions 
sont mélangées, et, quand on veut étudier l'une 
d'elles, on se {rouve en contradiction avec ce prin- 
cipe fondamental qui dit à l’expérimentateur de 
toujours commencer par isoler le plus possible le 
phénomène objet de ses recherches. Il vaut bien 
mieux, au contraire, s'adresser à des individus 
hautement différenciés, chez lesquels chaque 


1068 


D' G. WEISS — LE MUSCLE DANS LA SÉRIE ANIMALE 


fonction est neltement localisée dans un organe 
spécial. En particulier pour ce qui regarde l'étude 
du muscle, nous pouvons dire que les recherches 
ont toujours été d'autant plus fécondes qu’elles ont 
porté sur un musele plus spécialisé dans sa fonction 
et plus compliqué en apparence. 

Les mouvements amæboïdes sont généralement 
d'une grande lenteur ; il faut suivre un globule 
blanc sous le microscope pendant plusieurs 
minutes pour le voir changer de forme d'une 
façon appréciable. Les oscillations des cils vibratiles 
sont, au contraire, très rapides, et divers auteurs 
ont fait remarquer que celte rapidité des mouve- 
ments est loujours liée à une disposition fibrillaire 
des tissus. Celle conclusion s'appuie sur un grand 
nombre de faits, dont nous pouvons citer d'autres 
exemples sans sortir du groupe des Protozoaires. 
Quand on ramasse les feuilles qui nagent à la sur- 
face d’un bassin et qu'on les place dans un cristalli- 
soir contenant de l’eau, il suffit, au bout de quelques 
jours, d'examiner au microscope une goutte de cette 
eau pour y trouver une foule d'Infusoires. Parmi 
eux, on distingue facilement des Vorticelles, ressem- 
blant à une fleur en corolle rattachée à un support 
fixe par une tige portant ici lenom de style. Ce style 
est allongé, parfois légèrement flexueux, mais il 
suffira de donner un léger choc sur la lame porte- 
objet ou sur le pied du microscope pour voir le 
style se rétracter brusquement en hélice. Un 
moment de repos suffira pour qu'il se déroule 
lentement, et l’on pourra recommencer l'expérience. 
Un examen soigné du style de la Vorticelle permet 
de constater que son axe est composé d’un fais- 
ceau de fibrilles, et c'est à leur présence qu'il faut 
attribuer la rapidité du mouvement de rétraction. 
Il importe de remarquer que cette rapidité de 
mouvement est sous l'influence d’autres conditions 
que la structure anatomique ; ainsi, elle varie 
beaucoup avec la température, comme l'ont fait 
remarquer tous les auteurs qui se sont occupés de 
celle question. En plaçant les Infusoires dans de 
l'eau froide, tous les mouvements sont très lents ; 
à mesure que l'on chauffe, on les voit s’accé- 
lérer; ils passent par un maximum, puis dimi- 
nuent de nouveau et s'éteignent définitivement 
pour une température variable suivant les espèces. 
Mais, comme nous le verrons plus loin, l'influence de 
la chaleur sur le mouvement s'étudie d’une facon 
beaucoup plus simple et plus précise sur les muscles 
des animaux supérieurs ; nous n’insisterons donc 
pas davantage sur la locomotion des Protozoaires 
et nous passerons immédiatement aux Métazoaires. 

L’élude du muscle dans la série animale n'a en- 
core jamais été entreprise d'une facon systémalique, 
ni au point de vue anatomique ni au point de vue 
physiologique. Il n'existe que des monographies 


structure histologique, c'est-à-dire la facon dont. 


plus ou moins complèles sur les muscles de tel ow 
tel animal; très souvent, leur auteur a complètement 
négligé tout un côté de la question. Nous allons 
faire tous nos efforts pour réunir et classer le 
principaux documents épars dans la science; il 
subsistera malheureusement bien des lacunes. 

Il ne semble pas que la meilleure marche à suivre 
soit de prendre successivement les diverses espèces 
animales et de faire une étude complète de tous 
leurs muscles ; une pareille méthode pourrait con 
venir pour un dictionnaire ou un ouvrage destiné 
à fournir des documents, mais serait déplorable 
dans une étude ayant pour but de donner une vue 
d'ensemble sur la disposition et la fonction des 
muscles dans la série animale. 

Nous allons, en premier lieu, diviser notre sujet 
suivant les divers points qu'il s'agit d'étudier : 

4° Nous examinerons d'abord la facon dont less 
muscles sont construits, indépendamment de leur 


les différentes fibres sont disposées les unes par 
rapport aux autres pour répondre le mieux possible 
aux besoins de la fonction de chaque muscle, sui=. 
vant le rôle qu'il doit jouer dans l'organisme dont 
il fait partie ; L 
2° Nous décrirons comment varie la structure 
histologique du muscle dans la série animale ; 

3 Nous rechercherons s'il est possible, avec les 
documents que nous possédons actuellement, d'éta=, 
blir une relation entre la fonction physiologique 
des divers muscles et leur structure histologique; 

4 Nous verrons par quels stades passe le muscle « 
des Vertébrés pour atteindre le degré élevé de per- 
feetion qu'il possède. 


I. — DiSPOSITION DES FIBRES MUSCULAIRES. 


Tous les muscles sont composés de fibres ou de 
cellules plus ou moins allongées. Ces fibres sont 
agencées de telle sorte que leur disposition est, 
dans chaque cas particulier, la plus favorable pour | 
l'effet à obtenir. Autrement dit, dans tout muscle, 
les fibres sont groupées de facon à ce que ce muscle 
soil parfaitement adapté à sa fonction. 

Toute l'architecture des muscles est réglée par. 
les deux principes suivants : : 

1° Dans un musele, la partie fibrillaire contractile 
est d'autant plus longue que ce musele doit se rac- 
coureir davantage au moment de sa contraction; 

2° Dans un muscle, le nombre de fibres placées 
côte à côte et agissant simultanément pour ajouter 
leur effet de traction est d'autant plus considérable 
que l'effort à développer par le muscle au moment … 
de sa contraction est plus grand. 

Le premier de ces deux principes résulte deceque 


toute fibre musculaire se raccourcit, au moment de 


; 


eee 


| 
simple petit problème de mécanique animale. 
À 
1 


sa contraction, d'une fraction déterminée de sa va- 
eur, variable bien entendu suivant la nature de la 
fibre musculaire. Cette fraction semble varier entre 
95 °/, et 60 °/,. Supposons, pour fixer les idées, 
qu'une certaine espèce de fibre musculaire se rac- 
courcisse de 50 °/, de sa longueur au moment de 
sa contraction la plus énergique. Pour obtenir un 
déplacement de un centimètre, il faudra un muscle 
ayant 2 centimètres de longueur de fibre. Si nous 
voulons un raccourcissement de 2 centimèlres, ces 
fibres devront avoir 4 centimètres, et ainsi de suite. 
C'est ce qui est exprimé par le premier principe. 

Quant au deuxième principe, il n’y a pas lieu d'y 
insister ; il est évident que, chaque fibre ne pouvant 
exercer qu'une traction déterminée, il faudra d'au- 
tant plus de fibres que l'effort total à développer 
est plus considérable. De même qu'un cheval ne 
pouvant trainer qu'un poids déterminé, si ce poids 
devient deux fois, trois fois, etc., plus grand, il 
faudra employer deux, trois, etc., chevaux. 

Ces principes sont ralionnels; s'ils sont observés 
dans la structure des muscles, ces muscles seront 
aussi rationnels. Mais il pourrait arriver qu'il n'en 
soit pas ainsi, que, par exemple, un muscle con- 
tienne un nombre de fibres trop grand et pêche 
ainsi par excès de force, qu'il y ait prodigalité de 
malière, comme, pour conserver la comparaison 


» faite plus haut, il y aurail prodigalité en attelant | 


quatre chevaux à une voiture légère destinée à un 


culaires soient trop longues pour le mouvement à 
produire, c'est-à-dire, en résumé, que le muscle ne 
soit pas adapté à sa fonction de la façon la plus éco- 
nomique. Il y a donc lieu de rechercher si l'adapta- 
tion fonctionnelle est bien réalisée. D'après cer- 
tains auteurs, la disposition d’un grand nombre de 
muscles de l'homme et des animaux serait très dé- 
fectueuse: la fonction n'aurait pas sur l'organe 
l'influence qu'on lui attribue généralement. Le con- 
trôle de celte assertion a une portée plus grande 
qu'il ne semble au premier abord ; les conclusions 
que l'on pourra en tirer ne se limitent pas à un 


4 
J 
cheval. Il pourrait arriver aussi que les fibres mus- 


Si les fibres de tousles muscles étaient identiques 
entre elles, la vérification d'une bonne 
adaplalion fonctionnelle serait chose rela- 
tivement simple; maisil n'en est pas ainsi, 
et, pour bien faire saisir la difficulté du 
problème, nous allons prendre une com- 
paraison. 

Soit un fil métallique, d'acier par exem- 
ple, de 1 millimètre carré de section; al- 
longeons-le, par traction, de B en B' (fig. 1). 
La réaction du fil ne sera pas la même à 
toutes les phases de l'allongement. Au début, 
quand la longueur sera encore voisine de AB, la 


A 


B 
sl 


Fig: 


D‘ G. WEISS — LE MUSCLE DANS LA SÉRIE ANIMALE 


1069 


réaction sera faible; mais, à mesure que la lon- 
gueur du fil augmentera, la réaction du fil ira 
aussi en augmentant pour prendre une certaine va- 
leur en B'. Si nous prenons une série de fils iden- 
tiques, il faudra toujours les allonger de la même 
quantité pour arriver à la même réaction; ais il 
n'en est plus de mème si les fils sont de longueur 
différente; dans chaque cas, l'allongement doit alors 
être proportionnel à la longueur du fil. Si, au lieu 
de prendre des fils d'acier, on prend des fils de 
mélaux différents, de cuivre, de fer, de pla- 
line, eic., les choses se compliquent encore. Pour 
des fils de même longueur, il faudra des allonge- 
ments variables pour arriver à la même réaction, 
et si, en même temps que la nature de la matière, on 
change la longueur des fils, les allongements suivent 
une loi compliquée résultant à la fois de l'influence 
des deux éléments variables. Si l'un de ces éléments 
nous est inconnu, il nous est impossible d'appré- 
cier l'effet produit par l’autre. Ainsi, si nous savons 
qu'un certain fil d'acier de 1 mètre de longueur 
exerce une traction de 2 kilos quand on l’allonge 
de 1 millimètre, nous saurons qu'un autre fil sem- 
blable au premier, mais n'ayant, par exemple, que 
50 centimètres, exercera sa réaction de 2kilos pour 
un allongement de 0"",5, Mais, si l’on nous de- 
mande quelle sera la réaction d’un fil de cuivre de 
Own, 5 de longueur pour un allongement de One 5, 
nous ne pourrons pas répondre à cetle question 
d'après ces seules données. 

Il en est de mème pour les muscles. Considérons 
une fibre musculaire AB (fig. 2), au 
moment de sa contraction ; si elle est A 
libre, elle se raccourcira en AB": mais, 

s'il se trouve un obstacle en B", elle 
exercera sur cet obstacle une trac- 
tion, comme si l’on avait allongé un 
fil élastique AB'en AB". B' 

Prenons maintenant une autre fibre 
musculaire a), de même nature que la 
précédente, n'en différant que par la B 
longueur. Si cette fibre se contractait 
librement, elle prendrait la longueur 
ab', se raccourcissant dans le même rapport que 
l'avait fait AB; et, pour qu'elle exerce contre un 
obstacle 2" le même effort que le faisait AB contre 
B”, il faut que cet obstacle se trouve en un point b" 
de ah divisant 4) dans le même rapport que B'le 
faisait pour AB. 

Nous pouvons nous résumer en disant :Pour que 
plusieurs fibres musculaires exercent la même trac- 
tion au moment de leur raccourcissement, il faut 
que le déplacement du point mobile soit propor- 
tionnel à la longueur de la fibre. 

Mais cela-n'’est vrai que si les deux fibres muscu- 


rt (0 


nc 
Ci — 


LTAMPE 


. laires sont de même nature. Si, au moment de 


1070 


leur contraclion, elles tendent à se raccourcir de 
fractions différentes de leur longueur, on ne peut 
plus prévoir quel doit être le rapport entre les dé- 
placements qu'elles produisent, pour une parfaite 
adaptation. 

C'est là ce qui rend si difficile la vérification 
exacte de l'adaptation fonctionnelle des muscles. 
Si toutes les fibres étaient identiques entre elles, 
il suffirait de prendre une série de muscles à fibres 
parallèles et de rechercher si toujours l'amplitude 
du mouvement qu'ils ont à exercer est proportion- 
nelle à la longueur des fibres. Mais nous savons 
que le coefficient de raccourcissement des divers 
muscles varie beaucoup, de 25°}, à 60 °/, suivant 
certains auteurs. Ces chiffres ont été trouvés sur 
les Mammifères ; en sortant de cette classe d’ani- 
maux, on trouverait des écarts peut-être encore 
plus considérables. 

Maintenant que nous avons exposé les difficultés 
de la question, nous allons suivre les étapes suc- 
cessives qui ont permis de montrer que le principe 
de la bonne adaptation fonctionnelle pouvait être 
admis comme une vérilé. Déjà, Borelli‘ avait 
remarqué ce fait que les muscles destinés à produire 
de grands déplacements de leurs points d'attache 
avaient une grande longueur de fibre musculaire. 
Tels sont, par exemple, le sterno-mastoïdien et sur- 
tout le couturier. 

De plus, divers auteurs : Fick, Gubler, Henke, 
Hueter se sont occupés de la relation qui existe 
entre la longueur des fibres d'un muscle et sa 
fonction, mais sans bien comprendre le rôlé de 
l'adaptation. C'est M. Marey, qui, le premier, a 
donné la vérilable signification de ce fait et l’a bien 
étudié. Il a d'abord montré, par divers exemples 
d'Anatomie comparée, que dans des muscles homo- 
logues on voit la fibre musculaire s'allonger aux 
dépens du tendon ou inversement, suivant que 
l'amplitude des mouvements provoqués par ces 
muscles est plus ou moins grande.Comme exemple 
particulièrement frappant, il cite l'ensemble des 
muscles formant la patte d’oie, c'est-à-dire le cou- 
lurier, le droit interne et le demi-tendineux. 

Ces muscles s'insèrent par leur extrémité supé- 
rieure au bassin, par leur extrémilé inférieure au 
tibia. Dans les flexions de la cuisse sur le bassin 
el de la jambe sur la cuisse, ces muscles devront 
se raccourcir beaucoup; aussi ont-ils une très 
grande longueur de fibre musculaire. Mais, en 
y regardant de plus près, on voit que, chez 
l'homme, où l'insertion inférieure se fait très près 
du genou, le couturier, par exemple, est muni 
d'un prolongement tendineux assez long. Chez les 
singes, on voit simultanément celle insertion se 


D' G. WEISS — LE MUSCLE DANS LA SÉRIE ANIMALE 


faire de plus en plus bas, et, par suite de la plus 
grande amplitude qui en résulte pour le déplace= 
ment de l'extrémité inférieure du muscle, la fibre 
musculaire s'allonger aux dépens du tendon. Enfin, 
chez les quadrupèdes comme le coaïta, où celte 
insertion descend encore, le tendon disparait com: 
plètement, 

IL n'est pas nécessaire de sorlir de l'espèce 
humaine pour pouvoir faire des observations du 
même genre. Le mollet du nègre n'est pas pareil à 
celui du blanc; au lieu de se composer d’un ventre 
charnu très gros prolongé par un tendon d'Achille 
fort long, on y voit les fibres musculaires descendre 
très bas et former une masse de section moindre 
que chez le blanc. M. Marey en a conclu que les 
gastrocnémiens du nègre, ayant une puissance de 
traction moindre que chez le blanc, mais étant 
susceptibles de produire un grand déplacement, 
doivent agir sur un plus grand bras de levier, c’est- 
à-dire que la saillie postérieure du calcanéum, où 
se fixe le tendon d'Achille, doit être plus prononcée 
chez le nègre que chez le blanc. Ces prévisions 
furent pleinement vérifiées, car des mesures com- 
paralives montrèrent que le rapport des longueurs : 
du calcanéum chez le nègre et chez le blanc est 
de 7 à5. 

Si réellement la différence entre ces deux mollets 
tient à l'adaptation du muscle à sa fonction, en 
transformant le calcanéum d'un nègre ou d'un 
blane, cette modification doit entrainer un change- 
ment parallèle dans les muscles correspondants. 

M. Marey fit une expérience de ce genre sur le 
lapin. Le calcanéum de cet animal est très proémi- 
nent, il est analogue à celui du nègre; en en faisant 
une résection, on le transforma en calcanéum de 
blanc; puis. après avoirlaissé vivre l'animal pendant 
un an, on le sacrifia, et l’on compara la forme de 
ses gastrocnémiens du côté opéré et du côté normal. 
La différence fut frappante : l'expérience était abso- 
lument démonstlrative. Le mouvement était devenu 
moins ample, les fibres musculaires s'étaient rac- 
courcies en se transformant partiellement en ten- 
don. Au point de vue de l'augmentation de section, 
la démonstration ne fut pas probante; mais il faut - 
tenir compte du traumatisme par suite duquel le 
musele ne se trouvait pas dans des conditions de 
fonctionnement normal. Il serait désirable de faire 
l'expérience inverse, conduisant à un allongement 
de la fibre musculaire aux dépens du tendon; 
malheureusement, la greffe qu'elle nécessiterait 
paraît très difficile à réaliser. 

Ces expériences ont été reprises sur le chat par 
Joachimsthal !. ln réséquant un centimètre de 
calcanéum, il obtint le même résultat que Marey, 


{ Boneuur : De motu animalium. 


Arch, {. Phys., 1896, p. 338. 


1 JOAGHIMSTHAL : 


sito. à 


us on ne dd + 


an. LL. 


D: G. WEISS -— LE MUSCLE DANS LA SÉRIE ANIMALE 


1071 


allongement et épaississement du tendon, mais 
pas d'augmentation de section du muscle. 

Le hasard de la clinique offrit à cet expérimen- 
tateur un cas analogue. Une jeune fiile de 18 ans, 
affligée d'un pied bot congénital, avait été traitée 
dans son enfance par le chirurgien Julius Wolf à 
l'aide d’un appareil orthopédique. A l'âge où la vit 


* Joachimsthal, elle paraissait absolument guérie, son 


pied ayantla mème apparence et la même fonclion 
que le pied sain; seulement, ilsemblait, au premier 
abord, qu'elle eût une atrophie considérable de la 
jambe. 

Un examen plus approfondi fit voir qu'elle avait 
un calcanéum extrêmement court et que la masse 


- musculaire s'élait localisée au quart supérieur de 


la jambe où elle formait une forte saillie, le reste 
élant occupé par un tendon d’Achille extrèmement 
long. 

W. Roux a fait un grand nombre d'observa- 
tions sur l'homme pour répondre aux objections 
de certains auteurs qui se demandaient si, dans la 
comparaison faite entre divers muscles, la prédo- 
minence plus ou moins grande de la fibre muscu- 
laire sur le tendon ne tenait pas à une influence 
héréditaire ou à une différence dans le coefficient 
de raccourcissement des divers muscles, point dont 
nous avons signalé l'importance plus haut. Dans 
ses recherches, Roux compara les diverses fibres 
d'un même muscle, et, dès lors, ces objections per- 


- dirent leur valeur. 


En premier lieu, il fit remarquer que lorsqu'un 
muscle s’insère par ses deux extrémités sur des 
aponévroses tendineuses, les mêmes accidents se 
reproduisent, en sens inverse, à ses deux extrémités. 
C'est-à-dire que, si à l’une des insertions quelques 
fibres musculaires se trouvent raccourcies par suite 

d'un empiètement du tendon, 

elles rattrapent leur longueur 
en empiétant elles-mêmes de 
la même quantilé sur l'autre 

aponévrose tendineuse (fig. 3). 

Ceci se présente avec une ré- 

gularité telle qu'on ne peut 

l'attribuer au hasard: chaque 

fibre prend, par adaptation, la 
* même longueur que les fibres 
voisines, parce qu'elle est de même espèce, et qu'au 
moment de la contraction du muscle elle se rac- 
courcit de la même quantité. 

Si un muscle a plusieurs chefs, la longueur des 
fibres qui les composent est la même si l'amplitude 
du raccourcissement pour les divers chefs est la 
même.Au contraire, s'iln'en est pas ainsi, elle varie 
suivant la loi de proportionnalité que nous avons 
indiquée plus haut, 

Enfin, et ici il ne peut plus êlre question d'in- 


Fig. 3. 


fluence héréditaire, s'il se produit des anomalies. 
ou des muscles surnuméraires, toujours cette loi 
est respectée. 

Roux tira aussi de la pathologie fonctionnelle 
des preuves de l'adaptation. Il eut l’occasion de 
disséquer deux individus ayant une ankylose 
partielle de la colonne vertébrale par mal de 
Pott. La diminution de mobilité fut accompagnée 
d'un raccourcissement des fibres museulaires du 
transversaire épineux au profit des tendons. Ces 
faits sont analogues à ceux que nous avons rap- 
portés plus haut, et Roux put parfaitement distin- 
guer au microscope, dans le tendon nouvellement 
formé, des vestiges des anciennes fibres muscu- 
laires. ; 

Enfin, Roux se proposa de faire une statistique 
très étendue, portant sur la longueur de fibre d'un 
muscle susceplible de présenter, d'un individu à 
l'autre, des mouvements d'amplitude très différente. 

Il choisit pour cela le carré pronateur. Les fibres 
de ce muscle sont parallèles entre elles, et, par 
suite, faciles à mesurer. De plus, l'amplitude des 
mouvements qu'il produit est très variable d'un 
individu à l’autre. Il sert à faire tourner le radius 
autour du cubitus, et l'amplitude de cette rotation 
est souvent limitée par une ankylose plus ou moins 
prononcée du coude. En dehors de cela, elle varie 
suivant la profession des gens; ainsi, elle est parti- 
culièrement grande chez les escrimeurs. Roux 
mesura, sur 1 bras différents, la valeur de l'angle 
dont le radius pouvait tourner autour du cubitus, 
et compara les résullats de ces mesures à la lon- 
gueur de fibre du carré pronaleur correspondant. 
La conclusion fut absolument frappante: plus la 
rotation était limitée et plus on voyait la partie 
tendineuse du muscle empiéter sur la fibre muscu- 
laire. Il y avait une concordance très satisfaisante : 
entre les valeurs déterminées expérimentalement 
et les valeurs que l’on caleulait après avoir mesuré 
l'angle de rotation, en attribuant à tous ces mus- 
cles un même coefficient de raccourcissement au 
moment de leur contraction. 

Enfin, une dernière question se pose. Il existe, 
aussi bien dans le corps de l’homme que dans celui 
des animaux, des muscles dont les diverses fibres 
ne sont pas égales entre elles; cela arrive quand 
ces fibres ne sont pas parallèles, oubien quand, au 
inoment de leur contraction, elles ne se raccour- 
cissent pas toutes de la même quantilé, par suile 
de la disposition spéciale de leurs insertions. Il y 
avait lieu de se demander si, dans ce cas, nous 
retrouvons encore les lois de l'adaptation fonction- 
nelle et si, par suite, ces lois sont absolument 
générales. 

Cette vérification avait d'autant plus de valeur 
que, dans un même muscle, on na pas à craindre 


1072 


D' G. WEISS — LE MUSCLE DANS LA SÉRIE ANIMALE 


la variabilité du coefficient de raccourcissement 
d'une fibre à l'autre, et si, dans un musele de 
structure un peu compliquée, on retrouve la pro- 
portionnalité de la longueur de la fibre à la gran- 
deur du déplacement, on ne pourra pas l'attribuer 
à un pur hasard. Cette recherche peut donc être 
très démonstrative; voici comment je m'y suis pris 
pour la faire. 

Supposons qu'un muscle s'insère par une de ses 
extrémités à un os long AB (fig. 4), et par l’autre 
extrémité à un point GC; ce 
muscle aura par là même 
une forme triangulaire, et 
ses diverses fibres ne se- 
ront pas parallèles entre 
elles. Au moment où le 
muscle se contractera, AB 
étant supposé rester fixe, 
le point C se déplacera sur la ligne CD et viendra en 
C! par exemple; la fibre CD se sera raccourcie de 
CC’, mais la fibre BC, qui sera venue en BC’, aura 
subi un raccourcissement BC—BC' moindre que CC’: 
par conséquent, si le muscle est bien adapté, la 
fibre dirigée suivant BC devra avoir une longueur 
moindre que CD. Une démonstration géométrique 
très simple permet de faire voir que, si DC est la 
longueur de la fibre centrale, toutes les autres 
fibres vont en diminuant de plus en plus à mesure 
qu’elles s'écartent de DGet qu'on peut les limiter 
par un cercle décrit sur CD comme diamètre, ainsi 
que le représente la figure. La partie musculaire 
est alors représentée par la surface ombrée, la par- 
tie tendineuse par la surface claire. Il est évident 
qu'il peut se trouver en C une portion tendineuse, 
elle devra alors être limitée par un deuxième cercle. 
Enfin, surde muscle ainsi constitué, on peut dépla- 
cer une fibre quelconque dans sa propre direclion 
pourvu qu'elle reste de longueur constante, c'est- 
à-dire que la partie tendineuse devra augmenter 
d’un côté autant qu'elle diminue de l'autre; on 
peut alors arriver à des formes très variables de 
tendons terminaux. 

Pour rechercher si ces considér ations théoriques 
se vérifiaient dans la Nature, je n'ai pu trouver de 
muscle triangulaire, mais l'opération peut se faire 
sur un muscle penniforme. Dans un pareil muscle, 
les fibres ont, en effet, des directions variées; 
si on les transportait toutes parallèlement à elles- 
mêmes, de façon à faire coïncider’ leurs insertions 
inférieures en un point, on aurait un muscle trian- 
gulaire qui devrait suivre la loi que nous venons 
d'indiquer. 

On peut done, sur un muscle penniforme, faire 
des mesures de longueurs de fibre nécessaires à la 
vérification de la loi. Sans entrer dans le détail des 
opérations, je dirai que cette vérification se fait 


d'une facon très satisfaisante. Dans une première 
série de recherches, j'avais rencontré quelques 
exceptions; mais, depuis, j'ai reconnu qu’elles 
tenaient à une conception fausse de certains 
muscles qui ne sont penniformes qu'en apparence, 
et que j'ai nommés muscles pseudo-penniformes." 
Voici, enfin, un exemple de muscles à fibres 
presque parallèles entre elles, mais de longueur 
variable. Il s’agit du brachial antérieur. La figure 5 
montre plus clairement que 
toute descriplion qu'au moment 
où l'avant-bras tourne autour du 
coude en se fléchissant sur le 
bras, les fibres antérieures su- 
bissent une plus grande varia- 
tion de longueur que les fibres 
postérieures. Ces fibres anlé- 
rieures sont aussi plus longues 
en valeur absolue; mais un calcul élémentaire » 
montre que, pour une parfaite adaptation du mus-. 
cle, un pelit tendon devrait empiéter de plus en 
plus sur les fibres musculaires à mesure que l'on 
se porte davantage d'avant en arrière, et il est 
facile de déterminer les dimensions de ce pelit 
tendon triangulaire. Dans ce cas encore, on trouve 
une vérification remarquable; les écarts entre les 
prévisions du calcul el les déterminations expéri- 
mentales rentrent dans la limite des erreurs que 
l'on est forcément exposé à commettre dans des 
mesures de ce genre. 
En résumé, nous pourrons conclure de cet en- 
semble de faits que le premier principe d'une 
bonne adaptalion fonctionnelle se trouve vérifié, 
et que, toutes choses égales d’ailleurs, la longueur 
d'une fibre musculaire est toujours proportionnelle 
à la grandeur du déplacement qu'elle doit pro-. 
duire. 
Quant au second principe, d'après lequel il faut 
un nombre de fibres musculaires d'autant plus 
grand que l'effort à développer est plus considé- 
rable, il est difficile de le vérifier d'une facon pré- 
cise. La force développée par un même muscle est, 
en effet, extrèmement variable, et ce n’est qu'ap- 
proximalivement que l'on peut consiater que ce 
second principe est généralement satisfait. 
Nous allons voir maintenant comment ces deux 
principes trouvent leur application dans la suce 
ture des divers muscles de l’économie. ; 


Fig. 5. 


II. — ARCuITECTURE DES MUSCLES. 


Dans la description des diverses formes que 
peuvent prendre les muscles dans la série animale, 
nous allons faire une première division. Nous con- 
sidérerons en premier lieu les muscles qui s'in-. 
sèrent sur des pièces fixes, comme le squelette des. 


D' G. WEISS — LE MUSCLE DANS LA SÉRIE ANIMALE 1073 


Vertébrés ou les coquilles des Mollusques, et qui 
sont destinés à mouvoir ces pièces les unes par 
rapport aux autres. Puis, nous passerons aux 
muscles destinés à changer la forme générale du 
corps d'un animal ou d'un de ses organes. 


$ 1. — Muscles prenant insertion sur 
des pièces fixes. 


Le muscle le plus simple que nous puissions 
imaginer se compose de fibres parallèles entre 
elles, et se terminant par un tendon ou s'insérant 
directement sur les pièces à mouvoir. Chaque fibre 
» agit dans la direction du déplacement qu'elle est 
; destinée à produire, et ajoute son action à celle 
des fibres voisines. Ces muscles sont généralement 
» destinés aux mouvements de grande amplitude; 

aussi sont-ils du type long à section relativement 

réduite. L'exemple que l’on en cite le plus souvent 
est le couturier. 
Nous avons déjà vu que, chez l'homme, ce cou- 
lurier prenait son insertion inférieure sur le tibia 
- au moyen d’un tendon, et que l’on vovait ce tendon 
disparaître à mesure que l'insertion s'éloignait 
du genou chez les singes el les quadrupèdes. Cet 
exemple n'est pas unique; si nous comparons le 
bras d'un singe au bras d'un homme, nous voyons 
la même modification se produire. Chez les singes, 
l'insertion au cubitus et au radius des muscles flé- 
chisseurs du bras s'éloigne de plus en plus du 
coude, de sorte qu'au moment de leur contraction 
ces muscles, agissant plus loin de l'axe de rotation 
du levier, ont plus d'action sur lui, etc’est ainsi que 
peut s'expliquer la force considérable de ces ani- 
maux, malgré leur apparence parfois très grêle. 
Chaque fois que l'on verra se produire un grand 
déplacement, on retrouvera le muscle à fibres paral- 
lèles, que ce soit le sterno-mastoïdien de l'homme 
ou le muscle rétracteur des cornes de l’escargot. 
Bien entendu, lorsque ce mouvement devra être 
accompagné d'une grande force, sa section aug- 
mentera et pourra varier suivant les individus. 
C'est ce qu'il est aisé de constater, par exemple, sur 
le biceps de l'homme. 

Il arrive que l'effort à développer devienne par 
trop considérable; cela à lieu quand l'une des 
insertions du muscle est très voisine de l'articula- 
tion. Il faut alors le concours simultané d'un grand 
nombre de fibres, et, en restant dansle type de mus- 
cle que nous venons d'étudier, on arriverait à des 
masses énormes. Mais, dans ce cas, l'amplitude du 
mouvement est, la plupart du temps, très réduite et 
divers artifices permettent de réduire le volume du 
muscle. 

Considérons le masséter de l'homme. En mesu- 
rant la distance de ses insertions et la grandeur du 
mouvement à produire, on en conclut que, si les 


nn. dde he ne 


REVUE GÉNÉRALE DES SCIENCES, 4901. 


fibres musculaires s'étendaient d’une insertion à 
l'autre etavaient le même coefficient de raccourcisse- 
ment que les autres muscles de l’économie, la lon- 
gueur de ces fibres serait environ trois fois trop 
grande pour une bonne adaptation fonctionnelle, 
Chaque fibre devrait donc n'occuper que le tiers de 
la longueur et être prolongée 
par des tendons, comme l'in- 
dique la figure 6. Dans ces con- 
ditions, le muscle n'atteindrait 
sa puissance que grâce à des 
dimensions transversales très 
considérables. 

Voici à l’aide de quel artifice Fig. 6. 
la difficulté est éludée. Les fibres 
musculaires se groupent par petits ventres ayant 
chacun le tiers de la longueur totale du muscle. 
Les petits ventres, prolongés chacun par deux ten- 
dons, se disposent de facon à occuper des hau- 
teurs différentes, pour ne pas addilionner leurs 
épaisseurs (fig. 7). Malgré cela, bien entendu, ils 
ajoutent leurs efforts au moment de la 
contraction. Le masséter a donc, en 
réalité, une longueur de fibres trois fois 
moindre que celle qu’il semble avoir au 
premier abord, mais sa section utile est 
trois fois plus grande que sa section 

Fig. 1. apparente. 

Pour certains muscles, cette disposi- 
tion est poussée encore plus loin ; les ventres mus- 
culaires sont plus petits et plus nombreux. C'est 
ainsi que le muscle ischio-coccygien est composé 
de petits groupes de ladimension d’un grain de blé, 
le coccyx étant un os très peu mobile. 

Les exemples du dispositif que nous venons de 
décrire sont assez rares; on ne les trouve que lors- 
que l’espace à franchir entre les deux insertions 
est restreint. Quand le mouvement doit, au con- 
traire, être transmis à un organe assez éloigné de 
l'insertion supérieure du muscle, que ce muscle 
est silué dans un segment de membre et que son 
tendon doit franchir des articulations dans une 
section assez réduite, on voit ap- 
paraitre le muscle penniforme. 

Ce muscle penniforme n'est ce- 
pendant pas si éloigné du précé- 
dent qu'il semble généralement. 
Je vais au contraire montrer qu'il 
en dérive directement et peut 
alors affecter deux dispositions 
en donnant soit le muscle penni- 
forme vrai, soit ce que j'ai ap- P 
pelé le muscle pseudo-penni- Fio: 8. 
lorme. 

Considérons un ventre musculaire ab (fig. 8), pro- 
longé de chaque côté par deux petits Lendons ac el 

23°* 


107% 


D' G. WEISS — LE MUSCBE DANS LA SÉRIE ANIMALE 


bd; puis, placons de chaque côté de ce groupe une 
série de groupes semblables, en allongeant peu à peu 
le tendon supérieuret diminuant le tendon inférieur ; 
nous aurons institué un muscle analogue à ceux aue 
j'ai décrits, mais qui occupera un espace très con- 
sidérable pour l'effet qu'il produira, avec des inser- 
tions énormes mn, pq. Pour transformer l'insertion 
inférieure en un tendon long qui pourra passer par- 
dessus des articulations, il faut coller ensemble tous 
les petits tendons partiels, tels que b d, c'est-à-dire 
rapprocher de la ligne médiane tous les points ana- 
logues à 2. Si l’on fait la même opération pour les 
tendons supérieurs, de facon à faire un tendon 
s'insérant en € à une surface restreinte, on aura un 
muscle pseudo-penniforme. Si, au contraire, les 
petits groupes musculaires prennent leur insertion 
supérieure à distance de la ligne ca, sur un os 
parallèle à c4 ou sur des aponévroses résistantes, 
nous aurons le muscle penniforme vrai. Ces deux 
espèces de muscle se rencontrent dans le corps de 
l’homme et des animaux. Si on leur applique les 
principes d'adaptation fonctionnelle que j'ai exposés 
plus haut, on trouve que, dans le muscle penniforme 
vrai, les fibres latérales doivent être plus courtes 
que la fibre centrale ; dans le muscle pseudo-penni- 
forme, c’est la fibre centrale qui doit être légèrement 
plus courte que les fibres latérales. L'expérience 
vérifie ces prévisions, et c’est la confusion entre les 
muscles penniformes et pseudo-penniformes qui, 
pendant longtemps, ne m'avait pas permis d’expli- 
quer certaines anomalies que j'avais rencontrées 
dans la vérification du principe d'une parfaite 
adaptation de l’organe à la fonction. 

Dans un muscle penniforme, les fibres étant 
inclinées sur la direction du mouvement à produire, 
la force développée par chacune d'elles ne se 
transmet pas intégralement au tendon. Si l’on con- 
sidèré deux fibres 4h, 4'h placées à la même hau- 
teur dans un muscle (fig. 9), chacune de ces deux 
fibres exercant, par exemple, 
une traction de 1 gramme, il ne 
résultera pas de leur aclion si- 


4 multanée- une force de 2 gram- 
€ # mes dans la direction ch du 
PR | tendon. 
+ La résultante est variablefsui- 
ue vant l'angle que ces fibres font 
ig 


entre elles. L'expérience montre 
que cet angle n’esl jamais su- 
périeur à 50° ou 60° et, dans ce cas, les 2 grammes 
se réduisent à 1,7 ou 1,8. Il y a donc un léger 
déchet, mais il est largement compensé par le 
nombre de fibres entrant en jeu, plus grand que 
si le musele était à fibres parallèles entre elles. 

Parfois, un muscle penniforme ne suffit pas, la 
force à développer devenant par trop grande; ily a 


alors un groupement de muscles penniformes don- 
nant au premier abord une structure très compli-= 
quée. C’est ainsi que le deltoïde de l'homme, qui 
agit sur un très court bras de levier et qui, dans les” 
mouvements d'élévation du bras, permet cependant 
de soulever des poids considérables, est composés 
d'une vingtaine de petits muscles penniformes se 
groupant à leur partie inférieure sur un tendon 
unique. Le schéma de la ; 
ligure 10 rend compte de 
la disposition des fibres les 
unes par rapportaux autres 
dans ce muscle. 

Bien entendu, le tendon 
inférieur peut être plus ou 
moins réduit, et l'insertion 
du muscle se faire même 
directement sur l'os; le 
grand fessier se trouve à 
peu près dans ce cas. 

Parfois, l'insertion d'un muscle sur un os s'étend 
plus ou moins : il en résulte que l’action de ce mus- 
cle ne se résume pas en une simple traction exer- 
cée en un point, comme cela se produit lorsqu'il est 
prolongé par un tendon, et que l'étude devient un 
peu plus délicate. 

Nous avons déjà vu que, pour le brachial anté- 
rieur, les diverses fibres parallèles entre elles 
n'avaient pas la même longueur et qu'elles étaient 
ramenées à leur dimension rationnelle parune partie 
tendineuse. Un réglage de ce genre se produit 
fréquemment; un des plus beaux exemples que 
l’on puisse en citer est celui du trapèze et du grand 
dorsal, où l'on voit de vastes aponévroses pro- 
longer la nappe musculaire jusqu’à l'épine dorsale. 

D'autres fois, on voit intervenir un autre artilice; 
les points d'insertion des diverses fibres musculaires 
se répartissent d’une façon assez étrange au pre- 
mier abord. Considérons le grand pectoral, qui 
prend son insertion fixe sur la clavicule, le ster- 
num et les côtes et son insertion mobile sur 
l’'humérus. Si ces fibres suivaient les trajets indi- 
qués sur la figure 11 et qui, au premier abord, 
semblent s'imposer, ou si elles 
s'inséraient toutes en un même 
point de l'humérus, on voit 
qu'au moment de l'élévation du 
bras les fibres supérieures voi- 
sines de ab ne subiraient pres- 
que aucun allongement, tandis 
que les fibres inférieures voisi- d 
nes de cd seraient considérable- Fig. 11. 
ment étirées. Pour les fibres 
supérieures, les choses pourraient s'arranger; elles 
s'adapteraient en prenant un tendon, mais la lon- 
gueur des fibres voisines de cd'est forcémentlimitée. 


a 
e b 


D' G. WEISS — LE MUSCLE DANS LA SÉRIE ANIMALE 


1075 


Si, au contraire, les fibres voisines de la clavicule 
s'insèrent sur l'humérus en 
un point éloigné de l'articu- 
lation, et que les fibres infé- 
rieures s'insèrent très près 
de cette même articulation, 
comme cela est représenté 
sur la figure 12, l'écart entre 
les allongements des diverses 
fibres au moment de l’éléva- 
tion du bras va beaucoup di- 
hinuer, et leur parfaite régulation se fera facile- 


a 


\ 


ù 


$ 2. — Muscles destinés à changer la forme 
générale du corps ou d’un organe. 


- Nous allons maintenant examiner la disposition 
les muscles qui n'ont pas pour but de rapprocher 
n de l’autre deux points mobiles. 

En premier lieu, nous trouvons les sphincters, 
es muscles orbiculaires et semi-orbiculaires. Dans 
es cas, tantôt un même muscle fait le tour d'un 
rifice qu'il est chargé de clore en se fermant sur 
üi-même, tantôt il y a deux muscles semi-orbi- 
ulaires qui viennent s'insérer aux deux extrémités 
lun diamètre sur un raphé médian. Les fibres de 
es muscles offrent toujours la disposition la plus 
imple ; si on les coupait en un point, on aurait, en 
es ouvrant, un muscle à fibres parallèles: il n'y a 
lonc pas lieu d'insister sur leur structure. 

Je n'ai pas non plus à signaler de disposition 
emarquable des fibres dans les muscles comme 
8 diaphragme ; mais il n'en est plus de même quand 
ous arrivons aux parois musculaires destinées à 
lore plus ou moins complètement une cavité. 
Parfois, nous trouvons alors des fibres muscu- 
aires orientées dans toutes les directions, qui 
ompriment également le contenu de la cavité 
ans tous les sens en cherchant à en réduire le 
olume. C'est ce qui a lieu pour la vessie. D’autres 
is, comme dans le tube digestif, ces fibres pren- 
ent des directions bien déterminées etse répartis- 
ent en couches. Dans ces organes de forme 
longée, nous trouvons alors, d’une façon à peu 
rès constante, une couche de fibres circulaires 
lestinées à faire varier le calibre de l'organe, et 
me couche longitudinale, agissant en sens inverse 
le la précédente en même temps qu'elle fait varier 
à longueur de divers segments de l'organe. Cette 


disposition se retrouve dans la paroi du corps d'un 
grand nombre d'animaux, par exemple de certains 
Vers. 

Chez ces animaux nous voyons les couches 
musculaires se modifier d’une façon très remar- 
quable quand l'effort à développer 
par elles devient plus ou moins im- = 
portant. 

Dans le cas le plus simple, une 
couche est composée par une simple 
rangée de fibres ou même de fibril - 
les; nous verrons plus loin la dis- 
tinction qu'il y a lieu de faire entre 
ces deux termes. Ce cas est représenté en a (fig. 13). 
Quand cette rangée de fibres ne suffit pas, on la 
voit se replier comme en . Puis, chacun des plis 
ainsi formés peut donner lieu à des plis secon- 
daires, Lerliaires, etc. De plus, il faut remarquer 
que ces replis, au 
lieu d'être formés 
par des fibres pa- 
rallèles entre elles, 
peuvent contenir de 
véritables petits 
muscles pennifor- 
mes. On conçoit 
alors la complica- 
lion que peut at- 
teindre la structure 
de la paroi muscu- 
laire de certains ani- 
maux, dont nous 
donnons ci-contre 
un échantillon (fig. 
14), et l'on com- 
prend la force con- 
sidérable qui peut être développée ainsi. 

Nous trouvons aussi dans le cœur une disposi- 
tion qui mérite d'être signalée. Ici, il n’y a plus de 
direction générale des fibres, mais des enroule- 
ments très compliqués, dont la description ne 
semble pas avoir sa place ici et pour laquelle nous 
renvoyons aux traités d'Anatomie. 


Fig. 13. 


Fig. 14. — a, Coupe à travers la 
musculature d’un Septum de Sa- 
gartia parasitica perpendiculaire 
à l'axe longitudinal des fibrilles 
basales ; — b, cellule de l'épithe- 
lium musculaire d'une Actinie. 


Dans une deuxième partie, nous étudierons l'his= 
tologie’du musele et la contraction musculaire. 


D' G. Weiss, 
Ingénieur des Ponts et Chaussées, 
Professeur agrégé à la Faculté de Médecine de Paris 


1076 


A. ÉTARD — REVUE ANNUELLE DE CHIMIE PURE 


REVUE ANNUELLE 


Pendant longtemps, les ouvrages de Chimie se 
sont bornés, dans notre pays, à reproduire, d’après 
les ouvrages précédents, des procédés et des idées 
trop anciens pour nous inslruire réellement de 
l'état des choses, qui varie sans cesse autour de 
nous. Il en est résulté que la Science écrite, au lieu 
de précéder le mouvement industriel, qu'elle a 
mission de guider, s'est trouvée souvent dépassée 
par ce dernier. Depuis quelques années cependant, 
une réaction semble se produire : des livres vrai- 
ment neufs ont paru, parmi lesquels il faut 
citer ceux de Moissan, Duclaux, Béhal, Maquenne, 
Lefèvre, etc., qui nous ont permis de lire, ailleurs 
que dans les ouvrages étrangers, les idées de nos 
propres auteurs. Pourquoi de si rares écrivains? 
demande-t-on. Parce que ceux qui sont chargés 
de tâches professionnelles trop longues sont obligés 
d'utiliser à expérimenter le temps qui leur reste. 
La mise au point d'un livre demande, de la part 
des plus instruits, un travail soustrailt au labora- 
toire et qui n’a pas de compensation sérieusement 
rémunérée. La coutume, peut-être bonne en litté- 
rature, d'offrir au public un grand nombre de pro- 
ductions, semble avoir imposé aux éditeurs l'idée, 
quand ils ne peuvent choisir, d'emplir quand même 
leurs magasins d’une quantité incroyable de livres 
relatifs aux sciences. Cette forme de surproduelion 
sans nécessité uniformise le prix du travail, qu'il 
soit bon ou mauvais. Il y a là une tendance fâcheuse 
de la librairie française, contre laquelle il serait 
utile de réagir dans l'intérêt de la Science. 

Dans un autre ordre d'idées, signalons le progrès 
considérable dû à l'introduction, dans les plus ré- 
cents laboratoires, tels que ceux de l'Institut Pas- 
teur, de la mécanique moderne sous la forme 
d'usine. Pour essayer d'avancer dans l'étude des 
problèmes qui se posent sans cesse, il faut main- 
tenant abandonner la Chimie du verre de montre 
et du tube à essai, d'où rien ne se tire. 


Ce que l’on a pu dire l’année dernière au sujet 
de l'Exposition dans ses rapportsavecles recherches 
de Chimie se continue. On se remet seulement à 
ces recherches lentes du laboratoire, qui exigent le 
calme de l'esprit et non pas le souci des cristalli- 
salions d'apparalt. 

Mais, même dans ces conditions, la Chimie, dans 
son ensemble, n'avance qu'à la suite de quelques dé- 
couvertes saillantes et slimulantes; celles-ci, après 
des années heureuses, se font rares en ce moment. 


DE CHIMIE PURE 


Le temps qui suit les démonstrations positives 

importantes devrait être consacré aux recherche 
susceptibles d’en engendrer d’autres, et non à 
fabrication surabondante de dérivés tout à fall 
dépourvus d'intérêt. Il semble que les travaux d 
Chimie facile, sans raison, sans but, soient exécuté 
uniquement pour conserver la pagination des jour 
naux techniques; ils deviennent des annexes de l'in 
dustrie de la librairie. En même temps, la bibliogræ 

phie des grandes questions naturelles estsubmer 
à son ordre alphabétique dans le nombre considi 
rable des fascicules, et une très notable partie di 
temps dont dispose un homme pour la recherche 
efficace, seule créatrice de faits, est absorbée à M 
poursuite de documents antérieurs. Quelques archi 
vistes instruits se feraient un métier enviable & 
allant proposer chaquesemaine dansleslaboratoire 
un historique impartial des questions que les savanlss 
traitent, ainsi qu'on propose des produits chimiques 

Dans l’état actuel, nul ne peut assurer que ces 
qu'il fait soit absolument neuf, tant on à ditd 
choses générales et bien observées au cours & 
xIx° siècle et lant les travaux présents dépenden 
de tout cela à un degré plus ou moins éloigné. Less 
incessantes redites sur les sujets en vogue ne cauw 
sent d'autre mal que de perdre du temps — ce EL | 
se compte. [ei encore, un bibliographe instruit d'unem 
science donnée vaudrait un professeur dans chaque 
centre d'étude. 

Un chimiste ne peut concevoir l'ambition 
modifier utilement la science en traitant de mille 
façons la molécule du thiophène. Un bibliograph® 
rendrait service en classant à la suite tous les faits 
minimes qui découlent indéfiniment de celte étude 
Et en aucune science ces dispositions ne seraie 
indifférentes, car elles se compliquent vite, et les 
errements anciens sont caducs malgré la persis 
tance des hommes à faire toujours comme autrefois 

Si, dans ce qui précède, il s'agit de simplifier um 
moyen de travail, il est évident que le livre, autm@ 
puissant instrument, ressentirait les bons effets 
d’une nouvelle orientalion. ‘1 


IT 


Les propriétés générales des gaz ont été poussées 
fort loin, surtout depuis les travaux d’Amagat et dl 
Van der Waals, en conservant l'idée qu'ils son 
des atomes matériels plus ou moins lourds « 
volumineux. Ces idées se reporlent aujourdh 
sur les liquides d’abord, puis sur les solides. L 
liquides sont devenus accessibles à des investig 


A. ÉTARD — REVUE ANNUELLE DE CHIMIE PURE 


1057 


lions de poids moléculaires précises, et dès lors on 
reconnu qu'ils n'avaient pas la simplicité que 
eur attribuent les anciennes formules chimiques. 


Yapeur, est un agrégat moléculaire à l’état liquide, 
Pt sa formule est alors au moins double (H°0)° et 
nême, lorsqu'elle présente le phénomène bien 
connu du maximum de densité ou de contraction 
— %, il ne semble plus que ce soit de l’eau sim- 
ple, mais une solution de glace dans de l’eau elle- 
inême complexe. Depuis les travaux de Ramsay 
et Shields, c'est ainsi que les recherches de poids 
on aires sont de plus en plus conçues, et nous 
sentons le retentissement que peut avoir sur les 
“rendements de la chimie organique la facon dont 
es réactions se trouvent engagées à l'origine. Nous 
sentons mieux l'influence des conditions, des arli- 
lices spéciaux et des migrations dès que nous 
savons que les matières engagées peuvent être 
mises en jeu dans des points très variables avant 
u après leur désagrégation physique. 
. La matière solide, étudiée avec plus de minutie 
qu'autrefois, montre que les éléments sont doués 
d'une individualilté bien plus accentuée qu'on ne 
“| avait pensé en exagérant la notion utile de famil- 
les naturelles. Si notre esprit élait plus pénétrant 
“et plus dégagé des cadres théoriques, nés le plus 
pouvent d'une simple affirmation ancienne, il aurait 
“attaché de l'importance à ce fait que les matériaux 
Eu groupe de la chaux ont une relation étroite avec 
L. actions lumineuses. Depuis longtemps, le phos- 
phore de Homberg, le phosphore de Canton, connus 
plus tard sous le nom de sulfures phosphorescents, 
savaient alliré, très passagèrement, l'altention. Et 
c'est par une voie tout à fait indépendante de ces 
observations que M. et M%° Curie ont séparé de ce 
mème groupe de la chaux une matière lumineuse : 
le radium. 

Localisé avec du baryum dans des minéraux 
uranifères, le radium y existe en si faible quantité 
qu'on estime qu'il faudrait traiter 5.000 kilos (cinq 
lonnes) de résidu d'urane pour obtenir 1 gramme de 


1 : 
5.000.000 : Il ne faudrait pas moins 


de 30.000 francs pour obtenir ce métal extraordi- 
e. il n'y a pas au budget de l'Etat de sommes 
affectées aux grandes surprises de la science, ainsi 
| qu'il en est pour la conservation des choses d’art. 

Pour être un idéal plus récent de la beauté, la 
science n'en est pas moins un idéal aussi élevé. Il 
est à souhaiter, si les pouvoirs publics ne peuvent 
augmenter leurs charges ou les distribuer d'autre 
façon, que les dons privés viennent en aide à ceux 
qui s'emploient à conserver l'éclat scientifique de 
otre passé. Les quelques centigrammes de sels 
radifères que possèdent actuellement M. et 


 radium pur, soit 


M®° Curie montrent déjà que le radium a un poids 
atomique supérieur à 200, et un pouvoir radiant 
dépassant un million de fois celui de l’uranium. 
Le spectre établi par M. Demarcay donne toute 
sécurité; il est spécifique et ne laisse plus voir que 
quelques faibles raies du baryum. 

Les rayons de H. Becquerel émis par le radium 
n'ont paru avoir tout d'abord que des propriétés 
assez faibles. Maintenant que le radium à peu 
près pur.est connu dans la série 


Ca Sr Ba Ra, 


on lui reconnait des actions à distance qui mon- 
trent aux yeux l'inséparabilité de la matière et de 
l'énergie, leur continuilé encore indéfinissable. Un 
milligramme de sel de radium dans dix grammes 
d'eau forme une solution incolore, qui a élé scel- 
lée dans un ballon de verre gros comme le poing. 
On est tenté de croire que de toute évidence rien 
ne se passera. Les choses vont bien ainsi les pre- 
miers jours, mais peu à peu tout le verre du ballon 
s'illumine dans la nuit, puis une tige de verre en 
contact s'illumine aussi et porte la lumière à un 
second ballon semblable qui ne contient rien et 
serait toujours resté invisible. Bien des opinions 
ont élé émises sur l'émission permanente de ces 
lumières. Il n'est pas douteux pour moi que le 
radium ne soit un élément organisé à la façon 
d'un transformateur. Une goulte minime de sa 
malière se trouve toujours placée dans le puissant 
champ magnétique et calorifique du Globe et change 
ces forces en d'autres de nature lumineuse et même 
d'ordre biologique, puisque MM. H. Becquerel et 
Curie ont reçu des brûlures étendues pour avoir 
porté dans la poche extérieure de leur vêtement 
une boite contenant quelques centigrammes de sels 
radifères. N'est-ce pas là le verre ardent qui con- 
centre les puissances de la Nalure ? 

De notre lemps, plusieurs questions de Géologie 
se posent qui ne peuvent être résolues que par la 
Chimie minérale. M. Fouqué, analysant le milieu en 
aclivité de Santorin, a trouvé, à n'en pas douter, de 
l'hydrogène dans les roches éruptives de ce milieu. 
La certitude n’est pas la même en ce qui concerne 
la présence de ce gaz dans les granites primitifs. 
Depuis longtemps” on a fourni des analyses des gaz 
du granite. Elles sont complexes, sans compter 
l’'anhydride carbonique provenant des inelusions 
visibles. Plus récemment, M. A. Gautier a repris 
celte question et, trouvant beaucoup d'hydrogène, il 
s’est aperçu bientôt que ce gaz provenait, pour une 
large part, des métaux introduits par les appareils 
de pulvérisation métalliques qui s'usent. D'autre 
part, il est reconnu que certains granites contien- 


1 W.-A. Ticoex : Chem. News, 1897. 


1078 


nent des inclusions bitumineuses qui, à la chauffe, 
doivent donner des gaz variés. Il paraît done bien 
peu probable que les masses granitiques contien- 
nent de l'hydrogène susceptible de jouer un rôle? 
d’être défini et localisé. 

La recherche des quantités minimes et l’appré- 
ciation de leur rôle est la plupart du temps un 
sujet de surprise pour nos esprits habitués à voir 
directement de grands amas de matière. M. W. 
Ackroyd a recherché une des causes permanentes 
de la présence du chlore dans les eaux fluviales. 
De nombreuses analyses combinées à des observa- 
tions météorologiques ont montré que le vent de 
mer porte le sel à de grandes distances et le dépose 
par tonnes sur les comtés d'Angleterre. C'est ainsi 
que, par sa science, l'homme peut concevoir des 
causes el des temps dont sa vie très courte avait 
négligé l'intérêt dans les siècles passés. Pasteur a 
laissé quelques étincelles de son génie dans l'esprit 
des travailleurs récents, qui cherchent par les ac- 
tions petites et lentes à mieux comprendre les 
grands phénomènes. 

L'océan paraît encore tenir en dissolution un 
grand nombre de métaux, parmi lesquels l'argent 
et l'or, qu'on cherche en ce moment à extraire par 
des moyens pratiques. 

Ainsi, de plus en plus, le chimiste des ballons 
de verre, du tableau noir et des formules se pé- 
nètre de l'esprit du naturaliste qui observe, en 
somme, la Nature telle qu'elle est faite et dont tout 
dépend. La Chimie minérale ne peut être isolée 
des autres sciences connexes. M. Moissan, qui l’a 
conduite plus loin que la plupart des hommes, n'a 
pas manqué de la lier à la Géologie dans sa décou- 
verte des earbures et de la formation du dia- 
mant. 

Assurément, la destruction barbare de la biblio- 
{hèque d'Alexandrie fut une perte humaine: mais 
la conservation des vieux livres ailleurs que dans 
les cabinets d'Histoire est un autre malheur. Les 
documents modernes bien contrôlés doivent seuls 
entrer dans les jeunes esprits, et un seul fait actuel 
efface pour les chercheurs les nombreux volumes 
que devront sérier les historiens scientifiques. 

À ce point de vue, tout ce qu'on a pu écrire sur 
le quartz ou acide silicique prend une autre appa- 
rence. C'étail autrefois une matière essentiellement 
ignée; maintenant, de plus complètes observations 
nous montrent le quartz bipyramidé enchevèêtré 
dans des gypses ou recouvrant des calcaires ré- 
cents qui ne peuvent supporter la chaleur. Bien 
plus, M. Ditte' a montré que l’anhydride sulfu- 
rique pouvant dériver des pyrites et le chlorure de 
sodium engendrent un chlorure de pyrosulluryle 


L'ONRSNCX AT 


A. ÉTARD — REVUE ANNUELLE DE CHIMIE PURE 


et d’or au contact de ce métal. Le produit de cettk 
réaction se décompose facilement en un véritablen 
quartz aurifère semblable à celui de la Nature 
Avec le temps, des solutions inappréciables 
silice peuvent donner à froid de gros cristaux dé 
quartz. Nous avons incontestablement le quart 
limpide et bien cristallisé dans le bassin de Paris 
il provient des quelques centigrammes de silice 
par litre reconnus dans les eaux vulgaires. 

Dans le groupe des terres rares, les seuls travaui 
qui comptent — mais ils comptent beaucoup — on! 
été publiés par M. E. Demarçay !, qui, écartant à 
masse considérable des terres demi-rares, telles 
que lanthane, ancien didyme, cérium et yttriums 
a pu se procurer quelques kilogrammes des oxydes 
rares parmi les rares. Sans préjuger des matériaux 
de la profondeur, il n'est parvenu à la surface du 
globe que de bien minimes quantités de ces oxydes 
et ils forment une série tellement homogène qu'il 
a fallu à l’auteur bien des années pour arriver à 
une séparalion. Pour ces terres les plus rares, en 
aucun pays il n’a été fait un effort aussi continu 
el fructueux que celui que nous devons à MM. De 
marçay et Lecocq de Boisbaudran. Toutes les sépa 
rations ne sont pas encore faites, et l'on ne sait 
encore le nombre des éléments qui sortiront de 
ce groupe. Nulle part en ce moment, à la suite 
des travaux de nos savants, on ne peut trouver 
commercialement des curiosités chimiques telle 
qu'on les expose dans quelques vitrines de Paris : 
sels et métaux cristallisés purs sont apparus d'u 
coup, en grandes masses, à l'Exposition de 1900. 

Les travaux récents nous démontrent l'existence 
de beaucoup d'éléments nouveau-venus : métaux 
précédemment irréductibles, série de l'argon, terres” 
rares nouvelles, corps radiants. Les esprits pré- 
venus veulent trouver une place raisonnable dans 
la Table de Mendeleef à ces envahisseurs gènants, 
mais n'y parviennent guère; je crains que plusieurs 
regrettent l'indiserétion trop progressive de ces 
découvertes qui viennent briser la charpente pro- 
visoire de la Table coutumière. 

Il n'y a pas un rapport commensurable entres 
l'hydrogène et l'oxygène. Si le premier est exacte 
ment 1.000, par convention, le second ne sera pas. 
16.000. Alors s’est élevée une copieuse controverse 
qui a conduit la majorité à prendre le nombre 46. 
exact pour commune mesure dans les analyses, Il 
ne fallait pas une aussi grande somme de travail 
pour des chiffres praliques, car l'hydrogène reste 
toujours à la base des poids atomiques; il les dé- 
finit par la convention des densités de vapeur, et 
peu importe que, dans de rares calculs, l'oxygène 
soit entier et l'hydrogène fractionnaire, puisque le 


{ C.R., t CXXX et CXXXI. 


A. ÉTARD — REVUE ANNUELLE DE CHIMIE PURE 


1079 


rapport est fixe. Il y a quelque byzantinisme dans 
ces préoccupations que l’on rend graves. 

Dans la science, des théories qui semblent fon- 
damentales deviennent spontanément caduques. 
L'atomicilé n’est plus qu’une question d'empirisme 
pralique, souvent utile, il faut le dire. Mais au fond, 
sans paradoxe, tous les éléments ont toutes les 
- atomicités; ils font ce qu'ils peuvent dans des con- 
ditions déterminées ou ce qu'ils veulent pour être 
au mieux dans le milieu où la Nature les met. C'est 
ainsi que le fluor est monoatomique, car il forme 
H— F1], et le soufre diatomique H°=S, ou tétrato- 
mique S=0*, et tout cela n'est pas très stable. 
M. Moissan parait s'inquiéter peu de ces règles, car 
il a découvert récemment avec M. Lebeau un hexa- 
fluorure de soufre S Fl°, qui est la plus stable des 
« combinaisons de cette série. Le fluorure de soufre 
« est résistant à ce point qu'on l'eût pris il y a vingt 
… ans pour l'azote, dont il a les propriétés nulles à 
… premier examen. Pour l’enseignement surtout, une 
grande réforme s'impose tendant à élaguer les cer- 
- titudes traditionnelles. 


É III 


* MM. Perkinet Thorpe’ produisent un Mémoire de 
soixante pages sur les méthodes de synthèse de ce 
qu'ils nomment des cycles pontés. Par exemple, 
la formule du camphre, selon Bredt, est un héxa- 
- gone ponté : 


: 


< 
3 1H 
| : # ï Il 
| CHE CIF CH3—C— CH 
À | ec < l 
A à ‘Ha x 
$ CHE re 1104 Xe Il 
| É # uE lu 
4 : ns à "4 Ke 3 

| 
| pr CH 
; Camphre. Paracymène. 


Quand le pont se rompt vers le haut du schéma, 
on conçoit qu'il se fasse du paracymène. Le travail 
est des plus riches en expériences et trop spécial 
. pour être résumé. J'ai tenu seulement à signaler 
cette expression de corps pontés, afin que si elle 
fait fortune on la puisse trouver ici. Il faut voir 
. en cela plus que cette faible satisfaction. Il n'y a 
_ plus de formules limitées à un hexagone où un 

autre polygone simple. Depuis longtemps, après les 
formules d’alcaloïdes de Einhorn, elles ont été 
déerites dans la Revue. Ces formules organiques 
représentent plus largement la complexité des 
conformalions chimiques, et c'est encore bien peu. 

Les noms des corps obtenus par les auteurs sont 

fort compliqués, même pour des chimistes, etencore 


ddlud 


laits.) 


1 Chem. Soc., 1901, Juin. 


onl-il eu un instant l’idée de les augmenter tous 
du préfixe ysL tiré du mot grec pont. On ne 
ferait pas mieux en voulant appliquer la théorie 
de l'excès du mal, pour démontrer que la Chimie, 
comme les Mathématiques, s'écrit, mais ne se parle 
pas en conversation. Dès qu'une matière devient 
utile, il suffit de lui donner un nom commode: c'est 
le cas de l’antipyrine. En réalité, les formules, dont 
s'effraient les commencants, constituent une litté- 
rature essentiellement polymorphe. Le même pay- 
sage ne sera pas peint de même par dix paysagistes 
également remarquables. Ces maitres tireront de 
la même réalité des toiles grises, violettes ou 
jaunes. Qu'on m'excuse pour cette image ; la Chimie 
n’a pas une rigidité mathématique et c’est bien la 
servir que de tàcher de la voir sous ses aspects 
infiniment variables. 

Malgré le nombre considérable d’exécutants 
qu'il y à en Allemagne, il est remarquable de voir 
la vogue des conceptions verbales, de l'ivresse des 
mots. 

Les dissertations de nomenclature sont suivies, 
et je relève encore les noms de norcarane, de bis- 
cyclane, de spirocyclane, de phénoxozone, etc... 
bons à donner une apparence de profonde science 
à ceux qui les répéteront à propos, avant qu'ils ne 
tombent dans l'oubli. En France et en Angleterre, 
avec moins de travailleurs, ce romantisme ou celte 
scholastique tendent à disparaitre et les jeunes 
reprennent la tradition par preuves serrées des 
fondateurs de la Chimie. 

En Chimie, quand un élément subit une action 
d'ordre très général comme celle de la polarisa- 
tion lumineuse, il y a lieu de croire que tous les 
éléments, s'ils peuvent former des combinaisons de 
même ordre, agiront de même; il s’agit de mettre, 
si possible, les éléments en posture de subir les” 
lois générales. Assurément, sans préparation, toute 
matière obéit à la loi fondamentale de la chute des 
corps. Mais si a priori tout corps simple est sus- 
ceptible de prendre l'orientation plus délicate de 
Le Bel, Van’t Hoff, il faut le mettre dans cet état 
d'orientation. É 

Parmi les plus récentes recherches en ce genre, 
se trouvent celles de MM. Pope et Peachey * sur le 
soufre. De même qu’un carbone asymétrique en- 
gendre la rotation, de mème le soufre saturé dis- 
symétriquement donne le pouvoir rotatoire; Lel est 
le cas du corps : 


2 gs — 2 2 

C'He, /CH*—CO*H\* à 

S£ PtCL, 
a “cr 


du type des sulfines découvertes par Cahours. Un 
petit nombre de lois générales, souvent ignorées 


1 Chem. Soc. Joura., t. LXXVII, p, 1072. 


10S0 


d'ailleurs, suffisent à nous rendre les choses d'une 
incompréhensible complication. 

Les mêmes auteurs décrivent un composé qui 
ne doit sa rotation droite qu'à de l’étain : 


n(CH®, CHF, CHF, 1). 


Malgré l'afflux des mémoires hérissés de for- 
mules, — d’ailleurs toujours les mêmes, — il n'y 
a que peu de grandes questions à l'étude, mais 
celles-là sont durables au point qu'il faut s’excuser 
d'en reparler toujours. 

Les corps terpéniques ont lassé bien des cou- 
rages sans que la synthèse du térébenthène ou du 
camphre ait avancé. Il devient de plus en plus 
certain que, dans cette série plus qu'ailleurs, les for- 
mules sont mobiles. On sait qu'auprès d'une la- 
cure, entre deux carbones consécutifs des migra- 
tions isomères se peuvent produire L'’acide iodhy- 
drique peut agir de deux facons sur un propylène : 
CH?= CH — CH° + HI = CH°I — CH? — CHE où CHE — CHI — CHS 


TN EN D Te  - 


Propylène. lodopropane. lodopropane II. 


Mais des actions physiques telles que la chaleur 
peuvent faire passer l’iode de la situation I au 
point IL. Il y a relation de voisinage immédiat et 
un chassé-croisé possible de H et de [. Une chose 
plus surprenante a été relatée dans les travaux de 
Blanc et de Perkin : une chaîne fermée pentagonale 
pourrait s ouvrir pour recevoir un radical étranger 
et devenir un hexagone. Pour nous borner à un 


schéma : sans mots, nous aurions la suite : 

F- R 

Hs LA CREME © a 
RAR ne te Lea 
DA N7/ \/ NF 
PentagOnC. > ]Jlexagone. 


L'étude du mécanisme des réactions, chose capi- 
lale, gagnera à ce que de semblables faits soient 
souvent démontrés, et cela contribuera à rendre 
impossible l'effort stérile de mémoire où nous con- 
duit une nomenclature parlée. Cette mobilité des 
formules qui‘tend à se faire jour explique pourquoi, 
pendant quelque temps, nous pensons savoir enfin 
les formules terpéniques, et, bientôt après, elles nous 
semblent bien incertaines. Par les faits particuliers 
les plus étroits, il convient de s'élever à des no- 
lions générales, puis laisser dans les livres pou- 
dreux les corps inutiles aux noms compliqués qui 
encombreront l'Histoire. 

Dans la série si incertaine du camphre, 
MM. Wagner et Brykner ‘ ont découvert un car- 
bure nouveau, le bornylène, qui selon eux est, plus 
que le camphène, apte à se convertir en camphre 
ou en bornéol. C'est un éthylène substitué. 


! Berichte, t. XXXIII. 


. A. ÉTARD — REVUE ANNUELLE DE CHIMIE PURE 


Les formules du type de Bredt, pontées, sont : 


CH [0] 
RS AN 
Fe. N A ù 
CHE CH° CH? CH 
[cu-6-cn° [ens-6-cr 
CH° co CH? CH 
à £ à PA 
à C A 2x li 74 
| 
CH° CHS 
Camphre. Bornylène. 


Dans le groupe des alcaloïdes, autre sujet d'im- 
portance, car ils sont aussi liés à la vie des végé- 
taux, on ne sait pour quelle raison, il semble que 
la mobilité soit moins grande. Les formules des 
poisons sont fort complexes; mais au moins, quänd 
on arrive à les connaitre, elles conservent une sta- 
bilité assez grande. IL n’est pas sans intérêt de 
mettre sous les yeux de lecteurs éclairés une de 


ces formules; cela montre avec quel degré de com- 


plication la chimie organique représente des corps 
naturels qui sont loin de passer pour très com- 
plexes. Selon MM. A. Pictet et B. Athanasescu, la. 
laudanosine est un produit de réduction du chlo- 
rométhylate de papavérine, et voici sa formule : 


CH CHE 
PONION 
CHOC RU RAUES 
(En een 
CHIO "CNCHNAZCEe CH — CH 
NON : 4 
CI CH CH —C 


NS 4 

N oc # 

a 
tuée ÉAHOCS 


Si de telles formules sont nécessaires pour mon- 
trer où en est l'écriture chimique de notre époque, 
on conçoit qu'il soit fastidieux de multiplier ces 
dessins quand il s'agit de corps secondaires qui ne … 
remuent pas les idées d'ensemble ni les intérêts 
techniques. 

Très habitué à voir le point de départ des réac- 
tions et le résultat, il est rare que le chimiste ait 
une idée de la succession parfois longue des actes 
accomplis. Et d’ailleurs, nombre de méthodes sont 
également bonnes. Nous faisons, nous, de l'acide 
lartrique en formant des dérivés succiniques 
bromés à 140° dans des vases résistants ; la Nalure 
le fait tranquillement à froid sans autant de fracas. 
Pour imiter le résultat final d'une action vivante, 
il semble que nous prenions à tâche de gaspiller. 
de la matière, de l'énergie et du temps.-Dans la. 
recherche des méthodes naturelles que se proposent 
de plus en plus les physico-chimistes et les biochi= 
mistes, M. G. Bertrand a observé un cas curigux 24 
la cause du bleuissement des champignons, qui, 
bleuissent parce qu'ils contiennent une sorte d'ali- 
zarine rouge, le bolétol. Ge bolétol .reste rouge à. 
l'air, mais, addilionné d’une trace d'une. diastase, il 
se combine aussitôt à l'oxygène et devient,bleu. » 


A. ÉTARD — REVUE ANNUELLE DE CHIMIE PURE 


1081 


La nature de ces diastases n'est pas chimique- 
ment fixée ; elles meurent le plus souvent à chaud, si 
tant est qu'une matière chimique dissoute ait une 
vie à perdre, et pourtant elles sont toujours là en 
traces comme le deus ex machinä qui résout les 
transformations de la chimie cellulaire. Comme on 
n'est pas en élat d'écrire la formule de constitution 
d'une diastase ou d'une toxine avec le degré 
d'approximation du développement de la simple et 
vulgaire laudanosine ci-dessus, la chimie biolo- 
gique ne donne que des résullats très lents. Beau- 
coup de temps a été perdu à discuter sur des albu- 
. mines variées, acidalbumine, alcalialbumine, hé- 
. mialbumine albumoses el histones diverses, 
peptones diverses, points de coagulation divers, 
nucléines diverses et mixtes. Il ne faut pas cher- 
cher dans ces malières, si elles ne cristallisent pas, 
de l'homogénéité des caractères chimiques perma- 
nents. Elles sont biologiques. Les colorations, les 
diflérences d'aspect peuvent être de bons signes 
chimiques, mais on n'a pas encore constitué une 
véritable chimie avec ces malériaux. La certitude 
d'identité, l'analyse élémentaire et la cryoscopie 
sont souvent décevantes dans ces cas. 

Un homme qui à fait ses preuves dans l’art de 
reconstituer les matières de la vie, E. Fischer, a 
repris un peu de notre ignorance par la racine. 
Après Braconnot et Schutzenberger, il n'étudie 
pas les albuminoïdes : il tâche d’abord de les dissé- 
quer en bon anatomiste. Son travail sur une 
espèce déterminée, la caséine, est surtout l'exposé 
d'une méthode d'analyse de ces sirops noirs 
qu'on obtient après toute hydrolyse souvent mal 
conduite. De là, par des distillations fractionnées, 
l’auteur sépare une leucine, un acide glutamique 


C°H*A20*, un aminovalérique et un acide pyroli- 
dine-carbonique. Ge sont ces recherches qui nous 
apprendront comment les choses sont réellement 
faites et nous laissent espérer une explication 
logique des albuminoïdes pour un avenir encore 
lointain. 

Cette voie me parait la seule bonne, et je pense 
avoir constitué une méthode moins longue pour 
doser quelques-uns des principes des dérivés de 
l'activité du proloplasme ou protoplasmides. En 
tout cela, il n’est pas question, bien entendu, des 
albuminoïdes vivants, 22 silu, alors qu'entre eux 
ils peuvent se dissoudre ou se coaguler, maintenir 
la santé ou causer la mort par suite de leurs évo- 
lutions chimiques. À 

La dissection préalable des albuminoïdes, fut 
aussi étudiée par Miescher poursuivie par 
Kossel, et de nombreux travaux faits à leur 
imitation paraissent indiquer que les bases hexo- 
niques (argynine, lysine, etc...) nous donneront 
le secret des albumines. On n'a jamais les secrets 
de science tout entiers ; les générations futures ne 
se trouveront pas sans ouvrage. Si loin que se 
pousse, en Chimie biologique, la question des bases 
hexoniques, elle sera probablement toujours la 
chimie d’une fonclion physiologique spéciale : celle 
des matières à évolution rapide et passagère de la 
reproduction. En concevant la Chimie au service 
de l'anatomie comparée el des tissus, nous arri- 
vons à l'idée juste de la complication des études 
d'albuminoïdes, du temps qu'elle exigera et des 
surprises qu'elle nous réserve. 


el 


A. Etard, 
Examivateur de sortie à l'École Polytechnique, 
Chef des Travaux chimiques 
à l'Institut Pasteur. 


1082 


BIBLIOGRAPHIE — ANALYSES ET INDEX 


BIBLIOGRAPHIE 


ANALYSES ET INDEX 


1° Sciences mathématiques 


Walras (Léon). — Eléments d'Économie politique 
pure ou Théorie de la richesse sociale, 4° édition. 

4 vol. 1n-8° de 492 pages, avec 5 planches. (Prix : 

7 fr. 50). Æ. Rouge, 24, rue Haldimand, Lausanne 

et F. Pichon, éditeur, 24, rue Soufflot, Paris, 1901. 

L'application des sciences mathématiques aux con- 
naissances d'ordre économique et sociologique est 
relativement moderne. Elle s’est cependant constituée 
en peu de temps, de manière à former un corps de 
doctrine, qui a reçu le nom de Chrématistique. Cournot 
paraît être l’un des premiers qui aient abordé ce sujet; 
puis, dans le domaine particulier des assurances, l'ac- 
tuariat, n6 en Angleterre, n’a pas tardé à prendre un 
peu partout une importance sans cesse grandissante. 
Cette importance était déjà sérieuse, il y a plus de vingt- 
cinq ans, lorsque M. Léon Walras publia pour la 
première fois ses travaux sur la science des richesses, 
dont l'ouvrage actuel est une réédition mieux coor- 
donnée. Il fut un chef d'Ecole et un créateur; de nom- 
breux disciples ont continué et développé son œuvre, 
et propagent la science nouvelle à laquelle il a donné le 
nom d'£conomie politique pure. Par là, il entend l'étude, 
par des moyens mathématiques, des faits économiques 
qui dépendent de la nature même de l’homme, mais 
non pas de sa volonté. 

C’est là une tentative qui a rencontré et qui ren- 
contrera des sceptiques. Les Mathématiques, dit-on 
souvent, ne s'appliquent pas à tout. C’est vrai; mais la 
méthode mathématique peut utilement s'appliquer à 
tout ce qui est susceptible de mesure; et elle ne con- 
duira jamais à des déceptions, àla conditionexpresse de 
ne pas lui demander ce qu’elle ne saurait donner, et de 
n'y voir qu'un moyen de transformation rigoureux, per- 
mettant de raisonner avec plus de facilité et de sûreté, 
une fois posées nettement les prémisses et les défini- 
tions initiales. Quoi qu'on en puisse penser, les écono- 
mistes surtout auraient tout à gagner en s'inspirant 
des idées de M. Walras. À une étude qui n’a descientifique 
que l'apparence et dans laquelle la rhétorique joue le 
grand rôle, ils substitueraient une doctrine logique et 
bien assise. Il faudrait pour cela que les économistes 
fussent un peu mathématiciens ; mais beaucoup le sont 
déjà, dans une mesure largement suffisante, et les 
efforts de M. Walras et de son Ecole n’y ont pas peu 
contribué. 

Dans sa forme actuelle, le livre dont il s’agit se com- 
pose de huit sections, dont il nous suffira de présenter 
ici une sorte de sommaire. De pareils sujets se prêtent 
mal à l'analyse, à moins de développements très con- 
sidérables; et rien ne saurait suppléer à la lecture. 

Section 1. — Définitions et principes. L'auteur déve- 
loppe ici les considérations d'où est sortie l'Economie 
politique pure. 

Section II. — Echange de deux marchandises entre 
elles sur un marché où existe la libre concurrence 
absolue. 

Sections IT, IV, V. — Echange d'un nombre quel- 
conque de marchandises entre elles sur un même 
marché; prix des services et des produits; prix des 
capitaux. 

Section VI. — Théorie mathématique de la circulation 
el de la monnaie, 

Section VII. — Lois de variation des prix dans une 
société progressive. 

Section VIT. — Modifications qui se produisent 
lorsque l'hypothèse de la libre concurrence absolue 
cesse d’être admissible. 


Dans tous ses développements, l'auteur s'aide alterna- 
tivement des ressources algébriques et graphiques. 
C'est à ces dernières qu'il semblait avoir donné la pré- 
férence dans ses travaux primitifs. 

Ce livre mérite même d'attirer l'attention des lecteurs 
qui ne croient pas à l'Economie politique, en tant que 
science, parce qu'ils estiment que jamais les hypothèses 
premières ne sont applicables dans la pratique. Il est, 
en effet, permis de soutenir que, dans la période de 
l'humanité que nous traversons, la répartition et la cir- 
culation des richesses n’ont d’autres causes que l’écra- 
sement du plus faible par le plus fort, la violence 
exercée par celui-ci contre celui-là; et que la concur- 
rence libre n'existe pas entre un homme dépouillé de 
tout et un autrearmé jusqu'aux dents. Mais si l’on peut 
espérer un ayenir meilleur, on n'y atteindra que par de 
patientes études, par la mise en lumière de la vérité; on 
y. arrivera d'autant plus vite que se seront multipliées 
davantage des recherches analogues à celles auxquelles 
M. Walras à consacré sa vie. C.-A. LAISANT. 

Examinateur à l'École Polytechnique. 


2° Sciences physiques 


Busquet (R.), Professeur à l'Ecole industrielle de 
Lyon, Ingénieur de l'Eclarage de la Ville de Lyon. 
— Traité d’Electricité industrielle. — 2 vol. 11-12 
de 496 et 536 pages, avec 274 et 288 figures. (Prix, 
cartonné : 10 fr.) J.-B. Baïllière et fils, éditeurs. 
Paris, 1901. 


Le livre de M. Busquet n’est pas, comme l'excellent 
petit livre de M. Janet, uue simple /ntroduction ou 
Exposé des principes de l'Electricité industrielle. Il 
veut être un Zraité véritable, présentant d'une part les 
éléments fondamentaux de la théorie, sans aborder les 
théories complètes telles que les peut donner, par 
exemple, avec les ressources ordinaires du calcul, le 
livre justement classique de M. Eric Gérard, et conte- 
nant d'autre part une description assez détaillée de 
nombreux types de dynamos, de moteurs, de lampes, 
de systèmes de traction, d'appareils télégraphiques et 
téléphoniques. 

Il se distingue donc des deux types d'ouvrages que 
nous venons de citer, et comble à cet égard une lacune. 
Il est appelé à rendre des services, non seulement à 
des élèves ingénieurs ou à des personnes qui veulent 
s'initier à l'électricité industrielle, mais même à tous 
ceux qui en connaissent les principes et les appliquent 
couramment, et qui trouveront là, sous un format com- 
mode, un nombre jamais excessif, mais suffisant, de 
descriptions et de données concrètes. 

Les théories élémentaires sont clairement et assez 
complètement exposées. À cet égard, il ne faut pas trop 
prendre à la lettre les déclarations contenues dans la 
préface. M. Busquet déclare qu'il ne fera pas de « Ma- 
thématiques transcendantes », contrairement à ses de- 
vanciers qui s’adressaient à des personnes « ayant des 
connaissances relativement élevées ». Or, nous savons 
trop ce que les gens du monde, et même les élèves qui 
viennent de terminer ieurs études secondaires, en- 
tendent par les «Mathématiques transcendantes ». Ces 
déclarations pourraient donc nous faire craindre que 
l'auteur ne nous donnât pas un livre sérieux. Nous 
voyons pourtant que, — même dans le texte en gros 
caractères, qu'on nous annonçait « dépouillé de for- 
mules et de calculs », — l'auteur donne, avec la 
démonstration, la formule d'Hopkinson sur le circuit 
magnétique, ou l'expression de Ja f. 6. m. d’une dynamo 
Gramme (la formule des trois N). Sans doute, il a rai- 


| 
. 
| 
| 


tite tte. e- 


BIBLIOGRAPHIE — ANALYSES ET INDEX 


1083 


son de ne pas écrire pour les lecteurs qui trouveraient 
que c’est là de la « Physique mathématique ». Mais ne 
peut-on pas dire qu'il ne tient pas toutes les promesses 
de sa préface ? Il n'y a lieu que de l'en féliciter. 

Pourquoi aussi parler des transformations et de la 
conservation de l'énergie, sans donner aucune notion de 
la dégradation de l'énergie ? Cela aussi peut se faire sans 
aucun appareil mathématique, et a l'avantage de ne 
pas vulgariser sous une forme incomplète et fausse une 
idée capitale. Et l'intérêt de l'électricité industrielle 
peut-il être le même pour quelqu'un qui n'a pas, même 
vaguement, l'idée que les divers seus de transforma- 
tions de l'énergie ne sont pas équivalents? 

En ce qui concerne l'exécution matérielle, si les 
figures représentant des appareils sont en général bien 
faites, quelques-unes des figures théoriques (voir, par 
exemple, les fig. 49, 67 du tome I) gagneraient à être 
tracées et gravées d'une touche un peu plus légère. 

Je ne voudrais pas que ces petites critiques fissent 
le lecteur se méprendre sur ma pensée, qui est que le 
Traité de M. Busquet est un livre utile, ne faisant pas 
double emploi avec d'autres livres français, et destiné 
à rendre de sérieux services. BERNARD BRUNHES, 


Directeur de l'Observatoire du Puy de Dôme, 
à Clermont-Ferrand. 


Pozzi-Escot (M.-E.).— Traité d'Analyse théorique 
‘ et pratique des substances minérales par les mé- 
thodes volumétriques et colorimétriques.— 1 vo/. 
in-18 de 244 pages. (Prix : 2 fr. 50), V'e Ch. Dunod, 

éditeur, Paris, 1901. 

Par leur facilité et leur rapidité d'exécution, que 
n'exclut pas la rigueur des résultats, les méthodes volu- 
métriques acquièrent chaque jour une importance plus 
grande aussi bien dans l'analyse industrielle que dans 
l'analyse scientifique. — Grâce à elles, en effet, l'indus- 
triel ou le commerçant peuvent être mis presque 
immédiatement au courant des résultats cherchés et 
donner ainsi, condition essentielle, une solution immé- 
diate à la question pendante.— Grâce à elles aussi, ont 
pu se résoudre les difficiles problèmes de la saturation, 
de la chloruration, etc., etc. 

Rassembler les différentes méthodes disséminées 
dans des ouvrages volumineux, unifier les modes opé- 
ratoires, variables souvent avec chaque opérateur, en un 
mot mettre tout chimiste en état d'employer avec 
rapidité et correction les méhodes volumétriques 
claires et rigoureuses, c'était certainement faire œuvre 
utile; et nous devons tout d'abord remercier très sin- 
cèrement M. Pozzi-Escot d’avoir bien voulu entre- 
prendre cette tâche et le féliciter ensuite hautement 
pour la facon dont il a su s'en acquitter. 

L'ouvrage est divisé en deux parties : 

La première, consacrée tout spécialement à l'étude 
des instruments et principes théoriques relatifs aux 
méthodes volumétriques, donne tous les renseigne- 
ments techniques indispensables et nécessaires pour 
aborder utilement l'étude de ces méthodes. 

La deuxième partie traite de l'application de ces 
méthodes à l'analyse des métalloïdes et métaux les plus 
courants. 

Par le choix judicieux et éclairé que l’auteur a su 
faire des procédés employés, cet ouvrage constitue une 
œuvre véritablement sincère et documentée et qui a, 
dès maintenant, sa place marquée dans la bibliothèque 
de ceux qui s'intéressent à l'Analyse chimique. 


C. PouLenc, 
Docteur ès sciences. 


3° Sciences naturelles 


+Jadin (Fernand). — Contribution à l'étude des 
Simarubacées. (Thèse de la Faculté des Sciences 
de Paris). — 1 vol. in-8° de 106 pages, avec figures 
et une planche. Masson et Ci, éditeurs. Paris, 4901. 


A côté des grandes familles naturelles, dont per- 
sonne ne conteste l'autonomie et l'homogénéité, s’en 


trouvent d'autres qui, tout en présentant des caractères 
communs, renferment des genres dont les affinités 
sont à tel point douteuses qu'ils sont placés dans des 
groupes voisins quandils ne sont pas ballottés dans des 
familles très éloignées les unes des autres. Il faut dès 
lors chercher des faits tirés de la morphologie interne, 
pour grossir lè nombre des caractères pouvant fixer la 
place de tel ou tel genre dans la classification. Cette 
méthode anatomique, féconde en résultats heureux, a 
été appliquée à la famille des Simarubacées, dont 
M. Jadin a fait une étude aussi magistrale dans les vues 
générales, que minutieuse dans l'observation des faits. 

L'auteur, après avoir fait l'histoire de cette famille et 
examiné les vicissitudes par lesquelles elle a passé, 
établit ses recherches sur la classification d'Engler, qui 
admet 28 genres. ,. 

On accepte volontiers une manière de voir étayée 
par une étude portant sur 109 espèces d'une famille 
qui en comprend 138, surtout quand elle est faite 
comme celle de M. Jadin. Après avoir indiqué les carac- 
tères morphologiques, l'habitat, le nombre des espèces 
connues et celles sur lesquelles ont porté ses recherches, 
l'auteur donne avec abondance de détails fous les carac- 
tères anatomiques des différentes espèces. Une étude si 
bien conduite fait regretter d'autant plus l'absence de 
remarques qu'on aurait pu tirer des racines, organes 
qui ne figurent que rarement dans les herbiers. 

Enfin, en condensant les nombreux faits accumulés 
dans la troisième partie, M. Jadin donne un apercu 
général de la famille dans le deuxième chapitre de son 
travail. Il passe en revue les caractères tirés de la 
morphologie externe, et, après avoir constaté le peu de 
fixité que présente la formule florale, qui du reste ne 
peut être établie tant au point de vue des sépales et des 
pétales qu'à celui des étamines, il dit, après avoir parlé 
du gynécée : « On voit donc qu'au sujet de la soudure 
« et du mode d'être des carpelles et des styles, il n'ya 
« rien de fixe, et que l’on trouve toutes les manières 
« d'être dans les Simarubacées », et conclut : « Nous 
« voyons qu'en dehors du caractère général tiré des 
« ovules suspendus épitropes, il n’y a pas un seul carac- 
« tère constant tiré de la morphologie externe des Sima- 
« rubacées. L'épitropie des ovules n'existe même pas 
« toujours chez toutes les plantes rangées parmi les 
« Simarubacées, car les ovules sont apotropes dans le 
« genre A/varadoa ». 

L'auteur est alors amené à faire l'étude approfondie 
de la morphologie interne. Cette partie donne à l'œuvre 
de M. Jadin le caractère remarquable d'une laborieuse 
érudition, et, grâce aux données anatomiques, certains 
points douteux sont éclaircis. L'auteur indique fes 
genres pourvus de canaux sécréteurs périmédullaires ; 
ce sont : Simaruba, Simaba, Oldyendea, Hannoa, Eu- 
rycoma, Brucea, Picrasma, Picrolemma, Ailanthus, 
Soulamea, Picrocardia, Amaroria. Quelques genres 
renferment des canaux sécréteurs et des sclérites : 
Simaruba, Oldyendea, Hannoa, Eurycoma, Simaba. 
D'autres ne renferment que des sclérites: Mannia, 
Hyptiandra, Quassia, Castela. Enfin, un caractère très 
constant, mais qui se retrouve dans d’autres familles, est 
tivé du péricycle, qui est composé de plusieurs assises 
de cellules, dont les plus externes constituent, en tout 
ou en partie, une zone de protection; cette couche est 
représentée dans les nombreux schémas qui illustrent 
ce travail. 

Se basant sur ce fait que, dans l'examen des carac- 
tères anatomiques, les genres /rvingia, Klainedoxa et 
Picrodendron doivent toujours être cités à part, M.Jadin 
pense que, « si on les maintient dans cetfe famille, il 
faut les opposer à toutes les autres Simarubacées, et les 
considérer tout au moins comme une sous-famille ». 

Après une revue des genres Soulamea et Picrocardia, 
M. Jadin croit pouvoir identifier le Picrocardia de 
Radikofer au Soulamea. Le caractère tiré des feuilles 
simples ou composées ne peut pas entrer en ligne de 
compte puisqu'une même branche peut porter les deux 
sortes de feuilles, comme le prouve une belle planche 


1084 


BIBLIOGRAPHIE — ANALYSES ET INDEX 


annexée au travail; d'autre part, le genre Soulamea 
comprend des espèces à fleurs trimères, tétramères et 
pentamères, et, qui plus est, il n’y a pas de caractères 
anatomiques différeutiels entre ces deux genres. 

Grâce aux caraclères analomiques spéciaux des 
Suriana (« poils glanduleux externes sur la tige et sur 
« les feuilles, écorce interne formée de cellules plus 
« petites que celles de l'écorce externe, pétiole avec un 
« faisceau ouvertetne recevant qu'un faisceau de la tige, 
« slomates silués sur les deux faces, tissu palissadique 
« bien développé sur les deux côtés de la feuille »), 
M. Jadin se range à l'opinion de Baillon, basée sur des 
caractères de morphologie externe, et pense « qu'il 
faut considérer la tribu des Surianées de Baillon 
comme une famille spéciale, ayant des affinités d’une 
part avec les Simarubacées, et d'autre part avec les 
Géraniacées ». 

Enfin, après avoir constaté que les amas fibreux qui 
sont constamment placés dans la région péricyclique 
chez les Simarubacées sont placés sous l'épiderme 
chez les Holacantha, auteur pense qu'on doit le consi- 
dérer comme constituant à lui seul la famille des Hola- 
canthacées. 

Néanmoins, pas plus que la morphologie externe, la 
morphologie interne ne peut fournir un caractère cons- 
tant susceptible de caractériser cette famille. 

Un mérite réel est d’avoir recueilli de nombreux 
matériaux, accumulé une masse considérable d’observa- 
tions nouvelles et précises, etles avoir fait concourir à 
caractériser les espèces botaniques, et à rectifier les 
opinions de certains auteurs, tout en donnant un argu- 
ment de plus à celles qui n'étaient pas suffisamment 
justifiées. 

Mais, si, après des travaux impartiaux et à tel point 
documentés, les limites des familles restent toujours 
fluctuantes, il faut nécessairement penser que nos 
connaissances des temps géologiques encore très incom- 
p'ètes doivent intervenir pour établir le cadre de nos 
classifications trop étroites et toute subjectives, afin de 
lui faire contenir le plan grandiose et sublime de la 
Création. L. LAURENT. 

Docteur ès Sciences, 
Professeur aux Cours coloniaux 
de la Chambre de Commerce, 


Préparateur de Botanique 
à la Faculté des Sciences de Marseille. 


Sanson (André), Professeur honoraire à l'Ecole 
nationale de Grignon et à l'Institut National Agrono- 
mique. — L'Espèce et la Race en Biologie géné- 
rale. — 1 vol. in-8° de 320 pages. (Prix : 1 fr. 50) 
Schleicher frères, éditeurs. Paris, 1901. 


En dépit des flots d'encre qu'elle a fait couler et de 
la somme incroyable de travaux qu'elle a suscités, la 
grande question de l'espèce et de la race est une de 
celles qui sont et demeurent indéfiniment ouvertes. 

C'est qu'en effet elle n’est pas susceptible d’une solu- 
tion simple, directe, mathématique. Et pourtant, il est 
permis de constater que la discussion du problème, 
dans ses grandes lignes, s'est montrée singulièrement 
favorable aux doctrines transformistes, si bien qu'elle 
a perdu beaucoup de son intérêt primitif. Nous en 
sommes même arrivés à ce point que la publication 
des questions relatives à ce sujet nous laisse souvent 
une impression de monotonie quelque ‘peu décevante. 

Mais l'ouvrage que vient de publier M. Sanson sort 
franchement de cette banalité courante, et c'est pour- 
quoi ilretient d'emblée l'attention, comme toute œuvre 
qui porte une empreinte vraiment personnelle. 

Et bien personnelles, en effet, sont les idées de l'au- 
teur, qui les a défendues avec ardeur dans son ensei- 
nement, mais qui les développe ici avec plus d’am- 
pleur, et les affirme avec plus de vivacité que jamais. 

M. Sanson se propose essentiellement de déterminer 
la notion de l'espèce et celle de la race. A son avis, 
c'est là une question fondamentale pour les biologistes, 
el c'est à leur intention évidemment qu'il à entrepris 
la publicalion de son ouvrage. Bien des auteurs déjà 


se sont essayés à cette détermination, bien des efforts 
ont été dépensés pour donner simplement une défini- 
lion de l'espèce, et nous savons tous combien peu 
satisfaisants ont été les résultats de ces efforts. Au fond, 
il faut en convenir, il s'est toujours agi de décider si 
les espèces sont fixes, ou si elles possèdent une 
variabilité illimitée. Et c'est là tout simplement la 
base du grand problème de l'origine des espèces. 

Or, M. Sanson se défend à chaque page de vouloir 
se mêler en rien aux controverses que soulève cette 
question d'origine. Mais, en fait, il s'occupe surtout de 
rassembler tous les documents et tous les arguments 
qui lui paraissent plaider en faveur de la fixité des 
caractères spécifiques. 

Sans nous arrêter à ce procès de tendances, nous 
chercherons à montrer en quelques mots comment 
l’auteur entend les termes d'espèce et de race. Les 
deux éléments sur lesquels on a fait reposer, jusqu'à 
présent, la notion d'espèce sont, comme on le sait, 
l'un d'ordre morphologique, la ressemblance, l'autre 
d'ordre physiologique, la filiation, et les naturalistes 
se sont efforcés de les combiner dans des mesures 
variables, attribuant tel degré de prééminence à l’un 
ou à l'autre. 

M. Sanson dissocie, au contraire, ces deux éléments, 
appliquant le premier à l'espèce, et le second à la race. 
Il s'ensuit que les deux termes espèce et race se 
réfèrent, selon lui, à un même ensemble d'objets, 
considérés à des points de vue différents : celui d’es- 
pèce est simplement l'expression d'une forme définie 
ou d'un modèle, et celui de race implique l'idée de 
descendance. D'où il conclut que, « dans l’ensemble 
des êtres vivants, il n'y a ni plus ni moins de races que 
d'espèces, chacune des espèces étant le type naturel de 
la race qui la représente au moment actuel ». 

On voit, somme nous le disions, que ce sont là des 
vues bien personnelles. A la vérité, nous ne découvrous 
pas quels avantages théoriques ou pratiques offrirait la 
substitution de ces idéesauxidéesgénéralement admises. 

Mais la lecture de l'ouvrage n’en est pas moins des 
plus instructives. Il y a là une accumulation remar- 
quable de documents de la plus haute valeur, heureu- 
sement groupés en vue d'une argumentation toujours 
habile; et l'auteur les met en jeu avec une rare puis- 
sance de dialectique, renforcée par le sentiment qu'il 
nous impose de sa profonde sincérité; et surtout il sait 
passer les faits au crible d’une critique serrée, nous 
montrant combien il faut être réservé avant d'accueillir 
comme avérées telles données que des hommesillustres 
ont pourtant acceptées les yeux fermés. 

Aussi, quelque jugement qu'on porte sur les doc- 
trines de M. Sanson, le nouvel ouvrage qu'il vient de 
produire ne peut manquer de forcer l'attention, et 
certes plus d'un naturaliste en pourra tirer avantage. 

A. RAILLIET, 


Membre de l'Académie de, Médecine, 
Professeur d'Histoire naturelle à l'Ecole d'Alfort. 


Guiart (Jules). — Contribution à l'étude des Gas- 
téropodes Opisthobranches et en particulier des 
Céphalaspides (These de la Faculté des Sciences 
de Paris). — 1 vol. in-8° de 220 pages, avec figures er 
planches. Le Bigot frères, éditeurs. Lille, 1904. 

M. Guiart, dans sa thèse, ne s’est pas limité à l’une 
des questions particulières que peut offrir le groupe 
des Opisthobranches. Il vise à l’étudier dans son 
ensemble et sous tous ses aspects. Une introduction 
comprend d'abord un historique des travaux antérieurs, 
puis la synonymie de quelques espèces. Une première 
partie (p. 33-60) est consacrée à la Biologie (l'auteur 
emploie ce mot au sens que lui donnent les auteurs 
allemands ; Zthologie serait plus précis) de quelques 
types. On y trouvera réunis notamment des renseigne- 
ments utiles pour la recherche de ces animaux. Une 
seconde partie (p. 62-158) est intitulée Morphologie et 
subdivisée en les chapitres suivants : Extérieur el com- 
plexe palléal; tube digestif; système nerveux et 


PR PS OPEN 


BIBLIOGRAPHIE — ANALYSES ET INDEX 


1085 


organes des sens; structure des centres nerveux; 
organes reproducteurs. Une troisième partie enfin, dite 
Ontogénèse et Phylogénèse, expose quelques traits du 
développement de la Philine et diverses considérations 
sur l’origine etles relations mutuelles des Opisthobran- 
ches. Disons seulement de ces dernières que M. Guiart 
se rallie à l'opinion d’après laquelle les Opisthobranches 
sont des Gastéropodes ayant subi une détorsion, et qu'il 
n'en fait (en y juignant les Pulmonés) qu'une subdivi- 
sion des Monotocardes. 

Les titres mêmes des parties et chapitres ci-dessus 
énumérés iudiquent que l'auteur à touché à de très 
nombreuses questions particulières sur un sujet déjà 
Jargement fouillé avant lui, sur lequel même plusieurs 
travaux synthétiques de grande valeur ont déjà été 
publiés. Je me contenterai de citer ici celui de Pel- 
seneer !, auquel M. Guiart rend d’ailleurs pleine justice, 
et qui offre de la morphologie comparée des Opistho- 
branches un tableau si moderne, si ample, si clair, en 
même temps que si concis. À reprendre le sujet d'une 
manière aussi compréhensive, on ne peut guère y 
ajouter que des détails. Sans doute, M. Guiart apporte 
à divers égards un contingent notable de faits nou- 
veaux, mais, en l'état de nos connaissances sur les 
Mollusques, il eût été mieux inspiré, il me semble, de se 
borner à l’une des questions qui occupent seulementun 
chapitre dans son travail. Je choisirai, pour l'altester, 
son chapitre sur le système nerveux, qui présente bien 
des remarques intéressantes, qui l'eussent été plus 
encore, si elles avaient été poussées davantage. A côté 
de l'Actæon, dont ia chiastoneurie a été mise en évi- 
dence par Bouvier el Pelseneer, M. Guiart montre les 
restes de cet élat de la chaîne nerveuse viscérale chez 
la plupart des Bulléens et une partie des Aplysiens. Il 
y précise l'homologation des disers ganglions. Une 
étude plus complète, étendue à plus de types, appuyée 
sur l'étude histologique des centres, aurait constitué 
un progres notable dans la morphologie comparée du 
groupe tout entier. De mème,une étude précise et assez 
complète du développement, fût-ce d'une forme unique, 
aurait élayé plus solidement des comparaisons ou des 
interprétations avancées au sujet de divers organes. 

La thèse de M. Guiart n’en sera pas moins utilement 
consultée pour les faits anatomiques nombreux qu'elle 
renferme et les figures très claires qui aident à les 
comprendre. 

M. CAULLERY, 


Professeur de Zoologie 
à la Faculté des Sciences de Marseille. 


4° Sciences médicales 


Delpeuch (Armand), Médecin de l'Hôpital Cochin. 
— La Goutte et le Rhumatisme. — {/n vol. in-8° de 
680 pages, avec 10 planches hors texte. (Prix car- 
tonné : 20 fr.) G. Carré et C. Naud, éditeurs. Paris, 
1900. 

Des circonstances indépendantes de notre volonté ne 
nous ont pas permis de rendre compte en temps voulu 
de cet intéressant travail de Delpeuch; aussi cette ana- 
lyse, en signalant les remarquables qualités qu'on 
rencontre tant dans ce travail que dans les pages con- 
sacrées par le même auteur à l'étude du rachitisme 
ou de la période prœpubère, ne pourra-t-elle qu'aviver 
les regrets causés par la perte de ce distingué collègue. 

De fait, on trouve dans ce livre un mélange d’apti- 
tudes et de dons, qui, à ce degré, se trouvent rarement 
réunis chez une seule personne. — Cette lecture révèle 
un esprit clinique qui manque quelque peu dans les 
publications de cet ordre, mème dans celles de Darem- 
berg, même dans l’œuvre incomparable de Littré : 
Delpeuch est plus médecin, tout en se montrant huma- 
niste éminent, historien érudit, botaniste instruit. 


* Recherches sur divers Opisthobranches. Mém. Cour. Ac. 
R. des Sciences Belgique, 1894. : 


C’est ainsi, qu'à ce point de vue, il nous apprend que, 
sous le nom d’hermodacte, de bulbe sauvage ou encore 
de surendjan, on a, depuis le 1ve siècle, utilisé des 
végétaux qui ne sont autres que le colchique; toutefois, 
au point de vue de la cueillette, de la conservation, de 
la dessiccation de ces produits, les Anciens procédaient 
autrement qu'on ne le fait aujourd'hui. Ces différences 
suffisent pour expliquer certaines variations dans les 
résultats enregistrés, car on conçoit sans peine que là. 
fraîcheur ou la vétusté, en d’autres termes l’âge d'une 
plante, puisse influencer, sinon la nature, du moins 
l'activité de ses différentes propriétés. 

Sans quitter le domaine de la Thérapeutique, on 
s'aperçoit que cette notion de matière médicale n’est 
pas la seule qui établisse des analogies entre les prati- 
ques des temps anciens et les conseils formulés à 
l'heure présente. Il fallait, en effet, dès l'Antiquité, prati- 
quer la créophagie et l’œnoposie, autrement dit la con- 
sommation des viandes et des vins ; on devait cultiver 
la philoponie, en fréquentant la palestre; on recom- 
mandait en somme l'exercice physique, un exercice 
modéré. Ajoutons, à ces conseils, l'usage des bains, le 
séjour dans des stations thermales sulfureuses, l'emploi 
du sable chaud, l'exécution des frictions, des onc- 
tions, la mise en jeu de l'électricité, et on sera conduit 
à se demander où se trouve, au point de vue des prin- 
cipes, la nouveauté, quand on parle de courants de 
haute fréquence, des applications locales de la chaleur, 
du gant de crins, de l'hydrothérapie, ete. 

La médication comprenait aussi l'ingestion des tisa- 
nes sudorifiques ou diurétiques; on poussait à l'éli- 
minalion comme on le tente de nos jours sous 
l'influence des idées d'aulo-intoxication; enfin les sels 
calcaires, la poudre d'os ne réponident-ils pas aux 
procédés mis en jeu pour combattre la dyscrasie 
acide? 

Toutefois, pour intéressantes que soient ces données, 
ces analogies, le grand, le vrai mérite de ce livre, 
ce qui fait de l’auteur un véritable historien de la 
Médecine, c’est qu'en étudiant la goutte, Delpeuch nous 
montre, au travers des âges, l’évolution des ilées, le 
plus souvent en progrès, faisant quelquefois faasse 
route, pour revenir au point de départ. — Aidés par de 
belles figures, nous pénétrons dans les écoles, chez les 
médecins, chez les malades; nous suivons la fortune 
oscillante des théories; nous voyons naître la doctrine 
de l’'humorisme, nous apprenons que, bien avant 
Baillou, gouite et rhumatisme étaient choses dis- 
tinctes. — Chemin faisant, on entrevoit, tout au moins, 
une allusion aux poisons de l’organisme, aussi bien 
qu'aux toxines. = 

L'histoire d’une maladie ne doit pas, en effet, se 
borner à laire connaître uniquement les notions spé- 
ciales au processus en vue; elle à éxalement pour 
but de meltre en évidence la marche uénérale des 
idées, des conceptions pathologiques, s'efforcant plus 
particulièrement de placer en lumière l'influence de 
ces conceptions sur la manière de comprendre le mal 
étudié et, par une sorte de choc en retour, le reflet de 
ce mal sur la philosophie médicale de l'époque. 

Aussi, pour mener à bien une telle entreprise, il est 
nécessaire de disposer des qualités les plus diverses; 
au liltérateur, à l’érudit, au critique, il faut adjoindre 
le clinicien, le technicien; s’il n’est pas indispensable 
d’être capable d'exécuter soi-même des recherches de 
laboratoire, encore est-il désirable que l'écrivain con- 
naisse parlaitement les méthodes expérimentales, soit 
apte à raccorder les notions du passé aux théories qui 
nous passionnent. Û 

La lecture du livre de Delpeuch, tout en révélant 
l’'éminente ulilité d'une pareille œuvre, est bien de 
nature à faire saisir quelle variété d'aptitudes doit pos- 
séder un historien de la Médecine. 


A. CHARRIN, 


Professeur remplaçant au Collège de France, 
Agrégé à la Faculté de Médecine 
de Paris. 


1086 


ACADÉMIES ET SOCIÉTÉS SAVANTES 


ACADÉMIES ET SOCIÉTÉS SAVANTES 


DE LA FRANCE ET DE L'ÉTRANGER 


ACADÉMIE DES SCIENCES DE PARIS 


Séance du 18 Novembre 1901 


La Section d'Anatomie et Zoologie présente la liste 
suivante de candidats pour la place laissée vacante par 
le décès de M. de Lacaze-Duthiers. En première ligne, 
M. L. Vaillant; en deuxième ligne, MM. E. Bouvier, 
Y. Delage et F. Henneguy: en troisième ligne, 
MM. R. Blanchard, Houssay et Oustalet. 

1° SGIENGES MATHÉMATIQUES. — M. Perrotin a observé 
cette année à Nice une recrudescence sensible dans la 
chute d'étoiles filantes des Perséides. Le maximum a eu 
lieu entre les 41 et 12 novembre. — M. D. Eginitis a 
constaté le même fait à Athènes. Le radiant de l’es- 
saim présente un déplacement très sensible. — 
M. E. Picard poursuit l'étude des périodes des inté- 
grales doubles dans la théorie des fonctions algébri- 
ques de deux variables. — MM. E. Raverot et P. Belly 
décrivent un loch manométrique différentiel dont le 
fonctionnement est fondé sur l'emploi simultané du 
tube de Pitot et du tube jaugeur de Darcy et Bazin. 

20 Sciences PHYSIQUES. — M. H. Becquerel décrit une 

modification dans l'emploi du thermomètre électrique 
pour la détermination des températures souterraines 
au Muséum d'Histoire naturelle. Elle est basée sur l'ap- 
plication de la loi des températures successives, réa- 
lisée à l’aide d’une graduation mobile. — M. Compan a 
étudié les lois du rayonnement aux basses tempéra- 
tures. Celle de Dulong et Petit ne s'applique que de 
0 à 2000. Celle de Stefan s ‘applique le mieux depuis la 
température d° ébullition de l'air liquide jusqu'à 302°; 
toutefois, de 150° à 300°, elle donne des vitesses un peu 
trop fortes. Celle de Weber ne s'applique pas aux basses 
températures; mais, à partir de 100°, elle prendrait 
l'avantage sur celle de Stéphan et représenterait mieux 
le phénomène. — M. H. Moissan, en faisant réagir le 
chlorure ou l'iodure d'ammonium en solution “dans 
l'ammoniac anhydre sur l’amalgame de sodium, a 
obtenu une masse métallique dans laquelle l’hydro- 
gène et l’'ammoniac se trouvent à l’état de combinaison 
stable à 39°. Cette masse métallique, par sa décompo- 
sition à la température ordinaire en présence de l’eau, 
augmente de trente fois son volume et dégage deux 
volumes de gaz ammoniac pour un d'hydrogène. — 
M. Fern. Meyer à reconnu qu'on peut transformer 
totalement une quantité d’or donnée en chlorure auri- 
que bien cristallisé par l’action du chlore liquide, 
grâce à la différence de solubilité du chlorure dans le 
chlore à chaud et à froid. Il existe une seule combi- 
naison moins chlorurée que Au CF, qui est Au CI. 
M. Ch. Marie a étudié l'acide dioxyisopropylhy pophoë 
phoreux, obtenu dans la réaction de H*PO? sur l'acé- 
ie Il est monobasique et donne des dérivés diacétylé 
et dibenzoylé; L répond done à la formule : (CH*}? 

C (OH). PO (OH).C (OH) (CH*}. Il est analogue à l'acide 
dioxybe nzylphosphinique. — M. Bongert à étudié l’ac- 
tion de quelques chlorures d'acides sur les sodacétyla- 
célates de méthyle et d’éthyle. — M. A. Trillat a 
appliqué la méthode d’oxydation par action de contact 
aux alcools non saturés de la série grasse et aroma- 
tique. L'alcool allylique a donné de l’acroléine ; l’isoeu- 
génol a été transformé partiellement en vanilline. — 
M. N. Floresco a trouvé qu'il existe une relation entre 
le foie, la peau et les poils, au point de vue de la teneur 
en fer et en pigments. Le foie, la peau des animaux à 
poils foncés contiennent presque le double de la quan- 
tité de ler et de pigments que ceux à poils blancs. 

39 SCIENCES NATURELLES. — M. Ant. Pizon propose 


une théorie mécanique de la vision basée sur le rôle 
des granules pigmentaires. Ceux-ci emprunteraient 
leur énergie à la lumière, sous la forme d’un mouve- 
ment vibratoire qu'ils fransmettraient à leur tour aux 
cônes ou aux bâtonnets avec lesquels ils se trouvent 
en contact; l'ébraulement moléculaire ainsi reçu par 
les cellules visuelles n'a plus qu'à se propager le long 
du nerf optique jusqu'aux centres nerveux encépha- 
liques. — MM. Ed. Toulouse et N. Vaschide ont con- 
staté qu'il existe une certaine relation entre la pres- 
sion radiale et la pression capillaire chez les aliénés, 
lesquelles varient généralement dans le même sens. 
L'hypertension accompagne les états d’agitation; lhy- 
potension, les états de calme et de dépression. — 
M.L. Roos conclut d'une série d'observations qu'il est 
inexact que l'alcool, même à haute dose, s'il est ingéré 
sous la forme de vin, précipite l'évolution de la tuber- 
culose chez le cobaye, et peut-être aussi chez l'homme. 
— MM. Camichel et Mandoul ont étudié les colora- 
Rs bleue et verte de la peau de certains Vertébrés. 

La première est due à un pigment noir; la seconde à 
un pigment noir et un pigment jaune. Ces pigments ont 
les mêmes propriétés optiques que les milieux troubles 
artificiels. Ils constituent un acte de äéfense de l'orga- 
nisme contre les radialions nuisibles. — M. R. de 
Sinéty a constaté chez les Orthoptères, au cours des 
cinèses spermatocytiques, une double division longitu- 
dinale. Il a étudié également le chromosome spécial 
chez les Phasmes et les Locustiens. — M.S. Jourdain 
rappelle que les perles des Mollusques ne peuvent être 
formées que par le manteau. Elles sont sujettes à des 
maladies spontanées ou acquises, ces dernières étant 
produites par le contact prolongé avec la peau, dont 
les sécrétions acides et les matières sébacées agissent 


d'une manière nuisible. — M. L. Daniel compare, au 
point de vue anatomique, le greffage, le pincement et 
la décortication annulaire. — M. Jean Friedel a con- 


staté que l'assimilation chlorophyllienne est beaucoup 
plus faible en automne qu'au printemps ou en élé, sur- 
tout pour les feuilles. — M. P. Termier a étudié les 
micaschistes, les gneiss, les amphibolites et les roches 
vertes des schistes lustrés des Alpes occidentales. Pour 
lui, celles de ces roches qui ne sont pas de nature érup- 
tive certaine sont des sédiments originairement ana- 
logues aux autres, mais modifiés, plus profondément 
que les autres, par des roches intrusives; et alors ces 
dernières sont postérieures au dépôt de la plupart des 
schistes lustrés; elles peuvent être éogènes. 


Séance du 25 Novembre 1901. 


M. Fouqué rappelle la cérémonie qui à eu lieu à la 
Sorbonne à l'occasion du cinquantenaire scientifique de 
M. Berthelot. — M. Berthelot remercie l'Académie de 
la part qu'elle a prise à cette cérémonie. — L'Acadérnie 
procède à l'élection d'un membre dans sa Section 
d'Anatomie et Zoologie, en remplacement de M. de 
Lacaze-Duthiers. M. Ÿ. Delage est élu. — M. Gouy est 
ensuite élu comme Correspondant dans la Section de 
Physique, en remplacement de M. Raoult. — Enfin, 
l'Académie présente, à M. le Ministre du Commerce, la 
liste suivante de candidats pour la chaire vacante de 
Mécanique au Conservatoire des Arts et Métiers 

1° M. Ed. Sauvage; 2° M. Petot. — M. le Secrétaire 
ce pétuel annonce le décès de M. Kowalewsky, Corres- 
pondant pour la Section d'Anatomie et de Zoologie. 

19 SCIENCES MATHÉMATIQUES. — M. A. Davidoglou re- 
cherche le nombre de racines communes à plusieurs 
équations. — M. J. Armengaud indique une méthode 
graphique permettant d'étudier les circonstances de la 


| 


| 
- 
| 
l 
| 


ACADÉMIES ET SOCIÉTÉS SAVANTES 


1087 


marche d'un aérostat dirigeable par l'examen de la | 


projection de sa trajectoire sur le sol. 

20 SCIENCES PHYSIQUES. — M. E. Mathias a déterminé 
la distribution régulière de la déclinaison et de l’incli- 
maison magnétiques en France au 1°" janvier 1896 au 
moyen de formules du second desré à cinq ou six termes 
établies pour la région de Toulouse. Les résultats con- 
cordent assez bien avec les observations de M. Mou- 
reaux. — M. A. Lafay indique une application de la 
chambre claire de Govi à la construction d'un compa- 
rateur pour règles-étalons à bout. — M. R. Blondlot à 
vérifié expérimentalement qu'une masse d'air qui est 
le siège d'un déplacement électrique ne subit aucune 
action de la part d'un champ magnétique. — M. G. A. 
Hemsalech a déterminé expérimentalement, par la 
méthode d'Anderson, les coefficients de self-induction 
des bobines qui lui ont servi dans ses expériences sur 
les spectres d'étincelles; les valeurs obtenues sont 
notablement plus petites que celles déduites du calcul. 
— M, E. Baud a constaté qu'il existe, outre les spi- 
nelles chlorés, des composés AlCIS.3NaCl et Al?CI°.3KCI, 
et très probablement aussi des cryolithes chlorées, 
ABCIS.6NaCl et APCIS.6KCI. Ces derniers corps ne repré- 
sentent pas les termes ultimes de la combinaison de 
AlCI avec les chlorures alcalins; mais, il est difficile 
d'établir thermiquement l'existence ét la composition 
exacte des composés supérieurs, parce que la chaleur 
dégagée par la fixation des dernières molécules devient 
trop faible. — M. Guntz à préparé une grande quan- 
tité d’amalgame de baryum et, en chauffant ce dernier 
vers 1000 dans un tube de porcelaine au moyen d’un 
fil traversé par un courant électrique, il a volatilisé le 
mercure et obtenu le baryum métallique pur. C'est un 


. corps mou, fusible au rouge sombre, volatil au rouge 


vif, s'oxydant fortement à l'air, décomposant l’eau et 
l'alcool. — MM. G. Urbain et H. Lacombe, en dissol- 
vant l'hydrate de glucinium dans l'acide acétique dilué, 
puis en traitant la masse concentrée par l'acide acé- 
tique cristallisable, ont obtenu des cristaux fusibles 
à 2830—840 et distillant sans décomposition à 330°—31° 
sous la pression normale. La densité de vapeur conduit 
au poids moléculaire 405, correspondant à un com- 
posé [CH*CO*]"GI0, dans lequel le glucinium est diato- 
mique et a le poids atomique 9. — M. V. Henri à 
déterminé la loi d'action de la sucrase sur le saccha- 
rose (voir page 1037). — M. M. Delépine à constaté que 
les aldéhydes et l’acétone réagissent d'une facon fort 
régulière vis-à-vis de l'acide sulfurique fumant. Ils 
fixent un certain nombre de SO* pour engendrer des 
acides à sels stables en milieu acide ou neutre, mais 
très sensibles aux alcalis qui brisent la chaine carbonée 
en deux tronçons. — M. A. Richard a préparé la mo- 
nochlor- et la mono-bromacétone en faisant passer un 
courant électrique à travers un mélange d'HCI ou d'HBr 
et d’acétone. — M. P. Carré a étudié l’éthérification de 
l'acide phosphoreux par la glycérine et le glycol. La 
limite d'éthérilication est d'autant plus élevée que la 
quantité de glycérine ou de glycol en présence est plus 
grande. On obtient les acides glycérophosphoreux 
(OH}2PO.CH?.CHOH.CH°OH et glycophosphoreux (OH)? 
PO.CH°.CH°OH, dont l’auteur a préparé les sels de ba- 
ryum.— M. R. Fosse a constaté que le dinaphtoxanthy- 
drol et le xanthydrol, traités par HBr et l'alcool bouillant, 
donnent de l’éthanal et régénèrent le dinaphtoxanthène 
et le xanthène. — MM. A. Haller et Ed. Heckel ont 
retiré d'une plante du genre Tabernaemontana, origi- 
naire du Congo où on la nomme /2o4a, un alcaloïde 
lévogyre, de formule provisoire C*H#%A720*, qu'ils 
nomment 1bogine. Les écorces des tiges contiennent, 
en outre, un autre produit cristallisé qui n’a pu être 
analysé. — M. G. Champenois a retiré, de la graine 
d'Aucuba japonica L., une grande proportion de sucre 
de canne, accompagné d’un glucoside. En outre, la 
graine contient, constituant son albumen corné, une 
galactane, une mannane et une pentane donnant, par 
hydrolyse, du galactose, du mannose et un pentose, 
qui paraît être de l’arabinose. — M. G. Bertrand a 


étudié la transformation de la glycérine en sucre par le 
tissu testiculaire, observée par M. Berthelot, et a re- 
connu que ce n'est ni le tissu, ni ses produits solubles 
qui produisent cette transformation, mais bien des 
microbes, apportés, selon toute vraisemblance, par le 
testicule lui-même. 

3° SCIENCES NATURELLES. — M. J. Gaule a observé 
l'augmentation des globules rouges du sang qui se 
produit dans les ascensions en ballons. Des prépara- 
tions faites à de grandes hauteurs lui ont montré qu'il 
y a vraiment formation de globules nouveaux et que ce 
phénomène se produit avec une très grande rapidité. 
— M. Marage communique les résultats d’un traite- 
ment scientifique de la surdité, qui consiste en une 
sorte de massage fait avec les vibrations que l'oreille 
est destinée normalement à recevoir. — M. G- Loiïsel 
montre que la cellule de Sertoli est une cellule germi- 
native modifiée dont le rôle est de sécréter périodique- 
ment une substance qui exerce une action chimiotac- 
tique positive sur les spermatides en voie de transfor- 
mation. C'est sous l'influence de cette action que les 
spermatozoïdes acquièrent la forme spéciale adéquate à 
leur action. C'est elle qui détermine là disposition des 
spermatozoïdes en faisceaux et la direction uniforme 
de ces faisceaux. — M. M. Harroy a répété les expé- 
riences de M. I. Friedel sur l'assimilation chlorophyl- 
benne en dehors de la matière vivante et n'a obtenu 
que des résultats négatifs. — M. P. Termier a fait de 
nouvelles observations géologiques sur la Chaîne de 
Belledonne. Il semble que la région méridionale soit 
restée, avant comme après l’époque stéphanienne, rela- 
tivement tranquille. — M.E. Ray Lankester envoie un 
dessin colorié de l'échantillon unique d'Okapi (Okapia 
Johnstoni) rapporté de l'Afrique centrale par sir H. 
Johnston. Le crâne de ce nouveau mammifère rappelle 
celui des girafes. — M. A. Gaudry présente, en même 
temps, la restauration du squelette de l’Æelladotherium 
trouvé à Pikermi. dont l'Okapi paraît être le descen- 
dant direct. — MM. Lortet et Gaillard ont examiné 
plus de mille momies d'oiseaux envoyées d'Egypte. Les 
unes, qui sont des momies d'oiseaux de proie, renfer- 
ment un grand nombre d'individus; les momies d'ibis 
ne contiennent qu'un seul indvidu. L'ibis noir des 
anciens Egyptiens est l'ibis falcinelle de nos jours. 

Louis BRUNET. 


ACADÉMIE DE MÉDECINE 
Seance du 19 Novembre 1901. 


M. J. V. Laborde présente un appareil nouveau, dû 
à M. F. Dussaud, pour l'écriture et la notation chiffrée . 
et médicale chez les aveugles. — M. P. Reclus com- 
munique le rapport sur le concours du prix Laborie. 
— M. E. Roux lit le rapport sur le concours du prix 
Audiffred. — M. Yvon présente le rapport sur le con- 
cours du prix Buignet. — M. J. V. Laborde examine la 
question de l’épilepsie jacksonienne et des localisations 
cérébrales, et arrive aux conclusions suivantes : 1° Si 
le siège et la localisation, soit organiques, soit fonc- 
tionnels, des phénomènes moteurs, d'ordre convulsif 
(convulsion ou épilepsie partielle), ou de nature para- 
lytique, prédominent dans la région cérébrale dite 
psycho-motrice, région rolandique, ils n’y sont pas 
exclusivement confinés dans une limite fixe et infran- 
chissable ; ils peuvent s'étendre aux régions antérieures 
(cerveau frontal) et postérieure (cerveau pariéto-occi- 
pital), surtout dans les conditions de lésions secon- 
daires ou extensives; 2° Il en résulte qu'au point de 
vue des déductions pratiques, notamment des applica- 
tions chirurgicales ou de la trépanation, la recherche 
de la lésion, même dans les cas où l'indication symp- 
tomatique semble la plus localisée, ne doit pas se 
borner strictement à la zone motrice ou rolandique 
proprement dite, mais s'étendre suffisamment au delà 
de cette limite, prédominante mais non exclusive. — 
M. G. Dieulafoy signale quatre nouveaux cas d’épi- 
lepsie jacksonienne d'apparence classique, où la lésion 


1088 


ACADÉMIES ET SOCIÉTÉS SAVANTES 


siégeait à la partie inférieure du lobe frontal. Pour lui, 
l'ancienne conception de l’épilepsie jacksonienne a 
perdu de sa valeur, car nous n'avons aucun moyen de 
distinguer les épilepsies d’origine rolandique de celles 
d'origine frontale. 


‘Séance du 26 Novembre 1901. 


L'Académie procède à l'élection d'un membre dans 
la Section d'Hygiène publique, Médecine légale et 
Police médicale. M. Josias est élu. ; 

M. Landouzy donne lecture du Rapport général sur 
les épidémies en France et aux colonies en 1900. — 
M, Bouchard présente le rapport sur le concours du 
prix Portal. — M. Motet lit le rapport sur le concours 
du prix Herpin. — M. Raymond pense que l’épilepsie 
partielle peut n'avoir aucune valeur localisatrice; elle 
n'apporte done, en elle-même, aucun argument pour ou 
contre la doctrine des localisations cérébrales. Il en est 
de même des paralysies qui accompagnent les attaques, 
si elles sont post-paroxystiques. Le diagnostic ne peut 
être fait que le jour où se montrent des troubles men- 


taux. NS 
SOCIETE DE BIOLOGIE 


Séance du 9 Novembre 1901. 


M. J. Cluzet a vérifié sur l’homme la loi d’excitation 
des nerfs et des muscles établie par M. G. Weiss. — 
M. M. Nicloux a mesuré la quantité d'oxyde de carbone 
qui se trouve dans le sang des chiens à Paris et à la 
campagne; chez les premiers, elle est toujours plus 
élevée, généralement double. — Le même auteur a placé 
une carpe dans de l’eau renfermant un peu de sang de 
chien oxycarboné. Le sang de la carpe s'enrichit bientôt 
en oxyde de carbone. — M. R. Dubois signale des faits 
qui lui semblent de nature à faire admettre que le som- 
meil des végétaux est produit par le même mécanisme 
que celui des animaux, c'est-à-dire par accumulation 
d'acide carbonique dans les tissus (autonarcose carbo- 
nique). — MM. B. Auché el Le Couturier ont constaté 
que les injections intra-hépatiques d'acide phénique 
pur déterminent des lésions très intenses de nécrose 
cellulaire. La réparation de ces lésions consiste dans la 
formation d’un tissu fibreux qui infiltre de plus en plus 
le lobe de néervse et en amène la disparition progressive. 
— M. L. Meunier indique une nouvelle méthode de 
recherche quantitative de la pepsine dans le suc gas- 
trique. Dans la digestion, la pepsine parait atteindre 
son maximum au bout d’une heure. — M. M. Arthus 
propose un nouveau réactif qualitatif et quantitatif du 
fibrinferment: le plasma de sang de chien fluoré à 3 °/s. 
Ce dernier se coagule quand on lui ajoute soit du fibrin- 
ferment préparé par les procédés classiques, soit une 
liqueur contenant du fibrinferment, telle que le sérum 
sanguin. — MM. Dargein et Tribondeau ont trouvé, 
dans un cas de kyste hydatique du foie,une leucocytose 
nette avec éosinophilie élevée et abaissement léger du 
taux des polynucléaires neutrophiles. L'hémodiagnostic 
semble appelé &« jouer un rôle dans la recherche de la 
nature des tumeurs hépatiques. 

M. J. Jolly est élu membre titulaire de la Société. 

Séance du 16 Novembre 1901. 

M. Alezais a étudié les muscles du membre posté: 
rieur du Kangourou (Macropus Bennetti). Les insertions 
musculaires ont une tendance marquée à réduire leur 
étendue et les muscles à se fusionner ou à s'unir. — 
M. G. Loiïsel étudie la formation des spermatozoïdes 
chez le moineau, puis le rôle de la cellule de Sertoli 
dans la spermatogenèse (voir p. 1087). — M. E. Maurel 
a constaté que, pour le lapin comme pour l'homme, 
les leucocytes sont plus sensibles au chlorhydrate d'émé- 
tine que les hématies. Mais les hématies du lapin sont 
plus sensibles à cet agent que les nôtres. — M. R. Lé- 
pine a remarqué que l'état graisseux du foie coïncide 
avec l'existence d’une forte proportion de lécithine dans 
cet organe et de phosphore incomplètement oxydé dans 
l'urine. — M. H. Emery indique un procédé permel- 


tant de différencier le bacille typhique du colibacille 
dans l'eau. — M. Foveau de Courmelles a reconuu 
que la lumière chimique (lumière de l'arc voltaïque) à 
une action curative profonde sur les tuberculoses et 
spécialement la tuberculose pulmonaire. — M. J. 
Brukner a constaté que la cellule sympathique, comme 
toute cellule nerveuse, présente des phénomènes de 
réaction après la résection ou l’arrachement du cordon. 
Chez le chat, la chromolyse est faible lorsque la section 
a lieu au-dessous du ganglion supérieur, tandis qu'elle 
est très marquée après l’arrachement du bout supé- 
rieur. — MM. A. Gilbert et P. Lereboullet signalent 
trois cas de pleurésie ayant eu pour origine une infec- 
tion biliaire. La pleurésie siégeait à droite et provient, 
d’après eux, d'une propagation directe par voie lympha- 
tique. — M. P. Lereboullet a reconnu, d'après l'état 
du sérum et des urines, que l'ictère simple du nouveau- 
né est un ictère biliphéique avec cholémie évidente, 
mais ordinairement sans cholurie. 


Séance du 23 Novembre 1901. 


M. A. Laveran a examiné de nombreux Culicides 
envoyés de Hanoï. Parmi eux, se trouve une forte pro- 
portion d'Anopheles, qui va en diminuant dans la saison 
salubre, et une nouvelle espèce, Panoplites Seguini. — 
Le même auteur à recu d’autres Culicides provenant du 
Haut-Tonkin. Parmi eux se trouvent aussi de nombreux 


‘ Anopheles, et en particulier une espèce nouvelle, Ano- 


pheles Vincenti. — M. J. Lépine a constaté la présence 
d'une sensibilisatrice dans l'urine de typhiques. Elle 
n'apparaitqu'avec laréaclion agglutinante. — M.E. Mau- 
rel à expérimenté l'émétine sur le congre, la grenouille, 
le pigeon et le lapin. Les éléments anatomiques exa- 
minés se sont placés dans les mêmes ordres de sensi- 
bilité 
relations de la paralysie alterne de l'acoustique avec les 
lésions protubérantielles. — MM. Gilbert et Herscher 
ont constaté que l’évolution de la tuberculose coïncide 
avec une diminution dela coloration du sérum sanguin; 
cette hyposérochromie peut avoir une certaine impor- 
tance diagnostique. — M. Hénocque a observé, dans 
une ascension en ballon, une augmentation rapide, 
presque immédiale, de la quantité d'oxyhémoglobiue 
du sang, en même temps qu'une augmentation de l’ac- 
tivité de la réduction. — M. J. Jolly a constaté que les 
corps étrangers absorbés par le protoplasma sont 
capables de déprimer plus ou moins profondément le 
noyau, de changer ainsi sa forme, et peut-être même 
d'être incorporés par lui en le pénétrant complètement. 
— M. D. Courtade à reconnu que l'augmentation 
d’excitabilité du nerf par les courants à haute tension 
ne se produit plus quand le nerf n’est pas dénudé, 
parce qu'il s'établit des courants dérivés passant dans 
les tissus et daus le nerf. — M, J. Noé a observé que la 
résistance du hérisson à l’inanition est maximum en 
hiver et minimum en été; il est probable que tous les 
hibernants se comportent de même. — M. L. Bruandet 
a étudié un certain nombre de lésions de coccidiose 
expérimentale. Pour lui, la coccidie est avant tout un 
parasite épithélial. 


SOCIÉTÉ FRANÇAISE DE PHYSIQUE 


Séance du 15 Novembre 1901. 


M. Ed. Fouché fait une communication sur l'état 
actuel de l'éclairage par l’acétylène dissous. Dès l’année 
1896, MM. Claude et Hess eurent l'idée de faire appel à 
la solubilité de l’acétylène dans les liquides pour ob- 
tenir une accumulation de ce gaz dans des récipients 
portatifs avec beaucoup moins de pression que n'en 
exige la liqué action. Ils espéraient ainsi, avec raison, 
diminuer les dangers que pouvait présenter le gaz liqué- 
fié, dont la pression à 37° est déjà de 68 atmosphères 
(pression critique). A cet effet, tous les liquides connus 
furent expérimentés et pour chacun d'eux on détermina 
le coefficient de solubilité correspondant. Parmi les 
divers corps, l'acétone fixa particulièrement l'attention 


et de toxicité. — M. M.-E. Gellé étudie les! 


eat" 


des inventeurs et leur parut le mieux approprié à 
l'emploi qu'ils avaient en vue, parce que son point 
d'ébullition (56°) n’est pas trop bas, et qu'il se prépare 
industriellement d'une facon courante. C'est avec ces 
données qu'a été fondée la Compagnie Française de 
l'Acétylène dissous (14 janvier 1897), ayant comme 
programme la transformation des premières idées théo- 
 riques en un procédé véritablement pratique. — Disso- 
lution de l'acélylène dans l'acétone. Les études qui ont 
été faites tout d’abord sur les propriétés de la dissolu- 
tion de l’acétylène dans l’acétone ont conduit à un cer- 
- fain nombre de résultats intéressants. Le coefficient de 
- solubilité (24 à 15°) varie d’une manière importante 
- avec latempérature. MM. Berthelot et Vieille ont montré, 
entre autres, quesi la pression absolue était de 16 kil. 17 
à 2°8 de température pour un récipient contenant 
- une quantité de liquide un peu inférieure à la moitié 

de son volume, cette pression devenait 33 kil. 21 pour 

la température de 509,5. De ces expériences, et d'autres 

faites ultérieurement dans le laboratoire de la Compa- 

gnie Française, et qui se sont trouvées parfaitement 

d'accord avec les précédentes, on a pu déduire que, 

dans les conditions usuelles de remplissage et de fonc- 
tionnement, la pression initiale augmentait approxima- 


< 1 RSR 
tivemenf de 30 P degré d'élévation de température. 


L'acétylène à l’état de dissolution dans l'acétone pré- 
sente un phénomène remarquable : sa densité, déter- 
minée par M.Claude, serait dans ces conditions 0,71 à 
15°, tandis que, d'après M. Pictet, celle de lacélylène 
n’est que de 0,42. Si l'on rapproche cette condensation 
importante des phénomènes de sursaturation que la 
dissolution présente à un degré extrêmement élevé, on 
est tenté de se demander s'il s’agit bien là d'une simple 
dissolution, et si quelque autre action ne viendrait pas 
s'y joindre. Sous l'influence de la chaleur, le liquide 
constitué par l’acétylène ef l'acétone augmente naturel- 
lement de volume. Le coefficient de dilatation a été 
trouvé égal à 0,0015; celui de l’acétone pur est aussi 
0,0015. I s'ensuit que l'acétylène dans la dissolution 
aurait également le même coefficient de dilatation, 
tandis que pour l’acétylène liquide, dans les limites or- 
dinaires de la température ambiante, ce coefficient est 
environ 0,007, soit presque cinq fois plus grand. La 
présence de l'eau dans l’acétone diminue le coefficient 
de solubilité dans des proportions plus fortes que celles 
qui correspondraient à la diminution de concentration 
de la liqueur. Aussi importe-t-il d'employer de l’acétone 
aussi concentré que possible (pratiquement 99) et de 
n'y introduire que de l’acétylène parfaitement sec, — 
Æxplosibilité de la dissolution. Les propriétés explo- 
sives de l’acétylène comprimé sont considérablement 
modifiées par le fait de l'incorporation du gaz à l’acé- 
tone. La question à été étudiée par MM. Berthelot et 
Vieille, qui ont démontré que jusqu’à la pression de 
10 kilos la solution était parfaitement stable, mais qu'à 
20 kilos on pouvait, dans certaines circonstances, faire 
décomposer à la fois l’acétylène libre au-dessus du 
liquide, le gaz en dissolution et l'acétone lui-même. Il 
résulte de là que cette méthode d'accumulation de l’acé- 
tylène, sous des pressions voisines de 10 kilos, présente 
un avantage considérable sur la simple compression ou 
la liquéfaction, puisqu'il n’y a d’explosible que la très 
faible quantité de gaz surmontant le liquide, laquelle 
ne pourrail jamais donner, en cas de décomposition, 
qu'une pression décuple de la pression initiale, environ 
100 kilos. Les récipients en fer résistent facilement à 
une telle pression, tandis qu'ils sont infailliblement 
brisés par la décomposition de l’acétylène liquide don- 
nant lieu à des pressions de plusieurs milliers d’atmo- 
sphères. — Matières poreuses. Cependant le procédé 
dans ces conditions n’était pas industriellement appli- 
cable. La possibilité d’une décomposition interne, même 
sans rupture des récipients, était inadmissible. En outre, 
pour certaines applications, l'éclairage des chemins de 
fer en particulier, il y avait lieu de redouter la présence 
d'un liquide combustible qui, dans une collision, pour- 


REVUE GÉNÉRALE DES SCIENCES, 1901. 


ACADÉMIES ET SOCIÉTÉS SAVANTES 


1089 


rait se répandre sur les décombres, s’enflammer el 
accroitre la gravité de l'accident. En outre, la disso- 
lution de l'acétylène et son dégagement pendant l'em- 
ploi ne se font régulièrement qu'à la condition d’agiter 
le liquide, ce qui est un inconvénient lorsqu'on à 
affaire à desrécipients volumineux et pesants. Tous ces 
inconvénients ont été supprimés à l’aide d’un unique 
artilice, consistant à remplir complètement les récipients 
avec une matière poreuse à grains fins, d'une résistance 
suffisante. Des essais multiples, faits à des pressions 
allant jusqu'à 35 kilos, ont montré que l’on rendait ainsi 
inexplosibles, non seulement le gaz libre, mais aussi 
la dissolution. La décomposition provoquée en un point 
des récipients ainsi garnis ne se propage qu'à uue dis- 
tance insigniliante, er produisant un surcroit de pres- 
sion à peine égal à la pression initiale. Le rôle de la 
matière poreuse dans ce cas est analogue à celui que 
joue la terre d’infusoires dans la dynamite. En outre, 
ces matières poreuses onf l'avantage de supprimer toute 
possibilité d'écoulement de liquide; elles facilitent Ja 
dissolution et suppriment les phénomènes de sursa- 
turation. M. Fouché présente deux échantillons de 
matières poreuses actuellement employées : une brique 
très légère (densité 0,5, porosité 0,80) qui sert pour 
l'acétylène dissous ; un aggloméré, formé de ciment 
et de braise (densité 0,3, porosité 0,80). Ce dernier 
est plus économique, mais n'est applicable qu'à l’acé- 
tylène comprimé sans acétone, ce liquide étant dé- 
composé peu à peu par la chaux. Des récipients ainsi 
préparés ont été expérimentés au Laboratoire des Pou- 
dres et Salpêtres et les résultats obtenus, conformes à 
ceux indiqués ci-dessus, ont permis à l'Administration 
d'autoriser l'exploitation du procédé, sous la condition, 
bien facile à remplir, que les tubes d’aciermisen contact 
avec le public seraient éprouvés à 60 atmosphères. Un 
nouvel aggloméré au charbon, mais ne contenant pas 
de chaux, est actuellement à l'étude. Beaucoup moins 
coûteux que la brique, il permettra, en outre, d'utiliser 
des récipients du genre de ceux qui servent au trans- 
port de l'oxygène ou de l'acide carbonique et qui coù- 
tent trois fois moins cher que les modèles adoptés jus- 
qu'à présent par la Compagnie française de l'Acétylène 
dissous. Ce perfectionnement, d'une importance consi- 
dérable, permettra au procédé de prendre tout son 
essor. — Appareils générateurs, récipients et brüleurs. 
Les récipients actuellement utilisés ont les capacités de 
2 litres, 12 litres, 100 litres. La quantité de gaz qu'on 
peut pratiquement accumuler dans ces appareils est de 
cent fois leur volume pour la pression normale de 
10 kilos. Le gaz qui s'échappe de la dissolution à une. 
pression constamment variable, Cette pression doit être 
régularisée par un détendeur. Les autres appareils 
accessoires sont la soupape de garantie à mercure, 
grâce à laquelle la pression ne peut jamais s'élever 
outre mesure dans les canalisations, et le compteur du 
type sec ou du type humide. L'acétylène est préparé 
sans pression dans un appareil à chute de carbure, 
évitant les rentrées d'air. Il s'accumule dans un gazo- 
mètre, d'où une pompe l’aspire en lui faisant traverser 
un épurateur et un sécheur. Le gaz comprimé est en- 
voyé dans des récipients de grand volume, garnis de 
briques et d'acétone, jouant le rôle d’accumulateurs. 
Les récipients à charger sont mis en communication 
avec ces accumulateurs ; ils recoivent ainsi de l’acéty- 
lène saturé de vapeur d'acétone; grâce à cet artifice, 
l'épuisement de l'acétone dans les tubes servant au 
transport du gaz est considérablement ralenti. Les ré- 
cipients, une fois chargés, sont transportés chez le 
consommateur, chez qui on les laisse jusqu'à épuise- 
ment. Les becs ordinaires à acétylène consommant 
1 litres 5 à 8 litres par carcel, on a cherché, dans un 
but d'économie, à réaliser l'éclairage par l’incandes- 
cence, ce qui présentait des difficultés sérieuses en 
raison de la très grande explosibilité des mélanges d'air 
et d'acétylène. M. Fouché montre plusieurs modèles 
de becs Sirius devenus maintenant d’un usage courant, 
produisant de 11 à 50 carcels sous 30 centimètres de 


CET 


1090 


ACADÉMIES ET SOCIÉTÉS SAVANTES 


pression, avec une consommation de 2 litres 5 à3 litres 
au plus par carcel-heure. — Quantité de lumière accu- 
mulée. Les chiffres de consommation par carcel-heure 
indiqués ci-dessus permettent de comparer l’acétylène 
dissous à d'autres modes d'éclairage portatif. On trouve 
ainsi que { kilo de récipient en fer, pouvant contenir 
33 litres d’acétylène, donne 40 à 45 bougies-heures avec 
des becs ordinaires, et 110 avec l’incandescence, tavdis 
que 4 kilo d’accumulateur électrique ne donne que 
10 bougies-heures avec l'incandescence et 30 avec l'arc. 
Le gaz portatif, à raison de 40 litres par carcel-heure, 
est cinq fois moins lumineux que l’acétylène; en 
outre, sous la même pression, le volume accumulé est 
dix fois moindre que pour l’acétylène dissous; de 
sorte qu'en fin de compte, sous le même volume et la 
même pression, on emmagasine cinquante fois plus 
de lumière avec l'acétylène dissous qu'avec le gaz 
portalif. — Applications. L'application la plus indiquée 
de l’acétylène dissous consiste dans l'éclairage des voi- 
tures de chemins de fer. Elle n’a eu lieu encore en 
France qu'à titre d'essais; mais elle s'organise actuel- 
lement dans plusieurs pays étrangers. Des tramways 
(Funiculaire de Belleville) sont exclusivement éclairés 
par ce système depuis plusieurs années. L'application 
aux automobiles commence à se développer. Comme 
éclairages mobiles, il faut citer encore les chantiers, 
les fêtes foraines, les théâtres forains, ete. Enfin, les 
éclairages fixes pour maisons de campagne, ateliers, 
magasins, etc.,sontde plus en plus appréciés. M. Fouché 
montre les résultats qu'on peut obtenir en augmentant 
la pression du gaz dans les becs à incandescence, jus- 
qu'à 2 mètres et même au delà. L'éclat intrinsèque du 
manchon augmente considérablement, et c'est ainsi 
qu'au Dépôt des Phares, on a constaté que cet éclat 
atteignait 4 carcels par centimètre carré, tandis que le 
gaz d'huile et le pétrole ne permettent que d'obtenir 
respectivement 2,5 et 3 carcels. Il y a donc là un pro- 
grès important. Le plus petit bec Sirius dans les lan- 
ternes à projection, avec 37 carcels, dépasse la lumière 
oxyhydrique; ce même bec, par une injection centrale 
d'oxygène, arrive à fournir 60 carcels. L'incandescence 
d'un bâton de magnésie a pu être réalisée en diluant 
l'acétylène avec de la vapeur d’éther; l’incandescence 
obtenue, expérimentée pratiquement sur un cinémato- 
graphe, a été trouvée très franchement supérieure à 
ce qu'on peut obtenir avec le chalumeau oxyéthérique. 
— M. G. Claude, au sujet des belles recherches de 
MM. Berthelot et Vieille sur l'explosibilité de l'acétylène 
dissous, fait remarquer que l’atténuation probable des 
propriétes explosives de l’acétylène par le fait de sa 
dilution dans un liquide inerte, a été l'une des raisons 
qui l'ont conduit, avec son collaborateur M.Hess, à l’éla- 
boration d’un système d'emmagasinement conçu avant 
tout dans le but de diminuer les dangers du nouvel 
éclairant. Il rappelle à ce propos que la Note pré- 
sentée à l'Académie des Sciences, le 28 mars 1897, par 
M. d'Arsonval au nom des inventeurs, mentionne le 
fait de l’incandescence d'un filde platine immergé dans 
une solution d'acétylène dans l’acétone sous 2 à 3 at- 
mosphères. Relativement à l'observation de M. Fouché 
sur les phénomènes de sursaluration gazeuse qui feraient 
penser que l’acétylène dissous es, mieux qu'une disso- 
lution, M. Claude donne le résultat d'expériences per- 
sonnelles qui viendraient à l'appui de cette manière de 
voir. En étudiant la solubilité de l’acétylène dans les 
divers liquides organiques, l’auteur a été à même de 
constater cette loi remarquable : Dans les limites de 
précision de la méthode d’expérimentation, la solubilité 
dans les différents termes d'une même famille chimique 
de liquides organiques (alcools, éthers formiques, éthers 
acéliques, etc.) est directement proportionnelle au 
nombre de molécules contenues dans l'unité de poids 
du liquide essayé, c'est-à-dire inversement proportion- 
nelle au poids moléculaire. N n’en résulte pas qu'il y 
ail, dans ces dissolutions, combinaison à proprement 
parler, puisque le poids d’acétylène fixé à chaque molé- 
cule est proportionnel à la pression; mais il semble 


pourtant y avoir quelque chose de mieux défini que 
dans d’autres cas, celui, par exemple, des dissolutions 
d'oxygène, pour lequel la même loi n'a pu être re- 
trouvée. 


SOCIÉTÉ ROYALE DE LONDRES 


G. H. F. Nuttall : Le nouvel essai biologique 
du sang et son importance au point de vue de la 
classification zoologique. — Pendant l’année qui 
vient de s’écouler, la question des antisérums a fait 
l'objet de nombreuses recherches. Dans le Journal of 
Hygiene, j'ai décrit les méthodes de préparation et 
leur technique, et j'ai donné une littérature complète 
du sujet. Je rappelle brièvement la façon dont les 
antisérums sont produits : Supposons que nous désirons 
obtenir un anti-sérum pour le sang humain; nous 
injectons du sang humain dans le péritoine d’un lapin. 
Après environ cinq injections, données à des intervalles 
de trois jours au plus, le lapin est saigné jusqu’à ce 
que mort s'en suive et son sérum sanguin est recueilli. 
On trouve que le sérum de ce lapin a acquis la remar- 
quable propriété de produire une précipitation immé- 
diatement après son introduction en petite quantité 
dans une dissolution de sérum sanguin humaiu. Si on 
le laisse se reposer, la substance précipitée se dépose 
au fond du tube. 

Jai maintenant essayé plus de 230 sangs obtenus 
d'animaux de toutes les classes des Vertlébrés avec 
un antisérum pour le sang humain, et j'ai obtenu 
partout des résultats négatifs à la seule exception du 
sang des singes. D'une facon analogue, si des lapins 
sont traités avec le sang d’un cheval, d'un chien, d'un 
bœuf, d'un mouton, ete., les antisérums formés 
produisent des précipitations seulement dans les sus 
des animaux dont on avait employé le sang pour le 
traitement, ou à un degré moindre dans les sangs des 
animaux qui sont leurs proches alliés. 

On a saisi l'importance de cette épreuve au point 
de vue mécico-légal, et on pourra l’employer d’une 
facon certaine à la recherche des crimes. Tandis que 
Uhlenhuth a prouvé que des taches de sang séchées 
peuvent être employées pour cette épreuve, en ayant 
soin de les dissoudre, j'ai montré que le sang humain 
putréfié depuis deux mois est capable de donner une 
réaclion avec son antisérum homologue. J'ai, de plus, 
montré que le sang humain peut être découvert dans 
une solution où chaque sang se trouve seulement dans 
une quantité de 1/500 ou 1/600. 

Comme il a été élabli plus haut, les seuls sangs qui 
donnent une réaction semblable à celle du sang humain, 
ont été les sangs de différentes espèces de singes. 

Depuis que mes derviers mémoires ont paru, j'ai eu 
l'occasion d'essayer dix-huit sortes de sang de singes. 
La réaction obtenue avec du sang de singe diffère seu- 
lement par l'intensité de celle obtenue avec celui d’un 
sujet humain. Le sang de singe donne une plus faible 
réaction que le sang humain avec l’antisérum pour 
le sang humain. 

Acceptant la classification des Primates donnée par 
Flower et Lydekker, nous trouvons qu'ils ont été 
classés en deux groupes: les Zemuroidea (Lémuriens) 
et Anthropoidea (Hommes et singes). Comme cela a été 
établi par les auteurs nommés, l'idée que les Lémuriens 
appartiennent aux Primates est tout à. fait tradition- 
nelle ; ils pensent qu'ils devraient peut-être être groupés 
dans un ordre distinct. Il y a des faits pour et contre 
cette idée. Prenant les Anthropoidea, nous les trouvons 
divisés en cinq familles : Aapalidæ, Cebidæ (Singes du 
Nouveau Monde), Cercopithecidæ, Simiidæ (Singes de 
l'Ancien Monde), et Zlominidæ (Homme). D'après 
Darwin, les singes de l'Ancien Monde sont en quelque 
mesure plus étroitement reliés aux Æominidæ que 
ceux du Nouveau Monde. Et c’est un fait frappant, 
mis en lumière par les essais que j'ai faits, que les 
singes du Nouveau Monde donnent une réaction moins 
marquée avec l'antisérum pour le sang humain que 


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ACADÉMIES ET SOCIÉTÉS SAVANTES 


1091 


les singes de l'Ancien Monde. D'un autre côté, l'épreuve 
a donné un résultat négatif, quand elle a été appliquée 
au sang de deux espèces de Lémuriens (L. xantho- 
mystax, L. Ruffrons). 

Voici les dix-huit sangs de singes essayés : Hapali- 
dés (Hapale pygmaæa, Midas « dipus), Cebidés (My- 
cetes seniceulus, Ucaria rubicunda, Cebus A SE 
Cercopithécidés (Macacus assamiensis, M. cynomol- 
qus, M. rhesus, M. ocreatus, Cercopithecus Campbelli, 
C. patas, C. diana, C. Lalandi, C. melogenys, C. calli- 
tricha, Semnopithecus entellus), Simidés (le Chim- 
panzé, Anthropopithecus troglodytes, et l'Orang-Outang, 
Simia salyrus). 

Tous ces sangs ont réagi avec l’antisérum pour le 
sang humain : les sangs des singes du Nouveau Monde 
peu, et les sangs des Hapalidæ le moins de tous. 
J'essaie en ce moment d'estimer quantitativement les 
différences dans le degré de réaction obtenu. 

Quand j'ai fait des expériences avec l'antisérum 
pour le sang de chien, les seuls sangs, à part celui du 
chien domestique, qui réagirent, re ceux CARRE 
Canidae (C. aureus, C. mesome Ja, C. procyonides, 
cerdo). D'une facon analogue , ne pour 1e 
sang de cheval a donné seulement une réaction avec le 
sang du cheval et de l'âne. 

Les antisérums pour le sang de bœuf et de mouton 
ont donné des réactions, lesquelles indiquent l'exis- 
tence d’une « parenté sanguine » entre certains des vrais 
Ruminants. Tandis que l’antisérum pour le sang de 
bœuf agit puissamment sur le sang d’un bœuf et d'au- 
tres membres de la race bovine, il produit aussi des 
réactions, mais à un degré moindre, avec les sangs de 
plusieurs espèces de la race ovine (mouton et chèvre) 
avec le sang de plusieurs espèces de daims, d'antilope 
et de gnou. L'antisérum pour le saug de mouton a 
donné avec le sang de chèvre une réaction presque 
aussi puissante qu'avec le sang de différentes espèces 
de mouton; et il a aussi produit des réactions moindres 
avec les sangs des autres Ruminantsci-dessus mention- 
tionnés. Les expériences précédentes, qui ont élé 
exécutées sur une grande échelle, indiquent avec cerli- 
tude que nous possédons dans cette épreuve une aide 
des plus précieuses pour l'étude de la classification des 
animaux. Je m'occupe en ce moment de produire de 
l'antisérum pour le sang de singe, un sujet éminem- 
ment pratique. Mais, comme dans le cas de l'antisérum 
pour le sang de bœuf, qui agit puissamment sur le sang 
de bœuf et faiblement sur le sang de mouton, et vice 
versa, nous serons capables aû moyen de l'antisérum 
pour le sang humain et de l’antisérum pour le sang de 
singe de différencier le sang de l’homme et du singe 
d'une facon concluante. Ce faitn'aurait guère d° applica- 
tion pratique dans ce pays, mais cela peut être un sujet 
de grande importance au point de vue médico-légal 
dans les pays où il y a des singes. Ainsi j'ai reçu récem- 
ment uue lettre de M. E.-H. Hankin, d'Agra, me disant 
qu'un cas s'était présenté à lui, dans lequel il appa- 

raissait essentiel de faire une épreuve pour déterminer 

si certaines taches de saug étaient faites par le sang 
humain ou de singe. Dans de tels cas, il serait néces- 
saire de préparer un antisérum pour le genre ou l'es- 
pèce de singes dominant dans la contrée. 

Plus l'antisérum obtenu est puissant, plus grande 
est sa sphère d'action sur les sangs des espèces voi- 
sines. Par exemple, un faible antisérum pour le sang 
humain n'a produit aucuue réaction avec le sang des 
Hapalidi, tandis qu'un puissant antisérum produisit 
une réaction et prouva ce que Je me permets d'appeler 
la « parenté sanguine », à défaut d'une meilleure ex- 
pression. 

En ce qui concerne l'antisérum pour le sang humain, 
je puis dire que je l'ai produit avec succès dans des 
lapins, par des injections d’exsudat pleurétique hu- 
main conservé dans une bouteille avec du chloroforme, 
pendant cinq à six mois. 

D'une facon analogue, du vieux sérum antidiphté- 
rique de cheval, conservé pendant deux ans et sept 


mois dans le laboratoire, au moyen de tricrésol, donna 
aussi un antisérum pour le sang de cheval. 

L'antisérum produit dans ces cas était plus faible 
que celui qui est produit par des injections de sérum 
frais. Des dissolutions de ces vieux liquides conservés 
ont donné les réactions caractéristiques avec leur anli- 
sérum homologue. J'ai aussi trouvé que les antisérums 
peuvent ètre conservés pendaut des mois dans du chlo- 
roforme, quoiqu'il n’y ait pas de doute qu'ils perdent 
de leur force. De l'antisérum qui avait été conservé 
pendant plus de sept mois dans des tubes capillaires 
scellés avait encore de l'efficacité, quoique moins puis- 
sant. 

Gràäce à l'amabilité de M. Frank E. Beddard, F.R.S 
prosecteur de la Société des Jardins zoologiques, et à 
de nombreux amis qui mont généreusement aidé en 
m'envoyant des spécimens de sangs des différentes 
parties du monde, j'ai peu à peu réuni ensemble un 
matériel considérable pour l'étude. Chaque fois qu'il a 
été possible, les sérums liquides m'ont été envoyés 
conservés dans du chloroforme. Les sérums desséchés, 
d'un autre côté, sont envoyés sur des feuilles de papier 
à filtrer pur, sur lequel les dates appropriées sont notées 
au crayon. 

Les résultats de l'investigation montrent la nécessité 
qu'il y a à ne pas limiter le travail aux Vertébrés seuls, 
et beaucoup de questions naturellement en suggèrent 
d’autres, dont la solution peut être obtenue au moyen 
d'une épreuve biologique. La supposition semble jus- 
tifiée que nous serons capables, par exemple, dans une 
date future, de déterminer les différences chimiques 
dans le sang des différentes races d'homme. Nous 
n'avons plus besoin de nous baser seulement sur les 
caractères morphologiques pour différencier les es- 
pèces. 


SOCIÉTÉ DE PHYSIQUE DE LONDRES 
Séance du 22 Novembre 1901. 


M. W. Cassie décrit une nouvelle forme de spectros- 
cope à bras fixe et à transmission multiple. — Le même 
auteur présente ensuite un mémoire sur la mesure du 
module d'Young. L'appareil employé consiste en une 
aiguille horizontale (un barreau à grand moment d'iner- 
lie) supportée par une suspension bifilaire constituée 
par le fil dont le module de tension est à déterminer. 
On observe les périodes des oscillations de tangage, de 
roulis et bifilaires de ce système, et on obtient une 
expression pour le module de tension qui ne contient 
d'autres mesures que le poids de l'aiguille et les pério- 
des d'oscillation. Le dispositif nécessaire et le moyen 
d'éliminer les erreurs résiduelles sont décrits pour deux 
formes d'appareils. L'une d'elles ne demande qu’une 
simple moyenne de mesures statiques; on pend un 
petit poids à l'aiguille à des distances mesurées du cen- 
tre, on calcule la différence des tensions produites dans 
les fils et on observe avec un miroir et une échelle l'in- 
clinaison de l'aiguille qui en résulte. — M. P.Chappuis 
envoie la seconde partie de son mémoire sur la thermo- 
métrie des gaz. MM. Holborn et Day ont publié récem- 
ment, dans un travail sur le thermomètre à air, les 
résultats d'une nouvelle détermination de la dilatation 
de la porcelaine de Berlin entre 0° et 1.000°. L'auteur 
avait déjà attiré l'attention sur le fait qu'une |partie de la 
divergence trouvée entre les mesures de Callendar et 
Griffiths et celles de Harker et lui-même pour le point 
de fusion du soufre peut être attribuée à l'indécision 
des valeurs admises pour la dilatation de la porcelaine. 
L'auteur examine donc comment ces résultats sont 
modifiés par l'introduction de la valeur de la dilatation 
trouvée par MM. Holborn et Day. Le point d'ébullition‘ 
du soufre est abaissé de 4459, 2 à 4449, 7, résultat qui 
se rapproche beaucoup de celui de Callendar et Griffiths. 
M. Chappuis a recalculé d'autre part la différence entre 
l'échelle d'azote non corrigée et l'échelle théorique; la 
différence entre les valeurs actuelles et celles données 
précédemmeut est trop faible pour avoir une importance 


1092 


ACADÉMIES ET SOCIËÈTÉS SAVANTES 


pratique. M. H.-L. Callendar explique sa satisfaction de 
voir que l'application de la correction de MM. Holborn 
et Day aux résultats de M. Chappuis donne, pour le 
point d'ébullition du soufre, une valeur (4449, 7) si pro- 
che de celle (4440, 5) qu'il a donnée en 1890 avec M. Grif- 
fiths. La concordance est encore plus grande qu'elle ne 
le parait, car la différence restante de 2/10 de degré 
s'explique par la différence d'échelle des thermomètres 
à pression constante et à volume constant, d'après la 
théorie de Joule et Thomson. M. Chappuis n’a pas rap- 
pelé dans sa note les travaux de Bedford sur la dilata- 
lion de la porcelaine de Bayeux. Une comparaison des 
résultats montre que ceux de Bedford s'accordent bien 
avec ceux d'Holborn et Day de 200 à 600°; mais les deux 
diffèrent de ceux de M. Chappuis entre 0° et 80° quand 
on fait l’extrapolation; il est possible que la dilatation 
de la porcelaine entre 0° et 100° soit anomale. 


SOCIÉTÉ DE CHIMIE DE LONDRES 


Communications reçues pendant les vacances. 


MM. R. Meldola et J.-V. Eyre communiquent de 
nouvelles recherches sur la dinitro-0-anisidine. Dans la 
diazotation de celle-ci par l'acide nitreux, il suffit d’une 
petite quantité de ce dernier pour amorcer la réaction; 
le groupe nitré éliminé dans la réaction continue le 
processus de la diazotation. — M. J. Mac Crae a pré- 
paré le tartrate d’éthyle et d'octyle secondaire, et ses 
dérivés diacétylique et dibenzoylique. La rotalion mo- 
léculaire est semblable à celle des tartrates diéthy- 
liques correspondants. Ce fait vérifie la loi de Guye 
d'après laquelle, lorsque la substitution a lieu en un 
point suffisamment éloigné du G asymétrique, la rota- 
tion varie peu. — M. A. Mac Kenzie à constaté que 
l’éthérification de l'acide 3-nitrophtalique ne suit pas 
Ja loi de Meyer. Il se forme les éthers acides isomères 
« et 8, et dans certains cas l’éther neutre. — MM. F.-G. 
Pope et J.-M. Hird ont préparé la 3-nitrotolyl-4-hy- 
drazine et un certain nombre de ses dérivés. — M. T.-A. 
Henry a déterminé les constituants de la résine de 
sandaraque, exsudée par le Callitris quadrivalvis ou 
le L. verrucosa. Les deux variétés sont constituées par 
un mélange d'acides résineux et de terpènes, sépa- 
rables par dietillation à la vapeur. Parmi les terpènes, 
on a isolé le d-pinène et un diterpène, bouillant à 265°, 
saturé: L'un des acides résineux a la formule C?°H*°0*, 
F. 1710, et ressemble à l'acide d-pimarique de Vester- 
berg, mais il est inactif. Réduit par HI, il donne un 
diterpène, C*H®; par oxydation, il fournit de l'acide 
acétique et probablement de l'acide trimellitique. Le 
second acide a vraisemblablement la formule C*°H“0° ; 
il est.appelé acide callitrolique; chauffé dans le vide, 
il se décompose en CO? et un diterpène identique à 
celui qui existe dans la résine, — MM. $. Ruhemann 
et E. Wragg ont poursuivi l'étude de l’action des phé- 
nols sur le chlorofumarate et le phénylpropiolate 
d'éthyle. Avec l’eugénol, on obtient l'eugénoxvfumarate 
d'éthyle, qui n'a pu être condensé en dérivé de la 
pyrone. Avec le #-xylénol, on obtient le m-xylénoxy- 
fumarate d’éthyle, dont on peut préparer la 6 : 8-dimé- 
thyl-1 : 4-benzopyrone, F. 800-810, et le B-m-xylénoxy- 
cinnamate d’éthyle, qui donne le w-xylénoxystyrène. 
L'acide crotonique ne peut jouer le rôle des acides fu- 
marique ou propiolique pour l'obtention de produits 
de condensation cycliques. — MM. J. Walker et J.-S. 
Lumsden, en faisant réagir HBr sur l'acide undécylé- 
nique, ont obtenu l'acide w-bromoundécylique CH°Br,. 
(CH?}. CO'H, F. 51°, — Les mêmes auteurs ont préparé 
l'acide normal-décanedicarboxylique par l’électrolyse 
de l'acide pimélique. — M. D.-R. Boyd a étudié l’ac- 


tion du tri- et du pentachlorure de phosphore sur 
l'éther symétrique du diphénylglycérol et certains com- 
posés analogues. — MM. A. Harden et S. Rowland 
ont étudié l’autofermentation et la liquéfaction de la 
levure pressée. L’élévation de la température diminue 
le temps nécessaire à la liquéfaction de la levure, et 
augmente la quantité de CO? dégagée. De l'alcool se 
produit en même temps, et le phénomène apparait 
comme une simple fermentation alcoolique du glyco- 
gène de la cellule. L'examen microscopique confirme 
ces conclusions. En présence d'oxygène, l’autofermen- 
tation s'accompagne de phénomènes d’oxydation; la 
quantité de CO? et la chaleur dégagées augmentent 
notablement. — MM. C.-H. Burgess et D.-L. Chapman 
ont examiné les corps décrits par Michaelis et Pitsch, 
puis Michaelis et von Arend, comme sous-oxydes de 
phosphore, et y ont trouvé une grande quantité d'hy- 
drogène. Ils considèrent ces corps comme du phosphore 
amorphe rouge souillé de composés hydrogénés. — 
MM. G.-T. Beilby et G.-G. Henderson ont étudié 
l'action de l’ammoniaque sur le platine, l'or, l'argent, 
le cuivre, le fer, le nickel et le cobalt à des tempéra- 
tures allant de 400° à 900°. Dans chaque cas, l’effet 
physique de ce traitement à été la désintégration com- 
plète du métal, et la décomposition d’une grande partie 
de AzHS en ses éléments. La cassure du métal devient 
spongieuse comme s'il avait été soumis au refroidisse- 
ment en état d’eflervescence active. Les auteurs attri- 
buent ces effets à la formation et à la dissociation 
d'azotures métalliques. — MM. G.-G. Henderson et 
R..-H. Corstorphine, en condensant le benzyle avec la 
dibenzylcétone en présence de KOH, ont obtenu la té- 
traphénylcyclopenténolone, F. 2089. Oxydée avec pré- 
caution, elle fournit de l'acide benzoïque et un com- 
posé C#H#%0, qui est peut-être l'isobenzyle. Réduite 
par HI et le phosphore rouge, elle donne le tétraphé- 
nyleyclopenténol, F. 1629. Ce dernier, soumis à une 
nouvelle réduction, fournit un mélange de deux hydro- 
carbures, C#H* et C*H#, qui sont le 1 : 2: 4:5 -tétra- 
phénylcyclopentène (f) et le 1:2:4:5-tétraphényley- 
clopentane (IE) : 


CSH5.G — G(CSH') CORP. CI. CH (CF) 


| CH | HE 
CSHS. CH. CH (cts) / CH, CH. CH (C1) 
(1) (IT) 


— M. W.-H. Hurtley a préparé les douze chlorodi- 
bromo- et dichlorobromobenzènes prévus par la théorie. 
Les composés asymétriques ont été préparés des ani- 
lines dihalogénées en remplaçant un groupe aminé par 
le chlore ou le brome, suivant la méthode de Gatter- 
mann, ou en éliminant le groupe aminé des anilines 
trihalogénées asymétriques. Les composés symétriques 
et vicinaux ont été obtenus des anilines trihalogénées 
symétriques ou vicinales en éliminant également le 
groupe aminé. Tous les trichlorobromobenzènes sont 
solides; les vicinaux cristallisent en tables rhombiques, 
les symétriques en longs prismes, et les asymétriques 
en pelits prismes courts. Tous sont très solubles dans 
le benzène, l’éther, le chloroforme, moins dans l'al- 
cool. 
Séance du 31 Octobre 1901. 


M. Armstrong fait une conférence sur le professeur 
Fraukland, ancien président de la Société. 


Le Directeur-Gérant : Louis OLIVIER. 


Paris. — L. MARETHEUXx, imprimeur, 1, rue Cassette. 


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7 


12° ANNÉE 


N° 24 


30 DÉCEMBRE 1901 


Revue générale: 


Dés Sciences 


pures el appliquées 


DIRECTEUR  : 


LOUIS OLIVIER, Docteur ès sciences. 


Adresser tout ce qui concerne la rédaction à M. L. OLIVIER, 22, rue du Général-Foy, Paris. — La reproduction et la traduction des œuvres et des travaux 
publiés dans la Revue sont complètement interdites en France et dans tous les pays étrangers, y compris la Suède, la Norvège et la Hollande. 


CHRONIQUE ET CORRESPONDANCE 


$ 1. — Astronomie 


L’étoile temporaire de Persée. — MM. Flam- 
marion et Autoniadi ont fait, à l'Observatoire de Juvisy, 
une observalion fort intéressante, qui n’a pas tardé à 
susciter une discussion {rès instructive : il s'agit d’une 
photographie de la Nova de Persée, obtenue avec la 
pose relativement courte de 30%, Or, au lieu de pré- 
senter un petit disque lumineux, entouré de rayons et 
d'une légère nébulosité, — comme dans le cas ordi- 
naire, — l'image offre un aspect sui generis, que l’on 
peut comparer à celui d'une lache solaire résullant 
d'une courle exposilion : noyau noir, entouré d’une 
pénombre de même largeur et très foncée, à contour 
net, mais irrégulier, et portant le diamètre apparent de 
l’astre à 2! environ. Le fait n'était pas accidentel ; il fut 
vérifié; puis, avec une pose de 320", la plaque mit en 
évidence une deuxième auréole nébuleuse, laissant voir 
à son travers d’autres étoiles, et portant à 6/ le dia- 
mètre total de l’image. 

Ces circonstances exceptionnelles, propres à la Nova 
de Persée, vont puissamment servir à l'histoire de la 
transformation des étoiles temporaires — et peut-être 
aussi des étoiles variables. 

La grandeur visuelle de l'étoile était alors de 6,5 et 
bien inférieure à sa grandeur photographique, contrai- 
rement à ce qui s'était précédemment présenté; de 
même, l’ancienne coloration orangé rougeàtre avait 
fait place à une teinte blanc violacé, ce qui importe 
vivement au point de vue de la lumière émise, c'est- 
à-dire des transformations physiques subies par l’astre. 
D'ailleurs, les observations faites à Lick ont montré 
que cetle nouvelle étoile nous envoie, depuis quelque 
temps, les radiations caractéristiques des nébuleuses 
planétaires, ce qui rapproche la Nova des nombreuses 
étoiles temporaires qui ont évolué en nébuleuses. 

Cependant le contour de cette nébulosité offre la 
même forme optique que l’image d'une étoile quel- 
conque; sou contour est net, son éclat sensiblement 
uniforme, contrairement à la luminosité dégradée et 
aux bords indécis d'une nébuleuse ordinaire. De plus, 
un choc ou une explosion auraient-ils pu procurer si 
rapidement un développement aussi considérable? 
Tout cela a conduit MM. Flammarion et Antoniadi à 


REVUE GÉNÉRALE DES SCIENCES, 1901, 


penser que la nébulosité n’était pas objective, mais que 
« l’action actinique de l'étoile temporaire de Persée 
sur la couche sensible était tout à fait différente de 
celle des autres étoiles. » Cette observation doit être 
rapprochée de celle qu'avait déjà faite M. Ellis, de 
Greenwich : cet astronome avait remarqué que l’image 
de la Nova de Persée était moins nette que celle des 
autres étoiles. 

Ainsi, si cetastre présente des radiations lumineuses 
différentes de celles des étoiles normales, peut-être 
d'une plus grande réfrangibilité, il faudra rechercher 
la cause de cette singularité dans l'objectif lui-même, 
non corrigé par les radiations particulières à la Nova. 

Les expériences furent immédiatement reprises à 
Heidelberg par le Dr Max Wolf, en variant les condi- 
tions de pose, en obturant l'objectif par une demi-lune, 
ce qui conduisit à une nébulosité semi-cireulaire, etc.; 
le phénomène fut bien vérifié et, puisque aucune autre 
étoile, même des plus brillantes, ne possède cette au- 
réole, il parait évident à l’auteur que la Nova doit 
rayonner une lumière particulièrement intense, une 
sorte de lumière d'une nature spéciale, pour laquelle 
l'objectif n’est pas corrigé, et pour laquelle le cercle de 
dispersion possède effectivement un diamètre d’en- 
viron 6’. 

Et, en effet, l'œil est surtout impressionnable par 
le bleu, l'indigo et le violet, et, en même temps, la 
plaque au bromure d'argent a son maximum de sen- 
sibilité pour ces radiations; de plus, les radiations 
ultra-violettes sont fort atténuées par l'absorption 


‘: atmosphérique, de sorte que les objectils se trouvent suf- 


fisamment achromatisés. Mais il s’en faut, par exëmple 
pour l’étincelle électrique et quelques métaux, que 
certains objets n'émettent pas des radiations fort dif- 
férentes, et c'est presque toujours dans le violet que 
sont les radiations les plus intenses. Dans ces condi- 
tions, le foyer violet, ou ultra-violet, peut se trouver 
fort en arrière de la plaque el, y déterminer une trace 
circulaire; il serait alors préférable d'opérer avec un 
miroir, et non un objectif, encore que l'argent ait le 
grand défaut de devenir transparent pour les radia- 
tions ultra-violettes. M. Cornu préconise cette expé- 
rience : elle fut réalisée par Roberts, qui montre que 
les réflecteurs ne fournissent pas l’auréole singulière, 


24 


1094! 


CHRONIQUE ET CORRESPONDANCE 


Au reste, cette nouvelle étoile de Persée paraît net- 
tement se transformer en nébuleuse : Mue Fleming 
put établir à ce sujet d’intéressantes comparaisons. 
M. Deslandres est le premier qui ait observé dans son 
spectre la raie verte caractéristique des nébuleuses. 
Ainsi, l’'auréole n'est pas dépendante de l'étoile; elle 
correspond à une radiation ultra-violette intense, 
comme cela résulte bien encore des travaux de Wolf 
et de Gothard. Ce dernier observateur à également trou- 
vé, dans le spectre de la Nova, une raie ultra-violette, 
commune chez les nébuleuses. 

La question n'est pas définitivement élucidée, et, 
cependant, l'observation de MM. Flammarion et Anto- 
niadi a, du moins, prouvé que cette étoile est tout excep- 
tionnelle, et, puisqu'elle est en état de rapide transfor- 
malion, l'étude continue et soigneuse de l’astre ne sau- 
rait être que du plus haut intérêt pour la cosmogonie 
ou la constitution stellaire. À 


Observation des étoiles filantes. — La So- 
ciété Astronomique de France a entrepris, depuis long- 
temps, l'observation systématique des étoiles filantes 
et ne cesse d'accumuler des documents à cet égard; il 
est juste de dire que, en dehors de tous les membres 
actifs de la Société, l'Observatoire de Juvisy a pris une 
part active dans ce programme : les principaux obser- 
vateurs sont, dernièrement, MM. Antoniadi, Blum, 
Senouque, Touchet et Chrétien. 

Ayant relevé cette année un grand nombre d’obser- 
vations, il fallait déterminer les pôles des trajectoires, 
calcul assez long au point de vue rigoureux, mais que 
l'on peut réaliser d’une manière suflisante par un pro- 
cédé graphique; après quoi, il faut grouper ces pôles 
sur un ou plusieurs grands cercles dont les pôles seront 
précisément les radiants ou anti-radiants des météores. 
M. Tarry a pu signaler de la sorte un nouveau radiant 
dans Cassiopée; et un radiant peu actif a été relevé 
dans Pégase. 

Des observations furent faites simultanément à Juvisy 
et à la Croix-de-Berny; 16 % des météores observés 
purent être sûrement identiliés et, de cette facon, on 
pouvait déterminer les coordonnées, les hauteurs des 
points d'apparition et de disparition, ainsi que la lon- 
gueur des trajectoires. Les résultats sont assez intéres- 
sants, sans sortir cependant des données déjà connues : 
les hauteurs de disparilion sont inférieures aux hau- 
teurs d'apparition. Cependant, quelques-uns des résul- 
tats sont assez singuliers: un météore est apparu à 
15 kilomètres de hauteur, pour disparaitre à 13 kilo- 
mètres, après une trajectoire très courte; cette hauteur 
d'apparition est très faible, beaucoup plus que d'habi- 
{ude el, en outre, ce météore fut véritablement très 
éphémère. Celui qui apparut le plus haut était à 119 ki- 
Jomètres, hauteur fréquente. Enfin, l'un d'eux eut une 
fort belle trajectoire de 84 kilomètres : il apparut à 
75 kilomètres de hauteur, pour disparaître à 14 kilo- 
mètres, C’est là une chute considérable sur la Terre. 

Il n'y à qu'à souhaiter que l’on continue d'une ma- 
nière systématique des observations intéressantes, qui 
doivent être très nombreuses pour porter des fruits 
réels, — et en féliciter l'initiative privée. 


$ 2. — Physique 


La loi de la distribution régulière des élé- 
ments magnétiques en France. — Depuis plu- 
sieurs années, M. E. Mathias, professeur de Physique à 
la Faculté des Sciences de Toulouse, s'est livré à une 
étude détaillée de la distribution du magnétisme dans 
la région toulousaine, et il est arrivé, par l'examen de 
nombreuses observations, à l’intéressant résultat que 
voici : Les différences entre les éléments magnétiques 
(composante horizontale, déclinaison, inclinaison) d'un 
endroit X de la région de Toulouse et les éléments 
correspondants déterminés à l'Observatoire de Toulouse 
sont exclusivement fonction des différences de longi- 
tude et de latitude géographiques de l'endroit X et de 


l'Observatoire de Toulouse. Si l’on désigne par (A long.) 
et (A lat.) ces différences, la différence (X-Toulouse) 
sera-représentée par une relation de la forme : 


x(A long.) +y(A lat.), 


x et y élant des constantes numériques convenables. 

Ce résultat, déjà si important, a été généralisé encore 
par M. Mathias, qui a reconnu, tout au moins en ce qui 
concerne la composante horizontale dn magnétisme, 
que la formule linéaire valable pour la région toulou- 
saine s'applique à toute la France et permet de retrou- 
ver, avec des différences inférieures aux erreurs d'ob- 
servation, la plupart des nombres que M. Moureaux a 
donnés dans son « Réseau magnétiqne de la France 
au 1 janvier 1896 » (les anomalies exceptées, bien 
entendu). 

Pour les deux autres éléments, M. Mathias a été 
moins heureux, en ce sens que les formules linéaires de 
la région toulousaine ont dû être remplacées par des 
formules du second degré à cinq ou six termes, de la 
forme : 

x + y(Along.) + z(Alat.) + u(Along.} 
+ v(Along.)(A lat.) — L(A lat.)*. 


Toutefois, les formules ainsi obtenues sont valables 
non seulement pour toute la France continentale, mais 
aussi pour la Corse. 


Déviation magnétique provoquée par les 
rayons €cathodiques. — Dans l'étude magistrale 
qu'il vient de consacrer aux proslèmes que soulèvent 
les expériences de M. Crémieu, rapprochées du résultat 
classique de Rowland, M. Poincaré‘ a fait une rapide 
allusion aux actions magnétiques que peuvent exercer 
les rayons cathodiques. Ces actions avaient été niées 
par Hertz, qui avait exploré, à l’aide d’une aiguille sus- 
pendue à uv fil, le champ maguétique au-dessus d’un 
tube plat, à l’intérieur duquel le courant pouvait être 
dirigé entre des électrodes diversement placées. IL 
trouva ainsi que le champ est tel qu'on peut le déduire 
de la position respective des électrodes, et que les 
rayons cathodiques rectilignes sont sans action appré- 
ciable. 

Jusqu'à ces derniers temps, et tout en admettant la 
théorie fondée sur l'expérience de Rowland, on avait 
cherché à expliquer, comme un pis-aller, le résultat 
négalf de Hertz par le peu d'intensité du champ pro- 
duit par les rayons. 5 , 

L'expérience vient d'être reprise par M. de Geitler, 
qui, pour soustraire l'aiguille à l'action compensatrice 
de l’afflux cathodique, c'est-à-dire du courant de retour 
partant des points frappés par les rayons, a eu l'heu- 
reuse idée de la placer à l'intérieur du flux cathodique 
lui-mème. Un tube de Crookes, de 60 centimètres de 
longueur et de # centimètres de diamètre, est muni, à 
chaque extrémité, d'une électrode plane, perpendicu- 
laire à l'axe du tube, et de deux petites électrodes sou- 
dées dans des tubulures latérales. L'aimant, de 11 mil- 
limètres de longueur, est suspendu à un tube vertical, 
en laiton mastiqué au tube de Crookes, supprimant les 


actions électrostatiques, et susceptible d’être déplacé 


de manière à amener l'aiguille à des distances diverses 
de son axe. 

Les expériences ont été faites en prenant comme 
cathode l’une des électrodes planes des extrémités, et, 
comme anode, soit l’autre électrode plane, soit les fils 
voisins de la cathode. Dans toutes les expériences pour 
lesquelles on avait placé l'aiguille à une faible distance 
de l'axe, elle éprouvait une déviation bien nette, dans 
le sens indiqué par la théorie de Grookes, el d'un ordre 
de grandeur comparable à ce qu'aurait donné un cou- 
rant équivalent au flux total d'électricité parcourant le 
tube. Lorsque, au contraire, l'aiguille était éloignée de 


1 I. Porncané : À propos des expériences de M. Crémieu. 
Revue générale des Sciences du 30 novembre 1901, t. XI, 
pages 994 et suivantes. 


dt né 


CHRONIQUE ET CORRESPONDANCE 


1095 


l'axe, l'effet s’atténuait de plus en plus, pour s'annuler 
quand elle se trouvait complètement en dehors de 
l'afflux cathodique. 

Cette expérience semble donc démontrer la réci- 
procité de l’acliôn du champ magnétique et des rayons 
cathodiques, et fait disparaître définitivement la con- 
tradiction que l'expérience de Hertz avait laissée en 
quelque sorte inexplicable. 


Propriétés électriques des alliages de 
cuivre et de cobalt. — Le nickel et le cobalt pré- 
sentent de si parfaites analogies chimiques qu'il est par- 
ticulièrement intéressant d'examiner comparativement 
leurs propriétés physiques, soit à l’état isolé; soit en 
combinaison avec d'autres métaux. 

On connait bien, et on utilise, depuis quelques années, 
les propriétés singulières des alliages de nickel et de 
cuivre dont la résistivité électrique passe, vers 40 % de 
nickel, par un maximum élevé, avec un coefficient de 
variation sensiblement nul. 

M. Reichardt vient de rechercher si les alliages de 
cuivre et de cobalt suivent des lois analogues. Ces 
alliages, d'une préparation difficile, étaient, pour la plu- 
part, durs et cassants, surtout dans les hautes teneurs 
en cobalt. Ces derniers montraient, même, à l'œil nu, 
des grains séparés, rouges ou gris, témoignant du peu 
d'homogénéité de l'alliage. Ils présentaient aussi de 
nombreuses fissures, eL il fut impossible de les étirer à 
la filière. Les alliages pauvres en cobalt étaient plus 
homogènes, et susceptibles, bien qu'avec beaucoup de 
peine, d’être mis sous la forme de fils. 

Partant du cuivre, la courbe de la résistivité monte 
d'abord très rapidement, atteignant le sextuple de 
l'ordonnée au départ, pour une teneur de 3 % en co- 
balt; puis, l'ascension se produit plus lentement, avec 
une inflexion vers 40 %, et une brusque montée après 
80 %, le point extrême, correspondant au cobalt pur, 
étant atteint par une courbe descendante. Il ne faut 
pas oublier, toutefois, que les défauts d'homogénéité, 
des fissures et les piqures de l'alliage ont pu augmenter 
considérablement les résistivités trouvées. 

Le coelficient de variation baisse rapidement, pour 
atteindre 0,00077 à 3 % de cobalt, puis monte lente- 
ment jusque vers 90 %, où il est égal à 0,00167; enfin, 
s'élève brusquement au coefficient du cobalt. 

Le pouvoir thermo-électrique en connexion avec le 
caivre s'élève {rès rapidement pour les plus faibles 
traces de cobalt, et passe, vers 3 %, par un maximum 
égal à 32 microvolts environ par degré, c’est-à-dire de 
1/5 environ au-dessous du constantan, très employé 


 Alepuis quelques années comme l’un des éléments des 


couples lhermo-électriques. Comme cet alliage est 
beaucoup moins résistant et-plus réfractaire que le 
constantan, il pourrait sans doute rendre quelques ser- 
vices dans l'emploi des couples pour la mesuré des 
températures, ou pour la production du courant élec- 
trique. 


$ 3 — Métallurgie 


Fondation Andrew Carnegie. — M. Andrew 
Carnegie, l’éminent vice-président de l’/ron and Steel 
Institute, vient de faire don à cette Société des fonds 
nécessaires pour que, tous les ans, son Conseil puisse 
distribuer une ou plusieurs bourses en vue de perfec- 
tionner la métallurgie du fer et de l'acier. 

Les candidats sont admis sans aucune distinction 
soit de sexe, soit de nationalité. Ils devront être âgés de 
Moins de trente-cing ans; leur demande devra être 
adressée, sur bulletin spécial, au Secrétaire de l'Institut, 
avant la fin du mois de mars 1902. 

Le but de ces bourses est de permettre aux étudiants 
squi ont lerminé les études préparatoires ou qui ont fait 
un stage dans des élablissements industriels, de se 
livrer à des recherches sur la métallurgie du fer et de 
V'acier et sujets s’y rapportant, en vue d'aider au pro- 
grès de celte métallurgie et à l'application industrielle 
qu'il comporte. Il n’est apporté aucune restriction en ce 


qui concerne l'établissement où les recherches se pour- 
suivront : université, école ou usine, pourvu que cet 
établissement soit organisé et outillé de facon à per- 
mettre les recherches métallurgiques. 

La bourse sera attribuée pour une année; mais le 
Conseil pourra, à sa discrétion, la renouveler s'il le juge 
bon, au lieu d'en faire une attribution nouvelle, Le 
résultat des recherches sera communiqué, sous forme 
de Mémoire, à l’/ron and Steel Institute et sera sou- 
mis à l’Assemblée générale annuelle des membres. Dans 
le cas où le Conseil jugerait que le Mémoire est d’un 
mérite suffisant, la médaille d’or Andrew Carnegie sera 
attribuée à l’auteur. La médaille ne sera pas décernée 
si, dans une année quelconque, le Mémoire n’en justifie 
pas l'attribution. 


$ 4. — Chimie 


Altération des métaux Sous Finfluence des 
gaz. — MM. Beilby et Henderson, désireux, dans un 
but industriel, de faire passer du gaz ammoniac dans 
des tubes métalliques portés au rouge, furent fort gènés 
par la désagrégation bien connue que subit le métal, 
qui devient friable et fragile au point que le tube n'est 
plus capable de supporter son propre poids. ls furent 
amenés à étudier de près cette action, et, dans une 
communication qu'ils viennent de faire à la Sociélé Chi- 
mique de Londres!, ils mettent au point une théorie du 
phénomène, déja fort ancienne puisque Ampère en 
indiqua le principe, mais qui acquiert un intérêt tout 
spécial à celte époque où les phénomènes de catalyse 
et les actions de contact préoccupent un grand nombre 
de chimistes. 

Rappelons d'abord les faits : un métal, soumis à l’ac- 
tion d’un rapide courant de gaz ammoniac dans un tube 
de porcelaine vernissée chauffé à une température infé- 
rieure au point de fusion du métal, subit les modifica- 
tions suivantes : son volume s'accroît, sa texture de- 
vient sponsieuse, poreuse, semblable à celle d’un corps 
fondu dont la masse à été traversée par de nombreuses 
bulles de gaz. L'aspect même de la masse iudique sans 
ambiguité qu'elle a passé par l'état liquide, ou, au 
moins, par un état de semi-fluidité; en effet, au micros- 
cope, le métal semble formé de particules grossière- 
ment sphéroïdales, et des fils de métaux différents, sou- 
mis ensemble à l'expérience, sont retrouvés soudés. 

Quant au gaz ammouiac, qui supporte, cependant, sans 
décomposition la température de 850°, il est toujours 
décomposé en présence des métaux, quoique la tempé- 
rature varie entre 400° et S00 : le gaz sortant est à peu 
près formé de { volume d'azote pour 3 volumes d'hy- 
drogène. Malgré cette composition, il est bien certain, 
d'après l'aspect ci-dessus décrit, qu'il a dù se former une 
combinaison chimique plus fusible que le méial Jui- 
même, 

MM. Beilby et Henderson, répétant une expérience 
déjà faite en 1829 par Despretz?, ont pu, en effet, éta- 
blir que, dans des circonstances convenables, le gaz 
ammoniac donne avec le métal un azoture : la transfor- 
malion du métal en azoture n’est à peu près complète 
que pour le fer, qui devient l’azoture FetAz2, etencore ce 
composé ne se produit-il que dans des conditions assez 
limitées : il faut, avant tout, un très grand excès d’am- 
moniac, et, de plus, une température favorable, variable 
avec l’état d'agrégation du métal*. Cet azoture est très 
facilement décomposé dans un courant d'hydrogène, ce 


‘ Journ. Chem. Soc., t. LXXIX, p. 1245; Nov. 1902. 

2? Ann. Chim. Phys., (2),t. XLIL, p 122. 

3 Despretz, qui indique aussi (/oc. cit.) la formation d'un 
azoture, ne se placait vraisemblablement pas dans les meil- 
leures conditions pour avoir une transformation complète, 
puisqu'il trouve que le poids du fer augmente en moyenne 
de 7,7 °/,, alors que MM. Beiïlby et Henderson ont trouvé 
10,59 0/, et que la formule Fe*A* correspond à 11,13 0/4. 

Il estcurieux de rappeler que, dans ce Mémoire, Despretz 
se demande si l'azote et l'hydrogène ne sont pas des come 
posés oxygénés ! 


1096 


qui explique la nécessité de ïexcès d’ammoniac, 

Si, pour d’autres métaux que le fer (cobalt, nickel, 
cuivre, argent, or, platine, aluminium, laiton...), on n'a 
constaté qu'une formalion incomplète ou même nulle 
d'azoture!, il est permis de supposer qu'on a opéré hors 
des conditions de stabilité d’un tel composé. En tout 
cas, on à toujours observé la désagrégation du métal, 
que les auteurs, se basant sur les faits expérimentaux 
précédents, expliquent de Ja manière suivante : 

L'ammoniac attaque la surface du métal en donnant 
un azoture, stable à cause de la présence de gaz ammo- 
niac, en excès par rapport à l'hydrogène résultant de 
la décomposition; cet azoture, fusible, pénètre dans le 
métal, et l'attaque tend à se faire dans une région 
moins superficielle, où l'ammoniac est plus rare, et 
l'hydrogène plus abondant, si bien qu'à une certaine 
profondeur l'azoture sera décomposé aussitôt que 
formé. Les gaz résultant de la décomposition se déga- 
gent à travérs l'azoture fluide et produisent la texture 
bulleuse ci-dessus décrite. 

Sans vouloir établir un lien entre deux études net- 
tement différentes, on ne peut s'empêcher de songer, 
à propos de ces expériences et de cette théorie, aux 
Mémoires que M. Berthelot a publiés récemment* sur 
les origines de la combinaison chimique. Ce savant a 
constaté qu’en chauffant en tube scellé de l'argent avec 
de l'oxygène, on obtient une petite quantité d'oxyde 
d'argent, variable avec la température, mais toujours 
faible, tandis que le métal est remarquablement mo- 
difié: sa surface prend un aspect filamenteux, « lanu- 
gineux », qui dénote une profonde désagrégation. 

Pour expliquer ce phénomène, M. Berthelot fait inter- 
venir la formation et la décomposition ultérieure de 
l'oxyde d'argent; mais, de plus, rappelant que, dans 
l'expérience célèbre qui montre que le sulfure de car- 
bone se forme et se décompose dans les mêmes condi- 
tions de température, le carbone régénéré est du gra- 
phite, alors qu'on est parti du carbone amorphe, ilpense 
que cetaspect particulier de l'argent est celui d'unevariété 
allotropique de ce métal, et il appuie cette opinion sur 
des mesures thermochimiques. Peut-être pourrait-on 
étendre cette hypothèse au cas qui nous occupe, et 
peut-être serait-elle particulièrement facile à contrôler 
par l’expérience. 

Quoi qu'il en soit, l'importance des « équilibres mo- 
biles » dans l'explication des réactions croît de jour en 
jour. Les expériences que nous venons de rapporter 
s'expliquent, comme tant d’autres, par la formation, en 
un point, d'un produit qui se décompose en un point 
voisin, sous l'influence de variations locales très faibles : 
variations de température, dans bien des cas; variations 
de concentration en hydrogène, dans le cas étudié par 
MM. Beilby et Henderson. 

Ajoutons, pour terminer, que ces chimistes ont l’in- 
tention d'étendre leurs recherches à l’action des diffé- 
rents gaz sur les métaux, et espèrent étudier les ques- 
tions de l’occlusion des gaz par les métaux, et de la 
perméabilité des métaux pour les gaz. 


Quelques propriétés curieuses de l’anhy- 
dride sulfurique. — L'anhydride sulfurique est 
un corps relativement commun dans nos laboratoires, 
et cependant, bien qu'il ait fait l’objet de nombreuses 
recherches depuis cinquante ans, les savants sont loin 
d'être d'accord sur l'explication de ses propriétés. 

On sait que l'anhydride sulfurique existe sous 
deux modifications. La plus ordinaire, celle qui se 
trouve dans le commerce, consiste en une masse solide 
de petites aiguilles blanches ramiliées, à l'aspect 
soyeux, ressemblant à de l'amiante. L'autre est cons- 
tituée par de gros prismes brillants et (transparents, 
qui se séparent par refroidissement du liquide quel’on 


? Ce qui n'empêche pas la décomposition notable de l'am- 
moniac, toujours en proportion beaucoup plus grande que 
ce qui serait nécessité par la formation de l'azoture. 

* Ann, Chim. Phys., (1), t. XXIL; Mars 1901. 


CHRONIQUE ET CORRESPONDANCE 


| obtient par la distillation de l’anhydride dans certaines 
conditions. 

Les propriétés de ces deux modificalions diffèrent 
considérablement. Tandis que la dernière fond déjà à la 
température des laboratoires (à 18° d’£près Marignac!, 
à 16° d’après Schultz-Sellack ?, à 14°,8 d’après R. We- 
ber ?), la forme amiantique ne possède pas de point 
de fusion propre ; par échauffement, elle passe direc- 
tement à l'état gazeux. R. Weber a observé que des 
traces d'humidité favorisent la formation de la modifi- 
cation fibreuse, tandis qu'en l’absence absolument com- 
plète d’eau il a pu conserver sans modification, depuis 
une dizaine d'années, dans des tubes scellés, la forme 
liquide à ‘la température ordinaire. Weber suppose donc 
que la forme amiantique est une combinaison hydratée 
de l’anhydride, opinion qui est couramment admise. 
Marignac, cependant, a constaté la transformation de 
la forme liquide en forme fibreuse dans des condilions 
où il est impossible que l'humidité intervienne, ce qui 
lui fait considérer l'opinion de Weber comme « repo- 
sant sur une pure hypothèse * ». 

Schultz-Sellack a comparé le phénomène à Ja trans- 
formation de l'acide cyanhydrique en acide cyanurique ; 
pour lui, la forme fibreuse est une modification poly- 
mère de la forme liquide. Marignac croyait äe même à 
\ l'existence d’une isomérie, et W. Ostwald® à celle d'une 
dimorphie. On voit que les opinions des chimistes 
diffèrent beaucoup, et qu'il y avait matière à de nou- 
velles recherches sur une question aussi controversée. 
M. R. Schenck les a entreprises récemment à l'Uni- 
versité de Marburg, et, en même temps qu'il a misen 
lumière des propriétés extrêmement curieuses de l’anhy- 
dride sulfurique, il a apporté, à la solution du pro- 
blème de sa constitution, des faits qui paraissent déci- 
sifs®. 

La forme liquide de l’anhydride sulfurique possède 
une propriété intéressante, déjà signalée par Buff?, 


puis par Schultz-Sellack : c'est la grandeur anormale 
de son coefficient de dilatation, égal à environ les deux 
tiers de celui des gaz, fait excessivement rare parmi les 
liquides. M. R. Schenck l'a déterminé à nouveau pour 
divers intervalles de température, et il a obtenu les 
résultats suivants : 


INTERVALLE COEFFICIENT 
de température de dilatation 
EM EM ENTER PENSION re 0,0023 (!) 
SH0 ROIS RCE ñ 0,0030 
GO PANCETRD ES PAR NC EE 0,0031 
180 SUD OR TEE de 0,0028 
800,3 100°,0. ATOUT 0,0028 


Des coefficients de cet ordre n’ont été observés que 
pour les gaz condensés, et aux environs du point eri- 
tique. Or, le poiut critique de l’anhydride sulfurique, 
déterminé par M. Schenck, est à 2169, c'est-à-dire à une 
température bien supérieure à celle des détermina- 
tions précédentes. 

Une autre caractéristique de la dilatation de l’anhy- 
dride sulfurique est la suivante : chez les liquides, on 
observe généralement un accroissement du coefficient 
de dilatation avec la température; or, ici ce coeflicient 
présente un maximum entre 35° et 78, puis il diminue 
jusqu'à 1009. Au-dessus de 1009, il augmente de nou- 
veau, et la dilatation arrive à dépasser de beaucoup 
celle des gaz aux environs du point critique; mais des 
mesures exactes n'ont pu être faites, le dilatomètre 
n'étant pas construit pour les hautes pressions atteintes. 

Une autre particularité de l'anhydride sulfurique, 
LINE SARA UE EPST EUR TRIO ARE ES 

1 Arch. des Sc. phys. et nat., t. LIT, p. 256. 

2 Poggendorffs Ann., t. CXXXIX, p. 480; Ber., t. I; 
». 215. 
Poggendorffs Ann.,t. CUIX, p. 315. 

Arch. des Se. phys. et nat., t. LNIII, p. 228. 
Grundlinien der anorg. Chemie, p. 292 


sn a > © 


Annalen der Chemie, t. COCXVI, p. 


Le 
Annalen der Chemie, suppl, t. LV, p. 151. 


CHRONIQUE ET CORRESPONDANCE 


1097 


VU UV | | |ÎUÎVÎ V ———"—]—"”"”"———”—…—…"—”…"”"”"”"”"”"”"”"…”…"…"…"…"…"…."’."….…"….….….….-.….….- 


c’est qu’il présente, aux environs de 35°, des actions 
thermiques retardées. Les déterminalions précédentes 
ont été faites généralement à température descen- 
dante; le dilatomètre était porté d'un bain plus chaud 
dans un bain plus froid. A 78et à 60°, l'équilibre est 
vite atteint; au bout de vingt à vingt-cinq minutes, le 
volume ne varie plus. Mais à 35°, au bout de deux 
heures, la contraction n'est pas encore terminée. Evi- 
demment, on ne se trouve plus là en présence d'un phé- 
nomène purement thermique. Dans le liquide refroidi, 
ii se passe un phénomène chimique produisant une 
diminution de volume. 

Mais, ce qu'il y a de plus remarquable, c’est que la 
vitesse de cette réaction est considérablement aug- 
mentée par l'addition de traces d'acide sulfurique con- 
centré. Voici quelques chiffres, qui montrent le temps 
nécessaire pour oblenir une contraction donnée en 
l'absence et en présence de l'acide sulfurique : 


GRANDEUR 
de la contraction 


SANS AVEC 
addition d'acide sulfurique 
0,035 em* en 11 minutes. 6 minutes. 
0,048 cm en 23 — 9 -— 
0,058 cm? en 53 = 11 — 


C'est là un exemple de réaction catalytique pure, 
comparable à la transformation du phosphore blanc en 
phosphore rouge à basse température sous l'influence 
de petites quantités d'iode. Il semble donc bien que 
nous sommes en présence d'une polymérisation. Pour 
élucider la question, M. R. Schenck a procédé à des 
déterminations de poids moléculaire en utilisant la 
méthode de Ramsay et Shields, basée sur la valeur du 
coefficient de température de l'énergie superficielle 
moléculaire. On sait que ce coefficient À a une valeur 
d'environ 2,12 pour les liquides à molécules simples, 
et quil diminue proportionnellement à la polyméri- 
sation. Voici la valeur de ce coefficient pour l'anby- 
dride sulfurique liquide : 


INTERVALLES 

de température ke 
HP OT ANS 008 D. Dirt eue ta te l;a0 
SAT GER ROMA PAR EE 
GOLF EE eo LPO RCE 1,86 
TAC AIS CRE ARE ES 2,30 


On voit qu'aux basses températures, il existe une 
polymérisation appréciable ; le nombre des molécules 
polymères diminue avec la température, et, vers 78°, 
le liquide ne renferme plus que des molécules simples. 

Ces faits permettent à M. Schenck d'expliquer aiusi 
la facon dont se comporte l'anhydride sulfurique 
liquide. Dans ce dernier, on se trouve en présence 
d’un, équilibre entre des molécules simples et poly- 
mères, équilibre dépendant de la température. Le 
passage d'un état à l’autre est accompagné d'une 
modification de volume. Aux hautes températures, la 
vitesse de transformation est rapide; aux basses tem- 
pératures, elle devient très faible, et l'équilibre peut 
mettre un temps considérable à s'établir, ce qui ex- 
plique les actions thermiques prolongées. L'addition 
d'acide sulfurique augmente la vitesse de transforma- 
tion et permet l'établissement d'un équilibre assez 
rapide aux basses températures. 

On peut aussi considérer l'anhydride sulfurique liquide 
comme une solution de la forme polymère dans la 
forme simple. Suivant que la concentration de la pre- 
mière sera plus ou moins grande que sa solubilité, la 
substance polymère se déposera ou entrera en solution. 
La limite entre ces deux phénomènes est située entre 
250 et 27°. M Schenck admet que la forme solide poly- 
mère est dentique avec la modification fibreuse ordi- 
naire de l'anhydride sulfurique. La forme cristallisée 
prismatique transparente, fondant à 149,8, est l'anhy- 
dride solide non polymérisé". 


1 M. R. Schenck ne donne aucune indication, dans son 


En ce qui concerne l’anhydride liquide préparé par 
R. Weber, qui est conservé depuis de nombreuses 
années, et donne toujours, par refroidissement, la [orme 
prismatique, et non la forme fibreuse, il faut se rap- 
peler que, d'après l'auteur lui-même, les moindres 
traces de catalysateur ont été soigneusement éloignées. 
La vitesse de transformation de la forme simple dans 
la forme polymère est donc excessivement faible aux 
basses températures et le liquide contient fort peu de 
cette dernière. Il n’en est donc jamais saturé, quel que 
soit l'abaissement de température, et le refroidisse- 
ment provoque toujours la cristallisation du solvant 
sous la forme prismatique, dé même qu'une solution 
saline donne toujours de la glace pure. 


$ 5. — Botanique 


Influence nocive de traces de cuivre sur 
la germination des graines. — Les botanistes 
physiologistes ont obtenu des résultats discordants en 
cherchant à faire germer les graines dans l'eau distil- 
lée : tantôt le développement s'est fait dans l’eau dis- 
tillée comme dans l'eau de fontaine (contenant des 
sels en dissolution), tantôt le développement a été re- 
tardé et rapidement arrèlé, sinon totalement supprimé 
par l’eau distillée. M. J. Bæœhm avait conclu de ses re- 
cherches sur ce sujet que les graines ne germent pas 
dans l’eau distillée parce que celle-ci manque d'un 
élément, indispensable à leur développement, repré- 
senté, d’après 1e botaniste viennois, par les composés 
calciques. 

MM. Dehérain et Demoussy, dans une Note fort inté- 
ressante qu'ils viennent de publier dans les Annales 
Agronomiques, démontrent l'inexactitude des conclu- 
sions de Bæhm et donnent l'explication des divergences 
d'opinion des divers auteurs. 

En cherchant à faire germer des graines de lupia 
blanc ou jaune dans l’eau distillée dont ils disposaient, 
ils ont vu que le développement de la plantule est très 
rapidement arrêté, et que les racines, notamment, ne 
sy forment pas sensiblement, Ils distillent alors leur 
eau distillée dans un appareil de verre, et recueillent 
le premier tiers, puis le second tiers, qui passent à la 
distillation, puis le troisième tiers non dislillé res- 
tant dans la coinue. En déposant à la surface de 
l'eau de ces trois fraclions des graines de lupin, ils 
ont vu le développement se faire normalement à la 
surface de l'eau des deux premiers tiers, mais non à 
la surface de l’eau restée dans la cornue. L'arrêt de 
développement dans l’eau distillée primitive tient donc 
à la présence dans cetle eau d’une substance toxique 
pour la plante, et non à l'absence dans l’eau distillée 
d'un élément indispensable. 

L'analyse chimique ne permet pas de déterminer la 
nature de cette substance; mais, comme l'eau distillée 
dont disposaient MM. Dehérain el Demoussy avait 
été préparée au moyen d'un appareil en cuivre, ces 
botanistes ont recherché si l'arrèt de développement 
ne devait pas être rapporté à la présence de traces de 
cuivre dans l’eau distillée. À cet effet, ils placent pen- 
dant quelques jours de l’eau distillée dans des vases 
de verre, d'argent, de plomb et de cuivre, puis intro- 
duisent ces eaux dans les tubes à germination et dépo- 


Mémoire, sur la formule possible de l'anhydride polymérisé. 
M. G. Oddo, dans une Note publiée postérieurement dans la 
Gazzetta chimica italiana, t. XXXI, [nu], p. 158 et suiv., 
apporte une contribution nouvelle à ce sujet. Il a, déterminé 
le poids moléculaire des deux formes solides, cel'e qui cris- 
tallise en prismes transparents, et celle qui existe sous 
forme d'aiguilles soyeuses, par la méthode cryoscopique, 
en prenant comme dissolvant l’oxychlorure de phosphore. 
Pour la premiére, il a obtenu des valeurs variant entre 75,4 
et 18,1, qui correspondent à la formule simple SO*, Pour la 
secorde, il a obtenu des valeurs variant entre 157,5 et 
170,05, qui correspondent à une formule double S*0f, La 
forme fibreuse est donc une forme dimèére ; M. Oddo lui 
donne le nom d'anhydride disulfurique. 


1098 


CHRONIQUE ET CORRESPONDANCE 


sent les graines de lupin à la surface. Les plantules se 
développent partout, excepté dans l'eau qui a été en 
contact avec le cuivre. MM. Dehérain et Demoussy es- 
timent que la quantité de cuivre contenue dans cette 
eau est certainement inférieure à un dix-millionième. 
Si l’on ajoute à cette eau cuivreuse des composés cal- 
ciques, si surtout on dépose du carbonate de chaux à 
la surface des radicules d’une petite plante en voie de 
développement, on annihile l'effet toxique du cuivre. 
Ainsi s'expliquent les résulta s de J. Bæhm : ce bota- 
niste, pour éviter la présence, dans son eau distillée, de 
traces de chaux pouvant provenir du verre des réci- 
pients, conservait son eau distillée dans un vase de 
cuivre argenté. 

Il convient de rapprocher les faits intéressants que 
nous venons de signaler des observations de Nægeli, 
qui a montré que les spyrogyres périssent dans l’eau 
où a séjourné une pièce d'or, et cela par le cuivre de 
l'alliage des monvaies, car les spyrogyres vivent dans 
une eau où a séjourné de l'or pur; et, surtout, des 
observations classiques de Raulin, qui à montré que 
l'Aspergillus niger ne se développe pas dans le liquide 
de Raulin contenu dans les vases d'argent. 

On ne saurait trop signaler ces faits, qui montrent la 
sensibilité infiniment grande des réactifs biologiques; 
surtout à une époque où tant d’études se poursuivent 
sur les diastases et les toxines, infiniment petits pro- 
duisant des actions infiniment grandes. M. A. 


8 6. — Littérature scientifique 


A propos de l'apparition de quelques pé- 
riodiques nouveaux. — Il vient de se fonder suc- 
cessivement, dans l’espace de trois mois, trois nouveaux 
périodiques consacrés à la publication de travaux dans 
l'ordre des sciences anatomiques (Anatomie, Histolo- 
gie, Embryologie). Ces trois périodiques s'appellent : 

4° Petrus Camper (journal anatomique hollandais); 

20 The American Journal of Anatomy ; 

3 Archivio italiano de Anatomia e di Embriologia. 

Prochainement, doit paraître un quatrième journal, 
celui-là polonais : les Archives polonaises de Biologie. 
J'ai inscrit, sur le registre déposé à la Bibliothèque uni- 
versitaire pour les demandes d’achats de livres, les 
trois périodiques nouveaux en question, et j'y joindrai 
bientôt le journal polonais qui va paraître, accomplis- 
sant ainsi un devoir universitaire, en même temps que 
contraint par la nécessité, qui m'oblige à ne rien 
ignorer de ce qui peut se faire dans l’ordre de recher- 
ches que je poursuis. Ces trois ou quatre publications 
nouvelles sont le produit d'un sentiment bien naturel 
de nationalisme scientifique, et par cela même très 
excusable. Il n’en est pas moins regrettable de constater 
que le sentiment nationaliste qui leur a donné nais- 
sance a remplacé celui qui aurait dû seul inspirer une 
procréation nouvelle de périodiques scientifiques, le 
sentiment de la parfaite adaptation du produit aux 
besoins généraux. N'était-ce pas assez pour les savants 
aux abois, obligés de faire face à tout ce qui paraît, de 
s'exposer à ignorer les nombreux travaux, souvent très 
intéressants pourtant, enterrés dans les Bulletins de 
telle Société d’'Osnabruck ou de Carpeniras? Et le par- 
ticularisme de clocher va-t-il se compliquer du patrio- 
tisme de drapeau? La liste des périodiques anatomi- 
ques, et, en général, des journaux scientifiques, doit-elle 
égaler un jour celle des nationalités et des sous-natio- 
nalités distinctes? Nous faudra-t-il, étudiant le pigment 
de la cellule nerveuse ou les phénomènes de la seg- 


mentalion de l'œuf, entasser sur notre table de travail 
après les avoir à grands frais alignés dans notre 
Bibliothèque universitaire, les trente ou quarante pé- 
riodiques anatomiques correspondant aux différentes 
nations où l’Anatomie est cultivée? 

Il y a, cependant, un groupement plus utile et plus 
rationnel des travaux scientifiques et, particulièrement, 
anatomiques que celui qui consiste à les répartir en 
catégories américaine, hollandaise, italienne, etc. Et, 
au lieu d'aller chercher, à grands frais et avec quelles 
peines, les travaux relatifs à la segmentation de l'œuf 
dans trente ou quarante périodiques nationaux diffé- 
rents, on serait heureux de les trouver tous dans un 
journal anatomique spécial, consacré exclusivement à 
l'étude de cette question particulière et, au besoin, des 
questions immédiatement connexes. Ce qui rend si 
longue et si pénible la recherche bibliographique, in- 
dispensable cependant à une époque où, pour faire un 
progrès, il faut s'être assuré qu’on est bien sur la limite 
du terrain déjà exploré, c’est moins la multiplicité des 
travaux que leur fâcheuse dissémination et l'absence 
de tout groupement rationnel. Il est grand temps qu'on 
se soucie de mettre dans les matériaux scientifiques 
un ordre scientifique. On voudrait voir se fonder, 
Gans l’ordre anatomique, des journaux spéciaux con- 
sacrés l’un à la cellule nerveuse, un autre aux glandes 
et à la sécrétion, un troisième aux phénomènes de 
maturation et de fécondation de l’œuf, etc., et donnant 
chacun, dans un recensement quinquennal, l’état de la 
Science pour la spécialité du journal. Il appartiendrait 
au Congrès international des Académies de prendre 
l'initiative d'une telle réforme, ou tout au moins 
d'émettre un vœu dans ce sens. Sans qu'il soit d’ail- 
leurs besoin, peut-être, d'un règlement scientifique 


international, plus difficile encore à faire accepter qu'à : 


édicter, il entrerait bientôt dans les mœurs des savants 
de limiter leurs recherches bibliographiques aux re- 
cueils spéciaux, et l’on se sentirait bien vite aulorisé 
moralement à négliger tout auteur dont le travail n'y 
figurerait pas ou n'y serait pas représenté par un ré- 
sumé ‘. Il existe déjà, du reste, dans le domaine bio- 
logique, quelques périodiques spéciaux, pas encore 
peut-être assez spécialisés à notre gré. Tels sont : /a 
Cellule, journal dont le contenu a d’ailleurs débordé 
hors des limites. de. son premier programme ; les 
Archiv für Entwicklungsmechanik, la Zeitschrift für 
Morphologie und Anthropologie; 1 y a le Névraxe, ete. 

On pouvait espérer, après l'apparition de ces jour- 
naux spéciaux, une prochaine et complète dénationa- 
lisation de la science biologique et de ses produits, et 
voici que la poussée subite de plusieurs journaux na- 
tionaux confondant, sous une couverture commune, 
tous les résultats, pourvu qu'ils portent l’estampille 
nationale, recule plus loin encore l'espoir de voir un 
jour se réaliser le classement purement scientifique 
des productions scientifiques. Malgré le bon vouloir 
avec lequel on doit accueillir toute nouvelle publica- 
tion, il est difficile, cette fois, d’être tout à fait satisfait, 
parce qu'ilest difficile de croire à un vérilable progrès. 


A. Prenant, 
Professeur à l'Université de Nancy. 


‘ Les Jahresberichte, les Ergebnisse, l'Année biologique 
ne remplissent qu'imparfaitement le desideratum, puisqu'ils 
ne nous donnent que des analyses et ne nous livrent les 
résultats des auteurs que sous le bénéfice de la confiance 
accordée aux analyseurs. 


H. LE CHATELIER — L'INDUSTRIE ET LES PROGRÈS DE LA SCIENCE PURE 


1099 


DU ROLE DES PRÉOCCUPATIONS INDUSTRIELLES 
DANS LES PROGRÉS DE LA SCIENCE PURE 


Dans un article précédent de cette même Revue”, 
j'ai étudié l'influence de l'enseignement des Sciences 
pures sur les progrès de l'Industrie. Je voudrais 
aborder aujourd'hui une question en quelque sorte 
inverse : celle de la répercussion des préoccupa- 
tions industrielles sur les progrès de la Science 
pure. Mon but est de combattre le sentiment, 
aujourd'hui très général en France, que la Science 
pure doit rejeter loin d'elle toute préoccupation des 
applications pratiques, qu'elle doit s'isoler de l'in- 
dustrie comme d’une promiscuité compromellante. 
Tout notre enseignement scientifique est orienté 
dans cette direction fàcheuse, tous nos corps sa- 
vants sont imbus du même esprit. Un exemple 
entre mille servira à préciser cette siluation. Il ÿ à 
quelques années, un certain nombre d'industriels, 
groupés autour de Scheurer-Kestner, firent don à la 
Société Chimique de Paris d’une centaine de mille 
francs en vue de la création d'une Section de Chi- 
mie appliquée. L'argent fut bien acceplé: mais, 
après une courte tentative, le projet de créer celle 
Section dut être abandonné devant la résistance 
des membres de la Société, que ces questions pra- 
tiques laissaient, pour le moins, indifférents. 

Il n'y a pas de pays, aujourd'hui, où cet antago- 
nisme entre la Science pure et la Science appliquée 
soil aussi profond qu'il l’est en France; maisil n’en 
a pas été toujours ainsi. À la fin du siècle dernier, 
l'Académie des Sciences de Paris marchait à la tête 
du mouvement industriel; elle était consultée par 
les particuliers et les Pouvoirs publics sur toutes 
les applications de la Science. Il n’y a, pour s’en 
convaincre, qu'à lire les innombrables Rapports 
industriels de Lavoisier, qui forment les trois quarts 
des six gros volumes consacrés à la réimpression 
de ses OEuvres complètes. 

Ce rapprochemeut entre l’industrie et la Science 
a été extrémement fécond; les préoccupations 
d'ordre pratique, en maintenant forcément l'atten- 
lion tournée vers l'observation des phénomènes 
nulurels, obligent l'homme, en quelque sorte mal- 
gré lui, à voir les lois du monde matériel et à ne 
pas laisser son esprit se concentrer exclusivement, 
comme il est porté à le faire, sur ses propres ima- 
ginations. L'étude historique du développement des 
sciences est, à ce point de vue, très intéressante et 
peut mériter quelques instants d'attention. 


1H. Le Career : Revue gén. des Sciences du 15 février 
1898, t. IX, p. 98 et suiv. : 


Dans les siècles passés, la Géométrie estnée, per- 
sonne ne le contestera, du besoin de lever les plans 
exacts des propriélés et d’autres nécessilés sem- 
blables. Nous voyons, en effet, jusqu'au siècle der- 
nier, les Éléments d'Euclide entremêlés de méthodes 
pour l'arpentage des terres, le tracé des fortifica- 
tions. De même, la Mécanique est née du besoin 
des hommes de se construire des machines pour le 
transport des fardeaux ou pour la défense des 
places de guerre. L'exemple d’Archimède au siège 
de Syracuse est un souvenir historique trop connu 
pour yinsister. Le développement de la Physique 
théorique et celui de ses applications ont suivi {a 
même marche parallèle. Huygens et Fresnel sont 
aussi connus par leurs études pratiques sur la 
construclion des microscopes, des télescopes, des 
phares, que par leurs travaux d'Optique théorique. 
Nous devons nos connaissances les plus précises 
sur les propriétés générales des gaz aux études 
entreprises par Regnault pour perfectionner la ma- 
chine à vapeur. Cet appui mutuel de la Science pure 
et de la Science appliquée a été plus complet encore 
dans le cas de l'électricité, et c’est la raison des pro- 
grès inouïs de celte science depuis un quart de 
siècle. Tous les électriciens sont à la fois savants, 
industriels et commerçants, et tout d'abord le plus 
grand d’entre eux, Lord Kelvin, dont les brevets 
sont exploités par une Société industrielle ayant 
des agences dans tous les pays. 

La Chimie, de mème, et peut-être d’une façon 
plus évidente encore, est née de préoccupations pra- 
tiques : son premier développement s'est entière 
ment fait dans les officines des pharmaciens et dans 
les ateliers des fondeurs en mélaux. On peut 
se demander pourtant si le perfectionnement des 
méthodes rudimentaires de l'Alchimie, si le dé- 
veloppement magnifique de la Chimie moderne 
se sont poursuivis dans les mêmes conditions que 
la première éclosion de cette science. C’est la ques- 
tion que je voudrais discuter dans ces quelques 
pages. 

Les grandes étapes du développement de là 
Chimie moderne sont, en laissant de côté les tra- 
vaux des savants vivant encore aujourd'hui :. 

1° L'institution de la Chimie pondérale et la dé- 
couverte de ses lois, avec la connaissance de la com- 
position de l’air et de l’eau, toutes dues au génie de 
Lavoisier ; 

2° La découverte des principes fondamentaux de 
la science de l'Énergie, par Sadi-Carnot; 


1100 


H. LE CHATELIER — L'INDUSTRIE ET LES PROGRÈS DE LA SCIENCE PURE 


3° Celle de la dissociation, par H. Sainte-Claire- 
Deville ; 

4° Et, enfin, la Microbiologie, par Pasteur. 

Les travaux de tous ces savants ont élé l’objet 
d’études et de publications assez nombreuses pour 
que l’on puisse déterminer avec quelque précision 
la filiation de leurs idées et reconnaître la part 
qu'y ont eue les préoccupations industrielles, 


I. — LAVoisiEr. 


Les OEuvres complètes de Lavoisier sont, comme 
nous l'avons déjà dit, composées, pour les trois 
quarts, d’études industrielles. Mais y avait-il 
simplement, par le fait de ses obligations profes- 
sionnelles, coexistence dans son esprit entre les 
préoccupations industrielles et les préoccupations 
scientifiques, ou bien corrélation directe et réelle 
entre ses différents travaux? L'ordre dispersé 
adopté dans la publication de ses OEuvres rend 
l'étude de cette question un peu pénible. Il est 
possible, cependant, d'arriver à un résultat très 
précis. Il faut commencer par rétablir l’ordre 
chronologique réel des différentes études, et ce 
n’est pas celui de leur publication, souvent long- 
temps différée ; il faut s'attacher, avant tout, à la 
lecture des Notices industrielles, beaucoup plus 
instruclives, au point de vue qui nous occupe, que 
celle des Notices purement scientifiques. Esprit 
philosophique, participant au mouvement des 
idées générales de la fin du xvin° siècle, il s’atta- 
chait, dans ses travaux de science pure, à diviser 
et à subdiviser toutes les questions, ne traitant 
dans chaque Mémoire que d'un seul objet et ne 
l’envisageant qu'à un seul point de vue. Cette mé- 
thode rend la lecture de ses Mémoires parliculiè- 
remenl facile et attrayante; mais, par contre, elle 
masque la filiation réelle des idées. Dans les 
études industrielles, d'un caractère nécessaire- 
ment synthétique, il embrasse les sujets dans tout 
leur ensemble, les examine sous toutes leurs faces 
et donne libre cours aux réflexions qu'elles lui ont 
suggérées. C’est là que l’on voit naîlre des idées 
scientifiques dont l’origine serait restée inconnue, 
si nous ne possédions que les publications défini- 
tives de Lavoisier. Voici, par exemple, une de ces 
indications : dans une étude sur la valeur mar- 
chande des cendres salpêtrées, ramassées par les 
chiffonniers et les cendriers, on lit : 

« … Je n'avais d'abord pour objet, en entreprenant 
ce travail, que de répéter pour ma propre instruction, 
sur la cendre des salpêtriers de Paris, ce que MM. Mon- 
tet, Venet el du Coudray avaient fait sur celle de 
lamarise, el je ne supposais pas qu'il pût en résul- 
ter rien qui méritât d'attirer l'attention de l'Acadé- 
mie, Mais, insensiblement, m'étant trouvé conduit à des 


résultats très inattendus et mon travail s'étant trouvé 
lié avec des faits intéressants relatifs à la théorie des 


doubles affinités, j'ai été obligé de le diviser en deux 
Mémoires. » 


Quel est le second Mémoire annoncé ici? Il se 
raltache certainement aux études de Lavoisier sur 
les sels: mais il m'a été impossible de trouver au- 
cune indication correspondante dans les Mémoires 
purement scientifiques. [l n'en est pas moins cer- 
tain qu'un Mémoire semblable a élé inspiré par 
une étude sur la valeur des cendres ramassées par 
les chiffonniers. 

Voici un second exemple, où l'enchainement 
successif des idées peut être suivi plus loin. Un 
volume entier des OEuvres de Lavoisier est consa- 
cré à des Notes résumant de nombreux voyages 
faits à travers la France en vue de la description 
minéralogique du pays et de la reconnaissance de 
ses richesses naturelles. Parmi ces Notes, il s’en 
trouve une de 1764 consacrée à la description des 
plâtrières de Paris. L'année suivante, en 1765, 
parait le premier Mémoire purement scientifique : 
il est consacré à l'étude de la forme cristalline et à 
celle de la composilion chimique du gypse. Iln'y 
est pas question des visites d'usines de l'année 
précédente; mais, qui voudrait se refuser à ad- 
mettre une corrélation entre ces deux faits? 

Parmi les recherches de Lavoisier, trois des plus 
imporlantes concernent : 

La composition de l’air et les phénomènes de 
combustion ; 

La composition de l’eau et la nature du gaz in- 
flammable ; 

Les études sur la chaleur. 

Nous allons, sur ces trois questions capitales, 
chercher à suivre la genèse des idées du fondateur 
de la Chimie. 


$ 1. — Composition de l'air et combustion. 


L'Académie avait, en 1764, mis au concours une 
étude sur les meilleurs systèmes de lanternes à 
employer pour l'éclairage des villes. Lavoisier en- 
voya, en 1766, pour ce concours, un Mémoire qui 
obtint une mention honorable. Il se borne, dans 
cette première étude, à diseuter « la construction 
des cages de lanternes, la figure la plus avanta- 
geuse des réverbères, les proportions les plus con- 
venables des réservoirs. » 4 

Mais, dès l'introduction du Mémoire, il se préoc- 
cupe de la question de la combustion et il annonce 
l'intention de l’étudier ultérieurement plus à loi- 
sir : 

« … Quant aux expériences que je m'étais propo- 
sées sur les huiles et les matières combustibles, j'ai été 
obligé d'en remettre la plus grande partie à un autre 
temps. L'unique objet que je me propose étant de con- 
courir au bien de mes concitoyens, le terme fixé par 


l'Académie ne sera pas, pour moi, celui de leur ètre 
utile ». 


H. LE CHATELIER — L'INDUSTRIE ET LES PROGRÈS DE LA SCIENCE PURE 


1101 


Dans les publications suivantes, il n'est plus 
question de malières combustibles proprement 
dites et l’on pourrait croire que Lavoisier s’en est 
momentanément désinléressé. Pour s'assurer qu'il 
n'en est rien, il suffit de se reporter à ses Notes de 
laboratoire, publiées par M. Berthelot. Dans un 
programme d'expériences inscrit en tête d'un de 
ses registres, le 20 février 1772, il conclut ainsi : 

« .… Les opérations par lesquelles on peut arriver à 
fixer de l'air sont : la respiration, la végétation, dans 
quelques circonstances la calcination, enfin quelques 


combinaisons chimiques. C’est par ces expériences que 
j'ai cru devoir commencer, » 


Dès cette époque, il a une idée nette de ce que 
doit être la combustion. Laissant provisoirement 
de côté les matières organiques, huile, suif, parce 
que leur combustion ne donne que des produits 
volatils d'une élude plus difficile, il s'adresse 
d’abord aux corps minéraux brûlant également 
avec flamme, comme le phosphore, le zinc, ou se 
transformant seulement lentement en chaux. Dans 
le courant de l'année 1772, il reconnait l'augmen- 
lation de poids du phosphore et la diminution cor- 
rélative de la quantité d'air. Même observation sur 
la calcination des mélaux et, en particulier, sur 
celle de l’étain. Dès le 1° novembre 1772, il s'était 
assuré la propriélé de celte découverte mémorable 
en déposant à l’Académie un pli cacheté relatant 
les résullats de ses expériences. 

.Il semble maintenant que l'on soit bien loin des 
réverbères; mais, en 1777, parait, après une série 
de Mémoires sur la calcinalion des Mélaux et la 
respiration des Animaux, une dernière Note, rela- 
tive, celle-là, à la combustion des chandelles. C'est 
elle qui clôt la longue série de recherches, sur la 
composition de l'air et les phénomènes de combus- 
tion, de respiration. Ces recherches sur les chan- 
delles ne sont pas, aux yeux de Lavoisier, une 
conséquence indirecte el peu importante de ses 
études antérieures. Elles ont, au contraire, dans 
ses préoccupations une place dominante : c’est, en 
effet, dans ce Mémoire que, non content de résu- 
mer l’ensemble des résultats acquis, il trace le 
programme de recherches nouvelles qui vont le 
conduire à la découverte de la composition de l’eau 
et à ses recherches magistrales sür la chaleur. 

Cette conclusion mérite d’êlre citée : Loutes les 
prévisions qu'il veut soumeltre au contrôle de 
l'expérience vont être reconnues fausses, et c’est de 
la reconnaissance de cette erreur que sortira l’une 
de ses plus grandes découvertes : 


« …. Je pourrais pousser beaucoup plus loin toutes 
ces conséquences; mais, je suis obligé de suspendre le 
développement de cette théorie jusqu'à ce que j'aie 
prouvé, d'une part, l'existence de la matière du feu 
dans les fluides aériformes, et que j'aie fait voir, d'autre 
part, comment on peut former l'acide crayeux aéri- 


forme en combinant l'air inflammable avec la base 
de l'air éminemment respirable. » 


Il croit donc à ce moment que l'acide carbonique 
(acide crayeux) résulte de la combustion de lhy- 
drogène. Il croit à la matérialité de la chaleur. Ce 
sont encore des expériences industrielles qui vont 
le mettre sur le chemin de la vérité. 


$ 2. — Composition de l’eau. 


Les premières études de Lavoisier sur l'eau re- 
montent au voyage qu'il fit à travers la France pour 
en dresser la statistique minéralogique. Partout, il 
se préoccupe de la nature et de la qualité des eaux, 
tant des eaux polables que des eaux minérales, 
mais surtout des premières. Il en donne la raison 
en tête d'un Mémoire sur les eaux de la Franche- 
Comté, rédigé vers 1768, c'est-à-dire antérieure- 
ment au commencement de ses travaux scienti- 
fiques : 


« … S'il est intéressant pour la société de connaître 
la nature de ces eaux salutaires, dont les effets surpre- 
nants ont élé tant de fois célébrés dans les fastes de la 
médecine, il ne l’est pas moins de conuaitre celles qui 
sont employées tous les jours pour les besoins de la vie. 
C'est d'elles, en effet, que dépendent la force et la 
santé des citoyens, et, si les premières ont quelquefois 
rappelé à la vie quelques têtes précieuses à l'Etat, ces 
dernières, en rétablissant continuellement l’ordre et 
l'équilibre dans l’économie animale, en conservent tous 
les jours un beaucoup plus grand nombre. L'examen 
des eaux proprement minérales n’intéresse donc qu'une 
petite porlion languissante de la sociélé, tandis que 
l'étude des eaux ordinaires intéresse la société tout 
eutière, et principalement cette partie active dont les 
bras sont, en même temps, et la force et la richesse 
d'un Etat. » 


Quelques années plus tard, des préoccupations 
pratiques autres que celle de la santé humaine le 
ramènent encore vers l'étude de la nature des eaux ; 
il s'agit, celte fois, de la santé des plantes, de leur 
végélation. On sait que les questions agricoles l'in- 
téressaient vivement ; il consacrait une part impor- 
tante de son temps à l’amélioralion de ses pro- 
priétés de Fréchiné, dans le Vendômois. 

On admettait alors, sur la foi d'observations mal 
interprétées, que les plantes se développent aux 
dépens de l’eau. Comment l’eau peut-elle donner 
naissance à tous les éléments que l’on rencontre 
dans les végétaux, aux cendres minérales, aux ma- 
tières empyreumatiques combustibles, à la base de 
l'acide crayeux ? Dans les recherches entreprises à 
cette époque, c'est-à-dire vers 1171, Lavoisier arrive 
à démontrer que les résidus minéraux que pré- 
sentent toutes les eaux naturelles ne sont pas un 
des constituants essentiels de l'eau : on les fait dis- 
paraître sans modifier d'une façon appréciable Les 
propriétés de l'eau, en distillant celle-ci dans des 
vases en métal inaltérable ; c'est donc, en réalité, le 


1102 


H. LE CHATELIER — L'INDUSTRIE ET LES PROGRÈS DE LA SCIENCE PURE 


sol qui fournit à l’eau, et, par son intermédiaire, 
aux plantes, les éléments minéraux. 

Il ne parvient pas, à cette époque, à reconnaitre 
dans la composition de l’eau l'existence d’un élé- 
ment combustible. C’est seulement onze ans plus 
tard, en 1783, qu'il observe la formation d’eau pure 
dans la combustion de l'hydrogène. Les impuretés 
de son hydrogène, en lui donnant de l’acide carbo- 
nique, de l'acide sulfureux, l'avaient jusque-là con- 
firmé dans l'opinion erronée que la combustion de 
l'hydrogène, comme celle du soufre, du phosphore, 
devait donner un corps acide. Quoi qu'il en soit, il 
conclut de cette expérience que l'eau n'est pas un 
corps simple, un élément, s'altaquant ainsi à un 
des fondements les plus solides de l'ancienne 
Chimie. Celle hypothèse est très vivement com- 
battue : c'est à qui proposera des interprétations 
différentes pour conserver à l'eau son ancienne 
simplicité. 

Lavoisier multiplie les expériences : il obtient de 
l’eau en réduisant les oxydes métalliques par le gaz 
inflammable. Mais,au fond, c’est toujours la même 
expérience, c'est, sous une autre forme, la synthèse 
de l’eau. Il faudrait faire l'analyse de celte eau, 
montrer que l’on peut en extraire l'hydrogène, et 
toutes les tentatives failes restent infructueuses. 
Cette preuve décisive est enfin donnée dans le Mé- 
moire classique sur la composilion de l’eau, que 
Lavoisier et le Commandant du Génie Meusnier 
présentèrent en 1784 à l’Académie. Mais, si nous 
n'avions que ce Mémoire, nous serions bien embar- 
rassés pour établir les circonstances précises qui 
accompagnèrent la découverte de l'analyse de l’eau. 
IL n'y est fait aucune allusion aux conditions sui- 
vantes, que nous trouvons, au contraire, men- 
lionnées lout au long dans un discours de rentrée 
prononcé par Lavoisier dans une séance publique 
de l’Académie : 

« … Tel était l'état de nos connaissances sur la dé- 
composition et la recomposition de l’eau, lorsque nous 
nous trouvàmes insensiblement engagés, M. Meusnier 
et moi, à reprendre cette question sous un autre point 
de vue, pendant l'hiver de 1783 à 1784. La commission 
dont nous fûmes chargés par l'Académie, d'après l’ordre 
du Roi, pour le perfectionnement des machines aéro- 
statiques, nous conduisait nécessairement à des recher- 
ches sur les moyens les plus économiques de faire de 
l'air inflammable en grand, etil était naturel que nous 
nous attachassions à le tirer de l'eau, où nous avions 
déjà de si fortes raisons de croire qu'il existait en grande 
abondance. 

« Le fer par voie humide m'ayant donné des signes 
d'une action non équivoque sur l’eau, nous résolûmes, 
M. Meusnier et moi, de suivre celte indication. 

« En faisant passer de la vapeur dans un canon de fusil 
rouge et incandescent, l’eau s’y décompose en entier 
etiln’en ressort aucune partie parl’ouverture inférieure 
du canon; le principe oxygène de l’eau s’y combine 
avec le fer, et le calcine, en même temps que le prin- 
cipe inflammable aqueux passe dans l’état aériforme. » 
définitivement 


La nature de l’eau était ainsi 


établie. Il n'y avait plus que quelques pesées à faire 
pour avoir la composition pondérale de l’eau, et 
cela fut fait de suite. 


$ 3. — Chaleur. 


Après avoir étudié au point de vue purement chi- 
mique le phénomène de la combustion, Lavoisier 
n'avail pas encore résolu d’une façon complète le 
problème qu'il s'était posé dans sa première étude 
sur les réverbères, et qu'il avait délimité à l’occa- 
sion de ses recherches postérieures sur les chan- 
delles. Il n'avait encore fait aucune étude du phé- 
nomène calorifiqué qui accompagne la combustion. 

Les circonstances dans lesquelles il se mit défini- 
tivement à l'étude sont indiquées en tête du Mé- 
moire où il relate ses expériences sur l’efet comparé 
des différents combustibles : 


« … L'Administration des Finances ayant désiré, en 
1779, de connaître le rapport des droits imposés sur 
les différents combustibles, j'ai été obligé, pour satis- 
faire aux différents éclaircissements qui m'étaient de- 
mandés, de faire quelques expériences sur les effets 
comparés des bois. Comme elles peuvent être de 
quelque utilité pour les arts, je crois devoir en rendre 
compte à l'Académie et les consigne dans ses Mé- 
moires, » 


Aucune recherche ne peut avoir un but plus 
terre à terre, plus pratique que celle-là. Les pro- 
cédés mis en œuvre n'ont pas un caractère plus 
scientifique : le pouvoir calorifique comparatif est 
déterminé en pesant la quantité d’eau évaporée 
dans une même chaudière par des poids égaux 
des différents combustibles. Ce Mémoire est publié 
en 1781 ; or, en 1780, Lavoisier et Laplace avaient 
commencé leurs expériences avec le calorimètre à 
glace. Il est bien difficile de supposer que le rap- 
prochement de ces deux séries de recherches 
théoriques et pratiques a élé purement fortuit. 
C'est certainement l'imperfection de la chaudière 
comme appareil calorimétrique qui a conduit La- 
voisier à la découverte d'une méthode dont la pré- 
cision toute scientifique n’a pas été dépassée au- 
jourd’aui. 

Vers la même époque, Lavoisier et Laplace 
poursuivaient ensemble leurs recherches, non 
moins célèbres, sur la dilatation des corps solides. 
Dans ce cas, ils ne dissimulent pas les préoccupa- 
tions praliques qui les ont sollicités; bien au con- 
traire, ils les développent tout au long en tête de 
leur Mémoire : 


« … La propriété qu'ont les corps d'occuper un vo- 
lume différent, suivant le degré de température auquel 
ils se sont élevés, est un obstacle qui se rencontre 
presque à chaque pas dans la Physique et dans la pra- 
tique des arts, toutes les fois du moins que l’on veut 
arriver à un grand degré de précision. Ces difficultés 
n’ont pas seulement lieu à l'égard des solides; elles 
sout plus grandes encore à l'égard des liquides, car ces 


bé. 


H. LE CHATELIER — L'INDUSTRIE ET LES PROGRÈS DE LA SCIENCE PURE 


1103 


derniers, ne pouvant garder leur forme par eux- 
mêmes, et devant être contenus dans des vases ou des 
capacités quelconques formées de matières solides, les 
observations qui ont été faites jusqu'ici sur leur dilata- 
bilité ne présentent que des résultats mixtes, dans les- 
quels se compliquent, et la dilatation du vase et celle 
du fluide qui y est contenu. 

« Les machines dont nous nous servons pour me- 
surer le temps, et de l'exactitude desquelles dépend la 
perfectibilité de l’Astronomie, sont également assujet- 
ties à des variations qui dépendent de la dilatabilité 
des corps. Ces considérations, et beaucoup d'autres 
qu'il serait trop long de détailler, nous ont fait sentir, 
dès 1781, à M. Laplace et à moi, combien il serait im- 
portant de faire une suite d'expériences exactes sur la 
dilatabilité des substances qui s’emploient le plus com- 
munément dans les arts et la Physique, telles que le 
verre et les métaux. » 


On pourrait continuer longtemps ainsi l'histo- 
rique des différentes circonstances qui ont pro- 
voqué les recherches théoriques de Lavoisier; elles 
ont toujours eu pour objet explication d'un phé- 
nomène d'une ulililé incontestable. 

Les chimistes, ses contemporains ou ses succes- 
seurs, Berthollet, Gay-Lussac, Thénard, qui ont 
contribué avec lui à la fondation de la Chimie mo- 
derne, avaient exactement la même tournure d’es- 
prit pratique. Toujours préoccupés des applications 
utiles de la Science, ils ont laissé leur nom à des 
perfectionnements de l'Industrie chimique, en 
même temps qu'à des lois générales d'une haute 
portée scientifique. 


II. — SAvI-CARNOT. 


En suivant l'ordre chronologique, la première 
découverte, après celles de Lavoisier, qui ait été le 
point de départ, bien lointain il est vrai, d'une im- 
portante évolution dans le domaine de la Chimie, 
a été l’immortel ouvrage de Sadi-Carnot sur la 
Puissance motrice du Feu. La Thermodynamique 
en est découlée, et de la Thermodynamique est 
née la Mécanique chimique moderne, Nous ne pos- 
sédons pas, sur Sadi-Carnot, de documents aussi 
nombreux que sur Lavoisier; sa biographie même 
a élé à peine esquissée. Mais, il n'y a pas besoin 
de recherches bien longues pour être renseigné 
sur les préoccupations industrielles qui l'ont guidé. 
Il n'y a qu'à lire les trois pages par lesquelles dé- 
butent les Zé/lexions sur la puissance motrice du 
Feu et sur les machines propres à développer 
celte puissance : 


« Personne n'ignore que la chaleur peut être la cause 
du mouvement, qu'elle possède même une grande 
puissance motrice. Les machines à vapeur, aujourd'hui 
si répandues, en sont une preuve parlante à tous les 
yeux. 

« C'est à la chaleur que doivent être attribués les 
grands mouvements qui frappent nos regards sur la 
Terre. C’est à elle que sont dues les agitations de l’at- 
mosphère, l'ascension des nuages, la chute des pluies 
et des autres météores, les courants d’eau qui sillon- 


nent la surface du Globe, et dont l'homme est parvenu 
à employer pour son usage une faible partie, enfin les 
tremblements de terre; les éruptions volcaniques re- 
connaissent aussi pour cause la chaleur. 

« C'est dans cet immense réservoir que nous pou- 
vons puiser la force mouvante nécessaire à nos besoins. 
La Nature, en nous offrant de toutes parts le combus- 
tible, nous a donné la faculté de faire naître, en tous 
temps et en tous lieux, la chaleur et la puissance mo- 
trice qui en est la suite. Développer cette puissance, 
l’approprier à notre usage, tel est l’objet des machines 
à feu. 

« L'étude de ces machines est du plus haut intérêt; 
leur importance est immense; leur emploi s'accroît 
tous les jours; elles paraissent destinées à produire 
une grande révolution dans le monde civilisé. 

« Déjà, la machine à feu exploite nos mines, fait 
mouvoir nos navires, creuse nos ports, nos rivières, 
forge le fer, faconne le bois, écrase les grains, file et 
ourdit nos étolfes, transporte les plus pesants far- 
deaux, etc. Elle semble devoir un jour servir de moteur 
universel et obtenir la préférence sur la force des ani- 
maux, les chutes d'eau et les courants d'air. Elle a, sur 
le premier d2 ces moteurs, l'avantage de l'économie, 
sur les deux autres l'avantage inappréciable de pouvoir 
s’employer en tous temps et en tous lieax, et de ne 
jamais souffrir d'interruption dans son travail. » 

Pendant plusieurs pages encore, Sadi-Carnot 
continue à développer ces considérations prali- 
ques : il montre les services que les machines à 
feu ont déjà rendus à l'Angleterre, et il cherche à 
prévoir les services, beaucoup plus grands encore, 
qu'elles sont appelées à rendre à l'humanité tout 
entière. Et c'est de ces préoccupations inléressées 
qu'est sortie la plus ‘parfaite des sciences édifiées 
par les hommes, celle qui, par sa généralité el 
ses abstraclions, peut être considérée comme la 
science pure par excellence, modèle dont tendent 
à se rapprocher, sans jamais arriver à l'égaler, 
toutes les théories scientifiques. 

Celle préface utilitaire n'est pas une simple 
entrée en matière, dont il ne sera plus question 
ensuile, une concession faite aux goûts de l'époque. 
Après avoir édifié toute la théorie de la production 
de la puissance motrice aux dépens de la chaleur, 
Sadi-Carnot revient aux applications, qui l'intéres- 
sent avant tout. Les dix dernières pages de son 
Mémoire, qui en contient soixante en tout, sont 
consacrées à la discussion et à la comparaison des 
différents types de machines à vapeur en usage : 
machines à haute pression et à basse pression, 
machines de Woolf, à deux cylindres, machines à 
air, machines à alcool, elc. Et il conclut son Mé- 
moire par une petite dissertation sur le sens pra- 
tique en industrie, que bien des praticiens pour- 
raient méditer avec profit : 

« … On ne doit pas se flatter de mettre jamais à 
profit toute la puissance motrice des combustibles. 
Les tentatives que l’on ferait pour approcher de ce 
résultat seraient même plus nuisibles qu'utiles, si 
elles faisaient négliger d'autres considérations impor- 
tantes. L'économie du combustible n’est qu'une des. 
conditions à remplir par les machines à feu; dans 
beaucoup de circonstances, elle n’est que secondaire, 


110% 


elle doit souvent céder le pas à la sûreté, à la solidité, 
à la durée de la machine, au peu de place qu'il lui faut 
occuper, au peu de frais de son établissement, etc. 
Savoir apprécier, dans chaque cas, à sa juste valeur, 
les considérations de convenance et d'économie qui 
peuvent se présenter, savoir discerner les plus impor- 
tantes de celles qui sont seulement accessoires, les 
balancer toutes convenablement entre elles, afin de 
parvenir, par les moyens les plus faciles, au meilleur 
résultat, tel doit être le principal talent de l'homme 
appelé à diriger, à coordouner entre eux les travaux de 
ses semblables, à les faire concourir vers un but utile, 
de quelque genre qu'il soit. » 


On pourra faire remarquer que les dévelop- 
pements de la science de l'Énergie ont suivi une 
tout autre voie que celle qui a conduit à sa 
découverte première. Cetle stience est devenue le 
domaine à peu près exclusif des mathématiciens ; 
mais, développer n’est pas créer, et, d'autre part, 
il n’est pas prouvé que l'intervention de Clausius 
n'ait pas retardé d’un demi-siècle l'épanouissement 
complet de la découverte de Sadi-Carnot. 


III. — IT. Sainte-CLAIRE-DEVILLE. 


Pour passer de la théorie des machines à feu à 
la mécanique chimique, il restait encore un grand 
chemin à parcourir : il fallait reconnaitre la réver- 
sibililé des phénomènes chimiques; c’est à M. H. 
Sainte-Claire-Deville qu’en revient l'honneur. 

Il est essentiel, au point de vue de l'historique 
de celte découverte, de distinguer, — ce que l’on 
ne fait pas habituellement, — deux stades dans le 
développement des idées de son auteur, de se ren- 
dre compte qu'il a successivement donné au même 
mot de dissocialion deux sens essentiellement 
différents. Dans une conférence faile, en 1859, 
devant la Société de Genève, il s'exprime ainsi : 

« … La force répulsive de la chaleur ne produit pas 
seulement des phénomènes chimiques: on la montre 
tantôt venant en aide à l'affinité, comme dans la com- 
binaison des gaz, tantôt en détruisant les effets, 
comme dans la décomposilion des oxydes d'or, des 
oxydes d'argent, du chlorure d'azote, de l’ammoniaque, 


elc, etc., ce qui constitue bien le phénomène de disso- 
cialion ». 


Le mot de dissocialion est ici synonyme de 
décomposition, et aucun des exemples cités ne 
rentre dans la catégorie des véritables phénomè- 
nes de dissociation, c’est-à-dire des réactions 
réversibles, suivant le sens que IH. Sainte-Claire- 
Deville à finalement laissé à ce mol. Il continue 
ensuite : 


« .… Mais il faut ajouter que la dissociation s'observe 
également dans certains corps dont les éléments désu- 
nis à haute température peuvent se combiner de nou- 
veau à une température plus basse ». 


I n'y a encore là rien de nouveau : on savait, 
par exemple, depuis Lavoisier, que la pierre à 


H. LE CHATELIER — L'INDUSTRIE ET LES PROGRÈS DE LA SCIENCE PURE 


plâtre perd son eau par la chaleur et que la com- 
binaison de l'eau avec le plâtre cuit se reproduit à 
la température ordinaire pendant le durcissement 
du mortier. Deville continue : 


« .…. On n'avait pas encore observé ces phénomènes. 


d'une facon générale, parce qu'ils ne laissent aucune 


trace lorsqu'on revient aux conditions de température « 


au milieu desquelles se termine forcément toute expé- 
rience tentée avec le feu et les appareils ordinaires de 
la Chimie. La plupart du temps, on ne peut reconnaitre 
la dissociation qu'en ayant recours à un appareil 
spécial ». 


C'est là, à cette époque, la seule idée nouvelle 
impliquée dans le mot de dissociation, la fréquence 
plus grande qu'on ne le supposait des phénomènes 
renversables, dont on connaissait cependant déjà 
de si nombreux exemples. C'est un acheminement, 
si l’on veut, vers la réversihilité, mais ce n’est pas 
la réversibilité. Il n’est pas encore fait mention de 
l’analogie complète entre le phénomène physique 
de vaporisalion et celui de dissocialion. Pour 
passer de la nolion, bien connue, des réactions 
renversables à celle, entièrement nouvelle, des 
réactions réversibles, il y avait un pas immense à 
franchir, un effort intellectuel considérable à 
fournir. 

Voyons dans quelles conditions cet effort a élé 
fourni; et, pour cela, ouvrons une parenthèse. A 
cette époque, vers 1860, Sainte-Claire-Deville et 
Debray avaient, depuis plusieurs années déjà, en- 
trepris leur étude capitale sur la métallurgie du 
platine. Dans une conférence faite, en 1861, devant 
la Société Chimique, Debray rend compte en ces 
termes des motifs qui les avaient poussés à entre- 
prendre ce travail : : 


« .… Le platine des vases, mis hors de service par 
une cause quelconque, ne vaut pas plus que le minerai 
lui-même par suite de la dépréciation que subit le 
métal. Elle est telle qu'un de ces vases, du prix de 
80.000 francs, dans lequel on concentre chaque jour 
4.000 kilogrammes d'acide sulfurique, n’est plus vendu 
que 50.000 ou 60.000 francs quand il est mis hors de 
service, ce qui arrive d'ailleurs assez souvent. 

« On comprendra alors les raisons qui nous ont 
engagés, H. Ste-Claire-Deville et moi, à chercher des 
méthodes de fusion du platine, ainsi que le moyen de 
traiter les minerais par voie sèche. Nous avons supposé 
que la solution d’un tel problème, en supprimant la 
cause de déprécialion que subit la valeur du platine, 
permettrait d'étendre le cercle trop restreint des appli- 
cations d’un métal précieux à tant de titres et beau- 
coup moins rare qu'on ne le croit communément, » 


Ce sont là des préoccupations bien industrielles, 
accentuées encore par de nombreuses prises de 
brevets. Mais quel rapport ont-elles avec la disso= 
ciation ? Continuons à citer l'introduction de la 
lecon de Debray : 

«… Chercher des méthodes de traitement du platine 


par voie sèche, c'est, en définitive, chercher le moyen 
de produire des hautes températures pour les appli= 


N 


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H. LE CHATELIER — L'INDUSTRIE ET LES PROGRÈS DE LA SCIENCE PURE 


1105 


quer à un but spécial; aussi me proposerai-je, dans la 
première partie de cette leçon, d'examiner avec vous les 
principes généraux qui peuvent guider les chimistes 
dans cette étude; je montrerai ensuite qu'ils sont par- 
faitement d'accord avec ce qu'indique la pratique, en 
faisant fonctionner devant vous les appareils que nous 
avons imaginés pour fondre et couler des quantités 
pour ainsi dire illimitées de platine. » 


Puis, Debray développe son calcul bien connu sur 
la température de la flamme du chalumeau oxhy- 
drique, qui assigne à cette température la valeur 
de 6.800°. 11 donne, en même temps, les résultats 
d’une série d'expériences très bien faites sur le 
point de fusion du platine, et le fixe aux environs 
de 2.000°. Debray ne parait pas s'étonner de la 
disproportion énorme qu'il trouve ainsi entre la 
température calculée pour le chalumeau oxhydri- 
que et celle observée pour la fusion du platine. 

Mais, cette contradiction avait frappé Sainte- 
Claire-Deville et c’est elle qui l'a conduit à la 
notion précise de la dissociation réversible. Se 
trouvant tous les jours, pendant ses expériences 
sur le platine, remis malgré lui en présence de la 
même difficullé, sa pensée était constamment 
ramenée sur le même fait et obligée d'en chercher 
l'explication. Dans ses deux lecons sur la dissocia- 
tion, professées en 1864 devant la Société Chimique 
el qui sont restées classiques, on trouve le résul- 
tat final de l’évolution de ses idées sur cet impor- 
tant sujet. Prenant comme point de départ et 
reproduisant le calcul de Debray, il oppose à ce 
résultat théorique le résultat expérimental que lui 
ont donné des mesures de la quantité de chaleur 
contenue dans le platine porté à la plus haute 
température que peut donner le chalumeau oxhy- 
drique, et il s'exprime ainsi : 

« .… D'après ces expériences, on peut affirmer que 


la température de combinaison de l'hydrogène et de 
l'oxygène à équivalents égaux n'excède pas 2.500°. » 


Sans suivre les développements assez obscurs 
qui accompagnent cette expérience, arrivons tout 
de suite au résultat. H. Sainte-Claire-Deville attribue 
cet écart entre la température observée et a tem- 
pérature calculée à la dissociation de la vapeur 
d'eau. À celte occasion, il affirme pour la pre- 
mière 1ois la réversibilité et cherche même à en 
démontrer la nécessité par un raisonnement à 
priori qu'il vaut mieux passer sous silence, Voici 
le commencement du passage en question : 


« … Dans les développements qui précèdent, j'ai 
admis implicitement que le point fixe de la combinaison 
de l'hydrogène et de l'oxygène et le point fixe de la 
décomposition de l'eau sont identiques, comme les 
points fixes d'ébullition et de condensation. Il est im- 
possible de concevoir qu'il en soit autrement, surtout si 
l'on considère que la chaleur représente un mouve- 
ment et que le carré de la vitesse avec laquelle vibrent 
les molécules'en exprime l'intensité ou la valeur ther- 
mométrique. 


« L'action étant égale à la réaction dans fout pro- 
blème de Mécanique, on pourra ou admettre la propo- 
sition, ou la démontrer comme suit, » 


Sautons la prétendue démonstration, et arrivons 
à un énoncé plus précis encore de la réversibilité : 

« .… En somme, tous ces raisonnements se fondent 
sur ce que la transformation de la vapeur d’eau en un 
mélange d'oxygène et d'hydrogène est un véritable 
changement d'état correspondant à une température 
fixe et que cette température est la même quand on 


passe d'un état à un autre, dans quelque sens que se 
fassent les changements. » 


Sur celte simple affirmation, non démontrée, 
s'est élevée une nouvelle branche de la Chimie: 
c'est la métallurgie du platine qui en a élé l'occa- 
sion el qui a fourni au génie de H. Sainte-Claire- 
Deville les aliments indispensables pour manifester 
sa puissance, comme l'avaient fait pour Lavoisier 
les innombrables opérations industrielles aux- 
quelles ses fonctions l'obligeaient de s'intéresser. 


IV. — PASTEUR. 


On comptera certainement, au nombre des plus 
grandes découvertes du xiIx° siècle, dans un 
domaine empiétant un peu sur celui de la Chimie, 
la création de la Microbiologie, due aux travaux de 
Pasteur. Ici, l'intervention des préoccupations prati- 
ques est évidente, Pasteur, dans tous ses Mémoires, 
la proclame presque à chaque ligne. 

Fils d'un petit tanneur d'Arbois, il ne s'était pas 
désintéressé, pendant son séjour à l'Ecole Nor- 
male, des travaux de la maison paternelle, comme 
le montrent les recettes perfeclionnées sur le tan- 
nage des peaux qu'il engage les siens à essayer. 
Cependant, à sa sortie de l'Ecole Normale, Pasteur 
avait débuté par des travaux de Crislallographie 
d’un caractère purement scientifique. Ses études 
sur l'acide tarlrique, cerlainement très remarqua- 
bles, n'auraient pas suffi pourtant à faire passer 
son nom jusqu'à une postérité bien reculée. Mal- 
gré le grand retentissement qu'elles eurent au 
moment de leur publication, elles ont aujourd'hui 
un peu perdu de leur intérêt. Sa gloire incontes- 
table date de ses recherches visant des buts prati- 
ques : Fabrication du vinaigre, traitement des 
maladies des vins et des vers à soie, fabrication 
de la bière, mesures prophylactiques contre les 
épidémies charbonneuses, vaccination contre la 
rage, etc. Ces questions s'éloignent un peu du 
domaine de la Chimie. Il suffira de les mentionner 
ici el de renvoyer, pour le reste, à l'ouvrage de 
M. Vallery-Radot, qui donne une idée si nelte de 
l'enchainement scientifique des idées de Pasteur, 
etmontre le rôle qu'a joué dans leur développement 
sa préoccupation conslante de travailler à des étu- 
des utiles à ses concitoyens. 


1106 


H. LE CHATELIER — L'INDUSTRIE ET LES PROGRÈS DE LA SCIENCE PURE 


Je me contenterai de rappeler ici l’origine des 
recherches sur la fermentalion alcoolique. Pasteur 
Lerminait ses études sur l'acide tartrique, quand il 
fut envoyé comme professeur à la Faculté des 
Sciences de Lille, qui venait d’être fondée et dont 
il devint bientôt le doyen. Le Ministre de l'Ins- 
truction publique, en lui confiant ce poste, lui 
explique ce que l’on attend de lui: il ne s'agit pas 
tant de donner un enseignement scientifique très 
élevé à des auditeurs encore problématiques que 
d'attirer vers la nouvelle Faculté de nombreux 
auditeurs. Et, à ce sujet, on n’est pas sans quelques 
inquiétudes, dans un pays où les préoccupations 
industrielles très intenses ne laissent peut-être pas 
grand temps pour penser à la Science. Voici ce que 
le Ministre lui écrit : 


« … Que M. Pasteur se tienne cependant toujours 
en garde contre l'entrainement de son amour pour la 
Science, et qu'il ne perde pas de vue que l'enseigne- 
ment des Facultés, tout en se maintenant à la hauteur 
des théories scientifiques, doit néanmoins, pour pro- 
duire des résultats utiles et étendre son heureuse 
influence, s'approprier les plus nonibreuses applicalions 
aux besoins réels du pays auquel il s'adresse. » 


Fidèle à la consigne, Pasteur se met aussitôt en 
relation avec les industriels, il organise des visites 
d'usines pour ses élèves, et se met à étudier les 
applications de la Science avec l’ardeur qu'il avait 
consacrée jusque-là à la Science pure. 

C’est dans ces condilions qu'il fut amené à étudier 
la fermentation alcoolique. J'emprunte la citation 
suivante à M. Vallery-Radot : 


« … Dans l'été de 1856, un industriel de Lille, 
M. Bigo, dont l'usine était située rue d'Esquermes, avait 
éprouvé celte année-là, comme beaucoup d’autres, de 
grands mécomptes dans la fabrication de l'alcool de 
betteraves. 11 vint demander conseil au jeune doyen. 
La perspective de rendre service, de communiquer le 
résultat de ses remarques aux nombreux auditeurs qui 
se pressaient dans l’étroit amphithéätre de la Faculté, 
d'observer minutieusement les phénomènes de la fer- 
mentation, qui le préoccupaient à un si haut degré, fit 
accepter à Pasteur ces demandes d'expériences. Presque 
chaque jour, il faisait des stations prolongées à l’usine 
de la rue d'Esquermes. De retour au laboratoire, où il 
n'avait à sa disposition qu'un microscope d'étudiant 
et une étuve des plus sommaires, chauffée au coke, il 
examinait les globules dans le jus de fermentation, il 
comparait le jus de betterave filtré et non filtré, il se 
livrait à des hypothèses qui le stimulaient, sauf à les 
abandonner dès qu'un fait s’imposait... Il arrive enfin 
à constater au microscope que les globules étaient ronds 
quaud la fermentation était saine, qu'ils s’allongeaient 
quand l’altération commençait, et qu'ils étaient allongés 
tout à fait quand la fermentation devenait lactique. 
Cette méthode très simple nous permit, dit le fils de 
M. Bigo, d'éviter les ennuis de la fermentation qu'on 
avait fréquemment jadis. » 


Et cette étude industrielle a été le point de 
départ d’une des plus belles découvertes du siècle 
qui vient de finir, 


V. — AUTRES EXEMPLES. 


La même démonstration pourrait être conlinuée 
en s'adressant à des travaux scientifiques d’impor- 
tance moindre, mais qui ont cependant contribué 
au plein épanouissement des sciences dont nous 
venons d'étudier la naissance. On pourrait, par 
exemple, montrer le rôle qu'ont aujourd’hui les 
laboratoires métallurgiques dans les progrès de la 
Chimie. C'est d'eux que sont sorties nos connais- 
sances les plus précises sur les combinaisons mu- 
tuelles des métaux, sur les solutions solides, etleur 
rôle est loin d’avoir été négligeable dans les progrès 
de la Mécanique chimique. Pendant ce temps, un 
trop grand nombre de laboratoires scientifiques, 
fidèles observateurs de la tradition, s'arrêtent à 
répéter indéfiniment les mêmes expériences ou à 
discuter, après tous les philosophes de l'Antiquité 
et du Moyen-Age, sur la constitution intime de la 
matière. Mais il faut se borner, et je m'arrêterai là. 


NI. — ConcLusIoNs. 


Quelle conclusion doit-on tirer de cetteétude? Il 
en faut une, car tout effort doit avoir un but. Per- 
sonne cerlainement n'aurait la folle prétention de 
tracer un programme aux génies qui pourront en- 
core, dans l'avenir, bouleverser nos connaissances 
par quelque nouveau saut en avant; le génie ne 
s'organise pas. Mais il est permis de penser qu'une 
méthode de travail si précieuse pour les grands 
esprits ne serait peul-être pas mauvaise pour les 
esprits de plus petite envergure. N'y aurait-il pas 
lieu de Lirer parti de cette action bienfaisante des 
préoccupations pratiques pour en faire profiter 
notre enseignement? On dit, et cela avec beaucoup 
de raison, que l’enseignement scientifique fausse 
parfois le jugement, qu'il donne une tournure d’es- 
prit exactement opposée à ce que l’on appelle le 
sens pratique, qu'il prépare insuffisamment à la 
lutte pour l'existence. 

Si celte méthode analytique est indispensable 
pour la découverte des lois naturelles, elle n’est 
pas moins nécessaire pour leur enseignement, et 
personne ne voudrait renoncer au point de vue 
abstrait qui prédomine aujourd'hui dans l’ensei- 
gnement scientifique. On ne peut nier cependant 
que cette habitude, donnée à l'esprit par une édu- 
cation longtemps prolongée, de ne jamais envisager 
les faits que par un seul point de vue à la fois, pré- 
sente, en regard de ses avantages, de très sérieux 
inconvénients. On se laisse facilement aller à attri- 
buer aux phénomènes réels et complexes une sim- 
plicité absolument contraire à la vérité. Dans leur 
étude, on les envisagera par un seul côté, qui 


! souvent ne sera pas le plus important, mais celui 


mie aout 


vs 


H. LE CHATELIER — L'INDUSTRIE ET LES PROGRÈS DE LA SCIENCE PURE 


sur lequel l'attention aura été le plus fortement fixée 
par des circonstances accidentelles. C'est ainsi que 
l'impression profonde laissée par l'enseignement 
de la Mécanique rationnelle, qui reçoit un déve- 
loppement exceptionnel en raison du degré de 
perfection auquel celte science est arrivée, con- 
duira trop souvent les conslructeurs à faire 
abstraclion des qualités des métaux qu'ils em- 
ploient. Ou bien encore, dans le choix d'une 
machine thermique, oubliant les conseils si sages 
donnés par Sadi-Carnot, on ne se préoccupera que 
du rendement théorique de la machine, en ignorant 
toutes les considérations si imporlantes à faire 
entrer en ligne de compte, qui se rapportent au 
frottement, à la facilité d'entrelien, ele. 

On pourrait atténuer dans une large mesure cette 
iufluence désastreuse de l’enseignemeut scienti- 
fique abstrait et analytique en le faisant suivre et 
même en l’accompagnant d’un enseignement con- 
cret et synthétique, c'est-à-dire en faisant l'applica- 
tion à quelques phénomènes réels, soit naturels, 
soit industriels, des notions scientifiques acquises 
dans la première partie de l’enseignement. 11 n’est 
pas question ici, bien enlendu, de réintroduire 
dans les traités didactiques de Chimie les préten- 
dues notions pratiques qui les ont trop longtemps 
encombrés. On intercalait à tort et à travers des 
recettes empiriques sur la Chimie analylique, la 
Métallurgie, qui déconcertaient les élèves par leur 
contradiction absolue avec les notions scientifiques 
qu'elles coudoyaient et qu'elles semblaient sur 
tous les points convaincre d’inexaclitude. Il ne 
s'agit pas d'introduire dans la mémoire quelques 
connaissances soil disant pratiques, mais simple- 
ment de faire comprendre en quoi consistent les 
problèmes d'ordre pratique et de laisser entrevoir 
la méthode qui peut être appliquée à leur étude. 

Le sens pralique est, en effet, cette tournure 
d'esprit qui, du premier coup d'œil, vous fait voir 
dans un phénomène donné quelles sont loutes les 
circonstances si variées dont il dépend et vous fait 
rapidement discerner celles qui aurontune influence 
prépondérante sur le résultat cherché. Par exemple, 
dans une usine, devant un four qui chauffe mal, on 
pensera à la fois aux causes possibles suivantes : 
mauvaise qualilé du charbon, conduite défectueuse 
au feu par le chauffeur, insuffisance du tirage due 
à une obstruction des passages de fumée, rentrée 
d'air par des fissures des maçonneries, action du 
vent sur la cheminée, etc. Mais, dès le premier 
instant, on se préoccupera de la composilion de l’at- 
mosphère du four, on fera tout de suite une analyse 
des fumées, parce que c'est, avant tout et presque 
exclusivement, de cette composition que dépend la 
température obtenue. Si, au contraire, on manque 
de sens pratique, on se figurera à priori que c'est 


1107 


une (quelconque des causes accessoires mentionnées 
plus haut qui est en jeu, par exemple la qualité 
du charbon, et, pendant des jours, des semaines, 
on s'entêtera à varier la nature des charbons em- 
ployés, sans obtenir aucun résullat. 

Pourquoi l’enseignement actuel ne développe- 
til pas cet esprit pratique, qui n'est qu'une des 
formes du bon sens, el comment pourrait-il le 
faire ? Les phénomènes nalurels sont infiniment 
nombreux, et, si l'on voulait les éludier directe- 
ment, on ne pourrait y arriver que pour une pro- 
portion relativement bien faible d'entre eux. Mais 
l'on a remarqué, et c’est là le point de départ de 
toutes les sciences, que les phénomènes naturels 
complexes ne sont que la résultante d'uné série de 
phénomènes élémentaires relativement peu nom- 
breux et d’une nalure beaucoup plus simple. En ne 
considérant 
rels, qu'un seul point de vue à la fois, el faisant 
abstraclion de tous les autres, on à créé une série 
de sciences particulières, relatives à ces différents 
points de vue : Chaleur, Electricité, Chimie, ete. IL 
suffit ensuite de combiner de loutes les façons pos- 
sibles les différents 
sciences nous donnent la connaissance pour arri- 
ver indirectement à la connaissance complète des 
phénomènes naturels, et de le faire d’une façon 
beaucoup plus rapide que ne l'aurait permis leur 
étude directe. 

Supposons, par exemple, que l’on choisisse le 
haut-fourneau : il est tout à fait inutile de détailler 
les profils, les dimensions, les compositions des 
lits de fusion et autres détails semblables. Mais on 
s’attachera à montrer le rôle des phénomènes chi- 
miques et, en particulier, celui des équilibres si 
curieux qui se produisent au sommet du haut-four- 
neau lors de la dissociation de l’oxyde de carbone, 
vers la partie moyenne pendant la réduction de 
l'oxyde de fer, et vers le bas dans les échanges 
qui se font entre le métal et le laitier fondu. Puis, 
abordant le rôle de la science de l'Énergie, on mon- 
trera comment la puissance motrice disponible dans 
le charbon est utilisée pour séparer le fer de l'oxy- 
gène, en discutant les causes des pertes énormes 
résultant soit du refroidissement par les parois, soit 
de l'énergie emportée par les fumées, et, à cette occa- 
sion, on passera en revue les procédés multiples 
employés pour récupérer cette dernière perte. Ce 
sera ensuite le tour de la mécanique des fluides, qui 
intervient dans la circulation de l'air par les tuyères, 
à travers les malières en pelits fragments qui rem- 
plissent le four. Il y aura à faire entrer en ligne 
de compte la nécessité d’avoir une enveloppe pour 
le four, en indiquant les complications de toute 
nature qu'entraine la présence des parois du four 
en raison de certaines de leurs propriétés physi- 


ainsi, dans les phénomènes natu- 


faits élémentaires dont ces 


1108 


ques. Puis, on passera en revue quelques-uns des 
innombrables phénomènes accidentels qui jouent 
un si grand rôle dans le succès de toute opération 
industrielle, par exemple la présence des impu- 
retés soufre et phosphore qui passent dans la fonte 
ou celle des poussières entraînées par les gaz. Ce 
sera ensuite le tour de l’utilisation des sous-pro- 
duits, par exemple celle des laitiers servant à la 
fabrication des pavés artificiels et du ciment, utili- 
sant ainsi tantôtleurs propriétés mécaniques, lantôt 
leus propriétés chimiques. Enfin, il est indispensa- 
ble de donner quelques idées sur le prix de revient, 
sans la considération duquel les raisons d’être de 
tous les dispositifs employés dans l’industrie sont 
incompréhensibles. Pourquoi, sans cela, quand on 
veut avoir du fer pur, commencer par préparer une 


GASTON LOTH — L'ORGANISATION DE 


L'ENSEIGNEMENT ITALIEN EN TUNISIE 


matière aussi impure que la fonte? Cela semble 
une absurdité. 

Deux ou trois exemples semblables, convenable- 
ment choisis, suffiraient pour montrer comment on 
doit mettre en œuvre les différentes sciences abstrai- 
tes que l'on a passé de si longues années à s’assimiler 
et qui semblent souvent ensuite impropres à tout 
usage. 

Cette proposition de faire accompagner l’ensei- 
gnement de sciences abstraites et analytiques par 
un enseignement concret et synthétique n'a, d’ail- 
leurs, rien de bien nouveau: c'est, à peu de chose 
près, ce que Lavoisier avait déja proposé il y a 
plus d'un siècle. 

H. Le Châtelier, 


Ingénieur en Chef des Mines, 
Prufesseur de Ghinie minérale au Collège de France. 


L'ORGANISATION DE L'ENSEIGNEMENT ITALIEN 
EN TUNISIE 


On sait qu’au moment de notre prise de posses- 
sion du sol tunisien, nous avons pris l'engagement 
formel de respecter les contrats antérieurement 
passés entre le Bey et les Puissances étrangères. 
Bénéficiant de cette clause du traité de Kassar-Saïd 
(12 mai 1881), l'Italie a pu, pendant quinze ans, con- 
server el même développer toutes les institutions 
qu'elle avait fondées dans la Régence. En 1896, 
toutefois, de nouveaux actes diplomatiques passés 
entre les gouvernements de Rome et de Paris ont 
ramené à de plus justes proportions les droits de 
l'Italie et de la France dans la Régence, en consa- 
crant définilivement cerlains privilèges réclamés 
par la nation protectrice, à l'exclusion de toute 
autre Puissance. Du coup disparurent les postes 
ilaliennes. L'émotion ressentie par la bourgeoisie 
italienne de Tunisie fut très vive, mais atténuée 
cependant par la perspective de conserver, long- 
temps encore, des écoles nationales fonctionnant 
en dehors de l’organisation universitaire créée par 
la France. Tous les efforts de nos voisins tendent, 
depuis lors, à maintenir en élat de prospérité leurs 
institutions scolaires de la Régence, dernier rem- 
part de l'ifalianilé. Au moment même où un groupe 
important de la colonie italienne de Tunis vient 
de fonder une université populaire, il ne sera 
pas indifférent au public scientifique français 
d'avoir quelques renseignements sur la manière 
dont fonctionnent, parallèlement à la Direction de 
l'Enseignement public de la Régence, les écoles 
entretenues là-bas, à grands frais, par le royaume 
d'Italie. 


C'est en 1831 que M. Pompée Sulema, émigré 
politique livournais, venu à Tunis avec sa sœur 
Esther, ouvrit dans cette ville la première école 
italienne, où furent aussitôt inserils 15 garçons et 
7 filles. Sulema réussit à mériter, en peu de 
temps, la confiance des familles européennes et vit 
accourir dans son école plus d'élèves qu'il ne pou- 
vait en espérer. Il se décida alors à s'associer à un 
Français, l'abbé Bourgade, qui prit la direction 
de l'établissement et put l'agrandir grâce à une 
subvention du roi Louis-Philippe. Le fond de l’en- 
seignement était l'ilalien, mais on donnait quel- 
ques notions de français, d'arabe et les premiers 
éléments du latin et du grec ‘. 

Cependant, lesIsraélites éprouvaient une certaine 
aversion à envoyer leurs fils dans une institution 
dirigée par un prêtre. Pour calmer leurs appréhen- 
sions, M. Morpurgo ouvrit, en 1840, avec le con- 
cours de MM. Salone et Luisada, une nouvelle école 
élémentaire, deslinée surtout aux Israélites. Les 
choses restèrent en l’état jusqu'en 1863, époque où 
M. Gambarotta, consul d'Italie, employa ses efforts 
à doter la colonie de Tunis d'une école convenable- 
ment installée. L'intervention de ce fonctionnaire 
était la conséquence de la circulaire adressée, peu 
de temps auparavant, par le ministre des Affaires 
étrangères du jeune royaume d'Ilalie à tous les 
consuls du Levant, pour attirer leur attention sur 


4 GT Ltaliani in Tunisi, Roma, 1899. 


GASTON LOTH — L'ORGANISATION DE L'ENSEIGNEMENT ITALIEN EN TUNISIE 


D £lles servent, disait-il, à ré- 
-pandre une instruction pratique et réglée selon les 


circonstances particulières, et maintiennent dans | 


nos colonies l'esprit national, en empéchant les 
- émigran(s italiens, à mesure que les générations se 
* succèdent, de se détacher peu à peu de la patrie. 
- A peine est-il besoin d'ajouter qu'en s'ouvrant 
“aussi aux jeunes gens des autres nations el aux 
- indigènes, ces institutions sont un légitime moyen 
d'influence morale *.… 
Le ministre lerminait en assuranl qué le Gouver- 
nement royal était décidé à venir en aide à toutes les 
- entreprises privées ayant pour but de fonder des 
écoles. Il prescrivait, en conséquence, une vaste 
enquête sur les établissements d'instruction dans 
le Levant. 

Fort de l'appui de son Gouvernement, M. Gam- 
barolta obtint du bey Mohammed-Es-Saddok la con- 
cession d'un terrain à Tunis, sur lequel fut bâtie 
une école, inaugurée le 4 janvier 1864 en présence 
des notables de la colonie italienne. Elle prit le nom 
de Collegio italiano, et la direction en fut confiée à 
M. Natia, aidé de MM. Sulema, Onetto et Luisada, 
instituteurs italiens. Le Gouvernement italien ac- 
corda au nouvel élablissement une subvention 
annuelle. En 1870, pour compléter les études com- 
mencées dans les classes élémentaires de ce collège, 
fut fondée une École technique, d'où sont sortis de 
nombreux jeunes gens entreprenan(s, qui sont au- 
jourd'hui des industriels et des commerçants esti- 
més et forment une partie des notables de la colonie 
italienne. 

Enfin, en 1887, dans le but de donner à leurs 
enfants une instruction, soit classique, soit com- 
merciale, en même temps qu'une éducalion natio- 
nale, plusieurs pères de famille fondèrent par 
actions le Convilto italiano, pensionnat italien à la 
direction duquel fut appelé de Milan un ancien 
officier, M. le comte Tito Cybeo *. Cette institution 
devint la pépinière des écoles secondaires et recut 
les jeunes gens des familles italiennes les plus 
notables de Tunis et de l'intérieur de la Régence. 


IT 


Pour le succès de ces diverses entreprises, les 
Ilaliens n'ont jamais reculé devant aucun sacrifice. 
En 1891, quand il s’agit de créer un « Liceo », ils 
souscrivirent avec le même empressement toules 
les sommes nécessaires pour doter l'établissement 
du personnel et du matériel indispensables”. Trois 


{ Bollettino del Ministero degli Aff. Est. (Anno 1863). 

? Macuuez ;: L’Enseignement public en Tunisie, Tunis, 
1900. 

% MacnuEL : Op. cit. 


REVUE GÉNÉRALE DES SCIENCES, 1901. 


1109 


l'importance morale et politique des institutions | membres de la colonie contribuèrent, à eux seuls, 


pour une Somme de 50.000 lires. Des dépenses con- 
sidérables furent engagées pour l'adaptation des 
locaux et l'achat du matériel scolaire et scientifique. 
On fit venir d'Italie, par les soins du Ministère des 
Affaires Étrangères, toutun corps de professeurs. 

Il fallait, toutefois, compter avec les progrès de 
l'influence française, progrès assez rapides pour 
que l'essor du « Convitto » fût bientôt arrêté et que 
les actionnaires de cet établissement, après avoir 
dépensé plus de 100.000 francs en dix ans, fussent 
contraints, en mai 1897, de décider sa fermeture. 
Les membres du corps enseignantitalien de Tunisie, 
donnant alors un admirable exemple de dévoue- 
ment à la chose publique, décidèrent d'assumer, 
pour leur propre comple, la gestion du Convitto et 
de prêter gratuitement leur collaboration à son 
directeur. 

De son côté, l'Etat italien avait pris à sa charge le 
« Liceo-ginnasiale » et l'école « Tecnico-commer- 
ciale ». Il avait, en outre, considérablement déve- 
loppé l’enseignement primaire, qui comprend ac- 
tuellement six écoles élémentaires de garçons, six 
écoles el cours complémentairse de filles, trois cours 
du soir et quatre asiles. Tous ces établissements 
dépendent directement du Ministère des Affaires 
Étrangères. Le tableau 1 ci-joint en indique la 
répartition sur le sol tunisien avec le dénombre- 
ment de la population scolaire tel qu'il a élé établi 
par les soins des autorités consulaires‘. 

La comparaison des chiffres ci-dessus peut don- 
ner lieu à d’intéressantes remarques. A noter, tout 
d'abord, que le chiffre des inscrits pendant l'année 
scolaire 1899-1900 ne s'élève guère au-dessus de 
5.000, en y comprenant 809 auditeurs inscrits aux 
cours du soir, soit à peine le quart de la popula- 
tion enfantine ilalienne, qui n'est pas moindre de 
20.000. Si l’on considère que les écoles francaises 
ont reçu, la même année, plus de 4.000 enfants de 
nalionalité italienne, on est amené à constater que 
environ 10.000 enfants ou jeunes gens restent 
encore dépourvus de toute instruction. 

Les traités de 1896 ont bien reconnu l'existence 
des écoles italiennes, mais ont stipulé qu'on n’en 
pourrait ouvrir de nouvelles ?. Il appartient donc au 
gouvernement du Protectorat de donner asile dans 
ses élablissements à tous les jeunes Italiens qui ne 
peuvent trouver place dans les écoles royales. La 
question est d'autant plus facile à résoudre que les 
fils d'agriculteurs et d'ouvriers italiens viennent 


“ Bollettino del Ministero degli Affari esteri. Août 1900. 

? On remarquera, dans le tableau de répartition des écoles, 
qu’en 1837-98 s'ouvraient à Tunis deux nouvelles écoles de 
garcons, un asile et un cours du soir, qu'en 1898-99 un cours 
du soir est inauguré à Sousse, un autre à Sfax et trois cours 
du soir complémentaires à l'école de filles de J'unis. 


24* 


1110 


volontiers trouver des maîtres français. Il suffi- 
rait d'avoir un assez grand nombre d'écoles franco- 
européennes pour que notre enseignement primaire 
füt définitivement victorieux !. 

Il ya moins à se préoccuper des établissements 
italiens d'enseignement secondaire, dont la déca- 
dence est manifeste et qui luttent péniblement 
contre nos institutions similaires. Le récent décret 
qui oblige les avocats étrangers, exerçant en Tu- 


TagLeau |. — Répartition et Population des Écoles royales italiennes en Tunisie. 


GASTON LOTH — L'ORGANISATION DE L'ENSEIGNEMENT ITALIEN EN TUNISIE 


écoles enfantines et élémentaires, payante dans les 
écoles secondaires. Des sections payantes peuvent 
êlre aussi organisées dans les écoles élémentaires: 
L'enseignement des langues étrangères, sauf les 
langues arabe el française, est facultatif et payanb 
dans les écoles secondaires et élémentaires. 

Les taxes sont établies par le ministre des 
Affaires Étrangères, après avis du consul général 
de Tunis, qui a autorité sur toutes les écoles des 


DÉSIGNATION DES ÉCOLES 
1895-1806 | 1896-1807 | 1897-1898 | 1898-1899 | 1899-1900 
Ecoles secondaires. 
| Tunis : Liceo e ginnasio « Vittorio Emanuele IL», . . . . . 64 55 69 68 65 
| — Tecnico-Commerciale « Umberto I». . . , . . . . . . . . 89 82 69 T0 61 
HORS RÉ ER DR RE 153 137 138 138 126 
Ecoles élémentaires de garçons. 

Tunis : Ecole « Principe di Napoli ». . . : +: .… D LP 871 1.053 503 510 523 
— rc IGOvannaMelt PERRET » » 447 420 520 
— RE QUIMDENOALN MEN REIN en EC IMC E » » 141 71 220 
| — CorsorSeralel(Pcole duisoir) PER ETES CEE » » 516 533 540 
IStasetecoletléementére desarcons PER EC PE 50 47 47 49 98 
Sousse tEcolerélémentaire de garcons. AN 106 113 132 132 152 
— COURSES CITE ER EE CE UE LE » » » 162 142 
La Goulette : Ecole élémentaire de garcons... . . . . . . . . . . . 84 19 95 98 75 
— CORTE SOI NN EN ES ER ET » » » 126 127 
Do tal M AMAR LE 1.292 1.881 2.107 2391 

| Ecoles élémentaires de filles. 
| Tunis : Ecole « Margherita di Savoia » . . . . . . . . . dre 845 887 700 5350 620 
— Cours complémentaire craint CN NC » » » 11 102 
| — _ RER CIrAMOMOIO NTM EULE AU bP ER EE » » » 19 40 
| — Cours profes Sonnel EN ET » » » 50 50 
TRE Ecole unriSMC0lo nue EEE APS IE RENE » » 400 420 480 
La Goulette : Ecole élémentaire de filles , . . . . . . . . . . . . 149 128 136 108 125 
Sfax raEcoletélementalre delle PNR CT CC 61 #7 140 189 19% 
| Sousse : Ecole élémentaire de filles”. +... ... . 1. 132 140 147 150 170 
Total ER RE MT AU E 1841751) 1.242 1.523 1.497 1.781 

Asiles (Giardini d'infanzia). ENT =. 

Tunis : Asile « Giuseppe Garibaldi » . . . . . : . « . . . à. . . 546 661 308 308 332 
Asilet«Krancesco/Crispl » "1.000. IMMO » » 240 271 282 
SOS MA SIENNE PME ES TR NS PES. V0 LUE 160 160 150 160 182 
DalRomettes ASIE eee Nr eee N-Ne C 90 82 127 149 156 
HE nee 2 à ‘o re ee 796 903 825 888 952 
Total général... . 3.237 3.574 4.367 4.630 5.256 


NUMBRE D'ÉLÈVES INSCRITS 


nisie, à prendre leurs grades dans les Universités 
françaises contribuera à nous donner une siltua- 
tion tout à fait prépondérante à cet égard. 


IT 


Devenues gouvernementales en 4889, et complè- 
tement réorganisées par les décrets de 1894°, les 
écoles italiennes dè Tunisie sont toutes laïques. 
En principe, l'instruction est gratuite dans les 


‘ Revue générale des Sèiences, 15 juillet 1900. 
? Bollett.del Aün. degli Aff.est., décret du 12 avril 1894. 


son district et sur tous les fonctionnaires exerçant 
dans ces écoles. Le consul doit veiller à ce que la 
colonie continue à s'intéresser à la prospérité des 
écoles et à ce que les familles y envoient leur 
enfants. Il approuve aussi les délibérations des. 
Conseils de discipline, et peut augmenter ou dimi= 
nuer les peines prononcées contre les élèves. C'est 
à lui qu'incombe le soin d’administrer les fond 
consacrés à chaque école, de payer les traitements 
et rémunérations diverses du personnel, de rece- 
voir les rapports trimestriels et annuels des direc= 
teurs, de les transmettre à l'inspecteur général en* 
résidence à Rome et chargé par le ministre de 


GASTON LOTH — L'ORGANISATION DE L'ENSEIGNEMENT ITALIEN EN TUNISIE 


Affaires Étrangères de visiter tous les deux ans les 
écoles de Tunisie. 

Le consul est aidé dans sa làche par la dépu- 
tation scolaire, sorte de Conseil consultalif de huit 
membres, choisis dans le corps universitaire ou 


Tagceau Il. — Lycée : trois classes correspondant 


à nos classes de lettres. 


NOMBRE D'HEURES 
PAR SEMAINE 


MATIÈRES ENSEIGNÉES 


lreclasset| 2° classe | 3° classe 


] 


Italien. . 
Latin . 
Grec 


Ce à CE 


Histoire du Moÿen- “Age et mo- 

derne... St. 

Géographie historique : 

Philosophie . 

Mathématiques . . . 

Physique et Chimie . 

Histoire naturelle et Géogra- 
phie physique. . . : 

Langue arabe . . . . 

Langue française 


Q2 19 19 re © CS # Qt 


Us RO 19 = Ce 


19 © 19 
19 © 19 


parmi les notables de la colonie. En principe, les 
pouvoirs de celle assemblée sont très étendus, 
puisqu'elle donne son avis sur le choix des ma- 
tières à enseigner, qu'elle a qualité pour suspendre 
d'office, de leurs fonctions, les maitres indignes, 


Tagzeau HI. — Gymnase : cinq classes correspondant 
à nos classes de grammaire et élémentaires. 


NOMBRE D'HEURES 
| MATIÈRES ENSEIGNÉES x 

{re 2e 3e 4° 5° 
classe | classe | classe | classe | classe 

Langue italienne. . . 7 6 6 6 5 
IBtITEL CU. » 3 5 5 5 
grecque. » » » » 4 

— francaise. . 4 3 3 3 3 

| Es ATAD En 0e 4 3 3 3 3 
HISIOLE ER LC 2 2 2 2 2 
Géographie moderne. 2 2 ?) » » 
ancienne. » » » 1 1 
Mathématiques. s 2 2 2 2 2 
Botanique et Zoologie. » » » 3 3 
BICHDUTE + 0e ee 2 2 » » » 


qu'elle assiste aux examens et a droit d'inspection. 
En réalité, les « députés » forment un simple trait- 


d'union entre les écoles et la colonie, dont ils 
représentent les intérêts el dont ils expriment les 
vœux. Les vérilables maitres de la direction à 


1 Le numérotage des classes se fait dans un ordre inverse 
au nôtre : la prima liceale est notre troisième, et la terza 
liceale notre rhétorique ; la prima ginnasiale correspond à 
notre huitième, et la quinta ginnasiale à notre quatrième. 
Voir En Sicile, ouvrage publié sous la direction de Louis 
Olivier. Paris, Flammarion, 1901. 


Atil 


imprimer à l'enseignement sont toujours les chefs 
d'établissements, assistés des professeurs. 

Au lycée-gymnase de Tunis, placé sous l'autorité 
d'un preside ou proviseur, on applique le pro- 
gramme que résument le tableau IT et II. 

Avant de passer du gymnase au lycée, les élèves 
subissent, comme en Italie, les épreuves de la 
licenza ginnasiale ; à la fin du cycle des études du 
lycée, ils subissent, dans l'établissement même, les 
épreuves de la licenza liceale, c'est-à-dire du bac- 
calauréat. Le jury d'examen, présidé par le provi- 
seur, est composé des professeurs du lycée, aux- 
quels peut être adjoint un membre de la députation 
scolaire. Le consul assisle aux examens à titre de 
commissaire du Gouvernement. Il doil être présen 


TaBceAU IV. — Ecole technique-commerciale. 


NOMBRE D'HEURES 


MATIÈRES ENSEIGNÉES 
{re 9" De 
classe | SES classe! cla 


Langue italienne. 
— francaise. 
METRE À 
— anglaise et allemande . 
Histoire . 7 - ‘ 
Géographie. . . 
Mathématiques. . . . 
Comptabilité et tenue des livres. 
Sciences LE et vaturelles. 
DESSIN ACCES 
Ecriture . 
Histoire et Géographie commer- 
ciale des colonies : 


C9 == NO 19 C9 © QE 


N2 ©5 NO Co C0 > N9 ND C0 C9 QE 
9 V9 NO QUO 2 = NO 9 C9 + UE 


IN # N 


Notions d'Economie politique. 

Arithmétique commerciale . 

Notions commercialessur les pro- 
duits des trois règnes et Chimie 
appliquée aux pEOGUE com- 
merciaux . PRE NA LCA CL 


quand sont ouvertes les enveloppes renfermant les 
textes d'épreuves ‘ envoyées par le Ministère de 
l'Instruction publique. 

Le programme des matières enseignées dans 
l'École technique commerciale correspond à celui 
de nos établissements d'enseignement moderne et 
de nos écoles primaires supérieures (Tableau I). 

C'est surlout dans l’enseignement élémentair 
qu'on peut constater le souci du Gouvernement 
italien d'approprier ses programmes aux exigences 
locales. En effet, si les matières enseignées dans 
les écoles de Tunisie restent les mêmes que dans 
les écoles d'Italie, le nombre d'heures assigné à 
chaque matière est laissé à la convenance du direc- 
teur. Celui-ci peut régler son horaire à sa guise, de 
façon à réserver une partie du temps pour l'étude 
du français et de l'arabe. Dans les 4° et 5e classes, 


1 Une composition italienne, une version latine et une 
version grecque. 


1112 


GASTON LOTH — L'ORGANISATION DE L'ENSEIGNEMENT ITALIEN EN TUNISIE 


six heures par semaine sont ainsi consacrées à la 
langue francaise et deux heures à la langue arabe. 
Les programmes sont semblables pour les filles et 
pour les garçons. 

Pour les cours du soir organisés à Tunis, Sousse 
et La Goulette, il n'existe aucun programme offi- 
ciel. Le corps enseignant est libre du choix des 
méthodes à appliquer et des matières à enseigner. 
Cependant, les résultats obtenus ne sont pas bril- 
lants et les 809 audileurs inserits en 1899-1900 
paraissent surtout destinés à gonfler les effectifs 
scolaires. Un projet de réorganisation de ces 
cours, publié récemment par un journal ilalien de 
Tunis, prévoit l'établissement d’un cours pratique 
de langue française. 


IV 


En raison du zèle dont ils font preuve dans 
l'accomplissement de leur lâche et de leur ardent 
patriotisme, les professeurs et maitres élémen- 
taires jouissent d’un grand crédit auprès de leurs 
concitoyens. Mais leur situation matérielle n’est 
pas en rapport avec leur autorité morale. Nommés 
au concours, pourvus des mêmes grades et sou- 
mis aux mêmes conditions d'avancement que leurs 
collègues d'Italie, les professeurs du « Liceo » ont 
un modeste traitement, qui varie de 2.400 à 
3.000 lires ; ceux du « Ginnasio »’et del’ « École Tec- 
nico-Commerciale » reçoivent de 2.100 à 2.700 lires. 
Dans l’enseignement primaire, les traitements de 
début sont de 1.100 lires, et ne s'élèvent pas au-des- 
sus de 4.600 lires. Diverses'indemnilés de résidence 
et logement, variant de 400 à 1.000 lires, s’ajoutent, 
il est vrai, aux chiffres qui précèdent, mais, d'une 
facon générale, les maitres italiens ne sont pas 
suffisamment rémunérés pour faire face aux exi- 
gences de la vie coloniale. 

En revanche, le personnel de l’enseignement 
élémentaire jouit, en Tunisie, de certains privi- 
lèges inconnus aux instituteurs de la péninsule. 
Tandis que ces derniers dépendent du Conseil mu- 
nicipal de la commune où ils enseignent, les maïi- 
tres tunisiens sont directement ralltachés au Minis- 
tère des Affaires Étrangères et peuvent être envoyés 
dans toutes les écoles royales du Levant. Il en 
résulte que les instituteurs italiens de la Régence 
sont généralement supérieurs à leurs collègues 
d'Italie. Presque tous ont visité la Grèce, les Bal- 
kans, l'Asie Mineure ou l'Egypte et connaissent le 
monde musulman. La mémoire de Crispi restera 
longtemps populaire parmi eux, car c'est à ce mi- 
aistre qu'est due l'organisation actuelle des écoles 


italiennes à l'Étranger. Un grand nombre d’entre 
eux parlent correctement la langue francaise; tous 
la lisent et se plaisent dans le commerce de nos 
grands auteurs des trois derniers siècles. Hôtes 
assidus des bibliothèques de Tunis, ils recherchent 
volontiers la société des professeurs français, qui 
n'ont qu'à se louer de leur tact et de leur courtoi- 
sie. Ce mutuel échange de bons procédés n'em- 
pêche pas de lulter, de part et d'autre, avec une 
persévérante énergie, pour la propagation de la 
langue et des idées nationales. À la section tuni- 
sienne de « l'Alliance française », les professeurs 
italiens opposent une section de la « Dante Ali- 
ghieri ». À nos « Cantines scolaires » correspond 
leur « Patronato scolastico », qui a distribué, l'an 
dernier, aux écoliers, 63.721 portions, dont 
23.712 gratuites, 9.986 semi-gratuites, les autres 
payantes. 
v 


Si l’enseignement secondaire italien recule de- 
vant les progrès de nos institutions similaires, 
l'enseignement primaire témoigne encore d'une 
vitalité surprenante. Il importe donc que nous ne 
négligions rien pour attirer à nous les fils d'étran- 
gers qui vivent sur le sol tunisien. À Tunis même, 
nous ne pouvons, faute de place, admeltre dans 
nos établissements tous les Italiens qui en font la 
demande. C'est une situation profondément regret- 
lable. L'école doit être, pour rous comme pour 
nos voisins, un des principaux facteurs de la 
colonisation. « C’est elle, disait un journaliste 
tunisien !, 
générations fulures, et les fera participer à ce 
patrimoine de langue, de culture intellectuelle, 


qui conservera l'âme italienne aux . 


d'idées et de sentiments qui constitue l’ifalia=\ 


nile. C'est dans les écoles que doit germer un 
idéal nouveau, plus élevé et plus pur, de grandeur 
et de prospérité pour notre patrie. » Méditons 
ces paroles et n'oublions pas que l'instituteur 
français a été, en Tunisie, un des meilleurs ouvriers 


de la première heure. Les résultats obtenus par les: 


Italiens dans l'enseignement élémentaire, le souci 
qu'ils ont de la prospérité de leurs écoles, nous 


indiquent bien qu’il faut résolument continuer dans" 


la voie suivie jusqu’à présent, en créant, partout 
où cela est nécessaire, de nouvelles écoles franco- 


européennes, qui hâteront l'absorption, l'assimila-" 


tion des masses étrangères par nos compatriotes 


de la Régence. 
Gaston Loth, 


Professeur au Lycée de Tunis. 


1 L'Unione, numéro du 24 mai 1898. 


D: G. WEISS — LE MUSCLE DANS LA SÉRIE ANIMALE 


1113 


LE MUSCLE DANS LA SÉRIE ANIMALE 


DEUXIÈME PARTIE : HISTOLOGIE DU MUSCLE, CONTRACTION MUSCULAIRE 


Dans une première parlie', nous avons étudié la 
disposilionetl'architecture desmuseles. Nous allons, 
dans la deuxième partie, envisager leur histologie 
et le mécanisme de la contraction musculaire. 


I. — HiSTOLOGIE DU MUSCLE. 


Dans ce qui précède, nous avons étudié les dis- 
positions qu'affectent les fibres musculaires dans 
la constilulion du muscle, quelle que soit, d'ailleurs, 
la structure intime de ces fibres musculaires. Nous 
allons, maintenant, rechercher en quoi ces fibres 
peuvent différer les unes des autres suivant les 
divers animaux el.les organes. 

J'ai déjà dit que je ne considérais pas les Proto- 
zoaires comme devant rentrer dans celte élude, 
car nous n'y trouvons pas d'organe différencié 
pouvant, à proprement parler, porter le nom de 
muscle, et les quelques indications que j'ai don- 
nées dans la première partie me paraissent suf- 
fisantes. 

Il n'a pas encore été fait de bonne classification 
de la fibre musculaire basée sur son histologie. 
Pour êlre complet, le plus simple serait donc de 
prendre successivement les diverses espèces ani- 
males, et de décrire leurs muscles; mais, en opé- 
rant ainsi, on serait exposé à de nombreuses répé- 
titions. 

Un animal ne possède pas, en effet, une seule 
espèce de fibres musculaires, mais un nombre 
très variable, et si certaines structures sont presque 
caractéristiques d’un animal délerminé, d'autres se 
montrent aux degrés les plus variables de l'échelle 
des êtres. 

Pendant longtemps, sous l'inspiration des idées 
de Bichat, on avait classé les muscles en muscles 
de la vie de relation, ou muscles soumis à la vo- 
lonté, et muscles de la vie organique ou muscles 
soustraits à l’aclion de la volonté. En même temps, 
on était presque amené à considérer les premiers 
comme équivalents aux muscles striés et les se- 
conds comme équivalents aux muscles lisses, 
parce que, chez l'homme et la plupart des Verté- 
brés, il en est généralement ainsi. 

Il avait, cependant, fallu mettre à part le cœur, 
qui est un muscle strié, mais n’est pas soumis à 
l’action de la volonté. 

Bientôt, l'inexactitude de cette classification 


1 Voyez la Revue générale des Sciences du 15 décembre 
1901, no 23, t. XII, p. 1067 et suiv. 


apparut avec trop d'évidence pour pouvoir se 
maintenir. 

L'Histologiecomparée nousapprend,eneffet, que, 
chezles divers animaux, les muscles ayant des fonc- 
tions analogues peuvent être indistinctement striés 
ou non. Nous voyons des classes d'animaux où 
tous les muscles, volonlaires ou non, sont lisses; il 
en est ainsi chez les Mollusques, où ce n’est que 
très exceptionnellement que nous voyons appa- 
raitre la fibre striée. Chez les Arthropodes, au 
contraire, c'est le muscle strié qui est la règle; le 
muscle lisse ne se rencontre que très rarement, et 
encore seulement d’une façon passagère. Même 
chez les Vertébrés, où l’on avait admis que la dis- 
tinclion ancienne pouvait se conserver, il n’en est 
rien; chez la tanche, le muscle de l'intestin est en 
partie strié, et il nous suffira d'ajouter que l'œso- 
phage de l’homme contient des fibres striées pour 
montrer que la division en muscles de la vie de 
relation ne peut se conserver comme base d’une 
classification histologique, même chez un seul 
animal. 

Un autre phénomène vient encore compliquer 
les choses. Eimer a montré qu'un même musele 
peut être tantôt strié, tantôt lisse. Nous verrons 
que les muscles des ailes de certains Insectes pré- 
sentent la striation transversale à son état de dé- 
veloppement le plus parfait. La mouche se trouve 
dans ce cas, et on oblient des préparations admi- 
rables en enlevant un petit fragment du muscle des 
ailes, sur une mouche d'été bien vivace, après fixa- 
tion par l'alcool au tiers. 

Il suffit d'en faire une dissociation, de colo- 
rer à l'hématoxyline et de monter au baume de 
Canada. En examinant avec un bon objectif la pré- 
paration ainsi faile, on voit sur les fibres une stria- 
lion transversale très nette, sur laquelle je revien- 
drai plus loin. Mais, le résultat n’est plus le même 
si l’on opère sur une mouche en état de sommeil 
hibernal. Les mêmes muscles n'ont plus qu'une 
slriation très imparfaile, qui peut même disparaitre 
complètement sur certaines fibres. 

Eimer a attribué ce fait à l'inactivité, et un de 
ses élèves, Vosseler, a justifié cetle hypothèse par 
un grand nombre d'observations. 

Vosseler a d’abord montré que, si la mouche d’hi- 
ver était transportée dans un endroit chaud, de 
facon à lui faire reprendre son activité, on voyait 
peu à peu reparaitre la striation d'été. L'expé- 
rience inverse fut moins concluante, les mouches n 


1114 


D' G. WEISS — LE MUSCLE DANS LA SÉRIE ANIMALE 


supportant généralement que fort mal un abais- 
sement de température en dehors de certaines 
périodes. 

Pillet avait aussi signalé l'absence de striations 
chez un Coléoptère trouvé au début du printemps, 
pendant les journées encore froides; mais il avait 
mal interprété la signification de ce fait. 

Vosseler fait encore remarquer que, chez certains 
Insectes, les ailes s’atrophient, qu'il en résulte la 
disparition d'une fonction, et que les muscles qui 
en étaient chargés perdent leur striation, comme 
la mouche en état d’hibernation. 

Enfin, Vosseler signale un fait très intéressant 
sur les araignées, où certains muscles perdent leur 
striation et la reprennent pendant différentes pé- 
riodes de la vie de l'animal. Ces changements se 
produisent au commencement et à la fin de la 
ponte et semblent en relation avec la variation de 
fonelion ou, plutôt, d'effort à développer chez la 
femelle dans ses diverses conditions. 

Entre l’état de striation parfaite de la mouche d’élé 
el l’état d'homogénéité absolue, il y a forcément des 
stades intermédiaires. Dans ce cas particulier, ces 
slades ne conslituent que des états passagers ; 
mais, dans un grand nombre d'autres, nous les 
retrouvons à l’état permanent et nous ne pouvons 
alors les faire entrer ni dans la classe des muscles 
lisses, ni dans celle des muscles slriés; il faut 
établir une catégorie intermédiaire, celle des mus- 
cles imparfailement striés. 

En dehors de l'état de striation ou de non-stria- 
lion des fibres musculaires, nous aurons à consi- 
dérer la façon dont les fibrilles élémentaires sont 
distribuées dans la fibre. Un autre élément atlirera 
aussi. notre attention, c'est le noyau. On sait, en 
effet, que tout Lissu vivant est conslilué par des 
cellules; par suite, il y a un ou plusieurs noyaux. 
On avait signalé des cellules sans noyaux, mais les 
travaux récents ont montré que c'élait là une vaine 
apparence, l’élément nucléaire n'étant pas tou- 
jours localisé en une masse et pouvant, dans cer- 
lains cas, affecter un caractère diffus. 

Dans l'histologie comparée du muscle, on ne 
tarda pas à reconnaître qu'il y a lieu d'établir une 
distinction entre les éléments musculaires ne con- 
tenant qu'un seul noyau et ceux qui en contiennent 
un nombre plus ou moins grand. 

Depuis que Külliker a isolé la cellule musculaire 
lisse, tous les histologistes s'accordent pour recon- 
naître que, dans le premier cas, on a affaire à des 
cellules possédant chacune un noyau. 

Dans le second cas, l'accord n'est pas aussi 
parfait. Certains auleurs pensent que l'élément 
musculaire représente une cellule dont les noyaux 
se sont multipliés, alors que d'autres croient que 
lon se lrouve en présence de la fusion de 


plusieurs cellules en un tout. Cette dernière opi- 
nion disparait peu à peu devant la première. 

Quelle qu'en soit l’origine, il n'en est pas moins 
vrai que certains éléments musculaires ont, pendant 
toute leur existence, l'apparence d’une cellule plus 
ou moins allongée et ne contenant qu'un seulnoyau, 
tandis que d'autres éléments prennent la forme 
d’une fibre et contiennent un nombre indéterminé, 
parfois très grand, de noyaux. C’est en se basant 
sur ces faits que Eimer a cherché à établir une 
classification complète des muscles, en faisant 
d'abord une grande division entre les cellules mus- 
culaires et les fibres musculaires, puis créant de 
nouvelles subdivisions suivant la strialion et sui- 
vant que les muscles sont ou non soumis à l’action 
de la volonté. 

On obtient, de cette façon, le tableau suivant : 


I. — Cellules musculaires. 


Non volontaires. 
Volontaires. 
( Non volontaires. 
‘ | Volontaires. 
Non volontaires. 
; Volontaires. 


APATISSES RE 
2. Imparfaitement striées . . 


3. Striées.. 


Il. — J'ibres musculaires. 


lise Non volontaires. 


Volontaires. 
Non volontaires. 
Volontaires. 
Non volontaires. 
Volontaires. 


2. Imparfaitement striées . . . 


JS Ne SEP EEE 


Cette classification permet évidemment d'assigner 
une place à un muscle quelconque; mais je ne vois 
pas à cela grand avantage, cette classification étant 
absolument arbitraire et conduisant à ce résultat 
que des muscles, très voisins au point de vue phy- 
siologique, seront dans des catégories totalement 
différentes, alors qu'une même subdivision con- 
tiendra des muscles n'ayant nullement la même 
fonction. Du reste, certaines classes sont complè- 
tement ficlives; d’autres, comme celle des cellules 
lisses ou celle des fibres striées volontaires, sont 
tellement surchargées qu'à elles seules elles absor- 
bent presque toule l'étendue de nos connaissances. 
— D'ailleurs, où mettre ces éléments signalés par 
Eimer lui-même, qui sont tantôt lisses, tantôt 
striés?. Comment reconnaitre qu'une fibre est 
imparfaitement striée? Nous voyons bien quand 
une cellule ou une fibre est parfaitement lisse; nous 
voyons aussi quand elle est striée, mais il me 
parait difficile de déterminer la limite entre une 
striation parfaite el une strialion imparfaite. 

La seule classification rationnelle devrait avoir 
pour base l'Embryologie, mais nos connaissances 
sur le développement du muscle dans la série 
animale sont encore trop restreinles pour que ce 
travail puisse se faire. 


: 


D: G. WEISS — LE MUSCLE DANS LA SÉRIE ANIMALE 


1115 


En parcourant les divers ouvrages de Zoologie, ou 
les Mémoires spéciaux, on constate que si l’on peut 
actuellement se rendre compte de la disposition des 
muscles chez les divers animaux, il est, dans la 
plupart des cas, impossible de trouver un rensei- 
gnement précis sur l'histologie de ces muscles, à 
part quelques cas très particuliers. 

Je pense donc qu'actuellement, pour donner une 
idée du muscle dans la série animale, le mieux 
est de se contenter d'une répartilion en trois 
groupes : 

a) Le premier groupe comprendra les muscles 
lisses ; 

b) Dans un second groupe, je placerai les muscles 
qualifiés par Vosseler d'imparfaitement striés; 

ce) Dans le troisième groupe se trouvent les mus- 
cles striés, c’est-à-dire considérés comme tels par 
tous les anatomistes. 

A propos de chacun de ces groupes, je dirai dans 
quelle classe d'animaux on les rencontre. 


$ 1. — Muscles lisses. 


Nous rencontrons le premier organe différencié 
pouvant porter le nom de muscle chez l'hydre 


Fig. 4. — Cellule neuro-musculaire de l'hydre d'eau douce. 


d'eau douce. La paroi musculaire du corps de ce 
polype se compose d'une seule couche de fibrilles, 


des tenlacules 


2. — Cellules épithélio-musculaires 
de Sagartia parasitica (d’après Hertwig). 


Fig. 


qui sont une dépendance de la couche épithéliale, 


et que Kleinenberg a le premier signalée. Si, après | 


fixation, on dissocie un fragment de celte couche, 
on constate que chaque cellule épithéliale se con- 


tinue à sa partie 
inférieure par des 
prolongements fu- 
siformes, qui cons- 
tiluent l'élément 
moteur du corps 
(fig. 1).Get ensem- 
ble, que pendant 
longtemps on a 


Fig. 3. 


— Myoblastes d'une Méduse 
Aurelia). 


appelé à tort cellule neuro-musculaire, porte main- 
tenant le nom plus exact de cellule épithélio-mus- 


Fig. 4. — Cellule musculaire d'un Nématoïde. 


culaire. Chez l'hydre d'eau douce, la partie proto- 
plasmique renfermant le noyau est extrêmement 


développée, la partie 
différenciée en élément 
contractile est, au con- 
traire, très réduile. 

La partie protoplas- 
mique peut s'allonger 
plus ou moins, perpen- 
diculairement à la di- 
rection de la partie mus- 
culaire, et donner ainsi 
à l’ensemble la forme T. 
Dans le cas dela figure 2, 
qui représente des cel- 
lules épithélio-muscu- 
laires des tentacules de 
Sagarlia parasilica, on 
voit, en outre, un cil vi- 
bratile surmonter la par- 
lie protoplasmique. 

D'autres fois, au con- 
traire, l'élément muscu- 
laire prend de plus en 
plus d'importance, et le 
protopläsma, contenant 
toujours le noyau, seré- 
duit de plus en plus.C'est 
ce que montrent les deux 
figures 3 et 4. 

Il reste finalementune 
cellule musculaire lisse 


Ne 


Fig. 5. — Deux cellules mus- 
culaires de l’ectoderme du 
plateau  buccal d'Anthea 
cercus (d'après Herlwig). 


avec un amas laléral de protoplasma entourant le 


noyau. 


La cellule musculaire peut être assez courte 


1116 


D' G. WEISS — LE MUSCLE DANS LA SÉRIE ANIMALE 


comme dans les cas que nous venons de citer, ou 
prendre une longueur considérable, qui en fait une 
vérilable fibre. 

C'estce que nous rencontrons, par exemple, dans 
l'ectoderme du plateau buccal d’Anthea cereus re- 
présenté par la figure 5. 

Mais la forme la plus répandue, celle que nous 
trouvons à profusion chez les Vertébrés et chez les 
Mollusques, consiste en une cellule allongée conte- 
nant, vers son milieu, 
un noyau entouré d'un 
peu de proloplasma. 
Parfois, la substance 
contractile paraît alors 
parfaitement homo- 


Fig. 7. — Segment d'une 
libre musculaire à fibrille 
spiralee de Sepiola Ron- 
deleti (d'apr. Bellowitz). 


gène; mais, plus sou- 
vent, on distingue une 
Striation longitudinale, 
qui peut devenir ex- 
trèmement apparente. 
C'est généralement 
cette forme que l’on a 
en vue lorsqu'on parle 
de cellule musculaire 
lisse (fig. 6). Sur une 
coupe transversale, elle peut affecter des formes très 
différentes. Tantôt, la section est plus ou moins 
ronde ou polygonale; tantôt, elle est aplatie. Chez 
certains Mollusques gastéropodes, la partie proto- 
plasmique se prolonge beaucoup dans l'axe, et 
l'on a alors une sorte de fourreau contractile rem- 
pli de protoplasma. Si, parfois, ces cellules lisses 
sont assez courtes pour être faciles à observer dans 
toute leur longueur et pouvoir même être conte- 
nues tout entières dans le champ du microscope, 
d'autres fois, en particulier chez certains Vers, 
elles s'allongent beaucoup, donnant de véritables 


Fig.6.— Cellules musculaires 
lisses de l'intestin du lapin 
apres macération pendant 
vingt-quatre heures dans la- 
cide azotique à 20 0/0. (350 

diam.) 


fibres, et présentent toujours alors un point de” 
ruplure. 

Ces éléments musculaires lisses présentent sou- 
vent des apparences qui pourraient faire 
croire à une striation. Il se produit, par- 

fois, des varialions d’é- 

B paisseur sur le cours de 

la cellule qui peuvent 
donner cet aspect; cela 
peuts'observer,parexem- 
ple, chez les Mollusques, | 
où j'ai vu des cas qui me 
faisaient douter de l’ab- 
sence de strialion. En se- 
cond lieu, il peut arriver 


À 


Fig.” 8. — libre LE É 
jamelleuse de que la striation longitu- 
Protula intesti- 2 Re 
A Eee dinale prenne, par suite 
ble de la fibre; d'une sorte de torsion, 
B,striation vraie ; re L 
+ que cette fibre UNE disposilion spiralée 

: présente lors- (fig. 7). La disposition 

; quon-lobserye are" : 

a à un fort gros- Striée obliquement que 

ë sissement. l'on aperçoit alors n'a 

4} 


rien de commun avec la 
striation transversale dont nous parlerons 
4 maintenant. 


i $ 2. — Muscles imparfaitement striés. 


Certaines cellules musculaires doivent 
être rangées parmi les muscles imparfai- 
tement: striés, si toutefois cette division 
est à conserver. La figure 8 représente, à 
deux grossissements différents, une cellule mus- 
culaire de Protula intestinum, où l'on voit très 
neltement une fine siriation presque perpendicu- 
laire à l'axe longitudinal. Cette striation, parfois 
complètement transverse,se rencontre chez d’au- 


Fig. 9. — Fragment de fibre musculaire chez Anthophora 
parietina, presque entièrement lisse. — PI, tige de sarco- 
plasma sur le bord extérieur de la fibre; N, réseau fibril- 

laire entre les fibres M; K, noyaux. (Agrand. 700.) 


tres Vers encore. Malgré sa régularilé et sa net- 
teté, elle n'a rien de commun avec la striation des 
muscles volontaires des Mammifères, 

J'ai déjà dit que l'on passait par degrés insensibles 


"E'PETTS 


D: G. WEISS — LE MUSCLE DANS LA SÉRIE ANIMALE 


du muscle imparfaitement strié au muscle parfai- 
tement strié. 

Cela ressort clairement de la série des figures 9 
à 13, où l’on passe peu à peu d’une striation pres- 


Fig. 10. — La même, chez le Dytiscus après coloration sur 
le vivant par le bleu de méthylène. — A, partie lisse de la 
fibre; B, places avec substances sombres (colorées en bleu) 

et claires séparées. (Agrand. 700.) 


que douteuse à un muscle analogue à ceux que 
nous regardons d'habitude comme parfaits. 


{ 
{ 


\,1) 
ll 


| 
js L 


( 
( 


| \A 
“\ 
\ 


Fig. 11. — Fragment d'une fibre musculaire en éventail de 
Bombyx hypnorum. — M, substance musculaire se per- 
dant en B daus le tissu conjonctif ; CK, noyaux sans mem- 
brane ; K, noyaux normaux ; Leu, leucocytes. (Agrand. 700.) 


Ces divers muscles se rencontrent surlout, à l'état 
de cellules, dans l'intes- 
tin de quelques Arthro- 
podes et, dans le cœur 
de beaucoup d'Insectes, 
à l'état de fibres dans 
l'intestin et dans les 
organes reproducteurs. 
Nous rappelons aussi 
ici que divers muscles 
du tronc des Araignées 
rentrent dans cette ca- 
légorie et ont une stria- 
tion très variable dans le temps. 


Fig. 12. — J'ragment de fibre 
musculairede Vespa vulga- 
ris. — K, noyaux dans la 
tige centrale de sarcoplas- 
ma. Les lignes sombres de 
la striation transversale 
sont partiellement divisées 

en deux. (Agrand. 460). 


1117 


$ 3. — Muscles parfaitement striés. 


Le muscle strié se présente sous les formes les 
plus variables. Tantôt, l'élément musculaire est une 
cellule; tantôt, c’est une fibre. La cellule se ren- 
contre dans le cœur des Vertébrés, ainsi que l'a 
montré Weissmann. Ce sont ces cellules qui, en se 


Fig. 13. — Le méme, chez Apis mellifica. — La striation 
transversale, très développée, ne se poursuit pas partout 
et disparait à la division de la fibre en 2 ou 3 branches. 
Z, disque intermédiaire; Q, disque principal; J, subs- 

tance isotrope. (Agrand. 460.) 


placant bout à bout, constituent les fibres du cœur. 
Elles ont des formes très variées el contiennent 
généralement un où deux noyaux. 

Les figures 14 et 15, représentant la cellule mus- 
culaire de l'homme et celle de la grenouille, donnent 


Fig. 11. — Cellules musculaires du myocarde de l'homme 
atteint de myocardite segmentaire. — À, B, C, D, E, F, G, 
H, cellules musculaires cardiaques de diverses formes ; g, 
granulations ambrées remplissant le fuseau de proto- 

plasma axial qui contieut le ou les noyaux. 


une idée des diversités de forme de ces éléments, 
dont il serait inutile de mulliplier les exemples. 
Mais c'est dans la fibre musculaire striée que 
nous allons trouver le plus de variété. Van Gehuch- 
ten, dans deux Mémoires très importants, a décrit 
sa façon de concevoir la fibre musculaire striée; 
celte conception est complètement différente de 
celle de l'ensemble des anatomistes; elle ne nouS 


1118 


D' G. WEISS — LE MUSCLE DANS LA SÉRIE ANIMALE 


ne TR Pa TR RS PR I CA Seed UM NE 


parait pas conforme à la réalité des faits, etnousne 
l'adopterons pas. 

Dans cette catégorie, au point de vue qui nous 
occupe en ce moment, 
il y a lieu d'établir une 
première distinction et 
de répartir les fibres 
striées en deux groupes. 

1° groupe. — Type 
du muscle des ailes des 
Coléoptères. 

2° groupe. — Type 
du muscle volontaire 
des Vertébrés. 

Cette division est né- 
cessaire pour l'expo- 
silion des faits, ainsi 
qu'on le verra dans la 
suite. 


Fig. 15. — Cellules museu- 
laires du ventricule de la 
grenouille, isolées après 
l'action de la potasse à 409/,. 


?T groupe. — Si l’on 
prend un fragment du musele de l'aile d'un dyti- 
que, convenablement fixé, el qu'on en fasse des 
coupes lrarsver- 
sales, on aura 
au microscope 
une image repré- 
sentée par Ja 
figure 16. On voit 
une série de 
champs, sur la 
périphérie des- 
quels se trou- 
vent les noyaux 
et qui sont bien 
séparés les uns 
des autres. Si 
l’on se sert d'un 
grossissement plus fort, on constate que chacun de 
es champs contient une grande quantité de petites 
laches circulai- 
res ayant fixé la 
malière coloran- 
Le; entre elles se 
trouve du proto- 
plasma granu- 
leux et peu co- 
loré (fig. 17). Ces 
petites taches 
sont les coupes 
transversales de 
fibrilles muscu- 
laires. Pour voir 
ces fibrilles mus- 
culaires en long, il suffit de prendre un petit frag- 
ment de muscle fixé et de le dissocier aux ui- 


Bande claire 
intermédiaire 


Disque large M 
épais, opaque. 
Bande ou strie 
ds 


obscure. 


Fig. 16. — Coupe transversale d'un 
muscle de l'aile du Dytique. 
(Grand. 100.) 


Cloison médiane intermédiaire. Strie de Hensen. 


Cloison limitante. 


Fig. 19. — Segment musculaire d'une fibrille des muscles jaunes du Dytique 
à l’état de repos. Extension. (Grand. 3.500) (d'après Tourneux.) 


guilles ; les fibrilles se séparent facilement les 
unes des autres, grâce au protoplasma dans lequel 
elles sont noyées. 

Pour avoir une très belle préparation, le mieux 
est, après fixation, de colorer à l’hématoxylineet de 
monter au baume de Canada. Il faut 
ensuite observer avec un objectif 
assez puissant et de bonne qualité. 
On constate que chaque fibrille se 
compose d’une série de disques al- 
ternativement colorés et non colo- 
rés. Sur une fibrille non colorée, ces 
disques apparaissent moins nette- 
ment, alternalivement clairs et gris ; 
c'est pour cela qu'on les appelle 
disque clair et disque sombre. 

Sur une bonne préparation, on 
voit ensuite facilement que le disque 
clair est partagé en deux par une 
ligne très fine, qui porte des noms très variables, 
dont le plus commun, en France, est celui de disque 
mince. 

Enfin, sur les fibres bien tendues, en observant 


Fig. 11.— Coupe 
transversale 
d'un faisceau 
des muscles 

de l'aile 
du Dytique. 
(Grand. 600.) 


avec soin une 
. CM: hLÉE très bonne pré- 
Eause ; cloison dansersate (Blegah; como paralion(fig18), 
Meque inturedalie (Pradorieu Enpel rame) { VOL WOI LE OURS 
disque sombre 


est plus clair en 
sarégion moyen- 
nequ'àses extré- 
mités, par suite 
de ce que l’on 
appelle la strie 
intermédiaire de 
Hensen, du nom 
de l'anatomiste 
qui, le premier, 
l'a signalée. Nous donnons (fig. 19) une figure 
schémalique sur laquelle nous indiquons les prin- 
cipaux synonymes des parlies qui 
constituent la fibrille musculaire du 
dytique. 

Dans toute fibrille musculaire, on 
retrouve les détails que nous venons 
de décrire; mais il arrive que les 
choses se compliquent, le disque 
sombre épais et le disque mince pou- 
vant être accompagnés de disques 
accessoires. 

C'est, par exemple, ce que nous 
rencontrons dans le musele de la 
patte du lucane-cerf. Dans le tableau 
que nous donnons ci-après, nous montrons, d'après 
Renaut (Traité d'Histologie, p.639), quelle est alors 
la succession des disques que nous rencontrons en 


Fig. 18. 
Fibrille de 
l'aile de l'Hy- 
drophile. 
(2.000 diam.) 


D' G. WEISS — LE MUSCLE DANS LA SÉRIE ANIMALE 


1119 


- allant d'un disque mince au disque mince suivant. 
Pour mieux permettre la comparaison, nous don- 
nons aussi la formule de la fibrille de l’aile du 
dytique, c'est-à-dire le cas le plus simple. La diffé- 
rence des caractères d'impression servant à ce ta- 
bleau a pour but de mettre en évidence l'impor- 
tance plus ou moins grande des parties auxquelles 
se rapportent les différentes indications : 


| 19 DISQUE MINCE; 


Simple. 2 Bande claire; 
30 DEMI-DISQUE ÉPAIS; 
(Ex. : Muscle MO- / %0 Strie intermédiaire de Hensen; 
teur de l'aile des } 30 Dewr-nisoue frais; 
Insectes.) 6° Bande claire; 
10 DISQUE MINCE; 


19 DISQUE MINCE PRINCIPAL; 
20 Bandelette claire intercalaire 
du disque mince; 

30 Disque mince accessoire ; 

4° Bande claire principale: 

50 Disque épais accessoire; 
Complexe. 6o Bandelette claire intercalaire 

du disque épais; 

(Ex. : Muscle des / DISQUE ÉPAIS PRINCIPAL; 
pattes du Eucane- | 8 Bandelelte claire intercalaire 

| 

| 

\ 


SEGMENT CONTRACTILE. 


cerf) du disque épais; 
90 Disque épais accessoire ; 
109 Bande claire principale; 
119 Disque mince accessoire; 
122 Bandeletite claire intercalaire 
du disque mince; 
130 DISQUE MINCE PRINCIPAL, 


La structure du musele de l’aile du dytique se 
retrouvé chez tous les Coléoptères et chez un certain 
nombre d'autres Insectes, mais elle n’est pas géné- 
rale; ainsi, le muscle de l'aile de certains papillons, 
de la libellule, de la sauterelle, se rapporte à notre 
second groupe. 

Ces fibrilles que nous venons d'étudier ne sont 
pas aussi indépendantes les unes des autres que 
nous l'avons pour ainsi dire admis jusqu'ici. Ran- 
vier a, en effet, montré sur l'hydrophile qu'il existe 
des anastomoses entre elles. Renaut a retrouvé le 
même fait chez le xylocope. C'est à cet insecte que 
se rapporlte la préparation représentée sur la 
figure 20. Ceci a fait supposer à Ranvier que ce que 
- nous avons considéré jusqu'ici comme l'élément le 

plus simple du muscle, élait décomposable en 
fibrilles encore plus simples. M. Tourneux m'a 
donsé la photographie d'une préparation qui vien- 
_drait à l'appui de cette manière de voir. Celte pré- 
paration, provenant de l'aile d'un dytique, a subi 
une compression sur la lamelle. Il en est résulté un 
écrasement de trois fibrilles, qui leur a donné une 
striation longitudinale des plus neltes, semblant 
bien correspondre à une décomposition possible en 
fibrilles plus simples. Malheureusement, ce hasard 
heureux de préparalion n’a pu être reproduit. 


2 groupe. — Si nous prenons un fragment de 
muscle volontaire d’un Vertébré, que nous le fixions 


par l'alcool et que nous pratiquions une disso- 
ciation rapide, nous obtiendrons une préparation 
qui n’a plus du tout le même aspect que les précé- 
dentes. 

Nous ne voyons plus les fibrilles isolées les unes 
des autres, à moins d'employer des artifices de 
préparation spéciaux. Ces hbrilles sont réunies en 
ce que l’on appelle un faisceau primitif entouré 
d’une enveloppe, le sarcolemme, qui ne s'est pas 
rompue. 

On peut séparer ces fibrilles en fixant un frag- 
ment de muscle par l'acide picrique pendant 
24 heures, et le maintenant ensuile deux jours dans 


Fig. 20. — Fibres (cylindres primitifs) du muscle moteur 
des ailes du xylocope. — A, cylindres primitifs sans 
anastomoses: e, disque épais; 2», disque mince; BC, 
cylindres primitifs anastomosés en Det donnanten E une 
autre anastomose qu'on ne peut suivre dans la prépa- 

raliou. 


l'eau distillée à 70° (Renaut). On constate alors 
qu'elles sont beaucoup plus fines que dans le 
muscle des ailes des Insectes. La figure 21 donne 
une idée de la dimension des dernières subdivi- 
sions que l’on peut obtenir chezle lapin; il est bon, 
pour s'en rendre compte, de la comparer à la 
figure 20, qui représente le muscle de l'aile du 
xylocope à la même échelle. 

Ces fibrilles élémentaires se réunissent en un 
premier groupement, nommé cylindre primilif de 
Leydig. Un certain nombre de ces cylindres réu- 
nis et entourés d'un sarcolemme forment le faisceau 
primitif ou fibre musculaire. On se rend bien 
compte de cette disposition sur une coupe en tra- 


1120 


D' G. WEISS — LE MUSCLE DANS LA SÉRIE ANIMALE 


99 


Lie 


vers, comme celle représentée par la figure La 


Fig. 21. — Dissociation d'un muscle blanc de lapin. — ff, ff, 
faisceaux fibrillaires montrant nettement les disques 
minces et épais et la configuration des disques épais; — 
fe, une fibrille élémentaire dégagée et montrant aussi les 

disques minces. 


coupe des cylindres primitifs forme ce que l’on 
appelle les champs de Cohnheim. 


Fig. 22. — Coupe transversale très mince d'un musele blanc 
du lapin, pour montrer les champs de Cohnheim et la 
distribution du protoplasma au sein du faisceau primitif. 
— FF, faisceaux primilifs coupés en travers ; {e, travées 
de tissu conjonclif qui les unissent et les séparent; Cp, 
cylindres primitifs de Leydig, séparés par des espaces 
occupés par le protoplasma hyalin et incolore ; p, espaces 
protoplasmiques et confluente protoplasmique de figures 
stellaires; ep, cercles minuseules répondant à la section en 


travers des faisceaux fibrillaires. (400 diam.) 


Lcs faisceaux primitifs sont séparés les uns des 


autres par du tissu conjonctif, et leur réunion" 
forme un nouveau groupe, le faisceau secondaire. 
Puis, on a des faisceaux tertiaires, el ainsi de suite 
Jusqu'au muscle entier. 

Sur la coupe que nous avons représentée, on 


IL 


=. 


AN 


Fig. 23. — à, Coupe à travers deux fibres musculaires (extré- 
mités) de Dyticus marginalis; — b, fragment de la coupe 
après l'aclion d'acides dilues. Entre les crêtes primaires 
de sarcoplasma, on voit de petites crêtes secondaires qui 

limitent la coupe de fibrilles simples. 


n'aperçoit pas les noyaux. La position de ces 
noyaux varie suivant la nature du muscle auquel 
on à affaire. Tantôt, ils sont localisés immédia- 


FE 

MS 

HS 

Fig. 24. — Coupe de libres musculaires strices transversa- 
lement chez la Musca domestica. — A, faible grossis- 


sement; B. fort grossissement; Ms, co'onnettes museu- 
laires en forme de bandes (faisceaux fibrillaires); Sp, 
sarcuplasma (d'après Schiel'erdeker.) 


tement sous le sarcolemme; c'est ce qui se pro- 
duit dans les museles de l’homme, ou les museles 
blancs du lapin. Tantôt, ils sont répandus dans toute 
l'épaisseur du faisceau primilif, 
comme chez la grenouille. Tan- 
tôt, enfin, ils sont localisés en 
file dans l'axe, comme dans le 
muscle de la palte du dytique. 

Ce type de muscle se re- 
trouve avec quelques variantes 
chez tous les Vertébrés, dans la 
patte des Insectes, dans le mus- 
cle de l'aile d’un certain nom- 
bre d'entre eux et chez lous les aulres Arthro- 
podes. On trouve aussi le muscle strié dans les 
autres classes d'animaux. Suivant les cas, la dispo- » 
sition des fibrilles, des noyaux et du protoplasma 
dans le faisceau primitif est très variable, et, pour 


Fig. 25, — Coupe de 
libres muscu- 
laires de l'aile de la 
Libellule. 


D' G. WEISS — LE MUSCLE DANS LA SÉRIE ANIMALE 


* 


1121 


LS 


- eu donner une idée, le mieux est de reproduire ici 


- quelques coupes (fig. 23 à 98). 
À 


J'ai déjà dit que l’on connaissait des striations 


Fig. 26. — Coupe à travers deux fibres musculaires des na- 
geoires d'hippocampe. — MS, faisceaux fibrillaires (colon- 
nettes musculaires); Sp, sarcoplasma (d'après Rollett). 


obliques de la fibre musculaire. Cette disposition a 
été décrite avec soin par von Daday chez les Ostra- 
codes; je n'y insiste pas davantage, car la véritable 
signilication de 


Ce n’est pas faute de travaux et de théories sur ce 
sujet, car aucun phénomène physiologique n'a 
provoqué autant de recherches, ni inspiré autant 
d'explications différentes. 

Je ne rappellerai pas les diverses théories émises : 
une simple énumération ne serait d'aucun intérêt, 
et une étude quelque peu sérieuse m'entrainerait 
beaucoup trop loin. Aussi, je m'en tiendrai aux 
faits. 

Nous ne possédons pas, actuellement, les docu- 
ments nous permettant de suivre la contraction 
musculaire à travers la série animale. Quelques 
animaux ont été étudiés d’une façon très détaillée ; 
ils sont rares, et des classes entières n'ont, pour 
ainsi dire, élé l'objet d'aucune expérimentation. 
MM. Jolyet et Sellier ont entrepris de combler cette 
lacune, et ont commencé la publication d’un recueil 
de graphiques appelé à rendre les plus grands 
services à Lous ceux qui voudront étudier la Phy- 

siologie compa- 


Cr FAI 5a Q 
cette strialionne De SEE à rée du muscle. 
me parait pas  # Eu LERE UE 1h me Cependant, 

; ] le >, À # RL ORESEe> F 
encore bien éta- / ds 3 LG, AE NET avec les maté- 
blie. x . sn Et | Re } riaux que nous 

| }-2 dE À « A ù a 52 
= - 1 Me 7 ve SU À possédons déjà, 
PCT CONS \ À SL À 2,, nous allons pou- 

Ô h y ZX 1/k 7) ae É 

TRACTION MUS- A PE Re donner voe 
eu D (Es idée générale as- 
me sez exacte des 

Fig. 28. — A, couturier de la grenouille. — B, muscle blanc du lapin (grand iété = 

Nous avons adduvteur). — C, muscle rouge du lapin {demi-tendineux). (1.000 diam.). — proprièlés phy 


étudié la struc- 
ture du musele 
sans rien préjuger de ses propriétés physiologi- 
ques. 

Sous certaines influences, excilalion volontaire 
ou excitalion artificielle, ce muscle peut changer 


n, NOYAUX; M, 


— Ms 
S E —— = 
ue 
Fig. 217. — Coupe de fibres musculaires de la ligne latérale 
g 


de la carpe (d’après Külliker.) — Ms, faisceaux fibrillaires ; 
Sp, sarcoplasma. 


de forme, c'est-à-dire se contracter. Cette contrac- 
üon consiste en une diminution de longueur du 
muscle avec augmentation de la section transver- 
sale, sans modification appréciable du volume. 
Les causes et le mécanisme intime de la contrac- 
tion musculaire sont actuellement encore inconnus. 


faisceaux fibrillaires. 


siologiques du 
muscle dans la 
série animale. Tous les observateurs ont été frappés 
par la force considérable que développe un muscle 
au moment de la contraction. Sans doute, le recrute- 
ment de notre marine est trop important en Pro- 
vence pour que nous puissions ajouter pleine foi à 
ce récit des matelots qui prétendent que les grands 
béniliers (Tridacna gigas) peuvent, en fermantleurs 
valves, couper les cäbles d’une ancre; mais il n’en 
est pas moins vrai que ces animaux développent 
une force surprenante, suffisante pour mutiler une 
main qu'ils viendraient à pincer, 

Plateau raconte que, chez la Aya arenaria, il suf- 
fit de casser un peu la coquille au voisinage de la 
charnière pour la voir s'effondrer sous l'effort des 
muscles adducteurs. Dans un travail du même 
auteur, nous trouvons que le hanneton peut trainer 
un poids égal à quatorze fois celui de son corps, 
l'abeille un poids vingt-trois fois plus lourd qu'elle 
même.Moi-même, j'ai vu, avec M. Carvallo, un gas- 
trocnémien de grenouille, ne pesant que 0 gr. 9, 
soulever 3.500 grammes. Ces phénomènes dyna- 
miques du muscle contrastent étrangement avec 
ses autres propriétés physiques. 

Si nous ouvrons la pince fraiche d'un crabe, de 


1122 


D' G. WEISS — LE MUSCLE DANS LA SÉRIE ANIMALE 


facon à mettre à nu le muscle adducteur qui la | 


remplit presque en entier, nous devons être frappés 
du peu de consistance de ce muscle. Au lieu de 
trouver, comme il semble qu'on devrait s’y altendre, 
en songeant à la force énorme avec laquelle le 
crabe ferme sa pince, un organe difficile à extirper 
et à arracher, nous découvrons un tissu beaucoup 
plus mou que la chair des Vertébrés; c'est presque 
une vérilable gelée. Le même fait se présentera 
chez les Insectes, et nous constatons ce fait étrange 
que les animaux dont les muscles ont été reconnus 
comme les plus puissants ont la chair la plus 
molle. Ceci paraît au premier abord paradoxal; 
mais il faul songer qu'il n'y à aucun rapproche- 
ment à faire entre la résistance à l'allongement 
d'un muscle au repos et d'un muscle en contrac- 
lion. Si l’on isolait un muscle de crabe, on consta- 
terait certainement qu'à l'état d'inactivité, il s’al- 
longe beaucoup pour une faible traction, et il 
semblerait qu'il n'est capable de soutenir qu'un 
poids très faible, mais il n’en serait plus de même 
pendant la contraction. Ce fait n'a pas loujours été 
bien compris, et c'est en partie à cela que lient le 
désaccord entre les diverses expériences faites sur 
ce sujet. Suivant la manière dont un muscle est 
exeilé, on trouve des chiffres très différents pour la 
force-limite qu'il peut développer. Ainsi, Fick a 
montré, sur l'homme, que la contraction volontaire 
est toujours supérieure, comme effet produit, à 
toute excitation artificielle. 

Aussi, il n’est pas étonnant de voir la plupart des 
auteurs attribuer au muscle de l'homme une force, 
par centimètre carré, supérieure à celle des autres 
animaux, de la grenouille par exemple; c'est que, 
dans le premier cas, on opérait avec la contraction 
volontaire: dans le second, avec une contraction 
provoquée artificiellement. Une cause d'erreur s'in- 
troduit aussi dans ce genre d'expériences par suite 
de Ja difficulté qu'il y a à mesurer la section trans- 
versale des museles, d'aulant plus que, très sou- 
vent, les muscles sur lesquels on opère ne sont 
pas à fibres parallèles. 

Aussi, si nous possédons beaucoup de documents 
permettant d'apprécier plus où moins la force d’un 
groupe de muscles, nous sommes, d'un autre côté, 
fort mal renseignés sur cette force musculaire rap- 
portée à l'unité de section, ce qui serait vraiment 
important pour la comparaison des muscles dans 
la série animale. Pour montrer le désaccord qui 
existe, à ce point de vue, entre les divers auteurs, 
il nous suffira de dire que Weber a trouvé que le 
musele de l'homme pouvait exercer un effort de 
1.000 grammes par centimètre carré environ. Kos- 
ter et d’autres ont donné des chiffres variant entre 
6.000 et 8.000 grammes. 

De mème, pour la grenouille, Weber estime à 


692 grammes la force par centimètre carré, Rosen- 
thal à 3:000 grammes, et moi-même avec M. Car- 
vallo, en appliquant la méthode de calcul de Weber, 
nous avons trouvé 19.000 grammes. 

Voici la série donnée par Plateau : 


Moyenne générale chez l'homme. RE EL 150. 
Mollusques lamellibranches. 4.545 — 


— — CTEN OUI EN TE EMI 2.000 — 
— — CRANES ES Ce A . + 1.008 — 
Le chiffre donné pour la grenouille me parait 


certainement trop faible. Je ne puis porter de juge- 
ment motivé pour les Mollusques lamellibranches, 
n'ayant pas d'expérience sur ce point; mais le 
chiffre donné par Plateau pour le crabe me semble 
bien faible, étant donné la force de ces animaux. 

Les arguments donnés par cet auteur pour 
défendre son chiffre ne me paraissent pas con- 
cluants. 

Il m'est arrivé de mettre un crayon entre les 
pinces d’un homard de taille moyenne; le bois 
fut écrasé, et cet effet ne me paraît pas compatible 
avec le chiffre de Plateau. Je répèle qu'il y aurait 
grand intérêt à ce qu'un même auteur comparät 
à nouveau la force absolue des muscles dans les 
diverses espèces animales, en employant autant 
que possible des procédés identiques. 

A côté de la force de contraction du musele, 
nous devons aussi considérer sa résistance à la 
rupture. Or, nous avons trouvé, M. Carvallo el moi, 
qu'un muscle de grenouille peut, en se contractant, 
soulever encore le poids qui va le rompre. Suppo- 
sons, par exemple, qu'un gastrocnémien de gre- 
nouille se rompe sous un poids de 4 kilo; si, au 
moment où l'on accroche ce poids, on excile le 
muscle, il peut donner de légères secousses. Il 
arrive même que ce soient ces secousses qui pro- 
voquent la rupture. 

Mais voici un fait qui me paraît avoir la plus 
grande imporlance. Prenons un muscle, un gas- 
trocnémien de grenouille, par exemple. Faisons-lui 
exercer une certaine traction sur un dynamomètre; 
cette traction sera de 500 grammes, je suppose. 
Cela fait, cherchons sous quelle charge se produit 
la rupture du muscle à l’état de relâchement; elle 
pourra être de 4.000 grammes. Si, maintenant, nous 
cherchions à rompre le muscle pendant sa contrac- 
tion, il faudrait un poids de 1.000 grammes, plus 
500 grammes représentant l'effort que le muscle 
est capable de développer. Cette vérification peut - 
se faire en opérant sur le gastrocnémien symé- 
trique de celui qui a servi à déterminer la charge 
de rupture à l’état de relächement. Ceci démontre 
d'une façon indiscutable l'exactitude de cette pro- 
position, sur laquelle M. Chauveau a tant insisté, et 
que l’on peut formuler ainsi : 

« La force développée par un muscle qui se con= 


D' G. WEISS — LE MUSCLE DANS LA SÉRIE ANIMALE 


1123 


tracte ne résulte pas d'une modification des pro- 
priélés du muscle à l’état de repos, mais est pro- 
duite par un phénomène nouveau, qui n'existe pas 
dans le muscle inactif, et dont ce muscle n’est, pour 
ainsi dire, que le support. » 

Celte manière de voir concorde aussi parfaite- 
ment avec les idées de Pflüger et de Fick, sur les 
origines de la contraction musculaire. 

Pour rendre plus claire la proposition que j'ai 
énoncée, je ferai une comparaison; mais, bien 
entendu, je ne veux nullement, dans l'exemple que 
je vais prendre, élablir même une simple analogie 
avec les causes de la contraction musculaire. Sui- 
vant les théories de Pflüger et de Fick, qu'il n’y a 
pas lieu de développer ici, je crois que la cause pre- 
mière de la contraction musculaire est un phéno- 
mène purement chimique; l'exemple que je cite est, 
au contraire, du domaine purement physique; je le 
prends parce qu'il me semble plus simple pour ce 
qui nous occupe. 

Pour allonger d'une certaine quantité un ressort 
à boudin, il faut une certaine force ; admettons que 
ce soit 1.000 grammes. Ce ressort à boudin nous 
représente le muscle reläché. Faisons passer un 
courant électrique dans le ressort; les diverses 
spires vont s'attirer les unes les autres, le ressort 
se contractera, et, pour l'allonger au mème point 
que précédemment, il faut exercer une traction de 
1.000 grammes, plus ce qui est nécessaire pour 
vaincre l'attraction des spires due au passage 
du courant. Cette seconde force pourra être de 
500 grammes, par exemple. 

Ce sont ces 500 grammes qui représentent la force 
développée par le ressort qui se contracte. Cette 
force est complètement indépendante de la rigidité 
du ressort, du diamètre et de la nature du fil, et, 
par suile, n’est nullement liée aux propriétés phy- 
siques de ce ressort. Elle résulte exclusivement d'un 
phénomène nouveau dont le ressort n'a élé que le 
support. 

On conçoit maintenant pourquoi il n'y a aucune 
relation entre la force énorme que peut développer 
un muscle et sa consistance à l'état de repos, pour- 
quoi aussi l'étude de la force que peuvent exercer 
les divers muscles dans la série animale serait un 
des éléments les plus importants de la physiologie 
comparée du musele et apporterait une contribution 
importante à la connaissance des origines, de la 
contraction musculaire. 

Malheureusement, cette étude n’a pas été faite 
d'une facon assez suivie. j 

Jusqu'ici, les efforts des divers expérimentateurs 
se sont surtout portés sur l'application de la mé- 
thode graphique à la contraction musculaire. 

Le premier myographe est dû à Helmholtz. Mal- 
gré de nombreuses imperfections, cet instrument 


permit à son illustre inventeur de découvrir les phé- 
nomènes les plus importants de la contraction mus- 
culaire. Aujourd'hui, presque chaque expérimenta- 
teur a son myographe; en France, c’est le modèle 
de Marey qui est le plus employé. 

Un myographe consiste essentiellement en un 
levier mobile autour d'un axe, dont la pointe 
inscrit ses déplacements sur un papier enfumé. En 
général, on relie l'extrémité du muscle dont on veut 
enregistrer les mouvements au levier myogra- 
phique par un fil attaché à une certaine distance 
de l'axe de rotation. Très près de cet axe, on fixe un 
autre fil supportant un poids tenseur et chargé de 
ramener le levier lorsque le muscle s'allonge. On a 
ainsi un myographe dit isotonique, ce qui veut dire 
que, pendant toute la durée des opérations, la ten- 
sion exercée sur le muscle est constante. Dans 
d’autres cas, le muscle exerce sa traction au voisi- 
nage de l'axe de rotation, le levier étant ramené 
par un ressort. Dans ce cas, le musele ne se raccour- 
cit pour ainsi dire pas; le myographe est dit iso- 
métrique. 

Parfois aussi, le levier repose sur la face latérale 
du muscle, dont on enregistre alors le gonflement. 

Quand on fait une excitation brève du muscle, 
soit directement, soit par l'intermédiaire du nerf, 
on enregistre, par un des procédés que nous venons 
d'indiquer, ce que l’on appelle une secousse mus- 
culaire, c'est-à-dire que, sur le graphique, on cons- 
tate que le muscle s'est raccourci en se gonflant, 
puis à repris sa forme primitive. En général, il n'y 
a pas de plateau, c'est-à-dire que le raccourcisse- 
ment maximum n'est pas durable. ; 

Je reviendrai plus loin sur la forme de cette 
secousse; Mais, auparavant, il y a une remarque 
importante à faire. 

Si nous provoquons la contraction musculaire en 
excitant le muscle par l'intermédiaire de son nerf, 
la secousse se produit, en même temps, en tous les 
points du muscle. Il en est de même si une exci- 
talion électrique traverse le muscle dans toute sa 
longueur. Mais Aeby, le premier, et beaucoup 
d’autres auteurs depuis lui, ont montré qu'en por- 
tant l'excitation en un point de l'extrémité du 
muscle, la contraction, d’abord localisée au point 
excité, se propage comme une onde tout le long 
du musele. 

Ce phénomène a été désigné sous le nom d'onde 
musculaire; il a été constaté sur des muscles très 
différents. Aeby, Marey, d'autres encore, ont mesuré 
sa vitesse de propagation sur le muscle de gre- 
nouille. Hermann a fait la même détermination chez 
l'homme, Romanes chez la méduse. Une expérience 
d'Engelmann permet de constater la marche de 
cette onde à l'œil nu. Il suffit, pour cela, de prendre 
un uretère de lapin ; cet organe se comporte comme 


1124 


D' G. WEISS — LE MUSCLE DANS LA SÉRIE ANIMALE 


une seule fibre musculaire, mais, étant composé de 
cellules lisses, les mouvements s’y produisent très 
lentement, et il suffit de pincer une de ses extrémités 
pour voir une onde partir du point excité et par- 
courir l'uretère dans toute sa longueur. On peut 
aussi suivre la marche d'une onde musculaire sur un 
muscle d'Insecte. Il suffit, pour cela, d'arracher une 
patte à un hydrophile et de faire tomber sur une 
lame de microscope la goutte du liquide qui 
s'échappe de la plaie. Dans cette goutle, on dissocie 
délicatement un fragment de muscle pris dans le 
premier article de la patte; il faut, dans cette opéra- 
tion, froisser le moins possible les fibres muscu- 
laires. On met un couvre-objet et on borde à la 
paraffine. En examinant cette préparation, on ne 
tarde pas à voir des fibres admirablement striées 
être parcourues par l'onde. Cet onde se propage 
assez lentement pour être vue, mais trop rapide- 
ment pour que l'on puisse suivre les modificalions 
de striation qui l’accompagnent. 

Voici un tableau emprunté à L. Hermann et qui 
donne les vitesses de propagation de l'onde mesu- 
rées par divers expérimentateurs 


OBJECT, VITESSE AUTEUR 
Ilomme vivant. . . . 10-13" L. Hermann, 
Chien et lapin (Muscle 
ISOLÉ) FN rire 2-6 Bernstein et Steiner. 
Grenouille (muscle 
150]0) ENT ee 1-1,2 Aeby, V. Bezold, En- 
gelmann, Place,etc. 
scie GRAS RO 3-5 Bernstein, Valentin, 
s Hermann. 
Tortue (muscle isolé). 0,57 Aeby. 
GARE LME OL EUC 1,8 Hermann. 
Cœur 0,1 Marchand. 
I ANOME ENS 0,07-0,049 Engelmann. 
Uretère . 0,025 Engelmann. 
MÉduse 3,1: uen 0,5 Romanes. 


Certains auteurs ont pensé que la contraction d'un 
muscle dans son entier résultait d'une superposi- 
tion d'ondes. Le phénomène de l'onde serait ainsi 
absolument fondamental. D'autres expérimenta- 
teurs croient, au contraire, que, dans la plupart des 
cas, il ne se présente que sur le muscle fatigué ou 
altéré. Laulanié, en examinant des larves de Core- 
thra pluvicornis, dont la cuticule transparente per- 
met d'examiner au microscope les muscles vivants, 
a conclu de ses observations que, pendant toute la 
période où la larve est en bon état, les muscles se 
contractent dans leur totalité d’un seul coup, et 
que l'on ne voit apparaitre d'onde se propageant 
d'une extrémité à l'autre qu'au moment où les 
mouvements se ralentissent par suite du dépérisse- 
ment de l'animal. J'ai essayé sur divers objets, 
dont le plus favorable m'a semblé être le muscle 
hyoglosse de la grenouille, de faire des chronopho- 
tographies de la fibre musculaire, pendant sa con- 
traction. J'ai obtenu de très bonnes épreuves avec 


; des temps de pose de 1/5000 de seconde, mais Je 


n'ai jamais pu voir d'onde. 

Quoi qu'il en soit, lorsqu'on provoque la contrac- 
tion du muscle par une excitation très brève por- 
tant soit sur le muscle lui-même, soit sur le nerf, 
on obtient ce que l’on appelle une secousse museu- 
laire, c'est-à-dire que le muscle se raccourcit brus- 
quement el reprend ensuite sa longueur primitive. 
Si le muscle a élé fixé à un myographe, on enre- 
gistre une courbe comme celle qui est représentée 
sur la figure 29. La 
branche ascendante 
correspond à ce que 
certains auteurs appel- 
lent la période d’acti- Fig. 29. 
vité croissante, la bran- 
che descendante à ce qu’ils appellent la période 
d'activité décroissante. 

Avant d'aller plus loin, il faut signaler ce fait très 
important, c'est que le muscle ne commence pas à 
se ‘contracter aussitôt que l'excitalion s'est pro- 
duile; il s'écoule un certain temps, mis en évidence 
pour la première fois par Helmholtz, et appelé 
temps perdu ou période d’excitation latente, entre 
le moment de l'excitation et le commencement de 
la réponse. Ce phénomène est absolument général 
dans l'organisme, quel que soit l’organe en jeu. Si 
la lumière tombe sur la rétine, il faut un certain 
temps pour que l'œil la perçoive. De même, il 
s’écoule un certain intervalle entre le moment où 
l’on fait une piqûre au doigt, et celui où a lieu la 
perception. 

Je m’abstiens de décrire les procédés qui ont été 
employés pour mesurer cette période latente du 
muscle; ces mesures sont délicates et exigent de 
grandes précaulions pour ne pas êlre entachées 
d'erreurs. 

Les divers auteurs qui se sont occupés de cette 
question ont obtenu, pour le même muscle, des 
résultats assez variables ; malgré cela, il ressort clai- 
rement de l’ensemble des résultats que nous possé- 
dons une loi fort simple. La période latente d'un 
muscle est d'autant plus grande que les mouve- 
ments produits par ce muscle sont plus lents. Ainsi, 
pour le muscle de grenouille, on admet générale- 
ment qu'il commence à se contracter 0"O1 après 
l'excitation, tandis qu'il faut, pour la même opé- 
ration, 0"3 au muscle de limaçon, et qu'au con- 
traire, chez les Insectes, la période latente devient 
forcément très courte puisque, chez certains d’entre 
eux, les coups d'ailes peuvent se succéder à un 
intervalle de 0003. 

Diverses circonstances peuvent, d’ailleurs, influer 
sur cette période latente ; elle varie, en effet, avec la 
grandeur de l'excitation, avec le poids tenseur, 
avec la fatigue du muscle. Mais le facteur le plus 


D' G. WEISS — LE MUSCLE DANS LA SÉRIE ANIMALE 


important est la température. Si l'on passe de 20° 
- à 0°, on voit la période latente d'un muscle de gre- 
nouille devenir quatre ou cinq fois plus longue à 
basse température. Richet à montré que, si l’on 
porte sur un muscle une première excitation restant 
sans effet, une deuxième excitation pourra être 
accompagnée d'une réponse à période latente plus 
courte que de coutume, car elle pourra tomber 
à 0003 chez la grenouille. 

Enfin, remarquons que ce qui devrait à propre- 
ment parler ètre considéré comme la période latente 
du muscle, c'est l'intervalle qui s'écoule entrel'exci- 
tation et le moment où le muscle entre en activité. 
Or, le moment où le muscle entre en activité n’est 
pas celui où sa forme extérieure se modifie. Par 
suite de l'inertie de la matière et de l’élasticité de 
certaines parties constituantlemusele, il s'écoule un 
certain intervalle entre'ces deux phénomènes; aussi, 
plus on cherche à réduire ces deux causes d'erreur, 
plus la période latente mesurée est petite. Certains 
auteurs prétendent même qu'elle se réduirait à zéro 
si l’on pouvail la mesurer sur les éléments con- 
tractiles isolés du muscie. 

Passons maintenant à la secousse proprement 
dite; là encore nous lrouvons de grandes diffé- 
rences entre les muscles des divers animaux, et 
même entre les divers muscles d’un même animal. 
Bien entendu, je ne fais pas allusion, en ce moment, 
à la différence qui existe entre les muscles lisses 
et les muscles striés, car, depuis fort longtemps, 
c'est un fait reconnu que les premiers se distin- 
guent des seconds par la lenteur de leur secousse. 

En 1873, Ranvier fit une observation de la plus 
baute importance. Depuis fort longtemps, les ana- 
tomistes avaient constlalé, chez les Vertébrés, la 
présence de deux espèces de muscles striés, les 
muscles rouges et les muscles blancs, mais ils n’en 
avaient pas compris la signification. La distinction 
entre muscles rouges et muscles blancs est particu- 
lièrement nette chez le lapin domestique. Il est, en 
effet, aisé de constater que, si la plus grande partie 
de la chair de cet animal se distingue par sa cou- 
leur pâle de celle des autres animaux, il y a cepen- 
dant quelques muscles de couleur très foncée, par 
exemple le demi-membraneux ou le solaire. La 
même distinction peut se faire chez la poule, entre 
les muscles des ailes qui sont blancs, et ceux des 
paltes qui sont rouges. M. Ranvier a montré que 
cette différence analomique élait accompagnée 
d’une distinction fonctionnelle importante. Si, par 
une excitation électrique, on provoque la contrac- 
tion de ces divers muscles, on voit les muscles 
blancs donner une secousse extrêmement rapide; 
le muscle rouge, au contraire, se contracte lente- 
ment, comme s’il présentait les symptômes de la 
fatigue. Il est facile de prendre des tracés de ces 


REVUE GÉNÉRALE BES SCIENCES, 4901, 


deux espèces de muscles, et l'on constate que la 
secousse du muscle rouge est environ quatre ou 
cinq fois plus longue que celle du muscle blanc. 
Par contre, le premier a un avantage sur le second, 
c'est qu'il se fatigue beaucoup moins vite, de telle 
sorte que l’on peut dire que le muscle blanc sert à 
produire les mouvements rapides, le muscle rouge 
servant aux efforts soutenus. 

En 1878 parut un travail, trop longtemps ignoré, 
de Coutance. Déjà, R. Blanchard avait bien établi 
que le muscle adducteur du Pecten contenaii 
deux sortes de fibres, des fibres lisses et des fibres 
siriées, formant deux masses nettement séparées. 
Coutance montra que l’une de ces masses, celle 
qui était composée de fibres striées, produisait des 
mouvements beaucoup plus rapides que l’autre, 
dont la caractéristique élait la force et l’effort sou- 
tenu. Il avait résumé les conclusions de ses recher- 
ches dans la formule suivante: Le muscle strié 
ramène la valve, le muscle lisse la maintient fer- 
mée ». De plus, Coutance avait montré que cette 
différence fonctionnelle se retrouve chez un grand 
nombre de Mollusques acéphales, même chez ceux 
où il n’y a pas à faire de distinction entre un groupe 
de fibres striées et un groupe de fibres lisses dans le 
muscle adducteur des valves. 

Puis, Richet montra 'chez l'écrevisse, en 1879, 
l'adaptation remarquable à la fonction du tissu 
museulaire. La locomotion rapide de l’écrevisse se 
fait à l’aide de la queue, qui lui sert comme d’une 
rame; dans ce but, cetle queue est munie de mus- 
cles se contractant très rapidement. Les pincesne se 
ferment que lentement, mais avecune grande force ; 
aussi, le musele qui les fait mouvoir donne-t-il une 
secousse plus longue que le muscle de la queue ; 
nous retrouvons les mêmes différences qu'entre les 
muscles rouges et blancs; mais, ici, la fonction de 
chacun d'eux est très séparée et les phénomènes 
d'adaptation sont bien mis en évidence. 

Enfio, il résulta d’un travail de Cash que, même 
chez un animal comme la grenouille ou le crapaud, 
où il ne semble pas qu'il doive y avoir entre les 
divers muscles de différence fonctionnelle bien 
grande, chaque muscle a une forme de secousse 
déterminée, si bien qu'à la seule inspection du tracé 
on peut dire quel estle muscle sur lequelil a été pris. 
Grützner a expliqué cela en supposant, dans tous 
les muscles, la présence de deux espèces de fibres 
musculaires, les unes à contraction rapide, les 
autres à contraction lente. Suivant les nécessités 
fonctionnelles, il y aurait dans un muscle prédo- 
minence de l’une ou de l’autre espèce de ces fibres, 
et la forme de la secousse serait modifiée. 

Chez les Insectes, on trouve aussi des muscles à 
secousse rapide ou lente. Rollett a pris des 
tracés sur divers Coléoptères, entre autres sur 


24"* 


1126 


l'hydrophile, le hanneton et le dytique, et ses gra- 
phiques nous font voir que les deux premiers de 
ces trois Insectes ont des muscles à secousse lente 
comparables aux muscles rouges du lapin, le dyti- 
que donnant une secousse plus brève. Ces expérien- 
ces ne se rapportent qu'aux muscles des paltes; 
malheureusement, on n’a pu encore expérimenter 
sur ceux des ailes, qu'il serait cependant si utile 
d'étudier physiologiquement comme on l’a fail ana- 
tomiquement. 

Nous avons donc vu que non seulement la rapi- 
dité de la secousse varie d’un animal à l’autre, sui- 
van{ qu'il a, d'une facon générale, des mouvements 
plus ou moins lents, mais encore que les divers 
muscles d'un même animal s'adaptent à sa fonction 
particulière. Il est encore bon de citer cet exemple 
intéressant, signalé par Me Pompilian, de la période 
latente du musele rétracteur des cornes de l’escar- 
got, très courle par rapport à celle des autres 
muscles du corps. 

Je n'ai pas encore parlé d’un facteur qui à une 
influence de premier ordre sur ce genre de phéno- 
mènes, c’est-à-dire de la température. Marey, le 
premier, a mis cette aclion en évidence sur le 
muscle de la grenouille. Plus la température est 
basse, et plus sont longues la période latente et la 
secousse elle-même. Tous les muscles de la série 
animale sont soumis à cette loi ; aussi, lorsque l’on 
fait des comparaisons de tracés, faut-il tenir grand 
compte de ce facteur. 

Si l'on ajoute que la gran leur de l'excitation etle 
poids tenseur modifient aussi la forme du tracé de 
la secousse, on comprendra combien il est difficile 
de mettre en parallèle les résultats de recherches 
des divers auteurs sur tel ou tel animal. Comment 
comparer les tracés de Richet sur l'écrevisse à ceux 
de Rolett sur les Insectes ou à ceux de Cash sur la 
grenouille et le crapaud? C'est pour cette raison, 
je le répète, que MM. Jollyet etSelliernous rendront 
un service considérable en publiant une série de 
tracés, pris dans les mêmes conditions, sur divers 
animaux. 

Lorsqu'au lieu de faire une excitation unique, 
on la répète périodiquement, on voit les secousses 
se succéder; mais, si elles se rapprochent trop les 
unes des autres, elles se fusionnent de plus en plus, 
et, pour une fréquence suffisante, on a un raccour- 
cissement permanent ou tétanos physiologique. Le 
mot de fusion des secousses n'est pas très heureux, 
la secousse est un phénomène tout à fait artificiel; 
et ce n’est pas simplement la succession d’un certain 
nombre de secousses qui produit le raccourcisse- 
ment du muscle à l’état de tétanos. Il est très aisé 
de se rendre compte de ce fait. Portons, soit sur 
un muscle, soit sur un nerf moteur, une excitation 
très faible; nous n'aurons sans doute aucune 


D' G. WE£ISS — LE MUSCLE DANS LA SÉRIE ANIMALE 


réponse, mais faisons croître peu à peu l'excitation; 
il arrivera un moment où le muscle donnera une 
très légère secousse : nous serons à l'excitation 
minimale ou au seuil de l'excitation. À partir de ce 
moment, la hauteur de la secousse croît rapidement, 
pour atteindre un maximum qu'elle ne dépassera 
pas. Il est un muscle, le cœur, pour lequel toute 
excitation, ou bien est insuffisante à produire la 
moindre réponse, ou bien donne la secousse maxi- 
male; il n'y a pas d’intermédiaire. Pour les autres 
muscles, il n’en est pas ainsi; mais l'intervalle entre 
le commencement de la réponse du muscle et la 
secousse maximale est très resserré; il faut une 
graduation très précise de l'excitation pour avoir 
une série de secousses croissantes. 

Il ne faut pas se tromper sur le mot de secousse 
maximale : il semblerait 4 priori qu'elle doive cor- 
respondre au plus grand raccourcissement dont le 
muscle est capable ; or, il n’en est rien. Le muscle 
ne peut pas donner de secousse plus haute, quelle 
que soit la grandeur de l’excilation, mais à une con- 
dition, c'est que cette excitation soit unique. 

Si elle vient à se répéter avec une certaine pério- 
dicité, on constate que, pendant un temps parfois 
très long, chaque secousse est légèrement plus 
haute que la précédente, et la série forme une sorte 
d'escalier, d’où le nom qui lui a été donné : « die 
Treppe, l'escalier ». 

Si, maintenant, nous passons au tétanos, nous 
aurons un raccourcissement beaucoup plus grand 
encore. 

Cela prouve que ce ne sont pas les conditions 
mécaniques du musele qui s'opposent à ce que la 
secousse dépasse une cerlaine hauteur, mais que 
celte limite tient à la nature de l'excitation. On 
voit done que l'étude de la secousse musculaire, 
quoique étanttrèsimportante, ne nous renseignera 
jamais parfaitement sur la fonction physiologique 
du muscle des divers animaux. Elle y apporte 
toutefois une contribution considérable, car, de la 
longueur de la secousse, on peut prévoir la facilité 
plus ou moins grande avec laquelle se produira le 
tétanos; il faut, en effet, une répétition d'autant plus 
fréquente des excitations que la secousse est plus 
courte, et les trois phénomènes : période latente, 
longueur de la secousse et production du tétanos, 
marchent sensiblement parallèlement. 

Certes, l'étude de la contraction musculaire 
chez les divers animaux est très imporlante, mais 
la comparaion des résultats est extrèmement dif- 
ficile par suite de la différence de structure qui 
existe entre ces muscles. Mais nous savons que, 
pendant le développement des embryons, leurs 
organes et leurs tissus subissent une série de 
transformations représentant les divers stades que 
l'on trouve chez les animaux placés plus bas dans 


D: G. WEISS — LE MUSCLE DANS LA SÉRIE ANIMALE 


1127 


l'échelle des êtres. Pour cette raison, j'ai pensé 
qu'il y aurait intérêt à étudier la contraction mus- 
culaire chez les embryons de Mammifères. J'ai 
entrepris ces recherches sur le fœtus de cobaye, en 
collaboration avec M. Carvallo. 

Les recherches de Patrizzi sur le Zombyx mori 
ne rentrent pas dans cet ordre de faits, car le ver, 
la chrysalide et le papillon sont, à ce point de vue, 
des animaux différents. 

Avant nous, Soltmann avait trouvé que le muscle 
du nouveau-né se contracte lentement, comme celui 
de l'adulte lorsqu'il est fatigué. 

Meyer, expérimentant sur le chien, avail aussi 
donné des tracés extrêmement allongés de la 
secousse, 

Nous n'avons pas observé pareille chose sur le 
cobaye à terme, qui donne une secousse sensible- 
ment aussi rapide que l'animal adulte. 

Pour opérer avec les fœtus très jeunes, il faut 
opérer avec beaucoup de précautions, en plaçant 
la mère dans un bain d'eau salée, à 7 °/, de 
chlorure de sodium, à la température du corps, 
c'est-à-dire à 38° environ. Le fœtus doit être con- 
servé sous le liquide pendant toute l'opération. 
On constate alors que plus l'animal est jeune et 
plus la secousse que donne son gastrocnémien est 
allongée. En faisant varier la température, on voit, 
qu'elle agit comme sur tous les muscles. De même, 
la période latente augmente et le tétanos se pro- 


duit d'autant plus facilement que l'on refroidit da- 
vantage l’eau du bain. 

On voit qu’au point de vue physiologique il se 
produit une transformation continue et progressive 
dans le muscle; c’est par gradation lente que l’on 
passe du muscle le plus lent au muscle le plus ra- 
pide, et, à la seule inspection de la fonction d’un 
muscle, on peut en déduire très approximative- 
ment la période latente, la longueur de la secousse, 
la facililé avec laquelle se produit le tétanos. 

L'architecture des muscles est soumise à des lois 
connues aujourd'hui et nous avons vu que tous les 
muscles ont une disposition rationnelle de leurs 
fibres. 

C'est l'histologie comparée des muscles qui est 
la moins avancée, et l'on n’a pu encore établir 
aucun lien précis entre la structure de la fibre 
musculaire et ses propriétés fonctionnelles ; c'est 
sur ce point, semble-t-il, que devrait porter l'effort 
des chercheurs ‘. 

D' G. Weiss, 


1 génieur des Ponts et Chaussées, 
Professeur agrégé 
à la Faculté de Médecine de Paris. 


1 Dans la première partie de cet article, on a donné par 
erreur, pour représenter la complication que peut atteindre 
la structure de la paroi musculaire de certains animaux, une 
coupe de Sagartia parasilica (fig. 14, page 1035). Cette com- 
plication eût dù étre figurée par une coupe de Protula 
protusea. 


1128 


G. LOISEL — REVUE ANNUELLE D'EMBRYOLOGIE 


REVUE ANNUELLE D’EMBRYOLOGIE 


En inaugurant ici une Revue annuelle d'Embryo- 
logie, nons devons dire tout d'abord en quoi 
consistera ce travail et comment nous avons l'in- 
tention de le comprendre. 

Dépuis longtemps déjà, la tendance des sciences 
morphologiques est de plus en plus tournée vers 
l'Embryologie : l'Anatomie descriptive, de même 
que l’Anatomie comparée, sont devenues tribu- 
taires de l'histoire du développement de l'homme 
et des animaux; pour beaucoup de zoologistes, la 
Systématique ‘apparait comme devant être une 
application rationnelle de l’Embryologie, et les 
grandes questions d'Embryologie générale, si pas- 
sionnantes, s'imposent tous les jours davantage à 
l'esprit des jeunes savants, aussi bien botanistes 
que zoologistes. 

Les revues générales d’ ee ou de Zoologie 
qui paraissent ici même, chaque année, se res- 
sentent un peu de cet esprit particulier des sciences 
biologiques. Venant après elles, notre premier de- 
voir sera donc d'éviter de faire un double emploi 
avec elles. | 

Cependant, nous ne pouvons pas oublier que 
l'Embryologie est une science complète, indépen- 
dante des autres parties de la Biologie. Son but est, 
en effet, nettement déterminé et, si elle a pris 
quelques-unes de ses méthodes à l'Histologie, ses 
principales lui appartiennent bien en propre. 

L'Embryologie ne peutplus être considérée, main- 
tenant, comme un simple chapitre de la Physiologie, 
ainsi que le comprenait l'enseignement de la Sor- 
bonne au siècle qui vient de finir. C’est également 
davantage qu'une science morphologique, comme 
on la trouve définie dans le célèbre Traité de 
Külliker. Son rôle est beaucoup plus grand, car elle 
doit montrer quelle est l’origine des êtres vivants, 
comment se constituent les organes et de quelle 
façon arrivent à fonctionner les organismes adultes. 

L'Embryologie, appelée encore Æmbryogénie 
ou Ontogénie, peut se diviser en Embryologie ani- 
male et Embryologie végétale; mais, vue dans son 
ensemble, elle comprend les parties’ suivantes : 
d’abord, la connaissance des éléments sexuels, de 
la fécondation et des premiers stades de dévelop- 
pement; ensuite, l'étude de l'embryon proprement 
dit, qui doit être envisagé successivement au point 
de vue statique et au point de vue dynamique. Dans 
le premier cas, nous avons l’hislogenèse, l'organo- 
genèse et la morphogenèse; dans le deuxième cas, 
nous avons l'étude des formes larvaires et des mé- 
tarnorphoses, la connaissance des rapports que 
l'embryon affecte avec le milieu dans lequel il vit, 


et laphysiogenèse, qui comprend l'histoire de l'évo- 
lution des fonctions organiques. Chacune de ces 
parties peut se subdiviser elle-même en étude 
des types normaux et en étude des (ypes anor- 
maux ou féralologie. 

Enfin, couronnant tous ces différents points de 
vue, se trouve l’Æmbryologie générale, qui cherche 
à tirer les lois du développement, et qui étudie les 
grands problèmes de la vie s’y rapportant : héré- 
dité, hybridité, télégonie, origine des sexes, etc. 
Par là, l'Ontogénie est reliée à l’autre science sœur, 
la Phylogénie, qu'on appelle encore Science de la 
Descendance ou de l Évolution. 

Tel est le vaste champ dans lequel nous aurons 
à glaner; champ vaste, non seulement par son 
étendue, mais encore par le nombre de produits 
qu'il fournit chaque année. Quelques-uns nous 
échapperont sans doute et, parmi eux, peut-être 
des plus importants. Aussi serions-nous très re- 
connaissant à tous les embryologistes de nous 
envoyer, au bureau de la Revue, un tirage à part 
de leurs Mémoires. 

Naturellement, nous n'avons pas l'intention de 
rendre compte, chaque fois, de tous les travaux de 


l'année qui parviendront à notre connaissance. 


Nous choisirons, parmi eux, ceux qui formeront un 
ensemble sur un sujet donné, reportant les autres à 
une revue ultérieure. C'est ainsi qu'il pourra nous. 
arriver de parler de Mémoires déjà vieux de deux 
ou trois ans. Si l'actualité y perd, l'intérêt même: 
de nos.lecteurs y trouvera son compte, nous l'es- 
pérons. 


I. — SUR LA FÉCONDATION 


1. Recherches sur la Fécondation chez les Ani- 
maux. — En 1889, Boveri! avait montré que des. 
ovules privés de leur noyau, puis fécondés, s'étaient 
développés comme des ovules complets. Ces expé- 
riences furent reprises occasionnellement par Mor- 
gan en 1896, puis par Ziegler en 1898; elles l'ont 
été surlout, depuis trois ou quatre ans, par Delage, 
dans des conditions précises et plus démonstra- 
tives. 

Boveri et Morgan expérimentaient un peu à l’a- 
veuglelte, en secouant tout simplement des œufs 
dans un tube de verre, et Ziegler opérait sur des 
œufs fécondés. Delage * mérotomise directement 


ÿ Boverr : Merogonie (Y. DELAGE) und Ephebogenesis. 
(B. Rawxrz), neue Namen für eine alte Sache. Anat. Anz., 
1901, t. XIX, p. 156-172. 

? Decace (Y.) : Etudes sur la mérogonie. Arch. Zool. 
expér., 1899, t. ve p. 383-417, avec 11 fig. — Embryons sans 

noyau maternel. . R. Ac. Se., Paris, 10 octobre 1898 


G. LOISEL — REVUE ANNUELLE D'EMBRYOLOGIE 


1129 


les œufs vierges auxquels il s'adresse et peut arri- groupe subit les changements suivants : la capsule 


ver, ainsi, à faire agir les spermatozoïdes sur des 
fragments non nucléés, représentant seulement, 
dit-il, la 37° partie de l’ovule primitif". 

D'un autre côté, Boveri, Morgan et Ziegler ne 
s'étaient adressés qu'à des œufs d’oursin, alors 
que Delage expérimente sur des œufs d'Echinoder- 
mes (Sirongylocentrotus lividus), de Mollusques 
(Dentale entale) et de Vers (Lanice conchylega). 
Dans ces conditions, il obtient des larves avec plus de 
facilité, même, qu'avec des œufs entiers conservés 
comme témoins. Il arrive ainsi à se faire une opi- 
nion, un peu particulière, de la fécondation. « Le 
phénomène essentiel de la fécondation, conclut-il, 
n'est pas la fusion des noyaux spermatique et ovu- 
laire dans l'œuf, mais bien l'union d’un noyau sper- 
matique (accompagné de son spermo-centre) avec 
une cerlaine masse de cytoplasme ovulaire. » 
C'est ce phénomène essentiel que reproduiraient 
ses expériences, phénomène auquel il donne le 
nom de mérogonie où fécondation mérogonique. 

Cependant, si la mérotomie employée par Delage 
est une méthode supérieure au secouage de l'œuf, 
elle reste toujours soumise au même reproche de 
brutalité qu'on a appliqué avec raison à la méthode 
de Boveri. Le nouveau procédé suivi celte année 
par Rawilz ? est, certes, beaucoup plus rationnel, 
quoiqu'il ne soit pas davantage exempt de reproches 
comme le pense l’auteur. 

Pour ses expériences, Rawitz prend d’abord des 
espèces très éloignées l’une de l’autre, comme une 
Holothurie et un Oursin, de manière à éviter tout 
croisement possible. Ensuite, il plonge les élé- 
ments séminaux des espèces choisies dans une solu- 
tion de chlorure de magnésium et de borax addi- 
tionnée ou non de phosphate de chaux. 

Dans ces solutions, les spermatozoïdes, enlevés 
directement du testicule, müûrissent promptement, 
c'est-à-dire acquièrent leurs mouvements caracté- 
ristiques ; c'est ce que Rawitz appelle maturation 
artificielle de semence. Quant aux œufs, les uns ne 
changent pas, d’autres meurent, el un troisième 


4 Giard vient de faire connaître à la Société de Biologie 
(Pour l'histoire de la Mérogonie. C. R. Soc. Biol., Paris, 
49 oct. 1901) un travail de J. Rostafinski, paru en 1877: Sur 
Ja divisibilité de l'œuf (dividua ovi natura) et sur la fécon- 
dation chez les Alques. Dans ce Mémoire, non seulement 
le professeur de Cracovie « pose de la facon la plus nette le 
problème de la mérogonie », mais encore il se sert des 
« diverses techniques qui ont été suivies depuis, par les 
embryogénistes, pour sectionner l'œuf animal. » 

Dans la:même communication, Giard signale un travail 
fout nouveau de Hans Winkler (Ueber Merogonie und Be- 
fruchtuag, Jahrbücher f. wiss. Botanik, 1901, Bd. XXVI, 
‘Heft 4), qui a fait, sans grand succès, du reste, d'autres expé- 
riences de mérogonie sur des végétaux. 

? RawirZz (B) : Versuche über Ephebogenesis. Arch. f. 
Entw. mech., 1901, t. XI, p. 206-221, avec 1 pl. — Neue Ver- 
-ssuche über. Éphebogenesis. Arch. f. Entwickelungsmech., 
4901, t. XII, p. 454-470, avec 1 pl. 


ovulaire se fend et rejette tout son contenu; alors 
l’ovule, en se contractant, expulse son noyau et 
devient comparable à un cytode d'Heckel. C'est 
sur ces cytodes d'Oursin que Rawitz fait agir de la 
semence d'Holothurie. Après avoir pénétré dans 
leur intérieur, les spermatozoïdes grossissent et 
prennent l'aspect d’un pronucléus; puis, ils se divi- 
sent et déterminent ainsi un premier élevage du 
cytode; d’autres élevages semblables suivent; mais, 
à chaque fois, la quantité de chromatine contenue 
dans les blastomères diminue, de sorte que les der- 
niers blastomères paraissent être sans noyau. Ce 
phénomène s'arrêle de bonne heure, après le stade 
morula ou blastula par exemple, puis l'œuf meurt. 

En résumé, dit Rawitz, ces expériences montrent 
que de la semence mâle apportée sur un solinerte, 
mais approprié, peut donner d'elle-même nais- 
sance à un nouvel organisme. C'est confirmer, par 
là même, une hypothèse que Giard à émise il y à 
deux ans ‘ en vue d'expliquer les résultals obtenus 
par Boveri, Morgan, Ziegler et Deiage. 

Pour Giard, on n'aurait pas affaire, dans les 
expériences de ces auteurs, au développement nor- 
mal d'un morceau d'œuf fécondé par un spermalo- 
zoïde. Ce serait tout simplement le développement 
du spermatozoïde lui-même, qui trouverait, dans 
le fragment d'œuf, l'énergie suffisante pour croître 
et se diviser; autrement dit, on aurait affaire à une 
sorte de parthénogenèse mâle, à une éphébogenèse 
(pn60, adolescent), dit Rawitz, analogue à celle 
qui avait élé observée, à la même époque, par 
Siedlecki, sur l’Adelea ovata, et, par Klebs, chez des 
plantes inférieures. 

Cette opinion, outre qu'elle fait rentrer les nou- 
veaux faits observés dans les lois connues de la 
Biologie, explique certains résultats paradoxaux 
obtenus par Delage. Ainsi, Delage ayant obtenu, 
dans ses expériences de mérogonie, plus d'em- 
bryons que dans ses expériences de contrôle où 
les œufs étaient gardés entiers, Giard pense que 
ces derniers n'étaient pas encore complètement 
mûrs; dans ces conditions, ils devaient phagocyter 
les spermatozoïdes qui seraient venus pour les fé- 
conder; au contraire, les fragments d'ovules énu- 
cléés, ne pouvant plus exercer cette phagocytose, 
auraient laissé le noyau mâle se développer à leurs 
dépens. . 

L'interprétation de (Giard permet encore de com- 
prendre les phénomènes observés par Héron- 


4 Grarp (A.) : A propos de la parthénogenèése artificielle 
des œufs d'Echinodermes. C. R. Soc. Biol., Paris, 4 août 
1900. — Sur le développement parthénogénétique du mi- 
crogamète des Métazoaires. G. R. Soc. Biol. de Paris, séance 
du 4 novembre 1899. — Parthénogenèse du macrogamète et 
du microgamète des organismes pluricellulaires. Cinquan- 
tenaire de la Société de Biologie, Paris, 1900, p. 654-667. 


1130 


G. LOISEL — REVUE ANNUELLE D'EMBRYOLOGIE 


Royer, en 1883, et par Millardet, en 1894; ces sa- 
vants ayant obtenu des hybrides à caractères 
paternels exclusifs ou au moins prédominants, il 
est probable, en effet, que le pronucléus mâle seul 
se serait développé, alors que le pronucléus femelle 
aurait dégénéré. 

Une autre hypothèse, qui rappelle le quadrille 
des centres de Fol, a été donnée par Le Dantec ‘ 
pour expliquer la mérogonie. Dans la fécondation, 
Le Dantec admet deux actes complètement dis- 
tincts : 1° une attraction entre deux karyoplasmes 
sexués (copulation des pronucléus) ; 2° une attrac- 
tion entre cytoplasmes également sexués, l'un 
mâle, représenté par le spermocentre (proto- 
plasma mâle), l’autre femelle, l’ovocentre (proto- 
plasma femelle), qui ne setait plus figuré dans 
l’ovule mür, mais y résiderait néanmoins sous 
forme diffuse. A l’état normal, il y aurait donc une 
fécondation protoplasmique en même temps qu'une 
fécondation nucléaire ; dans les cas de mérogonie, 
le premier acte subsisterait seul, et suffirait pour 
amener le clivage de l'œuf. 

Dans une noteultérieure, Delage ? revient sur ses 
expériences pour discuter et rejeter les interpréta- 
tions de Giard et de Le Dantec. Il affirme de nou- 
veau sa conviction que le phénomène essentiel de 
la fécondation est « la substitution d'un noyau 
mâle au noyau femelle dans le protoplasma ovu- 
laire ». C'est là, en définitive, donner une nouvelle 
forme à la conception ovulaire de Boveri, qui refu- 
serait à l'ovule l’excitabilité cinétique. 

Malheureusement, pour la conception de Boveri, 
au moins, Conklin * vient de montrer, d’une façon 
très nette, que l’ovule mür possède toujours son 
centrosome (à l'état figuré) et que ce dernier joue 
un rôle, aussi important que le spermocentre, dans 
le phénomène de la fécondation. Conklin reconnaît, 
en outre, que le quadrille des centres n'existe pas 
comme il l'admettait encore en 1894; «il avait été 
induit en erreur, dit-il, par une lobulation ou 
même une fragmentation de la sphère qui se pro- 
duit dans certains cas ». Voir également, sur ce 
sujet, un travail de Smallwood #, que nous n'avons 
pu nous procurer. 

Toutes ces recherches morphologiques sont cer- 
tainement très intéressantes ; mais, à elles seules, 


! Le Danrec (F.) : Centrosome et fécondation. C. R. Ac. 
Se., 1899, t. CXXVIIT, p. 1341-143. — L'équivalent des deux 
sexes dans la fécondation: Rev. gén. des Sc. pures et appli- 
quées, A899, t. X, p. 854-863. 

? DeraGe (Y.) : Sur l'interprétation de la fécondation mé- 
rogonique et sur une théorie nouvelle de la fécondation 
normale. Arch. Zool. expér., 1899, t. VII, p. 511-527. 

% Conkui (E.-G.) : Centrosome and sphere in the Matura- 
tion, Fertilization and Cleavage of Crepidula. Anat. Anz., 
1901, &. XIX, p. 280-287, avec 8 diagrammes. 

* Smazzwoon : The centrosome in the Maturation and 
lertilization of Bulla, Biological Bull., 1904, t, I, p. 4, 


elles ne pourront nous renseigner exactement sur 
la nature de la fécondation, ni sur les points si 
importants qui s’y rattachent. Il faudra, de toute 
nécessité, que l’on cherche à acquérir des idées plus 
exactes sur la physiologie des éléments sexuels et, 
en particulier, sur les transformations chimiques 
qui se font dans l’intérieur de l’ovule et dans les 
noyaux sexuels. Ces questions sont difficiles, im- 
possibles à résoudre de bien longtemps encore; 
mais il faut quand même les aborder, sans s’ef- 
frayer du peu de résultats que l’on obtiendra tout 
d’abord. C'est pour cela que nous tenons à signaler; 
ici, quelques essais qui sont en rapport avec ces 
idées. é 
Nous citerons d’abord une étude de Yves et 
Marcel Delage‘ sur les relations qui existent entre la 
constitution chimique des produits sexuels et celle 
des solutions capables de déterminer la parthéno- 
genèse, puis deux notes, l'une de Piéri?, l’autre 
de Winkler *, qui signalent la présence, dans le 
spermatozoïde, d’une sorte de ferment soluble, 
pouvant agir sur l’ovule lors de la fécondation et 
de la segmentation. C'est en secouant fortement, 
pendant un quart d'heure, des œufs d’Echinides 
dans un verre contenant de l’eau distillée que Piéri 
a obtenu un liquide sous l'influence duquel des œufs 
vierges se sont segmentés et ont atteint le stade 
morula. C'est également sur des œufs de Cælentérés 
(Sphærechinus granularis et Arbacia pustulosa) 
que Winkler a opéré. Dans une première série 
d'expériences, il met du sperme dans de l’eau dis- 
tillée, filtre au bout d'un quart d'heure et ajoute de 
l'eau de mer en remuant constamment; dans une 
seconde série, il ajoute, à de l’eau de mer, 20 °/, de 
sel, ce qui suffil pour tuer les spermatozoïdes. 
Dans les deux cas, il a vu un petit nombre d'œufs 
montrer des signes de segmentation, d’abord régu- 
lière ,pour les deux premiers clivages, ensuite irré- 
gulière. 

Ces essais sont évidemment purement empiriques 
et, par là même, soat sujets à des critiques assez 
sérieuses; mais ils ont l'avantage d'attirer l’atten- : 
tion des savants sur celte question. Déjà un phy- 
siologiste de profession, R. Dubois, a commencé 
des recherches plus ralionnelles sur le même sujet; 
dans une Note à la Société de Biologie ‘, il arrive 


1 Derace (Yves et Marcel) : Sur les relations entre la 
constitution chimique des produits sexuels et celle des solu- 
tions capables de déterminer la parthénogenèse. C. R. Ac. Sc., 
2% décembre 1900. 4 

 Prent (J.-B.) : Un nouveau ferment soluble : l’ovulase. 
Arch. Zool. expér., 1899, t. VII, notes p. xxIx. 

3 WikLer (Hans) : Ueber die Furchuog unbefruchteter 
Eier unter der Einwirkuug von Extraktivstoffen, aus dem 
Sperma. Wachr. K. Ges. Wiss., Gottingen Maln. phys. 
KI., 4900, 187-193; C. R. in Zool. Centrabl., 1900, t, VII, 
p. 551-552. 

4 Dunois (R.) : Sur la spermase et l'ovulase, C. R. Soc 
Biol., 3 mars 1900. 


G. LOISEL — REVUE ANNUELLE D'EMBRYOLOGIE 


1131 


également à admetlre, dans le spermatozoïde, 
l'existence d’une zymase et, dans l'œuf, celle d’une 
substance, au moins, qui serait modifiable par la 
zymase spermalique. 

Cela est à rapprocher du ferment diastasique que 
Muller et Masuyama ont découvert dans l'œuf de 
poule. Malheureusement, la question vient d'être 
reprise tout dernièrement par Loeb? et par 
Gies? sur les éléments sexuels d’Arbacia et, cette 
fois, elle a été résolue négativement. Loeb n’a ob- 
tenu aucun résultat en faisant agir quelques fer- 
ments variés sur l'œuf vierge ; de même, pour Gies, 
aucun fait bien observé ne montrerait l'existence 
d'une substance zymogène dans le spermatozoïde. 


2. Recherches sur la Fécondalion chez les Vé- 
gétaux. — Ces travaux nous conduiraient à parler 
des dernières recherches sur le clivage de l'œuf, 
puis des théories actuelles sur la fécondation; mais, 
auparavant, nous devons dire deux mots des dé- 
couvertes, si importantes, faites chez les végétaux, 
presque au même moment, par Nawaschin * et par 
Guignard”. Ces deux savants ont montré que les 
phénomènes qui se passaient lors dela fécondation, 
chez les Angiospermes, étaient plus complexes qu'on 
ne l'avait cru jusqu'ici. En effet, tandis qu'un des 
deux noyaux mâles du boyau pollinique se fu- 
sionne avec l’oosphère pour former l'œuf fécondé, 
l'autre noyau, généralement le dernier, s’unit avec 
le noyau secondaire du sac embryonnaire pour 
former le noyau de l’albumen. L'ensemble de la 
fécondation se composerait donc, chez ces végétaux, 
de deux phénomènes distincts : l’un qui donnerait 
naissance à l'embryon, l’autre qui formerait les 
substances de réserve destinées à la nourriture de 
cet embryon. 

Depuis, d'autres recherches faites par Guignard”, 


4 Mueer (J.) et Masuyaua (M.) : Ueber ein diastatisches 
Ferment im Hühnerei. Zeitschr. f. Biol., t. XXXIX, p. 541-559. 

? Logs (J.) : Experiments on artificial parthenogenesis in 
Annelids (Chætopterus) and the nature of the process of fer- 
tilization. Amer. Journ. of. Physiol., 4901, t. IV, p. 423-459, 
avec à fig. 

$ Gres (J.William) Do Spermatozoa contain enzime 
having the power of causing developpement of matura ova? 
Amer. Journ. of Physiol., 1901, t. VI, p. 53-76. 

4 Navascun (S.) : Resultate einer Revision der Befruch- 
luogsvorgänge bei Lilium Martagon und Fritillaria tenella. 
Bull. Ac. imp. Sc., Saint-Pétersbourg, 1898, t. IX, n° 4, 
p. 371-382. 

5 GuicnarD (L.) : Sur les Anthérozoïdes et la double co- 
pulation sexuelle, chez les végétaux angiospermes. Æev. 
gén. de Bot. (Bonnier), 1899,t. XI, p. 128-135, 1 pl. 

6 GuiGnanD : Sur l'appareil sexuel et la double féconda- 
tion chez les Tulipes. ©. R. Ac. Se., 1900, €. CXXX, p. 681-685. — 
L'appareil sexuel et la double fécondation dans les Tulipes. 
Ann. Sc. nat. (Bot.), 1900, t. XI, p. 365-387, avec 3 pl. — Nou- 
velles recherches sur la double fécondation chez les végé- 
tauxangios permes.C. A. Ac. Se.,1900,t. CXXXI, p.153-160. — 
La double fécondation dans le maïs. Journ.de Bot., 1901, t.XV. 
— La double fécondation dans le Naias major. 1d. 


par Ethel Thomas ‘, par Land *, par Ethel 
Sargant*, qui donne une bonne bibliographie de 
la question, et surtout les expériences de de 
Vries, dont nous parlerons plus loin, sont venues 
confirmer cette découverte et l’étendre à un grand 
nombre de plantes de genres ou de familles diffé- 
rents: Cependant, E. Strasburger‘, passant en 
revue et discutant toutes les recherches faites sur 
ce sujet, arrive à une conclusion quelque peu con- 
traire à celle de Nawaschin et de Guignard. Pour 
lui, la formation de l’endosperme ne serait pas 
nécessairement précédée de la fusion de deux 
noyaux, et, d’un autre côté, celte fusion pourrait 
se faire sans être nécessairement suivie de la for- 
mation de réserves nutritives. Ainsi, chez les Or- 
chidées, où, dès 1877, il aurait montré l'existence 
d'une double copulation de noyaux se faisant dans 
le sac embryonnaire, il ne se forme pas d'endo- 
sperme, et cette absence est due lout simplement, 
dit-il, à ce que l'embryon des Orchidées n'a pas 
besoin de substances de réserve pour se déve- 
lopper. 

D'un autre côté, Juel (cité par Guignard) a 
montré que, chez une plante parthénogénétique, 
l’Antennaria Alpina, Valbumen se forme sans qu'il 
y ait fusion préalable des noyaux polaires, et, pour 
Webber, chez le maïs, celte formation peut se 
faire avant la fécondation. 

Strasburger propose de séparer les deux ordres 
de phénomènes sous les noms d'imprégnation gé- 
néralive (union d'un des noyaux mâles avec l’oos- 
phère) et d'imprégnalion végétative (union du 
second noyau mâle avec un des noyaux polaires ou 
avec le noyau secondaire, ou encore fusion des 
deux noyaux polaires entre eux). Pour lui, le pre- 
mier phénomène serait de beaucoup le plus impor- 
tant, car il comporterait seul la transmission des 
propriétés héréditaires. Ces dernières conclusions 
sont certainement trop absolues, comme vont nous 
le montrer les expériences si intéressantes qui ont 
été faites sur l'hybridation du maïs. 

Il y a trois ans, en 1899, de Vries” eut l'idée 


1 Taouas (Ernez N.) : Double fertilization in a Dicoty- 
ledon, Caltha palustris. Ann.of Bot., 1900, t. XIV, p.527-535, 
avec 1 pl. 

2 LanD (W.-J.-G.) : Bol. Gaz., 1900, t. XXX, p. 252-260, avec 
2rpl: 

3 SanGanT (ErueL) : Recent Work on the Results of Fertili- 
zation in Angiosperms. Ann. of. Bot., 1900, t. XIV, p. 689-712. 

4 STHASBURGER (Edouard) Einige Bemerkungen zur 
Frage nach der « Doppelten Befruchtung » bei den Angio- 
spermen. Bot. Zeit., 1900, t. LVIII, 2e abth., p. 293-316. 

5 GuiGnarD : Loc. cil. 

5 Wegser (H.-J.) : Xenia, or the immediate effect of 
pollen, in Maize. U. S. Departement Agrieul. (Div. Veg. 
Phys. und Path.), Bullet. no 22, Washington, sept. 1900, 
11 pages et 4 pl. 

1 Vries (Hugo de) : Sur la fécondation hybride de l’en- 
dosperme chez le maïs. Rev. gén. de Bot.(Bonnier), 1900, 


1132 


de féconder un plant de maïs sucré avec du pollen 
de la variété ordinaire, à amidon. Il obtint ainsi de 
jeunes pieds qui donnèrent des épis à grains diffé- 
rents : les uns, opaques, renfermant de l’amidon, 
les autres, translucides, renfermant du suere. De 
Vries remarqua, en même temps, que chaque grain, 
dans lequel l’'endosperme présentait les caractères 
du parent mâle, renfermait un embryon hybride; 
par contre, ceux où l'endosperme montrait les ca- 
ractères du parent femelle renfermaient un embryon 
de race pure. 

Ces expériences, qui donnent la démonstralion 
très élégante du phénomène de xénmie !, ont été 
reprises sur d'autres variélés de maïs et confirmées 
par Webber (/oc. cit.). Ce savant fait remarquer, en 
outre, que le second noyau mâle peut probablement 
entrer dans le sac embryonnaire sans s'unir avec 
aucun noyau polaire. Dans ce cas, il peut se diviser 
isolément, de même que les noyaux polaires; alors, 
l’'endosperme renfermerait deux sortes d'éléments : 
les uns à caractères paternels, les autres à carac- 
tères maternels. 

Sans traiter cette année la question de l’hybri- 
dité, nous rappellerons un autre travail de Webber 
sur les hybrides de Citrus ?. Dans les graines 
polyembryonnaires qui sont le résultat de l'hybri- 
dation, Webber a vu qu'un seul de ces embryons 
montrait quelques traces de parent mâle, tandis 
que tous les autres ressemblaient au parent fe- 
melle. Il pense que l'hybride vrai dérive de l’oos- 
phère fécondé, et tous les autres, d'embryons 
adventifs formés dans le nucelle. Mais quelle est 
l'origine de ces embryons adventifs eux-mêmes ? 
C'est là un point d'autant plus inléressant à re- 
prendre qu'il a, peut-être, quelque analogie avec 
la polyspermie chez les animaux *. 

Dangeard * répond à cette question en donnant 
une nouvelle interprétation des phénomènes repro- 
ducteurs chez les Phanérogames. 

Pour ce botaniste, les huit cellules du sac em- 
bryonnaire auraient la valeur de gamètes femelles. 
Deux de ces gamètes, qu'il appelle mésodes, se 
fusionneraient pour former le noyau secondaire. 
Lors de la fécondation, ce dernier s'unirait à un 


&. XII, p. 129-137, avec 1 pl. — Sur la fécondation hybride de 
l'albumen. C. R. Ac. Se., 1899, t. CXXIX, p. 973-975. 

1 On sait que, sous ce nom, Focke a désigné, en 1881, 
l'influence exercée, par le pollen, sur les caractères héréditai- 
res du fruit ou de la graine, en même lemps que sur ceux 
de l'embryon. 

? Wesser (H.-J.) : Bot. Gaz., 1900, t. XXIX, p. 141. 

“ La polyspermie est encore une question que nous 
réservons pour plus tard. Nous signalerons cependant, à ce 
propos, un travail de Nicolas, qui vient de démontrer sa 
réalité chez l'orvet (Archiv d'Anat. micr. Paris, 1900, p. 457- 
589, avec 1 pl.). 

* DaxGearo (P.-A.) : Sur une nouvelle interprétation des 
phénomènes reproduteurs chez les Phanérogames. Congrès 
sociét. sav., Paris, 1900. C. R., p. 176. 


G. LOISEL — REVUE ANNUELLE D'EMBRYOLOGIE 


gamète mâle pour former un albumen, auquel Dan- 
geard attribue la valeur d’un embryon monstre; 
des gamètes femelles restant, l'un forme l'œuf, les 
autres (antipodes et synergides) constituent un 
supplément d’aliment pour l'embryon. 

Celte nouvelle interprétation permet de com- 
prendre le développement des synergides et des 
antipodes sans le concours d’un noyau mäle et sans 
parthénogenèse. 

Dans les expériences de mérogonie, un morceau 
d'œuf anucléé uni à un gamète mäle suffit pour 
fournir un embryon. Si la gamète mâle peut être 
fécondé par du cytoplasme femelle, rien n'empêche, 
il semble, dit Dangeard, qu'un gamèle femelle 
puisse être fécondé également par un fragment de 
cyloplasme mäle : ainsi s'explique peut-être l'exis- 
tence des embryons surnuméraires dans le Mimosa 
Denhardi, le Lilium Martagon, V'Allium odo- 
rum, etc. Ce seraient des cas d’antophagie réduite, 
de mérogamie. 


IL. — SUR LE CLIVAGE DE L'OVULE 
ET LA PARTIHÉNOGENÈSE ARTIFICIELLE. 


Dans un important Mémoire paru il y a deux 
ans, O. Schultze * a repris cette question déjà 
vieille de savoir quand apparait la symétrie bilaté- 
rale chez l'embryon de Æana fusca. 

Ses conclusions sont qu'il n'y a pas de période 
fixe pour l'apparilion de celte symétrie : elle peut 
exister dans l'œuf non fécondé (bien que cela ne 
soit pas absolument certain); elle peut apparaitre 
au moment où commence la segmentation, pendant 
sa durée, ou, seulement, quand apparaît la ligne 
primilive. 

Le point d'entrée du spermatozoïde dans l'œuf 
est généralement opposé au futur blastopore. 

La traînée de pigment formée par le passage du 
spermatozoïde occupe souvent approximativement 
le plan de symétrie, mais des dévialions sont fré- 
quentes, et il n’est nullement évident qne ce plan 
soit déterminé par le spermalozoïde. 

En général, le premier sillon de segmentation 
coïncide avec le plan médian de l'animal futur. 
Cependant, ce n’est pas là une règle absolue, comme 
le veut Roux, et des embryons normaux peuvent 
provenir d'œufs dans lesquels le premier sillon de 
segmentalion n'avait pas correspondu au plan de 
symétrie. 

Tout ce qu'on peut dire, écrit Schultze, c'est que, 
dans beaucoup de cas, la segmentation consiste en 


£ Scnurze (0.) : Ueber das erste Auftreten der bilatera- 
len Symmetrie im Verlauf der Entwicklung. Arch. f. mikr. 
Anat., 1900, t. LV, p. 171-201, avec 2 pl. et 2 fig. — Die bila- 
terale Symmetrie des Amphibieneies, Verhandl. der Anate 
Gesellsch., mai 1899, p. 23-29. 


Le 


G. LOISEL — REVUE ANNUELLE D'EMBRYOLOGIE 


un groupement symétrique de cellules, se faisant 
autour du plan médian de l'organisme en dévelop- 
pement. Mais c’est loin d'être une loi absolue, et il 
est toujours impossible de déterminer, par avance, 
quelles seront les relations entre le plan de fécon- 
dation ou le plan de premier clivage et la symétrie 
de l'organisme futur. 

Dans un travail que l'on trouve à la suite du pre- 
mier, Schullze‘ reprend cette autre question de 
savoir si la liberté de l’œuf de grenouille, dans 
son enveloppe, est une condition essentielle du dé- 
veloppement. Deux méthodes peuvent être em- 
ployées pour cela : 4° celle de Pflüger, qui consiste 
à féconder l'ovule dans une simple goutte d’eau 
spermatisée, de manière que l'enveloppe d'albumine 
grossisse très peu, et à suivre le développement dans 
une chambre humide; 2° celle de Roux, qui place 
l'œuf fécondé entre deux lames de verre, soumises 
à une pression suffisante pour empêcher le mouve- 
ment libre de l'œuf à l'intérieur de ses enveloppes. 

Les deux méthodes ont donné à Schultze les 
mêmes résultats. Il a vu que l'œuf mourait promp- 
tement quand il ne pouvait suivre les lois de la 
pesanteur, dans le cours de son développement. 
Placez le pôle animal en bas, l'œuf peut atteindre la 
fin de la gastrulation, mais jamais former un sillon 
médullaire. Le tube nerveux ne peut donc se déve- 
lopper dans l'hémisphère incolore de l'œuf. 

À côté de cesexpériences, nous rappellerons celles 
de Hertwig ?, qui a éludié l'influence &e la force 
centrifuge sur le développement de l'œuf de gre- 
nouille (Æana fusca). À un certain degré (déterminé 
expérimentalement), cette force produit une sépa- 
ration plus nette entre les substances légères et 
lourdes de l'œuf; il en résulte que le clivage se fait 
seulement au pôle animal de l’ovule. De plus, dans 
le cours de la segmentation, l’œuf prend un carac- 
tère tout à fait particulier, qui conduit directement 
au type méroblastique. Ainsi, une portion indivise, 
contenant le vitellus, occupe la moilié des deux tiers 
de l'œuf, le reste étant formé par un blastoderme 
avec un blastocæle. La ressemblance est encore 
augmentée par la formation d’une couche spéciale 
de mérocytes (noyaux vitellins), au-dessous du blas- 
toderme. 

Du reste, si l'œuf est retiré en temps convenable 
de ces conditions parliculières, il peut reprendre 
le cours normal de son développement et donner 
un embryon parfaitement conformé. 

Les divers facteurs qui agissent sur le clivage 


1 ScuuLrzE (0.) : Ueber die Nothwendigkeit der freien 
Entwicklung der Embryo. Arch. f. mikr. Anat., 1900, t. LV, 
p. 202-230, avec 1 pl. et 6 fig. 

2 HernwiG (0.) : Beiträge zur experimentellen Morpholo- 
gie und Entwicklungsgeschichte. Arch. f. mikr. Anat., 1899, 
t. LIT, p. 415-444, avec 2 pl. 


1133 


de l'œuf continuent à être le sujet d’études des 
embryologistes. Nous citerons, d’abord, l'effet des 
gaz, éludié par Samassa ! : sur les œufs de gre- 
nouille, l'hydrogène a une influence plus délétère 
que l'azote; alors que ces deux gaz tuent les œufs 
d'Ascaris, la présence ou l'absence d'oxygène ne 
parait pas influencer le clivage des œufs de gre- 
nouille pendant les quatre premiers jours; au con- 
traire, pour les œufs d'Ascaris, l'oxygène pur em- 
pêche le développement; une pression de deux 
atmosphères et demie l’arrèle et tue l'œuf vers le 
onzième jour. 

Ce sont, ensuite, les observations de O. Schultze’, 
qui montrent qu'un froid continu de 0° ralentit 
beaucoup le développement de l'œuf, sans l'arrêter 
complètement cependant; puis celles de Bataillon”, 
qui modifie la marche de la segmentation en modi- 
fiant la pression osmotique des milieux où sont 
placés les œufs; celles de Häcker”, qui voit, dans 
l'œuf de Cyclops, les cinèses cellulaires se trans- 
former en amilose, sous l'influence d’une solution 
d'éther à 5 °/, agissant sur l'œuf pendant deux à 
trois heures. Nous citerons encore des essais assez 
curieux, qui montrent la possibilité de faire déve- 
lopper, en partie du moins, un ovule fécondé de 
poule, privé de son albumen, et transporté dans un 
albumen de canard. 

Mais, depuis quelques années, c'est surtout à 
l'œuf non fécondé que s'adressent les expérimen- 
tateurs. Nous ne pouvons guère que citer ici les 
travaux de Læb”, sur l'action du chlorure de 
magnésium, repris et confirmés encore tout récem- 
ment par Wilson ‘, qui s'est adressé à des œufs 
anucléés en même temps qu'à des œufs entiers; 
ceux de Morgan”, et de Giard*, sur l’action de diffé- 


1 Samassa (P.) : Verh. Nat. Med. Ver. Heidelberg, 1898; 
t. VI, p. 1-16. 

2 ScuucrZE (0.) : Ueber die Einwirkung niederer Tempe- 
ratur auf die Entwicklung der Frosches. Anal. Anz., 1899, 
t. XVI, p. 144-152. 

3 BaraiLLoN (E.) : La pression osmolique et les grands 
problèmes de la Biologie. Archiv f. Entwickelungsmech. 
der Organismen, 1901, t. XI, p. 149-18%, avec 1 pl. 

4 Hacker (VaL.): Mitosen im Gefolge Amitosen-ähnlicher 
Vorgänge. Anal. Anz., 1900, &. XVIL, p. 9-20, avec 6 fig. 

5 Loge (J.) : Further experiments on artificial Partheno- 
genesis and the nature of the process of fertilization. Am. 
Journ. of Physiol., 1900, t. IV, p. 118-184. — On the artificial 
production of normal larvae... Ann. Journ. of Physiol., 
avril 1900. 

8 Wicson (E.-B.) : Experimental Studies in Cytology. 
I. A cytological Study of Artificial Parthenogenesis in Sea- 
Urchin Eggs. Arch. f. Entwickelungsmech., 1901, t. XII, 
p- 529-596, avec 7 pl. et 12 fig. 

7 MorGan (T.-H.) : The action of salt-solutions on the 
upfertilized and fertilized Eggs of Anbacia and of other 
Animals. Archiv f. Entwickelungsmech., 4899, t. VII, 
p. 448-536. 

8 Grarn (A.) : Développement des œufs d'Echinodermes 
sous l'influence d'actions kinétiques anormales (solutions 
salines et hybridation). C. ZÆ. Soc. Biol. :de: Paris, 
12 mai 1900. ë 


1134 


rentes solutions salées; ceux de Bataillon ‘, con- 
firmés en partie par les recherches de M®° Rondeau- 
Luzeau ?, qui fait jouer un rôle très considérable à 
la pression osmolique, dans tous les cas où l'on 
traite des œufs, fécondés ou non, par des solutions 
équiosmotiques de sels ou de sucre. 

Nous citerons, enfin, les travaux de Herbst*, qui 
étudie le rôle des substances inorganiques néces- 
saires au développement des larves d’oursin, et les 
essais de Herneguy ‘ sur des œufs vierges de 
grenouilles soumis à l'action de diverses substances. 
Ces œufs se sont segmentés; mais, dans aucun des 
blastomères ainsi formés, Henneguy n’a pu trouver 
denoyaux.Aussi conclut-il que, danssesexpériences, 
« il ne s’agit que d'une fragmentation du vitellus, 
non accompagnée de multiplication de noyaux, et 
simulant une véritable segmentation. » 


III. — THÉORIES NOUVELLES DE LA FÉCONDATION. 


Ces expériences, de même que celles dont nous 
avons parlé plus haut, ont conduit naturellement 
les auteurs à rechercher quel était le rôle du sper- 
matozoïde dans la fécondation. 

A la suite de ses premières expériences, Lœb * 
avait conclu trop hâtivement que le spermatozoïde 
agissait en introduisant, dans l'œuf, cerlains ions 
métalliques ÿ. Devant les critiques faites à celte idée 
par Bataillon”, Giard, Yves et Marcel Delage #, 
Viguier ”, etc., et aussi à la suite de nouvelles 
expériences, Læœb !° a modifié depuis sa théorie. 
Il admet maintenant, comme Bataillon, que les 
solutions capables de produire le développement 


4 BaraïLLON (E.) : La segmentation parthénogénétique 
expérimentale chez les Amphibiens et les Poissons. C. R. 
Acad. Sc. de Paris, 9 juillet 4900. 

? Ronpeau-Luzeau (Mme) : Action des solutions isotoni- 
ques de chlorures et de sucre sur les œufs de Æana fusca. 
C. R. Soc. Biol. de Paris, 21 avril 1904. 

% Hergsr (C.) : Uber die zur Entwickelung der Seeigellarven 
nothwendigen anorganischen Stolfe, ibre Roll und ihre Ver- 
tretbarkeit. Arch. f. Entwickelungsmech., 1901, t. XI. 

* HexneGuy (F.) : Essais de parthénogenèse expérimentale 
sur les œufs de grenouille. C.R. Soc. Biol. Paris, 30 mars 1901 
et Assoc. des Anal., Lyon, 1901, p. 24-27. 

# Amer. Journ. of Physiol., 1899. 

“ D'après Arrhenius et Ostwald, les corps dissons dans 
l'eau seraient{toujours décomposés en élémentshypothétiques, 
les ions. Si l’on fait passer un courant électrique dans une 
solution, une partie des ions (cathion), représentant le métal 
des sels et des bases ou l'hydrogène des acides, se porterait 
à l'électrode négative; l'autre partie, c'est-à-dire le reste de 
la combinaison (anion), se dégagerait à l'électrode positive. 

1 BaAraILLoN (E.) La segmentation parthénogénétique 
expérimentale chez les Amphibiens et les Poissons. C. A. 
Ac. Se., Paris, 9 juillet 1900. 

Locle 

® Vicuier : Hermaphroditisme et parthénogenèse chez 
les oursins. C. R. Ac. Se. de Paris, 2 juillet 1900. — La 
théorie de la fertilisation chimique des œufs de M. Lœb. 
Id., 9 juillet 4900. 

 Lose : Artificial Parthenogenesis in Annelids (Chætop- 
terus). Science, August 1900. 


G. LOISEL — REVUE ANNUELLE D’EMBRYOLOGIE 


de l’œuf agissent par pression osmotique en sous- 
trayant de l’eau de l’ovule. Il peut se faire aussi, 
dit-il, que la perte d’eau altère les processus chi- 
miques de l’œuf, de façon à donner naissance à la 
formation d’une subtance qui agirait catalytique- 
ment en accélérant le processus de la segmen- 
talion. Ce serait ainsi qu'agirait le spermatozoïde 
dans la fécondation normale; il aurait pour rôle de 
charrier à l'œuf des substances catalytiques !, telles 
par exemple que les ions de polassium, spécifiques 
pour l'œuf du Chætoptère. 

L'année dernière, Giard ?, reprenant les expé- 
riences de Lœb, arrivait à cette conclusion que 
l’excitalion de l'œuf déterminée par les solutions 
salines serait due principalement à l’action déshy- 
dralante des sels sur les plasmas ovulaires et à 
l'hydratation subséquente lorsque l'œuf est remis 
dans l’eau de mer pure. Ce sont ces idées, dont 
nous trouvons la première manifestation en 1894*, 
que Bataillon et Delage ont reprises et complétées 
hypothéliquement pour les étendre au rôle du sper- 
matozoïde dans la fécondation. 

Bataillon * laissant de côté, comme Lœb et 
Giard, la valeur propre de l'élément mâle en tant 
que substratum de l'hérédité et ne considérant 
qu'une condition physique du développement, pro- 
pose cette théorie : « L’œuf mûr posséderait, dit-il, 
un excès de pression osmotique, dû à la non-élimi- 
nation ou à l'élimination incomplète des globules 
polaires et des fluides qui les accompagnent. La 
fécondation interviendrait alors pour rétablir un 
certain équilibre, comme la déshydratation dans les 
expériences de parthénogenèse expérimentale; le 
spermatozoïde aurait donc pour rôle de restituer à 
l'œuf une certaine hypertonie en déshydratant son 
proloplasma. » 

C'est ce même rôle déshydratant que Delage 
attribue au spermatozoïde. Pour cet auteur, l'ovule 
serait fécondable seulement lorsque son sue 
nucléaire aurait diffusé dans le cytoplasme, c'est-à- 
dire au moment même où se prépare le rejet des 
globules polaires ; il y aurait donc, dit-il, une ma- 
turation protoplasmique. La diffusion du suc nu- 


5 


1 Ostwald appelle ainsi des substances accélérantes de 
processus chimiques qui pourraient se faire sans elles, mais : 
beaucoup plus lentement. 

? Grarp (A.) : Sur la pseudogamie osmotique (tonogamie). 
C. R. Soc. Biol., Paris, 5 janv. 1901. 

3 À. Grarn : L'anhydrobiose ou ralentissement des phéno- 
mèpes vitaux sous l'influence de la déshydratation progres- 
sive. Compt. rend. soc. Biol. Paris, 16 juin 1894. 

# BaralLLoN (E.) : Etudes expérimentales sur l'Evolution 
des Amphibiens. — Les degrés de maturation de l'œuf et la 
Morphogenèse. Arch. f. Entwickelungsmech., 1904, t. XII, 
p. 610-655, avec 31 fig. 

ü DeLace (Y.) : Sur les théories de la fécondation, Rev. 
aénér. des Sc. pures et appliq., 18 oct. 1901. — Sur la ma- 
turation cytoplasmique et sur le déterminisme de la par- 
thénogenèse expérimentale. C.R. Acad.Sc., 1904, t, GXXXIH, 
p. 346-349. 


G. LOISEL — REVUE ANNUELLE D'EMBRYOLOGIE 


cléaire serait nécessaire peut-être pour empêcher 
l’œuf de se développer parthénogénétiquement, mais 
sûrement pour fournir au pronucléus mâle l'eau 
nécessaire à son évolution dans l'œuf. En dehors de 
son rôle amphimixique, qui assure à l'être nouveau 
les avantages d’une double lignée ancestrale, le 
spermatozoïde agirait donc encore comme un 
déterminant de l’'embryogenèse de cet être; celte 
action n'aurait plus rien de mystérieux, puisqu'elle 
serait celle d’une solution hypertonique déshy- 
dratant le protoplasma. 

En somme, ce qui ressort le mieux de toutes ces 
études, c'est que l’'embryogénie d'un être doit avoir 
pour point de départ une série d’hydratations et de 
déshydratationssuccessives du eytoplasme ovulaire. 
D'autres déterminants peuvent et doivent exister 
sans aucun doute, mais celui-ci est actuellement le 
seul à peu près démontré. Et, quant à aller jusqu'à 
employer, avec certains auteurs, les expressions de 
fertilisation chimique, d'embryons au sel, d'em- 
bryons au sucre, d'embryons lithiques, ete., nous 
pensons, avec Bataillon, que cela ne signifie pas 
grand'chose, car toutes les actions obtenues dans 
ces expériences fondamentales ne montrent vrai- 
ment rien de spécifique. C'est ainsi, par exemple, 
que des solutions sucrées ont donné à Bataillon, 
sur l'œuf de grenouille, la même gastrula atypique 
que celle obtenue par Gurwitsch avec le chlorure 
de lithium. 

Ces faits et d'autres encore, tels que les résultats 
contradictoires obtenus par Morgan, Delage et 
Wilson !,montrent qu'il ne faut pas abandonner trop 
vite le laboratoire pour venir s'isoler dans le cabinet 
de travail. « Il est dangereux, dans les sciences, de 
conclure trop vite », disait un ancien professeur de 
la Sorbonne, Gratiolet. « Quand on raisonne d'après 
un nombre insuffisant d'observations, il est facile, 
avec un peu d'esprit, d'imaginer quelque système 
auquel ces observations s'accordent; ce sont là 
jeux de finesse et de patience qui peuvent séduire 
l'imagination, mais qu'une saine méthode ré- 
prouve. » 

Quoi qu'il en soit, les recherches dont nous 
venons de rendre compte ont soulevé quelque peu 
le voile qui recouvre encore le phénomène de la 
fécondation; elles ont ouvert une voie nouvelle aux 
travailleurs de laboratoire aussi bien qu'aux pen- 
seurs, et, par ce qu'elle a donné jusqu'ici, cette voie 
parait devoir être excessivement féconde dans 
l'avenir. 


1 En 1895, Morgan trouvait qu'un fragment d'œuf sans 
noyau, fécondé par un seul spermatozoïde, se divisait en pré- 
sentant seulement la moitié du nombre normal de chromo- 
somes. En 1898, Delage voyait, au contraire, des morceaux 
d'œufs anucléés présenter le nombre entier de chromosomes. 
Or, cette année même, Wilson trouve des faits qui concor- 


1135 


IV. — INDIVIDUALITÉ DES ÉLÉMENTS SEXUELS CONTI- 
NUANT A SE MANIFESTER PENDANT LE CLIVAGE. 


En 1891, Boveri émettait cette hypothèse que, 
dans toutes les cellules qui dérivait d’un œuf 
fécondé, la moitié des chromosomes conserve 
toujours les caractères maternels et l'autre moitié 
les caractères paternels. L'année suivante, Hacker’, 
puis Rückert*, en 1895, venaient confirmer cette vue, 
si originale, en montrant que les noyaux germi- 
natifs du Cyclops ne se fusionnent pas lors de la 
fécondation, et gardent même leur individualité 
respective pendant une période considérable du 
clivage de l'œuf. Quelque temps après, en 18%, 
Herla*, puis Zoja*, en 1895, observaient les mêmes 
faits jusqu'au stade 12 de la segmentation de l'œuf 
d'Ascaris. Enfin, cette année même, G. Con- 
klin vient apporter une nouvelle preuve à l’hy- 
pothèse de Boveri. Il voil, en effet, chez la Crepidula 
plana, les noyaux des blastomères montrer une 
cloison de séparation qui les divise en deux par- 
ties distinctes contenant chacune un nucléole. C’est 
surtout au moment de la lélophase de chaque 
division que celte cloison s'observe neltement; 
mais, dans quelques cellules, on peut la voir aussi 
pendant la prophase et même pendant la période 
de repos. 

Il n'est évidemment pas possible d'affirmer que 
ces noyaux bipartis représentent la continuation 
des individualités mâle et femelle distinctes l’une 
de l’autre. Conklin le croit cependant pour plu- 
sieurs raisons, dont voici les principales : 

Lors du premier clivage de l'œuf fécondé, les 
noyaux germinatifs ne fusionnent pas; ils restent 
nettement distincts pendant la plus grande partie 
de la cinèse, ou, plutôt, leur ensemble forme un 
noyau double dont la partie supérieure est d'ori- 
gine ovulaire et la partie inférieure d’origine sper- 
malique. 

Pendant les clivages suivants, et cela jusqu'au 
stade de 29 blastomères au moins, le faisceau 
central des cinèses apparaît toujours dans le sillon 


dent avec ceux de Morgan; les œufs vierges d'oursin qu'il 
soumet au chlorure de magnésium ne se divisent plus, en 
effet, qu'avec 18 chromosomes, au lieu de 36. 

1 Hacker (V.) : Die Eibildung bei Cyclops und Canthoca- 
motus, Zool. Jahrb., 1892, t. V. 

2 Ruckerrt (J.) : Ueber das Selbstandigbleiben der vaterlichen 
und mutterlichen Kernsubstanz während der ersten Entwick- 
lung der befruchteten Cyclops-Eien. Archiv {ür mikr. Anal. 
1895, t. XIV. 

8 Her La (V.) : Etudes des variations de la mitose chez l'Asca- 
ride negalocéphale, Archiv. Biol., 1893, t. XIIT. 

4704 (R).: Sulla independanza della cromatina paterna e 
materna nel nucleo delle cellule embryonale., Anat. Anz., 
1895, t. XI. 

5 Coxxin (E.-G.): The individuality of the germ nuclei 
during the cleavage of the egg of Crepidula. Biolsgical Bull.; 
1901, t. IT, p. 257-265, avec 16 fig. 


1136 


G. LOISEL — REVUE ANNUELLE D'EMBRYOLOGIE 


de séparation des doubles noyaux. Cela semble 
bien indiquer que les deux parlies distinctes, 
observées dans les noyaux doubles filles, dérivent 
directement des parlies correspondantes du noyau 
mère. 

Ces observalions, quelque importantes qu'elles 
soient, ne permettent pas encore de transformer 
l'hypothèse de Boveri en loi. Elles doivent attirer 
seulement l'attention des embryologistes pour voir 
si l’on peut retrouver les mêmes faits partout, dans 
toutes les séries des êtres vivants. C'est la même 
réflexion que nous ferons à propos d’une Note très 
détaillée de Beard! sur la continuité morpholo- 
gique des cellules germinatives dans le dévelop- 
pement embryonnaire. 

Nous attendrons la publication complète du 
Mémoire de Beard pour en parler avec détails. 
Disons seulement que l’auteur semble apporter ici 
des preuves sérieuses de la continuité du plasma 
serminatif (théories de Jæger, Nussbaum et Weiss- 
mann). Il a vu, en effet, l'œuf fécondé de Raja se 
diviser en pelites et en grosses cellules. Les pre- 
mieres se multiplient activement pour former le 
Corps du poisson; les secondes, d’abord inactives, 
sont incluses au milieu des premières et forment le 
lesticule ou l'ovaire: quelques-unes de ces cellules 
germinatives embryonnaires peuvent s'égarer et, 
au lieu de se réunir au complexus génital, peuvent 
elln se loger dans n'importe quel tissu somatique ; 
d'où, pour Beard, l'origine de certains kystes der- 
moïdes et des inclusions fœtales. 


V. — LES DÉRIVÉS DES FENTES BRANCHIALES. 


Depuis 1895, époque à laquelle Jacoby ? donna 
un résumé critique de cette question, un certain 
nombre de travaux sont venus essayer de combler 
les points laissés encore en litige. 

Si l’on considère ces travaux dans leur ensemble, 
nous pouvons tout d’abord, avec Maurer*, grouper 
les dérivés des fentes branchiales de la facon sui- 
vante : 

ES Ceux que l’on rencontre chez tous les Ver- 
tébrés et qui coexistent avec un appareil viscéral 
fonctionnant (Poissons et jeunes Batraciens); ce 
sont : le corps thyroïde proprement dit (lobe mé- 
dian), les corps post-branchiaux ou iobes latéraux 
du corps thyroïde et le thymus ; 

2° Ceux qui se forment seulement chez les Ver- 


{ BEARD (J.) : The morphological inui 
U .() : e g continuity of the 
germ-cells in Raja batis. Anal. Anz., 1900 €. XVIII D. 465-485. 
Æ tu 1) Historisch-kritische Betrachtungen über 
1e Entwickelung der Ki arm-Deri 1 
PR 8 der Kiemendarm-Derivate. Inaug. Diss. 
* Maure (F.) : Die Schilddrüse, Th 
4 î Ê se, yus und andere 
Schlundspaltenderivate bei der Eidechse. Morph. Jahrb. 
1899, t. XX VII, p. 119-172 avec 3 pl. et 4 fig. 


tébrés à respiration aérienne (Batraciens adultes, 
Sauropsidés et Mammifères). Ces dérivés appa=" 
raissent après la transformation du mode respira= 
toire et représentent des vestiges de l'appareil 
branchial; ce sont les glandes carotides et les 
corpuseules ou nodules épithéliaux, appelés 
encore glandules thyroïdiennes. 

A. Le corps thyroide des Vertébrés adultes 
est décrit par les auteurs comme étant un com- 
plexus de trois organes qui présentent chacun une 
origine distincte : a) un organe médian (/Ayroïde 
médiane ou corps thyroïde proprement dit), qui 
dérive d’une évagination impaire et médiane du … 
plancher de la bouche; b) deux organes latéraux, 
qui proviennent directement (#Lyroïdes latérales) 
ou immédiatement (corps post-branchiaux) de la 
quatrième fente branchiale *. à 

Chez les Vertébrés inférieurs et chez les 
Oiseaux, ces trois formations restent toujours com- 
plètement distinctes les unes des autres. Il en est 
de même chez l'Echidné, où Maurer * a vu les pre- 
mières fentes s'ouvrir pendant quelque temps, et, à 
un moindre degré, chez la musaraigne (Nicolas) et 
chez le campagnol (Roud). 

Chez les Mammifères supérieurs, la thyroïde 
médiane bourgeonne de plus en plus par le bas 
pour aller se fusionner avec les deux bourgeons 
latéraux qui restent toujours très petits; chez 
l'homme (Tourneux et Verdun‘), elle apparait 
chez l'embryon long de 3 millimètres, et s'isole du 
plancher de la bouche à partir de 6 millimètres; 
d’abord massive, cette formation épithéliale se 
transforme en un réseau de cordons pleins anasto- 
mosés, chez l'embryon long de 14 millimètres. Pour 
ces auteurs, de même que pour Simon ‘, les thy- 
roïdes latérales prennent part, quoique dans une 
faible mesure, à la formation de la thyroïde adulte. 
Pour d'autres embryologistes, au contraire, les 
thyroïdes latérales ne participeraient pas réelle- 
ment à la constitution définitive du corps thyroïde; 
elles disparaîtraient complètement, ou bien persis- 
leraient, sous la forme de kystes ou de vésicules 
épithéliales, donnant parfois l'aspect, sur les 
coupes, d'un canal central de la thyroïde (Nicolas*, 


1 Chez les Vertébrés inférieurs, les corps post-branchiaux 
sont encore décrits sous le nom de corps supra-péricardi- 

ues. 

: 2 Maurer (F.) : Die Schlundspalten-Derivate von Echidna. 
Anat. Anz. Verhandl. der Anat. Gessellsch., 1899, t. XVI, 
p. 88-101 avec 10 fig. 

3% Tounneux (F.) et VerouN (P.) : Sur les premiers déve- 
loppements de la thyroïde, du thymus et des glandules 
parathyroïdiennes chez l'homme. Journ, Anat. et Physiol., 
1897, t. XXXIII, p. 305-325, avec 3 pl. 

* Simon : Thyroïde latérale et glandule thyroïdienne chez 
les Mammifères. Thèse de Nancy, 1896. À } 

# Nicoras : Recherches sur les vésicules à épithélium cilié 
annexées aux dérivés branchiaux, avec quelques remarques 


G. LOISEL — REVUE ANNUELLE D EMBRYOLOGIE 


1137 


Kohn ‘, Soulié et Verdun ?, Verdun * et Roud”). 

B. Le {hymus se forme, chez les Poissons, par la 
fusion de 5 (Téléostéens) ou 7 (Sélaciens) nodules 
épithéliaux, qui dérivent, chacun, de la partie dor- 
sale d’une fente branchiale correspondante”. Chez 
les Urodèles, on retrouve encore la même origine, 
mais les trois dernières ébauches persistent seules 
pour former le thymus adulte. Chez les Anoures, 
Maurer, puis Bolau° ont vu que la deuxième fente 
seule servait à former le thymus, mais qu'on pou- 
vait rencontrer aussi lrois ou qualre ébauches pla- 
cées en ligne droile les unes à la suite des autres. 

Chez les lézards, on trouve ? un état intermé- 
diaire entre ce qui existe chez les Ichtyopsidés 
et les Vertébrés supérieurs. Comme chez les pre- 
miers, il se forme d’abord trois thymus, provenant 
respectivement des trois premières fentes. De ces 
trois thymus, l'antérieur disparait bientôt, les deux 
autres persislent, rappelant, ce qui existe chez les 
Anamniotes; mais c'est le troisième qui prend le 
plus grand développement, surtout du côté ven- 
tral,‘ce qui nous conduit directement au grand 
thymus ventral des Mammifères. En somme, si le 
thymus antérieur du lézard correspond entière- 
ment au thymus antérieur des Ichthyopsidés, son 
thymus postérieur ne correspond au thymus pos- 
térieur des Ichthyopsidés que dans sa portion dor- 
sale; sa parlie ventrale est une formation nouvelle, 
qui apparait chez le lézard pour la première fois, 
et qui va prendre son complet développement chez 
les Mammifères. 

Chez l'homme, le thymus débute sous la 
forme de deux tubes (canaux thymiques), qui pro- 
longent, directement en bas, les troisièmes poches 
branchiales. Ces canaux se détachent du pharynx 
chez un embryon long de 14 millimètres, puis leur 


sur les glandules parathyroïdes. 
1896, p. 171-183, avec 6 fig. 

1 Koun (A.): Studien uber die Schilddrüse. I]. 
mikr. Anal, 1897, t. XLVIII, p. 398-429, avec 1 pl. 

? Souuté (A.) et Veroux (P.) : Sur les premiers développe- 
ments de la glande thyroïde, du thymus et des glandules 
satellites de la thyroïde chez le lapin et chez la taupe. 
Jourh. Anat. et Physiol., 1897, t. XXXIII, p. 604-633, avec 
pl. et 15 reconstructions. 

? Verpux (P.) : Evolution de la 4° poche branchiale etdela 
thyroïde latérale:chez le chat. Id., 1898, t. XXXIV, p. 265-304, 
avec 1 pl. et 12 fig. 

‘4 Roup (A.) : Contribution à l'étude de l'origine et de l'évo- 
lution de la thyroïde latérale et du thymus chez le campa- 
gnol. Bull. Soc. vaud, des Sc. nat., 1900, t. XXXVI, p. 239-300 
avec 5 pl. 

5 Chez la raie, Beard décrit un thymus rudimentaire qui 
prendrait naissance sur le spiracle. C'est ce corps que van 
Bemmelen avait décrit, en 1885, sous le nom de « follicule 
vésiculèire ventral du spiracle ». — A Thymus-Element of 
the SRnte in Raja. Anat, Anz., 1900, t. XVIII, p. 359-363. 

® Bozau (H.): Glandula thyreoidea und g gli indula thy nus der 
Amphibien. Zool. Jahrb., 1899, t. XII, p. “657-740 avec 11 fig. 

7 Maurer (F°): Anat. Auz. , Verhaudl. Anat. Ges., XIe Vers, 
1898, €. XIV, p. 256-61. ” 

* 8 F, Toureux et P. VERDUN : 


Bibliogr. Anat, Nancy, 


Arch. f. 


Loc. cit. 


extrémité inférieure bourgeonne en bas et en 
dedans. Bientôt, les canaux thymiques se transfor- 
ment en cordons épilhéliaux pleins, qui se fusion- 
nent entre eux dans le courant du troisième mois. 
Enfin, chez un embryon long de 29 millimètres, 
on voit ces cordons fragmentés en lobes distincts 
par suite de la prolifération des tissus conjonctivo- 
vasculaires ambiants. 

Tous ces travaux concordent pour nous montrer 
que le thymus des Mammifères est une formalion 
ventrale nouvelle, qui provient uniquement de la 
troisième fente*. 

Pour Roud, les différences entre le thymus ven- 
tral des Mammifères et celui des autres Vertébrés 
seraient beaucoup plus grandes. D'après cet auteur, 
le thymus des Vertébrés inférieurs serait repré- 
senté, chez les Mammifères, par une double série 
de nodules épithéliaux dorsaux, qui proviendraient 
également du fond des poches branchiales. Quant 
au véritable thymus des Mammifères, il dériverait, 
non plus de l’endoderme, mais d'un diverticule 
ectodermique qui, en s’enfoncant, irait s'accoler à 
l'extrémité de la troisième poche, mais sans com- 
muniquer avec elle. Dans cette idée, il n'y aurait 
donc plus d'homologation possible entre le thymus 
des Mammifères 'et celui des Vertébrés inférieurs. 

A côté de ces travaux purement morphologiques, 
nous trouvons à signaler des travaux d'histogenèse 
qui viennent compléter heureusement l'histoire du 
thymus. Malheureusement, nous n'’allons plus trou- 
ver, là, le même accord chez les auteurs. 

Depuis l'époque ou Külliker montra, pour la pre- 
mière fois, que le thymus provenait de la prolifé- 
ration de l'épithélium d'une poche branchiale, 
deux opinions ont apparu en ce qui concerne la 
constitution définitive de l'organe. 

Dans son ensemble, le thymus adulte paraît : 
formé d’un réticulum conjonctif contenant des 
leucocyles, des vaisseaux sanguins et des corpus- 
cules de Hassal *. Or, pour Külliker, les leucocytes 
proviennent de la transformation des cellules épi- 
théliales; pour His et Stieda, au contraire, les 
leucocytes du thymus sont des éléments immigrés, 
venant du mésoblaste où ils se sont formés. 

Les recherches que le D' Beard a poursuivies 
depuis 1894 chez les Poissons *, sont venues con- 
firmer l’opinion de Külliker en même temps qu'elles 
ouvrent un jour nouveau sur les fonctions du 
thymus. 
l'homme proviendrait aussi de la quatrième. — Ueber das 
Vorkommen eines Thymussegmentes der vierten Kiemen- 
tasche beïm Menschen. Anat. Anz., 1900,t. XVII, p. 161-170, 
avec 5 fig. | 

2 Bocau: Loc. cit. 

8 BeanD (J.) : The Developpement and probable Function 


of the Thymus. Anat. Anz.; 1894, {. IX, p. 416-486; voir 
également : The Lancet, 1899, t. XXI, p. 11. 


1138 


G. LOISEL — REVUE ANNUELLE D'EMBRYOLOGIE - 


A l'époque où les leucocytes apparaissent dans 
le corps de l'embryon, il n'y a de formé, dit Beard, 
nirate, ni glande rectale, ni aucune sorte de struc- 
ture lymphoïde. Seul, le thymus est déjà en voie 
de développement et ses éléments épithéliaux se 
transforment en leucocytes. Celte transformation 
se faisant de plus en plus activement, il arrive un 
moment (embryons de /?aja batis longs de 28 milli- 
mètres et au-dessus) où les bords du thymus se 
brisent en certains endroits. « Alors, écrit le 
D' Beard, poussés par leurs instincts héréditaires, 
les leucocytes continuent à sortir en foule de l'or- 
gane où ils ont pris naissance; ils deviennent des 


cellules errantes, qui vont se disperser dans toutes | 


les parties de l'organisme embryonnaire. » 

Les recherches de Gulland avaient déjà montré 
que les premiers leucocytes apparaissent chez 
l'embryon, dans le voisinage du thymus; celles de 
Beard vont plus loin, en montrant que c’est dans le 
thymus lui-même, qu'il faudrait aller chercher la 
source originelle de tous les leucocytes de notre 
corps. 

A l'appui de ces idées, toule singulières qu'elles 
paraissent, nous devons signaler une Note de Nus- 
baum et Prymak! sur les premiers stades du 
thymus de Salmo fario et de Carassius vulgaris. 
Ces auteurs voient, dans les ébauches thymiques, 
un grand nombre de noyaux lymphoïdes qui pro- 
viendraient, disent-ils, de l’épithélium de la mu- 
queuse pharyngienne, dans sa région branchiale. 
Pour eux, comme pour Beard, il se produirait, dans 
les stades ultérieurs, une émigration de leucocytes 
du thymus dans les tissus environnants. 

Si nous passons maintenant aux dérivés qui 
n'existent que chez les Vertébrés à respiration 
aérienne, les glandes carotides et les glandules 
thyroïdiennes, nous voyons encore que les auteurs 
sont loin de s’accorder toujours sur les homologies 
de ces dérivés. 

C. Les glandes carotides apparaissent la pre- 
mière fois chez les Batraciens urodèles; chez les 
Anoures, on trouve souvent en plus, dans leur voi- 
sinage, des restes variés de branchies internes. 
Ces glandes se forment tantôt aux dépens de la 
deuxième fente, comme chez l'Echidné, tantôt 
aux dépens de l’origine du thymus, c’est-à-dire de 
la troisième fente, comme chez le lézard *. 

D. Les glandules thyroïdiennes sont, en général, 
au nombre de deux de chaque côté. Les unes: 
glandes parathyroïdiennes ou parathyroide, se for- 
ment aux dépens de la quatrième fente branchiale 
ou de l’ébauche latérale de la thyroïde; elles se re- 


4 Nussaum (J.) and Prymak (Th). : Zur Entwickelungs- 
geschichte der lymphoiden Elemente der Thymus bei den 


Koochenfischen. Anat. Anz., 1901, t. XIX, p. 6-19 avec 4 fig. des Mittelohrraumes, des äusseren Gehürganges und des 


2 Maurer : Loc. cit, 


trouvent, chez l’adulle, sur les côtés de la glande 
thyroïde. Elles apparaissent chez l'embryon hu= 
main long de 8 à 14 millimètres; d'abord mas- 
sives, on les trouve décomposées en cordons dis" 
tincts au stade de 24 millimètres. Les autres 
glandules évoluent de la même façon, chez 
l’homme du moins, mais elles accompagnent les 
canaux thymiques; ee sont les glandes thymiques 
où parathymus. 

Tout dernièrement, Hammar ‘ vient de donner 
le résumé d’un Mémoire sur la morphologie géné- 
rale des fentes branchiales chez l’homme, mémoire 
qui paraîtra au complet dans les Archiv für mi=. 
kroskopische Analomie. 4 

Hammar montre que les prolongements ventraux 
des fentes se développent de très bonne heure = 
celui de la première fente est celui qui s’avance le 
plus loin vers la ligne médiane; les prolonge-. 
ments ventraux des troisième et quatrième fentes 
forment l'ébauche du thymus et des thyroïdes laté=" 
rales. 

Les prolongements dorsaux apparaissent l'un 
après l’autre, en allant d'avant en arrière : celui de 
la première fente, le plus long de tous, chez un 
embryon longde3 millimètres ;celuidelideuxième, 
plus court, à 5 millimètres; celui de la troisième, à. 
peine visible, à 8 millimètres; enfin la quatrième 
poche ne fournit aucun prolongement. 

Dans le courant du premier mois (embryon de 
3 millimètres), on voit le prolongement dorsal de la 
première fente s'organiser pour former l'oreille 
moyenne.Quantaux autres prolongements dorsaux,. 
leur régression commence à la fin de la quatrième 
semaine. 


VI. — SUR LES MÉTAMGRPHOSES. 


Par un reste, peut-être, de l’ancienne idée qui 
faisait de la larve et de l’imago des Insectes deux » 
êtres distincts, on n’a pas assez montré jusqu'ici 
que les métamorphoses sont, dans leur ensemble, 
l'achèvement, momentanément retardé, de la seg- 
mentation initiale, achèvement auquel s'ajoutent, 
d'ailleurs, des phénomènes d'histolyse plus ow 
moins considérables. On n'avait étudié que les 
types extrêmes, soit à métamorphoses très com-= 
plètes et compliquées d'accélération embryogé- 
nique, soit à métamorphoses presque nulles. Il 
élait intéressant d'examiner des cas intermédiaires; 
c’est ce qu'ont fait plusieurs zoologistes dans ces. 
dernières années. 

Nous trouvons, tout d'abord, l'importantMémoire 


{ Hamwar (J. Aug.) : Zur allgemeinen Morphologie der 
Schlundspalten des Menschen. Zur Entwickelungsgeschichte 


laukenfellesbeimMenschen. Anat Anz., 1901, t. XX, p. 134-114 


G. LOISEL — REVUE ANNUELLE D'EMBRYOLOGIE 


d'Anglas ‘ sur les métamorphoses de la guêpe et 
de l'abeille, dont il a déjà été parlé ici même*. Chez 
ces Insectes, Anglas a montré que la métamor- 
phose véritable, c'est-à-dire la destruction d'anciens 
organes, ne se produisait que pour l'intestin moyen, 
les tubes de Malpighi, les glandes de la soie et 
quelques muscles. L'hypoderme est conservé et 
passe de la larve à l’adulte, contrairement à ce que 
décrit Viallanes chez les Muscides; il en est de 
même pour les bourgeons des palles et des ailes, 
pour l'æœsophage et le rectum, pour le tissu adipeux 
et pour un certain nombre de muscles (extenseurs 
du corps, muscles intestinaux). Ces derniers or- 
ganes subissent toutefois une histolyse partielle. 

Cependant, le tissu adipeux subit des vicissitudes 
complexes, à cause probablement de son rôle de 
réserve nutritive, étudié dernièrement par Ber- 
lese *. Une partie de ce tissu rentre bien en 
régression, mais chez l'adulte, peu après l’éclosion, 
Anglas retrouve encore des cellules d’origine lar- 
vaire ou, au moins, des noyaux adipeux. Et, à 
propos de ces noyaux, une remarque générale s'im- 
pose : lorsque de gros éléments histiques larvaires 
subsistent chez l'adulte, ils subissent une transfor- 
mation (par division, bourgeonnement ou fragmen- 
tation) qui les ramène aux dimensions, toujours 
petites, des éléments imaginaux. 

Une des parties les plus intéressantes du Mé- 
moire d’Anglas est celle qui traite de l’histolyse. 
Jusqu'à présent, suivant les lypes étudiés, les 
auteurs décrivaient soit une simple régression 
chimique (Korotneff, Karawaiew), soit une active 
phagocytose (Kowalewsky, von Rees, etc.) pour 
expliquer l'histolyse. De même que Rengel, chez le 
Tenebrio, Anglas retrouve également ici les deux 
processus, et cela avec de nombreux intermé- 
diaires, qui lui font croire que ces deux modes 
d'histolyse ne sont pas aussi opposés qu'on le 
croyait. Dans l’histolyse des glandes de la soie et 
dans celle des tubes excréteurs, par exemple, il 
voit bien des leucocytes intervenir, en nombre 
souvent considérable, vers les organes en régres- 
sion, se tenir à leur voisinage ou même pénétrer à 
leur intérieur, mais il ne les voit jamais englober 
de fragments tissulaires. Ils ne phagocytent pas, 
et, pourtant, ils prennent une part manifeste à 


l'histolyse, car celle-ci s'accélère et se termine 


1 AxaLas (J.) : Observations sur les métamorphoses internes 
de la guêpe et de l'abeille. Bullet. scient. de la France et de 
la Belgique, 1900, t. XXIV, p.111 avec 5 pl. — Quelques remar- 
ques sur les métamorphoses internes des Hyménoptères. 
Bullet. Soc. Entom. de France, 1904, p.104. — C. R. Soc. Biol., 

. Paris, 27 janv. 1900. 

? Kourer : Revue annuelle de Zoologie, Revue générale 
des Sciences du 28 févier 1901, p. 180. 

# BerLESE (A): Osservazioni su fenomeni che awengono 
durante la ninfosi degli iuretti metabolici. Rivista di Pato- 
log. veg., Florence, 1899, t. VIII, p. 1-155, avec 42 fig. et 3 pl. 


1139 


vite à leur approche ; Anglas pense que ces leuco- 
cvtes excrètent un ferment qui va dissoudre les 
tissus en histolyse et propose le nom de /yocytose 
pour exprimer ce phénomène de digestion extra- 
cellulaire. Est-ce là le même ferment que celui qui 
agit dans les digestions intra-cellulaires ? Non, 
d’après Metchnikoff ‘. Chez les Mammifères, le 
ferment exlra-cellulaire proviendrait, en effet, 
d'après ce savant, de leucocyles dégénérés. Il en 
est peut-être de même chez les Insectes ; il serait 
toutefois imprudent de conclure des uns aux autres, 
car les Chitinophores ont une spécialisation cellu- 
laire trop différente de celle des Vertébrés. 

Les recherches d’Anglas arrivent à restreindre 
considérablement le rôle de la phagocytose dans la 
mélamorphose de la guêpe et de labeille. C'est 
également la conclusion à laquelle sont arrivés 
depuis, ou en même temps : Terre *, Henne- 
guy *, Berlese *, Vernon Kellog 5, Vaney et 
Conte*. Un certain nombre de ces auteurs, même, 
tels que Berlese, Vaney el Conte, affirment que les 
phénomènes d’histolyse ont lieu, dans les cas étu- 
diés par eux, sans qu'il y ait, à aucun moment, 
intervention de phagocytose. Si l'on compare ces 
résultats à ceux obtenus antérieurement chez 
d’autres animaux, voici comment on peut grouper 
actuellement les différents processus de la méta- 
morphose. 

On trouve d’abord, comme point de départ el 
phénomène essentiel de la métamorphose, une 
altération préalable des tissus destinés à dispa- 
raîitre. Cette altération résulte elle-même (Giard’, 
Bataillon *, Anglas, Terre) des mauvaises conditions 
physiologiques (asphyxie, inanilion, non-fonction- 
nement) dans lesquelles se trouvent placés les 
tissus à un moment donné de leur existence. Elle 
pourrait résulter aussi, d'après Metchnikoff et 
Perez, de sécrétions internes de l'organisme méta- 


1 Mercankorr : L'état actuel de la question de l’immunité 
dans les maladies infectieuses. Aer. genér. des Sciences, 
30 nov. 1900. 

2 TERRE (L.) : Métamorphose et phagocytose. 1d. — Sur 
l'histolyse du corps adipeux chez l’Abeille. Zd, — Sur l'his- 
tolyse musculaire des Hyménoptères. Zd. janvier 1900 et 
Bullet. Soc Entom., 1900, n° 2, p. 23. 

3 HenxeGuy (F.) : Le corps adipeux des Muscides pendant 
l'histolyse. C. R. Acad. Se., 1900, t. CXXXI, p. 908. 

4 BerLese : Rivista di Patolog. veq., Florence, 1900-1904, 
t. X et XI, p. 151-444 avec 57 fig. et 8 pl. 

5 Vernon L. KELLOG : Phagocytosis in the post-embryonic 
Development of the Diptera. American Naturalist, 1904, 
t. XXXV, p. 363-368 avec 2 fig. 

5 Vaxey (C.) et Cowre (A.) : Sur des phénomènes d'histo- 
lyse et d’histogenèse accompagnant le développement des 
Trématodes endoparasites de Mollusques terrestres. C. R. 
Acad. Se., 1900, t. CXXXII, p. 1062-1064. 

1 Giarn (A.) : Sur le déterminisme de la métamorphose. 
Id., 10 février 1900. 

8 BATAILLON (L.) : 
17 mars 1900. 


Le problème des métamorphoses. Id., 


1140 


bole. Pour Metchnikoff', l'allération consisterait 
seulement en ce que le tissu qui va entrer en his- 
tolyse cesserait de sécréter une substance protec- 
trice vis-à-vis des phagocytes. C'est également 
l'opinion à laquelle arrive Roule, à la suite de ses 
recherches sur les Phoronidiens*. Pour Perez’, la 
métamorphose serait une « crise de malurité géni- 
tale ». Au moment de leur achèvement, les glandes 
sexuelles déverseraient dans le liquide cavitaire 
des stimulines ; les leucocytes, surexcités par ces 
produits, iraientalors attaquer et manger les tissus 
larvaires, qui, eux-mêmes, auraient été influencés 
par d’autres produits (également hypothétiques) 
des glandes génitales. Cette opinion a été com- 
battue, depuis, avec des arguments qui paraissent 
irréfutables, par Bataillon ‘, par Roule et surtout 
par Giard”°. 

Quoi qu'il en soit, il faut bien remarquer que 
l'altération préalable des tissus n’est pas toujours, 
à son début du moins, accompagnée de modifica- 
tions structurales appréciables, par conséquent non 
décelables au microscope (voir Giard, loc. cit.). Dans 
certains cas, cette altération conduit à une nécro- 
biose chimique, qui suffit, à elle seule, pour amener 
l'histolyse des tissus. Mais, en général, elle n'est 
que le point de départ d'activités cellulaires spé- 
ciales : la Zyocytose et la phagocytose. 

La /yocylose se présenterait dans les cas de 
métamorphoses partielles ou suffisamment lentes, 
telles que celles des Hyménoplères. Elle pourrait 
être produite, d'après Anglas, non seulement par 
des leucocytes, mais encore par les éléments des 
tissus en voie de développement, sur les organes 


1 Mercuxorr: Année biologique pour 1891, parue en oc- 
tobre 4899, p. 254-255. 

2 Rouze (L.) : Considérations générales sur l'histolyse pha- 
gocytaire. 1d, 

3 Perez (Ch.) : Sur la métamorphose des Insectes. Bullet. 
Soc. Entom. de France, 21 déc. 1899, p. 398-402.— Sur quel- 
ques points de la métamorphose des Fourmis. Zd. 21 janv. 
4901, p. 22-25. — Sur l'histolyse musculaire chez les Insectes. 
CU. R. Soc. Biol., Paris. 6 janv. 1900. 

“ BaraiLLoN : La théorie des métamorphoses de M. Ch. 
Perez, Bull. Soc. Entom. 1900, p. 58-62. 

5 Roue (L.) : Remarques sur la métamorphose de la larve 
Actinotroque des Phoronidiens. — 12 mai 1900. 

5 Granp (A.): La métamorphose est-elle une crise de matu- 
rité génitale? Bullet. Soc. Entom., 1900, n° 3, p. 54. 


G. LOISEL — REVUE ANNUELLE D'EMBRYOLOGIE 


larvaires dont l'équilibre chimique serait rompu 
(par exemple, à la suite de l'arrêt de leur fonc- 
tion) ; c'est ce qui se produirait à la fin de la vie. 
larvaire et pendant la nymphose. Nous nous trou- 
verions donc ici en présence d’un phénomène 
général, qui se passerait au cours du développe- 
ment embryonnaire chaque fois qu'un organe est 
supprimé ou modifié, ou bien quand un élément 
usé est résorbé sur place. 

« La phagocytose, dit Giard, apparait nettement, 
dans la métamorphose, comme un phénomène 
cœnogénétique. » Très peu importante, et parfois 
même absente dans le cas de métamorphose par- 
tielle, elle n'atteindrait son maximum que là où la 
métamorphose serait plus complète ou plus rapide, 
par exemple chez les Diptères cycloraphes, chez 
certains Crustacés parasites, chez les larves urodè - 
les d’Ascidies, parlout, en somme, où le métabo- 
lisme est intense. Quant aux phagocytes, ils 
seraient d'origine diverse : leucocytaire (Batail- 
lon, Metchnikoff, etc.), musculaire (myophages, 
phagocytes myoblastiques) (Metchnikoff, Terre, 
etc.), ou encore proviendraient de la somatopleure 
de la paroi du corps larvaire (Roule). 

Tous ces travaux ont fait faire un grand pas au 
problème des métamorphoses ; ils ne l'ont pas 
résolu entièrement cependant. Comme nous le 
disions plus haut, le développement post-embryon- 
paire des êtres qui présentent des mélamorphoses 
n'est que la suite du développement embryonnaire 
lui-même. Ce qu'il faut expliquer, ce n'est pas 
pourquoi se produit la métamorphose, mais pour- 
quoi le développement embryonnaire s'est trouvé 
retardé. Ce retard étant plus ou moins considéra- 
ble, il existe tous les intermédiaires, suivant les 
types considérés, entre la transformation et la 
métamorphose. La cause en est, sans doute, chez 
les Insectescomme chez les Echinodermes, dans une 
adaptation transitoire de la larve à un mode de vie 
spécial. Chez les Batraciens et chez les Tuniciers, il 
en serait de même, sauf qu'ici le stade larvaire 
représente vérilablement un élat ancestral auquel 


fait suite une adaption nouvelle. G. Loisel, 
Docteur èssciences et en médecine, 
Préparateur aux Facultés des Sciences 
et de Médecine de Paris. 


BIBLIOGRAPHIE — ANALYSES ET INDEX 


BIBLIOGRAPHIE 


ANALYSES ET INDEX 


1° Sciences mathématiques 


Fricke (D' Robert). — Kurzgefasste Vorlesungen 
über verschiedene Gebiete der hôheren Mathe- 
matik mit Berücksichtigung der Anwendungen. 
— 1 vol. 1u-8° de 1x-520 pages, avec 102 figures dans 
le texte. (Prix, broché : 1# mk.) Teubner,. éditeur. 
Leipzig, 1901. 

M. Fricke appartient à ce groupe de savants qui se 
sont donnés pour tâche de favoriser le plus possible 
l'union des Mathématiques pures et des autres Sciences. 
Leur influence s’est exercée surtout en Allemagne; 
aussi voit-on, depuis quelques années, les Universités 
d'outre-Rhin ouvrir leurs portes à quelques branches 
techniques, afin de permettre aux étudiants de prendre 
contact avec les applications. 

En composant cet ouvrage, l’auteur s’est précisément 
proposé de mettre en lumière cette solidarité intime 
qui unit les Mathématiques aux autres Sciences. Il y à 
pleinement réussi, grâce au choix des sujets théoriques 
et des applications empruntées aux domaines les plus 
divers. 

Cet ouvrage s'adresse à ceux qui, possédant le Calcul 
différentiel et intégral, désirent s'initier aux théories 
fondamentales de l'Analyse supérieure et à leurs appli- 
cations. Il est destiné non seulement aux étudiants, 
mais encore aux physiciens et aux ingénieurs qui cher- 
chent à compléter leurs connaissances dans le domaine 
des Mathématiques supérieures. 

Le premier chapitre (p. 1-23) est consacré à la série 
de Fourier. L'auteur se borne aux notions les plus 
importantes; il les applique au problème des cordes 
vibrantes et à une question de la théorie de Chaleur. 

Le second chapitre (p. 24-74) contient un intéressant 
aperçu de la théorie des fonctions sphériques et cylin- 
driques; où y trouve, comme application des fonctions 
sphériques, un problème emprunté au domaine de 
l'Electrostatique. Quant aux fonctions cylindriques, on 
sait qu'elles interviennent, entre autres, en Astronomie, 
dans le célèbre problème posé par Kepler et résolu par 
Bessel, problème qui a pour objet la détermination de 
J'anomalie excentrique d'une planète à l'aide de son 
anomalie moyenne. C’est également ce sujet qui a été 
choisi par l’auteur. 

Dans le chapitre m1 (p. 75-172) sont exposés les 
principes fondamentaux de la théorie des fonctions 
d'une variable complexe. Is embrassent les théorèmes 
classiques de Riemann, de Green, de Cauchy, la notion 
de prolongement analytique, la série de Laurent, etc., 
et conduisent tout naturellement à la £héorie des lonc- 
tions elliptiques, qui fait l’objet du chapitre suivant 
{p. 173-283). Dans cet espace relativement restreint 
se trouve exposé, avec une remarquable simplicité, 
l'ensemble des notions fondamentales de cette théorie, 
L'auteur examine successivement les fonctions de 
Weierstrass, les séries de Fourier, puis la théorie des 
fonctions elliptiques d'après Jacobi. Le chapitre se 
termine par une série de tables numériques. ; 

Les applications des fonctions elliptiques sont réunies 
dans un chapitre spécial (p. 284-337). Les problèmes 
sont empruntés à la Géométrie, la Géodésie, la Physi- 
que mathématique et la Mécanique. Ils ont pour objet: 
application aux polygones de Poncelet, d’après Jacobi; 
trigonométrie sphérique et fonctions elliptiques; lignes 
géodésiques d’une ellipsoïde de révolution; quadriques 
homofocales et coordonnées elliptiques; application à 
la théorie de la chaleur: pendule sphérique; mouve- 
ment d'un corps rigide autour d'un point fixe, 


REVUE GÉNÉRALE DES SCIENCES, 1901. 


Les deux derniers chapitres se rattachent directemen t 
au chapitre relatif à la théorie des fonctions d'une 
variable complexe, dont ils forment une application à la 
fois importante et intéressante. Ils sont consacrés à la 
théorie des équations différentielles. L'un est relatif 
aux équations différentielles linéaires (p. 338-424), 
tandis que le dernier (p. 424-514) renferme les proprié- 
tés les plus importantes de la théorie des équations aux 
dérivées partielles du premier ordre et leur applica- 
tion en Dynamique d'après Lagrange, Hamilton el 
Jacobi. : 

Dans un second volume, M. Fricke examinera, au 
même point de vue, un certain nombre de théories em- 
pruntées à l’Algèbre et à la Géométrie.  H. Fer, 

Professeur à l'Université de Genève. 


2° Sciences physiques 


Plumandon (J.-R.), WMétéorologiste à l'Observatoire 
du Puy de Dôme. — Les Orages et la Grêle. — Un 
vol. in-8° de 192 pages, avec 27 figures, de l'Ency- 
clopédie scientifique des Aide-Mémoire. (Prix: bro- 
ché, 2 fr. 50; cartonné 3 fr.). Masson et Ci, éditeurs. 
Paris, 1901. 

La grêle est un des fléaux les plus redoutés par 
l'Agriculture. Annuellement, les pertes qu'elle occa- 
sionne en France varient de 40 à 134 millions de 
francs. En dix années, cela représente un milliard en- 
viron. Les départements du Rhône et du Gers, avec 
leurs départements voisins, sont les deux centres les 
plus éprouvés en France par les orages à grêle. Le 
dommage peut y atteindre annuellement une moyenne 
de 1450 à 350 francs par hectare. On voit l'intérêt qui 
s'attache à la connaissance de cet hydrométéore et aux 
tentatives qui sont faites pour diminuer ses ravages. 
En ce moment, la lutte contre la grêle par le tir du 
canon, est pratiquée avec un grand enthousiasme dans 
l'Europe occidentale. 

M. Plumandon, dans l'introduction de son livre, 
expose le caractère scientifique des expériences, mais 
fait toutes ses réserves sur l'efficacité réelle du tir, en 
raison surtout de la hauteur ordinairement considérable 
des nuages qui produisent la grêle. À cet égard, l'au- 
teurest beaucoup moins confiant dans le succès que 
M. Houdaille, dont nous avons signalé ici le livre récent, 
qui traite de la même question. 

Les 15.000 stations de tir qui opèrent dans l'Italie 
septentrionale accumulent des essais d'où pourront 
sortir des conclusions générales. Nous pensons, comme 
l'auteur, qu'il est tout à fait téméraire, actuellement, 
d'affirmer l'impossibilité absolue de l’action du canon. 

Instruit par vingt-cinq années d'observations au Puy 
de Dôme, M. Plumandon a écrit un ouvrage très per- 
sonnel, en se servaut surtout de l'étude monographique 
de cas météorologiques qui se sont présentés à lui, et 
qu'il figure par des cartes. Il insiste sur la production 
de la grêle, la répartition et la marche des orages. 
On aimerait peut-être trouver quelques exposés géné- 
raux plus synthétiques, mais la méthode employée 
a l'avantage de familiariser le lecteur avec l'interpré- 
tation des cartes du Service météorologique. 

Epson Gain, 
Maitre de Conférences 
à la Faculté des Sciences de Nancy. 


Guichard (P.), Vice-Président de la Société de 
Pharmacie de Paris.-- Analyse chimique et Puri- 


fication des eaux potables. vol. in-S° de 
200 pages, avec 10 figures dans le texte, de l'Ency- 


— 1 


OLD! 


1142 


clopédie scientifique des Aide-Mémoire. (Prix : bro- 

ché, 2 fr. 50; cartonné, 3 fr.) Gauthier- Villars, 

éditeur. Paris, 1901. 

Dans cet ouvrage, M. Guichard nous expose l'état 
actuel d’une question très importante, celle des eaux 
d'alimentation, en laissant de côté, toutefois, le côté bac- 
tériologique, qui est traité dans un autre volume de la 
même collection. Après avoir défini les caractères de 
l’eau potable, il décrit les méthodes d'analyse des impu- 
retés minérales de l’eau, méthodes qui laissent peu à 
désirer aujourd'hui. Puis, il passe à l'étude des matières 
organiques ; ici, au contraire, nous devons constater 
avec l’auteur que tout est encore à faire. Et cependant, 
cette partie de l'Hydrologie est de beaucoup la plus 
importante au point de vue de l’'Hygiène. Pourquoi ? 
Parce que, si l'analyse bactériologique permet de con- 
firmer le danger actuel et déclaré, l'analyse chimique 
convenablement outillée nous permettrait de prévoir 
le danger futur et latent, ce qui serait bien préférable. 
Il faudrait seulement, pour cela, que les chimistes, au 
lieu de s'attacher à caractériser les produits de désas- 
similation des microbes, ptomaïnes, toxines, etc., ce 
qui n’est, en somme, qu'un complément de l'analyse 
bactériologique, portassent leurs efforts sur l'étude 
des matières alimentaires pour les microbes et spécia- 
lement, cela va sans dire, pour les pathogènes aquatiles 
que tout le monde a présents à l'esprit. N’est-il pas évi- 
dent que la valeur hygiénique d’une eau est en raison 
inverse de son aptitude comme milieu de culture? Et 
ne faut-il pas admettre que, du moment qu'une eau 
réunit, par la composition de ses impuretés, toutes 
les conditions pour être contaminée, elle le sera fata- 
lement avec la fréquence et dans la mesure déter- 
minée par ces conditions ? D'ailleurs, en attendant les 
lumières de la Chimie, peut-être pourrait-on recourir à la 
voie de l’expérimentation directe: une concentration de 
l'eau à froid, suivie d’ensemencements méthodiques et 
de séjours à l'étuve, voilà la base d'une méthode d’ana- 
1yse biologique éminemment simple et pratique et dont 
les enseignements ne seraient certes pas à dédaigner. 

Passons maintenant, avec M. Guichard, à l'examen des 
procédés d'épuration des eaux. Ces procédés, on le 
sait, sont de deux sortes : mécaniques (filtres) et chi- 
miques. M. Guichard a raison de déclarer qu'il ne faut 
pas les placer sur lemême plan. Pour les raisons indi- 
quées plus haut, il est clair que les procédés chimiques, 
qui sont à même de détruire non seulement les microbes, 
mais les matières organiques indispensables à leur 
existence, doivent avoir le pas sur les filtres. Et cela 
d'autant plus que nous possédons aujourd'hui de très 
bons procédés d'épuration chimique, notamment le 
procédé par l'ozone, qu’on s'étonne de ne pas voir entrer 
plus rapidement dans la pratique. Parmi les filtres, il 
faut établir une distinction entre les grands filtres pour 
l'alimentation des villes et les filtres domestiques. La 
faillite des premiers est une chose avérée; ces filtres 
ne devraient être conservés que comme adjuvants de la 
purification chimique. Au contraire, les filtres domes- 
tiques sont des appareils rationnels ; placés au robinet 
du consommateur, ils doivent, s'ils sont bien choisis et 
bien entretenus, délivrer une eau microbiologiquement 
pure et qui n’a plus le temps de se repeupler avant d'être 
bue. D'ailleurs, le filtre Chamberland a fait ses preuves; 
les filtres à plaques de cellulose, comme le filtre Pot- 
levin, sont aussi des appareils dignes de confiance. 

L'ouvrage de M. Guichard est complété par une qua- 
trième partie destinée plutôt aux ingénieurs. Ce sont 
des renseignements statistiques et des conseils sur 
l’'amenée de l'eau des villes. Il n'eût peut-être pes été 
superflu d'insister sur la nécessité de conserver la frai- 
cheur de l'eau dans les réservoirs et les conduites. On 
fait encore, à l'heure actuelle, des: réservoirs exposés 
en plein soleil, parfois même métalliques, et on ne 
parait pas se douter qu'emmagasiner du calorique dans 
l’eau, cela revient exactement au même que d'y verser 
du bouillon à microbes, Dr Réri, 

Attaché à l'Institut Pasteur. 


BIBLIOGRAPHIE — ANALYSES ET INDEX 


3° Sciences naturelles 


Pawlow (Prof. J.-P.) — Le travail des Glandes 
digestives. (Traduction française par MM. N. PAcHON 
ET J. SABRAZËS). — 1 vol. in-8° de 288 pages. (Prix : 
4 fr.) Masson et Cie, éditeurs, Paris, 4901. 

MM. Pachon et Sabrazès ont eu l'heureuse idée de 
donner une traduction francaise des remarquables 
lecons du professeur Pawlow sur le travail des glandes 
digestives, publiées en russe en 1897, et traduites en. 
allemand en 1898. Dans un article : «Les travaux récents 
sur les sécrétions gastrique et pancréatique », publié 
dans la Revue générale des Sciences du 15 juillet 1899, 
j'ai résumé les principaux Mémoires de Pawlow et de 
ses collaborateurs, et montré comment les recherches 
des savants russes avaient totalement modifié nos 
vieilles conceptions de la digestion. C’est, en effet, une 
véritable révolution qui s'est accomplie dans le domaine 
de la digestion, dans le cours des dix dernières années. 
Les médecins ne doivent pas ignorer les travaux de 
l'Ecole de Pawlaw; ils seront heureux de pouvoir lire en 
français ces lecons faites par Pawlow lui-même, dans 
lesquelles les faits nouveaux et les doctrines qui en 
découlent sont exposés avec une maitrise à laquelle ne 
pouvait prétendre la sommaire analyse que j’en ai pré- 
cédemment donnée. 

Dans la préface écrite pour l'édition française, Pawlow 
se réjouit de voir ses lecons « traduites dans cette 
langue que, dit-il, m'apprirent jadis à connaître, — 
alors que je faisais mon apprentissage de physiologiste, 
— les sublimes et immortelles lecons de Claude Ber- 
nard, ce modèle classique et inimitable ». C'est avec 
raison que Pawlow évoque le souvenir de Claude Ber- 
nard, car ses expériences et ses lecons rappellent, par 
leur enchainement, leur méthode et leur arrangement, 
la manière de notre grand physiologiste. Le lecteur qui 
lira ces pages verra avec une merveilleuse netteté 
« comment se développe devant lui une idée directrice 
et comment elle s'affirme par des expériences solides et 
harmoniquement enchainées ». 

Cette idée directrice qui domine l'œuvre de Pawlow, 
c'est l'idée de la spécificité des excitations de la 
muqueuse digestive. « Il n’est plus douteux actuelle-" 
ment, dit-il, que toute la physiologie de la digestion 
est dominée par ce principe fondamental, à savoir que 
le travail de chacun des divers organes dont elle dépend 
est mis en jeu par des excitants spécifiques, et qu'il 
résulte de là des phénomènes d'adaptation d’une finesse 
remarquable ». 

Deux méthodes peuvent être suivies dans l'étude de 
la digestion. On peut rechercher la facon dont sont éla- 
borées les matières alimentaires brutes, à chaque étape 
du canal digestif, et c’est ainsi qu'ont procédé Brücke, 
Ludwig, etc.; — ou bien, on peut déterminer quelle est 
la quantité de réactif digestif sécrétée pour chacun des 
aliments en particulier, et, pour ceux-ci en totalité, 
quelle est la nature des divers réactifs, et à quel 
moment ils sont déversés dans le canal digestif : c’est 
la méthode adoptée par Pawlow. Avant lui, sans doute, 
les physiologistes avaient essayé d'aborder le problème 
de la digestion par cette même méthode, mais ils. 
s'étaient heurtés à des difficultés techniques qu'ils 
n'avaient pas su tourner. C’est grâce aux perfectionne- 
ments qu'il a apportés à la technique opératoire que 
Pawlow a pu aller plus loin que ses devanciers. « On 
dit souvent, et non sans raison, que la science pro- 
gresse par à-coups, et que chaque impulsion corres- 
pond à un progrès réalisé dans les méthodes techniques. « 
Chaque pas en avant de la méthode nous élève à un 
niveau d'où nous découvrons un horizon plus vaste et 
des points de vue auparavant invisibles ». : 

Les conditions à remplir pour pouvoir faire une 
étude rigoureuse de la digestion sont les suivantes : M 
obtenir les sucs digestifs en tout temps, sinon des faits … 
importants passeraient inapercus; — recueillir les sucs 
digestifs à l'état de pureté parfaite, sinon certaines. 
modifications de leur composition ne sauraient être 


BIBLIOGRAPHIE — ANALYSES ET INDEX 


appréciées; — déterminer la quantité de ces sucs; — 
enlin n'opérer que sur des animaux dont le canal 
digestif fonctionne régulièrement et dont la santé est 
parfaite. Pawlow est parvenu à réaliser des opérations 
satisfaisant, chez le chien, à tous ces desiderala. On lira 
avec intérêt la description de la fistule pancréatique 
permanente, de l’æsophagotomie, de la fistule gas- 
trique, de la préparation du petit estomac fundique, et 
des conditions et précautions spéciales à réaliser pour 
que les animaux opérés puissent être conservés en état 
de santé parfaite. Pawlow insiste, avec grande raison, 
sur l'intérêt qu'il y a à substituer, pour l'étude de nom- 
breuses questions physiologiques, des procédés chirur- 
gicaux permettant la conservation de l'animal, aux pro- 
cédés d'interventions sanglantes dont certains savants 
‘ont tort de se contenter. Tout laboratoire de Physiolo- 
gie devrait posséder une importante annexe chirurgi- 
cale, où les opérations pourraient être faites avec la 
précision et l’aseptie actuellement réalisées dans la 
Chirurgie humaine. 

Pawlow et ses élèyes ontétabli, avec une remarquable 
petteté, que le travail des glandes digestives est infini- 
ment complexe et infiniment élastique, tout en étant 
extrêmement précis et présentant un caractère très net 
d'adaptation à la nature et à la quantité des aliments 
ingérés. La quantité des sucs gastriques et pancréatiques 
déversés dans le tube digestif varie avec la nature des 
aliments; elle diffère notablement selon que l'animal 
a ingéré du pain, du lait, de la viande, des graisses; la 
qualité des sucs digestifs, c'est-à-dire leur richesse en 
ferments actifs, varie avec) la nature des substances 
ingérées. Les glandes digestives se comportent d'une 
manière en quelque sorte intelligente. Le suc qu’elles 
déversent est, au point de vue de sa quantité et de sa 
qualité, celui qu'exigent précisément la quantité et la 
nature des aliments; le liquide qu'elles sécrètent est 
juste celui qui est le plus apte à la transformation des 
aliments ingérés. Les glandes digestives adaptent pro- 
gressivement leur sécrétion, au point de vue qualificatif, 
à l'alimentation du sujet: lesucpancréatique d'un animal 
nourri d'amidon en abondance est au plus haut point 
amylolylique; celui d’un animal nourri en abondance 
‘de viande est au plus haut point protéolytique, etc. 

C'est dans l’innervation des glandes digestives que 
doit être recherché leur pouvoir d'adaptation. Les 
nerfs sécrétoires des glandes salivaires sont connus, et 
‘personne n'en conteste l'existence et la nature exclu- 
sivement sécréloire. Mais les nerfs sécrétoires des 
glandes gastriques et pancréatiques étaient mis en 
-doute par la majorité des physiologistes, ou tout 
au moins leur existence restait à démontrer; à côté de 
-faits en faveur de l'existence de nerfs sécrétoires, on en 
pouvait citer d’autres, non moins démonstratifs, en 
faveur de l'absence de ces nerfs. Pawlow reprend la 
question et, par des expériences d'une remarquable 
précision, il établit de facon indiscutable l'existence des 
nerfs sécrétoires de l'estomac et du pancréas; il 
montre que ces nerfs sécrétoires agissent soit à la 
facon de nerfs sécrétoires proprement dits, soit à Ja 
facon de nerfs trophiques; il signale des faits qui prou- 
vent que ces nerfs secrétoires et trophiques sont doublés 
de nerfs fréno-sécrétoires et de nerfs fréno-trophiques, 
ces derniers constituant des freins à côté du moteur, 
dont ils adoucissent le fonctionnement et suppriment les 
à-coups. Reprenant l'analyse et présentant la critique 
des recherches de ses devanciers, Pawlow montre pour- 
quoi leurs expériences ne pouvaient fournir de résultats 
salisfaisants, .et comment elles devaient être modifiées 
pour en donner de définitifs et d'indiscutables, 

L'existence de ces nerfs sécrétoires est démontrée 
par les effets observés à la suite de leur section et de 
leur excitation. Mais, quand, comment, pourquoi sont- 
ils mis en jeu dans le cours normal des processus phy- 
siologiques ? Pawlow répond à cette question : des exci- 
-tations spéciales, produites en un point spécial du tube 
‘digestif, déterminent une réaction glandulaire limitée 
à une glande ou généralisée, produisant un suc en 


1143 


quantités et de qualités variables, selon là nature et le 
siège de l'excitation (principe de l’excitabilité spécifi- 
que de la muqueuse digestive). Et la plus grande partie 
des lecons de Pawlow expose l’ensemble des faits dé- 
montrant le bien-fondé de cette proposition. 

Pawlow démontre que la sécrétion gastrique normale 
est provoquée par deux groupes ditférents d’excita- 
tions, des excitations psychiques, qu'on a coutume de 
désigner sous le nom d'appélit, et des excitations chi- 
miques. Chez l'animal affamé, la vue, l'odeur d'aliments 
agréables fait apparaître la sécrétion du suc gastrique ; 
dans l'expérience du repas fictif (repas pris par un 
chien œsophagotomisé, les aliménts tombant au de- 
hors par la fistule œsophagienne, à mesure qu’ils sont 
ingérés), la sécrétion gastrique apparaît comme consé- 
quence de l'excitation gustative de la muqueuse buc- 
cale. Cette sécrétion, que Pawlow appelle la sécrétion 
psychique ou sécrétion d’appétit, présente une durée, 
des propriétés, un pouvoir digestif qui lui sont pro- 
pres, qui la caractérisent et qui se présentent avec 
une remarquable identité chez les divers animaux, 
pourvu que l'alimentation ingérée soit identique dans 
tous les cas qualitativement et quantitativement. Les 
caractères et la durée de celte sécrétion] varient, au 
contraire, avec la nature de l'alimentation : sa quantité 
et son pouvoir digestif sont maximum pour le repas 
de viande, ils sont moindres pour le repas de lait. Les 
glandes gastriques réagissent donc d'une facon cons- 
tante et déterminée, selon la nature de l'excitation 
portée sur la muqueuse buccale. 

Les glandes gastriques sécrètent encore sous l’in- 
fluence d’excitations chimiques portées sur la muqueuse 
gastrique elle-même ; et celte sécrétion, dite sécrétion 
chimique, différente, par l’ensemble de sescaracières, de 
la sécrétion psychique, varie,elle aussi, selon la nature 
et la quantité des substances excitantes: elle est surtout 
déterminée par les substances extractives contenues 
dans la viande ; elle se produit aussi, moins abondante 
il est vrai, sous l'influence des produits de la digestion 
peptique du pain et du lait. L'amidon, incapable par 
lui-mème de provoquer une sécrétion chimique, aug- 
mente considérablement l’activité peptique d'une sé- 
crétion chimique engendrée par une substance efficace ; 
les graisses diminuent le pouvoir peptique de cette sé- 
crétion chimique. Ici encore, on retrouve avec une 
netteté extrème la variété infinie des réactions, corres- 
pondant chacune à une excitation donnée, et la cons- 
tance absolue des réactions, quand les conditions expé- 
rimentales sont constantes. 

Les excitations mécaniques de l’estomac,auxquelles,. 
avant Pawlow, on rapportait la cause sécrétoire des 
glandes gastriques, sont, par contre, absolument ineffi- 
caces. L'estomac ne réagit, au point de vue sécrétoire, 
qu'à certaines excitations rigoureusement déterminées 
quant à leur qualité et à leur point d'action. 

En étudiant la sécrétion pancréatique, on retrouve 
des faits analogues. La sécrétion pancréatique apparaît 
essentiellement sous l'influence d'excitations produites 
sur la muqueuse duodénale par les liquides acides 
issus de l'estomac; de sorte que la sécrétion pancréa- 
tique est normalement la conséquence nécessaire de la 
sécrétion gastrique. Elle est produite immédiatement 
par l’action des acides sur le duodénum, et médiate- 
ment par les excitations psychiques de l'appétit et de 
la gustation, puisque ces dernières provoquent la pro- 
duction d'un suc gastrique fortement acide, L'amidon 
ne peut engendrer une sécrétion pancréalique, mais il 
augmente le pouvoir amylolytique d'une sécrétion exis- 
tante ; les graisses déterminent par elles-mêmes la pro- 
duction du suc pancréatique, et augmentent le pouvoir 
lipasique d’une sécrétion existante. 

Les résultats obtenus par Pawlow auront, comme il 
le dit, « pour effet de bannir l'opinion grossière et in- 
féconde que le canal digestif est universellement exci- 
table par n'importe quel agent mécanique, chimique, 
thermique, sans compter avec les particularités de cha- 
cune des tâches que la digestion doit remplir. Dans 


114% 


BIBLIOGRAPHIE — ANALYSES ET INDEX 


l'état actuel des faits, ces agents, quand ils intervien- 
uent activement, doivent être considérés comme des 
conditions favorables ou empêchantes, mais non comme 
les acteurs normaux et déterminants du travail digestif 
sécrétoire. Au lieu d’une représentation fruste, d'un 
semblant de connaissance grossière, nous avons main- 
lenant l’esquisse d’un mécanisme plein d'art, qui, 
comme fout ce que nous connaissons dans la Nature, 
témoigne d’une finesse exquise et d’une adaptation in- 
üime des phénomènes à leur but ». 

Les faits établis par Pawlow ne doivent pas rester la 
propriété des seuls expérimentateurs; les pathologistes 
et les thérapeutes auront grand intérêt à les connaitre. 
Ces faits justifient des pratiques instinctives et empi- 
riques que la Médecine moderne a trop souvent et 
trop complètement abandonnées. C’est l'appétit ‘qui est 
le primum movens des sécrétions digestives; c'est par 
l'appétit que la sécrétion gastrique est amorcée; c'est 
par l'appétit que la sécrétion pancréatique est indirec- 
tement provoquée. Il faut donc chercher par tous les 
moyens possibles à conserver l'appétit intact, quand il 
existe; il faut chercher à le réveiller, quand :l som- 
meille. Ainsi sont justifiés les condiments el les amers, 
qui ont été avantageusement employés autrefois; ils 
doivent reprendre, dans la Thérapeutique, le rôle impor- 
tant qu'ils n'auraient jamais dû perdre. 

Dans un dernier chapitre, spécialement écrit pour 
l'édition francaise, Pawlow résume les travaux faits dans 
son Institut pendant les trois dernières années. Il montre 
comment la bile exerce une action de renforcement sur 
les actions diastasiques pancréatiques; il décrit dans 
l'intestin et dans le suc intestinal uu ferment, l’entéro- 
kinase, qui renforce lui aussi, de façon colossale, l'ac- 
tivité digestive du suc pancréatique. Il termine par des 
données intéressantes sur la pathologie expérimentale 
et sur la thérapeutique expérimentale de l'estomac. 

Cette trop sommaire analyse est insuffisante pour 
donner une idée exacte du grand nombre de faits im- 
portants exposés dans l'ouvrage de Pawlow; mais elle 
suffira, j'espère, pour engager le lecteur à lire avec tout 
le soin qu'il mérite ce bel ouvrage sur le travail des 
glandes digestives, l'un des plus importants qui aient 
été écrits en Physiologie dans le cours des dernières 
années, le plus important sans aucun doute par ses 
conséquences théoriques et pratiques. 


Maurice ARTHUS, 
Chef de Laboratoire à l'Institut Pasteur de Lille. 


4 Sciences médicales 


Marro (Antoine). — La Puberté chez l’homme et 
chez la femme. (Traduit de l'italien par le D' J.-P. 
Mæoici, Préface du D Mana). — À vol. in-8 de 
536 pages, avec planches et 4 figures dans le texte. 
(Prix : 10 fr.) Schleicher frères, éditeurs. Paris, 1904. 
« C’est avec plaisir, écrit M. Magnan dans la préface 

de ce livre, que je me permets de présenter aux lecteurs 
français le beau travail du D' A. Marro sur la puberté, 
considérée dans ses rapports avec l’Anthropologie, la 
Psychiâtrie, la Pédadogie et la Sociologie. Le vaste champ 
qu'ouvrait à l’auteur sa vie professionnelle et scienti- 
fique, d'abord comme praticien, puis comme médecin 
de prisons et, enfin, comme médecin des asiles d’aliénés, 
expert judiciaire, directeur du laboratoire et professeur 
de Psychiâtrie, lui a permis de recueillir une riche 
moisson d'observations et d'expériences qui, ajoutées 
aux enquêtes particulières qu'il a faites dans différents 
pensionnats, donnent à son livre une valeur pratique 
exceptionnelle. La puberté y est étudiée sous toutes 
ses faces : anatomique, physiologique, pathologique, 
morale et sociale ; c'est le travail le plus considérable 
et le plus parfait qui ait été publié jusqu'ici sur cette 
intéressante question. » 

M. Marro établit d’abord ce qu'est la puberté : il nous 
moutre l'importance que les peuples anciens, surtoutles 
Grecs et les Romains, attachaient à cette période de 
transition où l'enfant se dépouille et se transforme pour 


passer le seuil de la véritable vie, la vie sociale, 

L'auteur étudie ensuite l'apparition de l'époque pubère 
dans les deux sexes, ainsi que les causes qui accélèrent 
le développement de la puberté : climat, température, 
race, constitution, conditions hygiéniques. IL soumet 
à une pénétrante analyse chacune des profondes trans- 
formations qui s’accomplissent pendant cette période 
évolutive de l’existence et il passe successivement en 
revue les modifications physiques, locales et générales, 
dont s'accompagne le développement des organes 
sexuels, l'accroissement du corps, les caractères de cet 
accroissement dans les deux sexes, envisagé surtout 
dans certains appareils, dans certains organes plus 
spécialement modifiés. 

Puis, M. Marro étudie les phénomènes qui accom- 
pagnent l'aptitude à la génération ; il en détermine les 
conditions biologiques, notamment, chez la femme, 
Papparition de la menstruation. Il fait ressortir son 
influence active sur le cerveau, l'excitation cérébrale 
réflexe qui en est la conséquence avec l'accroissement 
de l’émotivité, l'apparition d'impulsions instinctives, de 
sentiments et de penchants nouveaux. Il montre cette 
maturité sexuelle inséparable non seulement de modi- 
fications psychiques particulières poussant parfois à de 
graves excès (onanisme et ses conséquences), mais 
encore d'un état métabolique de l'organisme, quiréclame 
des viscères un surcroît de travail pour fournir les élé- 
ments, albumine, sels, etc., nécessaires au développe- 
ment général du corps et qui, par suite, diminue Ja 
force de résistance et favorise une plus grande morbi- 
dité. Un chapitre tout entier est consacré à la recherche 
des relations étroites qui unissent l’évolution de la 
puberté à celle de l'appareil génital et aux théories 
diverses qui ont été émises pour expliquer les phéno- 
mènes de la puberté. 

Vient ensuite l'étude de la puberté chez les dégénérés, 
et c'est ici que l'éminent aliéniste de Turin va mettre à 
notre disposition les nombreux et précieux matériaux 
qu'il a recueillis dans sa vie professionnelle. 

Chez les sujets normaux, tous les efforts de l’orga- 
nisme, toutes les modifications psychiques qui se pro- 
duisent au moment de la puberté peuvent s'accomplir 
sans trop grands dommages; mais il n'en est plus de 
même chez les prédisposés, chez les dégénérés. La pu- 
berté est, en quelque sorte, une pierre de touche devant 
les causes perturbatrices, multiples, qui peuvent inter- 
venir à celte période de la vie; elle est le réactif révé- 
lateur fréquent de la dégénérescence mentale. Toute 
la symptomatologie psycho-pathologique de la puberté 
est la reproduction fidèle des psychoses des dégé- 
nérés, avec les tendances obsédantes et impulsives, les 
alternatives d’excitalion et de dépression, leur brus- 
querie, leur périodicité, etc. Les arrèts de développe- 
ment eux-mêmes, leur intensilé sont en rapport avec 
le plus ou moins de surcharge héréditaire. L'hérédité 
rayonne sur toutes ces manifestations et les domine. 

Après avoir envisagé les causes de la dégénérescence 
et formulé de sages préceptes d'hygiène physique et 
morale, M. Marro est naturellement conduit à s'occuper 
des jeunes délinquants des prisons, si proches parfois 
des jeunes irresponsables de nos asiles. Ces deux caté- 
gories d’antisociaux sont monnaie de la même pièce, 
et, quand on peut établir l'équation généalogique des 
cas, on remonte généralement à un (ronc commun, sur 
lequel deux rameaux voisins ont abouti, l’un au crime, 
l’autre à la folie, sous l'influence parfois du même 
réactif sexuel et à l’occasion de la puberté. L'alcool à 
son tour, égale, tantôt alternativement, tantôt isolé- 
ment, crime et folie, et l'alcoolisme par hérédité 
s'éveille aussi en même temps que l'apparition de la 
phase pubère. 

« En résumé, conclut M. Magnan, cette magnifique 
étude de la puberté, dans laquelle abondent de curieux 
documents, n'intéresse pas seulement les physiolo- 
gistes, les psychidtres, mais les magistrats, les anthro- 
pologistes, et tous les médecins pourront y puiser 
d'utiles renseignements. » J. D. 


ACADÉMIES ET SOCIËTÉS SAVANTES 


ACADÉMIES ET SOCIÉTÉS SAVANTES 


DE LA FRANCE ET 


ACADÉMIE DES SCIENCES DE PARIS 


Séance du 2 Décembre 1901. 


4° SCIENCES MATHÉMATIQUES. — M. P. Painlevé, étu- 
diant les singularités essentielles des équations diffé- 
rentielles, montre que, moyennant une transformation 
algébrique, on peut toujours ramener un système 
d'équations différentielles algébriques réelles à un 
autre système réel qui ne présente plus de singularités 
essentielles mobiles, et cela sans changer la variable 
indépendante. — M. L. Raffy éludie la déformation 
des surfaces, et en particulier celle des quadriques, 
en se servant des équations aux asymptotiques. 
M. A. Pellet montre que la recherche des racines 
négatives d'une équation se ramène à la recherche des 
racines positives de celle qu'on oblient en changeant 
le signe de l’inconnve dans la première; on a ainsi une 
méthode permettant d'avoir loutes les racines réelles 
d'une équation. — M. G. Tzitzéica présente quelques 
remarques sur le nombre des racines communes à plu- 
sieurs équations. — M. E. Carvallo montre, par l'ex- 
périence de la roue de Barlow, que les équations de 
Lagrange ne sont pas toujours applicables aux phéno- 
mènes électrodynamiques, notamment dans le cas des 
conducteurs à deux ou trois dimensions. Cette expé- 
rience semble confirmer les deux principes fondamen- 
taux de Maxwell : L'énergie d’un système de courants 
est une énergie cinétique; les forces électrodynamiques 
et les forces electromotrices d’induction sont des forces 
d'inertie. — M. D. Eginitis communique ses observa- 
tions des Léonides, faites à Athènes, du 14 au 16 no- 
vembre. Il a constaté un déplacement assez sensible en 
ascension droite du radiant principal. 

2° SCIENCES PHYSIQUES. — M. A. Lafay indique une 
application de la chambre claire de Govi à la réalisation 
d'un appareil vérificateur des règles et des plans. — 
M. H. Pellat propose d'évaluer en valeur absolue les 
très basses températures en se basant sur le phénomène 
Peltier, observé au moyen d’un couple thermo-élec- 
trique fer-zinc. — M. H. Bagard indique un procédé 
général qui donne infailliblement une décharge dis- 
ruptive dans les électrolytes sans avoir recours aux 
moyens puissants. Il faut d'abord employer des con- 
ducteurs à très faible surface, par exemple des fils mé- 
talliques. La décharge est produite par deux bouteilles 
de Leyde isolées, dont les armatures internes sont re- 
liées à une machine électrique et à un excitateur à 
boules, et les armatures externes aux fils métalliques 
plongés dans le liquide. — M. C. Tissot a étudié l’étin- 
celle produite par l’excitateur de Hertz par le procédé 
du miroir tournant. Les images des étincelles succes- 
sives ne sont pas rigoureusement équidistantes; le pre- 
mier intervalle est toujours plus considérable que les 
autres; il dépend de la distance explosive et augmente 
avec elle, — MM. P. Curie et A. Debierne ont pour- 
suivi l'étude de la radio-activité induite, provoquée par 
des sels de radium. Dans une enceinte fermée, l’acti- 
vité induite limite est indépendante de la pression et 
de la nature du gaz de l'enceinte; elle dépend seule- 
ment de la quantité de radium introduit à l’état de so- 
lution. — M. A. de Hemptinne a constaté que les 
substances radio-actives commencent à provoquer la 
luminescence des gaz à une pression plus élevée que 
les vibrations électriques. — M. L. Guillet a obtenu, 
par l’action de l’aluminium sur l'acide stannique, des 
culots métalliques dont il a pu isoler deux combinai- 
sons définies, se présentant en cristaux très nets; elles 
correspondent aux formules Al*Sn et AlSn. — M. H. 


DE L'ÉTRANGER 


Imbert montre que les dérivés provenant de l’action 
des bases pyridiques sur les quinones télrahalogénées 
doivent être représentés par la formule C*H°Az. C°CI0?. 
OH. Le noyau pyridique est donc lié par un seul car- 
bone au noyau quinonique, et l’oxhydryle contenu 
dans ces dérivés ne peut dès lors se trouver que dans 
ce noyau. — MM. E. Heckel et F. Schlagdenhauffen 
ont analysé la racine de l’Z/ondo, lierre du Gabon 
(Dorstenia Kleineana). L'extrait pétroléique laisse dé- 
poser de fines aiguilles de composition C'*H°0", à odeur 
de coumarine. La racine renferme encore une forte 
proportion de résines. — M. G. Dubat a déterminé la 
composition des hydrates de carbone de réserve de 
l’albumen des graines du Petit Houx. A l'hydrolyse on 
obtient : mannose 27,92 %, glucose 27,64 %, sucre in- 
terverti 13,61 %, pentoses 0,68 %. Les hydrates de car- 
bone de réserve sont donc : du saccharose, des man- 
nanes, des dextranes et un peu de pentosanes. — M. E. 
Fleurent a constaté que les blés durs contiennent au 
moins 2,5 % d’albumen de plus que les blés tendres ; 
ils sont aussi plus riches en gluten. Le gluten des biés 
durs renferme une proportion sensible de conglutine 
(jusqu'à 15 %). 

3° SCIENCES NATURELLES. — M. J. Vallot a étudié les 
modifications que subit l'hémoglobine du sang sous 
l'influence de la dépression atmosphérique dans les 
ascensions de montagne ou en bailon. On constate 
toujours une diminution de la durée de la réduction 
lorsqu'on s'élève. — MM. J. Tissot et Hallion ont 
éludié la respiration à diverses altitudes pendant une 
ascension en ballon. La quantité absolue d'air qui entre 
dans le poumou diminue considérablement lorsque l’al- 
titude augmente. Mais, en même temps, la proportion 
d'oxygène absorbé et de CO* exhalé pour cent s’ac- 
croit. Aussi l'intensité absolue des échanges respira- 
toires en une minule reste la même à toutes les alti- 
tudes (jusqu'à 3.500 mètres au moins). —M.N. Gréhant, 
après avoir fait respirer à un chien un mélange conte- 
vaut de l'oxyde de carbone, le place soit dans l’air 
pur, soit dans l'oxygène pur. Dans le second cas, on 
constate une disparition beaucoup plus rapide de 
l'oxyde de carbone dans le sang. — MM. A. Char- 
rin et G. Delamare, eu soumettant des générateurs 
à diverses intoxicalions, plus spécialement à des in- 
toxicalions par toxines microbiennes, ont vu se re- 
produire chez les descendants des anomalies de plus 
en plus variées, dont quelques-unes rappellent exacte- 
ment les désordres produits par les bacilles chez 
l'homme. — M. L. Bordas à constaté que les piqûres 
du Latrodectus 13-guttatus Rossi ou Malmignatte ne 
sont nullement mortelles pour l'homme et les gros 
animaux, comme on le croit communément; elles 
n'amènent qu'une légère inflammation, suivie de fortes 
démangeaisons. Par contre, elles produisent sur cer- 
tains Insectes, Mouches, Coléoptères, Orthoptères, une 
sorte de paralysie suivie rapidement de mort. — M. H. 
Joffrin a étudié deux maladies des feuilles de Chrysan- 
thèmes, qui aboutissent toutes deux à une flétrissure 
partielle ou totale, et à la chute de la feuille. L'une est 
de nature vermiculaire; elle est due à un Nématode du 
genre T'ylenchus. L'autre est de nature cryptogamique; 
elle est due à un champignon nouveau du genre Sep- 
toria, que l’auteur nomme Septoria varians. — M. Em. 
Laurent a reconnu que la mort des branches de pui- 
rier à la suite du développement des baies, des graines 
et des plantules de Gui à leur surface, est due à un 
principe toxique contenu dans la plante parasite et qui 
n'a pu encore être isolé. — M. E. Fournier signale la 
généralité des phénomènes de capture des cours d’eau 


1146 


ACADÉMIES ET SOCIÉTÉS SAVANTES 


superficiels par les cours d’eau souterrains dans les 
régions calcaires. Ainsi la Loue est le produit d'un 
double captage de rivières superficielles, le Doubs et 
le Drugeon. — M. P. Termier étudie les trois séries 
cristallophylliennes des Alpes occidentales : la série 
antéhouillère, la série permo-carbonifère et la série 
mésozoïque. Le métamorphisme de ces trois séries est 
vraisemblablement d'origine purement plutonienne. — 
M. St: Meunier signale de nouvelles expériences de 
striage artificiel des galets, par voie de dénudation 
souterraine. 


Séance du 9 Décembre 1901. 


L'Académie présente, à M. le Ministre de l'Instruction 
publique, la liste suivante de candidats pour la chaire de 
Culture vacante au Muséum : 1° M. J. Costantin; 
2° M. Bois. 

1° SCIENCES MATHÉMATIQUES. — M. H. Poincaré pré- 
sente quelques considérations sur les connexions des 
surfaces algébriques. — M. A. Demoulin établit l'exis- 
tence, sur l’hélicoïde minimum, d’une double infinité 
de réseaux conjugués persistants de première espèce. 
— M. Ed. Maillet démontre l'existence de deux ensem- 
bles distincts de nombres tous transcendants, qui ont 
la puissance du continu. — M. C. Flammarion com- 
munique les observations des Perséides qui ont été 
faites en août à l'Observatoire de Juvisy et à la station 
auxiliaire d’Antony. Les observations simultanées de 
quelques métléores en ces deux points ont permis de 
déterminer leur hauteur. L'étoile filante la plus basse 
est apparue à 15 kilomètres de hauteur et la plus élevée 
à 119. — M. H. Deslandres communique une méthode 
simple, basée uniquement sur des observations de 
temps, pour déterminer la vitesse propre des aérostats 
dirigeables. Appliquée aux expériences de M. Santos- 
Dumont, elle donne une vitesse de 72,60 à 8,10. — 
M. J, Armengaud communique un tracé donnant, avec 
une approximation de 1/20° au moins, la {rajectoire 
sur le sol de l’aérostat dirigeable de M. Santos-Dumont, 
dans l'épreuve du 19 octobre. Pour lui, la vitesse propre 
de l’aérostat a atteint 8m,50 à 9 mètres. 

20 SciENCES PHYSIQUES. — M. Th. Moureaux a constaté 
que, si les courbes magnétiques actuelles à l'Observa- 
toire du Parc Saint-Maur ont pu être ramenées à une 
finesse relative par l'emploi d’amortisseurs, le champ 
terrestre y est néanmoins perturbé depuis l'établisse- 
ment du réseau de tramways électriques à trolley de 
l'Est parisien, et les troubles se manifestent non seule- 
ment sur la variation diurne, mais encore sur la valeur 
absolue des éléments magnétiques. — M. Th. Tomma- 
ina cominunique une nouvelle série d'observations 
d’orages lointains par auscullation au moyen de l'élec- 
troradiophone: II lui a semblé que certains éclairs sont 
dus à des décharges non oscillantes, car l'électroradio- 
phone n’en donnait aucun signe perceptible. — M. A. 
d’Arsonval indique quelques moyens pour la produc- 
tion et le maintien des basses températures. Avec la 
neige d'acétylène ou d'acide carbonique en solution 
dans l’acétone, on arrive facilement à —115°; au-dessous, 
il faut avoir recours à l’air liquide qu’on conserve dans 
des vases à double paroi plongés dans un bain de gazo- 
line. — M. H. Becquerel a reconnu que des produits 
uraniques, dont la radioactivité avait été affaiblie par 
des précipitations et des cristallisations, ont regagné 
spontanément, après dix-huit mois, leur activité pre- 
mière. — M. M. Berthelot à poursuivi l’élude de la 
décomposition de l’anhydride iodique par le rayonne- 
ment du radium; celle-ci n’a lieu que lorsque le radium 
n’est pas entouré de papier noir, c'est-à-dire dans des 
conditions où la phosphorescence intervient. — M. O: 
Boudouard à obtenu irois combinaisons définies d’alu- 
minium et de magnésium : Al Mg*, AI Mg, Al'Mg. La pre- 
mière est isolée} du culot 30 A1 — 70 Mg par attaque à 
\ZHACI à 10°/,, la seconde des culots 40 AI — 60 Mg et 
par une attaque semblable; la troisième du culot 70 AL 
— 30 Mg par atlaque à HCI à 10 °/4. — M. H. Gautier a 
préparé des alliages de strontium et de zinc en faisant 


agir du sodium sur un mélange de chlorure ou d'iodure 
de strontium et de chlorure de zinc. On obtient de la 


, même facon des alliages de cadmium et de strontium. 


— M. P. Lebeau a constaté que les fontes siliceuses 
renferment tout le silicium à l'élat combiné sous la 
forme du siliciure SiFe?. Ce composé étant très soluble 
dans un excès de fer donne facilement une masse 
homogène par refroidissement. Il ne pourra apparaitre 
à l’état isolé que lorsqu'il sera en proportion supérieure 
à celle que devra renfermer une solution saturée dans 
le fer, vers son point de solidification. — M. Marcel 
Guédras prépare rapidement l'alcool trichlorobutylique 
en chauffant un mélange de chloroforme et d'acétone 
en présence de potasse. 

3° SCIENCES NATURELLES. — M. J. Mayet a réalisé la 
transmission du cancer de l'homme au rat blanc. De 
la non-identité histologique entre le produit inoculé et 
le néoplasme produit, il conclut que le cancer n'est pas 
un tissu histologiquement defini, mais un mode de 
réaction des éléments anatomiques divers sous leurs 
formes diverses, provoqué par la cause encore in- 
connue qui le réalise. — M. A. Mossé montre que, 
dans les diabètes, la pomme de terre est un aliment 
qui non seulement peut être permis mais uliie, suscep- 
tible d'être avantageusement substitué au pain, dans 
des proportions suffisantes pour maintenir l’équiva- 
lence de la ration alimentaire. — MM. J. Tissot et 
Hallion ont déterminé les gaz du sang à différentes 
altitudes dans une ascension en ballon. La quantité 
totale de.gaz contenue dans le sang augmente avec 
l'altitude, mais celle d'azote diminue.—M.J.P.Langlois 
a reconnu que les Reptiles à peau imperméable pré- 
sentent de la polypnée thermique quand leur tempé- 
rature atteint 39°, et que les rayons caloriques frappent 
directement la tête. Cette polypnée entraîne une cer- 
taine perte d’eau et intervient comme facteur de la 
régulation thermique ; la polypnée ne peut s'établir que 
si l’hématose est parfaite. — M. F. Houssay a étudié 
les variations du jabot et du gésier chez la poule en 
fonction du régime alimentaire. On constate une réduc- 
tion énorme du poids et du volume de ces organes 
quand on passe du régime granivore au régime carni- 
vore. La longueur du tube digestif et des cæcums 
diminue aussi. — Me M. Loyez a étudié les transfor- 
mations de la vésicule germinative chez les Sauriens. 
Les chromosomes ne disparaissent jamais complète- 
ment; les nucléoles prennent une grande imporlancé 
et peuvent êlre considérés comme les éléments essen- 
tiels de l’activité de la vésicule germinative pendant la 
période de formation du vitellus. — MM. L. Vialleton 
et G. Fleury ont étudié la structure des ganglions Iym- 
phatiques de l’oie; ils peuvent être comparés à un gan- 
glion de mammifère inachevé. — M.G. André a étudié la 
nutrition de la plantule aux dépens de ses cotylédons 
chez le Haricot d'Espagne germant dans un bon sol de 
culture. La plantule emprunte aux cotylédons une 
grande partie des substances minérales et la presque 
totalité de sa matière organique; mais ce dernier 
emprunt diminue rapidement dès que la fonction 
chlorophyllienne commence à s'exercer. — M. Em: 
Marchal a observé que la formation des nodosités chez 
le Pois est empêchée par la présence des nitrates alca+ 
lins, des sels de potassium et de sodium; elle est, au 
contraire, favorisée par les sels de calcium et de ma- 
gnésium. — MM. Ch. Eug. Bertrand et F. Cornaille 
poursuivent l'étude des propriétés des chaînes libéro- 
liyneuses des Filicinées (élargissement et rétrécisse: 
ment d'une chaîne; addition d'un divergeant). — 
M. G. Delacroix a constaté que l'agent de la nouxelle 
maladie de la pomme de terre qui sévit depuis deux 
ans est une bactérie, qu'il nomme Bacillus solanincola. 
Il en a fait des cultures et, par inoculation, a reproduit 
la maladie, Cette bactérie attaque également la tomate, 
— M. A. Lacroix a reconnu que les enclaves homœæo- 
gènes des andésites à haüyne forment une série pétro- 
graphique remarquablement continue, comprenant les 
roches grenues suivantes : microtinites à noséane; 


à 
{ 


ACADÉMIES ET SOCIÉTÉS SAVANTES 


1147 


RE  mmmergtiete 


gabbro amphibolique pauvre en haüyne, gabbro amphi- 
bolique très riche en haüyne, hornblendile et pyroxé- 
nolite. Cette série présente une analogie frappante avec 
les roches grenues basiques formant le cortège habituel 
des syénites néphéliniques. — MM. Capitan et Breuil 
présentent quelques reproductions de dessins paléoli- 
thiques gravés sur les parois de la grotte des Comba- 
relles. Ces dessins représentent des Equidés, des Bovi- 
dés, des Rennes et des Mammouths. 
Louis BRUNET. 


ACADÉMIE DE MÉDECINE 


Séance du 3 Décembre 1901. 


M. Duguet présente ur rapport sur un mémoire du 
D: Roustan concernant une épidémie de grippe obser- 
vée à Cannes et dans ses environs. Cetle épidémie a 
éclaté subitement au mois d'avril et a frappé plus de 
400 personnes; elle a fait 21 victimes. — MM. A. Robin, 
M. Binet et Dupasquier ont étudié les échanges res- 
piraloires aux hautes altitudes, d'après les données 
recueillies dans une ascension en ballon par l'un d’entre 
eux. En résumé, pendant l'ascension : 1° Le pouls s'est 
accéléré; 2° la fréquence de la respiration a augmenté 
proportionnellement à l'altitude; 3° la capacité respi- 
ratoire a diminué en raison inverse de l'altitude; 4° les 
proportions des gaz ont baissé pour CO* et augmenté 
pour l'oxygène; 5° la ventilation pulmonaire a pro- 
gressé; 6° les échanges gazeux se sont accrus et plus 
particulièrement l'oxygène absorbé par les tissus; 7° le 
quotient respiratoire a beaucoup baissé. — M. Ch. Fer- 
netrappelleles bons effets de la strychnine comme agent 
thérapeutique dans l'alcoolisme (delirium tremens, 
alcoolisme chronique, etc.) et dans l’adynamie ner- 
veuse, — M. A. Chipault donne lecture d’un mémoire 
sur la pathogénie de la contracture post-hémiplégique. 
— M. H. Barré lit un travail sur les germes du froment 
et le problème de la tuberculose. 


Séance du 10 Décembre 1901. 


M. le Président annonce le décès de M. de Nencki, 
correspondant étranger. : 

M. Porak présente le Rapport pour 1901 de la Com- 
mission permanente de l'Hygiène de l'enfance. — M. A. 
Mossé examine l'emploi de la pomme de terre dans les 
diabèles sucrés et les complications diabétiques. — 
MM. Champetier de Ribes et Baudron communiquent 
une observation de dystocie par kystes hydatiques pen- 
dant le travail. Ils ont eu recours à l'opération césarienne 
suivie d'hystérectomie abdominale; ils ont extrait ainsi 
un enfant vivant, et les suites de l'opération ont été 
excellentes pour la mère, 


SOCIÉTÉ DE BIOLOGIE 


Séance du 30 Novembre 1901. 


MM. L. Camus et E. Gley ont observé des pertes de 
poids considérables chez des Hérissons en état d'hiber- 
nation. — MM. Moreul et Rieux ont retrouvé, dans un 
grand nombre de cas de dysenterie, endémique ou épi- 
démique, le bacille déjà signalé par M. Roger. Il res- 
semble au bacille colicommum ; il est colorable par les 
couleurs d'aniline, mais ne prend pas le Gram. — MM. 
L.Ingelrans et M. Dehon ont constaté que: 1° l’uro- 
toxicité va diminuant ou reste stationnaire chez les 
typhoïdiques traités par les bains chauds; 2° elle 
augmente graduellement chez ceux traités par les bains 
froids; 3° elle s'accroit notablement chez les malades 
soumis au régime des boissons abondantes. — M. M. 
Arthus à trouvé que le sang ne contient pas de fibrin- 
ferment au moment de la prise; il y apparait peu après, 
mais se développe surtout dans les moments qui précè- 
dent la coagulation spontanée. — M. G. Delamare a 
observé, chez un lapin tuberculeux, une paralysie 
ascendante aiguë, avec lésions médullaires, névritiques 
et musculaires, qu'il attribue aux poisons élaborés par 


le bacille de Koch. — MM. Hallion et Tissot ont étudié 
l'influence des variations rapides d'altitude sur les phé- 
nomènes de la respiration à l’état de repos (voir p. 1145) 
et sur la quantité des gaz du sang. — M. P. Bonnier a 
reconnu que l'oreille ne s'accommode que lentement à 
une grande variation d'altitude, par exemple dans une 
ascension en ballon. C’est là.la source directe du 
malaise des hauteurs. — MM. Calugareanu et V. Henri 
ont étudié les variations du sang de chien pendant une 
ascension en ballon. Ils ont constaté une augmentation 
considérable du nombre des globules; la composition 
en eau, en azote et en fer n'a presque pas varié. — 
M. J. Jolly, dans les mêmes conditions, a constaté une 
augmentation des globules rouges avec l'altitude, et de 
grandes oscillations des globules blancs, le maximum 
correspondant toutefois à l'altitude maxima. — MM. R. 
Lépine et Boulud ont observé la présence d'acide gly- 
curonique dans le foie du chien et du cobaye post 
mortem. — M. F. Tissot a reconnu que les pus de 
nature tuberculeuse sont caractérisés par une propor- 
tion de mononucléaires double ou même triple de celle 
des pus septiques, et presque huit fois plus forte que 
celle des pus blennorragiques. — M. R. Blanchard 
communique des observations sur quelques moustiques. 
— M. Ch. Pérez a étudié les phénomènes de la n,"0- 
phose chez la Fourmi rousse. — M. J.-A. Sicard à 
constaté que l'existence de l'aspect sanguinolent Cu 
liquide céphalo-rachidien n'est pas toujours une preuve 
certaine de l'hémorragie du névraxe; elle peut provenir 
tout simplement de la piqûre d'une veine faite au cours 
de la ponelion. Par contre, la coloration jaunâtre ou 
jaune-verdâtre du liquide céphalo-rachidien est un 
signe de grande valeur pour reconnaitre ces hémor- 
ragies. — M. J. Lépine à reconnu que l'injection de 
mucine de limace stimule la défense de l'organisme chez 
les animaux tuberculeux. La mucine de limace, à l’état 
frais, possède également des propriétés hémolytiques 
remarquables, mais fugitives. 


SOCIÉTÉ FRANÇAISE DE PHYSIQUE 


Séance du 8 Décembre 1901. 


M. A. Cornu décrit une nouvelle méthode pour la 
détermination des trois paramètres optiques d'un cris- 
tal par le réfractomètre. La détermination des trois 
indices et des trois axes principaux d’un cristal, si im- 
porlante à la fois en Optique, en Minéralogie et en 
Pétrographie, est longue et difficile par la méthode des 
prismes, qui exige la taille de faces planes rigoureuse- 
ment orientées. Elle devient théoriquement très Simple 
lorsqu'on opère par réflexion totale dans un milieu 
suffisamment réfringent, car une seule face plane, 
orientée d'une manière quelconque, fournit alors toutes 
les données nécessaires. Mais la détermination des trois 
directions principales est restée jusqu'ici hérissée de 
calculs inabordables pour la pratique courante. M. A. 
Cornu, qui a fait, au réfractomètre d’Abbe, de nom- 
breuses observations sur divers cristaux, a été amené 
à faire l'étude géométrique directe de la réflexion totale 
sur une surface cristalline et a été conduit ainsi à des 
relations analytiques d’une simplicité inespérée qui 
facilitent considérablement la solution du problème. 
M. A. Cornu rappelle d'abord le principe de l'emploi du 
réfractomètre à réflexion totale tel que l’a indiqué en 
dernier lieu Soret. La face cristalline étudiée est appli- 
quée par l'intermédiaire d'une couche. d'un -liquide 
convenable sur la face plane horizontale d'un hémis- 
phère de verre très réfringent qui peut tourner autour 
d'un axe vertical. En faisant varier, à l’aide de ce mou- 
vement. de rotation, l'azimut du plan d'incidence au- 
tour de la normale à la face cristalline, on trouve 
quatre azimuts principaux pour lesquels l'angle de 
réflexion totale I estmaximum ou minimum, Les va- 
leurs principales extrêmes I, et L de l'angle de réfle- 
xion totale correspondent aux deux indices extrêmes 
de réfraction 2, et n. : mais il faut choisir, entre Îles 
angles I, et I, des deux autres azimuts, l'angle I, qui 


1148 


ACADÉMIES ET SOCIÉTÉS SAVANTES 


a ———_——————] 


correspond à l'indice moyen », pour pouvoir rejeter 
la quatrième valeur de 1 qui fournirait un indi- 
ce supplémentaire v dépendant de la taille de la face 
cristalline. De là une complication dans l’ancienne 
méthode. L'existence du quatrième azimut principal, 
correspondant à l'indice supplémentaire v, n'est plus, 
dans la méthode de M. A. Cornu, qu'une source de vé- 
rilication. M. A. Cornu expose les parties principales 
de son étude géométrique directe de la réflexion totale 
sur une surface cristallline’. Cette étude est fondée 
sur la construction de la surface de l'onde, qui permet 
d'obtenir un point de la normale en ce point en par- 
tant de l’ellipsoide de Fresnel dont les axes 4, b, e sont 
les inverses des indices principaux », n,, n-. Il rappelle 
d'abord les conditions auxquelles conduit la construc- 
tion d'Huygens pour l'existence du rayon efficace dans 
la réflexion totale, et la relation : 


(4) P'Sin TR; 


entre l’angle I de réflexion totale, l'inverse R de l'in- 
dice N du milieu extérieur, et la distance p de l'origine 
à la tangente à la section de l'onde par la face cristal- 
line. La forme de cette section de surface de l'onde se 
trouverait géométriquement définie comme enveloppe 
par sa podaire si l'on connaissait les angles I de réfle- 
xion totale correspondant aux divers azimuts. Mais, 
sans passer par l'étude de cette podaire, M. A. Cornu 
détermine géométriquement, en projection stéréogra- 
phique, les quatre rayons vecteurs de la surface de 
l'onde, qui sont en même temps les paramètres p cor- 
respondants de la podaire et correspondent, par suite, 
aux quatre azimuls principaux. La même projection 
stéréographique fait reconnaitre immédiatement les 
trois rayons vecteurs, de longueur maximum ou mini- 
mum, qui fournissent par leurs inverses les trois in- 
dices principaux »,, »,, 1, puis le quatrième rayon 
vecteur, maximum ou minimum aussi, qui correspond 
au quatrième azimut principal et fournit l'indice sup- 
plémentaire v. M. A. Cornu montre très simplement 
que, si «, $ et y sont les angles que fait la normale à la 
face cristalliue avec les trois directions principales, 
l'indice y satisfait à la relation : 


(2) V— n°x COS? 4 + n°? COS? R + n°: cos° y, 


qui permet à la fois de calculer v*, de distinguer sans 
ambiguité n, de v et d'obtenir une précieuse vérifica- 
tion. La projection stéréographique déjà utilisée fournit 
encore les trois relations qui définissent les angles «, 
B, y, connaissant les angles que font entre eux les trois 
premiers azimuts principaux A, B, C, relations qui 
sont du type : d 


k ANS EE 
(3) cos? a — cotg AB cotg CA, 


avec la relation : cos*x-cos®f+cosy—1 comme vérifi- 
cation. L'azimut D du plan d'incidence correspondant 
à l'indice supplémentaire v est déterminé à son tour par 
trois autres relations du type : 


(4) tg AD = tg BC 


Cette méthode de calcul rend très praticable la déter- 
minalion des indices priocipaux d'un cristal par l'ob- 
servation de la réflexion totale sur une seule face cris- 
talline. M. A. Cornu l'a vérifiée par de nombreuses 
observations au réfractomètre Abbe. Parmi les corps 
cristallisés étudiés par lui, l'acide tartrique présente 
une biréfringence assez grande pour permettre une 
vérification vraiment efficace. M. A. Cornu a trouvé 
pour valeurs des indices principaux de l'acide tartri- 
que : 


Dx — 1,49606, 
en NEO TR, TES A D AP EE 2 bel dr D VE ARS QURE 


‘ Voir : Comptes rendus, t. CXXXIII, p. 125 (15 juillet 
1901), et p. 463 (16 septembre 1901). 


ny= 1,53573, n:—1,60554, 


avec une erreur possible inférieure au dix-millième. 
L'angle de réfraction conique, qui n'atteint pas 2° avec 
l'aragonile, s'élève pour l'acide tartrique à 4°, En ter- 
minant sa communication. M. A. Cornu fait projeter 
par M. Pellin le phénomène de réfraction conique 
obtenu avec un cristal d'acide tartrique de 23 milli- 
mètres d'épaisseur, mobile autour de deux axes rectan- 
gulaires. Ensuite est vérifiée la polarisation si curieuse 
de l'anneau lumineux correspondant à cette réfraction 
conique à l’aide d’un analyseur biréfringent formé 
également d'un cristal tartrique; cet analyseur a 
été construit par M. I. Werlein. Une dernière expé- 
rience projetée devant la Société consiste à plonger un 
cristal non taillé d'acide tartrique du commerce dans 
une cuve à faces parallèles renfermant de l'essence de 
girofle dont l'indice 1,53 se trouve être sensiblement 
identique à l'indice moyen de l'acide tartriqué. Entre 
la lanterne de projection et la cuve est disposé un petit 
écran percé d'un assez grand nombre de trous qui 
définissent autant de pinceaux étroit de rayons et dont 
les images, dédoublées par le cristal, sont formées sur 
l'écran de projection. En tatonnant un peu, on parvient 
à trouver une position du cristal telle que l'une de ces 
nombreuses images doubles se transforme daus le 
petit anneau lumineux qui caractérise la réfraction 
conique. M. Pellat dit qu'il lui a semblé que la pro- 
jection de la réfraction conique ne devait être exacte- 
ment ni l'intérieure, ni l'extérieur M. A. Cornu dit qu'en 
effet ce n'est exactement ni l’une ni l'autre en projec- 
tion et qu'on se rapproche seulement de la réfraction 
conique intérieure. Mais on peut la réaliser exactement 
dans l'observation au microscope en pointant à travers 
le cristal l’image d’un petit trou; l'expérience peut se 
faire avec une lame de clivage de bichromate de potasse 
en utilisant le fait que l'axe optique est normal à la 
face de clivage. M. A. Cornu rappelle que le pouvoir 
rotatoire de l'acide tartrique ne se présente pas dans 
les cristaux suivant le sens des axes optiques. Il a pu 
vérifier le fait au cours de ses expériences. — MM. Fo- 
veau de Courmelles et G. Trouvé présentent de 
nouveaux appareils d'étude et d'utilisation des diver- 
ses radiations lumineuses. Pour avoir une quantité 
suffisante de lumière sans recourir à de grandes sour- 
ces d'énergie et en isoler les radiations calorifiques 
lumineuses ou chimiques, ils utilisent la réflexion 
parabolique ; ils séparent des autres les radiations à 
étudier et les concentrent ensuite sur des surfaces 
réfléchissantes : tronc de cône concentrateur où miroir 
concave réfléchissant une seconde fois les rayons paral- 
lèles qu'il recoit et les envoyant en avant sur une sorte 
de surface focale; on les dirige ainsi sur le milieu à 
étudier ou irradier : corps électrisés, champ du micros- 
cope.. Leurs premiers appareils, présentés à l'Institut 
le 24 décembre dernier par M. Lippmann, ont été 
modifiés et perfectionnés. Les rayons calorifiques sont 
lamisés à travers un disque en verre rouge, la lumière 
éclairante à travers un disque jaune, la lumière chimi- 
que à travers des lamelles de quartz. Quand la chaleur 
doit être supprimée, une intense circulation d'eau 
froide a lieu autour de l'appareil et entre les quartz, où 
elle doit être très limpide. Les sources d'énergie lumi- 
neuse peuvent être diverses et sont interchangeables : 
lampe à incandescence, ordinaire ou à charbon spécial, 
arc voltaique, acétylène, métaux... Les auteurs signa- 
lent les actions thérapeutiques remarquables oblenues 
sans brülures ni phlyctènes, à l'Hôpital Saint-Louis, 
avec leurs rayons ultra-violets, contre le lupus, l'épithé- 
lioma, les tuberculoses diverses et même pulmonaire, 
avec où sans compression de la région traitée, par 
une lampe à arc de 10 ampères irradiant 10 minutes, 
à 70 volts par exemple (5 ampères à 85 volts donnant 
parfois aussi le même résultat), aiors qu'il faut 75 à 
80 ampères et des séances de 80 mivutes avec l'appareil 
de Finsen de Copenhague. 


DR 


ACADÉMIES ET SOCIÉTÉS SAVANTES 


SOCIÉTÉ CHIMIQUE DE PARIS 


Séance du 22 Novembre 1901. 


MM. Bouveault et Bongert exposent les résultats 
qu’ils ont obtenus dans l’action de l'acide nitrique 
fumaut sur l'éther acétylacétique. Le produit ainsi 
formé est un produit de déshydratation et de polymé- 
risation de l’éthér nitroacétique : 


CO2C2H° 2 CO°C2H° 2 
(i JEAN ) 210 
CAz0 CH2 — 170? 


dont la formation a dû précéder la sienne. Les auteurs 
l'ont, en effet, obtenu dans l’action des acides minéraux 
sur l'éther nitroacélique. Les amines bisubstiluées 
réagissent sur ce produit de condensation en donnant 
de l'alcool, un uréthane bisubstitué et un sel de l'amine 
et d'un acide nouveau, suivant l'équation : 


CO®C2I15\ ? CO — AzR° 

| ) + 3 AZHR?— | 

CAz0 CEA7207H — AzHR? 
+ AzR? — COC: HP. 


+ CH°O 


Ces sels, qui ont été préparés à l’aide de la diméthy- 
lamine, de la diéthylamine et de la pipéridine, sont très 
bien cristallisés,; traités par les acides, ils fournissent 
les acides correspondants à la forœule : 


CO — AzR°? 
Le 4! 


qui sont aussi très bien cristallisés et dont la consti- 
tution semble être : 
COAZR? 


| AZ 
Cle 


Ils se proposent de continuer ces expériences. — 
M. H. Moissan entretien la société des tentatives qu'il 
a faites pour isoler l'ammonium (voir p. 1035 et 1086). — 
M. Delépine a montré antérieurement que le trioxy- 
méthylène et l'anhydride sulfurique s'unissent pour 
engendrer le sulfate de méthylène SO CH? I à 
cherché à étendre cette réaction aux aldéhydes é/hy- 
lique et propylique; elle est tout autre et conduit à des 
acides disulfonés : 


CH (SO*H} — CHO et CH°—C(S0*H} — CHO. 


L'acétone engendre un acide trisulfoné : 
CH (SO:H)2 — CO — CHE (SH). 


La constitution du premier acide est établie par son 
identité avec l'acide déjà connu ayant cette formule; 
celle des deux autres, par leur dédoublement par les 
alcalis, ce qui engendre, avec l'acide propanol-2.2- 
disulfonique, de l'acide formique et de l'acide éthyl- 
idène-disulfonique, et avec l'acide acétone-1.3.3-trisul- 
fonique, les acides méthionique et acétosulfonique. 
Ces divers acides prennent, d’ailleurs, naissance dans 
la réaction, à côté des produits fondamentaux. — 
M. R. Fosse montre que les dérivés halogénés du 
xanthène possèdent les mêmes propriétés que celles 
qu'il a déjà fait connaître pour le dinaphtoxanthène. 
En particulier le bromoxanthène réagit sur l'alcool 
comme le bromodinaphtoxanthène; il y a élimination 


_d'hydracide, formation de xanthène et d'éthanol suivant 


la réaction :. ‘ 


Spri £ arts 
Br— CH Gus >0 + HO = HBr+ CHO +. CH Gate 0: 


1149 


M. Fosse se réserve d'établir, par un très grand 
nombre d'exemples, les deux lois suivantes : 1° les 
dérivés monohalogénés de la série du xanthène, 
obtenus soit par l’action des halogènes sur les xan- 
thènes, soit par les hydracides sur les xanthydrols, se 
comportent comme des sels basiques et donnent des 
sels doubles avec plusieurs réactifs des alcaloïdes (sels 
de Pt, Hg, etc.); 2° ces mêmes corps réagissent sur 
l'alcool comme les sels de diazoïques : ils r-génèrent le 
carbure correspondant, transforment l'alcool en aldé- 
hyde et donnent de l'hydracide. M. Fosse se réserve de 
vérifier si ces lois s'appliquent à la série du pyrane et 
de transformer en xanthènes ou pyranes, par sa réac- 
tion, diverses xsanthones ou pyrones. 


SECTION DE NANCY 


Séance du 11 Décembre 1901. 


M. Guntz décrit l'appareil qu'il emploie pour chauffer 
les tubes de porcelaine au moyen d’une résistance en 
fil in de platine et indique les conditions dans les- 
quelles il faut se placer pour obtenir du baryum pur, 
métal qui n'avait pas encore été obtenu, par distillation 
de l'amalgame de baryum dans le vide. En appliquant 
la même méthode à l'amalgame de strontium, il a ob- 
tenu l'hydrure de ce métal, qu'il compte obtenir égale- 
ment pur dans les mêmes conditions que le baryum. 
Les expériences sout en voie d'exécution. — MM. P. 
Th. Muller et Ed. Bauer, continuant l'étude physico- 
chimique des dérivés isonitrosés, ont mesuré la réfrac- 
tion et la dispersion d’un certain nombre de ces com- 
posés depuis l’acétoxime jusqu'à l'acide isonitrosocya- 
nacétique en passant par des molécules qui renferment 
des radicaux de plus en plus négatifs : oxime de l'acide 
et de l'éther pyruvique, acide isonitrosomalonique 
et son éther méthylique,isocitrosométhylcétone, isoni- 
trosocamphre, éther isonitrosoacétylacétique, ete. Ils 
ont constaté que la différence entre l'expérience et la 
théorie, nulle pour l'acétoxime, va en croissant à me- 
sure que le radical qui accompagne le groupement 
— AzOH devient plus négatif. L'exagération atteint plus 
de deux unités pour la réfraction moléculaire de l'acide 
isonitrosocyauacétique. — M. E. Blaise fait une com- 
muuicalion sur la synthèse des fonctions primaires au 
moyen des dérivés organométalliques et en particulier 
de la fonction alcool primaire au moyen des dérivés 
organométalliques et du trioxyméthylène. 


SOCIÉTÉ ROYALE DE LONDRES 


EI. MetchnikofF : Sur le processus du blanchis- 
sement des cheveux. — Quoique le fait du blanchis- 
sement des cheveux nous soit (très familier, son méca- 
nisme n'a pas encore été dévoilé. Les auteurs de travaux 
sur les cheveux et la dermatologie avouent leur igno- 
rance sur ce sujet. 

Ayant entrepris une étude sur le processus atrophique 
et spécialement sur l’atrophie sénile, mon attention a 
été appelée sur l’atrophie du pigment des cheveux, si 
fréquente chez les vieilles personnes. 

Des observations sur des cheveux gris, ou sur des 
cheveux commencant à devenir gris, m'ont montré que 
l’atrophie du pigment est due à l'intervention de pha- 
gocytes des cheveux. 

Ces cellules ont un seul noyau et leur aspect, très 
différent l’une de l’autre, est dû à de nombreuses pro- 
longations amæboïdes de leur protoplasma. Elles pro- 
viennent de la partie médullaire des cheveux et pénè- 
trent dans la couche corticale, où elles absorbent les 
granules pigmentaires qu'elles enlèvent ensuite des 
cheveux. 

Si nous examinons des cheveux dont une partie est 
déjà blanche et l’autre encore pigmentée, nous trou- 
vons une grande quantité de ces phagocytes. Ils possè- 
dent des prolongations très développées et pénètrent 
entre les cellules kératiques de la couche périphérique. 

Dans les cheveux tout à fait blancs, les phagocytes 


1150 


remplis de pigment deviennent de plus en plus rares, 
et généralement disparaissent complètement. 

Ainsi, il est incontestable que les phagocytes des che- 
veux absorbent le pigment granulaire de la couche 
corticale et le transportent autre part; le résultat est le 
blanchissement complet de ces cheveux. Si l’on observe 
la racine des cheveux commencant à devenir blancs, 
on trouve souvent une grande quantité de phagocytes 
remplis de pigment. 

Le blanchissement des poils de vieux chiens a lieu 
par le même mécanisme. Nous trouvons également ici 
un grand nombre de phagocytes possédant de nom- 
breuses prolongations et remplis de granules pigmen- 
taires. 

Le rôle joué par les phagocytes dans le blanchisse- 
ment des cheveux explique beaucoup de phénomènes 
observés il y a longtemps, mais qui n'avaient pas encore 
été suffisamment compris. ‘Ainsi le fait de cheveux 
devenant blancs en une seule nuit ou en quelques jours 
peut être expliqué par l'accroissement d'activité des 
phagocytes des cheveux, rendus capables ainsi de trans- 
porter le pigment dans un temps si court. 

Le mécanisme du blanchissement des cheveux par 
l'intervention des phagocytes permet de classer ce cas 
d’atrophie sous les lois générales d'atrophie de parties 
solides de l'organisme. 


SOCIÉTÉ ALLEMANDE DE PHYSIQUE 
Séance du 45 Novembre 1901. 


MM. E. Hagen et H. Rubens communiquent leurs 
recherches sur le pouvoir de réflexion des métaux pour 
les rayons ultra-violets. Leur méthode consiste à com- 
parer photométriquement un objetlumineux (fil de pla- 
tine incandescent) avec son image réelle de même 
grandeur, obtenue par un miroir concave constitué par 
la substance à examiner; l'observation des rayons ultra- 
violets se fait au moyen d’un oculaire fluorescent, Le 
pouvoir de réflexion de l’argent diminue rapidement 
au-dessous de la longueur d'onde 450 uy et passe par 
un minimum de#°/, pour À — 300 yy. Donc, tandis que 
l'argent est le meilleur métal réfléchissant pour les 
rayons visibles, il possède, pour les rayons ultra-violets 
de 250 — 350 puy, le pouvoir de réflexion le plus faible 
parmi tous les métaux examinés. L'or et le cuivre pré- 
sentent aussi un minimum du pouvoirréfléchissant dans 
l'ultra-violet, mais il est beaucoup moins marqué que 
pour l'argent. Le platine, le nickel et le fer se com- 
portent à peu près de même pour tous les rayons; les 
courbes du fer et du nickel sont remarquablement pa- 
rallèles, comme on l'a déjà observé dans le spectre 
infra-rouge. Le magnalium présente un pouvoir de 
réflexion remarquablement élevé, presque constant 
entre À— 700 et À—385 puy. Au-dessous, il diminue 
lentement, mais il est encore de 67 °/, pour À = 251 pu. 
— On sait que, dans un espace rempli de rayons sans 
direction prépondérante, un corps est soumis, d'après 
les lois de Maxwell, à une pression égale de tous les 
côtés. Il n’est pas impossible que cette loi se modifie 
pour les corps en mouvement, car à priori il doit 
tomber sur le côté antérieur une plus grande quantité 
d'énergie que sur le côté postérieur. M. M. Thiesen 
a entrepris de calculer, non directement d'après la 
théorie électromagnétique, mais d'après les lois du 
rayonnement, la résistance que rencontre ainsi un corps 
en mouvement qui se trouve en équilibre de radiation 
avec le milieu environnant. Celle résistance, qu'il 
appelle résistance de frottement, est très faible. A la 
surface de la Terre, elle n’atteint qu'une valeur d’'en- 
viron 1.000 kilos et son influence sur la durée de l’année 
serait une diminution de 4°*3 X 10-#Ti, Par. contre, 
pour les molécules d’un gaz elle pourraitatteindre, aux 
hautes températures, une valeur de l’ordre de la pesan- 
teur, ce qui conduirait à modifier la loi de Maxwell- 
Boltzmann sur la répartition de la vitesse des molé- 
cules, si les considérations précédentes sont valables 
pour les molécules, 


ACADÉMIES ET SOCIÉTÉS SAVANTES 


SOCIÉTÉ DE CHIMIE DE LONDRES 
Séance du 7 Novembre 1901. 


M. W. Ramsay a constaté que, si l’on ajoute H?0® à 
un mélange d'acide sulfurique et de permanganate de 
potasse, tout l'oxygène actif se dégage, tandis que, si 


l'on ajoute du permanganate à un mélange de H°0* 


et d'acide sulfurique, il ne se dégage qu'une partie de 
l'oxygène, car ni l'acide persullurique, ni l'acide de 
Caro ne sont complètement attaqués par le permanga- 
nate. Si l’on substitue l'acide acétique à l'acide sulfu- 
rique, la quantité d'oxygène dégagé correspond exacte- 
ment à celle de permanganate ajouté, dans l’un et dans 
l’autre cas. Ces faits ne confirment pas la production 
d'un oxyde supérieur de l'hydrogène. — M. G-W.-F. 
Holroyd a réduit la nitro-urée par électrolyse dans 
une solution aqueuse de chlorure d’ammonium et a 
obtenu la semicarbazide avec un rendement de 60 °/.. 


— M. H.-A.-D. Jowett a trouvé, parmi les produits. 


d'oxydation de l'isopilocarpine par le permanganate, à 
côté des acides acétique et pilopique, un peu d'acide: 
propionique et un nouvel acide C8H{0", nommé homo- 
pilopique. L’acide pilopique correspond bien à la for- 
mule CH10*; il fond à 104; il est dextrogyre. L'acide 
homopilopique bout à 235°-237° sous 20 millimètres; il 
est également dextrogyre. L'auteur à préparé de nom- 
breux dérivés de ces deux acides. L'acide pilopique, 
fondu avec KOH à haute température, fournit de l'acide 
butyrique normal; l'acide homopilopique, dans les 
mêmes conditions, donne de l'acide «-éthyltricarbal- 
lylique. Ces deux acides possèdent donc vraisemblable- 
ment les schémas suivants : 


C?H5.CH — CH.CO'H 
CO.0.CH° 


CHS.CH — CH.CH?.CO®H 
| 
CO.0.CH® 


— Le même auteur a fait la synthèse de l'acide 
a-éthyltricarballylique de la facon suivante : Le cyana- 
cétate d’éthyle sodé, condensé avec l’«-bromobutyrate 
d'éthyle, donne le $-éthylcyanosuccinate d’éthyle. Le 
dérivé sodé de ce dernier, condensé avec le bromacétate 
d'éthyle, fournit l'«éthyl-B-cyanotricarballylate d'éthyle. 
Enfin, l'hydrolyse de ce dernier livre l'acide «-éthyltri- 
carballylique, fondant à 1570 — M. K.-J.-P. Crton, en 
traitant un grand nombre d'acides gras monobasiques 
avec un excès de chlorure de benzoyle en présence d'am- 
moniaque et de soude, a obtenu les amides de ces acides 
en même temps que de la benzamide. En subslituant 
la méthylamine à l'ammoniaque, on obtient les méthyl- 
amides. Si les acides gras et le chlorure de benzoyle 
sont chauftés d'abord ensemble à 100-120° pendant trois 
heures avant le traitement par l'ammoniaque, le ren- 
dement en amide est augmenté et peut aller jusqu'à 
750/,. Quand les acides possèdent des groupes hydroxyle 
ou amine, ceux-ci sont en même temps benzoylés. — 
MM. P.-F. Franklandet R.-C. Farmer ont trouvé que 
le peroxyde d'azote liquide est un excellent dissolvant, 
généralement inerte, pour les composés organiques. 
Seuls, les corps hydroxylés sont transformés en dérivés 
nitrés, et les amines diazotées. C'est un corps qui ne 
produit pas la dissociation électrolytique. Sa constante 
ébulliscopique est 13,7; quelques déterminations ont 
montré que les acides acétique et benzoïque dissous 
avaient des molécules doubles. — M. E. G. Clayton a 
analysé une incrustation provenant de la Galerie de 
pierre de la Cathédrale de Saint-Paul. Elle renferme 
une forte proportion de sulfate de chaux. Celui-ci pro 
vient certainement de l'action des pluies chargées 
d'acide sulfureux et sulfurique émanés par les che- 
minées des nombreuses usines voisines. — Le même 
auteur publie quatre analyses d'asbeste, dont l’une 
d'origine anglaise, et dont la composition ne diffère pas 
beaucoup de celle des autres. — M. W.-H. Perkin, en 
traitant le diméthylacétoacétate d'éthyle par l'acide 
nitrique concentré, a obtenu un produit fondant à 65° 
et qui semble correspondre à la formule suivante : 


2 


ACADÉMIES ET SOCIÉTÉS SAVANTES 1151 


O.Az : G.CO.C(CH*}°.CO°CH* 
O.Az : G.CO.C(CH*}°. CO®CH* 


Ce composé, réduit par l’étain et HCI, donne deux 
composés isomères incolores, C#H*0%Az*, fondant à 
1540 et 173°, et un composé jaune, C#H‘05Az?, fondant 
à 170°. Ce dernier se dissout dans la potasse en se 
transformant en un acide C'®H‘*0Az?, fondant à 214°, 
— M. H.-O. Jones a observé, chez plusieurs com- 
posés azotés substitués, le déplacement du radical 
benzyle par le groupe méthyle; par contre, les groupes 
éthyle, propyle, isobutyle, allyle n’ont aucune action 
sur les corps benzylés. L'action particulière du méthyle 
est due à sa grande mobilité. 


ACADÉMIE DES SCIENCES D'AMSTERDAM 


Séance du 30 Novembre 1901. 


19 SCIENCES MATHÉMATIQUES. — M. P. H. Schoute : 
Etude analytique d'une configuration du D' C. Segre. 
Seconde partie. Lieu des plans coupant quatre droites 
données arbitrairement dans l'espace E, à quatre di- 
mensions. Transformation du système de coordonnées, 
employé par l’auteur en celui dont s’est servi M. G. Cas- 
telnuovo. Paraphrase sur la question : la configura- 
tion de Segre est-elle unique en son genre ?— M. E. F. 
van de Sande Bakhuyzen présente au nom de M. C. 
Sanders : Détermination astronomique de la longitude 
et de la latitude à la côte occidentale d'Afrique; 4° In- 
struments. Déterminations du temps. Marche du chro- 
nomètre ; 2° Détermination de la latitude de Chiloango 
à l’aide de hauteurs circumméridiennes ; 3 Corrections 
de la latitude de San-Salvador et d'Ambriz (voir /tev. 
gén. des Se. t, XI, p. 224); # Détermination provisoire 
de la longitude de Chiloango. 

20 SciENCES PHYSIQUES. — M. P. Zeeman : Quelques 
observations sur le pouvoir résolvant d'un spectros- 
cope à échelons. Cette communication est en relation 
intime avec une étude récente publiée dans le Livre 
jubilaire de Bosscha (Areluves néerlandaises, série 2, 
t. VI, p. 319). La radiation verte très intense du mer- 
cure (À — 5460), du thallium (À 5440), du cadmium 
(= 5086). La meilleure série de «tests». Il semble, 
d’après les observations de l’auteur, qu'il soit possible 
de construire un spectroscope à échelons conformé- 
ment aux exigences théoriques. — Ensuite M. Zeeman 
présente au nom de M. J. W. Giltay : L'action de la 
bobine d'induction dans les appareils téléphoniques. 
Première partie. Aussitôt que Hughes publia l'invention 
du microphone, cet appareil bien simple attira l’atten- 
tion générale. Partout on l’expérimenta. On reliait le 
microphone à un couple d'éléments Leclanché et à un 
téléphone et on transmettait ainsi le son d'une montre 
en marche par le microphone au téléphone. Seulement 
aussitôt qu'on voulut mettre à profit le microphone 
dans la pratique téléphonique, on remarqua que, sur 
des fils conducteurs d'une résistance quelque peu im- 
portante, le son produit était trop faible. Alors Edison 
et en même temps Hoorweg ont indiqué un moyen 
simple pour surmonter cet obstacle : au lieu d'inter- 
caler le microphone dans le circuit, on le place avec 
les éléments dans le fil primaire d’une petite bobine 
d'induction. Les extrémités du filsecondaire sont mises 
en communication avec les deux extrémités du fil con- 
ducteur ou avec ce fil et avec le sol. En choisissant 
d’une manière convenable les enroulements secondaires, 
le courant ondulant des éléments est transformé dans 
un courant alternatif de potentiel beaucoup plus haut, 
ce qui permet de téléphoner sur des circuits d'une ré- 
sistance beaucoup plus considérable qu'auparavant. En 
exceptantles téléphones fonctionnant à des distances de 
quelques centaines de mètres, on ne trouve à présent 
plus d'appareil téléphonique sans bobine d'’induction. 
Les bobines dont on se sert ordinairement portent 
quatre couches de fil primaire, chaque couche se com- 
posant de 90 tours, l'épaisseur du fil étant d'ordinaire 


millimètre. Le fil secondaire a d'ordinaire une épais- 


wi 


{ 
seur de n millimètre et 3.000 tours. A l’intérieur de la 


bobine se trouve un noyau de fer. La pratique a prouvé 
qu'une bobine pareille donne les meilleurs résultats 
dans la plupart des cas. La littérature sur le choix de 
la bobine est extrêmement rare, ce qui semble démon- 
trer qu'on n’a presque pas expérimenté sur ce sujet. Le 
manuel connu de MM. Preece et Stubbs contient unetable 
faisant connaître les résultats de quelques expériences 
comparatives faites par M. Abrezol. Le microphone Blake 
fut mis en communication avec des bobines d’induction 
différentes et chaque fois on {observait l'intensité et la 
clarté du son; seulement, à en juger par ce qu'en disent 
MM. Preece et Stubbs, les chiffres de cette table n’ont 
pas la moindre valeur; en effet, à la question où se 
trouve la description originale de ces expériences, 
M. Preece a répondu qu'il regrettait d’avoir oublié d’où 
lui étaient venu ces chiffres. D'ailleurs, l'évaluation du 
rapport de l'intensité de deux sons par l'ouie étant déjà 
assez critique, on ne saurait se représenter comment 
on doit tradaire en chiffres les différents degrés de 
clarté. Donc M. Giltay s’est efforcé d'examiner expéri- 
mentalement si un accroissement du nombre des tours 
primaires au-dessus du nombre ordinaire ne mène pas 
pas à un renforcement ou à une amélioration du son 
téléphonique. A cette fin 1l se servait de dix bobines 
différentes dont les propriétés principales peuvent être 
déduites du tableau I : 


Tagceau I. — Garactéristiques des bobines. 


RÉSISTANCE | RÉSISTANCE 
du du fil 
fil primaire | secondaire 
en ohms en ohms 


NOMBRE 
des couches 
de fils 
primaires 


MARQUE NOMBRE 


des bobines des tours 


QT OT 19 N9 © © Où On 2 Go 


D pe be Le 


Les bobines marquées À possèdent un noyau de fer ; 
celles marquées B en sont dépourvues. Pour faciliter 
le langage, l'auteur parle de bobine d'ordre supérieur 
ou inférieur à mesure que le nombre des tours pri- 
maires est grand ou petit. Toujours il employa le télé- 
phone Hunnings-Cone, dont la résistance s'élève à 
3,5 ohm. Au lieu de comparer les actions des bobines 
différentes par l'ouie, l’auteur s’est servi de l’électro- 
dynamomètre de Bellati (Wied. Aun., nouvelle série, 
t. XXV, p. 325, 1885), dont la forme extérieure à bien 
changé depuis son invention. Le résultat des expé- 
riences, dont il nous est impossible de faire connaître 
les détails, est déposé dans les tableaux IL et III. 


Tapzeau IL — Résultats des expériences. 


BOBINES 


Intensité du courant 
induit, celle de la bo- 
bine 3 A étant prise 
comme unité. . »« . 


1,507| 1,429] 1,114|0,818 


1152. ACADÉMIES ET SOCIÉTÉS SAVANTES 
TagLeAu III. — Résultats des expériences. 


BOBINES 


A 
Valeur du rapport +: 


Effet utile du fer, celui 
de la bobine 3 étant 
pris comme unité. 0,4 


On voit donc que l'intensité du courant d'induction 
atteint bientôt une valeur maximum et que l'effet utile 
du noyau de fer diminue à mesure que l'ordre de la 
bobine augmente. — M. C.-A. Lobry de Bruyn présente 
au nom de M. J.-J. Blanksma : Sur l'influence de plu- 
sieurs atomes et groupes d'atomes sur la transformation 
de sulfures aromatiques en sullones. En chauffant au 
bain-marie du sulfure de picryle avec de l'acide nitrique 
de poids spécifique 1,52, on retrouve, en diluant avec 
de l’eau, la substance originale; au contraire le sulfure 
de tétranitrodiphényle (1 : 3 : 4) est transformé par un 
même traitement tout à fait dans la sulfone correspon- 
dante. La formule du sulfure de picryle contenant 
quatre groupes nitro en position ortho par rapport à 
l'atome de soufre, on peut supposer que l'atome de 
soufre est protégé contre l'action oxydante de l'acide 
nitrique par ces quatre groupes nitro, ce qui présen- 
terait donc un cas d'obstacle stérique. Ainsi l’auteur 
s’est posé les deux questions suivantes : 1° Peut-être 
l'atome de soufre est-il protégé déjà d’une manière 
satisfaisante contre l'action oxydante de l'acide nitrique 
par la présence de deux groupes nitro attachés en 
position ortho au noyau du benzène ?29 Y a-t-il d'autres 
atomes ou groupes d’atomes exerçant une influence 
pareille? Le résultat des expériences de l’auteur peut 
être mis dans la forme suivante : La formation de sul- 
fone ne se présente pas dans les cas : 


X x 
A0 Led Dao, 
AzO? Az0* \ 


où X remplace AzO® ou CAz ou CH'; au contraire, elle 
se présente chez 


AzO? AzO? AzO? 
A1 > Danone et dam Dscne 
WuwAzO: 


L'auteur continue ses recherches sur d’autres atomes et 
groupes d’atomes comme Cl, Br, COOH et aussi sur {rois 
groupes en position ortho. — M. H. Kamerlingh Onnes 
présente au nom de M.W.-H. Keesom : Contributions à la 
connaissance de la surface % de van der Waals (N). 
L'indépendance des constantes du point de plissement 
et de la teneur dans le cas de mélanges binaires dont 
une des deux substances prévaut. D'abord l’auteur dé- 
montre que les variations de température et pression 
critiques au point de plissement dues à la présence de 
petites quantités de la seconde substance dépendent 
exclusivement des deux quantités : 


ARLES ne 
Ce TER Rx FES) 
ce qui le ramène à unerelation trouvée,ennovembre 1897, 
par van der Waals même (Aev. génér. des Sc., t. IX, 
p- #3). Ensuite, il compare ses formules avec les résul- 
tats d'expériences sur des mélanges dus à Amagat et 
Verschaffelt, Enfin, à l’aide des états correspondants, il 
déduit une expression pour la variation du volume au 
point de plissement avec la teneur. Chemin faisant, il 
indique une erreur commise par M. Dieterici (Drude’s 


Annalen, &. V, p. 51-88, mai 1901) dans la déduction de 
son équation d'état. 

SCIENCES NATURELLES. — M. C. Winkler présente, 
aussi au nom de M. G. van Rynberk, une étude: Sur 
la fonction et la structure des atomes dermiques du 
torse. Des vivisections, ingénieusement inventées et 
parfaitement exéculées par L. Türck en 1856 sur des 
chiens et par Ch. S. Sherrington, de 1893 à 1900, 
sur des singes, forment la base de la connaissance phy- 
siologique actuelle de l’innervation du derme par les 
racines postérieures. en nous faisant connaitre la posi- 
tion de ces champs de racines sur le torse et les extré- 
mités. D'un autre côté, M. L. Bolk est parvenu, en 1897, 
à des résultats analogues à l’aide d'une dissection mi- 
nutieuse des nerfs chez l'homme et le singe. Et aussi 
l'expérience pathologique de lésions organiques des 
racines postérieures et des perturbations qui les accom- 
pagnent, enregistrées par MM. J. Ross, A. Starr, 
W. Thorburn, Kocher, H. Head, R. Wichmann, a mené 
à une topographie des atomes dermiques en harmonie 
avec les résultats de Türck, Sherrington et Bolk. Mais, 
quoique tous les investigateurs soient parfaitement 
d'accord en ce qu'ils considèrent les atomes dermiques 
comme des unités, ils ne nous apprennent presque rien 
par rapport à la constitution de ces unités et à la manière 
dont elles fonctionnent. Cependant, la supposition que 
la racine postérieure est une unité n'est pas intuitive, 
car elle se compose de plusieurs faisceaux (chez les ani- 
maux d'expériences de l’auteur de quatre à sept fais- 
ceaux), de manière que cette question se pose : ces fais- 
ceaux de racine, dont l'atome dermique forme le champ 
commun d'innervation, ne peuvent-ils pas faire valoir 
autant de droits à être considérés comme les unités 
essentielles? En tout cas, on désire savoir comment 
chaque faisceau de racines se comporte envers l’atome 
dermique entier, et cela d'autant plus que d'autres 
expériences de l'auteur exigent qu'on poursuive l’ana- 
lyse des atomes dermiques. De plus, le problème de 
savoir, si chaque faisceau de racines possède dans 
l'atome dermique un champ d'innervation qui lui est 
propre et, dans l'affirmative, si ces champs de faisceaux 
de racines y sont rangés Cranio-caudalement ou bien 
dorso-ventralement, peut être résolu par l'expérience. 
A l’aide de ses expériences — trop spéciales pour être 
décrites ici — l’auteur trouve : 1° Il faut distinguer 
dans l'atome dermique entre un champ noyau, de forme 
triangulaire, dont la base se trouve au côté dorsal et le 
sommet au côté ventral, et le reste, situé de part et 
d'autre, qu'on peutnommer champ marÿinal. Le champ 
noyau est le siège de sensibilité ; 2° Le champ noyau 


contient deux points de sensibilité maximale; 3° Chaque 


faisceau de racines peut faire valoir son influence sur le 
champ noyau tout entier. — Ensuite M. Winkler présente 
au nom de M. L.-L.-J. Muskens : Observations sur 
la physiologie et la pathologie des mouvements et des 
positions forcés et de déviations correspondantes de 
l'innervation des globes de l'œil. — M. A.-A.-W. Hu- 
brecht présente au nom de M. J. Th. Oudemans : 
Etude sur la position de repos chez les Lépidoptères. 
Sont nommés rapporteurs : MM. Hubrecht et P.-P.-C. 
Hoek. — M. J.-M. van Bemmelen présente au nom de 
M. J. Lorié : Description de quelques percements de 
sol nouveaux. HI. Percements le long du canal de Gand 
à Terneuzen.Sont nommés rapporteurs : MM. van Bem- 
melen et G. van Diesen. — Est nommé membre de la 
commission géologique : M. C. Lely. — MM. B.-J. 
Stokvis présente sa brochure : « De l’albumiuurie 
considérée au point de vue de l'assurance sur la vie », et 
au nom de M. E. Cohen : « Vorträge für Aerzte über 
physikalische Ghemie » (Lecons de chimie physique 
pour des médecins). — M. J.-D. van der Waals présente 
au nom de M. R.-D.-M. Verbeek « Geologische be= 
chryving van de Bandaeilanden » (Description géolo- 

gique des îles Banda). P. H. Scuoure. 


Le Directeur-Gérant : Louis OLIVIER. 
Paris. — L. MARETHEUX, imprimeur, 1, ruëé Cassette, 


TABLE ANALYTIQUE DES MATIÈRES 


CONTENUES DANS LE TOME XI DE LA REVUE GÉNÉRALE DES SCIENCES PURES ET APPLIQUÉES 


(DU 15 JANVIER AU 30 DÉCEMBRE 1901) 


I. — CHRONIQUE ET CORRESPONDANCE 


Astronomie, Géodésie, Météorologie et Métrologie. 


Valeur absolue des éléments magnétiques au 1° jan- 


EE ESS ST RER REC E CP 112 
HRRe OMC CIACODILE A EU 07 CRE AN 202 
La nouvelle étoile de Persée. : … . … . . . . . . .… . . 297 
Revision de l'arc de méridien de Quito. . . . . . . . 249 
La variabilité de la planète Eros. . . . . . . . . ... 396 
Le sidérostat et la photographie stellaire . . . . . . . 502 
Eclipse du 1er satellite de Jupiter. - . . . . . . . .. 503 
L'éclipse de soleil du 182ma1901% 0 2. .2:1.,0 553 
LE NOR OT SP ES PERRET 553 
L'éclipse du 4° satellite de Jupiter. . . . . . . . . . 553 
Mañpremiereicomete de AIDES. rem 554 
Variations de la température à diverses hauteurs. . . 554 
La Météorologie au sommet de la Tour de 300 mètres. 641 
Anciens journaux météorologique. . . . . . . . . . . 685 
Daformation des petites planètes... ...10. .. 129 
Système cométaire résultant de la désagrégation de 
ÉCOLES SN ROE TEE a RE Ta nPe Lente Mel PoNE 719 
La constitution physique du Soleil. . . . . . . . . . 823 
LE RG EN EE OI E 824 
La troisième Conférence internationale du mètre. . . 893 
Un changement à longue période des taches solaires. 941 
LE, ne Co COR PER RE ART EN EE 1043 
Etoile à fort mouvement propre . . . . . . . . . . . 1044 
SéoptaphiedeMers EEE EC AU TS LEA 10#% 
létonettemppraine de Persée" nn. 1093 
Observation des étoiles filantes. . . . . . . . . . . . 1094 
Botanique et Agronomie. 
Orxvier (Louis). — L'enseignement de la Botanique 
HORS NÉS UNIV SILES 2 MU Tee elfe Ne tete 89% 
Répin (Dr Ch.). — La culture de la Morille. . . . . . . 595 
DAPCHIP SATA OÎE DEL EU A Me den ere ec ee Le one 113 
L'Institut agricole de l’Université de Nancy. . . . . . 687 
Influence nocive de traces de cuivre sur la germina- 
HONTE OLAINER RES eue Pen ui Meet cUebele 1097 
Bibliographie scientifique. 
Projet de création d'un Dictionnaire technique en trois 
ÉTAT PP Eu ue DOTE MR ES 998 
À propos de l'apparition de quelques périodiques nou- 
NOTE SEE En EMA ie ot O0 era re 1098 
Chimie. 
MaRie (Ch.). — Sur un nouveau facteur intervenant dans 
la solubilité des corps solides. . ... . . . . . . . 686 
— Le développement et l'état actuel de l'Industrie 
CUITE EI SUIS SÉ UE MENE NU CNE E  T e 
Rocques (X.). — La stérilisation et le transport des 
MOIS ARLES eee Se ours ee eme bee 59 
La grandeur moléculaire et la densité de la vapeur du 
OUEST TR che Le tehe seen el miens ele Ue 


REVUE GÉNÉRALE DES SCIENCES, 1901. 


La diastase de la fermentation gallique. . . . . . ° 10.59 
Synthèse de l'acide isocamphoronique . . . . . . . . 59 
Conférences de l'Institut Pasteur : Les falsifications des 
alcools et enux=devie CM NS . 143 
Composition chimique des pétroles roumains. . . . . 156 
Action de l’éther méthylmalonique sodé sur l’oxyde 
MES NO NE ete TN EUR, CARS PL 2 OU 156 
Le gaz à l'eau et ses applications. . . . . . . . . . . 203 
L'analyse sdes sucres or ET M ee hr eee + 204 
Méthode de séparation du glucose d'avec le mallose. . 300 
La constitution de la cinchonine et de la quinine. . . 250 
Formation de composés aromatiques à partir du gluta- 
conate d'éthyle et de ses dérivés. . . . . . . . . 351 
Une réaction analogue à celle de Cannizzaro dans la 
SÉLIEN PTE OS Se Re Et de EE 351 
Sur le phéno-o-cétoheptaméthylène et ses dérivés. . . 397 
Découverte de nouveaux alcaloïdes dans le tabac. . . 556 
La distribution des prix à l'Institut de Chimie appli- 
DÉC DA ER ct ete Vol ee 64% 
La production électrothermique du ferro-silicium. . . 644 
Condensation de la phényl-éthylcétone avec la benzal- 
CORRE SD ET et EU ME ON a ae 64% 
Le cellose, un nouveau sucre tiréde la cellulose. . . . 644 
Un grand perfectionnement dans la fabrication du gaz 
GENE NT SAT arch aie an er 686 
Extraction des cyanures dans les usines à gaz . . . . 687 
Programme des prix de la Société Industrielle de 
Mulhouse por As RER EP RE 119 
Nouvelles recherches sur l'affaiblissement des clichés 
PHOtOgTAPRIQUESE RME PIC RENE 826 
La méthode chronophotographique appliquée à l'étude ; 
detlargenese desinstaller lt Le 990 
Synthèse complète de l'acide apocamphorique (campho- 
PYAAUP)EME RNA RAS RAT TERRE 943 
Action des chlorures de phosphore sur les éthers aro- 
matinesmelalslveérine,. ere CO Ce CE 104% 
Altération des métaux sous l'influence des gaz, . . . 1095 
Quelques propriétés curieuses de l’anhydride sulfu- 
HR SO ce NES AE OR JEU fs 1096 
Congrès. 
A. B. — Le Congrès international de Sociologie colo- 
ET ER RE NS RP EE ee EE RU 94% 
Le cinquième Congrès international des physiologistes 206 
1er Congrès égyptien de Médecine . . . . . . . . . . 180 
Le Congrès britannique de la tuberculose tenu à 
Londres dui22/au 26/juillet 190 EN ee 


Distinctions scientifiques. 


Académie des Sciences de Paris. Elections : 
M. Humbert 
M. Zeiller 


M. Y. Delage 
Académie royale des Lincei de Rome. Election d'un 
savant français : M. Emile Picard . . , . . . . . 


25 


29565 


249 
39% 
453 
502 
1041 


641 


1154 


TABLE ANALYTIQUE DES MATIÈRES 


La séance annuelle de l'Académie des Sciences de Paris 1 
Lamédaille d’or Swammerdam.. 1.1. 153 
Les médailles de la Société Royale de Londres . . . . 990 


Enseignement. 


Lorser (Gustave). — Sur l'enseignement de l’'embryologie 
en France. Réponse à M. le professeur Nicolas . . 251 
Nicozas (A.). — Sur l’enseignement de l’embryologie à 


lanvereite deNaney CSN RE 4 
Ozrvier (Louis). — L'enseignement de la Botanique dans 

JESMODLVENENESS EN ET TE AC E 894 
Conférence surilalcoolisme terre CU 398 
Institut Pasteur. Cours d'Analyse et de Chimie appli- 

QuéeraslAyBlene ee CCI IE CEE 731 


Géographie, Colonisation et Voyages. 


A. B. — Le Congrès international de Sociologie colo- 
IN RE TE M no . 944 
CLozeL (M.). — La pénétration dans la Côte d'Ivoire. : 596 
DEHÉRAIN (Henri. — Voyage de M. Hugues Le Roux 
daus l'Ethiopie occidentale. . RO 00 
I. L. — La consommation du thé et du café dans 
QUElQUES PAYS MN RM RE EC TIR 254 


REGELSPERGER (Gustave). — Les explorations du major 
Gibbons et du capitaine Lemaire; le haut Zambèze 


CRIE AU TICONTOME PET RC CS NE A AT 252 
La miss IOn bentante EDEN ME CCRE 645 
— Les expéditions antarctiques angl: aise et allemande 827 
— Le chemin de fer du Yun-nan. . . . .: …. . . . . . 993 

Fondation du prix du commandant Lamy. . . . . . . 6 
Erection d'un monument à Paul Blanchet. . . . . AR URA 
La production du caoutchouc. . . . . . UE AUDIT 
Institut de Médecine coloniale. . . . . . SRE) 
Les limites du Gulf Stream dans l'océan Arctique. 2 AONTSD 
DATE RASE Te d'OS 945 
VOYAGES D'ÉTUDE DE LA REVUE 

Croisière en Finlande: .- .: .: .: .: .: ... PETROLE CIDRE 393 
=ibiyres auire CUP Er Tee Ds PUS NET 
Croisière en Syrie et Palestine. LS RTS REA de 504 
= NDAYTES SA TE RE CNE RS PC RM LD 

Géologie et Paléontologie. 
L'origine des nitrates dans les cavernes. . . . . SAN 
L'Association géologique de Londres en Auvergne HS 
Mathématiques. 


Une nouvelle propriété de la sphère. Les surfaces 
pseudo-sphériques et la Géométrie non euclidienne 201 
L'étude des Mathématiques à l'Université de Genève. . 1041 


Mécanique. 


Guiccaume (Ch.-Ed.). — Un point d'histoire de la loco- 


MOFONNIETIENTE- UN EU ee CN 503 
La locomotive moderne et son avenir. . . . . . . . 202 
Le chemin de fer électrique sous-fluvial de Liverpool à à 
Birkenhedl ee RE ee Lt Ur 685 
La destruction des ordures et la production de l'énergie 
CleCIRIQUEr Eee me Te NE A EE CN CR 825 
L' FRpIS de l'aluminium comme conducteur pour 
l'éEleCLOCILÉELN ENS N A CUS Eodé Re TNT Ed il 
Mines et Métallurgie. 
DEMenGE (E.). — Essai des métaux à la flexion par choc 
delbarreaux etes PRE TS AN M Per ce 942 
HozcarD (A.). — Théorie de la dureté des métaux et des 
ALES RAR NON CO OO D er, 455 
L ’aluminothermie RÉ DS US TEE Lo DOC 3 


Recherches récentes sur l'élasticité des métaux. . . . 153 
Les lignes superficielles qui apparaissent dans le sciage 


des MÉlAUR a ne PCIe A EI ee 28 
La production électrothermique du ferro-silicium.. . . 65 
De l'utilisation des gaz de hauts-fourneaux . . . . . , 593 
Fondation Andrew Carnegie . . . . . . . . . 4095 


Nécrologie. 
BERGERONAJUIES) RE OR IE 57 
CHATINE(ATQlPRE) ER EE RE EEE 57 
Cornu (Maxime) par L-2Mancin te RENE ER 453 
Hernre (Charles) MpartP APPEL ERNEST 109 
HR sCH(AGQINhe) RSR RE EN ER 395 
LAcAzE-Duraiers (Henri de)..." "MN LHNDSD 
Noroexsk1ôL (Adolf Erik), par Henri Dehérain . . . . 718 
POoraAINt(P=-Ch-) "parle DA Naquez APN NE RE ES ail 
RAOOLT (EME) RE RE PE ET 394 
R'ONDANDI (HE ANRT ERP ENS ENENrAE sis NP ON 
FAIT Ale Prof APETE) NE BEEN MEN TR 685 
Tarm(le Prof); parlLucien Poincaré PER 111 
Mort des professeurs Potain et Hermite. . . . . . . . 57 
L'explorateur Serpa Pinro, par Henri Dehérain. . . . 111 


Mort du professeur et explorateur Nordenskiüld . . . . 129 


Physique. 


Janer (Paul). — La lampe à incandescence et le cou- 
PAR alter aiR NN ER REE ENETE 155 
Nouvelle détermination de la vitesse de la lumière à 
Observatoire deNice EVE PS RER RE 
La loi de Cailletet et Mathias et la densité critique . . 5 
La lampe à iocandescence et le courant alternatif. . . 5 
Nouvelle méthode pour la cristallisation des solutions, 
en particulier des solutions de substances albumi- 


HÉNEUS ES AN Motel MMS CCI 155 
Les expériences de Niepce de Saint-Victor et les rayons 
deBECQUErEl ES NE RCE 154 
Le rayonnement calorifique des étoiles PSS Mer) 
La réflexion et la réfraction du son. . . . . . . . . . 349 
Identité du spectre de l'aurore polaire et du spectre 
Catbodique te M EME ONE EC EC RNRNERS 349 
Propriétés diélectriques des électrolytes. . . . . . . . 505 
Le déplacement des bandes d'absorption dans les so- 
lides en fonction de la température … . . . . . . . 555 


Une nouvelle relation entre les raies spectrales . . . . 894 
La loi de la distribution régulière des éléments magné- 


tiques ’/enFrance SP TER RE TE . 1094 
Déviation magnétique provoquée par les rayons ‘catho- 

diques es ET MNT ET MER RNA 1094 
Propriutée électriques des alliages de cuivre et de 

CODEN EEE TT À DALEE .409ÿ 

Sciences médicales et Hygiène publique. 

Les sanatoria d'arrondissement : le futur sanatorium 

de Versailles: Same NET 5 
Opinions des médecins sur les sanatoria populaires. . 61 
La cryoscopie du sang dans la fièvre typhoide . . . 114 
Influence de l'oxygène sur les convulsions strych- 

DIQUES 0e M NC EN SRE CAES 157 
Le sanatorium de l'arrondissement de Versailles . . . 252 
La préparation des produits opothérapiques. . . . . . 301 
La différenciation cellulaire et les tumeurs . . . . . . 398 
Les helminthes comme agents inoculateurs des bac- 

LÉTLES Ne PS MEN CRM MERE 456 
Le stérilisation domestique de l'eau d'alimentation . . 687 
Le passage des microbes à travers les filtres . . . . . 131 
Institut Pasteur : Cours d'Analyse et de Chimie appliquée 

dlAYPIÈN ES EC CERN RON ENERRE 731 
Jer Congrès égyptien de Médecine. 180 
Le Congrès britannique de la tubérculose tenu à Lon- 

dres du22/aut267 0e AIDE ERP EEE 862 
Mesures sanitaires à bord des navires .: . . . . . . . 1045 

Sociétés savantes. 

CODIÉNEDCEISCIENUE EEE RE 64 
Réception en l'honneur du professeur A. Agassiz. . . 158 
Délégation pour l'adoption d'une langue auxiliaire 

internationales a 4 PA QE ONE 254 
L'Association des PAT tOmis tes DEN RNA 353 


Zoologie, Anatomie et Physiologie. 


Introduction de la Mante religieuse aux Etats-Unis. . 4 
Nouvelles études sur la bile. . . . € Ne: CH 
La fécondation chimique des œufs d'Oursin. LR TON PRO 11% 
La ration d'entretien dans les pays chauds. . . . . . . 156 


TABLE ANALYTIQUE DES MATIÈRES 1155 
Hermaphrodisme et parthénogenèse chez les Néma- Le lait utérin chez quelques poissons. . . . . . . . . 645 
ONCE 0 2) CNP EE DD MONET ONE 20# | De la double spécificité des sérums précipitants. . . . 730 
MES RACUDISAPTÉCIDILANES PAU ee eo dous 205 | Recherches sur la coagulation du sang et les sérums 
DEMIADOTRLONENAE Se DIArrIEz LR UE EN 300 anticORDUIAN EEE MENTON ALT RNA 862 
Comment les fleurs attirent les insectes. . . . . . . . 352 | Notes sur des Nautiles vivants... "0. , : 1. 943 
Albumines du sang d'homme et du sang de singes. . . 353 | Les relais des réflexes. . . . +  .… . de AR 04 943 
Punsutfieunvesslycolyiique RAR 1 2000 353 | La formation de l'acide urique chez les Oiseaux. . . 992 
Sur la myologie des Rongeurs. . . . . . . . . . . . 397 | Voyages aériens des Araignées. . .. . . . . . . . . 992 
La théorie de Schenk sur la détermination volontaire La parthénogenèse provoquée chez les Echinodermes. 992 
NT NE TERME EEE EAN RAR: CRE 505 | Sur l’érepsine, diastase de l'intestin . : : : . : . . . 104% 


II. — ARTICLES ORIGINAUX 


Astronomie, Géodésie et Météorologie, 


CALLANDREAU (0.). — Revue annuelle d'Astronomie. . . 712 
Mascart (Jean). — Les éclipses et la constitution 
physique du Soleil : 
ire partie : Théorie des éclipses et résultats des 


DDSPINELDNS MENTALE MO NS CN SON PEN 
2e partie : La constitution physique du Soleil et 
Méchipseldume28eman Ann Cut ir 7e Ne 210 
Tonnixr DE QuarenGur (Ces.). — L'unification des calen- 
duersiGrégorienpet Julien .1. 4.00. 0 2 175 


Botanique et Agronomie. 


LARBALÉTRIER (A.). — L'état actuel et les besoins de la 

culture des prairies naturelles et des pâturages en 

IDR UNE) MEME OR OM ac, à MR EE EM RS TEEN . 836 
Lezé (R.). — La laiterie française et ses récents progrès. 82 
Rocques (X.). — L'état actuel et les besoins de l’indus- 

trie des conserves alimentaires en France : 


APDAN DEAR DTIC AO EE CN Re 699 
2e. partie: Production, hygiène..." 751 

Trapur (Dr). — L'état actuel de la culture de l'Olivier 
GANT CAMERA ELU ME ET CE 

— Le crin de Tampico et la culture des Agave uni- 
viltata et heteracantha en Algérie. . . . . . . .. 233 

Chimie. 

BouLcanGer (E.). — L'emploi des Mucédinées en distil- 
4 x QUE DE TOR RON PRESSE AERE 689 
Caararor (Eugène). — L'état actuel de l’industrie des 524 
pantume antficiels MERE CUITE, 524 


ErarD (A.). — Revue annuelle de Chimie pure . 
Hazcer (A,). — La fabrication de l'acide sulfurique au 
moyen des procédés par contact. . . . . . . GES Par 
— L'indigo naturel et l’indigo artificiel : 
ire partie : Production de l'indigo naturel . . . , 255 
2° partie : Fabrication de l'indigo artificiel . . . 323 
HorcarD (A). — Les principes de l'analyse électroly- 


AE a te RE os ONCE SEE TEE 9% 
Moissan (H.)..— Les carbures métalliques. . . . . . . 946 
Hommage à M. Marcellin Berthelot. . . . . . . .. 989 


Chirurgie, Médecine, Hygiène, Microbiologie 
médicale. 


Bucouoyx (M.). — La peste à bord du Sénégal. Une qua- 

MON ÉAITETeUEETOUl RE SN ERREUR 956 
Gaurier (Armand). — La médecine expérimentale. . . 354 
GLey (E.). — La pathogénie du goitre exophtalmique. 897 


Harraanx (Dr Henri). — Revue annuelle de Chirurgie. 881 
Lenoy (D' Raoul). — L'alcoolisme dans l'Eure au 

D LPS CA RME EL Ta Cp AR EN EL 646 
LérTiexne (Dr A.). — Revue annuelle de Médecine. . . 923 
Loir (Dr Adrien). — Pasteur à Arbois. A l'occasion de 

linauguration de saïstatue MM NN 821 
— La désinfection par l'acide sulfureux. . . . . . . 962 
Mercanxorr (E.). — Les poisons cellulaires (cyto- 

CORTE S) PAT re ee Tee MERE TA Las LU Re 42e T 
Ricaer (Charles). — La tuberculose expérimentale. . . 302 
Rome (R.). — La tuberculose en France. . . . .. . v06 


VurLcemin (Paul). — Les blastomycètes pathogènes . . 732 


Enseignement. 


L'organisation de l'Enseignement italien en Tunisie. . 1108 


Géographie et Colonisation. 


Arcrowskt (Henryk). — L'Expédition antarctique belge. 87 
Brcuox (Marcel). — Le commerce extérieur de la France 
AURERONSIE CIE MAN A EU  AER NOT CERN RER ES 759 
Cureau (Dr). — Notes sur l'Afrique équatoriale : 
LA DAPHC nOÉSPTADRIE SU Te 558 
2epartie * EtlinôgTaphié. . 1. een 598 
GkRvAIS-COURTELLEMONT. — La France en Afrique 874 
Launay (L. DE). — Un projet d'empire colonial francais 
SOUS» DS CAVE AR SUR PET NS EN TT ee 41% 


Géologie, Paléontologie et Gristallographie. 


Boyer (Jacques). — L'état actuel de l'industrie du 
MerDRé En ETANCER Re Ce EN LE 
Direnert (F.). — Les sources de la craie. . . . . . . . 1007 
Fouqué'(F.-A.). — L'Etna. . . . : . . . RE RENE ci 65 
FRienez (Georges) et be LAPPARENT (A.). — Sur les con- 
ceptions de Hauy, de Mallard et de M. de Wallerant 
COS GE CEE en OS 572 
GLANGEAUD (Ph.). — Le VIII Congrès géologique inter- 
DAUONEl RTE CD a le 
Lapearent (A. DE). — L'évolution des doctrines cristal- 
JO APRIQUES EE SEM EN EN NO 07 
— (V. G. FRIEDEL). 
WaLLeranr (Fréd.). — Sur certaines conceptions en 
CriS(AlO TAPER EME ET EP Re 671 
Mathématiques. 
Hiceerr (Dr). — Problèmes mathématiques . , . . : . 168 
KoEn16S (G.). — La philosophie des Sciences, d'après 
MAG derFreyoinelen remis. en SES NES 
PERRIER (Lt). — Pascal, créateur du Calcul des probabi- 
lités et précurseur du Calcul intégral. . . . . . . 182 
Pérrovrren (Michel). — Les analogies mathématiques 
ePlatphlosophiematurelle "ane ET ne 626 
Tanxery (Paul). — Galilée et les principes de la Dyna- 
Fr) CE EN EME CT LRO - M nent 330 
Mécanique appliquée et Génie civil. 
ANspAcx (L.). — Les discussions récentes sur la théorie 
destmaghines a svapeune1s tue AIN IAE 313 
Lecornu (L.). — Les régulateurs en 1900 . . . .:. . 125 


SAUVAGE (Ed.). — Les locomotives à la fin du xixe siécle. 412 


Physiologie. 
Cxon (E. pe). — Les glandes régulatrices de la circula- 

LEA 0) OL ETES TNT Sn SNS EE ie NN DATE 829 
Frenerico (Léon). — Revue annuelle de Physiologie, . 797 
Gaurier (Armand). — L'existence normale et le rôle de 

l'ansenicichez les animaux Eee EE NE ENE 207 

— Les mécanismes moléculaires de la variation des 

TACES MEL ILES T ESPÈCES NT ee TEEN NN 1046 


41156 


TABLE ANALYTIQUE DES MATIÈRES 


HuGouxENQ (D' L.). — La oomposition chimique du 
fœtus humain et de l'enfant nouveau-né 


Nozr (Dr P.).— La pression usmotique en Physiologie : 
Are partie : Sang et lymphe® "#7". 
2e partie: Absorption intestinale et sécrétions 

glandulates PEN EC NET EEE 

Vascnipe (N.). — Les travaux du IVe Congrès interna- 

tional del PEYCHOlO Ie MEME ONE EEE 

— et Vurpas (CL). — La vie biologique d'un anencé- 

RE EE NRC 


Vurpas (CL.) (V. Vascuine). 


Physique. 


BLcocamanx (Rudolf). — Une nouvelle théorie de la télé- 
Sraphie dite sans Al PEN EC IE ROUEN 
Bon (André). — L'inscription directe des courants 
électriques variables : 
1re partie : Les oscillographes actuels. . . 
2e partie : Applications des oscillographes à 
létuderde/larcélectrique RE 
Boury (E.). — Les gaz envisagés comme diélectriques. 
BrizLouIn (Marcel). — Joseph Bertrand. Son enseigne- 
ment atColese deRrance. Et Le EURE 
GuiLLaAuME (Ch.-Ed.). — Les lois du rayonnement et la 
théorie des manchons à incandescence : 
ire partie : Les principes. . «+ ... 
28, partie: Les Applications." 
Marnras (E.). — La préparation industrielle et les prin- 
cipales applications des gaz liquéfiés : 


MonerteralIqUé ec DONNE CNRC Ce 

2e partie : Applications et transport des gaz 
ROUÉRES RE A EE CN RE Ne 
Mauraix (Ch.). — Magnétisme, couches de passage et 
actions à petite HfStante ne NC AE EE ET 
Poincaré (I1.). — A propos des expériences de M. Cré- 
VOTE BE Le Or datt eLo Ne a cbr) dieu 


TET 


° SCIENCES MATHÉMATIQUES 


Mathématiques. 
ANpoyEer (H.). — Lecons sur la théorie des formes et 
la Géométrie analytique supérieure. . . . . . . . 
Boeun (K.).— Zur Integration partieller Differential- 
SYSTEM R US Ne ee Le de loNene Ce ele ne lents 
BrauNmuuL (A. von). — Vorlesungen uber Geschichte der 
Moiconomeirie ErStELITENE NE CO PEUT 
Bou (A). — Sur les équations différentielles simulta- 


nées et la forme aux dérivées partielles adjointe 
URSS PETIS) ERP ECTS Ce 
Exesrrom (G.). — Bibliotheca mathematica 
ExceL (P.). — Sophus Lie 
EsranAvE (E.). — Contribution à l'étude de l'équilibre 
élastique d'une plaque rectangulaire mince dont 
deux bords opposés au moins sont appuyés sur un 


Cadre IThESELde PATIS) 6. Le le DENON 
Fricke (R.). — Kurzgefasste Vorlesungen über verschie- 

dene Gebiete der hôheren Mathematik mit Berück- 

sichtigung der Anwendungen . .... .. . .. 


HOFEMANN (J. GC. V.). — Samrlung der Aufsgaben des 
Aufgaben- Repertoriums der ersten 25 Bänden der 
Zeitse hrift für mathematischen und naturwissen- 
schaftlichen Untérricht "Ne CN ee 

HozzmuLLer (G.).— Die Ingenieur Mathematik in elemen- 
tarer Behandbung. T II : Das Potential und seine 
Anwendung . . D ESS RS CR RE UE RE 

Laussepar (CIA.). Recherches sur les instruments, les 
méthodes et le dessin topographiques. Tome I, 


1er partie : Iconométrie et métrophotographie. . . 
ManxsioN (Dr P.). — Elemente der Theorie der Determi- 
DANTEN. EL. Eh Arme te Ma R taie) 1e EL re taie ie: Ne 
Murer (F.). — Vocabulaire mathématique francais- 
alle nt et allemand-français. . . . +. À 


491 


236 


811 
381 
673 


Sciences diverses. 


Le CHATELIER. — Du rôle des RÉOCEtRAMOnE indus- 
trielles dans les progrès de la Science pure. . . . 


Zoologie et Anatomie. 


Cuéxor (L.). — L'évolution des théories transformistes. 
DELAce (Yves). — Les théories de la fécondation. . . . 
LAGugssE (E.). — Revue annuelle d’Anatomie 
Lorser (G.). — Revue annuelle d'Embryologie. . . . . 
PETTIT rate — Les matériaux de l'Histologie com- 
parée. Instructions pour les explorateurs 
Sainr-Remy (Dr). — Les idées actuelles sur la valeur 
morphologique des feuillets germinatifs. . . . . . 
Taourer (J.). — L'étude du plankton dans les eaux 
francaises CC 
Weiss (G.). — Le muscle dans la série animale : 
ire partie Disposition et architecture des 
MUSCIES EE NE EN TRE EE 
2% partie : Histologie du muscle. Contraction 
MUSCOIAÏTE EN CR 
XXX. — Le cinquième Congrès international de Zoo- 
IH EME NE . 


Revues annuelles. 


CALLANDREAU (O.). — Astronomie LE DS EM c : à2 VE 
ETARD(A:) Chimie eee PRE RENE 
Freperico (Léon). — Physiologie 
Hartmann (Dr Henri). — Chirurgie 
Korarer (R) = "/Zoolopie ARE EEE 
LaGugssE (E.). — Anatomie te V. |: 0 SN SERRE 
LÉTIENNE (Dr A). Médecine" "OM CR 
Loisez (G.). — Embryologie 


— BIBLIOGRAPHIE 


Nerto (E.). — Vorlesungen über Algebra 
Roccer et Fouserr. — Cours d' Algèbre 
RussELL (B.-A.-W.). — Essai sur ‘les fondements de la 
Géométrie 
SERRET (J.-A.). — Lehrbuch der Differential und Inte- 
gralrechoung. Band II : Integralrechnung. . . . . 
VipaL (CL). — Pour la géométrie euclidienne . . : : - 
Warras (L.). — Eléments d'Economie politique pure 
ou Théorie de la richesse sociale 
Festschrift zur Feier der Enthüllung des Gauss-Weber 
Denkmals Grundlagen der Geometrie, von 
Hilbert. — Grundlagen der Elektrodynamik, von 
Wiechert-Ae CN RENE MERE RER 


Astronomie et Météorologie. 


Anpré (Ch.). Traité d'Astronomie stellaire. IL : 
Etoiles doubles et multiples. Amas stellaires. 
LancasTER (A.). — Annuaire météorologique de l'Obser- 

SAR te de Belgique pour 1901 . . . . . . . 
NiesTEN (L.). — Annuaire astronomique de l'Observa- 
ue : al de Belgique : 
OBrEcur ( coya Anuario del Observatorio astronomico 

de Se CCE ER bas Lee 
Scaupmanx (L.). — Die Medial-Fernrohre 
Bureau des Longitudes, Annuaire pour l'année 1901. . 


Thermodynamique, Mécanique générale 
et Mécanique appliquée. 


BacLé (L.). — Les plaques de blindage. . - . . . . . 
Carvazzo. — Théorie du mouvement du monocycle et 
dela bicyclette PCR EEE 
Davinogcou (A.). — Sur l'équation des vibrations trans- 


versales des verges élastiques (Thèse de Paris). . 


1099 


264 


339 
491 


850 


886 
236 


1082 


168 


931 
769 
711 
583 


1031 
440 


886 


- 


TABLE ANALYTIQUE DES MATIÈRES 


Facss (de). — Les travaux publics du Protectorat fran- 
PENSE ANT SRE CRE E 
Forest (F.) et Noacnar (H.). — Les bateaux sous-ma- 
rins. Tome II : Technologie RARES LP AE 
GAGET (M.). — La navigation : sous-marine. . -. + .. 
GrarriGNy (Henry de). — Les nouveaux ascenseurs . . 
LAVERGNE (Gérard). — Manuel théorique et pratique de 
antomanlesurToute EN 0 CNE 
Loir (M.) et bE CaquEeray. — La Marine et le progrès. 
Les luttes de l'avenir par la science, par les millions. 
RATEAU (A.).— Traité des turbomachines. Fasc. 1 : Gé- 
néralités. Turbines hydrauliques et leur régulari- 
SD DS NE EME NE CENT 6 M ni LS 
SENCIER (G.) et DeLASALLE (A.). — Les automobiles élec- 
ÉD SUN EM En TN TE ae de 
Vicreux et Mizanpre. — Notes et formules de l'ingé- 
nieur, du constructeur - mécanicien, du métallur- 
pisteretrtdelélectrieiens veu. tie 


2° SCIENCES PHYSIQUES 


Physique. 


Basr (Omer de). — Eléments du calcul et de la mesure 
destcourantsrallematifs "#1 Len 
BLowvEL (A.). — Moteurs synchrones à courants alter- 
POTERIE 
BUSQUET (R.). — Traité d'Electricité industrielle. 
CRéÉMIEU (V.). — Recherches expérimentales sur l'élec- 
oonanique des corps en mouvement (Thèse de 
Paris) 
GERLAND (E 


.) et TRAUMÜLLER (P.). — Geschichte der pay 


sikalischen Experimentierkunst. . . . . . 
GourÉ DE VILLEMONTÉE. — Résistance électrique ‘et 
ÉONAEL LERE en ee M ON EEE ARR CERN 
HemsaLecH (G.). — Recherches expérimentales sur les 
spectres d’étincelles (Thèse de Paris). . . . . . . 
Houpaicze (P.) — Les orages à grêle et le tir des 
CONS LE de DEL ee ce alba en is dune 
JacQuemIN (P.) — Guide historique et pratique de 
DO DECIEENN EE EE Pr CNET ET Oe 
Joxes (Harry C.). — The Theory of electric Dissociation 
and some of its ARRACEACE, AE: Die oU o RSR AE 


MONO Mate LEE ee ne ele ee 
Mozinié (M.). — Comment on obtient un cliché photo- 
POUDUIQUE EUR ENS. R- CCI 
Pcumanpon (J.-R.). — Les Orages et la Grêle . 
Taomson (J.-J.). — Les décharges électriques dans les 
(CEE BE SE nn AO ME AN TENTE 
Weiss (Pierre). — Lecons d'Electricité appliquée, pro- 
fessées en 1899-1900. Deuxième partie : le courant 
AUS A ER EE SR EE ER MORE 
Chimie. 
CHara8oT (E.). — Genèse des composés terpéniques 
dans les Végétaux (Thèse de Paris). . . . . . . . 


Corrins (H.-P.). — The Metallurgy of Lead and Silver. 
Fosse (R.). — Contribution à l'étude du 6-binaphtol. . 
FRranonE (Ch.). — Manuel pratique du fabricant de 


VID ALDÉE ae ane e lethe a lieletiot clés lente le 
GiLDEMEISTER (E.) et HorFmaANx (F.). — Les Huiles essen- 
DOS SAS CM TE Oo EE 
Grimaux (Ed.). — Chimie organique. — Chimie inor- 
HNLGEE AP ur AMC re MÉMMONEN ON Ein Col 
GuicuarD (P.). — Analyse chimique et purification des 
CADRNDOLADIES EEE RP EL EN EN EE 
Hiorxs (Arthur-H.). Les alliages métalliques . . . . . 


Hecor (J.). — Le sucre de betteraves en France, de 
ASDOFA MIO CNE EE ER EN UE 

Hucor (Ch.). — Recherches sur l'action du sodammo- 
nium et du potassamonium sur quelques métal- 
lotdes (Thèse de Paris) Me MU 

Lerèvre (L.). — Les produits chimiques et les matières 
colorantes, le blanchiment, la teinture et l'impres- 


sion des fibres textiles. . . . . . . . . . . . . . 
Lernié (E.), — Palladium, iridium, rhodium . . . . . 
LEROY (E.). — Recherches thermo-chimiques sur les 


principaux alcaloïdes de l'Opium. . 
MaruiEu. — Etudes sur la conservation des vins mous- 


CC 


: 1041 


673 
932 


1157 

MevrarT et Darpaxr. — Cours de marchandises . . . 491 
Miner (A.). — Traité théorique et pratique d'Electro- 

CHIMIE NAS ENT: 285 


Mouxeyrar (A.). — Nouvelle méthode générale de pré- 
A to des carbures d'hydrogène chlorés, bro- 
més et chlorobromés de la série acyclique (Thèse 
de 

NIETZKI — Chimie des matières colorantes organiques. 

OEcasxer DE .ConiINCK. — La chimie de l'Uranium . . . 

OPPENHELMER. — Die Fermente und ihre Wirkungen . . 

Osrwazp (W.).— Die wissenschaftlichen Grundlage der 
analytischen) CHEMIN EEE MEL TES 

Park (J.). — The Cyanide process of Gold extraction. . 

PouGer (J.).— Recherches sur les sulfo et les sélénio- 
antimonites (Thèse de Paris) , , . . . . L 

Pozzr-Escor (M.-E.). — Les diastases et leurs applica- 
LT OP LS M OR EME 

— Traité d'analyse théorique et pratique des substan- 
ces minérales par les méthodes volumétriques et 
colorimétniques TR NAN CES 

RicHaub (Albert). — Recherches physiologiques sur 
l'inulase et l'inuline (Thèse de Paris) 


Saweuc (Dr), — Précis de Chimie minérale . . . . . . 
SEVERIN (E.). — Produits de condensation de l'acide 
dichlorophtalique (Thèse de Paris) . . . . . . . . 
SiLva BAsrTo (A.-J. da). — Licoes de Estereochimica. . 
Taomas (V.). — Les phénomènes de dissolution et leurs 
applicaUOns 2 LS EURE PEER RENE 


Touseck (Dax). — Recherches sur les combinaisons 
des sels métalliques avec les amines aromatiques 
(Theseide Paris) NAN EAN EN ES MN EE 


VALEUR (Amand). — Contribution à l'étude thermochi- 
mique des quinones. Recherches sur la constitu- 
tion de quinhydrones. (T'hèse de Paris) . . . . . 

Van T' Horr (J. H.). — Lecons de Chimie physique... 

VILLA VECCHIA (Dr). — Annali del Laboratorio chimico 
centrale nelle Gaelle EME OR ME 

Vizon (A.-M.) et Guicuarp (P.). — Dictionnaire de Chi- 
TC AINAUSETICLIE PENSE CPV ete 101 


Wacner et Fiscuer. — Traité de Chimie industrielle 
WALKER (J.). — 


.. 


Introduction to Physical Chemistry. . 


3° SCIENCES NATURELLES 


Géographie, Géologie et Minéralogie, 
Paléontologie. 


BouLe, GLANGEAUD, ROUCHON, VERNIÈRE, 
DOME INVICRV TE RTE rade de ee 
Brozck (Van den). — Le dossier hydrologique du régime 
aquifère en terrains calcaires et le rôle de Ha Géo- 
logie dans les recherches et études des travaux 


— Le Puy-de- 


d'eaux alimentaires . . . . « . . . . . . . . . . 
CHaALon (P.-F.). — Recherche des eaux souterraines et . 
Captage des SDUTCES EPST NE. 
CHARPENTIER (H.). — Géologie et Minéralogie appli- 
COCO EEE cette RE RER RE 
Caen (0.). — De Paris aux mines d'or de l'Australie 
CEE EM RER MT CRE AA EN SE 
CuevaLiEer (le R. P.). — Atlas du Haut Yang-tse de I 
Tchang fou à P'ing Chan Hien. — Le Haut Yang- 
tse en 1897-1898. Voyage et description. — Nawvi- 
gation à vapeur sur le Haut Yang-tse. . . . . . . 
Cnorrar. — Aperçu de la ÉCHEES du Portugal. . . 
Cor» (E.-G.) et Viré (A.). — La Lozère. Causses el 
CONCENTRATION EEE 
DELGADo et CHorrar. — Carta geologica de Portugal. 
Forez et Sarasix. — Les oscillations des lacs . . . . 
GEOFFROY SaintT-HiLaiRE (E.). — Lettres écrites sur 
LBEvD LE ET RTE ENT Eee 
Gosne(Hn==atG Ole RENE 
HauG (F.). — Les géosynclinaux et les aires continen- 
LICE at ONE ANR re MO NPA EN Re 0 


Lauxay (L. de), — Géologie pratique et petit Diction- 
naire technique des termes géologiques les plus 
RE CSN PO LE ES SU IUR ROSES EE Se 

LoriN (H.). — L'Afrique à l'entrée du xx° siècle . . 

Mourer (Ch.) et BruneL (Louis). — L'Année coloniale. 

Paquier (V.). — Recherches géologiques dans le Diois 
et les Baronnies orientales. . . . . . . . . . . . 

Procer (le R. P.) et NourrLarD (Ch. — L'empire 
colonial de la France : Madagascar, La Réunion, 
Mayotte, les Comores, Djibouti . . . . , . . . 

SARASIN. — Les oscillations du lac des Quatre-Can- 
CONS AC MEME TORRES AP RNUAMETEUSRNT PC OS * 


1158 TABLE ANALYTIQUE DES MATIÈRES 
e LAULANIÉ (F.) — Eléments de Physiologie. 4er et 2e fas- 
Botaniaue et Agronomie. cicules: Fonctions de nutrition..." 982 
LEMAITRE (A. — Audition colorée et phénomènes 
BeLzuxG (E.). — Anatomie et Physiologie végétales. . 584 connexes observés chez des écoliers. . . . . . . . 547 
CHALon (1.). — Notes de Botanique expérimentale. . . S88 | Lourer (J.). — Le problème des sexes. . . . . re ES 
CLaurriat {feu G.). — Nature et signification des alca- MarioN (IL). — Psychologie de la femme. . . . . . . 495 
IOI0ES VÉDÉLTUX RE ET NE SI 674 | Pavizarn (J.). — Éléments de Biologie végétale. . . . e 
— La digestion dans les urnes de Népenthes . . . . 769 | PAwLow (J.-P.). — Le travail des glandes digestives. . 1142 
Coxverr (F.). — L'industrie agricole . . . . . . . . . 402 | Risaucourt (Ed. de). — Etude sur l'anatomie comparée 
Devaux (H.). — Recherches sur les lenticelles. . . . 4#1 des Lombricides (Thèse de Paris) . . . . . . . . 586 
Ducast (J.). — Les vins d'Algérie. . . « «+ . .…... . . 887 | Ricuer (Ch.). — Dictionnaire de Physiologie. . . . . . 933 
Garricou (Dr F.) — Le vin concentré comparé avec Rouvizce (E. de). — Du tissu conjonctif comme régé- 
les moûts et les raisins concentrés . . 168 nérateur des épithéliums (7'hèse de Paris) . . . 341 
Janix (K.). — Contribution à l'étude des Simaruba- Saxsox (A.). — L'Espèce et la Race en Biologie gé- : 
cées (Thè SAC PETITS) ER NN Sr TP Nos TVR Ne 1083 néralé: Ju.) COMTE NER TS Re 1084 
Jumeze (H.). — Les cultures coloniales. [. Plantes Souny (J.). — Le système nerveux central. Structure et 
alimentaires. Il. Plantes industrielles. . . . . . . 710 fonctions. Histoire critique des théories et des doc- 
LaGaru (H.). — La fumure inteusive et économique de mn otrines PIC et ct CR 4T 
ANTENNES RCI N e 63% | SrepxAn (P.). — Recherches histologiques sur la struc- 
LaGaru et Sicarn. — Guide pratique et élémentaire pour ture du tissu osseux des Poissons (Thèse de Paris). 493 
l'analyse des terres et son utilité agricole . . 492 SUR (J.) Etudes sur Enfance RE 384 
Maice (A). — Recherches biologiques sur les plantes VAULLEGEARD (A.). — Etude expérimentale et critique 
Tatapantesu(ThesSedé Par PR NE NU 383 sur l’action des Helminthes. I : Cestodes et Néma- 
Mowrizce (M!!e S.-N. de). — Notions de Botanique pour LOL ES, Goo Mer de ot fe LES 5 ot 0 o 854 
l’enseignement secondaire des jeunes filles. . 383 
Mixrz (A.) : anne (E.). — Etude sur la valeur 
agricole des terres de Madagascar . . . . . . . . 110 
QuEvA (C.). — Contribution à Fee des Mono- 4° SCIENCES MÉDICALES 
cotylédones. I. Les Uvulariées tubéreuses . . . . 340 
DA OURNE (de). — Les Syndicats agricoles et leur D - Chirurgie, Gynécologie, Ophtalmologie. 
MAT o ie en TS LE M NE ENT ES 119 
Teonoresco (E.-C.). — Influence des différentes radia- - . 7 Fa : £ 
tions He sur la forme et la structure des de re CarvenLex ef RukELLr. — À 93% 
SN EN EU A PISE RAS j )s] ES PO LP OR uni 67 A : 
ri (L). — Recherches sur le coiet de l'axodaus | Hémmanr (H) — Chirurgie gasifo-imtestinèle ? «+ 44 
; NARD (V.). S 2 
la fleur des Gamopétales (Thèse de Paris) . . 492 Nrurer (H.) et Lavaz (Ed.). — I. Les explosifs, les 
L'Ecole nationale d'Agriculture de Montpellier. Ensei- I ñ d'ex L 
gnement. Laboratoires. SHARE M EARENERReR Pu- RDACAGE AIS ect en HE ENCNER Len marc 
blications. Action extérieure . . . . . . . . . . Â44 leur effet vuluérant. — Il. Les armes blanches. 
Leur action et leurs effets vulnérants. — III. De 
Hinfcton en chirurgie d'armée. Evolution des 
: Ê Les ; essures  derSUer TE. ee UE TRS NET 4 
Zoologie, Anatomie et Physiologie de l'Homme SAINT-HILAIRE (Dr — La surdi-mutité . . . . . . . . sh 


et des Animaux. 


AzezaIs (H.). — Contribution à Ja myologie des Ron- 
SEUTSAheSe TER Pas) PE RE EEE 


ANGLAS (J.).— Observations sur les métamorphosesinter- 
nes de la guêpe et de l'abeille (Thèse de Paris). 


ARSONVAL (d’), CHauveauU, GaRiEz, Marey et WEIss. — 
Traité de Physique biologique ENT AE Ceci 
Barnier, GREGORY et GoopricH. — À treatrise on Zoo- 
logy. 3° pue The Echinoderma:" 110 
BECHTEREW ( }. — Les voies de conduction du 
FM etrde la moelle RER LE Tuer 
BoxniEr (J.). — Contribution à l'étude des Epicarides. 
LESC PAIE NES Te LR A ne Mac à 
Bouin (M.). — Histogenèse de a glande génitale femelle 


chez Rana temiporaria L. (Thèse de Nancy). . 
Bourne (G.-C.). — An introduction to the study of the 
comparative Anatomy of animals. Vol. 1: Animal 


organisation. The Protozoa and Cælenterata. 
Buyor TP). — Contribution à l'étude de la faune des 
lacs salés ideRouMaANe Ne MN RE AE 
Cauveau (C.). — Le Pharynx. t. T : Anatomie et phy- 


siologie 
Carors (G.). — Recherches sur l'histologie et l'anatomie 
microscopique de l'encéphale chez les Poissons 
(Thèse de Paris). 
DeLace (Y.). — L'Année biologique (1898) 
DENIKER ( (à. — Les races et les peuples de la terre. 
Eléments d’ RU RRGpAORe et d’ethuographie. . . 
Dusors (R.) et Couvreur (E.). — Leçons de Phy siologie 
e xpérimentale 
FeniziA (C.). —' Storia della Évôluzione | 
Grer1o-Tos (Dr Ermanno). — Les problèmes de la Vie. 
Ate partie : Lü subsfancè vivante et la cytodiérèse. 
GLey (E.). — Essais de philosophie et d'histoire de la 
iologie CR PUR NE LONDRES 
Gurarr (JS. — Contribütion à l'étude des Gastétopodes 
Opisthobranches et en particulier des CHRRAIASRIRES 
(CRÉES Re Pants) EE RENE 
ITAGHET-SOUPLET (A.). 
animaux . 
Hénox (E). 
PANCTÉASE ER EM IT ae ee CU 
Houssix (F.) — La forme et la vie. Essai de la méthode 
mécanique.en Zoologie. 


889 


Médecine, Hygiène, Microbiologie médicale, 


Barié (Ernest). — Traité pratique des maladies du cœur 
etdeilaonte re M RTE RE PC EN ONE 
Bernueim (Dr $.). — La médication ergotée (Ergot de 
seigle, ergotine, ergotinine) 
CONTE (A.). — "Paralysie “pseudo- bulbaire et phénomènes 
laryngés 
CResrin (J.). — Comment on se défend contre les ma- 
ladies coloniales. Guide du voyageur et du colon. 


Decreucx (A.). La Goutte et le Rhumatisme. . . . . . 
Girop (Dr P.). — Comment on se défend contre les vers 

INTES RAREMENT M NE TRE 
GOUGET ae — L'insuffisance hépatique. . . . . . . . 
Jacquer (L.). — Alcool. Maladie. Mort. . . . . . . . 
JANSELME (E.). — Etude sur la lèpre dans la péninsule 

indo-chinoise et dans le Yunnan . . . . . . . . . 


LANGENHAGEN (de). L'entéro-colite muco-membra- 
neuse. Enquête sur certains points controversés de 


SONHISTOITE MR AR EN RP CE 
Manre (Dia) Date e Re Ce 
Marro (A.). — La Puberté chez l'homme et chez la 

femme 256 Ar ANNE PSP CODE PS RS ER RE 
Meuonter et Pricoue. — Le traitement hygiénique des 

tuberculeux dans l'ancienne médecine . . . . . . 
Moracne (G.). — La profession médicale, ses services, 

ses ATOS SR te DO OMR ER NE Ne 
Nrcoze (M.). — Eléments de microbiologie générale . 
Pusane (Dr P.). — La cure pratique de la tuberculose. 
Risarp (E.). — La tuberculose est curable. . . . . . . 


Rornscurco (D° H. de). — Bibliographia lactaria . d 

SiGaun (Dr.). — Traité clinique de la digestion et du Te 
gime date d'après les données de l'explora- 
tion externe du tube digestif. {re partie. . . . . . 

Vazrerv-Rapor (R.). — La vie de Pasteur. . . . . , . 


5° SCIENCES DIVERSES 


— Essai sur la théorie générale de la 


AUPETIT (A.). 
monnaie. ; 
Enor (J.). — La philosophie de la longévité. . . . . . 


TABLE ANALYTIQUE DES MATIÈRES 


Lerèvre (A.). — La Grèce antique. Entretiens sur les 


Perrier (Ed.), PorRé (P.), Joanxis (A.) et Perrter (H.) 


origines et les croyances . . . . . . . . . . . 111 Nouveau Dictionnaire des Sciences et de jeurs 
Navize (A.). — Nouvelle classification des Sciences. 933 APHUESTONS ME UNE EE EL ee 444 
É 0 » » 
IV. — ACADÉMIES ET SOCIÉTÉS SAVANTES DE LA FRANCE 
# 
ET DE L'ÉTRANGER 
Le 5 : Séances des 20-27 juillet LIFRPRESSE EE ASE 
Académie des Sciences de Paris Le 5-12 octobre RL) De VS ES E 937 
— 19 _— RE EE GE 986 
Séances des 10-17-24 décembre 1900 . . . . , . . . — 2%6octobre-2 novembre — . . . . . + . . 1036 
— 31 décembre 1900 -7 janvier 1904. . . . . . . — 9-16-25 — RATES Me) Eee 1088 
— 44-21-28" janvier 1901, msn à | — 30 _ CS NE PE le 1147 
_— 4-11 février TN ee ete EE 
— 18-25 — D Pres ant tas 
A 1 
L- k TE es RP PAPIER AC Société française de Physique 
— 25 — — 
— 9-15-22 avril NE TA OIONN Séances des 21 décembre 1900-4 janvier 41901 . . . . . 52 
— 2)avril6 mai ES ENTRE T — 18 janvier 1901 . # 105 
= 13-20 Æ Ci — er février — 150 
— 28 mai-3 juin ES OA EE —  4er/(suite)-15  — NES TUE 197 
A 10 FT? FRS, Te TC — 15 — — (suite). 246 
— 17-24 == A LS nella he, Len — 4er mars CRM ETES LE 292 
— Ler-8S juillet En Pt een au = 15 Æ Les 344 
— 15-22 = Po EME EC — 19 avril — 448 
— 29 juillet-5-12 août PMP CU OE = 3 mai RS SOS © 198 
— 19- sie ÉJseptembre —  .," +. 1... = 17 = EE 550 
—= 16-2 A RE re Re — 7 juin ER Re 589 
— Jebtsrabre. -1- Léoctobre LE CE CE =) 21 == END E PA Ne ES 658 
— 21228 M OCIODTE, | "0. 0-02 _ HARAS LS UE 725 
— Al movembre, — 2.4 M «Der = = _— — (suite 714 
= 18-25 = MES NÉ CET _ 15 novembre — ne 1088 
— 2-9, décembre — en 8 Uécembres. —’ Fr Met 1147 
Académie Médecine Société Chimique de Paris 
2 ÿ 
osier e ae “a Er Et NP ls Fe Séances des ns 14 décembre .1900 PRE RES ga 
Er SAME IE UMR ETS 196 — 28 décembre 1900-11 janvier 1901 . . . . . 106 
De 12-19 eo 5 245 — 25 janvier ODA ES SES TEE 450 
— 96 février 5 mars TA EN Us >9 0 ss 5 IEVHeE Ra MT ANT an a 
= 12 — _ 344 st $ PHP RRRSS TES EMEA 346 
— 19-26 mars-2 avril ME Er e 388 EX D ë PS a re 
pe 9-16-23 SE à. EXT — 22 Es se ne Ur te 1 
— 30 avril 7-14 mai AE! 549 = Et NC EME PRES 501 
SON LE ro Pat = Re a tes 59 
ER AE me ANS 2 Æ CONTES M ice 681 
— %ÿjuin29 juillet ALTER LEE 123 —  ?8juin MAIEs DA M CRTC Le 
= ILÉPENDQUEE ELA TTRE Pot rc 2 113 TE RE D ASE 0 SE 
TT: — DOVEMETER MEN NANTES 1037 
— 30 TN AUS € EU e S16 Ca 92 = Te 1149 
— ler octobre SR A CRUE Le S91 Eu CRE PIN HE NT PO RSEUS RE ST 
— 8-15 — ÉTAPE E 937 
—_ 29-29 — OL UE M 985 
— SADMTOVEMOTE EN EM SEE TENTE 1036 Société Royale de Londres 
— 19-26 — ne PET RER ER Re 1087 
= 2— 6 = 4 
RE Er LT | Communications : 682, 127, 115, 818, 858, 891, 938, 986, 1037, 
1090, 1149. 
Société de Biologie 
Séances des 24 novembre 8-15-22 décembre 1900 . . . 51 SCIE ONEe A ER CRLC Eee COLE 
- A2 Tan vien) MEET 149 
— 19-26 janvier? février Re RARE 196 | Séances des 44 décembre) 4900. + - . . -. op) 
— 9-16 février PR TEL Cd PS 245 — CEE 0 LCI ES MERE 150 
—  23février-2 mars NM TOR Ve 291 — 8 février EL RQ NE 247 
— 9 mars DES 1 NICE 34% 22 — EC MN SL 293 
— 16-23 — AS La 20 EVE 388 — 22 mars ÉD AR NOR do 389 
= 30 mars- 20 avril ER TRE EN 447 — 26 avril TUE 499 
— 27 avril-4 mai NE NPA US 549 10 mai RE AC OL SE, 591 
— 11-18 — ES 0 ON ÉRAE 589 31 — — fre CHE TT 683 
— 25 — TR ARE VS ie 637 14 juin RENE PL à 127 
— Ler-15 juin NE UE A 680 — 28 — pe EN ce Ps 116 
— 22-29 — EE ON 724 — 9ÿoctobre-8 novembre — : . . : . . . . 1038 
— 6-13 juillet PE DE NL EE 817 — 22 — ARE EE ‘HER 1091 


1160 


TABLE ANALYTIQUE DES MATIÈRES 


Société de Chimie de Londres 


Séances des Grdécemhre O0 0 55 
— 13-20 — EU Vie Podle Vel 107 

— 20 décembre 1900-17 janvier 1901 . .:. . . 150 

— MAMTEYTIEL = EMA EEE TEE 247 

—— — — HI (SUILE) NE 294 

— 21 — ES eee UT 347 

— | mars Er INR NE 390 

— 21 — Ra PE RL dE 449 

— 28 mars-18 avril ee MERE À 500 

— — (suite) F0 551 

2 mai PR ET EL S 592 

16 - TV or 25 Le ASTON PACS 639 

6 juin AL oRO NOR ONE C 684 

— 20 — TA 0 br MES 128 

= — — HSE) MAN 776 

= — — — (suite). . . . . 818 
Communications recues pendant les vacances. . . . . 1092 
Séances des SAMOCTODre M ME EE DC 1092 
— novembre — NN Te 1150 

Société allemande de Physique. 

Séances des 18 octobre-1®r novembre 1901 . . . . . . 1039 
— 15 — = MN nr ae 1150 


Académie des Sciences de Vienne. 


Séances des 10-17 octobre 1901 


Académie des Sciences d'Amsterdam. 


Séances des 29Kdécembre MOINS 
— — — —u(suite) RE 
_ 26 janvier A0 RTE 
— _ — (suite) ARR 
— 23 février en EE de © 
— — ne — (Suite) ICE 
— 30 mars TN RER 
__ 20 avril TO MEL 0 

Communications récente MEME RER 

Séances des 2BNBEPLEMETEN NN EN IE 
= 28 MOCIoDre NET EE 
— 0 novembre NU TRE 


Académie Royale des Lincei. 


Séances de décembre 1900 
— janvier-mars 1901 


TABLE ALPHABÉTIQUE DES AUTEURS" 


A.0B., 915. 

Abadie (J.), 638. 

Abell (R.-D.), 640. 

Abelous (J.- L.), FUTUR 

Abraham, 105. 

A. C., 812, 982. 

Achard (Ch.), 52, 147, 197, 291, 389, 447, 
497, 550, 681, 724, 7937. 

Ackroyd (W.), 551. 

Adhémar (R. d'), 195. 

Adrian, 141. 

Adriani (J.-N.), 152. 

ResmAnpone, 152. 

Agardh (J.), 194. 

Aken (Mit E. van), 820. 

Albarran, 8171. 

Alezais (H.), 286, 1088. 

Alezaïs (R.), 243, 1036. € 

Aloy Us. 288. 

Altermaun, 149. 

Amalitzky, 289. 

Andoyer (H ), 10%, 491. 

André (Ch.), 243, 288, 343, 815,431. 

André (G.), 50, 496, 619, 936, 1246. 

Angeli, 392. 

Angelico, 392. 

Anglade (D.), 857. 

Anglas (d.), 193. 

Angot (A.), 194, 195. 

Anspach (ENS 313 à 323. 

Anthony (R.), 245 

Antoine (G.), 149. 

Aoust, 681. 

Apert (Dr), 64. 

HUE ee 

Appell (P.), 45, 110, 815 

Arago Fél, 104. 

Arbuckle (W.), 151. 

Arcangeli, 152. 

Argtowski (Henryk), 51, 82 à 94, 290, 
344 

A deen (J.-G.), 148. 

Ardin-Delteil, 52. 

Arloing (F.), 680, 681, 124, 817, 1031. 

Arloing (S.), a 150. 

Armengaud (J , 1085, 

Armingeat, 1631. 

Armstrong (H.-E.), 150, 640, 818, 1092. 

Arsonval (A. d'), 123, 852, 1146. 

Artault (S.), 197. 

Arthus (M.), 1088, 1144, 1147. 

Aschkinass (E.), 1039. 

Ashton (A.-W.), 683. 

Aston (B. Cracroft), 56 

Aston (F.-W.), 390. 

Astruc (A.), 722, 123, 891. 

Athanasiadis (J.), 113. 

Athias, 550. 

Aubel (ee van), 587. 

nel (P.), 681. 

Auché (B.), 817, 986, 1087. 

Audrain (I), 1036. 

Auerbach (B.), 546. 


1146. 


1 Les noms imprimés en Caractères 
gras sont ceux des auteurs des articles ori- 
ginaux. 

res chiffres gras reportent à ces ar- 
ticles 


Auger, 107, 723, 126. 
Aupetit (A.), 855. 
Autonne {L.), 289, 548, 113, 851, 886. 


Babès (A.), 246. 

Babes (V.), 124. 

Babinski (J.), 196. 

Backlund (D.), 194. 

Bagard (H.), 1145. 

Bailhache, 244. 

Baillaud, 288, 497. 

Baker (T.-J.), 858. 
Bakhuis-Roozeboom (H.-W.), 988. 
Bakker (G.), 199. 

Balachowsky (D.), 6178. 
Balestre (M.), 149, 680. 

Balland, 496, 773. 

Ballet (Gilbert), 61. 

Balthazard (V.), 246, 1036, 1037. 
Baly, 389, 116. 

Barbier (Ph.), 496. 

Barbieri (N.-A.), 816. 

Barbour (W.), 728. 

Bari (L. ) 246, 817. 

Bardier (E.), 817. 

Barette, 388, 589. 

Barié (E.), 103. 

Barjon (F.), 291, 724, 

Barré (H.), 1147 

Barth (Fr.), 61 
Basili, 152. 
Bassot, 104. 
Bast (O. de), 45. 
Bataillon (E.), 387, 497. 
Bather (P.-A.), 720. 

Baud (A.), 678, 679. 
Baud (E.), 147, 343, 1087. 
Baud (L.), 288. 

Baudron, 1147. 

Bauer (Ed.), 1149. 
Baume-Pluvinel (de la), 587. 
Bausor (H.-W.), 390. 
Baylac (J.), 589. 

Bayrac (P.), 195, 244, 445. 
Beaulard (F.), 816. 
Beauverie (J.), 148, 723. 


Bechterew ie v.), 286. 
Becker (G.- 1040. 
Becquerel (H.), 243, 386, 587, 588, 173, 


1035, 1086, 1146. 
Bébal (A ae 49, 54, 106, 

299, 293. 
Behrens (H.), 820. 
Beilby (G.-T.), 1092. 
Beille Fe 4 618. 
Bell (C.-A.), 716. 
Belly (P.). 1086. 
Belzung (E.), 584. 
Bemmelen (J.-F. van), 1040. 
Bemmefen (J.-M. van), 152, 248. 
Bénard (H.), 289. 
Beneden (Ed. van), 679. 
Benoist (L.), 195, 288, 386, 498, 725. 
Benoit, 724. 
Bensaude (R.), 196. 
Béranger-Féraud, 51. 
Berger (Paul), 149, 245, 499. 
Bergeron (J.), 471, 51, 57. 
Bergouignan (P.), 857. 


107, 195, 244, 


Bernard (L.). 246. 

Bernard (R.), 196. 

Bernheim (S.), 193. 

Bertainchand (S.), 497. 

Berthelot (A.), 856. 

Berthelot (D.), 590, 591. 

Berthelot (M,), 50, 146, 194, 195, 290, 


L 381, 445, 587, 588, 637, 678, 619, 722, 
1173, 856, 936, 937, 985, 1039, 1086, 
1146. 


Bertini, 392. 

Bertrand (C.-E.), 936, 985, 1146. 

Bertrand (G.), 107, 143, 145, 247, 286, 
382, 637, 618, 619, 718, 4087. 

Bertrand (J.), 50. 

Bertrand (Léon), 148. 

Berwerth {F.), 1040. 

Bes (K.), 107, 818. 

Besnier (E.), 588. 

Besson (A.),679. 

Beulaygue (L.), 344 

Bevan (E.-J.), 241. 

Beyerinck (M.-W.), 392, 820. 

Bezançon (F.), 52. 

Bianchi, 152. 

Bichon (M.), 259 à 767, 855. 

Bierry, 497, 857. 

Biétrix (E.), 497. 

Bigart, a 246. 

Bigot (A.), 675. 

Bigourdan (G.), 

3: 


pijl (H.-C.), 819, 820. 

Billard (A.), 857, 936. 

Billet (A.), 344, 857. 

Binet (M.), 343, 388, 1147. 

Birkeland, 1035. 

Bisserié, 291. 

Blaise (E.-E.), 
499, 1149. 

Blakesley (Th.), 241. : 

Blanc (G.), 101, 243, 292, 492, 499, 722. 

ont + 714, 816, 1086, 1147. 

Blanksma (J.-J.), 151, 1152. 

Bleicher, OT 

Bloc (R. Salvador), 639. 

Bloch (E.), 445. 

Blochmann (Rudolf), 134 à 434. 

Blondel (A.), 612 à 626, 659 à 
674, 726, 851, 1056. 

Blondlot (R.), 1035, 1087, 

Bodroux (F.), 147, 588. 

Bœckel (J.), 148. 

Boehm ( KT 980. 

Boggio, 392. 

Boblin (K.), 9 

Bobhn (G.), La, Seat, 984. 

Boinet, 245, 714. 

Bois, 1146. 

Bollemont (de), 679. 

Bone (W.-A.), 728. 

PBongert (A.), 343, 446, 
1149. 

Bonne (C.), 550. 

Bonnet (A.), 387, 931. 

Bonnier (G.), 104, 146. 

Bonnier (J.), 103. 

Bonnier (P.), 196, 588, 723, 1147. 

Bordas (F.), 1035. 

Bordas (L.), 588, 637, 680, 1145. 

Bordier, 386,549 

Borel (E.), 289, 445. 


497, 548, 678, 122, 723, 


105, 106, 244, 387, 446, 


619, 123, 172, 


1162 


TABLE ALPHABÉTIQUE DES AUTEURS 


Borgman (J.), 50. 
Bornet, 105, 194. 
Borrel, 197. 
Bortolotti, 392. 
Bosc (F.), 149. 
Bose (R.-C.-L.), 552, 

Bouchard (Ch.), 1088. 
BOUOURrE o ), 50, 588, 591, 1146 
Boufté (F.), 856. 

Bougault, 346, 386, 446. 

Bouïlhac (R.), 722, 1035. 

Bouin (M. ) 634. 

Boulé (L.), 980. 

Boule (M. ï 674. 

Boullanger (E.), 689 à 698. 
Boulud, 290, 172, 1035, 1147. 
Bounhiol, 588. 

Bouquet de la Grye, 105, 587. 
Bourcet (P.), 588, 679. 

Bourne (G.-C.), 983. 
Bourquelot(E.), 
Boussinesq (J.), 637, 815, 936. 
Boutroux (P.), 194. 

Bouty (E.), 33 à 40, 105, 773. 
Bouveault NL 50, 


123, 114 
Bouvier fe ES 289, 290, 307, 936, 1086. 
Bowlby (A.), 933. 


Boyd (D.-R.), 1092. 
Boyer Dacties) 236, 4 
811. 


Boys (C.-V.), 247, 389. 
Bra (M.), 49. 

Branca (A.), 389, 448. 
Brand (J.), 3 LEA 

Branly (Ed. }, 58 

Brauer, 386. 

Brault (J.), 1037. 

Brauner (Bohuslav), 451. 
Braunmühl (A. van), 236. 
Bredig (G.), 244, 289. 
Brenans (P.), 387, 591, 772 
Bresson (A.), 1. 

Breuil (H.), 891, 1147. 
Bricard (R.), 445. 

Broca (A.), 197, 387, 445, 551. 


Brillouin (M.), 104, 145 à 424, 717, 


768. 

Broca (A.), 98%. 

Brocard, 638. 

BrϾck (van der), 812. 

Brouardel (P.), 61, 437. 

Brown (H.), 56. 

Bruandet, 638, 1088. 

Brukuer (J.), 1088. 

Brun (H. de), 149, 447, 174. 

Bruvel (L.), 145. 

Brunet (Louis), 50 
24%, 200, 344, 441, 498, 
123, 113,-816, 857, 
1147. 

Brunhes (B.), 46, 24%, 344, 550, 772. 

Bruni, 152. 

Bruno (A.), 194. 

Brunon, 388. 

Brunschvicg, 103. 

Brunton (Sir Lauder), 682. 

Buchanan Qi 1039. 

Büchner (E.-H.). 347. 

Bacquoy (M.), 9356 à 96GA, 985. 

Budin, 196, 680, 724 

Buhl (A.), 195, 711. 

Bujor (P.), : 

Bunel . 588. 

Burck (W.), 988. 

Bureau, 388, 445, 588, 723. 

Burgatti, 152. 

Burgess, 176, 1092, 

Busquet (R.), 1082. 

Butte, 985. 


Cade (A:), 291, 724 

Caiïlletet (L.), 496. , 
Callandreau (0.;, 742 à 716. 
Callendar {H.-L.), 247, 389, 499, 1092. 


Calugareanu, 447 , 680, 1147. 


289, 291, 815, 985, 1036. 


243, 343, 634, 679, 


110, SA à 290, 


), 105, 106, 148, 496, 
549, 588, 637, 
937, 1036, 1087, 


Calverley (J.), 933. 
Cambier (R.), 631. 


Camichel (Ch.), 49, 195, 244, 445, 1086. 


Camus (J.), 291, 817, 1036. 

Camus (L.), 104, 148, 191, 246, 291, 447 
817, 854, 937, HAT. 

Capitan (L.), 389, 891, 1147 

Caqueray (G. de), 99.” 

Cardamatis (J.-P.), 51. 

Carette (H.), 50. 

Carles (P.), 856. 

Carnot (A.), 107, 245, 588. 

Carnot (P.), 549. 

Carré (P.), 1087. 

Carrière (G.), 389, 638, 815, 817, 984. 

Cartaud, 292, 587, 815. 

Carter ( W.), 390, 640. 

Carvallo (E.), 544, 638, 1145. 

Caspari (W.), 1039. 

Cassaet (E.), 681, 724, 817. 

Cassie (W.), 1091. 

Castel (du) ,149, 290, 774. 

Castex (E.), 938. 

Cathelin (F.), 550, 589, 681, 817. 

Catois (E.), 813 

Catta (J.-D.), 8 

Caubet (F.), 50, Aix 

Caullery (M.), 1 
1085. 

Causse (H.),50, 122. 

Cavalié (M.), 389, 

Cavalier (J.), 588. 

Caven (R.-M.), 248. 

Cazeneuve (P.), 195, 243. 

Chabrié (C.), 

Chaleix-Vivie, 389. 

Chalon (J.), 888. 

Chalon (P.-F.), 383. 

Champenois (G.), 1087. 

Champetier de Ribes, 1141. 

Champigny (A.), 725. 

Chantemesse, 680. 

Chapman (E.-M.), 218. 

Chapmain (D.-L.), 1992. 

Chapmaun (A.-C.), 55. 

Chapot-Prévost, 148, 388. 

Chappuis (P.), 1091. 


Charabot (G.), 46, 117, 524 à 534, 


634, S56. 
Charlier (F.), 589. 
Charon (E.), 1035. 


Charpentier (A.), 243, 290, 344, 387, 496. 


Charpentier (H.), 584. 
Charpy A), 281. 
Charpy (G.), 142, 382. 


Charrin (A.), #0, 147, 196, 289, 496, 548, 


12204112 807410851445: 
Chassevant (A.), 62, 291. 
Chassy (A.), 1036. 

Chatain (Adolphe), 57, 146, 149. 
Chatin (J.), 588. 


Chattaway (F.-D.), 150, 347, 640. 


Chauveau (A.-B.), 49, 104, 146, 147, 148, 


446, 619,772, 832. 
Chauveau (C.), 494. 
Chauveaud (G.), 146, 722. 
Chauvel, 549, 680, 774. 
Chavanne, 712. 
Chavasse, 680, 774. 
Chavastelon (R.), 618. 
Chavigny, 724. 

Chemin, 101, 986. 
Chéneveau (C.), 815. 
Chessin (A.-S.), 984. 
Chevalier (A.), 445. 
Chevalier (le R. P.), 55. 
Chevallier (H.), 50 
Chevrotier, 141. 
Chipault (A.), 680, 681, 1036, 1147. 
Choffardet (P.), 105. 
Choffat (P.), 51, 286, 387. 
Choquet (J.), 589. 
Chree, 591. 

Christiani, 51. 
Chroustchoff (P.), 446. 
Ciamician, 392, 

Clairin, 195. 

Claude (H.), 857,-891. 


8,197, 549, 589, 937, 938, 


Clautriau (feu G.), 674, 769. 

Clavière (J.), 541. 

Clayton (E.-G.), 1150. 

Clerc (A.), 724. 

Clermont (A.), 1035. 

Clozel (M.), 597. 

Cluzet (J.), 52, 197, 389, 4088. 

Cohen Œ, ), 192, 347, 820, 1152. 

Cohen (J. -B.), 56, 552. 

Col, 588. 

Coles (S.-W.), 859. 

Colin (L.), 196, 245, 345, 1036. 

Collie (J.-N.), 552, 728. 

Collomb (A.), 388. 

Collot, 816. 

Cololian, 724. 

Colson (A.), 50, 244 

Compan, 1086. 

Comte (A.), 983. 

Contarini, 392. 

Conte (A.), 496, 984. 

Contremoulins (G.), 446. 

Convert (F.), 102. 

Coops (G.-H.), 392. 

Coppet (de), 418, 548. 

Corbino (0.-M.), 856. 

Cord (E.-G.), 143. 

Cornaille (F.), 936, 985, 1146. 

Cornil, 344, 548, 7172. 

Cornu (A.), 292, 496, 551, 594, 725, 172; 
891, 1147, 1148. 

Cornu (M.), 453. 

Coromilas, 1036. 

Corstorphine (R.-H.), 1092. 

Cosserat (E.), 712, 113, 815, 816, 856. 

Cosserat (F.), 112,713, 815, 816, 856. 

Costantin, 445, 549. 

Costantin (J.), 1146. 

Costomiris, HAT. 

Cotte (J:), 

Cottou, 551, 774. 

Coulon (J.), 195, 772. 

Coupin (H.), 290, 589, 638, 680. 

Courmont (J.), 10 246. 

Courmont (P.) 

Courtade (D. ‘ "386. 857, 1088. 

Cousin (P.), es 

Coutière (H.), 4 

DRE ee (F.), ét 

Couvreur (E.), 817 


+ 619, 936. 


Craciuou (DL. 1548: 
Crae (J.-Mac), 151, 176, 1092. 
Crémieu (V.), 52, 195, 246, 497,498; 


587, 589, 81. 
Crepieux, 1037 
Crespin (J.), 145. 
Crompton (H.), 450. 
Cros (C.-F.), 247 
Crosslay (A.-W.), 776. 
Cuénot (L.), 41, 7103, 193, 264 à 269, 
341, 890. 
Culmann, 345. 
Cureau (Dr), 558 à 571,598 à G14. 
Curie (P.), 288, 386, 498, 588, 815, 1145. 
Cyon (G. de), 589, S28 à S35. 


Dainelli. 392. 

Dakin (H. D.), 552. 
Dalfsen (B.-M. van), S19. 
Damien, 346, 725. 
Dargeard (A.), 381. 
Daniel (L.), 51, 1086. 
Darboux (G.), 289. 
Darcourt, 1037. 
Dardant (A.), 491. 
Dargein, 1088. 

Darwin (G. -H.), 1037. 
Darzens, 1037. : 
Dastre (A), 150, 24 
David (P.), 112. 
Davidoglou, 886, 936, 1035, 1086. 
Davidson, 386. 

Dawson (H.-M.), 56, 151, 7176. 
Debierne (A.), 288, 386, 815, 1145. 
Debove, 51, 447, 1036. 


6, 448. 


TABLE ALPHABÉTIQUE DES AUTEURS 


Décombe {L.), 496, 772, 815. 

Decrock (E.), 341. 

Dedekind, 104. 

Defacqz (Éd. ), 405, 147. 

Dehérain (H.), 112, 557, 719, 779, 1034. 

Dehérain (P.-P.), 289, 1036. 

Dehon (M. 1147. 

Delacre (M), 1035. 

Détierois. (r.), 388, 856, 1146. 

Delage (M.), 50, 243. 815. 

Delage (V, 50, 812, 816, 864 à 874, 
1086. 

Delagenière, 291. 

Delamare (G.), 722 
1145, 1147. 

Delange (R.), 107, 446, 
123, 126, 1037. 

Delasalle (A.), 633. 

Delépine M. ), 105,495, 
637, 1149. 

Delsado (J.-F-.N.), 286. 

Delille (A.), 986. 

Delorme, 4417, 549, 1036. 

Delpeuch (A.), 1085. 

Demarcay (E.), 49, 678. 

Demartres, 723. 

Demenge (E.), 142, 339, 441, 491, 584, 
943, 981. 

Demerliac (R.), 679. 

Demoulin (A.), 497, 815, 984, 1146. 

Demoussy, 289. 

Denigès (G.), 985. 

Deniker (J.), 615. 

Denoyès, 122, 712. 

Densusianu (Mlle), 197, 724 

Dépéret (Ch.), 984. 

Derôme (J.), 343. 

Desaint (L.), 497. 

Descours-Desacres, 244. 

Descudé (M.), 497, 679, S16. 

Desfosses (P.), 814, 935. 

Desgrez (A.), 107, 6178, 681, 1036. 

Deslandres (H.), 195, 288, 289, 638, 619, 
1146. 

Desmots (H.), 548, 591. 

Devaux (H.), 344, 441, 722 

Dévé (F.), 197. 389, 681. 

Dewar (J.), 858, 938. 

Dezautière, 713. 

Dhommée (R.), 984. 

Dickinson Go AS 

Dickson (L.-E.), 679. 

Didsbury (G.), 679. 

Dienert Ta) 41007 à 1049. 

Dieulafoy (G.), 245, 290, 985, 1087. 

Divers (E.), 500, 728. 

Dixon (A.-E.), 56, 390. 

Dobbie (J.-J), 55, 640. 

Doléris, 149. 

Dominici (H.), 549, 986, 

Donder (T. de), 857. 

Dongier (R.), 105, 292. 

Dootson (F.-W.), 684. 

Dopter (Ch.), 389, 589. 

Doran (R. E.), 640. 

Dorchain (A. ), 636. 

Dorp (W.-A. van), 988. 

Doué, 722. 

Douxami (H.), 289. 

Dowzard (E.). 552. 

Doyon, 811. 

Drake del Castillo (E.), 773 

Dubard (M.), 588. 

Dubat (G.), 1145. 

Duboin (A.), 387. 

Dubois (R.}, 197, 243, 245, 246, 
344, 586, 724, 937, 1088. 

Duboscq (0. ), 856. 

Dubreuil (L.), 243. 

Ducamp (L.), 984, 1035. 

Duclos, 51. 

Ducretet, 104. 

Duddell (W.), 986. 

Dugast (J.), 887. 

Duguet, 1147 

Duhem (P.), 49, 147, 194, 2 
1446, 496, 548, 587, 936. 

Dulac (H.), 496, 548, 815. 


, 817, 937, 938, 1036, 


497, 499, 682, 


386, 446, 449, 


294; 


13, 289, 343, 


Dumont (J.), 243, 679. 
Dunstan (W.-R.), 56, 500, 938. 
Dupaigne, 149. 
Duparc (L.), 445, 5 
Dupasquier, 1141. 
Dupont (C.), 1036. 
Duport (H.), 105, 343. 

Duprat (C.), 81. 

Dupuy (E.), 1037. 
Durand-Fardel (Ray.), 61, 1033. 
Dussaud (F.), 123, 1087. 
Dybowski (J.), 1035. 

Dyer (C.-S.), 684. 


49, 637, 122, 891, 937. 


E 


E.-A., 544. 

Easterfeld (Th. Hill), 56. 

Eginitis (D.), 49, 1086, 1145. 

Egger (Max), 681. 

Egorov (D. Th.), 146, 195, 288, 619. 

Ehrmann, 931. 

Elder (H.-M.), 241. 

Emery (H.), 1088. 

Emmerez de Charmoy, 1037. 

Enestrüm (G.), 440. 

Engel, 448, 682, 811. 

Engelmann (Th. W.), 988. 

Enriques (F.), 194. 

Esclangon (E.), 172. 

Estanave (E.), 45. 

Etard (A.), 134, à 440, 
à 4081. 

Everdingen jumior (E. van), 108. 

Everett (J.-D.), 247. 

Eyre (J.-V.), 684, 1092. 


548, 1076 


F 


Fabre-Domergue, 497. 

È ‘abry (Ch.), 587, 172. 
Fages (de), 190. 

Farabeuf, 447. 

Farmer (R.-C.), 640, 1150. 

Fauquet, 344, Ts 

Favrel (G. ), 105, 446, 588. 

Febr (H.), 339, 381, 494, 886, 980, 1141. 

Félizet (6. }s 389, 448. 

Fenizia (C.), #1. 

Fenton (H.-J.-H.), 247, 248, 639, 728. 

Féré (Ch.), 149, 388, 680, 681, 124, S17, 
857, 938, 1036, 10317. 

Fernbach (A.), 50. 

Fernet (Ch.), 1141. 

Ferrand (L.), 112. 

Ferrier (J -F.), 725, 851. 

Finot (J.), 814. 

Fischer (F.), 1031. 

Fischer (H.), 289, 387. 

Fischer (P.-R.), 1039. 

Flahault (C.), 341, 38%, 442, 493, 585. 

Flamand (G.-B.-M.), 722. 

Flammarion (C.), 244, 856, 1146. 

Fleming, 683. 

Fleurent (E.), 631, 1145. 

Fleury (G.), Ee 

Fleury (M. de), 7 

Fliche (P.), 290. 

Floresco (N.), 1086. 

Flot (Léon), 104. 

Flusin (G.), 104, 491. 

Fochier, 441. 

Fonzes-Diacon, 50. 

Forchheimer (P.), 1039. 

Forcrand (R. de), 147, 289, 343, 445, 
112, 113, 816, 891, 936, 984. 

Forel (F.-A.), 498, 812. 

Forest (F.), 283. 

Forster (M.-0.), 56, 500, 552, 592, 640, 
128; 116. 

Fosse (R.), 343, 386, 449, 497, 682, 723, 
8517, 984, 1087, 1149. 

Foubert (E .), 811. 

Fouché (Ed.), 1088. 

Foulerton (A-G.-R)), 860. 


123, 985. 


1163 


Fouqué ( 

Fouquet, 

Fournier (E.), 1145. 

Fournier (H.), 984. 

Fournier (L.), 245, 291, 548. 

Fournier [vice-amiral), 104. 

Foveau de Courmelles, 50, 1088, 1148. 

Fowler (G.-J.), 56. 

Franca (C.), 291, 550, 589. 

Franche (Ch.), 747. 

Franchimont (A.-N.-P.), 820. 

Francillon (Mie M.), 857. 

Hrancoïs-Franck, 723. 

Franke (A.), 1040. 

Frankland (P.-F.), 390, 1150. 

Fredericq (Léon), 79% à 840. 

Frémont (Ch.), D 292, 856. 

Frenkel (H.) 52, 197, 817. 

Freundler (P. ), 54, 548, 588, 726. 

Fricke | R). 1041. 

Friedel (J.), 196, 497, 522 à 57%, 
1086. / 

Frouin (A.), 446, 448, 680. 


F.-A.), 65 à 84, 104, 1086. 
0. 


G 


Gaget, (M.), 768. 

Gaïllard, 147, 197, 497, 937, 1087. 

Gain (Ed.}, 370, 852, 1141. 

Galavielle, 196, 681. 

Galezowski, 549. 

Gallardo !A.), 550. 

Galtier, 723. 

Gamgee (A.), 892 

Gariel, 852. 

Garnier (Ch.), 150. 

Garnier (Jules), 146. 

Garnier (L.). 245, 291, 389. 

Garnier (M.), 549. 

Garrigou (F.), 104, 768, 773. 

Garsed (W.), 552. 

Gasnes (Dr Georges), 64 

Gastine (Gr), 891. 

Gaube (J.), 196, 588. 

Rneete .), 245. 

A A.), 1087. 

Gaule (J ji 1087. 

Gautié, 246. 

Gautier (Armand), 104, 407, 146, 448, 
20% à 2145, 288, 346, 354 à 358, 
386, 446, 448, 123, 937, 1046 à 1059. 

Gautier (H.), 104, 1146. 

Gebhardt (F. de), 680. 

Gegenbauer (L.), 986. 

Gellé (M. E.), 52, 150, 196, 985, 1088. 

Géneau de Lamarlière (L.), 445. 

Génin (V.), 1035. 

Genoud, 194, 288. 

Genvresse (P. 243, 290. 

Geoffroy- Saint-Hilaire (E.), 1033. 

Gérard (E.), 147, 197, 851. 

Gérardin (Aug.), 141. 

Gérin (F.), 966, 937, 984. 

Gerland (E. 


Gervais - Courtellemont, S34 à 
ss0. 

Giard (A. AS 9, 124, 856, 985. 

Gibbs W! 


Gibrat, 388. 

Giglio-Tos, 238. 

Gilardoni (H.), 680. 

Gilbert (A.), 61, 245, 34 

Gilbody (A. W.), 107. 

Gildmeister (E.), 46. 

Gilet, 549. 

Gilletta de Saint-Joseph, 149, 680, 

Giltay (J.-W.), 41151. 

Girard (A. Ch.), 245, 637. 

Girard (J.), 314, 857. 

Girod (P.), 671. 

Glangeaud (Ph.), 143, 148, 
169, 712, 9AA à 922. 

Glazebrook (T.), 54. 

Gley (E.), 52, 62, 246, 

89% à 904, 1147. 

Gnezda (J.),:936. 

Golosceano, 344, 


4, 447, 681, 1088. 


| 


196, 674, 


443, 448, BIT, 


116% 


TABLE ALPHABÉTIQUE DES AUTEURS 


Gonnessiat (F.), Pi 
Goodrich (E. ide 

Goodwin | W.), re 

Gordan (P.), 78. 

Gorini, 152, 392. 

Gostling (Mlie A.), 639. 
Gouget (A.), 4033. 

Chsidie (E.), ), 500. 

Gouré de Villemontée, 285. 
Goursat (Ed.), 289. 

Gouy (G.), 815, 1086. 
Gowland Hopkins (P.), 859. 
Graffigny (H. de), 339. 
Gramme (Z.), 146. 
Grammont (A. de), 52, 887. 
Grand-Moursel, 246. 
Granger (A.), 497, 499. 
Gravaris, 816. 

Gray (T.), 552. 

Grégoire (E.), 6179. 
Gregory (J.-W.), 720. 
Gréhant (N.) , 289, 1145 
Griffon (V.), se 149, 380, 681. 
Grignard {À . 195, 288$, 343, 381, 449, 


Fe (Ed.), Si 

Grimbert (L.), 52, 

Gros, 937. 

Grossard, 818. 

Groves (C.-E.), 500. 

Guëède (H.), 1032. 

Guédras (M.), 1146. 

Guéniot, 149, 

Guerbet, 148, 247, 343, 815. 

Guglielmo, 392. 

Guiart (J.), 389, 855, 1084. 

Guichard (C.), 49, 106, 194, 243 

Gnichard (M.), 49. 

Guichard (P.), 101, 1032, 1141. 

Guillaume (Ch. Ed.), 150, 192, 197, 
231, 285, 3858 à 368, 422 à 434, 
440, 497, 499, 504, 551, 583. 

Guillaume (J.), 49, 288, 289, 723, 984. 

Guillemard (H.), 631. 

Guillemonat, 496, 712, 1036. 

Guillet (L.), 497, 587, 815, 985, 1145. 

Guilliermond, l'A, 548, 173. 

Guillon (J. M), un 

Guinchant, 244. 

Guinon (Louis), 64. 

Guiraud, 246. 

Güntz (R.), 446, 1087, 1149. 

Gutton (C.), 288. 

Guye (Ch.-E.), 856. 

Guye (Ph.-A.), 390, 496, 545, 618, 619. 

Guyon, 51, 290. 

Guyon (J.-F.), 389, 857. 

Guyot, 386, 499, 679. 

Guyou (E.), 49, 343. 


343, 389, 449, 1036. 


Hachet-Souplet (P.), 4 
Hacks, 549. 
Hadamard (J.), 289. 
Haga (T.), 798. 
Hagen (E.). 1050, 
Hall (H.), 347. 
Halla (E.), 1040. 
Haller (A.), 159 à 16%, 243, 255 à 
264, 292, 323 à 330, 7386, 499, 633, 
674, 678, 679, 123, 1087. 
Halliburton (W.- -D.), 7175. 
Hallion, 52, 638, 1145, 1146, 1147. 
Hallopeau, PA 290, 713, 937, 985. 
Hamonet (J.), 194, 195, 289, 346, 386, 
448. 
I), 
( 


19 


Hamy (M.), 678, 932. 

Hanriot (M.) , BA, 147, 148, 196, 197, 290, 
387, 447. 

Harden ds , 450, 1092, 

Harlay (V 

Harrison ( ), 1038. 

Harroy (M.), 1087. 

Hartley we: -N.), 55, 640. 

Hartmann (I.), SS1 à 885. 

Hartog (Ph.-J.), 56. 


), 45€ 
Ÿ'o8 
E.-P. 
) 


Hartmann (H.), 342, 814. 

Hartog (M.), 289. 

Harvey (A.-W.), 639. 

Hatfield (H.-S.), 684. 

Hatt, 289, 984. 

Haug (E.), 193, 286, 383, 769. 

Hayem (G.), 196, 548. 

Hébert (A.), 107, 243, 290, 492, 771, 856. 

Heckel (Ed.), 680, 1087, 1145. 

Hédon {E.), 291, 344, &AT, 171, 815, 1036. 

Helbronner (A. \, 722. 

Hele-Shaw (H.-S.), 587. 

Helot (J.), 584 … 

Hemptinne (A. de), 1145. 

Hemsalech (G.-A.), 445, 446, 496, 886, 
1087. 

Henderson (G. 

Henneguy (F. 

Hénocque (A.), 52, 1088. 

Henri (V.), 150, 196, 388, 447, 680, 817, 
1037, 1087, 1147. 

Henriet (H.), 446. 

Henry (L.), 723. 

Henry (T.-A.), 938, 1092. 

Hérissey (H.), 289, 291, 722, 815. 

Hermite (Gh.), 57, 109, 146. 

Herscher, 681, 1088. 

Hertha Avrton, 938. 

Hervé (H.), 1035. 

Hervieux, 196, 291, 

Herzig (J.), 1040. 

Heurteaux, 680. 

Hewitt (J.-T.), 407, 776. 

Hilbert, 168 à 474, 

Hill (A.-C.), 390, 818. 

Hiorns (A.-H.), 142. 

Hird (J.-M.), 1092. 

Hobbs (J.), 550. 

Hvernes (R.), 1039, 1040. 

Hoffmann (Fr.), 46. 

Hoffmann (J.-C.-V.), 440. 

Hollard (A.), 94 à 98, 285, 340, 456. 

Holleman (F.), 152. 

Holmes (J.), 776. 

Holhoyd (G.-W.-F.). 1150. 

Holsbær (H.-B. j 151. 

Hoogerverff (S.), 988. 

Horstman mt (H.-J.), 55 

Houdaille (F.), 852. 

Houssay (K.), 194, 889, 1086, 1146. 

Hubrecht (A.-A.-W.), 988. 

Huchard, 291, 589, 937. 

Hugot (Ch.), 46 

Hugounenq, 984. 

Hugounenq (L.), 146, 
44, 549. 

Hulot (J.), 857. 

Humbert (G.), 146, 249, 289, 343, 856. 

Hunter (A.-E.), 451. 

Hurtley (W.-H.), 1092. 

Hurwitz (A.), 243, 618. 

Hyndman (H.-H.-F.), 391, 


G.), 1092. 
j 441, 1086. 
) 


519, 588, 937. 


4335 à 439, 


Imbert (A.), 344, 448. 
Imbert (H.), 7112, 984, 1145. 
Ingelrans (L.), 1147. 

Innes (W.-Rose), 107. 
Irvine (J.-C.), 532, 728. 
Istrati, 723. 


J 


Jaccoud, 548. 

Jacob de Cordemoy (H.), 194. 

Jacobson, 638. 

Jacquemin Ion 588. 

Jacquemin (P.), 634. 

Jacquet (L.), 63, 680, 721. 

Jadin (F.), 1083. 

Janet (Paul), 156, 246. 

Janssen (J.), 195, 288, 290, 548, 856, 
1035. 

Japp (F.-R.), 776. 

Jaubert (G.- -F.), 105, 146, 387. 

Jaubert (J.), "87. 


Javal (A 
JD 
Jeans (J.-H.), 727. 
ne (E.), 197, 890. 
Jerdan (D.-S.), 728. 
Joannis (A.), 4 

Job (A.), 53,1 
Joffrin (H. h ne 
Johnson (K. 816. 

Jolly (J.), ce ‘loge, 1147. 

Jollyman (W.-H.). 294, 390. 

Jones (H.), 248, 339, 1150. 
Jonquières (de), 386, 856. 

Jordan (C.), 146. 

Josias, 1088. 

Josué (0O.), 684. 

Jouarre, 388. 

Jougnet, 49, 343. 

Jouniaux, 587, PisS 713. 

Jourdain (S.), 749, 244, 291, 448, 1086. 
Jousset de Bellesme, 194. 

Jouve, 247, 448, 497, 591. 

Jowett (H.-A.-D.), 450, 1150. 

Julius (W.-H.), 986. 

Julliard (C.), 681, 937. 

Jullien, 723. 

Jumelle (H.), 110. 

Jungfleisch, 51, 243, 387, 858. 

Jurie (A.), 857. 

Justin de Lisle, 723. 


d.), 638. 
1144. 


K 


Kamerlingh Onnes (H.), 391, 819. 

Kantor RE 147. 

Kapteyn (J.-C.), 1040. 

Kapteyn (W.), 818. 

Keesom (W.-H.), 1152. 

Kelsch, 816, 985. 

Kemp (P.-H. van der), 392. 

Kennedy (R.), 818. 

Kenzie (A.-Mc), 1092. 

Kilian (W.), 549, 1033. 

Kilkelly, 933. 

Kipping (F.-S.), 107, 294, 347, 451, 716. 

Kleerekooper (Mile E.), 152 

Kleyn (A.), 820. 

Kling (A.), 1173. 

Kluyver (J.-C.), 390. 

Kæhler (R.), 49, 180 à 489. 

KϾnig (E.), 446. 

KϾnig (R.), 241. 

Koœnigs (G.), 49, 368 à 373, 71, 
816, 856, 891, 936, 98%. 

Kohnstamm (P.), 819. 

Korda (D.), 551. 

Küvessi, 290, 388, 445, 588. 

Kowalensky (A.), 1039. 

Kowalewsky, 1086. 

Kowalski (J. nel 122. 

Krause (M.), 4 b 

Kronecker, “AT. 

Kunckel d'Herculaïs (J.), 387. l 


Lacaze-Duthiers ({. de), 113, 816. 

Lacombe (H.), 1087. 

Lacroix (A.), 148, 196, 244, 1146. 

Ladenburg, 723. : 

Lafay (A.), 1087, 1145. 

Lagatu (H.), 492, 684. 

Lagrange (E.), 148, 196, 588. 

Lagrile, 246, 589. 

Lagnesse, 589, 1020 à 1030. 

Laignel- Lavastine, 539, 817. 

Laisant (C.-A.), 1082. 

Lambert (M.), 245, 291, 389. 

Lamey (Dom), 244. 

Lamothe (de), 631. 

Lampe (E.), 1039. 

Lancaster (A.), 769. 

Lancereaux (E.), 51, 291, 388, 548, 680, 
114. 


l 

7 : 

Laborde (J.-V.), 149, 196, 291, 388, 447, | 
549, 588, 638, 680, 723, 1087. 


TABLE ALPHABÉTIQUE DES AUTEURS 1165 


L .nder (G.-D.), 450. 

Landerer (J.-J.), 194. 

Landouzy, 61, 290, 1088. 

Landrin (S.), 1035. 

Langelaan (J.-W.), 820. 

LAB (de), 549, 677. 

Langlois (J.-P.), 1146. 

Lannelongue, 147, 148, 243, 497, 937. 

Lansac (B.), 680, 

Lapicque (LeY, 6178, 681. 

.Lapierre (Ch.), 817. 

Lapparent (A. de), 244, 399 à 443, 
527 à 525, 588. 

Lapworth (A.), 150, 248, 347, 552, 684. 

Laquerrière, 112. 

Larbalétrier (A.), 836 à 846. 

Larguier des Bancels, 817. 

Larmor (J.), 811. 

Larroche (J.), 448. 

Larroque (F.), 195, 24%, 387, 548, 722. 

Larter (A.-T.), 818. 

Laska (W.), 1039. 

Lasne (H.), 548. 

Lauder (A.), 55, 640. 

Laugier, 62. 

Laulanié (F.), 982. 

Launay (L. de), 

Launois (L.), 19 

Laurent (Em.), 1145. 

Laurent (L.), 1084. 

Lauriol (P.), TS 639. 

Lauroy (L.), 8 

D ARSRe ant ‘colonel A.), 811. 

Laval (Ed.), 4 

Laveran nai ‘54, 149, 246, 389, 447, 
453, 548, 550, 680, 724, 7112, 857, 931, 
985, 1088. 

Lavergne (G.), 141, 382, 633. 

Lawrence (W.), 390. 

L. B., 613, 852. 

Lebeau (P.), 243, 288, 343, 449, 1146. 

Lebesque (H.), 496. 

Leblanc (M.), 984. 

Le Bon (G.). 291, 389. 

Le Cadet, 288. 

Lécaillon (A.), 289. 

Lecène, 550, 724. 

Le Châtelier (H.), 

Lecher (E.), 1039. 

Leclainche (E.), 196. 

Leclercq, 638. 

Lecomte, 549, 1035. 

Lecornu (L.), 125 à 434. 

Le Couturier, 1088. 

Le Dantec (F.), 985. 

Le Dentu, 51, 290, 985. 

Ledoux (P.), 344. 

Leduc (S.), 288, 387, 6178. 

nee (T.-H.), 151 

Lees (F.-H.), 449. 

Lefebvre (P.), 548. 

Lefèvre (A.), : 

Lefèvre (J.), 448, 681, 1037. 

Lefèvre (L.), 613. 

Léger, 150, 243, 3817, 588, 637, 126, 856, 
858 


102, 444 à 422. 


418,1099 à 41108. 


Legrand (E.), 195. 

Legros (G.), 52, 447, 550, 724, 1036. 

Lehfeldt, 121, 1039. 

Leidié, 126, 932. : 

Lelieuvre, 548. 

Lely (C.), 1152. 

Lemaitre (A.), 547. 

Lémeray, 104. 

Lemoine, 54, 549. 

Lemoult (P.), 447, 198, 386, 445. 
enton (W.-H.), 684. 

Leod (H.-Mac), 500. 

Léon (G.), 637. 

Lepage (L.), 817, 985. 

Lepierre (Ch. ), 123: 

Lépine (J.), 1147. 

Lépine (R.), 290, 772, 1035, 1088, 1147. 

Lereboullet (P.), 344, 447, 681, 1088. 

Léri, 817. 

Lermoyez (M.), 242. 

Le Roy, 51. 

Leroy (E), 340. 


Leroy (R.) 646 à 6359. 

Le Roy de Méricourt (A.), 891. 
Lesage (A.), 811. 

Lesage (J.), 586. 

Lesage (P.), 112, 1035. 

Lesieur (Ch.), 197, 246, 857, 
Leslie (Mile C. de), 936. 

Lesné (E.), 448. 

Lesne (P.), 381. 

Le Sourd (L.), 52, 124, 937. 
Lespieau, 498, 936. 
Leteur (F.), 722. 
Létienne (A.), 145 
Letulle (M.), 149, 245. 
Leven (G.), 197, 447. 
Levi-Civita, 392. 
Lévy (L.), 6174. 
Lévy (Maurice), 
Leys (Ai.), 496. 
Lewin (L.), 931. 
Lezé (R.). S2 à 86. 
Liapounoff (A.), 49, 147, 387. 
Liégeois, 447. 

Lier (G.-A. van), 1040. 
Ligondès (R. du), 146. 
Limpach (L.), 728. 
Linde (K. von), 1039. 
Lindet (L.), 103, 194, 58 
Linossier (6) 294, 47. 
Liouville (R.), 856. 
Lippmann (G.), 
Livache (Ach.), 549. 


104, 105. 


Livon, 723. 
Lloyd (L.-L.), 294. 
L. U., 144, 383, 983. 


LϾper, 52, 246, 291, 389, 447, 550, 681, 
817. 

Lœw (P.), 441. 

Loewy, 244, 497, 589, 857. 

Loir (A.) 494, 821 à 823, 962 à 
964. 

Loir (M.), 99. 

Loisel (G .), 50, 195, 246, 252, 291, 344, 
494, 8571, 1087, 1088, 1128 à 1440. 

Lombard (A), 441, 549. 

Lo Monaco, 152, 392. 


’ Longo, 392. 


Lorentz TE à 107, 295. 

Lorié (J.), 1152. 

Lorin (H. ), 718. 

Lortet, 194, 288, 984, 1087. 
Loth (G.), 191, 1408 à 4442. 
Louguinine (W.), 146. 

Louise, 446. 

Lourbet (J.), 495. 

Lovwry (T.-M.), 818. 

Loyez (Mile M.), 1146. 
Lucas-Championnière, 51, 245,290, 1036, 
Lucet, 549. 

Lugeon (M.), 105. 

Luizet (M.), 288, 343, 548. 
Lulofs (P.-K.), 392, 820. 
Lumière (A.), 147, 290, 984, 985. 
Lumière (L.), 141, 290, 984, 985. 
Lummer (0), 1039. 

Lumsden (J.-S.), 4092. 

Lutz (L.), 448, 674, 710. 
Lymann, 551. 


M. A., 1096. 

Macé de Lépinay (J.), 112. 
Macfarlane Gray (J. ), 1039. 
Machat (J.), 145. 

Mack (Ed.), : 
Mackenzie (J. E.), 684. 
Madan (H.-G.), 640. 
Magalhaes (P.-S. de), 937. 
Magnan, 1036. 


Magnus, 62. 
Mabheu (J.), 445. 
Maige (A.), 383, 857. 


Mailhe (A.), 587, 619, 126, 113. 
Maillard de ), 446, 985. 
Maillet (Ed.), AE, 288, 289, 


445, 496, 
1035, 1146. 


Maire (R.), 51, 387. 

Mairet, 52. 

Maitland (W.), 776. 

Malassez (L.), 243. 

Maldès, 815, 

Maltézos (C.), 386. 

Manceau (E.), 146. 

Mancini (E.), 152, 392. 

Mandoul, 1086. 

Mangin L. je 2e 445, 454, 815, 857. 

Manouélian (Y.), 245, 638. 

Mansion (P.), “U. 

Manuelli, 152, 

Manzetti, 392. 

Maquenne (L.), 46, 192, 340, 446, 449 
631, 679. 

Marage ! (R.\, 62, 496, 637, 1087. 

Marboutin (F.), 196. 

Marceau (F.), 681. 

March (F.), 343, 722. 

Marchal (E.), 1146. 

Marchand (L.), 344, 

Marchis (L.), 343. 

Maréchal (G.) , 441. 

Marenghi, 392. 

Marès, 587. 

Marey (E.), 587, 852. 

Marey (J.), 41. 

Marie (A.), 494. 

Marie (Ch.), ï 686, 992, 10$6. 

Marillier (L.), 385, 443, 495, 

Marinesco (G.), 50, 389. 

Marion (H.), 495. 

Marlatic, 149. 

Marquis (R.), 147. 

Marro (A.), 1144. 

Martelli, 132. 

Martens Le 2), 

Martin (G ), 776. 

Martin (J.), 497, 552. 

Martin (K.), 1040. 

Martin (L.), 496. 

Martin du Magny, 723. 

Martine (G.), 722. 

Martonne (E. de), 

Martre, 122, 112. 

Mascart (E.), 146. 

Mascart (Jean), 243 à 222, 270 à 
282, 387, 891. 

Massol (G.), 386, 679, 815. 

Masson (H.), 944, 293. 

Masson (O.), 552. 

Mathias (E.), 195, 902 à 914, 965 
à 979, 1087. 

Mathieu (L.), 383. 

Mathis, 52, 681, 

Matignon (C.), 53, 105, 815. 

Matruchot (L.), 51, 245. 


Mauclaire, 724. 
ire à 41066. 


Maupas. 678. 
246, 291, 448, 589, 817, 


388,589, 124 


671, 171. 


196, 498. 


Maurain (Ch. 

Maurange (G.), 

Maurel (E. 1192, 
857, 985, 1088. 

Mavrojannis, 496. 

Mayet, 50, 51, 197, 1146. 

Maziarski (S.), 344. 

Mégnin (P.), 245, 857, 1037. 

Meillère (G.), 216, 291, 448, 

Meldola (R.), 500, 684, 4092. 

Meldrum (N.), 176. 

Mellor (J.-W.), 56, 107. 

Ménard (V.), 342 

Mendelssohn, 678. 

Menegaux (A.), 8517. 

Méray (Ch.), 445. 

Mercadier (E.), 891. 

Merklen (P.), 245, 448. 

Meslin (G.), 7173. 

Mesnager, 618. 

Mesnil (F.), 197, 344, 389, 549, 589, 724, 
112, 937, 938, 985. 

Metchnikoff (El.), 

Metz (G. de), 816. 

Meunier (L.), 1088. 

Meunier (Stan.), 244,245, 445, 446, 1146. 

Meyer F.), 1086. 

Meyrat (P.), 491. 


1036. 


3 à 45, 344, 1149. 


1466 


TABLE ALPHABÉTIQUE DES AUTEURS 


Michaux (P.), 245. 
Michel (P.), TS 
Michie (A.-J.), 

Miers (H.-A.), 107. 500. 

Milandre (Ch.), 583. 

Mildred Gostling, 211. 

Milian, 449, 196, 291, 4 
124, 938. 

Miller (G.-A.), 445, 984. . 

Millosevich, 152, 392. 

Mills (W.-S.), 552. 

Minet (A.), 284. 

Minguin (J.), 619, 123. 

Minkowski (H.), 105. 

Miquel (P.), 618. 

Mittag-Léflier (G.), 386,637, 816. 

Mizzoni (A.), 938. 

Modzelewski (J. de), 122: 

Moir (G.), 500. 

Moissan (H.), 107, 243, 288, 122, 726, 
946 à 955, 1035, 1036, 1037, 1086, 
1149. 

Moitessier (J.), Le 

Molinié (M.), 10: 

Molinier, 446, 4 ue 

Moll (J.-W 5» ses 1040. 

Molliard (M.), 51, 245, 936, 937. 

Monckton ere (S.), 860. 

Moncorvo, 816. 

Monfet(L.), 52. 

Monod (Henri), 245, 1036. 

Monot (G.-H.), JE 

Montangerand (L.), 288, 289. 

Montessus de Balore (F. de), 851. 

Montille (Mile $S. N. de), 383. 

Moody (H.-R.), 640, 

Moore (B.), 859. 

Morache (G.),-14%. 

Morat (J.-P.), 550. 

Moreau, 588, 1035. 

Moreigne (H.), 589. 

Morel, 811. 

Morel-Lavallée, 549. 

Moreul, 1147. 

Morize (H.),.498, 1723. 

Morris (G.-H.), 116. 

Mossé (A.), 637, 1146, 1147. 

Motais, 123. 

Motet, 1088. 

Mott (F.-W.),.115. 

Moty, 388. 

Mouchet, 290, 680. 

Mouneyrat (A), 441. 

Moureaux (Lh.), 105, 1146. 

Moureu, 107, 387, 446, 449, 
548, 591,682, 123, 126. 

Mourey (Ch.), 145. 

Moussu, 147, 196, 289. 

Moutard (Th.), 259. 

Mouton (H.), 113, 857. 

M. P., 814. 

Müller (F.), 673. 

Muller (P. Th.), 496, 1149 

Müntz(A.), 245, 710. 

Muratet, 52, 104. 

Muskens (L.-L.-J.), 1152. 


Napias (H.), 549. 
Naville (A.), 935. 
Naylor (W.-A.-H.), 684. 
Negreano (D.), 631. 

Neil (Chr.-A. -C), 392 
Nencki (de), 1141. 
Netter, 49, 52. 

Netter (L. \, 681. 

Netto (E.) 339. 

Neville (A.), 640. 
Newth (G.-S.), 684. 
Nicloux (M.),197, 678, 681, 122, 124, 1088. 
Nicolai (C. 820: 

Nicol: rot , 985. 
Nicolas (A.) 

Nicolas (J.), "149, 150, 297 
Nicolle (M.), 385. 
Nietzki, 633. 


;1, 549, 638, 680, 


497, 499, 


Nigdell Axelos (E.), 197. 
Nimier (H.), 41. 
Noalhat (H.), 283. 
Nobécourt (P.), 52, 197, 245, 938. 
Nocard (Ed.), 196, 388, 550. 
Nodon (A.), 386. 
Noé, 152, 1088. 
Nolf (P.),, 459 à 422, 535 à 543. 
Nordenskiüld (A.-E.), 856. 
Nordmann (C.), 816. 
Normand (A.), 289. 
Noufflard (Ch.), 143. 
Nuttall (G.-H.-F.), 1090. 
[e) 
Oates (W.-H.), 500. 
Obrecht (A.), 583, 1035. 
Ocagne te d'), 381. 
Oddo | 858 1037. 
ane de Coninck, 50, 104, 146, 148, 
812. 
Ogawa (M.), 728, 
Okell (J.), 150. - 
Olivier (Louis), 583, 896. 
Olmer (D.), 589. 
Onimus, 680. 


Onnes, 151, 452 
Oppenheim (R.), 389, 817. 


Oppenheimer (C.), 382. 


Oppolzer (K. eo 1039. 

Orton (K.-J.-P.), 150, 341, 640, 1150. 
Oss (S.-L. van), 1040. 

Ostwald (W.), 545. 

O’Sullivan ( de). 128. 

Oudemans (J.- 
Oustalet, ee 
Ouvrard (L.), 194. 
Owen Jones {IL.), 55. 


.=C.), 294, 


P 


Pachon, 51. : 
Padé (H.), 386, 445. 
Pagniez, 391, 817, 1036. 
Paillard (J.), 124. 
Paillot R. ), 50, 548, 587. 
Painlevé (B.), 49, 4445: 
Pakes (W.-C.-C.), 294, 390, 450. 
Paliatseas (Ph.-G.), 55 
Pampaloni, 392. - 
Panas, 388, 549. 
Panichi, 152. 
Papadaks | (A.), 44 
Papin (E.), 851. 
Paquier (V. ), 148, 492: 
Park (J.), 584. 
Parker (W.-H.), 859. 
Parmentier (F.), 588, 119, 723. 
Pasquier (du), 817. 
Pasteur, 821. 
Patterson (T.-S.), 151, 390. 
Paulesco, 680, 774. 
Pauli (W.), 1039. 
Pavillard (J.), 932. 
Pavlicek, 451. 
Pawlow (J.-P.), 1142. 
Pearce (K.), 445, 631, 122, 891, 937. 
Péchard (E.), 290. 
Pégot, 818. 
Pélabon (H.), = 386, 637. 
Pellat (H.), 105, 448, 548, 551, 590, 638, 
1145, 1148. 
Pellegrin (J.), 197. 
Pellet (A.), 1145. 
Pelletier (Me M.), 936. 
Pérez (Ch.), 1147. 
Périer, 1036. 
Perkin (A EC: 551. 
Perkin (W.-H.), 592, 1150. 
Perkin junior (W.-H), 56, 294, 390. 
Perman (E.-P.), 390. 
Permilleux, 150. 
Pérot (A.), 581, 712. 
Perrier (E.), 390, 44. 
Perrier (Lieut. ), 4 AS? à 490. 


.)s 


Peugniez, 441. 


497, 820, 1152. 


Perrier (R.), 444. 

Perrin (E.), 290, 98%. 

Perrin (Marius), 586, 812. 
Perrot (F.-L.), 496. 

Perrotin, 146, 936, 1086. - 
Petit (A.),-107. 

Petit (G.). 172. 

Petit (P.), 340. 

Petot (A.), 856, 936, 1086. 
Petrovitch (M, le 626 à 632. 
Pettit (A.), 291, 94 à 296, 517, 857. 


Peyrot, 196. 

Phillips (H.-A.), 107. 

Phisalix (C.), 49, 54, 62, 497, 681. 

Phragmen (E.), 631. 

Picard (Emile), 105, 445, 1086. 

Pickard (R.-H.), 390, 640. 

Pictet (A.), 446. 

Pidoux (J.), 1031. 

Piéchaud, 388. 4 

Pigeon (L.), 382, 932.. 

Pivard, 196, 173. 

Pinois, 52. 

Pinoy; 149, 197. 

Piolet (le R. P.), 143. 

Pitres (A.), 638, 1036. 

Pizon (Ant.), que 1086. 

Plicque (A.-F.) 

Rand (d. 'RY 114 

Pochettino, 392. 

Poincaré (A,), 49, 497. 

Poincaré (H.), 105, 146, 243, 994 à 
400%, 1035, 1038, 1146. 

Poincaré (L.), 247, 118. 

Poiré (P.), 44 

Poisson (G.), 

Polaillon, 51. 

Policard (A. c) 550, 681. 

Pollak (Ch.), 637, 125. 

Poncet (A), 114, 857, 985. 

Ponsot 49, 197, 386, 637, 619, 816, 984. 

Pope (F. cs DE 1092. 

Pope (W.-J.), Fe En 640. 

Popoff, 104. 

Porak, 149, 1147. 

Portes, 680. 

Portier, 50, 857. 

Posternak, 1037. 

Potain (P.-Ch.) 

Potter (C.), NA 

Pottevin (H.), 50, 343. 

Pouchet (G:), 891, 936. 

Pouget (J.), 382. 

Poujol (G.), 448. 

Poulain (A.), 681, 818. 

Poulenc (C.), 1083. 

Poupinel (G.), 61. 

Pouret, 106, 150. 

Pourquier (P.), 445. 

Pozerski, 149, 150. 

Pozzi-Escot (E.), # 

Prenant (A.), 241, 

Presas (J.), 549. 

Prey Jz: (G.), 820. 

Proust (A.), 388, 447, 1039. 

Pruvot (G.), 121, 983. 

Przibram (K.), 1039. 

Pugnat (A.), 441 

Pujade (P.), 11 

Purdie (P.), 50 


4. 
891. 


, 51; 105, 110, 148, 149. 


15, 4%. 718, 1083. 
49%, 635, 814, 1098. 


1. 
il 
00, 

Q 


Qaarenghi (T. de), 4175 à 180. 
Quennessen, 126. 

Queva (C.), 340. 

Quinton (R.), 195, 244 


Rabaud (Et.), 24 
Rabut, 637, 618. 
Raczkow ski LE 
Raffy (L.), 


\, 1035. 
1035, 1145. 


TABLE ALPHABÉTIQUE DES AUTEURS 


Raillet, 52, 291, 549, 1684. 
Rambaud, 105, 587, 856. 
Ramond (F.), 851. 

Ramsay (W.), 684, 1150. 
Ransome (A.), 860. 

Raoult, 445. 

Rappin, 724. 

Rataud (E.), 197. 

Rateau (A.), 381... 

Raulin (V.), 1035. 

Ravaut, 52, 681. 

Ravaz (L.), 387. 

Raveau, 198, 639. 

Raverot (E.), 1086. 

Rav CT) SL EE 

Ray (P.-C.), 552. 
Ray-Lankester (E.}, 1081. 
Raymond (F.), 174, 1088. 
Reclus (Paul), 388, 985, 1087. 
Recoura, 631. 

Regaud (Cl.), 196, 291, 448, 550, 681. 
Regelsperger, 254, 645, 821, 993. 
Régnier (L.-R.), 6179. 

Rehns (J.), 245, 389, 724. 
Reinders (G.), 152. 

Rémy, 447, 681. 

Renault (B.), 194, 445, 984. 
Renaut, 291. 

Rendu (H.), 123, 985. 
Rengade (E.), 104, 264. 
Répin, 385, 596, 1142. 
Retterer (E.), 817. 

Retzius ( s) 71039. 

Reverdin, 1037. 

Reynaud Ne 243. 
Reynolds (J. Emerson), 500. 
Rey-Pailhade (de), 52, 638. 
Rheins, 146. - 
Rhodes (Herbert), 682 
Ribard (E.), 983. 
Ribaucourt (Ed. de), 196, 586. 
Ribaut (H.), 447, 549. 
Ribière, 195, 343. 
Ribot, 51. 

Ricco (A.), 195, 392. 
Richard ({A.), 1087. 
Richardière (H.), 61 
Richardson (A.), 684. 
Richaud (A.), 142. 
Riche, 51. 

Richelot, 723. 

Richer (Paul), 62 


Richet (Charles), 61, 104, 302 à 314, 


548, 681, 124, 933. 
Ricome (H.), 51 
Rieux, 1141. 

Ringer (W.-E.), 988. 

Riquier, 446. 

Rispal, 344. 

Rivet, LE 

Rivière (E.), 936. 

RO LA JS 387, 446. 

Robertson (W.), 592, 776. 

Rotoe (A.), de 196, 245, 343, 388, 588, 
4 

Rocques (X.), 383, 595, 699 à 342 

718, 351 à 258, 769, 888. 

Rocquigny (Ge de), 719. 

Rodet (A. ), 196. 

Rodier (E.), 49. 

Rodriguez, 49. 

Roger (Ed.), 50. 

Roger (H. ), 817. 

Rolland ! (CN 244. 

Rollet (P.), 811. 

Romburgh (P: van}, 151. 

Romme (R.), 

677, 890. 
Rona (P.), 1039. 
Rondeau-Luzeau (Muc), 44 
Roos (L.), 244, 1086. 
Rosati, 152. 

Rose-Innes (J:)5:592: 
Rosensthiel, 446. 
Rosenthal (G.), 124, 1037. 
Rosin, 726. 

Rossard (F .), 243, 
Rosset (G.), 449, 550. 


6, 549. 


63, 193, 506 à 524, 


1167 


Rothé (E.), 6178. 

Rothschild (H. de), 677, 681. 
Rotschy (A.), 446. 

Rouchon (G.), 614. 
Rousseaux (E.), 245, 710. 
Roussel, 724. 

Roustan, 1147. 

Rouvière, 122, 772. 
Rouville (E. de), 341. 

Roux (E.), 446, 449, 1087. 
Roux (J.-Ch.), 724, 931. 
Rowland qe ), 548, 1092. 
Rubeus (H.), 1050. 
Rücker (A.-W.), 55. 
Ruhemann (S W. , 390, 128, 1092. 
Russell (B. “A. -W.), 850. 

Ryan (H:):1552- 

Rynberk (van), 392, 1152. 


S . 


Sabanejelf, 726. 

Sabatier {P.), 148, 289, 386, 5817, 591, 
619, 816. 

Sabine (W.-C.), 106. 
Sabrazès, 52, 104, 344, 441, 550, 680, 
681. 

Sacquépée (E.), 857. 

Sagnac (E.), 53, 498, 639, 125, 984. 

Saint-Hilaire (E.), 241. 

Saint-Martin (L. G. de), 389. 

Saint-Rémy, 105, 578 à 582. 

Saint-Yves Ménard, 290. 

Salmon (J.), 245. 

Salomon, 651. 

Sambuc, 100. 

Sand (H.-J.-S.), 49. 

Sande Bakhuyzen (E.-F. van de), 818. 

Sande Bakhuyzen (H.-G. van de), 294, 
818, 819. 

Sanders (C.), 1151. 

Sanson (A.), 1084. 

Sarrasin (E.), 812. 

Sarrau (E.), 856. 

Sauvage (Ed.), 472 à 482, 1086. 

Saux (G.), 681, 124, 817. 

Sazirac (R.), 678. 

Scalfaro, 392. 

Schaër, 680, 1036. 

Schaffer (F.), 1040. 

Schalkwijk (J.-C.), 451, 199, 819. 

Schlagdenhauffen (F.), 1145. 

Schlesinger (i 105. 

Schmit{ (Ch.), #41. 

Schæsing (Th.), 549. 

Schæsing fils (1h.), 548. 

Schoorl (N.), 151, 1040. 

Schoute (P.-H.), 108, 132, 200, 296, 348, 
392, 4 32, 820, 1040, 115 si, 41152. 

Schouten ÉTAT 392, 820. 

Schreinemakers (F.-A.-H.), 392. 

Schræder van der Kolk (J.-L.-C.), 452, 
1040. 

Schryver (S. 

Schuh (F. 

Schulten h de), 679. 

Schupmann (L.), 1031. 

Scott (A.), 55, 130, 500. 

Scrini (E.), 549. 

Sébert, 445. 

Seegen (J.), 1039. 

Séguier (de), 496. 

Seligmann-Lui, 722. 

Sell (W.-J.), 684. 

Semenow (J.), 581, 113. 

Sencier (G.), 633. 

Senderens (J.-B.), 148, 
816 


-B.), 449. 


289, 587, 59, 


Senier (Alf.), 107, 150. 
Sergent (E.), 938. 
Serpa Pinto, 111. 
Serret (J.-A.), 586. 
Servant, 381. 

Seurat (L.-G.), 985 
Severi, 152. 

Severin (E.-C:), 
Sevestre, 937. 


Seyewetz (A.), 122. 

Siacci (F.), 548, 856. 

Sicard, 52, 448, 4992, 550, 638, 1147. 

Siedlecki (M.), 148, 197. 

Sigaud, 193. 

Silva Basto (A.-J. da), 673. 

Simionescü (CEE 680, S1S. 

Simmonds (C.), 302. 

Simon (L.-J.), 243, 244, 289, 
937. 

Simond (P.-L.), 246, 550, 

Simonin (J.), 447. 

Sinéty (R: de), 1086. 

Sitter (W. de), 986. 

Skraup (Zd.-H.), 1040. 

Slatineano (A.), 937. 

Sleen (G. van der), 820, 988, 

Smits (A.), 200, 819, 958. 

Smolka (A.), 1040. 

Sodeau (W.-H.), 56, 684. 

Sommelet, 293. 

Soret (A.), 388. 

Soury (J.), 41. 

Sprankling (C.-H.-G.), 107. 

Stadt Kzn (E. van de), 820. 

Stanvievitch ( G.-M.), 816. 

Stassano (H.), 119, 289, 
128; 815. 

Sieele (B.-D.), 151, 1038. 

Stefani (de), 392. 

Stein (J.-W. “JA. , 819, 1040. 

Stekloff (W. 857: 

Stéphan (P.), os. 

Sterba (J.), 713. S15. 

Stern (A.-L.), 640, 

Stevenson (T.), 500. , 

Stiles (Ch. Wardell), 149. 

Stokvis (B.-J.), 392, 1040, 1152. 

Strasburger, 104. 

Struever, 392. 

Suarez de Mendoza, 549. 

Suchar (P.-J.), 936, 984, 

Suchard (E.), 246, 389. 

Suchster (A.), 54. 

Sudboroug (J.-J.), 

Suess (E.), 1039. 

Sully (J.), 384. 

Sulzer (D.), 984. 

Surmont (H.), 549. 

Suzor (R.), 447. 

Sy, 105, 587, 856, 857. 

Syers (H. W.), 116. 


449, 933, 


386, 550, 679, 


390, 451. 


qi 
Tacchini, 152, 392. 
Tailleur (P.), 549. 
Tannery (Paul), 330 à 338. 


Tarbouriech (J.), 122. 
Tarchanoff (J. de), 149, 447, 173. 
Tarible, 146, 148. 
Tedonue, 392. 
Téjer (L.), 49. 
Teodoresco (E -C.), 341. 
Termier (P.), 1086, 1087, 1146. 
Testenoire, 148. 
Théohari (A.), 246. 
Thévenin (A.), 856. 
Thiesen (M.), 1050. 
Thomas (A.), 447. 
Thomas (P.), 815. 
Thomas (V.), 50, 146, 38 
1035. 
Thompson (S.-P.), 247, 721. 
Thomson (J.-J.), 100. 
Thorpe (T.-E.), 716. 
Thoulet (J.), 41 à 44, 51 
Thorpe(J.-F.), 592. 
Threlfall (R.), 55, 389. 
Tichomirow, 680. 
Tiffeneau, 293. 
Tilden (W.-A.), 500. 
Tissier, 343, 387, 548. 
Tissot (C.), 386, 1145. 
Tissot (K.), 1147. 
Tissot (J.), 679, 772 
Titherley (A.-W.), 


, 497, 618, 126, 


19%, 290. 


, 1145, 1146, 1147. 
34 


29%. 


9 * 


1168 


Tombeck (D.), 192. 
Tommasina (Th.), 
Tooth (H.), 933. 
Topsent ( E. ), 147. 
Touane (de la), 105. 

Touche, 680, 1036. 

Toulouse (E.), 1086. 

Tourneux (F.), 724, 817. 
Tourneux (J.-P.), 817. 
Tournouër (A.), 146. 
Tourtoulis-Bey, 290, 

Toxopens (A.), 107. 

Trabut, 146 à 34, 148, 233 à 
Traumüller (K.), 256. 
Trémolières (F.), 721. 


19%, 290, 1146. 


Tribondeau, 52, 196, 246, 818, 986, 1088. 


Triboulet (L.), 63. 

Trillat, 147, 548, 678, 1086. 
Troisier, 723. 

Trouvé (G.), 50, 446, 1148. 
Tsvett (M.), 141. 
Tucker (S.-A.), 640. 
Tuffier, 52, 149, 549, 
Turchini, 445. 
Turpain (A.), 587. 
Tutton (A.-E.), 892. 
Tzitzeica (G.), 497, 856, 1145. 


Ubbels fe -G.). 1040. 
Ublig (V.), 1039. 
Urbain (E), 141. 
Urbain (G.), 147, 1087. 
Urbain (V.), 195. 


V 


Vaillant (G.), 816. 


Vaillant (L.), 817, 1086. 


Valckenier Suringar (J.), 152, 248. 


Valdiguié (A.), 448. 
Valeur (A.), 101, 347, 387. 
Vallée (H.), 196, 343. 
Vallery-Radot (R.), 635. 
Vallier (E.), 637, 113, 816. 
Vallin (E.), 51, 441, 985. 
Vallot (J.). 1145. 

Vaney (C.), 496, Y84. 

Van t Hotï (J.-H.), 237 


PARIS. — L. MARETHEUX, IMPRIMEUR, 


589, 638, 724, 


TABLE ALPHABÉTIQUE DES AUTEURS 


235. 


938. 


Vaquez (H.), vi 111. 

Varnier (H.) 

Vaschide (N lee3 à 233, 
373 à 230, 589, 638, 723, 124, 815, 
851, 936, 1086. 3 

Vasseur, 244. 

Vaullegeard (A.). 854. 

Verbeck (R.-D.-M.), 1152. 

Vermorel (V.), 891. 

Verneuil (A.), 588. 

Vernière (A.), 674. 

Vialleton (L.), 1146. 

Vidal, 52, 236, 492. 

Vigier (P.), 387, 813. 

Vignon (L.), 936, 937, 984. 

Vignon (P.),50, 344, 386, 588, 722 

Vigreux (Ch.), 583. 

Viguier (C.), 637, 172. 

Villard (P.), 100, 725. 

Villari (E.), 293. 

Villavecchia, 285. 

Ville (J.), 124. 

Villon (A.-M.), 101, 1032. 

Vincent (H.), 344, 389. 

Violle (J.), 679. 

Viré (A.), 143. 

Vitzou (A.-N.), 936. 

Vries (J. de), 451, 986. 

Vuillemin (P.), 588, 232 à 754,888, 
933. 

Vurpas (CIl.), 290, 344, 343 à 380, 
388, 123, 815, 857. 


W 
Waals (J.-D. van der), 296, 391, 451. 
Wagner (Ro 1031. 
Wahl (A.), 50, 243, 343, 496, 491. 


Waleswood, 52. 

Walker (J.), 247, 851, 891, 1039, 1092. 

Wallace (C.), 933. 

Waller (A.-D.), 497, 549, 940. 

Wallerant (F.), 49, 148, 674 à 672, 
984. 

Walras (L.), 1082. 

Watson, 55, 241. 

Weil (E.), 124, 817. 

Weill (G.-A.), 724. 

Weingarten, 392. 

Weiss (E. )s 1040, 

Weiss (G.), 344, 388, 448, 496, 549, 


226, 290, 


550, 589, 681, 724, 724, 713, 852, 1036, 
1067 à 4075, 1143 à 1127. 
Weiss (P.), 104, 105, 191, 446. 
Went (F.-A. F.-C.), 200. 


Wenzel (F.), 1040. 
Wertheimer (E.), 245, 444%, 589, 817, 857, 
983, 985. 


Wettstein (R. von), 1040. 
White (S.-A. pa Fe 
Whiteley (C. E.) 

Widal (F.), 724, ire 937. 
Wiechert | E.) .), 168. 

Wiener, 52, 

Willot, 985. 

Wilson (C. T. R.), 858. 
Wilson (H. A.), 721. 

Wilson (L. P.). 150. 

Wind (C. He 348. 

Winkler (C),1159% 
Wintrebert (L. ), 381. 

Wlaeff, 197, 388, 680. 

Wolff (J.), 104. 

Woltf ( és K.), 819. 

Vote ), 498, 247, 293, 500. 
ee (E.), ) ie. 

Wyone (W: -P.), 592. 
Wyrouboff, 106, 499, 591, 1037. 


x 
XXX, 846 à 849. 


# 
Y 
Young (C.), 500. 
Young (S.). 592. 
Yvon, 291, 1087. 
YXYXY, 100. 
Z 


peeal (P.-A.), 589. 
Zaky (A.), 618, 681, 857, 891. 
en (D. js 1033. 


Zaremba RÉ ), 105, 679. 
Zeiller (R.), 445, 496. 
P (P. -) 1151. 
Zeuner GE ), 497. 


Zolla (D.), 144 net 120. 
Zwerger (R. 


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