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TOME DOUZIÈME
Revue générale
des Sciences
pures et appliquées
PARAISSANT LE 15 ET LE 30 DE CHAQUE MOIS
Directeur : Louis OLIVIER, Docreur Ès ScrencEs
TOME DOUZIÈME
1901
AVEC NOMBREUSES FIGURES ORIGINALES DANS LE TEXTE
Librairie Armand Colin
5, rue de Mézières, Paris
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12: ANNÉE
N74
15 JANVIER 1901
Revue générale
Des ScCienc
pures el appliquées
DIRECTEUR :
LOUIS OLIVIER, Docteur ès sciences.
Adresser tout ce qui concerne la rédaction à M. L, OLIVIER, 22, rue du Général-Foy, Paris, — La reproduction et la traduction des œuvres et des travaux
publiés dans la Revue sont complètement interdites en France et dans tous les pays étrangers, y compris la Suède, la Norvège et la Hollande.
CHRONIQUE ET CORRESPONDANCE
$ 1. — Distinctions scientifiques
La séance annuelle de lAcadémie des
Sciences de Paris — Le lundi17 décembre dernier,
l'Académie des Sciences a tenu sa séance publique an-
nuelle. Après une magistrale allocution du Président,
M. Maurice Lévy, sur les progrès de la Science au cours
du xx° siècle, le Secrétaire perpétuel a proclamé les
noms des lauréats des divers prix de l'Académie.
Le sujet du concours pour le Grand Prix des Sciences
mathématiques était le suivant: Perfectionner en
quelque point important la recherche du nombre des
classes de formes quadratiques à coefficients entiers et
de deux indéterminées. L'auteur du Mémoire couronné
est M. Marnias LercH, professeur à l'Université de
Fribourg.
Le Prix Francœur a été attribué à M. En. MAlLLeT.
Le Prix Poncelet a été décerné à M. L. LecorNu pour
l'ensemble de ses travaux sur la Mécanique.
Le Prix extraordinaire de six mille franes a été
partagé comme suit: trois mille francs à M. Maxime LAUBEUF
pour ses études qui ont fait faire un grand pas à la
navigation sous-marine; mille francs à M. le Capitaine
CHarBonnier pour son « Traité de Balistique intérieure
théorique »; mille francs à M. AugussoN DE CAVARLAY
pour son « Cours d'Electricité » professé à l'Ecole
d'Application du Génie maritime; mille francs à M. A.
Gnasser pour son ouvrage : « La Défense des côtes ».
Le Prix Montyon (Mécanique) a été décerné à M. le
colonel LEROSEY pour ses nombreux travaux concernant
l'arme du Génie.
Le Prix Plumey a été attribué à M. MoissenET pour
les services que ses appareils rendent à la navigalion.
Le Prix Lalande a été décerné à M. Gracogint pour
ses observations sur les comètes.
Le Prix Damoiseau à été attribué à M. J. vox Hee-
vERGER, professeur à l'Université de Graz, pour son vaste
travail sur la comète de Biéla.
Le Prix Valz à été décerné à l'abbé VERSOHAFFEL,
directeur de l'Observatoire d’Abbadia, pour ses études
_ méridiennes.
Le Prix Janssen a été attribué à M. Barnaro, astro-
nome à l'Observatoire Lick.
REVUE GÉNÉRALE DES SCIENCES, 1901.
Le Prix Montyon (Statistique) a été décerné à M. P. ou
Maroussem. Des mentions honorables ont été accordées
à M. Barras et à M. ParcHas.
Le Prix Jecker a été décerné à M. A. BÉuaL, pour
l'ensemble de ses travaux de Chimie.
Le Prix Desmazières a été attribué à M. H. Brucu-
MANN pour son travail sur les prothalles et les plantules
de plusieurs Lycopodes européens. M. G. Isrvanrr à
obtenu une mention très honorable.
Les Prix Montagne ont été partagés comme suil:
mille francs à M. G. Decacroix pour ses recherches de
Pathologie végétale, et cinq cents francs à M. A. Boisrez
pour sa « Flore francaise des Lichens »..
Le Prix Thore a été décerné à M. SEURAT pour ses
recherches sur les larves parasites entomophages des
Hyménoptères.
Le Prix da Gama Machado à été partagé entre:
Mu: la comtesse pe LiNDEN pour ses recherches sur la
coloration de l'aile des Insectes, M. Pauz CarNoT pour
ses études sur le mécanisme de la pigmentation, M. Mi-
CHEL SIENLECKI pour ses observations sur la fécondation
chez les Sporozoaires, et M. L. Borpas pour ses recher-
ches sur les organes reproducteurs mâles des Coléop-
tères.
Le Prix Montyon (Médecine et Chiruryie) à été
partagé entre: MM. Harcoreau et LEreppe pour leur
« Traité de Dermatologie », M. GuiILLEMINOT pour ses
applications médicales des rayons X, et M, Juzes Soury
pour son ouvrage sur « Le Système nerveux central ».
Des mentions sont attribuées à MM. Nogécourr, SABRAZÈS
et PAuL GALLOIs.
Le Prix Barbier a été décerné à M. MARAGE pour sa
théorie de la formation des voyelles, et à M. Guinann
pour son étude pharmacodynamique de la morphine et
de l’apomorphine.
Le Prix Bréant a été partagé entre MM. Aucrarr el
REMLINGER.
Le Prix Godard a été décerné à M. Léon BErxano.
Le Prix Parkin a été attribué à M. H. Cour.
Le Prix Bellion a été partagé entre MM. les D BrauLr,
S. Gace, Knopr et LÉON JACQUET.
Le Prix Dusgate a été décerné à M. le D' Icarp pour
son ouvrage: « La Mort réelle et la Mort apparente ».
1
2 CHRONIQUE ET CORRESPONDANCE
Le Prix Lallemand a été partagé entre MM. Maurice
DE FLEURY et DE NaBias.
Le Prix du baron Larrey a été décerné à MM, Ner
et LavaL ; une mention honorable à M. Fine.
Le Prix Montyon (Physiologie) a été partagé entre
M. Pachon (études sur le mécanisme cardiaque et
vasculaire) et Mlle Jorevyro (fatigue du muscle).
Le Prix Pourat est attribué à MM. Bercont et
SIGALAS.
Le Prix Martin-Damourette a été décerné à M. Er.
Loc.
Le Prix Philipeaux a été partagé entre M. DELEZENNE
pour ses travaux sur les subtances anticoagulantes et
M. Niccoux pour ses recherches sur l'élimination de
l'alcool dans l'organisme.
Le sujet de concours pour le Prix Gay était: « Appli-
quer à uve région de la France ou à une portion de la
chaîne alpine l'analyse des circonstances géologiques
qui ont déterminé les conditions actuelles du relief el
de l'hydrographie ». Le prix a été attribué à M. Maurice
Luceon, professeur à l'Université de Lausanne.
Le Prix Montyon (Arts insalubres) a été partagé
entre M. A. Trircar (désinfection par la formaldéhyde)
et MM. SÉvène et Canex (emploi du sesquisulfure de
phosphore dans la fabrication des allumettes).
Le Prix Cuvier a été décerné à M. A. FritscH, pro-
fesseur à l'Université de Prague.
Le l’rix Wilde a été attribué à M. M. DerÉpine.
Le l’rix Varllant à été partagé entre M. Henri Gau-
rer (fusibilité des alliages, poids atomique du bore) et
M. FE. Osmoxo (métallographie microscopique).
Le /’rix Trémont a été décerné à M. Cu. FRÉMONT.
Le l’rix Gegner à été attribué à Mwe Curie pour les
admirables travaux que connaissent nos lecteurs.
Le Prix Delalande-Guérineau à été partagé entre
MM. les capilaines MauraIn et LAcouBe.
Le Prix Gérome Ponti a été décerné à MM. P. Giro»
et E. MasséÉnar.
Le Prix Tchihatchef a été attribué à M. ne Loczx,
professeur à l'Université de Budapest.
Le Prix Houllevique a été décerné à M. Wazrerawr.
Le l’rix Boileau, destiné à encourager les travaux
sur l'hydraulique, à été partagé entre MM. SAUTREAUX,
Juces Decenmer et Nau.
Le Prix Cahours a été divisé en trois parties: deux
parts égales ont été attribuées à MM. Mouxeyrar et
Merzxer et une subvention a été accordée à M. DEracoz.
Le l’rix Saintour est décerné à M. DeBurAUx.
Le Prix de Laplace est attribué à M. Macaux.
La /ievue est heureuse de voir figurer parmi les
lauréats plusieurs de ses collaborateurs ; elle s'empresse
de leur adresser, à cette occasion, ses bien vives féli-
citations.
La séance s'est (erminée par la lecture d'une Notice
de M. Berthelot sur la vie et les travaux de M. F-Ch.
Naudin.
$ 2. — Physique
Nouvelle détermination de la vitesse de la
lumière à l'Observatoire de Nice.— Avant d’en-
trer dans le détail des expériences que M. Perrotin a
entreprises depuis plus d’un an, à l'Observatoire de
Nice, dans le but de déterminer la vitesse de la lumière
avec plus de précision qu'on ne l'avait fait jusqu'à ce
jour, nous rappellerons brièvement les quelques ré-
sullats auxquels sont parvenus les physiciens qui se
sont occupés de la question, sans nous étendre sur les
méthodes employées à cet effet. La méthode du miroir
tournant, inventée par Foucault, fut employée par lui
dès 1862 : on trouva, par cette méthode, le nombre
298.000 kilomètres pour la vitesse de la lumière, avec
une erreur estimée inférieure à 500 kilomètres. Michel-
son, en 1879, obtint par cette méthode 299.910 kilomè-
tres à près; puis, plus tard, en 1882, par une
10.000
détermination, en un autre point, il trouva 299.853 kilo-
mètres : ainsi qu'on le voit, ces deux valeurs concordent
assez bien. Newcomb, en 1885, obtenait, au moyen de
la méthode de Foucault, et après une discussion très
minutieuse, le nombre 299.860 kilomètres, avec une
erreur possible de + 30 kilomètres.
L'expérience de Fizeau, entre Montmartre et Suresnes,
uniquement effectuée pour faire une vérification de la
méthode de la roue dentée, donna en 1849 une vitesse
de 315.000 kilomètres par seconde pour la propagation
de la lumière. La méthode Fizeau comporte une tech-
nique fort délicate, et la lenteur dans les variations
d'intensité de l'image de retour constitue une difficulté
qui restera presque insurmontable pour les approxima-
tions successives. En 1872, entre le Mont Valérien et
l'Ecole Polytechnique, M. Cornu trouva pour la vitesse
de la lumière 298.500 kilomètres, avec une approxima-
tion de _ environ; plus tard, entre l'Observatoire de
Paris et la tour de Montlhéry, M. Cornu, utilisant les
éclipses du 3° au 21° ordre, arriva à la valeur de
300.400 kilomètres, avec une erreur relative de 300 kilo-
mètres: ainsi qu'il est facile de le voir, lesnombres suc-
cessifs de M. Cornu sont forts discordants. En 1882,
Young et Forbes appliqueut la même méthode d’une
facon très ingénieuse, sinon à l'abri de toute critique,
et obtiennent 301.382 kilomètres, avec des résultats
singuliers, et encore incomplètement expliqués, sur les
lumières de couleurs différentes.
C'est encore la méthode de la roue dentée de Fizeau,
mais avec les perfectionnements qu'y avait apportés
M. Cornu, qui a servi à M. Perrotin pour sesexpériences.
Dans les nouvelles mesures faites depuis un. an à !'Ob-
servatoire de Nice, la lunette d'émission, de six pouces
d'ouverture, avec la roue dentée et le chronographe
enregistreur, étaient établis dans l'angle sud-ouest du
grand équatorial de Nice, tandis que le collimateur à
miroir argenté, de trois pouces, était installé dans le
village de La Gande, sur la rive droite du Var, à un
peu moins de 12 kilomètres de l'Observatoire. La source
lumineuse était le filament d'une lampe électrique de
seize bougies sous 102 volts.
La distance a été déterminée avec un soin tout parti-
culier par un astronome de l'Observatoire de Nice,
M. Simonin, au moyen de deux triangulations indépen-
dantes, qui l'ont conduit, l’une au nombre 11.862,27
et l'autre au nombre 11.862,17 : on a adopté la
moyenne de ces valeurs : 11.862,22,
C'est avec ce nombre que les observations failes par
MM. Perrotin et Prim ont été réduites. Ces observalions,
effectuées avec la roue légère de cent cinquante denis,
sont, pour chaque ordre, la moyeone :
5 (V+v)
Y représentant la moyenne des valeurs obtenues en
vilesse croissante et y en vitesse décroissante.
On est arrivé, pour la vitesse de la lumière, au
nombre 299.900 +0,08 ; cette valeur, qui résulte de
1.500 mesures environ, n'a pas exigé moins d'une année
de travail.
Le nombre 299.900 kilomètres, auquel M. Perrotin
est parvenu, est donc du plus haut intérêt, car ilne dif-
fère plus essentiellement des nombres obtenus jusqu'à
ce jour. Il est très voisin de celui auquel M. Michelson
a été conduit dans ces dernières anntes, par la mé-
thode du miroir tournant de Foucault, mais s'éloiyne
davantage de celui de M. Cornu, tout en restant, à bien
peu de chose près, dans les limites que tolèrent les
erreurs moyennes des mesures.
En résumé, cette nouvelle détermination est tout à la
louange du talent expérimental de M. Perrotin qui, par
une tout autre méthode, se rencontre avec un physicien
aussi habile etingénieux que M. Michelson. s
Le véritable avenir, pour la détermination de la vitesse
de Ja lumière, nombre si important dans les théories
scientifiques modernes, appartient incontestablement
aux méthodes astronomiques.
sai th der
CHRONIQUE ET CORRESPONDANCE 3
Il est à regretter que l'on ne s'efforce pas de créer, |
dans ce but, une coopération universelle; malheureu-
sement, si les coopérations sont uliles et fructueuses,
elles diminuent en apparence l'influence de chaque
observateur. Le travail en commun parait moins pro-
fitable : la Science trouve sa limite dans l’égoisme et
les ambitions personnelles.
$ 3. — Chimie
La grandeur moléculaire et la densité de
la vapeur du soufre. — La question de la grandeur
moléculaire du soufre aux diverses températures est
l'une de celles qui ont provoqué le plus de travaux de
la part des physiciens et des chimistes.
Tandis que l’on est d'accord pour considérer la va-
peur du soufre à haute température (de 900° à 1.700°)
TABLEAU I. — Relations entre la pression et la densité
de la vapeur du soufre à diverses températures.
PRESSION DENSITÉS DE VAPEUR (O?=—1
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35 30 » SALES | » »
comme composée de molécules à deux atomes, on ne
s'entend plus en ce qui concerne la grandeur molécu-
laire du soufre vers 500° et au-dessous. La densité de
vapeur augmente graduellement à mesure que la tem-
pérature s'abaisse et l'existence de molécules à 5,6 ets
(peut-être 9) atomes a été successivement souteuue et
combattue. Aujourd'hui, on peut admettre comme dé-
montrée (grâce surtout aux belles recherches cryosco-
piques de Beckmann) la présence de molécules à huit
atomes dans le soufre dissous, mais l'incertitude règne
encore pour le soufre à l’état gazeux, dont la molécule
paraît se dissocier progressivement.
Deux chimistes autrichiens, MM. Otto Bleier et Léopold
Kohn, viennent de donner une solution, qui paraît déli-
nitive, à cette question, à la suite d’une longue série de
recherches qu'ils ont communiquées à l'Académie des
Sciences de Vienne’. L'étude attentive de toutes les
recherches faites antérieurement sur le sujet, ainsi que
quelques expériences préliminaires les avaient amenés
à la conviction (partagée par Ostwald), que la détermi-
nation des isothermes de dissociation du soufre aux
températures les plus basses possible donnerait seule
une réponse à la question. Comme la détermination des
densités de vapeur est la seule méthode qui permette de
1 Monatshelte für Chemie, vol. XXI, n° 7, 1900.
travailler commodément et exactement aux basses
pressions et par conséquent au-dessous du point d'ébul-
lition, les auteurs l'ont employée à suivre quaulitative-
ment les phénomènes de dissociation. Ges expériences
ont été très délicates et compliquées; après avoir écarté,
autant que possible, les causes multiples d'erreur,
MM. Bleier et Kohn sont arrivés aux résullats que donne
le tableau LE.
L'examen de ce tableau montre clairement que, pour
cinq températures différentes, les isothermes de disso-
ciation du soufre s’'approchent asymplotiquement de la
mème valeur, qui est égale à 8. Crtte valeur corres-
pond à la plus srande molécule qui se trouve dans le
mélange dont se compose la vapeur de soufre. IL est
donc prouvé que Ja molécule de soufre non dissociée
contient huit atomes.
Ces résultats sont en contradiction avec ceux de Biltz,
qui ont servi de base à l'hypothèse de Riecke. D'après
cette dernière, la densité de vapeur du soufre conserve-
rait constamment la valeur 6 dans un certain intervalle
de pressions. Or, parmi les expériences de MM. Bleier et
Kohn, celles qui unt été faites à 310° ne montrent aucun
arrêt correspondant de l'isotherme de dissociation; la
courbe semble continuer directement dans la direction
de la valeur 5 sans être modifiée au voisinage de la
valeur 6. De nouvelles expériences, faites à une tempé-
rature légèrement supérieure, permetiront d'éluciier
complètement ce point, mais elles ne modifieront pas
le résultat essentiel de ce travail, à savoir que la gran-
deur moléculaire du soufre est égale à 8.
$S 4. — Métallurgie
L'Aluminothermie.— Le 28 décembre, a eulieu, à
la Société d'Encouragement pour l'Industrie Nationale,
une conférence fort intéressante de M. Guillet, au cours
de laquelle l'auteur a expliqué les principes du procédé
Goldschmidt relatif à l'aluminothermie et les applica-
tions de ce procédé aux industries métallurgiques et de
transport. Nous avons déjà plusieurs fois entretenu nos
lecteurs de cette importante question; si nous y
revenons aujourd'hui, c'est pour bien marquer le gros
intérêt qui s'y attache et qu'a rendu encore plus
manifeste l'exposé de M. Guillet.
Après avoir montré la très grande quantité de corps
dont les oxydes peuvent être réduits et déplacés par
l'aluminium, en raison de la place élevée que ce dernier
corps occupe dans l'échelle des chaleurs développées
par la combustion des différents métaux avec un atome
d'oxygène, M. Guillet s'est arrêté longuement sur les
précautions qu'il y à à prendre dans les différentes
phases des opérations d’aluminothermie :
1°. Préparation du mélange d'aluminium el d'oxyde.
—_ Ces deux corps doivent être réduits en une poudre
de grosseur identique et bien déterminée; ils doivent
surtout être bien débarrassés de leur humidité.
2, Préparation du creuset où se fera la réaction.
— Deux corps réfractaires seuls peuvent être utilisés:
l'alumine ou la magnésie; c'est à cette dernière qu'on
s'arrête. Il y a lieu, dans ce cas, de bien choisir la
qualité de la magnésie. La magnésie calcinée à basse
température éprouve un {rop grand retrait; la magnésie
calcinée à haute température ne tient pas. L'agglomé-
rant qui reliera la pâle peut d’ailleurs avoir de graves
inconvénients. Le meilleur procédé consiste à prendre
un mélange convenable des deux qualités de magnésie
dont il vient d'être question, et à s'abstenir de tout
agglomérant, en donnant à la pâte la consistance
nécessaire au moyen d'une pression énergique.
3%, Préparation de la poudre d'amorçage. — On
prend généralement un mélange d'aluminium et d'un
oxyde très inflammable, comme le peroxyde de
baryum. f
4, Jxécution de la réaction. — On commence
par mettre, dans le creuset, une petite quantité du mé-
lange thermique, soit, par exemple, s'il s’agit de pré-
parer du chrome pur, un mélange de sesquioxyde de
4 CHRONIQUE ET CORRESPONDANCE
chrome et d'aluminium ; on répand avec précaution, à
la surface de ce mélange, la poudre très inflammable
dont nous avons dit la composition, puis on jette une
allumette. La réaction s'amorce aussitôt; et, quand le
mélange proprement dit entre en ébullition et projette
des étincelles, on achève de verser le restant par peliles
doses; le culot de mélalse réunit dans le fond du creuset,
et la scorie consistant en alumine ou corindon surnage.
Il est à remarquer que, dans la réaction conduite de
celte facon, aucune parcelle de carbone ne peut être
insérée dans le métal préparé, qui, par suite, jouit de
propriétés tout à fait spéciales; on peut ainsi obtenir des
aciers très chromés et cependant pas trop durs.
La préparation du manganèse, du tungstène et de
beaucoup d’autres métaux à l'état pur, qui sont de
plus en plus employés en mélallurgie, se fera avec les
mêmes facilités.
L'autre application de l’aluminothermie se rapporte
à l'obtention des haules températures partout où ces
dernières entrent en jeu pour déterminer les réactions
et, par exemple, lorsqu'il s’agit de faire une soudure
autogène entre deux pièces d'acier. Pour cela, on
emploie un mélange type d'aluminium et de peroxyde
de fer dit fhermite, ce mélange devant correspondre
par ses proportions à une chaleur de combustion
que requiert la température déterminée que l’on veut
atteindre.
On place bout à bout les pièces à souder et on
entoure toute la partie qui doit former joint d’un petit
barrage en terre réfractaire ; on prépare d'un autre
côté la fusion du mélange thermique dans un creuset,
et l’on en verse le contenu à l'intérieur du barrage.
Puis on attend environ dix minutes avant de procéder
au démoulage.
Il est-à remarquer que les premières parlies de
liquide qui s'écoulent de la surface du bain dans le
creusel sont constituées par de l’alumine. Ce corps
forme. au contact du métal, une faible couche bientôt
solidifiée, sur laquelle la thermite peut passer et sé-
journer jusqu'à refroidissement complet, sans qu'il y
ait à craindre pour cela qu'elle fasse corps avec les
deux morceaux qu'on cherche à souder ou vienne en
détériorer la forme.
L'intérêt de la séance a été fortement accru par
l'exécution, en présence des nombreux auditeurs, de
plusieurs expériences de soudage qui ont parfaitement
réussi. Deux tubes de chaudière et deux rails de
tramway (type Broca) ont été très bien soudés bout à
bout. Néanmoins, nous restons persuadé que le véri-
table champ d'action de l'aluminothermie est la
préparation des métaux rares à l'état pur, fabrication
qui peut supporler un prix de revient relativement
élevé en raison de la valeur des produits obtenus.
$ 5. — Biologie
Introduction de la Mante religieuse aux
Etats-Unis. — On sait qu'un certain nombre d'espèces
ont été, dans le courant de ce siècle, transportées acci-
dentellement d'Amérique en Europe ou vice versa; elles
se sont naturalisées dans leur nouvelle patrie, grâce à
la ressemblance du climat américain et de celui de
l'Europe centrale. L'Amérique nous à donné le trop
sameux Phylloxera et le Doryphora de la Pomme de
terre; mais, pour ne pas être en reste, nous lui avons
rendu la Mouche de Hesse (Cecidomya destructor),
la Piéride du Chou, le Diplosis Tritiei, l'Ocneria
dispar, elc., qui causent aux Etats-Unis des dommages
considérables. M. Slingerland ! vient de signaler l'intro-
duction récente d’un Insecte de grande taille, bien
connu en France, la W/antis religiosa. Cet Orthoptère
a été découvert en 1899 dans une petite zone autour de
Rochester (N.-Y.), renfermant les trois villes de Char-
The common european praying Mantis, a new beneficial
Insect in American, Bulletin Cornell Univ. Agric. Exp.
Station, 185, Ithaca, Novembre 1900.
lotte, Sammerville et Irondequoit, et il y est, paraït-il,
devenu très commun; il s’'avance beaucoup plus au nord
que les Mantes américaines (Stagimomantis carolina el
dimidiata), que l'on rencontre 320 à 480 kilomètres plus
au sud.
La Mante religieuse est bien acclimatée, car on a
trouvé couramment ses oothèques, si caractéristiques,
attachées aux herbes ou aux troncs d'arbres. En Europe,
cette espèce pond ses œufs en septembre, ef ceux-ci
éclosent en juin de l'année suivante. Les observations
de M. Slingerland montrent qu'il en est de même dans
l'Etat de New-York, jusqu'à présent du moins.
Il est très probable que ce sont des oothèques qui ont
élé introduites par quelque pépiniériste importateur;
Rochester est justement un grand centre de pépinières,
où l'on importe quantité de jeunes arbres d'Europe.
M. Slingerland se félicite de l'introduction de cet Insecte
carnassier, et espère qu'il se multipliera aux Etats-Unis
aux dépens des Insectes herbivores nuisibles aux plantes
cultivées. -
Sur l’enseignement de l’'Embryologie à
l'Université de Nancy. — Dans deux articles
parus, l’un dans le numéro du 15 septembre 1900 de la
Revue générale des Sciences, l’autre, plus récent, dans
le Journal de l'Anatomie (numéro 6, novembre-
décembre), M. le Dr G. Loisel insiste sur la nécessité de
la création d'un enseignement de l'Embryologie dans
les Universités francaises et fournit quelques docu-
ments sur la manière dont cet enseignement est orga-
nisé à l'Etranger. J'ai lu avec beaucoup d'intérêt ces
articles, mais je regrette que M. Loisel, qui a poursuivi
son enquête jusque dans l'Uruguay, ne se soil qu'im-
parfaitement renseigné en ce qui concerne certaine
partie de notre propre pays. J'espère qu'il ne m'en vou-
dra pas d'indiquer brièvement qu'on peut trouver,
même en France, un enseignement d’Embryologie
« véritablement organisé ».
L'Embryologie est, depuis au moins dix ans, enseignée
régulièrement et spécialement dans la Faculté de Méde-
cine à laquelle j'ai l'honneur d’appartenir.
Il y a quatre ans que je fais moi-même ce cours, d'ail-
leurs bénévolement. J'y consacre pendant le semestre
d'hiver environ vingl lecons. Chacune d'elles est suivie
de la démonstration d'un certain nombre de prépara-
tions correspondant au sujet qui vient d'être traité.
Le programme comprend l'Embryogénie, soit : Produits
sexuels, maturation, fécondation, segmentation, for-
mation des feuillets primaires, ébauche des principaux
organes, annexes fœtales, le tout étudié autant que
possible chez les Vertébrés et particulièrement chez
l'Homme. Ces cours sont suivis par les étudiants en
Médecine de première année; maisilest clair qu'ils
sout ouverts à tous les autres.
Les élèves sont interrogés sur les matières du cours,
successivement à l'examen semestriel qu'ils subissent
après leur deuxième inscription et à l'examen oral de
doctorat, c'est-à-dire au milieu de la deuxième année.
Cette doutle sanction n’a jamais fait l’objet d’un règle-
ment solennel; néanmoins, elle est acceptée par tous
sans avoir à aucun moment donné lieu à la moindre
récrimination. Nos étudiants ont vite compris l'impor-
tance de l'Embryologie et les avantages qu'ils en reti-
rent. Ils la considèrent comme le préliminaire obliga-
toire de l'Anatomie et de l'Histologie.
Indépendamment de ces conférences spéciales, j'ai
l'habitude, ainsi que cela se fait presque partout, d'é-
tudier dans le cours d’Anatomie le développement des
systèmes ou organes qui figurent au programme, et,
comme les agrégés chargés des conférences complémen-
taires d’Anatomie en font autant, il s'ensuit que l'orga-
nogénèse est enseignée entièrement, ou peu s’en faut,
dans le courant de la scolarité anatomique.
Il ne manque, en définitive, à cet enseignement
qu'une chose : des travaux pratiques. Jusqu'à présent
je n'ai pas pu en faire, d'abord faute des fonds néces-
saires, et ensuite parce que le temps des élèves de
PE EEE RS SPP RE
CHRONIQUE ET CORRESPONDANCE 5
première année est presque entièrement accaparé en
hiver par d’autres exercices. Je me demande. d'ailleurs,
s'il serait possible et réellement fructueux d'essayer
de leur apprendre à fous à réaliser les préparations
longues et minutieuses, d'une étude souvent difficile,
qu'exige ordinairement l’'Embryologie. Je crois que des
démonstrations de préparations de choix sont préfé-
rables, et, si quelques élèves d'élite veulent sérieuse-
ment s’'adonner à ce genre de recherches, il y a tou-
jours de la place pour eux au laboratoire.
Je me dispenserai de discuter l'avantage qu'il y aurait
à rattacher cet enseignement aux Facultés des Sciences
plutôt qu'aux Facultés de Médecine. S'il ne s'agit pas
seulement de créer dans celles-là de nouveaux débou-
chés et d'improviser de nouvelles chaires, on peut
tiouver dans les Facultés de Médecine un personnel
tout préparé à cette besogne, des professeurs, titulaires
ou agrégés, qui, pour n'être pas zoologistes, ne sont
cependant, pour ainsi dire, pas médecins et se conten-
tent d'être anatomistes. Les besoins des étudiants en
Médecine ne sont, d’ailleurs, pas les mêmes que ceux
des étudiants en Sciences naturelles.
A. Nicolas,
Professeur d'Anatomie
à l'Université de Nancy.
$S 6. — Hygiène publique
Les Sanatoria d'arrondissement : Le futur
Sanatorium de Versailles. — En annoncant, il y
a quelques mois, aux lecteurs de la Æevuet, le mouve-
ment qui se dessinait à Versailles en faveur de la créa-
tion dun sanatorium populaire pour tuberculeux
adultes, nous insistions sur l'importance considérable
de cette manifestation pour l'avenir de la lutte contre la
tuberculose en France.
Nos prévisions se trouvent justifiées dans des con-
ditions sur lesquelles nous croyons utile d'appeler tout
particulièrement lattention de nos lecteurs par un
court historique de la question et par l'exposé de son
élat actuel.
Lors des dernières élections municipales, un certain
nombre d'ouvriers de Versailles prirent, à la suite d’une
Conférence {de notre collaborateur le D° Romme, l'ini-
tiative de porter la questinn sur le terrain électoral,
pour lui donner droit de vie et de cité, et pour consa-
crer dès l’origine son caractère intercommunal.
C’est alors que M. le D' Fleury, de Versailles, se rendit
en Allemagne pour étudier les sanatoria qui y ont été
créés. À son retour, un Comité d'initiative fut formé et,
dans une Conférence donnée le 25 novembre, M. le D"
Fleury exposa l’état d'iufériorité où la France, qui
perd 150.000 tuberculeux par an, se trouve à Légard
de l'Allemagne qui, avec dix millions d'habitants de
plus que notre pays, a 76 sanaloria pour tuberculeux
adultes, ouverts, contre 2 dans notre pays. Et sa con-
clusion fut que, si la France à un devoir national et
social à remplir dans Ja lutte contre la tuberculose, ce
devoir lui deviendrait facile par le groupement régional
des Municipalités.
Huit jours après, le corps médical de Versailles pre-
nait l'importante décision que voici :
« Le corps médical de Versailles, considérant comme
un devoir professionnel d'affirmer la nécessité de la
création d'un sanatorium populaire pour les tubercu-
leux adultes, a décidé, d'accord avec le Comité d'ini-
liative, d'appuyer cette création de son aulorilé.
« À cet effet, les médecins de Versailles, réunis le
3 décembre 1900, ont décidé de faire directement et
individuellement un appel à la générosité privée.
« Dans ce but, ils s'adressent à leurs concitoyens en
les priant de leur faire connaître le montant des sous-
criptions qu'ils seraient disposés à verser ultérieure-
ment, après constitution, dans une forme définilive, du
groupement des Municipalités intéressées. »
1 Voyez la Revue du 15 mai 1900, page 625.
|
|
Si les médecins de Versailles ont pensé faire seule-
ment œuvre de dévouement et d'humanité, la Ztevue
générale des Sciences est heureuse, en leur adresssant
l'hommage de sa profonde sympathie pour le grand
exemple qu'ils donnent, d'affirmer que leur décision
est d’une portée bien plus haute : Lorsque, à la suite de
leurs confrères de Seine-et-Oise, les médecins de France
auront compris qu'ils ont, tous et partout, le devoir et
le pouvoir d'intervenir avec une autorité prépondérante
et souveraine dans les questions d'Hygiène publique.
la routine administrative laissera la place à la Science
seule dans la défense de la santé publique. — Il était
donc tout particulièrement opportun que, dans un cas
d'ordre général comme celui de la lutte contre la
tuberculose, le corps médical fit acte d'autorité. Les
médecins de Versailles ont donné d'abord un exemple
d'ordre général excellent; ils ont, en ouire, tracé la
voie la plus vraie, la plus pratique et la plus sûre, pour
la lutte nationale contre la tuberculose. Et leur initia-
live, qu'attend un rapide succès, sera, nous l’espérons,
rapidement imitée.
En mème temps’ qu'il adressait son appel à l1 généro-
sité privée, le corps médical de Versailles s'est adressé
à tous les médecins de l'arrondissement pour leur
demander de se joindre à lui.
D'autre part, les Municipalités de l'arrondissement,
pressenties oflicieusement, ont déjà manifesté en grand
nombre leurs sympathies pour le projet du « Groupe-
ment des Municipalités intéressées », en vue duquel le
corps médical s'adresse aux habitants de l'arrondis-
sement de Versailles. Des hommes d'initiative et de
haute intelligence se sont mis à la tête du mouvement,
et tout permet de croire que, dans une réunion géné-
rale des maires de l'arrondissement, qui doit se tenir
prochainement, il sera pris des résolutions définitives,
assurant la création rapide du sanatorium par un syndi-
cat intercommunal constitué sous le régime de la loi de
1890-1893.
S'il en est ainsi, l'arrondissement de Versailles aura
fourni la meilleure solution que permette notre régime
administratif et social pour la lutte contre la tubercu-
lose.
Si, en effet, on l'examine telle qu'elle se présente dans
ce cas initial, au point de vue de l'arrondissement de
Versailles, on est tout de suite frappé de la facilité de
l'effort total, En supposant que les Municipalités, — qui
peuvent, aux termes de la loi de 1890-1893, recourir
pour celte espèce aux centimes additionnels, — puissent
songer à créer le sanatorium à leurs seuls frais, elles
n'auraient, pour la lotalité de l'arrondissement, à four-
nir qu'une somme de 2 francs par tête d'habitant,
répartie sur 2 ou 3 exercices. Mais la générosité privée
devant intervenir dans une large mesure, et les sub-
ventions du Pari mutuel étant presque certaines en
pareille matière, les Municipalités n'auront, en réalité,
à fournir qu'une quote-part totale, égale au plus à { franc
par têle d’habitant. Il n'est pas une commune, si pauvre
et si petite qu'elle soit, dont le budget ne permette,
dans un tel cas, exceptionnel et unique, une contribu-
tion totale et maxima de { franc par habitant, soit de
0 fr. 50 par an pour deux ans, ou mème de 0 fr. 33 pour
trois ans.
Par la double intervention du corps médical, puis
des Municipalités syndiquées, le mécanisme de la créa-
lion du sanatorium qui, pour 100 lits, comporte une
dépense d'environ 600.000 francs, se trouve ainsi pres-
que automatique.
L'entretien, qui demande un effort moindre, mais
continu, représenté par une dépense globale de #francs
par lit et par jour, se trouve en même temps considé-
rablement simplifié.
Dans le cas d’un sanatorium comme celui de l’arron-
dissement de Versailles, il est à prévoir qu'un quart au
moins des lits seront réservés à des malades payants.
L'entretien à assurer ne porterait que sur 75 lits. Ür, la
ville de Versailles, qui perd à elle seule 200 tuberculeux
par an, a 20 ou 25 lits occupés en permanence à son
6 CHRONIQUE ET CORRESPONDANCE
hôp:tal — en plein centre de la cité! — par les vic-
times du fléau. En supposant qu’elle en dirige la moitié
seulement sur le sanatorium, eile y occupera 10 lits,
presque sans augmentation de dépenses, en faisant
seulement un déplacement de chapitres budgétaires.
Qu'on admette la même proportion pour les autres hô-
pitaux de l'arrondissement, on voit que #0 à 50 lils se
trouveront occupés, sans surcroît de frais pour l’arron-
dissement. — En fait, la dépense supplémentaire,
comme frais d'assistance publique globaux, pe portera
que sur 25 à 30 lits, c’est-à-dire ne dépassera pas
40 à 45.000 francs pour l'arrondissement entier, somme
dont la répartition sur l’ensemble des communes
appelées à intervenir est tellement insignifiante qu'en
faisant même abstraction des demandes certaines des
arrondissements voisins, la difficulté sera surtout de
satisfaire aux demandes locales.
Si la question de l'entretien, dans le cas du sanato-
rium intercommunal, devient ainsi d’une remarquable
simplicité financière par la substitution partielle du
sanatorium municipal à l'hôpital municipal, une autre
question, beaucoup plus délicate, se trouve en même
temps presque résolue : celle des secours de maladie à
la famille.
Nous n'avons pas et nous n’aurons sans doute pas de
longtemps de loi d'assurances contre l'invalidité du
travail, comme en Allemagne. Mais nous avons plus et
mieux avec l’admirable et puissante organisation de
nos Sociétés de secours mutuels. — Que se passe-t-il
actuellement pour le mutualiste tuberculeux ? Pendant
toute la durée de sa longue agonie, la Société dont il
fait partie lui sert des allocations dont le montant
devient si élevé que certaines Sociétés vont jusqu'à
exclure la tuberculose de leurs prévisions statutaires.
On avait songé à envisager les mutualités comme pou-
vant jouer en France, dans la création et l'entretien
des sanatoria, le rôle des Sociétés d'assurances alle-
mandes; mais il faut bien s'en garder en présence de
la solution intermunicipale — qui, par les liens mul-
tiples, étroits, existant partout entre les Mutualités et
les Muuicipalités, conduit, directement et normale-
ment, à beaucoup mieux : à l'affirmation statutaire,
dans la constitution du syndicat intercommunal, d'un
privilège en faveur du mutualiste appelé à faire béné-
ficier sa famille, pendant son traitement, d'un secours
de maladie. Que cette disposition résulte, à défaut de
clauses préalables dans les statuts des Sociétés exis-
tantes, de l'adoption par leurs sociétaires d'une nou-
velle clause, ou de la création de sociétés spéciales,
peu importe.
La situation en présence de laquelle se trouveront
les Sociétés de secours mutuels deviendra alors telle-
ment avantageuse, matériellement et socialement,
qu'elle ne peut pas ne pas être appréciée par toutes;
actuellement, elles dépensent pour le sociétaire tuber-
culeux 800, 1.000, 1.500 francs, et même davantage, sui-
vant les statuts, pendant la durée de l’évolution totale
de sa maladie. Elles n'auront plus qu'à dépenser
200 francs en secours de maladie, à la famille, pour
les sociétaires tuberculeux en traitement de 100 jours,
300 francs au plus pour un traitement de 150 jours.
Sur 100 tuberculeux de première période, pour lesquels,
actuellement, leur dépense totale est en moyenne de
100.000 francs, pendant la durée complète de l'évolu-
tion, 3 ans environ, elles ne dépenseront plus que
44.000 francs, en ne perdant que 20 sociétaires, au lieu
de 80 ou 90 au moins, si l’on accepte le résultat moyen
de 20 guérisons et 60 ajournements. Non seulement
elles réaliseront ainsi un gain matériel de plus de
90 p.100, mais, en s'engageant, elles asureront à leurs
sociétaires un privilège de priorité de traitement, dont
aucun ne méconnaitra l'importance.
Il faut donc que Versailles complète son œuvre, et
que le sanatorium de Seine-et-Oise, qui, par l’interven-
tion du corps médical affirmant son autorité, par l'in-
tervention des Municipalités affirmant leur solidarité
sociale, donne à la France entière un exemple salutaire,
devienne l'exemple décisif, par la solution pratique de
la question subsidiaire, mais essentielle : celle des
secours de droit à la famille du tuberculeux en traile-
ment.
Quand, répondant à l'appel du corps médical, les
maires de l'arrondissement se réuniront à Versailles,
qu'ils sachent bien que, de tous côtés, partout où l’on
sent, où l’on voit le dauger poignant de la tuberculose,
on attend avec confiance leur décision. On attend avec
confiance la création par eux du sanalorium inter-
communal, et par eux aussi la création de l'assurance
de maladie pour la famille du travailleur tuberculeux,
dans la seule forme compatible avec le génie de notre
race : celle de l'intervention des Mutualités, réservant
à leurs sociétaires un droit privilégié au traitement
gratuit en sanatorium communal, mais rendant elles-
mêmes le traitement possible et efficace par les secours
à la famille.
Si Versailles, et les communes, grandes ou petites,
qui se groupent dans cette œuvre féconde, l’accomplis-
sent jusqu'au bout, les médecins qui sont si géné-
reusement intervenus en corps constitué et les maires
qui les ont si activement secondés, en se préparant à
prendre eux-mêmes en mains l’action décisive, auront
accompli une œuvre dont ils auront le droit d'êlre
fiers,
$ 7. — Géographie et Colonisation
Fondation du Prix du Commandant Lamy.
— La Soriété de Géographie et le Comité de l’Afrique
française ont eu l'excellente pensée de consacrer le
souvenir du Commandant Lamy par la fondation, au
1°" Tirailleurs algériens, d'un « Prix du Commandant
Lamy », destiné à récompenser chaque année un ancien
tirailleur distingué par ses bons services.
En faisant part à ses lecteurs de la souscription ou-
verte à cet effet à la Société de Géographie (184, bou-
levard Saint - Germain), et au Comité de l'Afrique
Francaise (15, rue de la Ville-l'Evêque), la /?evue sort
de ses habitudes d'abstention en matière de souscrip-
tions. Elle le fait volontiers, non seulement à cause de
l'importance exceptionnelle des deux grandes œuvres
auxquelles restera attaché le nom du Commaadant
Lamy : traversée du Sahara, de l'Algérie au Tchad —
et destruction de l'empire de Rabah au Tchad —
mais aussi parce qu'en prenant l'initiative de cette
souscription, MM. Foureau et Ch. Dorian ont bien
rendu l'hommage qui convenait à la mémoire d'un
soldat dont les hautes traditions d'esprit militaire res-
teront dans le souvenir de tous ceux qui l'ont connu.
— Comme son second, le Commandant Reibell, qui, six
semaines après son retour du Tchad, repartait pour le
Touat à la tête de son bataillon, sans souci des fatigues
de la dure campagne de deux ans poursuivie au Sahara
et au Tchad, le Commandant Lamy était de ces hom-
mes dévoués avant tout au « bien du service » qui sont
l'honneur d'une armée. — C’est avec le dévouement
absolu et supérieur au «bien du service » qu'on
accomplit de grandes œuvres, comme cette marche
héroïque de la mission Foureau - Lamy, qui, dans
l'histoire des découvertes géographiques, constitue un
faitsans précédent, — et le Commandant Lamy méritait
que son dévoûment eût la sanction la plus haute qu'il
eût ambhitionnée : celle de l'association de son nom à
la consé-ration du dévoñment des vieux Llirailleurs de
son régiment au bien du service.
Tout en conseillant à ses lecteurs d'envoyer de pré-
férence leurs souscriptions à la Société de Géographie
ou au Comité de l'Afrique française, la levure se met
à la disposilion de ceux d’entre eux qui le désireraient
pour transmettre leurs souscriptions à la Société de
Géographie.
EL. METCHNIKOFF — LES POISONS CELLULAIRES ri
LES POISONS CELLULAIRES
(CYTOTOXINES)
Tandis que, dans l’ancienne Médecine, les médi-
caments d’origine animale jouaient un très grand
rôle, la Pharmacologie perfectionnée du xIx° siècle
les avait plus ou moins complèment abolis. Au lieu
d'administrer des humeurs ou des organes de toute
sorte d'animaux, la Médecine prescrivait, pour
guérir les maladies, les substances les plus diverses,
bien définies au point de vue chimique, comme les
alcaloïdes, les composés du carbone des séries
grasses el aromatiques, les substances miné-
rales, etc.
Au milieu de ce mouvement, qui portaitle cachet
d'une remarquable précision scientifique, il s'est
produit tout d'un coup un revirement étrange vers
la pharmacologie animale. Presque en même temps,
MM. Richet et Héricourt d'un côté, et Brown-
Séquard de l’autre, signalèrent l'importance de
substances provenant d'organes (testicules) ou du
sang, dans la lutte contre les maladies. MM. Richet
et Héricourt obtinrent des résultats satisfaisants,
pour empêcher l’éclosion d'une maladie expéri-
mentale, à l’aide du sang des animaux réfractaires.
Un peu plus lard (1889), Brown-Séquard préconisa
l'extrait Lesticulaire eontre la faiblesse sénile.
A la suite de ces travaux, il se développa toute
une direction nouvelle qui amena la création de la
Sérothérapie et de l'Organothérapie (ou Opothéra-
pie), comme deux puissants moyens dans la lutte
de l'homme contre les maladies.
Nous n'avons pas besoin d’insister ici longue-
ment sur les conquêtes brillantes obtenues par les
deux nouvelles méthodes. Tout le monde, même
les gens qui sont loin d’être « du métier », con-
nait la belle découverte des antitoxines, faite
par Bebring, et ses nombreuses applications. Le
sérum antidiphtérique, qui a sauvé des milliers de
malades el a préservé un grand nombre de per-
sonnes contre la contagion, est sorli victorieuse-
ment de loutles les épreuves el occupe aujourd'hui
la première place dans la thérapeutique des mala-
dies infectieuses. A côté de lui se rangent plusieurs
autres sérums, dont l'importance est plus ou moins
grande. En ce moment où la peste s'allume dans
des foyers disséminés sur toutes les parties du
globe, la principale arme scientifique consiste dans
l'emploi du sérum antipesteux. Capable de guérir
la peste humaine en pleine évolution, ce sérum est
aussi efficace pour empêcher l’éclosion de la mala-
die chez les personnes exposées à la contracter.
Le sérum antilélanique, quoique peu actif dans
la guérison du lélanos déclaré, rend cependant de
très grands services pour prémunir l’homme et
le cheval contre cette maladie, Le sérum anti-
venimeux est le meilleur remède contre la morsure
des serpents, et le sérum antistreptococcique se
répand de plus en plus dans la lutte contre la fièvre
puerpérale et plusieurs autres maladies, provoquées
par le même microbe.
Mais, il faut bien l'avouer, la sérothérapie actuelle
reste encore impuissante contre toute une série de
maladies et des plus graves, par exemple la tuber-
culose. On à bien préparé une quantité de sérums
antiluberculeux, mais aucun d'eux n'est capable de
remédier à ce mal terrible.
Il est très probable que, pour plusieurs maladies
infectieuses, on trouvera des sérums appropriés ;
pour atteindre ce but, il faut encore vaincre beau-
coup d'obstacles difficiles à surmonter.
Dans les infections où le rôle des microbes est
tout à fait évident, c'est la sérothérapie qui occupe
la première place. Au contraire, dans certaines ma-
ladies, dont l’étiologie est encore très obscure,
l'organothérapie a donné des résultats d’une réelle
valeur. Mais c'est tout spécialement pour ce qui
concerne le myxædème, cette maladie bizarre,
occasionnée par l'atrophie de la glande thyroïde,
que le succès par le lraitement opothérapeulique
est assuré. Dans le traitement, par l'extrait testicu-
laire, de l’affaiblissement de l'organisme dans des
essais thérapeutiques contre les maladies des reins
par le suc de cet organe et dans beaucoup d'autres
exemples analogues, les tentatives, très nom-
breuses, n'ont abouti qu'à des résultats dou-
teux.
Un champ très vaste est donc ouvert encore aux
recherches qui auront pour but de porter remède à
de nombreuses maladies dans lesquelles ni la
sérothérapie, ni l’'organothérapie n'ont pu résoudre
le problème.
Parmi les tentatives nombreuses faites dans ce
but, je désire attirer l'attention du lecteur sur une
série de nouvelles recherches, poursuivies dans ces
trois dernières années avec beaucoup de zèle et qui
ont pour objet l'étude des poisons cellulaires ou
cylotoxines ”.
1 J'ai abordé incicemment quelques-unes de ces questions
dans un précédent article : L'état actuel de la question de
limmunité dans les maladies infectieuses, paru dans la
Revue générale des Sciences du 30 novembre 1900, tome XI,
p. 1210 et suivantes.
8 EL. METCHNIKOFE — LES POISONS CELLULAIRES
Il
Sous ce nom de cytoloxines, on a proposé de
réunir des poisons contenus dans des organes et
des humeurs de l’homme et des animaux. Ces poi-
sons, d'origine cellulaire, sont en même temps des
substances qui empoisonnent les cellules.
Quoique connues depuis longtemps, les cyto-
toxines n'ont été bien étudiées que dans ces der-
niers temps. C'est M. Bordet* qui, dans un travail
exécuté à l'Institut Pasteur, a décrit pour la pre-
mière fois l’action toxique du sérum de cobayes,
préparé avec des injections de sang de lapin, vis-
à-vis des globules rouges de cette dernière espèce
animale. Tandis que le sérum d’un cobaye normal
laisse les hématies de lapin intactes ou à peu près,
le sérum sanguin d’un cobaye ayant subi plusieurs
injections de sang de lapin, dissout les globules
rouges des lapins avec une grande intensité.
Il est donc bien facile d'obtenir artificiellement
une hémotoxine, ou hémolysine, dirigée contre les
hémalies d'une espèce animale déterminée. M. Bor-
det a démontré, en plus, que cette hémotoxine est
constituée par deux substances différentes, dont
l’ane — alexine — est très peu stable et est dé-
truite par un chauffage peu prolongé à 55-56,
tandis que l’autre — la substance sensibilisatrice —
résiste bien à celte température et n’est détruite
que par un chauffage à 65-68°.
Le concours de ces deux substances est néces-
saire pour que l’action hémolytique soit énergique ;
il faut donc, pour qu’un sérum détruise activement
les hématies, qu'il contienne à la fois ces deux ma-
tières.
La substance sensibilisatrice, ou, d’après notre
nomenclature, la philocytase, n'existe en abon-
dance que dans le sérum des animaux traités au
préalable par les injections de sang (sérum actif).
Au contraire, l'alexine, ou cytase, existe tout aussi
bien dans le sérum des animaux neufs, n'ayant
subi aucune injection, que dans celui des animaux
traités. Il suit de là qu’un sérum d'animal neuf ac-
quiert un pouvoir hémolytique intense lorsqu'on
l'additionne de substance sensibilisatrice, c'est-à-
dire lorsqu'on y ajoute une certaine dose de sérum
d'animal, préparé par les injections de sang. Sous
l'influence de cette addition, le sérum neuf est
« activé ». L'expression « activer le sérum neuf »
(expression dont je serai amené à me servir dans
la suite) signifie donc : ajouter au sérum neuf la
substance sensibilisatrice. Comme cette dernière
résiste à l'action d'une température de 55°, on
peut très bien activer un sérum neuf en l’addition-
nant de sérum actif qui à été chauffé à 55° et qui a
1 Annales de l'Institut Pasteur, 1898, p. 688.
été dépouillé ainsi de sa cytase propre, el par con-
séquent de son pouvoir hémolytique propre.
La substance sensibilisatrice a été ainsi dénom-
mée par M. Bordet parce que cet observateur ad-
met que cetle matière, qui par-elle-mème ne détruit
pas les globules, fonctionne en les rendant très
sensibles à l'action destructive de l’alexine.
Il résulte de ces notions que, soumis aux injec-
tions de globules étrangers, l'organisme réagit en
sécrétant une substance qui favorise l’action des-
tructive, sur ces globules, d'une autre matière que
cel organisme possédait déjà avant le traitement.
La découverte de l’hémotoxine a ouvert la voie
à un grand nombre de recherches qui se pour-
suivent surtout dans les deux directions suivantes:
D'une part, on cherche à approfondir le mécanisme
de l'action des cytotoxines sur les éléments cellu-
laires correspondants. D'autre part, on essaye
d'obtenir des cylotoxines vis-à-vis des cellules les
plus diverses, dans le but de résoudre certains
problèmes de Pathologie et de Thérapeutique géné-
rales. à
Dans la première catégorie de travaux, il y a
surtout à signaler les importantes recherches de
MM. Ehrlich el Morgenroth", qui ont démontré que
la substance sensibilisalrice de Bordet ou, comme
ils la désignent, la substance intermédiaire
(Zwischenkürper), se fixe sur le globule rouge du
sang correspondant. Ils ont pu fournir la preuve
de ce fait par l'expérience suivante : Un sérum
hémolytique, chauffé à 55° et par conséquent privé
de la cytase (ou complément, d'après la nomen-
clature de M. Ehrlich), est mis en contact avec les
hématies, vis-à-vis desquelles l’hémotoxine se
montre active. La substance sensibilisatrice ou
intermédiaire, incapable de dissoudre à elle seule
les hématies, se fixe sur ces cellules. Aussi, lors-
qu'on sépare ces éléments et qu'on leur ajoute du
sérum normal, renfermant de la cytase, les héma-
lies se dissolvent avec rapidité. D’un autre côté,
le sérum, chauffé à 55° et débarrassé des hématies
qui avaient fixé la substance sensibilisatrice, ne
possède plus sa propriété d'activer un sérum nor-
mal qui ne contient que de la cytase et qui, à lui
seul, est incapable de dissoudre les globules
rouges.
Les fails que je viens de résumer sont généra-
lement acceptés et rentrent dans le domaine des
vérités bien établies el définitives. Par contre, on
n'est pas d'accord sur le mécanisme intime de
l’action des deux substances qui constituent l'hé-
motoxine ; sur les hématies, MM. Ehrlich et Mor-
genroth admettent que la substance intermédiaire
agit en contraclant des combinaisons chimiques
1 Berliner klinische Wochenschrift, 1899, no 1.
EL. METCHNIKOFF — LES POISONS CELLULAIRES 9
véritables et que sa molécule possède deux grou-
pements haptophores. Par un de ces groupements,
la molécule se fixe sur l'hématie, tandis que par
l’autre, elle se combine avec la cytase. À la suite
de cette double affinité, la cytase peut s'intro-
duire dans le globule rouge, sur lequel elle agit
comme un véritable dissolvant. Sans l’action de
la substance intermédiaire, la cytase est impuis-
sante à se combiner avec la substance de l’hématie.
La conception de M. Bordet ne s'accorde pas
bien avec cette manière de voir. Pour lui, il n'existe
aucun fait démontrant que la substance sensibili-
satrice se combine avec la cytase. Il admet que
cette matière sensibilisatrice, retenue par le glo-
bule, exerce sur lui une action de mordancage,
grâce à laquelle le globule absorbe la cytase des-
tructive. Cette dernière s’'attacherait au globule
sensibilisé, comme une couleur s’altache à un
élément mordancé, ou, comme on dit en histologie,
qui à été soumis à la fixation. D'après ses recher-
ches, les globules sensibilisés absorbent la cytase
et la font disparaître du liquide ambiant, tandis
que les globules non sensibilisés ne la fixent pas.
Mais, d'autre part, la comparaison avec les phéno-
mènes de teinture se justifie en ce que l’absorp-
tion de l’alexine par les globules sensibilisés ne
suit pas les lois élémentaires des combinaisons
chimiques, notamment celle des proportions défi-
nies. Ce sont les stromas des globules qui ont la
propriété d'absorber ainsi les matières actives du
sérum hémolytique.
M. Nolf', dans un travail récent, a lâché de
préciser le rôle des deux substances dans l'hémo-
lyse. Pour lui aussi, la philocytase joue, dans la
dissolution des globules rouges, le mème rôle que
les mordants en teinture. Fixée sur l'hématie, celte
substance la rend plus avide de la cytase, comme
le mordant facilite la fixation de la couleur sur
la fibre du tissu. Dans ces conditions, la cytase, se
trouvant en forte quantité dans l'intérieur du
globule rouge, exerce sur celui-ci son action hydra-
tante, ce qui amène la diffusion de l'hémoglobine
et souvent même la dissolution du stroma globu-
laire.
Quant au mode de l’action dissolvante de la
cylase sur l'hématie, M. Nolf le compare à celui de
certains sels minéraux, comme le chlorure ammo-
nique. Il refuse d'accepter la comparaison des cy-
tases avec des ferments protéolytiques, compa-
raison qui avait été souvent formulée, el soutenue
notamment par M. Buchner.
M. Nolf passe en revue les diverses propriétés
des eytases et les trouve très analogues à l’action
dissolvante de plusieurs sels. Mème cette parlicu-
1 Annales de l'Institut Pasteur, 1900, p. 656.
D
larité des cytases de rester inactives à la tempé-
rature de 0°, est partagée par le chlorure ammo-
nique, qui, seul parmi tous les sels étüdiés par
M. Nolf, n'exerce aucune action dissolvante à la
température de la congélation de l’eau. Mais il à
été impossible à M. Nolf de pousser plus loin ces
analogies, et notamment de sensibiliser par la
substance intermédiaire les globules rouges à
l'action des doses par elles-mêmes inactives de
chlorure ammonique ou de n'importe quel autre
sel. Au contraire, dans l'histoire des vrais ferments
solubles, nous trouvons des exemples de sensibi-
lisation très comparables aux phénomènes de
l'hémolyse. Ainsi, d'après la découverte très inté-
ressante de M. Chepowalnikoff, faite sous la direc-
tion de M. Pawloff, le suc intestinal du chien ren-
ferme un ferment qui, par lui-même, est inactif vis-
à-vis des substances albuminoïdes, mais qui facilite
leur digestion par le ferment pancréalique d'une
façon vraiment remarquable.
L'idée que l'hémotoxine est un mélange de deux
enzymes et que la cytase se comporte comme un
ferment soluble, ne peut nullement être considérée
comme réfutée par M. Nolf. Cette idée s'accorde, au
contraire, très bien avec l’ensemble des faits
connus, sur une partie desquels nous devrons
revenir plus tard.
Toutrécemment, M.London',àSaint-Pétersbourg,
a publié un travail sur l'hémolyse. Il y soutient la
théorie d'après laquelle l'action de l'hémotoxine
serait purement chimique. Bien que confirmant les
expériences de M. Bordet qui avaient amené ce
dernier à comparer l’action de l'hémotoxine au
mordancage des tissus, il n'en accepte pas l'inter-
prélation.
Il nous est impossible d'entrer ici dans des
détails à ce sujet. IL nous suffit de dire que le
mécanisme de l'action intime de l'hémotoxine et
de ses deux parties constituantes n'est pas encore
suffisamment éclairei pour qu'on puisse en parler
comme d'une acquisition définitive.
Il
Le désir d'approfondir la question de l'hémo-
loxine à amené seulement de nombreux
travaux dans le but d'établir sa composition et le
mécanisme de son action; il a suggéré aussi des
recherches sur l'origine de l’hémotoxine. D'où
vient ce poison cellulaire, et comment se répar-
tissent les deux substances qui le composent?
Pour répondre à cette question, j'ai entrepris”
une série d'expériences, exécutées sur des cobayes,
non
4 Archives des Sciences biologiques, Saint-Petersbourg.
1900 {en russe).
2'Annales de l'Institut Pasteur, 1899, p. 131.
10 EL. METCHNIKOFF — LES POISONS CELLULAIRES
auxquels j'injectai du sang défibriné d'oie. Les
hématies de ce volatile, introduites dans le péri-
toine de cobayes, y sont plus ou moins rapidement
saisies par les leucocytes mononucléaires, les
macrophages. Dans l’intérieur de ces cellules, les
globules rouges subissent une véritable digestion
intracellulaire, qui doit ètre attribuée à une action
fermentative des sues des phagocytes. Celte diges-
tion est tout à fait comparable à l'hémolyse qu'on
observe 12 vitro sous l'influence de l'hémotoxine.
C'est pourquoi il est si difficile de refuser l'ana-
logie entre ce poison des globules rouges et le ou
les ferments digestifs des macrophages. L'analyse
de faits nombreux nous a amené à cette conclusion
que l'hémotoxine est un produit phagocytaire qui
se retrouve dans le sérum. Maïs, tandis que la
substance sensibilisatrice, ou, comme l’a désignée
M. London, le « desmon », est déjà chez l'animal
vivant excrétée dans le plasma sanguin, l’alexine
reste, pendant la vie des phagocytes, renfermée dans
le corps de ces cellules. Mais, lorsque lesleucocytes
éclatent en dehors de l'organisme, lors de la for-
malion du sérum, ou bien lorsqu'ils subissent une
avarie grave à la suite des injections de liquides
dans le péritoine, une partie des alexines s’en
échappe et passe dans les humeurs. En raison de
ces circonstances, il se présente des cas où l’hémo-
lyse se produit très facilement dans le sérum,
recueilli en tubes, mais n'a point lieu dans l'orga-
nisme vivant.
On peut affirmer d'une facon générale que plus
la phagocylose des hématies est prononcée plus
il y a d'hémotoxine qu'on retrouve dans le sérum
sanguin. Dans certains cas, par exemple lorsque
l'on injecte du sang d'oie, non pas dans le périloine,
mais sous la peau de cobayes, une partie des glo-
bules rouges se dissout dans le liquide, en dehors
des phagocytes qui n'interviennent que tardive-
ment. Dans ces circonstances, la quantilé d'hémo-
toxine dans le sang est notablement plus faible
que dans le cas où la digestion des hématies se
fait exclusivement ou presque exclusivement dans
l'intérieur des phagocytes.
Lorsque, au lieu d'injecter du sang d'espèce
étrangère, on introduit des globules sanguins ap-
partenant à la mème espèce animale, ces éléments
passent dans le sang sans subir de dissolution.
Mais aussi, dans ce cas on n'obtient pas, d'hémo-
toxine artificielle dans le sérum de ces animaux.
Pour arriver à un résullat positif, MM. Ebrlich et
Morgenroth ‘ ont dû injecter des globules sanguins
préalablement avariés par l'addition d’eau. Dans
ces conditions, les hémalies détruites sont englo-
|
bées par les phagocytes et y subissent une diges-
! Berliner klinische Wochenschrift, 1900, p. 453.
tion intracellulaire, ce qui a pour conséquence
l'apparition de l'hémotoxine dans le sérum. Les
expériences de M. Bordet ont démontré que l'in-
jection des stromas des globules rouges suffit déjà
pour provoquer la formation de l’hémotoxine.
M. Nolf avait d'abord affirmé le contraire; mais,
après avoir repris le sujet, il est arrivé à des résul-
lats conformes à ceux de M. Bordet.
Somme toute, on peut dire, en résumé, que l’'hé-
motoxine est un poison des globules rouges, qui
souvent est préformé dans le sérum de beaucoup
d'animaux et qui, dans ce cas, ne manifeste pas de
spécificité pour les hématies d'une espèce déter-
minée. L’hémotoxine artificielle, qu'on peutobtenir
facilement à l'aide d’injections de sang d'espèce
étrangère, est, au contraire, spécifique dans son
action vis-à-vis des globules rouges de l'espèce
qui à fourni le sang injecté. L'hémotoxine est un
poison cellulaire constitué par deux substances
différentes : la cylase et la philocytase ou substance
sensibilisalrice, intermédiaire, ou desmon. Ces deux
substances ressemblent à des ferments et servent
pour la digestion des hémalies. Elles représentent
très probablement les ferments digestifs des pha-
gocytes, dont l'un, la cytase, reste renfermé dans
les phagocytes, sauf des cas particuliers, tandis
que l’autre est excrété en parlie dans le plasma
sanguin et passe dans les exsudals et les transsu-
dats.
III
Après la découverte de l’hémotoxine artificielle,
plusieurs savants, indépendamment les uns des
autres, ont eu l'idée de rechercher s’il est possible
d'obtenir des poisons analogues agissant sur
d'autres éléments cellulaires. J'ai exposé d’abord!
un programme d'études dans cette direction et je
me suis mis à préparer un sérum contre les leuco-
cyles et un autre contre les spermatozoïdes. Bientôt
après, M. Landsleiner, à Vienne, publia une Note
sur un sérum qui immobilise les spermatozoïdes
de taureau”. Ce sérum avait élé obtenu à la suite
d'injections de sperme de cet animal à des lapins.
Tous les deux, M. Landsteiner et moi, Nous
avons pu préparer des sérums spermotoxiques
qui, au bout de peu de temps, paralysaient les
mouvements des spermatozoïdes, mais qui étaient
incapables de dissoudre ces éléments, mème après
un contact très prolongé. M. Moxter*, le regretté
jeune savant attaché à l’Institut de Koch, à Berlin,
a pu confirmer ces données et y ajouter le fait que
le sérum spermotoxique, lui aussi, est constitué
par deux substances différentes: la eytase et une
1 Archives russes de Pathologie, février 1899,
? Centralblalt für Bakteriologie, 1899, p. 546.
3 Deutsche medicinische Wochenschrift, 1900, n° #, p. 62,
EL. METCHNIKOFF — LES POISONS CELLULAIRES
substance intermédiaire ou sepsibilisatrice (philo-
cytase). D'après Moxter, non seulement la cylase
de la spermotoxine serait identique à celle de
l'hémotoxine, mais aussi sa seconde partie consti-
tuante, la substance intermédiaire, agiraiten même
temps contre les spermatozoïdes et contre les hé-
maties. Cette manière de voir, opposée au principe
de l'action spécifique des poisons cellulaires, a
rencontré, de notre part’, une opposition appuyée
par des expériences qui prouvent la différence
entre la spermotoxine et l'hémotoxine.
Les sérums leucotoxiques que nous avons ob-
tenus avaient élé préparés dans le but de trouver
une substance capable d’arrêter les macrophages
dans leur œuvre destruclive, lors des processus
atrophiques dans l'organisme. Mais nous avons pu
constater que le sérum obtenu à la suite des injec-
tions de ganglions lymphatiques de lapins, détrui-
sait non seulement les macrophages de ce rongeur,
mais aussi ses leucocytes polynucléaires. Ajouté
en pelite quantité, ce sérum immobilisail presque
instantanément les leucocytes de lapins et les
transformait en vésicules rondes, qui devenaient
transparentes et laissaient facilement apercevoir
le noyau.
La découverte d'un sérum leucotoxique a été
utilisée par M. Delezenne” dans ses études intéres-
santes sur le mécanisme des actions anticoagu-
lantes dans l'organisme. Il a pu établir que le
sérum leucotoxique empêche la coagulation du
sang. comme le font les injections de peptlone, et
que, dans les deux cas, intervient le foie qui retient
la substance coagulante échappée à la suite de la
destruction des leucocytes.
M. Funck a préparé aussi un sérum leucotoxique
et a confirmé le fait que ce sérum agit en même
temps contre les leucocytes mono et polynucléés.
M. von Dungern * a publié une note très inléres-
sante sur un sérum qui immobilise les mouve-
ments des cils vibratils. Ge sérum avait été obtenu
avec des injections de la muqueuse de la trachée
de bœuf à des cobayes.
M. Lindemann a préparé, dans mon laboratoire,
des cobayes, auxquels il injectait de la substance
rénale de lapin. Au bout de quelque temps, le
sérum de ces cobayes manifestait une action
toxique sur les reins de lapin, occasionnait une
albuminurie et des phénomènes de néphrite aiguë.
M. Schütze f, au contraire, avait vainement injecté
des reins et du foie broyés à des animaux, sans
? Annales de l'Institut Pasteur, 1900, p. 369.
2 Comptes rendus de l'Académie des Sciences,
3 Centralblatt für Bakteriologie, 1900.
3 Munchener medicinische Wochenschrilt, 1899, n° 38.
5 Annales de l'Institut Pasteur, 1900, p. 48.
5 Deutsche medicinische Wochenschrift, n° 21, p. 431.
| jamais réussir à avoir un sérum néphrotoxique ou
hépatotoxique. IL est incontestable que M. Schütze
ne préparait pas ses animaux d'une facon suff-
sante, car la découverte de la néphrotoxine arlili-
cielle a pu être confirmée par M. Nefedieff dans
mon laboratoire, et celle de l'hépatotoxine à pu
être faile indépendamment par M. Delezenne et
M. Deutsch ‘. Ces deux observateurs ont obtenu, à
la suite des injections de foie d'espèce étrangère,
des sérums qui agissent sur les cellules hépatiques
d'une facon nécrosante très prononcée.
Dans ces recherches des divers poisons cellu-
laires, les plus grandes difficultés avaient été
éprouvées pour la préparation de sérums agissant
contre les centres nerveux. Pour arriver à un
résultat positif, neus nous sommes appliqués,
M Metchnikoff el moi, à injecter à des rats et à
des cobayes des cerveaux et des moelles émul-
sionnés, provenant de pigeons. Comme ces oiseaux
supportent assez bien les opérations cérébrales,
nous leur avons introduit dans les gros hémis-
phères du sérum ainsi oblenu, parallèlement à
celui des rats et des cobayes non préparés. Dans
plusieurs expériences, l'effet toxique du sérum des
animaux trailés avec de la matière des centres
nerveux de pigeons à été très manifeste; dans
d'autres, au contraire, le sérum des animaux pré-
parés se montrait peu actif. Ces différences indi-
quaient une variabilité individuelle considérable
des Rongeurs dans la production de la névroloxine,
ce qui demandait une étude plus approfondie el
plus prolongée du sujet. Pendant que nous étions
occupés de ces recherches, M. Delezenne nous fit
part de ses expériences sur lanévrotoxine qu'il avait
pu obtenir en injectant des centres nerveux émul-
sionnés de chiens dans le péritoine de canards”.
L'introduction de très petiles quantilés de sérum
de ces oiseaux ainsi traités, dans les hémisphères
cérébraux de chiens, les tuait presque instanla-
nément ou provoquait des troubles graves, qui,
parfois, présentaient une analogie frappante avec
des attaques épileptiques.
Ces recherches si intéressantes couronnent la
série des travaux sur les poisons cellulaires artifi-
ciels. Il est donc hors de doute qu'il est possible
d'obtenir des cytotoxines spécifiques, capables
d'agir au choix sur n'importe quel système cellu-
laire. Il reste à compléter ces études sur les poisons
artificiels des organes entiers el, sous ce rapport,
il y a lieu de cherchér un poison cardiaque artifi-
ciel, qu'on pourrait oblenir à la suite de l'injection
de cœur broyé et émulsionné. Comme cel organe,
1 Comptes rendus de l'Académie des Sciences, 13 août
1900, et Comptes rendus du Congrès International de Méde-
cine, à Paris.
? Annales de l'Institut Pasteur, 1900, p. 686.
chez certains Vertébrés à sang froid, peut être pen-
dant longtemps isolé de l'organisme, on comprend
tout l'intérêt que pourrait présenter l'étude de son
fonctionnement sous l'influence d’un sérum car-
diotoxique artificiel.
IA“
Dans les trois chapitres précédents, il n'a été
question que de poisons cellulaires qu'on obtient
eu injeclant à des animaux des éléments prove-
nant d'espèces étrangères. Dans la Nature, les con-
ditions pour la production de ces poisons, qu'on
désigne sous le nom d’hétérocylotoxines, ne doivent
pas se rencontrer facilement. Comment, en effet,
concevoir la possibilité de l'introduction, dans les
tissus de l'organisme animal, d'organes ou d'hu-
meurs appartenant à d'autres espèces? Au contraire,
il arrive souvent, dans les conditions naturelles,
que du sang ou des éléments d’autres humeurs ou
d'organes subissent une résorption dans le sein de
l'organisme même. Ainsi, le sang extravasé, les
exsudats divers sont facilement résorbés, quelque-
fois même en un espace de lemps très court. Cer-
lains tissus sont également résorbés dans des
processus atrophiques, fréquents dans beaucoup de
maladies. Eh bien, dans ces conditions, se fait-il
igalement une production de cytoloxines ? C'est
cetle question que se sont posés MM. Ehrlich et
Morgenroth dans leur troisième Mémoire sur
l'hémolyse!. Dans l'intention de la résoudre, ils ont
injecté du sang de chèvre à d'aulres individus de
même espèce. Lorsque le sang injecté avait été
préalablement traité avec de l’eau, afin de détruire
un certain nombre d'hémalies, il amenait la pro-
duction d'une hémotoxine qui dissolvaitles globules
rouges des chèvres autres que celles qui avaient
reçu les injections. MM. Ehrlich et Morgenroth on!
conclu de ce fait à la formation d’une isotoxine,
c'est-à-dire d'une hémotoxine qui agit non plus sur
les hématies d'espèce étrangère, mais bien sur les
globules rouges de même espèce. Au courant de
leurs recherches sur ce sujet, ils n’ont jamais ren-
contré d'autotoxines, c’est-à-dire de poisons spéci-
fiques agissant sur les cellules du même organisme
dans lequel s'était produite la résorption.
Comme celle question des autotoxines présente
un grand intérêt, non seulement au point de vue
purement théorique, mais aussi par rapport au pro-
blème pratique des aulo-intoxications, M. Metalni-
koff, dans un travail exécuté dans mon laboraloire,
lui a consacré une atlenlion toule particulière *.
Seulement, au lieu de chercher une aulohémotoxine,
? Berliner klinische Wochenschrilt, 4900, n° 21, p. 453.
? Annales de l'Institut Pasteur, 4900, p. 557.
EL. METCHNIKOFF — LES POISONS CELLULAIRES
il s'est mis à préparer une aulospermotoxine. Dans
ce but, il injectait à des cobayes mäles du sperme
de même espèce. Au bout de peu de temps, le sérum
sanguin d'animaux ainsi traités immobilisait les
spermatozoïdes de cobayes en quelques minutes.
Celle action toxique se manifestait non seulement
vis-à-vis des spermatozoïdes d'individus étrangers,
mais aussi vis-à-vis de ceux que fournissaient les
cobayes soumis aux injections de sperme. Voici
done un exemple d'une vraie aulocytoloxine, pro-
duite à la suite de la résorplion des cellules de
méme espèce. Ce poison se trouve dans le sang et
sa présence est dénotée par l’action du sérum
préparé en dehors de l'organisme. Seulement, et
ceci est très remarquable, les spermatozoïdes d'un
cobaye, dont le sérum sanguin est très spermo-
toxique, vivent très bien dans les organes génilaux
du même animal. On les relire des épididymes de
ce cobaye dans un état de mobilité extraordinaire.
Mais, lorsque in vitro on leur ajoute une goutte de
sérum sanguin de même individu, les spermalo-
zoïdes s'arrètent au bout de peu de temps. Celte
différence d'action s'explique très facilement, si
l'on admet que, dans le sang vivant, ne cireule
qu'une seule parlie constituante de la spermotoxine:
la philocytase où desmon. L° second élément de
la spermotoxine, la cytase, resle .confiné dans
l'intérieur des leucocytes. Lorsque ces cellules sont
vivantes, comme dans le sang circulant, les deux
substances ne se mélangent pas; il en résulte que
la mobililé el la vie des spermatozoïdes restent
intactes. Mais, lorsque, dans le sang retiré de l'orga-
nisme, les leucocyles avariés cèdent, en même
temps que le fibrine-ferment, leur eytase, celle-ci,
sous l'influence de la substance sensibilisatrice,
immobilise aussitôt les spermatozoïdes. En pour-
suivant ses études, M. Metalnikoff est arrivé à la
conclusion que celte substance sensibilisatrice
circule réellement dans le sang et pénètre dans les
organes mâles. Lorsqu'en effet on soumetles sper-
matozoïdes de cobaye, dont le sérum est autosper-
moloxique, à l'influence de sérum sanguin d'un
cobaye neuf, on constate qu'ils s'immobilisent beau-
coup plus rapidement que les éléments mâles d'un
cobaye lémoin non traité.
Cette série de faits nous montre qu'un organisme
peut développer une autotoxine dont les deux
parties conslituantes restent séparées chez l'animal
vivant; c'est gräce à cela qu'il ne se produit pas
d'auto-inloxication. Mais, supposons qu'à la suite
d'une circonstance quelconque les leucocytes’ d'un
organisme aulotoxique subissent une avarie, la
cylase, jusqu'alors reteaue dans l'intérieur des
cellules, s'échappera au dehors. Elle pourra facile-
ment, sous l'influence de la philocylase qui circule
dans le plasma, produire une auto-inloxicalion.
EL. METCHNIKOFF — LES POISONS CELLULAIRES
13
Aussi on peut prévoir que, dans des cas de phagolyse
chez un cobaye autospermotoxique, les spermalo-
zoïdes pourront facilement être immobilisés !.
Nous touchons ici à un des problèmes de patho-
logie qui présentent un grand intérêt général. On à
depuis longtemps attiré l'attention des médecins
sur les auto-intoxications dans les diverses mala-
dies et on a fait des tentatives nombreuses pour
démontrer la présence des autoloxines. On est
arrivé à cette conclusion, je m'en rapporte en cela
aux nombreux travaux de M. Bouchard et de ses
élèves, qu'à côté des Loxines, produites par les mi-
crobes vivant dans le tube digestif, il en existe
d'autres, élaborées par les cellules de l'organisme
même. On a voulu aussi préciser la nature de ces
poisons, sans arriver cependant à des conclusions
définitives. Eh bien, il y a lieu de se demander si,
parmi ces poisons, ne figurent pas les vraies auto-
cvlotoxines, développées à la suite de la résorption
des cellules. Il existe déjà certaines indicalions
en faveur de cette supposition. M. Néfedieff a con-
tinué dans mon laboratoire l'étude de la néphro-
toxine obtenue par M. Lindemann. M. Néfedieff a
confirmé les données de ce dernier et il leur a
ajouté un fait intéressant. Le sérum sanguin de
lapins auxquels on a lié un des uretères, devient,
après un certain temps, manifestement néphro-
toxique pour les lapins neufs. La néphrotoxine, dans
ce cas. se développerait à la suite de l’atrophie des
éléments rénaux du côté de la ligature et présente-
rait un exemple d'isocylotoxine ou probablement
même d'une autocytoloxine. Dans ectte même caté-
gorie peut être rangée une observalion de M. Lin-
demann *. Il a vu que le sérum sanguin de chiens,
auxquels on a produit une néphrile par le chromate
de potassium, devient néphrotoxique pour des
chiens neufs. Cette action ne dépend pas du chrome;
dont on ne retrouve aucune (race dans le sang des
chiens empoisonnés. M. Lindemann lui-même con-
clut à une néphrotoxine, analogue à celle qu'il a
obtenue après l'injection de substance rénale.
MM. Widal et Lesné‘ ont observé le même fait.
En présence de ces faits, il ya lieu de rechercher
si, dans l’urémie, il ne se produirail pas également
une autotoxine qui, sous l'influence de conditions
! Dans une des dernières séances de la Société de Médecine
iuterne, à Berlin (Semaine médicale, 1900, n° 47, p. 394, et
Münchener medic. Wochenschr.. 1900, n° 46, p. 1685)
M. Michaïlis a décrit un cas d'hémoglobinurie qu'il attribue
à la production d'une autohémotoxine, consécutive à un
épanchement sanguin dans le péritoine. Bien que cette inter-
prétation ne soit pas appuyée sur des arguments probants,
elle paraït en somme très vraisemblable. Cet exemple nous
montre que la nolion des cytotoxines commence déjà à
pénétrer dans le domaine de la médecine clinique.
? Centralbatt für allgemeine Pathologie, 1900, p. 308.
* Communication au Congrès international de
Giazctte des Hôpitaux, 1900, p. 979.
|
|
particulières, manifesterait son action dans l'orga-
nisme qui la développe. On sait que des tentatives
très nombreuses pour déceler un poison urémique
ont échoué. On l'avait longtemps cherché dans les
diverses parties constiluantes de l'urine, mais sans
résultat suffisant, Alors, on s'est mis à éludier le
sang des urémiques, dans l’espoir d'y découvrir le
poison en question. Eh bien, malgré l'emploi de
méthodes perfectionnées, comme l'injection intra-
cérébrale d’après le procédé de Roux et Borrel, le
succès n'a pas couronné les efforts. MM. Lesné et
Widal' ont démontré que le sérum des urémiques,
comme celui des éclamptiques, n’est pas plus loxi-
que pour le lapin que le sérum humain normal.
Si, dans l’urémie, il ya intervention des autocyto-
toxines, il est lout naturel de supposer que ces
poisons sont spécifiques au même titre que les cy-
totoxines en général. Il n'y a donc rien d'étonnant
à ce que le sérum des urémiques ou des éclampti-
ques ne soit pas toxique pour le lapin ou une espèce
quelconque, autre que l'homme. Cette dernière
considération semble présenter une ‘grande diffi-
culté dans l'étude des maladies dues aux intoxi-
cations. Comment, en effet, oser injecter du sérum
toxique à l'homme, le seul être qui y soit sensible?
Pour tourner la difficulté, on pourrait essayer
d'introduire dans l'organisme humain non pas des
sérums aulocytotoxiques, mais plutôt des sérums
antitoxiques. Celte hypothèse a pour base le fait
précis que les cylotoxines sont capables de provo-
quer la production des anlicytotoxines, ainsi que
je tàcherai de le démontrer dans le chapitre suivant.
V
M. Bordet” a établi le premier que l'hémotoxine
naturelle du sang de poule, injectée à des lapins, v
provoque la formation d’une antiloxine. Ce fait a
élé confirmé par MM. Ebrlich et Morgenroth pour
plusieurs autres hémotoxines. J'ai pu moi-même
préparer une antispermotoxine contre une toxine
artificielle qui immobilise les spermatozoïdes de
lapin. Le fait a donc une portée générale.
Dans leurs études sur les propriélés intimes de
leurs anlihémoloxines, M. Bordet d'un côté
MM. Ehrlich et Morgenroth de l’autre, ont établi que
la partie principale de ces corps est représentée par
les anticytases. M. Bordet a bien vu qu'à la suite des
injections de l’hémotoxine il se produit aussi une
certaine quantité d’antidesmon, ou antiphilocylase
(substance qui neutralise l'effet de la substance sen-
sibilisatrice), mais il est impossible d'accepter l'af-
et
! Lesné : Etude de la toxicité de quelques humeurs de
l'organisme. Paris, 1899. Comptes rendus de la Soc. de Bio-
Paris. | Jogie, 1899.
? Annales de l'Institut Pasteur, 1900, p. 257.
EL. METCHNIKOFF — LES POISONS CELLULAIRES
firmation de M. Schütze que, dans ce cas, cette subs-
lance soit la seule active dans l’antihémotoxine.
Dans le but de trouver l’origine des anticyto-
toxines, j'ai éludié l’antispermotoxine chez le lapin.
Le fait, confirmé à plusieurs reprises, à savoir que
les lapins màles châtrés, les lapines, les lapins tout
jeunes des deux sexes, sont capables de produire,
à la suile des injections de spermotoxine, une sub-
stance qui neutralise l'effet de ce poison sur les
spermalozoïdes de lapin, a démontré qu'il faut
chercher la source de l’antispermotoxine ailleurs
que dans les organes génitaux.
L’absoplion facile de la spermotoxine par les
leucocytes indique que ces cellules doivent servir
à la production de l’antitoxine. Il est plus difficile
d'établir si d'autres éléments contribuent également
à la préparation de cette substance dans l’orga-
nisme.
Dans le courant de ces recherches, j'ai pu consla-
ler que le rat, espèce animale sur les sperma-
tozoïdes de laquelle la spermotoxine du cobaye n'a
pas de prise, est néanmoins capable de produire de
l'antiltoxine qui neutralise ce poison dans son effet
immobilisant sur les spermatozoïdes de lapin. Ce
fait établit en principe qu'une espèce étrangère peut
produire une anticytoloxine contre un poison qui
est toxique pour les cellules d'une autre espèce.
Dans le cas où il ÿ aurait nécessité de préparer
une anli-autotoxine pour préserver les éléments hu-
mains, on pourrait donc se servir d’une espèce de
mammifère quelconque.
VI
Je n’ai pas besoin d'insisler sur ce que ce
chapitre des cytotoxines et des anlicytotoxines ne
présente qu'une première ébauche et qu'il reste
encore beaucoup de faits importants à établir et à
préciser. Pour le moment, on ne peut que pres-
sentir l'intérêt et la place que ce chapitre doit
prendre dans la Physiologie et la Médecine.
S'il est légilime de supposer que, dans certaines
maladies, on devra plus tard avoir recours aux
anticytotoxines, il est possibie que, dans d'autres
cas, on puisse se servir de cytotoxines mêmes.
Déjà, dans ma première publication à ce sujet, j'ai
exprimé l'opinion que, dans des maladies dues au
développement excessif de certaines cellules, comme
dans les néoplasies malignes, un sérum anticyto-
toxique spécifique pourrait rendre des services dans
la lutte contre l’envahissement par la tumeur. Cette
mème pensée à été exprimée par M. von Dungern
à propos de sa découverte d'un sérum qui immobi-
lise les cils de l'épithélium vibratil. M. Ebrlich!,
! Semaine Médicale, 4899, p. 411.
dans son discours à l'inauguration de son nouvel
Instilut de Thérapeulique expérimentale à Francfort,
a accepté et développé cette hypothèse. On fait,
dans plusieurs laboratoires, des essais dans cette
voie, mais on est encore loin de la solution du.
problème.
Dans la même publication à laquelle je viens de
faire allusion, j'ai émis la supposition que, dans
certains processus atrophiques, un sérum leuco-
toxique pourrait arrêter l’envahissement des tissus
par des macrophages qui détruisent des cellules
nobles affaiblies. Plus tard, la constatation de ce
fait que les sérums leucotoxiques agissent non
seulement contre les macrophages, mais aussi
contre les leucocytes polynucléés ou microphages,
m'a démontré l'impossibilité de résoudre le pro-
blème dans la voie supposée. En tournant la
question, je me suis alors arrêté à celle autre
hypothèse que les petiles doses de cytotoxines
pourraient peut-être servir pour stimuler l’action
des éléments spécifiques. Il est de notion courante
que certains poisons, employés en petite quantité,
non seulement ne produisent pas leur effet toxique,
mais, au contraire, servent pour renforcer l'activité
des organes et des tissus. C'est en vertu de cetle
loi qu'on prescrit de petites doses de digitaline
dans les maladies de cœur ou qu'on augmente le
rendement de l'alcool par des quantités non toxi-
ques d'acide fluorhydrique, ajoutées à la levure.
Pour vérifier cette hypothèse, mes collaborateurs,
MM. Cantacuzène ‘ et Besredka*, se sont mis à
étudier l'influence des petites quantités d'hémo-
toxine et de leucotoxine sur les globules rouges
et blanes du sang chez les animaux de laboratoire.
Leurs résultats ont été confirmatifs, en ce sens que
de faibles doses de ces deux poisons cellulaires
augmentent réellement le nombre des éléments
correspondants.
Il restait à voir si le même principe est appli-
cable à l'organisme humain. Dans ce but, nous
avons, M. Besredka et moi’, injecté à des lépreux
des doses croissantes de sérum toxique pour les
globules rouges humains. Nous avons constaté,
sous l'influence du sérum, une augmentation incon-
testable du nombre d'hématies et surtout de la
quantité d'hémoglobine chez nos patients. La ques-
tion posée a reçu donc par loutes ces données une
réponse favorable. En outre, nous avons pu voir
que les sérums leucotoxiques, stimulant l'activité
des leucocyles, peuvent être essayés dans la lulte
contre cerlaines maladies infectieuses, dont l'agent
étiologique reste encore inconnu.
Comme il est définitivement établi par des
1 Annales de l'Institut Pasteur, 1900, p. 315.
2 Jhid., 1900, p. 390.
3% Jhbid., 1900, p. 402.
dd Boni at mnt À hé Ut ét. de a dé tn de
EL. METCHNIKOFE — LES POISONS CELLULAIRES
15
recherches nombreuses, résumées dans les cha-
pitres précédents, que des cytotoxines spécifiques
peuvent être préparées contre toute sorte d'élé-
ments cellulaires, il y a lieu de chercher si leur
emploi en petites doses peut être appliqué dans la
Thérapeutique.
Dans un grand nombre de maladies chroniques,
on observe des éléments nobles, des plus difré-
renciés, comme les cellules nerveuses, hépatiques
ou rénales, envahis par les macrophages. Souvent
on voil ces phagocytes s'accumuler autour des
éléments qui se présentent au microscope encore
intacts au point de vue morphologique. Cette
destruction de cellules très importantes pour la
vie normale de l'organisme, par des macrophages,
constitue la base des phénomènes scléreux, dans
lesquels les phagocytes mononucléaires remplacent
les éléments atrophiés par du tissu conjonctif.
Ces scléroses des tissus nobles sont tellement
répandues que très souvent on les prend pour un
processus normal qui s’accomplit dans le courant
de la vie et qui caractériserait l’atrophie sénile.
Autrefois, on considérait aussi les maladies de la
dentition et plusieurs autres maladies des enfants
comme tout à fait naturelles et inévitables. Avec
les progrès de la Médecine scientifique, on à bien
compris toute l'erreur de cette opinion. Il en sera
de même pour les maladies de la vieillesse, lors-
qu'on les connaîtra mieux qu'actuellement. L'étude
de l’atrophie sénile nous prouve qu'il s’agit ici, non
pas de phénomènes réguliers, mais bien de quelque
chose qui manifeste un caractère anormal et pré-
coce. M. Matchinsky a fait, dans mon laboratoire, des
recherches minutieuses sur les tissus des vieux
chiens au point de vue histologique. Ces obser-
valions donnent des résultats beaucoup plus précis
que l'élude des modifications des tissus chez les
vieillards, car les vieux chiens peuvent être sacrifiés
au moment nécessaire, ce qui permet de conserver
leurs organes dans des conditions meilleures que
chez l'homme.
Eh bien, l'étude des tissus de vieux chiens dé-
montre que leur atrophie est loin de présenter
une marche concordante et régulière. Tandis que
les cellules du cerveau et d'autres centres nerveux
subissent un envahissement progressif par des
macrophages (phénomène qui s'observe, quoique
moins constammeut, dans les reins el le foie), les
cellules des testicules, de la rate et des ganglions
lymphatiques accusent un état de prolifération
tout à fait remarquable. Il y a donc, dans l'organisme
de tous ces vieux chiens, des éléments qui pros-
pèrent à une époque de la vie où certaines cellules
nobles se trouvent déjà en voie d’atrophie com-
plète. La dégénérescence sénile de l’homme pré-
sente les mêmes particularités et doit être également
considérée comme quelque chose de prématuré
et d'anormal.
Un avenir prochain nous apprendra certainement
si les cytotoxines nombreuses et spécifiques qu'on
sait préparer sont réellement capables de remédier
aux maladies atrophiques de tous les âges. Alors
seulement on saura si, à côté de la sérothérapie
proprement dite et de l’organothérapie, il y aura
encore une thérapie par les cytotoxines, c'est-à-dire
par des sérums obtenus à la suite de l'injection
des organes émulsionnés. Mais, dès à présent, on
a le droit d'affirmer que, dans l'étude scientifique
de la vie normale et pathologique, les cytotoxines
constituent un chapitre aussi nouveau qu'inlé-
ressant.
El. Metchnikoff,
Chef de Service à l'Institut Pasteur.
16 D: TRABUT — L'ÉTAT ACTUEL DE LA CULTURE DE L’OLINVIER EN ALGÉRIE
D'ÉTAT ACTUEL
DE LA CULTURE DE L’OLIVIER EN ALGÉRIE
I. — LES ORIGINES.
L'Olivier est l'arbre des rives méditerranéennes. |
Son histoire se lie aux anciennes civilisations
qui y ont surgi et s’y sont éteintes depuis trente
siècles. En Grèce, l'Olivier était l’arbre de la Paix,
l'arbre qui fait vivre;
mais ce sont les Ro-
mains qui ont su don-
ner à la culture de
l'Olivier une exten-
sion considérable
vers l'Ouest, et, pen-
dant les six siècles de
la domination laline,
le nord de l'Afrique
était couvert d'oli-
vettes. Les forêts d'O- |
liviers sorlaient de |
celte terre si propice
par le fait d’une vo-
lonté qui ne connut
pas d'obstacle, et sut
maitriser les besoins
du moment pour or-
ganiser la prospérilé
des générations à
venir.
On a beaucoup dis-
culé sur l'indigénat
de l'Olivier en Afri-
que. Il est cerlain que
celle espèce est spon-
tanée en Algérie;
mais la forme vrai-
ment sauvage est l'O-
léastre vrai à lrès pe-
tits fruits (fig. L) dont il est très difficile de retirer
de l'huile pour un usage courant.
Les noyaux des Oliviers cullivés ont donné nais-
sance à beaucoup d'Oliviers sauvages qui sont à
tort confondus avec le vérilable Oléastre, ou forme
primitive, laquelle se reconnait facilement à son
port et surtout à ses fruits très petits, sans chair.
Certains de ces Zeboudj, ou Oliviers sauvages,
se couvrent de fruits, parfois assez volumineux
pour être récollés et donner une bonne huile, mais
en faible quantité.
Les Phéniciens imporlèrent probablement les
races déjà cullivées en Orient; ces races améliorées
Fig. 1. — Oléastre.
se propagèrent de là Cyrénaïque au Maroc et mème
en Espagne. Le nom arabe de l'Oléastre est Zeboudÿ,
tandis que l'Olivier cullivé est nommé en arabe
Ziloun; d'où l'espagnol Aceytuno. En kabyle,
l'Olivier cullivé se nomme Azemmourt. Ce nom
berbère n'a pas d'analogue de même racine dans
les langues de la ré-
giondel'Olivier; cetle
dénomination indi-
que donc une inlro-
duction très an-
cienne.
Les traditions, ain-
si que les documents
historiques,semblent
bien établir que les
Carthaginois, comme
les Romains, ont pro-
voqué, par des me-
sures administrati-
ves, la plantation des
immenses olivettes
qui s'élendaient de
Sfax aux rives de l'O-
céan, En Kabylie, une
légende attribue à un
conquérant venant de
l'Est, la mise en eul-
ture de l'Olivier dans
| Lous les terrains pro-
pices; en quelques
années, ce puissant
bienfaiteur aurait fait
mettre en terre les
millions d'Oliviers
qui, depuis lors, ali-
mentent le pays. Il
serait à désirer qu'une nouvelle intervention du
mème genre obligeât les Kabyles d'aujourd'hui à
5 5 3 ]
réparer les vides qui se sont produits dans leurs
plantations.
C'est M. Bourde qui, dans un mémorable apport
sur Ja culture de lOlivier dans le centre de Ja
Tunisie (1893), a établi, par des observalions nom-
breuses et des textes très clairs, que l'Olivier avail
élé, pendant la période si heureuse de l'occupation
romaine, l'agent presque unique de la prospérité
de la Tunisie.
Il est non moins certain que, dans une grande
partie du littoral algérien, l'Olivier a joué autrefois
dti tue
PRE PR CP
D' TRABUT — L'ÉTAT ACTUEL DE LA CULTURE DE L'OLIVIER EN ALGÉRIE 17
un rôle beaucoup plus important que de nos jours.
Dans le massif du Chenoua, entre deux anciennes
villes qui ne comptaient pas moins de 60.000 habi-
tants, Tipaza et Cherchell, on trouve encore les
ruines de nombreuses huileries romaines, et ce-
pendant l'Olivier y est devenu rare, et les quelques
arbres témoins ne sont même plus exploités. Dans
la région de Tebessa, les ruines d'huileries sont
importaates. M. Gsell nous a communiqué les
photographies et plans d’une usine très remar-
quable et encore debout (fig. 2), à une trentaine
de kilomètres au sud de Tébessa.
On attribue aux grandes invasions arabes la
destruction des forêts d'Olivier. Dans le massif de
l'Aurès, une légende rend aussi responsable de
cette destruction la Kahena, héroïne qui comman-
dait dans cetle région lors de la sixième invasion
arabe. La Kahena
pensait décourager
l’envahisseuren
ruinant le pays:
tous les arbres frui-
üers furent abattus
par ses ordres. En-
fin, il est probable
que, l'exportation
sur Rome et Cons-
tantinople devenant
plus difficile, la mé-
vente découragea à
ce moment déjà
plus d’un produc-
teur.
Depuis plus de six
siècles, la culture
de l'Olivier s’est localisée dans quelques sites plus
particulièrement favorables, comme la Kabylie.
Actuellement la production de l'huile est bien
loin de suffire à la consommation locale, car l'Algé-
rie importe tous les ans plus de douze millions de
litres d'huile comestible.
Au moment de la conquête francaise, la fabrica-
tion de l'huile, par des procédés primitifs, était con-
finée en Kabylie, et, dès les débuts de notre occu-
pation, les immigrants jetèrent leurs vues sur l'in-
dustrie de l'huile. Les Oliviers sauvages de la ban-
lieue d'Alger furent greffés, et, déjà en 1832, trois
moulins importés de France avaient été montés par
MM. Nadaud, Lacrouts et P. Raynaud. Ces premiers
essais démontrèrent que les olives d'Alger pou-
vaient donner une huile fine comparable à celle de
Provence et d'Italie. En 1833, plus de 10.000 Oli-
viers étaient greffés, et M. Fougeroux en plantait
2.000 venus de France. En sept ans, 60.000 Oliviers
furent greffés dans la banlieue d'Alger. À Bône, le
même élan était donné.
REVUE GÉNÉRALE DES SCIENCES, 1901.
Fig. 2.— Huilerie romaine, près de Tébessa
(Photographie de M. Gsell).
Mais, malgré le concours de toutes les adminis-
trations locales, en 1846, la situation était peu
brillante : à peu près toutes les espérances étaient
décues ; des lois douanières antilibérales refusaient
d'ouvrir le marché français aux produits d'origine
ulgérienne.Cependant,lAdministrationlocale avait.
dès les premiers jours, soutenu l'effort des colons,
et le Jardin d'Essai ou Pépinière centrale ne pou-
vant fournir des greffes en suftisante quantité, il
fut créé une importante collection d'Oliviers.
Pour cela, on fit appel aux agents consulaires
de France, en Espagne et en Italie; en 1845, un
premier envoi d'Espagne comprenait 200 rejets de
souches, 200 boutures de souches d'Olivier nain,
dit Arbeca, et des plants de Palma etde Séville.
En 1846, 72 plants et 18 variétés furent intro-
duits d'Italie. En 1847 et 1848, le Jardin d'Essai
recevait de France
deux envois, et 27
variélés de Pro-
vence venaient s'a-
jouter aux collec-
tions espagnoles et
italiennes. En 1854,
celte collection
élait, d'après M. J.
Duval, un des plus
beaux et des plus
précieux ornements
du Jardin d'Essai ;
des sujets étaient
envoyés à Misser-
ghin et à Bône. Une
instruction détaillée
sur le greffage des
Oliviers élait rédigée par M. Hardy, directeur du
Jardin d'Essai, et distribuée largement.
Les premiers moulins créés à Alger n'avaient pu
continuer, car non seulement les huiles algériennes
étaient grevées de droits à leur entrée en France,
à titre de produits exotiques, mais une ordonnance
du 2 février 1848 accordait aux produits des
graines oléagineuses étrangères entreposées à
Marseille, la faveur de l'importation en franchise
dans les ports de la Colonie.
L'accès en franchise du marché national n’a été
accordé aux huiles et autres produits agricoles que
par la loi du 11 janvier 1851. À ce moment, le Gou-
vernement fut poussé à primer les greffes; mais
l'Administration jugea qu'il valait mieux encourager
la création de nombreux moulins européens, et des
primes importantes furent accordées. Le meilleur
encouragement à donner élait de fournir aux colons
les moyens de tirer parti des récoltes obtenues. On
y arriva par des primes aux meilleurs moulins. En
1853, M. J. Duval estimait à 2 millions de litres
1"
18 D' TRABUT — L'ÉTAT ACTUEL DE LA CULTURE DE L'OLIVIER EN ALGÉRIE
l'exportation en huile d'olive par le port d'Alger, et:
s'exprimait ainsi à ce sujel: « On expédie en US
à vil prix, des huiles d'olive de qualité supérieure
en échange d'huiles très inférieures et très chères.
Le commerce s'enrichit à ce va-et-vient, mais la
production s'y ruine ». À ce moment, la province
d'Alger comptait 18 moulins; la province de Cons-
tantine, 20: la province d'Oran, 11. L'importance
de ces moulins était très variable; les uns avaient
coûté 50.000 francs d'installation, d’autres 4 à
5.000 francs. La force motrice était empruntée à
des chutes d’eau. Le moulin Picot, établi en 1850 à
Miliana, et le moulin Castelbon, à Fouka, étaient
actionnés par le vent; beaucoup de ces usines
avaient des manèges.
Le mouvement en faveur de l'Olivier était gé-
néral ; el, partout où la colonisation pénétrait après
la pacification complète du pays, des efforts considé-
rables étaient faits. En 1850, la Compagnie des
Mines de Mouzaia faisait greffer les nombreux Oli-
viers de sa concession par les soldats greffeurs du
capitaine Bréauté, el aujourd’hui encore on trouve,
dans cette région qui fut longtemps abandonnée
après la fermeture des usines métallurgiques, des
Oliviers donnant de bonnes olives et formant une
véritable station d'essai où il sera possible de
choisir les races qui se comportent le mieux. A
Saint-Denis du Sig, dès 1852, 40.000 Oliviers élaient
plantés. L'élan gagnait la bee indigène, et,
dans la région de Mascara, les Beni-Chougran, qui
avaient dès 1844 reçu des maïîtres-greffeurs envoyés
par le général Bugeaud, greffaient 2.000 pieds par
an avec l’aide des soldats. Le même travail s’effec-
tuait dans la région de Sidi-bel-Abbès.
Après ce premier effort, qui est trop souvent
méconnu, l'Algérie avait, en 1854, 23.000 hectares
d'Oliviers en rapport, possédait 50 moulins euro-
péens, et arrivait à une production évaluée appro-
ximativement à 11 millions de litres d'huile, dont
près de 3 millions étaient exportés. Les chiffres
cités sont tirés d’un important mémoire de M. J. Du-
val et basés sur des renseignements officiels. Il
varaît donc évident que, depuis 1854, l'Oléiculture
n’a fait en Algérie que des progrès assez lents; en
1894, le nombre des moulins européens était de
158; et, en 1899, de 195. Quant à la production,
il est impossible de l'évaluer exactement avec
les renseignements recueillis; elle doit être de
200.000 hectolitres au plus, dont 25.000 sont
exportés.
En 1893, M. Bourde, directeur de l'Agriculture en
Tunisie, adressait au Résident général un très
remarquable Rapport sur la culture de l'Olivier
dans le centre de la Tunisie. Ce travail, très docu-
menté, fut un événement dans l’agriculture du Nord
de l'Afrique. En Tunisie, l'élan fut considérable et
de très importantes plantations furent faites, no-
tamment dans la région de Sfax ‘
Le Rapport de M. Bourde ne fut pas sans effet en
Algérie, et bien des colons se sont de nouveau pré-
occupés des avantages que présente, dans certains
sites, la culture de l'Olivier; beaucoup d'oléastres
sont greffés tous les ans et des plantations sont
faites dans les trois départements.
IT. — LA RÉGION DE L'OLIVIER.
L'Olivier caractérise en Algérie une zone natu-
relle très étendue comprenant le littoral, les plaines
qui y aboutissent, et reparaissant dans l’intérieur,
quand l'altitude estinférieure à 900 mètres; dansles
vallées qui descendent des massifs montagneux du
Tell.
L'Olivier paraît se plaire à une altitude de 300 à
600 mètres. Des peuplements considérables d’Oli-
viers sont en pleine production; mais il est facile
de constater que beaucoup de vides pourraient
être comblés soit par des greffages, soit par de nou-
velles plantations.
Toute la zone littorale n’est pas également propre
à la culture de cet arbre.
Les grès de Numidie el les gneiss sont surtout
boisés de chênes. Ce sont les alluvions des vallées
et les formalions marneuses ou calcaires qui sont
occupées par les Oliviers; ces arbres s'avancent
jusque dans le Sud, sur les versants de l'Aurès, à
Batna, et dans la vallée de l'Oued Chabro, près de
Tébessa. Les hautes plaines de Constantine, Sétif,
Batna, Aïn Beida sont trop élevées et froides pour
l'Olivier, que l’on retrouve très abondant à Guelma,
dans toute la vallée de la Seybouse, à Gastu et Jem-
mapes, à El Kantour, à Philippeville. Un petit
peuplement s'observe dans le massif des Dréats,
mais c’est dans la vallée de la Soummam et les
vallées secondaires qui en dépendent que l'on
retrouve les plus impor!antes plantations. On éva-
lue à quatre millions et demi le nombre des Oli-
viers greflés dans ce département. Cetle richesse
est, en majeure, partie entre les mains des indi-
gènes.
Dans le département de Constantine, la région
de La Calle ne présente l’Olivier qu'à l'état épars,
les arbres ne sont pas greffés; les fruits sont cepen-
dant récoltés par les indigènes, ge en fabriquent
une huile de leur goût.
Dans le voisinage immédiat de la mer, comme
dans les environs d'Alger et de Bougie, l'Olivier a à
! Voyez, à ce sujet : Vte pe L'EspINASSE-LANGEAGC : La culture
de l'Olivier en Tunisie, dans la Revue générale des Sciences
du 15 décembre 1896, t. VIT, p. 1105 et suiv.; — et Lours Our-
vien: Notes sur la Tunisie, dans la /tevue au 15 juillet 1900,
t. XI, p. 827 et suivantes.
D° TRABUT — L'ÉTAT ACTUEL DE LA
CULTURE DE L'OLIVIER EN ALGÉRIE 19
subir les attaques de nombreux parasites: le ver de
l'olive détruit une si grande partie de la récolte
que les arbres greffés dès 1854 ont été en grande
partie abandonnés. Les rendements en huile sont
Fig. 3. — Adjcraz.
aussi bien différents d’une contrée à l’autre et sou-
vent à une faible distance. Le rendement en huile
est beaucoup plus élevé à Relizane, Saint-Denis du
Sig que dans les olivettes de la base de l'Atlas,
dans la Mitidja. Quand 100 kilos d'olives donnent
de 16 à 18 litres d'huile à Saint-Denis du Sig, on
n'obtient que 14 litres dans le Sahel et dans la
Mitidja. C'est un fait, du reste, bien connu que le
rendement en huile augmente à mesure que l’on
avance vers les régionsles plus chaudes.
Dans le département d'Alger, la Kabylie est le
centre principal de la culture de l'Olivier. La base
des massifs qui bordent les vallées de la Mitidja et
du Chélif est le plus souvent peuplée d'Oliviers; cet
arbre s'avance jusqu'à Médéa, remonte sur les rives
des affluents du Chélif. On évalue à un million el
demi le nombre des Oliviers greffés,.
Dans le département d'Oran, la région de l'Olivier
comprend toules les plaines et les vallées, de la
mer à la limite des steppes; Mostaganem est envi-
ronné de peuplements considérables, Relizane et
Saint-Denis du Sig sont remarquables par de très
belles plantations en terres indigènes.
De Chougran à Mascara se trouvent aussi de
nombreuses oliveltes; mais Tlemcen est le centre
le plus important : l'Olivier peuple le pays jusqu'à
la frontière du‘ Maroc d’un côté, et jusqu’à la mer
de l’autre. La statistique accuse pour ce départe-
ment 500.000 Oliviers greflés, appartenant, pour la
plus grande partie, aux colons.
III. — LES VARIÉTÉS LOCALES DE L'OLIVIER.
Tous les auteurs qui ont écrit sur l'Olivier se
sont trouvés aux prises avec la difficulté de la
déterminalion des races locales et surtout de leur
4. — Bouchok.
Fig.
assimilation avec les variétés déjà décrites dans
les autres contrées. Ce fait avait déjà frappé l'abbé
Rozier qui, dans son Cours d'Agricullure, indi-
quait, il y a un siècle, le moyen de remédier à cette
situation :
« Il y aurait un moyen sûr de parvenir à une
20 D' TRABUT — L'ÉTAT ACTUEL DE LA CULTURE DE L'OLIVIER EN ALGÉRIE
bonne classification de ces espèces jardinières de
’Olivier : il faudrait réunir dans un champ les prin=
cipales variétés et les comparer, élablir une syno-
nymie sûre. Il est élonnant que
les États de Provence et de Lan-
guedoc n'aient pas encore tenté
cette opération.
« Sans une synonymie exacte,
comment se faire entendre d'un
bout de la province à l’autre? Dè
lors, il faut se contenter d'écrire
des généralités, et les généralités
sont peu instructives.
« N’est-il pas singulier que, dans
toutes les provinces du Royaume,
on ait élabli des pépinières d'Or-
meaux, de Müriers, de Peupliers,
d'arbres fruitiers, tandis que, dans
celles qui ont, par leur position,
le privilége d'élever l'Olivier, l'Ad-
ministration n'ait pas encore songé
ou voulu en établir de semblable
pour un arbre dont le produit cons-
_
Fig. 5, — Chemlal de l'Oued Aïssi.
titue un revenu qu'aucun autre canton du royaume
ne peut lui enlever. Il faut donc conclure que les
lumières que l’on a sur l'Olivier sont purement
locales de village à village, et il n’y a point d'’en-
semble pour la généralité d'une région. Preuve sans
réplique de la nécessilé d'établir une nomenclature
afin que les cullivateurs puissent s'entendre, savoir
par l'expérience quelles sont les conditions qui
Fig. 6. — Grosse Aberkan des Beni-Aïdel.
conviennent à chaque espèce. » Depuis, nous
n'avons pas fail grand progrès. Les auteurs espa-
gnols nous ont fait connaître leurs Oliviers, les
Italiens en ont décrit aussi, la France n’est pas res-
tée en retard : tout récemment, une nomenclature
des Oliviers tunisiens a été établie; enfin, je m'ef-
force, depuis quelques années, de déterminer et de
décrire nos races algériennes; mais ce travail est
assez long.
Les déterminations, pour être rigoureuses, néces-
sitent des comparaisons; il faut donc constituer une
collection vivante : c'est ce qui a été tenté récem-
ment à la Station botanique de Rouïba.
Les variétés d'Oliviers cultivées en Algérie sont
assez nombreuses; chaque région a ses formes par-
ticulières, et il est impossible de comparer ces Oli-
viers aux races connues dans les autres centres de
culture de cet arbre. Les noms indigènes n’ont pas
une grande fixilé et des races très différentes ont
une même dénomination. Il y a cependant lieu d’a-
dopter la nomenclature indigène, qui seule permet-
tra de retrouver facilement les variélés indiquées.
D' TRABUT — L'ÉTAT ACTUEL DE LA CULTURE DE L'OLIVIER EN ALGÉRIE
21
La difficullé de bien caractériser les variétés
d'Oliviers ne doit pas conduire à nier leur existence ;
ces races locales ont bien leur importance, et un
travail complet qui mettra en lumière, avec les
caractères morphologiques, les qualités propres à
chaque forme, sera une œuvre des plus utiles pour
la colonisation algérienne.
il est avantageusement remplacé par l'Adjeraz, qui
est peu fertile dans la plaine.
Dans les plantations, il est donc très important
de ne pas accueillir trop facilement les Oliviers dont
on ne connait pas bien les aptitudes à supporter
les particularités du sol ou du climat.
Les Oliviers sont souvent, dans un but pratique
Fig. 1. — Limli de Seddouk.
Le tempérament de chaque race d'Olivier doit |
êlre bien connu quand on veut faire des planta-
tions.
Certains Oliviers ne donnent pas de récoltes
s'ils ne sont pas arrosés, d’autres aiment les allu-
vions des vallées et ne donnent rien dans les
marnes. Le Chemlal, qui est si beau dans le fond de
la vallée de l'Oued Sahel, jaunit et dépérit quand il
est placé sur les versants du crétacé à Seddouk, où
divisés en deux seclions : les Oliviers à gros fruits
pour conserve; les Oliviers à huile.
Jusqu'à ce jour, la culture des Oliviers pour con-
serve a été très limitée; on prélève sur les grosses
olives ce que la consommation locale exige.
Il y aurait cependant grand intérêt à cultiver,
dans de bonnes conditions, les grosses olives qui
existent déjà chez nous, mais à l'état de ra-
reté : il faudrait aussi introduire d'Espagne, de
22 D' TRABUT — L'ÉTAT ACTUEL DE LA CULTURE DE L'OLIVIER EN ALGÉRIE
Grèce et d'Asie Mineure, les belles olives à confire. | Chemlal de Sfax.
_: N : Le es 230 Chemlal de Djerba
Ù res À ses (fig. 3à 9 Eee
Les olives à huile sont nombreuses (5g 3 à 9), He Tal A E OT boue
et, bien que l'étude n'en soit pas achevée, on peut Limli de Seddouk (fig. 7).
trouver déjà les éléments suffisants pour les plan- | (rosse Aberkan des Beni-Aïdel (fig. 6).
AUS VE | Petite Aberkan de Seddouk.
RONDE SAUT ES Aaleth des Beni-bou-Melek (fig. 8).
4]
s
Fig. 8 — Aalceth des Beni-bou-Melek
Adjeraz de Seddouk, Adjeraæz des Beni-bou-Melek, Bou hamar ou Asgouart de la région de Gouraya.
grosse Adjeraz d'Ali-Cherif, gros fruit pesant plus de Azoubaï, fruit allongé Beni-bou-Melek.
8 grammes (fig. 3). Boudiss, se rapproche du Zeboudj, est cependant re-
Bouchok(fig. 4), Chemlal de Kabylie, Chemlal grosse | collé, constitue un excellent porte-greffe.
précoce de Tazmalt, très belle variété très fertile. Ardou, Beni-bou-Melek.
Chemlal blanche d'Ali Chérif, Mchiada, Beni-bou-Melek.
Petite Chemlal pendante. Ziza, Beni-bou-Melek.
Chemlal de l'Oued Aïssi (fig. 5. Youm, Beni-bou-Melek.
D' TRABUT — L'ÉTAT ACTUEL DE LA CULTURE DE L'OLIVIER EN ALGÉRIE 23
Aberkan, région de Gouraya.
Arkani, petite noire.
Aabeche, Tizi-Ouzou.
Azibli, Tizi-Ouzou, forme à demi-sauvage, peu es-
timée.
Akerma, Akbou.
Bonicher, Akbou.
Tefab, olive forme pomme, 7 grammes (fig. 9).
Olive de Saint-Denis du Sig.
Olive rouge de Rio Salado, olive ronde, rouge cerise,
en terre sèche.
Corni Cabra, olive longue courbe. Pandoulier de
Provence.
IV. — CULTURE DE L'OLIVIER.
La culture de l'Olivier en Algérie est faite avec
beaucoup de soins sur quelques points du territoire
de colonisation; mais elle est très négligée dans
la plus grande étendue du domaine de cet arbre.
Les anciennes olivettes présentent de nombreux
vides que personne ne songe à combler, et, sur
bien des points, aucune plantation, aucun greffage
n'ont été effectués depuis des siècles. Les indigènes,
Fig. 9. — Tefab.
Olive de Mascara, olive régulière ovoide, produit
beaucoup.
Olive moyenne de Safsaf.
Olive petite de Bréa-Tlemcen.
Olive moyenne de Bréa,.
Grosse olive de Bréa.
Olive de Gastu.
Olive du Hamma de Constantine, grosse, pour con-
serve.
En dehors des Oliviers que l’on peut considérer
comme indigènes, on trouve dans les plantations
quelques Oliviers introduits, tels que le Pigale, le
Pandoulier, le Rouget.
qui détiennent la plus grande partie des Oliviers,
se bornent à récolter, et laissent souvent l'Olivier
sans soins. La récolte se fail à la gaule; l'arbre
n'est pas soumis à la taille, ne reçoit aucune
fumure et n’est mème pas cultivé au pied,
Sur d’autres points, l'Olivier est mieux traité et
est l’objet d'une véritable culture. Le solest labouré,
et les sillons, tracés horizontalement, permettent à
l'eau des pluies d'imbiber le sol. l’eau de pluie est
même amenée par des sillons dans une cuvette, au
pied de l'arbre; mais on ne voit pas, comme en
19
ra
D' TRABUT — L'ÉTAT ACTUEL DE LA CULTURE DE L'OLIVIER EN ALGÉRIE
Tunisie, de meska ou surface de réception des eaux
de pluie destinées à être conduites dans les bas-
fonds plantés en Oliviers. |
On a de tout temps fait quelques cultures dans
les olivettes. Les céréales y prospèrent, mais au
détriment des Oliviers. En Tunisie, les ensemence-
ments qui avaient envahi les oliveltes sont inter-
dits, et deux labours sont obligatoires.
Dans les régions qui recoivent en hiver suffisam-
ment d’eau
la culture de
la fève ct
de quelques
autres Lé-
gumineuses
ne peut qu’é-
tre conseil-
lée.
Bien que
l'Olivier
s'accommo-
de de terres
pauvres en
pays secs, il
vient encore
mieux dans
les terres ri-
ches avec ir-
rigalion.
1. Sol,-L'O-
livier occu-
pe les sols
les plus dif-
férents et
prospère
dans les
gneiss des
terrains pri-
mitifs de la Kabylie, dans
les grès et dans les terres
marneuses, dans les schis-
les, ou sur des calcaires
travertineux. Les rende-
ments varient beaucoup suivant la nature du sol;
le maximum est obtenu dans les terres très cal-
caires et les climats secs et chauds.
La multiplication de l'Olivier est facile; cepen- | M.
dant, cet arbre est assez rare dans les pépinières et
le prix en est resté élevé. Les semis sont rarement
pratiqués, les races ne se conservant pas par ce
dans un sol bien préparé et bien arrosé l'été. Si le
bois qui a fourni les boutures était très sain et très
vigoureux, l'enracinement se fait {rès bien; si les
boulures sont prises sur des arbres souffreteux,
la reprise est très difficile. Si les boutures sont
placées dans un sol bien défoncé et fumé, après
trois ans elles forment un arbre bon à mettre en
place et qui vaut 2 francs à 2 fr. 50.
En Tunisie, les Oliviers sont généralement francs
de pied et
multipliés
au moyen
d'éclats dé-
tachés de la
base renflée
des vieux
arbres. L'é-
clat est dé-
posé au fond
d'un trou de
60 centimè-
tres de pro-
fondeur et
de 50 de cô-
té; on jette
25 cenlimè-
tres deterre
par-dessus,
Au prin-
temps, les
rejets se
montrent et
le trou se
comble naturellement.
Ces plantations sont ar-
rosées trois fois pendant
les deux premiers étés.
Ce procédé n'est pas
employé en Algérie:
quand les indigènes
étendent leurs olivet-
tes, c'est par la greffe
sur les Oléastres; les
Européens greffent
aussi ou plantent des arbres élevés en pépinière.
Les jeunes Oliviers de boulure bien soignés se
développent assez rapidement. Nous avons vu, chez
Bertrand, à l'Arba, de très beaux sujels non
irrigués (fig. 10), qui, à la sixième année, donnaient
une moyenne de 32 kilos d'olives par arbre.
Fig. 10. — Olivier de 6 ans de bouture, chez M. Bertrand,
à l'Arba.
moyen; les semis ne donnent cependant pas lou- 2. Greflage. — Le greffage des Oléastres est,
jours des individus inutilisables. Aussi le boutu-
rage est-il le procédé le plus employé; on bouture
généralement des branches vigoureuses, coupées
en fragments de 30 centimètres, qu'on plante droits
pour beaucoup de localités, le moyen le plus éco-
nomique de propager l'Olivier; des versants boisés
présentent l'Olivier sauvage en très grande abon-
dance. Ailleurs, les sujets sont rares et réunis seu-
D' TRABUT — L'ÉTAT ACTUEL DE LA CULTURE DE L'OLIVIER EN ALGÉRIE 25
lement dans les bas-fonds. Suivant les circons-
tances, les Oléastres se présentent très gros, très
vigoureux, ou bien, au contraire, fortement en-
dommagés, réduits à de vieilles souches don-
nant des rejets.
Les beaux Oli-
viers ont depuis
longtemps attiré
l'attention et, de-
puis cinquante
ans, les colons en
greffent un cer-
lain nombre.
Quand les ar-
bres sont sains
et bien consti-
lués, on greffe
en couronne sur
les grosses bran-
ches.
En Algérie et
en Tunisie, les
indigènes prali-
quent la greffe
en écusson; pour
cela, les Oléas-
tres sont coupés à ras terre et, au printemps sui-
vant, les trois ou quatre plus belles pousses sont
greffées en écusson. Les Kabyles délachent les
écussons en
contournant le
bourgeon, avec
la pointe du
greffoir ; l'écor-
ce est coupée
perpendiculai -
rement à la sur-
face et conserve
sur les bords
touteson épais-
seur; ils enlè-
vent ensuite
l'écorce avec
l'œil adhérent,
sans se soucier
du bois; il est
rare que l'œil
se vide; l’écus-
son est placé
dans une incision en T et assez bas, ra-
meaux sont rabatlus à mesure que le bourgeon
se développe; trois ou quatre ans après le gref-
fage, les jeunes Oliviers commencent à donner des
fruits.
Chez M. Dufour, à Ighzer-Amokran, les Oléastres
à greffer sont d'abord nettoyés, préparés et même
les
|
Fig. — 11. Olivier greffé sur souche d'Oléastre (6 ans), dans la propriété
de M. Dufour, à Ighzer-Amokran, en Kabylie,
|
|
|
|
|
sevrés par l’amputation des racines autour du pied;
ces sujels, greffés en écusson sur place, sont,
l'année suivante, transplantés dans les olivettes en
création (fig. 11).
3. Plantation. — Les
anciennes planta-
lions d'Olhiviers
sont très irrégu-
lières : tantôt les
arbres sont les
uns sur les au-
tres, formantune
véritable forêt
qui ne recoit le
jour que par le
des ar-
bres; tantôt des
vides importants
se sont manifes-
tés et les arbres
sommet
sont isolés. Il est
facile de consta-
ter, notamment
dans la vallée de
la Soummam,
que ces forêts denses d'Oliviers (fig. 12) sont d'un
médiocre rapport; qu'au contraire, dans les mêmes
lerrains, les arbres isolés .sont remarquablement
fertiles.
Dans les sols
non irrigables,
20 Oliviers à
l'hectare pa-
raissent suffi-
sants ; en ter-
rain irrigué, On
plante souvent
80 4100 arbres;
mais 66 parais-
sent
donner de meil-
leurs résultats ;
les arbres sont
à A0" "mètres
dans des lignes
distantes de 15
mètres. Pour beaucoup de raisons, il est utile
que le terrain soit tenu très propre sous les Oli-
viers. Les arbres qui restent entourés de brous-
sailles, comme cela arrive quelquefois, sont peu
fertiles et sujets aux attaques de nombreux para-
sites. surtout du ver ou Dacus. La perméabilité du
sol sous les Oliviers est nécessaire pour faciliter
l'aération et aussi l'imbibilion. Dans la Kabylie de
Bougie, les indigènes labourent les Oliviers en tra-
devoir
Fig. 12. — Olivette d'Adjeraz, dans
les marnes du Crétacé, à Seddouk.
26
D' TRABUT — L'ÉTAT ACTUEL DE LA
CULTURE DE L'OLIVIER EN ALGÉRIE
çant, autant que possible, des sillons horizontaux,
qui retiennent les eaux de pluie; à Tlemcen et sur
bien d’autres points, l'arbre est entouré d’une cu-
vette qui reçoit les eaux de pluie qui s’écouleraient
dans les bas-fonds.
Ces cuvettes sont parfois diposées en V et peu-
vent, si elles sont bien entrelenues, jouer un rôle
considérable, car l'Olivier végète dans les régions
à pluies peu abondantes, et cependant il ne craint
pas les bonnes irrigations. Le terrain doit toujours
être préparé pour retenir toute l’eau tombée et pour
la conduire aux racines.
En Tunisie, dans les pays mamelonnés où il ne
tombe pas plus de 250 millimètres de pluie par an,
les Oliviers sont plantés dans les fonds, el les pen-
tes des mamelons sont disposées pour recevoirl’eau,
qui est conduite par de petits canaux au pied des
fourrage abondant, en même temps qu'une fu-
mure.
4. Fumure. — Un kilo d'olives contient plus de
7 grammes de potasse, près de 3 grammes d’azote,
et 1 gramme d'acide phosphorique; d'un autre
côté, on sait que la potasse domine dans les bonnes
terres à Olivier; à Sfax, d'après M. Bertainchand,
les terres des oliveltes contiennent 3 à 4°/, de po-
tasse. La potasse est donc l'élément principal que
l'on doit s’efforcer de restituer à l'Olivier. Les
marqines où morges, qui sont généralement sans
emploi, contiennent la plus grande partie de potasse
que l’Olivier a enlevée au sol; il est donc indiqué,
quand cela est possible, de ramener ces liquides
de déchet dans les olivettes avec les irrigalions.
: On pourrait aussi les évaporer. Il ne faut pas
Fig. 13. — Plantation d'Oliviers, à Saint-Denis du Sig.
arbres. Cette surface de réception se nomme une
meska; il est bien reconnu que les oliveltes qui sont
pourvues d’une meska donnent des rendements
plus réguliers. Celle disposition a une très grande
importance et devrait être imitée en Algérie sur
bien des points où la culture de l’Olivier procure-
rait l’aisance, sinon la richesse.
C'est dans l'Oranie que l'on trouve les plus
anciennes plantations d'Olivier à l'irrigation; à
Saint-Denis du Sig, Relizane, elles sont en pleine
prospérité (fig. 13) et s'étendent autant que la mul-
tiplicalion des Oliviers ie permet.
Ces plantations sont failes de préférence en terre
légère, à raison dé 100 arbres à l’hectare. On donne,
en temps ordinaire, au moins cinq irrigalions;
l’eau est amenée dans de larges cuvettes, au pied
des arbres. Quand les hivers sont peu pluvieux,
on donne deux irrigalions en hiver et quatre en
été; chaque irrigation est suivie d’un binage.
Certaines légumineuses comme les Vigna, Soja,
Mucuna pourraient avec avantage être cultivées
entre les lignes pendant l'été et donneraient un
perdre de vue que ce sont les sols calcaires qui
produisent les fruils riches en huile et que l'huile
des régions calcaires est de meilleure qualité.
L'usage des engrais verts peut rendre de grands
services pour la fumure des Oliviers.
La fumure polassique et phosphorique sera appli-
quée à la légumineuse choisie, et la récolte enfouie
en tolalité ou en partie dans le sol. Sous les Oliviers,
on peut, en hiver, suivant les condilions locales,
culliver le trèlle d'Alexandrie.
5. Taille. — La taille des Oliviers n’est faite mé-
thodiquement que dans quelques cultures diri-
gées par des colons; elle consiste à évider les arbres
en gobelels. Chez les indigènes, souvent on ne pra-
lique aucune taille, surtout dans les tribus qui
récoltent au moyen du gaulage. Au contraire, dans
les pays où les olives sont ramassées à la main, les
femmes chargées de ce soin abattent tous les ans, à
coups de hachette, un certain nombre de branches;
elles cherchent surtout à donner à l'arbre une forme
rendant la récolle plus facile.
D' TRABUT — L'ÉTAT ACTUEL DE LA CULTURE DE L'OLIVIER EN ALGÉRIE 27
En Tunisie, il existe des lailleurs qui, pendant
longtemps, ont reçu comme rémunération le bois
qu'ils abattaient. Aussi trouve-t-on souvent dans
ce pays des ar-
bres qui sont ré-
duits par la taille
à un véritable té-
tard. Des lailleurs
brevetés ont été
formés depuis
l'Occupation et
doivent seuls tæil-
ler les Oliviers.
6. Cueïllette. —
La cueillette des
olives commence
dès octobre pour
les olives vertes
de conserve, qui
sont vendues
en assez grande
quantilé sur les
marchés.
Ces olives doivent
Fig. 14. — Cucillette des olives, en Kabylie,
être cueillies très vertes:
production; pour le moment, les seules plantations
d'Adjeraz de la région d'Akbou Seddouk, ou les
olives de Saint-Denis-du-Sig,
de Relizane, pour-
raient alimenter
une usine.
Les olives pour
l'huile sont cueil-
lies de deux ma-
différen-
tes : par le gau-
nières
lage ou à la main.
Le gaulage n'est
facile que si les
olives sont bien
mûres; il à le
grand
nient de briser
inconvé-
beaucoup de brin-
dilles qui de-
vraient porter les
olives l’année sui-
vante. Dans les
tribus plus labo-
rieuses, qui ont
plus de soin des Oliviers, la récolte est faite à la
elles donnent dans ces conditions un bon produit. | main; les Kabyles appellent cette opération : traire
On trouvera
quelques dif-
ficultés pour
acheter aux
indigènes ces
fruits cueillis
avant matu-
rité ; il fau-
dra proba-
blement l'ap-
pèt d'un prix
élevé pour
les décider à
oublier un
préjugé bien
établi.
Ces olives
sont desli-
nées à la con-
sommation
familiale et
arrivent ra-
rement dans
les condi-
lions que re-
quiert une
bonne prépa-
ration pour le commerce. Si l'industrie des con-
serves d'olive devait un jour s'établir en Algérie,
une usine devrait être organisée sur les lieux de
Fig. 15. — Jeunes Kabyles employées à la cucrllette des olives.
les olives. Ce
sont les fem-
mes et les
enfants qui
se chargent
de faire la
récolte (fig.
14145, 16):
Les olives
sont portées
dans des pa-
niers en ro-
seau el en
brindilles
d'Olivier.
Les olives
cueilhespeu-
ventavoiral-
teint trois
degrés de
maturité, qui
sontindiqués
par la cou-
leur du fruit:
les olives en-
core vertes
donnent une
huile fruilée qui a une légère amertume et se con-
serve bien. Les olives violettes donnent une huile
fine fruitée, généralement très appréciée el de con-
28 D' TRABUT — L'ÉTAT ACTUEL DE LA CULTURE DE L'OLIVIER EN ALGÉRIE
servaiion facile. Les olives noires donnent une | elles sont soumises à une manipulation qui a pour
huile très douce, mais plus sujette au rancisse-
ment. Il est très important, quand on recherche la
qualité, de faire cueillir chaque variété d'olive sui-
vant le degré de maturité qu'elle exige pour attein-
dre son maximum de rendement en quantité et en
qualité. Les olives qui tombent et les olives
piquées doivent être traitées séparément; non seu-
lement leur rendement est inférieur, mais la qua-
lité laisse beaucoup à désirer.
Depuis quelques années, une grande partie de la
récolte est livrée aux moulins européens établis à
la portée. Les olives sont alors vendues à la mesure
ou au poids; la mesure est le double décalitre, qui,
rempli normalement,
doit 16 kilos.
Parfois, l'acheteur exi-
ge une chechia qui
s'élève aussi haut que
possible au-dessus de
la mesure.
Les « prix
beaucoup suivant les
rendements et oscil-
lententre 5et11 francs
les 100 kilos. Dans les
cultures européennes,
il faut prendre des ou-
vriers pour faire la ré-
colte; le quintal d’o-
lives, à Saint-Denis
du Sig, coûte 1 fr. 25
à 1 fr. 50 de frais de
récolte: ces frais de
main-d'œuvre sont
parfois considérables :
ils atteignent 2 francs
les 100 kilos; certains colons en sont effrayés et
pensent que les frais de cueillette annulent les
bénéfices réalisables avec les prix très bas des
bonnes huiles d'olive. C’est aussi pour atténuer,
autant que possible, ces dépenses que les grasses
olives seront loujours recherchées pour les cultures
irriguées et exploitées par les colons.
En Tunisie, en raison de l'impôt prélevé par
l'État, la cueillette est faite à des époques réglées.
Les Tunisiens ont adopté un procédé particulier,
qui consiste à se garnir l'extrémité des doigts avec
des cornes de chèvre et à peigner les rameaux
avec la main ainsi armée; les olives tombent et
sont ramassées dans des corbeilles.
Les olives cueillies pendant la saison froide se
conservent assez bien, à condilion de ne pas être
mises en las trop élevés, d'être étendues sur des
planchers sous une épaisseur de 25 à 30 centi-
mètres. Pendant ce temps, dans beaucoup d'usines,
peser
varient
Fig. 16. — Femmes kabyles portant les olives à une huilerie.
but de séparer les feuilles apportées avec les fruits.
Chez les indigènes, les olives sont souvent con-
servées pendant plusieurs mois avant d'êlre tritu-
rées et pressées. Dans quelques tribus, dès que les
olives sont arrivées à la maison, elles sont plon-
gées dans l’eau bouillante, puis étalées, et enfin
mises en tas et recouvertes de feuilles et de bran-
chages. Toutes ces olives ainsi conservées subissent
des fermentations qui augmentent le goût du fruit
et déterminent un rancissement qui est très re-
cherché par les consommateurs indigènes. Les
Kabyles sont convaincus que les olives ainsi
traitées rendent plus d'huile que les olives frai-
chement récoltées.
D'après eux, celte ma-
turation délermine-
rait l'augmentation du
taux de l'huile et ren-
drait son extraction
plus facile. La conser-
vation des olives dans
lesusinesestune ques-
tion qui présente un
certain intérêt. Le plus
souvent, dans lesmou-
lins à l'huile, on cher-
che à éviter, autant
que possible, l’encom-
brement causé par les
livraisons, qui se font
parfois d'une manière
irrégulière.
V. — EXTRACTION
DE L'HUILE.
L'extraction de l'huile est la plus ancienne
industrie du Nord de l'Afrique; même elle avait
acquis, sous la domination romaine, un degré élevé
de perfection, si l’on en juge par les vestiges que
l'on retrouve dans toute la région de l'Olivier.
1. /luileries romaines. — Les huileries romaines
différaient peu de nos huileries modernes; les bâti-
ments étaient parfois très grands et faits avec un
véritable luxe, comme l'huilerie de Bir Oum Ali
près de Tébessa. Les Romains employaient au dé-
trilage des olives des meules qui permettaient
d'écraser la pulpe et le noyau ou la pulpe seule.
Le premier modèle était le plus fréquent; il est
toujours en usage. Le moulin qui n'écrasait que la
pulpe était plus rare; il en existe un (fig. 17), assez
bien conservé, à Tipaza, dans la propriété Tré-
maux ; il se compose d’une grande vasque en pierre
du pays porlant, au milieu, une colonnette; sur
D' TRABUT — L'ÉTAT ACTUEL DE LA
cette partie était fixé le pivot sur lequel était
appuyée une barre en bois qui traversait les deux
meules ainsi suspendues. Les olives élaient dé-
pulpées et broyées sans que la pression fût assez
forte pour écraser les noyaux. Ces moulins por-
taient le nom de Trapetum. Le lrapète était évi-
demment destiné à la prépa-
ration de l’huile fine, car les
Anciens savaient déjà que
l'huile des olives dépulpées
était supérieure. Les meules
roulaient sur les olives et
écrasaient la pulpe
et le noyau, comme
cela se pratique en-
core de nos jours.
Les Anciens avaient
encore d’autreslypes
de moulins, entre
autres le Zudicula,
qui était formé d'un
cône de pierre sur
lequel roulait une
meule qui s'emboitait. Les pressoirs étaient géné-
ralement constitués par deux poteaux verlicaux
entre lesquels s’engageait une longue poutre (/in-
gula) faisant levier; au-devant, sur une dalle
munie d’une rigole circulaire, étaient placés les
cabas (liscinæ oleariæ). Ces fiscines élaient rem-
Fig.
17. — Trapetum
CULTURE DE L'OLIVIER EN ALGÉRIE
29
que l’on retrouve partout et qui sont encore en
usage dans la région méditerranéenne.
Des vestiges nombreux de l'industrie ancienne
des huiles, on peut conclure que l'extraction se
faisait avec beaucoup de soin, et surtout que les
Anciens ont opéré sur de grandes quanlités.
2. Huileries des indigènes
actuels. — Chez les indi-
gènes, la fabrication de
l'huile est la plus impor-
tante industrie; l'outillage
est parfois très rudi-
mentaire. Dans le
cercle de La Calle,
les olives sauvages
en forêt
cueillies et traitées
par l'eau chaude,
puis écrasées,; l'huile
qui surnage est
cueillie. Des procé-
dés plus compliqués
sont en usage dans le pays où l’Olivier est cultivé;
cependant, toutes les manipulalions des indigènes
sont défectueuses, car elles tendent à obtenir une
huile rance qu’ils aiment, mais qui est d’une valeur
très inférieure pour le commerce, qui la paie 50 ?/,
moins que les huiles de mêmes olives failes par
les procédés modernes.
sont re-
LES
romain, à Tripaza.
Lig. 18. — Claie d'un pressoir à huile de l'époque
romaine, à Thala (Tunisie).
placées par de véritables claies en pierre comme
celle de Thala (fig. 18), trouvée en Tunisie ; l’ex-
trémilé du levier devait être abaissée au moyen
d’un treuil ou d’une vis.
Les liquides s'écoulaient du pressoir dans des
bassins placés en avant; là devaient s'opérer la
décantation et la séparation des margines. L'huile
était ensuite reçue dans de grandes jarres (fig. 19),
Fig. 19. — Jarre à huile (époque romaine).
Chez les Kabyles de la région de Tizi-Ouzou, on
extrait encore l’huile suivant les anciennes tradi-
tions dans toutes les tribus ; mais, cependant, la plus
grande partie des olives est portée chez des indus-
triels français qui préparent une huile très recher-
chée. Dans les tribus moins bien outillées, les
femmes sont presque uniquement chargées de la
préparation de l'huile.
30 D' TRABUT — L'ÉTAT ACTUEL DE LA
CULTURE DE L'OLIVIER EN ALGÉRIE
A mesure que les olives rentrent, elles sont sou-
mises à l'ébullition, puis mises en tas. Après une
quinzaine de jours, ces olives ont perdu une partie
de leur eau : elles sont séchées, puis réduites en
pâte par le piétinement. Ces opérations se font
souvent sur des surfaces rocheuses creusées de
trous (fig. 20). La pâte laisse suinter l'huile, qui
est recueillie ; on place aussi la pâte dans des vases |
percés de trous par où l'huile
s'écoule lentement.
Quand la pàle a élé ainsi
triturée plusieurs fois, elle est
portée à la rivière, où elle est
traitée par l’eau froide dans
de petits bassins dits ahadoun.
L'eau est détournée du ruis-
seau par une seguia, qui rem-
plit le bassin; la pâte d'olive,
apportée dans des jarres et des
plats, est délayée dans l’eau;
pour cela, les femmes, trous-
sées jusqu'au dessus des genoux, foulent la pulpe
avec les pieds (fig. 21); pour achever la mise en
suspension, l’eau est vivement agilée au moyen
d'un petit' bâton (fhisrouitt}. L'écume qui se pro-
duit alors à
la surface
(thachela-
bots) con-
tient l'huile
abandonnée
par la pulpe:
elle est re-
cueillie dans
un vase spé-
cial; cette
opération
est recom-
mencée tant
que l’écume
est grasse;
puis l'aha-
doun est ou-
vert el sou-
vent le li-
quideesten-
trainé dans
un bassin
plus grand qui reçoit les résidus de tous les’ aa-
doun particuliers. Ce bassin appartient à la com-
munauté.
L'huile obtenue dans les bassins est très forte et
de qualité inférieure.
Les olives sont aussi écrasées sur un rocher plan,
au moyen d'une pierre que deux femmes poussent
alternativement (fig. 22 et 23); ce mouvement
Fig. 20.— Trous dans la roche pour la trilu-
ration des olives, en Kabylie.
Fig. 21.— Extraction de l'huile par l’eau froide dans des trous (Ahadoun), en Kabylie.
écrase les olives et forme bientôt une pulpe hui
leuse.
Dans beaucoup de tribus, cette pierre (aberrai)
est remplacée par une grande meule qui tourne
(ar'arel) dans une cuvetle en maconnerie, Cette
meule est traversée par une
longue perche qui aboutit à
un arbre vertical, situé au
centre de la cuvette et muni
d'un pivot en fer roulant dans
une crapaudine ; l'extrémité
supérieure est maintenue par
une traverse en bois posée sur
deux montants; souvent, c'est
un mulet ou un bœuf qui est
altelé à ce manège, mais on y
voit aussi des femmes.
Lorsque les olives sont ré-
duiles en pâte, on en remplit
des escourtins d’alfa ({hisena-
thim) qui sont empilés sur la
table d'un pressoir en bois. Les grignons sont
ensuite traités à la-rivière dans l’ahadoun. Cette
installation est celle qui existait dans la Provence
au Moyen-Age.
3. Moulins
des Euro-
péens.
Partout où
l'Olivier est
abondant.
on trouve
des moulins
modernes
avec un ou-
tillage per-
fectionné
permettant
de traiter
rapidement
les olives
à mesure
qu'elles ar-
rivent. Les
olives sont
achetées
nes,souvent
à la mesure, qui est le double décalitre, qui, bien
coiffé, représente 16 kilos et est payé des prix très
variables ; suivant l'abondance du produit, la matu-
rité, la teneur en huile, les prix oscillent entre 5 et
11 francs les 100 kilos.
Les moulins sont assez nombreux pour que les
indigènes puissent trouver, dans les achats, une
certaine concurrence qui leur est avantageuse. Ils
aux indigè-
D' TRABUT — L'ÉTAT ACTUEB DE LA CULTURE DE L'OLIVIER EN ALGÉRIE 31
-
savent du reste très bien qu'en dehors de l'huile
dont ils ont besoin pour leur propre consommation,
ils ont intérêt à ne pas fabriquer, puisque, pour
la vente, leur huile
ne vaut pas celle
qui est obtenue par
les moulins moder-
nes, qui est vendue
toujours 50 °/, plus
cher, et est deman-
dée de plus en
plus.
En Tunisie, au-
eune usine ne dé-
pulpe les olives. Un
industriel qui pro-
cède au dénoyau-
lage, M. Epinal, à
Mehdia, a obtenu
130 franes des hui-
les au dépulpeur,
tandis que ses hui-
les de fabrication
courante ne se ven-
daient que 90 fr.
IL y aurait donc à
faire quelques essais pour obtenir une plus-value
très sensible. Les grandes usines marchent à la
vapeur et ont
un assez grand
débit qui per-
met d'éviter
l’'encombre-
ment et la fer-
mentation des
olives. Aussitôt
livrées, les oli- *
ves sont sou-
misesautriage;
les feuilles, tou-
jours très nom-
breuses, sont
enlevées; c'est
une bonne pré-
caution, car la
feuille triturée
avec l’olive lui
communique
une saveur dé-
sagréable, une
grande amer
t{ume.
Aucune huilerie algérienne ne peut être compa-
rée à quelques grandes usines de Tunisie; cepen-
dant, d'importants progrès ontété réalisés dans ces
dernières années, et il est maintenant bien établi
Fig. 22. — Meule, en Kabylie.
Fig. 23. — Meule, en Kabylie.
que les olives peuvent, en Algérie, donner des
huiles très fines, si toutes les minutieuses précau-
tions sont prises pour la fabrication.
Les manipula-
tions, après le tri-
turage et le pres-
sage, sont assez dé-
licates pour bien
priver les huiles
d'eau el de morge;
la chambre des pi-
les est souvert
chauffée, ce qui
permet à l'huile de
déposer plus faci-
lement. La filtra-
tion est une impor-
tante opération qui
doit être faite aus-
sitôt que la décan-
lation est termi-
née. Les filtres au
coton sont généra-
lement préférés; il
serait à désirer que
quelques progrès
fussent réalisés dans les appareils en usage.
La filtration débarrasse les hu les d'impuretés
L quicontribuent
au rancisse-
ment. Les gri-
gnons sont par-
fois vendus à
Marseille au
degré; ils sont
utilisés pour la
nourriture des
porcs ou même
comme com
bustibles. L’ex-
traction de
l'huile au
fure de carbone
n'est installée
nulle part en
Algérie. Les
margines sont
sans emploi et
jetées. Cepen-
dant, M. Ber-
tainchand a ré-
cemment ap-
pelé l'attention sur la composition de ce liquide,
qui est riche en matières minérales : 1 litre donne
24 grammes de cendre contenant plus de 12 gram-
mes de potasse. Les margines peuvent donc être
sul-
D° TRABUT — L'ÉTAT ACTUEL DE LA
32
CULTURE DE L'OLIVIER EN ALGÉRIE
assimilées aux vinasses des distilleries. Par éva-
poration et calcinalion, on a obtenu à Tunis un
salin d’une valeur de 22 à 23 francs les 100 kilos.
La potasse retirée des margines pourrait être uti-
lisée sur place à la préparation des savons, les
autres résidus constiluant des engrais.
VI. — RENDEMENTS.
Il est difficile d'évaluer le rendement de l'Oli-
vier ; cet arbre est susceptible de se montrer d'une
fertilité extraordinaire; il peut aussi, dans des con-
ditions moins avantageuses, resler à peu près sans
rapport. Ce n'est que vers la sixième année que
l'Olivier commence à rapporter; à Sfax, d'après
M. Bourde, l'Olivier ne donnerait à cet âge que
2 ou 3 litres d'olives. Chez M. Bertrand, à l'Arba,
j'ai vu une plantation de six ans dans de bonnes
conditions, mais non irriguée, donner 32 kilos
d'olives par arbre, ce qui représente, à 100 arbres
à l'hectare, un rendement de 448 litres d'huile.
Des Oliviers, greffés par M. Dufour à Ighzer
Amokran, dans des pentes assez rocailleuses, ren-
dent, à six ans, 6 kilos d'olives: à dix ans, 20 kilos.
Dans les olivettes de Saint-Denis-du Sig, on
obtient, d'après M. Deloupy, à six ans, 20 kilos; à
dix ans, 40 kilos, à vingtans, 80 kilos, ce qui repré-
sente, dans cette région, un rendement en huile de
160 litres, 640 litres, 4.280 litres à l’hectare. Il
faut se rappeler aussi que l'Olivier saisonne et
qu'on ne peut pas compter tous les ans sur ce ren-
dement.
Il paraît évident que, pour l’Olivier, comme pour
beaucoup d’autres plantes de nos cultures, les ren-
dements peuvent devenir très élevés quand on
arrive à réaliser toutes les meilleures conditions
quant au choix du sol, à la variété, et au mode de
culture. Il est aussi certain que l’Olivier, tout en
étant l'arbre des terrains secs, donne des pro-
duits abondants surlout quand on lui fournit un
peu d’eau.
L'arbre ne porte pas régulièrement ses fruits :
il saisonne; une bonne année est généralement
suivie d'une médiocre et d'une mauvaise, si bien
qu'on ne compte qu'une bonne récolte et demie en
trois ans. La taille bien conduite, les labours fré-
quents, les irrigations ont pour effet de régulariser
la production. La valeur des olives varie plus
encore que la quantité; on ne lient compte, pour
l'apprécier, que du rendement en huile. Ce rende-
ment varie de 8 à 20 °/,. La moyenne obtenue
généralement est de 12 à 45 °/,, c'est-à-dire 13 à
16 litres d'huile pour 100 kilos d'olives.
Le tourteau pressé ou grignon, qui représente à
peu près la moitié du poids des olives, contient
encore 10 °/, d'huile.
| prendre la densité des olives, qui est très variable,
Il serait intéressant de pouvoir apprécier rapide-
ment la quantité d'huile contenue dans les olives.
Une méthode sûre et rapide d'appréciation régle-
rait les achats faits dans les usines. J'ai essayé de
et d'établir une relation entre cette densité et la
quantilé d'huile. Je ne peux pas, sans les avoir
vérifiés plusieurs fois, donner des chiffres précis;
mais on peut, je le crois, admeltre que, moins une
olive est dense, plus elle contient d'huile. Pour
apprécier celle densité, il suffit d'avoir des éprou-
vettes contenant, les unes de l’eau pure, les autres"
de l'eau avec un sel qui augmente la densité. J'ai
employé le nitrate de soude; la densité du liquide
est facile à prendre au moyen d'un densimètre:
quand les olives restent à peu près en équilibre,
c'est qu'elles ont la même densité. J'ai noté comme
densité extrême 1,145 pour une petite Chemlal, et
j'ai trouvé dans les Beni-bou-Melek des olives
moins denses que l’eau.
Des analyses d'olives ont été faites avec beau-
coup de soin en Tunisie par M. Berlainchand,
directeur de la Station Agronomique. De ces ana-
lyses il résulte que les olives de quelques variétés
ne contiennent que 7 °/, d'huile dans leur pulpe,
tandis que les bonnes races, comme le Chemlal dé
Sfax, Nab Djemel, donnent à l'analyse jusqu'à
30 °/, d'huile.
Les olives des régions chaudes sont plus riches:
le rendement est plus considérable dans le Chélif
que dans la Mitidja.
VII. — Huice.
L'huile algérienne fut longtemps connue surtout
par l'huile kabyle, fabriquée, comme nous l'avons"
vu, par une population qui recherche l'huile forte
et qui va jusqu à conserver des levains de margine
rance d'une année à l’autre.
Les usines modernes ont beaucoup amélioré la
réputation des huiles d'Afrique, mais il reste encore
beaucoup à faire pour obtenir des produits aussi
fins qu'en Provence et qu'en certaines contrées de
l'Italie où la fabrication est très soignée. Les dégus-
lateurs d'huile d'olive reconnaissent aux huiles
certains caractères importants, qui sont: le goût,
l’odeur, la couleur, la pâte.
Le goût est doux généralement, et souvent d'une
manière très nette; mais il y a aussi des échantil=
lons amers; celle amertume peut tenir à un défaut
de maturité, à un mélange de feuilles. L'odeur a
une importance assez grande et se confond avec
le goût; la rancidité se manifeste par une mauvaise
odeur.
Pour obtenir des huiles n'ayant pas d’odeur, il
faut beaucoup de précautions dans le triage des
D' TRABUT — L'ÉTAT ACTUEL DE LA
CULTURE DE L'OLIVIER EN ALGÉRIE 33
olives et dans toutes les manipulations, l'huile |
fixant avec la plus grande facilité les parfums déve- |
loppés par les moisissures ou toute fermentation
complexe. La filtration faite le plus tôt possible est
une bonne précaution contre les odeurs suscep-
tibles de provenir des liquides aqueux restant en
contact avec l'huile.
La couleur est très variable et les consommateurs
ont des goûts différents. Les huiles vert clair sont
généralement peu recherchées : on préfère les |
huiles ambrées ; avec certaines variétés de Chemlal,
on obtient, dans la vallée de la Soummam, des
huiles blanches très remarquables.
La limpidité est obtenue par des décantations et
filtralions ; c'est une qualité trop souvent négligée.
La pâte désigne l'impression onctueuse, vis-
queuse, que laisse dans la bouche une huile dégus- |
tée; on dit aussi qu'une huile est grasse quand elle
a de la pâte.
Les huiles surfines, devant être consommées sans
coupage, ne doivent pas avoir de pâle; les huiles de |
Chemlal sont dans ce cas. Mais la pâte est quelque-
fois recherchée par lé commerce pour faire des
coupages; l'huile grasse d'Adjeraz convient pour
améliorer les huiles de coton démargarinées, si
abondantes sur le marché.
En dehors de ces caractères, on trouve, dans les
huiles comme dans les vins, des crus. La nature
des terrains, la variété cultivée, le mode de fabri-
cation et de conservation jouent alors un rôle pré-
pondérant. La densité des huiles d'olive algé-
riennes varie de 0,917 à 0,915, à 15°.
La détermination et le dosage des acides gras
des huiles algériennes n’ont pas encore été faits
avec le même soin el la même précision qu'en
Tunisie; mais il est déjà évident que les huiles
algériennes contiennent, comme les huiles tuni- |
siennes, peut-être à un degré moindre, une assez
forte proportion d'acides gras concrets, qui explique
une tendance exagérée à se solidifier sous l'in-
fluence des basses températures. En général, la |
solidilication de l'huile d'olive ne se produit
qu'entre 0° et + 4°; les huiles algériennes se figent
parfois à une température plus élevée. Certaines
variétés d'olives donnent des huiles plus margari-
nées, et il y aurait intérêl à déterminer pour chaque
variété le taux des acides gras concrets. L'acidité
_ des huiles est parfois assez élevée, mais c’est là un
résullat dû à une mauvaise conservation. On
évite l'acidité par une fabricalion rapide et soignée
et par la filtration faite aussitôt que possible.
Les huiles d'olive sont classées en deux catégo-
ries : les huiles comestibles et les huiles indus-
trielles, mais chacun de ces groupes se subdivise.
Les huiles comestibles sont loin d'avoir la même
valeur : Les huiles de première pression sont dites
REVUE GÉNÉRALE DES SCIENCES, 1901.
« huiles vierges », surfine et fine, et vendues de
120 à 140 francs. Les huiles de deuxième pression
sont : mi-fine, ordinaire, mangeable, kabyle, et se
vendent de 80 à 100 francs. Les huiles industrielles
ou lampantes sont, en grande partie, produites
par les indigènes et proviennent d'une mauvaise
fabrication; le mauvais goût provient de la fer-
menlation des olives et du rancissement; elles
peuvent devenir très fortement acides et convien-
nent alors (rès bien pour la savonnerie ; elles valent
encore de 70 à 80 francs.
Les huiles de ressence, d'enfer, de crasse, sont
utilisées par les industries et valent 50 francs,
mais les grignons ne sont pas traités par le sulfure,
el une importante part de la matière grasse des
olives est perdue, car les grignons sont peu utilisés
pour l’alimentalion des animaux ; l'huile de pulpe,
obtenue par le traitement au sulfure, n’est pas
acide et est très propre au graissage des machines.
La production de cette huile tend à se généra-
liser dans le pays de l'Olivier: il est à désirer que
les industriels algériens examinent les avantages
que celte nouvelle manipulation pourrait leur
donner. Un certain nombre vendent leurs grignons
au degré; le prix est généralement 0 fr. 30 le degré.
VIII. —- Commerce.
L'Algérie est loin de produire la quantité d'huile
nécessaire à sa consommalion ; plus de 120.000 hec-
tos d'huile de graines y sont importés tous les ans
et consommés par une population qui, à prix égal
ou peu supérieur, préférerait l'huile d'olive.
Les meilleures huiles produites dans les prin-
cipaux centres oléicoles sont exporlées, mais
12.000 hectos sur une production de 200.000 repré-
sentent encore une faible exportation.
Les pays producteurs de l'huile d'olive versent
annuellement dans la consommation environ 8 mil-
lions d'hectos d'huile; 7 millions d'hectos sont
consommés dans les régions productrices et 1 mil-
lion d'hectos environ exportés dans les contrées
dépourvues d'Oliviers. Celte proportion est encore
faible, et il est probable que la facilité croissante des
relations commerciales étendra, dans de notables
proportions, les (transactions sur celte marchan-
dise.
La France importe plus de 250.000 hectos, qu’elle
achète en Italie (100.000 hectos), en Espagne
(55.000 heclos) et, depuis quelques années, en
Tunisie (100.000 hectos). La production totale de
l'huile d'olive est assez limitée et, à mesure que les
bons procédés de fabrication démontreront de plus
en plus que l'huile d'olive est la plus fine et la plus
comestible de toutes les huiles, la consommation
augmentera.
1
34
D° TRABUT — L'ÉTAT ACTUEL DE LA CULTURE DE L'OLIVIER EN ALGÉRIE
Les pays étrangers qui importlent le plus d'huile
d'olive sont : la Grande-Bretagne, la Russie et les
Amériques du Nord et du Sud.
L'Angleterre importe près de 200.000 hectos
d'huile d'olive provenant, en grande partie, d'Italie
et de Turquie; ces huiles ne sont soumises à
aucun droit. Les Anglais recherchent les huiles
fines et douces sans goût marqué de fruit; aussi
les bonnes marques de l'Algérie trouveraient-elles
cerlainement un débouché en Angleterre si elles y
étaient mieux connues.
Les États-Unis importent près de 50.000 hectos
d'huile d'olive; ce produit y est très apprécié. La
Californie plante beaucoup d'Oliviers, mais fait
surlout des olives de conserve, dont la vente est
plus rémunératrice; les droits d'entrée sont de
55 franes l’hecto.
L'Amérique du Sud consomme environ 70.000 hec-
tos; les huiles fruitées y sont le plus souvent re-
cherchées. Le Mexique, l'Urugay ont fait des
plantations. L'huile de coton est partout entrée
dans la consommation courante.
IX. — MESURES PROPRES A ASSURER L'EXTENSION
DE LA CULTURE DE L'OLIVIER.
Depuis longtemps, les meilleurs amis de la co-
lonie donnent le conseil d'étendre la cullure des
Oliviers; mais ce bon conseil n’est pas toujours
suivi avec empressement, parce que cette culture
réclame du temps et des capitaux. C'est avec le
concours de l'élément indigène qu'elle a pris tant
d'extension depuis quelques années en Tunisie,
sous l'impulsion donnée par M. Bourde, alors
directeur de l'Agriculture. En Algérie, c'est aussi
par les indigènes qu'elle peut récupérer son
ancienne prépondérance.
Dans les olivettes actuellement en rapport, il
existe des vides qui ne sont jamais réparés. Les
arbres sont séculaires; il est très rare d'en trouver
qui aient été plantés récemment.
Il serait facile de favoriser la reconstitution des
oliveltes par la création de pépinières à portée des
régions à repeupler; si l'Administration délivrait
des Oliviers bons à planter, les Kabyles creuseraient
facilement les trous ei mèneraient à bien les
nouvelles plantations qu'ils ne manqueraient pas
de faire. Ces pépinières peurraient facilement être
dirigées par le Service forestier, qui poursuivrait
ainsi une œuvre de reboisement vraiment ulile.
Souvent les jeunes sujets pourraient être greflés
en forêt et livrés ensuite aux tribus avoisinantes,
qui n'auraient qu'à arracher et à opérer le trans-
port. Un vœu dans ce sens fut adopté par le Conseil
supérieur en 1899. Depuis 1900, des primes sont
promises aux agriculteurs qui auront créé des
oliveltes. La prime allouée par arbre ne pourra
dépasser 1 franc, et la prime tolale pour la même
personne ne dépassera pas 500 francs. Une Com-
mission spéciale sera chargée de vérifier la valeur
des plantations effectuées, et, lorsqu'elles seront
en rapport, fera des propositions. Ce système, qui
assure un remboursement de 4 franc par Olivier,
pourrait être très onéreux pour l'État, si tous les
planteurs qui jusqu'ici ne demandaient rien,
visaient maintenant la prime promise; mais il a
le grave inconvénient de ne constituer qu'un
remboursement, alors que généralement le colon
a plutôt besoin d'avance. La pépinière régionale
délivrant, gratuitement ou à bas prix, des sujets
bien adaptés à la région, provoquerait certaine-
ment plus de plantations que la promesse d’une
prime à percevoir au moment où l'arbre entre
en rapport et doit rembourser par ses produits
les dépenses faites.
M. Marès, professeur départemental d'Alger, a
organisé à Orléansville une pépinière d’Oliviers
qui est appelée à rendre de grands services dans
celle région.
Chez l'indigène, l'Olivier, quel que soit le prix de
vente, donne toujours des bénéfices et lui assure
un élément important de sa nourriture; c'est pour
ce motif qu'il n’a aucune crainte à avoir, ni de
méventes ni de surproduction.
Chez le colon, les conditions sont un peu diffé-
rentes, car il doit payer des frais de main-d'œuvre
qui augmentent sensiblement le prix de revient des
olives récoltées; aussi ne peut-il les vendre, sans
perte, au-dessous de 11 francs les 100 kilos, ce qui
porte le prix de l'huile à 90 francs.
L'indigène peut facilement s’accommoderdetoutes
les fluctuations du marché, et il fait le plus souvent
de l'huile défectueuse, qu'il ne vend que 50 à 70 fr.
Il semble donc que, dans l’état actuel du marché,
l'indigène doive toujours planter: les olives lui
seront toujours achetées par les moulins européens
à un prix en rapport avec la valeur des huiles.
L'Algérie importe plus de 12 millions de litres
d'huile pour sa consommation; elle devra, par
l'augmentation de sa production, faire face à ce
besoin.
D' Trabut,
Professeur à l'École de Médecine d'Alger.
E. BOUTY — LES GAZ ENVISAGÉS COMME DIÉLECTRIQUES 3)
LES GAZ ENVISAGÉS COMME DIÉLECTRIQUES
Dès l'origine de la science électrique, les gaz ont
été caractérisés comme des isolants parfaits.
Cependant, les premiers électriciens savaient que
l'air se laisse traverser par des décharges élec-
triques. Ces premières notions ne se sont précisées
que très lentement, et l'étude vraiment scientifique
des lois de l'isolement par les gaz est encore
extrêmement imparfaile. C'est ce qui résultera
d'une étude rapide dans laquelle nous nous propo-
sons de résumer l’état actuel de nos connaissances
sur ces sujets délicats.
I. — ÉTUDE DU POUVOIR DIÉLECTRIQUE.
La première étude systématique de l'isolement
par l'air est due à Coulomb, dont les travaux sur
la déperdition de l'électricité sont longtemps
demeurés classiques.
Coulomb ne considérait pas l'air comme un isola-
teur absolu. « L'air, dit-il, peut être regardé comme
composé d'une infinilé d'éléments en parlie idio-
électriques, en partie conducteurs... Chaque molé-
cule de l'air qui touche un corps électrisé se
charge de l'électricité de ce corps plus ou moins
rapidement, suivant que la densité électrique du
corps est plus ou moins grande et que l'air est
plus ou moins chargé d'humidité ou de parties
conductrices de l'électricité; dès Finstant qu'une
molécule de l’air est chargée d'électrieité, elle est
chassée du corps électrisé et remplacée par une
autre qui s’éleclrise et est chassée à son tour;
chacune de ces molécules emportant une partie
de l'électricité du corps qu'elles enveloppent, la
densité électrique diminue plus ou moins rapide-
ment suivant l’état de l'atmosphère. »
Les expériences récentes ont profondément
modifié celte manière de voir de Coulomb.
MM. Warburg, Nahrwold ont prouvé que l'air plus
ou moins humide, mais bien dépouillé de toute
trace de poussière, isole d'une manière parfaite,
tout au moins tant que la densité électrique à la
surface des corps isolés n’alteint pas une valeur
trop considérable. Dans les conditions ordinaires,
les poussières seules jouent le rôle des petits
conducteurs envisagés par Coulomb.
On n'a d'abord songé à établir, entre les corps
isolants, d'autre distinction que celle qui résulte-
rait d'une conductivité plus ou moins imparfaite
assignée à ces corps. Faraday, devancé, à son
insu, par le génie inventif de Cavendish, intro-
duisit dans la Science la notion nouvelle de pouvoir
inducléur spécifique où pouvoir diélectrique. La
charge d'un condensateur dépend essentiellement
de la nature du corps isolant qui sépare les arma-
tures. Si ce corps est de la benzine, le condensa-
teur se chargera 2, 3 fois plus que si c’est de l'air.
Si c'est du mica, il se chargera 8 fois plus, etc.
On nomme habituellement constante diélectrique
d'un corps le rapport de la charge d’un condensa-
teur dont la lame isolante est constituée par ce
corps, à la charge que prendrait, dans les mêmes
condilions, un condensateur identique, à cela près
que la lame isolante serait remplacée par un vide
parfait entre les armatures. Celte constante sert de
mesure au pouvoir diélectrique.
Faraday ne manqua pas d'essayer de caractériser
les gaz par leur constante diélectrique espérant
trouver, dans ce cas, des résultats d'une grande
simplicité, tandis que les isolants liquides ou so-
lides ne fournissaient que des résultats compliqués,
parfois même incohérents. Il ne put cependant
arriver à différencier les gaz sous ce rapport. L'air
sec ou humide, à haute ou à basse pression, les
gaz les plus divers, lui parurent identiques au
point de vue de la charge des condensateurs. C'est
qu'en réalilé les constantes diélectriques des gaz
sont extrêmement voisines de l'unité. Les diffé-
rences qu'il s'agissait de manifester étaient très
inférieures à la limite des erreurs expérimentales
dans les conditions où opérait Faraday.
Les mesures ne devinrent possibles que le jour
où Maxwell, guidé par les idées mêmes de Faraday,
eut jeté les fondements de la théorie électro-
magnétique de la lumière. On sait que, d'après
celte théorie, la constante diélectrique K d'un
isolant doit être égale au carré de son indice de
réfraction 2. Or, l'indice de réfraction de l'air à la
pression atmosphérique est, d'après M. Mascart,
égal à 1,0002927, c'est-à-dire ne diffère de l'unité
que de moins de un trois millième. Son carré,
1,0005863, et par conséquent la constante diélec-
trique de l'air à la pression atmosphérique, égale
à ce carré, ne différera de l'unité que de un peu
plus de un demi-millième. On voit done que pour
manifester l'influence de l'air sur la charge d’un
condensateur, il faudra pousser au delà du
dix millième la précision de mesures électro-
statiques, ce qui constitue une très grosse diffi-
culté.
M. Boltzmann, en Autriche; MM. Ayrton et
Perry, au Japon, parvinrent à peu près simultané-
ment et d'une manière indépendante, à en trion-
pher et à manifester les différences qui avaient
échappé à Faraday. Les expériences de M. Bollz-
36 E. BOUTY — LES GAZ ENVISAGÉS COMME DIÉLECTRIQUES
mann, réalisées en 1875, resteront comme un mo-
dèle classique de ce genre de mesures délicates.
Elles ont été complétées depuis par M. Klemencic
et par M. Lebedew, qui ont aussi étudié un certain
nombre de vapeurs.
Toutes ces expériences, exécutées par des mé-
thodes variées, ont cela de commun qu'on doit
réaliser, à l’aide d'un même appareil, une mesure
différentielle très délicate, la mesure de la varia-
tion de charge d'un condensateur à lame gazeuse
quand on fait varier la pression du gaz, et la
mesure absolue de la charge principale de ce con-
densateur, plusieurs milliers de fois supérieure à
cette varialion. On tourne la difficulté en mesurant
non la charge du condensateur elle-même, mais
une partie alicote bien déterminée de cette charge,
par exemple son trois-centième. Les causes d’er-
reur, qu'on ést habilué à considérer comme tout à
fait négligeables, prennent ici une importance con-
sidérable et masqueraient entièrement le phéno-
mène principal, si l’on ne soumettait les plus mi-
nimes détails des expériences à une crilique rigou-
reuse.
En ce qui concerne les résultats obtenus, on
peut dire que la loi de Maxwell s'applique exac-
tement aux gaz communs : hydrogène, oxygène,
anhydride carbonique, ete. La vérification se fait
au degré même de précision des expériences.
Il n’en est pas de même pour la plupart des
vapeurs étudiées. La constante diélectrique de la
vapeur se montre, en général, supérieure au carré
de l'indice, et cela d'autant plus que la loi de
Maxwell s'applique plus mal au liquide corres-
pondant. Aucune formule empirique connue ne
permet, d'ailleurs, de calculer à priori la constante
diélectrique de la vapeur en fonction de la con-
stante diélectrique du liquide.
On doit à M. Lang une observation fort curieuse.
K—1
Le quotient » où s désigne la somme des
valences des atomes contenus dans la molécule,
possède, pour les gaz communs, une valeur sensi-
blement constante. Cette somme de valences est
2 pour l'hydrogène, 4 pour l'oxygène, 8 pour
l’'anhydride carbonique; et, en effet, l'excès de la
constante diélectrique sur l'unité est 2 fois plus
grand pour l'oxygène, 4 fois plus grand pour
l’anhydride carbonique que pour l'hydrogène.
Malheureusement cette relalion si curieuse ne se
maintient plus pour les vapeurs.
Si nous ajoutons qu'on n'a étudié les constantes
diélectriques des gaz ni à des températures un peu
éloignées de la température ordinaire, ni aux pres-
sions élevées, ni aux pressions très basses des
tubes de Crookes, on sera forcé de reconnaitre que
ce qui est fait, au point de vue expérimental, est
peu de chose par rapport à ce qui reste à faire.
Au point de vue théorique, on est, s'il se peut,
encore moins avancé.
Deux théories bien différentes ont été proposées
pour expliquer la propriété fondamentale des
diélectriques.
La première et la plus ancienne, proposée par
Mossotti et développée par Clausius, est pour ainsi
dire calquée sur la théorie du magnétisme ima-
ginée par Poisson. Elle consiste à supposer les
diélectriques formés de deux sortes de molécules
ou d'éléments, les uns parfaitement inertes au
point de vue électrique, les autres conducteurs.
Tous ces petits conducteurs, englobés comme dans
un ciment non conducteur, subissent, chacun pour
son compte, l'influence du champ électrique, et
l’on comprend, sans qu'il soit nécessaire de faire
usage du calcul, qu'au point de vue de ses actions
extérieures, une masse ainsi constituée se compor-
tera à peu près comme le ferait un conducteur de
même forme et de volume plus petit. Introduite“
entre les plateaux d’un condensateur, elle provo-
quera une augmentalion de la capacité électrique,
et sera d'autant plus efficace à cet égard que le
volume des éléments conducteurs formera une
fraction plus grande du volume total.
Sans doute l’on arrive ainsi à se rendre compte,
tout au moins d'une facon grossière et approxima-
tive, des principales propriétés des diélectriques
liquides ou solides. Mais cette théorie n'est certai-
nement pas applicable aux gaz. Il paraît en effet im-
possible de considérer ces corps comme possédant
des molécules conductlrices au sens ordinaire du
mot. La théorie cinétique des gaz, et, si l’on ne veut
parler de (héorie, le fait, purement expérimental,
de la diffusion des gaz, nous montre les molécules
gazeuses en mouvement, et cela même en dehors
du champ électrique. La conductivité de certaines
molécules gazeuses aurait donc l'effet décrit par
Coulomb, pour expliquer la déperdition électrique.
Un conducteur placé dans un gaz ne pourrait con-
server aucune charge d’une manière durable, et
nous savons, au contraire que, dans les gaz bien
dépouillés de poussières, les charges électriques
se conservent pour ainsi dire indéfiniment.
On pourrait, il est vrai, reculer la difficulté au
delà des molécules telles que les envisage la théorie
cinélique, et même au delà des atomes chimiques,
en attribuant à ces derniers une structurecomplexe.
Peut-être pourrait-on invoquer, en faveur de ce
transport à l'atome des propriétés diélectriques,
l'observation de M. Lang, d'après laquelle chaque
valence apporte avec elle un accroissement fixe du
pouvoir diélectrique, quelle que soit la nature des
valences auxquelles elle se trouve associée.
Un autre argument pourrait être tiré du mode
E. BOUTY — LES GAZ ENVISAGÉS COMME DIÉLECTRIQUES
de dissocialion de la matière en éléments très
petits par rapport aux ions électrolytiques vulgaires,
que semblent impliquer les propriétés les plus ré-
cemment étudiées des rayons cathodiques, et la
conductivilé que ces rayons, comme les rayons de
Rüntgen et les rayons uraniques, communiquent
effectivement à l’air. Il parailra sans doute inutile
d'insister sur ce que de semblables considéralions
auraient, tout au moins, de prématuré.
La deuxième théorie des diélectriques est en
germe dans les travaux de Faraday, et à été
développée par Maxwell. On sait qu'elle consiste
à considérer les diélectriques comme des corps
opposant aux forces électromotrices une élasticité
électrique, qu'on doit comparer à l’élaslicité vul-
gaire, celle que les solides, par exemple, opposent
aux forces mécaniques. De même que divers solides
diffèrent par leur coefficient d'élaslicité, de même
divers isolants ou diélectriques diffèrent par leur
constante diélectrique.
L'indépendance des molécules gazeuses les unes
par rapport aux autres, leur élat de mouvement
ne semblent pas constituer de diflicullés insur-
monlables pour transporter aux gaz la théorie
élastique de Maxwell. L'éther, c'est-à-dire notre
vide absolu; jouit, en effet, au suprème degré, de
la propriété diélectrique. C'est le corps électri-
quement élastique par excellence. On peut supposer
que les molécules gazeuses n'interviennent que
pour modifier, en la diminuant plus ou moins,
l’élasticité électrique de l’éther. Le vague même
que Maxwell laisse planer sur sa théorie, dont il
n'a jamais voulu ou pu donner d'illustration mé-
canique, lui est favorable dans le cas actuel, et
nous verrons qu'elle se prête très bien à l’inter-
prélation de la seconde catégorie de faits dont
nous avons à nous occuper dans cel article.
IT. — LiMITES DU POUVOIR DIÉLECTRIQUE.
Dans ce qui précède, nous avons cherché com-
ment se comporte un gaz quand il isole. Quand
cesse-t-il d'isoler ?
On sait, depuis longtemps, que la charge con-
servée dans l'air par un conducteur isolé est
d'autant moindre que la pression est plus faible.
Poisson et Biot en concluaient que la charge élec-
trique d’un corps est maintenue à sa surface par
la pression atmosphérique. Faraday s'élève vive-
ment contre celte conception grossière, et prouve
que le pouvoir d'isolement d’un gaz est une pro-
priété véritablement spécifique, à l'évaluation de
laquelle il attache la plus grande importance. «Tous:
les effels qui précèdent la décharge, dit-il, sont
inductifs, et le degré de tension nécessaire pour
que l'étincelle passe est, au point de vue où
j'envisage l’induclion, un point très important.
C'est la limite de l'influence que le diélectrique
exerce pour résister à la décharge. C'est donc une
mesure du pouvoir conservateur du diélectrique,
qui, à son tour, peul être considéré comme une
mesure et une représentation des forces électri-
ques en activilé. »
Voici comment opérait Faraday. Il plaçait dans
deux gaz différents deux couples de boules ou de
micromètres à élincelles. L'un des couples A est
logé dans une cloche destinée à recevoir les dif-
férents gaz; ses boules sont, l’une par rapport à
l’autre, dans une situation invariable. Le second
couple B est placé à l'air libre et l'on fait varier
la distance des boules jusqu'à ce que, les deux
couples A et B étant en dérivalion, l’étincelle éclate
indifféremment en A ou en B. Plus le gaz de la
cloche A est capable d'isoler une charge considé-
rable, c'ést-à-dire plus est grand le champ électri-
que que peut supporter le gaz sans livrer passage
à l'étincelle, plus les boules B devront êlre écar-
tées.
Faraday a été ainsi conduit à ranger les gaz dans
l'ordre suivant, du gaz dont le pouvoir d'isolement
est le plus faible, à celui dont le pouvoir est le plus
considérable :
Hydrogène;
Gaz d'éclairage;
Oxygène ;
Azote;
Anhydride carponique;
Ethylène;
Acide chlorhydrique.
Cet ordre n’est pas celui des densilés, puisque
l'azote s'inlercale entre l'oxygène et l'anhydride
carbonique, de même que l’éthylène entre ce der-
nier et l'acide chlorhydrique. On peut remarquer
aujourd'hui que c’est à peu près l'ordre des con-
slantes diélectriques, telles qu’elles ont élé trou-
vées par MM. Boltzmann et Klemencié. Ainsi l’ordre
dans lequel les fils métalliques se placent pour leur
résistance à la ruplure n'est pas sans analogie avec
l’ordre de leur résistance à l'allongement.
Maxwell, comme Faraday, attache la plus grande
importance à la mesure du pouvoir d'isolement des
gaz, où à ce qu'il nomme leur electrical strenght.
Malheureusement, les innombrables recherches
inslituées depuis Faraday pour l'étude des dis-
tances explosives n’ont pas amené, sur ce sujet
difficile, le degré de clarté que l’on devait altendre.
Les résullals diffèrent d’un expérimentateur à un
aulre, d'une manière qu'on peut qualifier de sur-
prenante, eu égard au talent incontesté des savants
qui ont fait ces mesures. Aucun coefficient ne parait
se maintenir constant. Faraday observait déjà, et
on a reconnu depuis, que de nombreuses circons-
38 E. BOUTY — LES GAZ ENVISAGÉS COMME DIÉLECTRIQUES
lances influent sur la valeur des distances explo-
sives; nous signalerons :
1° L'effet des poussières qui peuvent se trouver
en suspension dans le gaz ou déposées sur les
électrodes ;
2 La modification permanente apportée à la sur-
face des électrodes, et la modification temporaire
produite dans le gaz par le passage d'une première
décharge ;
3° L'action de la lumière ultra-violette provenant
d'aigrettes ou d’étincelles produites dans d’autres
portions du même circuit ou dans des circuits
voisins, si les électrodes ne sont pas protégées
par des écrans convenables, etc.
De toute facon, la complication des phénomènes
s'est révélée telle que de forts bons esprits, notain-
ment M. J.-J. Thomson, le célèbre professeur de
Cambridge, se sont demandé s’il était utile de
conserver dans la Scienee une notion aussi éloignée
des réalités expérimentales que leur a paru être
celle de l’electrical strenght de Maxwell et de
Faraday.
IL est clair que beaucoup de causes perturbatrices
disparaitraient et que l’on obtiendrait des résultats
plus simples si l'on pouvait supprimer les élec-
trodes. Or, M. Moser, M. J.-J. Thomson ont prouvé
qu'un tube à gaz raréfié s'illumine quand on le
place dans un champ électrique variable, par
exemple au voisinage des pôles d’une bobine d’in-
duction, ou à l'intérieur d’une courte spirale tra-
versée par la décharge d'une bouteille de Leyde,
[ls ont prouvé que ces tubes sans électrodes se
comportent bien comme s'ils étaient traversés par
des courants. Ainsi, si l’on prend deux tubes à gaz
raréfié concentriques, contenant le même gaz à la
même pression, le tube extérieur peut agir sur le
tube intérieur à la façon d’un écran électrique : le
tube extérieur seul s'illuminera. MM. Moser et
J.-J. Thomson en ont conclu que les gaz raréfiés
deviennent réellement conducteurs à partir d'une
pression suffisamment faible.
M. J.-J. Thomson a même pu fonder sur cette
observation un procédé de mesure de la conducti-
vité altribuable au gaz. À cet effet, il remplace le
tube à gaz extérieur par une éprouvelte dans la-
quelle il introduit de l’eau acidulée par des addi-
lions plus où moins considérables d'acide sulfu- .
rique. Tant que l’eau acidulée est faible, le tube
à gaz intérieur s’illumine à chaque décharge de la
bouteille de Leyde; mais quand on à ajouté une
proportion suffisante d'acide sulfurique, le tube à
gaz cesse de s'illuminer. À ce moment, le tube exté-
rieur à eau acidulée constitue un écran électrique
aussi efficace que l'était, dans l'ancienne expé-
rience, le tube à gaz extérieur. On est donc con-
duit à admettre que la conductivité propre au gaz
raréfié qui remplissait ce tube est égale à celle de
l'eau acidulée qui, dans la dernière expérience,
constitue un écran électrique équivalent.
La conductivité d’un gaz ainsi évaluée commence
à devenir sensible à partir d’une pression de quel-
ques millimèlres de mercure, croît jusqu'à un
maximum à peu près égal à la conductivité de
l’eau acidulée la plus conductrice, puis décroit
indéfiniment et tend vers zéro.
On ne peut s'empêcher de s'étonner d’un résultat
aussi extraordinaire. Toute notre éducation scien-
tifique nous a habitués à voir dans les gaz, même
raréliés, des types de corps isolants et non seule-
ment les voila conducteurs, mais, si l’on rapporte
leur conductivité à la masse et non au volume, on
se trouve conduit à leur assigner une conductivité
au moins égale à celle des métaux à l'état solide.
Comment s’expliquera-t-on alors la grande résis-
tance qu'opposent au passage de l'électricité Les
tubes à gaz raréfiés pourvus d’électrodes? On est
réduit à imaginer que l'obstacle réside à la surface
même des électrodes, c’est-à-dire que l'électricité
ne peut passer d’un métal à un gaz raréfié ou in-
versement, sans rencontrer au passage de fun
dans l'autre une résistance considérable.
Cela élant admis, on n’est pas encore au bout
des difficultés, car, même dans les tubes sans élec-
trodes, il est des circonstances où les gaz raréliés
isolent. |
J'ai élé conduit à chercher ce qui se passe
quand on place un tube à gaz raréfié dans un
champ électrostatique uniforme, c'est-à-dire entre
les plateaux d'un condensateur plan. Si, entre les
plateaux d'un condensateur, on place un corps
conducteur, par exemple un ballon plein de mer-
cure, la capacité du condensateur augmente,
comme si l’on avait rapproché les plateaux d'une
certaine quantité. On peut remplacer le mercure
par de l'eau acidulée, même par de l’eau distillée,
de l’alcool, etc. La lrès faible conductivité électro-
lytique de ces substances suffit pour laisser passer
la quantité d'électricilé nécessaire, et on constate le
même accroissement de capacité du condensateur.
Si un tube à gaz raréfié est conducteur, il se
comportera comme le ballon plein d'eau ou de
mercure. S'il est parfaitement isolant, il ne pro-
duira aucun effet, ou plus exactement il ne pro-
duira que l'effet très faible dû au verre du ballon
et qui n'est, par exemple, que la vingtième partie
de l'effet du mercure ou de l’eau. Une conductivité
non seulement de l'ordre de celle que M. J.-J.
Thomson assigne aux gaz raréfiés, mais même un
milliard de fois plus faible serait manifestée à coup
sûr par celte expérience.
Or, voici le premier résullat que j'ai obtenu, en
faisant usage des tubes à gaz raréfiés que j'eus
E. BOUTY -— LES GAZ ENVISAGÉS COMME DIÉLECTRIQUES
39
d'abord sous la main. Avec un tube donné, si l'on
charge le condensateur à des différences de poten-
tiel variables, on constate que pour toutes les diffé-
rences de potentiel inférieures à une cerlaine
limite, le tube à gaz demeure absolument sans
effet. Pour les différences de potentiel supérieures,
il se comporte au contraire comme un ballon plein
de mercure. Au voisinage immédiat de Ja limite,
tantôt il est sans effet, tantôt il se comporte comme
le ballon plein de mercure.
En d’autres termes, placé dans un champ élec-
trostalique inférieur à une certaine limite critique,
le gaz isole; dans un champ supérieur, il livre
passage à l'électricité, il conduit. On reconnait là
les mêmes conditions essentielles que l’on obser-
_ vait déjà avec les tubes munis d’électrodes. Pour
| des différences de potentiel trop faibles, ils isolent;
pour des différences de potentiel plus fortes, ils
livrent passage à la décharge, La différence entre
les deux cas réside dans l'effet propre des élec-
_trodes, lesquelles jouent certainement dans la dé-
charge un rôle actif, mais dont l'importance rela-
tive est inconnue.
A la différence de potentiel minimum caractéri-
sant une distance explosive déterminée, correspond
un champ critique également déterminé. A l’elec-
trical strenght de Faraday et de Maxwell, corres-
pondra ce que je propose d'appeler la cohésion
diélectrique du gaz. Quand le champ est insuffisant
pour vaincre celte cohésion, le gaz isole. Quand le
champ acquiert une valeur assez grande, l’élasticité
électrique du gaz est dépassée. Le gaz cède,
comme un fil trop tendu se rompt.
On voit que la cohésion diélectrique et l'elec-
teical strenght ont la même signification essentielle.
L’electrical strenght a toujours été évaluée à l’aide
des distances explosives. Sa mesure est viciée, par
l'effet propre des électrodes, dans un rapport in-
connu à priori. Les mesures de la cohésion diélec-
trique sont à l'abri de cette cause d'erreur dont
l'expérience seule peut faire connaitre l'importance.
L'étude de la cohésion diélectrique est encore
trop récente pour avoir fourni les résultats qu'on
doit en attendre. Pour un gaz ou une vapeur
donnés, et à partir d'une pression de quelques
millimètres de mercure, la cohésion diélectrique
croit proportionnellement à la pression. Le coeffi-
cient de variation est une constante spécifique qui,
pour les corps étudiés par Faraday, varie dans le
même sens que le pouvoir d'isolement mesuré par
ce savant. Cette constante est plus faible pour
l'hydrogène que pour l'air, plus grande pour l’anhy-
dride carbonique, plus grande encore pour les
vapeurs de divers liquides organiques volatils.
Pour des pressions suffisamment basses, la
cohésion diélectrique croit au lieu de décroitre
quand la pression décroit. Elle passe done par un
minimum pour une certaine valeur de la pression.
Au-dessous de ce minimum, l'ordre dans lequel se
placent les gaz pour leur cohésion diélectrique est
souvent renversé : c’est ce qui se passe notamment
pour l'hyarogène, l'air et l'anhydride carbonique.
L'hydrogène, le moins isolant aux pressions éle-
vées, devient le plus isolant des trois gaz à très
basse pression, tandis que l'anhydride carbonique
devient le moins isolant.
On peut se demander si le mécanisme en verlu
duquel l'électricité traverse les gaz, quand on dé-
passe le champ critique, est plus ou moins ana-
logue au mécanisme de la conduclivité électroly-
tique, à laquelle M. J.-J. Thomson veut l’assimiler.
Les données, pour résoudre celte question, nous
font défaut.
Si l’on résout cette question par l’affirmative, on
sera conduit à admeltre qu'un même gaz, à une
même température, peut subsister sous deux étals
différents, suivant la valeur du champ électrique
auquel il se trouve soumis : l'état isolant et l’état
électrolytique. Le faible écart que présentent sou-
vent les valeurs du champ critique mesurées dans
deux expériences consécutives et dans des condi-
tions en apparence identiques, serait comparable à
l'écart que présentent les lempératures de solidifi-
calion observées sur un même corps, dans plu-
sieurs expériences de surfusion successives.
Ce ne sont là, bien entendu, que des induclions
dénuées de preuves et qui tombent d’'elles-mêmes
si la conductivité des gaz n'est qu'apparente, ce
que personne, à l'heure actuelle, n'est en mesure
d'affirmer ou d'infirmer sans restriction.
Nous avons dit que, dans l'hypothèse élastique
de Maxwell, le passage de l'électricité à travers un
gaz raréfié, pour des champs supérieurs au champ
critique, est analogue au phénomène de la rupture
d'un fil élastique soumis à des traclions progressi-
vement croissantes.
L'élasticité électrique de l'éther est sans doute
infiniment grande; l'éther est le diélectrique par
excellence ou, si l'on veut, le seul isolant absolu.
Les molécules gazeuses rompent la continuité de
l'éther; elles y créent, en quelque sorte, des points
faibles, par où peut s'opérer la rupture. On com-
prend donc à merveille que la cohésion diélectrique
de l'éther perlurbé par les molécules gazeuses
diminue d’abord rapidement quand la pression
croit, ainsi que l'expérience nous l’a enseigné.
Si l’on veut ensuite expliquer l'augmentation de
la cohésion diélectrique au delà de son minimum,
il faut admettre que le changement d’allure du
phénomène tient à l'action réciproque des molé-
cules gazeuses, quand celles-ci sont suffisamment
rapprochées les unes des autres. Leurs actions
40 E. BOUTY — LES GAZ ENVISAGÉS COMME DIÉLECTRIQUES
doivent donc être supposées dans un sens tel que
la cohésion diélectrique de l’éther est de moins en
moins diminuée, ou, si l’on veut s'exprimer autre-
ment, dans un sens tel qu'une nouvelle cohésion
diélectrique, appartenant en propre au gaz, fait
alors son apparition.
Voilà bien des questions posées et non éclair-
cies, et nous devons encore en trouver bien
d’autres, relatives, par exemple, au rôle exact des
électrodes.
On ne saurait contester que celles-ci ne jouent
un rôle considérable dans la décharge, puisque
l'examen spectroscopique des tubes à gaz révèle,
au moins dans certaines régions des tubes, la pré-
sence de raies caractéristiques du métal dont les
électrodes sont formées. Si des particules solides
sont arrachées aux électrodes, volatilisées, trans-
portées à travers la masse du gaz, ce ne peut être
sans qu'un certain travail soit consommé à cet
effet. La différence de potentiel nécessaire pour
provoquer la décharge doit s'en trouver modifiée.
Et, en effet, mes expériences donnent pour les
champs criliques des valeurs inférieures à celles
des champs explosifs mesurés jusqu'ici.
Essayons de pénétrer plus intimement les effets
de cette différence et examinons ce qui doit se
passer, dans les tubes pourvus d'électrodes, lorsque
le champ prend une valeur intermédiaire au champ
critique et au champ explosif. Le champ critique
étant dépassé, il n’est pas douteux que le gaz livrera
passage à une première quantité d'électricité, qui
se portera à la surface des électrodes; il n’en ré-
sulte nullement que le gaz sera traversé par ce que
nous nommons proprement une décharge. Les pre-
mières traces d'électricité qui passent doivent, en
effet, modifier les surfaces métalliques qui les re-
coivent et y produire un effet plus ou moins ana-
logue à la polarisation observée dans les électro-
lyses. À cetle polarisation correspond aussitôt un
abaissement de la différence de potentiel des élec-
trodes, laquelle se trouvera ramenée au-dessous
du champ critique. L'électricité cessera done de
passer. Il n'y aura pas plus de décharge complète
à travers ces tubes qu'il n'y a de courant continu
dans l'électrolyse d'un sel, quand la différence de
potentiel maintenue entre les électrodes est infé-
rieure à un certain minimum.
À la différence de ce qui se produit dans l'élec-
trolyse des liquides, il faudrait d'ailleurs admettre
que les forces électromotrices de polarisation dans
les gaz sont susceptibles d'acquérir des valeurs
énormes, hors de toute proportion avec celles que
l’on observe dans les électrolyses ordinaires.
Si la mesure des constantes diélectriques des
gaz était une opération courante, aussi facile, par
exemple, que la mesure d’une distance explosive,
il y aurait lieu d'essayer immédiatement cette me-
sure pour des champs compris entre le champ cri-
tique et le champ explosif. Dans ces limites, on
devrait trouver une constante diélectrique appa-
rente supérieure à la constante normale, puisque
le gaz, n'isolant plus suffisamment par lui-même,
aurait partiellement cédé. Mais quand pourra-t-on
entreprendre une recherche aussi ardue ?
Momentanément, au moins, nous en sommes
réduils à nous contenter d’hypothèses, ce qui
n'offre, d’ailleurs, que peu d'inconvénients si nous
avons la sagesse de ne pas nous attacher à ces
créations de notre esprit et si nous savons les ré-
duire à leur juste valeur. Celle-ci se mesure à leur
fécondité. À un moment donné, les meilleures hy-,
pothèses ne sont-elles pas celles qui suggèrent aux
savants le plus d'expériences nouvelles et cu-
rieuses? Qu'importe si, plus tard, on est conduit
à les abandonner? Elles n'en auront pas moins
contribué à reculer les bornes de nos connais-
sances.
E. Bouty,
Professeur de Physique
à la Sorbonne.
»
J. TIHOULET — L'ÉFUDE DU PLANKTON DANS LES EAUX FRANÇAISES Al
L'ÉTUDE DU PLANKTON
DANS LES EAUX FRANÇAISES
Les études exécutées par les naturalisies dans
le but de se rendre compte de la distribulion des
poissons au sein des eaux marines et de leurs mi-
grations soil à l'état adulle et comestible, soit à
l'état de jeunes encore impropres à l'alimentation,
soit à l'état d’alevins ou d'œufs, c'est-à-dire de
plankton, sont d'un haut intérêt scientifique et
pratique, el elles constituent évidemment les pre-
mières bases d'une exploilalion rationnelle des
richesses de la mer. On ne saurait pourtant se dis-
simuler que de simples observations zoologiques
ne parviendront jamais, à elles seules, à résoudre
un problème à la fois très simple et très compliqué
et à énoncer des lois véritablement générales et
définitives. De même que les progrès récents de
l’agriculture ne datent que du jour où l'on s'est
décidé à employer dans les recherches les procédés
méthodiques d'analyse, de synthèse et d’expéri-
mentalion en usage dans les sciences précises,
physiques et chimiques, l’aquicullure est incapable
de progresser en se bornant à des observations
portant à un degré extrème l'empreinte de la per-
sonnalité de leur auteur, alors que la véritable
science doit être impersonnelle. De telles observa-
tions seront loujours susceplibles d’être accusées
d'insuffisance, sinon d'inexactitude, d'avoir mal vu
ou vu incomplèlement, de ne s'appliquer qu'au
lieu et au moment même où elles auront élé ellec-
tuées, d’être sans valeur quant à la généralisation
des phénomènes, hors d'élat d'amener à une loi
applicable au passé aussi bien qu'au présent et
surtout à l'avenir, permettant de prévoir, de pré-
dire, de distinguer les événements fortuils, d'y ap-
porter, s'il y a lieu, lesremèdes convenables, parce
qu'elles seront impuissantes dès qu'il s'agira de
remonter aux causes el de suivre les manifesta-
tions. S'il appartient au naluraliste de reconnaitre
certains faits concernant les êtres vivants et de
fixer leurs rapports avec les conditions du milieu
ambiant, c'est à l’océanographe que revient la tâche,
en s'appuyant sur des chiffres, sur des expériences,
sur des mesures prises à l'aide d'instruments pré-
cis, d’élucider les causes de ces faits, d'entrer dans
la connaissance pleine et entière des conditions du
milieu, de leur communiquer leur propre caractère
de généralité, d’en faire en un mot des lois défini-
tives. Ceslois, à leur début, seront plusou moins com-
plètes, mais elles seront un pas assuré vers la vérilé
et, à leur tour, elles serviront de jalons pour guider
d’autres expérimentateurs et leur permettre de s'ap-
procher plus près encore de la vérité. Alors, le natu-
raliste les reprendraetchercheraà en tirer parti. Le
succès final dépend d'une communauté d'efforts.
N'est-il pas étonnant que la division du travail, dont
les résullats féconds ne font plus l'ombre d’un
doute en industrie, ait Lant de peine à s’élablir en
ce qui concerne l'exploitation des richesses de la
mer? Un phénomène naturel est la résultante de
toutes les forces de la Nature; son élucidalion com-
plèle, nécessaire pour en tirer un parti utile, oblige
à découvrir la part prise individuellement par
chacune de ces forces dans la manifestalion qui en
est la résullante. Or, les connaissances humaines
sont devenues tellement vastes qu'il est impossible
à une seule personne de posséder toutes les notions,
même les plus sommaires, indispensables pour
résoudre une question souvent fort simple en appa-
rence, Les diverses spécialités scientifiques auront
donc à se prêler un mutuel appui el ceux-là seuls
ont Lort qui veulent avoir raison à eux seuls.
Quant à moi, je lutte depuis longtemps pour
l'introduclion en France, dans l’élude de l’aqui-
cullure, des méthodes rigureuses de l'océanogra-
phie. Sans elles, on ne parviendra à rien. Si je me
montre aussi affirmatif, c'est non-seulement parce
que ma conviction est complète, c'est aussi parce
que ces mélhodes sont employées partout ailleurs
que chez nous. L’Angleterre, l'Allemagne, la Nor-
vège, la Suède, les États-Unis ne se contentent
pas de regarder; louies ces nalions, pour qui la
pêche est une grave question sociale, mesurent
des tempéralures, des densités, des chlorurations,
des vitesses et des directions de courants, des
transparences de l’eau, récoltent et analysent des
échantillons de fonds marins, dressent des cartes.
S'il fallait, parmi tant d'exemples, parler seule-
ment des plus récents, je citerais les travaux
auxquels se livrait, l'été dernier (1900), Nansen
entre l'Islande et la Norvège, les décisions du Con-
grès de Stockholm, auquel il est regrettable que
la France n'ait pas élé représentée, el le travail
du professeur O. Pettersson, relatif aux courants
dans les détroils reliant la Baltique à la mer du
Nord et à leurs rapports avec les migrations des
harengs'. Ignorant la langue suédoise, dans la-
quelle il est rédigé, il ne m'a pas encore élé pos-
1 Redogürelse für de Swenska hylrografiska undersüknin-
garne ären 1896-1899 uuder Ledning af G. Ekman, O. Pet-
tersson och A. Vijkander. Bihang till Küngl. Swenska
Vetenskaps-Akatem'ens Handlingar. Stockholm, 1900.
42 J. THOULET — L'ÉTUDE DU PLANKTON DANS LES EAUX FRANCAISES
sible de prendre une connaissance suffisante de son
texte pourtant assez peu étendu, et j'ai dû me bor-
ner à examiner ses belles cartes ec à feuilleter ses
nombreux tableaux, colonnes de chiffres donnant,
pour arriver à trancher une question éminem-
ment pratique, des dates de récoltes d'échantillons
d'eaux, des latitudes, des longitudes, des heures de
marées, des températures, des poids de chlore et
des poids de sel.
Prenons pour exemple la recherche des lois
encore inconnues de la distribution au sein de
l'Océan et des migrations des œufs de poissons,
des larves, des petits animaux qui sont destinés à
devenir des poissons comestibles ou à servir de
nourriture aux poissons dont l’homme s’efforcera
ultérieurement de s'emparer, de ces myriades
d'êtres qui, incapables de se mouvoir, sont forcés
d’obéir, sans pouvoir y opposer de résistance, aux
influences du milieu dans lequel ils sont plongés.
On leur donne le nom de plankton, et ils sont la
caractéristique de la richesse des fonds de pêche,
puisqu'ils sont ou bien le poisson comestible lui-
même à l'état d'œufs, ou bien l'aliment de ce pois-
son dont la quantité est plus ou moins proportion-
nelle. Doser le planklon est, en quelque sorte,
doser la masse de poisson marchand et par consé-
quent doser le nombre de bateaux, d'hommes pou-
vant, sur un espace donné, se livrer à la pêche
sans se gêner les uns les autres. Ainsi s'explique
l'intérêt que les nations maritimes mettent à étu-
dier la distribution du plankton aussi bien dans
leurs eaux côtières qu'en plein Océan. Malgré leur
inertie, qui est absolue, ils sont néanmoins des
êtres vivants et, à cause même de leur faiblesse,
extraordinairement sensibles aux conditions exté-
rieures. Soumis à des actions trop brutales, ils per-
dent la faculté qui nous les rend intéressants, la
vie. Le flottage d'une pomme de pin ou d'un fruit
des tropiques transporté par les courants est infi-
niment plus simple et en même temps moins simple
à éludier que celui d'un œuf de poisson assujelli à
conserver la facullé d'éclore. Les conditions du
voyage, identiques pour l’un et pour l’autre, pour-
ront sans danger être plus brutales pour la pomme
de pin que pour l'œuf. Toute une série de condi-
tions susceptibles d'être souffertes par l’une seront
mortelles pour l’autre.
Il importe d'abord de savoir entre quelles limites
de température l'œuf conserve la faculté de vie.
Dans ses migrations inconnues, il n&se rencontrera
ou ne sera digne d'intérêt pratique que lorsque la
température du milieu restera comprise entre ces
limites. Partout ailleurs, il sera inutile de le cher-
cher. Cette étude préliminaire revient aux nalura-
|
listes, à la condition qu'ils opèrent avec des ther-
momètres. Et comme il est probable que les limites
varient pour les œufs des divers poissons, il faut,
au cas où ilen serait réellement ainsi, qu’elles
soient élablies, de même que la tempéralure opti-
mum, pour une, deux, trois espèces bien détermi-
nées. S'il est reconnu qu'elles changent selon les
différentes phases de la maturilé de l'œuf, il con-
viendra d’avoir des températures dans chacune de
ces phases.
La question reviendra dès lors à savoir quelle est,
dans un espace délerminé de l'Océan — mettons les
côtes de France — la répartition de la température
au sein des eaux. On exclura ainsi toutes les loca-
lités où celte température sortira des limites fixées.
On établira des cartes indiquant celte répartition à
la surface et dans les profondeurs. Pour cela, il suf-
fira de thermomètres à distribuer, d'ordres à donner,
pourvu qu'ils soient précis, et de la mise.au net
graphique des résullats obtenus. Les autres peuples
possèdent de ces cartes; rien ne nous empêche, si
nous en avons la volonté, d'en dresser et d'en pos-
séder nous-mêmes. ‘
La température ayant permis de resserrer,
comme le dirait un mathématicien, les racines de
l'équation à résoudre en indiquant d'une façon sûre
là où ne seront pas les œufs et là où ils pourront
être, cherchons à préciser davantage. Il estévident
que les œufs ne seront pas partout où nous sau-
rons qu'ils peuvent se trouver, la température
seule étant prise en considération.
Les œufs du poisson mis à l'étude — car ce serait
se condamner d'avance à n'aboulir à rien que de
s'altaquer à tous les poissons en même temps —
existent-ils toute l'année au sein des eaux ou seu-
lement pendant certains mois? Quels sont ces mois?
La réponse est d'ordre purement zoologique;
elle est à donner après expériences synthétiques
et observalions sur place. Aussitôt qu'elle sera.
connue, on aura resserré davantage les racines de
l'équation. Il s'agira non plus de savoir quelle est
la distribution générale des couches d’eau à tem-
pératures comprises entre des limites déterminées
pendant toute l'année, mais seulement pendant
deux, trois ou quatre mois.
II
Li]
Serrons de plus près la question. Les œufs du
poisson ont une densité variable non seulement
pour chaque espèce, — et, s’il en était autrement,
il en résulterait une notable simplification, — mais
pour une même espèce, et différente aux diverses
époques de la maturilé. On parle bien d'œufs qui
flottent et d’autres qui ne flottent pas; on leur à
donné un nom, ce qui importe assez peu, tandis
J. THOULETC — L'ÉTUDE DU PLANKTON DANS LES EAUX FRANÇAISES
que ce qui importe beaucoup est de savoir quelle
est la densité exacte des œufs considérés. Il est
probable qu'elle doit varier entre certaines limites.
Or, pour des corps en suspension dans un liquide
tel que la mer, compcsé de strates hétérogènes au
point de vue thermique, de très faibles diffé-
rences de température suffisent pour donner lieu à
d'énormes différences de position. La densité est
à évaluer expérimentalement dans l'intervalle de
température {— {' avec l’approximalion maximum
qu'on puisse obtenir, c’est-à-dire n'influençant pas
la quatrième décimale.
Cette délermination, sans être difficile, est beau-
coup plus délicate qu'on ne le pense. Elle exige,
sinon l'intervention d'un spécialiste, du moins
l’obéissance complète aux précautions indiquées
par lui, et la ferme persuasion, dont il serait trop
long d'exposer ici les motifs, qu'aucune d'elles
n’est inutile. Sans entrer dans les détails de l'expé-
rience à faire, on prendra un ou plusieurs œufs du
poisson en examen, on les placera dans une éprou-
vetle d’eau de mer de densilé voisine, et on ajou-
tera goutle à goutte, selon la montée ou la des-
cente de l'œuf, de l’eau distillée ou de l’eau de mer
concentrée jusqu'à ce que ce flotteur infiniment
sensible demeure en flottaison parfaite, immobile,
sans monter ni descendre en un point quelconque
du liquide.
On prendra alors la température d’une facon
rigoureuse au 1/10 de degré. On mesurera la den-
sité avec un aréomètre de haute précision; on en
dressera le tableau pour toutes les températures
comprises entre les limites £ et {’ el — on ne sau-
rail trop le répéter — avec loutes les corrections et
précautions usilées en pareil cas. M. Pettersson
évaluait le 1/300 de degré. Je n'ose discuter ce
chiffre, qui me parait difficile à obtenir pour une
opéralion de ce genre dans un laboraloire, et à
plus forte raison sur mer, mais il vaut mieux pé-
cher par excès que par défaut, et il faut avoir exé-
cuté des recherches de ce genre pour être persuadé
de l'indispensable nécessité d'une précision aussi
grande qu'il est possible de l'oblenir avec des
instruments de verre ou de métal.
Ce tableau dressé est figuré par une courbe qu'un
physicien nommerait celle du coefficient de dilata-
tion &e l'œuf; on se reporlera alors à un graphique
donnant la varialion de densité des eaux de mer
pour l'intervalle {—1'. J'ai dressé ce graphique
après de très longues et très délicates expériences.
On saura dès lors que l'œuf ne peut se trouver que
dans des couches d’eau ayant ces densités et non
ailleurs. Pour une différence de quelques cen-
tièmes ou mème millièmes dans le chiffre de sa
densité, l'œuf, quoique toujours flottant, gagnera
des couches d’eau plus ou moins profondes, et,
comme les courants varient notablement sur une
même verlicale, il éprouvera dans la direction qu'il
suit des variations très considérables, l'éloignant
de certains parages pour l’accumuler dans d'autres.
Il ne restera plus qu'à savoir, le long des côtes de
France, entre les limites {— {' et pendant les mois
indiqués, la répartition des eaux de densité d— 4.
Les étrangers ont relevé ces indicalions pour leurs
mers ; il nous faut les relever pour les nôtres, et
les cartes qui en permeltront le coup d'œil autop-
tique, pour employer l'expression d'Ampère, res-
treindront encore les racines de l'équation.
Bien entendu, au lieu de densité, on sera libre
de mesurer la chloruration, ou de doser la sa-
lure, ou même d'évaluer le poids spécifique S'2?.
Malgré les inconvénients de cette mesure, c’est
un choix à débaltre entre océanographes. Pour
moi, je suis d'avis d'adopter la densité s’ à la
température in silu 0.
III
IL est très probable, mais l'expérience seule
autorisera à l'affirmer ou à le nier, que l'œuf ne
flotie jamais absolument sur le fond. Il doit se
maintenir entre deux eaux et monter ou descendre
selon les condilions ambiantes. Peut-être les œufs
restant profondément immergés sont-ils beaucoup
mieux protégés au sein d’un milieu moins troublé
que les couches superficielles. Je ne serais pas
élonué que ces œufs appartinssent aux espèces de
poissons les plus abondantes comme nombre des
individus. Même pour des œufs légers, il est dou-
teux qu'ils flollent dans la mince couche d'eau
épaisse de leur propre épaisseur, c’est-à-dire de
quelques millimètres et immédialement superfi-
cielle.
D'une manière ou d'une autre, là où iront les
eaux, là iront les œufs, et nous sommes ainsi
amenés à étudier l'économie des courants.
On énoncera donc le problème suivant :
Tracer pour les eaux françaises la marche, en
direction et en vitesse, des courants d'eau de tem-
pérature comprise entre { et {” et de densité com-
prise entre del d'.
La carte n'offre aucune difficulté à être dressée,
d'après des expériences failes à la mer. En outre
des courants superficiels, on devra étudier les cou-
rants profonds, parfois si différents des premiers.
C'est le travail le moins coûteux, car on emploiera
les bouteilles accouplées de M. Hautreux. Le maté-
riel se bornera à une série de bouteilles vides de
même dimension, bouteilles de vin, de bière, d’eau
minérale, attachées par couple avec une ficelle
longue de 5, 10, 15 ou 20 mètres. On les immerge
ensemble, on note leur point de départ, leur point
J. THOULET — L'ÉTUDE DU PLANKTON DANS LES EAUX FRANÇAISES
d'arrivée après un temps connu, et l’on possède
toutes les données requises.
Dès que ces trois cartes seront dressées : carte
de la distribulion des tempéralures, carte de la
distribulion des densités, carte des courants super-
ficiels et profonds, le problème sera résolu, du
moins autant qu'il est humainement possible qu'il
le soit. On élucidera alors chaque cas particulier,
non par des apprécialions personnelles discutables,
mais à l’aide d'instruments maniables quoique dé-
licals, précis et comparables entre eux. Évidem-
ment, d'autres circonstances que celles que nous
avons énumérées seront susceplibles de jouer un
rôle : le vent, par exemple, dont l'influence est
aussi appréciable et est d’ailleurs fonction de la
densité de l'œuf, faible ou nulle si l'œuf flotte
profondément, moyenne s'il flotte au sein d'eaux
superficielles, très grande s’il demeure au contact
de l'atmosphère. On devra encore lenir compte de
la présence ou de l'absence d'animaux détruisant
les œufs, enfin, de telle ou telle autre circonstance
favorable ou défavorable. Mais celles-ci sont acci-
dentelles, et, par conséquent, secondaires; celles
que nous avons énoncées précédemment sont d’une
importance capitale.
Plus tard, lorsque l'œuf sera éclos, peut-être
même avant, la nature lithologique du fond, en
favorisant les conditions d'existence de l’alevin,
en lui fournissant une nourriture plus abondante
ou mieux appropriée à ses besoins, en lui offrant
des abris, ou de toute autre manière, viendra-t-elle
prendre de l'intérêt. Les cartes lithologiques de-
viendront alors indispensables. En dépit de diffi-
cultés multiples, je m'en occupe depuis plusieurs
années; j'y consacre tous mes efforts, soutenu que
je suis, d'abord par ma ferme conviction, ensuite
par l'exemple unanime de toutes les grandes na- |
lions marilimes.
Le problème, considéré au point de vue exelusi-
vement naturaliste de l'observation simple, n'est
pas résoluble : par voie empirique, on n'arrivera
jamais à rien. À chaque instant, une cause insoup-
çconnée troublera les prévisions, et l'expérience
acquise la veille sera sans utilité pour la solution
des difficultés du lendemain. Il en ira autrement si
l'on procède méthodiquement, par des mesures
exactes ne laissant aucune prise à l'incerlilude.
Si la marche est plus longue, en revanche chaque
pas en avant est définitif; on avancera de précision
en précision sans jamais reculer ni errer. C'est la
seule voie à suivre, la seule adoptée à l'étranger.
EL gardons-nous de penser que l'expérience de nos
voisins, qui sont presque toujours nos concurrents,
nous soit d'utilité immédiate ; qu'on pourra prendre
ce qui aura été fail en Écosse, en Allemagne ou en
Suède, et l'appliquer à la Manche, à l'Atlantique ou
à la Médilerranée. Autres lieux, autres phéno-
mènes, et, en cela, chacun n’est appelé à profiter
que des fruits de son propre travail.
IV
En résumé, si l’on veut parvenir à élucider la
question de la distribution et des migrations des
œufs de poisson ou, d’une manière générale, du
plankton, il faut, conformément aux indicalions des
zoologisies, commencer par se livrer à certaines
recherches préliminaires concernant la densilé des
œufs d'espèces bien déterminées, et connaitre la
varialion de celle-ci avec la température. On entre-
prendra ensuile des mesures systématiques de lem-
péralures, de densités et de courants sur les côtes
de France, et les résultats seront figurés sur des
cartes. On n'oubliera pas la confection de cartes
bathymétriques et lithologiques. Sur ces données
exactes, indiseutables, les zoologistes pourront
ensuile s'appuyer sans crainte et se livrer en
toute sécurité aux investigalions qui leur sont
spéciales. La question de la distribution et des
migrations du planklon dans l'Océan touche à
peine, pour le moment, à l'histoire naturelle; elle
est avant tout une question de circulation océani-
que, appartenant à peu près uniquement au do-
maine de l'océanographie précise, rigoureuse, de
mesures, d'expériences, de chiffres, et non d'opi-
nions personnelles et d'observations vagues. Plus
tard, quand elle sera élucidée, elle fera retour aux
naluralistes.
J. Thoulet,
Professeur à la Faculté des Sciences
de l'Université de Nancy.
hotnteatc "tt Ed he. di spé. dé S hé Se Sn os dd
BIBLIOGRAPHIE — ANALYSES ET INDEX A5.
BIBLIOGRAPHIE
ANALYSES
1° Sciences mathématiques
Estanave (Eugène). — Contribution à l'étude de
l'équilibre élastique d'une plaque rectangulaire
mince dont deux bords opposés. au moins sont
appuyés sur un cadre. l'hèse pour le Doctorat de
la Faculté des Sciences de Paris.) — 1 brochure
in-4° de T2 pages. Gauthier-Villars, éditeur, 55,
quai des Grands-Augustins. Paris, 1900.
L'équilibre d'élasticité d'une plaque rectangulaire
mince de contexture homogène et isotrope, qui est
sollicitée par des forces normales au plan du feuillet
moyen, a été traité par Navier en 4820 dans l'hypothèse
où les quatre bords de Ja plaque sont appuyés sur un
cadre fixe. Navier a exprimé dans ce cas le déplace-
ment d’un point quelconque du feuillet moyen à l’aide
d'un développement en série double (développement
qui se déduit de la formule de Lagrange sur le dévelop-
pement d’une fonclion périodique impaire en série de
sinus ayant l'urs périodes sous-multiples de la sienne).
M. Maurice Lévy, dans une Note communiquée à
l'Académie des Sciences en octobre 1899, a montré
qu'on pouvait adopter, pour le déplacement d'un point
quelconque de la plaque, un développement en série
simple, dans les cas où la plaque n'a plus nécessaire-
ment ses quatre bords, mais seulement deux bords
opposés appuyés, les deux autres pouvant être libres,
appuyés ou encastrés.
Dans son travail, M. Estanave s’est tout d'abord attaché
à démontrer que le développement en série double de
Navier est identique au développement en série simple
de M. Maurice Lévy, dans le cas où l’on tient compte des
conditions d'appui des quatre bords. Le développement
en série simple est plus général que celui de Navier et
s'applique à six problèmes, suivant que les deux bords
non soumis primitivement aux conditions d'appui sont
individuellement ou simultanément libres, appuyés ou
encastrés. M. Estanave a résolu, dans son Mémoire, ces
six problèmes par le développement en série simple.
En particulier, dans le cas examiné par Navier, qui est
un de ces six problèmes, l’auteur montre que le dé-
veloppement en série simple donne un résultat plus
rapidement approché. Dans ce cas, il vérifie, d’ailleurs,
par l'expérience les résultats que lui a fournis la
théorie. Il prend pour cela une plaque de verre carrée
et mesure le déplacement du centre, en supposant la
charge uniformément répartie sur la plaque. 11 montre
que cette expérience pourrait servir, à défaut de moyens
plus simples, à déterminer le coefficient d'élasticité de
la plaque.
Dans les cinq autres problèmes, la méthode qu'a
suivie l’auteur est analogue à celle qu'il indique pour
traiter le problème de Navier ; mais les calculs sont
beaucoup plus laborieux. Cela tient à ce que, dans le
cas où la plaque a des bords libres, les conditions
analytiques (conditions dues à Kirchhoff) ne sont plus
monômes. Néanmoins, M. Estanave trouve l'expression
générale du déplacement.
En particulier, lorsque la plaque a trois bords
appuyés et un bord libre, en supposant la charge uni-
forme, il détermine encore par l'expérience le dépla-
cement du centre de la plaque et du milieu du bord
libre. Il vérifie ainsi les résultats de la théorie, résultats
qui, pour ètre obtenus, ont nécessité le calcul numérique
de fonctions hyperboliques. La vérilication expérimen-
tale à ici une importance toute particulière, car elle
démontre l'exactitude des conditions au contour dé-
duites par Kirchhoff du Calcul des variations et trouvées
ET INDEX
intuilivement par M. Boussinesq dans un Mémoire
présenté à l'Académie des Sciences le 10 avril 1871.
Après avoir examiné ces six problèmes, dont un
seul, le problème de Navier, avait été traité, M. Estanave
résume dans un tableau les résultats de ses recherches.
Ce tableau permet de comparer les valeurs des dépla-
cements du centre et du milieu des bords libres d’une
même plaque carrée soumise à une charge uniforme,
et dont les conditions au contour sont différentes.
Dans une deuxième partie de son Mémoire, l’auteur
indique rapidement les résultats qu'on peut tirer, au
point de vue de la sommation des séries trigonomé-
triques, de l'identité qu'il a demontrée précédemment.
Il examine les cas où la charge est constante ou bien
fonclion entière, pour chaque point, d'une des coor-
données de ce point, et indique les séries obtenues; il
vérifie, d'ailleurs, ses résultats en effectuant directement
la sommation des séries.
Le Mémoire de M. Estanave constilue un f(ravail
théorique complet, consciencieusement fait, sur la
question de l'équilibre des plaques rectangulaires
minces dans les différents cas; par les calculs numé-
riques et les applications qu'il contient, il pourra
rendre des services aux ingénieurs.
P. APPELL,
de l'Académie des Sciences,
Professeur de Mécanique rationnelle
à la Faculté des Sciences de l'Université de Paris.
2° Sciences physiques
De Bast /Omer), Professeur à Ecole industrielle de
Liége, Répétiteur à l'Institut Electro-technique Mon-
teliore. — Eléments du calcul et de la mesure
des Courants alternatifs. — 1 vo/. in-8° de 190 pa-
ges avec 75 fig. (Prix relié : 7 fr. 50). Ch. Béran-
ger, éditeur. Paris. 1900.
Le livre de M. de Bast, qui a paru en divers articles
dans le Bulletin de l'Association des ingénieurs élec-
triciens sortis de l'Institut Electro-technique Monte-
liore, s'adresse spécialement «aux électriciens possédant
une préparation mathématique insuffisante pour abor-
der la lecture des ouvrages qui traitent les questions
relatives aux courants alternatifs par le Calcul différen-
tiel et intégral. » C'est dire qu'il y est fait grand
usage de la méthode géométrique et des constructions
où interviennent des vecteurs.
Le rôle de la self-induction, celui d’une capacité inter-
calée sur le circuit, sout indiqués, représentés par des
graphiques, et figurés par des constructions géométri-
ques. Des applications numériques empruntées à des
exemples réels permettent de bien saisir les méthodes
de calcul de l'énergie électrique dans le cas des cou-
rants alternatifs. Il s'agit toujours de calculs très
simples, et qui n'exigent que l'Arithmétique et la
Trigonométrie élémentaire. Un chapitre sur les courants
polyphasés complète cette première partie.
La seconde partie est consacrée à la mesure des
grandeurs électriques dans les circuits à courants alter-
natifs.
Le principe des méthodes de mesure des quantités,
des intensilés de courants, des différences de potentiel,
de l'énergie, de la puissance, est clairement et briève-
ment exposé. On n'a pas voulu donner une description
détaillée des compteurs, mais une indication des mé-
thodes, en particulier dans le cas de la puissance des
courants polyphasés.
Bien qu'aujourd'hui il existe plusieurs ouvrages où
la théorie des courants alternatifs est présentée sous
10
BIBLIOGRAPHIE — ANALYSES ET INDEX
la forme géométrique, nous croyons que peu de livres
résument aussi brièvement el aussi simplement toutes
les connaissances élémentaires essentielles à l'étude
de ces courants. BERNARD BRUNHES.
Directeur de l'Observatoire
du Puy-de-Dôme.
Gildemeister (E.) et Hoffmann(Fr.) —Les Huiles
essentielles. (Traduction de M. A. Gault, avec une
préface et des annotations de M. A. Haller). — 1 vol.
in-8° de pages. (Prix : 25 fr.) Bernard Tignol, édi-
teur. Paris, 4900.
On vit naguère, pendant plusieurs années, les recher-
ches chimiques viser surtout à l'élaboration d'une théorie
devant permettre de grouper les faits qui s'étaient accu-
mulés jusqu'alors. Les chimistes, détournant leurs
regards des principes immédiats des végétaux, dont
l'étude les avait un instant passionnés, dirigèrent leurs
efforts en vue de consolider les docirines atomiques, et
il devint possible de dresser, dans les traités classiques
de Chimie, un tableau exact de l'ensemble des con-
naissances sur la science de la matière.
Mais, lorsque les faits connus furent parfaitement
catalogués, lorsque furent énoncées avec clarté les
lois fixant les relations ‘entre la structure intime des
corps et la facon dont ces corps sont capables de se
modifier, il devint de plus en plus séduisant d'isoler les
principes naturels, d'étudier leur composition, d'établir
leur constitution, d'en effectuer la synthèse. La littéra-
ture chimique s'enrichit alors rapidement, et de plus
en plus pénible fut la tâche consistant à rassembler les
nouveaux documents disséminés dans les divers recueils
scientifiques et dans lesquels la vérité se trouvait sou-
vent masquée par la controverse. De plus en plus, on
ressentit la nécessité de se cantonner pendant longtemps
dans un sujet pour en connaître les obscurs recoins.
L’exposé de toute question nouvelle devait désormais,
en raison de l'originalité des faits et de l'abondance
des documents, faire l'objet d'une monographie spé-
ciale pour être utile non seulement à la Science, mais
encore et surtout à l'Industrie, dont la nécessité de pro-
duction grandit en même temps que s'accroît chez
l’homme le besoin de bien-être.
En particulier, l'étude des essences, reprise il y aune
quinzaine d'années seulement par MM. von Baeyer,
Barbier, Bertram, Bouchardat, Bouveault, Semmler,
Tiemann, Wallach, Wagner, ete., fit faire à la Chimie
un pas immense en dévoilant l'existence d'espèces
jusque-là inconnues et douées de propriétés extré-
mement curieuses.
Aussi, celte intéressante question des huiles essen-
tielles méritait-elle qu'une place particulièrement im-
portante lui fût réservée dans le système de nos con-
naissances chimiques. C’est ce que nous avons eu en
vue de réaliser, M.J. Dupont et nous, en faisant paraitre,
dès le mois de janvier 1897, dans l'Agenda du Chimiste,
un travail qui fut le plan d'un ouvrage sur les Huiles
essentielles et leurs principaux constituants, publié
deux ans plus tard par MM. Charabot, Dupont et Pillet.
De leur coté, MM. Gildemeister et Hoffmann ont écrit
un Trailé consacré plus spécialement aux huiles essen-
tielles, Traité dont M. Gault vient de nous donner la
traduction. Il s’agit là d'une œuvre de la plus grande
ulilité, aussi bien parles documents scientifiques qu’elle
contient, que par les données pratiques et les rensei-
gnements économiques qui y sont consignés.
Depuis bientôt dix ans, nous n'avons cessé de suivre
avec le plus vif intérêt les beaux travaux de MM. Ber-
tram, Gildemeister, Walbaum, Stephan, chimistes du
laboratoire de MM. Schimmel et Cie. Nous savons tout
le soin que ces savants ont coutume d'apporter à leurs
publications. Aussi n'avons-nous que des éloges à
adresser à MM. Gildemeister et Hoffmann.
Leur intéressant ouvrage débute par une étude his-
torique des huiles essentielles, étude qui renferme les
documents les plus curieux sur l'origine de l'industrie
de la distillation. Plus loin sont passés en revue rapi-
dement les principes constitutifs des essences. Enfin —
et c’est la partie capitale de l'ouvrage — l'histoire des
huiles essentielles se trouve exposée avec tous les détails
que comporte l'état actuel de nos connaissances sur la
question.
Tous les sujets sont traités avec une précision qui
révèle la rare compétence des auteurs. C'est donc un
agréable devoir que nous remplissons en conseillantla
lecture de ce bel ouvrage aux personnes que cette ques-
tion des huiles essentielles peut intéresser soit au point
de vue purement spéculatif, soit au point de vue com-
mercial ou industriel. Euc. CHARA\BOT,
Docteur ès Sciences.
Hugot (Charles), Chef de Travaux à la Faculté des
Sciences de Bordeaux. — Recherches sur l’action
du Sodammonium et du Potassammonium sur
quelques métalloïdes (7hèse de la Faculté des
Sciences de Paris). — 1 brochure in-8° de 84 pages.
Gauthier- Villars, imprimeur. Paris, 1900.
On sait que, en présence de l'ammoniaque liquide,
c'est-à-dire à l’état d'’ammoniums substitués (AzH®M}°,
les métaux alcalins possèdent une faculté réactionnelle
bien supérieure à celle qu'ils manifestent d'ordinaire à
froid, lorsqu'ils sont libres. M. Hugot a étudié spéciale-
ment, dans sa thèse, leur action sur les principaux mé-
talloïdes : iode, phosphore, arsenic, soufre, sélénium et
tellure.
En faisant d'abord agir l’'ammoniaque liquide seule
sur l’iode sec, il obtient un iodure d'azote ammoniacal
qui répond à la formule Azl$,3AzH° et perd successive-
ment, par voie de dissociation, une et deux molécules
d’ammoniaque; tous ces corps sont cristallisés et natu-
reilement fort instables.
Avec le phosphore rouge et les ammoniums sodé ou
potassé, il obtient les combinaisons P*Na, 3AZH*; PK,
3AZH° el PNa*, PH, suivant les proportions relatives des
corps en présence. L'arsenic lui donne les composés
AsM°, AzH° et As'K?, AzH*; enfin le soufre, le sélénium
et le tellure se sont transformés purement et simple-
ment en sulfures, séléniures et tellurures alcalins, ces
derniers répondant aux formules M°$Se, M'Se*, MTe et
M°Te*.
Au point de vue expérimental, ce travail nous parait
irréprochable; il est intéressant en ce sens qu'il nous
fait connaître un certain nombre de corps nouveaux,
impossibles à l'heure qu'il est de préparer autrement,
mais il nous semble manquer quelque peu d'interpré-
tations théoriques ou tout au moins d'esprit de géné-
ralisation. Quelle peut être, par exemple, la structure
moléculaire des composés P'Na, 3AzH* et P5K, 3AzH°?
On serait assez tenté d'y voir des combinaisons du
phosphore rouge non dépolymérisé et il eût été inté-
essant de rechercher si le phosphore ordinaire donne,
dañs les mêmes conditions, naissance aux mêmes corps :
M. Hugot ne l'a pas fait. C’est une lacune, et nous
pourrions en citer d’autres, que l’auteur s’efforcera, sans
doute, de combler dans l'avenir. L. MAQUENNE,
Professeur au Muséum d'Histoire naturelle.
3° Sciences naturelles
De Launay (L.),, Professeur à l'Ecole Nationale
Supérieure des Mines. — Géologie pratique et petit
Dictionnaire technique des termes géologiques les
plus usités. — 1 vol. in-18 de 344 pages avec
41 figures. (Prix :3 fr. 50) Librairie Armand Colin,
Paris, 1900.
« Ce livre de Géologie pratique est destiné surtout à
ceux qui, ne sachant pas de Géologie, ont pourtant be-
soin de quelques-unes des connaissances auxquelles elle
amène. » Tel estle but que M. de Launay s’est proposé.
Ce livre n’est donc pas un traité de Géologie s’adres-
sant plus ou moins à des initiés, mais une sorte de
guide dont peuvent tirer parti les plus ignorants. Il suf-
firait, pour en mettre l'utilité en évidence, de repro-
duire les têtes de chapitres. Toutes les applications de
BIBLIOGRAPHIE — ANALYSES ET INDEX 47
la Géologie y sont traitées avec une érudition et une
compétence remarquables. C'est une véritable œuvre de
vulgarisation, qui, ainsi que l’auteur le souhaite, fera
revenir bien des gens de leurs préventions contre la Géo-
logie, réputée science aride ; loin de ressasser des lieux
communs, comme font la plupart des ouvrages dits de
vulgarisation, celui-ci traite certaines questions d'une
facon toute nouvelle. Je signalerai en particulier les
chapitres relatifs aux applications de la Géologie à
l'Agriculture, qu'il s'agisse du rôle du sol, des engrais,
des amendements ou du drainage. Pour donner une
idée du soin apporté à l’élude de tous les problèmes
dans un but vraiment pratique, je ne puis mieux faire
ue de signaler, dans le chapitre consacré à la recherche
ne minerais, les paragraphes concernant les formalités
administratives à remplir pour formuler une demande
de recherche ou de concession.
Un dictionnaire technique termine le volume; il a le
grand avantage d'expliquer les termes spéciaux em-
ployés dans la nomenclature géologique et de donner
les caractères des principaux fossiles. C'est un très heu-
reux complément du livre.
On doit déja à M. de Eaunay plusieurs importants
ouvrages sur les applications de la Géologie; ils ont eu
un succès mérité; mais il est facile de prévoir pour la
Géologie pratique un succès encore plus grand.
J. BERGERON,
x Professeur de Géologie
à l'Ecole Centrale des Arts et Manufactures.
Soury (Jules), Docteur ès lettres, Directeur d'études
à l'Ecole pratique des Hautes-Etudes, à la Sorbonne.
— Le système nerveux central. Structure et fonc-
tions. Histoire critique des théories et des doc-
trines. — 2 vol. gr. in-8° avec figures. G. Carré et
C. Naud, éditeurs. Paris, 1900.
Cet ouvrage est consacré à l’étude de tout ce qui a
été écrit sur l'anatomie et la physiologie du système
nerveux central, depuis les philosophes grecs jusqu’à
nos jours.
La première partie de l'ouvrage, le tiers environ, est
consacrée à l’antiquilé et aux temps modernes. Elle
comprend l'exposé de toutes les théories relatives à la
structure et aux fonctions des organes de la vie, de la
sensibilité et de la pensée, depuis Aleméon de Crotone
(vers 500) jusqu'à Broca, Fritsch et Hitzig. Toutes ces
théories sont exposées avec un détail, une précision,
une sûreté d'analyse et de critique véritablement hors
ligne.
La période contemporaine commence à Broca qui, le
premier, établit scientifiquement la localisation céré-
brale d’une fonction de l'intelligence. Dans cette partie,
qui comprend presque les deux tiers de son ouvrage,
M. J. Soury étudie les fonctions du système nerveux
central, les voies sensitives et motrices, les voies senso-
rielles, les voies d'association et commissurales. Le
chapitre consacré à l'écorce cérébrale est des plus
importants, et il en est de même de ceux consacrés à
la cénesthésie, aux émotions, à la vision, à l’audition,
à l’olfaction et à la théorie des neurones.
Cette partie de l'ouvrage comprend l'analyse et la
critique d'un nombre considérable de travaux et repré-
sente une somme de labeur dont seuls peuvent se faire
une idée ceux qui font des recherches basées sur des
textes originaux.
L'œuvre de M. J. Soury n’a son analogue dans aucun
pays et représente un travail et une étendue de con-
naissances extraordinaires. Pour l’entreprendre, il fal-
lait non seulement être tout à la fois un linguiste et
un philosophe, un psychologue et un neurologiste,
mais il fallait encore, pour la mener à bien, posséder
l'érudition et la puissance d'analyse qui caractérisent
depuis si longtemps les travaux de ce savant.
Après avoir lu l'ouvrage de M. Soury, on se rend
compte du service immense rendu par l’auteur à sa
génération, car nous pouvons maintenant avoir une
idée complète de tout ce qui a été dit et fait sur l'ana-
tomie et la physiologie du système nerveux depuis
l'Antiquité jusqu'à aujourd'hui et embrasser d’une vue
synthétique la marche progressive des connaissances
humaines dans ce domaine. J. MAREY,
de l'Académie des Sciences,
Professeur au Collège de France.
Fenizia (C.), Professeur à l'Université de Naples. —
Storia della Evoluzione. — 1 vol. in-8° de 400 pages
de la Collection des « Manuels Hoepli ». (Prix :3 fr).
Ulrico Hoepli, éditeur. Milan, 190.
M. Fenizia a donné, dans ce livre, l’histoire de la doc-
trine évolutionniste, qu'il a divisée en quatre périodes :
une antique, allant des philosophes grecs à Vanini et à
Giordano Bruno; unemoyenne, qui débute par l’appli-
cation du microscope aux études d'histoire naturelle et
se termine aux philosophes de la Nature, Gœthe, Tre-
viranus, Oken; une période moderne, où la théorie de
l’évolution prend réellement corps avec Kant, Lamarck,
les Geoffroy Saint-Hilaire, Lyell, Speneer et Wallace, et
enfin une période contemporaine, durant laquelle [a
doctrine s'établit définitivement ; elle débute naturel-
lement par Darwin:
Certes, le livre de M. Fenizia n’est pas entièrement
original, comme il en avertit, d’ailleurs, le lecteur dans
l'introduction: bien des fois, on a déjà fait, plus ou
moins complètement, l'histoire des idées évolutionnis-
tes, d'abord vagues, nuageuses, puis se précisant de
plus en plus, à mesure que les faits s'accumulaieut, que
les objections d'ordre théologique perdaient de leuc
force, et que les esprits s’'écartaient de plus en plus de
la fumeuse métaphysique.
Mais le livre de M. Fenizia me parait détaillé et com-
plet, surtout en ce qui concerne les précurseurs italiens,
philosophes ou naturalistes. On lira encore avec intérêt
l'histoire de l'opposition faite à Darwin, qui a été traité
officiellement (je ne dirai pas où) « d'amateur intelli-
gent, dont les longues recherches sur les races de
Pigeons prouvent seulement le manque de véritable
esprit scientifique », sans compter les aménités ecclé-
siastiques qui ne lui ont pas manqué.
Cette histoire de l’Evolution ne va guère au delà de
Darwin; quelques pages à peine sont consacrées à ses
successeurs immédiats, apologistes ou contradicteurs ;
les Ecoles du néo-darwinisme et du néo-lamarckisme,
les théories d'Hæckel et de Weismann, les idées biomé-
caniques de Roux et Delage sont indiquées trop rapide-
ment, de sorte que l'ouvrage ne donne pas une idée suf-
fisante de l'état actuel des esprits touchant les causes
de l'Evolution. Il est vrai qu'il y a là matière à un livre
nouveau, dont les conclusions montreraient, à mon sens,
que la doctrine évolutionniste a singulièrement évolué
depuis son génial fondateur. L. CuÉNoT,
Professeur à l'Université de Nancy
4 Sciences médicales
Nimier (H.), Professeur au Val-de-Gräce, et La-
val (Ed.), Médecin aide-major de première classe.
— I. Les Explosifs, les Poudres, les Projectiles
d'exercice. Leur action et leur effet vulnérant. —
4 vol. in-12 de 192 pages avec 18 figures. (Prix :
3 {r.) — II. Les Armes blanches. Leur action et
leurs effets vulnérants. — 1 vo/. in-12 de 488 pages
avec 39 figures. (Prix :6 fr.). — IT. De l'infection
en Chirurgie d'armée. Evolution des blessures de
guerre. — 1 vol. 1n-12 de 400 pages avec figures.
(Prix : 6 fr.) F. Alcan, éditeur. Paris, 1901.
Ces trois volumes continuent et complètent la série
des études concernant les blessures de guerre, com-
mencée par un volume analysé ici même, sur l'action
1 Ce compte rendu est le Rapport présenté à l'Académie
des Sciences par la Commission chargée de décerner le
prix Montyon pour 1900, prix que l'Acadéwie vient d'attribuer
à notre éminent collaborateur. De son côté, l'Académie de
Médecine a tenu à temoigner aussi sa particulière estime à
M. Jules Soury en décernant le prix Saintour à son beau
48
BIBLIOGRAPHIE — ANALYSES ET INDEX
vulnéraante des projectiles de guerre. Ils sont écrits
avec la même méthode, et sur le même plan. Cette
unité de conception et d'exécution en rend Ja lecture
facile et attrayante et donne aux faits et documents
tès nombreux, un enchaïnement logique qui permet
d'en saisir l'intérêt, la portée et l’enseisnement. Nous
ne pouvons donner qu'un court apercu des matières
traitées par MM. Nimier et Laval, mais il suffira à en
faire comprendre l'importance scientifique.
i. Les attentats anarchistes ont, dans ces dernières
années, altiré l'attention du public sur les blessures
qui résultent de l'explosion de corps doués, sous un
petit volume, d'une énergie considérable. C'est d’après
l'examen approfondi de ces faits, et aussi sur des don-
nées antérieurement déduites d’explosions acciden-
telles, de poudrières, de torpilles ou d'obus, que
MM. Nimier et Laval ont établi leurs conclusions.
Les traumatismes que les explosifs déterminent sur
le corps humain sont dus à l’action directe des gaz
résultant de l'explosion, action analogue à celle du
vent soufflant en lempêle, et aussi aux projectiles,
combinés d'avance (balles, clous) ou éventuels (frag-
mentsde bois, de verre, poussières), que ces Jelsqazeux
animent d'une vitesse initiale souvent considérable.
C'est ainsi qu'agissent la dynamite, le coton-poudre,
l’acide picrique (mélinite), etc. MM. Nimier et Laval
étudient en détail les effets de chaque explosif, et ter-
minent leur intéressant volume par la description des
accidents de la guerre, des mines et de ceux qui sont
produits par les balles à feu. Le dernier chapitre est
consacré à l'examen des effets vulnérants des fausses
balles, servant de projectiles d'exercices, effets qui
sont semblables à ceux produits par les explosifs.
II. L'augmentation sans cesse croissante de la
distance à laquelle les projectiles peuvent atteindre
l'adversaire a abaissé la proportion des blessures
par les armes blanches à un taux pour ainsi dire négli-
geable. 11 était de 1,50 pour 100 pour la guerre de
Crimée, de 1,3 seulement pour la guerre franco-alle-
mande ; il descendra encore dans les prochaines
guerres. De nos jours, il ne garde quelque importance
que dans les expéditions coloniales, le sabre, la lance
el la flèche restant, pour les tribus non civilisées, les
armes favorites, celles dont elles se servent avec le
plus d'habileté et le plus de succès. Enfin, il faut
compter avec le tempérament spécial de certains
peuples, à la tête desquels a toujours été le peuple
français, qui les porte à préférer l'arme blanche à
toutes les autres, pour que l’on ne puisse songer
encore à supprimer de la Pathologie l'étude des bles-
sures que produisent l'épée, le sabre ou la baïonnette.
MM. Nimier et Laval divisent les armes blanches en
armes tranchantes, comprenant le sabre et accessoi-
rement la hache d’abordage, et en armes piquantes,
(baïonnette, épée, pointe du sabre, lance, flèche). Les
blessures causées par ces différentes armes offensives
offrent des types cliniques bien distincts, que les
auteurs se sont attachés à définir avec soin, en four-
nissant, à l'occasion de chacune d'elles, les principales
données historiques, balistiques et militaires qui s'y
rapportent, Le mécanisme d’après lequel se produisent
les lésions est particulièresnent bien élucidé : le trai-
tement est indiqué d’une facon claire et concise. Le cha-
pitre consacré à la baïonnette fait apprécier à leur valeur
la méthode el la documentation de MM. Nimier et Laval.
Le livre se termine par un court chapitre, sorte
d’appendice consacré aux armes défensives, dont la
cuirasse est la seule qui soit encore en usage dans les
armées européennes. Elle est cependant perforée par
livre, que M. Landouzy n'a pas hésité à qualifier : « un
ouvrage fait d'une libre critique mise au service d'une éru-
dition qui confond autant par son élendue que par sa préci-
sion ». Le rapporteur à l’Académie, M. Vallin, s'est étendu
aussi sur les mérites de cette œuvre considérable : elle res-
tera, a-t-il dit « comme le résumé des efforts tentés dans
l'examen des doctrines » relatives au système nerveux pen-
dant la dernière moitié du siècle qui vient de finir.
la plupart des projectiles employés à notre époque, et,
si elle peut protéger le cavalier contre les coups de
sabre, elle ne fait, en se laissant pénétrer, que rendre
plus graves les coups de feu quelle devrait servir à
éviter. Aussi est-elle à la veille de tomber en désuétude :
une des plus grandes Puissances militaires de l’'Eu-
rope, l'Allemagne, l'a déjà, supprimée de son armement.
III. La plupart des blessures produites par les pro-
jectiles, les explosifs, les armes blanches, lorsqu'elles
ne sont pas immédiatement mortelles, devraient cica-
triser et guérir sans complications, avec les méthodes
si rigoureuses de désinfection des plaies que nous pos-
sédons à notre époque. Si l’on étudie chez les blessés
la nature des infirmités qu'ils conservent ou la cause
de leur mort, on est frappé du rôle prépondérant joué
par l'infection. Les médecins militaires doivent done
avoir pour objectif principal d'éviter l’entrée en scène
des germes infectieux, et de combattre énergiquement
les accidents dont ils pourraientdevenir l’origine. Cette
notion bien simple, qui domine toute la Chirurgie d’ar-
mée, est, hélas l'encore trop méconnue de nos jours par
un grand nombre de médecins qui seraient appelés en
cas de guerre à donner leurs soins aux blessés, C'est
pour ceux-là que la lecture du livre de MM. Nimier et
Laval sera particulièrement utile et instructive; elle
leur rappellera les désastres] chirurgicaux des guerres
de Crimée, d'Italie, de la guerre de 1870 et leur mon-
trera, en comparant l'évolution d’une plaie par coup
de feu, peu ou point infectée, avec une plaie infectée,
les conséquences prochaines et éloignées d'une insuffi-
sante conuaissance de l’antisepsie.
En effet, les mains des chirurgiens sont une des
sources les plus ordinaires de l'infection des blessures
de guerre : on ne saurait trop le répéter, et nous nous
permettrons de trouver que MM. Nimier et Laval n'ont
pas assez insisté sur ce point. Dans un livre si riche en.
faits et en observations, il manque quelques exemples
typiques de ce mode — habituel, redisons-le, — de
contamination des plaies. L’asepsie du chirurgien est
plus indispensable que celle des balles ou des épées.
Les balles sont, en effet, généralement aseptiques, les
sels qui se forment aux dépens de leurs enveloppes
métalliques suffisant généralement à la destruction -
des germes déposés à leur surface. À ce titre, la balle
à chemise de cuivre est plus asepiique que la balle à
chemise de maillechort (Lebel), et surtout que la balle
à chemise d'acier (balle allemande). Mais, en tout cas,
elles sont généralement peu septiques, bien que ni
l’'échauffement de la balle dans le canon du fusil, ni la
déflagration de la poudre ne suffisent à les stlériliser si
elles sont contaminées par des microbes très virulents,
ainsi qu'il résulte des expériences entreprises sur ce
point par MM. Nimier et H. Vincent. Les fragments de
vêtements, entrainés dansles tissus par les projectiles, ne
doivent pas non plus être ‘le plus souvent incriminés,
bien qu'on puisse admeltre qu'ils soient susceptibles,
dans certains cas, d'être souillés par les espèces bac-
tériennes les plus virulentes. Mais c’est surtout l'épi-
derme, les muqueuses, les cavités naturelles qui con-
üennent une flore microbienne extrêmement variée et
dont la virulence est aisément mise en aclion ou réveil-
lée par le traumatisme. il va sans dire que la question
du terrain joue un rôle considérable dans le dévelop-
pement consécutif de l'infection.
Donc, mains du chirurgien, état microbien et résis-
tance du blessé, accessoirement contamination des
projectiles, tels sont les facteurs de l'infection en Chi-
rurgie d'armée, Un danger dont on est averti peut être
aisément prévenu : dans l'espèce, la diffusion des pra-
tiques antiseptiques, l'amélioration de l'hygiène indi-
viduelle du soldat en campagne seront les conditions
essentielles d'une saine évolution des blessures de
guerre, qui réduira à leur minimum les sacrifices
encore trop nombreux des vies humaines. C'est là la
conclusion naturelle de l'ouvrage de MM. Nimier et
Laval, et dont elle suffit à montrer l'utilité et l'intérêt.
D: GABRIEL MAURANGE.
ACADÉMIES ET SOCIÉTÉS SAVANTES 49
ACADÉMIES ET SOCIÉTÉS SAVANTES
DE LA FRANCE: ET DE L'ÉTRANGER
ACADÉMIE DES SCIENCES DE PARIS
Séance du 10 Décembre 1900.
M. P. Painlevé est élu membre de la Section de
Géométrie en remplacement de M. Darboux, nommé
secrétaire perpétuel.
19 SCIENCES MATHÉMATIQUES. — M. J. Guillaume pré-
sente ses observations du Soleï, faites à l’équatorial
Brunner de l'Observatoire de Lyon pendant le troisième
trimestre de 1900. La surface totale des taches a dimi-
nué des 4/5; les facules ont diminué tant en nombre
qu'en étendue. — M. D. Eginitis a observé à Athènes
les Léonides dans les soirées du 14 au 17 novembre;
il y avait deux points radiants dans & Lion et Régulus.
Les 23 et 24 novembre, il a apercu aussi quelques Bié-
lides. — M. Rodriguez communique les observations
des Léonides faites à l'Observatoire du Vatican, à Rome,
dans la nuit du 14 au 15 novembre. — M. Léopold
Téjer démontre que la série de Fourier d’une fonction
bornée et intégrale appartient à la classe des séries
pour lesquelles une certaine limite existe. — M. Ww.
Stekloff démontre que la méthode de Neumann fournit
la solution du problème intérieur de Dirichlet, quelle
que soit la fonction continue f à laquelle doit se
réduire sur (S) la fonction harmonique cherchée. Il en
est de même du problème extérieur de Dirichlet.
20 SCIENCES PHYSIQUES. — M. Ponsot démontre que,
à la limite extrême de raréfaclion, soit sous volume
constant, soit sous pression constante, la chaleur spé-
cifique moléculaire d'un composé gazeux est inférieure
à celle du mélange de ses éléments obtenu par disso-
ciation. — M. H. J. S. Sand indique une formule qui
sert à exprimer la concentration aux électrodes dans
la solution d’un seul sel ou d’un mélange. L'auteur en
déduit qu'il est possible d'empêcher l'évolution d'hydro-
ène pendant l’électrolyse d'une solution acide de sul-
ate de cuivre en agitant très fortement le liquide. —
M. Eug. Demarçay indique les raies situées entre
À 5.000 et À 3.500 du spectre de lignes du samarium. La
substance qui a servi à les obtenir était à un grand
degré de pureté; elle ne contenait que des traces de
Gd, À et 2— 7e. — M. Marcel Guichard a obtenu la
réduction totale des oxydes de molybdène à une tem-
pérature inférieure à 6000. L'oxydation du mobybdène
par la vapeur d’eau ne commence que vers 7009. Par
oxydation progressive du molybdène dans la vapeur
d’eau ou des mélanges d'hydrogène et de vapeur d’eau,
on n'obtient jamais d'autres oxydes anhydres que
MoO® et Mo0. Vers 800°, on peut obtenir du molybdène
métallique par réduction totale de ses oxydes au moyen
d'un mélange d'hydrogène et de vapeur d’eau de pres-
sion totale égale à la pression atmosphérique, et pourvu
que la pression de la vapeur d'eau soit inférieure à
350 millimètres. — M. Ch. Camichel, à propos d'une
note récente de M. Lemoult, rappelle qu'il a déjà
démontré la loi suivante : Si l’on dissout des poids des
dérivés des indophénols proportionnels aux poids mo-
léculaires dans le même volume du dissolvant, les dif-
lérents spectres obtenus présentent une bande rouge
de position invariable. — M. F. Wallerant montre que
lorsque les particules complexes qui constituent les
corps cristallisés ne sont pas cubiques, elles doivent
être considérées comme des particules cubiques défor-
mées. De celte définition résulte que les formes primi-
tives de tous les cristaux ont même signification phy-
sique.
39 SCIENCES NATURELLES. — M. A. Béhal etC. Phisalix
ont reconnu, par des réactions chimiques et physiolo-
REVUE GÉNÉRALE DES SCIENCES, 1901.
giques, que le principe actif du venin sécrété par le
lulus terrestris est de la quinone. — M. S. Jourdain a
étudié le venin de la glande forcipulaire de Ja Scolo-
pendra morsitans. Des petits mammifères mordus par
la scolopendre ne tardent pas à succomber; chez
l'homme, ilse produit une inflammation locale. Il est
probable qu'on se trouve en présence d’un vrai venin,
et non d’un corps analogue à la quinone comme chez
les Iules. — M. E. Rodier a reconnu que la température
de congélation du sérum sanguin chez les différentes
espèces de Sélaciens est (rès voisine de celle de l'eau
dans laquelle ils vivent. Chez un même animal, le
liquide péricardique, le liquide péritonéal et aussi le
liquide utérin ont le même point de congélation que le
sérum sanguin, quoiqu'ils contiennent généralement
plus de chlorures. — M. R. Kæhler a constaté que les
Echinides et les Ophiures capturées par la Belgica dans
les régious antarctiques offrent un faciès tout à fait
spécial et sans aucune analogie ni avec les formes
arctiques et subarctiques, ni avec les formes subantarc-
tiques déjà connues. Ce fait est absolument contraire
à la théorie de la bipolarité des faunes. — M. Ab. Netter
examine les mœurs des Abeilles au double point de vue
des Mathématiques et de la Physiologie expérimentale.
Pour lui, les Abeilles fonctionnent automatiquement en
toutes leurs évolutions. — M. M. Bra à constaté que le
champignon qu'il a isolé des tumeurs cancéreuses n'est
pas un blastomycète. Il peut végéter en blastomycète,
mais il se reproduit aussi par endospores et présente
un état filamenteux. Il appartient, par conséquent, à un
ordre plus élevé.
17 Décembre 1901.
Séance publique annuelle”.
Séance du
Séance du 24 Décembre 1900.
M. E. Guyou a obtenu, par la méthode de l’analyse
harmonique, des formules et tables permettant de cal-
culer les heures et hauteurs des pleines et basses mers,
connaissant les hauteurs d'heure en heure. — M. C.Gui-
chard recherche les congruences dontles deux réseaux
focaux sont cycliqnes. — M. W. Stekloff poursuit ses
études sur l'emploi de la méthode de la moyenne arith-
mélique de Neumann à la solution du problème de Di-
richlet. — M. A. Liapounoff étudie une série relative à
la théorle d'une équation différentielle linéaire du
second ordre: — M. M. Krause, à la suite de ses re-
cherches sur les fonctions thêta à trois variables, montre
la possibilité de former des systèmes orthogonaux de
soixante-quatre coefficients dont les éléments sont eux-
mêmes des produits de fonctions thêta et donnent tous
les systèmes possibles. — M. G. Kænigs est arrivé à
construire un compas composé, dit homographique,
réalisant par des articulations l'homographie plane gé-
nérale. Cet appareil peut donner, par exemple, la cons-
truction de la formule Euler-Savary. —- M. Jougnet
indique les conditions suffisantes pour que le théorème
des tourbillons en Thermodynamique soit vrai en l’ab-
sence de toute viscosité. — M. P. Duhem communique
ses recherches sur le théorème d'Hugoniot et quelques
théorèmes analogues relatifs aux ondes d'ordre ».
20 SCIENCES PHYSIQUES. — M. A. Poincaré étudie les
variations des cotes barométriques simullanées ayx
jours de la révolution synodique. — M. A.-B. Chau-
veau communique les résultats des observations de
l'électricité atmosphérique faites à la Tour Eiffel et au
Bureau central météorologique. La variation du champ
1 Voyez ce même fascicule, page 1,
DTA
4
0
ACADÉMIES ET SOCIÉTÉS SAVANTES
avec l'altitude est modifiée par lss saisons; mais cette
influence, considérable au voisinage du sol, cesse de se
faire sentir à une trentaine de mètres au-dessus. —
M. H. Chevallier a reconnu que les petites oscillations
de température ont un rôle plus efficace que les échauffe-
ments à température physiquement constante dans la
production des modifications permanentes des fils mé-
talliques, estimées d'après les variations de la résistance
électrique. — M. René Paillot a constaté que, dans
une pile formée de deux électrodes de fer plongées
dans l’eau acidulée, et dont l’une des électrodes est
aimantée, la force électro-motrice d'aimantation tend
toujours vers une limite, déterminée pour un échan-
tillon de fer et un acide donnés. M. J. Borgman
communique de nouvelles observations sur les phéno-
mènes de luminescence qui se produisent dans un tube
en verre rempli d'un gaz raréfié et muni d'un fil de pla-
tine tendu, communiquant à l’un des pôles d'une bobine
de Ruhmkorff. — MM. Foveau de Courmelles et G.
Trouvé décrivent des appareils permettant diverses
apphcalions physiologiques de la lumière produite par
une lampe à incandescence, l’action des rayons étant
considérablement concentrée par la réflexion sur un
miroir parabolique. — M. F. Caubet considère les iso-
thermes qu’il a obtenues dans la liquéfaction des mé-
langes gazeux. En. dehors des points situés sur la courbe
de saturation, l'isotherme théorique coupe l’'isotherme
pratique eu un nombre impair de points aux tempéra-
tures inférieures à la température critique, et en un
nombre pair aux températures de condensation rétro-
grade. — M. Albert Colson a observé qu'en dehors de
toute excitation électrique ou lumineuse, un tube à vide
en verre émet des gaz réducteurs qui se renouvellent à
mesure de leur absorption, comme s'ils possédaient
une tension fixe, et dont le pouvoir réducteur dé-
passe celui de l'hydrogène libre. — M. ©. Boudouard
a étudié la réaction réversible : 2C0—C0?<4-C à diverses
pressions; la formule de M. Le Chatelier, donnant l’équi-
libre des systèmes gazeux à toute température, se véri-
fie encore. On pourra donc s’en servir pour déterminer
la composition du mélange gazeux résultant de l’action
de l'air sur le charbon à différentes températures. —
M. M. Berthelot a introduit des feuilles d'argent et
de l’oxygène dans des tubes scellés qu'il a soumis à
diverses températures. La combinaison commence vers
200°, même à la pression de l'oxygène dans l'air, et va
en augmentant Jusque vers 500-550. Les quantités
d'oxyde formé qui persistent après refroidissement sont
minimes, mais toujours d'autant plus grandes que la
température maximum a été plus élevée. En même
temps que la combinaison a lieu, une portion de l'argent
se désagrège et se réduit en poussière lanugineuse.
L'auteur à constaté également que les lois ordinaires
ne s'appliquent pas aux débuts des combinaisons. —
M. Berthelot a répété les expériences précédentes avec
l’oxyde de carbone. Entre 300° et 500° l'argent se désa-
grège el du carbone se dépose. 11 s’est peut-être formé
un composé intermédiaire analogue au nickel-carbonyle
qui s’est détruit ensuite avec production d'argent et de
carbone. — Le même auteur a étudié encore l'action
de l'hydrogène sur l'argent. Il y a eu des traces de dé-
sagrégalion; peut-être s'est-il formé un hydrure métal-
lique très instable? — M. Fonzes-Diacon a préparé le
séléniure cuivrique par l’action de H° Se sur le chlo-
rure cuivrique anhydre. Il a obtenu le séléniure cui-
vreux par voie humide sous forme d'un précipité vert;
ce même composé, parfaitement cristallisé, prend nais-
sance dans la réduction du séléniure cuivrique par l'hy-
drogène, dans la réduction du séléniate de cuivre par le
charbon, et dans l’action de H: Se sur les chlorures de
cuivre à haute température. — M. V. Thomas, en trai-
tant le chlorure thalleux par le brome en présence de
l’eau, a obtenu, par concentration de Ja solution, une
série de produits : d'abord des lamelles hexagonales
orangées de formule Th‘ C!° Br5, puis un mélange d’ai-
guilles et de lamelles, puis des lamelles orangé-jaune
dont il poursuit l'étude. — M. Oechsner de Coninck a
déterminé la densité des solutions aqueuses et alcooli-
ques de nitrate d'uranium, puis la solubilité de ce sel
dans divers dissolvants minéraux et organiques, enfin
sa chaleur de dissolution dans l’eau et dans l'alcool. —
MM. L. Bouveault et A. Wahl ont étudié l’action des
réducteurs sur les deux nitrodiméthylacrylates d'éthyle
isomères. Le sodium réagit sur l’éther & pour donner
du nitro-isobutylène; l’'amalgame d'aluminium donne
l’aminodiméthylacrylate d’éthyle. Cette dernière four-
nil avec KCAz l'uréodiméthylacrylate, avec l’isocyanate
de phényle la phénylurée correspondante, qui se trans-
forme avec les alcools en isopropénylphénylhydantoine.
— M. A. Fernbach a isolé une nouvelle diastase, la
tannase, qui, dans la fermentalion gallique, transforme
le tanin en acide gallique; cette diastase est secrétée
par l’Aspergillus niger. — M. H. Pottevin est arrivé
aux mêmes résultats, Imdépendamment de M. Fernbach;
dans la réaction, il se produit toujours une certaine
quantité de glucose. — M. P. Portier a ajouté divers
sucres à du sang de chien ou de lapin; les seuls qui
subissent la glycolyse sont le lévulose, le galactose et
le maltose. — M. H. Causse, répondant à une note de
M. Molinié, conclut que le paradiazobenzènesulfonate
de sodium est bien un réactif du cystinate de fer con-
tenu dans les eaux contaminées; il est vrai que d’autres
corps réagissent avec lui, mais avec une teinte propre
à chacun d'eux. — M. G. André a étudié les transtor-
mations chimiques qui se passent pendant l’évolution
du bourgeon. Il est permis de comparer l’évolution du
bourgeon avec la germination de la graine, tant au point
de vue de la distribution de la matière minérale que de
la transformation des substances organiques. — M. H.
Carette a extrait de l'essence de Rue la méthylnonyl-
cétone; elle est incolore et non fluorescente. Elle
donne une oxime et deux produits de condensation
avec le benzylal.
30 SCIENCES NATURELLES. — M. A. Charrin, étudiant
les albuminuries intermittentes, a constaté que les
maxima de plusieurs phénomènes (élimination de
l’albumine; toxicité, densité, degré de congélation de
l'urine; pression vasculaire) s’observent sensiblement
au même moment de la journée. — MM. O. F. Mayet
et J. Bertrand indiquent un moyen d'étudier les mou-
vements amiboïdes des globules blancs du sang de
l'homme dans la phagocytose du bacille d'Eberth. —
M. G. Marinesco a étudié les modifications cytométri-
ques et caryométriques des cellules nerveuses motrices
après la section de leur cylindraxe. Elles se rapprochent
de celles dues à la résection du nerf hypoglosse dans
ce sens que, dans les deux cas, après la phase de réac-
tion avec augmentation du diamètre maximum du corps
cellulaire, du noyau et du nucléole, il s'ensuit l’atrophie
progressive de toutes ces parlies, avec ou sans ébauche
de réparation. — M. Ed. Rogez, au sujet d'une récente
note de Mle Barthelet sur la télégonie chez les souris,
pense que des résultats négatifs ne prouvent rien et
qu'il suffit d’un seul cas positif authentique pour mettre
bors de doute l'existence de la télégonie. — M. A.
Giard répond que les résultats positifs ne seront pas
toujours probants, surtout dans le cas des souris blan-
ches, étant données la difficulté qu'on éprouve à opérer
sur des races pures, et l'influence possible de l’atavisme.
— MM. Y. et M. Delage, dans le but de contrôler la
théorie de la fertilisation chimique des œufs de Læb,
ont déterminé la proportion de magnésium dans les
produits sexuels mâle et femelle des Oursins. La quan-
tité de métal est à peu près la même dans les deux cas,
et, s’il y avait une différence, elle serait plutôt en faveur
des produits femelles, ce qui démontre l’inexactitude
de la théorie proposée. — M. G. Loïisel a reconnu que
les ovules mâles et les cellules de Sertloli ont même
origine (cellules germinatives) et mêmes caractères
morphologiques (hypertrophie et polymorphisme). Ce
sont des éléments qui semblent pouvoir se suppléer l’un
l’autre, et qui, par conséquent, ont probablement mème
caractère physiologique. — M. P. Vignon communique
de nouvelles expériences contraires à l'hypothèse qui
ACADÉMIES ET SOCIÉTES SAVANTES 51
attribue aux granulations basilaires des cils le rôle de
centres cinétiques. — M. L. Mangin pense que le para-
site qui dévaste les plantations d’œillets en Provence,
nommé Æusarium Dianthi par MM. Prillieux et Dela-
croix, ne constitue pas une espèce nouvelle, et doit être
attribué au Fusarium roseum. Il serait également para-
site pour la pomme de terre. — M. René Maire com-
munique ses études cytologiques sur les Gastromycètes.
Dans toutes les espèces étudiées, il y a fusion de deux
noyaux seulement dans les jeunes basides. — MM. L. Ma-
truchot et M. Molliaraä ont observé les variations de
structure d'une algue verte, le Stichococcus bacillaris
Näg., sous l'influence du milieu. — M. H. Ricôme à
étudié le développement des plantes étiolées ayant
reverdi à la lumière. Les réserves de la graine per-
mettent à la plante de se développer sans l’action chlo-
rophyllienne; si l'étiolement n’a pas été de trop longue
durée, elle peut même paraître, quelque temps après
la mise à la lumière, plus vigoureuse qu'une plante nor-
male. La transpiration joue aussi un rôle dans le phé-
nomène. — M. Lucien Daniel a constaté que la décor-
tication annulaire peut amener un grossissement
marqué du fruit dans les Solanées alimentaires et très
probablement dans les autres familles qui fournissent
des fruits comestibles. — M. A. Bresson a recherché
l'âge des massifs granitiques de Cauterets et du Néou-
vielle (Hautes-Pyrénées) et d’une partie des formations
anciennes qui les bordent. Ces deux massifs ont dû
traverser un grand pli synclinal, rempli par le Carbo-
nifère. — M. Paul Choffat a déterminé des Ammonites
trouvées non loin de Mocambique ; elles se rapportent
au Crétacique supérieur. Elles montrent une analogie
frappante avec celles du Natal et de l’Inde, ce qui con-
firme l'existence d’une mer contournant le sud du
continent africain. — M. Henrik Arctowski a observé,
au cours du voyage de l'Expédition antarctique belge,
des îlots bas complètement recouverts de neige, trans-
formée en glace en dessous et descendant en pente
douce vers la périphérie de l'ile. 1l existe donc des gla-
ciers plats, et la grande calotte glaciaire de Croll peut
fort bien recouvrir l'Antarctide. — M.J. Thoulet, après
une étude critique des procédés de détermination de
la densité de l'eau de mer, a été conduit à adopter
l'aéromètre à volume et poids variable de M. Buchanan
et à rapporter la densité à celle de l’eau distillée
à 4, Louis BRUNET.
ACADÉMIE DE MÉDECINE
Séance du 4 Décembre 1900.
M. Polaillon à propos des travaux de M. \Wlaeff,
rappelle que c'est M. Mayet qui a le premier démontré
la transmission du cancer de l'homme au rat.
M. A. Laveran présente un rapport sur un ouvrage de
M. J.P. Cardamatis relatif à fièvre bilieuse hémoglo-
binurique en Grèce. L'auteura recueilli concurremment
116.119 cas de paludisme et 1.519 de fièvre bilieuse
hémoglobinurique, et il conclut que la dernière est une
entité morbide bien distincte du paludisme. La médi-
cation quinique a donné des résultats défavorables dans
la fièvre bilieuse; l’auteur conseille le bleu de méthy-
lène, les injections d'éther et de sérum artificiel. —
M. Hanriot présente le rapport annuel sur le Service
médical des eaux minérales et il conclut par les vœux
suivants qui sont adoptés par l’Académie : 1° Une en-
quête sera faite, au besoin sur place, par les soins de
l’Académie sur les diverses sources autorisées jusqu'à
ce jour. L'autorisation sera retirée à celles dont l’ex-
ploitation aura cessé depuis plus de trois années. Une
liste générale des sources autorisées sera dressée et
publiée par l'Académie. 2° Il y a lieu d'étudier les me-
sures propres à constater les variations et à prévenir
l’épuisement des nappes minérales; 3° Les Compagnies
seront invitées à se conformer strictement aux condi-
tions de leur autorisation. En cas de non-exécution,
l’autorisation pourra leur être retirée; 4° L'analyse pré-
sentée et acceptée par l'Académie et la date delamise en
bsuteilles seront inscrites sur chacune des bouteilles
mise en vente. 5° IL y a lieu d'organiser une surveil-
lavce sur les sources et les établissements thermaux.
Les inspecteurs régionaux, pour la présentaliou des-
quels l'Académie se met à la disposition du Ministre
de l'Intérieur, ne pourront exercer la médecine dans
aucune des stations soumises à leur surveilance. —
M. Hallopeau présente un jeune homme porteur d'un
angiome volumineux de la lèvre, ayant déterminé une
déformation en groin de la face. — M. Lucas-Cham-
pionnière présente un sujet âgé atteint d’une fracture
de l'extrémité de l'humérus et traité sans immobilisa-
tion malgré une déformation notable; au bout d'un
mois de traitement, le malade ne sent plus de douleurs
et peut mouvoir librement son bras. L'application d’ap-
pareils plâtrés est impuissante à modifier la déforma-
tion, et l'épaule reste généralement enraidie et doulou-
reuse. — M. E. Lancereaux signale des cas d'hémor-
ragies névropathiques des voies digestives (stomatorra-
gies, hématémèses, entérorragies) qui ne sont liées à
l'existence d'aucun désordre matériel. Elles tuent ra-
rement et ne sont graves que par leur répétition. On
les traiteru efficacement par l'emploi des opiacés et les
injections d’ergotine. — M. Albert Robin a constaté
que les malades à émissions laiteuses, considérés à tort
jusqu'à présent comme des calculeux, des phosphatu-
riques ou des neurasthéniques, sont simplement des
dyspeptiques hypersthéniques périodiques ou perma-
nents. On peut diviser ces malades en deux catégories,
suivant qu'ils ont simplement des émissions laiteuses
irrégulières ou qu'ils expulsent d'épais liquides crayeux
à la fin de la miction ou des conglomérats d'aspect
plätreux, qui provoquent des crises vésico-urétrales sou-
vent très douloureuses. L'anémie par déglobulisation
constitue la complication générale la plus souvent ob-
servée. Le traitement devra s'adresser d'abord à la
dyspepsie hypersthénique. — M. le Dr Le Roy lit une
étude bactériologique sur les loupes cancéreuses.
Séance du 11 Décembre 1900
M. le Président annonce le décès de M. J. Bergeron,
secrétaire perpétuel.
Séance du 18 Décembre 1900
Séance publique annuelle. M. E. Vallin lit le Rap-
port général sur les prix décernés en 1900. — M. le
Président proclame les noms des lauréats des concours.
— M. Debove prononce l'éloge de Charcot.
Séance du 26 Décembre 1900
M. le Président annonce le décès de M. Duclos et de
M. Béranger-Féraud, correspondants nationaux.
L'Academie procède au renouvellement de son bu-
reau pour 4901. — M. Guyon, vice-président en 1900,
devient président pour 1901. M. Riche est élu vice-
président. M. E. Vallin est réélu par acclamations
secrétaire annuel. M. Hanriot est réélu trésorier.
MM. Jungfleisch et Le Dentu sont nommés membres
du Conseil.
SOCIÉTÉ DE BIOLOGIE
Séance du 24 Novembre 1900
M. A. Laveran a rencontré l'Anopheles claviges dans
toutes les régions à fièvre palustre, tandis que les ré-
gions où l'on trouve seulement les Culex sont exemptes
de paludisme. — M. P. Courmont à étudié l'agalutina-
tion des bacilles de Koch par la sérosité pleurale des
tuberculeux. — M. Pachon a observé les eflels éloignés
de la section du sympathique cervical sur la tension du
globe oculaire; il y a retour à la normale. — M. Mayet
adresse une note sur la Jleucocytose dans la tièvre
typhoide. — M. Christiani expose ses recherches sur
l'histologie des greffes thyroïdi-nnes chez les Reptiles.
— M. Ribot (de Toulouse) envoie un mémoire sur la
présence du calcium et du magnésium dans la rate.
52 ACADÉMIES ET SOCIÉTÉS SAVANTES
Séance du 1° Décembre 1900
MM. Ch. Achard et Lœper ont observé, dans le rhu-
matisme articulaire aigu, de la leucocytose avec poly-
nucléose au cours de la période fébrile, et éosinophi-
lie à la fin et dans la convalescence. — Les mêmes
auteurs ont constaté, dans deux cas, que la dégénéres-
cence amyloïde ne paraît pas modifier la perméabilité
du rein au bleu de méthylène. — MM. Sabrazès et
Mathis n'ont pas remarqué de modifications des glo-
bules rouges dans le cours du zona, mais bien de l’hy-
perleucocytose du premier au cinquième jour, puis un
retour à la normale, et quelquefois une nouvelle pous-
sée d'hyperleucocytose avec un peu d'éosinophilie. —
MM. Mairet et Ardin-Delteil concluent de leurs recher-
ches que la sueur de l'homme normal n’est pas toxique.
Lorsque cette sueur tue, elle tue par sa différence de
tension osmosique avec le sang de l'animal auquel on
l'injecte.—M.L. Monfet décrit le procédé qu'il emploie
pour l'analyse de l'urine; l'acide est précipité à l’état
d'urate cuivreux et dosé par sédimentation; l'acide
phosphorique est dosé de même à l'état de phosphate
d'urane. — M. Hénocque présente un oculaire spec-
troscopique très simple.— M. Sicard a trouvé de la leu-
cocytose mononucléaire dans le sang d'enfant en cours
d'éruption vaccinale. — M. Nobécourt a constaté qu'il
n'existe que des mononucléaires dans les séreuses nor-
males du cobaye; on peut provoquer l'apparition de
polynucléaires en injectant sur la peau des bouillons
peptonisés. — M. Pinois a éludié l'action du canthari-
date de potasse sur le placenta des cobayes.
Séance du 8 Décembre 1900.
MM. F. Bezançon, V. Griffon et L. Le Sourd ont
obtenu, sur sang gélosé, de belles colonies du bacille
trouvé par Ducrey dans le pus du chanere mou; dans
ce milieu, les bacilles conservent longtemps leur vita-
lité et leur virulence. MM. Tuffier et Hallion ont
reconnu que l'effet anesthésique produit par l'injection
sous-arachnoïdienne de cocaïne résulte d’une sorte de
section physiologique transitoire des racines posté-
rieures. — MM. Mairet et Ardin-Delteil ont constaté
que la sueur épileptique interparoxystique n'est pas
toxique; la sueur recueillie au moment des attaques
possède des propriétés toxiques faibles, mais réelles,
qui s’atténuent assez rapidement après l'attaque. —
MM. Ch. Achard et M. Lœper ont examiné les lésions
et les épanchements tuberculeux et ont constaté au
début la présence de polynucléaires; mais ceux-ci
disparaissent bientôt pour faire place à un grand afflux
de mononucléaires. — MM. E. Maurel et de Rey-
Païlhade ont constaté que, pendant le sommeil hiver-
nal, les pertes des tortues, calculées par kilogramme
de leur poids, sont d'autant plus grandes que l'animal
est plus petit. Quelque soit le volume de l'animal, ses
pertes sont proportionnelles à sa surface. — M. Tri-
bondeau a étudié un testicule humain adulte, dont le
canal était obstrué depuis trois mois par des tuber-
cules; les tubes étaient en dégénérescence plus ou
moins complète, sans spermatides, ni spermatozoïdes.
Les cellules de Sertoli persistaient seules dans quelques
tubes.
Séance du 15 Décembre 1900.
MM. L. Grimbert et G. Legros ont cherché à mo-
difier les propriétés da bacille coli en le cultivant sur
des milieux additionnés de divers antiseptiques. Sur
cinq échantillons, deux ont perdu la fonction indol et
un seul la propriété de dégager des gaz en milieu lac-
tosé; cette modification a persisté à travers une ving-
taine de générations. — M. A. Hénocque a étudié
l'influence physiologique des ascensions à la Tour
Eiffel; l'effet le plus remarquable de la montée, soit en
ascenseur, soit à pied, a été l'augmentation constante
de l'activité de la réduction de l'oxyhémoglobine. —
MM. Sabrazès et Muratet ont reconnu, dans la séro-
sité péritonéale du bœuf, une sorte de concentration
des leucocytes, qui sont plus nombreux que dans le
sang, — M. Wiener envoie une note sur l'action micro-
bienne du sérum des animaux traités avec l’'arsenic et
la créosote.
La Société procède au renouvellement de son bureau
pour 1901, qui est ainsi constitué :
Président : M. Ch. Bouchard;
Vice-présidents : MM. Netter et Raïllet:
Secrétaire général : M. E. Gley.
Séance du 22 Décembre.
M. Gellé à étudié les mouvements de l'air expiré
pendant l'émission des sons voyelles, en ayant aspiré
au préalable de la fumée; il montre que la formation
de la voyelle À s'accompagne d’un mouvement molé-
culaire en fourbillon, sans aucune expiration du dehors.
— MM. Mairet et Ardin-Delteil ont constaté que la
sueur des paralytiques généraux à une toxicité faible
mais réelle. — M. G. Legros ne croit pas à l'existence
de capsules chez toutes les espèces microbiennes,
annoncée par Boni, car le procédé de cet auteur se
prète à la critique. Chez les colibacilles, on peut ren-
contrer d’une manière inconstante des pseudo-capsules.
— H. Frenkel a observé que, si l’on verse de la fleur
de soufre sur de l'urine, elle tombe au fond si l'urine,
renferme des acides biliaires, et reste à la surface dans
le cas contraire. Quelques autres substances partagent
la propriété de faire tomber le soufre. — MM. J. Cluzet
et H. Frenkel ont reconnu que les liquides qui ne
laissent pas tomber le soufre ont une tension super-
ficielle supérieure à 50 dynes par em?. — MM. Ravaut
et Vidal ont observé que les épanchements pleuraux
expérimentaux ont une composition histologique va-
riable suivant le mode de production. — M. Waleswood
a constaté que, chez les Mammifères, l'hémisphère
gauche du cerveau est plus développé que le droit, et
que le côté droit du corps est plus développé que le
gauche.
SOCIÉTÉ FRANÇAISE DE PHYSIQUE
Séance du 21 Décembre 1900.
M. le Secrétaire général aunonce l'envoi d'une note
de M. A. de Grammont intitulée: Contribution à
l'étude de la réfraction et de la dispersion, où sont
étudiées les courbes qui, pour chaque valeur de l'indice,
s’obtiennent en portant aux abscisses les déviations
causées par un prisme d'angle A et en ordonnées les
incidences. Toutes ces courbes ont, pour diamètre des
cordes parallèles à l'axe des incidences, une droite, dont
Re an [l
l'angle avec l’une des déviations a pour tangente — et
dont l'abscisse à l’origine est égale à A. Cette droite est
le lieu des minima de déviation pour les différentes
couleurs. L’incidence rasante donne pour chaque
courbe une émergence limite et une déviation maxima.
Le lieu des points d'émergence est une droite, dite
droite des limites, inclinée à 45° des axes et passant
par le point de la droite des minima dont l’ordonnée
est 90°. Le mémoire étudie d'autres propriétés des
courbes, ainsi que les effets de la variation de l'indice
et de l'angle du prisme. — M. V. Crémieu a étudié
lellet de la convection électrique et repris les expé-
riences de M. Rowland. D'après Maxwell le mouve-
ment de translation d'une bande électrisée de largeur
l, de longueur ds, se déplacant dans le sens de cette
longueur avec une vitesse v, doit équivaloir à un
élément de courant dont l'intensité serait donnée par
l'équation :
ids — cvlds.
s désignant la densité de l’électricité sur la bande
mobile. Ce courant de convection posséderait les
propriétés magnétiques des courants de conduction. La
réciproque de cet effet serait une force pondéromotrice
d'induction /, qui s'exercerait sur un corps électrisé
. placé au voisinage d’un solénoïde électromagnétique,
ACADÉMIES ET SOCIÉTÉS SAVANTES 53
à l'intérieur. duquel le flux varierait avec une vi-
dx à : Ve
tesse ES La valeur de f à une distance » de l'axe,
Û
pour une charge y, serait
u dx
he 2xr dt”
M. V. Crémieu, après avoir essayé, sans succès, de
constater l'existence de cette force, et de l'induction
électromagnétque qui devrait résulter de la variation
du champ magnétique dû à un courant de convection,
a répété l'expérience de M.Rowland, en opérant sur des
courants beaucoup plus intenses. Un disque d’ébonite,
doré suivant des secteurs isolés, chargé à une densité |
superficielle électrique de 2 à 5 C. GC. S., tournant
entre des plateaux fixes diélectriques récouverts de
secteurs d'étain, isolés les uns des autres et séparément
reliés au sol, produit, sur une aiguille aimantée placée
parallèlement à son plan, des déviations dont le sens
est celui que fait prévoir la théorie de Maxwell. Mais
_ l'ordre de grandeur est beaucoup plus petit. De plus,
les déviations peuveut s'annuler, lorsqu'on interpose
une plaque conductrice devant l'aiguille; lorsque
l'aiguille aimantée est en face du milieu d'un secteur
fixe ou de l'intervalle de deux secteurs ; lorsque ces
secteurs fixes sont reliés au sol en des points symé-
triques par rapport à l'aiguille aimantée, et enfin
lorsque, dans les secteurs, on remplace l'étain par une
couche de graphite qui peut se charger, sans permettre
le mouvement rapide de l'électricité. Il est donc cer-
ain que les déviations observées proviennent d'un
phénomène accessoire de conduction qui se produit
dans les secteurs fixes. M. Crémieu se propose de recher-
cher si l'effet prévu par Maxwell ne deviendrait pas
observable, en supprimant les secteurs fixes qui
forment un écran conducteur entre le disque mobile et
l'aiguille aimantée. — M. C. Matignon expose la théorie
et les usages de la métallurgie à base d'aluminium ou
aluminothermie. Sous ce nom, Hans Goldschmidt dés:- |
gne l'application de la haute chaleur de combinaison
de l'aluminium à l'oxygène à la réduction des oxydes,
soit en vue d'obtenir les métaux et leurs alliages, soit
pour utiliser la chaleur dégagée dans la réaction.
L'aluminium réduit tous les oxydes, sauf la magnésie,
en mettant en liberté le métal. Dans la plupart des cas,
la réaction, une fois provoquée en un point de mélange,
se propage d'elle-même dans toute la masse; par suite
de la chaleur dégagée l’alumine et le métal fondent et
se séparent; on retrouve, au fond du creuset, un culot
métallique recouvert par de l’alumine fondue. Pour
amorcer laréaclion, on dépose à la surface du mélange
d'oxyde et d'aluminium, pris en grains obtenus par un
procédé spécial, quelques grammes de bioxyde de
baryum et d'aluminiun en poudre, qu'on enflamme par
l'intermédiaire d'un fil de magnésium. Pour la soudure
des rails de tramways, des tubes de fer, de cuivre, il
est commode d'utiliser la chaleur dégagée par une
réaction que l’on provoque à l'intérieur d'une boîte
entourant les pièces à réunir. M. Matignon exécute de
brillantes expériences de réduction d’oxydes par l'alu-
minium. CG. RAvEaAU.
Séxnce du 4 Janvier 1901.
M. A. Job décrit, une nouvelle méthode expérimen-
tale pour l'élude de la transpiration des gaz. On ne
dispose, en Chimie, d'aucun appareil simple et com-
mode pour mesurer les vitesses de dégagement gazeux
dans les réactions. L'auteur y arrive au moyen d'un
dispositif très simple, constitué par un tube ou un pelit
ballon à réaction, terminé par une tige capillaire et
relié latéralement à un manomètre. Le gaz se dégage
dans l'appareil plus rapidement qu'il ne peut s’écouler
par la pointe capillaire, et il se produit un excès de
pression qui est indiqué au manomètre et peut: être
- enregistré. En régime permanent, pour une vitesse de
dégagement, on observe: une pression constante. au
manomètre. Pour étalonner l'appareil, l’auteur y pro-
duit un débit gazeux constant et counu, et cela au moyen
de l'électrolyse; on emploie une solution de soude à
15 °/, avec des électrodes en nickel, et connaissant
l'intensité du courant employé, on en déduit facilement
la quantité de gaz tonnant produite. La sensibilité de
l'appareil augmente avec la finesse du tube capillaire,
car l'excès de pression est plus grand: mais alors la
rapidité des indications diminue ; on obvie à cet in-
convénient en donnant à l'appareil un très pelit vo-
lume, afin que l'équilibre s'établisse rapidement. Les
indications de l'appareil nécessitent deux corrections :
l'une de température (0,006 par degré), l’autre de pres-
sion (1/80 par cent. de Hg); on peut s'affranchir de
la première en opérant à température presque cons-
tante, de la seconde au moyen d'un petit dispositif
additionnel approprié. Cet appareil est susceptible
d'applications diverses; il peut servir à mesurer la
vitesse des fermentations. Il permet l'étude de divers
phénomènes d’électrolyse. En séparant le ballon en
deux parties par une paroi poreuse et en placant une
électrode dans chaque parlie, on pourra recueillir sé-
parément les gaz déyagés à chaque électrode et mesurer
leur vitesse de dégagement. En placant en série deux
ou plusieurs appareils dégageant, par des réactions
électrolytiques convenables, des gaz différents, on
pourra, en faisant varier les intensilés des courants,
réaliser des mélanges gazeux de composition absolu-
ment déterminée dont on pourra mesurer la vitesse de
transpiration. Enfin on pourra calculer l'intensité
d'oxydation électrolytique dans une réaction par la
différence des vitesses de dégagement de l'oxygène
dans cette réaction et dans un voltamètre ordinaire. —
M. G. Sagnac expose la suite de ses recherches per-
sonnelles et celles qu'il a faites en commun avec
M. P. Curie, sur les transformations des rayons X par
la matière‘. 4. Application de la transformation des
rayons X à la Chimie. Les éléments qui transforment
notablement les rayons X (tels que le platine, le plomb,
l'étain, le nickel ou le fer, le zinc, le cuivre) émettent
en général les rayons secondaires les plus actifs et
communiquent cette propriété aux mélanges ou aux
composés qui en renferment. L'étude de l’action élec-
trique des rayons secondaires émis par un Corps per-
met d'y reconnaitre la présence d'une petite quantité
d'un élément relativement très actif, par exemple le
cuivre, le fer dans l'aluminium. De là, une méthode.
pour chercher à découvrir des éléments nouveaux.
2, Absorption des rayons secondaires par l'air. L’éner-
gique absorption que les rayons secondaires les plus
actifs issus d’un métal comme le platine éprouvent
dans les premiers millimètres d'air adjacents au métal
rayonnant à été vérifiée d'une manière directe en raré-
fiant l'air autour du métal. 3. Nouveau mode de dé-
charge des corps électrisés. Un faisceau de rayons X
décharge un conducteur C même quand le faisceau ne
traverse pas la région I de l'atmosphère soumise au
champ électrique du conducteur; il suffit que le fais-
ceau de rayons traverse une région E de l'atmosphère
électrostatiquement séparée du champ du conducteur G
par un écran de Faraday discontinu, comme une loile
métallique, mais dans laquelle règne un champ élec-
trique F, de même sens* que le champ F;. — Il en
résulte, en particulier, que si des rayons pénètrent
aussi dans la région 1, la présence du champ exté-
rieur F, peut, suivant le sens de ce champ et celui du
champ F;, modifier considérablement la vitesse de dé-
charge du corps C; cette vitesse varie alors, par
qe
1 Voir G. Sacxac : « Luminescence et rayons X, » paru
dans le n° du 30 avril 1898 de la Revue (9e année, p. 31).
? Expériences décrites dans un pli cacheté déposé à
l'Académie des Sciences, le 18 juillet 1898, ouvert dans la
séance du:5 février 1900. — M. P. Villard a‘trouvé que les
flammes, les corps incandescents, le phosphore, produisent les
mêmes eflets qu'un faisceau de rayons X. (Société Francaise
de physique, séance du 16 mars 1900.) È
54 ACADÉMIES ET SOCIÉTÉS SAVANTES
exemple dans le rapport de 1 à 10 ou 20, quand on
renverse le signe de l’électrisation du conducteur C,
alors qu'elle est indépendante de ce signe en l'absence
du champ extérieur F,. M. Sagnac explique ces phéno-
mènes en admettant que les ions produits par les
rayons dans l'air de la région E acquièrent sous l'in-
fluence du champ électrique F, une vitesse et une
force vive suffisantes pour quitter les lignes de force du
champ F, et pénétrer dans la région I de l’autre côté
de l'écran de Faraday. Ces flux d'ions positifs ou néga-
tifs produits dans l'atmosphère sont les analogues des
rayons cathodiques, considérablement plus rapides et
moins diffusables, produits dans le vide de Crookes.
4. Electrisation négative des rayons secondaires déri-
vés des rayons X (travail fait en commun avec M. P. Cu-
rie). Un faisceau assez intense de rayons X, recu à
travers une fenêtre d'aluminium dans une enceinte de
Faraday en plomb épais complètement entourée d’une
enveloppe continue de paraffine, s'est montré dépourvu
d'électrisation (le dispositif aurait permis de déceler un
courant électrique de l'ordre de 10 ampère). On a
pu constater que le même faisceau de rayons X, recu
par une lame d’un métal lourd tel que le platine, le
plomb, l'étain, le zinc, excite en frappant le métal des
rayons secondaires électrisés négativement, capables
de produire un courant électrique de l’ordre de 10-10 am-
père. Pour pouvoir recueillir les charges négatives
issues du métal, ou les charges positives complémen-
taires libérées sur le métal, on raréfiait l'air autour du
métal jusqu'à la pression du millième de millimètre de
mercure afin de rendre à l'air ses propriétés isolantes
malgré l’action des rayons X et des rayons secondaires
qui le traversaient. Par leur électrisation négative,
les rayons secondaires des métaux tels que le platine,
le plomb, présentent une certaine analogie avec le
rayonnement spontané du radium. 5. Comparaisons
diverses. La partie électrisée des rayons secondaires
est aussi peu pénétrante que les rayons cathodiques
produits par les décharges dans le vide de Crookes et
que Lenard a étudiés (1/2 micron d'aluminium ne
transmet que les 3/5 des charges négatives des rayons
secoudaires du plomb). Elle constitue, dans l'optique
des rayons de Rüntgen, l'analogue des rayons cathodi-
ques, encore plus absorbables que les métaux émettent
sous l'influence des rayons ultra violets, et que P. Le-
nard ‘ a récemment étudiés dans le vide. D'autre part,
l'ionisation des gaz par les rayons X est analogue à
l'ionisation des gaz par les rayons ultra violets® de
longueur d'onde inférieure à 0,2, rayons absorbables
par l’air et divers gaz d'autant plus fortement en géné-
ral que leur longueur d'onde est plus petite. — M. Le-
moine présente quelques jouets du nouvel-an basés sur
quelques principes simples de Physique. L'un des plus
curieux est le bateau sous-marin, qui s'enfonce dans
l’eau et remonte à la surface alternativement. Dans ce
bateau est disposée une chambre cylindrique, percée à
sa partie supérieure d’un trou capillaire et à sa partie
inférieure d'un orifice plus large. Cette chambre est
divisée en deux parties par une cloison horizontale per-
cée d'un trou; la partie inférieure contient de l'air, la
partie supérieure un mélange d'acide tartrique et de
bicarbonate de soude. Quant on pose le bateau sur
l’eau, l’eau pénètre par le fond et chasse devant elle
l'air qui sort par le trou capillaire : le bateau tombe
au fond. L'eau arrive alors dans la seconde chambre et
de l'acide carbonique se produit; comme il ne peut se
dégager assez rapidement par le trou capillaire, il
refoule l'eau par la seconde chambre, et le bateau
remonte peu à peu. Il reste un moment à la surface,
jusqu'à ce que l'acide carbonique soit expulsé, puis
l'eau rentre et les mêmes phénomènes se repro-
duisent.
1 P. Lexar : Drude's Annalen d. Physik, t. II, p. 359-
370, 1900).
? P, LenanD :
Loc. cit., t, 1, p. 486-507; €. II, p. 298-319,
1900.
SOCIÉTÉ CHIMIQUE DE PARIS
Séance du 4% Décembre 1900.
M. A. Béhal expose, au nom de M. C.Phisalix et au
sien, le résultat de leurs recherches sur le venin du
Julus terrestris. Ils ont trouvé que la quinone en cons-
titue le principe actif. — M. M. Guichard communique
le résultat de ses recherches sur l'oxyde bleu de molyb-
dène. Il indique une méthode qui permet d'obtenir cet
oxyde à l'état de pureté. Sa composition est Mo0",
4 MoO*, 6 H°0. Il n'existe pas d'oxyde anhydre corres-
pondant. L'action des acides sur ce composé donne du
tétrachlorure de molybdène et de l’acide molybdique,
et cette réaction peut être renverse. le l’ensemble de
ses recherches sur les oxydes de molydène, M. Gui-
chard conclut que le molybdène possède deux oxydes à
fonction acide, deux oxydes à fonction basique, un
oxyde salin, ces oxydes étant hydratés, et deux oxydes
anhydres seulement, le trioxyde et le bioxyde. —
M. P. Freundler a poursuivi l’étude du couple zinc-
cuivre sur les chlorures d'acides, en solution dans
l’éther anhydre. Il obtient en définitive, avec le chlo-
rure de butyryle par exemple, de l'aldéhyde butyrique,
du butyrate d’éthyle et du chlorure d’éthyle, le chlorure
de zinc formé restant en solution. On peut donc repré-
senter la réaction par les deux équations :
2CH%.COCI+Zn+2(CH5)0—2C'H5.CO2CH%+ZnCl2+20?H°CI,
2C*H°COCI + Zn + 2H —ZnCË + 20C*H5.CHO.
M. Freund a déjà signalé la première de ces réactions
(Am. Chem., t. CXVIIL); toutefois il a obtenu, en em-
ployant le zinc seul (et non le couple), une certaine
quantité du corps
CH5 — C— O0 — CO.C'H5
|
CH5 — C — O0 — CO.CH*
qu'il a considéré comme étant du dibutyryle. Ce pro-
duit semble ne se former qu'en quantité très minime
lorsqu'on opère avec le couple préparé par réduction
du zinc et de l’oxyde de cuivre dans un courant d'hy-
drogène (Lachmann). Quant à l'hydrogène nécessaire à
la réduction du chlorure en aldéhyde, il provient évi-
demment du couple dans lequel il existe, soit à l’état
occlus, soit à l'état de combinaison. En effet, lorsqu'on
fait réagir sur le chlorure d’acétyle ou sur le chlorure
d'isovaléryle le couple préparé par le procédé ordinaire
(chauffage du cuivre avec de la limaille de zinc), on
obtient, comme dans le cas du zine, de l’éther sel et du
chlorure d'éthyle, et seulement des traces infinitési-
males de produit réducteur. L'auteur étudie présente-
ment les modifications à apporter au couple pour amé-
liorer les reudements en aldéhyde.
SOCIÉTÉ DE PHYSIQUE DE LONDRES
Séance du 14 Décembre 1900.
M. A. Schuster lit un mémoire sur l’inertie élec-
trique et l'inertie de la convection électrique. Les
calculs de self-induction sont basés sur l'hypothèse que
les courants qui traversent un conducteur le remplis-
sent d'une facon continue, le flux étant traité comme
celui d’un liquide incompressible. Cette hypothèse est
généralement rejetée dans le cas des électrolytes, où
l'électricité est conduile par un grand nombre de ions
irrégulièrement distribués. Dans les environs immé-
diats d’un ion, le champ magnétique est plusieurs fois
plus grand que celui calculé dans l'hypothèse d'une
distribution continue ; le total de l’énersie magnétique
est donc estimé au-dessous de sa valeur. Ce qui est
universellement reconnu dans le cas des électrolytes
doit être également accordé quand le courant est con-
duit par un gaz; et il est probable que, même dans les
conducteurs solides, le courant se compose d'électrons
positifs et négatifs se mouvant avec des vitesses diffé
ACADÉMIES ET SOCIÉTÉS SAVANTES 53
rentes. L'objet de ce mémoire est de calculer les termes
additionnels qui deviennent nécessaires pour l’éva-
luation de la self-induction, et de discuter les cas
possibles dans lesquels les corrections peuvent affecter
les résultats expérimentaux. L'analyse mathématique
montre qu'on doit ajouter un terme correctif conte-
nant une quantité qui peut être appelée inertie élec-
trique. L'auteur a calculé la valeur numérique de cette
quantité pour un conducteur solide, et a trouvé environ
2 X 10 — 12 unités C.G.S.; elle est de la dimension d une
surface. Les expériences de Hertz ont prouvé que si
l'inertie électrique existe, elle doit être moindre que
18 X 10—3. Dans le cas des liquides et des gaz, l'inertie
électrique des ions mobiles devient beaucoup plus
importante, et le calcul de la selfinduction par les
procédés ordinaires donne des résultats erronés. L'in-
troduction d'un terme représentant l'inertie altère les
équations générales du mouvement électrique ; l’auteur
a appliqué la théorie modifiée aux décharges de la
bouteille de Leyde, aux décharges sans électrodes de
J. J. Thomson et à la théorie électro-magnétique de la
lumière. Dans le cas des décharges sans électrodes
dans un tube à vide, il est possible que l'absorption de
l'énergie ne soit pas seulement due à la conductibilité
du gaz, mais aussi à l’inertie qu'il possède. — Le même
auteur lit un mémoire sur laprécession magnétique. La
méthode la plus délicate pour déterminer l'influence
de l'ivertie électrique est basée sur les forces électro-
motrices introduites par le mouvement des conduc-
teurs qui transportent des courants électriques. Si
l'électricité se comporte comme un corps possédant de
l'inertie, la rotation d’un corps traversé par des cou-
rants doit affecter le flux de la même manière que la
rotation de la terre modilie la direction des cou-
rants d'air. Si le magnétisme terrestre est dû à des
courants électriques, il est intéressant de rechercher
si les effets de l’inertie peuvent expliquer la varia-
tion séculaire. Le calcul moutre qu'une précession
magnétique du caractère de la variation séculaire
serait produite, mais que la précession serait beaucoup
plus lente que les variations actuellement observées,
Le calcul, fait d’abord pour les courants dans une
sphère creuse, est étendu à une sphère solide. La
ériode calculée d'un cycle est de 7 X 10!‘ années. Si
es courants sont confinés à une mince couche de la
terre, le temps se réduit à 14 xX 105 années; pour pro-
duire la période actuelle de la variation séculaire, il
faudrait que la couche de courant ait des dimensions
moléculaires. Il est donc possible que le phénomène
de la variation séculaire soit d'un caractère moléculaire.
En réponse à une observation de M. Blakesley,
M. Schuster signale que, si l’intérieur de la terre était
liquide, la période du cycle serait environ cent fois
moindre. — M. A. W. Rücker lit un mémoire sur le
champ magnétique produit par les tramways. Considé-
rant le cas d’un tramway pour lequel le courant part de
la station centrale le long d'un fil de trolley et revient
partie par les rails, partie par la terre, l’auteur montre
que la force verticale perturbatrice en un point est due
aux courants dans les feeders ef les rails, et que les
courants terrestres affectent seuls la force horizontale.
L'expérience montre que ce sont surtoutles instrüments
à force verticale qui sont affectés par l'établissement
d’un tramway électrique, et comme ce trouble est dù
aux lils et aux rails, il est impossible pour un observa-
toire d’être protégé par des rivières ou d’autres acci-
dents naturels des environs. Si l’on considère les fils
de trolley et les rails comme des conducteurs isolés,
l'effet d’un tramway sur un point situé à une certaine
distance est dù à la différence entre le courant du trol-
ley et le courant du rail. Le trouble augmente avec la
longueur du tramway, et pour un tramway d'une lon-
gueur donnée, les pertubations sont maximum aux
points situés sur une perpendiculaire abaissée sur le
milieu de la ligne. Des expériences faites à Stockton sur
la grandeur de la force perturbatrice ont donné, avec
l'appareil à force verticale, une perte de 16,3 ‘/,, et avec
l'instrument à force horizontale une perte de 15,9
concordance très bonne. L'hypothèse que les extrémités
de la ligne sont au-dessus et au-dessous du potentiel
moyen de la terre d’une même quantité, et que la perte
en un point est proportionnelle à la différence du poten-
tiel entre le rail et la terre, conduit à la théorie ordi-
naire d'un barreau de Fourier. Cette hypothèse plus
exacte a été appliquée aux résultats de Stockton. La
perte calculée est de 20 °/,. Le calcul de la force verti-
cale perturbatrice donne 10,5 >< 107 unités C. G.S., ce
qui concorde avec la valeur 7 X 107° unités GC. G.S.
observée. En somme, pour les besoins pratiques, il est
suffisant d'employer le courant de retour moyen par
les rails, dont les formules sont plus simples. — M.R.
T. Glazebrook communique quelques notes sur l'appli-
cation pratique de la théorie des perturbations magné-
tiques par les courants terrestres. L'auteur y à mis la
formule préconisée par M. Rücker sous une forme pra-
tique, et il donne une fable des distances auxquelles les
perturbations sont négligeables pour des tramways de
longueur donnée. -— M. R. Threlfall présente sa
balance de gravité à fil de quartz qui a déjà été décrite
ici, elle est surtout remarquable par son exactitude et
sa portabilité. — M. Watson présente une série de pen-
dules demi-seconde, dont le support est particulière-
ment stable. Ils sont couverts d'une enveloppe dont
l'air peut-être extrait de facon à diminuer le décrément
logarithmique. Le mouvement des pendules est indiqué
par des rayons de lumière réfléchis par des prismes à
angle droit qui y sont attachés, et la période d'oscil-
lation est déterminée par la méthode des coincidences
au moyen d'une horloge astronomique.
SOCIÉTÉ DE CHIMIE DE LONDRES
Séance du 6 Décembre 1900.
M. A. C. Chapmann à obtenu, en oxydant l'huile du
bois de santal par le permanganate de potassium
neutre, de l'acide santalénique C'‘H#*O?, cristallisé,
fondant à 76°; [x}]n — + 189,05. — M. A. Scott a trouvé
pour le bromure d'ammonium un équivalent différent
de celui donné par Stas; ce dernier est arrivé à 98,032
tandis que l'auteur trouve 97,996. Le poids atomique
de l'azote s'abaisserait donc de 14,045 à 14, 0/0, nombre
qui se rapproche de celui déduit des densités relatives
de l'oxygène et de l'azote (16 : 14,003). La cause de
cette diflérence tient probablement à ce que le brôme
employé par Stas n'était pas pur et contenait du pla-
tine. — MM. Henry J. Horstman Fenton et H. Owen
Jones ont poursuivi l'étude des propriétés de l'acide
oxalacétique, obtenu par oxydation de l'acide malique
en présence de fer ferreux. Son hydrazone, chauffée
avec de l’eau, perd CO* et donne l’hydrazone de l'acide
pyruvique; si la concentration est suffisante, cette
décomposition n’a pas lieu et l'hydrazone perd de l’eau
en donnant l'acide phénylpyrazolonecarboxylique de
Wislicenus. — MM. J.-J. Dobbie, Alex. Lauder et
Photios G. Paliatseas ont reconnu que la corydaline
C'H'5Az (OCH*), alcaloïde de la Corydalis cava, diffère
de la corybulbine C'#H'5Az0(OCH°)° par un groupe mé-
thoxyle en plus. Cette dernière renferme un groupe hy-
droxyle, car elle peut donner un dérivé monoacétylé.
Les deux alcaloïdes sont transformés par HI concentré
en C#H'AZ(OH)',HI. La corybulbine est convertie en
corydaline par l’action du iodure de méthyle et de la
potasse. — MM. W.-J. Pope et W.-N. Hartley ont
résolu la tétrahydro-B-naphtylamine racémique en ses
composants actifs au moyen des acides dextro et lévo-
bromocamphorsulfoniques. Mais en libérant la base de
ses sels au moyen de la soude et en préparant le chlo-
rhydrate, on observe une racémisation considérable ;
et les chlorures actifs deviennent difficilement sépara-
bles du mélange des sels. Le spécimen le plus pur de
d-tétrahydronaphtylamine, obtenu en traitant le bro-
mocamphorsulfonate par la soude et distillant sous
pression réduite, donne : [als —+ 379,24; il contient
ACADÈMIES ET SOCIÉTÉS SAVANTES
encore 30 °/, de base gauche, ce qui fait que la base
droite pure donnerait environ [al —+ 96° Ce cas
d'inversion optique n'a pas encore été sisnalé; mais on
a observé la racémisation par benzoylation de com-
posés :
R Ne A
Ro NazH
qui se transformaient probablement en :
NG:A7H°
RAA US
MM. W.-R. Dunstan et H. Brown ont reconnu que
l'Hyoseyamus muticus de l'Egvpte contient beaucoup
plus de hyoscyamine (graines : 0,87 °/,; tiges et feuilles :
0,59 0/,) que la raème plante aux Indes (0,1 °/, seule-
ment). Le Datura stramonium d'Egypte contient égale-
ment cet alcaloïde dans la proportion de 0,35 °/,. —
M. A.-E. Dixon a étudié l'action des uréthanes sur les |
amines benzénoïdes primaires. La phényluréthane et la
paratoluidine donnent de l’aniline et un mélange de
phénylparatolylecarbamide et de diparatolylcarbamide.
La réaction est probablement la suivante :
I. PhAzH.CO.OEt + ToAzH°?— ElOH + Ph.AzH.CO.AZHTo.
Ii. PhAzH.CO.AzHTo+ToAzH?= Ph.A7H°+ToAzH.CO.AzHTo.
De l’aniline et de la paratolyluréthane, on obtient les
mêmes composés. L'orthotoluidine et la phényluréthane
donnent de la ditolylcarbamide et de la phénylorthoto-
lylcarbamide. La phényluréthane et l'x-naphtylamine
produisent de la di-x-naphtylcarbamide el de la phé-
nyl-a-naphtylcarbamide. — M. W.-H. Sodeau a cons- |
taté que le chlorate de calcium se décompose en perdant
0,6 °/, de son chlore, et 20/4 lorsqu'il y a explosion. Le
chlorate d'argent, chauffé à 350°, explode en perdant
7 °/, de son chlore; dans la décomposition lente, il
peut dégager jusqu'à 36 °/, de chlore si l’on abaisse
suffisamment la pression. Il y a deux réactions simul-
tanées :
2 M(CIO®)® — 2 MCI + 60°
2M(C10:} = 2M6 + 2 CE + 302,
Pour le chlorate de calcium, la première décomposition
procède 4180 fois plus vite que la seconde; pour le chlo-
rate d'argent, le rapport n'est que 1,8 à 1. — M. G. J.
Fowler à préparé un azoture de fer Fe*Az par l’action
de l'ammoniaque, sur : 4° le fer finement divisé; 2 le
chlorure et le bromure ferreux; 3° l’'amalgame de fer.
Il se décompose à 600 dans un courant d'azote; sa
densité est 6,35. Chauffé dans un courant d'air à 2009,
il est transformé en oxyde ferrique et azote. Il est
décomposé par l'acide sulfurique suivant l'équation :
2 Fe°Az + 6H°S0#— 4FeSO* + 2 AzH'HSO* + H£.
L'acide chlorhydrique gazeux le transforme rapidement
à 350° en chlorure ferreux et chlorure d’'ammonium.
Chauffé en tube scellé avec l'iodure d'éthyle, il donne
lieu à la réaction :
Fe?Az + 5 CHI = AzHSl + 5 Ci + 2Fel.
— MM. G. J. Fowler et Ph. J. Hartog ont déterminé
la chaleur de formation de l'azoture de fer en utilisant
sa décomposilion par l'acide sulfurique. Elle est de
3,04 cal. La constitution de ce composé est probable-
ment :
Fe
Fe
SS 4
IS Az A2
Fe” Nke
__ M. M. O. Forster a obtenu, par hydrolyse du nitrile
non saturé qui se forme quand l'hanhydride du bromo-
nitrocamphane est (raité par la soude, l'acide infra-
campholénique C'H!0?; il est optiquement inactif et
se transforme en acide isolauronolique par l'acide sul-
furique chaud. L'aminoinfracampholène CSH'*AzH? se
prépare en traitant l'amide de l'acide infracampholé=M
nique par l'hypobromite de soude. — MM. Th. Hill
Easterfield el B. Cracroft Aston ont examiné trois
variétés de Tutu (Coriaria ruscifolia, C. thymifolia,
C. augustissima) de la Nouvelle-Zélande et en ont
isolé un glucoside, la tutine, CTH%07, en cristaux
incolores, fondant à 208-209 et donnant [xls —+-90,25.
Elle n'est pas identique à la coriamyrtine, dont la
formule est C'*H'#0*. Son action pharmacologique est
semblable à celle de la coriamyrtine, mais beaucoup
moins prononcée. — MM. J. B. Cohen et C. E.
Whiteley ont cherché à produire un nouvel atome de
carbone asymétrique dans un composé déjà oplique-
ment actif, dans le but d'en détacher ensuite le groupe
primitivement actif et de déterminer l'influence de ce
groupe. Pour cela, ils ont utilisé un grand nombre de
réactions, telles que la réduction, la bromuration où
l'hydroxylation des éthers composés d’un acide non“
saturé et d'un alcool aclif, ou la réduction de l'éther
cétonique d’un alcool actif, l'alcool étant ensuite enlevé
par hydrolyse. Ces réactions peuvent être représentées
comme suit (X est un groupe ou atome, sauf de l’hydro-
gène; A est un groupe alcoyle actif; C est le nouvel
atome de carbone asymétrique) :
(_(2) CH ICXe00A
DE .CH?: CHX.CO*A
{(c) :CH°.CHX.COH
\ ( CH: CH-CO\
> (b) .CHX.CHX.CO?A
(
\ G .CO.CO?A
À (b) .CHOH-.CO’A
| (e) :CHOH.COHI
b
c)
a
D)
c)u . CHX.CHN/CU?H
a)
3) b
ñ
Comme exemple de (1), les auteurs ont étudié la
réduction des éthers menthyliques des acides mésaco-
pique et phénylerotonique. Pour (2), ils ont préparéles
dérivés bromés des éthers amyliques et menthyliques
de l'acide cinnamique et du tartrate de dicinnamyle,
mais l’hydrolyse de ces derniers n’a pu se faire sans
départ du brome, et il a fallu renoncer à ces réactions.
Comme exemple de (3), les auteurs ont étudié la réduc-
tion du pyruvate de menthyle. Mais dans tous les cas,
les corps obtenus ont été optiquement inactifs; ces
expériences n'en sont pas moins poursuivies. —
M. W. H. Perkin junior a préparé, à partir de l'acide
ax-diméthylglutarique, l'acide dyméthylglutaconique :
CO?H.C(CH°)CH:CH.CO®H, dont l’éther éthylique, mis
en digestion avec l'éther cyanacélique sodé, et chauffé
avec l'acide sulfurique, se convertit presque quanti-
tativement en acide isocamphoronique : CO*A.C(CH°,°
CH (CH2CO®H)CH2CO*H, identique avec celui préparé du
pinène par Baeyer. — M. J. W. Mellor indique une
nouvelle méthode de synthèse de l'acide adipique:
l’action du malonate d’éthyle sodé sur le cyanure de
chloropropyle donue le cyanopropylmalonate d'éthyle,
qui, par hydrolyse avec l’acide sulfurique, se trans=
forme en acide adipique. — M. H. M. Dawson à
reconnu que le triodure de potassium est un sel nor-
mal, qui, a des concentrations correspondantes, est dis-
socié électrolytiquement au même degré que les autres
sels binaires. De même, le triiodure d'hydrogène est
électrolytiquement dissocié comme l'acide iodhydrique
et appartient au groupe des acides forts.
Le Directeur-Gérant : Louis OLIVIER.
Paris. — L. MARETHEUX, imprimeur, 1, rue Cassette.
©
12 ANNÉE
N° 2
950 JANVIER 1901
Revue générale
Ds SCienc
pures el appliquées
DIRECTEUR :
LOUIS OLIVIER, Docteur ès sciences.
Adresser tout ce qui concerne la rédaction à M. L. OLIVIER,
22, rue du Général-Foy, Paris. — La reproduction et la traduction des œuvres et des travaux
publiés dans la Revue sont complètement interdites en France et dans tous les pays étrangers, y compris la Suède, la Norvège et la Hollande.
LL — ——
CHRONIQUE ET CORRESPONDANCE
$ 1. — Nécrologie
Mort des Professeurs Potain et Hermite.
— Quatre deuils cruels viennent de frapper le monde
savant. Les lignes suivantes rappelleront au lecteur
l'œuvre de Bergeron et celle de Chatin. Dans son pro-
chain numéro, la Aevue consacrera une notice à la vie
et aux travaux de Potain et de Hermite.
Jules Bergeron. — Le 6 décembre dernier s'est
éteint Jules Bergeron, l'un des doyens de la Médecine
française.
Né en 1817 à Niort, il fut recu interne des hôpitaux
en 1840, et nommé médecin des hôpitaux en 1852. Il
se consacra à la médecine infantile, et fut pendant
longtemps médecin de l'hôpital Sainte-Eugénie, réservé
aux maladies de l’enfance.
Appelé à l’Académie de Médecine en 1865, il en fut
secrétaire annuel de 1879 à 1882, vice-président en
188%, président en 1885, et enfin secrétaire perpétuel
depuis le 22 mars 1887. Depuis lors, il lui consacra
toute son activité. C'est grâce à lui surtout que l’Aca-
démie pourra prochainement s'installer dans le magni-
fique local qu’on est en train d'achever rue Bonaparte.
En qualité de secrétaire perpétuel, Bergeron à pro-
noncé, aux séances annuelles, les éloges de quelques
grands maitres disparus, éloges qui resteront des mo-
dèles du genre.
Une grande part de la vie de Bergeron a été égale-
ment consacrée aux questions d'hygiène publique; il
était membre du Comité consultatif d'Hygiène depuis
1872, et vice-président de ce corps depuis 1884,
Adolphe Chatin. — Le 15 courant, le botaniste
Gaspard-Adolphe Chatin est décédé aux Essarts-le-Roi.
Il était né près de Tullins dans l'Isère, où il fit ses pre-
mières études; sa prodigieuse facilité de travail lui
valut d’être envoyé à Paris, où il compléta son instruc-
tion et conquit rapidement tous ses grades. En 1841, il
. était nommé agrégé à l'Ecole de Pharmacie, où il fut
chargé, comme suppléant, du cours de Botanique, dont
il réorganisa complètement l’enseignement. En 1848, il
devenait professeur titulaire, et, en 1873, directeur de
REVUE GÉNÉRALE DES SCIENCES, 1901,
| l'Ecole, fonction qu'il résigna en 1886. Entre temps, il
| avait été élu, en 1874, membre de l'Académie des
Sciences, et il en fut président en 1897.
Nous empruntons à la Notice que M. Gaston Bonnier
a lue devant l’Académie des Sciences, et dont il a bien
voulu nous communiquer les épreuves, l'appréciation
suivante sur l'œuvre de Chatin :
« On peut dire qu'il n’est pas une seule partie de la
Science des végétaux qui n'ait été abordée par le savant
botaniste. Morphologie externe, Anatomie, Physiologie,
Géographie botanique, Organogénie, Classification,
Cryptogamie, autant de divisions de la Botanique dans
lesquelles viennent se ranger d'importants travaux de
l’Auteur. La caractéristique principale de l'œuvre de
Chatio estsurtout dans la production d'idées originales,
fertiles en résullats, dans l'ouverture de voies nouvelles
explorées ensuile avec succès par les nombreux savants
qui ont marché sur ses traces.
« Je citerai d’abord l'immense ouvrage intitulé l'Ana-
tomie comparée des végétaux, dont la publication,
restée inachevée, a commencé en 1856, et où sont
examinées successivement les plantes aquatiques, les
plantes aériennes, les plantes parasites et les plantes
terrestres. À travers ces recherches d’Anatomie com-
parée, on rencontre des observations pénétrantes sur
les diverses adaptations des végétaux et sur les modili-
cations profondes qu'éprouve la structure des êtres
sous l'influence du milieu extérieur. Ces longues
recherches ont été l’origine première de cette nouvelle
branche de la Science qu’on nomme maintenant l’Ana-
tomie expérimentale.
« Les changements de siructure dans les parties
aquatiques ou {souterraines des plantes sout scrutés
d'une façon très remarquable dans cette suite de
Mémoires; mais c’est surtout l'étude des plantes para-
sites qui en constitue le mérite principal. Chatin met
en évidence, pour les espèces les plus diverses, les
caractères de régression dus à l'influence du parasi-
tisme. Cette question des plantes parasites a, d’ailleurs,
toujours occupé Chatin, et il y revenait encore, en 1891,
par une Note aux Comptes Rendus, où il montre le pre-
mier que le parasite n’absorbe pas, telles quelles, les
substances élaborées par l'hôte, mais en laisse de côté
une partie pour digérer et transformer le reste.
58 CHRONIQUE ET CORRESPONDANCE
« L'un des premiers, il a compris que, pour prendre
toute la valeur scientifique qu’elle comporte, la classi-
fication des plantes doit être fondée aussi bien sur les
caractères de leur structure que sur ceux de la forme
extérieure. Enoncée déjà par Mirbel au commencement
du siècle dernier, cette vérité n'est plus aujourd'hui
contestée ; elle est pour ainsi dire devenue banale. Elle
ne l'était pas, tant s’en faut, en 1839, lorsque Chatin
choisit ce sujet pour sa thèse de Doctorat ès Sciences.
Depuis, dans les Mémoires que je viens de citer et dans
d’autres encore, il a développé tous les résultats acquis
successivement par lui dans cette voie. Aujourd'hui
que l'étroit sentier d'autrefois est devenu une large
grand'route, il est juste de rendre hommage à ceux
qui y ont planté les premiers jalons.
« On doit encore à Adolphe Chatin un important
Mémoire sur l’anthère, qui a provoqué aussi de nom-
breux travaux sur la constitution et la déhiscence de
l’étamine. Dans ces derniers temps, le savant botaniste
a fait paraître une série de recherches sur les Champi-
gnons du groupe des Tubéracées, notamment des
Truffes, des Terfézées et des Tirmaniées. Ces recherches
ont été réunies en un volume qui a paru en 1892. »
$ 2. — Physique
La loi de Cailletet et Mathias et la den-
silé critique. — En 1886, MM. Cailletet et Mathias
ont formulé la loi suivante : Les moyennes des densités
d'un liquide et de sa vapeur saturée, pour toute sub-
stance stable, sont une fonction rectilinéaire de la tem-
pérature :
Di =D, + ot.
Bien que cette loi ait été vérifiée pour un assez
grand nombre de substances entre le point d’ébulli-
tion et le point critique, M. Sydney Young vient de se
livrer à un nouveau travail qui a porté sur une tren-
taine de corps, et il a constaté que, pour la plupart
d'entre eux, l'écart entre la théorie et l’expérience
augmentait rapidement au-dessous du point d'ébulli-
tion. Le pentane normal est le seul qui obéisse rigou-
reusement à la loi; l'hexaméthylène, le benzène, l'hep-
tane normal, etc., semblent suivre une loi qui serait
représentée par la formule plus complexe :
Di = D,+at+ pe;
pour les alcools, il y aurait même lieu d'introduire un
quatrième terme, À.
M. Sydney Young a calculé, d’après les densités obser-
vées, les valeurs de ces trois constantes pour tous les
corps étudiés et pour toute la série de températures
utilisées. Dans ce cas, les résultats de l'expérience
concordent bien avec ceux de la théorie.
Doit-on donc rejeter la formule simple D=Doxt?
M. Sydney Young pense que non, et il montre qu'elle
donne des résultats suffisamment exacts si l’on restreint
son emploi pour les températures situées entre le point
d’ébullition et le point critique. Dans ce cas, en effet,
les valeurs obtenues par les deux formules ne pré-
sentent qu'une légère différence.
M. Young conclut, en somme, de ses recherches que
la loi de Cailletet et de Mathias est presque, mais non
absolument exacte: elle ne paraît se vérilier complète-
ment que lorsque le rapport de la densité actuelle à la
densité théorique au point critique —- possède la va-
C
D
leur normale 3,77.
Mais les écarts sont généralement si faibles que la
densité critique peut être calculée au moyen des den-
sités moyennes du liquide et de la vapeur saturée (à
des températures situées entre le point d’ébullition et
quelques degrés du point critique) en se servant de la
formule simple DD;-#Æ2f, avec une erreur maximum
de 0,25 °/, et dépassant rarement 0,1 2/4.
La lampe à incandescenee et le courant
alternatif. — On sail que l’inertie de nos impres-
sions visuelles les étale sur une durée d’un dixième de
seconde environ, c'est-à-dire qu'une action extrême-
ment courte sur notre œil est ressentie comme si la
même lumière tolale lui arrivait en un dixième de
seconde.
Il en résulte qu'un objet immobile, vu à une lumière
discontinue, dont les éclats se succèdent avec une
période inférieure à un dixième de seconde, semble
éclairé d'une facon uniforme. Mais il n’en est plus de
même si l'objet est en mouvement, et les éclats doivent
alors se répéter avec une fréquence beaucoup plus
grande pour donner l'impression d’un déplacement
continu. Ainsi un arc alternatif, dont l'éclat s’abaisse
très rapidement après que l'intensité du courant a
franchi le maximum, donne l'impression d’un mouve-
ment saccadé ou de la multiplicité d'un objet brillant
qu'il éclaire, au moins pour les fréquences de 40 à 50,
les plus ordinaires actuellement. Les joueurs de bil=
lard, par exemple, s'accordent à trouver extrêmement
désagréable, presque intolérable même, l'apparition
d'un chapelet de billes sous une lampe à arc alternatif.
Jusqu'ici on avait admis, en général, que les varia=
tions d'intensité des lampes à incandescence dans les
circuits alternatifs ordinaires étaient trop faibles pour
être observées; au moins, les objets que l’on déplace
dans le voisinage d'une lampe à incandescence ali=
D
Fig. 1. — Représentations du courant et de la chaleur déga-
gée d'une lampe à incandescence. — ABCDE, courant sinu-
soïdal; AB'CD'E, développement de chaleur produite par
le courant précédent; abcdefgh, développement de chaleur
figuré.
mentée par un courant de 40 à 50 alternances sem-
blent-ils se mouvoir avec une vitesse parfaitement
uniforme.
Un calcul approximatif montre, cependant, que les
variations de température, et, par conséquent, d'éclat
du filament, sont loin d'être négligeables. Considérons
une lampe alimentée par un courant purement sinu-
soïdal ABCDE (fig. 1). La chaleur dégagée en chaque
instant sera proportionnelle au sinus carré et sera
donnée par une courbe telle que AB'CD'E. L'aspect
des courbes montre que l’on pourra, comme grossière
approximation, supposer la lampe alimentée par un
courant discontinu abecdefyh, dont les interruptions
sont de l’ordre de la moitié de l’alternance. Supposons
que la période de repos du courant soit d'un centième
de seconde. Pendant ce temps très court, où la lampe
ne recoit aucun apport de chaleur, elle devra se refroi-
dir d’un nombre de degrés donné par le quotient de
l'énergie rayonnée par la capacité calorifique du
filament.
On peut admettre 10 kilowatts par gramme pour
valeur de la puissance rayonnée par un filament
poussé, et, comme chaleur spécifique du charbon aux
températures dont il s’agit ici, 0,5 par rapport à l’eau
ou 2,1 en valeur absolue. L’abaissement de la tempé-
rature en un centième de seconde, en supposant que
l'épaisseur entière du filament y participe, sera donc
de 50 degrés environ. La température au moment
initial étant au voisinage de 2.000° absolus, la diminu-
tion de la puissance rayonnée, régie à peu près par la
CHRONIQUE ET CORRESPONDANCE 59
loi de Stefan, sera de l’ordre du dixième, et l'éclat
visuel qui est, à ces températures, grossièrement pro-
portionnel à la sixième puissance de la température
absolue, de l’ordre du septième de l'éclat maximum.
Ces variations d'éclat peuvent être mises très facile-
ment en évidence par une méthode stroboscopique,
ainsi que vient de le montrer M. Samoilof. IL suffit,
pour cela, de faire tourner, au-dessous d'une lampe à
incandescence en circuit alternatif, un disque portant
des secteurs alternativement blancs et noirs, et de
régler la vitesse de ce disque de telle sorte que la
durée du passage d'un secteur sombre à la position du
précédent soit précisément égale à la période d éclat
de la lampe. Dans ces conditions, les positions dans
lesquelles viennent se superposer les secteurs blancs
dans les moments du maximum d'éclat apparaissent
en clair, et les positions intermédiaires sont marquées
par des bandes sombres estompées, mais bien nette-
ment visibles.
L'expérience est très frappante lorsqu'elle est faite
avec un disque portant une double rangée d’un nom-
bre inégal de secteurs (fig. 2), et tournant avec un
mouvement uniformément varié, un toton tournant
dans une assiette, par exemple, et perdant peu à peu
sa vitesse. On voit, dans ces conditions, se succéder
rapidement les phénomènes suivants :
Dans la couronne portant le plus grand nombre de
secteurs, les bandes som-
bres tournent rapide-
ment d'abord, puis de
plus en plus lentement
dans le sens de la rota-
tion du disque, s'arrê-
tent pendant un instant
très court, puis partent
en sens inverse. Les
mêmes apparences se
manifestent ensuite dans
la deuxième couronne.
Puis le disque devient
uniformément gris, et,
après un temps plus ou
moins long, on voit se
reproduire le même phé-
nomène, mais avec un
: : nombre de bandes som-
bres deux fois plus considérable, marchant d’abord
dans le sens direct, puis dans le sens rétrograde.
Enfin le disque redevient gris, jusqu'au moment où
la vitesse est assez faible pour que les bandes appa-
raissent isolément.
Cette expérience, qui peut être variée de bien des
manières, offre un réel intérêt de démonstration; elle
permet d'aller plus loin encore; si l'on s’entoure de
quelques précautions, elle donne la possibilité d’ana-
lyser avec une certaine précision la variation de l'éclat
des lampes, et même, avec des dispositifs particuliers,
la forme de cette variation.
Les observations que nous avons pu faire nous ont
montré que l'ordre de grandeur des variations ne
Sécartait pas notablement de celui qu'indique le
calcul approché.
Fig. 2. — Disque pour la stro-
boscopie de la lampe à incan-
descence.
$ 3. — Chimie
Synthèse de l'acide isocamphoronique. —
En traitant l'anhydride «x-diméthylglutarique :
CO?H.C(CH*)°.CH2. CHE. CO°H
par le pentachlorure de phosphore et le brome, et en
versant ensuite ‘ le produit de la réaction dans l'alcool,
M. W.-H. Perkin junior a obtenu l’éther bromodimeé-
thylqlutarique :
* 4 Proc. of the Chem. Soc., n° 229, 1900.
CO2CH5— C(CH?.CH2.CH — COC
|
Br
qui constitue un liquide huileux bouillant à 165-170
(35mmi,
Par l'action de la potasse alcoolique sur cet éther,
on obtient l'acide diméthylglutaconique :
CO’H.C{CH°\: CH —= CH: CO'H
qui cristallise dans l’eau en tables fondant à 172°
et constitue vraisemblablement un stéréoisomère de
l'acide «x-diméthylglutaconique préparé par Conrad,
lequel fond à 150°. 11 est, du reste, absolument certain
que l'acide fondant à 172° est bien l'acide diméthylglu-
taconique, car l'oxydation manganique à la tempé-
rature de 0° le convertit quantitativement en acides di-
méthylmalonique et oxalique :
CO?H.C{CHS CH — CH.CO'H + 0% = CO*H.C(CHS)*.CO*H
+ CO*H.COH.
L'acide diméthylglutaconique est rapidement éthérifié
par l'alcool et l’acide sulfurique. L’éther diméthylglu-
taconique :
É
CO2C2H5 — C(CHS CH = CH.COCH°
est un liquide incolore, bouillant à 2000 (200%). Quand
on fait digérer cet éther en solution alcoolique avec
l'éther cyanacétique sodé, il se produit une conden-
sation, et si l'on chauffe alors avec de l'acide sulfurique
dilué, l'on obtient aisément un acide fondant à 166,
possédant la formule empirique C*H'*0°,et qui est iden-
tique avec l'acide isocamphoronique. Cette identité à
été prouvée par le fait que le point de fusion de ce
produit n’est point changé quand on le mélange avec
une quantité égale d'acide isocamphoronique prove-
nant du pinène. De plus, quand on le chauffe avec de
l'acide sulfurique concentré à 100°, l'acide synthétique
est converti en acide terpénylique. Cette transfor-
mation, comme l'a montré Tiemann ?, esl caractéris-
tique de l'acide isocamphoronique. La condensation de
l'éther diméthylglutaconique avec l’éther cyanacétique
peut être exprimée ainsi :
CO!C2H° — C(CH#}.CH = CH.CO2C2H5 + CAz.CHNa— CO?CTI5
C0?C7H°
— (0: CHE: C(CHCHÈCHS
Na
CAz — CH — CO?C'H5
L'éther cyané ainsi produit donne à l'hydrolyse au
moyen de l'acide sulfurique et après élimination d’acide
carbonique, l'acide isocamphoronique qui doit donc
avoir pour constitution :
CO2H
COI Co°H
CH3—C—CH?
CI CI
DS /
KA
CH
C'est la formule qui a été proposée en premier lieu
par Tiemann à.
La diastase de la fermentation gallique.
— L'acide gallique s'obtient en abandonnant des noix
de Galles, pulvérisées et humectées d'eau, à la fermen-
tation spontanée. Le tanin qu'elles renferment se
transforme alors peu à peu en acide gallique qu'on
{Ber, d. deutsch. Ch. Ges., 1900, 33, 920.
?Ber. d. deutsch. Chem. Ges., 29, 2613.
#Ber, d. deutsch. Chem. Ges., 1896, 29, 2614.
60 CHRONIQUE ET CORRESPONDANCE
isole finalement par dissolution dans l’eau chaude et
cristallisation.
Comme l’a montré M. Van Tieghem, en 1868, ce sont
des moisissures, l'Aspergillus niger où le Penicillum
glaucum, qui opèrent la transformation du tanin.
Celui-ci a, d'après les travaux de Schiff, la formule d’un
anhydride particulier de l'acide gallique :
CH2(OH)SCO — O — CSH*(OH)CO?H.
C'est donc en fixant une molécule d'eau, en s'hydro-
lysant, qu'il donne naissance à l’acide cherché:
Tannin + H°0 — 2CH*OH)*CO*H.
(Acide gallique.)
On avait lieu de croire, d’après cela, que les moisis-
sures reconnues par M. Van Tieghem doivent agir en
sécrétant une diastase spéciale, une tannase; mais il
fallait le démontrer et on n’y avait pas encore réussi.
MM. Fernbach et Potitevin, cherchant chacun de son
côté, viennent de combler cette lacune {Comptes rendus
Ac. des Sciences, t. CXXXI, p. 1214 et 1215). En culti-
vant l’'Aspergillus sur du liquide de Raulin, dans
lequel le sucre est remplacé par du fanin, ou même
de l'acide gallique, il se développe un mycélium assez
épais, qu'il leur a suffi de laver, puis de faire macérer
dans l’eau, pure ou chloroformée, pour obtenir une so-
lution de tannase. Celle-ci, filtrée à la bougie Cham-
berland, hydrolyse le lanin et le transforme complè-
tement en acide gallique.
La tannase est, comme les autres diastases, précipitée
par l'alcool de sa solution aqueuse; elle agit en milieu
neutre ou acide ; enfin, sa température optimale est aux
environs de 670.
Dans la Nature, l'acide gallique accompagne quelque-
fois le tanin; aussi la diastase capable de dédoubler
celui-ci doit-elle être assez répandue. M. Pottevin l'a
signalée déjà dans les feuilles de sumac.
$ 4. — Physiologie
Nouvelles études sur la Bile. — Sous la direc-
tion du professeur Pawlow se continuent, au labora-
toire de Physiologie de l'Institut de Médecine
expérimentale de Saint-Pétersbourg, les intéressantes
recherches sur les sucs digestifs, dont nos lecteurs ont
eu connaissance il y a quelques mois, par un article
de notre collaborateur, M. Arthus ‘. Après avoir porté
leur attention sur le suc gastrique et sur le suc pan-
créatique, les physiologistes pétersbourgeois abordent
l'étude de la bile. Le travail est signé de M. Bruno
et a été publié dans les Archives des Sciences biolo-
giques, Volume VII, page 87.
Ce travail porte sur deux questions: surlesloisde l'é-
coulement de la bile dans le duodénum et sur les
fonctions digestives de la bile.
Les lois de l'écoulement normal de la bile dans le
duodénum ne peuvent être connues que par l’observa-
tion d'un animal porteur d’une fistule pratiquée de telle
facon que le sphincter duodénal du canal cholédoque
soit conservé. Ce sphincter, en effet, ne se relâche qu'à
certains moments, dans l'intervalle desquels il arrête
complètement l'écoulement biliaire. C’est dire que cette
étude ne peut être faite ni au moyen de la fistule de la
vésicule biliaire (fistule cholécystique), ni au moyen de
la fistule du canal cholédoque pratiquée en un point de
son trajet (fistule cholédoque). M. Bruno a pratiqué une
fistule duodénale intéressant la portion du duodénum
dans laquelle s'ouvre le canal cholédoque : par deux
incisions convenablement dirigées, il sépare le frag-
ment duodénal du reste du duodénum, répare par une
suture la plaie du duodénum et attire à la peau le
fragment duodénal isolé porteur de l’orifice normal du
canal cholédoque.
En opérant ainsi sur le chien, on constate que l’écou-
1 Voyez la Revue du 15 juillet 1899.
| taires:
lement biliaire est discontinu : il ne se produit pas
pendant le jeûne. Lorsque l'estomac est vide, et bien
que la vésicule contienne alors de la bile, ainsi qu'on
l’a observé des milliers de fois, il ne se produit aucun
écoulement par la fistule de Bruno, ni sous l'influence
des mouvements généraux, ni sous l'influence des for-
tes inspirations, ni sous l'influence des efforts, ni sous
l'influence des changements de pression abdominale
ou thoracique. En présentant à l'animal des aliments,
en les lui faisant sentir, on ne provoque aucun écou-
lement biliaire, même si l'animal a été maintenu en
état de jeûne prolongé. La bile s'écoule, au contraire,
pendant les heures qui suivent le repas. L’écoulement
commence de dix minutes à une heure après le repas
(quinzeminutes en général après un repas de lait, qua-
rante-cinq minutes aprèsun repas de viande ou de pain);
il dure pendant tout le temps que l'estomac est rempli
et cesse de cinq à dix minutes après l'évacuation finale
du chyme gastrique dans le duodénum.
La cause première de cetécoulement ne doit pas être
cherchée dans les phénomènes bucco-pharyngo-æso-
phagiens du repas, car l'écoulement biliaire ne se
produit pas si l'on fait prendre à un chien œsopha-
gotomisé un repas fictif (l'æsophage incisé est suturé à
la plaie opératoire du cou, et les aliments avalés tom-
bent au dehors par cette plaie). — Elle ne doit pas être
cherchée dans l’action mécanique exercée par les ali-
ments sur la paroi gastrique, car on peut introduire
dans l'estomac, par une fistule, des substances qui ne
produisent pas d'écoulement biliaire: telle est, par
exemple, l’ovalbumine, qui ne provoque point, dans
ces conditions, de sécrétion de suc gastrique.— Elle ne
doit pas être cherchée dans l'acte de la sécrétion gastri-
que ou pancréatique,car ces sécrélionssont provoquées
elles-mêmes par le repas fictif,inefficace, nous venons
de le dire, pour provoquer l'écoulement biliaire.
Si nous tenons compte de la période latente de Ja
production de l'écoulement biliaire après le repas; si
nous considérons que cet écoulement cesse quelques
minutes après l'évacuation finale du chyme dans le
duodénum, ou après son évacuation par une fistule gas-
trique, nous sommes amenés à conclure que l’excré-
tion biliare est produite par le passage du chyme
gastrique dans le duodénum.
Parmi les substances contenues dans le chyme gas-
trique, ce ne sont pas les substances acides qui pro-
voquent, par leur action sur la muqueuse duodénale,
l'écoulement biliaire ; car l'introduction, dans l'estomac
et, par son intermédiaire, dans le duodénum, d'acide
chlorhydrique dilué, ne provoque point cet écoulement.
On sait, eu outre, que le repas fictif détermine la sécré-
tion d'un suc gastrique très acide; nous avons vu que
l'écoulement biliaire ne se produit pas sous son in-
fluence. Les substances actives du chyme sont les pro-
duits de la transformation peptique des substances
albuminoïdes, les matières grasses, et les substances
qu'on à coutume de grouper sous le titre de substan-
ces extractives. On démontre, en effet, au moyen dé
l'animal porteur de la fistule de Bruno, que l’ingestion
d’une solution de protéoses peptiques, d'huile d'olives
ou d'amandes douces, d'une solution d'extrait de viande
Liebig, provoque un écoulement biliaire.
Remarquons ici que l’excrétion biliaire et la sécré-
tion gastrique sont, l’une et l’autre, provoquées par les
produits de la digestion peptique des substances albu-
minoïdes et par les substances extractives; mais la
sécrétion gastrique n'est pas provoquée par les graisses,
tandis que l'excrétion biliaire est engendrée par ces
substances. La sécrétion pancréatique et l'excrétion
biliaire succèdent à l’ingestion de matières grasses; mais,
si l'acide chlorhydrique peut provoquer la sécrétion
pancréatique, il est incapable d'engendrer l'écoulement
biliaire.
On sait que la bile n’est pas, à proprement parler,un
suc digestif: elle ne contient point de ferments solu-
bles capables d'agir sur les diverses matières alimen=
point d'amylase capable de transformer
CHRONIQUE ET CORRESPONDANCE GI
l'amidon en dextrines et en maltose ; point de pepsine
ou de trypsine capable de peptoniser les substances
protéiques, point d'invertine capable de transformer la
Saccharose en sucre interverti.Mais la bile joue un rôle
indirect dans la digestion. Ce rôle est double : d’une
part, elle est un des facteurs qui, dans le duodénum,
mettent fin à la digestion peptique; d'autre part, elle
favorise éminemment l'action diastasique du suc pan-
créatique. Les expériences de M. Bruno établissent avec
la plus grande netteté celte action favorisante. Des
mélanges de bile et de suc pancréatique produisent
une transformation des substances protéiques, des
bydrocarbonés et des graisses, beaucoup plus rapide
et beaucoup plus profonde que le suc pancréatique
seul. On ne doit pas imaginer que la bile renferme
quelque proferment qui, en présence du suc pancréa-
tique,se transformerait en ferment, car le mélange de
bile bouillie et de suc pancréatique se comporte comme
le mélange de bile non bouillie et de suc pancréatique.
La bile agit donc en rendant le milieu plus favorable à
l’action des diastases pancréaliques.
$ 5. — Hygiène publique
Opinion des médecins sur les Sanatoria
populaires. — Au sujet des sanatoria populaires
dont la /tevue a entretenu ses lecteurs dans son der-
nier numéro ‘ et du grand effort que tentent, pour en
créer un en Seine-et-Oise, la Municipalité de Versailles
et diverses Sociétés de secours muluels du département,
plusieurs éminents cliniciens nous ont fait l'honneur de
nous adresser les lettres suivantes, qu'il nous parait
utile de publier :
Mon cher Directeur,
Les médecins de Versailles ont trouvé le moyen de
réaliser la création d'un sanatorium populaire, et ils
ont, suivant moi, trouvé le meilleur moyen.
Je ne puis donc qu'approuver sans réserve leur ini-
tiative et serais heureux qu'ils pussent réussir.
Agréez, etc. P. Brouardel.
Membre de l'Académie des Sciences
et de l'Académie de Médecine,
Doyen de la Faculté de Médecine.
Cher Monsieur,
Mon approbation vous est acquise, c'est-à-dire acquise
au corps médical de Versailles, entièrement.
Votre bien dévoué. D: A. Gilbert.
Professeur agrégé à la Faculté de Médecine.
Médecin de l'Hôpital Broussais.
Cher monsieur et ami,
En réponse à la circulaire que vous avez bien voulu
me faire parvenir concernant la décision prise par les
médecins de Versailles de créer un sanatorium popu-
laire pour tuberculeux, je m'empresse de vous faire
savoir que j'approuve complètement ce projet.
La luite contre la tuberculose réclame toutes les
initiatives et toutes les bonnes volontés.
A défaut de l'initiative du Gouvernement, souvent
enrayée par des considérations budgétaires, il y a grand
intérêt à ce que les municipalités, syndiquées par arron
dissement, par cantons ou par groupements, s’efforceut
de créer des sanatoria, dans lesquels les tubereuleux
au début pourront guérir et cesseront d’être nuisibles
à leurs compagnons de travail et à leur famille.
Mon concours, si peu important qu'il soit, est assuré
à l’œuvre si intéressante de la ville de Versailles.
Recevez, etc. .H. Richardière.
Médecin des Hôpitaux de Paris.
Mon cher Directeur, ;
M'est avis que l'initiative prise par les médecins de
Versailles est des plus importantes; m'est avis qu'au-
tour d'elle doivent se grouper toutes les municipalités
de l'arrondissement, si elles veulent s'assurer contre le
flot montant de la tuberculose. Je vous envoie mon
acquiescement au projet d'entente et d'accord entre les
1 Voyez la Revue du 15 janvier 1901, t. XIT, p. 5 et suiv.
<
municipalités et les sociétés de secours mutuels; ce
projet permettra, par voie détournée, d'arriver, pour la
construction et l'entretien d’un sanatorium versaillais,
aux résultats obtenus en Allemagne par voie légale
d'assurance contre la maladie.
Il faut savoir gré à nos confrères de Versailles de
réussir à persuader les municipalités qu'elles ne s'assu-
reront contre la morbidité et la contagion de la tuber-
culose qu'autant qu'elles y travailleront par des mesures
de prévoyance et d'assistance, au premier rang des-
quelles s'imposent le sanatorium populaire et les caisses
de santé.
Veuillez, etc. D' Landouzy.
Membre de l'Académie de Médecine,
Professeur à la Faculté de Médecine.
Monsieur,
En réponse à votre lettre circulaire du 11 janvier, je
m'empresse de vous répondre que je suis partisan
absolument convaincu des sanatoria populaires, et
que je considère comme d’une importance capitale
pour le succès de la lutte à entreprendre contre la
tuberculose, la création, en très grand nombre, de ces
établissements. Je ne puis donc qu'applaudir à la déci-
sion collective des médecins de Versailles, et je souhaite
ardemment que les municipalités de Versailles et de
l'arrondissement répondent résolument au vœu du
corps médical. Ce serait d'un excellent exemple et
d'une importance capitale.
Veuillez agréer, etc, D' Gaston Poupinel.
Mon cher ami,
Il me semble impossible de ne pas féliciter haute-
ment le corps médical de Versailles d’avoir pris l'ini-
tialive de ceite excellente mesure.
La tuberculose est curable, mais à condition qu'on
nes'y prenne pas trop tard. Certes il est bon, il est
humain de secourir les mourants qui languissent dans
les douleurs d’une lente ‘et progressive agonie, alors
qu'il n'y a plus d'espoir à former. Mais pourquoi ne
pas aider et protéger ceux qui peuvent guérir?
Les sanatoria destinés aux malades qui peuvent
guérir valent mieux que les asiles qui rendent moins
cruelle la mort des malades qui ne peuvent pas être
sauvés.
Linitiative des médecins et des Syndicats de Ver-
sailles devrait être partout imitée.
Crois-moi, cher ami, ton fidèlement dévoué,
Charles Richet,
Professeur à la Faculté de Médecine de Paris
Monsieur,
Vous voulez bien me demander mon avis au sujet du
projet de création d'un sanatorium populaire de tuber-
culeux dans l'arrondissement et pour les malades de
l'arrondissement de Versailles.
Je considère que ce projet doit ètre vivement encou-
ragé. Et il est désirable, à tous les points de vue, qu'il
trouve bon accueil près des municipalités.
Dr Gilbert Ballet.
Professeur agrégé à la Faculté de Médecine.
Médecin des Hüpilaur.
Mon cher Directeur,
Ce grand mouvement d'hygiène sociale qui se des-
sine chaque jour davantage, n'a pas d'expression plus
immédiatement utile et profitable pour l'avenir de
notre race, que la création de sanatoria pour les tuber-
culeux pauvres.
Je n'ai pas à reproduire ici les arguments en faveur
de ces institutions, qui sont des œuvres de solidarité el
d'économie sociales bien entendues: ces arguments
sont aujourd'hui reproduits partout, et bien connus de
ceux que préoccupent les grandes questions médicales.
Je ne puis donc qu'approuver de toutes mes forces
le vœu exprimé par les médecins de Versailles dans
leur réunion du 3 décembre 1900.
Veuillez agréer, etc. S
D: Ray. Durand-Fardel.
Ancien Chef de Clinique de la Faculté.
62 CHRONIQUE ET CORRESPONDANCE
Mon cher ami,
Je considère comme pouvant être d'une grande im-
portance sociale cette union projetée entre le corps
médical et les Municipalités d’une région et le groupe-
ment syndical de ces Municipalités mêmes.
D' Gley,
Professeur agrégé à la Faculté de Médecine de Paris:
Mousieur,
Je m'associe volontiers aux démarches du corps
médical de Versailles, en faveur de la création du
sanatorium populaire.
Le seul moyen de combattre victorieusement le fléau
de la tuberculose est de traiter les tuberucleux au
début de la maladie. II faut donc les y inviter et leur en
donner le moyen. La création de sanatoria doit se com-
pléter par les caisses de secours aux malades, secours
qui doivent être suffisants pour que les familles secou-
rues y trouvent l'équivalent de travail du membre mo-
mentanément hospitalisé.
Les riches, en donnant les sommes nécessaires, s'as-
surent contre la contagion; l'Etat économise des vies
humaines et crée une armée; les municipalités conser-
vent un contribuable et font l'assainissement des com-
munes.Un pauvre tuberculeux vaguant dans la rue est un
danger; à l'hôpital, un fléau; au sanatorium, il tend à
redevenir une unité de travail, et, rentrant guéri, à
grossir Ja richesse municipale d'un contribuable vaillant
et apte au travail.
Je suis heureux de voir l'initiative de Versailles et
regrette que Paris n'ait pu en donner l'exemple.
Veuillez agréer, etc.
D: Allyre Chassevant.
Professeur agrégé à la Faculté de Médecine
Monsieur le Directeur,
L'idée de grouper les municipalités de l’arrondisse-
ment de Versailles pour la création d'un sanatorium
populaire destiné aux tuberculeux constitue l'initiative
la plus heureuse et la plus féconde et prépare la meil-
leure solution du grave problème qui commence à
préoccuper l'opinion publique.
La lutte contre la tuberculose ne sera sérieusement
entamée que le jour où, dansle moindre village comme
dans la plus grande ville, l'intérêt privé sera d'accord
avec l'intérêt public pour dépister la maladie dès son
début et pour la soigner quand elle est encore guéris-
sable. En répondant avec ensemble et générosité au
vœu du corps médical de Versailles, les municipalités
de l’arrondissemeut donneront un grand exemple de
patriotisme éclairé; en assurant la créalion d’un sana-
torium inter-communal pour tuberculeux pauvres,
elles rendront un service signalé non seulement aux
populations de Seine-et-Oise, mais à la France tout
entière.
Recevez, Monsieur, elc. D: Fr. Barth.
Médecin de l'Hôpital Necker
Monsieur le Directeur,
Je suis persuadé que la tuberculose est beaucoup
plus contagieuse qu'héréditaire; que, de plus, cette
maladie, bien soignée surtout dès le début, doit et peut
guérir. Par conséquent, il est désirable que les munici-
palités répondent à l'appel du corps médical.
11 serait fort utile, pour ne pas dire indispensable,
d'installer dans ces maisons un laboratoire de chimie
rudimentaire, permettant d'analyser facilement les
urines et surtout de déterminer l'acidité, car un tuber-
culeux hypoacide et éliminant ses phosphates est un
tuberculeux qui va mal ou est sur le point d'aller mal;
au contraire, un tuberculeux hyperacide et éliminant
peu de phosphates est un malade qui tend vers la gué-
rison.
Ce qu'il faut donc surtout, c’est augmenter l'acidité;
la meilleure méthode est celle des injections sous-
cutanées de sérum artificiel; règle générale: moins on
donne de médicaments par la voie buccale, mieux
cela vaut, car lous les remèdes éreintent plus ou moins
je m'associe de grand cœur.
le tube digestif. En résumé : cure d’air (sanatorium),
repos, bonne nourriture, sérum artiliciel, pas de médi-
caments, telle devrait être la marche à suivre dans
celte affection : les sanaloria sont donc tout indiqués.
Agréez, etc. D' R. Marage.
Docteur ès sciences.
Mon cher collègue,
J'estime que l'initiative prise par les médecins de
Versailles au sujet de la création d’un sanatorium po-
pulaire pour tuberculeux est du plus haut intérêt. Il est
fort désirable, dans l'intérêt des malades aussi bien que
de ceux qui ne le sont pas, mais ne sont point à l'abri
de la contagion, de la voir couronnée de succès.
Et ce serait certainement là un grand etbon exemple
que donneraient les municipalités de l'arrondissement
en répondant au vœu du corps médical.
Veuillez agrèer, etc. Paui Richer.
Membre de l'Académie de Médecine.
Monsieur,
Ce serait avec joie que je verrais le projet de créa=
tion d'un sanatorium pour les tuberculeux, aboutir.
Cet établissement est de toute nécessité et rendrait un
véritable service aux malades eux-mêmes et à l'entou-
rage de ceux-ci, trop souvent contaminé par le tuber-
culeux, toutes les précautions recommandées restant
forcément impratiquées dans les classes pauvres.
J'estime donc qu'il serait d’un excellent exemple et
d'une grande importance que les municipalités répon-
dissent favorablement au vœu du corps médical, auquel
Recevez, etc. D' Magnus.
Cher monsieur,
La création d'un nouveau sanatorium populaire pour
tuberculeux me parait un des meilleurs moyens de
lutter contre la tuberculose, surtout si l’on organise, à
côté des services cliniques, des laboratoires de recher-
ches avec toutes les ressources nécessaires aux études »
bactériologiques. C'est ce que la ville de.L.yon a fait à
Hauteville et jl est à désirer que toutes les grandes
villes suivent cet exemple.
Veuillez agréer, etc. D" C. Phisalix.
Assistant au Muséum,
Monsieur,
En réponse à votre circulaire du 1{ courant, je
m'empresse de vous faire savoir que, à mon avis, il
serait d’un excellent exemple et d'une grande impor-
tance que les municipalités de l'arrondissement de
Versailles répondissent à l'unanimité au vœu du corps
médical relatif à la création d’un sanatorium populaire
pour tuberculeux.
Veuillez agréer, elc. D' Laugier.
Médecin à la maison de Nanterre,
Sous-chef du Service Médical
de la Compagnie de l'Ouest,
Expert près les tribunauæ.
Cher Monsieur,
L'initiative de nos confrères de Versailles est, comme
vous le dites, des plus importantes; nous devons les
féliciter hautement de l'avoir prise, et pousser de tou-
tes nos forces à la réalisation de leur projet.
Mais permettez-moi maintenant de vous dire que
vous allez loin, en ajoutant : « Elle prépare une solu-
tion complete de la grosse question de la lutte contre
la tuberculose etc... ». Cette question. je le crains,
n'est pas de celles qui peuvent recevoir une solution
« complète ». Notez, en effet, que la généralisation
aussi large qu'on peut la prévoir du système sanalo-
rial, assurera — et c'est beaucoup — la cure maxima
réalisable; mais ne vaudra coutre l'expansion tuber-
culeuse, que dans la mesure où la dissémination bacil-
laire, par les malades, est elle-même cause efficiente
de tuberculose.
Or, il semble probable : 1° que le bacille est d'origine
végétale et qu'il est répandu largement dans la Nature,
d'où il essaimera toujours, même en supposant l’extinc-
CHRONIQUE ET
CORRESPONDANCE
63
tion de tout foyer Humain; 2 et c'est un corollaire,
qu'il est présent chez l'homme sain beaucoup plus fré-
quemment qu'on ne supposait d'abord; 3° que son
énergie pathogène est plus restreinte qu'on ne croyail ;
4° enfin que cette énergie même est en raison directe
de la déchéance organique.
Tout cela revient à dire que les causes les plus ordi-
maires de cette déchéance — surmesage, insuffisance
alimentaire, méphitisme, alcoolisme etc., — dominent
de haut la matière, et que la solütion, forcément incom-
plète sans doute, quoi qu'il arrive, est étroitement liée
à la solution même;de la — ou des — questions sociales.
J'ai développé récemment certaines de ces idées,
peu en vogue, j'en conviens, mais motivées pourtant,
dans le numéro de juillet 1900, de « L'Æuvre anti-
tuberculeuse. »
Veuillez agréer, etc. L. Jacquet,
Médecin des Hôpitaux de Paris.
Monsieur le Directeur,
Sans avoir les qualités requises pour donner un avis
indiscutable sur la question des sanatoria, je puis
répondre à votre lettre-circulaire datée du 11 jan-
yier 1901. Les termes généraux de ma réponse sont
l'expression de la conviction de tous les corps médicaux
avec lesquels je suis en rapport:
1° Toutes les municipalités de France sont intéressées
à la question de la fondation des sanatoria pour
tuberculeux : les unes, à titre de traitement effectif
pour leurs membres alteints de tuberculose, en plus
ou moins grand nombre ; les autres, à litre de traite-
ment préventif.
Versailles et les villes de la banlieue parisienne
doivent plus que d'autres encore agir d'après ces deux
ordres de considérations (lraitement effeclif et pré-
venlif), et agir vite : en effet, bon nombre des tubercu-
leux parisiens émigrent, tôt ou tard, vers la banlieue;
celle-ci se trouve contaminée effectivement, ou, dans
tous les cas, fortement menacée.
20 Il y a lieu de traiter en sanalorium les tubercu-
Jeux curables à lésions confirmées, mais, plus encore,
et surtout, d'ouvrir des sanatoriums pour tous les ma-
lades que le médecin, ou qu'une Commission médicale
déclare suspects de tuberculose. Comme on l'a dit, et
comme il faut le répéter sans cesse : «Il est indispen-
sable de soigner les tuberculeux TROP TÔT ».
Ce paradoxe si vrai doit solliciter toute l'attention des
municipalités, car, au point de vue médical comme au
point de vue financier, il vaut mieux prèvenir que
quérir.
Les gens que la décision médicale enlève pour un
temps à leurs travaux rémunérateurs devant être assu-
rés d'une compensation pécuniaire suffisaute pour leur
famille, pendant la durée du traitement, il est indis-
pensable que toutes les municipalités de larrondisse-
ment se liguent avec la métropole versaillaise, pour
décider la plus prompte solution du problème des
sanatoria à créer et à soutenir matériellement et
moralement par l'union des efforts réunis des munici-
palités et des sociélés de secours mutuels.
Veuillez, etc. L. Triboulet.
Médecin des Hôpitaux de Paris,
Cher Monsieur,
Quand on étudie la facon dont la lutte contre la
tuberculose a été conduite en Allemagne, en Belgique
et en Suisse, c’est-à-dire dans les seuls pays qui pos-
sèdent ou vont posséder un nombre suflisant de sanato-
ria, on est obligé de se dire que l'initiative individuelle
isolée, je veux dire la charité privée, organisée ou non,
aurait été mcapable de réaliser une œuvre aussi considé-
rable. Même inépuisable, comme on la dit, elle ne peut
intervenir qu'à titre d'ajuvant en se chargeant, par exem-
ple, dans une certaine mesure et pour une part toute
petite, de la famille de l’ouvrier hospitalisé, de l’ouvrier
lui-même quand il sortamélioré dusanatorium, etc. C’est
l'Etat seul qui a fondé les nombreux sanatoria en Alle-
magne; c'est le Conseil provincial qui s’est chargé de
la création des sanatoria en Belgique ; en Suisse, enfin,
les sanatoria sont œuvre cantonale.
Chez nous la situation est aussi très netle. Pas plus
que pour l'alcoolisme, l'Etat en France ne fera quel-
que chose pour la tuberculose. Il y à juste un an, le
Goavernement nomma une grande Commission extra-
parlementaire pour l'étude des moyens de lutte con-
tre Ja tuberculose, et M. Waldeck-Rousseau fut à cette
occasion couvert de fleurs par la presse médicale aussi
bien que par la presse politique. Or, cette pauvre Com-
mission vient de s’éteindre bien doucement, et sa mort
passa tout à fait inapercue. Du reste, même de son
vivant, personne dans le monde parlementaire ne s'est
jamais occupé de son existence. Elle laissa, comme tes-
tament, un recueil de Rapports et de Mémoires d’un
intérêt scientifique considérable. Et c'est tout.
Dans notre pays, il y aurait pourtant un moyen bien
simple de forcer le Gouvernement de s'occuper sérieu-
sement de cette question : ce serait de la porter devant
le suffrage universel, d'en faire une plate-forme électo-
rale. Dans un article que j'ai publié à cette époque,
dans la /tevue des Revues, j'avais adressé en ce sens un
appel au parti socialiste, eu développant celte idée que,
toute considération humanitaire mise de côté, le parti
socialiste — et ceci est encore exact pour les autres
partis — aurait un intérêt, en tant que-parti politique,
à s'emparer de la question de la tuberculose, à se poser
en défenseur atlitré des classes laborieuses, à soulever
une agitation fructueuse sur le terrain d'une réforme
sociale pratique et d’une réalisation relativement facile.
M. Fournière me répondit dans la Petite République,
en prenant au nom du parti socialiste, l'engagement
formel d’attirer l'attention des organisations ouvrières
sur l'importance des sanatoria. Il n’en fut plus question.
Et pourtant l'histoire des dernières élections de Ver-
sailles, que nos lecteurs connaissent, est là pour montrer
que la question des sanaloria était une plate-forme élec-
{orale idéale, qui passionnail vérilablement le lecteur.
Ainsi donc, en France, nous n'avons à compter ni
sur le Gouvernement, ni sur les partis politiques, et les
trois ou quatre sanatoria qui ont été créés avec le con-
cours de la charité privée montrent que nous n'avons
pas à compter sur elle pour arriver à des résultats appré-
ciables.
Nous arrivons ainsi, par exclusion, à conclure qu'en
France, la lutte contre la tuberculose ne peut être effi-
cacement conduite que par les Municipalités entrainant
ensuite dans leur sphère d'action les Conseils géné-
raux. C'est ce qui a été fait en Belgique et c’est ce qu'on
est en train de faire à Versailles.
L'idée d'un sanatorium intercommunal par effort as-
socié des communes voisines est donc des plus heureuses.
C'est une véritable expérience sociale à laquelle devrait
s'intéresser la pléiade d'écrivains et de philantropes
qui se réclament de Le Play et du comte de Chambrun.
Elle est sûre d'aboutir, car les efforts des hommes qui
ont imaginé cette combinaison sont secondés par tous
ceux qui se soucient réellement de l'avenir de notre
pays. D' R. Romme.
Préparateur à la Faculté de Médecine.
Monsieur,
J'applaudis à l'initiative du corps médical et de la
municipalité de Versailles, car elle prépare une solu-
tion à l’organisation des sanatoria populaires.
Il n'y en a pas en dehors des caisses d'assurances
par voie de mutualité ou autre. Je ne crois pas à la
bienfaisance pour la constitution d'œuvres durables.
Il faut se hâter. Le danger presse et menace tous les
ans plus vite. La tuberculose est partout, dans toutes
les classes, à tous les äges. La méningite tuberculeuse
tue toujours plus nombreux les enfants parisiens; je
le constate avec terreur à la ville et à l’hôpital.
Aucun sacrifice n'est à redouter; que Versailles agisse
donc, et son œuvre, plus belle etplus efficace que toutes
les défenses héroïques de certaines villes assiégées, lui
méritera mieux que la croix d'honneur qu'on leur
64 CHRONIQUE ET CORRESPONDANCE
donne, car ce sera la reconnaissance de tout ce qu'il
y a d'intelligent et d'averti en France.
D' Louis Guinon,
Médecin de l'Hôpital Trousseau.
Monsieur le Directeur,
L'utilité de créer un sanatorium en Seine-et-Oise,
n'est, je crois, discutée par personne. Ce sanatorium
sera rapidement rempli et rendra les plus grands ser-
vices. Ici mème j'ai déjà recu plusieurs demandes pro-
venant d'habitants de ce département, demandes mal-
heureusementimpossibles à accueillir puisque Angicourt
est réservé aux Parisiens.
L'idée d'un groupement syndical des municipalités de
l'arrondissement parait particulièrement heureuse. Ce
groupement est quelque chose de nouveau, bonne con-
dition pour réaliser une fondation aussi nouvelle qu'un
sanatorium. Les anciennes organisations d’Assistance
auraient plus de mal que ce groupement d’origine ré-
cente à se dégager de leurs vieilles traditions. Elles
auraient toujours tendance, malgré leur bon vouloir, à
ramener le sanatorium vers le type classique d'hôpital
ou bien d'hospice. C’est là un danger très grave que
votre organisation évitera.
Ce groupement syndical parait un moyen excellent
d'assurer les dépenses de fonctionnement du sanato-
rium. Pour les dépenses de fondation et de premier
établissement, il sera, je crois, utile de faire en même
temps appel à la bienfaisance privée. Celle-ci, dans un
département aussi riche el aussi éclairé que Seine-et-
Oise, ne fera pas défaut.
Vous semblez avec raison compter plus sur l'ini-
tiative locale que sur le concours de l'Etat. C’est par
l'énergie de ses organisations régionales que l’Allema-
gne est, en effet, parvenue à créer ses 80 sanatoria pou-
vant actuellement soigner chaque année plus de 20.000
tuberculeux pauvres.Ne pensez-vous pas, toutefois, qu'en
raison de l'importance de quelques hippodromes de
Seine-et-Oise, le pari mutuel ne doit pas vous aider un
peu ?Savez-vous aussi qu'en Allemagne le choix d'un ter-
rain (question toujours délicate) est très souvent résolu
par une concession gracieuse daos une forêt de l'Etat ?
La tentative de Versailles est tellement intéressante,
elle peut avoir une telle valeur d'exemple dans la lutte
contre la tuberculose, qu'il importe qu’elle aboutisse.
Tout se réduit au fond à une difficulté d'argent. Cette
difficulté surmontée, votre succès est certain. Est-il
nécessaire de vous dire que notre concours personnel
et mon expérience d'Angicourt vous sont à l'avance
tout acquis.
Veuillez agréer, etc. D' A.-F. Plicque,
Médecin en chef du Sanatorium d'Angicourt.
Monsieur,
Je suis très heureux de l’occasion que vous m'offrez
d’applaudir à l'initiative des médecins de Versailles, et
suis persuadé que la Municipalité de cette ville com-
prendra l'intérêt énorme qui s'attache à la fondation
des sanatoria dans les conditions proposées. Si l'ar-
rondissement de Versailles mène à bien cette œuvre,
son exemple sera fructueux pour la nation tout en-
tière.
Agréez, etc. D' Apert.
Chef de Clinique médicale à la Faculté de Paris
Monsieur,
Je réponds très volontiers à votre demande et suis
d'avis qu'il serait d'un excellent exemple et d'une
grande importance que les municipalités de l'arron-
dissement de Versailles répondissent avec résolution
au vœu du Corps médical touchant la création d'un
sanatorium populaire pour tuberculeux, la guérison
n'étant possible que si le malade consent à se faire soi-
#ner dès le début de la maladie — ce que permet seul
le sanatorium avec prime de secours accordée à la
famille.
Agréez, etc. D' Georges Gasne,
Ancien interne des Hôpitaux de Paris,
Ancien Chef de Clinique à la Faculté de Paris.
$ 6. — Sociétés savantes
Conférence Scientia. — Le jeudi 17 de ce mois.
a eu lieu, au reslaurant Champeaux, la première
réunion de cette année de la Conférence Scientia,
administrée par MM. Max de Nansouty, Henri de Par-
ville, Charles Richet et Louis Olivier.
Le diner, présidé par M. Henri de Parville, était offert
à M. J. Marey, membre de l’Académie des Sciences et
de l'Académie de Médecine, professeur au Collège de
France, directeur de la Station physiologique du Parc
des Princes.
Autour de l'illustre savant et pour le fêter, avaient
tenu à se grouper nombre de ses amis, de ses admi-
rateurs et de ses disciples, parmi lesquels : MM. Baclé,
D' M. Baudouin, D' Bérillon, Dr Bianchi, Bischoft-
sheim, R. Blanchard, Bouchez (P.), Bourdon, M. et
Me Routon, Boyer, D' Béni-Barde, D' A. Broca, Cail-
letet, D' Camus, D' Cavasse, G. Caye, Champigny,
Dr Charrin, Chaumat, Chauveau, Clément, J. Courmont,
D' de Cyon, D° Carvalho, D' Cornil, D' Champetier de
Ribes, da Cunha, Dagincourt, Darboux, Delaunay, Des
landres, Dr Doléris, Ducretet, Dujardin, Emmanuel,
Fabre-Domergue, Fleury-Hermagis, Francois-Franck,
Gayon, Gariel, Giard, Gley, Godefroy, Guéroult, Guiart,
Guimbeau, D' Hallion, D' Hallopeau, D' Hayem, Hen-
neguy, Hern, Houssay, E. Janssen, J. Janssen, Kæniss,
Lamarzière, D Labbé, Dr Laborde, D' Lancereaux,
Lauth, L'Hôte, Læwy, Laffargue, D' Manouvrier, D' Ma-
rage, Mareschal, Marichelle, P. Masson, D' J. Martin,
Mendelssohn, Morieu, M. de Nansouty, Nicloux, L. Oli-
vier, P. Painlevé, de Parville, Pellissier, Pesce, L. Poyet, …
R. Poyet, Mile Pompignan, M. et M": Phisalix, Dr Pozzi,
D' Quinton, D' Regnault, D' P. Richer, Dr Ch. Richet,
Richard, Rochefort, Tilly, Albert Tissandier, Paul Tis-
sandier, D' Topinard, Tridon père et fils, Trouvé, Vil-
lars, Vallot, Vitoux.
Au dessert, M. Henri de Parville a porté la santé de
M. J. Marey et rappelé, de la facon la plus heureuse, la
vie scientifique, c'est-à-dire toute la série des glo-
rieuses découvertes de l'éminent physiolegiste. Puis
M. Charles Richet, au nom des anciens élèves du Maître,
a pris la parole et dit ce que doivent au fondateur de
la Méthode graphique et de la Chronophotographie, les
physiologistes du monde entier; il a insisté parlicu-
lièrement sur la grandeur du service que M. Marey a
rendu, avec son collaborateur et ami M. Chauveau, aux
sciences biologiques, en y introduisant la mesure pré=
cise des phénomènes observés. M. Marey, a-t-il dit,
couronne aujourd'hui cette œuvre grandiose, en pro-
voquant l’unificalion des étalons et des méthodes de
mesure dans tous les laboratoires de Physiologie. Une
telle entreprise va permettre à tous ceux que passionne
l'étude de la vie, d'opérer suivant un système de me-
sure exactement déterminé, de traduire, en quelque
sorte, dans la même langue, leurs résullats expéri-
mentaux, et de les comparer utilement. A la confusion
actuelle, à l'impossibilité où l'on est de bien définir les
conditions expérimentales, et surtout d'apprécier la
grandeur des phénomènes biologiques, va succéder,
grâce à M. Marey, la possibilité, pour tous les physio-
logistes, d'expliquer les écarts entre les résultats
obtenus par chacun d'eux dans la même étude.
M. Labbé, ancien camarade d'internat de M. Marey,
nous à ensuite retenus quelques minutes sous le
charme de sa parole, en racontant gaïiment quelques
épisodes de la jeunesse laborieuse de son ami, et en
buvant à la Sainte Amitié.
Sur la proposition de M. Charles Richet, il a semblé
à tous les convives que se présentait, pour eux, une
charmante occasion de manifester à M. Marey, d'une
facon plus durable que par un banquet, leur admira-
tive et reconnaissante affection, et il a été décidé, par
acclamalion, qu'une médaille commémorative de cette
belle fête serait offerte au créateur de la Méthode gra-
phique et de la Chronophotographie.
F.-A. FOUQUÉ — L'ETNA 63
L’ETNA
A occasion du prochain voyage d'étude de la
Revue en Sicile et (Grande-Grèce occidentale !,
nous avons prié l'un des savants qui ont le plus fait
pour la connaissance de l'Etna, de nous donner
quelques pages sur le grand volcan sicilien.
L'article suivant, qu'il a bien voulu nous re-
mettre et où nos lecteurs trouveront la synthèse du
savoir actuel sur l'une des questions les plus atla-
chantes de la Physique du Globe, fera partie d'une
série de Mémoires originaux sur la Sicile, que la
Revue distribuera, en cours de route, à tous les
touristes de la croisière. ILENDE
« L'Etna s'élève sur la côte orientale de la Sicile;
sa base est baignée par la mer et empiète même
légèrement sur la ligne
générale des rivages ; ‘;
sa masse imposante et f
solitaire est complète-
ment détachée des mon-
tagnes calcaires et gra-
nitiques quiremplissent
une parlie de son hori-
zon. La forme pyrami-
dale de sa cime (fig. 1,
5,12 et 18), l'aspect
brûlé de ses flancs, la
disposilion de leurs an-
fracluosités, qui décèle un groupement autour d'un
centre commun, la belle et riante végétation qui
couvre sa base, les villes, les villages élégants et
presque monumentaux qui s'y détachent sur la
verdure, tout y révèle à l'œil, d'aussi loin qu'il
puisse l'apercevoir, un massif à part, doué d’une
existence individuelle, un de ces points où s’est
concentrée de nos jours l’activité de la Nature mi-
nérale, où vit une cause sans cesse agissante de
destruction et de renouvellement, un volcan, à la
fois source de désastres par les secousses qu'il occa-
sionne, par les déjections dont il recouvre le terrain,
et source de richesses par la nature du sol que font
naitre à la longue ses produits accumulés. »
Cette esquisse, aussi rapide que précise, est em-
pruntée à la première page du Mémoire d'Élie de
Beaumont sur l’Etna, publié, en 1836, dans les
4 Cette croisière, que nous avons déjà annoncée, per-
mettra de visiter toute la Sicile; puis, sur la côte d'Italie :
Salerne, Pæstum, Amalfi, Naples et Pompéi. Elle aura lieu
aux prochaines vacances de Pâques. Le départ s'effectuera
de Marseille, le 31 mars; le retour en ce même port, le
16 avril.
REVUE GÉNÉRALE DES SCIENCES, 1901.
Fig. 1.— Vue de la cime de l'Etna, prise du Mont Frumento.
Annales des Mines. Pour la compléter, il suffit
d'ajouter que la cime de la montagne s'élève à une
altitude de 3.313 mètres et que la circonférence de
sa base est de plus de 140 kilomètres: d'où il
résulte que l’Etna, de quelque côté qu'on le consi-
dère, à la condition qu'on en soit assez éloigné,
frappe moins par son élévation que par l'ampleur
de sa masse.
Cependant, la régularité de sa forme conique n'est
qu'apparente; il est échancré à l’est-sud-est par une
immense dépression à parois abruptes, connue sous
le nom de Valdel Bove (fig. 5), qui constitue son trait
orographique le plus caractéristique. De plus, la
pente de ses flancs varie suivant chacune des géné-
ratrices du cône qu'il représente, et, dans chaque
direclion, elle varie aussi avec l'altitude. Très forte
dans les parties hautes, elle diminue peu à peu, de
telle sorte que le mont
se termine à la partie
F.. inférieure par une cein-
ture régionale de très
pelite inclinaison, En-
in, le sommet est {tron-
qué, et le plateau de sa
troncature (fig. 3), qui
a reçu le nom de Piano
del Lago à cause de
quelques petites flaques
d’eau qui s'y voient au
moment de la fonte des
neiges, est surmonté par un cône haut de 300 mè-
tres, creusé d'un cratère d’où l’on voit, presque en
tout temps, s'échapper un panache de fumée plus
ou moins développé (fig. 15). C’est là, dans les inter-
valles de reposrelatif du volcan, que se concentrent
et persistent les manifestations de son activité.
Les changements de pente qu'affecte une même
génératrice du dôme montagneux s'effectuent plus
ou moins rapidement, et, dans certaines directions,
on peut distinguer des sortes de gradins qui inter-
rompent un instant la régularité des variations de
l'inclinaison. La discontivuité la plus prononcée
est celle qui s’observe entre les pentes très faibles
de la région périphérique et les pentes qui dépas-
sent 10° et atteignent jusqu'à 25° sur les parties
hautes de la zone centrale. Élie de Beaumont, dans
son Mémoire célèbre, avait attaché une importance
capitale à cette particularité géodésique et s'en était
servi comme d’un argument puissant pour soute-
nir que la partie abrupte du massif, qu’il désignait
sous le nom de gibhosité centrale, avait eu un tout
autre mode de formation que la région à pentes
+
66 F.-A. FOUQUÉ — L'ETNA
faibles constituant ce qu'il appelait les falus late-
l'AUX.
Cependant, quelle que soit la zone que l’on con-
sidère, on n’y trouve, dans tous les cas, que des
accumulations de pro-
duits de projection et
de coulées épanchées
ou de dykes solidifiés
après remplissage de
fentes par des laves en
fusion. Ces matériaux
sont tous, sans excep-
tion, d'origine volca-
nique ; leur aspect ex-
térieur varie peu, et
leur composition chi-
mique est partout sen-
siblement identique.
Le pétrographe le plus
exercé ne peut établir
aucune différence es-
sentielle entre les élé- o
ments les plus anciens
de ce sol et ceux des éruptions les plus modernes.
Aussi, l'hypothèse d’une dualité orogénique fon-
damentale du massif de l’Etna ne pouvait être fon-
Fig. 2. — La « Rocca Musarra », dans le Val del Bove.
sérieuses empruntées à l'observalion. Le savant
géologue français, séduit par la grandeur et la har- .
diesse des idées de son contemporain allemand, s'en
fit le défenseur passionné et puisa dans l'étude
attentive de la struc-
ture de l'Etna une sé-
rie d'arguments ingé-
nieux, qu'il sut grou-
per et faire valoir avee »
une grande habileté.
D'après la concep-
tion de L. de Buch, le
| Val del Bove (fig. 5) se-
- rait un cratère de sou-
lèvement typique; les
# matériaux de ses pa
rois, primilivement dé-
posés en couches pres-
=: que horizontales, au-
raient été rompus par
l'effort des forces sou-
terraines, écartés à plu-
sieurs kilomètres de
distance de chaque côté de l'ouverture formée, rele-
vés à plus de mille mètres de leur position première
et inclinés en sens inverse les uns des autres, de
Fig. 3. — Le Piano del Lago et le Mont Frumento.
dée que sur des considérations lectoniques. C’est, | manière à offrir la disposition anticlinale qu'ils
en effet, en partant de données de cet ordre que
Léopold de Buch avait élé amené à créer sa fa-
meuse théorie des cratères de soulèvement.
Quand Élie de Beaumont visita la Sicile, en 1834,
la théorie en question n'était guère qu'une œuvre
de pure imagination ; elle manquait de preuves
affectent aujourd'hui. La même poussée aurait sou-
levé Loute la gibbosité centrale et subitement porté
vers le ciel, à une hauteur de 3.000 mètres, des
dépôts précédemment opérés à une faible hauteur
au-dessus du niveau de la mer. Tout le reste du
volcan, tout ce qui serait postérieur à la produc-
F.-A. FOUQUÉ — L'ETNA
67
tion du cratère de soulèvement et à la saillie de
la gibbosilé ne constituerait qu'un mince revêle-
ment, engendré par des éruptions de médiocre
importance, comme celles de la période historique
et étalé sur la masse déplacée par le cataclysme.
Élie de Beaumont cherche à prouver, par des
études statistiques,
que les éruptions or-
dinaires ne rejettent
qu'un cube très faible
de malières et surtout
que leur apport sur les
cimes est presque insi-
gnifiant ; d’où il con-
clut que des phéno-
mènes de ce genre
peuvent, à la rigueur,
élargir et surélever un
peu la base du volcan, -
mais qu'ils sont inca-
pables d'expliquer l'im-
posante haüteur de son sommet. Il insiste sur
l'existence de longues nappes de laves largement
élalées et sur celle de bancs continus et d'épaisseur
uniforme de cendres et de lapillis, visibles dans la
coupe des parois du Val del Bove et sur l'impossi-
bilité de pa-
reilles forma-
lions sur des
pentes de 35
à 40°, comme
celles, ‘des
points où on
les observe.Il
oppose à ces
dispositions
les alluresdes
coulées mo-
dernes lors-
que les pen-
tes du terrain
sur lequel el-
les s'épan-
chent devien-
nent tant soit
peu considé-
rables, leur
élroilesse,
leur manque
de cohésion, leur aspect scoriacé, leurs inégalilés
de toute sorte. Il rappelle que les produits de pro-
jection s'éboulentet glissent dès que la pente atteint
une certaine limite, et qu'ils ne forment des couches
d'épaisseur uniforme que lorsque l’inclinaison du
terrain qui les reçoit est très petite. Comme con-
séquence de la comparaison, il arrive à cette con-
Fig. 4. — La « Rocca Capra », dans le Val del Bove, vue du
Midi.
Fig. 5. — Jond du Val del Bove et cime de l' Elna.
| clusion que les coulées et les lits de cendres visibles
| le long de la paroi du Val del Bove ne sont plus
| aujourd'hui dans la position qu'ils ont dû posséder
| au moment de leur dépôt primitif.
| Le point faible de cette argumentation serrée
vient de ce qu'elle se base sur une observation
incomplète et insuffi-
sante de la constitution
des parois du Val del
Boxe.
Les stratifica-
lions concordantes et
régulières n’y sont
qu’apparentes ; étu-
diées de près, elles
montrent toutes les in-
égalités et les acci-
dents des épanche-
menis ordinaires des
éruplions modernes,
les mêmes enchevêtre-
ments, les mêmes jux-
| tapositions de coulées étroites et les mêmes super-
posilions mouvementées. D'autre part, assurément
des nappes liquides bien fluides n'auraient pu se
solidifier sur de fortes pentes avec une épaisseur
ant soit peu notable; mais l'observation des vol-
cans en érup-
tion de nos
jours a mon-
tré depuis
longtemps
que la visco-
sité des laves
leur
permettait de
se comporter
tout autre-
ment que ne
pourrait le
faire li-
quide de mo-
bilité par-
faite.
Les pentes
indiquées par
Élie de Beau-
mont comme
limite extré-
me de celles
qui permettent une solidification des laves en cou-
lées continues sont bien inférieures à celles que
révèle l’observation.
Enfin, l’argument principal contre la théorie des
cratères de soulèvement est celui que l’on tire de
ce fait que les dykes (fig. 2 et 4) qui sillonnent la
paroi du Val del Bove ne présentent ni rejets, ni
fondues
un
68 F.-A. FOUQUÉ — L'ETNA
failles et surtout de ce qu’ils sont, pour la plupart,
verticaux, au lieu de se montrer fortement inclinés
et déplacés en conformité du mouvement de l'im-
mense dislocation que comporte l'hypothèse.
La théorie de L. de Buch a été combattue, dès
son apparition, par les savants anglais el par
quelques rares géologues francais. Lyell, son plus
redoutable adversaire, n'a pas cessé, pendant plus
de quarante ans, de l’atlaquer et de travailler à
mettre en évidence le peu de solidité de ses fonde-
ments. En France et en Allemagne, elle continuait
encore à jouir d’un crédit extraordinaire, soutenue
par la grande autorité des hommes qui en avaient
été les promoteurs; mais enfin la lumière s’est faite
entièrement. Aujourd'hui, elle n’est plus citée
que pour mémoire, mais elle reste intéressante
l'atmosphère d'immenses quantités de gaz et de
vapeurs (fig. 6 et 7). Sur le lieu principal de leur
emplacement se dressent des cônes qui sont dis-
tribués généralement en séries rectilignes vers la
cheminée centrale du volcan et vers l’orifice craté-
riforme qui en est le débouché et qui persistent,
après exlinction de leurs feux, sous forme de pus-
lules plus ou moins volumineuses. Ces cônes para-
sites, composés de matériaux de projection meubles
et altérables, sont peu à peu démantelés par l’action
des agents atmosphériques et quelquefois aussi
disparaissent, ensevelis sous les apports d'éruptions
plus récentes. C'est par centaines qu’on les compte
sur les flancs de la montagne, à toutes les altitudes
et dans toutes les orientations.
L'Etna forme un massif entièrement volcanique;
Fig. 6. — Vue du Cratère de l'Etna, en 1836.
dans l'histoire des Sciences en ce qu’elle fournit un
exemple frappant de l'engouement auquelle monde
géologique se laisse parfois entraîner en faveur des
conceptions les plus controversables.
Rentrons maintenant dans le domaine des faits.
Ceux que nous avons à décrire sont assez curieux
et assez importants pour mériter d'appeler l’atten-
tion, surlout si nos interprétations sont accep-
tées du lecteur comme des probabilités et non
comme des vérités entourées d’une cerlitude dog-
matique.
IT
L'emplacement de l’'Etna, son âge géologique et
sa constitution sont tout d’abord dignes d'être
notés. Là, il ne s'agit pas d'un volcan simple, mais
d'un massif volcanique complet, dans lequel la
bouche éruptive principale est escortée de tout un
cortège d’évents accessoires qui ont fonctionné
successivement sur ses flancs, déversé à maintes
reprises des torrents de lave fondue et rejeté dans
on n'apercçoit dans sa masse aucun élément d’ori-
gine sédimentaire, quoique la profonde entaille du
Val del Bove (fig. 5) l'ait découpé sur une immense
étendue, en y laissant debout quelques débris de
l’ancien sol, tels que les roches Musarra et Capra
représentées figures 2 et 4. Il est de formation rela-
tivement récente, car il n’a commencé à fonction-
ner que durant la période quaternaire ; mais, depuis.
lors, ses manifestations ne paraissent pas avoir
subi d’interruptions prolongées. Ilestentouré d’une.
ceinture de roches mélamorphiques ou sédimen-
taires visibles sur la majeure partie de son pour-
tour et relevées, pour la plupart, à de grandes
hauteurs, de manière à lui présenter de tous côtés.
la tranche de leurs assises. Vers l’est et le sud-est,
ses laves peuvent couler sans obstacles jusqu’à la
mer, mais dans toutes les autres directions elles
rencontrent à courte distance une barrière infran-
chissable de roches stratifiées.
Des gneiss et des micaschistes forment, particu-
lièrement au nord, le revers extérieur de l'enceinte
F.-A. FOUQUÉ — L'ETNA
69
qui ferme l’enclos ; puis, vient le Jurassique supé-
rieur, représenté par des calcaires compacis sur
les hauteurs de l’escarpement qui porte le théâtre
de Taormina ; le Crétacé, moins bien caractérisé, lui
succède. Des argiles et des calcaires à Nummulites,
des marnes à Fucoïdes apparaissent ensuite, sur-
montées de puissantes assises de grès tantôt à
grains fins, lantôt en conglomérats grossiers. Le
Pliocène est largement représenté par des marnes
fossilifères, relevées vers l’ouest jusqu'à 240 mètres
d'altitude, riches en espèces identiques à celles de
la mer voisine ou peu différentes de celles-ci. Enfin,
c'est seulement après le dépôt d'assises quater-
naires à cailloux roulés que les premières érup-
tions sont venues au jour.
| L'Etna est loin d’avoir eu, aux diverses phases
| de son développement, une configuration semblable
à celle qu'il possède actuellement. Dans une pre-
mière période, antérieure au creusement du Val del
Bove, on doit se le représenter sous la forme d'un
amas, d'épaisseur sans cesse croissante, allongé
de O.-N.-0. à E.-S.-E. et occupant à peu près l’em-
placement actuel de la grande entaille du massif.
| Sartorius von Waltershausen', auquel on doit la
| plupart de nos connaissances sur l'Elna, a montré
| qu'à cette époque le maximum d’éruptivité du vol-
| can ne siégeait pas au même lieu qu'aujourd'hui;
| il se trouvait à l'est du cône terminal moderne, en
| un point situé au fond du grand cirque du Val del
| Bove, au milieu de l’espace connu actuellement
Parmi les dépôts sédimentaires que nous venons
d'énumérer, les uns sont franchement d'origine
marine, les autres se sont faits dans des eaux sau-
mâtres. Leur disposition montre que la région
orientale de la Sicile a subi un soulèvement consi-
dérable et que, de ce côté, le rivage a été constam-
ment, pendant toute la durée de la période
tertiaire, découpé par un large golfe arrondi cor-
respondant à peu près à l'emplacement actuel de
. V'Etna. C’est au milieu de cet espace que le volcan
. s'est ouvertet a amoncelé pendant de longs siècles
, les produits de ses déjections.
Aujourd'hui, le golfe est comblé, dans presque
- toute son étendue, par les matériaux volcaniques ;
- et, les dépôts sédimentaires qui en occupent le
4 fond ne se voient plus que vers le sud, dans la
- plaine du Simelo, ou qu'en étroits ilots épargnés
par les courants de feu, près de la bordure des
champs de laves et de scories.
Fig. 1. — Vue du Cratère de l'Elna, en 1838.
sous le nom de Trifoglielto. C'est là, en effet, que
s'observe le point de convergence des dykes (fig. 2
et 4) correspondant aux fentes, remplies de laves,
par lesquelles le volcan déversait alors ses épan-
chements incandescents et projetail ses gaz et ses
vapeurs embrasées. C’est là qu'élait alors la che-
minée centrale du volcan. L'Etna de cette époque
avait donc son point culminant précisément sur
l'emplacement où il est aujourd’hui entaillé le plus
profondément. Sa forme était celle d'un immense
tumulus funéraire et l'imagination des contempo-
rains pouvait déjà sans peine y voir la tombe d'En-
celade enterré vivant, ébranlant le sol de secousses
convulsives et exhalant par toutes les fissures du
4. Dr WoLGANG SARTORIUS, FREINERRN VON WALTERSHAUSEN :
Der Ætna, vollendet von Dr Arnold von Lasaulx. Erster
Band: Reisebeschreibung Sartorius und Geschichte der
Eruptionen; Zweiter Band: Topographisch-geognostische
Beschreibung, Entwickelungsgeschichte und Producte des
Ætna. Leipzig, Verlag von Wilhelm Engelmann, 1880.
70
F.-A. FOUQUÉ — L'ETNA
lerrain les effluves corrosifs de son haleine brû-
lante.
L'événement qui clôt celte période est le creuse-
ment du Val del Bove. Comment s’est formée cette
énorme cavité? A-t-elle été le résultat d’une succes-
sion prolongée de phénomènes d’intensités varia-
bles et médiocres, ou provient-elle d’une gigan-
tesque calastrophe, devant laquelle tout s’efface,
incomparable par sa soudaineté et sa violence,
unique dans les fastes du volcan?
L'hypothèse d'une série d’éruplions modérées
se produisant sur le même centre, avec accompa-
gnement d’effondrements partiels et d’explosions
successives, est au premier abord la plus séduisante,
La comparaison du creusement du Val del Bove
avec la formalion d’un cratère comme celui du cône «
terminal de l’Elna n'a doncrien d’étrange. La dif-"
férence entre les deux phénomènes a pu sans in-
vraisemblance être considérée comme purement
quantitative.
Cependant, quand une éruption se présente avec
un caractère de gravité tout à fait exceptionnelle,
ses effets cessent, à beaucoup d'égards, de pouvoir
êlre assimilés à ceux d’une succession d’éruptions
normales de médiocre énergie. Ils acquièrent des
caractères dislinetifs qui ne permellent plus de les
rattacher les uns aux autres par un lien continu.
Or, c’est précisément dans de telles conditions
Fig. 8 — Aci Castello : Les fles Cyclopes.
car elle est la plus simple et s'appuie exclusivement
sur les données de l'observation courante. Les
cratères centraux de tous les volcans actifs sont
sans cesse modifiés dans leurs dimensions, leur
forme et leur profondeur par les phénomènes dont
ils sont le théâtre. Le cratère (fig. 15) de la cime
actuelle de l’Elna en est un exemple des plus nets.
Ses diamètres varient suivant l'intensité des explo-
sions qui s'y produisent; son orifice actuel est en-
touré de bourreletls saillants qui attestent l'existence
antérieure de poussées volcaniques plus violentes
que celles d'aujourd'hui. Sa profondeur subit des
modifications incessantes encore plus marquées;
tantôt, il est presque entièrement comblé par
l’afflux des laves en fusion ou par l’entassement
des projections ; tantôt, il se présente sous la forme
d’un gouffre béant, tellement profond qu'une obs-
curité complète règne au fond de sa cavité.
qu'ont été engendrés tous les grands appareils vol-
caniques désignés naguère sous le nom de cratères
de soulèvement. Le Val del Bove à l'Etna, le cirque
de la Somma au Vésuve, la baie de Santorin dans
l’Archipel grec, les caldeiras des Açores, l'entaille
gigantesque du Krakatau dans les iles de la Sonde
ne résultent point d'une suite prolongée de phéno-
mènes éruptifs d'intensité moyenne, mais chacun.
d'eux provient d'un grand cataclysme dont la vio-
lence ne peut être comparée à celle des éruptions
ordinaires les plus puissantes. Ce qui les caracté-
rise surtout, c’est l'énergie inouïe de l'explosion qui
a présidé à leur genèse et, au contraire, la faiblesse
et souvent même l'absence totale d’épanchements
concomitants de laves en fusion.
Les cônes des éruptions normales sont formés de
produits de projection retombés près de l'orificede
sortie; d'où résullent une structure loute spéciale
CP RS VE Re EE EE PE TT
F.-A. FOUQUÉ — L'ETNA 71
de ces cônes et une forme habituelle à pentes mé-
diocrement inclinées de la paroi intérieure des cra-
tères qui en occupent le centre. Dans les caldeiras
et autres appareils éruptifs de même ordre, l’ancien
sol est, au contraire, entaillé à parois abruptes; il
est comme découpé à l'emporte-pièce; tout ce qui
se trouvait dans le domaine d'action de la poussée
explosive : matériaux volcaniques compacts ou
incohérents, roches sédimentaires ou métamorphi-
ques, roches éruplives anciennes, tout à été broyé,
pulvérisé, projeté au loin ou effondré au sein de la
matière fondue mise à découvert par l'explosion.
Malgré l’énormité du déblai correspondant au
creusement d’une cavilé comme le Val del Bove ou
la baie du Santorin, ce qui domine dans les projec-
trouve, enlassés en dépôts épais au pied des escar-
pements, sur les talus de faible inclinaison compris
entre la sortie du Val del Boveet la mer.
Les iles Cyclopes (fig. 8 à 11), qui montrent leurs
récifs pittoresques près de la côte, en face d'Aci
Castello, n'appartiennent pas aux projections de
l'ancien sol du Val del Bove. Quoi qu'en dise la
légende qui veut qu’elles aient été lancées par Po-
lyphème à la poursuite d'Ulysse, elles ont eu une
origine plus pacifique. Leur base est constiluée par
une marne verte quaternaire que traversent des
dykes de lave noire basaltique et que couronnent
des prismes démantelés de la mème roche. L'épan-
chement de ce basalte s'est fait au début du fonc-
tionnement de l’Elna comme volcan.
Fig. 9. — La Grotte des Palombes (du groupe des Cyclopes).
lions, ce ne sont pas les débris du sol de la catastro-
phe, ce sont les éléments du bain incandescent sous-
jacent, ce sont des matériaux vilreux qui, refroidis
brusquement dans les airs, n'ont pas eu le temps de
prendre la structure cristalline des laves des érup-
tions ordinaires. Dans les grandes caldeiras à laves
acides, on les retrouve sur les revers du volcan sous
forme de ponce ; à l'Etna, dont le magma igné pro-
fond possède une constitution chimique basique,
on peut les recueillir dans une situation analogue,
avec l'aspect de cendres, de lapillis ou de tufs
denses et de couleur foncée, mais toujours avec
cette vitrosilté caracléristique qui ne manque
jamais.
Naturellement, ces produits sont peu abondants
sur les crêles ou sur les flancs fortement inclinés de
la montagne; ils ne s'y sont guère maintenus et,
d’ailleurs, sont faciles à confondre avec les produits
projetés par les éruptions normales, mais on les
Malgré ce désaccord entre l'observation géolo-
gique et la légende, les iles Cyclopes n’en sont pas
moins intéressantes au point de vue scientifique,
car on y peut voir un exemple remarquable du
métamorphisme exercé par l'épanchement basal-
tique sur la marne ambiante. Entre la roche sédi-
mentaire et la matière épanchée, des infiltrations
d'eaux thermales, chargées de matières minérales,
ont déposé une série variée de minéraux cristallisés :
grenat, diopside, trémolite, analcime, mésotype,
pyriles, ete.
On peut se demander pourquoi le Val del Bove
est entaillé dans la direction E.-S.-E. plutôt que
dans toute autre orientation. La cause principale
de ce fait tient probablement à la configuration et
à la structure du sol de cette partie de l'Elna avant
l'effondrement. La forme‘d'anticlinal allongé que
nous lui avons reconnue favorisait évidemment une
rupture suivant la direction en question. Mais on
72 F.-A. FOUQUÉ — L’ETNA
peut ajouter encore qu'à l'époque où le centre
éruptif du Trifoglielto présentait son maximum
d'activité, le centre éruptif actuel avait déjà com-
mencé à fonctionner, comme le prouve l'intersec-
Lion réciproque de quelques-uns de leurs dykes, et
alors les produits des deux foyers se juxtaposaient
et s'appuyaient. Le massif dont la sommité corres-
pondait au Trifoglietto
était donc, pour ainsi
dire, étayé du côté occi-
dental, et, dès lors, il
n'est pas étonnant que
la montagne se soit ou-
verte en sens opposé,
dans la direction où la
poussée explosive ren-
contrait une moindre
résistance.
On peut êlre aussi
tenté de s'étonner de
ce que le paroxysme
du foyer Trifoglietto
aitimmédiatement pré-
cédé son extinction à
peu près complète et
que sa longue existence antérieure ait fini d'une
manière si brusque et si absolue.
Le cône actuel du Vésuve, les Kamenis de San-
torin sont là pour montrer qu'un volcan à caldeira
n'est pas nécessairement éteint à tout jamais. On
pourrait, il est vrai,
citer de nombreux
exemples de centres
volcaniques dont la vie
a cessé complètement
après des cataclysmes
de ce genre. Mais com-
bien d'autres, après
une longue période de
repos, reprennent une
vie nouvelle ! L'affai-
blissementmomentané
ou définitif du foyer
éruptif, en une localité
Fig. 10. — Æcueil des Cyclopes.
historique, des éruptions y ont eu lieu. L'une des
plus récentes et des plus considérables a été celle
de 1852, dont nous devons la description détaillée
à Lyell.
Ces objections étant écartées, on peut dire, en
résumé, que la formation des grands cirques volca-
niques, caldeiras (cratères dits de soulèvement), est
caractérisée par la vio-
lence et la courte du-
rée des phénomènes,
par l'intensité extrême
des explosions, la for-
me abyssique des ef-
fondrements, la rareté
et la médiocrité des
épanchements de ma-
tière fondue, l’affaisse-
ment consécutif du vol-
can, épuisé, pour ainsi
dire, par la grandeur
de l'effort accompli, et
la vacuité plus ou moins
prolongée des cavités
nouvellement creu-
sées. Le terrain am-
biant conserve sa constitution; il n’est ni soulevé,
ni affaissé notablement; il est entaillé à pic, troué,
comme s'il avait été perforé par un énorme pro-
jeelile animé d’une prodigieuse vitesse.
Après la longue période d’édification qui avait
signalé les débuts vol-
caniques de l'Etna, le
creusement du Val del
Bove représente une
courte phase de des-
truclion, suivie de la
période de réédifica-
tion qui dure encore
aujourd'hui. Les érup-
Lions nouvelles, de mê-
me que les anciennes,
n'ont pas cette instan-
lanéité el cette énergie
qui caractérisaient la
déterminée, peut être
attribué à la mise à
découvert du bain fon-
du aux points correspondants et à la perte abon-
dante des matières volatiles qui sont l'agent direct
des explosions. Il est donc bien naturel d'y voir
se produire une période de repos plus ou moins
prolongée. Enfin, si le centre du Trifoglietto semble
aujourd’hui tout à fait inerte, on peut faire remar-
quer que le fond du Val del Bove n’est pas dé-
pourvu de toute manifestation volcanique. À main-
les reprises depuis le commencement de la période
phase destructive. Le
sol se déchire encore
à chacune d'elles ; il
se fait encore des explosions, des projections de
matières incandescentes, des dégagements de va-
peurs et de gaz, des épanchements de lave fondue,
parfois très abondants; mais, bien qu'effrayants
encore et souvent dangereux à observer, les phé-
nomènes peuvent être suivis et étudiés dans tout
le détail de leurs développements.
On possède actuellement de nombreux enseigne-
ments sur la question et, chaque jour, des études
F.-A. FOUQUÉ — L'ETNA
73
nouvelles étendent encore le champ de nos connais-
sances. La Chimie et la Minéralogie prêtent aux
recherches un concours de plus en plus efficace.
Un volcan esl un grand laboratoire naturel où les
- expériences se font d'elles-mêmes et s'offrent spon-
tanément à l'observation.
III
Rien d'intéressant à suivre comme l’évolution
d'une éruption. Des commolions souterraines en
annoncent le début; puis, le sol se déchire el une
communication s'établit entre l'atmosphère et les
profondeurs du terrain. Les phénomènes mécani-
_ que de cette période sont encore bien peu connus,
et se consolide sous forme de bourrelets cordés
emboités les uns contre les autres. Plus souvent,
c'est une coulée épaisse demeurée liquide dans son
intérieur, tandis que sa surface semble refroidie et
immobile; cependant, cette coulée marche et pro-
gresse, poussant devant elle les blocs qui l'encas-
trent. Parfois, elle se rompt brusquement à son
extrémité terminale et se vide; la cuirasse pierreuse
qui l'enveloppait se rompt et s’affaisse, ou, au con-
lraire, se maintient sous forme de tunnel, suivant
son degré d'épaisseur et de consistance. Un cas
fréquent est celui dans lequel une coulée se ter-
mine en cul-de-sac renflé, immobilisée par l'amon-
cellement des blocs qu’elle a déversés à son extré-
Fig. 12. — L'Observatoire et le Cratère d'érüption.
mais l'installation d'observaloires de Physique ter-
restre aux environs des centres volcaniques (fig. 12)
permet d'espérer que, dans un avenir prochain, ils
dévoileront leurs secrels les plus cachés. On assiste
ensuite à l'émission des éléments volatils que l’on
peut recueillir et soumettre à l'analyse; on voit les
cônes s'élever graduellement et l’on constate l’agen-
cement des pièces de leur structure. Le liquide
incandescent s'échappe par quelques points de la
fissure; on le voit bientôt s’envelopper d'une cara-
pase produite par la solidification de ses parties
- superficielles; on peut se rendre compte de toutes
les particularités si curieuses de son écoulement et
- de leurs causes multiples. Tantôt, c'est un courant
de feu qui charrie à sa surface des blocs refroidis,
comme le fait une rivière en train de se congeler;
tantôt, c'est un lit étroit et mince de matière à très
. haute température et par suite relalivement très
fluide qui, tout entier, devient rapidement visqueux
mité. Alors, si la solidificalion n'est pas complète,
on voit souvent des jels brûlants s'échapper tout à
coup de ses parties latérales, par suite du déplace-
ment de quelques blocs ou de l'ouverture d’une
crevasse de relrail.
Les accidents si variés que présente l'écoulement
des laves demandent à être observés au fur et à
mesure qu'ils se produisent (fig. 13 et 14), car,
autrement, lorsque l'arrêt est complet, il est pres-
que impossible de se rendre compte du mode de
formation des empilements étranges qui représen-
tent le résullat final.
Mais le spectacle le plus saisissant dans le cours
d'une éruption est celui des admirables feux d’arti-
fice qu'engendrent les explosions. Durant la nuit,
à chaque délonation, les blocs incandescents pro-
jetés illuminent le ciel de points élincelants; ils
reiombent avec fracas et, pendant quelques instants
encore, revêtent la surface des cônes d’un semis
1
n F.-A. FOUQUÉ — L'ETNA
lumineux. Puis, tout rentre dans l’obseurité jusqu'à
ce qu'une autre explosion renouvelle le phénomène.
Durant le jour, le feu d'artifice se change en un
panache de fumée que sillonnent les éclairs de la
foudre; le bruit du tonnerre se mêle à celui des
détonalions éruptives. Le terrain est recouvert
d'une couche de matériaux pulvérulents qui con-
slituent ce qu'on appelle de la cendre volcanique,
où se trouvent jonchées des masses affectant toutes
les grosseurs, depuis celle d'une lentille jusqu'à
celle de bombes à couches enroulées dontle volume
atteint parfois plusieurs mètres cubes. Les projec-
tions les plus effrayantes sont celles qui sont engen-
| pauvres en soude et en potasse. Les deux analyses
_ dont nous donnons les chiffres ci-après peuvent
ètre considérées comme représentant la composi-"
lion des termes les plus écartés de la série: 4
See die de dep ne A0 22 53,66
Acide titanique 1,16 0,33
AIUMINRE TERRE 2152 11,53
Fe°0$ . 5,00 10,06
FeO. 1,29 3,20
Chaux. 10,19 10,87
Magnésie 2,03 6,93
Soude. 52 3,97 1,40
Potassemr et 2.62 2,82
100,00 100,00
Les deux éléments chimiques dont la proportion
LS
Fig. 13. — Lave récemment épanchée, mais déjà refroidie à sa surface et recouverte de neige dans ses anfractuosités (1865). —
La lave, pâleuse, a contourné tous les obstacles, le pied des arbres, etc. L'éruption était toute récente quand l'Auteur
de cet article établit son campement.
drées par la lave retombant encore à l'état fondu;
alors, dans leur chute, les blocs s’aplatissent et
s'étalent à la surface du terrain qui les recoit ; ils
écrasent et brûlent.
Ce cas s’observe particulièrement lorsqu'on a
affaire à des laves basiques, comme celles de l'Etna,
qui, par suite de leur composition chimique, sont
très fusibles et douées d'une grande densité. Leur
couleur noire est également une conséquence de
leur leneur élevée en oxydes de fer.
Les roches de l'Elna ont élé souvent analysées, et
la conclusion à laquelle on est conduit par cesrecher-
ches, c'est que tous les malériaux qui composent la
montagne sont, au point de vue chimique, assez
peu différents les uns des autres. [ls sont tous basi-
ques; leur teneur moyenne en silice est d'environ
50 °/,; ils sont riches en oxydes de fer et en chaux,
est la plus variable sont l’alumine et la magnésie,
ce qui correspond à des varialions importantes
dans la composition minéralogique, comme nous
allons l'indiquer ci-après. Mentionnons encore la
présence constante de peliles quantités d'acide
phosphorique, du chlore et plus rarement celle de
l'acide sulfurique, combinés au calcium ou au so-
dium, et jouant un rôle considérable dans la
décomposition des roches et la formation du sol
arable qui en dérive.
Ces données chimiques sont à peu près tout ce
que savaient les minéralogisles sur la constitution
des laves de l'Etna au commencement du xrx° siècle.
De quelques échantillons exceplionnels, Cordier
avait pu extraire de minces esquilles de feldspath,
dont il avait reconnu la basicité, et Gustave Rose
avait confirmé cette détermination en constatant
+9
F.-A. FOUQUE — L'ETNA
sur ces menus débris l'existence des stries carac-
téristiques des feldspaths tricliniques; mais, en
somme, les roches noires et denses comme celles
de l’'Etna n'étaient, en réalité, connues, ni au point
de vue de la composilion minéralogique, ni au
point de vue de la structure.
La taille des roches en lames minces, inaugurée
par Sorby, et l'examen, au microscope en lumière
polarisée, des lamelles ainsi oblenues, fines et déli-
cates comme des pelures d’ognon et transparentes
comme elles, ont mis en pleine lumière ce qui,
jusque-là, était resté dans une obscurité profonde.
Le nouveau moyen d'invesligation a transformé la
Minéralogie. Les cailloux les plus foncés, les plus
a donné naissance. A l'Elna, on y voit des feldspaths
basiques abondants, du pyroxène, de l'olivine, de
la magnétite, de l'ilménite, de l'apalite clairsemée
contenant l'acide phosphorique décelé par l'ana-
Iyse. On se rend compte de toutes les particularités
qui ont signalé leur genèse. Quand la matière
fondue jaillit des profondeurs du sol, elle ne ren-
ferme, en général, que peu d'éléments cristallisés,
car plusieurs des éléments minéralogiques qui lui
appartiendront après consolidation ne pourraient
résister à la haute tempéralure qu'elle possède:
mais, à mesure qu'une coulée progresse, il s'en
développe de nouveaux plus petits et ordinaire-
ment plus allongés que les premiers. Les pétro-
F'g. 14. — Même torrent de lave que dans la figure 13, après fusion de la neige qui l'avait envahi.
opaques ont révélé tous les détails de leur struc-
ture. On se les représentait généralement comme
des agrégats informes, dont l'œil humain ne pour-
rait jamais discerner la constitulion, aussi confuse
que mystérieuse. Au lieu de cela, les cristaux qui
les composent ont montré leurs propriétés les plus
intimes et leur agencement. La lumière polarisée
aidant, ils se sont parés des couleurs du spectre
les plus éclatantes et se sont soumis aux investi-
galions les plus minutieuses des recherches opti-
ques.
Aujourd'hui, ces découvertes sont entrées dans
le domaine de l’enseignement classique. Jelons un
coup d'œil rapide sur ce qu'elles nous ont appris
relativement à la composition minéralogique des
laves des volcans. Et d'abord, elles y ont montré
des cristaux divers, dont la composition est en
rapport direct avec celle du magma igné qui leur
graphes distinguent done deux catégories de cris-
laux : ceux qui ont pris naissance dans le magma
fondu des profondeurs ou dans le trajet ascen-
sionnel de la matière ignée et ceux qui se sont
produits durant l'épanchement. derniers,
connus sous le nom de microliles, s'alignent dans
la direction du courant incandescent, aulour des
cristaux de formation antérieure; ils en suivent
tous les mouvements, se disposent en lrainées
fluidales qui indiquent le sens et les particularités
de l'entrainement qu'ils ont subi. Les études failes
dans le laboratoire contrôlent avec une fidélité
rare les données acquises par l'observation directe
sur le terrain.
Le microscope permet aussi d'apercevoir et d'ap-
précier exactement les légers changements que
subit la composition minéralogique en concor-
dance avec les variations de la composition chi-
Ces
76 F.-A. FOUQUÉ — L'ETNA
t
mique. Dans les épanchements les plus basiques,
la proportion d'olivine est augmentée, les oxydes
de fer sont en cristaux nombreux, les feldspaths
s'éloignent du type labrador pour se rapprocher
du type anorthite. Inversement, dans les épanche-
ments les plus acides, l'olivine disparait, la magné-
tite est moins abondante et les feldspaths se
rapprochent du type andésine.
Les cristaux sont cimentés par de la malière
vitreuse qui représente le résidu de la cristallisa-
lion; c'est une sorte d'eau mère de nature ignée,
qui correspond à l’eau mère des cristallisations
opérées au sein des dissolutions aqueuses. Celle
partie vitreuse des roches s’y montre en propor-
tions très variables suivant les conditions dans
lesquelles s’est effectuée la crislallisalion, Très
abondante quand le refroidissement a été rapide,
comme dans les cas des produits de projection,
elle peut faire complètement défaut si la consolida-
tion s’est opérée avec une grande lenteur. Dans ce
dernier cas, il arrive aussi que les cristaux déve-
loppés lentement et dans un milieu tranquille
sont remarquables par leurs plus grandes dimen-
sions et par leurs enchevêtrements. Il en résulte
des laves exceptionnelles, dont la cristallinité appa-
rait même à l'œil nu.
L'aspect extérieur des laves (fig. 13 et 14) dépend
encore de la proportion relative des cristaux engen-
drés dans la profondeur et des microliles nés dans
le courant du feu pendant l'écoulement à la surface
du sol, rapports qui peuvent être modifiés ou même
intervertis suivant les condilions orographiques et
méléorologiques de l’éruption, suivant la compo-
sition chimique des laves déversées et leur tempé-
ralure initiale.
Notons, en passant, que la matière ignée des
coulées en mouvement est une sorte de boue
épaisse chargée le plus souvent d’une quantité
innombrable de menus cristaux, ce qui doit contri-
buer singulièrement à en augmenter la viscosité.
Signalons encore ce fait que les cristaux qui se
forment les premiers sont, en règle générale, ceux
qui sont le plus basiques, d'où il suit qu'au fur et
à mesure de leur production, la matière vitreuse
qui représente le reste de leur cristallisation
devient de plus en plus acide et par conséquent
moins dense et moins fusible; elle constitue done
ainsi peu à peu un moyen de charriage moins
parfait.
Au premier abord, l'étude des substances vola-
tiles rejetées par les volcans semble presque im-
praticable. Au moment des explosions qu'elles déter-
minent, l'approche des bouches d'émission (fig. 15)
est rendue impossible par la grêle des projectiles
qui en émanent. Mais la Nature fournit d'elle-même
un moyen de tourner la difficullé. En arrivant au
conlact de l'atmosphère, la matière fondue ne perd
pas entièrement les éléments volatils qu’elle recé-
lait; par suite de sa viscosité très grande, elle peut
en retenir uve partie et la transporter avec elle. Il
est vrai que l'écorce superficielle des coulées laisse
échapper lentement et presque régulièrement les
gaz et les vapeurs dont elle est chargée: c'est
même par suite de ce fait qu'elle se montre géné-
ralement criblée de bulles allongées dans le sens
de l'écoulement et qu'elle se hérisse d’aspérités
scoriacées. Mais la partie profonde de ces mêmes
coulées relient avec énergie les éléments volatils
qu'elle emprisonne. Ce n'est qu’en certains points
particuliers, où ces matières se trouvent accumulées
accidentellement en plus grande quantité, qu’elles
peuvent se dégager en abondance par l'intermé-
diaire d'étroites crevasses. On a donné le nom de
fumerolles à ces émissions locales de vapeurs et
de gaz dont les produits peuvent être aisément
recueillis et soumis aux investigations chimiques
ordinaires. Parmi les éléments de ces émanations,
les uns se retrouvént presque tous dans toutes les
éruptions, les autres sont plus particulièrement
l'apanage de tel ou tel volcan.
Occupons-nous d’abord des premiers. Ils varient
sur une même coulée avec la température de la
lave qui les émet. C'est à Ch. Sainte-Claire Deville |
que l’on doit d'avoir reconnu la loi de leur suc- 3
cession. Une première catégorie de fumerolles est
caractérisée par la présence abondante de sels
alcalins : chlorures, sulfates, carbonates, ete.,
parmi lesquels domine le chlorure de sodium.
Elles possèdent toujours une très haute lempéra-
ture ; c’est au milieu des laves encore au rouge vif
qu'on les observe. Les sels alcalins y forment seuls
des dépôts cristallisés: tous les autres éléments
concomitants y sont volatisés et rapidement ex-
pulsés au loin par l’action de la chaleur.
La seconde catégorie de fumerolles se reconnait
à l'ampleur des dégagements suffocants d'acide
chlorhydrique et d'acide sulfureux associés à des
torrents de vapeur d’eau. La température y est
comprise entre 150° et 600°. Les dépôts qui s’y
forment sont principalement conslilués par des
oxydes de fer brillamment colorés, provenant de la
décomposilion des chlorures de fer par la vapeur
d'eau.
La troisième catégorie correspond à des tempé-
ratures peu différentes de 100°. Malgré la présence
de l'hydrogène sulfuré et de l'acide carbonique,
ses vapeurs sont généralement alcalines et ses
dépôts sont formés de sels ammoniacaux.: carbo-
nale, chlorure et sulfate. Le soufre s'y montre en
globules concrétionnés provenant de la décompo-
sition à l'air de l'hydrogène sulfuré.
Enfin, à une température inférieure à 100°, on
F.-A. FOUQUE — L'ETNA
1
En
ne rencontre plus, sur les coulées du volcan, que de
la vapeur d’eau et de l'acide carbonique, à moins
que, s'éloignant à quelques kilomètres de sa base,
on n'aille récolter les gaz des volcans boueux qui
sont, pour ainsi dire, ses satellites. Alors, on y
trouve en abondance de l'hydrogène et du gaz des
marais. Le long des coulées provenant des bouches
subaériennes de l'Etna, ces derniers gaz ont dis-
paru, brûlés au contact de l'air entre les roches
incandescentes. Il faut des conditions toutes parti-
culières pour qu'on puisse les recueillir, les ana-
lyser, ou au moins les voir brûler en produisant de
véritables flammes. C’est notamment ce qui est
arrivé, en 1866, à Santorin. L'éruption élaiten partie
sous-marine; les gaz se dégageaient bulle à bulle
met, de magnifiques spécimens de sels de potasse
cristallisés et de chlorure de plomb (cotumnitc)
que l’on ne rencontre guère ailleurs. À l'Etna, ce
sont les sels de cuivre qui sont fréquents. Lors de
l’éruption de 1878, on voyait d'abord, dans les
fumerolles à haute température, de johes lamelles
brunes de sous-oxyde de cuivre (cuprite) tapissant
les laves des coulées, et quand on revenait quel-
ques jours après aux mêmes lieux, ces dépôts cui-
vreux, hydratés et transformés par l’action de la
vapeur d’eau et de l'acide chlorhydrique du voisi-
nage, étaient si abondants qu'ils semblaient recou-
vrir les roches d’un tapis verdoyant”. Dans le
cratère de Vulcano, l’une des îles Éoliennes, l'acide
borique afflue en telle quantité dans le cratère du
Fig. 15. — Intérieur du Cratère de l'Etna.
de la mer; ils s'allumaient au contact des roches
incandescentes, s'éteignaient ou se rallumaient
suivant les caprices du vent. On pouvait les re-
cueillir et les conserver dans des tubes qu'on fer-
mait à la lampe. Sur les roches brûlantes d’un ilot
naissant, leurs flammes ressemblaient à celles d'un
bücher.
En réalité, tous ces éléments volatils existent
ensemble dans les fumerolles à très haute Lempé-
rature, et peuvent y être constalés, à moins qu'ils
n'y soient dissociés ou brûlés. Et dans les fume-
rolles moins chaudes, ils disparaissent successive-
ment à mesure que la température devient insuffi-
sante pour amener leur volatilisalion ou pour
produire les réactions qui président à leur genèse.
Nous avons dit que chaque volcan possédait
aussi des éléments volatils qui lui étaient propres.
Ainsi, le Vésuve offre parfois, dans les fentes incan-
descentes de ses coulées et de son cratère du som-
volcan, qu'il y à fait l'objet d'une exploilation
industrielle.
Ces exemples suffisent pour appuyer la distinc-
lion que nous avons faite parmi les différentes
sortes de fumerolles et pour justilier les consé-
quences que nous en tirerons ci-après.
HA
Une histoire quelque peu détaillée des éruptions
de l'Etna depuis le commencement de la période
historique viendrait ici à point nommé dans notre
description; mais elle nous entrainerait trop loin,
c'est pourquoi nous préférons renvoyer, Sur ce
point, nos lecteurs à l'ouvrage de Lasaulx, conli-
nuateur de l’œuvre de Waltershausen, aux mé-
moires de Gemellaro et de Silvestri.
1 Au Vésuve, on recueille aussi quelquefois, mais beau-
coup plus rarement, de l'oxyde de cuivre cristallisé; toute-
fois, ce n’est pas de la cuprite Cu?0, mais de la tenorite CuO.
78 F.-A. FOUQUE — L'ETNA
Cependant, je crois devoir ajouter quelques
lignes sur la constitution économique des cam-
pagnes de l'Etna et sur les conséquences ordinaires
des éruptions qui, de temps en temps, y portent le
trouble.
On sait que, au point de vue du climat et du
genre de végétalion qui en est la résultante immé-
diate, l'Etna a été depuis longtemps divisé en trois
régions d'altitudes différentes : une région basse,
très habitée, très cultivée, où prospèrent toutes les
plantes du pourtour de la Méditerranée; une zone
boisée, dont l'altitude varie de 1.090 à 2 000 mètres,
peu plus élevé, mais ils y deviennent promptement
clairsemés. Le pin (Pinus nigricans) persiste à une
altitude plus grande et y forme des bois pitto-.
resques au milieu des cônes et jusque dans la
cavilé des cratères parasites. Sous ces ombrages
s'élalent de vastes espaces sauvages où croît la
fougère (Pteris aquilina) et où fleurit encore le
genêt de l'Elna, au feuillage étroit et arrondi.
La région désertique, enveloppée d'un linceul de
neige pendant une grande partie de l’année, sèche
etnue durant les mois de l'été (fig. 18), ne présente
qu'une végétalion des plus rudimentaires. La seule
Fig. 16. — Village dans la region des Chätaigniers (zone moyenne de l'Etna).
et une zone centrale, inculte et déserte, qui com-
prend la cime de la montagne et ses parties les
plus abruptes (fig. 18). La vigne est cultivée jusqu'à
une allitude de 1.200 mètres. Dans les parties hautes
de la zone qu'elle occupe, les pentes deviennent
déjà très considérables: aussi la culture y est-elle
distribuée en gradins, qui, durant l'hiver, dispa-
raissent sous un manteau de neige uniforme.
La région boisée est très favorable au développe-
ment des arbres de l'Europe centrale; ils s'y main-
tiennent et s'y propagent malgré les ravages de
l'homme et des animaux domestiques. Le chàâtai-
gnier (fig. 16 et 17) est commun dans la partie la
moins haute de la zone ; il y pousse vigoureusement
et présente encore quelques beaux spécimens de la
végétation forestière que l’on y admirait autrefois.
Le chêne et le hêtre se renconlrent à un niveau un
plante qui, grâce à ses feuilles épineuses, s'y défende
en touffes serrées contre la dent des moutons et
y protège quelques plantes herbacées chétives,
est l’astragale à fleurs roses (Astragalus siculus).
C'est également celte plante qui figure en première
ligne dans les maigres pälurages du Val del Bove.
La région désertique contribue pourtant pour
une large part à la fertilité des deux autres régions
de l'Etna. C’est elle qui recoit les eaux de pluies en
plus grande abondance, qui conserve le dépôt des
neiges de l'hiver, les filtre peu à peu durant l'été,
les charge de malières solubles et les amène dou-
cement vers la région basse pour y abreuver les
racines des plantes, maintenir l'humidité du sol
et alimenter les sources nécessaires aux villes et
aux villages, si nombreux sur tout le pourtour de la
montagne. Dans les jours chauds de l’année, l’eau
‘
F.-A. FOUQUÉ — L'ETNA 79
de ce réservoir immense arrive, au bas des pentes,
jusqu'au seuil des habitations, exempte de microbes
malfaisants et douée d’une délicieuse fraicheur.
Les effets fâcheux des éruplions sont peu sensi-
bles dans cette zone élevée. Ils se bornent, en
général, à l’action de pluies désagréables de cen-
dres et de lapillis imprégnés de vapeurs acides, qui
retombent à courte distance du cône terminal et
n’exhaussent le terrain, après leur chute, que de
quantités minimes. Rarement des bouches nou-
velles s'ouvrent sur le Piano del Lago et émettent
des coulées de laves qui se déversent sur les pentes.
Cependant, un spectacle curieux est celui dont on
est témoin dans ce cas particulier, lorsque, comme
en 1869, la lave
se précipite
dans le Val del
Bove, du haut
des escarpe-
ments, en cas-
cadesbrülantes
ou en longs ru-
bans de feu. El-
les’ysuperpose
aux champs de
scories sortis
directement du
fond de la ca-
vité ou des
bords de son
enceinte. C'est
ainsi que l'on
y constate l’a-
moncellement
successif des
laves de 1792, Fig. 17. — Région des Chälaigniers.
1802, 14814,
1819, 1836, 1852, 1869. Encore quelques milliers
d’éruptions de ce genre, et le Val del Bove sera
comblé; la grande découpure de la montagne aura
disparu, et l’Elna, réédifié dans son intégralité, pos-
sédera de nouveau la configuration de sa période
volcanique primitive.
Contrairement à ce qui vient d'être dit, les érup-
tions qui, comme celle de 1865, surviennent dans
la région boisée, peuvent causer de grands dom-
mages. Le terrain sur lequel s'élèvent les forêts de
pins, les bois de chène et de châtaigniers, se
trouve déchiré et bouleversé par l'ouverture des fis-
sures du sul; des arbres séculaires sont écrasés,
anéantis par les projections ; les plus épargnés sont
ébranlés, réduits à l’état de poteaux et à demi en-
fouis au milieu de blocs de toutes dimensions, blan-
chis d'efflorescences salines. Ceux que rencontre le
flot incandescent d'une coulée flambent immédia-
tement à leur cime comme des faisceaux de paille
desséchée ; bientôt ils sont, en même temps, brûlés
et tranchés à leur base, à moins que la lave, en se
solidifiant à leur contact, ne leur forme un enduit
protecteur. Cette sorte de cuirasse est écartée de
quelques centimètres du tronc de l'arbre cerné,
gräce au développement des vapeurs provenant de
la combustion de son écorce (fig. 13 et 14).
Si la coulée poursuit sa marche descendante, les
pertes s'accentuent, les champs et les vergers sont
envahis, les fermes détruites, les villages atteints.
Mais les éruplions les plus désastreuses sont
celles qui se produisent dans la région basse de
l'Etna, surtout à la limite supérieure de la zone
cultivée. Elles y ravagent les vignes et les jardins,
renversent et
brûülent les ha-
bitalions.
1669, les laves
ont franchi les
murs de Catane
En
et pénétré dans
la ville, portant
avec elles l'in-
cendie et la
ruine. En quel
ques jours, el-
les transfor-
ment une riche
en
un désert, qui
campagne
désormais sem-
ble voué à une
stérilité irré-
médiable. Ce-
pendant, pres-
que toujours la
Nature ne tarde
guère à reprendre ses droits; peu à peu, la végéta-
tion reparait ; les cendres et les scories désagrégées
et décomposées se couvrent de verdure et de fleurs;
l'élément destructeur est devenu un agent puissant
de fertilité, Le genêt, spontanément semé par les
vents, brille au milieu de celle renaissance végé-
tale; il dresse ses touffus et s'élale en
bouquets d'or, tandis que ses racines, armées de
rameaux
leurs renflements microbifères, cheminent silen-
cieusemententre les blocs et les détrilus pierreux, et,
tout en effectuant leur mystérieux travail chimique,
vont chercher au loin les éléments inorganiques
qu'exige la nutrition de la plante.
Les matériaux volcaniques contribuent inégale-
ment à rendre au sol les substances nécessaires à
sa fertilité. Les cendres sont, avant tout, l'agent
de celte restitution. La surface étendue de leurs
grains, comparée à leur petit volume, augmente la
facilité de l'attaque par l’eau; mais leur altérabi-
80 F.-A. FOUQUÉ —
L'ETNA
lité lient surlout à leur composition chimique
basique et à leur structure vitreuse habituelle.
À composilion chimique égale, les corps vitreux
soxt non seulement moins denses et plus fusibles
que les minéraux cristallisés correspondants, mais
ils sont surtout plus attaquables par l’eau, par les
réactifs chimiques de toute sorte, ainsi que par les
agents biologiques naturels. Plus leur vitrosité est
marquée, plus ils sont aisément altérés.
La même observation s'applique aux parties
scoriacées qui forment le revèlement des coulées,
quand on les compare à la portion plus cristalline
et plus compacte qui en occupe le centre. De là
résulte, dans les terrains d'origine volcanique ba-
sique, des alternances de lits rougeätres désagrégés
et à demi décomposés, avec des banes compacts qui
semblent avoir conservé leur fraicheur et leur
composition primitive. Pourtant, en réalité, il ne
s’agit là que d’une question de mesure, car, dans
Fig. 18. — La Casa Inglese et la cime de l’Etna.
un avenir plus ou moins éloigné, ce sol rocheux
tout entier sera transformé en terre végétale et les
minces racines du genêt ou de la vigne triomphe-
ront ainsi de la résistance qu'oppose la compacité
extrême des bancs formés par des silicates fondus
à haute température et consolidés lentement en
associations cristallines.
1
Pour clore cette revue rapide de l'histoire géogé-
nique de l’'Etna, il nous reste à dire quelques mots
des relations qui peuvent rattacher ce volcan aux
centres éruplifs similaires des régions avoisinantes.
L'Etna est-il relié souterrainement aux îles Éolien-
nes, au Vésuve, à Pantellaria ? Le magma fondu
qui à engendré leurs laves est-il le même? Ces
districts sujets aux commotions du sol et aux
explosions des cralères subissent-ils le contre-coup
des variations brusques de pression qui ont lieu
sur le territoire de l’un d'eux?
On sait que les auteurs des traités classiques de
Géologie, se basant sur un certain nombre de faits
d'observation englobés dans des considérations
hypothétiques plus où moins probables, ont conelun
que la Terre était composée d’une masse centrale
volumineuse rigide, d’une zone de silicates fondus
et de l'écorce solide que nous foulons sous nos"
pieds.
Comme conséquence de ces idées, ce serait lan
zone de matière en fusion qui servirait de moyen
de connexion entre les volcans; elle serait la voie
principale de transmission des mouvements et
constituerait le réservoir commun au sein duquel
tous les foyers éruptifs puiseraient les matériaux
de leurs déjections. 4
La question de la transmission des ébranlements
est l’une des questions les plus difficiles et les plus.
controversées de la Physique terrestre. Nous en.
laissons la solution future aux observaloires où.
l’on s'occupe spécialement de cet intéressant pro=
blème. “4
Mais nous pouvons, dès maintenant, hasarder
quelques déductions à tirer de la composition des
laves. S'ilexiste véritablement un réservoir commun
de matières en fusion sous-jacent à l'écorce ter-
restre, on peut affirmer l'hétérogénéité actuelle du
liquide igné qu'il renferme. Ses déjections sont
dissemblables; elles diffèrent d'un point à un
autre et changent même dans un dislrict donné
suivant l’époque d'évolution des éruptions. La
composition chimique des laves du Vésuve, pas
plus que leur composition minéralogique et leur
F.-A. FOUQUÉ — L'ETNA si
structure, ne ressemble à celle des laves de l'Etna.
Au Vésuve, les laves sont riches en potasse; le
minéral caractéristique de leur consolidation cris-
talline est la leucite; à l'Etna, les alcalis sont en
petite proportion, la chaux est abondante, le feld-
spath labrador est l'élément blanc dominant.
L'Etna n'a émis que des laves basiques, mais les
volcans d'Auvergne, distribués sur des territoires
régionaux qui ne sont pas beaucoup plus étendus,
ont rejeté des laves très acides et des laves très
basiques; la domite du Puy de Dôme ne ressemble
. ni aux andésites et trachytes du Mont Dore, ni aux
phonolites de la même région, ni aux basaltes qui
les environnent. Le basalte du Plomb du Cantal
a succédé presque sur le même emplacement à des
andésites et à des phonolites.
Comment expliquer de tels faits? Il me semble
que l'hypothèse la plus simple consiste à considérer
l'hétérogénéité du magma supposé général comme
primordiale et absolue, comme une conséquence
forcée de l'hétérogénéité des matières cosmiques
qui, suivant la théorie de Laplace, ont contribué par
leurs précipitations successives et leur concentra-
tion à constituer le globe terrestre.
Telle n'est pas cependant l'opinion qui prédo-
mine à notre époque parmi les géologues. D'après
beaucoup d'entre eux, le magma profond aurait
été primitivement homogène; son hétérogénéité
actuelle serait le résultat d'un travail moléculaire
s’opérant incessamment dans sa masse depuis un
temps immémorial et aboutissant à sa division
graduelle en magmas secondaires de composilions
différentes, puis à celle des magmas secondaires
en magmas lerliaires et ainsi de suite. Le processus
ainsi décrit a reçu le nom de diflérentiation.
Au moment où un magma fondu, représentant
une dissolution ignée sursaturée, commence à se
cristalliser, et à se liquater, de même que, lorsque
- des cristaux se séparent d’une dissolution aqueuse
sursaturée, ce sont des différentiations qui s'opè-
rent. Quand deux liquides, très solubles l’un dans
l’autre à haute température, se séparent par sursa-
turalion déterminée sous l'influence d'un refroi-
dissement convenable, c'est encore une différen-
tiation qui a lieu.
On peut cependant opposer de graves objections
à l'application de ces données au liquide résultant
ile la fusion des silicates.
Et d’abord, la différentiation d'un tel magma a
- été interprétée diversement au point de vue des
‘conditions de sa production. Pour un certain nom-
bre de pétrographes, elle est le résultat de la cris-
tallisation et en suit les phases. C'est une pure
liquation à la facon de celle des alliages fondus.
Les cristaux formés se séparent surtout en raison
. de leurs différences de densités. Pour d'autres, elle
s'effectue avant toute solidification; ce ne sont pas
encore des cristaux microscopiques, des cristallites
qui se séparent du magma originel, ce sont des
composés définis, doués aussi d'un arrangement
stéréochimique, mais dépourvus de structure molé-
culaire régulière, dénués de réseau cristallogra-
phique. Dans ce cas, la différentiation a pour effet
d'amener la formation de couches liquides dis-
tinctes, de compositions et de densités différentes.
La théorie de la différentiation, malgré de
nombrenx faits d'observation qui lui‘sont favo-
rables, appliquée aux magmas laviques, est insuf-
fisante. Elle ne peut expliquer les récurrences dans
un même district d'éruptions laviques appartenant
au même lype, ni leurs enchevêtrements avec des
produits pétrographiques variés, dont la succession
se fait sans aucun ordre constant. Enfin, ce qu’on
doit surtout lui reprocher, ce sont les transferts à
grande distance qu’elle suppose, pour des éléments
chimiques que toutes leurs propriétés rapprochent
au plus haut degré. D'après les lois connues de
la diffusion, des transferts de cet ordre exigeraient
d'ailleurs une durée qui dépasse tout ce que peut
concevoir l'imagination la plus audacieuse.
Quelle raison plausible donner pour expliquer
l'accumulation de la potasse au Vésuve, de la chaux
à l'Etna, de la soude dans le bassin norvégien de
Christiania? Et parmi les produits volatils, pour-
quoi l'abondance du chlorure de plomb (cotunnite)
au Vésuve, de l'acide borique à Vulcano, de Ix
cuprite à l’Etna?
Du reste, la localisation des gîtes salins et mé-
tallifères, celle des minéraux rares, celle
sources minérales en matières solubles
diverses, ne sont pas davantage explicables par la
différentiation d’un magma profond homogène:
il faudrait toujours en venir à l'hypothèse de trans-
lalions de certains éléments à de grandes distances
de leur gisement primitif et à la constatation de
concentrations et de dépôts locaux inexplicables.
Au contraire, tout s'interprèle aisément, si l’on
admet une hétérogénéité primordiale dont les
manifestations se poursuivent depuis l'origine des
temps géologiques, et dont on peut maintenant
apprécier toute la diversité".
F.-A. Fouqué,
Président de l'Académie des Sciences,
Professeur au Collège de France.
des
riches
1. Les figures 5, 13, 14, 16 et 17 sont la reproduction ae
photographies exécutées par M. Berthier, au cours du Voyage
d'étude de M. le Professeur Fouqué à l’Etna.
Nous devons à l’obligeance de M. W. Eugelmann. éditeur
à Leipzig, l'autorisation de reproduire les figures 1,2, #, 6,7,
9, 10, 11 et 18, tirées du livre célèbre du D' Sartorius von
Waltershausen sur l’Etna.
Les figures 3, 8, 12 et 15 sont la reproduction de photo-
graphies qui nous ont été communiquées-par M. Ed. Alinari,
photographe à Palerme. NUDeNT- ND.
+ REVUE GÉNÉRALE DES SCIENCES, 1901.
D4*
82 RALEZE — LA
LAITERIE FRANÇAISE ET SES RÉCENTS PROGRÈS
LA LAITERIE FRANÇAISE
ET
Les industries agricoles, jadis si modestes, si peu
connues, se transforment avec une surprenante
rapidité, bénéficiant de tous les progrès récents
de la Mécanique ou de la Chimie et des découvertes,
si multipliées et si fécondes, de la science des fer-
mentations. Entre autres, les industries du lait, qui
ne datent que d'une vingtaine d'années au plus,
ont transformé certaines régions auxquelles elles
sont venues apporter l'activité et la fortune: le
Danemark, une partie de la Hollande, de la Suède,
de la Norvège, la Finlande doivent à l'exploitation
industrielle du lait le plus clair de leurs revenus, et,
dans notre beau pays de France, au climat doux
et tempéré, cette irdustrie trouve tous les jours
une faveur de plus en plus grande.
La production annuelle du lait en France dépasse
82 millions d'hectolitres ; c’est environ 4 milliard
200 millions que l'exploitation de ce produit repré-
sente dans notre pays.
Elle est devenue une de nos principales industries
agricoles parce qu'elle est à la portée des petites
bourses, et c’est aussi parce qu'elle nécessite peu de
capitaux qu'elle a éveillé dans nos campagnes
l'esprit d'association et de coopération collective.
Les premières laiteries coopératives ont débuté
timidement par de petites associations fromagères
dans le Sud-Est; puis, le -succès aidant, l’idée, si
naturelle et si féconde, de la coopération a fait du
chemin : elle s’est développée dansle Jura, le Doubs,
les Alpes, la Savoie, puis a fait son apparition dans
la Vendée et les Charentes où la culture pastorale
a succédé à la vigne ruinée par le phylloxera. Dans
ces contrées, où l'on attendait impaliemment
l'exploitation qui devait faire revivre les fermes
délaissées, le succès a été énorme et, depuis 1892
ou 1893, le nombre des laiteries coopératives s'est
accru à tel point qu'aujourd'hui le syndicat de ces
laiteries compte plus de 50.000 membres et que le
chiffre d'affaires de ces établissements syndiqués
dépasse probablement 20 millions par an”.
Le mouvement s'étendra encore. Peut-être, pour
notre bien national, parviendra-t-il à atteindre la
Bretagne et la Normandie, quoique, dans cette
dernière province, les idées soient bien peu tour-
nées du côté de la coopération ; mais la perspective
d'un progrès certain, d'un gain palpable (argu-
ment des plus convaincants) décidera sans doute
4 Voir Rosenay : Les Laileries coopératives des Deux-
Sèvres,
SES RÉCENTS PROGRÈS
nos cultivateurs de la Normandie à renoncer à un
isolement dont ils sont les premiers à souffrir.
Il y a donc beaucoup à faire et beaucoup à espérer
dans cette industrie ; les laiteries peuvent devenir
plus nombreuses et plus puissantes sans que la
concurrence soit à redouter comme cause d’avilis-
sement des prix.
Cet avenir si plein de promesses a excité, dans
nos populations rurales aussi bien que chez nos
constructeurs et nos mécaniciens, une émulation
salutaire qui s'est traduite, à notre grande Exposi-
tion, par l'apparition de plusieurs appareils ou
procédés nouveaux dus à des Francais. En plus des
inventions et des découvertes dont nous allons
parler, l’activité industrielle française s'est révélée
par des perfectionnements notables dans la cons-
truction du matériel de laiterie dont la valeur, la
précision, le fini ne laissent rien à désirer.
À part quelques machines (certaines écrémeuses,
qui sont construites par de puissantes maisons du
Danemark ou de la Suède, outillées spécialement
en vue de cette fabrication), on peut dire que nos
constructeurs sont aujourd'hui en mesure de
fournir tous les appareils nécessaires à l’agence-"
ment d'une industrie laitière quelconque, et, en
effet, nous avons trouvé dans notre Exposition
nationale à peu près tous les appareils et tous les
procédés soit nouveaux et à l'essai, soit anciens
et sanctionnés par la pratique.
I. — LE LAIT EN NATURE.
La consommation du lait en nature s’accroit tous
les jours; le lait est l'aliment par excellence des
enfants et des débiles et la qualité de cet aliment
va toujours en s'améliorant sous l'influence de
cette vogue et de la multitude des demandes. On
a sélectionné les animaux producteurs, on tient les
étables avec plus de soins de propreté; mais on a
perfectionné surtout les procédés de conservation
et de stérilisation.
Le lait est, de par sa nature, essentiellement
instable : c’est un milieu d'élection pour le déve
loppement de tous les organismes et, lorsque sa
structure, si complexe et si délicate, est attaquée
en quelques points, des modifications profondes ne
tardent pas à apparaître : le lait se décompose,
devient mauvais de goût et dangereux pour la
santé, tous inconvénients qui ont fait songer à la
recherche de procédés de préservation contre toute
R. LEZÉ — LA LAITERIE FRANÇAISE ET SES RÉCENTS PROGRÈS 83
ingérence de microbes ou décomposition de nature
quelconque.
Toute infection par les microorganismes mise à
part, le lait subit, lorsqu'il est abandonné au repos,
une première modification physique; la crème
monte à la surface et le liquide a perdu dès lors
son homogénéité primitive. On ne la lui restitue
pas complètement par l'agitation avec chauffage
modéré ; la crème, surtout lorsqu'elle est séparée
depuis longtemps, ne se remélange plus uniformé-
ment au lait, et l'aspect de ce nouveau liquide
hétérogène a quelque chose de choquant et de
désagréabie à la vue.
On s’est préoccupé d'empêcher cette séparation
de la crème et on y est parvenu en pulvérisant
mécaniquement ou en fragmentant les globules du
lait, qui sont cependant
déjà très petits.
La théorie indique et
la pratique confirme le
fait d’une séparation
plus prompte ou, si l’on
veut, d'un écrémage plus
rapide, des globules
gros que des globules
petits. Plus les globules
sont petits, plus la sé-
paration demande de
temps et on peut pré-
voir l'existence de glo-
bules si petits de dia-
mètre que la séparation
ne se ferait pralique-
ment plus.
Lafragmentation s’ob-
tient en faisant passer du
lait chauffé entre 30° et
40° par un orifice extré-
mement pelit et sous
pression de plusieurs
centaines d'atmosphè-
res:
Une première solution de ce problème a été
proposée par M. Julien (à Paris). Le procédé est
encore mis en pratique à l'heure actuelle avec
succès complet.
L'appareil Julien (fig. 1) se compose d’un pot de
presse hydraulique P dans lequel se trouve un
piston constitué par deux cylindres À et B de même
axe, c'est-à-dire dans le prolongement l'un de
l'autre; ces deux cylindres sont de diamètres diffé-
rents et chacun d’eux aboutit au dehors par un joint
étanche de presse. Si l’on détermine dans le pot
une surpression par une injection de liquide, le
grand piston tend à ressortir et le petit à rentrer
par conséquent. Mais le grand piston comprime,
Fig. 1. — Appareil Julien
pour la fragmentation des
globules du lait, — P, pot
de presse hydraulique; A,
grand piston pressant le
ressort R; B. petit piston
creux; 0, ouverture: E, ar-
rivée du lait; S, sortie du
lait.
dans son mouvement au dehors, un robuste ressort
à boudin R réglable à volonté, de sorte que l'on
peut faire monter la pression à un degré voulu,
mettons par exemple 250 ou 300 atmosphères.
Mais, quand le gros piston sort au dehors, le
petit pénètre à l'intérieur du pot : le petit piston
est constitué par un tube ouvert à son extrémité et
présentant en un de ses points une ouverture
extrêmement petite O, un trou d'épingle.
Quand ce trou arrive à l'intérieur du pot, le
liquide comprimé trouve une issue et s'échappe par
la petite ouverture sous une pression énorme.
Tout ce qui pénètre dans le pot par le tube
d'amenée E sort par la pelite ouverture. Si l'on
injecte deux liquides non misecibles, on émulsionne
l’un d'eux dans l’autre. Si l’on injecte une émul-
sion déjà préparée, les globules se fragmentent
sous l'énorme pression, et du lait, traité par cet
appareil, sort avec des globules tellement divisés,
d'un diamètre si petit, que l’écrémage spontané ne
se fait plus; le lait reste indéfiniment homogène.
L'idée du procédé est fort ingénieuse : MM. Gau-
lin et C ont imaginé, et avaient exposé au Champ-
de-Mars, un appareil simple et dérivant d'un prin-
cipe analogue.
Les liquides à traiter sont injectés dans un
espece clos dont ils ne peuvent sortir que par une
ou plusieurs ouvertures très étroites. En cas d'ali-
mentation surabondante, il se produit une pression
qui s'élève, et qui deviendrait dangereuse si l’on
ne livrait pas issue au liquide, qui arrive en excès
sur le débit, par une soupape de sûreté qui ne
s'ouvre que sous une pression minimum de tant
d'atmosphères, mettons 250 ou 300; le liquide
s'écoule donc par les petites ouvertures sous une
pression de 250 à 300 atmosphères.
L'espace clos dans lequel arrive le liquide
injecté, dont une paroi est percée de petites ouver-
tures et où on a logé la soupape régulatrice de
pression, est enfermé dans une enveloppe portant
un tube de dégagement.
On règle le débit et la pression pour que ce tube
de sortie fournisse toujours un peu de liquide.
L'appareil de Gaulin et C° remplit fort bien le but
poursuivi et le lait traité se conserve homogène
sans trace de séparation de crème à la surface.
IT. — STÉRILISATION,
La stérilisation du lait est plus que jamais à
l'ordre du jour et le temps n'est pas loin, sans
doute, où, dans les grandes villes tout au moins,
elle sera rendue obligatoire.
Deux circonstances retardent cependant cette
mesure d'hygiène et, pour ainsi dire, d'humanité,
aussi bien que d'intérêt général :
84 R. LEZÉ — LA LAITERIE FRANÇAISE ET SES RECENTS PROGRÈS
1° Le lait stérilisé par le chauffage, seule stéri-
lisation qui soit efficace, est généralement moins
agréable au goût que le lait naturel; il présente
souvent un léger goût de cuit ou de brülé et,
quoique inférieur en qualité, il coûte cependant
plus cher que le lait naturel frais.
2% Le public n’a aucun moyen de s'assurer si le
lait qu'on lui présente est stérilisé ou non, l'analyse
bactériologique d'un lait étant longue et délicate;
celte particularité n'est pas ignorée de certains
négociants peu scrupuleux, et il arrive parfois que
l'on met en vente des laits très imparfaitement
stérilisés, sachant que leur consommalion est en
général assez prompte et que, d'autre part, des
plaintes ne sont guère à redouter de la part des
acheteurs, car la marchandise est périssable et
d'une bien faible valeur.
Il y avait donc encore beaucoup à faire ei beau-
coup à trouver dans celte question de la stérilisa-
tion.
Il fallait trouver le moyen de stériliser com-
plètement le lait sans lui donner le goût de cuit,
sans altérer ni l’'arome, ni la couleur, et ensuite
présenter au public ce lait dans des vases clos et
cachetés, offrant loutes garanties de conservation
et rendant loutes fraudes impossibles.
Le problème n’est pas commode : Si l’on chauffe
le lait dans les environs de 100°, mais sans les
précautions spéciales que nous allons énumérer, la
stérilisation est incomplète; quelquefois, la chaleur
a détruit certains germes pathogènes et l'on s'ap-
plaudit du résultat, mais la plupart du temps la
disparition totale des germes dangereux est incer-
laine. Puis, à supposer qu'elle soit consommée,
l'expérience a prouvé qu'il pouvait survivre encore
des germes n'altaquant pas le lait d'une manière
visible, n'amenant pas la tourne et passant par là
même inaperçus. Certains de ces germes, qui résis-
tent à des températures de 108° et de 110°, sont-ils
inoffensifs? C'est peu probable, carles êtres vivants,
quels qu'ils soient, sécrètent des toxines et, en tout
cas, dénaturent quelque peu le lait.
D'où cette conclusion : c'est que, pour arriver à
la stérilisation absolue, cerlaine, il faut chauffer
le lait à une température de 108° à 110° au minimum,
et pendant un temps assez prolongé. Ou bien, si
l'on redoute ces hautes températures, il devient
nécessaire de prolonger longtemps l’action de la
chaleur ou de l'appliquer à plusieurs reprises.
Or, tout le monde sait que, si l’on chauffe du lait
jusqu'à l'ébullition, le lait brunit; il brunit donc
aux environs de 100°, en perdant, avec sa belle
couleur appétissante, son délicieux parfum naturel.
Dans les appareils du commerce, on retrouve,
dans les produits du traitement à chaud, un écho
de tous les écueils et des difficultés dont nous
venons de parler : nous n'avons pas à insister
sur les petits appareils domestiques employés dans
les ménages pour stériliser le lait à donner aux
enfants; la plupart des procédés ou des disposi-
tions ne présentent rien de scientifique ou d’étudié;
presque tous ces petits appareils sont des joujoux
qui donnent à ceux qui s’en servent une bien fausse
sécurité. Le lait n’est pas stérilisé, il a souvent un
goût mauvais, dû soit à la cuisson, soit au contact
avec les bouchons en caoutchouc destinés à l'oeclu-
sion hermétique.
Il existait, à l'Exposition, des appareils plus
sérieux et dont quelques-uns ont déjà recu la
sanction d'une longue pralique : ce sont les stéri-
lisations par autoclaves de MM. Gaulin et C° ou
de M. Fouché. Les procédés se distinguent par
l'ingéniosité apportée au système de fermeture des
vases; dans les deux dispositions, on arrive à une
stérilisation absolue, en montant suffisamment la
température et sans qu'il en résulte de détériora-
tion bien sensible du lait dans des vases petits où
la quantité d'air est nécessairement très limitée.
Nous rappellerons l'appareil déjà ancien de stéri-
lisation de M. J. Hignette, dans lequel la chauffe
atleint seulement 100 ou 102°, mais qui fournit la
stérilisation par des chauffages répétés ou pro-
longés.
A l'Exposition figurait un appareil entièrement
nouveau et des plus intéressants : l'appareil Kuhn.
L'inventeur a construit son appareil en en faisant
la synthèse, c'est-à-dire en conservant devant les
yeux la liste des problèmes posés et les résolvant
tous successivement par des dispositions prises
en conséquence.
L'air est nuisible : M. Kuhn opère en chauffant
le lait en grand, sans air et dans un espace com-
plètement clos.Il fallait procéder vite aux chauffages
et aux refroidissements : M. Kuhn emploie un bain-
marie intérieur au lait, c’est une circulation d’eau
froide ou chaude dans une canalisation placée au
sein même du lait à traiter.
Et enfin, pour parer aux inconvénients du chauf-
fage au contact de corps, tels que cuivre ouétain,
caoutchouc, etc., toutes les opérations s'effectuent
dans des vases doublés d'argent, l'expérience ayant
prouvé que ce métal n’a aucune action chimique
sur le lait.
L'appareil se compose d'un gros cylindre doublé
d'argent et contenant, suivant les modèles, 500 ou
1.000 litres de lai.
On commence par faire le plein, puis on chauffe
jusqu'à 108° ou 110°; le lait se dilate et fait pression
sur lui-même. Alors, on laisse écouler un léger
filet de lait petit à petit, de facon à limiter la
pression intérieure à 3 ou 4 atmosphères en
moyenne; la pression est donc beaucoup plus
R. LEZÉ — LA LAITERIE FRANÇAISE ET SES RÉCENTS PROGRÈS
considérable que celle qui correspond à la tension
de vapeur du liquide dont elle reste indépen-
dante. On arrive, au moyen de cet appareil, non
seulement à une stérilisation absolue, mais encore
à satisfaire aux conditions mulliples que nous
avons énumérées. Le lait a conservé son agréable
couleur naturelle, il ne présente aucun goût de
euit ou de brûlé, et il est fort difficile, presque
toujours impossible, de le distinguer du lait frais.
En transvasant ce lait aseptiquement dans des
vases complètement remplis et fermés ensuite
hermétiquement, le lait se conserve indéfiniment,
même dans les circonstances les plus défavorables,
par exemple celles de maintien prolongé aux tem-
pératures de 30 à 35°.
Les Allemands ont profité des ingénieux travaux
de notre inventeur francais, et un constructeur de
Berlin vient d'établir un slérilisateur continu fonc-
tionnant avec pression de lait. Il est à prévoir que,
sous peu, on ajoutera à ces appareils la pompe à
fragmentation, qui s'impose dans la pratique, et que
l'on trouvera alors couramment, dans le commerce,
du lait indubitablement stérilisé, d'un goût naturel
et franc, et conservant indéfiniment l'appélissant
aspect du lait venant de la traite.
L'Exposition est à peine fermée que déjà l’on
signale encore un nouveau procédé des plus sim-
ples et des plus efficaces.
Nous voyons arriver ces progrès avec une légi-
lime salisfaction var l'emploi de ces procédés nou-
veaux mettra un terme aux craintes qu'inspirent
trop souvent, avec raison, les laits mis en vente cou-
rante, soit au point de vue des maladies qu'ils peu-
vent propager : tuberculose, fièvre typhoïde, etc.,
soit aussi à celui des fraudes dont ils sont l’objet,
écrémage partiel, addition d’eau ou de lait écrémé,
etc. Les bidons ou vases de lait stérilisé seront
toujours scellés hermétiquement et il sera facile de
retrouver les responsabilités en cas de défauts dans
la qualité.
IT. — LE LAIT CONCENTRÉ.
La concentration du lait a non seulement pour
but de diminuer le poids mort par l'extraction
d'une partie de l’eau contenue, mais encore de pro-
longer la conservation du liquide. Le lait concentré
s'allère moins vile que le lait naturel, et d'autant
moins vite encore qu'on l'addilionne d’une cer-
laine quantité de sucre de canne destiné à rendre
la masse plus sirupeuse età empêcher la circulation
de l'air.
Ce lait concentré n'est donc plus du lait naturel;
il s'éloigne beaucoup de son modèle, mais dans la
consommation ordinaire usuelle, avec du thé, du
café, il peut fort bien remplacer le lait frais.
Quoique l'industrie de la conceutration ne se soit
pas très répandue en France, nos constructeurs se
sont occupés du matériel qu'elle nécessite et nous
avions à l'Exposition de forts beaux appareils à
évaporer dans le vide établis par MM. Egrot et
Grangé, Deroy fils aîné, Gaulin et C'° (leur vacuum
est pourvu d‘un brise-mousses), Bréhier.
Notre fabrication francaise, très soignée, a déjà sa
réputation faite à l'Étranger pour ces appareils de
concentration et elle lutte avec avantage avec celle
des Suisses ou des Allemands. Il serait à désirer
que, trouvant dans le pays une excellente matière
première, un lait délicieux et des appareils fort
bien établis, notre industrie nationale arrivàät à
satisfaire aux demandes de nos colonies en lait
concentré, mais tel n’est pas toujours le cas, encore
à l'heure actuelle.
IV. — INDUSTRIES BEURRIÈRE ET FROMAGÈRE.
Le beurre se prépare par le barattage de la crème,
et la crème est obtenue du lait, partout aujourd'hui,
par le moyen de l'écrémage centrifuge.
Les écrémeuses, turbines qui tournent aux vites-
ses énormes de 4 à 8.000 tours par minute (on
en construit dont le nombre de tours s'élève à
45 ou 18.000), sont des appareils dont l'établisse-
ment exige des soins et une habileté loute spéciale
du constructeur, un choix intelligent des meilleurs
métaux, car, sans ces précautions, les écrémeuses
exposeraient, par leur explosion, les ouvriers aux
dangers d'épouvantables accidents.
La construction des centrifuges, longtemps can-
tonnée en Danemark et en Suède, commence à se
vulgariser, malgré les difficultés qu’elle présente.
En France, en particulier, l’écrémeuse Mélotte
est aujourd'hui construite de toutes pièces par
M. Garin {de Cambrai), qui a eu la hardiesse et qui
doit conserver tout le mérite de cetle initiative
heureuse. Il exposait au Champ-de-Mars un maté-
riel irréprochable fort remarqué et obtenant un
grand succès.
D'autres, parmi nos bons constructeurs, se pro-
posent d'aborder bientôt celte fabrication difficile,
malgré les frais considérables de création d'un
oulillage spécial.
Les différents modèles exposés élaient nombreux
et créaient à l'acheteur un vérilable embarras du
choix entre appareils tous de belle et solide cons-
truction et de toutes grandeurs, depuis de petits
bijoux, presque des pièces d’horlogerie, écrémant
30 ou 40 litres de lait à l'heure, jusqu'à une énorme
écrémeuse, de construction française, à moteur élec-
trique direct, de taille à travailler 4 à 6.000 litres
dans le même temps. Nos constructeurs nationaux
se sont âprement disputé les premières récom-
86 R. LEZÉ — LA LAITERIE FRANÇAISE ET SES RÉCENTS PROGRÈS
penses, les grands prix et les médailles d’or que le
jury était heureux de leur décerner.
La maturation de la crème est incontestablement
l'opération capitale de la bonne préparation du
beurre. On ne se persuade pas assez chez nous de
cette vérité, et, si nous trouvions à l'Exposition des
colleclions de ferments purs, ferments lactiques
pour la plupart, nous ne constations pas que l’on se
soit préoccupé encore d'établir des étuves ou plutôt
des chambres à température constante. La régula-
rité de la température est cependant une des con-
ditions de la réussite,
et les beurres de Nor-
mandie doivent une
partie de leur répula-
tion à la régularité
de la fermentation
des crèmes dans des
chambres où passe
de l’eau courante.
Dans la matura-
tion de la crème, il
se dégage, du lait
en voie d’acidification
lactique, un parfum
que la matière grasse
emmagasine au fur et
à mesure; la matière
grasse peut être quel-
conque : on obtient
le délicieux arome du
beurre en faisant mü-
rir des crèmes artifi-
veler les surfaces, alin d'amener, par des chances
plus nombreuses, la rencontre des globules les uns
avec les autres. Le barattage se fail par simple
contact si la température n’est ni trop basse, auquel
cas les globules restent durs et ne se soudent pas
entre eux, ni trop élevée, auquel cas la matière
grasse est trop fluide; l'agitation défait, d’un côté,
ce qu’elle a édifié de l’autre, les qualités et les ren-
dements sont mauvais.
De très bonnes barattes étaient exposées au
Champ-de-Mars : baratte-tonneau nouvelle (Baquet,
barattes de Chapel-
lier, Leconte, Fouché,
etc.); les types de ces
appareils étaientnom-
breux et de construc-
tionextréèmementsoi-
gnée-
Le malaxage du
beurre après le ba-
rattage à une in-
fluence prépondéran-
te sur la faculté de
conservation du pro-
duit; il a pour but
de parachever l'émul-
sion du lait dans la
malière grasse.
Nous devons men-
tionner le beau ma-
tériel d’Hubert, ma-
laxeurs destinés à la
cielles composées de
graisses ou huiles
quelconques émul-
sionnées dans du lait. Ce parfum est fugace : il se
dissipe à l'air peu à peu, ou plus vite à la cha-
leur : en chauffant du beurre dans le vide et re-
cueillant ce qui se dégage dans un tube plongé
dans un mélange réfrigérant, on perçoit, dans ce tube
refroidi, l’'arome caractéristique du beurre naturel.
La maturation est donc un enfleurage, dans le
sens que l’on attache à ce mot en parfumerie.
La tranquillité de la crème avec la régularité de
la température donnent les meilleures conditions
de caplation du parfum.
Mais, par contre, nos constructeurs mécaniciens
se sont distingués dans l'établissement du matériel
de beurrerie : barattes et malaxeurs.
Le barattage est de mieux en mieux compris et
l'on sait maintenant qu'il ne consiste pas à fouetter
la crème, mais bien à l'agiter doucement, à renou-
Fig. 2. — Appareil de Simon frères pour le malaxage du beurre
(type mü à bras avec cône retourneur.)
grosse industrie, et
aussi les nouveaux
modèles de Simon
frères dont la figure 2
représente le type mû à bras avec le cône retour-
neur. Cet appareil, qui fonctionnait tous les jours
sous les yeux du public, a élé vivement remarqué.
Enfin, signalons, en industrie fromagère, le
matériel fort bien étudié et de belle construction de
Lardet et de Laurioz; il nous a semblé supérieur
en tous points à celui des exposants étrangers.
En somme, cette exposition du matériel français
de laiterie a fait honneur à nos constructeurs etles a
placés à l’un des premiers rangs, si ce n’est tout à
fait au premier; il nous donne bon espoir pour
l'avenir el nous a quelque peu consolé de notre
infériorité trop visible en certaines autres branches
de l'industrie.
R. Lezé,
Protesseur de Laiterie
à l'École d'Agriculture de Grignon
= tin)
af”.
HENRYK ARÇTOWSKI — L'EXPÉDITION ANTARCTIQUE BELGE
—.—
L'EXPÉDITION ANTARCTIQUE BELGE
Nous voudrions, dans cet article, donner un ré-
sumé sommaire des travaux accomplis par l'Expé-
dition antaretique belge. Il serait difficile de dis-
cuter, dès à présent, les résullats scientifiques
acquis, l'étude des matériaux rapportés étant à
peine commencée. Les voyages d'exploration mo-
dernes nécessitent, au retour, la collaboration d'un
C'est le 18 août 1897 que l'Expédition a quitté le
port d'Anvers, et ce n’est que le 29 novembre que
nous avons passé le cap des Vierges, à l'entrée du
détroit de Magellan. Dans les canaux de la Terre
de Feu, nous nous sommes attardés plus de six
semaines. Cette région est intéressante. Elle a un
caractère tout à fait antarctique, qui la différencie
L.Smith
0 É
= EE:
e { 2
ë Hughes
=
frebus et Verror
ee
—
| P\Seymour
Terre de Graham
“Grané per LE Porremans 5 rue Hautéfeurlle Farts.
a
S
$
“kig. 1. — Carte des terres antarctiques situées au Sud du cap Horn, dessinée par l'Auteur, d'après les cartes de l'Amiraute
anglaise et d'après la carte du détroit de la Belgica, dressée par M. Lecointe.
grand nombre de savants. Le calcul des observa-
tions, l'étude des roches, des plantes et des ani-
maux ne peuvent être accomplis qu'avec l’aide
des spécialistes compétents, et c'est pourquoi il
faudra attendre quelques années avant de pouvoir
porter un jugement sur la modeste entreprise du
commandant de Gerlache.
I
La Belgica était un petit bateau; c'était l’ancienne
Patria, le plus petit des baleiniers norvégiens, et,
capitaine, officiers, machinistes, matelots et sa-
vants, nous n’étions, {ous compris, que dix-huit
hommes à bord.
très notablement du reste de l'Amérique du Sud et,
d'un autre côté, elle offre des ressemblances frap-
pantes avec les terres polaires que nous allions
visiter.
Au point de vue morphologique, il y a une ana-
logie certaine entre ces deux pointes continentales
qui s’avancent l’une vers l’autre.
Par une heureuse circonstance, nous avons pu
comparer ces deux régions.
La Belgica a contourné la Terre de Feu en
passant par le canal de Magellan, le Magdalena
Sound, les canaux de Cockburn, de Darwin, du
Beagle et enfin le détroit de Le Maire.
C'est le 14 janvier 1898 que la Zelgica a quitté le
port Saint-Jean, sur l'ile des États, après avoir visité
38 HENRYK ARÇTOWSKI — L'EXPÉDITION ANTARCTIQUE BELGE
de nombreux endroils des terres magellaniques et
des canaux de Darwin et du Beagjle.
que devait présenter l'extrémité méridionale de
l'Amérique lors de la grande extension des glaciers
La flore et la faune de la région des canaux de
la Terre de Feu étant encore très imparfaitement
de l’époque pléistocène. C'est le 23 janvier que
nous sommes arrivés dans la région peu connue
connues, le nalu- des Terres de
raliste de l'expé- Palmer (fig. 1)-
dition, M. Raco- Jusqu'au 13 fé-
vitza, a pu y faire
une collection de
plantes et d’ani-
maux dans la-
quelle de nom-
breuses espèces
nouvelles seront
à signaler.
Pour ce qui
concerne la Géo-
logie, il me sem-
ble que les quel-
ques observa-
tions faites sur l'ancienne glacialion de celte con-
lrée ne manqueront pas d'intérêt. Les glaciers qui
descendent du massif du mont Sarmiento jusqu'à
la mer sont
admirables;
ceux que l'on
voit dans le ca-
nal de Darwin
sont aussi im-
Fig.
2, — Aspect des terres antarcliques découvertes par l'Expédition à
l'ouest du golfe de Hughes. (Photographie du Docteur Cook).
vrier, la Zelgica
a croisé dans le
golfe de Hughes
(fig. 2) et dans
le grand détroit
découvert. Ce dé-
troit a élé nom-
mé détroit de la
Belgica. Il sépare
un archipel, for-
mé de cinq îles
principales et
d'un grand nom-
bre de petites îles, d’une terre qui est le prolon-
gement septentrional de la Terre de Graham.
L'archipel a été appelé l'archipel de Palmer et
la côte qui s'é-
tend au sud-est
du détroit de
la Belgica a élé
nommée la
Terre de Dan-.
posants; mais co, en souvenir
l'imagination du lieutenant
fait voir au géo- Emile Danco,
logue d’autres décédé à bord
fleuves de glace pendant l'hi-
incomparable - vernage del’Ex-
ment plus éten-
dus.
pédition dans
les glaces du
Des roches pôle Sud.
polies et mou- Pendant no-
tonnées, de tre séjour dans
nombreuses ces parages,
moraines, des nous sommes
lacs sous forme parvenus à ef-
de cuvettes fvcluer vingtdé-
creusées dans barquements,
la montagne, bien répartis
au pied des éta- sur toutel’éten-
ges des vallées
el d’autres ves-
tiges de l’action
glacière démontrent à l'observateur que les gla-
ciers actuels ne sont que de minimes restes d'une
glacialion presque complète de tout ce pays.
Une dizaine de degrés plus au sud, dans la ré-
gion des terres découvertes par l'Expédition antarc-
tique belge, nous avons pu voir quel était l'aspect
Fig. 3. — La Belgica engagée dans le pack. (Photographie du Docteur
F Cook).
due de la carte
dressée par le
lieutenant Le-
cointe. Nous avons également cherché à faire
l'ascension d'un pic élevé de l'une des îles de
l'archipel de Palmer, et à cette fin nous avons fait
une excursion, qui a duré toute une semaine,
sur les glaciers de cette île; mais les difficultés
rencontrées à franchir les crevasses nous ont ar-
nt D Re nent ent
HENRYK ARÇIOWSKI — L'EXPÉDITION ANTARCTIQUE BELGE 89
&
4
_rêtés à une hauteur de 500 mètres environ.
_ Le 12 février, nous sommes entrés dans l'Océan
_ Pacifique et nous avons navigué sur l'emplacement
_ des îles Biscoë jusqu'à la Terre Alexandre, que
nous n'avons pu approcher à cause d'un pack
extrèmement dense. Enfin, poursuivant notre route
vers le sud-ouest, nous nous sommes engagés dans
le pack à trois reprises différentes (fig. 3) en vue de
gagner des latitudes plus élevées. Le 16, une lem-
pête du nord-est nous a permis de nous avancer
. dans le pack jusqu'à 71931" de latitude Sud; mais,
rions faire dans la région antarelique. Malheureu-
sement, cetle première série annuelle complète
d'observations ne correspond pas à un point fixe
du globe car la Belgiea n'a cessé de dériver avec
les glaces dans lesquelles elle se trouvait empri-
sonnée; mais, par contre, l'étude de cette dérive
est des plus intéressantes, car elle démontre que,
dans la partie de l'Océan Antarctique où nous nous
trouvions, il n'y a pas de courant sensible, la dé-
rive dépendant entièrement des vents.
Néanmoins, et ceci est un fait important à noter,
Fig. 4. — La Belgica emprisonnée dans 1es glaces. (Photographie du Docteur Cook.)
la saison étant déjà très avancée, nous sommes
restés bloqués dans les glaces et nous avons été
obligés d'hiverner (fig. 4).
IT
_ L'hivernage de la Belgica est le premier hiver-
age antarctique, et il est à remarquer que ce pre-
mier hivernage a été effectué dans les conditions
les plus difficiles qu'il puisse se rencontrer dans les
régions polaires.
Notre séjour dans les glaces a duré plus d’une
année, ce qui, du reste, était très désirable pour
les observations météorologiques que nous dési-
dans le sud-est il y avait, de même que dans l’est,
un obstacle contre lequel le pack venait buter
et le long duquel il se déplacait.
La Terre d'Alexandre doit donc se prolonger vers
le sud et s'étendre vers le sud-ouest.
Les sondages que nous avons effectués viennent
confirmer cette conclusion.
- Les glaces du pôle Sud semblent donc se trouver
dans des conditions très différentes de celles du
pôle Nord, où il y a plusieurs courants bien pro-
noncés, qui déblaient les abords de l'Océan Arctique
de la masse de glace de mer qui s’y forme. La ré-
gion du pôle Sud est très probablement occupée par
des terres sur une très vasle élendue, et peut-être
90 HENRYK ARÇTOWSKI — L'EXPÉDITION ANTARCTIQUE BELGE
même y a-t-1l un continent antarctique. La grande
quantité d'icebergs que l'on rencontre dans le
pack et, en dehors du pack, dans les parlies méri-
dionales des trois océans qui englobent l'Antarcti-
que, nous montre que ce qui est le plus caractéris-
tique pour ces régions, c’est la glace d’origine ter-
restre. À d’autres points de vue, le pack antarc-
tique diffère très
notablementdece-
lui du Nord. Les
floes (champs de
glace) sont plus
étendus et cou-
verts d’une couche
très épaisse de
neige (fig. 5 et 6)
et, l'été antarcti-
que étant très
froid, la fusion de
la glace de mer ne
s'opère que sur
une faible échelle.
Le printemps
étant arrivé, il
nous semblait que la glace allait bientôt se rompre
et fondre et qu'il n’y aurait qu'à suivre les voies
d’eau formées pour se dégager du pack.
Il n’en à pas été ainsi. Au mois de septembre, le
thermomètre est descendu jusqu’à — 43° et la tem-
péralure moyenne de ce mois a été — 18%5; le mois
d'octobre fut
également
froid, et en no-
vembre le ther-
momètre est
encore descen-
du à — 21°. Ce
n’est qu'en dé-
cembre que le
rayonnement
solaire a com-
mencé à atta-
quer la neige
d’une facon ef-
ficaceet, en jan-
vier, voyant que les conditions de notre prison ne
changeaient que bien peu, il a bien fallu prendre la
résolution de se frayer un chemin artificiel dans
le grand champ de glace au milieu duquel la
Belgica élait prise. Après des travaux prélimi-
naires avec des explosifs, qui ne donnèrent aucun
résultat pratique, el après avoir mesuré l’épais-
seur de la glace de notre floe suivant différentes
directions, nous lrouvàämes un tracé d’après lequel
la glace était peu épaisse; c’est dans celte glace,
de 1,50 à 4,70 et, au maximum, de 2 mètres
Fig. 5, — Les pressions dans le pack antarctique. (Photographie de
l'Auteur.)
Fig. 6. — Aspect des monticules de glace de mer produits par les pressions de
la banquise. Ces monticules sont ensevelis sous la neige chassée par les
tempêtes. (Photographie de l’Auteur.)
d'épaisseur, que nous avons scié un chenal artificiel
de 700 mètres de longueur, suffisamment large
pour que notre bateau püt en sortir (fig. 7).
Ce travail a duré tout un mois, durant lequel
tout le monde, sans distinction, a dû travailler pen-
dant huit heures par jour; c'était là le maximum
de travail vigoureux que nous pouvions fournir.
Le canal étant
terminé, le floe
s’est rompu, et la
Belgica a failli être
écrasée par les
pressions; mais,
finalement, le 14
février 1899, nous
en sommes sortis,
et, après un autre
mois de difficultés
et de danger con-
tinuel, la Pelqiea
réussit à se frayer
un chemin dans la
petite glace mou-
vante et serrée qui
forme la bordure de la banquise. Nous étions alors
par 102° de longitude O.; de là jusqu’au cap Horn,
les vents nous furent favorables.
III
Le travait cartographique de l'Expédition est la
belle carte hy-
drographique
du détroit dela
Belgica, carte
dressée, par M.
G. Lecointe ; —
elle s'étend sur
1° 1/2 de lati-
tude et sur 3°
de longitude,
c'est-à-dire
qu'elle ne com-
prend qu’une
étendue très
restreinte; né-
anmoins, l'intérêt qu'elle présente est considérable,
car c’est le premier relevé de côtes antaretiques
détaillé et, comme la description géographique de
cette contrée sera donnée avec beaucoup de détails,
elle pourra servir dorénavant comme type d’une
contrée antarclique.
La configuration de l'ensemble des terres situées
au sud de l'Amérique ne ressort pas encore bien
clairement; pourtant, il me semble qu'avec les don-
nées acquises on peut se permettre de signaler dif-
férentes analogies qu'elles présentent avec la pointe
HENRYK ARÇTOWSKI — L'EXPÉDITION ANTARCTIQUE BELGE 91
néridionale de l'Amérique. Ainsi, ici également, | être entièrement recouvertes d’un grand manteau
a côte Pacifique est très montagneuse, et la chaîne | de glace, de sorte qu'elles aussi ont un « inland-
e montagnes se recourbe vers le nord-est, tout | sis » qui ensevelit tout.
mme la chaine des Andes se recourbe vers le Ces glaciers sont dépourvus de moraines de sur-
ud-est. De part face et ils n'ont
t d'autre, nous £ RENE. ANSE pas de ruis-
Mnous trouvons seaux comme
dans des ré- ceux du Groen-
gions qui pa- land. L'étude
raissent être des glaciers an-
[des régions tarctiques au-
d'affaissement, rait demandé
ù de profon- un séjour pro-
vallées sont longé ; pour-
tant, notre at-
tention a été
constamment
atlirée par la
grande variété
de formes que
nous avons pu
observer el par
qui
rme une ban-
_ extérieure,
à remar- la nouveauté
uer à l’ouest 2 des nombreux
Fig. 1. — Canal artificiel de 700 mètres de longueur, scié dans la glace de
la Terre de mer de 1m,70 à 2 mètres d'épaisseur, en Janvier et Février 1899, pour déga- tableaux que
6 ger la Belgica du champ de glace dans lequel elle est restée emprisonnée : ds
it RUE toute une année et avec lequel elle a subi une dérive totale de 3.000 kilomè- DONSENIOUS de-
e à l’ouest de tres. (Photographie de l'Auteur.) vant nous en si
Terre de Feu. peu de temps,
Il est difficile de bien se rendre compte du relief | que mème en trois semaines les notes se sont ac-
des terres découvertes par l'Expédition, la pres- | cumulées. Une découverte importante est à signa-
ique totalité de la surface se trouvant ensevelie | ler au sujet des glaciers : je veux parler des ves-
ous d’épais tiges tout à fait
à de certains d’an-
ciens glaciers.
L'époque gla-
cière à laissé
ses (races jus-
que dans la ré-
gion polaire
antarctique, là
même où il est
difficile de s'i-
maginer une
glaciation plus
forte que celle
que l’on y voit
(fig.
. Ces glaciers
frent beau-
p d'intérêt
cause de leur
immense exten-
La région des
neiges per-
pétuelles des-
end ici jusque
2 ; Fig. 8. — L'une des iles Biscoë, à la sortie du Détroit de la Belgica. — Celte : ;
lrès près du ni- île, quoique peu élevée, est complètement ensevelie sous une épaisse couche de nos jours.
7 de glace permanente. Elle nous démontre que dans les régions antarctiques rai s
peu de la mer, le niveau des neiges éternelles est au niveau de la mer, par 65° de latitude, Ilme paraît pro
le sorte que et que des glaciers peuvent se former sur terrain plat. bable que la
artout s'éten- grande exten-
ent des champs de névés. Les glaciers se termi- | sion des glaciers antarctiques est conlemporaine
ent à la mer par des murailles de glace. Vers le | de l’époque glaciaire des canaux de la Terre de
ud et vers l'est, sur la Terre de Danco et sur la | Feu; malheureusement, nous ne possédons aucune
Lerre de Graham, c’est l'inlandsis qui s'étendàperte | donnée paléontologique permettant de le démon-
e vue; et, chose tout à fait caractéristique pour la | trer. Nous n'avons trouvé des terrains sédimen-
région antarctique, même de petites îles peuvent | taires qu’en un seul endroit ; c'élaient des schistes
|
92 HENRYK ARÇTOWSKI — L'EXPÉDITION ANTARCTIQUE BELGE |
ARS RES AREA PAT
aux strates fortement inclinées et métamorphi- | donnée de ces terres antarctiques constituera-t-elles
ques au contact d'une grande masse granilique, | sans aucun doute, une monographie aussi complèté
et nous ne pouvons rien dire de l’âge de ces schis- | qu'on pouvait l'espérer.
les. Partout ailleurs, c'étaient des roches éruptives
anciennes, du granile, de la diorite, de la serpen- IV
line, une porphyrite et du gabbro. Le terrain erra-
tique était de beaucoup plus varié, démontrant que Je désire encore indiquer, en peu de mots, quels
plus au sud, dans les Terres de Graham, il doit y | ques autres recherches de l'Expédition antarctique
avoir un massif gneissique, des porphyres, mais | belge, concernant la géographie physique de la
aussi des terrains sédimentaires, car le grès ne | région anlarctique; ils’agit des observations météos
manque pas. Dans l'archipel de Palmer, par contre, | rologiques et océanographiques.
Fig. 9. — Le laboratoire de Zoologie, à bord de la Belgica.
il y a peut-être un ancien volcan, car au pied des | Une série de sondages effectués entre l'ile des
montagnes, sur l’une des îles de l'archipel, du ba- | Elats et les Shetland méridionales nous font con
salle et d'autres roches volcaniques ont été trouvés. | naître les relations bathymétriques du grand
Ainsi, pendant notre court séjour dans le détroit | canal antarctique qui sépare l'Amérique du Sud
de la Belgica, nous nous sommes efforcé de re- | des terres antarctiques. La plus grande profon
cueillir Lous les matériaux voulus pour pouvoir | deur mesurée se trouve non loin du cap Horn; elle
donner une description physique des terres dé- | est de 4.040 mètres, et, à partir de là, le fond de
couverles; de son côté, le D' Cook ne cessait de | la mer se relève tout doucement vers le sud, car
prendre des photographies toutes les fois que | par 62° de latitude, nous avons encore mesuré un
l'éclairage le permettait, et ces photographies en | profondeur de 2.900 mètres. Mais, à partir de là
disent béaucoup plus que de longues descriptions. | vient une pente assez abrupte qui nous mène rapi=
M. Racovitza a recueilli une importante collec- | dement vers le plateau continental de l'archipel des
lion botanique, et ses découvertes zoologiques sont | Shetland méridionales. Au sud du cercle polaire
du plus haut intérêt; aussi la description qui sera | nous avons également effectué une série de son
|
|
|
|
|
|
HENRYK ARÇTOWSKI — L'EXPÉDITION ANTARCTIQUE BELGE 93
dages qui démontrent l'existence d’un plaleau con- Les icebergs, le pack, la formation de la glace
linental antarctique dont la terminaison est donnée | de mer et les transformations qu'elle subit, ce
par l'isobate de 500 mètres qui suit à peu près le 71° | sont là des sujets d'étude que nous avons tenu
parallèle. Au delà, vers le nord, les profondeurs | à ne jamais perdre de vue; mais je ne puis in-
vont en augmentant rapidement, tandis que, vers | sisler.
le sud, la plaine sous-marine se relève douce- | Le climat antarclique de la mer glacée est,
ment, de sorte que par 71°36' on trouve le fond à | d’après nos observations météorologiques, très
390 mètres. rigoureux, humide et tempétueux. Les cyclones
Au cours des sondages, de nombreuses séries de | sont fréquents et le vent atteint souvent une vio-
températures des eaux ont été prises en pro- | lence extrême. La neige est abondante, et le ciel
fondeur, et des échantillons d’eau ont été puisés | est le plus souvent couvert. Néanmoins, lorsque le
Fig. 10. — Le laboratoire de Physique, à bord de la Belgica.
pour la détermination des poids spécifiques. Ces | temps est clair, les phénomènes optiques que l'on
données permettront de discuter la question de | peut observer dans l'atmosphère rendent admirable
l'échange des eaux polaires et océaniques dans | ce paysage monotone.
ces parages. Les différentes phases du crépuscule, les halos et
L'étude des fonds sous-marins a également pu | les parhélies et le phénomène du mirage ont été
Êlre abordée, grâce aux échantillons de sédiments | souvent observés, et l'étude de ces phénomènes,
rapportés par les sondes et par les dragues, et, | variables et encore peu connus, est des plus inté-
te qui rend ces sédiments tout particulièrement | ressantes. Les phénomènes électriques ne se sont
intéressants, c'est la grande quantité d'éléments | manifestés que sous forme d'aurores polaires, qui
terrigènes qui les caractérise. ont toujours élé observées et décrites avec soin.
De gros blocs sont disséminés avec des cailloux | Les observations magnétiques, qui ont été pour-
plus petits, du gravier et du sable qui se mêlent | suivies par M. Lecointe, ont démontré que les au-
àla vase à Globigérines. La provenance de ces blocs | rores australes mouvementées correspondent (de
erratiques est évidente : ils viennent des terres ant- | même que les aurores boréales) à des tempêtes
arcliques, ce sont les icebergs qui les charrient. | magnétiques.
9%
A. HOLLARD — LES PRINCIPES DE L'ANALYSE ÉLECTROLYTIQUE
Y
Comme ce court exposé le démontre, les résultats
scientifiques de l'Expédition antarctique belge
seront variés et satisfaisants ‘; une grande publi-
cation, qui se prépare sous les auspices du Gouver-
nement belge, les fera connaitre en détail.
Mais le principal résultat de l'Expédition antarc-
tique belge aura été d’avoir fait connaître au grand
public combien peu nous savons encore de
région du pôle Sud, et combien est minime
tâche accomplie, comparativement à ce qui doi
encore être fait au point de vue de l'exploration
de l'étude scientifique des nombreux problème
qui se posent au sujet de la géographie antarc
tique. :
Henryk Arctowski,
Membre de l'Expédition.
LES PRINCIPES DE L'ANALYSE ÉLECTROLYTIQUE
L'analyse chimique basée sur la séparation des
éléments par voie électrolytique, en d’autres ter-
mes l'analyse électrolytique, occupe une place de
plus en plus importante non seulement dans les
laboratoires consacrés uniquement à la science,
mais encore dans les laboratoires industriels. Nous
ne voulons pas dire par là que les méthodes élec-
trolytiques soient destinées à se substituer, en
analyse, aux méthodes gravimétriques et volumé-
triques ; nous croyons simplement que celles-ci sont
destinées à remplacer celles-là lorsque ces der-
nières n'offriront pas le degré de précision et de
simplicité voulu. Cela se conçoit aisément si l’on
considère que les principes qui guident les métho-
des gravimétriques et volumétriques d'une part et
les méthodes électrolytiques d'autre part sont
entièrement différents. Là, donc, où les premières
méthodes ne permettraient pas une séparation
rigoureuse de certains éléments, il y a bien des
chances pour que les méthodes électrolytiques ne
rencontrent pas, elles, les mêmes écueils pour ces
éléments. C'est ce qui se passe par exemple pour
la séparation de l’antimoine d'avec l’étain; ces
métaux, très difficiles à séparer par l'analyse gravi-
métrique, se séparent, au contraire, le plus aisé-
ment du monde par l’électrolyse.
1 Principales publications à consulter au sujet de l'Expé-
dition antarctique belge :
Narrations. — De Gerlache, trois articles dans l'Z/lustra-
tion du mois de mars 1900 et Bull. Soc. Géogr., Bruxelles,
1900, no 5; — D' Cook, dans Me Clure's Magazine, novem-
bre 1899, et dans Century Magazine, pour janvier 1900; —
Dobrowolski, dans Ateneum (Varsovie), septembre 1899 ; —
Lecointe, Bull. Soc. géogr., Anvers 1900; — Arctowski,
dans le Geographical Journal, février 1901.
Résultats généraux. — Lecointe, Arctowski et Racovitza,
dans Bull. Soc. Géogr., Bruxelles, janvier 1900 ; — Raco-
vitza, dans la Géographie, février 1900,
Notices spéciales. — Arctowski dans le Geographical
Journal, le Bull. de l'Acad. de Belgique, les Comptes Rendus,
Ciel et Terre, sur les résultats météorologiques, océano-
graphiques, les aurores australes et les glaciers; — Le-
cointe, dans Bull. de l'Acad. de Belgique, sur les observations
magnétiques ; — Dollo, dans Bull. de l'Acad. de Belgique,
sur les poissons antarctiques; — Arctowski et Renard, dans
Bull, de l'Acad. de Belgique, sur les sédiments marins.
Aussi bien, nous n'avons nullement l'intention di
comparer les deux sortes de méthodes. Cependant
il est difficile de ne pas être frappé d’un gran
avantage que présente l'analyse électrolytique
nous voulons parler de la simplicité de la manipu
lation, qui consiste à placer les électrodes dans une
solution, à régler le courant et, à la fin de l'opés
ration, à laver une des électrodes, la sécher et
peser. C'est précisément cette simplicité dans Les
opérations qui a permis de donner tant d’extensio)
à l'analyse électrolytique dans les laboratoires
industriels. : 7
Dans les essais de séparation, par voie électro
lytique, des éléments les uns d'avec les autres,
chimiste devra constamment se laisser guider pa
un certain nombre de principes, que nous allons
rappeler en {es interprétant avec l'hypothèse de
ions.
Dans cet exposé, nous aurons en vue l’analys
électrolytique des métaux. Nous ne parlerons pa
de l'analyse électrolytique des métalloïdes, bie
que les principes qui la guident soient les mêmes
parce qu’elle n'a été appliquée jusqu'ici qu'à
très pelit nombre de cas.
Ï. — LA TENSION DE POLARISATION.
A. Tout sel métallique, de méme que tout acid
et toute base, en solution aqueuse, se séparen
électrolytiquement sous l'influence d'une tensioi
électrique minima dite tension de polarisation:
Ce principe n'est pas rigoureusement vrai
analyse parce que, comme l’a montré Nernst, cett
tension de polarisation dépend de la concentratio
du métal dans le bain et que cette concentration
diminue à chaque instant au fur et à mesure qu
le métal se dépose.
En effet, la tension de polarisation 6 se compose
si l'on néglige la tension ri nécessaire à vaincre
résistance r du bain, de deux valeurs tout à fai
indépendantes l'une de l’autre : 1° de la ten
sion +, nécessaire pour séparer les anions dé
A. HOLLARD — LES PRINCIPES
DE L'ANALYSE ÉLECTROLYTIQUE 95
l’anode ; 2° de la tension <. nécessaire pour sépa-
rer les cations à la cathode.
Chaque sorte d’anions ou de cations a, pour une
| même concentration, une valeur déterminée (2, ou
s.). Le tableau ci-dessous donne quelques valeurs
Tensions électriques pour des concentrations normales.
äla cathode:, à l'anode e4
» À : =
Ag. — 0,178 I. 0,52
io — 0,34 Br. 0,94
2e m 1.08
11180 0,0 = ?
Et 2 GIE 1,31
He 2 + 0,17 | OH 1,68
CESR TA ER ELE SO+
++ À ENS Lie
ETES Eee + 0,74 | HSO: 2,6
*
er
=
=]
trouvées par Nernst pour les tensions relatives à
. quelques ions en concentration normale (c’'est-à-
Pr, 18
No: M : ; ;
dire à 7 grammes par litre, m étant le poids mo-
léculaire et v la valence de l'ion).
—_ La tension de polarisalion minima nécessaire
- pour effectuer une électrolyse quelconque s'ob-
tiendra donc en faisant la somme :
C— Eg + Ec.
C'est ainsi que le sulfate de cuivre, en concentra-
tion normale, exige pour sa séparation électroly-
tique la tension :
e— 1,9 — 0,34 — 1,56 volt.
Les valeurs : el &, dépendent l’une et l'autre de
la concentration des cations et des anions. En
“analyse électrolytique, où il y a toujours un grand
“excès d’anions par rapport aux cations à précipiter,
- la concentration des anions ne varie pas suffisam-
«ment au cours del'électrolyse pour faire varier sen-
- siblement la valeur «,. Au contraire, la concentra-
tion des cations à précipiter sur la cathode diminue
constamment, au cours de l’électrolyse, jusqu'à ce
- qu'elle devienne pratiquement nulle ; il en résulte
des variations sensibles pour <: etpar suite pour €.
Ces variations sont données par la formule de
Nernst :
K
Ee = —
p
- log ü volts.
K est une constante pour une même tempéra-
ture; v est la valence du métal précipité; C est la
concentration des ions-métal et P la fension de
- dissolution de ce métal. L'idée de tension a été
- suggérée dans la théorie des ions par l’analogie
qu'on a établie entre le phénomène de l'ionisation
et celui de la vaporisation. De même qu’un liquide
(ou d’ailleurs tout autre corps) possède une certaine
tendance à passer à l’état de vapeur et que la
mesure de celte tendance est exprimée par sa ten-
sion de vapeur, de même une substance susceptible
d'envoyer des ions en solution tend à passer à
l'état d'ions et la mesure de cette tendance est
exprimée par sa tension de dissolution.
D'après la formule précédente, on voit que si la
concentration C des ions du métal qui se dépose sur
la cathode diminue en progression géométrique, la
valeur < augmente en progression arithmétique.
A la température ordinaire (17°), on trouve que si
la concentration est réduite au 1/10 de sa valeur,
0,0575
y
& augmente de volts, v étant la valence du
métal.
Considérons, en particulier, une solution de sul-
fate de cuivre en concentration normale, c'est-à-
- 63 ; :
dire contenant —- grammes de cuivre par litre ;
celte solution peut être considérée comme pratique-
ment dissociée. Au fur et à mesure que la concen-
tration des ions-cuivre diminue par suile du dépôt
de métal sur la cathode, les valeurs de «, et de e
sont les suivantes :
Variation de la tension de polarisation avec la concentration.
CONCENTRATION
{nombre de gr. par litre) £c e
+ 31,3000. . — 0,34 1,56
3,1500. . —031 1,59
0,3150. . . GER 1,61
0,0313. . . — 0,25 1,64
0,0031. . 10:22 1,67
0,0003. . — 0,19 1,70
Les concentrations plus petites sont pratique-
ment nulles en analyse.
Avec des solutions de métaux monovalents, les
variations de e sont encore plus considérables.
Si, maintenant, on classe les métaux par ordre
croissant de tensions de polarisation pour une con-
centration délerminée, on voit que la différence
des tensions de polarisation de deux métaux con-
séculifs est bien souvent inférieure aux variations
de cette tension au cours de l’électrolyse.
Tensions de polarisation des sulfates et des chlorures.
SOLUTION À 1 MOLÉCULE-GR.
MÉTAUX par litre.
ss sulfates chlorures
NMANCHLESE Ne Le 2,115 2,134
An Ca 2,424 1,813
Cadmium . . 2,062 1,484
Re: 1,993 1,397
De lie, ET ER ES EE 1,881 1,295
Nickel. . . 1,198 1,290
MITA PORN AE 1 — 12225
nn Eee ac — 1,215
Hydrogéene "re ECC 1,662 1,061
BISMUEN MN 0,995
AMIMOINE ESP R- -- 0,934
ArSeniC ee Che ee — 0,760
CUITE. PNR 1,385 —
Mercure 175 0,920 —
ATEeDULS NES 0,926 —
Palladium APR Enr, — 0,244
PIaneR EME CE - — 0,170
OS oh 1 DT ON0E TO — 0,060
96 A. HOLLARD — LES PRINCIPES DE L'ANALYSE ÉLECTROLYTIQUE
Il en résulte qu'une méthode d'analyse basée
exclusivement sur la séparation successive des
métaux par accroissement graduel de la tension
électrique aux électrodes ne serait pas exacte. Ce
principe permet cependant de séparer les métaux
ayant des lensions très différentes, comme le cuivre
d'avec l'argent par exemple.
Il faut donc chercher d’autres principes pouvant
servir de bases à la séparation électrolytique des
métaux. Nous allons ainsi être amené à parler
des sels « complexes ».
Auparavant, notons les deux principes qui dé-
coulent des considérations qui précèdent :
1° Étant donné en solutions différentes sortes
d'anions et de cations, il y aura électrolyse
lorsque la tension de polarisation sera suffisante
pour libérer à la fois lun des anions et l'un des
cations.
2 La tension minima à mettre aux bornes d'une
cuve électrolytique croit avec la dilution du sel.
II. — LES SELS COMPLEXES :.
Les solutions employées en électrolyse, que ce
soient des solutions acides, basiques ou neutres,
peuvent contenir le métal à l’état de se] simple
(sulfate de cuivre, nitrale d'argent, etc.), de sel
double (sulfate de nickel et d’ammonium, etc.), ou
de sel complexe (zincate de sodium, arseniate de
cuivre, etc.)
Un sel simple a un métal qui se dirige vers la
cathode à l’état d'ions.
Un sel double se comporte à l'électrolyse comme
un mélange de deux sels simples, c'est-à-dire que
les deux métaux se dirigent vers la cathode à l’état
d'ions.
Un se] complexe est un sel qui, en solution, se
dissocie pour donner non pas des ions-mélal, comme
dans les sels simples ou doubles, mais des ions
complexes où entre le métal.
Les sels complexes que l’on rencontre le plus
souvent en analyse sont les arséniates, les antimo-
niates, les sulfhydrates doubles de sodium con-
centrés, les oxalates doubles alcalins, les cyanures
doubles de potassium. La dénomination de double
appliquée à ces sulfhydates, oxalates et cyanures
est donc impropre; nous la remplacerons par celle
de complexe.
Dans les solutions des sels complexes un des
métaux est le cation, le reste de la molécule est
l’anion complexe contenant l’autre métal.
Voici quelques exemples de sels complexes dis-
! Les sels complexes ont été étudiés au point de vue de
leur application à l'analyse électrolytique, notamment par
Freudenberg (Zeit. phys. Chem., XIII, 91), auquel nous
empruntons une partie de’ce qui suit.
sociés en anions complexes contenant l’un des
mélaux et en cations constitués par les ions de
l’autre métal :
. ST ——
Cu*(AsO!} — 3Cu +2AS0*
Arséniate
de cuivre.
; NE
K°{[Zn(OH}'] — 2K + Zu(OH)
Zincate
de potassium.
K2[(C20‘/Zn] — 2K + (C°0)Zn
Oxalate complexe
de zinc et de potassium.
+
K[(CAz)'Ag] — K+(CAz}Ag
Cyanure complexe
d'argent et de potassium.
Le métal de l'anion complexe ne pourra se
déposer électrolyliquement que si cet anion se
dissocie à son tour, ou si l'on décompose cet anion
par un courant à très forte tension.
Dans un cértain nombre de sels complexes, l'anion
complexe étant déjà en partie dissocié, le métal
engagé dans cet ion se dépose directement à la
cathode comme pour un sel simple, aveccette grande
différence que /a concentration des ions de ce méta
élant toujours très faible, la tension aux électrodes
doit ëtre beaucoup plus grande que pour un sel
simple.
Lescyanures potassiques complexes d’or, d'argent,
de mercure, de cadmium ont des ions en partie
dissociés et s'électrolysent facilement; d’ailleurs, la
présence de cette dissociation se reconnaît par les
précipités de sulfure que donnent ces sels com-
plexes sous l'influence de l'hydrogène sulfuré. Au
contraire, les cyanures potassiques complexes de
platine, d'arsenic, de fer, ont des ions complexes
non dissociés : ils ne précipitent pas par l'hydrogène
sulfuré et n'envoient pas non plus de métaux à la
cathode sous l'influence du courant, à moins qu'on
n’emploie des tensions suffisamment élevées pour
les décomposer chimiquement.
III. — SÉPARATION DES MÉTAUX PAR VOIE ÉLECIRO-
LYTIQUE.
D'après les considérations qui précèdent, il est
facile de se rendre compte de l'application qu'on
peut faire des ions complexes en analyse. Etant
donné, en solution, différents métaux qu'il s’agit
de séparer, on engagera un ou plusieurs d’entre
eux dans des ions complexes afin d’espacer suffi-
samment les valeurs des tensions de polarisation
relatives à chaque métal. Un accroissement graduel
de la tension électrique aux électrodes permettra
alors de séparer successivement chaque métal.
Seuls, les métaux engagés dans des combinaisons
absolument complexes, c'est-à-dire dont {ous les
ions sans exceplion sont complexes, resteront en
A. HOLLARD — LES PRINCIPES
DE L'ANALYSE ÉLECTROLYTIQUE 97
solution quel que soit le courant. On les ramènera
à l’état d'ions simples par décomposition chimique
de la combinaison complexe, puis on les séparera
électrolytiquement dans les conditions ordinaires.
Citons enfin un dernier principe d'une très
grande importance en analyse électrolytique, puis-
qu'il permet de subdiviser encore les différents
groupes que nous venons de séparer :
3° Sont seuls susceptibles de se déposer sur la
cathode EN SOLUTION FORTEMENT ACIDE, /eS mélaux
dont les tensions de polarisation sont inférieures
à celle de l'hydrogène, ainsi que le plomb et l'étain
dont les tensions lui sont à peine supérieures.
L'ordre des tensions de polarisation des métaux
“élant le même que celui des tensions de polari-
sation de leurs sels, le tableau de la page 95
‘indique que le manganèse, le zine, le cadmium, le
- fer, le cobalt, et le nickel ne sont pas susceptibles
“de se déposer électrolytiquement en solution for-
tement acide, et qu'au contraire l’élain, le plomb,
Je bismuth, l’antimoine, l'arsenic, le cuivre, le
mercure, l'argent, le palladium, le platine, l'or,
… peuvent se déposer électrolytiquement en solution
fortement acide.
Ce principe s'explique aisément si l’on considère
que les métaux de la première série ont des ten-
sions de polarisation notablement plus grandes que
celle de l'hydrogène. Il en résulte qu'en solution
fortement acide, la proportion d'ions il qui se ren-
dent à la cathode en même temps que les ions-
métaux de cette série est assez forte pour empêcher
tout dépôt métallique sur la cathode.
- En résumé, une séparation électrolytique de
plusieurs mélaux en solution comprendra les
opérations suivantes :
4) L’addition d’un acide fort, qui permettra une
première scission des mélaux en deux divisions;
2) La formalion, dans chacune de ces divisions,
d'ions complexes en vue d’espacer suffisamment
les valeurs des tensions de polarisation relalives à
chaque métal ;
3) La séparalion successive des métaux à la
cathode par accroissement graduel de la tension
de polarisation.
En dehors des principes généraux qui précèdent
et qui servent de base à la séparation des métaux
les uns d'avec les autres, il faut noter la propriété
‘que possèdent le cobalt, le nickel, le manganèse, le
‘plomb, le bismuth et l'argent de pouvoir, dans
erlaines condilions, se déposer à l’état d'oxyde
ur l'anodé. Celte propriété est d'un très grand
secours en analyse, au moins pour séparer le man-
ganèse et le plomb; les autres métaux n'ont pas
encore pu être déposés en totalité à l’état d'oxyde
sur l'anode, la plus grande partie se déposant sur
la cathode ou restant dans le bain.
REVUE GÉNÉRALE DES SCIENCES, 1901.
IV. — L'INTENSITÉ DU COURANT.
L'intensité du courant règle, conformément à la
loi de Faraday, la quantité de métal déposée dans
un temps donné. Il semble donc qu’on puisse cal-
culer aisément, d’après cette loi, le temps néces-
saire pour priver complètement un bain d'un métal
déterminé. Il n'en est rien, car le bain contient
toujours des cations étrangers à ce métal, en par-
ticulier des ions H. La concentralion de ces ions
est assez faible, pour qu'au début de l'électrolyse
elle soit négligeable par rapport à la concentration
du métal à déposer; la quantité du métal déposé
est alors proportionnelle à la quantité d'électricité
qui passe, conformément à la loi de Faraday. Mais
lorsque le bain s’est appauvri en métal, la concen-
tralion des ions de celui-ci est comparabie à celle
des ions ñ (pour ne parler que des ions ï ). La loi
de Faraday s'applique toujours, mais à condition
de tenir compte du dépôt à la cathode non seule-
mentdes ions-métal, mais encore des ions H et des
autres ions étrangers. ‘
Cette concentration des ions H, d'ailleurs, aug-
mente souvent au fur et à mesure que l'électrolyse
se fait, ce qui retarde encore la fin de l'opération.
C'est ce qui a lieu, par exemple, dans l'électrolyse
du.sulfate de cuivre, où la quantité d'acide sulfu-
rique du bain augmente proportionnellement à la
quantité de cuivre déposé puisque, pour chaque
équivalent de cuivre déposé, il y a un équivalent
d'acide sulfurique formé,
L'acide sulfurique élant dissocié en ions mn el
SO’, sa production amènera dans le bain de nou-
veaux ions I.
Ainsi, dans une analyse électrolytique, la plus
grande partie des éléments à séparer se dépose
pendant les premiers moment et les dernières par-
lies se déposent beaucoup plus lentement.
La densité du courant, e'est-à-dire le rapport de
l'intensité à la surface totale de l'électrode sur
laquelle se fait le dépôt, doit être comprise entre
certaines limites. En effet, l'adhérence et la compa-
cité du dépôt, facteurs très importants en analyse
électrolytique, dépendent en partie de la densité
du courant. En outre, une trop grande densité peut
provoquer sur l’électrode un dégagement gazeux
qui altère ou qui retarde la formation du dépôt.
V. — LES ÉLECTRODES.
Les électrodes doivent être inattaquables par les
bains employés, cela va de soi ; de plus, elles doivent
offrir une forme telle que la densité du courant sur
l’électrode qui reçoit le dépôt soil aussi homogène
que possible.
DELLE
98 A. HOLLARD — LES PRINCIPES
DE L'ANALYSE ÉLECTROLYTIQUE
Les électrodes idéales au point de vue de l’ho-
mogénéité de la densité seraient constituées par
deux sphères concentriques, le liquide se trouvant
entre ces deux sphères.
Classen et Riban, pour se rapprocher le plus
possible de cette forme idéale, se servent d'une
Fig. 1. — Ælectrodes de
Fig. 2. — Electrodes
Classen.
de Riban.
capsule hémisphérique (fig. 1 et 2) destinée à rece-
voir le dépôt électrolytique. L'autre électrode est
située, concentriquement à la première, à l'inté-
rieur de celle-ci; elle est constituée soit par un petit
disque (Classen), soit par une petite capsule hé-
misphérique (Riban).
Les deux appareils qui précèdent n’ont pas leurs
pareils pour la réalisation d’une densité de courant
aussi parfaitement homogène.
Mais ils présentent deux incon-
vénients : le premier, c’est que
l'électrode destinée à recevoir le
dépôt sert de récipient au bain;
aussi ces électrodes ne peuvent-
elles servir que pour les liquides
parfaitement clairs et non sus-
ceptibles de donner de précipité
LT
TN rl
IL
au cours de l’électrolyse. Le
deuxième inconvénient de ces
appareils c’est de n'utiliser que
la face interne seule de la cap-
sule pour recevoir le dépôt, ce
qui entraine une grande dépense
de platine.
Pour l'appareil classique de Ri-
che, le premier de ces inconvénients n'existe pas.
Cet appareil (fig. 3) consiste en deux creusets con-
centriques ; le premier creuset intérieur, quiestsans
fond et percé de fenêtres, reçoit le dépôt électroly-
tique. Avec ce système d’électrode, on peut laisser
impunément un précipité au fond du bain. La
dépense de platine est malheureusement forte.
L'appareil que nous avons fait construire (fig. 5)
est une modification de celui de Luckow (fig 4). —
Qu’on veuille bien nous excuser si notre partialité
d'auteur nous porte à en grossir les avantages. —
Il est constituée par un cylindre en platine un peu
évasé destiné à recevoir le dépôt électrolytique et
par une deuxième électrode entourant la première
à l'intérieur et à l'extérieur. La densité du courant
Fig. 3. — Electro-
des de Riche.
est ainsi rendue à peu près homogène à l'intérieur
et à l'extérieur de l’électrode qui recoit le dépôt.
Cette densité, bien que moins parfaitement homo-
gène que dans les appareils de Classen et de Riban,
est cependant suffisante dans la pratique. La sur-
face active de l’électrode est très grande pour un
poids de platine relativement très faible. L'élec-
trolyse se fait dans un verre transparent, aussi est-il
plus facile qu'avec les appareils précédemment dé-
crits d’y suivre les différentes phases de l’opéra-
tion. Enfn, s'il y a un précipilé dans le liquide, il
n'est pas toujours nécessaire de le filtrer; il suffit
de le laisser se déposer au fond du verre, de plon-
ger ensuite les électrodes et de faire passer le
courant.
Pour les dépôts peu adhérents, on a intérêt à avoir
des surfaces d'électrodes aussi
grandes que possible. A cet effet
nous avons fait construire des
électrodes en toile de platine
Fig-"4 — Electroly-
seur Lüuckow.
Fig. 5. — Ælectrolyseur
Hollard.
identiques quant à la forme à l’électrode en feuille.
VI. — CONCLUSION.
Tels sont, dans leurs grandes lignes, les principes
qui doivent, à notre sens, guider le chimiste dans
ses recherches d'analyse par voie électrolytique.
S'il y a encore quelques séparalions qui n'ont pu
être réalisées par l'analyse électrolytique, c'est que
cette science est née d'hier et qu'on est loin d'avoir
épuisé toutes les ressources que fournissent les
principes que nous avons rappelés. Il n'est pas
nécessaire, pour la mettre à profit, d'attendre
qu'elle soit devenue une science complète et indé-
pendante. Pour le moment, elle est le complément
indispensable de l'analyse gravimétrique, dont elle
a déjà comblé des vides énormes et à laquelle elle
a fourni des méthodes d'une simplicité incompa-
rable. A. Hollard,
Chef du Laboratoire central de la Compagnie
française des Métaux.
BIBLIOGRAPHIE — ANALYSES ET INDEX
99
ANALYSES
1° Sciences mathématiques
Loir (M.) et de Caqueray (G.), Lieutenants de
vaisseau. — La Marine et le Progrès. Les luttes
de l'avenir par la Science, par les millions. —
1 vol. in-16 de 369 pages. (Prix : 3 fr. 50.) Librairie
Hachette et Cie, Paris, 1901.
« Ce livre n'a pas de prétentions scientifiques. Il est
uniquement une œuvre de vulgarisation ». Telle est la
première phrase. Elle définit nettement le but pour-
suivi par les auteurs, qui est d'expliquer l’évolution du
matériel naval au cours du dix-neuvième siècle et sa
£ composition au début du vingtième siècle.
…. L'introduction a pour titre : « Le rôle et l'utilité de
… la Marine ». Elle rappelle par des exemples récents et
… montre par des hypothèses plausibles quel a été et quel
… serait le rôle de la Marine dans une guerre où la France
se trouverait engagée : diversions sur les côtes enne-
“ mies, maintien des communicalions avec nos posses-
sions africaines, ravitaillement par mer en armes et en
munilions comme en 1870, destruction de la marine de
— commerce ennemie, etc.
… Les auteurs combaltent la théorie qui n'assigne à la
Marine qu'un rôle secondaire dans les guerres futures
etconcluent par ces mots de Richelieu : « On ne peut, sans
la mer, ni profiter de la paix, ni soutenir la guerre. »
Après avoir comparé l’ancienne flotte à voiles à la
marine à vapeur, et constaté la révolution complète
qui s’est opérée aussi bien dans la construction et l’en-
tretien du matériel naval que dans les conditions
mêmes de la guerre, la tactique et la stratégie mariti-
mes, ils racontent, d’une facon fort intéressante, les
débuts laborieux de la marine à vapeur, les luttes contre
les préventions, le triomphe définitif après le merveil-
leux succès du Napoléon, de notre célèbre ingénieur
Dupuy de Lôme, en 1855.
—. Vient ensuite l'historique des progrès dans la période
mmnqui s'étend de 1853 à 1875. Les principales étapes
“sont : l'emploi des projectiles creux ou obus (inven-
tés par le général Paixhans), la destruction de la
flotte turque à Tchesmé par les obus russes (1853), la
r. construction, sur l’ordre de Napoléon II, des batteries
….ilottantes cuirassées, employées pour la première fois
dans la guerre de Crimée où elles prennent une part
* prépondérante au bombardement de Kinburn (1855),
la construction de la frégate cuirassée Za Gloire, surles
- plans de Dupuy de Lôme (1857), la construction des cui-
rassés à réduitcentral Magenta et Solferino(1860), l'adop-
tion de l’éperon sur ces bâtiments, l'apparition du type
Monitor qui nous vient d'Amérique, le commencement
de la construction en fer (la frégate /a Couronne, 4860),
puis l'addition des cloisons étanches (le cuirassé Océan,
1870). du pont blindé et du double fond {le cuirassé Re-
doutable, 1875) qui ajoutent tant à la sécurité des na-
vires, l'adoption de l'acier (1875, M. de Bussy).
Les auteurs font remarquer justement que, trois fois
en vingt ans, la France a tenu la tête des constructions
navales et montré la voie du progrès : création du pre-
mier vaisseau rapide à vapeur, de la première batterie
blindée, du premier navire cuirassé.
Ils nous montrent l’évolution nouvelle causée par
l'apparition ‘de la lorpille. On crée, pour l'utiliser, des
bâtiments nouveaux, les torpilleurs; on crée, pour s’en
défendre, les filets métalliques, toute l'artillerie légère
à tir rapide, et les contre-lorpilleurs ou destroyers, pe-
tits croiseurs à grande vitesse destinés à détruire les
torpilleurs.
La lutte entre le canon et la cuirasse, qui dure depuis
si longtemps, est fort bien décrite. L'artillerie augmente
BIBLIOGRAPHIE
ET INDEX
d'abord successivement ses calibres, passant de 19 cen-
timètres à 24, 27, 34 et enfin 42 centimètres ; puis elle
cherche l'accroissement de puissance dans l’augmen-
tation de vitesse initiale. Aussi les calibres diminuent
et reviennent à 305 millimètres, tandis que la vitesse
initiale passe de 450 mètres sur le cauon de 42, à
820 mètres sur le 305.
Le tir des pièces d'artillerie moyenne (16, 14, 10 cen-
timètres) est accéléré. Enfin, l'emploi des explosifs puis-
sants vient rendre les effets des projectiles plus terribles
encore.
La cuirasse, après avoir d'abord cherché à lutter par
l'accroissement de l'épaisseur poussée jusqu’à 55 centi-
mètres en France, 61 en Angleterre, est fabriquée en
métal de plus en plus résistant (métal compound, 1880;
procédé Schneider, 1889; procédé Harvey, 1894; procédé
Krupp, 1898) et l’on diminue son épaisseur pour protéger
une partie de plus en plus grande de la surface des
œuvres mortes du navire. Le croiseur cuirassé Je Du-
puy-de-Lome, de M. de Bussy, est le premier type cons-
truit dans cet ordre d'idées. IL est imité partout. Les
cuirassés, à leur tour, blindent la plus grande surface
possible au lieu de limiter la cuirasse à une étroite
bande à la flottaison, Enfin, on cherche une augmenta-
tion de la sécurité dans le dédoublement des ponts
blindés et un compartimentage cellulaire à la flottaison,
dont le principe est dû à M. Bertin (1875).
La « course à la vitesse » fait l’objet du chapitre v.
Tandis qu'is y a vingt ans une vitesse de 15 nœuds
élait considérée comme très belle, aujourd'hui les tor-
pilleurs alteignent 31 nœuds (/e Forban de M, Normand,
1897) et 33 nœuds (/a Viper anglais de M. Parsons, 1900);
les grands croiseurs, 23 nœuds 5 (Guichen, 4899); les
paquebots, 23 nœuds (/e Deutschland, 1900).
Les auteurs montrent l'énorme importance de la vi-
tesse aux points de vue lactique et stratégique. Ils ap-
pellent l'attention sur ce fait, trop peu connu, que les
vitesses d'essai de nos navires sont très voisines de leurs
vitesses en service courant, parce que nos essais sont
faits loyalement, dans les lignes d’eau correspondant
au chargement normal; il n’en est pas de même à
l'Etranger, surtout en Angleterre, où il manque toujours
des poids considérables à bord des navires au moment
de leurs essais.
Les perfectionnements nombreux amenés dans les
machines à vapeur et les chaudières par la recherche
des grandes vitesses sont ensuite passés en revue.
On s’est trouvé finalement conduit à une augmenta-
tion considérable du déplacement; on arrive aujour-
d'hui à 15.000 tonneaux pour les cuirassés, 13.000 pour
les croiseurs.
Puis, MM. Loir et de Caqueray traitent un sujet tout
d'actualité : la navigation sous-marine, C’est le dernier
moyen de combat que le siècle a vu entrer dans la pra-
tique; c'est peut-être celui dont l'avenir est le plus
grand. Les auteurs font l'historique des sous-marins
depuis les premières tentatives de Van Drebbelt, à Lon-
dres en 1620, en passant par la Tortue de Bushnell
(1786), le Nautilus de Fulton (1800), jusqu'aux derniers
types parus : le Gymnote, le Gustave-/Zédé, le Morse
et le Narval en France, le Plunger et le Holland aux
Etats-Unis.
Ils font ressortir que les Anglais ont tout à perdre à la
mise en pratique de la navigation sous-marine et
qu'après l’avoirtraitée dédaigneusement, ils ontreconnu,
par l’organe même du premier lord de l’'Amirauté, que
le moment était venu de s’en préoccuper.
Les auteurs établissent enfin que l'emploi du sous-
marin dans les guerres navales est légitime, ainsi que
100
BIBLIOGRAPHIE — ANALYSES ET INDEX
la reconnu la Conférence de La Haye, à laquelle la
question avait été posée par le tsar Nicolas IL.
Ils parlent enfin de l’utilisation des navires de com-
merce en temps de guerre. La « course », supprimée
en 1856 par le Traité de Paris, ne peut plus être faite
que par des croiseurs de la marine de guerre, ou par
des bâtiments du commerce transformés en croiseurs
auxiliaires en temps de guerre. Les paquebots moder-
nes, avec leurs énormes vitesses, seront les meilleurs
corsaires. Leur prix élevé de construction et d'armement
fait que leur nombre n’est pas très important. L’An-
gleterre, dans son immense flotte commerciale, n’a que
38 paquebots filant 18 nœuds et au delà. Il est à noter,
d’ailleurs, que les deux paquebots les plus rapides actuel-
lementàflot appartiennentà l'Allemagne: le Deutschland
(23 nœuds), Je Kaiser Wilhelm (22 nœuds 5).
Outre lesbatiments employés comme corsaires, d'autres
seront utilisés comme transports de troupes, de char-
bon ou de matériel, comme bäliments-hôpitaux, etc.
Le prix de revient des navires fait l’objet du chapitre
vu. Ce prix s'est naturellement élevé en même temps
que la complication et le nombre des organes s’est
accru. La comparaison donnée par les auteurs entre le
Redoutable (1874) et le Masséna (1894) est saisissante à
ce point de vue.
Le kilogramme du navire armé, qui coûtait 0 fr. 76
en 1871, revenait à 4 fr. 66 en 1891 et atteint aujour-
d'hui 2 fr. à 2 fr. 20 pour les grands navires, en France.
Tout est plus cher : les blindages en fer coûtaient 1 fr.
le kilo, ceux en métal compound 1 fr. 80, ceux en
acier 2 fr. 20, ceux en métal Harvey 2 fr. 40. Un ca-
non de 27 centimètres, modèle 1866, valait 18.550 francs;
un canon de 27centimètres modèle 1893 en coûte 175.000.
Les frais d'entretien d'un matériel compliqué aug-
mentent naturellement beaucoup aussi.
Tout ce chapitre, bourré de chiffres et de renseigne-
ments extrêmement intéressants, explique bien pour-
quoi le budget de la Marine a pu passer de 106 millions
en 1872 à 292 millions en 1900 (troupes déduites).
Nous voyons ensuite qu'en Angleterre le kilogramme
du navire armé ne coûte que 1 fr. 50. Cela tient surtout
au prix des matériaux de construction. Pour la coque
et le blindage, on a pour 60 francs, en Angleterre, ce qui
qui en coûte 100 en France.
Les auteurs sigualent enfin les réformes à apporter :
industrialiser le mode de travail des arsenaux (ils cons-
tatent cependant que des progrès sensibles ont été réa-
lisés de ce côté), diminuer les frais généraux excessifs,
les frais d'administration, de surveillance, supprimer
les nombreux services auxiliaires, enfin spécialiser les
arsenaux, au lieu de conserver 5 arsenaux de plein exer-
cice, ce que n’a pas l'Angleterre avec une marine triple
de la nôtre.
Dans le dernier chapitre: « Regard sur l'avenir », les
auteurs, après avoir résumé ce qui précède, constatent
que tout le monde arrive aux grands tonnages et indi-
quent la composition probable des flottes qu'on va
mettre partout en construction.
Tel est ce livre, qui vieut au bon moment, alors que
tout le monde, en France, après l'humiliation de Fa-
choda, a les yeux tournés vers les choses de la mer.
Il défend notre Marine contre les attaques injustes et
les critiques systématiques; mais aussi il n'hésite pas
à signaler les points faibles et les réformes désirables.
C'est l’œuvre de deux patriotes sincères et de deux
esprits clairvoyants. d'AOUNE
2° Sciences physiques
Thomson (J.-J.), de la Société Royale de Londres. —
Les Décharges électriques dans les Gaz. l'raduction
française, avec notes, de M. Louis BarBicLon. l’réface
de M. Cu.-Ev. GuiLLaume. — 1 vol. in-8° de 172 pages
avec 41 figures. (Prix 5 fr.) Grauthier-Villars, édi-
teur. Paris, 1900,
L'étude des phénomènes électriques dans les gaz a
pris depuis quelques années une extension considérable.
Les progrès réalisés dans cette branche de la Physique
permettent d’entrevoir maintenant un lien entre des
phénomènes en apparence fort différents, tels que les
décharges électriques dans les tubes de Geissler ou de
Crookes, la convection photo-électrique, la conductibilité
acquise par les gaz sous l'influence des corps incandes-
cents ou des rayons Rôntgen, le phénomène de Zee-
mann, etc. À
Lestravaux del’illustre physicien anglaisJ.-J, Thomson
ont tout particulièrement contribué au progès de cette
question, et l'esprit de généralisation qui a présidé à
ses recherches se retrouve dans son ouvrage.
Dès les premières pages, l’auteur nous met en pré-
seuce de phénomènes bien faits pour conduire à l’idée
moderne de l’ionisation des gaz, à savoir l'impossibilité
absolue de communiquer une charge électrique à un
gaz par simple contact, alors qu'au contraire, sous cer-
taines influences (réactions chimiques, électrolyse,
action de la lumière ultra-violette ou des rayons Rônt-
gen), certaines particules de ce même gaz acquièrent
une capacité électrique énorme et peuvent transporter
des charges considérables.
La description du phénomène de la condensation des
vapeurs par les gaz électrisés, et un long chapitre con-
sacré à la conductance acquise par les gaz sous l'in-
fluence des rayons Rüntgen, complètent cette première
partie.
La seconde parlie renferme l'exposé des principaux
faits relatifs à l’action de la lumière ultra-violette sur
les corps électrisés, et à l’électrisation des gaz par les
métaux portés à l’incandescence, les flammes et les
décharges électriques : elle se termine par l'étude des
phénomènes d’électrolyse dans les gaz.
La troisième partie est exclusivement consacrée
aux rayons cathodiques et aux rayons de Lénard. Elle
renferme, résumé en cinquante pages, tout ce qu'il ya
d’essentiel sur ce sujet. 1
L'extrême clarté de l'exposition rend particulièrement
facile la lecture de cet ouvrage, et l’on ne peut guère lui
reprocher que d'avoir paru deux ans trop tôt. Toutefois,
M. Barbillon est allé au-devant de cette critique et, dans
une série de notes substantielles, 1l met le lecteur au
courant des progrès accomplis sur ces questions pen-
dant ces dernières années. P. VicLaro,
Docteur ès sciences.
Sambuc (D'), Professeur agrégé à la Faculté de Mé-
decine et de Pharmacie de Lyon. — Précis de Chimie
minérale. — 1 vol. in-12 de 970 pages de la Bibliothè-
que de l'Etudiant en Pharmacie.(Prix cartonné :40 fr.)
A. Storck et Cie, éditeurs, 8, rue de la Méditerranée,
Lyon, 1900.
L'ouvrage est divisé en trois parties : généralités,
métalloides et métaux.
S'il faut louer l'auteur d'avoir voulu présenter les
généralités sous une forme plus moderne que celle
généralement adoptée dans les précis similaires, du
moins peut-on regretter que certains chapitres, et parti-
culièrement celui des équilibres chimiques, présentent
quelques lacunes qui, cependant, étaient susceptibles
d'être comblées en restant sur un terrain très élémen-
taire.
Dans ce chapitre, l’auteur, après avoir exposé l'ana-
logie qui existe entre les phénomènes d'équilibre chi-
mique et ceux d'équilibre mécanique, nous montre très
nettement comment les varialions de l’état d'équilibre
d'un système avec la pression et la température peuvent
être prévues qualitativement au moyen du théorème de
Le Châtelier. Après ce début, on pouvait s'attendre à
trouver quelques notions sur la partie quantitative du
phénomène, tout au moins la loi des tensions fixes pour
les systèmes monovariants. C'est en vain que nous
l'avons cherchée. Sans doute, l'auteur aura craint que
trop de développements sur ces questions délicates ne
sortent un peu du cadre d'un Précis, mais il eût été
préférable, à notre avis, de remplacer les quelques pages
consacrées à la Stéréochimie, dont l'intérêt est discu-
Fr
BIBLIOGRAPHIE — ANALYSES ET INDEX
101
table en Chimie minérale, par ces notions très impor-
tantes au point de vue de la dissociation et des trans-
formations allotropiques. C’est une lacune que nous
engageons l’auteur à combler dans la prochaine édition.
La monographie des éléments forme les deux der-
nières parties, métalloides et métaux, suivant la division
généralement adoptée dans l'Enseignement. Dans
chacune de ces parties, l'ordre suivi est celui de la
classification de Mendelejeff. Si cet ordre est très conve-
nable pour l'étude des métalloïdes, j'avoue, sans
craindre d'être considéré par certains comme tant soit
peu vieux jeu, que, pour les métaux, cetordre, au point
de vue didactique, me parait présenter plus d’inconvé-
nients que d'avantages. Pour un étudiant de nos Ecoles
de Médecine et de Pharmacie, qui doit surtout retenir
de la Chimie le côté pratique, il est préférable de lui
enseigner le cuivre à côté du plomb plutôt que dé pla-
cer ce métal immédiatement après l’ammonium, et la
classification de Thenard reste encore pour lui celle
qui est le plus ulile à connaître.
Mais, à part ces quelques réserves de détail, je dois
dire que j'ai lu ce petit livre avec grand plaisir. Il est
écrit avec clarté, il contient un grand nombre de faits
que l’on considère à tort comme sans importance dans
les ouvrages similaires; et, quant à la partie industrielle,
elle est au courant des perfectionnements récemment
introduits dans plusieurs branches de l'industrie chi-
mique.
Ceux de nos étudiants qu'intéresse la Chimie miné-
rale trouveront donc, dans ce livre, un guide aussi sûr
que clair et précis. H. Gaurier,
x Professeur de Chimie minérale
à l'École supérieure de Pharmacie de Paris.
Valeur (Amand), Préparateur de Chimie au Collège
de France. — Contribution à l'étude thermo-
chimique des quinones. Recherches sur la cons-
* titution des quinhydrones. (Thèse de la Faculté des
Sciences de Paris). — 1 vol. in-8° de 106 pages.
Gauthier- Villars, imprimeur. Paris, 1900. |
L'auteur à su tirer de ses résultats thermochimi-
ques des conclusions fort intéressantes; mais, de plus
il a, au cours de ses recherches, élucidé certains points
d'ordre purement chimique.
Les conclusions auxquelles arrive M. Valeur peuvent
se résumer ainsi :
La fonction paraquinone est caractérisée par le déga-
gement de chaleur qui accompagne la fixation de deux
atomes d'hydrogène. Cette quantité de chaleur est bien
plus considérable dans les paraquinones que dans les
orthoquinones.
Dans ce dernier cas, les orthoquinones sont compa-
rables aux célones simples. La chaleur de réduction
des paraquinones décroit quand on substitue, dans la
molécule, du chlore à de l'hydrogène. À
Le chloranile est comparable, au point de vue ther-
mique, à uo chlorure d'acide bibasique.
Au point de vue thermique, les quinone-oximes sont
comparables aux nitrosophénols.
Outre ces recherches calorimétriques, l'auteur a 616
conduit à imaginer une nouvelle méthode de dosage
des quinones et desquinhydrones, une méthode égale-
pen ToeUS de dosage des halogènes dans les ma-
ÊTES organiques. Enfin, il a abordé l'étude de la cons-
ES el il a montré que, parmi
. diffé s for proposées, une seule conve-
nait qui expliquait convenablement les réactions de ces
composes,. G. BLaxc,
Docteur ès sciences.
Villon (A.-M.) et Guichard (P.). — Dicti i
Chimie industrielle. 7! III, Re a pe
Tignol, éditeur. Paris, 1900. ;
Ce fascicule comprend, notamment, les arti bre
noleum, Magnésium, Malt, Manganèse, nn
cerisafe, Mercure, Molybdère, Monazites, Mordants
Mortier, Naphtaline, Nickel, Nitrates, Noirs Opium et
le commencement de l’article sur l’'Or. ‘ :
8° Sciences naturelles
Chemin (0.), /Zngénieur en Chef des Ponts et Chaus-
sées, ancien Professeur à l'Ecole nationale des
Ponts et Chaussées. — De Paris aux Mines d’Or de
l'Australie occidentale. — 1 vol. in-12 de 370 pages
avec figures et cartes (Prix :9 fr.). Gauthier-Vil-
lars, éditeur. Paris, 1900.
Depuis les premiers temps romanesques et déjà loin-
tains (il y a quelque cinq ou six ans) où l'Australie
occidentale se révélait à nous par l’exhibition de mine-
rais d'or extraordinaires provenant de mines plus ou
moins réelles, et par le lancement à grand fracas de
sociétés problématiques sous le patronage de nobles
seigneurs anglais, le tassement ordinaire s’est fait, le
pays est passé peu à peu de la phase spéculative à la
phase industrielle, et, malgré l'irrégularité trop générale
des filons de cette contrée, qui ne permet pas de pré-
visions assurées, la production s'est élevée d'année en
année jusqu'à un chiffre important (27 millions en 1896,
60 en 1897, 100 en 1898, 156 en 1899 et, d'après les
résultats des neuf premiers mois seulement, 145 en
1900). En même temps, de nombreux ingénieurs et sa-
vants ont visité la Western Australia et nous l'ont fait
connaître scientifiquement. Il nous suffira de citer, en
première ligne, l'ouvrage allemand de M. Schmeisser,
qui avait antérieurement étudié le Transvaal et qui,
à la suite d’un voyage en Australie fait en 1895, con-
cluait à peu près ainsi pour le champ d'or de Coolgardie :
« Sur 500 mines ouvertes, 450 ne valent rien, #0 sont
douteuses, 10 sont excellentes; maisil y eu tant de filou-
teries, de trompe l'œil etde mensonges que le public ne
peut les reconnaitre » : réflexion pessimiste, qui s’est
trouvée très juste, puisqu'en somme, pour quelques
mines productives, comme Golden Horseshoe, Great
Boulder, Ivanhoe, Lake Wiew, Hannans Browhnill, Sons
of Gwalis, etc., un trop grand nombre d’autres n'ont
jamais rien donné.
Deux ans après, en 1897, M. Gascuel a parcouru les
mêmes régions, et les résultats fort intéressants de son
étude ont été publiés dans les Annales des Mines de
février 1899, en même temps qu'une collection d'échan-
tillons à l'appui était déposée à l'Ecole-des Mines. Une
bonne monographie géologique de Coolsardie, due à
M. Van Oldruitenborgh, a paru à Liège en 4897. MM.Güczel
et Woodward, géologues du Gouvernement de Western
Australia, ont publié chaque année une série de Mé-
moires. Enfin, le nouvel ouvrage de M. Chemin, ingé-
nieur en chef des Ponts et Chaussées, résultat d’un
voyage fait vers la même époque que celui de M. Gas-
euel, vient apporter un utile complément à cette biblio-
graphie, qu'il serait facile d'étendre, et nous présenter
une image, pittoresque aussi bien que scientifique, de
l'Australie occidentale, avec des détails très complets
sur l’ensemble de ses richesses minérales, de nom-
breuses vues photographiques et des cartes géologiques.
L'auteur a passé une année entière en Westralie, et,
parfaitement compétent, il a pu étudier en détail l'en-
semble du pays, dont il donne une description métho-
dique et très complète.
On sait que les champs d'or de Coolgardie, dont les
centres principaux sont Coolgardie et Kalgoorlie, puis
Menzies, Dundas, ete., ont été découverts depuis 1892,
au milieu d'un désert, que la présence de l'or a fait
rapidement peupler et que relie aujourd'hui un chemin
de fer de 600 kilomètres au port de Perth, sur l'océan
Indien. C'estun pays presque absolument plat (à 350 me-
tres au-dessus de la mer), extrêmement sec, très chaud,
mais assez salubre. Les caractères topographiques et cli-
matériques du pays font que les observations géolo-
giques y sont très difficiles. Si l'on ajoute à cela que,
jusqu'à 30 ou 50 mètres de profondeur, on rencontre,
presque toujours, en raison de la pénétration facile des
pluies dans ces terrains arides, une zone altérée,
oxydée, où les roches sont méconnaissables (particuliè-
ment au voisinage des gisements d’or, dont les pyrites
102
BIBLIOGRAPHIE — ANALYSES ET INDEX
sulfatisées ont accentué cette décomposition), et que les
travaux de mine ontété maintenus de préférence, jus-
qu'à ces derniers temps, dans cette zone supérieure tou-
jours plus favorable au rendement’, on s'expliquera
comment les problèmes géologiques relatifs aux champs
d'or de Coolgardie sont encore loin d’être tranchés. Pour
ces questions géologiques, M. Chemin partage générale-
ment les opinions de Van Oldruitenborgh, auquel nous
devons un essai de carte géologique de l'Australie oeci-
dentale, forcément très hypothétique, vu les difficultés
d'observation que je viens de rappeler, mais néanmoins
exact sans doute dans ses grandes lignes.
La Western Australia paraît être constituée par des
terrains cristallophylliensalignés NNE—SSO, avec inter-
calations de dômes granitiques et de très nombreuses
roches vertes, diorites, amphibolites, serpentines, dia-
bases, etc., c'est-à-dire par un ensemble analogue à
celui du Plateau Central ou de la Bohème. Parallèle-
ment aux plissements, et de préférence dans la diorite
ou les schistes amphiboliques, parfois à leur contact avec
le gneiss, on y peut observer des zones aurifères, sou-
vent broyées, schistifiées, traversées par des veines
quartzeuses secondaires et chargées, en même temps,
de sulfures métalliques, qui pourraient faire penser
aux fahlbandes de Norvège, aux Zrandes des Alpes au-
trichiennes ou du Valais et dont quelques-unes, quali-
fiées en Australie de /odes ou de formations, ont donné
certains des gisements aurifères les plus riches de Kal-
goorlie. Si l'assimilalion que l'on a proposée avec les
fahlbandes (ou, plus généralement, avec les zones am-
phiboliques pyriteuses d’autres pays), élait exacte, on
pourrait remarquer que certaines de ces fahlbandes,
soit dans les Alpes, soit à Kongsberg. en Norvège, se
sont trouvées également aurifères ; que, d’après M. Ber-
nard, l'or du Carsevenue, dans le Contesté Franco-
Brésilien, se rencontre de même dans des zones d'am-
phibolites ou de diorites au milieu des gneiss, et enfin
que, d'après M. Levat, les zones aurifères ayant alimenté
les placers de la Zeya, en Sibérie orientale, sont elles
aussi interstratifiées dans les terrains cristallophylliens:
c’est-à-dire que, pour une räison ou une autre, il parait
exister, daus divers pays, au milieu des gneiss et mica-
chistes, des zones aurifères, dont la teneur en or n'aurait
pas, à propremept parler, une origine filonienne. MM. Van
Oldruitensborgh et Chemin ont combattu cetle assimi-
lation des formations de la Western Australia avec les
fahlbandes, considérées elles-mêmes par eux (ce qui est
peu vraisemblable) comme de simples stockwerksou,
failles minéralisées par des eaux thermales, en s’ap-
puyant surtout sur cette observations que divers odes
de laWestern Australia contiennent des rocheséruptives,
telles que porphyres syénitiques, porphyres, trachytes
et andésites (?), différentes et indépendantes des roches
encaissantes et sur ce qu'il exisle, au voisinage, des
veines latérales d'oligiste manganésifère (où je serais
beaucoup plutôt porté à voir un phénomène secondaire
qu'un produit d'émanation directe sorti de ces roches
éruptives, ainsi qu'ils l'ont supposé). Peut-être une
théorie des falhbandes différente de la leur, théorie
qu'il serait trop long d'exposer ici, permettrait-elle de
retenir ce rapprochement, tout en admellant, avec ces
deux savants, que l'origine première de l'or a pu être,
dans nombre de cas, une inclusion sous forme de py-
rite, mispickel, ou tellurure aurifère, dans les roches
basiques et magnésiennes.
Quoi qu'il en soit, il est à noter que rien ne distingue
à l'œil les parties aurifères dés /odes des parties stériles,
bien que l'or, dans la zone intacte en profondeur, soit
accompagné, comme dans tant d’autres gisements, par
des pyrites, mispickels et tellurures.
A côté de ce type un peu exceptionnel de Kalgoorlie, il
existe, à Coolgardie, des filons de quartz aurifère de deux
genres : les uns, qui ont donné lieu au « lancement »
1 La fin de ces minerais oxydés, au moment où nous
écrivons, peut marquer une phase critique dans le dévelop-
pement industriel de la région:
|
de la Bailey's Reward ou de la Londonderry, formés de
quartz laileux et opaque stérile, avec des poches res-
treintes d'une extraordinaire richesse; les autres, de
quartz transjucide à éclat gras, à teneur plus régulière.
Ces filons renferment, en profondeur, divers sulfures,
pyrite, chalcopyrite, mispickel, galène et blende. Dans
les monts Dockrell du Goldfield de Kimberley, on a trouvé
de la galène à or libre. Dans le Murchison, la présence
de la blende accompagnant l'or est considérée par les
mineurs comme un signe de richesse. Dans le goldfield
de Pilbana, on a trouvé (comme dans le Murchison Range,
au Transvaal) des stibines à cristaux d'or, les filons d'or,
dans cette région, étant souvent accompagnés de calcite.
M. Chemin décrit en détail tous ces gisements et
accompagne son étude scientifique de considérations
économiques sur les conditions d'exploitation, le rende-
ment, l’avenir des divers goldfelds. Je me contente de
signaler ici ce côté, qui n’est pas le moins important,
de son livre. À ses descriptions géologiques, j'emprunte-
rai seulement encore, pour terminer, ce fait curieux,
qu'à Nullagiue, dans le district de Pilbana, on aurait
trouvé quelques diamants en broyant des conglomé-
rats aurifères, qui ne sont eux-mêmes autre chose que
des alluvions consolidées. Même rencontre a été signalée
dans la partie ouest du Witwatersrand Transvaalien;
elle correspond à une association relalivement fré-
quente du diamant et de l'or dans les alluvions, qui
avait déjà été signalée dans l'Oural et à Bornéo, et qui,
si elle n’est pas un simple effet de la préparation mé-
canique effectuée dans l’alluvionnement sur des roches
très diverses, pourrait contribuer à éclairer sur l'oti-
gine de certains diamants : origine, qui n'est pas né-
cessairement partout la même que dans les gisements
du Cap, les métléorites, les fers natifs, les aciers et les
belles expériences synthétiques de M. Moissan,
L. De Launay,
Professeur à l'Ecole Supérieure des Mines;
Convert (F.), Professeur d'Economie rurale à l’Insti-
tut national agronomique. — L’Industrie agricole.
— 1 vol. in-16 de 44 pages. (Prix cartonné : 5 fr.)
(J.-B. Baillière et fils, éditeurs. Paris, 1901.
Il y a toujours une certaine hardiesse à modifier
le titre sous lequel on est habitué à désigner une
science, et à bapüser celle-ci d'un nouveau nom, même
quand il répond mieux que le premier à la nouvelle
direction que cette science a su prendre.
M. Convert, professeur à l'Institut national agrono-
mique, vient de publier une remarquable étude d'éco-
nomie rurale, qu'il a intitulée : « L'industrie agricole ».
Ce titre, jusqu'ici, était réservé à l’ensemble des opéra-
tions qui permettent de transformer, à la ferme ou à
l'usine que celle-ci alimente, les produits du sol en
produits manufacturés. Il nous semble donc utile de
faire l'inventaire des documents que renferme le livre
de M. Convert et de rechercher les raisons qui l'ont
amené à choisir le titre sous lequel ils sont réunis.
Après avoir défini avec beaucoup de soin le terri-
toire agricole, la répartition, sur ce territoire, de la
grande et de la petite propriété, établi la valeur de la
propriété foncière, du bétail et du matériel d'exploita-
tion, M. Convert passe en revue les conditions techni-
ques et économiques qui règlent la production et le
commerce des denrées agricoles, des céréales, des
pommes de terre, des betteraves, des raisins, des plan-
tes textiles et oléagineuses, du bétail et de ses produits.
C'est là, comme nous le disions plus haut, une étude
d'Economie rurale, et M. Convert, en lui donnant un
titre un peu inattendu, a sans doute voulu montrer
l'élape considérable que l'agriculture a franchie. Les
premiers écrivains qui ont entrepris de professer l’agri-
culture, Caton, Columelle, Varron, la dénommaient du
terme vague de res rustica; l'agriculture était la vie
aux champs, que le T'héätre de l'Agriculture d'Olivier
de Serres nous apprenait à contempler. L'agriculture
était un métier, une pratique, presque un usage. Au-
jourd'hui, l’agricullure est une industrie: elle utilise
BIBLIOGRAPHIE — ANALYSES ET INDEX
d'une facon rationnelle le sol, l'atmosphère, les engrais,
qui sont ses malières premières, elle en retire des pro-
duits manufacturés; elle a son outillage et sa machi-
… nerie, sa comptabilité, ses établissements de crédit,
son organisation syndicale, ses relations avec les mar-
. chés intérieurs et extérieurs.
Or, l'étude d'une industrie ne comporte pas seulement
des renseignements techniques, elle précise aussi les
conditions économiques propres à assurer son dévelop-
pement. L'esprit du livre justifie donc son titre.
L. Lixper,
Professeur à l'Institut National Agronomique.
Bonnier (J.). — Contribution à l'étude des Epica-
rides. Les Bopyridæ. (Zravaux de la Station Zoo-
logique de Wimereux). — 1 vol. in-4° avec 41 plan-
ches. P. Klincksieck, éditeur. Paris, 1900.
M. J. Bonnier vient de publier une suite aux belles étu-
des de M. A. Giard et de lui-même sur les Epicarides ; ce
second volume traite des Isopodes parasites branchiaux
—… des Crustacés Décapodes, formant le groupe des Hopy-
ride. Cette monographie, aussi remarquable par la
précision des descriptions et des figures que par l'in-
— térêt général des résultats, porte sur environ 80 espèces
- de Bopyrides, réparties en 25 genres distincts. Le
yolume conlient, en outre, deux chapitres généraux,
Jun sur l’éthologie des Epicarides, et l’autre sur la
taxonomie du groupe; tous les curieux de Biologie
générale liront ces deux chapitres, pleins d’apercus
suggeslifs et écrits de main de maitre.
Dans leur développement, les Bopyrides passent par
trois stades successifs : 1° le stade épicaridien, où la
larve quitte la cavité incubatrice de la femelle; 2 le
stade cryptoniscien, durant lequel la larve mène la vie
pélagique et cherche l'hôte sur lequel elle doit se fixer ;
et enfin 3° la phase adulte ou stade hopyrien, où l’ani-
mal prend sa forme aplatie caractéristique. Tous les
Epicarides, Bopyrides compris, paraissent être des
hermaphrodites protandriques, c'est-à-dire que la larve
eryptoniscienne possède des testicules qui s’atrophient
lorsqu'apparaissent les ovaires ; les Bopyrides se com-
ortent un peu spécialement à cet égard : dès que la
arve munie de testicules est fixée et absorbe la nour-
- rilure abondante que lui fouruit son hôte, la mélamor-
Re s’accomplit, et, sans peut-être que les testicules
“…_uient jamais fonctionné, les ovaires se développent,
ainsi que la cavité incubatrice. Aussitôt que cette larve
- a évolué en femelle définitive, elle est rejointe par
… d'autres larves cryptonisciennes ; une seule d’entre elles
- £e fixe sur la femelle; ses testicules deviennent fonc-
- tionnels, et elle devient un mâle définitif, de taille très
“ minime, qui n'acquerra jamais d'ovaires. L'herma-
phrodisme n’existerait donc que dans un seul sexe.
…_ - MM.Giardet Bonnier ont constaté depuis longtempsque
les diverses familles d'Epicarides sont toujours adaptées
… à une famille très nette d'hôtes : les Epicarides des Am-
phipodes ne se trouvent pas sur les Schizopodes, ceux
des Rhizocépbhales n'infestent pas les Cirrhipèdes ses-
siles, ete. Enfn, il est infiniment probable, contraire-
ment aux opinious de Sars et d'Hansen, que chaque
espèce d'Epicaride n'infeste qu'une seule espèce d'hôte,
phénomène du reste assez habituel pour les parasites
internes ou semi-internes. L. Cuévor,
k : Professeur à la Faculté des Sciences de Nancy.
%
…_ Brunschvicg (Léon), Docteur ès lettres, Professeur
. agrégé de Philosophie au Lycée de Rouen.—Introduc-
tion äla Vie de l'Esprit. — 1 vol. in-12 de 175 pages
de la Bibliothèque de Philosophie ‘contemporaine.
$ (Prix : 2 fr. 50.) Félix Alcan, éditeur. Paris, 1900.
L- Get ouvrage échappe, par son objet, à la compétence
À
de la Revue. Nous le signalons cependant, eu raison
… du lien qui rattache à la Science positive Ja spéculation
1 philosophique. L'auteur l’a écrit pour le grand public,
qu'il voudrait amener à réfléchir sur les hautes ques-
… tions de l'esprit et à s'associer de plus en plus au pro-
Ë grès intensif de la vie scientifique, esthétique et morale.
1e 0)
4 Sciences médicales
Barié (Ernest), Médecin de l'Hôpital Laënnee. —
Traité pratique des maladies du Cœur et de
l’Aorte (avec une préface de feu Poraix, membre
de l'Institut). — 1 vol. in-8v de 984 pages avec figu-
res, J. Ruelf, éditeur, 106, Paris, 1900.
M. le D' Barié, médecin de l'hôpital Laënnec, publie,
sous le titre de Traité pratique des Maladies du Cœur
et de l'Aorte, un livre qui se recommande à l'atten-
tion du monde médical par son esprit et par sa forme.
Les nombreux et importants travaux de J’auteur sur
la sémiologie et la pathologie du cœur ont toujours été
marqués au coin de la probité spécifique et de la réserve
professionnelle les plus dignes, et il en donne ici une
preuve nouvelle, qui pourrait servir d'exemple, en omet-
tant, par une discrétion très louable, tout ce qui pourrait
ressembler à une apologie personnelle. C'est continuer
d'uve facon très heureuse, en fait de pathologie car-
diaque, la grande tradition médicale de Bouillaud et
du Professeur Potain. Elève de ce dernier maître, le
D° Barié a appris de lui à joindre à un labeur opiniâtre
le mérite de n’en point faire parade.
La première partie du Traité de M. Barié est consa-
crée à l'étude de la sémiologie cardiaque, c'est-à-dire
à l'exposé des signes principaux des affections du cœur
et des moyens que nous possédons de les reconnaître,
Dans les ouvrages de ce genre, un pareil exposé est
nécessaire ; 1l permet aux débutants de s'orienter avec
moins de peine dans une étude particulièrement diffi-
cile, il nous permet aussi de connaitre la méthode qui
a guidé l’auteur et qui légitime ses assertions. Cela est
plus indispensable encore quand il s'agit de patholegie
cardiaque, sujet que trop d'auteurs se sont plu à obscur-
cir. La précision, a netteté et la concision de l'exposé
préliminaire de M. Barié remettent heureusement la
question à son jour véritable. Nous signalerons, notam-
ment, la très concluante étude de l’auteur relative aux
souffles cardio-pulmonaires, à leur légitimité, à leur
diagnostic différentiel, tels qu'ils résultent des travaux
du très regretté Professeur Potain.
La plus grande partie de l'ouvrage est naturellement
consacrée à l'examen des diverses affections du cœur,
aiguës et chroniques, qui peuvent atteindre le péri-
carde, les appareils valvulaires, le myocarde, avec
leurs causes, les lésions qu'elles provoquent et les com:
plications variées qui les accompagnent trop fréquem-"
ment, Ici, l’anatomo-pathologiste cède presque toujours
le pas au clinicien, c'est-à-dire que M. Barié, préoccupé
de faire œuvre utile, a laissé de côté les discussions
théoriques qu'ont soulevées les travaux de divers au-
teurs, au sujet de l’évolution anatomique des lésions du
cœur. Les débutants n'auront qu'à y gagner, mais ceux
pour qui ces questions offrent encore un vif intérêt,
auraient peut-être eu grand profit à connaître d'une
facon plus péremptoire l'opinion personnelle de l’au-
teur. Sa compétence nous est un sûr garant de l’avan-
tage que notre instruction en aurait tiré.
Nous ne louerons pas M. Barié de la forme sous
laquelle se présente son livre, de la clarté de son expo-
sition. Ce sont là des qualités que nous nous attendions
à trouver, mais nous le remercierons beaucoup de l'in-
génieuse idée qu'il à eue de présenter, à la fin de
chaque chapitre, un résumé récapitulatif des données
qu'il conlieut; « c'est, comme le dit Potain, dans la
préface qu'il a faite à cet ouvrage, une sorte de manuel
aonexé au livre, et ce serait fort à souhaiter que les
manuels, toujours associés de la sorte, fussent ainsi un
moyen de se souvenir méthodiquement non une facon
d'apprendre insuffisamment ». En résumé done, l’ou-
yrage de M. le D' Barié, est indispensable à qui veut
ayoir une connaissance exacte des affections du cœur.
Il fait honneur à l’auteur et à la science médicale fran-
caise, Dr H, VAQuEz,
Professeur agrégé,
Médecin des Hépitaux.
104
ACADÉMIES ET SOCIÉTÉS SAVANTES
ACADÉMIES ET SOCIÉTÉS SAVANTES
DE LA FRANCE ET DE L'ÉTRANGER
ACADÉMIE DES SCIENCES DE PARIS
Séance du 3 Décembre 1900.
L'Académie présente, à M. le Ministre de l'Instruction
publique, la liste suivante de candidats pour la place
laissée vacante au Bureau des Longitudes: 1° M. le
vice-amiral Fournier ; 2° M. Félix Arago. — M. Dede
kind estélu Correspondant pour la Section de Géomé-
trie. — M. Strasburger est élu Correspondant pour la
Section de Botanique.
1° SciENCES MATHÉMATIQUES. — M. Bassot annonce que
le Parlement français a voté la loi ordonnant la revi-
sion de l'arc de méridien de Quito. L’exécution des
opérations est confiée au Service géographique de
l'Armée et aura lieu conformément aux desiderata du
Rapport de M. Poincaré. — M. H. Andoyer indique
quelques corrections nouvelles à apporter à la valeur
de la longitude de la Lune donnée par Delaunay;
elles se rapportent aux coefficients du huitième et du
neuvième ordre. — M. Pierre Weiss présente un nou-
veau cercle à calcul qui permet d'effectuer simplement
les multiplications et les divisions par le déplacement
de deux aiguilles sur une échelle logarithmique.
20 Sciences PHYSIQUES. — MM. Brillouin montre queles
actions mesurées par les appareils de M.de Eolvos dans
les caves d'un bâtiment irrégulier peuvent avoir joué
un rôle comme causes d'erreurs dans l'emploi de la
balance de Cavendish pour la mesure de la constante de
la gravitation ; il a pu en être de même pour la balance
de M. Boys. Toutefois, la perturbation a probablement
été toujours assez faible. — MM. Popoff et Ducretet
ont remarqué qu'en introduisant un téléphone dans le
cireuit d’un radio-conducteur et d’une pile, on peut
recevoir les signaux hertziens émis à grande distance.
Ils ont fait des expériences entre deux stations distan-
tes de 500 mètres et ils ont perçu des signaux au poste
radio-téléphonique dans des conditions où le poste
ordinaire avec relais et décohéreur ne donnait rien. —
M. A. B. Chauveau a représenté la variation diurne
de l'électricité atmosphérique au Bureau central météo-
rologique età la Tour Eiffel par la superposition d'ondes
sinusoidales. Les valeurs des coefficients, données par la
formule de Fourier, mettent bien en évidence la sépa-
ration des deuxrégimes d’hiveret d'été. — M. Lémeray
est arrivé théoriquement à la loi suivante: Des volumes
égaux de métaux simples au zéro absolu sont encore
égaux entre eux aux points de fusion respectifs. Si
l’on construit un graphique en portant en abscisses les
coefficients de dilatation linéaire À et en ordonnées les
températures absolues de fusions T, les point obtenus
se rapprochent de l'hyperbole ÀT —0,02.—M. Armand
Gautier signale que, dans l’action des acides miné-
raux sur le granit en poudre, le dégagement d'hydro-
gène gazeux est moins élevé qu'il ne l'avait indiqué
précédemment. — MM. C. Chabrié et E. Rengade ont
obtenu des aluns d'indium avec le césium et le rubi-
dium. Ce fait rapproche l'indium des métaux capables
de donner des sesquioxydes, et la propriété de son
hydrate d’être soluble dans les alcalis le rapproche plus
de l'aluminium que du fer. Toutefois l’acétylacétonate
d'indium, nettement cristaMisé, n’est pas volatil et ne
peut servir à déterminer son atomicité; ce dernier fait
rapproche l'indium du fer et l’éloigne de l'aluminium,
dont l’acétylacétonate est volatil sans décomposition .—
M. Oechsxer de Coninck a déterminé les densités de
quelques solutions de nitrate d'uranium dans l'alcool
méthylique et dans l'acide acétique, et il a examiné la
stabilité, vis-à-vis de la lumière solaire diffuse, des
principales solutions du même sel. — M. T. Klobb à
étudié la forme cristalline du chlorosulfate lutéocobalti-
que (Co.6AzH*) SO*. CI 3 H°0 et de son isomère le
chloroséléniate. La forme primitive est un prisme rhom-
bique très voisin du prisme droit à base carrée; l'angle
im est de 90°5’. Les laces observées sont: 001,110, 101,
011, 201, 223. — M. G. Flusin a étudié l'osmose de
divers liquides organiques à travers une membrane de
vessie de porc. Les vitesses d’osmose varient avec les
capacités d'absorption de la membrane; la différence
d'affinité de la membrane pour les deux liquides avec
lesquels elle est en contact semble déterminer le sens «
et l'intensité de l’osmose. — M. F. Garrigou a cons-…
taté que la méthode de traitement des eaux minérales
à la source par l’hydrate de baryte met en évidence
l'existence de matières organiques variées: grasses,
alcaloïdiques, acides et indifférentes, qui restent en
solution ou sont précipitées à l'état de sels barytiques
insolubles. — M.J. Wolff a reconnu que de l'alcool
méthylique se forme dans la fermentation du jus de
divers fruits: cassis, prunes, quetsch, mirabelles, ceri-
ses, pommes, raisin blanc et noir (pour ce dernier sur-
tout lorsque le jus fermente en présence de la rafle).
39 SCIENCES NATURELLES. — M. Ch. Richet appelle
myosérum Où sérum musculaire le liquide rouge, riche
en matières protéiques, obtenu par compression de la
chair musculaire au moyen d'une forte presse. Ingéré à
dose suffisante par les chiens, il les guérit définitive-
ment de la tuberculosé inoculée. Par contre, injecté
dans la veine ou sous la peau, ilse montre extrêmement.
toxique. — M. L. Camus a reconnu que l'injection
intra-veineuse de lait de chienne chez le chien peut pro-
duire dans un certain nombre de cas l'apparition de
substances anticoagulantes dans le sang, comme après
les injections de lait de vache. Le phénomène n’est
pas constant, car le chien est peu sensible, mais il
est absolument hors de doute. — MM. J. Sabrazès
et L. Muratet ont fait l’étude des liquides séreux
contenus normalement dans la plèvre et le péritoine.
du bœuf et de quelques animaux domestiques. Il y à
une sorte de concentration des éléments leucocy-
taires : les polynucléés neutrophiles et éosinophiles s'y
trouvent accumulés en grand nombre, etils sont associés
à des lymphocytes et à des macrophages de diverses
provenances, — M. G. Bonnier recherche l’origine du
méristème vasculaire dans la feuille et compare sa dif-
férenciation avec celle des tissus analogues qui se ren-
contrent dans la tige. Le limbe aplati de la feuille est
exposé à la lumière par sa face supérieureet à l'ombre
par sa face inférieure. La face exposée à la lumière de-
vient la plus riche en chlorophylle ; c'est de ce côté que
se feront surtout l'assimilation et la transpiration chlo-
rophylliennes. Lorsque la feuille devient vasculaire,
c'est vers la face supérieure, là où un excès d'eau est
nécessaire pour les fonctions chlorophylliennes, qu'on
voit se former les vaisseaux du bois; les pôles libériens
se forment à l'opposé. Les feuilles demeurant cohéren-
tes entre elles par leurs bases dont l’ensemble consti-
tue la tige, les faisceaux viennent s’y réunir, et alors,
dans la tige,le bois se trouve vers l'intérieur et le liber
vers l'extérieur. — M, Léon Flot montre qu'entre la
feuille et la tige, d'une part, entre le bourgeon, la feuille
et la tige, d'autre part, chaque tissu est continu, et que
cette continuité doit être étendue au méristème vascu=
laire et même à la moelle.
Séance du T Janvier 1901.
M. Maurice Lévy, président sortant, fait connaitre à |
l'Académie l’état où se trouve l'impression des recueils
qu'elle dirige.— M. F. Fouqué, vice-président en 1900,
… courbe irréductible prise arbitrairement sur la surface
. triques. — M. Ed. Defacqz, en fondant le phosphure
9
« la valeur absolue des éléments magnétiques au 1°" jan-
“vier 1902, dans les stations de Perpignan, Nice, Parc
- Saint-Maur et Val-Joyeux (Seine-et-Oise), Cette dernière
. de nouvelles méthodes de synthèse pour les cétones, les
ACADÉMIES ET SOCIÉTÉS SAVANTES 105
devient président en 1901. — M. Bouquet de la Grye | 3° SCIENCES NATURELLES. — M. G. Saint-Remy a élu-
est élu vice-président pour 1901. — MM. Bornet et
M. Lévy sont nommés membres de la Commission cen-
trale administrative pour 4901. — M. le Président an-
nouce à l’Académie la mort de M. P. Potain, membre
de la Section de Médecine et de Chirurgie.
4° SCIENCES MATHÉMATIQUES. — MM. Rambaud et Sy
communiquent leurs observations de la comète 1900 &
(Giacobini) faites à l'équatorial coudé de l'Observatoire
d'Alger. — M. P. Choffardet adresse ses observations
de la même comète faites à l'Observatoire de Besancon.
— M. Emile Picard énonce le théorème suivant relatif
aux surfaces n'ayant d'autres singularités qu'une ligne
double avec points triples: On peut, sur la surface /, trou-
ver un certain nombre À de courbes algébriques irréduc-
tibles, telles qu'il n'existe pas d’intégrale de troisième
espèce ayant seulement comme lignes logarithmiques
toutes ces courbes ou quelques-unes d’entre elles, mais
telles qu'il existe une intégrale de troisième espèce
n'ayant d'autres lignes logarithmiques qu'une À + {°°
etlatotalité ouune partie des premières. — M. H. Min-
kowski démontre que, parmi tous les corps convexes
ayant une surface de même grandeur, la sphère a:
4° le plus grand produit du volume et de la courbure
moyenne, et 2° la plus pelite courbure moyenne, d'où
résulte qu'elle a le plus grand volume. D'autre part, si
un corps convexe de volume égal à 1 u’est pas un cube
avec des faces parallèles aux plans des coordonnées, la
moyenne arithmétique des aires de ses trois projections
sur les plans des coordonnées est toujours > 1. —
M. L. Schlesinger démontre qu'étant donnée une
équation linéaire à coeflicients rationnels à points d'in-
détermination n'appartenant pas à la classe de M. Fuchs,
on peut trouver une équation appartenant à cette classe
et liée à la première par une relation dont les coefficients
sont des fonctions uniformes en x, satisfaisant à un
système d'équations différentielles linéaires homogènes
àcoefficientsrationnels. — M. S. Zaremba communique
quelques recherches sur la théorie des équations de la
Physique mathématique. —M.H. Duport fait connailre
une conséquence du théorème des forces vives relative
aux actions mutuelles des atomes.
20 SGiENCES PHYSIQUES. — M. Th. Moureaux indique
station a élé créée pour y continuer les éludes entre-
prises au Parc Saint-Maur, où les observations sont
troublées par les nouveaux réseaux de tramways élec-
de cuivre avec le biphosphure de tungstène, a obtenu,
vers 1200°, un nouveau phosphure cristallisé, facile à
isoler, de formule Tu P; sa densité est de 8, 5. —
M. G.-F. Jaubert établit les deux propriétés suivantes
du bioxyde de sodium: 1° Il n’est pas d’un blanc pur
(comme l'indique le dictionnaire de Wurtz), mais il est
franchement jaune clair; 2°1l ne tombe pas en déliques-
cence à l'air; de jaune clair, il devient simplement
blanc en se transformant en carbonate. — MM. C. Ma-
tignon et M. Délépine ont préparé à partir du thorium
l'hydrure et l’azolure de ce métal, en le chauffant res-
pectivement dans une atmosphère d'hydrogène ou
d'azote. L'analyse des produits obtenus indique pour
l'hydrure la composition ThH‘et pour l’azoture la com-
position Th*Az'. — M. E.-E. Blaise a étudié l’action
des nitriles, du cyanogène et des éthers isocyaniques
sur les dérivés organométalliques; il est arrivé ainsi à
éthers&-cétoniques et les acides, peut-être aussi pour les
éthers «-cétoniques et les acides bitasiques. — M. G.
Favrela observé que les chlorures diazoïques réagissent
sur la méthyl ou l'éthylacétylacétone avec élimination
d'une molécule d'acide acétique et formation d'une
hydrazone, par suite de l'union du diazoïque avec ce qui
reste de l'acétylacétone et transposition moléculaire
consécutive.
dié le développement embryonnaire du Tænia serrata
Goeze. IL a observé des stades plus jeunes que ceux
décrits par Van Beneden. — M. Maurice Lugeon à
trouvé la racine d’une des écailles préalpines, l’écaille
inférieure de la zône interne: c’est la tête anticlinale,
extrêmement laminée, d'un pli qui vient de la vallée
du Rhône. Cette découverte est une preuve en faveur
de l'hypothèse du charriage des Préalpes.
L. BRUNET,
SOCIÉTÉ FRANÇAISE DE PHYSIQUE
Séance du 18 Janvier 1901:
La Société procède au renouvellement de son bureau
pour 1901, qui est ainsi constitué :
Président : M. H. Pellat;
Vice-président : M. H. Poincaré ;
Secrétaire général : M. Abraham;
Vice-secrétaire : M. R. Dongier;
Trésorier : M. de la Touanne.
M. Cotton présente le nouveau cercle à calculs de
M. Pierre Weiss. Cet instrument ne permet de faire
que des multiplications et des divisions, mais il est
d'une simplicité remarquable. Il comporte une seule
graduation logarithmi-
que, gravée sur métal,
suivant une circonfé-
rence de 16 centimèé-
tres de diamètre (fig. 1).
Sur cette graduation se
meuvent deux aiguil-
les, l'indicatrice et la
multiplicatrice. L'indi-
catrice entraine tou-
jours dans son mouve-
ment la multiplica-
trice; celle-ci, au con-
traire, peut se mou-
voir seule, sans dépla-
cer l'indicatrice. Pour
faire un produit a X b,
on met l'indicatricesur
l'un des facteurs 2, et la multiplicatrice, en la faisant
mouvoir seule, sur la division {. Puis on les fait tour-
ner solidairement jusqu'à ce que la multiplicatrice soit
en b; l'indicatrice se trouve alors en a X h. La preuve
est évidente, l'espace qui sépare la division 1 du pro-
duitah étant égal à la somme des logarithmes de à
et de b. On peut, sans lire ce premier produit, le
multiplier immédiatement par un troisième facteur c
en ramenant la multiplicatrice seule en 1, puis en
faisant tourner tout le système jusqu'à ce que la mul-
tiplicatrice soit en c. Pour diviser / par », on place
l'indicatrice en / et la multiplicatrice en m, et l’on fait
tourner les deux aiguilles d’un mouvement solidaire
jusqu'à ce que la multiplicatrice soit en 1; l'indicatrice
a xb
Fig. 1. Schéma du cercle à
calculs de M. P. Weiss.
donne alors le quotient —+ On voit que la position 1
111
intervient dans toutes ces opérations. On évite le pointé
de cette position au moyen d'un butoir facultatif, qui
entre en jeu ou est supprimé par un mouvement à res-
sort. Cet appareil, qui à été construit par M. E. Wer-
lein, permet en somme de faire un rombre quelconque
de multiplications et de divisions sans que la précision
et la rapidité des opérations soient diminuées par la
lecture d’un résultat intermédiaire. On obtient très
facilement une précision de 41/2000, même dans les opé-
rations compliquées. — M. E. Bouty entretient la
Société de ses dernières recherches sur la cohésion
diélectique des gaz, recherches qu'il a déjà exposées
en partie ici-même®, Il insiste sur la généralité de
1E. Boury : Les gaz envisagés comme diélectriques, dans
la Revue du 15 janvier 4901 (voir spécialement pages 38,
39 et 40).
106
ACADÉMIES ET SOCIÉTÉS SAVANTES
l'existence du champ critique, au-dessous duquel le
gaz se comporte comme un isolant, et au-dessus duquel
il livre brusquement passage à l'électricité. Le phéno-
mène s'est vérifié pour tous les corps étudiés : air,
acide carbonique, hydrogène, vapeurs d'alcool, d'éther,
de benzine, de sulfure de carbone, même pour la vapeur
d'eau. Le champ critique varie avec la pression des
gaz; aux pressions élevées (de 2 ou 3 millimètres jus-
qu'à 60 millimètres de Hg), le champ critique croit
linéairement avec la pression, et le phénomène peut
être représenté par l'équation y — à + bp. Or, et c'est
là une analogie remarquable, M. Max Wolf, étudiant
l'influence de la pression des gaz sur la différence de
potentiel nécessaire pour faire jaillir l'étincelle entre
deux électrodes métalliques placées dans ces gaz, est
arrivé à représenter le phénomène par une équation
semblable. On peut comparer les valeurs de a et de h
dans les deux cas, et l'on constate, pour l'hydrogène
par exemple, que est presque identique tandis que à
est de 40 à 45 fois plus petit dans le cas de M. Bouty
que dans celui de M. Wolf. Il est probable que le coet-
ficient h est lié à la nature du gaz, tandis que a dépend
des électrodes; on comprend que ce dernier soit très
élevé dans les expériences de M. Wolf, les électrodes
jouant un rôle très actif dans le passage des étincelles,
tandis que, dans les expériences de M. Bouty, les
parois de verre du récipient ont un rôle tout à fait se-
condaire. Aux faibles pressions (inférieures de 2 mil-
limètres de Hg), la valeur du champ critique décroit
progressivement, passe par un minimum, puis remonte
brusquement à un nombre élevé. M. Bouty a cherché
à représenter l'ensemble du phénomène par une seule
fonction, et il est arrivé après de nombreux tatonne-
ments à l'équation :
y=a+iVpt ++
qui donne des résultats remarquablement concordants
pour tous les gaz étudiés. — M. Bouty résume ensuite
les expériences très intéressantes d'un architecte amé-
ricain, M. W.-C. Sabine, sur l'acoustique des salles.
Lorsqu'un son est émis dans une salle, un auditeur re-
coit à la fois l'onde directe et les ondes réfléchies par
les parois. Les parois accroissent donc l'intensité dans
une mesure qui dépend en graude partie de leur pou-
voir absorbant. Pour déterminer ce pouvoir absorbant,
M. Sabine a recours à la méthode suivante : Dans une
grande salle garnie de sièges en bois, on installe un
tuyau d'orgue, actionné par une soufflerie à eau silen-
cieuse, et on lui fait donner un son assez intense. Si
l’on interrompt brusquement ce son, on constate que
la sensation sonore ne cesse pas instantanément dans
toute la salle; à cause des réflexions répétées des
ondes sur les parois, un auditeur continue à percevoir
le son pendant un temps qui peut varier de 2 à 10 se-
condes suivant les salles. L'auteur a constaté expéri-
mentalement que la durée de ce son résiduel est la
même en quelque point de la salle que l’on se place;
c’est une constante caractéristique de chaque salle. Si
l'on garnit un certain nombre de sièges en bois d'une
longueur déterminée de coussins en crin, on constale
que la durée du son résiduel diminue par suite de l'ab-
sorption plus grande par les coussins des ondes sonores;
la diminution est la même quel que soit l'endroit de la
salle où l’on ait placé les coussins. Si l’on augmente la
longueur des coussins, on constate une nouvelle dimi-
nution de la durée du son; l’auteur a reconnu que le
phénomène pouvait être représenté par une loi hyper-
bolique, ayant, pour la salle considérée, la forme :
S13 à :
4t——— , où x est la longueur des coussins; on en
4146 + x
déduit immédiatement que le pouvoir absorbant des
parois de la salle sans coussins est égal à celui de
146 mètres de coussins. M. Sabine a cherché à repré-
senter les pouvoirs absorbants par une unité plus
exacte. Si l’on ouvre, dans une paroi d'une salle, une
fenêtre de 4 mètre carré de superficie, toutes les ondes
qui passeront par celte ouverture seront perdues, et je
pouvoir absorbant sera égal à 1. En répétant les expé-
riences précédentes et en notant le nombre de m*
de fenêtres ouvertes qui produisent la même diminu-
tion du son résiduel que des surfaces de diverses sub=
stances, on obtiendra le pouvoir absorbant de ces sub-
stances dans la nouvelle unité. Voici quelques-uns des
résullats de l'auteur :
Pouvoirs absorbants.
Fenêtre ouverte TEL
Revêtement de bois . 0,06%
Plàtre sur bois. 2 0,034
Verre. SC EG EN IE APAC AT
Auditoire par mètre carre 0,96
— par personne. 0,44
Femme isolée . . 0,5%
Homme isolé. x 0,48
Liège . . note
Les expériences de M. Sabine ont été faites à Bos-
ton dans douze salles différentes dont le volume va-
riait de 62 à 9.300 m°. Partout il a vérifié la loi générale :
a
(pes:
Il a reconnu que a varie comme le volume et qu'il est
en moyenne égal à 0,171 V. Au moyen de cette formule
et des pouvoirs absorbants déjà trouvés, on peut cal=
culer d'avance la durée du son résiduel pour uve salle
donnée. La meilleure acoustique semble être réalisée
lorsque la durée du son résiduel est de 2 à 2 1/2 ses
condes. Les intéressants travaux de M. Sabine vont
fournir des données nouvelles et posilives aux archi-
tectes chargés de la construction des salles d'audition.
L. BRUNET.
SOCIÉTÉ CHIMIQUE DE PARIS
Séance du 28 Décembre 1900.
M. Guichard établit que, dans l’action de l’eau sur le
pentachlorure de molybdène anhydre, ilse forme une
solution renfermant du tétrachlorure de molybdène,
de l'acide chlorhydrique et de l'acide molybdique. L’al-
tération au contact de l'air de cette solution conduit
finalement à l'oxyde bleu. — M. Pouret a étudié l'ac-
tion du bromure d'aluminium sur les dérivés chlorés
de la série du méthane; il montre que cet agent de
synthèse permet de passer facilement des dérivés chlo-
rés aux dérivés bromés correspondants avec de bons
rendements. — M. Wyrouboff communique les résul-
tats de ses recherches sur la constitution des oxalates
doubles complexes des sesquioxydes et des monoxydes.
11 est parvenu à obtenir un oxalate de chrome très bien
cristallisé et tout à fait insoluble dans l’eau, par consé-
quent fort différent de l'oxalate ordinaire soluble et
incristallisable. L'oxalate cristallisé s'obtient avec le
sulfate ou l'alun, c'est-à-dire avec la molécule normale
C12(OH). Chauffé à 1800 il ne garde qu'une molécule
d'eau, qui ne peut être éliminée sans décomposition. Il
faut donc en conclure que l’oxalate ordinaire, celui qui
entre dans la composition des sels complexes, est Gr°
0*(0H}°, On n'obtient pas d'oxalate cristallisé, ni avec
le chlorure, ni avec le nitrate, ni avec l’acétate de
chrome, ni même avec le sulfate ou l’alun, s'ils ont été
chaulfés pendant quelque temps à 30°. IL faut conclure
de là que la molécule normale Gr*(0H;° est extrème-
ment instable en solution. Elle ne paraît pas exister
pour l’alumine et l'oxyde de fer, dont tous les sels trai-
tés par les oxalates alcalins donnent des oxalates com-
plexes comme le chlorure de chrome ou l'alun de
chrome chauffé à 30°, — M. Béhal établit la constitu-
tion d’une des cétones qu'il a isolées de l'huile de bois.
Elle répond à la formule d'une diméthyleyclohexènone.
— M. Job décrit une nouvelle méthode expérimentale
pour la mesure de quelques vitesses de réaction. —
M. Blaise entretien la Société de l’action des dérivés
organométalliques sur les nitriles et les isocyanates. —
ACADÉMIES ET SOCIÉTÉS SAVANTES
107
MM. Moureu et Delange ont réussi à obtenir le nitrile
phénylpropiolique dont ils poursuivent l'étude. —
M. Léger, en faisant agir le bioxyde de sodium sur les
solutions alcalines des diverses aloïnes, à la tempéra-
ture du bain-marie, a obtenu les résultats suivants: La
barbaloïne fournit un corps cristallisé, fondant exacte-
ment à 223-2249, présentant toutes les propriétés de
l'alobémodine de MM. Tschireh et OEsterle. L'isohar ba-
loïne donne un corps assez semblable au précédent,
mais s’en distinguaut par l'aspect différent de ses cris-
taux. Ceux-ci, déposés du toluène, sont d’un jaune
orangé plus pâle et fondent assez peu nettement de
216 à 2190, L'Aomonataloïne donne un corps tout à fait
différent des deux premiers. Il cristallise de l'alcool
méthylique en aiguilles jaune d'or, fusibles nettement |
à 236-2370. Sa solution dans les alcalis est jaune orangé
au lieu d'être rouge cerise. Avec l'acide sulfurique
concentré, il fournit une magnilique coloration violette.
Chauffé avec la poussière de zinc, il se sublime un
corps cristallisé en lamelles blanches légèrement jau-
- nâtres qui, oxydé par l'acide chromique, donne un pro-
- duil en partie solnble dans les solutions alcalines fai-
— bles. La partie soluble peut être précipitée par HCI en
- flocons blancs sublimables sans altération. La partie
insoluble se sublime en aiguilles iucolores. Ces carac-
tères semblent indiquer la présence du méthylanthra-
cène dans le produit fourni par l’action de Zn. On sait
que ce carbure donne à l'oxydation l’acide anthraqui-
none-carbonique, soluble dans les alcalis, l'anthraqui-
none et ses homologues étant complètement insolubles
dans les liqueurs alcalines bouillantes. La nataloïne se
comporte exactement comme l'homonataloine, le pro-
duit obtenu fondant à 238-239° et ayant les mêmes
propriétés que celui que donne l'homonataloïne.
à
LE
Séance du A1 Janvier 1901.
La Société procède au renouvellement de son bureau |
pour l’année 1901, qui est ainsi composé :
Président : M. Engel ;
Vice-présidents : MM. H. Moissan, Gautier, A. Car-
not et Auger ;
Secrétaires : MM. A. Béhal et G. Bertrand;
Vice-secrétaires : MM. A. Hébert et Moureu;
Trésorier : M. A. Petit;
Archiviste : M. A. Desgrez.
SOCIÉTÉ DE CHIMIE DE LONDRES
Séance du 13 Décembre 1900.
…— Séance extraordinaire, dans laquelle M. H.-A. Miers
retrace la vie et l'œuvre de Rammelsberg.
è
Séance du 20 Décembre 1900.
M. J.-W. Mellor à étudié la combinaison de l'hydro-
gène avec le chlore, et pour interprèter les expériences
antérieures sur la question, il a repris l'étude de l’élec-
trolyse de l'acide chlorhydrique; il a constaté qu'il
se dégage toujours des traces appréciables d'oxygène
(0,009 %). — MM. J.-T. Hewitt et J.-H. Lindfield ont
nitré les trois toluèneazophénols par l'acide nitrique
dilué chaud; dans chaque cas, le groupe nitro est entré
dans le noyau phénolique en position ortho par rap-
port à l'hydroxyle. Le même phénomène avait été
observé pour l'oxyazobenzène et l'acide benzèneazo-
salicylique. — MM. J.-T. Hewitt et H.-A. Phillips ont
constaté que les ortho-oxyazo composés se comportent
vis-à-vis du brome comme de vrais oxyazo composés.
Ainsi le benzèneazo-p-crésol, dissous dans l'acide acé-
k tique glacial avec un excès d'acélate de soude, puis
bromé, done du benzèneazo-0-bromo-p-crésol. —
« M. W. Rose Innes à employé la pyridine à la déter-
… mination des poids moléculaires par la méthode ébul-
liscopique; la constante est de 29,5. Les acides, les
… alcools et les phénols donnent des poids moléculaires
normaux. La pyridine ne favorise donc pas l'association
des substances dissoutes. MM. A.-W. Gilbody et
- C.-H.-G. Sprankling ont préparé l'acide p-éthoxyphé-
l
nylsuccinamique et ses dérivés alkylsubstitués; deux
formules peuvent être prévues théoriquement pour les
dérivés asymétriques, mais une seule, la formule (I), à
élé observée :
R.CH.COH CH?.CO°H
|
R.CH.CO.AzH.CSH*.0C1HS
(11)
|
CH>.CO.AZH .CSH‘OC2H°
(I)
Les sels des dérivés supérieurs de la série n'ont pu
être obtenus, à cause de la formation de composés
cycliques du groupe de la pyrantine :
HE.CO
CH.CO
SEE
Les auteurs en ont profité pour préparer une série de
dérivés substitués de la pyrantine, soit dans le noyau
succinimique, soit dans le noyau benzénique, et pour
en déterminer la stabilité. Ils ont trouvé que l'intro-
duction de groupes méthyle dans le noyau gras diminue
dans une grande proportion la stabilité, tandis que l'in-
troduction de ces mêmes groupes dans le noyau aro-
matique l’augmente. — M. F. Stanley Kipping relate
quelques expériences analogues à celles rapportées
récemment par MM. Cohen et Whiteley,et entreprises
dans le but de préparer directement des quantités iné-
gales de deux substances énantiomorphes en synthé-
tisant un atome de carbone asymétrique en présence
ou en combinaison avec un composé actif, dans l'espoir
que ce dernier exercerait quelque action directrice sur
les atomes ou groupes entrant en combinaison. Les
résultats ont été également négatifs, probablement à
cause d’une racémisation ivtervenant dans l'hydrolyse
du produit original. — M. Alf. Senier présente un
appareil destiné à la préparation de l’oxyde nitrique
par action de l'acide nitrique sur le cuivre. La pro-
duction d'oxyde nitreux y est évitée en éloignant le
nitrate de cuivre et l'eau à mesure qu'ils se forment.
ACADÉMIE DES SCIENCES D'AMSTERDAM
1900.
4° SGIENCES MATHÉMATIQUES. — Rapport de MM. W,
Kapteyn et J. C. Kluyver sur un mémoire de M. K.
Bes, intitulé : L'équation finale. On obtient l'équation
finale des équations 9 — 0, d — 0, où # et Ÿ sont des
fonctions homogènes en trois variables respectivement
d'ordre /, m, par l'élimination d’une des trois variables.
A côté de l'équation finale, l'auteur considère une
équation déduite de y—0, ÿ—0, linéaire en une
des trois variables, qu'il appelle équation terminale.
1° Deux méthodes d'élimination. 2° Extension des
méthodes au cas de trois équations à quatre variables
et à celui de » équations à n+1 variables. Solution
nouvelle du problème, résolu par Liouville, de la
détermination de la valeur d’une fonction homogène
arbitraire quand on y substitue un système de valeurs
commun à 2 équations homogènes à 2-1 variables.
30 Elimination de n—1 variables, étant données n
équations à 2 +n! variables. Les méthodes employées
ici sont en relation intime avec un mémoire anté-
rieur (Rev. gén. des Sc.,t. X, p. 886). Le travail
paraitra dans les publications de l’Académie,
M. Schoute présente la thèse de A. Toxopens «Inlei-
ding tot de bepaling van het aantal kwadratische
hyperuimten in de ruimte van vijf afmetingen » (In-
troduction à la détermination des nombres des hyper-
quadriques dans l’espace à cinq dimensions).
20 ScieNcEs PHYSIQUES. — M. H. A. Lorentz : La
théorie du rayonnement et la seconde loi de la Thermo-
dynamique.Si un corps pondérable quelconque M occupe
une partie de l’espace enfermé dans une enceinte à
parois parfaitement réfléchissantes, l'éther contenu
dans la partie restante de cet espace sera parcouru
dans tous les sens par des rayons de différentes lon-
gueurs d'onde. L'énergie par unité de volume (la densité
Ne
| >Az
CH2.C0/
Séance du 29 Décembre
108
ACADÉMIES ET SOCIÉTÉS SAVANTES
de l'énergie) de l'éther pourra être représenté par
l'intégrale
(T,À)dX indiquant la part de cette énergie qui appartient
aux rayons dont les longueurs d'onde sont comprises
entre À et À dx. En supposant que chaque rayon
qui se propage à l'intérieur de l'enceinte finit, après
un nombre plus ou moins grand de réflexions, par
rencontrer le corps M et que ce dernier possède un
certain pouvoir absorbant, quelque faible qu'il soit,
pour toutes les longueurs d’onde qui existent dans la
radiation d'un corps « absolument noir » de la tempé-
rature T, on est arrivé depuis longtemps au théorème
important que la fonction /(T,2) doit être entièrement
indépendante de la nature particulière du corps M.
C'est là une conclusion rendue inévitable par le prin-
cipe de Carnot. En se servant de ce même principe,
M. Boltzmann a démontré que la densité totale y de
l'énergie est proportionnelle à la quatrième puissance
de la température absolue, et M. W. Wien a fait
voir que la fonction universelle /(T,A) doit être de
la forme f(T,À) —T'o (TA), & étant une fonction du
produit TA. Or, cet état de l’éther est caractérisé non-
seulement par la densité x de l'énergie, mais aussi par
certaines longueurs déterminées. On peut considérer,
par exemple, la longueur d'onde },» pour laquelle la
fonction /(T, À) est maximum; en vertu de la loi de
Wien, elle est inversement proportionnelle à T. Si l'on
admet que, en ce qui regarde l'éther, une explication
des phénomènes n'exige autre chose que les équations
bien connues du champ électromagnétique, il n y a que
la vitesse de la lumière qui soit déterminée par les
propriétés de ce milieu. Les valeurs de x et de Au doi-
vent alors dépendre de la nature du corps pondé-
rable M, et, tous les corps pondérables donnaut lieu
aux mêmes valeurs de ces quantités, il doit y avoir une
certaine ressemblance entre ces corps différents; il faut
même que, à températures égales, cette ressemblance
puisse s'exprimer par l'égalité numérique entre des
grandeurs qui se rapportent à la constitution intime
des corps. Sans cela on ne pourrait même pas com-
prendre que l'équilibre de température entre deux
corps, aprés s'être établi par le contact, subsiste encore,
si on les expose à leurs radiations mutuelles. Il est
permis de croire qu’on pourra rendre compte des
phénomènes de l'émission et de la radiation en consi-
dérant les corps pondérables comme des systèmes de
petites particules mobiles, dont quelques-unes, les
électrons, portent des charges électriques. On peut
écrire les équations qui détermineront l'état de l'éther
dès qu'on connaît le mouvement des électrons, et on
peut s’'imaginer qu'on à également établi les équations
du mouvement de ces particules elles-mêmes. Malheu-
reusement le problème est très compliqué et il est
difficile de pénétrer dans le mécanisme des phénomè-
nes. On peut cependant examiner quelles modifications
des dimensions, des masses, des charges électriques
sont compatibles avec les lois de Boltzmannet de Wien.
A côté du premier système $S, composé du corps Met
de l'enceinte dont il vient d'être question, l’auteur
considère un second système S'. On obtient les dimen-
sions, les densités de la matière pondérable et celles
des charges électriques dans ce second système en
multipliant respectivement par a, b, ce les quantités
correspondantes du premier système, chacun de ces
trois facteurs ayant une valeur constante. On admet
l'égalité des vitesses dans S et S' et on suppose qu'on
puisse donner aux forces moléculaires dans ce dernier
système les intensités requises par les valeurs à, b, e.
Alors, le mouvement de S', qui est impliqué dans ce
qui vient d'être posé, pourra exister réellement sous
la condition L—4c?; de plus pour que $ et S' satisfas-
sent à la loi de Boltzmann, il faut qu'on ait ae —1, ce
qui exprime que les charges électriques ont les mêmes
valeurs dans les deux systèmes. Evidemment il se
pourrait qu'on n'eut pas la faculté de disposer libre-
ment des dimensions et masses des électrons, et des
forces qui les sollicitent. Si, par exemple, les électrons
avaient des dimensions constantes, les mêmes dans.
tous les corps, et si cette égalité contribuait à rendre
identique les états de l’éther provoqués par différents
corps pondérables, il ne serait pas permis de supposer
le facteur a différent de l'unité. On aurait alors h — 1,
c— 1 et on ne pourrait, dans ce cas, arriver à aucune
conclusion, le système S’ ne se distinguant pas de S.
Si, d'un autre côté, les masses et les charges des
électrons conservaient toujours le même rapport les
unes par rapport aux autres, il faudrait = €, ce
qui conduirait de nouveau à a — b= ce — 1. Mais il
faut remarquer que, si les dimensions des électrons ou
les rapports entre leurs charges etleurs masses devaient
être les mêmes dans tous les corps, il ne serait que
rationnel d'admettre que les valeurs absolues des
charges et des masses le fussent également. Ainsi l'on
est toujours amené à admettre que les électrons de
différents corps pondérables sont égaux entre eux, et
que si l’un de ces corps contient plusieurs espèces
d'électrons, chacune de ces espèces se retrouve dans
tous les autres. On peut comprendre alors comment
tous les corps peuvent donner lieu aux mêmes valeurs
de & et de À." À une tempéralure déterminée l'énergie
cinétique moyenne w d’une molécule est la même dans
tous les cas, Or, cette énergie, combinée avec la charge
e d’un électron, peut servir à déterminer une cerlaine
longueur. On peut ainsi se demander quel doit être le
rayon R d'une sphère pour que la charge e, répandue
uniformément sur sa surface, donne lieu à une énergie
électrostatique égale à w. La longueur d'onde }» pour-
rait être un certain multiple de ce rayon R; elle
deviendrait ainsi inversement proportionnelle à w,
c'est-à-dire à la température T, conformément à la loi
de Wien. Quant à y, cette quantité pourrait être déter-
minée par la condition que l'énergie contenue dans un
cube, dont ?,, est l’arète, fut égale à un certain nombre
de fois l'énergie y, ce qui serail en accord avec la loi
de Boltzmann. — M. H. Kamerlingh Onnes présente au
nom de M. E. van Everdingen jr: Le phénomène de
Hall et la résistance de cristaux de bismuth dans le
champ magnétique et en dehors. (Suite ; voir Aev. gén.
d. Se. t. XI, p. 1251). Ici l’auteur donne les résultats
complets sur le coefficient de Hall, la résistance du
bismuth cristallisé dans le champ magnétique el en
dehors, les résistances suivant les axes et suivant d'au-
tres directions particulières. Il résume ces résultats
dans la forme suivante : Pour le bismuth cristallisé, le
coefficient de Hall est considérable pour une force
magnétique normale à l'axe principal et insignifiant
pour une force magnétique parallèle à cet axe: le
coeflicient pour une force magnétique de direction quel-
conque se déduit de ces deux cas à l'aide d’un ellip-
soïde. En dehors du champ magnétique, les résistances
dans le bismuth cristallisé se déduisent pour toutes les
directions à l’aide d’un ellipsoïde de révolution, l’ellip-
soïde de la conductibilité ; proportion des axes de 5 à 3.
Dans un champ magnétique parallèle à l’axe principal,
on a affaire à un ellipsoide de révolution à axes peu
différents; dans un champ magnétique normal à l'axe
principal, il y a un ellipsoïde à trois axes plus différents
l’un de l’autre. Dans un champ magnétique de direction
quelconque, on trouve un ellipsoide à trois axes iné-
gaux dont on obtient les axes par superposition des!
cas principaux. En général les résistances d'une plaque
de bismuth, en deux directions perpenticulaires l'une
à l’autre dans le champ magnétique, s’accroitront d'une
manière inégale, ce qui explique l'asymétrie du phé-
nomène de Hall.
(à suivre.)
P. H. ScHouTE.
Le Directeur-Gérant : Louis OLIVIER.
Paris. — L. MARETHEUX, imprimeur, 1, rue Cassette.
:
hi
42° ANNÉE
DIRECTEUR :
NORD
15 FÉVRIER 1901
o Revue générale
D Cienc
pures el appliquées
LOUIS OLIVIER, Docteur ès sciences.
Auresser tout ce qui concerne la rédaction à M. L. OLIVIER, 22,
rue du Général-Foy, Paris. — La reproduction et la traduction des œuvres et des travaux
publiés dans la Revue sont complètement interdites en France et dans tous les pays étrangers, y compris la Suède, la Norvège et la Hollande.
$ 1. — Nécrologie
Charles Hermite. — Charles Hermite est né à
Dieuze le 24 décembre 1822, sur celte terre lorraine si
cruellement mutilée par la guerre de 1870. Le génie
mathématique, comme le génie artistique, est presque
toujours précoce : déjà la composition d'Hermite au
Concours général en porte la marque par de fins aper-
eus sur le Théorème de Descartes. Deux ans après, à
peine entré à l'Ecole Polytechnique, Hermite fait une
lécouverte qui le place au premier rang des analystes
de son temps. La théorie des fonctions elliptiques, née”
de l’idée géniale d'Abel sur l’inversion de l'intégrale
elliptique, était dans son plein épanouissement: Jacobi,
en montrant comment il fallait étendre le protlème de
Pinversion à deux systèmes de deux intégrales ultra-
elliptiques, avait indiqué l'existence des fouctions abé-
…liennes à deux variables et à quatre paires de périodes;
peu à près, Gôpel et Rosenhain avaient découvert les
_ “xpressions analytiques permeltant de construire ces
- fonctions. À ce moment, en 1842, où l'importance des
“nouvelles transcendantes était à peine entrevue, un
- jeune polytechuicien de première année, Charles Her-
- mite, envoyait à Jacobi, par l'intermédiaire de Liou-
- ville, la résolution du problème de la division des fonc-
{ions abéliennes; voici comment Jacobi répondait à cet
_ envoi:
Kænigsberg, le 24 juin 1842.
« Je vous remercie bien sincèrement de la belle et
…_ importante communication que vous venez de me faire
touchant la division des intégrales abéliennes. Vous
- vous êtes ouvert, par la découverte de cette division, un
“aste champ de recherches et de découvertes nouvelles
qui donnent un grand essor à l'art analytique... Je vous
… prie de faire, bien mes compliments à M. Liouville : je
“lui sais bon gré d'avoir bien voulu me procurer le grand
… plaisir que j'ai ressenti en lisant le Mémoire d’un jeune
“…séomètre dont le talent s'annonce avec tant d'éclat
dans ce que la Science a de plus abstrait. »
—…. Ce «talent » était du génie: Hermite devait égaler
“les plus grands géomètres. A partir de 1842, ses décou-
-vertes se succèdent ininterrompues dans une vie uui-
— quement consacrée à la méditation et au travail.
( Pr
REVUE GÉNÉRALE DES S IX :E£:, FCO.
k
LV
a
CHRONIQUE ET CORRESPONDANCE
Hermite publie d’abord des recherches sur la trans-
formation des fonctions abéliennes; puis, avec Cayley
et Sylvester, il crée et développe la théorie des formes
algébriques : il découvre en particulier une loi de réci-
procilé entre les covariants des diverses fonctions, par
où il ouvre dans cette théorie un grand et fécond champ
de recherches. En même temps, par ses Mémoires sur
l'introduction des variables continues dans la Théorie
des nombres, où semblait devoir régner exclusivement
la discontinuité, Hermite raltachait les admirables dé-
couvertes de Gauss à un ordre d'idées nouveau qui lui
permettait de les poursuivre dans un plus vaste domaine.
Nous rencontrons ici une vérité qu'Hermite fait res-
sortir dans lous ses (ravaux et qu'il se plaisait à répéter
dans son enseignement : c'est l'unité profonde des
Mathématiques, depuis la Physique mathématique jus-
qu'à la Théorie des nombres; c'est l'appui mutuel que
se prêtent les diverses parties d'une même Science, la
Théorie es variables continues à l'Arithmétique supé-
rieure, la Géométrie aux problèmes a'intégration, la
Théorie des fonctions à la classification des incommen-
surables. C’est ainsi que l'étude des formes arithmé-
tiques conduisit Hermite à la découverte de groupes
discontinus de transformation, de la nature de ceux
que deux éminents mathématiciens francais ont em-
ployés, plus tard, pour la construction des fonctions
fuchsiennes et hyperfuchsiennes. Hermite à, d’ailleurs,
étudié d’une manière approfondie le type le plus simple
de ces fonctions : la fonction modulaire; son nom reste
ainsi lié à ces nouvelles fonctions, dont ila fait une
application d’une importance capitale à la résolution de
l'équation du cinquième degré. Il ne s’agit pas là d'une
résolution numérique qui peut se faire approximati-
vement pour un degré quelconque, mais de la mise en
évidence des relations qui unissent les cinq racines
entre elles et caractérisent leur mole d'existence
pour donner une idée de la méthode d'Hermite, qu'il
est impossible d'analyser ici, on peut dire qu'elle pré-
sente une analogie lointaine avec la méthode élémen-
taire de résolution trigonométrique de l'équation du
troisième degré.
Quoique arrivé à la vie scientifique dans un fenps où
les principales propriétés des fonclions elliptiques
étaient déjà découvertes par Abel et Jacobi, Hermite
3
110
CHRONIQUE ET CORRESPONDANCE
a fait faire de grands progrès à la théorie de ces fonc-
tions en la ramenant à quelques principes généraux
avec l’aide des méthodes de Cauchy : on lui doit notam-
ment une formule de décomposition en éléments simples
essentielle pour l'intégration, une étude approfondie
des fonctions qu'il a appelées doublement périodiques
de deuxième et de troisième espèces; ici encore se
rencontrent de belles applications, bien inatt:ndues,
à l’Arithmétique : des identités entre des séries obte-
nues dans la théorie des fonctions doublement pério-
diques conduisent, avec une facilité surprenante, à des
théorèmes profonds sur lathéorie des nombres.
En 1885, parut un ouvrage d'Hermite intitulé : Sur
quelques applications des fonctions elliptiques; le point
de départ de ces applications est l'intégration d'une
équation différentielle du deuxième ordre, appelée équa-
tion de Lamé; Hermite montre que celte équation peut
toujours être intégrée par des fonctions doublement
périodiques de deuxième espèce : il rattache ensuite à
cette intégration de nombreuses applications des fonc-
tions elliptiques à la Mécanique et à la Physique mathé-
matique. Cet ouvrage, en dehors de son immense intérêt
analytique, a été de la plus grande utilité aux méca-
niciens et aux astronomes.
Dans cette rapide revue, nous nous limitons aux
idées essentielles, nous ne montrons en quelque sorte
que les sommets; c'est pourquoi nous ne pouvons pas-
ser sous silence un travail qui apparait comme un roc
isolé et splendide dans le domaine presque inexploré
des incommensurables : les recherches d'Hermite sur la
généralisation des fractions continues ont été cou-
ronnées par la démonstration de la transcendance du
nombre 6, dans un Mémoire qui est un modèle de pro-
fondeur et d'élégance; les méthodes créées à cet effet
par le génie d'Hermite ont permis, peu après, à un
géomètre allemand, d'établir la transcendance du
nombre x, c'est-à-dire l'impossibilité de la quadrature
du cercle.
Après le savant, l'homme et le professeur. Hermite !
Quel mathématicien contemporain n'évoque à ce nom
une figure puissamment expressive, au front génial,
aux yeux profonds, comme fixés sur un monde mysté-
rieux, invisible aux profanes! Pour Hermite, les Mathé-
matiques avaient une existence propre, extérieure au
penseur : elles formaient un monde d'harmonieuse fala-
lité, qui était comme le support de l'univers matériel.
Spiritualiste convaincu, il pensait que l'âme aurait un
jour la révélation complète de ces harmonies mathé-
matiques dont un reflet seul est accessible à l'intelli-
rence humaine. Son influence sur le mouvement ma-
ématique du x1x° siècle a élé capitale, non seulement
pa lécouvertes et ses publications, mais par
l'exemple de sx vie entièrement consacrée à la Science,
par les conseils personnels et directs qu'il ne refusait à
aucun chercheur, par lès idées et les encouragements
bienveillants qu'il donnait à ses élèves en pénétrant
dans leurs vues plus loin qu'ils ne le faisaient eux-
mêmes. Cette influence s'étendit au monde entier, et
la correspondance mathématique d'Hermite, si elle pou-
vait êlre recueillie et publiée, constituerait comme le
tableau de la vie mathématique des soixante dernières
années du siècle. Les sentiments des mathématiciens
du monde entier se manifestèrent à cet égard d'une
façon éclatante, à l'occasion du soixante-dixième anni-
versaire de la naissance du grand géomètre : en 1892,
un Comité de mathématiciens étrangers et francais se
forma et ouvrit une souscription dans le but d'offrir à
Hermite, en témoignage de respectueuse admiration,
une médaille à son effigie, dont l'exécution fut confiée
à M. (haplain. Pas un mathématicien ne resta étranger
à la sou<cription, et le 24 décembre 1892, les amis et
admirateurs d'Hermite se réunirent à la Sorbonne,
sous la présidence du ministre de l’Insturtion publi-
que, pour lui offrir l’œuvre du célèbre graveur.
A partir de 1862, Hermite a été conduit à prendre une
part des plus actives à l'enseignement : l'heureuse ini-
lialive de Pasteur fit créer pour lui une conférence à
l'Ecole Normale : il fut ensuite professeur à l'Ecole
Polytechnique en 1867, et à la Faculté des Sciences à
la Sorbonne en 1869. Ses cours à l'Ecole Polytechnique «
ont été autographiés et seront un jour imprimés :il a
rédigé lui-même et publié la première partie de cet
enseignement dans un volume qui est un modele d'ex-
position concise et suggestive, el qui ouvre les portes
des parties les plus élevées de l'Analyse sans généra-
lités inutiles, sans cet appareil de démonstrations et de
formules générales qui masque trop souvent les faits
essentiels. Le cours de la Sorbonne a rempli et occupé
ses dernières années de professeur : rédigé en 1881-82
par un de ses élèves, il a servi de modèle à maint ensei-
nement en France et à l'Etranger; il a eu de nom-
breuses éditions autographiées, revues et modifiées par
Hermite d'apres l’évolution de ses propres idées et les
progrès de la Science. Ce cours a répandu partout,
sous une forme saisissante, les découvertes de Weiers-
trass et de ses élèves sur la théorie des fonctions :
par les exemples choisis pour l'application des théo-
rèmes généraux de cette théorie, Hermite a renouvelé «
l'étude des fonctions elliptiques et des fonctions eulé-
riennes.
En 1897, à l'âge de soixante-quinze ans, Hermite
quitia ses fonctions de professeur à la Sorbonne, malgré
les instances de M. le Directeur de l'Enseignement
Supérieur et des professeurs de la Faculté des Sciences :
son activité mathématique ne se ralentit pas un instant,
et encore, dans ces derniers temps, il échangeait avec
un géomètre ilalien une correspondance mathématique
dont il vient de paraître des extraits dans les Anuali di
Matematica.
Hermite est mort le lundi 14 janvier 1901, laissant pour
l'histoire un nom impérissable, et pour tous ceux qui
ont eu le bonheur de, l'approcher, le souvenir d’un
homme aussi grand par le cœur que par l'intelligence.
P. Appell,
Membre de l'Académie des Sciences,
Professewr de Mécanique rationnelie
à la Faculté des Sciences de Paris.
P.-Ch.Potain. — Le Professeur Potain, membre de
l'Académie de Médecine et de l’Académie des Sciences, a
succombé le 5 janvier 1901, dans sa soixante seizième
année, emportant dans sa tombe les regrets unanimes
du monde médical, et nous laissant l'exemple d'une
probité professionnelle sans défaillance.
Les qualités de son grand cœur ont été suffisamment
et peut-être trop exclusivement louées. Tout exception-
nelles qu'elles aient été, elles ne doivent cependant pas,
nous dérober le savant que fut Potain et dont nous
voulons mettre ici en pleine lumière les travaux, ainsi
que la trace qu'ils laisseront dans la science médicale.
En 1872, le Docteur Potain, déjà médecin des Hôpi-
taux et agrégé de la Faculté, n'avait cependant publié.
qu'un nombre restreint de travaux, ayant (rail, pour la
plupart, à des recherches sur la physiologie et la patho-
logie du système vasculaire. Elève du Professeur Bouil=
laud, ses goûts de clinicien l'avaient entrainé dans
la voie du mailre, vers l'étude des affections de l’appa-
reil circulatoire. Expérimentateur habile, il suivait,
avec une attention avide d'apprendre, les rech-rches des
physiologistes, auxquelles il s'initiait avec l’aide et les
conseils de son ami le Professeur Marey. Rien cepen-
dant ne l'avait encore distingué. Dans son service,
dont M. Malassez, aujourd'hui directeur au Laboratoire
des Hautes-Eludes, était alors l'interne, venaient,
poussés par une curiosité discrète, des assistants, dans
les moments de liberté que leur laissaient les lecons
magisirales des grands cliniciens en vogue. Tout,
élourdis encore du fracas des phrases pompeuses et
sonores où se complaisaient encore nombre de méde-
cins, derniers reflets de l’enseignement de la fin de
l'Empire, ils entraient avec étonnement dans ces salles
de l'hôpital Necker où Potain faisait alors assidument
son service, entouré de quelques élèves pressés autour
de lui pour ne rien perdre du sens ni de la signili-
cation de la parole éteinte et cependant caplivante du
à
CHRONIQUE ET CORRESPONDANCE
411
mailre. À chaque lit, il s'arrêtait, s'enquérait de tous
les renseignements propres à le guider minutieusement.
Il observait les symptômes, forçait les signes cliniques à
se dévoiler par un interrogatoire minutieux, aidé de
toute l’instrumentation dont le médecin pouvait alors
disposer. Puis, en quelques phrases, les résultats de
cette paliente analyse étaient exposés aux assistants,
avec la synthèse que devait fixer dans leur esprit les
enseignements qui comportait le cas observé. Dans
ces salles si tranquilles, si peu fréquentées encore, on
apprenait plus en regardant agir le maître que dausles
amphithéâtres en vogue, où, trop souvent, le bruit des
paroles tenait lieu d'enseignement,
La contagion s'opéra. On sut enfin que Potain, peu
soucieux de touteréclame, était cependant déjà l'homme
que tout confrère malade désirait avoir à son chevet,
qu'il était compatissant aux malheureux et que, der-
rière celte pitié charitable, se cachait un observateur
sagace et un travailleur acharné. Des anis plus arrivés
que lui, Axenfeld, Parrot, se chargèrent de proclamer,
ce qu'il n'aurait pas voulu entendre lui-même, que le
Dr Potain allait bientôt devenir le premier clinicien de
son temps.
Il le devint, en effet, et le resta jusqu'à sa mort.
Pour une fois au moins cette haute situation ne fut pas
le produit frelaté d'une réclame savamment organisée,
mais bien la conséquence logique d’une valeur scien-
tifique indiscutable,
Le Professeur Potain n'écrivit pas beaucoup, parce
qu'il n'écrivail que ce qui en valait la peine. Seul, le
souci de la vérité à faire connaitre pouvait l'inspirer et
ses travaux portent tous l'empreinte d'une grande pré-
cision unie à une remarquable correction de style.
Aussi les écrits qu'il nous à laissés sont-ils assurés de
laisser dans la science une trace profonde et durable.
Potain fut très peu un théoricien. Doué de connais-
sances élémentaires très précises en Physiologie et en
Chimie, sciences considéréescomme accessoires de la Mé-
decine, il apporta dans l'étude de cette dernière les prin-
cipesde rigoureuse exactitude d'un esprit formé à la disei-
pline des sciences positives. Ses travaux s'étendent sur
l’ensemble de la Médecine, mais ils sont plus spéciale-
ment afférents à la physiologie et à la pathologie du
système circulatoire.
Laënnec, l'inventeur génial de l'auscultation, avait
comme frappé d'ostracisme la sémiologie cardiaque en
avouant que les principes qui l'avaient guidé dans la
connaissance des maladies du poumon ne pouvaient
s'appliquer à celles du cœur, la plupart des bruits patho-
logiques qui servent à les reconnaitre pouvant se pro-
. duire indépendamment d'elles. Bouillaud en avait
appelé de ce jugement en établissant le bilan des signes
. objectifs des diverses affections cardiaques. Mais la
trop grande précision qu'il avait tenté d'apporter
ne s’accordait pas avec la réalité des faits. Trop souvent
encore on restait dans le doute qui avait conduit
Laënnec à la négation.
Il fallait reprendre cette étude par le fond, connaître
la cause des divers bruits que l'on entend à la région
précordiale, leur mode de production, l'importance
qu'ils peuvent avoir en sémiotique. Il fallait aussi
préciser d’une facon plus complète les modifications
physiologiques et pathologiques du rythme cardiaque
et établir enfin les rapports des diverses maladies du
cœur, aux phases variables de leur évolution, avec les
troubles de la circulation périphérique. C'est cette
œuvre considérable qu'entreprit et qu'acheva le Pro-
fesseur Potain.
Depuis le début de sa carrière, où il étudiait les
dédoublements des bruits du cœur, les mouvements et
les bruits qui se passent dans les veines jusulaires, jus-
‘qu'à la fin, où il reprenait l'étude des « bruits de galop »,
— celle des souffles cardio-pulmonaires, etc., cette même
pensée le guidait : asseoir le diagnostic des maladies
4 du cœur sur des données certaines; à la notion d’une
lésion locale d'un organe substituer celle d’une affection
—… d'ordre plus général, à laquelle tout l'organisme par-
ticipe, contre laquelle il lutte au moyen des ressources
presque inépuisables de l'équilibre circulatoire, à
laquelle il succombe enfin quand cet équilibre est défi-
nitivement vaincu. On voit donc quelle ampleur a prise,
sous son impulsion, une étude jusqu'alors réputée aride,
et l’on sait quels merveilleux éclaircissements il y a
apportés.
La synthèse, encore inachevée, et qui sera complétée,
de tous ces travaux est faite dans son livre le plus im-
portant : La Clinique médicale de la Charité, paru en
1895 et dont il nous fit l'honneur de nous confier la
rédaction.
Disons enfin qu'expérimentateur et physiologiste de
première valeur, le Professeur Potain a enrichi la sé-
miotique d'instruments précieux dont l'usage ne périra
pas. Son « mélangeur » destiné à la numération des glo-
bules du sang, l’ «aspirateur » qui porte son nom et qu'il
construisit lorsque son élève affectionné, le Professeur
Dieulafoy, eut, étant son interne, l'honneur de découvrir
l'aspiration et de l'appliquer au diagnostic et au trai-
tement de certaines maladies, son sphygmomano-
mètre, etc., témoignent d'une ingéniosité et d'une
habileté dignes d’un physiologiste accompli.
Le Professeur Potain a formé des générations d'élèves,
A tousil a inculqué, avec l'amour de la Science, le
respect et la conscience du rôle élevé de la profession
médicale. Pendant les quinze ans que nous vécûmes,
pour notre part, dans son intimité, nous n’entendimes
de lui que des paroles pleines d’ardeur pour l'avenir
de la Science et de son pays. Il vécut et mourut en grand
citoyen et en grand savant. Sa mémoire mérite, à ce
double titre, d'être éternellement honorée,
D' H. Vaquez, 7
Professeur agrégé à la Faculté
de Médecine de Paris,
Médecin des Hôpitaux.
L'explorateur Serpa Pinto.— Né le 20 avril 1846,
au château de Polchras, dans le district de Vizeu, l'ex-
plorateur portugais Alexandre-Albert da Rocha Serpa
Pinto est mort à Lisbonne dans les derniers jours de
décembre 1900. Il fut l’un des principaux agents du
Portugal, daus la part que prit cette Puissance à l’ex-
ploration et à la conquête européennes de l'Afrique,
pendant le dernier quart du xix° siècle.
Depuis le xvi° siècle, les Portugais étaient établis sur
quelques ppints des côtes occidentale et orientale, à
Saint-Paul de Loanda, à Benguela, à Quelimane, à Mo-
zambique. Mais depuis trois cents ans, ils n'avaient,
nonobstant quelques efforts sans suite d’aventuriers
ou de gouverneurs, ni exploré, ni conquis l'intérieur
du pays. Vers 1875, les succès des voyageurs étrangers
les réveillèrent de leur torpeur. Il leur parut honteux
de laisser à un Livingstone ou à un Cameron la gloire
d'explorer un pays qu'ils considéraient comme leur
domaine virtuel. Sur l'initiative de la Société de Gèo-
graphie de Lisbonne et de la Commission géogra-
phique permanente du Ministère de la Marine, le Par-
lement vota les fonds nécessaires à l'équipement d'une
grande Expédition géographique. Un officier, Serpa
Pintd, qui avait déjà accompli un voyage sur le Zam-
bèze en 1869 et qui possédait les notions scientifiques
requises en la circonstance, fut désigné pour en pren-
dre le commandement.
En novembre 1877, il quitte Benguela et, en mars 1878,
atteint Bihé, par une contrée jusqu'alors inexylorée.
Là, il se sépare de ses deux subordonnés, Brito Capello
et Ivens, qui, eux aussi, devaient acquérir une certaine
notoriété dans l’histoire de l'exploration africaine.
Poursuivant sa marche vers l'Est, Serpa Pinto traverse
le plateau de Congala, d’où partent le Cubango qui
aboutit au lac Ngami, le Cuando, affluent du Zamhèze,
et le Cuanza qui se jette dans l'Atlantique. De là, il
atteint le Zambèze en franchissant d'immenses éten-
dues marécageuses, dans lesquelles l'expédition faillit
périr d'inanition. Au Zambeze se termina le voyage de
Serpa Pinto en pays inconnu. Il avait encore d’autres
4112
projets, mais une attaque des indigènes ayant mis ses
hommes en fuite, il se décida à descendre le fleuve
jusqu'aux chutes Victoria ; il se résignait ainsi à suivre
les traces de Livingstone. Fatigué et malade, il eut la
bonne fortune de rencontrer le pasteur français Coil-
lard, qui, accompagné de sa femme et de sa sœur, évan-
gélisait les paiens des bords du Zambèze. En leur com-
pagnie, Serpa Pinto gagna la mission de Chochong, puis
Prétoria, où il arriva le 12 février 1879, et le Natal.
Cette expédition excita en Europe un grand enthou-
siasme. La Société de Géographie de Paris décerna à
Serpa Pinto sa plus haute récompense, sa grande mé-
daille d’or, la Société de Géographie de Londres sa
« Founder's Medal », et le président, lord Aberdare, en
lui remettant la médaille, célébra « le courage surpre-
nant, l'endurance, la force d'âme, la patience déployées
par cet homme remarquable, qui lui permirert de
vaincre des obstacles et des difficultés dont jusqu'alors
aucun voyageur n'avait triomphé ». Ce langage nous
parait maintenant quelque peu exagéré; les succès
inouis remportés depuis vingt ans dans l'exploration
africaine nous ont rendus exigeants, et aujourd'hui
nous louerions sans doute plus modérément les résul-
tats d’un pareil voyage. Serpa Pinto venait certaine-
ment d'accomplir des découvertes de détail intéres-
santes, mais, à tout prendre, il n'avait rapporté la solu-
tion d'aucune grande question géographique.
Ce premier voyage avait un caractère exclusivement
scientifique; en 1884, il en entreprit un second qui
échoua. Mais, en 1889, ilrevint en Afrique, chargé cette
fois d’une mission politique. Depuis près de trente ans,
des missionnaires anglais s'étaient établis au sud du
lac Nyassa, sur les plateaux qui dominent le Chiré,
cette grande rivière qui porte au Zambèze les eaux du
Nyassa; ils y avaient fondé le village de Blantyre. En
1889, le Gouvernement se proposa d'affermir officielle-
ment son autorité dans cette contrée. Harry H. Johns-
ton, consul anglais à Mozambique, qui préludait alors à
une brillante carrière africaine, recut mission de con-
clure des traités d'amitié avec les chefs indigènes, par
lesquels ceux-ci ne devaient contracter aucun engase-
ment avec une puissance européenne quelconque, sans
le consentement du Gouvernement britannique. Or,
depuis des siècles, les Portugais se considéraient comme
les possesseurs de tout le bassin du Zambèze, et Serpa
Pinto fut envoyé pour sauvegarder sur place ces droits
séculaires. Harry H. Johnston rencontra Serpa Pinto,
dans un camp, au-dessous du confluent du Chiré et du
Ruo; il lui üunt le langage suivant: « Votie Gouverne-
ment nous à alfirmé que votre Mission avait pour objet
le Haut-Zambèze et non le Chiré. En conséquence, si
vous entamez quelque action politique au nord du Ruo,
que nous considérons provisoirement comme la limite
portugaise, vous m'obligerez de mon côté à dépasser
mes instructions immédiates et à protéger effective-
ment les intérêts du Gouvernement britannique. Si
vous désirez seulement passer dans le pays, pour faire
des observalions scientifiques, nous voyagerons en-
semble et je m'emploierai à éviter toute opposition de
la part des indigènes Mäkololo. »
Serpa Pinto répondit évasivement. Il n'osa pas fran-
chir personnellement le Ruo, maïs son subordonné, le
lieutenant Coutinho,envahitleterritoirecontesté.llallait
atteindre Blautyre, quand, le 411 janvier 4890, lord Salis-
bury mit formellement le Gouvernement portugais en
demeure de rappeler ses troupes. On sait que cet ulti-
matum souleva en Portugal une émotion publique, qui
se manifesta par l'attaque du consulat anglais de Porto,
par la suppre-sion de l'enseignement de l'anglais dans
les écoles publiques, etc... Le conflit se termina par
le traité du 20 mai 1891, qui délimita les zones d'in-
{luence respectives de la Grande Bretagne et du Portu-
gal dans la région du Zambèze.
Serpa Piuto ne réussit pas à conserver le Chiré au
Portuxal; mais, sans sa présence sur le Zambèze, peut-
être la part terriloriale de son pays eût-elle été encore
plus réduite.
CHRONIQUE ET CORRESPONDANCE
Depuis dix ans, Serpa Pinto était entré dans la
retraite. Il ne comptera pas parmi les plus grands
« africanistes » du siècle qui vient de finir, mais figu-
rera au premier rang des voyageurs portugais qui
marchèrent sur les traces de leurs illustres devanciers
du xv'et du xvi siècles. Henri Dehérain,
Doctewr ès lettres,
Sous-bibliothécaire de l'Institut.
$ 2. — Physique du globe
Valeur absolue des éléments magnétiques
au 1% janvier 1901. — Pendant l'année 1900,
comme pendant les années précédentes, les observa-
tions magnétiques ont été continuées, en France, régu-
lièrement et sans lacunes, dans les Observatoires du
Parc Saint-Maur, de Perpignan et de Nice. Les {rois
stations sont pourvues d'appareils identiques : un ma-
gnétographe de M. Mascart et des boussoles de Brurner
pour la mesure absolue de la déclinaison, de l’inclinai-
son et de la composante horizontale. Les courbes de va-
riation, dont les repères sont fréquemment vérifiés,
sont dépouillées pour chaque heure du jour.
Le développement récent des lignes de tramways
électriques dans la banlieue Est de Paris a rendu très
difficile le dépouillement des courbes magnétiques de
l'Observatoire du Parc Saint-Maur, le champ terrestre
étant troublé par des courants dérivés dus au retour du
courant principal par la Terre. Préoccupé de cette
situation, M. Mascart a obtenu la concession de la pro-
priété domaniale du Val-Joyeux, située à Villepreux
(Seine-et-Oise), en vue d’y continuer les études de ma-
gnétisme terrestre élablies en 1882 au Parc Saint-Maur.
Un pavillon vient d'être construit dans cette nouvelle
station et un magnélographe y fonctionne régulière-
ment depuis le 26 décembre 1900.
Les valeurs des éléments magnétiques au 1° jan-
vier 1901 pour les quatre stations, sont déduites de
toutes les valeurs horaires relevées le 31 décembre 1900
et le 1% janvier 1901, rapportées à des mesures abso-
lues faites aux dates qui précèdent et suivent immédia-
tement le 1°" janvier.
Les observations de Perpignan continuent d'être faites
par M. Cœurdevache sous la direction de M. le docteur
Fines et celles de Nice par M. Auvergnon. An Val-
Joyeux, elles ont élé confiées, sous la direction de
M. Moureaux, à M. Itié, aide-météorologisie, attaché
depuis dix ans au Service marnétique.
Voici, d'après M. Moureaux, les valeurs absolues des
éléments magnéliques au 1°" janvier 1901 :
PARC
ST-MAUR VAL-JOYEUX PERPIGNAN NICE
00993E 001923W 003245E 405748 EM
Longilude. . .
Latitude nord. 48048134 4804916 420498 440437
Déclinaison occi-
dentale . 1404318 A5o1440 13034177 AMo57/9ÿ
Inclinaison . . . 640519 5405919 590575 6009'0
Composante hori-
zontale . . . 0,19755 0,19662 0,22450 : 0,22425
Composante ver-
ticale 2 0000,42106 00/2167 0,38819 0,39077
Conipuosantenord, 0,19106 0,1897L 0,21822 0,21938
Compos. ouest . 0,05168 0,05271 0,04650
Force totale. . . 0,46510 0,46520 0,24844 0,4505%
La différence de longitude entre le Val-Joyeux et le
Parc Saint-Maur était de 29/, la déclinaison devait dif- »
férer s'ulement de 13! environ : l'écart observé est de
#06. D'autre part, la latitude des deux stations est sen-
siblemeut la même; et leur distance est faible (36 ki-
lomètres): l'inclinaison et la composante horizontale
devraient avoir à peu près la mème valeur dans les
deux stations; or, au Val-Joyeux, l'inclinaison est plus
grande de 8! et la composante horizontale plus faible de
0,00093 qu'au Pare Saint-Maur. Ces écarts liennent au
fait que le nouvel Observatoire est situé «ans la région
soumise à l'anomalie magnétique du bassin de Paris.
La variation séculaire des différents éléments résulte
de dt
XL:
CHRONIQUE ET CORRESPONDANCE
113
de la comparaison entre les valeurs actuelles et celles
du 1° janvier 1900. Voici cette variation :
PARC ST-MAUR PERPIGNAN NICE
-Déclinaison. . —3!178 —5!48 —3!18
Inclinmson . . . . . . . —3!3 —2'00 —1!%
Composante horizontale. +0,000%% —-0,00029 +0,00009
Composante verticate. . —0,00011 —0,00002 —0,00022
Composante nord. . . . <+0,000%8 +-0.00036 +0,0001%
Composante ouest. . . . —0,00010 —0,00028 —0,00023
Force totale . . . . . , “+-0,00009 --0,00013 —0,00015
.De 1883 à 1898, d'une manière générale, la variation
séculaire de la déclinaison était plus grande et celle
de l'inclinaison plus faible dans le nord que dans le
midi de la France : le tableau précédent montre que
c'est le contraire depuis deux années.
$ 3. — Chimie
_ Conférences de l'Institut Pasteur: Les Fal-
sifications des Alcools et Eaux-de-vie. —
. Le Service d'Analyse et de Chimie appliquée à l'Hygiène,
qui vient d'être créé à l'Institut Pasteur et mis sous la
direction de M. Trillat, a récemment inauguré la série
de ses conférences, destinées à compléter les lecons et
les mauipulations faites dans le laboratoire.
M. Duclaux, directeur de l’Institut Pasteur, a rappelé
d'abord le but du nouveau Service, qui est l’enseigne-
ment de l'Analyse au point de vue alimentaire, phar-
maceulique et médical, et l'étude des questions qui s'y
rattachent. Ce Service comporte donc tout le cycle des
méthodes analytiques et surtout l'interprétalion des
résultats : il sera d’une extrême utilité, car la Science,
l'Industrie et les tribunaux ont besoin de bons ana-
lystes, et jusqu'à ce jour on n'avail pas songé à grouper
les méthodes analytiques d'un enseignement spécial.
M. Rocques a ensuite traité de la falsification des
eaux-de-vie et indiqué les procédés analytiques qui
permettent de dépister et de doser les impuretés de
ces liqueurs; nous emprunterons à sa conférence les
indications suivantes :
L'analyse chimique, ayant été complétée par la dé-
gustation, il reste à interpréter les résultats obtenus et
à en tirer des conclusions. C’est la partie la plus déli-
cate de la tâche du chimiste : il doit y apporter une
grande prudence. Les questions qu'il a le plus fréquemm-
ment à résoudre sont, en effet, celles-ci : Une eau-de-
vie (cognac, marc, kirsch, etc.) est-elle pure, ou est-elle
additionuée d'alcool d'industrie, ou est-elle uniquement
composée d'alcool d'industrie aromatisé par des es-
sences ? A-t-on fait usage d'alcool d'industrie neutre,
c’est-à-dire bien rectifié, ou d'alcool d'industrie impar-
faitement rectifié ? Enfin, a-t-on fait entrer, dans un
coupage d'eau-de-vie, de l'alcool méthylique ?
Pour résoudre ces questions, il faut prendre en con-
sidération ies caractères que présentent à l'analyse et à
Ja dégustation les malières premières susceptibles d’en-
trer dans la compusition des eaux-de-vie Ces matières
premières sont : 1° Les eaux-de-vie naturelles : c’est-
à-dire les eaux-de-vie pures de vin, de marc, de cidre,
de cerises, etc. ; 2° Les a/cools d'industrie neutres, c’est-
à-dire bien rectifiés et débarrassés par la rectifica-
tion de leurs impuretés et du bouquet originel (bette-
raves, mélasses, grains); 3° Les alcools d'industrie mal
rectiliés.
Le premier groupe est caractérisé : 1° à l'analyse,
par une teneur a:sez élevée en impuretés; 2° à la dé-
gustation, par le bouquet agréable et distinctif de
chaque sorte d’eau-de-vie.
Le serond groupe ne présente à l'analyse qu'une très
petite quantité d'impuretés et la dégustation n’y décèle
aucun bouquet spécial; d’où son nom d'alcool neutre.
_ Enfin, le troisième groupe est caractérisé par une
teneur assez élevée en impuretés et par des qualités
organoleptiques distinctives permettant au dégustateur
d’en reconnaitre l'origine.
nature
Dans l'appréciation des résultats de l'analyse, trois
cas peuveut se présenter :
1° Si la teneur en impuretés est élevée, on se trouve
en présence soit d'une eau-de-vie naturelle, soit d'une
eau-de-vie coupée au moyen d'alcool d'industrie mal
reclifié ;
20 Si la teneur en impuretés est faible, le liquide à
examiner est, soit une eau-de-vie naturelle coupée avec
de l'alcool d'industrie neutre, soit un alcool de fantai-
sie fait avec de l'alcool d'industrie mal rectilié;
3° Enfin, si la teneur en impuretés est presque nulle;
il s'agit d'une eau-de-vie de fantaisie composée avec de
l'alcool d'industrie neutre.
Dans ces divers cas, il suffit de vérifier par la dégus-
tation s'il y a ou non de l'alcool d'industrie mal rectifié
dans le liquide à analyser. Le rôle de la dégustation se
trouve aiusi borné à une constatation assez facile à
faire.
M. Rocques s'est principalement élendu sur la
recherche des fraudes du cognac. Il a montré que les
eaux-de-vie de cognac authentiques sont caractérisées
chimiquement de la manière suivante :
4° Coefficient total d'impuretés (somme des impu-
retés volatiles exprimées en grammes et par hectolitre
d'alcool à 100°) égal à environ 400;
20 Somme d alcools supérieurs et éthers (exprimée
également en grammes par hectolitre d'alcool à 100°)
évale à environ 300 ;
3° Coellicient d'oxydation (proportion, pour 100 par-
ties d'impuretés totales, de la somme des produits
d'oxydation : acides et aldéhydes) variant entre 8 et 36,
suivant le mode de distillation et l'âge des eaux-de-vie.
Les produits d'oxydation augmentent par le vieillisse-
ment et le coefficient d'oxydation permet de se rendre
compte, jusqu'à un certain point, de l’âge d'une eau-
de-vie ;
4° Rapport entre les alcools supérieurs et les éthers
généralement compris entre 1 et 2 dans les cognacs
authentiques.
Au sujet des kirschs, l'analyse montre, pour les
kirschs authentiques, la présence d'une quantité d'acide
cyanhydrique comprise généralement entre 25 et 100
milligrammes par litre, d'un coefficient total d’impu-
retés assez élevé (300 à 400) et l'absence d’aldéhyde
benzoïque. Les kirschs de fantaisie sont, au contraire,
caractérisés par l'absence presque complète d'acide
cyanhydrique, la faiblesse du coefficient d'impuretés,
et la présence d’aldéhyde benzoïque.
Parlant de ces diverses falsifications, le conférencier
à ajouté qu'il serait désirable de voir adopter par le
commerce des désignations indiquant exactement la
des eaux-de-vie mises en vente, C'est ainsi
que le mot « Cognac » devrait servir à désigner uni-
quement les eaux-de-vie de vins des Charentes distil-
lées à la manière charentaise. Les imitations de Cognac
devraient être désignées sous le nom de Cognac de
fantaisie. Non seulement les négociants français de-
vraient adopter ces désignations pour la France, mais
ils devraient réagir contre l'emploi abusif que les distil-
lateurs étrangers font du mot cognac. La Conférence
internafionale de Madrid de 1892, à laquelle ont adhéré
les Puissances étrangères, a décidé que les appellations
régionales de proveuance de produits viticoles ne pour-
ront jamais être considérées comme génériques. Le
mot cognac appartirnt donc à la France seule et, si
nos nationaux ne doivent pas en faire un usage abusif,
ils devraient aussi s'opposer à l'adoption de cet usage à
l'Etranger.
$ 4. — Botanique.
Un Café sans caféine. — Quand on compare
entre elles certaines espèces végétales, on est quelque-
fois surpris d'y trouver des différences de composition
chimique que ne laissaient nullement prévoir leurs
caractères extérieurs. On est ainsi conduit à se de-
mander s'il n'y à pas lieu de faire intervenir ces
114
CHRONIQUE ET CORRESPONDANCE
différences dans la détermination des espèces el même
à concevoir, tout au moins dans l'avenir, un système
de classification plus en rapport avec l’ensemble des
notions biologiques, système qui liendrait compte,
non seulement de la forme extérieure et de l'anatomie
des organes, mais encore de leur fonction physiolo-
gique.
Ce sont, du moins, les conclusions qui découlent tout
naturellement du travail que M. Gabriel Bertrand vient
de publier sur la composition chimique du café de la
Grande-Comore.
Le café en question croît spontanément dans. l'ile,
où il a été trouvé par le voyageur Humblot. Au point
de vue botanique, c'est une espèce mal définie, sans
caractère précis. Baïllon, qui l’a examiné tout d'abord,
a pensé que ce pouvait être une espèce nouvelle et l’a
désignée sous le nom de Coffea Humblotiana, tandis
que Froehner, dans sa Monographie du genre Coflea,
admet que c'est tout simplement un variété de Coffea
arabica L.
Or, M. Gabriel Bertrand, ayant analysé les grains de
ce café, n’y a point trouvé trace de caféine, contraire-
ment à ce qui a lieu pour les espèces connues jusqu'ici,
notamment pour le Café ordinaire d'Arabie, lequel,
transporté et cultivé en des points très différents du
globe, contient entre 8 et 17 grammes de l’alcaloïde
par kilo. A la Grande-Comore mème, le Collea arabica
renferme 13 gr. 4 de caféine.
Il semble donc bien qu'on doive mettre ici hors de
cause une influence de sol ou de climat et, par suite,
qu'il faille attribuer à la composition chimique excep-
tionnelle du café de la Grande-Comore la valeur d’un
véritable caractère spécifique, venant confirmer la dé-
termination de Baillon.
Une telle application de la Chimie à la Systématique
peut paraître, au premier abord, un peu hardie; ce
n'est, cependant, qu'une extension aux êtres supérieurs
d'une méthode de diagnose qui a rendu de grands ser-
vices dans l'étude des levures et des microbes. Il faut
souhaiter qu’elle se généralise.
$ 5. — Zoologie
Ia Fécondation chimique des œufs d’Our-
sin. — Les recherches si étonnantes de Loeb sur la
fécondation chimique des œufs (voir Revue générale
des Sciences, 30 décembre 1900) viennent d’être con-
firmées par Wilson (Science, vol. XII, janvier 1901) : il
a traité des œufs non fécondés de T'oxopneustes par
des solutions de chlorure de magnésium, suivant la mé-
thode de Loeb ; ces œufs donnent) des embryons,
dont les noyaux sont par conséquent d'origine pure-
ment maternelle ; en effet, durant la segmentation, le
nombre des chromosomes est la moitié du nombre
usuel, 18 au lieu de 36 (résultattout à faiten désaccord
avec celui de Delage, qui a trouvé le nombre normal de
chromosomes dans ses œufs mérogoniques, ne renfer-
mant que le noyau paternel). Ces œufs présentent des
asters avec centrosomes, qui se multiplient par divi-
sion ; il peut donc se former dans l'œuf des centrosomes
fonctionnels, alors même qu'il n’y a point pénétré de
spermatozoïide, et par conséquent pas de spermocentre.
Les asters et centrosomes se forment de même dans
des œufs non fécondés, énucléés avant le traitement
par le chlorure de magnésium, ce qui. prouve qu'ils
sont d'origine cytoplasmique, et tout à fait indépendants
dn noyau.
$ 6. — Sciences médicales
La Cryoscopie du sang dans la Fièvre ty-
phoïde. — La cryoscopie des liquides organiques, dont
les applications cliniques ne datent que de quelques
années, a déjà mis en lumière un grand nombre de
faits touchant au diagnostic et au pronostic de cer-
taines maladies. C'est à ce titre qu'il nous semble inté-
ressant de signaler un travail’ fort intéressant de
M. Waldvogel sur le point de congélation du sang dans
la fièvre typhoïde. Les recherches faites par M. Wald-
vogel, sur 27 typhiques de la Clinique du Professeur
Ebstein, lui ont permis de dégager les conclusions sui-
vantes.
D'une facon générale, le point cryoscopique du sérum
des typhiques est au-dessus de la normale. Ce point étant
pour le sérum normal de 0°,56 les valeurs que M. Wald-
vogel a trouvé chez ses typhiques oscillaient entre 0°,63
et1°,68, sauf dans un cas où le point cryoscopique était de
00,54. Or — et c’est là le fait qui est particulièrement
intéressant pour le clinicien — chaque fois que le
point cryoscopique se trouvait au-dessous de la nor-
male ou la dépassait de peu, la fièvre typhoide se
terminait par la mort. Ainsi, chez les trois malades qui
ont succombé, la cryoscopie du sérum a donné les
chiffres respectifs de 0°,65, de 0,63 et de 0°,54; un ma-
lade dont le sérum donnait un point cryoscopique de
00,56 a eu une fièvre typhoïde excessivement grave, et
bien qu'il n'ait plus de fièvre à l'heure actuelle, sa gué-
rison est encore très problématique. Inversement, les
points eryoscopiques les plus élevés ont été observés
chez les malades dont la fièvre typhoïde a évolué d’une
facon légère ou encore chez les convalescents.
Quelles sant les causes qui amènent une élévation du
point cryoscopique du sérum des typhiques?
Pour répondre à cette question, M. Waldvogel a suc-
cessivement étudié toutes les causes (état de la cir-
culation et de la respiration, fièvre, diarrhée) qui
peuvent amener une modification dans la composition
du sang, et trouvé qu'aucune de ces causes ne peut
être incriminée. Il a encore constaté que ces malades
n'ont pas de néphrite et que, par conséquent, iln’y a pas
de rétention, dansle sang, des matières s’éliminant par
l'urine. Du reste, chez ces malades, le point cryoscopique
de l'urine est le plus souvent normal et, en second lieu,
un point cryoscopique élevé du sang ne s'accompagne
pas toujours, chez eux, d’un abaissement du point de
congélation de l'urine.
Le seul fait positif que M. Waldvogelatrouvé chez ces
malades, c'est que leur sérum est plus riche en azote que
le sérum normal. Aussi se demande-t-il si l'élévation
du point cryoscopique ne serait pas en rapport avec la
quantité d’antitoxines et d'agglutinines spécifiques qui
se trouvent dans le sang de ces malades. Ainsi s’expli-
querait la gravité de la fièvre typhoide dans les cas où
lé sérum, contenant peu d'antitoxines, donne un point
cryoscopique faible; inversement, l'existence d'une
grande quantité d’antitoxine, amenant une élévation du
point de congélation du sérum, nous ferait comprendre
l’évolution bénigne de la maladie.
M. Waldvogel se croit donc autorisé à conclure de
ses recherches que : 1° dans la fièvre typhoïde, l’éléva=
tion du point eryoscopique est en rapport avec la
formation des antitoxines; 2° si, dans un cas donné de
fièvre typhoide, le point cryoscopique du sérum est
situé au-dessous de 0°,60, le pronostic devient très
grave.
$ 7. — Géographie et Colonisation
Érection d’un monument à Paul Blanchet.
— Un Comité présidé par M. Cagnat, de l’Institut, et
dont font partie MM. Dereims, H. Dehérain, Saladin,
Pingaud, ete., vient de se conslituer pour élever à
Dakar un monument funéraire à la mémoire de Paul
Blanchet, ce jeune explorateur enlevé par la fièvre
jaune au moment où il venait d'achever un périlleux
voyage dans le Sahara occidental.
Les souscriptions sont recues par M. L. Mazerolle,
secrétaire du Comité, 91, avenue Niel, Paris (17°).
1 WaLovoceL : Das Verhalten der Blutgefrierpunktes beinx
Typhus abdominalis. Deut. med, Wochenschr., 1900, n° 46.
M. BRILLOUIN — JOSEPH BERTRAND : SON ENSEIGNEMENT AU COLLÈGE DE FRANCE
115
JOSEPH BERTRAND
SON ENSEIGNEMENT AU COLLÈGE DE FRANCE:
Messieurs,
La Physique n’est enseignée au Collège de France
que depuis un peu moins d'un siècle et demi.
Seules parmi les sciences, les Malhématiques ont,
dès l’origine du Collège, été l’objet d’un enseigne-
ment régulier, à côté de la Philosophie et des Lan-
gues orientales et anciennes. L'une des deux chaires
de Philosophie grecque et latine, depuis longtemps |
réservée à la culture scientifique, et qu'avait illus-
trée Varignon de 1694 à 1722, élait occupée depuis
trois ans par le mathématicien Jean Cousin, lors-
qu'en 1769 elle devint la chaire de Physique gé-
nérale.
Cousin y enseigna, jusqu'en 1800, tantôt le Cal-
cul différentiel et intégral, lantôt la Mécanique,
tantôt la Mécanique céleste. Il eut pour successeur
en 4801, Biot, qui en resta titulaire jusqu'à sa mort,
survenue en 1862, et fut remplacé immédiatement |
par M. J. Bertrand. C'est vers le commencement du
siècle, à une époque que la disparition des archives
en 1823 nous laisse ignorer, qu’une chaire de Mé-
canique, occupée par Lefèvre-Gineau depuis 1786,
fut transformée en chaire de Physique générale et
expérimentale, et que la chaire de Biot prit le titre,
qu'elle porte encore aujourd'hui, de Physique géné-
rale et mathématique.
La chaire de Physique générale et mathématique
n'a donc eu jusqu'ici que trois titulaires :
Cousin, de 1766 à 1801 ;
Biot, de 1801 à 1862;
Joseph Bertrand, de 1862 à 1900.
Mais, à ne considérer que les lilulaires, on se ferait
une très fausse idée de la variété de l’enseigne-
ment et du nombre des professeurs qui s’y sont suc-
cédé. Dès 1816, Biot se faisait remplacer par Cau-
chy, qui enseigna — « en cas d'absence ou de
maladie du professeur », telle était la formule —
de 1816 à 1830. Puis, vinrent Lévy (1830-1832), le
trop célèbre Libri (1832-1835), Pontécoulant (1835-
1836); puis, Liouville (1837-1843), Le Verrier (1843-
1846), Delaunay (1846) et enfin M. Joseph Bertrand
en 1847.
Biot, aussi astronome ou géodésien que physi-
cien, avaibdonné le Lon à son enseignement; l’Ana-
lyse, la Mécanique ralionnelle, la Mécanique céleste
tiennent infiniment plus de place dans les pro-
1 Lecon d'ouverture du Cours de Physique générale et ma-
thématique au Collège de France, le 19 décembre 1900.
grammes annuels que la Physique mathémathique.
Des programmes des lecons de Cauchy, un seul
nous à été conservé, celui de l’année 1827-1898 :
« Méthodes générales à l’aide desquelles on peut
résoudre les principales questions de Physique ma-
thématique. »
Liouville a traité successivement : des méthodes
générales d'intégration en Physique mathématique ;
de l'équilibre électrique et des problèmes analo-
gues; de la précession et de la nutation; des in-
tégrales définies et de leurs applications; de la
Mécanique rationnelle el ses applications; des
théories de Laplace, Fourier et Poisson en Physique
mathémalique; des forces inversement proportion-
nelles au carré de la distance et des phénomènes
| physiques qu'elles produisent. Le Verrier et Delau-
nay revinrent à la Mécanique céleste.
Depuis l’année 1847, c'est Joseph Bertrand qui
occupa effectivement la chaire, d’abord remplaçant
en cas d'absence ou de maladie le titulaire, Biot,
puis titulaire lui-même, après la mort de Biot.
Né en 1822, M. Bertrand n'avait, en 1847, que
vingt-cinq ans; d’autres, à cet âge, donnent à peine
des espérances; c'était de ses travaux, el non des
moindres de sa longue carrière, que se recomman-
dait déjà le tout jeune remplaçant de Biot. Dès
1839, élève à l'Ecole Polytechnique, il avait publié
dans le Journal de Liouville une Note sur quelques
points de la Théorie de l'Électricité, dans laquelle,
parlant de l'équation de Poisson, il démontrait très
simplement :
1° Que l'électricité se porte à la surface des con-
ducteurs ; 2° Que la densité superficielle est nulle
au point de contact de deux conducteurs de forme
quelconque; 3° Que la densité superficielle est
infinie à l'extrémité d’une pointe ou d’une arête
vive; d’où le pouvoir des pointes: 4° Que l'expres-
sion (4ry.) de la force électrique au voisinage de la
surface d’un corps électrisé est valable quelle que
soit la distribution de l'électricité dans la profondeur
très pelite de la couche mince; 5° Que la distribu-
tion superficielle sur une sphère est incompatible
avec toute loi d'action autre que la loi de CGoulomb.
Ces énoncés suffisent pour caractériser, dès ce
premier travail, la curiosité propre à M. Bertrand,
en Physique mathémalique : c'est avec le goût des
démonstrations simples et directes, la recherche du
minimum de principes physiques indépendants
nécessaire à la théorie, et réciproquement un cer-
116 M. BRILLOUIN — JOSEPH BERTRAND :
SON ENSEIGNEMENT AU COLLÈGE DE FRANCE
tain art de rattacher les lois quantitatives à des
résullats d'observalion très généraux, et dont
l'énoncé: l'électricité se porte à la surface des con-
ducteurs, compréhensible pour tout le monde, em-
ployant à peine les termes géométriques les plus
simples, pourrait paraitre vide de toule consé-
quence numérique. Mais, ne nous y trompons pas,
la démonstration, d'une si classique élégance, que
tout le monde connaît, n'est La l'œuvre du jeune
élève de l'École Polytechnique ; c'est en 1873 seu-
lement, en enseignant la théorie À. l'Électricité au
Collège de France, que M. Bertrand a fait con-
naître cette démonstration simple et directe, acces-
sible sans efforts à tout élève de mathématiques élé-
mentaires !.
Quelques années après ces Notes parurent d'im-
portants Mémoires de Géomélrie et d'Analyse ;
l'an d'eux, sur la théorie des surfaces à la fois tri-
plement isothermes et orthogonales, était couronné
en 1843 par l’Académie des Sciences et parut en
1848, dans les Mémoires de Savants étrangers et
dès 1844 dans le Journal de Liouville; la nécessité
d'une condition pour qu'un système triple orthogo-
nal soit triplement isotherme y est, pour la pre-
mière fois, établie; pour les systèmes derévolution,
il faut que les méridiennes soient des isothermes
du plan. Dans un second Mémoire, nous trouvons
une généralisation du théorème d'Euler et de celui
de Monge; une démonstration géométrique très
simple du théorème de Dupin (les surfaces triple-
ment orthogonales se coupent suivant leurs lignes
de courbure); puis, une proposilion capitale d'Op-
tique géométrique : « La loi des sinus est la seule
qui permette à un système de rayons normaux à
une surface avant réfraction d'être encore normaux
à une autre surface après réfraclion »; et acces-
soirement, des démonstrations géométriques très
simples des propriélés que Sturm avait décou-
vertes par l'analyse pour les pinceaux de rayons.
Les Comptes Rendus de 1846 contiennent en deux
pages neltes et précises le résumé d’un Mémoire
sur la propagation du son dans les milieux hétéro-
gènes, lorsque l'intégration est possible; je ne sais
si le Mémoire a jamais paru.
Ne voulant m'occuper ici que du géomètre-physi-
cien, je me contente de rappeler que plusieurs mé-
moires classiques de Mécanique pure, de Méca-
nique céleste et d'Analyse datent de la même
époque.
Après lant d'années d'enseignement de la Méca-
nique céleste dans la chaire de Biot, voici enfin la
Physique qui apparait avec l'exposé comparatif des
diverses théories auxquelles les géomètres ont
1 Journal de Physique, t. IN, p. 418, 1873.
tenté d'assujettir les phénomènes de la capillarité,
pour le premier semestre de 1847, et, pour le se-
cond, les éravaux des géomêtres sur les conditions
d'équilibre des principes électriques dans les corps
conducteurs ; l'année suivante (1848-1849), la thé0-
rie mathémalique de la Chaleur.
Comment connaître la physionomie de ces pre-
miers cours du jeune et déjà célèbre géomètre ? A
quels souvenirs faire appel? Si jeunes qu'on les
suppose, les auditeurs de ces lecons devaient l'être
à peine aulant que le maitre; en reste-t-il un seul
encore aujourd'hui qui puisse satisfaire notre
curiosité ?
Quant au sujet principal du cours, le Mémoire
de 1848 sur la théorie des phénomènes capillaires
nous le fait connaitre! :
Pour éviter diverses difficultés de la théorie
de Laplace, signalées par Poisson dans son beau
Mémoire sur les phénomènes capillaires, M. Gauss
s'est attaché à prendre pour base unique de ses
raisonnements le principe des vilesses virtuelles;
mais, comme il le dit lui-même, cet illustre géo-
mètre avait en même temps pour but de donner un
exemple de l'application du calcul des variations à
une question relative aux intégrales multiples : il.
a donc dû, pour exposer celte théorie d'une ma-
nière générale, rejeter les nombreuses simplifica-"
tions géométriques qui auraient pu se présenter à
lui. Le butque je me suis proposé dans ce Mémoire
est précisément de faire connaître la méthode de
M. Gauss et les simplificalions dont elle est suscep-.
tible et qui la rendent, si je ne me fais pas illusion,
la plus facile de celles qui ont élé proposées
jusqu ici.
« Après avoir donné une démonstration nouvelle
des résultats obtenus par M. Gauss, je me suis
efforcé d'appliquer sa méthode à des questions
assez simples pour qu'on püt comparer l'expé-
rience aux résultats fournis par l'analyse. »
Il est bien curieux de constater dès ce moment,
et à propos d’un Mémoire du géomètre pour lequel
M. Berlrand a toujours professé l'admiration la plus
complète et la plus absolue, ce goût intransigeant
pour ce qui est pur, comme disait Poinsot, eb
vraiment achevé. Dans le Mémoire de Gauss, on
trouve quelques indications, que l’auteur lui-même
déclare incomplètes el provisoires, au sujet de l’ex-
tension d’un liquide sur un solide, et de quelques
condilions auxquelles doit probablement satisfaire
la loi d'action des molécules du solide sur celles
du liquide. Ce ne sont que des vues rapides sur un
sujet à peine exploré encore aujourd'hui; c'est
presque l'annonce d’un Mémoire ullérieur, jamais
. ! Mémoire sur la théorie des phénomènes capillaires,
| Journal de Liouville, 1848, t. XII, p. 185.
à
M. BRILLOUIN — JOSEPH BERTRAND
w
paru, que je sache; on ne soupconnerait pas leur
- existence à la lecture du Mémoire de M. Bertrand.
… En parla-t-il dans ses leçons? et qu'en pensait-il?
Probablement ces pages l'intéressèrent peu.
. Géomèlre avant tout, et regardant la Mécanique cé-
leste et la Théorie de la Chaleur de Fourier comme
les deux modèles parfaits de la Physique mathé-
mathique, M. Bertrand ne devait pas s’attarder
longtemps dans le domaine de la Physique molé-
culaire.
De 1849 à 1853, 1e affiches annoncent des leçons
de Mécanique rationnelle ou de Mécanique analyti-
que; de 1853 à 1863, la Physique mathématique et
la Mécanique céleste apparaissent à litre d'appli-
cations d'un enseignement principalement analy-
tique ou géométrique; et il en est à peu près de
.même les années suivantes. C'est par leur carac-
“tère mathématique que les questions physiques
sont groupées, comme le montrent clairement cer-
tains programmes, tels que Zlégration des équa-
tions diflérentielles linéaires et étude des phéno-
“mênes physiques dont elles font connaitre les lois,
“1858-1859, ou Propriéiés de quelques-unes des
“fonctions transcendantes qui se rencontrent le plus
souvent dans les applications des Mathématiques à
la Physique et à la Mécanique, 1859-1860.
Aprèsavoir élé suppléé pendant l’année 1866-1867
par M. Darboux, et avoir résumé dans un rapport
. magistral les progrès de l'Analyse mathématique
. en France, M. Bertrand reprend ses lecons, et les
| renouvelle entièrement. En 1868, il étudie les Forces
réciproques au carré de la distance dans diverses
théories physiques, et particulièrement dans
“celles de l'Électricité et du Magnétisme; en 1873,
la théorie de T Électricité.
Trois années de suite, 1869-1872, sont consa-
“crées aux Lois mathémaliques relatives à l'action
“et à la trans{ormation des forces physiques. Sup-
pléé par M. Maurice Lévy pendant deux années,
1874-1876, M. Bertrand traite, pendant les deux
années suivantes, 1876-1878, d'un sujet qu'il avait
déjà plusieurs fois abordé, et qu'à celle époque
encore on ne pouvait apprendre en France qu'en
“allantl'écouler :les Équations aux dérivées partielles
et leurs applications. Suppléé de nouveau: de 1878
à 1885, par M. Maurice Lévy, puis en 1886 par
. J'infortuné Laguerre, M. Bertrand se décida enfin à
reprendre une dernière fois chacun des principaux
objets de ses lecons antérieures, et à leur donner
cette forme- définitive et achevée que nous admi-
“rons dans les trois livres qui sont comme son tes-
0 de géomètre-physicien : La Thermodyna-
Eve parue en 1887, le Calcul des probabilités,
1889, et enfin les er sur la Théorie mathé-
malique de l'Électricité, en 1890, livres que cha-
: SON ENSEIGNEMENT AU COLLÈGE
DE FRANCE 117
cun de nous pourra longtemps encore lire et mé-
diter, comme les grands classiques de la Science.
Personnels par le choix des malières lraitées,
personnels par l'ordre adopté, par les méthodes
toujours sûres et rapides, autant au moins que
par le style net et concis, ces livres ne contiennent
pas une page qui ait pu être pensée et écrite par
un autre que par M. Bertrand. Si universellement
connus qu'ils soient, me permeltrai-je d'en dire
quelques mots ?
« Le Calcul des probabilités, où il estsifacile de se
tromper, dit M. Maurice Lévy, où les plus grands se
sont trompés, a naturellement dû allirer le maitre
crilique sûr de ses propres jugements. » C'est le
fruit de ses fines et pénétrantes réflexions sur ces
sujets délicats que M. Bértrand nous a donné dans
son livre : « J'ai cherché, dit-il dans sa préface, à
faire reposer les résultats les plus uliles et les plus
célèbres du Calcul des probabilités sur les démons-
trations les plus simples. Bien peu de pages,
crois, pourront embarrasser un lecteur familier
avec les éléments de la science mathématique. Si
le signe f s’introduit quelquefois, il suffit presque
toujours d'en connaître la définition.
« Je me suis efforcé, à l’occasion de chaque ques-
tion, de marquer avec précision le degré de certi-
tude des résultats, et les limiles nécessaires de Ja
science. »
L'Introduction, sous le litre « Les lois du hasard »,
altire l'attention du lecteur sur la plupart des
questions controversées, el le prévient des vérita-
bles difficultés qu'il rencontrera sur la route, d’au-
tant plus dangereuses qu'elles sont cachées dans
des prémisses incomplèles, dans des énoncés précis
en apparence indélerminés en réalité. Averli par
cette introduction, non seulement de la nature des
difficultés, mais de l’attention soutenue et toujours
en éveil qu'exigera l'étude du livre entier, le lec-
teur jouit alors du plaisir de deviner presque par-
tout le point précis où git toute la finesse du rai-
sonnement,etdela surprise, plus instructive encore,
d'être tout à coup en présence d'un de cès énoncés
insuffisants, auxquels M. Bertrand excellait à don-
ner leur forme paradoxale, laissant au lecteur le
soin de dénouer complètement le nœud qu'il lui
offrait à demi desserré seulement.
D'un avis unanime, cet ouvrage est et restera un
chef-d'œuvre.
Rappellerai-je le chapitre 1x de la Z'hermody-
namique sur les propriétés des vapeurs salurantes,
et ces exemples si élégants de l'extraordinaire
écart entre les valeurs qu'on peut attribuer aux
constantes d’une formule, sans cesser de satisfaire
également bien aux expériences? Quelle lecon de
prudence pour ceux qui cherchent à interpréter
les constantes numériques des formules, et à leur
118 M. BRILLOUIN — JOSEPH BERTRAND : SON ENSEIGNEMENT AU COLLÈGE DE FRANCE
arracher le secret de quelque grandeur liée à la
constitution du corps étudié !
C'est peut-êlre dans les substantiels résumés qui
précèdent les treize chapitres des Leçons sur la
Théorie mathématique de l'Électrieité, qu'il est le
plus facile de saisir dans quelle direction particu-
lière s'est exercé l’effort de M. Bertrand en Physique
mathématique. Dans ce livre, qui, à l’époque de
son apparition, à autant élonné par l'exclusion
systématique de certaines questions passionnantes,
qu'il a séduit par l’élégant, rigoureux et toujours
simple enchaïnement des idées, M. Bertrand, plus
soucieux de précision que d'actualité, a repris
d'abord la théorie des forces qui agissent en raison
inverse du carré de la distance. Comme autrefois,
à propos des systèmes triplement orthogonaux et
isothermes, il se demande, à propos des lignes de
force, d'un si constant usage en Électricité, à
quelles conditions un champ de forces peut être
ainsi représenté, et conclut que la condition néces-
saire et suffisante est que les forces obéissent à la
loi de Newton. Dans le chapitre suivant, nous
trouvons la démonstration, classique maintenant,
de la loi de Coulomb comme conséquence néces-
saire de la distribution superficielle de l'électricité
sur les conducteurs. Et plus loin, dans les chapi-
tres vu ebt1ix sur les actions électromagnétiques
et électrodynamiques, dont les principaux résul-
tats avaient déjà paru dans le Journal de Physique,
les lois d'Ampère et de Gauss sont obtenues par
la voie la plus simple, et en réduisant au mini-
mum les emprunts à l'expérience; une partie des
expériences fondamentales invoquées par Ampère
était inutile, et personne ne s'en élait encore
aperçu !
C'est sous l'empire de la même préoccupation
que, bien des années auparavant, M. Bertrand avait
montré qu'une seule des lois de Képler suffit à
établir la loi de la gravilation universelle.
Constituer une science d'une rigueur et d'une
pureté comparables à celles de la Géométrie ou de
la Mécanique céleste, en ajoutant à ladmirable
Théorie mathématique de la Chaleur de Fourier,
et à quelques travaux sur l'Hydrodynamique et la
propagation du son, un chapitre de Thermodyna-
mique et un chapitre d'Électricité, pas très étendus
mais parfaits, fondés sur des principes incontes-
tables aussi peu nombreux que possible, dévelop-
pés avec une rigueur malhématique impeccable
dans sa simplicité, telle me parait avoir été la
täche accomplie par Joseph Bertrand, comme pro-
fesseur de Physique mathématique.
Quant à la savoureuse perfection de la forme, il
avail appris de Poinsot comment on l'obtient,
l'ayant autrefois aidé dans la correction, vingt fois
reprise, de quelques-unes de ses œuvres ; et nous
pouvons répéter à son sujet ce qu'il dit de ce maitre
de style mathématique :
« Poinsot, pour la langue mathématique, était uns
véritable dilettante ; un mot incorrect, l’enchaîne=
ment illogique de deux idées faisaient éprouver à:
son esprit la même souffrance qu'un accord faux à.
une oreille musicale: il pardonnait les lapsus et les
signalait avec bonne humeur, mais, si l’auteur,
dûment averti, voulait nier sa faute, ou y parais=
sait indifférent, il était condamné sans retour. Où
la correction du langage est inconnue, il ne faut
pas, disait-il, introduire la Géométrie. »
Quelque admiration que M. Bertrand aitexprimée
et à bien des reprises, pour les immortelles décou=
vertes de Fresnel, il ne les a jamais prises expli=
citement pour sujet de son enseignement au Col=
lège de France. Jamais non plus il n’a enseigné I
théorie de l’élasticité des solides, bien qu'il ait con=
sacré à Lamé l’un de ses plus éloquents éloges.
Serait-ce qu'il partageät l’opinion du géomètre
francais avec lequel son esprit avait le plus d’affi=
nité, dont il ne se lassait ni d'admirer les œuvres’
ni de citer les traits mordants: son seul maitre e
rival dans la connaissance du xvin° siècle, Poinsot
« Pour traiter Mmathématiquement des corps so
lides, il fallait tout d’abord, suivant lui, quon
voulût bien en accepter une définition mathéma=
tique. Ma canne, disait-il souvent, n'est pas un
corps solide; non seulement elle peut rompre;
mais elle plie, ce qui est cent fois pis. Deux molé
cules d'un corps solide sont placées par la rigidité
à distance invariable l’une de l’autre ; nulle force
n'est capable de les écarter ou de les rapprocher;
nulle influence ne peut les faire vibrer. Les corps
élastiques ou ductiles ne sont pas des solides ; leur
définition grossière ne peut s'exprimer par des
équations ; elle est incompatible avec la pureté
géométrique. Le vrai géomètre doit s'élablir soli=
dement sur un terrain inébranlable et ne pas heur-
ter ses instruments délicats à une réalité confuse
et mal définie, qui se dérobe et se dissipe quand
on veut la serrer de près. »
Telle est la voie absolument exclusive dont
Poinsot n'a jamais voulu sortir ; lui seul peut-être
pouvait dire aux savants les plus illustres de son:
époque: « Je vous ignore » et marcher auprès
d'eux en restant leur égal. Il a vu naître les plus
grandes découvertes du siècle et les a tenues dans
l'indifférence ; ni la théorie des ondes lumineuses,
ni celle de la polarisation, ni l'électricité dynaz
mique, ni la théorie mathématique de la cha-
leur, ni celle de l'élasticité, ni les propriétés des
fonctions imaginaires et des fonctions doublement
périodiques n'ont pu, même pour un jour, captiver
son attention. Curieux de la théorie des corps
solides, il la séparait entièrement de celle des corps
élastiques ; ni Navier, ni Poisson, ni Cauchy, ni
Lamé, pour lequel il eut toujours une si haute
estime, n’ont réussi à lui faire discuter leurs prin-
cipes : « Ils parlent de pressions obliques, disait-il,
avec répugnance, cela n’est pas pur, une pression
esttoujoursnormale,»et,éloignantdeson esprit cette
image el celte locution importunes, il reposait aus-
sitôt sa vue sur les corps abstraitement, c’est-à-
dire absolument rigides, et terminés par des sur-
faces géométriques d'un poli tellement parfait,
qu'on ne doit pas même en parler. « Un poli impar-
fait, une surface rugueuse, qu'entendez-vous par là,
je vous prie, en tant que géomètres ? »
Retenons cette réserve: « en tant que géomètres ».
Quelle que fût l'étendue de sa curiosité pour toutes
les connaissances humaines, en {ant que géo-
mètre, Joseph Bertrand faisait la distinction très
nette entre la Physique expérimentale, même
accompagnée de beaucoup de formules mathéma-
tiques, souvent trop, pensait-il, et la Physique ma-
thématique. 11 y a insisté à bien des reprises, en
particulier au début de ces quatre articles parus en
1869 dans le Journal des Savants sous le titre :
« Renaissance de la Physique cartésienne », et qui
sont le seul vestige qui nous reste du livre qu'il
avait alors écrit sur la Thermodynamique, dont
le manuserit fût brûlé en 1871, en même temps
que celui du troisième volume de son admirable
Traité du Calcul différentiel et intégral, et toute sa
précieuse bibliothèque.
Après avoir rappelé la loi de l'attraction univer-
selle, il ajoutait : « Mais les combinaisons chimiques,
les propriétés des corps solides, liquides ou gazeux,
cité, révèlent d'autres forces, dont la loi nous
“échappe complètement; un tel problème ne saurait
se résoudre. Depuis longtemps déjà les efforts des
physiciens les plus perspicaces tendent seulement
à supprimer la difficulté par la découverte de lois
générales qui, applicables à toutes les hypothèses,
soient indépendantes d'une expression précise,
peut-être à jamais cachée. La hardiesse d'une telle
tentative devait a priori laisser peu d'espoir, car
la géométrie n'aborde d'habitude que les questions
nettement posées. Lorsqu'un astronome considère,
en même temps que le Soleil, la Terre et la Lune,
‘qui circulent autour de lui, les positions précises
des trois astres lui sont données, des raisonnements
- incontestés lui font connaitre les rapports des trois
-masses, la loi des forces que chaque corps exerce
sur les deu& autres est connue en toute rigueur, et
la détermination du mouvement qui en résulte
- reste pourtant, après deux siècles de progrès, l’un
- des problèmes les plus difficiles qui sollicitent
_ l'effort des esprits inventeurs. Quel espoir raison-
…nable, après celà, d'aborder mathématiquement
4
M. BRILLOUIN — JOSEPH BERTRAND : SON ENSEIGNEMENT AU COLLÈGE DE FRANCE
les phénomènes de chaleur, de lumière et d’électri- |
119
l'étude d’un corps simple ou composé, élastique ou
mou, solide, liquide ou gazeux? Comment sou-
mettre à l'analyse les mouvements confus de ces
innombrables molécules, dont la disposition reste
inconnue aussi bien que les masses, et qui s’attirent
suivant des lois inaccessibles à nos hypothèses? Les
molécules, même dans l’état de repos apparent, ne
restent pas, suivant les idées les plus vraisembla-
bles, un seul instant immobiles, et de rapides mou-
vements, dont l'intensité varie avec la température,
sont aujourd'hui l'explication acceptée des phéno-
mènes calorifiques. Ces mouvements sont-ils recti-
lignes ou révolutifs, dirigés dans un sens ou dans
l’autre? Les orbites sont-elles orientées ou réglées
par le seul hasard? Leurs dimensions se mesurent-
elles par quelques millionièmes ou quelques billio-
de millimètre? Sur tout cela
savons rien, Nous ne conjecturons même absolu-
mentrien. »
« Des forces inconnues agissant sur un système
qui n'est pas défini, telles sont en apparence, en
réalité on peut le dire, les données du problème.
On ne l’a pas résolu, est-il besoin de le dire, mais
plus d’un résultat précis, inattendu et confirmé par
l'expérience, justifie la témérité de ceux qui l'ont
résolument abordé. Quels que soient les progrès
ultérieurs de la Science, les lravaux dont nous
voulons rendre compte conserveront à jamais une
place importante dans l'histoire des conquêtes de
l'esprit humain.
« Un géomètre pur, je crois l'avoir fait compren-
dre, doit néanmoins se trouver à priori fort peu
attiré par une théorie aussi vague; n'est-ce pas une
témérité inouïe que d'aborder un problème réelle-
ment informe et dont l'énoncé même ne peut être
distinctement perçu? L'Analyse restera toujours
impuissante à débrouiller une si étrange confusion,
et l'on n'a pas su encore, même par voie d'hypo-
thèse, s'élever jusqu'aux principes précis dans
lesquels la solution est cachée. Les données qu'un
géomètre demanderait avant de s'appliquer à un
tel problème, je veux dire l'indication exacte et
parfaite de l'état initial et la loi des actions mu-
tuelles, sont aujourd'hui encore au nombre des
inconnues. Sans espérer une solution impossible,
on doit donc se borner à glaner les résultats indé-
pendants de ces éléments ignorés sur lesquels
pourtant tout repose.
« Le progrès des Mathématiques pures n’a rien à
espérer, cela paraît évident, de ces théories incom-
plètes, et leur étude n’a pu conduire les inventeurs,
si habiles et si ingénieux qu'ils soient, à aucun de
ces beaux problèmes qui, fort éloignés du but qu'ils
veulent atteindre, viennent enrichir cependant et
orner les travaux de Fourier, de Fresnel et d'Am-
père ; les recherches nouvelles restent renfermées
nièmes nous ne
120 M. BRiILLOUIN
dans le pur domaine de la Physique; on n'y peut
-rencontrer, selon toute apparence, que l'application
toujours très simple des principes généraux depuis
longlemps connus, et sans être, sous le rapport
philosophique, peut-être aux plus
illustres progrès de la Science, les théories nouvel-
lement créées leur cèdent en ceci, que la Géométrie,
-en leur prêtant un précieux concours, n'en à jus-
qu'ici rien reçu en échange. »
Et quelques années plus lard (1872), parlant,
dans le Journal des Savants, de la Théorie mathé-
matique de l'Électricité : « Lorsque les données
d'un problème de Géométrie sont insuffisantes ou
surabondantes, la question, mal posée, est, d’un
commun accord, regardée comme non avenue.
Demandez, par exemple, à un géomètre une ellipse
passant par trois points donnés ou une hyper-
bole ayant cinq points donnés et une asymp-
tote connue, il refusera son attention à de tels
problèmes, en demandant, dans le premier cas,
deux points de plus, et déclarant, dans le second,
que l’asymptote donnée en trop rend la solution
impossible.
« Les physiciens sont moins absolus et doivent
l'être. Lorsque l'étude attentive d’une question ne
fournit pas toutes les données indispensables à
l'application du calcul, on y supplée par des
hypothèses. L'expérience, dans d’autres cas, inter-
vient, dans la solution d'un problème trop difficile,
pour fournir directement des données qu'une
théorie plus avancée pourrait déduire d’un calcul
rigoureux, comme conséquence nécessaire des
principes acceptés. Les hypothèses, enfin, peuvent
être multipliées parfois au delà de ce qui seraic
logiquement nécessaire, et l'imperfection évidente
des théories qui en résultent ne saurait en faire
méconnaitre l'utilité.
« La critique des théories physico-mathématiques
exige done une grande tolérance; il serait injuste
de repousser à priori toute démonstralion impar-
faile; car ce qui n’est pas définitif peut avoir et
conserver longtemps encore une importance véri-
table.
« En portant, dans les queslions physiques, l'in-
flexible rigueur de la Géométrie, on s’exposerait à
condamner, au grand détriment de la Science, la
presque totalité des théories proposées el des
travaux justement admirés depuis le commen-
cement de ce siècle, presque tous renfermant des
lacunes que l'avenir sans doute ne fera disparaitre
que bien lentement.
« Faut-il conclure que, sur ce terrain d'accès dif-
ficile, une liberté illimitée est acquise à quiconque
ose s'y élablir? Personne, je le suppose, ne vou-
drait réclamer un aussi dangereux privilège. Plus
inférieures
d'un auteur pourtant à souvent dépassé les bornes | téresse la Physique, lisons-nous dans la préfacew
JOSEPIT BERTRAND : SON ENSEIGNEMENT AU COLLÈGE DE FRANCE
.comme démontré el certain; mais, quand on
-Lions que je me suis efforcé de remplir. Les cri
raisonnables de la tolérance la plus large, et l'ab=
sence de toute critique, en pareille matière, a pu
devenir un danger pour la science: plus d’un
Mémoire appuyé sur l'autorilé d'un nom illustré
est devenu classique dans l'Europe entière, a été
reproduit dans les livres didactiques et enseigné
dans les écoles sans qu'aucune voix s'élevàt pour
en signaler les contradictions.
« Je viens d'écrire le mot qui, dans le domain®
des hypothèses, marque la distinction entre læ
hardiesse et l'erreur. Chacun peut adopter libre-
ment les principes que lui suggère son génies
l’état actuel de la Science n'en impose aucun
choisi, quand on a énoncé neltement les hypo
thèses, il doit être interdit d'en produire d'autres
qui les contredisent, ou de proposer comme cons
séquence ce qui n’en résulte nullement. Quand um
problème, enfin, à l’aide d'hypothèses, quelles
qu'elles soient, est transformé en une questio
d'analyse pure, la rigueur des déductions ulté=
rieures peut et doit être absolument exigée.
« Tel est l'esprit dans lequel j'ai abordé l'examen
des principaux travaux publiés depuis vingt-cinq
ans sur la Théorie mathématique de l'Électricité
Tolérance absolue pour les hypothèses, fussent:
elles surabondantes, condamnation de celles qui
sont contradictoires, examen sévère des raiso
nements et des calculs proposés dans la partie
mathémalique de la théorie, telles sont les cond
tiques que je veux produire dans cet article ont
été exposées dans des lecons au Collège de
France, et l'auditoire, très éclairé, qui m'a fait
l'honneur de les suivre, ne les a pas jugées trop
sévères. »
De ce droit absolu réclamé pour la Physiquë
mathématique d’exclure tout problème mal défini,
ou traité sans rigueur, à l’aide d'approximations
non justifiées, résultent bien des jugements qui ont
paru sévères aux purs physiciens. Une difficulté
escamotée dans un calcul causait à M. Bertrand
une véritable souffrance, et les auditeurs de son
cours de 1888-89 ont pu entendre exprimer, ave@
la même vivacité que ceux de 1873-74, — si je
compare mes souvenirs à l’article du Journal des$
Savants que je viens de citer, — de vives critiques
au sujet de la manière, incontestablement arbi
traire, de supprimer l’action électrostatique des
parties lointaines, dans la théorie de la propagation
de l'électricité le long des càbles. |
« Les équations de la propagation de l'électri=
cité dans un conducteur à trois dimensions ont été
formées ; elles reposent sur des principes douteux,
et aucune de leurs conséquences, jusqu'ici, n'in=
des Lecons sur la Théorie mathématique de T Élec-
tricité. Sans ignorer l'imporlance de la question,
j'ai dû la passer sous silence.
« J'en pourrais dire aulant de plus d’un pro-
blème dont la solution a élé proposée, et quelque-
fois acceptée, avec raison peul-être; car cerlaines
questions s'imposent, et doivent être résolues, bien
ou mal. L'origine et le but de ce livre me lais-
saient toute liberté. »
Bien différent de ses livres étail l’enseignement
oral de M. Bertrand; on s'en ferait une très impar-
faite idée, si l'on croyait qu'il n'y admeltait que
ce qu'il a jugé assez achevé, assez précis el rigou-
reux pour mériter de figurer dans une exposition
dogmatique et condensée.
… Quand on n’a pas eu le plaisir d'entendre ces
leçons si variées et si vivantes, celte critique si
pénétrante et si ferme, c'est à la lecture des innom-
| brables articles du Journal des Savants qu'on peut
demander une jouissance analogue.
M. Bertrand succéda à Biot au Journal des
Savants en 1862, comme au Collège de France.
C'est depuis cette époque qu'il nous devient facile
de suivre le mouvement incessant de cette curio-
Silé toujours en éveil. Analyse de livres récents de
Sciences pures ou appliquées, discussions histori-
ques sur l'invention du Calcul infinitésimal, études
de biographie scientifique sur les fondateurs de
PAs/r'onomie et sur ceux de la Mécanique céleste,
sur Lagrange, Clairaut, Huygens et leurs corres-
pondants, articles d'ensemble sur l'Académie et
les académiciens d'autrefois, sur la Renaissance
de la Physique cartésienne, se rencontrent à
beûté d’autres sur les torrents des Hautes-Alpes,
sur la culture des huîtres, sur les transformations
.de la marine de guerre, sur l'administration des
Ponts et Chaussées sous l'ancien régime, Moins
limés que les éloges, ces innombrables articles
sont d’une étonnante variété de ton; les uns sem-
blent de polémique presque agressive et person-
nelle, comme ceux dans lesquels sont accumulées
contre ce malheureux Descartes (1893) les preuves
Lrop certaines, tirées de sa correspondance, qu'il
n'a pas compris grand'chose au génie de Galilée;
les autres sont des hommages d'une sympathie
ouchante et discrète, comme celui de 1870, sur les
bles de logarithmes à 27 décimales pour les cal-
culs de haute précision, par Fédor Thoman. Les
uns sont presque de simples récits d'aventures,
“comme ceux de 1865 et de 1866 sur la pose des
premiers càbles sous-marins d'Europe aux Élats-
Unis, ou certaines parties des articles sur les étoiles
Wilantes (1873) et sur la figure de la Terre (1874).
Les autres sont des exposés, d’une précision et
pure netteté merveilleuses, de résultats obtenus
4
ï
+
M. BRILLOUIN — JOSEPH BERTRAND : SON ENSEIGNEMENT AU COLLÈGE DE FRI\NCE 121
par les plus éminents géomètres sur les parties les
plus abstraites de la Science, à propos du Traité
d'Algèbre supérieure de Serret (1866), de l'Ætude
des surfaces algébriques, par Clebsch, 1867, des
Travaux mathématiques de Plücker en 1867, ou des
Vorlesungen über Dynamik de Jacobi en 1873.
N'oublions pas l’exquis et admirable récit de la
vie du bon et infatigable Euler; la vie et les
ouvrages de Papin; les œuvres complètes de Plüc-
ker, les découvertes de Faraday; la délitate ana-
lyse de la touchante correspondance de jeunesse
d'Ampère; et plus récemment, en 1893, ces arlicles
empreints d'une si chaude sympathie pour l'illustre
et infortuné Robert Mayer.
Queique activité qu'il consacràt à l’Académie des
Sciences, et aux Sociétés qui secourent les savants
en détresse, quelque coquelterie qu'il mit à polir
ses éloges académiques, et à doser l'ironie carac-
téristique de ce genre litléraire, M. Bertrand a tou-
jours trouvé le temps de beaucoup lire; non pas
seulement des œuvres littéraires ou historiques,
comme pouvaient croire ceux qui connaissaient
surtout en lui le membre de l'Académie française,
le causeur inépuisable. Fidèle à ses anciennes
amitiés, Bertrand parlait encore de Lagrange en
1892, à propos du dernier volume de ses œuvres
éditées par les soins de l'Académie, et d'Huygens
en 1896 et 1898; de la forme de la Terre, à pro-
pos des travaux du commandant Defforges et de
l'ingénieur Lallemand, en 1895; du transport élec-
trique de la force, en 1882-83-84, à propos des
célèbres expériences de M. Marcel Deprez; et plus
récemment, en 1895, de ce livre de Mécanique,
étrange et admirable, de Hertz, qui donne, entre
autres choses, une portée si inattendue au principe
de la moindre contrainte de Gauss, depuis long-
temps mis en lumière par M. Bertrand dans une de
ses précieuses Notes à la Mécanique analytique de
Lagrange.
J'en ai dit assez, j'espère, pour engager la plu-
part d’entre vous, Messieurs, à se procurer celle
rare jouissance, aussi littéraire que scientifique,
que je viens d'éprouver moi-même, en relisant
dans le Journal des Savants les cent et quelques
articles, dont trop peu ont été réunis en volumes.
Parlerai-je des éloges académiques, où revivent,
marqués de traits si typiques, Arago, Poncelet,
Lamé, Dupin, Foucault, Tisserand, et tant d'autres,
géomètres el ingénieurs, astronomes et physi-
ciens, qui furent ses maîtres, ses amis ou ses
élèves? Nul mieux que M. Bertrand n'a réussi à
montrer l'homme dans le savant, et à faire com-
prendre l'importance de ses travaux, et leur place
dans la Science générale.
Entre tant de citations qu'il serait agréable de
faire, j'en choisirai deux seulement, l'une relative
122 M. BRILLOUIN — JOSEPIH BERTRAND
SON ENSEIGNEMENT AU COLLÈGE DE FRANCE.
à Ampère, l'autre à Lamé. La faculté critique, si
pénétrante chez M. Bertrand, n'avait nullement lari
la source de l'enthousiasme et de l'admiration.
« Ampère à fait, en Physique, une des plus
grandes découvertes du siècle, celle des actions élec-
tro&ynamiques, et par là, bien plus que par l'idée
du télégraphe électrique, il a pris rang à côté d'OEr-
stedt. La place est glorieuse assurément, mais
Ampère en a mérité une bien plus haule encore;
c'est à Newton tout au moins qu'il faut le comparer.
Les phénomènes complexes et, en apparence, inex-
lricables, de l’action de deux courants, ont été ana-
lysés par lui et réduits à une loi élémentaire à
laquelle cinquante ans de travaux et de progrès
n’ont pas changé une seule syllabe.
«Le livre d'Ampère estaujourd'hui encore l'œuvre
la plus admirable produite dans la Physique ma-
thématique depuis le Livre des Principes. Jamais
plus beau problème ne s'est rencontré sur la voie
d'un plus grand génie. Par un bonheur bien rare
dans l'hisloire des sciences, tout, ici, appartient à
Ampère. Le phénomène entièrement nouveau qu'il
a deviné, c’est lui qui l’a observé le premier; c’est
lui seul qui en a varié les circonstances pour en
déduire les expériences si élégantes qui servent de
base à la théorie; lui seul, enfin, qui, avec un rare
bonheur, à exéculé tous les calculs et inventé
toutes les démonstrations. Ampère a révélé une loi
d'altraction nouvelle plus complexe et plus ma-
laisée sans doute à découvrir que celle des corps
célestes. Il a été à la fois le Képleret le Newton de
la théorie nouvelle, et c'est sans aucune exagé-
ration qu'aujourd'hui, à un demi-siècle de dis-
lance, sans subir l'entrainement d'aucune amitié
et sans complaisance pour personne, nous pouvons
placer le nom d'Ampère à côté des plus illustres
dans l'histoire de l'esprit humain. Aucun génie n’a
été plus complet; aucun inventeur mieux inspiré
n'a élé mieux servi par les circonstances *, »
Et dans l'éloge de Lamé :
« … Aucune main n'a touché l’éther, aucun œil
ne l’a vu, aucune balance ne l'a pesé. On le dé-
montre, on ne le montre pas; il est pourtant aussi
réel que l'air, son existence est aussi certaine : si
j'osais dire qu'elle l’est davantage, on m'accuserait
d'exagération. Lamé cependant m'y aurait encou-
ragé. Quoi qu'il en soit, toutes les écoles sur ce
point sont d'accord. Fresnel a poussé la démonstra-
lion jusqu à la complète évidence; il a fait plus que
convaincre ses adversaires, il les a réduits au si-
lence. L'univers est rempli par l'éther; il est plus
étendu, plus universel, et peut-être plus actif que
la matière pondérable; il livre passage aux corps
1 J. S., 1872, p. 347. À propos de Journal et Correspon-
dance d'A.-Marie Ampère. Hetzel, 1872,
| avènement la grande préoccupation de sa vie, Lamé
célestes sans leur résister ni les troubler, et vibræ
librement dans la profondeur des corps diaphanes:
Comment croire que ce fluide, dont l'intervention
accorde et concilie jusqu'aux moindres détails les
faits relatifs à la lumière, n'intervient pas dans les
phénomènes calorifiques ? que mêlé aux molécules
matérielles, il n'influe pas sur l’élasticité? et que,
présent aux actions électriques, il n'y joue cepen-
dant aucun rôle? Il est, disait Lamé, le véritable
roi de la nature physique. Mais en faisant de son
reconuaissait qu'on le retarderait indéfiniment
peut-être, eu voulant le couronner dès aujourd’hui
« … Soyez bien convaincus... que vos travaux
tendent infailliblement, comme ont fait les nôtres,
vers la découverte du principe universel de Ja
nature physique; mais, éclairée par celte convicti
qui nous manquait, votre marche sera beaucoup
plus rapide que la nôtre ; vous éviterez facilement
les retards, les longueurs, les généralisations inci.
dentes. Et d'abord, soyez toujours au courant des
lois qu'il s’agit d'expliquer, établies par les physi
ciens, les chimistes, les cristallographes et les géo=
logues; connaissez aussi les écarts et les anomalies
de ces lois, érudition qui souvent nous à manqué#
Ensuite, sachez manier tous les instruments des
sciences exactes, sans exception et aussi sans exar
gération. Arrêtez-vous pour chacun d'eux un peu
au delà du point marqué par la dernière applicas
tion. Recueillez ainsi toutes les méthodes analyti=
ques, géométriques, cinématiques, utilisées par vos
prédécesseurs... Si vous en négligez quelqu'une.#
un pionnier vagabond, convaincu que la découverte
dont il s'agit, comme toutes les grandes applicas
tions connues, ne peut surgir que d’un mélang
harmonique de l'Analyse et de la Géométrie, exs
traira de vos travaux isolés les choses convenables$
puis un beau jour. il dénouera le nœud gordien
Que cet adroit conquérant d'une seconde gloire
newtonienne soit l’un des vôtres resté prudemment
en dehors des forlifications, ou l’un des élèves-du
nouvel enseignement, ou tout autre, qu'il soit Ita
lien ou Français, Anglais ou Allemand, Polonais ou
Russe, cela nous serait parfaitement égal, car là
découverte serait faite. Alors, la Science humaine;
possédant le principe de la nature physique, mar
cherait à grands pas vers celui de l'organisme, el
tous les savants seraient bien obligés de se rangex
sous la nouvelle bannière. »
On reconnail dans celui qui traduit, avec lant d@
force et d'émotion, le généreux enthousiasme de
Lamé, le Secrétaire perpétuel qui, oublieux de
toute controverse, n'a jamais laissé l’Académie de
Sciences manquer d'honorer de ses plus hautes
distinctions tous les fidèles du même culle, sans
s'inquiéter de leur nationalité, et qui n’a misen jeu
M. BRILLOUIN — JOSEPH BERTRAND : SON ENSEIGNEMENT AU COLLÈGE DE FRANCE
123
son influence propre et son autorité personnelle
que pour faire entrer à l'Académie « un homme de
génie de plus” ».
Messieurs, je n’ai point cherché à vous faire un
portrait complet de Joseph Bertrand, mais seu-
lement à rappeler ce qu'il fut comme géomètre
physicien, professeur dans cetle maison, pendant
cinquante ans.
Je n'ai point tenté de faire son éloge. Accweilli
par lui, grâce aux liens qui m'unissent à l’un de
ses fils, avec la bienveillance affectueuse qu'il ré-
pandait sur tous ses enfants et petits-enfants, c’est
J'aïeul surtout que j'ai connu et aimé; c’est à ce
litre seulement que, dans sa retraite de Viroflay,
. Sur celte terrasse où il aimailà s'asseoir après diner,
J'ai goûté le charme inoubliable de l'entendre
évoquer tant de souvenirs lointains, pendant que
la nuit tombait sur les grands bois d’alentour. Je
ne puis m'empêcher de croire que la prétention de
lui décerner des éloges eût paru à M. Bertrand fort
imperlinente de ma part; elle me paraïilrait, à
moi, tout à fait inconvenante; la distance est trop
grande.
C'est à l’un de ses élèves préférés, devenu son
collègue au Collège de France et à l'Institut,
M. Maurice Lévy, que je laisserai la parole. Nul
ne pourrail dire avec plus d'autorité ce que fut
l'œuvre, ce que fut l'homme :
« Il a été un semeur d'idées, ses ouvrages clas-
siques, avec leurs nombreux exercices, ont détler-
miné bien des vocalions, de même que les pensées
-imprévues, les inspiralions soudaines, qui lui
-échappaient au cours de ses leçons du Collège de
France ont modifié bien des carrières dans le haut
enseignement. Le nombre des thèses de doctorat
orties de là serait difficile à chiffrer.
« S'il jetait la vérité en prodigue, par la plume
“etlaparole, il savait aussi l'aimer et l'apprécier
“chez les autres. C'est pourquoi il eut beaucoup
_ d'amis.
« Il savait en inculquer l’amour à la jeunesse,
. c'est pourquoi il a été un vrai maitre.
. . . . . . . . . . . .
« Joseph Bertrand a vraiment montré, par l’es-
prit, par le cœur et par ses œuvres, des vertus qui
4 n'appartiennent qu'aux grands hommes, ces vertus
rares en tous les temps, plusrares, nous assure-t-on,
dans le nôtre, dont une nation a le droit d’être
fière, dont elle a aussi le devoir de perpétuer la
- mémoire et l'exemple. »
à Marcel Brillouin,
Professeur de Physique générale
et Mathématique au Collège de France.
*
#
. 1 Discours de M. Maurice Lévy.
Appendice.
C. Le Monnier, de l’Académie des Sciences et des
Sociétés royales de Berlin et de Londres, Lector et
professor Regius Græcæ et Latin Philosophiæ, com-
menca à être suppléé par Jacques-Antoine-Joseph
Cousin en 1766. Une affiche spéciale l'annonce en ces
termes :
Deo volente
JACOBUS-ANTONIUS-JOSEPHUS
COUSIN
Viro celeberrimo Petro Carolo Le Monnier, Professori
Lectorique Regio et Consiliario
Vicarius et Successor a Rege designatus.
Unde vera tractandæ philosophiæ ratio, ad nostra usque
tempora permanarit, pro solemni inauguratione disserel, die
Veneris quintà mensis Decembris, anuo Domini millesimo
septingentesimo sexagesimo sexto, horû post meridiem
quartàä cum dimidià.
Physices principia mathemalica evolvere, et quä potissi-
mum ratione ad quæstiones de motu corporum celestium
revocentur explanere conabitur, dicbus Martis, Jovis et
Veneris, horà decimà cum dimidiä.
In Regiis Frauciæ auditoriis.
En 1770, la chaire change de titre : G. Le Monnier est
lector Universæ Physices, et a toujours Cousin pour
suppléant. A cette chaire s'ajoute celle de Physices
experimentalis, en 1786.
En 1791, l'affiche du Collège Royal de France est
rédigée pour la première fois en francais; Cousin y est
titulaire de la chaire de Physique générale et mathé-
malique.
En 1801, Biot devient titulaire de celte chaire,
Cours professés par M. Bertrand
suppléant de Biot.
1847-1848. I. Exposé comparatif des théories auxquelles
les géomètres ont tenté d’assujettir les
phénomènes de la capillarité.
IL. Travaux des géomètres sur les condi-
tions d'équilibre des principes électri-
ques dans les corps conducteurs.
1848-1849. (L'ouverture des cours eut lieu le 22 jan-
vier 1849, au lieu du premier lundi de
décembre 1848).
I. Théorie mathématique de la chaleur.
NE?
1849-1850. I. Mécanique rationnelle,
II. /d.
4850-1851, [. Travaux des géomètres modernes sur la
Mécanique analytique.
II. Zd.
1851-1852. I. La Mécanique analytique, e{ en parli-
culier la variation des constantes arbi-
traires dans les problèmes de Méca-
nique.
Il. Jd.
1852-1853. (L'ouverture des cours eut lieu le 1°* Février
1853 au lieu du 1% lundi de décembre
1852).
I. Les travaux des géomètres sur la Méca-
nique analytique, et particuliérement
les recherches postérieures à l’ouvrage
de Lagrange.
II, /d.
1853-1854. I. Mouvement des corps célestes dans les
sections coniques, et particulièrement
les diverses méthodes proposées pour ‘
la détermination des orbites parabo-
liques et elliptiques d’après les obser-
vations.
DENT
124 M. BRILLOUIN — JOSEPIT BERTRAND :
SON ENSEIGNEMENT AU COLLÈGE DE FRANCE
1834-1855. I. Mémoires de M. Gauss sur la Physique
mathématique, la Physique et l’Astro-
nomie.
IT. Zd.
1855-1856. I. Théorie du mouvement des corps solides;
application à l'étude du mouvement de
la terre et des phénomènes qui en sont
la conséquence.
IT
1856-1857. I. Tentalives faites par les géomètres pour
intégrer exactement les équations diffé-
rentielles du mouvement des corps
célestes.
II. Zd.
1857-1858. I. Principaux travaux de Cauchy qui se rap-
portent à la Physique mathématique et
à la Mécanique céleste.
Il. Zd.
1858-1859. I. Intégration des équations différentielles
linéaires, et étude des phénomènes
physiques dont elle font connaitre les
lois.
II. Zd.
1859-1860. I. Propriétés de quelques-unes des fonc-
tions transcendautes qui se rencon-
trent le plus souvent dans les applica-
tions des Mathématiques à la CRSAUe
et à la Mécanique.
II. Zd.
1860-1861. I. Développement des fonctions en séries;
application de cette théorie aux ques-
tions de Physique mathématique.
II. Zd.
1861-1862. (L'ouverlure des cours eut lieu le lundi,
G janvier 1862, au lieu du premier
lundi de décembre 1861).
I. Progrès que l'emploi de l'analyse infinité-
simale à apportés dans l'étude des
lignes et des surfaces, et les applica-
tions de la théorie générale des sur-
faces à l'étude des faisceaux de rayons
lumineux.
M. J. Bertrand devient titulaire à la mort de Biot.
1861-1862.
1862-1863.
IT. Même sujet qu'au premier semestre.
I. Equations différentielles et leurs applica-
tions à la Physique mathématique.
T0
L Distribution de l'électricité à la ce
des conducteurs et étude des fonctions
transcendantes qui figurent dans cette
théorie.
INT:
I. Théories de calcul intégral et leurs appli-
cations.
IT. Zd.
I. Mécanique rationnelle; particulierement
travaux antérieurs à Lagrange.
Il. Zd.
1863 186%.
1864-1865.
1865-1866.
1866-1867.
1867-1868.
1868-1869.
1869-1870.
1870-1871
1871-1872.
1872-1873.
1873-1874.
1874-1876.
1876-1877.
1871-1878.
1878-1885.
1885-1886.
1886-1887.
1887-1888.
1888-1889.
18S9-1890.
1890-1900.
Remplacé par M. Darboux.
I. Hétu analytique.
IT.
Forces réciproques au carré de la distance
IT.
I. Lois mathématiques Ftress à la trans-
I.
(L'ouverture des cours eut lieu,
I. Lois mathématiques relatives à l'action et
ques. 4
IT. (L'ouverture des cours du second se-
Même sujet.
il
IT.
I. Méthodes générales dans la Mécan
II. 74
I. Théorie de l'Électricité,
IL.
ee par M. Maurice Levy.
Del
1
Il. Zd
Suppléé par M. Maurice Lévy.
Suppléé par M. Laquerre.
Ii
IL.
I.
IT.
I.
IL.
I.
IL.
Suppléé par 1.
1900.
dans diverses théories physiques, e
particulièrement dans celles de l'Elec="
tricité et du Magnétisme.
Id.
DE .
£-
: formation des forces physiques.
d.
comme
d'habitude, le premier lundi de décem
bre 1870.)
à la transformation des forces physis
mestre eut lieu seulement le 12 juin
1871.)
Lois mathématiques relatives à l'action É.
à la transformation des forces, ef par
iculièrement thévries du Magnétisme
PR de l'Électricité.
(e
analytique; et particulièrement lou
vrage posthume de Jacobi ( Vorlesungenm
über D ynamik). à
Œ.
Id.
. Équations aux dérivées partielles et leur.
applications. |
Équations aux dérivés partielles et leurs.
applications.
Théorie mathématique de la Chaleur,
Id.
Application du Calcul des piobe bi ESS à
la théorie de la combinaison des obser
vations.
Id.
Théorie mathématique de l'Electricité.
Id.
Thermo-dynamique.
Théorie des erreurs d'observation.
Marcel Deprez, jusqu'ew
e
M. BRILLOUIN.
L. LECORNU — LES RÉGULATEURS EN 4900
LES RÉGULATEURS EN 1900
Dans les derniers mois de 1890, M. H. Léauté,
membre de l'Académie des Sciences, résumait, ici-
même, les grandes lignes de la théorie des régula-
teurs des machines!. Il insistait spécialement, avec
sa haute autorité, sur la nécessité de ne pas se
borner à l'examen du régulateur considéré indé-
pendamment de la machine, sous peine d’être con-
duit à des résultats dé-
pourvus de toute valeur
pratique; il metlait en
évidence les avantages et
les inconvénients de l'ap-
pareil de Watt, et indi-
quait divers moyens de
le perfectionner. Il éta-
blissait aussi la profonde
différence existant entre
l’action directe et l’action
indirecte : la première,
caractérisée par la perma-
nence de la liaison établie
entre le régulateur et la
valve ou la vanne d’ad-
mission; la seconde, ob-
tenue en chargeant sim-
plement le régulateur de
meltre en jeu, à l'instant
voulu ,un mécanismeauxi-
liaire qui emprunte au mo-
teur la force nécessaire
pour produire le réglage.
La théorie des régula-
teurs indirects est princi-
palement due à M.Léauté,
dont le Mémoire fonda-
mental sur les oscillations
à longue période à paru
en 1885 dans le Journal
de l'Ecole Polytechnique. Celle des régulateurs
à action directe est beaucoup plus compliquée,
parce que l'inertie des masses en mouvement
exerce, dans ce cas, -une influence perturbatrice,
qu'on n'a pas le droit de négliger.
Le problème, déjà difficile quand il s'agit des
moteurs hydrauliques, devient presque inabor-
dable quand on veut s'occuper de la régularisation
des machines à vapeur. En effet, la valve d'admis-
sion commandée par le régulateur étrangle plus
ou moins la vapeur; mais son action ne se réper-
PES
H. Léauré : Sur la théorie des régulateurs, Revue générale
des Sciences des 30 octobre et 15 novembre 1890, tome I,
pages 525 et suivantes et 663 et suivantes.
REVUE GÉNÉRALE DES SCIENCES, 1901,
SL - ‘U
Fig. 1. — Régulateur Proëll.
cute sur les pièces en mouvement que d’une façon
détournée. L'étranglement produil une chute de
pression difficile à évaluer; en outre, la pression
dans le cylindre conserve un certain degré d'indé-
pendance, et, alors même que la valve se ferme
brusquement et entièrement, la vapeur, fluide élas-
lique, continue à travailler en se détendant. Bien
plus, en-cours de détente,
de la
valve sont privés de toute
influence jusqu’au retour
de l'admission: Observons
encore qu'on ne peut né-
gliger à priori les petites
de la vitesse
dues aux variations pé-
riodiques de l’action mo-
trice. Sans doute, le volant
a pour effet d’atténuer,
dans une large mesure,
les mouvements
variations
ces oscillations à courte
période; mais il ne les
ferait entièrement dispa-
raitre que s'il avait une
puissance infinie, et une
pareille hypothèse, qui
aurait pour première con-
séquence l'inutililé com-
plète du régulateur, est
incompatible avec l’em-
ploi de cet appareil.
En 1895,
des Sciences
posé, comme sujet de con-
l'Académie
avait pro-
cours pour le prix Four-
neyron, le perfeclionne-
ment de la théorie de la
corrélation entre le régu-
lateur et le volant. Dans un Mémoire que je pré-
sentai à ce concours, et qui fut couronné conjoin-
tement avec un Mémoire de M. Marié, je cher-
chais à éclaircir quelques-unes des difficultés qui
viennent d'être signalées. Laissant ici de côté ces
questions théoriques, je voudrais simplement es-
quisser l’état actuel de l'emploi des régulateurs,
en insistant surtout sur les faits qui paraissent pré-
senter un caractère de nouveauté.
Le régulateur à boules de Watt et les appareils
qui en dérivent directement conservent la préfé-
a
126
L. LECORNU — LES RÉGULATEURS EN 1900
rence d'un grand nombre de constructeurs. On
constate seulement une tendance assez générale à
faire tourner le système avec une grande vitesse,
permettant l'adaptation d'un manchon très pesant.
Cette disposition, imaginée depuis longtemps par
Porter, donne un régulateur puissant, capable, par
suite, de surmonter aisément les résistances passi-
ves de toute nature. Par contre, elle a l'inconvé-
nient d'exagérer les effets retardateurs dus à
l'inertie du manchon, et de rendre notamment ses
démarrages assez lents. Une solution très employée
(type Proëll) con-
siste à placer les
boules à l’extré-
mité supérieure
des tiges qui les
supportent ; les
avantages de cette
position, que re-
présente la figure
1, paraissent assez
douteux. Au lieu
d'augmenter le
poids du man-
chon, on peut,
pour obtenir la
puissance voulue,
avoir recours à
l'emploi de res-
sorts. Ceux-ci ont
l'avantage de ne
pas exagérer l’i-
nertie du système ;
en oulre, ils tra-
vaillent aussi bien
avec un axe de
rotalion horizon-
{al qu'avec un axe
verlical, ce qui
permel, dans cer-
tains cas, de sim-
plifier ies renvois de mouvements. Aussi les régu-
laleurs à ressorts sont-ils d’un emploi chaque
Jour plus fréquent, La figure 2 en montre un exem-
ple assez simple, dans lequel les tiges de suspen-
sion des boules sont articulées au manchon et se
prolongent supérieurement par des sortes de cornes
recourbées, que terminent de petits galets. Ceux-
ci s'appuient sur une table fixe et fournissent
ainsi les points d'appui au moyen desquels les
tiges soulèvent le manchon en agissant à la ma-
nière de leviers.
Les systèmes à boules, avec ou sans adjonction
de ressorts, présentent une imperfection assez
grave. Quand la machine tend à s'accélérer, le ré-
gulaleur ne peut exercer immédiatement sa fonc-
Fig. 2. — Régulateur Beyer.
tion essentielle, consistant à rétablir l'égalité entre
le travail moteur et le travail résistant: car il tire
toute sa puissance de l'excès de force centrifuge:
développé par l'augmentation de vitesse, et, tant
que celte vitesse n'est pas accrue d’une quantité
finie, correspondant à l'effort nécessaire pour sur=
monter les résistances passives et mettre la valve:
en mouvement, celle-ci demeure au repos. Il serait
évidemment préférable que l’action régulatrice
eommencät à se produire aussilol que l’état de”
régime vient à être troublé. Pour atteindre ce
résultat, il faut”
faire appel à des.
actions autres que
2 la force centrifu-"
D | QUE ge. On peut notam-
$ ment mettre em
jeu l'inertie tan-
gentielle : mais ce-
ci demande quel-
ques explications.
Lorsqu'un point
matériel, de masse 4
mn, Situé à une dis-
tance R d'un axe
fixe, tourne autour
de cet axe avec”
une vitesse varia=
ble w, dont la dé-
rivée par rapport
au temps est dé-"
signée par w’, il
est soumis à la
force centrifuge
mw°R, dirigée sui-
vant le prolonge-
ment du rayon, et.
à la force d'inertie.
tangentielle 2w'R,
dirigée, comme
son nom l'indi-
que, suivant la langente à la trajectoire. Tant que
le mouvement est uniforme, la dérivéew’ est nulle,
etilen est de même de la force tangentielle; mais;
aussitôt que la vitesse commence à varier, la force:
langentielle prend une valeur généralement finie:
Si donc, par un moyen quelconque, on peut utili=
ser l’inertie tangentielle des boules d’un régulateur:
pour déplacer la valve de réglage, on échappe à
l'inconvénient que présente l’action lardive de la
force centrifuge. Seulement, il faut, ici encore,
tenir compte des résistances passives. L'inertie
tangenlielle ne peut jouer un rôle efficace qu'à con-
dilion d'être assez puissante poûtr vaincre ces résis=
tances. Un régulateur qui agirait exclusivement en:
vertu de cette force limiterait uniquement la gran—
L. LECORNU — LES RÉGULATEURS EN 1900
deur de l'accélération du moteur et laisserait sub-
sister les lentes variations de vitesse: ces varia-
tions, en s'accumulant pendant un temps assez long,
pourraient produire des écarts d'une amplitude
indéfinie. On conclut de là, sans qu'il soil néces-
saire d'analyser les choses de plus près, que l’iner-
tie Llangentiellene suffit pas pour fournir un régu-
lateur acceptable : son influence doit être combi-
uée, dans une mesure convenable, avec celle de la
force centrifuge.
Le dispositif de Walt se prèle difficilement à
lulilisation de l’inertie tangentielle. Cependant,
Foucault y est jadis parvenu en montant, sur l'arbre
vertical de l'appareil, un petit volant dont la pré-
sence obligeait le manchon, en cas d'accélération
ou de ralentissement, à prendre un mouvement |
hélicoïdal le long d'une vis portée par l'arbre. En
Allemagne, Werner et Siemens, dès 1845, aban-
donnaient complètement le système de Watt. Leur
procédé consistait à monter sur un arbre, conduit
directement par le moteur, un volant relié à cet
arbre par un train différentiel analogue à celui des
automobiles. Quand l'inerlie du volant entrait en
jeu, le train différentiel déplaçait un arbre trans-
versal dont le mouvement se transmettait à Ja
valve. Ce dispositif fonctionnait done uniquement
en vertu de l’inertie tangentielle, et devait, par suite,
présenter les inconvénients indiqués il y a un
instant.
En 1871, l'ingénieur français Raffard construisit
un régulateur à force centrifuge dont chaque boule
était portée par un bras perpendiculaire à l'axe de
rotation, et mobile autour d'une charnière paral-
lèle à cel axe et placée à une certaine distance de
lui. La trajectoire du centre de la boule était, par
suite, un arc de cercle excentrique à l'axe, ce qui
rendait la boule sensible à la fois à la force cen-
trifuge et à l’inertie tangentielle. Un ressort appro-
prié équilibrait la valeur moyenne de la force cen-
trifuge.
La combinaison imaginée par Raffard se re-
trouve dans un Lype de régulateurs qui a pris, dans
ces dernières années, une nolable extension, prin-
cipalement en Amérique, et qui est connu sous le
nom de régulateur dans le volant, ou, plus briève-
ment, régulateur volant. Mais, cet appareil, dont
l'idée première apparait, dès 1839, dans un régu-
lateur inventé par l'Américain Custer, présente
quelque chose de plus : au lieu d'agir sur une
valve d'étranglement, il porte directement l'excen-
rique de distribution, de telle facon que le dépla-
cement des masses remplaçant les boules du régu-
lateur de Wait a pour effet de modifier soit l’angle
de calage de l’excentrique, soit l'excentricité, et
Souvent même ces deux éléments à la fois. C'est, en
un mot, un régulateur de la détente, dans lequel on
127
=
a supprimé tous les intermédiaires inutiles. Les
appareils de ce genre exigent, pour fonctionner
convenablement, une grande puissance, qui néces:
site une grande vitesse de rotation. Ils conviennent
donc, en particulier, dans le cas des machines à
marche très rapide, comme celles qui conduisent
directement des dynamos. La difficulté est de.faire
en sorte que la résistance du tiroir, transmise à
l'excentrique par la barre d’'excentrique, ne se
répercule pas sur la position des masses mobiles.
Le problème a été résolu de diverses manières, et
souvent avec une grande ingéniosité. Suivant le
mode d'attache des masses mobiles au volant, l’ac-
lion de l'inertie tangentielle se combine, dans une
proportion plus ou moins importante, avec celle de
la force centrifuge. La figure 3 montre un modèle
Fig. 3. — Régulateur Bullock pour machines Willans.
assez récent de régulaleur-volant, construit en
Amérique.
L'emploi de l'inertie tangentielle est un moyen
d'activer l'intervention du régulateur, mais ce n’est
pas, tant s’en faut, le seul. Poncelet a décrit jadis un
appareil, qu'il a nommé régulateur à ressort el ins-
tantané, et dont le principe est le suivant : L’arbre
moteur est coupé en deux parties placées bout à
bout, de telle manière que l’une d'elles entraine
l'autre par l'intermédiaire de ressorts flexibles.
A l'état de régime, les deux parties tournent avec
la même vitesse. Dès que la puissance ou la résis-
tance vient à varier, la tension des ressorts se mo-
difie; les deux moitiés de l'arbre prennentun dépla-
cement relalif, et ce déplacement, par une combi-
naison de vis et d'engrenages, est utilisé pour la
manœuvre de la valve: Poncelet remarquait aussi
que le système peut être adapté à un arbre spécial,
qui recevrait du moteur son mouvement de rota-
tion et qui porlerait un volant à ailettes dont la
résistance, croissant trèsrapidement avec la vitesse,
produirait la torsion relative des deux parties de
l'arbre.
Sous cette dernière forme, l'idée de Poncelet
a recu une réalisation complète dans le moderne
125
L. LECORNU — LES RÉGULATEURS EN 1900
régulateur de Durham (fig. 4), pour machines
à vapeur destinées à l'éclairage électrique. Les
ailettes sont mobiles dans un tambour plein d’eau.
Le même appareil est appliqué aux machines
marinés, qui exigent une intervention très rapide
du régulateur à l'instant où l’hélice vient à sortir
de l'eau. Dans ce dernier cas, on rend l’action
encore plus prompte en faisant tourner les ailettes
dans un réservoir qui n’est pas entièrement rempli
et qui communique librement avec un autre réser-
lever l’hélice, l'eau passe en partie du second réser-
voir dans le premier; les ailettes, é ouvant une
|
ERA AO 0 ma
| réservoir enfoncé sous l'eau renferme de l'air, don
| la pression diminue, et les déformations qui en
voir. Quand le navire s'incline, de manière à sou- |
machines marines. Tantôl, ainsi que l'a proposé,
dès 1858, le Marseillais Billotet, le régulateur esb
formé par un pendule qui demeure toujours sen=
siblement vertical, et a pour effet de fermer pro
gressivement la valve à mesure que le navire s'in=
cline ; tanlôt, comme dans le système Dunlop, un:
la pression se transmet à une membrane flexible ©
quand le réservoir se rapproche de la surface libre,
résultent pour la membrane servent à manœuvrer
la valve.
IT
Revenons au cas général. Poncelet, dans so
traité de Mécanique appliquée aux Machines, décri
Fig. 4. — Régulateur Durham. — À, tambour plein d'eau, dans lequel tournent les ailettes; B, manchon d’accouplement
des deux parties de l'arbre portant intérieurement un ressort spiral; ce manchon forme écrou sur le pas de vis #. Les
déplacements longitudinaux du manchon ont pour effet de mouvoir, au moyen de la roue R, la transmission DK qui
manœuvre le tiroir de distribution du cylindre à vapeur QC visible au bas de la figure.
résistance plus grande, se mettent à tourner moins
vite, et le régulateur peut ainsi jouer son rôle
ayant que l'émersion de l’hélice ne soit complète.
En outre, si la machine est du genre compound,
le régulateur ne se borne pas à réduire l'admission
au petit cylindre : dès que le danger d'emballement
devient imminent, une communication s'établit
entre les deux extrémités du petit cylindre, dont
le piston se trouve par suite équilibré. Enfin, pour
obtenir le maximum de puissance, on a soin de
faire manœuvrer la valve d'admission par l'inter-
médiaire d’un petit cylindre auxiliaire, en laissant
simplement au régulateur le soin d'actionner le
üroir de ce cylindre. k
D’autres solulions ont été imaginées pour ré-
soudre le problème difficile de la conduite des
+
un régulateur à pompe et à flotteur constitué de là
manière suivante : Le moteur fait marcher une
pompe qui envoie de l’eau dans un réservoir, el
cette eau s'écoule par un orifice qu'un robinet per:
met d'étrangler plus ou moins; un flotteur placé
sur l'eau commande l'admission. En faisant varier
la position du robinet, on modifie à volonté 1
vitesse de régime. Ce principe est appliqué dans
quelques régulateurs modernes. Parfois, le réser=
voir est réduit à un cylindre de petit diamètre, et
le flotteur est remplacé par un piston supportant
sa partie supérieure la pression de la chaudière;
on obtient ainsi un appareil doué d'une actio
remarquablement prompte. Dans les régulateurs
pneumatiques, une pompe à air est substituée à la
pompe à eau. On peut aussi utiliser la résistance,
L. LECORNU — LES RÉGULATEURS EN 1900 129
variable avec la vitesse, opposée par un liquide aux
aubes d'une turbine (régulateur Napier), ou à un
système de palettes (régulateur Allen).
Les régulateurs chronométriques procèdent d'une
idée toute différente. À l’aide d'un mouvement
d'horlogerie, ou par tout autre moyen, on fait
tourner un arbre avec une vitesse angulaire cons-
tante, égale à la vitesse moyenne de régime qu'on
veut réaliser. Dès que l'arbre
principal tend à s'écarter de
cette vilesse, un engrenage
différentiel entre en jeu et
manœuvre la valve. Les appa-
reils de ce genre ne sont guère
‘entrés dans le domaine de la
pratique, et la raison de leur
insuccès parait résider surtout
dans la difficulté d'éviter les
oscillations périodiques de vi-
tesse par rapport à la vitesse
moyenne. Je ne crois pas ce-
pendant qu'il soit impossible
d'échapper à cet inconvénient:
il suffit de faire en sorte que
le moteur, une fois écarté de la
vitesse de régime, tende à s'en
approcher asymptlotiquement,
sans jamais l'atteindre. Dans
deux Notes communiquées,
en 4896, à l'Académie des
Sciences, j'ai indiqué les con-
dilions théoriques à remplir
pour que les choses se passent
de cette manière.
Mentionnons encore l’em-
ploi, peu développé jusqu'ici.
de la régularisalion par des
procédés électriques. L’élec-
tricité peut intervenir de bien
des façons différentes. Quand
rompu, et le cadre, en se déplaçant, modifie le
travail moteur. Ces exemples suffisent pour faire
comprendre la possibilité d'établir des régulateurs
électriques. Un procédé général, communiqué par
Ledieu, en 1890, à l'Académie des Sciences, con-
siste à régulariser la marche d'un moteur quel-
conque par une modification introduite, à l’aide
d'une transmission électrique; dans le travail mo-
teur, chaque fois qu'une va-
riation importante se produit
dans le travail résistant, et
cela, sans attendre que cette
variation ait eu le temps de
produire son effet sur la ma-
chine, but, le dé-
brayage de chaque outil ou
de chaque groupe d'outils
laisse passer le courant d'une
électrique
Dans ce
source d'énergie
dans un fil qui va aboutir à
une petile dynamo placée près
du régulateur. La dynamo, en
tournant, modifie Ja
mande de ce dernier, de ma-
nière à augmenter le rapport
entre la vitesse du régulateur
et celle du moteur. Un indica-
teur du nombre de tours est
monté sur l'arbre principal et
laisse passer le courant tant
que le nombre est égal ou su-
périeur à sa valeur normale,
com-
puis renverse le courant dès
que la vitesse tend à faiblir.
III
Quelques mots maintenant
sur le mode d'action des ré-
eulateurs. Le plus souvent,
dans le cas des machines à
le moteur commande une dy-
namo, il est tout indiqué de
faire passer le courant dans
une bobine qui aimante un
noyau de fer doux, relié à la valve et rappelé par un
ressort antagonisle. Dès lors, les variations d’in-
tensilé du courant modifient la position du noyau,
-etchangent par suite l'ouverture de la valve. On a
‘cherché aussi à utiliser les courants de Foucault
développés dans un disque qui Lourne entre des ai-
mants. Ceux-ci sont supportés par un cadre suscep-
lible de pivoter autour de l'axe de rotation du dis-
que. Le disque exerce sur le cadre un effort d’en-
trainement proportionnel à la vitesse; dans l’état
de régime, celle force est neutralisée par un res-
sort convenable. Si la vitesse varie, l'équilibre est
Fig. 5. — Régulateur Liede avec Servo-moteur.
vapeur, celte action est di-
recte, suivant la définilion que
nous avons rappelée en com-
mençant : c'est-à-dire que la valve est reliée ciné-
matiquement au manchon du régulateur et se dé-
place en même temps que lui.
La forme de la valve a une grande importance.
Il est d’abord nécessaire qu'elle soit bien équili-
brée, de telle facon que le courant de vapeur ne
tende pas à la déplacer en dépit de l'action du
régulateur. Il faut aussi que son excursion totale,
depuis la posilion d'ouverture en grand jusqu'à la
position de fermeture totale, soit dans une relation
convenable avec les dimensions du régulateur et
avec celles des liges de transmission. On doit,
130
L. LECORNU — LES RÉGULATEURS EN 1900
enfin, se préoccuper de la loi suivant laquelle
varie le travail moteur en fonction de la position
du manchon, et cette loi dépend évidemment du
type de valve adopté. La valve de WatLétait un simple
papillon, analogue à
la clef de réglage d’un
calorifère, Cette for-
me se rencontre en-
assez souvent,
Mais l’on emploieaus-
si des liroirs à per-
siennes, des robinets,
des soupapes à dou-
ble siège combinées
de façon à équilibrer
core
les poussées dues à
la vapeur, etc. Raf-
fard à eu l’idée d'uti-
liser le principe des
mouvements
voyants, énoncé par
M. Haton de la Gou-
pillière. Sa valve est
une lanterne cylin-
drique envelop-
pée par un cylindre
fixe. La lanterne et
l'enveloppe sont per-
forées de telle
qu'en se mouvant
dans le sens de l'axe,
la lanterne démasque
plus ou moins les
orifices fixes et joue
ainsi le rôle d’un ti-
roir à persiennes.
Mais, de plus, elle re-
çoit du moteur, par
l'intermédiaire d'une
corde,unrapide mou-
vement de rotation,
et ce mouvement di-
minue, dans une forte
mesure, la résistance
due au frottement
dans le sens de l’axe.
lou-
façon
Souvent aussi, on emploie un système d’enclique>
tage constitué de la manière suivante : une tige,“
recevant continuellement de la machine un mouve«
ment oscillatoire, porte deux cliquels qui sont sus=
ceptibles de faire
MOUVOIT UNE TOUE À
rochels, et celle-ci,
en tournant, agit sur
la valve. Mais, à l'état
de régime, une pièces
auxiliaire, comman-
(5 dée par le régulateur,
maintient les cliquetsM
écartés de la roue:
Quand le régulateur«
o
s'écarte de sa position
moyenne, il aban-
donne l’un des cli-
quets, qui fait alors
le sens convenable:
Le second cliquet in=
tervient d’une ma
nière analogue,
quand il y à lieu dem
faire tourner la roue«
dans le sens opposé.
La régularisation ob=
tenue par ce procédé
se fait par petites sac=
cades, sans jamais
dépasser sensible
ment le but, et, par
conséquent, sans
avoir à craindre l'ap=
parilion d’oseil=
lalions à longue pé-
riode, mais elle est
nécessairement aSSeZ
lente. Une méthode
toute différente, el
qui donne, au con-
traire, un réglage ex-
trèmement prompt,
consiste àmeltre sous
la dépendance du ré-
Les choses se pas-
gulateurle tiroir d'ad-
sent à peu près com-
me pour un bouchon
de bouteille, qu'on
enlève plus facilement par un mouvement hélicoï-
dal que par une traction directe,
Quand on veut établir une valve d'étranglement
mue par l’action indirecte du régulateur, on charge
celui-ci d’embrayer ou de débrayer, en temps utile,
un engrenage mû par la machine et relié à la valve,
Fig. 6. — Reégulaleur Tremper.
mission d’un petit cy-
lindre auxiliaire dont
le piston est solidaire
de la valve. Dans ce cas, on évite la trop grande
brutalité d'action en ayant recours au procédé du
servo-moleur, imaginé, comme l'on sait, par Far-
cot. La figure 5 montre un appareil de ce genre:
Les appareils dits compensateurs constituent une
solution intermédiaire entre l’action directe eb
tourner la roue dans
RUDOLEF BLOCHMANN — NOUVELLE THÉORIE DE LA TÉLÉGRAPHIE DITE SANS FIL
131
l'action indirecte : le manchon est relié cinémati-
quement à la valve; mais cette liaison n’est pas
invariable et, dès que le manchon se déplace par
l'effet d’une variation de vitesse, un engrenage
entre en jeu pour modifier progressivement la
liaison et permettre ainsi le retour graduel à la
vitesse primitive de régime.
Au lieu de faire agir le régulateur sur une valve
l'étranglement, on peut le charger de manœuvrer
une détente variable. Ge n’est pas ici le lieu de dis-
cuter les avantages et les inconvénients respectifs
«de la détente fixe ou variable. Bornons-nous à cons-
tater que les régulateurs de la détente comptent de
nombreux partisans. La principale difficulté con-
siste à oblenir du régulateur une puissance sufti-
sante et, en outre, à meltre l'appareil à l'abri des
réactions provenant du tiroir. Nous avons déjà
signalé cette difficulté en parlant des régulateurs
dans le volant. Il faut, autant que possible, élablir
un mécanisme zon réversible, c'est-à-dire faire en
sorte que le régulateur soit capable de conduire
l'organe de détente, sans que celui-ci puisse dé-
placer le régulateur.
Les machines à déclic, du type Corliss, par exem-
ple, qui sont toujours en grande faveur, sont
pourvues de régulateurs agissant sur la détente;
le rôle du régulaleur consiste alors à modifier,
quand il y a lieu, la position des organes de dé-
clic, pour que les obturateurs d'admission soient
déclanchés à l'instant convenable. Au moment du
déclanchement, il se produit nécessairement un
choc qui pourrait, si l’on n’y prenait garde, impri-
mer au régulateur des oscillations fâcheuses.
Quelques régulateurs sont disposés pour trans-
former une machine à détente fixe en machine
à détente par déclic. La figure 6 se rapporte à ce cas.
L'appareil se monte sur la conduite de vapeur, au
voisinage de la boîte à tiroir; il porte à sa base une
soupape qui, au repos, ferme complètement la con-
duite. Un levier oscillant, bien visible sur la figure,
donne un mouvement alternatif à deux cames qui
viennent à tour de rôle soulever la tête de la sou-
pape. Le soulèvement cesse à l'instant où la came,
qui est en prise, vient buler contre un taquet attaché
au manchon du régulateur, et les boules ont pour
fonction d'amener ce taquet à la hauteur voulue.
IV
En somme, si les types de régulateurs se sont
indéfiniment multipliés, on ne rencontre depuis
dix ans, dans cette partie de la Mécanique appli-
quée, aucune invention fondamentale : il y a eu sur-
tout des perfectionnements de détails; en même
temps, les constructeurs se sont mieux rendu compte
de la nécessité d'établir une corrélation convenable
entre le régulateur et la machine, mais ils ne sem-
blent pas être encore sortis de la période des läton-
nements, et ils auraient grand intérêt à s’aider un
peu plus des lumières qu'une théorie bien com-
prise est susceptible de projeter sur celte délicate
question. Ils auraient intérêt également à insti-
tuer, avec le concours des théoriciens, des expé-
riences méthodiques pour élucider les points qui
demeurent encore obscurs. Quelques tentatives
ont déjà été faites ; il importerait de les reprendre
et de les compléter. Il y a là un beau champ d'é-
tudes pour les laboratoires de Mécanique.
L. Lecornu,
Ingénieur en chef des Mines,
Professeur à l'Ecole des Mines,
UNE NOUVELLE THÉORIE
DE LA TÉLÉGRAPHIE DITE SANS FIL ‘
Quand on considère les expériences que l'on a
faites, pendant ces dernières années, en de nom-
breux endroits, pour perfectionner la télégraphie
par ondes électriques, on peutremarquer que le but
que l’on s'était proposé était d'atteindre les plus
grandes distances possibles pour la communication
entre deux-stations non réunies par des fils. Pour y
parvenir, il fallait donner une très grande puissance
4 Cetessai contient un résumé général d'une communi-
cation que l’auteur a faite au Congrès international d'Électri-
cité à Paris, août 1900, sur « la dirigeabilité des appareils
pour la télégraphie par ondes électriques «.
électrique aux appareils générateurs de la pre-
mière stalion, et une très grande sensibilité pour,
les effets des ondes électriques aux appareils ré-
cepteurs de la seconde station.
On peut le dire, des progrès considérables ont
élé réalisés surtout par l'emploi des antennes.
Toutefois, on n’a pas fait, jusqu'ici, d'études
exactes sur les phénomènes qui se passent dans le
milieu compris entre les antennes des deux stations
pendant le fonctionnement des appareils. Il est,
cependant, évident que l'étude de ces phénomènes
peut être d'une grande importance pour le dévelop-
132
pement de la télégraphie par ondes électriques,
sans parler de l'intérêt qu'il y aurait pour les expé-
-rimentateurs à se rendre compte ou, au moins, à
se faire une idée de ce qui se passe entre les appa-
reils qu'ils font fonctionner. Il m'a done semblé
. utile d'essayer d'apprécier le rôle que joue le milieu
dans cette nouvelle sorte de télégraphie élec-
trique.
[
Quel est ce milieu? C'est sans doute cette part de
l'atmosphère de notre planète qui sépare les appa-
reils aux deux stations.
D'après cela, il convient de comparer la propa-
gation des effets produits par les appareils généra-
teurs aux phénomènes connus en électricilé atmos-
phérique : on ne supposera pas qu'il s'agit seulement
des lois de la propagation des ondes électriques
LL —
NN
Fig, 4. — Variations de la distribution des surfaces équipo
tentielles avec les accidents du relief terrestre.
dites hertziennes, car ces lois sont les mêmes que
celles de la propagation de la lumière.
Or, l'étude de l'électricité atmosphérique nous
a appris que la Terre elle-même a un potentiel
constant, auquel on peut attribuer la valeur zéro,
quand on ne considère pas les phénomènes cé-
lestes. En montant dans l'atmosphère, on atteint
des points possédant des potentiels différents; en
réunissant les points de même potentiel, on trace
des surfaces, nommées surfaces équipotentielles,
qui entourent la Terre comme les enveloppes d'un
bulbe entourent le bourgeon central. La succes-
sion des surfaces équipotentielles n’est troublée
par aucun corps, quel qu'il soit, qui s'élève dans
l'atmosphère, si, loutefois, ce corps est d'assez
petite largeur; mais lorsqu'il s’agit d'objets de
grandes dimensions, les surfaces équipotentielles
les plus basses se resserrent autour de cet objet;
tel est le cas d’un édifice isolé, d'un bois, d’une
montagne; le sommet de la montagne a le poten-
tiel de la Terre, et non le potentiel d’un point situé
dans l'air libre à la même hauteur au-dessus du sol.
Le potentiel d'un point dans l'air libre peut être
mesuré. en joignant ce point avec le sol au moyen
d'un fil métallique porté en haut par un aérostat
ou un cerf-volant (fig. 4). Le sommet du fil prend
RUDOLF BLOCHMANN — NOUVELLE THÉORIE DE LA TÉLÉGRAPHIE DITE SANS FIL
-le potentiel de son entourage, la base du fil a le
poténtiel de la Terre, et l'on remarqué un flux
d'électricité le long du fil; c'est ce que Franklin a
démontré il y a environ un siècle et demi.
Le potentiel qu'on trouve ainsi n’est pas tou-
jours le même : il est soumis à des variations tem-=
poraires, dont les écarts les plus grands correspon=
dent aux temps d'orage. On sait que les orages
jouent le rôle d'un appareil généraleur pour la
télégraphie par ondes électriques : ils produisent.
donc, aux antennes de la station réceptrice, les
mêmes effets que les fluctuations de l'électricité
créées par les appareils générateurs le long des
antennes de la station de départ !.
Les appareils générateurs de la première station
produisent le même effet qu'un orage. Quand on
met en marche ces appareils, des oscillations élecz
triques se propagent le long de l'antenne: cepen-
dant, ces oscillations ne restent pas seulement à
l'intérieur de l'antenne, mais elles se dispersent
aussi à d'entour de l'antenne dans l'atmosphère:
d'après la Lhéorie de Faraday, elles ne pénètrent
méme pas dans les antennes et se répandent seu=
lement à l’entour. La direction des oscillations est
celle de l'antenne elle-même.
Done l'équilibre des surfaces équipotentielles
percées par l'antenne est dérangé de la mème façon
que l'équilibre d’une surface liquide, quand une
pierre tombe d'une hauteur considérable dans le
liquide. De même que la pierre, en percant la sur-
face liquide, produit des ondes qui s'étendent sur
l'eau radialement à la surface, pendant que les
molécules d’eau, sans éprouver de translation, se
déplacent en haut et en bas, c'est-à-dire dans la
même direction que la pierre dans sa chute : —
ainsi dans l'atmosphère qui entoure l'antenne de
la première station se produisent des oscillations.
ou des dérangements des surfaces équipotentielles;
et leur direction est parallèle à l'antenne, tandis
que la propagation est perpendiculaire à cette
direction.
Supposons un morceau de bois nageant à la sur-
face liquide à quelque distance de l'endroit où la
pierre a percé la surface : il se déplacera pendant
quelque temps en haut et en bas: et ce mouvement
peut être regardé comme un signe de la production
d'une onde liquide au voisinage. Cela ressemble
aux phénomènes de la télégraphie par ondes élee=
triques. Le long de l'antenne de la première stas
tion, des oscillations électriques sont produites :
elles se propagent par surfaces équipotentielles, en
1 Il est très intéressant de remarquer que. dans les pre-
mières expériences, où l'on a fait usage d'un tube Branly
pour signaler des oscillations électriques produites à une
très grande distance, c'étaient les orages quiremplaçaient les
appareils générateurs. (Expériences de M. Popolf en 1895.)
38
æ
RUDOLF BLOCHMANN — NOUVELLE THÉORIE DE LA TÉLÉGRAPHIE DITE SANS FIL
133
dérangeant l'ordre normal, et elles sont reçues aux
antennes de la seconde station, qui sont, en géné-
ral, parallèles à celles de la première station, et
Fig. 2. — Transmission des ondes électriques le long des
- surfaces équipotentielles. — G, g, Station et antenne trans-
mettrices ; R, r, station et antenne réceptrices. Les flèches
doubles représentent les oscillations de haut en bas et de
bas en haut qui se propagent le long des lignes équipo-
tentielles.
rendues apparentes par les appareils spéciaux de
la station réceptrice (fig. 2.
II
J'apporte à la démonstration de ma théorie des
arguments spéciaux. Certains phénomènes sont
difficiles à expliquer en supposant que les oscilla-
lions électriques, propagées par les appareils gé-
nérateurs possédant des antennes, suivent les lois
de la propagation de la lumière. On les explique
très bien, au contraire, en adoptant ma théorie.
Noici, en effet, quelques faits positifs :
1° Entre deux stations situées à l’intérieur du
continent, on n'a pas encore transmis de télé-
gramme à une aussi grande distance qu entre deux
- stations séparées par la mer ;
929 Quand l'une des deux stations était installée à
une hauteur assez différente de l’autre, on a obtenu
de moins bons résultats que lorsque les deux sta-
« Lig. 3. — Mauvaise transmission des ondes entre deux anten-
. nes, siluéez à la même hauteur, mais non surles mêmes
surfaces équipotentielles.
Lions se trouvaient à peu près à la même hauteur ;
. 3° Par des antennes dirigées horizontalement
… on n’augmente pas considérablement les effets ;
… %° Eninstallant une station au pied d’une falaise
et en employant une antenne qui va du pied de la
falaise au sommet et même plus haut, on trouve
que l'efficacité de l’antenne n’est pas proportion-
nelle à la somme des hauteurs de la falaise et de
l'antenne en air libre, mais moindre (fig. 3):
5° On a déjà transmis des télégrammes par
ondes électriques à des distances plus grandes
qu'il ne serait possible, en raison de la courbure
de la Terre, si la propagalion des ondes élait
complètement rectiligne (fig. 4).
Le premier argument et le second Sont basés
sur des observations très connues. On peut se
figurer que des surfaces équipotentielles réguliè-
rement distribuées transmettent le mieux possible
les ondes produites par une oscillation électrique.
Or, au-dessus de la vaste surface d’eau représen-
tée par la mer, on a des surfaces équipolentielles
offrant la plus grande régularité possible, tandis
qu'au-dessus du continent terrestre, avec ses bois,
ses collines, ses montagnes, la situation des sur-
faces équipotentielles est beaucoup moins régu-
lière. On ne peut done s'élonner qu'on alteigne des
résultats meilleurs à la mer que sur le continent.
Fig. 4. — Preuve de la transmission des ondes par les sur-
laces équipotentielles entre deux stations G et R pour les-
quelles la courbure de la terre empêche la transmission eu
ligne droite.
C'est surtout sur les haules monlagnes que l’or-
dre des surfaces équipolentielles est le plus compli-
qué. Et en effet, on ne réussit pas bien en installant
sur les montagnes des stations pour la télégraphie
par ondes électriques : c'est ce que l'on a trouvé
dans des expériences faites au Mont Blanc et à la
Zugspilze.
Quant au troisième argument : en invoquant seu-
lement les lois de la propagation de la lumière, il
serait difficile de comprendre pourquoi des an-
tennes étendues horizontalement ne produisent pas
un renforcement semblable à celui qu'on obtient
avec des antennes (tendues verticalement et de
mème longueur.
Mais, d'après la théorie développée ci-dessus, il
est clair qu'il ne peut y avoir aucun intérêt à join-
dre aux appareils des antennes parallèles aux sur-
faces équipotentielles et ne les perçant à aucun
endroit. Plus il y aura de surfaces percées, plus
l'efficacité sera acerue, les autres circonstances res-
tant égales. à
D'après ce théorème, basé sur notre théorie, on
peut, d’ailleurs, formuler une règle pratique pour
la position des.antennes en tout cas spécial.
13% A. ETARD — REVUE
ANNUELLE DE CHIMIE
Ainsi, conformément à l'argument 4, la longueur
d’une antenne conduite le long d’une falaise sera
presque inefficace, parce qu’elle se trouve parallèle
aux surfaces équipolentielles, qui sontelles-mêmes,
en ce cas, à peu près verticales. On ne peut done
s'étonner de ce fait, qu'on a observé en plusieurs
endroits des falaises des côtes de l'Angleterre.
Quant à l'argument 5, nous nous rappelons qu'on
a réussi à recevoir une communication télégra-
phique par ondes électriques à une distance de
plus de 100 kilomètres en n'employant que des
antennes de 40 mètres de hauteur.
Or, pour voir du sommet de l'antenne d'une sta-
tion le sommet de l'antenne de l’autre, il faudrait
que les antennes eussent une hauteur supérieure à
200 mètres à chaque slation.
III
On voit done l'impossibilité d'expliquer l’effica-
cité des appareils à la station réceptrice par la
seule supposition d'une propagation recliligne des
ondes qui transportent les dépèches à travers le
milieu, et l'on se trouve forcé de faire d'autres
hypothèses qui soient d'accord avec les faits.
Or, c'est à cette condition la plus importante que
satisfait la théorie développée plus haut, en suppo-
sant que les ondes électriques, dans la télégraphie
dite sans fil, se propagent suivant des surfaces
équipotentielles comme des ondes liquides. Cette
théorie me semble donc, en l'espèce, la meilleure
explication des divers phénomènes de la nouvelle
sorte de télégraphie, et je ne connais pas actuelle-
ment de phénomène qui ne puisse être mis d'accord
avec elle.
Maintenant, en supposant ma théorie exacte,
comment répondre à la question suivante : Les ap-
pareils de la télégraphie par ondes électriques, tels"
qu'ils sont actuellement en usage, permettent-ils
une dirigeabilité complète? On conçoit tout de suite
qu'une dirigeabilité complète est impossible.
Pour une dirigeabilité complète, il faudrait :
1° Qu'on püt disposer un appareil générateur
quelconque de façon à ce qu'il ne mit en action
qu'un certain nombre d'appareils récepteurs choï-
sis à volonté;
2° Qu'on püt disposer un appareil récepteur
quelconque de telle sorte qu'il ne fût mis en
action que par un certain nombre d'appareils gé-
nérateurs choisis à volonté.
Mais il faut remarquer que la télégraphie par
ondes électriques ne sera universellement applica=
ble qu'après l'invention d'une dirigeabilité com-
plète des appareils générateurs et récepteurs les
uns par rapport aux autres, et qu'une telle inven="
tion réaliserait un grand progrès, alors même que
la distance à laquelle on pourrait transmettre des
télégrammes se trouverait réduite.
Rudolf Blochmann,
Docteur ès sciences,
Ingénieur-électricien, à Kiel.
REVUE ANNUELLE DE CHIMIE
Peu à peu, des circonstances réelles ont introduit
dans les langues d'Europe l’idée de politique mon-
diale. La Science, plus encore, a le caractère d’uni-
versalilé.
S'il parait singulier de parler d’une Chimie belge
ou suisse, je pense que la Chimie française ou
allemande ne sont pas à ce point différenciées
qu'on les puisse traiter comme des arts distincts.
Beaucoup d’entre nous peut-être, en parcourant
l'Exposition, ont modifié leur conception intime
sur ce point. Ils auront fait une synthèse plus vaste
qu'autrefois et de laquelle disparaissent les mots
trop artificiels de théorie et de pratique, où les
nationalités scientifiques s'alténuent pour ne laisser
que cette Chimie illimitée comme les formes de
la malière, soumise aux lois des nombres, de la
Physique et de la Vie.
Le chimiste ne doit pas être l'homme d'une mode
qui passe et bientôt le laisse vieilli.
Aussi longtemps qu'il pense, il doit expérimenter
sans préjugé dans toutes les directions d'une science
qui n’a pas pour but un rêve de poète, mais l'amé-
lioration progressive de la civilisation.
Sauf quelques découvertes éclatantes, en un an
les Sciences ne semblent faire aucun progrès;
mais, observées à chaque période décennale, on
les trouve profondément changées dans leur forme
et leur puissance.
Les savants pratiquent la recherche et gardent
le monopole des idées premières; mais les physi-
cienset chimistes de l'Industrie modifient ces idées
dans un sens pratique. Cette armée de savants te-
naces est assez nombreuse pour mettre à jour bien
des faits que les laboratoires ne pourraient soup-
conner, n'ayant ni la continuité du temps, ni la
grandeur des masses, ni la nécessité absolue de
surmonter jusqu'aux moindres difficullés.
Les meilleurs parmi ces hommes naissent au
A. ÉTARD — REVUE ANNUELLE DE CHIMIE
135
hasard sur tous les points du monde civilisé. Le | vrais participants à la lutte économique sont
vaste champ de comparaison qui s’est constitué à
Paris cette année pour les hommes et les choses,
mous montre qu'il n'y a pas de Chimie étroite-
ment spécialisée en une région; les nouvelles se
dispersent trop vite pour cela. Toutefois, les chi-
mistes français n’ont pas lieu d’être mécontents.
Pour ne eiter que les exposants qui ont accumulé
leurs produits dans ces dix dernières années, je
crois que rarement un jury international à vu un
ensemble de substances aussi rares et parfaites
que celles qui ont été exposées par nos compa-
triotes MM. Moissan, Tanret, de Laire, Chenal et
Douillel, etc...
IL semble bien que l’on vante trop par avance
ce qui est lointain. Est-ce une suggestion d'éru-
dition ou le charme vague que laisse le souvenir
d'un voyage rapide? Savants et industriels de
premier plan existent dans chaque contrée; mais
notre sulfale de cuivre est aussi bleu que tout
autre, et quelques produits sont même plus fins.
Autrefois, on a constilué, avec raison, une Chimie
pure ayant pour annexe la Chimie appliquée. Mais
il y a de cela cinquante ans; il est raisonnable
d'admettre que, depuis ce temps, les transports
à vapeur et les télégraphes nous ont fait une autre
vie.
Certes je ne pense pas que la Chimie pure soit un
chapitre de l’applicalion : c’est bien la haute spécu-
lation intellectuelle qui conduit la pralique. Mais
la Chimie pure ne peut être maintenant que l’un
des volumes — le premier — de la Chimie.
On a dit, pour des langues ou des civilisations,
qu'il y en avail de mortes parce qu'en ces matières
on connait un long passé.
Les sciences expérimentales n’ont véritablement
qu'un siècle; mais leur vitesse d'évolution étant
bien plus grande, elles atteignent plus tôt l'extrème
vieillesse. C'est ainsi que l'anatomie de l’homme
est une science morte : on n'y découvrira plus ni
muscles ni os notables; cependant il sera toujours
indispensable de la connaitre parfaitement. Les
parties de la Chimie qui ne touchent pas, par
l’'expérimentation indéfinie, au monde physique ou
vivant, approchent de cet élat. Parlant de ce point
de vue, on peut dire que la Chimie appliquée,
suivant l’homme dans sa recherche du mieux,
doit avoir une place plus grande que par le passé
dans lous les degrés de l’enseignement et dans
les livres.
Il appartiendra aussi aux jeunes chimistes
d'Industrie, quand la force des choses leur mettra
en mains, à leur tour, la responsabilité de conduire
les usines, d'y laisser entrer plus de visiteurs en
- état de comprendre. A quoi bon tant de secrets
chimiques pour les nouveaux venus, alors que les
toujours informés?
Le nombre des travaux de Chimie organique est
immense et admirablement repertorié dans les
Centralblatt; on peut donc en parcourir tous les
extraits ou se reporter aux mémoires originaux.
En lisant tout cela avec conscience, un homme du
métier est frappé de la pauvreté de ces écrits.
L'idée d’un inventeur véritable se manifeste de
loin en loin; elle est intéressante, mais donne nais-
sance à des milliers de mémoires sur des cas
particuliers, qui ne le sont plus. Soyons plus précis:
ces cas ont un petit intérêt; mais, au lieu de les
exposer en de longues pages, il faudrait les réduire
à six lignes de constantes référées à la page et au
numéro que cela devrait prendre dans une pro-
chaine édition du Répertoire court et apprécié de
Beilstein. Le /eilstein serait toujours rédigé
d'avance et, selon la phrase facile dont on abuse :
on y comblerait une lacune.
C'est sans doute par plus pelits volumes que, dans
l'avenir, sera constitué un Zeïlstein, isolant ainsi
les grandes fonctions, les dérivés à corps simples
peu usuels, les questions à l'élude telles que celles
des terpènes ou des albuminoïdes. En conservant
le cadre d'ensemble, on se rapprocherait plus des
groupes monographiques, et on lui laisserait, au
besoin, des pages blanches à chaque chapitre. Une
œuvre ainsi conçue préparerait les documents
épars pour un esprit conslitué comme le fut celui
de Gerhardt. Dès à présent, les documents moyens
sont plutôt surabondants.
En Chimie organique, les affirmations verbales
de nomenclature continuent. Le Congrès de Genève
avait voulu créer une langue systématique dont il
est peu resté parce que l’expérimentalion produit
plus de matières compliquées qu'un grammairien
ne peut introduire de formes utiles dans sa syn-
taxe. Je continue à penser que des formules indé-
finiment variables se lisent, mais ne se parlent
pas. On n'immobilisa pas une langue vivante.
Aussi chaque auteur prend-il de plus en plus la
liberté de créer des néologismes qui forment, pour
son travail journalier, une sorte d’ « argot » pas-
sager et excellent, pourvu qu'on n’en veuille pas
embarrasser la science classique. Je relève les
noms de « chalcone », de « prozane », de « méthé-
bénol » pour cette année. Une vue large de l'évolu-
tion chimique exige déjà beaucoup de temps; espé-
rons que les nouveaux chimistes n'abandonneront
pas la proie pour contempler ces ombres faciles.
Assurément, de grands progrès se sont accom-
plis dans l'étude des isoméries. D'abord considé-
136
A. ÉTARD — REVUE ANNUELLE DE CHIMIE
rées comme les différentes manières d'écrire une
formule plane — sur le plan du papier — on a
pensé aux formules à trois dimensions; de là, la
Stéréochimie et l'isomérie optique. Tout cela reste
‘sans mouvement. C'est un pavage en relief, angu-
leux, mais inerte. Dès le début, M. Berthelot, avec
ses vues d'ensemble, concevait l'isomérie dyna-
mique, démontrée par le calorimètre. Ce sont ces
isomères fragiles, en perpétuel état de « migration
moléculaire », gardant la même composilion, mais
changeant de propriétés du jour au lendemain,
parce qu'on les a simplement mis au jour, laissés
attendre, chauffés, électrisés ou dissous. Et voici
encore un néologisme : c'est l« alloergie » qui
produit tout cela. Peu importe, les chiffres obtenus
au calorimètre sont susceptibles d'être traduits en
kilogrammètres ou en walts, et, provisoirement
contents des images, nous devinons les isomères
chargés et travaillant à circuit ouvert ou fermé
comme des accumulaleurs.
Les synthèses chimiques complexes se font
maintenant avec une extrême facilité, et de là
résultent souvent des corps doués de pouvoir rota-
loire, mais inaclifs par compensation De nom-
breux travaux se font maintenant pour isoler les
composants actifs. Dans notre temps de rapide
production, les questions chimiques à l’ordre du
jour se rapportent à la détermination exacte des
faits pour qu'il n'y ait plus lieu d'y revenir. Cela
est louable, mais il conviendrait de ne pas voir,
dans la séparation des isomères optiques ou anli-
podes par solubililé, une tendance nouvelle. Cette
attaque de la question des antipodes peut êlre
extrêmement ingénieuse dans sa technique, mais
ne présente que des variantes de la méthode de
Pasteur sur la solubilité des tartrates d’alcaloïdes
actifs. Sur ce terrain, de réels progrès sont faits,
et le mécanisme de la séparation est de mieux en
mieux connu. W.-J, Pope et S.-J. Peachey' consi-
dèrent l'acide dextrocamphosulfurique de Rey-
chler comme préférable à l'acide tartrique pour la
séparation des bases inaclives par compensation.
En outre, la séparation se fait mieux en saturant
exactement deux molécules de base par un mé-
lange équimoléculaire d’acide chlorhydrique el de
l'acide actif. Le détail de ces préparations et sur-
tout la longueur des noms — il s’agit du dextro-v-
bromo-camphosulfonate lévolétrahydroquinaldi -
que — s'opposent à l'analyse complète d'un mé-
moire long, mais parfaitement intéressant.
Quand deux solides droit et gauche, — tels les
acides lartiques — cristallisent ensemble, ils don-
nent un « racémique » : l’activité optique tombe à
zéro. D'ailleurs, les cristaux portent un signe na-
! Chemical Society, décembre, 1899.
turel de leur sens rotaloire. Les auteurs se sont
demandé si, en mêlant en proportions moléculaires
deux liquides ne différant que par leur sens, ils
restaient en simple mixture dépourvue de rotation
ou bien formaient un véritable composé « racé=
mique » également neutre. En faveur de la combi=
naison racémique, on ne peut retenir qu'un failm
observé par Ladenburg : un mouvement thermique
lors du mélange de la dextro et de la lévocitutine:
Les autres caractères ne sont pas affectés. Cepen-"
dant, le pouvoir rotatoire des matières actives
varie du simple au triple, selon le dissolvant dont
on fait usage pour l'observer. Ce fait, étroitement,
comparable à celui de la multirotation, tient, selon
les auteurs, à l'équilibre qui s'établit entre le corps.
actif dissous et l’état d'agrégation moléculaire du
dissolvant défini par les travaux de Ramsay et
Shields. Cela dépend encore, selon T. M. Lowry', de”
l'isomérie dynamique dont il est question plus
haut. IL faut ajouter que bon nombre de bases
métalliques ou de matières organiques compli-
quées provoquent, selon les cas, des séparations"
pratiques.
Les procédés d'oxydalion sont toujours très in-
téressants à connailre parce que chaque réaction a
une manière d'être spécifique, et qu'en étudiant
beaucoup dans cette voie nous aurons quelque»
chance de connaitre le mécanisme chimique des”
oxydations naturelles, diastasiques ou autres:
Comme nouvel exemple de curieuse spécificité, on.
peut citer l'action du réactif de Caro sur les acé-
tones. Ce réactif, mélange d'acide sulfurique con-
centré et d'un persulfate, intercale un oxygène.
dans les cycles cétoniques *. Soit l'exemple de la
menthone :
CHE — CO
CH — CIS DC _ cr
Nc re
CHE — CO — 0
S> CH—CH
|
N CHE — CHE — CH — CH,
Ces travaux, encore peu avancés, laissent deviner
le moyen d'ouvrir des cycles au point précis où
l'acétone est devenue une lactone. Le camphre agit
de même. L'acétone vulgaire donne un peroxyde
explosif :
(O
OH CO)
CU*
L'oxydalion, l'hydrogénation, l'hydratation, la
substitution et la condensation sont les cinq grands
moyens de travail et de production en Chimie
organique. Jusqu'à présent, tout cela s’est fait en.
—_—_—_—_—_—_—______———————…—…—…—…—…….…—.….….…"…"……"—….—.….…"—….…—_—….….—…."…—…"_—_—_—_—
! Chemical Society, 15, 21. <
? Bagyer et Vizuicer : Berichte, t. XXXIL, p. 3625.
PEU,
A. ÉTARD — REVUE
ANNUELLE DE CHIMIE
137
passant par des cycles compliqués et loujours en
consommant une forte quantité de produits chi-
miques. De plus en plus on s'efforce de réaliser ces
travaux en utilisant directement l’énergie électri-
que. Ainsi se font nombre de dérivés acides
nitrés, amidés, etc.
Par exemple, les réactions suivantes se font à
l'électrode négative :
CSHE — CO — CO — CH + H? = CSHS — CH(OH) — CO — C'HS
TL ©" CR
Benzyle. Benzoïne.
2CSH"A20° + 8H = 4H°0 + CSH* — Az — Az — CH*
| |
CHS CH$ CH*
ne D...
Nitrotoluène. Dérivé azoté.
Le progrès en toule chose est si lent qu'on ne
peut affirmer que l'application directe de l'énergie
libérée ait supplanté les moyens chimiques. Il y a
lieu toutefois d'espérer et de beaucoup espérer.
Souvent les visées industrielles et commerciales
ont été la vérilable cause des progrès rapides
d'une branche de la Chimie organique. C’est là un
fait connu et nullement une crilique. L’ensemble
de la Chimie organique doit beaucoup au succès
financier des couleurs dites d'aniline. Mais aussi,
des considérations économiques agissent en sens
inverse: si je ne me trompe, l'activité, un peu
moins grande, de quelques branches de la Chimie
organique tient à ces raisons.
Les matières colorantes ont conduit à des succès
tels que le nombre des chercheurs s’est accru. De
ce fait la question a été mieux connue et même
soumise à cetle étude « exhaustive » qui l’a un peu
épuisée. Les bonnes couleurs du début subsistent;
un petit nombre d'autres seulement s'y sont ajou-
tées : il suffit de les mélanger pour avoir une
bonne palette. Pendant ce temps, les milliers de
couleurs trouvées tombent dans l'oubli. I] faut dire
aussi qu'une élude rationnelle à fait baisser le
prix des colorants vraiment pratiques.et que les
antiques couleurs végétales qui donnaient tant de
splendeur aux costumes anciens, ne sont pas
mortes, lants’en faut.
Les parfums, il y à vingt ans, nous Pie un
monde inconnu; aujourd’hui, il nous reste déjà
moins d'espoir de créer des sensalions olfactives
inédites par des coups de synthèse simple. Puis, à
supposer qu'on vienne à créer une infinité de
nuances parfumées, notre organe percepteur ne
peut de suite s'y accoutumer. Lié de tout temps au
monde naturel, l'odorat ne tiendra pas pour
agréables ‘tous les produits chimiques que nous
sommes capables de faire. Et, dans ce monde na-
turel, nous connaissons déjà la plupart des formules
peu nombreuses qui forment les parfums. D'abord
on n’a cru voir que des entités odorantes chimi-
_quement définies, comme la vanilline, la couma-
rine, le rhodinol... De là un élan de recherches.
Mais la nature compose les parfums, dont chaque
“fleur à adopté et conserve toujours la mode, avec
des drogues simples.
Il paraît acquis ! que l'essence naturelle de
jasmin — un parfum de fleur s'il en fût — est un
composé de
Into} CHTAZ AE Trac ein OT
Jasmine C'8H1502, S 3,0
Anthranilate de méthyle € sp. \z02. ,0,5
Acétate de benzyle C’H!0*. 65,0
Acétate de linalyle C'?H?%0?, 1,5
Alcool benzylique C'HSO . ET MEN
AlCoolbnalorque CAO PEAR 04515
C'est bien là une composition où, dans de fortes
quantités de dérivés benzyliques ou linaloïques, la
Nature, comme un parfumeur en vogue, met à
propos de minimes doses d'autres drogues égale-
ment connues.
Ici les plantes donnent des masses énormes
d'huiles à odeur parfois repoussante, mais d'où
l’on sait extraire les constituants des parfums es-
timés. Il y a moins à chercher des nouveautés
chimiques qu à séparer des constituants dépréciés
pour les mélanger de nouveau selon des propor-
tions demandées. À ce point de vue, n'est-il pas
curieux de savoir que la coumarine, malière sim-
ple qu'on fait très facilement de pleine synthèse,
est encore produite à bon compté par une orchidée
du Mexique ?
L'étude pas donné grand
chose Je crois bien que le souci,
pour tous les Dforloires s, de mener leurs affaires
courantes tout en préparant des produits d'Ex-
position a restreint les travaux; mais aussi, en se
plaçant comme pour les couleurs et les parfums
au point de vue de la production, on croit voir les
mêmes effets. Un grand effort de travail a été fait
pour créer de synthèse plus de dérivés médicamen-
teux que nos organes n'en peuvent supporter. Le
chloroforme, l'antipyrine, le sulfonal, le salicylate
et quelques autres bienfaits artificiels sont con-
sacrés par un usage prolongé. Mais, fort heureu-
sement, on ne mange pas des masses notables de
médicaments aclifs. Les maladies susceptibles
d’être traitées avec succès ne le sont qu'avec un
bien petit nombre de produits chimiques. L'im-
mense effort qu'il reste à faire à la Chimie orga-
nique dans ce domaine, ne doit pas nécessairement
se réaliser dans des fabriques. Les opiacés et la
quinine sont l'objet de cultures méthodiques.
L'éducation de ces plantes en vue de produire
beaucoup d'alcaloïdes n'apparaît pas plus extra-
ordinaire que celle de la betterave sucrière, et
alors le végétal créera sans doute plus économi-
des Duldides n'a
celte année
‘ Hesse, Berichte, t. 32, p. 565, 165, 2.611.
158
A. ÉTARD — REVUE ANNUELLE DE CHIMIE
quement les poisons compliquées que ne pourra le
faire une usine. Puis une autre évolution s’est ac-
complie par l'intervention pastorienne ; les grandes :
maladies portent en elles leur principe de guérison:
quelques centimètres cubes d'une sérosité anti-
diphtérique, produite en abondance par des chevaux
vaecinés à cet effet, supprime le croup plus vite
qu'une série de médicaments et de soins éclairés.
Divers maux ont déjà leur antidote ou contre-poison
certain, et cela débute. Ce n’est plus dans le sens
de la consommation des produits chimiques que
se fait le progrès. Le principe de la conservation
de l'énergie ne se dément pas pour la Chimie orga-
nique : il se transforme. Les couleurs, les médica-
ments et les parfums semblent avoir un avenir plus
étroit qu'on n'avait pensé.Mais une étude deplus en
plus approfondie de la Chimie organique théorique
et pralique est exigée du monde moderne dans un
autre but; si tous ces produits dont nous avons parlé
peuvent échapper à l'usine de synthèse, ils devront
sortir de l'usine d'extraction. À mesure que des
hommes sont soustrails aux dures besognes tradi-
tionnelles, d’autres se forment, dansles laboratoires,
pour diriger le travail des machines et des êtres en
vue de produire plus de matière alibile, de la pré-
server, de la transporter et de diminuer pour tous
cette somme de souffrance qui, autrefois, paraissait
un mal nécessaire.
La puissance scientifique me parait, dans une
certaine mesure, indéfinie pour extraire et con-
server, non pour créer économiquement. Pour les
synthèses, on ne dispose que de la houille, du bois,
du pétrole, de l'air, et de l’eau. Et la Nature trans-
forme ces choses bien plus adroitement que nous.
En raison de la simplicité de formule des bases
hexoniques, on ne pouvait manquer d'en rechercher
la constitution et au besoin d'en faire la synthèse.
Selon À. Ellinger ‘, la lysine, acide diamidocaproï-
que des Lissus vivants, se convertirait par putré-
faction en cadavérine :
A2H?— CH? — CH°— CH* — CH°— CH° — AzH°.
L'argynine CH'#Az‘0*, autre constituant des pro-
toplasmas, que l’eau de baryte sépare en urée el
acide diamidovalerianique, a été reconstituée par
MM. E. Schulze et Weinterstein . L’acide diamido-
valerianique et la cyanamide engendrent à leur
tour l’argynine :
AH = C — AzH — CH? — CH? — CH? — CH — COH
|
le AZI
Sans doute le mot de bases hexoniques, qui se
trouvait convenir aux premières bases en C° qu'on
1 Berichte, t. XXXAI, p. 3542.
2 Berichte, t. XXXII, p. 3191.
a découvertes, ne devra pas être pris Lrop à la lettre
En réalité, si l’argynine a six carbones, il n’y en
a que cinq en continuité formant le vrai radical
de la formule. Tout cela se passera vraisemblable=
ment, comme pour les sucres, avec un peu plus”
de complication introduites par les azotes; il se
fera des divisions comme celles des pentoses, des
heptoses et leurs polymères.
L'étude de la morphine achemine peu à peu les
chimistes vers la synthèse. La matière précieuse
qui suspend pour des temps assez longs la douleur,
a une formule très complexe, seulement probable «
et un peu imprécise; mais c'esl déjà un grand point
que deux hommes aussi compétents que Knorr el
von Gerichtlen continuent à s'accorder sur le schéma
suivant d'un phénanthrène substitué :
S Non:
°°} cn 222 ons
f À CH:
NY |
| 5 CH— 0
OHCH —
\NZ0H
Avant peu d'années, des kilomètres de terre
seront rendus à la production de la matière alibile,M
la seule chose que l’homme ne puisse espérer faire
de synthèse et dont il vit souvent avec parcimonie,
quand il ne meurt pas de famine.
Sur le cas de la quinine, on est moins avancé en …
théorie; mais, en pratique, celte précieuse matière, .
qui a valu 800 francs le kilo, ne vaut plus que
60 francs. Ce résultat est dû à une culture métho-"
dique, à une éducation de la plante par sélection …
et, si la synthèse en usine intervient bientôt, ce
qui se peut, nous aurons à enregistrer un grand …
succès chimique sans doute, mais non pas une |
conquête sur la fièvre ni un changement de travail .
producteur.
Il en est de même pour d’autres questions. Quel
avantage aurons-nous d'ici longtemps à faire des
terpènes si nous le pouvons jamais? L'exemple
des sucres est là, très sensiblement connu, — je
parle du saccharose; — on ne songe pas à tenter
de nouveaux efforts pour produire le sucre, dont la
betterave el la canne nous font un aliment pratique,
landis que la synthèse nous le ramènerait à l'état
de médicament coûteux. IL n’est pas dans mon
esprit de médire de la Chimie, que j'aime trop,
mais on ne peut demander à la science de l'homme
que les choses rares et chères que la mine et la cul-
ture ne peuvent donner. Il en va ainsi de la question
de l'indigo : on en écrit beaucoup, diverses syn-
thèses se font depuis vingt ans avec difficulté;
mais l'indigotier poursuit toujours avec le plus
grand succès économique celte synthèse qui nous
A. ÉTARD — REVUE ANNUELLE DE CHIMIE
139
parait d'autant plus pénible qu'on y a dépensé des
millions. Pour cet indigo, après l'acide phénylpro-
piolique, on veut faire mieux et il se trouve que
la production de matériaux simples, comme la
phtalimide ou l'aldéhyde orthonitrobenzoïque, se
présente encore comme des problèmes praliques
non résolus.
N'ayant pas a décrire l'infinité des cas particuliers
et les procédés lechniques, le champ d'une Revue
de Chimie organique se rétrécit chaque année.
Peut-on encore intéresser les hommes de cullure
générale en leur parlant des trois séries de dérivés
aromaliques qu'on découvre par centaines? Je ne
le crois pas. Les sucres aldéhydiques sont connus
en grand nombre: mais il se peut que, dans Île
monde vivant, existent divers sucres cétoniques.
En tous cas, l'étude chimique de ces corps est
importante et peu avancée, sauf dans le cas de
Pancien lévulose, aujourd'hui fructose. Entre
autres choses, c'est de l'examen de ces cétoses
que s'occupe M. G. Bertrand, en les attaquant par
les ferments dans les laboratoires de Chimie de
linstitut Pasteur, pourvus du puissant outillage
moderne. C'est ainsi qu'a été produit un sucre
cétonique simple : l'érythrulose OHCIF — CO
— CHOH— CH°0H!.
Ce qui reste net el ouvert à notre besoin de
science, ce sont, parmi les corps « non classés »,
de Gerhardt, les terpènes avec leurs résines, les
« extractifs » et saponaires et les albuminoïdes,
depuis ceux qui sont relativement simples jusqu'aux
tissus épidermiques condensés comme des saccha-
rides. Pour connaître ces matériaux liés à la vie, il
faudra certes un temps bien plus long qu'il n’en
a fallu pour acquérir notre peu de savoir sur de
simples pyrogénés de nos séries grasse et cyclique.
IT
La Chimie minérale réserve toujours la surprise
de corps simples nouveaux : en cela, elle touche à
l'inconnu permanent de la Nature physique et
permet d'attendre toute sorte de révélations. Les
travaux de MM. Moissan, Ramsay, Curie ont rompu
nos classifications et apporté de nouveaux sujets
d'étude. Dans ce cas, nous ne puisons pas, ainsi
-qu'il se passe en Chimie organique le plus souvent,
dans le réservoir restreint de nos hypothèses, mais
“dans l'infini naturel.
Et si nous ne devinons de la sorte qu'une bien
faible fraction des secrels qu'il nous sera donné de
“connailre, au moins ne passons-nous pas notre
temps .à tourner sans but théorique dans le cercle
de notre propre pensée.
Les grandes inventions qui émeuvent jusqu'au
grand publie restent rares, bien que, dans ces der-
nières années, on ait été favorisé d'une façon
exceptionnelle : il n’est pas possible d'en écrire de
nouveau les points marquants chaque année.
Dans la Chimie physique et minérale de labora-
toire, il en est de même. Les gaz de l'air, les
rayons de Becquerel, les métaux radiants de Curie
ont été décrits avec soin dans cette Æevue.
L'étude laborieuse se poursuit sans qu’un détail
de quelque généralité puisse provoquer de sur-
prise. Comme en Chimie organique, l'Exposition a
donné aux chercheurs, sinon du repos, au moins
de tout autres occupations. Aucune Revue ne
devrait peut-être s'écrire celte année, sinon pour
rappeler le passé et dire que tous les laboratoires
ont repris leur travail avec l'espoir de faire en ce
siècle autant que dans l'autre. Malgré la formule
rassurante et simple qui prétend que les sciences
progressent en raison directe du carré des maté-
riaux qu'elles accumulent, il serait heureux qu'or
pût réaliser dans cent ans seulement la quantité
de travail intellectuel et matériel qui à illustré les
hommes du xix° siècle disparus ou vivant encore.
Nous avons vu que les questions physico-miné-
rales se développent de plus en plus. L’anhydride
persulfurique $° 07, découvert en 1878 par M. Ber-
thelot, a conduit à la fabrication des sels dont on
entrevoit l'importance et dont la stabilité surprend
nos préjugés. Le persulfate d'ammonium se pro-
duit aujourd'hui par kilogrammes; on l'aurait fait
depuis plus longtemps sans doute sans l'idée des
atomicités fixes, de cette sorte de défense qui est
faite à la Nature de permetlre des combinaisons
imprévues pour une série où l’analogie avait, à
notre sens, arrêté définilivement le rapport des
combinaisons. Il n'a pas semblé aux expérimenta-
leurs que l'acide persulfurique fût loujours le
même, et dès lors MM. Martin Lowry et J. West *
ont recherché la nature de ces combinaisons.
Il a paru d’abord que des composés en série tels
que xH?0* + ySO° prenaient naissance ; une
étude plus complèle a montré que les effets obser-
vés dépendent de la concentration en acide selon
les conditions de préparation. Ces concentrations
dépendent elles-mêmes d'un équilibre chimique où
figurentles phases H°0, SO'H?,SO“H et H°0?. l'a forme
de la courbe d'équilibre serait donnée par l’équa-
tion du quatrième degré :
SO'H _, il
H20 — Ho / *
Cela est un peu spécial et se résout par l'étude
d'un cas particulier issu d'une théorie générale. A
1 C, R:°1900, t. EXXX, p. 1330.
1 J. of the Chem. Soc. 1900 p. 951.
140
A. ÉTARD — REVUE ANNUELLE DE CHIMIE
un autre point de vue, celte question des acides du
soufre commence à subir une importante trans-
formation.
L'acide sulfurique élait arrivé à une fabrication
presque parfaile dans les encombrantes chambres
de plomb bien connues. Mais il semble qu'un
souffle nouveau bouleverse toutes nos idées de
production chimique. Une très ancienne réaction,
qui ne se réalisait que dans les cours de Faculté, a
été reprise : l'acide sulfureux, qui n’est pas saturé,
s'est montré plus combustible qu'on ne croyait;
et, en faisant passer ce gaz dans un tube avec de
l'oxygène en présence d’une matière de contact
(l'ancienne action catalytique), on a de l’anhydride
sulfurique solide :
SO? +0—S0*.
De longues études sur un dispositif et des con-
ditions avoisinant ce qu'on appelle ie « tour de
main chimique », vont révolutionner une industrie!.
En effet, on n'aura plus à transporter, dans de dan-
gereuses touries ou dans des cilernes flottantes, un
liquide corrosif — le vitriol — mais des blocs
solides et inoffensifs dans leurs boîtes en métal : de
l'anhydride SO*. Quelques morceaux du plus im-
portant des produits chimiques pourront acidifier
de l'eau dans le centre des continents peu accessi-
bles.
Sur toute la Chimie minérale agit le même esprit
de simplification.
Pour le chlore et ses dérivés, il y a dix ans à
peine, se faisait un puissant effort de recherches
chimiques. Aujourd'hui, il semble bien que, pour
faire la soude électrolytique correspondant à 23 ton-
nes de sodium, on soit menacé de l'encombrement
résultant de la production de 35 tonnes de chlore.
Le monde ne peut indéfiniment consommer du
chlore ni ses dérivés. Le siècle passé lègue cette
abondance de biens ; aux autres à établir le détail
et aussi l'équilibre de ces richesses de la science
en vue d'un meilleur résultat général.
Toute cette grande industrie minérale et phy-
sique se lient, senchaine. Nous voyons encore
bien peu dans ces questions, liées à tant d'intérêts
de tout ordre, au déplacement de toutes les formes
de richesse. On a commencé à sentir les premières
atleintes de la pénurie du charbon, lequel n'existe,
de science certaine, que dans de rares points d’un
seul des terrains géologiques du globe. L'Amérique
et même la Chine n’en donneront que pendant un
temps limité.
Mais déjà nous commençons à savoir capter
avantageusement l'énergie du Soleil. C'était autre-
‘ La Revue publiera dans son prochain numéro un im-
portant article de M. A. Haller sur cette question.
—
fois une chimère, avant qu'on eût inslallé en
grand, sur les eaux vives, des turbines, des alter=
nateurs et des càbles. Avec un médiocre lorrent,s
on peut concentrer dans un village, et à distance, la:
puissance de plusieurs milliers de chevaux infali=
gables, travaillant nuit et jour, pendant des mois"
et des années. Ce fait est gros de conséquences
chimiques. 1
Grâce au four électrique de M. Moissan, dont le
nom restera comme celui du créateur d’une évolu=
lion physico-chimique, l'énergie solaire sera accu=
mulée sous diverses formes. Sans essai de pro=
phétie, — ce qui est toujours vain, — nous
savons ce qui est déjà sorti de ce puissant appareil
calorifique sous diverses formes. Le carbure dé“
calcium emmagasine presque directement la
lumière solaire. 4
Peu de métaux, bien peu, échappent à la réduc=
tion et nous assistons au début de l'action de ces
tempéralures. .
En même temps toute une métallurgie par
électrolyse voie sèche nous apparait : tel est le cas
du magnésium et surtout de l'aluminium. Mais, ici
encore, il s'agit de mettre en barres un peu de
l'activité du monde solaire. L'aluminium consomme
en se formant une grande quantité d'énergie.
‘De là est née l’alumino-thermie. M. Moissan,
sans doute préoccupé de ne pas introduire de
carbone dans les métaux, ce qui a lieu toujours en
les réduisant par le charbon selon l'usage, imagina
de jeter de l’oxyde de chrome sur un bain d'alu
minium fondu. Plus tard M. Goldschmidt élablit
sur celte idée l’alumino-thermie pratique. LE
limaille d'aluminium et l'oxyde de chrome allumés
en un point par une cartouche très oxydante a
bioxyde de baryum continuent à brûler en grandes
masses, selon une loi thermochimique : ilse fait du 1
chrome fondu et une scorie de rubis:
Cr°05 + AI — AI°05 + 2Cr.
Et l'on peut, par cette simplification, faire des
tonnes de métal sans gaz, sans fumée, presque dans
des appareils de salon.
La classification étroite des sciences, si brille
ment cataloguées par Auguste Comte, fut passagère;
les idées, moins systémaliques, de Cournot l’er
portent. Il ne reste plus comme directions irréduc=
tibles que les sciences de l'Esprit et celles de là
Nature. Dans ces dernières, il y a quelque chose de
comparable à une ligne de partage des eaux ent
deux plaines infinies. Du sommet nous regardons
l'étendue mystérieuse des phénomènes physiques
et matériels; de l’autre le mystère de la vie.
A. Etard
Examinateur de sortie à l'Ecole Polytechnique;
Chef de Service à l'Institut Pasteur, =
BIBLIOGRAPHIE — ANALYSES ET INDEX l
=
BIBLIOGRAPHIE
ANALYSES ET INDEX
1° Sciences mathématiques
Lavergne (Gérard). — Manuel théorique et pra-
tique de l'Automobile sur route. — 1 vol. de
722 pages et329 fiqures (Prix: 17 fr. 50) — Ch. Béran-
ger, éditeur. Paris, 1900.
M. Lavergne n’est pas un inconnu pour les lecteurs
de la Revue qui, depuis longtemps, ont su apprécier
en lui le savoir de l'ingénieur autant que le style serré
et concis de l'écrivain. Son ouvrage actuel peut être
considéré comme un des documents les plus complets
publiés sur cette nouvelle industrie de l'automobilisme,
qui prend tous les jours plus d'importance. On y
retrouve naturellement les qualités de précision du
mathématicien qui n'avance aucun chiffre à la légère
et base tous ses calculs sur des données expérimentales.
Les exemples pratiques abondent, qui viennent justifier
les résultats trouvés par le calcul, et la classification
très nette adoptée par l’auteur est de nature à jeter
des bases solides dans l'esprit du futur adhérent au
nouveau genre de sport. Pour faire l'analyse d’un tel
livre ou même en énoncer seulement les chapitres, il fau-
drait un espace considérable ; nous nous bornerons donc
à en signaler seulement les points les plus saillants.
Au début de son ouvrage, M. Lavergne prend la pré-
caution d'initier son lecteur aux termes techniques
qu’il emploiera à presque toutes les pages. Cet exemple
devrait bien être suivi par les auteurs de tousles livres
techuiques qui s'adressent au grand public. Puis, après
quelques mots d'historique, indispensables à toute
science, il entre immédiatement au cœur de son sujet.
Les trois agents d'énergie auxquels l’automobilisme
peut avoir recours jusqu'ici sont : la vapeur, le pétrole
et l'électricité. Les organes qui les engendrent et ceux
qui les mettentensuile en œuvre seront donc étudiés dans
l'ordre précédent, et leurs caractéristiques discutées.
Parmi les chaudières à vapeur, le système aqua-
tubulaire est préléré avec chauffage par combustibles
liquides ; et, puisque les moteurs rotatifs ne sont pas
encore pratiques, et que les turbines ne sont pas appli-
cables en raison de leur trop grande vitesse, on est
forcé de se rabattre sur des moteurs alternatifs à
cylindres fixes multiples, à simple ou à double expan-
sion, dont le surchauffage des enveloppes et l’adjonction
- d'un condenseur à air pourront améliorer le rendement.
Tous ces organes relativement pesants conviendront
spécialement pour la traction des véhicules lourds.
Avec le pétrole lampant ou l'essence de pétrole, il faut
avoir recours aux carburateurs : Les plus perfectionnés
parmi les appareils de ce genre sont les carburateurs
à pulvérisation qui s'adaptent aux voitures et non aux
-motocycles. Quant aux moteurs, ils appartiennent tous
au type à compression et à explosion, avec distribution
par soupapes automatiques, sauf dans les moteurs
Loyal et Dufour. La régulation s'obtient lors des varia-
tions de charge, en modifiant soit la quantité d'essence
admise dans le carburateur ou dans la chambre d’aspi-
ration, soit la quantité du mélange carburé admis dans
le cylindre, soit enfin le dosage du mélange carburé.
Un constructeur même fait varier la compression en rai-
son inverse de la richesse du mélange, en constituant le
fond de la culasse du cylindre par un piston mobile.
L'allumage du mélange explosif s'obtient généralement
avec une étincelle d'induction produite par une pile
sèche. Un des moteurs à essence les plus intéressants
à signaler est celui imaginé par MM. Gobron et Brillié,
qui évite toute trépidation de la voiture par la combi-
naison heureuse de deux pistons travaillant en sens
REVUE GÉNÉRALE DES SCIENCES, 1901.
inverse l’un de l'autre : c'est un système absolument
analogue à celui du moteur von OEchelhauser, dont la
stabilité en marche, même avec des unités de très
grande puissance, est si remarquée. Les moteurs
rotatifs, avec l’essence de pétrole pas plus qu'avec la
vapeur, ne sont arrivés à un degré de perfection les
rendant pratiques, et la solution du problème paraît
encore bien lointaine. En résumé, les moteurs à essence
présentent généralement le grave défaut de manquer
d'élasticité et c’est surtout dans les organes de réglage
qu'il y a lieu de rechercher les améliorations.
Au point de vue électrique, les accumulateurs sont
les seuls générateurs applicables aux automobiles, si
l'on fait abstraction du si intéressant essai d'utilisation
du trolley que tout le monde a pu admirer à l’Exposi-
tion de Vincennes. L'auteur passe en revue les différents
accumulateurs employés et donne la préférence au
couple plomb-plomb avec eau acidulée sulfurique. Un
calcul détaillé fait très bien ressortir la possibilité éco-
nomique d’un tel mode de locomotion et les différents
concours de fiacres qui ont eu lieu sont venus pleine-
ment confirmer la réalité de ces chiffres. Quant au
moteur électrique, son avantage sur tous les autres
systèmes de moteurs, au point de vue de la traction,
n'est plus discutable. C’est la machine automobile par
excellence, jouissant à la fois du mouvement rotatif,
de l'élasticité et de l’autorégulation, qui sont autant de
gages précieux de sécurité pendant le marche.
Dans un chapitre très condensé sont résumés les
avantages et inconvénients des trois éléments d'énergie.
La lecture attentive de ce passage du livre redressera
bien des erreurs ou des idées préconçues.
On entre ensuite dans les domaines du constructeur
et de l'acheteur. Veut-on calculer la puissance qu’il est
nécessaire de donner à un moteur pour que la voiture
qu'il actionnera réponde à des conditions imposées, ou
désire-t-on se rendre compte de la puissance d’un mo-
teur existant, par exemple, au moment de la réception?
Les deux cas ont été prévus et les questions résolues.
La seconde partie du livre traite des transmissions,
c'est-à-dire des organes intermédiaires reliant le moteur
au véhicule lui-même. C’est un cours de Mécanique
spécialement approprié au sujet: la nécessité des trans-
missions est justifiée par l'obligation de modifier la
vitesse de marche, de faire reculer la voiture, de dé-
brayer le moteur et d'assurer l'indépendance des roues
motrices, lors des virages. M. Lavergne a décritavec beau-
coup de détails les différentes sortes d'embrayages, les
plateaux de friction, les courroies, les engrenages, les
engrenages différentiels, les encliquetages, les chaînes
Galle, les chaines Renolds, les systèmes acatènes, etc.
Les assemblages divers de ces organes varient suivant
les systèmes de voiture, qui sont tous passés très cons-
ciencieusement en revue.
Le véhicule comprend les essieux, les roues, les ban-
dages et sur chacun de ces éléments on trouve, dans
l'ouvrage de M. Lavergne, tout ce qu’on en peut dire.
L'étude des bandages, en particulier, présente un gros
intérêt : elle montre la tendance manifeste à se servir
du caoutchouc, même pour les voitures lourdes. Vien-
nent ensuite : la fabrication des ressorts si utiles à la
suspension, celles du châssis et de la caisse; et, à ce
propos, l’auteur discute comment le carrossier doit com-
prendre l'esthétique de sa voiture, tout en se confor-
mant aux principes de l'ingénieur: il conseille d'éviter
les larges surfaces transversales qui peuvent accroître
bien vite le travail imposé aux moteurs pour la propul-
sion rapide du véhicule et propose la disposition en bi-
seau des glaces placées sur l'avant des voitures et pour
++
142
BIBLIOGRAPHIE — ANALYSES ET INDEX
la caisse même la forme de proue, qui, par une heu-
reuse coïncidence, semble devoir complaire à l'œil qui,
par habitude, recherche toujours le cheval. Des freins
agissant soit sur les bandages, soit sur des poulies, des
appareils mécaniques de graissage complètent la liste
des organes qu'on peut rencontrer dans une voiture
automobile.
Une troisième partie décrit, dans tous leurs détails,
les nombreux systèmes de voitures, et le lecteur, bien
initié à la connaissance de chaque élément, en par-
court toutes les pages avec fruit et sans fatigue. Ce sont
d'abord les véhicules à vapeur comprenant les omnibus,
camions et tracteurs; les voitures légères et les avant-
trains moteurs. Parmi les véhicules à pétrole se succèdent
les tricycles et quadricycles, les voiturettes, les tricycles
et voiturettes de livraison, les voitures; enfin,on passe aux
véhicules électriques, c’est-à-dire aux voitures, fiacres
et cabs. Un système mixte, celui des véhicules pétroléo-
électriques, semble assez logique, puisque l'électricité
vient suppléer au manque d'élasticité du moteur à pé-
trole, tandis que ce dernier permet d’emporter sur la
voiture une grande quantité d'énergie dont le renouvel-
lement est bien facile en cours de route.
L'ouvrage se termine par le compte rendu très im-
partial des résultats de tous les concours qui ont eu lieu
depuis 189% et qui ont eu une si grande influence sur
le développement de l’industrie nouvelle. En première
ligne se place le concours de Paris-Rouen, dont, on se
le rappelle, le prix fut partagé entre les maisons Pan-
hard et Levassor et les fils de Peugeot frères ; puis, suc-
cessivement, la course de Paris-Bordeaux où la voiture
à pétrole Panhard accomplit, en 48 heures 47, un
trajet de 1.200 kilomètres; la course Paris-Marseille
(1711 kilomètres); celles de Paris-Amsterdam, de Nice-
Castellane ; enfin, le tour de France. A côté des courses
de vitesse, sont signalés les concours de poids lourds,
les concours de fiacres et de voitures de livraison, les
concours de moteurs et d’accumulateurs. Tous les
détails en sont à lire pour celui qui veut suivre pas à
pas les progrès de l’automobilisme. Il y éprouvera cer-
tainement un léger sentiment de fierté nationale, en
reconnaissant que cette industrie prit son essor prin-
cipalement dans notre pays. Il faut savoir gré à
M. Lavergne de l'avoir si bien montré. Son livre est
utile et restera : c'est une étude didactique de premier
ordre. EMILE DEMENGE,
Ingénieur-métallurgiste,
2° Sciences physiques
Hiorns (Arthur H.), Directeur de l'Ecole de Métal-
lurgie de « Birmingham and Midland Institute ». —
Les Alliages métalliques. (Traduction augmentée
d'un appendice par M. 9. Bounouarn, Préparateur
au Collège de France, avec une préface de M. H. Le
CHATELIER, /ngénieur en chef des Mines.) — 4 vol.
1n-8° de kkk pages avec figures. (Prix : 10 francs.)
G. Steinheil, éditeur, Paris, 4901.
L'étude des alliages métalliques a fait l'objet, dans
ces dernières années, de Mémoires nombreux et impor-
tants, et s'est développée au point de constituer une
branche nouvelle de la Science, la Métallographie. Mais
ce mouvement scientifique, provoqué principalement
par les travaux de M. H. Le Chtelier, est de date toute
récente. Les résultats obtenus, tout en donnant une
orientation nettement scientifique à des questions qui
n'élaient traitées jusqu'ici que d'une manière grossiè-
rement empirique, sont encore insuffisants pour per-
mettre d'édilier une théorie générale et définitive ; ils
suffisent à démontrer que la Métallurgie estune science
comme une autre et non un art réservé à quelques
spécialistes qui dissimulent leur ignorance en parlant
de secrets de fabrication; mais ils ne permettent pas
encore de donner à cette science une forme suffisam-
ment précise pour être traduite immédiatement en
applications pratiques.
Les traités relatifs aux alliages, pour la plupart anté-
rieurs aux travaux auxquels nous faisons allusion,
et qui ne sont que des collections de faits et d'obserz
valions, gardent donc encore leur intérêt, au moins à
titre de documents. M. Boudouard a donc fait œuvre
utile en nous donnant une traduction du livre de
M. Hiorns, qui mérite une place à part parmi les ouvra=
ges consacrés aux alliages métalliques. M. Le Chatelier
le caractérise ainsi dans une très intéressante préface
placée en tête de la traduction de M. Boudouard :
« La précision des détails, la variété des formules
contenues dans cet ouvrage inspirent à première vue
une confiance dont nous avons pu contrôler le bien
fondé sur différents points qui nous étaient plus parti-
culièrement connus. Ce n'est certainement pas un
ouvrage bien rédigé; il manque d'ordre, il est sur-
chargé de répétitions, et pourtant la lecture en est
attrayante. Il a une certaine saveur de vieux bouquin;
on y trouve des collections de recettes sentant leur
alchimie, qui font bien comprendre ce qu'a été cette
industrie des alliages et comment elle s’est développée.
Ce livre clôt une longue période de tälonnements em=
piriques; il en fait connaître les résultats avec toute l&
précision que comporte le sujet. » Ë
M. Boudouard a fort heureusement complété le livre
de M. Hiorns par un appendice dans lequel il résume
les travaux récents sur les alliages métalliques et
montre bien l'orientation nouvelle que prend mainte=M
nant la question. G. Cuarpy,
Docteur ès sciences.
Richaud (Albert), Pharmacien en chef de l'Hospice
d'Ivry.— Recherches physiologiques sur l’inulase
et l’inuline. (Thèse de la Faculté des Sciences de
Paris). — 1 brochure in-8° de 94 pages. G. Carré et
C. Naud, éditeurs. Paris, 1900. ”
L'inuline est un corps voisin de l’amidon, qu'on ren=
contre, sous forme de réserve, dans un assez graud
nombre de végétaux. Elle constitue la masse principales
des lubercules de topinambour, des fonds d'artichaut,
des gousses d'ail, etc. Elle joue donc un rôle assez
important aussi bien dans la nutrition des animaux que
dans celle des plantes. Or, il arrive, comme pour les
autres hydrates de carbone complexes, que l'inuline
n'est pas directement assimilable par l'organisme. Dans
sa thèse, M. Richaud l’a montré pour le chien et le lapin:
quand on injecte l’inuline en solution aqueuse dansles
veines de ces animaux, on la retrouve presque tout
entière dans les urines.
Chez les plantes, par exemple chez les tubercules de
topinambour, au moment de la germination, l'inuline
est d'abord transformée en sucre, en lévulose, sous
l'influence d’un ferment soluble particulier, que Grüss
a désigné sous le nom d’rnulase. È s
Un tel ferment intervient-il aussi dans la digestion des
l'inuline par les animaux? C'est la question principale
résolue par les recherches de M. Richaud. En opérant
sur le bœuf, le chien, le lapin et le canard, l’inulase n'a
pu être décelée dans aucune partie de l'appareil dt
gestif, mème quand ces animaux avaient été soumis
durant une assez longue période au régime inulacé. ,
C'est le suc gastrique, agissant en vertu de son acis
dité, et seulement en vertu de son acidité, qui est l agent
physiologique normal de la saccharification de l'inu-
line. On s'explique très bien ce phénomène quand on
étudie l'action de l'acide chlorhydrique sur l'inuline :
même à des dilutions inférieures à celles où il existe
dans le sue gastrique, l'acide chlorhydrique transforme
l'inuline en lévulose dès la température du corps. Ces,
résultats ont été confirmés presque au même moment
par MM. Biéri et Portier (CG. /?. Soc. Biol., mai 1900).
On voit par là combien il faut être prudent dans la
généralisation des processus d'ordre chimico-biologiquess
Sans doute, en s'appuyant sur l'existence des diverses
diastases digestives : amylolytiques, pepsiques, lipa=
siques, etc., chez les Animaux et les Plantes, on pou=
vait croire qu'il en serait de même pour l'inulase.
Les faits rapportés plus haut établissent nettement qu'il
BIBLIOGRAPHIE — ANALYSES ET INDEX
143
n'en est pas ainsi, qu'une même transformation chi-
mique peut être réalisée de manière différente chez les
- deux groupes d'êtres vivants.
La thèse de M. Richaud renferme encore quelques
expériences relatives à la spécificité de l'inulase, à
l’action de divers agents physiques et chimiques sur ce
ferment, enfin à l'influence négative du régime inulacé
sur la formation et la nature du glycogène hépatique.
Bien que sommaires, elles méritent d'être signalées,
car elles complètent d’une manière utile l'étude prin-
cipale entreprise par l’auteur.
GABRIEL BERTRAND,
Chef de Service à l'Institut Pasteur.
3° Sciences naturelles
Cord (E.-G.) et Viré (A.). — La Lozère. Causses et
gorges du Tarn. GUID£ DU TOURISTE, DU NATURALISTE
ET DE L'ARCHÉOLOGUE. — À vol. in-16 de la Collection
des Guides Boule, avec 87 dessins ou photographies,
4 cartes en couleurs, (Prix, cartonné toile : 4 fr. 50.)
Masson et Ci, éditeurs. Paris, 1900.
L'an dernier paraissait un livre ayant pour titre : « Le
Cantal, guide illustré du tour du naturaliste et de
larchéologue », dont les auteurs étaient deux Cantaliens
d'origine : MM. Boule et Farges. Ce livre, à la fois
guide et monographie, constituait une innovation des
plus heureuses, car les auteurs avaient rompu avec les
méthodes surannées usitées dans la rédaction des
anciens guides.
On se bornait en effet, dans ces derniers, à une énu-
mération, très souvent aride, de ce qu'on voyait super-
ficiellement. Les traits spéciaux d'un paysage, son
véritable caractère étaient remplacés fréquemment par
un morceau littéraire qui pouvait s'appliquer à mille
paysages plus ou moins semblables. On ne se deman-
dait pas pourquoi telle contrée avait un cachet si spé-
cial, pourquoi telle rivière était torrentueuse, telle vallée
large et peu profonde, telle autre étroite et fortement
encaissée; on ne cherchait pas à expliquer la richesse
minérale, industrielle ou agricole d'un pays; on se
bornait à une simple constatation; on ne se deman-
dait pas quels facteurs avaient pu influer sur la race
d'une région, sur sa faune et sa flore, ete., etc. En
revanche, le touriste devait se pâmer devant certains
paysages et certains monuments. Le reste ne comptait
pas ou était de médiocre importance.
Les auteurs du Cantal ont voulu transformer l'éduca-
- tion du touriste; ils ont voulu que son esprit eût autant
de joie que ses yeux.
… Ils ne se bornent pas, en effet, à enregistrer ce
mquils voient; ils se demandent le pourquoi des
choses; ils expliquent et ils commentent ce qu'ils
décrivent. Ils obligent ainsi le lecteur à réfléchir et à
“raisonner et, en ce faisant, ils l'instruisent. Ils ne
s'adressent pas seulement à sa mémoire; ils demandent
aussi un effort à son intelligence. Et ainsi ils multi-
plient pour lui l'attrait et les profits du voyage.
Les auteurs ont suivi l’évolution profonde subie par
les études géographiques dans ces dernières années.
Le succès du Cantal à décidé M. Bcule, un savant
qui sait écrire simplement et rendre accessibles à tous
des questions même ardues, à entreprendre la publi-
“cation de guides analogues pour toutes les régions
françaises. Les auteurs de ces guides joindront à la par-
“faite connaissance d'un pays qui sera généralement
le leur, des titres scientifiques ou littéraires éprouvés.
—._ Le second volume de cette collection a trait à
“la Lozère, un*des départements les plus pittoresques de
“France et dans lequel les paysages présentent la plus
grande opposition.
—…. J'ai eu l'occasion de parcourir ce département avec
les membres du Congrès géologique international, en
“raversant deux fois lu Margeride, en suivant toutes la
“région des Causses, les gorges si curieuses et si belles
du Tarn et de la Jonte, el en terminant mon excursion
dans le sud des Gévenues, à l'Aisoual, J'ai pu me rendre
&
Ja
compte, livre en main, de la facon dont le Guide était
composé, de son côté pralique, et goûter encore
mieux l'attrait de la contrée que je visitais. J'ai constaté,
avec plaisir, combien les auteurs, MM. E.-G. Cord et
Viré, avaient su présenter habilement et simplement
tout çe qui doit intéresser un touriste.
Des cartes, de nombreuses et belles photogravures,
des dessins au trait, viennent augmenter l'intérêt du
livre et sont des souvenirs précieux pour le voyageur.
En terminant, il convient de dire que l’œuvre de
M. Boule sera considérable, car la série des Guides-
monographies constituera une magnifique étude de
notre pays et des moyens pratiques de le visiter.
Nous sommes persuadé que ces Guides seront
appréciés de toutes les personnes qui ne se contentent
pas de voir, mais qui veulent comprendre ce qu'elles
voient. Pu. GLANGEAUD,
Maître de Conférences
à l'Université de Clermont-Ferrand.
Piolet (le R. P.) et Noufflard (Ch... — L'Empire
colonial de la France : Madagascar, La Réunion,
Mayotte, les Comores, Djibouti. (Préface de
M. Cuaizcey-Bert). — 1 vol. 1n-4° de la Collection
Courtellemont, avec figures. (Prix : broché, 22 fr.;
relié, 21 fr.) Firmin-Didot et Ci et Aug. Chal-
lamel, éditeurs. Paris, 1901.
Ce livre est le premier volume d'une série d'ouvrages
sur nos colonies, dont notre ami et collaborateur
M. Gervais-Courtellemont à entrepris la publication.
Nous signalons tout particulièrement à nos lecteurs
la belle préface de l'ouvrage, qu'un autre de nos colla-
borateurs, M. Chailley-Bert, a magistralement écrite.
Il analyse la situation de notre empire colonial à la
fin du xix° siècle avec la netteté et la précision qui
sont la caractéristique de son talent. Il nous montre
d'abord l'importance de cet empire, « acquis par nous
presque en totalité depuis 1880, d'une étendue de
8 millions de kilomètres carrés, quinze fois grand comme
la France continentale ».
Il étudie successivement les intéressantes questions
des groupes indigènes qui peuplent cet empire, son
climat tropical, et déduit de ses observations le rôle que
nous sommes appelés à y jouer, — d'où découle l'im-
pulsion que nous devons donner à notre politique colo-
niale. Il nous expose ses vues sur l’administralion colo-
niale et constate les immenses progrès de l'idée
coloniale dans l’opinion publique en France.
M. Chailley-Bert cède alors la plume au P. Piolet,
l'auteur de tant d'ouvrages appréciés sur Madagascar,
qui nous décrit, avec une profonde connaissance des
choses et des hommes de ce pays, d'abord la géogra-
phie de l'ile, puis son histoire et les différentes étapes
de la colonisation. Dans presque tout son récit, le
P. Piolet oublie volontairement qu'il est missionnaire
et nous parle de tout avec une grande indépendance et
une liberté d'esprit dont on doit lui savoir gré.
Des illustrations, véritablement merveilleuses de vie
et de couleur locale, accompagnent le texie et le com-
plètent harmonieusement.
Après Madagascar, voici la Réunion, Mayotte et les
Comores, par M. Ch. Noufflard, le distingué fonctionnaire
de l'Office Colonial, qui a fait une étude particulière
de ces îles. Le lecteur fait avec lui un voyage des plus
agréables dans ces régions qui nous rappellent de
glorieux souvenirs, de sombres journées el aussi de
brillantes espérances.
Du même auteur est le chapitre consacré à la Côte
francaise des Somalis. Côte inhospitalière, déserte, et
que nous nous ingénions à développer, dans l’espé-
tance de destinées plus ou moins lointaines ou plus
où moins certaines, mais avec une persévérance véri-
tablement digne d'éloge.
L'ensemble de ce premier volume nous fait bien
augurer de l'œuvre entière, Elle fera connaître et, par
conséquent, aimer nos colonies dans uñ motide qui 16s
iynore trop, ét qui doil cependant foutnir les initiatives
424
BIBLEIO GRAPHIE
et les capitaux si nécessaires à la mise en valeur de ce
nouveau domaine. N'oublions jamais que les destinées
de la France dans le monde sont intimement liées à la
prospérilé des pays aujourd'hui placés sous notre
protection, où nous devons faire triompher la cause de
la civilisation, de la science, et surtout de l'humanité.
IESR CO
L'École Nationale d'Agriculture de Montpellier.
‘ Enseignement. Laboratoires. Champs d’expé-
riences. Publications. Action extérieure. —
4 vol. in-8° de 260 pages. (Prix broché :8 fr.) Coulet
et fils, éditeurs, Grandrue, 5. Montpellier. 1900.
Le Directeur de l'Ecole d'Agriculture de Montpellier
et ses collaborateurs ont eu l'excellente pensée de pu-
blier un volume sur leur Ecole, à propos de l'Exposition
de 1900. Cet ouvrage, édité avec soin et avec goût, ren-
ferme toutes les indications que l’on peut souhaiter sur
ce bel établissement d'enseignement agricole, si bien
placé aux portes de Montpellier, dans l’admirable
région viticole de notre Midi. M. Paul Ferrouillat et les
professeurs ont rédigé une série de notices sur l'Ecole
elle-même, qui n’a été fondée qu’en 1872, sur chacune
des chaires, sur les installations générales, les labora-
toires, les champs d'expériences, les cultures, les tra-
vaux des maîtres, en un mot, sur tout ce qui touche à
la vie de l'Ecole et à son fonctionnement. C'est une
très heureuse et bonne pensée que d’avoir réuni tous
les renseignement utiles destinés à instruire le public
sur une de nos grandes Ecoles d'Agriculture. Tant de
personnes sont disposées à croire que l’on forme des
jardiniers ou que l’on instruit des ouvriers ruraux dans
nos Ecoles nationales d'Agriculture! Il est bon de mon-
trer ce qu'est aujourd'hui l'Enseignement agricole. A
Montpellier, on compte déjà onze chaires différentes,
qu'ilest utile d'indiquer :
io Agriculture et arboricullure agreste ;
20 Botanique et sylviculture ;
3° Chimie générale et agricole ;
4° Economie rurale et législation ;
5° Génie rural;
6° Physique, Météorologie, Géologie et Minéralogie;
7° Sériciculture ; ;
8° Technologie;
9° Viticulture ;
40° Zoologie générale et Entomologie ;
419 Zoologie et Zootechni?.
Ce n'est pas tout. Des conférences sont faites sur les
questions scientifiques qui se rattachent aux divers
cours et n'ont pas pu être traitées d'une facon assez
étendue dans chacun d'eux. C’est ainsi que la Bacté-
riologie, la Comptabilité agricole, les Cultures colo-
niales, la Culture pratique agricole, le Dessin et l'Hor-
ticulture sont enseignés dans une série de conférences
faites par les professeurs, les répétiteurs, ou des con-
férenciers spécialistes.
Il y a lieu également de citer : La station Séricicole,
le Laboratoire d'Analyses,le Laboratoire spécial d'(Eno-
logie, l'Observatoire météorologique et la Station
d'Essais de semences.
Voilà, nous dira-t-on, beaucoup de science et peu
de pratique ! C’est une erreur. La pratique bien com-
prise est enseignée à Montpellier comme à Grignon ou
à l'Ecole de Rennes; et nous trouvons dans l'introduc-
tion de l'ouvrage que nous analysons d'excellentes
observalions à cet égard :
« Ge n'est pas que l'instruction pratique manuelle
des élèves soit complètement négligée. Si un petit
nombre d’entre eux, au sortir de l'Ecole, savent tenir,
avec la souplesse et la fermeté voulues, les mancherons
d'une charrue, ils ont, tous, au moins €lé mi; aux
prises avec les diflicullés d'exécution des travaux pra-
tiques de culture. On peut, d’ailleurs, se demander quel
serait l'avantage de faire, dans le programme actuel
d'enseignement de l'Ecole, une beaucoup plus large
part aux travaux pratiques de culture. Le dommage le
plus certain qui en résulterait serait de diminuer l’ex-
ANALYSES ET INDEX
posé des notions fondamentales des sciences appliquées
à l’agriculture en privant les élèves du bagage scienti=
fique dont ils auront le plus grand besoin pour amé-
liorer, chacun dans son milieu cultural, les conditions
actuelles de la production agricole. Leur rôle dans une
exploitation viticole n'est pas de bien tailler les vignes;
mais de savoir comment on laboure bien, à quel mo=
ment il convient de labourer, comment il faut tailler et
quelle taille aussi bien que quel engrais il faut applis
quer pour obtenir les récolles les plus abondantes et les
plus durables, »
L'auteur de ces lignes, M. Houdaille, a parfaitement
raison et répond aux critiques inintelligentes de ceux
qui confondent un agriculteur avec un ouvrier rural:
Quant à l'utilité du rôle qu'a joué l'Ecole de Mont-
pellier dans l'œuvre du progrès agricole, il est mis en
évidence par le nombre de ses élèves et par la carrière
qu'ils ont embrassée depuis leur sorlie. Depuis 1875
jusqu’à 1895, sur 1.193 élèves admis, 407 ont été
diplômés;.et sur ce nombre, 63 sont devenus profes-
seurs, 216 font de la pratique agricole pour leur compte
personnel; T1 sont devenus régisseurs ou directeurs
d'exploitations.
Ce résultat est intéressant et il prouve combien a été
réellement fécond l'Enseignement donné à l'Ecole de
Montpellier. :
Si le volume que l'on nous présente aujourd’hui
n'avait eu pour objet que de nous indiquer le nombre:
des agriculteurs sortis de l'Ecole, il aurait encore son
utilité. D:Z0n1A,
Professeur à l'École d'Agriculture de Grignon:
4° Sciences médicales
Morache (G.), Professeur de Médecine légale à 14
Faculté de Médecine de l'Université de Bordeaux»
— La Profession médicale ; ses devoirs, ses droits.
— 4 vol. in-12 de 323 pages. (Prix cart. : 4 fr
Félix Alcan, éditeur. Paris, 1901.
Bien que la Médecine soit plus vieille que les reli-
gions, elle finit, à une certaine période de l’évolution,
sociale, parse confondre avec elles. Les maladies ont,
en effet, des origines mystérieuses. Il était logique qu'on:
les rapportät à l'action de puissances surnaturelless
C'est pourquoi, au début des civilisations, les fonctions
de prêtre et de médecin devaient être dévolues au
même personnage. En outre, les moyens de guérir ou
de soulager et les dogmes religieux ne se transmetten
guère que par la tradition. Dans ces matières, l’ingénio=
sité personnelle n'est d'abord pour rien, elle ne peut
se manifester que plus tard. A toutes les autres mani=
festations de l’art et de la pensée sont attachés des
exemples d'esprits prodiges. On peut citer des mathé=
maticiens, physiciens, etc. et des artistes d'un génie
prodisieusement précoce : Jamais ce fait ne se produit
en matière de religions’, ni de médecine, parce
qu'elles reposent, les premières, sur l'observation uni=
verselle, la seconde, au moins sur l'observation indivis
duelle, Or, il faut un temps très considérable, si fécond.
que soit un esprit, pour rassembler les éléments de
l'une ou de l’autre. Tous les livres sacrés fondamentaux
sont à la fois des livres de Morale et de Médecine. La
Médecine garda son caractère religieux jusqu'au jour où
elle devint une professionspéciale. Encore, malgré cette
scission, conserva-t-elle longtemps des habitudes pres=
que sacerdotales. Aujourd'hui, la conception de la Mé=
decine a totalement changé, et elle semble passer au
rang des professions simplement commerciales.
C'est pourquoi nous devons savoir gré à M. Morache
d'avoir publié un ouvrage plein de bons conseils, d'idées
généreuses et de renseignements positifs, qui peut sers
vir de guide soit au médecin même, soit aux jeunes
gens qui se destinent à la médecine pratique. Ils y
#
1 Nous prenons ici le mot de « religion » dans son sens le
plus grave, et nous ne faisons aucune allusion aux imagina=.
tions des illuminés ni aux formes décadentes des religions.
BIBLIOGRAPHIE — ANALYSES ET INDEX
145
trouveront l'histoire résumée de leur profession, de-
puis les Collèges de prêtres jusqu'aux Facultés actuelles,
l'exposé des lois qui nous régissent aujourd'hui. L’au-
teur consacre un chapitre intéressant à la femme-mé-
decin, dont il soutient chaleureusement la cause. Puis
il entre dans certains détails de la vie du médecin,
montre ce qu'il doit être pour remplir son rôle avec
correction et dignité. Les chapitres relatifs aux diverses
positions médicales et aux rapports du médecin avec le
malade déuotent une grande compétence déontologique
et sont, à n’en pas douter, le fruit de réflexions person-
nelles suggérées par une excellente pratique.
Il en est de même des pages importantes où le Pro-
fesseur Morache traite du secret médical. Elles sont
d'une lecture très attrayante pour le médecin, qui sans
cesse se {rouve dans des situations difficiles pour les
cas en apparence les plus simples et où le monde n'’en-
trevoit pas la moindre difficulté. C’est un maître qui
questionne le médecin sur la santé d'un de ses servi-
teurs, une famille sur l’état d’un de ses membres;
ailleurs, c'est, chose plus troublante, un conseil à don-
ner sur l'opportunité d’un mariage, elc. Bien des gens
ne savent pas quel embarras causent au médecin les
questions les plus banales du monde; et il n’est point
d'homme plus soumis que lui à la question perpétuelle.
Mis-à-vis du malade même qu'il soigne, le médecin peut
être tenu au secret médical. Sans compter les cas où le
bonheur d'un ménage, les destinées d’une famille dé-
pendent de son silence, chaque jour le médecin est
obligé de masquer la vérité à son malade, de le récon-
forter par des explications qu'il imagine avec le plus
d'à-propos qu'il peut et qui sont prises pour l'expression
de sa science. Jeune, quand on tourne d'une mémoire
agile les feuillets documentés des gros traités de Patho-
génie, on raille sans pitié les explications pathogéni-
ques de ses ainés; plus tard, quand on a soi-même dû
exposer bien des motifs et forger bien des contes, on
devient plus indulgent et on envie parfois celte ingé-
niosité dont on se moquait naguère.
Les principales variétés du secret médical sont expo-
sées par M. Morache et les diverses questions sont ré-
solues dans le sens le plus strict. Après une étude sur
les expertises et les médecins experts, l'auteur envi-
sage la situation morale et matérielle du médecin.
En résumé, c'est un fort bon guide que ce livre de
La Profession médicale. Wn'admet pas la moindre res-
triction à la responsabilité du médecin, et, par cela
même, rehausse son rôle. D'un bout à l'autre, il a été
été écrit avec un sens parfait de la dignité profession-
nelle. D' A. LÉTIENNE.
Crespin (J.), Professeur suppléant à l'Ecole de Mé-
decine d'Alger, Médecin sanitaire maritime. — Com-
ment on se défend contre les maladies coloniales.
Guide du voyageur et du colon. — 1 vol. in-18 de
46 pages (Prix 1 fr.). L'Edition médicale française,
29, rue de Seine. Paris, 1901.
5° Sciences diverses
Mourey (Ch.) et Brunel (Louis), directeurs. —
L'Année coloniale, premicre année (1899), avec la
collaboration de MM. le général GAzniéxr, Picquié et
TeissieR, — 1 vol. in-8 de 413 pages et une introduc-
tion, avec cartes et photogravures. Charles Taïllan-
dier, libraire-éditeur. Paris, 1900.
Voici une nouvelle publication à laquelle il faut sou-
haiter de durer et de s’accroître, car son existence se
faisait désirer. Elle pourra présenter au public et aux
spécialistes de tout genres qui s'occupent des colonies,
un résumé annuel très commode des efforts de l'Ad-
ministration et de l'initiative privée pour la mise en
valeur de nos possessions. Elle sera aussi le lien et
comme le centre de la littérature coloniale, livres,
articles de revues ou de journaux, dont le flot va gros-
sissant sans cesse, au grand désespoir des chercheurs.
Ces derniers sauront tout spécialement gré aux direc-
teurs de la bibliographie générale et spéciale qui ter-
mine le recueil, et qui est concue avec méthode; ils y
verront volontiers la « cartographie » prendre plus de
développement; nul n’est mieux placé pour atteindre
ce résullat que les fonctionnaires de l'Office Colonial.
La première partie du livre contient une série de
mémoires ou d'articles sur des questions de colonisa-
tion, générales ou particulières à certaines possessions
françaises. Les pages consacrées par M. le: général
Galliéni à Madagascar donnent une vue de l’état des
voies de communication dans la grande île au milieu
de 1900, et justifient les projets à l'étude ou en voie de
réalisation; elles sont d'un gouverneur qui aime sa
colonie, et, ce qui n'esl pas pour déplaire aux géo-
graphes, d'un connaisseur en fait de pittoresque.
Ceux qu'inquiètent les dépenses faites par la métropole
pour nos possessions, et qui voudraient les voir toutes
se sulfire à elles-mêmes, comme la Guinée, la Côte
d'Ivoire, le Dahomey, et bientôt les Etats de l'Union
Indo-Chinoise, liront avec reconnaissauce le rapport
rempli de franchise de M. Picquié, inspecteur général,
sur « les budgets locaux des colonies »; nous regret-
tons de ue pouvoir analyser ici ce rapport. La mise en
valeur du Congo français au moyen de concessions,
œuvre entreprise par M. Guillain, et organisée par les
décrets de février, mars et avril 4899, porte déjà des
résultats, indiqués par une étude de M. Georges Teis-
sier, maitre des requêtes au Conseil d'Etat. Suivent des
pages résumant la marche de pénétration vers le
Tchad par les trois missions Joalland-Meynier (Voulet-
Chanoine), Foureau-Lamy et Gentil, événements que
bien des revues, sans compter lés journaux les moins
coloniaux; avaient rendus familiers au public. Notons,
enfin, des indications intéressantes sur le Jardin Colo-
nial de Nogent-sur-Marne, sur l'Office Colonial, et sur
les entreprisespatientes de l'Alliance Française aux colo-
nies. Les directeurs nous permettront d'exprimer l'avis
que des articles du genre de ces derniers, ou de celui
sur les budgets locaux, pourraient seuls trouver place
dans la première partie du recueil ; les autres semble-
raient plus losiquement placés, sous des dimensions plus
réduites, daus les divers chapitres de la seconde partie
où l’on trouve l’état de la colonie qu'ils intéressent.
Ces chapitres, dont on comprendra que nous n’es-
sayions point ici le compte rendu détaillé, sont bien
compris. Ils donnent, sur chacune de nos colonies, les
renseignements généraux d'ordre administratif, poli-
tique et économique vraiment utiles aux futurs colons,
aux gens d’affaires et aux divers savants, avec un catalo-
gue de tous les journaux locaux. Pourquoi nejoindrait-on
pas, l'an prochain, à ces précieuses indications quelques
autres sur certains phénomènes physiques? Il est diffi-
cile au public de se procurer au jour le jour les résul-
tats des observations météorologiques faites dans les
diverses stations coloniales : des tableaux très simples,
dont l'Office Colonial réunirait aisément le contenu,
pourraient présenter, par exemple, les moyennes les
mieux contrôlées des chutes d’eau et de la température
aux divers mois de l’année; la colonisation y trouverait
son compte, comme la spéculation scientifique. Ge léger
désideratum une fois émis, nous n'avons aucun scru-
pule à recommander sans réserve la pratique de cette
seconde partie du recueil. La documentation en parait
très sûre, et l’on peut y relever, presque à chaque cha-
pitre, beaucoup d'inédit. Si nous avions une préférence,
peut-être trop égoïste, à indiquer, nous signalerions les
pages consacrées à l'Afrique Occidentale. Les courtes
statistiques commerciales proviennent, pensons-nous,
des ministères, dont elles devancent très heureusement
les publications. J. Macuar,
Agrécé d'Histoire et de Géographie,
146
ACADÉMIES ET SOCIÉTÉS SAVANTES
DE LA FRANCE ET DE L'ÉTRANGER
ACADÉMIE DES SCIENCES DE PARIS
Séance du 14 Janvier 1901.
M. le Président annonce à l'Académie le décès de
M. Ch. Hermite, doyen de la Section de Géométrie, et
de M. Ad. Chatin, membre de la Section de Botanique.
1° SCIENCES MATHÉMATIQUES. — M. H. Poincaré fait
l'analyse critique de la méthode de Gyldèn dont
M. Backlund s’est récemment servi pour déterminer les
variations séculaires de l'équateur terrestre qui sont
les conséquences des variations séculaires de léclip-
tique. II montre que la méthode renferme un vice fon-
damental, qui en empêche toute application. Les inéga-
lités trouvées par M. Backluud sont donc inexactes; il
faut revenir aux anciens coefficients de Stockwell. —
M. Perrotin communique les observations de la nou-
velle comète découverte par M. Giacobini, le 20 décem-
bre, à l'Observatoire de Nice. Celte comète paraît offrir
un grand intérêt en raison de son mouvement direct et
de la valeur de certains de ces éléments. — M. G. Hum-
bert, poursuivant ses recherches sur les fonctions qua-
druplement périodiques, est arrivé à ure surface qui est
le premier exemple explicite de surface d'ordre quatre,
à quinze points doubles, dont les coordonnées s’expri-
ment en fonction uniforme quadruplement périodique
de deux paramètres. — M. D. Th. Egorov communique
quelques remarques complémentaires sur les systèmes
orthogonaux admettant un groupe continu de transfor-
mations de Combescure.
29 SCIENCES PHYSIQUES. — M. Rheïns rappelle que ses
expériences faites à Dijon en 1894-1895 ont montré que
les mélanges de conversations téléphoniques produits
dans des circuits appartenant au même retour commun
sont causés par de mauvais isolements, c’est-à-dire
par des pertes à la terre. Ces expériences sont analo-
gues à celles de M: Gavey et de sir W. Preece. —
M. Armand Gautier a soumis à l’action de la chaleur
diverses roches ignées pulvérisées : granit, porphyre,
ophite, lherzolite. Il à constaté un fort dégagement
gazeux, constitué par HS, CO®, CO, H, CH'et Az. Ces
gaz ne proviennent qu'en très faible partie d'inclusions;
ils résultent principalement de réactions successives se
produisant au rouge. — M. H. Pélabon a étudié l’ac-
tion de l'hydrogène sur le protosulfure de bismuth BiS,
et l’action inverse de H?S sur le bismuth. La proportion
d'hydrogène sulfuré croit très régulièrement à partir de
0 en mème temps que la proportion de sulfure de bis-
muth, et le rapport 6 de la masse d'hydrogène sulfuré à
la masse totale tend vers le nombre 0,893, quand le
rapport R du poids de sulfure non décomposé au poids
de mélange formé par ce corps et le bismuth mis en
liberté tend vers {. Les réactions sont plus rapides à
6109 qu'à 4409, — M. V. Thomas a préparé par cinq
méthodes les chlorobromures de thallium du type
TIX*, 3 TIX. Des trois composés qui ont élé jusqu'à
présent signalés, il parait douteux que Tl* CI‘ Br° el TI“
CE Br‘ existent: si ces corps se forment, ils ne sont en
tout cas pas stables, et se dédoublent par cristallisation
en donnant Tl'CI* Br*, seul composé se formant d'une
façon régulière. — M. Tarible à observé que le bro-
mure de bore, en présence des chlorures de phosphore,
réagit avec la plus grande facilité pour donner des
combinaisons doubles : PCI, 2BoBr*; PCI,2BoBr”. Les
corps ainsi obtenus sont parfaitement cristallisés et se
décomposent à froid par l'eau, le chlore et le gaz am-
moniac. — M. G. F.Jaubert a observé que le peroxyde
de sodium, exposé à l'action de l'air humide, absorbe
progressivement la vapeur d'eau sans décomposition,
ACADEMIES ET SOCIÉTÉS SAVANTES
c'est-à-dire sans aucun dégagement appréciable d’oxy=
gène et aucune déliquescence. On obtient ainsi une
série d'hydrates de bioxyde de sodium allant de
Na°0?-L2H°0 à Na°0? + 8H°0; ce dernier est très
stable à froid, il se dissout dans l’eau d’où il peut cris=
talliser: il commence à se décomposer vers 300-400, —
M. Oechsner de Coninck a déterminé les densités de
quelques solutions du nitrate d'uranium dans HAz0* ef
H?S0* étendus, puis sa solubilité dans l’alcool méthy=
lique, l’éther, l'acétale d’éthyle et l'acide formique. —
M. M. Berthelot a déterminé la chaleur de combustion:
et la chaleur de formation des mercaptans éthylique eb
amylique,. des sulfures d’éthyle et d’amyle. La substis
tution du soufre par l'oxygène correspond à une aug=
mentation moyenne de 51,3 cal., égale à la d fférence.
observée entre les oxydes et les sulfures métalliques
dissous (52 cal.). — M. Berthelot a déterminé la cha=
leur de formation d’un échantillon de sulfocyanure de
phényle envoyé par M. Billeter (de Neuchâtel); elle esb
de 63,7 cal. D'où il résulte que la trausformation du
sulfocyanure en isosulfoyanure dégage + 17,2 cal. —
M. W. Louguinine a déterminé les chaleurs latentes
de vaporisation et les chaleurs spécifiques de quelques
substances organiques : aniline, méthyléthylacétoxime,
anisol, butyronitrile. — M. L. Hugouneng a étudié
l’action du persulfate d'ammoniaque, en milieu alcalin,
sur quelques principes immédiats de l'organisme:
L'acide urique est oxydé en allantoïne, qui se détruit
aus-itôt en donnant de l’urée et de l'acide allanturique:
La bilirubine est transformée instantanément en bili=
verdine. L'hématine est transformée en une liqueur
incolore qui abandonne des flocons d'oxyde de fer.
30 SCIENCES NATURELLES. — M. A. Chauveau conclut,
d'expériences instiluées régulièrement pendant treize
mois sur un chien, que l'alcool ingéré, dont l'organisme
s'imprègue si rapidement, ne saurait participer qu
pour une très faible part, s'il y participe, aux coms
bustions où le système musculaire puise l'énergie
nécessaire à son fonctionnement. Cette substance n'’esb
pas un aliment de force et son introduction dans une
ation de travail se présente avec toutes les apparences
d'un contre-sens physiologique. Ces résultats sont et
accord avec ce que l'on sait de l'élimination de l'alcool
en nature par les émoncloires extérieurs, particulières
ment la voie pulmonaire. — M. G. Chauveaud com-=
munique quelques réflexions sur la structure des plantes
vasculaires. On trouve à la base du cotylédon les mêmes
formations que dans la racine; la différence consiste
en une réduction du protoxylème el en une succession:
plus rapide des diverses structures. — M. Jules Gar
nier indique, dans le Beaujolais, un gisement de fluo
rine odorante dégageant du fluor libre. — M. André
Tournouër indique les raisons qui le font croire à
l'existence d’un animal nouveau dans l'intérieur de la
Patagonie, le Æymché des Indiens, le Néomyledon de
FI. Ameghino.
Séance du 21 Janvier 1901.
M. C. Jordan lit une notice sur la vie et les travaux
de Ch. Hermite. — M. G. Bonnier lit une nolice sur la
vie et les travaux d'Ad. Chatin. — M. E. Mascart
annonce la mort de M. Z. Gramme, le célèbre inventeus
de la dynamo.
49 SGIENGES MATHÉMATIQUES. — M. R. du Ligondès, eli
réponse à une note de M. de Freycinet, pense que la
formation des planètes télescopiques par ruplure d'un
ou plusieurs anneaux n'est pas acceptable, tandis que
son hypothèse de la génération des planètes par agglo=
mérations successives de matériaux cireulaut à l'inté-
ACADÉMIES ET SOCIÉTÉS SAVANTES 147
rieur de la nébuleuse solaire, sur des orbites un peu
obliques à son équateur, concorde mieux avec les faits.
— M. S. Kantor généralise un théorème de M. Picard,
relatif aux surfaces de l’espace R, dont toutes les sec-
tions planes sont unicursales algébriques. — M. A. Lia-
pounoff donne une démonstration rigoureuse d’un
théorème du calcul des probabilités se rapportant à la
formule connue de Laplace et Poisson qui sert à l'éva-
luation approchée de la probabilité pour que la somme
d’un grand nombre de variables indépendantes, sou-
mises au hasard, soit comprise entre certaines limites.
Il y arrive par la méthode du facteur discontinu. —
M. P. Duhem communique quelques considérations
sur la condition supplémentaire en Hydrodynamique.
20 SCIENCES PHYSIQUES. — M. F. Caubet étudie la va-
riation des concentrations des deux phases coexistantes
liquide et vapeur le long des isothermes. Tout mélange
de CO? et de SO? qui, à la température de 66°3 et sous
la pression de 57,6 atmosphères, est susceptible de pré-
senter deux phases coexislantes, donnera une phase
liquide de concentration X, — 0,70926 et une phase
vapeur de concentration X, = 0,33238. — M. R. de
… Forcrand, en réponse à une note récente de M. G. K,
Jaubert, fait remarquer qu'il a déjà préparé l'hydrate
de bioxyde de sodium Na*0*Æ8H°0 et indiqué ses pro-
priétés et son emploi pour la préparation de l’eau oxy-
sénée. — M. E. Baud, en faisant réagir le gaz ammoniac
sur le chlorure d'aluminium, a obtenu quatre composés :
4e ACI,24zH", corps très stable qui distille sans décom-
position vers 4509; 2° Al?CI°,104ZH5, très stable encore,
se dissociant sous la pression atmosphérique vers 380°;
30 Al?CI‘,12AzH*, qui se dissocie vers 180°; 4° enfin
AËCI,18AZH%, beaucoup plus dissociable et qu'on n’ob-
tient qu'aux lempéralures voisines de celle de la liqué-
faction de l’ammoniaque. — MM. G. et E. Urbain, par la
cristallisation fractionnée des éthylsulfates, ont retiré
des parties les plus solubles des terres yttriques
l'yttrium, le nouvel erbium et l'ytterbium. Ceux-ci,
transformés en nitrates et décomposés partiellement
par la chaleur, ont pu être séparés et obtenus à un assez
grand état de pureté. — M. Ed. Defacqz, en faisant
réagir l'hydrogène arsénié gazeux sur l'hexachlorure de
tunystène, a obtenu le biarséniure Tu As°; l’action de
lhydrogène arsénié liquéfié conduit à un chloroarsé-
niure Tu*AsCLI’. — M. R. Marquis, en nitrant le furfu-
rane dissous dans l'anhydride acétique en présence de
pyridine, a obtenu un nitrofurfurane C‘H*0OAZ0®, soluble
dans les alcalis en rouge-orangé, cristallisable en gros
cristaux d’un blanc jaunâtre. Il se forme aussi un
liquide qui parait être de nature aldéhydique. —
M. P. Lemoult établit la loi suivante : Les colorants à
spectres d'absorption disconlinus présententune bande
rouge dont le milieu est fixe (pour une dilution molé-
culaire et une épaisseur invariables) {ant que la molé-
cule ne se complique que de substances non significa-
tives, tandis que le milieu de cette bande se déplace
très sensiblement quand on modilie le nombre des
groupements auxochromes azotés tertiaires. — MM. A.
el L. Lumière et Chevrotier ont obtenu, en trailant le
phénoldisulfonate de soude par l'oxyde de mercure, un
composé organique très slable, le mercure-phénoldi-
sulfonate de soude, dans lequel le mercure est com-
plètement masqué au point de vue chimique. Toutefois
ce corps possède des propriétés toxiques, antiseptiques
et antivégétatives qu'il doit en grande partie au mereure
qu'il renferme. — MM. Adrian et Trillat ont reliré de
l'agaric blanc le produit désigné sous le nom d'acide
agaricique. Il cristallise en aiguilles et correspond à la
» formule C*H°°0°. Ce n’est pas un acide et d'autre part,
il n'est doué d'aucune propriété physiologique. —
M. F. Bodroux, en faisant réagir le bromure de trimé-
thylène sur le benzène en présence de chlorure d'alu-
minium, à obtenu, en même temps que le diphényl-
propane symétrique, du propylbenzène en quantité
notable. Ce dernier provient de la décomposition par
ACL d’une partie du diphénylpropane. — M. E. Gé-
-rard à constaté que l'extrait aqueux de rein de cheval
peut transformer la créatine en créatinine par déshy-
dratation; cette action est due vraisemblablement à un
ferment soluble. — M. M. Hanriot montre : 4° qu'un
ferment, alténué par une action chimique, peut se ré-
générer et revenir à son activité première; 2 quel’action
de la lipase sur les acides et les éthers semble être une
combinaison chimique régie par les lois de la dissocia-
tiou. — M. M. Tsvett montre que la bande fondamen-
tale de la chlorophylle est double et que sa partie gau-
che, tournée vers le rouge, appartient à la chlorophyl-
line bleue, le segment dextre, beaucoup plus faible,
étant dû à une seconde chlorophylline. Pour beaucoup
de plantes, les chlorophyllines subissent au contact de
substances cellulaires inconnues et en présence d'alcool
une trans'ormation en corps différents que l'auteur
appelle métachlorophyllines. — M. Aug. Gérardin a
reconnu que la terre peut servir à épurer l’air chargé
de gaz odorants. La terre est perméable à l’air et sa
perméabilité est indépendante de sa composition. La
résistance de la terre au passage de l'air est proportion-
nelle à l'épaisseur de la couche filtrante et à la quantité
d'eau qui l'humecte, — M. Eug. Charabot à reconnu
que les influences capables de modifier les plantes de
facon à les rendre plus aptes aux fonctions chlorophyl-
liennes favorisent en même temps la formation des
éthers d'alcools terpéniques. — M. G. Bertrand à
reconnu que les graines du caféier de la Grande-Comore,
qui eroit spontanément dans l'ile, ne renferment pas
de caféine, à l'inverse du Coflea arabica cultivé dans le
même endroit. Cette différence de composition chimi-
que suffit à faire de ce caféier de la Grande-Comore une
espèce nouvelle, comme l'avait déjà pensé Baïllon.
30 SCIENCES NATURELLES. — M. A. Chauveau a cons-
taté que la substitution partielle de l’alcool au sucre,
en proportions isodynames, dans la ration alimentaire
d'un sujet qui travaille, ration administrée peu de
temps avant le travail, entraine pour le sujet les consé-
quences suivantes : 1° diminution de la valeur absolue
du travail musculaire; 2° stagnation ou amoindrisse-
ment de l'entretien; 3° élévation de la dépense énergé-
tique par rapport à la valeur du travail accompli. En
somme, les résultats de la substitution se montrent à
tous les points de vue très franchement défavorable, —
MM. Lannelongue, Achard et Gaillard ont étudié
l'influence du climat sur l’évolution de la tuberculose
pleuro-pulmonaire expérimentale. Des cobayes, ino-
culés de la même facon, étaient divisés en plusieurs
lots dont l’un restait à Paris au laboratoire, les autres
étant envoyés au bord de la mer, à la campagne ou à
la montagne. Dans toutes les expériences, la mortalité a
été moindre au laboratoire qu'ailleurs, malgré les con-
ditions plus défavorables, — MM. A. Charrin et Moussu
ont injecté au lapin du mucus dans la veine de l'oreille
et ont observé la mort en quelques minutes, probable-
ment par obstruction vasculaire dans les centres ner-
veux grâce à des thromboses ou à des embolies. Le
mucus doit done renfermer un produit coagulant. —
M. H. Varnier montre qu'il est possible d'obtenir, chez
la femme vivante, une bonne radiographie du bassin,
permettant d'apprécier, avec une exactitude suffisante,
les diamètres utiles à l'accoucheur. — M. E. Topsent
a déterminé les Spongiaires rapportés par l'Expé-
dition antarctique belge; l’examen de ces animaux
est contraire à la théorie de la bipolarité des faunes.
— M. Antoine Pizon a constaté que, chez les Tuni-
ciers, une partie très importante du pigment, peut-
être même la totalité, provient de la destruction des
éléments des différentes générations d’ascidiozoïdes
qui meurent dans le cormus. — M. G. Bohn propose
une nouvelle théorie de l'adaptation chromatique, diffé-
rant des théories actuelles en ce que la formation du
pigment est attribuée beaucoup plus à des causes chi-
miques qu'à la lumière, cette dernière n'intervenant
que dans la lutte que soutiennent entre eux, dans un
même organe, les granules pigmentaires de diverses
teintes. — M. Guilliermond a étudié la structure de
quelques moississures (Dematium), Gomme Wager chez
148
ACADÉMIES ET SOCIÉTÉS SAVANTES É
les levures, il a observé un noyau toujours accolé à
une vacuole chargée de fins granules. Il y a donc une
grande analogie entre la structure des moississures et
celle des levures. — M. F. Wallerant montre, par
l'exemple de l'iodargyrilte el du rutile, que les cristaux
peuvent posséder des axes de symétrie apparente, et
que la symétrie mécanique peut être réalisée en dehors
de la symétrie géométrique. — M. A. Lacroix areconnu
qu'une parlie de l'or alluvionnaire de Madagascar existe
à l'état natif dans les roches gneissiques de cette île;
on le retrouve dans la latérite qui provient de la décom-
position sur place de ces gneiss. — M. Léon Bertrand
établit que les roches éruplives du cap d’Aggio sont
d'âge très récent et datent du Pléistocene ou, au plus,
du Pliocène supérieur. — M. Ph. Glangeaud a reconnu
que les trois dômes de Saint-Cyprien (Dordogne), Sau-
veterre et Fumel (Lot-et-Garonne) ont un noyau virgu-
lien et portlandien entouré de Cénomanien, de Turo-
nien et de Sénonien pour le premier, de Turonien et de
Cénonien seulement pour les deux autres.
Séance du 28 Janvier 1901
M. le Secrétaire perpétuel annonce le décès de
M. J.-G. Ardagh, correspondant pour la Section de
Botanique. _
1° SCIENCES MATHÉMATIQUES. — M. Ch. Frémont a
constaté que la position de la fibre neutre dans les
corps rompus par flexion dépend du rapport de la
limite élastique à la compression et de la limite élas-
tique à la traction. De plus, un acier est fragile ou non-
fragile suivant que le rapport inverse est plus petit ou
plus grand que l'unité.
29 SCIENCES PHYSIQUES. — M. E. Lagrange a constalé
que les ondes hertziennes, dans la télégraphie sans fl,
n'agissent pas sur un cohéreur enfoui à une faible pro-
fondeur dans le sol. — M. A. Gautier a recherché
l'origine des gaz qui se dégagent lorsqu'on porte au
rouge certaines roches. L'hydrogène provient de l'ac-
tion de la vapeur d'eau sur les sels ferreux; l'acide
carbonique est dû en partie à la dissociation des carbo-
nates, et l’oxyde de carbone à la réduction de CO? par
les sels ferreux. — M. Oechsner de Conink, par l'ac-
tion de la chaleur sur le nitrate d'uranium, a obtenu
les modifications rouge et orange du sesquioxyde et
un oxyde brun. — M. Tarible a étudié l'action du bro-
mure de bore sur les iodures de phosphore et à obtenu
les composés P?[*, 2BoBr3 et P°1‘, 2BoBr° + I. Avec
les chlorures d’arsenic et d'antimoine, le bromure de
bore donne lieu à une double décomposition; avec les
bromures et iodures de ces métalloïdes, il y a simple
dissolution. — M. M. Guerbet, en faisant réagir l'al-
cool ænanthylique sur son dérivé sodé, a obtenu : de
l'acide œnanthylique, de l'alcool diænanthylique, de
l'alcool triænanthylique et l'acide correspondant. Ces
réactions sont analogues à celle observée déjà avec
l'alcool amylique inactif; leur généralisation consti-
tuera une nouvelle méthode de synthèse des alcools. —
MM. P. Sabatier el J.-B. Senderens ont reconnu que
le nickel réduit est un agent très actif, qui permet de
réaliser facilement, à température peu élevée, soit des
hydrogénations directes, soit des dédoublements molé-
culaires. Les auteurs ont réalisé par cet agent, au-des-
sous de 300°, l'hydrogénation directe du benzène en
hexahydrobenzène, puis son dédoublement en trois
molécules d’éthylène. — M. M. Hanriot, après avoir
montré que la saponification des graisses par la lipase
est limitée par les acides gras mis en liberté, a pensé
que si l’on mettait la lipase en présence de glycérine et
d’un excès d'acide, elle doit pouvoir les recombiner, de
facon à réaliser toujours le même rapport entre les
quantités d'acide et d'éther en présence. L'expérience
a justifié ces vues et l'existence de cette réaction
inverse. — M. Testenoire rappelle que les chaleurs
spécifiques de la soie, de la laine et du coton ont été
déterminées au Laboratoire d'étude de la soie à Lyon,
en 1898, et ont donné des nombres identiques à ceux
trouvés par M. Fleury en 1900,
30 SCIENCES NATURELLES. — M. A. Chauveau a déler=
miné la dépense énergétique qu'entraînent respective=
ment le travail moteur et le travail résistant de
l’homme qui s'élève ou descend dans la roue de Hirn. IL
conclut que la formule à employer pour exprimer la loi
générale de la dépense énergétique dans le travail des:
moteurs animés doit contenir comme éléments fonda=
mentaux : 1° L'expression de la dépense atlachée
l'exécution du travail intérieur qui équilibre la charge.
dans la contraction statique; 2 l'expression de l’aug
mentalion ou de la diminution imprimées à ce travai
intérieur, en fonction de la valeur de Ja charge et de
la vitesse de déplacement de la masse qu'elle repré
sente, quand la contraction statique se transforme en
contraction dynamique pour opérer le soulèvement 0
l’abaissement de cette masse; 3° L'expression de la
dépense consacrée à l'exécution même du travail exté
rieur, positif ou négatif. — M. L. Camus a constaté que
l'injection dans les vaisseaux d’un animal de fibrine en
suspension dans l’eau salée à 8 °/,, ne détermine pas
la production d'un sérum fibrinolytique; le sérum d
l'animal ainsi traité précipite non seulement les solus
tions de fibrine, mais aussi le sérum et les solutions des
fibrinferment de l'espèce animale qui a fourni la fibrine:
— M. Chapot-Prévost a opéré la séparation d’un
monstre double monompbhalien autositaire, Maria-Rosa=
lina. L'un des deux sujets composant présentait une
inversion du cœur, constatée par la radiographie:
L'union des cœurs n’est pas une conséquence fatale de
l'inversion de ce viscère. — M. Lannelongue fait ressor=
tir l'importance de la radiographie pour établir, dans
des cas analogues, s'il existe bien deux cœurs séparés eb
distincts. — M. Michel Siedlecki a observé une gréga=
rine, la Wonocystis ascidiae Laok, qui passe la plus
grande partie de sa période de croissance tout entière
dans une cellule de l’épithélium intestinal d'un Tuni=
cier, le Giona intestinalis. Elle exerce, sur celte cellule;
une action hypertrophiante, qui peut s'étendre aux
cellules voisines, et entrainer celle du tissu conjoncti
environnant. Il y a peut-être là un des modes de généra=
tion des tumeurs chez les êtres supérieurs. — MM. M:
Caullery et F. Mesnil ont observé chez les Grégarines
tous les degrés depuis le développement entièrement
extracellulaire jusquà la croissance presque complète
ment intracellulaire, avec schizogonie intracellulaire
possible. Ils ont constaté également l’action hypertro=
phiante exercée par la grégarine sur la cellule-hôte. =
M. L. Trabut a éludié la manne exsudée par cerlains
oliviers. Elle contient environ 52 °/, de mannite el pros
vient de Ja liquéfaction du liber par une bactérie, qui
doit être transportée par les insecles. — M. J. Beau-
verie a recherché l'influence de la pression osmotique
du milieu sur la forme et la structure des végétaux:
Plus la concentration des solutions nutritives aug=
mente, plus les racines des plantes en expérience
s’enfoncent profondément dans la solution. La parti
aérienne de son côté se réduit beaucoup en hauteur:
En même temps, la moelle disparaît dans les racines;
et il se produit un abondant suber péricyclique.
M. V. Paquier a observé la présence du genre Caprina
dans l'Urgonien supérieur de Rimet (Isère). Ces Ga
prines sont de pelile taille; leur valve supérieure se
montre uniformément pourvue de canaux séparés pan
des lames radiantes, généralement simples.
Louis BRUNET.
ACADÉMIE DE MÉDECINE
Séance du 8 Janvier 1901.
M. le Président annonce le décès de M. Potain,
membre de l'Académie.
M. Jules Bœckel a pratiqué, chez une femme atteinte
de tumeur maligne de l'estomac, l’ablation totale de
cet organe. La malade a guéri très rapidement et jouit,
depuis lors, d’une excellente santé. L'ablation totale
de l'estomac est done non seulement compatible avec
l'existence, mais elle l’améliore d'une facon notable
ACADÉMIES ET SOCIÉTÉS SAVANTES
dans certaines affections incurables et fatalement mor-
telles. — MM. les D'° Balestre et Gilletta de Saint-
Joseph communiquent un mémoire sur la mortalité de
Jl'erfance dans la population urbaine de la France.
Séance du 45 Janvier 1901.
M. Du Castel est élu mewbre titulaire dans la Section
de Thérapeulique et Histoire naturelle médicale. —
M. le Président aunonce le décès de M. G.-A. Chatin,
membre de l'Académie.
Séance du 22 Janvier 1901.
M. J.-V. Laborde présente un appareil de conten-
tion dû à M. Altermann, pour prévenir les allitudes
vicieuses el les déformations chez les élèves violonistes.
— M. Guéniot présente un rapport sur deux communi-
cations : l’une de MM. Doléris et Marlatie, l’aulre de
M. Dupaigne, relatives à l’anesthésie médullaire appli-
quée aux accouchements. Des observations présentées
et d’autres analogues, le rapporteur conclut que :
4° l'iujection sous l’arachnoïde lombaire d'un cenli-
gramme de cocaine en solution à 1°/, produit une
analgésie régionale qui s'élend à toule la portion du
corps située au-dessous d’une ligne passant par l'om-
bilic; 2° cette injection, pratiquée sur Ja femme en
travail d'accouchement, supprime à la fois la douleur
que déterminent les contractions de l'utérus et celle qui
est due au passage de l'enfant; de plus, loin d’entraver
Ja marche du travail, elle semble, au contraire, l'accé-
lérer; 3° l'influence de la cocaïne se fait ainsi sentir
peudant une durée qui varie de une heure un quart à
deux heures; 4° L’injection, praliquée avec toutes les
précautions d'une asepsie rigoureuse et suivant une
technique strictement déterminée, ne semble constiluer
aucun danger sérieux pour la mère ou pour l'enfant,
Moutefois, celte anesthésie ne pourra être généralisée ;
elle a des contre-indications très neltes. — M. Paul
Berger a pratiqué chez un malade souffrant, depuis
plus de trente aus, de douleurs très vives dans le genou,
l’ablation totale de la rotule. Le rérultat fonctionnel à
été excellent, car les mouvements du genou se sont
conservés, grâce à la suppléance qui s'est établie entre
les parties latérales du triceps et le droit antérieur. La
cause de l'affection était nne ostéomyélite chronique
d'emblée de la rotule. — M. J.-V. Laborde sigoale un
cas de rappel à la vie d'un nouveau-né en élat d'as-
phyxie blanche complète à l’aide des tractions rhytmées
de la langue, poursuivits pendaut cinquante-cinq mi-
nutes. — M. Ch. Wardell Stiles attire l'attention sur
uue maladie répandue eu Extrême-Orient : l'hémoptysie
parasitaire, et qui pourrait être introduite en Europe el
aux Etats-Unis, au relour des troupes iuternalionales
qui se trouvent actuellemont en Asie. Celle maladie
st causée par un ver: le Paragonimus Westermann
(douve du poumon), qui se trausmet probablemeut par
Veau. Lorsqu'il se loge dans les poumons, il produit
généralement la (oux et des crachements de sang(hémop-
iysie); les crachats renferment coustamment des œufs
du ver; les malades peuvent vivre très longtemps et
même guérir quelquefois. Lorsque le ver parvient au
cerveau, 1l peut produire des attaques d’épilepsie jack-
sonienues et le pronostic est plus grave. — M. H. de
Brun donne quelques renseiguements sur l'épidémie
de peste de Beyrouth, eu 1900. Elle a été très légère et
a porté sur quatre personnes qui ont toutes guéri, grâce
aux injections de sérum de Yersin. Ces quatre personnes
élaieut employées dans uue fabrique de douceurs
arabes et ont dû être infectées par des sacs de sésame
venant de Bombay ou d'Alexandrie.
Séance du 29 Janvier 1901.
M. Jaccoud est élu secrélaire perpétuel.
M. A. Pinard, à propos d’une communication récente
“de M. Laborde, fait remarquer que la méthode des
…tractions rhytmées de la rangue ne supprime pas l’em-
“ploi du tube laryngien, qui reste nécessaire loutes les
fois que les voies respiraloires sont obstruées par du
149
mueus. — M. Porak a observé, dans une dizaine de
cas, que l'injection méthodique de cocaïne sous l’arach-
noïde lombaire était favorable aux parturientes. La dif-
ficulté consiste dans la ponction du canal rachidien.—
M. A. Laveran présente un rapport sur un ouvrage du
D' A. Papadakis, sur l'hygiène publique locale (en
Grèce) et internationale. Cet ouvrage fait ressortir, en
parliculier, que les affections thoraciques (tuberculose,
pueumonie, bronchopneumonie), sont bien moins rares
qu'on ne le croyait dans le midi de l'Europe. — M. le
D' Tuffier lit un mémoire sur l’analgésie chirurgicale
par voie rachidienne.
SOCIETE DE BIOLOGIE :
du 5 Janvier 1901.
M. le Président annonce le décès de M. Potain,
membre honoraire de la Société.
M. A. Giard étudie le phénomène de la féconda-
tion artilicielle des œufs signalé par Loeb et attribue
ce développement parthénogénétique à l'augmentation
de la pression osmotique du milieu et à la perte par
l'œuf d'une certaine quantité d'eau ({onogamie). —
M. M. Letulle a observé à la surface du placenta
humain normal des boules ou gouttelettes constituées
par une matière albuminoïde ; elle sont sécrétés par
la couche épithéliale plasmodiale qui recouvre la vil-
losité placentaire. — M. Pinoy, qui a étudié les
mèmes boules dans le placenta du cobaye, les consi-
dére comme des déchels sarcodiques rejetés par le
plasmode. Leur production est augmentée dans les
intoxications et dans les infections microbiennes aiguës.
— MM. Th. Tuffer et Milian ont praliqué l’examen
cylologique de trois cas d'hydrocèle ; ils ont constaté
l'existence de cellules endothéliales, témoignant de
l'origine mécanique possible de l’épanchement. Ces
faits sont analogues à ceux observés par MM. Widal et
Ravaut pour laséreuse pleurale. — M. F. Bosc annonce
qu'il a trouvé, d'une facon constante, dans les lésions
pustuleuses de la clavelée, un parasite qui serait la
cause de cette affection. — M. V. Griffon à éludié le
liquide céphalo-rachidien dans quatre cas de ménin-
gite aiguë; dans la méningite tuberculeuse, il y a pré-
dominance de lymphocytes; dans la méningite simple,
il y a polynucléose exclusive. — MM. S. Arloing, J.
Nicolas et G. Antoine ont constalé qu'on peut pro-
curer au chien une certaine immunilé contre la diphté-
rie par l'injection de mélanges de toxine-sérum où de
culture-sérum ; mais elle n'est jamais aussi forte, ni
aussi certaiue que par l'emploi exclusif ou de la toxine,
ou de la culture, ou du sérum. Elle dépend du principe
actif qui n'est pas neutralisé,et, à l'ordinaire, du sérum
administré en excès. — M. H. Stassano a éludié les
trypanosomes du sang du rat el a pu observer le phé-
nomène de la reproduction sexuée. La conjugaison
semble consister dans une simple fusion des noyaux,
sans que les protoplasmas y prennent part.
Séance
Séance du 12 Janvier 1901.
M. Ch. Féré a observé que le refroidissement de l'air
extérieur provoque une diminution considérable du
travail, suivie d’une légère recrudescence peu durable,
à laquelle succède un épuisement rapide. — M. Ch.
Féré a conslalé sur des cobayes qu'un jeûne accidentel,
même d'un jour, diminue la résistance à l’asphyxie
par submersion. — M. Ch. Féré à observé divers cas
de persistance de mouvements automatiques pendant
le coma. Il s'agissait de mouvement devenus habiluels
antérieurement, et qui étaient peut-être alors de simples
réflexes. — M. J. de Tarchanoff élablit que les neris
pneumogastriques jouent un rôle important dans la
régulation de la température du corps, d'une part en
modifiant les pertes de chaleur par la surface cutanée
el les poumons, d'autre part en agissant sur la produc-
tion de la chaleur, grâce à leurs filets nerveux sécré-
toires de différentes glandes abdominales. — M. Pozer-
ski a constaté que si l’on porte une solution d'invertine
150
ACADÉMIES ET SOCIÉTÉS SAVANTES
de la levure de bière à 40° pendant un temps variable,
et qu'on la ramène à 250, elle ne reprend pas son état
primitif ; son intensité a été augmentée d'une quantité
déterminée. MM. V.Henry et Pozersky, considérant les
résultats précédents, pensentqu'ilest possible que l'inver-
tine revienne à son état normal au bout d’un temps très
long ou en abaissant la température au-dessous de 25°.
M. Dastre déduit de là que toute détermination d’acti-
vité fermentifère à une température inférieure à la plus
haute de celles où le ferment à été porté dans sa pré-
paration, où à la plus haule de celles où il existe dans
les conditions naturelles, est faussée par cela-même. —
M. M.-E. Gellé a mesuré la durée des sons-voyelles;
dix voyelles (a, 6, 1, 0, u dites deux fois) peuvent être
émises en une seconde. — M.Permilleux à soumis du
foie de chien aux vapeurs de chloroforme et a reeuellli
une certaine quantité de liquide hépatique, dont il
a éliminé le sucre réducteur par dialyse. Le liquide
restant, agissant sur de l’empoi d'amidon, en a trans-
formé une parlie en sucre réducteur, le reste en dex-
trine. Le foie renferme donc un ferment amylolytique
qui peut être isolé, M. A. Dastre classe le ferment amy-
lolytique dans les ferments endocellulaires; la dialyse
chloroformique est un des meilleurs procédés d’extra-
ction de ces ferments. — MM. S. Arloing et J. Nico-
las ont poursuivi sur l’âne leurs essais sur la prépa-
ration rapide de l'antitoxine diphtérique par association
du sérum antidiphtérique à la toxine. On obtient la
meilleure réaction antitoxique lorsque les injections
s multanées de sérumet de {oxine sont séparées, mais
elle est cependant inférieure à celle qui suit l'injec-
tion de toxine pure. Donc les injections de toxine-sérum
ne sont pas recommandables dans la préparation du
sérum antidiphtérique.—M.Ch.Garnier a observé dans
le testicule adulte d'Asfacus fluviatilis des ovocytes
à côté des spermatogonies, ettous les stades de tran-
sition entre ces deux éléments. — MM. J. Courmont
et EF. Arloing ont fait l'étude cytologique de la pleu-
résie diphtérique expérimentale du cobaye. La formule
leucocytaire est nettement mononucléaire.
SOCIÉTÉ FRANÇAISE DE PHYSIQUE
Séance du 1° Février 1901.
M. Ch.-Ed. Guillaume rend compte d'expériences
faites récemment sur l'erreur capillaire des thermo-
mètres, qu'il avait déjà signalée autrefois dans son
Traité de Thermométrie. Cette erreur est due aux varia-
tions de l’angle de raccordement du mercure avec le
verre suivant le sens de la variation de la température.
Plusieurs procédés peuvent être employés pour la
déterminer. Le plus simple consiste à placer le ther-
momètre dans l'appareil destiné à la mesure du coef-
ficient de pression, à créer artificiellement une marche
ascendante bien régulière de la température, et à
déprimer faiblement le ménisque par un léger abais-
sement de la pression extérieure. La température
continuant à monter, le ménisque commence par se
bomber sans déplacement, puis, lorsqu'il a atteint
l'angle limite, part brusquement, et avec une vitesse
uniforme. En déterminant le temps employé par le
ménisque pour se reformer complétement et repren-
dre son mouvement ascensionnel, on peut connaitre
l'élévation correspondante de la température, et, par
conséquent, la différence des indications du thermomètre
qui, pour une même température, s’établissent à mé-
nisque tombé où aplati. Elle varie d’un point à l'autre
d'un tube de diamètre uniforme, suivant la nature de
la surface du verre. Il est nécessaire de tenir compte
de cette erreur dans l'emploi des thermomètres à
tube fin ou à gros réservoir, et en général de tous les
thermomètres dont le degré est très long. A partir
d’une longueur du degré égale à 10m, elle devient très
évidente, et pour des thermomètres divisés en cen-
tième de degré, chaque centième occupant un espace
de 0,5-0,7"%, elle peut dépasser une division. Il est
donc illusoire de pousser au delà d’une certaine limite
la longueur du degré, les erreurs capillaires arrivant
très vite à dépasser les erreurs de lecture.
(A suivre)
SOCIÉTÉ CHIMIQUE DE PARIS
Séance du 25 Janvier 1901,
M. Pouret poursuit l'étude de l’action du bromure
d'aluminium sur les hydrocarbures chlorés acycliques#
il expose les résultats qu'il a oblenus dans la série de
l'éthane. — M. Léger, par l’action de Na*O® sur la chlos
robarbaloïne, a obtenu un corps cristallisant du toluène
en aiguilles jaune orangé et dont la composilion se
rapproche de la formule C'HCO*, c'est-à-dire d’un@
méthyltrioxanthraquinone perchlorée. La production
d'un tel corps ne peut s'expliquer avec la formule de
la barbaloïne chlorée C'H'*CI#07, mais s'interprète par
faitement avec la formule C#H{6CMO. La partie de J
molécule située en dehors du groupement C'*H°CI0ÿ
est détruite dans la réaction avec production d'une
grande quantité de C0*. La barbaloïne serait, par suite
C#H*0%, Cette dernière formule, qui s'accorde avec les
analyses, permettrait, en outre, d'expliquer la forma=
Uüon, par l’action de Br sur la barbaloïne en solution
dans HBr, d’un corps non encore décrit et qui ne peut
ètre dérivé d’une facon simple de la barbaloïne for
mulée G'°H'°07. Les analyses de ce dernier corps con:
cordent très bien, au contraire, avec la formule
C#HBr%0°, M. Léger se propose de vérifier l'exacti
tude de ces prévisions qui ne sont exposées que sous
toutes réserves.
SOCIÉTÉ DE PHYSIQUE DE LONDRES
Séance du 25 Janvier 1901. l
Par suite de la mort de la Reine Victoria, la séance
est levée en signe de deuil.
SOCIÉTÉ DE CHIMIE DE LONDRES
Séance du 20 Décembre 1900 (suite).
MM. A. Senier et W. Goodwin ont fait réagir Je
bibromure d’éthylène sur la xylidine et la pseudocu
muidine et ont obtenu la dixylyléthylènediamine et Ja
dicumyléthylènediamine avec les pipérazines qui en
dérivent, — Les mêmes auteurs ont fail réagir les
diphényl-, dialphyl- et dinaphtyléthylènediamines sun
la phénylearbimide et lont oblenu des diamines du
type C’H‘/AzR'.CO.AzHPh}?. — MM. A. Harden el J
Okell, en traitant la f-nitroso-xnaphtylamine par le
nitrite de potassium et HCI, ont préparé un sel d@
potassium eristallisé, C'2H°O?A7K, qui, décomposé pan
HCI et le chlorure stanneux, donne un corps qui esb
probablement un imidazol :
PAN
Ÿ'Az.
Az(0H)/
Cette substance se comporte comme un acide et donnes
des sels avee la plupart des métaux. L'a-nitroso-f-naphs
tylamine se comporte de mème envers l'acide nitreu
et forme des composés isomères aux précédents.
MM. H.-E. Armstrong et L.-P. Wilson, en mélangeant
la métaxylidine avec la proportion moléculaire d'acide
sulfurique à 100 °/,, et en chauffant à 185-1959, puis em
veulralisant par le carbonate de polasse, ont obtenu le
1:2:4:6-m-xylidinesulfonte de potassium. Ce corps;
diasoté, puis bouilli avec de l'alcool, donne Je
1:3:5-m-xylènesulfonate de potassium, à parti
duquel les auteurs ont préparé de nombreux dérivés:
— MM. F.-D. Chattavay et K.-J.-P. Orton répondent
aux remarques de M. Amstrong sur leur travail relatib
à la préparation de l’acétylchloraminobenzène et de
ses dérivés. L'acétylehloramino-2 : 4-dichlorobenzène
peut être obtenu par l'action directe du chlore sur
l'acétanilide.
Séance du 17 Janvier 1901.
MM. Scott et W. Arbuckle recommandent l'appareil
suivant pour l'obtention de l'acide iodique : un flacon
à fond rond recoit deux tubes, dont l’un est lié à un
condenseur à reflux; l'autre amène un courant d'oxy-
gène qui traverse le liquide. De l’iode finement pulvérisé,
bouilli avec dix fois son poids d'acide nitrique fumant,
est oxydé complètement en vingt ou trente minutes. —
M. A. Lapworth applique ses lois sur le changement
isomériaue à la substitulion en méta dans les amines
benzénoïdes. Par exemple, lorsque l'acide sulfurique
fumant réagit sur la diméthylaniline, le sulfate de dimé-
thylaniline d'abord formé (1) s’unit avec de l'anhydride
sulfurique (Il), puis de l'acide sulfurique s’élimine par
perte d'un atome d'hydrogène dans le noyau (Il), et
“enfin le groupe labile SO*H émigre à la place de l'hy-
drogène, tandis que l'azote qui était devenu pentavalent
redevient trivalent (IV) :
(ce (cu (CH° CH?
.. H On s( WII .. .
Az AK Az. SOSII Az
le Noso1 | \osoul
0x A do A
Qu ny He nl Jsov
ï il Hi ïi
(1) (11) (III) IV)
MM. T.-S. Patterson et C. Dickinson ont préparé
quelques éthers à partir d’autres éthers du même acide.
Ainsi, par la méthode de Fischer, on obtient du tar-
trate d'éthyle pur à partir du tartrate de méthyle et
vice-versa. La méthode peut être utile en certaines
circonstances. — M. T.-H. Lee a retiré du Bignonia
Secoma une matière colorante orange, la sécomine ; elle
devient rose-rouge par les alcalis et jaune-clair par les
acides. Elle sert localement à la teinture du coton et au
vernissage du bois. — M. B.-D. Steele indique une nou-
velle méthode pour mesurer la vitesse des ions en
solutions aqueuses. Elle consiste à enfermer le liquide
à mesurer entre eux deux cloisons de gélatine, qui con-
tiennent l'ion indicateur en solution; au passage [du
courant, le cathion de la solution est suivi par le cathion
de l'indicateur, et l’anion de la solution par l'anion cor-
réspondant de l'indicateur. IL est nécessaire que ces
ons indicateurs se meuvent moins rapidement que
Lion mesuré. La position de la limite entre les deux
solutions se voit facilement à cause de la différence de
réfraction, et le mouvement est mesuré au moyen d'un
cathétomètre. La vitesse absolue de quelques ions a été
calculée et comparée à celle obtenue par Kohlrausch.
La concordance est bonne. — MM. H.-M. Dawson et
J.-Me Crae ont examiné l'influence exercée par l’ad-
dition de sels des métaux alcalins sur la distribution de
lammoniaque entre l’eau et le chloroforme à 20°. Aussi
longtemps que la concentration de l’ammoniaque dans
la phase aqueuse est moindre que 0,5 normal, l’alléra-
tion du coefficient de distribution est proportionnelle à
: k-k
la concentration du sel, et pr est constant; Æ est le
coefficient de distribution avec l’eau pure, et X le
coefficient de distribution pour une solution de sel de
normalité 7. Pour une concentration de l’'ammoniaque
à ESTIRES ER
plus grande que 0,5 normal, la valeur de LEE diminue
1
avec une concentration croissante du sel et constante
kde l'ammoniaque, tandis qu'elle augmente pour une
concentration constante du sel et croissante de l’am-
moniaque.
ACADÉMIE DES SCIENCES D'AMSTERDAM
Séance du 29 Décembre 1900 (suite).
- {o SorencEs Physiques. — M. Onnes présente au nom
kde M. J. C. Schalkwijh : /sothermes de précision. I,
ä
.
]
ACADÉMIES ET SOCIÉTÉS SAVANTES
Mesures et calculs de la correction pour le volume du
menisque de mercure chez les manomètres à gaz. Pour
qu'on puisse obtenir dans les mesures de pression une
précision de 1/10.000, il faut qu'on connaisse le volume
du menisque de mercure des manomètres à 3 % près.
Détermination directe du volume de quelques ménis-
ques. Solution approchée de l'équation différentielle
de la surface capillaire en deux cas limites pour une
valeur approchée de la tension superficielle : 4) pour des
tubes très étroites; b) dans le cas où le quotient de la
flèche du ménisque par le rayon du tube est très petit.
Représentation graphique des résultats. Solution gra-
phique de l'équation différentielle. Contrôle. — M. H.
W. Bakhuis Roozeboom communique, au nom de
M. H.-B. Holsbær, un compte rendu de la thèse
« Over oploswarmten, ete. » (Sur les chaleurs de dis-
solution en général et celle de Cd SO‘, + H°0 en parti-
culier). Les résultats principaux sont compris dans le
tableau suivant :
Chaleurs de dissolution de CdSO", : H°0 en (x —;)nr0.
D)
æ 5 10° 15° 95°
400 2.075 2.530 2.985
200 2.194 2.418 2.642
100 2,118 2.288 2.458
50,6 2.013 2.118 2.223
30,6 1.835 1.918 2.001
20.6 1.657 1.633 1.609
15,6 1.405 1.258 4.111
13,6 1.061 810 679
15,03 15,10 1514 15,03
219 165 3 —1.221
De ce tableau, l'avant-dernière ligne fait connaître la
teneur en H° O des solutions saturées, landis que la der-
nière Jigne donne en calories la chaleur théorique de
dissolution de ces solutions. — M. P. van Romburgh:
Sur l'action de l'acide nitrique sur les éthers de l'acide
mcthylphénylaminoltormique. L'action de AzO? sur
CH3
COHEAZC
COOR
où R représente un radical quelconque, est bien diffé-
rente de ce qu'on pourrait attendre. Le groupe du mé-
thyle et le restant de l'acide formique ne changent pas,
la réaction se bornant à l'introduction de Az0* dans
le noyau benzénique. Chez les éthers de l'acide phényl-
aminoformique on fait entrer facilement trois groupes
Az0® dans le noyau; ici on n'y réussit qu'avec deux
et obtient des produits de la composition I :
Az0, AzO,
7
5 3
[l
6 77 2 il (1
ner Az0, : Az0,
6 CH,
NE CE NA CE
NGO0R NCo0R
Seulement en suivant un chemin indirect on obtient
aussi des produits de la composition II. — Ensuite
M. Romburgh présente : Sur les huiles éthériques des
feuilles d'Alpinia malaccensis Rose. Suite d’une com-
munication antérieure (voir Rev. gén. d. Se., t IX, p.
476. — Enfin M. Romburgh présente encore : Sur les
huiles éthériques d'Ocimum Basilicum L. — M. C. A.
Lobry de Bruyn présente, au nom de M. J.-J. Blan-
ksma, une analyse de la thèse: « Organische polysul-
liden, ete. » (Polysulfures organiques et polysullfures
de sodium). L'auteur a trouvé que la substance Na? S°
se prête facilement à une décomposition double; il a
obtenu ainsi un grand nombre de bisulfures aroma-
tiques et aliphatiques. — Ensuite M. de Bruyn présente
au nom de M. N. Schoorl: Sur des dérivés uréiques
des sucres. Les efforts inutiles de MM. Lobry de Bruyn
et Alberda van Ekenstein pour distinguer dans l'urine
la lactose de la glucose ont provoqué l'étude de
M. Schoorl. Il démontre qu'il est possible de soustraire
les sucres de l'urine traitée avec un acide dilué, sous
forme de dérivées d’urée. — Enfin M. de Bruyn présente
au nom de M. A. F. Holleman: Sur la nitration des
acides orthochlorobenzoïque et orthobromobenzoique,
et la thèse de Mlle E. Kleerekooper : La phœniceïne,
la matière colorante de Copaifera bracteata (en hol-
landais). — M. Bakhuis Roozeboom présente au nom
de M. E. Cohen: L’enantiotropie de l'étain. Sixième
partie, contenant plusieurs remarques bibliographiques
sur l’étain gris. Probablement l’énantiotropie de l'étain
a été observée déjà dans le temps d’Aristote (384-322
avant J-C.). — M. Roozeboom présente encore au nom
de M, J.-N. Adriani : Lignes eutectiques de systèmes
de trois substances, dont deux sont des antipodes
optiques. Dans les Aend. Acad. dei Lincei du 9 avril
1899, p. 332, M. Bruni a décrit une méthode pour déci-
der si un corps inactif, compensé extra-moléculaire-
ment, est un conglomérat, un corps racémique ou bien
un cristal de mélange pseudoracémique. M. Bruni
veut déterminer le point euteclique d’une solution
d'un des antipodes, dissoudre ensuite des mélanges
des antipodes en proportions connues dans le même
milieu de solution et déterminer de nouveau les points
eutectiques. En examinant de cette manière tous les
mélanges de 100 ‘°/, dextro, jusqu'à 100 2} lévogyre,
on trouve pour chaque proportion une température
déterminée. En construisant des graphiques, le lieu
des points eutectiques correspondant à ces différentes
proportions est une courbe dont le caractère révèle la
pature du corps inactif. Si l’on obtient une courbe à
trois branches, on a affaire à un corps racémique. Deux
branches s'obtiennent quand le corps inactif est un
conglomérat des antipodes. Et la courbe n’admet qu'une
branche unique s'il s'agit de cristaux de mélange inac-
tifs. M. Adriani croit que cette méthode, appliquée
par M. Bruni à des solutions aqueuses, montre encore
plus d'avantages quand on se sert de milieux supérieurs
de solution. Ici, il applique la méthode de M. Bruni à
l’oxime du camphre. Au dessus de 103, l’-oxime du
camphre est cristal de mélange, au-dessous de 103 il
est corps racémique. Comme troisième substance,
l'auteur a employé successivement la naphtaline, la
phénantrène, la benzoïne et l’anthracène. Ces résultats
sont contenus dans le tableau suivant :
NAPHTALINE PHÉNANTRÈNE BENZOÏNE ANTHRACÈNE
o/od- 0/0 L- 8104 9904 1370 2130
100 0. 6100 1602 10002 10902
90 5 60,0 = — =
S5 10 59,6 15,6 99,1 107,6
$0 20 59,2 74,9 98,2 106,8
15 25 59,4 = 97,8 =
10 30 60,1 14,2 97,4 106,2
65 35 60,8 148 e =
60 40 61,3 15,6 97,0 105,1
50 50 61,9 16,2 97,2 105,6
La première ligne indique les points de fusion. Ces
résultats affirment les considérations théoriques de
M. Bruni et les résultats obtenus antérieurement (/tev.
gén. d. Sc., X, p. 800) par l’auteur.
20 SCIENCES NATURELLES. — M. J.-M. van Bemmelen :
Sur l'importance du travail de feu G. J. Mulder rela-
tif à notre connaissance de la terre cultivable. Cette
étude paraîtra dans les mémoires de l'Académie. — En-
suite M. van Bemmelen présente au nom de M. G. Rein-
ders: Deux nouveaux lieux où l'on trouve des miné-
raux ferrugineux dans el sous les tourbières. — M. A.
A. W. Hubrecht présente au nom de M. J.-F. van Bem-
melen: Troisième communication d'observations sur
lastructure du cräne des Monotrémes. L'os ethmoïdeet
le cornet nasal de la mâchoire supérieure. — M. van
der Waals présente au nom de M. J. Valckenier Su-
ringar : Contribution à l'étude des espèces du genre
Melocactus des Indes Néerlandaises Occidentales. Sont
nommés rapporteurs MM. C.-A.-J.-A, Oudemans et
ACADÉMIES ET SOCIÉTÉS SAVANTES
J.-W. Moll. — M. B.-J. Stokvis présente une brochure
Doit-on combattre la fièvre ? P. H. Scnoure.
ACADÉMIE ROYALE DES LINCEI
Séances de Décembre 1900.
1° SCIENCES MATHEMATIQUES. — M. Tacchini commu
nique à l'Académie les résultats de ses observations sur
les Léonides, exécutées pendant le mois de novembre
il reconnait que, malgré l’état de pureté .du ciel, Je
phénomène des étoiles filantes a complètement mans
qué, ce qui conduit à croire que le nuage météorique
s'est dissous, ou qu'il s’est déplacé. — M. Millosevich
donne les éléments de l'orbite définitive de la pet
planète Eros, pour la période du 18 août au 31 octobm
1900. — M. Bianchi s'occupe de l'intégration de l'équas
tion A,u—0 dans l'espace indéfini non euclidien.
M. Burgatti éludie dans une première note le mouve-
ment d’un pendule vertical, dont le point de suspension
est assujetti à des mouvements oscillatoires, et déter
mine ces mouvements; dans une deuxième note, M. Bur-
gatti s'occupe de quelques surfaces à lignes de cour
bure isothermes. — M. Severi présente le résultat de
ses recherches sur les coïncidences d'une série algés
brique œ (*+1) —# de couples d'espaces à 4 dimen
sions qui se trouvent dans un espace à r dimensions.
20 SGENCES PHYSIQUES. — M. Agamennone donne des
détails intéressants sur l'influence que les variation
atmosphériques peuvent exercer sur les appareils seï
miques, et insiste sur les précautions à prendre pour
que ces influences soient réduites au minimum. =
M. Manuelli décrit ses recherches sur l'action du
brome sur le lapaconone. — MM. Bruni et Gorni exa:
minent la marche du phénomène de la congélation
daus des solutions solides de trois subslances.
M. Viola démontre que la loi de rationalité des indices
ne peut avoir aucune valeur en cristallographie, puis
qu'elle ne correspond pas à la preuve de l'expérience:
3° SciENCES NATURELLES. — M. Arcangeli expose dan
une note ses observations sur une variété de Pinu
Pinea L. var. fragilis, dont les fruits ont les pignons-à
écorce tendre; M. Arcangeli décrit ses tentatives de
reproduction de cette variété, et il arrive à la conclt
sion qu'il ne s’agit point d’une véritable variété, mai
d'un état pathologique de l'arbre en relation avec les
conditions du milieu où l'arbre se trouve. — M. Mar-
telli, ayant visité les îles de Paxos et Antipaxos dans
l'archipel lonien, décrit leur structure géologique.
M. Rosati donne une étude pétrographique des roches
volcaniques des environs de Pachino en Sicile.
M. No a étudié la propagation de la filaire du sang
(Filaria immitis) à l'hôte définitif au moyen des mous:
tiques; il donne des nombreux détails et des dessins
sur la manière dont l'infection se produit, sur l’évol
tion des moustiques el de la filaire. — M. Basili dé
montre que l'opinion de Ross sur l'impossibilité d’une
infection paludéenne des moustiques femelles (Culex
pipiens) non fécondées est fausse, et décrit les expés
riences qui prouvent que les femelles fécondées et non
fécondées sont infectées également en suçant le sanf
d'une personne atteinte par la fièvre. — M. Gorin
poursuit ses recherches sur l'infection micetozoïque d
la cornée, en relation avec l'infection de la cornée
le vaccin. — MM. Lo Monaco et Panichi ont découven
un phénomène particulier d’agglutination qui se pro
duit dans le sang des malades de fièvre paludéenne,,
selon toute probabilité, il s'agit d’un phénomène com
mun à plusieurs maladies infectieuses, mais qui peut
être d’une grande utilité pour suivre le cours de Ja
maladie, pour son traitement et pour être sûr de Ja
guérison.
ERNESTO Mancini.
Le Directeur-Gérant : Louis OLIVIER.
Paris. — L. MARETHEUX, imprimeur, 1, rue Cassetto,
12: ANNÉE
N°
928 FÉVRIER 1901
ES
| Revue générale
des
DIRECTEUR :
SCien
pures el appliquées
LOUIS OLIVIER, Docteur ès sciences.
Adresser tout ce qui concerne la rédaction à M. L. OLIVIER, 22, rue du Général-Foy, Paris. — La reproduction et la traduction des œuvres et des travaux
publiés dans la Revue sont complètement interdites en France et dans tous les pays étrangers, y compris la Suède, la Norvège et la Hollande.
RE ——— ——
CHRONIQUE ET CORRESPONDANCE
$ 1. — Distinctions scientifiques
La Médaille d’or Swammerdam. La So-
ciété hollandaise pour l'avancement des Sciences et de
la Médecine (Genootschap ter bevordering van Natuur,
Gences en Heelkunde) à Amsterdam a décerné la grande
Médaille d'or de Swammerdam pour l’année 1900 au
Professeur C. Gegenbaur, de Heidelberg.
Cette médaille à été instituée par la Société en 1880
eur être décernée tous les dix ans au savant qui
aura fait, dans cet espace de temps, des recherches
importantes sur les sciences où s’est illustré Swam-
merdam. La médaille avait été décernéte pour la pre-
mière fois en 1880 à C. Th. von Siebold, et en 1890
au Professeur E. Häckel,
$ 2. — Mécanique
Recherches récentes sur lélasticité des
métaux. — On a admis pendant longtemps, à la suite
des travaux de Wertheim, que le rapport de la contrac-
tion transversale à l'allongement, — coefficient de
Poisson, — est le même pour tous les métaux, et égal à
1/3, alors que de Saint-Venant était arrivé, par des
considérations théoriques, à la conclusion que, pour
AE: corps isotropes, ce coefficient doit être égal
1/4.
La question fut définitivement éclaircie lorsque, par
ses admirables recherches sur l’élasticité des solides,
. Amagat démontra que ce coefficient varie d'un corps
à un autre, se rapprochant d'autant plus du nombre
théorique que le corps est plus éloigné des conditions
dans lesquelles il peut prendre des déformations perma-
_nentes avant de se rompre. Ainsi le verre, le cristal,
Vacier, donnèrent des nombres voisins de 0,25, le
:cuivre et le laiton 0,33, le plomb 0,43. Quant au caout-
chouc, il n'éprouve pas de modification de volume
lorsqu'on le soumet à une traction, et le coefficient de
Poisson atteint, pour ce corps, la valeur de 0,5. A ce
point de vue, le caoutchouc se comporte comme le
erait un corps constitué par un grand nombre d’alvéo-
les élastiques, remplies d'un liquide incompressible.
La varialion des modules avec la température a donné
lieu à quelques bons travaux, mais on n'avait pas
REVUE GÉNÉRALE DES SCIENCES, 1901.
ler
| apercu jusqu'ici de loi bien nette reliant entre elles les
variations des divers coefficients.
Une recherche récente de M. Clemens Schaefer l’a con-
duit à une relation très intéressante, que nous allons
examiner.
Un certain nombre de métaux furent étudiés, sous la
forme de fils, dont on déterminaitle module d'élasticité
et le coefficient de torsion à diverses températures
comprises entre — 1869 et + 20°. Entre ces limites, les
coeflicient varièrent suivant une fonction sensiblement
linéaire. Désignons par 5 le coefficient de Poisson,
Tagceau LL
MÉTAUX
|
,0132.10—8
19
0
| Platine.
| Palladium
Ferss,?.
Nickel .
(O Ya
| Cuivre .
| Argent.
Aluminium.
Zinc .
Plomb .
.593/0,178. 103
51310 ,2696
0,3035
10,3281
0,301
10,489
51|0, 8209
par E le module d'élasticité, par y le coefficient de tor-
sion, par « et f$ leurs variations. On sait que :
En multipliant le second membre de cette équation
par le quotient des deux fonctions qui représentent
respectivement la varialion de E et de y, on en déduira
immédiatement la variation de 5. On écrira donc :
l— ot
Go) — +
TE
oi—=(l -
Les valeurs trouvées par M. Schaefer pour les diverses
4
15
ra
CHRONIQUE ET CORRESPONDANCE
crandeurs des coefficients de l’élasticité sont résumées
dans le tableau I ci-joint (page 153).
On peut, ensuite, se proposer de déterminer la tem-
pérature pour laquelle le rapport devient égal à 1/2,
c'est-à-dire celle où le métal prend les propriétés élas-
tiques d’un liquide. En effectuant le calcul, on trouve
les nombres donnés dans le tableau Il, où nous avons
rapproché de ces nombres les températures de fusion
déterminées directement. La concordance entre ces
deux séries de nombres est loin d'être parfaite; mais, si
l’on envisage la difficulté que l’on rencontre dans la
détermination des coefficients de l'élasticité, et
l’extrapolation considérable qui conduit à la détermi-
nation de la valeur limite de 6, on reconnaitra que le
seul fait d'une certaine analogie dans l'allure des deux
tableaux mérite d'être pris en sérieuse considération.
Il ne serait pas impossible qu'en poursuivant les
mesures directes jusqu'au voisinage de la température
de fusion, on arrivät, sans aucune discontinuité, à la
valeur limite de « pour ce point lui-même. En d’autres
termes, la fusion des métaux se produirait par le fait
d'une variation continue de leurs propriétés élastiques.
Cette curieuse relation n'est pas la seule que l'on
TagLeAu IL.
TEMPÉR.
É 1
MÉTAUX G— —
2 de fusion
Platine. . 141 4e
Palladium He me et à 17124 115)
HEC ER AR Et ee 1.470 1.500 env.
Nickel . CE 1.391 1.400. —
Cuivre . 1.169 1.08%
Argent. 990 95%
connaisse entre la température de fusion des métaux
etleurs autres propriétés. Il y a plus de vingt ans,
M. Raoul Pictet a montré que la plupart des métaux
se dilatent d’une quantité sensiblement égale entre le
zéro absolu etleur point de fusion; et ultérieurement,
M. Wiebe a modifié l'énoncé de cette loi approchée en
faisant intervenir la loi de Dulong et Petit, ce qui l’a
conduit à envisager non plus la variation des distances
des molécules comme le fait amenant à la fusion, mais
le travail fourni aux atomes.
La synthèse des propriétés élastiques et thermiques
des métaux est, on le voit, pleine de promesses. Les
physiciens se sont un peu désintéressés, depuis une
vinglaine d'années, de ce genre de questions. Mais le
retour vers les études moléculaires, nettement accusé
au dernier Congrès international de Physique, nous fait
espérer des progrès rapides dans cette direction.
$ 3. — Physique
Les expériences de Niepce de Saint-
Victor et les rayons de Becquerel. — Quand
on lit les curieuses notes de Niepce de Saint-Victor!
insérées dans les Comptes-Rendus de l'Académie
des Sciences, de 1857 à 1867, on rencontre des phéno-
mènes qui font d'abord penser à ceux que produisent
les rayons de Becquerel. L'oubli partiel dans lequel sont
tombées les observations de Niepce de Saint-Victor
appellerait alors une juste réparation et il faudrait lui
attribuer une part du mérite que l’on aime à reporter
des découvreurs d'aujourd'hui à leurs précurseurs mé-
connus. Que faut-il penser de cette appréciation ? Les
1 Niepce de Saint-Victor était le neveu de Nicéphore
Niepce. C'est Nicéphore Niepce et non pas Niepce de Saint-
Victor qui fut l'associé de Daguerre et l'inventeur de la
photographie.
lecteurs de la Æevue tiendront sans doute à être nette
ment renseignés à ce sujet.
Parmi les expériences de Niepce de Saint-Victor, voit
l'une des plus frappantes en ce qui concerne l’analogié
apparente des phénoménes qu'il a signalés et des phé
nomènes dus aux rayons de Becquerel : :
« J'expose à la lumière solaire une feuille de carton
très fortement imprégnée de deux ou trois couches
d'une solution d'acide tartrique ou de sel d’'urane
après l’insolation, je tapisse avec le carton l’intérieur
d'un tube de fer blanc assez long et d'un diamètre
étroit ; je ferme le tube hermétiquement, et je constate
après un très long laps de temps comme le premier
jour, que le carton impressionne le papier sensible
préparé au chlorure d'argent. À la température dé
l'air ambiant, il faut vingt-quatre heures pour ob
tenir le maximum d'effet; mais si, après avoir projeté
dans le .tube quelques gouttes d’eau pour humecten
légèrement la feuille de carton, on l’expose à un
température de 40 à 50°, on l’ouvre et on applique
son embouchure sur la feuille de papier sensible,
suffira de quelques minutes pour obtenir une imag
circulaire de l'embouchure, aussi vigoureuse que si le
papier sensible avait été exposé au Soleil. L'expérience
ne réussit qu'une fois, c'est-à-dire que la lumière
semble s'être échappée tout entière du carton, et que
pour obtenir une seconde image, il faudra recourir
une seconde insolation ».
Le caractère temporaire du phénomène et la néces:
sité d'insoler le papier que l’on enferme ensuite dans
une boite suffisent déjà à distinguer complètement les
phénomènes signalés par Niepce de Saint-Victor dans
l'extrait qui vient d'être cité et les phénomènes décour
verts par M. H. Becquerel. On sait, en effet, que le
rayons de Becquerel sont émis spontanément et indéli
niment par l'uranium sans qu'il soit besoin d’exciten
l'uranium par les rayons du Soleil; c'est là précisément
qu'est le grand intérêt de la découverte de M. H. Bec
querel.
Il n’est pas sans intérêt de pousser plus loin l'examen
des phénomènes signalés par Niepce de Saint-Victor
afin de les distinguer mieux encore des phénomènes dé
radio-activité. Dans les expériences de Niepce de Saints
Victor, les sels d'uranium ne jouent pas d'autre rôle
que le sulfate de quinine ou l'acide tartrique, pa
exemple. Sans doute, des rayons de Becquerel devaient
êlre émis dans les expériences de Niepce de Saint-Vies
tor où se trouvaient intervenir des sels d'urane; mais
les rayons spontanés de l'uranium n'avaient aucune
part dans les effets observés par Niepce puisque l’action
préalable de la lumière solaire était indispensable el
que d’ailleurs le phénomène était temporaire. Ce qui
agissait, c'était quelque chose qui n'était pas spécia
aux sels d’urane en tant que renfermant de l’uraniun
Au contraire, les rayons de Becquerel ne sont pas émis
par le sulfate de quinine, ni par l'acide tartrique. Le
sels d'urane les émettent en tant que renfermant dé
l'uranium, les sels uraneux, non fluorescents, les
émettent aussi bien que les sels uraniques fluorescen
l'uranium métallique extrait des sels d'urane est troil
ou quatre fois plus actif que ces sels eux-mêmes. C
caractère atomique de la radioactivité se retrouve pou,
le thorium et pour les nouvelles et si remarquables"
substances que leur radioactivité très énergique a per
mis à M. et Mme Curie, puis à M. Debierne de découvrir
au milieu de minerais qui en renfermaient seulemen
des traces inappréciables à l'analyse spectrale elle
même, et de concentrer progressivement. On sait com
ment M. et Mme Curie ont réussi à obtenir en particu
lier des échantillons de sels de radium presque purs
caractérisés nettement par un spectre lumineux touts
fait nouveau et par un poids atomique très supérieur
celui du baryum avec lequel leradium offre de grande
analogies. Est-il besoin de dire qu'il n'y à rien d'ami
‘ La citation suivante est extraite des Comples Rendu
| de l'Acad. des Se, du 1er mars 1858, t. XLVI, p. 451. M
CHRONIQUE ET CORRESPONDANCE 55
— logue dansles propriétés observées par Niepce de Saint-
“Victor ? L'action que parait exercer à distance un sel
“d'uranium dans les expériences de Niepce de Saint-
“Victor n'est pas essentiellement différente de celle
qu'exerce, dans des circonstances analogues, une autre
matière impressionnable comme l'acide tartrique, et
“même elle est très inférieure à celle de l'acide tartrique.
— L'action à distance que Niepce de Saint-Victor croyait
avoir isolée ne traversait pas une lame de verre (ce qui
suffirait à la rigueur à la distinguerune fois de plus d’une
action de rayons de Becquerel). D'après cela, Niepce de
Saint-Mictor avait adopté l'hypothèse de Foucault pour
“lequelles effets observésseraient dus à des rayons invisi-
“blesne traversant pas le verre.MaisNiepce de Saint-Victor
n'a même pas démontré qu'il eût affaire à un agent se
| propageant en ligne droite ; l'hypothèse d’un rayonne-
_ ment n'est donc pas justifiée.
1 existe mème des expériences de l'abbé Laborde,
“contemporaines de celles de Niepce de Saint-Victor,
montrant assez bien ce qu'il reste d’obscur dans les
travaux de Niepce de Saint-Victor. Voici l’une des expé-
riences de l'abbé Laborde!:
« La boite contenant le carton insolé a été laissée pen-
dant quatre heures dans un endroit chaud: je l'ai dé-
bouchée ensuite avec précaution, et, tenant l'ouverture
en bas, j'en ai retiré doucement le carton insolé ; j'ai
fixé promptement sur le fond du bouchon un papier
“sensible traversé par une bande de verre, et J'ai re-
fermé la boite. Je l'ai placée dans un endroit frais, et
lorsqu'au bout de douze heures je l'ai ouverte, j'ai
trouvé le papier sensible noirci sur la surface décou-
verte, malgré l'absence du carton insolé. »
Pour l'abbé Laborde on a affaire non à use radiation
issue du carton insolé, mais à une émanalion qui reste
enfermée dans la boîte de fer-blanc et produit à elle
seule les actions chimiques que Niepce attribuait à une
_ radiation émanée du carton.
Il pourra être intéressant d'approfondir les phéno-
. mènes découverts par Niepce de Saint-Victor et dont
. l'étude est, on le voit, si incomplète. Mais le peu que
nous apprennent sur ces phénomènes les expériences
su Niepce de Saint-Victoret celles de ses contemporains
suffit pour nous permettre d'affirmer qu'il n'y a rien
de commun entre ces phénomènes, où l’action de ra-
“‘hations invisibles n'a même pas pu être constatée, et
les phénomènes bien nettement définis qui sont dus
“aux rayons de Becquerel. La découverte et l'étude des
“rayons spontanés de l'uranium, du thorium et des nou-
veaux éléments radioactifs ne doit absolument rien à
Niepce de Saint-Victor.
__ Nouvelle méthode pour la cristallisation
des solutions, en particulier des solutions
de substances albumineuses. — Une difficulté
quise présente souvent lorsqu'on cherche à faire cris-
talliser certaines solutions, pour obtenir à l'état pur le
corps qu'elles renferment, c'est la formation d'une
croûte cristalline à la surface, croûte qui contient géné-
ralement une bonne partie des impuretés de la solu-
tion. Cette croûte tombe au fond à la moindre secousse
et une nouvelle croûte se reforme rapidement. Ce phé-
nomène est particulièrement gênant pour les solu-
tions albumineuses, et M. Wroblewsky, qui s'occupe
depuis plusieurs années de l'étude de ces corps, a été
amené à rechercher le moyen de le prévenir®.
La formation des croûtes doit être attribuée à la va-
porisation superlicielle ; il faut donc d'abord empêcher
cette dernière et chercher à provoquer la concentra-
tion de la solution d'une autre facon. Pour cela,
M, Wroblewsky utilise une propriété des membranes
de parchemin : Si l'on suspend dans l'air un tuyau de
parchemin rempli d'eau et bien fermé à ses deux extré-
| Bulletin de la Société Française de Photographie
août 1859. — RU se à
… Bulletin international de l'Académie des Sciences de
Cracovie, 1900, n° $, p. 319.
Œ
mités, on constate que l'eau ne mouille pas sa surface
extérieure; mais, si l'air est sec, l’eau diminue en
quantité à l'intérieur, et au bout de quelques jours elle
ä disparu complètement; elle s’est infiltrée dans la
membrane et s'est évaporée à sa surface extérieure. Si,
à la place de l’eau pure, on introduit dans le tube de
parchemin une solution, celle-ci se concentrera de
plus en plus jusqu'à ce que le corps dissous se dépose
sous forme cristalline ou amorphe.
Sur ce principe, M. Wroblewsky a construit l'appareil
suivant (fig. 1) : Dans un vase A, on introduit un large
tube B, fermant hermétiquement l'ouverture C, et fermé
lui-même par le bouchon D, qui est traversé par le
tube E. Le tube B est fermé en bas par une membrane
de parchemin végétal fixée par une triple ligature. Ou
place du chlorure de calcium poreux dans le fond du
vase À et de l’eau dans le tube E. Si l’on introduit une
solution dans le tube B, elle se concentrera peu à peu
et cristallisera sans formation de croûte à la surface.
On observe,
pour certains
sels, un phé-
nomène très
curieux : c’est
la formation
decristaux sur
la surface ex-
térieure du
parchemin.
Pour le sulfate d'ammonia-
que, ils sont longs et filifor-
mes, ressemblant à des brins
d'herbe très fins ou à .des
fils de toile d’araignée; ils
poussent dans la direction du
chlorure de calcium. Le chlo-
rure d'ammonium forme des
cristaux plus courts; le chlo-
rure de sodium et l’acétate de
potasse ne produisent qu'uu
duvet subtil. Le sulfate de
magnésie ne forme qu'une ef-
florescence minime; le sul-
fate de cuivre ne donne pres-
que rien. On a observé des
phénomènes analogues dans
Fig. 1. — Appareil pour |
la cristallisation des la nature, par exemple à la
solutions. — A, vase surface des plantes qui pous-
fermé contenant des sent dans un sol saturé de
substances hygrosco-
piques ; B, tube renfer-
mant Ja solution à
cristalliser; C, col; D,
bouchon; E, tube plein
d'eau.
chlorure de sodium.
L'appareil de M. Wroblew-
ski, appliqué à la cristallisa-
tion de l'albumine d'œuf, lui
a donné des cristaux plus
purs que ceux qui résultent
de la méthode de Hotfmeis-
ter, et cela sans formation de croûte superficielle et
dans un temps beaucoup plus court. On à observé
également une très faible cristallisation de l'albumine
à l'extérieur du parchemin. Il y a là un phénomène
d'osmose qui paraît général pour tous les corps.
La lampe à incandescence et le courant
alternatif. — Nous recevons la lettre suivante :
« Vous avez publié, dans un réceut numéro de la
Revue générale des Sciences’, d'intéressantes remar-
ques sur les variations de température et d'éclat des
lampes à incandescence parcourues par des courants
alternatifs. Voulez-vous, à ce propos, me permettre de
rappeler que j'ai donné moi-même, il y a quelques
années, une théorie complète du phénomène, basée sur
la loi du rayonnement de H.-F. Weber. J'étais arrivé,
pour un courant sinusoidal de fréquence 40, à des va-
riations de température de 10° en plus ou en moins de
Voyez la Revue du 30 janvier 1901, t. XL, p. 58.
Eclairage électrique, 5 juin, 1897.
CHRONIQUE ET CORRESPONDANCE
la moyenne, et à des variations d'éclat de 10 °/, environ
en plus ou en moins de l'éclat normal. J'indiquais de
plus la possibilité d'observer ces variations d'éclat en
agitant un objet brillant devant la lampe.
« Les nombres que je viens de citer reposent entit-
rement sur la théorie de H.-K. Weber qui, je le remar-
quais déjà dans le travail cité, semble donner pour la
température des lampes des nombres inférieurs à la
réalité (1100° environ). Quelques expériences que j'ai
publiées l’année suivante m'ont donné, pour la tem-
pérature moyenne de lampes moyennement poussées,
de 1600° à 1700°, Néanmoins, l'allure générale du phé-
nomène et son ordre de grandeur sont très sulfisamment
indiqués par la méthode que j'ai employée, et mes résul-
tats ne diffèrent pas beaucoup de ceux de M. Samoilof;
il n'y a pas lieu d’ailleurs d'être surpris de ces légères
différences, étant donné : 4° qu'il emploie la loi de Ste-
phan au lieu de la loi de Weber; 2° qu'il substitue au
courant sinusoidal vrai un courant fictif simplement
interrompu. » Paul Janet,
Cliargé de Cours à la Faculté
des Sciences de Paris.
$ 4. — Chimie
Action de léther méthylmalonique sodé
sur l'oxyde de mésityle. — Les expériences di-
risées dans cette voie ont eu principalement pour objet
la synthèse de l'acide dihydrocamphorique ‘, et, bien
que ces tentatives n'aient pas élé couronnées de suc-
cès, M. Crossley a pu néanmoins obtenir plusieurs
dérivés intéressants.
Tout d’abord l’action de l’oxyde de mésityle sur
l'éther méthylmalonique sodé peut s'exprimer ainsi :
(CH5)°C — CH. GO. CH° + Na.C(CII) (CO?C2I)*
/C(CH°). (COC?H5). CO, :
—(CHSECS ; CHE + CFO.
Nc: co”
Le produit de condensation ainsi obtenu, soumis à
la saponification, fournit un acide £-cétonique qui perd
spontanément de l’anhydride carbonique en fournis-
sant une cétone :
CH(CIE) — CON
(CHÿCL CHE,
DO CT
Cette triméthyldihydrorésorcine (2:6-dicéto-3 : 4 :4
triméthylhexaméthylène) possède très certainement la
coustitulion qui lui est assignée ici parce que l’oxyda-
tion au moyen de l'hypobromite de soude le convertit
en acide a«-ÿ-5-triméthylglutarique :
CH CH. CON
(CPC
CHE COZH
Il n'a pas été jusqu'ici possible de convertir la trimé-
thyldihydro-résorcine en l'acide cétonique :
CU CI). CO
(CH3)2C4
NCIÉCO.CIP.
Celle résorcine substituée fonctionne comme une dicé-
tone et donne une dioxime bien caractérisée, mais sa
forme la plus usuelle est la forme énolique :
CH(CIP) = COS
CH° CL DUR:
N\CHE — C{0H)-
Ainsi, par exemple, elle fournit un sel d'argent, unéther
méthylique et un dérivé monoacétylé.
En même temps, lanature non saturée de ce com-
posé peut être démontrée par le fait qu'il s'unit au
brome en donnant un dérivé dibromé. Celui-ci, qui est
1A.-W. Crosscey, Journal of the Chem. Soc., t. 19, p. 198.
; extrêmement instable, perd rapidement de l'acide
| bromhydrique et fournit un dérivé monobromé ainsi qui
le montrent les relations : -
CH(CHS)— CO
CHE
CHÈ— CBr OH
/CH(CH)CO
ŸGIBr
> (CH}CC SN GBr
CIE — C(ON)7
CII(CIH) — CO
ou (CH'CC >CHBr.
\CH®——— CO
Traitée par une quantité insuffisante d'hypobromile
de soude, la triméthyldihydrorésorcine est transformée
en un dérivé bibromé :
CH(CH# CO
CCC Durs
SCHE — CO
lequel, traité à son tour par la potasse, est converti ef
en
acide 4-55-triméthylglutarique et dans le composé mono
bromé ci-dessus.
Composition chimique des Pétroles ro
mains. — La composition chimique des pétroles varie
beaucoup selon leur provenance ; les divers pétroles
connus et exploités peuvent se rattacher à trois formes.
principales : les pétroles d'Amérique, constitués pres
que en totalité par des carbures forméniques; les
pétroles de Bakou, composés surtout de carbures eyeli
ques saturés ou naphtènes, et les pétroles intermé=
diaires, tels que ceux de Tiflis, qui réunissent les deux
sortes d'hydrocarbures. |
Les pétroles de Roumanie avaient été jusqu'à présent
peu étudiés quant à leur composilion. M. Poni, profes
seur à l’Université de Jassy, a entrepris l'étude de plu
sieurs d’entre eux et publié récemment (Annales scie
tifiques de l'Université de Jassy, 1900, 2e fase.) des
résultats précis sur les portions les plus volatiles du
pétrole de Colibasi.
Contrairement à beaucoup de pétroles, ce dernier nt
contient pas de carbures éthyléniques ou acttyléniques
Il renferme une certaine quantité de carbures gazeux
forméniques (élhane, propane, butane, pentane ter*
tiaire), Les parties qui distillent au-dessous de 100%
sont pour une notable proportion constituées par des
pentanes et des hexanes, qu'accompagnent de faibles
quantités de benzène et de toluène, ainsi que des dose
assez importantes de carbures cycliques saturés
méthylpentaméthylène, hexaméthylène.
Ces résultats, qui seront sans doute complétés pro
chainement par M. Poni, tendent à ranger les pétroles
de Colibasi dans la troisième catégorie, tout en indin
quant une prépondérance assez marquée des carbure
à chaine ouverte. +
$ 5. — Physiologie
La ration d'entretien dans les pays chauds
— Nous empruntons à un travail de M. Maurel!, dont I
première partie seulement vient de paraitre, une série
de données fort intéressantes sur la ration d'entretien
dans les pays chauds.
En s'appuyant sur les faits qu'il a observés et les re
cherches qu'il à faites en Cochinchine, au Cambodge
à la Guadeloupe, ete., M. Maurel montre que, dans les
régions intertropicales dont la latitude n’est pas corrigé
par l'altitude, les azotés, dans la ration d'entretien, doi
vent figurer pour 4 gramme à 4 gr. 25 environ et les
ternaires pour 4 à 5 grammes environ par kilo
gramme de poids, soit 60 à75 grammes d'azotés et 240
1 E. Maurer : Influence des climats et des saisons sur ls
dépense de l'organisme chez l'homme. Archives de Méd
cine navale 4900, no 11.
CHRONIQUE ET CORRESPONDANCE
à300 6 grammes de ternaires pour un homme de 60 kilo-
grammes.
origine des azotés est sans importance, et on peut
les demander indifféremment au règne animal et au
règne végétal. Pour les # ou 5 grammes de ternaires, on
peut adopter comme proportion : { gramme de corps
gras, 0 gr. 50 our ool, contenu dans” une liqueur fer-
mentée vin, b ière ou cidre), et 2 gr. 50 à 3 gr. 50 d’hy-
drates de carbone.
… Le nombre de calories, constituant un des Ho les
Jus importants de la ration, doit être environ de 27,5
h 32,5 colories, en moyenne de 30, pose ns
‘un homme Fe 60 en
fa quantité d'aliments et le nombre de calories
s doivent donner correspondent à la ration d'en-
tien. Pour les autres rations, celles du travail, de la
wissance, de la grossesse, etc., les règles pour les fixer
t les mêmes que pour les pays tempérés.
$ 6. — Sciences médicales
l'infiuence de l'Oxygène sur les Convul-
ons strychniques. — C'est un fait bien connu
physiologistes qu'on peut, par la respiration arti-
elle, atténuer chez le chien, chez le lapin, chez le
aye, les phénomènes de l’empoisonnement strych-
e, et rendre inoffensives des doses d'alcaloïde
rtelles pour un animal respirant normalement (Rich-
Leube, Rosenthal, Uspensky, Westphal, Lasch-
ewitz, Ebner, Brown-Séquard, Rossbach et Jochelsohn,
nanoff, Buchheim, Pauschinger, Richet, Eckhardt).
es physiologistes toutefois différent d'avis dans l'inter-
tation du phénomène. Les uns admettent que la res-
ration artificielle détermine une ventilation plus par-
ite des alvéoles pulmonaires et une oxygénation plus
tomplète du saug, ayant pour conséquence une com-
bustion plus rapide des substances organiques et vrai-
mblablementde lastrychnine ; — les autres admettent
ue, par la respiration artilicielle, sont produites des
Xcitations périphériques capables de détermmer une
aibition plus ou moins complète du pouvoir excito-
exe des centres nerveux.
. Osterwald!, sur les conseils du P'Jacobi, s'est pro-
é de résoudre la question du mécanisme remar-
able que nous venons de signaler. Siles phénomènes
caniques de la respiration artificielle sont la cause
l'atténuation des symptômes strychniques, cette
énuation ne devra pas se produire si l'animal n’est
soumis à la respiration arüficielle. Si les phéno-
nes de suroxygénation du sang dans la respiration
ificielle sont la cause de l'atténuation observée, cette
ténuation devra se produire si l'animal respire libre-
nt dans une atmosphère suroxygénée.Telles sont les
positions de M. Osterwald.
les expériences sont faites sur des souris, sur des
Sobayes, sur des poussins, comparativement. A deux
himaux aussi semblables que possible, on injecte
s la peau une même quantité de strychnine (à dose
mortelle ou à dose mortelle) ; l’un est placé dans
, l'autre dans une cloche d'oxygène. Les accidents
Ychniques sont toujours plus graves, et plus rapide-
nt mortels pour l'animal conservé dans l'air que
ur celui maintenu dans l'oxygène. Ainsi, par exemple,
IX cobayes pesant chacun 440 grammes recoivent
*,2 d’azotate de strychnine en injection sous-cutanée:;
m À est placé dans une cloche d'air; l'autre B dans
ne cloche d° oxygène. Après quinze minutes, le cobaye A
sente une exagération des réflexes très manifeste ;
cobaye B n’en présente aucune, Après vingt minutes,
cobaye À présente des convulsions spontanées; le
baye B ne manifeste qu'une très légère agitation.
Après vingt-cinq minutes, le cobaye A ‘est en tétanos
ontinu, le cobaye B paraît normal. Après vingt-sept
Archiv. fur experiment. Pathologie und Pharmakologie,
[900 ; 401-63.
157
minutes, le cobaye À meurt. " ormal.
En placant deux cobayes l'air
naturel, l’autre dans un les
accidents strychniqu’ es
chez le premier a ad on
approche des l - avec la
vie, quand
mènes «|
2 -nces que les phé-
.ration artificielle ne
ation des phénomènes
uit être recherchée dans les
Ce on de l'organisme.
-istrerles expériences de M. Oster-
: elles sont faites avec rigueur et
s'accr c des expériences antérieures, notam-
ment à iles d'Ananoff. Mais nous devons faire des
réserves, au moins provisoires, sur l'interprétation qu'il
en donne. S'agit-il, comme il le dit, de changements
dans les processus d'oxydations or: ganiques sous l'in-
fluence des modifications de la tension de l'oxygène ?
Avant d'admettre cette conclusion, il faudrait établir
la réalité de cette augmentalion des oxydalions dans le
cas où l'animal respire dans l'oxygène pur, ou dans le
cas où l'animal est soumis à une respiration artificielle
énergique. Or, nous savons que, dans le phénomène de
l’apnée produit par une respiration artificielle active, les
oxydalions ne sont point augmentées, et la tension de
l'oxygène dans le sang est normale. Et pourtant dans
ces conditions l'atténuation des phénomènes strych-
niques se produit. Que la tension de l'oxygène daus le
sans de l'animal qui respire dans l'oxygène pur soit
supérieure à la tension de ce gaz dans le sang de l’ani-
mal qui respire dans l'air, c ea là chose probable ; mais
n'oublions pas que l'oxygène dans le sang est pour la
plus grande part combiné à l'hémoglobine, et que la
tension dans de capillaires est pour l'oxyzène égale à
la tension de dissociation de l’oxyhé moglobine dès
qu'est consommée la très petite fraction d'oxygène qui,
dissoute dans le plasma, avait une tension supérieure.
Une remarque s'impose encore : l'oxygène respiré
sous pression de cinq atmosphères produit chez les
animaux des accidents convulsifs, absolument sem-
blables aux accidents strychniques; on comprendrait
sans peine que l'oxygène sous pression d'une atmos-
phère exagérât les accidents dus à la strychnine; on est
surpris de le voir les atténuer. On sait qu'un poison
capable de supprimer l'activité d'un élément vivant
commence par exalter cette activité quand il est em-
ployé à dose faible; mais on n’a pas d'exemples nets de
poisons qui, à dose convenable, exaltent une activité
vilale et qui, à dose moindre, diminuent sette activité.
Ces remarques n’enlèvent rien de l'intérêt des re-
cherches de M. Osterwald; elles montrent, au con-
traire, tout l'intérêt qui s'attache à ces recherches, qu'il
serait désirable de voir étendre et compléter.
es phéno-
n°
wal ce
$ 7. — Géographie et Colonisation
La production du Caoutchoue. — Jusqu'à ces
dernières années, le caoutchouc était © considéré unique-
ment comme un produit forestier et ne pouvait, à
aucun titre, être rangé au nombre des productions
agricoles. À Actuellement enc ore, malgré une production
annuelle qui dépasse 42 millions de kilogrammes, pour
le monde entier, le caoutchouc est presque uniquement
fourni par des végétaux ayant poussé sans culture dans
les forêts; mais, en présence d’une consommation qui
devient de plus en plus considérable, le problème s’est
posé de la création de cultures ralionnelles, non seu-
lement pour assurer dans l'avenir la production du
caoutchouc nécessaire à l'industrie, mais encore pour
diminuer, autant que possible, les frais de récolte et
pour obtenir un produit plus homogène.
A lui seul, le Brésil fournit plus de la moitié du
caoutchouc annuellement livré au commerce (23 mil-
lions de kilogrammes en moyenne pour les deux ou
158
trois dernières années), el ce caoutchouc est produit
par diverses espèces du genre Æevea, par le Castilloa
ct par un Aanihot. Mais les arbres du genre Hevea sont
principalement exploités au Brésil et fournissent le
caoutchouc le plus estimé. D'après M. Eug. Acker-
mann‘, on na guère à craindre la disparition de ces
arbres dans les forêts du Brésil car, à l'encontre de ce
qui se passe en Afrique, les récolteurs ne détruisent
pas les arbres producteurs : ils se contentent de les
saigner par des incisions périodiquement répétées.
Dans lEtat de Para, ce qui manque principalement,
c'est la main-d'œuvre, car la récolte se fait dans les
lorèts marécageuses où les récolteurs rencontrent mille
obstacles et contractent de dangereuses maladies, « Si
les propriétaires de terrains ont intérêt à planter, ce
n'est pas précisément parce que la matière première
fait défaut, mais c'est afin d'avoir plus de facilités pour
l'extraction, ou bien pour augmenter la valeur de leurs
terres, et enfin aussi pour pouvoir se procurer plus
facilement la main-d'œuvre, car cette dernière affluera
de préférence dans une plantation où les conditions
hygiéniques ne peuvent être que bonnes, comparées à
celles de la forêt quasi vierge. »
La récolte n’est pas réglementée dans les Etats de Rio
de Janeiro, Minas Geraes, Espirito Santo, Parahyba,
Rio Grande do Norte, Sergipe, et même dans l'Etat de
Para, si riche en Aanicobas. L'Etat de Para a établi,
par une loi du 20 mars 1896, des primes pour l’encou-
ragement des plantations d'arbres à caoutchouc. Il
alloue 1 million de reis par lot de 2.000 seringueiras
plantés convenablement, pourvu que le terrain appar-
tienne en propre au planteur où qu'il soit affermé par
lui. Il existe aussi une réglementation dans les Etats de
Matto Grosso, des Amazones et de Bahia; mais les
données de M. Ackermann se rapportent principalement
à l'Etat de Para * qui est d’ailleurs le principal centre de
la production de caoutchouc. Les arbres exploités dans
l'Amazonie ne sont pas seulement des espèces du genre
Hevea (H. Brasiliensis, H. discolor, IL. paucrflora,
I. lutea), mais encore le Castilloa elastica, que le pro-
fesseur Buscalioni, de Rome, nous a dit avoir rencontré
maintes fois sur les rives des affluents de l’Amazone.
M. Ackermann décrit en détail les procédés d'extraction
et de coagulation du latex, procédés qui sont connus
de toutes les personnes au courant de ce qui concerne
la production du caoutchouc. Un seul ouvrier, opérant
sur une centaine d'arbres, répartis à des distances
variables, peut arriver à extraire 400 à 800 kilogrammes
de caoutchouc, chiffre qui est relativement peu consi-
dérable et qui pourrait être beaucoup plus élevé dans
une plantation bien organisée. Les conditions hygiéni-
ques sont telles que la mortalité est très élevée. « La
moitié du caoutchouc récolté appartient à l'ouvrier,
mais on en déduit une portion en échange des avances
failes. On en déduit une deuxième portion pour l'achat
des vivres et des objets nécessaires à la vie, en vue
d'un autre séjour dans la forêt marécageuse. Aussi, en
dépit de leur paye, en apparence forte, les ouvriers en
caoutchouc sont pauvres. » L'ouvrier se trouve donc
exploité par le propriétaire de la forèt qui ne l’est pas
moins, à son tour, par le courtier intermédiaire ou
? Au pays du caoutchouc, par Eugène Ackermann, ingé-
nieur civil des mines. Rixheim, 1900.
* On trouvera un bon apercu de cette réglementation
dans le Bulletin de la Société d'Etudes coloniales, édité à
Bruxelles (n° 11, novembre 1900).
CHRONIQUE ET CORRESPONDANCE
ll
ee
Aviador; ce dernier verse lui-même des prix très
élevés à l’armateur pour tous les objets qu'il lui achète
et qui sont destinés aux ouvriers. Il en résulte que l
mateur seul réalise de sérieux bénéfices et, par suit
de cette exploitation répétée, l'industriel européen
n'obtient le caoutchouc de Para qu’à des prix relatives
ment élevés.
Les primes accordées pour la création de plantations
n'ont produit jusqu'ici que très peu d'effet, et le Brésil
ne compte en ce moment encore qu'un petit nombre de
plantations sérieuses. Nos colonies tropicales pour
raient donc, avec profit et sans crainte d’une concur
rence très prochaine, créer et développer des plant
rions de végétaux producteurs de caoutchouc. Des
essais ont déjà été poursuivis dans cette voie, depuis
plusieurs années, et de nombreuses plantations son!
en voie de création dans nos diverses colonies. Nous
regrettons seulement d’avoir à constater que ces entre
prises agricoles ne reposent pas sur les essais préalables
de culture et d’exploitalion qui étaient nécessaires, @
qu'une administration soucieuse de l'avenir écono:
mique de ces possessions aurait dû faire poursuivre
depuis longtemps par les Services botaniques et agri
coles de nos colonies.
Tout ce qui concerne l'existence de végétaux produ
teurs de caoutchouc étant de première importance
nous devons signaler en passant l'envoi qui nous a été
fait, très récemment, par M. Vadon, chef de station du
Congo francais, d’un échantillon botanique de Aïckxi
Gilletii accompagné d’un peu de caoutchouc de bonne
qualité. Il nous à paru intéressant de signaler ce fait en
passant, car jusqu'ici les Xickxia rencontrés au Congo
2e fournissaient qu'un produit adhérent et de très mau
vaise qualité. L'échantillon a été recueilli sur la rive
droite du Congo, un peu en amont de Brazzaville. Em
recherchant cet arbre au Congo, on trouvera peut-être
le moyen d'augmenter la production de caoutchouc
dans notre colonie, production qui s’est élevée seules
ment à 657.110 kilogrammes pour l'année 1899, alors
que les exportations de caoutchouc de l'Etat indépen:
dant (Congo belge) ont atteint 1.734.505 kilogrammes
en 1898.
nn ce
$ 8. — Réunions scientifiques
Réception en l'honneur du Professeur
Agassiz. — M. le Professeur A. Agassiz, l'illustre oc
nographe américain, se trouvant récemmentde pass
à Paris pour quelques jours, la Société Zoologique di
France avait pris l'initiative d’un banquet en son hon
neur. Ce banquet a eu lieu au restaurant Champeauà
le 4er février. Malgré le peu de temps dont avaient dis
posé les organisateurs, on peut dire que cette fête
parfaitement réussi, car, si les invités étaient pe
nombreux, ils comptaient du moins parmi eux les n@
tabilités du monde zoologique. Nous citerons : M. Ed
mond PERRIER, directeur du Muséum d'histoire natw
relle ; MM. Eicmoz et Griarb, membres de l’Institut
MM. Y. Deracr, Certes et Bouvier, anciens présidents
de la Société Zoologique de France; MM. R. BLANCHARD
SCHLUMBERGER, J. Guiart et Neveu-LEMAIRE, représentan
le Bureau de cette même Société ; M. ScnLeIcHE
éditeur ; M. Have, représentant le laboratoire de Géo
logie de la Sorbonne; MM. Bouraw, FRANCOIS, HEROUAKI
Lagé, Racovrrza et Roserr, représentant les différent
laboratoires de Zoologie de la Sorbonne. M. le Profes
seur Munier-Cnazmas, M. le Professeur Ch. Ricnfl
MM. Trousssant et J. Ricnanp s'étaient fait excuser.
he.
Dre
A. HALLER — LA FABRICATION DE L’ACIDE SULFURIQUE
“ Dœbereiner a montré, en 1832, que, lorsqu'on
t passer sur de la mousse de platine humide un
ange de deux volumes de gaz sulfureux et d'un
ime d'oxygène, il se forme de l'acide sulfu-
sur la fabrication de l'acide sulfurique par
ntermédiaire de la mousse de platine : Il brûle
1 soufre (ou des pyrites) dans un four spécial,
élange l'acide sulfureux obtenu avec de l’air, et
passer le gaz dans des tubes de platine ou de
jrcelaine, contenant du fil ou de la mousse de
aline, et maintenus à une certaine température.
anhydride sulfurique résultant de la combinaison
des deux gaz S0° et O, est condensé dans des
chambres cylindriques de 30 pieds de haut sur 8
» large, recouvertes à l'intérieur de lames de
omb et remplies jusqu'au sommet de morceaux
quartz. À la partie supérieure de l'appareil, on
t couler de l’eau ou de l'acide sulfurique étendu,
ovenant d’une préparation antérieure, acide qui
enrichit et se rassemble au fond, d'où il est de
ouveau pompé à la partie supérieure de la cham-
re, jusqu'à ce qu'il possède la concentration
roulue ?.
» D'après des renseignements que nous devons à
lobligeance de M. Kolbe, directeur actuel des Éta-
blissements Kuhlmann, à Lille, Kuhlmann, vers
833, aurait également entrepris des essais, dans
n usine de Loos, en vue de préparer l'acide sul-
rique par la combinaison du gaz sulfureux avec
xygène de l'air, par l'intermédiaire de l'éponge
platine. Ses essais eussent élé salisfaisants, si
éponge avait conservé « ses propriétés catalyti-
ques » qui vont en s’atténuant avec le temps”.
On à tenté de remplacer l'éponge de platine par
d'autres substances de contact. C'est ainsi que
Woehler et Mahla ont opéré avec des oxydes de
Buivre, de fer et de chrome, et paraissent avoir
bbtenu de bons résultats avec les deux derniers
4 Extrait d'une conférence faite à Nancy le 12 janvier. —
us devons les figures qui illustrent cet article à l'obligeance
e M. Auguin, directeur de la evue industrielle de l'Est,
poque, est néanmoins signalée: par Knapp, dans sa
Chimie technologique, t. Il, p. 399 (Dunod, 1870); par
Mbunge, dans son Handbuch der Soda-Industrie, t. 1, p. 191
ieweg, Brunswick, 1893), et dans le Dictionnaire des Arts
Manufactures de Laboulaye, 2° édition.
î LA FABRICATION DE LACIDE SULFURIQUE
È AU MOYEN DES PROCÉDÉS PAR CONTACT
oxydes. Comme nous le verrons dans la suite,
cetle réaction a été reprise par le Verein chemis-
cher Fabriken de Mannheim. De son côté, Plattner
a choisi du quartz broyé, mais a dû y renoncer,
par suile de la lenteur de la réaction. Magnus avait
d'ailleurs observé, dès 1832, que le verre pulvérisé
jouissait de la même propriété.
La question fut reprise, bien longtemps après,
par M. CI. Winckler, en Allemagne, et par MM. Mes-
sel et Squire, en Angleterre. Au lieu d'éponge de
platine, le premier se servit d'amiante plaliné,
tandis que les seconds employèrent de la ponce
platinée et aussi de l'asbeste platiné, sur lesquels
ils faisaient arriver‘ un mélange préalablement
desséché de SO*Æ 0, obtenu par la décomposition
au rouge de l'acide sulfurique SO‘H*.
La fabrication de l'acide sulfurique fumant
n'entra dans le domaine de la pratique qu'à partir
du jour où la Padische Anilin und Soda Fabrik,
avec les puissants moyens dont elle dispose, entre-
prit une étude minutieuse et systématique des
conditions chimiques et physiques les plus favo-
rables à la combinaison des gaz réagissants.
Ce procédé, tenu secret pendant longtemps, ne
fut livré à la publicité qu'à la suite d'indiscrétions
commises au préjudice de la Société, qui chercha
ensuite à se protéger par la demande d’une série
de brevets.
Avant d'aborder la description du procédé, qu'il
nous soit permis de remercier publiquement la So-
ciété badoise en la personne de son directeur,
M. le D' Brunck, pour la gracieuselé avec laquelle
elle a mis à notre disposition, non seulement des
échantillons d’acides de teneurs diverses en anhy-
dride, et un spécimen de la masse de contact
qu'elle emploie, mais encore tous les documents
et plans qui constituent l'originalité de son pro-
cédé.
La fabrication comporte trois opérations princi-
pales :
1° Traitement préliminaire du mélange des gaz
à mettre en œuvre;
2 Réglage des conditions de température pen-
dant la combinaison;
3° Disposition ou arrangement de la substance
de contact, pour ne pas avoir une pression exa-
gérée.
! Brevet allemand 4.566; Lunge, Æandbuch der Soda-In-
dustrie, 2 édition, p. 863.
160
À. HALLER — LA FABRICATION DE L'ACIDE SULFURIQUE
Î. — TRAITEMENT PRÉLIMINAIRE DU MÉLANGE DES GAZ.
1. Zmpuretés des gaz.— On sait depuis longtemps
que les gaz provenant du grillage des pyrites ren-
ferment, outre de petites quantités d'acide sulfu-
rique et d'anhydride, d'autres impurelés parmi
lequelles nous signalerons le soufre, le fer, le
manganèse, le cuivre, l'arsenice, l’antimoine, le
phosphore, le mercure (déjà signalé par Berzélius
en 1517, et Kuhlmann en 1863), le plomb, le zine,
le bismuth, le thallium, le sélénium et leurs com-
posés.
Les effets de ces impuretés sont de différentes
sortes : dans certains cas, l'acide SO*H? peut atla-
quer le plomb et le fer des appareils, et gêner le
mécanisme des opérations. Il entraîne de plus les
poussières dans l'appareil catalytique, et encrasse
par suile la substance de contact.
Parmi ces impuretés, on à reconnu que l'ar-
senic, le phosphore et le mercure avaient une in-
fluence particulièrement nuisible sur cette sub-
slance, et la mettaient hors d'usage au bout de
peu de temps.
2. Purification des gaz. — Pour effectuer la pu-
rification, on lance un jet d'air ou de gaz déjà pu-
rifié, puis un jet de vapeur dans les gaz chauds, au
moment de leur sortie des fours à pyrites. Cette
opération a pour effet de brasser la masse gazeuse
et d'assurer une combustion parfaite du soufre et
de toute malière combustible.
L'injeclion de la vapeur en plusieurs fois a des
effets très importants; elle dilue l'acide sulfurique
et empêche ainsi l'attaque de l'appareil réfrigérant
(qui est en plomb ou en fer); elle s'oppose en
outre à la formation de dépôts de la matière incrus-
tante que l'acide sulfurique forme avec les pous-
sières solides, lors du refroidissement des gaz non
mélangés de vapeur. L'encrassement des conduites
est ainsi évité, car les impuretés se rassemblent
sous forme de boues faciles à enlever. Elle empêche
enfin la formation d'hydrogène arsénié et d'hydro-
gène phosphoré volalils, qui peuvent résulter de
l'attaque des parties métalliques par l'acide sulfu-
rique concentré.
3. Refroidissement graduel des gaz. — Après
ce traitement, les gaz traversent un tuyau en fer
ou en briques dans lequel ils commencent à se
refroidir, puis ils s'écoulent dans un système de
tuyaux en plomb qui achèvent de les refroidir à
100° environ, et même au-dessous.
4. Lavage. — Is traversent ensuite des tours
d'arrosage ou barbottent dans une série de laveurs
contenant soit de l’eau seulemeni, soit de l'eau aci-
dulée, soit enfin dans une solution de bisullite dé
soude, pour de là se dessécher dans un appareil à
acide sulfurique concentré ou dans tout autre
système desséchant. |
Pour construire les laveurs, il convient d’éviler
l'emploi de matières qui soient susceptibles dé
produire, sous l'influence de l'acide sulfurique
des gaz comme l'hydrogène arsénié ou l'hydrogène
phosphoré. Le lavage des gaz est enfin facilité par
une aspiration convenable. .
». Examen des gaz. — Avant d'entrer dans
l'appareil de contact, les gaz sont soumis : 4° à un
essai oplique ; 2 à une analyse chimique pour s'a
surer de l'absence d'arsenic, de phosphore, de
Inercure, etc.
L'essai optique consiste à examiner une c0lonneM
de plusieurs mètres de long et éclairée à une de
ses extrémités. Bien lavés, les gaz deviennent
transparents et absolument exempts de brouillards*
L'examen chimique s'effectue en faisant barboter
pendant vingt-quatre heures une dérivation des
gaz épurés dans un flacon laveur renfermant de
l'eau distillée ; on cherche ensuile, dans cette eau,
les impuretés par les méthodes analytiques con-
nues (appareil de Marsh).
IT. — RÉGLAGE DES CONDITIONS DE TEMPÉRATURE
PENDANT LA COMBINAISON.
On sait que la combinaison de l'acide sulfureux
avec l'oxygène est une réaction exothermique, et
que la chaleur dégagée est :
SO? + O — SO + 32,2 cal.
Mais la combinaison de ces gaz n'a lieu qu'à
une température relativement élevée, en sorte
qu'on doit chauffer préalablement les deux gaz, ou
l’un d'eux au moins. Pendant la réaction, la cha=
leur dégagée s'ajoute à Ja chaleur primitive, en!
sorte que la température s'élève très haut, et at*
teint parfois le rouge blane, si le mélange est très
riche en gaz ou le courant assez rapide.
Cette énorme chaleur et celte température élevées
nuisaient à la fabrication pralique de l’anhydride
sulfurique. Les préjudices qui en résultent sont des
diverse nalure :
1° Les appareils en fer sont rapidement oxydés;
2° L'action de la substance catalytique est affai=
biie ; <
3° La capacité de production des appareils s'en
trouve amoindrie ;
4° El, avant lout, la réaclion, qui devait êlre,
presque quantitative, est beaucoup moins parfaite:
La surélévalion de température est surtout nui-
sible si l'appareil est tel que les gaz contenant SO
b A. HALLER — LA FABRICATION DE L'ACIDE SULFURIQUE 161
quittent la substance catalytique au point le plus
aud. La réaction inverse de SU* en SO? + 0 se
produit d'autant plus facilement que la tempéra-
ture est plus élevée, et celle-ci s'élève d'autant plus
du la quantité de gaz qui passe par l'appareil ca-
Lalytique est plus grande, ou que les gaz sont plus
“concentrés. Il en résulte que la conversion de
0? + 0 en SO’ est limilée par la réaction inverse,
es gaz, au sortir de l'appareil catalytique, ren-
ment de l'acide sulfureux. Aussi, dans les procé-
s par contact employés jusqu'alors, on ne réa-
ail la combinaison en SO* que d'une partie du
élange de SO°+ 0. Une notable proportion des
gaz réagissant non combinés élait utilisée pour
On peut éviter celle dissocialion partielle en re-
froidissant d'une manière régulière l'appareil, afin
d'enlever Lout excès de chaleur, en sorte que la tem-
pérature oblenue fournit des résultats quantitatifs,
quelles que soient la quantité et la concentration
des gaz employés. Après absorption du SO* formé,
les gaz ne renferment plus que des traces de SO° et
peuvent Ôtre déversés sans inconvénient dans
atmosphère. Le rendement est en tous points
comparable à celui obtenu dans les chambres. En
outre, les appareils durent plus longtemps et tra-
Vaillent mieux par suite de l’abaissement de tem-
pérature. Le refroidissement de l'appareil de con-
et a pour but de le maintenir dans la zone de
lempérature la plus favorable, et s'effectue à l’aide
d'un courant de gaz dont on règle la température
et la vitesse. On peut aussi refroidir à l'aide de
bains de mélaux en fusion, dont la température
reste constante.
- Lorsque les gaz que l’on veut trailer sont utilisés
x-mèmes pour le refroidissement de l'appareil,
en envoie une partie ou la lotalilé sur la surface
extérieure de l'appareil, pour enlever l'excès de
de chaleur.
. Les gaz qui quittent le milieu réfrigérant sont
suite portés à la température la plus favorable
la marche de la réaction, avant d'être dirigés
dans la masse de contact. Sur ce point, il faut
tenir comple de la concentration des gaz.
Avant de passer en revue les différentes sortes
appareils tels qu'ils sont décrits dans les brevets,
nous allons donner un procédé de préparation
l'amiante platiné. On imbibe de l'amiante bien
effiloché avec une solution de chlorure de platine
rendue légèrement alcaline par l'addition de car-
bonate de soude, on ajoute du formiate de soude
III. — DisPOSITION DES APPAREILS.
Dans la figure 1, M représente une pièce de
maconnerie ou un tuyau de fer dans lequel est placé
le conduit R. Ce dernier est composé de deux par-
lies a et b, destinées à différentes fonctions et pou-
vant posséder des diamètres et des longueurs dit-
férentes : une d'elles peut-être aussi remplacée par
un certain nombre de conduits plus étrous. La par-
tie b des conduits R recoit la masse de contact
refroidie par l'air froid entrant par » dans le tuyau
extérieur. L'autre partie 2 du conduit R a pour but
de porter le gaz contenant l'acide sulfureux et arri-
=
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Fig. 1 Fig. 2:
fig. 4. — Schéma d'un des conduits dans un appareil par
contact. — M, pièce de maconnerie ou tuyau de fer; R,
conduit; a, partie où le gaz sulfureux se réchaufle; h, par-
tie contenant la masse de contact; Ah!, chauflage; », arri-
vée de l'air froid; L, sortie de l'air; e, sortie de l'anhy-
dride sulfurique.
Fig, 2, — Appareil par contact à plusieurs conduits. — Les
Ééttres communes ont la même signification que dans la
WW', parois.
figure 1; DD', couvercles;
vant par D à la température nécessaire à la réac-
lion.
Au commencement de l'opération, tout l'appareil
est porté par le chauffage ZA (par exemple un
chauffage à gaz) à la température nécessaire à la
réaction. Cette dernière une fois commencée, on
n'a plus besoin de chauffer si l'on travaille avec
des gaz concentrés, parce que l'air, chauffé par la
masse de contact, transporté en a est à une Lempé-
ralure suffisamment élevée pour empêcher la zone
162
A. HALLER — LA FABRICATION DE L’ACIDE SULFURIQUE
de la réaction de reculer ou de s'éteindre. Par les
ouvertures d'issue mobiles L, L, le courant d'air
peut être réglé de manière à communiquer à la
masse catalytique la température nécessaire à la
réaction. Quand on travaille avec des gaz plus
faibles, l'air qui s’échauffe en jouant le rôle de
refroidissant, est chauffé en outre par le chauf-
fage LA", de manière à communiquer aussi aux gaz
qui arrivent par a une température plus élevée. Si
les gaz à travailler sont encore plus faibles, il peut
devenir nécessaire de chauffer préalablement et
d'une manière durable l'air arrivant en n, ce qu'on
RTS
fe
RS
RE
1
Fig. 3.
tuyau S qui contient, entre les deux parois W, Wls
le conduit R (fig. 3 et 5). Pour la mise en marches
l'appareil est porté à la température de réaction
par un chauffage, par exemple par celui indiqué
par 2, que les gaz chauffants peuvent quitter pa
les canaux L, L. Par les ouvertures E ou E!, on
laisse entrer le gaz à travailler, dont la tempéra=
ture peut encore se règler par l'appareil de chauf
fage G, dans l’espace du luyau S, où il refroidit la
masse catalytique dans R : de là, le gaz se dirige
par les ouvertures À etF vers D (fig. 3) ou bien pa
la voie de À et H dans l’espace D, où se fait le
TITRES
2e
LRRY
Fig. 4.
Fig. 3. — Autre disposition du conduit dans un appareil par contact. — EE!, arrivée des gaz à travailler venant du
réchauffeur G par les ventilateurs V'V':;S, tuyau de passage des gaz à travailler, chauffé extérieurement par les gaz h
qui quittent l'appareil en L; A, sortie des gaz ; I, appareil de température : F, rentrée des gaz dans l’espace D, où ils
se mélangent avec l'air ou les gaz venant de J; R, conduit renfermant la masse de contact; e, sortie de l'anhydride
sulfurique.
Fig. 4. — Appareil de contact à plusieurs conduits. — AA, arrivée des gaz; BB!, tuyaux traversant diamétralement
l'appareil et facilitant la distribution du mélange gazeux; C, parois mitoyennes forcant les gaz à passer près des
conduits R pour refroidir la masse catalytique; N, appareil mélangeur. Les autres letires ont la même signification
que précédemment.
peut faire par le chauffage LA’ ou de toute autre
manière.
Les gaz sortant de l’espace de contact D, et conte-
nant l'anhydride sulfurique, quittent par le con-
duit e l'appareil catalytique pour le travail ulté-
rieur. Dans la figure 2 est représenté un appareil
avec un certain nombre de conduits de contact RR
qui communiquent entre eux par les deux parois W,
W'etles couvercles D D'.
Examinons une autre disposition d'appareils :
Dans la pièce de maçonnerie M est installé le
mélange des gaz, et ensuite dans la masse cataly-
tique du conduit R. Les gaz convertis partent de
nouveau par c. Dans l'appareil H, la température
du gaz peut se régler avant son entrée dans D.
Ces appareils peuvent être modifiés à leur tour,
de manière à réunir un certain nombre de conduits
R en un seul appareil. Parmi les diverses formes
d'application, celle, par exemple, représentée par
la figure 4, est très avantageuse en pratique.
On a trouvé, en effet, qu'en travaillant avec de
gros appareils ayant un grand nombre de con-,
A. HALLER — LA FABRICATION DE L’ACIDE SULFURIQUE 163
+ nm”
{
à
“duils, il est préférable de distribuer convenable- | cations des thermomètres se trouvant dans les
“ment le courant gazeux dans le tuyau S. Ceci est | différentes parties des appareils, notamment dans
ait d'abord par les chambres À, A!, qui dirigent le | Det D', jusqu'à ce que les analyses du gaz entrant
ca affluant vers l'appareil par toute l'enceinte du | et sortant donnent les meilleurs résultats pra-
fuyau S, ensuite par les tuyaux B, B'qui traversent | tiques.
diamétralement l'appareil, et, en raison de la lon- Les chambres de distribution du gaz À A! peuvent
: gueurdes cordes des arcs correspondants, possè- | être étendues sur toute la surface du tuyau S,
nt des trous latéraux de différentes dimensions, | comme le montre la figure 6. La chaleur rayon-
mlesquels le gaz subit une distribution homo- | nante de l’appareil lui-même peut alors servir à
ne à l'intérieur même du corps de tuyau. règler la température des gaz entrants.
Pour que le gaz refroidissant puisse suivre la Au lieu des gaz mêmes à travailler, on peut se
même direction durant son chemin ultérieur et | servir d’air ou d'un autre gaz comme réfrigérant,
Fig. 5. Fig. G.
Îg. 5. — Appareil par contact dans lequel la masse catalytique est refroidie par un gaz autre que celui à travailler. —
} RRGrISUres que précédemment. A, sortie du gaz étranger, qui peut communiquer sa chaleur dans H aux gaz à
travailler.
Mig. 6. — Autre disposition d'appareil par contact. — Les chambres de distribution À sont étendues à toute la surface du
| tuyau S. Mêmes lettres que précédemment.
passer en même temps le plus près de la masse | si, par exemple, on fait refluer le courant réfrigérant
catalytique à refroidir, on établit, à des distances | (fig. 5) à l'aide d'un ventilateur V par GetEE’, ele.,
pas trop éloignées, un certain nombre de parois | vers S. Le courant gazeux refroidit alors le conduit
itoyennes C, C, qui se dressent dans $S, de manière | R, et quitte le tuyau S par À, naturellement sans
“à laisser au courant gazeux un passage libre tout | être ensuite dirigé vers D.
près des parois des conduits R R. La chaleur accumulée dans l'air (gaz) sortant
Il est encore avantageux de bien mélanger les | peut être évidemment utilisée, par exemple, en La
“uaz avant leur entrée dans la masse catalytique, | transportant sur les gaz affluents à travailler à l'aide
fin d'en égaliser la température. L'appareil mélan- | d’un appareil H approprié.
geur N, établi au-dessus du couvercle D, sert à ce Dans les figures 7 et 8 se trouve une autre forme
-but en mélangeant convenablement le gaz arrivant | typique d'application de notre procédé Elle sert
de O, F et J pour se diriger vers Det R. surtout à travailler des gaz concentrés. Le gaz
—_ L'intensité et la température du courant réfrigé- | arrivant par E est dirigé par F F' vers la partie la
rant sont convenablement réglées suivant les indi- | plus chaude P de la masse catalytique dans R. La
A. HALLER — LA FABRICATION DE L'ACIDE SULFURIQUE
partie relativement la plus froide arrive alors à
l'endroit le plus chaud de la masse de contact et la
refroidit énergiquement. Le courant réfrigérant
peut quitter S soit par À ou A’, ainsi que par B ou
B', ou par B et B’, pour être dirigé directement par
0 vers D ou par le refrigérateur H vers D, ainsi que
par O et H vers D avec une température réglée. On
peut aussi diriger une partie du gaz à travailler
directement par J vers D.
Les autres dispositions pour la distribution, la
direction et le mélange du gaz, sont semblables à
celles décrites dans l'exemple 2.
Ici encore, la distribution des courants gazeux
Fig. 1. — Schéma d'un conduit de l'appareil.
reil par À ou A’, etc. La chaleur qu'il emporté
peut être ulilisée d’une manière quelconque, par
exemple en s'en servant pour chauffer préalable:
ment, dans l'appareil de chauffage H, les gaz à tra=
vailler introduits par F, au point d'empêcher le
recul de la zone de réaction P.
Dans une pièce de maconnerie ou dans un
tuyau M (fig. 10 et 11) sont établis, dans une paroi
W, un seul ou plusieurs conduits SS $S, entre les:
quels se dressent un seul ou plusieurs conduits
RRR, également établis dans une paroi W. Si
l'appareil est construit avec plusieurs conduits
(fig. 11), les conduits S sont séparés de ceux dési-
CEE
ES
LE NVWOWNW00NVVIVVVTTKK NUS
Fig. S. — Appareil à plusieurs conduits.
Fig. T et 8. — Appareil par contact pour travailler les gaz concentrés. — E, entrée des gaz; FF/, arrivée des gaz vers la
partie P la plus chaude de la masse de contact; S, tuyau de passage des gaz; AA!,BB', sortie des gaz vers le tuyau O
ou vers l'appareil réfrigérateur H; J, dérivation des gaz entrés par E allant directement vers l'espace D ou se fait le
mélange avec les gaz ayant traversé l'appareil et venant de O. Les autres lettres ont la même signification que
: précédemment.
peut se régler suivant les analyses du gaz et les
indications des thermomètres.
f Au lieu des gaz à travailler, on peut ici se servir
également d'air ou d'un autre gaz comme réfrigé-
rant, ce qui se recommande surtout quand on (ra-
vaille avec des gaz fort concentrés, parce que le
volume et la masse de ces derniers sont relative-
ment petits, de sorte qu'ils ne peuvent pas suffire
au refroidissement. Un appareil servant à ce but
est représenté dans la figure 9. A l’aide d’un venti-
lateur V"' actionné électriquement, le courant d'air
(ou gazeux) réfrigérant est soufflé sur la partie la
plus chaude P de la masse catalytique, passe parS,
où il refroidit la masse de contact et quitte l'appa-
gnés par R par un réservoir K (en forme de caisson),
dont l’intérieur est destiné à distribuer les gaz af-
fluents. Ces derniers passent entre les conduits R
elS, et refroidissent la masse calalylique dans R..
Suivant Ja concentration des gaz, les conduits peu-
vent être chauffés par le chauffage 2 ou refroidis
par un courant d'air réglable dans L. Les gaz con-
verlis quittent l'appareil par D et c. Pour la mise
en pratique, les dimensions indiquées dans les
figures sont à recommander. Néanmoins, les dia-
mètres (ainsi que la longueur des conduits) peuvent.
subir des variations dans de vastes limites.
On a décrit, dans les exemples précédents, plu-
sieurs formes d'application du nouveau procédé.
A. HALLER — LA FABRICATION DE L’ACIDE SULFURIQUE
165
“Nous voulons encore montrer, dans un exemple
concret, comment-il faut opérer pour arriver au
résultat le plus favorable possible.
… Dans ce but, nous admettons le cas concret où il
faudrait travailler un mélange gazeux contenant
“cnviron 42 °/, en volume d'acide sulfureux et la
- mème quantité d'oxygène.
On chauffe d'abord l'appareil par le chauffage À
exemple le chauffage à gaz fig. 4) jusqu à ce
n (hermomètre dans le couvercle de dessus D
iarque la température d’environ 300° C., après
oi on fait entrer tout le courant gazeux par À
ns l'appareil. En dosant par des analyses consé-
tutives l'acide sulfureux des gaz entrants el sor-
Pig. 0.— Appareil par contact pour les gaz concentrés dans
equel la masse catalytique est refroidie par un gaz autre
“que le gaz à travailler. — E, arrivée du gaz étranger
envoyé par le ventilateur V'!'; AA!, sortie de ce gaz qui
peut céder sa chaleur en H aux gaz à travailler. Mèmes
lettres que précédemment.
lants, on constale l'effet pratique des conditions
données, et l'on règle en conséquence la tempéra-
ture à l'intérieur de l'appareil de contact. On y
arrive en orientant l'intensité el la température du
courant réfrigérant à l’aide des soupapes V,V' et
I, et, si cela est nécessaire, du chauffeur G, de
nanière à amener la transformalion la plus favo-
ble de SO* en SO”.
Dans le cas admis ci-dessus, on y parvient en
tisant entrer dans D environ deux tiers du cou-
ant gazeux total par À et un tiers par V'(fig. 4). La
température dans D, égalisée par le mélangeur N,
est alors d'environ 380° C, landis que le thermo-
mètre dans D' marque 234° C (fig. 4). Dans ce cas
concret, la transformation est de 96 — 98 °/, de la
possibilité théorique, ce qui équivaut à une pro-
duction de 48-50 kilos de SO' en 24 heures : elle
peut monter à 99°/, si l’on charge moins l’appa-
reil, de manière à prolonger le contact entre le gaz
et la masse catalytique.
Un dernier perfectionnement introduit par la
Société badoise consiste à éviter l'excès de pression
nécessaire, dans les appareils précédents, pour
forcer les gaz à circuler à travers la masse de con-
tact. Dans ces appareils, on place l'amiante platiné
dans des tubes plats; aussi faut-il, pour forcer les
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Fig. 10. — Appareil Fig. 11. — Appareil à plusieurs
à un seul conduit, conduits.
Fig. 40 et 11. — Autre dispositif d'appareil par contact. —
Mêmes lettres que précédemment. K, réservoir en forme
de caisson facilitant la distribution des gaz affluents.
gaz à les traverser, une si forte pression que l'on
doit recourir à une pompe. En outre, il est dit
aussi que sous pression les gaz se combinent
mieux, et les brevets qui précèdent sont libellés
dans ce sens. Mais la Société a trouvé que l'avantage
obtenu en travailiant sous pression est plus que
compensé par l’augmentalion des dépenses. Elle a
cherché à ne pas dépasser la pression atmosphé-
rique et, grâce au moyen qu’elle a employé, toute
pression disparait dans les tubes de contact et, par
suite, les frais de compression sont réduits au
minimum.
En se reportant aux figures 12 et 13 qui accom-
pagnent le brevet, on voit que les tubes R, qui ren-
ferment la substance de contact, sont divisés en un
graud nombre de compartiments, à l'aide de plaques
perforées ou tamis. Sur chaque plaque on met la
166
A. HALLER — LA FABRICATION DE L'ACIDE SULFURIQUE
substance de contact, de manière à recouvrir les
trous ou les mailles, et sur la partie annulaire entre
le tube et le bord de la plaque. Le principe de
l'appareil est tel que la pression exercée sur une
couche de substance catalytique ne se transmet
pas aux suivantes et, de plus, les couches sont
disposées de telle manière que les gaz doivent
passer forcément à lravers la masse de contact.
Une tringle de fer à est fixée dans la partie D'et
passe au milieu du tube R. On enfile un tube court
h sur lequel repose une première couche de subs-
RSS
22227
Fig. 43.
Fig. 12 et 13. — Disposition intérieure des tubes renfer-
mant la substance de contact. — à, tringle de fer, fixée
sur le fond D'; b, tube court portant une première plaque
perforée e, recouverte de la substance, dd'ul!, tubes annu-
laires ou trépieds supportant les plaques suivantes ce'el'elll,
tance de contact disposée sur une plaque perforée
ou grille, qui est recouverte conformément aux
indications précédentes. Sur cette plaque, on met
un collier où un tube court d, puis une autre
plaque perforée et ainsi de suite. La pression sup-
portée par la couche de substance catalytique se
transmet aux plaques, et de celles-ci aux tubes, et
la substance catalytique en est soulagée d'autant.
Cette disposition des couches offre de plus en
plus l'avantage de mélanger à chaque fois les gaz,
en sorte que leur température s'égalise et que l'effet
réfrigérant décrit dans les brevets précédents est
augmenté. D’autres moyens peuvent être employés,
mais le principe élabli est le même. On peut se
servir, comme l'indique la figure 13, des trépieds
(d, d', d') pour soutenir les plaques, au lieu de
tringle centrale et des petits colliers comme dans l&
figure 192.
Pour éviter l’agglomération de la substance cata
lylique et, par suite, l’augmentalion de pression, il
importe avant tout, quel que soit le procédé employé
de ne pas empêcher le refroidissement régulier, qui
est une des causes de réussite.
Dans ce qui précède, nous avons cru devoir
donner dans leur texte intégral l'ensemble des bre
vets qu'a pris la Société badoise pour celte nouvelle
fabrication. Nous ne nous dissimulons cependant
pas qu’il n'est pas aisé de discerner exactement le
disposilif qu’elle emploie en réalité ; l'essentiel pour
nous est desavoir les principes sur lesquels repose
le nouveau procédé. L
En résumé, les points importants à retenir sont
les suivants :
1° Préparalion de la masse de contact qui parait
être de l'amiante platiné ; 2° purification rigoureuse
des gaz réagissants ; 3° maintien de la température
de ces gaz à l’intérieur des chambres, de telle façon:
qu'elle soit intermédiaire entre la température
nécessaire à la formation de l’anhydride sulfurique;
et celle à laquelle ce corps se dissocie.
D'autres brevets ont été pris pour la fabrication.
de l'acide sulfurique par la méthode de contact,
mais, à part ceux pris par la Compagnie parisienne
de couleurs d’aniline (brevet français 275.927 et
brevets allemands et anglais), aucun de ces pro=
cédés ne semble encore être en mesure de rivalisen
avec celui que nous venons de décrire.
On a cherché a utiliser d'autres substances de
contact, comme le peroxyde de fer, provenant du
grillage des pyriles, ou le sesquioxyde de chrome:
(Voir brevet francais 280.393; brevet anglais,
n° 17.266; brevets allemands, 107.995, 108.446, des
la Verein Chemischer Fabriken, à Mannheim.)
IV. — AVENIR DE L'INDUSTRIE DE L'ACIDE SULEURIQUE*
Nous avons successivement passé en revue les
différents procédés employés pour la fabrication de
l'acide sulfurique. Essayons maintenant de nous
faire une idée de la situation respective de chacun
d'eux, et de l'avenir qui leur est réservé.
L'ancien procédé de distillation des sulfates de
fer, le seul qui fut pendant longtemps en état de
fournir de l'acide fumant « dit de Nordhausen »
malgré les services rendus, semble destiné à dis=
paraître devant son nouveau rival, le procédé par
contact. ,
D'après Winckler, cet acide coûtait en Bohème
lieu de fabricalion d'alors, en 1792, 50 florins l@
% A. HALLER — LA FABRICATION DE L'ACIDE SULFURIQUE
167
#
Le
à
“quintal de 50 kilos, et en 1873, 10 florins. On en
produisait en 1832 environ 1.700 quintaux, en 1846,
50.000 quintaux, et en 1873, 66.000 quintaux.
Selon M. G. Hattensaur (Catalogue des produits
, chimiques de la Section autrichienne), J.-D. Starck
parait avoir à lui seul livré au commerce en 1838,
19.260 quintaux d'acide fumant et 5.000 quintaux
dé caput mortuum; en 1872, ses usines produi-
sirent eucore 34.410 quinlaux du même acide, avec
132 quintaux de peroxyde de fer (caput mor-
ium
“En 1873, 120 fourneaux étaientencore en marche,
mais, devant la concurrence menacante du procédé
par contact, introduit d'abord à Freiberg en Saxe,
par M. C. Winckler, la fabricalion de cet article
iminua tellement qu’en 1893 il n'y avait plus que
15 à 16 fourneaux qui fonclionnaient sur les 120.
Les progrès réalisés dans la fabrication de l'acide
sulfurique par les chambres de plomb ne sont pas
moins suggestifs.
Au début, alors qu'on préparait l'acide sans sal-
“pôtre, par la combustion du soufre en présence de
“la vapeur d'eau, 1 kilo de cet acide revenait à
M9 francs ; ce prix tomba en 41740 à 5 fr. 75 quand
même approximative, de la production actuelle
dans les différents pays, comme il serait non moins
difficile de savoir quel sort est réservé à ce pro-
cédé plus que séculaire.
- Dans le brevet de la Société Badoise, nous rele-
vons la phrase suivante : « Les acides au-dessous
de 50° B. peuvent être préparés, par notre procédé,
au moins aussi économiquement que par l’ancien.
lous les acides plus concentrés peuvent être pré-
parés à bien meilleur compte, et l'économie sur
Pancien système est d'autant plus grande qu'il
s'agit d'acides plus concentrés. »
- Il semble donc, d’après cela, que si le problème
économique de l’oblention des acides concentrés
par le procédé par contact est résolu, il reste encore
quelque espoir pour la fabrication de l'acide à 50°,
cest-à-dire de celui que fournissent directement
les chambres de plomb, acide qui trouve son utili-
salion dars la fabrication des superphosphales.
Quoi qu'il en soit, l'acide préparé par la méthode
de contact, outre les nombreux avantages que je
viens d’énumérer, possède encore l'inappréciable
mérile d’être d’une grande pureté et de ne pas ren-
fermer d'arsenic. D'autre part, les frais d’établisse-
ment du nouveau procédé sont de beaucoup infé-
rieurs à ceux qu'exige le système des chambres de
plomb et représentent, d'après la Société Badoise;
les deux tiers du prix d'une installation de mème
puissance travaillant avec ce dernier système.
L'obtention des acides fumants à divers état de
concentration en à naturellement étendu l'emploi.
Indépendamment de son utilisation pour la prépa-
ration de l'acide à 66° et même d'acide plus étendu
pour accumulateurs, emploi auquel il se prête admi-
rablement en de l'absence de produits
nitreux, l'acide par contact sert à la sulfonation des
colorants et des matières premières pour colorants
ou autres produits organiques, à la concentration
des mélanges résiduaires d'acide azotique et d'acide
sulfurique provenant de la fabrication des nitro-
celluloses, etc. Mais une de ses applications les
plus ingénieuses, à l'heure actuelle, est son emploi
comme oxydant de la naphtaline pour la prépara-
tion de l’anhydride phtalique, matière première
d'une des synthèses industrielles de l’indigo.
Quel que soit l'avenir réservé à ce procédé, il
constitue une des étapes les plus intéressantes du
chemin parcouru par la science appliquée à l’in-
dustrie, durant le siècle qui vient de s’écouler. Il
montre, etc’estlà ma conclusion, que, dans l'avenir,
le chimiste, qu'il ait à s'occuper de science pure
ou de ses applications, sera tenu d'être familiarisé,
non seulement avec toutes les méthodes ordinaires
d'analyse et de synthèse de nos laboratoires, mais
qu'il devra posséder à fond toutes les questions de
Chimie physique, car elles sont appelées à jouer un
rôle de plus en plus important dans l'étude des
phénomènes de la Nature.
raison
A. Haller,
Membre de l'Institut,
Professeur de Chimie organique à la Sorbonne.
168
D' HILBERT — PROBLÈMES MATHÉMATIQUES
PROBLÈMES MATHÉMATIQUES
Quels seront les buts particuliers auxquels ten-
dront les principaux génies mathématiques des
générations à venir ? Quelles nouvelles méthodes et
quels nouveaux faits restent à découvrir, dans le
riche et large champ de la pensée mathématique?
L'histoire de la Science nous enseigne la conti-
nuilé de son développement. Nous savons que
chaque époque a ses problèmes propres, que
l’époque suivante résout ou laisse de côté comme
stériles pour les remplacer par d’autres. Si nous
voulons nous faire une idée du développement
probable du savoir mathématique dans les temps
qui vont nous suivre immédiatement, il nous faut
passer en revue les questions que se pose la Science
présente et dont elle attend la solution de l'avenir.
Il est difficile et souvent impossible de préjuger
exactement la valeur d’un problème; cette valeur
se décide, en fin de comple, par le gain qu'il pro-
cure à la Science. Nous pouvons cependant nous
demander s'il existe des signes généraux capables
de nous faire reconnaitre les problèmes utiles.
Un tel problème doit tout d'abord être bien
défini; son sens et sa portée doivent être faciles à
saisir. Puis, il faut qu'un problème mathématique
soit difficile, afin de nous attirer, mais non complè-
tement inabordable, pour ne pas déjouer tous nos
efforts.
Les mathématiciens des siècles passés avaient
l'habitude de s'adonner avec un zèle passionné à
la solution de quelques problèmes difficiles. Je rap-
pellerai, à cet égard, le problème posé par Jean
Bernoulli, de la ligne de plus courte descente.
L'expérience montre, dit Bernoulli en publiant
l'énoncé de ce problème, que rien n’excite plus les
grands esprits à lravailler pour l’augmentalion du
savoir, que les problèmes difficiles et en même
temps utiles qu'on leur propose; aussi, espère-t-il
mériter la reconnaissance du monde mathématique
en posant, à l'exemple d'hommes comme Mersenne,
Pascal, Fermat, Viviani, une question aux analystes,
pour leur permettre de juger de l'excellence de
leurs méthodes et de mesurer leurs forces. C'est à
ce problème de Bernoulli et à d’autres semblables
que le Caleul des Variations doit son origine.
De mème, le problème bien connu de Fermat
sur l'équation x? + y*=— 71 nous offre un exemple
frappant de l’action qu'un problème très spécial et,
en apparence, peu important peut exercer sur la
marche de la Science. C'est le problème de Fermat
qui à suggéré à Kummer l'introduction des idéaux
el la décomposition des nombres d’un corps issu
de la division du cercle en idéaux premiers, pro-
position qui, étendue à lous les corps algébriques
a pris place au centre même de la Théorie des Nom
bres moderne et dont la signification s'étend, bien
au delà des frontières de la Théorie des Nombres,
au domaine de l’Algèbre et de la Théorie des Fone
tions. .
Pour parler ‘d'un tout autre domaine de recher
ches, je rappellerai le problème des {rois corps!
M. H. Poincaré a entrepris de trailer à nouveau
cette difficile question et d'approcher d'avantage
de la solution, et c'est à celte circonstance que nous
devons les méthodes si fécondes et les principes
si haute portée dont ce savant a enrichi la Méca
nique Céleste”.
Je dirai un moi des conditions qu'il est légitime
d'imposer à la solution d'un problème mathéma=
tique : parmi ces conditions, j'ai, avant tout, en
vue celle qui consiste à répondre à la question pa
un nombre fini de raisonnements fondés sur un
nombre fini d'hypothèses venant de la position
même du problème et que l'on doit toujours for=
muler exactement. Cette exigence de la déduction:
logique par un nombre fini de conclusions n'est
autre que l'exigence de la rigueur dans la démons-
tration. C'est, d'ailleurs, une erreur de croire que
celte rigueur soit l'ennemie de lasimplicité. De nom
breux exemples nous montrent, au contraire, la
méthode rigoureuse comme étant en même temp
la plus simple et la plus aisée à saisir. En même
temps, le souci de la rigueur ouvre la voie à des
méthodes plus susceptibles de développement que
les anciennes. C’est ce qui est arrivé pour la théorie
des courbes algébriques (par l'application de lan
Théorie des Fonctions) et surtout pour le Calcul des
Variations.
D'autre part, en posant la rigueur de démonstra=
tion commé condition d'une solution parfaite, je
suis en même temps opposé à celle idée que les
notions de l'Analyse, — ou mieux encore celles de
l'Arithmétique — soient seules susceplibles d'un
traitement entièrement rigoureux. Cette opinion,
qui a trouvé parfois les représentants les plus au=
lorisés, je la tiens pour complètement erronée :
une interprétalion aussi étroite de la nécessité de
la rigueur nous conduirait à l'ignorance de toutes.
les notions issues de la Géométrie, de la Mécanique
el de la Physique, à l'interruption de tout apporb
de nouveaux matériaux fournis par le monde exté
rieur, et même, finalement, au rejet des notions dun
continu et du nombre irrationnel. Mais, quel nerf
1 Voyez l'article de M. Porncaré dans la Æevue du 15 jans
vier 1891, t. Il, p. 1 et suiv.
D: HILBERT — PROBLÈMES MATHÉMATIQUES
vital serait enlevé aux Mathématiques si l'on rétran-
- chait la Géométrie ou la Physique mathématique !
Je pense, au contraire, que partout où, soit la Géo-
“mélrie, soit les Théories de la Philosophie natu-
_relle, introduisent des concepts mathématiques, il
incombe aux Mathématiques d’élucider les prin-
-cipes qui sont à la base de ces concepts et de faire
reposer ces principes sur un système simple et
“complet d'axiomes, de telle sorte que ni par leur
“précision, ni par la manière dont ils se prêtent
dla déduction, les nouveaux concepts ne le cèdent
en rien aux anciennes nolions arithmétiques.
«— J'ajouterai quelques remarques sur les difficul-
és que peuvent offrir les problèmes mathématiques
et la manière dont nous surmontons ces difficultés.
Lorsque la réponse à une question quelconque
persiste à nous échapper, la raison en est souvent
que nous n'avons point reconnu le point de vue
sénéral d'où le problème proposé apparait comme
“appartenant à une chaine de problèmes de la même
famille et où il suffit de se placer pour simplifier la
solution de tous ces problèmes. On peut prendre
“comme exemple l'introduction des intégrales prises
suivant des chemins imaginaires dans la Théorie des
intégrales définies par Cauchy, et celle des idéaux
dans la Théorie des Nombres, par Kummer.
Un rôle plus important encore est, à mon sens,
dévolu, dans la recherche des problèmes, à la spé-
cialisation. Dans la plupart des cas peut-être, où l'on
cherche en vain la solulion d'une question, cet in-
succès provient de ce que des problèmes plus sim-
-ples et plus faciles que celui qu’on se propose n’ont
pas encore été ou ont été imparfaitement éclaircis.
On est done conduit à trouver quels sont ces pro-
blèmes plus faciles et à les résoudre par les mé-
thodes les plus parfaites possible et les plus sus-
ceplibles de généralisation.
Il arrive, parfois, que l’on cherche la réponse à
l'aide d'hypothèses insuffisantes ou dans un sens
erroné et que l’on n'arrive pas au but par suite de
celte circonstance. Alors se pose la question de
prouver l'impossibilité de la solution avec les hypo-
thèses données et dans le sens demandé. C'est ainsi
que d'antiques et difficiles problèmes: — démons-
tration de l'axiome des parallèles; quadrature du
cercle ; résolution par radicaux des équations du
5° degré — ont reçu, quoique dans un sens diffé-
rent de celui que l’on avait eu en vue primitive-
ment, une solution complètement salisfaisante et
rigoureuse.
- Ce fait remarquable est une des raisons qui font
.naitre en nous une conviction, parlagée cerlaine-
… ment par tout mathématicien, mais que on
jusqu'à présent, du moins, n’a élayée sur une dé-
—monsiralion : je veux parler de la conviclion que
… toute question mathématique précise est susceptible
REVUE GÉNÉRALE DES SCIENCES, 1900
169
d'être élucidée rigoureusement, soit qu’on arrive à
donner la solution de la question posée, soit qu'on
arrive à démontrer l'impossibilité de celte solution.
In y à pas: d'«ignorabimus » en Mathématiques.
Infinie est la multiplicité des problèmes qui se
posent. Que l’on me permette de donner, comme
échantillons, un certain nombre de problèmes em-
pruntés aux différentes disciplines des Mathéma-
tiques et qui paraissent propres à faire avancer la
Science.
Î. — PROBLÈMES RELATIFS AUX NOTIONS FONDAMENTALES.
$ 1. — Problème de Cantor sur la puissance
du continu.
Deux systèmes, autrement dit deux ensembles
de nombres réels ordinaires (ou de points), sont
dits, d'après Cantor, équivalents où de méme puis-
sance, lorsqu'on peut établir entre eux une relation
telle qu'à chaque nombre du premier ensemble en
corresponde un el un seul du second. Les recher-
ches de Cantor sur de tels ensembles de points
rendent très vraisemblable une proposition dont
cependant la démonstration n'a pu être obtenue, en
dépit d'efforts les plus persévérants, et qui s'énonce
ainsi :
Tout système de quantités réelles en nombre in-
fini, c’est-à-dire tout ensemble infini de nombres
(ou de points), est équivalent soit à l'ensemble des
entiers naturels 4, 2, 3..., soit à l'ensemble de tous
les nombres réels et, par conséquent, au continu,
c'est-à-dire à l'ensemble formé par les points d’ua
segment; au sens de l'équivalence, il n'y à, d'après
cela, que deux ensembles de nombres : l'ensemble
numérable et le continu.
De cette proposition résulterait encore que le
continu est la première puissance après celle des
ensembles numérables; sa démonstralion jetterait
done un pont entre l'ensemble numérable et le
continu.
Rappelons encore une autre assertion très remar-
quable de Can!or, en rapport étroit avec la propo-
sition précédente et qui fournirait peut-être la clef
de la démonstration demandée. Un système de
nombres est dit ordonne lorsque, de deux nombres
quelconques du système, il est spécifié lequel est
l'antérieur et lequel le postérieur, cette spécili-
cation étant telle que si 4 est antérieur à et h à
e, a est aussi forcément antérieur à c. L'ordre
naturel des nombres d'un système est celui dans
lequel le plus petit est qualifié d'antérieur, Île
plus grand de postérieur; mais il existe évidem=
ment une infinité d'autres ordres possibles pour
un système quelconque.
Un ordre déterminé quelconque assigné à un
44
170
D' HILBERT — PROBLÈMES MATHÉMATIQUES
Système de nombres permetévidemment d'ordonner
tout système partiel extrait du premier. Cantor con-
sidère alors en particulier les ensembles qu'il
appelle hien ordonnés, caractérisés par cette cir-
constance que non seulement l’ensemble lui-même,
mais chacune de ses parties renferme un nombre
antérieur à tous les autres. Le système des nombres
entiers dans leur ordre naturel est manifestement
bien ordonné. Par contre, le continu dans son ordre
nalurel n'est pas bien ordonné : car, si nous en
extrayons un ensemble partiel composé de tous les
points d'un segment de droite à l'exception du
point initial, cet ensemble partiel n'aura pas de
premier élément. La question se pose alors de sa-
voir si l’ensemble de tous les nombres ne se laisse-
rait pas ordonner d'une autre façon, de manière
que chaque parlie de l'ensemble ait un premier élé-
ment, c'est-à-dire si le continu peut être envisagé
comme un ensemble bien ordonné. Cantor croit à
une réponse affirmalive. Il me semble hautement
désirable d'obtenir une démonstration directe de
celle vue de Cantor, par exemple en indiquant un
ordre qui possède la propriété indiquée.
$ 2. — Axiomes de l’Arithmétique.
Lorsqu'on veut approfondir les principes d'une
Science, on à à constituer un système d'axiomes
représentant exactement et complètement toutes
les relations qui existent entre les notions élémen-
laires de cette Science. Les axiomes ainsi constitués
sont en même temps les définitions de ces notions
élémentaires, et une proposition quelconque appar-
nant au domaine dela Science actuellementexaminée
n'est valable qu'autant qu'elle dérive, par desraison-
nements en nombre fini, du système des axiomes.
On doit ensuite se demander si quelques-uns de ces
axiomes ne se commandent pas mutuellement, ou si
ces axiomes ne renferment pas de parties com-
munes qu'il faut laisser de côté si l'on veut obtenir
un système d'axiomes indépendants.
Mais, avant toute autre question relative aux axio-
mes, je voudrais signaler, comme la plus impor-
tante, celle qui consiste à montrer que ceux-ci sont
compatibles entre eux, c'est-à-dire qu'on ne peut
londer sur eux aucun système de conclusions
logiques en nombre fini conduisant à des résultats
contradictoires.
En Géométrie, celte preuve se fait par la construc-
tion d'un système de nombres, tels qu'aux axiomes
géométriques correspondent des relations analo-
gues entre ces nombres el que, par conséquent, toute
contradiction entre ceux-là se montrerait égale-
ment dans celles-ci; autrement dit, en ramenant la
compatibilité des axiomes géométriques à celle des
axiomes arithmétiques. Mais, pour ces derniers, la
démonstration devra se faire par une voie directe.
Je suis convaincu que l'on doit arriver à cette dé=
monstration en modifiant d'une manière convenable
les méthodes usitées dans la théorie des nombres
irrationnels.
Les axiomes de l'Arithmétique ne sont au fond
autres que les lois connues du calcul, avec addition
de l’axiome de continuité. Je les ai énoncés récem-
ment’, en remplaçant l'axiome de continuité par
deux autres plus simples, qui sont l’axiome connu
d’Archimède et un axiome (axiome d'intégrité)M
d'après lequel les nombres forment un système
d'objets auquel on ne pourrait rien ajouter en con
servant tous les autres axiomes.
La preuve de la compatibilité des axiomes arith-
métiques n’est autre que celle de l'existence mathé-
mathique du continu. Elle enlèverait tout fonde-
ment aux objections qui ont quelquefois été
formulées contre l'existence du système des nom-
bres réels. Celui-ci serait alors envisagé, non
comme l’ensemble de toutesles fractions décimales
(ou l’ensemble de toutes les lois de formation de
séries fondamentales), mais comme un ensemble
d'objets régis par les axiomes précédemment cons-
titués et entre lesquels sont vraies toutes les propo-
sitions, et celles-là seulement qui sont (par des dé-
ductions en nombre fini) conséquences de ces axio-
mes. Je suis persuadé qu'on montrerait de même
l'existence (au sens que je viens d'indiquer) des
ensembles cantoriens de puissance supérieure. Par
contre, pour l'ensemble de toutes les puissances
(ou des alephs cantoriens), on peut démontrer
qu'on ne saurait constituer un système d’axiomes.
compalibles (à mon sens), de sorte qu'on ne doit
pas, d'après ma définition, considérer cet ensemble:
comme une idée ayant une existence mathéma-
tique.
$ 3. — Etude mathématique des axiomes:
. de la Physique.
Les recherches faites sur les principes de la Géo-
métrie nous conduisent à essayer de traiter sur le
même modèle les théories physiques où les Mathé-
matiques jouent déjà un rôle : celles-ci sont tout
d'abord le Calcul des Probabilités et la Mécanique.
En ce qui concerne les axiomes du Calcul des Pro-
babilités, il me paraît désirable de joindre à leur:
étude logique un développement rigoureux et satis-
faisant de la méthode des moyennes en Physique
mathématique, spécialement en Théorie cinétique
des gaz.
Relativement aux principes de le Mécanique, il à
été fait d'importants travaux du côté des physi-
ciens : j'ai en vue les écrits de MM. Mach, Hertz,
Jahresbericht der Deutschen Mathematiker Vereini—
gung, vol. VIII, 1900, p. 180.
$ : D: HILBERT — PROBLÈMES MATHÉMATIQUES
171
oltzmann, Volkmann. Il serait donc très désirable
thématiciens. Il serait, par exemple, intéres-
t d'établir d'une manière rigoureuse les pas-
està la limite qui, dans le livre de M. Boltzmann,
nduisent de la conception atomistique au mouve-
ient des corps continus.
our constituer les axiomes de la Physique sur
odèle de ceux de la Géométrie, nous essaierons
brasser, par un petit nombre d’axiomes, une
lisse aussi générale que possible de phénomènes
ySiques, puis d'arriver aux théories spéciales
r adjonctions successives de nouveaux axiomes.
De plus, une tâche revient aux mathématiciens :
de vérifier exactement, dans chaque cas, si Îe
uvel axiome ajouté n'est pas en contradiction
ec les précédents. Le physicien se voit souvent
rcé, par les résullats de ses expériences, de faire,
cours méme de la théorie, de nouvelles hypo-
ièses, en se fiant, relativement à leur compatibi-
é, à ses expériences mêmes et à un certain sens
sique : c'est cette marche qui est logiquement
acceptable.
II. — PROBLÈMES EMPRUNTÉS A L'ARITHMÉTIQUE
ET A L'ALGÈBRE.
Après avoir, dans ce qui précède, envisagé
ques questions relatives aux principes des dif-
rentes branches des Mathématiques, nous allons
isser à des problèmes plus spéciaux empruntés
ces différentes branches, en commencant. par
rithmélique et l’Algèbre.
$ 1. — Irrationalité et transcendance
de cértains nombres.
Les théorèmes arithmétiques de M. Hermite sur
fonction exponentielle et leur continuation par
- Lindemann exciteront l'admiration de toutes
générations de mathématiciens. Mais il serait
ssaire d'aller plus loin dans la voie ainsi frayée.
& classe de problèmes me semble s'offrir tout
ord. Quand nous reconnaissons qu'une fonction
nscendante, parmi celles qui jouent un rôle en
alyse, prend des valeurs algébriques pour cer-
ins arguments algébriques, ce fait nous apparaît
me très remarquable. Tout en sachant qu'il
e des fonctions transcendantes qui, pour toutes
valeurs algébriques de la variable, prennent des
eurs algébriques et même rationnelles, nous
endrons cependant pour très probable quelatrans-
ante e2/f#z par exemple, qui, pour les valeurs
nnelles de z, prend des valeurs toutes algébri-
es, est au contraire toujours trancendante lorsque
prend une valeur algébrique, mais irrationnelle.
métriquement, cette affirmation s’énoncerait
ainsi : Si, dans un (riangle isocèle, le rapport de
l'angle à la base à l'angle au sommet est algébrique,
mais irrationnel, le rapport de la base au côté est
toujours transcendant. Malgré la simplicité de cet
énoncé el sa ressemblance avec ceux de MM. Her-
mile et Lindemann, je tiens sa démonstration pour
très difficile, ainsi que celle du théorême suivant :
L'expression af, formée avec une base algébrique «
el un exposant algébrique irrationnel3 (par exemple
le nombre 2?, ou i-#=— €") représente toujours un
nombre transcendant. Ces démonstrations condui-
raient sans doute à dé nouvelles méthodes et à de
nouvelles vues sur la nature de certaines transcen-
dantes.
un
2. — Problèmes sur les nombres premiers.
Dans la théorie de la distribution des nombres
premiers, des progrès essentiels ont été faits dans
ces derniers temps par MM. Hadamard, de La
Vallée Poussin, von Mangoldt et d'autres. Pour la
complète résolution des problèmes que pose le
mémoire de Riemann « Sur le nombre des nombres
premiers inférieurs à une quantité donnée », il
faut cependant encore prouver l'exactitude de
l'assertion de Riemann : es zéros de la fonce-
tion-E(s), représentée par la série :
( À |
t{s ct qu sante
ne T ARE :
ont tous pour partie réelle = (si l'on fait abstrac-
tion des zéros entiers négatifs connus). Une fois
cette démonstration obtenue, resterait à étudier
de plus près la série infinie par laquelle Riemann
représente le nombre des nombres premiers infé-
rieurs à x et à décider, en particulier, si la dif-
férence entre ce nombre et le logarithme intégral
: 1
de x n'est, en effet, que de l'ordre > en x, et
également, si les termes dépendant des premiers
zéros complexes de &(s) déterminent réellement
la condensation, par places, qui se manifeste dans
les énumérations de nombres premiers.
Nous serons peut-être alors en état d'aborder
la solution rigoureuse du problème de Goldbach :
Tout nombre pair est-il la somme de deux nombres
premiers ? ou de celui-ci : Æxiste-t-il une inlinité
de nombres premiers difflérant entre eux de
deux unités, ou, plus généralement : l'équation
ax+by+ce—0, où.les coeflicients a,b,c sont
premiers entre eux deux à deux, est-elle toujours
soluble en nombres premiers Xx,} ?
Mais je considère comme non moins intéressant,
et d'une portée peut-être plus grande, l'extension
des résultats obtenus sur la distribution des
nombres premiers ordinaires à la distribution des
172
D' HILBERT — PROBLÈMES MATHÉMATIQUES
idéaux premiers dans un corps de nombres quel-
conque donné k, question qui se ramène à l'étude
de la fonction, correspondant au corps considéré,
il
ts) = D
la somme élant étendue à lous les idéaux j du
corps X et 2(J) représentant la norme de J.
$ 3. — Caractères topologiques des courbes
et des surfaces algébriques.
Le nombre maximum de traits fermés et séparés
dont se compose une courbe plane algébrique
d'ordre » à été déterminé par M. Harnack ; reste
à se demander quelle situation respective ces traits
peuvent occuper dans le plan. Pour les courbes
du 6° ordre, j'ai pu — par une voie assez indirecte
— me convaincre que les 11 traits possibles d'après
les résultats de Harnack ne peuvent pas être exté-
rieurs les uns aux autres, mais qu'il doit toujours
y en avoir un auquel un seul autre soit intérieur el
les neuf restants extérieurs, ou inversement. Une
élude approfondie des relations des traits entre
eux, dans le cas du nombre maximum, me parait
aussi intéressante que la recherche correspondante
du nombre, de la forme et de la situation des nappes
d'une surface algébrique dans l'espace; jusqu'ici, on
ne sait même pas encore combien une surface du
quatrième ordre peut posséder de nappes séparées.
Je joindrai à ce problème purement algébrique
une question qui me semble pouvoir s'aborder par
la même méthode de variation continue des coelf-
ficients et dont la réponse aurait une importance
toute pareille, pour la topologie des courbes dé-
finies par des équations différentielles : la question
du nombre et de la situation des cycles-limites de
M. Poincaré pour une équation du premier ordre
et du premier degré de la forme :
dy _Y
STE
où X el Y sont des polynômes du n°" degré
EME LT
III. — DivisiON DE L'ESPACE EN POLYÈDRES ÉGAUX.
Lorsqu'on cherche les groupes de déplacements
dans le plan pour lesquels existe un domaine
fondamental, on sait que la réponse est très dif-
férente suivant qu'on considère un plan Rieman-
nien (ellipique), Euclidien ou Lobalschewskien
(hyperbolique). Dans le cas elliptique, il y a un
nombre fini de sortes de groupes et chacun d'eux
comprend un nombre fini de répétitions du domaine
fondamental pour remplir le plan tout entier sans
1 Nath. Annalen, tome À.
lacunes. Sur le plan hyperbolique, il y aun nombrt
infini de catégories essentiellement différentes dt
domaines fondamentaux (les polygones bien connus
de M. Poincaré); pour recouvrir entièrement M@
plan, il faut un nombre infini de domaines égaux
à l’un de ces polygones. Le cas du plan euclidier
est intermédiaire : car alors il n’y a qu'un nombre
fini de groupes de déplacements (à domaine fons
damental) essentiellement distincts; mais, da
chacun d'eux, le plan ne peut être recoux
tout entier que par une infinilé de domaine
homologues entre eux.
Les mêmes conclusions sont valables dans l’espact
à trois dimensions. La limilalion du nombre de
groupes de déplacements dans l'espace elliptique
est une conséquence immédiate d’un théorème dé
M. Jordan. Les groupes de l'espèce hyperboliqu
ont été étudiés dans les Leçons sur les Fonclions
automorphes de MM. Fricke et Klein, et enfi
MM. Fedorow, Schænflies, Rohn ont démontré
que, dans l’espace euclidien, il n'y a qu'un nombn
fini de catégories distinctes de groupes de déplæ
cements à domaine fondamental.
Mais, tandis que les démonstrations relalivessi
l'espace elliptique et à l'espace hyperbolique son
immédiatement valables, quel que soit le nombn
des dimensions, la généralisation du théorè
relatif à l’espace euclidien semble offrir de notable
difficultés, de sorte qu'il serait désirable de rechex
cher si, dans l'espace euclidien à n dimensions, À
nombre des catégories esssentiellement distineta
de groupes de déplacements à domaine fondamenta
est encore fini.
De plus, on peut aussi demander s’il existe de
systèmes de polyèdres égaux remplissant l’espa@
entier sans lacunes, sans que l'un de ces polyèdre
soit domaine fondamental d'un groupe de déplact
ments. Je signalerai également une question vol
sine, importante pour la Théorie des Nombres
aussi, sans doute, pour la Physique et la Chimie
étant donné une infinité de corps d’une mêm
forme donnée (par exemple, des sphères de rayo
donné ou des tétraèdres réguliers d’arète donnée
comment peut-on les emballer le plus serré pos
sible, c'est-à-dire les placer de manière que
rapport de l'espace rempli à l'espace non remp
soit le plus grand possible?
IV. — PROBLÈMES EMPRUNTÉS A LA THÉORIE
DES FONCTIONS. ;
Si nous considérons le développement de la Thét
rie des Fonctions dans ce siècle, nous remarquon
avant tout, le rôle fondamental que jouent et qi
continueront sans doute à jouer les fonctions q
l'on nomme analytiques.
D' HILBERT — PROBLÈMES MATHÉMATIQUES
175
. On pourrait, de bien des manières, abstraire, de
Pinfinie variété des fonctions possibles, des classes
“élendues de fonctions plus particulièrement inlé-
ressantes. On peut envisager, par exemple, la
classe des fonctions salisfaisant à une équation
différentielle algébrique (ordinaire ou aux déri-
vées partielles). Mais, nous pouvons le remar-
quer immédiatement, nous laisserions ainsi dé
côté certaines fonctions issues de la Théorie des
bres et qui ont pour nous une très grande
importance. C'est ainsi que la fonction £ (s) ne
isfait à aucune équation différentielle algé-
que, comme on le voit aisément à l'aide du
héorème analogue de Hôülder sur la fonction F et
e la relation connue entre 5 (s) et € (1-5).
D'un autre côté, si nous considérions (comme
| nous y conduisent des raisons arithméliques et
éométriques) la classe de toutes les fonctions
ontinues et indéfiniment dérivables, nous serions
ors privés de l'instrument si commode que nous
“fournissent les séries de puissances et obligés de
renoncer à la propriété d'après laquelle la fonction
est déterminée par ses valeurs dans un intervalle
“aussi petit qu'on veut. Tandis que notre première
limitation du domaine fonctionnel était trop étroite,
“celle-ci est trop large.
Au contraire, la notion de fonction analytique
“embrasse tout le trésor des fonctions les plus im-
porlantes pour la Science, qu'elles nous viennent
de la Théorie des Nombres, de la Théorie des Équa-
tions différentielles ou de la Théorie des Équations
fonctionnelles algébriques, ou de la Géométrie ou
de la Physique mathématique. C'est par là que les
fonctions analytiques occupent à bon droit le pre-
mier rang dans l’ensemble des fonclions.
=
. — Caractère analytique de certaines fonctions
rencontrées en Calcul des Variations.
Un fait des plus remarquables, au point de vue
de la Théorie des Fonctions analytiques, est qu'il
existe des équations aux dérivées partielles dont
es intégrales sont toutes nécessairement des fonc-
tions analytiques : qui, en un mot, n'admettent que
des solutions analytiques. Les plus connues de ces
équalions sont l'équation des potentiels :
Gi enr
dx? dy= LE
et cerlaines équations linéaires étudiées par M. Pi-
ard, ainsi que l'équation :
PAGES ES
EU GE 77 Era
l'équation des surfaces minima et d'autres. Le
plus grand nombre de ces équations ont un carac-
“ère commun: elles sont les équations de Lagrange
correspondant à certains problèmes de Calcul
des Variations, lesquels sont de la forme :
TS Fe: FA *- Re E
SJ: P,4,2; x.y) dxdy = Minimum le si
la fonclion F satisfaisant, pour tous les arguments
que l'on a à considérer, à l'inégalité :
HA Re
dp® dq* dpdq} 7
et étant d’ailleurs analytique. Nous dirons qu'un
tel problème de Calcul des Variations est régulier.
Les problèmes de Calcul des Variations réguliers
sont ceux qui jouent le rôle le plus important en
Géométrie, en Mécanique et en Physique mathé-
matique, et il y a lieu de se demander si leurs
solutions ne sont pas nécessairement analytiques,
c'est-à-dire si toute équation aux dérivées par-
tielles de Lagrange correspondant à un problème
régulier de Calcul des Variations n'a pas la pro-
priété de n'admettre que des solutions analytiques,
même lorsque — comme c’est le cas pour le pro-
blème de Dirichlet, — on délermine l'intégrale par
des valeurs au contour quelconques, analytiques ou
non.
Je remarquerai encore qu'il existe, par exemple,
des surfaces à courbure constante négative repré-
sentées par des fonctions continues et dérivables,
mais non analytiques, tandis que, probablement,
toute surface à courbure constante positive est
forcément analytique. On sait que les surfaces à
courbure constante positive sont liées au problème
régulier de Caleul des Variations qui consiste à
faire passer par une courbe fermée de l’espace la
surface de plus petite étendue possible parmi celles
qui enferment avec une surface donnée un volume
donné.
$2, — Existence d'équations différentielles linéaires
à groupe de monodronie donné.
Dans la Théorie des Équations différentielles
linéaires à une variable indépendante 7, je signa-
lerai un problème auquel Riemann paraît avoir
déjà songé et qui consiste à montrer qu'il existe
toujours une équation difiérentielle linéaire de la
classe de Euchs ayant des points singuliers donnés
etun groupe de monodromie donné. Gette question
exige, par conséquent, la recherche de » fonctions
de la variable 7, qui soient régulières dans le plan
de cette variable, à l'exception des points singu-
liers donnés; en chacun de ceux-ci, elles ne peuvent
devenir infinies qu'avec un ordre fini et, lorsque la
variable z décrit un contour enveloppant ces points,
elles doivent subir les substitutions linéaires don-
nées. |
L'existence de pareilles équations différentielles
174
est rendue vraisemblable par l'énumération des
constantes, mais une démonstration rigoureuse n'a
pu être obtenue que dans le cas particulier où les
racines des équations fondamentales relatives aux
substitutions données sont toutes de module 1.
Cette démonstration a été donnée par M. Schle-
singer, à l’aide des fonctions zétafuchsiennes de
M. Poincaré.
$ 3. — Expression de deux variables liées par une
relation analytique en fonction uniforme d’une
même troisième.
Comme l’a montré M. Poincaré, toute relation
algébrique à deux variables peut être uniformisée
par les fonctions automorphes d’une variable,
c'est-à-dire que, étant donnée une équation algé-
brique quelconque à deux variables, on peut tou-
;ours remplacer celles-ci par des fonctions uni-
formes et automorphes d'un paramètre auxiliaire,
de telle sorte qu'après cette substitution l'équation
donnée soit une identité par rapport à ce para-
mètre. La généralisation de ce théorème fonda-
mental à des relations analytiques quelconques (et
non pas algébriques) à deux variables a été égale-
ment abordée avec succès par M. Poincaré, sui- |
vant une voie toute différente de celle qui l'avait
mené au but dans le problème spécial. Toutefois,
a démonstration de M. Poincaré ne nous assure
point qu'il soit possible de choisir les fonctions
uniformes du nouveau paramètre de telle sorte
que, en faisant décrire à ce paramètre tout le
domaine régulier de ces fonctions, on ait effective-
ment {ous les points ordinaires du domaine analy-
tique proposé.
Au contraire, il semble que, dans les recherches
de M. Poincaré, outre les points de ramification
on doive encore, en général, excepter une infinité
de points du domaine donné, auxquels on ne par-
vient que pour des valeurs limites du paramètre.
Élucider cette difficulté me parait une chose bien
D' HILBERT — PROBLÈMES MATHÉMATIQUES
désirable, en considération de l'importance fond
mentale du problème de M. Poincaré.
bre de cas particuliers, et dont les récents travaux
de M. Picard sur les fonctions algébriques de deux
variables semblent préparer la solution générale
V. — CoxcCLUSION.
«
Les problèmes qui précèdent ne sont que des
exemples de problèmes; ils suffisent cependant à
montrer la richesse et la multiple extension de M
science mathématique actuelle. Une question s'im®
pose : les Mathémaliques ne sont-elles pas des=
tinées à se fraclionner (comme il est, depuis
longtemps, arrivé à d’autres sciences) en sciences
partielles, dont les représentants respectifs se coms
prendront à peine entre eux et dont les rapports
se relàcheront de plus en plus? Je ne le crois ni ne
le souhaite; la science mathématique est, à mom
sens, un tout indivisible, un organisme dont la
vitalité dépend de la cohésion de loules ses parties:
Dans la variété des matières traitées en Mathéma
tiques, nous reconnaissons l'identité des moyens
logiques, la parenté des idées. D'ailleurs, à me
sure qu'une théorie mathématique s'étend, s
construction s’harmonise de plus en plus et des
relations insoupconnées se découvrent entre les
branches jusque-là séparées de la Science. Cesh
ainsi que, dans leur extension, les Mathématiques
ne perdent point leur caractère unitaire, mais |
manifestent de plus en plus clairement.
D. Hilbert,
Professeur à l'Université de Gættingues
1 L'auteur a exposé plus amplement ces idées au Congrès
international des Mathématiciens. On en trouvera le déve=
loppement technique dans les Güttingen Nachrichten et
dans les Archiv für Mathematik und Physik.
Lie nt"
Î HE
*
T. DE QUARENGHI — L'UNIFICATION DES CALENDRIERS GRÉGORIEN ET JULIEN
175
“Le désir que le commencement du xx° siècle
fégorien et julien devient de plus en plus géné-
A; les inconvénients résultant pour la science,
commerce et les relations internationales, de
leur différence, sautent aux yeux et deviennent de
jour en jour plus sensibles. Aussi, les amis de la
paix observent, avec infiniment de raison, qu'il y
à déjà assez de sujets pour nous diviser, en dehors
du calendrier; tandis que les amis de la guerre
remarquent, avec non moins de raison, que, si des
mées alliées font usage de différents calendriers,
les opérations militaires pourraient éventuellement
en souffrir. Ce sont des considérations d’ordre mi-
litaire qui ont fait accepter, aux puissances de l'Eu-
rope centrale, le système des fuseaux et l'heure
du 15° E. de Greenwich. « Das ist eine Ruine!.. »
S'écriait au Reichsrath allemand le maréchal de
Moltke pour se plaindre de l'emploi de diverses
heures sur les chemins de fer de l'Allemagne;
quelle expression aurait-il employée, ou, plutôt,
créée pour signaler les dangers pouvant éventuelle-
ment résulter de l'emploi, par des troupes alliées,
de divers calendriers? Et ces dangers pourraient
éventuellement résulter rien que de la différence
dans la célébration de certaines fêtes. Des chefs
d'armées spéculant sur la répugnance que pourrait
éprouver l’ennemi à se battre en certains jours,
Suivraient « mutalis mulandis » une tactique qui
date, tout au moins, des Macchabées. Quoi qu'ilen
Soit, et me gardant bien de m'appesantir là-dessus,
je ne crois pas exagérer en disant que des consi-
dérations d'ordre militaire finiront, peut-être, par
emporter la pièce; bien plus que la remarque, res-
tée jusqu'ici platonique, du célèbre von Struve, que
« toutes les sciences sont intéressées à l'unification
dans la mesure du temps ».
C'est pourquoi cel article, où je voudrais montrer
qu'avec un peu de bon vouloir un si long desi-
-deratum du monde civilisé pourrait être réalisé du
jour au lendemain, sera agréé, je l'espère, par les
amis du progrès, par ceux de la science, par ceux
“de la paix et par ceux de la guerre”.
I
Une revue orthodoxe, le Glasnik pravoslavne
Tsrkve ou Kralievini Srhiyi, organe du Consis-
- ! On doit à la plume de M. Charles Loiseau, l'écrivain
bien connu de la Revue des Deux-Mondes et l’auteur du
oïncide avec l'unification des deux calendriers
. L’UNIFICATION
&. DES CALENDRIERS GRÉGORIEN ET JULIEN
toire métropolitain de Belgrade, la plus haute auto-
rité ecclésiastique du royaume, vient de rendre un
service signalé à la cause du progrès, en portant à
la connaissance de tout le monde orthodoxe un
projet de réforme du calendrier julien, du profes-
seur Maxime Trpkovitch. En vue du but à atteindre,
ce projet me parait un vrai tour de force et un
chef-d'œuvre.
Le but à atteindre, c'est d'arriver à l'unification
du calendrier, de manière à salisfaire à la fois
l'Orient et l'Occident, et à ne blesser aucune sus-
ceptibilité, ni scientifique, ni politique, ni reli-
gieuse, ni nationale. Trois siècles d'histoire nous
montrent l'arduité du problème, compliqué par la
décision, prise à Saint-Pétersbourg, de ne pas
séparer la réforme astronomique de la question
de la Pâque. De fait, un mouvement d'opinion
publique, demandant qu'on commencàt par unifier
les dates dans la vie civile et politique et qu'on
laissäl à l'Église orthodoxe le soin d’aviser à la
détermination de la Päque et des fêtes qui en dé-
pendent, s'était naguère manifesté dans les divers
États de la péninsule balkanique, lorsque le veto
de la puissance protectrice de l'orthodoxie, se
réservant Ja solution simultanée de la double ques-
tion, arrêta Loute chose. Depuis lors parut un projet
élaboré par une Commission de la Société russe
d'Astronomie, mais ce projet — qu'on est porté à
considérer comme un « ballon d'essai » — fut
combattu, sans parler d'autres, par le directeur de
l'Observatoire russe national de Poulkova, le pro-
fesseur Oscar Backlund, dans un mémoire adressé,
au mois de mai dernier, à la Société impériale des
Sciences de Saint-Pétersbourg. À la suite, peut-être,
de cette opposition, la Russie vient d'inviter, dit-on,
les divers États slaves orthodoxes à collaborer
ensemble à la créalion d'un nouveau calendrier,
destiné à remplacer le julien. C’est dans ces cir-
constances que le Consistoire métropolitain or-
thodoxe de Belgrade crut bien faire d'ouvrir les
colonnes de son organe à une nouvelle édition,
soigneusement revue et augmentée, du projet de
l'éminent professeur de Belgrade. Je me fais d’au-
lant plus de plaisir de le signaler aux lecteurs de
celte /?evue, que l'attention publique de l'Occident
Balkan slave, une étude aussi intéressante que bien docu-
mentée, ayant pour titre : La réforme du calendrier russe
(Paris, Plon, 1900), parue d'abord dans la tevue hebdomadaire.
Peut-être le tableau des difficultés s’opposant à l’unifica-
tion du calendrier est tant soit peu chargé. Avec du fouloir,
la Russie en a vaincu bien d’autres!
176
T. DE QUARENGHI — L'UNIFICATION DES CALENDRIERS GRÉGORIEN ET JULIEN
commence déjà à s’en occuper. La matière, sans
être obscure, étant plutôt aride et abstraite, je
lâcherai de joindre, dans la mesure du possible, la
clarté à la brièveté. Je parlerai d’abord de la ré-
forme astronomique; ensuite, de la question de la
Pâque.
= IT
Deux mots, d'abord, pour rappeler ce qu'on en-
tend par réforme astronomique du calendrier.
La durée moyenne de l'année tropique, c'est-à-
dire du laps de temps qui sépare deux retours
consécutifs du Soleil au point vernal de l'éclip-
tique, en d’autres termes à l'équinoxe de printemps,
est évaluée aujourd'hui à 365 jours 5" 48' 48".
L'année julienne était de 365 jours 6"; il s'ensuit
nn excédent annuel de 1112”. Cela fait que chaque
année, l'équinoxe se rapproche d'autant du 1° jan-
vier, ce qui représente un déplacement moyen de
18" 40" par siècle. C'est à cause de ce déplacement
que le calendrier du monde orthodoxe se trouve,
aujourd'hui, en retard de 13 jours sur le nôtre.
Du temps de la réforme grégorienne (1582), la
détermination de la moyenne de l’année tropique
offrait des difficultés insurmontables. En compa-
rant entre elles les moyennes fournies par les
observations de Ptolémée (vers 180), du célèbre
astronome arabe Albategnius (929), des Tables
alphonsines (vers 1250) et de Copernic (1543),
on constlalait, aux différentes époques, des varia-
tions assez sensibles, avec une différence entre le
maximum et le minimum de plus de 13 minutes.
De plus, Copernic avait émis la théorie que ces
variations se représenteraient, d’après un certain
cycle, à des époques déterminées. Enfin, tous les
astronomes étaient convaincus que la science n’était
pas encore assez avancée pour permettre d'adopter
une moyenne quelconque comme définitive — ce
qui, du reste, est répété, de nos jours encore, par
des maitres de la science contemporaine. Les
choses étant ainsi, la ligne à suivre, suggérée aux
auteurs de la réforme par le bon sens lui-même,
élait qu'on se bornät à assurer l'accord du calen-
drier avec le Soleil pendant plusieurs générations;
qu'en le faisant on troublät le moins possible la
chronologie, et qu'on s’en remit à la postérité pour
trouver quelque chose de mieux dès que les pro-
grès de l’Astronomie le lui permettraient. Ce que
le bon sens suggérait fut fait. On trouva une règle
d'intercalalion où, d'après nos premiers astre-
normes modernes, l'écart du calendrier avec le
Soleil monte à peine à un jour après 4.000 ans
environ ; on relégua toute exception dans la suc-
cession régulière et quadriennale des bissextiles
aux années séculaires, et on ne manqua pas non
plus d’inviler la postérité à modilier la règle d'in-
tercalation, quand la science aurait assez progressé
pour permettre de le faire en toute süreté.
Cela dit, voyons ce que propose, pour la règle
d'intercalation, le professeur Trpkovitch. |
Au sujet de l'inlercalation, le professeur Trpko:
vitch eut l'heureuse idée d'essayer le même procédé
logique qui avait conduit à la règle d'intercalationm
grégorienne, mais en lui appliquant la duréem
de l’année tropique admise générale=
ment aujourd'hui, celle donnée par la Connais=
sance des Temps, à savoir 365 jours 3" 48! 48/ (enm
décimaux 365,2422). Grâce à ce procédé fort ingé-
nieux, le savant serbe arriva à nous proposer une
d'intercalation qui, en
moyenne comme définitive, anéantirait pratique
ment l'écart déjà presque insensible du calen-
drier grégorien avec le Soleil, car il devrait se
passer plus de 150.000 ans avant que cet écart
alteigne un seul jour. Voici, de fait, en deux
colonnes, le procédé logique suivi à la fin du
xvr° siècle, et celui adopté par le professeur Trpko=
moyenne
règle
vitch en 1900.
À LA FIN DU XVI SIÈCLE.
(Réforme grégorienne.)
La durée moyenne de l’an-
née tropique peut être éva-
luée, dans l'état actuel de la
science, à 365 j. 5h 49m 425, !
L'excédent annuel de l'an-
née julienne serait de 10m 485.
Le nombre de siècles après
lequel cet excédent monte-
rait à un nombre entier de
jours, sans fraction aucune,
est de quatre. Tous les 4 siè-
cles, en effet, cet excédent
monte à 3 jours entiers.
C'est dire qu'il y a, en
chaque période de quatre
siècles, 3 jours en plus dont
il faudrait se débarrasser.
Il est préférable, pour la
chronologie et les calculs,
que cela ait lieu aux années
séculaires.
C’est dire que, sur quatre
années séculaires, il faut en
garder UNE SEULE comme
bissextile : les rrois autres
deviendraient communes.
Le choix, entre quarre, de
l'année séculaire bissextile,
est tout indiqué par le même
nombre 4, pris comme divi-
seur, d'après la règle sui-
vante :
! Cette évaluation, que j'ai trouvée citée dans un ouvrage
crilique sur la réforme grégorienne paru âu commencement
du xvue siècle, ne diffère que de 4 secondes de celle de
Tables alphonsines qui est de 365 jours 5! 49m 46%.
III
supposant ladite
A LA FIN DU XIXC SIÈCLE.
Projet serbe
du prof. Trpkovitek.
La durée moyenne de.
l'année tropique admise gé-
néralement aujourd'uui, celle
dela Connaissancedes temps,
est de 365 jours 5h 48m48s,
L'excédent annuel de l'an
née julienue serait de 11m412%,
Le nombre de siècles après
lesquels cet excédent mon-
terait à un nombre entier
de jours, sans fraction au-
cune, est de neuf. Tous les”
9 siècles, eu effet, cet excé-
dent monte à 7 jours entiers.
C'est dire qu'il y a, en
chaque période de neuf siè=
cles, 7 jours en plus dont il
faudrait se débarrasser. 4
Il est préférable, pour la
chronologie et les calculs,
que cela ait lieu aux années
séculaires.
C'est dire que, sur neul an-
nées séculaires, il faut en gar-
der seulement peux comme
bissexliles; les SEPT autres
deviendrsient communes.
Le cloix, entre NEur, des
deux annees séculaires bis
sextiles, est tout indiqué pa
le même nombre 9, pris
comme diviseur, d'aprés la
régie suivante :
77
« Sera bissextile l'année
« séculaire dont le chiffre
« indiquant le nombre de
«siècles qu'elle représente,
« divisé par 4, donne pour
“reste, au quotient, 0; tou-
«tes les autres seront com-
« munes. »
« jxemples. Lesannées 2000,
ée 2000 serait, par con-
séquent, bissexlile.
cuPar contre 21, 22 et 23
donnent pour reste, au quo-
ent, 1, 2 et 3 : les années
2100, 2200 et 2300 seraient,
“par conséquent, communes.
T. DE QUARENGHI — L'UNIFICATION DES CALENDRIERS GRÉGORIEN ET JULIEN
117
« Seront bissextiles les
« années séculaires dont le
« chiffre iudiquant le nom-
« bre de siècles qu'elles re-
« présentent, divisé par 9,
« donne pour reste, au quo-
« tient, 4 ou 0; toutes les
« autres seront communes. »
Exemples. Les années
2000, 2100, 2200, 2300, 2400,
2300, 2600, 2700, 2800, repré-
sentent 20, 21, 22, 23, 24, 25,
26, 21 et 28 siècles. Or, 22
divisé par 9, donne pour
reste au quotient #4; et 21
divisé par 9 donne pour reste,
au quotient, 0; les années
2200 et 2100 seraient, par
conséquent, bissextiles.
Par contre 20, 21, 23, 24,
25, 26 et Z8 divisés par 9,
donnent pour reste, au quo-
lients 2,03, 9 00 1, 280etr 1;
les années 2000, 2100, 2300,
}
2400, 2500, z600 et 2800 se-
raient, par conséquent, com-
munes.
bt celle que nous propose le Professeur Trpkovilch ;
cest bien, me parait-il, le cas d'appliquer l'adage
talien que : « i geni si incontrano (les génies se
rencontrent) ». Aussi, un calcul à la portée de tous
“jrouve aisément que, si la durée moyenne de
“l'année tropique fournie par la science à la fin du
xvr siècle avait été définitive et exacte jusqu'à la
dernière fraction, l'année grégorienne serait main-
ienue perpéluellement d'accord avec le Soleil; tout
tvomme si la durée moyenne actuelle, celle de la
Connaissance des temps, élait la vraie, définitive
et exacte jusqu'à la dernière fraction, l’année
qu'on nous propose — el que, pour ma part, j'ap-
“pellerais volontiers {rpovilchienne — serait égale-
“ment maintenue perpétuellement d'accord avec le
Soleil. Du reste, ce n'est pas un mince mérite que
“celui d’avoir, en toute hypothèse, renvoyé l'écart
d'un jour à une époque si lointaine qu'il peut être
considéré — sauf des perturbations dans Îles
lois, connues jusqu'ici, du système solaire —
comme pratiquement anéanti.
- Voilà, partant, un projet qui doit salisfaire, à la
“Lois, l'Occident et l'Orient. Il doit salisfaire l'Occi-
dent parce quil était, en germe, dans le procédé
logique qui à conduit à la règle d'intercalation
grégorienne; si bien que si la science avait, alors,
-fourni la mème moyenne qu'aujourd'hui, il en
serait résulté logiquement et nécessairement la
“règle d'intercalalion de l'illustre savant serbe.
“11 doit satisfaire l'Orient parce que son projet est
«le plus ingénieux et, au point de vue mathématique,
le plus exact de lous ceux qu'on à mis en avant
_ jusqu'ici, et que l'heureuse idée de suivre le même
- procédé logique des auteurs de la réforme grégo-
rienne ne lui a été suggérée par personne; tout
comme personne n'a songé, avant lui, à en faire
l'application à la moyenne de l'année tropique,
admise actuellement. Le mérite de Christophe
Colomb n'est, certes, pas diminué par le fait que
les propriétés de la sphère élaient connues bien
longtemps avant lui; — question d'en faire l’ap-
plication.
Ce n'est pas encore tout. La seule objection
qu'on peut soulever contre le projet de M. Trpko-
vitch ne fait, précisément, qu’en rehausser le mé-
rite en vue du but à atteindre. « La durée moyenne
de l'année tropique, remarque-t-on avec raison,
n'est pas encore connue avec assez de certitude
pour nous permettre de substituer, dans l'état
actuel de la science, une autre règle à la règle d'in-
tercalation grégorienne. Ce serait un saut dans
l'obscurité (ein Sprung ins Dunkle*). » Voici ma
réponse.
Un coup d'œil aux Æxemples cités plus haut
nous monire que la différence entre les deux
règles d'intercalation se manifesterait, pour la
première fois, en 2000. Or, d'ici à l'an 2000, ilya
encore cent ans, et « c'est d'ici à cent ans, — je dirai
avec les paroles mêmes de l’auteur du projet, —
que la science devra se prononcer définitivement
sur la préférence à donner à l'une ou à l'autre
règle ». Il s'ensuit que, d'ici là, tout ce qu'on
demande à l'Occident, c'est qu'il garde sa règle
grégorienne ; en d'autres mots, qu'il ne fasse rien
et se tienne tranquille. Franchement, il faudrait
un grand mauvais vouloir pour ne pas accepter
une pareille condition : pour rejeter d'avance le
verdict que donnera la science en l'an 2000, et
pour ne pas applaudir à un tel essai!
Quelques mots, maintenant, sur la question de
la Päque.
[AL
Au sujet des règles pascales, le Professeur
Trpkoviteh, bien qu’étant parfaitement au courant
1 Tel est en effet le verdict unanime prononcé, encore tout
récemment, sur la question, par trois parmi les plus illus-
tres représentants de la science, te Professeur Fürster, de
Berlin, le Professeur Newcomb, de Washington, et le Pro-
fesseur Backlund, directeur de l'Observatoire de Poulkova.
Je me borne à citer les paroles avec lesquelles ce dernier
termine sa note : Zur Theorie der Präcession und Nutation,
présentée à l'Académie impériale des Sciences de Saint-
Pétersbourg et insérée dans ses Comptes rendus demai 1900.
« Les moyennes absolues des mouvements des planètes —
« dit le Professeur Backlund — ne sont pas encore con-
« nues, et il n'est même pas certain que, généralement,
«ces moyennes existent. Il s'ensuit qu'actuellement toute
« tentative pour obtenir, sinon la correction absolue de
« notre calendrier, du moins une formule d'intercalalion
« qui soit, relativement à la véritable anuée tropique, plus
« exacte et plus simple que la grégorienne n'est juslifiée ni
« par des considérations pratiques, ni au point de vue de
« l'état actuel de la science. »
178
soit de la faveur, de plus en plus croissante, que
trouve, en plusieurs sphères orthodoxes, le projet,
déjà émis dès 1863 par Mædler, d'un accord de
toute la chrétienté pour limiter la grande mobilité
de la Pâque, soit de la probabilité que la Russie
saisisse de cette question l'Église orthodoxe, n’a
pas cru qu'il lui convenait, à lui simple laïque,
d'aborder, dans son projet, une question qui est
essentiellement du ressort de l'Église. Cela eût nui
au but, l'unification pacifique du calendrier ; aussi
s’y prit-il de manière à l’atteindre sans nullement
engager l'avenir: parti d'autant plus sage qu'il est
permis de douter que la Russie elle-même vienne
facilement à bout de faire accepter, sans murmures,
aux populations orthodoxes, une modification des
règles pascales établies par le Concile de Nicée.
Partant, le Professeur Trpkovitch commence par
établir, avec des données de fait indiscutables, que
la réforme du calendrier Julien est imposée à
l'Église orthodoxe par le Concile de Nicée lui-
même, vu qu'à cause de l’incorrection du calen-
drier Julien, cette Église ne célèbre plus la Pâque
à l’époque prescrite par ledit Concile. Pour obtenir
ce relour à l'exécution des règles de Nicée il faut,
évidemment, replacer l’équinoxe à la date indiquée
par le Concile comme point de départ du comput
pascal, c'est-à-dire au 21 mars, d'où la nécessité
de relrancher du calendrier Julien treize jours, ce
qui aurait, comme conséquence, de faire coïncider
les dates juliennes du mois avec les grégoriennes.
Présentée de cette manière, l'unification des dates
serait d’aulant plus acceptable aux populations
orthodoxes qu'on ne leur demanderait point de
s'incliner devant l'Occident ni devant Rome, mais
devant le Concile de Nicée et le verdict de la
science orthodoxe. Et afin qu'elles ne puissent
objecter quoi que ce soit à l'unification, non pas
seulement des dates, mais, aussi, des fêtes, le Pro-
fesseur Trpkovitch a élaboré un comput pascal
tout à fait indépendant de celui de Lilio qui servit
de base à la réforme grégorienne, de sorte que,
même à cet égard, les populations orthodoxes
pourront dire ne s'être inclinées que devant le
Concile de Nicée et la science d'un de leurs core-
ligionnaires. Enfin, pour qu'il saute aux yeux
qu'elles n'auraient rien emprunté à la réforme
grégorienne, d'ici à l'an 2000 leur Pâque tombera,
il est vrai, le même jour que la nôtre, non pas,
toutefois, sans qu'il faille admettre une exception
pour l’année 1954. Celte exception — qu'il eût
presque fallu créer tout exprès — sera là pour
témoigner de l'indépendance du monde orthodoxe
vis-à-vis des calculs de l'Occident.
En présence d’un tel immense résultat, l'unifi-
calion, jusqu'à l'an 2000, des dates aussi bien que
des fêtes — avec l'unique exception de la Pâque de
T. DE QUARENGHI — L'UNIFICATION DES CALENDRIERS GRÉGORIEN ET JULIEN
195%, — je croirais vraiment commettre une ma
vaise action en exprimant des réserves sur n'im
porte quel point du comput pascal du Professeu
Trpkovitch. Si, par hypothèse, il se trouvait, parmi
les lecteurs, un seul qui fût tenté de le faire, je
supplierais de vouloir patienter jusqu'à l'an 1957
Ce sera alors le moment de flageller, s’il le faut
impitoyablement les considérants ou les cale
qui ont déterminé l'exception; mais, de gràce
qu'on ne veuille pas le faire avant 1954. Un t@
zèle serait d'autant plus blämable, intempestif @
nuisible que, d'ici là, d'après toute probabilité, là
Pâque de toute la Chrétienté ne sera plus célébrée
ni d'après les épactes de Lilio ni d'après celles du
Professeur Trpkoviteh t.
N
Le double projet du Professeur Trpkovitch sera
t-il accepté? Il le serait, à coup sûr, si l’histoire
n'était pas là pour nous avertir que la sagesse et
l'utilité pratique d’une proposition sont loin d’être
toujours une garantie de son acceptation. Il y
dans la question qui nous occupe, trop de suscepti
bilités et d'intérêts en jeu, pour qu'on puisse présas
ger avec certitude ce qui va arriver. C'est pour-
quoi, forcé de me borner à exprimer le vœu quil
triomphe, je dois aussi envisager la probabilité
qu'on n’en tienne pas compte. Or, quand même il
en serait ainsi, un peu de bonne volonté suffirail
encore pour nous mettre en possession de l’unifi=
cation du calendrier. Les difficultés ne viendraient
point, en tout cas, de l'Occident, et c’est ce qui
importe de bien établir.
Je suppose, en effet, qu’on tienne absolument à
modifier, dès à présent, la règle d’intercalation gré”
gorienne; je suppose aussi que la Russie lienne
absolument à réaliser un plan qu'elle caresse
depuis longtemps, celui de faire coïncider la ré=
forme astronomique de son calendrier avec une
limitation de la mobililé actuelle de la Pâque et
des fêtes qui en dépendent. Or, même dans ce cas,
on ne ferait que réaliser une double éventualité
déjà prévue par les auteurs eux-mêmes de la ré®
forme grégorienne qui, de plus, ont eu soin d’'enJe=
ver d'avance tout obstacle à sa réalisation. M&
démonstration sera empruntée au Commentaire
officiel de la réforme grégorienne, publié par
ordre de Clément VII, et à une déclaration toute
récente du cardinal secrétaire d'État.
1 Je me fais un devoir de remarquer que le Professeur
Trpkovitch est tout à fait libre de préventions vis-à-vis de
l'Occident, et son Étude est caractérisée par une largeur et
une élévation d'idées qui lui font grandement honneur.
Mais il a dû forcément lenir compte des dispositions d'esprit.
des populations orthodoxes.
En ce qui concerne, d'abord, une modification
de la règle d'intercalation grégorienne : « Nous
“axvouons franchement — lit-on dans le dit Commen-
aire — que la postérité pourrait un jour découvrir
“que la longueur moyenne de l’année est une autre
“que celle admise aujourd'hui, auquel cas il faudrait
lui adapter une autre règle d'intercalation”. »
Cette citation est tellement explicite qu’elle suffit.
Voici, maintenant, ce que nous trouvons, dans le
même Commentaire, au sujet du désir, manifesté
jar plusieurs, qu'on fit de la Päque une fête même
tout à fait fixe comme Noël.
« L'Église, y lisons-nous, usant de son droit,
pourrait librement faire qu'il en soit ainsi, sans
que nul puisse lui en faire un reproche, car il
“agit, ici, d'un précepte cérémonial de l’ancienne
“loi qui a cessé d'exister. Il ne parait pas cepen-
dant qu'un usage aussi ancien [celui encore en
Ÿ
tam velusla nullo modo sine qravi aliqua causa
fringenda videtur)?. »
Et plus loin :
« Ainsi que nous l'avons déclaré au chapitre
“premier, c'est librement (libere), et uniquement
(solum) à cause d'une certaine analogie avec la
“Pique des Hébreux que l'Église tient compte, dans
“la célébration de la sienne, de l'équinoxe et de la
XIV! lune; tandis qu'elle est obligée, par précepte
divin, à défendre et sauvegarder la paix et la con-
orde entre les croyants *.
La conclusion est évidente et s'impose. J’ajou-
terai que la proposition de simplement imiter la
obilité de la Päque, en l’annexant à un dimanche
éterminé, fut discutée du temps de la réforme
régorienne, et qu'elle fut écartée surtout par égard
l'attachement des églises séparées de l'Orient
pour les règles pascales de Nicée. I s'ensuit que si
e Saint-Siège adhérait, pour sa part, à la dite Zimi-
tation, il ne ferait qu'exercer, maintenant, en vue
de l'accord de toute la chrélienté dans la célébra-
tion de la Päque, un droit que, pour la mème rai-
son, il s’est librement défendu d'exercer en 1582.
e passe à la récente déclaration du Saint-Siège.
MI
Un ami du Professeur Fôürster, le directeur bien
connu de l'Observatoire de Berlin, mis au fait de la
faveur que trouvait, en Allemagne et ailleurs, la
proposition dont l’illustre astronome s'était fait le
1 Clavius (Christ. S. J.). Romani Calendarii a Gregorio XIII
P. M. restituti explicatio, S. D. M. Clementis VIII jussu
edita. Romæ, 1603, C. V, S 15.
io CNE PRE
8 Ibid., C. V, S 13.
»
=
>
T. DE QUARENGHI — L'UNIFICATION DES CALENDRIERS GRÉGORIEN ET JULIEN
179
promoteur, d'annexer la Päque au troisième di-
manche après l’équinoxe fixé par le méridien de
Jérusalem, eut une heureuse idée. Il l’engagea à
s'adresser directement, en sa qualité de Président
du Comité international des Poids el Mesures (et
celle du temps en est une), au cardinal secrétaire
d'État, lui exprimant le respectueux désir d'être
éclairé — dans un but de paix et d'intérêt social —
sur les dispositions du Saint-Siège. Le conseil fut
suivi, et c’est le Professeur Fôrster lui-même qui,
fort au courant de ce qui se passe en Russie, m’en-
gage à donner une vaste publicité à la réponse qu'il
recul; réponse, du reste, déjà connue dans les
hautes sphères de l'Allemagne, de la Russie et
d’ailleurs. Aussi je remarque, en passant, que, tout
à fail à l'encontre de la renommée faite à Rome
d'être, dans ses réponses, d'une lenteur rappelant
l'éternité, le Saint-Siège mit, celte fois, tant de sol-
licitude à répondre sur une question aussi grave,
qu'on doit y voir la preuve certaine qu'il n’a pas
été pris au dépourvu et que la question avait déjà
été l'objet d’un sérieux examen. La lettre du Pro-
fesseur Férster porte la date du 18 avril 1897; c'est
en date du 6 mai de la même année que $. E. le
cardinal Rampolla lui communiquait, en ces
termes, la pensée du Saint-Siège :
« … Si l'on devait considérer la réforme pro-
posée, dit le cardinal, sous le seul rapport des
avantages d'ordre social, la réponse mériterait,
sans doute, un accueil favorable. Mais l'Église doit,
aussi, avoir égard au point de vue religieux tradi-
tionnel, à la connexion de la solennité de Pâques
avec les mystères de la mort et de la résurrection
du Seigneur. En outre, le Saint-Siège doit éviter
tout danger d'introduire, dans la chrétienté, des
divisions encore plus grandes, par suite du nouveau
changement.
« Toutefois, si l’on arrivait à écarter ce danger et
à faire demander universellement la stabililé rela-
tive de Pâques grâce à un mouvement de l'opinion
publique mieux éclairée par le monde savant, l'ini-
tiative d'une pareille réforme pourrait alors être
prise en considération, surtout dans un Concile
général. »
Quant à la crainte exprimée dans ce document
que si le Saint-Siège, sans y être déterminé par
l'expression d’un désir général, allait modifier les
règles pascales actuellement en vigueur, il s'expo-
serait à introduire dans la Chrétienté des divisions
encore plus grandes, il faudrait vraiment ne rien
savoir de l'Orient et ne rien avoir appris de l'his-
toire même de l'Occident, pour la trouver illégitime
ou suggérer qu'on n'en tienne pas compte.
Cela étant, on se demande si le Saint-Siège pou-
vait faire plus que reconnaitre les avantages
d'ordre social qu'aurait la mesure proposée, indi-
IS
R. KŒHLER — REVUE ANNUELLE DE ZOOLOGIE
quer où git l'obstacle et suggérer lui-même la ma-
nière de procéder pour engager M. Fürster à pren-
dre en considération — comme le désirerait l'Église
protestante d'Allemagne — ni plus ni moins que
l'opportunité d’une iniliative.
Mon but est atteint : au lecteur de se faire une
opinion. J'ajouterai seulement que, si la respons
sabilité qui pèse sur la Russie est lourde, elle né
l'est pas autant que la tâche qui s'offre devant elle
serait glorieuse.
Ces. Tondini de Quarenghi.
REVUE ANNUELLE DE ZOOLOGIE
I. — ZOOLOGIE GÉNÉRALE.
Dans les Revues des années précédentes, j'avais
l'habitude de consacrer ce chapitre à la revision des
travaux relalifs à l'histoire des produits sexuels.
Pendant ces dernières années, les zoologistes
se sont surtout préoccupés de préciser l'origine et
la formation de ces produits, de fixer la valeur
relative des deux gamètes et la signification des
globules polaires, et enfin d'expliquer la réduction
karvogamique. Les travaux sur ces questions, si
nombreux autrefois, se sont fait beaucoup plus
rares en 1900, et je les passerai d'autant plus volon-
tiers sous silence que je puis renvoyer le lecteur à
un article très remarquable publié récemment dans
ce journal par Le Dantec”. En revanche j'attirerai
l'attention sur des travaux qui ont soulevé en ces
derniers Llemps une légitime émotion, et qui se rap-
portent au développement de l'œuf sans féconda-
tion sous l’action de certains réactifs, ou, si l’on
préfère, à la parthénogénèse expérimentale.
Loeb? d'abord, et Morgan‘ ensuile, ont re-
marqué que des œufs d'Oursins, momentanément
plongés dans certaines solutions salines, particu-
lièrement de chlorure de magnésium, et replacés
ensuite dans l’eau de mer pure, subissaient la seg-
mentalion, tout comme s'ils avaient été fécondés ;
dans certaines expériences, ils ont même pu obte-
nir des Pluteus.
Les premières expériences de Loeb ont été vive-
ment critiquées par Viguier. qui a prétendu que
les résultats obtenus par cet auteur tenaient à ce
qu'il opérail sur une espèce dont les œufs sont sus-
ceplibles de se développer normalement par parthé-
nogénèse. Viguier n’a pas pu reproduire les pre-
mières expériences de Loeb mais, entre Lemps, ce
dernier avait publié de nouvelles observalions très
concluantes, et d'autres auteurs arrivaient aux
mêmes résultats que lui chez d'autres animaux.
! K, Le Danrec: L'Hérédité, clef des phénomènes biolo-
giques, dans la Æevue gén. des Sciences des 15 et 30 juin
1900, t. XI, p. 131 et 798.
? Amer. Journ. of. Phys., 1899 et 1er avril 1900.
® Archiv. f. Entwickelungsmech., NI et IX.
* Comptes Rendus, 1900.
Ainsi Giard!, en opérant avec des œufs d'Astéries
qu'il plongeait dans une solution de chlorure de
magnésium, à obtenu des segmenlations à 2, 4, 8eb
16 cellules, ne différant que par la lenteur du pro=
cessus évolutifet par la fréquence des irrégularités:
de celles qu'il obtenait à la suite de fécondations
normales. Giard a constaté un autre fait très inté=
ressant. En fécondant des œufs de Psammechinus
par des spermatozoïdes d’Astéries, il à remarqué
que la segmentation de ces œufs offrait les mêmes
caractères que celle des œufs d’Astéries traités par
les solutions salines : lenteur du développement
arrèt de segmentation d'un blastomère au stade 2
ou 4, impossibilité de dépasser le stade 16, etc:
Quant aux œufs témoins, non traités par la solution
saline et non fécondés, ils n’ont jamais montré la
moindre trace de segmentation.
Bataillon ? a également obtenu des résultats posi=
üfs en traitant des œufs de Balraciens (Grenouilles)
et de Poissons (Gardons), soit par du sérum de
sang de Mammifère, soit par des solutions de sel
marin à 1 °/, ou de sucre à 10 °/,. Ces segmen®
tations ne sont jamais nombreuses et le dévelop-
pement s'arrête de bonne heure.
Winckler ? a opéré d'une manière différente, et il
a obtenu des segmentations d'œufs d'Oursins à
l'aide d’un extrait de sperme de ces animaux. Il
préparait le liquide excitateur en faisant agir de
l’eau douce sur des spermatozoïdes d'Oursins, puis:
il fillrait plusieurs fois et ajoutait cet extrait en
proportion déterminée à l’eau de mer dans laquelle
se trouvaient lesœufs. Ces œufs se sont segmentés
régulièrement jusqu'au stade 4 et ensuite irrégu=
lièrement. Nalurellement, des expériences de con=
trôle avaient été établies, et l'auteur affirme avoir
pris loutes les précautions voulues pour éviter les.
causes d'erreur.
Enfin Loeb‘ a publié tout récemment les résuls
Lats de nouvelles expériences dans lesquelles il à
1‘ C. R. Soc. Biologie, 1900.
? Comptes lendus, 1900 et Arch. f.
mech, XI.
% Nach. K, Ges. Wiss. (iüttingen, 1900.
# Am. Jour». of. Phys., août 1900, et Science, 1900.
Entwickelungs=
!
R. KŒHLER — REVUE ANNUELLE DE ZOOLOGIE
181
réussi à obtenir des segmentations parthénogé-
nétiques d'œufs de Chétoptères sous l'influence de
“Solutions de chlorure de potassium ou de chlorure
“de sodium; certains œufs ont mème atteint le
‘Stade de Trochosphère.
Quelle explication peut-on donner de ces phéno-
mènes si remarquables ? Loch avait d'abord sug-
géré que le spermatozoïde apportaità l'œuf les ions
qui lui manquent ou certains ions capables de con-
produit lorsque l'œuf est remis dans l'eau pure.
Les solutions salines ou sucrées agissent par leur
l
|
|
F nier travail, Loeb est arrivé, el indépendamment
(he
“désirer que les zoologistes poursuivent dans cette
voie des recherches qui pourront nous fournir des
e rôle complexe du spermatozoïde.
II. — 7Z00L0GIE SYSTÉMATIQUE. ANATOMIE
ET EMBRYOLOGIE.
$ 1. — Protozoaires.
Ce sont surtout les Sporozoaires qui ont fait
l'objet de travaux importants en 1900. Toutefois, il
a peu de choses à dire au sujet des Coccidies, sur
lesquelles Mesnil a publié, dans cette ARevue?, des
articles très documentés. Je mentionnerai seule-
ment les travaux de Schaudinn, qui a étudié le
cycle compiet du développement du Coccidium
Schubergi el décrit avec beaucoup de détails les
phénomènes de la fécondation.
- Ence qui concerne les Grégarines, on sait que
Cuénol avait montré que l'élimination nucléaire,
considérée par Wollérs comme préparatoire à une
— fécondation isogamique, n'était qu'une simple épu-
ration, et que les sporoblasles se formaient sans
qu'il y ait fusion préalable des individus; la féconda-
tion restait donc douteuse. Siedlecki! a décrit, chez
la Monocyslis Ascidie, une reproduction sexuée,
mais les phénomènes de sexualité se passent à un
Stade postérieur à la formation des sporoblastes.
L'auteur retrouve les faits énumérés par Cuénot :
accolementdes deux Grégarines, formation dukyste,
puis épuration nucléaire dans chacune de ces deux
Grégarines accolées, et enfin division du nouveau
noyau pour former des sporoblastes. C'est à ce
moment seulement que les deux Grégarines, jus-
qu'alors distinctes, se pénètrent mutuellement,
puis les sporoblastes de l’une se conjuguent avec
ceux de l’autre : c’est une vérilable copulation iso-
gamique sans lrace de réduction karyogamique.
Léger * a retrouvé une fécondation sexuée ana-
logue chez une Ophryocyslis nouvelle. Deux indi-
vidus se rapprochent et s'enkystent, et leurs
noyaux subissent une réduction karyogamique
Chaque individu se transforme alors en un sporo-
blaste unique, et les deux sporoblastes d'un même
kyste se fusionnent pour donner un sporocysle,
également unique, qui, par trois divisions succes-
sives, formera huit sporozoïtes. Ici encore il y a
isogamie parfaite comme dans le cas précédent.
Ces observations sont d'autant plus intéressantes
qu'elles se rapportent à un genre très rare et fort
mal connu et qui est le seul représentant du groupe
des Amæbosporidies.
L'École médicale de Rome et celle de Liverpool ont
poursuivi leurs intéressantes études sur les Héma-
lozoaires du paludisme. Depuis la publication de
l'article de Mesnil que je citais plus haut, plusieurs
faits intéressants ont été découverts. D'après Grassi,
Bignami et Bastiannelli”, les trois Anopheles à ailes
tachetées d'Italie (A. maculipennis, pictus et pseu
dopictus) peuvent propager la malaria, mais le
premier est l'agent le plus habituel. Le dévelop-
pement du parasile exige une température supé-
rieure à 16°; de 14° à 15°, les Sporozoaires de la
fièvre estivo-automnale ou irrégulière ne se déve-
loppent pas dans le sang de l’Anopheles; de 20° à
22°, le développement se fail très lentement, et à
30° le cycle complet de l'évolution a lieu en 7 jours.
Les mêmes auteurs ont montré que les black-
spores ne sont que des états de régression de l’'Hé-
matozoaire dans le corps du moustique, et que, par
conséquent, aucun failne permet encore d'admettre
l'infection héréditaire chez l'Anopheles. Celte der-
nière hypothèse avait été émise par Laveran et
Manson. L'école italienne soutient au contraire que
l’évolution complète du parasite ne peut s'effectuer
que dans deux hôtes successifs. Elle admet enfin
1 Comptes Rendus, 1901.
F. Meswre : Coccidies et Paludisme, dans la Revue gén.
des Sciences des 30 mars et 15 avril 1899, t, X, p. 213 et 215.
1 Bull. Ac. Se. Cracovie, 1899,
> Comptes Rendus, 1900.
# Unters. z. Nat. d. Menschen v. Moleschott, XNII.
182
R. KŒHLER — REVUE
ANNUELLE DE ZOOLOGIE
que chaque forme de fièvre est caractérisée par un
Hématozoaire spécifiquement distinct : le P/asmo-
dium malariæ pour la fièvre quarte, le P. vivax
pour la fièvre tierce, et le Zaverania præcox pour |
la fièvre irrégulière. Le développement de cette
dernière espèce a surtoutété bien étudié; ses gamé-
tocytes ont une forme spéciale : ce sont les corps
en croissant de Laveran.
Ce dernier auteur ‘ qui, soit dit en passant, n’ad-
met qu'une seule espèce d'Hématozoaire du Palu-
disme avec plusieurs variétés, a fait un essai de
classification des Hématozoaires endo-globulaires
qu'il divise en trois groupes :
1° Hématozoaires du paludisme ; Hématozoaires
des Oiseaux, du singe et des chauves-souris;
2° Hématozoaires des Bovidés, du mouton,
chien et du cheval;
3° Hématozoaires des Vertébrés à sang froid.
Cet auteur? a montré aussi que la loi de coexis-
tence des Anopheles et du paludisme sur les mêmes
points du globe se confirme de plus en plus, et
qu'elle s’applique aussi bien aux régions tempérées
qu'aux régions chaudes.
du
$ 2. — Trochozoaires.
Dans la Revue annuelle de 1899, j'ai résumé l'his-
toire si remarquabie du ver Palolo des îles Fiji et
Samoa. Goldsborough Meyer * a observé aux îles
Tortugas un nouveau Sfaurocephalus (St. greqa-
ricus), qui, en raison de ses habitudes, mérite le
nom qu'il lui donne d’Aflantic Palolo. Comme le
Palolo du Pacifique, son apparition est en relation
avec les phases de la Lune. Les eaux à la surface
desquelles il se montre une fois par an ont un fond
de Coraux et de Nullipores, parmi lesquels le ver est
caché le reste de l’année. Les premiers échantillons
se montrent le matin vers quatre heures, et leur
nombre augmente très rapidement. La région anté-
rieure des vers ne renferme pas d'éléments sexuels
tandis que les segments de la région postérieure
sont bourrés de ces éléments. Peu de temps après
l'apparition des vers, ces segments sont le siège de
contractions violentes, etils éclatent en mettant en
liberté les œufs ou les spermatozoïdes; puis les
. vers retombent au fond de l'eau, et à neuf heure
du matin on n’en rencontre plus un seul échan-
tillon à la surface.
Le Palolo atlantique émigre donc tout entier vers
la surface à l'époque de la reproduction tandis que,
pour celui du Pacifique, c'est la région postérieure
seule, chargée de produits sexuels, qui monte à la
surface de l'eau.
L'étude de la reproduction des Annélides nous
! Cinquantenaïire Soc. Biologie.
* C. R. Soc. Biologie, 4900.
* Bull. Museum Gompar. Zoology, XXXVI.
réservera, sans doute, encore bien des surprisess
Ainsi l'on a observé tout récemment certains fails
très curieux et tout à fait inattendus dans la fécon®
dation des Hirudinés.
Lorsqu'il existe un organe copulateur, le sperme
est injecté directement dans l'appareil femelles
mais, quand cet organe est rudimentaire ou nul
(Herpobdellides, Rhynchobdellides et la plupark
des Ichthyobdellides), la fécondation s'opère d’une
manière vraiment extraordinaire. Au moment de
la copulation, un, spermatophore, fourni par l'un
des conjoints, est appliqué sur le tégument d
l’autre, puis, comme Kovalewsky ! l'a établi le pre=
mier chez la Placohdella, les faisceaux de sperma
tozoïdes pénètrent dans les tissus sous-jacents en
traversant les téguments et arrivent dans la lacune
ventrale. Le spermequis’échappe pénètre ainsi dans
la cavité cœlomique, et les spermatozoïdes se dis-
persent : les uns pénètrent dans les organes pha-"
gocytaires ou capsules néphridiennes où ils seront
absorbés et digérés, mais la plupart des sperma-
tozoïdes s'insinuentpar trainées à travers les parois
épaisses de la matrice pour tomber dans l'intérieur
où ils rencontrent des œufs qu'ils fécondent.
Ces phénomènes si curieux ont été revus par.
Kovalewsky*, par Brandes* et surtout par Brumpit
chez plusieurs espèces. Ghez les Glossiphonides, les
spermatophores sont formés de deux tubes distincts, «
munis d’une paroi élastique servant à injecter lew
sperme dans les tissus, et la fécondation s'opère
comme chez la Placobdella. Chez les Ichthyobdel-
lides, les spermatozoïdes, après avoir traversé les M
téguments, pénétrent dans un tissu particulier, le
tissu vecteur, formé par l'hypertrophie des parois M
ovariennes, et atteignent les œufs qu'ils fécondent.
Il est à remarquer qu'ici les spermatophores sont
mous et que les spermatozoïdes sont déjà mobiles
avant d'en sortir, ce qui n’est pas le cas chez les
autres. *. Vi
Brumpt s'est assuré qu'il n'y avait jamais de
fécondation directe chez les formes où cette fécon-
dation tégumentaire existe.
Il est assez difficile d'expliquer des phénomènes
aussi bizarres. Pourquoi les spermatozoïdes, qui,
par leur nature, doivent féconder des œufs, de-
viennent-ils normalement la proie de phagocytes,
et pourquoi au lieu d'arriver facilement à l'ovaire
par la voie naturelle, l’atteignent-ils par un chemin
si compliqué? Brumpt admet que les Hirudinés
possédaient primitivement un pénis; celui-ci
s'élant atrophié dans un certain nombre de formes, .
les spermatophores se sont peu à peu développés,
! Comptes Rendus, 1899.
* Mém. Soc. Zoologique de France, 1900.
% Halle'scher Zeit. f. Nat, 1900.
4 Mém, Soc. Zoologique de France, 1900.
rudimentaires d’abord (Æemiclepsis), is se sont
érenciés progressivement pour acquérir une
forme très compliquée. La fécondation hypoder-
lique permet un accouplement plus facile et plus
pide que la véritable copulation, et, comme elle
tplus avantageuse pour l'espèce, elle a été fixée
Ja sélection.
L. Calvet! a repris l'étude de différentes questions
ltives à l'histoire des Bryozoaires Ectoproctes
arins, en choisissant particulièrement des types
üpares. Il s'est surtout occupé de la métamor-
ose et de la blastogenèse.
Pendant la métamorphose, il ne retrouve dans
ozoïte que des tissus ectodermiques et mésoder-
ques embryonnaires : le polypide n'est formé
16 de ces seuls éléments et il ne renferme donc
le deux feuillets. La prolifération des cellules
lodermiques est le point de départ de toutes les
pmations blastogénétiques et l’ectoderme fournit
ns cesse des éléments qui constituent le tissu
senchymateux, l’ancien tissu funiculaire des
teurs, aux dépens duquel se forme le polypide
S blastozoïdes. Celui-ci ne renferme done que
S éléments issus de l’ectoderme. Le polypide
ménéré à la même origine. L'ectoderme est, en
linitive, le seul feuillet qui se perpétue à travers
colonie, et les Bryozoaires offrent un nouvel
émple des différences profondes qu'offrent les
veloppements embryonnaires et blastogéné-
ques.
On a placé, pendant longtemps, à côté des Bryo-
aires le /Aorouis, que des travaux récents de
Stermann tendraient à rapprocher plutôt des
téropneustes. D'après les recherches récentes de
üle*, c'est la première opinion qui doit déci-
mment prévaloir. Cet auteur a publié une étude
S complète sur l’embryogénie d'une espèce
nmune dans l’étang de Thau, le Ph. Sabatieri.
laisse de côté la première partie du travail, qui
exclusivement descriptive, mais très documen-
> pour ne m'occuper que de la seconde dans
uelle l'auteur envisage certaines questions
érales, parmi lesquelles deux sont particuliè-
nent intéressantes. L'Actinotroque des Phoronis
: la Méditerranée diffère de celle des ?horonis de
Céan par plusieurs caractères, dont les prin-
paux touchent au nombre des tentacules et à
li des diverticules du tube digestif. Or, la
diterranée contient au moins deux espèces dis-
etes de Phoronis, et l'espèce de l'Océan ressemble
>aucoup à l'une d'elles. Les deux espèces médi-
‘anéennes ont aussi une même forme larvaire,
l'espèce océanienne possède une forme larvaire
À
hèse de Doctorat, ès sciences, Paris, 1900.
b Ann, Sciences Naturelles Zool., 1900,
à
Ÿ
R. KŒHLER — REVUE ANNUELLE DE ZOOLOGIE
183
| différente de celle qui appartient à sa similaire de
la Méditerranée. IL en résulte cette conséquence
curieuse que deux espèces différentes à l'état par-
fait ont des formes larvaires identiques el, réci-
proquement, que deux espèces semblables (ou peu
s'en faut) à l’état parfait ont des formes larvaires
dissemblables.
Roule montre combien est inexacte l'opinion de
Mastermann, qui croyait à une affinité directe et
immédiate entre l'Actinotroque et les Entérop-
neustes. Il fait avec les Phoronidiens une classe de
son embranchement des Trochozoaires et les place
près des Bryozoaires dans un groupe à part, voisin
des Ptérobranches. De plus, il trouve, dans la struc-
ture de l'Actinotroque, une concordance avec celle
des jeunes embryons de Vertébrés et de Tuniciers.
Le vestibule buccal, recouvert par le capuchon
céphalique, représente à ses yeux la région pos-
térieure d'un neuraxe qui ne se développe pas
davantage, et disparait par la suite. Le diverlicule
du tube digestif, dont les cellules deviennent vacu-
olaires, représente à son tour une ébauche de
notocorde, qui se détruit également, et manque à
l'adulte après avoir existé chez la larve. Les rela-
lions mutuelles de ce diverticule avec le vestibule
buccal rappellent exactement celles de la notocorde
et du neuraxe pris à leurs débuts. Comme l’Acti-
notroque se rapproche d'autre part de la Trocho-
phore, larve des Vers annelés, l’auteur conclut en
reprenant et modifiant l'ancienne opinion des natu-
ralistes. On disait autrefois : le Vertébré est un
Annélide retourné. D'après Roule, celle assertion
est inexacle si on l’applique aux adultes, mais elle
est juste si on l’'emploie pour les embryons encore
très jeunes. Il faut dire : l'embryon du Vertébré est
une Trochophore retournée. Les larves des Pho-
ronidiens constituent ainsi la transition réelle des
larves d'Annélides aux embryons des Tuniciers et
des Vertébrés. Passé ces phases larvaires, ces
êtres établissent leur organisation suivant des
plans différents, et ne peuvent plus se comparer
avec exactitude.
Cette conception n’enlève rien aux affinités des
Eutéropneustes avec les Chordés, qui sont admises
presque universellement, mais que Spengel combat
encore. Au cours de ses recherches sur les Enté-
ropneustes du Pacifique, Willey! à eu l’occasion
d'examiner une forme nouvelle très primitive, le
Ptychodera flava, chez lequel ces affinités appa-
raissent avec la plus grande évidence. Cet auteur
est d’ailleurs convaineu que si Spengel avait pu
prendre comme point de départ de ses recherches
une forme telle que le PJ. flava, au lieu du PI. mi-
Re
1 Zoological Results, Part. III. Enteropneusta from South
Pacific.
18% R. KŒHLER — REVUE
ANNUELLE DE ZOOLOGIE
nuta de Naples, son opinion aurait été complé-
tement modifiée. Spengel n'avait pas établi de
division dans les Enteropneustes; Willey comble
cette lacune et il répartit les formes connues en
trois familles : Ptychodéridés Spengelidés, et Ba-
lanoglossidés.
$ 3 — Arthropodes.
Cet embranchement a été l’objet de travaux par-
üiculièrement nombreux en 1900: la plupart se
rapportent aux Insectes. L'un des plus importants
est une thèse de Ch. Janet, dont la première partie
comprend une monographie de la Myrmica rubra,
remarquable par la précision et l'abondance des
détails. L'étude de la musculature, du système
nerveux central et des nerfs périphériques, a con-
duit l’auteur à considérer la tête de l’Insecte comme
formée par un nombre de somites plus élevé que
celui qu'on admettait jusqu'ici.
On sait que ces somiles, au nombre de six, sont
désignés de la manière suivante :
I. Somite proto-cérébral ou du labre
II. — deuto-cérébral ou antennaire
III. — trito-cérébral ou post-antennaire
IV. — mandibulaire
V. _— maxillaire
VI. — Jlabial
Je ferai remarquer, en passant, que l'existence
du somite III ou post-antennaire se trouve confirmée
par les recherches de Folsom ! qui a trouvé, chez
des Collembola adultes, une paire d’appendices
rudimentaires situés en arrière du somite II et ne
pouvant appartenir qu'à ce somite III.
Janet considère que le système nerveux sympa-
thique de la portion stomodæale du tube digestif,
qui comprend trois ganglions, est le prolongement
antérieur de la chaîne nerveuse: Pour lui, ces
ganglions correspondent à autant de somites qu'on
n'avait pas soupconnés jusqu'à présent, parcequ'ils
se sont contractés el invaginés en modifiant la
structure de leur épiderme pour en faire l'épithé-
lium du stomodœum. La tête des Insectes serait
done composée de neuf somites, et, aux six somites
signalés plus haut, il convient d'ajouter les trois
suivants qui les précèdent et que Janet appelle :
I. Somite proto-stomodæal ou du gésier
Il. deuto-stomodæal ou œsophagien
LE trito-stomodæal ou clypéo-pharyngien
À part un Mémoire de Prowazek® qui a constaté
chez un Thysanouve (/sotoma grisea), que la seg-
mentalion élait d'abord totale et presque égale et
ne devenait superficielle qu'ullérieurement, ce qui
prouve que le type de segmentation des Insectes a
été acquis secondairement, la plupart des travaux
1 Psyche, vol. VII.
? Arb., Zool. Institut Wien, 1900.
relatifs au développement de ces animaux se »
portent surtout à la métamorphose.
On a volontiers considéré jusque dans ces dei
nières années que le phénomène essentiel et pn
mordial de la métamorphose était la phagocytost
ainsi que les travaux de Kovalewsky, de Metel
nikoff, de Van Rees, elc., paraissaient l’avoir établ
Cependant Korotneff, en 1892 déjà, avait nié foi
mellement la phagocylose chez les Tinéides,
plus récemment Karawaiew avait, en 1898, soi
tenu la même thèse pour les Fourmis. Cette impot
tante question a été reprise de différents côtés,"
elle est tout à fait à l'ordre du jour en ce mome
Terre‘ affirme que, chez l'Abeille, la destructioi
des muscles ne s'opère pas par phagocytose. Dam
la larve, les muscles offrent déjà deux sortes 4
noyaux : des grands noyaux, qui se chromatolysel
lors de la nymphose pour disparaître ensuite,
des petits noyaux, qui se mulliplient pendant
métamorphose el serviront à la réédification de
muscles de l’imago (myoblastes imaginaux). La subs
dégénérescence chimique sans phagocytose.
dernier fait a été confirmé par Kochewnikoff=.
Anglas * observe, chez la Guèpe et l’Abeiïlle, qu
certains muscles sont envahis par les leucocytes
qui digèrent sur place les fragments musculaires
mais sans former de boules à noyaux, tandis qu
d'autres rentrent d'eux-mêmes en régression.
même, les cellules des glandes de la soie et
tubes de Malpighi dégénèrent sans intervention Ad
leucocytes. Les cellules adipeuses subissent un
dégénérescence granulo-graisseuse et persiste
jusqu'à l'éclosion. L'auteur admet que des élément
cellulaires peuvent agir sur d'autres éléments
les détruire : il désigne ce fait sous le nom généré
de /yorytose. Les rapports entre le lyocyte ete
éléments digérés peuvent d'ailleurs varier :
lyocytose peut s'exercer, soil à distance, soit
accolement, soit par englobement (ce dernier
est la phagocytose). La lyocylose d’Anglas à à
critiquée par plusieurs auteurs. |
Berlese ‘ a suivi la transformalion du tissu à
peux chez les Diptères et trouve, comme Anglas, q
le tissu adipeux ne disparait pas pendant la mét
morphose, mais qu'il se charge de granules album
noïdes (qui ont été pris par Van Rees pour des le
cocyles). Ce tissu ne s’histolyse même pas.
servirait, d'après l'auteur, à élaborer les matériä
1 C, R. Soc. Biologie, 1899 et Bull. Soc. Entomol., A9
* Zool. Anz., 1900.
1 Bull. Scientif., 1900.
4 Hevisla di Patolog. vegelale, 1899.
R. KŒHLER — REVUE ANNUELLE DE ZOOLOGIE
185
pour les tissus en voie de formation. Ces faits ont
été vérifiés par Supino et Henneguy. Dans un tra-
ail plus récent, Berlese étend ses conclusions à
“tous les groupes de Watabola ; il ajoute que les leu-
“cocvte. n'altèrent en rien les particules de sub-
Stances qu'ils ont englobées el ne servent qu'à
ransporter ces particules : ils ne joueraient qu'un
rôle tout à fait secondaire dans la destruction.
L'auteur admet surtout une dégénérescence chi-
mique, transformant la substance musculaire en
bstance assimilable, qui serait ensuite {ranspor-
fée par les leucocytes.
- Seul parmi les auteurs récents, Pérez! affirme
que, chez les Fourmis et les Tinéides, l'histolyse est
lue exclusivement à la phagocytose, lout en recon-
naissant que les boules à noyaux font défaut.
- Il semble résulter des recherches que je viens de
ter que l’histolyse ne s'effectue pas de la même
manière dans tous les groupes d’Insectes; mais, en
tous cas, la plupart des auteurs s'accordent actuel-
lement pour admettre que les phénomènes phago-
meytaires, lorsqu'il s'en produit, sont précédés d'un
élat semi-pathologique, dégénérescence ou nécro-
iose chimique; cel état peut être attribué à des
auses complexes, asphyxie, inanition, sécrétions
ternes de l'organisme métabole, etc. Comme le
fait remarquer Giard, dans une communication à
Société de Biologie, on ne peut conclure que les
inuscles ne sont pas touchés de ce qu'ils ne pré-
—“entent pas d'altérations visibles. Ce savant cite, à
ce sujet, des exemples frappants de muscles mani-
lestement allérés, sans qu'on puisse déceler ces
ältérations au microscope. « Refuser d'admettre,
ajoute Giard, que le point de départ de l'histolyse
se trouve dans les alléralions préalables des tissus
et prétendre que les phagocytes, surexcités par des
stimulines, v° nt attaquer précisément les éléments
ondamnés à lisparaitre, c'est, il me semble, reve-
ir sous une lorme nouvelle à la théorie de la pré-
destination, aux propriétés prépotentielles des
lastides, ec un mot aux idées vitalistes et théolo-
piques si con:raires aux progrès de la science. »
Notons enfin qu'à la suite de la communication
e Giard, M>snil, au nom de Metchnikoffet au sien,
insiste sur l'apparition précoce de la phagocytose,
le-ci in‘ervenant désle début de l'histolyse, que
>s myop} 1ges soient d'origine musculaire ou leu-
cocytaire, mais il ajoute : « Nous pensons volon-
liers, avec M. Giard, que, dans un grand nombre
de cas, le point de départ de l'histolyse existe dans
une altéralion préalable des tissus ».
. Caullery et Mesnil”, en observant un Crustacé Epi-
“caride parasile des Balanes (/emioniscus balani),
DC: R. Soc. Biologie, 1900.
Eu ? C. R. de la Société de Biologie, 1900.
REVUE GÉNÉRALE DES SCIENCES 1901,
ont eu l'occasion de constater dans certains appen-
dices une disparition de fibres musculaires qu'ils
attribuent à une phagocytose. Ce phénomène a lieu
quand le Crustacé, qui est prolandre, passe de
l’état mâle à l’état femelle.
Les Epicarides sont des êtres très remarquables,
en raison des modifications profondes que le para-
sitisme leur imprime. Jules Bonnier‘ vient de leur
consacrer un splendide volume, dans lequel il
s'occupe plus particulièrement des Bopyridés el qui
complète les recherches antérieures qu'il avait
entreprises avec Giard. Les parties les plus inté-
ressantes de ce mémoire se rapportent naturelle
mentau développement. Les Epicarides qui, à l’élat
adulte, offrent des déformalions si diverses,
sortent lous de la cavité incubatrice sous la même
forme larvaire, que Bonnier appelle le stade épica-
ridien. L'uniformité remarquable de cette forme
démontre l'origine monophylélique de lout le
groupe. À ce stade, l'Epicaride ressemble à un petit
Isopode globuleux, lui-même. La
ramassé sur
| phase cryploniscienne, qui lui succède, est essen-
tiellement adaptée à la vie libre et pélagique et con-
traste, par ses formes élancées et ses appendices
grêles, avec la précédente. Les organes sensoriels
que possède cette larve l’aident dans la recherche
de l'hôte sur lequel elle se fixe et où elle subit une
métamorphose que Bonnier éludie en détail. Les
Cryplonisciens atleignent leur maturité sexuelle
sous la forme cryptoniscienne, et l'étrange défor-
malion qu'offrira la femelle ne sera due qu'au déve-
loppement des ovaires et de la cavité incubatrice.
Les Bopyridés, au contraire, subissent une trans-
formation nouvelle et parviennent à un stade /'opy-
ridien, qui restera définitif chez le màle et qui se
modiliera ultérieurement chez la femelle par le
développement des ovaires.
Les observations de Bonnier lui ont permis d'éla-
blir les relations phylogénétiques des différentes
familles d'Epicarides. Nous avous dit plus haut que
ceux-ci élaient monophylétiques. Les formes les
plus simples sont les Wicroniscidés, parasites des
Copépodes, qui se fixent déjà au stade Epicaridien :
ce sont les plus voisins de la souche commune.
Après eux se détachent les Cryploniscinés, dont les
formes inférieures, parasiles des Cirripèdes, des
Ostracodes et des Rhizocéphales, ont la partie
antérieure modifiée pour la fixation, tandis que la
région postérieure, complètement déformée, cons-
titue la cavité incubatrice ; chez les formes supé-
rieures, parasites des Arthrostracés, toute la sur-
face du corps constitue un vaste sac incubateur;
enfin, une dernière famille, remarquable par sa
1 Contribution à l'étude des Epicarides. Thèse de Boc-
torat, ès sc. Nat., Paris, 1900.
186
dégradation, est parasite des Schizopodes. Dans
toutes ces formes, les pléopodes des larves épicari-
diennes sont biramés. Il n’en est plus de même
chez les Bopyrinés, où ces appendices n’ont qu'une
seule rame. La première famille, celle des Dajidés,
est parasite des Schizopodes ; les trois autres
familles sont parasites des Décapodes et la fixation
a lieu, soit sur l'abdomen (Phryxidés), soit dans la
cavité branchiale (Bopyridés), soit enfin dans la
cavité viscérale elle-même (Æntoniscidés). L'évolu-
tion des Epicarides a donc suivi d'une manière très
précise celle des Crustacés, et leurs formes se com-
pliquent en même temps que leurs hôtes s'élèvent.
$ 4. —_ Vertébrés.
Les mémoires publiés en 1900 sur les Vertébrés
se rapportent presque tous à l'anatomie comparée
ou à l’organogénie et n'ont pas leur place dans
cette Revue. Je ne vois guère à signaler ici que les
travaux de Bashford Dean ! et de Doflein * sur le
développement du Bdellostome. Depuis longtemps
les zoologistes avaient fait de vains efforts pour
arriver à connaître l'embryologie des Myxinoïdes ;
le sujet était intéressant, car ils espéraient pou-
voir en tirer des renseignements précis sur la
position systématique des Cyclostomes qui, pour
les uns, sont des types ancestraux et, pour les
autres, des formes dégénérées. Cette lacune a été
comblée par les deux auteurs ci-dessus, qui ont
réussi à se procurer des matériaux suffisants sur les
côtes de Californie. Les observations de B. Dean
sont surtout très complètes et son mémoire est
illustré de superbes dessins. Les œufs du P. Stouti
sont peu nombreux, chaque femelle n'en pondant
qu'une vingtaine ; ils ont la forme d’un ovoïde très
allongé, ayant 25 millimètres de longueur sur 7 de
largeur environ, et ils sont munis à leurs pôles de
filaments à l’aide desquels ils restent attachés en
chaine les uns aux autres. Le petit nombre et les
grandes dimensions de ces œufs contrastent avec
le nombre élevé et la petite taille des œufs de Lam-
proie. Ces différences s’affirment dans le cours du
développement. Ainsi la segmentation est méro-°
blastique et assez voisine de celle des Sélaciens. IL
y à, entre la segmentation du Bdellostome et celle
de la Lamproie, des différences analogues à celles
que l'on connaît entre la segmentation des Séla-
ciens et celle des Ganoïdes.
En ce qui concerne le développement des organes,
il faut surtout noter la formation du système ner-
veux par invagination; de plus, le cerveau est
remarquablement allongé dans l'embryon du Bdel-
lostome et il se rétrécira ultérieurement. B. Dean
n'observe pas, au cours des l'embryogénie, la
1 J'estschrilt z. Küppfer. Fischer. Jena.
# Vorh. deut. Zool. Gesellschaft, 1900.
R. KŒHLER — REVUE ANNUELLE DE ZOOLOGIE
moindre indication d’ares viscéraux ni de membres
pairs, et il ne trouve aucune preuve en faveur de
l'hypothèse que l'œil pinéal des Craniotes représente
une structure primitive. En revanche, la présente
d'une série régulière et, dans tout le corps di
l'embryon, de tubes segmentaires formant un pro
néphros représente pour lui un caractère primitif
L'embryogénie du P. Stouti ne fournit dont
aucun fait tendant à prouver que les Cyclostomes
sont des formes dégénérées: elle permet, au con
traire, de retrouver certaines dispositions primi
tives, et B. Dean incline à considérer les Myxinoïdes
comme des larves d'Amphioxus très évoluées.
Dans la Revue annuelle de 1898, j'ai déjà indi
qué quelques-uns des faits les plus importants
observés par G. Kerr pendant le développement di
Lepidosiren. L'auteur, qui n'avait alors publi
qu'une courte note préliminaire, vient de donne
un {ravail complet accompagné de planches ‘. Aw
renseignements qu'il avait déjà fournis, il ajoute
des observations sur les transformations de la larve
sur le remplacement des branchies externes, pors
tées, sur les quatre premiers ares branchiaux, p
les branchies internes, etc.
III. — GÉOGRAPHIE Z0OLOGIQUE. FAUNES.
$ 1. — Faunes des eaux douces et saumâtres.
Les zoologistes suisses poursuivent très actives
ment jies recherches qu'ils ont entreprises sur Ja
distribution du Plankton dans les nombreux lacs
de leur pays et ils ont publié en ces derniers temps
des travaux d'une grande importance.
Dans un mémoire d'ensemble, Burkhardt ? fai
connaître la composition et la répartition du Planle
ton dans les différents lacs suisses suivant le
profondeur, la température de l’eau et l’altitude.l
divise les lacs suisses en quatre catégories, offran
chacune une faune spéciale :
1° Les grands lacs de la plaine, jusqu’à 750 mètre
(lac de Genève, de Thun), lacs profonds et chauds
(lac de Neuchâtel), et lacs peu profonds, avec des
associations fauniques également très tranchées:
2% Les petits lacs de la plaine, caractérisés pa
les Daphnia longispina, Bosmina longirostris,"e
auxquels manquent les Zythothrephes longimanu
et Posmina coregont. |
3° Les lacs des Alpes, au-dessus de 750 mètres
avec les Daphnia longispina et Diaptomus denticot
nis; les B'ythothrephes et Leptodora font défaut:
|
E 4
1 Phil. Transact, 1900.
? Rev. Suisse de Zoologie, 1900, - |
D |
4° Les lacs du Jura, sans caractères bien tran-
chés.
Certains Crustacés offrent des variations fort
Curieuses qui affectent particulièrement le Fosmina
“coregoni; chaque lac en possède, en effet, une
4 locale particulière qui change de l'une à
l'autre. Burkhardt a comparé toutes ces variations
et il les réunit en sept groupes principaux. Les
Daphnia hyalina offrent des variations analogues,
mais dans cerlains lacs seulement. Une remarque
semblable peut être faite au sujet des Corrégones,
«Ces variations tiennent à ce que les lacs de Suisse
ne sont pas reliés par des cours d'eau à courant
peu rapide et qu'en ce pays tous les cours d’eau
ont le caractère de torrents. Les migrations étant
ainsi rendues impossibles, les individus restent
éparlis en colonies qui varient dans des directions
“différentes. Des remarques analogues ont été faites
par Minnie Enteman sur les Daphnia longispina
des lacs du Wisconsin.
Dans un autre travail très documenté’, Bur-
hardt étudie plus spécialement le lac de Neuchâtel
mA 1 point de vue des variations diurnes et saison-
ières et de la distribution en profondeur du
Plankton. C'est en juillet que le Plankton est le
plus abondant, et ce maximum est suivi d'une dimi-
nution qui devient très rapide en octobre et se con-
linue jusqu’en décembre, puis la quantité se relève :
en février on observe un nouveau maximum, plus
aible qu'en juillet, et suivi d'une nouvelle diminu-
lion. Furman* a fait, de son côté, des constatations
analogues dans le lac de Neufchàtel, et Yung* a
également trouvé dans le lac de Genève deux
maxima : l'un en juin et l’autre en décembre, celui-ci
moins marqué, et deux minima : l'un à la fin de
l'hiver et l’autre à la fin de l'été.
En ce qui concerne la distribution du Plankton
en profondeur, Burkhardt établit quatre zones :
1° La zone des Rotifères, qui s'étend de la sur-
face jusqu’à 20 ou 30 mètres ;
2 La zone des Cladocères, qui s'étend jusqu'à
70 mètres en été et 150 mètres en hiver;
- 3° La zone des Copépodes, qui descend jusqu'à
80 mètres en été et jusqu'au fond en hiver;
4 La zone abyssale qui ne renferme que quel-
ques formes très rares (Triarthra longiselta).
. Comme on le voit, les limites de ces zones varient
en été et en hiver. En effet, de juin à septembre,
les couches au-dessous de 80 mètres paraissent être
inhabitées ; en octobre, on trouve déjà à 100 mètres
les Diaptomus laciniatus, qu'on rencontre en no-
F
Fa
—… 2 Mith. Naturf. Ges. Luzern. III, 1900.
& ©? Arch. Sc. Phys. Nat. Genève, 1899.
—… © Archives des Sciences phys. el nat. Genève, 1899,
R. KŒHLER — REVUE ANNUELLE DE ZOOLOGIE
187
dépassent celte profondeur. Puis, à mesure que l'été
s'avance, les profondeurs se dépeuplent progres-
sivement. Le Plankton capturé entre 100 et 200 mè-
tres représente, de juin à septembre, 0 à 0,2 °/, de
la quantité totale, et de janvier à mars 10 à 20 °/,
de cette quantité.
Ces migrations saisonnières sont assez difficiles
à expliquer. Burkhardt pense que les animaux
suivent dans leur chute les Diatomées ét les Anu-
rées qui meurent à la fin de l'été et dont les cada-
vres tombent au fond du lac. En hiver, les pêches
profondes ramènent effectivement de grandes
quantités de ces algues mortes. En été, les ani-
maux remontent vers les couches superficielles qui
se peuplent d'algues dont ils font leur nourriture.
Les oscillations diurnes du Plankton ont déjà
été observées dans les lacs suisses et Burkhardt à
remarqué qu'elles variaient beaucoup d'amplitude,
non seulement suivant l'éclairage et l’état de l’at-
mosphère, mais aussi el surtout suivant les espèces
considérées. Elles sont à peu près nulles chez les
Rotifères tandis qu'elles sont très marquées chez les
Bosmina coregoni, Leptodora hyalina et Cyclops;
mais ce sont les Bithothrephes longimanus el
certains Diaplomus qui offrent les plus grandes
oscillations, celles-ci pouvant atteindre 20 et même
50 mètres.
Ces faits, confirmés par Fuhrman, ont été ézale-
ment observés par Yung dans le lac de Genève.
Or, on sait, d'autre part, que ces oscillations n'exis-
tent pas dans les lacs de l'Allemagne du Nord. A
quoi lient cette différence? Incontestablement à
cette circonstance que ces derniers ontune eau peu
transparente et que les algues, qui y sont très
abondantes, forment à la surface une couche absor-
bant une grande partie des rayons lumineux. Les
espèces très sensibles à la lumière peuvent donc
séjourner dans les couches superficielles. Au con-
traire, dans les lacs suisses, dont l’eau est d’une si
remarquable transparence et où les algues sont peu
abondantes, ces mêmes espèces devront s'enfoncer
pendant le jour et n'’apparaïtront que la nuit à la
surface, ainsi que le font les animaux pélagiques
marins.
La faune des marais salants de Lorraine, qui
sont dus à la présence de dépôts triasiques de sel
gemme, et dans lesquels la salure varie beaucoup,
a fourni à Florentin" matière à d’intéressantes obser-
valions. Cette faune est surtout très riche en Pro-
tozoaires (Rhizopodes, Flagellés et Infusoires), mais
n'offre qu'un nombre relativement restreint de
Métazoaires appartenant à différents ordres : Néma-
todes, Turbellariés, Rotateurs, Gastérotriches, Oli-
gochètes, Crustacés, Insectes, Batraciens, Poissons.
4 Ann. Sciences Naturelles, Zool., 1899,
188 R. KŒHLER — REVUE
ANNUELLE DE ZOOLOGIE
La plupart de ces formes vivent dans les eaux
douces du voisinage, mais d'autres ne sont connues
que dans la mer et quelques-unes sont spéciales à
ces mares. Quelle est l'origine de ces formes franche-
ment marines? Florentin se refuse à admettre des
immigralions passives el il est d'avis que les types
marins, ainsi que Ceux qui sont propres aux mares
salées, viennent de la transformation d'espèces
d'eau douce. D'abord l'existence de formes propres
aux mares, etque l’auteur peut facilement rattacher
à des espèces des eaux douces voisines, est un argu-
ment en faveur de cette manière de voir, mais il y
a des preuves directes. Ainsi Florentin a pu suivre
dans les mares la transformalion d'une Infusoire
d’eau douce (Frontania leucas) en une autre espèce
qui n’avait encore été trouvée que dans la mer.
IL est à remarquer que les individus vivant dans
l'eau salée des mares ne diffèrent ordinairement
pas des échantillons de même espèce vivant en eau
douce. Cependant des variations peuvent se pro-
duire. Chez les Protozoaires, les changements
portent sur la laille et surlout sur la structure du
protoplasma qui devient plus ou moins vacuolaire:;
les Infusoires offrent des varialions parfois consi-
dérables dans leur appareil ciliaire. Chez les Epino-
ches, les changements portent sur la taille et le
nombre des plaques latérales.
S 2. — Faunes marines.
Les publications auxquelles ont donné lieu les
grandes expéditions zoologiques se sont continuées
en 1900 faisant suile aux volumes antérieurs. Trois
fascicules de la Nordske Nordhavs Expedition sont
consacrés aux Thalamophores, aux Bryozoaires et
aux Hydraires.Les Résultats des Campagnes scien-
tiliques du Prince de Monaco se sont accrus des
Nudibranches étudiés par Bergh, des Géphyriens
étudiés par Sluiler, d’un supplément aux Décapodes
dû à Milne Edwards et Bouvier, et enfin d'un très
important travail de Chevreux sur les Amphipodes,
où sunt décrites 173 espèces dont 39 nouvelles.
Les Bulletins etles Mémoires du Juseum of com-
paralive Zoology at Har ward College renfermentles
travaux de Lütken et Mortensen sur les Ophiures
et de Garman sur les Poissons recueillis par l'A /ha-
loss, ainsi qu'un grand Mémoire d'Agassiz sur les
iles Fiji et leurs récifs coralliens. Goldsborough
Mayer, après avoir décrit les Méduses des iles Tor-
tugas (Floride), fait observer qu'elles se rappro-
chent beaucoup plus de celles du Pacifique sud que
de celles de la côte occidentale d'Afrique, des îles
Canaries par exemple. Au contraire, les Siphono-
phores des îles Tortugas sont voisins de ceux des
iles Canaries.
Un nouveau fascicule, consacré aux Alciopidés et
aux Tomoptéridés et dû à Apstein, s'est ajouté aux
ÆErgebnisse de lExpédilion du Plankton. Tandis que
les Tomoptéridés sont abondants partout, les Alcio-
pidés sont plutôt rares et, sur 801 pêches exécutées
par le National, G96 n'ont pas fourni un seul
Alciopidé, 96 ont fourni un seul individu et une
seule en à fourni 44. Les individus sont done peu
abondants et les associations très rares.
La Commission pour l'étude des Mers allemandes,
a publié d'intéressantes recherches de Heincke eb
Ehrenbaum sur les œufs et les larves des Poissons
du golfe de Kiel. Les auteurs décrivent avec beau-
coup de détails les œufs pélagiques et indiquent les
caractères qui permettent d'arriver à une détermi-
nalion précise. Dans le même volume, Dunker
s'occupe de la variation et de l'assymétrie chez le
Flet et donne des stalisliques sur la varialion dans
la posilion des yeux. la taille du corps, le nombre
des rayons des nageoires, etc.
Willey ! a continué la publication de ses Zoological
results; les deux derniers volumes renferment une
série de monographies sur les Crustacés, les Bryo-
zoaires, les Hydraires, les Alcyonaires de la Nou- :
velle-Guinée, ainsi que ses recherches sur les Enté-
ropneustles dont j'ai parlé plus haut. Je signalerai
enfin une nouvelle publication, qui n’est encore
qu'à ses débuts, sur la faune des côles d'Australie,
d'après les résultats de l'Expédition de la « Z'ethys »:
les Poissons et les Crustacés ont déjà paru.
Parmi les travaux relatifs à la faune de nos côtes,
il faut mentionner ceux de Roulesur les Zoanthaires
de Corse? et de Lacaze-Duthier sur les Alcyonnaires
du golfe du Lion‘. Topsent continue ses Études mo-
nographiques des Spongiaires de France : son nou-
veau Mémoire a pour objet les Hadromérines. Ce
groupe renferme des Eponges fort répandues ct
remarquables par leurs caractères extérieurs : aussi
ont-elles fréquemment attiré l'attention des nalu-
ralistes qui, malheureusement, le sont décrites sous
les noms les plus différents. Une révision de ces
formes s'imposait absolument et Topsent s'en est
acquitté avec la compétence qu'on lui connait *.
Nansen * a publié le premier volume des Résullats
Scientiliques de son Expédition polaire (1893-96).
On y trouvera un mémoire de Nansen et Collet sur
les Oiseaux polaires et un autre de Sars sur les Crus-
tacés pélagiques recueillis parle Fran. Les formes
dominantes sont les Copépodes, mais la plupart des
espèces sont identiques à celles qui ont déjà été M
trouvées à des latiludes moins élevées.
F. Rômeret F. Schaudinn ont entrepris, sous le
nom de Fauna Arctica, Vélude des collections qu'ils
! Mém. of the Austral. Museum, 1899 et 1900.
? Bull. Soc. Zool., France, 1900.
* Arch. Zool. Exp. 1900.
* Arch. Zoolog. Expedil., 1900.
5 J'he Norvegian North Polar Expédition. Vol. 1. 1900.
R. KŒHLER — REVUE
ANNUELLE DE ZOOLOGIE 189
ê ont recueillies en 1898 dans les parages du Spitz-
—… berg. Les deux fascicules qui ont paru renferment
- une série de monographies des Hexactinellides,
- des Nématodes, des Baleines, des Cirripèdes, des
« Décapodes, des Échinodermes, et la description d'un
nouveau Proneomenta. L'intérêt qu'ils offrent lient
non seulement aux descriplions des espèces, mais
aussi à la revision que les collaborateurs s'astrei-
gnent à faire, à propos de chaque groupe, de
toutes les formes arctiques connues. La relalion
générale du voyage renferme, en outre, d'impor-
“tantes observations sur la distribulion des faunes
sur les côles du Spilzberg. Deux courants marins
“convergent vers ces iles : un courant chaud venant
du sud, qui s'élale sur les côtes ouest et nord-ouest,
et un courant froid venant du nord, qui suit la côte
nord-est. Or la richesse de la faune sur la côte est
“et nord-est contraste avec la pauvrelé des côtes
ouest el nord-ouest. Celles ci n'offrent,en effet, que
“des Échinodermes, assez abondants, à la vérilé, des
Pantopodes, quelques Mollusques, et un très petit
nombre de Foraminifères. Sur les côtes esl, on trouve
au contraire d'épaisses forèls d'Hydraires et de
Bryozoaires; les Aclinies, les Éponges calcaires,
les Ascidies, les Alcyonaires, les Annélides, les Crus-
tacés, ete., sont Lrès nombreux.
EF. Rômer et F. Schaudinn ont rencontré, au
nord du Spitzhberg, vers 81932 lat. N, et à une
profondeur de 41.000 mèlres el au-dessus, une
faune abyssale tout à fait parliculière, qui diffère
“de la faune des autres parages du Spitzhberg et de
celles des régions arcliques en général. Celle faune
est caractérisée par des Éponges siliceuses, Telra-
xouiés et surtout Hexactinellides, d'une abondance
extraordinaire; par des Alcyonaires,des Pennatules,
et de nombreux Foraminifères. F. E. Schultze, qui
étudié ces Hexaclinellides, n'y a rencontré que
des genres nouveaux. Quand cette faune sera con-
nue, il sera de la plus grande importance de la
comparer à la faune antarclique abyssule, et les
résultats de celte comparaison permettront peul-
êlre de résoudre la que<lion, en ce moment très
controversée, des faunes bipolaires.
J'ai déjà entretenu les lecteurs de la Revue de la
théorie de la bipolarité des faunes ‘. D'après cette
théorie, les faunes marines arctiques el antarcti-
ques auraient une composilion identique, due
non seulement à une origine commune, mais aussi
à des migrations quise feraient, d'un pôle à l’autre
et par les profondeurs, à travers les régions tropi-
cales. Il semble actuellement que la théorie de la
bipolarité ait été émise trop hâlivement, el que son
point de départ ait été une connaissance insuffi-
Sante des faunes antarcliques ou, pour être plus
| licvue annuelle de Zoologie, 1897.
exact, subantarctiques. Eu effet, depuis que l’alten-
tion a élé attirée sur cette question, on à pu cons-
later que plus nos connaissances sur la faune des
régions australes s'étendaient et se précisaient, et
plus les dissemblances entre celle-ci et les faunes
arcliques s'affirmaient, tandis qu'on ne découvrait
aucune forme bipolaire. Ainsi Ludwig ‘, qui a
comparé avec beaucoup de soin les Holothuries et
les Ophiures arctiques et subantarctiques, ne (rouve
pas une seule espèce commune. Weltner * arrive
au même résultat pour les Cirripèdes, et Walters *
pour les Bryozoaires.
C'est à dessein que j'ai employé, dans les lignes
qui précédent, le terme subantarctique; car, avant
1898, aucune exploration zoologique n'avait dé-
passé le 55° lat. S., et la faune des régions antare-
liques proprement dites nous élait totalement
inconnue. C'était là une grosse lacune, comblée
maintenant grâce à la campagne récente de la Bel
gica dans l'Antarctique ‘. Pendant ce voyage, des
collections terrestres et d’eau douce ont d'abord été
recueillies, puis de nombreux dragages ont été
exécutés à des profondeurs alteignant 600 mètres.
L'étude des collections recueillies par la Belgica
esl à peine commencée: cependant les principaux
résultats fournis par les groupes des Echinides, des
Ophiures et des Spongiaires sont déjà connus. La
détermination des deux premiers groupes m'avait
élé confiée, et j'ai constaté ? que toutes les espèces,
au nombre d'une vingtaine, capturées pendant la
dérive de la Belgica, étaient nouvelles, mais qu'elles
n'offraient aucune analogie ni avec les espèces sub-
antarctiques, ni avec les espèces arcli:ues. Non
seulement il y a une dissemblance complète des
espèces, mais encore une répartition toute autre
des genres; ce résultat est absolument contraire à
la théorie de la bipolarité.
Topsent 5 est arrivé à des conclusions identiques
pour les Eponges. La faune anlarclique est carac-
térisée par l'absence de Tétraclinellides et l'abon-
dance des Hexactinellides ; la plupart de ces
dernières sont nouvelles et n'offrent pas un seul
type bipolaire.
J'ajouterai enfin que Racovitza ?, qui a fourni de
très intéressantes observations sur la biologie des
Oiseaux antareliques, a constalé qu'il n'y avait
parmi eux aucune forme arctique. Ce fait n'a,
d'ailleurs, rien de surprenant.
R. Kœhler,
Professeur de Zoologie à l'Université de [yon
1 Jjurbury. Mayalh. Sammeulreise, 1899.
2 Jauna arctica, 1.
3 Journ. Lin». Soc. Vol. XXVIII.
‘ Voyez la Revue du 30 janvier 1901.
5 Bull. Ac. R. Belgique et C. R. Ac.
5 Comptes rendus, 1901.
1 Soc. Royale belge de Géographie, 1899.
Sc., Paris, 1900.
190
BIBLIOGRAPHIE — ANALYSES ET INDEX
BIBLIOGRAPHIE
ANALYSES ET INDEX
4° Sciences mathématiques
De Fages, /ngenieur des Ponts et Chaussées. —
Les Travaux publics du Protectorat Français en
Tunisie. — 3 vol. iu-8°, 900 pages, Picard, éditeur.
Tunis, 1900.
M. de Fages, ingénieur des Ponts et Chaussées,
adjoint au Directeur général des Travaux publics de la
Régence, a eu pour but, en publiant cet important ou-
vrage, de dresser une sorte de bilan de l’œuvre entre-
prise par son Administration pendant les quinze der-
nières années du xix° siècle. Ayant activement colla-
boré, depuis neuf ans, à la préparation de tous les
grands travaux nécessaires à la mise en valeur de la
Régence, il était aussi qualifié pour exposer l’organisa-
tion actuelle des services qui ont créé cet outillage éco-
nomique, l’état de la législation concernant chacun de
ces services et les résultats matériels obtenus *.
Le caractère technique de cette étude la rend surtout
intéressante pour les spécialistes en la matière. Ingé-
nieurs, conducteurs, géomètres ou entrepreneurs y
trouveront des détails abondants et précis sur les mé-
thodes employées pour la parfaite exécution des travaux
publics. Les difficultés surmontées dans le creusement
et l'aménagement des quatre grands ports aujourd'hui
ouverts au commerce, les conditions d'établissement
des chemins de fer et tramways, les opérations topo-
graphiques et cadastrales provoquées par les demandes
d'immatriculation foncière sont passées en revue avec
un soin minutieux. Toutes les fois qu'une particularité
vaut la peine d'être relevée et permet de constater
qu'on ne se borne pas, en Tunisie, à copier servilement
les procédés en usage dans la métropole, l'auteur a
pris soin de signaler le fait à notre attention. C'est
ainsi que le mode de construction des quais du port de
Tunis donne lieu à une description détaillée que com-
plètent des plans, coupes et gravures, indiquant les
difficultés qu'il a fallu vaincre pour répartir les pres-
sions sur les fonds argilo-vaseux où reposaient les fon-
dations de l'ouvrage, véritable digue ayant vingt-deux
mètres de largeur à la base, en moellons et débris de
carrière immergés dans une fouille draguée jusqu'à la
cote — 8,80. Sur cette digue furent élevés soixante-dix
piliers en maconnerie, qui supportent les 600 mètres de
quai entourant le bassin.
L'emploi des voies submersibles sur la ligne Kaï-
rouan-Sousse provoque aussi des explications nettes et
précises, permettant notamment de constater que ce
type remplace économiquement les viaducs dans les
plaines à inondations passagères.
Dans un autre ordre d'idées, il était bon de mention-
ner que toutes le stations des chemins de fer à voie
étroite sont reliées par une ligne téléphonique.
Insistant plus spécialement sur le chemin de fer
Sfax-Galsa, M. de Fages répond aux critiques très vives
émises dans ces derniers temps contre cette entreprise
en prouvant que la constitution de la voie a été l’objet
d'une étude très approfondie. La largeur de la plate-
forme a été, en effet, portée de 3,60 à 4 mètres, et le
poids des rails a été sensiblement augmenté, de facon
à permettre le passage de trains lourdement chargés
sur tout le parcours. Grâce à des procédés mécaniques
perfectionnés, la voie a pu être posée dans un très
court espace de temps. Le wagon-poseur dont les en-
trepreneurs ont fait usage est l’objet d’une description
! Voir la /ievue générale des Sciences des 30 novembre et
15 décembre 1596, tome VIT, p. 936 à 1063 et 1076 à 1214.
jamais dépassé 800 à 1.000 mètres par jour avec des
rendue plus claire par une gravure et un schéma:
Déjà, en Amérique, ce système avait été usité. Il a donné,
en Tunisie, les mêmes excellents résultats et a permis
de réduire notablement les dépenses de main-d'œuvre
et de poser chaque jour 1.500 mètres de rails. Dans la
région du Nord, sur le réseau du Bône-Guelma, on na
équipes d'ouvriers munis des appareils ordinaires de
pose. Une rapidité plus grande était indispensable pour
triompher de circonstances climatériques très défavo=
rables et des difficultés particulières que présente, en
terrain déserlique, l’approvisionnement en eau.
Une des parties les plus intéressantes de l’ouvrage de
M. de Fages est le chapitre réservé au service topo-
graphique. Il s’agit là, en effet, d'une organisation
proprement tunisienne et qui ne saurait être comparée
à aucune autre institution similaire de France. Tous
les travaux de reconnaissance, bornage, triangulation,«
arpentage et lotissement nécessaires à l’application de
la loi foncière sont exposés de manière à constituer
pour l’apprenti-géomètre un véritable traité théorique
et pratique.
Avec le même souci d’exactitude technique, l’auteur
énumère les engins dont se servent les pêcheurs du
littoral tunisien, compare entre eux les divers types de
bateaux et décrit les particularités des pêcheries de
{hons, anchois et sardines. Pour ne pas être étonné:
qu'une partie considérable du deuxième volume soit
consacrée à l'étude de ces questions, il est bon de savoir
que la Direction des Travaux publics de la Régence fait
office de Ministère de la Marine pour lout ce qui con
cerne la navigation et la pêche. É
Tout en s'adressant plus expressément à ceux ques
leur profession appelle à prendre part aux entreprises
de travaux publics en Tunisie, l'ouvrage de M. de
Fages constitue une contribution appréciable à l'étude
économique du pays. Les prospecteurs de mines y
trouveront des renseignements géologiques de nature
à les guider dans leurs recherches, et les industriels
consulteront avec profit le tableau de la production
des minerais de zinc et de plomb pendant les dix der=
nières années. En 1890, 2.500 tonnes seulement ont été
extraites du sol, tandis qu’en 1899 les chemins de fer
ont transporté 37.884 tonnes. Rien ne marque mieux
le progrès accompli et l'avenir qui paraîl réservé aux
mines tunisiennes. Au reste, ce que le livre ne dit pas,
c'est qu'une véritable « fièvre minière » travaille les
Européens établis en Tunisie. Les cours élevés atteints
par les fers et les zines ont déterminé un mouvement
considérable de recherches des gisements métallifères:
Ce mouvement n'aurait-il d'autre résultat que d'amener
une‘connaissance plus parfaite du sous-sol, qu'il faudrait
s’en féliciter. L'activité déployée par la Compagnie des
Phosphates de Gafsa! n’a pas été étrangère à ce réveil
de l’industrie minière, qui est d’un heureux augure
pour le développement des ports de commerce.
La transformation du Sud tunisien par les forages
artésiens n'a pas été passée sous silence par M. de Fages,
qui donne aussi des indications sur l’utilisation possible
des nombreuses sources minérales et thermales *.
Le régime des ports et des chemins de fer, les ré=
sultats financiers de leur exploitation sont étudiés
avec la même sûreté que les matières relevant plus
1 Voir la /evue générale des Sciences, n° du 15 juillet
1900, tome XI, p. S#1.
2 Voir: D' A. Lom: Les Eaux minérales et thermales de la
Tunisie, dans la Æevue générale des Sciences, n° du 15 mai
1900, tome XI, p. 630.
BIBLIOGRAPHIE — ANALYSES ET INDEX
191
directement de l'art de l'ingénieur. Certains faits cu-
“rieux méritent d'être relevés dans les tableaux et gra-
“phiques explicatifs : Le mouvement des voyageurs sur
_ l'ensemble des voies ferrées a dépassé de beaucoup les
“prévisions les plus optimistes, tandis que le mouvement
+ marchandises est resté notablement inférieur. Sur
la ligne de Bizerte, on a recensé un nombre annuel de
voyageurs double du nombre prévu. Très désireux
p: pe | à ù
d'user pour lui-même d’un mode de locomotion rapide,
2
indigène éprouve encore une certaine répugnance à
“confier ses marchandises à la Compagnie du Bône-
Guelma. Il est trop souvent rebuté par les formalités
d'écritures auxquelles on le soumet. M. de Fages note
bien, à ce propos, les simplifications déjà adoptées,
mais lui-même reconnaît la nécessité d'une réglemen-
tation encore plus pratique.
— Pour que le tonnage des marchandises transportées
par voie ferrée suive une progression marquée, il
importe que les conditions d'exploitation des richesses
“naturelles soient bien comprises. Il y a donc des rap-
ports étroits entre la marche des travaux exécutés par
le service topographique et la mise en valeur du sol.
Aussi les renseignements techniques que renferme ce
chapitre sont-ils complétés par une série de statistiques
enregistrant le nombre, la valeur, la contenance des
propriétés immatriculées et permettant la saine appré-
ciation de faits économiques d’une grande importance
‘pour l'avenir de la colonisation. ;
La législation spéciale aux divers services relevant
de la Direction des Travaux publics fournit à M. de
ages l’occasion d'indiquer les lenteurs auxquelles
donne lieu l’accomplissement des formalités prescrites
pour les adjudications publiques. Il manifeste encore
ici ses préférences pour les moyens simples et rapides.
Jlattire l'attention du Gouvernement du Protectorat
sur les avantages qu'il y aurait à réformer l'organisa-
tion financière qui établit, pour la Direction des Travaux
‘publics, un budget unique, divisé, comme en France, en
budget ordinaire et en budget extraordinaire, mais
avec cette différence que des travaux neufs, fort im-
portants, sont souvent exécutés sur les fonds du budget
ordinaire. « Cette pratique gagnerait, dit-il, à être modi-
iée. Si l'on a plutôt tendance, dans la métropole, à incor-
porer au budget ordinaire certaines dépenses figurant
d'habitude au budget extraordinaire, la tendance doit
être inverse en Tunisie. comme dans toute colonie en
voie de développement rapide. Il faut donc distinguer
“un budget d'entretien, que nous appelons aujourd'hui
ordinaire, et un budget d'outillage ou de premier éta-
blissement »
.… La comptabilité publique y gagnerait en clarté, et le
bilan de la Tunisie serait des plus faciles à dresser.
… Suivent quelques considérations sur d’autres avan-
tages pratiques de ce système, tels que les possibilités
de reporter d’un exercice à l’autre les dépenses du
budget extraordinaire qui n'auraient pu être effectuées
dans l’espace d'une année, et, par suite, une diminution
appréciable dans les dépenses. Ce sont des idées nou-
velles dont il convient de féliciter M. de Fages, car
elles montrent combien est grande la diversité des
«points de vue auxquels il s'est placé pour faire con-
naître au public la valeur de l'outillage mis actuelle-
ment au service de la colonisation en Tunisie.
4 GAsToN LoTH,
Professeur au Lycée Carnot, à Tunis,
2° Sciences physiques
- Weiss (Pierre), Waïtre de conférences à la Faculté
des Sciences de Lyon, — Leçons d’EÉlectricité appli-
quée, professées en 1899-1900. Deuxième partie :
Le Courant alternatif; recueillies par M. PEerricor,
Préparateur à la Faculté des Sciences de Lyon. —
4 vol. gr. in-$° de 131 pages, autographié. Vve C.
Celard et Fils. Lyon, 1900.
. C’est un indice bien significatif que celui de l’initia-
. tive, prise par la cohorte déjà brillante des jeunes pro-
fesseurs des Facultés des Sciences, d'ouvrir, dans tous
les centres industriels de la France, des cours d'Elec-
tricité appliquée à l’industrie. Là, rien n’est classique ;
le terrain est encore mouvant, et exige, pour une ha-
bile manœuvre, un coup d'œil sûr et une connaissance
exacte des transformations que subit, au jour le jour,
le domaine embrassé, en même temps que tes besoins
de l'auditoire, mi-universitaire, mi-industriel, qui.se
presse à ces cours de création récente.
Il en résulte, pour le professeur, non encore gêné
par des programmes qui n'existent pas, une grande
liberté d’allures, et, pour l'auditeur ou pour le lecteur
des cours imprimés, le charme de l’imprévu et la per-
spective d'heureuses découvertes pédagogiques.
Pour une initiative dans cette direction, M. Pierre
Weiss était l’un desplus désignés par une éducation à la
fois d'ingénieur et de physicien, et par de belles et in-
génieuses recherches personnelles sur divers phéno-
mènes délicats du magnétisme ; et, dans ce domaine,
le plus nouveau, du courant alternatif, on pouvait pré-
voir de sa part d'heureuses trouvailles.
Elles ne manquent pas dans son cours, où il entre-
mêle, dans quinze lecons, de saines notions théoriques
à des exemples concrets pris dans la plus moderne pra-
tique. J'insiste sur le mot entreméle; car, en effet, dans
ses lecons, toute notion théorique nouvelle est immé-
diatement appuyée d'exemples dont un bon nombre ont
été très heureusement choisis parmi les plus voisins du
lieu de l’enseignement, et que les auditeurs pouvaient
le plus aisément vérifier dans les installations grandioses
de Jonage.
Tout naturellement, le professeur devait débuter par
des données sur le courant alternatif et l'induction
en général, puis présenter la description de l’alternateur
industriel. La quatrième leçon tout entière est consacrée
aux installations du Niagara; viennent ensuite les ins-
truments de mesure, les différences de phase, les cou-
rants polyphasés, le champ tournant, les transforma-
teurs, Le transport de force — oh! le vilain mot, aggravé
quelque part de l'indication la force totale produite
est de 5.155 chevaux —, les parafoudres, les comp-
teurs, enfin les machines à fonctions multiples.
Quelques démonstrations particulièrement élégantes
m'ont frappé à la lecture de l'ouvrage : les diverses
perméabilités d’un cireuit magnétique représentées par
un large tuyau rempli, suivant les endroits, de sable
fin ou de gros gravier, déviant à son profit les lignes de
force du courant hydraulique ; une jolie expérience dans
laquelle une résistance sans induction et une résistance
inductive placées à la suite l’une de l’autre donnent la
même différence de potentiel au cardew, tandis que cet
indicateur, mis sur la totalité, donne une indication
moindre que la somme des deux, en raison du décalage ;
diverses illustrations du triphasé, entre autres un arc
en étoile, rotations diverses dans le champ tournant,
moteur asynchrone fait d’une roue de bicyclette portant
des bobines sur la jante, etc.
Mais je ne résiste pas à la tentation d'une citation
textuelle montrant combien le professeur à vu juste
dans certains problèmes économiques dont l'Europe
devra tenir le plus grand compte, et qui lui assurent
encore, vis-à-vis dela jeune Amérique, de belles années
industrielles : « Depuis que l'ingénieur français Fourney-
ron avait imaginé la première turbine, bien des sa-
vants ont traité, dans tous les détails'qu’elle comporte,
la difficile question de la production de la force hydrau-
lique, et bien des expérimentateurs ont mis à l'épreuve
la valeur de leurs déductions théoriques.
« Profitant de ces beaux travaux, nos ingénieurs trai-
tent chaque installation comme un problème nouveau
qui leur est posé et calculent avec certitude, pour chaque
cas la turbine qui remplit le mieux toutes les condi-
tions. Tout autre a été le développement de cette indus-
trie en Amérique. Beaucoup, trop pressés pour s'assi-
miler les théories, et moins désireux de se conformer
aux données particulières de chaque chute d’eau que
de fabriquer en grand nombre, et d’avoir en magasin un
192
stock de turbines de même modèle pour faire face ins-
tantanément aux commandes, se sont surtout laissé
guider par leur instinct mécanique. Ils ont imaginé
des canaux, des aubes de formes beaucoup plus com-
plexes que les formes européennes et peu abor-
dables au calcul ; essayant l'effet produit et rectifiant
peu à peu par l'expérience un détail, puis un autre,
pour arriver finalement à des rendements merveilleux
qui élonnent les théoriciens. Mais, arrive un cas nou-
veau, jamais un Américain n'ayant construit de turbines
de 5.000 chevaux et faisant 250 tours par minute; il fau-
drait, pour procéder par sa méthode, faire des tâtonne-
ments impossibles, tandis que l'industrie européenne
aidée de ses formules résout ce cas sans plus de diffi-
culté que n'importe quel autre. C’est ce qu'a bien com-
pris la Société en faisant faire par une maison de Genève
les plans des trois premières turbines actuellement
installées. »
Pour son cour:, M. Weiss disposait, d'ailleurs, de
moyens considérables; il put y répéter les belles expé-
riences d'Elihu Thomson, y faire du transport sur des
lignes artificielles de grandes longueurs, y monter des
machines combinées par M. Limb pour fournir des
courants de toutes natures.
M. Perrigot, qui a recueilli les lecons de M. Weiss,
est, sans doute, encore jeune, et ne m'en voudra pas de
lui adresser une légère critique. Dans les lecons, de
nombreuses photographies furent projetées, qui ne sont
pas reproduites dans la publication. Pourquoi dès lors
les mentionner dans le texte comme si le lecteur devait
les trouver en tournant la page? Dans un cas semblable,
une pelite infidélité dans le compte rendu sténogra-
phique a, sans doute, moins d'inconvénients] que de
faire naître dans l'esprit du lecteur un désir auquel
l'ouvrage ne donne pas satisfaction.
Ceux qui liront avec le même plaisir que j'ai moi-
même éprouvé les excellentes lecons de M. Weiss, se-
ront surpris d'apprendre que la municipalité de Lyon
n'a pas cru devoir renouveler cette expérience qui sem-
blait avoir fort bien réussi, et que le cours d'Électricilé
appliquéeest momentanément suspendu. Je ne puis, en
terminant, que former des vœux bien sincères pour
qu'il soit repris à bref délai.
Cu.-Ep. GUILLAUME,
Docteur ès sciences,
Physicien au Bureau International
des Pois et Mesures.
Tombeck (Daniell, Préparateur de Physique à Ja
Faculté des Sciences de Paris. — Recherches sur
les combinaisons des sels métalliques avec les
amines aromatiques. (/hèse de la Faculté des
Sciences de Paris.) — 1 vol. 1-8 de ACS pages.
Gauthier- Villars, imprimeur. Paris, 1900.
On connaissait déjà quelques combinaisons salines
renfermant à la fois un métal et un ammonium aroma-
tique, mais jusqu'à présent ces composés mixtes, sels
ammoniés ou vérilables sels doubles, n'avaient été
l’objet d'aucun travail d'ensemble. M. Tombeck en a
entrepris l'étude systématique et nous signale plus de
cent corps nouveaux résullant de l'union des sels
métalliques avec l’aniline, la pyridine et leurs homo-
logues.
Presque tous contiennent deux molécules de base
organique pour une de sel; quelques-uns d’entre eux
possèdent une tension de dissociation mesurable dès la
température ordinaire et qui à 100° atteint et même
dépasse parfois la pression atmosphérique.
Leur analogie avec les combinaisons ammoniacales
des selsest donc complète: c’est la principale conclusion
du mémoire de M. Tombeck, qui a fait ici œuvre utile
et n'a pas reculé devant l'interminable série d'analyses
que nécessilail la détermination d'un aussi grand nom-
bre de produits complexes.
L. MAQUENNE,
Professeur au Muséum d'Histoire naturelle.
BIBLIOGRAPHIE — ANALYS
ET INDEX
3° Sciences naturelles
Paquier (V.), Préparateur de Géologie à l'Univers
sité de Grenoble. Collaborateur adjoint au Service
de la Carte géologique de France. — Recherches
géologiques dans le Diois et les Baronnies orien*
tales. (Thèse de la Faculté des Sciences de Paris.)
4 vol. in-8° de 402 pages avec 6 planches. Allier
frères, imprimeurs. Grenoble, 1900. .
Le Diois et les Baronnies sont deux régions natu-
relles, comprises en grande parlie dans le départemen
de la Drôme. Elles continent, à l'est, au Bauchaine et au
Gapencais; à l'ouest, au Valentinois méridional et au
Tricastin; le Diois touche; au nord, au Vercors, tandis
que les Baronnies sont limitées ; au sud, par la montagne
de Lure. Un coup d'œil sur une carte topographique
suffit pour montrer que c’est dans le Diois et dans les
Baronnies que s'effectue le passage de la-direction.
N.-S. des Chaînes Subalpines à la direction E.-0. On
ignorait, jusqu’à présent, à quelles particularités tecto=
niques était due cette conversion des directions oro-
graphiques et l'on ne connaissait pas davantage le détail
stratigraphique de la région. M. Paquier a eu la main
particulièrement heureuse en choisissant l'étude géolo=
gique du Diois et des Baronnies comme sujet de thèse
et il a certainement tiré de son sujet presque tout l4
parti que l’on pouvait en tirer. Je dis presque, car l'au=
teur nous doit encore un travail de géomorphogénie
sur cette région, qui, grâce aux singularités de sa topo=
graphie, se prèle mieux que toute autre à ce genre
d'études. Les chapitres sur l’orographie et sur l'hydro-
graphie, qui font suite à l'introduction et à l'historique,
ont un caractère purement descriptif.
La partie de beaucoup la plus importante du Mémoire
de M. Paquier est la description des terrains. Le Juras-
sique moyen et supérieur et tout le Crétacé sont repré-
sentés dans la région par une puissante série, le plus
souvent continue. Les divers termes de la succession:
sont décrits avec beaucoup de précision et de méthode
et l'analyse des nivenux paléontologiques qui consti-
tuent le Néocomien pris dans son sens le plus large
est, en particulier, poussée plus loin dans le détail
qu'on ne l'avait fait jusqu'à présent. En ce qui concerne
l'attribution des grès verts de Dieulefit au Santonien,
je tiens à faire d'expresses réserves, ne pouvant admet-
tre qu'une faune d'Ammoniles à affinités essentielle
ment coniaciennes ait vécu plus tard que partout ail-
leurs dans des bassins individuulisés et séparés de la
haute mer.
Les résultats obtenus par l'auteur sur la bathymélrie
du bassin du Rhône, pendant la période crétacée, sont
d'une importance considérable et ses conclusions sont
de nature à pleinement satisfaire l'esprit. L'existence
d'un « géosynclinal subalpin » se trouve vérifée et
complétée par la notion d'une « fosse vocontienne »,
qui en dépend et dont l'axe occupe l'emplacement des
Baronuies. Ces parties relativement profondes sunt ci-
ractérisées par l'accumulation de formations vaseuses”
ou bathyales ; tandis que dans le voisinage se déposaient
des formations nériliques, correspoudant à des fonds"
d'une faible profondeur.
L'extension horizontale des parties profondes varie
d'une époque à l’autre, comme le montrent les cartes
schématiques très parlantes qui accompagnent les cha-
pitres straligraphiques, mais les mêmes conditions de
sédimentation se reproduisent à des époques différentes
. (Albien, Turonien). .
Après le dépôt du Campanien, la mer abandonne la
région, qui est maintenant affectée par une première
série de plissements, car, à la fin de l'Eocène, les ma=
nifestations orogéniques, dont les DHRSTÉe® la Pro-
vence, le Dévoluy, le Bauchaine et les Basses Alpes
sont le théâtre, se font également sentir dans le Diois,
les Baronnies et le Valentinois, en y développant une
série de rides est-ouest qui seront reprises par les efforts
ultérieurs. Des dépôts lagunaires oligocènes s'étendent
“ensuite sur une partie de celte surface déjà plissée.
…._ La mer miocène ne recouvre qu'une faible partie de
à région étudiée et elle ne tarde pas à l'abandonner,
#rèce aux manifestations orogéniques alpines, qui ont
mon seulement accentué les accidents préoligocènes,
“ais qui tendentégalement à produire des dislocations
“nord-sud, principalement des lignes de fracture et des
lignes de chevauchement. La zone du Gapencais, le
“Bauchaine et le Valentinois se déversent ainsi sur les
“Bironnies et sur le Diois. M. Paquier envisage les élé-
lents tectoniques de ces deux régions comme les plus
éptentrionaux des plis de la Provence, qui, depuis la
orét de Saou, au nord, repris par les plissements al-
ins, auraient été ainsi introduits dans le faisceau alpin
but en conservant dans leur allure les signes exté-
rieurs de leur première origine. Ainsi la région aurait
“continué de jouer le rôle d'une aire de dépression qui
“lui incombait déià au Jurassique et au Crétacé.
Comme on le voit, le Mémoire de M. Paquier consli-
“iue non seulement une précieuse contribution à l'his-
toire de la région rhodanienne pendant la période se-
ondaire, mais elle élucide également les relations si
articulières et si compliquées qui existent, dans une
artie des Alpes francaises, entre les plissements anté-
licocènes ou « pyrénéens » et les plissements postmio-
tènes ou « alpins ». Cette thèse fait le plus grand hon-
heur au Laboratoire de Géologie de l'Université de
renoble, dans lequel elle a été élaborée. Les belles
lanches qui l’'accompagnent en augmentent encore la
eur. Esile HAuG,
Professeur adjoint à la Faculté des Sciences
de l'Université de Paris.
3
F
|
|
|
Anglas (J.), Préparateur de Zoologie à la Faculté des
“Sciences de Paris. — Observations sur les méta-
morphoses internes de la Guêpe et de l’Abeille.
(ièse de la Faculté des Sciences de Paris.) —
4 vol. in-8° de {12 pages avec 5 planches. L. Danel,
imprimeur. Lille, 1900.
“De nombreux auteurs se sont occupés des phéno-
Mènes intimes de la métamorphose des Insectes, mais
js ne sont pas trop d'accord sur le processus de la dis-
barition des organes purement larvaires, ou sur la
transformation des organes larvaires en organes défi-
jitifs. M. Anglas a entrepris à ce point de vue l’élude
des Hyménoptères, qui présentent des métamorphoses
ussi complètes que celles des Diptères.
Le système nerveux, le cœur et l'appareil génital
poursuivent leur accroissement sans métamorphoses
hotables, de même que l'appareil trachéen qui passe de
larve à l'adulte en se transformant par places, mais
ns qu'il y ait de régression. L'épiderme larvaire est
implacé peu à peu par l'épiderme définitif, qui semble
incorporer le premier, sans qu'il y ait disparition
Visible des cellules anciennes. Les organes qui présen-
lént le plus de modifications sont l'intestin moyen, les
landes séricigènes, les tubes de Malpighi, les muscles
le corps adipeux : dans tous les cas, l'organe qui
doit disparaître ou être remanié entre de lui-même en
légression, sans intervention de phagocytes; plus tard,
eux-ci sont attirés par les tissus régressés et les dis-
olvent plus ou moins complètement. L'intervention des
phagocytes est la conséquence et nan la cause première
ile la régression, ce qui est bien d'accord avec ce que
Von connait ailleurs.
Quant à la manière d'être des phagocytes, M. Anglas
pense qu'ils n'englobent qu'exceptionnellement les
auments cellulaires ; la digestion est le plus souvent
ira-cellulaire, et due à des diastases sécrétées par les
—phagocyles : M. Anglas propose le terme de /yocytose
pour exprimer d'une facon générale cette action à dis-
lance, qui n'est pas spéciale aux amibocytes du sang :
ainsi, l'épithélium de l'intestin moyen serait digéré sur
lace par les petites cellules basales de remplacement;
es cellules adipeuses seraient probablement lyocylées
BIBLIOGRAPHIE — ANALYSES ET INDEX 193
par des cellules à urates, intercalées entre elles. Je
trouve que ce mot de lyocylose manque un peu de pré-
cision : en effet, il est bien connu que les amibocytes
digèrent les corps étrangers aussi bien en les englo-
bant dans leur cytoplasme qu'en les entourant; pour-
quoi les appeler phagocytes dans le premier cas, lyÿo-
cyles dans le second? La différence est probablement
d'ordre mécanique et non pas intime. Quant aux autres
cellules capables de lyocytose, il faudra prouver que
lorsqu'une cellule d'un tissu dégénère, sa disparition
est due à des diastases sécrétées par les cellules avoi-
sinantes, ce qui n'est pas précisément facile. Néan-
moius, c'est une vue nouvelle et intéressante.
Après l'histolyse, M. Anglas étudie la reconstruction
de quelques organes : pour les muscles, il admet que
les noyaux musculaires larvaires se fragmentent en
petits bâtonnets chromatiques, qui émigrent à la péri-
phérie du myoblaste et constituent autant de noyaux
des muscles définitifs; ce processus d'amitose mul-
tiple (?) me paraît assez extraordinaire. Les cellules de
remplacement de l'intestin moyen sont des cellules
embryonnaires, mésodermiques, qui, dans le très jeune
âge (larve de 5 millimètres de long), pénètrent entre
les cellules intestinales et s’y divisent pour former les
ilots de remplacement.
Peut-être la technique adoptée par M. Anglas n'était-
elle pas très convenable pour l'étude de phénomènes
aussi délicats que ceux dont il s'est occupé; le liquide
de Zenker est plutôt médiocre comme fixatif cytolo-
gique ; il me semble que d'autres réactifs lui auraient
tourni des images plus précises à ce point de vue et
auraient peut-être modifié ses idées sur l'histogénèse.
M. Anglas termine son travail par des considérations
générales sur la métamorphose, où il émet quelques
vues intéressantes sur les causes premières de l’atro-
phie des organes et la lutte entre les tissus.
L. CUÉNOT,
Protesseur à l'Université de Nancy.
4° Sciences médicales
Bernheim (D'$S.. — La Médication ergotée (Ergot
de seigle, ergotine, ergotinine). — / vo/. in-12 de
196 pages. À. Maloïne, éditeur. Paris, 1900.
Ce petit livre est un plaidoyer en faveur d’un médi-
cament dont l'abandon daterait, d'après M. Bernheim,
de 1875, quand Pajot et Tarnier eurent fait connaître les
dangers de l'emploi irrationnel ou intempestif de l'er-
got de seigle en Obstétrique. Mais, il y à une raison
plus générale qui explique ce fait: ce sont les ten-
dänces antipharmaceutiques de la Thérapeutique mo-
derne. Chaque fois que, pour combattre un symp-
tôme, on peut remplacer un médicament — qui es
toujours un poison — par uu agent physique, on le
fait, et cela pour le plus grand bieu du malade. Le bain
froid a détrôné la quiuine et l'antipyrine ; comme cal-
mant, on doune aujourd'hui des bains tièdes, là où l'on
administrait du bromure. On pourrait multiplier ces
exemples pour montrer que l'ergot de seigle parlage
seulement le discrédit dans lequel est tombée la méde-
cine polypharmaceutique.
M. Bernheim a donc entrepris de réhabiliter l'ergot
de seigle et de montrer tout le parti que le médecin peut
en tirer dans un certain nombre d'affections, en utili-
sant son action particulière sur la fibre lisse. Il s'adresse
exclusivement aux médecins qui trouveront dans son
livre plusieurs chapitres qui ne manquent pas d'intérêt.
D' R, Roue.
Préparateur à la Facullé.
Sigaud (D'). — Traité clinique de la Digestion et
du Régime alimentaire d’après les données de
l'exploration externe du tube digestif, {'° l’artie.
— 1 vol. in-8° de 210 pages. (Prix : 6 fr.) O. Don,
éditeur. Paris, 1900.
ACADÉMIES ET SOCIÉTÉS SAVANTES
ACADÉMIES ET SOCIÉTÉS SAVANTES
DE LA FRANCE ET DE L'ÉTRANGER
ACADÉMIE DES SCIENCES DE PARIS
Séance du 4 Février 1901.
M. Bornet lit une notice sur J. Agardh, correspon-
dant décédé de la Section de Botanique.
49 SCIENCES MATHÉMATIQUES. — M. F. Enriques, à
propos d'une note récente de M. Kantor, rappelle qu'il
est déjà arrivé d’une facon plus simple à la généralisa-
tion du théorème de M. Picard concernant les surfaces
algébriques dont les sections planes sont des courbes
unicursales. — M. C. Guichard étudie les réseaux qui,
par la méthode de Laplace, se transforment des deux
côtés en réseaux orthogonaux. — M. P. Boutroux,
étudiant la relation entre la densité des zéros et le mo-
dule maximum d’une fonclion entière, trouve que la
manière dont se comporte à l'infini le module maxi-
mum d’un produit de facteurs primaires de genre fini
G (z) est déterminé par le nombre des zéros de G (7)
que contient un cercle de rayon indéfiniment croissant,
abstraction 'faite des arguments de ces zéros. — M. P.
Duhem démontre que, si l’on admet le postulat de
Helmholtz, tout état d'équilibre stable d’un système
assujetti à n'éprouver que des modifications isother-
miques demeure état d'équilibre stable si l’on assujettit
le système à n'éprouver que des modifications isentro-
piques.
20 SCIENCES PHYSIQUES. — M. Alfred Angot a étudié la
relation entre l’activité solaire et la variation diurne de la
déclinaison magnétique, d’après les observations faites
au Pare Saint-Maur. Les résultats indiquentune influence
très nette des taches du Soleil, qui peut être déterminée
avec précision. — M. Th. Tommasina croit que ja
cause de l'équilibre instable des cohéreurs réside dans
l'intervention de particules polarisées d’oxyde, s'inter-
posant entre les contacts métalliques et formant des
points moins bon conducteurs sous l’action des ondes
hertziennes. — MM. Lortet et Genoud ont réalisé ua
dispositif très simple pour l'application de la méthode
photothérapique de Finsen. Il consiste essentiellement
dans la combinaison de l'arc électrique comme source
lumineuse et du condensateur à ballon de MM. Lumière,
avec circulation d’eau absorbant le rayonnement calo-
rifique. — M. Albert Bruno indique un dispositif qui
élève de beaucoup la température donnée par la flamme
d'un bec de Runsen; il consiste à entourer le creuset à
chauffer de deux cônes de tôle mince juxtaposés par
leur grande base. — M. M. Berthelot a déterminé la
chaleur de dissolution dans le mercure de divers échan-
tillons d'argent : 4° argent battu, en feuilles minces :
+2,03 cal.; 2° argent produit par la transformation du
précédent, maintenu dans un courant d'oxygène pen-
dant vingt heures vers 5000 : + 0,47 cal. ; 3° argent cris-
tallisé préparé par électrolyse lente de l’azotate
+ 0,10 cal.; 4° argent précipité par une lame de cuivre
d'une dissolution d'azotate : + 1,19 cal.; 5° argent pré-
cédent chauffé au rouge-sombre : + 0,08 cal. Ces expé-
riences établissent l'existence d'états allotropiques de
l'argent, quatre au moins. — Le même auteur a déter-
miné la chaleur de dissolution de divers amalgames
d'argent dans une grande quantité de mercure :
ARGENT ARGENT
en feuilles cristallisé
Hg“+ Ag. +... +2,36 cal. + 0,23 cal.
HEC ee Pr" + 1,53 — 0,40
Her AG NN 0 47 + 0,24
L'argent cristallisé n'a presque pas d'affinité chimique
pour le mercure. — M. L. Ouvrard, en chauffant au
rouge un léger excès de magnésie, chaux, baryte ©
strontiane, avec un mélange équimoléculaire d’anh
dride borique et de fluorhydrate de fluorure de potas
sium, a obtenu des borates solubles dans l’eau, bien
cristallisables, de formule générale B°0°,3M0. — M.
Hamonet a préparé le f-amyloxypropionate de potas
en traitant le £-chloropropionate d'amyle par l’amylate
de sodium et en saponifiant le groupe éther-sel. Ge
corps, soumis à l'électrolyse, se décompose suivant
l'équation :
20H 10CHÈ.CH®.COK
— K? + 2C0° + C°H!1. 0CHE. CH®.CH*.CH=.0C*HM
On obtient ainsi la diamyline du butanediol avec 50 4
de rendement. — M. L. Lindet a constaté que les sons
de germe, riches en débris de scutellum, renferme
de grandes quantités de diastase saccharifiante, et qu'ils
peuvent remplacer, à un moment donné du travail de la
distillerie, le malt d'orge dont le prix est deux fois
plus élevé.
3° SCIENCES NATURELLES. — M. F. Houssay a vu représ
senté sur des décors architecturaux le phénomène vrai
de la fécondation de la Vallisnérie et le phénomène
légendaire de la naissance des oiseaux sur des plantes
marines (légende de l’anatife). — M. Jousset de Be
lesme a entrepris, en 1890, des expériences d'élevage du
Saumon en eau douce afin d'observer si ce poisson pe
se reproduire sans aller à la mer. Après un premier
échec, il a observé, dans un second élevage compre
nant 1.000 œufs, la ponte de quatre femelles au bout de
trois et quatre ans. Ces pontes ont donné des œufs qui
se sont très bien développés et dont les alevins vont
servir à une nouvelle expérience. — M. H.Jacob de Cor
demoy a reconnu que l'arbre résinifère connu sous l@
nom indigène de amy, sur la côte occidentale de Mada
gascar, est le Canarium multiflorum Engler. Cet arbre
laisse exsuder une résine jaune-verdàtre qui, dans la
tige, se forme dans des canaux résineux développés
surtout dans le tissu libérien. — M. B. Renault à
observé un fragment de tige conservé par la silice
trouvé sous un dolmen de la Haute-Alsace et provenant
peut-être du Culm de la région. La complexité des”
faisceaux libéro-ligneux l'éloigne des types connus et
porte l’auteur à la considérer comme une forme
nouvelle, nommée Adelophyton Jutieri. — M. G.-H
Monot a constaté la présence d'un gisement d’anthr&
cite dévonien à Lan-Moutchang, dans le Koui-Tchéouw
(Chine). L'importance en est assez grande, et les Chi
nois en ont déjà entrepris l'exploitation. — M. J. Thow
let indique quelle est la constitution du sol des grands
fonds océaniques compris entre les Acores et les côtes
de France, d'Espagne et de Portugal d'après les échan=
tillons recueillis au cours des campagnes du Prince de
Monaco. Il n’y a pas de gravier; les grains gros, moyens
et fins sont peu abondants, les très fins plus abondanls
et la vase prédomine. La teneur en calcaire diminue
avec la grosseur des grains et est minimum dans là
vase; mais plus la vase est profonde, plus elle est
riche en calcaire.
Séance du 11 Février 1901.
1° SCIENGES MATHÉMATIQUES. — M. D. Backlund, au
sujet de la note récente de M. Poincaré sur le calcul
de la précession, fait remarquer que l'erreur commise
dans sa note lui est personnellement attribuable, et ne
provient pas de Gyldén. — M. J.-J. Landerer commu
nique la suite de ses observations sur le passage des
ombres des satellites de Jupiter, entreprises dans le bub
de vérilier la théorie de Souillart. Pour les trois pre=
l
l
RRQ
ACADÉMIES ET SOCIÉTÉS SAVANTES
195
miers satellites, la concordance entre le calcul et
Vobservation peut-être considérée comme bonne. —
M:Æ. Deslandres décrit les observations sur la photo-
éraphie de la couronne solaire qu'il a faites dans
éclipse totale du 28 mai 1900. Il est bon d'employer
des plaques lentes pour obtenir les parties les plus
faibles; mais on a à lutter contre la lumière diffuse de
pareil et celle du ciel ; il est bon de placer devant
plaques des écrans jaunes et rouges. — M. D. Th.
orov étudie une classe nouvelle de surfaces algé-
jiques qui admettent une déformation continue en
éstant algébriques. 1] démontre qu'une surface tétraé-
le du dix-huitième ordre est applicable sur une infi-
é de surfaces de la même espèce dépendant de deux
stantes arbitraires. — M. Clairin indique de nou-
eaux résultats sur les transformations de Backlund qui
font correspondre une à une les intégrales de deux
uations aux dérivées partielles du second ordre pos-
ant deux systèmes distincts de caractéristiques. —
J. Coulon, étudiant le théorème d'Hugoniot et la
orie des surfaces caractéristiques, arrive au théo-
me suivant : Soit un système d'équations aux dérivées
tielles d'ordre quelconque et à un nombre quel-
que de variables indépendantes, définissant un mou-
ent. On peut, sans aucune intégration, déterminer
vitesses de propagation des ondes pour une direc-
h déterminée. — M. R. d’Adhémar communique ses
cherches sur les équations aux dérivées partielies du
cond ordre à plus de deux variables indépendantes.
= M. A. Buhl étudie les formes linéaires aux dérivées
tielles d'une intégrale d'un système d'équations
érentielles simultanées qui sont aussi des intégrales
ce système. — M. Ribière donne une nouvelle
orie de l'équilibre d’élasticité des voûtes en arc de
cle encastrées aux naissances. Pour une charge pla-
se au sommet de la voûte, les déplacements, à la clef
e sont pas très éloignés de ceux que donne la théorie
idinaire de la résistance des matériaux; mais, aux
issances, les différences sont importantes. — M. P.
uhem a constaté que toutes les lois que l’on démontre,
n'Thermodynamique élémentaire, pour un fluide sou-
mis à une pression normale et uniforme, s'étendent à un
luide dont les éléments exercent, les uns sur les autres,
des actions quelconques, newtoniennes ou non.
20 SCIENCES PHYSIQUES. — M. A. Angot a montré que
a variation diurne de la déclinaison magnétique résulte
& la superposition de deux ondes distinctes : l'onde
Ormale, correspondant aux époques de calme du
Soleil, et l'onde perturbatrice, qui dépend des varia-
ions de l’activité solaire. IL a représenté l'onde nor-
Male par une série harmonique dont il a caleulé les
premiers termes pour les observations du Parc Saint-
ur, de Greenwich et de Batavia. — M. E. Mathias a
culé la formule définitive donnant la loi de distribu-
n régulière de la composante horizontale du magné-
isme terrestre en France au {°° janvier 1896. Cette
formule s'applique aux régions voisines de la Suisse, de
Italie et de l'Espagne. — M. E. Legrand indique le
principe d'un anémomètre électrique donnant des indi-
ions à distance. Il porte un anneau Gramme qui
rne entre les pôles d'un aimant. La force électro-
otrice produite est proportionnelle à la vitesse de
fotation. — M. A. Ricco annonce qu'il à établi des
communications téléphoniques entre l'Observatoire de
BElna et Nicolosi au moyen de fils en partie posés sur
neige. — M. Janssen constate que ce dispositif a eu
e même succès qu'à l'Observatoire du Mont-Blanc. —
L. Benoist a étudié les lois de transparence de la
matière pour les rayons X. L'opacité spécifique d'un
Corps paraît indépendante de son élat physique, du
mode de groupement atomique, de l’état de liberté ou
e combinaison des atomes. Pour les corps simples,
lest une fonction déterminée et croissante de leur
poids atomique, affectant la forme d'une proportion-
—nälité directe, pour des rayons X suffisamment péné-
trants et suffisamment homogènes. — M. V. Crémieux
L fait de nouvelles expériences sur la convection élec-
trique en évitant l'interposilion d'une couche métal”
lique entre l'aiguille et le disque tournant. Les résultat?
sont identiques aux précédents et permettent de con
clure d’une facon définitive que la convection électrique
ne produit pas d'effet magnétique. - M. F. Larroque
décrit quelques expériences acoustiques qui coufirment
sa théorie de l'impression globale harmonique des
accords musicaux. — M. M. Berthelot, à propos de
ses déterminations de la chaleur de dissolution de l’ar-
gent dans le mercure, remarque qu'il ne s'agit pas à
vrai dire d’un phénomène de dissolution comme on
l'entend ordinairement, mais de la répartition d'un
métal solide dans un métal liquide. Cette constatation
n'enlève, toutefois, rien aux conclusions de l’auteur. —
M. Berthelot étudie, au point de vue thermochimique,
la décomposition par l’eau des carbures métalliques et
la formation d'hydrocarbures, Les carbures du type
C°K?,C?Ca, dégagent de l’acétylène, à condition que la
chaleur de formation de l'oxyde hydraté surpasse celle
du carbure de plus de 196,1 cal. Les carbures du type
CSA! dégagent du formène, réaction qui correspond au
dégagement thermique maximum. Le carbure de man-
ganèse CMnÿ produit un égal volume de formène et
d'hydrogène, réaction qui dégage aussi le maximum de
chaleur. Les autres carbures donnent lieu à des pro-
duits complexes parce qu'ils ne fournissent plus en
étant décomposés par l’eau des oxydes de composition
correspondant à celle des carbures. — M. Marcel
Delépine a constaté que la réaction génératrice des
acétals est limitée par la réaction inverse de l’eau sur
l'acétal formé. Les lois qui régissent la formation et la
décomposition des acétals se rapprochent de celles de
l'éthérifiation et de la saponification. — M. V.Grignard
a constaté que l'emploi des combinaisons organoma-
gnésiennes mixtes permet de simplifier et de généra-
liser la plupart des méthodes de synthèse pour lesquelles
on a utilisé jusqu'ici les composés organo-zinciques,
mais encore d'en instituer de nouvelles prévues par la
théorie, mais pratiquement irréalisables au moyen du
zinc. — MM. P. Bayrac etC. Camichel, à la suite des
recherches récentes de M. Lemoultsur la bande d'absorp-
tion des indophénols, croient pouvoir démontrer que
l’une des extrémités de la bande est, non la fin de
cette bande, mais la limite des radiations visibles
{variable avec l'éclat du spectre). Dans ce cas, le point
appelé milieu de la bande n'a aucune signification. —
M. P. Cazeneuve a observé que la diphénylcarbazide
ou urée de Ja phénylhydrazine donne des composés
avec une molécule d'acides ou d'alcools de la série
grasse. La formation de ces composés d'addition s'ex-
plique par la tendance à la pentavalence d’un des
azotes terminaux. — M. A. Béhal a extrait de l'huile
de bois une nouvelle cétone, de formule C#H?0, bouil-
lant à 194°et donnant par oxydation de l'acide acétique
et de l'acide «-méthyllévulique. Cette cétone doit donc
être une diméthyleyclohexénone. — M. J. Hamonet,
partant de la diamyline du butanediol, obtenue par
électrolyse du $-amyloxypropionate de potassium, à
préparé le butane dibromé et le butane diiodé 1 : 4. Ce
dernier, soumis à l’action du cyanure de potassium,
donne l'hexanedinitrile, qui, par hydrolyse et saponifi-
cation, fournit l'acide adipique. — M. V. Urbain à
placé des végétaux dans: une atmosphère renfermant
une certaine proportion de méthane et a constaté au
bout de quelques jours la disparition de la majeure
partie de celui-ci. Les végétaux absorberaient donc le
méthane et s'opposeraient à son accumulation dans
l'atmosphère.
3° SCIENCES NATURELLES. — M. R. Quinton a constaté
que l’urée en solution, qui se comporte vis-à-vis du
globule rouge anucléé comme si elle n'existait pas, fait
au contraire équilibre au globuge rouge nucléé et
s'oppose à la sortie de sa matière colorante. Toutefois,
ce phénomène d'équilibre est limité dans la durée, et
après des temps variables selon la concentration l'héma-
tolyse se produit. — M. G. Loisel signale une observa-
tion très importante de développement du blastoderme
196
sans embryon chez un œuf de poule. Cette observation
vient appuyer la théorie de la parthénozenèse du sper-
malozoide et celle de la polyspsrmie physiologique. —
M. J. Friedel a poursuivi l'étude de l'influence de la
pression lolale sur l'assimilation chlorophyllienne. La
diminution de pression fotale seule tend à favoriser
l’assimilalion ; lorsqu'on rarélie simplement de l'air
contenant du gaz carbonique, on voit l'assimilation
passer d'abord par uu minimum, puis par un maximum.
— M. N. Bernard a reconnu que, chez la pomme de
terre, la luberculi-ation de bourgeons est la conséquence
de l'infection des racines par des champignons endo-
phyies On peutdoncespérer, parune culture rationnelle,
régulariser le rendement en tubercules et hâter leur pré-
cocité. — M. A. Lacroix a observé, dans les lherzolites
de l’Ariège, sous forme de traînées ou de filons, une
série de roches holocistallines constituées par des
pyroxènes et du spinelle; elles sont très basiques et se
rapprochent des gabbros. Elles ont dû se former par
cristallisation intratellurique. L'auteur propose d'en
faire un groupe distinct, celui des arrégites. — M.E. de
Martonne a poursuivi ses recherches sur la période
glaciaire dans les Karpathes méridionales. Il a observé
un rapide abaissement de la limite des neiges étler-
nelle vers l'ouest. D'autre part, dans les massifs où
les glaciers sont descendus le plus bas, les appareils
morainiques sont encore bien conservés, {andis que
dans ceux où les glaciers se sont arrêlés plus haut, les
moraines ont été la proie de l'érosion. — M. Ph. Glan-
geaud donne le tableau des transsressions et régres-
sions des mers secondaires dans le bassin de l'Aqui-
laine et leurs rapports avec les mouvements du sol et
lu distribution des facies. —M. F. Marboutin à recher-
ché les origines de l’eau arrivant aux émergeuces des
sources destinées à l’alimentalion de Paris, et cela au
moyen de la coloration. Il a tracé les courbes, dites
isochronochromatiques, des points où les molécules
d'eau colorée arrivent en même temps.
Louis BRUXET.
ACADÉMIE DE MÉDECINE
Séance du 5 Février 1901.
La lecture du procès-verbal donne lieu à un échange
d'observations entre M. J.-V. Laborde, qui proclame
la supériorilé des tractions rythmées de la laugue pour
le rappel à la vie d'enfants nés en état de mort appa-
reute, et MM. Pinard et Budin, qui pensent que les
lractions rylhmées ne peuvent avoir aucun effet lors-
que les voies re-piraloires profondes sont obstruées par
du mucus ou des glaires, le tube laryngien élant alors
le seul moyen eflicace. — M. Albert Robin élablit
l'existence d'une glycosurie et d’un diabète d'origine
dyspeplique : ils constituent une espèce à part, diffé-
raut totalement des glycosuries alimentaires ou du dia-
bète fruste. Ces aifections cèdent rapidement au traite-
ment de la dy:pepsie hypersthénique; dans le cas de
diabète ancien, il faut alterner le traitement complet
du diabète avec celui de la dyspepsie. — M. Hervieux
cile un cerlain nombre de cas de récidive de la variole
et conclut qu'en temps d'épidémie variolique, si un an-
cien variolé se trouve en rapport avec un variolé sérieu-
sement alleint, les mesures de préservation ne doivent
pas èlre négligéess A la suite d'une observation de
M. L. Colin, constatant que l'épidémie parisienne de
variole dure toujours, l'Académie émet le vœu qu'un
avis officiel rappelle à la population que la revaccina-
livn est le seul moven de protection contre la variole.
— MM. Peyrot el Milian pensent que l'hydrocèle est
causée par une vaginalite chronique, laquelle est pri-
mitive et non subordonnée à une altération testiculaire
ou épididymaire. C'est une périviscérilé au même titre
que les lésions chroniques du péricarde, de la plèvre,
du périloine, avee qui elle coexiste ordinairement. —
M. Lagrange lit un travail inlitulé : Quatre cas de
gliome de la réline guéris.
ACADÈMIES ET SOCIÉTÉS SAVANTES
SOCIÉTÉ DE BIOLOGIE
Scance du 19 Janvier 1901.
M. Ed. de Ribaucourt rappelle qu'il existe, Chem
une foule d'animaux, outre les organes habituels
l'excrétion (reins, organes segmentaires, néphridié
pro-, méso-, métanéphros, etc.), une grande varié
cellules dont la fonction directement ou indirecteme
secrétrice est admise par plusieurs physiologistes ; 1
teur les désigne sous le nom de néphrocytes«
MM. G. Hayem et R. Bensaude ont observé, dans
variole hémorragique primitive, une extrême rarël
des hématoblastes coïncidant avec la non-rétraeti
de magnésium ioduré. M. L. Martin pense que»
traitement pourrait peut-être s'appliquer aux enfant
— M. Ed. Nocard conclut, de quelques expériences
que les éléments observés par M. Bosc dans les lési
el le sant des animaux claveleux ne sont pas les agenl
de la virulence. — MM. E. Leclainche et H. Vallée
en traitant des lapins avec une urine albumineuse, on
obtenu un sérum capable de précipiter l'albumine dis
soule dans certains liquides organiques. — M, fn
bondeau a étudié le champisnon qui cause la maladi
de l’épiderme connue sous le nom de {okélau, com
mune en Ovéanie. Ce champignon n'est pas un trich
phyton, mais un asperyillus, constitué par un feutraf
mycélien d'où s'échappent des filaments aériens Len
minés en massues sporilères. — M. CI. RegaudM
gonies chez les Mammifères (rat) a lieu par une sé
de karyokinèses successives. — M. Hanriot na pa
constaté, sur la lipase, une action de la températu
ana'ogue à celle décrite par M. Pozrrski pour le fer
ment inversif. M. V. Henri répond que les résullals
de M. Pozerski doivent être considérés comme très cer
tains. — MM. Charrin et Moussu ont injec é du mucuk
dans l'organisme du lapin et ont vbservé, en géréra
une mort rapide. Celle-ci est due à l'existence d'un
principe coagulant dans le mucus — MM A. Rodetel
Galavielle ont constaté que le virus rabique conservé
dans la glycérine manifeste une propriélé préventive
même lor-que, après un long séjour, il a totalement
perdu sa virulence. Toutefois, l'immunité est rarement
suffisante pour résister à l'épreuve par trépanation
avec le virus fixe.
Séance du 26 Janvier 1901.
M. Hanriot, éludiant le mécanisme des actions
diastasiques, a trouvé que l’action de Ja lipase sur les
acides et les éthers semble être une combinaison ch
mique régie par les lois de la dissociation. L'expérience
confirme le fait que la lipase à son aclion décompa
sante arrêtée dès qu'une certaine quantilé d'acide gras
est mise en liberté; inversement, si l'on met la lipase
en présence de glycérine et d'un excès d’avide, elle les
recombine de facon à réaliser toujours le même rap
port entre les quantités d'acide et d'éther en présences
— M. V. Henri à recherché l'influence de la quantilé
de saccharose sur la vitesse d’inversion par le ferment
inversif de la levure de la bière. La quantité de sa
charose inverli varie avec la quantité de saccharase
présente dans la solution, mais il n’y a pas proportio
nalité entre les deux phénomènes. — M. CI. Regaud@
observé, chez le Rat, la division amitotique directe du
noyau des spermatogonies. — M. J. Babinski à con
staté que les lésions de l'appareil auditif, notamment
les lésions unilalérales, modifient notablement, dans
un cerlain nombre de cas, les caractères du vertige
vollaïque normal. M. Gellé pense que ces expériences
démontrent que c'est sur le labyrinthe même et nou
sur les centres nerveux que le courant agit. M. Pierre
onnier voit dans ce phéaomèue un signe clinique
ouveau pour l'étude des maladies de l'oreille, —
M. M. Hanriot et L. Camus ont comparé l'action de
lipase du sérum d'animaux à sang-froid avec celle
la même lipase chauffée à 35° et #0°. Les résultats
nbidentiques : la tempéralure ne semble avoir aucune
on sur ce ferment. — M. M. Siedlecki a constaté
les Grégarines qui vivent dans les celiules de l’épi-
ium intestinal exercent sur eiles et quelquefois sur
cellules voisines une action hyperlrophiante très
iatquée. — MM. M. Caullery et F. Mesnil ont observé
tes les formes de développement chez les Grégarines
nt vérifié leur action hypertrophiante sur la cellule-
8. — MM. J. Nicolas et Ch. Lesieur montrent que
sérum d'une chèvre, immunisée par des injecliuns
s-culanées répétées de cultures d'un Staphylococcus
jenes aureus, à déterminé l'agglutination de ce mi-
be. Le sérum d'animaux infectés d'une facon aiguë
Suraiguë ne produit pas l'agglutination. Le sérum
e chèvre vaccinée par des injections sous-culanées
tées de cultures complètes en bouillon et jeunes
aphylocoque parait doué à l'éxard de cet agent
ogène de propriétés bactéricides évidentes, mais
accusées. Son action atlénuante parait plus mar-
6. — M. L. Launoy a étudié les alléralions rénales
Hséeutives à l'intoxication aiguë par le venin de
Sorpion (Zuthus occitanus). Elles consistent en plomé-
ites graves et hémorragie, vacuolisalion du réli-
m cytoplasmique des cellules dans les tubuli cou-
, chromatolyse et kariolyse. — M. R. Dubois
ppelle ses recherches antérieures sur la dialyse cel-
ice qui se produit, en particulier, dans les fruits et
éSgraines, par l'action des vapeurs de liquides orga-
ués neutres (chloroforme, éther, etc.). — M. G.
ell Axelos expose ses recherches sur l'asthme
ins; pour lui, celte maladie serait de nature mi-
ienne et la toxine, agissant sur le nerf vague, pro-
it les troubles respiratoires qui la caractérisent.
M. J. Cotte a trouvé dans une Eponge, le Suberites
nt liquefiant la gélatine; une présure acidophile;
caséase. — M. Mayet, pour obtenir une sérosité
he en leucocytes propres à la phagocytose, a placé
swésicatoires sur l’homme sain. — M. E. Gérard à
nstalé que les macéralions aqueuses de rein et de
de cheval contiennent un ferment soluble capable
dédoubler les glucosides. Ce ferment est détruit par
bullition.
Séance du 2 Février 1901.
M. Pinoy et Me Densusianu ont étudié l'action du
Btharidate de potasse sur les animaux. C'est de la
éllule nerveuse que dépendent la sensibilité ou l'indif-
ence des animaux vis-à-vis de la cantharidine. —
> des enfants provoqués par des fruits contaminés
a poussière et des poils irritants de la chenille du
Ebrun (Liparis Chrysorrhwa). — Le même auteur a
rvé trois cas de pseudo-parasilisme du Cheliler
neroïdes chez des enfants dont la tète portait de
breux poux. — M. Wlaeff pense que les blastomy-
S virulents peuvent êlre la cause des néoplasmes
ins et que le sérum des animaux immunisés doil
e considéré à l'heure actuelle comme un des meil-
eurs traitements à leur opposer. — M. Borrel, sans
loir nier les résultats obtenus dans le traitement des
céreux par le sérum d'oies immunisées, considère
1e la théorie blastomycélienne du cancer est loin
ire prouvée. — M. G. Leven a constaté que la
rétion de l'urée est constante chez l'adulte normal
ont le régime alimentaire ne varie pas. — M. E. Rataud
ose l’évolution morphologique de l'encéphale des
opes. — MM. P. Nobécourt et Bigart ont observé
ue le péritoine ne constitue pas un lieu de formation
la substance agglutinante. Celle-ci n’est pas répartie
lans la même proportion dans les différentes humeurs
AUADÉMIES ET SOCIÉTÉS SAVANTES 197
de l'organisme. Elle est toujours au maximum caps le
sérum sanguin; elle est moins abondante dans les
sérosités. — M. F. Dévé montre que deux formations
échinococciques, les vésicules proligères et les scolex,
peuvent donner naissanc» à des kystes hydatiques.
Pour éviter l'échinococcose secondaire post-opéraloire,
il faudrait donc tuer les germes échinococciques dans
le kyste par une injection tænicide faite avant l’ouver-
ture large de la poche. — Le même auteur montre que
des ky-tes sous-séreux peuvent provenir de germes
échinococciques lombés dans la cavité périlonéale. II
y a donc possibilité de récidives de kystes hydatiques
aux dépens d'un débris de membrane hydatique aban-
donné dans une plaie. — M. J. Pellegrin a constalé
que les Ophidiens, soumis [à la privation complèle
de nourriture (aliments et eau), meurent beaucoup
plus rapidement que ceux qui ont de l'eau, mais
pas d'aliments, à leur disposition. Toutefois la perte
de poids est à peu près la même dans les deux
cas. — M. M. Nicloux à déterminé la capacité respi-
ratoire du sang du fœtus à diverses périodes «le la vie
fœtale ; elle est à peu près constante entre six mois el
demi et neuf mois, Le sang ne subit donc que des varia-
tions à peine marquées dans la fixation de l'oxygène.
— M. E. Jeanselme, qui à étudié le tokelau dans
l'Indo-Chine francaise, est arrivé aux mêmes conclu-
sions que M. Tribondeau en Océanie : cette maladie
est une dermatomycose aspergillaire. — MM. Ch.
Achard et L. Gaillard ont constaté que le rein malade,
qui laisse passer l’albumine, laisse aussi passer la
caséine. Inversement la caséine, en traversant un rein
sain, le rend perméable aux albumines. A très .pelile
dose, la caséine ne passe pas dans l'urine. — MM. J.
Cluzet et H. Frenkei ont déterminé la tension super-
ficielle des urines. A l'état normal et pathologique, elle
est presque toujours inférieure à celle de l'eau distillée.
Les sels minéraux l'élèvent et les matières organiques
l’abaissent; les sels biliaires, en particulier, ont une
très grande influence. — M. R. Dubois rappelle qu'il
a employé, pour la première fois, en 1883, le procédé de
dialyse des ferments qui se trouvent dans l'intérieur des
tissus par l'action des vapeurs anesthésiques.
SOCIÈTE FRANÇAISE DE PHYSIQUE
Séance du A Février 1901 (suite).
M. Ponsot, à la suite de la communication de
M. Guillaume, signale le fait suivant : En étudiant
un thermomètre, il a déterminé directement la correc-
tion de pression intérieure à faire subir à la lecture
d'un thermomètre placé verticalement, en faisant des
lectures successives, le thermomètre élant alternative-
ment horizontal et vertical, à température fixe et cela
en des points très nombreux de la tige thermométrique.
La courbe représentalive de ces corrections, eu prenant
pour abscisses les divisions du thermomètre, présente
des maxima et des minima. De la courbe des corrections
de calibrage, M. Ponsot à déduit pour chaque point du
thermomètre des longueurs équivalentes ou correspon-
dant à un volume invariable. Il a constaté que les
maxima de la courbe de correction de la pression inté-
rieure correspondaient aux points où les longueurs
équivalentes étaient aussi maxima. Il en conclut que,
malgré les variations de la section intérieure du tube
thermométrique, ainsi mises deux fois en évidence, 1/
n'y a pas eu d'erreur sensible où mesurable provenant
de la variation de la pression capillaire. M. Guillaume,
répondant à M. Ponsot, insiste sur le fait que la correc-
tion de calibrage est toujours appliquée aux résultats
bruts avant qu'on les soumette à d’autres calculs. Cette
première correction une fois faite, on ne trouve plus
aucune relation entre la correction capillaire et la
forme du tube; ou tout au moins cette relation, qui
existe en théorie, est entièrement masquée par une
autre cause de variation indépendante de la forme du
tube. — M. A. Broca : Causes de variation de lacuité
visuelle. Quand l'œil regarde des détails de formes,
198
ACADÉMIES ET SOCIÉTÉS SAVANTES
son pouvoir de définition n’est pas limité, comme dans
le cas des instruments d'optique, par la seule ouver-
ture de son système centré. Les propriétés multiples
des milieux transparents de l'œil et de la rétine inter-
viennent. C’est ainsi que l’acuité visuelle diminue
quand l’ouverture de la pupille augmente. Cela tient
aux aberrations des bords de la cornée et du cristallin.
Quand on prend pour fest-objet une série de lignes pa-
rallèles blanches séparées par des intervalles égaux
noirs, on mesure avec une grande précision (3 °/,) le
moment où l’on ne distingue plus qu'une plage grise. Une
première question se pose: l'angle résoluble, dans ce cas,
est-il le même que dans la vision des lettres”? On trouve
qu'il en est ainsi. On peut se demander comment on lit:
si c'est en comptant les jambages des lettres. En essayant
de compterles traits du test-objet, on voit qu'on ne peut
les compter que pour une distance beaucoup plus faible,
c'est-à-dire pour un angle sous-tendu beaucoup plus
grand. Donc la lecture ne se fait pas de cette façon ;
chaque caractère est un individu dont nous reconnais-
sons la forme à première vue. L’acuité visuelle varie avec
la couleur (Macé de LépinayetNicati)et aussi avec l'inten-
sité lumineuse. De nombreux auteurs ont montré que la
variation de l’acuité visuelle entre les éclairements pris
sur un papier blanc pour deux ou trois bougies à un
mètre et les éclairements les plus forts qu'on peut réa-
liser, est très minime. Puis, au-dessous de cet éclaire-
ment, la variation est très rapide. Si donc on fait de la
photométrie par l’acuité visuelle, on n'aura debons ré-
sullats que pour les éclairements faibles. Pour ceux-ci
d'ailleurs, la méthode par comparaison des plages est
moins bonne ; les deux méthodes ne peuvent donc se
remplacer, mais se complètent. On peut se demander
comment varie la courbe à l’origine. Charpentier a
montré l'existence d'un minimum visuel plus élevé que
le minimum lumineux, et pour lequel l’acuité visuelle
prend très vite une grande valeur. Cela montre que la
courbe d’acuité visuelle en fonction de l'intensité coupe
l’axe des iutensilés en un point de sa région positive,
et sous un angle de 90. L'adaptation n'a pas d’in-
fluence pour les très basses intensités (Charpentier).
L'auteur a vu que, en utilisant un test-objel petit, se
détachant sur un fond complètement noir, l'adaptation
n'a pas d'effet pour les éclairements élevés; elle en a au
contraire pour les éclairements moyens {trois à quatie
bougies-mètre). Cela tient probablement à ce que la
pupille, dans le cas des éclairages élevés, est toujours
resserrée, dans le cas des éclairages faibles est toujours
au maximum, dans le cas des éclairages moyens se
resserre un peu par l'adaptation, qui joue le rôle d’une
augmentation de la sensation. Quand on cherche l’a-
cuité usuelle ou le pouvoir de définition pour des plages
LES :
ayant un rapport ï d'intensité fixe, et non pas seulement
pour des plages noir sur blanc, la question se complique.
Kolbe fit en 1885 quelques expériences à ce sujet. L'au-
teur les a reprises par une méthode plus précise et plus
!
commode, qui lui a permis de les compléter. Pour
compris entre 0 et 0,75 (acuité visuelle 1, c’est-à-dire
résolution d’un angle de pue minute), la définition de
l'œil ne change pas. Pour ï compris entre0,075et0,15,
la variation est rapide (de 1 à 0,92); puis elle devient
lente pour . compris entre 0,15 et 0,6 (de 0,92 à 0,8).
La variation est ensuite rapide. Ceci a lieu pour I—40
bougies-mètres environ. Pour 1=—7 bougies-mètres
: : rie il :
environ, l’acuité visuelle pour T— 0 est de 0,9,oùelle
l'
se maintient jusqu'à Te 0,1. La {re zone de variation
rapide est moins accentuée, et la zone de variation lente
U
2e : El! A Re
s'étend jusqu'à ñ => 0,5 environ. Quand on étudie l'in-
fluence de l'éclairage pour la valeur de - — 0,5, on vo
que la courbe d'acuité baisse beaucoup plus tôt. que
pour =
ses conditions, une bonne adaptation. C'est le cas où
se trouve en radioscopie ; l'adaptation permet, commen
l’a indiqué M. Béclère, de voir beaucoup mieux
LL
— 0, On comprend de quelle utilité est, dans
détails dans ce cas. Quand : tend vers 1, le problèm
devient celui de la photomètrie ordinaire. Charpentier
a montré qu'avec une seule plage entourée par la plaf
de comparaison, pour les éclairages faibles, la fractio
différentielle diminuait quand la surface augmentai
Il fallait voir ce que devenait ce phénomène : 1° pol
les intensités élevées ; 2° pour des plages alternative
On sait, en elfet, que, dans ce cas, la fraction différer
tiable diminue. L'auteur a entrepris cette question
moyen du disque de Masson (un trait interrompu St
fond blanc; quand il tourne, on a des anneaux £f
dont on peut calculer le rapport au fond blanc pan
loi de Plateau). Il a vu dans ce cas que la grandeur à
Ï suivant ur
loi bien nette. Le fait intéressant à faire ressortir a
gulaire des plages résolubles variait avec
: ë I-' 1
point de vue pratique est la valeur de : perceptib
: : II
en fonction du diamètre apparent. n tend, dans
conditions de l'expérience, vers 0,008 pour des dia
tres apparents de 45! à 20!. Au-delà, la sensibilil
de l'œil baisse un peu. Il y a donc intérêt à employé
des plages photomètres alternantes, vues sous le di
mètre apparent de 15! à 20'. Pour des diamètres appé
rents compris entre 15! et 10!, la fraction d’intensil
différentiable varie de 0,008 à 0,0095. Puis la variatio
devient très rapide, la fraction différentiable n’étan
plus que de 0,025 pour un diamètre apparent de plage
de 5. Ces expériences ont été faites par un beau jou
près d’une fenêtre bien éclairée. — M. Raveau rappell
comment M. Wood est parvenu à obtenir des image
d'ondes aériennes émanant d'une élincelle électriqu
par l'emploi de la méthode de Tipler (Schlierenme
thode), qui est une extension du procédé inventé pa
Foucault pour rendre directement visibles les défau
d'un miroir ou d'un objectif’. Les seize photographié
projetées par M. Pellin représentent, en leurs phase
successives : la diffraction par un petit écran; la for
mation d’un train d'ondes régulières par la réflexiol
sur un escalier; la réflexion d'une onde sphérique part
miroir plan; la réflexion par un miroir cylindrique ci
culaire ; deux cas de réflexion par un miroir demi-cir@l
laire ; la réflexion par un miroir elliptique complet Al
transformation d'une onde sphérique en onde plane pa
un miroir parabolique; la même transformation pk
une lentille pleine d'acide carbonique; la réflexion pa
une surface mamelonnée avec production d'ondes pat
géniques; le passage d'une onde à travers un réseal
la diffraction par un petit trou; deux cas de réfractio
par une surface plane; la réfraction par un prism
d'acide carbonique et par un prisme d'hydroyène. Le
clichés, mis en vente par la maison Newton et Gi
Londres, appartiennent au Laboratoire d'Enseigne me
de la Physique, à la Sorbonne.
Séance du 15 Février 1901.
M. P. Lemoult communique ses recherches sur
spectres d'absorption de quelques matières colorant
artilicielles, recherches entreprises dans l'espoir
trouver une caractéristique propre à chacune
1 Voir Philosophical Magazine, t. XLVIW, p. 218, août 189
et t. L, p. 148, juillet 4900; Mature, t. LXIT, p. 342, 9 aoû
1900 et Journal de Physique (3), t. VIL, p. 621 et Là
p.12.
ACADÉMIES ET SOCIÉTÉS SAVANTES
199
principales familles que forment ces substances. Il
Sest adressé d'abord aux colorants du triphénylmé-
CSIT*.AZH®
4 ne
OI C—C°H'.AzH* (ou OH)
NC
C°H5.AzH? (ou OH)
dans lequel la ou les substitutions azotées, situés en
“para du carbone central et qui donnent à la molécule
n caractère de colorant, sont appelées groupes auxo-
Chromes ; l'atome d'azote est dit, en outre, primaire
Suil est lié à deux atomes d'hydrogène, secondaire lors-
Qu'un des H est remplacé par un radical gras ou aroma-
tique et tertiaire lorsque les deux H sont remplacés par
es radicaux. Les autres substitutions qui peuvent être
effectuées sur les atomes d'H du noyau C°H* et qui n'ont
as d'influence sur le caractère colorant de la molécule
nt appelées groupements non significatifs. Pour
ndre possible les comparaisons, les spectres d'ab-
rption ont été observés sur des solutions d'une
lution constante (une molécule-gramme dans 1000 li-
tres d’eau) et sous une épaisseur invariable (6 mm.).
l'on examine les spectres ainsi obtenus pour les
divers colorants du triphénylméthane, on constate que
les uns comprennentune bande lumineuse relativement
étroite située dans la région du rouge, tandis que les
tres comprennent, outre. une bande de cette nature,
ane autre (allant du bleu au violet) qui occupe une
position variable avec chaque corps, et qui est, en
général, beaucoup plus large que la première. La
bande rouge apparait donc déjà comme un caractère
commun aux substances étudiées; mais de plus, ce
actère commun est le plus persistant de tous car, si
Von observe un même colorant, on constate que la
“position et l'étendue des bandes se modifient avec la
lution et l'épaisseur, mais que la bande rouge per-
ste alors que les autres ont disparu par suite d'une
lution moindre ou d’une épaisseur plus grande ; elle
onstitue donc un caractère de famille qui survit à
effacement des caractères individuels. Si, maintenant,
Non observe les divisions occupées par le milieu de ces
bandes rouges, on constate que, pour tous les colorants
possédant deux groupements auXochromes avec azote
tertiaire, le milieu occupe toujours la division 21 du
Spectroscope, tandis que pour les colorants à trois
groupements auxochromes tertiaires, le milieu de la
lande est toujours à la division 32, et cela quels que
Soient le nombre, la nature et la position des groupes
TAgLEau |. — Rapport du ménisque au ray
michel et Bayrac, d'après lui, s'explique très bien par
le fait que ces savants ont opéré sur des indophénols
ayant {ous un azote tertiaire. Si l’on prépare des
indophénols ayant, par exemple, un azote primaire, la
bande rouge devra probablement se déplacer. C'est ce
que M. Lemoult a observé. Tandis que pour les indo-
phénols à azote tertiaire de MM. Camichel et Bayrac, le
milieu de la bande rouge correspond à la division 7,5,
pour les indophénols à azote primaire de l’auteur, il
correspond à la division 16, Ainsi, dans une même
famille, les colorants qui n’ont pas la même bande
rouge diffèrent donc par un élément essentiel : la
nature ou le nombre de leurs groupes auxochromes
azotés. Ces faits peuvent s'exprimer ainsi: Les colo-
rants à spectre d'absorption discontinus présentent
à
une bande rouge dont le milieu est fixe (pour une
dilution moléculaire et une épaisseur invariable) tant
que la molécule ne se complique que de substances
non significatives, tandis que le milieu de cette bande
se déplace très sensiblement quand on modifie le
nombre des groupements auxochromes azotés tertiaires.
C'est ce qu'on pourrait appeler la loi des groupements
auxochromes azotés.
ACADÉMIE DES SCIENCES D'AMSTERDAM
Séance du 26 Janvier 1901.
10 SciENCES PHYSIQUES. — M. J.-D. van der Waals pré-
sente au nom de M. G. Bakker: Contribution a la théo-
rie des substances élastiques. L'auteur suppose que les
forces élastiques, qui ne se présentent que dans le cas
de très petites distances, dépendent de la fonction poten-
tielle'— fe —# r — 1, où r désigne la distance. Jl déduit les
relations 2U — 30 — (S,ES,—HS,), 2B—S,+S,—HES.,
où U, B, @ indiquent respectivement le viriel des forces
extérieures, celui des forces d'attraction moléculaires
et la pression thermique au point considéré, tandis que
S,, S., S, représentent les tensions moléculaires dans
les directions des axes principaux de pression. Ensuite,
il trouve que la différence des tensions par unité de
surface dans la direction des lignes de force et dans la
direction perpendiculaire est égale au triple du travail
nécessaire pour une raréfaction infinie de la substance,
augmentée du double du viriel des forces d'attraction
moléculaires. Enfin il s'occupe de la dilatation et
applique ses résultats à l’allongement d’un prisme, à
la dilatation d'un cylindre creux et d’une calotte sphé-
rique, au piézomètre d'Oersted. — M. H. Kamerlingh
Onnes présente au nom de M. J.-C. Schalkwijh : /so-
thermes de précision. 1. Mesures et calculs sur la cor-
on du tube dans un thermomètre à mercure.
R
en centimètres
0,05 0,1 0,15 0,2 0,25 0,3 0,35 0,4
0,05 0,00126 0, 00252 0, 0038 0, 00506 0,00637 0,00773 0,0091 0,0107
0,1 0, 00252 0,0050% 0,0076 0,0102 0,0128 0,0155 0,0183 0,0213
0,15 0, 00876 0, 0076 0,011% 2 0,01! 0,0192 1 0,02324 0,027 0,0318
0,2 0, 00505 0,0103 0,0155 0 ,0206 0, 0,0310 0,0366 0 ,0426
0,25 0,0065 + 0,0151 0,0196 + 0,0261 £ 0,0327 0,0393 0,0462 0,0536
0,3 0,0080 0,0159 0,0239 0,0320 0,0401 0,0566 0,0657
0,35 0,0093 £ 0,0188 0,0283 0,0384 0,0489 0,0700 0,0815
0,4% 0,0108 + 0,0218 0,0331 0,0453 0,0383 0,090
‘substituants non significatifs, A la suite d'observations
de MM. Camichel et Bayrac, qui ont étudié antérieure-
“ment le spectre d'absorption des matières colorantes
du groupe des indophénols, et annoncé qu'il renferme
ne bande rouge de position invariable, M. Lemoult a
repris l'étude de ces colorants. Le résultat de MM. Ca-
rection pour le volume du ménisque de mercure chez
les étalons de manomètre à gaz (suite, voir Rev. gén. d.
Se., t. XII, p. 151). L'auteur continue ses recherches
théoriques et expérimentales sur la forme de la courbe
méridienne de la surface de révolution du ménisque de
mercure ; il résume ses résultats sous forme de gra-
200
ACADÉMIES ET SOCIÉTÉS SAVANTES
phiques et dans le tableau I à double entrée, faisant con-
naître le volume du ménisque en cmc. quand on donne
le rayon R du tube capillaire en centimètres, et le quo-
tient à de la division de la flèche du ménisque par R.
Dans ce tableau, les volumes ne différant pas sensi-
blement de ceux des segments sphériques correspon-
dants sont imprimés en pelits caractères; les résultats
montrant une différence assez importante avec ce rap-
port ont été soulignés, et Les volumes imprimés en ila-
lique ont été obtenus à l’aide d’extrapolations. Dans le
cas R — 0,5, à — 0,14, l'auteur trouve 0,045, tandis que
le segment sphérique correspondant donne 0,0365;
ainsi la différence se monte à 23 °/,, tandis que les
fautes admises dans les isothermes de précision ne sur-
passent pas 3°, — M. H. W. Bakhuis Roozebonn pré-
TABLEAU IT,
CONCEN-
TRATION à LE Dane
en ÉRIUE Ke Li Ê (+ 245 2) Ap
000 a 1.863 |1,863 r0/| Po 2 ps me
H20
1,0107 |2,0897| 1.122 ECS 0,02036 0,02015
0,5056 |0,9892! 0,5310 0,5 0.009600 [0,00955%
0,2500 |0,4806! 0,2580 0,258 0.002657 [|0,004646
0,1250 0.2372| 0.1273 (URL 0.002295 |0,002292
0,0652 |0,1230! 0,06602 0.060605 0,001190 |0,001189
0.0285 |0.0532| 0.02856 0,02857 0,0005147 |0,005147
sente, au nom de M. A. Smits, deux mémoires: 1° Déter-
mination de la décroissance de la tension de vapeur de
la solution de Na à des températures élevées. Ce tra-
vail fait sule aux travaux antérieurs de l'auteur (voir
Rev. gen. “deuSc.,\t.X, p.887, Mt. "XI, p-1224, 1028):
20 Remarques sur les résultats de la détermination de
la décroissance de la tension de vapeur et de l'abaisse-
ment de la température de congélation de solutions pas
trop diluces. A l'aide de la théorie du potentiel thermo-
dynamique, M. J.-J. van Laar a développé (Zeritschr.
[. physik. Chemie, t. XV, p. 457, 1894) des formules
très exactes pour la décroissance de la tension de
Tagceau II.
CONCEN-
nel ac |Ar /, A:\lAp 1/Ap\! 4p
MAP & + lee ) E( 2) [!
1.000 œr. : ES ASE Po
120
1,0000 |3,1237| 1,538 1,8610 0,03353 |0,03297
0,887 |1.6154| 0,8993 0,9048 0,016: 0,01617
0,2393 |0,8211| 0,4407 0 ,4420 0,007962 |0,007930
0,1179 |0,4071| 0,2188 0,2191 0,003947 |0,003939
0,05829 |0.2073| 0,1113 0,111% 0,002007 |0,002005
vapeur et l’abaissement du point de congélation. Il
trouva :
log ——f—Tloge, AT = To—T—
où p, et p désignent la tension de vapeur du milieu
solvant et de la solution, tandis que €, f, +, &, R, S
indiquent respectivement la concentration, une cons-
tante qui disparaît pour des solutions très diluées, les
températures d'ébullition de la solution et du milieu
solvant, une constante et la chaleur moléculaire de
fusion du milieu solvant. L'auteur, en négligeant les
puissances supérieures à la seconde, en déduit par
combinaison, pour le cas de l’eau comme miliéu sol-
vant : 3
Ap , 1/Ap\° 18,016 As
Po ü 5(2) mnt ax(1 ] =).
Ainsi, il trouve à l’aide des déterminations du point de
congélation de M. Raoult (Zeitsch. f. physik. Chen,
t. XXVII. p. 638) sur le sucre de canne, le tableau IH
Les résultats de ce tableau correspondent assez bieïh
avec ceux obtenus par l’auteur, les déviations ne sur
passant pas 21 pour mille. Dans le cas de NacCl, les dé
terminations de M. Raoult donnent le tableau III. À
contraire, les résultats de ce tableau ne s'accordent
nullement avec ceux de l’auteur, les dévialions mon:
taut de 56 à 136 pour mille, quand la concentration
diminue de 1 à 0,05829. La valeur de Ap de M. Raoul
surpasse toujours celle de M. Smits. L'auteur croil
que M. Raoull a commis une erreur, déjà accusée par
Ap N 11
décroissance de la quantité 1 —--.-—,où — repré
3 N + n
sente la concentration.
20 SCIENCES NATURELLES. — M. F,. À. F. C. Went : Sun
l'influence de la nutrition sur la sécrétion des enzymes
par Mouilia sitophila (Mont) sace. Le champigno
Monilia Ssitophila est employé dans l’île de Java pou
faire fermenter de petits gâteaux de graines d'Ara®
chides. Il a une couleur orange très prononcée, lors®
qu'il se développe à la lumière; dans l'obscurité, il resté
blanc. Ce sont les rayons bleus et violets qui exercent
cette influence sur la production du pigment; ur
éclairage d'un quart d'heure suffit pour faire appa
raître, quelques heures après, une couleur rose. [/ali=
ment carboné du champignon peut être très varié
quoique les hydrates de carbone et particulièrement
le raffinose, le maltose, l’amidon, la dextrine, la cellu:
lose soient préférables. Comme aliment azoté, on peut
choisir les peptones aussi bien que les amides et les
sels inorganiques (sels ammoniacaux, nitrates, nitrites).
Le Wonilia vit assez bien sans oxyyène libre en produt-
sant de l’alcoolet de l'acide carbonique. Le champignot
secrète des enzymes : 1° une /ipase, qui saponifie les
corps gras (en conséquence le lait se caille lorsqu'on y
cultive le Monilia) : 2 une {rypsine, qui attaque les ma=
tières albuminoïdes, les peptones, la gélatine, mais qui
n'est sécrétée que lorsqu'une de ces substances se
trouve dans le liquide nutritit ; 3° probablement une
tyrosinase, parce que les milieux contenant des ma=
tières albuminoïdes, ou des peptones, ou de la tyrosine
sont colorés en brun par le champiguon ; # une znver=
tase, qui intervertit le sucre de canne et est sécrélée
dans des conditions de nutrition très diverses; ñ° un
enzyme amylolytique (ou bien deux), qui change l'ami-
don en (/-glucose avec l'intermédiaire d'une dextrine
(plus tard le glucose est transformée en alcool, tandis
qu'il se produit aussi une quantité d'éthers); 6° une
eylase altaquant la cellulose ; 7° un enzyme qui hydro=
lyse le maltose et qui est désigné par le nom de m»a1t0*
glucase. Cette maltoglucase n'est sécrétée que lorsque
l'aliment du champignon est hydrocarboné, ou bien
quand il contient des corps albuminoïdes, ce qui
s'explique par l'influence d'un reste hydrocarboné de
ces substances. La sécrétion est très différente pour les
divers hydrates de carbone, les plus efficaces étant le
raffinose et le maltose, puis l’amidon, la cellulose et
enfin le galactose, le xylose, le glycogène, le sucre de
canne ; le maltose doit être un terme intermédiaire de la
transformation. Les quantités de maltoglucase sécrétées
croissent avec la quantité de raffinose dans les liquides,
jusqu’à une limite (environ 10 °/, de raffinose) ; en dé=
passant cette limite, la quantité d'enzyme diminue. La
pression osmotique du liquide n’influe pas sur le phé=
nomène. En général la quantité de maltoglucase monte
avec le développement du mycélium du champignon
Les faits sont en désaccord avec l'opinion générales
ment admise que la sécrétion d'un enzyme soit preuve
de la faim des cellules. P. H. Scoure.
{
Le Directeur-Gérant : Louis OLIviEr.
Paris. — L. MARETUEUX, imprimeur, 1, rue Cassette,
INPES
15 MARS 1901
DIRECTEUR :
pures el appliquées
LOUIS OLIVIER, Docteur ès sciences.
Revue générale
“> 9 “Un
Adresser tout ce qui concerne la rédaction à M. L. OLIVIER, 22, rue du Général-Foy, Paris. — La reproduction et la traduction des œuvres et des travaux
publiés dans la Revue sont complètement interdites en France et dans tous les pays étrangers, y compris la Suède, la Norvège et la Hollande.
$ 1. — Mathématiques
Une nouvelle propriété de la Sphère. Les
Surfaces pseudo-sphériques et la Géométrie
non euclidienne. — De récents travaux viennent
te mettre une fois de plus en lumière la différence qui
xiste entre les théorèmes que l’on peut énoncer sur
ne portion de surface, et ceux qu'on peut énoncer sur
les surfaces entières.
C’est ainsi que l’un des résultats les plus importants
la Théorie générale des Surfaces est le suivant : Une
rface étant donnée, il en existe une infinie variété
d'autres qui sont applicables sur la première, c’est-
ä-dire qui lui correspondent de manière qu'une ligne
quelconque tracée sur l’une de ces surfaces ait même
longueur que la ligne homologue tracée sur la surface
donnée. Pour trouver une de ces surfaces, il suffit de
houver une solution quelconque (à certains cas excep-
tionnels près) d'une certaine équation aux dérivées
Jartielles.
\ Par exemple, il existe une infinité de surfaces appli-
Gables sur la sphère; ce qui revient à dire qu'il existe
ine infinité de surfaces ayant leur courbure totale
constante.
» Mais il faut se garder de donner à ces théorèmes une
Signification qu'ils n'ont pas. Leur sens est celui-ci :
Une portion suffisamment restreinte quelconque d'une
Surface quelconque étant donnée, il existe d'autres
portions de surface applicables sur la première.
Supposons, au contraire, qu'il s'agisse de surfaces
lières : alors les conclusions peuvent changer du tout
tout. C'est ainsi que l'on a les propositions sui-
La sphère est la seule surface YERMÉE ET SANS SINGU-
RITÉS qui Soit à courbure constante positive;
Lln'existe aucune surface fermée et sans singularités
Qui soit applicable sur une sphère, sans lui être égale ;
propositions qui résultent des travaux de MM. Min-
owski, Liebmann, Hilbert, auxquels nous faisions
lusion en commencant.
. IL est même probable que, conformément à une vue
déjà ancienne de Minding, et par analogie avec ce qui
passe pour les polyèdres convexes d'après un théo-
ème connu de Cauchy, le théorème de l’indéforma-
REVUE GÉNÉRALE DES SCIENCES, 1901.
CHRONIQUE ET CORRESPONDANCE
bilité de la sphère s'étend à toute surface fermée et
convexe. En tout cas, celte conclusion est d'ores et
déjà établie pour une déformation infiniment petite.
De même, si l'on cherche à déterminer une surface
en se donnant, en fonction des cosinus directeurs de
la normale, la courbure totale ou la courbure moyenne,
on est conduit à une équation aux dérivées partielles
aisée à former : il semble donc qu'on ait une infinité
de solutions, dépendant de fonctions arbitraires. C'est
bien ce qui a lieu pour des portions de surfaces, mais
non pour des surfaces entières. Dans le cas de sur-
faces fermées convexes, sans qu'il soit encore établi que
la solution (si elle existe) est unique, on est déjà
assuré que les solutions sont isolées, c'est-à-dire que,
l’une d'elles étant donnée, il n’en existe pas d'autre
infiniment voisine de la première.
Enfin,.le même ordre de recherches a conduit
M. Hilbert à la solution d’une question qui intéresse
tout particulièrement l'histoire et les principes de la
Géométrie. On sait que le procédé employé pour démon-
trer en toute rigueur que la Géométrie non euclidienne
né conduit à aucune contradiction consiste à réaliser
cette géométrie par un changement convenable
«pporté aux conditions dans lesquelles se place la Géo-
métrie ordinaire. On avait cru tout d'abord arriver au
but en remplacant le plan par une autre surface, la
pseudosphère de Beltrami, laquelle est à courbure
constante négative. Il n’en était rien : la pseudosphère,
qui présente une ligne singulière, ne pouvait être uti-
lisée que dans une région limitée à cette ligne et, par
conséquent, ne pouvait représenter qu'une partie du
plan non euclidien.
Depuis, on a obtenu la démonstration demandée en
remontant plus haut, en modifiant la définition même
de la longueur d'une ligne. Mais il restait à savoir si
la voie primitivement suivie permettrait de parvenir
au même résultat, en remplacant la pseudosphère de
Beltrami par une autre surface, également à courbure
nésative, mais dépourvue de singularités.
La question vient d'être résolue par la négative : une
telle surface ne peut exister.
Nous ne pouvons parler ici des raisonnements par
lesquels ces différents théorèmes ont été établis. Disons
seulement qu'ils nous montrent combien la rigueur et :
5
202
CHRONIQUE ET CORRESPONDANCE
la généralité qu'on a introduites en Analyse dans ce
siècle sont loin d'être des conquêtes stériles.
Ainsi les démonstrations de M. Liebmann reposent
toutes sur l'introduction d'une certaine surface auxi-
liaire et sur la forme qu'affecte cette surface en un
quelconque de ses points. Si cette surface était partout
régulière, les raisonnements tiendraient en quelques
lignes. Mais il n'en est pas ainsi : la surface en ques-
tion a toujours des points singuliers. Il faut donc dis-
cuter ces points et constater en toute rigueur que leur
présence ne change pas les conclusions que l’on a en
vue.
De même. le raisonnement par lequel M. Hilbert
démontre l'impossibilité d'une surface pseudosphéri-
que partout régulière exige que la surface soit rappor-
tée à ses lignes asymptotiques et que l'on discute si,
dans les conditions où l’on se place, le choix de ce
genre de coordonnées est légitime.
$ 2. — Astronomie
La Comète Giacobini (1900, c). — La dernière
comète de l'année 1900 a été découverte le 20 décembre
dernier, à l'Observatoire de Nice, par M. Giacobini, à
l'aide de l’équatorial coudé de cet observatoire.
Les observations se succédèrent tant à Nice qu'à
Alger, par MM. Rambaud et Sy, à l’équatorial coudé de
0%,318 d'ouverture, et à Besançon, par M. P. Chofardet à
l'équatorial coudé.
Ces différentes observations n'ont pas encore permis
de pousser beaucoup plus avant la connaissance de
l'orbite, dont les éléments paraboliques ont été tout
d'abord calculés par MM. Kreutz et Müller (de Kiel),
puis, plus tard, par M. Campbell, de Mont-Hamilton.
Le directeur des Astronomische Nachrichten pense
que cette comète peut présenter un très réel intérêt,
en raison de son mouvement direct et de la valeur de
certains de ses éléments qui la rapprochent d'une classe
curieuse de comètes dont le nombre s’accroit de jour
en jour.
C'est également l'avis de M. Perrotin; nous serons
d'ailleurs bientôt édifiés sur ce point, si l’astre nouveau,
dont l'éclat va s’affaiblissant, peut néanmoins être
suivi assez longtemps pour permettre la détermination
d'éléments ayant pour base un arc de courbe de quelque
étendue.
La queue de la comète s'étend en forme de panache
dans un angle de position voisine de 45° et mesure de
deux à trois minutes d'arc de longueur dans la lunette
du grand équatorial de Nice; la nébulosité de la tête,
régulièrement arrondie, entoure un noyau bien carac-
térisé, de 11° grandeur environ.
Cette découverte intéressante fait le plus grand hon-
neur à M. Giacobini, qui, d'ailleurs, en récompense de
ses importants travaux, vient de se voir décerner le
Prix Lalande à l'Académie des Sciences.
S 3. — Génie civil
La Locomotive moderne et son avenir. —
A la dernière réunion de la Société d'Encouragement
pour l'Industrie nationale, M. Sauvage, le savant ingé-
nieur des Chemins de fer de l'Ouest, a traité, devant
un auditoire d'élite, la question des locomotives, qu'il
connait si bien. Les principaux traits de sa conférence
si substantielle ont été les suivants :
La machine locomotive joue un rôle considérable au
point de vue social, et ses progrès, comme vitesse el
comme puissance, ont provoqué une véritable révolution
dans la vie moderne. La construction et la conduite de
toutes les locomotives existantes occupent plus d’un
million de personnes. Il esttrès difficile d'établir le prix
de revient réel d'une machine en service. On le rap-
porte généralement à la tonne kilométrique trans-
portée ou au voyageur transporté à 1 kilomètre, et on
S'apercoit ainsi que l’on n'a pas intérêt à ménager
outre mesure les organes du cheval de fer pour pro-
longer son existence, d'autant plus que les besoins
satisfaire se modifient très vite. Il n'y a pas à propre
ment parler, depuis l’origine des chemins de fer, de gr
changements dans les dispositions essentielles di
machines; la distribution se fait toujours par tiro
plan, et le changement de marche au moyen de la cow
lisse, C'est sur une multitude d’autres points, qu
paraissaient secondaires au début, que se sont port
les perfectionnements, et chacun d'eux, résultat d’études
constantes aussi bien en théorie qu’en. pratique
est venu très utilement contribuer à améliorer Je
rendement. Ceci prouve, en passant, que l’établisseme
des principes fondamentaux ne suffit pas pour le déve
loppement d'une grande invention telle que la machine
locomotive, et que les multiples ingénieurs qui, tous
les jours, s appliquent à l'étude d’un détail sont loin de
faire œuvre vaine.
En réalité, il n'existe pas de locomotives à très
grande vitesse, car il faut toujours tenir compte du
tonnage qu'one machine doit remorquer, tonnage qui
dépend de l’adhérence et, par conséquent, du poids
même de cette machine. C'est donc une erreur de cher
cher à augmenter outre mesure le diamètre des roues:
Aussi, même dans les machines à grande vitesse, les
dimensions des roues motrices sont limitées à 2 mètres
de diamètre. Pour l'étude générale de la machine, il
semble qu'on puisse passer successivement en revue la
chaudière, qui produit la vapeur, le mécanisme, qui
utilise cette vapeur, et le châssis, qui supporte le tout, et
repose sur les roues. Mais il ne faut pas oublier que la
locomotive doit être une, et que l'ingénieur qui la cons
truit fait toujours intervenir simultanément les (rois
questions, pour que les liaisons entre les différents
organes ne risquent jamais d'être défectueuses.
On regrellait beaucoup, il y a vingt ans, que les
anciens ingénieurs des chemins de fer se soient limités
au chiffre fatidique de 1"44 pour l’écartement normal
de la voie, et qu'ils n'aient pas eu l’idée d'adopter
quelques centimètres de plus, ce qui aurait facilité les
efforts des ingénieurs actuels, obligés d'augmenter Ja
puissance des machines. On avait certaizsement tort
de penser ainsi, car le chemin parcouru depuis cette
date est considérable, bien que le chiffre de 1244 sub=
siste toujours; du reste, celui qui fait l'étude d'une
locomotive n’est pas seulement gêné par le faible écar.
tement de la voie, car le poids des différents organes
réparti sur chaque essieu ne doit pas dépasser la limite
de résistance imposée pour le rail.
Les chaudières, toujourstubulaires,ne sont plus forcé
ment comprises entre l'écartement des roues. On les
dispose carrément au-dessus : on ne craint plus de
relever ainsi le centre de gravité dans une certaine pro
portion, et on y trouve même l'avantage d'un certain
balancement qui alténue les chocs trop violents. Au
fur et à mesure que la chaudière s'élève, la hauteur de
la cheminée diminue, et mème elle disparaît presque
dans les machines anglaises, en raison du gabarit très
limité des voies. Parmi les locomotives à vaporisation
puissante, presque toutes en usage maintenant, il con=
vient de citer la machine Mallet, de la Compagnie de
l'Est, à qui revient l'honneur d'avoir marqué la pre
mière cette évolution dans l'histoire des chemins de
fer. Les tubes qui puisent les calories des gaz du foyers
et les transmettent à l’eau qui entoure leur surface
extérieure dans la chaudière, ont diminué en nombre
et augmenté en diamètre. De plus en plus se répand
l'usage des tubes Serve, c'est-à-dire de tubes munis
l'intérieur d'ailettes qui multiplient la surface du métal
en contact avec les gaz, sans modifier celle qui est baï
gnée par l'eau. Avec les pressions plus élevées, aux
quelles on produit la vapeur, les foyers sont devenus
plas épais ; ce qui est très curieux, c'est la teudance em
Europe à conserver les foyers en cuivre, tandis qu'en
Amérique on n'emploie que des foyers en acier. Ges
derniers présentent évidemment l'avantage d'un poids.
moindre, et d'un prix moins élevé. Mais leur faible
épaisseur parait un peu risquée. |
ÿ
4
%
#
é
CHRONIQUE ET CORRESPONDANCE
203
A côté des deux cylindres recevant alternativement
Ja vapeur de la chaudière, on a essayé le système com-
pouud, d'abord avec 2 cylindres seulement, puis avec
3 cylindres, et enfin on s’est arrêté à la solution symé-
trique des # cylindres, 2 à basse pression, 2 à haute
“pression, qui présente naturellement l'avantage d'un
meilleur équilibrage pendant le mouvement. Des tiroirs
cylindriques remplacent quelquefois les tiroirs plans de
la distribution.
Enfin, le châssis se fait différemment en Europe et en
Amérique. Un assemblage de longerons el d'entretoises
remplace ici le cadre simple en fer forgé qui seul est
employé de l’autre côté de l'Atlantique. Il faudrait des
“expériences pratiques comparatives, c'est-à-dire basées
sur des conditions identiques de travail, pour établir
quel est le système le plus durable. Les roues servent
d'intermédiaires entre le châssis et la voie, etc'est sur-
tout dans leur disposition, et en vue de la douceur du
roulement, que les modificalions les plus importantes
ont été apportées ces dernières années. D'abord, pour
augmenter l'adhérence de la machine, on accouple
2, 3,4 et mème 5 essieux. Quelques solutions compor-
“tent 2 essieux moteurs, permeltant de constituer des
‘accouplements partiels. Mais ce qui caractérise surtout
la machine moderne, c'est l'adoption à peu près géné-
rale du boggqie, qui répartit uniformément le poids anté-
nieur sur les deux rails,et évite les ripages Gont les
effets peuvent être si dangereux. Les idées se sont bien
modifiées au sujet du boggie. On considérait cet organe,
à l’origine, comme devant servir exclusivement sur les
lignes secondaires à courbes prononcées, en raison de
la facilité évidemment réelle avec laquelle sa faible lon-
gueur lui permet dé s'encadrer dans un arc de petit
rayon. Il se trouve précisément aujourd'hui que c'est
sur les grandeslignes à profil très largement étudié, que
le boggie. présente le plus d'intérêt, et c’est à lui sur-
tout que l’on est redevable de la sécurité qui permet
d'aborder les grandes vitesses actuelles.
Quel est l'avenir réservé à la locomotive ? Son moteur
à vapeur sera-t-il remplacé à courte échéance par la
réceplrice électrique, comme nous en voyons déjà
quelques exemples ? Certes on peut prévoir, au moins
dans l’état actuel de nos connaissances, que les loco-
molives à vapeur ne sont pas près de disparaitre, et que
la question du prix de revient empêchera encore long-
temps de généraliser l'application si intéressante de
l'électricité, qui a déjà été faite pour la traction des tram-
- ways et le remorquage de convois lourdsdans des con-
ditions limitées de vitesse. A cepropos,oncroit souvent
à tort que l'électricité fournie par les chutes d'eau ne
- coûte rien. La chute, en effet, telle qu'elle se montre
aux yeux du touriste, représente une puissance dont la
valeur n’est pas utilisée, et qui se perd. Il en est d’elle
comme de la houille enfouie à quelques centaines de
mètres au-dessous du sol. Mais, s'il faut aménager cette
chute pour en tirer parti, de même que l’on extrait la
houille à grands renforts de travaux, la dépense devient
très réelle,et même considérable, et la seule différence,
au point de vue de l'exploitation, entre l'utilisation
d'une chute d'eau et l'emploi du charbon, est que dans
le premier cas les frais de premier établissement sont
très élevés, et ceux d'entretien beaucoup plus réduits.
La locomotive à vapeur a donc encore de beaux jours,
et on trouvera le temps de la perfectionner davantage.
Une centaine de projections, fort bien choisies, sont
venues ajouter un attrait de plus à la conférence de
M. Sauvage. On a beaucoup remarqué celles qui mon-
traient les différents âges, si dissemblables, de la loco-
motive américaine, comme aussiles vues se rapportant
au record européen de la rapidité de montage d'une
locomotive, record tenu il ya quelque temps par les
ateliers d'Epernay, où en moins d’une semaine une ma-
chine fut complètement montée, équipée, et mise en
service. Cette précision et cette rapidité extraordinaire
de montage font particulièrement honneur à M. Dejean,
. l'habile ingénieur de ces usines de la Compagnie de
l'Est.
Le Gaz à l'eau et ses applications. — Ces
jours derniers, notre collaborateur M. Emile Demenge
a fait, devant la Société de l'Industrie Minérale, une
conférence fort documentée sur le gaz à l'eau et sur
ses principales applications dans l’industrie. Comme la
question du gaz à l’eau est à l’ordre du jour et que l'on
en parle, non seulement comme moyen de chauffage
dans les usines, mais encore et surtout comme un pro-
cédé d'éclairage pouvant apporter un contingent utile
aux anciens appareils producteurs de gaz de houille,
nous croyons utile de signaler à nos lecteurs quelques
points de cette conférence, nous réservant de les entre-
tenir plus longuement de la question dans un article
de fonds que nous prépare notre collaborateur.
Le gaz à l’eau est constitué par un mélange de deux
gaz combustibles : l'oxyde de carbone et l'hydrogène,
et caractérisé par l'absence de tout gaz inerte, tel que
l'azote. Son pouvoir calorifique est d'environ 2.800 calo-
ries par mèlre cube. Sa température de combustion
dans l'air froid, en tenant compte de la variation très
sensible des chaleurs spécifiques des corps aux tempé-
ratures élevées, est de 2030°; tandis qu'avec le gaz Sie-
mens ordinaire cette température, calculée dans les
mêmes conditions, ne s'élève qu’à 1500v1,
Pour produire le gaz à l’eau, les opérations sont inter-
miltentes.
Dans une première période, on porte à l'incandes-
cence, par insufflation d'air, une certaine masse de
combustible, et, pendant la seconde période, on fait
passer au travers de celte masse incandescente un
courant de vapeur d'eau, laquelle est décomposée
d'après la formule : H°0 + C = CO + H°, en absorbant
progressivement les calories emmagasinées dans le
combustible. 11 faut donc, au bout d’un certain temps,
arrèter le passage de la vapeur et ramener, par un
nouveau soufflage d'air, l'incandescence dans le com-
bustible.
Daus la plupart des procédés, on s'attache, pendant
la période de soufflage d'air, à obtenir l'incandescence
tout en produisant une combustion incomplète. Les
gaz sortant de l'appareil contiennent une certaine quan-
üté d'oxyde de carbone et sont utilisés postérieure-
ment à des chauffages quelconques, soit à la produc-
tion de la vapeur d'eau, soit à son surchauffage. Dans
ce dernier cas, on leur fait traverser une chambre gar-
nie de briques placée à la suite du gazogène, et dans
laquelle de l'air supplémentaire est introduit pour com-
pléter la combustion. Pendant la deuxième période, la
vapeur est obligée de passer par cette chambre avant
d'être introduite dans le gazogène.
Un seul procédé suit une tout autre voie pendant la
période de soufflage, et les résultats qu'il donne sont
si remarquables que la méthode mérite une mention
particulière. C’est un ingénieur suédois, M. Dellwik,
qui a imaginé, à l'encontre des idées acquises, de pro-
duire immédiatement dans le gazogène une combus-
tion complète. Il arrive à transformer tout de suite
le carbone en acide carbonique, en réglant convena-
blement les proportions relatives du coke enfourné et
de l'air insufflé. On comprend très bien, même sans
avoir recours au calcul des calories, qu'on développe
ainsi au ceutre de la masse du coke une chaleur infini-
ment plus vive,etque, parsuite, on oblient beaucoup plus
rapidement l'incandescence, en donnant de plus, pour
ainsi dire, à cette incandescence une plus grande inten-
sité. Deux conséquences importantes s’en déduisent :
1° La période de soufflage d'air est extrêmement plus
réduite qu'avec les autres procédés (1 minute 1/2 au
lieu de 8 à 10 minutes);
20 La période de dégagement du gaz à l’eau, qui cor-
respond au passage de la vapeur, dure beaucoup plus
longtemps qu'avec les autres procédés (de 8 à 12 mi-
nutes au lieu de 3 à 5 minutes).
La conclusion est qu'avec le procédé Dellwik, on
RME" 2 RE
1 Voir l'ouvrage de M. Dawour : Le Chauffage Industriel
et les Fours à gaz, 1898.
204 CHRONIQUE ET CORRESPONDANCE
produit 2, 3 mètres cubes de gaz à l'eau par kilo de
carbone brûlé, en employant un bon coke sec conte-
nant jusqu'à 10 °/, de cendres, et ayant au moins la
grosseur du poing.
Le pouvoir calorifique moyen du gaz à l'eau obtenu
pratiquement étant de 2.550 calories par mètre cube, et
1 kilo de carbone développant au maximum 8.080 calo-
ries, le rendement de l'appareil s'elève donc à :
2 9.83
ARRET EN TEE
8.080
la vapeur totale, consommée par mètre cube de gaz à
l'eau produit, se tenant, d'autre part, entre Ok. 80 et
1 kilog.
Ainsi, au lieu de rechercher la combustion complète
en deux fois, à l’aide d'abord d'un gazogène, puis d’un
régénérateur, le procédé Dellwik l’obtient complète
immédiatement; les pertes par rayonnement sont
moindres et l'appareil est beaucoup plus simple, ce qui
est très appréciable aux points de vue de la construc-
tion, de l'encombrement et de l'entretien.
Le gaz à l'eau a des applications multiples, car il
convient très bien au chauffage, à la production de la
force motrice et à l'éclairage :
41° Grâce à la flamme pure, réductrice et très chaude,
que donne sa combustion, on emploie déjà beaucoup
le gaz à l'eau pour le réchauffage des métaux facile-
ment oxydables, pour le soudage des centres de roues,
des tubes en acier de gros diamètre, et des pièces de
chaudronnerie de toutes sortes, etc. Dans les ateliers
modernes de construction, le gaz à l’eau sert au chauf-
fage des rivets et alimente les nombreux feux de
forges. Dans les fabriques d’accumulateurs, il donne
un moyen très efficace pour faire les soudures au
plomb; dans les grandes aciéries, il est utilisé au
chauffage des fours à sole et des fours à creusets et
permet de simplifier considérablement la construction
et la marche de ces fours. Il en est de même en verrerie,
en céramique, et dans les fabriques de produits chimi-
ques. En ua mot, son emploi se répand de plus en
plus, et l'on compte déjà plus de 40 installations
Dellwik en Suède, en Allemagne et en Angleterre *;
20 En ce qui concerne la force motrice, le gaz à l'eau,
ne donnant à la combustion aucun résidu, présente un
avantage très appréciable pour l'alimentation des mo-
teurs. Une consommation de 4 mètre cube suftit
pour produire un cheval-heure effectif ;
30 Enfin, pour l’éclairage, le gaz à l’eau, qui n'a pas
de pouvoir éclairant par lui-même, peut être employé,
soit à l’état pur sous des becs à incandescence, soit à
l'état de mélange avec le gaz d'éclairage dans la pro-
portion de 25 à 30 °/,, et, dans ce dernier cas, on res-
titue au mélange son pouvoir éclairant normal par une
recarburation à l’aide du benzol.
$ 4. — Chimie
L’Analyse des Sucres.— Nos lecteurs savent
que M. Duclaux a organisé à l’Institut Pasteur, sous la
direction de M. Trillat, une série de conférences desti-
nées surtout à instruire les jeunes chimistes qui fré-
quentent le laboratoire d'Analyse et de Chimie appli-
quées.
Le 13 février, M. Lindet, professeur à l’Institut
National Agronomique, à fait une conférence sur l'ana-
1yse des sucres, à laquelle avaient été conviés les spécia-
listes qui s'occupent de la question. M. Lindet a montré
tout d'abord que les sucres, dont le chimiste adminis-
tratif, industriel ou commercial, doit se préoccuper, sont
peu nombreux. Ils présentent des propriétés communes,
quelquefois avec des intensités semblables, quelque-
3 Rapport de M. Derzwix à l’Jron and Stœl Institute,
Mai 1900. Ouvrage de M. Drcke : Dellwik-leischers Was-
sergas System und seine Anwendungen. Frankfurt à M.
Juillet 1899.
fois avec des intensités différentes. Ces dernières sont
les seules que le chimiste puisse utiliser dans lan
recherche des sucres; elles sont au nombre de deux,
le pouvoir rotatoire et le pouvoir réducteur vis-à-vis dem
solutions alcalines de cuivre; mais chacune d'elle
se dédouble, du fait de la transformation ou inver=
sion des sucres par le chauffage en présence des
acides.
Le conférencier, après avoir indiqué.les procédés dem
défécation au sous-acétate de plomb et au sulfate de
bioxyde de mercure, a exposé ces deux propriété fon-
damentales des sucres, montré qu'elles varient d'un
sucre à l’autre, et fait voir comment on peut profiter
de ces variations pour doser chacun d'eux. Puis il à
discuté les procédés dits d'inversion. Il a terminé l'en
tretien en donnant quelques exemples de calculs
appliqués à l'analyse des mélanges de saccharose, de
maltose, de dextrose et lévulose, aux mélanges de dex=
trine et de maltose, de dextrine et de dextrose.
M. Lindet s'est préoccupé surtout non pas de dis-
cuter les nombreux résultats obtenus par différents pro-
cédés, résultats souvent contradictoires, mais de
donner aux jeunes chimistes du laboratoire, qui devien-
dront bientôt des praticiens, une méthode simple et
débarrassée de petits procédés accessoires qui ralen-
tiraient son exécution et ne la rendraient pas plus
exacte.
$ 5. — Zoologie
Hermaphrodisme et Parthénogénèse chez
les Nématodes. — On sait que les Nématodes, qui
comptent environ 4.600 espèces, ont presque toujours
les sexes séparés, sauf quelques rares exceptions. Mau-
pas vient de publier un travail des plus intéressants ?,
aussi rempli d'idées que rigoureux dans l'observation,
dans lequel il étudie spécialement l’hermaphrodisme
et la parthénogénèse des Nématodes. A la liste des
18 espèces chez lesquelles on ne connaît pas de mâles,
Maupas ajoute encore 16 espèces; sur ces 35 espèces, .
25 sont hermaphrodites et 9 parthénogénétiques, et il
est probable, vu la grande quantité d'espèces chez
lesquelles les mâles sont inconnus, que ces nombres
s’accroitront beaucoup dans la suite. Par leur morpho-
logie et leur biologie, ces Nématodes unisexués ne se
distinguent en rien de leurs congénères à deux sexes
séparés; tous, ovo-vivipares ou ovipares, se présentent
avec l'aspect général et la conformation ordinaire des
femelles ; la modification s'est donc produite unique-
ment sur l'organe génital, qui n'est d'ailleurs modifié
que dans son fonctionnement.
Chez les espèces hermaphrodites, l'organe génital,
arrivant à maturité, commence d'abord par fonctionner
comme testicule et produit une certaine quantité de
sperme, emmagasiné dans un appendice de l'utérus,
jouant le rôle de réceptacle séminal. Puis les œufs se
développent, et lorsqu'ils sortent de l'ovaire pour se
rendre dans l'utérus, ils traversent la poche à sperma-
tozoïdes et sont fécondés. Il y a donc hermaphrodisme
protandrique et fécondation autogamique dans le sens
le plus strict du mot, toute fécondation croisée étant
interdite à ces Nématodes. Mais il y a un défaut d'har-
monie manifeste entre l’activité masculine et Pactivité
féminine de ces hermaphrodites, puisque, quand le
stock de spermatozoïdes est épuisé (entre 200 et 250 œufs
fécondés), la femelle continue à pondre au moins
:00 œufs, qui ne sont plus fécondés et se désorganisent
rapidement ; cet état est donc défavorable à l'espèce et
ne peut pas être une adaptation saisie et fixée par la
sélection naturelle .
Mais les mâles ne sont pas complètement absents; ils
sont seulement très rares; pour 10.000 femelles de
Rhabditis Viquieri, il y a 450 mâles; pour le même
nombre de femelles de Diplogaster robustus, ily à seu-
lement un mâle: d'autres espèces présentent des étages
! Modes et formes de reproduction des Nématodes (Arch.
Zool. exp., 3° série, t. VIII, 4900, p. 463). :
- intermédiaires entre ces deux extrêmes; ces mâles
rarissimes sont d'ailleurs parfaitement normaux au
“point de vue structural, et leur spermatozoïdes sont
identiques à ceux de leurs femelles hermaphrodites.
Mais ils ont perdu à peu près totalement tout instinct
… ettout appétit sexuel; ils ne s'occupent pas plus des
femelles que si elles étaient des corps inertes, fait
… d'autant plus singulier que, chez les espèces dioïques
normales, les mâles sont très ardents a la recherche
- des femelles, et ces dernières absolument passives.
Maupas explique cette décadence psychique par la non
transmission héréditaire de l'instinct copulateur mâle,
puisque les quelques mäles qui réapparaissent acci-
dentellement ne prennent plus part à la procréation
des générations successives.
. On assiste donc chez les Nématodes à une élimina-
tion progressive du sexe mâle; chez Rhabditis Viqureri,
il existe un mélange de mâles purs, de femelles pures
(1/5 des femelles), et de-femelles hermaphrodites (les
4/5 des femelles), qui tous trois ont leurs facultés gén6-
-siques intégrales ; à l’autre extrémité de la série, les
mâles sont seulement des témoins de l’ancienne dioi-
cité; ils ne jouent littéralement aucun rôle et méritent
bien, comme les mäles complémeutaires des Saccu-
lines, la dénomination de mäles ataviques. L'herma-
phrodisme s'est développé uniquement sur la forme
- féminine des espèces, comme le prouve l'étude des
organes génilaux, qui affectent toujours la disposition
typique des femelles et jamais celle des mäles, con-
clusion qui s'accorde avec ce que l’on sait pour les
Crustacés, Poissons et Mollusques hermaphrodites; il
semble qu'il y ait là une loi générale et que l'état
bisexué de la glande génitale ne trouve un terrain favo-
rable à son développement que chez les individus ayant
déjà subi uue différenciation sexuelle somatique dans
le sens femelle. Cependant l’hermaphrodisme du type
mäle n'est pas impossible à rencontrer; plusieurs
auteurs, et Maupas pour Æhabditis elegans, en ont décrit,
des cas, mais toujours à l’état d'anomalies isolées.
Enfin, cette production successive de spermatozoïdes
et d'ovules dans l'ovaire de ces Nématodes, la produc-
tion d’ovules chez des mâles anormaux de Nématodes,
Crustacés, Batraciens et Echinodermes, tout cela prouve
une fois de plus l'identité des cellules germinales mâles
et femelles; chaque cellule génitale possède en puis-
sance les deux tendances sexuelles, ou, plus exactement,
chacune d'elles est neutre et attend la circonstance
déterminante qui la fera pencher dans un sens ou dans
l’autre.
Maupas ne partage pas l'opinion des auteurs qui
trouvent une corrélation entre la vie sédentaire et
l’hermaphrodisme; si tous les kermaphrodites se fécon-
daient par eux-mêmes, cette hypothèse serait évidente,
: mais l’autofécondation est plutôt rare chez les animaux
hermaphrodites, de sorte qu'on ne voit pas quelle rela-
tion pourrait bien exister entre ces deux conditions,
. puisque, finalement, il y a nécessité, soit de fécondation
externe, soit d'accouplement. En tous cas, ce que l'on
sait de l’hermaphrodisme chez les Nématodes, restés
- libres et agiles, n'est pas favorable à cette générali-
sation.
$ 6. — Physiologie
Les Sérums précipitants.— En étudiant le phé-
nomène de l'hémolyse sous l'influence des sérums, et
de l’agglutination des hématies qui en est en général le
prélude, M. Bordet a attiré l'attention des biologistes
. sur un fait intéressant, dont l'importance théorique et
pratique nous apparaît chaque jour plus grande.
En injectant dans le péritoine du lapin, à plusieurs
reprises, quelques centimètres cubes de sang défibriné
de poule, on communique au sérum du sang de ce
» lapin un certain nombre de propriétés qu'il ne possé-
dait pas avant les injections auxquelles l'animal a été
soumis. Si l'en mélange le sang défibriné de la poule
et le sérum normal du lapin dans des proportions quel-
conques, on ne conslate dans ce mélange ni agglutination
CHRONIQUE ET CORRESPONDANCE
205
ni dissolution des hématies, ni précipitation du sérum.
Si l'on mélange le même sang défibriné de poule et le
sérum du lapin soumis aux injections intrapéritonéales
de sang de poule, on constate, pour des proportions
convenables des deux liquides constituant le mélange,
une agglutination etune dissolution des hématies et une
précipitation du sérum. Cette même précipitation se
produit si l'on mélange du sérum de poule et du sérum
de lapin soumis aux injections intrapéritonéales de sang
de poule; elle ne se produit point si l'on mélange du
sérum de poule et du sérum de lapin normal. C’est une
propriété acquise; mais cetle propriété n'esl acquise
que pour le sérum de la poule ; le sérum du lapin actif
vis-à-vis du sérum de la poule est inactif vis-à-vis des
sérums d'autres animaux.
En injectant à plusieurs reprises, dans le péritoine de
lapins, du lait, on obtient, au bout de quelque temps,
chez ces animaux, un sérum doué de la propriété de
précipiter le lait. Si, dans un tube, on verse 3 centi-
mètres cubes de ce sérum, et dix à quinze gouttes de
lait, on voit apparaitre dans le mélange des grains très
fins, qui grossissent peu à peu, et se transforment en
flocons qui, suivant que le lait est écrémé ou normal,
tombent au fond, ou montent à la surface du mélange.
Le mélange de lait et de sérum de lapin normal, dans
les mêmes proportions, demeure opalescent et sans
trace de précipitation.
En immunisant des lapins, des cobayes, des chiens
et des chèvres contre le sérum toxique d’anguilles,
par injections progressives et répétées de ce dernier,
M. Tchistovitch a obtenu chez ces animaux des sérums
qui, mélangés in vitro au sérum d’anguille, en produisent
la précipitation.
MM. Bordet et Tchistovitch avaient, dans leurs travaux,
signalé les proprétés précipitantes que peuvent acquérir
les sérums, en indiquant en même temps que cetle
précipitation ne se produit que vis-à-vis de la liqueur
qui à servi aux injections, et pour l'espèce animale qui
a donné celte liqueur. Mais ils n'avaient pas insisté sur
cette notion de spécificité de leurs sérums. Ces sérums
nous apparaissent aujourd'hui comme doués d’une
double spécificité : 1° ils ne précipitent que l'espèce chi-
mique ou les espèces chimiques contenues dans les
liqueurs qui ont servi aux injections : si l’on fait des
injections de sérumglobuline à plusieurs reprises, on
obtient un sérum capable de précipiter la sérumglo-
buline, mais non pas la sérumalbumine, mais non pas
la caséine, etc. ; 2° ils ne précipitent cette espèce chi-
mique que si elle provient de l'espèce animale à laquelle
on à emprunté la substance injectée. Si l'on injecte du’
sérum de poule au lapin, le sérum de ce lapin acquiert
la propriété de précipiter le sérum de poule, mais non
pas ceux du cobaye, du chien, du cheval, de l'oie, etc.
Ces notions, déjà indiquées par M. Nolff, se sont pré-
cisées chaque jour davantage, à mesure que les travaux
sur ces intéressantes questions se sont faits plus nom-
breux.
MM. Leclainche et Vallée font une application de ces -
notions à la chimie clinique. En injectant pendant plu-
sieurs jours de suite, dans les veines d'un lapin, de 20 à
30 centimètres cubes d'uneurine humaine, albumineuse,
contenant environ 2 grammes d’albumine par litre, ils
ont obtenu chez ce lapin un sérum qui, mélangé à
une urine albumineuse, en détermine la précipitation.
M. Uhlenhuth, en injectant dans le péritoine du lapin
des solutions concentrées d'ovalbumine de poule, a
obtenu un sérum capable de précipiter les solutions
d'ovalbumine de poule, même extrèmement diluées,
incapable de précipiter les solutions d’ovalbumine
d’autres oiseaux, permettant par conséquent de carac-
tériser cette ovalbumine.
M. A. Schütlze, en injectant sous la peau de lapins, à
six ou huit reprises espacées de trois à quatre jours,
10 à 20 centimètres cubes de lait de vache chaque fois,
obtient un sérum précipitant le lait de vache, mais
ne précipilant pas le lait de chèvre ou le lait de femme;
— en injectant le lait de femme, il obtient un sérum pré-:
206
À
CHRONIQUE ET CORRESPONDANCE
cipilant le lait de femme, mais ne précipitant pas le
lait de vache ou le lait de chèvre; — en injectant du
lait de chèvre, il obtient un sérum précipitant le lait de
chèvre, mais ne précipitant pas le lait de vache ou le
lait de femme. M. Schütze en conclut que lies caséines
de ces divers laits ne sont pas identiques. Nous ne com-
baltons pas cette conclusion, mais elle est certaine-
ment prématurée, car rien ne prouve à l'heure pré-
sente que la nature du milieu dans lequel se fait la
précipitation ne soit la cause des résultats différents
observés; rien ne prouve que ce n'est pas aux variations
de ce milieu chez les divers animaux qu'il faut rap-
porter les différences observées. Vraisemblablement la
conclusion de M. Schülze sera vérifiée; mais il est
resrettable d'entendre émettre des conclusions ainsi
prématurées. M. Schütze a constaté encore que le sérum
capable de précipiter le lait de vache ne peut plus le
précipiter aussi bien, aussi abondamment, quand ce lait
a été maintenu à l’autoclave pendant une demi-heure,
à une température qu'il n'indique pas.
M. Uhlenhuth enfin, en injectant dans le péritoine du
lapin du sang défibriné de bœuf à huit jours d’inter-
alle, et à plusieurs reprises, a obtenu un sérum capable
de précipiter le sang de bœuf dilué au 100°, sans pré-
cipiter le sang du cheval, de l'âne, du porc, du bélier,
du chien, du chat, du cerf, du lièvre, du cobaye, du
rat, de la souris, du lapin, de la poule, de l’oie, du
pigeon, de l'homme. En injectant de même à des
lapins du sang d'homme, M. Uhlenhuth a obtenu un
sérum précipitant le sang d'homme, et lui seul, ne pré-
cipitant le sang d'aucun des animaux ci-dessus nom-
més. La réaction est d'ailleurs extrêmement sensible;
il suffit de traces de sang, diluées dans une grande
quantité d’eau, pour la manifester. Il y a plus : M. Ühlen-
buth, reprenantpar l'eau salée physiologique des taches
de sang humain vieilles de quatre semaines, a obtenu
une liqueur précipitant par son sérum de lapin pré-
paré avec le sang humain ; — tandis que les liqueurs
obtenues en partant de taches de sang de bœuf et de
cheval ne précipitent pas par ce même sérum. C’est là
une applicalion ingénieuse des faits que nous venons
de signaler à la Médecine légale.
M. Uhlenhuth annonce qu'il utilisera la même mé-
thode pour rechercher si le sang du cheval est iden-
tique au sang de l’âne, si le sang de l'homme est iden-
tique au sang du singe. Ce sont là des faits intéressants
à connaitre, sans doute, mais qui nous paraissent secon-
daires à côté des nombreuses questions de toute pre-
mière importance que cette méthode nouvelle de diffé-
renciation des substances albuminoïdes nous permettra
de résoudre.
$ 7. — Congrès
Le cinquième Congrès international des
Physiologistes. — Le Congrès international des
Physiologistes, qui a lieu tous les trois ans, doit se réu-
nir cette année à Turin du 17 au 21 septembre. Il sera
-présidé par notre éminent collaborateur, le professeur
Angelo Mosso.
En même temps, se tiendra une Exposition d'appa-
reils scientifiques intéressant la Physiologie; elle
restera ouverte du 1# au 23 septembre. La Station
zoologique de Naples y exposera les animaux marins
les plus utiles pour la Physiologie comparée.
Les séances des 17, 18, 19 et 20 septembre seront
remplies par les travaux ordinaires du Congrès (com-
munications et démonstrations). La journée du 21 sep-
tembre sera consacrée à des séances plénières d'intérêt
général, dans lesquelles seront discutés en particulier
les premiers résultats obtenus par la Commission inter-
nationale de contrôle des instruments enregistreurs et
d'unification des méthodes en Physiologie. On se rap-
pelle que cette Commission fut nommée en août 1898,
au Congrès de Cambridge, à la demande de M. Marey:
Cette Commission, composée de MM. Bowditch, von
Frey, Hürthle, Kronecker, Marey, Mislawsky, Mosso et
G. Weiss, s'est réunie pour la première fois, du {°° au
8 septembre, à la Station physiologique de Paris.
Elle s’est d'abord assuré l'appui moral et matériel
de l'Association internationale des Académies. D'autre
part, le Gouvernement français lui a accordé une sub-
vention de 50.000 francs pour faire construire, à la Sta-
lion physiologique, un bâtiment dans lequel s'exécute-
ront les recherches comprises dans son programme.
Enfin, la Commission a senti la nécessité de s’adjoindre
quelques membres nouveaux; MM. Fredericq, Chauveau
et Cornu ont déjà été désignés.
Les premières recherches de la Commission lui ont
permis de formuler dès à présent quelques principes,
que les physiologistes auront le plus grand intérêt à
adopter. Ce sont les suivants :
IL est désirable que, dans les tracés que l'on publie,
les temps soient représentés par des unités métriques,
c'est-à-dire que la seconde y corresponde au centimè-
tre, à ses multiples ou à ses sous-multiples. Les tracés
devront toujours se lire dans le sens de l'écriture ordi-
naire, c'est-à-dire de gauche à äroite. La reproduction
topographique des tracés devra se faire par des procé-
dés dérivés dela photographie, c’est-à-dire sans l’inter-
vention de la main du graveur. Les temps seront tou-
jours tracés au chronographe, celui-ci inscrivant en
même temps que les autres styles traceurs. Les leviers
inscripteurs ne doivent pas avoir de période d'oscillation
propre, capable d'altérer la forme des tracés. Dans les
cas nombreux où le mouvement doit être transmis à
distance au levier qui l’enregistre, il faut que les orga-
nes de transmission de ce mouvement l’altèrent le
moins possible. Il y a lieu de recommander aux con-
structeurs d'employer, autant que possible, des ma-
tières inaltérables dans la confection desappareils trans-
metteurs et traceurs.
Les unités de temps choisies devront être la seconde,
la minute, l'heure; les divisions de la seconde seront
décimales. Dans la mesure des températures, on adop-
tera toujours le degré centigrade ; l'unité de chaleur
sera la calorie. Pour les mouvements provoqués par les
excitations électriques, il est indispensable qu'une en-
tente s'établisse entre les physiologistes relativement à
l'unité d'excitation ; celle-ci devra ètre rattachée aux
unités C. G. S. ILest à désirer que les tracés portent le
signal du début et de la fin des excitations télanisantes,
ainsi que du nombre de ces excitations.
M. Marey a montré à la Commission comment la chro-
nophotographie complète et étend les applications de
la méthode graphique, comment elle s'applique à un
très grand nombre de phénomènes dont on ne pourrait
autrement fixer les phases, et comment, grâce aux in=
dications chronographiques qu'elle renferme, cette mé-
thode peut se combiner avec les autres procédés d’in-
scription physiologique et même s’identilier à eux. Au
prochain Congrès, M. Marey développera les applica-
tions diverses de cette méthode.
Il a aussi semblé à la Commission qu'il serait dési-
rable d'établir une entente parmi les physiologistes re-
lativement à la manière d'exprimer, par les courbes,
les résultats obtenus par les observalions successives
des divers phénomènes, et sur le choix des variables
qui seraient représentées sur chacune des coordonnées.
La Commission internationale se réunira de nouveau
à Santa Margherita, près de Gènes, le 15 avril prochain,
et préparera les communications qu’elle compte faire
au Congrès de Turin.
Les adhésions au Congrès sont recues par M. le D°
Z. Trèves, secrétaire local, 30, Corso Raffaello, Turin.
#
M4
%
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ARMAND GAUTIER — LE ROLE DE L'ARSENIC CHEZ LES ANIMAUX
207
L’EXISTENCE NORMALE ET LE ROLE DE L’ARSENIC
CHEZ LES ANIMAUX
t
Les découvertes ne sont pas le fait du hasard.
“Le plus souvent elles se préparent et mürissent
Jentement dans les consciences en travail de toule
une génération d'hommes. Quelquefois elles sem-
“blent surgir spontanément et tout à coup de la
pensée de celui qui les crée ; mais, en réalité, dans
Ce cas encore, leur éclosion a élé précédée d'une
Jongue période d'élaboration. La découverte que
“je vais exposer n'échappe pas à cette règle : comme
“par une subite intuition, une vision de l'esprit,
j'entrevis, vers la fin de 1898, l'existence de l’ar-
Senic dans la glande thyroïde, et j'en avais acquis,
bientôt après, la preuve expérimentale ; mais, de-
puis deux années, le rôle de cet élément dans la
Nalure, sa présence, que je venais de constater
dans les roches anciennes, les eaux de la mer,
les plantes de la grande famille des Algues, le mé-
Canisme lui-même de l’action thérapeutique et
physiologique de l’arsenic, occupaient ma pensée.
Dès mes recherches de 1897 sur l'emploi des caco-
dylates dans les maladies consomplives, j'avais été
“rappé des surprenants effets de l’arsenic orga-
ique, et peu à peu s'était fait en moi un travail
latent qui m'amenait à celle conviction que cet
élément, pour arriver à exciter à un si haut degré
le fonctionnement des lissus et l'assimilation, pour-
rait bien, passagèrement du moins, faire partie de
quelques-uns de nos organes. Dans ce cas, où le
chercher, sinon à côté de cet iode dont je le voyais
si souvent accompagné dans la Nature ? C'est ainsi
que je fus amené, peu à peu et presque inconsciem-
ment, à considérer d'abord l’arsenic comme pos-
ible dans l'économie, puis comme probable dans
la glande thyroïde, où je le trouvai en novembre
1898.
Cette découverte allait contre toutes les idées
reçues. Comment admettre, chez les êtres vivants,
lexistence non pas transitoire, mais nécessaire,
d'un élément qui par sa toxicité même parait
ncompatible avec la vie? Les toxicologistes de
tous les pays ne s'étaient-ils pas assurés des mil-
liers de fois, au cours de leurs expertises, que cet
“élément n'existe pas dans nos organes? L'arsenic
que je venais d'entrevoir ainsi dans une glande
thyroïde de chien, n'y était-il pas plutôt contenu
passagèrement, amené par les hasards de l'ali-
mentation ? Comment, d'ailleurs, supposer qu'il
_ puisse se localiser dans tel ou tel organe, alors
qu’ on ne l'a jamais rencontré dans le sang? Il
5 agissait de centièmes de milligramme; cette trace
k
L
d'arsenic que j'avais cru retirer d’une thyroïde
n'était-elle pas venue du dehors ? Partout, dans
nos laboratoires on trouve du fer : nos fourneaux,
la plupart de nos instruments, les charpentes de
nos hottes en sont formées; les parcelles d'oxyde
qui s'en détachent sont généralement arsenicales.
Nos réactifs eux-mêmes peuvent-ils nous laisser
la complète certitude qu'ils sont tous absolument
exempls d'arsenic ?
C'est ainsi qu'ulors que j
premier anneau d'arsenic retiré d'une glande thy-
roïde, commença pour moi l'angoissante période
d'inquiétudes et de doutes qui précède si sou-
vent la complète satisfaction que donne la certi-
tude. C'est le moment où le corps et l'esprit se
fatiguent à la fois; où l'on craint tout, jusqu'à la
la malveillance; où l’on surveille la poussière qui
vollige, le réaclif déjà vérifié, la main qui le verse,
où l'on essaie de contrôler
‘avais déjà en main le
le vase qui le recoit;
sa méthode par une méthode nouvelle,
infidèle ; où le résultat vous échappe, où le doute
revient, où l'on recommence loul, péniblement,
anxieusement, jusqu'à ce qu'enfin surgisse en l'es-
prit une conséquence imprévue, nécessaire, véri-
fiable par une expérience simple, indiscutable, qui
coupe court à toute réplique et entraine la convic-
tion définitive. Ceux qui ont fait cetle chimie des
millionièmes comprendront ce qu'a eu de pénible,
pour celui qui la subissait, l'obligation ou d'aban-
donner une découverte qu'il sentait comme faite,
ou de proclamer un fait si surprenant qu'il allait
paraitre d'abord presque absurde.
souvent
La thyroïde est une glande vasculaire, sans con-
duit excréteur, composée de deux lobes ovoïdes,
situés à la partie antérieure et inférieure du larynx.
C'est elle qui s'hypertrophie dans le goitre. Pres-
que jusqu'à ces dernières années, on ne savait à
peu près rien de ses fonctions et de sa composi-
tion, et l’on fut très surpris d'apprendre, en 1895,
que Baumann y avait trouvé de l’iode en quantité
notable.
On sait aujourd’hui que cette glande agit, par ses
sécrétions internes, sur la nutrition des cellules,
en général, et, plus particulièrement, sur celle de
la peau.
Chez l'homme, les deux lobes de la thyroïde
pèsent, réunis, 21 grammes environ. J'y ai trouvé
208
ARMAND GAUTIER — LE ROLE DE L'ARSENIC CHEZ LES ANIMAUX
en moyenne 0,15 d'arsenic, soit la cent-quarante
millième partie du poids de l'organe. Par quelle
méthode délicate peut-on ainsi, non seulement
déceler, mais préciser de si faibles quantités d'un
élément comme perdu dans cent quarante mille fois
son poids de substances étrangères ? J’essaierai
de le faire comprendre au lecteur en quelques mots.
Lorsque, dans une expertise légale, le chimiste
doit rechercher l’arsenic dans les organes, il faut
qu'il renonce à utiliser directement toutes les
caracléristiques physiques ou chimiques de cet
élément. Il est devenu latent et toutes ses proprié-
tés ordinaires ont disparu par le fait de son union
avec les principes de nos tissus. Il faut donc, au
préalable, détruire les substances auxquelles l’ar-
senic est mêlé ou combiné, mais de façon à éviter
toute perte, par insolubilisation ou volatilisation,
des moindres traces de cet élément. J'ai donné,
en 1876, une méthode qui remplit bien ce deside-
ratum ’. Elle consiste à détruire la matière des
organes successivement par les acides nitrique,
sulfurique, puis encore nitrique. On arrive ainsi
à détruire la matière animale en empêchant toute
perte d’arsenic, particulièrement à l'état de chlo-
rure. Finalement, il reste une liqueur acide et un
peu de charbon poreux. On délaie dans l'eau
bouillante, on filtre et l’on précipite l’arsenic à
l'état de sulfure par un courant prolongé d'hy-
drogène sulfuré. Les moindres traces de ce métal-
loïde sont dès lors condensées dans ce faible pré-
cipité, qu'on lave et met à digérer dans une
solution faible de carbonate d'ammoniaque. L’ar-
senic se dissout, à l'exclusion d’une certaine quan-
lité de soufre et d’autres impuretés; par évapora-
tion de la liqueur filtrée, il reste un peu de sulfure
d'arsenic, qu'on oxyde par l'acide nitrique, puis
sulfurique. En opérant ainsi, les moindres traces
de ce métalloïde arrivent à être condensées, à l'état
d'acide arsénique, dans les quelques gouttes in-
colores d'acide sulfurique qui restent au fond de
la petite capsule où l’on opère. On étend d'eau et
verse dans l'appareil dit de Marsh. C’est un appa-
reil producteur d'hydrogène, où l'arsenic, introduit
à l’état oxydé, se transforme intégralement, si l'on
suit une pratique convenable, en hydrogène arsé-
nié volatil, qu'entraine le courant d'hydrogène. Le
gaz traverse, au sortir du flacon, où il se produit un
tube de verre étroit porté au rouge où l'hydrogène
arsénié, décomposé par la chaleur, dépose son
arsenic métallique sous la forme d’un anneau gris
noirâtre.
En opérant avec les précaulions que j'ai autre-
fois indiquées *, on peut ainsi retrouver 05,02
! Annales de Chimie et de Physique, 5° sér., t. VIII, p. 384.
? Voir loc. cit. et aussi Compt. rend. Acad. Sciences
pour 1899, t. CXXIX, p. 936.
d'arsenic en 200 grammes de substance primitive
c'est-à-dire la trace d’arsenic contenue dans 10 mil
lions de fois son poids d'organes. Il reste, pour
apprécier les faibles poids d’arsenie recueilli
chaque fois, à comparer ensuite l'anneau obte
à une gamme d'anneaux types provenant de poi
connus d'acide arsénieux versé dans l'appareil di
Marsb.
II est presque inulile d’ajouter que tous les
réactifs doivent avoir été, au préalable, essayés suk
des quantités égales au moins à celles où ils de
vront être employés.
C'est muni de celle méthode délicate, perfe
lionnée encore au cours de ce long travail, que
j'abordai la recherche de l’arsenic normal chez les
animaux.
IT
Les seuls organes de l'économie où j'ai trouvé
l’arsenic sont :
La glande thyroïde ;
Le thymus ;
La mamelle ;
La peau et ses appendices ;
Les os
Enlin, et d'une facon qui m'a paru intermit
tente, le lait et le cerveau. .
Tous les autres tissus, glandes et humeurs de
l'organisme, y compris le sang, sont entièrement
dénués d'arsenic. Nous verrons tout à l'heure qu'ik
est cependant un cas où le sang peut en contenit
normalement.
Chez l'homme, de la glande thyroïde, le plus riche
des organes en arsenic, j'ai retiré OE,15 d'arsenic.
Cet élément est constant à l’état physiologique.
J'ai trouvé par kilogramme de glande fraiche :
D
Homme. 7,5 milligrammes.
Porc ee RÉ cue A} —
MOUTON ESC ES D 5 —
Par rapport au poids total d'un adulte pesant
68 kilogrammes, en, moyenne, 06,15 d’arsenic re-
présentent un quatre cent cinquante millionième
(50:00:00 1 ) de la masse du corps! Cette quantité
450.000.000
suffit pourtant pour que la glande, fonctionnant
normalement, la santé se maintienne. Et cette dose
suffisante est nécessaire, car il n’y a pas de thy=
roïde sans arsenic, et pas de santé sans thyroïde.
La constalation de l'influence certaine qu'un élé-
ment, quel qu'il soit, peut ainsi exercer, à ces
doses infinitésimales, sur le fonctionnement vital,
n'est peut-être pas le moins surprenant résultat de
ces recherches.
J'ai reconnu que l’arsenic n’est pas contenu dans
toutes les parties de la glande. Il entre dans la
constitulion de ces substances phosphorées qu'on
ARMAND GAUTIER — LE ROLE DE L'ARSENIC CHEZ LES ANIMAUX
209
appelle les nucléines, substances qui constituent
| urtout les noyaux des cellules: 1 gr. 2 de ces
conviction.
- En même temps, je remarquais que ces nucléines
arsenicales entrainent avec elles la presque totalité
de l’iode de la thyroïde.
Il restait donc établi que dans cette glande exis-
tent une ou plusieurs nucléo-protéides arseni-
cales. Elles s’y trouvent toujours à l’état de santé ;
elles diminuent ou se modifient dans certains états
pathologiqués. Elles semblent présider à certaines
fonctions spéciliques; nous y reviendrons tout à
l'heure.
lai constaté que l’arsenic existe aussi dans
elques autres organes. Si nous les rangeons
près l’ordre décroissant de leur richesse en cet
élément, nous aurons :
Arsenic en milligrammes par Kilogramme d'organes frais.
Glande thyroïde humaine . 7,5
de porc. . 3,2
Mamelle de vache. . . . . 1,3 —
HSE EC de CC LU 10,15
Poils, cheveux et cornes. . )
ÿ milligrammes.
Peau . traces
(OS LS SRE EEE - (décroissantes.
Atte - T4)
DIERVEAUE MEL nee à Me à
HESTICUHLEAMEN EN AH iioutes
Tous les autres organes ont été trouvés exempts
Pas davantage dans le rein (porc), ni dans les
glandes salivaires (250 gr. provenant du bœuf) ;
Le pancreas de bœuf (250 gr.) n’en a fourni
lune trace douteuse, inférieure au sept mil-
ionième du poids de l'organe.
Les muqueuses stomacale et intestinale, le tissu
cellulaire sous-cutané, les glandes lymphatiques,
8 poumon, les capsules surrénales (250 gr.), la
moelle osseuse des jeunes animaux, en sont entiè-
rement exempts.
J'ai recherché l’arsenic avec grand soin, et inu-
ülement, dans le testicule des animaux adultes
(homme, bouc, cheval); dans la laitance de hareng;
dans les ovaires et l'utérus de la vache en état de
vacuité et de gravidité.
250 grammes de sang de porc défibriné,
310 grammes de sang humain provenant de sai-
fourni le plus léger indice d'arsenic.
…! M. C. Pagel, de Nancy, aurait depuis trouvé une trace
d'arsenic dans le testicule,
gnées sur des personnes pléthoriques, n'ont pas
On n'en trouve ni dans les reins, ni dans les
urines, même en opérant sur 5 litres à la fois;
ni dans les malières fécales habituelles (500 et
250 gr.).
J'ai reconnu que l'arsenic s'élimine par des-
quamation épidermique, par les ongles et les che-
veux, enfin par une toute autre voie dont nous
allons maintenant parler.
[IT
L'observation des effets de l'arsenic organique
sur l’économie m'avait amené, bien avant ces
recherches sur l’arsenie normal de l'économie, à
constater que, par un mystérieux mécanisme, les
préparations arsenicales agissent à la fois sur !e
fonctionnement de la peau, la crue des poils et
des cheveux, et sur la menstruation.
Chez les femmes malades auxquelles j'avais
administré quelque temps l'arsenic sous forme de
cacodylates, la chevelure devenait plus longue, plus
épaisse, la peau se débarrassait de ses éphélides,
pigments et autres signes de déchéance, et les
règles, plus abondantes, au lieu de se produire par
périodes de vingt-huit à vingt-neuf jours, reparais-
saient souvent après le 24° ou le 25° jour.
D'autre part, je savais que, quand il y a dysmé-
norrhée ou simple retard des époques menstruelles,
le médicament le plus actif est la teinture d'iode,
prise à l'intérieur ou même absorbée par la peau.
Or, je venais d'observer que les cheveux, poils et
ongles, qui croissent avec le plus d’abondance
sous l'influence du traitement arsenical, sont pré-
cisément les organes qui, après la thyroïde, sont
les plus riches eu arsenic et en iode.
Puis donc que l'iode et l’arsenic sont simultané-
ment assimilés par la thyroïde et excrétés par l'épi-
derme, les poils et les cheveux, il pouvait se faire,
vu l'influence simultanée que j'observais du traite-
ment arsenical sur la poussée des appendices de
la peau et sur le flux menstruel, que celui-ci fût,
comme la crue des poils et des cheveux, en rapport
direct avec l'élimination de l'arsenic et de l’iode.
C'est ce que mes expériences confirmèrent. M. P.
Bourcet, qui s'était chargé, dans mon laboratoire,
des recherches relatives à l’iode dans l’économie, a
complété la preuve pour l'iode.
J'ai dit plus haut que le sang normal ne contient
pas d’arsenic, ou du moins, s'il y existe, il serait
au-dessous de 4 vingt-millionième du poids de la
liqueur, soit moins de 0#",05 par kilogramme de
sang. Il en est de même de l'iode; M. P. Bourcet
a trouvé dans le sang humain à peine 0,025 et
dans celui de chien 0,036 d'iode par kilo-
gramme.
Mais il en est tout autrement du sang mens-
210 ARMAND GAUTIER — LE ROLE
DE L’ARSENIC CHEZ LES ANIMAUX
truel. Ce sang est arsenical et iode. Jai trouvé
dans le sang des menstrues de 0,17 à 0,33,
en moyenne 0"E",28 d’arsenic, par kilogramme, et
M. P. Bourcet évalue à O8", 11 environ, c’est-à-
dire à 4 fois plus que pour le sang normal, la quan-
tité d'iode des menstrues chez la femme.
Une glande thyroïde humaine complète et saine
contenant environ 06,15 d'arsenic, on voit que,
si l’on admet une perte moyenne de 400 à 500 gram-
mes de sang menstruel pour toute une époque,
il sera ainsi perdu de 0v",12 à 0%6",14 d’arsenic
sous cette forme. C'est presque la totalité de la
provision d'arsenic contenue dans la thyroïde avant
les règles.
Ainsi, l’arsenic et l’iode réunis dans la thyroïde
s'éliminent chaque mois régulièrement par les
menstrues chez la femme, et ce flux à pour origine
et résultat une sorte de déplétion des principes
arsenico-iodés fournis par cetle glande, peut-être
même empruntés partiellement à la peau.
Après avoir élé élaborées dans la glande thyroïde,
les nucléo-protéides spécifiques qu'elle forme sont
en tout temps versées, à petite dose, dans les Iym-
phatiques et dans le sang, qui les porte aux cellules
des divers Lissus dont elles excitent la vitalité et la
reproduction. Mais chaque mois, chez la femme,
leur excédent passe dans les menstrues pour être
versé au dehors, sauf le cas où, celle-ci ayant
concu, ces nucléines sont utilisées à la consltilu-
tion du nouvel être qui a besoin de phosphore,
d’arsenic et d'iode sous cette forme éminemment
plastique.
On voit maintenant quelest, entre le fonctionne-
ment de la thyroïde, celui de la peau et de ses
appendices et la fonction génitale, ce rapport caché
que m'avaient fait entrevoir mes premières obser-
valions.
Mais, avant que j’eusse donné avec évidence, par
la démonstralion du passage des protéides thyroï-
diennes arsenicales et iodées de la thyroïde dans
le flux menstruel, la preuve des relations directes
qui existent entre les fonctions thyroïdiennes,
culanées et génilales, la dépendance de ces fonc-
tions, sinon le mécanisme et la raison d'être de
leurs rapports, aurait pu résuller de l'examen
allenlif des fails physiologiques et pathologiques
déjà connus.
On savait, en effet, que la glande thyroïde excite
et régularise la croissance, qu'elle agit sur la nulri-
tion de la peau et qu'elle est en relation avec le
développement des organes génitaux. La piéine
activité de la thyroïde ne se réveille, en effet, qu'à
la puberté. Sa dégénérescence chez le crétin coïn-
cide avec l'arrêt de la croissance, l’'infantilisme des
organes sexuels, les modifications myxædéma-
teuses de la peau. Gette glande prend un dévelop-
pement particulièrement rapide chez la femme
aussitôt après que celle-ci a subi l'influence du
liquide séminal. Cest une très vieille remarque;
consignée déjà par Juvenal dans un vers curieux
de ses Salires : parlant des suites de la nuit de
noces d’une jeune mariée, il dil :
… non poterit cras collum cironderec filo
Nutrix.
Chez beaucoup de femmes, la glande thyroïd
s'hypertrophie périodiquement avant l'apparition
des règles. À la suite de la thyroïdectomie, on peut
voir survenir une atrophie des organes mäles où
femelles (Joffmeister:). EL, réciproquement, l'injec
tion du suc thyroïdien chez l’infantile ou le myxæ
démateux développe les organes génitaux, l’activité
assimilatrice générale et l'intelligence; en même
temps, l'æœdème de la peau disparaît peu à peu, le
sécrélions cutanées se rétablissent, les poils et les
ongles repoussent; en un mot, tous les organe
riches en nucléines, et particulièrement ceux où
nous avons trouvé l’arsenic et l’iode, sont favora=
blement influencés par ce suc.
il s'établit chez elle entre la crue des cheveux, poils:
et ongles, la perte de sang chaque mois, et la pro
duclion des nucléines arsenicales de la thyroïde
une sorte de balancement d'où résulte l’état de
santé. Mais il convient de se demander comment,
menstruelle, et comment se passent les choses chez
les animaux qui n'ont pas d'écoulement sanguin
au moment du rut.
On remarquera que presque tous les animaux
sang chaud sont couverts de poils ou de plumes
et que les appendices cutanés tombent ou muenl
après la saison des amours pour se reproduire en |
suile, grâce aux réserves accumulées, un peu avant
la nouvelle époque des rapprochements sexuels
C'est ce qui se passe régulièrement pour les ani®
maux sauvages: le cerf, le renne, le renard,
loutre, etc., dont le poil tombe au printemps, et se
reproduit au début de l'hiver”. C'est-à-dire que
chez les animaux velus, les protéides thyroï
diennes, caractérisées à la fois par l'arsenic eb
l'iode, sont utilisées à nourrir la peau et ses ap
pendices jusqu'au moment où, ces organes ayant
alteint leur plein développement, le flux richemen |
phosphoré de ces protéides spécifiques reflue vers
1 On dit généralement que ces animaux prennent leur poil
d'hiver dès qu'il fait froid et le perdent avec la chaleurs
Ce n'est point là une explication, mais simplement une
constatation: encore est-elle mal interprétée, car les anis
maux en stabulation, même chauffés, prennent aussi leu
poil d'hiver et le reperdent au printemps.
Je domaine génital, dont il provoque la suractivité.
Dès lors, la peau et les annexes, qui s’en nourris-
Stient, sont lentement alteinls de déchéance : les
poils tombent, ainsi que les bois chez les Cervidés
“cornes caduques, et la peau elle-même, chez ces
pèces, est souvent alteinte d'altéralions variées.
“Chez l'homme, mâle qui n'est pas couvert de
et la desquamation
pidermique continue, correspondent, au point
vue de l'absorption et de l'élimination des
me, dont la peau lisse et glabre subit moins
exfoliation, qui n'a pas de poils au visage, et dont
cheveux ne poussent que fort peu, dès qu'ils
Ib atteint, à la puberté, leur maximum de déve-
ppement.
En effet, tant que se fait chez la jeune fille l'ac-
oissement de la chevelure, les règles ne se pro-
sent pas: la menstruation s'établit chez elle à
poque de la puberté, qui est pour l'homme celle
la poussée intense du poil et de la barbe. C'est
poque de la vie où, chez la femme, la pousse
$ clieveux et poils s'arrête, au contraire; leur
bulbe recevant, à certaines époques, une quantité
insuffisante de nucléines arsenicales déviées vers
flux menstruel, non seulement le poil ou les
leveux ne poussent plus ou mal, mais il se fait
ès mues, des chutes de cheveux répondant à la
rte du poil d'hiver chez les animaux. La plus
portante de ces mues se produit au printemps;
e autre a lieu en automne. La plus connue est
Île qui suit l'accouchement, alors que la mère
ent de fournir au fœtus le maximum de ces pro-
téides et nucléines arsenicales essentielles.
S'il exisle une sorte de suppléance entre la crue
dés cheveux, des poils et ongles, et les fonctions
“énilales, la coupe des cheveux, chez la femme,
à donnant à leur reproduction un essor qui dé-
rne en partie le flux des nucléines arsenicales,
ra influer sur les règles. C’est bien ce qui paraît
produire en effet, d’après l'enquête délicate à
aquelle j'ai dû me livrer à ce sujet. Les religieuses,
portent leurs cheveux courts, savent qu'il faut
iter de les couper aux époques menstruelles.
une jeune professe entrée depuis peu au cou-
nt, on coupe par mégarde sa belle chevelure
issent le lendemain; quelques jours après, elle
est prise d'accidents cérébraux. Elle avait joui
sque-là d'une bonne santé.
ARMAND GAUTIER — LE ROLE DE L'ARSENIC CHEZ LES ANIMAUX
214
belle chevelure, a remarqué que ses cheveux devien-
nent rebelles au peigne, durs, difficiles à coiffer
quelques jours avant ses mois. Si les règles retar-
dent on avancent, ce singulier phénomène retarde
ou avance régulièrement.
Ces rapports entre la nutrition, le développement
ou la dégénérescence des appendices de la peau,
et l’élat des fonctions génitales, ne se remarquent
pas seulement chez les Mammifères, mais chez
tous les Vertébrés. Chez l'oiseau, le mâle, arrivé à
la période de plein développement qui précède
celle des amours, s’est paré de plumes d'une lon-
gueur et d'un coloris spécial qui tombent lorsque
ses fonctions génilales ont épuisé les réserves
phosphorées ou arsenicales de ses organes spéci-
fiques. Le héron perd alors son aigrette; le com-
battant, sa riche collerette; le coq sauvage, les
longues soies de son cou; l'oiseau de paradis, ses
belles plumes latérales ; les Mormonidés, Palmi-
pèdes de l'Océan glacial du Nord, se débarrassent
alors d'un gros élui corné, coloré en rouge, qui
entourait leur bec, et de la plaque cornée longitu-
dinale qui accompagnait chaque paupière. Ces
phénomènes répondent à la chute du poil d'hiver
chez les Mammifères velus, et l’on ne sera pas
tenté d'expliquer iei la chute de ces aigrettes, de
ces plumes d'ornement, de ces appendices cornés
en disant que l'oiseau n'a plus besoin de se dé-
fendre contre le froid.
Des phénomènes semblables se produisent pour
la peau et la carapace des Batraciens après l'époque
des rapprochements sexuels.
On voit done que, dans un grand nombre de
classes d'animaux très différents, le développe-
ment et la dégénérescence de ces appendices cuta-
nés où j'ai conslaté la présence de l’arsenie est tou-
jours en rapport avec les fonclions génitales.
La Pathologie, à son tour, va nous fournir de
nouvelles preuves de ces relations.
On sait que plusieurs maladies de peau peuvent
frapper la femme durant la grossesse : le masque,
la pigmentation cutanée, les vergetures, le prurigo
gestativus, la chule des cheveux, etc., aulant de
témoignages de la déchéance et du manque de
vitalité du tissu dermique et de ses appendices,
dont les nucléines spécifiques sont dérivées vers
le placenta pour la formation des organes arseni-
caux et iodés du fœtus.
Certains eczémas, chez la femme, s'exacerbent
aux époques menstruelles. On sait aussi qu'au mo-
ment de la ménopause, alors que la glande thy-
roïde ne peut plus dériver ses produits vers le
domaine génital el tend à perdre de son énergie
fonctionnelle, la peau est le siège de diverses alté-
rations : roséoles, eczémas, poussée de poils.
Chez les tuberculeux, l’arsenic, ou plutôt la puis-
212
ARMAND GAUTIER — LE ROLE DE L'ARSENIC CHEZ LES ANIMAUX
sance assimilatrice d'où résulte dans la thyroïde la
formalion des nucléines arsenicales, diminue très
sensiblement. Aussi voit-on chez ces malades des
altérations diverses de la peau : les éphélides, la
pigmentation, l'arrêt de la pousse des ongles,
la chute des cheveux, souvent aussi des troubles
menstruels. Tous ces désordres cessent à la fois
par le traitement arsenical cacodylique.
Avec l’altération de la thyroïde coïncident, chez
les myxœdémaleux, les modifications de la peau,
qui devient sèche et rugueuse, des cheveux et des
poils, qui tombent ou se raréfient, des organes
génilaux, qui tendent à s’atrophier. À
L'ensemble de ces faits peut se résumer en quel-
ques mots : toutes les nucléoprotéides, ou prin-
cipes richement phosphorés des noyaux cellulaires
et des parties les plus nobles des protoplasmes,
aclivent la vie générale et la reproduction des tis-
sus. Les nucléoprotéides spécifiques de la glande
thyroïde, et particulièrement arsenicales, unies à
des protéides iodées et bromées, sont allirées par
les organes d'origine ectodermique : la thyroïde,
le thymus, le cerveau, la peau et ses annexes, qui
les utilisent à leur entretien. Les protéides arseni-
cales iodées et bromées d’origine thyroïdienne se
désassimilent ensuite, chez le mâle, par la chute
des cheveux, la pousse des poils et des cornes, et
par desquamation épidermique ; chez la femelle,
le surplus des nucléines de la thyroïde se dé-
tourne périodiquement vers les organes génitaux,
qui les utilisent pour le développement du fœtus, s'il
y à eu fécondalion, ou qui les rejettent au dehors
dans le cas contraire.
On sait, par les travaux de Brown-Sequard, Dani-
lewsky, Selenski et Sostin, que les nucléoprotéides
et les autres principes phosphorés de l’économie
impriment une activité remarquable au développe-
ment, à la reproduction et au fonctionnement des
cellules. Ce rôle, déjà très actif, des nucléines riche-
ment phosphorées est porté à son degré d'excel-
lence lorsque viennent concourir à la formalion de
ces nucléines l’arsenie, l'iode et peut-être le fer.
On connaît depuis longtemps l'efficacité de ces
trois agents dans les maladies où la nutrition tend
à dégénérer. Deux de ces éléments excitateurs se
fixent tout spécialement, et presque uniquement,
dans la glande thyroïde. C'est elle qui, en assimi-
lant sous forme de protéides l’iode et l’arsenic, en
fait des excitateurs puissants, des ferments de vie.
La thyroïde vient-elle à souffrir ou disparaitre,
comme chez les goitreux, les myxædémateux, les
thyroïdectomisés, certains phtisiques dits laryn-
gés, les iodoglobulines et les arsenico-nucléines
ne sont plus dès lors, ou ne sont qu'imparfaite-
ment sécrélées, la reproduction cellulaire s'alan-
guit, les fonctions génitales sont atteintes; la
. faibles quantités; le navet, le chou, la pomme de
recherches pourraient faire naître dans les esprits
peau, la sensibilité, les centres nerveux dégénès
rent; c'est la vieillesse hàtive, la décrépitude de
organes.
INT
Cet élément d’excilation et de reproduction de
tissus, cet arsenie que les Anciens avaient si bien
nommé Séfnv, doom, le male, le vigoureux, d'où nous
vient-il? Puisque nous l'éliminons sans cesse,
il faut qu'il soit journellement absorbé.
J'ai examiné à ce point de vue quelques aliments
usuels. -
Le pain fail avec le blé qui croit sur les terres
des environs de Paris ne contient pas d'arsenie
Mais Stein en aurait trouvé des traces dans les
Graminées cullivées sur des lerrains plus ou moins
pyriteux. 4
La viande, le foie, lesreins, n’en contiennent pa
nous l'avons vu. Il en est de même des œufs. J'ai
cherché en vain ce métalloïde dans le poisson.
Mais j'ai constalé l’arsenie, quoique en faible
proportion, dans le lait, la peau, le thymus, et dans
le cerveau en quelque cas. Ce sont là des aliments
que nous consommons presque tous les jours.
Plusieurs végétaux nous en fournissent aussi den
terre et le blé lui-même quand il pousse sur ce
tains terrains. Enfin, l'arsenie accompagne presque
toujours le fer dans les eaux potables ou miné”
rales. -
Des recherches méthodiques plus complètes
faites dans cetle voie, seraient intéressantes. .
Au point de vue de la médecine légale et des
inquiétudes, futures ou rétrospectives, que ces
il est utile de remarquer que, sauf dans la thyroïde
la mamelle, la peau et ses appendices, peut-être
dans le cerveau et le testicule, on ne trouve pas &
moindre indice d'arsenic. Il est absent du foie,
la rate, des reins, des poumons, du sang, des
urines, des intestins, des muscles. Si donc l’exper
(et c'est la règle qu'il suit généralement) s'adresse
séparément dans “ses recherches loxicologiques
d'arsenie, dans le cas d’imputalion criminelle,
chacun de ces organes que j'ai reconnus en êtm
totalement dénués, et s'il y trouve des {races caral
térisables de ce métalloïde, c’est que l’arsenic ava
élé introduit pendant les derniers jours de la wi
sous forme médicamenteuse ou criminelle.
Le seul cas qui pourrait laisser, peut-être, de
doutes est celui des.exhumations tardives, alofl
qu'on peut craindre que l’arsenic de la peau et dt
la thyroide se soit partout diffusé dans le deliqui
cadavérique. Mais, comme on l'a vu, l'arsenie total
de la thyroïde d'un adulte s'élève à 0 millig. # |
environ; en doublant cette quantité pour teni
|
|
]
JEAN MASCART — LES ÉCLIPSES ET LA CONSTITUTION PHYSIQUE DU SOLEIL
213
compte des traces qui se trouvent dans la peau et
s autres organes, s'ils se répandaient dans tout
cadavre, gràce à la liquéfaction bactérienne,
s 34 centièmes de milligramme, pour un corps
jumain tout entier pesant en moyenne 68 kilos,
: : 34
feprésenteraient le rapport de 6-800:000.000 —
1
.000.000°
total. Or, nous avons vu que la méthode la plus
soit un deux cent millionième du poids
È : ee . { ,
délicate permet d'apprécier à peine = (un
Rue? PP PÉRE 50.000.000
ingt millionième), c'est-à-dire une quantité dix fois
lus grande d'arsenic. Cet élément, aiasi dilué au
ux cent millionième, échapperait donc à toute
cherche.
Il resterait une dernière question à résoudre, et !
ce nest pas la moins intéressante : Les faits pré-
cédents démontrent que la fraction de milli-
gramme d’arsenic déposée dans la thyroïde, et qui
ne représente pas au delà d'un quatre cent millio-
nième du poids total du corps, est nécessaire et
suffisante pour le bon fonctionnement de la vie.
Quel est donc le secret de l’activité qu'impriment
à nos organes ces doses presque infinilésimales
d’arsenic et peut-êlre d’autres substances qui nous
échappent encore? Il serait trop long d'aborder ici
ce problème. J'ai essayé de le résoudre dans un
Mémoire lu le 8 août à La Section de Pathologie gé-
nérale du Congrès international de Médecine. On
le trouvera dans les Actes imprimés de ce Congrès.
Armand Gautier,
Membre de l'Académie des Sciences.
Professeur à la Faculté de Médecine de Paris
PREMIÈRE PARTIE :
1. — DÉFINITION ET CONDITIONS DE POSSIBILITÉ
D'UNE ECLIPSE.
Sous le nom d'éclipse, on entend DEP REUeNE
eux phénomènes distincts :
Un astre non lumineux en soi, éclairé par le
Soleil par exemple, laissera derrière lui une région
de pénombre et d'ombre, un cône d'ombre, si l'on
it; si la trajectoire d’un deuxième astre, égale-
ent obscur, le conduit dans cette région, son
lt se trouve supprimé par l'ombre portée du
emier corps : il y a éclipse proprement dite,
mme on en rencontre pour les satellites : éclipse
l6 Lune, éclipses des satellites de Jupiter.
Mais, d'autre part, un corps opaque peut s’in-
oser entre l'œil de l'observateur et l'objet
idié : c'est le cas d’une occullation à propre-
ent parler, occultation d'étoiles ou de planètes
la Lune, occultation du Soleil par la Lune ou,
l'on veut, éclipse de Soleil. Alors la distinction
ndamentale s'aperçoit immédiatément : dans le
mier cas, si nous prenons une éclipse de Lune,
tre satellite lui-même s'éclipse, c’est-à-dire
teint en pénétrant dans l'ombre, et, de ce fait, de-
nt simultanément invisible pour tous les points
Ja Terre ; au contraire, pour une occultation, pour
e éclipse de Soleil, c’est à proprement parler l’ob-
ateur lui-même qui est éclipsé : les divers
ints terrestres pénètrent successivement dans
THÉORIE DES ÉCLIPSES ET RÉSULTATS DES
LES ÉCLIPSES
ET LA CONSTITUTION PHYSIQUE DU SOLEIL
s OBSERVATIONS
l'ombre partielle ou totale, et l'éclipse est locale à
un instant donné. Sans doute, cette distinction est
un peu étroite et terrestre : elle pourrait sembler
vanileuse à un esprit astronomique extérieur,
ignorant si les astronomes les plus méritants sont
sur une planète ou sur ses satellites, mais elle est
indispensable, cependant,
locales.
Prenons, au reste, le problème géométrique de
la manière la plus simple : dans les deux cas, pour
qu'il y ait éclipse, le Soleil, la Terre et la Lune doi-
vent se trouver en ligne droite,
voisinage d’un de ses nœuds, la Lune doit être en
conjonction ou en opposition; de plus, les distances
mutuelles devront être telles que l'ombre de la
Lune atteigne la Terre, ou réciproquement, ce qui
nous conduit à calculer la longueur des cônes d'om-
bre portée par ces deux astres.
1° Ombre de la Terre. — Si nous désignons par
1 la longueur du cône d’ombre, par r et R les
rayons de la Terre et du Soleil, et par d la distance
des centres de ces deux corps, on à immédiale-
ment :
par ses conséquences
c'est-à-dire que, au
Go = =
CRE ie FC
d d
c'est-à-dire :
__ 206.265
5D—w
214
JEAN MASCART — LES ÉCLIPSES ET LA CONSTITUTION PHYSIQUE DU SOLEIL
D et w figurant le diamètre apparent et la paral-
laxe horizontale du Soleil. Prenons alors pour r la
valeur moyenne du rayon terrestre à la latitude de
45°; considérons quele demi-diamètre apparent = D
ni
varie entre 16118" et 1545", soit entre 978" et 945”,
et que la parallaxe horizontale w est comprise
eatre 9! et 8,8; il en résulte que le minimum de la
longueur du cône d'ombre possède la valeur :
206.265
= r—9207r
Or, la distance de la Terre à la Lune, lorsque
celle-ci est à son apogée, est de 63,7 rayons ter-
restres : done, toujours, le cône d'ombre de la
Terre atteindra la Lune.
Ainsi l'éclipse de Lune est visible, au même in-
stant, en tout un hémisphère, pour lequel la Lune
est alors au-dessus de l'horizon et, comme ce phé-
nomène présente une certaine durée, on peut même
dire qu'il est visible sur plus de la moitié de la sur-
face de notre globe. À chaque instant, au pôle de
l'hémisphère en question, il y aura éclipse de Lune
au zénith : en ce point, le temps sidéral est égal à
l'ascension droite de la Lune, et la latitude égale
la déclinaison de notre satellite.
Mais c'est là un problème parfaitement théo-
rique que nous venons d'esquisser, et quand nous
disons que la longueur du cône d'ombre estenviron
de 200 rayons terrestres, nous n'apportons qu'une
donnée fictive et purement géométrique ; en réalité,
il est impossible de négliger notre atmosphère, dont
l'influence consiste à réfracter les rayons tangents
et à réduire énormément la longueur de ce cône
d'ombre pour la faire tomber à 42 rayons : dans
ces conditions il ne saurait jamais y avoir d’éclipse
totale ; la Lune serait loujours éclairée pendant une
éclipse, et un observateur à sa surface verra tou-
jours au moins les 3/4 de la surface du Soleil. Et,
s'il n'y a pas à proprement parler d'éclipses totales,
on conserve ce nom, cependant, pour le cas des
éclipses dans lesquelles la Lune pénètre tout enlière
à l'intérieur du cône géométrique langent aux sur-
faces du Soleil et de la Terre. Au reste, notre atmo-
sphère intervient encore d'une seconde manière :
les couches d'air inférieures sont plus ou moins
humides, d'une transparence incomplète, ce qui
leur permet d'éteindre en grande partie les rayons
qu'elles réfractent et d'augmenter ainsi l'apparence
d'éclipse; de plus, elles absofbent principalement
la nuance complémentaire du rouge, de sorle que
la Lune est toujours teintée en rouge pendant les
éclipses totales.
Enfin, les couches les plus basses de l'atmosphère
sont trop denses pour que les rayons lumineux
qui les traversent soient encore capables d'éclairer | question est inférieure à 1°2#.
la Lune par réfraction. Si l'on veut tenir compte
de l'effet de ces couches, et mettre d'accord les prés
dictions d’éclipses de Lune avec les observations
Mayer a reconnu qu'il suffisait d'augmenter de
_ de sa valeur le diamètre de l'ombre.
20 Ombre de la Lune. — Le calcul que nous venons
d'indiquer est tout aussi simple dans le second cas
on trouve alors que la longueur du cône d'ombre
portée par la Lune peut varier entre 57,54 X
59,73 X r. Or, la distance de notre satellite oscille
entre 55,9 Xr et 63,7 X 1, de sorte que son ombre
peut, ou non, atteindre la Terre : dans le premier
cas l'éclipse de Soleil est Lotale, dans le second elle
est annulaire. Ceci, bien entendu, pour les poin
situés dans l'intérieur du cône d'ombre ou de sot
prolongement, car l’éclipse n'existe point en un lieu
d'observation trop éloigné et n’est que partielle pou
un observateur placé dans la région de pénombre
Ainsi l'ombre de la Lune va se déplacer à la su
face de la Terre, d'abord en raison du mouvement
relatif de la Lune et du Soleil, puis en raison du
mouvement de rotalion de la Terre: et, comme les
moyens mouvements diurnes de la Lune et du S
leil sont respectivement de 13° et de 1°, la Luné
nous semblera se déplacer, par rapport au Soleil
de 12° par jour, ou de 30° par heure dans la direcm
tion de l’ouest à l’est, c'est-à-dire que, vue de la
Lune, l'ombre marcherait dans ce sens, sur la Terre
immobile, avec cette même vitesse de 30! à l'heure:
le calcul plus complet montre que, effectivement
l'ombre de la Lune se déplace de l’ouest à l’est.
Mais nous avons dit également que la possibilité
de l’éclipse exigeait la présence de la Lune au voë
sinage d'un de ses nœuds, et celte dernière condi
Lion est bien imposée par ce fait que le plan d&
l'orbite lunaire ne coïncide pas avec celui de Péclip:
tique : et, en effet, si la Lune restait constamment
dans le plan écliptique, il y aurait éclipse à toutt
conjonction (ou opposition), tandis que notre satel
lite, s'écartant de l’écliptique, peut atteindre et dé
passer une latitude de 5°, ce qui va rendre réelle
ment les phénomènes un peu plus complexes. E
calcul complet, d’ailleurs très facile, peut alors &t
résumer de la manière suivante :
Si la latitude de la Lune est supérieure à 49
l'éclipse de Lune est impossible.
Si la latitude est comprise entre 52! et 143
l'éclipse est douteuse.
Si la latitude est inférieure à 52, l’éclipse es
cerlaine.
Pour une éclipse de Soleil, les résultats sont di
mème nalure: l'éclipse est impossible si la latituden
de la Lune est supérieure à 1°34'; douteuse entres
192%" et 1°34'; certaine, enfin, si la latitude &
JEAN MASCART — LES ÉCLIPSES ET LA CONSTITUTION PHYSIQUE DU SOLEIL
215
Au resle, ces limites dans la latitude peuvent
s'exprimer autrement par des limites dans la dis-
“jance de la Lune à son nœud, et nous revenons à
ire que l'éclipse de Lune est possible si la distance
de la Lune à son nœud est inférieure à 12°, tandis
“que l'éclipse du Soleil exige seulement que cette
“mème distance ne dépasse pas 17°. Ainsi, la fré-
quence relative des éclipses, pour la Lune et le Soleil,
12
17.
Si les éclipses de Soleil sont donc plus fréquentes
que celles de notre satellite, ce résullat cependant
parait au premier abord paradoxal, puisque l'on à
beaucoup plus souvent l'occasion d'apercevoir des
éclipses de Lune; et c’est parce que, nous l'avons
pu deviner déjà, en un même lieu les éclipses de
«Lune, s'étendant à tout un hémisphère, sont envi-
ron trois fois plus fréquentes que celles du Soleil,
chacune de ces dernières étant localisée à une
étroite région terrestre. Au reste, un exemple
fera mieux comprendre la rareté, en un point
déterminé, des éclipses totales du Soleil : la der-
nière qui fut visible à Paris remonte à 1724, et la
prochaine ne se présentera pas avant l'an 2026.
Enfin, la durée d'une éclipse de Soleil est toujours
assez courte: elle est aumaximum de huitminutes à
l'équateur et de six minutes à la latitude de Paris,
pour une éclipse totale; de 12 et 10 minutes pour
une éclipse annulaire, tandis que la durée totale du
phénomène, depuis le premier contact jusqu'au
dernier, ne peut dépasser quatre heures et demie
à l'Équateur, et trois heures et demie à Paris.
Maintenant que nous savons dans quelles con-
ditions peuvent se produire les éclipses, il reste à
calculer à l'avance, à prédire le retour de ces
hénomènes si importants.
Or, la ligne des nœuds se meut sur l’écliptique
dans le sens rétrograde: les éclipses vont se repro-
duire dans le même ordre après la période qui
amène le Soleil, la Lune et la ligne de nœuds dans
es mêmes positions relatives. En introduisant donc
révolution synodique, 29,53060 jours, et la
évolution draconitique, 27,21229 jours, le pro-
blème revient à trouver deux entiers K et K!tels
Sera représentée par le rapport
Ne
K.29,53060 — K!.27,21229
dont les réduites successives sont:
Et, si nous voulons nous en tenir à cette dernière
réduile, nous aurons :
révol. dracon. — 6.587 jours 37
942 == CARE
223 révol. synod. — 6.587 jours 37 = CHaneMIMourse
Aïosi,au bout de dix-huitans onze jours, c'est-à-
diresensiblement après une révolution du nœud, les
trois mobiles reviendront dans les mêmes positions
relatives: cette période, dite saros par les Chal-
déens, leur avait élé enseignée par l'observation
des éclipses et comprend, en général, 70 éclipses,
soit 41 éclipses de Soleil et 29 éclipses de Lune!
Après quoi les phénomènes vont se reproduire
dans le même ordre et aux mêmes intervalles.
Enfin, dans une même année, il y a au plus
7 éclipses: 4 ou 5 de Soleil et 3 ou 2 de Lune. Il y
en à au moins deux et, s’il n’y en a que deux, ce
sont deux éclipses de Soleil.
On pourrait penser, cependant, que ces caleuls
ne sont encore que très approchés, en ce qui con-
cerne la périodicité des éclipses, parce que nous
n'avons fait entrer en ligne de compte que les
moyens mouvements du Soleil, de la Lune, de la
ligne des nœuds, et que les inégalités sont appelées
à troubler une telle concordance ; il n’en est rien,
et cette concordance est fort exacte à cause de la
coïncidence suivante : le cycle chaldéen comprend
aussi 239 révolutions anomalistiques qui équivalent
à 6.585,5 jours de sorte que, après dix-huit ans
onze jours, non seulement la Lune revient aux
mêmes posilions par rapport à son nœud et par
rapport au Soleil, mais encore sensiblement à la
même posilion par rapport à son périgée.
IT. — LES PREMIÈRES OBSERVATIONS D ECLIPSES.
Comme les phénomènes superficiels qui se
produisent sur le Soleil sont dissimulés, en temps
ordinaire, par l'éclat de la surface, l'observation la
plus attentive ne fournitpas grands renseignements
sur la nature même de cet immense foyer, et il
fallut profiter avec soin des éclipses totales pour
étudier la périphérie, pour édifier lentement l'état
actuel denos connaissances et de nos théories sur
la constitution physique du Soleil.
La première apparence qui attire le regard, pen-
dant une éclipse totale, consiste en une auréole
lumineuse, blanchàtre et dégradée, qui entoure le
disque obscur de la Lune et peut s’en éloigner à une
distance égale à celle du diamètre solaire lui-même :
c'est la couronne. Puis, la moindre attention permet
d'observer les protubérances. Or, ces phénomènes
si importants ne sont guère suivis el observés avec
216
JEAN MASCART — LES ÉCLIPSES ET LA CONSTITUTION PHYSIQUE DU SOLEIL
soin que depuis l'éclipse tolale de 1842, bien que
les plus vieux textes aient donné déjà des indica-
tions très précises relativement à la visibilité de la
chromosphère : Ainsi, Plutarque, lorsqu'il parle de
l’éelipse totale de l'an 98, dit que « la Lune laisse
déborder autour d’elle, dans les éclipses, une partie
du Soleil, ce qui diminue l'obscurité. » Les derniers
mots, comme le pensait Arago, ne peuvent laisser
aucun doute : il s'agit bien là d'éclipse totale, car,
par une éclipse annulaire, il n'y a véritablement
pas obscurité, mais bien plutôt un simple affaiblis-
sement de la lumière.
Il est certain, au reste, que les Anciens admet-
taient l'impossibilité des éclipses totales !. Mais,
sans nous altarder à l'Antiquité proprement dite,
nous pouvons trouver au Moyen-Age d'intéres-
santes indications visuelles sur les éclipses, la cou-
ronne et même les protubérances.
L'observation la plus ancienne dans laquelle les
phénomènes soient réellement décrits avec quel-
ques détails précis remonte à l’an 1239”. Le chroni-
queur dit nettement que l’on vit un cercle autour
du Soleil, avec un trou enflammé dans la partie
inférieure, — Quoddam foramen erat ignilum in
circulo solis ex parte inferiori — ce qui, sans nul
doute, doit êlre considéré comme se rapportant à
une importante protubérance. Clavises observe un
phénomène analogue le 21 août 1550 et il en parle
avec surprise. Nous pouvons encore chercher de
précieux renseignements sur la visibilité de la cou-
ronne dans l’A/magestum n0ovum du père Riccioli :
Ici, pendant les éclipses totales, la couronne est
présentée comme un anneau lumineux entourant
le disque noir de la Lune, et l'on ne tarde pas à
donner l’explicalion de ce phénomène en utilisant
les déterminations des diamètres apparents du
Soleil et de la Lune faites par Tvcho-Brahé. En effet
celui-ci avait trouvé que, dans les meilleures condi-
tions, c'est-à-dire pour la Lune au périgée et le Soleil
à son apogée, le diamètre angulaire de la Lune
reste toujours inférieur à celui du Soleil. Il en ré-
sullait done bien, pour eux, l'impossibilité des
éclipses totales : toutes les éclipses étaient annu-
laires, et l’on apercevait toujours, autour de la Lune,
un anneau lumineux constitué par la surface même
du Soleil. Mais bientôt apparait dans la science
l'invention des lunettes; la mesure des diamètres
angulaires s'effectue avec une plus grande préci-
sion, et l'on est obligé de reconnaître que, dans les
cas les plus favorables, le diamètre de la Lune peut
surpasser celui du Soleil d’une quantité approxi-
mativement égale à 27; il fallait chercher une
toute autre explication à l'apparition de cette au-
1 V PLurarQuE : Opera Moralia. De facie in orbe Lunæ.
? Cette observation a été rapportée par Muratori. Ann R.
Ital., &. XIV. col. 1097.
réole qui entoure la Lune pendant les éclipses
Kepler propose deux hypothèses pour expliquer
la présence de la couronne. Dans la première, il
suppose le voisinage du Soleil constitué par de
l'éther enflammé, qui resterait lumineux quand
l’astre lui-même serait éclipsé ; la seconde hypo=
thèse, qu'il fallut abandonner depuis, mais qui fut
alors acceplée par presque tous les astronomes;
consiste à dire que, pendant une éclipse totale, on:
aperçoil l'atmosphère de la Lune éclairée par les
rayons tangenls issus du Soleil. Le premier, Cassini
s'éleva précisément contre celte conception : Dans
de nombreuses observations des occullations
d'étoiles ou de satellites par une planète, il
n'avait, en effet, jamais observé de diminution
appréciable dans l'éclat des astres qui Ss'appro=
chaient du bord de la Lune. Néanmoins, il ajoute
que, « dans quelques cas, il a vu l’allongement des
disques d'étoiles et de satellites quand ils tou-
chaient le bord de la Lune; cela donne à supposer
qu'autour de la lune existe une atmosphère, mais
si faible qu'elle ne peut devenir si netlement visi=
ble pendant les éelipses totales. »
L'éclipse totale de 1706 allait fournir une excel=
lente occasion d'élucider ce premier problème et
l'on se garda d'y manquer puisqu'elle était visible
dans le Sud-Est et le Sud de la France; voici, à cet
égard, ce que nous trouvons de plus saillant dans
l'Histoire de l'Académie Royale des Sciences pour
l'an 1706 : ï
« L'Astronomie peut se vanter, et elle conservera
cette gloire dans les siècles à venir, que jamais phé-
nomène céleste n’a eu de plus grands et plus illus="
tres observateurs. Le roi voulut voir faire les ob=«
servalions par des astronomes de l’Académie, et
pour cela M. Cassini le fils et M. La Hire le fils
allèrent à Marly avec tous les instruments néces=
saires. La Société Royale des Sciences de Montpel=
lier observa avec beaucoup de soin cetle éclipse.
Ces messieurs ont remarqué que, pendant qu’elle
fut totale, l'obscurité ne ressembla ni à celle de lan
nuit, ni à celle du crépuseule, mais qu'elle fut
d'une espèce particulière, qui ne peut non plus
s'exprimer que la lumière et le son. Il est assez
étonnant que la variélé qui règne dans la Nature
s'élende jusque sur l'obscurité, qui semble n'avoir
qu'une cause, et par conséquent devoir être forb
uniforme. ,
« Mais, de tous les phénomènes de cette éclipse,
le plus considérable, et en même temps le plus
difficile à expliquer, ce fut une couronne d'une
lumière pâle, large de la douzième partie du dia
mètre de la Lune, qui parut autour de son disque»
dans les lieux où l'éclipse fut totale, Les astrono=
mes de la Société Royale de Montpellier, plus atten*
tifs el plus exacts que d’autres observateurs,
remarquèrent que cette couronne, qui, à la vérité,
des bornes qu'on vient de lui donner, allait beau-
oup plus loin, en s’affaiblissant loujours, et formait
un grand espace circulaire de huit degrés de dia-
“mètre, dont la Lune était le centre. »
Toutes les observations effectuées à Montpellier,
q
rait bien paraître une chevelure lumineuse au Soleil
dans les éclipses totales. C'est cette lumière répan-
due sur le Zodiaque, que nous commençämes
d'observer avec admiralion au mois de mars 1683.
Dans notre Rapport, nous jugeàämes que, si l'on avait
pu voir cette lumière à la présence du Soleil, elle
lui avait formé peut-être une espèce de chevelure.
« Nous avons supposé qu'il ya autour du Soleil
une malière lumineuse plus dense, proche de cet
astre, el plus rare à une plus grande dislance, où
elle est facilement effacée par les crépusecules et par
la clarté de la Lune. Dans cette éclipse, on aura pu
voir aisément la partie de cette lumière plus dense
qui environne immédiatement le Soleil, comme il
est arrivé en diverses villes. La partie la plus rare,
“qui lui succédait à une plus grande distance du
Soleil, n'aura pas pu être observée aisément; néan-
moins, les astronomes de Montpellier, qui apportè-
t une attention particulière pour voir s'ils ne
listingueraient point notre lumière, remarquèrent
autour de cette couronne une aire lumineuse plus
le, qui s'étendait jusqu’à la distance de quatre
degrés de côté et d'autre. Le reste de la lumière,
qui s'étend à une distance beaucoup plus grande,
n'aura pas été visible à cause que l'obscurité de
Pair n'était pas assez grande pour pouvoir distin-
guer la partie la plus rare qui est plus éloignée du
oleil, et qui ne parait le matin qu'avant que le
Doc commence, et le soir de ‘après qu'il est
« Ayant donc supposé cette malière lumineuse,
On en pourra voir la partie plus dense, qui envi-
onne immédiatement le Soleil, dans les éclipses
lotales, avec quelques différences en divers lieux
de la Terre, suivant la diverse constitution de
Londres, l’éclipse totale du 3 mai 1715 : Lionville
EVUE GÉNÉRALE DES SCIENCES, 1901
de ses
JEAN MASCART — LES ÉCLIPSES ET LA CONSTITUTION PHYSIQUE DU SOLEIL A
fit de très intéressantes observations de la cou-
ronne et crut qu'il fallait, au contraire, en attribuer
la présence à l'atmosphère de la Lune. Cette opi-
nion élait principalement basée sur le fait SERRE $
observations, comme de celles de Halley,
semblait résulter que la couronne était ie
non autour du Soleil, mais autour de la Lune. Au
reste, il remarque très justement que la couronne
n'était pas régulière, et il mentionne que l'on aper-
cevait, autour du disque lunaire, des rayons res-
semblant à ces gloires que l’on dessine autour de la
tête des saints.
Alors, précisément, il compare encore les rayons
à ceux que l'on voit, après le coucher du Soleil,
dans un pays de hautes montagnes, et le fait parait
tout naturel puisque l’on sait que, dans la Lune,
il y a de plus hautes et de plus abondantes mon-
tagnes que sur la Terre; l’ensemble des observa-
lions conduit Lionville à attribuer une hauteur
de 64 lieues à l'atmosphère lunaire, ce qui ne doit
nullement étonner, selon lui, si l'on
la pesanteur sur la surface lunaire est trois fois
moindre que sur la Terre et que, par conséquent, à
égalité de quanlilé d'air, l’atmosphère de la Lune
devra s'élever à une hauteur trois fois plus consi-
dérable que ne le fait la nôtre.
De plus, pendant cette éclipse de 1715, Lionville
observa nettement, pour la première fois, la chro-
mosphère solaire : « J'ai observé, dit-il, que, vers
la fin de l'éclipse entière, il y avait, autour du bord
de la Lune qui n'avait pas encore quitté le Soleil,
un cercle d'un rouge très vif, dont le limbe de la
Lune était bordé, ce qui venait sans doute de ce
que ces sortes de rayons, étant ceux qui sont le
moins faciles à rompre, étaient séparés des autres
qui souffrent une plus grande réfraction, ce qui
faisait qu'ils étaient les seuls qui pussent encore
être visibles. » Et celle observation fut confirmée
par Halley qui apercut, en outre, la rupture du
mince croissant du Soleil par les montagnes de la
Lune, les « Baily beads ». Mais, entrainé par l'idée
fixe d'une atmosphère lunaire, il erut devoir attri-
buer ce phénomène aux inégalités de réfraction qui
se produisent dans les couches atmosphériques
voisines du disque de la Lune; le raisonnement le
conduisait à admettre une condensation gazeuse
dans la calotte qui entoure le pôle méridional de
notre satellite, « lequel air ne voyant jamais le
Soleil, ou du moins que fort obliquement, doit être
d'une densité beaucoup plus grande que le reste de
la même atmosphère ».
Cette explication peut ardt hui nous paraitre
bien légère et, cependant, elle fut certainement
émise avec la plus entière bonne foi; les circons-
tances mêmes étaient groupées pour la rendre
vraisemblable, car le phénomène apparut précisé-
songé que
5*
218
JEAN MASCART -- LES ÉCLIPSES ET LA CONSTITUTION PHYSIQUE DU SOLEIL
ment au pôle méridional de la Lune et, de plus,
Lionville faisait enfin la remarque très importante
que le Soleil s'affaiblissait toujours d'intensité au
fur et à mesure que la Lune se rapprochait de lui :
l'explication de cette singularité se présentait encore
naturellement dans son système, puisque les rayons
solaires étaient de plus en plus absorbés par l’at-
mosphère de la Lune, chargée de vapeur d’eau.
Toutes ces raisons sont abandonnées aujourd'hui,
mais l'observation de Lionville, très bien conduite
et très complète, peut être considérée comme une
base sûre, car le dernier signe de l’affaiblisse-
ment lumineux fut retrouvé dernièrement, princi-
palement à l’aide de la photographie.
Enfin, à propos de cette éclipse de 1715, de nom-
breux observateurs sont d'accord sur un phéno-
mène très singulier, qui ne parait pas avoir reçu,
jusqu'ici, d'explication satisfaisante; il s'agit, si
l’on en veut adopter leur description, « de fulmina-
tions ou vibrations instantanées apparaissant sur
la superficie de la Lune. C'étaient des feux qui ne
duraient qu’un instant; ils allaient en serpentant
comme font nos éclairs : ce n’était donc autre chose
que des éclairs, des tonnerres qui pouvaient être
alors dans l'atmosphère de la Lune, supposée plus
orageuse que celle de la Terre, à cause du grand nom-
bre deses hautes montagnes. Ce spectacle imprévu
causa une espèce de frayeur aux observateurs. »
Ces deux éclipses, de 1706 et 1715, si rappro-
chées, et qui devaient donner lieu à des observa-
tions intéressantes autant qu'inattendues, altirèrent
bien légitimement l'attention du monde savant tout
entier : cette apparition de la couronne fit le plus
grand bruit et suscita des recherches, tout comme
des discussions. Malheureusement, les astronomes
ou les physiciens, nous allons le voir, multipliant
leurs expériences, devaient verser dans une bien
autre difficulté : les propriétés intimes de la
lumière et les conditions de sa propagation.
Dans les Mémoires de l’Académie des Sciences
pour l'an 1715, nous trouvons d’abord un travail
étendu, dans lequel Delisle donne une bonne et
complète description de ses expériences, en vue
d'étudier et de reproduire toutes les circonstances
des éelipses : Il introduit, dans une chambre noire,
par un trou très pelil, le faisceau des rayons du
Soleil qui lui permet d'obtenir l’image du disque
sur un écran blanc; à une distance déterminée de
cet écran, il place alors un cercle opaque de telle
sorte que le diamètre de son ombre surpassât légè-
rement, sur l'écran, celui de l'image du soleil. En
interceptant ainsi complètement le faisceau lumi-
neux par le disque, Delisle observe sur l'écran
l'ombre du disque, entourée par un anneau lumi-
neux à bords bien définis.
Cet anneau n'était pas idenlique, à beaucoup
près, à la couronne observée pendant les deu
éclipses et, cependant, Delisle crut devoir iden=
tifier les deux aspects. Il conclut donc de son
expérience, pour expliquer l'apparition de l’aus
réole lumineuse autour de la Lune, pendant les
éclipses totales du Soleil, que point n'est même
besoin de supposer l'existence de l'atmosphère
lunaire, « pas plus qu'autour du cercle de plomb
qui me servait pour couvrir l'image du Soleil »
mais que la couronne est simplement le résultats
d'un phénomène de diffraction pour la lumière. HI
ajoule que, lorsqu'il regardait son disque à l’aide
d’une lunette, il le voyait entouré par plusieur.
anneaux lumineux, nettement séparés les uns des.
autres par des intervalles sombres et colorés; ainsi
son expérience était bien faite, l'explication même
en était bien dans la diffraction, mais son identi=
fication des deux phénomènes était absolument
illusoire et, avec un peu moins d'entrainement, il
eut pu le reconnaitre, puisque la couronne lunaire
n'est pas régulière comme son anneau, et que, de
plus, elle élait unique dans toutes les observations:
La même année, de la Hire cherchait à expliquer
autrement encore l’apparilion de la couronne et il
réalisa l'expérience suivante : Il prend une boule
de pierre de couleur blanc-grisätre, non polie, et
la suspend à un fil, de manière qu'elle éclipse le
Soleil à ses yeux. Il aperçut alors une auréole
lumineuse autour de la boule de pierre, dont la
surface, avec ses aspérités fort inégales, réfléchit
la lumière solaire : d'où l'auréole. Jusqu'ici lexpli-
calion est vraiment par trop vague, et il crut l'ex=
pliciter de la manière suivante : le diamètre du
Soleil étant, en fait, beaucoup plus grand que celui
de la Lune (ou de la pierre), les rayons solaires
éclairent toujours plus de la moitié de la sphère;
ainsi done, en regardant la partie obscure, on la voit
entourée par le cercle lumineux qui déborde de
la ealotte hémisphérique. Rien n'arrête plus pour
complèter l'explication de la couronne; l’épaisseu
de cet anneau est variable avec la distance de 1
Lune au Soleil et, par suite, tantôt la couronne nous
apparait plus large et plus brillante pendant une
éclipse, tantôt, au contraire, elle devient presque
invisible; enfin la surface de.la Lune, loin d'être
uniforme, est recouverte de hautes montagnes où
de profondes vallées ; l'anneau n'est donc pas régus
lier : il présentera des interruptions qui constituent
les rayons mêmes de la couronne; et les change
ments dans la forme de cette auréole sont produits
par le mouvement du disque lunaire.
Cette explication est beaucoup moins bonne,
priori, que la précédente, et nous ne nous arrêtes
rons pas à la discuter: en fait, elle repose sur une
raison géométrique assez subtile, mais il n’y es
tenu aucun compte de ce que nous sommes for
JEAN MASCART -- LES ÉCLIPSES ET LA CONSTITUTION PHYSIQUE DU SOLEIL
219
EL
foisins de la Lune, ce qui nous empêche aussi d’en
percevoir un hémisphère entier, et, outre que la
randeur de la couronne n’eslnullement expliquée,
“Mais l'occasion était belle de nouveau : il allait y
joir une éclipse tolale de Soleil le 22 mai 1724,
ter à cet intéressant phénomène, tandis que les
tronomes pensaient bien profiter de celte occasion
pour résoudre définitivement toutes les questions
lors en discussion.
Louis XV fit venir à Trianon les astronomes
Jaraldi et Cassini ; lui-même, il observa avec eux
différents contacts et doigts de l’éclipse; et,
on l'expression même de Cassini, le roi avait
pporté le thermomètre et le baromètre de son
inet pour observer « les variations qui pour-
aient arriver pendant l’'éclipse, lant dans les degrés
le chaud et de froid que dans la pesanteur de
r ». Cette observation royale ne devait pas four-
ir grand résullat scientifique : on apercevait bien
la couronne autour de la Lune, mais sans en pou-
» semblait pas concentrique à la Lune.
A l'Observatoire de Paris, les conditions de visi-
ité sont plus favorables et Delisle se charge des
plit ces thermomètres d'esprit de vin, les sou-
et « à l'expérience de l’eau bouillante et ensuite
à tempéralure de l'air pendant l’éclipse ». Pendant
totalité, il apercut bien effectivement l'auréole
ineuse autour de la Lune, avec une largeur
onslante; cependant cet anneau paraissait blanc
2 E son contour extérieur n'était pas aussi netle-
nent délimité que pour les anneaux artificiels de
expériences : « Mais, continue-t-il, entrainé par
On hypothèse première, comme je persiste dans
la, pensée que ces anneaux artificiels et celui qui
arait autour de la Lune dans les éclipses totales
Soleil proviennent d'une même cause, je crois
e ce qui m'a empêché d'apercevoir cet anneau
Le 2 mai 1733, Vasssenius observe aussi la cou-
ronne : il remarque les flammes rouges que nous
appelons aujourd'hui protubérances et, toujours
dans les mêmes idées, il les attribue à des nuages
flottant à travers l'atmosphère de la Lune et éclairés
par le Soleil d'une façon particulièrement intense.
Il y eut encore une éclipse lotale, au xvin° siè-
cle, le 24 juin 1778, et, si les observateurs en fu-
rent peu nombreux, nous possédons cependant une
fort bonne description d'un amiral espagnol, don
Antonio de Ulloa; don Antonio aperçut la couronne
large de 5' environ, avec circonférence intérieure
rougeätre, dont la teinte va en s’affaiblissant dans
le jaune pâle, pour paraitre entièrement blanche
lorsque l'on parvient au bord extérieur. Çà et là, à
partir de cet anneau lumineux, et jusqu'à des dis-
tances égales au diamètre angulaire de la Lune,
tantôt plus, tantôt moins, s'échappaient des jets ou
rayons perceplibles, et le tout semblait animé d'un
mouvement circulaire rapide, tel un soleil ou feu
d'artifice mis en jeu sur son centre.
III. — LES ÉCLIPSES AU XIX° SIÈCLE.
Ainsi, en réalité, le problème de la constitution
physique du Soleil, celui de la nature de la couronne,
qui paraissaient devoir être définitivement tranchés
au début du xvir° siècle après avoir attiré l'atten-
lion du monde savant, étaient à peine posés, au
contraire, lorsque fut visible en Amérique l'éclipse
totale du 16 juin 1806. Cette éclipse fut observée
par Bowditch et Ferrer. Ce dernier remarqua que la
couronne était concentrique au Soleil, avait une
largeur de 6 minutes, avec une coloration « blanc
de perle » et que, parfois, du bord de l'anneau par-
taient des rayons pouvant s'étendre jusqu à une
distance de trois degrés.
Il n'y avait encore guère là de victoire, et la ques-
tion eut progressé fort lentement si F. Arago
n'avait eu l'intuition que le problème allait changer
entièrement d'allure pour se diriger dans une voie
en quelque sorte plus physique ; dans une nolice
justement célèbre, il attira tout particulièrement
l'attention sur l'intérêt et l'utilité des observalions
d'éclipses, et c'est à son influence, à sa haute auto-
rité, que l'on doit cerlainement en partie les si
nombreuses observalions de l'éclipse qui allait se
produire en 1842.
L’éclipse totale de 1842 se présentait, au reste,
pour nous, dans des condilions particulièrement
favorables, sa ligne centrale passant à travers toute
l'Europe et l'Asie ; elle fut observée en France par
les astronomes français, en Italie par les Italiens et
les Anglais, en Autriche parles Allemands !. Et cette
4 Voir ArAGo : Annuaire du Bureau des Longiludes pour
1846; Barzy : Memoirs of the FR. Astron. Society, t. XV, 1846.
220
JEAN MASCART — LES ÉCLIPSES ET LA CONSTITUTION PHYSIQUE DU SOLEIL
éclipse revêt, au point de vue historique, un carac-
tère spécial, puisque, pour la première fois, elle
fournit à Fusinieri l'occasion de tenter l'analyse
spectrale de la lumière coronale : « M. Fusinieri, dit
Arago, décomposa, à l’aide d’un prisme de verre, la
lumière de l’auréole lunaire. Il assure que le spec-
tre provenant de cette décomposition manquait
absolument de vert; que la place qu'occupe ordi-
nairement celte couleur était entièrement obscure. »
Mais ce n'est pas tout et, bien que l'observation
des protubérances soit relativement plus récente
que celle de la couronne, nous avons vu que Stan-
nyan (1706), Lionville (1715), lord Aberdour, au
cours d'une éclipse annulaire (1717), Vassenius
(1733) et quelques autres auteurs avaient cepen-
dant, et sans s’y arrêter beaucoup, donné quelques
indications el quelques descriptions sur ces étran-
ges phénomènes. On allait avoir d'importantes
déterminations avec Airy, Arago, Baily, de Littrow,
Fusinieri, Mauvais, Petit, Piola, elc., et, à propos
de l'observation de deux protubérances roses pen-
dant l’éclipse du 8 juillet 1842, Arago dit fort nette-
ment que l’on « se trouve mis sur la trace d'une
troisième enveloppe située au-dessus de la photo-
sphère et formée de nuages obscurs ou faiblement
lumineux. »
Ainsi les idées vont se préciser et les moyens de
recherche se multiplier. Depuis 1842, les observa-
tions attentives de treize éclipses totales vont
apporter desrésultatstousles jours plus intéressants,
en même temps que l'analyse spectrale complétera
si heureusement les recherches télescopiques. Pour
la couronne, les gloires el rayons lumineux qui
l'entourent, on reconnail de plus en plus l’impossi-
bilité d'attribuer ces aspects si divers à l’atmos-
phère de la Terre, qui iutervient certainement,
mais trop faiblement: quant à l'hypothèse ancienne
d'une atmosphère lunaire, elle est très rapidement
abandonnée et, dut-elle exister, cette atmosphère
est sûrement lrop peu élevée et trop éthérée pour
jouer ici un rôle appréciable; ainsi ces apparences
sont donc bien véritablement propres au Soleil lui-
même, comme l’affirme Otto Struve, dès 1851.
L'éclipse de 1851 est observée, en Suède, par les
Anglais, les Allemands et les Russes": Ollo Stlruve
a l’occasion d'y mesurer les hauteurs des protubé-
rances.
L'éclipse du 30 octobre 1853 est observée par
Moesta; celle du 7 septembre 1858 par Gilles et les
Brésiliens; celles de 1865 et 1867 par le P. Capel-
letti, Moesla, etc. ,
Cependant, en 1858, d'après ses propres observa-
tions, et celles de ses prédécesseurs, Liais avait déjà
tenté un classement rationnel des protubérances,
! Voir les Wémoires de la Soc. astron. de Londres, t. XXI.
Nous voici parvenus à l'éclipse lotale du 48 juils
let 1860, incontestablement une des plus impor
tantes et des plus fertiles en conclusions, à cause
des photographies que l’on obtient en deux points
différents : l'honneur de l'intervention des images
photographiques pendant les éclipses revient, en
plus grande partie, à Warren de la Rue !, et ce pro:
cédé, seul rapide, descriptif et complet, va deveni®
indispensable pour être employé avec succès dans
toutes les éclipses suivantes.
Le 31 décembre 1861, au Sénégal, Poulain et
Dutaillis observent pour la première fois les franges
mobiles. D'ailleurs l'analyse spectrale avait fait de
très rapides progrès. On savait déjà que le spectre
de la lumière solaire est un spectre d'absorption dû
à la photosphère, on connaissait dans son ensemble
la composition chimique du Soleil, mais il restait
encore, précisément, à éludier les spectres de la
couronne et des protubérances.
C'est ici que se place l'éclipse célèbre du
18 août 1868: elle devait offrir pour l'étude des
spectres une occasion excellente, d'autant qu'elle
est très rare, puisque la durée de l'éclipse totale
allait atteindre jusqu'à 6%45° dans la presqu'ile
de Malacca. Les principaux observateurs de cette
éclipse furent le lieutenant Herschel, le major Teu
nant, Janssen, Rayet, ete. « Deux magnifiques pro=
tubérances, dit M. Janssen, brillaient d'une splens
deur qu'il est difficile d'imaginer : l’une d'elles
avait plus de 3° de hauteur. Elle était formée d'une
immense colonne gazeuse incandescente, principa
lement composée de gaz hydrogène. » De ses obsers
tions spectroscopiques, M. G. Rayet conclut d’une
manière analogue que « les protubérances sont des
jets d'une matière gazeuse incandescente, les
flammes d’un phénomène chimique d’une puissaneë
extrême. La lumière de la couronne est très faible
par rapport à celle des protubérances. Tandis que
la lumière de ces dernières donne un spectre très
vif, la couronne ne donne aucun speclre coloré sens
sible. »
Ainsi, au cours de cette éclipse, on observe un
spectre continu relalivement pàle, sillonné pas
quelques raies fines et très brillantes qui, pour
plupart, peuvent être rapportées à l'hydrogène; om
était done bien en droit de conclure que les protus
bérances sont en grande parlie gazeuses, qu'elles
dépendent sûrement du Soleil, et ce nouveau pro:
cédé d'observation à l’aide du spectroscope permet
de lever les derniers doutes qui pouvaient encore
subsister sur l'origine de ces protubérances. Néan
moins, l'étude attentive des éclipses totales restait
indispensable pour élucider les choses, et prin
cipalement pour analyser les autres parties de
1 Voir WanneNDE LA RuE : Philosophical Transactions,1862
Vatmosphère solaire. En même temps, d’ailleurs, et
frappé par l'éclat des fines raies protubérantielles,
vun des observateurs eut l'idée, aussitôt après
éclipse, d'en rechercher la présence avec le même
“spectroscope dans la lumière diffuse du ciel au
bord du disque solaire : c'est en vertu de cette
“remarque que M. Janssen, indépendamment de
Lockyer, dont le procédé était resté inapplicable
“pendant 18 mois, allait utiliser et vulgariser l’em-
“ploi de cette élégante méthode générale sur laquelle
“nous aurons à revenir et qui, depuis cette époque,
en dehors des éclipses, permet d'assurer l'étude
égulière de la chromosphère et des protubérances.
Pendant l’éclipse de 1869, Young reconnait, à la
base de la chromosphère, une couche de vapeurs
rillantes, dite reversing layer où couche de ren-
ersement, et qui, selon les théories de Kirchhoff,
oit engendrer les raies noires du spectre solaire
“normal: mais cette couche est extrêmement mince
t, de ce fait, invisible en temps ordinaire; elle
'apparaît au commencement et à la fin de la tota-
ité que pendant un temps très court de une ou deux
… secondes.
—…. En 1870, Harkness et Young concentrent leur
“attention et leurs efforts sur l’élude de la couronne
“elle-même : ils observent alors un spectre continu
relativement intense, dans lequel il est aisé de dis-
“tinguer quelques raies de l'hydrogène et de l'hé-
ium, et pour lequel la particularité la plus remar-
“quable consiste dans la présence d'une raie verte,
“d'origine inconnue, qui apparaît à une grande hau-
F coronale.
Pendant l’éclipse de 1871, Janssen, avec un appa-
reil très lumineux, reconnait la présence de quel-
ques raies noires de Fraunhofer, d’ailleurs faibles,
dans le spectre des parties extérieures de la cou-
ronne,
Mais à partir de 1882, on va tendre de plus en
lus à remplacer l'observation visuelle par la pho-
tographie et à étendre l'étude du spectre dans une
seconde région, à peine soupçconnée jusqu'alors, à
savoir la partie la plus réfrangible. EL, en effet, au
point de vue spectral même, la plaque sensible
résente une supériorité incontestable: avec l'œil,
l'observation du spectre devient très difficile au-
elà du bleu, tandis que l'impression photogra-
phique est forte dans le bleu, l’indigo, le violet, et
peut même s'étendre aisément au delà, depuis À 400
usqu'à À 360, dans la région ultra-violette et invi-
Sible. Au reste, il ne faudrait pas croire que la
limite extrême est imposée par la plaque photo-
graphique : celle-ci pourrait être sensibilisée encore
‘beaucoup plus loin, mais celte limite est unique-
ment délerminée par les verres d'optique ordinaires
“qui absorbent complètement les radiations les plus
-réfrangibles; ainsi, avec des verres transparents
JEAN MASCART — LES ÉCLIPSES ET LA CONSTITUTION PHYSIQUE DU SOLEIL 224
spéciaux, et comme pour la lumière du disque,
l'étude de la lumière coronale pourrait être pour-
suivie dans une troisième région encore plus réfran-
gible, purement ultra-violette, mais cette étuden'a
pas encore été faite.
Cependant, grâce à la photographie, on recon-
naissait bien dans la seconde région les trois lumiè-
res à spectres différents" qui avaient élé distinguées
déjà dans la partie lumineuse du spectre et qui
composent la lumière coronale, mais l'attention des
observateurs était principalement portée sur le
spectre à lignes brillantes qui doit offrir l'intérêt
tout particulier de nous renseigner sur les gaz el les
vapeurs composant l'atmosphère solaire : Parmi
toutes les lignes brillantes de cette seconde région
spectrale, il faut attacher une mention spéciale
aux radiations attribuées au calcium et qui sont Jes
plus fortes, dans la couronne tout comme dans la
chromosphère.
En même temps, on cherchait à reconnaitre la
région où le spectre continu atteint son maximum
d'éclat : mais nous pouvons laisser ici de côté ce
point très particulier, car les résultats obtenus sont
véritablement encore tropdiscordants, les uns pla-
çant le maximum d'éclat de cette région dans la
partie violette, d’autres le situant dans le rouge.
Pour le vert solaire, cependant, il parait bien que
l'intensité soit de 40 à 100 fois celle de la couronne,
si l'on observe le même point par rapport au Soleil,
avant et pendant l’éclipse, de 0 à 10’ dy bord envi-
ron, mais les déterminations sont des plus déli-
cates et malaisées.
En février 14892, M. H. Deslandres, de l’'Observa-
toire de Paris, et M. Hale, directeur de l'Observa-
toire de Chicago, reconnaissent simultanément la
présence de gaz lumineux, sur le disque même du
Soleil, à l'emplacement des facules. Iei encore le
progrès nouveau est obtenu à l'aide de la photogra-
phie et chaque observateur à son mérite propre :
c'est à Chicago qu'est réalisé le premier instrument
permettant d'inscrire la forme de ces gaz, mais
c’est à Paris que l’on obtient le premier appareil
enregistreur des vitesses ; de plus, les expériences
de M. Deslandres établissent que ces gaz n'appar-
tiennent pas aux facules mêmes du disque, mais
qu'ils sont véritablement situés au-dessus, en sorte
que l’image obtenue représente la chromosphère
entière du Soleil, telle qu'on la verrait si la photo-
sphère eût préalablement été enlevée. Enfin, jus-
qu’alors, on ne possédait guère que les raies bril-
lantes renversées qui sont émises par des couches
relativement élevées de la chromosphère, tandis
que l’on obtient, à Paris, des images monochroma-
tiques du Soleil avec les raies noires du spectre
‘ Abney et Shuster, 1882, 1883, 1886.
normal qui correspondent à des couches plus
basses du reversing layer.
Les recherches progressent rapidement depuis
1892, et les trois cents raies environ que l’on peut
noter dans le spectre des protubérances sont pres-
que toutes identifiées avec des mélaux ou des
métalloïdes.
C'est peut-être ici le lieu de signaler encore les
nombreuses tentatives faites pour avoir quelques
indications sur la polorisation radiale de lalumière :
d'Abbadie, Arago, Mauvais (1842), Liais (1858),
d'Abbadie, Prazmowsky, Secchi (1860), Blaserna,
Brett, Langley, Pickering, Ranyard (1870), Ra-
nyard, Lockyer (1871), etc..., s'étaient attachés à
cette question, mais tous ces astronomes avaient
obtenu des résultats plus ou moins contradictoires.
M. Janssen est peut-être le seul qui, dès 1871,
accuse une polarisation nelte, el nous voilà rame-
nés, pour quelques minutes à peine, à un problème
de même ordre que celui de la détermination du
bleu du ciel, de la nature intime de la lumière dif-
fuse, questions si complexes encore malgré les
beaux travaux parus depuis les lucimètres et eya-
nometres primitifs de Bouguer el de Saussure.
Nous arrivons ainsi à l’une des éclipses les mieux
étudiées et les plus fructueuses, celle du 16 avril
1893.
M. Deslandres fut envoyé à Foundioum (Séné-
gal), par le Bureau des Longitudes, avec la mission
d'observer l'éclipse de 1893 et, à son retour, il con-
signa ses principales observations dans un rapport
assez complet, minutieux et des plus intéressants :
en effet, au lieu de s'étendre à plaisir sur ses pro-
pres déterminations, M. Deslandres à le mérite,
difficile et rare, de faire un remarquable exposé
de la question, résumant les travaux, les connais-
sances acquises définitivement, les hypothèses
émises au sujet de l'atmosphère solaire, avant de
montrer les desiderata actuels et les points. parti-
culiers dont il visait l'étude en montant ses expé-
riences personnelles. C'est pendant cette éclipse
que M. Deslandres fit ses premières observations
sur la rotation de la couronne solaire qui, selon
lui, au voisinage de l'équateur, suit à peu près le
disque du Soleil dans son mouvement : en même
temps que M. de La Baume-Pluvinel, il remarque
encore la corrélation qui existe entre la forme de la
couronne et la phase d'activité solaire au même
duit M. Deslandres à conclure, par une grande
similitude entre l'atmosphère solaire et l’atmos
phère terrestre, à une étroite parenté entre les états
deux atmosphères.
A partir de 1893, le nombre des astronomes qu
s'attachent à l'étude du Soleil croît sans cesse,
Deslandres, Hansky, Koslinsky, Morin, ele... :
M. Deslandres, qui s'était installé dans ce butà
Yézo (Japon), parvient à formuler nettement cette
loi que « les variations périodiques des taches, qui
sont suivies par les protubérances, s'étendent aussi
à la couronne et à l'atmosphère solaire tout ens
tière. »
L'éclipse totale du 22 janvier 1898 fut observée
aux Indes et, cela, principalement par des astro
nomes anglais : sir Norman Lockyer, E. Waltem
Maunder, Christie, Campbell, de l'Observatoire
Lick, etc... La durée de la totalité de l'éclipse fut dé
deux minules; la couronne s’étendail Lout autour dé
l'astre, mais de préférence à l’est et à l'ouest dans
le plan de l'équateur solaire, et son aspect rappelle
franchement celui qu’elle affectait dans les éelipses
de 18856 et 1896. Une fois de plus la photographie
allait permettre une nouvelle expérience : on pro
fila de cette éclipse, pour la première fois, afin d’en=
registrer, à l’aide du cinémalographe, les diverses
phases du phénomène. Enfin Pedler observe nette:
ment la ligne spectrale du fer à la base de la cour
ronne, cependant que la principale raie verte coros
nale, très élevée sur un des bords, etait invinsible
sur l’autre.
Dans une seconde partie, nous examinerons les
théories actuelles sur la constitution physique eb
les résultats nouveaux qui se dégagent de l’obser
vation de l’éclipse du 28 mai 4900.
Jean Mascart.
Docteur ès Sciences,
*
N. VASCHIDE — LES TRAVAUX DU IV° CONGRÈS DE PSYCHOLOGIE 293
… Dans le compte rendu du troisième Congrès inter-
“national de Psychologie, publié ici même?, notre
aître M. Pierre Janetécrivait les lignes suivantes,
“qui méritent d'être rappelées, comme précisant
admirablement la nalure, le but et l’évolution
écessaire du mouvement psychologique moderne :
Ce troisième Congrès, disait M. P. Janet, est un
ongrès de psychologues tout simplement, sans
pithète. Cela signifie, à mon avis, deux choses :
abord qu'il n'y a pas deux psychologies, qu'il
nen exisie aucune en dehors de celle qui tient
ompte des faits, et deuxièmement que cette psy-
hologie n'a aucunement la prétention enfantine
de supprimer le raisonnement et le système, de se
asser des conceptions des grands philosophes, et
u’elle appelle, au contraire, toutes les bonnes
volontés, toutes les études, quelles qu'elles soient.
C'est là une initiative heureuse, et il viendra une
époque où l’on trouvera aussi bizarre de dire un
cours de Psychologie expérimentale que de dire
cours de Physique ou dePhysiologieexpérimentale.»
La Psychologie ainsi comprise, la composition du
Congrès élail très différente et variée : ecclésias-
tiques, occultistes, médecins et philosophes se cou-
“doyaient avec les métaphysiciens, les sociologues
et les expérimentateurs. L'Asie même avait un
représentant, un philosophe indien, M. Chalterjii.
On a élé digne de cet ancien épithète de « philo-
sophe », montrant une largesse d'idées, un horizon
infini devant la pensée.
Le Congrès à siégé au Palais des Congrès du 20
‘au 25 août, sous la présidence de M. 7h. Ribot,
professeur au Collège de France et directeur de Ja
Revue philosophique, ayant comme vice-président
M. Charles Richet, le directeur de la Revue scien-
Lilique, et comme secrélaire général le D' Pierre
Janet, chargé du cours de Psychologie expéri-
mentale à la Sorbonne *.
Les séances générales, au nombre de six, étaient
- Voir pour le premier Congrès : Revue générale des
Sciences, 1892, t. IL, p. 609, et pour le troisième, Ibidem,
HB07 tVIII, p-7 22.
? Pierre Janet : Troisième Congrès de Psychologie. /evue
générale des Sciences, 1897, t. VIII, p. 22-27. Le lecteur trou-
. vera dans cet article une synthèse sur l'évolution de l'esprit
. psychologique dans la manifestation intellectuelle de ces
_ trois Congrès.
* Le Congrès comptait 416 membres, nombre inférieur à
celui de Munich (503), et supérieur de beaucoup aux deux
premiers Congrès, de Paris (210) et de Londres (300). Le
. nombre des communications annoncées était d'environ 160,
nombre égal à celui du troisième Congrès ; la plus grande
. majorité eu a été faite.
& LES. TRAVAUX
DU IV’ CONGRÈS INTERNATIONAL DE PSYCHOLOGIE’
consacrées chacune à des études psychologiques dis-
tinctes : la première concernant les é{udes histo-
riques; la deuxième, la Physiologie cérébrale; la
troisième, les études relatives aux phénomènes du
somnambulisme; la quatrième, les études philoso-
piques sur la Psychologie ; la cinquième, les é{udes
de Psychologie expérimentale, etlasixième séance,
la Psychologie sociale et la Psychologie patholo-
gique*.
Le Congrès a élé ouvert, le lundi 20 août, par un
discours du Professeur /#1hol, qui a passé en revue
le développement de la Psychologie depuis le der-
nier Congrès psychologique, ou plutôt de 1889 à
1900. Bilan consciencieux et érudit, le discours de
M. Ribot représente en même lemps une mise au
point de l'activité psychologique de la dernière
dizaine du xix° siècle, qu'on consullera toujours
avec profit.
Dans la même séance, le Professeur 77. Æbbhin-
ghaus, de Breslau, a fait une comparaison entre la
Psychologie actuelle et la Psychologie il y à cent
ans. Il a parlé d'abord des publications et des
sociétés dont disposait chacune des Psychologies à
la distance d'un siècle, et ensuile il a abordé la
queslion capitale : les conceptions psychologiques
d'antan et d'aujourd'hui. L'expérimentation est
mise à l'ordre du jour actuellement; l’activité
mentale comme la physiologie des sens sont élu-
diées d'après des méthodes précises, et l’on cherche
à déterminer des lois psychologiques. La Psycho-
logie contemporaine est autonome; celle d'il y a
centans était subordonnée à d’autres sciences; la
Psychologie moderne ne se laisse plus guider par
des analogies mécaniques ou physico-chimiques;
elle ne cherche dans la Biologie, selon le Profes-
seur Ebbinghaus, qu'un parallèlisme pour les
faits de conscience. Un dernier point de cette com-
paraison est que la Psychologie est devenue de nos
jours internationale; elle se termine par les mots
de Galilée : De subjecto vetustissimo no vissimam
promovemus scientian.
Pour l'exposition de l’ensemble des travaux, nous
suivrons la mème classification que M. Janet a suivie
1 11 y a eu sept sections : [. Psychologie dans les rapports
avec l'Anatomie et la Physiologie; Il. Psychologie intros-
pective; III. Psychologie expérimentale et Psycho-Physique;
IV. Psychologie pathologique et Psychiatrie; V. Psychologie
de l'hypnotisme, de la suggestion et des sciences connexes ;
VL: Psychologie sociale et criminelle; VII. Psychologie ani-
male, anthropoloyique et ethnologique. Les deux dernières
sections ont travaillé ensemble.
224
N. VASCHIDE — LES TRAVAUX DU IV° CONGRÈS DE PSYCHOLOGIE
dans les autres comptes rendus publiés ici même;
de la sorte, la comparaison sera plus facile et plus
claire. On comprend bien que cette classification
est schématique, mais, néanmoins, elle peut très
bien servir comme un crilérium suffisant pour
l'étude des travaux du Congrès.
J. — ÉTUDES GÉNÉRALES DE PHILOSOPHE.
Cilons dans cet ordre d'idées, en dehors des con-
férences de MM. Ribot et Æhhinghaus, exposées
plus haut, une nofe du D' Aarsqui, de Christiania,
sur les sept énigmes du psychique. Il s'agil des
questions concernant la délimitation des frontières
du moi et du non-moi; l'auteur a passé en revue,
pour cette précision de frontière, toutes les projec-
tions du moi dans le temps et dans l'espace, et
il cherche à étudier ce qui appartient au monde
externe et au monde psychique. L'excursion est
plutôt métaphysique et a l'allure d’une disser-
tation de philosophie spéculative. Æd. Franklin
PBuchner, de New-York, a traité de la valeur des
hypothèses en Psychologie; les hypothèses doivent
jouer un rôle considérable en Psychologie, si elle
aspire à devenir une science, car des hypothèses
constituent la vie même d’une science. La Psycho-
logie ne doit pas seulement amasser des fails, mais
il faut avant tout expliquer. Conception un peu trop
littéraire, à notre avis, que celte manière d'envi-
sager le but de la Psychologie. On n’a fait jusqu'à
nos jours que des hypothèses en Philosophie, et
la Psychologie était bien loin du monde à cause
de cela une science. Ce qui précise le caractère
vraiment scientifique de la Psychologie moderne,
c'est justement cet amas de documents, qu'il faut
recueillir sans trêve, quitle à construire plus tard
les hypothèses qu'on voudra.
Citons encore, dans cette catégorie d'études trai-
tant des généralités philosophiques, les commu-
nications de John E. Purdon sur l'algèbre du moi;
du R. P. Peillaube sur le péripatétisme et lapsycho-
logie expérimentale, conslatant une sympathie intel-
lectuelle entre ces deux doctrines ; d’'Anton Marty,
de Prague, sur la ressemblance : l'auteur conclut
qu'il y a deux espèces de similitude, l’une l’iden-
tilé partielle, et l’autre qui est constituée par des
analogies ; de Pavicié, de Zagreb (Croatie), relative
à une Aypothèse sur la possibilité des rapports de
läme et du corps, imprégnée d’un spiritualisme spi-
ritiste qui n’a rien de nouveau, pas même au point
de vue de la synthèse des faits connus; de Ch.-V.
Ehrenfels, de Prague, sur la racine biologique du
positivisme ; d'Eugène von Schmidt, sur les difë-
rentes directions dans l'entendement du monde :
l’auteur passe en revue et fait un examen critique
des trois grands systèmes philosophiques auxquels
se ramène, selon lui, l'explication du monde : Jes
matérialisme, le rationalisme et le spiritisme. Revue
inutile à notre avis, car elle n'apporte rien de nou
veau, ét surtout rien de bien précis. William Stern
a traité de la liberté, et essaye d'en donner uné
définition nouvelle. La liberté est la prédominance»
conquise des forces psychiques sur les excitations
extérieures; en d’autres mots, l’auteur estime quil
faut maintenir la notion du libre arbitre. Le D' Jus
rand de Gros a essayé de mettre en relief l'arti=
ficialité de la limile qu'on veut tracer entre la Psy=
chologie et la Métaphysique, et enfin le professeurs
Muünsterberg a parlé de la Psychologie atomistique
Il est encore à remarquer : la communication
sur la croyance de l'abbé Ch. Dennis, directeur des
Annales de Philosophie chrétienne, celle du D' Jean
Philippe sur le problème de la conscience dans là
Psychologie expérimentale, celle du D' CZaparède;
de Genève, sur la définition de la perception, celle
d'Abit sur la perception et la conception, celle de
Victor Basch sur l’universalilé du jugement esthés
tique, distinguant deux sortes de sentiments capi=.
taux dans le faisceau constitué par le plaisir et le
Jugement esthétique : les sentiments sensibles,
directs, et les sentiments associés. Les premiers
sont universellement parlagés, et les seconds sont
essentiellement instables. Le D' J. Philippe signale
que, depuis plusieurs années, le désaccord va s'ac=
centuant entre ce qu'observe en nous la conscience;
et ce qu'enregistrent les procédés d'investigations
de la Psychologie expérimentale.
C'est loujours dans ce groupe qu'on pourraib
signaler la communication de M'° Zœuf, de Paris,
intitulée : Contribution à la théorie psychologique dl
temps. M'° Bœuf croit qu'il existe une sensation de
temps, simple et immédiate, fournie exclusivemen
par lesens interne. C'est dans l'organisme qu'il faut
chercher l’origine du sentiment de temps : la sen=
sation iniliale est celle du ry{hme nerveux, qui est
un sentiment du corps régulièrement disconlinus
Cette sensation du rythme existe chez tous les êtres
vivants, et sera d'autant plus parfaile que l'activité
supérieure de l'esprit n’entrera pas en jeu, comme
perturbatrice des opérations automatiques.
Le D' Paul Carus; à propos de l'identité et de l&
continuilé du moi, essaye de constiluer une pSY-
chologie qui offre une nouvelle intérprélation de
l'âme. L'homme a le sentiment vague, mais tou
jours présent, de son unilé physiologique; ce sen
timent s'impose à l'organisme par la nécessité où
il est d'agir comme une unité. Le moi n'est quel
conscience que nous avons de notre propre his-
loire, et par 2ndividualité l'auteur entend la vie d
corps limitée à un moment du temps; la person:
nalité est la forme de la vie, de la pensée et du sen
timent. Ce qui périt, c’est l'individu; la personne
N. VASCHIDE — LES TRAVAUX DU
dure, reste comme une partie du grand tout qui est
“l'humanité; elle dure sans forme après la mort
aussi bien que dans les changements subis pen-
dant la vie. L'illusion du moi n’est que le résultat
“du procédé mythologique de notre langage.
“— Citons enfin les quelques communications con-
“cernant l’éternelle question de la terminologie
Drychologique et philosophique. M. Goblot,et, dans
“une autre communication, M. Claparède, de Genève,
ont atliré l'attention du Congrès sur cette nécessilé
de Lerminologie, parait-il, urgente. Onn'arien voulu
savoir, et lacommunication de M. Claparède, quoique
mjaile dans une séance générale, coram populo,
na pas suscité le moindre désir de s'entendre.
oins on s'entend, plus on travaille, paraît-il. Et
e Congrès, tout en écartant la communication de
M. Claparède, a passé à l’ordre du jour. La termi-
ologie, en somme, gêne si peu, et elle est si utile
aux philosophes à cause de ses multiples mal-
' “entendus ! ! Bon nombre de communications au Con-
grès n'auraient pas pu avoir lieu si cette termi-
nologie était, une fois pour toute, bien défininie.
II. — PSYCHOLOGIE EN RAPPORT AVEC LES
FONCTIONS ANATOMIQUES.
Demoor,chargé de cours à l'Université de Bruxelles
“ont fait une importante communication sur la
“physiologie de l'écorce cérébrale. La cellule ner-
nerveuse est bien plastique. Chaque fois que le
“neurone est mis en état d'irrilabilité d'une ma-
“nière suffisamment intense, la substance fonda-
“mentale, étant excitée, réagit et le protolasma
“se contracte, d'où, comme conséquence immé-
diate, l'état moniliforme des cellules. « Le neu-
rone, écrivent les auteurs, comme toutes les cel-
gie). La nn de la plasticité enne l'explication
de diverses expériences faites sur le cerveau et est
confirmée d'ailleurs par elles : 4) la rapidité de la
yélinisation dépend de la mise en œuvre des cel-
lules ; L) l'activité des neurones est indispensable
au complet développement des arborisations des
neurones ; c) lesphases d'activité ou de repos de la
cellule sont caractérisées par la consommation ou
_Paccumulation de la substance chromatique. La
cellule nerveuse, telle que nous devons la concevoir
au point de vue psychique, n’est donc pas essen-
tiellement dominée par l'hérédité ; elle est plastique
IVe CONGRÈS DE PSYCHOLOGIE
19
19
or
et dépendante, dans sa structure et dans son allure
fonctionnelle, des excitants qui lui parviennent. »
L'activité de l'écorce cérébrale à l'allure du phéno-
mène réflexe, el la mise en œuvre des centres
sensivito-moteurs ne peut faire naître que des idées
particulières; les idées complexes surgissent dans
les centres d'association. La distinction de ces deux
ordres decentres,sensivito-moteurs et d'association,
paraît expérimentalement démontrée chez l'animal
et chez l'homme.
Cette communication a mis, on le voit,en discus-
sion la question, à l’ordre du jour, des centres
d'association, pour ne pas dire la doctrine de
Flechsig. Le D O. Vogt, de Berlin, a pris la parole
pour répondre comme il suit aux arguments de
MM. Heger et Demoor. Flechsign’a pas prouvé par
l'étude de la myélinisation la nature sensitive des
centres moteurs, car l'identité entre la marche de la
myélinisationet ladirection dela conduction dans la
fibre nerveuse n'existe pas, selon Vogt. Il n'est pas
nécessaire d'inventer des centres d'association pour
expliquer le côté physiologique de l'idéation. Il n'y
a pas un seul fait, en clinique, qui montre l’exis-
tence des centres d’associalion. Les expériences de
M. Demoor semblent démontrer que les animaux
avaient une sorte de cécité psychique, qu'on peut
très bien expliquer parune lésion des fibres d'asso-
ciation sans avoir besoin de supposer un centre
d'association. Dans toule l'écorce cérébrale des
Carnivores, il y adesfibres de projection et, partant,
eù assez grand nombre pour qu'il soit impossible
de distinguer anatomiquement des centres de pro-
jection et des centres d'association.
La bataille s’annonçait belle et pourtant la dis-
cussion a été close pour passer à l’ordre du jour
selon les exigences du Congrès. Il jaillit si peu de
lumière de la discussion! On a regretté l'absence de
Flechsig, qui était attendu avec curiosité, sympa-
thie, voir même enthousiasme, par bon nombre de
savants désireux d'entendre une parole aussi auto-
risée à propos d'une question si capitale.
M. O. Vogt a fait une communication sur l'ana-
tomie du cerveau et la Psychologie; il conclut
qu'on ne peut pas faire une Psychologie sur des
recherches anatomiques.
M'e J. Joteyko, du laboratoire Kasimir de
Bruxelles, a communiqué deux notes d’une valeur
réelle sur la falique : une première traitait de la
fatique comme moyen de défense de l'organisme et
la seconde de la distribution de la fatique dans les
organes centraux et périphériques. M'° J. Joteyko
rattache la fatigue aux fonctions de défense de
l'organisme et la fait entrer dans la catégorie des
défenses actives générales (fonctions de relation),
en pouvant y distinguer trois modalités admises
pour les autres fonctions de défense. Elle peut
226
être une défense immédiate (paralysie périphéri-
que), une défense préventive (la sensation de
fatigue, qui, de même que la douleur pour les exci-
tations sensitives, par la trace profonde qu'elle
laisse dans la mémoire, empêche le retour d'un
sensation semblable), et enfin une défense consé-
cultive (l’accoulumance, qui rend l'organisme plus
résistant à la fatigue).
Les recherches de M!° J. Joteyko -plaident, en
outre, en faveur de l'origine périphériquede la fati-
gue motrice; on a examiné, dans ce but, les varia-
tions du quotient de la fatigue sous l'influence de la
fatigue elle-même. Par quotient de la fatique, Y'au-
teur entend « le rapport numérique = qui existe
entre la hauteur totale des soulèvements, exprimés
en centimètres, et le nombre des soulèvements dans
une courbe ergographique ». On sait que deux
savants allemands, Æoch et Kraepelin, sont les pre-
miers auteurs qui aient attiré l'attention sur ce rap-
port ; d’après ces auteurs, le nombre de soulève-
ments ergographiques était rattaché au travail des
centres nerveux cérébraux et la hauteur totale des
courbes au travail musculaire. Or, M'° Joteyko,
examinant ces courbes, a remarqué qu'à chaque
nouvelle courbe, la valeur du quotient de la fatigue
N diminue; ce qui prouve, en d’autres Lermes, que
la diminution de hauteurest plus marquée et qu’elle
est bien loin de suivre une marche parallèle à la
diminution du nombre. La hauteur élant l’expres-
sion de la fatigue musculaire, il s'en suit, comme
conclusion logique, que les centres psycho-moteurs
sont plus résistants à la faligue que les appareils
terminaux.
Mie Mich. Stefanowska, de l'Institut Solvay de
Bruxelles, a communiqué également deux notes :
une sur les appendices piriformes des cellules ner-
veuses, et l’autre sur les conditions dans lesquelles
se forment les varicosités sur les dendriles céré-
brales. Les prolongements protoplasmiques des
cellules nerveuses cérébrales ne sont pas lisses,
mais hérissés de nombreux corpuseules, que
M'': Stefanowska a proposé d'appeler appendices
pirilornes. Ces appendices apparaissent tardive-
ment dans les cerveaux en voie de développement,
et au moment où les cellules nerveuses ont déjà
acquis leur forme définitive. Des expériences nom-
breuses ont aidé l’auteur à surpendre une variabi-
lité notoire dans la disposition des appendices
piriformes; ainsi, chez les animaux plongés dans
le sommeil, soit naturel, soil anethésique inoffen-
sif, les appendices sont étalés exactement comme
chez les animaux éveillés. Au contraire, chez les
animaux intoxiqués par une éthérisation violenteet
prolongée, on trouve de nombreux groupes de neu-
N. VASCHIDE — LES TRAVAUX DU IV*° CONGRÈS DE PSYCHOLOGIE
rones qui ont perdu leurs appendices piriformes
en même temps, leurs dendrites se sont garnies de
granulalions et de varicosilés. La disparition des
dendriles ne commence donc que lorsqu'il y a à
signaler des lroubles graves. M'!° Stefanowska finit
par conclure que, même dans les conditions nor
males, les appendices piriformes sont doués d'une
certaine mobilité, et que, par des oscillations imper
ceptibles, ils varient le contact entre les neurones eb
exercent leur influence sur le passage de l'influx
nerveux. « Les preuves expérimentales manquen
pourtant absolument à l'opinion de l’auteur, et toub
ce qui a élé écrit à ce sujet sur l’amæboïsme ner
veux est basé uniquement sur des conceptions
philosophiques.»
Dans la seeondecommunication,M!!° Siefanowska
veut démontrer que les perles et les varicosités
qu'on observe souvent sur les prolongements des:
cellules nerveuses ne constituent nullement læ
preuve que l'amæboïsme cérébral existe. De nom=
breux faits, au contraire, montrent que les phéno=
mènes observés sont des formations pathologiques;
et l’auteur cite à l'appui de sa thèse.des faits expéa=
rimentaux concernant des animaux profondément
endormis par suite de la fatigue physiologique, des
animaux anesthésiés, des animaux intoxiqués, et
des animaux qui ont succombé à l'asphyxie, à la
décapitation ou à la strangulation. Des troubles de
nutrition seraient la cause de ces altérations patho=
logiques. M! Stefanowska conclut qu'en fait de
conceptions psychologiques on devrait s'abstenir
de baser l’amæboïsme cérébral sur lapparilion
des perles et des varicosilés.
III. — PSYCHOLOGIE PHYSIOLOGIQUE.
Les travaux concernant la Psychologie physiolo=
gique sont très nombreux et nous contenterons
d’une énumération bien sommaire.
Signalons d'abord les communications intéres
sant la psychologie et la physiologie des organes
des sens. Aars, à propos des conditions de la rivalité
des images r'éliniennes, constate que, parmi les fac=
teurs qui déterminent la juxtaposition de l’aller=
nance des images ‘réliniennes, des phénomènes
d'origine centrale jouent un rôle notoire. L'image
correspondante peut disparaitre si, au moyen
des lentilles placées devant les yeux, on cherch
et l’on arrive à rendre l'accommodalion plus
difficile pour un œil ou pour l’autre. Les condi=
lions centrales de la perception contribuent plus
en d’autres cas, à donner une nettelé aux image
réliniennes que l'accroissement d'intensité des ex
citations. — Le L'F. Krueger (Sur la consonanceeb
la dissonance) veut démontrer expérimentalement
l'inexactitude de la théorie de Helmholtz sur la
| sidi s
N. VASCHIDE —— LES TRAVAUX DU IV° CONGRÈS DE PSYCHOLOGIE
227
- consonance et la dissonance. Il ne s’agit pas du tout
de la coïncidence et de la non-coïncidence des har-
& moniques. S. A/rutz (d'Upsala) a expérimenté sur
“des sensations particulières de chaleur, qu'il dis-
H tingue de la sensation ordinaire de chaud; celle-ci,
qu'il appelle sensation de chaleur ardente (Æi{zeem-
“plindung), ressortirait, d'après l’auteur, d'une exci-
tation simultanée de points chauds et froids de la
peau. A/rutz à étudié, en plus, ce qu’il appelle les
“sensations paradoxales de froid et de chaud : sen-
salions produites par l’excitalion avec une pointe
chaude d’un organe terminal de la perception du
froid. Alrutz a expérimenté avec l'appareil de
"Thouberg.—N. Vaschide communique les résultats
de ses recherches sur le rapport de la sensibilité
tactile et de la sensibilité musculaire et conclut à
une existence indépendante de ces deux sensibililés.
Ses recherches, qui ont porté sur des phénomènes
d'ordre anatomo-physiologique, d'ordre patholo-
“ gique et d'ordre psychologique, le conduisent à
+ admettre, en outre, une innervation musculaire
sensitive et, avec elle, une sensibilité musculaire
tout à fait indépendante. Cette indépendance plai-
derait pour le sentiment d'une « aclivilé muscu-
“laire », bien particulière, dont parlait Gerdy, et qui
peut être rattachée à un sens spécial, ayant comme
“fonction le mouvement, sensation irréduclible, et
- comme organe le muscle.
AM. L. Marillier et J. Philippe (de Paris) relatent
- également des résullats de recherches esthésiomé-
… triques. Les auteurs ont voulu vérifier et faire la
| Te générale de la sensibilité tactile, qui,
a depuis Weber, n'a fait le sujet d'aucun travail de ce
genre. Weber n'avait expérimenté encore que sur
un seul sujet, et c'est à ce cas unique qu'on est obligé
de rapporter loutes les mesures prises pour déler-
miner la finesse de la sensibilité tactile. Les auteurs
‘ont essayé de combler cette lacune, ayant pris des
mesures méthodiques et des séries complètes sur
quatre personnes. Des mensurations ont été faites
avec le compas de Weber, selon un dispositif spé-
cial, sur lequel ils promettent de revenir dans un mé-
moire ultérieur. Ignorant ce dispositif et les détails
de l'expérience, nous nous contentons de signaler la
portée réelle de ces recherches, qu'on ne saurait
qu'applaudir.
Dans un autre ordre d'idées, citons un remar-
"quable travail de Patrizi et de Casarini, de l'Uni-
versité de Modène, sur les {ypes des réactions
vaso-molrices par rapport aux types nnémoniques
Let à l'équation personnelle, une des plus impor-
-tantes parmi les communications qui ont été pré-
. sentées au Congrès. Il existe un tÿpe mnémonique
quelconque qui correspond généralement à une
réaction vaso-motrice particulière (acoustico-vaso-
motrice, optico-vaso-motrice). Un type mental
donné dépend au premier chef de la vivacité avec
laquelle les excitations sensorielles préférées, pour
ainsi dire, arrivent à sa connaissance; on peut
même considérer le réflexe vasculaire comme l'in-
dice dynamogénique de l'intensité de la sensation:
à une rapidité plus ou moins accentuée de l’équa-
tion personnelle correspondrait une réaction vas-
culaire correspondante et bien définie. C'est ainsi
qu'on pourrait expliquer la transformation incon-
sciente d’une sensation dans un mouvement, l’ap-
pareil physiologique étant disposé de la sorte et
gràce à la rapidité du processus nerveux en géné-
ral ; il en est de même dans l'équation personnelle
pour l'exécution d'une réaction volontaire, acte
psychique qui résulterait de la transformation
préalablement adoptée des sensations et des per-
ceptions. Casarini, un élève de Patriyi, a publié
déjà, sous l'inspiralion de son maitre, un travail
sur celle question dans la Aivisla di Science Dio-
logiche, n° 3, vol. II.
Vogt, à propos de la Contribution à la psycho-
logie des sentiments, a constaté, laissant de côté
les varialions individuelles, des modificalions ca-
ractéristiques et bien constantes, au point de vue
de la respiration, au point de vue du réflexe patel-
laire, au point de vue du tonus musculaire du
quadriceps et au point de vue du travail muscu-
laire, pendant la gaieté, pendant la tristesse, et
pendant un élat psycho-sensoriel agréable ou désa-
gréable. Les modifications de la gaieté sont d’une
autre nature que celles provoquées par la tristesse,
tant au point de vue de l'augmentation et de la
diminution des forces et du travail musculaire qu'au
point de vue de la profondeur et de la fréquence res-
piratoires, ete. L'émotion que Vogt appelle agréable
n’est pas complètement opposée à celle qu'il appelle
désagréable; l'influence modificatrice du désa-
gréable s'approche le plus de la gaieté. Les recher-
ches de Vogtsont précieuses, mais elles gagneraient
beaucoup psychologiquement, si le critérium n'était
pas dans un état subjectif un peu vague el par con-
séquent un peu loin d'êlre défini. 17. Tschisch,
d'Yourieff (Dorpat-Russie), croit que les excilations
des organes supérieurs des sens par eux-mûÔmes
ne provoquent pas de douleur, comme tous les
excilants électriques elmécaniques ou autres, puis-
qu'elles ne détruisent pas de tissu vivant. La dou-
leur ne peut être causée que par la transformation
d'un tissu vivant en un tissu mort et elle est pro-
portionnelle à l'étendue du tissu détruit. La dou-
leur est universelle parce qu'elle est intimement
liée à la destruction du tissu vivant.
Le prince Jean de Tarchanoff a parlé, dans une
conférence très applaudie, des //lusions et hallucina-
tions des grenouilles en dépendance de leur espèce.
Il y à des espèces de grenouilles qui présentent
228 N. VASCHIDE — LES TRAVAUX DU IV° CONGRÈS DE PSYCHOLOGIE
certaines susceptibilités nerveuses, qu'on trouve
absentes chez d’autres espèces : la grenouille brune,
par exemple (/?ana lemporaria) présente, à la
suite du sommeil chloroformique, des phénomènes
tout particuliers. Chez les grenouilles, comme chez
les autres animaux et chez l’homme, il y aurait
donc des différences psycho-physiologiques indi-
viduelles.
Me Marie de Manacéine a fait deux communica-
tions : l'une sur les variations du caractère sous
l'influence de différentes nourritures et l'autre sur
lhérédité psychologique. Le'caractère subirait des
changements notables sous l'influence de la nour-
riture. Enfin 27% V, Paget et A. Thomson ont
étudié le rôle de l'élément moteur dans la percep-
tion esthétique visuelle et ont proposé un question-
naire au Congrès dans le but de soumettre à un
examen plus large la thèse des auteurs.
Fr. da Costa Guimaraens (de Paris) traite de la
psychologie des sports et conclut que ce qui fait
l'attrait du sport, c'est une excitation, résultante
d'un surcroit d'activité des fonctions vitales, et qui
n'est due qu'à une oxygénation plus active.
IV. PSYCnoLoGIE EXPÉRIMENTALE. PSYCH0-PHYSIQUE.
Citons en premier lieu la note du Professeur
Külpe, de Würthourg, sur le rapport des différences
à peine perceptibles avec les diflérences nettement
perceptibles”. Le Professeur Külpe incline à croire
que la question ne peut être résolue que par des
considérations purement théoriques; les recherches
de Merklen n'ont pas apporté à la question une
conclusion satisfaisante (Phil. Stud., IV, V, X). De
nouvelles recherches sur les intensités lumineuses
et sonores ont établi que l'appréciation des inter-
valles est tout autre quand il s'agit des différences
à peine perceptibles, que lorsqu'il s'agit des diffé-
rences nettement perceptibles. De ces données, on
pourrait déduire, au premier abord, que la loi de
Weber aura une signification tout à fait différente
quand elle s’appliquera à certaines différences
perceptibles, que lorsqu'elle sera appliquée à
d’autres. Külpe est d'avis que, conformément à la
tradition, il faut réserver le nom illustre de cette
loi à la signification qui s'applique à la détermi-
nalion du seuil. L'hypothèse de la relation est
préférable, car la loi psycho-physique aurait de la
sorte une significalion psychologique. Il serait
très désirable d'essayer la même interprétation
pour les excitations à peine perceptibles dans leur
rapport avec les sensations. Si l'interprétation est
possible pour les intensités, et elle est vérifiée cha-
1 Ueber das Verhältniss der ebenmerklichen zu den ucber-.
merklichen Unterschieden.
que jour, pour ce qui concerne les qualités, il existe
une autre formule de grandeur, pour les différences
à peine perceptibles, formule de beaucoup moin
instable. |
Le Professeur A/f. Lehmann (Sur l'équivalent
mécanique des états psychiques) a étudié de son,
côté la loi de Weber, mais au point de vue de là
relation qui existe entre l'excitation et la sensa=
tion, et des interprétalions dont cette relation est
susceplible. Le point capital serait de trouver une
formule exacte et se faisant un écho précis de la
réalité des faits ; l’auteur croit avoir réussi à déter=
miner empiriquement une pareille formule pour
les sensations visuelles, par la mesure des disques:
en rotation. Inutile de dire que la formule est
très compliquée. Lehmann croit, en outre, qu'on
peut exprimer de la même manière la loi de Webew
pour les sensations auditives et même pour les
travail musculaire à l'égard de l’innervation cen=
trale; on pourrait alors mesurer, grâce à cette pro=
portionnalilé des sensations et des irritations cen-
rales, par les méthodes ergographiques, l’équiva=
lent mécanique des divers états de conscience.
P. Mentz a parlé du degré de saturation des
diverses régions du spectre et de la méthode dé
mesure précise de la saturation. (lie Sättiquns=
verhällnisse des Spectrums und die Bedeutung von
Sättigungsmessungen inshesondere für die Untes=
sachung Farbenblinder). Les positions maxima de
saturation coïncident avec celles des couleurs pures.
Le Professeur J. Malcolm Stratton (de Californie,
E. U.) a fait connaître une nouvelle méthode pour
la détermination de la plus petite distance latérales
perceptible.
Le 1)" J. Roubinovitch a réussi à mesurer /es
variations du diamètre pupillaire en rapport avec
l'eftort intellectuel à l'aide d’un nouveau dispositif
personnel, et il conclut dans le sens de l’existences
d'un rapport direct ou indirect entre les phénomè-
nes pupillaires et l'effort intellectuel, A. Netchaell
(de Saint-Pétersbourg) a fait une communication sur
le développement de la mémoire chez les écoliers
des deux sexes ; les sujets sur lesquels les recher=
ches ont été faites étaient âgés de neuf à dix-huit
ans. Retenons de ses conclusions que le développez
ment de la mémoire subit une sorte d'arrêt à l’âge
de la puberté et que c’est encore vers onze et qua-
torze ans que la mémoire des filles et des garcons
diffère le plus. Les recherches de Netchaeff con-
firment dans leur ensemble les recherches anté="
rieures faites au point de vue de la psychologie
individuelle en Amérique et en France (Gil=
bert, Mac-Donald, Binet et Vaschide, etc.). Enfin
citons encore un travail de pédagogie expérimen=
tale, d'une vraie valeur, sur la force musculaire
des élèves à travers l'année, dù à M. C. Schuyten,s
N. VASCHIDE — LES TRAVAUX DU IV° CONGRÈS DE PSYCHOLOGIE 229
directeur du Service pédagogique et du Labora-
“toire de Pédagogie scolaire d'Anvers. Il se dégage
e ses nombreuses et méthodiques recherches que
É J'écolier est sujet aussi physiquement à des varia-
_ tions saisonnières, qui présentent tous les carac-
tères d'une loi.
Des présentations et des descriptions d'appareils
“ou de méthodes ont été faites par AZ. Sommer,
“artius, Scripture, Patrizi, Toulouse et Vaschide,
Thierry, D° EÆncausse, etc. Le Professeur Som-
ir (de Giessen) a présenté quatre appareils : un
pour l'analyse des mouvements de la main, destiné
l'analyse des trois dimensions, un second pour
es mouvements du pied, un troisième pour la me-
sure de la pupille et un quatrième pour les excita-
tions optiques. Le Professeur Martius (de Kiel) fait
“connaitre un appareil pour la mesure de la sensi-
“bilité lumineuse, et le Professeur Scriplure, un très
ingénieux appareil pour la sensibilité des couleurs.
- Toulouse et Vaschide présentent une série d'appa-
reils (12) pour la mesure des sens et qui facilite-
“ront cette mesure en la rendant simple et pré-
cise. L'abbé TRierr3) signale un procédé de nota-
tion pratique, à propos de ses recherches expéri-
mentales sur la hauteur et la mélodie de la parole
parlée. Le D° Patrizi présente un ergographe cru-
ral, et enfin, le !' EÆncausse quelques appareils
wlectriques enregistreurs destinés à l'étude des
sujets et des médiums; ce sont des appareils de
contrôle.
Rappelons encore la communicalion du A ZI.
Toulouse sur l'examen psychologique; il a parlé
sur la valeur et la possibilité des unités de mesure
en Psychologie.
V. — PSYCHOLOGIE DESCRIPTIVE.
Le Professeur Zergson a communiqué une note
sur la conscience de lefort intellectuel. Dans
tout effort intellectuel, il y à une lulte dans une
composilion entre des images multiples et ana-
logues qui essayent de s’insérer dans un seul et
même schèma, les unes ne le DO DBESnE pas tout
à fait, les autres le dépassant, jusqu'à ce qu'enfin
la coïncidence de l'image avec le schéma soit obte-
nue. Ce mouvement sui gencris des images doit
entrer pour une large part dans la conscience que
nous avons de l'effort intellectuel. — Le Professeur
Bourdon (de Rennes) a étudié le {ype grammaltical
dans lesassocialions verbales d'une manière expé-
mentale et il acquiert la preuve qu'il existe réelle-
ment un type grammatical. Il a observé, en outre,
que, chez cerlaines personnes, il y a spécialement
— tendance à effectuer par exemple des associalions
grammaticales par contiguïté. — Paul Sokolov (de
tion colorée. I s'agit des phénomènes analogues à
l'audition colorée; ilya des personnes qui traduisent
en langue chromatique des choses beaucoup plus
abstraites, du moins en apparence, telles que les
individualités humaines, les caractères, les qualités
intellectuelles et morales. Signalons également des
communications : du À. P. Bulliot,sur la classifi-
cation des caractères et de la physiologie humaine,
d'Anastasy (de Marseille) sur l'associalion subcon-
sciente des mots, des idées et des actes (observation
personnelle), du D° Houroe (de Westfeld, Mass.,
U. S. A.), sur les images olfactives dans le réve, du
D° Weygang, sur l'association dans le réve, ete.
H. Pieron (de Paris) essaie de donnerune nou-
velle interprétation des faits de rapidité anormale
dans le processus d'évocation des images. Son inter-
prétation est d'ordre psychologique. Une image
envahit le champ de la conscience et toutes les
images qu'elle tend alors à évoquer viennent, sans
qu'aucun réducteur les empêche ou les retarde,
cristalliser, pour ainsi dire, presque simultanément
autour d'elle. Il se forme ainsi, avec toutes les
images susceptibles d’affinité, un système psycho-
logique cohérent. N. Vaschide communique le ré-
sultat de ses recherches sur l'imaginalion créatrice
chez l'enfant; l'imagination créatrice est caraclé-
risée par une incohérence particulière, qui rappelle
de très près l’incohérence pathologique. L'enfant
systématise en créant, pour ainsi dire, dans le
délire.
Remarquons enfin la très intéressante communi-
cation sur /a psychologie du chatouillement du Pro-
fesseur James Sully. Retenons cette définition du
chatouillement : c'est un reflexe sensoriel impli-
quant un ou des modes caractéristiques de sensa-
tion.
VI. — PSYCHOLOGIE COMPARÉE ET PSYCHOLOGIE SOCIALE.
M. Jean Philippe a eu l'occasion de recueillir
dans un service d'accouchement une observation
concernant les premiers mouvements de l'enfant ; il
s'agit d'un fœtus d'environ vingt-deux semaines,
expulsé sans apparence d'intoxication ; la mère
aurait senti, ajoute M. Philippe, des mouvements
actifs trois eu quatre jours auparavant. Les mou-
vements élaient des mouvements
d'extension et de flexion des jambes.
Le Professeur Charles Richet a présenté au Con-
grès un petit prodige musical Pépilo-Rodriquez-
Ariola, dont la précocilé musicale a émerveillé des
artistes de marque. Il n'a aucune instruction mu-
sicale et il est rebelle à toute culture de ce genre.
Sa main était si petite qu'elle ne pouvait guère em-
brasser que cinq notes; pour exéculer un accord,
Pépito était forcé d'égrener rapidement quelques
immédiats
230
N. VASCHIDE — LES TRAVAUX DU IV: CONGRÈS DE PSYCHOLOGIE
notes. Pépito est compositeur etimprovise en outre
des morceaux de musique vraiment surprenants
pour son âge. Ce pelit prodige a exécuté devant les
congressistes quelques morceaux et improvisé aussi
quelques frêles accords d'une harmonie chaude et
gaie et à peu près parfaite au point de vue de la
grammaire musicale.
Le Professeur Bryan à exposé les conclusions
des recherches faites, en collaboration avec le Pro-
fesseur Lindley, sur un jeune prodige mathémati-
que, dont les facultés arithmétiques se sont mani-
festées à l'âge de trois ans. Rien de particulier
dans la famille ; la mémoire et l'étendue sont con-
sidérables, la rapidité de la mémoire est remar-
quable, surtout dans les multiplications. Esprit très
ingénieux, il sait tirer grand profit de ses connais-
sances, etil est arrivé à découvrir un grand nombre
de méthodes nouvelles de calcul. Sa prodigieuse
faculté de calcul tient, d’après ce que les auteurs
ont pu observer et expérimenter, à une hiérarchie
de mécanismes automaliques qu'il tient facilement
et rapidement à sa disposition.
Signalons encore la communication du D° Chaiïk
lous sur l'hérédité el la contagion, comme facteur
de la viciation morale, du traitement méthodique
des viciations par l'éducation et de l'application de
la méthode dans les colonies d'enfants.
Parmi les notes concernant la Psychologie sociale,
citons celles de Groppali (Psychologie sociale el
Psychologie collective), celle de Tongo Takébé sur
la classification des tendances qui constituent les
facteurs essentiels des phénomènes sociaux, celle
de Schultz sur la psychologie des sauvages, celle
d'Æulenburg sur le problème de la psychologie
sociale.
Une dernière catégorie de communications con-
cerne l'étude de la Psychologie sociale au point de
vue pénal et celui de la criminalité ; les auteurs
ont étudié, soit l'inégalité criminelle des sexes,
soit l'influence du système économique sur la cri-
minalité, etc., titres des notes de A/M. de Seeland,
du 2} Valentin, de Æ. Reich, du D' Martrès, etc.
VII. — PSyYcHoLOGIE PATHOLOGIQUE.
Le Professeur Pierre Janet, au nom de Y. Ray-
mond et au sien, à fait connaitre dans une courte
note les recherches entreprises à son laboratoire de
la Salpêtrière sur /a respiration de Cheynes-Stokes
dans l'hystérie et l'influence de l'activité cérébrale
sur le rythme de la respiration. Ce rythme est pres-
que constant chez les hystériques, mais la crise et la
respiration se rapprochent de l'état normal à mesure
que l'activité cérébrale du sujet se réveille et que
son attention devient plus intense. Le !}' V. Truelle
(de la colonie de Dun-sur-Auron) relate deux cas
damnésie continue: l'un à la suite d'une attaque
épileptiforme et l’autre à la suite d’une intoxication
par l'oxyde de carbone ; le D' Paul Tesdorpt com=
munique quelques considérations critiques sur Jan
valeur et l'utilité d'une définition exacle du caracs
tère pour le jugement des maladies mentales. Les
D" Séglas, étudiant les hallucinations psychiques;
est d'avis que ce terme doit disparaitre de la no=
menclature psychiatrique, comme une expression,
entretenant des confusions regrettables ; la plupart
des phénomènes désignés sur le nom d'hailuecina
tions psychiques ne sont pas du tout, à vrai dires
des hallucinalions. Toulouse et Vaschide font con=
naître le résultat de leurs recherches, faites sur des»
aliénés, au point de vue de la psychologie indivi=
duelle: l'application des questionnaires et des testes
à l'examen psychologique des aliénés. Le D" C. G:
Ferrari (de Reggio-Emilia), a parlé également
sur le même sujet; il a traité des testes et den
l'examen clinique des aliénés. Le D' G. Ollah (de
Budapest), à propos de la connaissance partielle
avec une amnésie totale, n'admet pas que la perte
d'un souvenir soit liée à une perceptibilité incons-
ciente de l'acte. Il y aurait toujours une conserva-
tion partielle de la conscience, comme il y aurait
une conservation au moins tout aussi partielle de
la personnalité de l'individu. Ollah n’admet même
pas qu'un sujet soit hypnolisé dans un sens opposé
à ses actes, désirs et impulsions. Il y a beaucoup
de considérations gratuiles dans la dissertalion
psychiatrique de l’auteur hongrois. Citons encore
la communication du D' À. Brouwer (de la Haye)
sur l'aulo-suggestibililé pathologique comme un
trait caractéristique de l'hystérie, celle du L}° Valen-
tin sur la psychothérapie et la logothérapie, qui
cherche à marquer la place exacte, théorique et pra-
tique, de la suggestion verbale pure (logothérapie)
dans l'ensemble des moyens de traitement qui.
relèvent de la Psychologie médicale.
Le Professeur À. Tamburini, directeur de l'Ins-
titut psychiatrique de Reggio-Emilia (Italie), a fait
connaître une intéressante observalion sur les 2ber-
rations de la conscience viscérale. Ces hallucina-
tions font l'effet, comme les autres hallucinations
sensorielles et motrices, d'un état morbide irritatif,
de ces centres corticaux. Des images sensorielles …
ou motrices des impressions e!des mouvements des,
viscères,déposéesetenregistréesàl’élatinsconscient
dans les points corlicaux respectifs, deviennent,
dans des cas morbides, conscientes, et, parallèle-
ment avec l'exagération morbide, leur réviviscence
forme l'origine des hallucinalions viscérales et des
délires correspondants. Les éléments sensoriels qui
constituent la conscience viscérale jouent, d'après,
le Professeur Tamburini, un grand rôle parmiles élé-
ments qui forment les sentiments du moi, surtoul
N. VASCHIDE — LES TRAVAUX DU IV° CONGRÈS DE PSYCHOLOGIE
231
w
dans les faits émolifs; leurs hallucinations à eux
tous doivent exercer une influence considérable
sur la conscience des sentiments du moi, en d’au-
“tres mots sur la personnalilé.
È Le D' P. Hartenberg essaye de formuler une
nception psychologique de la névrose d'angoisse,
elle qu'elle a été définie et délimitée en 1895 par
Freud (de Vienne). C'est une névrose émotionnelle
spécifique, l'affection apparaissant une
iévrose du sympathique (le sympathique représen-
mt le mécanisme nerveux de la vie émotionnelle).
Bitons du même auteur une seconde communica-
ion, traitant de la psychologie de la timidité.
Enfin Ze D' Morlon Prince a fait connaitre, dans
une note préliminaire, un curieux cas de person-
alité mulliple. I s'agit du développement de trois
personnalités dans un même individu, et des rela-
lions que:les personnalilés comportent entre elles
etl'individu primitif. Le sujet est unique sous plu-
Sieurs rapports et présente sous chacune de ses
jersonnalilés des phénomènes bien définis et des
troubles contradictoires les uns par rapport aux
autres; les personnalités avaient acquis quand
même une complète indépendance. Une de ces per-
“onnalités est la conscience exaltée au plus baut
“point; les souvenirs sont continus depuis l'enfance
et sa conscience personnelle n'est pas successive
par rapport aux autres, mais contemporaine avec
elles, et ce n’est que dernièrement que cette person-
“nalilé s'est séparée des autres, qu'elle a acquis une
mexislence indépendante absolue. Cette personnalité
raffinée a écrit une autobiographie, décrivant les
“faits et actes conscients de la vie de l’enfance jus-
qu'au temps présent et les comparant avec celle de
la conscience primaire. Cette personnalité est pré-
dominante sous ce rapport aussi, et dirige beaucoup
es autres, qui ne sont en somme que des fragments
mutilés du « soi primaire ». Ces trois personnalités
peuvent êlre hypnolisées. La communication de
comme
D Maurice de Fleur y, qui a faitconnaitre au Congrès
des précieuses remarques sur la psycho-physiologie
a duré plusieurs mois sans aucun trouble sensoriel
altentif et sans aucune modification notable de la
VIII. — L'nyPNOTISME ET LA SUGGESTION.
Quoique le Congrès ait eu une section spéciale,
consacrée à l'étude de l'hypnotisme, de la sugges-
tion et des questions connexes, on est forcé de
conslaler que les sciences connexes ont eu une pré-
pondérance marquée, bien entendu en tant que
nombre. Nous parlerons de ces sciences connexes
dans le chapitre suivant; iei nous signalerohs les
quelques travaux scientifiques concernant ces phé-
nomènes. Nous en avonsd'ailleurs cité quelques-uns
au chapitre précédent, comme touchant à la Psy-
chologie pathologique.
Signalons d'abord une communication faite dans
une des séances générales sur a divination de le
pensée, par le D° C.-G. Ferrari, du Laboratoire de
Psychologie de Reggio-Emilia, une précieuse con-
tribution à l'étude de la psycho-physiologie de la
suggestion. Le D' C.-G. Ferrari a eu l'occasion
d'étudier trois liseurs de la pensée : Pickmann,
Dalton et Caselli, et ilaremarqué qu'il s’agit toujours
d'un couple télesthésique, formé par le divinateur de
la pensée et celui qui le conduit. Ce couple se fait
par des transmissions sub-automatiques, possibles
entre les deux personnes grâce à la perception des
mouvements minimes de n'importe quel organe et
de nature multiple. Ferrari pense, avec beaucoup
de raison, que celle personnalité télesthésique
pourrait nous donner peut-êlre la elef des faits
encore très obscurs des formes rudimentaires de
la suggestion.
Le D' P. Hartenberg fait connailre un procédé
spécial pour provoquer le sommeil artiliciel, pro-
cédé qui consiste à réunir chez le sujet le plus
grand nombre de conditions favorables au sommeil,
mais en s'abstenant d'évoquer l'idée de dormir.
Le sommeil serait produit par des impressions
organiques et sensorielles. Mentionnons encore la
communication du 1° Liégeois, sur les hallucina-
tions négatives et la psychologie expérimentale,
celle du 2} Æncaussesur le transfert hypnotique, du
Dr Regnault, sur la classification des qualités psy-
chiques primitives, basée sur les récentes décou-
vertes hypnotiques, du D° Falk Schuph sur le pro-
blème du les méthodes de
l'investigation psychologique, etc. N'oublions pas
une note du président de la section, le D° Bernheim,
sur l’anesthésie Lhystérique, qu'il réduit à un en-
semble de phénomènes d'aulo-suggestion et qu'on
arrive facilement à désagréger par la suggestion ou
par la persuasion.
C'est également à ce chapitre qu'on pourrait
citer la communication de M. Jagadiska Chandra
Chatterjii, professeur à Benarès (Indes anglaises),
sur les méthodes employées dans l'étude de la Psy-
chologie expérimentale aux Indes, méthodes qui,
somnambulisme et
232 N. VASCHIDE — LES TRAVAUX DU IV° CONGRÈS DE PSYCHOLOGIE
pour la plupart, tiennent à une utilisation adroite
et merveilleuse des manipulations hypnotiques ou
de la suggestion. Il s'agissait surtout de la révéla-
tion d'une méthode classique indienne, connue
sous le nom de Yoga, et sur ceux qui l’'emploient,
les Yogins. On a admiré l'enthousiasme de croyant
de #7. J.-C. Chalterjii, quand il a évoqué ainsidevant
les congressistes les méthodes de ces lutteurs admi-
rables pour le Nirvhäna; il a réussi à suggérer la
possibilité de connaissances scientifiques pré-
cieuses pour ces artistes de procédés hypnotiques.
IX. — PSYCHOLOGIE TRANSCENDANTE.
Les représentants de la Psychologie transcen-
dante et surtout des soi-disantes sciences connexes
se sont donné rendez-vous dans la cinquième sec-
tion, où la discussion a été souvent assez vive.
Plusieurs psychologues ont pris successivement
la parole comme Æhhinghaus,. Külpe, Tarchanof,
Vogt, Vaschide, Hartenberg, ete.; après des lon-
gues répliques, le président Bernheim a précisé la
part des faits vraiment scientifiques el a insisté
sur le rôle considérable que joue la mentalité de
l'observateur. Le Professeur Æhhinghaus a été
surtout très applaudi quand il a protesté, au
nom de la science psychologique, contre la confu-
sion regrettable que certains représentants des
sciences annexes faisaient des phénomènes psy-
chiques.
Parmi les multiples communications concernant
les phénomènes télépatiques : transmission de la
pensée, l'au-delà de la conscience, etc., faisons
une place à part à celle du Professeur Myers, (de
Cambridge) le président de le Société de recher-
ches psychiques de Londres, sur le phénomène
classique de {france (léthargie), à propos d'un cas
remarquable de M'° Thompson. Dans cet état, le
sujet semble endormi, mais il est néanmoins capa-
ble de parler ou d'écrire sur certains sujets, que sa
personnalité normale ignore à ce momentet dont il
se souvient rarement à un retour à la vie éveillée.
Cette forme léthargique peut suggérer une substi-
tution temporaire de personnalité. M. Myers a
recueilli les témoignages de plusieurs personnes
pour arriver à la conclusion que les faits révélés
par M Thompson au cours de ses expériences lui
étaient absolument inconnus. La plupart des faits
évoquent des communications avec des morts, qui
semblent, à ce que dit M. Myers, parler par la
bouche de M"° Thompson.
Contentons-nous d'enregistrer ce fait et croyons
sur parole M. Myers, auquel la Psychologie doit
beaucoup de choses, qu'il n'y à eu aucune fraude.
Mais nous nous permettrons d'observer qu'outre la
fraude, pour ne parler qu'en question de principe,
il ya lieu d'accorder place à une foule d'erreurs
tenant, pour la plupart, aux états psychiques des
témoignants et aux conditions dans lesquelles M@
fait a été recueilli.
Citons encore le Professeur Ælournoy, de Genève,
qui à montré la nécessité, pour la Psychologie, de
s'occuper des problèmes que soulèvent les phéno
mènes dits occultes, supra-normaux, et a proclamé
hautement que les spirites n’ont apporté aucun fait
scientifique à l'appui de leur thèse; lesdits phéno
mèênes supra-normaux peuvent être expliqués par
les lois psychologiques ordinaires. Dans le même
sens à parlé aussi le D' ©. Vogt, de Berlin, 4
sa communication contre le spiritisme.
De toute cette lutte résulte, à mon avis, la néces
silé de vulgariser dans le monde des notions élé-
|
1
l
[
D.
D
mentaires de méthodologie et de préciser plus
largement la significalion des conditions qu'exige
une bonne expérience.
X. — COMMUNICATIONS DIVERSES
N'oublions pas de mentionner la création de
l’Institut psychique international, qui a élé annon
cée au Congrès par une communication succincte
dn D" Ockorowicz. Get Inslitut vient d'être créé à
Paris, dans le but d'organiser un centre intellec
tuel internalional pour la Psychologie et les science
annexes, en harmonisant lous les efforts et em
centralisant toutes les ressources. L'Institut veu
mettre à la disposition des travailleurs, écrib
M. Janet dans le premier numéro du Bulletin de
Finstitut, au nom du Comité provisoire, les docu=
ments nécessaires à leurs études, instruments,
livres, ete.; il veut fournir des ressources à tous
les laboratoires, à lous les chercheurs, réunis où
isolés, qui pourraient montrer qu'ils ont besoin:
de cet aide pour une recherche ou une publi=
cation intéressante ; il veut encore provoquer de
études et des recherches sur cerlains faits qui
mériteront d'être mis à l’ordre du jour ou qui le
sont déjà, et organiser enfin, autant que possible,
des laboratoires permanents, une clinique, où se=
raient effectuées, par quelques-uns de ses membres;
les recherches jugées les plus utiles, etc. »
Le programme est assurément beau et des plus
nobles; reste la grande besogne, après avoir tracé
un si vaste et admirable plan d'études, de le mettre
en pratique. La direction, étant confiée, au moin
pour le commencement, à des savants et psycho=
logues comme MM. Ch. Richet et Pierre Janet
entre autres, doit inspirer confiance dans l'avenir
de celte institution.
Le Congrès a fini, comme tous les Congrès, par
un banquet et par des discours, qui n'ont manqué
ni d'élan, ni de volubilité, ni d'humanité. Ce ban-
quet a eu lieu au premier étage de la tour Eiffel. Il
convenait bien aux psychologues de siéger à une
certaine hauteur et d'avoir devant eux un horizon
plus large; ils ont pu à leur gré jeter des jalons,
pour l'avenir de la Psychologie, dans l'infini du
temps et de l'espace.
… Avant de finir, n'oublions pas de féliciter le
Comité d'organisation pour la réussite du Congrès,
qui compte pour beaucoup dans l'histoire de la
Psychologie. Félicitons en particulier M. Janet, qui
a assumé la lourde tâche de Secrétaire général du
ET LA CULTURE DES AGAVE
La culture des Agave a, depuis une vingtaine
Agave susceptibles de donner des produits indus-
triels comme au Mexique.
Il
Depuis longtemps l'Agave Americana, impro-
prement appelée Aloès,est propagée comme plante
de clôture et d'ornement en Algérie. Elle y prend
n grand développement et s'y montre, ainsi
ue plusieurs de ses congénères, bien adaptée au
imat. Mais c’est bien à tort qu'elle y été regardée
à production de fibres textiles. Si l’on peut extraire
ses grosses feuilles quelques mèches de fouets,
Line réussit guère à l'exploiter en grand. Il con-
viendrait, croyons-nous, d’éludier de plus près la
possibilité de cultiver conjointement des espèces
du même genre dont on tirerait des fibres utili-
Sables. Voici à ce sujet quelques indications :
. Depuis 1886, ayant eu à créer un Jardin bota-
dique pour nos Écoles supérieures, je me suis
cupé de réunir une collection d'Agave, tant au
nt de vue purement botanique qu’au point de
e de l'utilisation de nos terres arides par ces
REVUE GÉNÉRALE DES SCIENCES 1901.
D: TRABUT — LE CRIN DE TAMPICO ET LA CULTURE DES AGAVE EN-ALGÉRIE
_ pris une grande PA PRTEUICE quel les cli- |
| spéciale au Jardin.
| Dr Weber m'a envoyé des graines de l'Agave qui
233
pli largement la destination d'une pareille réunion.
Les Congrès n'apportent jamais de solutions pré-
cises, mais préparent l’espril; on apprend à se
connaitre et on localise mieux ses pensées après
avoir assisté à des séances où les représentants
| les plus différents de la Psychologie ont agité des
idées. Et, dans un mouvement se ientifique, site
des idées, c'est déjà beaucoup!
N. Vaschide,
Chef des travaux
du Laboratoire de Psychologie expérimenta!e
de l'École des Hautes Études.
(Asile de Villejuif.)
LE CRIN DE TAMPICO
UNIVITTATA ET HETERACANTHA
EN ALGÉRIE
plantes. En 1892, j'ai recu de nombreux échantil-
lons de Sisal vrai et faux; ces végétaux se sont
très bien développés et font l’objet d'une étude
En septembre 1894, M. le
fournit le Tampico et qui porte le nom indigène de
Lechuguilla. Ces, graines avaient été récoltées au
Mexique sur les lieux mêmes de l’exploilation. Or,
les plantes qui en sont issues se sont montrées
identiques aux Agave que je possédais déjà sous
le nom d'Agave univittala.
Ces végétaux (fig. 1) sont remarquables par de
nombreux caractères qui permeltent de les classer
dans une section spéciale du genre. Leurs fleurs sont
en épi de 3 à 4 mètres rappelant l'inflorescence de
la Scille marilime; elles sont insérées deux par
deux. Les feuilles ont une marge sèche épineuse
qui se détache très facilement du reste de la feuille,
si bien qu'avant de travailler ces feuilles, les Mexi-
cains éliminent facilement les épines en détachant
les marges épineuses.
Les Tampico grainent très bien à Alger et, en
1898, j'ai pu distribuer, par l'intermédiaire de la
Société d'Horticulture de celte ville, une assez
grande quantité de graines provenant de sujets
plantés en 1886 au Jardin botanique.
Les rameaux souterrains ou stolons sont, dans
cette espèce, longs et nombreux; aussi cet Ayave se
présente-t-il en touffes avec des roseltes de lout
âge (fig. 2). Sur chaque sujet, les feuilles sont au
nombre de trente à quarante, longues et étroites,
rigides et graduellement alténuées en pointe cana-
liculée, striées de vert sombre sur le dos, et pré-
gen
234 D' TRABUT — LE CRIN DE TAMPICO ET LA CULTURE DES AGAVE EN ALGÉRIE
sentant longtemps une raie large de couleur claire |
des épines petites, inégales,
crochues, distantes de quel-
ques centimètres; l’épine ter-
minale est brune, vulnérante,
canaliculée. Si l'on examine
la section de la base de la
feuille, elle montre une quan-
üilé extraordinaire de gros
faisceaux rigides ; en écrasant
la feuille, on voit apparaître les
fibres qui, en nombreux fais-
ceaux, sont noyées dans un
parenchyme qui laisse exsu-
der une matière mucilagi-
neuse très abondante et riche
en saponine.
IT
C'est autour de San-Luis-
de-Potosi que se fait la prin-
cipale exploitation de la Le-
chuguilla ; l'exportation se fait
de Tampico, d’où le nom de
crin de Tampico donné au pro-
duit.
Le nom de fibres de Tain-
pico est donné à toutes les
fibres exportées par ce port.
Il y a cependant lieu de dis-
tinguer et de réserver, d’après
M. Rose ‘, l'expression de
gne les Lechuguilla est surtout composée de petits
sur la face supérieure. La marge est cornée et porte |! (punlia très épineux, de Prosopis, de Yueca
d'autres Agave de petite taillé
L'exploitation de la fibre de
Tampico est faite par des In
diens christianisés ou par dés
métis appelés Peons, habitant
des gourbis. — Celte exploi®
tation est faite d’une manière.
barbare : les feuilles müres
ne sont pas récoltées seuless
les feuilles jeunes du centrèw
sont coupées, elles forment um!
« Cogollo ». — Cette pointe
centrale, formée par la réus
nign des jeunes feuilles nom
encore épanouies, est arrachée
au moyen d'un bâton muni
d'un anneau de fer ou percé
d'un trou et nommé urro.m
Ces Cogollos sont chargés”
sur le dos et apportés sous uR
arbre ou sous un hangar. Vo
ci, d'après W.-S. Booth, com»
ment se fait l'extraction de l&
fibre. |
« Sous de grossiers hangars
couverts de feuilles de palmiers»
on peut voir les Peons préparant
la fibre. Une botte fraiche den
Lechuguilla à sa gauche, l'hommen
s'assied les jambes étendues
côté d’un piquet de bois d'en
viron 20 centimètres de haut
maintenu solidement en terre él
obliquant légèrement à gauche
« Istle » pour les fibres d'Agave à feuilles courtes | Une autre pièce]de bois carrée de 10 centimères est fixée“
(A. heteracantha), de
« Palma loca » pour les
fibres de Yucca, et de
« Guapilla » pour les
fibres d'Agave à feuil-
les linéaires (A. uni-
villala).
Les Agaves crois-
sent sur des plateaux
calcaires à des altitu-
des de 1.000 à 2.000
mètres; la température
y oscille entre 10° el
30°, avec une moyenne
de 46° à 20°; les pluies
y sont peu abondantes,
car aucune céréale n'y
vient sans irrigalion;
la flore qui accompa-
! Rose : Useful plants of Mexico, in U, S. national Herba- | mais et la même manœuvre est répétée sur la deuxième
partie de la feuille. Les fibres sont empilées, puis ex
,
rium, t..V, n° 4, 1899. ÿ
Fig. 2. — Siolons d'Agave univillata.
l
sur celle-ci, à quelques“
centimètres au-dessus du
sol. À un centimètre aus
dessus de cette tablettes
le pieu est troué et res
coit la pointe d’un 4a/laem
dor (fig. 3) ou racloi
tranchant monté sur win
manche de bois que
l’ouvrier prend de Jà
main droite. Prenant une
feuille et enlevant adrot
tement les marges épis
neuses, il place un épi
égrené de mais dans le
cavité pour avoir plus de
prise ; alors, avec Îles
mouvements re
la feuille est pressée &
raclée par les passages
successifs sous la lame
une première face étant
ainsi traitée, la feuille
est retournée et raclét
de l’autre côté, la partit
ainsi préparée est en®
roulée autour de l’'épi dem
|
|
A
4
SG
posées au soleil. Dans les Haciendas, on emballe ensuite
la fibre en ballots de 100 kilos, revêtus de toile gros-
à ière, et, par de très mauvaises routes, ce produit est
expédié sur San-Luis-de-Potosi et Tampico. »
FA
« A Alger, l'Agave de Tampico se montre au moins
“aussi riche en fibres que dans son pays d'origine :
avec des feuilles pesant 200 grammes fraiches, en
D: j'obtiens 15 grammes de fibres tandis que
ans les exploitations mexicaines le rendement
nest que de 5 °/,. Les fibres oblenues sont très
elles el semblables aux fibres qui sont vendues
pour la brosserie à 60 francs les 100 kilos.
III
- La multiplication de celte plante économique
ble très facile, et sa propagalion dans les ter-
<
CPC LL)
Fig. 3. — Tallador Mexicain,
ins arides doit être une opération productive.
On peut admettre que toutes les stations où se trou-
vent déjà des Agave et des Opunlia conviennent
ransplantée, soit en pépinière, soil en place.
Quand les plantations auront acquis une cer-
e importance, la multiplication se fera simple-
ent par les très nombreux rejetons que donne
D' TRABUT — LE CRIN DE TAMPICO ET LA CULTURE DES AGAVE EN ALGÉRIE
235
place dès le début de l'automne jusqu'en avril et
mai.
Aucune préparation du terrain n'est nécessaire :
dans les pentes rocailleuses, sableuses, déboisées,
il suffira de suivre les lignes horizontales et de
placer les jeunes sujels ou rejelons au moyen d'un
coup de pioche; un enfant peut faire cette plan-
tation, et les jeunes bergers indigènes pourraient
couvrir le pays d'Agave de Tampico si, au lieu de
s'endormir sous une broussaille, ils consacraient
à ce travail utile quelques heures tous les jours.
Dans un lerrain nu comme une dune, il est pos-
sible d'établir 5.000 touffes qui, en production,
donneront plus d’une tonne de fibre.
Mais cet Agave devra surtout êlre planté dans
des terrains irréguliers rocailleux, utilisant pour le
mieux les vestiges de terre que la dénudation conti-
nue entraine tous les ans. Ces plantes, disposées en
lignes continues et horizontales, auraient pour
effet de retenir l'eau et l'humus, et favoriseraient
le développement de petites plantes fourragères très
importantes, pour le mouton, notamment. Ce n'est
qu'après lrois ou quatre ans que les premières
plantations seront exploitables: il faudra alors cou-
per les feuilles avec une serpette emmanchée lon-
guement ou une sorte de sabre, et les transporter
dans une usine ; ou les traiter sur place avec le
tallador mexicain, ce qui est possible, les feuilles
de tampico se laissant très facilement décortiquer.
Il est probable que si cette culture s'implante, des
usines s’organiseront et achèteront aux indigènes
les feuilles récoltées par eux.
Cent kilos de feuilles, pouvant donner 7 kilos de
fibres valant de 3 fr. 50 à 4 francs, pourront faci-
lement être payés 1 francs à 1 fr. 50. Les 5 à
600 feuilles nécessaires pour faire 100 kilos sont
très vite ramassées. La pulpe des feuilles de la
Lechuguilla contient en abondance un mucilage
riche en saponine qui pourrait probablement être
ulilisé.
Les Agave qui donnent le Tampico et le Sisal
peuvent, en Algérie et en Tunisie, occuper des sur-
faces très importantes et fournir à la métropole des
textiles de premier ordre, qui, sur les marchés, sont
très demandés et payés des prix élevés.
D' L. Trabut,
Professeur à l'École de Médecine d'Alger
236
BIBLIOGRAPHIE — ANALYSES ET INDEX
BIBLIOGRAPHIE
ANALYSES ET INDEX
1° Sciences mathématiques
Braunmühl (A. von), Professeur de Mathématiques
à l'Ecole Polytechnique de Munich. — Vorlesungen
über Geschichte der Trigonometrie. ErstTer TriL.—
L vol. in-8v de vu-260 pages. (Prix : 9 marks.) B. G.
Teubner, éditeur, Leipzig, 1900.
Dans cette première partie de son ouvrage, M. von
Braunmüh{ embrasse l'histoire de la Trigonométrie de-
puis l'Antiquité jusqu'à la découverte des logarithmes.
Les huit chapitres qui la composent sont écrits avec
autant de science que d’érudition. D'ailleurs, les remar-
quables mémoires publiés antérieurement par l'auteur
dans la Bibliotheca Mathematica de Stockholm et dans
les Nova Acta de l'Académie Royale Léopoldine-Caro-
line d'Iéna, le désignaient tout naturellement pour cette
délicate entreprise.
Le mathématicien allemand étudie d'abord les traces
de la Trigonométrie chez les anciens peuples de l'O-
rient. Les documents relatifs à cette période sont rares :
le Papyrus d'Ahmes nous initie aux laborieux procédés
des Esyptiens, et le T'cheou per à ceux, non moins rudi-
mentaires, des Chinois. Puis les géomètres grecs entrent
dans la lice. Ils découvrirent des formules semblables
aux nôtres pour la résolution des triangles rectilignes
et sphériques, mais ils arrivèrent à ce but grâce à des
méthodes lentes et détouruées, que le grand astronome
Ptolémée eut le mérite de simplifier quelque peu. Avec
les Hindous, les sinus s'introduisirent dans les calculs;
toutefois, leurs plus illustres savants : les Aryabhatta,
les Brahmagupta et les Bhaskara, dirigèreut plutôt
leurs efforts vers les questions d’Algèbre. De leur côté,
les Arabes imprimèrent un vigoureux essort à la Trigo-
nométrie. Les perfectionnements qu'ils y apportèrent
permirent de nombrenses applications astronomiques.
Comme son prédécesseur hindou Aryabhatta, et sans
doute indépendamment de lui, Al-Batani eut, en effet,
la lumineuse pensée de substituer les sinus des arcs
aux moitiés des cordes des arcs doubles que les Grecs
utilisaient dans leurs calculs. Il découvrit également
l'expression fondamentale de la Trigonométrie sphé-
rique, et, sous la dénomination d'ombre étendue, il se
servit de la tangente dans ses formules gnomoniques.
Du v° au vue siècle de notre ère, les mathématiciens
de la Chrétienté perfectionnèrent médiocrement nos
connaissances (risonométriques ; aussi est-ce avec rai-
son que M. von Braunmühl leur consacre seulement
quelques pages.
Avec Régiomontanus (1436-1476), la Trigonométrie
moderne commence à prendre corps. Son De Triangulis
planis et sphericis est le plus ancien traité trigono-
métrique qu'ait produit l'Occident. L'illustre astro-
nome Copernic apporta également sa pierre à l’édifice ;
mais c’est surtout à Viète qu'on doit les plus grandes
découvertes dans ce domaine. Son Canon mathematicus
(1579) est un recueil de tables où se rencontre, pour la
première fois, en regard de l'angle correspondant, la
valeur des sinus, tangentes, sécantes, cosinus, cotan-
gentes et cosécantes, calculées de minute en minute.
Dans ses autres livres, il parvint à affranchir la Science
des énoncés prolixes précédemment adoptés. Il pré-
senta, sous forme de tableau, les éléments connus et
inconnus d’un triangle et constitua de la sorte les for-
mules générales expéditives que nous utilisons jouc-
nellement.
Telle est, en substance, l’œuvre érudite de M. von
Braunmübhl, dont nous souhaitons de pouvoir bientôt
signaler l’achévement. Jacques Boyer.
Vidal (CI). — Pour la Géométrie euclidienne
Etude critique élémentaire sur les fondements de
Géométrie. — Une broch. in-8° de 37 pages. Croville
Marant, Paris, 1900.
La brochure de M. Vidal mérite d'être signalée àt
ceux qui s'intéressent aux fondements de la Géoméb
Ils y trouveront une série d'arguments tendant
prouver que la Géométrie euclidienne est la se
admissible. La thèse développée par l’auteur est la st
vante : Z! n'y a qu'une Géométrie, la Géométrie eu@
dienne, parce qu'il n’y a qu'une ligne droite, la dra
euclidienne; selon M. Vidal, cette affirmation mes
d’ailleurs qu'une conséquence naturelle de la défini
de la ligne droite par Euclide. C'est dire que l’aut
refuse d'admettre la notion de droite lobatchefskien
aussi bien que la droite riemannienne, et qu'il conte
les arguments sur lesquels Beltrani et Mansion éta
blissent l'indémontrabilité du postulat d'Euclide.
Nous laissons aux revues spéciales le soin d’examin
en détail le point de vue développé par M. Vidal. Not
devons nous borner à reproduire ici les titres des
paragraphes que comprend cette brochure : Les tro
Géométries. — Démonstration du postulatum d’Euclide”
dans la théorie des parallèles; conséquences. — Dis
cussion des arguments sur lesquels se fonde la p
tendue indémontrabilité du postulatum d'Euclide
Identité de la droite riemannienne avec une circon
rence de grand cercle d'une sphère. — Unité de la G
métrie. Vraie signification des théories non euclidiennes”
— Sur quelques définitions de la ligne droite.
|
|
À
1
2° Sciences physiques
Gerland (E.), Professeur à l'École Royale des Mine
de Klausthal et Traumüller (F.), Professeur
Gymnase Nikolaï à Leipzig. — Geschichte d
physikalischen Experimentierkunst. — {| |
in-8° de 442 pages avec 425 figures. (Prix : 17 fr. 50
W. Engelmann, éditeur. Leipzig, 1900. Ë
Cet ouvrage procède d’une conception nouvelle;
n’est point une histoire de la science, ni même une
toire de la Physique. Le but des auteurs a été non po
laut de donner une image du développement de cet
science que d'indiquer avec netteté la filiation des pre
cédés expérimentaux, avec leurs résultats les plus im
médiats. De celte façon, le sujet est limité, les consi
rations trop générales en sont exclues, et si les moy
de la connaissance y sont exposés avec détail, on sk
rêle au seuil de la science proprement dite : on ne
qu'entrevoir le résultat.
Ainsi envisagée, l'histoire perd un peu de son impol
tance philosophique et éducatrice, au moins pour
élèves, auxquels l’ouvrage s’adressera surtout à ti
documentaire; mais ceux qui, en Physique, ont attei
la maturité suppléeront aisément par la réilexion a
développements qui n'entraient pas dans le cadre
l'ouvrage. Mème ainsi restreinte, l'histoire présente
core un grand intérêt; la disproportion entre les moye
et les résultats dans les périodes créatrices devientr
évidente, et on voit nettement apparaître la perspit
cité des hommes qui ont su se mouvoir à travers mi
causes d'erreurs et dégager de ce fouillis les lois sin
ples sur lesquelles on a ensuite échafaudé la sciene
Mais cela même doit nous rendre circonspects.
créateurs, le plus souvent, ont été moins affirmatils
que les élèves. Ceux-ci, supprimant l'indication «toi
se passe comme si », que les maitres conservaient s0
gneusement, ont pu souvent verser dans la scolastiqu
À une certaine époque, un résidu est négligeable; plus
Hard, il cesse de l'être, et, parce qu'on l’a négligé sciem-
nent, on continue à n'en pas tenir compte, bien plus
Len puisqu'on ignore son existence. La
découverte de l’argon, plus d’un siècle après que Caven-
‘“dish avait déclaré qu'il le négligeait pour le moment,
restera l’une des preuves les plus éclatatantes du tort
que cause au progrès de la science l'ignorance dans
dans laquelle la plupart d’entre nous vivent de l’histoire
des découvertes. Aussi, quand la brèche est ouverte, on
voit le progrès s’accomplir par la suppression de l'opi-
nion toute faite ; il se répand à grands flots, comme le
prouve la découverte de l'hélium, du néon, du crypton,
du xénon, auxquels on n'est arrivé que par la voie
“du doute créé par l’argon.
Dans l'ouvrage dont nous nous occupons, l'art expé-
| imental est pris depuis ses origines, chez les Babylo-
mniens et les Assyriens, jusqu'au milieu du xix° siècle.
ë es divisions sont celles de l'histoire politique : anti-
“quité, moyen-âge et temps modernes, avec un peu de
“décalage dans le début de ces périodes. Nous trouvons
ïen peu de documents sur les premiers peuples, tan-
dis qu'avec les Egyptiens, nous arrivons à connaitre le
iphon, la balance, le rouleau, alors que la scienre des
recs, synthélisée par Aristote, s'élève jusqu'à des prin-
ipes généraux. Archimède, au mi° siècle avant notre
re, donne les premiers principes de l'Hydrostatique,
s lois du levier et le célèbre principe qui porte son nom.
Ecole d'Alexandrie, à la suite d'Euclide, poursuit
étude de l'Hydros!atique, invente la pompe à feu,
“l'orgue à eau, le moulin à vent, et une foule de ma-
“chines dont le principe a été conservé jusqu'à notre
poque.
…— Le Moyen-Age voit à l'œuvre surlout les Byzantins et
Jes Arabes, et les temps modernes préludent à la renais-
ance des études scientifiques dans l'Europe occiden-
‘tale. Les auteurs placent le début des temps modernes
de la science au moment où Galilée entre en scène, et
rangent encore les précurseurs, Porta, Tartaglia, Léo-
nard de Vinci et Stevin, dans la fin du Moyen-Age scien-
ifique.
A partir de ce moment, la classification adoptée par
les auteurs est mixte; ils considèrent une des bran-
hes de la Physique pendant une période assez élendue,
occupent ensuite des autres questions pendant des pé-
odes à peu près équivalentes, el dont le commence-
ment et la fin marquent une époque de grand progrès,
montrant ainsi le développement paralièle, et synthétisé
en général dans un ou deux chercheurs heureux ou
génials, de sciences bientôt arrêtées par les diflicultés de
atechnique, ou par le retard relalif des sciences voisines.
Pour la densité, les lois de la chute des corps ainsi
que pour le microscope et le pendule, Galilée est l'ini-
iateur. Kepler et Descartes sont rapprochés dans un
chapitre, pour des raisons peut-être insuffisantes ; les
«recherches optiques de ce dernier sont indiquées en
détail, ainsi que ses expériences moins connues sur le
nagnétisme et la représentation des lignes de force par
des limailles. Ilest intéressant de noter ici la découverte,
faite par M. Korteweg, d'une lettre de Golius à Constan-
tin Huygens le père, d'où résulte d’une manière défini-
tive que Descartes découvrit la loi de la réfraction tout
à fait indépendamment de Snellius.
La période suivante nous donne des travaux d'Otto
de Guericke et de Boyle, puis ceux de Torricelli sur la
pression des gaz. Nous ajouterions volontiers icile nom
de Pascal, dont les mérites relatifs au baromètre ne sau-
raient être méconnus sans injustice. Cette période, en
somme, développe surtout les idées de Galilée et en
revise quelques-unes. À une époque peu ultérieure,
uygens, Leibnitz et Papin iatroduisent, chacun dans
un domaine différent, des idées plus nouvelles.
On a rendu pleinement justice à Leibnilz et à Huygens
qui sont considérés, à l'heure actuelle, comme deux des
plus puissants génies de tous les temps. Papin, s'il ne
peut être placé au même niveau comme grandeur et
… généralité de la conception, futcependant un expérimen-
BIBLIOGRAPHIE — ANALYSES ET INDEX 237
tateur et un inventeur de génie, que les auteurs placent,
au point de vue particulier de l'expérience, sur un pied
d'égalité avec les deux grands émules de Newton.
Au xvn° et au xvure siècle, on s'occupa beaucoup du
baromètre et du thermomètre, que l'on modifia de mille
manières, et, parmi les inventions récentes, il en est
peu dont on ne retrouve la genèse dans cette période.
Leibnitz et Papin s'occupèrent même du baromètre
anéroide, et correspondirent à son sujet. Puis Amon-
tons, d'une part, Fahrenheit de l'autre, apportèrent au
baromètre, au thermomètre et à l'aréomètre de grands
perfectionnements. Dans la même direction travaillent
Réaumur et de nombreux savants qui s’occupèrent de
Metéorologie.
En Optique, le grand expérimentateur est Newton,
dont l'œuvre reste à peu près intacte jusqu’au début du
xix° siècle, qui découvre pour ainsi dire Huygens. Le
milieu du xviur siècle voit les débuts de l'étude systéma-
tique de l'Électricité, et, à la fin du même siècle, les
découvertes de Galvani et de Volta ouvrent une ère
nouvelle. Nous voici dans le plus grand siècle de la
Physique, celui de son complet épanouissement. Vue
avec un peu plus de recul que nous n'en avons actuel-
lement, son histoire sera glorieuse. Aujourd'hui encore
il est trop récent pour que, dans la masse énorme des
documents, le tri soit facile. Les auteurs de l'ouvrage
dont nous parlons allègent singulièrement cette tâche
en se limitant à l'Électricité, où les travaux d'Ampère,
d'Arazo, d'Oersted, de Faraday préparent l'avènement
du télégraphe et de la machine dynamo-électrique. D'où
vient ce choix ? Pourquoi n'avoir parlé ni de l’Acous-
tique, ni de la transmission de la Chaleur, nide l'Optique,
ni de la découverte des grands principes de la Thermo-
dynamique ? Nous n’en voyons pas la raison, et n'y rat-
tachons aucune critique, mais le fait devaitétre signalé.
Les auteurs ont eu l’heureuse idée de reproduire un
grand nombre de figures originales, fort intéressantes à
examiner de près lorsqu'on aime à se rendre compte
des moyens de découverte. Et, si leur ouvrage présente
plus d’une lacune, il n’en renferme pas moins des do-
cuments nombreux et généralement bien choisis qu'il
était utile de rassembler et de publier.
Cu. Eb. GUILLAUME,
| Physicien au Bureau international des Poids et Mesures.
Van’t Hoff (J. H.) — Leçons de Chimie physique.
Ouvrage traduit de l'allemand par M. Convisy, pro-
fesseur agrégé au lycée de Saint-Omer. 3 vol. 1n-8°
{Prix : 23 fr.). — Librairie scientifique Hermann,
Paris, 1900.
La Revue a signalé, lors de son apparition, la pre-
mière parlie des Leçons de Chimie physique, de Van't
Hoff (J.-H.) traduites en francais par M. Corvisy. L'ou-
vrage est actuellement complété par la publication de
deux autres volumes relatifs l'un à la Statique chi-
mique, l'autre aux Relations entre les propriétés et la
composition des corps.
Le deuxième volume des Leçons de Chimie physique,
la Statique chimique, est presque entièrement consa-
cré à des questions sur le développement desquelles
l'œuvre personnelle de M. Van'’t Hoff a eu une influence
prépondérante. Le problème traité dans ce volume
peut se résumer de la façon suivante : La composition
chimique élémentaire, telle que la donne l'analyse
chimique, ne suflit pas à caractériser un corps; il faut
compléter ce résultat par d’autres données, à la connais-
sance desquelles on arrive en étudiant les corps qui,
possédant la même composition chimique, présentent
des propriétés différentes. Cette étude conduit à consi-
dérer trois cas différents que M. Van t Hoff examine suc-
cessivement ; ce sont: le cas des corps polymères dans
lequel on rapporte la variationdes propriétés à la gran-
deur du poids moléculaire,au nombre de molécules chi-
miques réumes pour former la molécule physique; le cas
des corps isomères, dans lequel les différences de pro-
priélés observées pour des corps de même composilion
. élémentaire sont attribuées à des différences dans le
238 BIBLIOGRAPHIE — ANALYSES ET INDEX
groupement des atomes qui constituent la molécule ;
enfin le cas des corps polymorphes, dans lequel on
examine les différents édifices cristallins qui peuvent
constituer les mêmes molécules.
On sait combien M. Van't Hoff a fait avancer les con-
naissances relatives à la détermination des poids molé-
culaires en introduisant la notion de pression osmotique,
et en étendant aux systèmes liquides et nolamment
aux solutions diluées les lois relatives aux systèmes
gazeux, telles que la loi d'Avogadro. En ce qui concerne
les idées relatives à l'isomérie, M. Van’t Hoff a joué
encore un rôle prépondérant dans le développement
de la notation stéréochimique et l'élude des relations
qui existent entre l'asymétrie moléculaire et les pro-
priétés des corps optiquement actifs; nul n’élait mieux
désigné que lui pour traiter ces délicates questions.
Le troisième volume des Leçons de Chimie physique.
est consacré à l'étude des relations qui existent entre
les propriétés des corps et leur composition, relations
qui sont divisées, comme l’a proposé Ostwald, en rela-
ions colligatives (dépendant du nombre de molécules),
addilives et coustitutives (dépendant de la nature des
atomes unis dans la molécule et de leur mode de
liaison). M. Van’t Hoff examine successivement les
relations relatives aux propriétésphysiques,relations de
volume et de pression dans diverses conditions, en
tenaut compte des équations caractéristiques des
corps, températures d'ébullition, températures critiques,
chaleurs spécifiques, tensions superficielles, ete.,
puis les relations relatives aux propriétés chimiques.
Cette dernière partie n'est pas d’une clarté parfaite et
l’auteur semble le reconnaître lui-même, car il termine
son livre par la phrase suivante : « Au commencement
de ce travail, nous sommes partis des phénomènes sim-
ples de l'équilibre chimique, basés sur les principes de
la Physique; nous arrivons maintenant à la fin de
notre ouvrage, entouré de relations encore mystérieu-
ses, parmi lesquelles l'instinct merveilleux du chimiste
est seul capable de trouver sa voie. »
En tête de chacun des volumes se trouve reproduite
la préface de M. Van't Hoff, dans laquelle il justifie la
division adoptée en Dynamique chimique, Statique.chi-
mique et Relations des propriétés avec la composition;
il y résume de la facon suivante le mode d’expesilion
suivi dans cet ouvrage: « La méthode adoptée est celle
que j'ai suivie dans mon enseignement. Elle consiste
essentiellement à développer toute loi en partant d'un
exemple concret convenablement choisi et traité expé-
rimentalement ; l'ensemble des résultats est autant que
possible représenté par un graphique ; puis viennent
la conclusion et enfin les développements théoriques
sur la généralité et la portée de cette conclusion. »
Cette dernière partie est souvent moins complète
que les premières, et il semble qu'un ouvrage de ce
genre gagnerait à contenir une discussion plus serrée de
la signification des termes employés, du caractère plus
ou moins hypothétique des principes invoqués, en un
mot, à développer davantage le côté philosophique de
la question.
La lecture des deuxième el troisième volumes des
Lecons de Chimie physique ne nous semble pas devoir
modifier l'impression signalée dans cette Revue à pro-
pos du premier volume et que nous résumions dans
la phrase suivante: L'ouvrage de M. Van’t Hoff ne cons-
tilue pas un traité didactique complet, mais plutôt la
réunion d’une série de conférences sur les points
importants de la Chimie physique et particulièrement
sur les travaux de l'auteur et de ses élèves. La lecture
en est néanmoins des plus instructives et la traduction
de M. Corvisy rendra de réels services aux chimistes
français.
M. Corvisy a ajouté, à la suite de sa traduction, deux
notes intéressantes: l’une sur le volume critique d'après
Dieterici, l'autre sur la densité réelle des composés
chimiques et la relation de cette densité avec la compo-
sition et la structure, d'après Ramonikof. G. CHarry,
Docteur ès scierces,
3° Sciences naturelles
Giglio-Tos (D'Ermanno) Professeur à l'Université d@
Turin. — Les Problèmes de la Vie. 1" Partie“
La Substance vivante et la Cytodiérèse. — 1 wok
in-8° de 288 pages. Chez l'auteur, Palais Carignanos
Turin, 1900.
Tout biologiste vraiment digne de ce nom, c'est-à=
dire désireux de rapporter à leurs véritables causes
les phénomènes de la matière vivante et d’en pénétren
le mécanisme intime, éprouvera un sentiment bien
naturel de curiosité et le vif désir de le satisfaire, en
voyant l'annonce d’un ouvrage sur les problèmes de ak
vie. Sa curiosité et son désir de lire iront grandissant…
s’il lui est donné de connaître le sommaire ou seulu=
ment l'en-tête des chapitres de ce livre. L’assimilation
et la reproduction — la biomolécule et ses développe=
ments — la physiologie de la biomolécule — le bio:
more — le bioplasma, la biomonade et la cellule —1à
cytodiérèse —les lois rationnelles de la cytodiérèse —
les problèmes analytiques de la cytodiérèse — les pro=
blèmes complexes de la cytodiérèse ; tels sont les titres
de chapitres. Un ouvrage dont la matière est à telles
euseignes vaut plus qu'une simple présentation et a
besoin d'une analyse détaillée.
Mais écoutons d’abord la profession de foi scientifiquem
de l’auteur. Convaincu, dit-il dans sa préface, que lan
Biologie spéculative actuelle s'achemine vers la téléo-
louie, il veut la remettre, si possible, sur la route que
doit suivre une science vraiment positive. La nature new
nous cache rien, et nous présente, au contraire, tous les
moyens nécessaires pour dévoiler ses mystères. Point
n'est besoin de forces spéciales pour la solution des
questions biologiques, et l'application des principes
généraux des phénomènes de la matière brute suffit à
l'interprélation des manifestations fondamentales de la
vie. Les merveilleux phénomènes vitaux ne sont que
les conséquences naturelles de phénomènes chimiques,
physiques et mécaniques, el de même que les phéno-
mènes météorologiques, avec leur apparente complexité,
relèvent d'une seule cause fondamentale, la chaleur
solaire, de même on peut ramener à des causes simples
les processus vilaux les plus compliqués, si l'on en
analyse toutes les conditions exactement et avec une”
rigueur mathématique.
Avec une rigueur mäthématique ! C'est-à-dire queles
phénomènes vilaux, élant admis qu'ils ne sout pas
d'essence propre et sont réductibles à des actions phy-
sico-chimiques, doivent être étudiés comme autant de
questions mécaniques, et mis en problèmes : les pro-
blèmes de la vie. Exemple: Silessurfaces planes de deux
corps rigides et fixés sont parallèles entre elles et tan-
gentes à la cellule pendant la cytodiérèse, quelle est la
direction du plan de division, celle-ci étant inégale? Le
problème ainsi posé mathématiquement et résolu de la
même facon, les Biologistes auront d'autre part et
ensuite à vérifier expérimentalement le résultat. Cette.
vérification n’estcependant pas essentielle ; elle ne sau-"
rait en tout cas remplacer la détermination mathéma-
tique desconditions du phénomène. Il serait très fâcheux
qu'une question cellulaire fût seulement débattue sur
le terrain expérimental; car, ne connaissant pas exac-
tement la valeur des actions qui s’exercent sur la cel-
lule, le Biologiste serait tenté d’invoquer, comme on l’a
si souvent fait, des forces hypothétiques, des agents
mystérieux, conduisant la matière vivante en dépit de”
Loutes les lois mécaniques.
Tel est l'aspect général du livre.
Voici maintenant le contenu essentiel des divers
chapitres.
Dès l'introduction, l'auteur prend position en annon-
cant l'interprétation qu'il donnera dans son premier
chapitre des deux phénomènes fondamentaux de la vie M
l'assimilation et la reproduction. L'assimilation, affirme="
t-il, est un phénomène chimique, exclusivement chi=n
mique, qu'on ne peut songer à expliquer par une pro-
BIBLIOGRAPHIE — ANALYSES ET INDEX 239
priété physique telle que la structure morphologique.
La cause intime de l'assimilation, comme celle de tout
Dore chimique, est donc à chercher uniquement
dans la constitution chimique de la matière vivante.
«La bio-molécule » ou molécule vivante! voilà la base
“de l'assimilation. »
+ Rappelons que le point de vue de Rhumbler et d'au-
“tres cytomécaniciens est tout différent, que pour eux
assimilation est un phénomène purement physique,
épendant seulement de l’état d'agrégation de la sub-
stance vivante, et nullement influencé par la composi-
“tion chimique de cette substance, et que, d'une facon
plus générale, la constitution physique de la matière
wivante seule importe à considérer pour l'explication
es phénomènes de la vie.
» Dans le chapitre 1°: L’assimilation et la reproduction,
Mauteur rappelle quels sont les changements chimiques
“le lamatière : substitution, addition, dédoublement, ete.
Puisque la substance vivante ne contient pas un seul
“élémentqu'on neretrouve chez lesautrescomposésbruts,
puisque l'explication des phénomènes chimiques vitaux
ne peut être fondée sur des changements qui ne ren-
trent pas dans les types ci-dessus mentionnés des chan-
ements chimiques de la matière, on doit se demander
ces changements sont suffisants pour permettre une
interprétation des phénomènes vitaux fondamentaux,
de l'assimilation, et de la reproduction qui n’est qu'une
conséquence de la première. Contrairement à la plu-
part des biologistes, l’auteur répond affirmativement.
Une molécule de méthyléthylcétone, sous l'action de
oxygène, se dédouble en deux molécules d'acide
acétique :
Méthyléthyl- Acide Acide
célone acétique acétique
CH
| CA° CH*
CASE OMIS [
| CoON COOoH
Co
|
CH*
- De mème, un microcoque, qu'on peut supposer réduit
à une seule molécule, à une biomolécule, par une série
de mutations chimiques, change sa constitution et est
devenu capable de se dédoubler en deux molécules
égales entre elles et identiques à la molécule primitive.
i l'on désigne par a l’état premier du microcoque ou
de sa molécule, par M son élat secondaire après la
érie des mutations successives, on peut exprimer par
le schéma suivant le cycle vital du microcoque :
a...M= a+ a,
- Il y à ici, on le voit, deux phénomènes : 1° dédou-
blement de la molécule primitive a (qui s'est transfor-
mée en M) en deux autres molécules 4, c'est-à-dire
qu'il y a une véritable reproduction ; 2° une transfor-
mation de la molécule a en M par une série de mula-
ions chimiques particulières, pendant lesquelles la
molécule a a doublé le nombre de ses atomes; ce der-
nier phénomène est l'assimilation, dont le premier, la
reproduction, n’est que l'effet final. La ressemblance
est parfaite, pour ce qui concerne l'acte reproducteur
de la molécule chimique et de la biomolécule. Elle est
à première vue bien moins évidente pour ce qui est de
l'autre acte, celui de la transformation chimique ou de
l'assimilation vitale ; mais elle le devient par laconsidéra-
tion suivante: c'estqu'on peut transformerles deux mo-
Jlécules d'acide acétique formées en deux molécules de
-méthyléthylcétone, parl’action successive du perchlorure
“de phosphore, du zinc-éthyle et de l'oxygène, véritables
aliments que la molécule d'acide acétique utilise tout
“comme la molécule vivante, et qu'elle assimile pour sa
“transformation en molécule de méthyléthylcétone.
L'auteur conclut done : que l’assimilation et la re-
“production sont, en dernière analyse, deux phéno-
nènes chimiques. Puisque ces mêmes phénomènes
peuvent être produils artificiellement chez des corps
qui ne sont pas vivants, point n’est besoin pour les
expliquer d'une force spéciale; les actions de l'affinité
chimique, qui produisent les changements de la matière
brute, suffisent à l'explication. L'auteur, après s'être
demandé pourquoi la molécule d’acide nitrique n'est
pas vivante, elle aussi, quoique capable d’assimiler et
de se reproduire, en donne la raison : c'est tout sim-
plement parce que les conditions de son existence ne
sont pas réalisées, ni peut-être réalisables, dans la
Nature. Il est aussi amené à examiner les conditions
nécessaires pour la vie.
La biomolécule et ses développements, tel est le titre
du chanitre II. Le développement biomoléculaire est
douné par le diagramme :
dr Dr creal..eM—act a.
Puisque la biomolécule as’estrégénérée identiquement
par son dédoublement final, c'est là un développement
autogénétique. Le développement homogénétique est
celui où une biomolécule a! se dédouble en deux mo-
lécules e', e', semblables entre elles, mais différentes
d'elle :
Ans cheedr- Meter
Au bout d'un certain nombre de développements
homogénétiques la molécule primilive a! peut se régé-
nérer véritablement par un développement autogéné-
tique. Enfin, le développement hétérogénétique est
celui dans lequel une biomolécule a! se divise en deux
autres molécules «et 1! inégales entre elles et diffé-
rentes d'elle-même :
ae BEC A MU EL ET
Dans ce développement hétérogénétique, l’une des
biomolécules finales peut fonclionner comme biomo-
lécule autogonétique; c’est celle qui, par une série plus
ou moins longue de développements biomoléculaires
peut régénérer la première: c'est une biomolécule
génétique, immortelle ; l'autre, dépourvue de cette pro-
priété, est une biomolécule somatique. [On ne voit pas
pourquoi, du moment que e! peut reproduire a, et se
comporte comme molécule génétique, celte molécule
a une notation e” différente de a!, dont elle doit cepen-
dant reproduire les caractères essentiels}.
Tous ces modes théoriques de développement de-
vaient être prévus pour suffire aux évolutions si
diverses de la matière vivante. $
Dans le chapitre HT, Physiologie de la biomolécule,
l'auteur, grâce à la précision de son point de départ,
peut rectifier un certain nombre de conceptions phy-
siologiques, telles que celles de la respiration, de la
fonction chlorophyllienne, de la sécrétion. La respira-
tion est une oxydation et non une combustion; elle ne
se décompose pas en deux actes nécessairement liés
l'un à l’autre par un lien de conséquence; la fixation
de l'oxygène, qui est une véritable assimilation, et le
dégagement d'acide carbonique, qui est une désassimi-
lation, sont dans une indépendance relative l’un vis-à-
vis de l’autre, et sont successifs et non pas nécessaire-
ment dépendants. De même, la fonction amylogène, qui
produit l’amidon, ne dépend pas nécessairement de la
fonction chlorophyllienne, qui fixe le carbone atmo-
sphérique; car les organismes dépourvus de chloro-
phylle peuvent former des substances amyloïdes, et
d’autres, qui possèdent de la chlorophylle ou de la bac-
tério-purpurine, sont par contre incapables de produire
des hydrates de carbone; aussi ne doit-on pas dire que
le chloroleucite agit simplement par action de présence,
mais bien qu'il se modifie pour donner lieu à l’amidon,
puisque tous les atomes constituants de l’'amidon pré-
existent dans la biomolécule avant que celle-ci sécréle
l'amidon. — On trouvera dans ce chapitre plusieurs dé-
finitions et distinctions utiles. Ainsi, dans les réactions
chimiques de la matière brute, on peut distinguer les
240
BIBLIOGRAPHIE —
éléments indispensables, nécessaires et utiles, et la
même distinction se retrouve dans les phénomènes
chimiques de la matière vivante. D'autre part, il y a lieu
de séparer les substances qu'on comprend sous la dé-
nomination très large de produits de sécrétion, en deux
catégories au moins : les éléments de refus, et les élé-
ments de désassimilation.
Au chapitre IV, apparait le hiomore, particule vivante
qu'il est nécessaire de concevoir et d'admettre, puisque
la matière vivante est une émulsion. Ce biomore est
composé de biomolécules qui y sont déposées d'une
facon déterminée, de même que les molécules d’une
substance cristalline, et y sont soumises à une attrac-
tion réciproque. A l’intérieur du biomore, les biomo-
lécules sont unies par le lien physiologique d'une étroite
symbiose moléculaire; elles se réunissent les unes les
autres et de telle sorte que le produit de sécrétion de
l'une devienne un aliment de l’autre, et réciproque-
ment. Il résulte de là l'existence d’un milieu interne
biomorique, produit et utilisé par les biomolécules,
grâce auquel celles-ci échappent dans une certaine
mesure aux conditions extérieures de la vie.
Dans le chapitre V, l’auteur nous présente successi-
vement le bioplasma, la biomonade et la cellule. Le
bioplasma est la substance vivante, formée de biomores
quelle que soit la nature de ceux-ci; les biomores sont
immergés dans un liquide interbiomorique. On ne doit
pas comprendre dans le bioplasma les parties non
vivantes, telles que l'amidon, la cellulose, etc.
{Cette manière de voir sur l’amidon et d'autres corps
de la substance vivante, sans être en contradiction for-
melle avec l’idée que nous en donne l'auteur au cha-
pitre IT, est cependant assez inattendue; car on aurait
rangé plutôt l'auteur parmi les biologistes qui font
vivre l'amidon dans la cellule vivante que parmi ceux
qui n'en font qu'un corps inerte]. Quelques remarques
suivent sur l’existence des structures fonctionnelles du
bioplasma, structures caractéristiques d'autant d'états
physiologiques différents. [Cette notion, très impor-
tante, était déjà dans la science.] A citer aussi la no-
tion de la probiose, c'est-à-dire de la vie antérieure
d'organismes précédents, qui ont préparé aux suivants
un milieu favorable (ex. : formation de l’humus, de la
houille, alimentation des animaux carnivores qui sup-
pose l'existence d’herbivores lesquels à leur tour sup-
posent des végétaux).
Tout système symbiotique de biomores forme une
biomonade ou unité vivante. De ces biomonades, les
unes sont incomplètes, c’est-à-dire incapables de se
régénérer par elles-mêmes, même partiellement (œuf
non fécondé, spermatozoïde); les autres sont complètes
(œuffécondé), capables de se reproduire.
La cellule est une biomonade à bioplasme différencié,
formé de biomores dissemblables, ceux du noyau, du
cytoplasme, du centrosome, etc.; elle est avant tout
caractérisée par ces biomores de nature chimique spé-
ciale dont l’ensemble forme le noyau.
L'étude du phénomène essentiel de la cytodiérèse
forme la matière du chapitre VI. Le point crucial du
raisonnement est le suivant. Il ne peut y avoir de
différence fondamentale entre la division d’une molé-
cule et celle d'une particule visible, telle qu'un bio-
more, puisque la molécule a non seulement la qualité
chimique, mais encore la forme. De même ce qu'on
dira des biomolécules, composants de la particule du
biomore, pourra s'appliquer aux biomores, composants
de la biomonade, de la cellule. La division de la bio-
molécule est donc le phénomène élémentaire de la
division cellulaire.
C'est l'orientation des atomes qui est la cause effi-
ciente de la division des molécules et spécialement des
biomolécules, parce qu'elle seule pent donner lieu à un
nouveau groupe d’atomes, c'est-à-dire à une molécule
nouvelle. De même pour le biomore et sa division.
Soit un biomore À, et soit la situation de ses biomolé-
cules constituantes, à l'instant même de leur naissance,
donnée par le schéma (1) :
ANALYSES ET INDEX
tution chimique changera, et, comme leur arrangement
est en étroite dépendance de leur constitution, on
obtiendra une disposition nouvelle telle que celle-ci (2)«
@) fe
Si l’arrangement (2) est celui qu'offre le biomore au
moment de la division des biomolécules, et si le déve=
loppement de celles-ci a été autogénétique, c'est-à-dire
si la biomolécule 4! reproduit deux fois la molécule
primitive 4, on obtiendra :
bb
(3) $ ff ee
“dd
aa
Puisque les molécules du schéma (3) sont de même
nature chimique qus celles du schéma (1), elles pren=
dront la même disposition réciproque qu'en (1),
comme leur nombre est à présent double, leur orien=
tation sera double aussi et amènera nécessairement |
division du biomore. Le biomore (3) se divisera donc en:
deux biomores semblables au biomore (1), comme dans,
le schéma (4) :
8.
(4) 1 b f b
De même que la division du biomore résulte fatale=
ment de l'orientation des biomolécules, de même, la”
division des biomonades et des cellules succède inévi=
tablement à l'orientation complète des biomores. L’au=
teur nous fait assister, par ses figures 1 et suivantes, à.
cette orientation de plus en plus complète des bio:
mores, qui s'effectue au cours des étapes successives
de la cytodiérèse. Il explique ou pense expliquer de
cette facon tous les détails du processus cytodiérétique,
par le jeu de l'orientation des biomores au sein de LL
cellule. Combien souvent ces biomores sont des ma-
rionnettes, dont l'auteur tire le fil pour les conduire
où il veut et où il faut, c’est ce que le lecteur pensera
certainement plus d’une fois, notamment quand il
verra comment l'orientation des biomores (fig. 17 et 18)
doit expliquer l'éloignement des chromosomes et la:
formation des étoiles-filles.
Dans ce chapitre, il y a beaucoup de points de vue
très intéressants et dont nous songerons d'autant moins
à contester l'exactitude que nous les avons nous-même
toujours admis. Telle est l'existence éphémère des
structures de la division cellulaire (asters par exemple),
dont la forme varie et disparait, mais dont la matière
demeure. Telle est l’opposilion nette établie entre la pé=
riode assimilatrice et la période de division de la cellule:
Dans les chapitres VII, VIII et IX enfin, l’auteur dé=
duit d’abord de son interprétation générale de la cyto=,
diérèse, ce qu'il appelle les Lors rationnelles de la cyto=
diérèse, c'est-à-dire des lois qui ne découlent pas des
l'observation, mais qui sont une conséquence mathéma=
tique. Il n’en énonce pas moins de 28. La formule de,
ces lois est empruntée à la donnée empirique (ex:le
spirème est l'indice du commencement de la division du
noyau), mais l’auteur la présente toujours comme uns
résultat mathématique de l'orientalion des biomores,.
comme corollaire de sa proposition fondamentale.
Viennent ensuite dans le chapitre VIII les problèmes.
analytiques de la cytodiérèse. Après avoir supposé, dans.
le chapitre précédent, des conditions idéales pour l’ac=
complissement de la cytodiérèse, l’auteur analyse les
| effets des conditions naturelles où le phénomène s'ac=
eo an tt ©
BIBLIOGRAPHIE — ANALYSES ET INDEX
241
… complit, leur influence sur le schéma général du pro-
cessus cylodiérélique, dans un certain nombre de pro-
… blèmes dont le type général est le suivant : Etant donnée
| telle condition particulière nouvelle, en quoi le phéno-
… mène en sera-t-il modifié? 11 y a ainsi un problème
pour l'action de la position des corpuscules centraux
sur la direction de la cytodiérèse, un autre pour l’ac-
tion de la pesanteur sur cette même direction, un troi-
—sième pour l'influence des obstacles mécaniques exté-
… rieurs, un autre pour l'action des obstacles mécaniques
intérieurs, des substances brutes de la cellule, etc.
Toutes ces conditions diverses sont étudiées mathéma-
tiquement à l’aide de constructions géométriques et de
formules algébriques.
… Eclairé par l'étude analytique de ces diverses condi-
tions, l'auteur peut enfin aborder, dans le chapitre IX,
étude des problèmes analytiques de la cytodiérèse, dont
“la complexité est en effet très grande dans la nature et
demande chaque fois une connaissance exacte des
conditions particulières réalisées dans le cas qu'on se
propose d'examiner, Il pose et résout quelques-uns de
“ces problèmes complexes tels que la détermination de
la direction des plans de segmentation dans les divers
types d'œufs se développant naturellement, dans les
œufs comprimés artificiellement, etc.
Ainsi est amenée tout naturellement la seconde partie
de cet ouvrage, qui paraîtra plus tard et sera intitulée :
l'Ontogénèse et ses problèmes.
Tel est le livre de Giglio-Tos. Très fortement pensé,
très logignement conduit, il est fort bien écrit, et par là
d'une lecture facile, malgré la difficulté du sujet traité.
Jamais, ce semble, une théorie générale de la vie n'avait
serré d'aussi près la matière et jamais, bien que l'idée
d'une interprétation physico-chimique eût germé et
même pris forme dans le cerveau de bien des Biolo-
gistes, sinon de la plupart des Biologistes actuels, cette
idée n'avait pris une forme aussi précise que dans ce
livre. Jamais surtout on n'avait si peu senti l'effort de
l'application d'une théorie matérialiste à l'explication
des phénomènes de la vie, jamais par conséquent une
théorie générale de la vie n'avait eu autant de naturel
et de vraie simplicité.
… L'auteur a cru devoir ne pas-s’en tenir à l'interpréta-
tion générale de la vie. et a voulu expliquer des phé-
nomènes vitaux particuliers, aujourd'hui les phases de
Ja cytodiérèse, demain les processus de l'ontogenèse, en
les présentant comme autant de conséquences, logique-
ment et mathématiquement déduites de sa proposition
générale, comme autant de lois rationnelles. Ce n’est
Jamais sans quelque appréhension que l'on voit une
belle théorie générale se risquer au milieu des écueils
sans nombre que lui offrent les faits particuliers; ou,
“pour me servir d'une autre image, c'est en tremblant
qu'on la voit descendre, elle qui élait faite pour être
placée très haut parmi les réalités de l'observation, au
risque de se heurter et de s'abimer contre l’une d'elles.
ans les sciences dont l’objet est accessible à nos sens,
e danger que court l’idée n’est pas dans son envolée
géniale ni dans le soleil qui peut la brûler, mais
dans la redescente sur terre parmi les données empi-
iques qui peuvent la briser.
Actuellement, du reste, l’essai d'une théorie générale
par les faits est-il suffisamment probant de sa soli-
‘dité? Si la théorie résiste à l'examen des faits, cela ne
ient-il pas à ce que les faits eux-mêmes résistent en-
core en parlie à l'examen, à ce que leur forme est
encore assez vaguement connue pour que, vus d'un peu
haut, ils paraissent coïncider avec toute théorie bien
faite, comme l’est celle-ci? Toute théorie générale de
la vie n'est-elle pas dès lors comme un article de foi,
“qui parfois, comme ici, a pris pour nous séduire la
forme d’un raisonnement admirable, et qui appartient
comme ici à une religion scientifique séduisante, qu'on
est heureux de voir si bien défendre et qu'on est heu-
eux aussi de partager ?
D'ailleurs, je ne veux pas faire croire que l’auteur a
cherché à éprouver, comme d'autres biologistes, sa
théorie par les faits, qu’il a mis comme d'autres en for-
mules mathématiques les données de l'observation.
Son procédé est plutôt inverse. Il établit des principes :
la nature chimique de la biomolécule, par suite ses
changements et son orientation. De ces principes il tire
les conséquences logiques qu'ils comportent (lois ra-
tionnelles); avec ces principes il résout des problèmes
(problèmes de la vie). L'énoncé de ces lois, l'idée de
ces problèmes lui sont fournis par l’empirisme, et sont
exprimés dans le langage de l'observation microsco-
pique. Mais là est le seul emprunt qu'il fasse à l’obser-
vation. Ses lois, ses problèmes peuvent et doivent se
passer de la vérification et de la solution empiriques.
Il se contente de signaler çà et là, non sans satislac-
tion, la coïncidence du raisonnement et de la donnée
expérimentale. L'auteur, qui est biologiste de profes-
sion, a voulu et su oublier qu'il était expérimentateur,
pour pouvoir raisonner librement sur les phénomènes
de la vie; il a fait ainsi manœuvre en sens inverse.
Il faut tenir comple de ce sens inverse de la re-
cherche scientifique et considérer que l'explication
d'un phénomène particulier vient du point opposé à
celui d'où nous le regardons habituellement, nous
autres biologistes expérimentateurs et observateurs,
pour ne pas accabler d'un « voilà pourquoi votre fille
est muette » des explications telles que celles qu'on
trouve dans ce livre pour la formation du spirème et
pour d'autres phénomènes caryocinétiques. Si chacun
de nous, en effet, avait voulu donner à ce phénomène
une apparence de précision, nul doute qu'en partant
du fait particulier il ne soit arrivé à une explication
analogue, sur la valeur réelle de laquelle il ne se serait
pas cependant fait illusion. Mais, encore une fois, le
mérile de ces interprétations de Giglio-Tos est tout
dans leur origine, et non pas dans leur nature, dans
leur valeur intrinsèque.
C'est dire que ce sens inverse du raisonnement fait
à l’auteur le plus grand mérite, car il est presque une
innovation, qu'un esprit très original seul pouvait réa-
liser. Mais les théories, qui donnent du mérite à la
personne, sont moins généreuses malheureusement
envers la science impersonnelle; et trop souvent, après
elles, il ne reste plus qu'à dire d'elles et de leurs au-
teurs : Se non e vero, e bene trovato : un reproche
que le plus humble fait bien observé, n'encourt pas,
et un compliment que les plus belles théories, telles
que celle-ci, font venir sous la plume, en attendant
leur vérification expérimentale.
A. PRENANT,
Professeur d'Histologie
à la Faculté de Médecine
de l'Université de Nancy.
4° Sciences médicales
Saint-Hilaire (D Etienne) — La Surdi-Mutité.
Etude médicale. — 1 vol. in-8° de 300 pages. (Prix :
10 fr.). Maloine, éditeur. Paris, 1900.
La surdi-mutité est un des points de la Pathologie dont
la bibliographie est la plus riche: car elle n'intéresse
pas seulement les auristes; elle a provoqué aussi de
nombreux travaux de l'école neurologique, pour qui
elle constitue au plus haut point un effet de la dégé-
nérescence nerveuse; enfin, au titre d'infirmité so-
ciale, elle a excité l'intérêt des économistes et des phi-
lanthrop s : d'où résulte que peu de sujets ont fait
naître plus d'études et de controverses. Malheureuse-
ment, chaque auteur qui écrit sur cetie question,
s'efforce surtout de réunir les arguments qui appuient
ses opinions persounelles, de sorte que celui qui, igno-
rant de la question, en voudrait prendre uue idéee com-
plèle et impartiale, serait embarrassé de trouver dans
la littérature française moderne un livre capable de le
satisfaire à ce point de vue. Cette regreltable lacune
vient d'être fort heureusement comblée par le docteur
Saint-Hilaire, qui nous donne aujourd'hui une excellente
mise au point d'ensemb'e de la surdi-mutilé. Il la traite
242 BIBLIOGRAPHIE — ANALYSES ET INDEX
en médecin impartial, laissant au lecteur le soin de
juger la valeur des opinions contradictoires si souvent
mises en présence ; tout au plus guide-t-il discrètement |
notre choix en nous montrant ce que lui a appris son
expérience dans l'Institut départemental d’Asnières,
qu'il dirige.
En 1893, le Conseil général de la Seine fondait à
Asnières « l'Institut départemental de Sourds-Muets et
Sourdes-Muettes ». L'intérêt majeur de cetle œuvre
était qu'une formule nouvelle était mise en action. Cet
établissement fut rattaché à la Direction de 1 Enseigue-
ment primaire, au lieu de dépendre, comme ses ana-
logues, de la Direction de l’Assistance publique : ainsi le
Conseil général montrait que les sonrds-muets doivent-
être considérés non pas comme des infirmes à secourir,
mais comme des enfants à élever.
C'est surtout en Danemark et en Allemagne que la
surdité-mutilé a été étudiée, les travaux français sur
ce sujet se bornant le plus souvent au seul exposé
de son traitement pédagogique. Cependant, dans la
statistique, la France arrive en assez bonne place avec
58 sourds-muets par 100.000 habitants. Aux conseils de
revision, le nombre des jeunes gens exemptés pour
surdité-mutité a subi, de 1875 à 1890, uue progres-ion
constante : de 9,82 pour 10.000 examinés, il est arrivé
à 14,25. Fort heureusement, celte progression ne s’est
pas maintenue, et ce chiffre est retombé, en 1898, à
6,95. Le maximum des réformes prononcées pour cette
cause se voit en 1889-1890. Il correspond à la géné-
ration des enfants conçus pendant la guerre. Les épi-
démies, la misère et les chagrins s'associèrent pour
faire porter aux enfants de celle époque une forte
somme de tares de dégénérescence : et ce qui vient à
l'appui de cette hypothèse, c'est que le maximum des
sourds-muels se montrait, il y a dix ans, dans les dé-
partements francais ravagés par l'invasion prussienne.
On peut dire qu'aujourd'hui la surdi-mutité tend à
décroître en France, sauf dans quelques départements:
telle la Nièvre, car c’est surtout en cette région que sont
envoyés en nourrice les enfants trouvés de Paris; une
fois élevés, ils s’y établissent, se marient entre eux et
associent ainsi les tares de dégénérescence dont ils sont
abondamment pourvus.
Contrairement à l'opinion de la majorité des auleurs
étrangers, le D' Saint-Hilaire, observant la population
de l’Asile d’Asnières, arrive à celte conclusion que la
proportion des surdi-mutités congénitales y 2st presque
égale à celle des surdi-mutités acquises; et, surtout en
ce qui concerne ces dernières, que les garçons sont
beaucoup plus souvent atteints que les filles.
L'hérédité directe de la surdi-mutité est rare : 1 pour
150 sourds-muets est issu de parents sourds-muets; et,
inversement, sur 45 ménages de sourds-muets ayant
un {otal de 50 enfants, on ne note à Asnières qu’un seul
enfant sourd-muet.
Mais si l'on recherche chez les parents des sourds-
muets la surdité simple, on la retrouve beaucoup plus
souvent : 10 fois sur 100 d'après le D' Saint-Hilaire.
La surdi-mutité, nous dit l'auteur, est, en raison de
l'épilepsie, de la mévingite, ete., notée chez les ascen-
dants, une maladie à localisation nerveuse, une lare qui
doit être rangée parmi les membres dela «Famille névro-
pathique » telle que l'a définie Féré. Les stigmates so-
matiques de la désénérescence, qui ont été constatés
maintes fois chez les sourds-muets, sont encore une
preuve de la nature névropathique de cette affection.
Ce sont les anomalies de développement trouvées par
Scheibe dans l'oreille interne, qui sont habituellement
la cause de la plupart des cas de surdi-mutité de nais-
sance; en outre, la faiblesse congénitale explique pour-
quoi les mäladies infectieuses frappent volontiers
l'oreille interne et produisent la surdi-mutité acquise.
La fréquence remarquable de la surdi-mutité chez
les enfants nés de parents consanguins a, pour la pre-
mière fois, été mise en lumière par P. Ménière, en
1856. Les observations personnelles du D' Saint-Hilaire |
confirment de tous points cette donnée classique. Dans :
la population de l'Institut d’Asnières, il trouve que
9 °/, des sourds-muets congénitaux sont nés de mariages «
consanguins, tandis que cette proportion tombe à
4,40/, chez les sourds-muets acquis. La surdi-mutité
congénitale est en effet l'expression d’une dégérescence
intense, dont la cause est le plus souvent, dans le dépar-
tement de la Seine tout au moins, l'alcoolisme des
ascendants : et dans les cas où l’ouie est perdue après
ja naissance, presque toujours on lrouve comme cause
occasionnelle de sa disparilion une méningite ou des
convulsions. La tuberculose est également très fré-
quente chez les parents des sourds-muets, à ce point
que le Dr Saint-Hilaire la note 26 fois sur 100.
Soixante pour cent des sourds-muets acquis sont
porteur de végétations adénoïdes du naso-pharynx;
proportion énorme, puisque, chez les enfants normaux,
ces végétations ne se montrent que 20 fois sur 100 : ce
n'est pas à dire que cette hypertrophie de l'amygdale M
pharyngée puisse amener une surdité suffisante pour M
créer la mutité : mais elle a pour effet de favoriser la
localisation sur l'oreille des maladies infectieuses.
Le chapitre qui traite de l'anatomie pathologique de
la surdi-mutité a été étudié avec un soin remarquable :
l'auteur a compulsé toutes les autopsies de sourds-
muets et en à réuni les données en un tableau qui
témoigne de sa grande érudition.
Plus loin, la symptomatologie est présentée. La mé-
thode de Bezold, qui fait l'examen de l’ouie avec la série
continue des sons, est, d'après le D' Saint-Hilaire, Ja
meilleure méthode d'examen des sourds-muets que l’on …
connaisse actuellement. Elle montre que, sur les deux
octaves d'une audition normale, les sourds-muets ont
soit des frous, soit des rlots auditifs; et elle démontre
que la surdité totale est extrêmement rare chez les
sourds-muets congénitaux. Son grand mérite à élé
d’avoir mis en lumière ce fait, que plus d'un tiers des
sourds-muets sont capables d'apprendre à parler par
l'utilisation de ce qui leur reste d’audition.
Un autre avantage précieux de la méthode de Bezold
est celui-ci, qu'elle évite au professeur tout tätonuement
et lui permet de discerner à coup sûr, à l'avance, ceux
des sourds-muets qui sont capables de profiter d'un
enseignement acoustique. « Tous les sourds-muels
dont le champ des restes auditifs persistants embrasse
les tons allant de B! à G* sont capables de percevoir,
par l'ouie, les sons articulés, et peuvent par conséquent M
apprendre à parler. »
Il serait trop long de poursuivre cette analyse à
travers les chapitres de diagnostic, de pronostic et de
traitement qui terminent cet excellent livre : insistons
seulement sur quelques intéressantes notions que nous
fournit l'expérience de l'auteur.
Soixante pour cent des sourds-muets sont adénoi-
diens. Le curettage du naso-pharynx peut-il améliorer.
leur condition? Le D" Saint-Hilaire l’a pratiqué chez
97 enfants de l’Institut d'Asnières: 3 seulement ont eu
l’ouie sensiblement améliorée. Cependant, à tous cette
inoffensive intervention a été utile, non pas au point de
vue auditif, mais en améliorant l’état général, en ren-
dant la respiration plus ample et en modifiant heu-
reusement le timbre de leur voix. 4
Voici une autre remarque intéressante, et qui montre
chez les sourds-muets un stigmate somatique de dégé-"
rescence non encore signalé : « Les garcons de l'Institut
d'Asnières portent des habits confectionnés à la Belle=n
Jardinière. Le coupeur de cet établissement fut surpris, !
après avoir pris ses mesures, de l'extrême longueurs
des manches de nos élèves. Il revint à Asnières, reprit
ses mesures, et constata que 53 °/, de ces enfants ont les
bras plus longs que les entendants-parlants de la même
taille. » !
Tel est ce livre dont on peut dire que ceux qui veu-
lent se mettre au courant de la question de la surdi-=
mutité, pleine de problèmes sociaux, doivent avant
tout commencer par le lire. A peine est-il paru, eb
bientôt il sera classique. D' MarceL LERMOYEZ.
Médecin des Hôpitaux de Paris.
ACADÉMIES ET SOCIÉTÉS SAVANTES
- ACADÉMIE DES SCIENCES DE PARIS
Séance du 18 Février 1901.
10 SGIENCES MATHÉMATIQUES. — M.F. Rossard a observé,
“à l'équatorial Brunner de l'Observatoire de Toulouse,
les variations d'écht de la planète Eros; la période de
elles-ci paraît être de 2 h. 22. — M. Ch. André a fait
des observations analogues ; il en déduit qu'Eros cons-
“itue un système double, formé de deux astéroïdes,
“ont les diamètres sont à peu près dans le rapport de
ois à deux. Le phénomène de variabilité périodique
Eros ne sera que temporaire. — M. C. Guichard, étu-
diant la déformation du paraboloïde quelconque, arrive
au résultat suivant : Si l'on connait une déformée du
paraboloide, on peut en déduire trois autres. — M. A.
Hurwitz montre qu'on peut résoudre d’une manière
rès simple, par l'emploi des séries de Fourier, le pro-
blème classique des isopérimètlres : Délerminer, parmi
les courbes fermées de périmètre donné, celle qui
nferme une aire maximum. — M. R. Alezaïs étudie
es fonctions de deux variables, signalées par M. Picard,
qui présentent la plus grande analogie avec les fonc-
“tions modulaires elliptiques. —M. H. Poincaré indique
ne forme nouvelle des équations géuérales de la Mé-
£anique, à laquelle il a été conduit par l'étude du mou-
‘ement de rotation d'un corps solide creux dont la cavité
est remplie de liquide. — M. P. Duhem étudie la
p'opasation des ondes dans les fluides visqueux, et
ontre qu'en général il ne peut s'y produire aucune
onde se propageant avec une vitesse finie.
29 SCIENCES PHYSIQUES. — M. H. Becquerel a constaté
que le rayonnement du radium, contenu dans une petite
cuve en plomb, traverse le fond de celle-ci et impres-
sionne deux cu trois épaisseurs de plaques photogra-
phiques. Si l’on inlerpose entre la cuve de plomb et les
plaques quelques lames métalliques, on-constate, au-
dessous de celles-ci, une impression beaucoup plus
otle; ces lames sont donc le siège d’une radio-activité
“secondaire ; elle est très forte, mais moins pénétrante
“que le rayonnement direct. — MM. A. Hébert et G.
Reynaud ont éludié l'absorption spécifique des rayons X
par les sels métalliques. Dans la série des nitrates,
l'absorption est d'autant plus forte que le poids atomi-
que du métal combiné est plus élevé. — M. L. Malassez
présente un nouveau modèle d'oculaire à glace micro-
“métrique offrant sur les modèles courants l'avantage
que, dans la mise au point, les lentilles restent à la
même distance l'une de l’autre, de sorte que la combi-
“naison oplique de l'oculaire n’est pas modifiée. — MM. H.
Moissan et P. Lebeau, en faisant réagir le fluor sur
lanbydride sulfureux ou sur l'hydrogène sulfuré hu-
mide, ont obtenu un nouveau corps gazeux, le fluorure
“ile sulfuryle, SO*F*, très stable. Il se liquifie à — 52° el
fond à — 120°. Il n’est pas décomposé par l'eau à la
mempérature ordinaire; il est décomposé par la potasse
“aqueuse ou alcoolique. Pour en faire l'analyse, on le
décompose au rouge par la vapeur de sodium.— MM. A.
Haller et G. Blanc, en trailant l'élher cyanomalonique
sodé par le nitrate d'argent, ont obtenu un dérivé ar-
gentique qui, chauffé avec les iodures alcooliques,
fournit les éthers alkylcyanomaloniques : CAz. C (R)
(CO®C*H°}°. Ces éthers, traités par HCI à chaud, sont
aponifiés avec élimination de CO:. I] se forme Az H'CI,
CH°OH et les acidesR. CH?. CO*H. Les éthers, traités par
la potasse, donnent les mêmes acides cyanés. — MM. E.
Jungfleisch et E. Léger ont comparé l'hydrocincho-
nine, obtenue par Caventou et Willm dans l'oxydation
de la cinchonine, avec la cinchonifine qu'ils ont isolée
des produits de l’action de l'acide sulfureux sur Ja cin-
ACADÉMIES ET SOCIÉTÉS SAVANTES
DE LA FRANCE ET DE L'ÉTRANGER
choniue. Ces deux corps sout absolument semblables;
ils possèdent les mêmes sulfates et chlorozincates, avec
les mêmes formes cristallines. — M. P. Cazeneuve,
en faisant réagir l’acétate d'argent sur l'urée de la
phénylhydrazine ou sur la diphénylcarbazone, a obtenu
le dyphénylcarbodiazine C‘H°Az : Az. CO. Az : Az. C£HS.
Ce corps se combine facilement avec les acides de la
série grasse en quantités équimoléculaires; il donne
un dérivé bibromé. — M. P. Genvresse a obtenu, par
l’action du peroxyde d'azote sur le limonène, un nouvel
alcool, le limonénol, C'°H'0, contenant deux doubles
liaisons dans sa molécule. C’est un alcool secondaire,
car, traité par le mélange chromique, il donne une
cétone, la limonénone, C'‘H'0. Celle-ci donne une
oxime qui est identique avec la carvoxime. — MM. L.
Bouveault et A. Wahl ont chauffé la solution chlorhy-
drique de l'acide aminodiméthylacrylique et ont
obtenu par distillation le diméthylpyruvate d’éthyle
(CH*)CH. CO. CO?C*H*, qui est saponifié par l'eau à
chaud, en donnant l'acide diméthylpyruvique, fondant
à 34°. — MM. L.-J. Simon et L. Dubreuil ont fait
réagir les acides monobromés de la série grasse sur
un excès de pyridine ou de quinoléine. On obtient des
bromhydrates basiques de pyridine-bélaines et de qui-
noléine-bétaines. L'acide monobromosuccinique donne
un produit qui ne renferme pas de brome, et qui parait
être le fumarate monoquinoléique. — M. Marcel De-
lage, en faisant réagir l'acide sulfurique fumant sur le
pyrogallol, a obtenu l'acide pyrogalloldisulfonique,
cristallisant avec 4 H°0. Il donue un sel de baryum
1 : ’ —
avec > H°0, et un sel de calcium avec # H°0. Les
disulfonates sont moins solubles que les monosulfo-
nates. — M. V. Harlay a isolé des tubercules de l’avoine
à chapelets (Arrhenatherum bulbosum) une matière de
réserve, très semblable à la graminine d'Ekstrand et
Jolhlanson. Celle-ci, sous l'action des ferments sécrétés
par l'Aspergillus niger ou du suc des jeunes pousses de
la plante, s’hydrolyse en donnant un sucre. — M. R.
Dubois a constaté qu'un certain nombre de substances
organiques : essences de camomille, de romarin, de
cumin, de rose, esculine, en présence de potasse alcoo-
lique, émettent une fluorescence assez forte. — M. J.
Dumont a constaté : 1° que, dans les sols humifères, la
fixation de l'acide phosphorique n’est pas due exclusi-
vement à la rétrogradation; 2 que la quantité de phos-
phate absorbé n'est pas proportionnelle à la richesse
en calcaire, mais à la grandeur du rapport de l'humus
au calcaire; 3° que les terres de bruyère, malgré leur
pauvreté en chaux, fixent des quantités notables d'acide
phosphorique; 4° que l’abondance de l'humus atténue
sensiblement la rétrogradation.
30 SCIENCES NATURELLES. — M. Lannelongue commu-
nique le cas d'une petite fille porteur d’une fistule con-
génitale lacrymo-pharyngo-faciale, venant déboucher
au-dessous de la narine droite par un orifice arrondi.
L'auteur a obtenu facilement la cure parfaite de cette
anomalie, qui présente un très grand intérêt au point
de vue embryologique. Ce cas est, en effet, inexplicable
avec la théorie d’Albrecht sur la formation de la narine
et dela lèvre supérieure. — M. A. Charpentier a observé
qu'une excitation électrique brève du nerf donne lieu
à une double transmission : 1° une partie est transmise
presque instantanément comme par un conducteur
ordinaire; 2° une aulre partie se transmet, toujours
électriquement, mais avec la vitesse modérée de l’influx
nerveux; cette seconde partie, quoique modifiée phy-
siologiquement, est encore de nature électrique, car
elle peut êire conduite à distance par un fil métallique
19
rs
ES
et provoquer chez un autre animal une contraction mus-
culaire par l'intermédiaire du nerf moteur. — M. L.
Roos a cherché à vérifier, par des expériences faites
sur des cobayes, si l'ingestion quotidienne de vin exerce
une action défavorable, indifférente ou favorable sur
l'organisme. La comparaison avec des animaux témoins,
n'ayant pas pris de vin, lui parait démontrer que l'usage
quotidien du vin,même à dose relativement forte, n'est
pas défavorable. — M. R. Quinton signale de nouvelles
expériences montrant que le globule rouge nucléé
résiste à la pénétration de l'urée dans son protoplasma,
et n'y cède que peu à peu. Il a constaté, d'autre part,
que la cellule végétale, et très probiblement la bactérie,
présentent cette même résisiance. — M. Descours-
Desacres a étudié la propagation dans les pommeraies
des chancres dus au Nectria ditissima. Le puceron
lanigère est l'agent actif de transmission; il propage
lui-même le mycélium et les spores du champignon. La
nicotine, le tanin et l’acide tanique sont des remèdes
eilicaces. — M. A. Lacroix a examiné une série de
roches, recueillies par M. Villiaume dans la région de
Nossi-Bé et de la baie de Passindava à Madagascar. Elles
renferment toutes, comme caractéristique commune,
une amphibole brune alumineuse et sodique du groupe
de la barkévicite. Ces éléments constituent une nou-
velle province pétrographique, à roches riches en alcalis,
dont il sera intéressant de déterminer l'extension. —
M. A. de Lapparent a examiné une empreinte fossile
recueillie par le colonel Monteil aux environs de Bilma
(Sahara oriental). Cette empreinte, déterminée par
M. V. Gauthier, est celle d’un Oursin de grande taille,
de l’Aturien supérieur, analogue aux Oursins du Balout-
chi-tan. Cette découverte montre que la mer crétacée
s'est étendue dans le Sahara au delà du Tibesti. —
M. Stan. Meunier a examiné une météorile tombée du
ciel le 15 juin 1900 au Macina (Soudan). Elle a la forme
d'une plaque, recouverte d’une croute qui est de l’oxyde
de fer magnétique. L'intérieur est constitué par du fer
métallique, coutenant 7 °/, de nickel, des traces de
cobalt, du sulfure et du phosphure de fer, du graphite
et de la silice. — M. Georges Rolland a étudié le mode
de formation des minerais de fer oolithiques de Lor-
raine. Pour lui, ces minerais sont de nature sédimen-
taire et d'origine continentale. L'épaisseur et la ré-
partition du fer n'offrent aucune relation générale ré-
gulière ni avec la topographique souterraine, ni avec
l'emplacement des failles.
Séance du 25 Février 1901.
1° SCIENCES MATHÉMATIQUES. — M. Loewy annonce la
découverte, dans la coustellation de Persée, d'une nou-
velle étoile très brillante, de couleur bleuâtre. Elle a été
aperçue par divers observateurs à Edimbourg, à Saint-
Jean-d’\ngély et Toulouse. M. Rayet, qui a pu en faire
l'analyse spectracle, a trouvé les lignes de l'hydro-
gène très brillantes. L'étoile a augmenté rapidement
d'éclat. — M. C. Flammarion transmet des dépêches
d'un certain nombre de membres de la Société astro-
nomique de France, qui ont observé l'apparition de la
nouvelle étoile. — Dom Lamey résume ses observa-
tions sur les variations des diamètres apparents de
Jupiter, qui le conduisent à admettre l'existence d'un
milieu réfringent ou atmosphère cosmique autour de
ceux-ci. Les écarts qui subsistent entre les observations
de M. Landerer et les nombres déduits de la théorie de
Souillart, proviennent certainement de l'influence de
cette atmosphère. — M. Ed. Maillet communique ses
recherches sur une certaine catégorie de fonctions
transcendantes. — M. Vasseur a fait l'étude des lignes
qui apparaissent dans le sciage des métaux, lignes
s'gnalées par M. Frémont. Ces lignes dépendent uni-
quement de la scie qui les produit : la distance qui les
sépare est égale à l'intervalle de deux dents successives
de la scie, et leur apparition est en rapport av.c l'état
d'usure de la scie, et la voie que celle-ci possède.
1° SCIENCES PHYSIQUES. — M. Bernard Brunhes com-
munique quelques observations sur les propriétés
ACADÉMIES ET SOCIÉTÉS SAVANTES
isolantes de la neige et de la glace. La ligne télégra-
phique qui relie l'Observatoire du Puy-de-Dôme au
bureau de Clermont-Ferrand est souvent rompue en
hiver par le vent. On peut se contenter de rattacher les
extrémités par un fil qui traine sur la neige, sans que
les communications soient gènées. — M. F. Larroque
expose une théorie du timbre d'après laquelle, contrai-
rement à Helmholtz, le timbre n'est pas indépendant
des différences de phases et d'intensité relative des sons”
partiels. — M. Guinchant a recherché, sur des solu-
tions de substances organiques, comment varie avec la
pression le volume du corps dissous, c’est-à-dire Ja
différence entre le volume de la dissolution et le volume
du dissolvant. Les expériences montrent qu'au moins
jusqu’à # atmosphères, le volume du corps dissous est
indépendant de la pression. — M. A. Colson a constaté
que, dans certains cas, la réversibilité d’une réaction
hétérogène peut être déterminée par des causes acces-
soires d'ordre chimique : ainsi la présence d’un peu de,
vapeur d'eau favorise la reconstitution du carbonate
d'argent dissocié. — MM. C. Chabrié et E. Rengade
ont observé que les solutions d’alun d'indium et de
césium et d'alun d'indium et de rubidium se troublent
par la chaleur; dans le premier cas, il se précipite de
l’oxyde d'indium, dans le second cas un composé com=
plexe. Les auteurs ont déterminé le poids atomique de
l'indium par ébulliscopie de l'acétyiacétonate ; le métal
est bien trivalent. — M. Baïlhache, en faisant passer
de l'hydrogène sulfuré dans une solution sulfurique
d'acide molybdique, a obtenu un précipité cristallisé,
constitué par un nouveau sulfate de molybdène répon=
dant à la formule Mo*0".2S0*. Il se dissout en brun dans
l'eau froide, mais la solution se décompase rapidement
à l'air ou à chaud. Chauffé avec NaCI ou NaBr, il donne
naissance à l’oxychlorure ou oxybromure de molybdène:
— M. E.-E. Blaise à constalé qu'en condensant les,
nitrites avec les éters «-bromés des acides homologues
de l'acide acétique, en présence de zinc, et en décom-
posant par l’eau les dérivés organométalliques qui
résultent de cette condensation, on obtient les étherss
B-cétoniques mono ou dialkylés en à. Ces éthers peu=
vent à leur tour être dédoublés en célones.—M. A. Béhal,
en faisant réagir les dérivés atkylhalogénés du magné-
sium sur les éthers-sels de la série cyclique R.CO.0C*Hÿ,
lesatransformésen carbures éthyléniques R.C(CH*):CH°..
Ces corps se polymérisent très facilement. Oxydés par
le mélange chromique ou le permanganate, ils donnent
des méthylcétones : R.CO.CH*. — M. Henri Masson
indique une nouvelle méthode de synthèse des alcools
tertiaires de la série grasse. Elle consiste à faire réagir
l'iodure de magnésium alkylé MgIR sur les éthers-sels
X.CO®R!, ce qui détermine une transformation dans le
groupement X.CRR'OH.—MM. C.Camichel et P. Bay-
rac out repris leurs recherches sur les spectres d'absOrp=M
tion des indophénols. D'après eux, le déplacement
apparent de la bande rouge, lorsqu'on remplace un
azote primaire par un azote tertiaire, proviendrait d'une
différence du pouvoir absorbant des deux colorants. Las
loi des auxochromes de M. Lemoult serait donc erronée:
— M. L.-J. Simon est arrivé à la conclusion que la
forme 6 du glucose, celle dont le pouvoir rotatoire
prend immédiatement sa valeur limite, correspond à la
formule aldéhydique. Les formes « et y qui possèdent
la multirotation, c'est-à-dire qui prennent en solution
aqueuse des pouvoirs rotatoires immédiats variables,
tendant en sens inverse l’un de l'autre vers le pouvoir
de &, correspondent aux deux configurations stéréo-
chimiques de la formule oxydique. — M. G. Bredig a,
étudié l’action diastasique du platine colloïdal ; elle se
manifeste déjà pour des quantités, excessivement
faibles de platine. Elle est maximum pour une certaine
température. L'or colloïdal exerce en milieu alcalin
une aclion presque aussi intense que le platine.
30 SCIENCES NATURELLES. — M. S. Jourdain a étudié le
rôle des canaux péritonéaux chez les Sélaciens. IIS
servent à lester l'animal par l'introduction d'une certaine
quantité du liquide ambiant dans la cavité péritonéoss
+
he en DS EE 2
A de RSS
dant dti
re
: des Poissons. — MM. M. Lambert et L. Garnier ont
ACADÉMIES ET SOCIÉTÉS SAVANTES
re
=
S)
péricardique, et à le délester par l'expulsion du liquide |
introduit. Ils agissent à l'inverse de la vessie natatoire
constaté que le pouvoir réducteur du sang chloroformé
est notablement augmenté au bout d’une heure. Ce fait
peut s'expliquer soit par la formation, aux dépens du
chloroforme, d'une substance réductrice (acide formique
ou autre), soit par la mise en liberté, sous l'influence
du chloroforme, d'un sucre réducteur résultant de la
dissociation d’une molécule protéique. — MM. L. Ma-
truchot et M. Molliard ont reconnu que le gel, la
plasmolyse et la fanaison lente ou rapide déterminent
dans certaines cellules végétales des phénomènes entiè-
rement parallèles. En particulier, le noyau s'y montre
comme élant le siège d’une exosmose d’eau s’effectuant
par un processus identique. L'étude cytologique con-
tirme que la mort des cellules par congélation corres-
pond bien à un abaissement considérable de la teneur
en eau, et qu’en réalité la mort par gel est une mort par
dessiccation. — MM. A. Müntz et E. Rousseaux com-
wmuniqueut une étude sur la valeur agricole des terres
à Madagascar, basée sur l'examen de plus de 500 échan-
tillons de terres provenant des diverses parties de l’île.
En résumé, la zone littorale se présente dans des condi-
tions de fertilité satisfaisantes, mais les terres ocreuses
du massif central sont pauvres et peu propres à la cui-
ture, sauf dans les fonds des vallées. — M. A. Ch. Girard
s’est livré à l'étude de la valeur alimentaire et de la
culture de l’ajonc et il est arrivé à cette conclusion que
l’ajonc peut fournir une récolte correspondant, par
hectare, à 8.000 kilos de foin, c’est-à-dire que la pro-
duction d’une ajonnière dans les sols les plus médiocres
vaut, surface pour surface, la production fourragère
des terres les plus fertiles. — M. Stan. Meunier a exa-
miné une métléorite tombée dans l'île de Ceylan le
43 avril 1795. Elle appartient au type des montré-
sites; elle est constituée par de l’enstatite, de l'oli-
vine, un pyroxène maguésien et une masse vitreuse ;
elle renferme des granules de fer nickelé, et de tres
petits grains de fer chromé. Louis BRUNET.
ACADÉMIE DE MÉDECINE
Séance du 12 Février 1901
L'Académie vote à l’unanimité la proposition sui-
vante de M. Léon Colin: Vu la persistance de la
variole à Paris et dans sa banlieue, l'Académie de
Médecine eslime que les mesures recommandées par
M. le Préfet de Police conservent tout leur caractère
d'utilité et qu'il importe à la population de continuer à
profiter des ressources mises à sa disposition pour la
pratique des revaccinations. — M. Henri Monod, étu-
diant la mortalité en France de 1886 à 1898, en lire les
constatations suivantes : 1° Diminution constante du taux
de la natalité, compensée par une diminution, légère-
ment supérieure, du taux de la mortalité; 2° Constante
immigration des campagnes vers les villes; 3° Décrois-
sance sensible de la mortalité par maladies épidémi-
ques; 4° Proportion à peu près stationnaire des décès
dus à la tuberculose ; 5° Taux considérable de la morta-
lité infantile. — M. G. Dieulafoy signale une nouvelle
comp'ication de l’appenditie: l'hémathémèse. Il com-
munique six cas de vomito negro appendiculaire, dont
cinq se sont terminés par la mort. Il semble que, sous
l'influence de la toxi-infection appendiculaire, il se
produise une ulcération aiguë en un point de la
muqueuse de l'estomac, qui entame bientôt une arté-
riole et provoque l'hémorragie. Il importe donc, dans
l’'appendicite, de supprimer le foyer sans retard, avant
quil ait pu lancer l'infection de tous côtés. — M. Boi-
net signale un cas de macrodactylie, à propos duquel
il fait remarquer que la macrodactylie n'appartient pas
exclusivement à la tératologie. Elle est 1arement héré-
ditaire. Elle est plus fréquente chez l’homme que chez
la femme, à droite qu'à gauche, au médius et à l'in-
dex qu'aux autres doigts. La dissection montre une
hypertrophie de tous les tissus du doigt.
Séance du 19 Février 1901.
M. P. Berger présente un rapport sur une commu-
nicalion du D' P. Michaux relative à un nouveau mode
de suture par agrafage de la peau, inventé par le D'P.
Michel. Ce procédé constitue un mode de réunion très
satisfaisant, sauf pour les peaux très fines ou qui
présentent des plis irréguliers; son exécution est
extrêmement rapide. Par contre, l'instrument est cou-
teux, et demande une certaine habitude ; l'enlèvement
des agrafes est un peu laborieux. — M. J. Lucas-
Championnière, au sujet de la récente communication
de M. Dieulafoy, constate qu'aujourd'hui l’appendicite
est beaucoup plus fréquente et plus grave qu'autrelois.
Elle.-semble avoir pris un caractère épidémique. Elle
paraît également coincider avec l'augmentation anor-
male de la consommation de la viande. L'auteur vou-
drait voir revenir à l'emploi plus fréquent des purgatifs,
qui empêchent l’évolution des affections intestinales.
M. A. Robin a constalé que la dispepsie hypersthénique
avec hyperchlorhydrie prédispose à l’appendicite. Pour
lui aussi, les purgauifs constituent un bon moyen pro-
phylactique.
SOCIÉTÉ DE BIOLOGIE
Séance du 9 Février 1901.
M. P. Mégnin rappelle qu'il a déjà observé sur des
chiens les accidents de stomatite érucique causés par
les poils urticants de certaines chenilles. — M. P.
Merklen a suivi l’état fonctionnel du foie dans la gastro-
entérite des jeunes enfants par l'étude des coeflicients
urinaires. Ceux-ci ne peuvent donner d'indication
absolue sur le pronostic de l'affection, mais leur écart,
plus ou moins marqué de la nurmale, traduit l'atteinte
du foie par l'intoxication générale. — M. Y. Manoué-
lian à étudié les fivres nerveuses terminales dans le
noyau du toit du cervelel; elles présentent des arbori-
sations libres, jamais d'anastomoses. — M. R. Dubois
présente deux épreuves pholographiques obtenues au
moyen de la lumière émise par le bouillon liquide de
photobactéries. — MM. R. Anthony et J. Salmon ont
reconuu que la pygomélie (monstruosité caractérisée
par la présence d’un ou deux membres pelviens surnu-
méraires)estune monstruosilé double, symétrique, lamb-
doiïde, de la série sycéphalique, devant être placée entre
l'iléadelphie et l'édadelphie à laquelle elle aboutit. —
MM. E. Wertheimer et H. Gaudier ont observé que le
cordon cervical du sympathique n'a aucune influence
sur la fréquence des mouvements du cœur chez l'homme
— M. E. Wertheimer a constaté, chez le chien à jeun,
que si, après avoir provoqué une première sécrétion
pancréatique par une injection excitante, on injecte
alors de la pilocarpine dans une veine, le suc secrété
sous l'influence de l’alcaloïde agit non seulement sur
l'amidon, comme le premier, mais encore sur l’albu-
mine. — M. J. Rehns a reconnu, chez le lapin, que
l'immunité active ne peut être conférée à un organisme
normal par l'injection du poison diphtérique à doses
croissantes, après mélange préalable avec une ou plu-
sieurs fois son équivalent d'antitoxine. — MM. P. Carnot
et L. Fournier ont observé un nouveau cas d’angine de
Vincent. Ils ont isolé et cultivé le bacille fusiforme et
le spirochète qui paraissent être les agents pathogènes
de la maladie. — MM. A. Gilbert et L. Fournier ont
administré la lécithine à des tuberculeux et à des neu-
rasthéniques. Ils ont reconnu que l'emploi prolongé de
la lécithine n’est pas plus nocif chez l'honime quechez
les animaux. Les résultats thérapeutiques sont encore
incomplets, mais des plus encourageants. — MM. P. No-
bécourt et P. Merklen ont constaté qu'il existe dans
les organes de l'homme et de divers animaux, ainsi
que dans le lait de femme et de chienne, un ferment
qui dédouble le salol en phénol et acide salicylique. Ce
ferment n’est peut-être que la lipase. — M. M. Letulle
a étudié le placenta resté adhérent à la surface de la
cavité utérine (môle hydatiforme, déciduome) et y a
246
ACADÉMIES ET SOCIÉTÉS SAVANTES
trouvé des boules sarcodiques identiques à celles qui
se trouvent à la surface des villosités du placenta
humain normal. — M. P.-L. Simond a observé, chez
une espèce de tortue asiatique, Trionyx gangeticus, un
hématozoaire endoglobulaire pigmenté quil nomme
Haemamoeba Metchnikovi. — MM. G-. Meillère et
Loeper ont étudié la répartition du glycogène dans
les organes du lapin, du rat et du cobaye, et dans le
musele du cheval, et en ont effectué le dosage. — Les
mêmes auteurs ont étudié les variations durapport des
albumines urinaires (sérine et globuline) au cours de
diverses affections; elles ne paraissent donner aucune
indication diagnostique. — M. E. Maurel, à propos de
la communication du D' Mayet sur la phagocytose du
bacille d'Eberth, pense que Je sang constitue un milieu
lus commode et plus physiologique que la sérosité du
vésicatoire pour l'étude de ce phénomène. — MM. Bi-
gart et L. Bernard ont obtenu un sérum surréno-
toxique par la méthode générale de préparation des
sérums cytotoxiques. — M. V. Balthazard a déterminé
les variations horaires de l’excrétion urinaire chez
l'homme normal. Les maxima de volume d'urine et de
d'urée se placent trois à quatre heures après
de midi et du soir. — M. N. Vaschide à
rience de Weber sur l’olfaction en milieu
liquide et a constaté qu'on se rend parfaitement compte
de la nature des sensations olfactives des mélanges
odoriférants. — M. L. Bard à déterminé la tonicité du
liquide céphalo-rachidien dans un certain nombre
d'affections. Cette tonicité se mesure en faisant tomber
une goutte du sang du malade dans une petite quantité
du liquide céphalo-rachidien et en observant s'il se
produit ou non de l'hématolyse.
Séance du 16 Février 1901.
M. L. Bard a reconnu que, dans Îles pleurésies et
péritonites hémorragiques tuberculeuses, les liquides
épanchés ne provoquent pas l'hématolyse, Landis que
le contraire a lieu pour des pleurésies et péritonites de
nature cancéreuse. — M. A. Dastre communique
quelques remarques à propos de la recherche des fer-
ments endocellulaires par la dialyse chloroformique.
__ M. Et. Rabaud a étudié la formation des yeux des
Cébocéphales. — M. L. Maurel à constaté : 1° qu on peut
faire descendre la température sous-cutanée du lapin,
par immersion dans l’eau froide, à 30° et même à
260,5 sans Luer l'animal : 2° Toutefois, avec la tempé-
rature sous-cutanée de 269,5, les réflexes sont très
diminués, et les muscles presque en état de résolution.
__ MM. Lagriffe et L. Maurel ont repris les expériences
précédentes par ventilation et mouillage. Au-dessous
de 25°, la vie est sérieusement menacée, à 20°, l'animal
paraît condamné à succomber. Les principaux symp-
fôèmes observés sous l'influence de ces températures
graduellement décroissantes sont : le frisson, la dimi-
nution des réflexes, la résolution musculaire, le coma,
et parfois des phénomènes convulsifs. = M. R. Dubois
croit que le corps vilré n est pas fluorescent, mais
qu'il se comporte comme un milieu un peu dis -
persif. — M. A. Laveran à fait, sur les hématies des
Oiseaux, des observations qui tendent à montrer
qu'elles possèdent une membrane d'enveloppe et que
le protoplasma est de nature liquide. M P. L.
Simond a étudié un hémalozoaire endoglobulaire qu'il
a observé chez le Gavial du Gange; il lui donne le
nom d'Hæmogregarina Hankini. — MM. A. Théohari
et A. Babès ont étudié les modifications histo-
chimiques de la muqueuse gastrique SOUS l'influence
de l'alcool. Dans une première période, l'alcool donne
l'hypersécrétion du chlore sous toutes ses TRS sua
la pepsine. Dans une seconde période, le fait le plus
a diminution considérable du chlore
saillant, c'est | 1 gs che
organique, correspondant à des cellules principales
qui ne fabriquent plus de pepsine. — MM. Grand-
Moursel et Tribondeau montrent que la coloration
par la thionine phéniquée constitue un moyen simple
et pratique de différencier dans les coupes du pancréas
quantité
les repas de
répété l’expé
les ilôts de Langerhans. — MM. J. Courmont et Ch.
Lesieur ont étudié la polynucléose dans la rage
clinique et expérimentale. Il y a des poussées de poly-
nucléose pendant l'incubation, s’accentuant du sep-
tième au neuvième jour ; la polynucléose est définitive
au neuvième jour et dépasse 75 °/° à partir du dixième
jour. — MM. Guiraud et Gautié indiquent une méthode
générale de coloration des bactéries au moyen du bleu
d’aniline soluble à l'eau. — M. E. Suchard a fait de
nouvelles observations sur la structure du tronc de la
veine-porte du rat, du lapin, du chien, de l’homme et
du poulet. — MM. L. Camus et E. Gley, à propos de la
communication de M. Wertheimer, annoncent qu'ils
ont observé aussi que le suc pancréatique, sécrété par
les chiens à jeun sous l'influence de la pilocarpine,
digère l’albumine de l'œuf et la fibrine du sang.
M. G. Loïisel est élu membre de la Société.
SOCIÉTÉ FRANÇAISE DE PHYSIQUE
Séance du 15 Février 1901 (suire).
M. V. Crémieu annonce que les résultats de ses nou-
velles expériences sur la convection électrique confir-M
ment tous ceux de ses précédents essais. Il a pu, en
outre, découvrir deux nouvelles causes d'erreurs par
suite desquelles on peut observer des déviations d’un
système maguétique, placé au voisinage d'un corps «
chargé en mouvement ; ces déviations peuvent se pré-
senter avec tous les caractères de réversibilité, et sont
du même ordre de grandeur que ceux attendus de
l'effet magnétique de la convection. Il est donc très
naturel que d'autres aient pu se tromper. M. Crémieu
conclut donc aujourd’hui que, dans les conditions où
MM. Rowland et Himstedt ont opéré, comme dans ses
propres expériences, /a convection électrique ne pro-
duit pas d'effet magnétique. — M. P. Janet présente à
la Société un assez grand nombre de nouveaux comp-
teurs, ayant figuré à l'Exposition universelle, principa=
lement pour courants alternatifs. Il fait à ce sujet un
exposé des diverses méthodes que les électriciens ont
imaginées pour réaliser, dans la construction des comp-
teurs d'électricité, la condition fondamentale : couple
moteur proportionnel à la puissance à mesurer et cou-
ple résistant proportionnel à la vitesse (celle-ci donnée,
dans tous les compteurs présentés à la Société, par
un disque métallique tournant entre les branches
d’un aimant). Suivant la manière de réaliser le couple
moteur, les compteurs se classent en deux groupes :
1° Les compteurs moteurs du type Thomson, comprenant
deux circuits, l’un fixe, l’autre mobile (pouvant servir
aussi dans le cas des courants continus). M. P. Janet
rappelle rapidement le principe de ces compteurs bien
connus, et donne quelques indications sur les artifices
employés pour éviter, dans le cas des courants alter-
natifs, l'erreur résultant du décalage dû à la self-induc-
tion du cireuit à fil fin (par exemple, emploi d'une
spire en court-circuit placée dans la bobine à gros fil).
20 Les compteurs à champ tournant. On réalise ici un
champ elliptique tournant (analogie optique) en super-
posant deux champs rectangulaires alternatifs d’ampli-
tude H et H', décalés d'un angle o, par le moyen de deux
circuits, l’un à gros fil, l’autre à fil fin. Ce champ ellip-
tique tournant équivaut à deux champs tournants
ordinaires d'intensités inégales, lesquels tendent à
entraîner en sens opposés un conducteur de révolution
mobile autour de l'axe commun. La différence des deux
couples, que l'on calcule facilement par un raisonne-
ment géométrique, est le couple moteur de l'appareil;
il est proportionnel à HH! sine. Le circuit à gros til
fournit H proportionnel à l'intensité du courant; on
s'arrange de manière que le champ H’ du circuit à fil
fin soit proportionnel à la force électromotrice alterna-
tive et en quadrature avec celle-ci. Alors la vitesse de
rotation du conducteur placé dans le champ elliptique
tournant est proportionnelle à la puissance à mesu-
rer. On à imaginé bien des procédés pour obtenir le
ACADÉMIES ET SOCIÉTÉS SAVANTES 247
n1
décalage de - entre H' et la force électromotrice.
M. P. Janet indique les ingénieuses solutions représen-
# tées par les compteurs : Hartmann et Braun; Raab;
Hummel; Batault. M. P. Janet passe ensuite aux comp-
“teurs Spéciaux aux courants triphasés en imaginant,
—. par exemple, un montage en étoile. Il fait au tableau
le diagramme des divers vecteurs à considérer, et classe
… les compteurs pour courants triphasés suivant les trois
—…ypes de formules par lesquelles on peut exprimer la
—…. puissance P, savoir :
P — ,i, — ei, (notations bien connues),
2P— (03 — Ce) Ci(ie — 13),
BP— (14 — is) (Es — 02) — (is — 13) La — C4).
. Dans tout compteur triphasé à champ tournant, il y a
deux systèmes tournants montés sur le même arbre,
entraînés par des couples respectivement proportion-
nels à chacun des deux termes du second membre des
- formules précédentes. M. P. Janet présente la solution
… fournie par les compteurs Siemens et Halske, Hummel,
- Schuckert; dans le cas le plus général des courants tri-
phasés à quatre fils, il est nécessaire d'employer une
équation plus générale que les précédentes : certains
compteurs (Aron, Thomson) s'appliquent à ce cas.
M. L. Poincaré, ancien Secrétaire général de la So-
ciété, est nommé Secrétaire général honoraire.
| SOCIÉTÉ CHIMIQUE DE PARIS
Séance du 8 Février 1901.
M. G. Bertrand présente ses recherches sur le café
sans caféine de la Grande-Comore, recherches qui ont
déjà été exposées ici même. — M. Jouve présente les
résultats de l'étude des ferro-siliciures industriels.
Après un court historique des produits définis ou non
décrits antérieurement, il reprend l'étude des siliciures
décrits par Sainte-Claire Deville, Carnot et Goutal, puis
plus récemment par MM. Moissan, Lebeau et de Chal-
mot. Il montre qu'il n'existe dans les produits indus-
triels que les siliciures Fe?Si et FeSi (le premier déjà
décrit par M. Lebeau), à l'exclusion de tous autres
siliciures tels que FefSi®, FeïSi? et FeSi. Il signale
également la grande pureté, par rapport à la teneur en
soufre et phosphore, des produits préparés actuellement
$ dans les usines de la Compagnie générale d'Electro-
chimie. 11 termine en faisant un rapprochement entre
les proportions du carbone existant dans ces siliciures
et du silicium manquant au chiffre théorique pour les
produits cristallisés Fe*Si et FeSi; il semble que le car-
bone remplace lesilicium dans les proportions de leurs
poids atomiques. — M. Guerbet, poursuivant ses
recherches sur les réactions que fournissent les alcools,
lorsqu'on les chauffe au voisinage de 200° avec leurs
dérivés sodés, montre que l'alcool œnanthylique donne
dans ces conditions de l'acide œnanthylique, de l'alcool
diænanthylique $C"H#0 et l'acide correspondant
C#H#0*, en même temps que de l'alcool triænanthyli-
que C*H#0. Ces composés se sont formés dans les réac-
tions suivantes:
20H60 HI CHÉNaO — CHSLO + C'HENaO? + 4H,
2CAH300 Æ CIHENaO = CHMO + CHHENaO? + 4H.
!
14
nu
î
:
L'alcool divnanthylique & est un liquide incolore,
d'odeur faible, ne se solidifiant pas à — 20°, IL bout à
286-2899. Sa densité à 15° est 0,8405. L'acide divwnan-
thylique £ fond à + 4°, bout à 190-1929 sous 13 millimètres
de pression. Sa densité à 15° est 0,8860. L'a/cool tria-
nanthylique est liquide, incolore, à peu près inodore.
Il bout à 202-206°sous 13 millimètresde pression,eta pour
densité, à 15°, 0,8%47. M. Guerbet, rapprochant les
réactions précédentes de celle qu'il a déjà obtenue
avec l'alcool amylique inactif (C. 22.,t. CXXVIIT, p. 511
et 1002), pense qu'elles sont des cas particuliers de la
réaction générale suivante :
2CmH?2n+20 + CrH22 +1Na0 — Cn+aH2(m+n)+20
+ Crf?m—INaO AH.
Il continue ses recherches en vue de cette générali-
sation.
SOCIÉTÉ DE PHYSIQUE DE LONDRES
Séance du 8 Février 1901.
La Société procède au renouvellement de son bureau
pour 1901. Sont élus :
Président : M. S. P. Thompson;
Vice-présidents : MM. Th. Blakesley, C. V. Boys.
J. D. Everett et J. Walker;
Secrétaires : MM. H. M. Elder el W. Watson;
Secrétaire étranger : M. R. T. Glazebrook;
Trésorier : M. H. L. Callendar;
Bibliothécaire : M. W. Watson.
En outre, MM. W. Gibbs et R. Kœnig sont nommés
membres honoraires.
M. S. P. Thompson, en prenant possession du fau-
teuil de la présidence, rappelle les principaux travaux
présentés à la Société durant l’année écoulée, Il insiste
ensuite sur la question de l'enseignement de la Phy-
sique, Les membres de la Société ont l'habitude de
présenter de temps en temps des modèles qui illustrent
quelques principes dela Physique. Celte coutume d'em-
ployer des modèles est considérée par les physiciens
du continent comme tout à fait anglaise, et résultant
d’une sorte de constitution mentale qu'ils peuvent à
peine comprendre. Pour les Anglais, elle n'a rien d'ex-
traordinaire. Faraday s'est servi de modèles pour étu-
dier le champ électrostatique enveloppant les corps
chargés. Lord Kelvin en a construit pour exprimer ses
idées sur l’élasticité, la théorie élastique de la matière
et la constitution même de celle-ci. Les modèles de
Maxwell pour les diélectriques hétérogènes et l'induc-
tion mutuelle entre deux circuits sont bien connus. Ces
modèles sont très utiles pour l’enseignement ; ils per-
mettent de saisir ce qui, dans la Nature, est abstrait, en
en contemplant la représentation ou l'analogue dans le
concret. Les physiciens francais ne peuvent concevoir
un phénomène compliqué s'il n'a été mis sous forme
d'équation mathématique. Les physiciens anglais doivent
en construire un modèle qui produira mécaniquement
l'opération analogue. Les deux méthodes sont justes,
mais, — à en juger d'après leurs fruits, — la méthode
de Faraday a des avantages sur celle de Poisson. —
M. R. W. Wood présente un réseau à échelon de mica.
Il est intermédiaire entre un réseau ordinaire et un
échelon à plaques épaisses. Un grand nombre de feuilles
de mica ont été examinées à l’interféromètre, et on à
choisi celle qui, sur la plus grande partie, présentait des
franges droites et non brisées. Celle partie est marquée
et découpée en rectangles. Le mica avait environ 5 mil-
limètres d'épaisseur, et le retard d’un des rectangles
était de 50 longueurs d'onde pour la lumière du
sodium. Neuf de ces rectangles forment le réseau; ils
sont mis en place sous le microscope, et cimentés
aux angles par de la cire. L'écartement du réseau esl
de 5 millimètres ; le nombre des lignes élait de dix.
Le pouvoir de l'instrument ne permet pas de résoudre
les lignes du sodium; mais les lignes jaunes du mercure
sont aisément séparées. L'effet de Zeeman peut être
montré avec un échelon fait de quatre plaques d'inter-
féromètre, avec les rayons verts du tube à mercure.
SOCIÉTÉ DE CHIMIE DE LONDRES
Séance du 7 Février 1901.
MM. H. J. H. Fenton et Mildred Gostling ont cons-
taté que l’action de l'acide bromhydrique sur toutes les
formes de cellulose donne une grande quantité de
bromométhylfurfuraldéhyde ; la cellulose doit donc
contenir un groupement où un noyau analogue à ceux
du lévulose. — MM. C.-F. Cross et E.-J. Bevan
248
ACADÉMIES ET SOCIÉTÉS SAVANTES
exposent la question de la constitution de la cellulose.
1° Leurs propres
au tétracétate C‘HO(OAc)', leur paraissent indiquer
une constitution cétonique CO: (CHOH)*: CH?. 2° La
règle de Will et Lenze sur la formation des éthers
nitriques des céloses se vérifie pour la cellulose.
3 Faber et Tollens, étudiant les produits d’oxydation
des oxycelluloses, n’ont jamais trouvé d'acides avec la
chaine normale à six atomes de carbone. Ces raisons
les ont amenés à conclure que la cellulose n'est pas un
polyaldose (anhydride), mais qu’elle possède une cons-
titution cétonique. Les recherches de Fenton et Gostling,
cn condeusant les celluloses en méthylfurlural, ouvrent
une nouvelle voie expérimentale, et rendent encore
plus douteuse la conslitution polyaldosique. Elles
montrent que le lévulose ou un autre cétose est le
matériel d'élaboration de la cellulose, etelles expliquent
en même temps d'une facon simple l'origine des com-
posés non saturés, dérivés du furfurol, qui sont les
constituants du complexe de la lignone. Elles sont
contraires à l'hypothèse.que tous les constituants de la
plante donnant du furlurol sont des pentoses ou
pentosanes. — MM. H.-J.-H. Fenton et H.-0. Jones
ont observé que l'hydrazone de l'acide oxalacétique,
chauffée avec de l’eau, perd de l’acide carbonique, et
donne l’hydrazone de l'acide pyruvique :
CE?.CO?H CHS.
C: A2HPh C : AzHPh + CO?
[
|
CO*H
Mais, en présence d'acides de concentration suffisante,
une réaction tout à fait différente se produit ; de l’eau
est éliminée et il se forme l'acide pyrazolone carboxy-
lique de Wislicenus :
CON
CH?.C0.0H CH?.CO
| |
C:Az.AzHPh = C:Az.AzPh + H°0
| |
CO?H CO°H
Avec des acides de concentralion insuffisante, les
deux réactions se passent simultanément, la quantité
de CO* dégagée diminuant quaud la concentration de
l'acide augmente. Des expériences parallèles faites avec
différents acides ont montré que les volumes de CO*
obtenus sont en raison inverse des affinités des acides,
d'où une méthode de mesure de ces dernières. Ces
phénomènes peuvent s'expliquer en supposant que la
molécule non dissociée de l'hydrazone tend à perdre
de l’eau en donnant le dérivé de la pyrazolone, mais
que l'ion négatif CO?H —CAz*HPh—CH?CO0 est instable
et tend à perdre CO?. Dans ce cas, toute circonstance
tendant à prévenir l'ionisation favorisera la production
du dérivé de la pyrazolone, telle la présence d'une
concentration suffisante d'ions hydrogène. Les auteurs
ont étudié l'influence d’un certain nombre de sub-
stances sur les réactions. 4° L'influence des sels, des
bases et des non-électrolytes est nulle, les résultats
étant pratiquement les mêmes qu'avec l’eau pure.
20 L'effet d'un sel en présence de son propre acide est
de diminuer beaucoup l'influence de cet acide. 3° Les
dissolvants ayant des pouvoirs ionisants différents
donnent des résultats différents, la quantité de CO?
dégagée étant plus grande dans le cas de l'eau, moindre
avec l'alcool amylique, et faible avec le toluène et le
le nitrobenzène. — M. R.-M. Caven, par l’action du
chlorure d’éthoxyphosphoryle OP.OC?H°: CE sur l’ani-
line, a obtenu le chlorure d'éthoxyanilidophosphoryle
recherches, qui les ont conduits L
OP.0C?H5.AzHC‘H5.CI. Le second atome de chlore peut
être remplacé par l’action de la paratoluidine et l'on
obtient l'éther éthylique de l'acide anilido-p-toluido-
phosphorique OP.OC?H°.AzHC'°H5.AzHC‘H:CH*. Si l’on
effectue ces deux réactions dans l’ordre inverse, on
arrive au même composé, on en déduit que les deux…
atomes de chlore dans le produit original sont situés
dans une position analogue par rapport au reste de la.
molécule. L'atome de chlore qui a été remplacé par le
groupe éthoxy est-il dans une position différente des
deux autres? Pour en juger, on prépare les composés
suivants : d'une part,le chlorure d’anilidophosphoryle
OP.AZHCSHS: CF, puis le chlorure d’anilido-p-toluido-
phosphoryle OP.AzHC'H°.AzHCSH:CH°.CI ; d'autre part,
le chlorure de p-toluidophosphoryle OP.AzH.C°H*CH*:CP,
puis le chlorure de p-toluido-anilidophosphoryle. Les
deux produits auxquels on aboutit sont identiques; on
en déduit que le premier et le second atome de chlore
sont dans une position similaire, et par conséquent
que les trois atomes le sont aussi dans la molécule de
chlorure de phosphoryle OPCF. Il en résulte qu'un
dérivé:
R!
/
OP —R"
N
kR'"
ne possède pas de plan de symétrie et peut exister dans
une forme droite et une forme gauche. Des expériences
ont été entreprises pour vérifier cette conclusion. —
MM. A. Lapworth et E. M. Chapman décrivent une
méthode de préparation de la camphoquinone pure en
grande quantité. Quand la camphoquiuone est traitée à
— 10° par l'acide cyanhydrique, il se forme une masse
presque incolore, qui doit être un mélange de formes
stéréoisomériques de l’'«-dihydroxcyanocamphre:
C(OH)CAz
CHU]
CO
L'une d'elle a été isolée; dissoute dans l'acide sulfu-
rique fumant, elle se transforme dans l'amide de l'acide
a-hydroxycamphocarboxylique. L'acide lui-même :
\ 2
Gt) Serie H
NC
è
À
LA
î
:
;
$
0
est obtenu en chauffant le nitrile avec HBr concentré.
Il cristallise en aiguilles ou en prismes et fond avec dé-
composition en donuant l'hydrocamphre. Il est converti
en camphoquinone et CO* par le peroxyde de plomb et
l'acide acétique.
ACADEMIE DES SCIENCES D'AMSTERDAM
Séance du 26 Janvier 1904 (fin).
SCIENCES NATURELLES. — Rapport de MM. C. A. J. A.
Oudemans et J. W. Moll sur un mémoire de M. Valcke-
nier Suringar : Contributions à l'étude des espèces du
genre Melocactus des Indes Neerlandaises Occiden-
tales. Ce travail faisant suite à cinq mémoires du père
de l’auteur, feu M. W. F. R. Suringar, paraîtra dans
les publications de l’Académie. — KHapport de M. J. M.
van Bemmelen au nom de la Commission géologique,
sur les travaux géologiques en 1900.
Le Directeur-Gérant : Louis OLivier.
Paris. — L. MARETHEUX, imprimeur, 1, rue Cassette.
A ARR SD
12° ANNÉE
N° 6
30 MARS 1901
| Revue générale
des Sécienc
DIRECTEUR :
pures el appliquées
LOUIS OLIVIER, Docteur ès sciences.
È Adresser tout ce qui concerne la rédaction à M. L. OLIVIER, 22, rue du Général-Foy, Paris, — La reproduction et la traduction des œuvres et des travaux
publiés dans la Revue sont complètement interdites en France et dans tous les pays étrang
—————————————————————
s, y compris la Suède, la Norvège et la Hollande.
À CHRONIQUE ET CORRESPONDANCE
F $ 1. — Distinctions scientifiques
4
Élection à l'Académie des Sciences de
Paris. — Dans sa séance du 18 mars, l'Académie des
Sciences a procédé à l'élection d'un membre dans la
ection de Géométrie, en remplacement de M. Ch. Her-
mite, décédé.
Au premier tour de scrutin, le nombre des votants
étant 58 :
M. Humbert a obtenu 54 suffrages.
M. Goursat — 2 —
À M. Borel "0" À _
Il y a eu un bulletin blanc.
M. Humbert, ayant réuni la majorité absolue des suf-
lrages, a été proclamé élu. Le nouvel académicien, qui
est professeur d'Analyse à l'Ecole Polytechnique, a
“publié d'importants mémoires sur diverses branches
“des Mathématiques.
$ 2. — Géodésie
Revision de l'arc de méridien de Quito. --
Comme complément à l’article de M. Poincaré, sur la
nouvelle mesure de l'arc de méridien de Quito, voici
“quelques renseignements relatifs à l’organisation maté-
rielle de la Mission.
m…— Le personnel de la Mission comprend cinq officiers
“opéraleurs du Service géographique de l'Armée et un
médecin militaire; celui-ci, en outre de ses fonctions
“spéciales, aidera les officiers à recueillir des renseigne-
ments intéressant les sciences naturelles. Ces officiers
“sont : M. le chef d'escadron d'artillerie breveté Bour-
geois, chef de section de Géodésie, qui sera chef des
opérations sur le terrain; M. le capitaine du génie bre-
mveté Maurain et M. le capitaine d'artillerie breveté La-
“combe, qui ont déjà effectué tous deux la reconnais-
sance de l'arc à mesurer; M. le capitaine d'artillerie
Ballemand; M. le lieutenant d'artillerie Perrier, et enfin
- le médecin aide-major Rivet. Un personnelsecondaire,
composé d'un sous-officier et quinze caporaux ou sol-
dats, est affecté à ces officiers pour les seconder.
La Mission aura, en outre, la collaboration d’un as-
“tronome francais, M. Gonnessiat, déjà installé comme
“directeur de l'Observatoire de Quito.
Le départ pour l'Equateur a été prévu en deux
REVUE GÉNÉRALE DES SCIENCES, 4901.
échelons. Une Mission d'avant-garde, constituée par
MM. les capitaines Maurain et Lallemand, s'est em-
barquée à Saint-Nazaire le 9 décembre 1900, avec notre
chargé d’affaires à Quito, M. Frandin, lequel était en
congé en France et n'a pas hésité à abréger ce congé
pour accompagner nos officiers afin de pouvoir leur
prêter, dès le débarquement, l'appui de son expérience
auprès des autorités de l'Equateur.
Le deuxième échelon comprendra tout le reste du
personnel : il doit s'embarquer fin avril et amènera le
matériel instrumental. En arrivant à Guayaquil, il trou-
vera rassemblé, par les soins de la Mission d’avant-
garde, le convoi destiné aux transports etse mettra en
route immédiatement. Les travaux d'observations
pourront ainsi commencer dès le mois de juin 1901.
Ajoutons enfin qne la durée totale des opérations a été
prévue pour quatre ans.
$ 3. — Physique
Le Rayonnement calorifique des Étoiles. —
Depuis les grands perfectionnements réalisés par le
professeur Langley dans les procédés de mesure de
l'énergie rayonnante, on a essayé maintes fois de
déterminer l'énergie qui nous est envoyée par les étoi-
lesles plus brillantes. Jusqu'ici, toute tentative avait
échoué, faute d’une sensibilité suffisante des appa-
reils, bien que M. Boys eût réussi déjà à percevoir
l'élévation de température produite dans le récepteur de
son microradiomètre par l’action d’une bougie placée à
2.700 mètres.
La question vient d’être reprise aux Etats-Unis par
M. E.-F. Nichols, qui, suivant les indications donuées
par M. Georges Hale, dans le Bulletin de l'Observatoire
Yerkes, a obtenu pour la première fois une indication
bien nette de l'instrument.
Le récepteur de M. Nichols n'est autre chose qu'un
radiomètre de Crookes, constitué par deux petits
disques de mica, de 2 millimètres de diamètre, noircis
et réunis par une tige de verre suspendue à un fil de
quartz très fin, dans un vide relatif, éludié de facon à
donner le maximum d'effet.
La radiation dont on veut mesurer l'énergie est
envoyée sur l’un des disques de mica par un grand
6
25€
CHRONIQUE ET CORRESPONDANCE
miroir argenté, de 61 centimetres de diamètre et de
2m,40 de foyer, recevant le faisceau réfléchi par un
sidérostat. Elle pénètre jusqu'au récepteur à travers
une fenêtre de fluorine, l’une des substances les plus
transparentes que l’on connaisse. La sensibilité de
l'appareil, mesurée par la radiation d’une bougie, a été
trouvée environ cinq fois plus grande que celle du radio-
mètre de M. Boys, tandis que la surface qui concentre
le rayonnement était 2,4 fois plus grande. L'appareil
actuel est donc, au total, 42 fois plus sensible. Il est
vrai qu'il fait intervenir une réflexion de plus; mais
on sait que la plupart des miroirs, notamment ceux
d'argent, sont presque parfaits dans l'infra-rouge, qui
fournit environ les quatre cinquièmes de la radiation
totale des sources très blanches comme les belles
étoiles.
L'étalonnage préalable a montré qu'une déviation
de Onm 1 sur l'échelle, correspondait à l'énergie envoyée
par une bougie située à 15 milles, ou à 24 kilomètres”.
L'image de la Lune, projetée sur l'une des lames, chas-
sait violemment l'équipage hors du champ.
Les mesures relalives aux étoiles ont été faites en
été, par un temps clair. Arcturus, étudié pendant sept
soirées, a donné une déviation moyenne de 0%",60,
tandis que Véga a fourni 0,27. La mesure directe du
rapport des deux radiations à donné 2,1 en moyenne.
M. Nichols ne considère encore le résultat de ses
mesures que comme provisoire, et comme simplement
destiné à donner une idée de l'ordre de grandeur de
l'énergie cherchée ; d'après son opinion, on peut cepen-
dant en conclure avec une assez grande certitude que
l'énergie recue d'Arcturus n'excède pas celle que nous
enverrait une bougie située à 10 kilomètres, l'absorption
atmosphérique étant supposée éliminée.
Ce résultat, si peu précis qu'il soit encore, a cepen-
dant une importance considérable, parce qu'il nous
permet de fixer, pour la première fois, nos idées sur la
limite supérieure de l'énergie recue des étoiles. En per-
fectionnant encore les moyens d'investigation, et en
comparant les résultats radiométriques aux données
photométriques, on aprivera à comparer le rendement
photogénique des plus belles étoiles à celui de quelques
foyers terrestres, d'où l’on déduira leur température
approximative. ;
Pour le moment, les nombres ci-dessus, rapprochés
d’autres résultats, conduisent à des conclusions diffici-
lement admissibles. Ainsi, M. Ch. Dufour a trouvé la
lumière d’Arcturus 33.10° fois plus faible que celle du
Soleil. L'intensité lumineuse de celui-ci étant admise
égale à 60.000 bougies à 1 mètre, Arcturus équivaudrait
à 60.000 bougies à 180 kilomètres, ou à une bougie
à 720 mètres. Le rendement lumineux d’Arcturus serait
: = I0()\ÈeS
donc à celui de la bougie dans le rapport de (5) soil
1,2
environ 200 fois plus grand. Or, on admet en général
que le rendement de la bougie est de l'ordre de 1 °/4.
Notre premier résultat est donc manifestement er-
roné.
S'il est encore difficile d'en indiquer la raison, on peut
tout au moins, en attendant des résultats expérimentaux
plus parfaits, admettre comme probable que le rende-
ment lumineux de cette belle étoile est considérable,
ce qui indiquerait que sa température est très élevée.
$ 4. — Chimie
La constitution de la Cinchonine et de la
Quinine. — Künigs, qui a fait une étude approfondie
de ces deux alcaloïdes du quinquina, leur a attribué la
constitution suivante :
‘ Les nombres relatifs à la sensibilité de l'instrument,
comparée à celle de l'appareil de M. Boys, ne semblent pas
s'accorder parfaitement. L'indication de la distance de
l'échelle, que M. Hale ne donne pas, fournirait probablement
l'explication du désaccord.
|
CH Cu
ARS 4 Et
” 1 Re à HC// Qne CH. CH : CHE
| |
CH? | CH» |
HOC CH: HOC :
| JcH 10G | cu
NA N172
AZ Az
CHE CR Ge
G CH L' c
à CH /Xe/Nc.ocH
LE) Er)
nol EX JcH (0 JG
Az CH
Qumine.
Az CH
Cinchonine.
Elle se base, entre autres, sur le fait que la cincho
nine donne, par oxydation, un acide, appelé ci
cincholoiponique, qui, d'après Kônigs, répond à la
formule (1). :
CH C.CIT° ;
PAS é Se |
du CHE CH.CO*H CH CHE A
|
CH° | hype CH?
V7 ce Pas
7 4
AZ AZ
(1) (1) ;
Mais on a fait observer que les réactions connues de.
l'acide cincholoiponique s'expliquent tout aussi bien
en admettant la formule tautomère (Il). Si cette der
nière venait à être démontrée, la constitution de la
cinchonine et de la quinine serait remise en question,
ainsi qu'une foule de réactions quien dépendent, commen
la transformation de ces corps en cinchène et apocin-
chène. IL était donc de toute importance d'élucider
rapidement ce doute; le Professeur Skraup vient d'y.
arriver de la facon suivante ‘ : ?
L'acide cincholoiponique donne facilement un dérivé
iodométhylé qui correspond à la formule (HI) ou (IV);
l’une dérivée de (1), l’autre de (Il):
CH2.CO'H CH COH
| INC
CH Ü
H:C fes CN CH.co
mc Jen: ne | | 2
y cC/2cn
A7.I AZ.1
AN AN
cs Cu CH CES
(I) (LV)
Ce dérivé iodométhylé, chauffé avec de la potasse
concentrée, perd de l'acide iodhydrique et se transforme
dans le dérivé diméthylamidé d’un acide bibasique
renfermant le noyau du cyclopentane, et qui ne peut
que répondre aux formules (V) et (VI) dérivées de la
formale (I),ou aux formules (VI) et (VII) dérivées de
la formule (11):
CIE .CO°H CH°.CO*H
I |
CH CH Ë
val N CH. CO®H ma
C he sr
| |
AZ AZ
PA ZEN
CH CH CH CH“
(V) (VI)
1 Monatshefte für Chemie, t. XXI, p.819 et suiv.
CHRONIQUE ET CORRESPONDANCE
; CH CON CH COH
N7 NZ
Ü Ü
HeC//NGN.coH H2C A
1e FE MR
|
L AZ
Ke EN
cf Ce che CI
(VIT) (VIII
—…. Ge corps (ou ce mélange de corps, car il est probable
que (V) et (VI) ou (VII) et (VIII) sont présents tous
“deux à la fois), traité à son tour par la potasse fondante,
se dédouble en diméthylamine Az H(CH*} et en un
acide tribasique à chaine ouverte. Les formules pro-
bables pour cet acide sont (IX) et (X) qui dérivent
salement de (V) ou (VI, et (XI) et (XII) qui dérivent
également de (VII) ou (VII) :
CH?.CO°H CH?.COH
; | |
CH CH
REX AN
H°C CH.COH H°C CH.CO’H
| |
COOH CHE CH® CO0H
(IX) {X)
CH CO CHS CO
NZ A
DE PE
H°C CII, COH H°C CH.CO®H
| | | |
COOH CH CH COOH
(XI) (XI)
xistence des corps (X) et (XII) estinvraisemblable,
e, dans la fusion avec KOH, l'un des deux carboxyles
liés au même atome de carbone ne pourrait subsister
disparaitrait par élimination de CO*. Il ne reste donc
que deux constitutions possibles (IX) et (XI pour l'acide
ribasique dérivé de l'acide cincholoiponique. Laquelle
possède-t-il?
Pour résoudre cette question, M. Skraup a fait inter-
nir la synthèse. En effet, d'une part, en faisant réagir
acide malonique sodé sur l'acide méthylglutaconique,
on doit obtenir un corps de formule (IX),et, d'autre
rt, l’action de l'acide méthylmalonique sodé sur
acide citraconique doit donner un composé de for-
ule (XI). L'auteur a préparé ces deux corps, et il a
staté que c’est le premier qui est identique à l’acide
rivé de l'acide cincholoiponique. Ce dernier possède
nc la formule (1), et la cinchonine et la quinine
épondent bien aux schémas de Künigs.
La constitution de ces deux alcaloïdes est donc défi-
mitivement élucidée au point de vue tantomérique. On
Pourra maintenant entreprendre sur des bases sûres
étude de leur confisuration stéréochimique.
$ 5. — Biologie
Sur lPEnseignement de lEmbryologie en
nee, Réponse à M. le Professeur Nicolas,
Dans la Revue générale des Sciences du 15 jan-
er 14901, M. le Pro‘'esseur Nicolas a publié une not:
réponse à deux articles que nous avions écrits sur
nseignement de l'Embryologie dans les Universités
ancaises et étrangeres. M. Nicolas a eu raison de
penser que nous ne lui en voudrions pas de cette
ponse ; nous en aurions d'autant plus mauvaise grâce
il vient, en somme, apporter l'appui de sa haute
torité à ce que nous avions dit.
vant d'aller à l'étranger nous rendre compte de la
nière dont y était compris l'enseignement de l'Em-
bryologie, nous nous étions tout naturellement rensei-
au sujet des Universités françaises. Nous savions
nc qu'à Nancy, l'Embryologie est en grand hon-
neur et, si nous l’avions oublié, les travaux des Profes-
seurs Nicolas et Prenant nous l’auraient rappelé. Nous
savions également qu'à Lyon, à Bordeaux, à Toulouse,
que presque partout, enfin, cette science fait l’objet
d'un enseignement particulier, ou du moins prend
une bonne part des euseignements classiques des
Facultés des Sciences ou des Facultés de Médecine.
Mais nous avions appris, en même temps, que, dans
ces Universités, des travaux de laboratoire concernant
l'Embryolouie n'étaient pas faits. Et c’est ce qui nous
avait permis d'écrire que, malgré tous ces efforts, il
n’y avait pas, en France, « un enseignement véritable-
ment orxanisé ».
Or, c'est ce que M. Nicolas constate lui-même pour
Nancy. « Il ne manque, en définitive, à cet enseigne-
ment. nous dit-il, qu'une chose : des travaux pratiques.
Jusqu'à présent je n'ai pu en faire, d'abord faute de
fonds nécessaires, et ensuite parce que le temps des
élèves de première année est presque entièrement
accaparé en hiver par d'autres exercices. Je me
demande, d’ailleurs, s’il serait possible et réellement
fructueux d'essayer de leur apprendre à {ous à réaliser
les préparations longues et minutieuses, d'une étude
souvent difficile, qu'exige ordinairement l'Embryo-
logie. »
Pour ce dernier point, nous sommes entièrement de
l'avis de M. Nicolas. Vouloir organiser des travaux pra-
tiques d'Embryologie à l'instar des travaux d'Anatormie,
ce serait faire gâcher des pièces à des élèves, ce serait
les dégoûter de l'Embryologie en ne leur apprenant
ri-n. Mais cela ne veut pas dire, pour nous, que l’en-
seisnement de l'Embryologie doive rester purement
théorique. Pour cette science, autant que pour les
autres sciences biologiques, il faut voir par soi-même
si l'on veut bien comprendre. C’est l'idée que nous
avons trouvée appliquée dans plusieurs Universités
étrangères et c’est celle que nous avons essayé d'appli-
quer nous-même à la Faculté des Sciences de Paris
dans un cours libre (lecons et travaux pratiques) sur
l'Embryolosie de l'Homme et des Verlébrés. Le succès
de nos travaux pratiques a été tel, depuis trois ans,
qu'ils devaient répondre à un véritable besoin; c'est
pourquoi il nous semble utile de faire connaître en
quelques lignes la méthode que nous avons suivie,
Eu réalité, ce que nous faisons à la Faculté des Scien-
ces, ce sont plulôt des conférences ou des démonstra-
tions pratiques d'Embryologie que de véritables tra-
vaux pratiques. Chaque séance, en effet, comprend
d'abord une sorte de préparation théorique faite au
tableau noir, dans la salle de cours. Cette préparation
consiste à expliquer aux élèves ce qu'ils vont avoir à
étu lier dans la salle du laboratoire. Là, chaque élève
trouve à sa place ord naire : un microscope ou une
loupe et les préparations faites d'avance sur le sujet
d'étude. Ces préparations sont numérotées dans l'ordre
correspondant au plan exposé préalablement au tableau
noir. L'élève n'a donc qu'à prendre successivement
toutes ces préparations et à les étudier en s'aidant de ses
notes ou de ses livres ainsi que de nos propres conseils,
Comme elles sont choisies parmi les plus belles et les
plus démonstratives, l'étudiant se trouve attiré immé-
diatement par la facilité avec laquelle il reconnaît tou-
tes les choses dont il a entendu parler ou qu'il a vues
dessinées.
Cette manière de procéder, si elle est avantageuse
pour l'élève, présente du côté du maitre quelques diffi-
cultés. D'abord, pour pe 1 que les étudiants soient nom-
breux, il est nécessaire de procéder par séries, car nous
pensons, comme le Professeur Minot, qu'il ne faut pas
plus de vingt à vingt-quatre élèves à chaque séance.
En outre, il faut faire d'avance un très grand nombre
de préparations et opérer une sélection parmi elles, ce
qui estun travail long et fastidieux. Les préparations
que nous avons faites jusqu'ici nous ont cependant
permis de faire étudier les points suivants :
10 lépithélium germinatif et la formation des élé-
ments sexuels (embryons de poulet et de souris);
CHRONIQUE ET CORRESPONDANCE
90 j'œuf et l'ovogenèse chez le moineau, la chatte et
la souris;
30 Jes spermatozoïdes de différents Vertébrés; la
spermatogénèse chez le moineau ;
4° Ja fécondation chez l'Asearis; la segmentation chez
Toursin, l'Asearis et la grenouille;
30 Ja formation des leuillets chez le poulet;
6° Ja première ébauche du corps et des annexes chez
le poulet et chez la souris;
8° Je développement de quelques organes chez le pou-
let et chez la souris;
9 l'étude des membranes fœtales et des différents
placentas (dissection et étude de coupes).
Enfin quelques séances sont consacrées à la techni-
que embryologique pour les élèves qui désirent pour-
suivre des recherches originales.
Ce plan, évidemment, ne représente pas toute l'Em-
bryologie des Vertébrés, mais il se complétera et se
perfectionnera tous les ans par de nouvelles séries de
préparations. Du reste, il existe encore à la Faculté des
Sciences de Paris d’autres travaux pratiques d'Embryo-
logie, et ce sont même de beaucoup les plus importants,
car ceux-là sont faits par MM. Le Dantec et Francois,
sous la haute direction du Professeur Giard; ces der-
niers travaux concernent presque exclusivement l'em-
bryologie des Invertébrés, l'étude des formes larvaires
et des acteurs de l'évolution ; ils sont les compléments
des lecons théoriques de M. Giard sur l'Evolution des
êtres organisés et de M. Le Dantec sur l'Embryologie
générale.
On voit done qu'à ce point de vue l'Université de
Paris a dépassé celle de Nancy, et cela sans crédits
spéciaux, du moins en ce qui Concerne l'Embryologie
de l'Homme et des Vertébrés, où tout est fait bénévo-
lement’. On voit aussi, ce que nous sommes très heu-
reux de constater, que nos idées sur la manière
d'enseiguer pratiquement l'Embryologie se rencon-
trent avec celles de M. Nicolas.
A Nancy, c'est la Faculté de Médecine qui semble
devoir concentrer l’enseignement de l'Embryologie. À
Paris, c'est la Faculté des Sciences. Quel est le meil-
leur système? L'avenir nous le dira peut-être. En atten-
dant, il ne nous paraît pas mauvais que deux de nos
Universités françaises aient compris el appliquent la
même question de deux facons différentes.
Mais, quelle que soit la Faculté qui assume la tâche
et l'honneur de cet enseignement, trois choses doivent
être considérées avant tout si l’on veut faire vraiment
œuvre utile sans gaspiller inutilement le budget, de
l'Etat ou celui de l'Université :
1° Exiger du personnel enseignant des connaissances
biologiques générales et non pas seulement la connais-
sance spéciale de l'Homme ;
20 Organiser l'Embryologie d’une facon complète
(Embryologie générale et Embryologie spéciale) de façon
à éviter le système des doubles emplois;
30 Obtenir une entente entre toutes les Facultés d'une
méme Université de manière que les élèves puissent
suivre facilement la partie de l'enseignement embryo-
logique qui leur convient.
Nous ne savons si nous nous abusons, mais il nous
semble bien que, là encore, nous serons du même
avis, M. Nicolas et nous. Et, si ce maître à pu écrire,
dans sa note : « Les besoins des étudiants en Médecine
ne sont pas les mêmes que ceux des étudiants ès Scien-
ces naturelles », il n'en pense pas moins, nous en sOm-
mes certain, que le premier besoin des uns et des
autres est une base scientifique solide et que la Science
est la même pour tous.
Gustave Loisel.
Docteur en médecine et ès sciences,
Préparateur aur Facultés des Sciences
et de Médecine de Paris.
a ——"————_— ———
» Nous devons dire toutefois que nous n'aurions jamais
pu poursuivre l'œuvre que nous avions entreprise Si nous
n'avions trouvé l'appui le plus précieux de la part de nos
maitres, les professeurs Giard et Mathias Duval.
$ 6. — Hygiène publique
Le Sanatorium de l'arrondissement ad
Versailles. — Nous avons tenu nos lecteurs au cou”
rant du mouvement qui s’est dessiné dans l'arrondis”
sement de Versailles en faveur de la création d'u
sanatorium intercommunal, mouvement qui a reçu} |
vive approbation d'un grand nombre de médecins ?, Ka è
Fevue est heureuse d'enregistrer aujourd'hui le succès
de ces efforts : dans sa séance du 20 lévrier, le Conseih
municipal de Versailles a adopté le principe du sanas
torium intercommunal et assumé sa part dans l'édilica
tion du futur monument. Voici, d'ailleurs, un extrait.
du procès-verbal de ses délibérations :
« Le Conseil,
« Vu l'exposé du Müuire,
« Vu les lois du 5 avril 188% et du 22 mars 1890;
« Considérant qu'il y a lieu de pourvoir, par la créa
tion d’un sanatorium, aux nécessités qu'imposent les
soins à donner aux adultes atteints de tuberculose puls
monaire ; {
Considérant, en outre, que ce sanatorium serait uti-
lement fondé et entretenu au moyen des ressources
fournies par plusieurs municipalités réunies en syn
dicat, conformément aux prescriptions de la loi du
22 mars 1890; À
« Délibère :
« Ily a lieu de constituer un syndicat entre les
communes intéressées, pour la création et l’entretierm
d'un sanatorium destiné à donner, aux adultes desdites
communes, alteints de tuberculose pulmonaire, les
soins médicaux nécessaires à leur état;
« Les frais de premier établissement seront couverts
au moyen :
1° Des sommes provenant d'une souscription déjà
ouverte; Â
2° Des subventions de l'Etat et du département;
3° Des produits des dons et legs ;
4 Enfin, pour le complément nécessaire, par les
communes syndiquées, au prorata de la population
officielle de chacune d'elles. J
« Ceux d'entretien seront répartis entre les communes
sur les mêmes bases. » ;
A
1. — Géographie et Colonisation
Les explorations du major Gibbons et du
capitaine Lemaire; le haut Zambèze et le
haut Congo. — Deux grandes expéditions scientif
ques, qui ont été conduites au centre de l'Afrique, de
1898 à 1900, l'une par un anglais, le major Gibbons
l'autre par un belge, le capitaine Lemaire, ont notables
ment accru nos connaissances sur la partie supérieurê
des bassins du Congo et du Zambèze. Elles ont, l'unë
et l'autre, reconnu la ligne de faîte qui sépare ces deux
fleuves et, s'étant rencontrées, elles ont quelque temp}
cheminé ensemble; on doit des notions nouvelles à ï
premiere de ces deux expéditions sur les sources dù
Zambèze, et à la seconde, sur celles du Congo.
Le major Alfred Saint-Hill Gibbons avait, en 1895
1896, accompli un premier voyage dans tout le Zambèze
supérieur et dans le pays des Barotsé; il avait visitée
Mashikoloumboué, le Makouenga, le Matoutala etlë
Matoka, qui n'avaient été jusque-là traversés que pal
quelques explorateurs, et avait effectué un parcouts
total d'environ trois à quatre mille kilomètres. De celte
première expédition avaient fait partie aussi M. Pere
C. Reid, ex-officier anglais, un écossais, M. F.-D. Pirië
et un génevois, M. Alfred Bertrand; mais Ces Voyageurs
w'avaient pas tous suivi le même itinéraire, et le caps
taine (depuis major) Gibbons s'était séparé de ses com
pagnons durant presque toute cette exploration.
C'est précisément pour compléter son étude du pa
Voyez la Revue du 15
15 janvier 1901, t. XIT, p. 5
mai 1900, t. IX, p. 625, et du
? Revue du 30 janvier 1901, t. XII, p. 61, + |
LD. dd
CHRONIQUE ET CORRESPONDANCE
253
des Barotsé que le major Gibbons à entrepris un nou-
veau voyage en 1898. Il était accompagné des capitai-
nes Quicke, Stevensen, Hamilton et Alexander, celui-ci
s'occupant plus spécialement d'’ornithologie, et de
MM. L. C. Weller et Muller. Ce dernier mourut de dysen-
terie en cours de route. Organisée sous les auspices du
Gouvernement britannique et de la Société de Géogra-
phie de Londres, l'expédition était munie de chaloupes
ét de chalands en aluminium démontables, et tout avait
été prévu pour qu'elle -pût se dédoubler en deux
expéditions distinctes, chaque fois qu'il paraïîtrait utile
de le faire.
Parti du Cap, le major Gibbons arriva en août 1898 à
Hété, sur le territoire portugais, et, de là, il remonta le
Zambèze. Il éprouva de grandes diflicu tés à cause des
nombreux rapides qui gênent le cours du fleuve. Le
transport des vapeurs et des marchandises au delà des
chutes de Kébrabasa, sur une distance de 65 milles, fut
particulièrement pénible, et il fallut employer 537 por-
teurs. Ce fut à Chikoa que M. Gibbons réumt les pièces
démontées de son steamer pour remonter le fleuve ;
mais, en raison de l'impétuosité du courant, on dut
“lüire plusieurs voyages pour transporter toutes les
_ charges.
…_ Le major Gibbons dressa la carte du fleuve et releva
mheaucoup d'inexactitudes, surtout en ce qui concerne
les rapides ; ceux-ci sont beaucoup plus nombreux
quon ne l'avait cru. Le voyageur donna le nom de
gorge Livinsstone à celle qui est située près de Zoumbo
et qui est l’une des plus pittoresques du Zambèze. La
“navigation cesse aux rapides de Molélé, à environ
20 milles en aval du confluent de la Gouay, qui descend
“de Boulouwayo. On rencontre encore un grand nombre
‘de rapides jusqu’à 40 milles en amount des chutes Vic-
toria. Après avoir franchi 90 rapides sur une distance
de 20 milles, le major Gibbons renonca à aller plus loin.
Je 10 mars 1899, il était à Kazoungoula, au confluent
du Kouando, près de la frontière allemande; de là, il
se dirigea vers Séchéké et Lialoui.
— L'expédition entreprit alors l'exploration des affluents
“de droite du haut Zambèze. Le capitaine Quicke
remonta le Kouando jusqu'à sa source, puis, se portant
“ers le nord, gagna le Loungoueboungou, dont la vallée,
“comme celle des autres cours d'eau de la région, est
Jimitée par des ondulations de sable qui s'abaissent
“dans la direction du Zambèze.
… Le major Gibbons constata que le Kouilo, qui coule
à l'ourst du Kouando, et qui fut jadis traversé par
rito Capello et Roberto Ivens, doit être reporté plus à
louest que ne l’indiquent les cartes. Celte rivière se
jetie dans l'Okavango, qui, en aval du confluent, croise
lusieurs fois le 18° lat. S., puis coule vers le sud-est
dans une plaine marécageuse sans décrire les sinuosités
que marquent certaines cartes. Un bras fluvial, qui
porte le nom de Mag’ouekouana, unit l'Okavango au
Kouando ou fleuve de Linyanti. En suivant ce chenal
vers le Kouando, M. Gibbons fut frappé de sa largeur et
il en conclut qu'il a dù être autrefois le véritable lit de
lOkavango, lequ 1 aurait alors appartenu au système
ydrographique du Zambèze.
« De Lialoui, le major Gibbons poursuivit l'exploration
‘du Zambèze supérieur. 11 remonta le fleuve en canot
jusqu'à Nana-Kandoundou, à l’est du lac Dilolo, puis il
_Suivit la voie de terre.
La découverte la plus intéressante de la Mission, au
point de vue géographique, fut celle des sources du
lambèze. 11 fut reconnu que leur emplacement doit être
reporté à environ 160 kilomètres au nord-ouest de
endroit qu'on lui assigne ordinairement; elles sont
Situées dans une région ondulée plutôt que monta-
gueuse, à 1.500 mètres d'altitude environ.
Au point de vue ethnographique, il faut signaler la
rencontre dans le Barotsé d'une tribu fort curieuse de
Boschimans. Ces indigènes ont la péau très claire et les
lèvres rentrantes; ils sont d'assez petite taille. Ils sont
armés d’arcs et deflèches, et ne possèdent pas d’habita-
lion ; ils dorment en quelqueendroit qu'ils se trouvent.
le
4
Leur costume consiste simplement en une peau de chat
qui leur peud à la ceinture.
La caravane du major Gibbons faisait route vers la
Loufira, le fleuve du Katanga, quand, le 145 novem-
bre 1899, à Moumbeshe, à trois jours à l’ouest du Loua-
laba, dans lequel se jette la Loufira, elle trouva la Mis-
sion scientifique du Katanga, à la tête de laquelle était
lé capitaine Lemaire, et elle se joignit à celle-ci. Les
deux voyageurs reconnurent ensemble la ligne de par-
age entre le bassin du Zambeze et celui du Congo, et
ils ne se séparèrent qu à Loukafou, dans le Katanga.
Le major Gibbons poursuivit sa route par Mpouelo,
au nord du lac Moéro. De là, il passa sur le Tanganyika
qu'il remonta en steamer jusqu’au poste congolais de
Ouvira, à l'extrémité septentrionale, Puis, par la vallée
du Roussisi, l'explorateur arriva au lac Kivou. Il tra-
versa le massif volcanique qui s'étend jusqu'au lac
Albert-Edouard et, après avoir atteint les rives de ce
lac, il pénétra dans l'Ouganda, Le 3 mai 1900, il arriva
à Afouddi, sur le Nil.blanc, en face de Doufile. Enfin,
au poste belge de Kéré, sur le Nil, il trouva un bateau
à vapeur qui le conduisit au Caire.
Le capitaine belge Charles Lemaire, qui avait été
chargé de reconnaître la partie sud-est des territoires
de l'Etat indépendant du Congo, et dont le major Gib-
bons’a fait la rencontre, a rapporté lui aussi de son
voyage un cerlain nombre d'observations géographi-
ques importantes.
Partie d'Europe le 12 avril 1898, l'expédition compre-
nait, outre son chef, MM. Quemper-Voss et de Windt,
géologues; Michel, sous-intendant; Dardenne, peintre-
dessinateur; Questiaux, prospecteur; de Harinck, chef
d’escorte, et un anglais, M. Caysney; elle avait un im-
portant bagage d'instruments scientifiques et deux piro-
gues démontables en aluminium.
L'expédition, qui avait laissé Chindé, à l'embouchure
du Zambèze, au mois de juin 1898, atteignit, le 30 juil-
let, le lac Tanganyika par le Chiré et le lac Nyassa.
Elle eut à déplorer la mort de deux de ses membres,
MM. de Windt et Caysney, qui se noyèrent dans le
Tanganyika, au cours d’une tempête, dans la nuit du 9
au 10 août.
La Mission Lemaire a déterminé d'une façon précise
la position du lac Moéro. Des observations faites anté-
rieurement sur la rive septentrionale de cette nappe
avaient déjà établi que Mpoueto est à 8° 28° 32” lat. S.
et 280 52° 22” long. E. de Gr., à une altitude de 950 mè-
tes, soil au niveau même du lac. M. Lemaire à fait, à
son tour, au village de Kabeca, situé sur la rive méri-
dionale et à quelques mètres au-dessus du Moéro, des
observations qui ont donné comme résultats : latitude,
90 23 21” S., et longitude, 28° 21° 46” E. de Gr.
L'une des questions les plus importantes qui aient été
élucidées par la Mission Lemaire est celle des sources
du Congo. On sait que les géographes ne sont pas d'ac-
cord sur la détermination du cours d'eau qu'il convient
de regarder comme la branche initiale de ce grand fleuve.
Ées explorations du D: Reichard, en 1883-1884, el
celles de Capello et Ivens, en 1884-1885, avaient fait
admettre que le Loualaba, coulant près de Kibouri,
dans le Katanga, et ayant sa source vers 12°30' de lat.S.,
devait être considéré comme la branche maitresse du
grand fleuve africain. Mais les Anglais ont générale-
ment admis, et cette opinion est maintenue par eux
sur leurs cartes les plus récentes, que la source du
Congo doit être cherchée dans le cours d’eau qui, sous
le nom de Tchozi. puis de Tchambézi, a son origine
par environ 9 de lat. S. et 30° de long. E. de Paris, dans
le plateau qui sépare les lacs Nyassa et Tanganyika; ce
cours d’eau est celui qui devient le Louapoula après avoir
traversé le lac Bangouelo. :
Enfin, d'après une troisième théorie, il faut voir la
source du Congo dans celle du Louboudi, qui est la
branche occidentale du Loualaba. Cette opinion, qui à
été proposée, en 1894, par M. Wauters, dans le Mouve-
ment geographique de Bruxelles, est celle qui répond le
mieux aux données géographiques et géologiques les
CHRONIQUE ET CORRESPONDANCE
plus récentes. Le Congo, d’après lui, c'estle Louboudi,
de Francqui et Cornet, continué par le Kamolondo, de
Brasseur, venant s'embrancher sur le Louapoula, de
Eivingstone.
M. Lemaire, après avoir exploré et étudié les cours
d’eau du Katanga, s’est entièrement rangé à la manière
de voir de M. Wautrs et a reconnu dans le Louboudi
le cours principal du Congo, mais en reportant la
source du fleuve à une branche de ce cours d’eau
appelée Kouléchi. M. Lemare a constaté qu'en effet,
des trois branches qui forment le Louboudi, à savoir le
Louboudi, la Kouléchi et le Loug-nda, la seconde pos-
sède un débit qui est au moins double de celui du Lou-
boudi.
Nous devons aussi à la Mission Lemaire des rensei-
gnements très précis sur la ligne de faite Congo-Zam-
bèze. Jusqu'à ce jour, on s’était généralement imaginé
que cette ligne était constituée par une région maréca-
geuse servant à la fois de réservoir aux affluents du
Congo et à ceux du Zambèze. Tout au contraire,
M. Lemaire a pu constater que le partage des eaux ne
présente nulle part ce caractère d’indécision dont ont
parlé les voyageurs; s’il n'y à pas un relief monta-
gneux sensible entre les deux bassins, partout M. Le-
maire, comme d'ailleurs le major Gibbons, a reconnu
l'existence d'une frontière très nette. La séparation des
eaux est marquée par une plaine sablonueuse, parse-
mée de maigres bouquets de bois, principalement de
palmiers nains, qui alternent avec des parties nues
d'où surgissent quelques roches, plus généralement
d'origine éruptive que sédimentaire ou métamorphi-
que.
Quant au lac Dilolo qui, d'après Livingstone, se serait
déversé en partie dans le bassin du Congo par le Kassai,
en partie dans celui du Zambèze par la Lotemboué
méridionale et la Liba, il ne serait, d’après M. Lemaire,
qu'un grand étang sans communication avec le Kassai.
Aux très fortes pluies, il semble bien déborder vers la
rivière Lotemboué, mais au moment où l’a vu le capi-
taine Lemaire, il était comp'ètementisolé, et sans com-
municalion avec le Zambèze.
Parmi les autres résultats scientifiques de la mission
Lemaire, il faut ajouter que M. Quemper-Voss a fait, au
cours de ce voyage, d'importantes études géologiques.
En ce qui concerne les prétendues richesses minières du
Katanga, elles ont été très exagérées; la mission a
trouvé seulement un peu de cuivre et, sur la ligne de
faîte Congo-Zambèze, beaucoup de limonite et parfois
de l'hématite, mais elle n’a nulle part rencontré de mé-
taux précieux. Sur les bords du Louboudi, elle a reconnu
des traces de stations préhistoriques.
- Gustave Regelsperger.
La Consommation du thé et du café dans
quelques pays. — Le tableau ci-dessous donne les
chiffres de consommation de thé et de café pour un
certain nombre de pays, par année et par tête d'habi-
tant:
Pour le thé :
188% 1898
Angleterre 0k220 2k647
Russie . 0,304 0,340
Allemagne 0,031 0,050
Hollaude . 0,410 0,625
Brancet etre 0,013 0,022
Etats-Unis... 0,490 0,432
Comme on le voit, c'est en Angleterre que le thé est
consommé en plus grande quantité. Gette denrée jouit
dans les colonies anglaises de la même faveur que dans
la métropole, car, pour l’année 1899, la consommation
s’estélevée, par tête d'habitant, à 3 kil. 330 pour lAus-
tralie et à 2 kil. 125 pour le Canada (année finissant le
30 juin).
Au contraire, la consommation de thé est très res-
treinte en Allemagne et surtout en France.
En ce qui concerne le café nous trouvons les chiffres
suivants : P
1884 1899
Angleterre . . . . . . . Ok405 0Kk324
RUSSIC LUN NE PS M OAONEE, 0,063
Allemagne 2,316 2,754
France . Te NN PES AENTS 2,079
Ttalress 30e SN PAONSSS 0,441
Autriche-Hongrie . . . . 0,904 0,918
États Uni NM ET Mb 4,741
Si l'Angleterre consomme une grande quantité dethé
on voit qu'en revanche la consommation du café est
très restreinte, tandis qu'elle est très élevée et qu'elle
s'accroît d'année en année en Allemagne, en France ef
surtout aux Etats-Unis. H. L.
S 8. — Langue scientifique
Délégation pour ladoption d’une langue
auxiliaire internationale. — MM. le comman
dant Cugnin, C.-A. Laisant, répétiteur à l'Ecole Poly
technique, Ch. Limousin, André Lalande, docteur es
lettres, L. Couturat, chargé de Cours à l'Université de
Toulouse, et L. Leau, docteur ès sciences, délégués par
divers Congrès ou Sociétés pour étudier la question
d'une Langue auxiliaire internationale, sont tombés
d'accord sur les poiuts suivants :
1° 11 y a lieu de faire le choix et de répandre l'usage
d’une Langue auxiliaire internationale, destinée non
pas à remplacer dans la vie individuelle de chaque
peuple les idiomes nationaux, mais à servir aux rela
tions écrites et orales entre persounes de langues
maternelles différentes ; {
20 Une Langue auxiliaire internationale doit, po
remplir utilement son rôle, satisfaire aux conditions
suivantes : |
{re condition. — Etre capable de servir aux relations
habituelles de la vie sociale, aux échanges commerciaux
et aux rapports scientifiques et philosophiques ;
2me condition. — Etre d’une acquisition aisée pout
toute personne d'instruction élémentaire moyenre, el
spécialement pour les personnes de civilisation euro:
péenne;
3ne condition. — Ne pas être l'une des langues natio
pales.
3° IL convient d'organiser une Délégation générale
représentant l'ensemble des personnes qui comprennen
la nécessité ainsi que la possibilité d’une langue aux
liaire, et sont intéressées à son emploi. Cette Délégation
nommera un Comité composé de membres pouvant
être réunis pendant un certain laps de temps.
Le rôle de ce Comité est fixé aux articles suivants.
4° Le choix de la Langue auxiliaire appartient d’abord
à l'Union internationale des Acadéimnies, puis, en cas
d'insuccès, au Comité prévu à l'article 3;
5° En conséquence, le Comité aura pour première
mission de faire présenter, dans les formes requises}
à l'Union internationale des Académies, les vœux émis
par les Sociétés et Congrès adhérents, et de l'inviter
respectueusement à réaliser le projet d'une Langue
auxiliaire ;
6° Il appartiendra au Comité de créer une Société de
propagande destinée à répandre l'usage de la Langue
auxiliaire qui aura été choisie ; É
7° Les soussignés, actuellement délégués par divers
Congrès et Sociétés, décident de faire des démarches
auprès de loutes les Sociétés savantes, commerciales
et de touristes, pour obtenir leur adhésion au présent
projet ; |
8° Seront admis à faire partie de la Délégation Jes
représentants de Sociétés régulièrement constituées
qui auront adhéré à la présente Déclaration ‘. 6
! S'adresser pour renseignements ou adhésion, à M. L. Leaus
54, rue Saint-Placide, Paris. ; «
PREMIÈRE PARTIE
Parmi les nouveaulés qui ont figuré à l’Exposi-
“tion de 1900, dans le domaine de l'Industrie chi-
«mique, il ny en à pas de plus instruclive que
celle qui fera l'objet de cet exposé. La fabrication
“industrielle de l’indigo, en partant du goudron de
houille, est en effet intéressante, et par les pro-
_blèmes d'ordre économique qu'elle soulève, et par
| les réflexions qu’elle suggère.
Atrente ans environ de distance, c'est la même
lutte qui se renouvelle entre l'Industrie, fécondée
t inspirée par la Science, et l'Agriculture, s’immo-
dilisant dans ses mélhodes séculaires, parce
u’elles étaient rémunératrices et qu’elles n'’exi-
eaient qu'un minimum d'efforts. Mais si, dans la
Jutte présente, nous nous trouvons encore en face
dumêème champion qui a su mettre en valeur la
Mssnchèse de l’alizarine de MM. Graebe et Lieber-
“mann, et a en quelque sorte consommé la ruine de
certains de nos départements agricoles, jadis les
L plus florissants, ceux qui produisaient la garance,
_ l'agriculture de notre pays n’est pas en cause pour
be moment. C’est à peine si quelques-unes de nos
“colonies peuvent, en effet, être légèrementatteintes
par le conflit. Ce sont les producteurs des Indes
“anglaises, de Java, du Guatemala, etc., qui sont
“principalement menacés. Des deux côtés les parties
Bu: pris position et, si par le bas prix du sol, le
bon marché de la main d'œuvre et la simplicité des
“opérations, les producteurs d'indigo se trouvent
ranciers, il ne faut pas se dissimuler qu'ils ont en
“iace d'eux un concurrent redoutable, qui dispose
concurrent, que ses succès industriels ont, à juste
litre, encouragé, voire même enhardi, pourrait
1
nécessaire à l’élaboralion de son procédé pouvait
“lui être livrée en quantités suffisantes et dans des
pa à ajouter que si ces conditions se réalisaient,
met si, d'autre part, les rendements des opérations
Avant d'aborder l'étude des divers procédés de
Synthèse qui successivement sont entrés dans le
court historique de l'indigo naturel, des plantes
qui le produisent, de leur mode de traitement, des
“ion et pendant le battage, et enfin du prix de
revient de la matière colorante.
ns
EE
dans une situation plus favorable que jadis les ga-
de moyens intellectuels et matériels puissants. À ce
bien s'en ajouter un autre, si la matière première
“onditions avantageuses. Nous n’hésitons même
a ugmentaient, la victoire reviendrait à ce dernier.
# de l'application, nous allons faire un
réactions qui se passent dans les cuves d’extrac-
PRODUCTION DE
A. HALLER — L'INDIGO NATUREL ET L'INDIGO ARTIFICIEL 259
L'INDIGO NATUREL ET L'INDIGO ARTIFICIEL
L'INDIGO NATUREL
‘1. — PRÉPARATION DE L'INDIGO NATUREL.
Depuis l'introduction, sur le marché, de l'indigo
synthétique, les producteurs d'indigo naturel se
sont avec raison préoccupés de l'avenir de la culture
de la plante qui le fournit. Les Gouvernements de
la Grande-Bretagne et de la Hollande, directement
atteints dans leurs colonies, ont cherché un remède
au nouvel état de choses, et ont saisi les hommes
de science de la question. Il en résulte que, depuis
quelque temps, on a étudié de plus près cette cul-
ture, et on a surtout cherché à améliorer les pro-
cédés d'extraction, de façon à augmenter le ren-
dément en matière lincloriale. Tous ces essais ont
fait l'objet de communications, de conférences et
de monographies, parmi lesquelles nous citerons en
première ligne une conférence due à M. Rawson,
et insérée dans le journal de la Société des Arts de
Londres, une autre conférence faite par M. Nœælting
à la Société industrielle de Mulhouse, et enfin celles
de M. Baeyer et de M. Brunck publiées dans le Bulle-
tin de la Société chimique de Berlin. Nous avons,
d'autre part, recu des renseignements précieux
de quelques-uns de nos colons de la Martinique et
du Tonkin, de telle sorte que nous pouvons à l'heure
présente déjà nous faire une idée approchée des
chances qui restent au produit naturel, et savoir
quelles conditions de prix doit remplir l'indigo ar-
tificiel pour être en mesure de supplanter son rival
$ 1. — Historique.
Il semble que l'emploi de l’indigo comme matière
tinctoriale date de la plus haute antiquiié. On a
découvert que des tissus bleus, trouvés sur des
momies égyptiennes vieilles d'environ cinq mille
ans, avaient été -teints à l'indigo. Dioscorides en
fait déjà mention, et Pline en donne la description
sous le nom d’indicum, et relale qu'il fut importé
des Indes en Europe ; mais il paraît ne pas avoir
connu ni son origine, ni sa composition. Dans plu-
sieurs écrits anciens, le nom Vila a été employé
pour désigner l’indigo et la plante dont il dérive.
Avant le xvi° siècle, on employait très peu d'indigo
en Europe, et, durant de nombreuses années, la
consommation en était plutôt minime, par suite de
l'opposition des cultivateurs de pastel qui, en An-
gleterre, en France et en Allemagne, incitèrent les
1 La plupart des données concernant la culture et le trai-
tement des plantes à indigo sont empruntées à la confé-
reuce remarquable de M. Rawson.
256 A.
HALLER — L'INDIGO NATUREL ET L'INDIGO ARTIFICIEL
pouvoirs publics à en proscrire l'emploi. Les culti-
vateurs de pastel prétendaient que l'indigo était
non seulement une teinture peu solide, mais que
c'était une drogue corrosive et pernicieuse: en
réalité, ils craignaient que l'importation de l' indigo
ne consommäl la ruine de leur industrie.
En France, la loi était si sévère que Henri IV fit
publier un édit condamnant à la peine de mort
quiconque emploierait cette drogue pernicieuse,
üppelée nourriture du diable.
L
$ 2. — Origine.
L'indigo ne croit que sous les tropiques; les
principaux lieux de production sont les Indes, et
tout spécialement le Bengale, l'Oudhe, Madras.
On le fabrique aussi à Java, Manille, en Chine, au
Japon, au Tonkin, au Cambodge, dans l'Amérique
centrale (Guatemala, Mexique, Salvador), ainsi que
dans certaines parties de l'Afrique. La plupart de
ces pays ont tenu à montrer leurs produits à
l'Exposition de 4900.
Les principales plantes d’où l’on retire l’indigo
sont : l’/ndigofera tinctoria, V'Indigofera anil, V In-
digofera disperma et l'Indigofera argentea. W y a
encore de nombreusés variétés de moindre impor-
tance.
D'autres plantes que celles de l'espèce Zndigofera
fournissent aussi de l'indigo, mais dans une pro-
portion relativement moindre. Il en est ainsi de la
Weightia tincloria (Madras), du S/robilanthes dlac-
cidifolius (Assam), du Tephrosia loxicaria (Bom-
bay), du Polygonum linctorium (Chine et Russie),
du Zonchocarpus cyanescens (côte occidentale de
l'Afrique), et de FZsa/is tinctoria (Chine, Afghanis-
tan, elc.). À
L'Isatis linctoria ou pastel, très répandu jadis en
Europe, n’est plus guère cultivé que dans le Lin-
colnshire, et, sur le continent, dans le sud de la
France, la Hongrie, etc.; mais on ne l’emploie plus
isolément pour la teinture.
$S 3. — Culture.
De toutes 'les plantesque nous venons de citer,
la plus répandue est, sans contredit, l’Zndigofera
lincloria, qui seule est cultivée au Bengale. Avant
de semer la graine, la terre est soumise à une pré-
paralion assez laborieuse. En octobre, dès qué la
saison manufacturière est terminée, la terre est
défoncée au moyen d'une grande houe, après quoi
elle recoit un labour par la charrue. Dans le but de
casser les motles et de l’adoucir, on promène sur
la lerre soit une pièce de bois de cinq à huit pieds
de long et ayant un côté plat, soit un rouleau très
lourd. On laboure la terre encore trois ou quatre
fois, et finalement les peliles mottes de terre sont
finement pulvérisées par des femmes et des enfants,
qui emploient à cet effet des baguettes courtes mais:
solides. La graine est semée au moyen d'un semoi”
vers la fin de février ou au commencement de mars
Elle lève au bout de quatre à cinq jours et, ver
le milieu de juin, époque à laquelle la saison ma
nufacturière commence habituellement, la plante &
atteint la hauteur de trois à cinq pieds, avec uné
tige ayant environ un quart de pouce de diamètre
La récolte de l'indigo est des plus précaires:
L’abondance de pluies, comme leur rareté, sonb
également nuisibles. Quand la saison n'est pas
favorable, il arrive que l’on soit obligé de seme
trois fois et même quatre fois. Outre les fluctua=
lions du temps, trop grande humidité ou trop
grande séclieresse, la destruclion de la plante
peut encore se produire du fait de petites pu
naises, de chenilles et même de certaines fourmis
blanches.
La feuille de l'indigo est d’une couleur vert
jaunâtre et rien n'indique qu'elle contient une
matière colorante bleue.
Le rendement de l'indigo à l'acre
varie considérablement.
Le rendement d'une récolte de bonne moyenne
peut être évalué de 50 à 60 quintaux (2.500 à
3.000 kilos) à l’acre. En prenant pour base d8
chiffre le plus faible, on trouve qu'une récolte
d'indigo enlève à l'acre 53 kil. 500 de matière
minérale, dont 4 kilos d'acide phosphorique el
12 kg. 450 de potasse. L'azote y figure en outre pour
17 kilos; mais, comme l’indigo est une plante de
la famille des Légumineuses, il est probable qu'une
partie de cet azote est fournie par l'atmosphère
La plante épuisée, ainsi que celle de rebut, sont
peu de chose près les seuls engrais utilisés aux
Indes. Cette dernière constitue même un engrai
supérieur, car elle contient tout ce qui est néces:
saire aux besoins d'une nouvelle récolte.
Aux Indes, il semble que la culture de l'indigo
constitue une monoculture; mais, ainsi que le fait
observer un de nos producteurs les plus avisés dé
la Martinique, on peut aussi l’envisager comme
plante d'assolement productrice d'engrais. Dans
ce dernier cas, elle. permettrait la régénération des
terres épuisées par une trop longue monoculture
de la canne à sucre. M. Thierry a fait, à ce sujet,
des expériences pratiques établissant que non seu
lement la culture de l'indigo restait lucrative, mais
améliorait le terrain à tel point que les cannes
sucre, cultivées après un tel assolement, donnaient
un rendement presque double du rendement moyen
normal, sans augmentation de dépenses.
Et M. Thierry ajoute : Par l’indigo, ce serait l&
culture perfectionnée qu'on pourrait appliquer dans
les contrées ruinées par la monoculture de la canne
à sucre.
(4.046 m°
A. HALLER — L'INDIGO NATUREL
ET L'INDIGO ARTIFICIEL 951
II — FABRICATION DE L'INDIGO.
Elle comprend les opérations suivantes
1° Coupe de la plante;
2% Chargement des cuves et extraction;
3° Battage ;
4° Ebullition et filtrage;
5° Compression et coupage ;
6° Séchage.
$ 1. — Récolte de la plante.
.» à
“ Elle commence ordinairement au milieu de juin.
Après la première coupe, la plante donne de
nouvelles feuilles et après deux ou trois mois, on
procède à la deuxième récolte. À Béhar, où la fa-
brication est presque exclusivement dirigée par
“des Européens, la première récolte, qui est consi-
“érée comme la principale, est appelée Morhan
et la seconde Xhoontie.
Î Au Cambodge, en Cochinchine, au Tonkin et en
Chine, il semble au contraire que l’exploilation se
psse exclusivement par les indigènes, et on consi-
dère la seconde coupe comme supérieure à la pre-
hi:
Les indigos qu'on prépare dans ces contrées
D d'ailleurs inférieurs à ceux des Indes, en
raison même du traitement primitif auquel on les
_ Soumet.
— À Béhar, les travaux qu'exige une exploilation
-d'indigo sont généralement divisés en un certain
nombre de factoreries, de 2 jusqu'à 10 ou 12, sui-
ant l'étendue de Me pioaton FER Éree
ù On trouvera, dans la figure 1, extraite de la
_ de M. Rawson, le plan général d'une
ctorerie d'indigo de petite importance.
Celle factorerie possède six cuves à extraction C
t deux cuves à battage E H. Les premières sont
Dre à un niveau plus élevé que les dernières.
D cure des cuves à extraction à une capacité
lun peu plus de 1.000 pieds cubes. Les dimen-
Es actuelles sont 18 pieds sur 16, par 3 pieds
1 de profondeur, la profondeur étant mesu-
Jée à partir des poutres transversales et non du
sommet de la cuve. Chaque cuve à battage s'étend
Sur toute la longueur des six cuves à extraction et
à comme largeur 13 pieds 6 pouces; au milieu de
chaque cuve à battage et sur toute sa longueur, à
l'exception d'un espace ménagé à chaque extré-
Mmilé, s'élève une paroi de 3 pieds de hauteur qui
là partage en deux parties, tout en permettant au
liquide de cireuler lorsque la roue à battage est
mise en mouvement. Les cuves sont construites en
RE Un
| “ Renseignements particuliers.
briques et sont doublées en ciment de Portland.
La roue à battage E est constituée par un arbre
de couche armé de trois rangées de rayons, et ces
rayons, au nombre de 6 dans chaque rangée, sont
pourvus, à leur extrémité, de lames qui, en tour-
nant, frappent le liquide, et le font circuler conti-
nuellement.
Les cuves sont habituellement librement expo-
sées à l'air, bien que dans certains cas elles soient
couvertes.
Bien entendu les dimensions, la forme, le nom-
bre de ces cuves peuvent varier d'un endroit à un
autre. Autrefois le liquide était ballu à la main et
l'est encore d’une manière générale à Madras, dans
quelques provinces du Nord-Ouest, et certaine-
ment aussi au Cambodge, au Tonkin et en Chine.
Le matériel d’exploilation d’une usine, à part
les euyes, comprend un générateur ainsi qu'une
machine à vapeur I, des pompes J, des cuves à faire
bouillir M, des filtres K, des presses L, un séchoir et
divers ateliers. Le séchoir et les ateliers ne figurent
pas sur le plan.
S2. — Chargement des cuves à extraction.
La première opéralion consiste à nettoyer à fond
les cuves, et ce travail est fait soigneusement
chaque jour. L'indigo est ensuite empilé dans les
récipients, les tiges étant placées plus ou moins ver-
licalement, de facon à permettre à l'air de s'échap-
per.plus librement et au liquide, après l'extraction,
de s'écouler aussi complètement que possible.
La quantité de plante fraiche que reçoit une
cuve de 4.000 pieds cubes, varie de 5.000 à 4.800
kilos. Après l'avoir chargée, on place au sommet
de la cuve, et en travers, un certain nombre de
pièces de bambou qui sont reliées entre elles et
maintenues dans leur position par trois ou quatre
fortes pièces de bois, elles-mêmes fixées par des
chevilles en fer à des montants disposés sur les
côtés du récipient.
On introduit ensuite l'eau dans la cuve jusqu'à
ce que son niveau atteigne, à quelques pouces
près, les poutres placées au sommet. Si on la rem-
plissait complètement, le liquide finirait par débor-
der, car la plante subit un gonflement considérable
pendant la macéralion.
Il est indispensable d'avoir de l’eau en abon-
dance et de bonne qualité; car de la qualité de
l'eau dépend beaucoup la réussite de l'opération.
L'eau de rivière, de lac et l’eau de pluie sont les
principales sources d’approvisionnement. Les eaux
chargées de matières organiques donnent de mau-
vais résultats, tant au point de vue du rendement,
que de la qualité de l'indigo.
La durée de l'opération de l'extraction est de
neuf à quatorze heures, suivant la température et
258
A. HALLER — L'INDIGO NATUREL ET L'INDIGO ARTIFICIEL
les autres conditions climatériques. L'eau n'agil
pas immédiatement sur la plante, et durant une
heure ou deux il ne se produit aucune réaction.
Silôt que l’eau pénètre la feuille, l'extraction du
principe colorant se fait rapidement. Ce principe
colorant est, en effet, très soluble dans l’eau. Après
deux ou trois heures, le niveau du liquide s'élève
dans la cuve, des bulles gazeuses montent à la sur-
face, laquelle se couvre bientôt d’une épaisse
écume. Il se produit un fort dégagement d'acide
carbonique et ultérieurement du méthane et de
du vert au bleu indigo sombre. Afin de s'assurer SM
le battage est suffisant, on prélève une petite quan:
tité du liquide et on le verse sur une assiette blan-
che. Si le précipité se dépose rapidement, laissant
terminé, et la roue est arrêtée.
On ajoute parfois un peu de chaux à la solution
à examiner ou, ce qui vaut mieux encore, on sa
ture du papier fil
avec le liquide
on le soumet au
l'hydrogène.
Après une cer- Elévation
: de — = —,—
taine période de fe —
fermentation, le li-
quide s’affaisse, ce
Niveau
lo vapeurs d'ammo
LÉLLLLLLL LS LIL LS TÉL
qui indique aux
surveillants, avec
Nu soD.
certitude, que la
plante est suffisam-
l'opération du bat
lage n’est pas com
ment infusée. Une
plète.
Un autre mode
vanne de décharge D
étant alors ouverte,
le liquide s'écoule
d'oxydation con:
dans la cuve de
battage.
La feuille qui,
avant l'extraction,
était d'une couleur
jaunâtre, est main-
tenant d'un vert
bleuàtre et semble
de ce chef contenir
plus d'indigo que la
plante à l’état pri-
mitif. Il n’en est
cependant rien, car
on ne trouve aucun
avantage à faire une
seconde extraction.
Après l’écoule-
ment de l'eau, la
plante, dont la température s'élève rapidement,
est entassée au dehors pour servir d'engrais par la
suite, et les cuves sont de nouveau préparées en
vue d'une opération.
Plan
Fig. 1.
$ 3. — Battage.
Le liquide provenant de la euve à extraction a
une couleur qui varie de l’orangé vif au vert olive,
et possède une fluorescence particulière. Lorsque
toutes les cuves sont déchargées, la roue est peu à
peu mise en mouvement, pour atteindre graduelle-
ment un maximum de tours. Dans des conditions
normales, l'opération du battage dure de deux à
trois heures, bien que, dans certains cas, elle puisse
— Plan d'une factorerie d'indigo de petite importance. —
GC, cuves à extraction; D, vannes de décharge: E, roues de battage;
F, manchon de raccord; G, tuyaux de conduite pour la 2° cuve de
battage; H, écoulement des cuves; 1, moteur à vapeur; J, pompe;
K, tables; L, presses; M, chaudières à ébullition; N, charbon.
is paraît donner de
très bons résullats:
Après le battage;
on laisse dépose
l'indigo, ce quiexige
deux ou trois heus
res, après quoi ON
fait évacuer le li
quide surnageant,
soit par la surface
au moyen de puis
soirs, soit en enle-
vant des bouchons
en bois disposés au:
bas côtés de la
cuve.
Le fond de la cuve est incliné vers l’un des
angles, où se rassemble l'indigo précipité, qui es
passé à travers un ou deux tamis d’où il coule d
une citerne. De là on le fait passer dans un grand
réservoir rectangulaire en fer. Dans son passage de
la eiterne au réservoir à ébullition M, l’indigo est
à nouveau tamisé deux fois, pour éviter qu'il con:
tienne des débris de plantes et de terre.
ÿ
4. — Ebullition et filtrage.
Le liquide contenant de l'indigo en suspension
(jusqu'à 5 °/,) a ordinairement, lorsqu'il est élex
par une pompe à vapeur, une température de 6
66° C. On le porte à une température de 85 à 100%
qu'on maintient pendant un quart d'heure ou une
demi-heure. Cette opération a pour but :
4° D'empêcher la putréfaction du liquide, décom-
posilion qui ne manquerait pas de se produire,
étant donné le climat de l'Inde.
29 De dissoudre une partie des malières brunes
qui ont élé précipitées avec la « fécule » d’indigo,
et obtenir ainsi une plus belle qualité.
3° De permettre aux particules de la matière co-
Jorante de se déposer plus promptement et par
uite de faciliter une évacuation plus rapide du
quide inutilisable.
L'indigo une fois déposé, on décante le liquide
“clair surnageant et on fait passer le colorant à tra-
vers des tamis sur un grand filtre appelé « table ».
Le plan nous montre deux tables K ayant chacune
8 pieds de longueur et 7 pieds de largeur. Ces
ables sont recouvertes de lattes étroites ef paral-
“lèles assujetties sur un cadre solide en bois, dont
s côtés, ayant environ 18 pouces de hauteur,
sont en pente à l'extérieur. Latable, en . dans une
le Ride est bleu; on ae de nouveau sur le
F. ltre au moyen d'une pompe, jusqu'à ce qu'il soil
“parfailement clair; il est alors couleur de vin de
Xérès. Quand le liquide est complètement égoulté,
ue, recueille la masse pulpeuse qui, dans cet état,
Li enferme de 8 à 12°/, d'indigotine prête à être
pressée.
$ 5. — Compression et coupage.
h La presse L est composée d'une très forte boite
L ectangulaire dont tous les côtés ont de très nom-
breuses perforalions, et qui est convenablement
garnie de deux épaisseurs de drap fort et d’un tissu
lé serré. Elle est placée au-dessous de vis puissantes
Que l'on fait tourner au moyen de longs leviers.
On introduit dans la caisse un volume de pâte
calculé de facon à obtenir, une fois pressé, un pain
\ prent de trois à trois pouces un quart d'épaisseur,
et on soumet la masse à une pression lente et
LA
graduelle.
… Quand il ne s'écoule plus de liquide, on desserre
progressivement les: vis, on relire le pain qui ren-
ferme environ 70 °/, d’eau et, à l’aide d’un fil de
cuivre, on le conpe en Morceaux cubiques d'environ
trois penses à à trois pouces et demi de côté.
È $ 6. — Séchage.
— Cette opération se fait dans une construction
“levée et bien aérée, pourvue de rayons en bambou
léger ou en toile métallique espacés d'un pied, sur
lesquels les cubes sont placés. Le séchage dure
environ deux ou trois mois, et s'opère très lente-
A. HALLER — L'INDIGO NATUREL ET L'INDIGO ARTIFICIEL 259
ment, l'air étant très humide à cette époque de
l'année. Pendant le séchage, il se produit un fort
dégagementd'ammoniaque, etles pains se couvrent
d’une épaisse végétalion cryplogamique qu'on en-
lève au moyen de brosses avant de les emballer.
III. — GENÈSE DE L'INDIGO.
$S 1. — Indican.
M. Schunck * fut le premier qui attribua la for-
mation de la matière colorante, dans les plantes à
indigo, à un principe particulier ef amorphe, auquel
il donna le nom d’indican. N assigna à celui retiré
de l'Zsatis tinctoria la formule C?H"Az0".
En 1887, M. Alvarez”, étudiant les microbes dépo-
sés sur les feuilles d’Zndigofera, en découvrit un
(Bacillus indigogenus), appartenant au groupe des
bacilles capsulés, qui, ensemencé, à l'état de cul-
turé, dans une décoction stérile de feuilles d'Zndi-
gofera, détermine la formation d’indigo. Dans cette
fermentation, il yaurait deux actes successifs : l’un,
microbien, qui aboutit à la genèse de l'indigo blanc ;
l’autre chimique, qui consiste dans la transforma-
lion de l'indigo blanc en indigo bleu par oxydation.
Dès 1893 *, MM. C. I. v. Lookeren-Campagne et
van der Veen ont admis que le dédoublement de
l’indican lévogyre, en glucose dextrogyre et en un
corps qu'ils regardentcomme de l'indigo blanc, ainsi
qu'en d'autres corps azolés, était dû à la présence
d'une enzyme qui, une fois la plante morte au sein
de l’eau de macération, diffuse à travers les cellules,
et exerce son action hydrolysante. L'indigo blanc,
une partie de l’indican non transformé et d’autres
substances azolées, restent dissous à la faveur de
la chaux et, en faisant barborter l'oxygène, l'indigo
blanc estoxydé en indigo bleu, tandis que les autres
produits fournissent de l’indigo brun. Quand à l'in-
dirubine, elle peut constiluer un autre produit
d'oxydalion ou de dédoublement de l'indican.
le Professeur H. Molisch *, à la suile de ses
études faites à l’une des stations d’essai de Java,
arrive à peu près au même résultat, et exclut éga-
lement l'action des bactéries et des moisissures.
M. le D'Bréaudat*, en opérant sur l’/Zsaltis alpinä,
les Zndigofera anil et tincloria el V'Isatis lincloria,
a réussi à montrer que le suc des plantes à indigo
1 Philos. Magaz. (4) XV, p. 13; (4) XV, p. 29, 117,183.
? Revue des Matières colorantes de M. L. Lefèvre, t. IV
(1898), p. 454.
3 Tydschrift voor Nijverheïd en Landbhouw en N. Indié,
t. XLVI. Die landwirtschaftl. Versuchstationen, t. XL,
p. 401; £. XLV, p. 195; t. XLVI, p. 249. Chem. Zeit., 1899,
. 165.
% Sitzungsber. der Kaïiserl. Akademie der Wissensch,
Vienve, 1898, t CVII. Fasc. 1.
* Comptes rendus de l'Académie des Sciences (1898),
t. CXXVII, p. 769 (1899), t. CXX VIII, p. 1478.
260
A. HALLER — L'INDIGO NATUREL ET L'INDIGO ARTIFICIEL
'
_
conlient deux diastases
hydratant,
: l'une douée d'un pouvoir
capable de dédoubler l’indican; l'autre,
possédant des propriétés oxydantes, qui se mani-
festent surtout en présence d’alcalis, de terres alca-
lines et des carbonates correspondants.
M. Marchlewski” émit plus tard l'hypothèse que
l'indican pouvait être considéré comme un produit
de condensalion d’une molécule d'indoxyle avec
une molécule de glucose, et proposa pour le glu-
coside la formule C'*H"OfAz.
M. Hazewinkel”, M. Beyerinck”* et M. van Rom-
burg* ont enfin prouvé, indépendamment l’un de
l'autre, que l’indican se scinde, sous l'influence des
acides et des ferments, en indoxyle et en glucose.
Le glucoside de l’{satis tincloria est appelé isatan
par M. Beyerinck, tandis qu’à l’enzyme qui le dé-
double l'auteur a donné le nom d'isatase.
Dans une série d'essais, exécutés sur des feuilles
d’IZndigofera leptostachya, M. Hazewinkel a nette-
ment mis en évidence ce fait que des feuilles d'in-
digo plongées dans de l'eau bouillante ou dans des
solutions antiseptiques fournissent un liquide qui
se conserve facilement, s’il n’est pas trop acide, et
qui renferme un composé susceplible de fournir de
l'indigo quand on le traite : 4° par un acide et un
agent oxydant (sel ferrique, par exemple); 2° par
une enzyme contenue dans les feuilles; 3° par de
l’'émulsine; 4° par certaines bactéries. L'auteur
isole l'enzyme spéciale de l'indigo de la façon sui-
vante : les feuilles d'indigo sont broyées à froid
avec de l'alcool concentré, puis séchées; la poudre
est ensuite épuisée par de la glycérine ou par une
solution de chlorure de sodium à 10 °/,. L'auteur
donne le nom d'indiémulsine à ce ferment.
M. Hazewinkel démontra ensuite, de la façon Ja
plus nette, que, dans le dédoublement de l’indican,
il se forme un sucre réducteur et de l'indoxyle,
qu'il caractérisa par sa transformalion en les trois
indogénides dérivées l'une de l'isatine (indirubine),
et les deux autres de la benzaldéhyde et de l'acide
pyruvique. Il confirma enfin une observation faite
par M. van Lookeren-Campagne et M. van der Veen,
à savoir que le liquide tenant en dissolution l'in-
dican devenait alcalin après l'oxydalion, à la con-
dition, bien entendu, qu'il ne soit pas trop acide
avant la fermentation. Il admit finalement que l'in-
dican se trouve à l'état de combinaison saline se
dédoublant, dans le cours de la fermentation, de la
même façon que le myronate de potasse. L’autèur
! Marcuezwski et Rapcuirre, Journ. Soc
1898, p. 430.
* Comptes rendus de l'Académie des Sciences d'Amster-
dam, du mois de mars 1899, p. 590; Chem. Zeitung, t. XXIV,
1900, p. 409.
* Académie des Sciences d'Amsterdam, séance du 30 sep-
tembre 1900,
{ Chem. Zoit.,
. Chem. Industry,
t. XXIV, 1900, p. 409
ajoute que le fait qu'il se forme de l'indoxyle dans.
la fermentation, explique la production de quan
tités notables d’indirubine dans le procédé d'ex=
traction à l'eau chaude ou en liqueur alcalines
(loc. eil.). l
Alors que l'indican isolé par M. Schunck était.
amorphe, MM. Hoogewerff et H. Ter Meulen‘ on
réussi à l'obtenir cristallisé, en partant des feuilles,
de Polygonum tinetorium et de l’Indigofera lepto
stachya. L'indican ainsi oblenu se présente sous læ
forme de petites lancettes fondant à 51° en per
dant de l’eau. Le produit anhydre fond à 104
102. Comme l'avait prévu M. Marchlewski, ce
indican répond à la formule C'*H'TAz O5 3 H°O,
et est lévogyre. |
Quand on fait pasger l'air à travers une solutio
aqueuse d'indican, chauffée préalablement avec d
l'acide chlorhydrique, et à laquelle on a ajouté u
peu de chlorure ferrique pour accélérer l'oxydation,
on obtient 91 °/, de l'indigotine qu'on devrait
obtenir selon l'équation :
H)
CII AZOS + IE so = coneon + ce me
Indican. cs Pr te
ZONES
CH Di + O*
N AZI
Indoxyle.
co
— 2H°0 + CHI Nc = cé ae TO
NazH/ K AH
Indigotine.
L'indigotine constitue une poudre d'un ble
foncé qui se sublime en prismes de couleur pour
pre el à aspect métallique. Broyée dans un mortier,
elle prend également l'aspect métallique.
On peut l'extraire de l'indigo soit par sublima
tion, soit en le faisant bouillir avec de l'anilines
filtrant la liqueur et laissant refroidir; il se dépose.
des aiguilles d’un bleu sombre ou pourpre ayan
un reflet cuivré : elle se dissout aussi dans l'acid
acétique glacial, la nitrobenzine et la paraffin
bouillante.
Les agents réducteurs convertissent l'indigo ble
en un dérivé incolore, dit indigo blanc ou indigo
réduit, soluble dans les liqueurs alcalines.
C'est à l’état ne blanc : ;
Il
>C‘H*
COI
04e
NA /
cm
NAZH Y
que l'indigo est employé en teinture. La matière
teindre est immergée dans une cuve contenant d
l'indigo réduit, puis exposée au contact de l'air
Dans ces conditions, l'indigo blanc, fixé sur la
1 Recueil des Travaux chimiques des Pays-Bas, t. XIX
1900, p. 166.
A. HALLER — L'INDIGO NATUREL ET L'INDIGO ARTIFICIEL
261
fibre, s'oxyde et se transforme en indigotine qui
devient insoluble et adhère intimement à la fibre.
$ 2. — Autres constituants de l’Indigo.
L'indigoline est de beaucoup le constituant le
plus important de l'indi0 naturel. Sa teneur varie
considérablement, et va de 5 à 80, et même 88 °/,..
Mais, outre l’indigoline, la matière colorante
naturelle renferme encore de l’indirubine ou indi-
gorubine et divers autres produits organiques,
parmi lesquels des substances brunes (brun d’in-
digo), et ce que l’on appelle le gluten d'indiyo, com-
posés dont l'ensemble peut atteindre de 12 à 30 °/,
de l'indigo.
L'indigo naturel contient aussi plus ou moins de
matières minérales qui sontgfournies, en partie
par la plante, et en partie par les eaux boueuses
employées pour la macération.
Lu La quantité de cendres varie de 2 à 60 °/, et
“même davantage pour les indigos de la Chine, du
Tonkin et du Cambodge. L'indigo Bengale de bonne
Qi en contient de 3 à 6 °/.
… Bien que, dans beaucoup de cas, ce soit gràce à
f, présence des colorants secondaires mentionnés
plus haut qu'on oblient certains effets de teinture,
On ne juge cependant de la qualité d'un indigo que
“par sa teneur en indigotine.
— !. Zndigorubine ou Indirubine. — Jusqu'à une
époque relativement récente, la proportion d'indiru-
“bine contenue dans les indigos Bengale ne dépas-
sait pas 2°/,, mais actuellement elle atteint souvent
10 °/, et même plus. Les indigos de Java en ren-
ermeraient jusqu'à 15 °/,.
La quantité de cet isomère de l'indigotine, qui
prend naissance, dépend sans aucun doute des
conditions dans lesquelles se fait le dédoublement
de l'indican, lors de la préparation de l'indigo. Il
“ne semble, en effet, pas que l’indirubine doive sa
formation à un glucoside particulier, M. Schunck
“ayant montré que l'indican, abandonné pendant
“quelques jours avec de la soude caustique, fournit,
non pas de l'indigotine, mais son isomère l'in-
dirubine. D'autre part, M. Hazewinkel attribue de
son côté à l’alcalinité du produit de la macération
des feuilles, la production plus ou moins grande
d indirubine aux dépens de l'indoxyle, dans le
cours de la fermentation, et en particulier vers
la fin.
Or, on sait, d’après les travaux de M. Baeyer,
qu'on peut obtenir l'indirubine, en même temps
que l'indigoline, par réduction du chlorure d'isa-
line, ou mieux encore par condensation de l'isatine
avec l’indoxyle. Dans les conditions où s'opère cette
dernière synthèse, il est à supposer que l’indoxyle
prend la forme tautomère, à laquelle on a donné le
nom de pseudo-indoxyle, de sorte que l'indirubine
peut-être considérée comme l’indogénide « de l'isa-
üne, l'indigotine en étant l'indogénide 6.
CO C‘H*
CZ NCH+COS “Az
AzH/ N co
Pseudoindoxyle, Isatine.
, CO C°H!
— C'‘H: SC AZH.
AzH N çn
Indirubine.
Cette indirubine est identique avec l'indirubine
naturelle‘. Étant donnée qu’elle prend naissance
dans certaines conditions de fermentation et d'oxy-
dation de l'indican, on peut admetlre qu'une plus
ou moins grande quantité de l'indoxyle qui se
forme s'’oxyde en isaline qui, en présence de la
pseudoforme du même indoxyle, se condense en
indirubine.
MM. Marchlewsky et Radcliffe ont montré que
l'indirubine synthélique et l'indirubine naturelle se
comportent exactement de la même manière. Ils
établirent entre autres que l'indirubine mise en
présence d'agents réducteurs a/calins se convertit
incomplètement eu indigotine, mais que la transfor-
malion est complète lorsqu'an la traile par des
agents réducteurs acides. Vu sa conversibilité en
son isomère bleu, étant donnée en outre la faible
quantilé d'indirubine contenue dans l'indigo na-
turel, les mêmes auteurs estiment que l'importance
attribuée aux propriétés tinctoriales de l'indirubine
a été surfaite, D'autre part, cependant, on a reconnu
en pratique que lorsque l'indirubine se trouve dans
l'indigo en quantités appréciables, elle a beaucoup
de’ valeur, particulièrement dans la teinture de la
laïne.
2. Gluten d'indigo. — Substance amorphe, à con-
sistance gluante, de couleur brun jaunâtre, et pos-
sédant des propriélés anaiogues à celles du gluten
végétal ordinaire. Se retire de l'indigo, en même
temps qu'une partie des substances minérales,
quand on le traite par un acide dilué.
3. Bruns d'indiyo. — Appelés par Schunck iudi-
réline et indihumine, ces bruns prennent naissance
quand on chauffe pendant un certain temps de l'in-
dican, en dissolution dans l’eau, et qu'on traile
ensuite la liqueur par un acide. Il ne se forme dans
ces conditions ni indigotine, ni indirubine, mais
uniquement des substances brunes constituées par
un mélange de plusieurs composés, parmi lesquels
M. Schunck a isolé au moins cinq produits,
4 M. Rawson ne croit pas à celte identité (loc. cit.).
262
A. HALLER — L'INDIGO NATUREL ET L'INDIGO ARTIFICIEL
IV. — RENDEMENTS. AMÉLIORATIONS.
Bien que toutes les parties de la plante ren-
ferment de l'indican, en pratique on ne traite que
les feuilles. Les plus belles tiges mêmes ne con-
tiennent que des traces de colorant.
Selon M. Hazewinkel”, qui a fait des. dosages au
moyen de l'hypobromite de soude, les feuilles d’Zn-
digofera leptostachya contiennent environ 0 gr. 60
d'indigotine °/,, tandis qu'un mélange à parties
égales de feuilles el de liges n'en renferme que
0 gr. 30 °/..
Avec les méthodes actuellement en usage aux
Indes, la plante fraiche fournit (selon M. Rawson)
environ 2 kil. 500 d'indigo par 1.000 kilos, et
d’après d'autres renseignements venant de Calcutta,
1 kil. 650 seulement par tonne‘. En ce qui con-
cerne le rendement à l'acre, les données indiquées
par M. Rawson concordent approximativement
avec celles qui nous sont parvenues, c’est-à-dire
qu'il est dans le premier cas de 6 kil. 800, et dans
le second 6 kil. 500.
Cet indigo renferme en moyenne 60 °/, d'indi-
gotine.
L'indigo de Madras est inférieur et litre de 30
à 50°
Celui des provinces du Nord-Ouest (Oudhe, etc.)
est intermédiaire entre celui du Bengale et de
Madras.
L'indigo de Java est le plus riche et a une teneur
de 72 jusqu'à 82°/..
L'indigo de Guatemala renferme environ 40 °/,
d'indigo *.
Un échantillon d’indigo de la Martinique, que
nous avons trouvé au pavillon de celte colonie à
l'Exposition de 1900, à donné, à l'analyse,
d'indigoline.
Enfin, les indigos du Cambodge, de la Chine et
du Tonkin, ont des teneurs qui varient de 5 à
12 °/, d'indigotine. Cette faible teneur provient de
ce que le liquide de macération de la plante est
précipité par la chaux, avant d'être soumis au
battage.
Au Béhar, avec deux coupes, le kilo d'indigo
revient à 6 fr. 50.
À la Murlinique, d’après des renseignements
qu'a bien voulu nous fournir M. Thierry, le pro-
ducteur de l'indigo analysé, le prix de fevient ne
dépasserail pas 3 francs le kilo.
Au Cambodge, où l’on peut faire jusqu'à trois
DATE EN
la
éLDocecit.
? Le rendement au Cambodge est à peu près identique,
v'est-à-dire qu'on obtient de 1 kil. 200 à 1 kil. 800 d'indigo à
60-65 07, d'indigotine quand la plante est épuisée et traitée
à la manière européenne.
# Dans la Æev. gen. des mat. cal.-(1901), t V, p. 4, on
trouve une série d'analyses d'indigos de Java et de Bengale
: Trocadéro des échantillons en pâte à 20 0/..
débutant à 2 piastres 50, soit environ 6 fr. 25 !.
Telle qu’elle se présente actuellement, la silua
de perfection qu'elles sont susceptibles d'atteindre:
Nous avoris déjà vu qu'à la Martinique un asso;
lement judicieux entre la canne à sucre et les /Zndi
gofera permettrait d'augmenter le rendement de
l’une et l’autre culture.
D'autre part, des essais institués au Cambodge
par le D° Bréaudat, sous la direction scientifique de
M. Calmette, directeur de l'Institut Pasteur, à Lillek
nous montreront bientôt s’il est possible d'extraire
la Lotalité ou la presque totalité de l’indigotine que
peut fournir la plante.
Comme nous l'avons déjà fait remarquer d° après
lesanalyses faites par M. Hazewinkel, à Java, l Indi-
golera éludié par lui renfermerait 6 kilos d'indigo»
tine par tonne de feuilles, et 3 kilos par tonne d’un
mélange à parties égales de feuilles et de tiges. Or,
au Béhar, où la variété ne doit guère différer de
celle de Java, on en retire à peine le tiers ou le
sixième quand on emploie la plante entière. Il ya
donc un déchet considérable qui semble dû aux
procédés d'extraction, el en particulier à la fers
mentation.
De nombreuses tentatives ont été faites pour
régler celte fermentation, et nous nous bornons à
signaler deux procédés de traitement qui ont été
brevetés, l'un par MM. Gueugnier et Valette (Brev:
fr. N° 302.169), et l’autre par M. Calmette (Brev. fra
N° 300.826).
Dans le premier, sans doute inspiré par les com=
munications du D' Bréaudat, on aseptise la cuve;
tout en déclarant que l'opération n'est pas indis-=
pensable, et on opère le dédoublement de l’indican:
par une diastase oxydante (laccase de l'arbre à
laque, tyrosinase, ferment de la gomme arabique):
L'addition d'eau oxygénée augmente la rapidité
de la formation d'indigo bleu. Le rendement serait
sensiblement doublé.
La méthode de M. Calmette n’est qu'une appli=
cation des découvertes faites, dans son laboratoire,
par le D' Bréaudat.
Elle consiste : 1° « À broyer, par écrasement
LÉ. "| Te ONE" NERF
1 Nous devons ces renseignements à M. Gueugnier qui s'ef=
force d'extraire sur place l’indigotine, et qui en a exposé au
A. HALLER — L'INDIGO NATUREL ET
_entre des cylindres de bois ou de métal, les tissus
des plantes indigofères.
| 2° «À recueillir la bouillie végétale sortant des
_ cylindres dans des cuves profondes remplies d'eau
-épurée, débarrassée de sels calcaires, ceux-ci ayant
. Vinconvénient de hâter la précipitation de l’indigo,
précipitation qu'il faut empêcher dans cette phase
de l'opération.
__ Les cuves doivent être munies d’agitateurs pour
«maintenir la masse en mouvement pendant un
r mps suffisant, variable suivant la température de
Veau et les sortes de plantes indigofères employées.
3° « On passe au filtre-presse le liquide de macé-
L'INDIGO ARTIFICIEL 263
hâter la précipitation d’une nouvelle cuvée d'indigo.
« Ce procédé d'extraction a pour objet essentiel
d'éviter l'intervention de toutes les bactéries
auxquelles on attribuait jusqu'à présent la faculté
de dédoubler, au sortir de la plante indigofère,
l’indican en indigotine et en indiglucine. Ce dédou-
blement et la précipitation de l'indigo bleu sont
effectués ici exclusivement par l’action successive
de diastases hydratantes et oxydantes qui préexis-
tent dans le suc cellulaire des Zndigofera, et qui
sont mises en liberté par le broyage des cellules
végélales.
« On obtient ainsila transformation complète de
— Tableau récapitulatif des récoltes d'indigo, 1880-1900.
PAYS D'ORIGINE
A ——— ——
TOTAUX
Guatemala Indes Néerlandaises
TagLeau I.
ANNÈES
Indes Orientales Kurpah et Madras
kilos
1850—1881. 2.239.900
1881—1882. . . . .300
1882— 1883. . . .800
M1883—1884. . . . . 5.800
M1884— 1885. . . . . .200
1885—18%6. 5.000
MESG— 1887. . . . . . 50.500
1887—1888. 5.400
DRISES—1889. LE 364.200
an ea 4.100
EVA CEE .800
De ere 5.900
.000
2,500
Disos 1805: KA NET HES 2,100
1895—1896. . . . . .000
1896— 1897. 5.100
1897 —1898 . 851.200
1898—1899, 2,700
| 1599— 1900. 1.500
| JUCLENE. MERE 89.518.600 44.799.900
| Moyennes. 1.475.930 2,239.950
L
kilos kilos
769.400 116.000
729.600 394.000
653.400 501,000
908.200 515.000
887.800 5.000
615.600 .000
574.000 9.000
571.300 52.000
138.400 000
589.200 3.000
. 7100 711.000
36.000 638.000
16.100 632,000
100 195.000
3.600 603.700
. #00 679.400
.600 S11.000
600 90%. 100
.400 631.400
.200 595.100
11.726.600 12,300,700 158.344.900
586.330 615.035 7.917.245
lation des cuves, et on l'envoie dans des cuves en
bois ou en métal couvertes, contenant une très
pelite quantité de chaux, de baryle, de magnésie
ou d'un carbonate alcalin ou alcalino-terreux quel-
Conque. Ces cuves sont munies de dispositifs per-
umettant la précipilalion rapide de l'indigo à l'état
dindigo bleu, par émulsion continue d'air filtré,
éomprimé, ou par la chute en cascades dans une
ie de cuves superposées.
4° « Le dépôt d'indigo est recueilli, comprimé en
Pains et séché à 75° jusqu'à ce qu'il ne renferme
pas plus de 5 à 7 °/, d'eau.
5° « Le liquide sortant du filtre-presse renferme
encore des diastases oxydantes extraites des sucs
Gellulaires de la plante, diastases à l'aclion des-
quelles est due la précipitation de l’indigo à l’état
indigo bleu. Ce liquide retourne en totalité ou en
partie dans les cuves à émulsion d'air, où l'excès
de diastase oxydante qu'il renferme est utilisé à
l'indican et le maximum de rendement en indigo
bleu. Ce rendement, avec les sortes d'Andigofera
ordinairement cultivées, alteint loujours avec ce
procédé un minimum de 6,6 à8 kilos, par 4.000 kilos
de plante.
« 11 peut s'élever à 10 kilos avec des plantes de
qualité supérieure, récoltées immédiatement avant
la floraison.
L'indigo ainsi obtenu titre constamment 80°/,
à 82°/, d'indigotine, avec une leneur en eau ne
dépassant pas 7 °/,. »
Si les prévisions de l’auteur sont confirmées
par l'expérience, il est facile de voir que le prix de
l'indigo, et partant de l’indigotine qu'on peut en
extraire, baissera considérablement.
D'après une communication qu'a bien voulu nous
faire le D' Calmette, des essais en grand ont été
entrepris au Cambodge et on attend la fin de la
campagne pour en avoir le résultat.
V. — STATISTIQUE DE LA PRODUCTION DE L'INDIGO.
Nous donnons, dans le tableau 1’, la produc-
lion des principaux centres pour une période de
A part l'année dernière, celte pro-
duction s'est maintenue dans les environs de
8 millions de kilos par an. D’après des rensei-
gnements qui nous parviennent de divers côtés, il
ne semble pas que l’on soil disposé à abandonner
cette culture dans les provinces du Nord-Ouest de
l'Inde et dans l’Oudhe, où la surface totale plantée
en indigo était évaluée, jusqu'au milieu du mois
d'avril de 1900, à 76.395 hectares, contre 61.309 hec-
tares l’année d'avant, ce qui équivaut à une aug-
mentation de 24 °/,.
D'autre part, la superficie des terrains plantés
en indigo et susceptibles d'irrigation s'est accrue
de 48 °/, en 1900, par rapport à l'année précédente,
passant de 44.363 hectares en 1899, à 65.665 hec-
tares pour l'année 1900. Toutes les plantalions
importantes se sont développées dans des propor-
tions notables alors que les autres sont restées
à peu près dans les mêmes conditions que l’année
dernière ?.
Les chiffres contenus dans ce tableau peuvent
êlre considérés comme un minimum, car ils ne
vingt années.
L. CUÉNOT — L'ÉVOLUTION DES THÉORIES TRANSFORMISTES
comprennent pas la produclion de la Martinique,
du Cambodge (où 2.000 hectares seraient affectés a
la cullure de l'indigo), du Tonkin et de la Chine.
Si nous admettons une teneur moyenne de 50 0/,
d'indigotine, ce qui est au-dessous de la vérité»
on voit qu'il faudrait produire annuellement 4 mil=«
lions de kilos environ d’indisotine artificielle, si.
la culture venait à être abandonnée.
La valeur tolale de l'indigo, en se basant sur I
production de l’année 1899-1900, peut être estimée
à près de 52.000.000 franes, somme sur laquelle’
la consommation en France at être de 6 à 7 mil-
lions de francs. Cette valeur globale est inférieure
à celle des années précédentes, l'indigo de culture
ce subi une déprécialion notable du fait de
l’apparilion de l'indigo synthétique. 1
Dans une deuxième partie, nous passerons en»
revue les recherches qui ont conduit à la prépara=
tion synthétique de l’indigo, dans les laboratoires,
puis dans l'industrie; et nous examinerons la situa-
tion respective de l'indigo naturel et de l'indigon
artificiel.
A. Haller,
Membre de l'Institut,
Professeur de Chimie organique à la Sorbonne:
L'ÉVOLUTION DES THÉORIES TRANSFORMISTES
Le transformisme, c'est-à-dire la notion de la
descendance des espèces évoluant sous l’influence
de facteurs naturels, est un fait acquis, il n’est
maintenant plus un biologiste, j'entends sérieux et
surtout compétent, qui le conteste. Mais le mode
de la transformation, les causes de l’évolulion, les
processus par lesquels une espèce nouvelle dérive
d’une espèce antérieure, cela c’est un champ ouvert
à toutes les opinions, dans lequel le progrès, ou du
moins le changement des idées, est incessant. On
estloin maintenant des explications primitives de
Lamarck et de Darwin, et si l'on ne peut prétendre
être arrivé à des explications définitives et absolu-
ment satisfaisantes, il est permis de penser que
l'on serre maintenant la vérité de plus près. J'ai
voulu retracer dans cet article, en les simplifiant
autant que possible, les théories successives qui se
sont produites touchant les processus et les causes
de l’évolution; naturellement, j'ai dû me borner,
dans cet exposé, à quelques arguments pour ou
contre telle théorie, trop incomplets peut-être pour
1 Nous devons ce tableau à l’obligeance de M. Lefebvre,
auquel nous adressons nos meilleurs remerciements.
? Revue des Cultures coloniales, 5° année, t. VIN, p. 59.
entrainer une conviction, mais suffisants pour indi-
quer la marche des idées. Pour être plus concret,
je me bornerai presque exclusivement à deux
exemples : la Girafe, animal progressif par rapport
aux Ongulés banals dont elle est sortie, et la Taupe,\
animal régressif par rapport aux Inseclivores de
plein air.
I. — EXAMEN DES THÉORIES ACTUELLES.
L'explication de Lamarck est bien connue : elle.
se résume en celle phrase: effets de l'usage ou du
défaut d'usage sur les organes et hérédite de ces
effets. « La Girafe, dit-il, qui vit dans des lieux
arides, ne peut que brouter le feuillage des arbres
s'efforce continuellement d'y atteindre; il es
résulté de cette habitude, soutenue depuis long=
temps, dans tous les individus de sa race, que ses
jambes de devant sont devenues plus longues que
celles de derrière, et que son col s'est allongé de
telle sorte qu’elle peut atteindre à 6 mètres de hau-
teur ». Pour la Taupe, l'explication est de même
ordre; Lamarck admet que le défaut d'emploi d'un
organe lici les yeux), devenu constant par les habi=
L. CUÉNOT — L'ÉVOLUTION DES THÉORIES TRANSFORMISTES
26
cet organe et finit par le faire disparaître el même
J'anéantir.
… L'explication de Dascin est une combinaison
des idées lamarckiennes et d’un nouveau facteur,
Ja sélection des variations favorables : « Supposons
qu'au début la Girafe ait eu un cou de longueur
ordinaire; en temps de famine, les individus les
Ds allongés, et capables ainsi de brouler un pouce
ou deux plus haut que les autres, ont souvent pu
Métre conservés; leur croisement a donné des des-
Méndants, hérilant des mêmes particularilés, ou
F d'une tendance à varier de la même manière; celte
sélection des individus les plus favorisés par
l'allongement du cou, combinée avec les effets
héréditaires de l'augmentation par l'usage, a dû
transformer un quadrupède ongulé ordinaire en
Girafe ». — « Chez la Taupe, vivant presque conti-
nuellement sous terre, les yeux ont dû s’'atrophier
par défaut d'usage: d'autre part, les individus dont
s yeux étaient particulièrement réduits de gros-
seur, avec paupières soudées, ont du être conservés
jar la sélection naturelle, puisque ces individus
taient exempts des traumatismes oculaires qui
loivent être fréquents chez des animaux souter-
ins. Atrophie par défaut d'usage et sélection des
individus à yeux prolégés auraient amené l'état
jue nous connaissons aujourd'hui chez la Taupe. »
1. Abandon de l'hérédité des caractères acquis.
A la réflexion, on a vu qu'une partiede l’explica-
ion darwinienne élait difficilement soutenable :
best l'hérédité des caractères acquis par l'usage et
non-usage. D'abord, il n'est pas prouvé que
leffort d'une Girafe pour atteindre des branches
lus hautes puisse allonger son cou d'une façon
bien sensible, et ensuile on n'a jamais pu citer un
emple convaincant de la transmission hérédi-
faire d’un caractère acquis; enfin, celte hérédilé,
ut-elle constalée en apparence, est inconcevable,
in raison de la séparation manifeste el précoce des
ellules germinales et du reste du corps ; comment
ne modification des muscles et des os, causée par
agent externe comme l'exercice, pourrait-elle
élentir sur les cellules germinalés de facon à ce
ue le descendant, non soumis au même agent
Xterne, présente la même modification somalique?
Mors à apparu l’école des sélectionnistes purs, ou
0-darwinistes, dont Galton, Wallace et Weis-
ann ont été les représentants les plus notables.
Gomme le dit Wallace: « la Girafe n'a pas acquis
Son long cou en l’étendant constamment dans le
but d'atteindre les branches des arbres élevés,
mais simplement parce que toute variété douée
Pun cou exceptionnellement long a pu trouver un
Supplément de nourriture au-dessus des branches
REVUE GÉNÉRALE DES SCIENCES, 1901,
tudes que l'on a prises, appauvril graduellement ;
mangées par ses compagnes, et leur survivre en
cas de disette. »
2. Relour à la médiocrité ou panmixie. — Mais
il est assez difficile de comprendre, dans l'explica-
tion néo-darwinienne, comment les yeux des caver-
nitôles ont pu régresser, puisque, élant inutiles, ils
ne donnent plus prise à la sélection; Weismann a
dû compléter Son explicalion par la lhéorie de la
cessalion de sélection ou panmixie (relour à la mé-
diocrité de Galton). Quand un organe cesse d'être
utile, dit-il, les individus qui naissent avec cet
organe imparfait ont autant de chances que les
autres de vivre et de laisser une postérité; les
varialions en mieux constituent un désavantage,
puisque l'organe, étant inulile, prend de la subs-
tance qui serait mieux utilisée ailleurs; elles sont
donc éliminées par la sélection naturelle, et il ne
reste en présence que les variations en moins et
l'état moyen. Il en résulte qu'à chaque génération,
les animaux à yeux imparfails se mêlent aux types
moyens et abaissent le niveau de l'organe visuel
jusqu'à son atrophie et même sa disparilion.
Je puis dire tout de suite que le mode d'action de
la panmixie a rencontré beaucoup de sceptiques :
pourquoi les varialions en mieux seraient-elles
éliminées par la sélection naturelle? Quelle difré-
rence peul-il y avoir, au pointde vue du succès dans
la.vie, entre une Taupe qui a des yeux parfaits et
une autre qui a des yeux médiocres? Or, si les
variations en mieux ne sont pas éliminées, il est
évident que la panmixie n'aura pour effet que de
maintenir l'organe à son niveau moyen ; pour que
l'œil s'atrophie tout à fait, il faudrait que le nombre
des individus variés dans le sens de la diminution
augmente constamment, ce qui serait le fait d’une
tendance germinale à la cécité, et non pas celui de
la panmixie (Delage).
3. Direction définie des variations. — Depuis
Darwin, plusieurs penseurs se sont attachés à bien
comprendre la marche des variations cumulatives
dont la résultante estun caractère spécifique donné.
Si l’on admet que la Girafe n’a pas eu son long cou
en une seule fois, par une variation brusque, il a
fallu que ce cou augmente graduellement de géné-
ralion en génération, que la variation ait suivi une
marche définie, régulière, sans retour en arrière,
Quand on étudie par exemple les formes qui ont
précédé le Cheval, on peut établir, à parlir du PLe-
nacodus, une série qui montre l’atrophie graduelle
des doigls latéraux et l'accroissement du doigt
médian, sans compter la modilication graduelle des
molaires. Or, si celte série représente réellement
la lignée du Cheval, il est évident que la variation
a marché toujours dans le même sens. L'hypothèse
6*
266 L. CUÉNOT — L'É
VOLUTION DES THÉORIES TRANSFORMISTES
de Lamarck explique très bien ce phénomène : les
doigts latéraux se sont atrophiés lentement par
défaut d'usage, le doigt médian a grandi par l'effet
contraire, les molaires se sont lentement modifiées
par suile de leurs frottements réciproques. On com-
prend que Cope, surtout paléontologiste, désirant
s'expliquer cette marche définie des variations, ait
adopté, en la précisant, l'hypothèse lamarckienne,
c'est-à-dire les effets des conditions extérieures sur
le corps (adaptation fonctionnelle) et l'hérédité de
ces effets.
Eimer, en étudiant les dessins et les taches colo-
rées des ailes des Papillons, se convainc aussi qu’un
développement régulier dans un petit nombre de
directions déterminées (orlhogénèse) préside à la
produelion des nouveaux caractères. Les agents
externes, et surtout la température et la nourriture,
impriment aux types organisés des directions de
développement, suivant lesquelles se forment des
séries de variations et d'espèces, qui marquent
comme autant de stades successifs de l’évolution.
De temps en lemps, quelques groupes d'individus
s'arrêtent slalionnaires sur les différents échelons
‘génépistase), laudis que le reste de l'espèce con-
linue sa marche ascendante ; ces quelques individus
arrêlés à un certain slade constituent une espèce
stable. Eimer accepte toujours l'hérédité des carac-
tères acquis, bien que sa théorie puisse à la rigueur
s'en passer; mais, par compensation, il rejette tout
à fait la sélection naturelle; puisque l’évolution est
délerminée dans une certaine direction, par l’in-
fluence d'agents externes sur tous les individus
soumis à celle influence, il n’y a évidemment pas
choix des individus porteurs de variations favo-
rables ; l'espèce primitive se modifie en masse.
Enfin Weismann lui-même sent que la sélection
de varialions accidentelles ne rend pas très bien
compte de la direction définie et adaptative de lévo-
lution ; il cherche à la compléter par sa théorie de
la sélection intra-germinale. Au contraire d'Eimer,
il accepte toujours la sélection des variations favo-
rables, mais repousse l’hérédité des caractères
acquis. Il faut d'abord admettre que la variation
utile, par exemple l'allongement du cou et des
membres de la Girafe, ait apparu chez un nombre
suffisant d'individus et ait donné prise à la sélec-
lion. On sait que, pour Weismann, les cellules
sexuelles renferment de petits corps figurés (déler-
mintunts), qui contiennent en puissance tous les ca-
ractères de l'être développé; par exemple, un carac-
tère N est représenté dans les cellules sexuelles par
un certain nombre de déterminants à, b, €, d, légè-
rement différents les uns des autres; or, s'il se
produit une variation dans un certain sens, elle
tient à ce que le déterminant correspondant à cette
varialion (2 par exemple) à pris par hasard le des-
sus sur les autres (4, c, d) dans la lutte pour Jan
nourriture que les pelits corps figurés se livrent
entre eux. Etant plus fort, il se nourrit mieux, aux
détriment des déterminants plus faibles, si bien
autres à, €, d, diminue. A la génération suivantes
puisque ce déterminant D, par suite d'une bonne
nutrition, a augmenté encore la distance qui Me.
sépare des autres, la modification du caractère
qu'il représente progresse encore dans le même
sens qu'à la première génération ; cette nouvelle
variation donne encore prise à la sélection, et Les
même phénomène continue jusqu'à ce que l’adap
tation parfaite soil réalisée ; alors le progrès cesse;
puisque tout changement, soit en moins, soil en
plus, devient désormais défavorable, et comme tel
est éliminé par la sélection.
Pour les organes en régression, l'explication est
analogue ; si un organe devient inutile, la panmixie
commence à produire son effet dégénératif, @
laissant se développer les animaux porteurs de
variations dirigées dans le sens de la diminulion de
l'organe. À ces variations correspondent des déter=
minants plus faibles, qui se nourrissent mal; ils se
réduisent encore, par suile de la concurrence des
déterminants plus forts, et, à la deuxième généra=
tion, la varialion diminutive est naturellement plus
forte qu'à la première. : F
La conception de Weismann est un peu nu
geuse, comme celle d'Eimer, d’ailleurs; mais il nh
a pas lieu de chercher à la criliquer à fond, puis
qu’elle repose sur une théorie de l’hérédilé qui
malgré son ingéniosité, s'est écroulée sous le poids
de sa complication et de son invraisemblance.
4. Abandon de la sélection naturelle. — Après les
critiques sur l'hérédilé des caractères acquis,
seconde parlie de l'explication darwinienne, là
séleclion des variations favorables, subit à son
tour un assaut. Mivart, Nägeli, Osborn, Emery
Delage, etce., font remarquer que les variatio
minimes, même lorsqu'elles sont utiles à tous les
degrés, le sont trop peu pour créer un avant
donnant prise à la sélection ; en temps de diselle
les Girafes adultes ne meurent pas : elles souffrent
et maigrissent; celles qui meurent, ce sont |
jeunes Girafes à peine sorties du sevrage, peut-êbre
aussi les animaux âgés, et il n'y a aucune chance
pour qu'un cou plus long de quelques centimètres
assure la survie de son possesseur. Il n’y à auc L
raison pour qu'une Taupe qui a des yeux bien fone
tionnels soit inférieure en quelque chose, même
dans la vie souterraine, à une Taupe dont les yeu
sont médiocres. Enfin, contrairement à l'opink
de Wallace, parmi les caractères des animaux, il.
est certainement qui sont d'une parfaite inuli
267
présentes (secrélion d'anticorps comme l’antisper-
“motoxine, pouvoir régénérateur excessif dans des
ganes qui sont très rarement mutilés); ilest donc
“de toute impossibilité que la fixation de ces carac-
tères soit due à la sélection de variations uliles à
- Ces arguments, dont on nesaurait nier la valeur,
pnt convaineu la majorité des biologistes que là
Sélection est un processus purement conservateur
t non édilicaleur; elle se borne à supprimer les
individus mal venus et les monstres, et ceux qui
présentent des variations par trop défavorables,
les albinos, par exemple; elle maintient les espèces
dans leur état moyen, mais est incapable d'en créer
de nouvelles.
“5. La varialion brusque. — Nous àvons vu que
Pexplication darwinienne et néo-darwinienne repo-
Sait sur la sélection de variations faibles, qui
devaient s'accumuler dans le même sens pendant
une série de générations pour arriver à donner un
caractère spécifique, notablement différent du
caractère correspondant de l'espèce-souche; en
d'autres termes, la varialion est continue, el nous
avons vu que Cope, Eimer et Weismann ont cher-
ché à s'expliquer cette conlinuilé. Mais on peut
imaginer des variations hrusques qui, d'un seul
éoup, produisent un type nouveau, parfaitement
viable, grâce aux corrélations de développement,
Qui diflère de sa forme souche par des caractères
du moins aussi importants que ceux que nous
constatons entre les espèces les mieux caracté-
hisées : cette hypothèse, qui a été émise bien avant
Darwin, a été reprise par Mivart et Huxley, et
blus près de nous, par Clos, Camerano, Bateson,
le Vries et bien d’autres; on peut dire que lexpli-
ion de la discontinuilé des espèces par la dis-
ntinuité des varialions a gagné un terrain consi-
rable, et, si elle n'est pas applicable à tous les
, ilest à peu près cerlain qu'il y à pas mal d’es-
ces nées par variation brusque, en une seule
snération; on pourrait en ciler de nombreux
xemples : parmi les Echinodermes, les espèces
POphiures à six, sept ou huit bras, les Crinoïdes
tramères et trimères, les Astéries à bras nom-
eux, reproduisent exactement les variations
usques qui apparaissent de temps en temps chez
les espèces pentamères normales. Deux Turbellariés
clades, Dendrocælum Nausicaæ et Phagocala
jracilis, ont été considérés par Hallez comme des
pèces « d’origine tératologique » ; les nombreuses
ècessénestres de Gastéropodes, Causilia, Physa,
Yéhatina sinistrorsa, Pupa. quadridens, Pirula
une
perversa, ele., ne peuvent être que des silus
inversus d'espèces dextres; la disposition singu-
lière du bec de ZLoxia curvirostra, à branches
croisées et non opposables, se retrouve identique
chez des Oiseaux à bec habituellement opposable.
De cultures d'(Æuothera ‘Lamarckiana, de Vries
a obtenu une fois une forme ((Ænothera giqas)
notablement différente du type, qui se reproduit
semblable à elle-même depuis cinq ans, sans aucun
retour vers la souche.
Je pense avec Delage que, pour que ces variations
brusques se fixent à l'état d'espèces, il ne suffit pas
qu'elles apparaissent à l'état de sports isolés, comme
ceux que nous voyons journellement ; il faut qu'elles
se présentent en même lemps chez un cerlain nom-
bre d'individus (on sait du reste que cela se produit
dans certaines localités). À mon avis, la varialion
brusque ou forte, comme on voudra, a une très
grande importance; elle nous dispense d'expliquer
la direction définie des petites varialions cumula-
tives, el, bien plus que ces dernières, elle dispense
de tout recours à la sélection naturelle.
6. Origine des varialions. — La discussion sur
les caractères acquis et leur hérédité a amené la
lumière sur un point d'importance capitale { l'ori-
gine des variations héréditaires: H est bien connu
maintenant que les influences externes, exercice,
température, lumière, surtout nourriture, ete, peu-
vent modifier un organisme de deux facons : elles
peuvent produire une modification somaltique, non
transmissible, ou bien une modification germinale
corrélative, portant sur les cellules sexuelles; cette
dernière seule se traduit chez les descendants par
arialion, qui, le plus souvent, n’a aucune
ressemblance avec la modification somatique pré-
sentée par les parents, Les expériences, les obser-
vations cliniques le prouvent avec évidence : l'in-
gestion d'alcool produit chez un homme des
désordres caractéristiques, folie, cirrhose, alhé-
rome, ele.; c'est la modification somalique; mais
cet alcool modifie aussi, d'une facon invisible,
naturellement, les cellules sexuelles : c'est la modi-
fication germinale; el les descendants de l’alcooli-
que présentent une variation par rapport aux
descendants d'individus normaux, mais ils ne sont
aucunement alcooliques. L'inloxication syphili-
tique d’un ou de deux parents produit une modi-
fication des cellules sexuelles qui se traduit chez
les descendants par des dystrophies sans nombre,
mais ceux-ci ne sont pas du tout syphilitiques.
Dans la plupart des cas, on peut prévoir à l'avance
la modificalion somatique qui sera produite, chez
un individu donné, par un agent externe donné,
mais jusqu'ici, faule sans doute d'expériences assez
nombreuses, il est à peu près impossible de pré-
268
L. CUÉNOT —— L'ÉVOLUTION DES THÉORIES ,TRANSFORMISTES
voir quelle sera la variation présentée par le des-
cendant dont le germe a été modifié, ni même de
dire si tel agent externe sera capable de produire
une modification germinale,
1. L'isolement physiologique. — Dans les para-
graphes précédents, nous avons exposé la succes-
sion des idées sur la genèse des variations et des
adaptations; il est temps de parler maintenant d’un
facteur des plus importants, sur lequel Romanes à
surtout attiré l'attention : il ne suffit pas qu'une
espèce morphologique se constitue par variation
d'une forme antérieure, il faut encore qu’elle s’isole
de l’espèce-souche, sans quoi le croisement libre
ne tarderait pas à submerger les variations et à
tout ramener au type moyen de l'espèce. Cette
séparation peut se produire par des processus très
différents : isolement géographique, les groupes
étant séparés par d'infranchissables barrières phy-
siques (espèces des diverses îles d'un archipel), ou
bien les habitats étant assez différents pour que
le croisement devienne impossible (plantes de la
plaine etplantes alpines) ; isolement par suite d'une
différence d'ordre psychologique (Chien, Chacal et
Loup), d'ordre anatomique (différence de taille
rendant l'accouplement impossible, comme par
exemple entre un Terre-Neuve et un roquet), et
enfin incompatibilité sexuelle (espèces jorda-
niennes, Vespa vulgaris et germanica), C'est-à-dire
stérilité ou très faible fécondité des croisements,
entré individus ‘qui ne sont séparés les uns des
autres ni par des barrières physiques, ni par leurs
mœurs, ni par des différences anatomiques. On
comprend l'importance capilale de cette dernière
variation, qui doit maintenant être acceptée comme
possible, bien qu'on ne puisse pas encore la pro-
voquer expérimentalement. On connaît, en effet,
beaucoup d'espèces physiologiques qui ne présen-
tent que des différences morphologiques absolu-
ment minimes (Melasoma populi et tremuleæ parmi
les Coléoptères, Vespa vulgaris el germanica parmi
les Guêpes, formes bivalens et univalens de l'Asca-
ris megalocephala, Puccinia coronifera et coronala
parmi les Urédinées, etc.). Puisque ces espèces-
sœurs, irréductibles l'une à l'autre, ne diffèrent
que par cet unique caractère de l'infertilité, il faut
bien que la variation qui les a séparées ait porté
sur cet unique caractère.
II. — EXPLICATION NOUVELLE DE LA FORMATION
DES ESPÈCES.
Il ne suffit pas de lailler, il faut recoudre ; après
l'exposé des différentes vues émises par les au-
Leurs, nous pouvons maintenant chercher à dégager
la théorie la plus probable. Nous avons vu que
des conditions habituelles ; ce changement a modi*
l'hérédité des caractères acquis est non démontrée
et, de plus, inconcevable, que la sélection des petites:
variations favorables n'existe pas, que la sélection
intragerminale, ayant comme point de départ la
sélection d'individus porteurs de variations favo
rables, n'existe pas ; que la panmixie explique mal
la régression des organes inuliles ; en revanche
nous avons acquis des idées plus justes, puisque
expérimentales, sur la variation, sur la nécessité et
la possibilité de l'isolement physiologique.
Sur les débris des théories précédentes, il s'en
est édifié une autre, qui doit beaucoup à Weismann,
à Romanes, un peu à Eimer, un peu à tous ceux
qui ont jeté leur mot dans la discussion, et q
Delage a magistralement exprimée. Reprenant
l'exemple de la Girafe, je vais tâcher d'expliquer
dans l'esprit de cette théorie, comment celle forme
a pu prendre naissance : Il existait, vers l'époq
miocène, un Cervidé, voisin d'A/ces par exemple,
répandu sur une partie étendue du continent
émergé ; un groupe de ces animaux, habitant pro
bablement les confins de l’aire de distribution
quelque part dans l'Eurasie ou l'Indo-Afrique, à
été soumis à des conditions de milieu différentes
fié peut être le soma, mais aussi les cellules
sexuelles, el il en est résulté que tous les descen
dants du groupe considéré ont présenté une varia=
tion par rapport à la forme type, variation
consislant en un allongement corrélatif des pattes:
du cou, de la langue, etc. Si l’on se souvient que
la toxine syphilitique modifie les cellules sexuelles
d’un couple humain de telle manière que leur pro=
duit peut être un géant bien constilué (ou un nain:
suivant les cas), rien d’impossible à ce qu'une nour#
riture un peu différente ait déterminé, chez l'On:
gulé, considéré la venue de descendants atteints
d'un gigantisme relalif. Cette variation, naturellez
ment héréditaire puisque d'origine germinale, à
continué dans le même sens pendant un nombre
inconnu de générations, nombre qui a pu être très
petit, à
Or, il s'est trouvé que ces Ongulés modifiés dans
le sens du gigantisme ont trouvé dans la région
qu'ils habitaient des conditions telles que la vie
leur était possible ; au lieu de brouter des arbustes;
ils ont brouté des arbres. Ils ne se sont pas mé
langés à l'espèce souche, soit à cause de l'isolement
géographique, soit à cause de l'impossibilité
d’accouplement, soit pour une autre raison. L'évo
lution dans le sens du gigantisme s’est arrêtée poux
une raison inconnue, peut être parce que les cel
lules sexuelles modifiées n’ont plus donné prise à
la cause modificatrice, peut-être aussi à cause du
changement de régime qui a supprimé cette cause
soit enfin par intervention de la sélection destrue
eu
F
live. Et voilà la forme Girafe constituée, stable et
_ définie.
— Les condilions nécessaires pour la création d’un
“type nouveau sont donc : 1° nouvelles conditions de
“nulieu, agissant sur un groupe d'individus, et pro-
“duisant une modification germinale, qui se traduit
“par une varialion héréditaire, absolument quel-
tonque ; 2° isolement physiologique des individus
variés ; 3° place vacante dans la Nature, que ces
individus variés puissent occuper et où ils puissent
vivre tant bien que mal.
- Cette explication à une conséquence capitale,
touchant l'illusion de l’adaplalion : il y avait jadis
une tendance, vieux reste du finalisme, à consi-
dérer les espèces comme très bien adaplées aux
milieux où elles vivent, et l’on se demandait com-
Ment une forme nouvelle, transportée dans un
nouveau milieu, pouvait s'adapter si merveilleuse-
ment aux conditions de celui-ci ; on comprend que
les explications de Lamarck et de Darwin, qui
permettent de comprendre si clairement et si
complètement la genèse des adaptations, aient
séduit et séduisent encore tant de biologistes.
«A mon avis, l'adaptation de l'espèce n'est qu'une
illusion (je ne parle pas de l'adaptation indivi-
cité de l'individu), et voici comment on peul se
rendre compte de cette illusion : Les individus qui
atteignent dans leurs migrations la région des
condilions-limiles, c'est-à-dire une région légè-
‘ement différente de celle qui leur convient par-
tement, ou bien succombent ou bien peuvent
ur que leurs cellules germinales se modifient, et
ils donnent naissance à une forme nouvelle; de
leux choses l’une, ou bien celte forme nouvelle
elle nous reste inconnue, ou bien ces caractères
lui permettent d'y vivre tant bien que mal, et
alors la variété se propage et se fixe. Rien d’éton-
nant à ce que, dans les innombrables directions
de variation, il s'en trouve de temps en temps
quelqu'une qui par hasard soit adéquate aux con-
tions d’une place vide, et on se récrie alors sur
merveille de l'adaptation! Pour faire compren-
L. CUÉNOT — L'ÉVOLUTION DES TIÉORIES TRANSFORMISTES
duelle, qui est réelle dans les limites de la plasti-
269
dre ma pensée d’une façon tout à fait concrète, je
dirai que ce n’est pas parce que la Girafe broute
des arbres qu'elle a un grand cou, mais que c'est
parce qu'il lui est venu un grand cou qu'elle n'a
pu faire autrement que de brouter des arbres; ce
n'est pas parce que la Taupe habite sous terre que
son œil à dégénéré, mais c’est parce que son œil a
dégénéré qu'elle a été contrainte d'adopter la vie
obseuricole.
La notion de la place vacante dans la Nature
comporle une autre conséquence intéressante : à
nôtre époque, il ne doit plus y avoirde places vides,
ou du moins très peu, comparativement aux temps
cambriens où la terre ferme et l'air n'avaient pas
un seul habitant; les formes animales se sont
multipliées dans des directions tellement variées
qu'il n'y a que très peu de chances qu'il se forme
maintenant de nouvelles espèces; ce n'est pas le
matériel des variations qui doit manquer, car il \
en a probablement aulant et même plus qu'autre-
fois, mais, comme loules les places sont occupées
ou peu s’en faut, comme il y a partout une espèce
en possession, ici perforant les roches, là habitant
dans les champignons, les fourmilières, les ca-
daivres, des commensaux, des parasites, ele., etc.,
il est de plus en plus improbable qu'une variété
naissante trouve un milieu adéquat, dépourvu de
concurrence.
Je n'ai nullement la prétention de croire que
l'explitalion que je viens de développer donne
une solulion définitive du problème de l’évolution:
mais c'est celle qui, à mon sens, concorde actuel-
lement le mieux avec les faits, et cela suffit pour
qu'on l'accepte. verrons dans dix ans ce
qu'il en restera
Nous
L. Cuénot,
Professeur à l'Université de Nancy.
1 Bibliographie du sujet dans les ouvrages classiques de
Lamarck, Darwin, Wallace, Weismann, etc. — DELaGE : La
structure du protoplasma et les théories sur l'hérédité,
Paris, 1895. — Année Biologique, t. 1 à #, 1895-98. — HaLLez,
Morphogénie générale et affinités des Turbellariés, Travaux
et Mémoires des- Facultés de Lille, t. 2, mémoire n° 9,
1892. — Bareson : Walerjals for the study of variations,
Londres, 1894. — De Vus : Recherches expérimentales sur
DSi des espèces, /tevue générale de Botanique, t. 13.
1901, p.5.
J'ai publié, il y a sept ans, dans la Revue générale des
Sciences (La nouvelle théorie transformiste, t. V, 15 février
1894), un article très weismanniste qui, comparé à celui-ci,
montre bien le changement des idées.
270
LES ÉCLIPSES
ET LA CONSTITUTION PHYSIQUE DU SOLEIL
DEUXIÈME PARTIE : LA CONSTITUTION PHYSIQUE DU SOLEIL
DU 28 MAI 1900.
ET L'ÉCLIPSE
Dans un premier article *, nous avons donné la
théorie générale des éclipses et indiqué les résul-
tats principaux des observations qui en ont été
faites.
Nous allons maintenant aborder la question
de la constitution physique du Soleil, telle qu'on
peut la concevoir d’après les observations précé-
cédentes; nous terminerons par l'exposé des nou-
veaux faits qui ont été mis en lumière à la suite de
la récente éclipse du 28 mai 1900.
I. — Coxsrirurron PHYSIQUE DU SOLEIL.
L'ensemble des travaux des astronomes, depuis
l'Antiquité jusqu'à l’éclipse du 18 août 1868, con-
duisit à considérer le Soleil comme un globe essen-
tiellement gazeux; la température propre que l’on
y supposait devait être très élevée, de sorte qu'au-
cun corps ne saurait y exister qu'à l’état gazéiforme
le plus prononcé. D'autre part, on sait que les gaz,
fussent-ils même portés à une très haute tempéra-
ture, restent Loujours fort peu lumineux, de telle
facon que le globe solaire gazeux devrait émettre,
par lui-même, fort peu de lumière; cependant le
rayonnement considérable à travers les espaces
célestes permet un fort refroidissement superficiel
el il en résulle, par voie de condensation, que les
éléments gazeux des régions périphériques doivent
se résoudre en quelque sorte, à l'état de poussière,
liquide ou solide. Cette poussière peut jouer un
rôle analogue à celui que nous attribuons au car-
bone, à la chaux ou à la magnésie dans nos flam-
mes artificielles; elle rayonne énergiquement et,
par l'effet de cet abaissement relatif de tempéra-
ture, le globe gazeux va pouvoir s'entourer d'une
enveloppe très lumineuse : c’est la photosphère.
$ 1. — Photosphère.
Cette photosphère très lumineuse constitue la
parte visible du Soleil ou, en un mot, l’astre pro-
prement dit; elle futétudiée dès la plus haute Anli-
quilé, et c’est précisément par les recherches si
persévérantes, si altentives et si bien interprétées
dont elle fut l’objet que l’on put parvenir à se for-
i Voyez la Revue du 15 mars 1901, {. XIT, p. 213 etisuiv.
JEAN MASCART — LES ÉCLIPSES ET LA CONSTITUTION-PHYSIQUE DU SOLEIL
mer sur le Soleil les quelques notions générales qui
précèdent.
Dans l'étude de la photosphère, l'examen de
taches peut être inscrit à la première place: ces
déchirures de l'enveloppe lumineuse nous permet
tent précisément de sonder la masse plus avant
pour constater l'obscurité relative du noyau gazeux
central; pour invisibles qu'elles soient générale=
ment à l'œil nu, leurs dimensions n'en sont pa
moins considérables, et leur diamètre atteint cou:
ramment le double et le triple de celui de notre
Terre; leurs formes étranges et irrégulières restent
d’ailleurs mystérieuses; leurs mouvements ont
révélé les lois de la rotalion superficielle du Soleil
leurs vitesses, variables avec la latitude, établis-
sent cette rotation même et servenl encore de
preuve frappante pour l’état gazeux de l’astres
enfin, l'examen minutieux des taches conduit encore
les astronomes à admettre l'existence d'une atmos-
phère autour de l'enveloppe lumineuse.
$ 2. — Chromosphère.
Cette atmosphère, Lockyer a proposé de l'appeler
chromosphère, dénomination qui a du reste prévalus
à cause de sa teinte et des lignes brillantes et iso=
lées de son spectre : la chromosphère enveloppe la
surface photosphérique à l’état de couche, très irrés
gulière, mais dont l'épaisseur est au moins évaluée
à 8.000 kilomètres; elle est constituée, en majeure
parlie, par de l'hydrogène incandescent et fréquem
ment injecté de vapeurs métalliques.
Remarquons, tout de suile, que les détails rela
tifs à la chromosphère et aux protubérances sont
dus à l'observation oculaire et, surtout, depuis 1868:
à l'application journalière de la méthode Lockyers
Janssen, faite, en dehors des éclipses, aux régions
extérieures de la chromosphère et au bord. Depuis
1892, d'autre part, la méthode Hale-Deslandres
d'enregistrement photographique permet d'étudier
non seulement les prolubérances et la chromos:
phère au bord, mais, en outre, la chromosphèrt
projetée sur le disque mème du Soleil. .
La chromosphère se présente sous quatre aspects
bien tranchés : :
1° Le premier aspect de la chromosphère est
celui d'une couche très nettement délimitée, comme
_ serait la surface libre d'un liquide: son éclat
tranche alors parfaitement avec l’espace environ-
nant, qui paraît sombre à l'extérieur et, cependant,
on peut remarquer près du bord extérieur une
faible diminution d'intensité lumineuse,
2° Plus ordinairement, la chromosphère est gar-
nie de petits filaments lumineux, semblables à des
poils brillants : tous ces filaments sont dirigés dans
‘ün même sens, et plus ou moins inclinés; leur
orientalion ou leur entrainement n'est pas toujours
dirigé dans le sens des courants supérieurs qui
transportent les protubérances bien que, cepen-
dant, le cas en soit assez fréquent. Cette structure
du deuxième aspect s'observe principalement entre
les latitudes moyennes et les pôles.
3° D’autres fois, la surface chromosphérique est
diffuse, de manière qu'il est difficile de dire avee
quelque précision où elle s'arrête ; ce phénomène
slobserve, de préférence, dans les régions des
facules.
4 Enfin, etcela le plus souvent, la chromosphère
est terminée irrégulièrement et garnie de petits
appendices coniques el irréguliers, ou bien aussi
de pelites flammes dirigées en tous sens : ce sont là
des protubérances rudimentaires. Le plus fréquem-
ment, ces protubérances se présentent dans les
points du périmètre solaire où l’on rencontre des
granulations ou marbrures de la surface, de telle
sorte qu'il paraît exister une étroite dépendance
entre les granulations et ce quatrième aspect de la
chromosphère.
$ 3. — Protubérances.
Outre ces petits objets rudimentaires, la chromo-
sphère peut présenter un assez grand nombre
lappendices, lumineux el très étendus, que l’on
embrasse sous la dénomination générale de protu-
bérances et que nous allons indiquer rapide-
ment dans les trois formes très différentes sous
lesquelles se peuvent présenter ces appendices: en
forme d'amas, de jets et de panaches fig. 1).
D'ailleurs, l'intensilé lumineuse de la chromo-
Sphère est considérable : son éclat est tellement vif
qu'il peut occasionner des doutes sur le moment
récis de la totalité ! et reste assez remarquable,
oique très affaibli, sans doute, quelles que soient
les circonstances atmosphériques, favorables ou
n ; la largeur de cet anneau peut être évaluée à
EE
ou 15”.
- 1. Amas, — Les amas peuvent être rangés en
trois catégories : k
- Les uns sont de simples élévalions, des sortes de
monticules très brillants: dans leur intérieur, on
— 2 CAPPELLETTI, TISSERAND, STrEPnAN, etc,
JEAN MASCART — LES ÉCLIPSES ET LA CONSTITUTION PHYSIQUE PU SOLEIL 271
a
ne perçoit aucune distribution nelte de la masse,
tandis que leurs contours sont généralement diffus
ou garnis de poils; leurs formes sont variables,
quoique généralement arrondies, et ces amas parais-
sent être de simples surélévations de la chromo-
sphère n'excèdant guère une hauteur de 15 à 20”.
Ou bien encore les amas auront une forme plus
diffuse, plus légère : ce seront des agglomérations
analogues aux cumuli de notre atmosphère. Sous
cet aspect, on les rencontre généralement aux envi-
rons des taches ; mais cette forme est plutôt rare, el
elle paraît alors dériver d'une nébulosité diffuse
qui cache l’organisation intérieure du jet.
Enfin, toujours plus léger et plus diffus, l'amas
peut se composer de masses nuageuses, presque de
brouillards, qui vont se trouver au sommet des
grandes protubérances, là où, en quelque sorte,
la dissolution des panaches produit de faibles lueurs,
engendre au sommet des masses de légers voiles
cirrilormes.
2, Jets. — Sous cette dénomination on comprend
un ensemble de flammes vives et brillantes que
l'on trouve de préférence dans le voisinage des
taches, ou dans la lumineuse couronne de facules
qui environne généralement une tache. Certains
jets sont lriangulaires, tels de courtes et raides
pointes d'épée, mais très vifs et, en même Lemps,
d'une extrême variabilité; ils sont alors de courte
durée el prennent rarement un grand développe-
ment en hauteur. D’autres, qui ne se rencontrent
que très rarement sur une grande échelle, ont reçu
la dénomination plus parliculière de cônes. 4es
cônes très courts sont très fréquents; fréquemment
ils s’allongent pour prendre une forme curviligne
très gracieuse. Quand une telle transformation à
lieu, elle nese produit pas graduellement; en géné-
ral, si l'une des formes vient à disparaitre, l'autre
forme se substitue à la place de la première après
un très court intervalle de tranquillité ; ainsi l'aspect
de ces dernières formes de jets est fort analogue à
celui de flammes transportées ou brusquement
abattues par le vent et ces flammes, toujours très
vives, s'observent communément près des laches.
L'intensitélumineuseesttoujourstrès grande dans
les jets, et le fond même est plus lumineux que le
reste du contour solaire; d’ailleurs, ces jets offrent
parfois des formes véritablement magnifiques,
commelesplus beaux bouquets de feu d'artifice qu'il
soit possible d'imaginer : les branches vont retom-
ber souvent en paraboles plus ou moins inclinées,
offrant, en quelque sorte,une véritable beauté artis-
‘tique; certains jets figurent la tête de gigantesques
palmiers avec les gracieuses courbures des rameaux;
d’autres encore seront des jets composés, dont des
branches, issues de la même base, s'écartent à une
272
2 JEAN MASCART — LES ÉCLIPSES ET LA CONSTITUTION PHYSIQUE DU SOLEIL
certaine hauteur dans diverses directions. Le plus
souvent, enfin, la tige, très vive et très brillante,
s'élève à une certaine hauteur; là, elle se subdivise
en ramifications ell'on voit flotter à la partie supé-
rieure une sorte de chevelure, tantôt entrainée par
le vent dans la direction du jet, lantôt repoussée
au contraire en sens inverse de la direction de la
tige.
Quoi qu'il en soit de toutes ces formes, les jets
sont toujours caractérisées par une constitulion
compacte, filamentaire à la base, neltement déli-
mitée au sommet en filets sans nuages; leur lumière
est si vive qu'on les apercoit encore à travers les
Fig.
nuages légers lorsque d'aventure la chromosphère
disparait, et leur spectre indique la présence de
plusieurs substances autres que l'hydrogène. Nous
n'avons pas à introduire ici une subtile distinction
entre les jets et les gerbes, selon l'appellation d'un
certain groupe aussi de protubérances, et nous
devons nous en tenir aux très vastes généralilés ;
souvent, dans la lumière des gerbes lumineuses,
on se trouve en présence d'une variation dans la
réfrangibilité des raies, variation dont l'effet se
traduit par un doublement de la raie normale, ou
bien par une diffusion de l’un ou l’autre côté. C'est
là une des plus importantes circonstances qui
soient dans la Physique solaire, et on l’altribue
généralement à la vitesse considérable de la masse
lancée.
Souvent, enfin, les gerbes, parvenues à une cer>
laine hauteur, s'arrêtent, puis se résolvent en mas»
ses brillantes et très vives qui, au bout de quelque
temps, paraissent entièrement isolées de leur base
primilive pour flotter comme des nuages. D'ailleurs
les gerbes, comme les flammes, ont une court@
durée. C'est là leur caractère propre : raremenb
leur transformation complèle exige une heure, el
c'est souvent l'affaire de quelques minutes.
3. Panaches.— Tout en présentant, bien entendu,
un certain nombre de points communs avec les
jets, cette troisième catégorie de protubérances
1, — Groupe de protubérances photographiées dans le quadrant Sud-Ouest du Soleil,
par MM. E. Barnard et G. W. Ritche.
diffère considérablement cependant des précédentes
et s'affirme par un certain nombre de caracléris®
tiques : une moindre intensité lumineuse; une
plus grande persistance dans la durée; une termis
naison sui generis à la partie supérieure, qui les
fait souvent se résoudre en nuages pommelés
et déchiquelés comme ceux de notre atmosphère
terrestre ; la diffusion et la hauleur beaucoup plus
considérable que l'on y observe; les assemblages
très volumineux qu'ils forment; et, enfin, par là
situation dans laquelle ils se présentent, très indif=
féremment, sur toutes les parties du bord, tandis
que les jets, en particulier, se rencontrent seule=
ment, comme nous l'avons vu, à côté des taches où
dans leurs régions.
Parmi les panaches, nous distinguerons deux
JEAN MASCART — LES ÉCLIPSES ET LA CONSTITUTION PHYSIQUE DU SOLEIL
273
groupes : les formes simples et les formes com-
posées :
Les formes simples consistent en des masses
“filamenteuses, larges à la base pour se rétrécir en
pointe, au delà. On les observe quelquefois droites,
“mais le plus souvent recourbées sous l’action évi-
. dente des courants qui les entrainent. Il n'est pas
rare de remarquer de doubles inflexions dans ces
panaches, et le phénomène est assez net pour que
l'on puisse être conduit à attribuer à ces jets une
“forme spirale; un de leurs aspects les plus brillants
el les plus gracieux consiste à se rattacher à la
-“chromosphère par une langue très mince, pour
“s'élever sur ce pédicule en s’élargissant comme
“une fleur. D'ailleurs ces panaches peuvent offrir,
parfois, une très grande élendue.
Au point de vue de la hauteur à laquelle elles
sont susceptibles de s'élever, ces formes sont dans
les circonstances les plus variables : dans le cas le
plus fréquent, parvenu à une cerlaine hauteur, le
panache s’épanouit en trainées et en nuages;
quelques-uns, à une hauteur relalivement faible,
sont terminés par une masse nuageuse et diffuse :
d’autres se relèvent comme une corne coupée par
rois étages de nuages; les uns offrent l’aspect d'un
uàge rattaché seulement par une queue; enfin
l'on peut encore observer des filets, presque isolés,
qui se replient pour relomber normalement à la
hromosphère.
Parfois, cependant, il peut arriver que ces
uages soient simplement projetés sur les panaches
et sans aucune relalion intime avec eux, mais
ouvent aussi on peut les voir se former au som-
net même du panache.
» Les panaches peuvent se présenter dans toutes
es inclinaisons possibles par rapport à la surface
solaire, depuis ceux qui sont verticaux jusquà
ceux qui se trainent, qui paraissent ramper sur la
chromosphère. On les verra, lantôt accouplés et
convergents, tantôt assemblésavec des inclinaisons
différentes, mais c'est ici le lieu de remarquer que
-Loutes ces variétés peuvent se rapporter, en grande
partie, à de simples effets de perspective et que; en
réalité, les bases de filets voisins peuvent être fort
éloignées les unes des autres, dans la direction du
rayon visuel. Malgré tout, il est une observation
fort curieuse sur la forme remarquable de ces
filets. En général, à la base, le filet est très voisin
de la verticale; puis il s'incline avec beaucoup de
délicatesse pour s'élever parfois de nouveau. Leur
structure ressemble à un assemblage de longs
- poils, particulièrement à des moustaches; généra-
… lement les filets sont serrés, de telle sorte qu'on
+ les puisse prendre pour des nuages continus si
7 l'air atmosphérique n'est pas favorable aux obser-
4 -vations. Au pôle, d'ailleurs, on les trouve fré-
$
quemment plus clairsemés, avec un sommet confus
qui peut se réduire à un très faible nuage, et
presque perpendiculaires au bord dans toute leur
étendue : ilest trop naturel d'imaginer alors que,
en cet endroit, il leur manque le courant qui doil
les entrainer, par ailleurs.
L'assemblage de tous ces jets, de tous ces nuages,
va pouvoir donner naissance aux formes que nous
avons appelées composées : mais aussi la deserip-
tion suceincte qui précède laisse entrevoir suffi-
samment l'infinie variété de loutesles combinaisons
possibles, les caprices auxquels seront sujets les
panaches composés pour lesquels il serait illusoire
de tenter une description de Lypes constants.
Quelques-unes des masses de ces panaches se
présentent avec une organisation (rès singulière
qui leur ferait altribuer, au premier abord, une
structure réticulée, laissant des trous obscurs et
des ouvertures béantes; ainsi la continuité appa-
rente serait plutôt obtenue dans de mauvaises con-
ditions atmosphériques; mais, si l’on peut effectuer
les observations avec un grossissement suffisant,
par un temps favorable, et que l'on porte toute son
altention sur la structure du panache, il semble
bien que cet aspect soit réellement inhérent à la
structure intime du phénomène, et que cette sorte
de quadrillage résulte seulement de l'entrecroise-
ment varié des divers jets filamenteux.
Le sommet des panaches est le plus souvent très
déchiqueté, pour ressembler aux amas de cirro-
eumuli que lon peut trouver à l'extrémité des
nuages orageux el qui conslituent alors un ciel
pommelé. Quoiqu'il en soit, il est intéressant de
xêmarquer que les panaches s'élèvent toujours au-
dessus de la chromosphère par de petits jets isolés
et non pas sur une étendue parfaitement continue,
bien que, à une certaine hauteur, les filaments se
mêlent, s'enchevêtrent et finissent par se confon-
dre en une masse qui parail unique; aussi, en par-
tant de la base, peut-on suivre les divers filets.
lumineux qui les produisent et qui, dans les régions
plus élevées, se ramifiant parfois, s'inclinent dif-
féremment, el arrivent à s’embrouiller de toutes
les manières possibles. C'est donc cetle structure
qui a suggéré l’idée des formes arborescentes pour
les protubérances; mais il est manifeste, comme
nous l'avons déjà fait pressentir, que ces formes
complexes, dans la majorité des cas, dépendent
de la différence des directions des formes élémen-
taires que nous projetons virtuellement les unes
sur les autres et que, faute d’une transparence suf-
fisante, nous ne pouvons séparer.
Ce serait un travail déjà fort long que de réunir
les descriptions de ces figures compliquées qui
s'étendent parfois de 30° à 40° en lalitude, et à plus
de 60° en longitude, sur la surface solaire; nous
274 JEAN MASCART -_ LES ÉCLIPSES
nous contenterons de mentionner les hauteurs
considérables de 150 à 200", auxquelles ces masses
peuvent atteindre; quelquefois 240", mais rarement
plus. Les travaux de Lockyer et de Respighi, par-
liculièrement, ont mis en évidence que ces protu-
bérances peuvent s'élever à 300,000 kilomètres de
la surface solaire, en même temps que leurs trans-
formalions s'effectuent avec la plus grande rapi-
dité : ainsi, Young eut l'occasion de voir un frag-
ment de protubérance se détacher, puis s'élever
pendant douze minutes environ, avec une vitesse
moyenne comprise entre 200 et 260 kilomètres par
seconde.
4. Pluies solaires. — Sous cette dénomination,
el pour en finir avec la description des singularités
superficielles, nous allons réunir enfin quelques
cas de queues, protubérances nuageuses, masses
filamenteuses, pluies solaires..…., mais sans vouloir,
bien entendu, laisser nullement entendre par là
une communauté d'origine, ou une relation quel-
conque qui, bien que vraisemblable, est encore
entièrement méconnue.
Le phénomène inléressant des pluies solaires
fut spécialement éludié par Tacchini et nous le
rapprocherons des protubérances nuageuses : dans
ce groupe, et sous la dénominalion de nuages,
nous voulons comprendre toutes les masses isolées
qui nagent, qui flottent isolées au-dessus de la
chromosphère, et cette classe nuageuse peut géné-
ralement fournir les renseignements les plus utiles
à l'intelligence du mode de formation fondamental
des protubérances.
Quelques nuages, comme nous l’avons vu, sont
le résultai de la désorganisation, de la diffusion
des paraches en masses déchiquetées; d’autres,
au contraire, paraissent être la continuation même
des panaches qui cesseraient d’être alimentés par
la partie inférieure de la chromosphère et, ainsi,
ils se trouvent alors isolés pour flotter librement
dans l'atmosphère supérieure. Puis, dans ces
masses isolées, se présente souvent un curieux
phénomène : une partie plus brillante se manifeste
dans la masse, puis s'épanche en filets curvilignes,
s'éparpille en quelque sorte dans toutes les direc-
Lions, el cette structure singulière ne doit pas être
considérée comme très rare; on croit pouvoir en
conclure que le phénomène des panaches est sus-
ceptible de se former au milieu même de la zone
atmosphérique sans que, pour cela, il soit besoin
d'un orifice d'émission proprement dit d'où la
masse solaire gazeuse pourrait émerger.
Cépendant les comparaisons que nous avons
faites entre les panaches solaires et nos nuages
grossières : les masses filamenteuses
ue ressemblent que d'une facon très lointaine aux
sont assez
! LA CONSTITUTION PHYSIQUE DU SOLEIL
nuages habituels qui résultent des condensations
de vapeurs, cumulus ou cirrus. La forme qui sex
rapproche le plus des panaches est celle de certains
cirrus très légers qui sont entraînés à travers notre
atmosphère par des courants très violents : et ces
aspects se présentent le plus souvent lorsqu'un
vent du nord, très violent dans les hautes régions;
rencontre des cirrus déjà formés antérieurement;
les déchire, les enchevêtre, et les entraine en filets
plus où moins parallèles. Cette forme, appelée
horse tails (queue de cheval) en Amérique, est bien
en effet, celle qui ressemble le plus aux panaches
de l'atmosphère solaire.
En résumé, tous ces phénomènes sont donc le
simple résultat d’un transport des masses nua-
geuses à travers le milieu dans lequel elles flottent
et ils ne‘peuvent servir en rien à la démonstration
de l’existence d’une force d'impulsion qui les lance
directement à des distances aussi considérables :
au contraire, dans le cas des filaments incurvés
qui rebroussent chemin ou reviennent sur eux-
mêmes après avoir atleint une certaine hauteur,
on peut trouver le symptôme et la raison de deux
forces distinctes, celle qui les produit et celle qui
les transporte.
$S #. — Ondulations lumineuses.
Enfin, et pour en finir avec les objets plus parti-
culièérement relatifs aux périodes d’éclipses, nous
allons dire quelques mots des ondulations solaires :
Au commencement et à la fin de la totalité de
l’éclipse, la lumière solaire crée de curieuses ondu-
lations sur les murs blancs ou même sur le sol,
ondulations qu'on ne saurait mieux comparer qu'à
celles qui se produisent au fond d’une pièce d’eau
éclairée par le Soleil, et qui correspondent aux
ombres des légères vagues de la surface. Cette
apparence est encore fort mal expliquée, bien
que l'attention ait été attirée sur ce point, pour
la première fois encore par Arago, dès la fameuse»
éclipse du 8 juillet 1842.
Au moment où l'éclipse allait FRA Lotale,
écrivait à Arago l'un de ses compatriotes, Fau-
velle, je vis les derniers rayons du Soleil onduler
fortement et avec vitesse sur la muraille blanche
d'un des établissements militaires du rempart
Saint-Dominique. L'effet peut être comparé à ce
qu'on observe lorsque la lumière solaire tombe sur
un mur où sur un plafond après avoir élé réfléchies
à la surface d’une nappe d’eau agilée. Le même
phénomène se reproduisit au moment de l'émersion
du soleil. Les ondulations, fortes d'abord, s'affai=
blirent graduellement et disparuren( au bout de
5 à 6 secondes
Lors de la même éclipse, un autre observateur,
Savourin, écrivait également à Arago : « On à vu
“
».
JEAN MASCART — LES ÉCLIPSES ET LA CONSTITUTION PHYSIQUE DU SOLEIL
275
des ombres et des laches lumineuses courir les | ter, il est vrai, les unes des autres, mais sans être,
uses après les autres, comme paraissent le faire
les ombres produites par de petits nuages qui
“passent successivement devant le Soleil. Ces taches
“n'étaient pas de la même couleur : il y en avait de
Douce, de jaunes, de bleues, de blanches ».
Ce phénomène a été presque constamment re-
Suivantes; la meilleure et la plus complète des-
“ription que l’on en possède est due à Diamilla
uller, de Milan, et se rapporte à l’éclipse du
22 décembre 1870 ; d’ailleurs, pendant l’éclipse du
98 mai 1900, dont nous allons bientôt avoir l'occa-
ion! de parler, ces ondes furent notées, en Espa-
gne, par de nombreux observateurs, notamment
M. Arcimis, Augustin de Soto, Salvador, Baurich,
. Bru Marin, Moye, etc…., etc.
$ 5. — Observation journalière des protubérances.
Cette observation peut s'effectuer gràce à la
méthode dont le principe fut imaginé par Lockyer ;
bien qu'elle sorte un peu du cadre des éclipses
proprement dites, il est cependant indispensable
d'en parler, et par ce fait qu'elle fut mise au point
pendant une éclipse même, par M. Janssen, comme
nous l'avons déjà vu, et à cause des services con-
sidérables qu'elle rend tous les jours, des précieu-
ses indications qu'elle fournit sur la la constitution
des protubérances, Le procédé repose, d’ailleurs,
sur les très simples observations suivantes :
Dans les circonstances ordinaires, les protubé-
rances solaires nous demeurent invisibles, pour la
même raison que les étoiles : elles sont masquées
par la lumière intense que réfléchissent certaines
articules de notre propre atmosphère, particuliè-
rement celles qui sont dans le voisinage de la
direction du Soleil dans le ciel; mais, s’il nous
élait seulement possible d’affaiblir en même temps
la lumière, elles nous apparaîtraient bientôt. Or
est précisément là ce que fait le spectroscope : et
uisque la luminosité aérienne n’est autre que de
la lumière solaire réfléchie, son spectre serà natu-
rellement le même que celui de la lumière du So-
Jeil, c'est-à-dire une bande colorée et continue,
entrecoupée par des raies obscures; alors il est
d'expérience élémentaire que ce spectre est fort
affaibli par toute augmentation du pouvoir disper-
sif, puisqu'il va falloir que la lumière s'étale en
un plus long ruban de manière à couvrir une sur-
face plus étendue.
D'autre part, si nous voulons effectuer une ten-
tative du même genre sur un spectre discontinu
“conslitué par des lignes brillantes, et si nous aug-
- mentons le pouvoir dispersif du spectre employé,
les raies lumineuses ne vont nullement subir un
… affaiblissement du même genre : elles vont s'écar-
ni difluses, ni privées de leur éclat. Ainsi done, si
l'image du Soleil formée par une lunette est exa-
minée à l’aide du spectroscope, on peut espérer
voir au bord du disque les raies brillantes corréla-
lives du spectre des protubérances, si tant est que
celles-ci soient réellement gazeuses.
Tel est le principe très simple de cette méthode
qui peut comporter les applications instrumentales
les plus variées.
IT. — LA COURONNE.
Nous avons déjà vu, sommé loute, au cours des
diverses éclipses, les propriétés générales de la
couronne, son aspect, $es variations et les recher-
ches relatives à la composilion de sa lumière;
aussi allons-nous nous borner désormais à réunir
iciquelques tentatives particulières, parfois dis-
cordantes, puisque l'on n'a pu obtenir encore de
résultats nets avec les procédés proposés pour
observer et étudier la couronne en dehors des
éclipses.
En ce qui concerne particulièrement l'intensité
lumineuse de la couronne, les résultats sont assez
différents les uns des autres; et, en effet, une telle
évaluation est fort malaisée si l'on veut penser aux
variations exceplionnelles et extraordinaires que
subit la lumière pendant une éclipse totale de So-
leil. Cependant il est manifeste que l’on peut en-
core distinguer nettement la couronne 40 secondes
après la réapparition du Soleil el que l'on peut
mème conslater son existence pendant un temps
beaucoup plus considérable, 6 à 7 minutes envi-
ron avant et après la totalité : en fait le pouvoir
éclairant de la couronne intérieure est relative-
ment considérable, et l’on peut admettre actuelle-
ment qu'il est supérieur à celui qui s'attache à la
pleine Lune dans les circonstances les plus favo-
rables.
Mais, et c’est là précisément un point dont l'im-
portance relative est difficile à établir, l'éclat de la
couronne dépend beaucoup de l'état de notre at-
mosphère : ainsi, pendant l’éclipse de 1858, sous
le beau ciel des Indes, la lumière coronale était
fort belle et procurait une clarté suffisante pour
lire des caractères de moyenne grandeur. D'autre
part, en 1842, Baily observait une couronne très
brillante à Paris tandis. que, simultanément, el à
travers un ciel légèrement brumeux, Airy la trou-
vait très pâle à Turin; de même, en 1851, la cou-
ronne était fort belle à Gottembourg, en Suède; et
au contraire, faible et étendue à Lilla-Edet, égale-
ment en Suède.
Ainsi done la couronne est assez lumineuse, à ce
point que, dans un tout autre phénomène, les
(9 Lyi
276 JEAN MASCART — LES ÉCLIPSES ET LA CONSTITUTION PHYSIQUE DU SOLEIL
passages de Vénus sur le Soleil, on peut apercevoir | Tout d’abord, en contact immédiat avec Ja chro=
la planète 2 ou 3 minutes avant son passage sur le | mosphère, se trouve une première couche dans
disque solaire, au moment, par conséquent, où elle | laquelle la lumière est encore assez vive et qui
ne se délache que sur la luminosité de la couronne; | peut s'étendre à une distance de 40 ou 12 minutes:
Fig. 4. Fig. à.
Fig. 2 à 5. — Photographies de la couronne pendant l'éclipse du 28 mai 1900.
Agrandissement : 3/1. Clichés de M. Deslandres.
2, — Temps de pose : 1 seconde. Fig. 3. — Temps de pose : 4 secondes.
— 8 — Fis. 5, — Bi] —
d'ailleurs, sinon sur la visibilité coronale, nous | c'est là, par conséquent, que s'élancent etse trans:
avons du moins des renseignements assez concor- | forment les diverses protubéranres que nous avons
dants sur les divisions lumineuses de la couronne : | signalées. Cette zone est d’un bleu d'argent, assez
L JEAN MASCART — LES ÉCLIPSES ET LA CONSTITUTION PHYSIQUE DU SOLEIL
brillante pour présenter un aspect nacré. Quelques
“auteurs ont voulu décrire diverses couches de
“lumière, mais celle expression ne nous parait
guère admissible ou vraisemblable, car l'intensité
- Jumineuse va en diminuant par degrés insensibles
Sans qu'il soil possible d'assigner des limiles pré-
_cises entre les différentes couches.
… Jusqu'ici, la couronne pent être considérée
“comme parfaitement concentrique au disque so-
“aire : les divers aspects qu'elle présente pendant
“l'éclipse permettent d'autant moins d'en douter
qu'elle est plus brillante dans la région où le Soleil
est plus voisin du bord de la Lune et, ne pouvant
“donc plus l'attribuer à l'atmosphère lunaire, il faut
bien la considérer comme apparlenant presque
intégralement au Soleil: mais, pour pouvoir ainsi
raisonner avec justesse, il ne faut pas tenir compte
lune partie corunale plus éloignée, d'une zone
irrégulière qui, précisément, donna peut-être lieu
aux erreurs des premiers observateurs.
Cette seconde région de la couronne conslilue, à
proprement parler, ce qu'on appelle l’auréole (fig. 2
à 5): elle est souvent irrégulière et son contour, loin
d'être uniforme comme on l'aurait tout d'abord sup-
posé, est indécis el présente des inégalités, parfois
même de très profondes échancrures ou cavités, Ces
irrégularités ont été remarquées depuis longtemps,
élprincipalement par Gilles, qui étudia en Amérique
Néclipse de 1858; les parties les plus brillantes
correspondent généralement au voisinage des pro-
ibérances et à la base des aigreltes, ou peut-être
mieux encore, comme on l'a dit récemment, aux
plages brillantes de la chromospbère. Pendant les
années 1870 et 1871, cette troisième zone de la
Couronne présenta même une singularité remar-
quable : en certains points on observa des sortes
d'interruplions de l’auréole, des cavités profondes
qui parvenaient presque jusqu'au bord du disque
aire; c’est ce que les Anglais appellent riffs, et
position de ces échancrures fut déterminée avec
une précision suffisante, soit par les observations
optiques, soit, surtout, par la photographie.
Or, en 1860, nous avons dit dans l'histoire des
éclipses que, pour la première fois; deux expéditions
élaient préoccupées de photographier l’éclipse,
bnous avons vu sans cesse par la suite les progrès
incessants dont nous sommes redevables à ce
nouveau procédé d'observation; mais, ici, c'est
“peut être le lieu de revenir sur ces deux photogra-
phies qui, toutes deux, fournissent des détails in-
essants et distincts. L'un des photographes fut
Varren de la Rue, à Villabellosa; l’autre, Seechi,
u Desierto de las Palmas, en accompagnant l’ex-
pédition espagnole qui était sous la direction
d'Aguilar. Ces deux photographies fournirent les
ésullats suivants : la photographie de Warren de
19
1
mr
la Rue, obtenue en grossissant les images avec
l'oculaire, reproduit admirablement les protubé-
rances et leurs accessoires, landis que la couronne
n y est visible que dans sa partie la plus brillante
et la moins élevée; Secchi, au contraire, photogra-
phia l'image directe fournie par l'objectif, ce qui a
l'avantage de donner une plus grande quantité de
lumière et un champ plus étendu.
Depuis cette époque, c'est le second procédé qui
est très généralement employé par Lous les obser-
vateurs : il présente, en effet, tous les avantages, et
le séul inconvénient de la petitesse des images est
bien aisément détruit par des agrandissements
ultérieurs, sans arriver loulefois à meitre en évi-
dence le grain de la gélatine ; nous ne pouvons que
mentionner, sur ce point très particulier, l'heureuse
tentative réalisée dans l'objectif d'agrandissement
de Christie.
Quant à effectuer l'étude de la couronne en dehors
des léclipses, c’est là encore un problème fort
malaisé, el les recherches de cette nature sont
pousuivies par de nombreux observateurs, parti-
culièrement Huggins ‘, Hale *, Riceo *, etc., bien
que, de l’aveu même des auteurs, les résultats
soient assez incertains. M. Deslandres reprend
aussi cette question *; il étudie avec soin les con-
dilions théoriques du problème, il fait de nom-
breuses tentatives, plusieurs essais avec des mé-
thodes différentes, et parvient enfin à la conclusion
que la reconnaissance journalière de la couronne
est liée étroitement à la découverte d’une méthode
permettant d'observer des images formées avec les
rayons caloriques seuls. L'obstacle, en effet, qui
réside dans la lumière diffuse du ciel, diminue
très rapidement au fur et à mesure que l'on veut
utiliser des radiations de longueurs d'onde crois-
santes; de plus, le spectre coronal indique assez
que le maximum d'éclat de la couronne est plutôt
situé vers le rouge. -
Précisément M. Langley © parvint à enregistrer
les radiations calorifiques du spectre solaire normal
par un procédé très ingénieux, bien qu'indirect, et
qui nécessite l'intervention d'un bolomètre et d'un
galvanomètre très sensibles; mais celte méthode
parait difficilement applicable au cas de la cou-
ronne, car l'image calorique devrait être obtenue
par le mouvement d'un point el non pas, comme
dans les appareils enregistreurs de la couronne,
par le mouvement d'une ligne; ainsi done, il reste
encore à trouver une méthode permettant la photo-
1 Proceedings of the Royal Sociely, 1885.
% Astronomy and Astrophysies, 1894.
# Mémoires des Spectroscopistes italiens, 1893 et 1894.
* Comptes rendus de l'Académie des Sciences, 1891-1894.
5 Bulletin astronomique, 1894.
5 Comptes rendus de l'Académie des Sciences, 1894.
278
JEAN MASCART — LES ÉCLIPSES ET LA CONSTITUTION PHYSIQUE DU SOLEIL
graphie directe de ces rayons spéciaux, méthode
qui offrirait alors les plus précieux avantages.
Nous pourrons alors résumer! de la manière
suivante les moyens propres à obtenir le mieux
possible des détails faibles de la couronne, tels
que, par exemple, les rayons caractéristiques.
Les photographies de la couronne peuvent se
diviser en épreuves à petite et à grande échelle ;
les premières donnent la structure générale, mais
elles sont relativement peu utiles, puisque celte
structure est actuellement connue à l'avance; les
grandes épreuves, au contraire, sont plus intéres-
santes, car elles montrent les divisions de la cou-
ronne et se prêtent, autant qu'il est possible, à
l'étude des rotalions encore indéterminées entre
les jets coronaux et les détails de la surface même
du Soleil. Et, puisque la couronne présente à la fois
des parties très intenses près du bord solaire, et
des parties très faibles du côté opposé, particuliè-
rement dans les jets caractéristiques, il est bon à
priori d'employer des plaques lentes, qui ont l'a-
vantage d'avoir une échelle de tons plus étendue,
et de se prêter aux nuances délicates ; cela d'autant
plus que les parties les plus faibles sont peut-être
aussi les plus intéressantes.
Mais, d'autre part, les régions les moins lumi-
neuses ont à lutter contre un ennemi, que l’on ren-
contre plus ou moins dans tous les appareils d'Op-
tique, et qui consiste dans la lumière diffuse de l'ap-
pareil : aussi, pour diminuer celte lumière diffuse,
est-il bon d'éviter, autant que possible, les miroirs
auxiliaires, les objectifs à quatre verres, les objectifs
d'agrandissement.. Enfin, une autre sorte de lu-
mière intervient encore, celle que diffuse le ciel,
qui se trouve en quantité d'autant plus notable
que la durée de l'éclipse est plus courte, et dont
nous eûmes l'occasion déjà de montrer l'intérêt :
elle a pour origine la diffusion de la lumière coro-
nale dans les couches d'air situées au-dessus de
l'observateur, et, en outre, la diffusion de la lumière
du disque central dans les régions élevées et éloi-
gnées de l'atmosphère, à côté de la zone de totalité.
Or, cette lumière diffusée se trouve relativement
très intense dans l'ultra-violet, et diminue rapide-
ment lorsqu'on remonte vers le jaune, le rouge et
l’infra-rouge, ce qui permet d'expliquer pourquoi
les jets coronaux observés à l'œil sont plus longs
que sur les plaques; c'est également pour cette
raison que M. H. Deslandres fut amené à placer
devant les plaques des écrans jaunes et rouges,
pour diminuer la lumière du ciel et faire mieux
ressortir les coronaux, Dans cet ordre
d'idées, il serait encore avantageux d'employer une
rayons
1 Voir H. DEesLanDRes : Comptes rendus de l'Académie des
Sciences. Février 1901.
plaque impressionnée par les seuls rayons infra=
rouges.
II, — L'écurse pu 28 mar 1900.
Cependant, parmi les éclipses du xix° siècle
nous avons omis la dernière, celle du 28 mai 1900
parce que nous voulions donner à son sujet quels
ques indications plus étendues : la ligne centrale;
partant du Sud de l'Amérique du Nord, venait tra
verser le Portugal, l'Espagne, l'Algérie et la Tunisie,
et de nombreuses Missions s'élaient préparées®
Malheureusement l'éclipse lotale était de courte
durée, une minute à Alger, ét, comme toujours
dans ce cas, le ciel est resté assez éclairé; aussi les
photographies les meilleures devaient être, en gé
néral, celles de pose la plus courte, et l'on pouvait
aisément: les repérer puisqu'il était facile d'avoir,
dans le champ, l’image de la planète Mercure.
Les préparatifs ne furent pas inutiles : un peu.
avant la totalité, on put noterl'apparitiou des frange
ondoyantes et mesurer avec succès, en Espagnes
la réfrangibilité de la principale raie coronale, 1
raie verte. Les panaches avaient une forme incur*
vée à l'équateur, tandis que les pôles étaient munis
d’aigrettes, ce qui caractérise bien le type coronal
de minimum d'aclivitésolaire. De plus, gràce au pho=
topolarimètre Cornu, M. Landerer mesura la pro=
portion de lumière polarisée de la couronne solaire
Deux mesures assez concordantes lui ont fourni
pour la lumière polarisée la proportion de 0,52, ce
qui est très considérable : d'autre part, M. Joubin,
guidé dans ses recherches par une idée préconçue
sur la nature de la lumière coronale, a trouvé qu'il
y avait au moins trace de polarisation elliptiques
Nous ne pouvons songer à mentionner Lous les:
astronomes quise rendirent à cette éclipse, d'autant
plus que cette énumération serait fort dépourvue.
d'intérêt, et nous allons nous borner à mentionner
les principaux résultats. 1
A Alger, un grand nombre d'astronomes sont
allés pour observer la couronne et les protubé=
rances, notamment M. Stéphan. Le nombre de
photographies obtenues est de 28 pour l'éclipse
partielle, et de 6 pour la couronne. Parmi ces pho=
tographies, l'une d'elle présente un grand intérêt:
prise dix secondes avant la totalité de l'éclipse,
elle donne à la fois des images intenses des points.
de Baily, de la chromosphère, des protubérances
et de la couronne; M. Trépied signale encore une
curieuse protubéranceen boule. L'un des caractères
distinctifs pour la couronne de cette éclipse résulte
de la grande netteté avec laquelle sont accusés les
rayons polaires, ce qui rappelle les couronnes de
1878 et de 1887. La photographie du spectre des
lignes brillantes de la chromosphère, dans la rés
3
_gion qui s'étend de G à I, contient un nombre con-
“sidérable de raies; malheureusement on aboutit à
un résultat négatif dans une tentative faite pour ob-
tenir les spectres de deux parties diamétralement
“opposées dela couronne, à 5' d'arc environ du bord
du Soleil dans l'équateur de cel astre.
—. Quant aux observations thermo-actinométriques,
il est à remarquer que le minimum du thermo-
“mètre à boule brillante s’est produit environ 6 mi-
nutes après le milieu de l'éclipse ; la température à
lNombre, sans abri, n'a baissé que de 1°,5 pendant
toute la durée de l’éclipse, mais sans passer par un
minimum net à aucun instant; le thermomètre
humide a suivi constamment une marche parallèle
celle du thermomètre sec et, enfin, la variation
du baromètre n'a rien montré qui puisse être
atlribué à l'éclipse pour une influence quelconque.
M. de la Baume-Pluvinel, à Elche, oblient neuf
épreuves photographiques de la couronne avec un
appareil à trois objectifs de 1"50 de foyer; trois
ichés avec un objectif de 2"70 de foyer ; la cou-
en 1887 aux Iles du Salut : on y retrouve la même
forme incurvée des panaches équaloriaux el jes
èmes aigrelles aux pôles. Le spectroscope a
donné un spectre continu de la couronne s'étendant
à 12° environ du bord du Soleil; il est impossible,
dans cespectre, deretrouverles raies de Fraunhofer;
ant aux raies brillantes, on en compte environ
3», qui ne sont guère visibles que d'un côté de
léquateur, l'activité solaire devant être beaucoup
oindre de l’autre côté. La raie coronale s'élend à
% ou 5 du bord du Soleil.
- M. J. Comas Sola, à Elche, obtient deux photo-
graphies de la couronne et trois photographies
=
jours le type du minimum d'activité; l'expansion
équatoriale maxima atteint presque trois fois le
rayon solaire,
M. H. Deslandres, à Argamasilla, s'était installé
- 2° Reconnaissance du spectre ultra-violet de la
ronne dans la seconde partie la plus réfrangible
JEAN MASCART — LES ÉCLIPSES ET LA CONSTITUTION PHYSIQUE DU SOLEIL
279
la seconde partie, problème non encore abordé.
4° Elude du spectre calorifique de la couronne
dans une partie éloignée du rouge, étude non en-
core abordée et très importante pour les recherches
ultérieures sur la couronne.
4° Photographie directe de la couronne avec des
plaques lentes et à grain fin.
La recherche sur la rotalion de la couronne sem-
ble avoir conduit à une rotation plus rapide que celle
du disque ; les raies gazeuses chromosphériques et
le spectre continu sont assez intenses sur les épreu-
ves : mais les raies coronales indispensables à
l'étude de la rotation manquent presque absolu-
ment, sauf en deux points où elles ont la faible
hauteur de 3° et se prêtent, à la rigueur, à une me-
sure; celte faiblesse des raies coronales a déjà été
signalée aux époques des minima de laches. Pour ce
qui est du spectre ultra - violet, on l’a complet
(hauteur 15')}, mais sans délail. D'autre part,
M. Deslandres obtient des épreuves qui donnent :
1° le spectre ultra-violet enlier de la couche ren-
versante, à savoir la moitié déjà connue, de À 4.000
à À 3.900, et la partie non encore reconnue, de
À 3.500 à À 3.000; 2° le spectre ullra-violet entier
de la chromosphère supérieure, non reconnue jus-
qu’alors, par la méthode Lockyer-Janssen ; 3° le
spectre entier de la couronne avec deux anneaux
complets qui annoncent deux radiations coronales
nouvelles.
Eofin. un chronopholographe à pellicule mobile
a fourni, en deux minutes, jusqu'à 500 épreuves
successives de 0%,02 de haut sur 0",03 de large,
qui montrent la marche du phénomène : une des
épreuves montre la série complète des raies ullra-
violettes de l'hydrogène (au moins 24). Les expé-
riences sur le rayonnement calorilique indiquent
clairement la possibilité d'obtenir la couronne en
dehors des éclipses avec les rayons calorifiques.
Sur quelques-unes des photographies directes qui
ont été oblenues de la couronne, on voitles bandes
équatoriales s'écarter du Soleil à la distance de
deux diamètres. l
M. Hamy, à Elche, obtient sept photographies de
la couronne, dont quelques-unes fort étendues,
qui accusent encore netlement un minimum d'ac-
tivité. Pour les observations spectroscopiques, il est
à remarquer que la raie verle caracléristique de la
couronne, bien que tombant dans une région sen-
sible des plaques orthochromatiques employées, n'a
donné aucune trace d'impression; celte raie n'a
pas été aperçue non plus dans le spectrescope
organisé en vue d'un examen oculaire qui a fourni
un spectre continu dans la région avoisinant la
longueur d'onde À 530; l'absence de cette raie verte
n'a pas permis d'utiliser un grand appareil inter-
férentiel adjoint à ce spectroscope, appareil destiné
280
JEAN MASCART — LES ÉCLIPSES ET LA CONSTITUTION PHYSIQUE DU SOLEIL
à étudier plus complètement la constitulion de la
raie demeurée invisible.
M. Landerer, à Elche, étudiait la lumière pola-
larisée comme nous l'avons déjà dit; il est bon de
remarquer en outre que la proportion de lumière
polarisée provenant des régions de l'atmosphère
situées à 90° du Soleil a fort sensiblement la même
valeur que celle qui procède des enveloppes mêmes
de cet astre, ainsi qu'il résulte de plusieurs obser-
vations faites par un ciel serein, à Tortose, et pré-
cisément au mois de juin, car cette dernière pro-
portion alteint des chiffres variant de 0,50 à 0,57.
M. Marcel Moye, à Elche, remarque les franges
sous forme d'ondulations sinusoïdales régulières,
grisâtres, et lranchant faiblement sur un sol rou-
geâtre éclairé par les derniers rayons du Soleil;
leur largeur était de 8 à 10 centimètres, leur inter-
valle de 30 à 40; elles avaient sensiblement une
direction est-ouest, et leur vitesse de translation
élait assez faible, celle d'un homme au pas. Une
minute à peu près avant la totalité, M. Moye signale
le phénomène suivant: En plus du premier système,
un second réseau de franges vient se superposer
au premier : leur apparence était la même, mais
cette fois leur mouvement était en sens contraire,
c'est-à-dire ouest-est, de sorte que l'ensemble des
deux systèmes d’ondulations offrait l'aspect de
la représentation algébrique œde l'infini.
À Paris, peu de résultats : par temps médiocre,
l'on ne put observer que le dernier contact de
l'éclipse (partielle en France), et les observalions
ne sont pas très concordantes. À Lyon, les contacts
sont observés et l’on a pu les déduire de l'étude
suivie des flèches des images, tandis que trois
instruments permettaient d'étudier le ligament noir
antérieurement signalé par M. André. À Besançon,
observations par temps brumeux et ciel variable.
A Toulouse, avec M. Baillaud, observation directe
des contacts, mesure de la corde commune, obten-
Lion de clichés photographiques; les observations
météorologiques montrent que la température a
baissé de 3°; l'état hygrométrique de l'air et la
pression barométrique sont sans changements; le
vent, qui était modéré, a légèrement faibli pour se
modérer à la fin. À Bordeaux, avec M. Rayet, l'ob-
servation des contacts se fait dans un ciel nébuleux,
à travers les légers cirrus qui tiennent peut-être au
refroidissement dans le cône de pénombre, et la
température a baissé de 3°,9.
A Nice, les conditions atmosphériques sont excel-
lentes, et les observations fructueuses : M. Per-
rotin appelle tout particulièrement l'attention des
observateurs sur les rapports possibles entre la
lumière zodiacale et ces formes variées de la cou-
ronne. Encore que partielle à Marseille, l’éclipse
cache cependant les 8/10 du diamètre solaire el
l'on peut faire de bonnes observations: on note
les contacts, les occultalions par la Lune des laches
situées sur le disque solaire ; la température baisse
de 3°,1 jusqu'au milieu de l'éclipse pour remonter
ensuite, et la déclinaison magnétique suit une
marche analogue. ’
A l'Observatoire de Météorologie dynamique dem
Trappes, M. Teisserenc de Bort lance un ballon
sonde à 2 h. 49 m.; il s'élève rapidement et, après
avoir traversé deux couches de cirrus, atteint
10.500% à 3 h. 42; le thermomètre marquaitm
alors — 55° et se maintient à cette température
de 3 h. 49 m. à 4 h. 2 m. En outre, les enregis-
treurs fournissent à M. Violle d'importantes me-
sures aclimométriques. ;
IV. — TuÉORIES SOLAIRES.
.
Pour chaque partie du Soleil, prise séparément,
on à pu voir se développer les hypothèses et les «
théories les plus variées et, cependant, quelques-
unes d’entre elles répondent assez bien à la plu-
part des faits observés et suggèrent des expé-
riences nouvelles.
Bien entendu, les premières théories se proposè-
rent uniquement l'explication des taches : à ce
phénomène s'était, dès les premiers temps bornée
l'observation; puis, lorsque la chromosphère fut
étudiée d’une facon plus particulière, de nouvelles
hypothèses surgirent pour satisfaire aux plus
récentes observations. Une des théories les plus
généralement admises, et qui rend assez bien
compte, somme toute, de l'ensemble des principaux
phénomènes observés, est celle de M. Faye. Elle
explique bien les variations de la vitesse super-
ficielle dans la photosphère par les mouvements
verticaux des gaz et, aussi, la formation et la
segmentation des taches à l’aide de tourbillons en
cyclones analogues à ceux de notre atmosphère :;
en outre, cette théorie a le grand avantage de
rapporter uniquement les phénomènes solaires à
des phénomènes du même ordre journellement
observés à la surface de la Terre, et M. Faye fait
aussi remarquer que celte étude du Soleil peut,
réciproquement, suggérer des idées nouvelles sur
la météorologie terrestre.
Les théories sont beaucoup plus variées s’il s'agit
d'expliquer uniquement la nature de la couronne;
mais, dans ce cas, il est vrai, l'incertitude esl en-
core plus grande par ce fait que les analogies font
presque entièrement défaut. Il reste seulement
évident que la couronne est intimement liée à la,
pholosphère et à la chromosphère, et que toute
explication qui la concerne doit s'accorder égale-
ue ENT SR RES
4 Faye : Sur l'origine du monde, p. 235-256.
JEAN MASCART — LES ÉCLIPSES ET LA CONSTITUTION PHYSIQUE DU SOLEIL
281
ment avec les fails acquits sur les deux autres
parties du Soleil. D'ailleurs, les théories de la cou-
-ronne se divisent en deux grandes catégories, selon
“qu'il s'agit d'attribuer la couronne à une matière
“venue du dehors, ou bien, au contraire, de la sup-
œnoser émanée du Soleil lui-même.
— L'idée d'attribuer la couronne à des essaims
“météoriques, ou à des comètes très voisines du
Soleil, et de rapporter lesaigreltes caractéristiques
aux queues cométaires est déjà assez ancienne :
en particulier, elle fut adoptée par M, Norman
Lockyer qui devait même la généraliser pour
expliquer les étoiles variables ; cette même idée est
reprise par M. Schuster, dans son Rapport sur
éclipse totale de 1886”, qui prétend que « cette
théorie à l'avantage de fournir une explication
plausible de la périodicité solaire et mérite de fixer
laltention des hommes de science. » En fait, elle
conduit à la conséquence suivante : la couronne
doit présenter une dissymétlrie spéciale, toujours
du même côté pour les mêmes mois de l’année; or
l'examen attentif des couronnes antérieures à 1886
Jui montre bien, en effet, que la couronne est tou-
jours plus étendue à l'Est pendant le mois d'avril,
et que, au contraire, elle est plus large à l'Ouest en
juillet et août.
Cependant, pour les observations de la couronne
de 1893, la confirmation de lelles théories ne va
pas être nelte et les phénomènes se compliquent ;
pour les épreuves photographiques à longue pose,
la couronne apparait légèrement plus large à l'Est,
landis que, pour les faibles poses, cette extension
est plutôt portée vers l'Ouest.
Cette théorie, d’ailleurs, a d'autres points faibles :
elle ne rend aucun compte des jets courbes et symé-
triques de la couronne à l'époque du minimum des
laches, non plus que des extensions équatoriales
ét,enfin, elle implique une trop grande vitesse pour
les parties extérieures de la couronne qui devraient
participer au mouvement rapide des météores.
La tendance moderne et plus générale serait
d'attribuer la couronne à des éruptions de matière
sues de la photosphère et, en effet, les protubé-
rances du bord solaire ont parfois des vitesses
radiales supérieures à 600 kilomètres par seconde,
vitesse iniliale assez considérable pour rejeter la
Matière pour ainsi dire à l'infini. Le gaz ainsi pro-
jeté loin du Soleil se refroidit alors suffisamment
—pour se condenser et donner naissance aux pous-
Sières de la couronne. Cette hypothèse fut reprise
dans ses derniers temps par M. Schæberle, astro-
home à l'Observatoire Lick, et développée d'une
manière complète sous le litre À mechanical Theory
“ol the Solar corona* : par des éruptions normales
“ ! Philosophical Transactions, 1890.
« = Rapport del'Observation Lick sur l'eclipse de janvier 1889,
REVUE GÉNÉRALE DES SCIENCES, 1901.
à la surface, et réparties uniformément sur le par-
rallèle de 15°, M. Schæberle estime pouvoir expliquer
les rayons courbes des pôles etles différents aspects
de toutes les couronnes.
Mais ce n'était encore là qu'un essai, une série
d'idées premières ; car M. Schæberle allait avoir
l'occasion d'observer l'éclipse de 1893, au Chili,
dans lesexcellentes conditions d’une station demon-
tagne, el il crut devoir publier tout de suite une
note préliminaire" pour la rectification de ses hypo-
thèses primitives ; désormais il suppose que les
centres d’éruption sont irrégulièrement distribués,
hypothèse beaucoup plus logique, ou bien encore
qu'ils sont jalonnés sur la surface solaire par les
laches et les facules, les vitesses ayant des gran-
deurs et des directions quelconques. Alors le mou-
vement est uniquement déterminé par la vitesse
iniliale d'éjection et la gravitation universelle,
exactement comme pour les planètes etles comètes,
Les,lrès grandes vitesses fou rnissent les rayons de
la couronne extérieure; les vitesses moyennes
engendrent les rayons enchevêtrés de Ja couronne
moyenne, el la même origine peut être attribuée
aux protubérances. Enfin les rayons courbes de la
couronne moyenne etles filamentsincurvés des pro-
tubérances seront tout simplement des ellipses dont
un foyer est occupé par le Soleil, ce qui permet à
M. Schœberle de dire que « cette hypothèse simple
explique bien toute les apparences de l'atmosphère
solaire, et par la seule loi de la gravitation, en
dehors de toute action magnétique ou électrique. »
La même année, une hypothèse bien différente
el assez curieuse était proposée par M. Bigelow * :
On suppose le Soleil fortement aimanté et dans les
mêmes conditions que la Terre, c’est-à-dire de façon
que les pôles magnétiques soient voisins des pôles
de rotation. Mais cela ne suffit pas ? il faut encore
admettre alors que les particules coronales s’orien-
tent suivant les lignes de force, tout comme la
limaille de fer dans l'expérience classique des
aimants ou, si l'on veut, que ces particules soient
sinon ferrugineuses, au moins magnétiques. En
résumé, M. Bigelow superpose une deuxième hypo-
thèse à la première, et si une action de l’ordre du
magnétisme peut être possible près des pôles
solaires, du moins la force supposée est insuffisante
pour expliquer l’ensemble du phénomène; il est
juste de dire, toutefois, que M. Bigelow a présenté
accidentellement cette hypothèse, au cours de
cherches fort intéressantes sur les variations pério-
diques de l'aiguille aimantée à la surface de la Terre.
Nous voici parvenus à tout un groupe de travaux
dont le butest d'expliquer les phénomènes solaires
par des théories électriques :
1 Astronomy and Astrophysies, 1893.
? Astronomy and Astrophysies, 1893.
6**
282
JEAN MASCART — LES ÉCLIPSES ET LA CONSTITUTION PHYSIQUE DU SOLEIL
D
Guidés par des analogies de forme, d'anciens
observateurs furent tentés d'admettre une origine
électrique pour les protubérances et, dès 1873,
Tacchini et de la Rive les comparaient à nos
aurores boréales ‘: Fizeau, en s'appuyant sur de
nouvelles preuves, élait conduit à considérer cetle
hypothèse comme la plus probable *. D'ailleurs il
est bon de remarquer que tous les auteurs qui ont
rapporté l'ensemble des phénomènes à d'autres
causes, par exemple à la chaleur solaire et aux
éruptions, comme le P. Secchi’ et le P. Sigreaves”,
ou à des combinaisons chimiques, comme M. Brews-
ter *, que tous ces auteurs admettent la coexistence
d'actions électriques importantes. Néanmoins,
toutes ces explications ne sont réellement valables
que pour les protubérances, et même, plus exacte-
ment, pour certaines protubérances: elles négligent
complètement la chromosphère, dont l'importance
est pourtant plus considérable, et n’apportent
aucune lumière sur la cause et la nature même de
cette action électrique.
De même, on chercha souvent l'explication de la
couronne dans des théories électriques : dans un
important mémoire sur la question, M. Huggins’
signale minutieusement les nombreuses analogies
des rayons coronaux avec les formes des queues
cométaires ; or, si l'on veut s'en tenir aux théories
fréquemment admises de Faye’, Norton, Bredi-
chin “..., il faut attribuer les queues cométaires à
une force répulsive, émanant du Soleil, qui serait
proportionnelle à la surface et de nature électrique;
c’est donc par de telles impulsions électriques que
M. Huggins s'applique à représenter les rayons
coronaux. La même opinion est encore soutenue
par M. Balfour Stewart ?.
Dans un autre ordre d'idées, MM. Hermann Ebert,
Pupin ".…. invoquent, pour la couronne, la réaction
et la polarisation diélectrique des poussières cos-
miques extérieures, sous l'influence de perturba-
tions électriques supposées dans le Soleil et, par
conséquent, la production d'élincelles électriques
dirigées vers l'extérieur dans le gaz coronal. Enfin,
M. Deslandres ‘? propose une théorie électrique
basée sur l'analyse spectrale. Cette théorie con-
1 Memorie della Socicta degli Speetroscopi italiani, 1893.
2 Comptes rendus de l'Académie des Sciences, 1891.
# Seccur : Le Soleil.
iThe physical constitulion of the Sun. Astronomy and
Astrophysies, 1894.
5 À short rewiew of my theory of the Sun. Astronomy
and Astrophysies, 1894.
8 On the corona ofthe Sun. Proc. of the Royal Soc., 1885.
7 Annuaire du Bureau des Longitudes, 1883-1885.
8 Annales de l'Observaloire de Moscou, t. V et Astrono-
mische Nachrichten, n° 211.
° Procedings of the Royal Institution. t. IV:
19 Astronomy and Astrophysics, 1895.
11 Astromomy and Astrophysics, 1893.
12 Rapport sur l'éclipse du Soleil du 16 avril 1893.
jour en jour moins absiraite, que son essor mo
duit à un rapprochement inlime entre notre atmos-
phère d'une part, avec ses phénomènes électriques"
et, d'autre part, la chromosphère du Soleil; des
toute facon, il y a là une tentative précieuse, puis
que nous aurions autour de nous un point de com
paraison d'observation plus courante et plus acce
sible.
V. — CONCLUSIONS.
Nous avons essayé d'exposer la si vaste question:
du Soleil et, certainement, sans y réussir d'une
facon satisfaisante. Bien que, au point de vue d&
l’Astronomie physique proprement dite, les docu
ments s'accumulent, les faits se précisent, les expé=
riences incontestables soient acquises et les idée
nouvelles germent tous les jours, nous n'avons pt
développer aucune théorie particulière ni entre
dans la moindre description. Quelles sont l’étenduem
et la composition de la couronne? L'atmosphère
coronale est-elle entraînée par le Soleil comme une
atmosphère ordinaire? Peut-être même plus vites
selon l'étrange indication provisoire de M. Des
landres ? Quelle est l'énergie électrique de la cou
ronne? Existe-t-il quelque rapport entre les grandes.
marées géologiques et la stabilité du système
solaire? Les phénomènes électriques interviennent=
ils dans les manifestations lumineuses? La varia=
lion de l'aiguille aimantée, selon l'indication obtez
nue à Marseille, les aurores polaires, sont-elles em
rapport avec le Soleil? Mais, bien plus, nous n'avons
rien dit des taches, de leurs observations régu
lières, de leur rotation, de leurs transformations, de
leurs variations périodiques et de leur relation avec
l'apparition des cirrus de notre atmosphère, de
problèmes analogues pour les facules, les granulæ
tions, et nous ne pouvons que renvoyer aux deux
excellents ouvrages de Secchi et de Young.
Il est jusqu'ici bien prématuré de conclure en
faveur d’une théorie, d’une hypothèse, plutôt que
d'une autre : d'abord parce que nous n'avons pa
l'autorité nécessaire et, de plus, parce que nous.
nous sommes plulôl proposé de montrer que l'As=
tronomie, jadis étude des posilions, puis science
mécanique avec Newton, allait puiser ensuite un
puissant auxiliaire dans la Physique et la Chimié
et que, malgré quelques défenseurs encore des
vieilles methodes, elle devient pour ainsi dire de
derne vers la constitution physique du monde et
vers la cosmogonie elle-même est considérable el
que, de ce fait, ce monde même nous devient plus
palpable, entre, pour ainsi dire, en rapport plus
direct avec nous.
Jean Mascart,
Docteur ès Sciences.
BIBLIOGRAPHIE — ANALYSES ET INDEX
283
1° Sciences mathématiques
iorest (F.) et Noalhat (H.) /ngénieurs. — Les
“Bateaux sous-marins. Tome 1] : Technologie. —
4 vol. in-8° de 400 pages avec 311 figures (Prix:
“15 fr.) Veuve Ch. Dunod, éditeur. Paris, 1900.
Le premier volume de l'important ouvrage de MM. Fo-
est et Noalhal a été analysé dans la Revue générale des
ciences du 30 décembre 1900. Le second traite,
mme l'indique son titre, de la technologie des sous-
marins. 11 est divisé de la facon suivante : immersion
stabilité, orientation, direction, sécurité, habitabilité,
rme, force motrice et propulsion, appareils de chan-
ment de marche et hélices réversibles, armement,
pareils divers. Cette simple nomenclature donne une
ée de la facon très complète dout les auteurs ont
profondi le sujet. Il faut ajouter qu'ils ne se sont pas
épartis de cette largeur de vue qui les a guidés depuis
commencement : Il n'y a pas, disent-ils, d'idées négli-
eables, le progrès est la résultante de tous les efforts
ndividuels, el ils se sont assujettis, partant de là, à ne
ïen laisser de côté, tout en indiquant leur manière de
oir et en préconisant les moyens pratiques et ration-
els. On conçoit, dans ces conditions, quel intérêt offre
éette encyclopédie des sous-marins el combien il est
diflicile de donner dans une courte analyse une idée
un pareil traité,
Dans le premier chapitre, consacré à l'immersion et à
à stabilité, deux cas sont à considérer : flottabilité
lle et flottabilité positive. Avec la flottabilité nulle,
>s essais qu'on a tentés sur des sous-marins de volume
ariable n'ont pas réussi; c'est par introduction d'eau
ns des réservoirs qu'on modilie graduellement le
poids du bateau de manière à rendre le poids du
vire égal à la poussée à telle ou telle profondeur.
e sous-marin ne peut d'ailleurs trouver son équilibre
après une série d'oscillations pendulaires faciles à
omprendre; c'est seulement avec des appareils asser-
S qu'on peut oblenir une immersion régulière et un
uilibre un peu durable. D'autre part, les réservoirs
ivent être disposés de manière à assurer la stabilité
assiette longitudinale, même lorsque les hommes se
éplacent pour manœuvrer. Parmi les appareils décrits,
érégulateur d'immersion de M. Noalhat et l'appareil
stabilité longitudinale de M. Forest méritent une
ntion spéciale.
“Dans le second cas, la poussée l'emporte sur le poids:
excès de flottabilité offre de sérieux avantages : si le
ulateur d'immersion ne fonclionne plus, le sous-
arin ne risque pas de s'immerger à une profondeur
lle que sa coque puisse être écrasée; si les appareils
retour à la. surface ne marchent pas, le bateau y
ient de lui-même, Enfn l'excès de flottabililé est un
acteur important de.la stabilité du sous-marin. Si l'on
£ avoir un certain excès de flottabilité, il faut un
ISposilif qui crée une action mécanique capable d'an-
uler l'effet de la poussée.
Deux procédés s'offrent pour provoquer l'immersion :
)n peut avoir recours à des hélices à arbres verticaux
Ou à l'emploi de gouvernails horizontaux qui provo-
quent la plongée du bateau en marche seulement. Ce
dernier procédé est le seul qui ait donné de bons ré-
iltats. La solution qui semble devoir prévaloir con-
Siste à employer quatre palettes-vouvernails, que l’on
place symétriquement deux par deux vers l'avant et
wers l'arrière de chaque côté du navire : on arrive
nsi, sur des sous-marins dont le tonnage varie de 30
a300 tonneaux et où la force de flottabilité a des va-
BIBLIOGRAPHIE
ANALYSES ET INDEX
leurs comprises entre 15 et 100 kilos, à obtenir une
route sensiblement horizontale, l'axe du bateau étant
incliné seulement de 2 à 5°. Les auteurs donnent
ensuite le principe du régulateur d'immersion, composé
d’un piston hydrostatique et d'un lourd peudule pou-
vant subir de légers déplacements en avant ou-en ar-
rière suivant que le bateau s'incline la pointe en bas ou
la pointe en haut. Le rôle du premier est de reculer
l'immersion; celui du second est de rectifier l'horizon-
talité, et la combinaison de leurs effets assure la régula-
rité des trajectoires.
Le chapitre relatif à la stabilité d'assielte transver-
sale, beaucoup moins importante que la stabilité lon-
gitudinale, est court. On y trouve démontré l'avan-
tage d'employer deux hélices à pas et à sens de rotation
contraires.
L'orientation est liée à la visibilité; {rois cas se pré-
sentent: 1° Navigation à la Surface ou en affleurement :
le: commandant surveille l'horizon et guide le navire
en regardant par un capot; 2° Navigation en immersion
complète à moins de # mètres d'eau au-dessus de la
plate-forme supérieure; des appareils de vision dans
une direction déterminée (tube oplique) ou de vision
panoramique (périscope) traversent la paroi supérieure
et vont recueillir au-dessus de l’eau l'image qui par-
vient, par une ou deux réflexions, dans l'intérieur du
bateau et d'après laquelle on se guide; 3° Navigation
en immersion complète au delà de 3 mètres; la visibi-
lité est nulle, le bateau se conduit au moyen du com-
pas et du gyroscope et revient de temps à autre vérifier
et rectifier sa route. ;
La direction s'obtient au moyen du gyroscope. Les
auteurs donnent la théorie de l'appareil et la descrip-
tion du gyroscope marin. La construction de cet appa-
reil, qui est la boussole du sous marin, demande une
précision mathématique et son emploi exige un per-
sounel soigneux et expérimenté, mais on peut dire qu'il
résout compièlement le problème de la direction.
MM. Forest et Noalhat atlachent une grande impor-
tance à la sécurité. Ils voudraient que non seulement
la coque du sous-marin fût d'une solidité qui lui permit
de résister à la pression à de grandes profondeurs, mais
même qu'elle fût munie de cloisons étanches, qui com-
pliquent un peu ces navires. [ls demandent qu'on place
un double jeu d'appareils d'immersion et qu'on prévoie
la faculté de pouvoir chasser l'eau qui se trouve en
excès daus les réservoirs, au moyen de l'air comprimé.
Ealn, ils voudraient multiplier les poids de sécurité,
pièces de fonte ou de plomb d’un poids plus grand que
celui de l’eau emmagasinée dans les réservoirs, poids
qu'une manœuvre très simple permet de laisser tomber
comme un ballon jette son lest,.
Pour l'habitabilité, on peut obtenir l’aéralion d'un
sous-marin de trois manières : 1° par l'air ou l'oxygène
comprimé dans des réservoirs ; 22 par la purification et
la régénération de l'air vicié au moyen de procédés
chimiques; 3° par le retour du bateau à la surface où
ou renouvelle l'air intérieur avec des ventilateurs. Le
premier procédé est dangereux et nuisible à la santé;
le second, qui consiste à faire absorber l'acide carbo-
nique par des matières convenables, soude caustique,
chaux, bioxyde de magnésium, etc., et à expulser la
couche intérieure par une pompe pneumalique en cas
de besoin, tend à prévaloir actuellement. Les auteurs
préconisent le troisième, qui consisie à revenir à la sur-
face, à la facon des souffleurs, renouveler sa provision
d'air.
MM. Forest et Noalbat, dans ie chapitre relatif à la
forme, se contentent de rappeler des essais sur la ré-
284
sistance des carènes sans donner léur avis, sauf sur ce
point qu'il y à avantage à faire courts les bateaux peu
rapides. Comme section transversale, ils recommandent
de se rapprocher de la forme circulaire, qui assure une
plus grande résistance aux pressions extérieures.
L'étude de la force motrice et de la propulsion em-
brasse un chapitre de 150 pages; l’espace restreint d’une
courte analyse ne permet que d’en donner un apércu,
bien que cette partie présente un intérêt tout spécial à
cause de la compétence bien connue de M. Forest.
Etant donné que (out sous-marin doit être muni d'un
moteur électrique, qui sera seul employé pendant la
marche en immersion, doit-il recourir aussi et forcé-
ment au même mode de propulsion quand il navigue à
la surface ? Evidemment non, mais on doit distinguer
cependant deux classes de sous-marins : les uns, garde-
côtes, s'éloignant peu des ports, auront de préférence
un moteur unique; les autres, autonomes, doivent avoir
deux moteurs, un de surface etun d'immersion; au mo-
mert de plonger, ils éteigneut les feux, remplissent les
réservoirs au niveau convenable, et procèdent ‘alors
comme un bateau purement électrique au moyen de
leurs dynamos.
Comme générateur d'énergie électrique, les piles
sont impuissantes; seuls les accumulateurs sont admis-
sibles. Après avoir étudié les types d’accumulateurs,
les auteurs décrivent le moteur électrique et abordent
une question capitale, celle des changements de vitesse.
Dans le cas de deux électro-moteurs, manchonnés sur
le même arbre d'hélice, on a la faculté de faire leur
couplage en tension ou en quantité, en munissant les
collecteurs de balais doubles; ensuite, par la manœuvre
d’un coupleur, il sera facile de grouper la batterie pour
les différences de potentiel suivantes : 50, 100, 150 et
200 volts. L'échelle de vitesse sera suffisamment étendue
pour satisfaire au fonctionnement du sous-marin en
employant les quatre combinaisons et en couplant les
deux électromoteurs en tension ou en quantité, ou en
retirant un des électromoteurs du circuit,
MM. Forest et Noalhat passent ensuite en revue les
divers projets de chaudières sous pression proposées
pour servir à recharger les accumulateurs et arrivent
aux sous-marins autonomes. Là, le moteur, à vapeur ou
à pétrole, doit remplir le double rôle de propulseur et
de récupérateur de force. Le moteur à vapeur présente
deux grandes qualités, il est plus simple et plus robuste;
il est difficile, par contre, d'obtenir une mise en pression
rapide de la chaudière : cependant, on peut citer deux
systèmes assez bons : celui, bien connu des yachtmen,
de la «Liquid Full Engineering C°», qui permet d’avoir
de la pression en dix ou onze minutes, et les procédés
de M. A. Seigle, employés sur le Narval. Pour les mo-
teurs à hydrocarbures, on peut invoquer les avantages
suivants : ils sont légers, peu encombrants, leur mise
en marche et leur arrêt sont instantanés.
Cette partie est à lire dans son entier. Ne pouvant
suivre les auteurs sur ce terrain, nous appellerons
l'attention sur leur moteur à huile lourde, de 500 che-
vaux, pesant moins de 20 kilos par cheval, et sur le
moteur Diesel, fort intéressant et qui est l’objet d’une
description très complète.
Le chapitre X traite des appareils de changement de
marche. Le sous-marin autonome devant avoir recours
à deux moteurs distincts, l’un électrique, l'autre à va-
peur ou à pétrole, le propulseur doit, par économie de
poids et de prix, tourner le plus vite possible dans l’un
et l'autre cas. Cependaut, les vitesses qui conviennent
avec les deux genres de moteurs sont loin d'être égales;
donc, il devient indispensable de faire varier le facteur
de la transmission et on ne peut y arriver qu'en em-
ployant un changement de vitesse, à moins de moditier
le pas de l'hélice quand on change le nombre de tours.
De nombreux systèmes de changement de marche sont
décrits par les auteurs. Pour les hélices réversibles, qui
paraissent l'objetde leurs préferences, ils disent qu'elles
ont peu été employées jusqu'ici; cela est vrai en France;
mais, au contraire, on en a pas mal installé à l’étran-
BIBLIOGRAPHIE — ANALYSES ET INDEX
joie parce que c'est l'arme des faibles, le véritablé
ger, toujours avec le pire résultat, et cela parce qu'on.
a eu recours à des appareils délicats et fragiles. La so
lution de MM. Forest et Gallice paraît dans de meil
leures conditions. û
Le chapitre suivant est consacré à l'armement
MM. Forest et Noalhat comparent Ja torpille Whitehead
et la torpille Howell et donuent la préférence à celle-ci
L'étude des modes de lancement présente beaucoup
d'intérêt.
Enfin, les auteurs décrivent sommairement une séries
d'appareils divers, engins de sondage, de sauvetage, etes
ayant trait à la navigation sous-marine. 1
Cet ouvrage est, comme on le voit, une encyclopédie
complète du sous-marin, qui fixe, à l'entrée du xx° siècles
gation, dont les pacifiques doivent voir les progrès avet
peace-maker, l'unique moyen d'empêcher dans l’aven
les hommes devraient songer à se secourir et now
s'entre-tuer.
.
2° Sciences physiques
Minet (Adolphe). — Traité théorique et pratiqu
d’EÉlectro-Chimie. — 1 vol. 1u-8° de 576 pages avet
207 figures. (Prix : 18 fr.) Librairie Polytechnique
Ch. Béranger, éditeur. Paris, 1900.
Les ouvrages traitant d'Électro-chimie sont rares en
langue française : aussi saura-l-on gré à M. Mine
d’avoir réuni dans son volume un grand nombre
documents fort intéressants relatifs à l’Electro-chimi
théorique, pratique et industrielle.
Il est, toutefois, regrettable que M. Minet ait eu si pe
recours aux publications étrangères; les travaux des
savants français sont, certes, considérables, mais ils
n'ont pas à eux seuls servi à édifier la science électros
chimique. On eût été également satisfait de voir, à
côté de chaque question traitée, l'indication de à
source bibliographique, indication indispensable
lorsqu'on désire approfondir un sujet. À
Le début de la première partie, intitulée Théorie de
l'Electrolyse, es consacré aux unités mécanique
et électriques, à la description des instruments
mesure électrique, aux phénomènes de Pellier et de
Thomson, ainsi qu'aux éléments de la Chimie (classifi
cation des éléments, table de Mendeleef, nomenela
ture et notations chimiques, fonctions chimiques, car
bures, alcools, phénols, aldéhydes, amines, arsines
sucres, gommes, alcaloïdes, etc. etc.). Il nous semblen
que l’auteur aurait pu sans inconvénient réduire ul
peu ces longs développements (120 pages), qui appar
tiennent aux traités de Physique et de Chimie, En
revanche, nous aurions aimé plus développée la parti
consacrée à la mesure de la résistance des électrolytes
dissolution, où il n'est fait mention d'aucune
méthodes qui ont été proposées ces dernières année
L'ouvrage comporte la description d’un grand nom
bre de types de piles et d’accumulateurs, ainsi que les
résumés de travaux fort importants relatifs à l'électro
lyse des liquides (électrolytes dissous ou fondus), de
solides (diélectziques) et des gaz.-
Si l’on n'avait pas l'impression très nette que
M. Minet a voulu faire preuve d’impartialité, on po
rait peut-être regretter que les conclusions général
les rapprochements entre les phénomènes et la théoni
manquent quelquefois dans son ouvrage, et l'on conclu
rait que cette absence fait tort à l'unité scientiliqué
du travail et donne parfois l'impression d’une encyclo
pédie.
ë M. Minet s’est beaucoup servi de la théorie des i
pour expliquer bon nombre de phénomènes, et,
certains moments, on pourrait le croire ioniste et mêm
un ioniste des plus avancés puisqu'il va jusqu'à calculer
(p. 238) la conductibilité individuelle d'un ion!
trouve ainsi que la conductibilité de l’ion-chlore €
BIBLIOGRAPHIE — ANALYSES ET INDEX
285
égale à 39,7. Qu'il nous soit permis d'avouer que nous
avons peine à nous faire une idée de ce que l’auteur
entend par là : que l'ion entre en jeu dans la conduc-
tibihté de l'électrolyte par sa charge, par sa vitesse, ou
“méme, à la rigu-ur, par ce que Kohlrausch appelle sa
“« mobilité », nous pouvons le concevoir; mais que l'ion
mit une conductibilité individuelle proportionnelle,
“d'après M. Minet, à sa vitesse de translation, cette affir-
“mation ne serait-elle pas le résultat d'une confu-
_ sion?
Quoi qu'il en soit, M. Minet a suffisamment convaincu
le lecteur de la haute portée de la théorie d’Arrhénius
par la large place qu'il a faite aux applications et aux
reuves qui confirment cette théorie. Aussi, pourrait-on
étre surpris de le voir se retourner brusquement contre
hypothèse d’Arrhénius si l'on n'avait pas déjäeu la
preuve de son impartialité. Sa neutralité en matière de
théorie est même si absolue que ce n’est pas lui-même
qui se charge d’anéantir l'hypothèse d'Arrhénius; il
Jaisse au D' Joseph W. Richard le soin d'agir et de
montrer (p. 261) comme quoi Arrhénius se met « en
‘contradiction formelle avec toutes les données que
fournit la Chimie ». On est alors en droit de demander
M. Minet quelle iuterprétation il compte donner à
tous ces phénomènes chimiques et physiques qu'il a si
simplement et si clairement expliqués à l'aide de la
héorie d'Arrhénius. « M. Richard, répond M. Minet,
{(p. 261), a cherché à donner une explication relative-
ment satisfaisante du phénomène de dissociation en le
considérant sous un jour particulier ». Le « cherché à
donner » et le « relativement » ne sont pas trés rassu-
ants, mais écoutons ce que dit M. Richard : « Une
molécule en dissolution peut bien se séparer en atomes,
“mais ces atomes doivent être assimilés à des solénoïdes
raversés par un Courant qui maintient en regard les
ôles de nom contraire des différents atômes. Avant la
dislocation de la molécule, les atomes étaient reliés par
a force de l’affinité chimique; après la dislocation, ils
ple de transformation de l'énergie ». Nous avouons que
nous ne voyons pas très bien en quoi celte théorie
diffère de celle d’Arrhénius; il est vrai qu'elle met les
ions en cage et les appelle des atomes, mais elle ne les
supprime pas; de plus elle suppose que ces solénoi-
des n'ont qu'un pôle; l’autre pôle, qui est bien gènant,
elle n’en parle pas.
Après avoir ainsi fait mettre à néant la théorie des
ions, M. Minet passe en revue « les recherches effec-
“tuées en France sur les électrolytes dans ces dernières
nnées ». Dans ce chapitre éminement patriolique, on
trouve traités à la suite les uns des autres les sujets
es plus différents : les électrolytes fondus de M. Lucien
Poincaré, les conductibilités électriques des acides et
des sels organiques de M. Daniel Berthelot, le transport
“électrolytique des ions à l’état combiné de M. Chassy,
a conductibilité moléculaire des sels en dissolution
étendue de M. Joubin, etc., etc. On peut se demander
pourquoi M. Minet ne {raite pas plutôt ces intéressantes
“questions exclusivement dans les chapitres où ces
matières sont traitées dans leur ensemble, ce qui
aurait pas nui à l'unité de l'ouvrage; sans doute,
c'est afin de mettre plus en évidence la part de travail
qui revient à chaque auteur.
La deuxième partie de l'ouvrage est consacrée au {rai-
tement électrolytique des composés chimiques, orga-
niques et inorganiques, ne donnant pas lieu à la pro-
duction d'un métal (l'électrométallurgie devant faire
l'objet d'un second volume). Les procédés de fabri-
cation industrielle y sont décrits avec force détails
intéressants el utiles.
Eufin la troisième partie traite des réactions chi-
miques de l'étincelle et de l'effluve, appliquées à une
série de composés et d'éléments chimiques. La fabri-
* cation ainsi queles propriétés et applications de l'ozone
. y occupent une place importante.
Ou voit que cet ouvrage, par les questions nom-
breuses et variées qui y sont traitées, est appelé à
sont reliés par la force électrique. C'est « un cas sim-
intéresser les théoriciens et les praticiens, les savants
et les industriels. A. Horcaro,
Chef du Laboratoire central
de la Compagnie française des Métaux
Gouré de Villemontée, Agrégé de l'Université,
Docteur ès Sciences. — Résistance électrique et
Fluidité. — 1 vo/. in-16 de 188 pages de l'Encycelo-
pédie scientifique des Aide-Mémoire. (Prix : broché,
2 fr. 50 ; cartonné, 3 fr.) Gauthier- Villars et G. Mas-
son, éditeurs. Paris, 4901.
Si l'Encyclopédie dirigée par M. Léauté a rompu fran-
chement avec son programme en publiant le travail de
M. Gouré de Villemontée, Mémoire tout court plutôt
qu'Arde-Mémoire, on ne peut que féliciter son éminent
directeur d’avoir donné l'hospitalité d’une publication
bien assise à une monographie qui manquait en Phy-
sique, et sera la bienvenue de lous ceux qu'intéresse
la curieuse relation, trouvée par G. Wiedemann, entre
les coefficients de frottement et les conductibilités des
solutions, relation peut-être plus grosse de coust-
qüences qu'on ne l'avait pensé jusqu'à ces derniers
temps, et qui cadre merveilleusement avec l’idée du
transport de l'électricité dans les électrolytes par le
déplacement d’un véhicule matériel.
L'auteur, que certaines parties de la question ont
personnellement occupé, et qui lui à fait un apport
expérimental très intéressant, s’est proposé de rassem-
bler et de discuter toutes les expériences relatives à la
mesure des résistivités électriques et des coefficients
de frottement des liquides, puis d’en faire une synthèse
par la discussion des lois empiriques dans lesquelles
on a cherché à établir une relation entre ces coefti-
cients. C'est cette partie, où se trouvent toutes les
données expérimentales, qui est de beaucoup la
plus importante. Le sujet est divisé en cinq chapitres :
Sels fondus, solutions aqueuses, eau, solutions alcooli-
ques, mélanges de sels; enfin, les résultats acquis dans
ces cinq directions sont rapidement résumés.
De la discussion minutieuse des résullats expérimen-
taux donnés par l’auteur, de leur rapprochement et de
l'examen des relations numériques qui subsistent
malgré la variation de la température, de la concentra-
tion dans un même dissolvant, ou du changement de
ce dernier, résultent quelques lois bien nettes, qui
sont, en somme, la confirmation de ce que G. Wiede-
mann avait entrevu dès 1856, et qui avait donné lieu,
en 1876, à l'hypothèse de Grotrian, « d'après laquelle
une partie du travail effectué par un courant traversant
un électrolyte est employé à surmonter le frottement
intérieur ».
Cette synthèse arrive à point, au moment où la
théorie de la transmission électrolytique tend à se
répandre de plus en plus et, dans les ingénieuses
généralisations de M. Giese, de M. Riecke, de M. J.-J.
Thomson, de M. Drude, touche de si près à l'Optique
qu'elle permet de prévoir des synthèses plus impor-
tantes encore. Cu. En. GUILLAUME,
Docteur ès Sciences,
Physicien au Bureau iuternational
des Po:ds et Mesures.
Annali del Laboratorio chimico centrale delle
Gabelle, diretti dal D" V. VircAvecouta. — Volume
IV. Rome, 1900.
Le Laboratoire chimique de la Douane italienne, fondé
à Rome il y a, je crois, cinq ou six ans, exécute non
seulement les analyses de denrées et de marchandises
soumises à l'impôt, mais s'occupe aussi de recherches
originales sur des questions qui lui sont posées par la
Direction générale des Douanes. Ces recherches, rela-
tivement nombreuses et variées, sont réunies, tous les
aus, en un volume par le Directeur du Laboratoire,
M. V. Villavecchia. Le volume qui vient de paraitre en
renferme dix-neuf.
Parmi celles-ci, les plus importantes ont rapport aux
méthodes d'analyses des essences provenant des fruils
d'Aurantiacées : citrons, bergamotte, oranges, etc.,
286
BIBLIOGRAPHIE — ANALYSES ET INDEX
essences dont la fabrication et le commerce ont pris
une si grande importance pour certaines régions de
l'Italie et notamment pour la Sicile. L'intérêt de ces
recherches vient surtout de ce que tous les échantil-
lons analysés ont élé préparés sous les yeux des ex-
perts.
Une autre série de recherches, également impor-
tantes, concerne les matières grasses et en particulier
l'huile d'olive. Elle comprend cinq Mémoires. Enfin, il
faut sisnaler une étude sur l'analyse des encres; un
Mémoire, accompagné de planches, sur les soies artili-
cielles, avec l’énumération de toutes les méthodes bre-
vetées de fabrication de cette substance ; un tableau de
la composition des condiments qui se trouvent dans le
commerce. Le Directeur lui-même a joint un Rapport
très documenté sur la composition des vins sucrés,
malaga, samos, etc., qui ont été importés en Italie
pendant la période 1890 à 1897.
GABRIEL BERTRAND,
Chef de Service à l'Institut Pasteur.
3° Sciences naturelles
Delgado (J.F.N.) et Choffat (Paul). — Carta geolo-
gi a de Portugal. — 2? /euilles à l'échelle du 1/500.000.
Direcçäo dos Trabalhos geologicos. Lisboa, 1899.
Choffat (Paul). — Aperçu de la Géologie du Portu-
gal. — 1 br. gr. in-8°, 40 pages, 1 carte géologique
au 1/200.000. 1 planche de coupes, T liqures. Extrait
de « Le Portugal au point de vue agricole ». Lis-
bonne, 1990.
Si l'on veut se rendre compte des progrès réalisés
dans nos connaissances géologiques sur le Portugal, il
faut comparer l’ancienne carte géologique du pays,
publiée en 1876 par MM. Ribeiro et Delgado, à la nou-
velle carte, publiée par la Direction des Travaux Géo-
louiques et signée par MM. Delgado et Choffat. Cette
carte ne comprend pas moins de trente-trois teintes
différentes; elle sort des ateliers de M. Wührer, à Paris,
etne laisse rien à désirer au point de vue de l'exécution.
La partie la plus nouvelle est l’œuvre de M. Choffat; elle
comprend la région mésozoïque au nord du Sado, dont
les levés détaillés au 1/100.000 ont figuré à l'Exposi-
tion (Section portugaise des Mines).
L'absence d’un texte explicatif est en quelque sorte
compensée par la publication d’un « Apercu de la Géologie
du Portugal », dû à M. Paul Choffat. Cette notice est
destinée au grand public et vise plutôt un but pratique,
mais le géologue y trouvera un résumé inappréciable.
En quelques lignes, l’auteur fait ressortir la division
du Portugal en régions géologiques naturelles, qui sont
les suivantes :
4° La Meseta, grand massif de terrains anciens, dont
une partie seulement se trouve sur territoire porlugais,
mais qui constitue la plus grande partie du pays.
20 Une bordure de terrains mésozoïques et cénozoi-
ques, commencant à Aveiro ets’étendant avec plusieurs
interruptions jusqu'en Algarve.
3° Une bordure méridionale, comprenant le Barrocal
et le littoral de l’Algarve.
4° Une grande surface de terrains cénozoïques qui
coupe en deux la bande mésozoïque occidentale et
couvre une parlie de l'aire paléozoïque ; elle comprend
les régions inférieures des bassins du Tage et du Sado
(dépression du Sorraïa).
59 Témoins de très petites dimensions, les îles Ber-
lengas et Farilhôes, formées par des roches granitiques.
Leur existence semble prouver que le massif ancien
s’étendait jadis beaucoup plus à l’ouest et qu'il a été
coupé du nord au sud par un fossé, dans lequel les
mers mésozoiques ont formé leurs dépôts.
La Serra de Cintra, autre affleurement de granite au
bord de l'Océan, ne doit pas être considérée comme
un fait de même ordre, car son éruption est postérieure
au Crétacé et la rattache aux roches éruptives modernes,
qui jouent un rôle important dans l’ouest du Portugal.
M. Choffat évalue l'extension des affleurements de
roches anciennes à 7/10 de la superficie du pays, celle
du mésozoïque à 1/10, celle du cénozoïque à 2/10.
Emize HauG, :
Professeur adjoint à la Faculté des Sciences
de l'Université de Paris.
Alezais (H.), Médecin des Hôpitaux, Professeur Sup
pléant à l'Ecole de Médecine de Marseille. — Con
tribution à la Myologie des Rongeurs. (Thèse pou
le Doctorat de la Faculté des Sciences de Paris). =
1 vol. in-8 de 400 pages. Félix Alcan, éditeur
Paris, 1900. |
Les travaux de Myologie sont si rares et d'un intérêb
si spécial que je citerai les paroles mêmes de l’auteun
pour expliquer l'idée qui a inspiré ses recherches : « En
abordant cette étude de Myologie comparée, j'ai et
pour but de rechercher, en me plagant dans des condi
tions qui réduisent au minimum les influences fami=
liales, l’action qu'exerce la fonction sur des groupes
musculaires déterminés. J'ai pensé, d'autre part, qu'il
n'était pas indifférent de réunir des descriptions pré
cises d'anatomie qui pouvaient être utilisées soit dans Jan
classification des animaux eux-mêmes, soit plutôt dans
l'interprétation des anomalies si fréquentes chez
l'homme et chez les animaux supérieurs. »
M. Alezais a disséqué, avec grand soin, semble-t-il, un
certain nombre de Rongeurs présentant les adaptations
les plus variées : Cobaye, Ecureuil, Gerboise, Lapin, Rat,
Marmotte, ete., et il en décrit minutieusement les
muscles peauciers, et ceux du tronc et des membres:
Son étude l’a conduit aux conclusions suivautes : Uu
certain nombre de dispositions musculaires ont un ca=
ractère adaptatif et sont communes aux Sauleurs par
exemple (Lièvre, Gerboise); d’autres dispositions, au
contraire, sont manilestement ind“pendantes du genre
de vie : ainsi l’obturateur intermédiaire existe chez 1e
Lapin el manque chez le Lièvre, pourtant très voisin ; le
grand dentelé naïil des six premières côtes (Gerboise),\
ou des sept premières (Cobaye), ou des huit premières
(Marmotte), etc.
J'avoue que ces résultats, qui pouvaient être prévus
à l’avance d'une facon générale, ne me paraissent pas
d'u intérêt bien palpitant; on sait bien qu'un animal
fouisseur a des os et des muscles disposés pour fouir,
et qu'un sauteur à des os et des muscles qui convien=
nent au saut, de mème qu'il est extrêmement probable
que chaque muscle à un nerf et des vaisseaux sanguins:
Mais, ce point mis à part, je conviens très volontiers que
le travail de M. Alezais renferme des documents qui
pourront être utiles aux physiologistes qui expéri="
mentent sur les Rongeurs, au même titre que les mo=
nographies classiques de la Grenouille, du Lapin, dun
Chat et du Chien, et aussi aux anatomistes qui s'amusent
à comparer les anomalies musculaires de l'homme
avec les dispositions normales des animaux inférieurs :
L. Cuénor, *
Professeur à l'Université de Nancy»
4° Sciences médicales
Bechterew (W. v.), Professeur à l'Académie i1mpe=
riale de Médecine de Pétersbourg. — Les voies de
conduction du Cerveau et de la Moelle (à l'usage
des médecins ct éludiants en médecine. Tradue=
tion, sur la 2 édition allemande, par M. G. BONNE. —«
1 vol. in-S° de S56 pages avec planches et figures:
(Prix : 48 fr.) 0. Doin, éditeur. Paris, 4900.
L'anatomie du système nerveux se métamorphose
sous nos nos yeux; les conceptions que l'on croyait
définitives ne sont que des formes transitoires. Il est
heureux pour le grand publie que les chefs d'école
aient à cœur de synthétiser à un moment donné les con
naissances éparses et de marquer l'étape. Kælliker à
consacré à la structure des centres nerveux un volume
entier de son /istologie ; Van Gehuchten en est à sa troi=
sième édition ; Dejerine poursuit son Anatomie et Cajaln
BIBLIOGRAPHIE — ANALYSES ET INDEX
287
A
à commencé le Système nerveux des Vertébrés; Bech-
terew, enfin, nous donne une édition considérablement
#randie de ses Voies de conduction, qui avaient paru
y a quelques années.
—_ Analomiste et clinicien, le professeur Bechterew est
ee connu de tous ceux qui s'occupent du système
“nerveux, grâce à de nombreuses publications (j'en
elève SO dans la table bibliographique), en général
“courtes et substantielles, toujours originales et person-
elles. Elève principal de Flechsig, il a paru, au début,
spécialiser dans la méthode de son maître, c'est-
Pdire dans l'étude des voies nerveuses d’après l’époque
myélinisation des faisceaux; mais, depuis, il a abordé
és autres moyens d'investigation, et l'on trouvera dans
ëe volume, à côté de la méthode embryologique, l'his-
ologie de structure par la méthode de Golgi-Cajal, les
dégénérations secondaires pathologiques et l'expéri-
nentation physiologique. La cytologie générale ne fait
bas partie du plan de l'ouvrage; la morphologie exté-
ieure est supposée connue.
L'œuvre est considérable et n'a pu être achevée
lavec le concours de plusieurs collaborateurs, élèves
. mailre et travaillant dans son laboratoire, Ce sys-
me a l'inconvénient de nuire à l'unité et à la concision,
nais il est devenu une nécessité pour toutes les publi-
ations de longue haleine. Outre un index bibliogra-
hique général qui termine le volume, chaque chapitre
Suivi d'une bibliographie détaillée et très complète,
ns laquelle les publications allemandes sont men-
jonnées en langue francaise.
Voici l'ordre des questions principales : 4° Voies de
induction de la moelle et racines des nerfs rachidiens:
20 Voies de conduction du tronc cérébral; — 3° Voies
e conduction du cervelet; — 4° Voies des hémisphères
érébraux : fibres de projection et fibres d'association.
Dans chacune de ces quatre sections, l'étude des voies
e conduction est précédée de celle de la substance
rise de la même région.
Je ne puis, on le comprend, indiquer que les idées
fénérales. Le veurone, avec ses chaînes qui s’actionnent
voie ascendante ou descendante, reste, malgré les
ftaques récentes, la base de toute interprétation.
mœboisme, qui resserre ou suspend les contacts cel-
iaires, est une hypothèseséduisante, qui pourrait expli-
uer les phénomènes du sommeil de la mémoire, de
habitude, de certaines paralysies, mais ce n’est encore
u'une hypothèse.
L'écorce cérébrale est une réunion d'organes juxta-
üsés qui, tous sans exception, possèdent des fibres cen-
ipètes et des fibres centrifuges. Ces organes ou centres
ont de deux ordres : les centres d'association et les
tres sensoriels et sensitivo-moteurs. Flechsig à eu
aison de reconnaitre dans l'écorce cérébrale de vastes
es dites d'association. Il a eu le tort de croire qu'elles
renfermaient pas de fibres de projection, erreur
evée par tous les anatomisies; mais sa conception
remière n'en garde pas moins toute sa valeur physio-
gique. Ce sont bien ces régions voisines des centres
teurs,et sièges des fonctions élevées de l'intelligence
de la conscience, qui caractérisent le cerveau humain ;
rs fibres de projections passent par la couche optique
vont en grande partie au cervelet, ce qui leur assigne
un rôle dans les fonctions complexes de l'équilibre.
Les centres sensoriels possèdent tous des fibres centri-
üuges qui se rendent aux organes des sens; leur signi-
ication est obscure et se rapporte peut-être à l’accom-
modation des membranes sensorielles.
Les centres sensitivo-moteurs sont bien connus, bien
que plusieurs d'entre eux (facial supérieur, mouvements
e l'œil) restent à préciser. Leur nombre est d'autant
us grand que l'animal occupe une place plus élevée ;
singe possède un centre pour chaque doigt. Tous
t unis aux deux moitiés du corps; pour la plupart,
ction fondamentale est croisée; pour d’autres, elle est
ale de part et d'autre (facial supérieur); pour quel-
jues uns (peaussier du cou), elle est surtout uni et
omo-latérale.
La voie sensitive, encore mal déterminée dans la
moelle,monte par le ruban de Reil et s'interrompt tota-
lement dans la couche optique, comme Dejerine l'a
reconnu un des premiers; de là, les fibres vont aux cir-
convolulions centrales en se mêlant aux radiations
thalamo-corticales; Bechterew admet qu'une partie des
fibres du noyau de Burdach pénètrent dans le corps strié
(glôbus pallidus) avant de se terminer dans l'écorce.
La voie motrice est plus simple; elle est représentée
par ie faisceau pyramidal. Notons que le faisceau
pyramidal croisé ne s'entre-croise pas entièrement dans
les pyramides du bulbe; une portion minime de ses
fibres reste dans le cordon latéral du même côté. Le
sort du faisceau pyramidal direct est incertain; il
semble que la majeure partie de ses fibres soit croisée
et que l’autre s'épuise du même côté de la moelle.
Ce sont là les voies de grande communication, les
voies principales; mais il en est d'accessoires, que
l'auteur appelle voies d'intérét local et qu'il a étudiées
avec beaucoup de soin, car elles expliquent un grand
nombre de phénomènes paradoxaux de la Physiologie ou
de la Clinique; elles fonctionnent à côté des grandes
voies et peuvent les suppléer en cas d'obstacle. Elles
sont représentées par la substance grise de la moelle,
les noyaux de la substance réticulée, les tubercules qua-
drijumeaux, le locus niger,les couches optiques, en un
mof.les centres ganglionnaires échelonnés tout le long
du névraxe. Elles sont parcourues dans les deux sens
par des courants centripètes et centrifuges.
Ces centres ganglionnaires ont, du reste, des fonctions
complexes, à peine soupconnées aujourd'hui. Bechterew
a reconnu que le tubercule quadrijumeau-postérieur
intervient dans l'audition, l'émission de la voix el la
coordination des mouvements réflexes. La couche opti-
que n'est pas seulement un relai sensitif, ses fonctions
propres sont surtout motrices; elle joue un rôle
essentiel dans la production des mouvements involon-
taires (cœur, tube digestif, vessie) et des mouvements
affectifs ou psychoréflexes. Ces derniers possèdent
d’ailleurs des centres corticaux reconnus par Bech-
terew. La substance grise du 3° ventricule est unie au
cervelet et prend part à l'équilibration du corps.
Le cervelel, organe de l'équilibration et de la tonicilé
musculaire, est relié aux centres nerveux par des
connexions que J'on découvre chaque jour être plus
nombreuses et plus spécialisées. La moelle lui apporte
les impressious du tact et du sens musculaire par le
faisceau de Gowers, le faisceau cérébelleux direct, les
noyaux de Goll et de Burdach; elle en recoit des exci-
tations motrices par le faisceau marginal antérieur el
le faisceau intermédiaire. Au cerveau arrivent les
fibres cérébelleuses qui ont suivi le pédoncule cérébel-
leux supérieur, les noyaux de la base (noyau rouge,
couche optique, noyau lenticulaire), et, après interrup-
tion dans ces centres, sont parvenus jusqu'à l'écorce
des régions antérieures; cette voie centripète permet
l'idée représentative de la position de notre corps
dans l’espace, idée qui est la base du sens de l'équili-
bre. L'écorce réagit sur le cervelet par des fibres
centrifuges qui suivent le même parcours ou s'engagent
dans le pied du pédoncule cérébral et dans le pédoncule
cerébelleux moyen.
Je dirai, en terminant, quele traducteur, M. Bonne, a
fait, lui aussi, un long travail, auquel l’avaient préparé
ses propres études sur la moelle; sa traduction est
claire, agréable à lire et bien française. Nous devons
nous féliciter de voir que ces grands ouvrages étrangers
trouvent des éditeurs pour les faire connaître au public
médical, d'autant plus que le livre de M. Bechterew
n’intéresse pas seulement les anatomistes de profession ;
les physiologistes et les cliniciens, fous ceux qui s'oc-
cupent à un litre’ quelconque du système nerveux, y
trouveront une foule de renseignements précieux ré-
surnés et groupés, avec l'indication de la source, s'ils
veulent se reporter au travail original.
A. CHARPY,
Professeur d'Anatomie à la Faculté de Toulouse,
288
ACADÉMIES ET SOCIÉTÉS SAVANTES
ACADÉMIES ET SOCIÉTÉS SAVANTES
DE LA FRANCE ET DE L'ÉTRANGER
ACADÉMIE DES SCIENCES DE PARIS
Séance du 4 Mars 4901.
1° SCIENCES MATHÉMATIQUES. — M. G. Lippmann décrit
un appareil, dit mire méridienne à miroir métallique,
destiné à la mesure des ascensions droites. Il à pour
objet de rendre le méridien du lieu où l’on opère visi-
ble sous la forme d’une ligne lumineuse projetée sur le
ciel, ce qui dispense de munir la lunette d'observation
d'un réticule. — M. J. Janssen, à propos de l’appari-
tion de la nouvelle étoile de Persée, pense que la for-
mation d’étoilés temporaires peut être attribuée à la
diminution de température de ces étoiles, laquelle per-
mettrait la combinaison de leur hydrogène et de leur
oxygène, qui dégage une énorme quantité de chaleur et
de lumière. Mais, une fois la vapeur d’eau formée,
l'éclat de l'étoile doit de nouveau rapidement diminuer.
— M. M. Luizet communique quelques observations de
l’éclat de la nouvelle étoile de Persée. — M. H. Deslan-
dres a photographié. le spectre de la nouvelle étoile,
qui est formé par des raies brillantes, extrêmement
larges, assimilables à des bandes, montrant la présence
de l'hydrogène, du calcium, du magnésium et du par-
hélium. L’explication la plus simple des particularités
de ce spectre consiste à admettre l'existence d'une
masse de gaz à très haute pression, qui se meut àpeine
par rapport au Soleil et est subitement le siège de phé-
nomènes électriques très intenses. — MM. J. Guil-
laume, Le Cadet et Luizet ont observé les variations
d'éclat de la planète Eros à l'Observatoire de Lyon. La
variation totale est environ de deux grandeurs; elle
présente deux maxima et deux minima. — M. M. Lui-
zet déduit de ses observations que la période totale de
Ja variation d'éclat d'Eros est de 5 h. 16 mi., 15: —
M. Baïllaud, étudiant de même les variations d'éclat
d’'Eros, trouve que la période entre les maxima est
égale à celle déduite des minima; elle serait de
2 h. 23 m., {. — M. Ch. André déduit, des courbes de
variation d'éclat données par M. Luizet, que le système
double formé par la planète Eros a une excentricité
égale à 0,0569 et une densité moyenne de 2,4 par rap-
port au Soleil. Les deux astres du système seraient des
ellipsoides très allongés; leur aplatissemement, dans
l’ellipse méridienne, paraît voisin de 1/2. — M.L. Mon-
tangerand, d’après des déterminations faites à l'Obser-
vatoire de Toulouse, calcule que l'amplitude de la
période de variabilité d'Eros serait de 2 h. 22. —
M. D. Th. Egorov étudie une classe de surfaces du
troisième ordre qui admettent une déformation con-
tinue avec conservation d'un système conjugué, et
détermine la surface associée à la déformation infini-
ment petite de l'espèce considérée. — M. Ed. Maillet
établit un théorème relatif aux systèmes complets
d'équations aux dérivées partielles définissant deux
divisions P et Q de l’espace R,, sans faire intervenir la
théorie des groupes finis de transformations de Lie.
29 SGiENCES PHYSIQUES. — M. S. Leduc conseille l’em-
ploi de l’effluve électrique, source intense de rayons
violets et ultra-violets, pour obtenir des rayons de
courte longueur d'onde. — MM. Lortet et Genoud
décrivent un appareil photothérapique à arc électrique
sans condensateur. Il donne une zone active beaucoup
plus étendue, et l'intensité photochimique y est telle
que le temps d'exposition peut être diminué de beau-
coup. — M. C. Gutton a reconnu expérimentalement
que la longueur d'onde d’un résonateur reste la même
lorsque celui-ci et ses fils de transmission sont plongés
dans l’eau, mais elle diminue si les fils seuls sont pla-
jusqu'au corps à activer; elle peut même se transmettre
cés dans l’eau; l’auteur en déduit que l'indice de ré”
fraction de l’eau pour les ondes électromagnétiques est
de 8,3. — M. L. Benoist donne des courbes d’isotrans=
parence des corps vis-à-vis des rayons X de dureté
moyenne et de rayons mous bien déterminés. Ces cours
bes montrent l'influence des poids atomiques; elles se
rapprochent d’une hyperbole équilatère. — MM. P. Cu
rie et A. Debierne ont fait de nouvelles expériences
sur la radio-aclivité induite par le radium, et concluen
que le rayonnement du radium n'intervient pas dans ce
phénomène. La radio-activité induite se transmet dans
l'air de proche en proche, depuis la matière radiante
par des tubes capillaires très étroits. Les corps s'acti=
vent progressivement, d'autant plus rapidemeut ques
l'enceinte dans laquelle ils se trouvent est plus petites
et tendent à prendre une activité induite limitée. —
M. H. Moissan, en dissolvant les diverses variétés de
soufre dans l’ammoniac liquide à — 20°, à obtenu um
beau liquide pourpre, qui ne constitue pas une dissolu=
tion, mais renferme un composé nouveau, le sulfam=
monium, complètement dissociable à la pression et à
la température ordinaires. Entre 0 et 20, le liquide
répond à la formule (AzH‘}S, 2AzH*; à — 229, il serait
(AzH*}S, AzH*. Ce corps possède la propriété de sulfurer,
à froid un grand nombre de corps simples et composéss
— M. Armand Gautier décrit une méthode de dosage
des sulfures, sulfhydrates, polysulfures et hyposulfite
qui peuvent coexister en solution, en particulier dans
les eaux minérales sulfureuses. Pour cela, on chauffe.
à 30°. la solution; tout le H?S libre ou combiné aux
monosulfures se dégage, et est dosé à l'état de sulfure
d'argent. Puis on fait passer un courant d'acide carbo=
nique, qui entraine à l’état d'H?S tout le soufre des
sulfures fixes; cet H?S est de nouveau dosé. S'il y a des
polysulfures, le soufre en excès se précipite. On titres
ensuite les hyposulfites par l'iode; puis on chauffe pour
réunir le soufre, on le filtre, on l'oxyde et on le dose à
l'état de sulfate de baryte. — M. J. Aloy a déterminé
le poids atomique de l'uranium par comparaison avec
celui de l’azote en mesurant les quantités d'azote et
d'uranium contenues dans un même poids d'azotate
d'uranium (Az0*)UO?.6 H?0. La moyenne de huit déter
minations à donné 239,4 pour poids atomique de l’ura
nium. — M. L. Baud a fait l'étude thermique des chlo=
rures d'aluminium ammoniacaux :
ACL sol. + 2AZH° gaz — AICI, 2AZI* sol. + 82 cal. 28
soit 2 x 41 cal. 14.
ALCI,2Az11 sol. + SAZ2H% gaz — AlCIS, 10AzH' sol. +162 cal. 95%
soit 8 X 20 cal. 37. 4
AËCIS, 10AZH° sol. + 2AzH° gaz — ACL, 12215 sol. + 23 cal
soit 25 11cal 5:
La stabilité de ces corps, ainsi que la chaleur de
fixation d’une molécule d’ammoniac, va en diminuan
du composé le moins ammoniacal au composé le plus
ammoniacal. — M. P. Lebeau, en employant le procédé
de préparation dessiliciures métalliques par l'action d'u
métal sur le siliciure de cuivre, a obtenu un nouveau
composé du silicium et du cobalt, répondant à la fors
mule SiCo, comparable par sa composition et ses pro
priétés au siliciure de fer SiFe. Ce corps est rema
quable par sa résistance aux agents oxydants, et il esb
peu attaquable par les acides, sauf l'acide chlorhydri
que.— M. V. Grignard indique les raisons qui militenb
en faveur de l'existence de combinaisons organomagné
siennes de formule RMgl ou RMgBr : 1° elles sont
solides etnon spontanément inflammables à l'air; 2 elles"
ACADÉMIES ET SOCIÉTÉS SAVANTES
289
_
Se forment sans mise en liberté de bromure ou d'iodure
le Mg; 3° par copulation avec les aldéhydes et les
“cétones, elles donnent des composés qui renferment
tout l'halogène employé et qui, par l'action de l’eau,
“se décomposent avec formation d'un alcool secondaire
“ou tertiaire sans dégagement d'aucun gaz. - MM. Béhal
ct Tiffeneau, en faisant réagir l'iodure de méthylma-
“unésium sur l’anisate de méthyle, ont obtenu la para-
pseudopropénylanisol : CH*0.C'H*.C(CH®) : CH?, isomère
“de l'anéthol, qui s'oxyde en donnant une cétone : CH°0.
CSH°.CH=.CO.CH*, avec transformation de la chaîne
pseudopropylénique en chaine propylique. L'anéthol
‘possède une chaine propylénique : CHO.C‘H°.CH —
H.CH®. — MM. L. J. Simon et H. Bénard ont étudié
a multirotation des deux phénylhydrazones du d-glu-
cosé, celle de Skraup et celle de Fischer. Les rotations
finales sont les mêmes pour les deux isomères; la
rotation initiale qui, pour l'hydrazone de Skraup, est,
“en valeur absolue, inférieure à sa limite, lui est, au
contraire, supérieure pour celle de Fischer. Le temps
“employé par les.deux hydrazones pour prendre, en
Sens opposé, leur rotation limite, est du même ordre de
“randeur. Ces faits s'expliquent en affectant aux deux
hydrazones multirotatoires les schémas stéréoisomères
sorrespondant à la formule oxydique, réservant la
formule aldéhydique à l'hydrazone de pouvoir rotatoire
invariable. — MM. P. Sabatier el J. B. Senderens
ont réalisé la combinaison directe, en présence du
mickel réduit, de l'hydrogène avec le benzène, avec
formation exclusive de l'hexanaphtène ou cyclohexane
U‘H!?. Cette méthode est tout à fait générale et s'étend
à tous les homologues du benzène. — M. de Forcrand
a déterminé la chaleur spécifique et la chaleur de fusion
du glycol éthylénique. La chaleur spécifique du glycol
est de 0,265 pour { gramme vers le point de fusion; la
chaleur de fusion est de — 2? cal.,66 pour une molécule.
MM. Em. Bourquelot el H. Hérissey ont reconnu
que le gentianose est un hexotriose auquel on doit
attribuer la formule C'8H*#2015, Traité par l'invertine ou
par l'acide sulfurique très étendu bouillant, il se dé-
“double en gentiobiose C'2H**0!! et lévulose. Traité par
le liquide fermentaire de l'Aspergillus ou par H*S0*
un peu plus concentré, il donne 2 molécules de dextrose
et du lévulose. Ce fait s'explique en admettant la pré-
sence dans le liquide d'Aspergillus d'un second ferment,
hydrolysant le gentiobose.— M. G. Brédig, sans vouloir
affirmer l'identité des métaux colloïdaux avec les dias-
lases, pense que les solutions colloïdales peuvent être
onsidérées comme des modèles de diastases inorgani-
ques : 4° à cause de leur action catalytique intense; 2° à
ause de leur état colloïdal hétérogène, présentant une
surface très grande pouvant donner lieu à des transfor-
ations irréversibles; 3° à cause de leur faculté de fixer
ertains corps, ou bien en formant des combinaisons
chimiques complexes, ou bien par absorption.
- 3° SCIENCES NATURELLES: — M. N. Gréhant a constaté
que, si l’on fait respirer de l'oxygène à des animaux
“emipoisonnés et menacés de mort par l’oxyde de car-
bone, l'élimination et la disparition du poison sont con-
sidérablement accélérées. L'emploi de l'oxygène s'impose
donc dans le traitement de l'intoxication oxycarbonée.
— MM. Charrin et Moussu montrent que la présence
de mucus dans l’organisme est une cause constante de
hromboses ou d’embolies. Ces mucus sont sécrétés
soit par les bactéries, soit par l'épithélium des mu-
queuses. — M. H. Stassano a constaté que le proto-
plasma des leucocytes polynucléaires demeure incolore
avec le mélange de Romanowsky, tandis que celui des
leucocytes mononucléaires se teint toujours en bleu-
gris. L'auteur pense que les granulations chromato-
phylles tirent leur orisine de l'appareil nucléaire. —
- MM. E.-L. Bouvier et H. Fischer ont étudié un exem-
plaire de Pleurotomaria Beyrichi. Le sang hématosé
qui retourne au cœur provient en partie des branchies,
en partie du réseau palléal. Ces deux sortes d'organes
paraissent avoir dans la respiration un rôle sensible-
ment égal. — M. A. Lécaillon montre que les faits que
l'on observe dans l'ovaire des Insectes inférieurs
donnent le droit d'admettre que, chez ces animaux, le
travail chimique à la suite duquel d’abondants maté-
riaux de réserve sont accumulés dans l'œuf est effectué
par diverses cellules. Les œufs et les cellules vitello-
gènes, dérivées des gonades, y prennent part; il en est
de même des cellules mésodermiques entrant dans la
constitution de l'ovaire. — M. M. Hartog à reconnu que
la propulsion brusque de la langue chez les Anoures est
une érection comparable à la protrusion silente du pied
chez les Lamellibranches : dans les deux cas, c'est une
propulsion, nonune prétraction. — MM. P.-P. Dehérain
et Demoussy ont constaté que les graines en germi-
nation forment des racines et commencent leur évo-
lution dans l’eau absolument privée de chaux. Le dévelop-
pement des graines en germination s'arrête dans l’eau
distillée quand elle renferme des traces impondérables
decuivre. Les êtres vivants : champignons, algues, graines
des végétaux supéri-urs en voie de germination,sont des
réactifs infiniment plus sensibles que tous ceux qu'on
emploie dans le laboratoire, et décèlent la présence
de quantitésinfinitésimales d'un métal comme le cuivre,
quon ne peut caractériser par les réactions chimiques
habituellement employées. — M. J. M. Guillon a dé-
terminé l'angle de géotropisme des racines de diverses
variétés de vignes américaines, c'est-à-dire l'angle que
les: racines naissant à la base des boutures font avec la
verticale. En général, plus l'angle de géotropisme est
aigu, plus la plante résiste à la sécheresse, car ses
racines s'enfoncent davantage. — M. V. Amalitzky a
pratiqué, dans l'étage glossoptérien de Russie, le long
de la Dvina du Nord, des fouilles qui ont amené la dé-
couverte d'une riche flore et de squelettes de Parera-
saurus et de Dicynodon. — M. H. Douxami a éludié
les formatious tertiaires et quaternaires de la vallée de
Bellegarde.
Séance du 41 Mars 1901.
La Section de Géométrie présente la liste suivante
de candidats à la place laissée vacante par le décès
de. M. Ch. Hermite : En première ligne, M. Georges
Humbert; en seconde ligne, MM. Ed. Goursat, en
troisième ligne, MM. E. Borel et J. Hadamard. —
L'Académie procède à l'élection d'un correspondant
pour la Section de Géographie et Navigation. M. A. Nor-
mand est élu. — M. G. Darboux lit une notice sur la
vie et les travaux de M. Th. Moutard.
4° SCIENCES MATHÉMATIQUES. — M. L. Montangerand
a poursuivi, à l'Observatoire de Toulouse, ses recherches
sur la variabilité d'Eros. De nouvelles mesures attri-
buent à la période de variabilité la valeur 2 h. 38 m.;
la demi-période de croissance serait plus longue que
la demi-période de décroissance. — M. H. Deslandres
a fait de nouvelles observations et de nouvelles photo-
graphies spectroscopiques de la neuvelle étoile de Persée.
Celle-ci décroit constamment, et la raie-bande noire
commence à présenter des divisions nettes. Il semble
qu’il faille mamtenant considérer l'étoile comme formée
de deux astres au moins, dont l'un est peut-être une
nébuleuse et qui s’approcheraient l'un de l’autre avec
une énorme vitesse. — M. J. Guillaume présente ses
observations du Soleil faites à l'Observatoire de Lyon
(équatorial Brunner) pendant le 4° trimestre de 4900. La
surface totale des taches est plus forte que dans le
3° trimestre; les groupes de facules ont continué à
diminuer tant en nombre qu’en étendue. — M. Hatt
indique la facon dont les ingénieurs hydrographes uti-
lisent les points de Collins pour la détermination d'un
quadrilatère. — M. Ed. Maillet démontre qu'une cer-
taine fonction transcendante & ne peut satisfaire à une
équation différentielle d'ordre quelconque que si les
exposants à » de cette fonction satisfont à certaines
conditions de croissance. — M. Léon Autonne résume
ses dernières recherches sur les groupes quaternaires
réguliers d'ordre fini. — M. P. Duhem démontre qu'il
ne peut se produire, dans un fluide visqueux, une onde
qui serait d'ordre 2 par rapport aux vitesses, et qui se
290
ACADÉMIES ET SOCIÉTÉS SAVANTES
propagerait avec une vitesse finie et différente de zéro.
20 SCIENCES PHYSIQUES. M. J. Janssen, à propos
de sa communication relative aux lignes télégraphiques
ou téléphoniques établies sur la neige au Mont-Blanc,
tient à remarquer que des essais analogues avaient été
faits en petit avant lui, mais qu'il est le premier à avoir
tenté l'expérience sur une ligne de 10 kilomètres. —
M. Th. Tommasina présente un électro-radiophone à
sons très intenses dans lequel la limaille se trouve dans
un mélange isolant liquide, constitué par de l'eau ou
mieux par de la glycérine, seule ou mélangée à de la
vaselme. — M. E. Péchard, en réduisant l'acide molyb-
dosulfurique par l'alcool, a obtenu deux comhinaisons
cristallisées, l’une eu lamelles hexagonales, de formule
5 AzH®,MoO?S0®, 7 MoO®-ES H°0, l'autre en prismes, de
formule 3 AzH°,Mo0?S0®, 7 Mo0° +10 H°0. On peut ob-
tenir encore d’autres composés complexes dans cette
réaction. — M. J. Hamonet a préparé, à partir du
diiodobutane 1.4, la diacétine du butanediol 1.4; cette
dernière, chauffée avec de la chaux, puis distillée, donne
le butanediol 1.4 ou glycol tétraméthylénique : HO.CH*.
CH®.CH°.CHOH. C'est un liquide visqueux, incolore,
miscible à l’eau en toutes proportions. — M. A. Hébert
a fait réagir la poudre de zinc sur les acides gras
saturés C:H°0?. Ceux-ci se décomposeut d'une part
en acide carbonique et en eau, d’autre part en carbures
dont la majeure partie est constituée par un mélanye de
carbures éthyléniques, de poids moléculairesetde points
d'ébullition très élevés . — MM. À. Lumière, L. Lumière
et F. Perriaont reconnu que toutes les substances qui
possèdent un hydroxyle phénolique dissolvent l'oxyde
de mercure pour donner des corps organométalliques
dans lesquels les réactions du mercure sont masquées.
Toutefois, les phénols susceptibles de s'oxyder facile-
ment, comme les amidophénols, subissent l'oxydation.
Les auteurs ont préparé, en particulier, le mercure
gaïacol-sulfonate de sodium. — M. M. Berthelot, en
chauffant dans une cloche, au voisinage de 500°, un
mélange d'acétylène et de propylène, a fait la synthèse
d'un carbure nouveau, de formule GH°, qui résulte
donc de l'union des deux composants. On obtient un
résultat analogue avec le triméthylène, isomère du
propylène. Dans les mêmes conditions l'allylène et
l'éthylène se combinent pour donner aussi un carbure
CH$, différent du précédent. M. P. Genvresse,
en faisant réagir l'acide azoteux sur le pinène, a réalisé
la préparation directe du terpinéol. Cette méthode se
prête facilement à une préparation en grand.
3. SCIENCES NATURELLES. — M. Aug. Charpentier a cons-
taté que, dans la transmission électrique brève par le
perf, la variation négative qui l'accompagne ne se ter-
mine pas par Le simple retour à l'état électrique primitif ;
ce retour est générale ment oscillatoire, c'est-à-dire que
le phénomène initial est suivi d’alternatives électriques
probablement de sens opposés. — MM. N. Vaschide et
C1. Vurpas ont étudié les actes vitaux chez un nouveau-
né venu au monde sans cerveau, et ayant survécu
trente-neuf heures. L'abaissement notable de Ji tem-
pérature, la rapidité concomitante du pouls, la respi-
ration remarquablement ralentie el à type Scheyne-
Stokes montrent l'importance et le rôle des hémisphères
cérébraux dans la circulation, la respiration et la
calorilication. — MM. R. Lépine et Boulud signalent
un cas de mallosurie chez une femme atteinte de
diabète grave. — M. E. Perrier présente le sixième
volume des « Expéditions scientifiques du Travailleur
et du Talisman », consacré aux Crustacés décapodes,
— M. E. L. Bouvier a comparé diverses espèces de
Bathonymus, Isopodes gigantesques des grands fonds.
Ces animaux présentent des houppes branchiales qui
n'existent pas dans les Isopodes non parasites et aui
viennent suppléer à l'insuffisance des lames respira-
toires chez des animaux d'aussi grande taille. De même
l'œil s'est accru d’une facon démesurée, pour s'adapter
à la vie abyssale. — M. H. Coupin a constaté que les
plantes supérieures, tout autant et même plus souvent
que les champignons inférieurs, permettent d'apprécier
r
la présence de substances toxiques (Ag, Hg, Cu, Cd, ete.)
à une dose où l'analyse chimique est impuissante à lan k
manifester. — M. Kôvessi à reconnu que, pour la
greffe des vignes, les rameaux sont d'autant mieux
aoutés que leurs parois cellulaires sont plus épaisses
et que leurs cellules renferment plus d’amidon, c’est-à=
dire que leur différenciation est plus complète. Le
rameau mal aoûté a subi les transformations anato=M
miques de l’aoûtement, mais à un faible degré. — M. PM
Fliche a déterminé une empreinte d'élytre trouvée
dans le Muschelkalk supérieur (Trias) des envirous de
Lunéville. Elle appartient au genre (:/aphyroptera, et
l’auteur en fait une espèce lotharingira. — M. gd:
Thoulet présente les sept premières feuilles d'un
Altas lithologique et bathymétrique des côtes de
France. — M. H. Arctowski a déterminé la période
diurne et la période annueile des aurores australes
observées pendant l'Expédition de la Belgica. Les deux
courbes obtenues présentent une analogie frappante
avec les courbes correspondantes de l'ile Jan Mayen et
les résultats d'autres stations boréäles. L. BRUNET.
+ ACADÉMIE DE MÉDECINE
Séance du 26 Février 1901.
Sur la proposition de M. Landouzy, l'Académie vole
des remerciements au Ministre du Commerce, et parti=
culièrement au Sous-Secrétaire d'Etat des Postes, Télé-
phones et Télégraphes, qui vient de faire placarder
dans tous les bureaux de poste une instruction concer=
nant l’évitabilité et la prophylaxie de la tuberculose.
M. Saint-Yves Ménard est elu membre titulaire
dans la section de Médecine vétérinaire. .
M. Le Dentu présente un rapport sur un mémoire du
D' Mouchet (de Sens), relatif à une série de seize opé-
rations pratiquées sur le rein pour des affections de
nature diverse, et avec un succès constant : pas une
mort, pas un accident opératoire, seulement deux
décès tardifs par tuberculose et par sarcome, non im-
putables à l'intervention. — M. Hanriot présente un
rapport sur les travaux des stagiaires de l'Académie aux
eaux minérales. — M. Guyon signale trois cas d'hé- M
matémèses toxi-infectieuses, survenues à la suite d'in-
fection urinaire grave; deux malades ont guéri. —
M. G. Dieulafoy, à la suite d’une communication ré-
cente de M. Lucas-Championnière sur l'appendicite,
pense que si cette maladie parait plus fr-quente à
notre époque, c'est qu'elle était autrefois méconnue; M
les affections dénommées miserere, passion iliaque, M
péritonite a frigore et beaucoup de périlonites déri-
vaient de l’'appendicite. Quant au lavage de l'estomac
par une solution alcaline dans le traitement des héma-=
témèses appendiculaires, l’auteur le repousse parce
qu'il est préférable de laisser l'estomac en repos alin
de faciliter la formation du caillot vasculaire oblura-
teur. M. Lucas-Championnière répond que tous les
malades atteints de vomito nesro appeudiculuire et
traités par les lavages alcalins ont été soulagés, et
plusieurs ont guéri. Tous ceux qui ont été traités au=
trement sont morts.
Séance du » Mars 1901.
M. Hallopeau présente un rapport sur un travail de
M. Tourtoulis-Bey relatif au traitement de la lèpre
par l'injection sous-cutanée d'huile de Chaulmoo:ra.
Des faits exposés, il ressort que les lépreux, soumis à
un traitement intensif par l'huile de Chaulmoogra,
peuvent présenter une amélioration telle qu'on peut les
considérer comme guéris. Plus souvent, ils continuent
à présenter des manifestations, mais celles-ci peuvent
revêtir un caractère remarquable de bénignité. Il est
probable que ce médicament exerce donc une influence
favorable sur la lèpre. M. du Castel, qui a appliqué
la même méthode, constate que l'injection sous-cutanée
a des avantages sur l'absorption stomacale, qui est très
peu souveut supportée. Par contre, l'injection est dou-
loureuse, nécessite des interruptions à la suite des
ACADÉMIES ET SOCIÉTÉS SAVANTES
291
“infiltrations imflammatoires qu'elle entraine, et s’ac-
… compagne facilement de la production d’embolies grais-
seuses pulmonaires. — M. Lancereaux présente un
rapport sur un mémoire du D' Fournier (d'Angoulême),
relatif à un cas d'hystérie et de catalepsie, avec phéno-
“mènes d'auto-suggestion, de double vue et de télépathie.
— M. Hervieux montre que la pratique de la varioli-
“sation a pour conséquences la persistance des endémies
“et des épidémies varioliques, l’aggravation de la mor-
lité, la dépopulation, et une atteinte plus ou moins
“rave portée aux relations commerciales et à la pros-
“périté de nos colonies. Il demande à l’Académie de
roposer l'interdiction, sous perne d'amendes, des inocu-
ations varioliques. Celte proposition, après les obser-
Vations de quelques membres, est mise aux voix el
adoptée. — M. G. Linossier montre que les gastror-
ragies ne constituent pas une contre-indication abso-
ue au lavage de l'estomac. Quand celui-ci se trouve
indiqué par une obstruction pylorique, la réplétion
&astrique, les vomissements incoercibles, l’impossibi-
Jité de l'alimentation, on pourra en obtenir parfois
excellents résultats, surtout si on le pratique avec
ne solution de perchlorure de fer. — M. Huchard à
étudié un nouveau médicament, le létranitrate d'éry-
throl, qu'on appelle en thérapeutique tétranitrol. Il à
une action vaso-dilatatrice et hypotensive. — M. Dela-
enière lit un mémoire sur la résection du genou pour
umeur blanche suppurée grave.
l
(
SOCIÉTÉ DE BIOLOGIE
Séance du 23 Février 1901.
«MM. M. Lambert et L. Garnier ont conslaté que le
pourvoir réducteur du sang traversé par des vapeurs de
loroforme augmente sensiblement. — M. Bissérié,
ën injectant à des lapins des levures de brasserie lavées
aseptiquement, a observé que le sérum de ces lapins
acquiert la propriété d'agglutiner les levures. —
M. Yvon, qui a déterminé les varialions horaires de
excrétion urinaire chez l'homme normal, a obtenu des
résultats qui concordent parfaitement avec ceux de
: Balthazard. — M. L. Camus présente un appareil
jui permet de réaliser la circulation artificielle avec un
ur isolé et qui inscrit les changemeuts de volume, —
S. Jourdain : L'âme de la cellule. — M. G. Loisel
présente une grenouille rousse (Æana lemporaria)
-lle, qui offre tous les caractères sexuels secon-
ires du mäle. Cette grenouille présente une atrophie
marquée des ovaires. — M. A. Chassevant à reconnu,
jar la méthode de Mette, que la saccharine entrave la
gestion gastrique (in vitro); la diminution d'activité
lu suc gastrique est déjà considérable pour une faible
[üse de saccharine. — M. Milian à observé plusieurs
d'hémolyse dans des épanchements hémorragiques
pleurétiques. — M. A. Raïlliet a reconnu que la pie
ut être considérée dans notre pays comme un des
ropagateurs principaux du Syngamus trachealis; ce
fématode pond des œufs en voie de segmentation, des-
nés à être rejetés à l'extérieur; l'embryon, se dévelop-
ant dans ces œufs lorsqu'ils sont répandus sur le sol
umide ou dans les flaques d'eau, peut poursuivre
irectement son évolution, qu'il ait réintégré l'organisme
ant ou après l’éclosion. L'évolution du Syngamus bra-
Hivalis, parasite des Oies, suit une marche parallèle à
elle de l'espèce précédente. — M. Aug. Pettit a étudié
es altérations rénales qui se produisent chez le lapin,
la suite de l'injection de sérum de Congres. — M.G.. Le
Bon : La phosphorescence invisible. — MM. J.-V.
Laborde et Meillère ont observé une personne atteinte
8 crises répétées de céphalalgie, accompagnées de
douleurs épigastriques avec nausées et vomissements.
Ces symptômes provenaient d'une intoxication par une
ibstance dont elle avait l'habitude de se teindre les
heveux. L'application de ce liquide ayant été suspen-
ue, les accidents ont complètement et rapidement
Séance du 2 Mars 1901.
MM. Ch. Achard et M. Lœper ont examiné le sang
d'un certain nombre de malades atteints d'intoxications
diverses par le plomb, l'alcool, le mercure, la morphine,
l'éther et l’antipyrine. La formule leucocylaire parait
différer non selon la nature du poison, mais plutôt
suivant le caractère aigu ou chronique de l’intoxication.
Dans l'ictère, la formule varie suivant les lésions qui le
produisent. — Les mêmes auteurs ont constaté que le
polynucléaire et l'élément médullaire se rencontrent
dans presque toutes les affections passagères sans ten-
dance à l'organisation, alors que le lymphocite et le
mononucléaire se voient surtout dans les affections
subaiguës, ayant tendance à l'édification de tissus plus
ou moins durables. — M.C. Vallée, éludiaut l’alimenta-
tion d'un enfant au moment du sevrage, montre que
l'apport thermique est bien plus considérable que pour
l'adulte ; le rôle prépondérant dans l’apport total des
calories est tenu par les graisses, puis, peu à peu, pen-
dant le sevrage, il passe aux hydrates de carbone. —
M. C1. Regaud a constaté que, pendant la spermato-
genèse, la chromatine nucléaire subit des changements
quantitatifs et histochimiques considérables. M. Re-
naut fait ressortir que M. Regaud démontre ainsi que
le chromatine n’est pas la substance héréditaire au
sens strict du mot. — M. E. Hédon à observé que
l'hémolyse des globules par la solanine est contrariée
par les acides, par diverses substances coagulaut l'albu-
mine, et par le sérum ; ce sont les substances albumi-
noïdes de ce dernier, et non les sels qui agissent. —
M. R. Dubois admet l'existence, dans l'encéphale, d'un
centre jouant un rôle prépondérant dans le mécanisme
du sommeil. Ce centre serait situé entre le bulbe et le
cerveau. — M. R. Dubois montre que le sommeil est
produit par l'accumulation, dans certaines proportions,
de CO? dans l'organisme ; il provoque expérimentale-
ment le sommeil naturel chez un chi-n, par autonarcose
carbonique. — M. E. Maurel montre que, dans le
cours d’une entéro-colite chronique, où après £a guéri-
son, là constatation d’une hyperleucocytose ne dépas-
sant pas 20.000 leucocytes doit faire penser à une com-
plication hépatique, telle que la congestion, etc., et
qu'une hyperleucocytose plus considérable, avoisi-
nant 50.000, doit l'aire penser à une hépalite suppurée.
— MM. Em. Bourquelot et H. Hérissey : Sur la cons-
titulion du gentianose (Voir le compte rendu de l'Aca-
démie des Sciences, p. 289). — M. Et. Rabaud poursuit
ses études sur la formation de l'œil simple ou double
et des fossettes olfactives chez les Cyclopes. — MM. Jean
Camus et Pagniez ont observé qu'un grand nombre
de sérums, provenant de malades atteints d'affections
diverses, agglutinaient les globules du sérum d'indi-
vidus normaux. — M. C. França conclut de ses
recherches que l'application d'un sérum leucotoxique à
des animaux rabiques peut modifier de facon notable
l'aspect des lésions. Aussi bien dans le bulbe que dans
les ganglions, les cellules nerveuses lésées par le virus
rabique sont attaquées et souvent détruites par des leu-
cocytes. —MM . F. Barjon et A. Cade ont ob-ervé dans
un cas de typhus angéio-hématique : une leucocytose
très marquée (polynucléose neutrophile), l'anémie glo-
bulaire, l'absence ou la rareté des hématoblastes. — Les
mêmes auteurs ont reconnu, dans un cas de maladie
de Friedreich : 1° l'existence d'éléments cellulaires,
d'ailleurs assez rares, dans le liquide céphalo-rachi-
dien, éléments constitués à peu près exclusivement par
des lymphocytes et des globules rouges; 2° l'existence
d’une pachyméningite cérébrale très accentuée. —
MM. J. V. Laborde et Meillière ont constaté que la
teinture pour cheveux, qui avait causé les accidents
toxiques qu'ils ont décrit précédemment, est formée
d’un mélange de paraphénylènediamine, de résorcine et
d'eau oxygénée. Injectée au chien, cette leinture produit
la mort en 15 à 20 heures, avec des symptômes carac-
téristiques. On voit donc tout le danger de l'application,
même extérieure, de pareilles teintures.
2992
ACADÉMIES ET SOCIÉTÉS SAVANTES
SOCIÉTÉ FRANÇAISE DE PHYSIQUE
1er Mars 1901.
M. Cartaud présente, au nom de M. Ch. Frémont,
une communication sur les lignes superficielles qui se
produisent dans le sciage des métaux, communication
sur laquelle nous reviendrons avec détails dans la
chronique du prochain numéro de la /?evue.
M.R.Dongier présente un Appareil de mesure des cour-
bures et des éléments d'un système optique quelconque,
convergent ou divergent. Il comporte, comme acces-
soire essentiel, un viseur autocollimateur, dans lequel
l'oculaire est remplacé par un microscope qu'on peut
soulever plus ou moins de quantités mesurables, La
lumière, fournie par une source étendue, est renvoyée
par le système éclairant vers l'ouverture d’un dia-
phragme où se trouvent deux fils croisés, puis vers
l'objectif du collimateur et la surface à étudier. Celle-ci
est disposée sur une plate-forme pouvant être déplacée
de quantités mesurables. Si la croisée des fils se trouve
au foyer de l'objectif du collimateur, la lumière réflé-
chie par la surface observée est renvoyée vers l'ob-
jectif, puis vers le microscope; elle parait issue du
foyer de la surface à étudier. On obtient le demi-rayon
de courbure avec une précision au moins égale à celle
fournie par le sphéromètre, même lorsque celui-ci
fournit la valeur de la flèche à un micron près, en
mesurant le déplacement de la plate-forme mobile,
pour les mises au point successives de la surface elle-
même et de son foyer. La mesure des éléments d'un
système optique est obtenue en interposant entre le
viseur ef la plate-forme mobile une plate-forme fixe
destinée à le supporter. On détermine ensuite avec
facilité et précision les grandeurs qui interviennent
dans les formules dont M. Cornu a fait usage‘. — A
propos de la Communication de M. Dongier, M. A.
Cornu fait remarquer qu'en effet on ne peut pas
compter sur le sphéromètre pour mesurer avec préci-
sion un rayon de courbure. Il n’est même pas exact
de dire que cet instrument puisse définir une flèche à
un micron près, si ce n’est quand on utilise seulement
de très petits déplacements de la vis. Mais on a tou-
jours les meilleurs résultats en employant la méthode
du levier optique de M A. Cornu ?, applicable à la fois
aux courbures des surfaces concaves et des surfaces
convexes; la supériorité de cette méthode tient non
seulement à la perfection automatique du levier op-
tique, mais encore à ce que l'observation sur le petit
miroir du levier se fait sur une échelle divisée qui n’a
nullement besoin d'un étalonnage rigoureux; la mé-
thode élimine les erreurs attachées à tout étalonnage
absolu délicat comme celu de la vis du sphéromètre.
Dans sa méthode de mesure des éléments d’un système
optique, M. A. Cornu a tenu à proscrire rigoureuse-
ment l'emploi de toute pièce ou surface auxiliaire
(miroir ou lentille), dont il faut définir la valeur op-
tique, et dont l'emploi peut altérer la netteté des
images. M. Dongier répond que son appareil permet
à la fois la mesure des courbures et des éléments des
systèmes optiques, aussi bien divergents que conver-
gents. Dans le cas des systèmes convergents, il ne
comporte que les accessoires optiques indispensables,
employés aussi par M. Cornu, à savoir : uve lentille
collimatrice et un microscope viseur. Il a l'avantage
de porter en lui-même le moyen de régler à l'infini
par autocollimation, et c'est dans cette opération qu'in-
tervient le miroir rigoureusement plan. Sa disposition
verticale et ramassée le rend très maniable et propre à
rendre service même aux industriels. M. A. Cornu
ajoute que la simplicité de son dispositif ne perd guère
d'avantages dans le cas, d’ailleurs très rare dans la
pratique, d'un système divergent. Quant au réglage à
l'infini, il peut se faire avec toute la précision voulue,
Séance du
! Journal de Physique, 1'e série, t. VI, p. 276, 308; 4871.
? Journal de Physique, 1" série, t, IV p. 7; 1875.
sans viser un objet extrèmement éloigné, et même
| sans viser d'autre objet que le réticule du collimateur
L'autocollimation n'est que l’un des procédés permets
tant d'effectuer ce réglage; elle n’exige pas, d’ailleurs
l'emploi coûteux d’un miroir parfaitement plan. La
moyenne des observations, par réflexion normale sun
une glace argentée ordinaire et successivement sur SES
deux faces, suffit généralement pour la précision du
focomètre.
SOCIÉTÉ CHIMIQUE DE PARIS
Séance du 22 Février 1901:
MM, A. Haller et G. Blanc communiquent les résul
tats de leurs recherches sur les éthers alcoylcyanoma*
loniques. En traitant le cyanomalonate d'éthyle argen
tique par les iodures alcooliques, ils ont obtenu les
éthers de la forme : *
| COCHE
R.CC
| IRÈCGOETARS
CAz
On a opéré en particulier sur les iodures de méthyle
d’éthyle et de propyle (normal), et l’on a obtenu les
éthers cyanomaloniques substitués correspondants. Ce
sont des liquides bouillant respectivement à 4359
(28 millimètres), à 142-1459 (30 millimètres) et
1550-1570 (28 millimètres). Quand ou les fait bouillir
pendant longtemps avec des acides étendus, on obtient
les acides gras correspondants (propionique, butyrique
et valérique). La potasse aqueuse provoque un dédou
blement différent. On obtient alors les acides «-cyano
propionique,«-cyanobutyrique et «-cyanovalérique, qui
ont été caractérisés au moyen de leurs anilides (obtenues
en chauffant l'acide bien sec avec l'isocyanate de phé
nyle) et fondant respectivement à 104-105°, 86-879 et
88-899. — M. A. Béhal, à propos d'une note parue dans
le dernier numéro des Comptes Rendus et due à M. Gri
guard, se voit dans l'obligation de communiquer les
résultats d’un travail sur l’action des dérivés organa
métalliques sur les éthers-sels de la série cyclique.
a étudié, tantôt seul, tantôt avec MM. Tiffeneau et Som
melet, divers corps de cette série. Voici les résultats
généraux obtenus: Ilse forme, avec les dérivés méthylés
et les éthers sels cycliques ayant le groupe CO?H sur le
noyau, des chaines pseudopropyléniques R-CÆ0Re Les
fonctions phénols ou éthers de phénols qui sont fixées
sur le noyau se perturbent par cette réaction. Ces dé:
rivés se polymérisent avec facilité. Les polymères géné:
ralement bien cristallisés sont dimères. Ils se disssocient
sous l'influence de la chaleur en deux molécules de
monomères avec peu de produits accessoires. Ces
dimères sont saturés : l'union s’est donc faite par Ja
fonction éthylénique. Les monomères, traités par l’iode
et l'oxyde de mercure suivant les indications de M. Bous
gault, se transforment en cétones, la chaîne pseudopros
pylénique donnant lieu à une transposition moléculaire
qui fournit une chaine linéaire :
= KR. CH°.CO.CH.
Ÿ
C'est là le premier exemple d’une transformation de
cet ordre; la transformation inverse est très connues
il suffit de rappeler celle de la pinacone, de l’hydro=
benzoïne et du benzyle. Oxydés par le permangana
les dérivés pseudopropyléniques donnent des céton
R.CO.CH* avec détachement du groupe méthylène. E
propriété de fournir des carbures ne tient pas à ce fait
que l'alcool est tertiaire; en effet, un certain nombre
d’alcools secondaires qui, théoriquement, devraient se
former par l'action des dérivés organo-métalliques du
magnésium se déshydratent et fournissent des carbures
Cependant, en faisant réagir l’iodure de magnésium
ACADÉMIES ET SOCIÉTÉS SAVANTES
- méthyle sur le pipéronal, M. Béhal à obtenu l’éther
“oxyde correspondant à l'alcool secondaire :
CH CH°
D
1%
(o | | (n
\ 2/ Nc € 6 1/ Nes
CH Noa H'.CH.0.CH CH RASE .
qui fond à 410-1119. — MM. Béhal et Tifeneau ont
| étudié l'action de l'iodure de magnésium-méthyle sur
lanisate de méthyle; ils ont obtenu ainsi un monomère
fusible à 32° et bouillant à 224. Le dimère corres-
pondant fond à 58° et se change lentement à 350° en
émonomère. Il se forme dans cette réaclion peu de
para-isopropylanisol. Le parapseudopropénylanisol
NiE
“Cu.0.cH.c<Ch,, traité par l’iode et le mercure en
présence de l'alcool, donne la paraméthoxyphénylacé-
tone CH°.0.C°H*'.CH?.CO.CH°. Ce corps bout à 263-2649,
Se combine au bisulfite; la combinaison bisulfitique est
dissociable par l’eau. Il ne donue pas de coloration avec
“Ja fuchsine décolorée par l'acide sullureux. Il fournit
du bromoforme par l’action de la potasse et du brome,
et, en employant un excès de réaclif, il se forme de l'acide
anisique. Son oxime fond à 72°. Théoriquement, avec
l'iode et l'oxyde de mercure, le parapseudopropeny-
lanisol devait donner le paraméthoxyphénylpropanal-2?
cu°o.ceHe.cH— C0,
obtenu par lui au moyen de l'anéthol. M. Bougault,
après avoir établi la constitution de cet aldéhyde, con-
lut avec réserve que l’anéthol pourrait posséder une
chaîne triméthylénique. Les auteurs ont préparé syn-
étiquement l'anéthol au moyen de l’aldéhyde anisique
et de l'iodure de magnésium-éthyle, et ont comparé ce
orps à l’anéthol naturel; les points d'ébullition, de
fusion et l'identité des dibromures montrent qu'il y à
“identité des deux corps. L'auethol possède bien une
haîne propylénique. Il s'ensuit donc que les chaines
propényliques se transforment par l'iode et l'oxyde de
nercure en chaîne pseudopropylénique et que l’anéthol,
contrairement à l'opinion de M. Bougault, possède une
haîne propylénique. Les auteurs ont fait synthétique-
ment l'isoeugénol avec la vanilline et l’iodure de magné-
Sium-éthyle et l'ont caractérisé par son dérivé benzoylé
fusible à 103°. — MM. Béhal et Sommelet ont fait
féagir l'iodure de magnésium-méthyle sur le salicylate
de méthyle, le méthylsalicylate de méthyle et le paraoxy-
benzoate de méthyle. Le salicylate de méthyle a fourni
corps décrit par M. Bougault et
l’orthopseudopropénylphénol HO.C'H*.C es bouillant
à 203-204 et son dimère fusible à 98°, Le pseudopro-
pénylphénol fournit, par l'iode et l'oxyde de mercure,
l'orthooxyphénylacétone. Le méthylsalicylale de mé-
yle fournit par exception un alcool tertiaire fondant
à 15° et bouillant à 230°. Le paraoxybenzoate d'éthyle
fournit un phénol bouillant vers 215°; son dimère fond
à 87. — M. Tiffeneau a étudié le pseudopropényl-
benzène et le pseudopropénylparatoluène. Après avoir
fait l'historique de la question, il décrit les propriétés
de ces deux corps, et signale la formation de la phény-
Jacétone avec l’iodeet l’oxyde de mercure. Il a observé
que le phénylpropylène CÿH°.CH = CH.CH* donne avec
ce même réactif le phényl-2?-propanal cexs.cH<CH0,
ce qui montre bien Ja généralisation de la transposi-
“tion moléculaire. — M. H. Masson, en appliquant la
méthode exposée ci-dessus par M Béhal, et en utilisant
le réactif de M. Grignard, a obtenu toute une série
d’alcools tertiaires nouveaux. Il a employé les iodures
‘de magnésium méthyle et éthyle et les éthers monoba-
siques de la série grasse. Il décrit les alcools suivants:
-Méthyl-2-pentanol-2 (diméthylpropylcarbinol 1240
Ethyl-3-hexanol-3 (diéthylpropylcarbinol) . . . . . . 159
Méthyl-6-éthyl-3-heptanol-3 (liéthylisobutylearbinol . 172
Méthyl-2-heptanol-? (diméthylamylcarbinol. . . . . 162
— Ethyi-3-octanol-3 (diéthylamylearbinol) . . . . . . . 199
Méthyl-2-octanol-2 (diméthylhexylearbinol . . . . . . 178
… Ethyi-3-undécanel-3 (diéthyloctylcarbinol) . . . . . . 250
293
Ces alcools donnent facilement des carbures éthy-
léniques quand on les déshydrate par l’anhydride acé-
tique en présence du chlorure de zinc.
SOCIÈTE DE PHYSIQUE DE LONDRES
Séance du 22 Février 1901.
M. E. Villari étudie la facon dont l'air soumis aux
rayons X perd sa propriété de décharge. De l'air rendu
actif par des rayous X perd plus de son pouvoir dé-
chargeant en traversant un tube enroulé en plusieurs
spirales-qu'en passant à travers un tube droit. Pendant
ce passage, le tube se charge à un certain potentiel. Si
de l’air actif est dirigé en grande quantité sur un treil-
lis métallique ou des rognures enroulées, placés dans
des tubes, les métaux, indépendamment de leur nature,
prennent une charge positive ou négalive suivant que
l'air passe rapidement ou lentement. Les tubes de cuivre
ou de plomb prennent de même des charges positives
s'ils sont longs ou enroulés, et négatives s'ils sont
courts et droits. Ces phénomènes ne peuvent pas être
attribués à des actions chimiques, mais ils pourraient
être produits par un frottement spécial de Pair sur Les
surfaces métalliques, celles-ci gardant l'une des charges
et l'autre restant dans l'air. En realité, *e n'est pas le
cas, car l'air possède souvent une charge de même na-
ture que celle du métal. L'auteur a montré antérieu-
remeut que l'air actif passant contre un corps électrisé
est transformé soit en air ordinaire, soit en air chargé
de l'électricité qui a disparu du corps. On peut donc
supposer que l'air actif, en frottant sur des surfaces
métalliques, développe les deux électricités, l’une se
manifestant sur ces surlaces, l’autre étant employée
à réduire l'air actif en air ordinaire, et par conséquent
n'étant pas manifestée. — M. R. W. Wood a étudié lu
propagation des ondes en forme de cornes et sa rela-
tion avec les lignes focales primaire etsecondaire. Il dis-
cute la réflexion d'une onde plane par un miroir hémi-
sphérique, l'onde réfléchie étant semblable à un cône
volcanique. La corne de l'onde, ou le bord du cratère,
trace la caustique, et passe continuellement par un
foyer, ce qui rend compte de l'illumination croissante
le long de la caustique. Les ondes frontales sont obte-
nues en construisant la surface orthogonale, dont la
section est un épicycloide. La développée de cette
courbe est la caustique, et les ondes frontales réfléchies
forment une famille de courbes parallèles qui sont les
énveloppantes de la caustique. L'onde frontale, entre
deux lignes focales, s'étend le long d'un méridien et se
contracte à angle droit avec lui, en d’autres termes,
l'onde est concave le long d'un méridien et convexe
le long de l’autre. La forme extérieure du cône
volcanique représentant l'onde réfléchie correspond
à la position de l'onde frontale entre les lignes fo-
cales. On peut faire un bon appareil en argeutant
la surface extérieure d'un récipient en verre hémi-
sphérique. Le miroir concave ainsi formé peut être
monté sur un pied et une petite lampe électrique ar-
rangée de facon à se mouvoir le long de l'axe du miroir.
Une onde sphérique partant du foyer du miroir hémis-
phérique est réfléchie en forme de soucoupe, les bords
incurvés allant au foyer en un anneau entourant le
fond circulaire presque plat. — M. R. Wood a décrit
antérieurement une méthode pour former des prismes
de cyanine solide en pressant la couleur fondue entre
des plaques de verre. Jusqu'à présent des angles d’en-
‘viron un demi degré pouvaient seuls être employés à
cause de la petite quantité de lumière verte transmise.
Une nouvelle expérience a montré qu'on peut trans-
mettre une grande quantité de lumière verle avec un
angle de plus d’un degré. En regardant le filament
d’une lampe à incandescence à travers un de ces pris-
mes, on voit un spectre anormal, les couleurs étant
disposées dans l’ordre : vert, bleu, violet, rouge, orange.
En croisant un de ces prismes avec un réseau de dif-
fraction ayant 2.000 lignes au pouce, et en regardant
une lampe à arc, le spectre de diffraction est dévié par
le prisme, l'extrémité rouge étant remontée et l'extré-
mité bleue et verte abaissée.
SOCIETE DE CHIMIE DE LONDRES
Séance du 7 Février 1901 (suite).
MM. W. C. C. Pakes et W. H. Jollyman ont étudié
la décomposition de l'acide formique par les bactéries;
elle aurait lieu suivant léquation simple HCO°H —
CO? + H°, ou H.CO?Na = NaHCO* + H*. Ce fait explique
pourquoi il est avantageux d'ajouter du formiate de
soude aux milieux contenant du dextrose, car l’alcali
formé neutralise les acides produits dans la äécompo-
sition du sucre et cela permet aux bactéries de vivre
plus longtemps que si le milieu devenait de plus en
plus acide. — M. A. W. Titherley a étudié la façon
dont se comportent les dérivés de la sodam'de du type
R.CO.AzHNa avec les composés organiques halogénés.
Les halogénures d’alkyle donnent l’amide et un éther :
CIH®.CO. AzHNa + C°HSON + CHI — CH*.CO.AZIT°
+ Nal (CH) 0:
Les chlorures d'acides donnent avec la sodiobenzamide
des diamides CSH°.CO.AzH.COR. Avec les éthers halogé-
nés, la sodiobenzamide se comporte normalement. Avec
les bromamines RCO.AZH.Br, il devrait se former des
acylhydrazines bisubstituées symétriques R.CO.A7H.
AzH.CO.R, mais une transformation moléculaire inter-
vient et il se produit des alkylacylurées : AzlHR.CO.
AzH.COR. Lorsqu'on chauffe une sodamide avec un
alkylsulfate de potasse, l'atome de Na est alors rem-
placé par le radical alkylique :
CH°.CO.AZzHNa + KRSO'=— CH*.CO.AZHR + KNaSO!.
Le second atome d'H du groupe CO.AzHR peut être de
la même facon remplacé par Na, puis par un groupe
alkyle, et l'on arrive aux amines R.CO.AzR'R", dans
lesquelles R' et R’ peuvent être semblables ou différents.
L'auteur explique les résultats variables auxquels il est
arrivé par le tautomérisme des amides. Les sodamides
aliphatiques seraient toujours :
40
R.C£
NAZINa
tandis que les sodamides aromatiques posséderaient
tantôt cette formule, tantôt la formule d’une hydroxyi-
mide :
70H
R.C< :
NAzH
L'auteur a, en effet, pu préparer deux sels monoargen-
tiques différents d’une même amide, qui semblent cor-
respondre à ces deux constitulions. — Le même auteur
a obtenu, par union directe des constituants en pré-
seuce d'alcool, des cristaux de composés d'addition de
l'acétamide avec le bromure et l'iodure de sodium :
2CH*.C0.AzH°?,NaBr et 2CH*.CO0.AzH°,Nal. — M. A. W.
Titherley a encore préparé la diacétamide par l’action
du chlorure d'acélyle en solution benzénique sur l'acé-
tamide :
3CH*.CO.AzH° + CH°.COCI = (CH*.CO?AZI
+ 20H*.CO.AzH°, HCI.
— MM. F. S. Kipping et L. L. Lloyd, en traitant
successivement le tétrachlorure de silicium par une
première,tune seconde et une troisième molécule
d'alcool ou de phénol, ont remplacé trois atomes de
chlore par trois groupes alkyloxy, et sont arrivés à des
composés de formule SiCI(OR) OR")(OR""). Ces compo-
sés, qui renferment un atome de Si asymétrique, doi-
vent exister sous deux formes isomères, que les auteurs
vont essayer de séparer. — M. F.S. Kipping, en exa-
mioant le sel formé par la combinaison de la d-/-hydrin-
damnine avec l'acide d-campho-z-sulfonique (préparé
par réduction de l'acide a-bromocamphosulfonique), a
ACADÉMIES ET SOCIÉTÉS SAVANTES
observé que, quoique au premier abord homogène, il
pouvait être séparé en fractions ayant des rotations
spécitiques différentes. Ce fait provient de ce que l'acide
d-campho-r-sulfonique brut contient une petite quan=
tité de son isomère, et comme ce dernierne peut guère
avoir été formé pendant la réduction de l'acide a-bro=
mocamphosulfonique, il s'ensuit que l'x-bromocamphreé
subit une racémisation partielle pendant sa sulfona-
tion. A part cela, le sel de la d-/-hydrindamine avee
l'acide sulfonique ne subit aucun changement dans S
cristallisation fractionnée, et il possède une rotation
moléculaire identique à celle du d-campho-7-sulfonale«
d'ammonium ; c'est donc un sel partiellement extérieu
rement compensé, de la forme dA/B,4AdB. — M. W. H:
Perkin jun., par réduction avec le sodium du chlorure
de l'acide tétraméthylènecarboxylique, a obtenu le
tétraméthylènecarbinol :
CH? — CH?
CHE — CH. CITRON
huile incoiore, beuillaut à 1439-1440.
ACADEMIE DES SCIENCES D'AMSTERDAM
Séance du 23 Février 1901.
1. SCIENCES MATHÉMATIQUES. — M. J. A. C. Oudemans :
Résumé de la sixième et derniere partie du comptes
rendu de la triangulation de Java. Tandis que la qua=
trième parlie contenait les résultats de la triangulation:
primaire et la cinquième ceux de la triaugulatiom
secondaire, celte derniere partie s'occupe des hauteurs
des lieux observés. D'abord la hauteur de 19 sommets de
triangles, situés près du bord de la mer, a été mesurée
directement; dans la détermination de la hauteur des
points trop éloignés de la mer, il est nécessaire dem
connaître d'avance la réfraction terrestre, dépendante
en premier lieu de la loi inconnue, pour Java, suivante
laquelle la densité de l'atmosphère varie avec la hau=
teur. Ainsi, l’auteur a cherché à déterminer le facteur"
de réfraction à l’aide d'observations simultanées dem
distances zénithales, Un chapitre spécial est consacré
à la détermination de la dépression de l'horizon em
»3 points d'observations. A l'aide de la solution de
»3 équations linéaires à deux inconnues, par la méthode
des moindres carrés, l'auteur trouve, pour la relation
entre la dépression de l'horizon et la hauteur au-dessus
du niveau de la mer :
h=—(6,56546) tang?d — (5,82716) tang'd — 2,55;
les nombres entre parenthèses y représentent des loga
rithmes, l'unité de hauteur y est le mètre. Un aperc
historique sur les tentatives pour déterminer la réfraes
tion terrestre, dès J.-D. Cassini, en 1661, accompagne les
travail. Ensuite, l’auteur s'occupe des déviations locales
du fil à plomb dans la direction du méridien, qu'il a
déterminées en 63 lieux différents, indiqués dans la
petite carte ci-jointe (fig. 1). Les longueurs des petits
traits font connaitre la direction et le montant des
déviälions. —- M. H. G. van de Sande Bakhuyzen:
Rapport de la Commission chargée des mesures préparas
toires pour les observations de l'éclipse totale de Soleil
du 18 mai 1901. Cette éclipse, presque exclusivement
visible dans les Iudes néerlandaises, est d’une extrême
importance, à cause de sa longue durée; sur la ligné
centrale, celte durée s’élèvera à 6 min. 1/2, à la côte occi
dentale de Sumatra, et à 5 min. 1/2 à la côte orientale
de Bornéo. La Commission préparatoire, nommée pan
l'Académie, le 27 mai 1899, se compose de MM. H: G
et E. F. van de Sande Bakhuyzen, J. A. C. Oudemans;
J. C. Kapteyn, W. H. Julius, J. P. van der Stok, A: As
Nyland et J. H. Wilterdink. Elle est secondée par un®
Commission locale, nommée par le Gouvernement;
présidée par M.J. J. A. Muller, Chef de la triangulatio
de Sumatra, el comptant parmi ses membres MM.5:
ligée et A. G. Zeeman. Ce Rapport contient successives
ment’ des indications sur les supports matériels CL
M
ACADÉMIES ET SOCIÉTÉS SAVANTES
295
financiers de l'Expédition, la composition de l'Expédi-
ion (MM. Nyland et Wilterdink, astronomes; MM. Mul-
r et Wacker, séodésiens ; Julius, physicien; MM. Figée
ét van Bemmelen, météorologistes), les caractères des
bservations et des instruments (images photographi-
ues de la couronne, observations spectroscopiques de
couronne et de la photosphère, polarisalion des par-
es diverses de la couronne, radiation calorifique et
intensité lumineuse de la couronne, observations des
andes d'ombre, état électrique de l'atmosphère pen-
ant l'éclipse, observations sur le magnétisme ter-
éstre, la température, la pression et la lorce du vent, —
escriptions des instruments dont se servira l’expédi-
on), choix du lieu d'observation (un point dans les
environs de Painan, à la côte occidentale de Sumatra),
informalions pour les observaleurs des autres pays
(onze expéditions, parmi lesquelles sont représentées
à France, l'Angleterre, l1 Russie, l'Amérique).
* 2, SCIENCES PHYSIQUES. — M. H. A. Lorentz: Les lois
de Bolltzmann et de Wien, relatives au rayonnement.
Pour arriver à ces lois (Boltzman : Ann. de Wiede-
Mann, t. XXII, p. 291, 1884; Wien : Sitzungsber. der
Berlin. Akad., 1893, p. 55), il n'est pas nécessaire de
décomposer l'état vibratoire de l'éther en une infinité de
[ue
SE ï
{ CS Mramafes
ne CE
& | pr À
ETES ps
Ce p— porn
PA TS jet
pe
rayons qui s’entrecroisent dans tous les sens; on peut
baser directement sur les équations fondamentales
du champ électromagnétique. 1. Supposons qu'un
espace, entouré d'une enceinte à parois parfaitement
réfléchissantes, soit occupé en partie par un corps
ndérable M. L'éther qui environne ce corps sera
alors le siège de mouvements électromagnétiques, dont
la nature et l'intensité sont déterminées par la tempé-
lature © du corps M, et en vertu desquels l’éther exerce
une certaine pression p. En déplacant les parois, on
peut augmenter ou diminuer le volume v; de plus, on
Supposera qu'on puisse introduire à volonté de la cha-
eur dans le corps M. La quantité de chaleur requise
Pour un changement infiniment petit déterminé par
d1' et dv est donnée par la formule :
de de
dQ = FT + (+ par ,
Ja seconde loi de la Thermodynamique conduit à la
lation
, de ap
L ov Tr “
T Fe. . , , .
Ici, le premier terme n'est autre chose que l'énergie U
de l'éther par unité de volume. Comme p est indépen-
dant de v, on aura :
f m1
U+p=T.
2. Soient b, aux composantes ?,, d,, d-, le déplacement
d iélectrique, et 9, aux composantes 9,, 9,, 9., la force
magnétique. Alors on a :
Fig. 4. — Dévialions du Al à plomb à Java mesurées dans la
les traits horizontaux indiquant qu'il s'agit de valeurs
moyennes, par rapport à l’espace et au temps, et V
représentant la vitesse de la lumière. D'un autre côté,
la pression peut être représentée par :
96.2 52
262? — 52.
x ?
— D) —
37
Comme l'état de l'éther est
dans cette expression :
Ainsi l’on trouve :
AU UN CR
1
—UÙ; no
Dos adT
ce qui est l'expression de la loi de Boltzmann. 3. Enle-
vons maintenant le corps M et augmentons le volume v.
L'énergie par unité de volume diminuera et, si le chan-
gement du volume est suflisamment lent, les différents
IT era
direction du méridien.
états de l’éther qui se succèdent sont précisément ceux
qui pourraient être en équilibre avec des corps pondé-
rables, ayant des températures de plus en plus basses;
c’est ce que Wien a démontré par des considérations
thermodynamiques. Si l'on veut étudier la dépendance
qu'il y a entre l’état de l'éther et la température d'un
corps pondérable, il suffira done d'examiner l'effet du
rayonnement des parois. Si, dans un temps infiniment
petit dt, les dimensions augmentent dans le rapport de
1— adt, a étant une constante, le problème peut être
résolu par l'introduction d'un nouveau système de
variables dans les équations du champ. Prenons
comme nouvelles variables indépendantes :
zi=zes0,
x! — xe—al, } 1— SEA
1
ä
Ü—-(l—e-2)—;—
2V2 x? + J = z°)e cs
et comme nouvelles variables dépendantes, les quantités
D, 0, d'-, Dr, 9, D'-, qui sont déterminées par les équa-
tions : À
2 (yG:— zb), et
y$- Sy), etc.
ETEN EE tre l
x — e—2atpl; —
Gr 6 —20t6ly + Ana(yo:— Zy), etc.
Négligeons enfin les termes qui contiennent 4°, ce qui
sera permis tant que la vitesse des parois est très
petite par rapport à celle de la lumière. Alors, on
trouve que la forme des équations différentielles n'est
pas changée par la substitution. Il faut remarquer qu un
point déterminé de la paroi est toujours caractérisé
296 ACADÉMIES ET SOCIÉTÉS SAVANTES
par des valeurs constantes de x’, y', z!. Si donc l'équa-
tion de la surface intérieure de l'enceinte est :
F(x, y, z)—=0
au temps #, elle sera :
à un instant postérieur quelconque. Quant à la condi-
tion que les parois doivent être parfaitement réfléchis-
santes, elle s'exprime par :
Da y : De —:
dans le cas d’une enceinte immobile, et par :
ar 4 °F
DO ANR EEE
ox! Oy! 9z
dans celui d'une enceinte qui se dilate. On obtient ces
dernières formules en se servant des conditions rela-
tives à la surface d'un corps mobile, qui ont été établies
daus la théorie de l’aberration (Voir Lorentz : Versuch
einer Theorie der electrischen und optischen Erschei-
nungen in beweqten Kôrperu). En somme, les équa-
tions qui déterminent bd, 9, etc., considérés comme
des fonctions de x!, y', z!, l', sont les mêmes que celles
dont il faut se servir pour déterminer d:, 9,, etc., en
fonction de x, y, Z, {.—#. Soient :
Dr = qi (X, Jr Zst), Fr = (87,2) etc.…, (2)
les valeurs qui existeraient si les parois avaient été
maintenues dans la position qu'elles occupent au
temps {—0. Les mouvements qui ont lieu pendant fe
déplacement de l'enceinte seront donnés par :
Paz = gi(x!,} f, ZI, d'), Ga! — Ya (x 721, d), etc.
Considérons le moment où e“* a une valeur déter-
minée k, el passons à la limite où cette valeur aurait
été atteinte dans un temps infiniment long, avec une
valeur infiniment petite de a. Alors les relations (1)
deviennent :
et l'on aura :
pe XYZ y SR eZ] te. (3)
Es Pi RO) ee pre AENNE
C’est le nouvel état que nous allons comparer avec
l'état initial (2). Désignons de nouveau par Uet T la
densité de l'énergie et la température correspondante
à (2), etpar U'et T! les valeurs analogues pour l'état (3.
On trouve immédiatement la relation 4‘ U!' — U, ce qui
donne ÆT'—T, en vertu de la loi de Boltzmann. Or,
le théorème de Fourier nous permet de décomposer
les états (2) et (3) en uneinfinité de mouvements partiels,
ayant chacun une longueur d'onde déterminée; à
chaque terme dans la décomposition de (2) correspondra
un terme dans la décomposition de (3). Nommons / et
l!' des longueurs d'onde correspondantes, u la densité
de l'énergie qui, dans l'état (2), appartient aux mouve-
ments dont la longueur d'onde est comprise entre
deux limites infiniment voisines, et u! la densité de
l'énergie dans l'état (3) qui est propre aux parties
correspondantes du mouvement total. On trouve faci=
lement : l —=k1, k‘u!'—u, c’est-à-dire : 4
l':1=T:T 4
et
DATENT Ê
équations qui expriment la loi de Wien. — M. J. D
van der Waals : L'équation critique et la théorie d&
mouvement cyclique. La déduction de l'équation eni
tique est basée sur la supposition que les molécules sonts
à toutes les températures et sous toutes les pressions”
des systèmes invariables. Aivsi l'équation critique ordis
naire doit être en défaut, aussitôt qu'il se présente des
associations à des systèmes compliqués. Même en des
cas où les systèmes subissent des variations beaucouf}
moins importantes, qui n'influencent pas même les
dimensions des molécules, on est contraint à renoncetm
à l'hypothèse que les quantité a et h sont des cons
tantes. Mème dans la première série de vérifications dé
l'équation critique (avec l'acide carbonique d’après
les expériences d'Andrews), l’auteur trouvait que Y
augmente avec la tempértaure; seulement, la réflexion
que fa manière dont » dépend de { était inconnue
lui a fait détourner les yeux de cette variabilité. Déjæ
la remarque que la valeur de la chaleur spécifique à
volume constant des matières à molécules composées
ne s'accorde pas avec celle qu'on trouve dans le cas de
matières mono-atomiques mène à la conclusion que, à
côté des mouvements des molécules, on est obligé des
supposer l'existence de mouvements intérieurs, mous
vements atomiques; d'un autre côté, l'observation que
ce mouvement atomique devieut de plus en plu
violent à mesure que T augmente, fait présumer qu'et
verité les molécules sont plus grandes à des tempéras=
tures élevées qu'à des températures basses. Ainsin
l'équation critique aux valeurs invariables de a et h ne
saurait être de rigueur que pour les matières monos,
atomiques ; l'application de cette équation à des mà
tières aux molécules composées ne constitue qu'une
approximation grossière. Dans la séance du 9 octo
bre 1898, l’auteur a déjà indiqué que nous serons.
obligés de considérer les molécules comme des orgas
nismes qui varient avec p et T, de manière qu'il
y ait lieu de parler de l'équation critique de la molécules
Depuis, à l’aide de l'équation viriale, il a déduit une,
équation de ce caractère. Seulement plusieurs points
délicats, surtout le rapport entre la force vive d
mouvement atomique el celui du mouvement molé=
culaire à des températures diverses, et la question de
la relation de ce rapport avec le degré de condensatio
de la matière, ne pouvant être décidés que par des”
raisons de probabilité, l'auteur a cherché d’autres.
moyens de vérification, d’abord en se servant de consis
dérations principalement thermo-dynamiques, ensuite
en s'occupant de la théorie du mouvement cyclique
Dans cette partie-ci, cette dernière théorie est appliquée
au cas de molécules qui se composent de deux atomes
une communication suivante contiendra l'applicatio
de cette théorie au cas de molécules qui se composent de
plusieurs atomes et l'étude de l'influence de la varie
tion de D avec la température sur l'équation critique
P. H. ScHoure.
Le Directeur-Gérant : Louis OLIVIER.
Paris. — L. MARETHEUX, imprimeur, 1, rue Cassette.
412: ANNÉE
DIRECTEUR :
15 AVRIL 1901
—1
Î Revue générale
DCS Scienc
pures el appliquées
LOUIS OLIVIER, Docteur ès sciences.
Adresser tout ce qui concerne la rédaction à M. L. OLIVIER, 22, rue du Général-Foy, Paris. — La reproiluction et la traduction des œuvres et des travaux
publiés dans la Revue sont complètement interdites en France et dans tous les pays étrangers, y compris la Suède, la Norvège et la Hollande.
$ 1. — Astronomie
a nouvelle étoile de Persée. — M. Anderson,
bien connu déjà du monde astronomique par ses nom-
Mbreuses découvertes d'étoiles variables, signalait, le
2 février 1901, à Edimbourg, la présence d'une nou-
telle étoile bleuâtre, de grandeur 2,7, dans la constel-
lation de Persée: la position approchée du nouvel
astre est :
AR — 3h24m95; D —
Lil tire une importance particulière de la rapidité
dec laquelle son éclat peut varier. Ainsi, le 23 février, |
tte éloile devient plus éclatante qu'une étoile de |
première grandeur, et MM. Robert et Rossart la trou-
nt plus brillante que la Chèvre, tout en restant
nférieure à Sirius; puis elle diminue très rapidement,
omme l'indiquent les déterminations de MM. Luizet et
eslandres :
430341
Grandeur.
26 février à Sh45m UT Er ds |
IT SR NO ER A EL
27 — à 10h20 1,9
27 — à 11n90 2,0
OT — à 14h40 2,1
21 — à 12h 0 PAU |
1er mars à 8h45 D ANA D
3 — 2,4
8 — 3,1
Cependant M. Rayet, à Bordeaux, détermine immé-
atement le spectre de cette Nova : il trouve des lignes
illantes à grand écart dans le vert et le bleu, et par-
culièrement celles de l'hydrogène. M. Deslandres, à
udon, reprend l'étude plus détaillée et plus instruc-
de ces spectres, tandis que l'Observatoire de Paris,
loujours absorbé par des cartes et des catalogues,
apporte encore aucune contribution à la connais-
nce du nouvel astre.
“C'est surtout en regardant l'histoire des éloiles va-
bles où temporaires, que l’on comprendra tout l'inté-
t que suscitent pareilles apparitions, et les problèmes
entiels qui se posent ainsi pour la Cosmogonie : En
avant notre ère, Hipparque apercut dans la constel-
ion du Scorpion une étoile brillante qu'il n'y avait
Point encore vue, et c'est, selon Pline, ce qui lui sug-
REVUE GÉNÉRALE DES SCIENCES, 4901.
CHRONIQUE ET CORRESPONDANCE
géra l'idée de faire un catalogue d'étoiles; en 123 de
notre ère, pareille apparition dans la constellation
d'Hercule; en 173, dans le Centaure, une étoile qui
put être observée pendant huit mois par les Chinois,
et passa successivement par toutes les couleurs; en 336,
pendant quatre mois, dans le Sagittaire; en 393, dans
le Scorpion ; en 1011, dans le Sagittaire; en 1203, dans
le Scorpion; en 1230, dans Ophineus. Mais, en Europe,
l'étude du ciel allait se développer; bien des faits ana-
logues élaient signalés, et, en 1572, l'attention se porta
particulièrement sur la Pélerine, la nouvelle étoile
signalée dans Cassiopée par Tycho-Brahé.
La Pélerine brillait d'un éclat supérieur à celui de
Jupiter et, avec une bonne vue, on pouvait la voir
pendant le jour, en plein midi; elle resta blanche pen-
dant deux mois, puis se mit à passer au jaune, tandis
que son éclat diminuait; en juillet 1573, elle n'était
plus que de 3° grandeur, élant passée du jaune au
rouge, et commençait à redevenir blanchâtre. Enfin,
en mars 1574, après avoir brillé dix-sept mois, elle dispa-
raissait entièrement et, malgré des données assez pré-
cises sur la fixité de sa position, on ne la put jamais
revoir.
Le 10 octobre 1604, J. Brunowsky, élève de Képler,
signalait une étoile presque aussi remarquable qui
devait disparaitre vers janvier 1606; c'est la nouvelle
du Serpentaire, ou étoile de Képler. En 1600, Janson
avait également signalé ane étoile dans le Cygne; elle
posséda un éclat variable, fut observée par Képler,
Cassini, Hévélius, et conserve aujourd'hui encore un
état stationnaire de 5° grandeur.
Mais la découverte la plus importante pour la théorie
de ces phénomènes fut celle de la /erveilleuse de Ja
Baleine (Mira Ceti), le 16 décembre 1638, par Holwarda ;
cette éloile, il est vrai, avait été déjà cataloguée par
Bayer avec un autre éclat, mais elle était plus brillante,
peut varier de la 3° à la 9° grandeur, et la courte
durée de sa période allait permettre les plus précieuses
déterminations.
Aujourd'hui, l'on connait environ 500 étoiles varia-
bles; pour plus de la moitié d'entre elles les variations
d'éclat sont reconnues périodiques; parmi les autres,
les unes seront ultérieurement reconnues comme pé-
riodiques, à cause de la durée élevée de leur période ;
7
298
CHRONIQUE ET CORRESPONDANCE
d'autres n'étaient que ‘temporaires, ont entièrement
disparu, ou disparaîtront pour toujours. Les courbes
d'éclat des Nov ou temporaires peuvent présenter les
plus grandes singularités; nous donnons ici pour
exemple (fig. 1) celle de la Prima Nova de 1885 (S. Andro-
mède), d'après les déterminations d'Oxford et de Hart-
wig, Pritchard et Charlier. On remarquera, dans ce cas,
la rapidité des variations qui peuvent être, cependant,
encore beaucoup plus précipitées, comme dans le cas
Aout Sept Octobre Novembre Décembre
gr __ 2 8 18 28 8 18 28 7 17 7 17
Fig. 1. — Variation d'éclat de S Andromède (1885).
de T Cocher. D'ailleurs, l'étude des clichés photogra-
phiques montre qu'il y a beaucoup plus d'étoiles varia-
bles que l’on ne croit d’après l'observation directe.
Pour les étoiles périodiques proprement dites, il
faudra tenir compte de leurs variations de coloration,
et de l'influence du mouvement de la Terre;les périodes
peuvent être inférieures à 3 jours comme supérieures
à 500 jours; la période moyenne présente de nom-
breuses irrégularités, les unes périodiques, d’autres
séculaires, et l’on entrevoit la délicatesse et l'intérêt
de telles études. À Harvard College, M. Pickering a or-
ganisé des observations régulières et des circulaires
pour la connaissance des étoiles variables; c’est là une
initiative heureuse et très importante, et nous ne de-
vons pas oublier que chez nous, à Lyon, sous la direc-
tion de M. André, l’on s'occupe aussi très activement
de ces problèmes si utiles.
Pour les périodiques, en particulier, l'hypothèse de
Lockyer est encore une de celles qui répondent le mieux
aux apparences, et qui soient le plus plausible : chaque
étoile, au lieu d'être analogue au Soleil, serait un
essaim de météores et pourrait être accompagnée d’un
essaim satellite sur une trajectoire elliptique (fig. 2).
Alors, au périastre, il y a pénétration des essaims, coili-
Fig. 2. — Zioile en essaim avec un essaim satellite.
sion de leurs éléments, d'où augmentation de lumière;
si l'on veut, le corps central pourrait avoir une atmo-
sphère étendue où le satellite créeraitune pluie d'étoiles
filantes. Reste à étudier plus en détail la nature de
ces essaims et de leurs trajectoires.
Ou bien encore existe-t-il des corps obscurs, des
satellites obscurs, comme celui dont la présence parait
si vraisemblable dans le cas d'Algol.
Mais la spectroscopie allait bientôt faire entrer l'étude
des étoiles variables dans une voie nouvelle et féconde :
en 1866, Barker et Courbebaisse trouvent une Nova, T
de la Couronne, qui est encore aujourd’hui de grandeur
9,5, et à laquelle Sir Huggens applique la spectroscopie
pour la première fois; il trouve un spectre caractérisé.
par les raies brillantes et larges de l'hydrogène, qui
devaient être reconnues semblables, plus tard, à celles
des protubérances éruptives du Soleil. La Nova du
Cygne (1876) présente un spectre continu, avec es
raies des protubérances, au moment des maxima d'a
tivité solaire; bientôt l'éclat diminue, le spectre
débarrasse de la partie continue, et finit par ne plus
présenter que les raies caractéristiques des nébuleuses:
La Nova de 1885 présente un spectre continu. La Nova
du Cocher (1893) présente les raies de l'hydrogène el
du calcium : chaque raie est double, la composante
noire étant déplacée vers le violet, la brillante vers l&
rouge; l'intervalle des deux raies correspond à une
vitesse radiale de 1.000 kilomètres-par seconde, et fait
penser à l'existence de deux astres qui marcheraient
lun vers l’autre avec une vitesse considérable ; — puislé
spectre s’est résolu dans celui des nébuleuses. |
Pour la nouvelle étoile de Persée, les apparences
sont analogues, mais les raies, brillantes et noires
sont beaucoup plus larges. L’astre présente-t-il dont
trois’ masses gazeuses, sans pressions sensibles, anis
mées les unes par rapport aux autres de vitesses diff
rentes? Est-ce une seule masse à très haute pression,
qui est devenue brusquement le siège de phénomènes
électriques très intenses? S'agit-il de deux corps qui
se rapprochent très rapidement, l’un d'eux étant peut=
être à l’état nébuleux? C’est là l'hypothèse vers laquelle
paraît incliner M. Deslandres, qui a fait une étude dé
taillée des spectres de la Nova d’Anderson.
Enfin l'apparition actuelle a fait naître une nouvelle
hypothèse sur les étoiles à proprement parler tempo
raires : admettons, vu la complexité de son spectre,
que l'oxygène ne soit pas un corps simple ou, si l'on
veut, qu'il se dissocie aux très hautes températures,
fait qui correspond à ce que l’on ne peut en déceler la
présence dans les enveloppes gazeuses qui surmontent
la photosphère solaire, ni dans la chromosphère, ni
dans l'atmosphère coronale; alors cependant, comme
l'oxygène existe partout, lorsqu'une étoile se refroidits
il peut cesser d’être dissocié, se combiner avec l'hydro
gène, créer ainsi une température très élevée, d’où
lumière. Mais cette combinaison engendre de la vapeur
d’eau qui vient rapidement diminuer le rayonnement
et l’astre paraîtra s'éteindre. — Telle est l'hypothèse de
M. Janssen.
On voit l'importance des problèmes soulevés par les
étoiles variables. Peut-être la nouvelle étoile de Persée
est-elle, de la sorte, un astre mourant. Et, d'abord
est-ce une variable vraie, une variable périodique où
une étoile temporaire? C'est ce que nous espérons
savoir bientôt. |
— Mécanique
Les lignes superficielles qui apparaissent
dans le sciage des métaux. — M. Ch. Frémonta
fait récemment sur ce sujet d’intéressantes expériences
Quand on scie des métaux laminés ou simplement
coulés tels que le fer, les aciers de toutes nuances;
la fonte, le cuivre, le laiton, le bronze, etc., il apparaît
sur les deux faces résultant de ce sciage des lignes
autres que celles qui sont occasionnées par le trait de
scie. Le phénomène ne dépend ni de la nature des
métaux mis en œuvre, ni de particularités de leur
structure. En éclairant obliquement une des sections
obtenues, on observe, sous une incidence convenable
une succession de bandes étroites, alternativement
claires et sombres; l'apparence peut, d'ailleurs, être
inversée par une rotation de 480° de la plaque, les
parties claires devenant sombres, et les parties sombres!
s'éclairant à leur tour. Cet effet de lumière accuse entre
deux bandes consécutives une légère dénivellation;
quelquefois perceptible au toucher, accompagnée d'un
ressaut rarement brusque, mais plutôt arrondi. Ces
bandes, de deux en deux en creux ou en relief, sont
CHRONIQUE ET CORRESPONDANCE
299
rallèles entre elles, et ohéissent à cette loi simple
dètre également parallèles aux deux bords opposés
traversés par la scie. Les choses se passent comme si les
pl. — Lignes de sciage d'un bloc attaqué parallèlement
é aux côtés.
ux profils étaient transportés par le sciage parallèle-
ent à eux-mêmes, à des intervalles déterminés et
onstants.
Quand les bords opposés, dont elles reproduisent le
profil, sont deux lignes parallèles, comme dans une
Mbarre à section carrée ou rectangulaire, et que le sciage
tés opposés, il n'y a qu'un seul système de lignes :
essont des droites parallèles ayant alors le maximum
“largeur (fig. 1). Si le sciage esteffectué dans la même
rre suivant une diagonale de la section rectangu-
re, le profil attaqué par le trait de scie est un angle
Mig. 3. — Lignes de sciage d'un profil triangulaire
superposé à un profil rectangulaire.
voit ; il y a alors deux systèmes de lignes (fig. 2). Sila
e est triangulaire, il y a deux systèmes de lignes
allèles aux deux côtés du triangle et inclinés par
rapport au trait de scie. Si la barre a pour section un
angle superposé à un rectangle, on retrouve les deux
systèmes de lignes suivant la même loi (fig. 3). Quand
la barre est cylindrique, les deux systèmes de lignes sont
composés d’arcs de cercle (fig. 4). Quand le profil est com-
plexe, c'est-à-dire composé d’arcs, de lignes droites ou
brisées, elc., les deux systèmes de lignes sont toujours
des parallèles aux profils des bords attaqués par le
trait de scie (fig. 5).
Il est à remarquer que les deux systèmes de lignes,
venant des bords opposés, vont l’un vers l’autre;
que les lignes se rencontrent, se coupent et se dé-
passent; aussi voit-on parfois, près d'un des bords du
morceau de métal scié, les traces des lignes prove-
nant du bord opposé. Quand les bords opposés sont
lig. 4. — Lignes de Sciage d'un cylindre,
asymétriques, les deux systèmes de lignes paraissent
s'affaiblir en se rencontrant. Il peut y avoir, dans cer-
lains cas, un troisième système de lignes ; ainsi, dans
le sciage d'une barre à seclion carrée sciée suivant la
diagonale (fig. 6), on voit, en plus des deux systèmes
de lignes constatés, un troisième système produit par
un mouvement vibratoire supplémentaire occasionné,
semble-t-il, par un serrage élastique de la barre pendant
l'opération du sciage.
Ces lignes sont différentes des lignes de Lüders, car
elles sont constantes, régulières, géométriques et de
forme déterminée, obéissant toujours à cette même loi
d'être parallèles aux profils des bords attaqués par le
Fig. 5. — Lignes de sciage d'une barre à profil complexe.
trait de scie. Ces lignes semblent, à première vue, repré-
senter des ondes stationnaires résultant d'un mouve-
ment vibratoire.
Dans une discussion qui a eu lieu à la Société fran-
caise de Physique sur cette question, M. A. Cornu à
assigné à la voie de la scie la cause première du phé-
nomène, Il ne faut d’ailleurs pas s'étonner de voir des
lignes superficielles périodiquement espacées se pro-
duire dans ce cas, car, quel que soit le mouvement de
la scie, il tend toujours à se transformer en un mou-
vement périodique défini par les lois de l’élasticité.
Depuis lors, M. Vasseur s'est livré à une étude plus
approfondie du phénomène. En se servant d’une scie à
ruban neuve, il a constaté que la largeur des sillons
était précisément égale à l'intervalle de deux dents
successives de la scie employée; les résultats étaient
beaucoup plus nets avec une scie neuve, ayant encore
300
CHRONIQUE ET CORRESPONDANCE
<
toute Ja voie donnée par le fabricant, qu'avec une scie
usée.
Voici comme on pourrait expliquer, d'après M. Vas-
seur, la production des lignes observées:
Examinons de champ une scie à ruban marchant
dans le sens AB (fig. 7), et considérons le moment où
Fig. 6. — Systôme triple de lignes de sciage.
une dent déversée à droite d! est en train de creuser
* son sillon, les dents déversées à gauche se trouvant,
celle qui la précède déjà dans le métal, celle qui la
suit sur le point d'atteindre la surface. La réaction du
métal sur la dent a une composante horizontale f qui
tend à rejeter vers la gauche la lame de la scie, et
l'extrémité de la dent d!
est plus à gauche que sa
position normale.
Au moment la dent g°
va rentrer en prise, elle
PRE NE
RS >
Fee Q
»©
LES
= 8
B Fig. 8.
\( . ‘
Fie. 7 subira, de la part du mé-
EN tal, une réaction dont la
composante horizontale /
tendra à ramener vers la droite la lame de scie, et,
par suite, la dent d! creusera, à partir de ce moment,
un sillon à, à,, à droite du prolongement de l'élément
précédent à, &,; pour la même raison, la dent ÿ!
travaillera à droite du sillon y, y, qu'elle vient de faire.
Le mouvement de balancement alternatif à droite et
à gauche se continuera ainsi régulièrement au moment
de l'entrée en prise des dents successives de la scie. Ce
mouvement, ayant son origine à la surface CD, tandis
que la scie subit un effort de traction du côté de B, ira
en diminuant d'amplitude à mesure que l'outil péne-
trera dans le métal, et les sillons produits auront une
profondeur de moins en moins grande.
A la sortie (fig. 8), le mouvement inverse se produira;
au moment où la dent d, quittera le métal, la réaction
qu’elle subissait de la part de lamatière venant à
cesser, la lame se reportera vers la droite et la dent
fn Creusera un sillon à droite de l'élément qu'elle
creusait précédemment.
En résumé, le travail de la scie produira deux séries dé
sillons dont la largeur sera égale à l'intervalle de de
dents, et qui auront pour limites des lignes qui seroni
respectivement les copies des profils d'entrée et d
sortie de la scie dans la pièce travaillée; ces deux
séries de lignes sont indépendantes l’une de l'autre
elles peuvent se croiser, leur netteté va en diminuatif
depuis les bords vers le centre de la pièce.
$ 3. — Chimie
Méthode de séparation du glucose d’avet
le maltose. — Cette méthode, due à M. A. C. Hill
consiste essentiellement à éliminer le glucose du
mélange par la fermentation au moyen du Saccharo:
myces Marxianus, un ferment, qui, comme l'a observé
Hansen en 1888, n'agit point sur le maltose. Pour être
réellement pratique, la méthode doit être conduite
avec certaines précautions. On peut, par exemple, opérer
de la manière suivante : Une culture pure du ferment:
qui a été lavée à plusieurs reprises avec de l’eau puré
stérilisée, est ajoutée à la solution des deux sucres de
laquelle on désire retirer le maltose. Cette solution
doit contenir 10 °/, au maximum du mélange des deux
sucres, et être à la température d'environ 25-290,
La fermentation se poursuit lentement en l'absence
de matières protéiques et sans multiplication notable
des cellules du ferment. Quand le dégagement d'acide
carbonique à presque cessé, le mélange est porté à
400° et filtré. On additionne alors le liquide d'u
liers de son volume d'alcool, et on évapore le tout dans
le vide à basse température; le sirop épais résultant
convenablement traité par l'alcool à 80-85 °/,, donne
le maltose cristallisé et blanc du premier coup. é
$ 4. — Zoologie
Le Laboratoire de Biarritz. — Les laboratoires
de Zoologie maritime sont déjà nombreux en France,
mais l'examen de leur répartition géographique montre
une lacune assez grave : dans le golfe de Gascogne, au
sud d'Arcachon, on ne trouve plus que l’annexe de
Guéthary, stalion qu'ont fait connaître, il y a déjà
longtemps (1847), les recherches de De Quatrefages,
mais que son éloignement d'un centre important com
damne à être le plus souvent inutilisée.
Le fond du golfe de Gascogne présente cependant des
conditions particulières; des études récentes ? montrent
que de nombreux courants y viennent converger. Aü
nord de Biarritz commencent les dunes, indice de
fonds sableux, dont la faune peut être étudiée à Arcæ
chon. Cependant, l'estuaire de l'Adour, et surtout Me
Gouf de Cap Breton déterminent, au voisinage de Bians
ritz, des conditions spéciales dont les recherches du
marquis de Folin ont déjà montré l'intérêt. 2
De Biarritz à la Bidassoa, les falaises sont le plus so
vent constituées par des calcaires marneux, qui fo
prévoir une faune et une flore différentes de celles de
côtes landaises; pour ne citer que les Mollusques, dont
H. Fisher a publié récemment une liste‘; on y peub
remarquer un assez grand nombre d'espèces où de
variétés méridionales (lusitaniennes ou méditerra
néennes). |
Pendant le Congrès de pèche qui s'est tenu à Biarril#
en 1899, les naturalistes qui y assistaient, frappés pa
ces considérations, ont regretté l'absence d'un labo
toire de Biologie. L'idée d'en créer un est alors venuë
à une Société scientifique locale, Biarrilz-Association
grâce à l'appui de la municipalité biarrote, le projetæ
pu être mené à bonne fin et un laboratoire, encore
bien modeste, s'élève auprès du rocher de la Vierges
1 A. C. Irc : Chem. Soc., n° 234, p. 45.
? HauTreux. La Géographie, T.1.
3 Travaux du Laboratoire de Wimereux, T. VIH.
CHRONIQUE ET CORRESPONDANCE
301
ez loin des centres de Ja vie mondaine, pour que les
naluralistes aient tout le calme et la tranquillité néces-
“saires à leurs travaux.
$ 5. — Sciences médicales
a préparation des produits opothéra-
ques. — La très vieille opothérapie a justement
pris, depuis un certain temps, une place honorable
ans la Thérapeutique. Peut-être même en a-t-on un
Bu abusé; mais, en somme, à part la thyroïdine, qui
“entrainé quelques accidents dont la cause reste encore
obscure, ses produits semblent pouvoir être employés
s danger, à la condition qu'on en use avec discer-
ent.
Nous examinerons ici non leur fonction toxicolo-
ue, mais simplement leur fabrication et leur emploi.
La fabrication est à la fois des plus élémentaires et
des plus délicates. Une des principales questions pour
btenir un produit réellement efficace, c'est de choisir
les organes parfaitement saius et aussi frais que pos-
le. Le mieux est d'employer ces organes aussitôt
mimal abattu. Chaque préparateur peut, naturelle-
nt, recourir à des procédés différents. Quelques-uns,
Jinstar de l’autruche, cachent soigneusement leur
anière de faire. Deux praticiens seulement ont bien
oulu répondre à notre demande de renseignements ;
e sont : M. Flourens, de Bordeaux, et M. Varenne, de
ris. Voici le procédé de M. Flourens :
L'animal est choisi très sain, d'un bel aspect. Aussitôt
juil est abattu, on enlève l'organe, on le porte dans un
vase très propre au laboratoire, on le hache finement,
on le sèche mécaniquement et très rapidement à l'air
froid, puis on le met à l’étuve à 37° en présence de
ucre. Lorsqu'il est complètement sec, on le pulvérise,
s on le passe au tamis de soie très fin. On met le
fout en pâte avec de la gomme et de l’eau, puis on
ivise en pastilles ou en pilules.
M. Flourens insiste avec raison sur la nécessité de
extrème division de l'organe, l’état parfaitement sain
éla glande et l’ensemble des soins dans la fabrication.
ee donne, paraît-il, d'excellents résultats. Il
nble, en effet, rationnel et bien appliqué.
M. Varenne n'opère pas de la même manière. Bien
endu, comme M. Flourens, il prend des organes
olument sains, aussitôt l'animal abattu. Ce point est
Ssez difficile à réaliser à Paris; il faut pour cela avoir
les alliés parmi les égorgeurs des abattoirs. Mais on
oit reconnaître qu'ils mettent généralement beaucoup
& bonne volonté et même de l'amour-propre à exé-
ter le mieux possible ces petites opérations. Aussitôt
ane extirpé, on le met dans un récipient contenant
a glycérine et du sucre, mélange préalablement
ilisé à 115°. Le lendemain l'organe est très finement
broyé dans un appareil spécial, soigneusement stéri-
sé, puis la pulpe ainsi obtenue est versée dans une
uantité déterminée de vin (généralement : muscat,
nache, porto, ete., ces vins étant pasteurisés); puis,
ès dix à douze jours de macération, le vin est fil-
; etc., et enfin prêt à être employé. Il est bien évi-
t que, par ce même procédé, on pourrait également
enir des produits solides.
Bien que l’auteur n'ait pas exploité commercialement
produits, il en a cependant fait usage en de nom-
breuses circonstances, et les résultats ont été des plus
urageants.
es produits les plus employés en opothérapie sont
suivants : D'abord, par ancienneté, il convient de
er les préparations orchidiennes que l'illustre et
regretté Brown-Sequard à remises en honneur. On les
a conseillées contre Ja faiblesse générale, l'ataxie, l'im-
puissance, la sénilité, à la dose de 2 à 5 grammes d'’or-
gane frais par jour. ;
La médication ovarienne (dose 0 gr. 50 à 2 grammes
d’ovaire frais de brebis) a été conseillée contre l'amé-
norrhée, les troubles de la ménopause et la chlorose.
Mais on ne saurait se montrer trop prudent dans l’em-
ploi de médicaments aussi actifs, et dont tous les effets
sont encore loin d'avoir été précisés.
Les préparations {Ayroïdiennes semblent actuelle-
ment les plus employées. Le célèbre chirurgien géne-
vois Reverdin mit en évidence, en 1882, l'importance
de la glande thyroïde; puis Schiff, en 1884, Gley, etc.,
ont fait à ce sujet d’intéressantes expériences. C'est là le
sujet opothérapique qui a été le plus étudié. Les doses
de glande thyroïde fraiche (mouton), sont de 0 gr. 50 à
{ gramme par jour. Il est important de noter, à ce sujet,
que Gley (Société de Biologie, 31 juillet 4897), a établi
que la thyroïdine existe en plus grande quantité dans
les glandes parathyroïdes que dans la glande thyroïde
elle-même, ce qui établirait l'importance de ces glan-
dules dans la fonction thyroïdienne.
On a essayé d'appliquer le traitement thyroïdien à
une foule de maladies, trop, peut-être; mais il y a eu,
et il y a d’incontestables succès. Il paraît certain que
le goitre, la maladie de Basedow, le myxædème sous
ses différentes formes, ont élé très avantageusement
combattus par la médication thyroïdienne. En parti-
culier, Guttmann a considéré dans l'obésité l'extrait
thyroïdien comme le spécifique de cette dystrophie.
Le thymus est employé à la dose de 2 à 3 grammes
par jour contre le goitre exophthalmique, et le goitre
kystique. — Produit encore peu connu.
Le rein semble agir contre l’albuminurie, la néphrite,
le diabète, l'urémie (?). Dose : 2 à 5 grammes de rein
de mouton par jour. — Mais en ce cas, comme en
d'autres, pourquoi pas la vieille opothérapie culinaire,
c'est-à-dire un bon rognon...”?
Les capsules surrénales, si bien étudiées par Abelous
et Langlois, ont, dit-on, réussi contre la maladie bronzée
d'Addison et aussi contre certaines affections cardiaques.
Dose : 2 à 3 grammes.
Le D' Brunet, médecin de la Marine, a conseillé le
sue pulmonaire contre les affections diverses de la poi-
trine. Ce.n'est peut-êlre pas sans raison, car il nous
semble que le sirop de mou de veau était jadis classique.
Mais il faut se garder de conclusions trop simplistes,
et d'ailleurs encore tout à fait hasardées.
La rate aurait une valeur incontestable dans la ca-
chexie palustre ; elle agirait aussi dans l’anémie et la
chlorose (?). Dose : 1 à 3 grammes par jour. Nous ne
donnons ces indications qu'à titre d'exemple de ce qui
se pratique, car, encore une fois, sur tous ces points, la
science, il faut en convenir, n’a pas encore prononcé.
Le foie, d'après Gilbert et Carnot, serait à conseiller
dans des cas d'ictère, de cirrhose hépatique, de dia-
bète (?). Dose : 1 à 5 grammes.
Le cœur lui-même agirait avantageusement dans les
irrégularités cardiaques, et le pouls lent permanent.
Dose : 1 à 3 grammes.
La moelle osseuse semble avoir réussi contre le ra-
chitisme et la leucémie splénique. Dose : 0 gr. 50 à
2 grammes.
La substance nerveuse a été conseillée par le Dr Cons-
tantin Paul dans les névroses, les psychoses, l’ataxie.
Dose : 1 à 3 grammes.
Quant à la prostate et aux vésicules séminales, etc..,
on les a naturellement employées. Leur histoire est
encore trop récente, et nous n'y insisterons pas.
302
CHARLES RICHET — LA TUBERCULOSE EXPÉRIMENTALE
LA TUBERCULOSE EXPÉRIMENTALE
CONFÉRENCE FAITE A LA SOCIÉTÉ DES AMIS DE L'UNIVERSITÉ DE PARIS
(14 FÉVRIER 1901)
Messieurs,
Je vais vous parler aujourd'hui de la tuberculose
expérimentale. Vous savez que la tuberculose est
de toutes les maladies la plus redoutable, et que,
parmi les fléaux qui sévissent sur l'humanité, il
n'en est pas de plus cruel. Des statistiques précises
établissent que la mortalité par les affections tuber-
culeuses représente à peu près le cinquième de la
mortalilé totale. Elles atteignent les êtres humains
dans la force de l’âge, et font mourir après de
longues et douloureuses souffrances. Done, rien de
surprenant à ce que médecins et physiologistes
unissent leurs efforts pour combattre ce mal
terrible.
Ce que je voudrais ici vous exposer, très sommai-
rement, {rop sommairement peut-être, ce sont les
travaux des expérimentateurs, travaux qui nous
ont permis d'avoir des notions si pénétrantes et si
utiles sur la maladie elle-même, sur ses causes et
sur son lraitement.
Pour aborder avec fruit cette étude, il faut com-
mencer par donner un apercu, très rapide, des
grandes phases par lesquelles ont passé les con-
naissances médicales sur la tuberculose.
Une première longue période va d'Hippocrate
à Laënnec.
Les observations, etles théories plus encore que
les observations, s'accumulent. Faits épars, données
multiples, documents incomplets, confus, mal obser-
vés, mal racontés, le plus souvent mêlés de supers-
titions étranges. Nul lien ne rattache ces inutiles
travaux. Au milieu de tout ce faltras incohérent,
c'est à peine s'il se trouve de loin en loin quelque
juste remarque à glaner. En somme, c’est très peu
de chose. Dans les galeries poussiéreuses de nos
vastes bibliothèques, des observations innombra-
bles sont accumulées, qui dorment d'un vénérable
oubli. Ne les réveillons pas. Il n’y a rien de bon à
puiser, elce n'est pas sans quelque mélancolie qu’on
voit tout cel immense labeur humain aboutir à
un si mince résultat.
En réalilé, quoique le mot de tuberculose ait
été prononcé par les anatomo-pathologistes du
dix-huitième siècle, tout est resté confondu jusqu'à
.Laënnec. En 1819, Laënnec, précédé de quelques
années par Bayle, créa de toutes pièces la nosogra-
phie de la maladie tuberculeuse. Il montra quui
produit pathologique, de forme spéciale, le tubers
cule, peut se rencontrer dans tous les organes
dans le poumon, dans le périloine, dans le cerveau
dans le‘foie, dans la rate. Celle maladie, que
Laënnec décrivit avec précision, c'est la tuberculose
dont il aftirma l'unité.
Après Laënnec, séduits par les brillantes con
quêtes de l'Anatomie pathologique et des naissante
investigations microscopiques, les médecins
livrèrent à de longues et laborieuses études; mais
ces travaux n'apportèrent aucune lumière ni
l’étiologie, ni à la nature, ni au traitement de
l'affection tuberculeuse. Il se commit même uné
erreur singulière. Un grand anatomiste, dont il ne
faut prononcer le nom qu'avec respect, — car ill
introduit dans la science, qu'il aimait passionné:
ment, des idées nouvelles et fécondes, — Rodolphe
Virchow, a fait faire à l'étude de la tuberculose
pas en arrière. Il eut la funeste idée de brise
cette ünilé nosographique que Laënnee avait et
tant de peine à établir, et de supposer deux tubers
culoses : la forme caséeuse et la forme tuberew
leuse proprement dite.
Pendant longtemps les médecins de tous pa S
suivirent aveuglément celte erreur de Vircho
encombrant les livres et l'enseignement de distines
tions subtiles, absolument erronées, sur cette soi
disant différence entre les deux phtisies. On ensei
gnait des axiomes lels que celui-ci : le plus gra
danger pour un phtisique, c'est de devenir tubers
leux, — à moins, il est vrai, que ce ne soit l'in
verse. — Bref, méconnaissance complète de
nature de la maladie tuberculeuse. Aussi bien
comme tout à l'heure pour les prédécesseurs dé
Laënnec, nous sommes forcé de dire que le long
effort des successeurs de ce grand médecin, di
1820 à 1865, n'a donné que très peu de résultats
nolables, et qu'il n'ya aucun profit à tirer de à
lecture de tous ces livres, journaux, revues
mémoires, qui se sont enlassés pendant un dem
siècle.
Nous arrivons enfin à l'expérimentation. En 1865
date mémorable dans l'histoire de la science méd
cale, Villemin fit une expérience fondamentale 5
élablit que la tuberculose était une affection conta
gieuse.
Certes celle contagiosité de la tuberculose avail
été soupconnée depuis longtemps. Mais il y à loi
+
CHARLES RICHET — LA TUBERCULOSE EXPÉRIMENTALE
303
d'une opinion hypothétique incertaine à une dé-
monstration rigoureuse, de sorte que la gloire
d'avoir élabli la contagiosité et l'inoculabilité de la
tuberculose revient tout entière à Villemin !
Il fit un petit nombre d'expériences, cela est
Lyrai, mais ces expériences étaient tellement pré-
cises qu'elles ont, mème alors, entrainé la convic-
tion de tous ceux — ils ne furent pas d’abord bien
nombreux — qui ont consenti à les examiner sans
arti pris.
“Villemin inocula à quelques lapins des crachals
devant l'accueil de l’Académie de Médecine.
Lorsque Villemin présenta ses expériences, il y
cadémie, sans exceplion, et les médecins les plus
illustres de cette époque, Béhier, Pidoux, Piorry,
Guéneau de Mussy, Bouillaud, Hardy, etc., tous
fépondirent à Villemin, pour essayer de le con-
s objections théoriques! Et quelles objections!
Mai relu celte longue discussion, qui se prolongea
an, et je dois dire qu’elle n’est guère instruc-
live au point de vue scientifique. En revanche, elle
est bien curieuse comme étude psychologique.
le montre à quel point les idées nouvelles, même
les plus élémentaires et les mieux justifiées, ont
peine à entrer dans la science classique, et quelles
mauvaises raisons on est habile à découvrir pour
se refuser à admettre l'évidence.
Prenons, pour mieux en juger, quelques-uns
s arguments qui onLélé alors opposés à Villemin,
guments présentés, je le répète, non par les pre-
Miers venus, mais par des académiciens célèbres.
La première objection est un syllogisme simple
èt étrange. Si la phlisie était contagieuse, on le
saurait depuis longtemps; or on ne le sait pas, donc
elle n'est pas contagieuse.
M. Peter, un des adversaires les plus acharnés
de Villemin, comme il le fut de Pasteur, s'écriait,
plein d’indignation : « Mais si la phtisie était con-
tagieuse, il n'y aurait plus d'étudiants en méde-
cine, ni de malades, ni d'infirmiers; il n'y aurait
plus personne, et les villes seraient de vastes
cimetières! »
Les discours de M. Pidoux ont occupé, bien inu-
tilement, deux grandes séances de l'Académie.
« Vous dites que la phtisie est contagieuse. Hélas!
on reconnait bien là les idées néfastes de M. Pas-
teur, qui prélend qu'il y a des germes, et des ger-
mes parliculiers, pour chaque maladie. Mais alors,
si chaque maladie est créée par un germe spéci-
fique, il y aurait donc un vaccin pour chaque mala-
die : alors lout progrès en Médecine serait ar-
rélél! »
Voilà, Messieurs, quelles étaient les opinions
médicales en 1867, il y a trente-trois ans, voilà ce
que pensait l'Académie de Médecine des germes,
des virus, des vaccins et de la spontanéilé morbide.
Mais la vérité fait son chemin, quelques obstacles
qu'on lui oppose, et, quoique Villemin n'ait pas
trouvé de défenseurs dans les Académies, les So-
ciélés savantes et les Cliniques, il en trouva dans
les Laboraloires. De toutes parts, les expériences se
succédèrent, précises, répétées, pressantes, indis-
culables, renversant cette absurde idée d'une
spontanéité morbide, si chère aux médecins d’au-
trefois, et qui semblait être le dogme fondamental
de la Médecine classique. On reconnut que le mot
de spontanéité morbide n’est qu'une ineplie; que
l'organisme, s’il n’est pas infecté par des parasites,
n'est jamais malade. Les travaux de notre immortel
Pasteur ont appris au monde que presque toujours,
sinon toujours, la maladie, c'est le parasite, et qu'il
n'y à pas plus de maladie sans parasite qu'il n'y a
de champ de blé sans que des grains de blé aient
ensemencé la terre. Voilà ce qui est élabli, voilà ce
qui est indiscutable, voilà ce que personne ne
conteste plus aujourd'hui.
A partir de 1865, tous les travaux de Pathologie
expérimentale, quels qu'ils soient, n'ont fait que
rendre plus évidente la contagiosité de la tubercu-
lose. Cette contagion, qui était d'abord niée avec
tant d'énergie, a été de nouveau démontrée, tout
de suite après la découverte de Villemin, par le
mémorable travail de M. Chauveau, qui, sur ce point
comme sur tant d'autres, fit de fondamentales
expériences. Chauveau, en 1868, démontra que, si
l'on fait ingérer aux animaux des produits tuber-
culeux, ces éléments infeclieux, malgré l'activité
des sues digestifs, déterminent la tuberculose, et
cela fatalement. Sur un lot de quatre génisses, il
choisit pour témoin celle qui semblait la plus ché-
tive, et aux trois autres il fil ingérer, par la voie
digestive, des tissus tuberculeux. Un mois après,
les trois génisses alimentées ainsi mouraient de
tuberculose confluente. Le témoin survivait. Done
la contagiosité de la tuberculose était établie pour
l'ingestion stomacale, comme elle l'avait été pour
l'inoculation sous-cutanée.
Cependant les non-contagionnistes résistaient
304
encore; et ce n’est qu'en 1882 que triompha définiti-
vement la vérilé. La grande découverte de Robert
Koch compléta et fortifia celle de Villemin. Koch
découvrit ce que tous les histologistes et les bacté-
riologistes cherchaient en vain depuis longtemps :
il trouva le microbe de la tuberculose. Dans un
travail admirable, modèle de sagacité technique, il
prouva que, toutes les fois qu'apparaissent dans
les organes malades des produits tuberculeux véri-
tables, ces produits sont caractérisés par la pré-
sence d'un microbe spécifique.
Certes, il est impossible d'établir une comparai-
son entre les découvertes des savants; et je n’es-
sayerai pas de faire un parallèle entre la découverte
de Koch et celle de Villemin. Tout au plus me sera-
til permis de dire que cette constatation du microbe
était prévue, fatale en quelque sorte. Villemin avait
établi que la tuberculose était contagieuse; Pasteur
avait démontré que pour toutes les maladies conta-
gieuses la cause de la contagion et de la maladie
est un microbe. La découverte du microbe de la
tuberculose était la conséquence nécessaire de ces
deux démonstrations.
Donc Koch découvrit le microbe de la tubercu-
lose. Il indiqua les procédés qu'il faut suivre pour
le déceler dans les liquides et dans les tissus mor-
bides. Mais il fit plus encore. De 1885 à 1894, pour-
suivant, avec une rare persévérance et une habileté
technique consommée, ses patientes études, il
montra que le mierobe lubercuieux, lorsqu'il végète
dans un bouillon liquide, abandonne à ce liquide de
culture des substances douées de propriétés extra-
ordinaires. Il ne s'agit pas de propriétés théra-
peutiques, comme il l'a cru d’abord téméraire-
ment, mais plutôt de propriétés inverses, qui
consistent à aggraver immédiatement la maladie
tubereuleuse. Mais quoique la tuberculine ne gué-
risse pas, pourlant la découverte de la tuberculine
constitue une des plus brillantes conquêtes de la
Pathologie expérimentale. Le poison soluble sé-
crété par le microbe tuberculeux a le pouvoir
étrange de déceler, partout où ils se trouvent, des
produits tuberculeux. Que l’on injecte de minimes
parcelles de tubereuline à un individu tubercu-
leux, une fièvre intense survient, et cette fièvre
prouve que le malade était tuberculeux.
Il est bien évident aujourd'hui que cette tuber-
culine, sur laquelle on avait fondé très légèrement
de trop vastes espérances, n’est pas le remède de
la tuberculose. Au contraire, elle l'augmente et
l'accélère. Elle n’en a pas moins ce grand avantage
de pouvoir révéler, partout où elle se trouve, l'in-
feclion tuberculeuse commencante.
Aussi bien la tuberculine est-elle devenue d'un
usage général pour permettre de reconnaitre quels
sont les animaux infectés de tuberculose. Il est
CHARLES RICHET — LA TUBERCULOSE EXPÉRIMENTALE
presque impossible, au début de la maladie, de
décider par un examen, même approfondi, si tels
ou tels animaux sont tuberculeux. Or, si lon
injecte à tous les animaux d'une même étable une
petite quantité de tuberculine, les animaux sainsne
sont pas atleints et ne réagissent pas à l'injecs
tion, tandis que les animaux tuberculeux, même
très légèrement et presque imperceptiblement
tuberculeux, prennent une fièvre extrêmement
vive. Ce sont là des faits qui ont passé dans la més=
decine vétérinaire usuelle. C’est donc à la fois un®
découverte scientifique importante et une décou
verte pratique de premier ordre, que la découverte
de la tuberculine.
IT
Je ne vous parlerai pas des travaux innombrables
des savants qui, après Villemin et Koch, ont étud
la pathogénie de la tuberculose expérimentale,
me contenterai seulement de vous indiquer quelques
données fondamentales dues aux recherches des
savants qui ont travaillé dans les laboratoiress
quelques axiomes, si vous me permetlez ce mob
un peu ambitieux. Ce seront les conclusions de la
science d'aujourd'hui sur la tuberculose, et je
pense qu'après cet exposé vous serez tous de mon
avis lorsque je vous dirai que la Médecine expéri-
mentale a singulièrement enrichi la Clinique médi
cale, si pauvre en documents pathogéniques.
Première loi : I n'y a pas d'animal qui soit réfrac
taire à la tuberculose. Vraiment non, l'infectio
tuberculeuse ne comple pas d’'exceptions. Tous
les animaux peuvent en être atteints, tous peuvent
à un moment donné voir leur organisme s’infecter,
tous peuvent présenter des nodosités tuberculeuses
dans lesquelles végète le bacille de Koch. Si je pas=
sais en revue les animaux sujets à contracter la tu
berculose, j'aurais tous les animaux de la création
à citer : on l’a trouvée chez le lion, chez la girafes
chez le chien, le chat, le rat, la souris, on l’a tro
vée chez les oiseaux, les poules, les faisans, les:
perroquets; on a même pu l'inoculer aux animaux
à sang froid, aux poissons el aux grenouilles. Of
a pu montrer que les vers de terre contiennent
des bacilles de Koch en état de vie. Enfin les mou:
ches elles-mêmes peuvent,en se portant d'un poinb
à un autre, disséminer les germes infectieux con
tenus dans leur organisme. Par conséquent, à cæ
point de vue, pas d'exception, et la tuberculose est
une maladie qui sévit sur loutes les espèces anis
males. f
Avec une gravité, il est vrai, assez différentes
Certaines espèces’ sont atteintes par la tubers
culose d’une manière très redoutable, et meurent
tout de suite. Le singe, par exemple, est extrêmt
ment sensible à l'injection d'une très petite qua
CHARLES RICHET — LA TUBERCULOSE EXPÉRIMENTALE
305
tilé de culture tuberculeuse; et, une fois inoculé,
meurten quinze, vingt, trente jours tout au plus.
u contraire, d'autres animaux sont beaucoup plus
résistants : par exemple les Solipèdes, comme l'âne,
le cheval. Il est vrai qu'ils ne résistent pas indéti-
niment, et que, même lorsqu'ils paraissent avoir
résisté, à l’autopsie on constale qu'ils ont de la
“tuberculose dans leurs organes. Le bacille tuber-
euleux à évolué, mais il a évolué lentement. Et il
est intéressant de constater que, si toutes les
espèces animales sont sujeltes à la tuberculose,
elles ont des pouvoirs de résistance très différents.
Deuxième loi : tous les organes peuvent être
atteints de tuberculose. Non pas que la tuberculose
soit capable d'envahir toutes les cellules de l'orga-
nisme; mais, comme (ous nos organes, qu'il
s'agisse du cerveau, de la rate, du foie, de l'in-
lestin, du poumon, recoivent des vaisseaux, et que
ces vaisseaux sont entourés d'une gaine de tissu
vonjonctif, le bacille tuberculeux vient se déposer
dans le tissu conjonctif de ces différents organes,
autour des vaisseaux, pour y déterminer la granu-
ation tuberculeuse. Par conséquent, il peut y avoir
des lubercules dans chaque tissu, avec prédomi-
nance très marquée, il est vrai, pour le tissu pul-
monaire; mais, enfin, il n'esi pas d'organe qui
échappe à la tuberculose, comme il n'est pas
d'espèce animale qui lui soit rebelle.
. La troisième loi est très importante au point de
vue de la pathogénie et de la prophylaxie de la
tuberculose.
Je n'ai pas parlé encore de prophylaxie, et pour-
ant cette prophylaxie, nous devons la considérer
avec plus de respect encore que la thérapeutique
de la tuberculose. C'est en elle que nous de-
vons mettre, plus encore que dans la thérapeu-
tique, loutes nos espérances. On peut avoir à la
rigueur quelque scepticisme pour le traitement; il
est pas permis d'en avoir pour la prophylaxie de
tuberculose. Or l'expérimentalion nous donne
des lecons de prophylaxie qui sont irréprochables.
- Ce qui détermine la maladie tuberculeuse, c'est
naturellement le bacille de Koch; ce microbe infec-
tieux, qui, pénétrant dans un point quelconque de
Porganisme, y va faire un foyer pour de là répandre
ses ravages partout. Or le bacille de Koch est très
sislant à la dessiccation, et à la chaleur; et, par
ite, les crachats tuberculeux, où fourmillent les
bacilles infectieux, répandent partout la fatale in-
fection. Malgré la lumière, la dessiceation, la chaleur
dans de certaines limites, bien entendu), ils conser-
ible danger de ces crachats tuberculeux. Des expé-
ences très nombreuses ont élé faites, qui mettent
en pleine évidence la force contagieuse des crachats
tuberculeux. Desséchés à une température in-
“ent toute leur virulence. De là, l'immense et ter-
férieure à 50°, et pulvérisés, ils forment une fine
poussière, terriblement toxique, qui détermine
falalement une maladie mortelle.
Donc les erachats tubereuleux constituent l’agent
principal de contagion et d'infection; donc une
conséquence s'impose, si importante qu'il faut
toujours l'avoir présente à l'esprit : c'est que le
malade tuberculeux est un élément d'infeclion, et
que, par les crachats qu'il répand autour de lui,
ilrépard autour de lui la mort, en contagionnant
tous les individus qui l'avoisinent. De celte
contagion par les crachats, les exemples abon-
dent, aussi bien dans la Médecine clinique que dans
la Médecine expérimentale. Mais la Médecine clini-
que n'a pu en affirmer la réalité qu'après avoir élé
guidée par la Médecine expérimentale.
La quatrième loi est une loi de pure Pathologie
expérimentale, mais elle montre bien tout ce
nous pouvons encore espérer des ressources sans
fin d'expérimentalion. Les ita-
liens ont découvert qu'il existe deux variétés de
tuberculose : la tuberculose des Oiseaux et celle des
Mammifères. Or la tuberculose des Oiseaux est
pour ainsi dire antagoniste de celle des Mammi-
fères; car les espèces animales qui sont lrès sen-
sibles à la tuberculose aviaire ne sont pas très
sensibles à la tuberculose des Mammifères. Ainsi,
par exemple, j'ai pu prouver que, si l'on compare
la réceptivilé du singe à ces deux variétés de
tubereuloses, on constate que le singe résiste très
longtemps à la tuberculose aviaire, mais qu'il
succombe en très peu de temps à la tuberculose
des Mammifères.
Par conséquent on peut espérer, — et les belles
découvertes de notre époque nous autorisent à
cette espérance, — qu'un jour peut-être on trou-
vera, dans l’atténuation des virus ou des bacilles
tuberculeux, certaines formes nouvelles, races
spéciales, à virulence atténuée, qui constitueront
un vaccin contre la tuberculose.
Évidemment j'aurais encore de bien nombreux
faits à vous indiquer sur l'étiologie et la patho-
génie de la tuberculose, et je n'ai pu vous donner
que les lignes principales. 1] faudrait un très long
temps pour énumérer tout cet immense effort.
11 me suffira seulement, après ce court exposé, de
vous faire remarquer quel abime exisle entre la
Médecine d'aujourd'hui, qui est la science expéri-
mentale, et la Médecine d'observation, qui était
la médecine d'autrefois. La maladie, qui apparais-
saitjadis comme une divinité malfaisante et incon-
nue, un être mystérieux et impénétrable, inhé-
rent à l'organisme par je ne sais quelle méchanceté
de la Nature ou par quelque défaut de notre orga-
nisation, cette maladie, nous pouvons aujourd'hui
la déterminer dans sa cause et ses modalités.
physiologistes
306
CHARLES RICHET — LA TUBERCULOSE EXPÉRIMENTALE
Nous savons, de par les immortels travaux de
Pasteur, qu'elle dépend d’un parasite.
Et quant à la tuberculose, les deux glorieux
élèves dePasteur, Villemin et Koch, nous en ont
démontré la nature. Grâce à eux, le virus de la
tuberculose n’est plus un être de raison. C'est un
organisme que nous pouvons ensemencer, cultiver,
répandre. Nous pouvons étudier les agents qui le
rendront plus intense ou plus faible. Il est en
notre pouvoir, puisque nous sommes à même de le
connaitre. Ce n'est plus, comme a dit quelque part
Claude Bernard, en parlant des forces vitales, ce
n'est plus un de ces Sylvains ou de ces Dryades de
la fable, dont on affirmait l'existence sans les avoir
jamais rencontrés : c'est un être réel, dont il est
permis d'étudier toutes les propriétés.
Et alors nous avons quelque droit de prendre en
pitié cette parole sarcastique d’un médecin célèbre,
à qui on parlait de la découverte du microbe de la
tuberculose : « Bah! dit-il, ce n’est qu'un microbe
de plus! »
III
J'arrive maintenant à la deuxième partie de cette
étude, c'est-à-dire à l'exposé de quelques-unes
de mes expériences relatives à la thérapeutique
de la tuberculose. De même que tout à l'heure il
s agissait de Médecine expérimentale, il va s'agir
ici de Thérapeutique expérimentale, et vous me
croirez sans peine si je vous dis que l'avenir de la
Thérapeutique repose entièrement, ou presque en-
lièrement, dans l'expérimentation.
La Thérapeutique expérimentale, en effet, pré-
sente d'incomparables avantages sur la Thérapeu-
tique clinique.
Nos patients, les animaux sur lesquels nous
faisons nos études, sont forcément très dociles : ils
n'ont pas les résislances et les fantaisies des ma-
lades.
Surtout on peut agir sur eux sans crainte, et
essayer les plus périlleuses tentatives.
Il y à un précepte qui dirige, et doit diriger, la
conduite de tout médecin : Primo non nocere.
Mais en Thérapeutique expérimentale cette pru-
dence est tout à fait indifférente. Nous n'avons
pas à nous préoccuper de la santé de nos clients.
Nous cherchons à faire l'épreuve des actions théra-
peutiques les plus imprévues et les plus invraisem-
blables, et, dans notre recherche, nous avons le
droit de porter la témérité à ses dernières limites;
témérité que les médecins doivent souvent nous
envier, car ils n'ont jamais le droit, par curigsité
scientifique, de compromettre la vie de leurs ma-
lades, landis que nous, dans nos essais, nous avons
le devoir de tout oser pour connaître le traitement
le plus efficace de telle ou telle maladie.
| joindre une grande sévérité dans nos conclusions,
Il est vrai qu'à cette extrême audace nous devons
et procéder avec une rigueur irréprochable dans n0S
expériences. Si bien que je vous proposerais de
formuler ainsi les deux règles essentielles de la
Thérapeutique expérimentale : audace dans l'hypo=
thèse, et rigueur dans l’expérimentation.
La Thérapeutique expérimentale a encore un
autre grand avantage sur la Clinique; c'est qu'elle
peut procéder sur des sujets exactement compas
rables. Quand nous inoculons une maladie, nous
la donnons le même jour, à la même heure, à
même dose, à même virulence, et nous l’inoculons
à des animaux de même taille, de mème âge»
de même alimentalion. Nous placons tous nos
sujets infectés dans des condilions rigoureuse-
ment identiques, et tout est comparable. Il n'en.
va pas ainsi en Clinique. Quand le médecin est
appelé à soigner un malade, il n’en trouve que
bien rarement un autre qui soit exactement dans
les mêmes conditions. Le virus n’est pas identique;
et on sait que la virulence des bacilles est très
variable. La porte d'entrée n'est pas la même, ce
qui crée peut-être des différences notables dans la
virulence. Certains malades arrivent avec des lésions
pulmonaires déjà avancées : chez d’autres, la ma=
ladie n’est qu'à son début. Il s’agit tantôt d'enfants,
tantôt d'hommes très âgés. Les uns sont dans la
misère, les autres ont tous les secours que peut
apporter le luxe. Il en est qui se soignent avec per=
sévérance et régularité; d’autres, au contraire, ne
peuvent s'astreindre à un traitement méthodique.
Bref, sur nos animaux tout est homologue; chez
les malades toute comparaison est difficile, incer=
taine, et parfois impossible.
Ajoutons ceci : c'est qu'il faut attendre parfois de
longs mois, voire même de longues années, pour
qu'une comparaison puisse s'élablir entre des ma=
lades, landis que nous, si nous avons quelque
incertitude dans nos conclusions, comme nous
pouvons à notre gré renouveler l'expérience, nous:
n'avons qu'à la recommencer pour faire cesser nos
doutes. Le matériel vivant, chiens, cobayes, lapins,
ne nous fera pas défaut, et nous n'avons qu'à
inoculer la maladie pour avoir autant de malades
qu'il nous sera nécessaire.
IV
Revenons à la tuberculose, et à sa thérapeutique:
Voici par quelle série de considéralions je me
suis trouvé amené à éludier, en physiologiste, le
traitement de la tuberculose.
Et tout d'abord, je vous demande pardon si je
viens vous parler de moi; c'est à dire de mes:
expériences et de celles de mon fidèle collaborateur
| CHARLES RICHET — IA TUBERCULOSE EXPÉRIMENTALE
307
“Héricourt. Mais cela est nécessaire dans le sujet
qui nous occupe ici, car nous avons pu réaliser
“quelques progrès dans la thérapeutique expéri-
“mentale de cette redoutable maladie.
no
En 1888, j'ai pu prouver que la transfusion péri-
2 de sang appartenant à un animal vacciné
contre une maladie, protège l’animal transfusé
“contre celte maladie. Si l’on inocule des chiens
vec un staphylocoque, et si le chien guérit, le
Sang de ce chien guéri vaccine les lapins contre ce
même slaphylocoque ; tandis que les lapins non
transfusés meurent toujours.
… C'était là le principe de la sérothérapie, ou plu-
ôt de l'hématothérapie, d'où est dérivée la séro-
thérapie.
Ainsi il avait été par nous établi que le sang des
“animaux, soit réfractaires à une infection, soit vac-
cinés contre celte infection, protège plus ou moins
contre l'infection. Nous avons alors cherché sur
quelle maladie commune devait être essayé le pre-
nier traitement sérothérapique, et longtemps nous
avons discuté la question de savoir si nous de-
vions agir sur le charbon, sur la diphtérie, ou sur
la tuberculose. Or, par suite de différentes raisons,
dalheureusement pour notre perspicacité, nous
n'avons choisi ni la diphtérie, ni le charbon, mais la
tuberculose. Aussi bien, à partir de 1888, laissant
Ja diphlérie, qui devait donner de si beaux résul-
ts à Behring et à Roux, avons-nous étudié la
sérothérapie de la tuberculose; et très malheu-
reusement cette sérothérapie de la tuberculose ne
mous donna que des résullats médiocres, encou-
rageants parfois, mais en somme ne donnant, que
des encouragements. Oui, il faut bien le recon-
naître, malgré nos persévérants efforts pendant
six ans, nous n'avons pas pu obtenir mieux qu'une
légère amélioration, et une médiocre prolongation
de la vie chez les animaux tuberculeux.
- Si la durée de la vie chez le chien tuberculeux
est de 45 à 50 jours en moyenne, le chien qui a
été sérothérapisé de différentes manières vit un
peu plus longtemps : 60 à 70 jours. C’est une diffé-
rence assurément, mais presque négligeable.
thérapique, que nous avons été les premiers à
ppliquer, en janvier 1890, un an avant la décou-
verte de Behring, n'a pas donné de résultats plus
éclatants. Aussi, abandonnant, non sans regrets, la
d'autres moyens thérapeutiques.
Nous avons essayé les substances les plus diffé-
rentes, et je vous fais grâce de ces essais : ils
part Behring en un jour de mauvaise humeur, de
constituer des spéculations théoriques sur. la phi-
losophie des Sciences naturelles.
Tous les médicaments que nous avons employés,
plomb, acide urique, thallium, arsenic, cacodylate
de soude, iode, glycérine, térébenthine, ammonia-
que, nous ont donné des améliorations, mais rien
de plus. Nous étions donc bien près d'êlre décou-
ragés, lorsque, il y a deux ans, nous avons décou-
vert un procédé thérapeutique efficace, par hasard
pour ainsi dire.
Ce fut peut-être un hasard heureux. mais vous
reconnaitrez, je crois, que les hasards heureux ne
sont que pour ceux qui cherchent. Eh bien! ce
hasard heureux nous à enfin servi, si bien qu'au-
jourd'hui nous disposons contre la tuberculose
d'un agent thérapeutique qui est toujours, sans
exception, d'une absolue eflicacité.
Parmi les nombreux chiens que j'avais un jour
inoculés de la tuberculose, il en
emploi, à qui, par curiosité, sans grande confiance
d'ailleurs, je voulus donner de la viande crue
comme alimentation. J'avoue qu'à ce moment je ne
pensais vraiment pas à en faire une expérience
méthodique. Voilà pourquoi je fus un peu sur-
pris, lorsque, trois ou quatre mois après, alors
que tous les autres chiens inoculés étaient morts,
je constatai que ce chien, nourri à la viande crue,
non seulement vivait toujours, mais encore qu'il
resta un sans
élait en parfaite santé.
Cependant, Messieurs, sachez-le bien, lorsqu'on
est mis en présence d'un résullat auquel on ne
s'attendait pas, tout se passe comme si l'on avait
un voile devant les yeux. Les idées préconçcues
empêchent de distinguer la vérité, même lorsqu'elle
est éclatante. Je crus à un hasard, à un accident,
à une inoculation imparfaite, à une idio-syncrasie
de ce chien resté indemne : toutes raisons détesta-
bles, qui cependant trouvèrent moyen de me
satisfaire, de sorte que cette expérience, qui aurait
dû me paraitre très frappante, n'a pas excité mon
attention. Elle a longtemps passé comme inapercue
devant moi; car je ne voulais pas la voir, et il a
fallu attendre un an pour me décider à faire
quelque attention à cette étonnante immunité du
chien nourri à la viande.
L'expérience était positive; mais je n'y croyais
pas.
Pourtant j'eus l'idée très simple de la recom-
mencer sur deux autres chiens. Six mois après,
ces deux chiens, nourris à la viande crue, étaient
en parfait état de santé, alors que tous les témoins
élaient morts.
Cette fois, je refis des expériences nouvelles,
plus positives, mieux disposées, et porlant sur un
plus grand nombre d'animaux. Alors enfin le fait
308
CHARLES RICHET — LA TUBERCULOSE EXPÉRIMENTALE
apparut en pleine é
avec de la viande crue résistent à la tuberculose,
et ils résistent indéfiniment. Ils ne meurent jamais,
alors que les
chiens autrement
nourris meurent
toujours.
Je vais vous pré-
senter ici quel-
ques-uns des ta-
bleaux indiquant
le fait.
Ces tableaux
sont des graphi-
ques, où sont in-
diqués les poids
jour par jour. Sur
la ligne des x sont
les jours; sur la
ligne des y le
poids en propor-
tions centésima-
les. En effet, le
meilleur moyen
de savoir quel est
l'état de santé
1
1
d'un animal, c'est de déterminer son poids. Nous
n'avons guère d'autre procédé exact pour savoir
si un animal se por
il maigrit; et s'il ne maigrit pas, s'il engraisse,
Pois |
vidence : les chiens nourris
chien, l'animal a perdu 30 °/, de
5
E
. Vende crue (11)
--—-Vendecute(l)
5 Novembre 1899
0 Le À |
Jours 10 20 30 %0 50 60 Z0 80 S0 100 110 120 130 160
150 160 170 180 150
Fig. 1. — Comparaison de la viande cuite el de la viande crue.
physiologique extrême et d'éma
te bien ou mal. S'il dépérit,
45 jours, chiffre qui représente la durée moyenne
de la maladie tuberculeuse expérimentale d
Par conséquent, en suivant jour par jour les
poids des animaux en expérience, et en les
transcrivant sur une courbe graphique, on peul
son poids. Voyez.
ce chien, inoculé
il y a vingt-cinq
jours seulement,.
et nourri avec de
la viande cuite :
il est élique, af-
fabli; on voit se
dessiner ses cô-
tes : les Lissus
musculaires sont.
atrophiés; tout le
tissu adipeux de
son organisme à
disparu. Dans
quelques jours ce
pauvre animal v
mourir épuisé,
comme meurent
les malheureu
dire dans un état
de dégradation
ciation complète:
Poids T 2
PT Gen om 0 me mn bn ue mt Qu
1 as LE A ere =
120 2 nn |
| 4e
a] Bed :
100
90
80
7 nl Légende Eee nm
60 || sommes W270e cuite(I) ==
—— — Piande crue (Il)
50 6 Février 1900
40 — +
30} : 1
20!
| |
:0 1
OL Lt L L |
Jours & 8 12 16 20 2E 28 32 36 10 EF Œ8 52 56 60 6k 68 .72 J6 60 BE 88 92 96 100 110
Fig. 2. — Comparaison des effets de la viande cuite et de la viande crue.
si son poids augmen
maladie.
Chez les chiens tuberculeux, si la maladie suit
son cours normal, à partir du jour de l'inoculation,
le poids baisse régulièrement, si bien qu'au bout de
te, c'est qu'il triomphe de la | apprécier l'état de santé des
Il est évident que, si le graphique se rapporte à
plusieurs chiens, les poids des chiens qui sont,
morts tombent à zéro, de sorte que la courbe gra=
phique des poids représente à la fois le poids des
animaux opérés.
CHARLES RICHET — LA TUBERCULOSE EXPÉRIMENTALE
309
chiens vivants, et la mortalité des chiens qui ont
succombé. Soient trois chiens, dont les poids sont
rapportés à 100; si l'un d'eux meurt, et que les
“deux chiens vivants pèsent 90 et 90, le poids total
- Cela posé, voici quelques graphiques dont je
vais vous donner l’explicalion résumée.
— Le premier (fig. 1) porte sur huit chiens. Les
quatre chiens témoins sont morts rapidement,
Sauf un, qui à survécu 145 jours : deux chiens
nourris à la viande cuite sont morts assez rapide-
ment aussi; tandis qu'au 150° jour, — et l'expé-
rience a continué beaucoup plus longtemps, — les
quatre chiens nourris à la viande crue étaient tous
es quatre très bien portants. Au 120° jour ils
avaient augmenté en moyenne de 40 ?/,, ce qui
est une augmentalion énorme, et si, à partir du
a été supprimée.
Le graphique suivant (fig. 2) n'est pas moins
20° jour, ils sont
L'autre chien, je vous le montre ici. Vous voyez
comme il est gai, agile, gras, bien portant; je ne
crains pas de dire qu'il est dans un état triomphant
de santé.
Le graphique suivant (fig. 3), vous indique en-
Fig. 4. — Courbe des poids d'Azalée. En + alimentation
carnée.
core la même expérience (26 décembre 1899). En
outre, dans ce cas, l’alimentalion carnée a été
donnée in extremis; et le détail des poids d'un
des chiens, détail qui est reproduit sur la fi-
gure 4, est parli-
Nous les quatre all |] [] ETTTITITTTTIA culièrement inté-
assez affaiblis et 10 HER) ES Pere eee ET L_| ressant;carilmon-
+: : +4 +1 10 ovonr à at
malades ; je laisse ET LE | tre avec une net
le hasard décider
teté parfaite que
quels sontles deux
le relèvement du
poids de l'animal
qu'il. faudra ali-
menter à la viande
coïncide exacte
crue, quels sont
ment avec le mo-
les deux à nourrir
ment de l’alimen-
avec la viande cui-
lalion carnée (en
te. Et vous voyez
+). Ce chien, qui
e résultat de l’ex-
pesait 12 kilos au
périence. Au 48°
jour les deux
chiens nourris à
Légende moment de l'ino-
Zémans (IV) [ | culation,étaitpres-
AT ET Pianae crue au 24007 (1)
+ AuZkjnraimentaimäla que mourant au
la viande cuite
25° jour, le 20 jan-
aient morts, tan-
vier, et ne pesait
dis que les deux 10}
plus que 9 kilos.
hiens nourris à
Alors il est nourri
o
]
viande crue
aient augmenté
Cette expérience date du 6 février 1900, Un an
äprès, au 6 février 1901, les deux chiens nourris à
a viande crue étaient vivants et bien portants,
ant une augmentation de 40 °/, par rapport à
ur poids primitif. L'un d'eux a été sacrifié : il
avait presque plus de tuberculose dans le pou-
mon, mais seulement des nodules fibreux en voie
A
de cicalrisalion, lraces d’une tuberculose guérie.
Fig. 3. — Alimentalion carnée in extremis.
à la viande crue,
et le résullat est
extraordinaire,
car le 24 avril il pesait 19 kilos, et sa santé était
florissante. Il a été sacrifié le G février 1901, un an
et deux mois après l'inoculation, et ses poumons,
examinés par M. Letulle, paraissaient absolument
indemnes de tuberculose ?
Voici enfin un autre graphique (fig. 5) très ins-
tructif; car il porte sur quatorze chiens. Dix té-
moins; quatre autres nourris à la viande crue. Au
310
CHARLES RICHET — LA TUBERCULOSE EXPÉRIMENTALE
100° jour les dix témoins étaient morts, tandis que
les quatre animaux nourris au jus de viande et à
la viande crue étaient en pleine santé. N'est-il pas
vrai qu'il serait absurde de supposer dans cette
différence radicale un effet du hasard?
Sachez bien aussi qu'il s’agit là d'un fait géné-
ral, facile à obtenir par d’autres expérimentateurs
que moi, et à la portée de tous les physiologistes.
Voici un chien tuberculisé il y à huit mois par
M. Chantemesse, et nourri à la viande crue. Vous
pouvez constater qu'il se trouve, ainsi que l’autre
chien présenté tout à l'heure, dans un état de santé
excellent. Le témoin est pourtant mort deux mois
après l'inoculation, dans un état misérable.
Ce qui rend celte expérience particulièrement
à son régime normal, à son élat de nature. Done, à
on ne peut pas appliquer à l'homme omnivore ce
qui s'applique au chien carnivore. Mais M. Bou-
chard s'est chargé de répondre à cette objection,
et de répondre d'une manière typique, en faisant"
remarquer que le problème consiste alors à trans-
former l’homme en un animal carnivore. Vraiment
ce n’est pas bien difficile: ilsuffitde nourrirl'hommen
avec de la viande crue. .
La. deuxième objection, très fréquemment pré-M
sentée aussi, c'est qu'il s'agissait là d'une surali-
mentation. À la vérité, ce n'est pas tout à fait une
objection, c’est une explication ; car les faits sont
tout aussi incontestables avec l'hypothèse d'une
suralimentalion, qu'avec une autre hypothèse. EL
Foids | | ] T :
2
F | Î
+ +3
pl | Légende
50) m—— /2720178 (À)
| 725 deviende (IV)
so 86 Décembre 1899
zo!
30
[
20!
î ll
ï [AIS
Jours&
Fig. 5. — Autre expérience ayant porlé Sur quatorze chiens, dont quatre nourris à la viande crue.
instructive, c'est que M. Chantemesse, doulant, —
comme c'était son droit, — des résultats que j'avais
indiqués à l'Académie de Médecine et à la Société
de Biologie, a voulu les contrôler par lui-même; et
alors il a tuberculisé le même jour deux chiens de
poids égal, et il les a nourris l'un à la viande crue,
l'autre à la viande cuite, en leur donnant exacte-
ment la même quantité de viande. Vous voyez le
résultat de cette très précise expérience. C'est la
confirmation éclatante de ce que j'avais annoncé.
\y
Naturellement, messieurs, de nombreusés objec-
tions m'ont été faites. La première, la plus com-
mune, ne ma pas appris une chose tout à fait
inconnue. On m'a averti que le chien élait un ani-
mal carnivore, ce dont je me doutais un peu, et
que, par conséquent, le chien étant carnivore, si
on lui donne de la viande crue, on le fait revenir
8 J2 16 20 ZE 28 32 36 &0 %E 8 52 56 60 6 68 12 76 80 8Z 88 S2 SJ6 100 107 108 112 116 120 12% 128 132 136 40 %
il n'y à que les fails qui importent. Pourtant, je ne
crois pas qu’on puisse expliquer par la suralimen- …
tation la guérison de la tuberculose avec la viande
crue. En effet, en caleulant très exactement le nom-
bre de calories des aliments donnés à mes ani- M
maux, et en les alimentant avec le nombre de M
calories minimum qui suffise à leur existence, j'ai ]
vu qu'ils résistaient très bien. Lorsqu'on donne à.
des chiens tuberculisés de petites quantités, et des M
quantités tout juste suffisantes, de viande crue,
ces chiens er semi-inanition se portent beaucoup
mieux que les chiens qu'on hyperalimente soit par
de la viande cuite, soit par des quanlités considé-
rables de féculents, soit par toute autre ration ali-
mentaire surabondante. 4
Enfin, et c'est un procédé de discussion auquel
on a toujours recours en désespoir de cause, on
m'a objecté que c'était là un procédé de traitement
très banal, et que tous les médecins le connaissaient,
depuis longiemps. Je n'insiste pas sur cetle ques:
CHARLES RICHET — LA TUBERCULOSE EXPÉRIMENTALE
311
“tion de priorité, puisqu'on n'a pas trouvé encore
+ les traités de Médecine ou de Thérapeutique
- quelque document à l'appui.
— En tout cas, l'application de cette thérapeutique à
À l'homme comporte une assez grave difficulté. On ne
peut espérer qu'un homme, et surtout un malade, va
pouvoir ingérer la quantité considérable de viande
rue qui est nécessaire. En effet, la quantité de
“viande qu'il faut donner aux chiens pour les pré-
server de la tuberculose est vraiment très forte. Si
Jon donne à des chiens des quantilés au-dessous
de 10 grammes de viande par kilogramme de
poids, ils meurent; il faut donc leur donner au
moins 10 où 15 grammes par kilo, pour qu'ils résis-
tent à la maladie.
|
|
|
|
traitement spécial). Or j'ai pu démontrer que le
sérum musculaire contient tous les éléments théra-
peutiques actifs contre la tuberculose; car si, d’une
part, on nourrit des animaux avec de la viande
lavée, c'est-à-dire de la viande dont on a enlevé
la partie soluble, et d’autre part d'autres animaux
avec du jus de viande, ce sont les chiens nourris
avec le jus de viande qui résistent, tandis que les
chiens nourris avec la fibrine musculaire lavée ne
résistent pas (fig. 6). Par conséquent, au lieu de
donner de la viande crue, il suffit de donner le
sérum musculaire, qui contient les éléments thé-
rapeuliques de la viande.
Qu'un malade ne puisse pas prendre 750 grammes
de viande crue, par
Or,12 grammes El EE (BE ES ES VA EE je dégoût, par inap-
par kilo, cela re- 10 | + | ar ht + + pétence, ou pour
présente la dose (RE TT se D QUI IPS = ! toute autre cause,
110! — —— : des = RAS :
ès forte de 750 | DE ei [| il pourra toujours
[LE 4 | LEE CE Lo : 2:
9 100 + ! boir s de
srammes pour un ie ml sa | : SN jus dé
Dome; et on pe pl + | LE 22) | [| LR Es viande, qui con-
peut guère espé- Let | st en | tient les éléments
4 | ” .
rer que des mala- Hi TT TT thérapeutiques de
deshumainspour- , le L lat RE moe la viande crue. En
ront tous les jours j: — nue masquant par des
EE vérer 75 ET 60 RSS EE ssences ‘on-
ingérer 150 gram EE DU RISNE 9 EE [ essences quelcon
mes de viande s0 = ne | ques, ou par des
ue. C'est une dif- a asp | 1 [ 1=S condiments , ou
iculté, Messieurs; ul EN y Ci par du bouillon or-
ce n'est pas une x Légende + dinaire, très con-
objection: c’est au 20 Jnans M) GE centré, l'odeur peu
A. : : _ Hand e/Z F :
médecin à appli- | TR TT [1] agréable du jus de
M Ales 31 | se .
quer à ses mala “ js ai su | viande, on en fail
D = doméesde ALU 1 D 2 VE 1 PO LL une boisson très
Ü— us 0 20 ET] 70 50 Ton,
la Thérapeutique
expérimentale ; or
ces données sont
positives, irréfutables. Ce n'est pas à nous d'en
rouver le modus faciendi. Le physiologiste qui
availle dans son laboraloire in anima vili n'a
pas à se préoccuper des méthodes suivant les-
quelles le médecin appliquera ses données in anima
LI
“Heureusement, d'ailleurs, il y a un moyen de
tourner la difficulté; j'ai montré que dans la viande
ya deux éléments qu'on peut facilement séparer.
l'on soumet de la viande fraiche à une très forte
pression, on obtient un liquide, qui s'écoule; liquide
uon peut appeler sérum musculaire. La chair
sculaire, après la mort, se coagule à peu près
omme se coagule le sang, et donne un caillot et un
um. La presse exprime du caillot musculaire ou
la fibrine musculaire un sérum qui s'écoule. Vous
oyez ici ce sérum musculaire : c'est ce qu'on appelle
communément le jus de viande crue (Eüuoc, en grec,
d'où le nom de zomothérapie que j'ai donné à ce
Fig. 6. — Effets comparatifs de la viande lavée et du sérum.
acceptable, qu'il
est facile, même
pour un malade,
d’avaler en grande quantité.
De nombreux essais, variés de plusieurs ma-
nières, nous ont montré qu'il faut à peu près
2 kilos de viande pour faire 750 grammes de sérum
musculaire, et que ces 750 grammes sont néces-
saires, par jour, pour le traitement d'un homme
adulte (en rapportant les quantités reconnues
comme nécessaires pour le chien aux quantités
nécessaires pour l'homme).
Gertes, c’est là une assez lourde dépense, et la
fabrication de ces 750 grammes de sérum est fort
délicate, et assez longue. Mais, si le médecin veut
guérir son malade, et si le malade veut guérir, ces
difficultés sont sans grande importance, et peuvent
être vaincues.
Pour ma part, je ne doute pas que l'industrie
y arrivera bientôt sans peine, et que le prix de
revient de ce produit précieux pourra être nota-
blement abaissé.
312
CHARLES RICHET — LA TUBERCULOSE EXPÉRIMENTALE
VI
Quels sont les éléments actifs du jus de viande et
quel est le mécanisme de son action antitubercu-
leuse, il m'est malheureusement impossible de vous
le dire. D'ailleurs, après avoir exposé les faits, qui
sont positifs, il est assez pénible d'avoir recours aux
hypothèses, extrèmement fragiles toujours. Pour-
tant, ne füt-ce que comme moyen mnémotechnique,
qu'il me soit permis, en terminant, de faire une
hypothèse sur l’action du sérum musculaire.
Supposons que les éléments nerveux sont, à un
moment donné, imprégnés par le poison que sécrète
le bacille tuberculeux : celte intoxication sera la
cause immédiate de la mort. En effet, si l'individu
ou l'animal tuberculeux meurent, c'est par suite
‘ d'une intoxication lente, d'une déchéance orga-
nique graduelle, déchéance due à ce que peu à
peu le système nerveux se trouve imprégné,
intoxiqué par un poison, le poison redoutable que
fabrique le bacille tuberculeux. Une tuberculine
quelconque, inconnue encore, va porter son aclion
délétère sur le système nerveux. Or, comme le sys-
(ème nerveux commande tous les phénomènes chi-
miques de l'organisme, une fois que le système ner-
veux est atteint, tout le chimisme de l'être est en
souffrance. Il n’v a plus de nutrition satisfaisante,
parce que le système nerveux, qui préside au tro-
phisme de toutesles cellules vivantes, est profondé-
ment lésé. Son intoxication amène de graves
troubles de nutrition dans toules les cellules de
l'organisme.
Sile sérum musculaire empêche la déchéance
du système nerveux, c’est probablement par une
sorte de substitution nutritive. Admettons que
dans le jus de viande se trouvent certaines subs-
lances qui viennent se fixer sur les cellules ner-
veuses. Une fois que ces cellules se trouvent im-
prégnées par ces substances, elles ne peuvent plus
absorber le poison tuberculeux, et alors celui-ci
circule dans l'organisme sans pouvoir offenser les
cellules nerveuses, parce que ces cellules, saturées
par d’autres substances, sont réfraclaires à l’im-
prégnation, l'imbibilion par le poison tuberculeux.
C'est à peu près ce qui se passe avec un écheveau
de soie coloré, qui, une fois coloré, ne peut plus
fixer une nouvelle matière colorante. Si, au con-
traire, cel écheveau était blanc, il prendrait toute
la matière colorante du bain où on l'a plongé;
mais, une fois qu'il est teint, il a fixé une couleur,
et il n’en prend plus d'autre. De même les cellu-
les nerveuses, une fois qu'elles se sontimbibées des
subslances contenues dans le suc musculaire, ne
peuvent plus s'imbiber de tuberculine. Alors, peu
à peu, l'organisme se débarrasse de la luberculine
par les émonctoires naturels : et la maladie, au
lieu de s'acheminer à une ierminaison fatale,
marche régulièrement vers la guérison. $
VII
Mais peu importe la théorie. Les faits sont là; ils
sont éclatants, incontestés, incontestables. Que
deviendront-ils entre les mains des cliniciens? Je
l'ignore; mais je suis bien convaincu qu'ils com”
portent une application à la thérapeutique humaines
Ce serait, d'ailleurs, une entreprise inepte que d’es®
sayer de mettre en conflit l'expérimentation etla
clinique. Ceux qui croient qu'elles se contredisent,
ceux-là, je tiens à le proclamer bien haut, n'on
rien compris ni à la clinique, ni à l’expérimen=
tation. L'accord est nécessaire, et, s'il y a désac>
cord, c'est que l'interprétation est erronée dans
l’une ou l'autre science, voire même dans les deux
sciences à la fois.
Si l'expérimentateur peut arriver à de plus
brillants et plus sûrs résultats que le clinicien, il
serait très injuste d'accuser ce dernier. Lorsqu'un
physiologiste cherche la vérité dans son laboratoires
il a de bien autres soucis que le médecin, qui cher
che avant toutes choses à guérir son malade. Ea
médecine hippocratique, la médecine d'observation,
a un devoir beaucoup plus précis que le nôtre : un
devoir auquel elle ne doit pas faillir, auquel elle
n'a jamais failli. Il s'agit non pas de faire des théo
ries, d'expliquer des phénomènes, de chercher l&
vérilé, de découvrir des faits nouveaux : il s'agit de
toute autre chose. Voici un malade qui souffre : ik
faut le soulager. Voici un individu qui va mourir à
il faut éviter sa mort, ou prolonger sa vie.
Nous, les physiologistes, les expérimentateurs
nous avons une autre mission que celle de calmer
la souffrance ou de prolonger l'existence d’un
malade : nous avons la mission de connaître un&
parcelle de la vérité des choses, et d'aller en avant
Nous songeons non aux malades actuels, mais aux
malades futurs, dont la science apaisera les souf:
frances. À chacun son rôle. Les uns ont à faire pro
gresser la science, les autres ont la très noble tàch@
de soulager les douleurs humaines; et il faut que
l'accord se fasse entre ceux qui vont au delà d
doctrines recues, cherchant hardiment la vér
dans des voies nouvelles, et ceux qui, mettant em
pratique les anciens préceptes de l’art médical clas
sique, appliquent prudemment les données sciens
tfiques au traitement de leurs malades.
Mais les uns et les autres doivent avoir à la fois
le même double idéal; le culte de la vérité, quie
seule belle et désirable, et l'amour des hommes;
nos frères, dont les misères doivent nous émous
voir. Charles Richet,
Professeur de Physiologie
à la Faculté de Médecine de Paris.
Membre de l'Académie de Médecine-
14,210 ‘1 célliis
L. ANSPACH — SUR LA THÉORIE DES MACHINES À VAPEUR
313
SUR LA THÉORIE DES
2:
Lorsqu'on suit les discussions qui se sont pro-
duites récemment au sujet des théories des ma-
“chines à vapeur, on ne peut qu'être frappé de l'in-
Cerlitude qui s'attache encore à la plupart des
questions soulevées. Et ce n'est pas seulement dans
des polémiques, c'est dans des ouvrages de longue
leine et ayant un caractère purement didactique,
que l'on constate des divergences profondes entre
les opinions émises par les différents auteurs.
-I1y a plus d'un quart de siècle que la plupart
des questions actuellement débattues furent sou-
levées par les remarquables expériences auxquelles
se livra Hirn sur sa machine de Logelbach, avec la
Collaboralion d'une pléiade de savants, parmi les-
Quels il faut citer M. Dwelshauvers-Dery, l'éminent
professeur de l’Université de Liège.
» Mais où peut remonter plus haut encore et cons-
tater que les questions qui alimentent les dis-
ssions acluelles puisent leur origine à une
époque bien plus ancienne, et datent du jour où
Watt, en créant la machine rotative à Liroir et à
ondensation extérieure, eut la géniale inspiralion
de la munir de l'enveloppe de vapeur.
. Les phénomènes dont l'interprétation donne lieu
aujourd'hui à d’ardentes polémiques sont ceux
sur lesquels Watt fut amené à émettre son opi-
nion. Et cela n'a rien de surprenant, si l'on songe
que la machine à vapeur n'a pas varié dans son
>ssence, et est aujourd'hui ce qu'elle élait en 1765.
Que l’on considère, à côté de la machine rolative
à balancier conçue par Walt, une machine rotative
à balancier conslruite dans ces dernières années :
n sera frappé de l'extrème similitude qui existe
entre ces deux machines. Que l’on compare même
la machine de Watt une machine moderne à
irectrices, on retrouvera la filiation immédiate
jui relie entre elles ces deux machines, la seconde
lé différant essentiellement de la première que par
suppression du balancier.
existe assurément des machines à vapeur qui,
seulement au point de vue de leur aspect gé-
al, mais encore au point de vue du principe de
r fonctionnement, s'écarlent complètement de
machine primitive de Watt — telles les diverses
ines à vapeur dont la construction est arrivée
ine de Watt n'en reste pas moins debout : mise
en présence de nos machines modernes, elle ne
REVUE GÉNÉRALE DES SCIENCES, 1901.
LES DISCUSSIONS RÉCENTES
MACHINES A VAPEUR
choque pas et n'étonne pas. Et s'il en est ainsi, si
son aspect même ne parait pas étrange, c'est que
ses organes essentiels, c'est que le principe de son
fonctionnement, trouvent encore leur application
dans la plupart de nos machines actuelles.
Le cylindre en fonte, à l’intérieur duquel circule
un piston pressé alternativement dans les deux
sens par la vapeur venant de la chaudière ; la tige
qui traverse l’un des couvercles du cylindre, et qui,
élant reliée au piston, est animée avec lui d’un mou-
vement de va-et-vient; la bielle qui, articulée à la
tige par une de ses extrémités, reliée par son autre
extrémité à un bouton de manivelle, transforme le
mouvement de va-et-vient de la tige en un mouve-
ment circulaire; l'arbre qui, recevant l’action mo-
trice de la bielle par l'intermédiaire de la manivelle,
subit un mouvement de rotation continu, et lrans-
met à d'autres mécanismes le travail dela machine ;
le volant qui, monté sur l'arbre, agit par sa masse
pour maintenir l'uniformité de la vitesse : tels sont
les organes essentiels que l’on rencontre dans la
plupart de nos machines à vapeur actuelles, et qui
se retrouvent tous dans la machine à balancier de
Watt, celle-ci possédant en outre le balancier, o$-
cillant sur son axe horizontal et relié d'une part à
la tige du piston, d'autre part à la bielle.
Quant aux dispositions adoptées par Watt dans
la construction du cylindre; quant à l'emploi de
deux lumières d'admission, permettant l'entrée et
la sortie successives de la vapeur sur les deux faces
du piston; quant à la façon dont ces lumières sont
mises allernativement en communication avec la
conduite d'amenée de vapeur et avec la conduite
d'échappement, et ce par le jeu d’un tiroir unique
qui les recouvre et les découvre successivement;
quant à la commande de ce liroir, mis en mouve-
ment par une barre d'excentrique actionnée elle-
même par l'arbre, tout cela se retrouve, sans modi-
ficalions dignes d'être notées, dans un nombre
considérable de machines actuelles.
En ce qui concerne les machines à balancier,
l'organe par lequel le balancier est relié à la tige
du piston est aujourd'hui encore le parallélo-
gramme de Watt, el n'a subi aucune modification
depuis qu'il est sorti des mains de l'inventeur.
On sait que Wait imagina en outre le régulateur
à force centrifuge, qui est mis en mouvement par
la machine, et qui, au fur et à mesure qu'il tourne
plus rapidement, agit par l'intermédiaire d'un sys-
tème de lringles pour diminuer de plus eu plus
ll
314
l'introduction de vapeur dans le cylindre.Depuis,on
a inventé un très grand nombre de régulateurs déri-
vant de celui de Watt et fondés comme lui sur l’utili-
salion de la force centrifuge ; on a inventé un très
grand nombre de mécanismes destinés à régler l'in-
troduction de vapeur sous la commande du régu-
lateur. Mais, chose remarquable, le régulateur de
Watt subsiste à côté de ses dérivés; le mécanisme
imaginé par Watt subsiste à côté des autres méca-
nismes qui ont pris naissance ullérieurement. Et
parmi les machines les plus perfectionnées et les
plus économiques, il en est qui sont munies du ré-
gulateur de Watt sans que celui-ci ait subi la
moindre modification.
Lorsque les circonstances le permettent, le ren-
dement de la machine se trouve augmenté par
l'emploi de la condensation : la vapeur, au lieu de
s'échapper à l’air libre, se rend du cylindre au con-
denseur, récipient dans lequel un jet d'eau la
refroididit énergiquement el en produit par consé-
quent la condensation à basse pression. Or, non
seulement le principe de la condensation réalisée
hors du cylindre est dû à Watt, mais, en outre, son
condenseur est encore employé aujourd’hui : de
nombreux types de condenseurs ont été imaginés,
mais ils ne sont pas parvenus à supplanter le type
primitif imaginé par Watt.
En résumé, la machine à vapeur actuelle se trouve
encore marquée de la forte empreinte de Watt.
Certes, il existe certains types de machines sans
cylindre qui s'écartent complètement des concep-
lions de Watt, même de la conception qu'il eut
d'une machine à rotation directe. D'autre part, des
innovations importantes ont été apportées aux ma-
chines à cylindres, telle la multiple expansion, tels
de nombreux systèmes de distribution. Grâce à ces
innovations, grâce surtout aux progrès énormes
qu'a réalisés la construction mécanique, qui se
trouvait, au milieu du xvin° siècle, dans un état
tout à fait rudimentaire, le rendement de la ma-
chine à vapeur s'estamélioré dans une mesure con-
sidérable.
Mais il n'en est pas moins vrai que les machines
de notre époque, malgré la gigantesque contribution
d'un nombre incalculable de théoriciens, d’expéri-
mentateurs, de constructeurs, s’écartent moins de
celle de Watt que celle-ci ne s’écartait des premiers
tätonnements de Papin et de Newcommen.
L'esprit humain aurait-il été frappé de stérilité
dans le domaine spécial qui nous occupe? Nulle-
ment, mais l'œuvre d'un seul homme a été telle-
ment prodigieuse qu’elle a presque atteint du pre-
mier coup la perfection.
Si, dans une autre planète, il existe des êlres
constitués à peu près comme nous, si, en outre, il
existe dans cette planète une région pour laquelle
Lu.
“+ |
L. ANSPACH — SUR LA THÉORIE DES MACHINES À VAPEUR |
les conditions générales de l’industrie ont été à peu
près les mêmes que dans l'Europe occidentale au
milieu du xvin° siècle, ilest probable qu'il aura fall
de multiples générations d’inventeurs pourfaire de
la machine à vapeur ce que Watt est parvenu
en faire à lui seul, grâce aux ressources de son
merveilleux génie.
Il
Ce qu'il y a peut-être de plus prodigieux dans li
création de Watt, c'est l'enveloppe de vapeur, dont
l'emploi se rattache à cette question des échanges
qui à donné lieu, dans ces dernières années, à des
polémiques si vives el parfois si passionnées”
Watt avait compris que le travail de la machine
est affecté d'une perte notable due à ce que à
vapeur chaude, pénétrant dans le cylindre, aban
donne de la chaleur aux parois, et à ce qu'ensuité
la vapeur, s'étant refroidie, reprend, en s'échappant
du cylindre, la chaleur qu'elle y a déposée à son
eutrée. Il y à, de ce chef, une dépense de chaleur
supplémentaire, venant s'ajouter à la chaleur direc
tement utilisée à la production du travail. |
Watt avait compris, en outre, que cette perte
serait réduile dans une forte mesure par l'emploi
de l'enveloppe de vapeur, espace annulaire ménagé
autour du cylindre proprement dit et rempli dem
vapeur chaude, de facon à maintenir les parois &
une haute température.
Or, si Watt avait imaginé l'emploi de l'enveloppe;
s'il en avait compris l'efficacité, si l'expérience w
surabondamment démontré que l’enveloppe con“
stilue, en effet, l'un des moyens les plus puis
sants d'améliorer le rendement de la machine, i
est remarquable qu'aujourd'hui encore les hommes |
techniques ne sont pas parvenus à se mettre entiè
rement d'accord sur l'explication à donner de ce
fait incontesté : l'utilité de l'enveloppe.
La question est tellement controversée, les idées«
émises au sujet de l'enveloppe sont tellement dive
gentes, qu'on a pu écrire en 1900 dans la Revue de
Mécanique que « le rôle exact des enveloppes dé
satisfaisante ». Sans vouloir discuter ici le bien
fondé de cette déclaration, et rechercher si, par
à constater que l'unanimité des hommes compé
tents n'est pas acquise à une explication déte
minée, et que les controverses continuent à se pro
duire sur une question ouverte depuis plus de cent
trente-cinq ans.
“par un phénomène de divination vraiment surpre-
“nant, il comprit l'utilité que devait avoir l'enve-
“loppe. Nous possédons notamment les immortelles
expériences de Regnault sur les propriétés de la
vapeur. Nous possédons les travaux de Carnot sur
“la théorie générale des moteurs thermiques. Or,
_ l'œuvre des deux savants français, œuvre qui a
servi de fondement à tant d’autres travaux destinés
“à nous éclairer et à nous guider dans nos raison-
vapeur.
Les expériences de Hirn et de ses collaborateurs
e’,
\ |
\
NE
| 1
E\ NES
\ Ce
d°
a’ e?
Fig. 1. — Courbe de travail du piston dans un cylindre
donnée par l'indicateur de Watt.
eurent pour but principal de déterminer ces
échanges de chaleur, dont déjà se préoccupait Walt,
ët auquel il appliqua le remède de l'enveloppe.
L'instrument dont se servirent les expérimenta-
eurs alsaciens (comme on désigne généralement
les collaborateurs de Hirn) fut l'indicateur de Watt.
Cet appareil n'avait élé employé jusqu'alors que
ur se rendre compte des différentes phases du
netionnement de la vapeur et pour mesurer le
travail développé à l'intérieur du cylindre.
- On sait que l'indicateur est un instrument monté
ur le cylindre à l'effet de réaliser Le tracé automa-
que du diagramme abedea (fig. 1), dont les
ordonnées (hauteurs mesurées à partir d’une hori-
“zontale 4’) représentent les pressions exercées
rune des faces du piston, tandis que les abscisses
(distances horizontales mesurées à partir de la
werlicale 4e) représentent les chemins parcourus par
L. ANSPACH — SUR LA THÉORIE DES MACHINES À VAPEUR
315
le piston. Le cylindre, représenté schématiquement
dans la figure, possède quatre lumières, qui sont
alternativement ouvertes et fermées par des distri-
buteurs: la lumière supérieure de gauche commande
l'admission sur la face gauche du piston, et la
lumière inférieure de gauche commande l'échap-
pement sur cette même face.
Pendant que le piston passe de la position ini-
tiale À à la position B, il y a admission, la lumière
d'admission de gauche étant ouverte, et la lumière
d'échappement de gauche étant fermée, ainsi que
l'indique la figure. La pression, sensiblement cons-
tante, développée sur le piston, est représentée par
la ligne 4h du diagramme.
À partir de la position B du piston, les deux
lumières de gauche sont fermées, et la vapeur
introduite dans le cylindre se détend en perdant
de la pression suivant la courbe he. Pendant la
course arrière de C en D, c'est la lumière d'échap-
pement de gauche qui s'ouvre pour permettre à la
vapeur de s'échapper en exercant sur le piston une
pression résistante représentée par la ligne cd
du diagramme. À partir de la position D du piston,
les deux lumières sont de nouveau fermées, de
telle façon que la petite quantité de vapeur qui
reste dans le cylindre se trouve refoulée dans
l'espace mort en se comprimant suivant la courbe
de. C'est cette courbe ahcdea que trace automatique-
ment l'indicateur.
On sait que cet appareil est formé d'un petit
cylindre en cuivre sur lequel est montée une feuille
de papier, et qui, commandé par une ficelle, subit
autour de son axe un mouvement de va-et-vient
en rapport avec le mouvement de va-et-vient du
piston dans le cylindre à vapeur. D'autre part, la
pointe d'un crayon est continuellement en contact
avec le papier porté par le petit cylindre. Si ce
crayon restait entièrement immobile, il tracerait
un trait horizontal sur le papier par suite du mou-
vement de va-el-vient de celui-ci. Mais le crayon
est lui-même actionné par un pelit piston qui est
en communication avec le cylindre à vapeur, et
qui, étant soumis en outre à l’action d'un ressort
anlagoniste, s'élève plus ou moins selon que la
pression de la vapeur est plus ou moins forte. Le
crayon occupe donc sur le papier des niveaux va-
riables, pendant que le papier se déplace horizon-
talement sous le crayon : par suite de ces deux
déplacements simultanés, déplacements horizon-
taux (abscisses) et déplacements verticaux (ordon-
nées), on obtient le tracé du diagramme.
La surface comprise à l’intérieur de ce dia-
gramme fait connaître la quantité de travail déve-
loppée par la vapeur sur le piston moteur. Il suffit,
pour s'en convaincre, de remarquer que le travail
s'évalue en multipliant par le déplacement l'effort
316
exercé dans le sens de ce déplacement. En effet, si
par exemple un cheval tire un véhicule dans des
conditions bien délerminées, il est évident qu'en
parcourant un espace deux fois plus grand, il aura
ccompli un travail deux fois plus grand. Si, d'autre
part, par le serrage des freins, on oblige ce cheval
à développer, sur un même trajet, un effort deux
fois plus grand, il est non moins évident que le tra-
vail aura encore doublé. On voit donc bien que les
deux facteurs qui constituent le travail sont d’une
part le trajet, d'autre part l'effort accompli dans
le sens de ce trajet.
Or, d'après ce qui a été dit plus haut, les abscisses
du diagramme sont proportionnelles au trajet par-
couru par le piston. Les ordonnées du diagramme
sont proportionnelles à l'effort accompli par la
vapeur sur le piston. Si la pression de la vapeur
était constante pendant la course motrice, et élait
encore constante pendant la course résistante, le
diagramme serait évidemment formé d'un rectangle
dont la surface (produit de l'abscisse totale par la
différence des deux ordonnées à l’aller et au retour)
serait proportionnelle au travail, produit de la
course du piston par la différence des deux efforts
(efforts moteur à l'aller et effort résistant au
retour).
Mais si la pression, au lieu d'être constante pen-
dant toute une course simple du piston, prenail des
valeurs successives, qui toutefois resteraient cons-
tantes pendant certaines parties de la course, il est
évident que le diagramme, au lieu de constituer un
rectangle unique, serait formé d'une série de rec-
tangles accolés. Et chacun de ces reclangles aurait
encore une surface proportionnelle au travail cor-
respondant. La surface Lotale serait donc propor-
tionnelle au travail total.
Et si, enfin, la pression varie continument, la
surface interceptée à l'intérieur dela courbe pourra
être considérée comme formée d'une infinité de
rectangles élémentaires, chacun de ces rectangles
étant proportionnel au travail élémentaire corres-
pondant. Cette surface est donc proporlionnelle au
travail total.
Watt s'était borné, et pendant plus d’un siècle on
s'élait borné comme lui, à demander à l'indicateur
la mesure du travail développé. Les Alsaciens
allèrent plus loin et s’atlachèrent à dégager du dia-
gramme d’indicateur la mesure des quantités de
chaleur échangées entre la vapeur et les parois du
cylindre.
Ils se fondèrent à cet effet sur les considérations
suivantes : Lorsqu'un poids déterminé de vapeur
est à une pression donnée, on peul, au moyen des
lables, en calculer le volume, à la condition toute-
fois de connaître la quantité d’eau qui y estmélangée
si cette vapeur est sursaturée, où de connaitre le
L. ANSPACH — SUR LA THÉORIE DES MACHINES A VAPEUR
quantité de chaleur dans une série de positions
'
degré de surchauffe si elle est surchauffée. Récipro: q
quement si, connaissant et la pression et le poids
de la vapeur, on connait en outre le volume occupé
par cette vapeur, on peut calculer, suivant les cas,
le titre (proportion de vapeur sèche) ou le degré de
surchauffe.
Or, si l'on remarque que, dans la courbe de dé:
tente du diagramme d’indicateur, un point telq
f fait connaître en même temps le volume occupé
par la vapeur à l'intérieur du cylindre, et la pres
sion correspondant à ce volume; si l'on remarque
que, pour une machine marchant avec une grande
régularité, on peut, en mesurant pendant une pé
riode de plusieurs heures la quantilé d’eau néces
saire pour maintenir le niveau de la chaudière, em
déduire la quantité de vapeur dépensée à chaque
coup de piston, on se trouve posséder, en tous
points de la détente, ces trois éléments : poids,
pression et volume, dont il sera possible de dédui
le titre de la vapeur, ou éventuellement son degré
de surchauffe.
Mais il ya plus : l’état de la vapeur étant bien
connu, on peut déterminer parles tables la quantité
de chaleur qu'elle possède. Et, connaissant cette
successives du piston, on peut en déduire les quan
lités de chaleur qu'elle aura abandonnées aux 14
rois ou reçues de celles-ci.
IT
Voilà donc le résultat extrèmement séduisa
auquel ont tout au moins tendu les efforts des
Alsaciens: ce simple diagramme d’indicateur ne sê
bornerail plus à faire connaitre la quantité de traz
vail effectué. Il se transformerait en un procès-vers
bal graphique des échanges, en une sorte de livre
de complabilité renseignant sur les entrées et les
sorties de chaleur à mettre au crédit et au débit du
métal d'une part, du fluide d'autre part.
Mais, immédiatement, surgissent de nombreuses
objections qui permettent de révoquer en doute
l'efficacité de la méthode alsacienne et qui montrent
en même temps à quel point des expériences faites
sur une machine à vapeur sont plus difficiles
effectuer et à interpréter que ne le sont des expé
riences de laboratoire.
La méthode alsacienne est fondée sur la connais:
sance de la quantité de vapeur enfermée dans ]
cylindre pendant la période de détente. Or, cette
connaissance, est-il possible de la posséder exactes
ment? Le poids de fluide à évaluer n'est-il pas en
effet modifié d'un instant à l'autre par l'action des
fuites? D'autre part, il importe de remarquer que le
fluide qui évolue à l’intérieur du cylindre pendant
la détente ne comprend pas exclusivement celui
L. ANSPACH — SUR LA THÉORIE DES MACHINES A VAPEUR
317
qui est envoyé de la chaudière à chaque coup de
piston, mais comprend en outre la vapeur de com-
pression, refoulée dans l’espace mort à la fin de la
course du piston. Celte vapeur, en connait-on exac-
tement le poids? En d'autres termes, sait-on si, au
ns des proportions énormes? D'autre part,
orsqu à un moment quelconque du fontionnement
vapeur, et que, de ce chef, l'évaluation de la cha-
r possédée par le fluide ne soit pas entachée
dune grande indétermination? D'autre part encore,
si la vapeur a été surchauffée avant d'entrer dans
le cylindre, esl-on assuré qu'elle restera dans un
état d'homogénéilé complète en perdant sa sur-
hauffe, et que toutes ses parties passeront simul-
lanément par le point de saturation ? Ou bien, au
contraire, les parties les plus voisines du métal ne
Seront-elles pas arrivées à se sursaturer alors que
d'autres parties seraient encore à l'élat de sur-
chauffe, chose qui jetterait la plus grande indétermi-
nation sur l'évaluation de la chaleur possédée. Enfin,
objection d’un toutautre ordre, le diagramme même
de l'indicateur est-il suffisamment exact, la propor-
ionnalité entre ses abscisses et les chemins par-
Courus parle piston, entre sesordonnées et les efforts
développés sur le piston, est-elle suffisamment com-
plète pour que, abstraction faite de Loutes les autres
bbjeclions, il soit possible d'en tirer des conclusions
quelque peu certaines quant aux quantités de cha-
leur possédées par la vapeur pendant les phases
Successives de son travail ?
. Telles sont les principales questions soulevées
par les expériences alsaciennes. Après avoir donné
u à une retentissante discussion entre: Hirn et
uner en 1882, et après avoir fait couler des flots
d'encre pendant les dix-huit années qui suivirent,
es questions n'ont point encore reçu de solution
définitive : les avis sont aujourd'hui encore absolu-
ment partagés, et certains ingénieurs continuent à
Ppliquer la méthode alsacienne, alors que d’autres
a déclarent enlièrement dépourvue de pertinence,
échanges.
On sait, en effet, que les expériences alsa-
siennes ne se bornent pas à la détermination des
par la vapeur d'échappement, et rayonnant à tra-
vers les parois.
En ce qui concerne l'affectation de l'indicateur à
la mesure des échanges, notre intention n’est nulle-
mentd'exposerici quelle est notre opinion et de nous
efforcer de la justifier : nous voulons nous borner
à montrer combien les questions relatives au travail
de la vapeur sont loin d'avoir reçu une solution
définitive. Nous nous contenterons toutefois de
signaler un fait, sans le commenter. Dans sa Irès
remarquable « Nouvelle méthode pour représenter
l'échange de chaleur entre le métal et la vapeur »
(Mulhouse, 1888), M. Dwelshauvers-Dery établit des
diagrammes des échanges, diagrammes qu'il super-
pose aux diagrammes d'indicateur, et qui fournis-
sent ka représentation graphique des échanges tels
qu'ils sont censés s'être produits, en vertu de la
théorie alsacienne. Or, sur huit diagrammes, cor-
respondant à huit essais effectués par Hallauer en
1873 et 1875, diagrammes qui ne font que repro-
duire fidèlement les conclusions que Hallauer avait
tirées lui-même de ses essais, il y en a sept qui
montrent la vapeur absorbant de la chaleur au
début de la détente, lorsqu'elle est encore relalive-
ment chaude, et rendant de la chaleur aux parois
à la fin de la détente, lorsqu'elle est relativement
froide. Nous nous contentons d'exposer le fait,
laissant au lecteur le soin d'en tirer argument
pour ou contre le système alsacien.
L'un des points qui, à la suite des expériences
alsaciences, donnèrent lieu aux controverses les
plus vives, réside dans l'existence ou la non-exis-
tence d'une certaine quantité d'eau à l'intérieur du
cylindre au début de la compression. Les Alsaciens
avaient fait tous leurs calculs en admettant la sic-
cité de la vapeur à l'instant considéré. Dans la
polémique publiée en 1882 par la Æevue univer-
selle des Mines et de la Métallurgie, Zeuner objecta
que l'hypothèse de la siccité de la vapeur était gra-
luite, que, eu égard à la possibilité de l'existence
d'une certaine quantité d'eau dans le cylindre, le
poids lotal de fluide était entièrement indéterminé,
et que. de ce chef, planait une incertitude complète
sur la grandeur accomplis entre le
fluide et le métal. Hirn et Hallauer ripostèrent en
maintenant la légitimité de l'hypothèse, et en sou-
tenant qu'il était impossible que l’eau qui tapisse
les parois au début de l’échappement ne füt pas
vaporisée intégralement et {rès rapidement, étant
en communication avec de la vapeur à basse pres-
sion.
Il est incontestable, en effet, que si l'eau et la
vapeur se trouvent l'uneet l'autre à la température
de 100° à la fin de la détente, et si, par suite de l’ou-
verture de la lumière d'échappement, la pression
de la vapeur tombe à un dixième d’atmosphère, et
des échanges
318
L. ANSPACH — SUR LA THÉORIE DES MACHINES À VAPEUR
sa tempéralure à 46°2, l’eau ne pourra pas rester à
100° dans un milieu dont la pression est inférieure
à une atmosphère. La vaporisation prendra dès lors
un caractère explosif, absolument analogue à celui
qui se présente lorsque l’eau d'une chaudière, portée
par exemple à 150 degrés, se trouve ramenée brus-
quement à la pression atmosphérique par suite
d'une rupture des tôles. Dans l’un et l’autre cas, il
se produit une vaporisation extrémement éner-
gique et extrêmement rapide, due à la brusque rup-
ture d'équilibre entre la pression de l’eau et la
pression ambiante. Mais, dans l’un et l’autre cas, ce
n'est qu'une très petite partie de la masse d'eau qui
prend part à cette explosion, et la chaleur qu'elle
absorbe par ce fait ramène la masse liquide res-
tante à la température de saturation correspondant
à la pression ambiante. De même que la plus grande
partie de l’eau d’une chaudière qui fait explosion
reste à l’élat liquide, de même la plus grande
partie des gouttelettes qui lapissent les parois au
début de l’échappement restent aussi à l’état liquide,
et ne se vaporisent ensuite que graduellement, en
vertu de la chaleur abandonnée d’une facon con-
tinue par les parois.
Dans ces conditions, l’eau doit-elle avoir entière-
ment disparu avant la fin de l’échappement, ou
peut-il en rester une certaine quantité au début de
la compression ? Telle est la question essentielle
qui alimenta la discussion entre Zeuner et l'École
alsacienne, question controversable assurément et
à laquelle aucune donnée expérimentale antérieure
ne pouvait apporter une solution certaine.
Zeuner ne se borna pas à invoquer contre le sys-
tème alsacien la possibilité de l'existence d’une cer-
taine quantilé d’eau au début de la compression : il
se fonda sur les expériences mêmes des Alsaciens,
et sur les diagrammes d'indicateur qu'ils avaient
publiés, pour affirmerlaréalité de cetteexistence. En
effet, plusieurs des diagrammes relevés comportent
une courbe de compression 4 e (fig. 1) qui s'écarte
énormément de la courbe de compression adiaha-
lique*, telle qu'elle se serait produite pour de la
vapeur primitivementsèche, dansla situation repré-
sentée par le point d. La courbe de compression
réelle d e montre que les volumes successifs de la
vapeur sont beaucoup plus petits qu'ils ne devraient
être si elle se comprimait adiabatiquement suivant
une courbe telle que d e. La réduction des volumes
implique une condensation énergique : la vapeur
s’est donc trouvée en présence d’une substance qui
lui à pris de la chaleur, et cette substance, c'est
l'eau s{agnante, comme on l’a appelée depuis, l'eau
qui règne en permanence dans le cylindre.
On sait qu'une transformation adiabatique est celle pour
laquelle le fluide qui se transforme ne recoit ni ne perd de
chaleur.
IT
L'argument de Zeuner n’a pas paru péremptoire
aux partisans du système alsacien : la substance
qui, dès le commencement de la compression, à pu
absorber la chaleur de la vapeur, ce n’est pas l’eau
stagnante, c’est le métal même des parois : l'exis
tence de l’eau stagnante n’est donc pas prouvée:
Et ici se greffe, sur la question de l’eau stagnante,
une question qui, à son tour, a donné lieu aux con"
troverses les plus vives. Pour que le métal ait pu;
dès le début de la compression, refroidir énergi
quement la vapeur, il faut que sa température ai
été inférieure à celle qu'a prise la vapeur aussitô
qu'elle a commencé à se comprimer : il faut dont
qu'il y ait eu, pendant l'échappement, une égalité
complète entre la température des parois et celle
de la vapeur.
Voilà donc la question qui se pose : la tempé=
rature des parois suit-elle exactement celle de la
vapeur, ou bien oscille-t-elle entre des limites plus
rapprochées ?
Les remarquables recherches de M. Bryan Don
kin sont venues apporter aux questions contro=
versées des éléments expérimentaux de la plus
haute valeur, mais n’ont pas mis fin à la discussion:
Le savant expérimentateur a pratiqué des logements
dans l'épaisseur de la paroi des cylindres, el y a
installé des thermomètres. Mais quelque intéres®=
santes que pussent être les indications fournies par”
ce procédé d'investigation, elles ne pouvaient évi=
demment pas faire connaître la température à las
surface même des parois.
En ce qui concerne la question de l’eau stagnante,
le « revealer » de M. Donkin est de nature à élu=
cider cette question d'une façon beaucoup plus:
certaine : cet appareil est formé d'un petit récipient
cylindrique en verre, contenant un noyau en fonte,
et mis encommunication permanente avec l’un des
fonds du cylindre. Le revealer, qui n’est autre chose
qu'un prolongement de l’espace mort, contient à
chaque instant de la vapeur à la même pressions
que celle du cylindre. Il suffit d’inspecter le re-
vealer pour voir l’eau se déposer en gouttelettes
pendant la période d'admission, et pour voir ces
gouttelettes se réduire de plus en plus pendant la
période d'échappement. Or, dans certains cas, les
gouttelettes se réduisent au point de disparaitre:
Dans d'autre cas, elles ne disparaissent pas loutes;
et certaines d’entre elles subsistent en permanence
dans le revealer, en affectant des dimensions va=
riables. 11 semblerait done que la question füt défi-
nitivement tranchée par l'ingénieuse expérimen=
tation due à M. Donkin : puisqu'il y a quelquefois"
dans le revealer de l’eau stagnante en quantité sui
| fisante pour être parfaitement visible, il y en à
‘aussi quelquefois dans le cylindre. Telle est, du
moins, la conclusion très catégorique formulée par
“Certains auteurs. Mais à cela d'autres répondent
que, malgré la communication permanente entre le
mevealer et le cylindre, les conditions dans les-
uelles se trouve la vapeur ne sont pas identiques
dans l’un et l’autre milieu, et que, dès lors, ce que
on voit s'accomplir dans le revealer n'a pas un
ractère probant au sujet de ce qui s'accomplit
dans le cylindre. D'autre part, on objecte que les
énomènes dont on à une perceplion très nette
dans le revealer, ce sontles condensations et vapo-
urisations effectuées sur le verre,mais quel’'on serend
L éompte d'une facon beaucoup moins certaine des
énomènes qui s'accomplissent sur la surface du
oyau en fonte, celle-ci n'apparaissant que der-
rière le rideau formé par les goutteleltes déposées
sur le verre. Or, c’est le noyau en fonte qui doit
demment donner l'image la plus fidèle des phé-
nomènes intéressant les parois du cylindre à
apeur.
En résumé, la question n'est pas expérimen-
lalement élucidée, ou, du moins, certains auteurs
soutiennent qu'elle ne l’est pas.
- Des hommes techniques, observant que le revea-
er montre ce qui se passe à côté du cylindre, et
non dans le cylindre, ont proposé de lever la diffi-
eulté en construisant le cylindre lui-même en
serre. Mais, à supposer que cette idée fût réalisable,
elle ne ferait pas faire un pas à la question, el sou-
lèverait des objections au moins aussi fondées que
elles qui ont été formulées contre le revealer :
lorsqu'on aurait vu les phénomènes qui se produi-
sent dans un cylindre en verre, on ne pourrait en
rer aucune conclusion certaine quant aux phéno-
Mènes qui se produisent dans un cylindre en fonte.
|
|
|
IN
n
Le revealer fournit d'autre part, et sous réserve
es objections qui lui sont faites, des indications
cieuses sur d’autres points controversés, notam-
ment sur la forme qu'affecte l’eau déposée sur les
parois : antéreurement aux expériences de M. Don-
kin, l’eau affectait, suivant certains auteurs, la
forme d'une couche continue, suivant d'autres, la
forme de gouttelettes. Le D° Kirsch, dans son
mémoire sur la transmission de la chaleur à tra-
vers les parois des cylindres', s'exprime ainsi :
- On ne pourrait guère révoquer en doute que tout
éhangement de température de la vapeur se com-
Munique pour ainsi dire instantanément à une
“couche d'eau en contact avec elle, tandis qu'en ce
Die Bewequng der Wärme in den Cylinderwandungen
cr Dampfmaschine, Leipzig, 1886, p. 21.
L. ANSPACH — SUR LA THÉORIE DES MACHINES A VAPEUR
319
qui concerne la transmission plus éloignée à une
paroi métallique, il est douteux que l’on puisse
aussi raisonner sur une égalité instantanée de tem-
pérature. »
D'autre part, M. Dwelshauvers-Dery, dans sa
remarquable « Etude calorimétrique de la machine
à vapeur », dit, au contraire, que l'échange s'effectue
entre les parois et l’eau « attachée en gouttelettes
de rosée sur la face du métal » (p.35). Or, le revea-
ler nous montre, conformément au système de
M. Dwelshauvers-Dery, l’eau déposée sur les parois
en gouttelettes, et non en couche.
Cette question de la forme affectée par l’eau a
une importance beaucoup plus grande qu'il ne
semble à première vue, car à cette question se
raltache celle du rôle que l’eau joue au point de
vue des échanges de chaleur : selon que l'eau se
dépose en gouttelettes ou en couche sur les parois,
il faut la considérer comme un véhicule favorisant
la transmission de la chaleur, ou comme un obs-
tacle dressé entre la vapeur et le métal, el venant,
selon l'expression du Professeur Cotterill', mettre
obstruction au passage de la chaleur.
En effet, si l'eau, au lieu de créer un obstacle
au passage de la chaleur communiquée par la va-
peur au métal, agit au contraire pour faciliter ce
passsage, on comprend que toute particule liquide
déposée sur la paroi appellera d’autres particules
liquides, puisqu'elle favorisera la transmission de
la chaleur et par conséquent la condensation de la
vapeur ambiante. En conséquence, les gouttelettes
primitives formeront des centres de condensation
ets’accroitront graduellement. Si, au contraire, l’eau
constitue un obstacle au passage de la chaleur, ce
sera sur les parties sèches de la paroi que la vapeur
sera le plus fortement sollicitée à se condenser, el
partout où la paroi sera déjà mouillée, la conden-
sation se ralentira. Les gouttelettes primitivement
déposées formeront des centres d'obstruclion et
non des centres de {ransmission, et, dès lors, la
condensation s'uniformisera sur toute la surface,
puisqu'elle aura une (endance à se produire le
plus énergiquement sur les points où elle ne se
sera pas encore produite.
On voit par là l'importance que présente la ques-
tion de la forme affectée par l’eau déposée sur les
parois : l’eau est-elle un véhicule ou un obstacle?
Si elle est un véhicule, favorisant des échanges qui
sont essentiellement nuisibles, il y a lieu de réali-
ser la siccité la plus grande possible à l’intérieur
du cylindre. Si, au contraire, elle forme un obstacle,
la même conclusion ne s'impose plus. Or, selon que
l’on adopte l’un ou l'autre système, l'explication
! The steam engine considered as a thermodynamic ma-
chine, Londres, 1890, p. 291.
320
L. ANSPACH — SUR LA THÉORIE DES MACHINES A VAPEUR
de l'utilité de l'enveloppe de vapeur présente des
difficultés plus ou moins grandes : le rôle incontes-
table de l'enveloppe est, en portant les parois d’une
facon permanente à une température relativement
élevée, de diminuer les condensations et de rendre
en conséquence les surfaces plus sèches. Mais un
autre effet non moins incontestable de l'enveloppe,
c'est de mettre la vapeur d'échappement en contact
avec des parois plus chaudes, ce qui, abstraction
faite de la question de siccité plus ou moins grande
des parois, doit augmenter la chaleur versée en
pure perte dans la vapeur d'échappement. L'en-
velopve produit donc pendant la période d'échap-
pement un effet qui par lui-même est essenlielle-
ment nuisible; mais si cet effet est compensé par
l'influence de la siccité plus grande du métal, le
rôle de l'enveloppe ne s’en justifie pas moins très
facilement : pendant l'admission, la chaleur versée
par la vapeur se trouve réduite parce que les parois
sont plus chaudes, etparce qu'elles sont plus sèches.
Pendant l’échappement, la chaleur versée par les
parois dans la vapeur se trouve réduite également
parce que les parois sont plus sèches, e/ quoi-
qu'elles soient plus chaudes.
Le rôle de l'enveloppe est donc facile à justifier
si l'on admet que l’eau est un véhicule favorisant
les échanges. Il n’en est pas de même dans l'hypo-
thèse contraire.
On voit par là que les expériences de M. Donkin
apportent leur contribution à la solution d'un pro-
blème qui se trouve posé depuis le jour où Watt a
imaginé l'enveloppe de vapeur.
Mais ces expériences résolvent-elles la question ?
Oui, d’après les uns. Non, d'après les autres, en
vertu de cette remarque que le revealer n'indique
pas d’une facon cerlaine ce qui se passe à l’intérieur
du cylindre. Ici encore les avis restent partagés.
V
Une autre question, celle de la conduclibilité
extérieure du fluide et du métal, vient se greffer
sur la question des échanges. Le coefficient de con-
ductibililé extérieure, comme l'appelait Fourier,
ou, si l’on préfère, le coefficient de transmission
entre le fluide et le métal, a donné lieu aux appré-
ciations les plus diverses et les plus contradictoires :
les Alsaciens paraissent avoir admis un coefficient
de transmission égal à l'infini, puisque tous leurs
raisonnements supposent une égalité complète réa-
lisée à chaque instant entre les températures de
la vapeur, de l'eau et des parois. Le Professeur
Cotterill se rallie explicitement à ce système d'une
conduclibilité infinie, tout en admettant pourtant
que, lorsqu'il y a une couche d’eau interposée entre
la vapeur et le métal, il peut y avoir une différence
| notable entre la température de la vapeur et celtes
du métal : cette différence résulte de la faible con»
ductibilité interne de l’eau interposée. « Toutefois
ajoute l’auteur (p. 291 de l'ouvrage cité plus haut)"
une telle expression ne doit pas signifier qu'il
ait une différence finie de température entre les
particules du fluide et les particules du métalen
contact immédiat. Il est probable qu'aucune diseon
linuité semblable ne se produit dans la Nature.
D'après cette opinion, il y a, en l’absence de toute
couche d’eau interposée, égalité complète de tem:
péralure entre les parois et la vapeur immédiate
ment voisine. Or, dans le cas où la vapeur est
saturée et verse de la chaleur dans le métal, il esb
impossible que les molécules les plus voisines du
métal descendent au-dessous de la température de
la masse fluide. Il en résulte qu'il y a égalité de
température entre cette masse et la surface des:
parois, et qu'il y à transmission de chaleur sou:
une différence de température absolument nulles
ce qui suppose un coefficient de transmission égal
à l'infini.
A cette phrase de M. Cotterill : « Il est probable
qu'aucune discontinuité semblable ne se produi
dans la Nature », on peut objecter que la disconti=
nuité existe sans contestation possible dans l’espèces
les molécules voisines ne sont pas en contact immé
diat. Elles évoluent à des distances très petites le
unes des autres, mais à des distances finies; pour=
quoi, dès lors, les mouvements thermiques de deux
molécules voisines, l’une fluide, l'autre solide, nes
pourraient-ils pas présenter entre eux des diffé-
rences finies, tout aussi bien que les mouvements!
cosmiques de deux planètes voisines?
Nous exposons celte objection sans en diseute
la valeur, et uniquement pour montrer à quel point
toutes les questionsrelatives au fonctionnement de
la vapeur daus les cylindres sont controversées €
controversables. Nous nous bornons à ajouter que
la théorie de l'égalité des températures est battue
en brèche par des considérations qu'il serait trop
long de développer ici et qui concernent la conduc
Libilité intérieure du métal. Mais ces considérations"
absolument probantes selon les uns, sont sans
valeur selon les autres.
L'égalité de température entre la vapeur et le
parois, la possibilité d’un échange de chaleur sans
qu'il y ait aucune différence finie entre les tempé
ralures des molécules voisines, voilà ce qui implis
que une conductibilité extérieure infinie. Telle esb
donc la conclusion à laquelle aboutissent les opis
nions de certains auteurs. Il en est d’autres qu
admettent pour le coefficient de transmission un@
valeur finie. Mais les appréciations varient encore
d'une facon extrême sur la grandeur de ce coef
ficient : l’une des valeurs les plus considéra
n
L. ANSPACH — SUR LA THÉORIE DES MACHINES À VAPEUR
321
Cher les chiffres ci-dessus de ceux qui sont indiqués
r M. Dommer dans son remarquable mémoire
r la transmission de la chaleur dans l'industrie".
Dommer, se fondant sur un très grand nombre
lexpériences accomplies, non dans des cylindres
à vapeur, mais dans des appareils où la vapeur
agit à l'état de régime en conservant sa pression,
conclut que, dans les circonstances les plus favo-
rables à la transmission de la chaleur entre
la vapeur et les parois sur lesquelles elle se con-
dense, le coefficient de transmission est de
000 calories par heure, par mèlre carré et par
egré.
- Ce chiffre n'atteint donc pas 10 ?/, de celui que
nous avons relaté ci-dessus. Or, si l'on remarque
que les expériences auxquelles se réfère M. Dom-
Mer ont un caractère de simplicité et de continuité
ui est de nature à créer les éléments de la certi-
lude scientifique, on arrive à cette conclusion que
pour arriver à des notions exactes sur les phéno-
mènes qui accompagnent le travail de la vapeur,
est dans beaucoup de cas à des recherches effec-
tuées en dehors de la machine à vapeur qu'il faut
avoir recours.
Il y à incontestablement le plus grand intérêt à
élucider les diverses questions qui partagent les
hommes techniques : lorsqu'on sera arrivé à une
notion claire et précise des phénomènes qui
saccomplissent dans la machine à vapeur, on
pourra en tirer des conclusions pratiques quant
aux moyens d'améliorer le rendement de celle-ci.
Routefois, il n'y a pas d'illusions à se faire : la
machine à vapeur, malgré toutes les incertitudes
qui s'attachen£ encore à son fonctionnement, n’est
. La machine de Watt consommait environ 28 kilos
de vapeur par cheval-heure. Aujourd'hui, grâce à
diverses innovations, mais grâce aussi aux progrès
onsidérables accomplis par la construction mé-
canique, certaines machines, nécessitant d’ailleurs
e dépense de chaleur relativement forte par kilo
vapeur environ par cheval-heure.
La consommation descendra-t-elle jamais beau-
E À Revue gén. des Sciences pures et appliquées, 15 mai 1899.
de vapeur, arrivent à ne consommer que 5 kilos de
coup au-dessous de la limite qu'elle a atteinte
aujourd’hui ?
Peut-on prévoir que les inventeurs parviendront
à modilier le cyele de la machine et à le rapprocher
du eyele idéal de Carnot?
On sait que le cycle de Carnot, celui qui donne
le plus grand rendement possible pour les tempé-
ralures extrêmes entre lesquelles évolue le fluide,
consiste en deux transformations isothermes
alternant avec deux transformalions adiabatiques.
L'eau, se trouvant dans la chaudière à sa tempéra-
ture de vaporisation, et se vaporisant sous pression
constante, et par conséquent sous température
constante, subit la première des quatre transfor-
mations du cycle de Carnot. Transportée de. la
chaudière dans le cylindre et s'y détendant jusqu à
la pression du condenseur, elle y subirait la
seconde transformation du cycle idéal si la détente
élait vraiment adiabatique, au lieu d'être accom-
pagnée d'échanges de chaleur. Transportée ensuite
dans le condenseur, et s'y condensant sous pres-
sion constante et sous température constante, elle
y subirait la troisième lransformation du cycle de
Carnot si la condensation s'arrêlait au point voulu
pour que le fluide pût subir ensuite une quatrième
transformalion, consistant en une compression
adiabalique qui le ramènerait à l'état d'eau chaude,
à la pression et à la température de vaporisation
de la chaudière. Cette eau chaude serait réintro-
duite dans la chaudière pour être de nouveau
vaporisée. C'est par cette quatrième transformation
que le cvele de Carnot diffère essentiellement du
cycle réel: dans le cyele réel, en effet, le fluide qui
évolue est entièrement condensé à la température
du condenseur, et puis foulé dans la chaudière à
l'état d’eau relativement froide pour y être ramené
à la température de vaporisalion aux dépens d'une
quantité de chaleur supplémentaire développée par
le foyer.
Réalisera-t-on jamais la quatrième phase du
cycle idéal, ou du moins la réalisera-t-on jamais
d'une facon pratique? Si l'on songe que depuis
Watt, et même depuis Newcommen, pendant un
espace de deux siècles, ie cycle accompli par la
vapeur n'a pas élé modifié dans son essence, si l'on
songe que ce cycle est réalisé dans les machines
les plus diverses, y compris les turbo-moteurs, qui
ne ressemblent en rien aux machines à cylindres,
et dans lesquels la vapeur agit à l'état purement
dynamique, il est permis d'affirmer avec une quasi-
certitude que le cycle de la machine à vapeur ne
se rapprochera jamais davantage du cycle de
Carnot.
Ce premier point étant admis, on peut se deman-
der si l’on arrivera à améliorer le rendement de la
machine en éloignant les limites entre lesquelles
322
oscille la température de la vapeur: quant à la
température d'échappement, que l'on ramène à
30 ou 40° centigrades dans les machines à con-
densation, il n'y a évidemment pour ainsi dire pas
d'intérêt à la faire descendre davantage, car on
réalise déjà par là une contre-pression suffisam-
ment faible pour pouvoir n'en tenir presque aucun
compte dans l'évaluation du travail.
En ce qui concerne la température supérieure,
elle a été portée, grâce à l'emploi de la surchauffe,
à un degré tel qu'il n’est pas possible de l’élever
davantage sous peine de détruire les bourrages,
de brüler les lubrifiants, et de détériorer très rapi-
dement tous les organés qui entrent en contact avec
la vapeur. Mais lorsqu'on considère le fonctionne-
ment de la vapeur surchauffée, on constate que le
cycle qu'elle parcourt s’écarte d'une facon très
notable du cycle de Carnot : si, par exemple, de la
vapeur produite à huit atmosphères, soit à 170°8,
est ensuite surchauffée à 250°, la première
transformation subie sera très éloignée de la
transformation isotherme du cycle de Carnot. Or,
plus un cyele s'écarlte du cycle de Carnot, plus
sonrendementdiminue. On peut évidemment remé-
dier à cet inconvénient, tout au moins théorique-
ment, en réalisant la production même de la vapeur
à une température comparable à celle que l’on
aurait réalisée par la surchauffe, et en portant la
pression de la chaudière à plus de 60 atmosphères.
Des tentatives ont été faites dans cette voie, mais
n'ont produit que des résultats peu satisfaisants :
ilimporte, en effet, de remarquer qu'il est un cer-
tain nombre de pertes inséparables du fonctionne-
ment de la machine à vapeur, pertes que l'on
pourra atténuer, mais que l'on ne parviendra jamais
à supprimer. Telles sont notamment les pertes
dues aux échanges, aux fuites, et aux espaces
morts. Or, il est de toute évidence que plus on
augmentera la pression et la température d'admis-
sion, plus ces pertes deviendront considérables.
Et quoi que puissent faire les inventeurs, l'emploi
des très hautes pressions se heurtera loujours à
cet inconvénient.
Lorsqu'on évalue le rendement d’une machine à
vapeur, il importe de tenir compte de ce qu'il y a
de vague et d'indéterminé dans ces expressions :
« travail développé par kilo de vapeur », «con-
sommalion en kilos de vapeur par cheval-heure ».
En effet un kilo de vapeur représente une
dépense de chaleur plus ou moins grande,
selon qu'il aura élé produit à une pression plus
ou moins forte, selon qu'il aura été surchauffé ou
ne l'aura pas été. Il faut done se rendre compte,
dans chaque cas particulier, de la quantité de
chaleur qu'aura absorbée la vapeur. Et c'est pour-
quoi l'on ne peut comparer la machine à basse
L. ANSPACH — SUR LA THÉORIE DES MACHINES A VAPEUR
pression de Watt à une machine à haute pression
actuellement construite, sans tenir compte de Jam
quantité de chaleur que représente, dans l'une et
l’autre machine, la vapeur consommée.
VII
Considérons de la vapeur fonctionnant suivants
le cycle réel {vaporisation isotherme , détente
dans le cylindre, condensation totale dans le
condenseur, refoulement et échauffement de l’eau
dans la chaudière, antérieurement à une nouvelle
vaporisation isotherme), mais supposons que ce
cycle réel soit accompli sans aucune des pertes,
qui l’affectent toujours.
Supposons la vapeur produite à 8 atmosphères,,
soit à 170°,8, et condensée à 0,1 atmosphère, soits
à 46°2.
La quantité de chaleur totale absorbée par
l'échauffement préalable de l’eau et par la vapori=
sation est, en ce cas, de 612 calories par kilo. Si
cette chaleur était transformée intégralement em
travail, elle produirait 260.100 kilogrammètres, à
raison de 425 kilogrammètres par calorie.
Si, d'autre part, cette chaleur avait été dépensée
suivant le cycle de Carnot, si, en d’autres termes,
elle avait été versée intégralement à la température
de 170°8, au lieu d'être en grande parlie employées
à accroilre la température du liquide, antérieure
ment à la vaporisalion, le travail produit aurait
atteint 28 °/, du chiffre ci-dessus indiqué; car on
sait que, suivant le cycle de Carnot, le rendement
est égal au rapport de la chute de températures
(dans le cas présent 1246) à la température
absolue (443°8) à laquelle la chaleur est versée:
Le travail aurait donc été de 72.828 kilogram=
mètres.
Mais la chaleur a été, dans le cas que nous con-"
sidérons, non pas intégralement transformée en
travail, non pas utilisée suivant le cycle idéal de
Carnot, mais bien utilisée suivant le cycle réel,
sans aucune perle. En ce cas, l'on trouve que le
travail développé serait de 65.786 kilogrammètres,
et représenterait un rendement d'un peu plus de
25°/.. La dépense de vapeur serait, dans ces condi-
tions, de 4 kil. 104 par cheval-heure.
Or, dans des machines compound construites par
la Société Bollinckx, de Bruxelles, et fonctionnant à
des pressions un peu inférieures à 8 atmosphères,
consommant done, par kilo de vapeur dépensée,
un peu moins de chaleur que la machine consi-
dérée, la dépense a été de 5 kil. 340 par cheval=
heure. On n'ignore pas que d'autres essais, effectués
à des pressions plus élevées, ont conduit à des
consommations plus faibles en kilos de vapeur, eb |
qu'avec de la vapeur surchauffée la consomma-
ù
A. HALLER — L'INDIGO NATUREL ET L'INDIGO ARTIFICIEL 393
tion est déjà descendue au-dessous de 5 kilos ; mais
|ilne faut pas oublier que, dans ces conditions, la
dépense de chaleur par kilo a été plus forte. Dans
le cas qui nous occupe, le travail développé par
silo de vapeur dépensé est de 50.570 kilogram-
.. et atteint environ 19,5 °/, du travail équi-
valent à toute la chaleur versée; il atteint 69,5 °,
lu travail développé suivant le cycle de Carnot,
b77 °/, du travail qui eût élé développé suivant le
ÿele réel, mais sans aucune perle.
“Ces 23°/,, qui séparent le cycle réalisé du cycle tel
il s’effectuerait sans perte, représentent l'étape
jui resterait à franchir par la machine à vapeur si
Mon pouvait espérer la suppression totale des
[ rtes.
Or, ces pertes, on pourra les atlénuer, on ne
Ourra jamais les supprimer : les espaces morts
disparaîtront jamais, non plus que les fuites,
lés pertes par échange, les pertes par rayonnement.
“D'autre part, on sera toujours amené à ne réaliser
lune détente incomplète, et à réduire par là le
ail développé dans le cylindre : cette détente
icomplète est justifiée, et le sera toujours, par
les considérations multiples relatives à la dépense
à premier établissement, aux frottements des
“pièces de la machine, aux espaces morts, aux
hanges.
Et lorsqu'on fait usage de dispositions haute-
d'autres, notamment la perte par rayonnement.
11 n'y a donc pas à se le dissimuler, la machine
vapeur qui, depuis Watt, n'a fait que de très
a ibles progrès, est condamnée à n'en faire égale-
ment que de très faibles dans l'avenir. Quoi qu'il
DEUXIÈME PARTIE :
igofères; nous allons maintenant passer en
Nue quelques-unes des tentatives faites pour
éer de toutes pièces ce produit dans les labora-
FABRICATION
en soit, ces progrès, si minimes qu'ils puissent
être, sont dignes de la sollicitude des construc-
teurs, des expérimentateurs et des analystes.
Pour pouvoir marcher sûrement dans la voie qui
reste encore à parcourir, il faut que ceux-ci s'at-
tachent à résoudre les questions qui sont ouvertes
depuis un quart de siècle. Il faut qu'ils s'attachent
à lever toute l'incertitude, toute l’indétermination
qui est inhérente à ces questions.
Et si paradoxal que cela semble, nous ajouterons
que si l’on veut arriver à connaitre la machine à
vapeur, ce n'est pas la machine à vapeur elle-même
qu'il faut étudier : les expériences de Regnault,
qui fournissent au constructeur les indications les
plus précieuses, sont des expériences de labora-
toire. D'autre part, la contribution si efficace que
M. Dommer, dans le mémoire cité ci-dessus, a
apportée à la solution d’une question controversée,
nous indique quelle est la voie à suivre. C'est
parce que les propriétés générales de la matière
sont insuffisamment connues que des questions
posées depuis un quart de siècle n'ont pas encore
recu leur solution. Ce sont ces propriétés générales
qu'il importerait de déterminer d’une façon suffi
samment précise pour quil ne pût plus rester
aucun doule sur leur réalité. Telle est l'œuvre
primordiale et indispensable, à la suite de laquelle
toutes les discussions qu'on a vues se produire
dans ces dernières années pourront enfin aboulir
à des conclusions certaines et indiscutées.
C'est à la Science pure qu’il faut avoir recours.
C'est dans le laboratoire du physicien que la ma-
chine à vapeur se perfectionnera.
L. Anspach.
Professeur à l'École Polytechnique
de Bruxelles.
L'INDIGO NATUREL ET L'INDIGO ARTIFICIEL
DE L'INDIGO ARTIFICIEL
Elle constituerait cependant l’un des chapitres les
plus captivants de la Chimie aromatique, el serait
intéressante à bien des points de vue. Qu'il nous
suffise de rappeler qu'elle est due aux travaux
mémorables de M. de Bæyer, qui y a consacré plus
de vingt ans de labeur.
Dès le début de ses recherches, M. Bæyer s'était
donné comme tâche d'établir la constitution de
l'indigo, et, en couronnant, en 1878, ses travaux
par la synthèse du produit artificiel, ila pu annon-
cer que : « la place de chaque atome de la molé-
cule de cette matière colorante avait été déter-
324 A. HALLER — L'INDIGO N
NATUREL ET L'INDIGO ARTIFICIEL
minée par l'expérience ». Comme toujours, l'ana-
lyse a précédé la synthèse. Il a fallu détruire gra-
duellement la molécule indigo, étudier les divers
termes de destruction, et les relier entre eux, avant
d'être en mesure de reconstruire l'édifice abattu
par les forces chimiques.
On savait, depuis 1826, que l’indigo fournit par
distillation sèche de l’aniline, et les travaux de
Fritsche avaient montré, dès 1841, que la matière
colorante, chauffée avec de la potasse, donnait
naissance à ce même acide anthranilique ou acide
orthoamidobenzoïque, qui, depuis les travaux de
Ieumann, joue un si grand rôle dans la synthèse
industrielle de l'indigo. Un autre point important
de la chimie de ce composé est sa transformation
en isatine, sous l'influence des agents oxydants,
transformation accomplie simultanément par Lau-
rent et Erdmann en 1841.
Comme le fait remarquer M. Bæyer, ses recher-
ches sur l’isatine ont élé suscitées par l’analogie
que présente ce corps avec l'alloxane, appartenant
à la série urique. Il soumit donc cette isatine à une
réduclion ménagée, et obtint un corps renfermant
deux atomes d'hydrogène en plus que l'isatine, el
auquel il a donné le nom de dioxindol. Ce composé,
réduit plus énergiquement par de l’étain et de l'acide
chlorhydrique, se transforme en une nouvelle molé-
cuie, l’oxindol, laquelle, chauffée avec de la poudre
ae zine, fournit enfin un produit ne renfermant
plus d'oxygène, l’izdol, substance-mèrede l'indigo.
Les formules suivantes nous permettent de tra-
duire schématiquement les relations qui existent
entre l'indigo, l’isatine son produit d'oxydation,
le + l'oxindol et l'indol :
CO
CH Vox. œnZ Nco.
Gare NT 2 NAzH/
Indigo. Isatine.
H(OH) °CH=
co” co CH co. CH MS cr.
Az NAzH Naz7
Dioxindol. Oxindol. Indol.
Cetle transformation de l'indigo en sa substance-
mère se fait actuellement par une méthode moins
coûteuse, qui consiste à traiter de l'indigo même
par de l’élain et de l’acide chlorhydrique, età chauf-
fer le produit de la réaction avec de la poussière de
zinc.
Il est intéressant de faire remarquer que celle
méthode de réduction énergique, déjà employée
dans la technique industrielle, en 1863, pour lrans-
former le nilrobenzène en aniline,futin(roduite dans
les laboratoires par M. Bæyer, et permit, trois ans
plus lard, à ses assistants, MM. Græbe et Libermann,
d'élucider la question de la constitution, et, parsuite,
à effectuer la synthèse de l'alizarine.
Bien que MM. Engler et Emmerling aient observé
.
la formation de traces d'indigo dans le traitement de
l'o-nitroacétophénone par de la poudre de zincetde
la chaux sodée, la première synthèse effective de
qu'à partir du jour où il réussit à faire celle du pro
duit d'oxydation de la matière colorante.
Elle date de 1879, et consiste à réduire l'acide
par de l'acide nitreux, ce qui fournit de l’isonitros
sooxindol (ou isatoxime); ce dernier est réduite
phosphore, qui donne naissance à du chlorure
d'isatine, que le zine en poudre convertit en indigo
La succession des réactions que nous venons
d'énumérer se schématise de la facon suivante ::
CIE.COOH CH? CG: AZOIL
CE .: CH Don cr" > C0
Az0° NAzH/ SAZU
Ac. 0. nitrophénylacétique. Oxindol. Isatoxime.
CH.AzH?
CsH#7 > CO
NH
Amidooxindol.
œmf S co s—— ce ° car
Na NAzH/
Isatine. Chlorure d'isatine.
>> 0 me" Ne cé Sous.
fé NAz/ Ki
Indigo.
Toutes ces réactions, fort simples, jettent un jour
éclatant sur la constitution de l'indigo, et ont sus=
cité de nouvelles synthèses de cette molécule.
L'objet de cet article étant d’insister particulière
ment sur les synthèses de l'indigo qui ont subi
l'épreuve de la pratique industrielle, nous passe=
rons sous silence celles qui n'ont qu'un intérêt
purement théorique et aborderons la première qui
encore due à M. Bæyer, fut l'objet d'une fabrication
en grand de l'indigoline. |
Le point de départ de cette synthèse est l'acide
cinnamique, qu'on peut obtenir par la réaction de
Perkin, en partant de l’aldéhyde benzoïque, ou em
faisant agir du chlorure de benzylidène sur l'acé-
tate de soude. En nitrant cetacide, ou plutôt sa
éther, on obtient un mélange d'acides ortho (70 2/6}
et para-cinnamiques (30°/,) qu'on sépare, le pre
mier seul se prélant aux opérations subséquentes
Cet acide, additionné de brome, est transformé en
dibromure, qui perd deux molécules d'acide brom=
hydrique quand on le traite par de la potasse
alcoolique, pour donner naissance à de l'acide
ortho-nitrophénylpropiolique. Ce dernier composé
A. HALLER — L'INDIGO NATUREL ET L'INDIGO ARTIFICIEL 325
fournit directement de lindigo lorsqu'on le
hauffe avec un alcali en présence de glucose,
ü mieux de xanthate de soude. Les schémas
divants rendent compte des réaclions successives
ai se produisent :
CH = CH.CO0H CHBr.CHBrCOOH
S CH:
AzO?
Ac. ortho-nitrocinnamique. Dibromure d'ac. 0. nitrocinn.
: C.COOH CO“
co >>
ES Az0?
lcoolique, et donne de l'acide ortho-nitrophényl-
xyacrylique. Fondu avec un alcali, cet acide four-
ditdel'indigo en quantilé minime,comparativement
lu rendement de 70 °/, que donne la réaction à
acide ortho-nitrophénylpropiolique :
CH = CH.COOH CHOH.CHCI.COOH
con
NAz0®
Ac. 0. nitrocinnamique.
: CH.COOH
CH
*AzO?
Ac. o. PIC DNA RU
cn" cmZ ° AS = cc Nore.
\Az0® NazH/ tn
Mc. 0. nitrophényloxyacrylique. Indigo.
Le prix trop élevé de l'acide ortho-nitrophényl-
propiolique n'a pas permis de préparer l'indigo-
line même avec cel acide, mais il a été employé
pendant quelque temps pour l'impression, grâce à la
bropriélé qu'il possède de pouvoir être transformé
sur tissu, au moyen du xanthate de soude, en
ndigo. Les dessins qu'on obtenait ainsi avaient
beaucoup plus de finesse que ceux qu'on réalisait
les anciens procédés et, au point de vue de
impression, l'emploi de l'acide ortho-nitrophényl-
bropiolique constiluait un réel progrès.
II. — SyNTBÈSsE DE BÆYER ET DREWSEN.
» Malheureusement, vu sa cherté, ce produit fut
bientôt délrôné par un autre, dont la synthèse est
alement due à Bæyer, qui l'effectua en collabora-
lion avec Drewsen en 1882.
… Cette synthèse, qui consiste à condenser, en pré-
ence de soude caustique, l'aldéhyde ortho-nitro-
nzoïque avec l'acétone, surpasse en élégance et
simplicilé tous les autres procédés de prépa-
tion de l'indigo. Quand les matières premières
sont suffisamment pures, la réaction donne des
rendements meilleurs que ceux fournis par l'acide
ortho-nitrophénylpropiolique, rendements qui peu-
vent atteindre 80 °/, de ceux prévus par la théorie.
Le mécanisme de cette réaction peut se traduire de
la facon suivante :
(N\— cHo — CHOH.CIP.CO.CIP.
| | + CH3.CO-CH° —
k — Az0°? — AzO?
V7
O. nitrobenzaldéh. Acétone. Ortho nitrophényllactylcétone.
Cette dernière combinaison, en présence d'un
alcali, se convertit rapidement en indigo et acide
acélique :
1: CHOH.CH®
2| | — Az0O°
Ai 10 —
d + 2H°0 + 202402.
Caatt-À
Acide acétique.
.CO:CH°:
=. ji ee
Indigo.
La cétone intermédiaire, insoluble par elle-même,
peut-être solubilisée par combinaison avec je bisul-
fite de soude, et constitue alors le sel de Kalle ou
sel d’indigo qui, en impression, l'emporte sur
l'acide ortho-nitrophénylpropiolique par son em-
ploi plus facile. Il suffit, en effet, de faire passer le
tissu imprimé en soude caustique pour développer
le colorant.
Comme on le voit, le problème de la fabrication
de l'indigo parait être, en apparence, des plus
simples, puisqu'il se réduit à la préparalion de
l'aldéhyde ortho-nitrobenzoïque, car l'acétone est
un produit qu'on peut avoir à volonté. Or, c'est
précisément là préparation de cette aldéhyde qui à
présenté de grandes difficultés jusqu'alors.
Pour arriver au but cherché, il semble qu'il suf-
fise de nitrer l'aldéhyde benzoïque, d'un usage si
courant en industrie; mais, comme pour l'acide
cinnamique, Le dérivé orthronitré est loin de se for-
mer en quantité théorique, accompagné qu'il est
de notables proportions de produit métanitré, inu-°
üilisable pour la préparation de l'indigo. Dans des
essais tentés pour obtenir du chlorure de benzyle
orthonitré, qui, par oxydation, fournirait l'aldéhyde
cherché, on à encore été éconduit par la formation
du dérivé paranitré qui est sans valeur par la syn-
thèse projetée.
Bien d’autres tentatives ont été failes, avant celle
qui est à l'ordre du jour, et qui consiste à oxyder
directement l'orthonitrotoluène, au moyen du
bioxyde de manganèse et de l'acide sulfurique. Cet
orthonitrotoluène se forme dans la proportion de
60 à 66 °/,, à côté du paranitrotoluène, quand on
nitre le carbure dans certaines conditions.
Ce procédé d'oxydation est dû à la Sociélé chi-
mique des Usines du Rhône, qui déclare ètre arrivée
à un résultat industriel et se trouver en mesure de
326
A. HALLER — L'IN::GO NATUREL ET L'INDIGO ARTIFICIEL
réaliser en grand la synthèse de Bæyer et Drewsen.
Cette même Société a étendu son procédé aux
métaxylènes nitrés, et a obtenu deux aldéhydes mé-
tanitrotoluyliques qui, par condensation avec l'acé-
tone, en présence de soude caustique, lui ont
fourni un indigo méthyle B et son isomère R, aux-
quels elle attribue la constitution :
CH CH
Ac: CO AA ET CON
(Se ane De
(Ca 47H JC /asH Na,
WTE ce
Indigo méthyle B. Indigo méthyle R.
Les rendements obtenus en aldéhyde, dans l'oxy-
dation de l'orthonitrotoluène, sont-iis suffisants
pour justifier les espérances qu'a fait naître ce
procédé?
Nous ne saurions nous prononcer à cet égard, et
l'avenir seul pourra nous éclairer sur ce point.
On a fait une grave objection à l'application pos-
sible de cette synthèse sur une grande échelle.
Au point de vue industriel, un procédé n’est viable
que lorsqu'on peut se procurer la malière première
en quantité suffisante et à un prix rémunérateur. Or,
jusque dans ces dernières années, la matière pre-
mière, le toluène, nécessaire à la mise en œuvre
de ce procédé, ne se retirait que des goudrons pro-
venant des usines à gaz, et était par conséquent
d'une production relativement limitée. Depuis la
construction des fours à coke à récupération des
sous-produits, les quantités de goudron dont peut
disposer l'industrie augmentent journellement. Il
nous suffit de citer les exemples suivants :
En 1883, la production du goudron en Europe à
été de 675.000 tonnes.
En 1898, cette production a atteint le chiffre de
1.207.800 tonnes, lesquelles, avec le coefficient de
2 à 3 °/, de benzols bruts, peuvent fournir, en
chiffres ronds, de 24.000 à 36.000 tonnes de carbures
benzéniques. Or, on admet généralement que le
benzol brut renferme, en moyenne, un sixième ! de
toluène, ce qui fait une production de 6.000 tonnes de
toluène pour l'année 1898. Mais cette produetion à
certainement augmenté depuis cette époque, puis-
qu'on ne cesse d'installer, aussi bien en France
qu'en Belgique, en Allemagne et aux Etats-Unis,
des fours à coke à récupération, soit du système
Semet Salvay, soit du système Otto Hoffmann. Il
existe actuellement1.451 fours du premier système,
et 357 autres en construction, de sorte qu'à un
moment donné il en fonctionnera 1.808. On pré-
tend, d'autre part, que les fours Otto Hoffmann
{ Nous prenons à dessein le sixième, car, si les. benzols
des goudrons des usines à gaz renferment environ 23 °/, de
toluène, ceux provenant des fours à coke contiennent tout
au plus 45 °/, de ce carbure.
sont beaucoup plus nombreux et plus répandus, et
que bientôt il en existera environ 5.000 de parle
monde entier !. À
Outre cette augmentation dans la produclion du
goudron, on a cherché à améliorer le rendement 6
carbures benzéniques. On sait, en effet, d'après les«
travaux de Bunte, que, sur la quantité de benzols«
bruts réellement produits dans la distillation, 5 4
seulement restent dans le goudron, tandis que
95 °/, sont entraînés par les gaz. |
Or, comme les gaz des fours à coke ne sont guère
utilisés pour l'éclairage, on a songé à en extrairel
benzols, en les faisant barboter à travers des goue
drons fluides qui retiennent les carbures benzé
niques. Actuellement déjà ce système permet "à
l'Allemagne de produire 30.000 tonnes de benzols;
par suite de ne plus être tributaire de l'étranger et
en particulier de l'Angleterre, et le jour où to
ses fours à coke seront munis de laveurs, on estime
que la production de benzols s’élèvera à environ
80.000 tonnes par an. En admettant donc que le |
sixième de 80.000 tonnes soit du toluène, on aurait
à sa disposition 13.000 tonnes environ de carbureÿ |
ce qui, à raison de 4 kilos de toluène par kilo
gramme d'indigotine, permettrait de préparer plus
de 3.000.000 de kilos de la matière colorante, sur
les 4.000.000 qui sont employés.
Nous avons donc là une source de toluène quil
suffira de capler et de régler. Mais rien ne s'opposew
ce que l’on n’en trouve pas une autre, soit en réglant
la marche des fours de façon à enrichir les gou=M
drons en toluëne, soit en préparant celui-ci au
moyen du benzène et du méthane. |
Dans cette production intensive de carbures, il
aura sans doute un excès de benzène pour lequelil
faudra trouver un débouché rémunérateur, si l'on
ne veut pas que le prix du toluène s'élève au delà
de certaines limites. |
Le champ des études sur ce sujet est des plus
étendus, en même temps que des plus captivants:
La simplicité même de cette synthèse de l'indi
gotine, les bons rendements qu'elle fournit une fois
que l'on est en possession de l’'aldéhyde orthonitra
benzoïque, la possibilité qu'il y a d’avoir à un moment
donné la matière première en quantité suffisante
l’'émulation des chercheurs.
III. — PROCÉDÉ DE LA SOCIÉTÉ BADOISE.
Le point de départ de ce procédé est une obser=
1 Sammlung Chem. und Chemisch-technischer Vorträgel
du Profes. Ahrens. Chemisches auf der Weltausstellung Zu
Paris 1900, par le Dr G. Keppeler, t. VI, fase. I.
A. HALLER — L'INDIGO NATUREL ET L'INDIGO ARTIFICIEL
caustique, il se formait de l'indigo. Les essais
| | entés pour faire de cette synthèse l'objet d'une
exploitation industrielle n'ayant pas réussi, faute
de rendements, la Société Badoise tira parti d’une
autre découverte de Heumann, celle qui consiste à
ondre l'acide phénylglycine-0.-carbonique avec de
la potasse. Dans ce cas, la réaction est beaucoup
plus nette, et les rendements sont meilleurs.
… La mise au point de ce procédé, tel qu'il est
exploité actuellement par la Sociélé, a demandé
qui n'ont pas duré moins de sept années, el qui ont
abouti à des résultats remarquables, non seule-
ment en ce an concerne Rneanne elle- même,
exes, qu'il a fallu créer “4 dre, de
facon à former un cycle de réactions aussi parfait
Les différents stades de cette fabrication sont les
divants :
1° Oxydation de la naphtaline en acide phtalique
au moyen de l'acide sulfurique fumant, et régénéra-
ion de ce dernier acide :
L RES NE C0
0e
NAN DATES
Naphtaline. Anbydride phtalique.
2° Préparation de la phtalimide el transformation
le cette imide en acide ortho-amidobenzoïque ou
acide anthranilique :
/N\ coou
AH | |
NOT AA
o. 0/
Phtalimide.
Ac. anthranilique.
3° Préparation de l'acide monochloracétique et
action de cet acide sur l'acide anthranilique pour
btenir l'acide phénylglycine-ortho-carbonique :
po
AZHCHÈ.C ”
KL aaGIe.cooN
Ac. phenylglycine-ortho-carbonique.
Scoot
+ CHÉCI.COOH
pa 12
pe Az
4 Fusion de cette dernière molécule avec de la
1
…/ \coon NE 00,
1 | | Nc.coon.
AZHCHE.COOH Ha
Acide indoxylique.
= con — co CD A
NN S——
20 DE=K
(ya AH A7H—
NA
Indoxyle,
Indigo.
& 1. — Préparation de l’anhydride phtalique.
_ La naphtaline, matière première dont on part
considérables sur le marché, et à un prix ne dépas-
sant guère 112 francs la tonne. D’après M. Brunck,
on dispose d'au moins 40 à 50.000 tonnes de ce
carbure, dont 15.000 tonnes seulement, correspon-
dant aux demandes, élaient isolées jusqu'alors.
Les 25.000 tonnes restantes étaient donc disponi-
bles pour la fabrication de l’indigo, puisque, faute
d'emploi, elles restaient dans les huiles lourdes, ou
servaient à la fabrication du noir de fumée.
L'oxydation de la naphtaline par l'acide chro-
mique élant trop coûteuse, la Société Badoise réus-
sit, après de longues études, conduites systémati-
quement, etavee une science consommée, à trouver
les meilleures conditions nécessaires pour effectuer
cette oxydation au moyen de l'acide sulfurique
anhydre, en présence du bisulfate de mercure, sel
qui a pour effet de modérer la réaction. Il est vrai
qu'un heureux hasard, le bris d'un thermomètre à
mercure, a singulièrement contribué à assurer le
succès de celte opération; mais, comme le dit fort
judicieusement M. Brunck, on aurait atteint le but
poursuivi, sans ce fait heureux.
Les quantités d'acide fumant employées pour
celle oxydation élant considérables, il a fallu, pour
rendre le procédé économique, récupérer l'acide
sulfureux, et le retransformer en anhydride, par un
procédé autre que celui des chambres de plomb,
qui est loin d'être avantageux.
C'est ici qu'intervient l'ingénieux et nouveau pro-
cédé de fabrication de l'acide sulfurique, imaginé
par M. Ch. Winckler, et mis au point par M. Knietsch,
de la Société Badoise, procédé qui permet de pré-
parer l'anhydride par combinaison directe du gaz
sulfureux el de l'oxygène de l'air, en présence de
l'amianthe platinée*.
Dans celte opération, l'acide sulfurique sert donc
de corps intermédiaire pour fournir l'oxygène né-
cessaire à la transformation de la naphtaline en
anhydride phtalique, et repasse ensuite, sous forme
d'acide sulfureux, à travers la masse de contact,
pour se convertir à nouveau en acide sulfurique.
La Société Badoise récupère ainsi, annuellement,
de 35 à 40.000 tonnes d'acide sulfureux provenant
de la fabrication de l’anhydride phtalique.
2, — Phtalimide. Acides anthranilique
et monochloracétique.
un
La préparation de la phtalimide au moyen de
l'ammoniaque sèche et de l’anhydride phtalique ne
présentant pas de difficultés au point de vue indus-
triel, nous n'y insisterons pas.
Gräce aux recherches de MM. Hoogewerff et Van
Dorp, recherches basées sur la découverte d'A. W.
Hoffmann, la transformation de la phtalimide en
1 Revue gén. des Sciences du 28 fév. 1901, t. XII, p. 159.
328 A.
HALLER — L'INDIGO NATUREL ET L'INDIGO ARTIFICIEL
acide anthranilique s'effectue assez facilement au
moyen de solution d'hypobromite ou d'hypochlorite
de soude.
On emploierait à la Société Badoise l’iypochlo:
rite ; et le chlore nécessaire à sa fabrication, comme
celui qui sert à chlorurer l'acide -acétique, est
obtenu par un procédé électrolytique que la mai-
son a acquis de la Sociélé Zlektron de Griesheim.
Ce chlore est ensuite purifié et liquéfié d’après une
méthode qui a été brevetée par la Société Badoise,
et se trouve dans les meilleures conditions de pu-
relé pour chlorurer l'acide acétique.
Suivant le D' Brunck, on transforme actuelle-
ment déjà 2.000.000 de kilos d'acide acétique en dé-
rivé monochloré, c'est-à-dire la quantité correspon-
dante à celle d'acide extraite par distillalion de
100.000 mètres de bois.
$ 3. — Acide phénylglycineorthocarbonique.
Indigo.
La condensation de l'acide anthranilique avec
l'acide monochloracétique semble aussi se faire
assez régulièrement, mais une des plus grandes
difficultés à vaincre fut la détermination des condi-
tions exactes pour la fusion, sur une grande échelle,
de l’acide phénylglycocolleorthocarbonique, opé-
ration au cours de laquelle il se forme de l'acide
indoxylique, qui, oxydé au contact de l'air,
donne de l'indigo. La Société a même réussi à isoler
cet acide, et le livre, sous le nom d’indophore, à
l'impression, où il trouve un emploi analogue à
celui du sel d'indiyo de Kalle, où à celui de l'acide
ortho-nitro-phénylpropiolique.
L'indigo qui, sous l’action de l'air, se sépare de
la solution aqueuse de la masse de fusion, est cris-
tallin. Pour l'obtenir à l'état de finesse que néces-
site la cuve à fermentation, on se sert d’un procédé
déjà appliqué jadis à l'indigo même, et qui consiste
à le transformer en sulfate d’indigo qu'on décom-
pose ensuite par l’eau. Il se forme ainsi une pâte
très ténue qu'il suffit de laver jusqu'à ce qu'elle ne
contienne plus d'acide sulfurique. Cet indigo ains;
divisé se prête très bien à la préparalion des cuves,
car il se réduit, et partant se dissout avec la plus
grande facilité.
Quoi qu'on en ail dit et écrit, l’indigotine obtenue
par voie de synthèse, soit par le procédé Heumann,
soit par celui de Bæyer et Drewsen, soit par tout
autre procédé, est en tous points identique avec
celle qui se trouve dans les indigos naturels.
Telle qu'elle est livrée au commerce, cette indi-
gotine présente sur le produit naturel un certain
nombre d'avantages, qu'énumère M. Brunck dans la
conférence déjà cilée : « La régularilé, la teneur
constante du produit livré en indigoline pure, l'ab-
sence absolue de corps accessoires dans cet indigo,
LA
la facilité avec laquelle il se réduit gràce à son état:
de division extrême, tous ces avantages constituent
les principales qualités en face de la richesse irré
gulière en colorant, et de la difficulté de réduction
que présente l'indigo naturel. Le teinturier qui n’est:
pas familiarisé avec les méthodes de dosage, se wo 13
contraint d'acheter l'indigo naturel non pas d'aprè 1
sa valeur intrinsèque, mais d’après les caractè
facilement trompeurs de l'aspect extérieur. Les
propriétés de l’indigo artificiel mettent l’acheteut
à l'abri de ces risques, et lui assurent un produit
uniforme et d'unequalité irréprochable ». |
L'indigo synthétique donne des nuances très
pures et aussi solides à la lumière que celles fours
nies par l'indigo naturel. De nombreuses expé
riences ont été faites à ce sujet, et on a pu voir am
pavillon de la Société des Usines du Rhône, à
l'Exposition de 1900, que des échantillons de tissus
teints en indigo synthétique ne le cédaient en riens
comme beauté et comme solidité à la lumière, à
ceux teints avec de l'indigo naturel.
Lesnuances qu'on obtient avec celle indigotinem
pure seront sans aucun doute uniformes, et tou
jours identiques à elles mêmes ; tandis que celles
fournies par les indigos de culture varient avec
leur composition, et aussi avec la façon dont son
conduites les cuves à teinture. Or, dans la teinture
sur laine, comme aussi dans celle du coton, on
tient à cette variété de nuances, qu'on ne peut réas
liser avec le produit synthétique actuel, ce qui fait
que l'emploi de la matière colorante naturelle n'est
pas près de disparaitre si l'écart entre les prix n'est
pas trop considérable et si l’on n'arrive pas, comme
on l’a fait pour les alizarines, à produire des indi=
gos artificiels qui se rapprochent par leurs compos
sants, indigotine, indirubine, bruns d’indigo, etc.
du colorant naturel”.
Il est inutile d'ajouter que l'indigotine pure,
extraite de l'indigo de culture par la méthode
l'acide sulfurique, qui permet d'obtenir un rende=
ment industriel de plus de 90 °/,, avec un mini
mum de frais de 4 à 1 fr. 50 par kilog., jouit des
mêmes avantages que ceux que nous avons énu
mérés à propos du produit synthétique, puisqu ‘els
lui est identique.
En outre des synthèses que nous venons d'énu-
mérer el qui seules, jusqu'à présent, ont reçu la
consécration de la pralique, on a breveté plusieurs
autres procédés, les uns plus élégants que les
autres, mais, en raison de leur complication et aussi
de la cherlé des matières premières, ils ne parais=
sent pas actuellement susceptibles d’être réalisés
industriellement dans la forme sous laquelle ils
sont présentés. |
1 Voyez dans la première partie de cet-article, p. 261.
A. HALLER — L'INDIGO NATUREL ET L'INDIGO ARTIFICIEL
320
ee Ter er
=
d'a JE
IV. — CONCLUSIONS.
$ Dans notre exposé, nous avons envisagé le pro-
blème de la production de l'indigotine sur toutes
s faces.
Indigo naturel. — Nous avons d’abord montré
qu'avec une culture intelligente, tenant compte des
vantages de l’assolement, sousun climat approprié,
ans les pays où le sol ainsi que la main-d'œuvre
nt à bon marché, il était possible de produire de
ndigo à haute teneur, à la condition que le
aitement de la plante se fasse d'une manière ra-
iionnelle, et qu'on ne perde pas dans les diverses
“Manipulations une bonne partie de la matière
colorante. Maintenant qu'on connait les principes
uxquels est due l'indigotine, ainsi que le méca-
nisme desa formation dansles cuvesà fermentation,
bn ne tardera pas à pouvoir régler avec soin la
arche des opérations, de manière à obtenir le
haximum de rendement et parlant une baisse des
prix.
On a souvent comparé le cas de l'indigo à
celui de la garance. Rien de moins comparable
épendant, au point de vue de la production de la
plante et du traitement de cette dernière. Tandis
e la garance était cultivée dans des pays où la
re et la main-d'œuvre étaient relativement oné-
reuses, les plantes à indigo poussent dans des
égions beaucoup plus favorisées sous ce rapport,
ébrien n'empêche même de la cultiver dans nos
iouvelles colonies où les conditions sont encore
bus favorables. De plus, alors qne la garance est
ine plante bisannuelle et que la racine n'est utili-
able qu'au bout de deux ou même trois ans de
culture, les Zndigofera sont des plantes annuelles
qui fournissent deux et parfois trois coupes par
haque campagne.
Signalons enfin un autre avantage en faveur de
indigo. Avec les moyens dont nous disposons,
ïen n'est plus facile que d'extraire du produit na-
urel l’indigotine, de manière à la mettre en con-
éurrence avec la matière colorante artificielle,
opération à laquelle ne se prêtait point la garance.
Jomme nous l'avons indiqué, cette extraction est loin
être coûteuse, et donne d'excellents rendements.
Pour toutes ces raisons, nous ne voyons pas,
ant donné les prix actuels de l'indigotine artili-
e, que la culture de l’indigo soit compromise
qu'il faille l’abandonner à bref délai. Nous
éroyons au contraire que, sous l'aiguillon de la
concurrence, les producteurs d’indigo amélioreront
ture et traitement, au point de pouvoir fournir
4 malière colorante à un prix auquel le produit
artificiel ne pourra peut-être pas atteindre, avec
les procédés acluellement en vigueur. Si la victoire
devait leur rester, ce serait en quelque sorte le
REVUE GÉNÉRALE DES SCIENCES, 1901.
triomphe de la Bactériologie sur la Chimie synthé-
tique.
Indigo artiliciel. — Des deux procédés qui sont
actuellement en concurrence, celui de la Société
Badoise s'impose à l'admiration des hommes de
science, comme à celle des industriels, par l'ingé-
niosité et la ténacité déployées pour vaincre les dif-
ficultés de toute nature qui se sont présentées, par
l'utilisation rationnelle des sous-produits qui ren-
trent dans le cycle des opérations, et par l’ensemble
des perfectionnements introduits dans la fabrica-
tion de produits connexes. Cette admiration, que
suscitent de tels efforts el une telle initiative ! de la
part d'hommes qui n'en sont plus à compter leurs
succès, ne saurait cependant nous faire oublier
que, sur le terrain industriel, le petit nombre
ainsi que la simplicité des réactions mises en jeu
sont des facteurs aussi importants que celui du
prix des matières premières, pour arriver au point
essentiel que vise tout fabricant, —le prix derevient
du produit final. Nous croyons savoir qu'à l'heure
présente ce prix de revient ne justifie pas les
espérances qu'on a fondées sur ce procédé, el que
l'indigo de culture, comme l'indigotine préparée
par la méthode Bxyer et Drewsen, ne sont pas près
de s'effacer devant leur puissant rival.
Sans doute, ce dernierprocédéne peutencoreavoir
la prétention de rivaliser avec celui de la Société
Badoise, car il ne semble pas encore avoir com-
plètement la sanction de la pratique; mais il se
recommande à l'attention de l'industriel par sa
grande simplicité et le nombre restreint d'opéra-
lions qu'il nécessite. Rien n'empêche d’ailleurs
qu'il se développe parallèment, et qu'il limite ses
débouchés.
Quoi qu'il advienne de cette lutte, qui dès main-
tenant est engagée sur presque tous les points du
globe, on ne saurait méconnaitre le haut mérite
des hommes qui, par leur initiative, leur volonté
persévérante, n’ont pas hésité à l’entreprendre.
Elle montre une fois de plus combien est étroite,
en Allemagne, l'alliance de la Science et de l’In-
dustrie, et combien l’une et l’autre peuvent se
prêter un mutuel appui, grâce à l’organisation
rationnelle du haut enseignement, et grâce aussi
à la foi profonde qu'a le peuple allemand dans
les progrès de la science, et à la grande habileté
avec laquelle il sait s'en servir.
Née pour ainsi dire en France, l'industrie des
malières colorantes s'est surtout développée chez
nos voisins, et si dans cette production nous a:
rivons au second et même au troisième rang, nous-
en connaissons la cause, et partant aussi le remède:
4 La Société Badoise a dépensé 22.500.000 francs pour
monter la fabrication de l'Indigo.
7"
330
PAUL TANNERY — GALILÉE ET LES PRINCIPES DE LA DYNAMIQUE
Nous ne saurions aujourd'hui insister sur ce
sujet, grave entre tous ; mais qu'il nous soit permis
de déclarer que, si nous avons une perception très
nette de la haute tâche qui incombe à l'homme de
nous avons aussi le ferme désir, dans la
modeste sphère qui nous est échue, d'accomplir
la nôtre, si les circonstances et les hommes nous
le permettent.
Dans ce vaste domaine de la Chimie et de ses
science,
[
| saurait donc se désintéresser de la plus minime
applications, la France a été l'initiatrice de toutes
choses, depuis le commencement du siècle; elle ne
partie de son œuvre et abdiquer entre les mains
de l'étranger, car elle manquerait ainsi à ses tra
ditions el à tous ses devoirs. 3
A. Haller,
Membre de l'Institut,
Professeur à la Sorbonne
GALILÉE
ET LES PRINCIPES
Ce n’est point un vain titre que celui du der-
nier ouvrage de Galilée, imprimé à Leyde, chez
les Elzevirs, en 1638 : Discorsi e Dimostrazion
matemaltiche intorno a due nuove scienze, attenenti
alla Mecanica ed i movimenti locali. C'est, en effet,
de ce livre que datent, d'une part, la Résistance
des matériaux ; de l'autre, la Dynamique ratio-
nelle‘. Pour cette dernière science en particulier,
les démonstrations mathématiques de Galilée ont
créé de toutes pièces le modèle à imiter; elles ont
enseigné comment on pouvait effeclivement pro-
céder dans le domaine de la Mécanique ainsi que
les Anciens avaient procédé dans celui de la Géo-
métrie, en déduisant, d'un petit nombre d'axiomes
ou de postulats. convenablement choisis, une
chaine indéfinie de conséquences inattendues.
Cependant, le mode d'exposition de Galilée dif-
fère, sur un point essentiel, de celui qui est devenu
classique. On sait que le problème qu'il a traité et
complètement résolu équivaut à ce que nous appe-
Jons aujourd'hui la dynamique d’un point matériel
dans le cas d’une force d'intensité et de direction
constantes. Or, nous considérons ce problème
comme exigeant au moins l'admission de deux
principes de Dynamique : celui de l'inertie et celui
de l'indépendance de l'effet d'une force et du
mouvement antérieurement acquis, et nous com-
mencons par poser ces principes, que Galilée
admettait, d'ailleurs, tout comme nous (bien
entendu, cependant, sous d'autres formules).
Tout à fait différente est la marche que suit le
traité latin De Motu locali, inséré dans les
Journées III et IV du dialogue des Nouvelles
Sciences, et qui en constitue le fonds. Il est à peine
utile de remarquer que le concept du point maté-
riel n'existe point pour Galilée, qui, d'ailleurs, ne
distingue point encore la masse et le poids d'un
! Rationel, orthographe de l'auteur. [Note pe LA Rép.]
DE LA DYNAMIQUE
le représentant déjà par un seul point. Mais,
qui est surtout digne d'attention, c'est que Galilée
tout à fait spéciale.
Il
Tout d’abord il définit le mouvement uni
forme et en déduit les propriétés; puis il passe
mouvement uniformément accéléré, comme étant
le plus simple après le mouvement uniforme, el
remarque seulement, dans un préambule, que ce
mouvement uniformément accéléré doit être consk
déré comme élant le mouvement naturel des corps
graves qui descendent. Il invoque à cet égard des
raisons 4 priori, qu'il ne développe, d’ailleurs:
que très peu, mais qu'il déclare confirmées par des
expériences établissant après coup la validité des
conséquences de la théorie. ;
Galilée pose ensuite, comme étant le seul pos=
tulat qui lui soit nécessaire, qu'il y a égalité de
vitesse pour une même hauteur de chute verticale
dans les descentes d'un même mobile suivant des
plans diversement inclinés. n
De la définition du mouvement uniformément
accéléré, il déduit la loi des carrés des temps, déve
loppe la théorie du mouvement vertical et du mou
vement sur des plans inclinés, puis montre quelle
vilesse acquise par un grave qui descend lui pers
met de remonter précisément à la même hauteur»
Arrivant enfin au mouvement des projectiles, i
invoque celte fois, dans le préambule et sous à
forme qui suit, les principes indispensables :
« Je conçois un mobile lancé sur un plan hori
zontal et j'écarte par la pensée tout empêchement
il est déjà constant, par ce qui a été dit ailleurs
que son mouvement sur ce plan sera uniforme @
perpétuel, si le plan s'étend indéfiniment; mais
PAUL TANNERY — GALILÉE ET
LES PRINCIPES DE LA DYNAMIQUE 331
“si nous concevons le plan comme limité et d'ail-
eurs en élévation, le mobile, que je concois
comme doué de gravité, arrivé à l'extrémité du
plan, continuera à progresser, en surajoutant à
ce premier mouvement uniforme et indélébile ,
“celui de descente tenant à sa propre gravité, en
sorte qu'il en résultera un certain mouvement com-
posé du mouvement horizontal uniforme et au
mouvement de descente verticale, uniformément
accéléré... »
- Pour bien spécifier la position que prend Galilée
dans ce traité De Motu locali, je traduirai égale-
ent les passages les plus caractéristiques de
Pautre préambule, auquel j'ai déjà fait allusion :
- « Puisque, pour la descente des graves, la Nature
emploie un certain mode d'accélération, nous dé-
touvrirons la théorie de ces effets, si la définition
que nous allons donner de notre mouvement accé-
éré est bien d'accord avec l'essence du mouve-
ment... La Nature se sert, dans toutes ses œuvres,
des moyens les premiers, les plus simples, les plus
faciles... Quand je remarque qu'une pierre, tom-
bant d'en haut à partir de l'état de repos, acquiert
successivement de nouveaux accroissements de
vitesse, comment ne croirai-je pas que ces accrois-
sements doivent se faire selon la raison la plus
Simple et qui se présente avant toute aulre?.…. »
IT
Malgré la date tardive de sa publication dans
dialogue des Nouvelles Sciences, le traité Ze
Motu locali a certainement été concu dès les pre-
ères années du xvu° siècle, époque à laquelle
ilée parvint à l'ensemble des résultats capitaux
ntenus dans ce traité. Des fragments remontant
dcette période, et publiés dans la nouvelle édition
Ss Opere di Galileo Galilei (vol. VIII, 1898),
estent que de bonne heure la rédaction en était
à très avancée. C'est cependant un problème
qui, désormais, est probablement insoluble que
celui de savoir jusqu'à quel point la rédaction pri-
live a été successivement développée ou trans-
‘mée. En particulier, le mode d'exposition choisi
Galilée et que nous avons indiqué, est-il véri-
ment son dernier mot, le terme définitif d'une
longue évolution de sa pensée? faisait-il, au con-
ire, déjà partie du plan primilif? ou enfin faut-il
apporter à une période intermédiaire? Voilà ce
il importerait de savoir.
Je vais dire pourquoi la seconde de ces trois
ällernatives me parait la plus probable, quelque
ngulier que le fait puisse paraîlre à certains
ards. Ii s'agit d’ailleurs de débrouiller, autant
e possible, une autre énigme, celle des motifs
ai ont fait différer à Galilée pendant trente ans la
publicalion de découvertes qui lui donnaient le
juste orgueil d’avoir créé une nouvelle science.
La première occasion de retard fut, bien entendu,
celle de l'invention du télescope, qui assura à
Galilée, dans un tout autre domaine, une gloire
immédiate et non moins éclatante que celle qu'il
pouvait déjà espérer de la postérité. Le voilà, à
un âge déjà mûr, enlrainé dans une série de nou-
velles occupations, et en même temps engagé dans
des polémiques avec les détracteurs de son génie.
Il se met à dos tous les fidèles d'Aristote et se
trouve compromis une première fois au sujet de
l’opinion de Copernic. C'était, semble-t-il, le mo-
ment, pour lui, de consacrer les années de recueille-
ment relatif qui suivirent à achever l’œuvre com-
mencée depuis si longtemps, à laquelle il n'avait
pas cessé de rêver. Sa publicalion ne pouvait man-
quer de le fortifier, et n'enlrainait aucun risque
pour lui, car toute polémique contre Aristote est
soigneusement écarlée du plan d'exposition que
nous avons vu; le traité est exclusivement mathé-
malique ; les nouvelles idées introduites sont rame-
nées au minimum strictement indispensable.
Une fois cette tâche lerminée, Galilée n’en eût
élé que plus fort pour reprendre celle de la défense
de Copernic.
Eh bien! par une faule de tactique qui semble
singulière chez un vieillard assagi et profondé-
ment expérimenté, il va attendre patiemment de
longues années l'occasion qu'il croira assez favo-
rable pour essayer, avec les Wassimi Sistemi, pour
Copernic, mais surtout contre Aristote, le dange-
reux coup de partie qu'il perdit devant le pape
Urbain VII.
Le dialogue des Nouvelles Sciences se présente
comme une continuation du célèbre ouvrage de
1632 (les interlocuteurs, notamment, sont les
mêmes); il a donc été conçu et exécuté après les
Massimi Sislemi; mais, toutefois, cela ne vaut
que pour les deux premières Journées, consacrées
à la Résistance des matériaux; la seconde, d'ail-
leurs, est brusquement arrêtée; les deux suivantes
sont rempiies, sans explication préalable, par le
traité De Motu locali, coupé, de place en place,
avec quelques rares développements dialogués.
L'œuvre littéraire, dans toute cette dernière partie,
est à peine ébauchée.
Évidemment Galilée, surpris par les événements
et voulant sauver le plus tôt possible ce qui lui
restait de plus précieux dans son trésor scien-
tifique, a adopté, au dernier moment, pour son
traité De Motu locali, un mode de publication
pour lequel il ne l’avait point conçu. La précipi-
tation avec laquelle le nouveau plan a élé exécuté
rend improbable une refonte, à celte date, de la
rédaction antérieure.
392
PAUL TANNERY — GALILÉE ET LES PRINCIPES DE LA DYNAMIQUE
III
Remarquons maintenant ce que Galilée dit,
dans le passage que nous avons traduit de son
préambule, sur le mouvement des projectiles ; son
énoncé du principe de l'inertie serait fondé sur ce
qu'il aurait déjà longuement développé ailleurs. A
la vérité, on le déduirait aisément du postulat
relatif au mouvement sur les plans inclinés et de
la suite des théorèmes qui en découlent. Mais il
est bien improbable que ce soit là ce qu’a voulu
dire Galilée; ou bien le traité De Wotu locali avait
contenu des considérations supprimées comme
faisant double emploi avec celles qu'on trouve dans
les Massimi Sistemi; ou bien, ce qui est un peu
plus probable, il avait été conçu par Galilée comme
ne devant être publié qu'après un ouvrage de polé-
mique contre la Dynamique d’Aristote; ou enfin, ce
que je croirais volontiers, il s'agit d'un simple ren-
voi au Massimi Sistemi ajouté en dernier lieu.
C'est, en tous cas, là que se trouve le nœud de la
question que nous agitons, que nous touchons le
fl qui va nous conduire à l'explication de cette
faute de tactique apparente signalée tout à l'heure.
En réalité, l'homme qui, à celte époque crilique,
a le plus introduit de vérités nouvelles avec le
moindre cortège d'erreurs, Galilée, n'avait nulle-
ment le tempérament d'un novateur. On le voit
assez au relard subi par la publication de sa théorie
dynamique. Une fois qu'il en est en possession, il
en combine le mode d'exposition suivant un moule
artificiel, qui a dû exiger de longues et profondes
méditations pour éviter une opposilion formelle
avec la Physique d’Aristote, et pour glisser, au
milieu d'une théorie mathématique, de facon à
attirer le moins possible l'attention des Scolas-
tiques, les deux principes fondamentaux de la nou-
velle doctrine. Mais, ce tour de force accompli, il
se rend compte, avant d'avoir mené à fin tous les
développements mathématiques de son Traité, que
ses précautions ont été vaines; car à ce moment
(après ses découvertes astronomiques et à leur
sujet), il est déjà en butte à des attaques directes
et il sent grandir contre lui l'hostilité des Péripaté-
ticiens. Il est désormais trop en vue et (rop jalousé
pour que l’on ne découvre pas, dans sa théorie
mathématique du mouvement, l'opposition latente
contre Aristote.
Or, si Galilée n'a point, comme je l’ai dit, le
tempérament du novateur, c'est-à-dire s'il ne se
dévouera pas, en écarlant toute considération per-
sonnelle, à la propagation immédiate ou, au moins,
la plus rapide possible, de ses opinions ou de ses
convictions, il a, au contraire, le tempérament du
polémiste, en ce sens qu'il ne reculera pas devant
la lutte commencée, et surtout que, toutes les fois
qu'il se jugera touché directement, il se défendram
avec âpreté et ténacité. Pris à partie au nom d'Aris=
tote, il va s'en prendre désormais directement à
Aristote; il va rentrer dans la voie logique, dont
tout d’abord il s'était écarté, et faire table rase de
la Dynamique d’Aristote avant d'exposer la sienne
Mais, pour ce faire, il lui faut soutenir l'hypothèse
copernicienne, car, en réalité, c'est sur cetle
hypothèse que reposent les deux principes quil
postule. Voilà, ce me semble du moins, comment
on peut le mieux donner l'explication cherchées
voilà le motif qui a déterminé la conduite de Galilée
pendant les vingt-cinq dernières années de sa vies
IV
Mais il me faut justifier plus amplement ce
que je viens de dire sur la liaison logique et histo=
rique entre les principes de l'inertie et de, l'indé»
pendance du mouvement antérieur d’une part, et;
de l'autre, l'hypothèse de Copernic. C'est, d’ails
leurs, un point qui, par lui-même, mérite d'être
mis pleinement en lumière, d'autant qu'il est le.
plus souvent méconnu dans les expositions cou:
rantes des principes de la Dynamique.
Remarquons, tout d'abord, que l’adoption expli
ici est, dans la première moitié du xvn° siècle, @
dès avant les publications de Galilée, la pierre de
adversaires‘. La question de priorité est oiseuse à
ce sujet. L'habitude s'introduit aujourd'hui dé
errement ne se justifie guère, car l’un et l’autre
principes se retrouvent à peu près aussi clairement
dans les Commentaires sur les mouvements de
Mars, de 1609, c'est-à-dire bien avant 1632. Mai
dèsle commencement du siècle et avant ses décou
vertes en Dynamique, Galilée était lui-mème coper
nicien, de sorte qu'entre lui et Kepler la question de
la priorité réelle et mème celle de l'indépendance ré
ciproque se trouvent insolubles; au reste, elles n'on
d'énoncer des principes, mais de les faire servir
la construction d'une théorie. Or, à cet égard;
ne peut même y avoir débat: tout l'honneur appart
tient à Galilée.
même époque, a pu être conduit à adopter de
principes en désaccord absolu avec les opinions
dominantes. Faut-il transformer Galilée, pe
exemple, ainsi qu'on le fait trop souvent, en un
savant qui procède exclusivement par expérience,
qui fonde toute théorie sur la seule observation des
“faits? Je montrerai plus loin que cette opinion est
aussi radicalement erronée que celle qui considère
des principes de Dynamique comme directement éta-
blis sur l'expérience. Faut-il se rallier à la conjec-
ture que le principe de l'inertie aurait été formulé
“par retour aux idées de Démocrile, et comme suite
“du mouvement intellectuel qui se prononca, dès le
xvi° siècle, contre la tyrannie d'Aristote? Il suffit
de remarquer que, dans les fragments qui nous
«restent sous le nom du philosophe d’Abdère, il n'y
en à pas un seul qui puisse suggérer à personne la
notion de l'inertie, et que ses conceplions à ce
“sujet doivent être devinées d’après la polémique
qu'Aristote a dirigé contre lui. Or, ni Galilée, ni
“kKepler ne sont des ennemis systématiques d'Aris-
ote, comme le sera Bacon; ils n'ont pas l'esprit
fait pour aller s'attacher à une doctrine, pour cela
seulement que le Stagirite l'a combaltue. Ils ont
obéi à un motif plus impérieux et plus décisif.
V
Mais, pour apprécier pleinememt ce molif, il
convient de considérer tout d’abord quels étaient
es principes dynamiques d'Aristole, comme on
continuait, d’ailleurs, à les enseigner couramment
au xvu° siècle. Leur exposé permeltra, en même
emps, de juger, par comparaison, de l'importance
du progrès réalisé par Galilée.
“Aristote distingue les mouvements en deux
sortes : les mouvements naturels etles mouvements
violents. La nature de chaque être comporte, d'a-
près lui, le principe du mouvement et du repos
cet être, en tant qne ce mouvement et ce repos
e sont point occasionnés accidentellement parune
tion extérieure. Une telle action est, au contraire,
e violence (Blu, vis).
ps; la substance céleste compose des sphères
imées de mouvements de révolution uniformes
ristote concevait ces sphères comme nécessaire-
nt concentriques à la terre, suivant le syslème
tronomique d'Eudoxe; mais, depuis l'introduc-
de Ptolémée, cette condilion avait été aban-
née par l'École)
“1 J'emploie ce mot au sens de la terminologie actuelle ;
S celle d'Aristote, la cause est le moteur immobile, être
PAUL TANNERY — GALILÉE ET LES PRINCIPES DE LA DYNAMIQUE
339
que constante. Si l'action de cette cause cessail, le
mouvement s'arrêterait instantanément; il ny a
aucune action extérieure; le moteur immobile (le
Dieu d’Aristole) est seulement un objet de désir.
Lui ressembler autant qu'il est possible au mobile
de ressembler à l'immuable, c'est le but proposé à
la nature des corps célestes; mais ce prétendu
moteur n'agit pas plus qu'il ne peut subir d’ac-
lion.
Les mouvements nalurels des quatre éléments
sublunaires sont verticaux et dirigés vers le centre
du monde pour les corps pesants (terre et eau),
vers la périphérie pour les corps légers (air et feu);
la cause de leur mouvement est encore regardée
comme permanente et interne, mais non plus
comme constante. Aristote connait, en effet, l’accé-
lération des mouvements de descente ou d’ascen-
sion, mais il l’atlribue à ce que la cause varie en
augmentant à mesure que le corps se rapproche du
but vers lequel il tend. Il regarde, d’ailleurs, celte
cause comme mesurable à chaque instant d'après
la vitesse qui est son effet direct.
Quant aux mouvements violents, l'action exté-
rieure qui les détermine ne doit nullement être
regardée comme imprimant au corps mû une force
perpétuant son mouvement. Si celui-ci se continue,
en effet, lorsque l'action a cessé, si le projectile
lancé par la main ne tombe pas aussitôt de son
mouvement naturel, suivant la verticale, c’est que
l’action du milieu ébranlé par la projection se sub-
slitue à l'action qui a cessé et entretient, pendant
un certain Lemps, le mouvement violent. Quoi qu'il
en soit de cette continuation du mouvement, il est
suffisamment clair, d'ailleurs, qu'Aristole regarde
l'action extérieure violente comme produisant in£-
tantanément, à chaque moment, une vitesse qui ne
persiste point. Sous ce rapport, l’action externe
est absolument assimilable à l’action interne.
Il ressort de cet exposé qu'Aristote u a aucune
notion correspondant à celle de la force, au sens
moderne du mot. Il nie, aussi nettement que pos-
sible, l'inertie et le mouvement antérieurement
acquis, éléments essentiels de notre conception
actuelle. Il n'y à d’assimilation possible entre sa
doctrine et les nôtres qu'en ce qui concerne ce qu'on
appelle les forces instantanées; mais cette dernière
notion est précisément une curieuse survivance des
dogmes de l'École, et elle jure si outrageusement
avec loutes celles auxquelles elle est accouplée,
qu'elle est sans doule condamnée à disparaitre
bientôt sans retour.
S'il n'a pas la notion de la force, Aristote n'a,
sublunaires; celui des sphères célestes est, à leur égard. nne
cause secoude. Mais, cette remarque faite au pcintde vue de
l'exactitude littérale, je crois sans intérêt de m'arrêter ici
à ces subtilités métaphysiques.
334
PAUL TANNERY — GALILÉE ET LES PRINCIPES DE LA DYNAMIQUE
dès lors, bien entendu, aucun mot pour repré-
senter celle notion en général. Le terme de puis-
sance (dus, polenlia) a, dans son langage tech-
nique, une acception particulière ; il signifie seule-
ment possibilité, et c'est ainsi que sa célèbre défi-
nilion du mouvement” doit être comprise (le pas-
sage de la possibilité à la détermination). Si donc
Aristote emploie ce terme de puissance pour dési-
gner une force, un poids, par exemple, à l’état
statique ou bien dans une machine simple, il
faut bien admettre qu'il n'entendait par là qu'une
possibilité de mouvement (d'ailleurs plus ou moins
grande et susceplible de mesure). Bien plus, rien
ne nous prouve qu'aucun des mécaniciens de l’An-
tiquité l’ait entendu autrement.
C'est précisément le défaut, dans la langue scien-
tifique, d’un terme approprié au concept moderne
qui à fait hésiler, au xvir° siècle, entre le mot de
puissance el celui de force (correspondant au latin
vis, mais ayant, comme ce dernier, une significa-
tion beaucoup plus ambiguë que le grec Six). Quant
à Galilée, nous avons vu comment, dans son traité
De Motu locali, il se passe du concept et du terme
correspondant ; mais, dans les Jassimi Sistemi, il
n'en parail pas davantage sentir le besoin, et se
conforme au langage d’Aristote, sauf à employer,
très rarement, une expression passablement vague,
celle de virlu*, dans des cas où nous dirions natu-
rellement force.
NII
Si, pour juger le système dynamique d'Aris-
tote, on fait abstraction des préjugés qui dérivent
de notre éducation moderne, si l’on cherche à se
replacer dans l'état d'esprit que pouvait avoir un
penseur indépendant au commencement du
xvn° siècle, il est difficile de méconnaître que ce
système est beaucoup plus conforme que le nôtre à
l'observation immédiate des fails. Ce qu'on peut
lui reprocher dans son ensemble, c'est précisé-
ment de s’en tenir trop fidèlement à une observa-
tion que nous qualifions désormais de grossière,
de ne pas lui avoir substitué une analyse expéri-
mentale suffisamment profonde. Il y a, toutefois,
une exception qui concerne le rôle du milieu dans
CRE TR RTE ER PRE TEE nn: EAP EEE
! « L'acte (la réalisation) du possible, en tant que pos-
sible. » — Chez les Grecs, xivnots désigne le changement en
général; c'est pourquoi Galilée dit encore, en terme d'Ecole,
mouvement local (c'est-à-dire changement suivant le lieu).—
La définition d'Aristote n'a d'intérêt que comme formule
générale ; appliquée au mouvement local (la réalisation de la
mobilité dans le mobile), elle se réduit à une pure tauto-
logie.
* Dans quelques passages des Vuove Scienze, il emploie, au
contraire, le mot forza en l'appliquant tantôt à la puissance.
tantôt à ix violence. Mais il est difficile de reconnaitre
exactement s'il entend donner un sens précis à ce terme
vulgaire, et si ce sens est bien le nôtre.
la conservation des mouvements violents; évidem
ment la conception de ce rôle n’est nullement déri=«
vée de l'expérience; c'est une vue théorique, liée«
au rejet de l'hypothèse de l'existence du vide
absolu, considéré comme inconcevable. C'est dire
que ce rôle du milieu n’est point une invention
d’Aristole; on le trouve déjà formellement supposé
par Platon; il est ainsi une conséquence de la doc-
trine éléatique, adoptée sur ce point par le Maître
et qui n'était alors contredite que par Démocrite.
Que cette conception ne soit d’ailleurs nullement
absurde en elle-même, il suffira, pour le montrer,
de rappeler qu'il ya vingt-cinq ans environ, elle
’élé reprise dans la /evue scientifique avec applis
cation à l'éther. Supposer que la matière pondé:
rable est absolument inerte et que la continuation
du mouvement qu'elle acquiert, aussi bien que les!
attractions et répulsions entre ses molécules, soit
due à l’action du milieu où elle est plongée, est em
effet une hypothèse qui aurait théoriquement l'in=
térèt d'écarter la question des frottements de l'éther
dans la conception mécanique de l'univers. Mais
évidemment, nous n’en sommes pas encore à cela
près pour déterminer dans quel sens il faut en:
tendre, à cet égard, l'application de la formule
actuellé du principe de l'inertie, de facon à la
maintenir en accord avec les observations astrono=
miques.
Le système d’Aristote est, sans contredit, insuf
fisant pour constituer une Dynamique rationelle,
puisque, comme on l'a vu, il y manque des notions
indispensables pour la construction d'une théorie.
mathématique. Mais, pour combler cette lacune, 4h
n'y aurait point de difficultés insurmontables, mal=
gré la distinction primordiale en corps de natures
différente sous le rapport du mouvement, distine
tion absolument contraire aux tendances de l'ab=
straction mathématique, qui réclame des postulats
absolument universels. Sous ce rapport, il y a, en
particulier, dans le système d’Aristote, un vice
logique, en ce que le rôle du milieu n’est pas conçu
d'une façon identique dans les mouvements vio
lents, où il conserve le mouvement acquis, et dans
les mouvements naturels, où il n'intervient point
Mais, somme toute, il n’y avait, dans ces lacunes
et ces incohérences, rien qui fut suffisant, au temps
de Galilée, pour justifier la destruction complète
du système.
VII
3
Comment fut-il cependant amené à regardem
cette destruction comme nécessaire ? Quelle est,
cel égard, la valeur de l'opinion traditionelle qui:
le représente, dès le début de sa carrière, comme
le champion, contre Aristote, de la méthode expé=
rimentale ?
Ds -
… Qu'il ait eule génie de l'observation et de l'expé-
jence, cela est bien clair. Sa découverte, si pré-
oce, de l'isochronisme des oscillations du pendule
donne lieu, sur le premier point, à aucune
serve ; mais elle n’a jamais eu rien à faire nipour
contre Aristote, d'autant que Galilée a toujours
ésenté cet isochromisme comme un fait expéri-
ntal, qu'il n’en a jamais tenté l'explication théo-
ue, et que même il a toujours cru que la durée
s oscillations était absolument indépendante de
plitude de l’arc. L'invention du pendule est
lonc précisément un de ces exemples, fréquents
ans l'histoire des sciences, de la fécondité d'une
bservation grossière, mais pratiquement utile,
and bien même elle ne répond à aucune des
endues exigences de la méthode moderne.
Quant à la célèbre expérience de la tour de Pise,
le a simplement eu pour but de prouver qu'une
vre de plomb tombe aussi vile que deux livres
é plomb. Mais Aristote n’a jamais dit le contraire,
ble fait était parfaitement admis dans les ouvrages
assiques médiévaux sur la matière (par exemple
rdanus Nemorarius : le Gravi el levi). Qu'à
ise, quelque scolastique ait sollicité des textes
dAristote mal compris, pour en déduire une consé-
quence évidemment absurde à priori, et que
Galilée ait institué une expérience pour en montrer
1-fausseté, c’est là une circonstance accidentelle
peut prouver les abus de la scolastique, mais
pnt il ne faut pas exagérer l'importance. Jamais
PAristote ni l'École n'ont refusé de faire appel à
expérience; seulement on ne savait pas faire
expériences précises et concluantes, ce qui est
te la difficulté. Or, à cet égard, Galilée est cer-
nement un des maitres de la pensée moderne,
arce qu'il a, le premier, sur des exemples déter-
inés, montré de quelles précautions il fallait
éntourer et quelle ingéniosité il fallait dépenser
Dur aboutir à un résultat valable; mais il ne l’a
que beaucoup plus tard (par exemple, dans
> Discorsi de 1612 sur les corps flottants ou en
Mouvement dans l’eau) et toujours pour justifier
ne théorie conçue à priori, non pas pour la
onsliluer 4 posteriori.
Nous possédons d'ailleurs, aujourd'hui, du temps
de l'expérience de Pise, des juvenilia de Galilée
Ir le mouvement et en particulier sur la pesan-
r. Nous pouvons en conclure qu'avec plus de
erté d'esprit que ses collègues, il n'avait pas
ore des idées beaucoup plus justes; il admet
héme, comme faits d'expérience, des erreurs dont
Seul énoncé appelait la critique, par exemple,
au commencement de la chute des graves, le
uvement est plus rapide qu'immédiatement
près, et que l'accélération de la chute ne com-
ence qu'après ce premier retardement. Nous
PAUL TANNERY — GALILÉE ET LES PRINCIPES DE LA DYNAMIQUE
339
n'apercevons, dans ces essais, qu'une idée réelle-
ment importante, parce que Galilée la suivra pa-
tiemment et y restera toujours attaché; c'est que
la doctrine d'Aristote sur la pesanteur, et en parti-
culier la distinction des corps graves et des corps
| légers, est incompatible avec le principe d’Archi-
mède et avec les conséquences qu'en a déduites le
géomètre de Syracuse. C'est donc l'esprit mathé-
malique d’Archimède qui a été le premier inspi-
rateur de Galilée; c'est Archimède qu'il a surtout
étudié profondément et qui restera toujours son
guide avoué.
Un autre mécanicien, qui a eu une grande
influence sur l'évolution scientifique de la Renais-
sance, ne paraît point en avoir sensiblement exercé
sur Galilée. C’est par la préface des Pneumatiques
de Héron d'Alexandrie, beaucoup plus que par Lu-
crèce, que la conception de la matière comme
formée de molécules séparées par de petits vides, a
été alors introduite et s'est répandue. Une telle
hypothèse, acceptée d’ailleurs en fait dans l'École
même d'Aristote dès la seconde génération, ne
suscitait pas des scrupules aussi vifs que les doc-
trines malfamées d'Epicure. Mais cette question
n'est point de celles auxquelles s'attaque Galilée,
quoiqu'il adopte comme probable cette opinion des
petits vides; car c'est une marque particulière de
son génie, à côté de la plus large fantaisie comme
spéculations, que d'écarter avec soin et de consi-
dérer comme n'existant pas, quand il s'agit des
fondements à donner à la science, tout problème
qui ne lui paraît pas actuellement susceptible de
solution.
VIII
Nous aboutissons donc à cetle conclusion qu'il
est également improbable que les deux premiers
principes de la Dynamique aient élé coneus a priori
(pour remplacer un système condamné comme
insuffisant), ou qu'ils aient été établis à posteriori
(en suivant les procédés de la méthode expérimen-
tale). Tout au contraire l’origine de ces principes
s'éclaire immédiatement, si l’on rapproche l’hypo-
thèse copernicienne des thèses d’Aristote : ces prin-
cipes ont été, de fait, des machines de guerre
construites pour défendre le système de Copernic,
et elles sont, non seulement si appropriées à ce but,
mais encore si indispensables qu'on doit les con-
sidérer comme des conséquences immédiates de ce
système, conséquences déjà déduites par son auteur.
S'il ne les a pas formulées explicitement, ce n’est
pas moins jusqu'à lui qu'il faut les faire remonter
logiquement.
Aristote donnait une explication (théologique,
ce qui aggravait la difficulté) pour le mouvement
diurne attribué à la sphère des fixes. Cette explica-
330
tion était interdite à Copernic, qui attribuait le
mouvement à la Terre. Il lui était tout aussi impos-
sible de faire regarder la rotation de notre globe,
soit comme un mouvement naturel, soit comme un
mouvement violent, au sens d’Aristote. La perpé-
tuité de cette rotation ne pouvait se concevoir que
comme un fait, n'ayant pas d'autre explication que
le fait de son existence antérieure : or c’est là le
principe de l’inertie.
D'autre part, l'hypothèse de la rotation dela Terre
avait soulevé, dès l'Antiquité, l’objection très natu-
relle, notamment consignée par Ptolémée, que
cette rotation troublerait tous les mouvements que
nous observons à la surface. Il était donc néces-
saire d'affirmer, pour contredire cette objection,
que le mouvement communiqué persiste dans les
corps devenant libres, et par suite n'apparait pas
pour nous.
Or, que ce soit dans ce sens que Galilée entend
le principe de l'indépendance du mouvement anté-
rieurement acquis, c'est que l’on voit clairement
quand il affirme, dansles Massimi Sistemi, que tout
se passe, absolument et rigoureusement, à la
surface de la Terre, comme s'il n’y avait pas de
rotation. À
Il ne fait qu'une exceplion, d'ailleurs malheu-
reuse, pour les marées, qu'il cherche très ingénieu-
sement à expliquer par la rotation de la Terre,
sans se soucier de l'observalion, déjà courante
chez les Anciens, qui reliait les périodes du flux à
celles du mouvement de la Lune. Tout au contraire,
il calculera la durée de la chute d’un grave sur la
Terre depuis la sphère de la Lune en regardant la
trajectoire comme verticale; ainsi il n’a aucune
idée de la déviation vers l’est, et il ne parait point
que la rectification nécessaire pour l'exactitude du
principe ait été faite avant Newton.
IX
Encore de nos jours, il n’y a pas d'argument
plus valable à invoquer du côté expérimental, à
l'appui du principe d'inertie, que le fait de la cons-
tance et de l’uniformité du mouvement diurne. Ce
qu'on ne remarque pas d'ordinaire, mais ce qu'il
conviendrait de mettre en lumière dans l’enseigne-
ment, c'est que ce principe renferme tout d'abord
une définilion du temps, en lant que mesuré par
un mouvement de rotalion qu'on a tout lieu de
regarder comme s’effectuant en dehors de toute
aclion externe ou interne ou sous l'influence d’ac-
lions se contrebalançant exactement, sans qu'il
soit d’ailleurs, bien entendu, possible d'instituer à
cet égard aucune démonstalion en règle. En second
lieu, on convient, par analogie, de regarder comme
absolument libre, ou comme soumis à des actions
PAUL TANNERY — GALILÉE ET LES PRINCIPES DE LA DYNAMIQUE
se contrebalançant, un corps animé d'un mouvemen#*
de translation recliligne et uniforme. Il y là une
accord, pour une expérience grossière, avec 4
notion statique (puissance d’Aristote). Enfin on
prouve que l’analogie invoquée est suffisante, parce
invariables), on peut démontrer que la formule
admise pour le principe d'inertie suffit à établm
l'uniformité de rotation d’un solide invariable libre
autour de l’un de ses axes principaux d'inertie.
trouve.
Même la célèbre expérience de Foucault
prouve, en bonne logique, la rotation de la Terre
que si l'on admet la fixité absolue des axes rappor
aux étoiles, ce qui est, au fond, l'hypothèse mèm
de Copernic. Celle-ci est donc la base fondamens
tale de l'édifice de la Dynamique moderne, de mê
que l'hypothèse de Newton sur la gravitation uni
verselle en est la base supérieure, puisqu'elle
entraîne le principe de l'égalité entre l’action etl
réaction.
Le second principe de Galilée, celui de l'indépen*
dance du mouvement antérieurement acquis,
commence la définition positive du concept.
force, en conduisant immédiatement à l’un des
éléments de la mesure, à savoir l'accélération:
L'autre élément, la masse, est un nouveau concepl
qui ne peut être constitué avant d'avoir admise
troisième principe de la Dynamique, celui de lin
dépendance des effets des forces, ce qui monta
bien que ce troisième principe est essentiellemen
différent du précédent. Galilée s'arrête avant di
faire ce nouveau pas en avant; on à vu par que
postulat il évite, pour les mouvements sur le pla
incliné, la question de la décomposition des forces
Quant au mouvement d’un système de poids cons
trariés, il ne le traite point.
Nous ne pouvons donc nous prononcer en touk
certitude sur la façon dont il eût posé la question
D'ailleurs, en réalité, le concept de masse n'a pi
été constitué avant Newton; quoique l'idée deMk
variabilité de la pesanteur avec la distance at
centre de la Terre eût hanté avant lui de nombre
esprits, et en particulier celui de Galilée, on
concevait aucun moyen de constater expérimen
talement cette variabilité, pas plus que d'applique
une commune mesure aux corps sublunaires et au
corps célestes”.
1 Je reviendrai, dans une étude ultérieure, sur l'histoire |
du principe de l'indépendance des effets des forces. |
. Bornons-nous donc à considérer le second prin-
ipe ; nous avons VU que, SOUS sa forme générale,
dans les Aassimi Sistemi, Galilée le concoit
“entre de la Terre) comme pour les mouvements de
nslalion. Dans le traité Ze Motu locali, au con-
traire, il le formule rigoureusement en le limitant
aux mouvements de translation, mais il n'en pro-
pose aucune vérification expérimentale dans le cas
jù le mouvement antérieur n’est pas dirigé suivant
a force accélératrice. C’est uniquement dans le cas
la direction est la même (cas qui se ramène
ilement à celui de la simple chute), qu'il a
procédé à des expériences pour constater la valeur
pratique de la règle des carrés du temps, théori-
quement établie à priori. Ces expériences furent
ailes avec une pièce en bois, d'une longueur de
douze brasses environ, dont l'inclinaison pouvait
ier à volonté. Un canal, large d'un doigt envi-
fon, élait creusé le long de cette pièce et garni de
parchemin ; on y faisait descendre une bille de
bronze. Le temps était mesuré en pesant une
antité d’eau écoulée sous niveau à peu près
constant pendant la descente. Quelles qu'aient été
les précautions prises pour assurer l'exactitude de
lexpérience et en particulier pour diminuer les
frottements, il est évident que la vérification
portait seulement sur ce point que lorsque la
hauteur de chute est assez faible pour que la résis-
tance du milieu et les frottements n'allèrent pas
ncore sensiblement la vitesse, la règle des carrés
du temps peut êlre considérée comme valable
éxpérimentalement. Bien entendu, Galilée ne
entendait pas autrement ; mais il est également
élair que, restreinte dans ces condilions, l'expé-
Hence ne peut sérieusement justifier, ni la règle
en elle-même, ni le principe sur lequel elle repose.
Si l'on faisait d’ailleurs des expériences avec de
plus grandes hauteurs de chute, elles pourraient
uniquement servir, en supposant vraie la règle des
Carrés du temps, à déterminer les effets dus à la
résistance du milieu et à la variation de la pesan-
PAUL TANNERY — GALILÉE ET LES PRINCIPES DE LA DYNAMIQUE
337
La première est relative à l'existence d'un
milieu, qui empêche la théorie d’être absolument
rigoureuse. Elle fut en particulier soutenue par
Descartes, qui, avant d'admettre sa matière sub-
tile et de se prononcer contre l'existence du vide,
avait précisément manqué vers 1619, par une faute
de raisonnement singulière, la déduction théorique
de la règle des carrés du temps ‘. Cette objection,
qui n’est pas levée au principe, maintient en fait le
caractère à priori de la règle en question, et
empêche de la considérer comme une loi empirique.
Mais précisément le trait du génie de Galilée est
d’avoir négligé l’action du milieu pour construire
une théorie mathématique.
La seconde objection tint à la difficulté que l’on
trouva à concevoir une vitesse initiale nulle. Avec
les habitudes d'esprit contractées sous l’enseigne-
ment aristotélique, on ne pouvait s'empêcher de
se représenter la pesanteur comme produisant
instantanément, au commencement même de la
chute, une vitesse finie. La règle de Baliani, qui
ne donnait pas lieu à la mème difficulté, trouva,
par suite, un certain accueil. Dans la polémique à
ce sujet, ce fut surtout Gassendi qui défendit Galilée ;
Fermat l'appuya. Descartes, au contraire, quoiqu'il
admetle la règle de Galilée comme pratiquement
valable pour de faibles hauteurs de chute, répugne
toujours à l'idée d’une vitesse initiale absolument
nulle.
XI
Dans le courant du xvin° siècle, le point de
vue sous lequel on considérait les principes de la
Dynamique se modifia peu à peu. La Physique, en
se constituant comme science indépendante, exclu-
sivement fondée (au moins le prétendait-elle) sur
l'expérience, justifia ses méthodes par des succès
assez décisifs pour lui assurer pleine confiance en
elle-même; elle tendit dès lors naturellement à
rattacher à son domaine tout ce sur quoi l'expé-
rience pouvait porter. Il fut done désormais admis
que les principes de la Dynamique étaient au moins
induits de faits observables à la surface de la Terre:
si des expériences précises ne pouvaient être que
difficilement instiluées pour établir rigoureuse-
ment ces principes, on pouvait au moins vérifier
leurs premières conséquences, ou plutôt, posant
celles-ci comme des lois naturelles découvertes et
établies par l'expérience, remonter de là aux prin-
cipes qu'elles supposent théoriquement.
En particulier, pour la chute des corps, un appa-
reil très ingénieux, la machine d’Atwood, fut cons-
truil et adopté dans l'enseignement ; il permit de
1 Voir Correspondance de Descartes (éd. de Charles Adam
et Paul Tannery, Paris, Léopold Cerf, t. 1, 1897, p, 75).
338 PAUL TANNERY — GALILÉE ET
LES PRINCIPES DE LA DYNAMIQUE
montrer (en retardant d'ailleurs les vitesses de
chute par l'emploi de poids contrariés) comment
on pouvait vérifier les théorèmes de Galilée sur les
relations entre les espaces parcourus, les vitesses
et les temps; comment même on pouvait, en fai-
sant varier les poids en mouvement, vérifier le
principe de l'indépendance des effets des forces,
dans un cas, à la vérité, très particulier, mais suffi-
sant, àlarigueur, pour définir le concept de masse.
Grèce à la continuité de l’enseignement dans ce
sens, grâce d'autre part, à la glorification de plus
en plus grande de la méthode expérimentale, cette
conceplion des principes de la Dynamique a triom-
phé pendant la plus grande partie du sièele dernier,
et l'oubli de la vérité historique a été tel que Gali-
lée fut transformé en un expérimentateur, ayant
découvert, avec ses plans inclinés, les lois de la
chute des corps.
Une réaction devait se prononcer à partir du
moment où, pour contiauer sa marche en avant, la
Physique dut faire de nouveau appel aux Mathé-
matiques, et perdit ainsi une partie de l’indépen-
dance qu'elle avait conquise. Ayant à critiquer,
pour les développer analytiquement, les concep-
tions théoriques que se faisaient les physiciens
d'après leurs expériences, les mathématiciens re-
connurent, avec plus de précision, les limites
réelles qu'on doit imposer aux conclusions expéri-
mentales, et revendiquèrent, sous des formes d’ail-
leurs plus ou moins vives, les droits de la spécula-
lion à priori, droits qu'ils étendaient d'ailleurs
singulièrement, dans leur domaine propre, par la
création de théories empreintes d'un caractère
purement hypothétique, comme les Géométries
non-euclidiennes.
En ce qui concerne principalement les principes
de la Dynamique, l'impossibilité à priori où l'on se
trouve de les vérifier expérimentalement a été éta-
blie par M. Henri Poincaré au Congrès de Philoso- |
phie de 1900. Le cas est donc le même que pour le
postulatum euclidien sur les parallèles, mais il y a
une conclusion différente à tirer, pour ce qui regarde
l’enseignement; car le postulatum des parallèles a
été admis dès l’origine de la science : il n'y a donc
qu'à le poser comme tel. Les principes de la Dyna-
mique ont été découverts après deux mille ans de
spéculations sur le mouvement et sur les forces (au
moins à l’état statique) ; il y a donc à les justifier.
Or, pour cela, je ne sache point qu'on puisse
prendre un meilleur procédé que celui de revenir
* à la vérité historique. Ce n’est point par l'observa-
Le
tion des faits à la surface de la Terre que ces prin
cipes ont élé découverts, ce n’est point de la Phy=
sique qu'ils dépendent : ils ont été construits pour
l'explication des phénomènes célestes, en liaison
directe (au moins les deux premiers) avec l’hypo=
thèse de Copernic. Les corps célestes restent, d'ail
leurs, les seuls qui représentent réellement les
points matériels ou les solides invariables de J
Mécanique rationnelle, et c'est seulement des pro
grès de l'Astronomie qu'on peut attendre désor.
mais quelque nouvelle détermination relative aux
concepts fondamentaux de la Dynamique (nota
ment sur le rôle du milieu, soit dans la propagas
tion de la force, soit comme résistance passive).
L'exposition des lois de la chute des corps a
moyen de la machine d’Atwood doit au contraire
être abandonnée. Ces prétendues lois sont des théo:
rèmes mathématiques qu'il ne faut pas présenter
pour autre chose que ce qu'ils sont. L'important, en
Physique, serait d'enseigner, à propos de la chute
des corps (ce que l’on ne fait point), dans quelles
limites ces théorèmes sont applicables, quelle est
la valeur des corrections à apporter à partir dem
telle hauteur de la chute. Mais l'important est sur
tout de montrer comment se fait la science, com
ment on peul la faire progresser par des décou=
vertes nouvelles; c’est de ne pas introduire à ceb
égard des idées fausses en consacrant à l'étude
minutieuse d'appareils de simple démonstration
sur lesquels on ne peut faire que des expériences.
scientifiquement illusoires, un temps qu'on peut
employer sur des appareils de recherche réelle.
Je ne parle pas de l'appareil du général Morin,
construit beaucoup trop grossièrement pour donner
même une idée favorable du procédé d’enregistre=
ment par tracés continus, procédé d'une grande
utilité pratique, mais dont il est aisé de trouver
pour l’enseignement de meilleures illustrations.
suffirait sans doute, à propos de la chute des corps,
de mentionner les vérifications expérimentales de
Galilée, mais encore conviendrait-il de spécifier
leur portée réelle qu'il ne faut ni exagérer ni res
treindre ; car, si elles sont absolument insuffisante
pour établir l'exactitude illimitée des formules
théoriques, elles montrent au moins que ces for”
mules sont suffisamment conformes aux faits, dans
des limites restreintes, pour qu'il convienne de less
employer à titre théorique el sous les réserves
nécessaires.
Paul Tannery.
Directeur des Manufactures de l'État.
BIBLIOGRAPHIE — ANALYSES ET INDEX
339
4° Sciences mathématiques
fetto (Eugène), Professeur de Mathématiques à l'Uni-
Versité de Giessen. — Vorlesungen über Algebra.
2 vol. in-8° de 388 et 520 pages. (Prix : 35 fr.)
BG. Teubner, éditeur. Leipzig, 1896-1900.
Cet ouvrage vient prendre place à côté des traités
ssiques de Serret et de Weber, C'est dire qu'il s’agit
ine œuvre importante destinée à ceux qui, possédant
fond l’Algèbre élémentaire, désirent s'initier aux par-
élevées de la science algébrique. Ils y trouveront
bases essentielles des diverses théories de l’Algèbre
üpérieure, présentées d'après les progrès les plus
cents, progrès auxquels M. Netto a, comme on sait,
ment contribué. L'auteur n'a recours qu'aux
éthodes purement algébriques, sans faire intervenir
une manière systématique les théories arithmétiques
éJAlgèbre moderne. C’est en cela que ce traité diffère
cisément de celui de Weber; aussi ces deux ouvrages
mands se complètent l'un l’autre et correspondent-
aux deux tendances qui caractérisent les méthodes
ployées de nos jours par les divers auteurs,
Netto a divisé son traité en cinq parties. Le pre-
er volume, comprenant les trois premières parties,
st entièrement consacré à la Théorie des Equations
ébriques à une inconnue.
fauteur suppose connus du lecteur la Théorie des
erminants et les éléments de la Théorie des Nom-
s. IL débute, comme zntroduction, par les notions
mentaires relatives aux nombres complexes, puis il
xamine, dans la premiere partie, les propriétés des
netions entières et des équations algébriques : théo-
mes relatifs à la continuité, existence des racines,
Mmetions symétriques, propriétés des résultants et des
riminants, formes quadratiques.
deuxième partie à pour objet la résolution numé-
jue des équations. On y trouve d'abord, à propos de
dséparation des racines, les théorèmes classiques de
olle, Budan-Fourier, Sylvester, Sturm, Hermite, puis
ddéterminalion des racines par approximation d'après
és méthodes de Newton, Bernoulli, Lagrange.
La dernière partie du premier volume traite de la
ésolution algébrique des équations. Viennent d'abord
S équations du deuxième, troisième, et quatrième
és, puis la détermination des racines 1° de l'unité.
célèbre problème de la division de la circonférence
n parties égales fait l’objet d'un exposé très intéres-
t, dans lequel l’auteur passe en revue les diverses
thodes qui résultent des travaux de Gauss, Kro-
cker, Lagrange et Jacobi.
e deuxième volume contient deux parties bien dis-
tes (les parties IV et V de l'ouvrage complet). Dans
d première, après avoir exposé les propriétés les plus
portantes des fonctions entières à plusieurs varia-
l’auteur étudie les équations algébriques à plu-
ürs inconnues. La théorie de l'élimination est exa-
ée d’une facon très complète. Ce n'est pas un
nple exposé des méthodes de Bezout, Cramer-Poisson,
ecker, Cayley et d’autres, mais une étude com-
ée et critique, qui sera lue avec beaucoup d'intérêt.
Asignaler aussi la lecon consacrée à la Théorie des
varactéristiques de Kronecker, avec le théorème sur les
loumes quadratiques découvert par Hermite. La qua-
ème partie se termine par la démonstration du
narquable théorème de Hilbert sur l'irréductibilité
me fonction d'un nombre quelconque de variables
enfermant un nombre quelconque de paramètres.
lest seulement dans la cinquième partie que l’auteur
BIBLIOGRAPHIE
ANALYSES ET INDEX
fait intervenir la notion de substitutions. La Théorie
des groupes finis et des substitutions fait suite à l'étude
des équations abéliennes; elle est limitée aux propriétés
les plus-essentielles. La notion de nombre algébrique et
la résolution des équations algébriques donnent lieu à
une série de chapitres; puis viennent les applications
de la Théorie des Equations à la détermination des
points d’inflexion d’une cubique plane, et à l'étude des
équations résolubles d'un degré supérieur au quatrième
et plus spécialement celles du cinquième degré.
H. Fer,
Professeur à l'Université de Genève.
Graffigny (Henry de), Zngénieur civil. — Les nou-
veaux Ascenseurs. — ! rochure in-12 de 160 pages
avec 51 figures, de la Petite Encyclopédie seienti-
lique et industrielle, publiée sous la direction de H. de
Graffiquy. (Prix: 1 fr. 50.) . Bernard et Cie, impri-
meurs-éditeurs. Paris, 1901.
Les ascenseurs ont complètement transformé les
conditions d'habitabilité dans la maison moderne, et
ces appareils de levage, mis directement à la disposi-
tion du public, sont assez variés aujourd'hui pour
qu'il y ait eu utilité à leur consacrer une étude spéciale,
dans le but d'en faire connaitre les particularités.
L'auteur de ce petit volume à distingué les ascenseurs
avec puits, les ascenseurs sans puits et les ascenseurs
à compensateurs. Les premiers, hydrauliques, peuvent
être équilibrés par des conlrepoids ou non, suivant la
quantilé d’eau dont on dispose, et c’est pour éviter d'une
facon absolue la rupture de l'attache du piston à la
cabine que l’on a été amené à adopter un autre moyen
d'équilibrage que le contrepoids, comme l'ont fait
notamment MM. Heurtebise et Pifre avec leurs appa-
reils de. compensation. Mais, de tous les systèmes
d'ascenseurs, les plus simples sont ceux où le cylindre-
presse ainsi que le piston sont radicalement supprimés,
c'est-à-dire dans lesquels il n’est plus nécessaire de
forer un puits de hauteur correspondant à la course de
la cabine. Ici, la cage est suspendue à un câble venant
s’enrouler sur un treuil actionné par un moteur quel-
conque, hydraulique, à vapeur, à gaz, électrique. Ce
sont les ascenseurs électriques Pifre et Otis qui pren-
nent en France le plus de développement, sous la con-
dition, toutefois, que l’on ait affaire au courant continu,
tandis que, dans les quartiers où les secteurs ne
distribuent que des courants alternatifs, on à encore
la ressource d'employer des ascenseurs à air comprimé.
Ce rapide aperçu montre que le problème de l'élevation
des personnes et des charges comporte des solutions
très diverses, et la possibilité de trouver réunies, en un
petit nombre de pages, la description, l'analyse et la
comparaison de tous les systèmes d’ascenseurs qui ont
fait leurs preuves, est une bonne fortune pour les
architectes et les propriétaires désireux d'augmenter le
confort de leurs immeubles. Euice DEMENGE.
2° Sciences physiques
Jones (Harry C.), Assistant de Chimie physique à
l'Université John Hopkins (Baltimore). — The
Theory of electric Dissociation and some ofits
Applications. — 1 vol. in-8° de 290 pages avec
figures (Prix cartonné : 8 fr. 75). Macmillan and ©,
éditeurs, Londres et New-York, 1901.
Cet ouvrage est un exposé très net de cette partie,
importante entre toutes, de la Chimie physique qui
étudie la nature et la constitution des solutions éten-
dues. Les faits et les expériences qui y sont sommai-
340
rement mais très clairement présentés, les interpré-
tations et les conclusions théoriques qui y sont
exposées avec beaucoup de simplicité et de méthode,
rendent la lecture de ce livre facile et agréable.
Dans le premier chapitre, l'auteur rappelle ce qu'on
connaissait de la Chimie physique avant 1887: en
particulier les rapports entre la constitution chimique
des corps et leurs propriétés physiques (point d'ébul-
lition, chaleur spécifique, volume moléculaire, viscosité,
réfraction de la lumière, rotation du plan de polarisa-
tion, etc.).
Le deuxième chapitre traite des expériences et des
recherches de Pfeffer relatives aux pressions osmoti-
ques et des lois de Van’ Hoff sur les pressions osmo-
tiques.
Dans le troisième chapitre, l’auteur passe en revue
un grand nombre de faits qui viennent tous corroborer
l'hypothèse de la dissociation électrolytique, en parti-
culier les propriétés additives des éléments constituant
les solutions étendues (augmentation de volume résul-
tant de la neutralisation des acides par les bases,
couleur des solutions, chaleur de neutralisation des
bases par les acides, pouvoir rotatoire, etc.).
Les relations qui existent entre la pression osmotique
et l’abaissement du point de congélation des solutions,
entre la pression osmotique et l'élévation de leur point
d'ébullition, entre la pression osmotique et leur con-
ductibihté sont exposées avec beaucoup de clarté, ainsi
que les rapports trouvés entre la dissociation et l’acti-
vité chimique.
Le quatrième chapitre est consacré aux applications
de la théorie de la dissociation électrolytique. Des
développements sur les phénomènes électrolytiques y
occupent naturellement une très large place (vitesse
des ions, conductibilité, force électromotrice calculée
en fonction de la pression osmotique des ions, théorie
des piles, etc.).
Enfin les dernières pages contiennent l’application
de la théorie des ions à certaines questions de biologie
végétale et animale.
Én résumé, ce livre est un précis très approprié aux
besoins des étudiants qui désirent avoir une ‘connais-
sance générale de la dissociation électrolytique telle
qu'on la conçoit aujourd'hui. Nous ajouterons que les
rares formules mathématiques qu'on y rencontre se
réduisent à des expressions extrémement simples.
A. HOLLARD.
Chef du Laboratoire central
de la Compagnie française des Métaux
Leroy (Emile), Préparateur au Collège de France. —
Recherches thermochimiques sur les principaux
alcaloïdes de l'Opium. (Thèse de la Faculté des
Sciences de Paris). — 4 brochure in-8° de 60 pages,
Gauthier- Villars, imprimeur, Paris, 1900.
C'est un pur travail de Thermochimie qui, comme la
grande majorité des travaux de ce genre, est d'un
intérêt quelque peu restreint au point de vue des ré-
sultats touchant la constitution des corps. L'auteur a
déterminé les chaleurs de combustion et de formation
des six principaux alcaloïdes de l’opium (Morphine,
Codéine, Thébaïne, Papavérine, Narcotine, Narcéine).
Ces mesures confirment, par analogie, les relations
admises entre la codéine et la morphine d'une part, la
thébaïne et cette dernière base d'autre part. L'étude de
la chaleur de neutralisation des alcaloïdes par l'acide
chlorhydrique (chlorhydrate solide et dissous) permet
de les comparer au point de vue de la fonction basique.
L'auteur a, en outre, étudié, toujours au point de vue
thermique, les acides opianique, hémipinique et la
méconine. Il en résulte, comme on le sait déjà, que:
1° I] y a la même analogie entre la méconine et
l'acide hémipinique qu'entre la phtalide et l'acide
phtalique ;
2 L'acide opianique et l'acide hémipinique présen-
tent entre eux les relations d'aldéhyde à acide.
G. BLANC.
Docteur ès sciences.
BIBLIOGRAPHIE — ANALYSES ET INDEX
=
Fosse (Richard). — Contribution à l'étude du G-bi-
naphtol (T'hèse de la Faculté des Sciences de Paris\
— 1 hrochare 1n-8° de 72 pages. Jouve et Boyek,Me
éditeurs. Paris, 1900. E.
Ce travail est une étude d'ordre très spécial, quil
nous est impossible de résumer ici. On y trouve d'abon
un nouveau mode de préparation du binaphtol,-qui
consiste à oxyder une solution bouillante de $-naphtel
par l’acétate de cuivre, puis la description de quelqu
dérivés de ce corps, éthers, acétals ou autres, l'expo
d'un grand nombre d'essais infructueux, et enfi
une discussion qui conduit l'auteur à admettre
les deux restes naphtoliques du &-dinaphtoi sont un
par leurs carbones «. L. MAQUENNE,
Professeur au Muséum d'Histoire naturelle
Klôeker (Albert), Assistant au Laboratoire Carlsherg
à Copenhague. — Die Gärungs-organismen in d
Theorie und Praxis der Alkoholgärungsgewerb
— 1 vol. in-8° de 320 pages avec 147 figures. Mas
Waag, éditeur. Stuttgard, 1901.
M. Klôcker, lorsqu'il était assistant du Professe
Hansen, à Carlsberg, a dirigé les travaux des personn
qui viennent s'initier aux méthodes du grand sayanil
danois et chercher un modèle pour l'installation d'u
laboratoire industriel; comme les méthodes de Carls®
berg sont suivies universellement, M. Klôcker a youll
les faire connaitre dans leurs détails à tous ceux q
ne peuvent se rendre à Copenhague : chimistes, dis
lateurs, brasseurs, etc. ‘
Une première partie comprend l'installation générale
d'un laboratoire de bactériologie appliquée, étuves, mi
croscopes, ballons, etc., la préparation des milieux
culture, la description des méthodes. Comme appli
tion, le contrôle de la fabrication dans les diver
industries de la fermentation est indiqué d’une façol
claire et précise, et il en est de même de la manœuw
des appareils à culture pure de Hansen. ‘4
Une deuxième partie est consacrée à l'étude des fais
ments, et une classification nouvelle a le mérite de ral
procher les Mucorinées des levures alcooliques; l'étut
des levures elles-mêmes est donnée avec suffisamment
de détails, mais sans perdre de vue le caractère p
tique de l'ouvrage. Les faits exposés sont démontr
et l’on ne rencontre pas de discussions plus ou m0
académiques sur des points dont le praticien n'a nul
souci. Parmi les bactéries décrites, on a fait une sage
sélection, en ne donnant que celles intéressant
vraiment les industries de la fermentation, etavec leu
caractères essentiels. Enfin une bibliographie bien fai
termine le volume. ;
Cet ouvrage de M. Klücker frappe le lecteur parst
clarté et son style précis. L'auteur a voulu faire un
guide pratique pour les laboratcires industriels, il &
désiré que son livre fût sur la table et non dans un
bibliothèque, et il nous semble qu'il a pleinement
atteint ce but. P. PETIT,
Professeur à la Faculté des Sciences,
Directeur de l'Ecole de Brasserie de Nan@
3° Sciences naturelles
Queva (C.), Docteur ès sciences, Maitre de confi
rences de Botaniqueà la Faculté des Sciences de Lil
__ Contributions à l'anatomie des Monocotyléc
nées. /. Les Uvulariées tubéreuses.— 1 10]. in-80
162 pages avec 11 planches. (Travaux el mémoires de
l'Université de Lille, tome VII, Mém. 22.) Univen
de Lille, rue Jean-Bart, 4900.
M. Queva continue ses recherches sur lanatomié
comparée des Monocotylédones. Ce nouveau travail esb
une contribution à la connaissance des Liliacées
remarquables à tant d'égards. }
Les recherches de l'auteur ont porté sur les genres
Gloriosa et Littonia; plusieurs Gloriosa sont cultivés
dans nos serres en raison de la beauté de leurs fleurs:
Les Gloriosa superba el virescens, Littonia modesti
nt fait l'objet d'une étude approfondie avec des détails
ur le mode de végétation et une description morpho-
Jogique et anatomique des divers stades de développe-
ment jusqu'à l’état adulte. Pour comparer rigoureu-
sement les points éludiés dans des plantes et des
rganes de plus en plus âgés, M. Queva a pris la pré-
ution de déterminer exactement un certain nombre
niveaux qu'il a pris comme point de repère. C'est
me précaution qu'il convient de recommander aux
atomistes ; faute de la prendre, il leur arrive de com-
er ce qui n'est pas comparable et de signaler des
érences où il n'y a que des variations dues à l'âge
atif des organes étudiés.
Le tubercule des Uvulariées tubéreuses est annuel
chez les Gloriosa; il est situé à la base du troisième
entre-nœud de la tige; tous les tubercules que la plante
rme successivement ont la même valeur. Le premier
—tubercule du Littonia est un renflement situé à la base
lu second entre-nœud de la lige principale.
ca lise de ces plantes renferme des faisceaux simples
isposés sur deux rangs; l'externe fournit aux feuilles
rs faisceaux principaux; l'interne leur donne de
tits lobes supplémentaires. Les rameaux axillaires de
nflorescence s'insèrent très profondément sur le sys-
ème des faisceaux intérieurs de la tige qui supporte
inflorescence.
La feuille recoit de la tige deux sortes de faisceaux ;
iles uns ni les autres ne se terminent en pointe libre.
deuxième racine des jeunes plantes montre un
irieux exemple de raccourcissement. La surface se
lisse, la partie centrale se contracte longitudinalement
sous l'influence de celte traction, la plante pénètre
ans le sol. Les faisceaux concentriques qui se forment
e ceux de la tige ont la valeur d’anastomoses. Les
sceaux de la tige présentent toujours une zone cam-
le comparable à la zone cambiale des Dicotylédones ;
Queva en tire la conclusion qu'il est logique de con-
sidérer les Monocotylédones comme dérivant des Dico-
Ylédones inférieures. Les cristaux d'oxalate de chaux
se rencontrent à peu près toujours chez les Liliacées,
existent ni dans les deux Glor1osa étudiés, ni dans le
ittonia moresta.
Onze planches accompagnent ce mémoire; la lecture
en serait beaucoup plus facile si les figures étaient jux-
laposées au texte : c'est une habitude à recommander
ux jeunes anatomistes. Les maitres de l'Université de
e, dont les travaux sont justement appréciés,
evraient en donner l'exemple. E. Decrock.
s Chef des travaux
à l'Institut botanique de Montpellier.
éÉodoresco (E. C.). — Influence des différentes
radiations lumineuses sur la forme et la struc-
ture des Plantes. {Thèse de la Faculté des Sciences
de Paris). — 1 brochure in-8° de 122 p., avec 4 plan-
ches, Paris, Masson éditeur, 1900.
l'on a fait beaucoup d'efforts pour établir l'action
diverses radiations lumineuses sur les phénomènes
ssimilation, la lumière blanche a seule été étudiée
ans ses rapports avec la forme et la structure de la
nte. La méthode des spectres est pratiquement
plicable à des expériences de ce genre. C'est au
en d'écrans absorbants que, comme la majorité de
qui l'ont précédé, l'auteur les a réalisées. Malgré
défauts des verres colorés, c'est à eux qu'il a eu re-
ts; il se flatte d'avoir établi des écrans de verre
ge, bleu et vert ne laissant passer aucune radiation
Cherchons à synthétiser les conclusions de son tra-
1. La lumière verte est la plus défavorable au déve-
pement des plantes normalement pourvues de chlo-
hylle, les seules sur lesquelles aient porté les
périences de l’auteur. Elles y périssent rapidement,
Ppauvries par le défaut de production de la chloro-
lle, par le défaut d'assimilation: naturellement elles
ièrent une surface très faible: en somme l'étio-
ent est à peu près complet; il doit l'être puisqu'il
se produit ni verdissement ni assimilation.
BIBLIOGRAPHIE — ANALYSES E1 INDEX 341
C'est dans les radiations bleues et indigos que les
plantes poussent le mieux et présentent le maximum de
développement de tous leurs tissus, exception faite pour
la lumière blanche, bien entendu. Or, c'est dans les
lumières bleue et violette que la transpiration est le
plus énergique, que la croissance est le plus ralentie.
L'auteur à constaté que, dans ses expériences, le limbe
foliaire présente toujours le maximum de surface chez
les plantes exposées à la lumière bleue, qu'il garde les
dimensions minima dans le vert et des surfaces inter-
médiaires dans le rouge. Or ces surfaces sont en rai-
son directe de la transpiration.
Plusieurs auteurs ont affirmé depuis peu que la lu-
mière et surtout les radiations les plus réfrangibles du
spectre interviennent pour favoriser la réduction des
azolates et la production des substances albuminoïdes
dans la plante. L'auteur y voit une des causes du bon
état de ses cultures soumises aux radiations bleues.
Si l'on ajoute que les rayons verts sont nuisibles à
l'action des diastases, on comprend que toutes les in-
fluences s’additionnent pour empêcher le développe-
ment et amener la mort rapide des plantes qui ne re-
coivent que des radiations vertes.
En somme, il est fort peu question de la structure
dans ce travail, mais du développement général de la
plante dans ses rapports avec les radiations.
C. FLAHAULT.
Professeur de Botanique
à l'Université de Montpellier.
De Rouville (Et.); Chef des Travaux de Zoologie à
l'Université de Montpellier. — Du Tissu conjonctif
comme régénérateur des Epithéliums. — (7hèse
de la Faculté des Sciences de Paris). —1 vol. in-8° de
160 pages avec 11 planches. Delord-Bæhm et Martial,
imprimeurs. Montpellier, 1900.
Dans cette thèse, M. de Rouville a étudié les sujets
suivants : l'intervention des cellules conjonctives pour
régénérer normalement l’épithélium sus-jacent, la
valeur comparative de l’amitose et de la mitose, la
signification de la membrane basale et enfin la question
de la spécificité des feuillets. C'est peut-être beaucoup
à Ja fois.
Sur des coupes d'organes variés, intestin de Crustacés,
Insectes et Vertébrés, vessie urinaire, urelère el utérus,
M. de Rouville a cru reconnaitre que, par places, les
cellules conjonctives sous-jacentes à l'épithélium péné-
traient à la base de celui-ci pour y constituer des cel-
lules de remplacement ; mais, comme il se base à peu
près uniquement sur la ressemblance qu'offrent dans
ses coupes les noyaux conjonctifs et ceux des cellules
basales de l’épithélium, on ne trouvera peut-être pas
cet argument suffisant pour entrainer la conviction.
Quant aux fusées conjonctives qui pénétreraient dans
l'épithélium, il est probable que ce sont des coupes plus
ou moins tangentielles de faisceaux musculaires allant
s'insérer sur la cuticule et passant à travers la couche
épithéliale.
A propos de l'amitose, M. de Rouville en observe
d'assez nombreux exemples dans des épithéliums et
dans le tissu conjonctif; il pense que ce mode de divi-
sion peut très bien se présenter dans des cellules jeunes
et actives, et n’a donc pas de signification dégénérative.
A coup sür, les sujets étudiés par M. de Rouville sont
d'un haut intérêt, mais très difficiles comme toutes les
questions de Cytologie générale, et il ne me paraît pas
qu'il les ait abordés avec une éducation technique suf-
lisante, malgré son séjour dans les Universités de
Leipzig et de Munich; ses figures ont un aspect sché-
matique et ses épithéliums cylindriques une admirable
régularité qui rappellent plutôt les travaux d'il y a vingt
ans que la scrupuleuse exactitude de la Cytologie
moderne. Il est possible que les idées soutenues par
M. de Rouville soient exactes, bien qu'elles aillent à
l'encontre des opinions reçues, mais je doute que son
travail suffise à les faire accepter par les cytologistes.
L. Cuénor,
Professeur à l'Université de Nancy.
Buior (Paul), 2rofesseur à la Faculté des Sciences de
Jassy. — Contribution à l'étude de la Faune des
Lacs salés e Roumanie. Extrait des Annales scien-
tifiques de l'Université de Jassy, tome I, 2° fase.)
— lnprimerie « Dacia», P. Ilieseu et D. Grossu.
Jassy, 1900,
Dans ce travail sur les lacs salés de la Roumanie,
M. Bujor a cherché à déterminer les conditions physi-
ques qu'ils présentent pour le développement de la vie
et des espèces animales et végétales qu'on y rencontre.
Ses analyses montrent que ces lacs sont, pour la plu-
part, fortement minéralisés et d'une très riche teneur
en chlorure de sodium (chlore, 23,29519; sodium,
14,312300).
L'acide sulfurique (combiné) y existe en quantité
notable (anhydride sulfurique, 2,574820).
Ces eaux déposent un limon d'une richesse saline
extraordinaire, où le chlorure de sodium est à la teneur
de 36,40330, la silice de 572,90 et l’oxyde d'aluminium
de 125,90.
Cette extrème richesse saline élimine de ces lacs une
grande partie des représentants des faunes lacustres
ordinaires de l'Europe. Par contre, on y trouve en abon-
dance un petit crustacé phyllopode rougeûtre,l'Artemia
salina, et aussi un protozoaire flagellé, le Clamydo-
monas dunali, très caractéristique de tous les lacs salés
de l’Europe.
Les classes les plus représentées sont celles des Crus-
tacés et des Protozoaires. Parmi les Crustavés, les formes
dominantes sont celles des types dégradés.
L'auteur a fait sur quelques-uns de ces animaux
cette observation très intéressante que, transportés dans
une eau de plus en plus riche en sel, les Branchipus,
qui vivent ordinairement dans l’eau douce, peuvent
s'adapter au nouveau milieu en s'acheminant progres-
sivement vers l'Artemia salina; et que, d'autre part,
cette dernière espèce, transportée pendant plusieurs
générations dans des eaux de salinité décroissante,
arrive à donner des formes voisines de celles du
Branchipus normal.
Quant à la flore, elle ne comprend guère que des
Algues.
M. Bujor termine son Mémoire par l'indication des
maladies sur lesquelles les eaux précitées exerceraient
un effet curatif : scrofules, rhumatismes (mais non
l'articulaire), maladies du système nerveux, de la peau,
de l'utérus et de ses annexes. ÉX0E
4° Sciences médicales
Ménard (V.), Chirurgien de l'Hôpital Maritime de
Berck-sur-Mer. — Etude pratique sur le Mal de
Pott. —1 vol. in-8° de 452 pages avec 205 figures
(Prix : 12 fr.). Masson et Ci, éditeurs, Paris. 1901.
Depuis quelques années, une série de travaux s'occu-
pant particulièrement du traitement opératoire du mal
de Pott ont été communiqués à diverses Sociétés sa-
vantes et ont rappelé l'attention sur cette maladie si
fréquente et si grave. Placé dans un centre des plus
importants pour l'étude de cette affection, à l'hôpital
que l’Assistance publique de Paris entretient à Berck,
M. Ménard était placé mieux que qui que ce soit pour
faire des recherches sur ce point; cent quatre-vingts lits
de l'établissement sont en effet occupés par des enfants
atteints de maux de Pott. C’est dire la richesse de ma-
tériaux que possède le Dr Ménard.
Dans le livre qu'il nous présente aujourd'hui, Ménard
s'occupe spécialement du traitement. Mais n'oubliant
pas que, pour qu'un traitement soit scientifiquement
recommandable, il faut qu'il s'appuie sur une anatomie
pathologique précise, l'auteur reprend l'étude de cette
anatomie pathologique et lui consacre plus des deux
tiers de l'ouvrage.
Il est impossible d'analyser cette partie; c'est une
accumulation de faits qu'il faut lire et qui nous don-
nent successivement les caractères généraux du foyer
BIBLIOGRAPHIE — ANALYSES ET INDEX
tuberculeux du rachis, de l'inflexion vertébrale, des
abcès tuberculeux, des altérations du canal rachidien
et de la moelle, enfin des phénomènes de réparation-e
de consolidation du rachis dans le mal de Pott.
Le chirurgien consultera surtout avec intérêt le cha
pitre qui a trait aux inflexions du rachis, où l’on trou
un grand nombre de recherches personnelles sur lésM
inflexions normales, sur les gibbosités expérimentales
envisagées successivement dans les différentes régions
sur l'étude d'une série de pièces pathologiques d
flexion. M. Ménard insiste sur ce fait que l'inflexi
reste rarement incomplète, et que tôt ou tard le cont1@
finit par s'établir entre les deux segments (on appelle
inflexion incomplète celle où il existe un interv
entre les deux segments qui ne sont pas parvenusau
contact, une force résistante, autre que les corps verté
braux, s'opposant à la déviation).
L'étude des phénomènes de réparation et de cons
lidation du rachis fournit aussi des constatations impo
tantes. ù ÿ
L'évolution complète du mal de Pott, aussi biend
la période destructive que de la période de réparation
est très longue; c’est par années qu'il faut chiffre
durée de Ja maladie.
La consolidation commence par une ankylose
arcs postérieurs où il n'y a généralement pas
foyer tubereuleux, et où l’on trouve simplement d
lésions d’irritation de voisinage; plus tard se faitMlé
réparation antérieure par soudure fibreuse , puis
osseuse, sans hyperostose périostique. Jamais le cal nd
de grandes dimensions, et pour M. Ménard riens
prouve qu'un cal néoformé puisse empêcher l'inflex
de devenir complète. {
Tous ces points d'anatomie pathologique sont, comm
nous le verrons dans un instant, importants à com
naître au point de vue du traitement.
Nous ne dirons rien des chapitres qui ont trai
l'étude des symptômes et du diagnostic, de manière
arriver immédiatement au traitement. 3
M. Ménard est éclectique : suivant les cas, il recourt
la méthode ambulatoire, dans laquelle l'enfant march
soutenu par un appareil, ou à la méthode de rep
dans laquelle le decubitus dorsal occupe la place pri
cipale. D'une manière générale, il nous a semblé q
M. Ménard avait tendance à élargirles indications del
méthode de repos qu'il pratique en fixant l’enfant su
un petit matelas, lui-même placé sur une planche
Placant sousle matelas une cale, il exagère l'extension
des deux segments rachidiens, supérieur et inférie
dans le voisinage du point malade, et supprime ainsiMle
rôle si néfaste de la compression du segment supér
sur le segment inférieur de la colonne, évitant ain
les ulcérations compressives.
La manière de confectionner les corsets, le trait
ment des abeès, de la paraplégie sont autant de points
décrils avec minutie.
Enfin, l’auteur aborde la question si discutée di
redressement de la gibbosité pottique. La gravité dece
redressement forcé et la possibilité de la rupture dé
poches d’abcès, jointes à ce fait que jamais il n
produit de cal intersegmentaire, d'hyperostoses eur
tives, sont autant de raisons qui font qu'actuelleme
cette méthode, autour de laquelle on a fait grand br
doit être délaissée. M. Ménard publie, du reste, u
série de cas de récidives après redressement, une
l'appareil plâtré enlevé. « Aucun fait, dit-il, n’a démo
tré un avantage du redressement de la gibbosité. »
Telle est, dans ses grandes lignes, l'analyse de @
livre intéressant par l'expérience considérable de l'au
teur. Si nous ajoutons que de nombreuses figures, plul
de deux cents, toutes personnelles, éclairent les: des
criplions et en facilitent la compréhension, on com
prendra que nous disions en terminant que tous &
qui s'intéressent à l'étude du mal de Pott doivent,
cet ouvrage. Dr HENRI HARTMANN,
Professeur agrégé à la Faculté
Chirurgien de l'Hôpital Laribois
ACADÉMIES ET SOCIÉTÉS SAVANTES
343
i ACADÉMIE DES SCIENCES DE PARIS
| Séance du 18 Mars 1901.
L'Académie procède à l'élection d'un membre dans
la Section de Géométrie, en remplacement de feu
Ch. Hermite. M. Humbert est élu.
10 SCIENCES MATHÉMATIQUES, — M. E. Guyou propose
une nouvelle méthode qui permet de déduire la latitude
dun navire d'un certain nombre d'observations de
hauteurs circumméridiennes. — MM. Ch. André et
MLuizet discutent les valeurs de la période de varia-
ion lumineuse d'Eros obtenues par divers observateurs.
sconcluent que cette période ne saurait différer beau-
p de 5 h. 16 m.; elle n'est pas moitié moindre, car
deux branches de la courbe diffèrent par la forme,
l'écartement et par les éclats des minima. Eros est
onc bien une planète double, — M. P. Cousin com-
nmunique quelques théorèmes relatifs aux zéros des
fonctions entières de n variables. — M. H. Duport pré-
te un mémoire sur la loi de l'attraction universelle,
s lequel il étudie les actions mutuelles des atomes
solides considérés comme des êlres de raison; il est
ainsi conduit à appliquer aux systèmes d’atomes le
principe de la moindre action. — M. Ribière étudie les
ibrations des poutres encastrées. Il met en évidence le
ger bien connu des charges rhytmées dont la pé-
e coïncide avec celle de l’une des vibrations propres
dela poutre. On doit donc s'attacher dans les cons-
actions à n’employer que des pièces dont les vibra-
is propres aient une période très courte qui rende
btte coïncidence impossible. — M. P. Duhem poursuit
étude de la propagation des discontinuités dans un
uide visqueux. Si l’on admet son hypothèse relative à
d viscosité, il s'ensuit qu'une surface de discontinuité
depeut se propager dans un fluide visqueux. Dans le
contraire, on arrive à une généralisation facile de la
orie de Riemann et de Hugoniot. — M. E. Jougnet
tudie la propagation des discontinuités dans les fluides
Hi se basant sur les principes de l'Energétique, et il
rive à démontrer les formules de Riemann-Hugoniot
our des ondes de forme quelconque. Sa méthode s’ap-
ique sans difficulté aux fluides qui sont le siège de
factions chimiques. — M. L. Marchis démontre que
“principe de Garnot-Clausius, sous la forme du dia-
amme entropique, ne peut s'appliquer à la représen-
on des res de chaleur dégagées ou absorbées
le fluide évoluant dans une machine à vapeur, et
cette application, faite par beaucoup d'ingénieurs,
onduit à des résultats erronés.
© SCIENCES PHYSIQUES. — M. C. Vallée a constaté que
ide sulfurique, additionné d'alcool absolu et mis en
nce de carbonate de chaux, réagit lentement sur
rnier, mais que la neutralisation est complète au
tde quelques mois. Il en est de même avec l'acide
ique. L'addition d'eau provoque un accroissement
a vitesse de neutralisation. — M. C. Chabrié a pré-
é à l'état pur un certain nombre de composés peu
nus du cæsium : le bromure CsBr, l'iodure Csl, le
uorure CsF], le chromatre neutre Cs°CrO* et le bichro-
e Gs*Cr°07. — M. P. Lebeauétablit l'existence, dans
ferrosiliciums industriels, des siliciures SiFe*,SiFe
Fe, composés qu'il a obtenus à l’état pur et cris-
isé. La siliciuration du fer par les procédés électro-
tallurgiques peut avoir, suivant la nature des matières
mières employées, deux limites correspondant à la
formation des composés SiFe et S°Fe. — MM. Tissier
ëGrignard ont étudié l’action des chlorures d'acide
des anhydrides d’acides sur les composés organo-
Iliques du magnésium. Dans les deux cas, il se pro-
ACADÉMIES ET SOCIÉTÉS SAVANTES
DE LA FRANCE ET DE L'ÉTRANGER
duit, après trailement à l’eau, des carbinols : R.R'*:C.OH.
Les auteurs ont préparé ainsi le triméthylcarbinol, le
diméthylphénylcarbinol. — M. M. Guerbet a fait réa-
gir l'alcool caprylique sur son dérivé sodé, et a obtenu
les alcools dicaprylique et tricaprylique; ce sont des
| alcools secondaires comme l'alcool caprylique lui-même,
et la soude formée ne réagit plus sur eux pour donner
les acides correspondants, comme elle le faisait dans le
cas de l'alcool œnanthylique. — M. de Forcrand à
mesuré les tensions de vapeur et les chaleurs de vapo-
risation du glycol éthylénique. Il à aussi constaté qu'il
se combine avec l'eau pour former un hydrate de for-
mule C*H°0°,2H°0, dont la chaleur de formation est
très faible : environ 01,60. — M. E. Baud a fait l'étude
thermique du composé AlCF,1SAzH*. On a :
AËCI sol. + 18 AzHS gaz — Al°CI, 18 AzH° sol. + 317,85 cal,
Il a également déterminé les {ensions de dissociation
à 0°, à — 100,7, à — 229,3 et à — 37°. — M. A. Wahl a
étudié l’action de l'acide nitrique sur trois dérivés de
l’acrylate d'éthyle : le crotonate, le tiglate et l'isolau-
ronolate d’éthyle; dans les trois cas, il se forme un
nitrate, mais pas de dérivé nitré. L’éther acrylique est
donc le seul corps de cette série avec lequel on ob-
tienne un dérivé nitré. — M. R. Fosse montre que l’un
des produits obtenus .par Rousseau en appliquant au
G-naphtol la réaction de Reimer et Tiemann, et désigné
par lui sous le nom de binaphtylène-alcool, est en réa-
lité un dérivé du trinaphtylméthane, le naphtylol-
uaphtyl-oxynaphtyl-méthane :
Core
OIL.CHS.CHS NO.
; Nour
M. F. March, en faisant réagir la soude sur le 6£-
diacétylpropionate d’éthyle, a obtenu de l'acide acétique
et de l'acide lévulique. L'action du chlorhydrate de semi-
carbazide donne la semi-carbazone normale et une autre
qui est l'urée du diméthylpyrazoléthanoate d'’étyle.
L'hydroxylamine donne le diméthyloxazoléthanoate
d’éthyle, à partir duquel on prépare facilement l'acide
correspondant et ses sels métalliques. — M. J. Derôme
a reconnu que l’acétonedicarbonate d'éthyle mono-
cyané, qui se forme dans l'action du chlorure de cya-
nogène sur l'acétonedicarbonate d'éthyle, donne des
dérivés de substitution alkylés qui correspondent à
sa forme énolique CO*.C*H°.C(CAz):COH.CH*.CO*C*H5.
— MM. L. Bouveault et A. Bongert ont préparé, par
action du chlorure de butyryle sur le sodacétylacétate
de méthyle, un mélange de c- et d'o-butyrylacétyla-
célates de méthyle isomères, qu'on sépare par disso-
lution du premier dans le carbonate de soude. Le
premier est hydrolysé par l'eau en donnant la butyryl-
acétone et par les alcalis en butyrylacétate de mé-
thyle; le second est dédoublé par la potasse en acétate
et butyrate de potasse et alcool méthylique; il donne
avec AzH° de la butyramide et de l’acétylacétate de
méthyle. — M. H. Pottevin a reconnu que le gallo-
tannin est un glucoside de l'acide digallique. En même
temps il a conslaté que la tannase possède la propriété
de dédoubler les éthers-sels des acides organiques et
certains glucosides. — M. L. Grimbert, en cultivant le
Bacillus tartricus dans une solution de glucose ou de
saccharose, a observé la production d'acétylméthyl-
carbinol, réduisant la liqueur de Febling, et facilement
identifiable au moyen de son osazone. Le B. coli, le
bacille d'Eberth et le pneumobacille de Friedländer ne
produisent pas ce dérivé.
30 ScreNCEs NATURELLES. — MM. Albert Robin et Mau-
rice Binet ont observé que les échanges respiratoires
sont beaucoup plus élevés chez les phtisiques que chez
les individus sains. Ce phénomène pourrait servir d'élé-
ment de diagnostic. Il tendrait à montrer que la tu-
berculose est une maladie consomptive. — M. Aug.
Charpentier rappelle que dans la conduction lente par
le nerf il s'ajoute une réaction électrique propre de ce
nerf, sans doute par un phénomène spécial de réso-
nance. Le phénomène connu sous le nom de variation
négative paraît être, sinon toujours la phase initiale,
au moins une phase de début de la réaction électrique
du nerf. L'auteur donne une méthode qui permet de
recueillir cette réaction, et, par suite, sa phase plus
frappante de variation négative, sur le nerf en place et
uon lésé. — M. A. Imbert a étudié les déplacements
des opacités intraoculaires qui se produisent lors des
changements d'orientation du globe; l'observation de ce
phénomène peut donner des indications sur les défor-
mations internes du corps vitré et ses changements de
consistance. — M. P. Vignon a poursuivi ses recherches
cytologiques sur quelques types d'Ascidies, et étudié
spécialement les cellules vibratiles et les cellules sécré-
tantes. — M. H. Devaux a reconnu que : 1° les plantes
phanérogames ou cryptogames sont empoisonnées par
des solutions de sels de plomb ou de cuivre diluées à
quelques dix-millionièmes ou moins encore; 2° le métal
est à la fin fixé par toutes les parties de la cellule,
mais d'une facon inégale : ce sont d’abord ou exclusi-
vement la membrane, puis le noyau et le nucléole,
enfin le protoplasma. — M. L. Beulaygue a constaté
que : 4° à l'obscurité les fleurs éclosent, le plus souvent,
plus tard qu'en pleine lumière; 2° la couleur des fleurs
subit, en général, à l'obscurité, une diminution d’in-
tensité qui est très légère pour certaines fleurs, assez
sensible pour d’autres, et qui, pour quelques-unes, peut
aller jusqu'à la décoloration complète; 3° les fleurs
développées à l'obscurité sont, en général, de dimen-
sions moindres que celles des fleurs développées à la
lumière; par contre, les pédicelles sont parfois plus
développés, mais le poids total est, en général, infé-
rieur. — M. P. Ledoux à reconnu que les pétioles
aplatis des Acacias jouent complètement, au point de
vue physiologique, le rôle de feuilles normales. Ils s'en
distinguent par quelques disposilions spéciales qui ont
pour effet, les unes de s'opposer à une transpiration
trop active, les autres d'emmagasiner dans la plante la
plus grande quantité d’eau possible. — M. H. Arc-
towski a observé que les icebergs tabulaires, qui sont
plutôt rares dans les régions arctiques, se trouvent, au
contraire, en grand nombre dans les régions antarc-
tiques. Louis BRUNET.
ACADÉMIE DE MÉDECINE
Séance du 12 Mars 1901.
M. El. Metchnikoff, à propos de la discussion sur
l’'appendicite, signale que, dans un grand nombre de
cas de cette maladie, on a observé la présence de vers
intestinaux, et que la maladie a cédé à l'application
d’un vermifuge. Il conclut que, dans tous les cas sus-
pects d’appendicite, il faut pratiquer l'examen helmin-
thologique des matières fécales ; daus tous les cas où il
y aura possibilité de le faire, appliquer le traitement
vermifuge avec de la santonine contre les ascarides ou
du thymol contre le trichocéphale. — M. Cornil signale
un cas de péritonite infectiéuse à streptocoques, avec
hématémèse très abondante, ayant causé la mort. —
— M. le D' Golosceano lit un mémoire sur l'emploi
d’un instrument dit otophynter, pour le lavage de l'oreille.
SOCIÉTÉ DE BIOLOGIE
Séance du 9 Mars 1901.
M. G. Weiss a constaté que, dans l'excitation des
nerfs et des muscles, il y a une durée d’excitalion plus
favorable, c’est-à-dire exigeant pour obtenir la secousse
minima une moindre dépense d'énergie. — M. G. Weiss
ACADÉMIES ET SOCIÉTÉS SAVANTES
jouissant d'aucune propriété toxique, et n’empêchant
donne la description d’un interrupteur balistique pour
expériences physiologiques. — M. E. Hédon a obtenu,
par injection intrapéritonéale de levure au lapin, un
sérum agglutinant la levure à doses élevées, mais ne
pas la fermentation. — M. A. Billet décrit un hémato=
zoaire endoglobulaire trouvé dans le sang d’une espèce
de Z'rionyx du Haut-Tonkin. — M. S. Maziarski a étu-
dié la structure des néphridies des Vers de Terre; elles
se composent de deux parties, l’une qui peut être com-
sidérée comme une glande, un rein très primitif, l'autre
comme une vessie, — M. Rispal a observé, dans trois
cas d'abcès dysentériques du foie, une leucocytose
légère ou nulle, au lieu de l’hyperleucocytose signalée
par M. Boinet et M. Maurel. Ce caractère n’a done
aucune valeur pour le diagnostic différentiel des abcès.
de foie. — M. R. Dubois : La photographie de l’invi=
sible. Réponse à M. Le Bon. — M. G. Loisel a fait des
observations analogues à celles de M. Regaud sur Im
chromatine nucléaire, mais ne pense pas que ces cons=
fatations permettent de dire que la chromatine ne doit
plus être considérée comme le substratum de l’hérédité
— M. J. Girard a observé chez une enfant opérée pou
péritonite la présence de deux trichocéphales dans
l'appendice. — MM. L. Marchand et C1. Vurpas décri=
vent les lésions de la moelle dans un cas de méningo=
myélite expérimentale chez le chat. —M. FX. Mesnila
observé un cas de régénération de la partie antérieure
du corps et de la trompe chez une Sy{lis gracilis dont
ilne restait qu'un fragment de la partie moyenne d
corps, composé de huit sétigères. — M. F. Mesnil
signale un nouveau cas de viviparité chez un Syllidien,
qui montre que la viviparité, chez les Annélides poly=
chètes, est liée à la parthénogenèse. — M. F. Mesnil
montre l’étroite parenté des Annélides polychètes d'eau
douce, sibériennes et américaines, entre elles d'une
part, et d'autre part avec une forme d’estuaire el des:
formes franchement marines. — MM. Sabrazès el
Fauquet ont reconnu que l'alimentation exclusive pat
le lait, prolongée pendant plusieurs semaines, conlère.
à l'urine la propriété de laquer les globules rouges;
cette propriété est en rapport avec l'hypochlorurie. ==
M. H. Vincent signale deux cas de cystite hémorra=
gique due au bacille d'Eberth, qui se sont présentés a
déclin de la fièvre typhoïde. — MM. A. Gilbert eh
P. Lereboullet ont observé qu'au cours des affections
hépatiques aiguës ou chroniques il peut y avoir uw
retard dans l'élimination aqueuse des urines (opsiurie),
que l'examen fractionné met en lumière. Ce retard
parait dù au retard de l'absorption aqueuse au niveau
de l'intestin, dû à l'hypertension portale, et peut per
mettre de juger de l’état de la perméabilité hépatique
—- Les mêmes auteurs ont constaté dans l'ictère une
inversion du rythme colorant des urines due au pas
sage en plus grande abondance des pigments biliaires
dans l'urine au moment de la période digestive.
Entin, les mêmes auteurs montrent que le caractère
essentiel de l’ictère acholurique est une imprégnation
jaunâtre des téguments avec cholémie, mais sans cho
lurie cliniquement appréciable. — M. L. Meunier
donne une nouvelle technique opératoire pour le dosage
de l'acide chlorhydrique libre dans le suc gastriques
basée sur une combinaison des procédés de Gunzhourg
et de Mint{z.
SOCIÉTÉ FRANÇAISE DE PHYSIQUE
Séance du 15 Mars 1901.
M. B. Brunhes a été conduit à étudier systéma-
tiquement la durée d'émission des rayons Rüntgen:
par des expériences entreprises en vue de détermine
la vitesse de propagation de ces rayons. Il utilisait
l'action des rayons X sur les potentiels explosifs statis
ques, en essayant de synchroniser, par une émission
de rayons X, deux étincelles éclatant à deux micro=
mètres indépendants reliés à deux machines électrosta=
tiques. L'une de ées étincelles est une étincelle primaire,
ACADÉMIES ET SOCIÉTÉS SAVANTES
545
et la décharge secondaire correspondante charge el
“décharge dans un instant très court un condensateur
de Kerr à sullure de carbone, disposé comme dans les
expériences de MM. Abraham et Lemoine. L'autre étin-
celle sert de source lumineuse éclairante. En faisant
varier de 15 centimètres à 80 centimètres la distance
des deux micromètres, on modifie la grandeur de la
biréfringence observée, et si le phénomène était aisé à
Saisir, il serait facile d'en déduire le temps écoulé entre
larrivée de l'onde des rayons X au premier et au second
micromètre. Malheureusement, il arrive (rès rarement
que la synchronisation soit parfaite, et cela parce que
Vémission de rayons X n'esl pas instantanée, comme
une étincelle, mais dure un temps très mesurable. Pour
mesurer ce temps, M. Brunhes dispose un tube de
Grookes à 30 centimètres environ d'un disque de tôle percé
de trous. Le disque à 50 centimètres; les trous sont
distribués suivont des rayons ; ils ont 4 millimètres de
diamètre. Quand on fait tourner ce disque et qu'on
observe l’image obtenue sur un écran fluorescent placé
derrière, on observe que les trous s’allongent par le
mouvement : ils prennent l'aspect d'ovales, dont le
grand diamètre augmente avec la vitesse de rotation.
M. Bruuhes présente à la Société des photographies
obtenues avec le disque au repos et avec le disque en
mouvement. Les vitesses réalisées ont atteint 2.000 tours
par minute, ce qui donne, pour la vitesse linéaire des
trous, jusqu'à 45 mètres par seconde. L'étude des obser-
valions à l'écran et des radiographies conduit à des
de
AA 4 I
durées d'émission comprises entre —— et
+ Ex Sec) 9.000 ‘12.000
seconde. M. Brunhes s’est demandé si le courant de
décharge qui traverse un tube de Crookes était a//ongé
bar le passage à travers ce tube. Pour répondre à cette
question, il a intercalé, en série avec le tube, un micro-
mètre à étincelles ; et il a photographié l'ombre portée
par cette étincelle à travers les trous du même disque,
d'abord au repos, puis en mouvement. Les photographies
qu'il présente montrent un aspect identique de ces
mbres, que le disque soit au repos ou amené à une vi-
tesse de 2.000 tours à la minute. La durée de l’étincelle
reste donc inappréciable par cette méthode d'observation
alors que la durée d'émission des rayons X par le tube
ui est en série avec elle dure environ d
( sr à re ——— de
| 10.000
seconde. Dans quelques cas, l'étincelle a paru être
Vacillante ; et a l’on reconnu sur le cliché, outre les
mages des trous donnés par l'étincelle principale, des
rous plus pâles déplacés par rapport aux premiers,
Mais à bords également nets. Les radiographies
Gorrespondantes ont, au contraire, constamment donné
bour/chaque trou une image unique et allongée. M. Colar-
deau, qui avait eu l'occasion de photographier à travers
ün disque tournant percé d'une fente étroite, était arrivé
à des résultats notablement différents. Il présente à la
ociété des clichés qu'il n'avait pas publiés jusqu'ici, et
ui semblent indiquer qu'une émission de rayons X
Bst composée en général d'une série d'émissions succes-
Sives correspondant à des oscillations de décharge,
hacune des émissions étant d'ailleurs instantante,
{: Brunhes ne conteste pas que, dans des conditions
Gonvenables, on puisse obtenir une émission oscillante
le rayons X. Mais, dans les conditions où il s’est placé,
le tube excité par une bobine d’induction modèle
ucretet, ou ancien modèle Rubhmkorff, sans conden-
eur sur le secondaire, et avec ou sans micromètre en
ie, — il a eu constamment une émission unique,
b durant un temps appréciable, hors de proportion
ee la durée d'une étincelle mise en série avec le
Wbe et étudiée à l'aide du méme disque tournant. M
it observer qu'il a réalisé des vitesses absolues très
Supérieures à celle de M. de Colardeau. Selon lui, si le
fourant de décharge reste uniforme, c’est que lemoment
où éclate l’étincelle est celui où les projectiles gazeux
attirés vers la cathode du tube de Crookes viennent la
rapper et se charger négativement : alors commence
REVUE GÉNÉRALE DES SCIENCES, 1901,
l'émission des rayons cathodiques lancés sur l’antica-
thode, ef, comme un pareil faisceau s’allonge en chemin
(expériences de Majorana), il s'écoule un temps fixé
entre le commencement et la fin de l'émission de
rayons X par l’anticathode. La divergence des résultats
obtenus par divers observateurs montre seulement que
cette explication a besoin d'être étayée par de nouvelles
expériences. — Après avoir fait circuler un petit appa-
reil, imaginé par M. Abbe pour montrer qu'une source
lumineuse émet plus de lumière dans le verre que dans
l'air, M. Culmann présente 4 réfractomètres, construits
par la maison Zeiss, à Iéna. 1° Un nouveau modèle du
rélractomètre d'Abbe, muni d'un dispositif permettant
de chauffer les prismes et de les maintenir à tempéra-
ture constante, L'appareil est à lec- :
ture directe; il permet l'emploi de
la lumière blanche, et mesure les
indices compris entre 1,3 et 1,7 avec
une exactitude qu'on peut estimer à
environ 2 unités du quatrième chif-
fre décimal, 2° Aéfractomètre de dé-
monstration. C'est un réfractomètre
d’Abbe, destiné aux manipulations
de Physique. Toutes les données
nécessaires pour le calcul des in-
dices se déterminent sur l’instru-
ment lui-même. 3° Jéfractomètre à
immersion. Imite pour ainsi dire le
thermomètre ou l'aréomètre, et per-
met de mesurer l'indice d’un liquide
aussi commodément qu'on mesure
sa température ou son poids spéci-
fique. Le prisme P (fig. 4) est immer-
gé dans le liquide à étudier, qu'on
éclaire par le bas au moyen du
miroir M. Le verre du prisme doit
être plus réfringent que le liquide.
Soit alors ABC le rayon qui frappe
le prisme sous l'incidence rasante.
IL est réfracté une première fois en
C, une deuxième fois en D, et sépare
une plage claire d’une plage obs-
cure. Le phénomène est observé à
l'aide d'une lunette O0, qui fait
corps avec le prisme. Ayant détre-
minué sur l'échelle micro-
métrique B' la limite entre
les deux plages, il n’y a qu'à
consulter une table pour
obtenir l'indice. Le prisme
à vision directe F sert à
achromatiser la limite. L’er-
reur des mesures n'atteint
pas une demi-unité du qua-
trième chiffre décimal. En
revanche, l'échelle est as-
sez restreinte, les valeurs
de l'indice devant étre comprises entre 1,325 et 1,367.
4 Réfractomètre à angle variable (fig. 2). Le liquide à
examiner L affecte
la forme d'un pris-
me à angle varia-
ble. Une des faces
AB de ce prisme
est fixe; elle est
formée par le fond
du vase qui con-
lient le liquide.
L'autre face CD
est mobile ; elle Fig. 2. — Réfractomètre à angle va-
est constituée par riable. — À, B, fond de la cuve; L,!
/
/
/
ARS 7
M
Fig. 1. — Réfractométre à
immersion. — M, miroir;
P, prisme; À, B, C, D,
rayon lumineux; F, pris-
me achromatique; O, O0",
lunette.
la base plane liquide constituant;le prisme: V,
d'une espèce de cylindre viseur.
cylindre tronqué
en verre V qui fait corps avec un viseur. Tout se
passe comme si le rayon limite, dessiné en pointillé
sur la figure, pénétrait directement sous l'incidence
7
346
-rasante de l'air dans le prisme L. Si nous désignons
par » l'indice du liquide, 2 sin « est donc égal à 4. Pour
faire une mesure, on amène la croisée des fils du viseur
sur le rayon limite. Les faces planes du cylindre V étant
perpendiculaires à l'axe du viseur, le rayon limite les
traverse normalemeut. L'angle « est, par conséquent,
donné par l'inelinaison du viseur, qu'il suffit de mesurer
pour obtenir l'indice du liquide : 7 = cosec «. L'instru-
ment exige l'emploi d'une lumière homogène. Il donne
une moins grande précision que le réfractomètre d’Abbe,
mais permet d'étudier des liquides plus réfringents.
— Au nom de M. Damien, M. Sagnac présente des expé-
riences relatives aux interférences secondaires dans
les lamés cristallines. Ces expériences sont exécutées
devant la Société par M. Pellin qui à construit un ap-
pareil à cet effet. Elles sont relatives à la lumière pa-
rallèle. — 1. On sait qu'en lumière parallèle, entre
deux nicols croisés, une lame de quartz parallèle à
l'axe, dont une face a élé creusée sous forme de calotte
sphérique (cuvette de Biot), donne des anneaux de
polorisation chromatique dont le maximun d'éclat est
obtenu lorsque la section principale de la cuvette Q
fait 45° avec celle de chacun des deux nicols. Une se-
conde cuvette Q’, identique à la première, lui est exacte-
ment superposée, sa section principale croisée avec
celle de la première. La lumière est éteinte dans tout le
champ. On écarte alors les centres des deux cuvettes
perpendiculairement au faisceau lumineux. La lumière
reparaît aux bords du champ sous forme de franges
colorées d’abord extrêmement larges qui s’avancent
vers le centre en se resserrant aulour d’une frange
centrale noire de plus en plus fine. Ce sont les franges
secondaires de différence, définies par le lieu des points
où la différence des épaisseurs des deux cuvettes de
quartz est constante. Elles sont rectilignes et perpen-
diculaires à la ligne des centres des deux cuvettes
supposées identiques. Le système des deux cuvettes
fonctionne alors comme un compensateur de Babinet,
mais avec l'avantage de donner des franges d'intervalles
coutinüment variables à volonté, — 2. Les cuvettes
Q et Q' étant superposées et croisées (extinction), on
tourne () de 90°. Les sections principales étant main-
tenant parallèles, on obtient des franges d'addition
(anneaux deux fois plus serrés qu'avec une seule cu-
vette). En déplaçant encore latéralement Q', on modifie
ces anneaux secondaires définis par le lieu des points
pour lesquels la somme des épaisseurs des deux cu-
vettes est constante. Leurs teintes s'élèvent progressi-
vement pendant que leur centre commun se maintient
au milieu de la distance des centres des deux cuvettes.
Enfin, si Q' tourne de 22° 5, on obtient un phéno-
mène plus complexe dans lequel on peut distinguer
une belle combinaison des deux systèmes d’anneaux
primaires correspondant aux deux cuvettes avec les
franges rectilignes de différence et les franges cireu-
laires d’addition. — 3. En remplaçant les cuvettes de
Biot par des cuvettes de quartz perpendiculaires à l'axe
cristallographique, on obtient des anneaux circulaires
(franges d’addition) si les quartz sont de même signe.
On obtient des franges rectiliqnes de différences si les
cuvettes, identiques géométriquement, sont formés
de quartz de signes contraires, et, dans ce cas, le sys-
tème fonctionne comme un système de prismes de
Sénarmont, avec l'avantage de fournir des franges
d’intervalles continüment variables.
SOCIÉTÉ CHIMIQUE DE PARIS
Séance du 8 Mars 1091.
M. A. Gautier expose ses recherches sur les gaz que
la chaleur dégage, dans le vide, des roches ignées.
Lorsqu'on porte les granits, porphyres, ophites, etc., à
une température de 700 à 800°, on obtient, outre une
quantité notable d’eau, 4 à 10 fois Le volume de la roche
en gaz où prédomine l'hydrogène, accompagné d'acide
carbonique, d'un peu de H°S, CO, CH“, Az, Argon, AzIl',
avec des traces de pétrolène, benzène, CAzHS,... M. Gau-
ACADÉMIES ET SOCIÉTÉS SAVANTES
4
tier établit que ces gaz ne préexistent pas à l’état occlus
dans ces roches, mais qu'ils proviennent principalement
de l’action de leur eau de constitution (qui ne se dégage
qu'au rouge) sur les silicates, carbonates, sulfosilicates:
azolures, carbures, etc., et autres composés ferreux.(et
en certain cas nickeleux) constituant ces roches. Par
des expériences de contrôle, M. Gautier s’est assuré que
les sulfate, carbonate, chlorure, silicate ferreux traités
par la vapeur d’eau au rouge, fournissent abondam:
ment de l'hydrogène. Les gaz dégagés de ces roches se
rapprochent singulièrement par leur constitution dé
ceux qu'on extrait aussi dans le vide des météorites, et
de ceux qu’on. a recueillis dans les émanations volcæ
niques. Tous ces gaz ont, en effet, même origines
l’action de l’eau sur les principes ferrugineux ou nicke
leux de ces roches. Il n’est pas besoin, pour s'expliquer
les actions volcaniques, de l'hypothèse de la pénétran
tion des eaux de surface jusqu'aux régions incandes=
centes du globe. L'eau de constitution des roches ignées
suffit à provoquer les réactions qui donnent naissance
à ces gaz dès que la température s'élève dans les pro
fondeurs à 400 ou 5000, par le fait du réchauffement
des autres matériaux fondus souterrains, qui, sous la
pression énorme des terrains qu'ils supportent, tende
à être refoulés et à remonter par tous les trajets de
moindre résistance. — M. Bougault poursuit l'étude de
la réaction qu'il a fait connaître : formation d’aldéhydes
de formule :
c
par action de I et HgO sur les composés cycliquesà
chaîne latérale propénylique. Aux faits déjà connus,l
ajoute ce qui suit : 1° la formation de ces aldéhydes
est, comme il l'avait pensé, précédée d’une fixation d
IOH sur la liaison éthylénique; dans une deuxièm
phase, HgO décompose cette combinaison en en
vant HI. Il le prouve en préparant le composé interm
diaire R.C“H5.10H; 2 cette fixation de 10H, engen
par l’action de I et HgO, est générale pour tous les cor
possédant une liaison éthylénique dans une chaine
ouverte. Il a préparé, entre autres, les composés d’addi
tion de IOH avec les composés cycliques à chaîne laté
rale allylique : estragol, safrol, etc. Ces corps ne sont,
pas attaqués par HgO; l’azotate d'argent les décompose
en donnant des produits dont l'étude n'est pas termi
née; 3° tous les composés résultant de la fixation de
10H sur une liaison éthylénique sont détruits par le
zinc et l'acide acétique, avec retour au composé éthylé=
nique primitif. Cette réaction, inverse de la précédentey
a le même caractère de généralité; 4° dans la prépa
ration des aldéhydes, il est avantageux de remplacer
l'alcool par l'éther saturé d’eau, pour éviter la formas
tion d'acétals ; 5° les acides de formule générale :
Co’H
R. CRC ;
obtenus par oxydation des aldéhydes, ont été dédoublés
en isomères optiques, au moyen de leurs sels de mors
phine; 6° ces mêmes acides, oxydés par le mélange
chromique, donnent les cétones R.CO.CH* ; on obtient
un meilleur rendement en partant de la combinaison
des aldéhydes avec le bisulfite de soude. Les cétones
R.CO.CHS, traitées par MnO'K alcalin, conduisent aux
acides R.CO.CO’H. Enfin ces derniers, oxydés pan
l'acide adipique CO*H.CH?.CH°.CH?.CH°.CO°H (p. f. 1509}
en traitant par KCAz le diiodobutane-1.#, que lui a
fourni la diamyline du butanediol-1.4 : C“H‘0.CH°.CH*
CH2.CH2.0CH*, Cette expérience confirme pleinement
la constitution bis primaire attribuée par lui à ce diio=
dobutane, au dibromobutane et à la diamyline elle
même. Le di-iodobutane a été transformé par l’acétate
d'argent en diacétine qui bout à 230°. Celle-ci par
saponification a donné le butanediol-1.4 qui n'avai
ve
ACADÉMIES ET SOCIÉTÉS SAVANTES : 347
— point encore été obtenu. Ce corps est un liquide vis-
“queux, qui cristallise très bien dans l’eau glacée; il
«fond à —- 16° et bout à 229-2300, — M. Amand Valeur,
mur les conseils de M. Béhal, a étudié l’action des
“iodures de magnésium méthyle et éthyle sur quelques
méthers d'acides bibasiques de la série grasse.’ Par
l'action de l'iodure de magnésium méthyle sur l’oxa-
aie d'éthyle, il a obtenu la pinacone ordinaire :
(CHPÈC — C(CH°)
| -
OH OH
“Avec le malonate d’éthyle et l'iodure de magnésium-
éthyle, il a obtenu un alcool non saturé bouillant à 177-
-178°, et répondant à la formule :
(C1 )2C. CH : C(C2H5)°
I
OH
Avec le succinate d'éthyle, il a obtenu le 3.6-diéthyloc-
anediol-3.6 fusible à 70° : (C*H°}.C(OH).CH°.CH°.C(OH)
(G#H°}. M. Amand Valeur se propose de continuer ses
recherches en préparant notamment une série de pina-
-cones diverses et en étudiant la réaction sur les éthers
à poids moléculaire plus élevé, sur les dérivés gluta-
riques et les acides alcoylés.
SOCIÉTÉ DE CHIMIE DE LONDRES
Séance du 21 Février 1901.
MM. F.S. Kipping et H. Hall ont cherché à séparer
en deux parties la d-/-hydrindamine par l'acide d-J-
mandélique, mais les diverses fractions obtenues dans
a cristallisation sont identiques. Avec le chlorure de
d-I-phénylchloracétyle, on obtient deux dérivés iso-
mères, ce qui montre que la base est extérieurement
compensée. Le d-mandélate de d-/-hydrindamine n'est
pas résoluble en plusieurs fractions par cristallisation ;
c'est donc un sel partiellement extérieurement compensé
AB, dAdB. Les sels d'hydrindamine dérivés de l'acide
mandélique racémique et de l'acide d-mandélique ne
diffèrent que par leur pouvoir rotatoire et ont leurs
autres propriétés semblables. On en conclut que les
trois composés optiques différents JAdB, dAJB, JAIB
forment des mélanges isomorphes. — Les mêmes
auteurs, en traitant la benzylhydrindamine par l'acide
a-bromocamphorsulfonique, ont obtenu, par cristalli-
sation fractionnée, deux sels isomères. Décomposés par
la baryte, ils donnent une base optiquement inactive.
Comme ils contiennent à la fois un atome de carbone
asymétrique et un atome d'azote pentavalent, ils peu-
vent être considérés comme les sels de deux bases exlé-
rieurement compensées différentes :
+ C+Az,—C—Az et +C—Az,—C+ AZ.
Les sels obtenus avec les acides d-camphorsulfonique
et d-hydroxy-cis-7-camphanique ne sont pas résolubles
en deux isomères par cristallisation. — MM. A. Lap-
-worth et W. H. Lenton établissent comme suit la
constitution de l'acide camphanique et de l’anhydride
bromocamphorique. L'amide de l'acide camphanique,
chauffée avec les chlorures de phosphore, esl convertie
eu nitrile, qui, traité par les alcalis, se résout en acide
cyanhydrique etacide camphononique.Ce dernier, quelle
que soit la constitution du camphre, répond à la for-
mule :
CMe*.c0
CO*H.CMe
Nc. Cr
Le camphanonitrile est donc la lactone d’un acide
-a-hydroxynitrilique :
CH®.CMe — CO
|
CMe?
CH2.C(CA7).0
L'acide camphanique et l’anydride bromocampho-
É
rique sont donc bien représentés par les formules sui-
vantes de Bredt :
CIF.CMe — CO CH°.CMe — CO
| |
CMe? 0
|
CH®. ((CO®H).0 ce. LB) — bo
. MM. F. D. Chattaway et K. J. P. Orton ont étudié
l'action des acétylchloro-et acétylbromoaminobenzènes
sur les amines et la phénylhydrazine. Avec les amines
aliphatiques, la réaction est la suivante :
R.AZH® + CH°CÉË.AzCIAc — R.AZHCI + CSH°C.AzHAc.
|
CMe*
Avec les amines aromatiques, la réaction commence
de même, mais l’halogène quitte aussitôt l'azote pour
pässer en position para ou ortho. Si celles-ci sont occu-
pées, les dérivés formés sont très instables et se décom-
posent en donnant des azobenzènes subslitués. Avec la
phénylhydrazine en excès, on à la réaction suivante :
4 CSHS.AzH.AzH® + 2(: AzX)
— C'H°Az? + C'HSAZH® + 2 C°H5.AZH.AZzH*.HCI + 2 (: AzH);
quand le composé chloroaminé est en excès, on a :
CSH5.AzH. AzH?-+ 3 (: AzX) — CSHSX + Az? + X° + 3(: AzH).
Les mêmes auteurs décrivent une méthode facile pour
la préparation de l’orthochloroaniline par la chlorura-
tion de l'acétanilide au moyen du chlorure de chaux.
ACADÉMIE DES SCIENCES D'AMSTERDAM
Séance du 23 Février 1901 (suite).
M. H. W. Bakhuis Roozeboom présente, au nom de
MM. E. Cohen et E. H. Büchner : Sur la loi de
solubilité donnée par M. Etard. D’après la loi trouvée
en 189% par M. Elard (Aun. de Chim. et de Phys.
série VII, £. II et IT), les lignes de solubilité sont des
droites y— a+ bt, où y est le pourcentage de matière
dissoute et { la température. Si l’on connaît les
difficultés qu'on a à surmonter pour obtenir une
solution réellement saturée, si l'on sait qu'il est
souvent nécessaire d'agiter pendant plusieurs heures
la matière solvante, maintenue à une température
constante, en contact avec le sel en poudre, on est
d’abord étonné de la communication suivante de
M. Etard : « Pour obtenir une solution saturée de sel
dans l’eau, il suffit de mettre dans un verre de Bohème
un mélange de sel concassé et d’eau à volumes sensi-
blement égaux, … le thermomètre destiné à prendre les
températures sert en même temps d’agitateur. La rapi-
dité de la saturation est telle, dans les conditions que je
viens d'indiquer, qu'on peut, pendant l'ascension
continue mais très lente du thermomètre agitateur,
prendre autant d'échantillons qu'on le désire de la
solution parfaitement saturée aux températures £°, 4,
1, 4... La régularité et la concordance des résultats
suffiraient à démontrer la vérité de l'affirmation précé-
dente. Cependant des expériences comparatives ont
encore été faites pour la mettre hors doute, et elles
ont montré qu'en effectuant la saturation dans un
ballon agité pendant des heures, ainsi qu'on le
recommande souvent, on n'arrive pas à une précision
plus grande. Ce sont des précaulions « illusoires ».
Néanmoins, d’après une série d'expériences faites en
4898 (Ann. de Wiedemann, t. LXV, p. 344) par
MM. Kohnstamm et Cohen, ils trouvèrent que plusieurs
des solutions saturées de M. Etard ne contenaient que
65 °/° de sel dissous ; ces résultats sont d'accord avec
ceux obtenus en 1897 par MM. Mylius et Funk comme
le montre le pelil tableau suivant :
GRAMMES DE CdSOt EN 100 GRAMMES D'EAU
—
Cohen
TEMPÉRATURE Etard et Kohnstamm Mylius et Funk
0° 55,52 75,52 15,47
40° 60,92 15,90 76,00
150 63,11 16,11 76,05
318
ACADÉMIES ET SOCIÉTÉS SAVANTES
Les auteurs comparent les résultats de M. Etard aussi
avec ceux obtenus en 1884 par M. Andreae. Les expé-
riences de M. Andreae, exécutées avec le plus grand
soin, ne mènent non plus à des droites de solubilité. La
conclusion de l'étude äe MM. Cohen et Büchner est donc
la suivante : La loi de solubilité de M. Etard ne s’ac-
corde pas avecles résullats des expériences; un rapport
aussi simple entre la solubilité et la teñpérature ne
semble pas se présenter. Une répétition des recherches
de M. Etard pour des températures élevées serait dési-
rable. — M. Bakhuis Roozeboom présente ensuite au
nom de M. C. H. Wind: Les irrégularités de l'étalon
Weston pour la force électromotrice. MM. W. Jäger,
E, Cohen et bien d'autres ont remarqué des irrégula-
rités dans la force électromotrice de l’étalon Weston.
On en a cherché la cause dans les propriétés de l’amal-
game qui forme l’un des pôles de l'élément. L'auteur
croit pouvoir expliquer complètement tous les phéno-
mènes, en supposant qu'à chaque température il peut y
avoir équilibre entre deux phases distinctes d'amal-
game de cadmium. Un argument très favorable à cetle
hypothèse se déduit de la règle des phases de Gibbs
appliquée aux expériences de M. Jäger sur la pile:
Amalgame à 14,3 °/, Cd | Solution de CdSO, | Amalgame x,
où l’'amalgame x au second pôle admet le rapport molé-
culaire x de Hg à CI. En effet, la courbe qui représente
(d'après ces expériences) la force électro-motrice de la
pile en fonction de la teneur en cadmium du pôle
variable (fig. 1), présente une partie sensiblement hori-
zontale entre les limites de 5 etde 14,3 °/, de cadmium,
ce qui ne s'explique que dans l'hypothèse qu’à la tem-
pérature des expériences il y a équilibre entre deux
phases dont l’une renferme 5 °/, et l'autre 14,3 °/, du
métal. Cette hypothèse explique d’abord d’une manière
plausible pourquoi l'élément de M. Jäger ne présente sa
force électromotrice qu'après un certain laps de temps,
si le pôle variable renferme plus de cadmium que
+0,01 Tauieur terminale
- 0,01
-0,02
Fig. 1.— Relations entre la force électromotrice de l'élément
Weston et la teneur en cadmium du pôle variable.
44,3 °/,, la force électromotrice étant nulle au com-
mencement. En effet, il suffit de supposer qu’au com-
mencement l’'amalgame n’est pas tout à fait homogène,
et, que, dans la surface en contact avec la solution,
il y a des parties d'amalgame dont la teneur est infé-
rieure à celle de la plus forte des deux phases qui peu-
vent coexister à la température donnée. Alors un temps
assez considérable devra s'écouler avant que, dans
l'amalgame presque solide, l'équilibre définitif soit
atteint. Et, en attendant, tout près de la surface de
contact, des courants électriques prennent naissance, eb
aussitôt ces courants tendent à rapprocher les teneurs!
des diverses parties de l’amalgame à cette surface, der
celle de l’une ou de l’autre des phases coexistantes de Iax
température donnée; ainsi ces courants nivelleront les
différences de potentiel entre ces äiverses parties de
[HAE
6 14.5 % Cd
Fig, 2. — Diagramme des isothermes de l'élément Weston
8 g
manière à établir très vite un équilibre entre l’amal-
game et la solution, équilibre qui réduit d’abord à zéro
le voltage de la pile, pour se modifier ensuite du même
pas que s'établit l’equilibre définitif dans toute l'éten-
due de l’amalgame. Ensuite les différences de caractère
observées par M. Cohen en deux piles du type : La
Cd | Solution diluée de CdSO, | Amalgame à 14,3 0/, Cl,
FA
construites à 25°, peuvent s'expliquer à l'aide de la |
même hypothèse. Après avoir trouvé pour la force
électromotrice des deux éléments la même valeur de
50 mV, à 25°, M. Cohen observait qu'à 0° celle du pre=
mier s'était élevée à 55 mV, tandis que celle du second”
montait d'abord jusqu’à 52 »V pour diminuer ensuite
à 51mV. Sile diagramme des isothermes pour l'élément
de M. Cohen a l’aspect général indiqué par la figure 2;
il suffit de supposer que fortuitement l’amalgame du
premier élément formait un mélange de parties égales
des deux phases, tandis que celui du second conte-
nait seulement une petite quantité de la phase à une
teneur minimale de cadmium pour rendre compte des
phénomènes observés. Dans cette supposition, les deux.
éléments présentent (en P, et P,) la même force électro-
motrice à 25°. Et, après l’abaissement de la température
à 0, il s'établit un équilibre provisoire entre l’amal-
game et la solution, qui dans les deux éléments est celui.
des deux phases qui peuvent coexister à 0°. Mais l’équi-
libre définitif (Q, et Q,) doit être différent dans les deux.
éléments, etc. L'auteur rappelle plusieurs autres faits
qui peuvent servir d'arguments pour soutenir son Opi-"
nion. Le Physikalisch-Technische Reichsanstalt, qui
avait adopté pour la construction de l’étalon Weston un
amalgame de 14,3°/,,a modifié sa composition, en recom-
mandant maintenant une teneur moins forte. D'après
la théorie de M. Wind, selon toute vraisemblance, cette
modification récente dans la construction devra con-
courir à perfectionner en effet l'étalon.
P.-H. Scnoure.
Le Directeur-Gérant : Louis OLIVIER.
Paris. — L. MARETHEUX, imprimeur, 1, rue Cassette.
DIRECTEUR :
LOUIS OLIVIER, Docteur ès
30 AVRIL 1901
À Revue générale
Be N0lencos
pures el appliquées
sciences.
Adresser tout ce qui concerne la rédaction à M. L. OLIVIER, 22, rue du Général-Foy, Paris. — La reproduction et la traduction des œutres et des travaux
publiés dans la Revue sont complètement interdites en France et dans tous les pays étrangers, y compris la Suède, la Norvège et la Hollande
$ 1. — Physique
_ Identité du spectre de l’aurore polaire et
du spectre cathodique. — Dans son Rapport pré-
senté au récent Congrès international de Physique, le
Professeur Paulsen, de Copenhague, résumant les
observations faites en Islande par l'Expédilion qu'il
dirigea dans l'hiver 1899-1900, émit l'opinion que le
spectre auroral contient un certain nombre de raies
(rès voisines de celles que donne le spectre cathodique
de l'azote. Cependant, l’auteur de ce Rapport, rédigé peu
rès le retour de l'Expédition, s'exprimait en termes
s prudents, attendant des mesures plus complètes
our affirmer une coïncidence réelle d’une si grande
importance pour la théorie de l'aurore polaire.
Dans une nouvelle Note, présentée récemment à
l'Académie des Sciences de Danemark, M. Paulsen a
pensé pouvoir être plus affirmatif, à.la suite des mesures
ites par M. Scheiner, de Potsdam, sur des clichés
dbtenus en Islande ou impressionnés au laboratoire
vec le même appareil, à lentilles de quartz et à prisme
de spath d'Islande. Les raies mesurées embrassent les
longueurs d'onde comprises entre 0y,426 et 0u,337.
Voici, en effet, ce que M. Scheiner écrivait récemment
à M. Paulsen, dans une lettre lue à l'Académie des
Sciences de Copenhague :
« Comme je vous l'ai déjà indiqué verbalement, la
mple inspection des épreuves, combinée avec vos
mesures de longueurs d'onde, me donnait la presque
rtitude que le spectre de l'aurore polaire photo-
aphiée sur les plaques Pellin est identique au spectre
cathodique de l'azote. Cependant, il m'a paru utile de
sonstater encore celle coïncidence par des mesures,
hais sans déterminer à proprement parler les longueurs
d'onde, cette détermination ne pouvant être faite avanta-
seusement que sur l'ensemble des épreuves.
«Je me suis donc borné, pour le moment, à mesurer la
iosition des sept raies les plus brillantes des plaques
WLet XII (aurore polaire et lumière cathodique). Je n'ai
nployé ensuite que quelques raies des spectres de
Omparaison, pour ramener l'une à l'autre les deux
preuves, faites avec une dispersion différente. Il en
résulté le tableau Isuivant, qui donne les distances
e la raie la plus brillante (), — 0y,392) en millimètres,
REVUE GÉNÉRALE DES SCIENCES, 1901.
CHRONIQUE ET CORRESPONDANCE
« Si l’on tient compte du peu de netteté des raies, on
doit considérer cette concordance comme très satis-
faisante, et, comme, en outre, les intensités relatives
sont, autant qu'on en puisse juger, les mêmes dans les
deux spectres, il n'y à plus à douter que le spectre
de l'aurore polaire contienne le spectre cathodique de
l'azote. »
M. Paulsen n'a pas réussi à photographier directe-
TABLEAU [. — Positions relatives des raies de l’au-
rore polaire et du spectre cathodique de l'azote
d'après les mesures de M. Scheiner des épreuves
de M. Paulsen.
SPECTRE
CATHODIQUE
SPECTRE DE L'AURORE
A mesuré Réduction A réduit À mesuré
millimètres millimètres millimètres millimètres
— 4,4
+ 1,62
+ 2,41
+. 5,60
+ 6,40
+
+++++ |
10,11
ment les raies dont la longueur d'onde dépasse 0u,470,
sauf la raie dite principale, dont la longueur d'onde
est 0,557. Cette raie se retrouve dans le spectre catho-
dique de l'oxygène, mais elle y possède une largeur
bien plus grande.
Ces constatations ont évidemment une très grande
importance pour la théorie de l'aurore polaire. Ce
mystérieux phénomène a donné lieu, d’ailleurs, dans
ces derniers temps, à des travaux de premier ordre,
sur lesquels la Revue reviendra très prochainement
La réflexion et la réfraction du son. —
M. R.-W. Wood, professeur de Physique à l'Université
du Wisconsin, qui se livre depuis plusieurs années à
8
390
CHRONIQUE ET CORRESPONDANCE
l'étude de la réflexion et de la réfraction du son, est
arrivé à fixer par la photographie cinématographique
les positions successives des ondes sonores, et il à
publié récemment à ce sujet d’intéressantes observa-
tions que nous allons résumer.
Le principe de la méthode qu'il utilise est dù à Topler.
L'appareil (fig. 1)
consiste essentiel-
lement en une len-
tille achromatique
L de bonne qualité.
En a, on fait jaillir
| versent la partie inférieure de Q sont déviés dans le
du diaphragme, en forçant une plus grande quantité
de lumière à pénétrer de cette partie du champ dans
la lunette. Par conséquent, en regardant dans l'instrus
ment, on verra la partie supérieure de la masse d'air
plus claire que le reste du champ. Les rayons qui tra
sens contraire et
forment une iMagen
qui est complète
ment intercepléem
par le diaphragme
cette partie du
une étincelle élec-
trique donnant une
source lumineuse
linéaire et étroite.
L'image de cette
source se forme en
h, où elle esl aux Fig. L. et du HR de, ro Ce pe ondes les la ‘densitéies
trois quarts inter- sonores. — a, source lumineuse; L, lentille; Q, centre d'ébran ement Tee es à
Se 5 de l'air; b, image de la source; E, écran; T, lunette. P < Œ
ceptée par un dia-
phragme E. En re-
cardant par la lunette T, on voit le champ dela lentille
uniformément illuminé par la lumière qui n’est pas
intercepltée par le diaphragme. Si l'on abaisse le dia-
phragme, le champ s'assombrit; si on l'élève, le champ
s'éclaire davantage.
Fig. 2, — Réflexion d'une onde sonore sphérique contre une
plaque de verre plane. — En 1, on voit l'onde sphé-
rique qui arrive à la plaque et l'onde réfléchie, sphérique
également, qui commence à se former. En 2 et 3, l'onde
incidente est déjà sortie du Champ; l'onde réfléchie, tou-
jours sphérique, continue à se propager. — On apercoit
l'image des boules entre lesquelles se produit l’étincelle
et des tiges qui les tiennent.
Supposons maintenant qu'il ÿ ait sur le devant de la
lentille, en Q, une masse sphérique d'air plus dense
Fig. 3. — Réflexion d'une onde sonore sphérique contre un
miroir sphérique. — Les figures se suivent de droite à
gauche suivant les numéros d'ordre.
que le milieu environnant. Les rayons lumineux tra-
versant la partie supérieure de cette masse seront plus
déviés;et formeront une image de l'étincelle au-dessous
jaillir immédiatement
champ apparaîtra
donc noire. 3
Or, les ondes so
nores sont des ré
gions de condensa=
tion, dans lesquel-
dans l'air environ-
nant. Si donc l’on
produit une de ces ondes en Q et qu'on l’illumine pen=
dant un instant très court, on apercevra le front de cette
onde dans le champ |
de la lunette. On arrive 1 2
à ce résultat en fai-
sant jaillir en Q, entre
deux petites boules de
laiton,uneétincelle qui
produit une onde so-
nore, puis en faisant
après, en ä,uue se-
conde étincelle très
courte, dont la lueur
éclaire l'onde quicom-
mence à se propager
en Q. Pour obtenir l'i-
mage photosraphique
du phénomène, on sub-
stitue à la lunette un
3 A
. .n . "2 0
objectif photographi- Fig. 4. — Réfraction d'une onde
que derrière lequel des
plaques se déplacent
à intervalles rappro-
chés : on peut ainsi re-
produire l'onde dans une série de positions successives:
Par cette méthode, M. Wood a pu suivre le trajet de
l'onde frontale dans les phénomènes de réflexion et de
sonore sphérique de l'air dans
l'acide carbonique.
Fig. 5.— Dilfraction et réflexion d'une onde sonore sphérique
par un réseau cylindrique.
réfraction, et vérilier ainsi les conséquences prévues
par la théorie. Les photographies que nous reprodui-
sons ici (fig. 2 à 6) en donnent quelques exemples
typiques. :
Quand une onde lumineuse sphérique est réfléchie
CHRONIQUE ET CORRESPONDANCE
par un plan, on sait que l'onde réfléchie est également
sphérique, son centre de courbure étant situé derrière
fa surface réfléchissante, à la même distance que celui
de l'onde primitive au devant. Il en est de même pour
les ondes sonures sphériques, comme le montre la
figure 2. EL Le 2
Lorsque Ja surface réfléchissante est un miroir sphé-
rique (lig. 3), l'onde réfléchie est d'abord plane (fig. 3,
“no 1); puis elle poursuit son chemin et s'incurve sur
“és bords (fig. 3, n° 2 et 3). Mais bientôt les bords
neurvés disparaissent presque complètement (fig. 3,
n° 4), car l'onde passe au foyer du miroir. Plus loin, les
bords s'incurvent en sens contraire (fig. 3, n°° 5 et 6).
L'évolution curieuse de cette onde peut être reproduite
“entièrement par des dessins géométriques, construits
ép se basant sur les lois de la réflexion.
La figure 4 représente le phénomène de la réfraction.
Donde sonore sphérique est formée dans l'air et assu-
“joitie à se réfracter dans une atmosphère d'acide car-
bonique ; celle-ci est renfermée dars un récipient en
terre, fermé à sa partie supérieure par une membrane
de collodion tendue, d’une finesse extrême. L'onde sphé-
n
Fig. 6. — Réflexion et diffraction d'une onde sonore
sphérique par un escalier,
ique, en arrivant à cette membrane, est en partie
léfléchie dans l’air, en partie réfractée dans l'acide car-
onique, où elle poursuit sa route sous forme de sur-
ce d'hyperboloïde (fig. 4, n°° 2 et 3).
“Les deux dernières figures représentent des phéno-
mènes de diffraction. Dans la figure 5, le réseau de dif-
fraction est formé par des lamelles de verre disposées
Sur une surface cylindrique, et l'onde incidente part
du centre de courbure du cylindre. La figure montre
successivement l'onde incidente, les ondes réfléchies à
Mintérieur du cylindre par chaque lame de verre, les
Ondes diffractées à l'extérieur, et le réfléchissement
les ondes diffractées par la table d'expérience.
La figure 6 montre la formation d'une note musicale
r la réflexion d’une seule onde par une suite de gra-
ins, phénomène que Young a démontré être analogue
,la formation d’une lumière d'une longueur d'onde
définie par un réseau de diffraction !,
Les clichés de ces photographies nous ont été obligeam-
nent prêtés par le journal anglais Nature (de Londres). lis
ee trouvent dans le commerce, ainsi qu'un grand nombre
utres analogues. sous forme de clichés à projection, et
S constituent une belle illustration pour l’enseignement de
Acoustique. Le Laboratoire d'Enseignement de la Phy-
ue à la Sorbonne en a fait l'acquisition d’une série, qui
utilisée aux cours de la Faculté des Sciences.
$ 2. — Chimie
Une réaction analogue à celle de Canniz-
zaro dans la série grasse.— Lorsqu'un aldéhyde
de la série grasse est traité par une lessive alcaline, il
y a condensation de deux molécules d'aldéhyde, et for-
mation d'aldol. Ainsi, l’acétaldéhyde CH°.CH0 se con-
dense en acétaldol CH°.CH(OH).CH.CHO.
Avec les aldéhydes aromatiques, la réaction est dif-
férente : il se forme l'alcool et l'acide correspondants.
Ainsi, la benzaldéhyde, traitée par la potasse, donne de
l'alcool benzylique et du benzoate de potasse :
2C°H°.CHO + KOH — C°H5. CH2OH + CH .CO°K.
Cette dernière réaction est connue sous le nom de
réaclion de Cannizzaro.
Quelle est la cause de cette différence ? Le Professeur
Lieben, de Vienne, a cru la trouver dans le fait que,
pour les aldéhydes gras, l'atome de carbone («), qui est
relié immédiatement au groupement aldéhydique CHO,
porte toujours un atome d'hydrogène, tandis que, dans
les aldéhydes aromatiques, il n’en porte pas :
@.) CH
CHS.CH?.CHO N
IC (œ)C.CHQ
CH (x HC CH
CH.CHO K/
CHE CH
Aldéhydes gras. Aldéhyde aromatique.
Si cette hypothèse est fondée, on doit pouvoir, en
substituant par d'autres groupes le ou les atomes d’'hy-
drogène reliés au carbone « dans un aldéhyde gras,
modifier sa réaction en présence des alecalis.
M. À. Franke, élève du Professeur Lieben, vient de
vérifier la justesse de cette supposition‘. Il a préparé
l'aldéhyde «-oxyisobutyrique :
LA
CH*.C(OH) (CH).CHO
dans lequel l'atome de carbone « n’est lié directement
à aucun atome d'hydrogène. Cet aldéhyde, traité par
une lessive de soude, ne donne pas d’aldol, mais bien
de l'alcool oxyisobutyrique et de l’oxyisobutyrate de
soude :
CH*.C(OH)(CH*).CHO + NaOH — CH®.C(OH)(CHS). CH£OH
+ CH*.C(OH)(CEH).CONa.
C'est l’analogue, pour la série grasse, de la réaction de
Cannizzaro.
M. Leo Wessely?, autre élève de Lieben, a obtenu
une réaction analogue avec l’aldéhyde «-diméthyl-3-
oxypropionique :
a
CH?OH.C(CH*}.CH0
qui donne avec la potasse du pentaglycol et de l’«-di-
méthyl-B-oxypropionate de potasse,
Formation de composés aromatiques à
partir du glutaconate d’éthyle et de ses
dérivés. — En chauffant avec de l'alcool à 150° le
dérivé sodé de l’éther dicarboxy-glutaconique :
COC HS)? :C: CH: 1C(CO! CHE
|
Na
MM. Lawrence et Perkin junior ont remarqué * qu'il
y avait formation abondante de trimésate d'éthyle :
t Monatshefte für Chemie, 1900, t. XXI, p. 1122,
2 Monatshefte für Chemie, A904, t. XXII, p. 66.
3 T. Lawrence et W,. H. PERKkIN JUN. : Proc. of the Chem.
Soc., n° 234, p. 41.
CHRONIQUE ET CORRESPONDANCE
CO?C2H°
SN
[ 2fIS
IAE C
L'éther méthylique sodé subit une transformation
analogue. :
Le glutaconate d’éthyle sodé :
COC*H°CH.CH : CH.CO*C°H°
|
Ar
Na
subit, dans les mêmes conditions, une décomposition
différente, et il est converti en acide hydroxy-isophta-
lique :
L'éther méthyl-glutaconique :
CO?C2H5.CH.CH : CH.CO?C°H5
|
CH°
chauffé avec de l'éthylate de soude à 440°, donne un
éther solide fondant à 96°, lequel, par hydrolyse, four-
nit un acide fondant à 216° qui n'a pas encore été
complètement étudié.
L'acide trimésique, soumis à la réduction au moyen
de l’amalgame de sodium, fournit un mélange des sté-
réo-isomères répondant à la constitution :
)2H5
L Jco H
7
L'un d'eux a été isolé et fond à 210°; chauffé avec de
l’anhydride acétique, il perd CO® en donnant l’'anhy-
dride de l'acide tétrahydro-isophtalique, dont la for-
mule de structure ne peut être que:
CO°H
AN
CO°H
74
Ce sont là de nouveaux exemples intéressants de
synthèses de composés aromatiques à partir de dérivés
de la série grasse.
$ 3. — Biologie
Comment les fleurs attirent les Insectes.
— Dans ces dernières années, M. Plateau a publié un
certain nombre de travaux, tous faits avec le plus
grand soin, dans le but de définir ce qui attire vers les
ileurs les Insectes avides de nectar. Ses expériences
ont été critiquées par divers auteurs,etnotamment par
M. Forel ‘, qui ne l'a peut-être pas fait avec toute la
coufloisieque mérite un observateur aussi consciencieux
que M. Plateau. Mais cette polémique aura pour avan-
tage de mettre les choses au point; la critique la
plus serrée et la moins indulgente n’est pas de trop
quand on expérimente sur les sensations et les senti-
ments des animaux. Voici quelques faits qui paraissent
acquis :
Beaucoup d'Insectes, notamment les Mouches et les
Guêpes, paraissent être surtout dirigés par l'odorat;
ils butinent là où il y a du nectar où du miel, quelle
———
1 Rivista di Biologia générale, XU, nos 1-2, 1901.
que soit la couleur de la fleur où il se trouve, où I&
forme de l’artifice où il a été déposé. Il semble qui
n’en est pas de même pour les Abeilles et Bourdons
dont l’odorat est beaucoup moins bon que celui d
Insectes cités plus haut ; l’Abeille, lorsqu'elle a trouvés
du nectar sur une certaine fleur, se rappelle et la forme
de la fleur et la place où elle se trouve, et elle y revient
grâce à sa mémoire, qui peut durer pendant envirot
huit jours; l'odorat seul ne peut la guider sur lPappät
qu'à une distance très courte, quelques centimètresà
peiue ; en effet, si l'on cache quelques fleurs d'un mas=
sif sous des feuilles vertes, les Abeilles cessent de les
visiter jusqu'au moment où elles découvrent l'artifice
par l’odorat, en furetant très près d'une fleur cachée,
alors, elles cherchent à y pénétrer, et peuvent y revenirs
Des Abeilles et des Bourdons, auxquels on à coupé les
organes olfactifs (antennes), butinent comme les indi-
vidus normaux, ce qui prouve évidemment que ces
Insectes sont guidés, non point par l'odorat, mais pa
la vue des yeux composés, si trouble qu'elle puisse être
et par les souvenirs visuels.
Il est très curieux de constater que les fleurs artifi
cielles les mieux imitées, mêlées aux fleurs naturelles
de la même plante, ne trompent jamais les Abeilles
et la plupart des Hyménoptères, même si l'on a mis du
miel à l'intérieur des corolles artificielles. 11 est éton=
pant que l'imitation, parfaite au point de vue de l'œil
humain, soit insuffisante pour l'œil de l’Insecte; mais
il faut bien qu'il en soit ainsi, à moins que ces fleurs
artificielles aient une odeur qui éloigne les Insectes.
Enfin, qu'une fleur soit colorée ou verte, qu'elle ait
des marques éclatantes (organes vexillaires) ou non;
elle attire toujours les Insectes pourvu qu'elle ren=
ferme du nectar, ce qui montre que la fécondation des
végétaux ne souffrirait aucunement si les partiess
voyantes des fleurs étaient supprimées ; celles-ci n'ont
donc pas la fonction attractive qu'on leur avait attri=
buée. |
En somme, ce qui sépare M. Forel de M. Plateau,
c’est que le premier altribue un rôle prépondérant à lan
vue, à la mémoire visuelle des localités, de la forme
et de la couleur des fleurs, surtout pour les Abeilles
tandis que le second donne à l’odorat une importance
beaucoup plus grande qu'à la vue; l'expérience des
Abeilles à antennes coupées, si elle réussit comme le
dit M. Forel, donne évidemment tort à M. Plateaun
D'autre part, le dédain des fleurs artificielles, l’indiffé=
rence des Insectes à la forme et à la couleur des fleurs
pourvu qu'elles renferment du nectar, parlent en faveurs
de M. Plateau. Il est possible qu'ils aient tous deux.
raison, et que les différentes espèces examinées se:
comportent très différemment.
L'Association des Anatomistes.— L'Associa
tion des Anatomistes a tenu son troisième congrès
à Lyon, dans les locaux de la Faculté de Médecine, les
1er, 2 et 3 avril, sous la présidence de M. le Professeurs
Renaut, de MM. Arloing, Lesbre, Chautre, vice-prési=
dents (ces deux derniers en l'absence de MM. Testut ef,
Ledouble empêchés). Plus de cinquante anatomiste
français et étrangers assistaient à cette réunion. Parmi
les personnalisés étrangères, cilons les Professeurs
Golgi et Luigi Sala (Pavie), Van Beneden (Liége), Romiti
(Pise), Laskowsky et Eternod (Genève), Bugnon (Lau=
sanne), Van der Stricht (Gand), Strasser (Berne), Keibe
(Eribourg-en-Brisgau), Fusari (Turin), etc.
Les trois journées ont à peine sufli pour les commu
nications, démonstrations, discussions, et quelques
visites aux services et musées d'anatomie. La réception
de l'Université Lyonnaise a été extrèmement cordialey
la Municipalité de Lyon elle-même a Lenu à s'y asso
cier.
Rendez-vous a été pris pour la prochaine session, en
1902, à Montpellier, sous la présidence de M. le Profes
seur Sabatier, les trois premiers jours de la semainé
avant Pâques. Tous les anatomistes sont invités à cettem
réunion. ‘
CHRONIQUE ET CORRESPONDANCE
$ 4. — Physiologie
L’insuffisance glycolytique. — L'organisme
nimal possède une remarquable aptitude à retenir et
utiliser la glycose. Un homme peut ingérer 500 gr.
e glycose et plus en vingt-quatre heures, sans qu'il en
passe même des traces dans les urines. Cette glycose
se fixe partie sous forme de glycogène dans le foie et
dans les muscles, partie sous forme de graisse dans les
Lissus adipeux, ce glycogène et cette graisse étant ulté-
eurement brülés pour fournir l'énergie nécessaire à
la production de la chaleur animale ou du travail mus-
tulaire. Le pouvoir glycolytique de l'organisme n'est
pas toutefois illimité : la quantité de glycose (ou de
produits capables de se transformer en glycose dans
lécouomie) ingérée augmentant, il arrive un moment
où le sucre s’accumule dans le sang, et passe dans les
urines. La quantité de glycose que l'organisme peut
émmagasiner et utiliser varie considérablement d'un
individu à l’autre : tel sujet pourra absorber 800 grammes
de glycose en vingt-quatre heures sans présenter de
glycosurie ; tel autre aura des urines sucrées pour en
avoir absorbé 400 grammes, 300 grammes et moins.
Gette quantité varie selon le mode d'introduction de
a glycose : un homme peut ingérer 100 grammes de
slycose d’un coup sans devenir glycosurique; il le
devient à peu près sûrement si on lui en injecte 60
#rammes sous la peau. Quand, à la suite d'une alimen-
tation normale, ne produisant pas de glycosurie chez
la majorité des sujets, on voit apparaitre la glycosurie,
on dit quil y a insuffisance glycolytique. On peut
admettre également qu'il y a insuffisance glycolytique
Chez les sujets qui deviennent glycosuriques à la suite
d'une injection sous-cutanée d'une solution de glycose
incapable {à la même dose et à la même concentration)
de rendre glycosuriques le plus grand nombre de sujets.
L'insuffisance glycolytique se manifeste au maximum
chez les diabétiques (forme grave). Il est des cas où le
pouvoir glycolytique de l'organisme est nul ou presque
nul — tel par exemple le cas des animaux dont on à
enlevé la totalité du pancréas — l'organisme éliminant,
sous forme de glycose, par les urines, la totalité des
hydrates de carbone ingérés ou injectés, et la totalité
des hydrates de carbone formés dans l'économie, aux
dépens des substances protéiques. Il est des cas où le
pouvoir glycolytique de l'organisme, sans être nul, est
considérablement réduit: l'organisme éliminant, sous
forme de glycose, par les urines, la totalité des hydrates
de carbone ingérés ou injectés, mais pouvant utiliser
la glycose dérivée dans l'économie des substances pro-
téiques. IL est des cas où l'organisme peut utiliser la
totalité des hydrates de carbone ingérés, quand leur
quantité est petite, ou seulement une partie, quand
leur quantité est plus grande. Il est des cas, enfin, où
il n'y à point glycosurie avec l’alimentation normale,
mais où la glycosurie apparait pour une alimentation
contenant une quantité d'hydrates de carbone plus
&rande que la quantité moyenne d’une alimentation
normale, tout en étant insuffisante pour produire la
“lycosurie chez la majorité des individus. Il y a donc
tous les degrés dans l'insuffisance glycolytique.
» Dans un intéressant travail publié par MM. Achard
t Læper dans les Archives de Médecine expérimentale
t d'Anatomie pathologique, ces auteurs ont recherché
insuffisance glycolytique par la méthode des injec-
ions sous-cutanées dans un certain nombre d'affec-
tions aiguës ou chroniques. Ils ont montré que cette
insuffisance glycolytique est fréquente dans le cancer
et dans la cachexie luberculeuse, dans les diverses
affections rhumatismales, dans la pneumonie, dans la
dièvre typhoïde, etc.
« Le diabète ne doit donc pas nous apparaitre,
disent-ils, comme une entité morbide à part, car le
trouble fondamental qui le caractérise se relie étroite-
ment aux désordres nutritifs observés communément
dans les maladies les plus diverses. Ce n'est pas un
état morbide sans analogue dans le cadre nosologique,
c’est un état dans lequel le trouble banal de l'insuffi-
sance glycolytique est porté à son plus haut degré.
« Il est donc permis de se demander s’il n’y aurait
pas lieu d'étudier de plus près les relations du diabète
avec les maladies qui s’accompagnent le plus volon-
tiers d'insuffisance glycolytique.…. »
Ce sont là des opinions intéressantes et suggestives,
qu'il est utile, croyons-nous, de signaler.
Une remarque nous est suggérée par une phrase que
nous relevons dans ce travail. « Plusieurs procédés
sont susceptibles, disent MM. Achard et Lœper, de
mettre en évidence l'insuffisance glycolytique. Certains
d'entre eux ne sont pas applicables à la clinique : telles
sont la détermination de l’activité glycolytique du
sang (Lépine)... ». M. Lépine a soutenu l'opinion que
le sang normal cireulant possède un pouvoir glycoly-
tique qu'on peut mesurer en déterminant, 72 vitro,
la quantité de sucre disparaissant dans le sang extrait
de l’organisme dans des conditions de température dé-
terminées, et pendant un temps déterminé. M. Arthus
a démontré l’inexactitude de cette opinion et établi, de
facon indiscutable, que le sang in vivo ne possède
aucun pouvoir glycolytique, et que celui qu'il possède
in vitro lui est conféré par la production extraorga-
nique d'un agent glycolytique d’origine leucocytaire.
On ne saurait donc, dans aucun cas, déterminer le
pouvoir glycolytique d’un organisme vivant ou l'insuf-
fisance glycolytique en étudiant la glycolyse dans le
sang. L'insuftisance glycolytique comme le pouvoir
glycolytique sont des propriétés tissulaires, non des
propriétés hématiques.
Albumines du sang d'homme et du sang
de singes. — Si on injecte sous la peau d’un lapin,
à deux ou trois jours d'intervalle, pendant deux à trois
semaines, de 5 à 10 centimètres cubes de sérum de
sang humain, on communique au sérum du lapin ainsi
traité la propriété de précipiter 77 vitro du sérum de
sang d'homme, sans précipiter le sérum du sang des
autres animaux, tels que le cheval, le bœuf, le mouton,
le porc, ete. Le pouvoir précipitant du sérum augmente
à mesure que les injections se font plus nombreuses,
et il est possible, après plusieurs mois de traitement,
d'obtenir un sérum de lapin capable de donner encore
un précipité non douteux dans un sérum dilué à
1/50.000€.
Or, si l'on fait agir un tel sérum de lapin préparé au
moyen d'injections de sérum humain sur le sérum de
certains singes, on voit apparaître dans le mélange un
précipité qui, pour être moins abondant que dans le
sérum humain, n'en est pas moins non douteux. Peut-
on, de ce fait intéressant, et qu'il serait important de
contrôler sur différentes espèces de singes, peut-on
tirer des conclusions positives sur les relations phylo-
génétiques des espèces humaine et simiesques ? Il con-
vient d’être prudent, car, si les sérums précipitants
possèdent, en général, une remarquable spécificité (un
sérum précipitant le sérum de cheval ne précipite pas
le sérum d'âne), il existe des exceptions : c’est ainsi
que le sérum d'un lapin préparé au moyen d'injections
répétées de sang de poule précipite le sérum de poule,
mais précipite aussi le sérum de pigeon. Contentons-
nous donc, pour le moment, d'enregistrer la précipita-
tion des sérums de sangs d'homme et de certains singes
par un même sérum préparé au moyen du sang
d'homme, et attendons que les expériences aient été
multipliées et variées pour en tirer des conséquences
d'ordre théorique.
354
LA MÉDECINE EXPÉRIMENTALE
La méthode d'observation est aussi vieille que le
monde. Elle à suffi, au cours des siècles, a créer
une foule de sciences: l’Astronomie, la Météoro-
logie, l'Histoire naturelle, la Médecine, l'Agricul-
ture, etc. Plus moderne qu'elle, la méthode expé-
rimentale s’est immédiatement montrée plus puis-
sante. C'est d'elle que sont nées les merveilles dont
la Physique ne cesse de nous étonner et les belles
créalions synthétiques de la Chimie actuelle; avec
la spectroscopie, la méthode expérimentale tend
à régénérer l’Astronomie; la Minéralogie, la Géo-
logie, la Zoologie elle-même lui doivent leur renou-
veau. Quels profits a pu tirer la Médecine de cette
méthode ? Quels avantages peut-elle encore en
attendre en Physiologie, en Thérapeutique, en Cli-
nique”? Est-ce vers l'observation directe plus ou
moins exclusive du malade, ou vers l’expérimen-
talion appliquée à la maladie qu'il faut surtout
tourner les efforts des générations nouvelles dans
l'intérêt de la science et de la pratique médicales?
Voilà ce que je voudrais examiner.
En Médecine, la méthode d'observation & fait
ses preuves. Il ne paraît pas bien nécessaire de
montrer le rôle important qu'a joué, dans la genèse
de la Médecine actuelle, la culture de cette branche
de l'Histoire naturelle qui s'occupe de la descrip-
tion exacte des organes, l’Anatomie. On peut, à la
grande rigueur, faire de la médecine sans anato-
mie, lorsque, ainsi qu'Hippocrate qui ne la con-
naissait pas, on est un observateur de génie. Mais
où en serions-nous si, comme on le professait du
temps de Gallien, nous pensions encore que les
aliments et l'air passent, l’un poussant l’autre, par
la trachée-artère, que les larmes coulent des ven-
tricules du cerveau, et que les rhumes ont la même
origine! C'est cependant ce grand médecin, tout
plein des erreurs de son temps, le premier. des
physiologisies et expérimentateurs, s’il n’y eût eu
Aristote, qui démontra que les urines viennent des
à la vessie par les uretères, et qui
put établir que les artères contiennent, durant la
vie, non pas de l'air, comme on le pensait avant lui,
mais bien du sang.
L'invasion, par les barbares du nord, de l’Eu-
rope civilisée compromit durant dix siècles ces
premiers essais de science médicale. Il fallut tout
ce lemps pour que l'esprit humain, profondément
troublé par l'invasion des nouvelles races, reprit
enfin confiance en lui-même. Avec la Renaissance,
reins rattachés
ARMAND GAUTIER — LA MÉDECINE EXPÉRIMENTAiE
‘à raisonner d'après
la doctrine du libre examen et de l'observation
directe des faits succéda partout à celle de l’au:
torité. Jusque-là, la science des Écoles avait vécu
sur la parole d'un Aristote de convention. En
1495, on publia à Venise sa véritable Æistoire des
Animaux et ses Parties des Animaux. C'est ains
qu'à dix-huit cents ans d'intervalle, le grand philo:
sophe grec enseignait aux hommes, de nouveau
la Nature. L'esprit d’observa
tion directe et d’expérimentation méthodique, la
confiance en la raison humaine appuyée sur le
faits devinrent les levains de cette grande, de la
plus grande des révolutions. Pour nous en tenñ
aux choses de la Médecine, vers 1543 le célèbre
chirurgien de Charles-Quint, Vésale, fondait l’ana
tomie réelle, et décrivait pour la première fois, de
visu, les organes du corps humain dans son traité
De humani corporis {abrica. En 1550, l’espagnok
Michel Servet, comme Vésale ancien étudiant de
Paris, fit la remarquable observation que le sang
passe du ventricule droit du cœur au ventricule
gauche à travers le poumon et qu'il s'y revivifies
Mais, Lant est lente la méthode d'observation pure
qu'il fallut encore un siècle, et un homme de
palient génie, pour que Harvey reconnüt, grâce à
la dissection d'un grand nombre d'animaux, même
vivants, que le cœur pousse dans les artères, qui
se dilatent pendant qu'il se contracte, le sang qui
revient au cœur par les veines : démonstratio
mémorable que confirma définitivement l'observa
tion directe de la circulation capillaire faite, peu de
temps après, par Malpighi.
La découverte de la circulation du sang par Har
vey ne s'imposa pas aisément; jugé commé un
rêveur par les praticiens de son temps’, Harvey
perdit sa clientèle. En France, il n'eut pas pour lui
les médecins de tradition, ni la Faculté, mais il eut
le grand Descartes, Molière et Louis XIV?. On se
divisa en circulateurs et anticirculateurs. Malheu=
reusement, ces derniers n'ont pas encore tous dis
paru avec Harvey et Molière, et les progrès dus en:
Médecine aux sciences exactes gèneront toujours
quelques modernes Thomas Diafoirus.
Sans eux et malgré eux, la Zoologie, la Phyeis
logie humaine, l'Anatomie comparée se sont peu
à peu constituées à côté de la Médecine clinique:
qui seule avait paru d’abord devoir attirer utile
ment l'attention des praticiens. Mais qui ne voit
1 D'après son compatriote Aubry, cité par Milne Edwards
Physiologie et Anatomie comparées, t. II; p. 24, note.
+ Il ordonna qu'une chaire fût créée au Jardin des Plantes
pour enseigner l'anatomie et la circulation du sang.
ARMAND GAUTIER — LA MÉDECINE EXPÉRIMENTALE
399
être bien comprise qu'en s’éclairant de celle de
homme et des animaux dans leur état de fonc-
lionnement normal.
Je n'ai pas à dire iei comment les Spalanzani, les
“Hunter, les Geoffroy-Saint-Hilaire, les Ch. Bell, les
Magendie, les J. Müller, les Flourens, les CI. Ber-
“nard, etc., ont fait de la Physiologie une science
expérimentale, autonome, distincte de l’Anatomie
proprement dite et de cette anatomie plus fine des
tissus, l'AJistologie, qu'avait fait naître une inven-
tion admirable des physiciens du xvu° siècle, le
microscope.
» Vers cette époque, la Chimie entre en scène. La
belle et puissante science des transformalions de
la matière n'avait jusque-là consisté qu'en une
Suite de recettes plus ou moins hermétiques, origi-
naires des Egyptiens, des Grecs et de l'Asie, sorte
de tradilion transmise aux initiés, mélée d’alchi-
mie, d’astrologie et un peu de magie. Avec le mé-
decin périgourdin Jean Rey, l'anglais Robert Boyle
et le hollandais Van Helmont, commence la vraie
himie, et même la Chimie biologique.
Jean Rey démontrail, vers 1630, la pesanteur de
Pair, el, par conséquent, sa matérialité niée par
Aristote d’après une expérience mal comprise. Rey
établit l'augmentation du poids des métaux quand
on les calcine, et introduisit dans la Science cette
notion essentielle du poids comme un critérium
dans l'étude des variations de la malière. La
balance devint désormais comme la boussole du
chimiste. Vers le même temps, Van Helmont dis-
inguait les différents airs, qu'il nommait gaz, et
‘découvrait l'acide carbonique. Robert Boyle éta-
blit expérimentalement que l'air ordinaire est
indispensable à la vie de tous les animaux, y com-
pris les poissons, et qu'ils meurent si cet air ne se
renouvelle pas ou leur est enlevé.
Peu d'années après, Lavoisier allait renouveler
les doctrines et fixer les notions des vrais élé-
ments. En 1775, il démontrait que l'esprit sylvestre
(l'acide carbonique de Van Helmont) est formé de
charbon uni à une partie de l'air; en 4777, il établit
que cet air, jusque-là considéré comme un élément
homogène, est formé de deux gaz : un air vital,
propre à entretenir la vie el la combustion, et un
gaz résiduel, une molette irrespirable, qu'il re-
garda d’ailleurs comme probablement très com-
Rplexe’.
… ‘Ildit en propres termes : « Je soupçonne d'ailleurs que
la partie nuisible et méphitique de l’air est elle-même fort
composée ». (Voyez Œuvres de Lavoisier, publiées par
Dumas. Paris, Imprimerie nationale, t. IL; p. 120.) On voit
. que Lavoisier avait été plus perspicace que ses successeurs
et qu'il n'avait pas considéré le résidu de l'air impropre à
la combustion comme un élément simple.
La même année, Lavoisier couronnait ses mémo-
rables recherches sur l'air et la combustion par la
découverte de l’origine de la chaleur animale. Jo-
seph Black avait déjà constaté en 1757 que le gaz
sylvestre s'échappe des poumons à chaque expira-
tion. Placant des animaux dans son calorimètre à
glace, Lavoisier montra qu'ils produisent, en un
temps donné, une quantité de chaleur presque
égale à celle que donnerait la quantité de charbon
contenu dans l'acide carbonique qu'ils excrèlent
durant cette mème période si ce charbon étail
directement brûlé à l'air. Il en conclut aussitôt
« que la respiration est une combustion lente
d'une partie du carbone contenu dans le sang, et
que la chaleur animale est entretenue par la por-
lion de calorique qui se dégage au moment de la
conversion de l'oxygène en acide carbonique,
comme il arrive dans toute combustion de char-
bon ».
Ainsi fut faite la découverte de l’origine de la
chaleur animale, de ce fait mystérieux intimement
lié à la vie, car il commence et finit avec elle.
Chose remarquable, c'est à un médecin pralicien,
Robert Mayer, que nous devons la preuve que la
seconde propriété essentielle des animaux, à savoir
leur aptitude à se mouvoir et à produire du tra-
vail, est en corrélation étroite avec les causes qui
entretiennent leur chaleur. Cette découverte capi-
tale date de 1842.
C'est ainsi que, grâce à la méthode rationnelle,
à la fois fondée sur l'observation et l'expérimen-
tation, tendait à S’établir peu à peu ce grand prin-
cipe, aujourd'hui universellement admis, que tous
les actes des êtres vivants susceptibles de mesure
et d'équivalence matérielle ou mécanique -sont
d'ordre purement physico-chimique, et que, par
conséquent, toutes les fonctions vitales, à l'excep-
tion de celles de l’entendement, pour lesquelles
l’'équivalence n’est pas démontrée, sont des modes
d'être de l'énergie : Les formes diverses résultent
des mécanismes qui mettent en jeu cette énergie
et les modifications dépendent des conditions ma-
terielles, externes ou internes, physiques ou méca:
niques, qui l'excitent, la modèrent ou la trans-
formentsuivant leur état et celui du milieu ambiant.
Telle fut l’idée directrice, la doctrine fondamentale
du déterminisme de CI. Bernard.
Montrer que l'analyse des faits de la vie conduit
à les subdiviser en définitive en une série d'actes
mécaniques ou physico-chimiques mesurables, et
toujours sous la dépendance des lois qui régissent
les phénomènes matériels, serait faire l'histoire
des découvertes de la Physiologie moderne tout
entière : l’osmose et les échanges pulmonaires; les
mécanismes chimico-physiologiques de la diges-
tion ; les lois de l'isotonie qui président à l’absorp-
356
ARMAND GAUTIER — LA MÉDECINE EXPÉRIMENTALE
lion et aux sécrétions; la mécanique des mouve-
ments musculaires ; les forces qui, dans chaque
organe, déterminent la consommation des réserves
et la production de l'énergie chimique, calorique
ou mécanique; le mode de fonctionnement des
organes des sens, et particulièrement de l'audition
et de la vue, etc., toutes ces découvertes, qui ont fait
de la Physiologie moderne la vraie science prépa-
raloire à la Pathologie et à la Clinique, ne sont que
des chapitres des sciences mécanique, chimique et
physique dans leurs applications à l'étude précise
des phénomènes de la vie.
L'Analomie, la Physiologie et la Physico-chimie
ont été les trois échelons successifs qui ont permis
d'accéder au sanctuaire, où, sous des voiles de plus
en plus transparents, se célèbre le grand mystère
de la Vie.
Il serait injuste d'oublier ce dont la Médecine est
redevable à une science dont elle n'est, pour ainsi
dire, qu'un rameau, l'Æistoire naturelle des étres
vivants. Cest de l'Histoire naturelle que sont
issues l’Anatomie et la Physiologie comparées, la
Tératologie, l'Embryogénie. C’est à elle que revient
la détermination étiologique des maladies parasi-
taires : gale, teigne, trichinose, fièvres paludéen-
nes, fièvre jaune, coccidiose, cancer et syphilis
peut-être. À la Botanique nous devrions une vive
reconpaissance, ne nous eût-elle fourni que le
quinquina, l’opium, la rhubarbe, la coca, l'ipéca,
le cacao. et mille autres drogues si précieuses en
thérapeutique. Mais l'Histoire naturelle est restée
avant tout une science d'observation, el c'est de
l’expérimentalion surtout, qu'à mon sens, la Méde-
cine de l'avenir doit attendre ses principaux pro-
grès.
C’est au laboratoire, en effet, et par l’expérimen-
tation, que les chimistes biologistes ont patiem-
ment déterminé la composition des lissus, du sang
et des humeurs;,tqu'ils ont pu saisir leurs variations
et entrevoir ainsi les causes profondes des états
diathésiques primilifs, constilutionnels ou patholo-
giques. C’est par l'étude expérimentale précise qu'ils
ont pu expliquer les relations entre la contraction
du musele, la calorification et les excrétions simul-
tanément formées, pour en déduire ensuite le régime
qui convient à l'homme au repos ou au travail; c'est
par la Chimie que nous connaissons les processus
qui donnent naissance à l'urée, à l’acide urique,
aux graisses, aux sucres, aux diverses excrétions
et à leurs modifications normales ou anormales.
Elle les poursuit jusque dans les tissus et les cel-
lules où nait la perturbation primilive d'où la
maladie tire son origine; c'est la Chimie qui
éclaire la digestion et les troubles qui s'y ralta-
chent; qui fait connaître les variations des échanges
respiraloires et des excrétions pendant le repos,
le travail, les états normaux ou pathologiquess”
c'est elle à qui l’on doit la découverte des agents
spécifiques de la vie cellulaire, ces mystérieux
ferments excilaleurs des actes élémentaires pri
mordiaux, dont l'harmonie crée le fonctionnement
de chaque organe.
Cet ensemble de connaissances exactes a fait dem
la Physiologie moderne une science définie, mé-
thodique, précise, offrant à la Pathologie un solide
point d'appui et de puissants moyens d'action. M
Je sais bien qu'attachés à la vieille médecine
dite traditionnelle (celle qui de tout temps a re-
lardé), quelques-uns de ces anticirculateurs dont
je parlais plus haut diront : Que nous importent la
Physiologie et la Science; avant lout, le malade, las
clinique, l'hôpital! J'ai hâte de le reconnaître, le
but principal du médecin praticien n’est pas d’ex-
pliquer les faits qu'il observe et de faire des décou-
vertes (et il en a fait d'ailleurs de mémorables,
celle de l’ausculfation en particulier). Mais il doit, M
avant tout, rendre les services qu'on attend de lui, «
soigner, soulager, guérir. Je m'incline devant sa
science, sa prudence, son dévouement, son rôle si
précieux, si touchant, lorsqu'il vient apporter dans
les familles l'espoir et la santé. Mais, dans cet
article, je me place, non pas tant au point de vue du
médecin, qu'à celui de la Médecine, ou plutôt de
ses progrès à venir et de ses méthodes. Je viens de
montrer ce que la médecine physiologique a gagné
à la méthode expérimentale; voyons ce qu'a gagné
ou peut espérer d'elle la médecine clinique.
IT
Avant l'époque moderne, alors que la maladie
s'éludiait surtout à l'hôpital, fort peu au labora-
toire, quelle conception se faisail-on de l'éfat patho-
logique ?
« La maladie, dit Friedlander, est une certaine
forme de la vie qui résulte d’une sédition des for-
ces s'associant d’une façon nouvelle; forme qui,
bien que contraire à la forme régulière de la vie,
s'unit avec elle. Aussi, dans les corps malades, la
vie parait non seulement s'être écartée de la règle
générale, mais encore être troublée où même dis-
soute par la lutte de ces forces qui ne s'accordent
point » (Fundanienta doctrinæ pathologicæ, p. 32,
cilé dans le Dictionnaire de Médecine en 30 vol.),
« La maladie, dit Chomel, est une aberration nola-
ble survenue soit dans la disposition matérielle des
solides ou des liquides, soit dans l'exercice d'une
ou plusieurs fonctions {/bid., t. XII, p. 50).
« La maladie, dit Maurice Raynaud, c’est l’en-
semble des phénomènes qui évoluent sous l'in-
fluence d'une même unité affective » (Dictionnaire
de Jaccoud, article Maladie, p. 502).
lise
ARMAND GAUTIER — LA MÉDECINE EXPÉRIMENTALE 397
lution des phénomènes sous l'influence des unités
“Où entités alectives? Heureusement, le génie des
#rands médecins : Hippocrate, Celse, Sydenham,
Morgagni, Jenner, Laënnec, etc., avait suppléé à
Pinsuffisance des conceptions de leur temps: mais
ces grands hommes appartenaient surtout à l’École
de l'observation pure. Voyons ce qu'a produit de-
puis l'École de l'expérimentation méthodique.
“ En 1848, un jeune chimiste de vingt-six ans
découvrait la dissymétrie moléculaire et y ratta-
ait aussitôt la polarisation rotaloire. Pour sé-
rer ses cristaux hémièdres, Louis Pasteur
Saya l’action des moisissures, et fut conduit
dinsi, vers 1855, à examiner le mécanisme que
jouent les êtres inférieurs monocellulaires dans
lair qui les charrie, et qu'ils ont loujours pour ori-
ine un organisme préexislant et semblable à eux.
De 1865 à 1870, il observa que des corpuscules
1 contagieuses, la péhbrine et la facherie. À côté
le Pasteur, un pas de plus avait été fait par Davaine,
qui découvrit la bactéridie, organe spécifique de
maladie charbonneuse. Bientôt, la plupart des
eclions conlagieuses furent conçues par Pasteur
omme de vérilables fermentations, provoquées
dans les tissus ou les humeurs par la présence de
es organismes spécifiques, étrangers à l'écono-
mie à l'état de santé, et auxquels il donna le nom
de microbes.
. Cette conception pathogénique nouvelle des ma -
dies virulentes ne ful pas sans provoquer les pro-
estations de la vieille médecine. Alors que les mi-
€robes du charbon, de la fièvre puerpérale, du
choléra des poules, du rouget du pore, de la tuber-
culose étaient isolés, cullivés 12 vitro, transmis à
maitres de la science clinique de ce temps n'hésitait
pas à prononcer ces paroles à la tribune de l'Aca-
démie de Médecine. « Ce sont là des curiosités
d'histoire naturelle, intéressantes à coup sûr, mais
à peu près de nul profit pour la Médecine propre-
ment dile, et qui ne valent ni le temps qu'on y
passe, ni le bruit qu'on en fait. Après lant et de si
laborieuses recherches, il n’y aura rien de changé
en Médecine : il n’y aura que quelques microbes
de plus ».
Singulier élat d'esprit de cette médecine suran-
née qui « s'attache aveuglément, comme fait dire
Molière au médecin de son Malade imaginaire, aux
opinions des anciens, el qui jamais n'a voulu coni-
prendre ni écouter les raisons et les expériences
des prélendues découvertes de notre siècle ».
Comment, au point de vue historique ou logique,
accepter celle prétention des purs cliniciens qui
voudraient borner nos moyens d'information à
l'observation directe du malade, à la clinique
seule; qui, après avoir négligé, comballu même,
il y à trente ans, l'emploi du microscope et du
thermomètre, restent encore méfiants devant les
résultats précis, matériels, indisculables, sortis des
laboratoires du physiologiste ou du chimiste, et
qu'effraye la mélhode expérimentale à laquelle les
sciences physico-chimiques doivent leur surpre-
nante évolution et leur cachet de certitude. Mais,
pour fermer les yeux, empêchera-t-on le soleil de
luire? Malgré les railleries, les objections ou les
réserves de la vieille médecine, successivement
furent découverts les vaccins de la rage, du tétanos,
de la diphtérie, de la peste. On rattacha clairement
l'idée de maladie à celle d'un empoisonnement par
des toxines issues des microbes, ou par des sub-
stances offensives originaires de nos propres Lissus ;
on découvrit les antitoxines, ou créa des cytoloxi-
nes. À ces magnifiques conquêtes vinrent s'ajouter,
sorlies également des laboratoires des physiolo-
gistes expérimentateurs et des zoologistes, la décou-
verte des sucs organiques sécrétés par les glandes
et cellules spécifiques, celle de la phagocytose,
enfin lx connaissance des ferments, oxydants, ré-
ducteurs, hydrolysants, déshydratants, coagulants,
anticoagulants..…. ces agents actifs qui président
aux phénomènes élémentaires de la vie. Tout cet
ensemble de découverles mémorables, et telles
que la Médecine n'en avait point fait d'aussi
grandes depuis ses antiques fondateurs, est le
fruit de la méthode d'investigation expérimentale,
méthode bien ancienne déjà, mais presque nouvelle
en Médecine. Comme elle l'avait fait pour la Phy-
sique et la Chimie, elle a transformé de fond en
comble la vieille nosologie, les vieilles conceptions
étiologiques, la vieille thérapeutique.
Sans doute, il a fallu un Pasteur pour l'intro-
CH.-ED. GUILLAUME — LES LOIS DU RAYONNEMENT
duire en Pathogénie, battre en brècheles anciennes
barrières et faire tomber les antiques préjugés.
Mais, Pasteur disparu, la méthode reste; elle est
bonne, elle est fructueuse et les découvertes se
continuent.
Celte méthode, le génie de Pasteur nel'a pas créée;
mais, frappé un jour, comme l'avait été avant lui
Van Helmont, de l’idée que la maladie transmis-
sible n’est peut-être qu'une fermentation, Pasteur
appliqua à la vérification et au développement de
cctte hypothèse la méthode des sciences dont il
était l’adepte. Elle consiste, partant d'un premier
fait d'observation spontanée, fourni quelquefois par
le hasard, à provoquer, grâce à un choix raisonné
d'expériences de contrôle, les phénomènes qui peu-
vent rationnellement venir appuyer ou contredire la
conception qu'on s’est faite d’abord du fait d'obser-
vation initial. L'expérience provoquée doit être
susceptible de mesure, et assez simple pour ne per-
mettre qu'une conclusion; celle-ci confirme ou con-
tredit l'hypothèse provisoire d'où l’on est parti;
généralement, elle la modifie ou la généralise; etla
conception ainsi modifiée, si elle est désormaisjuste,
fait prévoir une série de fails nouveaux qui doivent
se vérifier à leur tour. L'examen de ces faits pourra
rectifier encore l'hypothèse directrice: et ainsis
de conception en conceptions, de vérification ern
vérifications, surgit une vérité plus large, plus uni
verselle, une théorie, une loi, qui répond à tousles
faits connus et en fait prévoir et découvrir un
grand nombre d’autres jusque-là imprévus. Telle
est la méthode expérimentale. Sans doute elle ne
saurait, dans tous les cas, se poursuivre directe
ment sur l’homme malade, mais elle peut s'appli
quer aux conceptions qu'on se fait de la maladie,
se pratiquer sur les animaux de nos laboratoires
rendus malades à volonté, puis, par un juste ét
prudent retour, profiter à l’homme lui-même. C'es
dans ces expériences mélhodiquement conçues
provoquées dans des conditions artificiellement et
rationnellement simplifiées, c'est dans le silence
du laboratoire que se sont faits ces progrès qui
ont changé la face de la Médecine, qui en ont
déjà fait l’une des branches les plus précieuses du
savoir humain, et qui créeront un jour la plus
grande et la plus surprenante de toutes les.
sciences : Ja Science de la Vie.
Armand Gautier,
de l'Académie des Sciences,
Professeur à la Faculté de Médecine
de Paris.
LES LOIS DU RAYONNEMENT
ET LA THÉORIE DES MANCHONS A INCANDESCENCE
PREMIÈRE PARTIE
De grands progrès ont été réalisés depuis
quelques années dans la connaissance des phéno-
mènes du rayonnement. Dans ce problème, d’une
extrême complexité, les relations simples commen-,
cent à apparaître, ayant pour la première fois
l'aspect de lois naturelles. En même temps, les
applications se multiplient, suivant généralement
la théorie, mais la précédant parfois. Tel est le
cas des manchons incandescents, qui révolu-
lionnèrent pour un temps l'éclairage, et dont le
1 Cette étude fait suite à un article publié dans la Revue
du 15 janvier 1892, sous le titre : L'Energie dans le spectre.
Quelques-uns des faits qui semblaient devoir être admis à
cette époque ne le sont plus aujourd'hui, et la plupart de
ceux qui n'ont pas été abandonnés ont pris une forme plus
nette et plus générale. L'article qu'on va lire était écrit
presque en entier il y a plus d'un an; mais la perspective
de voir, à l'occasion du Congrès de Physique, surgir des
résultats nouveaux, m'a engagé à en différer la publi-
cation. Les données numériques que l'on trouvera plus
loin ont été mises en harmonie avec les travaux les plus
récents, et notamment avec les résultats magistralement
exposés par M. Lumer et M. Rubens au tome II des
Rapports du Congrès.
: LES PRINCIPES:
mode d'action est resté longtemps inexpliqué. Nous
nous y arrêterons longuement dans la suite #
mais une foule de résultats intéressants devront
être mentionnés avant que nous puissions aborder
ce cas parliculier que beaucoup de physiciens
considèrent encore comme paradoxal; c'est
l'exposé de ces résullals que sera consacrée la
première partie de cet article.
I. — PRINCIPES GÉNÉRAUX.
Un corps noir absorbe, par définition, toutes
les radiations arrivant à sa surface. Plaçons dans
une enceinte fermée, isotherme, un corps de cette
nature, et laissons l'équilibre de température s’étas
blir. À ce moment, le corps noir perdra, dans un
temps donné, aulant d'énergie qu'il en absorbera;
puisque, d’après le principe de Carnot, sa tempé
rature demeurera invariable.
Remplacons maintenant le corps noir par un
aulre corps que nous supposerons complétement
opaque. Lorsque l'équilibre thermique est établi,
“ce corps absorbe une partie de l'énergie que lui
“envoie l'enceinte, et en réfléchit une autre portion;
“de plus, il émet une quantité d'énergie exactement
“égale à celle qu'il absorbe, et son pouvoir émissif
est encore exprimé par un coefficient égal à celui
qui définit numériquement son pouvoir absorbant.
En tout point de l'enceinte fermée, les radiations
traversent l’espace dans toutes les directions, et
lénergie émanée d’un élément déterminé de la
surface se compose, pour une parlie, de radiations
émises, et pour une autre, de radiations réflé-
€hies. Nous changerons infiniment peu les condi-
tions du rayonnement en introduisant dans l’en-
ceinte un corps noir infiniment petit. Ce corps
devant être en équilibre avec l’enceinte, nous
en concluons que la radiation, dans une enceinte
fermée, est identique à celle qui part d’un corps
noir. Toutes les directions de l’espace sont tra-
versées par des flux égaux et de sens contraire: il
ny à aucun échange d'énergie entre les divers
points de l'enceinte, et aucune direction privilé-
viée pour l'intensité du flux; on peut donc dire
que les radiations sont en équilibre. ;
Les raisonnements qui précèdent ne souffrent
qu'une exception, celle d'une enceinte parfaitement
réfléchissante. Son pouvoir absorbant élant nul,
son pouvoir émissif l’est aussi. Donc ses parois
n'introduisent aucune énergie à l'intérieur, el
l'énergie qui s'y trouve est indéfiniment celle qui
l'occupait lorsque l'enceinte s’est fermée. Mais il
suffit d'y introduire un corps ayant un pouvoir
émissif différent de zéro, pour que les radiations
à l'intérieur deviennent identiques à celles du corps
moir ayant la température du corps rayonnant
dans l'enceinte. Ce dernier se mettra en équilibre
non pas avec l'enceinte, dont la température peut
tre quelconque, mais avec l'éther qu'elle contient,
Si l'énergie moyenne était inférieure à celle qui
s'établit uitérieurement, le corps se refroidirait
‘d'une quantité correspondante à celle de l'énergie
absorbée par l’éther, et inversement.
Ce qui vient d'être dit est vrai de tout ensemble
de radiations. Les mêmes résullats sont encore
exacts pour une radiation isolée, et c’est même
dans le cas seulement d’une radiation isolée qu'ils
peuvent prendre une forme précise.
Un corps n'est, en général, ni complètement
réfléchissant, ni parfaitement absorbant. La valeur
“numérique de son pouvoir absorbant varie avec la
nature de la radiation considérée, chaque radiation
qui arrive à la surface d'un corps étant, en général,
absorbée dans une proportion déterminée, diffé-
rente d’une radiation à l’autre.
Un corps peut renvoyer régulièrement une ra-
- diation donnée ; il est alors réfléchissant pour cette
CH.-ED. GUILLAUME — LES LOIS DU RAYONNEMENT
359
radiation. Il peut aussi réfléchir régulièrement
toutes les radiations : dans ce cas, il est complè-
tement réfléchissant. S'il diffuse également toutes
les radiations sans en absorber, on le nommera
un corps blanc. S'il en absorbe une proportion
constante, il sera un corps gris’. Si, enfin, il en
absorbe une proportion variable suivant la nature
de la radiation, on le nommera un corps coloré.
Cette lerminologie est empruntée à la considé-
ration du spectre lumineux; elle peut s'appliquer
sans modification à tout l'ensemble du spectre.
Un corps diffusant peut être assimilé à un corps
réfléchissant composé de miroirs élémentaires
extrêmement petits, orientés dans loutes les direc-
tions.
Un corps peut diffuser par sa surface externe
s'il est opaque; s’il est transparent, il ne renverra
qu'une faible partie de la lumière par sa surface
externe; mais il pourra en renvoyer une proportion
considérable, s'il est constitué par un grand nombre
de surfaces ou de paillettes superposées. Tel est le
cas de la neige, dont la blancheur est due à sa
texture en même temps qu'à la transparence de
l'eau pour la lumière visible. Dans l'infra-rouge,
l'eau est bientôt opaque, donc absorbante; d’ailleurs,
son pouvoir réfléchissant est faible; la neige joue
à peu près, dans cette région du spectre, le rôle du
noir de fumée dans le spectre visible. La neige est
un corps coloré dans le sens que nous venons de
définir. Un œil dont le pouvoir s’étendrait sur deux
octaves de radiations la verrait avec une teinte
correspondant au bleu.
Il convient d'étudier de plus près Le cas des corps
transparents. Supposons un tel corps placé dans
l'enceinte isotherme. L'énergie recue par une de
ses faces atteint en partie la face opposée; là, elle
rencontre une radiation venant en sens inverse,
dont l'intensité est égale à celle de la radiation
atteignant la première face. Comme il ne peut y
avoir ni gain, ni perle d'énergie sur la seconde
face, il est nécessaire que le corps émette, par
toute son épaisseur, une énergie égale à la diffé-
rence entre celle qui est entrée et celle qui émerge
venant de l'enceinte. L'émission le long d’un rayon
sera égale à l'absorption le long de ce même rayon,
et, si nous isolons une épaisseur infiniment petite
du corps, de facon à pouvoir négliger la portion
qu'il absorbe de sa propre radiation, quantité du
second ordre par rapport à celles que nous consi-
dérons, nous pourrons dire que, dans un corps
Pl tn." | RER +
1 Une généralisation trop hâtive avait fait admettre autre-
fois, à la suite de Stéfan, que la répartition de l'énergie rayon-
nante était la même pour tous les corps solides ; en d’autres
termes, on considérait tous les corps comme gris, le blanc
et le noir formant les deux limites; mais on sait aujour-
d'hui qu'il est loin d'en être ainsi.
360
CH.-ED. GUILLAUME — LES LOIS DU RAYONNEMENT
partiellement transparent, le pouvoir émissif est
égal au pouvoir absorbant pour chaque radiation
particulière.
Un corps infiniment mince absorbe une quantilé
infiniment faible de toute radiation. Un corps infi-
niment épais absorbe complètement toutes les
radiations. Entre ces deux extrêmes, un corps sera
considéré comme absorbant ou transparent suivant
la délicatesse des moyens d'investigation que nous
emploierons pour déterminer la proportion de
l'énergie qui le traverse. Nos notions vulgaires sur
la transparence sont tirées de l'examen d’une
lumière traversant un corps sous les épaisseurs
sous lesquelles il se présente habituellement. Nous
sommes peu habitués à considérer les corps sous
des épaisseurs d'un micron ou d'un kilomètre.
Sous la première, l'or et l'argent sont rettement
transparents pour la lumière ordinaire et pour
notre œil, comme moyen d'investigation; sous la
deuxième, l’eau est absolument opaque.
La distinction d’un corps opaque ou transparent
n'a donc aucune signification, si l'épaisseur n'est
pus précisée, et tout l'exposé qui précède pouvait
être limité au cas général de la radiation réfléchie
et de la radiation partiellement transmise.
Les résultats énoncés ci-dessus, fondés sur l’idée
d'un équilibre thermique final, sont généraux,
lorsque la seule énergie que possède un corps est
thermique et immédiatement transformable en
radiations. Dans certains cas, il est vrai, on pourrait
hésiter sur la vraie nature de l'échange d'énergie
entre plusieurs corps en présence. Considérons,
par exemple, deux corps complètement réflé-
chissants dans tout le spectre, à l'exception d’une
bande étroite, la mème pour les deux corps. Sup-
posons que leur pouvoir émissif soit différent, el
placons-les dans une enceinte réfléchissante pour
toutes les radiations. Le corps À aura un pouvoir
émissif 4, le corps B un pouvoir émissif D, et nous
supposerons à plus grand que b.
Nous pouvons amener ces deux corps à deux
températures telles que leur émission ait la même
valeur, À étant plus froid que B. Ils émettront l'un
vers l’autre la même énergie, et on pourrait penser
que leur différence de température se maintiendra
indéfiniment. Mais, d’après l’égalilé des pouvoirs
émissifs et absorbants, nous savons que À émet
autant que B, parce que son pouvoir émissif est
plus considérable; il absorbera donc une plus forte
proportion de l'énergie ambiante aussi longtemps
que les températures ne seront pas arrivées à
l'égalité. À ce moment seulement, son émission et
son absorplion deviendront identiques.
Mais toute émission de radiations n’est pas due
à un phénomène thermique. La phosphorescence
nous donne un exemple de radiations émises par
jours une modification de nature chimique dans le
des corps froids et de même nature que celles quë k |
peuvent donner des corps portés à une vive incar
descence. Un corps de cette nature, placé dans une
enceinte fermée, détruit l'équilibre correspondant
au corps noir; mais, dans ce cas, on constale tous
corps en question, ce qui l’exclut des raisonnements
précédents, fondés sur le principe de Carnot *.
On ne saurait trop insister, dès le début, sur Ge
point que, dans une enceinte fermée en équilibre, la
radiation est celle d’un corps noir, et possède par
conséquent la valeur la plus élevée correspondant
à chacune des radiations de l'énergie rayonnante
de chaque longueur d'onde que puisse donner un
corps simplement incandescent à la même tempé=
rature.
On attribue arbitrairement au corps noir le
pouvoir émissif égal à l'unité pour toutes les radia=
tions. Nous conserverons provisoirement cette dé
finilion, mais nous montrerons qu'elle peut faire
place à une autre définition rigoureuse du pouvoir
émissif.
II. — LE corps NorRr.
Les résultats qui viennent d'être énoncés ne sont
qu'une série de conséquences nécessaires du
second principe de la Thermodynamique. Si élé-M
mentaires que semblent les raisonnements, il n'a
pas fallu moins que le génie de Poisson et la
grande perspicacité de Kirchhoff pour montrer
toute la généralité de ces résultats. On eût pu les
lire en entier dans les idées de Prévost, si l’on
avait su les interpréter. Rien peut-être mieux que
l'histoire de ces quelques principes ne montre
qu'une idée ne peut germer qu'à son heure, lorsque
le terrain est préparé à la recevoir. Banale dans la
suite, elle est stérile jusqu'alors.
Dans les innombrables recherches failes en vue
d'élucider les questions qui se posent au sujet des
radiations, on a combattu sans cesse contre deux
ordres divers de complications. D'une part, les
actions spécifiques des radiations sur des récepteurs
particuliers, tels que l'œil ou la plaque photogra-
phique, ont trompé sur leur véritable énergie; et,
même dans l'emploi de la pile ou du bolomètre, on
a trop facilement admis que le récepteur, noir dans
le spectre visible, l'était pour toutes les radialions:
D'autre part, on a pris comme source des radialions
des surfaces qui n'élaient jamais complètement
noires ni même grises, mais qui étaient toujours
des corps colorés, suivant la définilion que nous
en avons donnée.
4 Nous faisons abstraction des radiations d’origine encore
inconnue émises par les corps radio-actifs; jusqu'ici, il &
été impossible de trouver la source de ces radiations, sans
admettre que le principe de Carnot souffre des exceptions.
CH.-ED. GUILLAUME — LES LOIS DU RAYONNEMENT 361
En réalité, si l’on fait abstraction d'une enceinte
fermée, le meilleur corps noir est un corps presque
Liransparent pour toules les radialions, et dont
Miépaisseur est très grande, Une colonne d'un
mélange gazeux isotherme et ayant une épaisseur
de quelques milliers de kilomètres sous une densité
suffisante est un excellent corps noir, et sa radia-
tion peut servir de terme de comparaison.
… Tel serait le cas du Soleil s'il était à une tempé-
_ralure uniforme depuis une grande profondeur
“malière est négligeable. Mais nous savons qu'il n'en
est pas ainsi : la décroissance de l'éclat, du centre
au bord figuré de son limbe, nous montre que les
“couches supérieures absorbent la lumière émanée
“des couches profondes et la modifient. Les radia-
lions qui parviennent à l'extérieur traversent des
ilieux matériels qui ne sont ni assez transparents,
ni assez opaques pour nous donner une radiation
hysiquement bien définie. Transparentes, elles
laisseraient venir jusqu'à nous les radialions non
déformées des couches profondes. Suffisamment
opaques dans une épaisseur de tempéralure cons-
tante, elles nous donneraient la radiation du corps
noir de celte température.
Si nous prenons un corps solide, l'expérience
enseigne qu'il possède toujours une région de
réflexion sélective dans laquelle son émission est
très faible.
- Quant aux corps que nous considérons comme
noirs, nous verrons de combien il s'en faut qu'ils
absorbent toute lumière incidente.
C'est après avoir erré pendant longtemps à
travers loutes ces complications, que l'on a enfin
compris comment le problème pouvait être simplifié :
il suffisait de réaliser pratiquement la conception
e Poisson et de Kirchhoff, d'une enceinte fermée.
Sans doute, celle conception est irréalisable en
toute rigueur, mais on peut s’en rapprocher autant
que l’on veut, en créant une enceinte de dimensions
suffisantes, percée d'une étroite ouverture permet-
lant d'examiner sa radialion, et, par surcroît, recou-
verte intérieurement d’un enduit se rapprochant
autant que possible de la couleur noire.
Dans ses belles recherches sur le degré d'incan-
descence, M. H. Le Chatelier a plus d'une fois
examiné la lumière dans une fissure profonde, et l'a
comparée à celle de la surface. M. Christiansen a
employé un procédé analogue, alors qu'il cherchait
à déterminer le coefficient d'émission d'un corps
+ Schnebeli, peut-être inconsciemment, avait
- déterminé aussi le rayonnement dans l'enceinte
creuse d’un four à réverbère.
… Mais c'est dans ces dernières années seulement
que des mesures rigoureuses de l'émission ont été
faites à l'aide d'une enceinte telle qu'elle vient |
“jusqu'à une distance du centre où la densité de sa :
d'être définie. Suggérée par M. Willy Wien, mise à
l'épreuve par M. Saint-John dans des expériences
sur lesquelles nous reviendrons, elle a conduit, à
l'Institut physico-technique impérial, M. Lummer,
travaillant isolément ou avec la collaboration de
M. Kurlbaum ou de M. Pringsheim, à des résultats
d'une remarquable netteté.
Des sphères de métal, recouvertes extérieu-
rement d'oxyde de fer, élaient placées dans un
fourneau : leur température élait mesurée à l’aide
de couples thermoélectriques internes, et la radia-
tion élait reçue sur une lame bolométrique creuse,
formant un corps noir par sa forme même. Ou bien
aussi, un cylindre creux de platine, fermé à ses
extrémités, était parcouru dans le sens de sa lon-
gueur par un courant intense qui l’amenait à une
température élevée. Un couple replié le long des
parois, et prolongé par une longue spirale, indiquait
la température intérieure.
Les résultats obtenus dans ces expériences sont
d'une importance capitale, et il convient de les
étudier avec quelques délails. Cependant, pour en
mieux saisir le lien, il est nécessaire de connaitre
d’abord les idées théoriques régnantes sur les lois
numériques du rayonnement.
On se souvient que Stefan, en faisant la synthèse
des expériences sur l'intensité du rayonnement
connues un peu avant 1880, élait arrivé à la con-
clusion que l'énergie de l'émission totale variait
comme la quatrième puissance de la température
absolue, La loi était d'une séduisante simplicité :
mais, précisément pour cette raison, elle ne fut
acceptée d’abord qu'avec méfiance, et comme une
indication empirique facilitant le travail de la mé-
moire. Les expériences sur lesquelles s'était appuyé
Stefan étaient hétérogènes, et n'embrassaient qu'un
intervalle de températures peu étendu. Elles ne s’ap-
pliquaient qu'à des corps visiblement noirs, et non
point au corps noir théorique; bref, si l’auteur de la
loi eût prélendu donner autre chose qu'une formule .
mnémonique, il eût encouru les criliques les plus
justifiées. Et, cependant, par une fortune singulière,
cette loi a survécu à toutes les autres.
Tout d’abord, on se souvint d'une appréciation
donnée par Kirchhoff en 1861. Après avoir montré
que le corps noir pouvait être conçu indépendam-
ment de l'existence de tout corps réel, il avait
ajouté que les lois du rayonnement, pour ce corps
fictif, devaient probablement être simples, comme
toutes celles dans lesquelles n'interviennent pas
les propriétés de la malière. Puis, en 1884, M. Boltz-
mann, s'appuyant sur la théorie électromagnétique
de la lumière, donna ce qu'on considéra long-
temps comme un semblant de preuve de la réalité
de la relation trouvée par Stefan. Enfin le succès
de l'expérience augmenta la confiance, et, de plus
362
CH.-ED. GUILLAUME — LES LOIS DU RAYONNEMENT
en plus, on tend aujourd'hui à considérer comme
suffisamment rigoureuses les démonstrations don-
nées par M. Boltzmann, puis par M. W. Wien,
indépendamment de toute théorie sur la nature de
la radiation.
M. Wien a incorporé la loi de la quatrième puis-
sance comme loi intégrale dans une relation qu'il
a indiquée, et qui contient à la fois les relations
entre la température, la longueur d’onde et la puis-
sance de la radiation.
Cette loi, dont l'expression est :
a été, dans ces derniers temps, le point de départ
d'assez vives discussions, notamment au sujet des
résultats qu’elle fournit pour les très grandes lon-
gueurs d'onde‘. Il est cependant trois de ses con-
séquences qui sont généralement admises : ce sont
d’abord la loi intégrale de la quatrième puissance,
puis la loi dérivée donnant la position du maxi-
mum de la puissance rayonnante en fonction de
la température de la source. Celte relation, dési-
gnée sous le nom de Joi du déplacement, est con-
tenue dans la formule :
\nO — const. — A:
Enfin, on peut poser une troisième relalion entre
la température et la valeur du maximum de la puis-
sance. Cette relation s'écrit :
PnO—5 = const. = B.
Nous n'insisterons pas sur les nombreuses études
préliminaires qui ont conduit M. Lummer et ses
collaborateurs à perfectionner peu à peu leurs
appareils qui, aujourd’hui, ne laissent plus rien
à désirer. Ce travail, long, patient, et où se révèle
à chaque pas une grande ingéniosité, en même
temps que l'emploi de moyens considérables, est
marqué, dans ses diverses étapes, par une série
de publications qui s'étendent déjà sur un inter-
valle de cinq ou six ans; ilest plus intéressant de
nous limiter ici aux résultats les plus récents,
obtenus avec les derniers appareils, et en prenant
des soins méticuleux, tels que de dessécher parfai-
tement l'air entre la source et le bolomètre, et à le
dépouiller de son acide carbonique qui, avec la
vapeur d’eau, absorbe de larges bandes dans l'infra-
rouge.
La première vérification est celle de la loi inté-
grale qui est donnée de la manière suivante : La
puissance lotale de la radiation réciproque entre
une source à la tempéralure 6, et le bolomètre à
1 D'autres lois ont été proposées récemment par Lord
Rayleigh, M. Thiesen, M. Planck; nous y reviendrons tout à
l'heure,
la température ordinaire @, étant mesurée, on
Æ
forme le quotient :
P
0, —0,:
dans lequel ©, * n'intervient, pour les températures"
très élevées, que comme un terme correctif presque
négligeable. Si ce quotient est sensiblement cons=
tant, la loi de Stefan se trouve vériliée.
Mais on peut aussi la donner sous une autre forme;«
qui consiste à calculer, par la loi de la quatrième
puissance, la température qu'il faudrait attribuer
“au corps rayonnant, pour que cette loi se trouvät.
vérifiée. C'est ce dernier calcul qui se trouves
effectué dans le tableau I, reproduit d'après less
publications de M. Lummer, en éliminant seule-
TagLeau I. — Vérification de la loi de Stefan,
d'après M. Lummer.
TEMPÉRATURE] DÉVIATIONS
absolue
®, e
réduites calculé obs.— cale.
©
serrrshhr—
19 1Ÿ 19 LS DO PO 19 F2 19 19
Ü DER ODERE I
SONO
FONROUwUrEeSR
| LOUE = Ge Or e
. 500
=
[oO]
o2
C2
Moyenne..."
ment trois expériences qu'il considère comme peu
sûres.
La première colonne contient les températures
absolues, mesurées au moyen d’un couple Le Cha-
telier étalonné par MM. Holborn et Day; la seconde,
les déviations du galvanomètre, ou plutôt celles
qui auraient élé observées, si elles n'avaient pas
été réduites par des dérivations. La troisième donne
les valeurs de ©, d’après la relation :
P—5(0,1— 2904),
le récepteur ayant été constamment maintenu à la
température de 290° absolus, ou 17° C. La colonne
suivante donne les températures recalculées par
celte formule, dans laquelle on introduit la valeur
moyenne de 5; enfin, la dernière, les différences .
entre les températures observées et calculées.
Comme on le voit, les écarts entre les tempéra-
tures observées et calculées sont extrêmement
faibles, et sont entièrement contenus dans les
limites d'incertitude d'observations excellentes soit,
de la température, dans des régions d’un accès dif-
ficile, soit de la puissance de radiations variant
dans le rapport de 1 à 430; on peut donc consi-
————
Mérer la loi de Stefan comme absolument véri-
iée, pour le corps noir, depuis la température
ordinaire jusqu'au voisinage de 1.300° C.
…. Les deux autres conséquences de la loi de Wien
“ne sont pas moins bien vérifiées: mais ici l’étale-
ment de la radiation en un spectre l’affaiblit, en
même temps que, pour les températures basses,
le maximum se déplace de plus en plus dans l'infra-
ue des expériences faites à partir de températures
élativement élevées. Le tableau IL contient les
Savoir : les trois premières colonnes les données
directes de l'observation, et les deux suivantes la
valeur numérique des produits dans lesquels se
Pagceau II. — Vérification des conséquences de la
“formule de Wien, d’après MM. Lummer et
Pringsheim.
» |
5 FEES DIFFÉ- |
P,0-—5 mn
[2
Pnoy.| RENCE
|
MEMPÉRA-
Pm ImO
2,026| 2 814/2.190 10-17] 62103/ +001
4,98 | 2.950/2.166 10-01] 791,5/—1,5
13,66 | 2.980/2.208 10—1| 910,1/+1.6 |
21,50 | 2.956/2.166 10—17 996.5|—2,0
34,0 2.966/2,16% 10—17 2
68,8 | 2.959/2.116 10-17 ,3
145,0 | 2.979/2.184 10—17| 4.460,0|—0, 4
210,6 | 2.928/2.246 10—1| 1.653,5|7,5
410—17
résument les deux dernières lois. Dans la sixième,
a porté, comme au tableau [, la vérification
sous la forme de températures calculées; enfin la
lernière donne les écarts.
Dans ce cas aussi, les conséquences de la loi de
Wien présentent un admirable accord avec les
expériences, faites avec une remarquable hardiesse
it une habileté consommée. Il semblait done, il y a
peu de temps encore, que cette loi fùl bien celle
radialions. Cependant, une de ses conséquences
semblait improblable; c’est celle d’après laquelle,
pour une lempérature infinie, la puissance de la
iation reste finie pour chaque longueur d'onde.
Une formule empirique modifiée fut donnée
abord par M. Thiesen, afin de représenter mieux
erlaines expériences de MM. Lummer et Prings-
eim non indiquées ci-dessus. Puis, Lord Ray-
igh en proposa une seconde, MM. Lummer et
ahnke une troisième, enfin M. Planck donna la
relation :
CH.-ED. GUILLAUME — LES LOIS DU RAYONNEMENT 363
fondée sur la théorie électromagnélique de la
lumière.
Au moment où M. Planck publia cette formule,
MM. Rubens et Kurlbaum venaient de terminer une
série de fort belles expériences faites en vue de
déterminer la puissance des rayons restants réflé-
chis par le spath fluor ou le sel gemme, après
avoir été émis par le corps noir à des températures
variables. C'est évidemment pour les grandes lon-
gueurs d'onde que l’on obtiendra un critérium
sensible de ces lois, puisqu'elles ne diffèrent sensi-
blement entre elles que pour des valeurs considé-
rables du produit 0. 6
Or, le spath fluor donne des rayons par réflexion
dont les longueurs d'onde sont respectivement de
424,0 et 314,6, le sel gemme, des radiations de
51°2. Les températures auxquelles fut soumis le
corps noir allèrent de — 188 à + 1.500, et, dans ce
large espace des produits, la formule de Planck
donna une concordance remarquable avec l'expé-
rience. Comme elle contient la loi de Stefan, la loi
du déplacement et la relation P,@-*const., elle est
aussi vérifiée par les expériences antérieures de
MM. Lummer et Pringsheim.
Dans l’état actuel de la question, cette formule
de M. Planck est donc la plus satisfaisante; sa
forme est encore suffisamment simple pour qu'elle
soit très maniable.
Puissance absolue de la radiation. — Nous
n'avons envisagé jusqu'ici que les valeurs relatives
de la puissance rayonnante, sans nous occuper des
nombres qui la représentent en valeur absolue.
La valeur du coefficient d'émission a été déter-
minée par divers observateurs, mais tous les résul-
tats trouvés jusqu'à ces derniers temps étaient
erronés par défaut. Celui auquel on peut accorder
le plus de confiance se déduit des mesures de
M. Kurlbaum; c'est le plus élevé de tous ceux qui
ont été indiqués, et le sens des erreurs possibles
des mesures conduit à penser qu'il est aussi appro-
ché par défaut. Sa valeur est de 5,32.10 © watt,
Suivant les unités adoptées, on trouvera la radia-
tion totale d’un corps noir en multipliant ce coeffi-
cient par la surface du corps en centimètres carrés,
et par la quatrième puissance de sa température
absolue. La puissance de la radiation passant d'un
corps noir à la température absolue ©, sur un autre
corps noir à la température absolue O,, est égale à
P—5,328(0,:—0,:)10—12 vatts,
S désignant la surface d’émission du premier corps
noir, le second étant supposé absorber toute
l'énergie émanée de cette surface ‘. Le coeflicient
RE 0 CORRE 0 |
1 La valeur du coefficient numérique de cette expres-
sion est d'une grandeur peu commode pour le calcul, comme
aussi le calcul des puissances quatrièmes des températures
304
CH.-ED. GUILLAUME — LES LOIS DU RAYONNEMENT
numérique de celte formule, qui est celui d’une loi
naturelle, peut être logiquement défini comme pou-
voir émissil du corps noir. Une définition analogue
pourra s'appliquer à d'autres corps ; mais, COMME
nous le verrons, le problème perdra de sa sim-
plicité.
Éclat visible du corps noir. — MM. Lummer el
Kurlbaum ont déterminérécemmentle rapportentre
les variations de la température et celles de l'éclat
visible du corps noir. Leur méthode consistait à
équilibrer la radialion émanée de leur enceinte par
celle d'une source constante; puis, élevant d'une
petite quantité la lempérature du corps noir, ils
affaiblissaient son rayonnement au moyen d'un
secteur tournant, jusqu'à ce que l'égalité fût réta-
blie. Leurs résultats ont élé consignés dans un
tableau qui donne, pour des températures absolues
comprises entre 900° et 1.900°, la variation relalive
de l'éclat en fonclion de la variation relative de
la température absolue. À la plus basse de ces tem-
pératures, l'éclat varie trente fois plus rapidement
que la température ; à la limite supérieure, quatorze
fois.
Partant de l'ensemble des résultats de MM. Lum-
mer et Kurlbaum, j'ai réussi à représenter la série
des rapports des radiations par un arc d'hyperbole
qui donne, par extrapolation, d'une part la tempé-
rature minima de la première émission lumineuse,
et d'autre part le rapport correspondant à une
température infinie, rapport qui esl marqué par la
deuxième asymptote de l’hyperbole, dont l'ordon-
née est égale à 10. On en conclut qu'aux tempéra-
tures extrèémement élevées, une élévation de la
température de 1 °/,, de sa valeur augmenterait
l'éclat visible de 1 °/..
Possédant l'équation de cette hyperbole, il est
facile de donner, pour l'intervalle exploré par
MM. Lummer et Kurlbaum, une expression analy-
tique de l'éclat du corps noir en fonction de la
température. Cette expression est
E — A6 (0 — 650)7
d'où l'on déduit immédiatement, pour l'expression
du rendement lumineux :
R — BO-1(0 — 650).
III. — LE RAYONNEMENT DES SOLIDES.
Par un hasard fréquent en science, l'étude du
rayonnement s'était attaquée d'abord aux cas les
plus complexes et les plus inextricables, el n'avail
absolues fait intervenir des nombres peu maniables. On
rentrerait dans les grandeurs ordinaires en exprimant,
comuwe je l'ai proposé au Congrès de Physique, les tempéra-
tures en milliers de degrés. Le pouvoir émissit du corps
noir serait alors égal à 5,32.
pu conduire qu'à des ébauches de lois, et à des.
formules empiriques qui rassemblaient quelques.
cas particuliers. Généralisant trop lôt les consé=«
quences d'observations encore peu nombreuses
on avait émis l'opinion, longtemps en faveur, que
la plupart des corps solides ne sont que des corp
noirs en réduclion, autrement dit, des corps gris,
et on avait pensé que, par un simple changemen
d'échelle, on parviendrait à représenter les détails
du rayonnement du corps noir. On attribuait ainsis
en bloc, à telle surface, un pouvoir émissif donné
par une fraction déterminée de l'unité, admettan
comme cerlain que la puissance de son rayonne=
ment, pour chaque longueur d'onde, élait, à celle
du corps noir à la même tempéralure, dans le rap=
port indiqué par ce coefficient. Comme les lois
trouvées étaient complexes, on atiribuait aussi une
forme compliquée à celles qui régissent le rayon
nement du corps noir, et, lorsque, par hasard, on
pensait à un corps transparent, on se contentai
d'invoquer l'exception.
Mais le progrès des recherches multiplia les
exceptions; bien plus, il conduisit à admettre que
tous les corps réels rentraient dans cetle catégories
et qu'en réalité un examen minutieux des prom
priétés de chaque corps, à chaque température et
pour chaque longueur d'onde, pourrait seul nous
renseigner complètement sur son émission.
Considérons, par exemple, une lame peu épaisse
de quartz; elle est absolument transparente dans
le spectre visible, et sa transparence s'étend très:
loin dans l'ultra-violet où l'infra-rouge : puis, en
divers endroits de l'infra-rouge, elle réfiéchitn
une fraclion très importante de la radiation inci=
dente, et absorbe le reste, n'en laissant pas passer
la moindre trace; la différence entre l'unité et
son pouvoir réfléchissant est égale à son pouvoir
émissif dans ces régions.
Le quartz possède ainsi une émission limitée à
quelques portions étroites de l’infra-rouge et pro-=
bablement de l’ultra-violet, et, tant qu'il n'éprouve
pas de transformation, n'émet aucune radiations
appréciable en dehors de ces bandes isolées.
Mais les corps peuvent se modifier considéra
blement avec la tempéralure, et ces modification
ont, pendant longtemps, caché la vraie significatiow
de la loi de Kirchhoff concernant le rapport des
pouvoirs émissif et absorbant. j
Eh quoi, se disait-on, le quartz est un corps
transparent à la lumière, et, cependant, amené à
une température élevée, il brille d’un éclat très”
vif; que devient alors celle belle et simple relation
de Kirchhoff? La loi de Kirchhoff n'en est pas moins:
exacte el générale; mais, dans notre cas particulier,
si l'on avait tenté de faire tomber, sur du quartz
incandescent, un rayon-de soleil, on aurait vu qu'il.
CH.-ED. GUILLAUME — LES LOIS DU RAYONNEMENT
365
“que le quar!z transparent. Cette transformation se
broduit à une température fort élevée, qui coïncide
brûleur Bunsen, et ne devient lumineuse que dans
e chalumeau oxhydrique *.
Le verre possède des propriétés analogues, bien
que moins accentuées. Si l'on chauffe au chalumeau
un tube de verre contenant un fil de métal, on voit
e dernier devenir sensiblement lumineux avant
que le verre lui-même émette la moindre trace de
lumière.
- Voici, à ce propos, une expérience que j'ai
réalisée récemment, el qui me parait intéressante:
Ayant placé un morceau de verre à l'intérieur
d'un tube de fer chauffé assez uniformément à une
température un peu supérieure à 1.000°, je com-
mencai par voir les parois du tube au travers du
verre sans affaiblissement appréciable de leur
éclat. Puis, au bout d'un moment, le verre se
détacha en formant une lache sombre sur son
entourage; enfin, la tache s'éclaircit peu à peu, et
finit par se distinguer à peine des plages envi-
ronnantes.
. L'explication du phènomène est simple : Au
début, le verre froid était transparent. Puis,
arrivé à une certaine lempérature, il devint opaque,
mais étant encore beaucoup moins chaud que les
parois du tube, il se comporta comme l'aurait fait
tout autre corps opaque à une température infé-
rieure à celle de l'enceinte.
. Ilexiste propablement des corps ne possédant
aucune transparence appréciable en aucune région
du spectre, et, pour ces corps, on devra s'attendre
à ce que les lois du rayonnement se présentent
sous une forme un peu moins complexe que pour
ju
fournissent un spectre parfaitement continu, et
qui, tout en s'écartant sensiblement de celui du
apparemment inallérée jusqu'aux températures les
plus élevées auxquelles on puisse le soumettre. Ou
bien aussi, voulant se rapprocher du corps noir
avant que l'on eût pensé à le réaliser parfaitement,
ler, d'oxyde de cuivre ou de noir de fumée.
| d $ M. A. Cotton a attiré récemment mon attention sur la
puissance démonstrative de cette expérience.
REVUE GÉNÉRALE DES SCIENCES, 4901.
Cependant, l’emploi de ces surfaces présente
quelques difficultés. Les oxydes ou le noir de fumée
sont des corps grenus, qui, aux grandes longueurs
d'onde, laissent apercevoir la surface métallique
sous-jacente ; ils doivent donc donner une émission
moindre de rayons peu réfrangibles que le cerps
noir à la même température. De plus, ces substances
sont mauvaises conductrices, et leur surface externe
est forcément plus froide que la bande de métal
sur laquelle ils sont portés, et que Fom amène,
généralement par un courant électrique, & la tem
pérature de l’observation. Il est évidemment très
difficile de mesurer &irectement la température de
l’oxyde, et on en est réduit à adopter celle de la
bande, tout en la considérant comme fournissant
une limite supérieure du nombre cherché.
Pendant longtemps, les résultats classiques
obtenus par M. Langley sur l'émission des corps à
diverses lempératures ne furent que peu dépassés,
et il faut attendre une quinzaine d'années pour
trouver, dans le vaste ensemble des recherches
exéculées par M. Paschen, une abondante moisson
de faits nouveaux et bien coordonnés. Ses mesures
se sont étendues au platine poli, à l'oxyde de cuivre,
au noir de fumée, et à diverses sortes de charbon,
nus ou enfermés dans une enveloppe de verre, el
ont été discutées en partant d'une formule ana-
logue à celle de Wien, mais contenant des coelfi-
cients indélerminés. M. Paschen pose, en effet,
pour les corps sur lesquels ont porté ses recherches :
ce
rene
e,, t,et « élant des constantes inconnues.
Cette formule admet la loi du déplacement :
1h 9 —A comme-une de ses conséquences. L’expo-
sant« sera celui de la température dans la fonction
exprimant l’ordonnée maxima de la courbe de
l'énergie (P,— B@:), et cet exposant, diminué de
l'unité, donnera l’exposant de la température dans .
la fonction exprimant la puissance totale de la
radiation, donc :
fra — (O2:
Pour conduire à la loi de Stefan, x devra donc
nécessairement être égal à 5.
M. Paschen donne, pour le plaline, des mesures
à un grand nombre de températures, comprises
entre 594° et 1.711° absolus. Entre ces limites, la
position du maximum recule de 34,716 à 14,493,
et le produit, qui devrait être constant, passe de
2,207 à 2.555. Si donc le produit, par sa faible
varialion, montre un écart des lois adoptées, au
moins peut-on dire que cet écart est très peu
marqué. Dans la suite, M. Paschen adopte la valeur
moyenne 2.336 pour le platine. Pour les autres
s*
366 CH.-ED. GUILLAUME — LES LOIS DU RAYONNEMENT
corps examinés, le produit à, s'est montré très
constant: ses valeurs numériques seront données
plus loin.
Considérant la fonction À, P, — ABO*-! comme
très caractéristique des propriétés des corps,
M. Paschen en établit la valeur aux diverses tem-
pératures, conformément au tableau III.
Si l'on compare le rayonnement du platine à
TagLeAu II. — Valeurs de À,P», d'après M. Paschen'.
ES
moment, de noter que l’exposant « déduit du
maximum diffère considérablement, pour le platine» |
de la valeur théorique 5 trouvée pour le corps
noir, et se rapproche de cette valeur pour les corps
réels dont les propriétés optiques sont voisines de
celles du corps noir. La valeur de x, déduite des
l’ensemble des courbes d'énergie, ne présente pas
les mêmes écarts.
TEMPÉRATURE
Eee PLATINE OXYDE DE FER
vulgaire absolue
| 15 288 0,0133 0,333
| 100 3173 » AE
200 473 » 931
| 300 573 0,603 8,31
| 400 673 1,47 17,67
| 500 173 3,19 34,0
70 973 11,4 101,0
| aoû 1.173 32,2 241,0
| 1.100 1.373 77,6 526,0
| 1.300 1 573 166.0 »
, à CHARBON
NOIR DE FUMÉE |OXYDE DE GUIVRE CHARBON NU
|
dans du verre l
|
0.367 0,379 0,371 0,513 |
1,18 1,93 » » |
3,41 3.62 3,41 »
8,29 SA 8,06 10,2
17,2 18.1 16.6 20,5
32,7 34,4 » 31,3
90,9 97,5 » 102.0
» 228,0 » 928.0
» 467.0 » 450.0
celui des corps les plus noirs observés par M. Pa-
schen, on voit qu'aux températures ordinaires,
l'énergie du rayonnement est dans un rapport com-
pris entre 4/30 et 4/40, tandis qu'aux températures
élevées, ce rapport arrive à 1/6 ou 1/7. L'exposant
de la puissance de © donnant le rayonnement du
platine est donc plus élevé que pour des corps
relativement noirs. On pourrait déjà en conclure
que le maximum de l'émission du platine se produit
pour des longueurs d’ondes plus courtes que celles
auxquelles on observe le maximum des corps noirs,
Tagceau IV. — Constantes À, a,
Ces faits ressortent plus nettement encore des
recherches exécutées ultérieurement par MM. Lum=.
mer et Kurlbaum et Lummer et Pringsheim *.
Ainsi, la valeur de l'expression : |
mn
0, — 0,1? |
constante pour le corps noir à la température @,,
rayonnant vers un récepteur à la température ©,
a élé trouvée, dans une série spéciale d'expériences,
conforme au tableau V.
B, c,, c,, d’après M. Paschen. |
A—=hmO .'. ses « PE MU Ure Û 2
« d'après les courbes complètes. . . . .
Déduits de Pm—B0% . . . . {pp :
5, 1
| Déduits de la formule générale. ; mass ;
CONSTANTES PLATINE OXYDE DE FER|NOIR DE FUMÉE CHARBON NU
OXYDE CHARBON
de cuivre dans du verre
.609,0 2.562.0 2,505,0 2.645,0
5,560 5,618 5,576 5,026
5,688 5,560 5,472 5,338
352,0 692,0 1.132,0 2.933, 0
.946,0 1:614:0 1.687.0 »
14,63 14,2% 13,83 130
à une même tempéralure. L'expérience directe
vérifie cette conclusion, le maximum étant à 74
pour le platine à 15°C, tandis qu'à la même lempé-
ralure, il se trouva au voisinage de 9x pour les
divers corps à forte émission étudiés par M. Pas-
chen.
Les constantes définitives déduites de l'ensemble
des recherches de M. Paschen sont rassemblées
dans le tableau TV.
Je reviendrai sur ces résultats ; il suffira, pour le
On voit que l’oxyde de fer est loin de rayonner
autant que le corps noir aux températures basses
Aux températures élevées, son émission s’aps
proche des deux tiers de celle du corps noir. Aux
températures les plus élevées atteintes dans ces.
expériences, le rayonnement total du platine es
resté en dessous de 18°/, de celui du corps noir
PR RE € Re
1 Wied. Ann., t. LX, p. 706, 1897.
2 Verh. der Phys. (es. zu Berlin, 6 mai 1898; id. der
Deutschen Phys. Ges. 3 février et 3 novembre 1899.
man
CH.-ED. GUILLAUME — LES LOIS DU RAYONNEMENT
367
…._ ét aux lempératures basses, il est tombé à 4°/,. |
“ En d’autres termes, pour les radiations dont il |
… s'agit ici, le pouvoir réfléchissant du platine est
“voisin de 96 °/,, et descend à 82 °/, pour les radia-
“lions moyennes correspondant à la température
… de 4.761° abs. ou 1.500° C. environ.
—. Dans des mesures ultérieures, MM. Lummer et
©, abs.
A CORPS NOIR
(O, — 290°)
OXYDE DE FER PLATINE POLI
3120,8 LH RyI » 8,92 |
492 99,8 » 6,00 |
654 99,2 30,28 7,45 |
195 100,5 33,49 11,14
1.108 99,8 12,91 15,27
1.481 101,2 59,74 17,97
1.761
Pringsheim étudièrent toute la répartition de
“l'énergie dans le spectre du platine poli entre
802° et 1.845° abs. Le radiateur était constitué par
une caissette rectangulaire de platine laminé, à
- l'intérieur de laquelle se trouvait l'élément thermo-
électrique Le Chatelier, et que l'on chauffait par
un courant intense.
Le tableau VI résume ces mesures. |
Ce tableau contient les valeurs de la tempéra-
ture absolue observée, de la longueur d'onde cor-
respondant au maximum, et de la puissance
Tagceau VI. — Valeurs des coustantes caractéris-
… tiques de la radiation du platine poli, d’après
MM. Lummer et Pringsheim.
A e ; O0 — |
Pr à |B=PmO0-6| 5
L 0) " V PIB moy.
(3,20)! 0,941(2.566)/3.544 10-2| 80406
2,25 | 8,40/2.592/3.595 10-21] 4.158
9,02 | 15,179] 2.582 13.624 10-21] 1.987
1,90 | 24,4112.637/3.414 10-21] 1.387
1,80 | 36,36] 2.680 [3.336 10-21) 4.479
1,59 | 75,96 2.685|3.348 10—21| 1.672
1,40 131,0 |2.581|3.473 10—21| 1.844,17
maxima, puis de leur produit, qui est conslant
comme pour le corps noir. Les autres colonnes
montrent que la loi P,, — const. @'"est sensiblement
- vérifiée; d'une part, en effet, la quantité B est à peu
- près la même à toutes les températures, et, d'autre
- part, si l’on adopte la valeur moyenne de B, on
- peut recalculer @ par la sixième racine du quo-
De P
lient —".
Dent
Il semblerait donc à première vue que la formule :
dût représenter convenablement la puissance de la
radiation du platine en fonclion de la longueur
d'onde et de la température. Mais, si l'on s'éloigne
des conditions données par le voisinage du
maximum, on voit que la formule fournit des
valeurs plus basses que les quantités mesurées,
ainsi que le montre la figure 4, où
les courbes pleines passent par des
points observés, landis que les cour-
bes pointillées sont calculées par
la formule.
M. Paschen déjà trouvé,
ainsi que nous l'avons fait obser-
ver, que, si l'on délermine l’ex-
posant de À en prenant l’ensemble
d’une courbe fournie par le pla-
line, cet est d'une
unité environ plus petit que lors-
| qu'on le déduit des maxima. De
même MM. Lummer et Prings-
heim trouvent qu'en rempla-
cant Je facteur X-° par le fac-
teur 4° dans la formule géné-
rale,et en attribuant au platine
à la fois un facteur ?,0 égal
à celui qui a élé fourni pour
le corps noir (2.940 au lieu de
2.630), et une température
fictive déduile de la rela-
2.910
Xn
avec un changement d'é-
chelle, à appliquer parfai-
tement une isotherme
du platine sur une iso-
therme du corps noir.
En d’autres termes,
la radiation d'une
surface déter-
minée de
platine à la
tempéra -
ture @ est
identique
à celle d’un
1304
nil avait
101
exposant
90
tion 0 —
» On arrive,
De
Fig. 1. — Courbes de radiation du platine poli. corps noir,
dont la tem-
2.940 d é
pérature est 5535 9 = 1,120, mais dont la super-
ficie est sensiblement moindre, le facteur de réduc-
tion de la surface variant avec la température.
Les résullats qui précèdent ont été établis en
partant d'une formule qui, comme nous l'avons
vu, est loin d’être exacte pour les très grandes
longueurs d'onde, mais qui est suffisante pour la
région peu étendue qui nous intéresse actuelle-
368
G. KŒNIGS — LA PHILOSOPHIE DES SCIENCES
ment. Si l’on considère le corps noir et le platine
comme formant deux extrêmes dans la classe des
radiateurs employés dans l'éclairage, on pourra
caleuler deux limites des températures qui se dé-
duisent, pour d’autres radiateurs, de la position
du maximum.
Ces températures extrêmes seront entre elles
TasLeaU VIL — Températures déduites de }, 0— const.
d'après MM. Lummer et Pringsheim.
DÉSIGNATION ® max. [© minim.
abs. abs.
.2000| 3.7500
.450 -200
.450 .200
.100 .87ÿ
.960 .750
.900 .100
Arc électrique (charbon positif).
Lampe Nernst
— Auer
— à incandescence. . . .
Bougie
Brüleur Argand
æ æ LUN
me 19 19 02
dans le rapnort 1,12, et les radiateurs auront une
température voisine de la plus haute valeur si leurs
propriétés se rapprochent de celles du corps noir,
ou de la plus basse si leur surface ressemble à
celle du platine poli. Il est probable que les corps
indiqués au tableau VII possèdent des propriétés
intermédiaires entre ces deux extrêmes.
Si, dans la formule établie précédemment pour
le rendement du corps noir, nous remplacons @ par
LA PHILOSOPHIE DES SCIENCES
D'APRÈS M. C. DE FREYCINET
La Philosophie des Sciences. Pourquoi ce titre
n'est-il pas un pléonasme? La Philosophie n'est
done pas la Science elle-même? Il existe donc une
Philosophie en dehors de la Science?
Toules les données de nos connaissances sont
expérimentales ; d'abord grossières et telles qu'elles
sont fournies à la communauté des hommes par
l'exercice ordinaire et presque machinal des sens,
elles se trouvent chaque jour affinées et précisées
par l'effort progressif du genre humain. C'est cet
effort progressif qui esl la Science.
La Philosophie, qui a la noble prétention de
coordonner tous les éléments du savoir humain,
d'y discerner, sous le nom de principes, les faits
les plus fréquents, devrait, semble-t-il, s'inspirer
sans cesse du résultat de la recherche scientifique,
pour dégager du produit brut du laboratoire quelque
1 C. ne Freyaner : Essai sur la Philosophie des Sciences,
4 vol. in-8. Gauthier-Villars.
1, 12 0, ce qu'on pourra faire, au moins à titre
d'indication, à une distance suffisante de 6509 abs
on trouve que le rendement lumineux de la radia-=
tion du platine à la température de 1850° abs, par
exemple, est = 2,273 fois plus grand que celui du
corps noir. À 2050°, c'est-à-dire tout près du point
de fusion du platine, le facteur de réduction eskn
2,888. Une lampe à incandescence à filament mé-
tallique aurait donc un rendement beaucoup
meilleur que celui des lampes à filament de char=
bon si seulement on pouvait les porler à des tem=
-péraltures aussi élevées.
Les fabricants de lampes à incandescence sont
arrivés, par une étude souvent répétée de la valeur
relative de divers filaments, à une conclusion ana
logue, puisque après avoir employé des fils très
noirs ils en sont arrivés, pour augmenter les ren=\
dements, à rendre la surface du filament très
réfléchissante, rapprochant ainsi les propriétés
du charbon de celles des mélaux dans la mesure
du possible.
Dans un deuxième article, nous étudierons quel-
ques applications des principes qui précèdent.
Ch.-Ed. Guillaume,
Physicien au Bureau international
des Poids et Mesures.
anneau de la chaine universelle dont nous possédons
seulement des tronçons.
La philosophie qui échappe à cette règle, qui se
place en dehors des faits positifs et prétend dominer"
a priori des mondes qu'elle ignore, ne devient plus
qu'un système ou qu'un amas de débris de systèmes:
Car le sort des systèmes est de se combattre et de se
détruire les uns les autres, pour disparaître et
renaître sous d'autres formes, attendu qu'un des
signes de l'impuissance de l'esprit humain aban-
donné à lui-même, c’est l'impossibilité où il est de
varier la multiplicité des combinaisons qu'il forme, à
l'inverse de la Nature qui, par ladiversilé de ses pro=
ductions, semble réaliser l'infini dans le contingent:
On souliendra, certes, que l’on ne peut faire de
science sans esprit de système; que le fait même
d'admettre la possibilité de l’œuvre scientifique est
déjà un système philosophique. Et cela est vrai:
Aussi vrai que l'on ne peut s'exprimer qu’en vers
ou bien en prose. Un esprit critique et altentifn
G. KŒNIGS — LA PHILOSOPHIE
DES SCIENCES 369
- peut, en effet, voir des systèmes partout. Mais à quoi
«bon pousser jusqu'à l'exagération l'importance de
“cette remarque? Le système n’est que l'ordre que
Le mettons dans nos connaissances; au-dessus
#
de lui, il y a les connaissances elles-mêmes; sans
“cela la Philosophie ressemblerait à ces mauvais ta-
leaux où le cadre l'emporte sur la toile elle-même.
“La Scholaslique n'a donc pas encore assez dit la
“stérilité et l'impuissance de la logique pure? La
“science moderne n'a plus que faire de ces dis-
sertations ingénieuses, brillantes, où la logique
miroite sur le vide, comme s'irrisent les bulles de
… savon.
… Depuis trois siècles que lui a été révélée la mé-
thode expérimentale, la Science y a trouvé de telles
forces et de tels moyens de s’accroitre, qu’il semble
qu'elle n’ait commencé à vivre que depuis cette
époque. C'est pourquoi elle s’est détachée de ces
problèmes transcendants, inaccessibles à l'expé-
rience, qui sont du domaine de l’inconnaissable.
On peut presque dire qu'elle l’a fait à regret, car,
‘en battant en retraite, partout où elle à pu, elle a
jeté garnison. C'est ainsi qu'en abandonnant la
Psychologie transcendante, elle a créé la Psycholo-
gie expérimentale; qu'en abandonnant aux casuistes
‘la vieille théorie de la morale, elle a créé la Socio-
ogie et s'efforce de fonder sur des bases certaines
les principes de la responsabilité et de la liberté.
Mais s’il y a aujourd’hui une Psychologie et même
une Morale fondées sur l'expérience et la statistique,
il n'y aura jamais de Métaphysique expérimentale.
Ou plutôt, s’il y en avait une, ce ne pourrait être
que la philosophie des sciences et ce serait vraiment
la Philosophie.
Mais on sent bien qu'une telle philosophie n'aurait
rien de dogmatique. Elle serait comme le grand
registre où seraient inscrits les faits fondamentaux,
indéniables, essentiels, les notions primordiales,
“avec les qualités et les attributs que le sens commun
et la critique scientifique . (qui n’est qu'un sens
“commun affiné) leur reconnaissent. Ce registre ne
porterait sans doute aucune mention de bien des
questions qui ont passionné les siècles passés. On
-n'y écrirait qu'avec réserve, avec le souci de ne
point dire plus que l’on n’a vu, de ne parler qu'avec
discrétion des habitants de Mars et de Vénus. Ce
“n'est point notre faute si nos ancêtres ont eu la
folie des grands rêves philosophiques; mais notre
tort serait de les imiter. Une des grandes sources
de leurs erreurs fut le raisonnement par analogie.
“Ils disaient : ma canne a deux bouts, l’ordre du
“ temps doit aussi avoir deux bouts; de là les
_ questions inaccessibles et absurdes en soi de
… l'origine et de la fin du monde.
…_ C'est un bienfait de la Science de nous avoir
appris à nous méfier de nous-mêmes et des élour-
deries de notre raison. On sait que, dans la vieille
cosmogonie, les philosophes plaçaient la Terre au
centre de l'Univers et autour d'elle faisaient tourner
le Monde. Comme eux, la philosophie subjeclive
fait de la raison humaine le centre de l'ontologie.
Galilée a appris aux astronomes à sorlir des hori-
zons terrestres pour se transporter au centre du
Soleil. Ainsi fait la science, qui nous enseigne à
sortir de nous-mêmes, à échapper autant que pos-
sible au joug de notre propre nature, pour nous
placer en acteurs autant qu’en spectateurs au milieu
de cet Univers dont nous ne sommes pas le centre,
mais seulement un point.
Notre raison n'est plus qu'une lunette braquée
sur le monde. La logique en est le réticule.
Il semble que jusqu'ici je n’aie rien dit du livre
de M. de Freycinet qui est l’objet même du présent
article‘; en réalité je ne pensais qu’à cet ouvrage
en traçant ces lignes. C'est un livre de philo-
sophie sage et d’allures réservées que l’auteur a
voulu écrire. Il dit modestement que ce n'est qu'un
essai : nous n'y contredirons pas. Une telle œuvre,
en effet, est nécessairement incomplète, puisqu'elle
est destinée à s’accroitre chaque jonr des remar-
ques nouvelles suggérées par une connaissance
plus approfondie de la Nature. Il y a aussi un motif
qui donne au livre un caractère particulier. M. de
Freycinet porte en lui, comme l'on sait, l'âme d’un
mathématicien. Son optique s'en ressent : c’est le
côté mathématique et mécanique de la Philosophie
naturelle qu'il s'est plu à contempler et à nous
décrire. Le côté biologique, par exemple, est laissé
par lui de côté. Ceux qui liront les remarques si
judicieuses dont la succession constitue le livre
de M. C. de Freycinet ne pourront que regretter
qu'il n'ait pas cherché à nous faire connaitre le
résultat de ses observations sur ce côté de nos:
connaissances.
L'ouvrage comprend deux parties qui traitent :
l’une de l'Analyse, l’autre de la Mécanique.
L'espace, le temps, l'infini, la continuité, la
divisibilité à l'infini, les infiniment pelits, les
limites, la méthode infinitésimale, le calcul infini-
tésimal et les rapports de ce calcul avec la matière,
tels sont les titres des chapitres de la première
partie.
À propos des notions de {emps et d'espace,
tons ce passage où l’auteur veut marquer le rôie
qu’elles jouent dans les sciences exactes el même
en Algèbre et en Arithmétique : « On peut se de-
mander ce que seraient devenues ces deux belles
no-
Proc. cit.
370
sciences si les notions d'espace et de temps leur
ayaient manqué, et si nous eussions été réduits aux
données de la seule logique. » Une telle déclara-
tion, comme l'on sait, n'est pas de nos jours une
banalilé.
L'auteur déclare qu'il n’essaiera pas de définir
l'espace et le temps. Il rappelle le conseil de Pascal
qui, parlant du temps, a dit : « Qui pourra le dé-
finir ? Et pourquoi l’entreprendre, puisque tous les
hommes conçoivent ce qu'on veut dire en parlant
du temps, sans qu'on le désigne davantage. »
Encore moins s'occupera-t-il de la question de
savoir si les notions d'espace et de temps sont
objectives ou subjectlives, comme disent les philo-
sophes : « car, dit-il, le débat n'est pas près de se
clore et je doute qu'il se termine jamais. Car, en
ces matières, chacun se règle d'après son incli-
nation personnelle et sur un ensemble d'impres-
sions, souvent difficile à analyser, beaucoup plutôt
que sur une démonstration formelle, ne laissant
prise à aucune objection. »
« D'ailleurs poursuit-il très justement, cette
question, fort intéressante pour la pure mélaphy-
sique, est étrangère au sujet dont je m'occupe. La
formation et le développement des sciences ne se
ressentent pas de la solution donnée à ce détail
préliminaire...
… «© Nul géomètre, en posant l'équation d'un
mouvement, ne se demandera si les espaces par-
courus et les durées écoulées ont une valeur objec-
tive ou subjective. Nul physicien ne sera pris d’un
scrupule analogue, en formulant la loi du refroi-
dissement dans le vide ou celle de la transmission
de la lumière. A l’un et à l'autre il suffit que les
calculs soient toujours vérifiés par l'expérience et
que l'introduction de pareils éléments n’amène
jamais d’obseurité dans le langage, ni de confusion
dans les idées... »
La Science n’a à pourvoir qu'à des besoins con-
tingents du même ordre que les faits expérimen-
taux qui lui ont fourni ses lois et ses principes. Et,
à vrai dire, puisque l’homme ne tire sa connais-
sance que de ces faits expérimentaux, on ne voit
pas qu'il puisse, par ses seules connaissances, et
qu'il puisse, par conséquent jamais, trouver une
solution rigoureuse et démontrée des problèmes
lranscendants qui constituent le domaine de la
pure mélaphysique.
Celte manière de penser eût dû, me semble-t-il,
conduire M. de Freycinet à une autre théorie de
l'infini que celle qu'il propose.
L'idée de répétition est une notion commune;
l'idée d’une répétition très prolongée et même
perpétuelle, c’est-à-dire qu'il ne sera Jamais temps
de finir, en résulte assez clairement; c'est là la
notion exacte de l'indéfini.
G. KŒNIGS — LA PHILOSOPHIE DES SCIENCES
M. de Freycinet indique lui-même que c'est sous
cette seule forme logique que l’idée d'infini appa=
sait aux mathématiciens, et qu'elle s’introduit (avec
les Mathématiques toujours) dans les sciences. Or,
l'origine de cette notion, c'est ce fait intime de la
conceplion d’une répétilion qui ne finit Jamais : Ce
fait purement subjectif est la seule base positive de
l'idée d’infini. On ne peut pas citer de phénomène
physique où ce fait se trouverait réalisé objecti=
vement.
L'indéfini n'est qu'une manière de nous repré=
senter les choses. Notre esprit peut bien concevoir,
‘par exemple, une division perpétuelle ou indéfinie
de la matière; on ne peut trouver d'expérience qui
réalise ce caprice de notre esprit. Nous pouvons
bien concevoir le prolongement indéfini d'une
droite dans l’espace ; rien ne nous autorise à dire
que l'Univers physique réalise cetle conception. Et
quand je dis cela, je le dis au nom même des
principes de Philosophie positive que j'énoncais
au début, ces principes qui veulent que l’on se
limite aux faits constatés et bien acquis, sans se
hasarder aux conjectures. Nous avons reconnu que
la notion d'indéfini résulte d'une opération intime
de la raison, et qu'elle est par essence subjective:
En transportant celte notion hors de nous, en lui
cherchant et lui imposant une objectivité, nous
émettrions une hypothèse arbitraire : on peut ajou-
ter une hypothèse inutile, car elle est inaccessible à M
l'analyse scientifique, et tombe dans ces conceptions
transcendantes dont nous parlions plus haut et au
sujet desquelles on peut émettre lous les systèmes
imaginables, sans attendre jamais d'aucun fait ni
confirmation ni infirmation.
Voilà pourquoi il me parait inutile de vouloir
subordonner cette notion de l’indéfini à une notion
mystérieuse que nous aurions d’un infini dont,
d'après ce qui vient d'être dit, nous ne pouvons
trouver de définition dans la Nature, et pas davan-
tage au dedans de nous.
Mais, que nous ayons ou non l'idée innée de
l'infini, préalablement à l'opération de raison qui
nous amène à concevoir l'indéfini, cela, encore une
fois, est sans importance pour le côté positif du déve-
loppement des sciences. Je voudrais pouvoir
m'arrêter sur les pages où M. de Freycinet nous
dépeint le rôle régénérateur de l'indéfini dans la
science mathématique. Il ne faut pas s'étonner de
l'importance de ce rôle. Le monde mathématique
est essentiellement subjectif; la notion purement
subjective de l'infini (ou indéfini) devait nécessai-
rement avoir une prise particulièrement puissante
sur des êlres purement logiques. Le progrès inoui
des sciences mathématiques dans les trois derniers
siècles l'a assez prouvé.
Mais là où les difficultés devaient naïtre, c'est aw
G. KŒNIGS — LA PHILOSOPHIE DES SCIENCES
311
L
contact essayé, mais en fait impossible, entre cette
subjectivité et les problèmes d'ordre objectif
“soulevés par l'étude de la Nature.
— C'est contre cetle antinomie que lutte encore la
“science moderne, et que la science luttera tou-
jours.
— Et cela ne s'entend pas alors seulement de la
“notion d'infini, mais de l’ensemble de la science
mathématique, subjective par essence, dans son
application à la représentation des lois de l'Univers
‘physique et objectif.
L'expérience nous dévoile chaque jour des objec-
tivités nouvelles; de son côté, la raison élabore
Sans cesse dans le cerveau du mathématicien les
C'est une tâche ardue, et dont le succès hasardeux
et qui n'est pas rare cependant, peut tenir du
êtres entre eux représentent logiquement les
apports dûment constatés par l'expérience entre
les objectivilés physiques. Il faut bien observer
qu'il y à concomitance des deux ordres de faits;
il n'y à ui superposition ni contact. Les uns sont
l'œuvre de notre esprit, les autres sont l'œuvre de
la Nature,
_ Cette question capitale, etquiest le nœud gordien
de toutes les doctrines scientifiques, se trouve traitée
en excellents termes par M. de Freycinet dans le
chapitre où il s'occupe de Panalyse infinilésimale et
de la matière. Détachons-en celte phrase caractéris-
tique : « Nous avons intérêt à connaitre, non les
propriétés des corps théoriques, mais les propriélés
des corps tels qu'ils se présentent dans la Nature.
Ils importent seuls à nos besoins et, dans beaucoup
de cas mêmes, à nos spéculation scientifiques ».
L'abus des spéculations mathématiques dans
l'étude des phénomènes physiques a précisément
conceptions purement logiques, mal nécessaire
certainement, mais dont l’exagération doit être
évitée sous peine de voir la Physique elle-même
verser dans la Géométrie non euclidienne, ou celle
à » dimensions.
Il
… Dans la seconde partie, l'auteur s'occupe de la
. La notion de force est d'ordre physique; elle à
Sa source dans une série d'expériences que réalise
là vie journalière. La matière prise en elle-même,
Soustraite aux actions extérieures, telles que les
“contacts avec des corps voisins, est essentiellement
obile; «le moindre effort produit un mouvement.
pour résultat de substituer aux êtres physiques des |
Par lui-même le corps ne résiste pas, il est inca-
pable de résister.
« La mobilité, la mobilité parfaite, absolue, telle
est la propriété fondamentale des corps, et celle qui
intéresse essentiellement le géomètre. »
Après avoir développé cette remarque judicieuse
et si vraie, l’auteur se propose de rechercher
quel rapport existe entre l'effort et le mouvement
produit. De là d’abord la nécessité de comparer
entre eux les efforts, ou la mesure des forces ; puis
la constatation d'un certain coefficient propre à
chaque corps, qui est sa masse, en sorte que la
masse est proportionnelle à l'efort nécessaire pour
imprimer au corps un mouvement donné. L'auteur
rapproche ainsi avec raison ces deux notions de
force et de masse, et critique avec beaucoup de
justesse la définition de Poisson, d'après laquelle la
masse serait la quantité de matière dont est com-
posé le corps. « Mais, dit-il, que doit-on entendre
par quantité de matière? Nous nous faisons une
juste idée des quantités relalives de matière
contenues dans des corps de même nature... Mais
comment effectuer la comparaison, si les corps sont
de nature différente ? »
Il n'admet pas davantage la définition de Laplace:
La masse d’un corps est la somme de ses points
matériels... La densité d’un corps dépend du
nombre des points matériels renfermés sous un
volume donné. « Mais ce procédé, dit M. de Frey-
cinet, ne fait pas disparaitre l'objection. On est
toujours en droit de se demander : Qu'est-ce que
la masse d'un point matériel ? Et pourquoi y a-t-il
plus de points matériels dans un litre de mercure
que dans un litre d'eau ? » :
En terminant son chapitre sur la force et la
masse, l’auteur critique les tendances que l'on à
eues de donner à la Mécanique « un aspect syslé-
matique et un caractère logique, comparables à
ceux de la Géométrie, où les données physiques
sont en effet peu nombreuses, et passent même
parfois inapercues ». Il rappelle, par exemple, la
constitution hypothétique attribuée aux corps
solides, et les erreurs auxquelles elle a conduit en
ce qui concerne la théorie du choc.
« La méthode déductive, souveraine dans les
Mathématiques pures, n’est féconde en Mécanique
qu'à la condition de s'appliquer à des éléments
réels, fournis par le monde extérieur. Sinon, elle
conduit à des résultats qui concernent non le monde
tel qu'il est, mais tel qu'il nous plaît de l'imaginer. »
Nous lisons plus loin : «Il n’est pas moins illo-
gique de repousser la notion directe de force, sous
prétexte qu'elle est puisée dans le sentiment de
notre effort personnel, c'est-à-dire dans l'obser-
vation de la Nature. Pourquoi ne pas repousser
aussi les couleurs du spectre solaire, parce que
(ue
=
19
c'est notre œil qui les voit ? En définissant la force :
« le produit de la masse par la vitesse », comme le
voudraient certains auteurs, en donnerait-on une
idée bien nette à l’homme qui n'aurait jamais
essayé sa force musculaire ? Autant les Mathéma-
tiques pures aspirent à s'élever dans la région de
l'abstrait, autant les Sciences physiques, dont la
Mécanique est la première, doivent plonger leurs
racines dans le concret, sous peine de manquer de
base, et de s'épuiser bientôt en spéculations chimé-
riques ».
C'est là, il faut bien en convenir, le langage de la
saine raison : c'est celui qui convient à notre bon
sens français ; car ces subtilités, « ces spéculations
chimériques » sont des superfétations exotiques,
päles fleurs d'un pays de rêves ; elles ne s’acclima-
teront jamais à notre clair soleil.
Les mécaniciens ont, comme on sait, ramené la
Mécanique à trois principes fondamentaux: la loi
de l’action et de la réaction, due à Newton ; la loi
de l’inertie, que l’on rapporte généralement à Galilée,
et que l’auteur, par une citation très précise, montre
pouvoir être attribuée à Képler. Enfin la loi de
l'indépendance des mouvements, due sans conteste
à Galilée’. À vrai dire, cette dernière loi s'appelle
plutôtla loi de l'indépendance des effets des forces,
et nous aurions aimé voir M. de Freycinet mettre
mieux en évidence ce sens véritable du troisième
principe. VA
A ces trois lois fondamentales, l’auteur propose,
non sans raison, d'adjoindre le principe de l’équi-
valence mécanique de la chaleur.
Les chapitres suivants sont consacrés aux notions
de la quantité de mouvement, de la force vive, du
travail et de l'énergie.
Cetle dernière notion est, comme on sait, le pivot
de la doctrine cosmogonique moderne. La conser-
vation de l'énergie’ est présentée comme la loi
suprème de la Nature. De là l'intérêt qui s'attache
à la question des causes possibles de déperdition
de l'énergie. L'auteur énumère plusieurs de ces
causes. Il faut « que les agents de la Nature ne
subissent pas l'influence du temps, et qu'ils ne
soient pas susceptibles de faiblir entre deux époques
consécutives. Qu'importe, en effet, qu'aux deux
époques les distances dont les actions dépendentse
retrouvassent identiquement les mêmes, si dans
l'intervalle la valeur intrinsèques des forces avait
baissé? si, par exemple, l'attraction entre deux corps
n'avait pas, à la même distance, conservé la même
intensité? » Il est clair qu’en pareil cas l'expression
numérique de l'énergie aurait changé.
La question ainsi posée est redoutable, mais elle
1 Voir, sur ces questions, le récent article de M. Pau
Tanneny : Galilée et les Principes de la Dynamique, dans la
Revue du 15 avril 1901, t. XI, p. 330 et suiv.
G. KŒNIGS — LA PHILOSOPHIE DES SCIENCES
mettent d’asservir passagèrement la Nature à notre
pourrait être accompagnée de bien d'autres : Pour=.
quoi le temps n'’aurait-il pas aussi de l'action sue
les masses : pourquoi, comme dans les fusées, la
massenesedissiperait-elle pas, en prenantune formes
nouvelle à nous inconnue ? Certainement à prior
toutes ces réserves sont admissibles, car nos notions
sont d'origine expérimentale, et leur portée es
forcément limitée dans l'espace aussi bien que dans
le temps. Craignons de faire renaitre sous d’autres
formes le problème de l'origine et de la fin d
monde. Vivons dans notre espace et dans notre
le temps, heureux si nos connaissances nous per
raison.
Il est possible qu’au delà de limites de temps
que nous ne pouvons pas prévoir, une autre huma=
nité vive dans un Univers dont les lois soient trè
différentes des nôtres. Cette époque ne peut pas
plus intéresser la nôtre, que la nôtre ne l'inté-
ressera. Elle fait partie, elle aussi, du monde inac-
cessible aux efforts de la Science; on ne peut à so
sujet qu'émettre des conjectures qui sont sans
influence sur la science de notre époque, et notre
compréhension de l'Univers actuel.
On peut toutefois, comme on le fait pour la marche
mystérieuse du Soleil vers la constellation d'Her=
cule, se demander dans quel sens notre monde
physique se trouve emporté, et comment, par la
dissipation de l'énergie, pourraits’effectuer quelque
transformalion profonde équivalant presque à une
dissolution. l’auteur s'arrête à deux causes : d'abord
la résistance opposée par les milieux cosmiques au
mouvement des astres; en second lieu le rayonne
ment incessant du Soleil et des étoiles dans les
espaces célestes, et le refroidissement qui en résul
terait pour notre globe. La dernière cause est, em
effet, de nature à conduire aux conclusions les plus
pessimistes. Tout nous indique que la Terre est uné:
planète comme tant d’autres, et qu'elle est sou=
mise aux mêmes lois. Sans aller chercher bien loin,
la Lune, qui gravite autour de nous, est un astre
mort, qui semble tout à fait impropre à une vie
animale telle que celle de l'humanité. Mais combiem
d'années faudra-t-il à notre planète pour tomber à
ce degré de déchéance? Quelque cause, de nous
encore ignorée, est-elle capable d’enrayer ce mou
vement? Qui nous dit même que le sens de ce
mouvement est bien celui que nous lui prêtons?
Qui nous dit, par exemple, que la Lune, qui nous
semble morte, et dont le sort semble nous menacer
dans l'avenir, ne sera pas quelque jour régénérée;
et que, sur ses volcans éteints, comme sur n0$
roches ignées, ne viendront pas s'étendre plus tard
des couches d'humus, propices à la végétation et à
la vie animale”?
Questions bien intéressantes, cerles, mais bien,
or nn
tm + gr + À ie
peu accessibles, el où l’on est réduit aux conjec-
tures.
III
Le livre de M. de Freycinet est inspiré de ce
simple bon sens qui s'allie si bien à la Science; il
est écrit en un style sans prétention, clair et lim-
pide. On peut deviner ceux qui lui en feront un
&rief : ceux qui voient de la profondeur sous toute
nébulosité; ceux qui tiennent l'argutie pour de la
finesse. Il sera, au contraire, lu avec plaisir par tous
ceux qui aiment les idées simplement présentées
| solidement assises sur des faits, et non sur des
_ rêves.
- Les philosophes de profession ne sont pas sans
se rendre compte de la nécessité de s'alimenter au
foyer de l'expérience. Plus d'un comprend qu'au-
dessus du verbe il y a la chose; et nous savons
N. VASCHIDE er CL. VURPAS — LA VIE BIOLOGIQUE D'UN ANENCÉPHALE 5)
1
ce
fondément et longuement que l’on finit par s'im-
prégner de ses méthodes et surtout de son esprit :
cet esprit si peu systématique en fait, qu'il crait et
qu'il doute tour à tour, trouvant peut-être dans son
doute plus de force et plus de raison de vivre, que
danssacroyancemême, car, suivantla belle parole de
M. Duclaux : « C'est parce que la Science n'est jamais
sûre de rien qu'elle avance toujours ». Belle leçon de
doute, mais d'un doute qui n’est pas le scepticisme
stérile et décevant.
Il serait, pour ces motifs, bien désirable, ainsi
que l’exprime M. de Freycinet, que les savants vou-
lussent bien quelquefois résumer en quelques
pages l'essence de ces leçons philosophiques que
leur donnent chaque jour Le calcul et surtout le labo-
ratoire. C'est peut-être à eux la faute si le mouve-
ment philosophique n'est pas en harmonie plus
intime avec le mouvement scientifique. M. de Frey-
cinet, par son livre, leur a donné un bel exemple:
espérons qu'il sera suivi.
G. Kœnigs,
Professeur de Mécanique expérimentale à la Sorbonne.
LA VIE BIOLOGIQUE
Si les études physiologiques entreprises sur les
animaux à la suite de l'ablation des hémisphères
cérébraux et du cervelet ont été nombreuses, il
n'en est pas de même lorsqu'il s'agit de l’homme.
Lorsque l'on s'adresse à un animal, les premières
difficultés commencent dès qu'il faut discerner ce
qui doit être rapporté au choc opératoire de ce qui
est fonction de la lésion provoquée. Les animaux
auxquels on s'adresse sont généralement adultes,
Ou, en tous cas, possèdent déjà certains réflexes,
Survenus par l'habitude et abandonnés aux centres
inférieurs, dans l’acquisilion et dans le dévelop-
ement desquels le cerveau a joué un certain rôle.
Le hasard vient de réaliser sur l'homme même
une semblable expérience de Physiologie, dans
laquelle se trouvent comblés la plupart des desi-
derata précédents. Ici, en effet, pas de choc opéra-
loire dont l’action puisse gêner l'expérience. En
Second lieu, aucun phénomène d'habitude ne peut
êlre invoqué pour expliquer certains acles, puis-
que l'enfant a été examiné au moment même de sa
naissance et le jour suivant. La durée de la vie a
été assez longue pour permettre d'entreprendre
un cerlain nombre d'expériences de Pycho-physio-
logie et les suivre pendant un temps suffisant.
! Travail du Laboratoire de Psychologie expérimentale de
l'École des Hautes-Études (Asile de Villejuif.)
(D'UN lANENCÉPHALE ‘35
Il s’agit du cas d'un anencéphale, chez lequel les
hémisphères cérébraux et le cervelet sont absents,
venu au monde dans le courant de février 1901.
Nous avons relu à ce sujet les différentes obser-
vations publiées jusqu'à ce jour, el nous avons été
frappés par ce fait que les études ont surtout porté
sur la genèse de la monstruosité, sur l'interpréta-
lion tératologique, sur la structure, soit macrosco-
pique, soit microscopique, des divers éléments ana-
tomiques, principalement des éléments nerveux ;
sur la persistance ou non de l'aspect embryologique
de ces derniers alors qu'ils sont soustraits à l'in-
fluence des centres supérieurs. Mais de recherches
psycho-physiologiques proprement dites, entre-
prises méthodiquement, nous n'en avons à peu
près pas trouvées.
Les seules descriptions qui en sont faites sont
disséminées sous forme d'incidents. Néanmoins,
nous relevons certains détails curieux et intéres-
sants par les rapprochements que nous pouvons
faire avec notre cas. Nous en parlerons lorsque
nous aurons à comparer différentes particularités
remarquables, soit par leur similitude avec notre
observalion, soit par leur différence.
Prenons maintenant connaissance de l'état de
notre sujet et des conditions dans lesquelles il se
présente à notre observation. Nous procéderons
ainsi comme on a coutume de le faire dans les la-
371
N. VASCHIDE Er CL. VURPAS — LA VIE BIOLOGIQUE D'UN ANENCÉPHALE
à “à
boratoires de Physiologie : la Nature dans notre
cas aura été l’opérateur.
L'accouchement eut lieu dix mois ‘après la con-
ception, ainsi qu'il semble ressortir de la cessation
des règles, et des divers renseignements fournis par
la mère. L'enfant arriva en état asphyxique et de
mort apparente. Des bains chauds, ainsi que des
friclions énergiques sur le corps, le ranimèrent.
Notre sujet est du sexe masculin; il pèse au mo-
ment de la naissance 2 kil. 620, alors'que le poids
normal varie entre 3.000 et 3.500 grammes. Ce qui
frappe tout d'abord chez lui, c'est l’absence de
calotle cranienne (fig. 4 et 2). A la place on voit une
Fig.
1. — L'anencéphale vu de face.
tumeur rouge, bosselée, mollasse, bourgeonnante,
recouverte de croûtes, présentant à sa base un sillon
profond qui lui forme un vrai pédicule. On remar-
que que cette tumeur n’est animée d'aucun mou-
vement d'expansion à la vue, à la main, où à un
instrument enregistreur. Le corps et le visage sont
violacés, les mouvements respiratoires sont irré-
guliers. Get enfant vécut.39 heures.
Examiné de près, nous voyons d'une facon géné-
rale que le côté droit du corps semble plus gros que
le côté gauche. Les membres (pieds et mains prin-
cipalement) semblent plus développés que chez
un enfant ordinaire au moment de la naissance.
Pas d’autres difformités appréciables sur le tronc
et les membres. La verge, les testicules sont nor-
malement conformés. C'est surtout du côté de la
tête que les lésions et les difformités existent. Les
photographies des figures 1 et2 précisent d'ailleurs
son aspect général. Du côté du visage, on voit que le
front n'existe que par sapartie toutà fait inférieure.
Le nez ne présente pas de dépression au niveau de sa
. yeux sont particulièrement saillants. Lorsque l’on
racine et se continue en ligne droite avec le vestige
persistant de l'os frontal, rappelant ainsi le profil
d'un nez grec. Les oreilles sont mal formées; il ny
a pas de lobule, de sorte que le diamètre antéro
postérieur est aussi grand que le diamètre supéro
inférieur. On note l'existence d’une saillie angu*
leuse prononcée et pointue à la partie postéro®
supérieure du bourrelet de l'oreille. On a de la sorte
la disposition d’une oreille fœtale, dont les dimens
sions se seraient simplement accrues sans que
l'organe perde rien de son aspect primitif. Les
ouvre les paupières, on voitlesconjonctives rouges;
la cornée terne et vitreuse.
Un exorbitisme très accusé, s’accompagnant dem
lésions analogues de la cornée qui était terne,
Fig. 2. — L'ancncéphale vu de profil.
desséchée, inégale, de couleur brunàtre, a été éga-
lement signalé chez un chien anencéphale: par
MM. Sabrazès et Ulry!. Les pupilles sont toutes
deux très dilatées, quoique inégalement. L'inéga-
lité a lieu au profit de la droite, dont le diamètre
semble double de celui de la gauche. Le strabisme
externe est très accusé. Les pupilles sont fortement
dirigées en bas et en dehors, au point d’être cachées
toutes deux derrière les commissures palpébrales
externes. Les paupières sont d’ailleurs conlinuel-
lement à peu près closes.
L'exorbitisme, le strabisme externe, la dilatation
de la pupille constatés dans notre cas, comme dans
celui de MM. Sabrazès et Ulry, ne sont-ils pas dus
à l'absence du moteur oculaire commun, dont au-
! De l'anencéphalie. À propos d'un cas de tumeur angio-
mateuse endo et épicranienne avec malformations multiples M
du crâne, de l'encéphale, de la moelle cervicale et des yeux,
chez un chien nouveau-né ayant vécu 30 heures, par J. SA-
grazès et E. ULry. J. de Physiol. et de Pathol. gén., t. LM
no 4, 7139-53. {
ñ
D'une facon générale, l’ensemble de la tête de cet
énfant donne assez bien l'aspect d'une tête de
II
Moyons maintenant les résultats de l’autopsie.
Comme nous l'avons dit, on relève d'abord une
bsence complète de calotte cranienne. À la place,
on voit une masse bourgeonnante, mamelonnée,
iollasse, de couleur groseille, parsemée de croûtes
urulentes à sa surface (fig. 4 et 2).
Un sillon profond, surtout en arrière, limite sa
artie inférieure en l'étranglant,
Fig. 3.
Lorsque l’on excise cette tumeur bosselée, un
quide clair citrin s'écoule par la plaie. Il est con-
énu dans de pelites cavités, séparées les unes des
utres par des cloisons ne les laissant pas commu-
quer entre elles. Le revêtement interne de ces
rentes poches est légèrement grisätre. Le poids
cette poche kyslique isolée et débarrassée du
iquide qu'elle contient est de 11 gr. 5. Rien
chez elle ne ressemble à du tissu nerveux; sa con-
sistance, au contraire, est dure, lardacée. Si l'on
détache complètement la tumeur par son pédicule,
_ peut l’extraire dans sa totalité sans rien ren-
ntrer qui rappelle l'aspect de la substance ner-
veuse. -
L'atlas est surmonté par un os haut de 1/2 à
1 centimètre, qui est le commencement de l'occi-
VIE BIOLOGIQUE D'UN ANENCÉPHALE
375
pital. Le frontal n'existe pas. Pas de voûte orbi-
taire, pas de plancher sus-orbitaire.
L'œil s'extrait sans grande difficulté par la partie
supérieure laissée libre par l’excision de la tu-
meur.
Le système nerveux, extrait complètement del’axe
cérébro-spinal, se compose simplement de la moelle
avec ses ganglions rachidiens, du bulbe, de la pro-
tubérance moins es pédoncules cérébelleux moyens
et de rudiments des tubercules quadrijumeaux.
Au delà se voit un tissu scléreux adhérent aux
méninges de façon à ne former avec elles qu'une
seule membrane absolument indivise.
A la partie moyenne de la base du crâne, on
délimite assez bien la seile turcique.
Fig. 4.
j8. 3, — ace dorsale. — 1, 2, 3, 4, éminences blanchâtres; 5, plancher ventriculaire; 6, bord fibreux en avant du plan-
cher, donnant communication avec l'aqueduc de Sylvius ; 7, sillon en avant des éminences
4. — J'ace ventrale. — 1, tronc basilaire; 2, cérébrale postérieure; , à :
aire; 5, artère née de la vertébrale gauche: 6, la sixième paire; 7, 8, la septième et la huitième paires; 9, 10, 11, les
neuvième, dixième et onzième paires; 12, la douzième paire; 13, nerf rachidien.
blanchätres ; 8, tissu fibreux.
3, ventrale gauche; 4, artère née du trone basi-
Revenons maintenant sur chaque partie avec
plus de détails (fig. 3 et 4).
Les ganglions rachidiens paraissaient normaux
à l'œil nu. La moelle semble plus mince que d'or-
dinaire. Son poids est de 4 grammes (queue de
cheval comprise).
Le bulbe et la protubérance pèsent 1 gramme el
1 décigramme. Le plancher du 4° ventricule est à
découvert (fig. 3). Une simple bande transversale le
recouvre en son milieu. En haut, il semble se con-
tinuer par un faible pertuis avec l'aqueduc de
Sylvius. Pas de trace de cervelet. Un peu en avant
du plancher ventriculaire, on observe une masse
nerveuse, de forme à peu près quadrangulaire,
découpée par des sillons qui délimitent quatre
éminences irrégulières blanches dont deux sont
316
N. VASCHIDE ur CL. VURPAS — LA VIE BIOLOGIQUE D'UN ANENCÉPHALE
antérieures, deux poslérieures, et qui rappellent
assez bien les tubercules quadrijumeaux rudimen-
Plus
tissu fibreux absolument différent de la substance
taires. haut, nous sommes en présence de
cérébrale, et dont le poids s'élève à
A la face ventrale (fig. 4), ce qui frappe tout d’abord
c'est l'absence de pont de Varole, absence suftfisam-
ment expliquée par le défaut du cervelet et consé-
quemment des pédoncules cérébelleux moyens.
Malgré celle apparence, le lien lopographique qui
correspond à la protubérance existe. Assez rappro-
- chés de la ligne médiane, se détachent, du milieu de
2 grammes.
la région nerveuse bulbo-prolubérantielle, deux
filets minces blanchâtres qui se dirigenten avant. Il
s'agit probablement ici du moteur oculaire externe.
Plus en dehors, et en allant de haut en bas, on voit
émerger successivement les troncs nerveux sui-
vanis : Latéralement, c'est d'abord le groupedes VII®
versées à leur partie postérieure par le nerf optique:
Il est intéressant de rapprocher de celle observas
lion, où aucune parlie importante de l'œil ne fait
défaut, un cas signalé par Gade', dans lequel on note
une absence de cristallin, de corps ciliaire et d'iris
et où l'un des yeux est atteint de coloboma rélinien
et choroïdien.
Nous n'insisterons pas davantage sur l'examen
nécropsique, de même que nous ne parlerons pas
des résullats des recherches histologiques. Nous
+ n'avons dit que ce qu'il est nécessaire de connaître
pour comprendre les recherches et les expériences
Psycho-physiologie auxquelles nous nous
sommes livrés et qui conslituent l'objet principal
de
de cet article.
III
Au moment de sa naissance, ainsi que le jour
Fig. 5. — Respiration thoracique. — (Pneumosraphe Marey avec un tambour Marey d'un diamètre de 5 centimètres, et avec
unegplume d'une longueur de 10,5 centimètres). Lire le tracé de gauche à droite. La figure représente des morceaux de
plusieurs courbes successives:
ces courbes ont été prises vingt-deux heures après la naissance. Vitesse dn cylindre :
un tour dans cent secondes, la circonférence du cylindre étant de 45 centimètres (dispositif Ch. Verdin..
et VITI® paires: plus bas, celui du glosso-pharyngien
etduvago-spinal; plus en dedans, la XIF° paire ; enfin
les nerfs rachidiens font leur apparition sur la face
latérale bulbo-médullaire.
Les artères verlébrales côtoient le bulbe, et se
réunissent à sa parlie médiane en un tronc com-
mun, le tronc basilaire, qui, à la partie supérieure,
se divise en deux branches quiforment les cérébrales
postérieures. Ces dernières limitent lopographique-
ment la partie antérieure de la protubérance anru-
laire; Sur son trajet, la vertébrale gauche donne
naissance à une ramification vasculaire qui se
dirige du même côté et en haut. Une branche ana-
logue se détache à droite du tronc basilaire et suit
une direction symétrique à la précédente.
L'œilnous montre loutes les parties constitutives
ordinaires. Le cristallin et le corps vitré semblent
normaux. Nous voyons une réline ainsi qu'une sclé-
rotique el une choroïde, ces deux dernières lra-
suivant, le sujet laissa écouler par la bouche une
salive filante et sanguinolente. Il rendit également
de l'urine et du méconium.
L'examen des différentes fonctions nous révèle
les parlicularilés suivantes.
La température, soit centrale, soit locale, est très
basse. Un thermomètre placé dans le rectum ne
dépasse pas 28°. Le corps, généralement violacé,
semble plus froid que les objets environnants.
Placé auprès d'un gros feu, l'enfant ne parvient pas
à se réchauffer, et si les points du corps exposés aux
rayons caloriques augmentent un peu de tempéra-
ture, iln’en est pas de même des autres parties, qui
restent aussi froides qu'auparavant et ne subissent
aucune influence du fait de l'élévation de la tem-
péralure d’une région voisine.
1 F.-G. Gane : Ün cas d'auencéphalie avec amyélie totale
et autres anomalies constitutionnelles (Norsk Magasin 1.
Logevidensk, 189%, p. 715).
LA
{
pu
N. VASCHII
ET CL. VURPAS — LA VIE BIOLOGIQUE D'UN ANENCÉPHALE 31
Un des troubles organiques les plus apparents
est assurément la modification respiratoire qui
existe chez notre sujet depuis le moment de sa
naissance. Cette modification du rythme fut surtout
marquée
quelques heures qui suivirent. Plus tard elle se
régularisa un peu. C'est à un moment de calme res-
piratoire relatif que furent pris les graphiques
dont nous donnons un exemple. L'enfant ne res-
pire qu à des intervalles très éloignés. Il prend
une teinte encore plus asphyxique:; alors survien-
nent deux ou trois respirations profondes et brus-
“ques, après lesquelles revient la période d’apnée.
Nousavonsainsi une respirationavectypedeCheyne-
-Stokes desplus nets, comme d’ailleursentémoignent
-les tracés respiratoires des figures 5 el 6. Le nombre
après l'accouchement et pendant les
“des respirations ne dépasse pasen moyenne le chiffre
de 8 à 9 par minute.
Contrairement à celte diminution de la fréquence
respiratoire, le nombre des battements cardiaques
reste à peu près normal.
- Le nombre des pulsations est de 138 à la minute.
- Lorsque l’on pratique l'auscullation du cœur, on
reconnait un rythme embryocardique des plus nets.
Mais. on s'aperçoit que la vitesse est irrégulière.
Les battements cardiaques, en effet, se précipitent
*au moment de la période dyspnéique; leur nombre
croitalors d'une facon très manifeste. À ce moment
« on relève quelques faux pas du cœur. Nous regret-
* tons de n'avoir pu inscrire comparalivement le tracé
Sphygmographique à côté du tracé respiraloire afin
: de saisir ce ralentissement simultané de la respira-
tion et de la circulation à un moment donné (période
apnéique) et leur accéléralion au moment d'une
autre période plus courte que la première (période
dyspnéique); mais il était impossible matériellement
de déceler graphiquement les pouls radial
capillaire. La pression sanguine était très faible,
et, Sans pouvoir donner de mesures précises, il nous
semble qu'elle était inférieure à la pression normale.
Les différentes périodes respiratoires n'exercent
aucune aclion sur la pupille, comme on l'a décrit
dans le Lype Cheyne-Stokes vulgaire urémique chez
l’homme. Les troubles respiratoires et circulatoires
el
que nous avons observés d'une façon très manifeste
dans notre: cas n'ont pas loujours élé relevés dans
| les diverses observations d'anencéphalie. C'est ainsi
qu'Arnold" rapporte l'histoire d’un monstre hémi-
| céphale chez lequel la respiration et le pouls ne pré-
| sentaient pas d'anomalies.Ilest vrai que l'absence des
hémisphères élait moins totale que chez notre sujel.
| L'enfant dont il parle, en effet, avait vécut trois
jours ; la voûte cranienne manquait et la masse céré-
| brale était disposée sur la base cranienne présentant
| l'aspect de plusieurs tubercules qui, à la section,
offraient des cavités.
Nous avons déjà insisté sur Îes troubles vaso-mo-
teurs, caractérisés par une leinte violette de tout leté-
gument. Le moindre atlouchementsur la surface du
corps, quelque faible qu'il soit, fait aussitôt dis-
paraitre la cyanose. Le point en contact devient
iuimédialement très blanc sur toute la surface de
| contact, qui tranche ainsi sur le reste violet du
ee
FBorremans
…L'ig. 6. — Respiration abdominale de l'anencéphale, — Mÿmes conditions expérimentales que pour la figure 5. Expériences
faites dans la même journée, vingt-deux heures après la naissance.
| corps. Dès que l’altouchement a cessé, la coloration
| violette réapparait.
Les réflexes idio-musculaires recherchés par le
pincement musculaire sont également très nets. Les
reflexes iriens n'exislent pas. La pupille reste
| immobile. Une lumière intense placée très près de
| l'œil ne provoque eucune contraction pupillaire. Un
altouchement, même énergique, avec la tête d’unt
| épingle soit de la conjonctive soit de la cornte, au
| niveau de la pupille, ne provoque aucun mouvement
de défense ou de réaction quelconque. La pupille
même y restecomplètementinsensible. L'enfantpa-
rail n'avoir aucune sensation ni aucune nolion de ce
alttouchement.
Le jour qui suivit l'attouchement, vingt heures
environ après la naissance, notre sujet présenta
une série de crises convulsives. Le début fut pré-
| cédé d’un vomissement verdâtre. Pas de cri initial
| mais les lèvres se pincèrent, le bras gauche pré
senta quelques mouvements auxquels succéda un
contracture de la main. Le pouce et l'indexe des
trois autres doigts étaient en extension. La pha-
1 ArxOLD : Gehirn, Rückenmark und Schädel eines Hemi-
cephalus von dreitägiger Lebensdauer. Bet. z. pal. Anat. u.
| z. Al. Pat., Liegler, 1892, u. 407.
318
N. VASCHIDE er CL. VURPAS — LA VIE BIOLOGIQUE D'UN ANENCÉPHALE
lange était en extension forcée sur la main; la
phalangine et la phalangette en flexion forcée. La
main était en extension forcée!sur l’avant-bras.
Puis la contracture. se généralisa; l'enfant avait
tout le corps raide comme une barre. À cette phase
tonique succéda une phase clonique, caractérisée
par des mouvements de tout le corps, avec mouve-
mentde maslication des lèvres et expulsion d’écume
par la bouche.Au débutdel'aceès, l'enfanturina,mais
ne rendit pas de matières fécales. L'accès dura en-
viron deux minutes. À peine la première attaque
était-elle terminée et les mouvements avaient-ils
disparus, qu'eut lieu un second accès en tout sem-
blable au premier, avec miction; il dura environ
deux minules. Dix minutes après la fin du deuxième
accès eut lieu un troisième sans miction, qui dura
environ trente secondes.
Ce troisième accès fut d'ailleurs le dernier. Les
crises convulsives ne sereproduisirent plus jusqu'à
Ja mort.
IV
La sensibilité a fait l'objet de recherches minu-
tieuses. Pour obtenir des résultats, il était nécessaire
que l'impression atteignit un certain degré capable
de provoquer un mouvement de défense. Car la
sensation n'était saisie que par la réaction motrice
qu'elle provoquait, et qui permettait en quelque
sorte d'en mesurer l'intensité.
Le tact était très nettement conservé. Lorsque
l'on chalouillait, même légèrement, l'enfant sous la
plante des pieds, on provoquait un mouvement de
flexion des jambes avec rejet du corps en arrière.
La sensibilité à la douleur existait également.
Des piqûres aux pieds, aux jambes, au ventre, auni-
veau du nez amenaient des mouvements de défense
qui montraient que l'impression n’était pas restée
sans résultat.
La sensibilité thermique n’était pas abolie. Un
tube d’eau froide, placé contre la cuisse, ne produi-
sait aucun effet, mais un tube d’eau chaude provo-
quaitleretrait du membreinférieur etun mouvement
du corps tendant à fuir l’objet brûlant.
Ces expériences ont été répétées un nombre de
fois assez considérable pour affirmer la constance
des résultats obtenus, et éliminer le hasard de ces
séries de recherches.
Nous venons de voir que la sensibilité semblait
conservée, et la mesure même de celte sensibilité
nous était donnée par les réactions de défense du
sujet. Ces mouvements étaient associés, coordonnés
etsemblaient converger vers un but. C'estainsi qu'à
des piqûres sur les jambes, le ventre, le nez, qu'au
chatouillement de la plante des pieds, qu'à l'appli-
cation d’un corps chaud sur la cuisse, qu'à l’ap-
proche d’un flacon d'ammoniaque pur, l'enfant
réagissait par des mouvements de flexion des
membres inférieurs, et le rejet en arrière du Corps
et de la tête. Lui mettait-on un biberon aux lèvres
il exerçait des mouvements de succion . Lorsqu'un
liquide arrivait dans la bouche, un mouvement de
déglutition s'ensuivait, et le liquide était parfaite
ment avalé. Lorsqu'on lui offrait de l’eau sucrée
avec une cuillère, l’enfant avait des mouvements
des lèvres pour empêcher l'issue du liquide en:
dehors de la cavité buccale.
Ces réflexes associés, ces mouvements d'ensemble
ont été relevés dans plusieurs cas d’anencéphalie
Arnold” raconte que lorsqu'on provoquait des mou“
vements réflexes d’un seul membre (avec une
piqûre ou avec une égratignure de la peau), Ces
mouvements ne restaient pas localisés, et se propa“
geaient aux autres membres. Lorsqu'on lui intro=
duisait le doigt dans la bouche, le sujet faisait des:
mouvements de succion. Il avalait l’eau et le lait,
mais parfois avait des régurgilations. Sabrazès e
Ulry? rappellent également l'existence de phèno
mènes analogues chez un chien anencéphale dont
ils rapportent l'observation. L'animal, qui vécut
trente heures, têtait comme les autres, et se tenait
bien sur ses pattes. 4
L'examen minutieux des diverses sensibilités
sensorielles montre leurabolition complète. Les sub=
stances employées furent choisies parmi celles qui
provoquent les sensations les plus intenses pour
chacun des organes des sens examinés, et qui de
vaient entrainer sûrement les mouvements de
défense si les impressions en avaient été perçues.
Du bromhydrate de quinine, déposé à la surface
de la langue, restait sans effet.
De l’éther, du camphre, placés sous le nez, ne pro
duisaient aucun résultat. De l’'ammoniaque pur ame-
nait un mouvement de retrail de la tête. Mais
l’ammoniaque exerce plutôt une impression tactile
qu'olfactive sur la sensibilité de la muqueuse pitui-
taire.
L'enfant semblait ne rien entendre. Des cris, des
bruits intenses produits contre son oreille ne provo=«
quaient aucune réaction de sa part.
La vue était également abolie. La projection d'une
lumière, même vive, sur l'œil n'était suivie d'aucun
mouvement réactionnel de la part du sujet, pas
même d'une simple modification pupillaire. Cettew
absence de réaction de la pupille à la lumière a été
relevée également par Arnold”° dans un cas d'anen-
céphalie.
Le goût, l’odorat, l'ouïe, la vue faisaient donc
complètement défaut chez notre monstre.
1 ArNOLD : Loc. cit.
? Sasrazëset ULny : Loc. cit.
% ArNOLD : Loc. cit.
N. VASCHIDE Er CL. VURPAS — LA
VIE BIOLOGIQUE D'UN ANENCÉPHALE
319
V
Nous avons vu des réflexes associés et des mouve-
ments coordonnés en vue d'une réaction de défense,
mais nous notons également l'existence de mou-
“vements Spontanés. L'enfant reste le plus souvent
“immobile dans son lit. Iln'a pas l'air incommodé
par sa respiration difficile, qui provoque un élat
asphyxique à peu près constant chez lui. À ce mo-
ment l'enfant semble dormir. Il est vrai que la
Simple absence de mouvements suffit à lui donner
“l'apparence du sommeil. Les paupières sont tou-
“jours closes, et la régularité respiratoire, qui indi-
k que le sommeil chez les autres, ne peut pas ici ser-
ir de critère en raison de son irrégularité naturelle
. et constante.
—._ Ilestainsi à peu près impossible de savoir lorsque
Je sujet dort, ou lorsqu'il est éveillé, de même que
J'onne peutdire s’il dort à peu près toujours ou s'il
“ne dort jamais. Cependant, à de certains moments,
il imprime à ses bras et à ses jambes des mouve-
“ments spontanés et qui ne répondent à aucune exci-
“tation extérieure particulière; parfois il fait enten-
_ dre quelques gémissements courts et monolones que
rien ne semble provoquer. Ces cris, brefs et rares,
TT un peu ee dans la nn Corps.
… Ces cris coïncident assez souvent avec des réactions
. de défense. Dans le cas d’Arnold*, où l'enfant vécut
. trois jours, ce dernier criait et gémissait à des
- intervalles le plus souvent très espacés.
Au moment de la mort, les troubles asphyxiques
et dyspnéiques semblèrent augmenter d'intensité.
‘enfant, la bouche grande ouverte, fut pendant
quelques instants en proie à des phénomènes de
suffocation,
NII
L'importance et la rareté de notre cas nous oblige
à rester dans le domaine purement expérimental, el
à constater des données biologiques précises sans
» loutelfois prétendre en expliquer la cause et le mé-
canisme. Nous nous contenterons:de poser de nou-
“ veaux problèmes et d'objecter quelques faits pré-
… cis à des opinions classiques et à des conceptions
biologiques accréditées.
1° La température de 28° observée ici est une des
- plus basses, croyons-nous, que l’on ait rencontrée,
- jusqu'alors compatible pendant un temps relative-
ment long avec une vie psycho-physiologique.
2° Le pouls était très rapide, et baltait à 138 par
1 ARNOLD : Loc. cit,
minute, coïncidant ainsi avec une tempéralure de
28°. Celte dissociation nous a paru remarquable, et
bien propre à mettre en évidence la différence de
l'action que le cerveau exerce sur la respiration, où
il joue un rôle imporlant, et sur la circulation, où
son imporlance est à peu près nulle.
3° La respiration en lype de Cheyne-Stokes
semble indiquer que le bulbe ne suffit pas à la res-
piration rythmique normale. Celle-ci exige, pour
être régulière et normale, l'intégrité du cerveau.
Certaines expériences de physiologie que nous
avons pratiquées sur le chien concordent avec ces
résultats.
Il semble done que, dans les phénomènes respira-
toires, il faille faire intervenir deux actions diffé-
rentes : l’une bulbaire, l’autre cérébrale. Au bulbe
serait dévolu le rôle principal et vériblement fonda-
mental, au cerveau celui de coordinateur, capable
seul de donner un rythme défini aux excitations
saccadées du bulbe, résultat probable de l'action de
l'acide carbonique qu'un sang asphyxique met au
contact des éléments bulbaires.
° Nous constatons également un état parliculier
des vaso-moteurs, correspondant probablement à
la paralysie des vaso-constricteurs. On note une
dilatation très intense de toute la surface des
téguments. Lorsqu'on produit une pression, on
voit que, quelque légère qu'elle soit, la partie tou-
chée devient très pâle. Mais cette blancheur dis-
parait instantanément, dès que l'attouchement
cesse. La rapidité de ce changement de coloration
est telle qu'il pourrait à peine être apprécié par
quelques centièmes de seconde. Cet état anémique
ne serait-il pas sous la dépendance de l’écrase-
ment des capillures superficiels, provoqué par
l'élat de paralysie du système moteur vasculaire ?
° Les réflexes existent et sont exagérés. EL, à un
degré de plus, nous avons observé l'existence de
convulsions à type jacksonien, avec leur allure
ordinaire.
6° La sensibilité générale ne semble pas abolie,
si nous en jugeons d’après les réactions motrices
qui la caractérisent habituellement et la mesurent,
et qui sont les seuls moyens par lesquels elle peut
être saisie à cet âge chez les enfants les plus nor-
maux. La présence de ces réactions peut ainsi être
considérée comme le symbole habituel d'une vie
psycho-physiologique rudimentaire. Aucune sensi-
bilité spéciale n'était conservée, mais on notait
l'existence de la sensibilité tactile et thermique, de
la sensibilité à la douleur. Le sujet réagissait très
nettement à ces divers modes de la sensibilité.
La douleur, ou au moins les réactions habituelles
par lesquelles nous la saisissons et en mesurons
jusqu'à un certain point l'intensilé, persistait éga-
lement.
380
N. VASCHIDE £r CL. VURPAS — LA VIE BIOLOGIQUE D'UN ANENCÉPHALE
1° Le sujet avait pendant sa vie des réflexes
associés, ainsi qu'en témoignent les quelques
ébauches de réactions de défense et surtout les
mouvements coordonnés qui répondaient à un état
moteur suffisamment équilibré‘. L'enfant avait des
mouvements de la tête significatifs, des contorsions
plus ou moins définies quand on lui meltait un
biberon à la bouche : il remuait alors les lèvres.
8° Le sujet poussait des cris sans avoir de pleurs
véritables. Ces cris étaient aigus, faibles, peu pro-
longés, monotones, et tantôt étaient spontanés, tan-
tôt venaient comme réaction de défense, comme
mode de réponse à une impression douloureuse.
9° Il est difficile d'émettre une opinion ferme sur
la question du sommeil, et de dire si le sujet
dormait réellement. L'allitude était sensiblement la
même le jour et la nuit. À peine pouvait-on cons-
tater une diminution très légère des phénomènes
moteurs pendant la nuit. Nous pensons donc que
le sommeil est avant tout un phénomène psycholo-
gique, au moins dans ses éléments essentiels.
Ces divers résultats nous semblent démontrer
d'une part que les fonctions organiques fondamen-
tales ou végétatives en plus d'une activité biolo-
gique indépendante, ont besoin pour leur bon fonc-
tionnement d’une synthèse physio-motrice qui
4 Voir pour l'étude des mouvements associés le récent
travail de G. Hanau et Euc. MeveA : Contributo allo studio
de movimeuta associati in Poliambulanza di Milano,
fasc. XI, 1900.
leur est donnée par les hémisphères cérébraux
Il y a un rythme, une coordination spéciale que»
les hémisphères seuls peuvent donner.
Beaucoup de recherches de laboratoire ont mon-
tré celte nécessité psychomécanique ; notre expé=
rience de physiologie naturelle la précise.
En second lieu, il semble qu’une catégorie de
phénomènes psychiques que, jusqu'ici, on attribuait
exclusivement aux hémisphères cérébraux, comme
Ja sensibilité spéciale du tact, de la douleur, la sen=
sibilité thermique, de même que certaines réactions:
assez bien coordonnées à ces diverses impressions
existaient chez notre anencéphale indépendamment.
de l’action du cerveau. -
Il ressort encore cette notion que l'existence de
ces phénomènes est purement physiologique, et
primitivement sous la dépendance des fonctions:
bulbo-protubérantielles et médullaires. À
Le cerveau, envisagé sous cet angle, ne semble
jouer qu'un rôle de luxe extrêmement utile pour LL
bon fonctionnement de l'organisme et la régularité
de ses fonctions, mais non indispensable pour une
vie psycho-biologique rudimentaire.
Son rôle parait être avant tout celui d’un coordi
naleur psycho-dynamique.
«
C1. Vurpas,
Interne des Asiles
de la Seine. 4
(Asile de Villejuif.)
N. Vaschide,
Chef des travaux du Labo-
ratoire de Psychologie expérimenta:e
à l'Ecole des Hautes-Etudes.
1° Sciences mathématiques
“Mansion (D: P.), Professeur à l'Université de Gand.
- —Elemente der Theorie der Determinanten {3° édi-
tion). — À vol. in-4° de 10% pages. (Prix : 3 fr. 25)
- — T'eubner, éditeur. Leipzig, 1900.
… Cette troisième édition allemande parait en même
“iemps que la sixième édition francaise. Cette indica-
tion seule suffirait pour recommander à nouveau l'ou-
-vrage de M. Mansion à ceux qui enseignent la Théorie
des Déterminants. Nous insisterons donc plutôt sur les
“avantages qui ont fait le succès de ce manuel que sur
son contenu même.
n Il a été écrit d'excellents ouvrages sur la Théorie des
Déterminants, et cela dans les divers pays. Ce sont ceux
‘de Brioschi, Baltzer, Salmon, Günther, Scott, Muir,
arez et Gasco, Gordan, Pascal, pour ne citer que les
incipaux. Mais il s’agit là de traités présentant la
cience des Déterminants sous une forme systématique.
Ils ne s'adressent guère à celui qui aborde pour la pre-
mière fois cette théorie, en elle-même d’une grande
implicité, mais qui est souvent exposée sous une
orme beaucoup trop aride pour le débutant; on cons-
e même ce fait dans bien des ouvrages d'Algèbre
pi consacrent un chapitre aux Déterminants : le désir,
très louable d’ailleurs, de présenter cette théorie en
- toute rigueur scientifique et d'une façon aussi complète
que possible, fait souvent oublier aux auteurs d'ou-
| vrages élémentaires le public auquel ils s'adressent.
Il n'y a, par contre, que fort peu d'ouvrages renfer-
mant les éléments de la Théorie des Déterminants
dégagée de la forme symbolique, qui ne convient guère
à un premier enseignement. C'est ce qui explique la
faveur que l'on continue à accorder au livre de M. Man-
sion, qui se propose de « conduire, par la voie la plus
* courte, sinon la plus facile, aux vérités les plus impor-
tantes de cette Algèbre nouvelle ».
En tête de l'ouvrage se trouve un chapitré prélimi-
naire renfermant les premières propriétés et les pre-
mières applications des Déterminants à deux ou trois
lignes. Ces préliminaires sont présentés d'une manière
extrêmement élémentaire; ils permettent au lecteur de
se familiariser sans difficulté avec le mécanisme des
Déterminants. C'est un extrait d'un opuscule qu'a
publié M. Mansion sous Je titre : Zinleitung in die Theo-
mie der Determinanten (Edit. franç. « lutroduction à
la Théorie des Déterminants » ).
Ce n'est qu'après cette première initiation que l’au-
eur aborde les définitions et propriétés fondamentales
des Déterminants : I. Permutations d'éléments à un
indice; II. Permutations distinctes d'éléments à deux
‘indices; IL. Définition des Déterminants; IV. Propriétés
fondamentales.
. Il examine ensuite le calcul des Déterminants et les
» propriétés relatives aux mineurs et aux opéralions sur
. les Déterminants, puis il passe aux applications. Cette
dernière partie est destinée à mettre en évidence l'uti-
- lité des Déterminants dans les différentes branches
mathématiques ; elle offre un grand intérêt par la diver-
sité des questions qui y sont traitées.
Cette nouvelle édition renferme diverses améliora-
tions de détail et le nombre des exercices supplémen-
taires s’y trouve considérablement augmenté. Nul doute
. qu’elle rende service aux élèves des grandes Ecoles,
. aux ingénieurs, et, en général, à tous ceux qui désirent
aborder la théorie et en trouver, condensé en un petit
volume, un exposé exact et suffisant. H. FEur,
Professeur à l'Université de Genève.
REVUE GÉNÉRALE DES SCIENCES, 1901.
BIBLIOGRAPHIE — ANALYSES ET INDEX
381
BIBLIOGRAPHIE
ANALYSES ET INDEX
Rateau (A.), /ngénieur des Mines. — Traité des
Turbo-machines. Æascieule 1: Généralités. Tur-
bines hydrauliques et leur régularisation. —
1 vol. in-4° de 26% pages avec 495 figures. (Prix :40 fr.)
Ve Ch. Dunod, éditeur. Paris, 1900.
Sous le nom générique de Turbo-machines, M. Rateau
comprend les turbines et roues motrices (à eau, à va-
peur ou à air), les pompes et ventilateurs centrifuges
el hélicoïdes, les hélices propulsives.
L'ouvrage en question, formé par la réunion d'articles
publiés, de juillet 14897 à mai 1900, dans la Revue de
Mécanique, n'est que le premier fascicule de l’étude
générale de ces machines. Il est consacré aux turbines
hydrauliques et aux moulins à vent; mais il débute
par les généralités qui se rapportent à toutes les Turbo-
machines.
Leur théorie était, jusqu'à ces dernières années, éta-
blie, en partant du théorème des forces vives, par la
formule de Bernouilli, qui a le tort de supposer des
machines parfaites sans pertes de charges. Déjà, plu-
sieurs auteurs allemands, entre autres M. Bodmer,
avaient tiré leur formule du théorème des quantités
du mouvement. M. Rateau s'appuie sur le théorème
des moments des quantités de mouvement. Il parvient
rapidement à une formule très simple, qui renferme,
comme cas particuliers, toutes les formules déjà con-
nues, et qui s'applique aux machines telles qu’elles
existent, avec toutes leurs imperfections, parce que le
théorème des moments des quantités de mouvement
reste vrai, quels que soient les frottements intérieurs.
Les formules générales une fois posées, M. Rateau
les applique aux moteurs hydrauliques, et accessoire-
ment aux moulins à vent; de la sorte, sans se préoc-
cuper d'écrire à leur sujet tout ce qu'on en peut dire
ou de présenter des monographies d'appareils, il pé-
nètre assez avant dans le fonctionnement de ces ma-
chines et arrive à d'intéressantes conclusions inédites.
Après le 1‘ chapitre, qui donne l'historique des
turbines et les généralités qui les concernent, le 2m°
étudie les turbines sans distributeur, que leur faible
rendement empêche d'utiliser comme moteurs hydrau-
liques, mais qui sont fort employées comme moteurs
aériens : effectivement, les moulins à axe vertical et les
turbines atmosphériques à distributeur ne sont que
l'exception. M. Rateau étudie les moulins hollandais à
quatre ou six grandes ailes, d'origine fort ancienne, et
les moulins à nombreuses petites ailes, créés plus récem-
ment par les Américains; il donne sur ces derniers
les expériences de Murphy. Il parle aussi des moulinets
hydrométriques et anémométriques.
Le chapitre 3 est consacré aux turbines à injection
partielle, qui sont toujours des turbines sans réaction :
roues Pelton, turbines centriluges et centripètes.
Le chapitre 4 s'occupe des turbines à injection totale,
qui sont généralement des turbines à réaction : tur-
bines hélicoïdes (ou parallèles ou axiales), turbines cen-
trifuges, centripètes, mixtes (ou hélico-centripètes).
Le chapitre 5 étudie la régulation automatique de la
vitesse des turbines, devenue si nécessaire depuis que
ces moteurs sont attelés directement à des dynamos,
et qui emprunte ordinairement le ministère de trois
organes principaux : le fachymètre (ou régulateur à
boules), le servo-moteur auxiliaire et le volant. M. Ra-
teau décrit leurs principaux dispositifs; puis il donne
la théorie du réglage telle qu'il la comprend. Comme
développement de cette théorie, il étudie, ce qui n’avait
pas encore été fait d'une manière approfondie, les
oscillations périodiques dues aux coups de bélier qui
sg
382
BIBLIOGRAPHIE — ANALYSES ET INDEX
se produisent dans les longues conduites d’eau munies
ou non de réservoir d'air. Ces coups de bélier peuvent
affoler le régulateur; pour y remédier, on a parfois
recours au réservoir d'air; M. Rateau donne des for-
mules inédites pour le calcul de ce réservoir, et
comme, au lieu de diminuer les coups de bélier, il
peut quelquefois les exagérer jusqu'à provoquer la
rupture de la conduite, il donne une autre solution
fort élégante qu'on a trouvée à ce difficile problème.
GÉRARD LAVERGNE,
Ingénieur civil des Mines.
2° Sciences physiques
Thomas (V.), Docteur ès sciences, Préparateur
de Chimie appliquée à la Faculté des Sciences de
Paris. — Les Phénomènes de Dissolution et leurs
applications. — 1 vol. in-8° de 197 pages, 51 figures.
(Encyclopédie scientilique des Aride-Mémoire).
(Prix:2fr.50) Gauthier-Villars, éditeur. Paris, 4901.
Qu'est-ce qu'un phénomène de dissolution? Si l’on
cherche une définition qui comprenne réellement tous
les cas à propos desquels on emploie le mot de disso-
lulion, je ne crois pas qu'on puisse arriver à uue for-
mule autre que la suivante: les phénomènes de disso-
lution comprennent toutes les transformations d'un
système hétérogène en système homogène. Il suit im-
médiatement de là que l'étude de la dissolution ne peut
être considérée comme formant un chapitre à part dans
la Mécanique chimique ; et, en fait, dans les publications
les plus récentes et les plus autorisées, notamment
celles de M. Duhem, Van't Hoff, Ostwald, Bancroft, etc,
on ne trouve aucune séparation entre les phénomènes
de dissolution etles autres équilibres chimiques.
L'ouvrage que vient de publier M. Thomas n'est
relatif qu'à un certain nombre de points particuliers :
c'est le résumé de Mémoires récents et importants,
relatifs aux dissolutions; ces Mémoires sont, en parti-
culier, ceux de M. Etard sur les solutions saturées des
sels métalliques; de M. Le Châtelier sur la forme théo-
rique des courbes de solubilité, sur la fusibilité des
mélanges salins et des alliages métalliques ; de M. Raoult
sur la congélation et la vaporisation des solutions, etc.
On peut adresser à cette compilation deux reproches:
le premier, c'est de manquer de critique au point de ne
pas même signaler, lorsqu'il y a lieu, les contradictions
qui existent entre les conclusions de deux mémoires
analysés dans des chapitres différents; le second, c’est
d'être fort incomplète ; on ne peut comprendre, en par-
ticulier, que l’admirable série de recherches expérimen-
tales due à M. Bakhuis Rozeboom et à ses élèves soit
passée sous silence dans un ouvrage de ce genre.
G. CHARPY,
Docteur ès sciences.
Pouget (Isidore), Agrégé de l'Université, Chef des
Travaux pratiques à la Faculté des Sciences de
Hennes. — Recherches sur les sulfo et les sélénio-
antimonites (J'hèse de la Faculté des Sciences de
Paris). — 1 brochure in-8 de 68 pages. Gauthier- Vil-
lars, éditeur. Paris, 1901,
Dans les recherches qui font la matière de sa thèse,
M. Pouget a étudié les solutions que forme le sulfure
d'antimoine lorsqu'on le met en présence des sulfures
alcalins ou alcalino-terreux, et aussi les cristaux que
ces solutions déposent. — Par la préparation de l'ortho-
sulfoantimonite de potassium, qu'il à obtenu, se trouve
complétée la série dont trois termes (méta, pyro, para)
avaient été préparés par M. Ditte. Un sel acide de potas-
sium et un de sodium, obtenus par l’auteur, appar-
tiennent à la série des sels para. Le potassium, qui
fournit les combinaisons les plus variées, donne ainsi
quatre types distincts. Les sels pyro sont d'une remar-
quable instabilité : leurs dissolutions aqueuses éprou-
vent deux décompositions différentes, selon qu'elles
sont chauffées ou conservées à froid.
Les sels alcalino-terreux, ortho, pyro, méta, sont
étudiés ensuite, puis divers sels des métaux lourds,
argent, zinc, manganèse, plomb, fer. Les sels de cui-
vre et de mercure donnent lieu à des phénomènes par-
ticuliers de réduction.
Le sélénium peut former plusieurs combinaisons
analogues aux précédentes, en se substituant au soufre
en tout ou en partie.
Rien de pareil ne se produit pour le tellure, comme
l'auteur s'en est assuré. C'est une nouvelle raison de
regarder comme inexact le classement du tellure à
côté du sélénium : la conclusion .des recherches de
M. Metzner se trouve ainsi confirmée.
On trouvera dans ce travail, exposée avec clarté, et
appuyée constamment d'analyses exactes, la préparation
méthodique de sulfosels, dont la plupart sont cris=
tallisés. L'auteur s'y est constamment préoccupé d’opé=
rer dans des conditions exactement définies, et d’appli-
quer l'analyse tant aux précipités qu'aux liqueurs où
ces précipités se forment. L. PIGEON,
Professeur adjoint à l'Université
de Dijon.
Oppenheimer (Carl). — Die Fermente und ihre
Wirkungen.—1 vol. in-8 de vin-329 pages. (Prix :
10 m4.) F. W. Vogel, éditeur, Leipzig, 1901.
Le livre de M. Oppenheimer n’est pas comparable au
remarquable ouvrage publié, il y a deux ans, par
M. Duclaux sur «les diastases, les toxines et les venins »:
Ce n’est point, comme ce dernier, une œuvre de puissante
critique et de haute originalité, mais un travail de
savante el minutieuse bibliographie.
Il est divisé en deux parties : la première traite des
propriétés générales des ferments solubles; la seconde
est consacrée à l'étude particulière des diastases et des
oxydases. Elle renferme, en outre, intercalée cà et là,
la description sommaire d'un certain nombre de fer-
mentations : fermentation de l’urée, fermentation lac-
tique, acétique, etc. L'auteur a fait ces intercalations
dans l'hypothèse — très probable, mais trop souvent en=
core à vérifier, — que les microbes agissent par l'in-
termédiaire des ferments solubles qu'ils sécrètent. C'est,
en outre, une manière pour lui de ramener tous les
processus fermentalifs à une conceplion unique, con-
ception qu'on trouve résumée, en quelque sorte, dans
les propositions suivantes :
Un ferment est le substratum matériel d’une forme
d'énergie particulière, produit par les cellules vivantes
et plus ou moins adhérent à celles-ci. Cette énergie est
capable, sans entrainer la destruction du ferment, de
provoquer le dégagement de l'énergie latente de cer-
taines substances et leur transformation en énergie
cinétique, de telle manière que la substance nouvelle=
ment produite, où la somme des substances nouvelle-
ment produites, possède une énergie latente plus petite
que Ja substance originelle. Le ferment agit d’une
manière spécifique, c'est-à-dire que chaque ferment
exerce son activité seulement sur des substances dont
la constitution et la structure stéréochimique sont tout
à fait déterminées.
Cette conception est, il faut le reconnaitre, assez
vague en ce qui touche la nature même des ferments
solubles. Comment doit-on comprendre, en effet, qu'un
tel ferment soit le substratum d'une énergie particulière?
Pour le reste, elle a le tort de négliger l’action réver-
sible des ferments, action extrêmement importante à
plus d'un titre, et dont au moins un exemple avait été
mis en évidence, bien avant l'apparition du livre, par
les expériences de Hill.
Malgré cela, le livre de M. Oppenheimer est encore un
livre utile. On y trouve, en effet, rassemblés et coor-
donnés, la plupart des innombrables travaux publiés
jusqu'ici sur les ferments et la fermentation. Près de
1300 Mémoires y sont cités et, en le consultant, on s'é-
pargnera bien des peines, même au seul point de vue de
la recherche bibliographique.
Gabriel BERTRAND,
Chef de Service à l'Institut Pasteur,
BIBLIOGRAPHIE — ANALYSES ET INDEX
3893
Mathieu (L.), Agrege de l'Universite, Directeur de
la Station œænologique de Beaune (Côte-d'Or).— Etudes
sur la Conservation des Vins mousseux. — | v0/.
in-8° de 96 pages, avec figures (Prix : 6 fr. 50) Du-
Jardin, éditeur, 24, rue Pavée-au-Marais, Paris, 1901.
La préparation des vins mousseux donne lieu à de
nombreux insuccès. Tantôt il se produit des modifica-
“tions anormales de la saveur et du bouquet du vin,
— modificotions dues soit à la nature du vin, soit à
celle des bouchons ou des bouteilles. Tantôt le gaz ou
le vin s'échappent en partie et le vin perd la propriété
de mousser. Tantôt enfin, et cette cause est la plus fré-
quente, le vin se trouble ou donne des dépôts.
Les causes de ces divers accidents sont très nom-
-breuses et elles sont peu connues. M. Mathieu s'est
efforcé d’en signaler le plus grand nombre en les grou-
“ pant méthodiquement. Son travail sera donclu utilement
par les industriels se livrant à la fabrication des vins
mousseux, qui ne s'appuient trop souvent que sur des
- données empiriques pour remédier aux accidents de
fabrication. La connaissance théorique des causes des
troubles que l’on observe dans les vins mousseux est
… d'un graud secours dans la pratique, car, si elle n'indique
pas avec précision le remède, elle montre la voie dans
r
RE NÉ
didactiques
“ laquelle il convient de le chercher. Il faut, en effet, en
vinification comme dans toutes les industries, que les
enseignements de la Science soient mis à profit pour
que la pratique progresse. X. ROcQuEs,
Ingénieur-Chimiste,
Ancien Chimiste principal
du Laboratoire municipal de Paris
3° Sciences naturelles
Chalon (Paul-F.), Zngénieur des Arts et Manufac-
tures. — Recherche des eaux souterraines et Cap-
tage des sources. — 1 vol. de 195 pages. (Prix
relié : 4 fr.) Charles Béranger, éditeur. Paris, 1900.
L'auteur à réuni, sous une forme commode, une foule
de renseignements pratiques sur la recherche et le
captage des sources, sur les eaux artésiennes, la cons-
truction des puits, les caractères des eaux potables,
Ces chapitres techniques sont précédés de notions
théoriques sur les lois générales de l'hydrologie sou-
terraine, exposées avec beaucoup de clarté et d'une
manière attrayante. Le premier chapitre renferme des
données trop sommaires sur la stratigraphie générale.
Quelques exemples concrets, empruntés de préférence
au bassin de Paris, n'eussent pas été déplacés, de
même que des conseils pratiques pour la lecture d’une
carte géologique. Car il ne faut pas oublier que la
première condition à remplir dans les recherches d’eau,
c'est d'acquérir préalablement des connaissances très
précises sur la structure géologique de la région.
Euice HauG,
Professeur adjoint à la Faculté des Sciences
de l'Université de Paris.
De Montille (M!!:S.-N.), Agrégée de l'Enseignement
secondaire des jeunes filles. — Notions de Bota-
nique pour l'Enseignement secondaire des jeunés
filles.—1 vol. in-16 de 336 pages avec 345 gravures.
(Prix, cartonné :2 fr. 50.) F. Alcan, éditeur. Paris,
1901.
Bien que la /tevue n'ait pas à rendre compte des
traités tout à fait élémentaires, nous croyons devoir
signaler ici ce petit ouvrage en raison des qualités
qui le distinguent de la plupart des
manuels de Botanique pour les classes de l’enseigne-
ment secondaire.
Laissant de côté quelques assertions comme celles-ci :
Les végétaux « ne possèdent ni la faculté de sensibilité,
ni celle du mouvement volontaire », nous insisterons
uniquement sur l'esprit hautement pédagogique de ce
petit livre. Allant du connu à l'inconnu, du complexe
au simple, l’auteur procède constamment par analyse,
commence par appeler l’attentior du lecteur sur les
faits d'observation courante, lui met sous les yeux les
végétaux dont elle va lui parler, lui apprend à en dis-
cerner les différents organes et à reconnaitre les fonc-
tions de chacun d'eux, déroule enfin devant lui le ta-
bleau du monde végétal en décrivant, avec figures à
l'appui, les principaux types, — les plus vulgaires spé-
cimens — des diverses familles naturelles. En chacune
elle consacre quelques indications particulières aux
espèces cultivées ou usitées dans l'Industrie ou en Phar-
macologie. JEAMGE
Maige (Albert), Preparateur à la Sorbonne. — Re-
cherches biologiques sur les Plantes rampantes
(Thèse pour le Doctorat de la Faculté des Sciences
de Paris). — 1 brochure in-8° de 116 pages, avec
4 pl. (Extrait des Annales des Sciences naturelles,
8e Série, Botan., XI). Paris, Masson, 1901.
A en croire l’auteur, il n’existerait d'autre travail
un peu général sur cette question qu'un résumé suc-
cinct des différents modes de végétation des plantes
rampantes dû à Kerner (P{lanzenlehen, 4888) ; en effet,
le savant autrichien a bien observé et bien décrit ce
qu'il a vu; mais pourquoi M. Maige s'arrête-t-il à la
première édition de l'ouvrage de Kerner? Quoi qu'il
en soit, il est vrai que la structure et la physiologie
spéciale des plantes rampantes n'ont pas fait l’objet
d'une étude d'ensemble. M, Maige a demandé à l’expé-
rience comment la pesanteur et la lumière agissent
sur elles. Il nous semble qu'il aurait dû prétendre à
des conclusions plus positives et attendre, pour les
formuler, d'avoir fait faire quelque progrès à la
question.
Nous nous contentons de reproduire textuellement
les résultats généraux de ce travail; le lecteur les
appréciera.
« Les plantes qui ont fait l’objet de ce travail forment
un groupe biologique que l’on peut déterminer par les
caractères suivants : 4° les rameaux rampants sont
des rameaux végétatifs ou des rameaux florifères à
fécondité atténuée ; 2 les premiers entre-nœuds pos-
sèdent une croissance intercalaire rapide; le bourgeon
terminal présente par suite un aspect caractéristique
(bourgeon dissocié); 3° les nœuds sont munis de racines
adventives. La production de ces racines est un carac-
tère héréditaire, c'est-à-dire que les racines adven-
tives se développent même si la tige ne repose pas sur
le sol; 4° Ja cause de la replation est due au géotro-
pisme transversal.
« L'étude de l'action de la lumière diffuse sur les
plantes montre que ce facteur favorise la production
de rameaux rampants et peut faire apparaître, jusqu'à
un certain point, les différents caractères qui déter-
minent ces plantes chez des rameaux qui ne les pré-
sentent pas d'ordinaire. Je suis donc conduit à émettre
cette hypothèse que /es plantes à rameaux rampants
du groupe étudié dans.ce travail out dü se former pri-
mitivement sous l'action d'une lumière atténuée. Ces
plantes posséderaient ainsi une origine analogue à
celle que l’on attribue d'ordinaire aux plantes grim-
pantes.
« Dans le groupe des plantes rampantes, délimité
comme il a été dit, on peut distinguer plnsieurs degrés
d'adaptation. Un certain nombre de plantes ont gardé
simplement, en dehors des caractères généraux du
groupe, les caractères végétatifs, Ce sont des plantes
faiblement adaptées.
« En partant de ce groupe, la différenciation s'ac-
centue dans deux voies différentes; un certain nombre
de plantes ont subi Sans doute profondément l’action du
sol, à la surface duquel elles se développent et qui les
recouvre partiellement; e/les ont acquis des caractères
analoques à ceux des tiges souterraines. D'autres ont
subi plutôt l'influence profonde de la lumière difluse,
elles ont donné des rameaux étiolés, allongés et amin-
cis, dont la forme et la structure se rapprochent de
celles des rameaux grimpants. Cette ressemblance
morphologique et anatomique entre tout un groupe de
384
BIBLIOGRAPHIE — ANALYSES ET INDEX
plantes rampantes et les plantes grimpantes semble
indiquer une communauté d'origine, et c’est là encore
un fait à l'appui de l'hypothèse que j'ai énoncée, car
on s'accorde généralement à attribuer à l’action de la
lumière diffuse la formation des rameaux grimpants.
« Certaines plantes ont des rameaux horizontaux, en
général souterrains, mais qui parfois sortent du sol en
donnant des rameaux rampants aériens. D'autres ont
des rameaux rampants aériens qui se transforment en
rameaux souterrains.
« Ces plantes forment transition vers le groupe des
plantes à drageons. Elles montrent qu'il y a une étroite
analogie entre ces dernières et les plantes rampantes;
il est très vraisemblable de supposer que ces deux
groupes ont la méme origine el proviennent du grand
développement des organes végétatifs, résultant de
laffaiblissement de la fécondité sous laction de la
lumière dilfuse.
« La lumière atténuée à done pu constituer un fac-
teur puissant de transformation et jouer, dans l'évolu-
tion des végétaux, un rôle beaucoup plus considérable
que celui qui lui est attribué généralement. »
C'est tout. C. FLaxaurr,
Professeur de Botanique
à l'Université de Montpellier.
Sully (James). — Etudes sur l'Enfance (Traduction
de M. A. Mono», avec une Préface de M. G. Compayré).
— 1 vol. in-8° de xxxn-554 pages, avec 52 figures
(Prix : 10 fr.) F. Alcan, éditeur. Paris, 1900.
M. Baldwin, dans le beau livre qu'il a consacré au
développement mental de l'enfant, et que nous avons
analysé ici même, s'était surtout attaché à «expliquer »
sa structure psychologique. M. J. Sully, persuadé, et
peut-être à très juste raison, qu'il ne faut pas se pré-
occuper trop vite d'interpréter les faits, mais d'abord
et surtout de les bien connaître, a eu pour objet essen-
tiel de nous donner des descriptions précises et fidèles
des manifestations les plus caractéristiques et les plus
importantes des premières phases de la vie mentale.
L’expérimentation, qui lient une si large place dans le
livre classique de Preyer, el à laquelle Baldwin lui-
même a eu plus d’une fois recours pour contrôler
l'exactitude de certaines de ses théories, est ici relé-
guée tout à fait à l'arrière-plan; la méthode dont
M. Sully s’est presque exclusivement servi, c’est la mé-
thode d'observation: il à mis a profit les observations
systématiques des psychologues et des éducateurs qui
se sont consacrés spécialement à la Child-study, en
les confrontant constamment avec les siennes propres
et en les contrôlant par de méthodiques rapproche-
ments avec les observations occasionnelles que lui ont
communiquées les parents et les maîtres et ces mul-
tiples traits que l’on peut relever dans les autobiogra-
phies et les souvenirs d'enfance.
M. Sully n’a pas prétendu écrire un traité complet de
Psychologie infantile, pareil à celui dont M. Compayré
a enrichi, il y a quelques années, la littérature scienti-
fique de langue française. Son livre est, en réalité,
un recueil d'études détachées et dont chacune pour-
rait à la rigueur se suffire à elle-même, ce qui ex-
plique la disproportion qui existe entre les divers
chapitres, qui sont de très inégale étendue. Mais il y
a entre toutes ces études un lien organique et elles
forment un tout complet et cohérent : toutes, elles ont
pour objet essentiel de mettre en lumière « l'origi-
nalité » de la psychologie infantile et de faire com-
prendre à quel degré diffère de celle de l'adulte la
structure mentale de l'enfant au cours des premières
années de sa vie.
L'étude de l'âme de l'enfant est, si l'on peut dire,
par définition, l'étude d'un développement. Mais, tandis
que Baldwin songe surtout à se servir de la connais-
sance des phénomènes qui constituent sa trame, pour
expliquer les lois qui régissent les processus psychiques
de l'adulte, M. Sully les examine en eux-mêmes et pour
eux-mêmes, il essaie de penser avec l'enfant et, comme
lui, de réaliser en sa conscience l’état d'esprit où Pen"
fant se trouve placé et de jeter sur Le monde le même
regard qu'il y jette. Le résultat, c'est qu’en raiso
même des différences qui séparent l'adulte de l'enfant,
dans ce livre tout descriptif cependant et dont Jess
théories explicatives ont été bannies pour la plupart,
beaucoup d'hypothèses implicites ont trouvé place, et
bien souvent, ce sunt des hypothèses invérifiables
puisque l'introspection ne peut plus nous fournir ei
l'aide précieuse qu'elle nous donne pour l'intelligence
de la psychologie de l'adulte. Il importe, toutefois, de
relever l'excellent parti que M. Sully a su tirer des
matériaux que lui fournissaient l'Ethnographie com
parée et l'étude de la religion et de l’art des non civi
disés : il a trouvé là des termes de comparaison qui luin
ont facilité la compréhension de plus d'une démarch
de l'imagination et de la balbutiante raison de l'enfant
L'ouvrage se divise en neuf livres : le premier est
consacré à l'étude des relations qui existent chez l'en
fant — chez le très jeune enfant en particulier — entres
les sensations actuelles et les images encore confuses.
et indécises qui peuplent son esprit. Il insiste sur ce
fait que l'imagination de l'enfant n’est jamais purement
plastique et passive, mais toujours créatrice et inven
tive quelque peu dans ses perceptions. La part qui
revient aux images dans ses réprésentations des choses
est bien plus considérable que chez l'adulte; aussi sont
elles dans une large mesure illusoires. Tous les objets
subissent des transformations profondes dans sa cons
cience : il ne voit pas ce que nous voyons, il n'entend
pas ce que nous entendons; il discerne mal le passés
du présent el extériorise sans cesse ses images internes:
Nulle part cette activité de l'imagination créatrice nem
se révèle plus clairement que dans les jeux de l'enfant;
aussi M. Sully a-til fait à leur étude une très large
place dans cette section de son livre: il s’est attaché
à déterminer la part qui revient à l'imitation dans les
scènes que joue l'enfant et dans l'attitude qu'il à en=
vers ses jouets et celle qui revient à l'invention; il an
montré que le jeu était, plus encore qu'une activité
sociale, un moyen d'objectiver, de traduire en actes des
représentations, de les rendre pour soi-même tangibles
et réelles. Aussi est-il pris au sérieux par l'enfant et
constitue-t-il un très efficace agent de développement
mental. M. Sully étudie, en ce même chapitre, les mythes
enfantins et le monde de fictions où se complaît l'es-
prit de l'enfant et qu'il construit avec les histoires qu'on
lui a contées et ce que lui a appris de l'Univers san
courte et obscure expérience. Mais ce serait une grande
erreur que de se représenter l'enfant comme voué à
vivre, sans en sortir jamais, au pays bleu de féerie ; il
est très réaliste à sa manière et cherche à comprendre
ce qu'il voit, parce qu'il a besoin de comprendre pour
agir. Il ne s'attache, d’ailleurs, dans les objets, qu à ce”
qui l'intéresse, il ne voit d'eux que le trait qui a pour lui
quelque valeur, — et c'est ainsi que, tout nalturetlement"
et sans le chercher, il fait des abstractions. Les objets
concrets sont assimilés les uns aux autres et rangés
en larges classes ou minutieusement distingués, suivant
qu'il est de son intérêt de les discerner avec une préci=
sion plus ou moins grande. L'acquisition de souvenirs
nets et bien classés est la condition même de l'exercice
de la raison, et il semble que ce soit ce besoin et ces
désir passionné de comprendre qui fassent l'enfantatten-
tif et lui permettent de retenir ce qu'il voit et de Suppo=
ser dès lors des rapports entre les choses, des liaisons:
li se représente tout d’abord ces lois des choses sous
forme mythique; toutes ses explications, pareilles en,
cela à celles des premiers hommes, transforment la
nature en un ensemble de vivants semblables à lui:
Mais les explications qu'il se donne à lui-même ne lar-n
dent pas à ne plus le satisfaire, et vient alors l’âge des!
questions. 11 interprète à sa manière, et par analogie
avec ce qu'il sait déjà ou croit savoir, les réponses qu'on
lui fait; rien n'est plus curieux que les conceptions qu'il
se forme alors de la Nature, que ses idées sur lui-même
et sur Dieu. M. Sully a consacré à cette cosmologie, à
BIBLIOGRAPHIE — ANALYSES ET INDEX
380
“cette psychologie et à cette théologie enfantines, l’une
“des meilleures parties de son livre.
… L'évolution de la persée enfantine peut être étudiée,
. d'ailleurs, avec une assez grande précision, parce
qu'elle se reflète dans l’évolution parallèle que suit le
mjangage enfantin. Nulle, peut-être, des multiples ques-
tions qui se rapportent au développement mental de
l'enfant n'a été plus étudiée ni mieux que celle du
langage ; aussi M. Sully ne nous apporte-t-il que bien
«peu de chose sur ce point qui soit vraiment nouveau,
… mais son très long chapitre constitue un excellent ré-
…_sumé des travaux antérieurs. Il examine {our à tour la
« formation des mots articulés, les transformations pho-
… néliques et sémantiques que les enfants font subir
ii mots du langage des adultes, le rôle joué par l’ana-
ogie dans ces altérations linguistiques, la construction
des phrases, les déformalions imprimées au sens
des phrases par certaines associations d'idées: les exem-
… ples sont nombreux et bien choisis etcette étude mérite
… de demeurer classique.
—…._ Les pages où M. Sully traite de la sensibilité enfan-
tine sont un peu rapides et fort incomplètes; l'auteur
“s'est d'ailleurs borné à faire l’étude d’une seule émo-
tion, celle de la peur: il passe successivement en
“revue les diverses formes de peur (peur des sons, peur
- des choses visibles, peur des animaux et peur de l'obs-
“ curité). Les remarques originales abondent en ce
. chapitre, dans la première et la dernière sections
.
2
surtout, et les faits curieux; il convient de noter au
passage la tendance de certains enfants à transformer
… l'obscurité en une personne ou une chose. M. Sully
a relevé d’intéressauts rapprochements entre les peurs
des enfants et celles des sauvages et des neurasthéni-
- ques et psychasthéniques.
Dans les deux chapitres suivants, l'auteur traite de la
- formation du sens moral et social chez l'enfant; il
- étudie successivement les sentiments égoïstes et leur
relation avec la colère, la genèse des sentiments
altruistes et leur conflit avec les instincts brutaux et
-(ominateurs originels, les mensonges et les formes
diverses qu'ils revêtent dans la conscience enfantine,
l'attitude de l'enfant vis-à-vis de l'autorité, ses luttes
contre les personnes et sa docilité devant la règle et Ja
coutume, la formation du sentiment de la justice.
Les dernières parties du livre sont consacrées à l’es-
thétique de l'enfant. Après avoir étudié l’attitude de
l'enfant devant les beautés naturelles et les œuvres
d'art et recherché comment se constitue et se développe
chez lui le sentiment esthétique, M. Sully traite de ses
premières tentatives artistiques, qui nous éclairent beau-
coup mieux que des paroles sur sa conception du beau,
- et manifestent les relations qui unissent au plaisir
- du jeu les essais encore gauches ethésitants pour repré-
. senter plastiquement les objets. Des pages fortintéressan-
tes sont consacrées à la parure et aux histoires inventées
par les enfants; mais, la partie essentieile de ce cha-
pitre, c'est l'examen méthodique des dessins d'enfants,
qui remplit, à lui seul, toute une section de l'ouvrage,
la plus riche en faits nouveaux et en déductions origi-
nales. Ce n’est pas seulement, d’ailleurs, sur la genèse
et l'évolution du sentiment esthétique, mais sur celle
. de la pensée que nous éclaire cette analyse des concep-
tions et des procédés graphiques de l'enfant. De mul-
tiples et fécondes comparaisons sont instituées entre
ces dessins et ceux qu'exécutent les sauvages. De très
nombreuses illustrations rehaussent la valeur de ce
beau travail.
La préface de M. Compayré est une utile et intéres-
sante « revue » de l'état actuel des études relatives à la
psychologie de l’enfant, et un court exposé critique des
méthodes en usage. Les douze dernières pages sont rem-
_ plies par des observations et des réflexions sur l'enfant
dessinateur, qui complètent sur certains points la sug-
gestive étude de M. Sully. L. MARILLIER,
Agrègé de l'Université,
Maître de Conférences à l'Ecole pratique
des Hautes-Etudes,
4° Sciences médicales
Nicolle (M.), Directeur de l’Institut impérial de Bac-
tériologie de Constantinople. — Eléments de Micro-
biologie générale. — 1 vol. in-18 de 342 pages avec
figures. (Prix : 4 fr.) O0. Doin, éditeur. Paris, 1901.
La Microbiologie tient aujourd'hui une telle place
dans la Médecine qu'il ne faut pas s'étonner si, par
une juste réciprocité, la Physiologie tend à son tour à
en prendre une de plus en plus importante dans ce
que l'on est convenu d'appeler la Microbiologie géné-
rale. Pour mieux dire, la microbiologie, après avoir
renouvelé toutes nos idées en matière de Pathologie,
est devenue le point de départ d'une conquête physio-
logique qui ne saurait se comparer, comme impor-
tance, qu'à la découverte de la circulation du sang, par
exemple. Tout le monde comprend que nous voulons
parler de la phagocytose et de l’œuvre de M. Metchni-
koff et de son école. L'ouvrage de M. Nicolle met bien
en lumière cette évolution. Il se divise en deux parties.
La première, que l’on pourrait appeler l’ancienne Mi-
crobiologie générale, est consacrée aux microbes et à
leurs fonctions. Nous retrouvons là les premières no-
tions, dues à Pasteur lui-même, sur les microbes, leur
nature, leur place dans la classification, leur nutrition,
le pouvoir-ferment et l'équation chimique des princi-
pales fermentations; puis, les chapitres consacrés aux
sécrétions des microbes et aux propriétés générales
des diastases, aux toxines, à la virulence et à ses
varialions, préparent à mieux comprendre le rôle patho-
gène des microbes, qui fait l'objet de la seconde partie.
Ici l’auteur, adoptant frauchement la seule marche
logique et conforme à l'état actuel de la science, place
au premier plan l'étude de la fonction phagocytaire. I
décrit les phagocytes au point de vue anatomique
d’abord, puis au point de vue physiologique; il passe
en revue leurs diverses propriétés : motilité, sensibilité
chimique et tactile, migrations; il ne manque pas
d'insister sur leur fonction digestive, la plus impor-
tante de toutes, et sur les diverses sécrétions qui en
sont le corollaire; ainsi se trouve mise au point la
délicate question des substances bactéricides, des ly-
sines, des alexines, des agglutinines. Nous assistons
ensuite à la lutte de ces phagocytes contre les mi-
crobes : c’est le chapitre consacré à l'infection et à
l'inflammation. Puis, vient la grosse question de l'im-
munité; l’auteur établit dès l’abord une distinction
bien tranchée entre ces deux genres d'immunité : l’im-
munité contre les microbes et l’immunité contre les
toxines, distinction qui seule peut donner la clé de
tant de faits et de tant d'expériences que leurs auteurs
mêmes n'ont pas toujours su interpréter correctement.
Cette distinction, M. Nicolle ne la perd pas de vue en
traitant des divers modes de production de limmu-
nité: immunité naturelle ou acquise, spécifique ou
non spécifique, conférée par la maladie, par l'hérédité,
par la lactation. IL complète cet exposé très clair par
un résumé des travaux les plus récents, relatifs à la
formation des anticorps; c'est en quelque sorte la
partie documentaire et justificative de l'ouvrage. Enfin
nous trouvons pour terminer, car l’auteur a eu le souci
d’être complet eu un petit nombre de pages, un apercu
sur les maladies infectieuses des plantes, chapitre nou-
veau de cette microbiologie générale, née d'hier, et qui
sera demain la véritable pathologie générale.
La brève analyse que nous venons de donner permet
au lecteur de se rendre compte de l'excellence du plan
suivi par M. Nicolle, aussi bien que de son originalité
et de la nouveauté des matières traitées qui, pour une
grande part, se trouvent pour la première fois réunies
en un corps de doctrine. Cet ouvrage, nous dit la pré-
face, reproduit une fraction de l’enseignement que
M. Nicolle donne aux élèves de l’Institut impérial de
Bactériologie de Constantinople; à coup sûr, ensei-
gnement et professeur honoreraient n'importe quelle
Faculté de France ou d'ailleurs. Dr Répin,
Attaché à l'Institut Pasteur.
386
ACADÉMIES ET SOCIÉTÉS SAVANTES
DE LA FRANCE ET
ACADÉMIE DES SCIENCES DE PARIS
Séance du 25 Mars 1901,
M. Paul Sabatier est élu Correspondant dans la Sec-
tion de Chimie, en remplacement de M. A. Haller, élu
membre de l’Académie. —M. Davidson est élu Corres-
pondant pour la Section de Géographie et de Navigation,
en remplacement de M. A. David, décédé.
1. SCIENCES MATHÉMATIQUES. — M. de Jonquières pré-
sente une petite rectification à une note précédente sur
les réduites caractéristiques d’une équation. — M. G.
Mittag-Leffler euvoie une note sur une formule de
M. Fredholm relalive aux étoiles de convergence. —
M. H. Padé donne l'expression générale de la fraction
rationnelle approchée de (1 + x)", et en tire quelques
conséquences. — M. C. Maltézos a étudié les séries de
monticules de poussière ou de sable fin qui se forment
sur le fond de la mer d'une plage par temps calme ; ils
sont dus à l’interférence des ondulations de l’eau qui
vient avec celles réfléchies par le rivage; ce sont donc
des lignes nodales. On peut reproduire ce phénomène
dans un vase, et l’auteur l'a observé également sur la
terre à la suite de l’action des vents.
2, SCIENCES PHYSIQUES. — M. Bordier communique une
nouvelle théorie de la machine de Wimshurst sans sec-
teurs. — M. C. Tissot a mesuré la période des ondes
utilisées dans la télégraphie sans fil par la méthode de
Feddersen. La période varie avec la longueur de l’an-
tenne et celle de l’étincelle ; les périodes mesurées
variaienf entre 0,6 X 106 et 1,8 >< 10-56 seconde. —
M. Brauer donne la description du télautographe Rit-
chie, appareil destiné à transmettre l'écriture et, d’une
facon générale, tout dessin ou tracé linéaire, à une dis-
tance quelconque, en utilisant les lignes téléphoniques
à deux fils — M. H. Becquerel a recherché si les
diverses parties du rayonnement du radium donnent
également des rayons secondaires. Le rayonnement non
déviable et très absorbable provoque des rayons secon-
daires faibles; les rayons déviables en provoquent avec
une intensité d'autant plus grande, qu'ils sont plus
déviables et plus absorbés. Les rayons non déviables et
très pénétrants donnent naissance à des phénomènes
secondaires intenses. — MM. P. Curie et A. Debierne
montrent que la présence des gaz joue un rôle dans la
propagation de la râdio-activilé induite, car dans le
vide parfait cette propagation n'a pas lieu. — M. A.
Nodon a observé que des rayons X prennent naissance
sous l'influence simultanée de radiations ultra-violettes
et d'un champ électrique : les rayons X peuvent donc
être produits directement dans l'air et en dehors du vide
de Crookes. — M. L. Benoist a fondé une méthode de
détermination des poids atomiques sur les lois de trans-
parence de la matière pour les rayons X. Cette mé-
thode, appliquée à l’indium, assigne à ce corps le poids
atomique 113,4, identique à celui trouvé récemment par
MM. Chabrié et Rengade au moyen des méthodes chi-
miques. — M. A. Ponsot, étudiant la chaleur spécifique
d'un mélange gazeux de corps en équilibre chimique,
montre que le système dont la formation accroit le
volume du mélange, et qui déplace l’autre quand le
volume croît, est aussi celui qui tend à composer seul
le mélange gazeux lorsque la température croit au delà
de toute limite, que la pression reste constante, ou que
le volume soit invariable. Sa formation accroît la cha-
leur spécifique du mélange, et l'accroissement est plus
grand sous pression constante que sous volume cons-
tant. — M. M. Berthelot a examiné un métal ayant
servi à l’incrustation d’un étui égyptien antique ; ce
ACADÉMIES ET SOCIÉTÉS SAVANTES
—
DE L'ÉTRANGER
métal est constitué par du platine, allié à d’autres mine»
rais de la mine de platine. — M. Berthelot a étudié 1
relations électrochimiques des états allotropiques
l'argent. Si l’on plonge, dans une solution de nitrate
d'argent, des électrodes formées d'un côté par de l’ar=
gent en feuilles, de l’autre par l’une des quatre modif
cations allotropiques, on observe un courant immédiat,
qui baisse ensuite jusqu'à devenir nul, probablement
par suite d’une modification de la surface de l'électrode:
— M. A. Gautier, en chauffant en tube scellé de l'eau
et des roches ignées pulvérisées, a obtenu une solution:
identique aux eaux sulfureuses naturelles. Il est pro=
bable que les gaz réducteurs qui se forment dans l'ac=
tion de Ja vapeur d’eau sur les poudres de roches,
agissent sur les silicates pour former, en présence di
soufre des sulfures métalliques, des sulfosilicates et des
oxysulfures, qui se décomposent ensuite facilement par
l’eau. Les eaux sulfureuses naturelles doivent avoir là
même origine. — M. H. Pélabon étudie l’action de
l'hydrogène sur le réalgar et la réaction inverse, et
l'influence de la température et de la pression sur Je
phénomène. — M. M. Delépine a déterminé les chaz=
leurs de formation des acétals et des composés iso=
mères. La comparaison montre la différence thermiq
qui existe entre un corps dérivé d'une seule chaïr
carbonée et un corps dérivé de plusieurs chaînes carbo=
nées, réunies par l'oxygène, susceptibles en général de
se disloquer par fixation d’eau. — M. G. Massol a élu=
dié thermiquement les trois acides oxybenzoïques, les.
trois acides nitro-benzoïques, les acides o-chloro ef
iodo-benzoïques et les acide 0- et p-bromo-benzoïques:
— M. P. Lemoult présente des observations qui con=
firment la généralité de la loi des auxochromes;
l'étude des déformations des spectres d'absorption avec
la dilution permettra de lui donner un énoncé plus
absolu. — M. J. Bougault, par oxydation de l’anéthol,
a obtenu successivement les corps suivants : l'aldé-
hyde correspondant, puis l'acide correspondant, puisl
paraméthoxyacétophénone, puis l’acide paraméthoxy=
phénylglyoxylique, puis l'acide auisique. — MM. Hal
ler et Guyot, par nitration de l'acide diméthylamido=
benzoylbenzoïque, ont préparé l'acide mononitré cor=
respondant, renfermant le groupe nitro en ortho par
rapport au groupe diméthylamidé. Cet acide donnes
avec la diméthylaniline, la diméthylanilinephtaléine
mononitrée, qui peut être réduite en amidodiméthyla
nilinephtaléine. — M. R. Fosse, en appliquant la réac:
tion de Baeyer à un mélange de $-naphtol et d’aldéhyde.
oxynaphtoïque, a obtenu le naphtylolnaphtyloxynaph-=
tylméthane :
C'°H6
OH.CHe.CH£
Kane?
L'auteur en a préparé les éthers, et montre qu'il pos:
sède la constitution d’un naphtylol-dinaphtopyrane.
M. J. Hamonet a réduit le dibromo ou le diiodobutane
par le zinc, dans l'espoir d'arriver au tétraméthylènes
En présence de l'alcool, on obtient du butane: il ya
done eu hydrogénation. En l’absence de tout corp
étranger, il se forme de l'éthylène. La chaîne tétramé=
thylénique est donc fort instable. — MM. L. Vignon
et F. Couturier ont constaté que l'augmentation de I
richesse du grain de blé en gluten se fait très lentement,
pour des augmentations notables d'engrais azotés…
D'autre part, l'augmentation des engrais phosphatés
produit une diminution progressive dans la teneur dus
grain en azote.
3. SCIENCES NATURELLES. — M. H. Stassano à {rouvé,«
“ans la sérosité sanguinolente qu'on retire par ponction
“du ganglion satellite du chancre des syphilitiques, des
“corps mobiles, parfois très abondants, qui, dans les
préparations fixées et colorées, ont les caractères des
infusoires flagellés du sous-groupe des Monadines. —
M. S. Leduc a constaté que la courbe de l'ascension
“thermométrique offre un moyen simple, facile et très
“sensible d'apprécier l'intensité des combustions orga-
niques dans les différents états physiologiques et patho-
logiques. — M. Aug. Charpentier a étudié les carac-
‘tères de la conduction musculaire des excitations
électriques dans les muscles de la cuisse chez la gre-
mouille. Il a retrouvé, comme dans la conduction ner-
veuse, l'existence de deux ondes : l’une lente, l'autre
rapide. — M. André Broca étudie les variations de
lacuité visuelle avec l'éclairage et l'adaptation. Pour les
“éclairements élevés, l’acuilé visuelle diminue par
l'adaptation à l'obscurité. — M. J. Kunckel d’Hercu-
Jaïs établit qu'il y a dans l'ancien continent un grand
“Acridien migrateur, le Schistocera peregrina Olivier,
“dont l'aire de dispersion s'étend au-dessus de l'Equa-
teur, dans le nord de l'Afrique et le sud de l'Asie; de
même, il existe dans le nouveau continent un grand
Acridien migraleur, te S. amerieana Drury, dont l'aire
de dispersion s'étend au-dessus el au-dessous de
PEquateur. Il est impossible que l’un de ces Schisto-
cera ait pu traverser l'Atlantique. — MM. L. Ravaz et
A. Bonnet ont comparé des rameaux de vigne, fou-
droyés naturellement et artificiellement, avec des ra-
eaux dits atteints de gélivure. Ils ont constaté que les
altérations qu'ils portent sont identiques, et qu'elles
sont dues uniquement à la foudre. Il en résulte que la
gélivure doit être rayée de la liste des maladies micro-
biennes de la vigne. — M. P. Choffat a pu constater,
dans un gisement des environs de Lisbonne, que la
HSE est d'âge incontestablement tertiaire.
… Séance du 17 Avril 1901.
10 SGIENCES MATHÉMATIQUES. — M. J. Mascart signale
- que le bolide dont il a observé l'apparition le 24 sep-
tembre dernier près d'Angoulême, à été apercu presque
au même moment par M. L. Havet aux environs de
Tours. — M. A. Liapounoff énonce une proposition
très générale du Calcul des Probabilités. — M. Servant
“ poursuit l'étude de la déformation du paraboloïde gé-
“néral. — M. M. d’Ocagne indique un théoèrme qui
… donne la somme des angles d’un polygone à connexion
-multiple; il permet de vérifier la somme des angles
d'un cheminement topographique quelconque.
20 SCIENCES PHYSIQUES. — M. F. Larroque a reconnu
que ni dans le son des instruments à archet, ni dans
celui de la plupart des instruments de cuivre, l'analyse
du timbre ne révèle l’existence d'harmoniques suraigus
“très énergiques. Le mordant ou l'éclat du son de ces
instruments résulte donc de la discontinuité du son.
— M. G. Gouy a déterminé les [propriétés électrocapil-
laires de quelques composés organiques en solutions
aqueuses. La viscosité électrocapillaire ne dure qu'une
ou deux minutes aux dilutions modérées; elle est
nulle aux dilutions extrêmes, sauf pour la caféine
et l’'amygdaline, corps extrèmement actifs. — M. A.
Duboin à étudié les propriétés réductrices du ma-
gnésium et de l'aluminium sur plusieurs corps; en
particulier, l'action de l'aluminium sur l’alumine donne
J'oxyde AO. — M. L. Wintrebert a préparé l’osmyl-
oxalate de sodium Os0?(C*0*/Na°,2H°0 en traitant le
peroxyde d'osmium en solution aqueuse par un mélange
de bioxalate de soude et d'acide oxalique. Il a préparé
également les osmyloxalates d'ammonium, d'Ag, de Ba,
de Sr, de Ca. — M. P. Brenans, en faisant agir l'iode
dissous dans l'iodure de potassium sur une solution
-alcaline de phénol, a obtenu, dans des circonstances
diverses, le diiodophénol-1 : 2 : 4, corps blanc, fusible
“à 71-72, et le triiodophénol-1 : 2 : 4: 6, corps fusible
à 1560, — M. Amand Valeur a fait réagir les dérivés
organométalliques sur les éthers dérivés des acides
bibasiques dans le but d'obtenir des glycols bitertiaires,
ACADÉMIES ET SOCIÈTES SAVANTES 387
Avec l’éther oxalique, il a obtenu la pinacone dérivée
de l’acétone ordinaire; avec le malonate d’éthyle, on
oblient un alcool non saturé, provenant de Ja déshy-
dratalion du glycol bitertiaire; avec le succinate
d'éthyle, on obtient le corps :
CH: C5
26
> C— CHE — CH —C< -
C5” | | Nc
OH oh
MM. Tissier et Grignard, en faisant réagir l'eau sur
les dérivés organométalliques C'H?:+1MgM', ont obtenu
les carbures C'H°+2 à un élat de très grande pureté.
L'action du magnésium sur fes alcools conduit à des
alcoolates, du type (C*H*0)Mg. — M. Ch. Moureu, en
faisant réagir l'iodure de magnésium-éthyle sur le ni-
trite d’amyle et sur le nitrométhane, a obtenu dans
les deux cas de la diéthylhydroxylamine. Ces faits éta-
blissent que les dérivés organomagnésiens réagissent
sur les dérivés oxygénés de l'azote et probablement aussi
du soufre. — M. E. E. Blaise à reconnu que, dans la
réaction d'un dérivé halogéné alcoolique sur le magné-
sium, én présence d'éther anhydre, on obtient un
dérivé élhéré d’une stabilité remarquable et de com-
position RMgX(C*#H°}0. On peut obtenir des dérivés
cristallisés de ce corps par condensation avec certains
nitriles. — M. G. F. Jaubert à réalisé une nouvelle
synthèse de l'aniline en faisant réagir l'hydroxyla-
mine sur le beuzène en présence d'AICI® comme agent
de condensation :
CS + AzH°.OH — C'HS.AZH? + HO.
MM. E. Jungfleisch et E. Léger rappellent que l’ac-
tion de l'acide sulfurique dilué sur la cinchonine produit
toujours une certaine quantité d'hydrocinchonine. Ils
montrent que la cinchonine ordinaire contient toujours
un peu d'hydrocinchonine, et que les propriétés qu'on
lui à attribuées sont celles d'un mélange. Ils donnent
les propriétés de la cinchonine pure. — M. M. Han-
riot poursuit l'étude du mécanisme des actions lipolyti-
ques. Les ferments lipolytiques se comportent absolu-
ment comme les sesquioxydes de fer et d'aluminium,
susceptibles de s'unir avec les acides organiques pour
former des sels instables aisément dissociables. Il ne
serait pas impossible que la lipase fut un sel de fer.
3° SCIENCES NATURELLES. — MM. E. L. Bouvier et H.
Fischer décrivent l'organisation interne du /’/eurolo-
maria Beyrichii Hilg, (spécialement le tube ‘digestif et
le système nerveux). — M. P. Lesne signale des phéno-
mènes de variation sexuelle qu'il a observés chez les
mâles de certains Coléoptères appartenant à la famille
des Bostrychides:; il les désigne sous le nom de pœæei-
landrie périodique. — M. A. Robert à constaté que
les Trochus conuloïdes Lam. et exasperatus Penn. ont
des pontes agglomérées. Il a pu obtenir le développe-
ment complet du Tr. conuloïdes dans des bacs-filtres à
fond de sable, ou dans des bacs à fond de grès
poreux. — M. E. Bataillon a reconnu que des solu-
tions isotoniques convenables de diverses substances
déterminent, sur l'œuf de Ztana lemporaria, les mêmes
troubles de l'évolution dans la région du blastophore.
L'action tératogène des substances employées est en
rapport avec la plasmolyse qu'elles engendrent; elle
est mesurée par leur poids moléculaire et leur coeffi-
cient isotonique. — M. P. Vigier à étudié l'origine des
parosomes où pyrénosomes dans les cellules de la
glande digestive de l'Ecrevisse. Il lui parait évident que,
sous l'influence de l’activité sécrétoire, le nucléole est
le seul élément figuré qui émigre dans le cytoplasme
pour contribuer à l'élaboration du produit glandu-
laire. — M. A. Dangeard examine le rôle de la z00-
spore et du spermatozoïde dans la reproduction sexuelle
du Polytoma l'vella. — M. René Maire communique de
nouvelles recherches eytologiques sur les Hyménomy-
cètes. L'Hygrocybe coniea constitue une exception à
la loi de la formation des basides établie par Dan-
388
ACADÉMIES ET SOCIÉTÉS SAVANTES
geard. — M. G. Delacroix a observé une forme
conidienne du champignon du Black-rot (Guignardia
Bidwelli). Elle se trouve aussi bien sur les sclérotes
que sur les pycnides ou les spermogonies. Elle est peu
répandue en France. — M. F. Kôvessi a étudié l'influ-
ence des conditions climatologiques sur la végétation
des sarments de vigne. La chaleur et la lumière sont
nécessaires à un bon développement, mais un excès
d'humidité suffit pour produire un mauvais aoûtement
dans des régions même bien favorisées aux autres
points de vue.
ACADÉMIE DE MÉDECINE
Séance du 19 Mars 1901.
L'Académie procède à l'élection d'un membre titu-
laire dans la Section de Pathologie médicale. M. Joffroy
est élu.
M. A. Proust indique la distribution géographique
de la peste dans les cinq parties du monde en 1900 et
au commencement de 4901. Il donne, pour les princi-
paux centres, l'histoire de la marche de l'épidémie, le
relevé des cas et des décès et les mesures prophylac-
tiques employées. — M. Paul Reclus cite un certain
nombre de cas où la méthode de Bier (anesthésie par
injections intra-arachnoïdiennes de cocaïne) a eu un
résultat mortel. Il lui semble qu'à l'heure actuelle on
ne doit pas abandonner les autres méthodes d’anes-
thésie qui ont fait leurs preuves. — MM. A. Robin et
M. Binet cherchent à montrer que la tuberculose ne
se développe que sur un terrain particulier. L'une de
ces conditions de terrain est la déminéralisation orga-
nique ; la seconde consiste dans une élévation marquée
des échanges respiratoires. — M. Chapot-Prévost lit
un travail sur un nouveau xiphopage vivant du sexe
masculin. — M. Barette communique une note sur un
cas d'appendicite gangreneuse hypertoxique compliqué
d’ictère grave mortel.
‘Séance du 26 Mars 1901.
M. Nocard présente quelques considérations sur la
fièvre aphteuse et son traitement, à propos d'une note
de M. Jouarre. Cette maladie, qui s'est répandue dans
tous les pays de l’Europe, n’a été combattue victorieu-
sement qu'en Angleterre, grâce à des mesures extré-
mement rigoureuses. Dans les autres pays, malgré des
législations sanitaires souvent excellentes et bien appli-
quées, elle continue à causer de grands dommages. La
découverte de l'agent microbien qui la provoque, et
des divers modes de sa propagation permettra proba-
blement de la combattre avec plus de succès. En atten-
dant, tous les traitements qui ont été proposés n'ont
guère donné de résultats. — M. J.-V. Laborde, à pro-
pos de la discussion sur les injections intra-arachnoï-
diennes de cocaïne, rappelle qu'il a publié, il y a déjà
dix-huit ans, une étude complète sur l’action physio-
logique de la cocaine et de ses sels, laquelle permet de
prévoir les dangers des injections ainsi pratiquées
vomissements, céphalée, tremblements, syncope cardio-
respiratoire, ete. Il y aurait peut-être lieu de remplacer
l'injection intra-arachnoïdienne par l'injection intra-
musculaire ou intra-abdominale, qui ne présentent pas
les mêmes dangers. — M. A. Soret a constaté que l'io-
doforme est très opaque aux rayons X, et que, dans la
radiographie d'une plaie pansée avec l’iodoforme, les
grains de celui-ci produisent des ombres noires, qui
pourraient suggérer l’idée de la présence de grains
métalliques. Il y à donc lieu, pour les radiographes, de
se mélier de l'iodoforme, si souvent employé dans les
pansements. — M. A. Proust termine l'étude de Ja
peste en 1900 dans la Colonie du Cap, en Angleterre et
à bord de divers navires. Dans beaucoup de cas, les
rats et les souris ont servi d'agents de transmission. Le
sérum de Yersin s'est montré efficace dans plusieurs
épidémies, L'auteur termine en indiquant les mesures
nécessaires pour protéger la France contre l'importa-
tion de la peste, ou pour y arrêter immédiatement ce
. Elle avait probablement pour origine la pénétration dans
fléau. — MM. J.-V. Laborde et Gibrat communiquent
divers cas de rappel à la vie par les tractions rythmées
de la langue, sur des personnes ayant subi l'intoxica=
tion par l'oxyde de carbone.
Séance du 2 Avril 1901.
M. Panas présente un rapport sur un travail du
D' Lagrange, relatif à quatre cas de guérison degliomes
de la rétine. Ces observations tendent à nous rassurer
sur la gravité du pronostic d'une affection en règle
générale désespérante et qui conduit les petits sujets à
une mort horrible. — M. Panas présente un autre rap=
port sur un mémoire de M. Aug. Collomb, relatif à un
cas d'infection cornéenne due à l'Aspergillus fumigatus.
l'œil de poussières provenant de sacs de cacao secoués
par le sujet dans son travail. — M. Brunon pense que,
pour empêcher l’éclosion de la tuberculose, il faut
s'adresser à ses causes qui sont : l'alcoolisme, le con-
finement dans les maisons urbaines, la sédentarité dans
les ateliers et les collèges, la vie dans les villes, l’igno-
rance des lois de l'hygiène. Pour parer au plus pressé,
enrayer la marche de la maladie et sauver les malades
susceptibles de guérison, il suffit de les transporter
hors des villes, et de les soumettre à une aération con-
linue. Le sanatorium construit à grands frais n’est pas
indispensable pour appliquer ce traitement. Nombre de
malades de fortune modeste se guérissent en faisant
la cure purement et simplement à la campagne. Les
indigents des hôpitaux pourraient bénéficier de la même
méthode et être envoyés par l’Assistance publique dans
des bâtiments achetés ou loués à la campagne. —
M. Lancereaux communique un relevé personnel de
2.192 observations de tuberculose avec la nature des
circonstances qui ont préparé le terrain. L’hérédité est.
peu fréquente et la contagion rare; les deux grandes
causes qui favorisent l'éclosion de la maladie sont :
1° les excès de boissons alcooliques et surtout de bois-\
sons avec essences (1.229 cas); 2 l'encombrement ou
l'insuffisance d'aération et le sédentarisme (651 cas).
C'est contre ces deux causes qu'il faut lutter pour
enrayer la marche de la tuberculose. — M. Moty lit un
travail sur le rôle des oxyures dans l'appendicite. —
M. Piéchaud communique une note sur l'extraction,
par un électro-aimant, d'un corps étranger métallique
situé daps la bronche gauche. — M. Bureau lit un tra-
vail sur les strychnos africains et les plantes servant à
empoisonner les armes en Afrique.
SOCIÉTÉ DE BIOLOGIE
Séance du 16 Mars 1901.
M. Wlaeff a constalé que le sérum normal ne doune
pas les mêmes réactions locales, générales et leucocy-
taires que le sérum des animaux immunisés par les
blastomycètes pathogènes des tumeurs malignes de
l'homme. — M. V. Henri a observé que l'addition de
sucre interverti ralentit la vitesse d’inversion du sac-
charose par la sucrase. Par contre, lorsque, pendant
l'inversion du saccharose par la diastase, on ajoute une
nouvelle quantité de saccharose, la vitesse d'inversion
est augmentée. — M. Ch. Féré à reconnu que l’ano-
malie du pli d'opposition du pouce coïncide avec une
disposition musculaire particulière : l'insertion du
muscle adducteur du pouce, au lieu de s'étendre à
toute la longueur du métacarpien du médius, ne
s'étend qu'à un peu plus de la moitié supérieure de cet
os. — M. G. Weiss montre que l'exception apparente
des muscles pseudo-penniformes à la loi de l'adaptation
fonctionnelle s'explique par la structure particulière de
ceux-ci. — M. H. Ribaut a constaté que, chez le chien
au repos, sous l'infiuence de la caféine, il y avait à peu
près constamment une surproduction de chaleur. —
MM. L. Marchand et Cl. Vurpas ont étudié les lésions
du système nerveux central dans l'inanition. Les alté-
rations observées sont surtout des lésions atrophiques
portant sur le corps cellulaire et les prolongements. —
AN.
ACADÉMIES ET SOCIÉTÉS SAVANTES
389
F. Dévé a observé la transformation directe des
olex en kystes échinococciques. — M. E. Suchard à
servé que les cellules endothéliales du trouc de la
eine porte ont la forme de pentagones ou d'hexagones
issez réguliers. — M. L. G. de Saint-Martin a déter-
iné l’oxyhémoglobine du sang par la méthode spec-
rophotométrique ou par le dosage du fer, et a toujours
btenu des résultats d'une rigoureuse concordance. —
M: L. Grimbert a reconnu que le Pacillus tartricus,
produit de l'acétylméthylcarbinol. — M. J. Guiart
ignale la présence de nombreux helminthes dans
“diverses affections intestinales. Ceux-ci seraient inof-
e l'intestin et en les percçant, ils livreraient passage
x nombreuses bactéries intestinales. — M. L. Capi-
n signale un cas de pneumonie franche arrêtée dans
on évolution, puis guérie par l'injection de sérum
ntidiphtérique, suivant la méthode récemment inau-
urée par Talamon. — MM. G. Félizet el A. Branca
décrivent la structure des cellules interstitielles du tes-
ieule eclopique. — M. Ch. Dopter a produit expéri-
mentalement des névrites par injection de sérum
lurémique au niveau du nerf sciatique de cobayes. Il y
Malà une indication sur la genèse de certaines para-
| Iysies urémiques. — M. R. Oppenheïm à recherché le
rôle des capsules surrénales dans la résistance de l'or-
nisme à quelques infections. Pour le pneumo-bacille,
observe une résistance plutôt moins grande des
inimaux décapsuülés. Pour le tétanos et le charbon, pas
d'influence appréciable. Pour la diphtérie, les animaux
“partiellement décapsulés survivent plus longtemps que
es témoins. — MM. R. Oppenheim et M. Lœper décri-
ent les lésions des capsules surrénales dans quelques
infections expérimentales, — M. G. Carrière a conslalé
qu'il existe, dans les cultures de bacille de Koch, un
ferment soluble qui décompose la monobutyrine, ana-
Mlogue ou peut-être identique à la lipase de M. Hanriol.
“Il n'y à pas de rapport constant entre la teneur d'une
. culture en fermeut et sa virulence.
Séance du 23 Mars 1900.
M. Chaleix-Vivie a reconnu que le bleu de méthy-
lène exerce une action bactéricide remarquable sur le
“eonocoque. — M. G. Marinesco décrit les lésions des
entres nerveux conséculives à l'élongation des nerfs
“périphériques et craniens. — MM. A. Laveranet F.
Mesnil ont observé le mode de multiplication du try-
| panosome du Nagana (Herpetomonas Brucei); c'est
une simple division longitudinale. — Les mêmes
auteurs établissent que le corpuscule chromatique pos-
érieur des Trypanosomes est de nature centrosomi-
que. — MM. M. Lambert et L. Garnier montrent que
hyperglycémie chloroformique est due, au moins
partiellement, à une action autre qu'un réflexe ayant
le poumon pour point de départ; il y a probablement
“une action sur le foie lui-même, — M.J. Rehns mon-
tre que les hémolysines composées, spécialement les
exines, existent à l'état libre et actif dans le sang
circulant. — MM. D. Courtade et J. F. Guyon ont
éludié l'excitabilité comparée du nerf érecteur sacré
et du nerf hypogastrique. — M. J. Cluzet indique deux
nouveaux procédés pour la recherche de la bile dans
Jes urines. Ils consistent à mesurer la tension super-
ficielle, soit par la méthode du comptes-gouttes, soit
. par celle des ascensions capillaires. Un abaissement de
a tension normale indique la présence de la bile. —
M: H. Vincent a cullivé avec succès le bacille fusiforme
dans les milieux organiques liquides, de préférence
- humains. L'inoculation du bacille sous la peau des
animaux donne lieu à des abcès, à des trajets fistuleux
-eta des foyers de nécrose ulcéreuse. — M. M. Cavalié
indique un procédé simple pour mettre en évidence la
perte de substance de la couche d'albumen de l'œuf de
4
ü
Griffon à constaté que, dans la méningite cérébrospi-
nnäle à méningocoques de Weichselbaum, les méninges
restent imperméables à l’iodure de potassium, et que
celui-ci ne peut-être décélé dans le liquide céphalo-ra-
chidien. — M. G. Le Bon montre que la phosphores-
cence des êtres vivants paraîtêtre liée à des phénomènes
d'hydratation et de déshydratation. — M. G. Carrière
a fait l'examen cytoscopique du liquide céphalo-rachi-
dien dans la sclérose en plaques. — MM. Ch. Achard
et M. Loeper ont éludié la rétention des chlorures par
les tissus au cours de certains élats morbides.
SOCIÉTÉ DE PHYSIQUE DE LONDRES
Scance du 22 Mars 1901.
M. Callendar expose ses recherches sur la dilatation
de la silice. L'extrême petitesse de l'expansion ther-
mique de la silice (quartz fondu) rend la détermination
du coefficient de dilatation très difficile. L'auteur a fait
ses expériences sur une barre de silice pure longue de
40 centimètres, et d'un diamètre de { millimètre. Cette
barre était renfermée dans un tube de platine d'envi-
ron 3 millimètres de diamètre, qui pouvait être porté à
diverses températures par le passage d’un couran
électrique. La barre et le tube étaient fixées à ur
extrémité, et la position de l'autre extrémité éta
observée au moyen d’un microscope à lecture micro-
métrique à un millième de millimètre près. La dilata-
tion du tube, dont on connaissait le coeflicient d’ex-
pansion, servait à calculer sa température, et, par
suite, celle de la barre. L'augmentation de longueur,
la longueur originale, et l'intervalle de températures de
la silice étant connus, on en pouvait déduire son coef-
ficient de dilatation. Dans des expériences prélimi-
naires, l’auteur avait examiné la distribution des
températures le loug d’une barre de platine chauffée
et soumise au refroidissement à ses deux bouts; le
résultat avait montré que l'erreur due à ce refroi-
dissement pouvait être négligée dans le cas de la silice.
La dilatation de la silice jusqu'à 1.000 est régulière;
elle est d'environ un dix-seplième de celle du platine.
Eotre 1.000° et 4.400o, la silice se dilate plus rapidement
qu'au-dessous de 1.0009, et si on la laisse pendant très
longtemps à la même température, elle continue à
augmenter de longueur. Si l’en représente le phéno-
mène par une courbe, les températures étant portées
en abscisses et les augmentations de longueur en
ordonnées, une ligne droite correspond à la dilatation
de la silice jusqu'à 1.0000. Au - dessus, la ligne s'in-
curve vers le haut, ét par refroidissement, elle revient
suivant une ligne supérieure à la courbe ascendante,
de sorte que la longueur finale de la barre est plus
grande que la longueur primitive lorsqu'on revient
aux basses températures. La détermination du coeffi-
cient de la dilatation à ces hautes températures a été
faite au moyen du zéro variable, c’est-à-dire en prenant
pour longueur de la barre celle que l’on obtient en la
refroidissant subitement jusqu'à la température la plus
basse. À 1.400°, les propriétés de Ja silice s’altèrent et
la dilatation est remplacée par une contraction. Au
refroidissement, on observe alors une dilatation suivie
d'une contraction. Le point critique auquel se manifeste
la contraction par le chauffage avait été trouvé de 800°
environ par Le Châtelier; celui-ci utilisait une méthode
différentielle, en employant la porcelaine comme éta-
lon. Comme la dilatation de la porcelaine est incertaine,
l'auteur estime que l'effet observé était piutôt dû à des
irrégularités dans la dilatation de la porcelaine que
dans celte de la silice. M. C.-V. Boys fait observer
que. la faible dilatation de la silice en fait une bonne
suspension pour les pendules, à cause du peu de com-
pensation nécessaire. Ses propriétés élastiques par-
faites la rendraient utile pour les ressorts des chrono-
mètres. M. Threlfall a fait des expériences similaires
en principe à celles de lauteur entre 0° et 100°. La
dévitrification de la silice vient troubler le phénomène,
et il pense qu'elle doit augmenter avec la température.
— M. Baly présente ensuite les appareils spectrosco-
piques d'University College.
390
ACADÉMIES ET SOCIÉTÉS SAVANTES
SOCIÉTÉ DE CHIMIE DE LONDRES
Mars 1901.
MM. W. C. C. Pakes et W. H. Jollymann ont
reconnu que les bactéries qui décomposent l'acide for-
mique en CO? et H réduisent aussi l'acide nitrique en
acide nitreux. Si on les cultive dans un milieu eonte-
nant à la fois un formate et un nitrate, il ne se dégage
pas de gaz, mais on trouve dans la solution du bicar-
bonate et du nitrite. Ces mêmes bactéries, cultivées en
présence de d-glucose et de nitrate, dégagent CO? et Az,
et aussi H quand le sucre est en excès. Les auteurs
n'ont pas encore trouvé de bactérie qui décompose les
formales sans réduire les nitrates. — MM. S. W. Ru-
hemann et H. W. Bausor, en condensant les acides
crésoxyfumariques sous l'influence de l'acide sulfurique
concentré, ont obtenu les acides tolu-y-pyronecarboxy-
liques et les tolu-y-pyrones. — M. T. S. Patterson
a étudié l'influence des alcools isobutylique et octylique
comme solvants sur la rotation du tartrate d'éthyle. Les
deux liquides abaissent la rotation spécifique de la
substance active dissoute, le second plus que le premier.
Il y à une rotation minimum distincte pour certaines
concentrations. Le lartrate d’éthyle à dans l'alcool iso-
butylique un volume de solution moléculaire plus grand
que dans l'alcool »-propylique et plus faible que dans
l’alcooloctylique.—MM.P.F.FranklandetF.W.Aston
ont étudié l'influence du groupe hétérocyclique du fur-
furane sur le pouvoir rotatoire en préparant le dipy-
romucyltartrate diéthylique et en déterminant sa rota-
tion. L'influence du radical pyromucique est semblable
à celle des acides aromatiques, mais, à l'inverse des
radicaux d'acides gras, les dérivés du tartrate d’éthyle
avec ceux du premier sont plus fortement lévogyres, lan-
dis que ceux des seconds sont plus fortement dextrogyres
que le tartrate d'éthyle lui-même. Les dérivés pyromu-
ciques ressemblent aussi aux dérivés aromatiques cor-
respondants en ce que leur lévorotation est diminuée
par élévation de la température, tandis que les dérivés
correspondants des acides gras ont leur dextrorotation
abaissée dans les mêmes circonstances. — M. J.-J.
Sudborough propose la règle suivante pour classifier
les deux éthers monoalkyliques isomériques d’un
acide dicarboxylique asymétrique : l'éther & sera celui
qui aura la plus haute constante d’éthérification et
l'éther 8 la plus basse. L'auteur indique les avantages
de ce système. — M. J.-J. Sudborough a obtenu, en
chauffant le trinitrobenzoate d’a-naphtylamine avec de
l'alcool, un composé d’addition du trinitrobenzène avec
l'a-naphtylamine en belles aiguilles rouges. On obtient
de la même facon des composés analogues, tous rouges
pourpres, très stables, solubles dans l'acide acétique
glacial d'où ils recristallisent. Ils donnent avec l’anhy-
dride acétique un dérivé monoacétylé, où le radical
acétyle est relié à l'azote. — Le même auteur a reconnu
que toutes les substitutions en ortho, qu'elles soient d'un
caractère positif ou négatif, ont la propriété d'accélérer
la formation des dérivés diacétylés des amines pri-
maires. — MM. R.-H. Pickard et W. Carter, en oxy-
dant les aldéhydes avec le persulfate d’ammonium en
présence de chaux, ont obtenu l’amide de l'acide cor-
respondant avec un rendement de 30 à 40 °/,, qui peut
s'élever à 70 °/, par un second traitement analogue. —
M. A.-C. Hill décrit une méthode pour isoler le mal-
tose dans un mélange de ce corps avec le glucose. —
M. E.-P. Perman a déterminé les tensions de vapeur
de solutions aqueuses d'ammoniaque pour des concen-
trations variant de 0 à 35 °/, et des températures de
0° à 60°. La varialion de la pression avec la concentra-
tion à diverses températures est représentée par l’équa-
tion : p(100—c)— ac-be*; a et h sont des constantes el
c la concentration de l’ammoniaque dans la solution.
La variation de la pression avec la température (la con-
centration restant constante) est exprimée par l’équa-
Séance du T7
1 Voyez la Revue du 15 avril 1901, t. XII, p. 300.
tion : log. p—a-ft+yt?; «,$ et y sont des constantes;la
dernière toujours négative. Le même auteur a refait les
expériences précédentes avec des solutions ammonia=
cales contenant du sulfate de soude entre 26° et 472
Les courbes ne sont pas très différentes, ce qui PrOUVE
que le sulfate de soude n'existe pas à l'état d’hydrates
dan: la solution. — MM. W. Lawrence et W.-H:
Perkin jun. ont préparé des dérivés aromatiques à
partir du glutaconate d’éthyle et de ses composés!, =
M. Ph.-A. Guye a confirmé les résultats de Tschugaeffl
d’après lesquels la rotation optique de composés conte
nant le groupe phénacétyle est plus proche de celle:
des composés renfermant les groupes acétyle ou chlo=M
racétyle que celle des dérivés contenant le groupe to=
luyle, bien que la masse du groupe phénacétyle se
rapproche plus de celle du groupe toluyle que de celle.
d'aucun des autres groupes. La même remarque a été
faite avec le groupe amyle. Une autre conclusion plus.
générale de l’auteur, c'estique lorsque des substitutions.
de chaines ou de groupes d'éléments sont effectuées
dans un composé possédant un carbone asymétrique
suffisamment loin de cet atome asymétrique, la rota
tion n’est que légèrement affectée. — M. A.-E. Dixon:
a préparé la $-chloroallylthiocarbimide CH°: CCI.CHPA
AZCS, huile incolore, bouillant à 1820, qui, avec l'ammo=
niaque, donne la chloroallylthiourée d'Henry. Celle-ci,
chauffée avec l'acide monochloracétique, fournit le
chlorhydrate de la f-chloroallylthiohydantoine :
/S — CH
CH?.CCL. CHE. A7H.C€ l
NAz— CO
d'où l’on peut retirer la thiohydantoïne et l'acide thio=
glycolique. L'auteur a préparé aussi les a b-chloroal=
lylphényl(-orthotolyl, -benzyl) thiocarbamides.La $-chlo=
roallylthiocarbimide absorbe du brome pour donner la
B-chloro-Bydibromopropylthiocarbimide, qui s’unit avec
l'aniline pour former un composé cyclique : -
Az
Ya ya LIN GFI5
CH BEEN OA :
Avec la benzylamine, on obtient une base analogue:
— M. A.-E. Dixon a remarqué antérieurement que le
trithiocyanate de phosphore P(CAz)* semble posséder,
des propriétés thiocarbimidiques aussi bien que thio="
cyaniques; de nouvelles recherches lui ont montré que
le pouvoir de fonctionner des deux manières est égale
ment manifesté par les produits qui dérivent des thio=
cyanates métalliques et des chlorures d'éléments ou des
radicaux électronégatifs. Ces produits, traités par une
base comme l'aniline, donnent des précipités qui offrent
l'épreuve de la désulfuration, caractéristique des (hio="
carbamides et qui sont généralement hydrolysés par
l’eau en donnant desthio-urées substituées correspondant
aux bases employées. Ainsi le trithiocyanate de phos
phore P(SCAz)' donne avec l’aniline un corps Jaune,
décomposé par l’eau chaude en donnant la phosphotri
phényltrithio-urée P(AzH.CS.AzH.C5H"}. Le trithiocya-
nate de phosphoryle PO(SCAz}, obtenu par l’action de
POCEF sur le thiocyanate de plomb, présente les réac-
tions thiocarbimidiques et s'unit avec l’aniline, l'o-tolui-\
dine et l'ammoniac sec. Le dérivé de l'aniline se dissout
dans l'eau chaude et laisse déposer de la phényl-
thio-urée, qui provient probablement de l'hydrolyse de
la phosphoryltriphényltrithiocarbamide PO(AZH.CS:
AzH.C‘H5)*. i
ACADÉMIE DES SCIENCES D'AMSTERDAM
Séance du 30 Mars 1901. |
1° SCIENCES MATHÉMATIQUES. — M. J. C. Kluyver : Sun
le développement d'une fonction en une série de poly=
nômes. Comme l’a remarqué M. E. Borel (Ann. de
4 Voir le détail de ces recherches dans le présent fascicule |
de la Revue, page 351.
ACADÉMIES ET SOCIÉTÉS SAVANTES
Æcole norm. sup., t. XVI, p. 132), le problème fonda-
mental consiste dans la décomposition de 1 : ({— x).
Des solutions de ce problème fondamental ont été
données par MM. Mittag-Leffler (Acta mathematica,
o(t. XXIII, p. #3 et t. XXIV, pp. 183 et 205) et Painlevé
Comptes rendus du 23 mai et du 3 juillet 1899). Ici
lauteur en donne une solution nouvelle, peut-être au
oint de vue de la théorie un peu plus simple que les
solutions précédentes. Comme l’a démontré M. Painlevé,
problème de la décomposition de 4 : (1 — x) est lié à
lui de la représentation conforme, caractérisé dans la
détermination par un certain degré de liberté. Dans ce
problème il s’agit de représenter l'intérieur d'une cir-
conférence se rapportant à la variable u, au centre
u— 0, et avec un rayon égal à l'unité, par l'intérieur
d'une courbe fermée sans nœud se rapportant à la va-
able 7, qui inclut l'origine z—0 et passe par le point
Z—=—+ 1. Aux valeurs 0 et+ 1 de u doivent correspondre
s valeurs 0 et +1 de z; de plus on doit faire dépendre
à forme de la courbe de z d'un ou de plusieurs para-
mètres, de manière qu'à des valeurs convenablement
choisies de ces paramètres correspondent des courbes
lus ou moins oblongues, limitées d'un côté par un
rcle de Z au centre Z—0 et au rayon r —1 et de l’au-
re côté par une bande d'épaisseur infiniment petite
environnant le segment de droite (0,+1). Ici l’auteur
ppose que ces courbes de z sont des ellipses dont
— 0 représente un des foyers et z— 1 le sommet de
Vautre côté du grand axe.
2° SCIENCES PHYSIQUES. — M. J. D. van der Waals :
Péquation eritique et la théorie du mouvement
cyclique. Seconde communication (pour la première,
oir Atev. génér. des Se., t. XII, p. 297). Ici l’auteur con-
sidère des molécules se composant de trois atomes.
lahord il écarte des cas particuliers de trois atomes
i se ramènent à des cas de deux atomes. Le cas de
dP, , dP :
(r + 7) (DA) IT,
1
dPy dPy AL
(r Ste Gr + =) (De — Dos) =RT,
qQ
qui se réduisent à une équation critique unique en
(
eux cas particuliers. En supposant qu'on ait :
» 1 Ê 1 \e
Pau = 5œ(b — bo), Poz = > de (De — Dos),
on trouve :
dPy |
Le+T +atb— 2] 87,
mme dans le cas d'une molécule à deux atomes, pour
très grand en comparaison de «,, et :
[r nee 5 (bb) | 2) —2RT,
pour «, —*,. Pour les cas situés entre ces deux limites
on a donc : À
dby / ke
[+ +au-n]o-2 rer
où le multiplicateur f est compris entre 1 et 2. L'auteur,
en supposant /—2, a appliqué cette formule aux résul-
“tats des expériences sur l'acide carbonique, publiées
dans son ouvrage : Continuität, etc. (tome 1, chapitre
Sur les expériences d'Andrews). A l'aide de certains
éveloppements, il trouve :
|: De +) |
y—hb by — b5) |’
ce qui donne des approximations assez satisfaisantes,
omme le montrent les Chiffres suivants :
CALCULÉ TROUVÉ
b = 0,001798 v — 0,002622 0,002629
b — Ü,0018% v — 0,002731 0,00275
b — 0,00195 y = 0,003050 0,003026
b = 0,0020 v—0,003213 0,00321
Ensuite l’auteur déduit des équations qui font trouver
le point critique, dans la forme :
. a v— b 92 RT db
PT RT an nl
(à db db
3 se dv} dv
CORTE ON ECS
_ dv
M. H. Kamerlingh Onnes : Sur les expériences de
M. de Heen relatives à l'état critique. La littérature scien-
tifique fait mention de plusieurs expériences qui peuvent
mettre en doute la rigueur de l'hypothèse de la conti-
nuité des états fluide et gazeux, qui forme la base de
la théorie de van der Waals. En particulier, ces expé-
riences font douter qu'une matière simple n'admette
pas une tempéralure, une pression et un volume cri-
tique uniques, qu'au-dessus de la température critique
elle ne se présente pas avec une densité unique pour une
pression et une température données, et qu'au-dessous
de la température critique, chaque température n'ad-
mette pas deux densités déterminées de phases stables
coexistantes d'équilibre. Seulement, on à toujours pu
indiquer des circonstances dont on avait oublié de se
rendre compte dans ces expériences. Si on les répète
en prenant les précautions nécessaires indiquées, elles
constituent alors autant de preuves de la théorie en
cause. En 189%, M. Kuenen prouvait que les déviations
observées dans les expériences de M. Galitzine sont
dues à l'influence de quantités extrèmement petites de
substances étrangères. Par ces recherch. s de M. Kuenen
(Rev. génér. des Se., t. NV, pp. 558 et 595), non seulement
les considérations de M. Galitzine ont été réfutées,
mais aussi celles de M. de Heen. Toutefois, ces beaux
résultats n'ont pas pu convaincre M. de Heen de la
nécessité d'appliquer le plus grand soin à la purifica-
tion de la matière à étudier. Au contraire, en 1896,
M. de Heen a publié de nouvelles expériences, avec CO®,
sur la purification duquel il ne donne pas un seul détail.
D'après ces expériences une densité critique déter-
minée, admise jusqu'à présent, serait une quantité chi-
mérique, à remplacer par deux quantités réelles, une
densité critique 0,640 de l'acide fluide et une den-
silé 0,298 de l'acide gazeux, dont la densité chimérique
ne formerait que la moyenne. Le présent mémoire de
M. Onnes fait connaître les tentatives de M. J.-E. Ver-
schaffelt et de l’auteur pour corriger les expériences de
M. de Heen. Elles prouvent que les déviations des résul-
tats de M. de Heen deviennent inférieures aux erreurs
d'observation, si l’on y apporte les corrections néces-
Saires. Seulement, comme M. de Heen n’a pas fait atten-
tion aux éléments dont dépendent ces corrections, il
faut se restreindre à leur caractère général. D'après
les conclusions de l’auteur, il est donc désirable que
M. de Heen lui-même répète ces expériences avec les
précautions indiquées ; en attendant, il n’est pas permis
d'emprunter à ces expériences, faites avec des matières
impures, le droit de douter de la rigueur des consi-
dérations qui forment la base de la théorie de M. van
der Waals. — Ensuite M. H. Kamerlingh Onnes pré-
sente, aussi au nom de M. H.-H.-F. Hyndman : /s0-
thermes de gaz à deux atomes et de leurs mélanges
binaires. I (Piézomètres à volume variable pour des
températures basses). Pour des raisons théoriques, on
préfère se servir exclusivement des gaz à un atome
dans les recherches de précision sur les isothermes de
gaz purs et de leurs mélanges binaires. Malheureusement
on ne dispose que des trois matières He, À, Hg, dont la
première et la secoude sont trop coûteuses, tandis que
la troisième a une température critique tellement éle-
392
ACADÉMIES ET SOCIÉTÉS SAVANTES
vée, qu'à la détermination de cette température s'op-
posent de grandes difficultés expérimentales. Donc on
est obligé d'employer des gaz à deux atomes. Les expé-
* riences de M. Amagat ontfait connaître des isothermes
pour des températures au-dessus de 0°, et des pressions
jusqu’à 3.000 atmosphères même. Mais pour des tempé-
ratures basses, presque toutes les données nous font
défaut, si l'on excepte les recherches pionnières de
M. von Wroblewski sur l'hydrogène jusqu'à — 180°, et
celles de M. Witkowski sur l'air jusqu'à — 1450. Ici il
s'agit d’une troisième série d'expériences, entreprises
depuis 1894 dans le Laboratoire cryogène de l'Univer-
sité de Leyde. 1. Exposé de la méthode. 2. Disposition
générale. 3. Les piézomètres. 4. Les cylindres de pres-
sion etleurcombinaison.5. Lesmanomètres.6.Influence
des erreurs dues à la construction. — Enfin, M. Onnes
présente au nom de M. F.-A.-H. Schreinemakers : Les
équilibres de systèmes ternaires. Dans la détermina-
tion des compositions de phases fluides conjuguées, on
rencontre quelquefois des difficullés expérimentales
presque insurmontables. Cela arrive, par exemple, si
les deux fluides en équilibre l’un avec l’autre forment
une émulsion, ou si la chimie analytique n'offre pas les
moyens de déterminer les quantités des deux matières
composantes. Cependant on peut atteindre dans ces cas,
par approximation, le but qu'on se propose, en suivant
des détours. L'auteur en donne un exemple en s’occu-
pant du système Eau-Phénol-Acétone. M. A. Smits :
Le facteur i comme fonction de la concentration. Par-
mi les sels examiriés par l’auteur, le KAz0, est le
seul où le facteur i (voir /?ev. génér. des Se., t. XII,
p. 200), décroit si la concentration augmente. Aussi,
l'auteur s’est proposé de rechercher s'il y a d'autres
sels se comportant de la même manière. Le KAZ0,
étant un sel anhydre, cet examen a porté sur des azo-
tates dont on ne connait pas d'hydrates. L'instrument
dont s’est servi l’auteur est l'appareil de Landsberger
modifié (voir Rev. génér. des Se., t. XI, p. 1074). Les
résultats ont trait à NaAzO,, Ba(AzO,), Sr(Az0.).,
AgAzO,, Pb(Az0,).. Ils prouvent que NaAzO,, Ba(Az0,),
AgAz0,, Pb{Az0,), se comportent de la même manière
que KAzO,, tandis qu'au contraire le facteur 1 croît
avec la concentration chez Sr(Az0O.).. Rapport entre ces
résultats et ceux obtenus par MM. Krannhals et Jahn.
— M. C. Lobry de Bruyn présente au nom de M. P.-K.
Lulofs : Vitesse de substitution chez les dérivées halo-
génés-azotiques aromatiques. Communication en rap-
port avec une étude de MM. Lobry de Bruyn et Steger
(Rev. génér. des Se., t. IX, p. 919). Toi la recherche est
® étendue à d'autres substances de la série aromatique.
— M.E. Mulder présente au nom de M. G.-H. Coops la
thèse : Réaction de l'acide muriatique sur une solution
aqueuse de formaldéhyde (en hollandais). — M. J.-C.
Kapteyn présente, au nom de M. Chr. A.-C. Nell :
Bandes polaires, d'après des observations de vingt
années par H.-d.-H. Croneman.
90 SGIENCES NATURELLES. — M. M. W. Beyerinck: Les
bactéries oligonitrophiles. A s’agit ici des microbes qui
se développent sous concurrence libre avec le monde
bactériel entier en des milieux nutritifs, où l’on n'a pas
ajouté à dessein des compositions d'azote. Ces microbes
donnent lieu à deux séries distinctes d'expériences
d'accumulation. En effet, on peut étudier le développe-
ment de ces microbes: 1°dans la lunuère, sans autre
source de carbone que l'acide carbonique dé l’atmos-
phère, ce qui livre des bactéries oligonitrophiles chromo-
phylliennes; 2° en présence d’une autre source de car-
bone ce qui doit mener à des bactéries oligonitrophiles
incolores. lcil'auteur se restreint à la dernière catégorie.
1. Aerobiose et anaerobiose. 2. Entassement de Azo{o-
bacter chroococcum de l'humus. 3. Culture pure de
Azotobacter chroococcum. 4. Azotobacter agilis. —
M.F.A.F.C. Went présente au nom de M. J. L. Schou-
ten : Culture pure de Saprolegniaceæ, Description
d'une méthode nouvelle pour faire des cultures pures
de bactéries et d'autres micro-organismes, permettant
d'isoler sous le microscope une celluleunique, —M. B. J.
Stokvis lit le rapport de la Commission chargée d'étu=
dier s'il est possible de surmonter entièrement ou @xk
partie les difficultés de l'approvisionnement de la ligne
militaire d'Amsterdam en ce qui concerne l’article sel
(NaCI). — Ensuite M. Stokvis présente 1° la thèse
M. J. Brand: Fecherches sur la sécrétion et la const®
tution de la bile chez l'homme vivant (en hollandaïs)
La sécrétion de la bile est continuelle. Elle s’abaïsse
pendant la nuit et atteint son minimum dans les heures
matinales, augmente très rapidement après le réveil,et
admet un premier maximum après midi, et un second
maximum dans le soir. La quantité de bile sécretée peut
s'élever à 1100 ec. par jour et ne diffère donc pas aus
tant qu'on le suppose de la quantité correspondante
d'urine; mais elle s’abaisse aussi jusqu'à 500 cc. pan
jour. Couleur, constitution et propriétés physico-chE
miques de la bile, etc.; — 2° une brochure de M. E:
H. van der Kemp, contenant une étude économique
et historique sur le sel (NaCI) et ce qui leremplace dans
les Indes néerlandaises. P. H. Scnoure.
ACADÉMIE ROYALE DES LINCEI
Séances Janvier-Mars 1901.
1. SCIENCES MATHÉMATIQUES. — M. Tacchini présente le
résumé de ses recherches sur les taches et facules
solaires et sur la distribution des protubérances en!
1901. — M. Millosevich donne communication de ses
observations sur la nouvelle planète FX 1901, et sum
l'étoile temporaire de Persée. — M. Bertini : Sur les
systèmes linéaires de degré zéro. — M. Weingarten
Sur les surfaces de discontinuité dans la théorie de
l'élasticité des corps solides. — M. Levi-Civita : Su
la détermination des solutions particulières d’un sys
tème canonique dont on connaît quelque intégrale au
relation invariante. Sur les mouvements station
naires des systèmes holonomes. — M. Tedone : Sur les
déformations des plaques d'épaisseur finie. — M. Bog
gio : Sur l'équilibre des plaques élastiques emhoîtées:
— M. Bortolotti : Sur les produits infinis divergents:
2. SCIENCES PHYSIQUES. — M. Guglielmo poursuit ses
expériences sur la mesure absolue de la pression
atmosphérique au moyen du ludion. — M. Riccô déeril
la communication téléphonique qu'il a établi à l'Obser
vatoire de l’Etna, avec le conducteur posé sur la neiges
— M. Pochettino donne les résultats de quelques
mesures de dispersion électrique. — M. Scalfaro étudie
la vitesse de la lumière dans les cristaux magnétisés®
— M. Contarini : Sur la détermination des mouvez=
ments séismiques. — M. Manzetti présente la descrip*
tion d'un nouvel appareil qui mesure les fréquence
des courants alternatifs. — MM. Ciamician et Ange
exposent leurs recherches sur l’action chimique de la
lumière. — MM. Angeli et Angelico donnent la des
cription de quelques réactions du nitrosyle.
3. SCIENCES NATURELLES. — M. Struever présente une
note sur l’action chimique entre l’hauerite et quelques
métaux à la température ordinaire. — M.F. Millosevich!
étudie la perowskite d'Emarese dans la vallée d’Aostes
— M. Dainelli : Sur le Miocène inférieur du Mont Pros
mina én Dalmatie. — M. Clerici s'occupe de la géologie
des alentours de Rome. — M. Pampaloni étudie les
scories trachytiques de l’Averne dans les Campi Flegreis
— M. De Stefani expose quelques considérations sun
la villa de Ciceron, à Pozzuoli, et sur un phénomènes
précurseur de l'éruption du Monte Nuovo. — M. Longo
décrit le phénomène de la mésogamie dans la Cucur=
bita Pepo Lin. — M. Grassi présente le résultat de
nouvelles recherches sur l'infection paludéenne. =
MM. Lo Monaco et van Rynberk exposent le résultat
des expériences exécutées pour établir la fonction dé
l'hypophyse cérébrale. — M. Gorini poursuit son étude
sur le vaccin. — M. Marenghi transmet un travail sun
la structure de la rétine. ERNEsTO MANGini.
Le Directeur-Gérant : Louis OLIVIER.
Paris, — L. MARETHEUX, imprimeur, 1, rue Cassette.
d'Ugar
PESTE
“d'étude, la Ztevue a décidé de diriger l’une de ses
excursions de cette année en Finlande. Peu de Français | du siècle qui vient de finir, c'est aux arts de la paix
que le peuple finlandais s'est consacré tout entier : il
a fait l'inventaire de ce que le sol, la mer et les lacs
peuvent directement lui fournir, et dressé le bilan des
“connaissent cet admirable pays, dont le savant, aussi
bien que l'artiste et le sociologue, ont intérêt à étudier
“el la nature physique et la civilisation.
12° ANNÉE
Revue générale
15 MAI 1901
D SCiences
pures el appliquées
DIRECTEUR
LOUIS OLIVIER, Docteur ès sciences.
VOYAGES D'ÉTUDE DE LA REVUE
CROISIÈRE EN FINLANDE (27 JUIN-29 JUILLET 1901)
Sur l'avis du Comité de Patronage de ses Voyages |
Rapides d'Imatra.
Aucune nation peut-être n'a, autant que la Finlande,
pris soin de se bien observer :
pendant toute la durée
richesses que les condi-
tions climatériques lui
permettent d'espérer; sur
tout son territoire, il a re-
levé l’état matériel et mo-
ral des habitants, semé à
profusion les écoles, ré-
pandu la science, et fina-
lement, créé, en même
temps quelebien-être ma-
tériel, ua état d’intellec-
tualité et de moralité, où
la plupart des nations de
l'Europe trouveront, à me-
sure qu'elles le connai-
tront davantage, un exem-
ple à suivre.
Le voyage fera voir com-
plètement toute la Fin-
lande, ses beautés natu-
rellesetses institutions, et
il permettra de visiter,
en outre, Hambourg
et Copenhague, Saint-
Pétersbourg et Reval,
Stettin et Ber-
lin. — Le
prospectus
encarté dans
le présent nu-
méro de la
Revue indi-
que, en dé-
tail, l'itiné-
raire et Îles
conditions de
ce voyages |
9
CHRONIQUE ET CORRESPONDANCE
CHRONIQUE ET CORRESPONDANCE
$ 1. — Distinctions scientifiques
Election à l'Académie des Seiences de
Paris. — Dans sa séance du 29 avril, l'Académie a
procédé à l'élection d'un membre dans la Section de
Botanique en remplacement de feu Adolphe Chatin. La
Section avait présenté la liste suivante de candidats :
en I"ligne, MM. Renault et Zeiller ; en 2° ligne, MM.
Bureau, Costantin et Mangin.
Au premier tour de scrutin, le nombre des votants
étant 58,
M. Zeiller a obtenu 35 voix
M. Renault — 22 —
Il y a eu un bulletin blanc.
En conséquence, M. Zeiller a été déclaré élu.
On doit au nouvel académicien une longue suite de
travaux méthodiquement enchainés et d'une impor-
tance capitale sur la flore fossile, en particulier sur
celle des terrains houillers. Depuis plus de vingt ans,
M. Zeiller s'est appliqué d'une part à organiser la
récolte systémalique des empreintes végétales dans nos
mines, en vue d'accroître les documents paléontolo-
giques, d'autre part à soumettre à une rigoureuse
critique l'étude des matériaux amassés. . Cette. étude
avait un double but: 1° suffisamment nombreuses
et bien définies, rapportées chacune à l'horizon où elle
est le plus abondante, les espèces recueillies permet-
traient de caractériser les diverses zones d’un même
terrain et, notamment en ce qui concerne les mines de
houille, guideraient les ingénieurs dans la recherche
des lits à exploiter ; 2° l'observation de la série des
espèces qui se sont développées depuis les temps pri-
maires jusqu'à la période actuelle, et l'analyse minu-
tieuse de leur structure, apporteraient quelque jour
à l'obscure question de la différenciation progressive
des climats aux anciens âges de la Terre et renseigne-
raient peut-être, en quelques points, sur les modalités
de l’évolution des différents groupes de végétaux depuis
l’époque primaire jusqu'à nos jours.
Dans ces deux directions, M. Zeiller est arrivé à des
résullats très importants, et il a éclairé bien des ques-
tions obscures de la Paléobotanique, L'étude des
plantes fossiles se base, le plus souvent, sur les carac-
tères tirés de la morphologie externe, les échantillons
conservés sous forme d'empreintes, les seuls que l'on
rencontre dans la plupart des cas, n'étant pas sus-
ceptibles d'analyse anatomiqne. M. Zeiller a pour-
suivi la recherche d'échantillons fructifiés, estimant
que les véritables affinités des végétaux fossiles ne sau-
raient, dans la plupart des cas, être définitivement
déterminées que par l'observation des appareils frueti-
ficateurs, base principale de la classification des végé-
taux vivants. Ses investigations ont été couronnées
de succès. La découverte, dans le bassin houiller de
Valenciennes, d’épis fructificateurs déterminables de
Sigillaires lui a permis, en établissant que les Sigil-
laires sont positivement des Lycopodinées, de trancher
la question si controversée de l'attribution eryptoya-
mique de ces végétaux, chez lesquels la présence d'un
bois secondaire a fait longtemps penser à une origine
phanérogamique. De même, l'étude des fructifications
des Fougères houillères ou secondaires a conduit
M. Zeiller, pour cette classe de Cryptogames vasculaires,
à une classification naturelle, destinée à remplacer ou
tout au moins à compléter la classification artificielle
établie sur les frondes stériles. Des recherches ana-
logues sur les spores et les sporanges des Sélaginellées
houillères l'ont conduit à considérer celles-ci comme
reliées par une transformation progressive aux Selagi-
nella actuels, . , :
Une autre partie des recherches de M. Zeiïller se rap-
porte au fait suivant : il est très rare de trouver des
plantes fossiles entières; on ne rencontre généralement
que des fragments ou des empreintes d'organes détas
chés : tiges, frondes, spores, rhizomnes, etc., et il est
arrivé que, faute de caractères suffisamment accusés,
on à attribué à des espèces différentes des parties sépa=
rées d'une même plante. M. Zeiller a eu l’occasion,
d'étudier certains cas de ce genre, et ila, en particulier,
en montrant que le genre Vertebraria représente le
rhizome des fougères Glossopteris, donné la solution,
“attendue pendant cinquante ans, de l’une des énigmes.
les plus obscures de la Paléontologie végétale.
Les travaux de M. Zeiller sur les bassins houillers.
fraucais ont engendré, de leur côté, des résultats pra=
tiques de grande valeur. En déterminant à La Grand
Combe l'âge relatif, demeuré jusqu'alors indécis, de
faisceaux de couches séparés les uns des autres par un
accident géologique important, M. Zeiller a donné des
indications utiles pour la recherche en profondeur, la-
quelle a abouti effectivement à la découverte de nouvelles.
richesses houillères. Il est arrivé au même résultat par
ses études paléobotaniques sur le bassin de Graissesac.
L'anuée dernière, M. Zeiller a publié ua ouvrage ma=
gistral, les £Zléments de Paléobotanique, qui a été pré=
seuté aux lecteurs de la Æevue, et dans lequel l’auteur
cherche à montrer par quelles successions de formes
on passe peu à peu des flores anciennes à celles qui peu=
pleut aujourd'hui notre globe, et quelles variations
de climat ont accompagné ou déterminé ces transfor-
malions organiques. Si cette synthèse peut être aujour=
d'hui abordée avec succès, c'est grâce surtout aux con-
tributions précieuses que M. Zeiller à apportées à Jan
Paléobotanique. ,
$ 2. S Nécrologie
F.-M. Raoult. — L'illustre chimiste français que la
Science vient de perdre, était né à Fournes-en-Weppest
(Nord) le 10 mai 1830. IL fit ses études à Laon et à Paris,
devint successivement répétiteur au Lycée de Reims,
professeur au Collège de Saint-Dié, puis au Lycée de
Sens. En 1863, il recevait de la Faculté des Sciences de.
Paris le diplôme de docteur ès sciences physiques, sur
la présentation d’une thèse très remarquée, qui portait”
pour titre : Recherches sur les forces électro-motricess
des éléments voltaiques. Peu après, il était appelé à lan
Faculté des Sciences de Grenoble, où on le chargeait du
cours de Chimie; titularisé en 4870, il conserva sa chaire
jusqu'à sa mort. é
De très bonne heure Raoult fit preuve des plus bril=
lantes qualités de chercheur et d’expérimentateur.
On racoute qn'il avait retrouvé tout seul les lois de
Faraday et de Ohm; il avait également entrepris des
expériences sur le passage de l'électricité à travers les
solutions, sans avoir connaissance des travaux déjà
effectués sur ce sujet. Lorsqu'il annonça ses résultats
à quelques jeunes savants de ses amis qui habitaient
Paris, il apprit, non sans un grand désappointement,
que tout cela était déjà connu. Mais il reprit aussitôt
courage, en se disant que, puisqu'il avait été capable
de refaire seul de telles découvertes, il pourrait bien
aussi contribuer aux progrès de la science dans
d'autres directions encore inexplorées.
Ses premières recherches, après sa thèse de docto=
rat, portent sur les effets chimiques du courant élec=
trique, sur l'inversion du sucre de canne sous l'in=
fluence de la radiation solaire, sur les carbonates de
calcium, de strontium et de baryum, sur l’absorption
de l’ammoniaque par les solutions salines. C’est au,
cours de ce dernier travail qu'il fut amené à considé=
rer les points de congélation des solutions, et qu'il
commença cette série de recherches sur la tonométrie.
et la cryoscopie, qui ont rendu son nom illustre bien au
| 34
CHRONIQUE ET CORRESPONDANCE
395
delà de nos frontières. Nous ne tenterons pas de les
résumer de nouveau; elles ont été exposées dans tous
“Jeurs détails aux lecteurs de la Ztevue, par M. P. Freund-
ler', puis, tout récémment, par l’auteur lui-même*.
“Nous nous contenterons d'emprunter à l’une des plus
“urandes autorités du monde savant de notre époque,
“Lord Kelvin, l'appréciation suivante de l'œuvre de
Raoult :
—._ « Depuis le commencement du siècle, beaucoup
“d'expérimentateurs, et des plus habiles, ont étudié le
“point de congélation et la tension de vapeur des disso-
lutions; mais, s'ils ont réussi à observer des faits inté-
ressants, ils n’en ont vu ni la raison, ni le lieu.
“Raoult est venu. Il est sorti des sentiers battus et il a
“étudié les dissolutions des matières organiques, Il l’a
“fait avec une science et une habileté consommées, sans
“hâte, suivant un plan déterminé d'avance, et il a ainsi
“découvert des propriétés ignorées, des lois nouvelles
et fécondes, universellement connues aujourd'hui,
mais dont la révélation complète, faite il y a quelques
anuées seulement, frappa le monde savant de surprise
et d’admiration. »
La renommée de ses travaux a valu à Raoult les plus
“hautes distinctions. En 1889, l'Académie des Sciences
“de Paris lui décernait le prix international Lacaze, de
“10.000 francs. En 1890, elle l'inscrivait au nombre de
ses Correspondants et il recevait la croix de la Légion
“d'honneur. En 1892, la Société Royale de Londres lui
décernait la Médaille Davy, « pour la plus grande dé-
“couverte en Chimie faite en Europe et en Amérique ».
En 1895, il recevait tout ensemble la rosette d'officier
“de la Légion d'honneur et le prix biennal de l'Institut,
prix de 20.000 francs, décerné par toutes les classes
réunies. Il devenait, en 1898, l’un des quarante
membres étrangers de la Société Chimique de Londres,
en 1899 membre correspondant de l'Académie impé-
riale de Saint-Pétersbourg. En 1900, il était choisi par
la Commission d'organisation des Congrès de l'Exposi-
tion universelle pour faire à Paris, devant le Congrès
international de Chimie, en présence des plus grands
- savants de l'Europe et du monde, l'unique conférence
de Chimie générale inscrite au programme, et les appa-
reils qui avaient servi à ses expériences personnelles
étaient admis au Musée centennal de la Section de
Chimie, avec la qualilication officielle d'instruments
historiques. Celte même année, le Gouvernement de la
“République lui conférait la haute dignité de comman-
deur de la Légion d'honneur.
… A son intellixence et à son génie, Raoult alliait les
plus belles qualités de l'âme, et c'est entouré non
Docu de l'admiration des savants, mais aussi du
espect et de l'affection de tous ceux qui avaient le
rivilège de l’approcher, qu'il s'est éteint, il y a
quelques semaines, après une très courte maladie,
Adolphe Hirsch. — La mort vient d'enlever à la
Suisse un de ses savants les plus distingués, dont le
“nom s'était répandu bien au delà des frontières de
son pays d'adoption, en raison de la part prépondé-
“rante qu'il avait prise à la création et à la direction de
“l'Association géodésique internationale et du Bureau
nternational des Poids et Mesures. L'activité qu'il
…déploya en faveur de ces deux organisations lui assu-
_rera la reconnaissance de tous ceux qui comprennent
t il importance de l'échange des idées entre les nations, de
ceux qui pensent que la paix du monde serait mieux
assurée si, par une œuvre poursuivie en commun,
les hommes apprenaient à se mieux connaitre, et par
là même à s'aimer et à s’estimer par delà les fron-
tières politiques.
Adolphe Hirsch, né en 1830 à Halbertstadt, dans la
province de Saxe, se voua de bonne heure à l'étude de
… l'Astronomie, qu'il poursuivit sous la direction d'Encke
et de Le Verrier, et serait problement rentré dans son
À ! Voyez la levue du 1 juin 1894, t. V, p. 409 et suiv.
* Voyez la Revue du 30 août 1900, t, XI, p. 958 et suiv.
14
pays si, en 1857, une situation ne s'était inopinément
offerte à lui à l'Etranger.
L'industrie horlogère, qui s'était fortement implan-
tée parmi les populations industrieuses du Jura suisse,
avait pris un grand développement, grâce aux relations
ouvertes dans les pays d'outre-mer par quelques hardis
Neuchätelois ; mais les experts envoyés à l'Exposition
Universelle de Paris avaient rapporté l'impression que
le développement futur de cette belle industrie était
intimement lié à un service d'heure bien organisé. La
création d'un observatoire astronomique venait donc
d'être décidée, et la direction en fut proposée au jeune
savant; renonçcant momentanément à un champ d’acti-
vité plus vaste, il se voua entièrement à l’organisation
du nouvel établissement, qu'il dirigea jusqu'à sa mort,
et qui rendit les inappréciables services qu'on en
attendait, tant par une distribution très précise de
l'heure dans tous les centres horlogers du pays de
Neuchâtel et des cantons voisins,que par l'examen suivi
des chronomètres à l'Observatoire même.
Hirsch habitait Neuchâtel depuis quelques années,
lorsque la Conférence pour la mesure du degré en
Europe vint y tenir ses assises. Le jeune astronome fut
dé-igné, avec Bruhns, de Leipzig, pour remplir les fonc-
tions de secrétaire de la Conférence, et se sixnala dans
cette assemblée, comme dans celles qui suivirent, par
des aptitudes si parfaites à ces fonclions, que, lorsque
la Conférence grandissante fut devenue la puissante
Association géodésique internationale, les suffrages
unanimes de ses collègues le portèrent aux fonctions
lourdes et délicates du secrétariat. Doué d’un espril
organisateur de premier ordre, possédant parfaitement
plusieurs langues, il devait rendre à cette Association
d'éminents services, jusqu’à l’âge où de cruelles souf-
frances lui firent paraitre la tâche trop lourde, et, fina-
lement, l'an dernier, le conduisirent à résigner ses
fonctions.
Mais de cette Association géodésique devait naître
une autre organisation internationale. Les écarts im-
portants entre les côtés communs aux triangulations
des pays voisins, écarts que n’expliquaient pas les er-
reurs des mesures d’angles, avaient conduit les géodé-
siens à exprimer, en 1867, le désir de voir créer un
office central où les étalons employés sur le terrain
pussent être ramenés à une même unité. En 1869,
l’Académie des Sciences de Saint-Pétersbourg se mit
en relations avec l’Académie de France pour appuyer
cette motion, et l'étendre à toutes les unités du systeme
métrique. Les pourparlers aboutirent en 1875, et une
Conférence diplomatique décida la création du Bureau
international des Poids et Mesures, placé sous la sur-
veillance d’un Comité dont Hirsch devint secrétaire.
Le général Ibañez, alors directeur de l'Institut géodé-
sique et statistique d'Espagne, fut appelé à la prési-
dence des deux organisations internationales, de telle
sorte que, par leurs bureaux, une aclion commune el
“un appui mutuel demeurât assuré pour toute la période
de développement qui devait préparer l'avenir.
Pendant de longues années, Hirsch, dont la puissance
de travail était considérable el l’activité inlassable,
pourvut à ses triples fonctions, à l'étonnement de tous
ceux qui l'ont vu à l'œuvre et savaient combien, tout
en ayant présentes à l'esprit les grandes lignes des
devoirs qu'il avait assumés, il connaissait les moindres
détails, s'enquérait de tout avec le même soin, était, en
un mot, l'âme de ces organisations qu'il avait puissam-
ment aidé à créer.
Depuis quelques années, ses forces, sur le déclin,
avaient ralenti son activité; mais aussi, grâce à d'heu-
reux débuts, elle était devenue moins nécessaire, el il
pouvait contempler avec une légitime satisfaction
l'œuvre, désormais viable, qu'il avait accomplie.
Ses travaux personnels datent de l'époque de sa
jeunesse, alors que ses occupations extérieures étaient
encore restreintes ; plus tard, par la coordination qu'il
leur a donnée, il a fait valoir et fructifier les travaux
des autres, et, s’il a pu regretter parfois que ses pro-
396
CHRONIQUE ET CORRESPONDANCE
pres recherches dussent être abandonnées, il a, du
moins, trouvé une compensation dans la gratitude de
ceux dont il rassemblait et publiait les Rapports si
documentés qui constituent les volumes d’une valeur
inappréciable édités par l'Association géodésique. Les
vingt-deux volumes de procès-verbaux du Comité inter-
national des Poids et Mesures sont, en revanche, entiè-
rement dus a sa plume, ainsi que les Rapports adressés
aunuellement, jusqu'en 1892, aux Gouvernements ayant
adhéré à la Convention du Mètre.
Hirsch s'était altaché à la Suisse sans esprit de re-
tour; il aimait ce petit pays comme sa palrie, ainsi que
le témoigne le testament par lequel il Jègue toute sa
fortune à l'Etat de Neuchâtel pour l'entretien de
l'Observatoire, qui était sa première créalion.
$ 3. — Astronomie
La variabilité de la planète Eros. — La pe-
tite planète Eros, dont, il y a quelques mois, nous avons
entretenu nos lecteurs‘, vient encore d'attirer sur elle
l'attention des astronomes par une nouvelle particula-
rité non moins curieuse que les précédentes : nous
voulons parler de sa variabilité.
Annoncée comme probable par une courte Note du
D: Egon von Oppolzer, de Potsdam, la variabilité d'Eros
est maintenant entièrement confirmée. Les communi-
cations faites aux Comptes Rendus de l'Académie des
Sciences et aux Astronomische Nachrichten ne laissent
aucun doute à cet égard.
Cette question de la variabilité de la petite planète
Eros est d'autant plus intéressante que les astronomes
qui ont étudié les variations périodiques d'éclat de cet
astéroïde sont d'opinions différentes : les uns les repré-
sentent par une oscillation simple, toujours identique
à elle-même, et se reproduisant indéfiniment à inter-
valles d'environ deux heures cinq minutes; pour les
autres, la courbe qui les représente est formée de deux
branches différentes, dont l’ensemble se reproduit à
des intervalles d'environ cinq heures trois minutes,
sensiblement doubles des précédents.
L'adoption de l'une au lieu de l’autre de ces concep-
tions ayant, au point de vue cosmogonique, une
certaine importance, il y avait intérêt à (rancher la
question. C'est ce qu'a essayé de faire M. Ch. André,
l'éminent directeur de l'Observatoire de Lyon, par la
discussion très rigoureuse des observations déjà con-
nues : celles de MM. Montangerand et Rossard, à Tou-
louse, de M. Deichmüller, à Boun, et les séries de Lyon,
auxquelles ont pris part MM. Guillaume, Le Cadet et
Luizet.
Les premières observations qu'a pu faire M. Ch. An-
dré de la variabilité lumineuse d'Eros, ont conduit cet
astronome à penser que, contrairement à l'idée qui
paraissait alors admise, celte variation était à double
oscillation, et qu'à cet égard la petite planète qui nous
occupe se rallachait à ce que M. Ch. André a appelé
« les étoiles doubles photométriques à variation lumi-
neuse continue ».
C'est dans ce sens que l'habile directeur de l'Obser-
vaioire de Lyon a dirigé ses recherches ultérieures,
pour lesquelles il a été secondé avec beaucoup de zèle
par MM. Guillaume, Le Cadet et Luizet, qui, aussi sou-
vent que l’état du ciel l'a permis, ont suivi assidèment
la planète Eros, depuis le coucher du soleil jusqu'à ce
qu'elle soit arrivée au voisinage de l'horizon.
Par comparaison avec un certain nombre d'étoiles
voisines, el en employant la méthode des degrés (ou
méthode d'Argelander), ces observateurs ont obtenu,
chacun de son côté el d’une facon tout à fait indépen-
dante, la suite des éclats de la planète. Ces résultats
ont été traduits en courbes et les heures des maxima
et des minima déduites de ces courbes par la méthode
de Pogson : dans leur combinaison, et alin de mettre
LE ———————————…— —…— —… …— …——————
. Voyez la Revue du 15 décembre 1900, p. 1254. k
| que celle de ces deux étoiles, due en partie à une forme.
en évidence le caractère qu'on supposait à cetle courbe
de variation, on à séparé les heures en deux groupes,
suivant que le phénomène tropique correspondant était
numéroté pair où impair à parlir de l’un d'eux pris
pour origine, un minimum déterminé, par exemple. M
La discussion de tous les nombres ainsi obtenus
donne ensuite les constantes de la courbe de lumiere
de la planète, ainsi que cette courbe elle-même, et dé=
montre qu’en effet la variation lumineuse ne s'effectue,
pas suivant une seule oscillation, mais suivant unes
oscillation double, chaque période de la variation se
composant de deux branches distinctes et non iden=
tiques; c'est ce qu'indiquent bien les résultats suivants
fournis par M. Ch. André (fig. 1). |
* Si l’on suppose une série de périodes successives,
toutes d'ailleurs identiques, et si l’on désigne par, 13,
IN ee PMP MEME eee , les heures des minima et des
maxima, impairs et pairs, de ces périodes successives
comptées à partir d'un premier minimum,
1° Ona :
ms— m,— 0119 —2nÿ1m, M,— M, — 0118 —92hÿ0m;
ms— m3 = 0100 —92024m, My—M,— 0101 — 21260,
les intervalles qui séparent les points tropiques dem
même nature sont notablement différents dansles deux
Deg
21e Le EE D HOME RSS
18-
7 1Deg-ogn
ce GE) EPA SEP 9 hr mes
Fig. 1. — Courbe de variabilité d'Éros.
branches de la période; Ja branche paire est plus
étroite que la branche impaire; ;
20 On a aussi :
M, — m, = 0056 — 1h20,
M, — m3 — 0054 — 1h18,
Les temps d'accroissement de lumière de chaque
aninimuim au inaximum suivant sont sensiblement 105
mémes.
3° Au contraire :
Me — M,— 0063 — 1h31m,
mi, — M, — 0046 — 1h6m,
La durée de la diminution de lumière est moindre
dans la branche paire que dans la branche impaire. |
° La durée totale de la période est de :
02195 — 5h16m4, d'après les minima,
02196 — 5116m2, d'après les maxima,
soit en moyenne.
P—5h6m15.
5° Les époques des minima successifs sont données
par les expressions :
1901, Février 20, 757 ) | sehjpmlé E 5
1901) Février 20; 10h48m$ 9 1615 LE ô
50 La variation totale d'éclat est, à fort peu près, de
deux grandeurs. e TR
La courbe de lumière d'Eros est ainsi tout à fait,
semblable à celles de 8 Lyre et de U. Pégase; elle MOn=
tre que la variation lumineuse de cette planète est, ainsi
CHRONIQUE ET CORRESPONDANCE
397
mcllipsoidale assez accentuée et en grande partie à des
occultations successives et réciproques de deux astres
Jumineux très voisins, se mouvant autour de leur
centre de gravité commun dans une orbite probable-
ment elliptique et dont le plan passait par la Terre à
époque des observations.
» En raison du déplacement relatif de la Terre et de la
petite planète Eros, la position du plan de l'orbite
change progressivement par rapport à nous; bientôt ce
lan ne rencontrera plus la Terre, toute variation pério-
ique d'éclat disparaîtra et, à cet égard, Eros redevien-
dra semblable aux autres pelites planètes.
Pendant cet intervalle, les détails de la courbe de
Jumière, les variations relatives d'éclat, changeront
aussi progressivement, et leur observation continue
nous fournira des renseignements importants sur les
causes qui rendent si différentes les unes des autres les
ourbes de lumière des étoiles doubles photométriques
à variation lumineuse continue
Mais les résultats acquis déjà sont suffisants pour
“fournir sur ce système double, absolument unique
jusqu'ici, des données dont la plupart le caractérisent
définitivement. Ces données sont les suivantes :
4 Durée de la période : 514615;
2° Excentricité : 0,0569;
» 3° Longitude du périastre comptée à partir de Ja
igne des nœuds : 1620,45 ;
4 Le demi-grand axe est peu supérieur à la somme
es rayons des deux astres supposés sphériques ;
5° Les dimensions des deux astres sont peu diffé-
entes, leur rapport est compris entre 3/2 et 1;
6° La densité moyenne du système est 2,4;
T° Ces deux astres seraient des ellipsoïdes très allon-
gés, l’aplatissement de leur section méridienne parais-
“Sant voisin de 1/2.
À propos de ces valeurs, il est bon de faire remar-
juer que :
… a) La durée de la révolution du satellite d'Eros est
très voisine de celle de Phobos (7P39m),
. b) L'excentricité est presque la même que celle de
- l'orbite lunaire (4,0509),
c) La densité moyenne de ce système diffère peu de
celle de Mars (2,28).
…. d) Le demi-grand axe, exprimé en fonction du rayon
“le la planète, est très sensiblement le même que celui
“de Phobos mesuré en fonction du rayon de Mars.
_e) L'aplatissement obtenu est en dehors de tous ceux
ue nous connaissons dans le système solaire et supé-
ieur aussi à ceux des étoiles doubles photométriques
étudiées jusqu'ici. D'ailleurs, dans son étude sur la va-
iabilité de la petite planète Eros, M. Ch. André n'in-
ïque cet aplatissement que sous toutes réserves, el en
ttendant le résultat de calculs ultérieurs faits d'après
ne autre méthode.
. Quoiqu'il en soit, la petite planète Eros, qui se re-
ommandait déjà à l'attention des astronomes par tant
e curieuses particularités, ne saurait être négligée des
bservatoires, et il faut espérer que son étude constante
ermettra d'élucider certaines questions cosmogo-
niques encore fort obscures.
$ 4. — Chimie
Sur le phéno-:-cétoheptaméthylène et ses
dérivés. — La condensation du chlorure de phényl-
propionyle en présence du chlorure d'aluminium ‘ four-
uit une cétone cyclique, l'«-bydrindone ; par le même
mécanisme, le chlorure de phénylbutyryle est converti
“en «-célo-tétra-hydronaphtalène*. Cette nouvelle mé-
thode d'obtention de cétones cycliques, appliquée au
chlorure de phénylvaléryle, vient de conduire MM. Kip-
ing et Hunter * à une cétone qui n’est autre que le phé-
1 KippinG : Chem. Soc., t. LXV, p. 680.
? KippixG et Iizz : Chem. Soc.,t. LXXV, p. 144.
. “ F. S. KirrixG et À. E. Hunter. Journ. of the Chem. Soc.,
LXXIX, p. 602.
d
no-x-cétoheptaméthylène. Les relations entre ces trois
composés se comprennent aisément au moyen des trois
schémas :
/ 1 AN 2
AD CH NX cu: / ATOS
| Re Ra
(8) « ls /CH= / CH?
< VA NAN
uo CO Co
a-hydrindone. æ-cétotétrahydro- l’uéno-r-cétohepla-
naphtalène. méthylène.
Le phéno-x-cétoheptaméthylène, comme l'indique sa
formule, contient une chaïoe fermée de 7 atomes de
carbone, condensée avec un noyau benzénique. Ce
composé ressemble assez à celui que Dieckmaon! a
préparé en condensant l'éther phtalique avec le gluta-
rate d'éthyle : .
,COOC?HF
QUIE + CHE
COOC?H*
CHECO.0.C°H5
—2@H 0H
NCH2CO.0.C1
/CG0.CHCO r'
CH: > CH :
CO.CHCO?C?H°
ce dernier, à l’hydrolyse, fournissant le
dicétoheptaméthylène (1).
phéno-1.5
Co CIE
PR AA, /\
AVANT IE AYVANT:C
Ncx: a | |
Pc KA?
CH — Az?
Nc:
ca?”
Co
Le phéno-+-cétoheptaméthylène est une huile inco
lore, d'une légère odeur menthée; sa constitution es
établie par son mode de formation ; de plus, elle a été
caractérisée comme cétone et, à l'oxydation, elle four-
nit de l’acide o-phtalique.
Enfin, de même que l’oxime de l'x-célotétrahydro-
naphtalène, l'oxime du phéno-«-cétoheptaméthylène
est réduite en un a-amino dérivé de la forme (IN).
Cette nouvelle base fournit une chlorhydrate qui,
soumis à la distillation sèche, donne un produit neutre
(vraisemblablement un hydrocarbure) par un méca-
nisme analogue à celui qui moutre la formation d'hy-
drindéne à partir du chlorhydrate d'hydrindamine.
=
$ 5. — Biologie
Sur la myologie des Rongeurs. — Au sujet
de son mémoire sur la Myologie des Rongeurs, récern-
ment.analysé dans la Revue par M. Cuénot, M. le D'H.
Alezais, de Marseille, nous prie d'insérer les lignes
suivantes :
« 4° Quand M. Cuénot dit que les résultats auxquels
je suis arrivé pouvaient être prévus à l'avance d’une
facon générale, car « on sait bien qu'un animal fouisseur
« à des os et des muscles disposés pour fouir, et qu'un
« sauteur à des os et des muscles qui conviennent au
saut », n'est-ce pas rappeler le Virtutem dormitivam
pour expliquer le Cur facit dormire? Le tout est de
savoir quelles sont ces différences anatomiques en
rapport avec des adaptations fonctionnelles variées,
car, dans d’autres cas, la morphologie mieux connue
sera d'un utile secours pour reconnaître la fonction.
&« 20 Quand les anatomistes qui ont pris la peine de
comparer les anomalies musculaires de l’homme avec
les dispositions normales des animaux inférieurs s'ap-
pellent Gegenbaur, Fürbringer, Testut, Ledouble, elc.,
et que les résultats obtenus permettent avec Dubois,
Selenka, etc., de fixer la place de l’homme parmi les
Anthropoides, n'est-il pas permis de penser que l'expres-
sion d'amusements donnée à leurs travaux n'est pas
absolument juste? »
1 Ber. d. deutsch. Chem. Ges, 32. 2241.
398
CHRONIQUE ET CORRESPONDANCE
En réponse à ces observations, M. Cuénot nous a
adressé la Note suivante :
« Il fut un temps où la comparaison des anomalies
musculaires de l'Homme avec les muscles normaux des
Animaux inférieurs avait un intérêt, parce qu'on
pensait que ces anomalies avaient une signification
dlavique et reproduisaient les dispositions des ancêtres
réels de l'Homme; mais l'accumulation des recherches
dans ce sens a contribué à modifier l'opinion; il aurait
fallu, en eflet, que l'Homme ait eu pour ancêtres tous
les Mammifères possibles et même impossibles, ce qui
est très invraisemblable. Les anomalies musculaires ne
sont donc rien que des variations, sans aucune signi-
fication alavique ; leur recherche est devenue d'un
intérêt morphologique assez médiocre, vu leur nombre
et leur infinie variété; et, quant à leur comparaison
avec les dispositions normales des Vertébrés inférieurs,
ce n’est qu'un jeu de l'esprit dont on ne voit ni le sens
ni le but. Quant à fixer la place de l'Homme parmi les
Anthropoides, M. Alezais me permettra de penser que la
comparaison des anomalies avec les muscles normaux
des animaux inférieurs y a contribué pour moins que
rien »,
$ 6. — Sciences médicales
La diflérenciation cellulaire et les tu-
meurs ‘. — On sait que chacun des feuillets embryon-
naires a sa fonction spécifique, de telle sorte qu'on
peut classer les organes ou tissus d'un adulie suivant
leur provenance; les cellules, d’abord toutes sem-
blables, évoluent suivant un mode caractéristique (cy-
tomorphose) pour chaque organe, tantôt en se modi-
fiant toutes, comme dans le système nerveux, tantôt en
se divisant en deux lots, les unes subissant la ditféren-
ciation, les autres restant à l’état embryonnaire et
capables de se multiplier activement (épiderme, mé-
senchyme adulte, mésothélium des organes génito-uri-
naires, épithélium entodermique du tube digestif). Or,
il semble y avoir un lien entre la genèse des tumeurs
et le degré de différenciation des tissus : les tumeurs
à croissance rapide se reucontrent principalement dans
le tissu le moins différencié du corps, le mésenchyme :
myxome, myome, fibrome, lipome, chondrome, ostéome
et sarcome; ce issu affirme ainsi, dans l’ordre patho-
logique, sa capacité d'évoluer dans les sens les plus
variés.
L'endothélium des vaisseaux, les globules amiboïdes
du sang et la névruglie, tout en étant plus avancés que
le mésenchyme, sont cependant restés à un degré ass-z
bas de différenciation : aussi peuvent-ils encore pro-
duire des tumeurs d’une allure propre, angiome et
gliome. Il est probable qu'il existe une tumeur résul-
tant de la muliiplication excessive des leucocytes.
Par contre, les cellules les plus différenciées ne
forment pas de tumeurs : il est très rare qu'il y ait pro-
lifération cancéreuse des cellules hépatiques (le cancer
du foie provient de lépithélium banal des canaux
biliaires), ou bien des muscles striés (les myomes du
cœur ou des muscles du squelette sont excessivement
rares); enfin, les cellules nerveuses ne donnent jamais
de tumeurs.
Minot propose de classer les tumeurs d’après leur
feuillet d’origine : les tumeurs musculaires ou myomes
doivent être démembrées, parce que les muscles striés
et lisses sont distincts génétiquement, il en est de
même des épithéliomas; il est illogique de placer les
gliomes dans les tumeurs conjoncüves, puisque la né-
vroglie provient de l'ectoderme, et le tissu conjonctif
du mésoderme. ll est, en effet, probable que la spécificité
de chaque feuillet embryonnaire ne gouverne pas seu-
lement la différenciation normale, mais aussi la diffé-
renciation pathologique; il y aurait donc des cancers
ectodermiques, mé-odermiques et entodermiques.
‘ Mixor : The embryological basis of Pathology (Science,
vol. XIII, 1901, p. 481):
$ 7. — Littérature scientifique
Projet de création d’un Dictionnaire tech-"
nique en trois langues. — Tous ceux, savants,
ingénieurs, chimistes, industriels, etc., que leurs occu-
pations obligent à consulter fréquemment des publica-
tions en langues étrangères, se sont souvent trouvés
dans l'embarras pour obtenir l'équivalent en français
de tel terme technique spécial dont les dictionnaires
courants, même les plus complets, ne donnent pas la
traduction. 11 existe bien quelques essais de diction-
naires techniques, tels que celui des « Notes et formules
de l'Ingénieur » ou celui de M. Hospitalier, qui témoi-
gnent d'efforts louables pour faciliter la lecture des
mémoires en anglais ou en allemand. Mais ces diction-
naires sont loin d'être complets, et la forme condensée
qu'on a voulu leur donner a empêché souventd’attri=
buer aux termes qui y figurent toutes les significations
qu'ils peuvent prendre suivant les mots auxquels ils
sont associés,
Aussi, nos lecteurs apprendront-ils probablement
avec intérêt l’entreprise tentée par la Société des Ingé=
nieurs allemands ( Verein deutscher Ingenieure). Gette*
Société a décidé de prendre à sa charge la confection
d'un Dictionnaire technique en trois langues (français,
allemand, anglais), qui contiendra tous les termes et
toutes les phrases spéciales en usage dans les sciences
techniques. Mais, au lieu de confier la rédaction de ce
dictionnaire à une seule personne, dont les connais-
sances, même étendues, seraient forcément incom-
plèles, le Société a décidé de faire appel au plus grand
nombre possible de collaborateurs et de demander seu=
lement à chacun d'eux ce qui concerne sa spécialité,
Dans ce but, la Société a fait connaitre son projet à la
plupart des associations scientifiques et techniques des
pays de langues francaise, allemande et anglaise, aux
grands établissements industriels et à divers particu=
liers.
La collaboration qu'elle sollicite est gratuite. Chaque
collaborateur recevra un carnet portant trois sections
divisées alphabétiquement, et destinées à recevoir les
termes et expressions (en français, par exemple), avec
leurs traductions (en anglais et en allemand), relatifs
à la branche qui aura été choisie par le collaborateur.
Les réponses seront envoyées à un rédacteur en chef,
M. le Jr Hubert Jensen, savant doublé d'un lexico=
graphe, qui les réunira, les comparera, et rédigera le
texte définitif du Dictionnaire. Celui-ci paraîtra en trois
volumes, dont chacun contiendra les trois langues,
l’une dans l’ordre alphabétique des mots, les deux
autres comme traduclion.
La Société prend à sa charge tous les frais d'impres=
sion et d'édition de l'ouvrage, qui sera vendu à un prix
très modéré.
La Société des Ingénieurs allemands a reçu beaucoup:
de réponses favorables à ses propositions, et plusieurs
collaborateurs sont déjà au travail. Les personnes qui
désireraient lui apporter leur concours peuveut s'adres=
ser à M. Hubert Jensen (49, Dorotheenstrasse, Berlin,
N. W.). C’est de l'appui et de la coopération du plus
grand nombre que dépend le succès du Technolexicon,
qui constituera un auxiliaire précieux de la littérature
scientifique et technique et rendra de réels services au
développement de la science et de l’industrie dans tous
les pays de langue francaise, allemande et anglaise.
S 8. — Enseignement
Conférence sur lalcoolisme. — M. le D' Le=
grain, médecin en chef de l'Asile de Ville-Evrard, fera:
le lundi 20 mai, à 3 heures, une conférence sux
« Le récidivisme de l'ivrognerie; mentalité du récidis
viste ; remèdes». Cette conférence aura lieu à l’Asile d
Villejuif, au Laboratoire de Psychologie expérimentale
de l'École des Hautes-Etudes. 2
| 5
…. L'esprit français a soif de clarté. Il veut que les
“choses lui soient présentées neltement, même
“quand la netteté de l'exposition devrait dépasser
un peu ce que semblent autoriser les notions réel-
“lement acquises. D'autre part, il ne peut se con-
tenter de connaître le comment des phénomènes.
“C'est un besoin pour lui d'en apercevoir le pour-
“quoi, c'est-à-dire de les rattacher les uns aux au-
“tres par ces relations de cause à effet dont l’en-
chainement logique conslilue ce qu’on appelle des
- théories.
- En vain essaierait-on de le décourager en lui
montrant qu'un édifice doctrinal n’a jamais qu’une
- durée limitée, et que bientôt l'observalion révèle
un phénomène dont la théorie admise est impuis-
à rendre compte. Il sait que cet apparent
sante à
“échec de la doctrine est moins un renversement
qu'une évolution, et qu'il suffira généraiement
d'en modifier quelques termes pour la rendre apte
«à sa nouvelle lâche. Au rebours de ceux qui s'au-
“torisent de ces changements pour dénier loule va-
- leur objective aux doctrines et les considérer tout
au plus comme des cadres commodes, en vue de
l'enregistrement méthodique des faits, un instinct
sûr avertit l'esprit français que la vraie science à
pour objet principal non la connaissance des résul-
tats d'expérience, mais l'intelligence des rapports
qui les unissent. Tandis que l'observation perfec-
-Lionne ses méthodes, et introduit une précision
“croissante dans l'expression des faits constatés, le
. savant se sert de ces progrès pour mieux définir
les rapports déjà entrevus, de sorle que peu à peu
“les lignes maitresses de l'édifice doctrinal se dé-
gagent avec une netteté grandissante.
C'est à ce point de vue qu'on a vraiment le droit
de dire qu'il existe une science francaise; car, si la
connaissance des phénomènes est une de sa nature,
et n'a pas à compter avec les distinctions de race
ou de nationalité, l’idée qu'on se fait des choses
n'est nullement indifférente au progrès de l'obser-
“ation elle-même, qu'elle guide en l’orientant vers
“des voies fécondes. Or, tandis que, dans d'autres
» pays, on se contente volontiers de recueillir des
- faits, évitant avec une défiance systématique toute
- Lentative de les réunir en théorie, chez nous on
. professe de iongue date ce qu'exprimail si bien
M. H. Poincaré dans son discours au Congrès de
- Physique de 1900, c'est-à-dire que « le savant doit
; ordonner : on fait la science avec les faits, comme
n une maison avec des pierres; mais une accumula-
lion de faits n’est pas plus une science, qu'un las
de pierres n’est une maison ».
La
* A. DE LAPPARENT — L'ÉVOLUTION DES DOCTRINES CRISTALLOGRAPHIQUES
399
L'ÉVOLUTION DES DOCTRINES CRISTALLOGRAPHIQUES
A toutes les époques, le mérite de nos grands
hommes de science est d’avoir tenu dans leurs
mains de ces flambeaux directeurs qui éclairaient
la route de leurs contemporains, mérilant, par les
services rendus, une gratitude dont nous ne sau-
rions nous affranchir sous le prétexte que la
lumière projelée avait parfois ses défaillances, et
qu'on dispose aujourd'hui d'instruments plus per-
fectionnés.
Nulle part cette disposition nationale ne s'est
manifeslée avec plus d'éclat ni plus de succès que
dans le développement de la science cristallogra-
phique, la plus française qui soil par ses origines;
car c'est un des nôtres, Carangeot, qui a inventé
le goniomètre d'application, l'instrument si simple
qui sert à mesurer les angles des crislaux; c'est
un autre Français, Romé de l'Isle, qui a su manier
cet ingénieux outil de façon à découvrir, en 1783,
le principe de l'invariabilité des angles mutuels
des faces dans une même forme. Enfin, quelques
années plus tard, notre compatriote l'abbé Haüy
construisait sur cette base l'édifice, aussi simple
que majestueux, de la première doctrine cristallo-
graphique. Il convient d'en rappeler succinctement
le principe.
Sur sa table de travail, Haüy vient d’élaler une
série de cristaux qui tous appartiennent à l'espèce
connue sous le nom de chaux carbonalée. Il a beau
savoir que, dans chacun de ces cristaux, les faces
homologues, quoique suscephibles d’un développe-
ment inégal, font entre elles des angles dièdres
invariables, cette loi ne suffit pas pour mettre de
l’ordre dans une pareille richesse de formes en
apparence incompalibles. Ici, voilà des pyramides
très pointues, à douze faces triangulaires, dont les
deux moitiés se raccordent par un hexagone en
zigzag. À côté, d'autres échantillons ne montrent
que des prismes à six pans, mais ceux-ci sont cou-
ronnés Lanlôt par une base unique, tantôt par la
combinaison de cette base avec trois facettes qui
lui sont tangentes, lantôt par une pyramide trian-
gulaire aplalie, qui fait du sommet du cristal une
tête de clou. Parfois les cristaux sont allongés,
presque aciculaires; d’autres échantillons, ra-
massés comme en boule, portent douze faces à
peu près semblables, de contour pentagonal. D'au-
tres enfin seraient facilement pris pour des cubes.
N'est-ce pas une vaine tentative, de chercher une
loi de dérivation commune dans celte mullilude de
polyèdres, qui ne semblent se rattacher les uns aux
400
A. DE LAPPARENT — L'ÉVOLUTION DES DOCTRINES CRISTALLOGRAPHIQUES
autres que parce que le nombre de leurs faces est le
plus souvent, mais pas toujours, un multiple de 3?
Heureusement, les de carbonate de
chaux sont fragiles, et de ce défaut même va sortir
pour Haüy un précieux enseignement. Parmi les
pyramides qu'il a sous les yeux, quelques-unes
ont perdu leur pointe; mais la cassure qui en ré-
sulte n'est pas inégale et capricieuse, comme ce
serait le cas avec du cristal de roche. Elle est par-
faitement plane et brillante ; souvent même elle se
compose de {rois facettes identiques, formant un
pointement symétrique. Ce qui est plus remar-
quable encore, c'est que le choc d'un marteau fait
naître indifféremment ce même poinlement sur
tous les cristaux, quelle que soit leur forme. Tous
se clivent, c'est-à-dire se laissent débiler, suivant
trois directions faisant entre elles le même angle;
si bien qu'en continuant à les briser, de manière à
faire disparaître l’une après l’autre toutes les faces
originelles, on n'a plus, quel que soit le cristal
primilif, qu'un noyau de forme constante.
Ce noyau est un solide appelé parallélipipède,
parce qu'il est limité par trois couples de faces,
deux à deux parallèles. Les six faces se groupent
symétriquement trois par trois aulour de deux
sommets opposés, et, si l'on s'arrange pour que la
figure ainsi obtenue soit équilibrée dans tous les
sens, on reconnait que les six faces sont des lo-
sanges ou rhombes identiques, ce qui vaut au
noyau le nom de rhomhoëdre.
De cette observation, le lumineux esprit d'Haüy
tire la conséquence que voici: Ce rhomboëdre, qui
survit seul à la destruction de tous les cristaux,
quels qu'ils soient, doit être la vraie forme, la
forme primitive, du carbonate de chaux. Toutes
lès autres formes doivent pouvoir s'y ratlacher, en
considérant chacune de leurs faces comme le ré-
sultat d'une section plane ou {roncature opérée sur
les angles ou les arêtes du rhomboëèdre primitif;
car, les directions des faces ayant seules de l'im-
portance dans les cristaux, on peut toujours, pour
une face donnée, concevoir un plan parallèle qui
viendra couper les arêtes du rhomboëdre.
D'ailleurs, le fait n’est point particulier au car-
bonate de chaux. Une foule d'autres espèces se
comportent d’une manière analogue. Le sel marin,
et avec lui la galène ou sulfure de plomb, par
exemple, se clivent suivant trois directions à angle
droit, qui engendrent des noyaux cubiques. La ba-
ryline ou sulfate de baryte se clive en prismes
droits à base de losange; l'anhydrite ou sulfate de
chaux anhydre, en prismes rectangulaires à faces
inégalement brillantes, ele. Par une généralisation
hardie, Haüy érige ce fait d'observation en prin-
cipe universel. Tous les cristaux sans exception
doivent avoir pour noyau un parallélipipède, et,
cristaux
comme un tel solide géométrique est susceptibles
d'une suite ordonnée de yariélés à symétrie dé
croissante, depuis lé cube jusqu'au polyèdre com=
posé par trois couples de parallélogrammes iné-
gaux et obliques les uns sur les autres, le secret
de l'inégale symétrie des cristaux devra se trouver
dans la forme de leur noyau primitif, invariable
pour une substance donnée.
Effectivement, en comparant ce noyau, tel qu'il
est révélé par le clivage, avec les formes plus com=
pliquées des cristaux naturels, Haüy s'assure que
toute modification opérée sur un élément du
noyau se répète sur tous les éléments identiques.
Ainsi, qu'une troncalture équilatérale se substitue
à un angle d’un cube, les sept autres angles porte=
ront la même modification. Qu'une des arêtes de.
ce cube soit abattue par une face langente, les
douze arêtes seront abattues de la même facon.
C'est Ja loi de symétrie, qui va devenir la règle
infaillible dans l'analyse des formes dérivées, et
permeltra de distinguer celles qui sont simples de
celles qui découlent de la superposition de plu
sieurs formes indépendantes.
Haüy va plus loin encore : Puisque chaque face
est une troncature qui, dans le cas le plus général,
abat un angle du noyau primitif; puisque, d'autre
part, la direction de cette face importe seule, eb
non sa position, il est facile de la définir avec pré-
cision, en faisant connaître les rapports mutuels
des longueurs inlerceptées sur les trois arêtes de
l'angle qu'elle tronque, ces longueurs elles-mêmes
pouvant être évaluées en fraction de la dimension
des arêtes du noyau normal. Or, en procédant à
cette mesure, Haüy découvre avec surprise que ces:
rapports sont toujours simples, et que, pour tous
les cristaux, ils peuvent constamment s'exprimer"
par des fractions dont les deux termes sont des
nombres entiers. C’est ce qu'on appelle des frac-
tions r'alionnelles. 4
Ainsi, supposons qu'une troncalure intercepte;
sur les arêtes d'un angle, trois longueurs qui, ex=
primées en fractions de la dimension propre de
arêtes, soient entre elles comme les nombres 4,
et5. Une autre troncature, absolument quelconqu
et n’appartenant pas à la même forme, interceptera
des longueurs telles que 1, 2, 7; de sorte que les
ur
loi de symétrie vient donc se joindre la oi de
troncatures rationnelles; et ces deux lois ensemble
régiront toutes les combinaisons de la matière
cristallisée. 1
rapports seront toujours rationnels. À 1
IT
Jusqu'ici l'expérience seule a parlé. Observateur
habile et perspicace, Haüy a su constater des faits
D AE
A, DE LAPPARENT — L'ÉVOLUTION DES DOCTRINES CRISTALLOGRAPHIQUES 101
qui n'apparaissaient pas au premier coup d'œil, et
= les grouper en lois expérimentales, d'une portée
» absolument générale. Mais voici que va se mani-
- fester le savant de race française, qui veut trou-
ver la signification intime des rapports révélés par
l'observation.
- Il lui suffira pour cela de rapprocher, par une
relation de cause à effet, les deux notions fonda-
mentales du parallélipipède primitif et des tronca-
tures rationnelles. Puisque le clivage permet de
réduire n'importe quel crislal de carbonate de
chaux, par exemple, en rhomboèdres de plus en
plus petits, mais toujours identiques, n'est-il pas
paturel d'admettre qu’un rhomboëèdre soit composé
par la juxtaposition régulière et l’empilement
ordonné d’une foule de rhomboèdres élémentaires
de la même forme, qui seront, selon l'expression
d'Haüy, les molécules intégrantes du noyau? Dans
ce cas, si l'on suppose ces molécules assez peliles
… pour que l'appréciation de leurs formes et de leurs
dimensions échappe à nos sens, lorsque, sur un
angle d’un rhomboëdre, on voudra faire naître une
» face quelconque, il suffira d'enlever, sur les trois
faces aboutissant à cet angle, un certain nombre
de rangées contenant chacune un nombre entier de
molécules intégrantes. Après quoi, à la place de
l'angle, il restera une troncature en forme d'esca-
lier dentelé, dont chaque marche aura la hauteur
d'une molécule. Mais les dimensions sont si petites
que l'impression produite sur nos organes par cet
escalier sera celle d’une face plane et continue. Et
comme chaque arèêle limitative de ce plan repré-
sente forcément un nombre entier de molécules,
les rapports mutluels des arêtes appartenant à
diverses faces ne pourront être que rationnels.
Nous voilà donc parvenus, du premier coup, à
une conceplion infiniment claire de Ja nature
intime d'un corps cristallisé. C'est un assemblage
ordonné d'éléments parallélipipédiques, dans lequei,
par l'addition ou la soustraction d'un nombre
entier d'éléments, on peut faire naïîlre loutes les
formes compatibles avec la symélrie propre du
noyau.
Chose curieuse! au lieu de se laisser séduire par
ce qu'il y avait de lumineux et de simple dans cet
ensemble de conceptions, les cristallographes
étrangers, surtout ceux de l'École allemande, s'obs-
tinaient à chercher une autre formule. Weiss a cru
la trouver dans ce qu'il a appelé la Loi des zones.
Il faut dire qu'une zone, en Cristallographie, est
l'ensemble de toutes les faces qui sont parallèles à
une même direction, de sorte que, si elles étaient
seules, elles engendreraient un cylindre à base
polygonale, ayant cette direction pour axe. Or
l'observation montre que les zones comprenant
plus de deux faces sont fréquentes dans les cris-
laux, et qu'en outre, quand une forme relalivement
simple est donnée, par exemple celle d'un prisme
hexagonal coiffé par la pyramide correspondante,
si cette forme vient à s'enrichir en facettes adven-
tives, celles-ci auront une tendance marquée à
venir se placer de préférence dans les zones
engendrées par la combinaison d'une des faces de
la pyramide avec une de celles du prisme.
11 semble donc que, par ce seul fait qu'une zone
existe (et pour cela il suffit que deux faces soient
développées), elle appelle, en quelque sorte, les
nouvelles faces à venir. Et fréquemment une de
ces nouvelles faces s'arrange de manière à se
trouver à la fois dans deux zones préexistantes,
ce qui la détermine absolument, puisque la direc-
tion d'un plan est fixée quand cn connait celle de
deux lignes que le plan doit contenir.
Une telle disposition ne saurait être un effet du
hasard. Elle doit trouver sa raison d’être dans les
propriétés fondamentales de la malière cristallisée.
C'est pourquoi Weiss a cru pouvoir se passer de la
formule d'Haüy, et lui substituer une loi longtemps
réputée plus générale, dont l'énoncé est le sui-
vant :
Dans le développement progressif des dillérents
termes d'une série cristalline, chaque terme ullé-
rieur est déterminé par les zones que forment
entre eux les termes précédents.
Quelle distance entre cet énoncé, à
essentiellement germanique, et la formule d'Haüy,
toute empreinte de la limpidité même des cristaux!
Encore, si cette infériorilé était rachelée par une
portée plus générale! Mais pas du tout. Traduite
en bon français, la loi des zones exprime toulsim-
plement qu'un corps crislallisé est entièrement
défini en puissance par quatre faces non parallèles
entre elles; car ces quatre faces, prises deux à
deux, engendrent six zones, lesquelles, combinées
entre elles, en font naïîlre de nouvelles, el ainsi de
suite indéfiniment. Or, si l'on fait passer trois des
quatre faces par un même point, et que la qua-
trième soit logée dans l'intérieur du frièdre ainsi
obtenu, on engendre une pyramide à quatre faces
triangulaires; et cette pyramide est elle-même le
quart du parallélipipède qui serait élevé sur le
double de sa base triangulaire.
Nous voilà donc ramenés au noyau parallélipi-
pédique d'Haüy, noyau dont nous savons que nous
pouvons tirer toute la série des formes admis-
sibles, en joignant trois à trois les points de divi-
sion des arêtes fondamentales, préalablement sec-
tionnées en parties égales. Il y a mieux, et, parce
que nous sommes libres d'opérer ces jonctions en
partant des combinaisons les plus simples, cela
nous donne l'assurance de constituer une série
beaucoup mieux ordonnée que celle où il faudrait
l'allure
faire appel à la seule expérience, la production des
faces cristallines pouvant parfois dépendre de cer-
tains caprices extérieurs, capables de masquer
plus ou moins les tendances propres du corps
cristallisé,
En résumé, la théorie francaise d'Haüy n’a pas
seulement le mérite de la simplicité. Elle va plus
loin que l’autre, et pénètre dans ce domaine des
causes inlimes, dont la doctrine allemande sem-
blait se refuser systémaliquement l'accès.
III
Cependant, il est impossible au génie, quelque
grand qu'il soit, de trouver du premier coup la for-
mule définilive. Si, à cerlains égards, sa puissance
de conception devance l'avenir, son édifice doc-
trinal repose sur des faits, dont une observation
plus attentive et mieux outillée enrichira beaucoup
le catalogue, en même temps que la définition de
quelques-uns d’entre eux pourra s’en trouver
modifiée.
C'est ainsi que, dès le temps d'Haüy, la grande
loi de symétrie se voyait mise en défaut dans cer-
lains cas, assez rares, avait-il semblé d'abord,
pour qu’on püt les traiter comme des exceptions
accidentelles. Par exemple, plusieurs cristaux,
comme ceux de la pyrile de fer, n’offraient que la
moitié des faces exigées par la symétrie de leur
noyau cubique. D'un autre côté, par sa conception
des molécules intégrantes, étroitement juxtaposées
et empilées, Haüy semblait admettre, au moins
implicilement, la continuité de la matière cristal-
lisée. Or, les cristaux, comme tous les autres corps
solides, se dilatent par la chaleur, et se contractent
par le froid. 11 faut donc qu'entre leurs derniers
éléments il subsiste des intervalles susceptibles de
varialion. Donc, leurs dernières particules ne doi
vent pas être conliguës.
Faudra-t-il, pour cela, renoncer d’une manière
complète à la conception d'Haüy? Mieux inspiré,
un élève de ce grand maitre, Delafosse, guidé
par ce bon sens pratique qu'on nous permettra
encore de présenter comme une qualité française,
soupçonne que la solution du problème doit se trou-
ver dans une interprétation moins rigoureusement
géométrique des faits observés. La loi de symétrie
dit que les éléments identiques seront identique-
ment modifiés. Mais les cristaux ne sont pas de
simples polyèdres : ce sont des objets réels et con-
crets, où l'identité géométrique n'implique pas
nécessairement l'identité physique. Au lieu de
composer un cube avec des molécules intégrantes
cubiques et conliguës, imaginons que les particules
aient la forme de télraèdres réguliers, c'est-à-dire
de pyramides à faces de triangles équilatéraux. En
A. DE LAPPARENT — L'ÉVOLUTION DES DOCTRINES CRISTALLOGRAPHIQUES
les orientant toutes de la même facon, on formera,
de ces pyramides, des strates, dont l'empilage
pourra donner naissance à un cube; sans doute il y
subsistera des vides, puisque c’est par leurs pointes
que les tétraèdres d’une face viendront toucher les
bases planes de la strate supérieure. Mais, si les
éléments sont très petits, les vides seront prati-
quement négligeables.
Or, dans ce cas, on voit bien que les deux
extrémités d'une arête cubique, suite de tétraèdres
empilés, n'ont pas la même signification physique,
puisque lune fait apparaître une base, et l’autre
une pointe de pyramide. Done il est naturel que ces
deux extrémités ne se modifient pas ensemble.
Dès lors l’hémiédrie, c'est-à-dire la réduction à
moitié du nombre des faces admissibles, non seu-
lement n'apparaît plus comme une exception capri-
cieuse, mais s'encadre dans la conception géné-
rale, en accusant un lien de plus entre les faits
d'observation el la cause profonde qui les déter-
mine.
Ce premier pas une fois franchi, Delafosse est
conduit à en faire un autre, non moins décisif.
Pourquoi, sur une même ligne, les particules inté-
grantes seraient-elles contiguës? 11 suffit qu'elles:
y Soient également espacées. On voit de suite que
cet espacement laissera toute latitude à l’accom-
plissement des varialions de volume; et, en outre,
il est aisé de s'assurer que les particules ainsi
ordonnées formeront un réseau de parallélipi-
pèdes, chaque particule occupant, par son centre
de gravité, le sommet de l'un de ces noyaux paral-
lélipipédiques dont la juxtaposition produit l'as-
semblage. Par ce moyen, les molécules intégrantes
d'Haüy n'ont plus qu'une réalité géométrique. Elles
définissent les lignes maïitresses de l'ordonnance
qui préside à l'édifice cristallin ; et la réalité phy-
sique appartient seulement aux particules non con-
liguës, dont l’espacement fixe précisément les
dimensions du noyau primitif de l’assemblage.
Telle est la première évolution de la doctrine
d'Haüy. Sans qu'elle ait rien perdu de sa limpidité,
sans que son expression première ait été sensible-
ment modifiée, la voilà mise en accord avec une
nouvelle catégorie de phénomènes, en même
temps que disparait toute contradiclion entre la
conception fondamentale et la notion de disconti-
nuité de la matière pondérable. C’est à Bravais que
reviendra maintenant l'honneur de développer la
théorie des assemblages réticulaires, et d'en tirer
toute une série de conséquences fécondes.
IV
Dans ses, Xludes cristallographiques, dont la
publication a commencé en 1849, Bravais ne s'est
A. DE LAPPARENT — L'ÉVOLUTION DES DOCTRINES CRISTALLOGRAPHIQUES
403
pas borné à donner une classification rigoureuse,
en même temps qu'une théorie géométrique, aussi
élégante que complète, des assemblages rélicu-
laires. Fidèle à l'esprit de ses devanciers, il s’est
attaché à faire ressortir la notion de cause, en rat-
tachant plus étroitement que jamais les faits cris-
tallographiques à la nature des éléments des cris-
taux.
Ceux-ci, par leurs formes géométriques,
trabissent l'ordonnance intime dont ces formes
sont l'expression extérieure. Mais ils la trahissent
« encore mieux par la frappante régularité avec
laquelle s’y distribuent les propriétés physiques
de toute nature. Un fait, commun à tous les cris-
taux, domine cette disposition : C'est que les pro-
priétés physiques, variables avec les directions
suivies, sont identiques pour toutes les directions
parallèles, quel qu'en soit le point de départ. Or,
ces propriétés, dans un corps qui a passé lente-
ment de l’état fluide à l’état solide, ne peuvent
. dépendre que de l’arrangement des particules ma-
térielles. Celui-ci obéit donc à la même loi, c’est-
à-dire que, variable avec les directions, il est le
mêrae pour toutes les lignes parallèles. On en
déduit sans peine, d'une part, que, sur une direc-
tion donnée, les particules matérielles doivent être
équidistantes; d'autre part, que toutes ensemble
occupent, par leurs centres de gravité, les nœuds
ou sommets d’un assemblage réticulaire, c'est-à-
dire formé de parallélipipèdes égaux et régulière-
ment juxtaposés.
Or, la symétrie, dans un système réticulaire, est
assujetlie à des condilions spéciales. Elle n'obéit
pas seulement aux lois générales qui gouvernent
la symétrie de tous les polyèdres géométriques, el
que Bravais s'attache à définir exactement. La
forme parallélipipédique de l'assemblage impose
des sujélions particulières, par suite desquelles les
seuls axes de symétrie admissibles sont ceux de
l’ordre 2, 3, 4 ou 6. Examinant alors quelles com-
binaisons ces axes et les plans de symétrie peuvent
former entre eux, Bravais démontre qu'elles en-
gendrent sept groupes distincts, qui sont précisé-
ment ceux qu'Haüy avail définis (le système ter-
naire ou rhomboédrique étant séparé du système
hexagonal). Il y a done une remarquable concor-
dance entre les résultats de l'observation et ceux
de la théorie. Pour la première fois, on apercoit
nettement la cause qui limite de façon si étroite le
genre de la symétrie dans les cristaux. Pour la
première fois, aussi, apparait la raison profonde
de ce fait si frappant, qu'il n'existe pas de cris-
taux dont la symétrie soit coordonnée autour du
nombre 5, alors que cetle ordonnance est si fré-
quente dans le règne organique, nolamment pour
les Échinodermes. C'est que la symétrie quinaire
est absolument incompatible avec les conditions
géométriques des assemblages parallélipipédiques.
Mais pourquoi, parmi les variélés, au nombre de
sept, que peuvent offrir les systèmes réticulaires,
un corps donné choisit-il toujours la même ? C'est
qu'évidemment une raison d'équilibre mécanique,
propre à la substance, domine ce choix; et cette
raison ne peut être logiquement cherchée que dans
la forme même des éléments du cristal. Si ces élé-
ments ont une symétrie propre, leur équilibre sera
le mieux assuré quand cette symétrie sera d'accord
avec celle du réseau choisi. Supposer les particules
sphériques ou agissant comme telles, c'est enlever
toute cause raisonnable à l'adoption d'un genre de
symétrie réliculaire de préférence à tout autre.
Ce principe une fois admis, on entrevoit de suite
une conséquence capilale. Puisqu'il n'existe que
sept variétés de systèmes réticulaires, un corps
qui cristallise est forcé d'opter en faveur de l’une
d'elles, vraisemblablement de celle avec laquelle
il a le plus d'éléments communs. Mais la particule
cristalline, dont la forme détermine ce choix, n’esl
pas un parallélipipède. Les lois qui régissent sa
symétrie sont beaucoup moins étroites. Elle peut
posséder des éléments auxquels les assemblages
réticulaires n'aient pas droil, comme aussi elle
peut ne contenir qu'une partie des éléments de
symétrie du système choisi. Il y aura donc deux
cas à considérer dans la cristallisation : ou bien la
particule est pleinement satisfaite par le système
adopté; ou elle n’est que partiellement en har-
monie avec lui.
Dans le premier cas, une forme cristalline se
présentera toujours avec la lotalité des faces que
fait prévoir la symétrie géométrique du réseau.
Elle sera donc Aoloëdrique. Dans le second cas,
une parlie seulement des faces géométlriquement
admissibles se produira : celles qui sont comman-
dées par les éléments communs au système et à la
particule. La forme sera incomplète ou mérié-
drique”.
Pour savoir quelles variétés comporte ce second
cas, évidemment le plus fréquent de tous, puisque
c'est par exception seulement qu'un polyèdre mo-
léculaire se trouvera en harmonie complète avec
un système réticulaire, il suffit de rechercher sui-
vant quelles lois peut se produire le désaccord
entre les deux symétries. Bravais résout le pro-
blème dans une analyse qui restera comme un
modèle de lumineuse élégance, et, du coup, voilà
classés, dans un ordre logique, tous les genres,
jusque-là réputés indépendants, de formes mérié-
driques, alors que la Cristallographie allemande
—————————…—————
1 Le mot de méroédrique, employé en Allemagne, semble
plus conforme à l’étymologie.
10! A. DE LAPPARENT — L'ÉVOLUTION DES DOCTRINES CRISTALLOGRAPHIQUES
avait dû se borner à en dresser le catalogue, sans
pouvoir établir aucun lien entre eux, comme s'ils
correspondaient à autant de fantaisies de la Nature,
cherchant à échapper, par des moyens divers, aux
lois fondamentales de la cristallisation. Ainsi, plus
de parahémiédrie, d'antihémiédrie, d'énantiomor-
phisme, ni d'hémimorphisme, mais une chaîne par-
faitement rationnelle de dérivations, dont chaque
anneau trahit ce qui manque à la particule pour
que sa symétrie soit pleinement d'accord avec celle
du réseau. El celte chaine est si complèle qu’elle
prévoit des combinaisons encore inconnues, dont,
quelques années plus tard, l'expérience apportera
la confirmation.
En même temps, la théorie montre pourquoi la
généralité du phénomène avait si complètement
échappé aux premiers observateurs. C'est que la
réduction qui accuse la mériédrie ne peut faire
sentir son plein effet que sur les formes dont les
éléments ne sont ni parallèles, ni perpendiculaires
aux axes de symétrie. Or, ces formes sont justement
celles qui ont le moins de chances de se produire,
parce que leurs faces sont moins chargées que les
aulres de centres moléculaires, ainsi qu'il est aisé
de le calculer. La Nature, toujours fidèle au prin-
cipe de la moindre action, produit le plus volontiers
les formes qui résisteront le mieux à la destruction,
parce que, sur leurs faces, les particules se montrent
plus étroitement serrées. Mais ces formes ne ré-
clament, pour leur génération, qu'une partie des
éléments de symétrie du réseau. Si celle parlie est
justement celle qui est respectée dans le polyèdre
moléculaire, il n’y aura pas de réduction du nombre
des faces, et la mériédrie demeurera latente.
La théorie de Bravais est si séduisante, elle com-
plète si heureusement l'édifice des Haüy et des Dela-
fosse, qu'elle a fini par s'imposer à notre enseigne-
ment, surtout à partir du moment où l'on a réussi
à en simplifier l'exposé, que, par une sorte de co-
quetterie de géomètre, l’auleur avait enveloppé
d'un appareil un peu rébarbalif pour des commen-
cants. Mallard est de ceux qui s'y sont appliqués
avec le plus de succès, et la cause qu'il défendait a
pu sembler définitivement gagnée, lorsque ce sa-
vant, dans une suite de recherches mémorables, a
montré qu'on pouvait rattacher à la doctrine de
Bravais loute une série de phénomènes nouveaux
qui, au premier abord, avaient paru la mettre en
échec.
\
En effet, au moment même où se terminait la car-
rière de Bravais, l'introduction des méthodes opli-
ques et leur application à l'examen des plaques
minces en lumière polarisée venaient mettre un
nouveau sens à la disposition des minéralogistes.
Mais cette conquête nouvelle ne marchait pas sans”
surprises, el, à chaque instant, on rencontrait des
cas de désaccord entre la théorie et l'expérience
Une substance de symétrie cubique, qui aurait dû
êlre optiquement isotrope, manifestait une biré=
fringence incontestable; telle autre était optique-
ment biaxe, quand sa cristallisation ne laissait pré-
voir qu'un seul axe. C'est alors que, dans. son
Mémoire sur les Anomalies optiques, Mallard fit
voir que les cristaux anormaux n'étaient pas homo-
gènes, qu'ils se composaient de parlies distinetes,
de symétrie inférieure à celle de l’ensemble, mais
groupées de façon à composer, par leur arrange-
ment, un édifice plus symétrique que ses éléments
constituants.
Il restait à découvrir la cause de ce groupement.
Le plus souvent, l'étude attentive des parties asso-
ciées révélait chez elles une symétrie, à ia vérité
d'espèce inférieure, mais peu éloignée de ce qui
convenait à un degré plus élevé. Déjà Pasteur avait
appelé l'attention des minéralogistes sur ce qu'il
appelaitles formes-limites, en montrant que, quand
une espèce minérale est dimorphe, c'est-à-dire sus-
ceptible.de donner naissance à des cristaux appar-
tenant à deux systèmes distincts, la forme la plus
symétrique est une forme-limite ou approchée de
l'autre, en ce sens que, dans celte dernière, Les
directions et les paramètres des axes s'approchent
des valeurs qui conviennent à la première.
Élargissant cette notion de symétrie-limite, pour
l'appliquer non plus seulement aux cristaux, mais
aux assemblages réticulaires, Mallard va la rendre
infiniment féconde et en tirer d'importantes con-
séquences, qui lui serviront à expliquer, non seu-
lement les anomalies opliques, mais un bon nombre
des associations connues sous le nom de macles.
Ces dernières consistent, en général, dans l’accole-
ment de deux cristaux laissant entre eux un angle
rentrant. Dans quelques-unes, il y a pénétration
mutuelle des éléments de la macle, qui s'enchevé-
trent plus ou moins l’un dans l’autre.
Depuis longtemps la sagacilé des cristallogra-
phes s’exerçait sur ce sujel. Bravais l'avait abordé
avec sa hauteur de vues habituelle, mais sans en
donner une solution complète. D'autres s'étaient
bornés à classer les macles par catégories, suivant
la nalure des mouvements qu'il convenait d'ima-
giner pour amener en coïncidence les réseaux des
deux cristaux accolés. Sur un point du moins, tous
s'accordaient : c'était pour reconnaître que l'effet
ordinaire des macles était de procurer, à l'ensemble
des individus associés, une symélrie supérieure à
celle de chacun d'eux.
Ici, on voyait deux cristaux d'Albile, l'un et
l'autre dépourvus de symétrie, s’accoler suivant une
face commune, mais en se tournant réciproquement,
ET
A. DE LAPPARENT — L'ÉVOLUTION DES DOCTRINES CRISTALLOGRAPHIQUES
de telle sorte que l'ensemble avait pour plan de
symétrie la face de jonction. Souvent même, la
macle se répélait un grand nombre de fois, les
cristaux composants se réduisant en lamelles de
plus en plus fines, de sorte que leur association
finissait par consliluer un individu monoclinique.
Ailleurs, c'était la Croiselte de Bretagne, c'est-à-dire
l'associalion en croix grecque de deux cristaux de
Slaurotide, individuellement plus longs que larges,
mais engendrant, par leur croisement, un cristal
équilibré suivant deux directions reclangulaires.
Enfin, dans la Christianite, cet équilibre trouvait
moyen de se réaliser suivant trois axes à angle
droit, par la combinaison de deux macles sembla-
bles ; après quoi, on voyait les trois pointements se
raccourcir jusqu'à disparition complète des angles
rentrants, ne laissant plus apparaitre au dehors que
douze losanges, identiques d'apparence avec ceux
qui limitent le dodécaëèdre rhomboïdal du système
cubique. D'autres fois, dans la macle de la Croix
4
. le 1er, deux dodécaèdres pentagonaux de Pyrite,
c'est-à-dire deux formes hémiédriques, s'enchevé-
traient avec une telle régularité que la partie com-
mune aux deux cristaux reconstituait le cube py-
- ramidé holoédrique, dont chacun représentait la
réduction à moilié.
Dans tous ces exemples, le gain de symétrie
réalisé par la macle ne pouvait faire de doute. Or la
symétrie d'un édifice naturel est le gage extérieur
de sa stabilité, car mieux la disposilion est équi-
librée relativement aux diverses direclions de l’es-
pace, plus l'édifice a de chances de résister aux
agents extérieurs de destruction, On comprend donc
que, si quelque arrangement peut procurer à un
. corps un degré de symétrie plus élevé, une simple
raison d'équilibre mécanique doive le porter à réa-
liser cetle disposition favorable.
Nulle part, là recherche de cet équilibre n'éclate
mieux que dans la double macle de la Christianite,
dont nous venons de parler. Quoi de plus typique
que ce raccourcissement systémalique des trois
branches, se ramassant sur elles-mêmes, se pelo-
tonnanl, oserons-nous dire, de facon que la macle
n'offre plus que des angles saillants, en mème temps
que, de toutes les formes régulières, elle choisit
celle qui diffère le moins d'une sphère, l'idéal des
polyèdres en fait de résistance vis-à-vis du dehors!
Encore faut-il cependant que celte réalisation
d'un arrangement favorable puisse êlre oblenue
avec le minimum d'effort. C’est ici que Mallard fait
intervenir avec succès la symétrie-limite. Suppo-
sons qu'il existe, dans le réseau d’une substance,
un axe-limite d'ordre lernaire, c'est-à-dire tel
qu'une rolalion de 120 degrés autour de cette ligne
ramêne presque exactement en coïncidence les
éléments du réseau cristallin. Cela suffira pour que
105
trois cristaux de l'espèce s'associent autour de l'axe
en question, chacun prenant une des orienlalions
que déterminerait une symétrie ternaire parfaite.
De cette facon, l'ensemble des trois cristaux sera
plus voisin du réseau ternaire que ne l'élait chacun
d'eux individuellement, et par cela même le grou-
pement aura gagné en stabilité.
Tel est le cas de l’Aragonite, et une explication
semblable parait convenir à un grand nombre de
maäcles. Toujours la recherche d'un groupement
plus stable, qui n’est elle-même qu'une application
du principe de la moindre aclion, y est facilitée par
le fait que la symétrie du réseau diffère peu de ce
qui conviendrait à un degré plus élevé. La symé-
trie-limile apparait donc comme une propriélé
générale et protectrice des édifices cristallins.
C'est de la même façon que, dans certaines
variétés de Grenat, malgré une concordance absolue
de la forme extérieure avec celle du dodécaëèdre
rhomboïdal du système cubique, l'étude optique
révèle que chaque face se décompose en quatre
triangles biréfringents. Chacun d'eux est la base
d'une pyramide biaxe, mais de symétrie-limile
quasi-cubique. Gràäce à cetle circonstance, l'angle
au sommet de la pyramide se trouve tel que, si
quarante-huit de ces polyèdres se groupent autour
d'un même point, lout l'espace se trouvera rempli,
en même temps que l'enveloppe extérieure sera un
dodécaèdre presque parfait.
Une troupe assaillie par un ennemi supérieur se
forme en carré, aux angles abaltus, parce qu'elle
n'a besoin de résister que dans le plan où se pro-
duit l'attaque. Les cristaux de grenat font mieux.
Menacés dans toutes les directions de l'espace, ils
se rassemblent autour d’un point, offrant partout
la même résistance, parce qu'il ne reste plus entre
eux que des vides insignifiants. On dirait d'une
ingénieuse {richerie, par laquelle une espèce par-
vient à dissimuler ce qui lui manque pour conquérir
un degré supérieur de stabilité.
La généralilé de ces combinaisons une fois cons-
tatée, ce ne sera plus s'aventurer avec excès que de
se demander si vraiment les différences entre les
réseaux cristallins, suivant les espèces, ont bien
toute l'importance qu'on a coutume d'y attribuer.
En se fondant sur les formes extérieures domi-
nantes, on à tout nalurellement classé tel corps
dans le système hexagonal, et tel aulre dans le
système rhombique, tandis qu'un troisième élait
communément regardé comme cubique. Mais celte
différence peut être plus apparente que réelle, et
Mallard fait voir, en effet, que les paramètres ca-
racléristiques de ces espèces sont faciles à ramener
les uns aux autres, au besoin à l’aide d'une trans-
formation qui consiste à multiplier quelques-uns
d’entre eux par des nombres très simples. Alors
406
apparait, dans tous les trois, une symétrie extrê-
mement voisine de celle du cube.
Mais ceci, dira-t-on, est une vue de l'esprit; et
cette assimilation, obtenue à l’aide d'un artifice de
notation, ne se juslifie pas par une expérience
directe. Attendons! voici venir la célèbre notion
de l’isomorphisme, qui va donner une base réelle à
la nouvelle conception.
VI
On sait que deux substances sont dites isomor-
phes lorsqu'elles peuvent s'associer ensemble en
toutes proportions, pour donner naissance à des
cristaux homogènes. Ainsi les trois sulfates de ma-
gnésie, de zinc et de fer, une fois mélangés, peuvent
engendrer des cristaux Gù les quantités relatives
de fer, de zinc et de magnésie ne sont pas assu-
jetties à la loi des proportions définies, qui règle
toutes les combinaisons chimiques. Il faut donc
admettre que ces trois substances se substiluent
indifféremment les unes aux autres, sans qu'il en
résulte aucun trouble dans l’arrangement de
l'édifice.
Dans l'exemple choisi, la chose parait s'expliquer
sans difficulté; car les trois sulfates, pris isolément,
engendreraient des cristaux presque complètement
identiques. On comprend donc que leurs polyèdres
moléculaires puissent être admis, au même titre, à
l'édification d’un assemblage réticulaire unique.
Mais il n'en va pas de même quand l'expérience
enseigne qu'on peut faire cristalliser ensemble, en
toutes proportions, le chlorate de soude cubique,
le chlorate de potasse monoclinique et l'azotale de
soude rhomboédrique. Comment ces trois noyaux,
de symétrie incompalible, pourraient-ils se substi-
tuer les uns aux autres sur les nœuds d'un même
réseau ? Ici, vraiment, la tolérance de la Nature
semble passer les bornes.
Cependant l’anomalie va disparaître, si nous
examinons plus attentivement les cristaux eux-
mêmes. Nous remarquerons alors que leur système
cristallin est si peu fixe qu'il change avec la tem-
pérature. Cela donne l'idée de comparer leurs
paramètres avec ceux du système cubique. Tantôt
la presque identité des chiffres saute aux yeux du
premier coup; tantôt elle devient évidente après
mulliplicalion par des facteurs simples. Donc la
symétrie apparente de ces sels isomorphes nous
trompait sur la vraie nature de leur réseau. S'il
n'est pas rigoureusement cubique, il s’en faut du
moins de bien peu.
La même constalalion peut se faire sur un grand
nombre de substances, appartenant aux groupes
chimiques les plus divers, si bien qu'on arrive à
reconnaitre, avec Mallard, que tous les corps, sans
A. DE LAPPARENT — L'ÉVOLUTION DES DOCTRINES CRISTALLOGRAPHIQUES
exception, doivent posséder un réseau cristallin
très voisin de l'assemblage cubique.
Cette conclusion n’a rien que de très naturel et
concorde avec une foule de résultats d'expérience:
On sait que les planètes, comme leurs orbites, ont
en réalité une forme elliptique. Cependant, l'excen-
tricité de ces ellipses est si faible, qu'un œil exercé,
non armé d'un appareil micrométrique, ne saurait
les distinguer de cercles parfaits. De même, les”
propriétés physiques des différents corps : conduc-
dibilité calorifique, conductibilité optique, ete.,
s'expriment par des ellipsoïdes à trois axes. Mais
les trois axes sont si peu différents que, représenté
par un dessin à l'échelle, chaque ellipsoïde fait
l'effet d'une sphère.
On comprend donc que si, théoriquement, les
parallélipipèdes qui forment les noyaux des assem-
blages oscillent depuis le cube jusqu'au prisme
doublement oblique, ce dernier puisse, dans la -
plupart des cas, n'être qu'un cube légèrement
déformé dans tous les sens. Mais, comme sa symé-
trie est déterminée par celle de la particule maté-
rielle qui s'y adapte, la conclusion rejaillit sur cette
dernière. D'où il résulte que toutes les particules
élémentaires des cristaux jouiraient d’une forme
peu éloignée de ce qui convient à une symétrie
cubique. -
Là encore, ilsera permis d'apercevoir une consé-
quence du principe de la moindre aelion; car si, à
chaque particule cristalline, on substitue la sphère
qui représente son rayon d’activilé, la combinaison
la plus simple est celle qui permettra à toutes les
sphères de s’empiler de manière à occuper le mi-
nimum d'espace. Or cet arrangement, qui est celui
d'une pile de boulets, se résume dans la formation
d'un réseau d'octaèdres réguliers, c'est-à-dire doué
de symétrie cubique. 4
À côté de l'isomorphisme, un autre phénomène
apparait, qui en offre l’exacte contre-partie, c’est
le polymorphisme, c'est-à-dire la propriété, que
présentent certaines substances, de revêtir, sans
changement de densité ni de propriétés chimiques,
des formes cristallines incompatibles. Tel le bisul=.
fure de fer, cubique avec la Pyrite, rhombique avec
la Sperkise; tel l’oxyde de tilane, quadratique,
mais de deux facons différentes, avec le Rutile et
l’Anatase, tandis qu'il est rhombique avec la
Brookile, etc. Déjà Pasteur a projeté sur cetle
bizarrerie apparente un rayon de lumière, par la
considération des formes-limiles, en faisant voir
que les formes les moins symétriques d'un minéral
polymorphe tendent vers les plus symétriques.
comme vers une limite. Dans cetle même voie}
Mallard cherche à montrer qu'il s’agit là de grou=
pements, analogues à ceux des corps à symétrie
limite, et qui ne donnent pas des résultats iden
_d
A. DE LAPPARENT —— L'ÉVOLUTION DES DOCTRINES CRISTALLOGRAPHIQUES 107
tiques, parce qu'ils correspondent d'ordinaire à des
températures de formation différentes. Complète-
ment enchevêlrés l’un dans l'autre, les éléments
du groupement fournissent l’une des variétés du
corps polymorphe; plus localisés dans certaines
parties, ils en donnent une autre, et la chaleur, en
modifiant cet arrangement, peut opérer le passage
de la première variété à la seconde.
Ainsi, l’ordre apparaît partout, même dans les
phénomènes qui semblaient contradictoires avec
les lois régulières de la cristallisation, et autour de
… l'idée de symétrie-limite s'introduit une impression
… générale d'harmonie, tendant à effacer les distinc-
tions lranchées qu'un premier examen avait con-
duit à établir entre les manifestations de l'état
cristallin.
En résumé, sans renoncer au principe de la
théorie de Bravais, et en y ajoutant seulement la
notion de symétrie-limite, Mallard a éclairé d'une
vive lumière des problèmes de loute nature, dont
plus d'un semblait posé, à l’origine, de manière à
mettre en échec la doctrine des réseaux. Et, de ces
problèmes, il a donné des solulions éminemment
. philosophiques, qui révèlent, dans la matière cris-
tallisée, des propriétés où la grande notion de
l’ordre se manifeste dans tout son éclat.
Comment donc se fait-il qu'au lieu d’entrainer
une adhésion universelle, les belles théories de
… Mallard aient rencontré, surtout en Allemagne, une
… opposition qui les a fait presque entièrement aban-
donner? C'est ce qu'il nous reste maintenant à
examiner.
! VII
ur
Ce qui domine toute la théorie de Bravais, c'est
“ l'idée, essentiellement rationnelle, que la symétrie
d'un cristal doit avoir sa raison d'être dans les
- conditions intrinsèques de forme de la substance
qui cristallise. Chose singulière ! une conception
…_ aussi logique semble avoir rencontré, chez les
« cristallographes de l'École allemande, une répu-
- gnance invincible. Ils se sont fait un devoir d'y
échapper autant que possible, comme si c'était une
… hypothèse discutable, et leur rêve a toujours été
de fonder l'édifice doctrinal de la Cristallographie
sur des considérations purement géométriques, où
… la structure du cristal soit envisagée pour elle-
même, et sans aucun égard à la cause qui la pro-
duil.
A celte répugnance naturelle se joignait une rai-
son plus plausible, tirée de la forme, à vrai dire
défectueuse, sous laquelle le rapport entre la struc-
ture et la substance était présenté par Bravais et
ses conlinuateurs. Nous l'avons déjà dit: il est bien
rare qu'une idée féconde puisse revêtir du premier
- coup son expression définitive. À l’époque où
à 3
Bravais publiait ses recherches, c'est-à-dire au
moment où la théorie atomique prenait enfin pied
dans la Chimie, il semblait tout naturel d'envisager
la molécule chimique comme l'élément fonda-
mental des corps cristallisés, On pouvait se croire
autorisé à représenter celte molécule comme un
polyèdre, dont les sommels étaient des atomes
simples. Dans l'acte de la cristallisation, les po-
lyèdres moléculaires devaient lout d’abord satis-
faire à cette condilion, que les centres de gravité
vinssent se placer sur les nœuds d'un assemblage
réticulaire. Ensuite, puisque tous les centres de gra-
vité étaient des points homologues, toute ligne
tirée de l’un d'eux et aboutissant à un sommet ato-
mique avait nécessairement son homologue dans
les autres polyèdres, en vertu du principe expéri-
mental de l'égale constitution des milieux cristal-
lisés suivant les directions parallèles. Il en résultait
que tous les polyèdres moléculaires devaient avoir
la même orientation. Une telle conclusion était d’au-
tant moins propre à exciter quelque défiance,
qu'elle semblait implicitement exigée par les con-
ditions d'équilibre mécanique du milieu
De cette manière, un cristal homogène apparais-
sait comme un édifice réliculaire simple, dont tous
les nœuds étaient occupés par les centres de gra-
vilé de polyèdres moléculaires, tous identiques et
semblablement orientés.
A la vérité, Mallard avait fait remarquer que cer-
lains phénomènes, tels que la polarisation rota-
toire, semblaient exiger la présence, sur une même
rangée, de molécules dont les orientalions allerne-
raient de trois en trois, de quatre en quatre, ete.
Mais il lui paraissait suffisant de réunir ces molé-
cules par groupes complexes, comprenant chacun
toutes les orientations admissibles, ce qui l’aulori-
sait à signaler l’analogie de ce groupement avec les
phénomènes de polymérisation, connus en Chimie.
C'élait donc une exceplion, et, d'autre part, si
l'orientation des molécules pouvait ainsi varier, du
moins leur identité n'était pas mise en question.
Cependant, l'observalion nous montre que cer-
taines substances ont la faculté de donner, suivant
les circonstances, des cristaux qui ne sont pas
superposables. Les uns sont droits, les autres gau-
ches, et leurs relations mutuelles sont celles d’un
objet avec son image réfléchie par un miroir. Ces
cristaux, dont l'étude a été l’un des premiers titres
de gloire de Pasteur, peuvent d’ailleurs se pro-
duire ou séparément ou ensemble; et l'exemple
bien connu du quartz montre que les parties droites
et gauches sont susceptibles de s’enchevêtrer de
diverses facons. Il faut donc, pour qu'une théorie
cristallographique ’soit complète, qu'elle admette
l'existence simullanée non seulement de polyèdres
élémentaires d’orientations diverses, mais de po-
408
A. DE LAPPARENT — L'ÉVOLUTION DES DOCTRINES CRISTALLOGRAPHIQUES
lyèdres non superposables. Même celte conclusion
semble nécessaire pour les édifices pourvus de
centre et de plans de symétrie, car deux objets
symétriques relativement à de tels éléments sont
forcément inverses etnon superposables.
Partant de ces considérations, divers savants,
notamment MM. L.Sohncke, Schoenflies, von Fedo-
row, Curie, etc., se sont proposé le problème sui-
vant : Rechercher toutes les combinaisons d'objets
régulièrement distribués, dans un espace indéfini,
qui sont compatibles avec les exigences de l'homo-
généité cristalline. C'est une question de haute
géométrie, qui a déjà fait, en 1869, l'objet d'une
étude de M. Camille Jordan sur les Groupes de
mouvements.
En abordant ce problème, on reconnait de suite
qu'il est nécessaire d'élargir les conditions de la
symétrie, telles que les avait posées Bravais. Dans
les assemblages réticulaires de ce savant, tous les
nœuds sont des centres de symétrie. En outre, il y
a des axes de symétrie qui peuvent être d'ordre 2,
3, 4 ou 6; enfin des plans de symétrie, dont cha-
cun sépare deux moiliés, se correspondant l’une
à l’autre comme un objet et son image réfléchie
par le plan. L'assemblage, supposé indéfini, est
toujours ramené en coïncidence avec lui-même par
une rotation, de l'angle convenable, autour de l'un
de ses axes de symétrie.
Il n'en est plus de même si les objets dont il s'agit
d'étudier la distribution régulière peuvent varier
de forme ou d'orientation. Chaque nature d'objet,
envisagée avec chacune de ses orientations admis-
sibles, constitue une unité sui generis qui, Consi-
dérée seule, se répète périodiquement dans le milieu
cristallin, engendrant ainsi un assemblage rélieu-
laire spécial, conforme aux réseaux de Bravais. Si,
de cetle unité, on veut passer à celles d’une autre
catégorie, il ne suffira plus de faire subir à l’en-
semble du erislal une translalion ou une rotation.
Les mouvementsqui permeltront à cetensemble de
se recouvrir lui-même seront nécessairement plus
compliqués, puisqu'il faudra, par exemple, que
certaines unités pivotent sur elles-mêmes pour
pouvoir, après la translation, se superposer à celles
qui n'en diffèrent que par leur orientation.
L'analyse géométrique montre que, dans ce cas,
il doit y avoir des rotations hélicoidales, la rotalion
habituelle autour d'un axe de symétrie élant accom-
pagnée d'une translation suivant cet axe, comme il
arrive pour le mouvement d'une vis. Il peutexister
aussi, à côté des plans de symétrie ordinaires, des
plans de glissement où plans de symétrie transla-
loire, c'est-à-dire tels que la symétrie qu'ils déter-
minent ne soit salisfaite que moyennant un glisse-
ment de ces plans sur eux-mêmes. C'est seulement
après cette translation, définie en grandeur et en
direction, que la moitié de gauche trouve à droitè M
sa symétrique.
Pour donner une idée de la complication qui
peut résulter de cette extension de la notion des
assemblages homogènes, il suflira de dire que lan
suite des théorèmes géométriques nécessaires à la
solution du problème occupe six cen!s pages dans
l'ouvrage de M. Schoenflies, et que cet auteur ÉVasn
lue à deux cent trente le nombre des combinaisons
admissibles, tandis que M. Sohncke se bornait à er
“considérer soixante-dix. Pour l'un comme pour
l'autre, d'ailleurs, ces combinaisons complexes Se
répartissent entre {rente-deux groupes principaux
de symétrie, dont sep{ groupes holoédriques, cOr=M
respondant aux réseaux de Bravais, et le reste
s'appliquant aux structures mériédriques. A ce points
de vue, el fidèles à l'ordre d'idées qui a jusqu'ici
prévalu parmi leurs compatriotes, MM. Sohncke et
Schoenflies n'ont pas manqué de signaler, comme
un mérite de la nouvelle théorie, la ressource
qu'elle offre de voir, dansles formes mériédriques;
de simples variétés de siruclure, sans aucune
hypothèse sur la forme des éléments composants:
Étrange disposition, qui, dans l'étude d’une science
nalurelle comme la Cristallographie, regardé
comme un succès de pouvoir perdre entièrement de.
vue la considération de la nature réelle et concrète!
Si la nouvelle conception n'avait d'autre inconvé=,
nient que d'obliger les minéralogistes, désireux de
s'inilier à la Cristallographie, à dépenser d’abord
presque une année de leur temps dans des exer-.
cices de pure géométrie, il faudrait encore savoir
s'y résigner, pour obtenir l'avantage de donner une
base rationnelle aux démonstrations.
On pourrait, d’ailleurs, comme pis aller, recevoir
des mains du mathématicien la classification des
assemblages, et se borner à en faire l'application
Mais nous prétendons montrer que cet altirail peut
être laissé de côté par les cristallographes, et que,
au moins dans l'immense majorité des cas, ceux-ei
ont avantage à se contenter des réseaux de Bravais,
à la condition d'introduire, dans la formule de ce
savant, une modification très simple, indiquée par
M. F. Wallerant, dans ses remarquables études sur.
les anomalies opliques et les groupements cris=
lallins. Q
VIII
Tout d'abord, nous remarquerons que, le nombre
des catégories d'unités qu'on peut distinguer dans
un milieu homogène étant forcément limité, l'en
semble de ces unités constitue un groupe destiné à
se répéter périodiquement. Chacune dés unités dés
ce groupe à son réseau géométrique propre, né
différant de celui d'une autre unité voisine que par
sa posilion dans l’espace, et pouvant être amené
en coïncidence avec lui par une simple translation
suivant la ligne qui joint les centres des deux uni-
“iés. Par conséquent, l'assemblage complexe, celui
auquel seul s'applique la notion des axeshélicoïdaux
-et des plans de glissement, résulte, comme le recon-
“nait d'ailleurs M. Schoenflies, de l’enchevétrement
… de réseaux congruents qui se pénètrent les uns les
“autres, leur nombre étantégal à celui des catégories
… distinctes d’unilés composantes. L'édifice ainsi
engendré peut se partager en fractions identiques,
dont chacune a ses éléments distribués de la même
façon autour de l'un d’entre eux choisi comme
centre; et tous ces points centraux, identiques
entre eux, forment ensemble un réseäu normal de
. Bravais.
Cela revient simplement à prendre, pour point
— de départ de la théorie, non plus le polyèdre molé-
— culaire, mais la partie du corps crislallisé qui, ren-
“fermant un représentant de chacune des unités
“distinctes, gravite autour de chaque point central.
En d'autres termes, partout où Bravais el ses
continualeurs parlaient de molécules ou de polyé-
dres moléculaires, il suffit de substituer le mot de
particules complexes, entendu comme il suit :
Dans sa théorie générale des groupements régu-
“liers, M. Schoenflies a été amené à introduire la
* considéralion d’un élémert qu'il appellele domaine
fondamental. C'est la partie de l’espace cristallin
dans l’intérieur de laquelle il n'existe aucun organe
de symétrie, et où, par conséquent, tout point réel
- du milieu est seul de sa nature, en même lemps
- que ce domaine contient à coup sûr un représen-
“tant de tous les éléments distincts que le milieu
“comporte. En se répélant autour des organes de
PE métrie qui en limitent le contour, ce domaine en
engeudre d'autres, et le tout constitue ün ensemble
symétrique, le domaine complexe.
- Or, supposons qu'un domaine fondamental, choisi
comme le lieu de la partie initiale d’un cristal,
contienne dans son intérieur une particule cristal-
“line concrète, à l'égard de laquelle nous n'avons
“besoin de faire aucune hypothèse, et qui sera la
“particule fondamentale de M. Wallerant. Celle-ci,
“par rotation autour des axes de symétrie du domaine
complexe, donnera des parlicules superposables à
la première, mais pouvant différer d'orientation.
Les plans de symétrie en donneront d'autres,
“inverses de la première; et le tout ensemble, occu-
“pant le domaine complexe, constituera la particule
“complexe, élément initial et individuel, non de la
substance, mais du corps cristallisé.
- Les particules complexes, ainsi définies, seront
toutes orientées de la même façon, et auront leurs
entres de gravité disposés sur les nœuds d’un
éseau de Bravais; et cela en vertu de l'expérience
ui nous révèle l'identité des propriétés physiques
“E
*
MT is ba, fe
ES Te rh
pen ETS.
REVUE GÉNÉRALE DES SCIENCES, 4901.
A. DE LAPPARENT — L'ÉVOLUTION DES DOCTRINES CRISTALLOGRAPHIQUES
109
des cristaux en tous les points. C'était sans droit
que cette loi expérimentale avait été étendue aux
intervalles i2{ermoléculaires, beaucoup trop petits
pour être accessibles à l'observation; et voilà pour-
quoi on pouvait taxer de conceplion faulive celle
qui consistait à attribuer la même orientation à
toules les molécules. Quand nous disons, l'expé-
rience en mains, que tous les points d’un cristal
sont identiques, ce que nous considérons. ce ne
sont pas des points géométriques, ni même des
centres moléculaires, ce sont des éléments de va-
lume autour d'un point. Selon toute vraisemblanee.
ces éléments renferment un grand nombre de
centres moléculaires, et c'est la moyenne des pro-
priétés de ce groupe qui nous apparait comme
constante.
Or, il est parfaitement permis de penser que la
particule complexe, telle que nous l'avons définie,
est de l’ordre de ces réalités observables : car elle
résulte du groupement symétrique de plusieurs par-
ticules fondamentales, dont chacune doil être un
agrégat de molécules chimiques en plus ou moins
grand nombre. Done, c'est à elle que s'applique le
principe expérimental qui sert de base à toute la
théorie cristallographique, et le devoir de s’en tenir
à cel élément est d'autant plus étroit, qu'à vouloir
chercher ce qui se cache dessous, nous tomberions
forcément dans l'hypothèse, puisqu'il s'agit de
choses sur lesquelles l’observalion directe n’a pius
de prise.
Un autre avantage de cette conception est de
nous faire entrevoir le phénomène de la cristalli-
sation sous un jour nouveau, et d'ailleurs beaucoup
plus conforme aux enseignements de la Physique
et de la Chimie.
Dans l’ancienne manière de voir, il pouvait, il
devait même sembler que la molécule chimique,
polyèdre aux sommets définis par les alomes, fût
l'élément commun des trois états, gazeux, liquide
et solide, d'un même corps. Par suite, la cristalli-
sation eût simplement consisté dans l'alignement
des polyèdres moléculaires sur les nœuds d'un
réseau, combiné avec une rotation de ces polyèdres
autour de leur centre de gravité, jusqu'à ce que
tous eussent pris l'orientation la plus conforme à
l'équilibre du système.
Il n'en est plus ainsi avec la par{icule complexe.
Celle-ci est un édifice dont la formation doit être le
premier acte de la cristallisation; et cette forma-
tion doit être précédée par celle des particules fon-
damentales, dont chacune, nous venons de le dire,
est très vraisemblablement elle-même un agrégat
de molécules chimiques. Ne sait-on pas, en effet,
que la densité de la vapeur du soufre augmente
quand sa température baisse, ce qui n'est expli-
cable que si cette vapeur, à basse température,
9°
410
A. DE LAPPARENT — L'ÉVOLUTION DES DOCTRINES CRISTALLOGRAPHIQUES
resuñhie d'une condensation de molécules qu'une
pius grande chaleur aurait dissociées? À plus forte
raison est-il logique d'admettre que le dernier élé-
ment du soufre liquide soit un groupe moléculaire
encore plus compliqué, et que cette complication
doive s'accroitre dans le soufre solide, amorphe ou
cristallin, et ainsi pour tous les autres corps.
De plus, ce n’est pas seulement par un plus grand
état de condensation que se distinguerait l’état cris-
lallin : c'est aussi et surtout par cette sorte d'orga-
nisalion géométrique qui engendrerait la particule
complexe. On s’'expliquerait par là qu'il paraisse y
avoir, ainsi que M. Tammann a cherché à ie démon-
irer, une discontinuité complète entre l’état amorphe
et l’état cristallin, tandis qu’il y a continuité entre
l'élat liquide et l'état gazeux au delà du point cri-
tique.
Bien d’autres considérations inléressantes pour-
raient être rattachées à cette notion des particules
complexes. Par exemple, les liquides cristallisés,
comme ceux que MM. Lehmann et Reinitzer ont
étudiés, ne montreraient-ils pas, au voisinage de
leur point de solidification, une formation antici-
pée des édifices complexes? Une propriété analogue
ne pourrait-elle pas expliquer le pouvoir rotatoire
des dissolutions? Ce qui est certain, c’est que,
d'après l'explication que M. Wallerant a donnée
de ce qu’on appelait les anomalies optiques, l'allure
oplique d’un cristal est déterminée non par son
réseau, mais par sa particule. Celle-ci est déjà un
milieu spécifié, en ce qui concerne l’élasticilé de
l'éther suivant les diverses directions, et, à cet
égard, le réseau peut être en contradiction avec
la particule sans que les propriélés définies par
cette dernière s’en trouvent modifiées. Done, si les
circonstances permettent à celle-ci de se former
avant la constitution définitive du cristal, le milieu
liquide où elle préexiste pourra très bien différer
d'un milieu isotrope.
Quoi qu'il en soit, sans nous aventurer davan-
tage dans ces considérations, peut-être prémalu-
rées, il doit nous suffire d’avoir montré que la
particule complexe est le seul élément duquel on
puisse partir avec sécurité pour l'établissement
d’une doctrine cristallographique ; el puisque
l'identité d'orientation de telles particules ne sau-
rait faire de doute dans un cristal homogène, la
théorie si simple des réseaux de Bravais doit suffire
à l’enseignement. Dans un seul cas, celui de la
polarisation rotatoire, il y aura lieu de faire obser-
ver que des éléments fondamentaux peuvent se
superposer, avec des orientations alternantes, sur
une mêmerangée, el que des files d'éléments droits
peuvent coexister avec d'autres, occupées par des
éléments gauches. Encore s’agira-t-il d'une struc-
ture propre au polyèdre complexe, mais qu'il est | un réseau cubique, en orientant son axe ternair
inutile de vouloir faire dériver de la s{ruclure gé-
uérale de l'assemblage cristallin; car, de même que
celle-ci peut être sans influence sur la biréfrin-
gence, il n'y a pas de raison pour qu'on lui altri=
bue, en matière de polarisation rolatoire, la cause
d'un phénomène que les liquides eux-mêmes sont
parfois capables de manifester.
Ainsi, dans tout l'exposé des structures cristallo=
graphiques, les théories de Bravais suffiront, et il
sera permis de s'affranchir des exigences d'une
‘doctrine assurément plus générale au point de vue
mathématique, mais destinée, par sa complication,
à rester dans le domaine des purs géomètres. Et
de cette manière, la salisfaction d'établir eux-
mêmes la série rationnelle de leurs principes
pourra être laissée aux cristallographes, sans
exiger d'eux un effort disproporlionné avec le but
poursuivi.
IX
Voilà done un nouveau pas en avant dans l'évo-
lution de la doctrine cristallographique inspirée
les travaux d'Haüy. Un premier progrès avait con-
sisté à remplacer la notion des molécules inté-
grantes par celle de la disposition réticulaire des
centres de gravité. Dans une seconde étape, Bra-
vais avait réussi à donner la clef des structures
mériédriques. Ensuite la conception de la symétrie="
limite avait fourni à Mallard le moyen de rattacher,
à la théorie même de Bravais, des phénomènes
qui semblaient faits pour l’ébranler. Enfin, voici
qu'avec les particules complexes, M. Wallerant
rajeunit la doctrine en lui permettant de serrer de
plus près encore la réalité des phénomènes.
Cela veut-il dire que, moyennant l'introduction
de cette idée nouvelle, il n’y aura plus rien à
changer aux conceptions de Mallard sur les macles,
l'isomorphisme et le polymorphisme? Nullement,
et là aussi une évolution se manifeste, dont le
mérite revient encore à M. Wallerant. Le principe
de cette évolution consiste dans une remarquable
extension donnée à la notion de symétrie-limite,
déjà développée avec tant d'éclat par Mallard. Voici
comment elle intervient de nouveau :
Bravais avait admis qu'un corps en voie de cris-
lallisation choisissait nécessairement, parmi les
sept systèmes de réseaux, celui avec lequel la
symétrie de sa molécule (disons maintenant de sa
particule) possédait le plus d'éléments communs:
Il n'étail venu à l'esprit de personne qu'une parti=
cule pût adopter un réseau de symétrie notables
ment supérieure à la sienne. Par exemple, une
particule pourvue d'un axe ternaire et de trois axe
binaires normaux élait condamnée au réseau ler
naire, el on n'avait pas l'idée qu'elle püût adopte
3 A. DE LAPPARENT — L'ÉVOLUTION DES DOCTRINES CRISTALLOGRAPHIQUES A1
suivant une des diagonales du cube, et ses axes
binaires suivant ceux de l'assemblage cubique qui
- forment un système normal à cette diagonale.
l Une telle hypothèse devait d'autant mieux être
écartée, semblait-il, qu'elle se heurlait à des
… objections mécaniques. En effel, pour qu'une par-
ticule adopte un réseau cubique, il ne suffit pas
… que quelques-uns des éléments réels de symétrie
| du réseau cubique se trouvent en coïncidence avec
- les éléments de même ordre de la particule. Il
faut encore, par exemple, que les actions exercées
. par celle-ci soient les mêmes suivant les lrois
directions rectangulaires qui correspondent aux
axes quaternaires du réseau. Cette condilion est
satisfaite quand la particule a quatre axes ternaires
coïncidant avec les diagonales d'un cube; car alors
- la géométrie démontre qu'elle possède nécessaire-
* ment aussi trois axes binaires équivalents, orientés
comme les arêles du cube. En général, tant que la
symétrie commune à la particule et au réseau de-
meure supérieure à celle du système réticulaire
qui vient immédiatement après, la condition qui
fixe le choix est remplie par seule raison de symé-
trie, quelle que soit la particule complexe. Mais
quand il faut tomber dans un degré inférieur, le
choix d'un réseau trop élevé pour la particule
demande à être justifié par des considérations pro-
pres à celle dernière.
Or, en général, et grâce à ce fait d'expérience,
que presque tous les corps peuvent être ramenés à
un réseau cubique, nous pouvons penser que ces
raisons ne manqueront pas. À côté de ses éléments
réels de symétrie, la particule aura des éléments-
limites; par exemple, il s'y trouvera des lignes,
occupant la posilion des axes quaternaires du
| réseau cubique, et telles que, par une rolalion
- de 90° ou même seulement de 180° autour de ces
lignes, la particule se trouve presque exactement
| subslituée à elle-même. Tout naturellement alors,
|
j
:
s
4
?
Rd cr,
ces lignes tendront à s'orienter suivant les axes
- qualernaires réels d’un réseau cubique, et ainsi le
+ réseau cristallin choisi jouira d'une symétrie sensi-
blement plus élevée que la particule.
D'une façon générale, on peut, avec M. Walle-
rant, définir un élément ou organe de symélrie-
« limite par celte condilion que, traité comme un
…— organe réel passant par le centre de gravité de la
parlicule, il amène celle-ci dans une situation telle
que sa superposition à la situation initiale déter-
mine une parlie commune plus grande que pour
n'importe quelle autre posilion.
Or, l'introduction de celle considération nous
- oblige immédiatement à étendre beaucoup la no-
- tion de mériédrie. Bravais avait fixé des limites
$ au-dessous desquelles la symétrie d'un polyèdre
- ne pouvait descendre, sous peine de faire tomber
le cristal dans un système réticulaire inférieur.
Mais ces limites s’appliquaient à la symétrie réelle.
Si la défecluosité de celle-ci se trouve suffisamment
compensée par l'existence d'éléments-limites, ces
derniers interviendront pour maintenir la particule
dans le système choisi. Seulement il en résultera
de nouvelles variélés mériédriques, non identiques
avec celles que Bravais avail si rigoureusement
classées.
Comme conséquence, aux groupes mériédriques
de Bravais, que caractérisait la symétrie relative-
ment élevée de la particule, toujours suffisante
pour que l'ordre du réseau ne pût s'abaisser d'un
degré, il convient d'ajouter ceux où celte symétrie
est restreinte, c'est-à-dire ne possède avec le réseau
que le minimum d'éléments communs. Le cas le
plus tranché est celui où l'existence d’éléments-
limites permellrait à une particule, dépourvue de
tout élément réel, de s'accommoder néanmoins,
pour la cristallisation, d'un réseau cubique. Si peu
probable qu'il paraisse au premier abord, un tel
choix ne doil pas être exclu.
Celte conception une fois admise, ce qu'on appe-
lait autrefois les azomalies opliques va maintenant
apparaître sous un jour tout différent. On voyait un
corps, tel que la Boracile, dont les formes accu-
saient un réseau cubique. Dans la persuasion que
Lous les corps cubiques devaient avoir une sphère
pour ellipsoïde oplique, et par conséquent être iso-
tropes, on s'élonnait de lrouver la Boracite nette-
ment biréfringente. Mais, en réalité, la particule
complexe de la Boracite est biaxe. Seulement, la
présence d'éléments-limites lui a permis de prendre
un réseau cubique, ce qui n'empêche pas les pro-
priétés opliques, gouvernées par la parlicule et
non par le réseau, d'être celles d’un corps non seu-
lement biréfringent, mais biaxe.
La même considération va entrainer d'autres :
conséquences, et donner à M. Wallerant la clef des
groupements cristallins, entendus dans leur sens
le plus général, de manière à comprendre non seu-
lement les macles proprement diles, mais aussi les
associations qui se traduisent, sous le microscope
polarisant, par la division d’une plaque mince en
plages diversement orientées.
Déjà, en ce qui concerne les macles, ou groupe-
ments de deux cristaux formant entre eux un angle
rentrant, la symétrie habituelle de ces associations
montre bien qu'elles doivent être gouvernées par
une loi, d'équilibre mécanique. Dans le plus grand
nombre, l'association des deux cristaux se fait sui-
vant une face plane, commune à tous deux, et le
second cristal se comporte comme si, primilivement
situé dans le prolongement ex&st du premier, il
avait tourné de 180° autour dune perpendieu-
laire à la face de jonction. C'est ce qu’on appelle
A12
une hémitropie, et, dans la plupart des cas, ce mou-
vement fictif a pour effet d'engendrer un édifice
géométriquement symétrique.
Cela prouve donc que, si les deux cristaux n'ont
pas pu s'orienter exactement l'un comme l’autre,
du moins leur voisinage ne leur à pas permis de
prendre des orientations indépendantes. Une force
a dû agir, qui a déterminé la seconde moitié à se
placer d'une façon déterminée par rapport à la pre-
mière. Quelle peut être celte force? L'idée de la |
symétrie-limite va nous aider à la découvrir.
Imaginons, par exemple, une particule complexe
pourvue d'un axe-limite. Si cet axe était un axe
réel, sur deux rangées normales à cet axe, et fai-
sant entre elles l'angle conforme à son degré, les
particules seraient à la fois symétriques les unes
des autres et parallèles entre elles, puisqu’une rola-
tion autour de l'axe les ramènerait en coïncidence
avec elles-mêmes. Il n’en est plus ainsi quand l'axe
est seulement axe-limite. Alors, deux cas peuvent
se présenter : ou bien la cristallisation se fait assez
largement pour qu'un seul cristal prenne naissance,
où Loutes les particules auront la même orientation ;
ou bien la cristallisalion est quelque peu troublée,
ce qui empêche la formation d’un gros cristal homo-
gène. Mais alors, à côté d'une portion qui vient de
se constituer normalement, une particule complexe
voisine, par raison d'équilibre, devra tendre à
adopter, grâce à l’axe-limite qu'elle possède,
l'orientation qui l’éloignera le moins de celle du
groupe précédent. Ayant ainsi pivolé autour de son
axe-limite, et occupant, de cetle manière, la situa-
tion qui assure le mieux son équilibre relalivement
à l'édifice contigu, elle pourra devenir le point de
départ d'une nouvelle portion cristalline qui, rela-
tivement à la précédente, aura une orientation
symétrique par rapport à l'axe. Supposons que cet
axe soit d'ordre 3 ; trois cristaux se trouveront ainsi
associés autour de lui, et l'axe, qui fait défaut
comme élément réel à la particule, sera un élément
réel du groupe des trois cristaux.
Il ne s’agit donc plus, comme le pensait Mallard,
d’une sorte de tolérance de la Nature, admettant à
prendre part à la formation d'un seul édifice trois
sorles de matériaux peu différents les uns des
autres. C’est une raison d'équilibre qui détermine
ce groupement, et on peut prévoir, pour chaque cas,
par un calcul très simple, de combien d'éléments le
groupement se composera, expliquant ainsi, de
facon lumineuse, nombre de faits déjà enregistrés
par l'observation.
D'ailleurs, ce ne sont pas seulement les axes,
seuls envisagés par Mallard, qui serviront d'appui
à ces combinaisons. Les plans-limites et les centres-
limites y auront les mêmes droits. De plus, les élé-
ments-lunites des particules fondamentales, S'il en
A. DE LAPPARENT — L'ÉVOLUTION DES DOCTRINES CRISTALLOGRAPHIQUES
existe, joueront un rôle analogue. Enfin, il en sera
de même pour ceux des éléments réeis de la parti=
cule complexe qui, en raison de leur nature, ne
pourraient appartenir à un réseau parallélipipé=
dique.
La symétrie-limite étant laraison d'être des grou-
pements de cristaux, ces groupements doivent être
d'autant plus fréquents que la particule complexe
est moins riche en éléments réels, c'est-à-dire que
la mériédrie est plus prononcée. Les macles appa-
raissent done comme une compensation de ce qui
manque à la particule. Et, de fait, comme l'a remar-
qué M. Wallerant, il y a des substances, mérié-
driques qui ne se présentent jamais qu'en cristaux
maclés. D'ailleurs, dans les cas nombreux où les
divers groupes conservent le même réseau, la macle,
se dissimule sous l'apparence d'un cristal urique
de symétrie supérieure, et il faut, pour la révéler,
soit l'étude optique, soit celle des figures de corro-
sion.
X
Tel est le principe fécond de l'ingénieuse analyse
par laquelle M. Wallerant a, pour la première fois,
établi une classification satisfaisante des divers
modes de groupements des cristaux. Chemin fai-
sant, celte analyse lui a fourni l'explication de
plusieurs macles dont, jusqu'alors, il avait été
impossible de justifier logiquement la formation.
Elle lui a permis également de montrer qu'une face
quelconque ne pouvait pas être indifféremment
choisie pour l'accolement de deux cristaux; enfin,
que les cristaux cubiques holoédriques ne devaient
offrir que deux sortes de plans de macle : résultat
conforme à l'observation, mais inexpliqué jus-.
qu'ici.
La fécondité de la méthode est encore attestée M
par la facililé avec laquelle elle semble permettre
l'explication du polymorphisme. Pour cela, il suffit
à M. Wallerant d'appliquer aux particules fonda
mentales les règles de la symétrie-limite. On com-
prend que l'existence d'éléments-limites, dans une
parlicule de ce genre, doive entrainer un grou-»
pement semblable à celui des cristaux proprement
dits, et qui engendrera une parlicule complexe. Or,
si les éléments-limiles en question font justement
entre eux les angles exigés par la symétrie réelle
d'un polvèdre, le groupement des particules fonda
mentales ne peut se faire que d'une manière, et le.
corps est monomorphe. Si, au contraire, les angles
des éléments-limites sont légèrement différents de
ce qui conviendrait, il se produira divers groupez=
ments, donnant naissance à des particules com=
plexes non identiques, quoique très voisines el de
même symétrie totale. Dans la cristallisation, ces
particules se disposeront suivant les mailles de.
Loco …
v
A. DE LAPPARENT — L'ÉVOLUTION DES DOCTRINES CRISTALLOGRAPHIQUES 113
réseaux presque rigoureusement semblables ; mais
les différences se traduiront par des apparences de
cristallisation distincles, engendrant le polymor-
phisme.
D'ailleurs, les angles des éléments-limites, ainsi
que le degré de leur approximation, seront sus-
ceptibles de varier avec la température. Celle-c1, en
s'élevant, pourra donner à la particule fondamentale
une symétrie supérieure qui, une fois réalisée, auto-
risera le retour à un groupement monomorphe. Tel
serait le cas de la Boracite, qui, on le sait, devient
_ isotrope à 265 degrés.
Ilserait ici hors de propos d'insister davantage
sur ces considérations délicates, dont on trouvera
le développement dans les publications de M. Wal-
lerant, Nous croyons en avoir assez dit pour faire
apprécier la valeur de ces conceptions ingénieuses,
qui se recommandent suffisamment par l’ordre re-
marquable qu'elles introduisent dans une série de
phénomènes, dont le premier aspect était plus ou
moins aberrant. Cependant, nous ne saurions ter-
miner sans indiquer, avec l’auteur, comment la
symétrie-limite suffit à rendre compte de la forma-
tion des parlicules complexes.
Les particules fondamentales élant des éléments
concrets qui agissent les uns sur les autres à dis-
tance, on conçoit que les actions d’une telle parli-
cule sur un point extérieur puissent prendre des
valeurs sensiblement égales pour des posilions du
point symétriques par rapport à des droiles, à des
plans ou à un centre. La particule jouira done, au
point de vue mécanique, d'une symétrie-limite, qui
doit trouver son expression dans une symétrie-
limite d'ordre géométrique, et alors cette dernière,
suivant la loi générale des groupements, devient
une cause suffisante pour la formation, par associa-
tion, de plusieurs particules fondamentales, d'une
particule complexe plus symétrique.
Mais la symétrie-limite, que nous avons attribuée
à la particule fondamentale, nous permel de re-
porter le même raisonnement sur les molécules
chimiques qui la composent. Ainsi, selon l'expres-
sion de M. Wallerant, « la symétrie des corps cris-
tallisés devient le résullat d'une série d'étapes
successives, chaque élape étant en progrès sur
l'étape précédente, au point de vue de la symétrie ».
Un rudiment de régularité détermine d'abord l'as-
sociation de plusieurs molécules; l'édifice ainsi
engendré prolite de sa moindre imperfection pour
constituer une particule complexe, et, chez cette
dernière, le progrès est tel qu'il peut suffire à lui
assurer un réseau de symétrie élevée, c'est-à-dire
une stabilité de beaucoup supérieure à celle que le
corps amorphe aurait pu réaliser.
XI
L'évolution doctrinale dont nous venons d'es-
quisser les phases a-t-elle dit son dernier mot? Il
serait téméraire de l'affirmer. Quoi qu'il en soit, la
Cristallographie française a le droit, croyons-nous,
d'être fière de son œuvre. Ce n'est pas à des recu-
lades successives qu'elle a dû se résigner. Au con-
traire, toujours fidèle à son principe fondamental,
elle n'a eu chaque fois qu'à en renouveler l'expres-
sion en la précisant; et, tandis que son édifice
théorique gagnait progressivement en rigueur
géométrique, chaque fois aussi on la voyait prendre
un contact plus intime avec la réalité, serrant de
plus près ces relations de cause à effet dont la con-
naissance doit être le but de toute science digne de
ce nom. Que d’autres, si c'est leur goût, se com-
plaisent dans des constatalions purement expéri-
mentales, systématiquement écartées de toute
nolion de causalité, ou donnent leur préférence à
des considérations mathématiques à la fois com-
pliquées et sans signification objective bien mar-
quée. En restant fidèle aux traditions françaises,
nous croyons rendre un meilleur service à l'ensei-
gnement d’une science vers laquelle les adeptes
viendront plus volontiers si, dans un édifice doc-
trinal qui ne les éloigne jamais du monde réel, ils
sont assurés de trouver à la fois la rigueur, la lim-
pidité et l'élégance.
A. de Lapparent,
de l'Académie des Sciences,
Pro’esseur à l'Institut Catholique &e Paris
ALA
L. DE LAUNAY — UN PROJET D'EMPIRE COLONIAL FRANÇAIS SOUS LOUIS XV
UN PROJET D’EMPIRE COLONIAL FRANÇAIS
SOUS LOUIS XV
Parmi les événements, qui paraitront un jour
caractéristiques et fondamentaux de notre époque,
il semble bien qu'il faille compter, en première
ligne, cetle prise de possession rapide de la lerre,
celte expansion soudaine, par laquelle nos vieilles
nalions européennes, lasses d’étouffer entre des
frontières étroites, vont chercher au loin, comme
un moyen de se rajeunir et de se retremper, ce que
les contrées, hier encore inconnues, renferment de
ressources vierges. Dans ce mouvement, qui rap-
pelle, à bien des égards, celui du xvi‘ siècle, la
France à pris sa part glorieuse. Ce qu'est, ce que
vaut son empire colonial, on a essayé, à diverses
reprises, de le faire connaîlre scientifiquement dans
cette Æevue par les belles monographies sur le
Congo, sur Madagascar, sur la Tunisie, etc., que
ses lecteurs n’ont pas oubliées. Le plan de coloni-
sation, que je me propose d'analyser ici, d'après un
manuscrit de 1767, lombé par hasard entre mes
mains, présente, on le verra, cetle particularité,
qu'il est, en grande partie, celui-là même à l’heu-
reuse réulisalion duquel nous venons d'assister
depuis trente ans. Des hostilités ou des incuries
administratives l'ont fait avorter, il y a un siècle.
Outre l'intérêt de curiosité, que présente, dans ce
cas particulier, la vieille histoire, toujours trop
jeune, de l’homme d'initiative paralysé par la rou-
tine, elle doit peut-être provoquer ici un sentiment
d'un autre genre, je veux dire un juste hommage
pour l’auteur de ce projet, que ses contemporains
ont considéré seulement comme un original
remuant el encombrant, et qui, s'il eût été écouté,
cût pu cependant nous conquérir, à bien peu de
frais, dès le Lemps de Louis XV, au lendemain du
traité de Paris, les contrées mêmes.sur lesquelles
nous avons pu jeter notre dévolu longtemps après :
le Tonkin, la Cochinchine et Madagascar, aux-
quelles il ajoutait, par une singulière prescience
de l'avenir, le Transvaal, l'Abyssinie et même
l'isthme de Suez, où il proposait d'établir un transit".
L'homme dont il s'agit est un M. de Maudave,
connu surlout dans notre histoire colonialé par
son essai d'occupation de Madagascar en 1768,
mais dans la vie aventureuse duquel celte tentative,
sur laquelle on à généralement insisté”, ne fut, on
! Je suis loin de prétendre que toutes les idées de Mau-
dave fussent nouvelles de son temps ; mais beaucoup d'entre
elles, qui avaient été émises au début du xvnre siècle, étaient
tombées, depuis lors, dans un complet discrédit.
? Voir notawment : Poucet pe Sr-Axbné : La colonisation
va le voir, qu'un épisode. Sans vouloir faire un
chapitre d'histoire, qui serait peu à sa place, il
convient cependant de rappeler en quelques mots
ce qu'était l'individu, et dans quel milieu il se trou-
wait placé, pour faire apprécier ce qu'eût pu valoir
son œuvre. On comprendra, par l'extraordinaire
roman de cette existence mouvementée, combien ®
Maudave, à quarante ans, lorsqu'il écrivait, pour le
duc de Praslin, ministre de la Marine, ou pour les
Directeurs de la Compagnie des Indes, les rapports
très étudiés et circonstanciés, dont je donnerai plus
loin des extraits, apportait, à l'appui de ses propo-
sitions, une forte expérience du monde, de la vie
el des hommes, avec les preuves les plus décisives
d'initiative hardie, d'endurance indomptable, d’ha-
bileté même dans des circonstances difficiles.
Il est seulement étonnant qu'une carrière aussi
tumultueuse lui ait laissé le loisir de cultiver si
bien son esprit et de se former le style très net,
parfois élégant, qui donne une valeur de plus à ses
Mémoires.
Entré au service à quinze ans, en 1740, Maudave
y resta de 1740 à 1756, et fit, non sans éclat, presque
toutes les campagnes de celte période batailleuse,
où il eut plus d'une occasion de développer la
bonne haine cordiale qu’on le voit, en toute occa-
sion, témoigner aux Anglais; c'est ainsi qu’en 1756,
il se conduisit brillamment contre eux au siège de
Mahon, et gagna la croix de Saint-Louis. Presque
aussitôt, il passa de là dans l'Inde avec Lally-
Tollendal et y accomplit, comme loute cette pauvre
armée si mal conduite, quelques merveilleuses
prouesses, rendues malheureusement inuliles par
l'incapacilé du général en chef.
En 1758, mettant fin à une jeunesse orageuse, où
les incidents piquants ne manquèrent pas, il se
maria avec la fille du gouverneur de Karikal,
Mlle Porcher de Soulches, et crut un moment
retrouver ainsi une fortune considérable, repré-
sentée par de grands biens dans ce pays.
Mais, dès l’année suivante, tandis qu'il était en
France, où le Gouvernement l'avait rappelé, ses
biens subirent le sorl commun de toules nos pos-
sessions indiennes. Les Anglais s'en emparèrent,
brülèrent, pillèrent et saccagèrent sans merci.
de Madagascar sous Louis XV (1886), et V. Tanrer: Un essai
de colonisation à Madagascar en 1768 (Aevue Bleue, du 19
octobre 1895).
À St
FR ak:
Maudave, à peu près ruiné, demanda immédia-
“tement à être renvoyé dans l'Inde, et l’oblint sans
J peine. On le chargea même d'une véritable mission
— de confiance, et, par un très long pouvoir, on l'auto-
risa généreusement « à susciter aux Anglais le plus
… d'ennemis et d'embarras qu'il lui serait possible ».
Mais celte feuille de papier fut le seul secours
k qu'on lui donna, et le plus extraordinaire, de
Lo en effet, sans recevoir un centime de l'État, i
À réussit à armer contre l'Angleterre divers er
indiens, parmi lesquels celui de Maduré, qui, après
avoir soutenu un long siège, forca le général
anglais Lawrence à battre en retraite (1763).
Voici, d'ailleurs, comment, dans un Mémoire
inédit adressé à la Compagnie des Indes le 17 août
1767, il rappelle incidemment lui-même son rôle
dans celte circonstance :
—. « Vous savez, Messieurs, que l'état politique de
- la côte de Coromandel est absolument changé. Les
«_ Anglais, sous le nom du nabab d’Arcate’, en sont
Î absolument les maitres, et il ne reste quelqu'ombre
… de liberté que dans la partie du Sud, c'est-à-dire
… que le Tanjaour ?, les deux Marava et le Toudaman
n'obéissent qu'à moilié au gouvernement d'Areale,
dont ils dépendent. J'avais ménagé, dans le courant
de l’année 1762, une révolution importante, qui
éclala en février 1763. Je fis soulever, à l’aide de
deux ou trois cents fugitifs français que je ras-
semblai, le pays de Maduré?, sous la conduite d'un
Mogol plein d'esprit et de courage, qui soutint avec
succès deux sièges longs et meurtriers pendant
cette même année. Le général de l'armée anglaise
- et plus de 1.200 soldats européens périrent au pied
“ des remparts de Maduré. Si les Anglais réussirent
… une troisième fois, ce ne fut que par une insigne
« perfidie, sur laquelle je ne veux entrer dans aucun
Bictair.
…._ « Cette révolution était infiniment ulile à nos
affaires ; elle coupait en deux la puissance du
nabab d'Arcate: elle formait une confédération
entre les Puissances du Sud pour leur mutuelle
* conservalion; j'ai soutenu la gageure autant qu'il
m'a été possible; j'ai été sourd aux menaces des
“Anglais, qui m'ont assez estimé pour n'oser me
‘faire aucune offre : ressources qu'ils employèrent
… plus fructueusement après mon départ; je conserve
L encore une lettre fulminante, que le Conseil de
- Madras m'écrivit pour m'averlir qu'ils sollicite-
raient ma punition en France, si je ne cessais
- de leur nuire directement ou par de secrètes
influences.
…. «Je ne sais s'ils ont, en effet, sollicité ma puni-
« tion; ma conduite dans l'Inde est restée, de la part
un
k
LUS RATE
—._ : Arcot ou Arkot, ancienne capitale de la Carnatique.
2 Tandjore ou Tandjavour.
. % Madoura.
DL. DE LAUNAY — UN PROJET D'EMPIRE COLONIAL FRANÇAIS SOUS LOUIS XV A5
de la Cour et de la Compagnie, sans blàme el sans
approbalion. J'en ai été pour des peines et des
travaux incroyables, et pour me voir en proie aux
calomnies insensées et aux murmures ténébreux
d’une vermine écrivante et murmurante. Je ne me
rends ici ce témoignage à moi-même que pour la
salisfaction de ma propre conscience, et je puis
l'appuyer sur les preuves les plus solides et les
plus indisputables.…... »
Tandis que Maudave luttait ainsi dans l'Inde, on
négociail en Europe. La fin de la guerre de Sept-Ans
le contraignit à l'inaction, et décida son départ
pour l'Ile de France, où, avec les débris de sa tor-
tune, il acheta quelques biens, qu'il commença à
faire valoir.
Moins de trois ans après (1766), nous le voyons
devenu l’un des principaux colons de l’île, où il
possédait un établissement de 500 noirs et faisait,
avec la Compagnie des Indes, des affaires d'une
certaine importance. Quelques-unes de ces diffi-
cultés légales et administralives, en partie causées
par l'hostilité anglaise, en partie aussi par les
erreurs de notre centralisation, contre lesquelles
l'ile sœur de la Réunion continue toujours à se
débattre, déterminèrent, à ce moment, les habi-
tants de l'Ile de France à envoyer Maudave à Paris
comme député, pour exposer leurs doléances, et
faire connaitre la crise intense qu'ils subissaient.
Quand Maudave arriva à Paris avec son Rapport,
le ministère avait déjà tranché la question sans
l'attendre. Le contretemps était fâcheux ; mais
notre député, homme de ressources, n'était pas
d'un tempérament à se démonter pour si peu.
Fort bien reçu par le ministre de la Marine, le
duc de Praslin, ancien ami de son père, il com-
menca à lui parler éloquemment des projets qu'il
avait concus pour réorganiser notre puissance colo-
niale dans la mer des Indes, en prenant un point
d'appui à Madagascar, et, comme entrée de jeu, il
lui offrit de conquérir pacifiquement la grande ile,
sur laquelle Richelieu et Colbert avaient eu déjà les
yeux fixés, si on lui prêlait, pour trois ou quatre
ans, une centaine d'hommes et une pacotille de
quelques dizaines de mille francs, qu'il s'engageait
personnellement à rembourser à l'échéance.
L'idée était séduisante, à un moment surtout où
la France venait de perdre toules ses colonies et
cherchait vainement une compensalion; Maudave
l'exposa fort bien; pendant six mois, il entass:
Rapports sur Rapports (ceux précisément dont je
vais donner des extraits); enfin le ministre se
déclara convaincu et, au début de 1768, fit partir
secrètement Maudave avec le titre de « Comman-
dant pour le Roi dans l'ile de Madagascar », et la
mission honorable de conquérir lui-même le pays
de son commandement ; plus une cinquantaine
A16
L. DE LAUNAY — UN PROJET D'EMPIRE COLONIAL FRANÇAIS SOUS LOUIS XV
d'hommes, et, pour le reste, de fort belles pro-
messes.
Cette tâche nouvelle présentait, dès le début,
quelques ressemblances regrettables avec celle
dont on l'avait chargé, sept ans auparavant, dans
l'Inde ; néanmoins, Maudave, qui possédaitle don par
excellence, la foi, s'embarqua plein d'enthousiasme
pour Fort-Dauphin, où il s'installa bientôt avec sa
jeune femme, et se mit énergiquement à l’œuvre.
Pendant deux ans et demi, en effet, du 14 juillet
1768 à décembre 1770, il appliqua toutes ses forces
à réaliser un plan très sérieusement et müûrement
conçu, dont l’idée fondamentale, on peut en juger
par ses Mémoires, ressemblait fort à ce que nous
appelons aujourd'hui l’organisation d'un protec-
oral, avec troupes indigènes encadrées d'Euro-
péens; sans aucun souci personnel, il négligea
entièrement, pour se consacrer à celle œuvre
patriolique, la geslion de ses biens de l'ile de
France; là encore, comme dans l'Inde, il oblint
des résultats extraordinaires pour les ressources
dont il disposait, et faillit nous donner, un siècle
plus tôt, la colonie qu'il nous a fallu acheter
récemment au prix de tant de millions et de vies
humaines. Mais, une fois de plus, un si beau zèle
fut inutile. À Paris, au ministère de la Marine, on
avait absolument oublié Maudave, qui n’était plus
là pour plaider sa cause. Madagascar était très loin
à cette époque (134 jours de traversée). On avait
autre chose à faire dans les bureaux que de lui
envoyer les marchandises, l'argent et les hommes
si formellement promis. En vain, Maudave réclama;
ses lettres, soigneusement classées dans les cartons
des Archives (où l’on peut les lire encore), restèrent
sans effet. Il y eut là une correspondance navrante,
trop souvent dans le ton des deux échantillons, pris
au hasard, que je vais reproduire: la correspondance
d'un homme, qui est parti à des milliers de lieues
servir sa patrie, qui a tout sacrifié à la gloire de
son entreprise, qui y dépense toules ses forces, qui
y risque chaque jour sa vie, et qui sent que son
crédit s’'épuise, pendant ce lemps, à Paris, qu’on
l’'abandonne, qu'on va le laisser périr au port, faute
d’un peu d'appui :
« Je ne puis plus rien faire, Monseigneur, si je
ne recois des colons. Je n'ai auprès de moi que des
soldats et cinq ou six ouvriers particuliers. Déci-
dez, Monsieur le Duc, s’il convient que je me mor-
fonde inutilement à Madagascar en attendant vai-
nement des secours qui ne viendront pas. J'ai mis
les choses au point où il faut pour travailler avec
honneur et profit. Mais je ne puis plus rester dans
l'état actuel... N'abandonnez pas un si grand ou-
vrage, Monsieur le Duc, pour de légères contradic-
tions. Je vous engage ma vie, ma foi et mon hon-
neur que je n'ai rien exagéré dans les avantages
que je vous ai promis. Daignez vous en reposer
sur moi, et envoyez-moi les sommes que je vous
demande. » (16 août 1769.)
Et; “un"an après: "cn... Je tremble, Monsei-
gneur, que vous ne soyez dégoûté de mon projets
et que vous ne m’envoyiez l'ordre de m'en retour-
ner. Si ma crainte est vaine, vous ne tarderez pas
à vous applaudir de m'avoir donné quelque
créance. » (août 1770.)
Enfin, ce personnage, qu'on ne voyait jamais au
‘ Ministère et dont on ne recevait que des réclama-
tions, parut tout à fait fâcheux; le moment était
bon pour le gouverneur de l'ile de France, M. Des-
roches, qui jalousait Maudave et craignait de lui
voir prendre une trop grande imporlance. Quel=
ques Rapports perfides, où l'occupation de Mada=
gascar fut représentée comme tout à fait inulile et
même nuisible, amenèrent, en décembre 1770, le
rappel pur et simple de Maudave, qui, ruiné une
fois de plus par l'abandon où il avait laissé ses
biens de l'ile de France pendant deux ans, rentra
à Paris essayer de défendre encore un projet à la,
grandeur duquel il ne renonçait pas. }
Maudave se faisait toujours mieux écouter de
près que de loin. En outre, un changement de
ministère était déjà à cette époque une occasion
favorable pour faire reprendre une tentative que
le ministre tombé venait de renoncer à poursuivre."
M. de Praslin ayant cédé son portefeuille à M. de
Boynes, celui-ci, probablement sur les instances de
Maudave, se décida, en 1774, à réoccuper Madagas-
car, et y consacra, du premier coup, l'argent et les
hommes nécessaires; seulement, par une inconsé-
quence curieuse, ce ne fut pas Maudave qu'il en
chargea, mais un aventurier hongrois, protégé par
la Reine et le duc d’Aiguillon, Beniowski, qui new
réussit, avec les deux millions qu'on lui confia,
qu'à entasser faute sur l'aute, nous aliéner les Mal-
gaches, rendre la prolongation de l'établissement
impossible et, pour conclure, offrit ses services à
l'Angleterre.
En 1775, Maudave avait cinquante ans, un àge
où l’on songe d'habitude à liquider ses entreprises
anciennes plutôt qu'à en commencer de nouvelles;
il avait déjà été ruiné deux ou {rois fois; il avait
beaucoup promené ses projets et ses espérances
d'un bout du monde à l’autre; il avait combiné bien
des plans palrioliques, qui ne lui avaient rapporté
que des déboires; il aurait pu se reposer. Au lieu
de cela, qu'imagine-t-il? Toujours plein de son idée
de reprendre l'Inde aux Anglais, el de contre-balan-.
cer, hors d'Europe, leur puissance envahissante, il
se rappelle qu’il a connu autrefois le Grand Mogol,
et l'a vu effrayé des progrès anglais. De là à conce=
voir une alliance possible avec lui, et une attaque
victorieuse de l'Inde par le Nord, il n'y a qu'un
L. DE LAUNAY —— UN PROJET D'EMPIRE COLONIAL FRANÇAIS SOUS LOUIS XV
AT
«trois amis et quelques serviteurs, arrive, à travers
mille dangers, auprès de l'Empereur, qui l’accueille
“avec bienveillance, parle, est insinuant, convain-
“cant comme toujours, et sort de l'audience avec la
« promesse d'une armée et une lettre demandant à
“Louis XVI l'alliance et le protectorat de la France.
Celle entreprise extraordinaire allait-elle donc
réussir? Non; la malchance de Maudave l’atteint
“encore une fois. Le Grand Mogol meurt subitement,
et son successeur, méconnaissant toutes ses pro-
“ messes, ne donne à Maudave qu'un commandement
“ sans imporlance, sous les ordres d'un Français,
nommé Madec, qu'il a fait son général en chef.
Madec, jaloux de Maudave, le tient à l'écart, Le dé-
courage, l'amène finalement à quitter l'armée
“mogole, et le pauvre rêveur, toujours déçu, va
mourir misérablement de la fièvre à Mazulipatam
(1778). l
$
À IT
Tel fut l'homme; prenons-le maintenant à l'heure
… de ses plus belles illusions, dans les mois qui pré-
cédèrent son départ pour Madagascar, et voyons
comment il concevait tant de grands et originaux
projets, auxquels l'événement devait, pour un siècle,
donner un démenti apparent, mais qui, tous ou
presque tous, ont été repris (un peu plus coûteu-
sement) de nos jours. Là est surtout l'originalité
- des documents nouveaux que je possède, puisque
le recueil s'arrête au moment du départ de Mau-
dave à Madagascar!.
Mais, avant de reproduire son plan de réorgani-
sation coloniale dans la mer des Indes, il n'est peut-
- être pas inutile d'indiquer encore succinctement
… quelle était la situation en 1767, au moment où il
4 écrivait, et quelles tentatives avaient déjà été failes
É par la France dans les mêmes régions, antérieure-
« ment à lui. Le rappel sommaire deséchecs, auxquels
-aboutirent successivement nos divers essais de
… colonisation officielle et ministérielle sous nos plus
Li grands ministres, Richelieu, Colbert, etc., contri-
… buera à faire apprécier les vues toutes différentes
“de Maudave, qui se prononcait pour une colonisa-
tion libre et non administrative, commerciale et
K
-non politique : la question n’est pas, aujourd'hui
… même, sans présenter quelque intérêt d'actualité.
Les premières Compagnies de commerce colonial
françaises, à l'image de celles des Anglais et des
. Hollandais, remontent, on le sait, à Richelieu, et
furent toutes plus ou moins malheureuses ?. Celle
1 Ce recueil est le copie de lettres autographe de Maudave,
- renfermant, écrit de sa main, le brouillon de tous ses rapports.
? Cie du Morbihan au Canada; Cies du Sénégal, des Antilles
… (ou des îles de l'Amérique), de Madagascar et des Indes-
Orientales, etc. Voir Carzzet : L'Administration en France
pas. Sans hésiter, il se met en roule avec deux ou | de Madagascar,
. habitant d'avoir 200 volailles, 12 porcs,
consliluée une première fois de
1611 à 1615, avec le privilège pour douze ans du
commerce au delà du cap de Bonne-Espérance,
reforma, en 1642, sous la direction de Berruyer el
Desmartins, qui avaient déjà envoyé à Madagascar,
en 1638, Francois Cauche. Comptant, parmi ses
principaux actionnaires, le maréchal de la Meille-
raye et le surintendant Fouquet, qui parurent
surtout occupés à s'éliminer mutuellement
l'affaire pour en tirer un profit personnel, elle eut
cependant pour conséquence l'établissement, à
Fort-Dauphin, de Flacourt, qui s’y maintint dix
ans, et le premier peuplement de Bourbon. La
disgrâce de Fouquet et la mort.du maréchal de la
Meilleraye, en 1664, amenèrent alors la cession de
Madagascar au roi Louis XIV et la reconstitulion
de la Compagnie des Indes-Orientales par Colbert,
qui, en excellent bureaucrate, ne manqua pas d'y
appliquer son système ordinaire de réglementation
à outrance el de formalisme administratif, lorsqu'il
expédia à Madagascar, en 1665, le marquis de
Mondevergue.
L'entreprise, pourtant, lui tenait à cœur ; il lui
accorda les plus grands privilèges, et trouva même,
pour lui procurer des actionnaires, une méthode
que l'on pourrait recommander à nos hommes
d'État : celle de taxer les principaux personnages
dépendant du Roi, fonctionnaires en tèle, à un
nombre d'actions déterminé selon leur rang. Mais
concoit-onune colonie de Madagascar, au xvn°siècle,
où les tribunaux devaient juger strictement d'après
le coutumier de Paris, où le blasphème par récidive
élait puni de six heures de carcan, où il était défendu
aux Francais d'épouser une indigène non catholique,
où les particuliers n'avaient pas le droit de com-
mercer, etc. !. C’est toujours la même erreur fatale
et bien francaise, qui nous fait appliquer, aux nègres
de la Guadeloupe ou aux créoles de la Réunion,
les rouages compliqués et paralysants de notre sys-
tème électif, imposer notre système monélaire dans
nos colonies asiatiques, traiter des sauvages du
Soudan suivant les règles générales applicabies à
tout citoyen, de Belleville au Tonkin, et qui, même
dans l’ordre privé, nous conduit à diriger de Paris
les affaires les plus lointaines, au moyen de Conseils
d'administration distrails et incompétents.
se
de
sous le ministère du cardinal de Richelieu, t. IL. — Guer :
Les origines de l'ile Bourbon et de la colonisation francaise
à Madagascar, 1888. — Relations de Cauche (1638-1642);
Flacourt (1661), sur Madagascar. — DE RENNErORT (1688) : His-
toire des Indes-Orientales, etc.
1 Paucrar : Louis XIV et la Cie des Indes-Orientales de
1664, Paris, Calmann Lévy, 1886. — P. CLéuenr : Histoire
de Colbert, 1874, t. I, p. 498 — Voir, dans l'ouvrage de GUEr
(loc. cit.), p. 124, l'ordonnance de M. Delahaye à l'ile
Bourbon en 1674. « Chaque habitant nourrira deux bœufs...,
nul ne tiendra ni chien, ni chienne ;.… ordre à chaque
et six milliers de
riz, etc., etc. ».
A
118
L. DE LAUNAY — UN PROJET D'EMPIRE COLONIAL FRANÇAIS SOUS LOUIS XV
Dans les onze premières années, la Compagnie
des Indes perdit six millions et demi.et, dans la
suite, sauf un instant très bref de prospérité, elle
ne fit que végéter, jusqu'à sa déconfilure finale.
Compagnie officielle, voulant faire grand du
premier coup, et toujours disposée à oublier son
but commercial pour un apparent intérêt polilique,
en outre fort mal servie par la plupart de ses agents,
ileût été, du reste, fort extraordinaire qu'elle obtint
un meilleur succès!
À Madagascar, tout finit par un massacre en 1674,
et, sauf un rapport demandé en 1714 par le comte
de Pontchartrain au gouverneur de Bourbon,
M. Parat, il ne fut plus question de cette colonie
pendant près d’un siècle. Quant aux événements qui
amenèrent la perte de l'Inde en 1763, ils sont
connus de lous.
Au moment où M. de Maudave rédigea ses Mé-
moires, en 1767, il ne nous restait, de nos anciennes
possessions dans la mer des Indes, que les îles de
France et de Bourbon, avec quelques comptoirs
ruinés à Pondichéry, Karikal, Mahé, etc. C’est done,
en prenant pour pivot de ses combinaisons les
deux îles des Mascareignes, qu'il projetait de recom-
mencer la lulte commerciale et politique contre
l'Angleterre.
Mais, suivant lui {il est constamment revenu
sur cette opinion), si la possession des deux iles
nous élait absolument indispensable comme le
seul point d'où l’on pût faire une guerre avanta-
geuse aux Anglais, isolées, elles n'en étaient pas
moins un gouffre de dépenses vaines. D'où l'idée
d'occuper pacifiquement Madagascar, qui, protégée
par l'ile de France, devait, en échange, la nourrir
et servir de base pour toutes les entreprises com-
merciales sur la côte d'Afrique, dans la mer Rouge,
en Perse, dans l'Inde et dans l'Extrème-Orient.
Telle est l’idée mère du plan, que nous allons le
voir développer dans ses Rapports adressés aux
syndics de la Compagnie des Indes et au ministre
de la Marine. Les premiers, qui sont d’un intérêt
plus général, et vont surtout nous occuper ici,
avaient pour but d'exposer à la Compagnie com-
ment elle pourrait se reconstituer sur des bases
nouvelles et lrouver, dans sa détresse présente, des
éléments de prospérité; les autres, sur lesquels
Je reviendrai peut-être un jour, visent le projet
plus spécial d’un établissement à Madagascar.
Le recueil que j'ai en mains renferme trois Mé-
moires principaux à la Compagnie des Indes, en
date de juillet 1767, du 17 août 1767, et du 24 sep-
tembre 1767, plus divers Rapports de détail sur
Pondichéry. Dans tous, on voit Maudave protester
contre la superslilion qui prétendait identifier
notre fortune dans l'Inde avec la prospérilé appa-
rente de Pondichéry, et réclamer avec insistance
la diminution de la tutelle administrative, de la
centralisation et du fonctionnarisme, la suppres=
sion d'un faste inutile, la substitution du com-=
merce à la politique, l'abandon des codifications
uniformes imposées aux pays les plus divers; à
l'occasion, il s'y montre économiste en étudiant la
question monétaire, toujours si capitale pour les
pays en relation commerciale avec l'Inde et
l'Extrème-Orient. Les quelques extraits suivants
pourront en donner une idée, mais on remarquera
surtout les passages relatifs au Tonkin, à l'Abys=
sinie, et au commerce de la mer Rouge par l'isthme
de Suez :
… «€ Dans la situation où est aujourd'hui votre
Compagnie aux Indes, écrivait-il en juillet 1767,
que lui sert un tribunal sous le nom fastueux des
Conseil supérieur? À la place de ce tribunal sans
occupation, substituez quatre personnes inlelli=
gentes dans les affaires de commerce... Au lieu de
ce monde d'employés et de commis, qui vous sont
trop à charge, je ne vous souhaite que des facteurs
et des correspondants : je ne vois aucune diffé
rence réelle entre la Compagnie des Indes et quel=
que autre maison de commerce que ce soit, si vous.
en exceplez l'importance de l'objet et la multipli=
cilé des affaires; vous devez donc vous conduire.
sur les mêmes maximes, et surtout éviter un vains
élalage d’ostentation et d'état politique, qui ue
convient plus à votre situation, qui ne lui a jamais
convenu, et sur lequel on pourrait peut-être rejeler
une portion de nos pertes el de nos désastres.
. «Je soutiens qu'un système régulier peut êlre
plus aisément suivi par un seul homme qui aurait
votre confiance, que par un prétendu tribunal, tou-
jours bizarrement composé, où l'intérêt de chaque
particulier divise l'Administration et étouffe le bien:
public. Aussi, malgré les maximes républicaines,
voyons-nous le général de Batavia exercer l’aulo=
rilé la plus despotique.
. « L'un des meilleurs moyens de vivilier le
commerce de la Compagnie dans les Indes est, à
mon sens, de favoriser le commerce des parliculiers.
Il vous convient notamment de faciliter à vos
employés les moyens honnètes de faire fortune
par un travail assidu et une industrie vigilantes
car ce serait une folie d'imaginer que les appoin-
tements que vous pouvez donner fussent au fond
suffisants à l'ambition des plus modérés; en pro=
curant à chacun les moyens de travailler suivant
ses forces el sa valeur, vous remplirez un double
objet.
… « Le commerce des Indes, pris dans son sens
absolu, est ruineux pour l'Europe en ce que nous
y portons notre or et notre argent en échange des
produils de l'industrie des Indiens... On peut mème
altribuer à celte cause ces épuisements d'argent, où
L. DE LAUNAY — UN PROJET D'EMPIRE COLONIAL FRANÇAIS SOUS LOUIS XV
119
l'Europe a langui avant la découverte de l'Amé-
ique… Mais ces terreurs s'évanouissent en les con-
“sidérant d'un œil impartial et philosophique. Les
“mines du Mexique et du Pérou ne seront pas
“apparemment silôt épuisées. Vous pouvez même
“diminuer la sortie de l'or et de l'argent par une
judicieuse exportation des denrées du royaume et
du produit de nos manufactures. J'ose même dire
“que cet objet, intéressant pour l'Elat et très avan-
siageux pour vous, à été trop négligé; j'en dirai bien
“la raison. Les marchandises de l'Inde, qui nous
“sont nécessaires, accourent, par une altraction aisée
à expliquer, aux lieux où l'argent les attend. Nos
denrées et nos marchandises sont de défaite plus
difficile... Ce n'est pas au bord de la mer et surtout
“ans nos établissements de la côte de Coromandel;...
c'est dans l'intérieur des terres, dans les grandes
_LOE ans les capitales, qu'il faut en envoyer des
« .… Laissons Pondichéry devenir, s'il le peut,
une ville considérable, en l'aidant à se relever de
“ses ruines par de légers secours et quelques encou-
“ragements. Il est vraisemblable que cette ville ne
“parviendra de longtemps à l'orgueilleuse et inutile
_sompluosilé où nous l'avons vue. La médiocrité, où
je la crois condamnée par la nature des choses, est
presque un gage de sa conservalion. Nos ennemis
Ja prendront sans doute; mais ils nous la rendront à
la paix : elle ne vaudra plus la peine d’être gardée
ni détruite.
— « Cesraisons mènent à affirmer que les véritables
entrepôts de la Compagnie des Indes doivent êlre
l'ile de France et à l'ile Bourbon... 11 ne vous
anque que d'y construire des magasins en élat de
recevoir vos marchandises. Vos vaisseaux pourront
y altendre les saisons convenables pour se rendre
leur destinalion; car vous êtes quelquefois expo-
sés à de grands retards, et j'ai vu, depuis 1765,
on, et l’on ne peut manquer son but...
.. Je crois qu'il serait très utile aussi que la
ompagnie des Indes songeät à se procurer des
omploirs aux lieux que je vais indiquer ; savoir :
à Mascate, à Bassora, à Banderabassi, à Surate,
à Mangalor, à Calicut, à Cotate, à Portenove, à
Masulipatan, à Yanaon, à Panjan, au Pégou, à Jou-
“dia, dans le royaume de Siam. Nous avons déjà
= loges abandonnées dans la plupart de ces
chelles ; il faut en reprendre possession et nous
procurer celles qui nous manquent. Outre ces loges,
je pense qu'il est à propos d'avoir des agents dans
Ja plupart des grands établissements européens et
1
de travailler aussi à obtenir quelques comptoirs
dans les îles de la Sonde et à Bornéo. Je ne comi-
prends pas par quel motif nous avons abjuré pour
ainsi dire le commerce de la Cochinchine, et par
quelle négligence nous n'avons jamais tenté celui du
Tonkin; cetle partie orientale de Inde est peut-
être la plus riche région de l'Univers. Toutes ces
vastes régions sont ouvertes à la navigation. Les
divers genres de leurs productions font l'objet du
plus grand cabotage du monde...
« … La Compagnie n'ignore pas les avantages
de la navigation dans la mer Rouge; mais ce n'est
pas assez de se borner aux routes frayées; il faut
s'en ouvrir de nouvelles. Je voudrais, Messieurs,
que vous entrelinssiez aux Indes quelques jeunes
gens actifs, laborieux et instruits des vrais principes
du commerce; que vous les destinassiez à parcourir
ces vastes régions pour découvrir de nouveiles
sources de commerce: ils en seraient en quelque
sorte les apôtres. Ces missionnaires d'un ordre
nouveau étendraient, de tous les côtés, les branches
de volre industrie. Il est telle côte barbare sur le
bord de l'océan Indien, qui, à 50 lieues de la mer,
renferme, dans la plus grande abondance, les plus
précieux objets du commerce; il est aisé de se les
procurer : il ne faut que vouloir, mais on ne veul
pas assez.
« … On a exploité, pendant près de 60 siècles,
le commerce des Indes par la voie de la mer Rouge”.
Les Véniliens, dans nos temps modernes, y acqui-
rent des richesses immenses. L'Italie fut le magasin
général des denrées d'Orient. La découverte du cap
de Bonne-Espérance changea le cours de ce com-
merce, que les principales nations de l'Europe se
partagèrent. L'Italie ne fut plus le centre de cet
important négoce. L'heureuse témérité de Vasco
de Gama la relégua, pour ainsi dire, dans un coin. Il
est aisé de prouver que les frais d’une si grande
navigation en dégoûteraient les négociants, si les
richesses de l'Inde élaient loutes renfermées sur
les côtes de l'Empire mogol. Mais, comme l'industrie
européenne.s’est ouvert de nouvelles branches de
négoce à l'Est et au Sud-Est, la route du cap de
Bonne-Espérance est, à ce dernier égard, le chemin
le pus DANDEE s'il n'est pas le plus court.
« Il ne s'ensuit pas que la voie de la mer Rouge
n'ait son ulililé, en l’'employant judicieusement; je
souliens même qu'elle nous donnerail une exten-
sion de commerce considérable. Examinons d'abord
les moyens de nous en servir, et nous jelterons
ensuile un coup d'œil sur les avantages qui en
résulleront.
« M. de Nointel, ambassadeur de France à Cons-
! Sur cette question du commerce des Indes et de l'Éthiopie
par la mer Rouge, Maudave reprend, près d'un siècle après,
420
L. DE LAUNAY — UN PROJET D'EMPIRE COLONIAL FRANÇAIS SOUS LOUIS XV
lantinople, en sollicilant à la Porte le renouvelle-
ment des Capitulations, eut ordre de demander la
permission de tirer des marchandises des Indes par
la mer Rouge, et la liberté de les déposer en Égypte
pour être transportées à Marseille. Le grand vizir
Achmet Coprogli accorda ces deux articles en
payant 3 °/, sur le prix d'achat aux douanes du
Grand-Seigneur. Je n’ai pas vu que le commerce
des Indes aitréclamé contre ce projet. En examinant
les Mémoires du temps, on doit trouver, dans les
Archives de la Compagnie, les mesures qu’on voulait*
prendre pour lransporter les marchandises au Suez
et du Suez au Caire; la langue de sable, qui sépare
la première de la seconde de ces deux villes, n'a
pas plus de 20 lieues d'étendue, quoique la largeur
de l’isthme de Suez soit à peu près de 35. La branche
orientale du Nil se rapproche, en effet, de ce port
de la mer Rouge à cette distance. Le transport
des marchandises du Suez au Caire peut se faire
aisément sur des chameaux. L'Égypte en fourmille.
« … La partie méridionale du golfe Arabique est
bordée, dars toute sa longueur, du royaume de
Sennaar, de la Nubie et de l’Abyssinie. Ces trois
grandes contrées regorgent de richesses, qui, à la
réserve d'un léger transport, que de petites cara-
vanes en font en Égyple, restent sans débouchés.
Au moyen de nos liaisons de commerce avec les
Tures, nous serions admis à lraiter à Suequen
où le Grand-Seigneur entretient une garnison, et où
les peuples de Sennaar et de Nubie abordent en
foule. Les Abyssins ne demandent pas mieux que
de recevoir nos vaisseaux dans la baie d'Alkireo et
dans l'ile de Messoua?.
« J'ai eu autrefois entre les mains une lettre de
M. de Maillet à M. de Pontchartrain, de l'année 1696.
Elle contenait des détails très curieux et très
instructifs.sur la Nubie et le royaume de Sennaar.
Quoiqu'’elle ait été imprimée, il ne m'a pas été
possible de la retrouver. Je m'en rappelle très bien
une particularité intéressante, qui prouve combien
il serait facile d’obtenir ce qu'on voudrait pour la
sûrelé du commerce de la part du Gouvernement
d'Égypte’; voici le fait :
« Louis XIV envoyait, en Abyssinie, un ambassa-
les idées de Colbert et de M. de Maillet; de même que l'idée
du canal de Suez se trouve déjà dans le Parlait Négociant
de Jacques Savary (1679).
1 Souakin, port le plus sûr de la mer Rouge, et lieu d'em-
barquemeut des pèlerins de la Mecque. ,
? Arkiko et Massaouah.
* Voir, sur cette question des rapports commerciaux
entre la France et l'Abyssinie sous Louis XIV, Masson :
Commerce français dans le Levant au xvue siècle, 1897,
p. 323-326 et 411-413. La lettre de M. de Maillet, dont il est
question plus loin, y est résumée, ainsi que l'histoire de
l'ambassade à laquelle était atlaché le chirurgien Poncet, et
que conduisait Le Noir du Roule (1703). — Cf. pe Caix DE
Sr-Ayxour : Histoire des relalions de la France avec l'Abys-
sinie chzétienne sous Louis XIII et Louis XIV.
deur au Grand Négus. Quelques marchands francais
et grecs se joignirent à l'ambassade. Cette petile«
caravane arriva à Sennaar. Le Roi reçut l'amba
sadeur avec de grands honneurs; mais le barbare,
tenté par l’appât du gain, le fit massacrer avec tout
son monde. Il ne s'en échappa qu'un chirurgien
franc-comtois nommé Charles Poncet, qui retourna
pour la seconde fois en Abyssinie, et du premier
voyage duquel nous avons une relation, insérée, si
je ne me trompe, dans le « Recueil des lettres
édifiantes ».
« M. de Mallet, dont les conseils avaient décidé
l'ambassade, et qui en avait dirigé la route, fut
outré de la perfidie du roi de Sennaar. Il proposa
à la Cour d'en lirer une vengeance éclatante; o
lui en demanda les moyens; ilnégocia avec les Puis
sances du Caire, et il en oblint la permission de
faire passersurleurs terres un corps de 1.200 soldats
français avec leurs canons et leurs munitions. I
voulait se mettre à la tête de ce corps et le conduire
lui-même à Sennaar, qu'il aurait saccagée et brûlée
et il assurait à M. de Pontchartain qu'il laverait
dans le sang de ce roi barbare, la cruelle violations
du droit des gens dont il s'était rendu coupable
La Cour, qui avait des affaires plus importantes
laissa le roi de Sennaar tranquille, et perdit toutes
vues de liaisons et de commerce avec le roi
d'Abyssinie. Ce fait est très singulier dans loutesx
circonstances, et il prouve assez clairement que les
Puissances du Caire entreront dans nos desseins, si
nous savons leur y faire trouver des avantages. M
&«_.… Si jamais nous pouvons avoir une COrrespons
dance assidue avec l'Abyssinie, nous y ferons um
commerce prodigieux. Ces peuples sont plus doux
et plus civilisés que les autres nègres; ils ont même
le singulier privilège de tenir aux musulmans el
aux chrétiens, et ces deux religions rivales, q
s'accordent sur si peu de points, comptent les
Abyssins au nombre de leurs enfants, puisqu'ils
ont l'honneur d'être circoncis et l'avantage d'être
baptisés. Il est vrai, car il ne faut rien dissimule
que les Abyssins sont entachés de l'hérésie de
Dioscore; mais les riches productions de leur so
sont encore dans la pureté de leur production
originale; en les traitant comme des frères bàtards
ou rebelles, nous pouvons encore commercer ulile
ment avec eux. |
« J'ai beaucoup entretenu, dans les Indes, un
homme d’espril et de sens, qu'un concours dé
circonstances bizarres avait relenu vingt ans el
Éthiopie; il ne pouvait se lasser de louer la douce
el l'humanité de ces peuples, et d'exalter la richesse
el l'abondance des productions du pays. Il préten
dait que nos vaisseaux, en montrant quelque envie
de trailer avec eux et se présentant sur les côtes
de Dalkirko et de Messoüa, les atlireraient, aveen
L. DE LAUNAY — UN PROJET D'EMPIRE COLONIAL FRANÇAIS SOUS LOUIS XV
494
ur or, leur ambre, leur civelte, leur ivoire et
Moutes les autres riches denrées de l'Abyssinie,
our recevoir en échange les toiles blanches et
bleues des Indes, les brocards et autres ouvrages de
“a fabrique de Surale, et surtout de celles de Hami-
abad. Je laisse à penser combien cette branche
de commerce isolée, et pour ainsi de hors-d'œuvre,
Serait avantageuse au commerce général de la
Compagnie. »
Ë
II
Dans les extraits précédents, on remarque l'ab-
“ence de toute indication sur Madagascar, qui
“devait pourtant jouer, à l'avis de Maudave, un rôle
de premier ordre parmi nos colonies futures. L'ile
‘de France et ses dépendances ayant élé, en effet,
“depuis 1763, rétrocédées à l'État, cette partie de
“ses projels ne regardait plus la Compagnie des Indes
“et c'est dans toute une série d'autres Rapports,
“adressés au duc de Praslin, ministre de la Marine,
que nolre héros les a longuement développés.
“— Je ne saurais, sans dépasser le cadre de cet arti-
cle, donner ici un résumé de toules ses idées très
originales sur la grande ile madécasse ; mais je
tiens cependant à en extraire quelques passages
caractéristiques.
C'est ainsi qu'après avoir exposé l'importance
‘stratégique de nos deux vieilles colonies de Bour-
bon et de l'ile de France, en même temps que l’im-
possibilité, où elles lui semblaient, de se suffire à
elles-mêmes, Maudave indique Madagascar comme
devant devenir leur centre naturel de ravilaille-
ment :
« Cette île, dit-il, par son étendue, par le nom-
“bre et la variété de ses productions et par le carac-
“lère des peuples qui l’habilent, est susceptible du
plus grand commerce. Les indigènes sont naturel-
“lement négociants : ils vivent sous une ombre de
lois et de police... Ce peuple est doux, palient,
rs grand imilateur.
—…._ « … S'il était question de former une colonie en
“Amérique, on dirait: prenez les précaulions né-
0 pour transporler un peuple tout formé,
avec sa subsistance, son industrie, ses arls et
“même les instruments de ses arts; vous allez
habiter une terre agreste et sauvage, qui ne vous
donnera rien qu'après de longs et pénibles travaux.
L'ile de Madagascar nous offre des ressources plus
prochaines : elle est peuplée, elle est cultivée; il
n'est question que de lier une correspondance réci-
- proque avec les habitants, pour en retirer les plus
“grands fruits. Il y a, après tout, une grande diffé-
rence entre le climat de cette île et celui de l'Amé-
rique ; ce dernier dévore ses habitants: les indi-
_Bènes ne sont que des barbares presque semblables
aux monstres de leurs forêts, sans lois, sans police,
et, ce qui est encore plus à considérer, sans be-
soins; l'ile de Madagascar, au contraire, renferme
un peuple actif, laborieux, simple, doux et qui ne
demande qu'à étendre la sphère de ses connais-
sances ;… d'après mon expérience personnelle, il
n’en est peut-être point sur la terre, avec lequel une
nation commerçante puisse négocier avec plus de
fruit. Rien n'est plus aisé que de donner aux Ma-
décasses nos goûts et nos besoins.
« La religion nous offre, à cet égard, des armes
d'une bonne trempe. Ces peuples ont un penchant
incroyable pour nos cérémonies et la magnificence
de notre culte... Ils se rendront en foule sous notre
protection. Divisés en petits états politiques, tour-
mentés par leurs maîtres, ce peuple doux et limide
connait le prix du repos et de la sûreté, En les
traitant bien, avançant peu à peu et ne les violen-
tant pas, nous les verrons abandonner leurs
tyrans et briguer la faveur de nous être incor-
porés.. Nous connaissons parfaitement, à l'ile de
France, le caractère des Madécasses. Ils sont lents
dans leurs opérations, mais doux et paisibles. Is
aiment les arts mécaniques, ils deviennent aisé-
ment charpentiers, menuisiers, serruriers, forge-
rons, macons, couvreurs, tanneurs, elc. Ils s'alta-
chent aisément à leurs maîtres, quand ils en sont
bien traités, mais ils sont légers, volages et sujels à
ce qu'on appelle dans leur langage : se piller de fan-
laisie. Avec de la douceur, de la patience, de la
fermeté, de l'équité, on en fait Lout ce qu'on veut.»
Je n'ai pas voulu interrompre celte longue cita-
tion; mais on aura remarqué le curieux parallèle
entre les États-Unis et Madagascar, il y a un siècle;
les difficultés relatives aux indigènes, on sait com-
ment les Américains les ont résolues, d’une façon
radicale, en supprimant ceux-ci; quant au climat,
qui passait alors pour plus insalubre encore que
celui de Madagascar, il est assez réconfortant pour
l'avenir de constater combien vite l'occupation des
Européens l’a assaini.
Ailleurs, Maudave revient, à diverses reprises,
sur les produelions de l'ile, insistant surtout sur
l'extraordinaire mulliplication des troupeaux, sur
les bois précieux des forêts, les gommes, les résines,
le chanvre, le lin, etc. Menlionnons aussi quelques
points accessoires, qu'il peut être curieux de rap-
peler : ainsi la soie, produite abondamment par une
chenille malgache (le Zombyx radama), soie qui ne
peut se dévider, mais qui se carde et se file à la que-
nouille; ainsi encore les baleines, dont il serait,
suivant lui, possible d'organiser la pêche sur les
côtes orientales et méridionales. « Elles y sont très
communes, dit-il, et malgré le peu d'industrie des
insulaires, ils en prennent assez souvent. » Enfin, il
propose d'attirer à Madagascar des ouvriers indous,
comme les Anglais l'ont fait si activement et avec
CH.-ED. GUILLAUME — LES LOIS DU RAYONNEMENT
succès pour leurs colonies de Maurice et de Nalal.
Il signale même la présence de l'or dans la partie
centrale, « que les Portugais ont fouillée autrefois »,
tout en remarquant, avec raison, que les richesses
Lerritoriales sont de plus de valeur réelle que celles
des placers de la grande ile.
Sur tous ces points, il se montre, en somme, très
judicieux, sans avoir rien à nous apprendre de nou-
veau; mais, là où il témoigne véritablement d’une
perspicacilé singulière et nous donne un avis qui,
aujourd'hui encore, vaudrait peut-être d'être écouté,
c'est lorsqu'il met en relief la proximité entre Ma-
dagascar et ce presque fabuleux Monomotapa, que
nous appelons aujourd'hui le Transvaal et la Char-
tered, lorsqu'il insiste vivement sur le lien intime
qui raltache l'un à l’autre les deux pays et qui peut
les faire prospérer l'un par l’autre : l’un extrayant
en abondance l'or de ses mines, l’autre lui envoyant
en échange la nourriture dont il regorge. N'y eût-il,
dans le manuscrit dont nous nous occupons ici,
que ce passage, il eût valu, ce me semble, d'être
signalé :
« Un objet essentiel de notre établissement à
Madagascar, écrivait Maudave au ministre de la Ma-
rine, est de créer, d'étendre de nouvelles branches
de commerce sur la côte orientale d'Afrique, depuis
la terre de Natal jusqu'au cap de Gardafui. La baie
de Delagoa, où se décharge une grande rivière qui
vient de l'intérieur des terres, mérite d'être mieux
connue et plus fréquentée. On y échange des toiles
et des guingans contre de l'or, de l'ivoire et des
esclaves... Les Arabes de celte côte trafiquent avec
les nègres de l'intérieur des terres jusqu’au fond
du Monomotapa, dont ils tirent beaucoup d'ors
Quoique les Portugais prétendent à l’exelusif dans
celte partie de l'Afrique, leur misère ou leur fai
blesse donne beau jeu. Il n'est presque point dé
gouverneur portugais dans ces quarliers, dont on:
n'achète la bienveillance avec des chemises et quel
ques paires de bas. Il est sûr que la côte crientale
d'Afrique regorge de richesses... »
Si l'on songe que tout cela a été écrit en 1767;
on reconnaitra que ce Maudave, qui invitait le Gou
vernement de Louis XV à occuper le Tonkin eb
Madagascar, à récoller l'or du Transvaal et à éla
blir des relations commerciales avec l'Abyssinie ets
bien mieux, qui lui en offrait le moyen, ne méri=
lait peut-être pas l'oubli profond où son nom est
tombé.
L. De Launay,
Ingénieur en chef des Mines,
Professeur à l'Ecole Nationale Supérieure
des Mines.
LES LOIS DU RAYONNEMENT
ET LA THÉORIE DES MANCHONS A INCANDESCENCE
DEUXIÈME PARTIE
Dans un premier arliclc!, nous avons résumé
les recherches expérimentales qui ont permis d'éta-
blir les lois du rayonnement des corps incandes-
cents; nous allons maintenantmontrer l'application
de ces données à quelques problèmes pratiques.
[. — CONDITIONS D'UNE BONNE UTILISATION
DE L'ÉNERGIE DANS L' ÉCLAIRAGE.
Les recherches récentes relatives au rayonnement
des corps noirs et des corps réels ont confirmé, en
la précisant, l'idée, mise au jour déjà par les tra-
vaux anciens, que, pour un radiateur donné, le rap-
port de l'énergie lumineuse à l'énergie totale aug-
mente en même temps que s'élève la température
du radiateur.
Mais nous savons aujourd'hui, contrairement à
l'opinion anciennement admise, que, pour une
nn ——_—
4 Voyez la Revue du 30 avril 1901, €. XII, p. 358.
LES APPLICATIONS
même température, ce rapport varie d’un corps
l'autre, augmentant en général avec le pouvoirs
réfléchissant des surfaces, puisque, au moins pou
les métaux, le coefficient définissant ce pouvoi
varie dans le même sens que la longueur d'onde #
D'autre part, la puissance de chaque radiation due
à l'incandescence pure est toujours moindre que
celle du corps noir, ou lui est tout au plus égale, el
nous avons vu que, même pour des corps considérés:
en général comme très noirs, la différence peut être
considérable. L
Les conditions pratiques de l'éclairage pourront
faire préférer tel radiateur à tel autre, suivant le
? La température élevée à laquelle peut être porté la
mium et son pouvoir réfléchissant considérable ont cond
M. Auer von Welsbach à créer récemment une nouvelle
lampe électrique à incandescence, ne dépensant que
watt environ par bougie. L'explication de cet excellent ren:
dement est contenue tout entière dans les faits d’ expériencè
résumés dans notre premier article. J
CH.-ED. GUILLAUME — LES LOIS DU RAYONNEMENT 123
ut poursuivi el les moyens dont on dispose. Si,
ar exemple, pour une raison quelconque, on re-
Cherche le maximum de l'éclat, c'est-à-dire le
maximum de lumière pour une surface donnée,
n devra avoir recours au corps noir, que l’on
mènera à la plus haute température qu'il puisse
“supporter, ou que le chauffage permettra de réali-
ser. Mais c'est là un cas très exceptionnel, car on
“peut, en général, compenser le défaut d'éclat par
l'augmentation de la surface, et l'intensité importe
“seule. En pratique, le problème se ramènera donc
“presque toujours à celui du rendement, qui, comme
“nous l'avons vu, augmente avec la température de
la source et avec son pouvoir réfléchissant dans
_l'infra-rouge.
Ici encore, deux cas très différents peuvent se
présenter suivant le mode de chauffe du radiateur :
ou bien l'apport d'énergie est illimité, comme
dans la chauffe par le courant électrique; ou bien
il est donné par une flamme, et alors il est limité
théoriquement à la température de la flamme.
Dans le premier cas, la limite de la température
“sera imposée seulement par la conservation du
radiateur ; dans le second, on devra chercher à aug-
menter le plus possible la température de laflamme,
et à utiliser très complètement sa chaleur.
Les conditions d'utilisation du courant élec-
trique pour la production de la chaleur sont trop
connues pour qu'il y ait lieu d'y insister; en re-
“vanche, la question de la température des flammes
“est fort controversée, et il convient de nous y
arrêter un inslant.
L
IL. — ÉTCDE DE LA FLAMME.
1. — Mesure de la température des flammes.
Malgré de nombreux travaux consacrés à cette
question, la température des flammes est très mal
connue, et les résultats donnés par les divers
auteurs qui s’en sont occupés diffèrent dans une
large mesure, sans que l’on trouve des raisons suf-
fisantes pour éliminer d'emblée les nombres les
plus divergents.
On sait seulement, d’une façon bien certaine,
que la température varie considérablement en des
«points trèsivoisins d’une même flamme, et qu'à des
“distances qui se mesurent par une fraction de mil-
-limètre, les écarts atteignent plusieurs centaines
de degrés. L'étude complète comprendra donc une
sorte de topographie thermométrique de la flamme,
indiquant les variations de l’état thermique en ses
divers points, puis une mesure absolue permettant
… de fixer l'échelle de l'ensemble.
Jusqu'ici, deux procédés ont été appliqués à
lévalualion de la température des flammes. Le
. premier, purement théorique, consiste à calculer
les quantités de chaleur dégagées par les com-
bustions, et, connaissant les chaleurs spécifiques
des constituants, à en déduire les lempératures
moyennes. L'autre, plus fréquemment employé, est
uniquement expérimental; il transforme le pro-
blème dans celui de la mesure de la température
d’un corps immergé dans la flamme, et que l'on
suppose en équilibre thermique avec elle. Pour
une exploration détaillée, on devra, d'après ce qui
vient d'être dit, employer un corps de très faibles
dimensions, par exemple un fil fin de platine.
Lorsqu'on compare les résultals obtenus par les
deux procédés, on voit que le premier fournit des
nombres incomparablement plus élevés que le
second, et, comme celui-ci à paru jusqu'ici à peu
près sans reproche, on en a conclu que la théorie
négligeait des facteurs très importants.
Le procédé expérimental, pour direcl qu'il pa-
Cr
Fig. 1. — Dispositif de M. Smithells pour l'étude du Bec
Bunsen.
raisse, cache cependant d'assez grosses erreurs,
dont quelques-unes ont été mises en lumière par
les physiciens qui l'ont appliqué, mais dont plu-
sieurs semblent avoir été trop négligées jusqu'ici.
Lorsqu'on amène, en un point déterminé d'une
flamme, une soudure thermoélectrique, les deux
fils qui y aboutissent conduisent de la chaleur à
l'extérieur, ct refroidissent le point de contact dont
la température est considérée comme indiquant
celle de la flamme. On réduit celte erreur en em-
ployant des fils fins, en choisissant des métaux
peu conducteurs, par exemple en substituant au
platine pur, qui forme généralement l’un des élé-
ments du couple, un de ses alliages avec un métal
réfractaire, de telle sorte que les deux parties du
couple soient constituées par des alliages de pla-
tine.
Enfin, dans l’étude d’une flamme dont une
région étendue est homogène, une flamme circu-
laire par exemple, on donne aux deux parlies;du
fil aboutissant à la soudure une forme qui épouse
celle de la flamme, ainsi que l’a fait M. Smithells
CH.-ED. GUILLAUME — LES LOIS DU RAYONNEMENT
dans l'étude du bec Bunsen’. Dans les expériences
de cet habile chimiste, les fils disposés en C, et,
sur les deux cônes de la flamme (fig. 1), donnaient
des résultats sensiblement différents de ceux four-
nis par les fils en C et C..
Les observations failes dans les meilleures con-
ditions ont conduit M. Smithells aux résultats
suivants : La température indiquée par les couples
croît dans l'ordre C,, C,, G,, G,. En C,, elle est
de 1611°, et en C, de 1530°.
Dans une flamme plate, lumineuse à sa partie
® Fig. 2. — Schèma des positions adoptées pour la mesure
des températures dans une flamme plate.
J2
supérieure, les mesures effectuées de à à 4 (fig. 2)
ont donné les résullals suivants :
SUR LE BORD
EXTÉRIEUR AU CENTRE
En ‘at. 1.4789 1960
Du 1,5640 3820
CRIE: 21 1.5600 6410
C'EST es 1.5470 9470
e 1.5760 1.1100
LR 1.6130 1.1000
1.6130 1.6130
La température va done en montant du bas au
haut de la flamme, beaucoup plus rapidement à
l'intérieur qu'à l'extérieur, les deux lames chaudes
se rejoignant au sommet.
D'autre part, M. Vivian Lewes indique, pour les
différentes parties d'une flamme lumineuse de gaz
d'éclairage, dans deux Mémoires parus à quelques
années de distance, les résultats ci-après *:
EN 1892 EN 1895
Zone non lumineuse. . 1.0149 1.0230
Commencement de la partie
IURINEUSE ER NES 12610 1.6580
Fin de la partie lumineuse. . 1.3680 2.1160.
Enfin M. Waggener a fail, en 1895, sous la direc-
tion de M. Warburg, d'intéressantes recherches sur
la flamme du bec Bunsen *. Après avoir vérifié que
la conduction électrique par la flamme et les forces
1 À. SurraELcs : On flame temperatures, etc.; Trans. Chem.
Soc., 1895, p. 1042.
2 V. Lewes : 1bid, 1892, p. 322; Proc. Roy. Soc., t. LVII,
p- 394; 1895.
* Verhandlungen der Berliner Phys. Ges., t. XIV, p.18.
—
thermoélectriques dues au contact direct des ga
chauds n'influencent pas sensiblement les mesures;
il constala, au contraire, qu'un fil demeuré très
longtemps dans la flamme est altéré au point de
donner au galvanomètre des indications qui, Si
elles sont rapportées au premier élalonnage, faus=
sent les résultats de plusieurs centaines de degrés
En employant des fils de divers diamètres, recti=
lignes ou circulaires, M. Waggener put déterminer"
les conditions dans lesquelles la conduction ther-
mique est suffisamment éliminée. Le fil généra=
lement employé, n'ayant que 0,045 millimètre de
diamètre, fournissait des résullats à peu près
indépendants de la conduction, mais que l'on
pouvait encore corriger par extrapolation, en
tenant compte des données fournies par les fils de
plus gros diamètre.
Une exploration complète de la flamme sous-
traile aux courants d'air a conduit M. Waggener
à formuler les conclusions suivantes : La mesure
directe de la température par le plus fin des fils
employés donne un maximum de 170% sur le.
cône extérieur, à 2 centimètres au-dessus dun
brûleur, la flamme ayant une hauteur totale de:
3 à 13 centimètres. Le milieu du cône extérieur
possède une température maxima de 1591° ; enfin,
la surface intérieure du cône possède une tempé-
rature qui, dans la partie la plus chaude, atteint
1408. L'’extrapolation, pour un fil infiniment mince,
donne, pour la partie la plus chaude, une tempé-
ralure de 1750° à 1760°. |
Les nombres qui viennent d’étrereproduits, tout
en donnant à peu près la physionomie générale de
certaines flammes, ne représentent pas, si l’on en
exceple un résultat de M. Lewes, très discordant
des autres, les plus hautes températures soup-"
çconnées dans les flammes ordinaires. Ainsi, il est
d'expérience courante qu'un fil très fin de platine,
introduit dans une flamme, fond à son extrémité
et forme une perle qui se solidifie. Ce fil rencontre
done des filets gazeux dont la lempérature est
supérieure à celle de la fusion du platine, qui,
d'après M. Violle, est de 1715°, et, suivant
MM. Holborn et Wien, de 1777°. Or, ce phénomène
ne peut guère être attribué au fait d'une combi-
naison qui se produirait entre le platine et l’un des
constituants de la flamme, puisque la fusion se
produit au bout d'un instant très court, et semble,
au contraire, s’arrêler ensuite, dès que la perle a
pris des dimensions notablement plus grandes que
le diamètre du fil. La conduction de la chaleur étant
la même pendant toute l'expérience, ce phéno-
mène ne peut pas être invoqué pour expliquer la
solidificalion succédant à la fusion.
Je reviendrai bientôt sur cette question ; mais je.
puis, dès maintenant, signaler comme l’une des.
CH.-ED. GUILLAUME — LES LOIS DU RAYONNEMENT 425
longtemps qu'il est très mince, rencontre par
instants des filets gazeux beaucoup plus chauds
jue l'ensemble du courant ambiant, tandis que,
notables, elle prend automatiquement la moyenne,
dans le temps et dans l’espace, des températures
i l'entourent, et qui est sensiblement inférieure
$ 2. — Méthodes nouvelles.
Les observations qui viennent d'être menlion-
nées et leur discussion nous montrent déjà que les
valeurs données pour la température des flammes
on! certainement trop basses, ou lout au moins
Se rapportent toujours à une moyenne prise sur
un intervalle de temps plus ou moins long, et
un espace plus ou moins étendu, el. ne s'appliquent
pas au maximum alteint dans les flammes. Mais il
est une cause générale d'erreur dans ces déter-
minations, à laquelle on n'a pas prêté, à beaucoup
près, l'attention qu'elle mérite : c’est le refroidis-
sement du fil explorateur par le rayonnement.
» En réalité, la température prise par le fil résulte
“d'un équilibre entre l'énergie soutirée à la flamme,
et celle qui est rayonnée à l'extérieur.
. Or, l’une et l’autre étant proportionnelles à la
Surface du fil, au moins tant que celui-ci est assez
fin pour ne pas dénaturer le régime de la flamme,
Vécart entre les deux températures, de la flamme et
du fil, est indépendant du diamètre de ce dernier.
11 n'est donc pas éliminé par une extrapolalion,
Ou par une combinaison quelconque des expérien-
ces, à moins que l’extrapolation se rapporte au
pouvoir émissif du fil.
- Il est facile d'exprimer, par une équation dont
nous chercherons ensuite à déterminer les coeffi-
cients, l'erreur que l’on peut commettre dans la
mesure de la tempéralure d'une flamme par l’in-
candescence d'un fil. Soient O., 9, et ©, respec-
divement les lempératures absolues du courant
gazeux, du fil et de l'enceinte, À et B deux coeffi-
lents à peu près constants. Si le fil est en platine
“poli, l'équilibre s'établira lorsque ©, satisfera à la
| condition :
: A(O, — 0,) = B(0, —0,'),
ffisamment exacte dans un intervalle de tempé-
ature assez étendu. La tempéralure de la flamme
sera donnée alors par :
le dernier terme corrigeant la température direc-
lement observée par le fil. Aux températures
basses, ce terme est presque négligeable dans la
REVUE GÉNÉRALE DES SCIENCES, 1901.
£auses du phénomène le fait que le fil, aussi | majorité des cas. Cependant, les précautions que
prennent les météorologistes dans la mesure de la
température de l'air montrent que, même aux tem-
pératures ordinaires, on commettrait des erreurs
sensibles si l’on n’en tenait pas compte. Or, la rapi-
dité de son ascension avec la température nous
montre que, dans le cas qui nous occupe, il peut
devenir extrêmement important.
Je ne connais malheureusement pas d'expé-
riences propres à nous donner des valeurs du
quotient + permettant d'évaluer avec quelque cer-
titude ce terme correctif. L'incertilude porte,
d'ailleurs, tout entière sur le coefficient A, qui
devrait être déterminé dans les conditions de den-
silé, de composition chimiqueet d’agitation existant
dans la flamme.
On peut, cependant, se faire une idée de l’ordre
de grandeur de ce rapport en partant de certaines
expériences sur l'énergie dissipée à la fois par
rayonnement et par conduction, dans des gaz à des
pressions diverses. Ici, desexpériences de MM. Ayr-
ton et Kilgour nous apprennent que l’émissivilé
d'un fil augmente à mesure que son diamètre
: diminue ; et comme, pour des raisons dont l'exposé
nous entrainerait loin de notre sujet, celte pro-
priété devrait varier en sens inverse si l’on ne con-
sidérait que le rayonnement, on peut en conclure
que les échanges entre une surface métallique et le
gaz ambiant augmentent moins PRPISPOIOD que les
dimensions de la surface.
D'autre part, des recherches très étendues, faites
par M. J.-E. Petavel”, ont fait connaître les quan-
tités d'énergie dissipées dans l'air, dans l'hydro-
gène et dans l'acide carbonique par une bande de
plaline chauffée par le courant électrique.
La figure 3 représente une parlie de ses résullats
sur les deux premiers gaz. Les abscisses sont les
températures, et les ordonnées les émissivités,
c’est-à-dire, dans chaque cas, le coefficient qui,
multiplié par un centimètre carré el par la chute
de température en degrés, donne, en watts, l'éner-
gie dissipée.
Pour chacun des cas étudiés, nous pourrons écrire
l'expression de la puissance dissipée sous la
forme :
P — A(0.,—0,) + B(0,° —0,'),
9, élant à la fois ici la température du gaz ét celle
de l'enceinte. L'émissivité totale sera donc :
pe à 0,5 — 0,5
6,6; A e0.
Les courbes correspondant aux divers cas ne
On the Heat dissipated by a platinnm
Royal Soc., t. CXCI,
UJ. E. PETAVEL :
surface at bigh temperatures. Trans.
p. 501-524, 1898.
à a
126 CH.-ED. GUILLAUME — LES LOIS DU RAYONNEMENT
devront différer que de la quantité A, variable | M. Petavel, que la température du gaz était des
suivant la nature et la densité du gaz; elles devront | 1009 environ, on aura : ;
donc être parallèles, si À est constant, condition
sensiblement satisfaite par les résultats de l’expé-
rience, ce qui vérifie nos hypothèses. La correction serait donc supérieure à 900 degrés.
Les expériences dans l'air sec, sous 1 em. de Ce résultat est certainement exagéré, surtout
pression, devront donner sensiblement la valeur | parce qu'il est déduit d'expériences faites dans uns
du second terme; on en déduira la valeur de A, | gaz en repos, et parce que l'écart 9,—0, est priss
dans chaque cas particulier, par différence, en re- | vers les températures basses, tandis que 9, —0..
0, — 0, + 929 degrés.
00%
S
S
[I =
R |
À 003
R
HA
S
: mi
& 902
Us Le
T :
AL
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HAE:
ls
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© x
2
0.
0 100 200 300 #09 500 600 700 800 9500 1,000 1,100 1,200 1,300 1,400 1,500 1,600 1,100 180
Température er degrés Cnrtigrade
Fig. 3. — Æmission du platine chauffé dans l'air et dans l'hydrogène, d’après M. Pelavel.
marquant que ce procédé nous donne une valeur | s'élend en réalité vers les températures élevées:
minima. Par exemple, à 1.700° abs. on aura : Mais, d’autres facteurs agissent en sens inverse;
FAR : 4 : ï
ose ainsi, le gaz des flammes n’est pas de l'hydrogène
re a pur, et, en l’assimilant à de l'hydrogène à la den-
| sité correspondant à la pression atmosphérique,
et, pour l'hydrogène sous la pression atmosphé- | nous en avons certainement exagéré l'effet.
rique, et à la même température : La conclusion est que l'équilibre entre la chaleur
enlevée à la flamme et l'énergie rayonnée par le
: fil s'établit à une température très inférieure à
On en déduit : celle de la flamme, et, en tenant comple des erreurs
dans les hypothèses précédentes, on admettra
néanmoins qu'elle puisse en différer de 300 o
et, en admettant, d’après d'autres expériences de | 400 degrés.
A — 0,040.
0, — 0, + 0,7(0, —0,),
CH.-ED. GUILLAUME — LES LOIS DU RAYONNEMENT
Le
1
Les résullats donnés par MM. Lummer et Prings-
“heim, pour la bougie ou le brüleur Argand,
…_déduits d'expériences sur la radiation, peuvent
être affectés de la même erreur, en tant du moins
quil s'agit de la température des gaz de la flamme.
‘3 Le calcul qui précède nous a seulement ren-
“…scignés sur l'ordre de grandeur de l'écart qui
« peut exister entre la lempérature d'une flamme et
“celle du fil servant à la mesurer. Appliqué à des
“expériences faites spécialement en vue de déter-
miner le rapport des coeflicients A et B, il pourrait
Sans doute fournir des résultats assez approchés.
Mais on pourrait imaginer d'autres procédés per-
mettant de déterminer avec exactitude la tempé-
rature des flammes.
_ On pourrait d'abord opérer par extrapolation,
en déterminant la tempéralure que prennent une
série de fils dont le pouvoir émissif irait en
décroissant. Si l'on réussissait à maintenir, dans la
flamme, un fil de plaline noirci, on observerait
ans doule un écart considérable entre sa tempé-
ature et celle d'un fil poli”.
En second lieu, on pourrait opérer dans un
cylindre assez long, et aussi parfaitement réflé-
“chissant que possible, alténuant dans une large
mesure les effets du rayonnement. Si le pouvoir
“réfléchissant du cylindre était en outre déterminé,
onnailrait l'intensité. Comparant cet éclat, par
termédiaire d'un étalon, à celui du même fil
chauffé dans le vide par un courant, on trouverait
donc réduit soit à n'éludier que les flammes les
moins chaudes, et à en déduire une correction pour
s autres, soit à employer des fils non métalliques,
e qui, depuis les travaux d'Auer et de Nernst sur
»s terres rares, ne présenterait peut-être pas de
op grandes difficultés.
Enfin, dans une toute autre direction, on pour-
rait déterminer l'indice de réfraction des flammes,
—….! Nous verrons plus loin qu'en effet un fil de platine re-
vert de substances diverses et chauffé en un même
point d’une flamme, peut prendre des températures qui,
! éjà au voisinage de 12000, diffèrent de plusieurs centaines
e degrés.
par les procédés interférentiels employés déjà par
M. Mach, et par M. Daniel Berthelot, et, de la con-
naissance de leur composition chimique, leur tem-
péralure se déduirait immédiatement.
En attendant que l'emploi d'une des méthodes
qui viennent d’être décrites, ou de telle autre que
l'on pourra imaginer, ait permis de déterminer en
toute rigueur la température des flammes, nous
pouvons admeltre avec beaucoup de vraisemblance
que les parties les plus chaudes de la flamme du
bec Bunsen dépassent 2.000°, et atteignent peul-êlre
2.200».
Dans tout ce qui précède, nous n'avons considéré
que des flammes ordinaires, brûlant sans aucun
artilice destiné à en élever la lempérature. Mais on
peut, soit par un mélange convenablement effectué
de l'air et du gaz combustible (Système Chemin
ou Bandsept), soit en élevant la pression, augmen-
ter à la fois le rendement de la combustion et la
température de la flamme. Mais cette question est
fort complexe, et nous entrainerait loin de notre
sujet.
$ 3. — Éclat propre des flammes lumineuses.
L'éclat d'une flamme dépend à la fois de sa tem-
péralure et de la densité des particules de charbon
portées à l'incandescence par la combustion des
parties gazeuzes, celte densité étant prise pour
toute l'épaisseur .de la partie considérée de la
flamme, mais rapportée à la surface visible. Elle
peut être exprimée par le rapport de la superficie
formée par la somme des projections des particules
dans une direction déterminée à la superficie {otale
de la portion de flamme que l’on considère, vue
dans la même direction.
Dans la plupart des flammes éclairantes, cette
densité est extrêmement faible, comme on peut
s'en convaincre par diverses expériences dont nous
ne cilerons que les plus lypiques :
1° Il est d'observation courante que la flamme
d'une bougie, exposée aux rayons solaires, ne pro-
jette aucune ombre perceptible, ce qui, au degré de
sensibilité de l'observation, certainement troublée
par la réfraction dans les gaz chauds, nous montre
que la densité superticielle des particules de char-
bon dans la flamme de la bougie est négligeable.
2% Comme complément, si l'on observe le filament
d'une lampe à incandescence en partie à travers la
flamme d'une bougie, d'un bec papillon ou d'un
brûleur Argand, en ayant soin de diaphragmer
l'œil très fortement, on aperçoit non seulement
très distinctement le filament derrière la flamme,
mais encore on ne constate qu'une différence
minime entre les parties vues directement ou à
travers la flamme.
3° L'action lumineuse des particules disséminées
128
CH.-ED. GUILLAUME — LES LOIS DU RAYONNEMENT
dans une flamme s'addilionne sans affaiblissement
sensible pour d'assez grandes épaisseurs. Ainsi,
l'intensilé d'un bec papillon vu par la tranche ou
par le plat est à peu près la même.
D'après M. Féry’, l'éclat maximum dans le sens
du platest égal à 0,35 de l'éclat moyen de la flamme
du carcel, tandis que, dans la portion la plus bril-
Jante de la tranche, il est égal à 7,2 de la même
unité. Pour une mèche plate à pétrole, la différence
est moindre, ce qui tient en majeure parlie à ce
que les dimensions dans les deux sens sont dans
un rapport plus voisin de lunilé que dans le bec
papillon.
Dans la flamme de l'acétylène, dans laquelle la
densité du carbone est beaucoup plus grande que
dans celle du gaz d'éclairage ordinaire, M. Féry a
trouvé encore un éclat de 7,2 à plat, et de 33 par la
tranche, pour une flamme de 3 centimètres de lar-
geur. On voit donc que, même pour celte flamme
relativement opaque, les actions s'additionnent sur
d'assez grandes épaisseurs.
Une expérience facile à faire donnerait une
valeur assez exacte de la densité du carbone dans
les flammes: il suffirait, pour cela, de comparer
l'intensité lumineuse de chaque flamme à celle
d'une lampe incandescente de même teinte, en
tenant compte du rapport des superficies appa-
rentes de la flamme et du filament. Les nombres
que l’on trouverait ainsi pour les flammes ordi-
naires seraient de l'ordre de quelques centièmes
au maximum.
1 C. Féux : Photométrie de l'acétylène. Association fran-
çaise, Congrès de Carthage, 1896.
2 On pourrait aussi déterminer la densilé superficielle des
parcelles lumineuses par un procédé d'addition consistant
à mesurer l'éclat de plusieurs flammes superposées.
Soit p cette densité pour une flamme donnée; la portion
libre sera 1—p, et, pour » flammes superposées, elle sera
réduite à (1—p}". Soit kp l'éclat de l'ensemble des flammes
par rapport à l'éclat d'une flamme isolée, k étant forcément
plus petit que m. Nous aurons, pour déterminer p, l'équation :
1—(1—p}r = kp.
Les deux équations :
m — ER) = /#
et a
. m De Fe m(m Ie —_ 2); 2
donneront deux valeurs de p approchées respectivement
par excés et par défaut. ,
Soit, par exemple : m1 — 10, k—9; la première équation
. La racine sera
al=
donnera : P— 7 et la seconde : p =
1 1 1
certainement comprise entre ñ et r la deuxième valeur
étant beaucoup plus approchée que la première. Done, si
dix lumières superposées ont une intensité neuf fois plus
grande qu'une seule lumitre, la densité des particules lumi-
neuses dans la direction considérée sera de 0,024.
III. L'INCANDESCENCE DES OXYDES ET
MANCHONS INCANDESCENTS.
LES
Jusqu'à ces dernières années, on pensait que la
plupart des oxydes suivaient, au point de vue de
leur émission lumineuse, des lois particulièress«
indépendantes de l'incandescence proprement dite:
el il n’est pas rare, aujourd'hui encore, d'entendre
des physiciens, n'ayant pas suivi de très près les
travaux récents dans cette direction, parler de
‘ phosphorescence, de fluorescence, plus généra”
lement de luminescence, pour expliquer l'éclat
lumineux apparemment anormal de certainsoxydes
Ce mot de Juminescence, assez vague pour per
mettre de cacher l’imprécision de la pensée, esk
opposé ici à l'idée de l'incandescence régulière,
soumise à la loi de Kirchhoff, c’est-à-dire, en réa=
lité, au principe de Carnot limilé à des phéno
mènes thermiques et des radialions. Tout rayon»
nement soumis à ce principe admet l'égalité du
pouvoir émissif et du pouvoir abscrbant de a
source, inférieur ou, au plus, égal à celui du corps
noir; et, si une radiation quelconque, émanée d’uné
source donnée, possède une puissance plus grande
que celle de la radiation émise par la même super
ficie du corps noir à la même température, on peut
affirmer que la genèse de celte radiation est dans
un phénomène différent de l'incandescence, phé>
nomène modifiant la nature physique de la source“
d'une manière brusque ou lente, mais tendant
nécessairement vers une limite. Tel est le cas d’une
oxydalion, ou d'une variation dans l’élat de com
binaison. Que la lumière se produise à une tem:
pérature élevée ou basse, qu'elle soil phosphorés®
cente à la manière ordinaire, après insolation, où
qu'une forte élévation de température soit néces:
saire pour la provoquer, — phénomènes thermo:
luminescents, — elle ira en diminuant en méme
temps que l’activité de la transformalion qui lui
donne naissance, et s'éteindra lorsque celle-ci sera
complète. Si donc on peut invoquer les phénos
mènes de luminescence pour expliquer une brèvé
surproduction de lumière dans la chauffe d’un oxyde
fraîchement préparé et susceptible de subir encore
une transformation, on sera contraint d'abandon:
ner celle explication si un corps, porté à uné
température élevée, est susceptible de fournir indé
finiment la même lumière par simple élévation d
la température, sans qu'intervienne aucune source
étrangère d'énergie.
On devra donc, dès l’abord, abandonner toule
explication de l'éclat remarquable des manchons
incandescents fondée sur la luminescence, car |
faudrait admellre en même temps la transformar
tion assez rapide de ces oxydes, étant donnée Je
| différence considérable entre l'éclat normal des
CH.-ED. GUILLAUME — LES LOIS DU RAYONNEMENT 129
corps incandescents et l'éclat anormal des man- | nous verrons combien l’évolution des idées a été
chons, que l’on se propose d'expliquer par là. rapide sur cette importante question.
Si rigoureux que paraisse ce raisonnement, la MM. Nichols et Snow ont éludié l'éclat d'une
moindre ex- mince couche
d'oxyde de
zinc, étendue
sur une lame
de platine,
chauffée par
le courant
électrique, et
dont la tem-
pérature était
déduite de
son allonge-
ment.
périence bien
faite paraîtra
plus convain-
-canle; je dirai
avant
que de bon-
On compa-
rail cet éclat
à celui d'une
lame nue, par
l’intermédiai-
re d'une lam-
pe à incandes-
cence peu
poussée, de
manière àres-
ter sensible-
ment cons-
2,5
2,0
Parmi Îles
175
nombreux
consacrés de- 1°
Vs: < 2 L — =
vincandes 100° 800 900° 1000° 8009 900° 1000° 800° go0 1000° tante.
cence des oxy- Les auteurs
He : Fig. 4. — Eclats du platine et de l'oxyde de zinc, en fonction de la température, et
DES Je citerai pour diverses longueurs d'onde, d'après MM. Nichols et Snow.— La comparaison reconnurenl
en premier est faite avec une lampe à incandescence faiblement poussée. d'abord que
lieu une re- l'éclat de l’o-
0,015
0,010
0,005
€ A= 0,5 0,6 0,7 0,5 0,6 0,7 0,5 0,6 0,7
Fig. 5. — Éclats du platine et de l’oxyde de zinc en fonction de la longueur d'onde, et pour diverses températures,
à d'après MM. Nichols et Snow.
‘que l'on tira d'expériences très peu postérieures, | rapidement, pour tomber, au bout de dix minutes,
Te re SPAS re au quart environ de sa valeur iniliale, pour les
2 » L. ICHOLS ET B. W. 5NOW : Un the Character © e = , .
light emitted by incandescent zinc oxide. Phil. Mag., COURTES longueurs d'onde. Dans le Jeune et le
+. XXXIIL, p. 19; 1892, . | rouge, la variation est moins marquée, mais encore
430
notable. Nous nous trouvons donc iei en présence
d'un véritable phénomène de phosphorescence à
température élevée, caractérisé à la fois par sa
faible durée et par l'éclat anormal du corps radiant.
Mais, à partir du moment où ce phénomène de
départ a pris fin, la nature de la radiation se modi-
fie, et devient plus régulière, tout en conservant
certaines anomalies, résumées dans les figures 4
el5:
La première représente l'éclat du platine et
celui de l’oxyde pour diverses longueurs d'onde,
et à des températures croissantes portées en abs-
eisses. Dans la seconde, au contraire, les longueurs
d'onde sont prises comme abscisses décroissantes,
el chaque courbe correspond à une température
déterminée. Les premières courbes sont done des
isochromatiques, les secondes des isothermes.
On voit que l’isochromatique rouge de l'oxyde de
zinc est presque confondue avec celle du platine;
puis que, à mesure que l’on avance vers le violet,
la prépondérance de la première sur la seconde
va en croissant, notamment aux tempéralures
élevées, jusqu'à être plus que quintuple pour
l'extrême violet à 1.000.
L'isotherme de 692°, pour l'oxyde de zine, est
enlièrement au-dessous de celle du platine ; à 848?,
elle passe au-dessus à partir du jaune, et, à 401%,
elle lui est entièrement supérieure.
Dans les deux catégories de courbes, on remarque
des irrégularités, les isochromatiques se relevant
rapidement un peu au-dessous de 900°, tandis que
les isothermes élevées remontent brusquement
dans l’orangé, et pour toute la partie plus réfran-
gible.
Les auteurs concluent de leurs expériences que
l'oxyde de zinc est fortement luminescent au-des-
sus de 880°. Le phénomène appartient, suivant leur
opinion, « à la classe de ceux que Becquerel et les
premiers chercheurs qui s'en sont occupés ont
définis comme une phosphorescence par la cha-
leur ».
Dans les idées actuelles, nous donnerons, de
leurs résultats, une interprétation un peu diffé-
rente: nous dirons que l’oxy.. d- :nc subit, à 880”,
une transformation thermique reversible, dont l'un
des caractères est une forte augmentation du pou-
voir émissif dans une partie du spectre, et qui
pourrait sans doute être décelée aussi par l'étude
de quelque autre de ses propriétés, tout comme le
subit éclat que prend le quartz s'accompagne d’un
énorme changement de sa viscosité.
Mais nous avons vu que l'émission totale du pla-
tine n'arrive qu'à 18 °/, de celle du corps noir à
une température voisine de son point de fusion ‘, et
La dernière colonne du tableau V de notre précédent
CH.-ED. GUILLAUME — LES LOIS DU RAYONNEMENT
qu'à 1000° elle n’est que de l’ordre de 10 °/,. Un
corps peut donc posséder un pouvoir émissif très
supérieur à celui du platine sans que son rayonne-
ment fasse intervenir autre chose que l'incandes-
cence proprement dile.
Les recherches de MM. Nichols et Snow nous.
montrent donc seulement que l’oxyde de zine, tout
en subissant une transformation, possède, plus
encore que le platine, la propriélé d'émettre un
rayonnement d'autant plus abondant, relativement
“à celui du corps noir, que sa température est plus
élevée. Cela est d'autant plus vrai que l’on consi-
dère des longueurs d'onde plus courtes.
En 1893, M. Violle publia, sur l’incandescence des
oxydes!, une note que sa brièveté fit passer presque
inapereue, mais qui, pour la première fois, plaça”
la question sur son vrai terrain. Rompant avec ses
prédécesseurs, qui avaient opéré sur des surfaces
librement exposées, il introduisit divers oxydes
dans un four chauffé électriquement.
Voici la conclusion de son travail : |
« J'ai opéré sur du charbon, de la chaux, de la
magnésie, de la zircone et de l’oxyde de chrome, eb
j'ai constaté que ces substances si différentes.
offrent, dans le four, exactement le même éclat
impressionnent également l'œil ou la plaque pho-.
tographique. Ainsi, dans une enceinte fermée dont
tous les points sont à la même température, tous
ces corps sont en équilibre de rayonnement, sui-
vant la loi de Kirchhoff. » |
Peu de temps après, M. Ch. E. St. John soumit l'in=
candescence des terres rares à une étude très:
approfondie *. Il commenca par examiner le man-
chon Auer au phosphoroscope à étincelles, à la
température ordinaire et pendant l’incandescence
normale, mais sans constater des phénomènes.
phosphorescents plus intenses que ceux que donne
une feuille de papier. L'étude de la fluorescence
donna aussi un résultat négatif.
L'excilation par les rayons cathodiques ne pro=
voqua que de faibles lueurs. Enfin, la chaufte”
directe dans le brûleur Bunsen permit de tracer
des courbes continues en fonction de la longueur
articlé (rayonnement total du platine poli en centièmes de
celui du corps noir) doit être écrite en elfet :
» au lieu de . . 3,92
3,92 — 6,00
6,00 = 1,45
1,4) — M Na te de PAIE
11,14 = 45,97
15,97 ue TN SLT ET
17,97 — ORAN 5
chacun des nombres étant redescendu d'un rang.
1 J. Viore : Rayonnement de différents corps réfractaires,
chauffés dans le four électrique. C. R., t. CXVII, p. 33; 1893.
* Cu. E. Sr. Jonx : Ueber die Vergleichung des Licht=
emissionsvermügens der Kôrper bei hohen Temperaturen,
und über den Auerschen Brenner. Wäied. Ann. {. LNI,
p. 433; 1895.
CH.-ED. GUILLAUME — LES LOIS DU RAYONNEMENT 131
d'onde, courbes possédant des maxima peu accen-
tués et correspondant en général à la position des
“raies dans les spectres de lignes des mêmes oxydes.
“ L'incandescence, provoquée d’abord par le pro-
… cédé déjà employé par MM. Nichols et Snow, donna
lieu à des expériences plus détaillées : l’oxyde à
étudier élait étendu au pinceau sur une lame de
platine, de manière à former une tache limitée,
permettant d'observer simultanément le rayonne-
“ment du platine nu. Le résultat fut, dans tous les
cas, une diminution notable de la température du
platine, due au rayonnement de l’oxyde, à tel point
| “que, malgré la faible conductivité thermique de ce
- dernier, appliqué en couches assez épaisses, le dos
… de la lame montrait une tache sombre correspon-
“dant à l'endroit occupé par l'oxyde. Ces expé-
ricnces, dans le détail desquelles il serait superflu
d'entrer, engagèrent l'auteur à abandonner le pro-
édé d’abord adopté, et qui ne permettait en aucune
façon de déduire la température de l’oxyde de celle
“de son support.
Il eut recours alors au procédé de l'enceinte
fermée isotherme, dans laquelle se trouvait con-
tenue une lame de platine portant, comme précé-
“demment, une tache d'oxyde. Le rayonnement,
examiné photométriquement, à une température de
1.140° et pour des longueurs d'onde embrassant
la totalité du spectre lumineux, fut trouvé le même
à deux centièmes près environ, pour le platine, la
magnésie, les oxydes de didyme, de zircone, de
-anthane, d'erbium, de fer et de zinc. Le rayonne-
ment de ces corps est donc, aux erreurs d'expé-
rience près, purement incandescent.
Pour déterminer le pouvoir émissif vrai des
oxydes, M. SL John eut alors recours à un ingé-
nieux arlilice. L'isothermie étant établie dans l'en-
einte, et tous les points à l'intérieur élant con-
…fondus par l'égalité de leur éclat, il introduisail
rapidement, par l'ouverture servant aux observa-
“ions, un tube de porcelaine, chauffé seulement à
une température inférieure au rouge sombre, et à
extrémité duquel on voyait simultanément le pla-
tine et l'oxyde chauffés. Comme, à ce moment, ils
ne recevaient plus aucun rayonnement lumineux
du reste de l’enceinte, on pouvait observer leur
» ropre rayonnement, à la température mesurée du
fourneau. Les résullats de ces mesures sont indi-
qués dans le tableau I, dans lequel les nombres
sont rapportés au platine, dont la radiation est
prise pour unité.
On voil que tous les oxydes étudiés rayonnent
plus fortement que le platine, le rapport étant
"celui de 4 à 1 pour la zircone, dans la région verte
… du spectre.
La conclusion générale que l'on peut lirer du
travail de M. St. John, est que la cause de l'éclat
des manchons incandescents réside surtout dans
leur pouvoir émissif considérable dans le spectre
visible; l’auteur y ajoute les raisons suivantes : le
fait que, par construction, ces manchons possèdent
une grande surface utile, et qu'ils sont disposés de
facon à être en contact avec la partie la plus
chaude de la flamme.
Nous pouvons y joindre une remarque sur la-
quelle nous reviendrons : c’est que, à l'exception
du lanthane, les corps examinés par M: St. John
ont, par rapport au platine, un pouvoir émissif qui
va en croissant lorsqu'on avance dans le spectre.
Or, comme, à la température dont il s’agit ici, le
platine est encore rougeâtre, les oxydes seront
nécessairement plus blanes. De plus, si l’on admet
que l’extrapolation soit permise au delà des limites
du spectre visible, vers les grandes longueurs
d'onde, on pourra penser que la répartition de
l'énergie rayonnée dans les diverses régions du
TAgLEaAU 1. — Pouvoirs émissifs relatifs du platine et
de quelques oxydes à 1.050°, d'après M. Ch. E.
St. John.
MAGNÉ-
PLATINE
spectre est plus avantageuse, au point de vue de
l'éclairage, dans les oxydes que dans le platine, en
d'autres termes, qu'ils auront un meilleur rende-
ment lumineux.
Une théorie nouvelle des manchons a été pro-
posée, il y a peu d'années, par M. Bunte, dans un
travail contenant d'ingénieux aperçus, de très judi-
cieuses remarques, mais sur les conclusions duquel
nous aurons quelques réserves à formuler‘. Son
point de départ est une expérience identique en
principe à celles de M. Violle et de M. St. John.
Les oxydes étant chauffés au centre d’un long tube
de charbon porté à une température élevée par le
courant électrique, M. Bunte trouva que leur éclat
était toujours sensiblement le même à la même
température, et en conclut à l'égalité de leurs pou-
voirs émissifs. En réalité, il observait dans une
enceinte à peu près fermée, et son expérience ne
fournit aucun document sur l'émission propre des
oxydes. La suite de son raisonnement n’en est, d'ail-
leurs, nullement affectée, car la seule conclusion
qu'il utilise est l'absence de phosphorescence ou de
pouvoir émissif anormal, ce qui le conduit à cher-
1 I. Buvre : Les progrès récents de l'éclairage par les
flammes. Æevue générale des Sciences, {. IX, p. 456; 1898,
Li]
CH.-ED. GUILLAUME — LES LOIS DU RAYONNEMENT
cher, dans la température très élevée que peuvent | moindre que le suppose M. Bunte, qui ne tient pas
prendre les manchons, la raison de leur éclat. Or,
M. Bunte juge nécessaire de rechercher la cause
d'une tempéralure qu'il considère comme anor-
male dans le brûleur, et appuie son raisonnement
sur les faits suivants : Le manchon se compose
d'un mélange de thorium et de cérium contenant
1 à 2 centièmes de ce dernier corps; un manchon
au thorium, alimenté par un bec brûlant 100 litres
à l'heure, donne 2 bougies, tandis qu’un manchon
au cérium en fournit 7 ou 8; en revanche, le man-
chon Auer arrive à 60 et même à 80 bougies. Le
mélange des deux oxydes est donc nécessaire pour
produire la température élevée à laquelle le grand
éclat du manchon est attribuable.
Supposons donc, comme M. Killing l’a indiqué,
que le cérium exerce une action catalytique sur la
combinaison de l'hydrogène avec l'oxygène, ou,
plus généralement, sur la combustion. Sur chaque
granule de cérium, la combustion sera activée,
el, en ce point précis, la température sera forte-
ment exagérée. Cependant, pour que l'action cata-
lytique puisse produire une importante élévalion
de la température, il est nécessaire que les grains
actifs soient très disséminés, et pour ainsi dire.
isolés au point de vue thermique. Or, M. Bunte
attribue au thorium, formant le support du cérium,
ce rôle d’isolant, puisque, par la calcination de son
nitrate, il constitue une masse boursouflée et fila-
menteuse dans un extraordinaire état de division.
« On sera tenté, dit M. Bunte, d'objecter tout
d'abord à cette explication que la masse de l’oxyde
de cérium, formant environ 1 °/, du poids du
manchon, est bien faible. Mais il est aisé de voir
que le fait n'est pas du tout improbable, si on le
compare à ce qui se passe dans les flammes de
gaz ordinaires.
« D'après Davy, l'éclat des flammes de gaz est
dû aux particules de charbon, qui, produites par la
décomposition du gaz, se trouvent portées à l'incan-
descence. Admettons que la totalité de charbon ren-
fermé dans la benzine, la moitié de celui renfermé
dans l’éthylène, qui constituent les portions éclai-
rantes de gaz, soient mises en liberté. Un litre de gaz
de bonne qualité fournira alors 5 milligrammes de
charbon environ. Le volume d’une flamme brûlant
450 litres à l'heure et donnant un éclairement de
vingt bougies, est d'environ 2? centimètres cubes;
elle renferme donc quelque chose comme 0 mg. 1
de charbon, et cette quantité minime, portée au
blanc, suffit à produire l’éclairement.
« Or, la quantité d'oxyde de cérium dans le man-
chon Auer est d'environ 4 milligrammes, soit qua-
rante fois plus grande que la quantité de charbon
à l'état libre dans une flamme du bec papillon. »
La masse de charbon dans la flamme est même
: maximum est encore plus déplacé vers Lo
compte de la dilatation considérable due à la tem=
pérature, quintuplant environ le volume du gaz
dans la flamme. ‘
Cette théorie est fort ingénieuse, et extrêmement
séduisante; mais on peut sè demander si elle est
nécessaire. Nous savons que la température vraie!
de la flamme du brûleur Bunsen est beaucoup plus
élevée que ne semblent l'indiquer les expériences:
directes. Or la flamme, entourée par le manchon;
‘qui la protège de l’afflux latéral de l'air, est proba=
blement plus chaude encore. Le rayonnement de
chaque brin, au lieu de se faire, comme dans le
cas d’une mesure par un fil, dans toutes les direc=
tions de l’espace, ne se produit que sur une demi=
sphère, les autres directions étant protégées par 1
reste du manchon ; enfin, d'après ce que nous avons»
vu au sujet des expériences de M. St. John, faits
qui deviendra encore plus probable dans celles de
M. Le Chatelier, on peut ‘admettre que le rayonne=
ment dans l’infra-rouge est relativement faible, ets.
par là même, le refroidissement par des radiations
inutiles beaucoup moins important que pour le
platine. Pour ces diverses raisons, il paraît certains
que le manchon, sans exercer aucune action cata=
lytique sur la combustion, doit prendre une tem=
pérature beaucoup plus élevée qu'un fil de platine
exposé à la flamme; et, comme nous avons trouvé
un écart possible de plusieurs centaines de degrés
entre la température maxima des gaz et celle que
l’on mesure, on devra admettre, en partageant la
différence, que le manchon peut arriver, dans une
flamme qui n'est nullement activée, à la tempéra=
ture de 2.000 environ que lui attribuent MM. Lum $
mer et Pringsheim, suivant la répartition de l’éner-=
gie dans son spectre.
Il se peut, d’ailleurs, que cette température,
déduite des courbes d'énergie, soit encore un peu
exagérée; MM. Lummer et Pringsheim considè-
rent, en effet, le corps noir et le platine comme
deux extrêmes, comprenant entre eux le manchon:
Auer. au point de vue de la répartition de l'énergie
et de la position du maximum. Mais, nous avons
vu que les oxydes s’écartent du corps noir plus
encore que le plaline, d’où l’on conclut que leur
LOT :
longueurs d'onde. -Celte remarque rend encore
moins nécessaire l'action invoquée par M. Bunte.
Les travaux dont je vais donner un court résumé la
rendent absolument inutile.
MM. Le Chatelier et Boudouurd, dans un travai
dont nous ne possédons malheureusement qu'une
relation sommaire’, ont serré de beaucoup plus
1 H. Le Cuareuer Er O. Boupouanp : Sur la radiation des
manchons à incaudescence. C. R., t. CXXVI, p. 1861; 1898,
CH.-ED. GUILLAUME — LES LOIS DU RAYONNEMENT
133
près la théorie des manchons, en l'enfermant entre
quelques expériences judicieusement choisies et
habilement conduites.
- Exposant d'abord un couple aplati sous forme
d'un petit disque au même point de la flamme d'un
brûleur, soit nu, soit recouvert d'un oxyde, ils
«trouvèrent à la fois les températures et les éclats
donnés ci-après (Tableau Il) et rapportés aux ra-
-diations semblables dans l'élalon Violle.
—._ La température étant d'autant plus basse que la
…léperdition par rayonnement est plus grande, on
‘en conclut que le pouvoir émissif du manchon
“Auer pour l'ensemble du spectre est exceptionnelle-
ment faible. Comme, de plus, la proportion de son
température est de 1775°, va en croissant vers le
bleu, contrairement à ce qui devrait se passer si
son pouvoir émissif suivait une allure semblable à
—lagceAU II. — Températures et éclats de divers corps
dans la même flamme, en fonction de l’étalon
Violle, d'après MM. Le Chatelier et Boudouard.
CORPS (reuréra- ROUGE VERT BLEU |
]
À | |
Blafine.. + . . . .| 42900 | 0,085 | 0,040 | 0,014
Oxyde de fer. . . . .| 1.800 | 0,015 | 0,005 | 0,001
Manchon Auer. . . .| 1.3800 0,070 0,125 | 0,125
Oxyde de thorium. .! 1.2900 | 0,014 | 0,014.| 0,003
Oxyde de cérium. | 1.1109 0,019 0,007 | 0,0015
Oxyde d'urane. . . .| 1.0700 | 0,003 | 0,002 | 0,0005
Oxyde de lanthane | 1.2500 | 0,040 | 0,031 | 0,018
celui du platine, on est obligé d'admettre que,
pour ce mélange d'oxydes, il croît très rapidement
vers les courtes longueurs d'onde. La comparaison
avec les chiffres trouvés pour les oxydes purs
montre qu'aucun d'eux ne possède cette propriélé
d'une facon aussi marquée, et qu’à ce point de vue
le manchon est doué des qualités oplima parmi les
corps examinés. Extrapolant, comine nous l'avons
_ fait précédemment, nous admettrons que, dans
l'infra-rouge, le pouvoir émissif va en baissant de
plus en plus, etretrouve peut-être, mais seulement
à une grande distance, une nouvelle région de
grand pouvoir émissif.
Pour expliquer celte particularité d'un mélange
dont les propriétés ne sont pas additives, MM. Le
. Chatelier et Boudouard ont comparé l'éclat d’une
poudre porphyrisée, ayant exactement la compo-
sition du manchon, à celui d'une masse obtenue,
suivant le procédé indiqué par Auer, en calcinant
le mélange des nitrates. Résultat : la poudre, bien
qu'intimement mélangée, possédait les propriétés
- de la thorine, tandis que la solution solide obtenue
par voie humide et caleination avait toutes les
propriétés du manchon.
rayonnement à celui de l’étalon Violle, dont la |
Il faut donc admettre que la petite quantité de !
cérium ajoutée au thorium, à l'état de dissolution
réciproque, change complètement sa coloration aux
températures élevées, comme de pelites additions
de nickel, de manganèse, de chrome, transforment
du tout au tout la couleur des verres dans lesquels
ils se trouvent à l’état de dissolulion solide.
MM. Le Chatelier et Boudouard vont plus loin :
comparant l'éclat de la région la plus lumineuse
d’un manchon en service à celui d’une petite quan-
tité de matière semblable amenée à diverses tempé-
ratures sur un couple, ils établissent les deux séries
de résultats ci-dessous (Tableau 111), l'étalon Violle
servant toujours de terme de comparaison.
Leur conclusion est que la température du man-
chon, résultant de la comparaison de ces chiffres,
varie de 1590° à 1710°, suivant la radialion utilisée.
Notre raisonnement sera un peu différent : On
voit que, même à 1700°, température à laquelle le
Tagseau III. — Éclats du bec Auer et de la même
substance à diverses températures, rapportés à l’éta-
lon Violle, d'après MM. Le Chatelier et Boudouard.
|
| ROUGE | VERT BLEU
Bec Auer . - 0,23 | 0.42 0,41
1.1000. . 0 ,.0023 0.,0017 | 0,0013-
1.3000, 0,019 0,031 0,02
1.5000. 0,14 0,28 0,17
1.7000. 0,35 0,78 0,40
bleu possède le mème éclat dans les deux cas, le
rouge est plus intense dans la substance d'épreuve
que dans le manchon; il est probable que la super-
ficie considérée était mieux remplie sur le couple
que dans le manchon, qui consiste en des filaments
séparés. On peut en conclure, avec beaucoup de
vraisemblance, que l'éprouvette n'a pas réellement
atteint la lempérature du manchon, qui pouvait être
sensiblement supérieure à 1700°. Notons encore que
MM. Le Chatelier et Boudouard ont chauffé un man-
chon hors de la flamme, par simple contact avec
les gaz chauds, sans trouver de différence d'éclat
pour la même température mesurée.
IV
— CONCLUSIONS.
Le magistral exposé des lois générales du
rayonnement, dû à Kirchhoff, leur spécialisation
théorique par M. Boltzmann, M. Wien, MM. Lum-
mer et Pringsheim, M. Planck, enfin leur vérifica-
lion expérimentale dans le cas du corps noir, nous
ont donné, après bien des eflorts, une base solide
sur laquelle une connaissance plus complète des
radiations pourra désormais être édifiée. Les pro-
priélés de quelques corps ont été examinées à ce
point de vue, et les faits mis au jour par l’expé-
rience, et qu'aucune théorie ne permet jusqu'ici de
CH.-ED. GUILLAUME — LES LOIS DU RAYONNEMENT
relier complètement, el encore moins de prévoir,
nous ont montré que, dans cerlains cas, une sim-
plicité analogue à celle que l’on rencontre dans
l'étude du corps noir, conduit à des relations em-
piriques différant seulement par la valeur des
coefficients numériques, de celles qui régissent le
cas théorique le plus simple. Mais la règle semble
ètre la complexité. Parmi les corps que l'impor-
lance d’un problème industriel à conduit à exami-
ner de plus près, il n’en est pas un qui ne s'écarte
sensiblement d'une loi simple, pas un qui ne pré-
sente ce que l’on considérait, il y a peu de temps
encore, comme une singulière anomalie.
Nous savons parfailement aujourd'hui qu'aucune
irrégularité du rayonnement n'est en opposition
avec les lois de Kirchhoff, c'est-à-dire avec le prin-
cipe de Carnot, appliqué à des phénomènes uni-
quement thermiques, à la seule condition que,
pour aucune radiation émanée d'un corps ne subis-
sant pas de transformation chimique, le pouvoir
émissif ne soit supérieur à celui du corps noir.
Mais il n'existe aucune relation apparente entre
les pouvoirs émissifs en divers endroits du spectre,
sauf, cependant, autant que l'on en peut juger,
une certaine relation de continuité entre les coeffi-
cients relatifs à des points conligus du spectre.
Sous cetle seule restriclion, le pouvoir émissif en
une région quelconque peut s s'abaisser sinon jus-
qu’à zéro, du moins jusqu'à des quantités si faibles
qu'un corps, en couche peu épaisse, n’émettra, en
ces points, aucune énergie mesurable. Tel est le
cas pour des corps dits transparents, comme le
quartz, dans tout le spectre visible, et jusqu'à des
températures très élevées.
Certains corps, transparents dans le spectre
visible, le sont dans une grande étendue en dehors
de cette région restreinte ; mais aussi, des corps
à pouvoir émissif visible élevé peuvent être très
transparents dans l’infra-rouge, et comme, aux
températures qu'il est possible d'atteindre par les
moyens ordinaires de l’industrie, le maximum de
la puissance rayonnante se trouve dans celle partie
du spectre, l'énergie lotale émanée de ces corps
subira un gros déficit. Si, de plus, leur pouvoir
émissif va en croissant progressivement vers les
courtes longueurs d’onde, de tels corps pourront,
à une température donnée, avantager les radia-
tions bleues au détriment des rouges, et posséder
une coloration blanche ou même bleuâtre, à des
températures où le corps de rayonnement maxi-
num aurail une teinte encore nettement rouge.
Ce dernier aura, il est vrai, un éclat supérieur
à celui de la substance à laquelle nous attribuons
ces propriétés particulières ; mais il pourra rayon-
ner incomparablement plus dans les régions de
plus grande longueur d'onde.
‘certainement celles du platine, que les auteurs
Sans doute, l’éclal des manchons conduit à sup-
poser leur température exceptionnellement élevée.
Mais nous avons vu, d'une part, que les tempéra=
tures ordinairement attribuées aux flammes sont
beaucoup trop basses ; d'autre part, que la tempé=
ture qu'indiquent pour les manchons les expé=
riences de MM. Lummer et Kurlbaum sont très
probablement erronées par excès, par le fait que,
si l’on part des propriétés du corps noir pour
s'avancer vers celles des manchons, on rencontre
avaient considéré comme un cas extrême, per-
mettant de calculer avec sécurité une valeur infé=
rieure de la température des manchons, celle de la
limite supérieure étant donnée par la comparaison
avec le corps noir. En revanche, les températures
indiquées par MM. Le Chatelier et Boudouard sont,
sans doule, sous-évaluées. Mais, entre les limites
qui paraissent aujourd'hui le plus vraisemblables;
on se trouve encore dans les températures des
parties chaudes des flammes, brülant dans de
bonnes conditions, sans qu'il soit nécessaire d'in
voquer une cause spéciale de surélévation. Fi
Le dernier facteur essentiel de la grande inten-=
silé des manchoss incandescents, comparée à celle.
de flammes carburées de même superficie appa-
rente, réside dans la densité superticielle beaucoup
plus grande de la matière participant au rayonne="
ment. Cependant, celte densité est encore assez
faible pour que la circulation du gaz autour des,
filaments soit facile; elle est certainement infé-
rieure à 1/4 pour la totalité des deux côtés du man-
chon, et ce n’est que tout près du bord que los
cité est à peu près complète.
Aucune élude complète de la répartition de la
puissance rayonnée par les oxydes isolés ou les
manchons n’a encore été faite pour une région dun
spectre s'étendant au loin dans l'infra-rouge; et,
d'ailleurs, sur le rayonnement des corps, à l’excep-
tion d'une demi-douzaine au plus, notre ignorance
est à peu près complète. Les substances utilisées
par M. Auer von Welsbach présentent cet intérêt,
particulier de posséder, dans leur spectre d'émis-
sion, des lacunes étendues dans une région facile à
explorer ; elles donneraient, avec relativement peu
de peine, des résultals très éloignés de ceux qua
fournis jusqu'ici l'étude des corps à rayonnement
à peu près régulier.
Sa brillante découverte, après avoir, par son
élrangelé, dérouté pour quelque temps les physi-
ciens, leur a donné une précieuse pierre de louche
pour éprouver des théories d’une immense impor-
tance, qu’elle à d'abord semblé ébranler, puis défi-
nitivement raffermies. à
Ch.-Ed. Guillaume,
Physicien au Bureau international
des Poids et Mesures.
D: L. HUGOUNENQ — LA COMPOSITION CHIMIQUE DU FOŒETUS HUMAIN 13
ces derniers temps, à la composition chimique
globale de l’homme ou des animaux.
Cependant, c'est bien une question primordiale
échanges nutritifs, il semble que la solution de
problème fondamental s'impose tout d'abord
romme une nécessité. Les notions acquises sur la
tatique chimique de l'économie servent de guide
pour les travaux ultérieurs; ce n'est pas sans in-
convénient que la plupart des auteurs ont cru
pouvoir s'en passer.
… II] ne s'agit pas seulement de fixer, par un essai
qualitatif, la liste des éléments, des acides et des
“bases constiluant le squelette chimique des ani-
“maux supérieurs, l'homme compris; ce sont là
“des notions fort anciennes dans la science. Ce qui
“importe, c'est de les rajeunir en les précisant par
des données quantitatives, en étendant à lout
Vorganisme une enquête aussi minulieuse que
possible, nécessaire pour établir, à un moment
terminé, le bilan d'un organisme vivant.
Si, jusqu'à présent, les tentalives faites dans cette
Voie ont été peu nombreuses, c'est que le sujet
comporte de très grandes difficultés. L'analyse
“immédiate du corps d'un animal de petile taille
est déjà malaisée; dans l'espèce humaine, chez
Padulte, actuellement du moins, les difficultés
nt presque insurmontables; elles sont moindres:
ien que très réelles encore, s'il s’agit d'un cadavre
“de fœtus ou de nouveau-né. C'est par là que le
hproblème a été aborbé dans ces derniers temps;
Penquête a fait un premier pas; elle permettra
plus tard de fixer avec précision la composilion de
ce segment anthropométrique dont Bouchard! a
troduit la notion dans la science, et montré
limportance dans l'étude scientifique des troubles
de la nutrition.
| - Ce n'est pas d'aujourd'hui, d’ailleurs, que l'in-
térét de ces problèmes s’est imposé aux biologistes.
« ‘ Cu. Boucnaro : Traité de Pathol. gén., t. II, p.185 et suiv.
LES RECHERCHES RÉCENTES SUR LA COMPOSITION CHIMIQUE
DU FŒTUS HUMAIN ET DE L'ENFANT NOUVEAU-NÉ
Déjà, en 1858, von Bezold' publiait une analyse
des cendres d’un fœtus de cinq mois; en 1863,
Bischoff”, en 1877, Fehling *, déterminent, de
façon très sommaire les proportions respectives
d’eau et de matériaux fixes de l'organisme fœtal.
La question, reprise dans une communication
de Giacosa‘ au Congrès de Rome, en 1894, est
devenue actuelle de par les travaux de Lange”,
Michel ®, Camerer junior et Sœldner‘ et enfin les
divers Mémoires publiés par Hugounenq*.
L'analyse complète (matières organiques et inor-
ganiques) du corps du nouveau-né soulève, nous
l'avons dit, des difficultés sans nombre et, même
avec les derniers progrès de la technique, on ne
peut pas regarder comme rigoureux les résultats
acquis au prix des plus grands efforts. Voici cepen-
dant lrois analyses de nouveau-nés de poids presque
identiques, oscillant autour de 2.685 grammes. Nous
ne donnerons que la moyenne de ces analyses, dues
à Camerer junior et à Sældner :
Poids du fœtus . . 2.685 gcramines.
EU ER LE re uli912 —
Résidu fixe. STAPS. 113
Matières albuminoïdes , 308 _—
— extractives. 13 —_
— grasses 397 —
(BEN ELLE cv PORN 65 —
Le cadavre d’un de ces nouveau-nés,
2.616 grammes, renfermait 434,2 de carbone,
64“,1 d'hydrogène, 465,8 d'azote, soit en cen-
tièmes :
pesant!
CU En TN ic AL G OO ONE
EE RTT Sont en ANS LOUE ETATS 2,45
Az 1,18
On doit à Michel des déterminations d'azote dans
l'organisme du fœtus et du nouveau-né : ses ré-
sultats (Tableau 1) sont antérieurs à ceux de Came-
rer et de Sœldner, et d'accord avec eux. Ils font
bien ressortir l'augmentation considérable d'azote
Von Brzozn: Zeisteh. f. wis. Zoolog.,{. IX, 1858, p. 246.
1
2 Biscuorr : Zeitsch. f. ration. Medicin, t. XX, 1863, p. 15.
3 Fencinc : Archiv. {. Gynækol., t. XX, 1811, p. 523.
4 Gracosa : Giornale d, R. Ace. di Med. di Torino, avril-
mai 489%, p. 364 et Arch. ital. de Biol., t. XXII, 1895, p. 252.
5 pe LANGE : Vergelijkende asch. analyse, Dissertation,
Amsterdam et Maly's Jdahresbericht, t. XXVII, 1898, p. 260.
5 Mrcuec : Comptes rendus de la Soc. de Biologie, 21 mai
1899, p. 422. "
7 CAmerER junior : Zeitsch. f. Biologie, t. XXXIX.
8 Hucouxeno : Compt. rend. Soc. Biologie, 1899, p. 331
et 523: Journal de Physiol. et de Pathol. générale, 1899,
n° 4 et 1900, n°S 1 et 4; Comptes rendus de l'Ac. des
Sciences, 2 avril et 21 mai 1900; Annales de Chimie et de
Physique, 7 série, t. XXII, mars 1901.
436
D' L. HUGOUNENQ — LA COMPOSITION CHIMIQUE DU FOETUS HUMAIN
par conséquent, de matières albuminoïdes fa-
briquées par le fœtus durant les deux derniers
mois de la grossesse : cette constatation s'impo-
Sera de nouveau pour les sels minéraux les plus
Tagcrau | — Poids et proportions d'azote
dans le fœtus à différents âges d'après Michel.
AGE DU FŒTUS POIDS TOTAL RÉSIDU FIXE AZOTE
2 mois 4/2 : 1780 18 4 08122
30 — 4ÿj.. 15558 12,6% 1,384
He... 445.0 14,26 5,N81
5 (= 418.0 59,44 6,228
6 — 672.0 10062 11,048
T — 102%.0 156,30 16,005
A 3335 ,0 1028,35 12,100
importants
fer,
la chaux, l'acide phosphorique, le
etc. C'est, en somme, pendant les deux der-
niers mois de la gestation que l'organisme fœtal
fixe, élabore et constitue les deux tiers de sa
masse totale, qu'il s'agisse des malières organiques,
des phosphates, des sels alcalins ou terreux. Il n’est
pas besoin de souligner l'importance de ce fait.
L'effort des expérimentateurs a porté principale-
ment sur la composition chimique des cendres.
L'accord est à peu près complet sur tous les points,
sauf sur le fer. Le dosage d'une petite quantité de
fer, répartie sur une masse considérable de cendres
phosphalées, calcaires et magnésiennes, rencontre
des difficultés dont ceux-là seuls ont une idée qui
ont eu à les surmonter. Les méthodes classiques
beaucoup les notions acquises à ce jour sur
statistique minérale du fœtus et du nouveau-né.
On trouvera ci-dessous (Tableau Il) les résultals
des analyses rapportées à 100 gr. de cendres :l
s'agit de sept sujets d'âges divers étudiés par
Hugounenq ! 1
Si l’on rapporte les résultats de l'analyse non plus
à 100 gr. de cendres, mais à 1 kilogr. de poids
vivant, on trouve les résultats suivants.
Nos 1. . 27814
26,38
23,10
25,92
25,82
35,36
31,37
|
— 7
Enfin, dans le tableau III, on trouvera la propors
tion de chacun des éléments minéraux pour los
ganisme total des fœtus incinérés.
Les analyses de Camerer et de Sœldner. n'ont
fait que confirmer les données qui précèdent. De
ces résullats concordants découlent quelques con£
tatalions importantes. F
Il
Dans l’ensemble, la fixation des sels minéraux
estbeaucoup plus intense pendant les trois derniers
mois de la grossesse et nous retrouvons ici ce que
les recherches de Michel et des auteurs allemands:
avaient montré pour les graisses et les matières
protéiques.
Toutefois,
la fixalion des sels minéraux a lietr
TaBLeau II. — Analyse des cendres de fœtus de divers âges (L. Hugounenq).
Numéros d'ordre. . . . . . . . 1 2 sl 4 o 6
SEL RTE ed TE F 0) F F M
Période de la grossese . . . . k-4 m. 1/2 à 1/2-5 m. 5-5 m. 1/2 6 m. a ons
Poids du fœtus, . . , ,. 0k,522 0k,570 0k,800 1k,165
Poids des cendres. . . . . . .. 14gr.0020 148r,7154 18gr,3752 30gr,7705
en ee
CO? 2 ,50 % 0,96 % 0,90 % 0,32 % 1,89 &
CL. 9:91 8,59 16) 8,53 4,26
P°0° 32133 3436 34,04 35.39 35,36
SO: 1197 1,80 1,18 1,46 1,53
Ca0 38,21 32250 34,64 34,13 40,55
Mg0. » 1,58 » ES 1551
K°0 . 4,21 8,28 1,21 8,45 6,20
Na°0. 13,15 12,62 10,62 10,95 8,12
Fe*0 0,33 0,40 0,38 0,38 0,39
Lt:
conduisent à des résultats complètement faux ; les | électivement : si toutes les substances augmentent
déterminations de von Bezold et de Giacosa, par
exemple, sont quatre et cinq fois supérieures à la
teneur réelle des cendres en fer. Hugouneng a fait
la critique de ces résultats, et fixé la technique de ces
dosages, qu'il a toujours effectués par voie pondé-
rale. Les proportions respectives de sodium et de
potassium, incertaines jusqu'en ces derniers temps,
ont été précisées et, dans l’ensemble, il n’est pas
probable que les recherches ultérieures modifient
au cours du développement, l'accroissement es
surtout marqué pour la chaux el l'acide phos
phorique. Il n'y a pas fixation parallèle de l'acide
et de la base dans les proportions exigées par la
formule (PO*)Ca*; l'organisme ne fixe pas directe=
ment le phosphate de chaux tout formé; il paraît
d’abord assimiler du phosphore organique, sans
1 HuGouneno: Journ.de Phys.et de Path. gén., 1900, p. 509
D' L. HUGOUNENQ — LA COMPOSITION CHIMIQUE DU FOETUS HUMAIN 13
|
“doute sous forme de nucléine et de lécithine. Il
“emprunte à ces composés de l'acide phosphorique,
qu'ullérieurement, vers la fin de la grossesse el
urtout après la naissance, il neutralisera par de
Ja chaux, peut-être assimilée, elle aussi, à l’état
de substance organique. L'analyse des cendres du
permet de saisir sur le fait, pour ainsi dire, les pro-
_cédés chimiques de calcification du tissu osseux et
“d'écarter les anciennes notions par trop simplistes
qui ont égaré longtemps la physiologie patholo-
sique et la thérapeutique du rachitisme.
Si l’on suppose toute la chaux à l’état de phosphale
tricalcique, il reste, pendant tout le cours de la
grossesse, un excédent d'acide phosphorique non
Saturé par la chaux et probablement à l'état orga-
nique. Cet excédent est, pour les 7 sujets analysés,
respectivement de : 0 gr. 71 ; 0,01 ; 1,27 ; 1,74; 2,13:
“{œius aux divers stades de son développement:
puis, à la fin, des sels polassiques de préférence.
La prédominance dela soude tient à l'abondance
relative du tissu cartilagineux chez le fœtus, le
cartilage étant très riche en chlorure de sodium.
Bunge qui, le premier, a établi cette particularité,
l'a rattachée à un phénomène alavique. Le cartilage,
en effet, ayant apparu tout d’abord chez des ani-
maux marins et s’élant, par conséquent, formé
dans l’eau de mer. est resté riche en chlorure de
sodium. L’ontogenèse est bien d'accord ici avec la
phylogénèse : c'est surtout au début et dans la
période moyenne de la grossesse que le fœtus
assimile du sel pour édifier ses cartilagés.
Au contraire, la potasse, prédominant dans le
globule rouge et le muscle strié, augmente vers la
fin de la vie intra-utérine. Sa proportion est en
rapport avec le degré de développement, et aussi,
en quelque mesure, avec la vigueur du sujet.
TaëLeau II. — Proportions des éléments minéraux dans l'organisme total des fœtus.
I
Numéros d'ordre . , ... .. :, 1 2 3 4 5 n v |
nee PRE EME ERA F F F F ki M M
Période de la grossesse 4-4 m. 1/2 4 1/2-5 m. 5-5 m. 1/2 6 m 6 m. 1/2 A terme A terme
Rp du fus... ., .. . Ok,522 0k,570 0k,800 1k,165 1,285 2k,720 3k,300 |
Poids des cendres 1:£r,0020 146r,7154 18gr,3752 3.gr,7:05 32gr,9786 O6gr,7556 10Ggr, 1630
{0 Lie » 0,23 0,28 0,10 1,85 ,23
Cle. À ,24 ds 2,31 2,80 #,10 k + 8200
0°. #.86 AE 10,74 11,60 34,05 38,49
805 0,20 0.19 0,55 0,41 1,44 1.40
Cao . 4,56 5,83 10,66 11521 39,08 13,18
RE ne er » 0,49 1,41 » |
& ,.2 û 2,21 2,11 ,.98 8.03 |
Nw0 1171 209 < 3.26 360 1/83 6.33
Fe*0* 0,061 0,061 0,073 0,119 0,126 0,383 0,421
1,03; 2 gr. O1. Le 2° sujet, qui donne un excédent
de 0 gr. O1 seulement, était dans un état de pro-
fonde déchéance de cause inconnue.
La teneur des cendres en potasse el en soude
fournit également quelques comparaisons intéres-
Santes : c'est d’abord la prédominance de la soude,
dont la proportion continue à s'élever au cours du
développement de l'embryon, mais moins rapide-
-ment que la teneur en potasse (Hugounenq, ibid.) :
POUR
AGE DU FŒTUS UNE MOLÉCULE DE POTASSE, K20
% mois à 4 m. 1/2. . . . 2,2 moléc. de soude, Na0
bimois à 5m. 1/2. . . 2,3 _
6 mois 450 2,2 _
6 m. 1/2 LA —
Milerme:t, 17. Ê 182 —
Vers le milieu de la gestation, on trouve plus de
- 2 molécules de soude pour 1 de potasse ; à la fin, la
- proportion devient : 4,2 molécule de soude pour
_ 1 de potasse, rapport presque équimoléculaire.
‘Comme les variations du chlore sont à peu près
parallèles à celles de la soude, on peut en conclure
que l'organisme assimile d'abord des sels de soude,
La détermination précise du fer est d'une impor-
tance loute particulière, parce qu'elle permet de
résoudre certains problèmes intéressants. Nous
avons déjà vu que les données anciennes ne méri-
taient aucune créance, à cause des procédés de
dosage défectueux. En appliquant une méthode
plus rigoureuse, j'ai trouvé pour l'organisme lotal !:
AGE DU FŒTUS Fe*05
4 mois à 4 m. 1/2. . 0060
k m. 4/2 à 5 mois. . 0,061
5 mois à » m. 1/2 0,073
6 mois. . 0,119
6 m. 1/2. 0,126
ATEN EE Sn CU AIN EPS 0,383
A terme. 0,421
lei encore apparait l'intensité de l'assimilation
pendant les trois derniers mois : néanmoins, comme
la même loi régit la fixalion des autres éléments
minéraux, le rapport du fer à l’ensemble des
cendres reste à peu près constant pendant la
gestation.
Ea quantité de fer contenue dans l'organisme
global du nouveau-né est de 0 gr. 353 à O0 gr. 421,
138
D' L. HUGOUNENQ — LA COMPOSITION CHIMIQUE DU FOETUS HUMAIN
en moyenne 0 gr. 40 Fe*0*, ce qui correspond à
0gr.28 de fer métallique. La quantité de fer de l'éco-
nomie est plus faible qu'on ne le croyait autrefois;
la soustraction de fer subie par l'organisme mater-
nel au bénéfice de l'embryon ne dépasse guère
0 gr. 30 de métal et répond, par conséquent, à un
peu moins de 100 gr. d’hémoglobine humaine, soit,
élant donnée la richesse en hémoglobine du sang
chez la femme, à 800 gr. environ de sang maternel.
Comment ce fer est-il réparti? Combien fait par-
lie intégrante du sang, combien des autres tissus ?
Existe-t-il, indépendamment de ces deux sources
de fer, une réserve destinée à subvenir aux be-
soins de l'enfant durant l'allaitement, et à compen-
ser la pauvreté extrême du lait en fer ?
Bunge a beaucoup insisté sur cette réserve de
fer accumulée par les jeunes animaux, réserve qui
se traduit par une teneur relative en fer très élevée
à la naissance, mais rapidement décroissante, par
suite du développement actif des tissus.
Il est très malaisé de répondre à ces questions
pour le fœtus humain et de confirmer ou d'infirmer
sur ce point, d'une façon absolument précise, les
asserlions du physiologiste bälois.
Nous ne possédons aucun moyen d'évaluation
exacte de la quantité de sang contenue dans un
organisme ; les chiffres, à cet égard, varient suivant
la méthode employée, et ne méritent pas beaucoup
de créance. C’est donc sous toutes réserves que
nous présenterons les considérations qui suivent.
En admettant les données les plus récentes rela-
tives à l’homme adulte, le sang fournit 0 gr. 80 à
0 gr.85 Fe°0* par litre; d'autre part, la quantité de
sang est de 1/12 environ du poids du corps, ce qui,
pour le fœtus à terme n° 8, donnerait 275 grammes
de sang, soit, en calculant sur une teneur de 0 gr,9
Fe°O* par litre, 0 gr. 247 pour la totalité du Fe°0*
d'origine hématique.
Ceci ferait supposer qu’à la naissance 50 à 60 °/,
du fer total sont à l'état d'hémoglobine; le reste
entre dans la composition des tissus (muscles,
os, elc.), Mais, comme ces divers tissus ou liquides
contiennent beaucoup moins de fer que le sang, il
s'ensuivrait que la majeure partie du fer non
hématique serait, non pas à l’état d'élément cons-
tilutif des tissus, mais sous forme de réserve dé-
posée dans tel ou tel organe (foie, rate) et des-
tinée à parer, chez le nourrisson, à l'insuffisance
du fer alimentaire.
Les résullats précédents semblent done nous
autoriser à élendre à l'espèce humaine, ce qui
jusqu'à présent n’avail pas été fait, la théorie sédui-
sante de Bunge. Mais il ne faut pas se dissimuler
que les calculs ci-dessus reposent sur deux hypo-
thèses non encore vérifiées avec une exactitude
suffisante : rapport de la quantité de sang au poids
total et, en second lieu, constance de la teneur en
fer pendant toutes les périodes de la vie. Or cette
dernière supposilion va à l'encontre d'une donnée
qui à cours (je n’en ai pas vérifié le bien fondé), el
suivant laquelle le sang du nouveau-né contien=
drait beaucoup plus d'hémoglobine et, partant, de
fer que celui de l'adulte. D'après Leichtenstein, la
richesse en fer serait, chez l'enfant, le double de
ce qu'elle est chez l'adulte. Si cette dernière asser=
tion, qui parait excessive, était exacte, il est cer
tain que les calculs ci-dessus seraient sans objet:
la réserve de fer serait inadmissible.
Je pencherais plutôt pour admettre, sans cepen-
dant considérerle fait comme absolument démontré,
que celle réserve existe bien chez le nouveau-né
el qu'à l'instar des jeunes Mammifères l'enfant
apporte en naissant une provision de fer nécessaire
pour subvenir à l'édification de ses tissus, et pour”
parer à l’insuffisance du fer dans le lait maternel."
III
Si maintenant nous envisageons l'ensemble de
la statique minérale du fœtus pendant les six
derniers mois de la vie embryonnaire, nous
sommes amenés à constater d’abord que, si l'on fait
abstraction des bases alcalines, de l'acide phos-
phorique et de la chaux, dont les variations sont
dues à la genèse des globules rouges et à la forma
tion du tissu osseux, on observe que la composi=
lion centésimale des cendres varie peu. Vers la fin,
le poids total de ces cendres augmente beaucoup:
mais, sauf les particularilés signalées plus haut,
les rapports des éléments entre eux ne subissent:
pas de grandes modifications.
Quant à l'alimentation minérale, la cellule de”
l'embryon de quatre mois a les mêmes exigences
que la cellule du nouveau-né. Au cours de l'évolu-
tion embryonnaire, le nombre des cellules aug-
mente; mais la composition du squelette minéral
ne change pas, sauf pour les sels nécessaires à.
l'édification de deux tissus spéciaux : le sang et l'os."
Une autre question se pose, celle du rapport
existant entre la composition minérale de l'orga-
nisme global et la composition des cendres du lait.
Bunge, à qui l’on doit sur ce sujet d'intéressantes:
recherches, a montré que, pour un certain nombre
d'espèces (chat, chien, lapin), il y a parallélisme:
entre la composition minérale de l'organisme et
celle du lait maternel, tandis que ce parallélisme
ne se manifeste à aucun degré entre les sels du
plasma sanguin et ceux du lait. « La cellule épithé-
liale de la glande mammaire, a écrit Bunge,
prélève sur les sels minéraux du plasma toutes les
substances inorganiques, exactement dans la pro-
portion où elles sont nécessaires au nourrisson
pour se développer et réaliser l'organisme de ses.
Mascendants. » C'est là, du moins, ce qui résulte des
“constatations faites par Bunge et ses élèves sur les
petits animaux. Chez l'homme, il n’en va pas de
même, ainsi que le montre le tableau suivant :
CENDRES
mn pi
A du du
ts nouveau-né lait de femme
“Anhydride phosphorique (P20%. . 35,28 0}, 21,30 ©}
Chaux (Ca0). . CE Tee 40,48 14,19
Magnésie {M20 4,51 2 87
Mbiore OP Ne ren € %.26 19.73
…_Anhydride sulfurique (SO* . 1,50 »
Peroxyde de fer (Fe°0?). . . 0,39 Ü,18
Potasse (K°0) . ; 6,20 35,15
Moude (Na 0): . . . : . . . . 8.12 10,43
Anhydride carbonique (CO* . 1,89 »
Pa
… À la seule inspection des chiffres ci-dessus, il est
évident qu'on ne saurait reconnaitre aucun rapport,
Fe &e EME
“dans la composition quantitative, entre les cendres
CE
L
de sélection qu'elle manifeste chez certains Mam-
l bez les petits Mammifères à développement ra-
Mpide et, dans ces limites, elle se vérifie d'autant
EL ieux que le développement est lui-même plus
| rapide. Les petils animaux constituent, en effet, une
part importante de leur organisme, et spécialement
|]
{
Me leur tissu osseux, durant l'allaitement, ce qui
f Ma pas lieu chez l'homme. La période d'allaitement
Meprésente chez le chien, par exemple, un quart
Me la durée du développement total ; ce rapport
n'est chez l'homme que de 1/20 environ, c’est-
mi-dire cinq fois moindre. Il s'ensuit que le lait est,
chez les petits Mammifères, un facteur du déve-
D beaucoup plus important et surtout
plus étroitement adapté que chez l'homme.
Cette adaptation a été bien mise en évidence par
les travaux de Bunge et de ses élèves, en particu-
lier d'Abderhalden ; mais il résulte de ce qui pré-
cède qu'elle est restreinte aux petits animaux. On
ne la retrouve pas dans l'espèce humaine.
|
|
SFr
IV
— On peut se demander si, indépendamment des
éléments minéraux communs (Cl, O, S, Ph, C, Na,
K, Ca, Mg. Fe, etc.), le fœtus n'assimile pas à l’état
Là traces certains autres corps simples, peut-être
l
h
“indispensables : les beaux travaux d'Armand Gau-
“lier sur l'arsenic organique évoquent naturelle-
“ment cette question. Telles qu'on les pratique
l'ordinaire et quand on se préoccupe de sous-
aire les cendres à toute addilion de sel étranger,
es incinérations de cadavres ne laissent guère
l'espoir de retrouver, dans les cendres, des corps
ÿ
D' L. HUGOUNENQ — LA COMPOSITION CHIMIQUE DU FOETUS HUMAIN
439
comme l’arsenic ou l'iode : et, en fait, la recherche
de ces substances, dans le résidu de l'incinération,
ue donne que des résultats négatifs.
On pourrait s'attendre à rencontrer de la silice
dans l'organisme du fœtus ou du nouveau-né :
malheureusement, la recherche de la silice ne va
pas sans de grandes difficullés : il faut opérer avec
des acides dislillés dans du platine, travailler exclu
sivement dans des vases de platine, éviter la chûte
des poussières et surtout des parcelles détachées
des parois réfractaires du four à moufle au cours
de l'incinération. En prenant les précaulions les
plus minutieuses, je suis arrivé à extraire quelques
flocons à peine visibles de silice, mais en si petite
quantité que la présence de ce corps reste douteuse
en raison des erreurs à peu près inévitables que
comportent les recherches de ce genre. Dans tous
les cas, si les tissusde l'embryon renferment du sili-
cium, c'est à l'état de traces infinilésimales, et il en
est probablement de même du fluor. Ces corps
simples ne semblent faire partie intégrante de nos
tissus qu'après la naissance, et ne pénétrer dans
l'économie qu'avec les aliments.
Il y aurait enfin une autre question à résoudre,
mais qui exigerait des quantilés de cendres très
supérieures à celles dont on peut pratiquement
disposer : je veux parler de la recherche des
métaux rares. Il n'est pas impossible qu'un ou
plusieurs métaux rares figurent parmi les éléments
normaux el peut-être nécessaire de l'organisme,
abstraction faite de lout apport alimentaire acci-
dentel, déjà dans l'utérus. Je n'ai fait, dans cette
voie, qu'une tentative. La chaux des cendres a été
isolée à l'état d'oxalate, puis retransformée en
chaux caustique; et enfin, suivant les indications
données par Verneuil, en sulfure de calcium.
On sait, depuis les travaux de Becquerel, que les
chaux des diverses origines ne se comportent pas
de la même facon et, soumises à des traitements
identiques, donnent des sulfures diversement phos-
phorescents. Avec la chaux des cendres de fœtus,
j'ai préparé un sulfure qui, excité par la flamme du
magnésium, donne à l'obscurité une phosphores-
cence magnifique, plus intense que celle de Ja
chaux pure, et se distinguant de celle de la chaux
par une coloration vert livide. Cette phosphores-
cence persiste pendant plusieurs minutes; elle
impressionne la plaque photographique.
Quel que soit le sexe du fœtus, la couleur de la
phosphorescence est identique.
Mais ce sont là des questions qui appellent de
nouvelles recherches, sur un terrain où la Chimie
physiologique n’a pas dit son dernier mot.
. D' L. Hugounenq,
Professeur à la Faculté de Médecine de Lyon,
Membre correspondant de l'Académie de Médecine.
BIBLIOGRAPHIE
ANALYSES ET INDEX
410
1° Sciences mathématiques
Enestrom (Gustaf), de Stockholm. — Bibliotheca
mathematica. — Zeitschrift für Geschichte der
Mathematischen Wissenschalten, 3 Folge, 1 Bard,
1 und 2? (Doppel) Heft. — 1 vol. 1n-8° de 296 pages.
(Prix : 20 marks.) Teubner, éditeur. Leipzig, 1900.
Jusqu'au commencement de 1900, la Bibliotheca
Mathematica paraissait à Stockholm en fascicules tri-
mestriels formant, à la fin de chaque année, un mo-
deste opuscule d'une centaine de pages. Malgré l'exi-
guité d’un tel cadre, les notes d'histoire mathématique
insérées dans ce recueil se signalaient à l'attention des
rares mathématiciens curieux des choses du passé,
car l'érudition des Enestrom, des Steinschneider, des
Moritz Cantor, des Dickstein, des Favaro et des Zeuthen
y élucidait souvent des petits problèmes archéolo-
giques pleins d'intérêt. Avec la troisième série, inau-
gurée depuis plusieurs mois, les auteurs se trouvent
moins à l’étroit, et ils peuvent maintenant donner à
leurs Mémoires des dimensions proporlionnées à l'im-
portance des sujets traités.
Le rédacteur en chef, M. Enestrom, ouvre ce volume
par un plaidoyer pro domo. Après avoir passé en: revue
les principaux travaux relatifs à l'histoire des sciences
exactes durant la seconde moilié du xix° siècle, il
signale l'importance des éludes de ce genre, puis ül
trace le programme qu’à l'avenir suivra sa Revue. En-
suite, M. Duhem, de Bordeaux, nous démontre, à l'aide
d'une sagace interprétation du Traité des Corps flot-
tants d'Archimède, que le génial syracusain ne con-
naissait pas le paradoxe hydrostatique. Chose curieuse :
c'est une méthode erronée qui le conduisit à la décou-
verte de ses fameuses lois. Le véritable créateur des
fondements exacts de l'Hydrostatique fut Simon Stevin
(1548-1620), considéré jusqu'ici comme un simple com-
mentateur du grand mathématicien grec.
Un peu plus loin, M. Zeuthen, de Copenhague, nous
fait voir combien nos connaissances, concernant l’évo-
lation de la Trigonométrie dans l'Antiquité, se sont
enrichies par là publication du récent ouvrage de
M. von Braunmühl, analysé ici-même'. Viennent après :
la Notice de M. Carra de Vaux sur un manuscrit arabe
trailant de machines attribuées à Héron, Philon et Ar-
chimède; des Notes de M. Paul Tannery sur la pseudo-
géométrie de Boëce; d'intéressantes contributions à
l’histoire de la physique au Moyen Age, par Maximilian
Curtze, de Thorn, et un article illustré original sur des
niveaux du seizième siècle, que décrit M. Kuchazewski,
de Varsovie, d'après un petit traité d'Olbrycht Stru-
mienski imprimé à Cracovie en 1573. -
Aux pages suivantes M. Gino Loria, de Gênes, publie,
avec commentaires, quelques fragments inédits d'Eva-
riste Torricelli, sur la courbe logarithmique, d'après
les autographes de la Bibliothèque de Florence. Puis
M. J. Bosscha, de Haarlem, nous entretient de la magni-
fique édition des Œuvres complètes de Huygens,
entreprise par la Société hollandaise des Sciences,
et dont huit volumes ont déjà paru. Notons encore,
parmi les autres Mémoires remarquables contenus dans
ce fascicule de la Bibliotheca Mathematica, une subs-
tantielle biographie de Sophus Lie, par Friedrich Engel ;
des nécrologies plus succinctes de C. Immanuel
Gerhardi (1816-1899) par Félix Müller; du savant his-
1 Voir le compte rendu des Vorlesungen über Geschichte
der Trigonometrie, de M. A. von BrauNuuuL, dans la Revue
générale des Sciences, t. XH, p. 236.
BIBLIOGRAPHIE — ANALYSES ET INDEX
° mouvement scientifico-historique.
torien de la Physique, Rosenberg (1845-1899), par
Günther, de Munich; et un court travail de M. G.-A
Laisant, qui nous renseigne sur l’état d'avancement d
Répertoire bibliographique des Seiences mathématiques:
Enfin, l’opuscule se termine par des analyses d'ou-
vrages et par des indications bibliographiques: sur 1e
Jacques Boyer.
Hoffmann (}.-C.-V.). — Sammlung der Aufgaben
des Aufgaben-Repertoriums der ersten 25 Bänden
der Zeitschrift für mathematischen und natur-
wissenschaftlichen Unterricht. (Publié avec l'aide
de M. SroLe et classé par MM. EumErICH 64 MUSEBECK).
— 1 vol. in-8° de 400 pages. B.-G. Teubner, édi=
teur. Leipzig, 1900. 24
Dans les vingt-cinq dernières années, le Journal
pour l'enseignement des Mathématiques etdes Sciences
naturelles a publié un très grand nombre de pro=
blèmes d'Elémentaires et de Spéciales, envoyés pour l&s
plupart par des professeurs dans les gymnases alle
mands, et dont un certain nombre ont été empruntés
à des revues étrangères, lelles que les Nouvelles
Annales, où le Journal de Mathématiques élémentairess
C’est l'ensemble de ces problèmes que les auteu
viennent de rassembler, en les classant et en les revi=
sant. Les énoncés seuls sont indiqués, et, pour les
solutions, on renvoie aux sources. Les problèmes se
rapportent à l'Arithmétique, à la Géométrie dans Je
plan ou dans l'espace, à la Géométrie moderne du
triangle, des lieux géométriques ou des enveloppes,
aux Sections coniques ou aux courbes des degrés supé-
rieurs, enfin à la Physique, en y comprenant un peu de
Mécanique. 6
Cette collection souffre du défaut inévitable de sa
conception, On n'y cherchera pas la pondération ni
l'homogénéité, puisque les collaborateurs sont légions
d'aptitudes et de préoccupations très diverses, et que les:
auteurs ont tout publié indistinctement, Mais ce défaut
a bien sa contre-partie; si l'effet est peu satisfaisant au
point de vue de l'ordonnance, en revanche, il y a, dans
une telle œuvre, plus de place pour l’imprévu, plus de
chances de trouver des problèmes intéressants et son
tant des ornières tracées par un auteur unique, et dans
lesquelles il a tendance à revenir. Pour les professeurs
francais, il s’y ajoute l'intérêt de voir ce qui se fail
dans un pays où l'instruction est en grand honneurs
ils pourront sans doute y faire d'utiles emprunts. J&
parle ici suriout des professeurs de mathématiques
car les problèmes de physique sont peu nombreux, cb
leur choix n'est peut-être pas des plus heureux. On:
eüt pu les supprimer sans diminuer sensiblement 1
valeur de l'ouvrage. Cu.-ED. GUILLAUME,
Physicien au Bureau internationa
des Poids et Mesures.
Bureau des Longitudes. — Annuaire pour l’an-
née 1901, avec des Notices scientiliques. — 1 va
1n-12 de 900 pages. (Prix : 4 fr. 50.) Gauthier- Vilar.
éditeur. Paris, 1901.
Indépendamment du Rapport de M. H. Poincaré sur
le projet de Revision de l'Arc méridien de Quito, Rap
port qui à été publié par la /evue, cet Annuaire con=
tient des notices sur :le Transport électrique de la Force,
par M. A. Cornu ; la Conférence astronomique interna
tionale tenue à l'Observatoire de Paris en juillet 1900
par M. M. Lœwy; l'Etablissement du Système métrique
par M. Bassot; etc., etc.
‘ H. Porxcaré : La Revisionde l'Are méridien de Quito, dans
la licvue générale des Sciences, du 15 août 1900, p. 925.
BIBLIOGRAPHIE — ANALYSES ET INDEX
=
=
2° Sciences physiques
Mouneyrat (A.).— Nouvelle méthode genérale de
“préparation des carbures d'hydrogène chlorés,
bromés et chlorobromés de la série acyclique
(Thèse de la Faculté de Paris). — 1 brochure in-8
de 96 pages. Gauthier- Villars, éditeur. Paris, 1900.
Il est assez rare, maintenant que la Science est sil-
Jonnée de grandes lignes dans toutes les directions, de
irouver dans une thèse même l'ébauche d'une voie
nouvelle; c'est pourtant ce que nous offre le travail de
M: Mouneyrat, et, à ce point de vue, il nous semble
… mériter une attention toute spéciale.
… Jusqu'à présent l'application du chlorure d’alumi-
nium aux réactions des corps acycliques n'avait pu
être réglée systématiquement, comme elle l’est en série
romatique, depuis les mémorables recherches de
MM. Friedel et Cralts. M. Mouneyrat nous montre que
e réactif, en agissant sur les hydrocarbures formé-
niques chlorés, donne lieu à un départ de gaz chlorhy-
drique, et détermine ainsi l'apparition, dans la chaîne,
d'une liaison multiple, le plus ordinairement double.
… Il résulte de là que, en présence du chlore, ou du
rome, le chlorure d'aluminium est un halogénant éner-
ique pour tous ces composés, et, comme l’altaque se
fait à des températures différentes, suivant le degré de
substitution du corps initial, les actions secondaires
Sont, en général, peu importantes.
- C'est là le point capital de cette étude, qui a été éten-
due depuis la série de l’éthane jusqu'à celle de l'hexane
normal.
Quelques-unes des réactions signalées par l'auteur
“pourrout servir avec avantage à préparer certains dé-
rivés halogénés de la série grasse; cilons, entre autres,
Paltaque du tétrachlorure d'acélylène par le chlore et
e chlorure d'aluminium, à 120°, qui donne naissance à
léthane perchloré C?CI°, avec un rendement de 80 °/;,
et celle du bromure de propyle, qui, sous l'action du
brome et du bromure d'aluminium, vers 50°, se (rans-
forme presque intégralement en bromure de propylène.
L. MAQUENNE,
Professeur au Muséum d'Histoire naturelle.
ollins (Henry-F.), Professeur à l'Ecole Royale des
- Mines de Londres. — The Metallurgy of Lead and
… Silver. Part. I : Lead. 1 vol. de 368 pages (Prix :
16 sh.); Part. Il : Silver. { vol. de 352 pages (Prix :
146 sh.). Charles Griffin and C°, éditeurs, Londres,
1901.
La grande maison d'édition Charles Griffin and C°, de
Pondres, vient de faire paraïilre ces deux volumes dans
collection des ouvrages métallurgiques publiés sous
haute direction de sir W. C. Roberts-Austen, le
savant professeur du Collège Royal, bien connu de nos
cteurs par ses beaux travaux de microstructure des
métaux, qu'il a conduits de pair avec notre compatriote
Osmond.
Le premier volume a pour objet l'étude, sous une
forme condensée et pratique, de la métallurgie du
plomb ; l'auteur a repris le sujet déjà si bien traité en
e qui concerne les procédés américains et allemands,
r MM. Hoffman et Schnabel, mais en y ajoutant un
and nombre de faits puisés à d’autres sources con-
mporaines et même tirés de ses propres expérieuces.
ar exemple, les méthodes australiennes pour le trai-
ment des plombs argentifères n'avaient jamais encore
é décrites avec autant de détails. Cette métallurgie
du plomb est présentée avec la généralité qu'elle com-
porte, étant donnée la grande variété des minerais
Mrépandus sur les diverses parties du monde.
. L'auteur donne de nombreux détails sur les méthodes
d'essai des minerais de plomb et d'argent, et, après
avoir décrit les propriélés du plomb et les caractéris-
tiques de ses minerais, il passe en revue les procédés
d'extraction dans l'ordre suivant : grillage et réaction,
grillage et réduction, — précipitation. Il indique en
UEVUE GÉNÉRALE LES SCIENCES, 1901.
passant une méthode de calcul très pratique pour
établir la charge dans le fourneau avec des minerais
d’une composition donnée. Il s'arrête suffisamment sur
la question des poussières, et montre les moyens de
les recueillir, de les condenser et de les traiter. Enfin,
l'examen des minerais mixtes contenant à la fois
plomb et zinc, lui sert de transition pour aborder la
désargentation avec ses trois méthodes : la coupellation,
le pattinsonnage et le procédé de Parkes.
De toutes les branches de la métallurgie, celle de
l'argent, a dit Percy, forme le sujet le plus étendu, le
plus varié et le plus compliqué. M. Collins a consacré à
l'argent tout le second volume, et, pour donner à son
ouvrage un caractère pratique, il a supprimé tout ce
qui est suranné et historique, pour y condenser l’actua-
lité, qui seule intéresse l'ingénieur au cours de ses
travaux.
On sait qu'aucun des procédés de traitement des
minerais argentifères n'est applicable dans tous les
cas. La méthode la plus convenable à employer est
indiquée par la nature des minerais et leur richesse,
l'importance de la production, les conditions géogra-
phiques d'emplacement des usines de traitement, les
exigences de la main-d'œuvre, etc. Si le combustible
est rare, on traite les minerais par amalgamation.
Mais une méthode plus générale consiste à dissoudre
l'argent, après un grillage chlorurant, par l'hyposulfite
de soude seul ou additionné d’une certaine quantité de
chlorure de cuivre. Enfin, si les minerais argentifères
sont riches et suffisamment plombeux, et si, en même
temps, le prix du coke n’est pas trop élevé, les procé-
dés par fusion sont plus économiques. Les trois méthodes:
amägsalmalion, lixiviation et fusion, ont été très complè-
tement étudiées par l’auteur, qui donne de nombreux
détails inédits sur la pratique de la lixiviation par lhy-
posulfite, et sur l'obtention des mattes au haut fourneau.
Il est à remarquer toutetois que l'ouvrage ne men-
tionne pas les procédés basés sur l'emploi des cyanures.
Cettequestion rentre, d’ailleurs, dans celle qui fait l'objet
d’un volume spécial publié également par la maison
Grilfin, et dont nous rendrons compte. De nombreux
renseignements sur le traitement des cuivres argenti-
fères et leur raffinage, tel qu'il est pratiqué à Anaconda
o1 près de Liverpool, terminent cet intéressant travail.
EuiLe DEMENGE.
Ingénieur métallurgiste.
3° Sciences naturelles
Devaux (U.), Professeur adjoint à l Universite de Bor-
deaux. — Recherches sur les Lenticelles. —
4 broch. in-8° de 240 pages, avec 6 planches (Extrait
des Annales des Sciences naturelles, 8° Serie, XI).
Masson, éditeur. Paris, 1900.
Volumineux mémoire consacré à une question consi-
dérée comme de minime importance par beaucoup de
botanistes. M. Devaux n'a pas voulu seulement préciser
l'histoire de ces petits organes, mais encore établir leurs
relations avec le milieu extérieur et avec la vie des
plantes et des organes qui les portent. Si le travail est
long, il a du moins, le mérite d'être bien ordonné; à
une époque où la production scientifique est excessive,
l’ordre et la coucision sont de plus en plus des qualités
maîtresses. L'auteur possède la première; il sait le prix
de la seconde, puisqu'il consacre « tout un chapitre à
un résumé général, afin que le lecteur puisse avoir une
idée assez précise de l'ensemble en lisant seulement ce
résumé ». Nous allons essayer de le synthétiser encore ;
car, tel qu'il est, il dépasserait de beaucoup les limites
qui nous sont accordées.
Les lenticelles peuvent se produire sur tous les
organes pourvus de formations secondaires ; leur répar-
lition primitive, liée à l'existence des stomates, est en
rapport avec la vigueur de la végétation, avec le nombre
des entre-nœuds et leur distance par rapport au som-
met végétatif. Les lenticelles primitives sont écartées
passivement par suite de l'accroissement des organes
TC
442
BIBLIOGRAPHIE —
ANALYSES ET. INDEX
en longueur et en diamètre. À partir d'un certain écar-
tement, des lenticelles secondaires se développent entre
les premières sur les racines comme sur les tiges.
On distingue dans la lenticelle un phelloderme, des
couches subérifiées et une région génératrice ; ces diffé-
rentes régions varient beaucoup dans les différents
organes et suivant les plantes; c'est, on pouvait le
penser, chez les plantes aquatiques que les lenticelles
ont la structure la plus simple. La naissance d’une len-
ticelle a Loujours lieu dans les tissus superficiels ; elle
est en voie d’accroissement continuel et de continuelle
destruction. Il peut y avoir des temps d'arrêt ou de
ralentissement, suivant la saison, des moments où tous
les phénomènes sont exagérés; mais le type évolutif
reste semblable à lui-même ; il ne subit que des varia-
tions quantitatives. Cette évolution résulte du conflit
continuel des phénomènes que nous avons distingués :
la prolifération, qui tend sans cesse à augmenter la
masse des cellules vivantes de la lenticelle, et la cica-
trisation, qui tend à la diminuer sans cesse. La struc-
ture et les dimensions de la lenticelle dépendent à
chaque instant de l'équilibre de ces actions contraires.
La couche génératrice s'épuise souvent complètement ;
il faut que la lenticelle en reconstitue alors une nouvelle
dans ses parties profondes.
La lenticelle a sa physiologie propre, indépendante
du rôle général que la lenticelle remplit dans la plante.
Les lenticelles sont poreuses, en général; mais elles
sont plus ou moins fermées par une ou plusieurs
couches subérifiées. Le degré de porosité varie avec la
saison et avec les conditions extérieures ; la transpira-
tion lenticellaire varie dans le même sens. Une lenti-
celle placée sous l’eau s'hypertrophie, comme dans l'air
humide, par simple arrêt de la transpiration. L'eau
semble venir toujours de l'intérieur de la plante. On
peut expérimentalement transformer une lenticelle
aquatique en lenticelle aérienne, et inversement.
Il existe une corrélation étroite entre le développe-
meut de chaque lenticelle et la transpiration générale,
ou plutôt avec ce que l’auteur appelle l'état d'hydrose
interieure, c'est-à-dire de l'humidité interne; l'hydrose
propre de la cellule dépend directement du niveau
d'hydrose intérieure. L'hydrose n’est pasle seul facteur,
du reste; les cellules de la lenticelle paraissent toujours
riches en substances osmotiques qui leur permettent
d'exercer sur l'eau une attraction supérieure à celle des
tissus voisins.
Les lenticelles diffèrent beaucoup du périderme ; elles
ressemblent davantage au tissu cicatriciel, d'un côté
par leur liège, qui ressemble plus au liège traumatique
qu'au liège ordinaire, de l'autre par la prolifération
dont elles sont le siège et qui est analouue à celle qui
donne le callus. Mais leur origine et l'existence de la
porosité et d'une prolifération indéfinie distinguent
profondément les lenticelles des simples cicatrices. On
pourrait plus justement les rapprocher de l'aérenchyme,
à la condition de modifier la notion que Schenck a
donnée de ce tissu. En somme, les lenticelles sont des
organes ayant une autonomie propre ; on peut les
définir : de pelites plages localisées de parenchyme méa-
tifère en prolifération continuelle et en continuelle
évolution, capables de s'hypertrophier et de se cicatriser,
selon les conditions extérieures ou intérieures d’'humi-
dité, en s'adaptant sans cesse à ces conditions.
Grâce à leur porosité, les lenticelles servent certaine-
ment, dans une large mesure, aux échanges gazeux
généraux de l'organe; mais ce n’est pas en vue de ces
échanges qu'elles existent ; car 1° elles sont souvent
absentes ou insuffisantes; 2° la plante possède souvent
des plages poreuses différentes des lenticelles et ser-
vant à l’aération; 3° l'ouverture et la fermeture des
lenticelles ne sont pas provoquées par les besoins
d'aération. ÿ
Les lenticelles sont des régulateurs automatiques de
l’'hydrose interne et de la transpiration générale. Ce
sont, avant tout, des organes de transpiration. La plante
les utilise efficacement aussi pour les échanges gazeux
«
proprement dits; mais les variations indépendantes de
la porosité lenticellaire gènent probablement ces
échanges dans certains cas.
M. Devaux rendrait service aux lecteurs en donnant
de son Mémoire un résumé substantiel, dégagé des
détails trop minutieux et accompagné de quelques
bonnes figures dans le texte. C. FLAHAULT
Professeur de Botanique
à l'Université de Montpellier.
Hachet-Souplet (P). — Examen psychologique
des animaux. — l/n vol. in-16° de 462 pages. Schleï
cher frères, éditeurs, Paris, 1900.
M. Hachet-Souplet estime que le meilleur moyen de
déterminer la forme et l'étendue de l'intelligence d’un
animal, c’est d'étudier de quelle manière 1l se. coms
porte vis-à-vis des tentatives de dressage qu'on lui fai
subir etde rechercher par quels procédés on réussit,
le plier à l'exécution des exercices qu'on cherche à lui
enseigner. Si la Psychologie comparée n’a pas fait de
plus rapides progrès, c’esl, à ses yeux, parce que, jus
qu'ici, l'observation y à joué un rôle par trop prépon
dérant et presque exclusif: elle doit suivre la même
destinée que les autres branches de la science de
l'esprit et faire plus large, d'année en année, la parl
assignée à la méthode expérimentale dans ses moyens
d'investigation; et ici la forme que revêt naturellement
l'expérimentalion, c’est celle du dressage méthodique
et rationnel, du dressage surtout des animaux supés
rieurs. Ces expériences jettent un jour précieux Sur
quelques-unes des plus délicates questions qui se rap
portent au mécanisme de la volonté et à la genèse des
instincts; elles permettent, d'autre part, d'esquisser les
principaux traits d’une classification psychologique des
animaux, fondée non plus sur des inductions et des
analogies, mais sur des faits contrôlés et que l’on peut
toujours vérifier en les reproduisant à volonté. Il y
aurait donc un réel intérêt à ce que des laboratoires de
« dressage rationnel », véritables laboratoires de Psys
chologie comparée, fussent annexés aux grands jardin
zoologiques et que soient appelés à y travailler des
hommes qui auraient à la fois une connaissance précise
des lois des phénomènes psychiques et une pratique
étendue des procédés en usage pour accoutumer les!
animaux aux exercices que l’on veut obtenir d'eux.
M. Hachet-Souplet divise les animaux en trois classes
ceux qui sont rebelles à tout dressage et répondent
seulement par des réactions immédiates et invariables
aux excilations périphériques; ceux que l’on peut dresser
par la coercition, en agissant tour à tour ou simultané
ment sur eux par la peur et par la faim, et ceux enfin
que l’on peut dresser par la persuasion, auxquels on:
peut enseigner un exercice en le répétant patiemment
devant eux, de manière à les inciter à l’accomplir par
une sorte d'irrésistible suggestion.
Les animaux du premier groupe en sont réduits
des processus réflexes excito-moteurs; ceux qui appa
tiennent au second ont des instincts; ceux enfin du
troisième groupe sont, à des degrés divers, intelligents:
M. Hachet-Souplet à mis en tête de son livre un ta
bleau synoptique qui donne de la classification qu'il a
tentée une vue d'ensemble.
Le premier coup d'œil que l'on y jette montre que
des animaux très distants les uns des autres au point
de vue zoologique se trouvent réunis en un même
groupe les uns avec les autres, tandis que des espèces:
voisines sont placées dans des catégories différentes et
que parfois même des races appartenant à une même
espèce se trouvent séparées (le lapin de garenne par
exemple et le lapin domestique).
Dans la première catégorie, on ne trouve guère men
lionnés au tableau que les Protozoaires. Dans la seconde
divisée en deux sections, sont placés à l'étage inférieur
les méduses, l’oursin, le solen, etc. ; à l'étage supérieur
le nautile, le poulpe, le crabe, divers poissons, là
grenouille, le pigeon domestique, le bison, le buffle, le
daim, le mouflon, le bélier, le lapin de ferme. Dans L
froisième catégorie, viennent se placer les animaux
intelligents : divisés en trois groupes : les animaux
du premier ont une intelligence ouverte, mais très limi-
e et que l'on dresse plus aisément et plus sûrement
par coercition (cacatoès, cheval, âne, chameau, lama,
hèvre, etc.); ceux du second groupe présentent, à
| côté d'un fonds assez riche d'instincts primitifs et
“lune intelligence encore capable en quelque mesure
d'adaptations nouvelles, un ensemble d’instincts
Secondaires, dérivés d'actes intelligents, très complexes
64 très stables (animaux à industries fixes : abeilles,
urmis, fauveltes couturières, castors, chiens des prai-
ries, etc.); ceux du troisième groupe enfin sont dans
une mesure indéfinie accessibles à la persuasion, ils sont
Capables d'invention occasionnelle, d'abstraction, de
raisonnement, ils rêvent, ils distinguent leur personne
nettement de celles de leurs congénères, ils ont la
“notion du temps, ils commettent des erreurs et savent
Jes reconnaitre, etc. Mais parmi eux les uns sont
farouches et souvent féroces et il faut les apprivoiser
{p. 92, approvisionnement pour apprivoisement), avant
de tenter de les dresser (ours, loutre, félins); les autres
nt vraiment une intelligence et un caractère analogue,
utes proportions gardées, à celui de l'homme, (chiens,
nges, éléphants, coatis, etc.). M. Hachet-Souplet a con-
“Sacré un chapitre aux émotions des animaux, et un autre
Mieur langage : il a montré que l’on pouvait dresser
lés chiens en une certaine mesure à imiter la voix
umaine. Ce n’est là d’ailleurs qu'un exemple entre
plusieurs de ces instincts secondaires, ou, si l’on veut,
de ces habitudes d'abord intelligentes, puis automati-
ques dont il a indiqué la genèse en quelques pages
“particulièrement intéressantes, (p. 110 et sq.). C'est par
des consolidations et des slratifications successives
habitudes qu'il explique les instincts complexes des
sectes et des autres animaux constructeurs ; les lois
e sélection ne seraient pas intervenues dans la
Constitution de ces instincts, mais seulement dans leur
“ixation ; les habitudes inutiles ou nuisibles sont élimi-
nées.
b A côté de bien des digressions philosophiques et
Sychologiques inutiles, ce mince volume contient de
és utiles renseignements sur la vie mentale des
maux, et, encore quil ne faille pas, à notre avis,
prendre pour crilérium exclusif de leur développement
!
(is
psychique, celui que M. Hachet Souplet à choisi, el que
classification présente certaines étrangelés qui la
endent sujette à revision, la méthode expérimentale
ont il s'est attaché à fixer les règles constituera sans
oute, entre des mains intelligentes, un précieux ins-
trument de découvertes pour la Psychologie comparée.
L. MaARILLiER,
LE , Maître de Contérences ,
à l'Ecole pratique des Hautes-Études.
4° Sciences médicales
iley (E). Professeur agrégé à la Faculté de Médecine
de Paris, Assistant près la Chaire de Physiologie gé-
“nérale au Muséum d'Histoire naturelle. — Essaisde
- Philosophie et d'Histoire de la Biologie. — 1 vo/.
in-8°, de 344 pages. (Prix : 3 fr. 50.) Masson et Cie,
éditeurs. paris, 1900. \
Les études réunies dans ce volume, malgré la diver-
ité des questions dont elles traitent, dit avec raison
teur dans sa Préface, sont cependant toutes inspi-
ées par le même esprit. C'est, en elfet, un esprit apte
Ja généralisation, et en même temps rompu à la
ensée philosophique, qui se révèle dans ces pages. La
ilosophie n’y est toutefois, comme elle doit l'être
our le biologiste, que « la réflexion sur le savoir
icquis », et les Essais d'Histoire sont, eux aussi, « des
ssais de synthèse des idées existantes sur un ensem-
ble de faits ou dans l'œuvre d’un savant ou dans celle
dune collectivité scientifique. »
La première étude est consacrée à une question qui
à la base de la Physiologie générale, l’/rritabilite.
n y suit les différentes phases par lesquelles à passé
BIBLIOGRAPHIE — ANALYSES ET INDEX
443
cette doctrine depuis Glisson jusqu'à CI, Bernard, qui
a porté à un si haut degré de perfection l'œuvre de ses
devanciers : on y trouve aussi les arguments opposés à
la théorie, et leur réfutation. Cette histoire et cette
critique conduisent à un exposé dogmatique, fortement
pensé, et d’un caractère bien personnel, où l'auteur,
tout en s'inspirant largement des travaux de CI. Bernard,
n'hésite cependant pas à se mettre en opposition avec
les idées de l'illustre physiologiste, quand elles lui
paraissent prêter le flanc à la critique.
A travers les développements donnés aux diverses
faces de la question (nature, cause, lois, signification,
portée doctrinale de l'irritabilité), il est d’ailleurs facile
de distinguer la pensée directrice qui doit aboutir à la
conception philosophique finale. La spontanéité des
êtres vivants n’est qu'apparente; la vie n’est que le ré-
sultat d’un conflit entre l'organisme et le milieu; elle
dépend donc de l'irritabilité « cette forme organique
de l’inertie ». Si, dans bien des cas, la réaction, chez les
corps vivants, est beaucoup plus puissante que l’action
subie, c'est qu'il existe chez eux des réserves d'énergie
potentielle, et, en définitive, ils n’échappent pas à la loi
de la conservation de l'énergie.
D'autre part, la substance organisée ne renferme au-
cun élément qui ne se retrouve aussi dans les corps
bruts, et les édifices matériels qui la composent res-
tent soumis aux lois ordinaires de la Physique et de la
Chimie : c’est dire que les phénomènes vitaux se rédui-
sent à des phénomènes physico-chimiques. Il n’y a pas
place pour un principe spécial et indépendant, supé-
rieur à la matière. Cl. Bernard a cru devoir admettre
une « idée directrice », qui préside à l’ordre, à la
succession des phénomènes vitaux; mais cette concep-
tion, à bien l'approfondir, ramène au dualisme.
Si l'on veut aller plus loin et remonter à la cause du
développement, si frappant chez les êtres vivants, de la
faculté de réponse, il faut la chercher dans un état par-
ticulier d'instabilité de la matière, qui permet aussi de
rendre compte des lois les plus importantes des actions
vitales. M. Gley entre ici dans des considérations inté-
ressantes sur la constitution de la substance organisée,
qui rappellent les tentatives failes par Pfluger pour
expliquer l’état labile de l'albumine vivante, mais qui
ne doivent rien aux idées du physiologiste allemand.
Se pose alors le problème délicat des rapports de
l'irritabilité avec les phénomènes de conscience. Cl.
Bernard a hésité devant la solution. Après avoir fait
observer que la sensibilité consciente, la sensibilité
inconsciente, la sensibilité insensible disparaissent suc-
cessivement sous l'influence d'un même agent, l'agent
auesthésique, et qu'elles ne sont par conséquent que
des degrés différents d’un même phénomène élémen-
taire, après avoir posé en principe que la caractéris-
tique de la sensibilité, c’est « la réaction motrice à
une stimulation », il-a laissé intentionnellement de
côté les phénomènes psychiques. Et cependant, si lon
affirme l'identification absolue entre la sensibilité et
l'irritabilité, iln'y a de ce point de vue que deux ma-
nières de considérer cette dernière propriété. « Ou bien,
on en fait la marque spécifique de la vie et on consi-
dère la sensibilité comme un perfectionnement; la
conscience n'esl qu'un épiphénomène qui se produit à
cause el en raison de l'union de toutes les parties de
l'organisme, surtout chez les êtres supérieurs. On abou-
tit ainsi au malérialisme absolu. Ou bien on rattache
l'irrilabilité à la sensibilité, et on fait de cette dernière
une propriété très générale et caractéristique de la vie
partout où on rencontre de la vie. Le terme ultime de
cette condition est une doctrine hylozoïste, comme par
exemple la théorie de Haeckel sur l'âme des plasti-
dules ». M. Gley, tout en faisant ses réserves, incline
visiblement vers cette dernière théorie. Qu'il me soit
permis cependant de faire remarquer que l'hypothèse
d'une conscience épiphénomène et témoin inactif et
l'hypothèse hylozoïste ne s'excluent pas l'une l’autre,
à en juger par un des derniers travaux de Le Dante,
Le Déterminisme biologique.
444
BIBLIOGRAPHIE — ANALYSES ET INDEX
Quoi qu'il en soit, la conclusion de cette remarquable
étude se devine : «La métaphysique n'entre pas en mai-
tresse dans la science, c’est l'essentiel. Le mécanisme
reste comme l'explication positive des phénomènes. Et,
pour revenir à la question particulière dont il s’agit, il
n'ya rien de spécial ni dans l’irritabilité, ni par suite
dans la vie, quant à leur nature et quant à leurs
lois ». Ces pages étaient écrites en 1889 : depuis lors le
vitalisme a de nouveau fait son apparition dans les
sciences biologiques. Mais ce néovitalisme, comme on
l’a appelé, se présente aujourd'hui sous une forme
telle que, par certains côtés, il ne s'éloigne pas beau-
coup des conceptions de ses adversaires les plus déc'a-
rés. Bunge, son représentant le plus en vue, dans la
dernière édition de son Traité de Chimie biologique,
ne ferme-t-il pas son chapitre « Vitalisme et Méca-
nisme » sur ces mots : Sollte nicht vielleicht jede Zelle
und jedes Atom ein beseeltes Wesen sein, und alles
Leben nur Seelenleben? J'ai idée que l’auteur de l'étude
sur l'Irritabilité se ralliera volontiers à cette conclusion,
à sa première partie, du moins.
On voit par les réflexions que suggère la lecture de
ce travail, par les rapprochements qu’elle amène avec
les études plus récentes de biologie philosophique,
combien elle est instructive : on y trouvera d'autant
plus de satisfaction que toujours la netteté et la préci-
sion de la langue répondent à la netteté et à la précision
de la pensée.
L'étude suivante: Un physiologiste au xvur° siècle :
L'irritabilité et la sensibilité d'après Lecat, se rat-
tache au même ordre d'idées que la première. C’est
une discussion critique sur les rapports entre ces deux
propriétés, d’après les opinions d'un médecin français
qui ne craint pas d'affirmer qu'il n'y a pas d'irritabilité
sans sentiment, et de supposer dans toute parcelle vi-
vante l'existence d'une âme, c’est-à-dire de quelque
chose doué de sensibilité consciente.
Dans le travail intitulé : Résumé historique et évo-
lation de la physiologie du système nerveux, M. Gley
retrace à grands traits l'œuvre accomplie dans ce
domaine depuis Galien, et nous avertit aussi de ne
pas nous faire d'illusion sur l'étendue de nos connais-
sances, puisque, malgré quelques hypothèses sédui-
santes, le problème capital, celui du mécanisme de
l’action nerveuse, reste tout entier à résouire.
C'est bien une Conception et une Classification phy-
siologique des glandes que nous présente ensuite
l’auteur, puisque l’une et l’autre se basent unique-
ment sur le mode de fonctionnement de ces organes.
Après avoir mis en lumière ce que les découvertes
successives nous ont appris sur la structure et le rôle
des glandes, il est amené à établir nettement la carac-
téristique de l'élément glandulaire. M. Gley fait bien
voir qu'il ne faut pas la chercher seulement dans l’éla-
boration des principes immédiats par l'activité chi-
mique de la cellule, puisqu'à ce compte toute cellule
serait glandulaire : cet acte, qui est la sécrétion pro-
prement dite, ne doit pas être séparé de l'acte d’excré-
tion cellulaire par lequel l'élément anatomique rejette
dans le sang ou dans la cavité de la glande les sub-
stances qu'il a fabriquées. Ce n’est qu’à la condition
de ne pas perdre de vue l'union intime de ces deux
opérations que l’on arrive à bien définir ce que c'est
qu'une glande. De même la classification que nous
propose M. Gley s'appuie exclusivement sur la notion
de fonction. Il divise d’abord les glandes en deux grands
groupes : 1° les glandes à rôle nutritif;, 2° les glandes
à rôle défensif.
Dans le premier groupe rentrent : 4° les glandes di-
gestives: 2° les glandes nutritives (servant à la nutrition
générale); 3° les “landes excréteuses (servant à éliminer
les déchets de la nutrilion); # les glandes servant à
maintenir la composition du milieu intérieur; 5° les
glandes servant à la reproduction {nutrition conti-
nuée). :
Dans le deuxième groupe viennent se ranger : 4° les
glandes protectrices d'organes ou de fonctions (rôle
surtout physique); 2 les glandes protectrices de l'or=
ganisme contre lui-même (rôle chimique). Cette classi=
fication, déjà fort instructive en elle-même, offre at
physiologiste, comme on peut en juger, un plan ration:
nel d’études et un cadre très large et très élastique
dans lequel il pourra faire entrer facilement tout ce
que nous savons sur les fonctions des glandes,
Quelques pages sur les progrès de la physiogénie, à
propos de recherches relatives au développement dela
fonction motrice chez l'embryon, font ressortir l'intérêi
qui s'attache à l'étude de la formation et du dévelop
pement des propriétés fonctionnelles de la matière
vivante, si l’on veut arriver à expliquer ses réactions.
C'est une lourde tâche, que la Société de Biologie,
l’occasion de son cinquantenaire, a confiée au dévoue-
ment de son Secrétaire général, lorsqu'elle l’a chargé
de lui présenter un rapport sur l'œuvre de la Société
depuis sa fondation ; mais aussi elle savait en quelles:
mains elle remettait cette tâche. Ce travail sur Hi
Société de Biologie et l'évolution des Sciences biolo-
giques en France de 1849 à 1900, a certainement ré
pondu et au delà à l'attente de ceux qui, eo le confiant
à M Gley, savaient qu'ils y trouveraient la représenta-
tion fidèle et éloquente des services rendus par la
Société et des progrès réalisés dans les sciences biolo=
giques pendant la dernière moitié du siècle qui vient
de finir. Un tel travail ne s’analyse pas : on ne peub
qu'admirer et l'esprit dans lequel il est conçu, et Ja.
méthode qui en a réglé l'exécution, et l'intelligence
critique qui s’y exerce, servie par une plume souple eb
élégante. Ce n’est pas seulement l'histoire de la Société
de Biologie, c’est aussi et surtout une vérilable ency=
clopédie, un tableau complet des conquêtes successives!
de la science durant ces cinquante dernières années,
tableau qui ne se borne pas à nous les présenter dans
un ordre méthodique, mais qui s'anime sans cessé
d'aperçus ingénieux sur les liens qui rattachent les
unes aux autres les principales découvertes, sur J&
direction qu'elles ont imprimée aux efforts des inves"
ligateurs, sur les conséquences qu'on en a tirées. Ony
voit comment, à mesure que la Science progresse, elle
tend à devenir explicative, de descriptive qu'elle était.
comment des problèmes nouveaux se sont posés, des
voies nouvelles se sont ouvertes dans tous les domaines
de la Biologie... À
L'ouvrage se termine dignement par une étude sur l&
la vie et l'œuvre de Brown-Sequard. C'est un portrai
lumineux de l'illustre savant, de ses facultés maîtresses;
de ses tendances d'esprit, de sa méthode de travail, de
son activilé prodigieuse. C’est une appréciation juste
et vraie de tout ce que la Physiologie doit au décou=
vreur infatigable. C’est enfin un hommage ému à
l'homme et à ses qualités de cœur. Tous ceux, et ils
sont nombreux, qui aimaient le Maître regretté, serons
reconnaissants à M. Gley d’avoir si bien exprimé les
sentiments qu'il leur inspirait.
D'E. WERTHEIMER,
Professeur à la Faculté de Médecine de Lille
Perrier (Edm.), Hembre de l'Institut, Directeur da
Muséum d'Histoire naturelle; Poiré (Paul), Profes=
seur honoraire au Lycée Condorcet; Joannis (Alex
et Perrier (Remy), Chargés de Cours à la Faculté
des Sciences de Paris. — Nouveau Dictionnaire des
Sciences et de leurs applications,avec figures dans!
le texte. Fascicules 1 à 11. — (Prix du fasciculen
1 fr.) Delagrave. éditeur. Paris, 1901.
Les auleurs de ce nouveau Dictionnaire se sont donné:
pour but de présenter le tableau, aussi complet que
possible, de l’état actuel des diverses sciences et des
applications qu'elles ont engendrées. :
La rédaction a été confiée à des collaborateurs spé=
ciaux, appartenant pour la plupart au corps enseignant,
el qui, au double point de vue scientifique et pédago
gique, ont depuis longtemps fait leurs preuves. ;
Les articles parus dans les onze premiers fascicules
vont de Abeille à Chlore.
“ ACADÉMIE DES SCIENCES DE PARIS
Séance du 9 Avril 1901.
M. le Secrétaire perpétuel annonce le décès de
M. Raoult, Correspondant pour la Section de Physique
“énérale. — M. Sébert entrelient l'Académie de l’uti-
lité scientifique d'une langue auxiliaire internationale,
t lui demande de porter cette question devant l'Asso-
iation internationale des Académies. — M. Ch. Méray
ait connaitre particuliérement la langue internatio-
male du Dr Zamenhof, connue sous le nom d'£speranto".
40 SciENCES PHYSIQUES. — M. de Forcrand a été
mnmené à modifier légèrement la loi de Trouton, et
propose de l'exprimer sous la forme suivante : Dans tous
es phénomènes physiques ou chimiques, la chaleur de
olidification d'un gaz quelconque est proportionnelle
sa température de vaporisalion sous la pression
tmosphérique. — MM. C. Camichel et P. Bayrac ont
étudié l'absorption de la lumière par les dissolutions
des divers indophénols et déterminé les minima de
transparence. Quand un azote tertiaire est remplacé
par un azote primaire, le minimum de transparence se
déplace vers l'extrémité ia pius réfrangible du spectre.
— M. P. Lemoult a observé qu'en milieu sulfurique
es benzophénones para-amidées substiluées donnent
vec certaines amines aromatiques, à l'exclusion des
utres, des produits de réaction qui sont des matières
olorantes; les seules aminés qui sont capables de
cette réaction sont celles qui ont au moins deux noyaux
äromatiques fixés directement sur l'azole; il faut, en
Moutre, que l’un de ces noyaux soit un phényl et qu'il
“ait sa posilion para libre, l'azote élant en 1.
20 SCIENCES NATURELLES. — MM. André Broca et
Sulzer ont déterminé l'angle limile de numération
es objets. Les résultats montrent que la numération
s traits est une fonction plus compiexe que la recon-
“naissance d'une lettre; elle est certainement due à des
mouvements oculaires. — M. P. Pourquier conclut
d'un certain nombre d'expériences que la résistance
s moutons algériens à la clavelée n'est pas hérédi-
taire. La clavelisation préventive des troupeaux afri-
ains, en tant que mesure générale, lui parait, pour le
oment, téméraire et même dangereuse. — MM. L.
uparc et F. Pearce ont trouvé dans l'Oural moyen
(district de Solikamsk) une nouvelle roche pyroxénique
qu'ils appellent Æowskite. Elle est constituée par du
diallage, de l'olivine, de la hornblende, de la magné-
te et des spinelles chromifères. Cetle roche est tra-
ersée par des filons plus basiques de dunnites. —
Stan. Meunier a examiné des échantillons de la
luie de sang tombée à Palerme, dans la nuit du 9 au
10 mars. C’est une poussière très fine, composée en
majeure partie de grains de quartz et de débris de
diatomées. Il s'agit très probablement de matériaux
arrachés par les remous atmosphériques au sol du
Sahara.
È
, Séance du 45 Avril 1901.
1° SCIENCES MATHÉMATIQUES. — M. G. Lippmann dé-
mmoutre que la puissance représentative d’une portion
finie de courbe continue est infiniment supérieure à
elle d'un ensemble infini et discontinu comme le Jan-
age écrit. — M. Emile Borel étudie la décomposition
es fonctions méromorphes en éléments simples. Une
fonction méromorphe d'ordre fini ne peut pas toujours se
1 Voyez, à ce sujet, l'article de M. Méray dans la Æevue
u 15 avril 1900, p. 417.
ACADÉMIES ET SOCIÉTÉS SAVANTES
ACADÉMIES ET SOCIÉTÉS SAVANTES
DE LA FRANCE ET DE L'ÉTRANGER
mettre sous la forme d'une fonction entière d'ordre fini et
d'une série canonique de fractions simples. — M. Edm.
Maillet démontre un théorème sur les racines des équa-
tions transcendantes. — M. H. Padé étudie la fraction
continue de Stieltjes et montre que le mémoire de ce
savant est la tentative la plus profonde faite jusqu'ici
pour obtenir la définition d'une fonction au moyen
d'un tableau de fractions rationnelles approchées. —
M. G.-A. Miller démontre que le nombre des opéra-
lions invariantes du groupe à des isomorphismes d'un
groupe abélien H est égal au nombre d'opérations de
la plus haute puissance dans un des plus grands sous-
groupes circulaires de H. r
20 SCIENCES PHYSIQUES. — M. Eug. Bloch a consiaté
que la résistance électrique du sélénium diminue sous
l'action du rayonnement du radium ; cette aclion est
de l'ordre de celle d'une lumière diffuse faible. —
MM. André Broca et Turchini ont observé, au moyen
d'oscillations électriques vibrant environ un million de
fois par seconde, que les propriétés des électrolytes
placés sur le circuit de décharge sont profondément
modifiées. Dans des conditions convenables, il jaillit
dans les électrolytes très conducteurs des étincelles
disruptives extrêmement puissantes qui montrent que,
pour des oscillations de cet ordre de fréquence, l'élec-
trolyte se comporte à peu près comme un diélectrique.
— M. G.-A. Hemsalech à éludié les étincelles oscil-
lantes et l'influence de la self-induction placée dans le
circuit de décharge. Avec les électrodes en Fe, Co, Zn,
Cd, Cu, Al, Pb, l'intensité de l'élincelle, après avoir
passé par un minimum peu marqué, augmente consi-
dérablement avec l'augmentalion de la self-induction.
— M. M. Berthelot à étudié l'action de l'eau oxygénée
sur l'oxyde d'argent. Il se forme d'abord un peroxyde
Ag°0? extrèmement instable, qui se décompose d'une
part en Ag°+ 0, d'autre part en Ag°0 0. Mais une
fraction de Ag°0 se combine avec Ag*0* pour donner
Ag'0*, qui peul se décomposer à son tour en 2 Ag 0 +0.
— M. E. Pozzi-Escot pense que l'acide picrique n'a
pas la valeur que M. Popoff a cherché à lui attribuer
comme réactif microchimique des alcaloïdes.
30 SCIENCES NATURELLES, — MM. L. Géneau de La-
marlière et J. Maheu ont étudié les caractères de la
flore des mousses des cavernes; ils sont identiques, ou
à peu près, à ceux qu'on constate dans les espèces
qui croissent à une ombre épaisse et dans les endroits
frais ou humides. — M. F. Kovessi donne un certäin
nombre d'indications qui fournissent une base ration-
nelle pour la taille des divers cépages de la vigne dans
les diverses régions; elles apprendront, en outre, à
exéeuter celte taille suivant les conditions climatéri-
ques de l'année qui précède. — M. Aug. Chevalier
communique les faits géologiques qui le conduisent à
admettre l'existence probable d’une mer récente dans
la région de Tombouctou.
Séance du 22 Avril 1901.
La Section de Botanique présente la liste suivante de
candidals à la place laissée vacante par le décès de
M. Ad. Chain : en première ligne, MM. B. Renault et
R. Zeiller; en seconde ligne, MM. Bureau, Cos-
tantin et Mangin.
19 SCIENCES MATHÉMATIQUES. — M. E. Picard présente
ses recherches sur les résidus et les périodes des inté-
grales doubles de fonctions rationnelles. — M. R. Bri-
card étudie une question relative au déplacement
d'une figure de grandeur invariable. — M. E. Borel
déduit de ses recherches sur les fonctions entières de
plusieurs variables et leur mode de croissance, que
446
l'hypothèse qu'une fonction croissante de plusieurs
variables est une fonction entière restreint singulière-
ment la généralité de son mode de croissance. —
M. G. Lippmann décrit un appareil destiné à entrainer
la plaque photographique qui recoit l'image fournie
par un sidérostat, avec la même vitesse de rotation que
cette image, afin d'obtenir des images posées de tous
les points du ciel. — M. P. Duhem, poursuivant ses
recherches sur la propagation des discontinuités dans
un fluide visqueux, indique une nouvelle extension de
la loi d'Hugoniot.
20 SCIENCES PHYSIQUES. — M. Ed. Mack a déterminé
quelques isothermes de l’éther entre 100° et 206° avec
l'appareil qu'ila précédemment décrit. —M. P.Chroust-
choff indique les modifications qu'il a élé amené à
apporter, dans ses recherches cryoscopiques, à la
construction et à l'emploi du thermomètre électrique
de Callendar etGriffiths, ainsi qu'à la méthode employée
par Raoult pour la détermination de l’abaissement du
point de congélation. — M. P. Weiss décrit un nou-
veau système d'ampèremètres et de voltmètres indé-
pendauts de l'intensité de leur aimant permanent; on
arrive à ce résultat par l'emploi simultané d’un couple
directeur magnélique prédominant et d'un couple
directeur élastique d'importance subordonnée.— M. G..-
A. Hemsalech poursuit l'étude de l'influence de la
self-induction sur les spectres d’étincelles. Certaines
raies diminuent rapidement en intensité avec l'aug-
mentation de la self-induction. D'autres diminuent
lentement et d'une manière continue. Enfin une
troisième catégorie diminue, passe par un minimum,
augmente considérablement, atteint un maximum d'in-
tensité, et diminue de nouveau. — M. E. Kœnig a
observé que la superposition d’un courant alternatif
au courant continu dans un arc électrique, produit des
oscillations lumineuses périodiques se suivant assez
lentement pour être perceptibles à l'œil. — M. G. Trouvé
présente un appareil qui imite les effets des fontaines
lumineuses par la projection de grains solides au
moyen d'un jet d'air continu. — M. G. Contremoulins
décrit un appareil de mensuration exacte du squelette
et des organes donnant une image nette en radio-
graphie; il suffit de prendre deux épreuves radio-
graphiques avec changement d'incidence du tube de
Crookes. — M. A. Gautier a obtenu encore, dans la
décomposition des roches cristallines en poudre, de
l'ammoniaque, de l'azote et de l’argon provenant d'azo-
tures et d’argonures métalliques, de l’iode et enfin de
l’arsenic provenant d’arséniures. — M. R. Güntz, en
chauffant à 12000 l'amalgame de baryum dans un courant
d'H, a obtenu de l’hydrure de baryum, BaH°, solide
grisätre, très stable. Il est décomposé par l’eau en
baryte et hydrogène; chauffé dans un courant d'azote,
il se transforme en azoture de baryum Ba'Az. —
M. H. Henriet propose une nouvelle méthode de
dosage de l'acide nitrique dans les eaux basée sur la
transformation totale de celui-ci en hydroxylamine
par le chlorure stanneux en excès; on titre ensuite par
l'iode le chlorure stanneux non utilisé. — M. M. Delé-
pine à constaté que si l’on oppose à un acélal un alcool
autre que celui qui le constitue, il y a déplacement
plus où moins complet de l'alcool de l'acétal initial,
surtout si l’on chauffe en présence d’un peu de HCI. On
peutpréparer ainsi denouveau acétals.—M. E.-E. Blaise
indique une méthode générale de synthèse des éthers
f-cétoniques acycliques non substilués; elle consiste
à faire réagir les dérivés éthéro-organomagnésiens sur
le cyanacétate d'éthyle, et à décomposer par l’eau le
produit obtenu. L'auteur à préparé ainsi le propionyl
et le butyrylacétate d'éthyle. — MM. Ch. Moureu et
R. Delange, en traitant par un excès de sodium
l'acide amylpropiolique CH — C = C — CO°H, ont
réalisé la synthèse de l'acide caprylique CH — (CH°)°
— COH. L’acide hexylpropiolique, dans les mêmes con-
ditions, donne l'acide pélargonique. — MM. L. Ma-
quenne et E. Roux, en réduisant la glucosoxime par
l'amalgame de sodium, ont obtenu une base, la gluca-
ACADÉMIES ET SOCIÉTÉS SAVANTES
mine, qui parait répondre à la constitution suivante
OH H OH OH ;
|
(AzH?)CH? — C —
PE EN ERA
NO NH RE
lee
G— C— C— CHOÏ.
Son pouvoir rolatoire est de —15°,3, sans multirotations
— M, J. Bougault à préparé l'acide paraoxyhydra=
tropique en déméthylant son éther, qu'on obtient fac
lement à partir de l’anéthol. C’est un corps cristallisés
‘fondant à 1309, inactif, mais dédoublable par la mo
phine en deux isomères actifs. — M. Bongert a fait
réagir la phénylhydrazine sur les deux butyrylacétyl
acélates de méthyle isomères et a obtenu un dérivé de
la bispyrazolone. Avec l'hydrazine, on obtient soit du
propyiméthylpyrazolcarbonate de méthyle, soit de la
méthylpyrazolone. — M. G. Favrel, en faisant réa
les éthers alkyleyanacétiques sur les chlorures di
azoïques, à obtenu des phényl- (toluyl-) hydrazone-c
nitriles butyriques. — MM. Amé Pictet et A. Rotsch:
ont retiré du tabac du Kentucky trois nouveaux alca=
loïdes : la nicotéine, C'H'?A7?, liquide; la micotelline;
C!°HSAz=, solide, fondant à 1470-1480; la nicotimine,
CH%A7?, liquide, isomère de la nicotine. —M. Rosen>
sthiel a constaté qu'en engageant la nitramine dans
une combinaison azoïque sulfonée, on lui confère une
solubilité qui lui manque à l’état de liberté et qui fac
lite toutes les réactions des agents réducteurs, dont
l’action s'exerce sur la nitramine seule, sans que le
sulfo-naphtol intervienne par sa substance, — M.
Maillard a constaté que la matière rouge, soluble dans
le chloroforme, qui se produit à l’air dans les urines:
sous l’action de HCI, est de l’indirubine; elle provient
digo qu'elle peut remplacer eu totalité; les méthodes
de dosage des dérivés indoxyliques basées sur le dosage:
du bleu d'indigo seul sont donc illusoires. —MM. Louise
et Riquier donnent une formule qui permet de calculer
l’'écrémage et le mouillage dans les analyses de lait.
M. E. Manceau a étudié la seconde fermentation ©
prise en mousse des vins de Champagne. La fermenta=
tion partielle du sucre est la cause principale de læ
variation des proportions de sucre exigées par les dif
férents vins pour acquérir la même pression.
3° SCIENCES NATURELLES. — M. A. Chauveau démontre
que, daus les moteurs inanimés comme dans le mus:
cle, moteur animé, l'énergie consacrée à l’exécution du
travail mécanique positif a une double destination :4l
est dépensé de l'énergie pour créer les forces de soutien
qui équilibrent les charges à soulever (travail
intérieur) ;ilenestdépensé pour créerles forces motrices
qui opèrent le soulèvement de ces charges (4ravai
extérieur). — M. A. Robert a étudié au Laboratoire de
Roscoff les premiers phénomènes du développement
des Trochus maqus et Tr. Conuloïdes ; la segment
tion est tout à fait semblable chez ces deux types, et
analogue à celle des Crepidula. — Me Rondeau-Luzeau
a observé l’action des solutions isotoniques de chlorures
et de sucre sur les œufs de /?ana fusca. Il ÿ a un co
mencement de segmentation, qui s'arrête à des stades.
variables suivant les chlerures. — M. G. Weiss a excité
des nerfs et des muscles par des ondes de très courte
durée (0”,0001), et a observé qu'avec un courant continu
la quantité d'énergie mise en jeu pour provoquer l’exci=
tation passe par un minimun pour une durée déter
minée de passage du courant. — MM. Albert Frouin.
et M. Molinier ont étudié l’action de l'alcool sur la
sécrétion gastrique. L'hypersécrétion provoquée pan
l'alcool n'est pas due seulement à uve action locales
ou à l'action sur les terminaisons nerveuses des voies,
guslalives ; c'est à une aclion spéciale sur le système
nerveux que l'alcool doit son effet. — M. Stan. Meunier
expose un mode de formalion du minerai de fer ooli=
thique de Lorraine, qui est en contradiction avec celub
admis par M. G. Rolland. Pour lui, le calcaire s'est
déposé dans la mer thoarcienre sous forme de limon,
ACADÉMIES ET SOCIÉTÉS SAVANTES
A47
puis a pris la forme oolithique; puis il a été baigné par
des solutions ferrugineuses, dont les molécules de cal-
caire ont retenu peu à peu tout le fer. Louis BRUxET.
ACADÉMIE DE MÉDECINE
Séance du 9 Avril 1901.
M. Debove signale la pullulation des moustiques dans
“certains quartiers de Pa:is. S'il est probable que ces
“Insectes ne transmeltent à Paris aucune maladie con-
tagieuse, ils n'en sont pas moins des hôtes très incom-
modes. M. Debove demande donc que la Ville de Paris
supprime ses eaux slagnantes dans les places et jardins
publics, et les remplace par des eaux courantes, où
qu'elle y fasse verser la pelite quantité de pétrole néces-
#saire pour arrêter le développement des moustiques.
MM: Vallin, Laveran et Proust s'associent à ces ob-
servalions. — M. L. Hugounenq communique ses re-
cherches sur la composition minérale de l'organisme
du fœtus humain et de l'enfant nouveau-né, La /evue
publie dans le présent fascicule un article détaillé sur
celte question.
: Séance du 16 Avril 1901.
- M. le Président aunonce le décès de M. Costomiris,
Correspondant étranger.
. M. Farabeuf fait remarquer que les bords de la
- Bièvre sont infestés de moustiques dont la piqüre est
souvent très douloureuse; il appelle l'attention de la
Commission des Moustiques sur celte situation. —
M. Liégeois rappelle qu'il a obtenu, depuis une quin-
zaine d'années, de bonus résultats dans le traitement de
la chlorose par l’acétophosphate de cuivre. D'autres
médecins étrangers, Meudini, Hare, Cervello, etc., ont
obtenu des résultats analogues par l'emploi de divers
sels de cuivre. — M. Delorme attire l'attention sur la
… nécessité du lavage complètement aseptique du linge
sale, et décrit les procédés usités dans divers hôpitaux
pour arriver à ce but. Il propose à l'Académie d’en-
nager l'autorité civile à prescrire, dans les lavo rs
publics, l’usage de Jessiveuses-désinfecteuses; d'en
proposer la généralisation à l’Assistance publique, et à
tous les hôpitaux civils, militaires et coloniaux. —
M. Galezowski lit un mémoire sur les névrites optiques
paludéennes.
Séance du 23 Avril 1901.
M. J. V. Laborde présente un rapport sur un
mémoire de M.J. de Tarchanoff, relalif à l'influence
de la quinine sur les muscles striés pendant la chloro-
formisation. Cet alcaloïde produit, dans les muscles,
“une perte de la transparence, de l'élasticité et de
l'irritabilité; ils sont devenus opaques et rigides. —
M. H. de Brun a obtenu d'excellents résultats dans le
traitement de la lèpre par l'ichtyol à l'intérieur ; la dose
peut aller jusqu'à 10 grammes par jour. Quant à l'ichtyol
administré à l'extérieur, l’auteur n'en a retiré aucun
avantage. — MM. Peugniez et Rémy communiquent
uue note sur l'extirpation des projectiles logés dans
Jencéphale, avec une observation de plaie pénétrante
“du crâne par arme à feu. — M. Fochier donne lecture
d'un mémoire sur uu cas de dyslocie grave dans un
- utépus bicorne.
_ SOCIÉTÉ DE BIOLOGIE
Séance du 30 Mars 1901.
le cœur isolé. C'est un poison systolique ; si parfois le
ventricule de la grenouille, emprisonné et arrêté, ren-
“ferme encore du sang, cela tient vraisemblablement à
sun état particulier de fatigue du myocarde. — M. F.
Henneguy a fait des essais de parthénogenèse expéri-
mentale sur les œufs de grenouille avec des solutions
salines: les meilleurs résultats ont été obtenus avec les
azotates de potasse et d’ammoniaque qui ont produit
des segmentations allant jusqu'au stade 16. — M. G.
Maréchal a observé le développement de spores dans
les cultures pures du bacille de Ducrey, ainsi que la
formation d'une capsule autour du microbe et de la
spore dans le chancre mou et la syphilis. — M. A. Tho-
mas décrit les altérations des cylindres-axes dans la
sclérose en plaques, ainsi que l’évolution pathologique
de la névroglie dans la même maladie. — MM. A. Tho-
mas et P. Loew ont étudié les altéralions des cordons
postérieurs dans les tumeurs de l'encéphale. — M. An-
dré Lombard démontre, par des expériences sur l'atro-
pine et la sirychnine, qu'en pénétrant dans la circula-
lion, les poisons alcaloïdiques sont d'abord fixés sur les
leucocytes. Dans ce cas, l'animal est réfractaire; dans
le cas contraire, il y a empoisonnement général par
diffusion dans le sérum. — M. G. Linossier a reconnu
expérimentalement que l'acide salicylique s'élimine
aclivement par la bile; toutefois la proportion est in-
suffisante pour qu'on puisse lui atribuer, comme on
le supposait, une action antiseplique directe impor-
tante dans les affections biliaires. — M. Hanriot montre
que certains oxydes métalliques (sesquioxyde de fer,
d'alumine, ete.) peuvent jouer vis-à-vis des acides or-
ganiques un rôle analogue à celui de la lipase. Cette
constatation et d'autres faites concordent avec l'hypo-
thèse que la lipase serait un sel de fer. — M. J. Simo-
nin a observé dans les selles dyssentériques la présence
presque constante de l'entérocoque, qui était le com-
pagnon à peu près exclusif du colibacille. — MM. Sa-
brazès el Fauquet ont constaté que la première urine
du nouveau-né après l'accouchement esl douée de pro-
priélés hématolytiques. — MM. Calugareanu et V.
Henri ont observé chez un chien une salivation très
abondante, pendant la maslication, à la suite de la su-
ture croisée des nerfs hypoglosse et lingual. — M. Ch.
Schmitt a reconnu qu'à pouvoir sucrant égal la saccha-
rine relarde moins la digestion que le sucre. — MM.
Gilbert el P.Lereboullet ont constaté que la cause prin-
cipale de la splénomégalie dans les cirrhoses biliaires,
c'est la superposition de deux facteurs : infection et
congeslion passive. M. R. Suzor a reconnu expéri-
meulalement que le jaune d'œuf cru constitue une subs-
tance alimentaire de premier ordre, par la voie hypo-
dermique. Il constitue en même temps, et employé de
la même facon, un stimulant et un releveur de Ja nu-
trilion générale de tout premier ordre, utile dans tous
les cas d'épuisement, y compris les cas de démence. —
Le même auteur a traité avec succès des accès de mi-
graine et de névralgie faciales par des applications de
cocaine dans la narine, du côté où siège la douleur. —
M. G. Leven montre l'utilité d'une alimentation
d'épreuve dans les recherches sur la nutrition. — MM.
Milian et Legros ont étudié le liquide céphalo-rachi-
dien dans le tétanos spontané. Il conserve sa limpidité
ct ne renferme ni germe microbien, ni toxine. — MM.
Ch. Achard et M. Loeper moutrent l'existence d’un
mécanisme régulateur de la composition du saug à
l'élat normal, qui subit des variations pathologiques.
Séance du 20 Avril 1901.
M. A. Laveran a étudié le Piroplasma equi, héma-
tozoaire endoglobulaire qui produit une maladie des
chevaux dans le sud de l'Afrique. Il n’a rien de
commun avec l’hématozoaire du paludisme, comme
on l'avait pensé d'abord. — M. A. Laveran a reçu de
diverses localités où règne le paludisme des échantil-
lons d'Anopheles (Bonifacio, Constantine, Orléansville,
Haut-Tonkin, Brésil). — M. Kronecker crilique les
méthodes servant à déterminer les manifestations ex-
lérieures de l'activité du cœur. — M. E. Hédon signale
l'action antitoxique du sérum et du phosphate acide
de soude contre certains glycosides hémolytiques toxt-
ques pour les Poissons (cyclamine, saponine, solanine).
— M. H. Ribaut a constaté que la caféine à dose faible
abaisse l'élimination azotée; à dose forte, elle l'aug-
mente. — M. A. Pugnat démontre que le mode d'ac-
lion des urines vis-à-vis des globules rouges dépend de
leur degré de concentration moléculaire, le laquage
148
ne se produisant qu'avec des urines hypotoniques au
sang. — M. A. Sicard propose de remplacer la mé-
thode des injections sous-arachnoïdiennes par celle
des injections extra-durales par voie sacro-coccy-
gienne; cette dernière est d’une inocuilé absolue. —
M. E. Gley a trouvé, dans le corps thyroïde d'un
homme atteint de goitre exophtalmique, 2 milligrammes
d'iode pour 100 grammes de glande fraiche. — M. G.
Weiss montre que lorsqu'une onde électrique traverse
un nerf, le seuil de l'excitation est d'autant plus élevé
que l'onde est plus fréquemment interrompue. —
M. A. Imbert cite divers laits à l'appui de l'hypothèse
d'Haughton, d’après laquelle la forme même de cer-
tains muscles produit dans leur fonctionnement une
dépense inutile d'énergie. — M. L. Lutz présente
une bougie-pipette pour stérilisation et répartition di-
recte des liquides. — M. $S. Jourdain à observé que
les escargots, en se promenant à la surface des vitres,
produisent un son musical analogue à celui qu'on ob-
tient en promenant un doigt humide à la surface d'une
lame de verre, — M. CI. Regaud a éludié le mode de
formation des chromosomes pendant les karyokinèses
des spermatogonies chez le rat. Les demi-chromosomes
résultent de deux segmentalions {transversales succes-
sives, sans fissuration longitudinale. — Le même au-
teur a observé une transformation para-épithéliale des
cellules interstitielles dans les testicules d'un chien,
probablement à la suite d’une orchite ancienne. —
MM. G. Félizet et A. Branca poursuivent leurs re-
cherches histologiques sur le testicule ectopique par
l'étude des fibres élastiques et des épithéliums. —
M. A. Dastre à observé que les matières grasses chez
les Crustacés sont localisées dans le foie. — M. J. Le-
fèvre, à propos des notes de MM. Lagriffe et Maurel
sur la mort par réfrigération, rappelle qu'il à déjà
étudié et décrit antérieurement le mécanisme de la ré-
sistance au froid. Il a, de même, reconnu quil y a
constamment augmentation du rendemént de travail
chez l'homme, sous l'action brusque ou même pro-
longée du froid, et chaque fois que le froid fait suite à
l’action du chaud. — M. G. Meillère a reconnu, dans
la recherche toxicolosique du plomb, que la présence
des phosphates introduits par les cendres des organes,
empêche la précipitation électrolytique à l'état d'oxyde
puce. — MM. A. Frouin et M. Molinier: Action de
l'alcool sur la sécrétion gastrique (Voir page 446). —
MM. A. Valdiguié et J. Larroche ont constaté que le
suc de pommes de terre possède les propriétés géné-
rales des ferments solubles, en particulier un fort pouvoir
réducteur. — MM. E. Lesné et P. Merklen montrent
que les urines dans les gastro-entérites des nourris-
sons, comparées aux urines des nouveau-nés sains,
possèdent un point cryoscopique hypertonique, ei un
chiffre de chlorures diminué. — M. G. Poujol décrit
un procédé de récolte et de répartition applicable aux
grandes quantités de sérum. — M. E. Maurel a constaté
que, sous l'influence d'une alimentation faiblement
azotée, l'acide urique tombe à de très faibles propor-
tions; il en est probablement de même des autres com-
posés azotés de l'urine représentant les produits de
désassimilation incomplète; ces produits doivent dimi-
nuer également dans l'organisme. — Le même auteur
a étudié l'élimination urinaire des chlorures; elle est
normalement de 0,20 à 0,25 grammes par kilogramme
de poids. Si l’on restreint l'absorption de NaCl, l'élimi-
nation ne peut pas descendre au-dessous de 0,05 gr.
DE
SOCIETE FRANÇAISE DE PHYSIQUE
Séance du 19 Avril 1901.
M. H. Pellat, président, rend compte des réunions
tenues pendant la semaine de Pâques. — M. P.
Lauriol expose les récents progrès relalifs à l'éclai-
rage, au chauffage et à la force motrice, et en même
temps ses recherches personnellés sur ces diverses
questions. Il passe en revue les progrès de l'éclairage
au gaz par incandescence, qui permet actuellement de
ACADÉMIES ET SOCIÉTÉS SAVANTES
ne brûler que 10 à 15 litres de gaz (soit 0 fr. 003) pan
carcel-heure, au lieu des 105 litres qu'exigeait le be
Argand et 430 qu'exige le bec papillon. Il indiqu
les diverses méthodes de produetion des gaz pauvres
(gaz à l'eau), obtenus par le passage de Ja vapeur d’eaw
sur le charbon incandescent, auxquels, en Angleterre,
on mêle des vapeurs de pétrole; on oblient ainsi un
mélange pratiquement comparable au gaz ordinaire, a
triple point de vue de l'éclairage, du chauffage et de
la force motrice. Les lampes à pétrole lampant, qui ont
malheureusement l'inconvénient de siffler et dont l’allus
nage exige quelques minutes, ne consomment par
carcel-heure que 4 grammes de pétrole, soit 0 fr. 0012,
tandis que les lampes à pétrole ordinaire consommen
dix fois plus. Le prix élevé du carbure de calcium (au
moins 25 centimes le kilo) porte à 0 fr. 0072 le carcel=
heure fourni par l’acétylene. L'auteur insiste sur les
inconvénients des orifices très fins d'écoulement des
l'acétylène qui sont nécessaires et malheureusement,
difficiles à réaliser parfaitement ; il indique des résultats
personnels relativement à l'éclairage par l'acétylènes
L'incandescence par l'acétylène fournit le carcel-heure
à Ofr.0015. M. Lauriol passe ensuite à l'électricité. A
parle des lampes à arc sans rhéostat employées avec
succès dans quelques rues de Paris, des nouvelles”
lampes à incandescence (lampe à osmium de M. Auer,
lampes à filament de bas voltage, lampes à filament des
haut voltage 220 volts). Le chauffage électrique
revient à 145 centimes le kilowatt-heure, prix environ
égal à 6 fois celui que coûte le chauffage au gaz. D'après.
des expériences de l’auteur, il y a, dans le chautfage
au gaz, perte de la moitié de la chaleur dans la
cheminée. La calorie-gaz ne coûterait que 1/12 de la
calorie électrique si elle était utilisée intégralement»
— À propos de la communication de M. Lauriols
M. H. Le Chatelier indique un progrès intéressant
relatif à la fabrication du gaz à l'eau. Il insiste surle
fait que le gaz à l’eau ne donne pas un rendement
supérieur à celui du gaz pour l'éclairage par incan=
descence. Il dit qu'il serait intéressant d’avoir des,
renseignements sur la compression du gaz et sur
l'utilisation du gaz comprimé dans des appareils de
petites dimensions, M. Pellat demande des renseis
gnements sur les précautions prises pour Éviter
l'empoisonnement par l'oxyde de carbone des gaz à
l'eau. M. Lauriol répond que l'on peut donner une
odeur très forte aux gaz à l'eau par la carbylamine. I
faut naturellement pour le gaz à l’eau (qui renferme
40 °/, en volume de CO) de bonnes canalisations,
aussi bien d'ailleurs que pour le gaz d'éclairage (qui
renferme 7 à 8 /° de CO). M. Le Chatelier exprime le
désir que l’on puisse se procurer des becs pour le gaz
comprimé. Il insiste sur la facilité avec laquelle la
compression est possible au moyen des petits moteurs
à air chaud, système Henrici, dont l'installation n'en
traine qu'une dépense insignifiante.
SOCIÉTÉ CHIMIQUE DE PARIS
Séance du 22 Mars 1901.
M. Engel présente un mémoire de M. de Coppet.
sur Ja cristallisation spontanée de l’hydrate
Na?S04, 10H20 dans les solutions sursaturées de sulfate
de sodium, avec des remarques sur leslimites de l'état,
métastable de ces solutions. — M. A. Gautier commune
nique une méthode de séparation et de dosage de
l'hydrogène sulfuré, des sullures et des polysulfures:
— M. Ad. Jouve recherche le sélénium dans l'acide
sulfurique, au moyen d’un courant de gaz acétylène;
la sensibilité, qui atteint environ 1/1.000.000°, est plus
grande, de beaucoup, que celles que donnent les
réactifs connus, tels que la codéine ou le gaz sulfureux.
— M. l'abbé J. Hamonet a fait réagir quelques métaux
sur le butane diiodé ou dibromé en vue d'obtenir le
Lélraméthylène, mais jusqu'ici ce corps n'a pu être.
préparé. Avec le sodium, la réaction est extrèmement
violente; la masse charbonne et le gaz dégagé contient
“une très forte proportion d'hydrogène. Si l’on dilue le
mbutane dihalogéné dans le benzène, le loluène ou le
Kylène, il n’y a plus réaction, même à la température
“d'ébullition de ces liquides. Avec le zinc en présence
de l'alcool à 75° (réaction de Gustavson pour le trimé-
ylène), il se dégage un gaz qui contient 20 °/, d’hy-
drogène, 10 ‘ d'un composé immédiatement absor-
bable par le brome et 10 °/, de bulane. Sur le zinc
Seul, le diiodobutane et le dibromobutane agissent
lentement à la température du laboratoire, 12 à 16»,
‘en donnant de l’éthylène, comme si la chaîne tétra-
méthylénique se brisait au moment de se fermer. —
: Delépine expose les résultats oblenus en opposant
maux acétals d’alcools monovalents, divers alcools mo-
novalents, bivalents, trivalents, tétravalents et hexava-
lents. Dans tous les cas il y a une réaction, c'est-à-dire
“un déplacement plus ou moins avancé de l'alcool pri-
milif par le nouvel alcool. Cette méthode revient en
somme à faire de nouveaux acétals avec des acélals
mdhifférents déjà obtenus; elle conduit à la formation
… d'acétals déjà connus ou inconnus dont la description
sera faite ultérieurement. — M. Ch. Moureu s'est pro-
posé de montrer que le réactif découvert par M. Gri-
gnard (iodures d'alcoyl-magnésium) pouvait attaquer
des composés oxygénés autres que ceux du carbone.
L'action de l'iodure d'éthylmagnésium sur le nitrite
d’amyle lui a donné de la diéthylhydroxylamine
Az(C°H°)20H; avec le nitroéthane, il a obtenu la même
base, mélangée d’un autre composé, qu'il suppose être
l'oxyde de triéthylamine Az(C*H5}O. Le nitrate de
méthyle réagit aussi très énergiquement ; il y a pro-
luction d'un mélange basique, possédant des proprié-
“tés réductrices très nettes. L'auteur a commencé
Jétude des composés oxygénés du soufre; le phényl-
ulfonate de méthyle et lesulfate d'éthyle sont attaqués
“violemment par les iodures d'alcoyl-magnésium; le
sujet est en cours d'expériences. Il n'est pas douteux
que les composés oxygénés des autres métalloïdes ne
soient dans le même cas. M. Moureu poursuit la solu-
ion de ces différents problèmes en collaboration avec
M. R. Delange et M. H. Desmots, Il espère que cette
étude apportera quelques fails précis, qui seront de
nature à éclairer peut-être définitivement la structure
intime des acides minéraux oxygénés, c'est-à-dire le
mode de liaison de l'oxygène avec l'élément spécial
contenu dans chacun de ces acides. — M. P. Lebeau
“expose le résultat de ses recherches sur les composés
binaires de fer et de silicium. L'étude qu'il a faite de
ces combinaisons établit nettement l'existence, dans
les ferrosiliciums industriels, des siliciures SiFe?, SiFe et
SiFe.Il donne, en outre, des procédés de préparation
qui lui ont permis d'obtenir ces composés purs et cris-
allisés el de faire l'étude de leurs principales pro-
priétés,; et il montre également que la siliciuration du
fer par les procédés électromélallurgiques peut avoir
deux limites correspondant à la formation des com-
posés SiFe ou Si*Fe suivant la nalure des matières pre-
….mières employées. — M. Grimbert, en étudiant l’action
du Bacillus tartricus sur les hydrates de carbone, a
constaté, parmi les produits de la fermentation, la
présence constante de l'acétylméthylcarbinol, qu'il a
caractérisé par l'ensemble de ses propriétés et la for-
mation de son osazone C'H*Az, fusible à 243° et qui
lui est commune avec le biacétyle. Il serait intéressant
de rechercher si d’autres ferments jouissent de la
ème propriété, ou si elle est caractéristique du
B. lartricus seul.
Séance du 26 Avril 1901.
…. M. R. Fosse à étudié l'un des corps obtenus par
Rousseau dans l’action du chloroforme sur le 8-naphtol.
Le corps considéré par Rousseau comme un binaphthy-
ne-alcool : :
CSHS$— COH
CÆHUO ou | ï
C'H°— CH
possède la formule suivante :
3
ACADÉMIES ET SOCIÉTÉS SAVANTES 149
CH
CH2%0?2 OH — CH —C È .
ou PA
c’estle naphtylol-naphtyl-oxynaphtyl-méthane. M. Fosse
démontre cette formule par l'analyse de ce corps et de
ses élthers méthylique, éthylique, acétique, le dosage
de l'acide acétique dans l’éther acétique, la cryoscopie
de l’éther méthylique et enfin la synthèse en partant
de l'aldéhyde oxynaphtoïque et du 8-naphtol :
OH — CH5— COH + 2C!H70H — 2H20
,CHS
+ OH — C'OH5— CH£ )0,
SG
Le naphtylol-naphtyl-oxynaphtyl-méthane, cristallisé
dans le nitrobenzène, puis dans l’acétone, se présente
en belles aiguilles prismatiques, incolores en retenant
du dissolvant ou opaques par dessication. Ce corps x
fond à 273° en un liquide brun. L'éther méthylique fond
à 255°, éthylique à 304°, acétique à 2850, Cette substance
présente la curieuse propriété, quoique phénol, d'être
insoluble dans les alcalis en solution aqueuse, mais de
se dissoudre dans les alcalis en solution alcoolique d’où
l'eau la précipite inaltérée. Pour démontrer que ce
corps possède bien OH phénolique, sur le conseil de
M. Haller, M. Fosse à fait directement Ja synthèse de
l'éther méthylique, en partaut de l'éther méthylique
de l'aldéhyde oxynaphtoïque et du &-naphtol:
CH°— O0 — CH$ — COH + 2C!°H70H — 21120
à Coprs
+ CH°— O0 — CH — CHS >
+ CH— € H°—( ED 0e
Le corps oblenu fond à 2550, il est identique à celui
préparé par l'action de l'iodure de méthyle sur le
naphtylol-naphtyl-oxynaphtyl-méthane potassé. —
M. L.-J. Simon a comparé, au point de vue de la réac-
tion colorée qu'ils donnent avec le perchlorure de fer
l'acide salicylique C'H‘0* et l'acide isopyrotritarique
CH"0# qu'il a isolé dans les produits de la calcination
de l'acide tartrique. 11 en résulte qu'il ne serait pas
impossible que l'acide isopyrotritarique soit précisé-
ment la substance que l'on prend parfois pour l'acide
salicylique dans la recherche de ce corps, dans les
boissons alimentaires et en particulier dans les vins. —
M. Le Chatelier présente une note de M. Georges
Rosset sur une pile électrique à dépolarisant, sponta-
nément régénérable par oxydation directe à l'air. —
M. L. Maquenne décrit une nouvelle base qu'il a
obtenue, en collaboration avec M. E. Roux. en réduisant
la glucosoxime par l'amalgame de sodium; ce corps,
qu'il désigne sous le nom de glucamine, est une base
forte dont la plupart des sels sont sirupeux et incris-
tallisables. L'oxalate est en paillettes hexagonales inco-
lores. Sa conslitution est celle d’un aminohexane-
pentol C°H!*Az0*, diflérant des glucosamines connues
par deux atomes d'hydrowène en excès. — M. Grignard
se réserve l'emploi en chimie organique des combi-
paisons alcoylohalogénées du magnésium qu'il a décou-
vertes.
SOCIÉTÉ DE CHIMIE DE LONDRES
Séance du 21 Mars 1901.
MM. S. B. Schryver et F. H. Lees ont constaté
que, dans la décomposition par l’eau de la bromo-
morphide, il se forme, à côté de l'isomorphine, une
autre base isomère, la f-isomorphine. Celle-ci se forme
également dans la décomposition de la chloromorphide.
L'isomorphine donne facilement un méthiodure dia-
célylé CHU(OCH*.CO)OAZCH'I. La bromocodéide,
traitée par l’eau, fournit également de l'isocodéine, qui
donne, par traitement avec CH'I, un méthiodure C‘H:8
O*(OCH°) AzCH°T. On arrive à ce même dérivé à partir
du méthiodure d'isomorphine par diverses réactions,
ce qui montre les relations de ces deux corps. On en
450
déduit pour le méthydroxide d'isomorphine la consli-
tution d'une phénolbétaine :
0
C'°H150°4 |
Az(CHS)°
D'une autre série de réactions, les auteurs déduisent
que l'isomorphine contient absolument les mêmes
groupes que la morphine; les formules de ces deux
bases seraient donc probablement:
AN
Ê NH | pe
CENT CY
| AACH (L
| -ér Zn —0
PIN | |
Be RING
HoÛ lou |
/ Az-08 cn:
ou |
CH®
Morphine (Knorr). Isomorphine.
M. H. A. D. Jowett poursuit ses recherches sur la
constitution de la pilocarpine. L'isopilocarpine, traitée
par le brome en solution acétique, donne un perbro-
mure de dibromoisopilocarpine, avec un peu de mono-
bromoisopilocarpine et d'acide isopilocarpinique. Ce
perbromure, traité par AzH*, se transforme en dibro-
moisopilocarpine. Celle-ci, oxydée parle permanganate,
donne de l'acide pilopinique C$H'!O*Azet de l'acide pilo-
pique C’H'°04. Quand l'isopilocarpine est traitée par le
brome en solution aqueuse, on obtient des acides bro-
més. L'acide dibromoisopilocarpinique, traité par
l'amalgame de sodium, donne de l'acide pilopique.
Réduit par le zine en solution acétique, il fournit par
contre une lactone, l'isopilocarpinolactone, G'H10*A7?,
lévosyre. La bromuration de la pilocarpine donne des
résullats analogues à celle de l’isopilocarpine. Les aci-
des bromopilocarpiniques fournissent par réduction de
l'acide pilocarpinique. — M. A. Harden a contaté que
le Bacillus coli communis fait fermenter le glucose en
produisant environ la moilié d'acide lactique, puis de
l'alcool, de l'acide acétique, CO®,H et de petites quantités
d'acides succinique et formique. L’acide lactique est un
mélange d'acide inactif et d'acide gauche. Le d-fruc-
tose donne les mêmes produits de fermentation; le
l-arabinose et le d-galactose produisent également de
l’acide lactique gauche. Le mannitol donue une plus
forte proportion d'alcool; la production de ce dernier
semble dépendre de la présence du groupe CH*(0H).
CH.OH. En présence d'acide aspartique comme aliment
azoté, la fermentation a lieu de même, mais la majeure
partie de l'hydrogène produit est employée à réduire
l'acide aspartique en succinate d'ammonium. M. Pakes
faitremarquer que les décompositions bactériennes ont
lieu très différemment suivant qu'elles se produisent
en présence où à l'abri de l'air. — M. G. D. Lander à
étudié l'action de l'oxyde d'argent sec et du iodure d’é-
thyle sur l'éther benzoylacétique, la déoxybenzoïine et le
eyanure de benzyle. Avec le premier, on obtient de
l'éther éthylbenzoylacétique, avec de très faibles quan-
tités d'étherf-éthoxycinnamique.Avecla déoxybenzoïne,
il se forme un peu de bidésyle. Avec le cyanure de ben-
zyle,la décomposition est plus profonde; on obtient du
dicyanostilbène. — Le même auteur a étudié lalkyla-
tion des acylarylamines par l'oxyde d'argent sec et les
iodures d’alkyles. Avec l'iodure d’éthyle, on oblient
seulement des imino-éthers, tandis que l'iodure de
méthyle donneun mélange d'acylalkylamines normales
et d'imino-homologues. Les imino-éthers se distinguent
de leurs isomères : 4° par leur état liquide à la tempé-
rature ordinaire; 2° par leurs points d'ébullition qui
qui sont de 30 à 50° inférieurs à ceux des acylalkyla-
mines; 3° par le fait que leurs chlorhydrates chaultés
ACADÉMIES ET SOCIÉTÉS SAVANTES
régénèrent les acylarylamines par perte de chlorure
d'alkyle; 4° par leur rapide hydrolyse au moyen de
HCI dilué, en amine, acide et alcool. — M. G. D
Lander a encore cherché à préparer des imino*
éthers aliphatiques à partir des amides. En chauffant de
l'oxamate d'éthyle avec de l'oxyde d'argent sec eb
de l'iodure d'éthyle, il a obtenu l'éther diéthyliqu
semi-imino-oxalique. L’uréthane, dansles mêmes con»
ditions, donne de l'iminocarbonate diéthylique à côté
d'un peu de cyanurate triéthylique. — M. H. Cromp>
ton présente une note sur la détermination théorique
de la chaleur latente de vaporisation des liquidess
Imaginons une vapeur saturée dans un élat assez
rarélié pour obéir à la loi PV—RT. Supposons qu'il soit
possible, à température constante et par la compres
sion seulement, de réduire le volume V, de la vapeur
à celui que le liquide qu'elle forme occuperait normaæ
lement (soit v.), sans qu'il se produise de changement
d'état, et la substance continuant à obéir à loi des gaz
pendant la compression. Le travail accompli pendant
ce changement de volume est :
ç y 7
[rar = f ay = RTIo8
- n 0
et comme il ne se produit aucun changement de tem=
pérature, une quantité de chaleur équivalente à ce
travail est dégagée pendant la compression, La vapeur
occupe maintenant le volume du liquide, mais n’est pa
liquide. C'est, par hypolhèse, un gaz à haute pressionss
et si la pression est réduite à sa valeur initiale, le gaz
se dilatera jusqu'à son volume primitif. Pour former le
liquide, la substance doit être placée dans un état tel
qu'il soit possible de réduire la pression jusqu'à la
tension de vapeur normale du liquide, sans changements
de volume. En supposant qu'il ne se produise aucune
variation d'agrégation moléculaire, la substance doit.
donc être débarrassée de l'énergie potentielle d’expans
sion du gaz, c’est-à-dire de l'énergie qui rendrait capables
les molécules de la substance d'occuper leur volume
primitif en retournant à la pression initiale. Cette
énergie est égale à celle qui est libérée en comprimant
la substance, soit RTlog, V,/v..Sielle est mise sous formes
de chaleur, la quantité totale de chaleur dégagre pen=
dant la formation du liquide aux dépens de la vapeur
sera 2RT log, V,/v, c'est-à-dire la chaleur latente de»
vaporisation. Si V, el v, sont pris pour 1 molécules
gramme, R devient égal à 1,976 calorie, el2 RTlog, Vo/Wo
est la chaleur moléculaire de vaporisation. En divisants
par le poids moléculaire M, on obtient la chaleur latente
de vaporisation dans les unilés ordinaires. Les obser=
vations de Cailletet et de Mathias permettent de vérifier
la formule précédente dans d'assez larges limiles (Pas
bleau 1). D, est la densité de vapeur, & la densité du
liquide, et / la chaleur latente de vaporisation.
Tagceau |. — Comparaison des chaleurs latentes den
vaporisation observées et calculées par la formule
de Crompton.
“D D, ds M L'obs. | / cal.
COM 0.0%#% [1,110 4% |72,23. MH
es 0,099 [0,90 4% 157,48 |54,26
_— 0,233 [0,720 ## [31,80
A20 0,044 [0,998 4% 66,90
— 0,081 |0,890 4% [59,50
— 0,151 [0,755 44 |13,25
SO? 0,0045/1,4338] 6% 91,2
— 0,0136/1.3520| 64 80,5 |86,05
— 0,036411,2425| 64 168,4 |70,03
On voit que la concordance des résultals est assez
bonne. Les écarts proviennent de ce que la vapeur
saturée au point d'ébullition n'est pas un gaz parfait ets
possède généralement une densité un peu plus élevée
“que celle qui correspond au poids moléculaire normal
“de la substance. — MM. Bohuslav Brauner et
“FN, Pavlicek out déterminé à nouveau le poids ato-
“nique du lanthane, retiré de la cérite, purifié par cris-
mtallisation fractionnée du nitrate double ammoniacal,
met soumis ensuite à la précipitation fractionnée par la
mpotasse. Pour la détermination, l'oxyde est converti en
sulfate; celui-ci, chauffé à 450° et pesé plusieurs fois,
“diminue de poids jusqu'à une certaine limite; chauflé
dans une atmosphère de carbonate d'ammoniaque,
il diminue encore de poids jusqu'à un nombre con-
stant qui correspond à La—138,2. Or, si l'on reprend
le résidu par l'eau, on constate qu'il est fortement
acide, et qu'il contient, à côté du sulfate neutre, une
mpelite quantité de sulfate acide, qu'on peut déter-
“miner par l'alcalimétrie. Il en résulte une erreur sur
le poids atomique de 0,8 en moins. Les auteurs con-
mcluent que toutes les déterminations d’équivalents des
mterres rares par la méthode des sulfates faites au
xx" siècle sont entachées d’une erreur analogue. La
“correction, appliquée au lanthane, donne, pour la frac-
tion la plus pure, le poids atomique 139. — M. B. Brau-
“ner a déterminé également le poids atomique du pra-
‘séodyme par quatre méthodes : analyse du sulfate,
“analyse de l’oxalate, synthèses du sulfate. On observe
“ésalement que le sulfate chauffé présente une réaction
acide et contient du sulfate acide. En éliminant les
“Séries entachées d'erreurs, on obtient la moyenne
Pr — 140,94. Mais les r'sultats prouvent seulement que
l'équivalent du praséodyme est de 47, et le poids ato-
mique pourrait être : Pr 47,Pri = 9#,Prt = 1%1,P: IV
— 188 où PrY — 235. La détermination du poids molé-
culaire du PrCF anhydre par l’ébulliscopie a donné
247,4, ce qui permet de conclure que le praséodyme
possède bien le poids atomique 140,94. — M. B. Brau-
ner a préparé un tétroxyde de praséodyme Pr°0* par
fusion du nitrate de praséodyme avec le nitrate de
potasse; densité — 5,978. C'est un oxyde ozonique, ne
donnant pas la réaction du peroxyde d'hydrogène. Il
“se combine avec le trioxyde Pr°0* pour donner un
“oxyde complexe Pr'0* où Pr''O'$, densité — 6,704. Le
nitrate de praséodyme donne avec H°0*, Na*O* et un
.alcali un hydrate du peroxyde Pr*0, qui est un oxyde
antozonique. C'est à cetle série qu'appartient l’acétate
“Ac’:Pr,0.0.0.Prtt:(OH)Ac—+ H?0.—Le même auteur,
appliquant la méthode du sulfate à l1 détermination du
poids atomique du néodyme, a obtenu la valeur Nd —
143,80 avec une substance purifiée, après avoir déter-
miné expérimentalement la correclion due à la pré-
sence du sulfate acide. Le néodyme forme, à l'état sec,
un oxyde supérieur Nd°0', avec une si faible tension de
“l'atome actif d'oxygène que celui-ci, mis en liberté par
…les acides, se dégage dans une solution de sel ferreux
sans l’oxyder; c'est probablement un oxyde ozonique
- limité. Le néodyme donne des composés antozoniques
- du type R°0' ; l’acétate a une formule identique à celle
de l’acétate de praséodyme. — M. B. Brauner à appli-
ué les résultats de l'étude de l’hydrolyse du sel
“Th (C*0'.AzH*)17H°0 au fractionnement et à la purifi-
- cation des composés commerciaux du thorium. Les frac-
_ lions basiques positives sont dénommées Th,, et les
» fractions acides négatives Thg. Le poids atomique des
: fonctions basiques est Th, — 233,5 (méthode de l’oxa-
“late) ou Th, = 233,3-233,7 (méthode du sulfate). Les
. fractions négatives ont d'abord donné Tha— 232,5, puis,
“après purification, Thg = 232,0 et 231,9. En continuant
n le fractionnement des parlies négatives, on arrive à un
produit pour lequel Th4 —220. Cette diminution du poids
“atomique est accompagnée d'un abaissement de la den-
Msité de l'oxyde qui tombe de 10,2 à 9,6, en même
temps que le thorium acquiert la propriété de former
- facilement des sels basiques. — MM. F. S. Kipping' et
1 Voyez le présent fascicule, page 397.
- ACADÉMIES ET SOCIÉTÉS SAVANTES i51
A. E. Hunter décrivent la préparation du phéno-«-
cétoheptaméthylène et de ses dérivés. — M.J. J. Sud-
borough rappelle que l’un des deux diphényl-dinitro-
éthylènes, obtenus récemment par J. Schmidt! dans
l'action du peroxyde d'azote sur le tolane, a été pré-
paré autrefois par lui-même en faisant réagir le per-
oxyde d'azote sur le monochlorostilbène,
ACADEMIE DES SCIENCES D'AMSTERDAM
Séance du 20 Avril 1901.
1° SCIENCES MATHÉMATIQUES. — M. J. de Vries : /nvo-
lutions Sur une quartique plane à point triple, Les invo-
lutions quadratiques I, sur la courbe donnée C, à point
triple O admettent une enveloppe d’involution F* de la
troisième classe. Chacune de ces involutions I, peut être
engendrée à l’aide d'une infinité de faisceaux de coni-
ques ; les points de base de ces faisceaux sont le point O
el trois points variables de C,, engendrant sur cette
courbe une involution cubique [,, conjuguée à I,. Deux
involutions conjuguées I,, {, admettent la même enve-
loppe d'involution L*. Points et tangentes communs de
C, et L*. Involutions quadratiques particulières à
conique d'involution L*. Les involutions 1, conjuguées
aux involutions J, sont d'un caractère particulier, car
l'enveloppe d'involution de l'involution I, la plus géné-
rale est une [°,etc. — M. J. C. Kapteyn : L'intensité
iumineuse des étorles fixes. 1. Parallaxe moyenne des
éloiles de grandeur et de mouvement propre donnés.
2. Probabilité pour que la parallaxe d’une étoile arbitraire
surpasse sa valeur moyenne dans une proportion déter-
minée, 3. Données pour le mouvement propre, la
dimension et les nombres des étoiles de grandeur dé-
terminée. 4. Nombre des étoiles dont le mouvement
propre est situé entre des limites déterminées. 5. Force
lumineuse et graudeur absolues. 6. Déduction de la
densité en étoiles et de la courbe de l'intensité lumi-
neuse, 7. lofluence de l'incertitude par rapport aux
valeurs de certaines constantes. 8. Le degré d'approxi-
malion des résultats déposés dans la courbe d'intensité
lumineuse. 9. Les étoiles du premier type spectral et
celles du second.
20 SCIENCES PHYSIQUES. — M. J. D. Van der Waals :
L'équation critique et La théorie du mouvement
cyclique. Troisième communication (Voir Aer. gén.
des Se., t. XIT, pp. 297 et 391). Il y a encore une quan-
tité, se rapportant au point critique, pour laquelle la
valeur, calculée à l’aide de l'équation :
aie =
(o+ B)(—D=RT
où b est considéré comme une constante, diffère con-
sidérablement de ce que nous apprend l'expérience. Au
point critique, la quantité (> ) calculée pour la
[
Aa”. 1 e pire T dp
pression de la vapeur saturée, coïncide avec (— =) +
p dT}v
Pour plusieurs substances, l'expérience fait trouver une
valeur près de 7, tandis que l'équation critique mène
au résultat 4, si reste constant. Seulement, la com-
pressibilité de la molécule — ou, pour s'exprimer d’une
manière plus prudente, la variation de b — fait trouver
pour la quantité indiquée la valeur 6,7, tout à fait
d'accord avec un calcul antérieur (Continuiteit, 1,
p. 199). Par rapport à cette quantité l’auteur répète ce
qui a été remarqué pour (ar)
k
réduire le volume critique de 3 à 2 environ, les autres
quantités caractéristiques du point critique montrant
des déviations assez considérables des valeurs calculées,
s’'accommoderaient par beaucoup à ces valeurs. La der-
nière supposition exige que l'éxpression :
————————————_—__
! Ber. der d.chem. Ges., t. XXXIV, 619.
: s'il y avait lieu de
152 ACADÉMIES ET SOCIÉTÉS SAVANTES -
[£ db ( T dPy |:
pe dvx \dbx dbdT/h
se réduise à une quantité négligeable, ce qui, à son
tour, mène à la relation :
. Ps __ dPy
dbaT db
Cette relation est de rigueur, si les forces atomiques
croissent proportionnellement avec la température-
D'après cette dernière hypothèse, tant soit peu inat-
tendue etsingulière, b, — b, et hne dépendent plus de la
température, et les molécules, quoique bien compres-
sibles, ne se dilatent plus par la chaleur. Néanmoins,
l’auteur développe des arguments qui semblent prouver
que ce résultat touche de près à la vérité. Ensuite, il
revient aux équations :
(id)
sa dv) | an
VTT D __ db
dv
qui figurent déjà dans la seconde communication, en
examinant pour quelles valeurs de f et de hilya
accord complet entre les expériences et le calcul. Cette
élude a comporté des analyses assez pénibles. Elles
mènent entre autres à la forme :
(e + À) — De) = (1 +f)RT.
de l'équation critique, d'après laquelle les conditions
s'approchent de plus en plus de celles qui se présente-
raient, siles molécules composées pouvaient être consi-
dérées comme décomposées en des alomes singu-
liers, ete. — M. H. Kamerlingh Onnes : Sur des
différences de densité à proximité du point critique
causées par des différences de température. L'auteur
revient à la communication précédente (Æev. génér.
des Se., t. xn, p. 391) où il a prouvé que les déviations
de la théorie de van der Waals indiquées par M. de Heen
ne se présentent plus, si l’on répète les expériences
avec de l’acide carbonique pur. Là il en déduisait que
les résultats de M. de Heen exigent des corrections
systématiques, M. de Heen n'ayant pas tenu compte de
différences de température causées par des proces-
sus adiabatiques. Ici, l'auteur s'occupe principalement
d’autres différences de température, peut-être très
importantes, en rapport avec le mode d'échauffe-
ment. En réunissant les résultats des expériences de
M. Amagat sur les condilions à la proximité du point
crilique dans un diagramme, où la densité et la pression
figurent comme abscisse et ordounée, on trouve facile-
ment à l'aide des coeflicients de tension par interpolation
les densités à des températures intermédiaires. Ainsi
l'un des diagrammes de l’auteur donne d'abord pour iso-
therme à chaque température la droite pointillée d' in-
clinée sous un augle de 45°. Ensuite à chaque tempéra-
ture correspondent les deux lignes d_1 et y, faisant
ds — _ ===
connaître par leurs distances, mesurées suivant less
ordonnées de la droite pointillée, la variation de la den=«
sité correspondaut à une différence de température de
1°. De cette manière les trois couples de lignes ont traits
aux températures de 35°, 409, 45°; ce qui fait voir que
pour 35° même des différences de températures très,
petites mènent à des variations de densité assez consi=
dérables. L'auteur donne encore une analyse du pros
blème de la variation de la densité dans un cylindre où
la température varie avec la hauteur d’après une loi
linéaire. 2
3. SCIENCES NATURELLES. — M. J. L. C. Schræder
van der Kolk: Durelé et propriété du clivage des
minéraux en rapport l'une avec l'autre. En 4852;
Kenngott a essayé de mettre en rapport l'une avec
l'autre la dureté des minéraux et leurs poids spécifique
et atomique. En commencant par le corindon et
l'hématite, il trouva qu'en général le minerai au poids.
spécifique rélatif considérable possédait la plus grande
dureté. Dans ces tentatives, Kenngott s'est limité à des.
substances alliées, comme le corindon, l’hématite, la
calcile, la dolomite. Au contraire, l’auteur a cherché
comparer à cet égard les minéraux les plus variés;
dans l'espoir que les déviations aussi probables de Ja
loi de Kenngott pourraient servir à nous mettre sur la,
piste de quelques phénomènes nouveaux. Comme
mesure du «poids spécifique relatif », il considère
l'expression « poids spécifique divisé par poids ato=
mique ». Il n'obtient une concordance assez satisfai=
sante qu'en multipliant le quotient de cette division pan
le nombre des atomes de la molécule. Ces expériences
ont trait à 300 minéraux; il a seulement exclu les.
zéolites et d'autres substances où le rôle joué par l'eau
est encore inexpliqué. En dressant un diagramme où
l'abscisse et l’ordonnée sont proportionnelles au poids
spécifique relatif modifié et à la dureté, l’auteur a
découvert des irrégularités qui ne s'expliquent qu
l'aide de la propriété du clivage. En effet, ce diagram
présente des lignes en zigzag et toujours les minéraux
très clivables se trouvent aux points les plus bas ; seule=
ment toute régularité disparait là ou les maxima ses
trouvent au-dessous de la dureté 5 de l'échelle de
Mohr. D'après l’auteur, ce résultat s'explique par la
remarque que les duretés 1, 2, 3, 4 de l'échelle de,
Mobr n'ont pas un caractère assez prononcé et sonb
plutôt en rapport direct avec le développement de La
propriété du clivage, ete. — M. C. Winkler présente a
nom de M. H. D. Beyerman : L'influence de l'excitation
laradique de la « capsula interna » sur la respiration
— Ensuite M. Winkler présente encore deux mémoires.
de M. L. J. J. Muskens : 1° « La physiologie et Ja
pathologie des mouvements et des positions forcés en
rapport avec une déviation conjuguée de la tête el
des yeux »; 2 « Quelques expériences sur des dévia=
tions du sens de l'odorat sous des pressions extraordi=
uaires intercraniennes ». Sont nommés rapporteurs
MM. T. Place et C. Winkler. Ÿ:
P. H. SCuOUTE.
Le Directeur-Gérant : Louis OLIVIER.
Paris. — L. MARETHEUX, imprimeur, 1, rue Cassette.
dE 12: ANNÉE
DIRECTEUR :
N° 10
LOUIS OLIVIER, Docteur ès
30 MAI 1901
ù Revue générale
M HClences
pures el appliquées
sciences,
publiés dans la Revue sont complètement interdites en France et dans tous les pays étrangers, y compris la Suède,
Auresser tout ce qui concerne la rédaction à M. L. OLIVIER, 22, rue du Général-Foy, Paris. — La reproduction et Ja traduction des œuvres et des travaux
la Norvège et la Hollande.
À CHRONIQUE ET CORRESPONDANCE
$ 1. — Distinctions scientifiques
Élection à lAcadémie des Sciences de
Paris. — Dans sa séance du 21 mai, l'Académie a pro-
cédé à l'élection d’un membre dans sa Section de Méde-
cine et de Chirurgie, en remplacement de feu le Profes--
seur Potain. La Section présentait comme candidats :
En première ligne, MM. À. Charrin et Jaccoud;
En seconde ligne, MM. Cornil, Fournier, Hayem,
Lancereaux, A. Laveran et Ch. Richet.
Au premier tour de scrutin, le nombre des votants
. élant 65 :
M. Laveran a obtenu.
M. Richet —
” M. Cbarrin —
: M. Lancereaux —
HN M. Hayem —
f M. Jaccoud —
@ M. Cornil —
> re
1 ho 1 €
=]
Pa LA MÈRES
i M. Fournier AO RR d 7 AT
—. Au second tour, le nombre des votants élant 66 :
ù M. Laveran a chtenu. MMA vONRS
y M. Richet RES OR ANT + —
# M. Charrin — 43
4 M. Jaccoud —
4
Mi Langereaux. — : - . :.. .. CE
M. Hayem _— 1
Ce second tour ayant encore abouti à un ballottage,
“l'Académie a procédé à un dernier vote. Le nombre
“des votants étant toujours 66,
FJ M. Laveran a obtenu . . . . . . 40 voix
M. Richet TN RTE 2 —
… En conséquence, M. Laveran à élé déclaré élu.
a
La pathologie doit au nouvel académicien, d’habiles
observations, notamment la découverte de l'hémato-
zoaire de l’impaludisme, micro-organisme qu'il était
…_extrèmement difficile se dépister et dont M. Laveran a
“eu le mérile d'établir la présence constante dans le
“sang des paludiques. Tous nos lecteurs savent à quels
précieux résultats ont abouti en ces derniers temps les
- recherches expérimentales entreprises à la suite de
L celle importante constatation.
REVUE GÉNÉRALE DES SCIENCES, 1901.
$ 2. — Nécrologie
Maxime Cornu. — Maxime Cornu, enlevé préma-
turément à la Science, avait de bonne heure manifesté
des aptitudes remarquables pour les sciences naturelles.
Né à Orléans, en 1843, il entra à l'Ecole Normale
en 1865, après de brillantes études. Reçu docteur en 1872,
pendant qu'il occupait les fonctions de répétiteur de
Botanique à la Faculté des Sciences (1869-1874), il fut
nommé ensuite aide-naturaliste au Muséum, en 1874,et
conserva ces fonctions jusqu'en 1884. C'est perdant
cette période qu'il suppléa Brongniart, dans la chaire
d'Organographie et de Physiclogie végétales ; à la mort
du titulaire, il fut chargé du cours pendant trois ans. En
184, il fut nommé à la chaire de Culture du Muséum.
Les nombreux travaux de Maxime Cornu peuvent
être divisés en deux séries, correspondant aux deux
périodes de sa vie scientifique.
Dans la première série, jusqu'en 1884, date de sa
nomination au Muséum, nous trouvons surtout des tra-
vaux de Cryptogamie. Cornu acquit rapidement, dans
ce domaine encore peu exploré en France, une grande
autorité; sa thèse sur la monographie des Saprolégniées
fut un coup de maitre, et bien des botanistes d'âge mûr
envieraient ce travail d'un débutant, récompensé par
un prix à l'Institut. Rarement on a vu une plus riche
moisson de faits nouveaux, associée à une aussi grande
habileté d'observation. Il est fâcheux que le complé-
ment de ces belles recherches n'ait pas été publié,
bien que les planches qui devaient illustrer le texte
fussent prètes.
Après la publication d'une série de Notes : sur les
Chytridinées, dont il indiqua les affinités avec les Myxo-
mycètes ; sur les Rouilles du Pin, de l’Avoine, des Mal-
vacées, dont il vérilia le cycle évolutif, il fit paraître des
études très intéressantes sur les Péronosporées. Il
débuta par l'histoire du Meunier des Laitues ou Bremia
Lactucæ, et formula les procédés destinés à enrayer,
dans les cultures maraïchères, cette redoutable affec-
tion. Vint ensuite l'histoire du Peronospor a de la Vigne
ou Mildiou, dont il signala le premier le grand danger
pour nos vignobles : bien qu'il n'ait pas indiqué de
remède eflicace, beaucoup de mécomptes eussent été
évités si l'on avait écouté son cri d'alarme.
10
CHRONIQUE ET CORRESPONDANCE
Sa nomination à la Commission du Phylloxera,
comme délégué de l'Iustitut, lui fit entreprendre des
recherches anatomiques et entomologiques dont les
résullats, épars dans un grand nombre de Notes, ont
été rassemblés en un Mémoire important.
S'il n'a pas élucidé toutes les phases de l'histoire du
Phylloxera, il a laissé des documents précieux sur les
lésions des radicelles, sur le rôle des formes ailées
dans l'extension de la maladie.
Ces diverses études ne l'avaient pas empêché de se
livrer à des travaux de Botanique systématique, et il a
pris une part importante au classement de certaines
collections du Muséum : Algues, Champignons, etc.
Lorsqu'il fut nommé, en 1884, professeur de Culture
au Muséum, Cornu trouva, dans ce nouveau service, l’oc-
casion de manifester toutes les ressources de son activité.
Il eut d’abord à remettre en état, avec des crédits
notoirement insuffisants, les jardins et les serres qu'un
assez long interrègne avait laissés presque à l’aban-
don. Il fit résolument face aux difficultés de la tâche. La
restauration des parterres avec des corbeilles à garni-
tures variables pour chaque saison; la constitution des
collections de plantes d'ornement : Rosiers, Chrysan-
thèmes, Dahlias, furent, pour le public, les premiers
signes visibles de sa gestion. L'établissement de relations
permanentes avec les résidents, les colons et les mis-
sionnaires, fit affluer au Muséum des plants ou graines
d'espèces nouvelles; il en surveilla le développement
avec un soin jaloux, détermina, par l'étude approfondie
de la graine, certaines espèces inconnues ou douteuses,
et fit connaitre les espèces ou les variétés susceptibles
d’être répandues soit à titre ornemental, soit à titre ali-
mentaire ou industriel.
Ces multiples occupations n’empêchaient point Cornu
de chercher à étendre le cercle d'action du Muséum.
Sans méconnaitre le rôle de ce grand établissement
comme iostrument d’études et de collections, il eut le
mérite de faire aux plantes utiles des colonies une
place jusqu'alors trop exiguë, et il créa, le premier, un
cours de Cultures coloniales. Ses efforts ne furent pas
vains : depuis quelques années, un certain nombre de
colonies, notamment celles de la Côte d'Afrique, ont
reçu, par ses soins, des plantes importantes à divers
titres, qui sont maintenant en pleine production.
En outre, il étendit et perfectionna le système d’é-
changes eutre le Muséum et les jardins indigènes ou
étrangers. Au catalogue annuel des graines, il ajouta,
dès 1886, une liste de plantes vivantes nouvelles ou peu
connues ; et, à partir de 1887, un nouveau catalogue
fut destiné aux divers établissements d'instruction.
Tous ceux qui dirigent un jardin botanique, même
modeste, ont pu apprécier l'importance de ces inno-
valions.
On pourra juger, par cette courte et incomplète
énumération, de l’œuvre accomplie par Maxime Cornu,
et les regrets que sa fin prématurée laisse à ses amis
seront partagés par tous ceux qui s'intéressent à la
prospérilé du Muséum. L. Mangin,
Professeur au Lycée Louis-le-Grand.
H.-A. Rowland.— Le savant éminent que la jeune
école des physiciens américains considérait comme
son chef vient de mourir à l’âge de 53 ans, alors que
l'on pouvait attendre encore beaucoup de son esprit
ingénieux et fécond et de sa remarquable activité.
Dans la courte période de sa vie scientifique, embras-
sant moins de trente années, il a touché aux questions
les plus diverses, apportant, dans tous ses travaux, une
recherche rare de la perfection, un esprit fin et ingé-
nieux, une hardiesse que n'arrêtaient pas les difficultés.
Rowland ne se mit aux études physiques qu'après
être sorti de l’école,où son éducation avait été celle de
l'ingénieur, et il semble que tous ses travaux, jusqu'aux
derniers accomplis, aient gardé le reflet de la première
voie qu'il avait suivie. C'est, en effet, un travers com-
mun à toutes les écoles, d'envisager, dans une recher-
che de Physique, le résultat sans s'attacher suffisam-
‘des déviations observées a été remise en question par
ment aux moyens, de construire, de pièces et de
morceaux, un appareil de premier jet, que l’on moditié
ensuite d'une facon continue, et dont on ne fait um
plan d'ensemble que lorsqu'il s'agit d'en donner la
description dans une publication définitive. Ge n'est
point ainsi que procède l'ingénieur. Pour lui, le résul*
tat théorique est secondaire; l'objet principal est la
construction, machine, pont, hangar, voie navigable ow«
carrossable. Il ne peut pas demander au public d'em=
ployer des trésors d’ingéniosité pour utiliser une route
mal faite, comme le physicien s'impose à chaque
instant des efforts qu'un peu plus de première prépas
ralion lui aurait souvent épargnés. Rowland avait
importé dans la Physique des idées d'ingénieur, et c'est
là peut-être surtout que git le secret de ses succès.
La première publication de Rowland date de 1872;
et se rapporte au magnétisme du fer; il la compléta
ultérieurement par des recherches sur le magnétisme
du cobalt et du nickel. Il était déjà tout à fait de la
jeune Ecole, et parlait de la perméabilité magnétique
de ces métaux, expression très neuve, et que, dans les
analyses qui parurent de ses travaux, on ne manquait
pas de mettre entre guillemets. Nommé professeur à
l'université Johns Hopkins, il obtint bientôt un de ces
congés prolongés que la libérale organisation des uni-
versités américaines rend possibles, et qu'il vint passer
dans le laboratoire de Helmhol{z, récemment nommé à
Berlin. L'illustre physicien était alors tourmenté par la
vérification des idées de Weber sur le courant électri-
que, envisagé comme un transport réel de particules,
ou comme une convection, ainsi qu'on désigne aujour-
d'hui ce phénomène. Les conséquences vérifiées des
idées de Weber ne lui semblaient, en effet, pas suffi=M
santes pour prouver l'exactitude du point de départ,
car la même forme mathématique aurait pu être inter=
prétée de bien des facons diverses. Mais il pensait que
celte idée pourrait être mise à l'épreuve par la mesure
de l’action électro-magnétique d'une charge réelle
animée mécaniquement dun mouvement rapide.
M. Schiller avait fait déjà, sous la direction de
Helmholtz, une expérience dans ce sens ; mais le ré-
sultat avait été négatif. Le jeune professeur de Balli="
more vint alors proposer un nouveau plan d'expé=
riences, qui aboultirent, en 1876, au résultat classique
connu sous le nom de phénomène de Rowland. Ce
résullat eut une grande importance pour le développe=
ment ultérieur de la théorie des ions. On admit
définitivement qu'une charge électrique en mouvement
est assimilable à un courant, et on partit de là pour
expliquer, par le déplacement de charges entrainées
par la matière, l’existence des rayons cathodiques, lew
phénomène de Leeman, certains phénomènes de l’au-
rore polaire, ceux que présentent les corps radioactifs,
etc. Aujourd'hui, l'interprétation donnée par Rowland
les recherches de M. Crémieu; déjà, on avait relevé
quelques contradictions, par exemple dans l'expérience
de Hertz, suivant laquelle les rayons cathodiques, dans
un tube à vide plat, n'exercent aucune action électro=
magnétique appréciable sur l'extérieur, alors qu'on
peut, à l’aide d'une boussole, dessiner les lignes de
force telles qu'on les déduirait du calcul.
Il y à évidemment encore, dans les expériences de
Rowland et dans celles de M. Crémieu, des conditions
qui nous échappent; mais, les premiers résultats dus-
sent-ils être abandonnés, que le développement de
théories aujourd'hui encore fructueuses ne leur serait
pas moins redevable d'un progrès {rès grand.
Ses recherches sur les diélectriques eurent moins
de retentissement, bien que parlant d'une idée
théorique fort intéressante. Rowland pensait que les
résidus diélectriques sont dus à l'orientation diverse
des cristaux, et il en concluait qu'un cristal unique
devait être absolument dépourvu de résidus. Il pensa
en trouver la preuve dans le fait que les résidus sont
considérables dans le verre, beaucoup moins dans le
quartz, et inappréciables dans le spath d'Islande. Il
"1 CHRONIQUE ET CORRESPONDANCE 455
mettait ainsi que le verre est un corps formé d'une
“infinité de petits cristaux, le quartz un cristal souvent
_ maclé; enfin il admit qu'il avait opéré sur un cristal
“unique de spath. Aujourd'hui, les idées se sont un peu
“modifiées; on possède une théorie satisfaisante des
éforinations résiduelles, et le résidu diélectrique se
rattache si simplement à des modifications chimiques,
ï une électrolyse véritable, qu'il est à peine besoin d'y
; Bb des impuretés, de l'eau et de la doute notam-
mnient, et l'électrolyse n'y est pas invraisemblable.
A ependant, il pourrait être intéressant de reprendre les
expériences de Rowland avec du quartz fondu. Dans
son idée, les résidus devraient être beaucoup plus
importants, tandis que, dans celles qui prévalent
“aujourd'hui, ils devraient avoir à peu près disparu.
… Depuis une vingtaine d'années, les recherches de
Rowland furent moins guidées par des idées théoriques
“que par le désir d'arriver au maximum de la perfection
dans la mesure considérée elle-mème comme un but,
comme s’il avait vu de bonne heure que la théorie est
Souvent décevante, et qu'il est du devoir de tout physi-
_“cien doté de grands moyens, de fournir à la Science des
données précises et qui resteront, pour un temps, indis-
utables. Son premier travail de Métrologie fut une
détermination de l'équivalent mécanique de la calorie
par une méthode directe de consommation de travail
à dans un calorimètre, recherche exécutée de main de
“maitre, et qui est, aujourd'hui encore, le document le
plus certain que nous ayons sur cette constante fonda-
mentale, obtenue sans l'intermédiaire de l'énergie élec-
rique. Pour la première fois, Rowland annonca que la
chaleur spécifique de l’eau diminue, lorsque la tempéra-
ture augmente, jusque vers 30°, passe par un minimum,
“et remonte ensuite, donnée précieuse pour la calori-
….métrie et la thermochimie, ainsi que pour la théorie
“des nombreuses anomalies auxquelles l’eau est sou-
Le propre d'une détermination bien faite est sou-
“vent d'admettre ultérieurement des corrections cer-
taines. Il en fut ainsi du travail de Rowland, dont on
put, récemment, améliorer un peu le résultat à la suite
. des progrès réalisés en T hermométrie, en rectifiant ses
“mesures de températures par une comparaison de ses
tbermomètres avec des étalons issus du Bureau inter-
“national des Poids et Mesures. Il est très remarquable
que le résultat obtenu directement par Rowland pré-
sente un accord presque parfait avec celui des mesures
exécutées par les procédés électriques. Cette concor-
dance constitue une vérification précieuse pour l'en-
Semble de ces dernières, dont la précision a plus que
décuplé depuis une vingtaine d'années.
La plus fondamentale des mesures électriques est
celle de l'ohm ;Rowland y consacra aussi un important
travail, avec M. Kimball, etle résultat qu'ils donnèrent
passe pour l'un des meilleurs de ceux, très nombreux,
qui se sont accumulés en vue de la Conférence des Elec-
{riciens, de 1884.
Dans la décade qui suivit, Rowland s'’adonna aux tra-
vaux d'Optique, et, reprenant la question par l'origine,
commenca par perfectionner extraordinairement l'ou-
tillage des _Spectroscopistes, en confectionnant les mer-
veilleux réseaux de très grande étendue, et d’une per-
| feclion inconnue jusque Tà, au moyen desquels toutes
es bonnes mesures en Optique —- à l'exception de ceiles
mettant en jeu les procédés interférentiels directs —
ont été exécutées dans ces dernières années. Par l’étude
approfondie du métal des réseaux, par la construction
d'une vis très parfaite, d'un tracelet à longue marche
rectiligne, par la réalisation d’un ensemble de précau-
tions nécessaires à observer, Rowland arriva à couvrir
des surfaces supérieures à un décimètre carré de lignes
parallèles, à raison de cinq cents ou plus au millimètre,
—Lracées sur des surfaces planes vu concaves, et donnant
“des spectres d'une pureté et d'un éclat incomparables.
… Tout naturellement, il fut le premier à se servir d’un
outillage aussi parfait, et détermina un très grand
nombre de raies soit dans le spectre de l'arc, soit dans
le spectre solaire, constituant ainsi uu document de
référence de premier ordre, auquel on rapporte aujour-
d'hui les longueurs d'onde inconnues. Avec les travaux
classiques d’Angstrüm et de M. Thalèn, le spectre de
Rowland constitue le document métrologique le plus
complet que l’on possède sur la distribution des raies
identifiées. Il convient de dire, cependant, que, en ce
quiconcerne les longueurs d'onde absolues, les nombres
peuvent être déjà un peu améliorés en tenant compte
des recherches exécutées au Bureau international par
M. Michelson. La méthode plus directe employée dans
ces mesures ne fait intervenir aucune difficulté théo-
rique, et permet d'arriver par des procédés interfé-
rentiels jusqu’au mètre, tandis que la méthode des
réseaux oblige à faire une détermination sur une lou-
gueur moindre pour connaitre la constante de l’instru-
ment, et laisse un peu plus d'incertitude sur le résultat.
En fait, la divergence entre les nombres de Rowland et
ceux de M. Michelson est un peu plus grande qu'on
aurait pu s'y attendre, étant donné la grande habi-
leté du physicien de Baltimore; elle nous confirme dans
l’idée que l'exécution d'une mesure de longueur est,
en réalité, hérissée de plus de difficultés qu'on ne le
croit communément. De plus, le rapport des longueurs
d'onde mesurées du rouge au violet varie un peu, ce
qui pourrait faire croire à une imperfection encore
ignorée dans la théorie des réseaux. C'est là un point
délicat, et auquel il conviendrait de consacrer une
étude approfondie.
Cette vie si bien remplie, la perfection des travaux
dans tous les domaines avaient donné à Rowland une
situation importante aux Etats-Unis et dans le monde
entier. Ayant appliqué une critique serrée à ses propres
travaux, il avait pour ses résultats une estime très
naturelle et très légitime, et les défendait, avec une cer-
taine véhémence, du procédé des moyennes, ce qui l'a
fait accuser de manquer de modestie. Lui, au contraire,
après avoir considéré comme un premier devoir l'exé-
cution irréprochable d'un travail, pensait que le second
était d'en assurer le bénéfice à la science, en le gar-
dant du mélange; il y fallait sans doute plus de
courage que de présomption, car Rowland ne pouvait
ignorer que, si la seconde impression devait être l’admi-
ration, le premier sentiment serait de sourire.
$S 4. — Chimie
Théorie de la dureté des métaux et des
alliages. — M. C. Benedicks vient de donner ‘ une
explication très simple et très élégante de la cause
qui détermine le degré plus ou moins grand de la
dureté des métaux et des alliages. Si son hypothèse
est fondée, elle aura une importance qui n'échappera à
personne, puisqu'elle permettra de faire prévoir quels
sont les alliages qui doivent offrir le maximum de
dureté.
Le point de départ de cette théorie est l'application
aux métaux de la loi des gaz d'Avogadro. — La pres-
sion des gaz croit DARpOEHOn Te ELA au nombre des
molécules, pour des volumes égaux et à la même tem-
pérature. — Cette loi, appliquée tout d'abord à un métal
pur privé de Lout alliage signifie : « La pression ITexercée
dans un métal par ses ANR croît proportionnel-
lement au nombre de ces molécules, pour des volumes
égaux et à la même température, ou encore » :
: poids spécifique
co poids atomique‘
Quel est l'effet de cette pression sur les propriétés
du métal?
M. Benedicks répond : Gelte pression a pour effet de
donner au métal une dureté d'autant plus grande que
cette pression est plus élevée. En d’autres termes : /es
1 Béxeorcgs : Zeitsch. {. Phys. Chem., 2 avril 19)1.
456
CHRONIQUE ET CORRESPONDANCE
valeurs des coefficients de la dureté et de la pression
internes sont égales, à une constante près. On peut
donc, dans l'égalité qui précède, remplacer I par A, coef-
ficient de dureté, et écrire :
A — const. X ROIS PERRUÉE SpÉSIEUE,
poids atomique
Effectivement, cette égalité se vérifie avec une très
grande approximation, comme le prouve le tableau
suivant dressé par M. Benedicks. Dans ce tableau, les cocf-
fivients de dureté ont été empruntés à Bottone (1893)°
poids spécifique
poids atomique
le nom de concentrations atomiques.
el les rapports ont été désignés sous
— Coefficients de dureté et concentrations
atomiques.
TABLEAU Î.
|CONCENTRA-
NTS TIONS |
de dureté | atomiques
(observés) |(calculées }
POIDS POIDS
spécifiques | atomiques
0,1456
0,190
0,110 0,1408
0.137 0,1375
0,1360 0,136
106,6 0,1200 ,1107
197 ,# 0.1107 ,1090
65,2 0.1077 .1077
14,0 0.098 ,0983
197,0 0,0979 .0980
108,0 0 .0990 .0963
21,4 0 ,0821 .DS21
112.0 0,0760 .DS68
24,0 0.0726 .0726
118,0 0.0651 .0619
204,2 0.0563 .0574
207,0 0,0570 .0550
25) .0400 .U40L
40,0 .0405 039%
.0230 .0221
AA
12,0 .3010
0,1457
0,146
D —
DIE — 0 1 © 0 on
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0
CI
Ainsi, pour les corps simpies : La dureté est propor-
tionnelle à la concentration atomique.
Cette théorie, appliquée non plus aux corps simples,
mais aux alliages, est encore plus intéressante au point
de vue pratique. M. Benedicks, s'appuyantsur les travaux
de MM. Le Chatelier, Osmond, Sorby, ete., considère les
alliages comme des solutions solides constituées, suivant
les cas, par des combinaisons métalliques dissoutes
dans un excès de métal, ou par un des mélaux dissous
dans un excès de l’autre. Ici, a dureté de alliage est
proportionnelle à la pression osmotique de lélément
dissous.
Considérons, par exemple, le fer électrolytique; il
contient, comme on sait, un peu d'hydrogène dissous,
0,028 0/, d'après une analyse de Cailletet. Gette quan-
tité d'hydrogène, malgré sa petitesse, donne cependant
au fer une dureté très grande; c'est qu'rn effet,
les 0 gr. 028 d'hydrogène contenus dans 100 gr. de fer
représentent un nombre d’atomes d'hydrogène préci-
sément égal au nombre d’atomes que représentent
0 gr. 34 de carbone, et on sait qu'un acier à 0,34°/0
de carbone est un acier très dur. A la vérité l'acier,
contient le carbone sous des états tellement différents
(G, FC, ele.) qu'il est généralement très difficile d'éva-
luer sa dureté d’après sa teneur en carbone.
Autre exemple : l'expérience montre qu'à teneurs
ésales le chrome rend le l'er plus dur que ne le fait le
wo]llram, ce qui est tout à fait conforme à la théorie de
2 Borroxe. Chem. News, xxvn, 215, 1873.
M. Benedicks puisque la pression osmolique exercée par
le chrome est plus de trois fois plus graude que cellem
exercée par le wolfram, les poids atomiques de ces élé=
ments étant respectivement 52,1 et 184.
De même, l'aluminium (poids atomique, 27,1) rend le
cuivre plus dur que ne le rend l'étain (poids atomi-
que, 118,5).
Ainsi, la dureté des alliages, qui dépend de la pression,
osmotique, est d'autant plus grande que la concen=
tration moléculaire est plus grande, mais à condition
que toutes les molécules Soient véritablement dissoutes
dans le métal. Le wolfram et le chrome, qui ont des
poids atomiques très supérieurs au carbone, donnent
cependant des alliages plus durs que les aciers parce
qu'ils sont plus solubles dans le fer que le carbone.
Parmi les alliages cuivre-étain, les plus durs sont ceux
qui contiennent 9°/, et 35°/, d'étain; ce sont précisé-
ment ces alliages qui, d’après les photographies micro=
graphiques de Guillemin et d'Osinond, présentent seuls
des aspects homogènes. On voit par ces exemples que
la pression osmotique ne peut exister que s'il y a dis"
solution parfaite, et alors seulement la dureté sera pro=
portionnelle à la concentration moléculaire du corps
qu'on à introduit dans l'alliage.
A. Hollard,
Chef du Laboratoire central :
de la Compagnie francaise des Métaux =
$ 3 — Sciences médicales
Les Helminthes comme agents inoeula-
teurs des Bactéries’.— On sail maintenant qu'un
certain nombre de maladies sont inoculées par des
parasites assez inoffensifs en eux-mêmes : la malaria,
la filaire du sang, peut-être la fièvre jaune, par les
Moustiques; le trypanosome de la Nagana pir la
Mouche Tsé-tsé, ete. ; il se pourrait que les parasites
intestinaux du groupe des Nématodes, considérés jus—
qu'ici comme n'ayant aucune imporlance pathogène,
jouent un rôle du même ordre. A l'état normal, l'épi-
thélium intestinal oppose une barrière infranchissable
à la flore bactérienne hébergée dans l'intestin; mais
si cet épithélium vient à être éraillé, déchiré par un
Helminthe fixé à la paroi, comme un Ascaris, un Tri
chocéphale, la plaie peut s'infecter, et les bactéries
inoculées par le parasite produiront, suivant les cas, une
entérile, une appendicile, un simple abcës, voire une
péritonite ; dans nos pays, comme le bacille typhique
est l'un des plus abondants, il en résulte que les para-
sites intestinaux ouvrent surtout la porte à la fièvre
typhoïde; mais, dans d'autres pays, ils produisent l'ino-
culation de la dysenterie ou du choléra.
. — Géographie et Colonisation
Croisière en Finlande : Livres à lire. — La
bibliographie des ouvrages relatifs à la Finlande est
sinvulièrement réduite lorsque l'on en exclut les livres
écrits soit en finnois, soit en suédois. Nous ne croyons
devoir mentionner aucun de ceux-ci, la connaissance
des langues finnoise et suédoise étant fort rare en
France. Nous indiquerons done seulement ici quelques
livres et brochures écrits en français et aussi quelques
volumes en allemand ou en anglais. Pour ces derniers,
nous donnons entre parenthèses, selon notre habitude,
la cote sous laquelle ils sont classés à la Bibliothèque
Nationale de Paris.
[. — GÉNÉRALITÉS. — GÉOGRAPHIE. — GÉOLOGIE.
VOYAGES. — GUIDES.
Eusée Reccus : Nouvelle Géographie universelle, & Me
L'Europe scandinave et russe. Paris, Hachette,
1880, gr. in. 8° p. 317-356.
1 Guranr : Rôle pathogène de l'Ascaride lombricoïde, Arch.
de Parasitologie, I, 1900, p. 70. — Le _Trichocéphale et
Beauvors : Finlande. (Article de 26 colonnes, suivi de
nombreuses indications bibliographiques d'ou-
vrages en suédois et en finnois relatifs à la Fin-
, lande, dans la Grande Encyclopédie, t. XVI,
A Paris, Lamirault, 1895.)
“Notices sur la Finlande, publiées à l’occasion de
4 l'Exposition universelle de Paris en 1900, Helsing-
cu fors, 1900, in 8°.
a Kinlande au dix - neuvième siècle. Imprimerie
F. Tilgmann, Helsingfors, 1900, in-4°.
ennia (Bulletin de la Société de Géographie de Fin-
lande). — On y trouvera de nombreux travaux
sur la géographie, la géologie, l'hydrographie,
etc., de la Finlande, souvent accompagnés, lors-
qu'ils sont en langue suédoise, d’un résumé en
allemand ou en francais (8° M. 8309).
omimnission géologique de la Finlande. — Catalogue
d'une collection de cartes géologiques, roches,
etc. exposée à l'Exposition universelle inter-
nationale de 1900 dans le pavillon finlandais, suivi
d’un apercu de la géologie de la Finlande, etc.
Helsingfors, 1900, broch.in-8°.
Atlas de Finlande, avec texte, publié par la Société de
Géographie .de Finlande, Helsingfors, 1869. —
Atlas in. fol. et texte in-8° (en francais).
D: fexarius : Le Grand-duché de Finlande. Notes, Sta-
tistiques. Traduit du suédois par G. Bruper. Hel-
singfors, 1876, in-8°.
Xavier MarmiEer : Lettres Sur la Russie, la Finlande et
la Pologne. Paris, Delloye, 1844, 2 vol. in-12.
Garrzix : La Finlande. Notes recueillies en 1848,
pendant
Tornea. Paris. Bertrand, 1852, 2 vol. in-8°.
. ou CuaizLu: Le, pays du Soleil de minuit. Voyage
dété en Suède, en Norvège, en Laponie et dans
la Finlande septentrionale. Paris, 1882 (et 1884),
gr. in-8°.
. Léouzox Le Duc: Souvenirs et impressions de voyage
dans les pays du nord de l'Europe : Suède, Fin-
] lande, Danemark, Russie. Paris, 1886, in-8°.
LÉéox De Rosny : Le pays des dix mille lacs. Quelques
Jours de voyage en Finlande. Paris, 1886, in-8°.
Cu. Rasor : Au Cap Nord. Itinéraires en Norvège,
Suède, Finlande. Paris, Hachette, 1898, in-16.
Henri Jocy : À travers l'Europe. Enquétes et Notes de
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Suivi d'une notice sur les écoles privées. — Pa
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1900, broch. in-4°. ÿ
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land. Darmstadt, 1895, gr. in-8°. (4°. V. 1866}
L'Enseignement secondaire et primaire en Finlande:
Imprimerie Centrale, Helsingfors, 1900, in-8°.
VII — — INDUSTRIE. — COMMERCE.
NAVIGATION.
AGRICULTURE.
D: Güsra GrorexreLT: L'Agriculture en Finlande vers l@
fin du dix-neuvième siècle. Helsingfors, 1900
in-8°.
La péche en Finlande. Imprimerie Centrale, Helsing
fors, 1900, in-8°.
A. Biscuwarow : La question de la prospérité finlans
daise et ses causes (Revue politique et parle
mentaire). Paris, 1897, in-8°. à
N. ne Mœrogr : Tarif pour les marchandises 1mpor=
tées de Finlande. Saint-Pétersbours, 1898, in-82
(8. M. 10626). EC
Aperçu général du développement de l'activité 1nduss
trielle en Finlande. Helsingfors, 1900, in-8°.
Aperçu du développement de l'institution du pilotage
et des phares de Finlande avec Catalogue desk
objets exposés à l'Exposition Universelle de
Paris 1900. (Administration générale du pilos
tage et des phares de Finlande). Helsingfors;s
1900, broch. in-8°. s
Pilotage et phares de Finlande. — Rapport sur les tra
vaux opérés par les vapeurs-brise-glace de l'Etat
pendant les hivers de 1890-1899. Helsingfors,
1900, broch. in-4°. À
Erxest FR. ANDERSEN : l'ableaux statistiques de l'Admie
nistration générale du Pilotage et des Phares, CH
Finlande. Melsingfors, 1900, in-4°.
D' P. NOLF — LA PRESSION O0
SMOTIQUE EN PHYSIOLOGIE 459
LA PRESSION OSMOTIQUE EN PHYSIOLOGIE
PREMIÈRE PARTIE :
L'étude de la tension osmotique date dela décou-
verte des cloisons semi-perméables. Ce fut Traube
“qui, guidé par des raisons de nature toute physio-
logique, découvrit ces dernières et détermina le pre-
- mier leurs propri ‘tés.
Il est superflu de refaire ici l'histoire de celle
mémorable découverte, ni d'analyser dans leurs
détails les conséquences si importantes qui en
résultèrent pour la physique et la chimie des solu-
tions. La Revue générale des Sciences a consacré à
“ce sujet plusieurs articles‘, dont un du fondateur lui-
…_ même de la théorie nouvelle des solutions, Van l
…Hoff=. Il est cependant indispensable. pour la bonne
“intelligence des faits d'osmose, d'étudier d'un
peu près les notions qui sont acquises en Chimie
“ sur les propriétés des membranes semi-perméables
à
+ chimiques, avant de passer à l'élude des phéno-
mènes vilaux. Car un grand nombre d'interpré-
tations fausses énoncées en Biologie proviennent
d'une connaissance incomplète des conditions du
phénomène chimique lui-même.
: I. — NATURE DES PHÉNOMÈNES OSMOTIQUES
Traube établit d’abord que les parois semi-per-
méables, dont il obtint la première en mettant en
contact les solutions de deux colloïdes qui se pré-
cipitent, le tannin et la gélatine, sont imperméables
aux membranogènes, c’est-à-dire aux substances
dont la combinaison produit la membrane; à con-
dition toutefois que les deux faces de la membrane
restent baignées d'une solulion des membrano-
gènes.
Mais cette imperméabililé n'est pas limitée aux
membranogènes seuls. Ainsi, d'après Traube, la
membrane de lannate de gélatine serait aussi im-
perméable au ferro-cyanure de potassium, tandis
que celle de ferro-cyanure de cuivre ne se laisse-
rait traverser ni par les sulfales alcalins, ni par le
chlorure et le nitrate de baryum, qui passent tous
très facilement au travers du tannate de gélatine.
Autant de membranes, aulant de conditions de
perméabilité différentes : constatalions des plus
importantes, comme on le verra plus loin.
D'après Traube, ce qui déciderait du passage ou
4 Eranp : La constitution des solutions étendues, 1899.
Massanr : La pression osmotique et la physiologie de la
cellule, t. 11, p. 69, 1891.
HaweurGer : Sur une propriété nouvelle des hémalies, 1893.
2 Vax v Horr : La pression oSmotique au point de vue
physiologique, physique et chimique, t. IV, p. 185, 1895.
SANG ET LYMPHE
du non-passage d’une substance quelconque au tra-
vers d'une paroi donnée, ce serait la grosseur de ses
molécules. Chaque cloison était supposée percée
d'une multitude de pores, qui étaient évidemment
plus petits que le diamètre de la molécul: des
membranogènes, mais toujours plus larges que la
molécule d'eau. Une molécule quelconque n’'arri-
vait à traverser les pores qu'à condition d'être
plus petite qu'eux.
Cette explication toute mécanique du phéno-
mène a dû êlre rejetée à la suite des constatations de
Tammann, portant sur la perméabilité de diverses
cloisons vis-à-vis d'un grand nombre de substances
organiques. Ce qui décide de la pénétration, c'est,
d'après Tammann, une affinité spéciale de la subs-
lance en dissolution pour le colloïde hydraté qui
constitue la membrane : affinité de même nature
que celle qui décide de la solubilité ou de la non-
solubilité d'une substance dans un dissolvant.
D'après Tammann, le phénomène est absolument
de même ordre que celui observé par Lhermitte.
Ce savant, ayant superposé dans un cylindre de
l'éther, de l’eau et du chloroforme, avait vu l’éther
descendre à travers l’eau vers le chloroforme, ce
qu'il expliquait par la plus grande solubilité de
l'éther que du chloroforme dans l’eau.
Nernst a décrit une variante de cetle expérience
plus démonstrative encore. L'eau dissout l'éther et
non le benzol. Si done on sépare du benzol et de
l'éther par une couche d'eau, il devra se produire
une absorption de l'éther par le benzol. Pour rendre
l'expérience possible, il faut donner à l'eau un
substralum solide; un morceau de vessie sert à cet”
effet. On remplit d'une solution de benzol dans de
l'éther saturé d'eau un osmomètre (enlonnoir à tube
long et mince, sur l'orifice large duquel est hé un
morceau de vessie bien imbibé d’eau) et l’on plonge
l'instrument dans de l’éther saturé d'eau. Il se pro-
duit très rapidement une ascension du liquide dans
le tube de l’osmomètre, indiquant que l’éther exté-
rieur pénètre dans l'appareil.
Comme on le sait, la première mesure de la force
avec laquelle se fait la pénétration d'un dissolvant
dans un osmomètre contenant une solulion d'une
substance dans ce dissolvant, a été faile par Pfeffer.
Ce botaniste imagina de donner comme Soutien à
la membrane de ferro-cyanure de cuivre la paroi
poreuse d'un vase de faïence dégourdie. Au moyen
d'un pareil osmomètre, qui est imperméable au
saccharose, Pfeffer détermina la force osmolique de
460
D' P. NOLF — LA PRESSION OSMOTIQUE EN PHYSIOLOGIE
diverses solutions sucrées. Les résultats sont trop
connus pour être exposés ici.
Comme on le sait, ils forment, avec les détermina-
lions opérées par de Vries sur des cellules végé-
tales, la base expérimentale sur laquelle Van © Hoff
édifia la théorie cinétique de la pression osmotique.
La mesure directe de la pression osmotique d’une
solution donnée est une opération très malaisée.
Aussi n'est-elle jamais effectuée dans les travaux
courants lant des physiciens que des biologistes.
On recourt habituellement à des procédés indirects,
dont deux sont basés sur les travaux de Raoult sur
le point de congélation et la tension de vapeur des
solutions. Ces valeurs sont dans un rapport simple
avec la pression osmotique des solutions et un
calcul facile les dérive les unes des autres.
On peut énoncer ces rapports, en disant que des
solutions équimoléculaires de diverses substances
dans un même dissolvant ont même tension osmo-
tique, même tension de vapeur et même point de
congélation.
Ceci étant connu, il est utile d'analyser de plus
près l'équilibre existant entre deux solutions non
pénétrantes séparées par une cloison semi-perméa-
ble. Pour prendre un exemple concret, soient deux
solutions dans l’eau : l’une de sucre, l’autre de sul-
fate de magnésie, séparées par la paroi de ferro-
cyanure de cuivre. Si les solulions ne sont pas iso-
toniques, il ÿ aura immédiatement passage d’eau
de la moins concentrée vers l’autre et ce mouve-
ment ne pourra s'arrèler que lorsque les deux
liquides auront même pression osmotique, autre-
ment dit quand l’eau, des deux côtés de la mem-
brane, présentera une même tension de vapeur.
Et comme Tammann le fait remarquer, il est
également nécessaire, pour qu'il y aitéquilibre, que
la tension de vapeur d'eau soit, dans l'épaisseur de
la membrane, égale à celle des solutions. Une mem-
brane de ferro-cyanure de cuivre, séparant deux
solutions isotoniques non-pénétrantes, est donc
elle-même en équilibre osmotique avec cessolutions,
ce qui ne peut s'effectuer, puisqu'elle est imperméa-
ble aux molécules salines, que par la perte d'une
partie de son eau d'imbibilion. Au point de vue
biologique, cette analyse du phénomène a son im-
portance, en ce qu'elle montre qu'une paroi semi-
perméable (morte ou vivante) peut être en équili-
bre osmolique avec un liquide très salin et pour-
lant ne contenir ellemême aucune molécule de
sel.
Avant de quitter le terrain des faits de Chimie
pure, il est intéressant de dire encore quelques
mots des substances dissociées électrolytiquement.
Ostwald, se plaçant au point de vue de l'ancienne
théorie de Traube, d'après laquelle la pénétration
ou la non-pénétration élaient fonction de la laille
.potassique passe, que les ions Kf et CI soient
des molécules, l'avait étendue aux produits dé law
dissociation électrolytique des molécules, aux ions.
Puisque, dans une solution diluée de chlorure
potassique, la majeure partie de cette substance se
trouve à l’état dissocié, ce qui condilionnera le pas-
sage du chlorure potassique au travers d’une mem-
brane semi-perméable, ce sera moins la taille de
la molécule non dissociée que celle de ses ions.
D'après Ostwald, il faut donc, pour que le chlorure
pénélrants. Si l'un de ceux-ci, le K* par exemple,
ne lraverse pas, il retiendra l'autre en raison de sa
charge électrique de nom contraire, à moins que
du même côté de la membrane n'existe un autre
ion électro-positif pénétrant qui puisse accompa-
gner l'ion Cl à travers la cloison ou qu'il y ait de
l’autre côté de celle-ci un ion électro-négatif égale-
ment pénétrant, qui ferait la traversée en sens
inverse.
Ces vues toutes théoriques d'Ostwald ne furent
pas confirmées ni par Tammann, ni par Walden.
Ces deux auteurs arrivent à la conclusion que, pour
ce qui concerne les cloisons de tannale de géla-
line et de différents ferro-cyanures, les ions ne
semblent habituellement pas être les agents déter-
minants de la pénétration ou de la non-pénétration
des substances qu'ils constiluent. Conclusion d'au-
ant plus remarquable qu'elle est en désaccord avec
les résultats obtenus en Physiologie.
II. — LE SANG AU POINT DB VUE OSMOTIQUE.
La première application des données physiques
sur la pression osmotique à l'étude de cellules
d'origine animale date des travaux de Hamburger
sur les globules rouges. Cet auteur a résumé lui-
même, dans cette /evue, les résultats de ses recher-.
ches à ce sujet’, ce qui permettra d'abréger l’ex-
posé.
Hamburger constata que les globules rouges
nucléés ou non-nucléés de différents Vertébrés se
comportent, dans diverses solulions salines,
comme si leur paroi était imperméable aux sels de
ces solutions. De sorte qu'ils gonflent dans des
solutions salines diluées et se ratatinent au con-
traire dans des solutions concentrées, le mou-
vement d'expansion ou de rélrécissement ne
s'arrêtant que lorsque l'équilibre osmotique est
atteint entre le liquide extérieur et le suc intra-
globulaire. Si la dilution du liquide extérieur est
portée au delà d’une certaine limite, le gonflement
des globules devient tel, à un moment donné, qu'ils
éclatent et laissent échapper leur contenu coloré
dans le milieu ambiant. Ce phénomène servit de |
! HaweurGer: Revue générale des Sciences, t. IV, p.33, 1893, M
D' P. NOLF — LA PRESSION OSMOTIQUE EN PHYSIOLOGIE 161
2
Valeur de la pression osmolique des globules et
des liquides qui les baignaient. En employant des
“solutions de différents sels de mélaux alcalins ou
alcalino-terreux, il constala d'abord que, pour les
“Substances de même coefficient isolonique, /es
Concentrations correspondant à la limite de la glo-
“hulolyse sont équi-moléculaires. Les valeurs cal-
culées des coefficients isotoniques concordaient
“d'ailleurs pleinement avec celles de de Vries.
D'autre part, il détermina la dilution qu'il faut
“aire subir au sérum d'un animal pour que, dans ce
“sérum dilué, les globules commencent à perdre
“leur hémoglobine. À ce moment, ce sérum dilué
possède évidemment la même pression osmotique
“que les liquides salins, dans lesquels s'opère le
_ même début de globulolyse, et dont il avait déter-
“ininé la Leneur en sels. D'où la possibilité de cal-
euler très simplement à quelle concentration saline
“(2n chlorure sodique par exemple) correspond le
<irum non dilué. Pour le sang de bœuf, la valeur
“obtenue fut celle d'une solution de chlorure sodi-
“que à 0,92 °/,. Celle pression est évidemment
“celle qui règne aussi à l'intérieur des hémalies de
Cet animal, quand elles se trouvent dans le sang.
Ce procédé de Hamburger était passible de
diverses critiques. Il n'était d'abord pas certain
que le globule gardät les mêmes propriétés dios-
motiques à toutes les concentrations. Le fait que
des solulions très concentrées de chlorure sodique
(au delà de 10 °/,) opèrent la dissolution des glo-
bules semble même indiquèr le contraire. D'autre
part, la dilution du sérum pouvait avoir, sur la
tension osmotique de ce dernier, une autre action
“que 4 même dilution sur une solution de chlorure
-‘odique à 0,9 °/,. El, de fait, l'expérience a montré,
“depuis, que la perte de pouvoir osmotique subie
“par la solution saline après dilution est plus forte
- 11 y avait donc lieu de contrôler, par d’autres
-méthodes, les résultats obtenus par le procédé
globulolytique.
. Hedin' proposa à cet effet l'hématocrite. Cet
instrument est constitué par une pelite pipette
calibrée, à lumière étroite, portant une graduation
serrée. On introduit le sang ou le mélange san-
guin par aspiralion, on ferme par deux plaques
de caoutchouc et l'on soumet à l’action d’une cen-
|
:
“trifugeuse faisant 6.000 tours à la minute. Après
“environ 45 à 20 minutes, pour des tubes de 7 cen-
r
: 1 Hennx : Ein neuer Apparat zur Untersuchung des Blutes.
« — Untersuchungen mit dem Hemalokrit. Skandinavisches
“Archiv {ur Physiologie, 1891, p. 360.
… Lo. : Ueber die Einwirkung einiger Wasserlüsungen auf
: das Volumen der rothen Blutkôrperchen. — Ueber den Ein-
— flus:s von Salzlüsungen auf das Volumen der rothen Blut-
- kürperchen, Zhidem, 1894.
réaction limite à Hamburger, pour étudier la |
timètres de longueur, les globules ont pris un
volume qui ne variera plus, quelle que soit la
durée de l’action de la force centrifuge. Cette mé-
thode permettait de mesurer ce volume globulaire
fixe pour des émulsions équivalentes de globules
sanguins dans différents liquides. Les globules
en masse se comportèrent comme les globules
isolés, c'est-à-dire que, dans les solutions diluées,
ils occupaient un volume plus considérable que
dans les solulions concentrées. D'autre part, dans
des solulions isotoniques, le volume globulaire
resta constant.
La délermination, par cette méthode, de la
valeur absolue de la tension osmotique du sérum,
donna un résultat identique à celui obtenu par le
precédé de Hamburger, et ces données furent
encore corroborées par la détermination du point
de congélation du sérum, faite pour la première
fois par Dreser.
Il a été parlé plus haut des coefficients isoto-
niques de de Vries et de Hamburger. On sait que
Vau {' Hoff avait dû introduire d'abord, dans sa for
mule générale de la pression osmotique PV =RT,
un coefficient i,(PV =1RT), variable de 1 à 4, dont
la valeur lui était fournie par les expériences de de
Vries. Ce coefficient indiquait donc que loutes les
molécules n'ont pas même valeur osmotique, ce
qui élait en opposilion avec le fond même de la
théorie. Depuis, Arrhénius est arrivé à expliquer
cette complicalion, en admeltant que toutes les
substances, dont Jes solutions conduisent le
courant électrique, sont partiellement dissociées
dans leurs solutions. Cette dissociation divise la
molécule en deux ou plusieurs atnmes ou groupes
atomiques, chargés d'électricité de nom contraire,
appelés ions. Or, d'après Arrhenius, de même que,
au point de vue de la pression osmotique, toutes
les molécules sont équivalentes entre elles, de
même, tout ion est l'équivalent d'une molécule. Il
en résulte fatalement que, si l'on prépare des solu-
lions équi-moléculaires de diverses substances,
celles qui seront dissociées posséderont une tension
osmotique d'autant plus forte que leur degré de
dissociation et que le nombre d'ions que leur
molécule fournit seront plus grands. C'est la per-
turbation causée par celle dissocialion qu'indi-
quaient les anciens coeflicients isotoniques, qui
cédèrent la place à des coefficients de dissociation
électrolytique.
Hedin introduisit en hématologie la notion du
coefficient de dissociation, et il constata que les
valeurs de ce coefficient ainsi déterminé concor-
daient pleinement avec celles déduites de la con-
duclibilité électrolytique et des anomalies du point
de congélation. Voici (tableau 1) quelques-unes de
ces valeurs rapportées à la valeur osmotique molé-
462
D' P. NOLF — LA PRESSION
culaire d'une substance non dissociée (le sucre de
canne — 100) et déterminées dans des solutions de
concentrations sensiblementégales.
Ces résultats de Hedinétaient, d’ailleurs, en accord
complet avec ceux de Hamburger, et ils furent con-
firmés par Koeppe”, qui, d'une façon indépendante,
avait proposé également le remplacement du coef-
ficienl osmotique par celui de dissociation électro-
lylique dans l'étude osmotique du sang.
Jusqu'ici, il n’a été question que de subslances
dont les solutions conservent les globules rouges
intacts, pourvu que leur concentration alteigne une
certaine valeur. À côté de celles-là, on en connais-
sait depuis longtemps toute une série, tels l'urée,
les sels ammoniacaux, beaucoup de substances
organiques, bref tous les poisons globulaires, dont
TABLEAU L. — Valeurs des coefficients
de dissociation déterminées par trois méthodes.
M :THODE
de
l'hémato-
crite
(Hédin)
CONDUCTI- POINT
BILITÉ de
électrique |congélation |
(Koblrausch)| (Raoult)
INSaccharose. Hu. 0 100 100 100
| Chlorure de potassiuin. S: 186 176
Nitrale de potassium . 181 162
| Chlorure de sodium. . 184 184
| lodure de potassium . 189 184
Acétate de potassium . 17 183 180
Sulfate de potassium . P 238 205
Chlorure de calcium. . 23: 216 212
| Chlorure de baryum. . 2: 247 255
les solutions dissolvent les globules à toute concen-
tration. C'était là une exception aux lois de l’os-
mose, qu'il s'agissait d'expliquer. Gryns? étudia la
question et prouva pour deux de ces subslances,
l'urée et le chlorure ammonique, qu'elles se répar-
lissent d'une façon sensiblement égale entre les
globules et le sérum. La paroi globulaire n’est donc
pas semi-perméable à leur égard comme vis-à-vis
des sels neutres, des métaux alealins fixes et alca-
lino-terreux. Dès lors, il était aisé de comprendre
le mécanisme de la globulolyse dans ces solutions.
Puisque les substances qui y sont en dissolution
pénètrent le globule, la valeur osmotique de ces
solutions devient nulle par rapport au globule,
quelque grande qu'elle puisse être en valeur
absolue. Quand on y plonge des hématies, c’est
comme si l'on mettait celles-ci dans de l'eau dis-
tillée. Les substances dissoutes dans leur suc
cellulaire, dont la pression osmotique est con-
! Kogrre : Ueber den Quellungssrad der rothen Blutschei-
ben. Archiv für Anatomie und Physiologie, 1895, p. 154.
= GRYNS : Ueber den Einfluss gelüster Stoffe auf die rothen
Blutzellen in Verbindung mit den Erscheinungen der Osmose
und Diffusion. Archiv {ur die gesammte Physiologie, 1896,
tome LXIIT, p. 86.
OSMOTIQUE EN PHYSIOLOGIE
trebalancée normalement par celles du sérum," |
n'éprouvent plus aucune résistance extérieure à
leur action. Elles attirent vers l'intérieur de l'hé=
matie la solution d’urée on de chlorure ammonique,
quelle que soit d’ailleurs la concentration de celle-ci,
etleglobuleest distendu jusqu'à destruction.Si cette
hypothèse est exacte, il faut et il suffit, pour con
trebalancer tout effet nocif de la solulion extérieure, «
de l’additionner d'une substance non pénétrante à
dose isotonique, par exemple 0,9 °/, de chlorure
sodique. Gryns fit l'expérience et le résultal fut
positif.
Sans plus étudier, par l'analyse chimique directe,
la répartition d'autres poisons globulaires entre
sérum et globules, Gryns examina seulement le
point de savoir si leur action nocive était également
neutralisée par la dose isotonique d’une substance
non pénétrante, ce qu'il constata d’une façon régu-
lière pour la plupart d’entre eux. Il en conclut que
tous cespoisons agissent, non en raison de leurspro-
priétés chimiques, très variables de l’un à l’autre,
mais à cause d'une propriété commune, leur pou-
voir de pénétrer le globule. Leur loxicité n'était
donc plus spécifique, liée à tel ou tel groupement
atomique, mais elle était tout simplement celle du
même volume d’eau distillée.
Gryns étudia également l'influence possible des
ions sur les propriétés des sels, et les résultats qu'il
obtint sont très intéressants. Mais, commeils furent
complétés et confirmés d'ailleurs en grande partie
par Hedin, il est préférable d'exposer immédiate-
ment les travaux de ce dernier. ;
Hedin ‘ entama la question de savoir dans quelle
proportion une substance pénètre ou ne pénètre
pas les globules, par une méthode très ingénieuse,
dont voici le principe. Il ajoute un certain poids de
celte substance à un volume déterminé de sang (S)
et dissout le même poids p dans le même volume
de plasma (P). Après repos suffisant, il sépare
globules et plasma, et détermine labaissement du
point de congélation dans le plasma ainsi obtenu.
Il fait la même délermination pour le plasma P.
Soit a le chiffre correspondant à $S, et 2 celui cor-
respondant à P. Trois cas peuvent se présenter :
a > b, ce qui signifie que la substance s'est localisée
principalement dans le sérum;a—),quand le par-
tage s’est fait uniformément entre globules et
sérum ; à D, quand les globules ont fixé la plus
grande partie de la substance. Ayant examiné, par
ce procédé, la façon de se comporter d'un grand
nombre de composés organiques et inorganiques,
1 Henix : Ueber die Permeabilität der Blutkôürperchen.
Archiv für die gesammte Physiologie, t. LXVI, 1897, p. 229:
Ib, : Versuche über das Vermügen der Salze einiger
Stickstoffbasen in die B'utkürperchen einzudringen. Archiv
1ür die gesammte Physiologie, t. LXX, 1898, p. 525.
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23
RS D LS RE ee
D' P. NOLF — LA PRESSION OSMOTIQUE EN PHYSIOLOGIE
463
“il arriva à toute une série de conclusions intéres-
santes dont voici quelques-unes : Les différents su-
cres, ainsi que les alcools hexa- et pentatomiques
restent confinés exclusivement dans le plasma.
Lérythrite y pénètre très lentement et en petite
quantilé, la glycérine plus rapidement et plus
abondamment. Le glycol pénètre immédiatement
el en quantité telle que sa concentration est à peu
près la même dans le sérum et les globules. L'al-
cool éthylique se localise en très léger excès dans
les globules, où son entrée est instantanée. L'éther
“montre encore beaucoup plus d'affinité pour les
- globules, qui en prennent la grande majorité. Il en
est de même pour un grand nombre d'aldéhydes et
de célones. Les amines et les amides ont une ten-
dance au partage uniforme, tandis que les sels des
acides aminés se localisent en grande parlie dans
le sérum. |
Les sels des mélaux alcalins fixes restent dis-
. sous dans le sérum; une très pelile partie pénètre
les globules. Quant aux sels d'ammonium : les chlo-
rure, bromure, nitrale, sulfocyanate, oxalale, lac-
tute, éthylsulfate, ferro-et ferricyanure se partagent
uniformément entre les globules et le plasma,
landis que le sulfate, le phosphate, le tartrate, le
succinale reslent confinés en très grande partie
dans le plasma. Or, fait très intéressant, les sels
de triméthylamine et d'éthylamine présentent abso-
lument les mêmes propriétés que les sels d'ammo-
nium, c'est-à-dire que les sels des acides du groupe
chlorure pénètrent, ceux du groupe sulfate ne pé-
uètrent pas.
Ce qui décide donc du passage des sels d'ammo-
nium et des amines, c'est le radical acide, autre-
ment dit l'ion électro-positif. Il semble réellement
que l’on soit ici en présence d'une aclion élective
de la paroi du globule rouge pour tel ion à l'exelu-
sion de tel autre.
Si les chlorures d’ammonium, d'éthylamine ou
de triméthylamine pénétrent, et non les sulfates
de ces bases, c'est que l'ion CI traverse la paroi
globulaire, tandis que SO'— ne le fail pas. Si,
d'autre part, les chlorures de potassium ou de
sodium ne sont pas pénétrants, ce serail à cause
de leur cathion Na+, K*, qui, à l'inverse de H'Az*,
n'arriverait pas à traverser l'enveloppe globulaire.
Koeppe' base sur des raisons de cet ordre l'ex-
plication d'un phénomène de nature très intéres-
sante, observé avant lui par Gürber.
Mélange-t-on, à une solution isotonique de chlo-
rure sodique, des globules rouges qui ont été
lavés à différentes reprises au moyen d'une solu-
tion isolonique de sucre, et saturés ensuite de
1 Kogepe : Der osmotische Druck als Ursache das Austau-
sches zwischen rothen Blutkürperch-n und Salzlüsungen.
Archiv für die gesammte Physiologie, t. LXVITI, p. 189, 1897.
CO”, on observe que la solution saline devient alca-
line. Il n’en est rien si les globules sont artéria-
lisés, ou s'ils sont placés dans du sulfate au lieu
de chlorure de sodium. Et, d'après des analyses de
Gürber, cette alcalinisation s'opère sans qu'il y
ait sortie d'un atome métallique hors des globules.
Comment expliquer ces fails? Au moment où l’on
place les globules veineux dans la solution de chlo-
rure sodique qui leur est isotonique, leur tension
osmotique totale est due aux sels qu'ils con-
tiennent; de ces sels, les principaux sont le chlo-
rure et le carbonate de potassium. Dans le liquide
périglobulaire, la tension est due à du chlorure
sodique seul, de sorte que la tension partielle des
ions CI est plus forte à l'extérieur qu'à l'inté-
rieur. L'inverse existe pour l'ion CO’. L'un et
l'autre sont pénétrants. Ce qui empêche le chlorure
de sodium de pénétrer dans les conditions ordi-
naires, c'est la charge électrique de Na*, qui ne
traverse pas la paroi globulaire. Mais ici cet obs-
tacle est levé, car, au fur et à mesure que des ions
CI pénètrent dans les globules, ils sont remplacés
dans le liquide extérieur par des ions CO”, char-
gés d'électricité du mème nom. Le mouvement ne
s'arrête qu'après égalisation des tensions partielles
du carbonate et du chlorure. Si, dans le milieu
extérieur, il existe au lieu de CI, des ions SO”,
qui, comme Iledin nous l'a montré, ne traversent
pas la paroi globulaire, l'échange est impossible.
Et voilà pourquoi, d'après Koeppe, le sulfate ne
devient pas alcalin, à l'encontre du chlorure.
L'explication donnée est très ingénieuse et inlé-
ressante au plus haut chef, en ce qu'elle nous
montre comment, sous l'action d'un acide, un élé-
ment organisé peut sécréler un liquide alcalin,
sans que cependant intervienne la moindre aclion
vitale. Il y aurait cependant lieu, étant donné la
nouveauté de ces hypothèses, de multiplier les
expériences et les épreuves, afin de pouvoir éli-
miner de façon définilive les échanges de molé-
cules ou des ions électro-positifs. Et cela d'autant
plus que des recherches récentes tendent plutôt à
faire admeltre une perméabilité légère des glo-
bules rouges aux sels de mélaux alcalins fixes.
Il est incontestable que toutes ces études, basées
sur la notion de la pression osmotique, ont fait
faire de grands progrès à nos connaissances sur la
physiologie du sang. Mais les résultats acquis dans
ce domaine spécial ont, à côlé de leur intérêt
propre, une signification plus générale. Le sang
est, de tous les Lissus (puisqu'on à pu l’appeler un
tissu liquide), celui qui se prête le mieux aux
études osmotiques. Les expériences s'instiluent
plus facilement, et les condilions de ces expé-
riences sont plus conslantes et plus simples que
partout ailleurs.
164
D' P. NOLF — LA PRESSION OSMOTIQUE EN PHYSIOLOGIE
Rien d'étonnant donc au fait que la paroi de
l’hémalie ait élé la première paroi semi-perméable
organisée, étudiée dans ses détails.
Il est tout naturel aussi, étant donné la signifi-
cation des résultats acquis, que ces recherches
d'hématologie constituent la préface et le guide de
toute investigation similaire portant sur d’autres
Lissus.
À nombre de points de vue, les idées et les expé-
riences sont nouvelles et donnent des aperçus neufs.
Pour n’en citer qu'un, des plus importants, il suf-
fira de dire quelle part énorme il faudra très pro-
bablement faire, en Physiologie ou en Pathologie,
non plus aux affinités chimiques, atomiques, mais
aux affinités existant entre molécules ou groupe-
ments moléculaires, à ces forces inconnues qui
déterminent la solubililé d'une substance dans une
autre, qu'il s'agisse de gaz, de liquides ou de so-
lides. Comme le montrent les résultats de Gryns et
de Hedin, c’est grâce à leur simple solubilité dans
la paroi des globules que la plupart des poisons
globulaires peuvent, dans certaines conditions d’ex-
périence, déterminer la destruction des globules.
Il y a là, pour l'étude de l'action des poisons en
général, un champ nouveau d'expérience, d'autant
plus précieux que les considéralions tirées unique-
ment de la statique chimique se sont montrées
définitivement insuffisantes pour l'explication en-
lière des phénomènes.
Déjà un essai hardi dans cette direction vient
d'être tenté par Meyer. Hermann avait déjà re-
marqué le pouvoir dissolvant vis-à-vis des graisses
des différents narcotiques de la série grasse. Il
s'était demandé si l’action physiologique de ces
derniers sur la cellule nerveuse, comme sur le glo-
bule rouge qu'ils détruisent, n'est pas en rapport
avec cette affinité de solution.
D'autre part, R. Dubois ! avait observé la sécré-
tion d’eau par les feuilles des plantes grasses sous
l'influence de l’éther, du chloroforme, de l'alcool.
D'après Dubois, la narcose serait le résullat d'une
déshydratation des cellules nerveuses par les hyp-
notiques, qui chasseraient l’eau de ses combinai-
sons (physiques) avec les constituants de la cellule
nerveuse. Meyer reprend l'idée de Dubois, mais en
limitant l’action des narcotiques aux substances
grasses qui constituent une partie notable du sys-
tème nerveux. Dans la cellule nerveuse, les corps
gras sont dans un certain état d'équilibre de disso-
lution ou de mélange avec l’eau, les sels, les pro-
téides. Introduisons dans cette cellule une sub-
stance dissolvant facilement la graisse : l'équilibre
sera rompu. D'où changement des conditions vi-
‘ R. Dusois : Mécanisme de l'action des anesthésiques.
Revue générale des Sciences, t. 11, p. 561, 1891.
tales et narcose. Si cette idée est exacte, il faut
d’abord que tous les dissolvants des graisses soient
des anesthésiques, et que leur action narcolique
soit proportionnelle à leur affinilé de solution pour
les matières grasses. Des expériences assez nom-
breuses de Meyer et de son assistant Baum sent en
complet accord avec ce postulat. Il serait téméraire
cependant, élant donné l'écart considérable entre
ces nouvelles tendances et celles qui ont régné
jusqu'ici dans ce domaine scientifique, de se lais-
ser aller trop facilement au charme de la nou-
veauté. Le côté séduisant de la théorie doit mettre
en garde contre elle.
Il est certain que celte compréhension des
choses a un double avantage. Elle expliquerait non
seulement l'action narcolique elle-même, action
qui serait la même pour toutes les cellules, que
celles-ci soient d'origine végélale ou animale,
qu'elles proviennent d'un protozoaire ou d'un ver-
tébré supérieur; mais, chez l'organisme élevé, elle
nous fournirait, de plus, la raison de l’électivité
spéciale de la substance narcotique pour la cellule
nerveuse, plutôt que pour la fibre musculaire ou le
leucocyte.
Et à ce dernier point de vue, lout autant qu'au
premier, l’idée est très intéressante en ce qu'elle
entreprend le problème de l'affinité du médica-
ment pour tel ou tel tissu et introduit ici, au lieu
et place de l’affinité atomique, dont on a fait un
réel abus, la conception plus moderne de l’affinité
entre molécules : l’affinité mécanique (Ostwald).
Avant de quitter les globules rouges, il est inté-
ressant de citer brièvement les résultats acquis par
divers auteurs sur la conductibilité électrique du
sang. D’après Arrhénius, le transport de l'électri-
cité à travers une solulion est malériel, en ce sens
que ce sont les ions qui portent aux électrodes la
charge électrique dont ils étaient déjà pourvus
avant le passage du courant. Celui-ci n'a qu'un
effet, c'est de libérer les ions de leurs attractions
électriques mutuelles.
Le sérum, qui est une solulion saline, conduit
l'électricité.
D'autre part, le liquide intraglobulaire, qui est
une solution saline de concentration isotonique,
doit présenter sensiblement le même pouvoir con-
ducteur, ou inversement la même résistance. Mais
il s'agit de savoir si les ions qui se trouvent dans
l'intérieur des globules pourront en sortir; si
d'autre part les ions extérieurs, quand ils rencon-
treront les globules, pourront les traverser. La
paroi globulaire est-elle imperméable aux ions
extra où intraglobulaires ? Dans le premier cas, la
| conductibilité du sang doit être sensiblement égale
à celle du sérum; dans le second cas, elle lui sera
notablement inférieure.
TE
KL
A
CR EE Poe
D' P. NOLF — LA PRESSION OSMOTIQUE EN PHYSIOLOGIE
165
e1 Plusieurs auteurs (Roth', Bugarszky et Tangl*,
… Stewart”, Oker-Blom ‘, Rollett”) ont étudié dans ces
- dernières années la conductibilité du sang com-
parée à celle du sérum, et tous sont d'accord pour
faire des globules rouges, sinon des isolateurs par-
faits, du moins des corps extrémement peu con-
ducteurs de l'électricité. D'où la conclusion que
leur paroi est très peu perméable aux ions.
Cette conductibilité très imparfaite des globules
… rouges n'est cependant pas une preuve décisive de
leur non-perméabilité. C’est ainsi que, dans une
des expériences de Stewart, des globules imprégnés
de chlorure ammonique ne conduisaient pas sensi-
-blement mieux l'électricité que des globules nor-
maux, ce qui provient, sans doute, de l'énorme
résistance qu'oppose le stroma des globules rouges
“ à la translation des ions.
Stewart détermina également les changements
de la conduclibilité électrique du sang, quand on
provoque la destruction des globules par différents
moyens, tels que l’eau, les sérums étrangers, le gel
et le dégel, la chaleur, la saponine. Les résultats sont
variables suivant l'agent globulolytique employé.
D'une part, se rangent les agents qui, comme l'eau
et la saponine, augmentent la conductibililé spéci-
fique du sang (en tenant compte bien entendu de
la diminulion de conduelibilité pouvant provenir
d’une dilution éventuelle du liquide). D'autre part,
se groupent les sérums étrangers et le froid qui
laissent inaltérée ou même diminuent la condueti-
bilité du sang après avoir déterminé l'hémolyse.
La chaleur occuperait une situalion intermédiaire.
Ces constatations ont été étendues par Rollelt à
l'action de la décharge électrique, qui agirait à la
facon du froid el des sérums étrangers.
Stewart conclut de ses recherches que la paroi
globulaire peut laisser diffuser d’une façon indé-
pendante l'hémoglobine et les sels du globule.
L'hémoglobine seule diffuse, quand la conducti-
bilité électrique reste la même; tandis qu’une
augmentalion de la conductibilité indique la
sortie simullanée des sels et de l'hémoglobine.
La conclusion ainsi énoncée est inattaquable; et
il semble démontré par les recherches de Stewart
_et celles de Rollett qu'en effet l'hémoglobine peut
quitter seule des globules qui gardent leurs sels.
Stewart admel aussi que, dans certains cas, les sels
du globule peuvent abandonner partiellement celui-
! Roru : Elektrische Leitfähigkeit thierischer Flüssig-
keiten. Centralblatt fur Physiologie, t. W, p. 2H, 1897.
= BuGarszky und TaxGe : Eine Methode zur Bestimmuny.….
Centralblatt für Physiologie, t. W, p. 297, 1897.
% Srewart : The behaviour of the hœmoglobin and...
Journal o1 Physiology, t. XXIV, p. 211, 1899.
* OKER-BLON :
die gesammte Physiologie, t. LXXIX, pp. 111 et 510, 1900.
* Rozcerr : Elektrische und Chemische Einwirkungen.
Archiv {ür die gesammte Physiologie, t. LXXXIL, p. 199, 1900.
Thierische Säfte und Gewebe. Archiv fur
ci, sans qu'il y ait en même temps diffusion de
l'hémoglobine. Les observations qui plaident en
faveur de ce dernier mouvement osmolique, inverse
du premier, sont beaucoup moins probantes, el, si
elles trouvent quelque confirmation dans certaines
expériences du dernier travail d'Oker Blom, il y
a cependant lièu d'attendre une enquête plus
approfondie des faits avant de conclure trop affir-
mativement. Ces observations de Stewart sont très
intéressantes par le fait qu’elles apportent une con-
tribution assez inattendue et toute nouvelle à la
question déjà tant discutée des rapports existant
entre l'hémoglobineet le stroma. Dans ces derniers
temps, la théorie osmotique avait favorisé beau-
coup les partisans de l’idée d'une indépendance
chimique absolue entre ces deux constituants du
globule. Mais nombreux sont cependant encore les
partisans de l’autre doctrine, suivant laquelle il y
aurait combinaison fragile entre l'hémoglobine et
certains constituants du stroma : combinaison dont
le produit est insoluble dans le liquide intra-glo-
bulaire ou dans le sérum. L'eau distillée ou les solu-
tions salines étendues n'agiraient pas autrement
qu'en délruisant cette combinaison par hydrolyse,
ce qui meltrait l'hémoglobine en liberté et Jui per-
mettrait dès lors sa diffusion dans le sérum. Il est
assez difficile, sinon impossible, de comprendre
pourquoi ce sont justement les concentrations iso-
toniques des substances chimiques les plus diver-
ses qui s'opposent dans la même mesure à cette
action de l’eau distillée : eau distillée que l’on n'est
d'autre part pas habitué non plus à considérer
comme un agent d'hydrolyse aussi puissant. Aussi
est-il né, sous l'influence des travaux sur la pres-
sion osmolique des globules, une autre théorie,
d’après laquelle les globules constituent des sortes
de vésicules constituées par une paroi semi-per-
méable, séparant leur liquide intérieur du milieu.
extérieur. Au point de vue du fond de celte théorie,
il est absolument accessoire de savoir si le liquide
intérieur est logé dans une cavilé unique ou dans
une multitude de vacuoles. Celle question n’a d'in-
ltérêt qu'en ce qui concerne la forme extérieure du
globule. Mais ce qui importe, c'est la localisation
de l'hémoglobine dans le liquide intraglobulaire,
localisalion qui entraine la séparation absolue
d'avec le stroma. Celui-ci, loin d'être combiné à
l'hémoglobine, lui serait, au contraire, totalement
imperméable, tout au moins dans ses couches péri-
phériques. Un argument sérieux contre celte
hypothèse, c'est la difficulté de concevoir la disso-
lulion de l'hémoglobine dans la petite quantité de
liquide intraglobulaire, alors que, pour certains
sangs, toute la masse liquide du sérum ne suffit pas
à opérer cette dissolution. Cependant, on peut dire
a priori, élant donné notre ignorance des condi-
466
tions exactes de solubilité de l’hémoglobine même
dans des milieux artificiels, qu'il est difficile de
tirer argument des quelques faits connus contre
l'idée d'une solulion sursaturée possible à l'inté-
rieur des globules, où les conditions physiques
sont certainement très différentes de celles qui
existent dans un cristallisoir. D'âilleurs plusieurs
physiologistes, et non des moindres, ont observé,
dans certaines conditions, des cristaux d'hémoglo-
bine à l'intérieur des hématies, ce qui ne se con-
çoit qu'en supposant ces cristaux baignés d'un
liquide tenant la même substance en solution.
D'autre part, Meltzer' vient de publier le résultat
d'une série d'expériences, confirmant d'ailleurs
d'anciennes recherches de Rollelt et de lui-même,
dans lesquelles il est parvenu à détruire des glo-
bules et à mettre leur hémoglobine en liberté,
rien qu'en les agilant longtemps et fortement avec
du mercure ou de la poudre de verre. C'est d’ail-
leurs une observation courante en Physiologie
que du sang, agilé longtemps avec des perles de
verre où un autre corps indifférent dans le but de
le défibriner, finit toujours par se teindre d'hémo-
globine. Il serait curieux de savoir comment les
partisans de la combinaison chimique entre stroma
et hémoglobine expliquent ces faits.
Pour en revenir aux expériences de Slewart, cet
auteur n'arrive à s'expliquer la diffusion séparée
de l'hémoglobine et des électrolytes du globule
que dans l'hypothèse d’une combinaison chimique
de la première avec le stroma; et Rollelt insiste
particulièrement aussi en faveur d'une pareille
interprétation des faits.
Il est certain que ces expériences écartent en
tout cas une mise en liberté des substances conte-
nues dans les globules par rupture de l'enveloppe
de ceux-ci. Si tel était, en effet, le mécanisme du
phénomène, il faudrait que, lorsqu'un globule se
vide de son contenu, il se vidät toujours intégrale-
ment. Mais on peut parfaitement concevoir une
autre issue des constituants du liquide intra-globu-
laire, sans cependant abandonner la théorie osmo-
tique. J'étais arrivé, pour d’autres raisons et sans
connaître à ce moment les travaux de Stewart, à
expliquer la sortie de l'hémoglobine par une diffu-
sion de celle-ci à travers une membrane dont les
conditions de perméabilité sont altérées*.
Normalement, la paroi de l'hématie est imper-
méable à l'hémoglobine, mais si, par l'adjonction
d'eau, ou par d'autres moyens, on transforme le
degré d'hydratation ou la structure chimique ou
D'après le Centralblatt fur Physiologie, année
n° 16.
? Meurzer : Journal of Physiology, t. NV, p. 255.
# Nozr : Le mécanisme de la globulolyse. Annales de J'Ins-
titut Pasteur, octobre 1900.
1900,
D' P. NOLE — LA PRESSION OSMOTIQUE EN PHYSIOLOGIE
physique de cette paroi, cette imperméabilité peut
parfaitement disparaitre, ce qui provoquera la diffu-
sion d'hémoglobine à l'extérieur. À priori, on pour-
rait supposer très légitimement que cette perméa-
bilisation vis-à-vis de l’hémoglobine peut ne pas
s'étendre aux électrolytes. Mais il n’est même pas
besoin de cette hypothèse pour mettre les faits de
Stewart en accord avec la doctrine osmotique.
Il y à lieu de remarquer que si, dans la globu-
‘lolyse par un moyen quelconque (le froid par
exemple), on ne détruit pas les slromas des glo-
bules, il n'y a aucune raison pour que les électro-
lytes intra-globulaires se répandent dans le sérum,
mème si le stroma leur est devenu perméahle.
En effet, les stromas occupent le même volume
et mème quelquefois un volume plus grand que les
globules intacts avant l'hémolyse; le liquide qu'ils
contiennent tend à se mettre non seulement en
équilibre osmotique, mais même en équilibre de
composilion chimique avec l'extérieur. Or, cette
équilibralion sera toute différente pour l'hémoglo-
bine et les électrolytes. La première était contenue
exclusivement dans les globules (avant que la paroi
lui soit devenue perméable), les seconds possé-
daient dans les globules et dans le sérum une
concentralion identique. L'équilibre exigera, pour
s'établir, une sorlie abondante de l’hémoglobine,
sans aucun déplacement concomitant des sels. Le
fail que ces stromas ne conduisent pas mieux l'élee-
tricité qu'auparavant ne prouve aucunement qu'ils
ne sont pas devenus perméables aux ions qu'ils
contenaient, ainsi que l’atteste la constatation, citée
plus haut, faite au sujet du chlorure ammonique.
Au contraire, si l'on dilue fortement le milieu
extérieur, la concentration des électrolytes dans
les stromas deviendra plus forte que dehors et une
partie d'entre eux suivra l’'hémoglobine : c'est ce
qui explique l’action de l’eau distillée. Quant à la
saponine, Stewart déclare lui-même qu'il faut des
doses fortes de cet ingrédient pour lui voir pro-
duire l'effet de l'eau distillée. Or, d'après Stewart,
à ces doses, la saponine dissout complètement les
globules. Il n’est dès lors plus étonnant que l’obs-
tacle au passage du courant, les stromas, étant dis-
paru, le courant passe plus facilement. Les doses
moyennes, en dissolvant incomplèlement les stro-
mas, diminuent probablement l'obstacle qu'ils op-
posent aux transports électriques et c'est ce qu'opé-
rerait également la chaleur.
Pour ce qui est de la sortie isolée d’électrolytes à
lravers une paroi normale, elle n'est nullement en
désaccord avec la théorie osmotique (puisque Ham-
burger lui-même avait basé sa conception osmo-
tique sur la notion des échanges isoloniques), à
condilion d'admettre que la paroi globulaire ne -
leur est pas complètement imperméable. Or, les
Li
D: P. NOLEF — LA PRESSION OSMOTIQUE EN PHYSIOLOGIE
CS
[ep]
—!
travaux de Hedin aboulissent, comme il a été dit | Heïdenhain', très documenté, rempli d'expériences
plus haut, à cette conception.
Il est encore intéressant de faire remarquer ici
“que, par la mesure de la résistance électrique de
liquide sanguin additionné de différents sels des
métaux alcalins et alcalino-terreux, Oker-B'om est
- arrivé à confirmer, dans leurs données essentielles,
- les résultats de Hedin concernant la perméabilité
des globules vis-à-vis de ces sels.
“ Ilest facile de constater, par la longueur de cet
— exposé, où ne sont cependant relalés que les fails
principaux et d'intérêt général, combien grand est
l'essor imprimé à l'étude des phénomènes de la vie
“par les nouvelles théories sur les solutions. Dans
— d'autres domaines de la Physiologie, les acquisi-
tions ne sont pas moins notables. Ce furent natu-
… réellement surtout les phénomènes d'absorption et
de sécrétion qui furent soumis à l'analyse par les
Ki nouvelles méthodes.
III. — LA FORMATION DE LA LYMPHE,
Il ya une dizaine d'années régnait, pour ainsi dire
- sans consteste dans la science, la théorie purement
mécanique de la formation de la lymphe, telle
qu'elle avait été conçue par Ludwig à la suite de
ses travaux et de ceux de ses élèves. La lymphe,
intermédiaire entre le sang et les éléments des
tissus, était considérée comme le produit d'une
filtration du plasma sanguin au travers de l'endo-
thélium vasculaire, filtralion se faisant sous l'in-
fluence de la pression régnant dans les vaisseaux
sanguins, filtration absolument analogue dans son
essence à celle que l’on peut produire artificielle-
ment au travers de membranes animales où végé-
tales mortes.
Cependant Ludwig, lout en faisant à la filtration
la part prépondérante dans la formation de la
Iymphe, avait admis à côté d'elle l'intervention pos-
sible de phénomènes de diffusion ou d'osmose
s'établissant entre le plasma, le liquide filtré et les
tissus, et pouvant amener des modifications dans
la composition chimique du liquide filtré.
. Cette théorie, dans laquelle on n'accordaitaucune
importance à la constilution ou à la vitalité de
l'endothélium des vaisseaux sanguins, avait eu des
contradicteurs.
C'est ainsi que Tigerstedt et Santesson', à la
suite d'expériences de filiralion au travers de mem-
branes animales vivantes et mortes, avaient conclu
… à une intervention active, vitale, de l'endothélium
vasculaire lors de la formation de la lymphe. Mais
il fallut l’apparition du remarquable travail de
HE NAME
. ! Ticensreor et Sanresson : Die Filtration im Thierkürper.
Mittheïilungen vom Physiologischen Laboratorium zu Stock-
holm, 1886.
nouvelles, pour ébranler la foi des physiologistes
dans l'hypothèse mécanique de la formation de la
lvmphe. La réaction, difficile à se produire, en fut
Laturellement d'autant plus forte, et grand le
regain des idées vitalistes dans ce domaine de la
science.
Heidenhain, au lieu d'étudier, comme ses prédé-
cesseurs, la formation de la lymphe dans les mem-
bres, fit ses observations sur le liquide du canal
thoracique d'animaux à jeun. Mais, avant d'en ex-
poser brièvement les résultats, il estbon de rappeler
que les travaux de l'école de Ludwig (Tomsa,
Paschutin, Emminghaus) avaient montré la grande
influence de la stase veineuse sur la vitesse d'écou-
lement de la lymphe, alors que les variations de
pression dans les capillaires artériels, provoquées
par le jeu desnerfs vaso-moleurs,s'étaientmontrées
sans effet ou d'effet peu marqué (Rogowicz, Men-
sonides).
Les principaux résultats de Heidenhain sont les
suivants :
1° À l'encontre de ce qu'avait observé Colson ?
Heidenhain soutient que l'occlusion de l'aorte
thoracique n'arrête pas immédiatement l’écoule.-
ment de la lymphe, qui se continue pendant une
ou deux heures. Le liquide lymphatique est plus
concentré en albuminoïdes que normalement.
2° La ligature de la veine porte produit une accé-
lération dans l'écoulement de la lymphe, qui, tout
en élant sanglante, est moins riche en albuminoïdes
que la lymphe normale.
3° L'obluralion de la veine cave inférieure dans le
thorax cause une énorme accélération du courant
lymphatique ; la Ilymphe est très riche en albumi-
noïdes. L'inteslin est anémié.
%° Si l'on injecte dans le sang de l'animal vivant
(chien) certaines substances, telles que le bouillon :
d'écrevisses, d'anodontes, des solutions de peptone,
d'ovalbumine, ete. (lymphagogues de 1" classe),
on accroit dans des proportions notables la quan-
tité de lymphe s’écoulant par le canal thoracique,
sans qu'il y ait la moindre hausse de la pression
sanguine (il y à habituellement baisse de celle-ci.
5° L'injection inlra-veineuse de solutions salines
ou sucrées concentrées (Iymphagogues de 2° classe)
produit également une accélération énorme de
l'écoulement de la lymphe thoracique : accélération
qui, de l’aveu de Heidenhain, est conciliable en
partieavec la théorie physique de la formation dela
lymphe, puisque les accélérations constatées sont
n
! HeibeNHAIN : Versuche und Fragen zur Lebre von der
Eymphbildung Archiv für die gesammte Physiologie, 1891,
Bd. XLIX.
2? Corsox : Recherches physiologiques sur l'occlusion de
l'aorte thoracique. Travaux du Laboratoire de Physiologie
de Liège, t. II, p. 3, 1889-90.
D' P. NOLF — LA PRESSION OSMOTIQUE EN PHYSIOLOGIE
en raison de la valeur osmotique de la solution
injectée. Mais Heidenhain constate, en plus, que la
concentration du lymphagogue est plus forle dans
la lymphe que dans le sang.
De tous ces résultats, seul le n° 2 est en accord,
d'après Heidenhain, avee la théorie de la filtration.
D'après les expériences faites sur les membranes
mortes, on sait, en effet, que, lors de la filtration
d'une solution d'albuminoïdes, le produit filtré est
d'autant plus riche en albuminoïdes, et d'autant
moins abondant que la pression filtrante est plus
basse. C'est aussi ce qu'avaient constaté les élèves
de Ludwig dans leurs expériences sur la lymphe
des membres, c'est encore ce qui se produit après
la ligalure de la veine perte.
Mais ni la conservation de l'écoulement lympha-
lique après occlusion aortique (c'est-à-dire après
suppression où diminution extrèémement considé-
rable de la pression filtrante), ni la concentralion
en albuminoïdes après l'obturalion de la veine cave,
ni l'action des lymphagogues ne peuvent s'expli-
quer par les mêmes principes. Il faut, pour com-
prendre ces faits, admettre une intervention active
de lendothélium vasculaire. La lymphe n'est donc
pas un produit de lranssudation, c'est un produit de
sécrétion. Elles lymphagogues sont des stimulants
de cette sécrélion, tout comme les diuritiques ou
les cholagogues sont des stimulants de l'activité
sécréloire du rein ou du foie. Et, de même que,
parmi les diurétiques, il y a lieu de faire une dis-
linetion entre ceux qui agissent directement sur
l'épithélium glandulaire, sans influencer la circula-
lion, et ceux dont l'effet se marque surtout sur les
conditions de celle-ci, il y a lieu aussi de grouper
les lÿmphagogues suivant des différences de pro-
priélés analogues.
L'ensemble des constalalions était imposant, et
le réquisitoire contre la théorie de Ludwigtrèsserré.
Par des exemples tirés de la composition chi-
mique de la sécrétion de certaines glandes (lait) et
du débit de celles-ci, comparé à celui du canal
thoracique, Heidenhain fournissait, en outre, la
preuve décisive que, lors de la sécrétion glandulaire,
il y avait lieu, — pour expliquer le passage des
matériaux solides et liquides, qui, sortis du sang, se
retrouvent dans le produit de sécrélion glandu-
laire, — de faire intervenir d'autres forces que la
filtration, celle-ci seule ne pouvant suffire à expli-
quer les chiffres. À vrai dire, Ludwig avait déjà
déclaré qu'il fallait associer Ja diffusion à la fillra-
tion, el Heidenhain ne fournit ici aucune preuve
contre celte intervention de la diffusion. Il la croit
possible el probable, analogue à celle qui règle les
échanges gazeux entre le sang et les tissus, mais
ses préférences vont néanmoins à la théorie de la
secrélion.
Ce fut un physiologiste anglais, Starling, qui
reprit point par point les expériences de Heiden-
hain et rechercha si leur contradiction avec les
lois de là diffusion et de la filtration est aussi
irréduelible qu'elle paraît à première vue !.
Starling établit d'abord que la lymphe du canal
thoracique, chez l'animal au repos, est produite
exclusivement par les viscères abdominaux. C'était
done la circulation dans ces organes qu'il fallait
observer, et déterminer quelles modifications elle
éprouve dans les expériences de Heidenhain *.
Après occlusion de l'aorte thoracique, il y a
baisse artérielle très considérable dans tous les
territoires artériels de l'abdomen et aussi dans la
veine porte, tandis que dans ia veine cave infé-
rieure la pression reste normale ou peut même
être légèrement augmentée. Si la théorie de Lud-
wig est exacte, il ne peut dès lors plus y avoir des
liltralion qu'au niveau des capillaires hépatiques
dont la pression n'a pas varié. Et la lymphe qui
s'écoule par le canal thoracique doit être exclusi-
vement de la Ilymphe hépalique. C'est, en effet, ce
que démontre la ligature préalable des lymphali-
ques hépaliques. Si, après avoir fait celle-ci, on
occlut l'aorte, on supprime tout écoulement par le
canal thoracique ; or, il y a tout lieu d'admettre que, »
de même que la lymphe intestinale est plus riche en
albuminoïdes que celle des membres, de même la
lymphe hépatique est plus concentrée que la lymphe
intestinale. Ainsi s'expliquent donc et la conserva-
tion de l'écoulement lymphalique et la richesse
considérable en albuminoïdes de la lymphe oble-
nue.
La ligature de la veine porte produit une forte
hausse de pression dans les capillaires de l'intes-
lin et de la rale, sans altérer la pression artérielle,
d'où fillralion, d'après l'hypothèse de Ludwig,
d’une lymphe plus abondante et moins riche en
matière organique. C'est ce que l’on constate dans
l'expérience.
L'obstruction de la cave inférieure augmente
fortement la pression dans cette veine, ainsi que
dans la veine porte, alors que la pression artérielle
générale subit une énorme chute. D'après l'hypo-
thèse de Ludwig, il faut donc s'attendre à une
filtralion exagérée dans le foie, et à une suppres-
sion où à une diminution de lymphe intestinale. Si,
en effet, avant d’oblurer la veine cave, on procède
à la ligature des lymphaliques du foie, l’occlusion
veineuse ne s'accompagne plus d'une augmentalion,
mais souvent d’une légère diminution de l'écoule-
! Bayuiss et SrarLiNG : Observations on venous pressures
and their relationship lo capillare pressures. Journal of
DPhysiology, vol. XVI, 1894. |
? SraRLuNG : The influence of mechanical factors on lÿmph
production. Journal of Physiology, vol. XVI, 1874.
“…_ lique Von Brasol, Klicowicz avaient
D: P. NOLF — LA PRESSION OSMOTIQUE EN PHYSIOLOGIE
469
ment de la lymphe par le canal thoracique, et le
liquide obtenu se caractérise par une Leneur faible
… en albuminoïdes. Au contraire, dans l’occlusion
Simple de la veine cave, la lymphe obtenue est
très riche en albuminoïdes, ce qui est dû précisé-
ment à son origine hépatique. Voilà donc expli-
quées très clairement, et par des raisons toutes
mécaniques, les expériences que Heidenhain avait
jugées inconciliables avec toute théorie physique
de la formation de la lymphe. Loin d’avoir battu
— en brèche la doctrine de Ludwig, elles constituent,
comme a pu le dire Starling, l'argument le plus
- solide qu'on ait invoqué jusqu'ici en sa faveur.
Voyons maintenant comment Starling' comprend
l’action des lymphagogues. Heidenhaim avait déjà
vu que l'action des lymphagogues de deuxième
ordre est en rapport avec leur coefficient osmo-
constaté,
“
D. de sucre et de sels sodiques. Il
“d'autre part, une dilution très considérable du sang
après des injections intra-veineuses de solutions
- faut donc admettre que, immédiatement après
Dieur injection dans le sang, ces substances
— altirent directement des tissus dans le sang une
- quantité d'eau telle que l'équilibre osmotique,
rompu un instant entre le sang el les tissus, soit
bientôt rétabli. Mais la paroi des capillaires n’est
pas imperméable aux cristalloïdes; Lout au plus se
laisse-t-elle traverser plus rapidement par l’eau
‘que par leurs molécules. Aussi, le mouvement de
l’eau de l'extérieur des vaisseaux vers l'intérieur
est-il accompagné d'un mouvement en sens inverse
de la substance injectée. Cette exsndation n'est
d'ailleurs que l'exagéralion de la filtration ét de
la diffusion normales. Or, les conditions sont deve-
-nues très favorables à la filtration. L'entrée en
masse de l'eau des tissus dans le sang a créé un
état de pléthore hydrémique. Et Starling et Bayliss
ont démontré que, si la pléthore hydrémique n'est
- pas accompagnée d'un accroissement marqué de
pression arlérieile, elle détermine une élévation de
pression très considérable dans le système porte et
dans la veine cave inférieure, c'est-à-dire une
augmentation de la pression capillaire dans tout
l'abdomen. Or, c'est de la pression dans les capil-
laires et non dans les artères que dépend la valeur
de la filtration de la lymphe. C'est ce qui explique
la forte quantité de lymphe s'écoulant par le canal
thoracique. La preuve que ce sont bien ces causes
toutes mécaniques, et non une irrilation de l'endo-
thélium vasculaire, qui conditionnent le phéno-
— mène, c'est que l’on peut s'opposer à loute action
È lymphagogue du cristalloïde en enlevant, préala-
É
»
! E. H. SraruiG : On the mode of action of lymphago-
gues. Journal of Physiology, vol. XVII, 1895.
REVUE GÉNÉRALE DES SCIENCES, 1901.
blement à l'injection, un volume de sang équiva-
lent à l’eau qui sera soutirée aux issus par la
masse du cristalloïde injecté. Dans ces conditions,
la solution de ce dernier qui circulera au contact
de la paroi vasculaire sera plus concentrée que s'il
n'avait pas élé fait de soustraction sanguine préa-
lable, mais la masse totale du sang ne sera pas
augmentée, il n'y aura pas augmentation de la
pression capillaire, et pas d'exagéralion de la fil-
tration normale. Dans celte expérience, il se pro-
duit non de la pléthore hydrémique, mais de l'hy-
drémie simple, dont Cohnheim avait déjà dit qu'elle
n'occasionne pas d’æœdème hydrémique glandulaire.
Quant à l'argument tiré par Heidenhain d’une con-
centralion éventuelle plus forte du cristalloïde
dans la lymphe que dans le sang, il a été réfuté
par Cohnstein'. Cette richesse plus grande de la
lymphe est plus apparente que réelle. Elle provient
de ce que, dès l'introduction du cristalloïde dans les
vaisseaux, celui-ci tend à en sortir, de sorte que sa
concentration dans le sang, maxima au moment
de l'injection, diminue progressivement. Or, au
moment de la concentration maxima est filtrée
une lymphe à concentration correspondante,
lymphe qui ne s'écoule par le canal thoracique
qu'après un temps plus ou moins long; el si, au
moment de la prise de celte lymphe, on saigne
l'animal, on trouve nécessairement une plus faible
concentration du cristalloïde dans ce sang que dans
la lymphe. Le contraire serait étonnant.
La lymphe normale du canal thoracique possède
habituellement un point de congélalion très légère-
ment inférieur à celui du sang (Leathes) *. Il en est
d'ailleurs de même pour le sang veineux comparé
au sang artériel, et celui des veines sus-hépaliques
comparé à celui de la veine porte ?.
Or, après l'injection des divers lymphagogues de
deuxième classe, les altérations que subit la pres-
sion osmotique du sang sont suivies par des oscil- :
lalions parallèles de la tension de la lymphe et les
différences observées ne dépassent jamais les diffé-
rences normales (Leathes).
Il est intéressant de savoir avec quelle rapidité
s'effectue l'arrivée dans le sang de l’eau des Lissus,
sous l'influence d'une injection d'un cristalloïde en
solution concentrée. Dans une expérience
Leathes, où 100 centimètres cubes d'une solution
concentrée de sucre avaient élé injectés en huit mi-
nutes, il s'était produit, pendant le même temps, un
afflux dans le sang de 800 centimètres cubes d'eau
de
! ConnNSTEIN Ueber intravenôse Injectionen, Archi
lür die gesammte Physiologie, &. LIX, p. 508; t. LX, p.291:
t. LXIT, p. 58; t. LXIII, p: 587; 1895-1896.
2 Learues : Fluid exchange in tissues. Journal of Physio-
logs, vol. XIX, 1895-1896.
# Faxo et Borrazzr : Travaux du Laboratoire de Physiolo-
gie de Florence, 1896.
10*
170
des tissus et l'équilibre osmotique était obtenu au
moment même où finissait l'injection, ainsi que le
prouvait l'arrêt dans l'augmentation de la masse
du sang. Un échantillon de lymphe thoracique,
recueilli pendant les deux minutes qui suivirent
l'arrêt de l'injection, fut trouvé en équilibre osmo-
tique avec le sérum recueilli lors de l'arrêt.
Cette rapidité extrème d’équilibration à travers
la paroi des capillaires se conçoit très bien, si l'on
songe et à la minceur de cette paroi et à son immense
surface.
Pour ce qui est des lymphagogues de première
classe, Slarling établit d'abord que la lymphe, dont
ils provoquent l'écoulement, provient en grande
partie, sinon exclusivement, du foie, ce qui explique
sa plus grande richesse en albuminoïdes. Une ana-
lyse approfondie des phénomènes l'amène à la con-
clusion que cette augmentalion de la production de
lymphe hépatique n’est pas due à des changements
dans les conditions mécaniques de la cireulation à
travers le foie, mais à une augmentation de la per-
méabilité des capillaires de cet organe. D'après le
physiologiste anglais, cette transformalion des
conditions de perméabilité n'est pas un phénomène
physiologique, et la production exagérée de lym-
phe n’est pas l'exagération d'une fonction sécré-
toire normale, mais le résultat d'une transformation
pathologique de l'endothélium vasculaire.
Cette influence nuisible serait à rapprocher de
l'action meurtrière qu'exercent plusieurs lympha-
gogues de première classe sur les leucocytes
(Lœwit, Wright).
EL ici apparaît pour la première fois, dans ces
recherches sur la formation de la lymphe, le rôle
que joue la cloison. On a souvent voulu faire, des
différences entre les propriétés filtrantes d’un tissu
vivant et du même tissu mort, un argument en
faveur des doctrines vitalistes. Il s’agit de s'en-
tendre :
Les expériences de de Vries sur la valeur osmo-
tique des solutions salines ont toutes été faites
avec des cellules vivantes el celles-ci se sont com-
portées comme de vraies osmomètres minuscules à
cloison semi-perméable. Ici, sans aucun conteste,
les phénomènes observés pendant la vie du proto-
plasme pariétal sont en accord rigoureux avec les
lois physiques de l’osmose. Or, ces mêmes cellules
morles montrent des propriétés osmotiques tout
différentes; leur imperméabilité à une foule de sub-
slances à disparu. Ceci prouve-l-il contre la nature
physique des phénomènes observés pendant la vie?
En aucune façon : vivant, le protoplasme pariélal
possédait certaines propriétés osmotiques ; mort,
il en a d’autres; mais ni dans un cas ni dans l'autre
il n'intervient activement pour régler les échanges.
Si donc l’endothélium vasculaire présente vivant et
D° P. NOLF — LA PRESSION OSMOTIQUE EN PHYSIOLOGIE
rigoureuses et bien déterminées. L'une des consé=
normal une perméabilité différente de celle qu'il
possède en état de maladie ou de mort, cela n'est
pas une preuve que la lymphe ne soit pas formée
suivant les seules lois physiques de filtration et
d'osmose. La vie de la cellule n'a ici pour effet ques
d'établir et de maintenir cerlaines conditions de
perméabilité. Celles-ci étant données et ne variant
pas d'un moment à l'autre, la filtration de la lymphe
doit s'établir nécessairement, d'après des lois
quences de celles-ci, c'est que jamais une pareille
membrane, qu'elle soit vivante ou morte, ne pourra
être mouillée sur ses deux faces que par des
liquides en équilibre osmolique (en admettant, bien
entendu, un temps suffisant pour l'établissement
de cet équilibre).
Cette importance de l'intégrité de la paroi capil=
laire au point de vue de la formation de la lymphe
avait été démoutrée par de nombreuses expériences
de Cohnheim, qui, par l'application de divers irri=
tants, était parvenu à créer des œdèmes locaux sous
l'influence d'une pléthore hydrémique.
Tout récemment Magnus ‘, en soumettant des
lapins et des chiens à l'action de divers poisons
(tels que éther, chloroforme, arsenic, phosphore,
état urémique...), a pu produire chez eux des
ædèmes eutanés étendus, par l'injection de sérum
artificiel, qui, à lui seul, ne produisait aucun effet.
Ici encore, comme pour les lymphagogues de pre-
mière classe (d’après Starling), il s’agit bien plutôt
d'une véritable lésion de la cellule endothéliale que
d'une exagération de sa fonction normale, de sa
sécrétion, comme le voudraient Heidenhain ou
Hamburger *.
Quelles sont donc les conditions de perméabilité
de la paroi des capiliaires normaux? Des expé-
riences citées plus haut, on peut conclure que tous
les éléments cristalloïdes du sang traversent rapi=
dement la paroi des capillaires. En est-il de même
des albuminoïdes?
D'après Slarling, il y a lieu de faire ici une dis=
linetion entre les capillaires, suivant les organes
qu'ils nourrissent.
La lymphe des membres contient environ 2-3 °},
d'albuminoïdes, celle de l'intestin 4-6 ?/,, celle du
foie 6-8 °/,, c'est-à-dire autant ou presque aulant
que le plasma sanguin.
Or, ces richesses différentes correspondent à des
degrés de perméabilité différents. C'est ainsi ques
la stase veineuse produira des effets très marqués
1 Maoxus : Die Entstehung der Iautœdeme bei experi
menteller bydræmische Plethora. Archiv 1ùr experimentell@
Pathologie, t. XLIT, 1899.
2 HaweurGer : Zur Lehre der Lymphbhildung. Archiv fu
Physiologie de Dubois-Reymond, 1895; et Zeitschrift fü
Biologie, 1893.
D' P. NOLF — LA PRESSION
dans le foie, moindres dans l'intestin et faibles dans
“es membres. De même la pléthore hydrémique, qui
ne produit pas d'écoulement de lymphe dans les
“membres, accroit dans des proportions colossales
le flux de lymphe du canal thoracique. Si donc la
lymphe des membres contient moins d'albumi-
noïdes que la lymphe viscérale, c’est que les capil-
- laires ne laissent passer les albuminoïdes du sérum
qu'en beaucoup plus faible quantité. Il existe
- dans les vaisseaux une concentration de ceux-ci
- beaucoup plus considérable qu'autour d'eux. Or, les
albuminoïdes du sérum auraient, d'après des
mesures directes de Starling", un pouvoir osmotique
- d'environ 30 millimètres de mercure, c'est-à-dire
“que, placés dans un osmomètre à paroi imper-
méable pour eux, mais perméable aux sels du
sérum, ils atlirent vers l'intérieur de l'osmomètre le
liquide salin avec un effort tel, qu'il faut une pres-
“sion hydrostatique de 30 millimètres de mercure
: réguant à l'intérieur de l'osmomètre pour le con-
“ trebalancer. Si l’on venait à augmenter la pression
“interne, le liquide salin filtrerait en dehors et le
- liquide intérieur s'enrichirait en alhuminoïdes. Or,
les capillaires des membres constiluent une mem-
brane peu perméable aux albuminoïdes du sérum.
Ceux-ci retiennent donc à l’intérieur des vaisseaux
la masse liquide du sang, et la force de ce pouvoir
est celle que mesure l'osmomètre. D'autre part, il
règne dansles vaisseaux une pression hydrostatique,
la pression sanguine, qui, au niveau des capillaires,
atleint une valeur de même grandeur que l'altrac-
tion des albuminoïdes, mais s'y exerce en sens
iaverse, et diminue dans les capillaires veineux.
Comme adjuvant des forces osmotiques, il y a lieu
de ciler la pression intérieure des organes, dont
l'action neutralisera une partie de la pression san-
…guine. Slarling® voit, dansle jeu combiné de ces fac-
“teurs, un ensemble de forces suffisant pour expli-
uer, Sans aucune intervention aclive de l'endo-
thélium vasculaire, l'équilibre remarquable qui
existe entre liquides intra etextra-vasculaires. Les
constiluants liquides du sang, sollicités par des
forces à peu près égales et d'action contraire, sont,
“au point de vue du choix qu'ils ont à faire entre
l'extérieur et l'intérieur des vaisseaux, dans un
Dur d'incertitude permanent. Cèdent-ils au niveau
“des capillaires artériels à l’action dominante de la
“pression sanguine, ils diluent le liquide extra-vas-
culaire et concentrent le liquide sanguin d'autant
“(en albuminoïdes) : conditions favorables pour
l'établissement d'un mouvement en sens inverse,
qui s'effectuera dès que la pression sanguine sera
LE. H. SraruiG : The glomerular functions of the Kidney.
Journal of Physiology, t. XXIV, 1899.
© SrarLixG : On the absorption of fluids from the connec-
tive tissue spaces. Journal of Physiology, t. XIX, 1895-96.
OSMOTIQUE EN PHYSIOLOGIE
de
|
=
très légèrement diminuée, c'est-à-dire au niveau
des capillaires veineux. Il pourra done s'effectuer
une fillration continue de liquide dans une partie
de l'arbre circulaire, avec résorplion équivalente
dans l’autre.
Dans les parties de l'organisme, le foie par
exemple, où la lymphe est très riche en albumi-
noïdes, le pouvoir osmotique (effectif) du sang sera
fortement diminué, le liquide transsudé aura peu
de tendance à rentrer dans les vaisseaux. C'esl
aussi là que se forment les plus grandes quantités
de lymphe el que règne d'ailleurs la pression capil-
laire la plus faible.
D'après les idées de Slarling, également soute-
nues par Cohnstein, ce n’est done aucunement la
tension osmotique totale du plasma qui importe
au point de vue des échanges de liquides entre les
tissus et le sang, mais la fraction très faible de
cette tension qui est due aux substances pour
lesquelles l'endothélium vasculaire est peu ou pas
perméable, c'est-à-dire les albuminoïdes (tension
osmolique effective). Quand on injecte dans les
veines d'un animal des solulions concentrées de
cristalloïdes, on augmente passagèrement la tension
osmolique tolale du sang; mais l'équilibre s'établit
presque instantanément par sortie d'eau des lissus ;
d'où dilution considérable du sang et abaissement
proporlionnel de la tension osmolique effective.
Cette diminulion de la tension osmotique effective
joint ses effets à l'augmentation de pression dans
les capillaires qu'amène la pléthore hydrémique, et
l'on voit se produire une diurèse abondante et un
écoulement exagéré de lymphe thoracique. Mais ces
phénomènes ne durent guère et, après quelques
heures, l'état normal s'est rétabli.
Quels sont les effets de l'injection de solutions
concentrées de colloïdes, telles que le sérum épaissi,
la gomme arabique, la gélaline, ete. ? Lei aussi, on
assiste, sitôt l'injection faile, à une véritable dilu-
lion du sang, ainsi que l’atteste la forte diminution
du nombre des hématies!. À ce point de vue donc,
identité absolue entre colloïdes et cristalloïdes.
Muis l'effet de la pléthore causée par les crislal-
loïdes était une diminution de la pression osmolique
effective du plasma sanguin, qui est augmentée au
contraire dans la pléthore due aux colloïdes. Dilré-
rence essentielle au point de vue de la théorie phy-
sique de la filtration, différence essentielle aussi au
point de vue du résultat ultérieur de l'injection.
Tandis que lymphe et urine coulent abondamment
après l'injection des cristalloïdes, il ne se produit,
dans la pléthore due aux colloïdes, ni augmentalion
de l'écoulement de la lymphe, ni accélération de la
1 Czerxy : Versuche über Bluteindickung und ihre folgen.
Archiv für experimentelle Pathologie und Pharmakologie,
. XXXIV.
ED. SAUVAGE — LES LOCOMOTIVES A LA FIN DU XIX° SIÈCLE
sécrélion urinaire’ (quand la solution de colloïde
est suffisammentconcentrée). Et l'appauvrissement
du sang en globules rouges, passager dans le pre-
mier cas, peut persisler pendant des jours pour je
second.
A côté des facteurs (pression capillaire, pouvoir
osmotique des albuminoïdes, diffusion), dont lac-
lion a élé mise hors de doute par les travaux
exposés jusqu'ici, il y a lieu de citer aussi la désin-
tégration moléculaire, qui s'effectue dans les tissus.
C'est Koranyi* qui a insisté particulièrement sur le
rôle de celle-ci’. Les phénomènes vitaux s'accom-
pagnent d’une destruction de grosses molécules en
molécules plus petites et plus nombreuses, d'où
hausse de la valeur osmolique dans les liquides cel-
lulaires et péri-cellulaires, hausse qui est maintenue
constante grâce à la continuité de la vie. Cette diffé-
rence constante de niveau osmotiqueentreleliquide
intra- et extra-vasculaire aura pour effet la sorlie
d'une certaine quantité d'eau des vaisseaux el agira,
par conséquent, comme adjuvant de la filtration due
à la pression sanguine. Plus un tissu ou un organe
déploieront d'aclivité vitale, plus intense sera
l'action de ce nouveau facteur, plus abondante aussi
sera la formation de la lymphe.Asher et Barbera*ont
récemment insisté beaucoup sur le rapport existant
entre l'activité de diverses glandes et la quantité
de lymphe qui s'en écoule et ils en sont arrivés à
admettre, comme facteur essentielet actif de forma-
tion de lymphe, non pas l'endothélium vasculaire,
mais les cellules glandulaires elles-mêmes. D'après
eux, la pléthore hydrémique n'agirait que gràce à
son action excitante sur les diverses sécrétions, él
la peptone devrait son activité lymphagogue à sons
pouvoir cholagogue prononcé.
Pourquoi l’action sur la sécrétion doit-elle êtres
considérée comme primilive, et l'accroissement
d'écoulement de lvmphe comme secondaire, voilà
ce que ne nous disent pas ces auteurs. Et, d'autre.
part, dans des recherches plus récentes, où, grâces
à l'emploi de poisons vasculaires, Asher empêche
l'action lymphagogue et cholagogue de la peptone;
il n'en obtient pas moins, par l'injeelion de cristal=
loïdes, un écoulement de lymphe aussi considérable
que normalement.
Il n'en est pas moins vrai que ces travaux ont’
mis en lumière l'importance de l’activité organique.
sur la formation de la lymphe, en excluant dans
les cas examinés les changements mécaniques de
la cireulation. Il résulte de celte longue revue qu'il
serait imprudent d'être trop exclusif et de vouloir
rattacher à telle ou telle cause unique la formation
de la lymphe. Les recherches exposées plus haut
ont montré la valeur de quelques facteurs. IL en
existe probablement encore d'autres, dont de fu="
turs travaux montreront la nature et l'importance.
Dans un second article, nous examinerons le
rôle des phénomènes osmoliques dans l'absorption
intestinale el les sécrétions glandulaires.
D' P. Noli.
Assistant de physiologie
à l'Université de Litge.
LES LOCOMOTIVES À LA FIN DU XIX° SIÈCLE
récent arlicle à l'exa-
: mais,
La /evue à consacré un
men d'ensemble de la machine à vapeur”
parmi les machines, les locomotives méritent une
élude spéciale. L'imporlance des services rendus
par les locomotives, le grand nombre de ces ma-
“hines à la surface de la terre, nombre qu'on peut
estimer à 130.000 ou 140.000, l'augmentation de
i Srmo : Ueber Diurese. Archi für experimentelle Patho-
logie, €. XLI.
2 Koranvyi : Zeitschrift fu: kliniseche Mediein, t. XXXUIT,
p. 1. 1898.
# Voir aussi Rorn : Permeabilität der Cipillarwand. Archiv
fur Physiologie, 41899.
‘ Asuen et Banpena : Eigenschaften und Entstehung der
Lymphe. Zeitschrift für Biologie, t. XXXVI, p. 154-255, 1898.
Asuer : Zhidem, t. El P- 20101899;
Asuer et G1es : Zbidem, LE des p. 180, 1908
Asuer et BUscH : 5 TE t. XL, p. 333, 1900.
5 Les machines à vapeur en 1900, numéro du 15 sep-
tembre 1900, p. 1.001.
leur puissance dans les construclions récentes,
enfin l’adoption assez générale de cerlains types,
analogues par divers construcleurs, rendent cette
élude particulièrement intéressante.
Pour arrèler les dispositions d'une locomotive,
il convient de préciser la nalure des services qu'on
lui demande: elle doit remorquer un train de poids
donné, avec une vilesse délerminée, sur une cer
laine ligue de chemin de fer. Ces lermes un peu
vagues du problème se précisent quand on re=
marque que la résistance à la traction des trains,
composés d'un malériel bien construit et de type dé=
terminé, entretenu en bon état, a une valeur assez
constante pour chaque vitesse, sur une voie horizon=
tale (à moins que le train ne soit soumis à l’action
d'un vent violent, qui peut en augmenter beaucoup
à
La
… Ja résistance). Cette résistance des trains, exprimée
“en kilogrammes par tonne, fait connaître l'effort
de traction nécessaire pour remorquer chaque
n
_ tonne’.
A celle résistance intrinsèque des véhicules
s'ajoute celle qui résulte de l'inclinaison de la voie,
une rampe d'un certain nombre de millimètres par
mètre augmentant d'autant de kilogrammes par
tonne la force de traction nécessaire. Les courbes
causent aussi une résistance supplémentaire.
Après avoir ainsi défini le fonctionnement nor-
mal de la locomotive, il ne faut pas oublier qu’on
lui demande de travailler dans.des conditions aussi
variées que possible, en remorquant des charges
moindres à plus grande vilesse, et plus fortes à
vitesse réduite. La variation du régime résulle
d'ailleurs, avec un même train, des changements de
. l’inclinaison des voies.
Pendant les périodes de démarrage, la locomo-
- Live doit fournir l'excès d'effort de traction
“saire pour imprimer au train une accéléralion
suffisamment rapide.
Le poids de la locomotive a des limites fixées
d’après la solidité des ponts qui ont à la porter; en
outre, la charge sous chaque roue est limitée par
les condilions d'’élablissemeut de la voie. Il est
d’ailleurs évident que la locomotive doil être essen-
tiellement une machine légère relativement à sa
puissance, puisqu'elle constitue une masse à un
certain point de vue inutile qui s'ajoute au train
utilement transporté.
Une autre sujétion résulle de la nécessité d’ins-
crire le profil transversal de la locomotive dans le
gabarit de la ligne qu'elle doit parcourir. Les gaba-
rits diffèrent beaucoup d'un pays à l'autre: ils sont
très petits en Angleterre, moins resserrés dans
l'Europe continentale; c'est en Amérique qu'ils
atteignent les plus grandes dimensions, en hauteur
et en largeur.
Il est de première importance que la locomolive
circule avec une entière sécurilé sur les rails, aux
plus grandes vitesses ; il ne faut pas qu'elle faligue
outre mesure ni qu'elle déforme la voie, el même
elle doit franchir aisément, sans être exposée au
déraillement, les inégalités accidentelles qu'on
n'est jamais sûr d'éviter absolument, quelque soin
qu'on apporte à l'entretien.
Enfin la locomotive doit satisfaire à la condition
primordiale de tout appareil industriel: elle doit
. travailler économiquement.
Le prix de revient du service des locomotives
néces-
1 Pour fixer les idées, on peut admettre, aux vitesses de
25, 50, 15 et 100 kilownètres à l'heure, des résistances de
2 — 3,5— 5 et 6,5 kilogrammes par tonne; toutefois, ces
valeurs sont assez variables, suivant les dispositions du
matériel.
à ED. SAUVAGE — LES LOCOMOTIVES A LA FIN DU XIX° SIÈCLE
173
dépend d'ailleurs non seulement des machineselles-
mêmes, mais beaucoup de l'usage qu'on en fait.
Quand on emploie des locomotives puissantes à
remorquer des charges réduites, on les ménage;
les dépenses d'entrelien et de combustible sont
modérées; pourvu que les charges ne soient pas par
trop insuffisantes, il est probable que, rapportées
au cheval-heure, ces dépenses atleindraient leur
minimum. Au contraire, on peut surmener les
machines, leur faire trainer la charge la plus lourde
qu'elles puissent prendre, pour une vitesse déter-
minée; la production de la chaudière est alors
forcée jusqu'à ses dernières limites, et la vapeur
n'est pas utilisée économiquement. Les dépenses de
et d'entretien augmenteront
beaucoup. Mais les frais de personnel sont mieux
ulilisés; les charges de capital sont moindres, et
cette marche, rapportée à la tonne kilométrique
transportée, peut être la plus avantageuse. En un
mot, il ne s'agit pas de produire l'unité de travail
(le cheval-heure par le moteur avec la
moindre dépense, il faut abaisser au minimum le
prix de revient des transports, par exemple le prix
de la tonne transporlée à un kilomètre, en tenant
comple de loutes les dépenses du chemin de fer.
combustible aussi
fourni
IT
L'effet ulile de la locomotive peut se mesurer par
un certain effort de traction et par une certaine
vitesse: en multipliant l'effort par la vitesse, on
oblient l'expression de la puissance de la machine !.
C'est la puissance utile, qui résulte de l'effort de
traction sur le crochet d’attelage ; mais la puissance
de la locomotive se présente sous trois étals suc-
cessifs: la vapeur, en poussant les pistons, produil
d'abord la puissance indiquée; vient ensuite la
puissance eflective du moteur, qui résulte de la
poussée horizontale exercée sur les rails par les’
roues motrices : par suite des froltements du méca-
nisme, celte puissance effeclive est moindre que
la puissance indiquée. Enfin, pour arriver à la puis-
sance ulile, on subit un second déchet, fort impor-
tant, parce que la locomotive doit se trainer
elle-même, avec son tender qui porte les appro-
visionnements d’eau et de charbon qu'on juge
nécessaires, suivant la longueur du parcours. On
doit toutefois remarquer qu'une portion de la diffé-
1 La définition de la puissance, quotient du travail par la
durée, est rappelée dans l’article précité de la Æevue (15 sep-
tembre 1900, p. 1001). Le produit d'une forse parune vitesse,
c'est-à-dire par le quotient d'un espace parcouru par la
durée du parcours, est le produit d'une force par un par-
cours, c'est-à-dire un travail, divisé par une durée; c'est
donc bien une puissance. Même les techniciens confondent
souvent, d'une manière fâcheuse, les expressions fonda-
mentales : force, travail et puissance.
41%
rence entre la puissance effective et la puissance
utile correspond au travail absorbé par la résistance
de l'air, dont'une fraction serait, en toute rigueur,
attribuable au train, en partie masqué par le
tender.
C'est surtout aux vitesses extrêmes que le poids
de la locomotive et du tender vient en
réduire beaucoup l'effet utile. A mesure que la
vitesse augmente, l'effort maximum de traction
qu'on peut produire diminue, parce que, d'une part,
la production de là vapeur ne peut augmenter
proportionneliement à la vilesse, et parce que les
laminages de vapeur réduisent de plus en plus la
pression sur les pistons. D'ailleurs, la locomotive
elle-même, avec son tender, exige une part crois-
sante de cet effort réduit: on est obligé de dimi-
auer de plus en plus la charge utile, si bien qu'on
arrive à une limite où elle serait nulle.
A petile vitesse, lorsque la grandeur de Feffort
moyen nécessaire tient à lamontée defortes rampes,
le poids de la locomotive devient une fraction
importante du poids total remorqué, jusqu'à ce
qu'on arrive à la rampe limite où elle se remorque-
rait seule.
La liaison de deux ou plusieurs essieux, à l'aide
de hielles d'accouplement, qui les obligent à tourner
ensemble, permet de profiter, pour l'adhérence, du
poids supporté par les essieux ainsi couplés.
Pour remorquer de lrès fortes charges, à vitesse
nécessairement réduite, on a besoin d'une grande
adhérence, la grandeur de l'effort de traction
résultant des dimensions des cylindres et du faible
diamètre des roues. Dans cerlains cas, on arrive à
l’adhérence totale, lous les essieux étant moteurs.
L'effort de traclion, qui s'exerce à la jante des
roues motrices, ne doit pas dépasser la limite de
l’adhérence, sinon les roues se mettent à paliner
au lieu d'avancer en roulant sur les rails. Cette
limite d'adhérence, assez variable, peut atteindre
le sixième ou le cinquième du poids que la roue fait
porter au rail ; elle s'abaisse beaucoup quand les rails
sont humides, mais le sable permet de la ramener
à une valeur à peu près suflisante.
La limite du poids sous les roues, qui dépend de
la constitution des voies, parait êlre actuellement,
sur les grandes lignes françaises, de 17 à 18 tonnes
pour l’ensemble des deux roues d'un essieu. Ce
poids est parfois dépassé en Angleterre et aux
Etats-Unis ; trouve des exemples d'essieux
chargés à 20 et 22 tonnes. En outre, on doit lenir
comple, dans une certaine mesure, du rappro-
chement plus ou moins grand des différents
essieux.
On ne peut pas aller plus loin, c'est-à-dire utiliser
toute la puissance de la machine en remorquant de
plus fortes charges à des vilesses encore réduites,
même
on
ED. SAUVAGE — LES LOCOMOTIVES A LA FIN DU XIX° SIÈCLE
parce que l'effort de traction devrait dépasser celui
que l'adhérence permet d'utiliser. Il est alors
nécessaire d'employer d’autres dispositions, par
exemple de recourir à la crémaillère.
Il est clair qu'il est aisé de construire des loco-
motives n’atleignant pas les limites de poids impo-
sées, et de puissance réduite. Cela est quelquefois
utile, surtout pour des réseaux secondaires ; mais,
en général, les chemins de fer ne manquent pas de
Jocomolives anciennes, relativement faibles, qui
conviennent pour les services faciles.
On a parfois critiqué la largeur usuelle des voies,
1%,44 environ entre les bords intérieurs des rails,
en disant qu'elle imposait une limite fâcheuse à la
puissance des locomolives, et qu'une largeur un
peu plus grande aurait permis une amélioration
considérable dans la construction de ces machines.
On faisait cette critique il y a quinze ou vingt ans;
et, depuis cetle époque, bien que la largeur des
voies n'ait pas élé augmentée, on à énormément
accru la puissance des locomotives. Il est certain
que le constructeur de locomotives trouve en
général que la place lui est élroilement mesurée
pour loger tous les organes de la machine et leur
donner des dimensions suffisantes. Mais il n’est
pas évident qu'une voie plus large permettrait
d'augmenter beaucoup la puissance des machines,
parce que, pour en profiter, il faudrait dépasser les
limites des poids que peuvent porter les rails; il
faudrait donc une voie non seulement plus large,
mais encore plus robuste. Or, qu'on donne simple-
ment aux constructeurs de locomolives celte voie
renforcée, ils sauront bien accroître encore la puis-
sance de leurs machines.
Dans l'étude de la locomotive, on considère sépa-
rément la chaudière, qui produit la vapeur, le
moteur, qui l'utilise, et le véhicule, qui porte l'en-
semble. C’est une division du sujetcommode; mais,
pour la construction de nouvelles locemotives, il
faut prendre garde de se laisser entrainer à la
déterminalion séparée de ces différentes parties,
qui doivent s'assembler entre elles d'une façon
étroite, de manière à composer un ensemble homo-
gène. Tous les organes d'une locomotive dépendent
les uns des autres, et, si on ne les détermine pas
comme membres d'un corps unique, on risque de
créer un monstre, au lieu de produire une machine
présentant les qualités nécessaires d'harmonie et
d'unité.
III
La chaudière de locomotive est assez compliquée,
mais elle s'adapte bien aux conditions spéciales
qui lui sont imposées.
Il est digne de remarque que, malgré des essais
de dispositions nouvelles, parfois très ingénieuses,
ED. SAUVAGE — LES LOCOMOTIVES À LA FIN DU XIX° SIÈCLE
telles que l'emploi des foyers circulaires en tôle
“ondulée de la marine, la suppression complèle
de la boîte à feu avec le foyer, remplacés par une
chambre en briques, on s'en est toujours tenu,
“en pratique, au vieux système de la chaudière
“tubulaire avec ses différentes parties agencées de
_ même.
Cette chaudière se compose d'une hoïte à feu,
‘dans laquelle se trouve placé le foyer, d'un corps
cylindrique, fixé à la boite à feu et traversé par un
“grand nombre de lubes qui reçoivent les gaz chauds
produits dans le foyer, d'une oïle à fumée, où
pénétrent les gaz sortant des tubes, et que surmonte
la cheminée.
—. Le foyer est formé de quatre faces à peu près
“ verlicales, et d'un cie] horizontal, qui le ferme à la
partie supérieure; il est ouvert à la partie infé-
rieure, où est placée la grille.
La boite à feu a des faces verticales placées à
“pelite distance de celles du foyer, auxquelles elles
“sont reliées par des eztreloises ; à la base, un
cadre ferme l’espace occupé par des lames d'eau
entre les tôles voisines.
La face avant du foyer, dite plaque tubulaire, est
percée de trous où s'ajustent les lubes, dans la
partie qui correspond au corps cylindrique.
La face supérieure de la boîte à feu peut être une
paroi plane, rallachée par des entretoises au ciel
du foyer; c'est la disposition la plus solide et la
plus simple, qu'on applique de plus en plus
fréquemment dans les constructions récentes.
On à beaucoup employé, notamment dans la
construction anglaise, une boile à feu fermée à la
partie supérieure par un berceau demi-cylindrique
qui prolonge le corps cylindrique; la consolidation
du ciel du foyer est alors plus difficile. Cette
“disposition donne une ligne très simple à la
ilhouette extérieure de la locomotive; mais, à
esure que ceux qui voient les machines se rendent
ieux comple des condilions de résistance des
iverses parlies, ils en arrivent à préférer, au
simple point de vue esthélique, les formes qui
indiquent ia construction la plus logique.
- La largeur de la grille est souvent limitée à un
mètre, parce qu'elle est contenue dans le foyer,
“monté lui-même à l'intérieur de la boite à feu
“descendant entre les longerons, placés entre les
“roues. D'autre part, la longueur de la grille ne peut
$ guère dépasser 3 mètres, pour la commodité du
… chargement. Toutefois, dans certains cas, la boite
“à feu déborde au-dessus des longerons intérieurs
et mème des roues, ce qui augmente la largeur de
-la grille : cette disposition a été appliquée en
Belgique par feu M. Belpaire, et le foyer Wootten,
usité sur certaines locomotives américaines, ren-
“
ferme une grille destinée à brûler des anthracites |
menus, dont la surface atteint 9 mètres carrés.
Dans les locomotives à grandes roues, on à
pendant longtemps placé le corps cylindrique en
grande partie entre les roues, ce qui en limitait
étroitement le diamètre, puisque la Lôle de la chau-
dière doit toujours rester à quelque distance des
roues ; On paraissait allacher quelque importance
à ce que l’axe de la chaudière ne fût pas placé trop
haut. Mais on a reconnu, depuis plusieurs années,
qu'il n'y avait aucun inconvénient à élever cet axe
beaucoup plus qu'on ne le faisait précédemment :
le diamètre du corps cylindrique peut alors être
suffisamment augmenté pour les locomotives à
grandes roues comme pour les autres : on trouve,
sur certaines machines américaines, des diamètres
dépassant 2 mètres, et la hauteur de l’axe au-
dessus du rail atteint 2",900.
Les {ubes, traversés par les gaz chauds du foyer,
donnent une surface de chaufle étendue dans une
chaudière relativement petite. Pour une longueur
donnée entre les deux plaques tubulaires où ils
s'ajustent, et pour une même section transversale
du corps cylindrique à garnir de tubes, cette
surface de chauffe est d'autant plus grande que
les tubes sont plus rapprochés et de plus petit
diamètre.
Mais il y à inconvénient à serrer par trop les
tubes : dans les plaques lubulaires, les parois
métalliques trop minces, qui restent entre les trous,
se rompent aisément: d'autre part, les Lubes trop
serrés ne laissent plus assez d'espace dans la chau-
dière pour l'accès de l’eau et le dégagement de la
vapeur, et les intervalles trop étroils se remplissent
facilement d’incrustations déposées par les eaux
calcaires ou sélénileuses. Aussi ne parail-il pas
avantageux de descendre au-dessous de 45 milli-
mètres pour le diamètre extérieur des tubes (ce qui
donne 40 millimètres environ à l'intérieur), et ül
convient que la distance de centre à centre de ces
tubes dépasse 60 millimètres.
Une application intéressante, fréquente surtout
en France, est celle des tubes Serye à ailettes inté-
rieures : ces ailettes augmentent la surface en
contact avec les gaz chauds, et on peut alors
employer des tubes plus gros (70 millimètres à
l'extérieur) en moins grand nombre.
L'emploi des tubes à ailettes a définitivement
tranché, par un argument pratique irréfutable, une
ancienne discussion sur la manière de mesurer la
surface de chauffe des chaudières : les
taient la surface intérieure des lubes, en contact
avec les gaz chauds, lesautres la surface extérieure,
baignant dans l'eau. On avait une certaine préfé-
rence pour celte seconde méthode, parce qu'elle
donne de plus grands nombres, qui font meilleur
effet sur le papier. Mais les tubes à aileltes inlé-
uns COMpP-
476
ED. SAUVAGE — LES LOCOMOTIVES A LA FIN DU XIX° SIÈCLE
rieures, dont la surface mouillée est fort réduite
par rapport à la surface chauffée, donnent de bons
résultats ; c’est donc cetle dernière qui est la plus
importante. Une autre preuve de ce fait se voit dans
le faible échauffement du métal des chaudières
cette heureuse circonstance tient à ce que la cha-
leur entre difficilement dans la tôle, tandis qu'elle
sort aisément dans l’eau.
On ne doit pas considérer uniquement la surface
de chauffe des tubes, mais il faut tenir compte de
la section transversale, qui détermine le passage
ouvert aux gaz chauds, se rendant du foyer à la
cheminée. Trop petite, cette section diminue l’acti-
vilé du tirage. On est le plus souvent obligé, pour
consolider l'emmanchementdes tubes dans la plaque
tubulaire du foyer, d'y enfoncer des hagues ou
viroles,qui réduisent beaucoup la section à l'entrée.
Un organe essentiel et caractéristique de la loco-
motive est la {uyère d'échappement, qui rejette
dans la cheminée la vapeur sortant des cylindres,
de manière à produire un tirage forcé des plus
intenses. Il convient que l'appel soit énergique,
qu'il puisse être gradué suivant les besoins, que
l'air soit également réparti sur toute la surface de
la grille, et que la tuyère d'échappement ne crée
pas une contre-pression trop forte sur les pistons.
Certaines études théoriques et quelques expé-
riences spéciales ont été faites pour déterminer les
meilleures disposilions de l’échappement. Néan-
moins, les résultats de ces recherches sont loin
d’être complets, et c'est d’après quelques règles
empiriques assez mal établies qu'on dispose habi-
tuellement les tuyères d'échappement des locomo-
tives. Il y a place pour de nouvelles études, et pour
des perfectionnements peut-être importants.
Les boites à fumée étaient autrefois aussi pelites
que possible. Depuis une dizaine d'années, on a
beaucoup appliqué en Europe la hoïle à fumée
allongée, longue de deux mètres environ, originaire
d'Amérique. Grâce à sa vaste capacité, elle peut
recueillir une grande quantité d’escarbilles, entrai-
nées par le tirage actif,sans que ces escarbilles accu-
mulées viennent obstruer le débouché des tubes.
Les ingénieurs européens ont récemment appris,
avec une cerlaine surprise, qu’un retour à la boile
de plus pelite dimension paraissait se produire en
Amérique, tandis qu'ils étendaient les applications
de la boite agrandie. Voici les motifs de celte nou-
velle pralique américaine. On pousse tellement la
combustion, aux États-Unis, que les entrainements
aucune boîte à fumée,
quelle qu'en fût la capacité, ne saurait les recueillir
en totalité. À quoi bon alors en garder une fraction?
On à pris le parti de disposer les appareils pour
que les escarbilles soient rejelées par la cheminée,
toutefois après s'être broyées par le choc contre
d'escarbilles sont énormes :
z
les parois de la boite à fumée, afin d'éviter la pro=
jection de gros fragments pouvant allumer des
incendies.
La pression effective de la vapeur s'élève à
14, 15 et même 16 kilogrammes par centimètre
carré pour les locomotives compound; elle est
généralement limitée à 10 ou 12 kilogrammes par
centimètre carré pour les locomotives à simple
expansion. L'emploi de tôles d'acier doux, de
qualité très uniforme, a permis à la fois d'aug-
menter la pression et les dimensions de la chaudière
sans accroître l'épaisseur du métal aulant qu'il
l'aurait fallu d’après les règles anciennes. Pour les
foyers, on emploie en Europe le cuivre, tandis qu’en
Amérique on les construiten tôles d'acier beaucoup
plus minces; il en résulte non seulement une éco-
nomie sur le prix du métal, mais encore une réduc-
tion fort appréciable du poids. En Europe on à
trouvé jusqu'ici que la durée des foyers d'acier
était trop courte, et qu'il en résultait une augmen-—
lation de dépenses pour l'entretien; en présence de”
la nécessité d'augmenter toujours la puissance des
machines, sans dépasser certaines limitesde poids,
il serait désirable qu'on püt arriver à construire
dans de bonnes conditions des foyers très légers.
Pour apprécier, d'une manière générale, une
chaudière de locomotive, il convient de considérer
la production de la chaleur, qui dépend des dispo-
sitions du foyer, des tubes, de l'échappement el
principalement de la surface de la grille, el l'utili-
sation de la chaleur produite, qui est en rapport
avec la surface de chaufe. L'action des différentes
parties de la surface de chauffe d'une chaudière est
fort inégale : tandis que les premiers mètres carrés
de cette surface, en contact avec les gaz très chauds
de la combustion, et surlout ceux qui forment la
surface de chauffe direcle, qui reçoivent en outre
la chaleur rayonnante dégagée par le combustible,
absorbent beaucoup de chaleur dans un temps
donné, la transmission est bien moins active à
travers les derniers mèlres carrés, baignés par des
gaz déjà refroidis. La production des chaudières
est donc loin d'être proportionnelle à la surface de
chauffe.
IV
De même que la chaudière, le mécanisme de la
locomotive est resté le même en principe depuis
soixante ans : la distribution de la vapeur est tou-
jours effectuée dans chaque cylindre par un tiroir
unique, commandé par un appareil de changement
de marche, tel que l'ancienne coulisse de Ste-
phenson. Cette coulisse est encore usitée, mais
souvent on fait usage d'autres mécanismes équi-
valents, plutôt à cause des convenances de l’instal-
lation dans chaque cas particulier, qu’en raison de
De te tr
ED. SAUVAGE — LES LOCOMOTIVES À LA FIN DU XIX° SIECLE
ES
1
—
a
leurs avantages intrinsèques comme appareils de
|Mistribution. Parmi ces mécanismes, celui de Wals-
Chaerts, fort employé en Belgique, en France et en
Allemagne, convient surtout pour commander des
tiroirs placés au-dessus de cylindres extérieurs. Le
“mécanisme de Walschaerts prend un des mouve-
inents de commande du tiroir sur la crosse du
piston, ce qui élimine l'influence perturbatrice de
l'obliquité de la bielle motrice, d'où résullent, avec
d'autres systèmes, des inégalités dans l'admission
Sur les deux faces du piston.
— Les essais de distributions petfectionnées, à
tiroirs superposés, à obturateurs multiples, sont
restées à l'état d'applications isolées.
Au tiroir plan ordinaire, qui consomme un travail
notable en frottements inutiles et même nuisibles,
“car ils produisent une usure rapide des surfaces
frottantes et des mécanismes, on substitue assez
fréquemment aujourd'hui le /iroir cylindrique,
dont l'emploi est d'ailleurs ancien, car M. Ricour
J'avait appliqué vers 1883 aux locomotives des (‘Le-
“ins de ler de l'Etat français.
La modification la plus importante qui ait été
"apportée au système ancien des locomotives se voil
dans l'emploi de plus en plus fréquent de la dispo-
Silion compound, où la vapeur travaille successive-
k ment dans deux cylindres de dimensions croissantes,
entre lesquels se trouve un réservoir intermé-
diaire de: vapeur. Quelquefois ce réservoir est
supprimé, et la vapeur passe directement du pelit
dans le grand cylindre : c'est la disposition connue
sous le nom de Woolf.
Comme la locomotive ordinaire, à simple expan-
Sion, avait deux cylindres, il a suffi d'en remplacer
“ün par un cylindre plus grand pour obtenir
Ja marche en compound, comme l'a fait M. Mallet
ers 1872. Mais comme ce second cylindre n'est plus
directement en communicalion avec la chaudière;
es deux cylindres, en donnant un échappement à
Lextérieur au premier, et une admission directe au
second.
Les locomotives compound à deux cylindres sont
“irès nombreuses, surtout en Allemagne el en Au-
“riche, Mais, dans bien des cas, on a préféré mulli-
plier le nombre des cylindres, porté à trois et plus
“souvent à quatre, d’abord parce qu'avec deux
“cylindres seulement on arrivait parfois à des dimen-
“sions excessiveset génantes pour le second cylindre,
ensuile afin de réduire les efforts que supportent
les pièces du mécanisme.
Les locomotives compound à trois cylindres on!
été construites depuis longtemps par l'ingénieur
F. W. Webb : deux petits cylindres, à haute pres-
sion, attaquaient un essieu à la manière ordinaire :
un gros cylindre unique, à basse pression, comman-
dait un autre essieu, non accouplé avec le précé-
dent. Cette disposilion, présentant divers inconvé-
nients, nes'est pas développée en dehors du maté-
riel du London and North- Western Railway. On a
aussi construit des locomotives compound à trois
cylindres, avee un cylindre à haute pression placé
au centre et deux cylindres à basse pression exlé-
rieurs.
Quatre cylindres, dont deux à haute pression el
deux à basse pression, se prêlent à plusieurs mon-
tages différents. Dans le système Vauelain, usité
aux États-Unis, il y a de chaque côté de la locomo-
live un groupe formé d'un eylindre à haute pression
et d'un cylindre à basse pression superposés, avec
distributeur unique de vapeur; les deux liges de
piston sont attelées sur une traverse verticale qui
porte au milieu l'articulation de la pelite tête de la
bielle motrice. D'autres fois, les cylindres sont en
tandem, placés l'un derrière l'autre.
Une disposition très intéressante, qui a reçu de
nombreuses applications, surtout en France, est
celle des cylindres formant deux groupes séparés,
qui commandent chacun un essieu. On avait d'abord
pensé qu'on pourrait supprimer l'aceouplementdes
deux essieux, commandés séparément par les deux
groupes, ainsi que l'avait fait M. Webb, mais on à
reconnu qu'il y avait grand avantage, au point de
vue de l'équilibre des pièces et de la bonne marche
de la machine qui en résulte, à conserver l'accou-
plement.
Outreles avantages propresausystème compound,
qui utilise mieux la vapeur que la simple expan-
sion, celte disposition, en divisant entre deux
groupes la puissance lotale, a ramené la locomotive
moderne, utilisant la vapeur à très haule pression,
aux conditions favorables des anciennes locomo-
tives travaillant à pression modérée, parce que la
haute pression totale n'agit qu'en deux fractions
successives. La faligue des pièces, se traduisant en
lourdes dépenses d'entretien, devenait excessive
pour les locomotives ordinaires, à mesure que la
pression augmentail, parce qu'on n'arrivail pas à
donner à ces pièces des dimensions suffisantes : la
disposition compound à quatre cylindres à fourni
une bonne solution d'un problème fort difticile.
Elle a permis d'obtenir des machines excellentes,
sans augmenter les dépenses de traction. Si la dé-
pense d'achat est un peu plus forte, elle est large-
ment compensée par l'économie de combustible
qui résulte de la disposition compound, ef, d'autre
part, la multiplicité des mécanismes n'augmente
118
ED. SAUVAGE — LES LOCOMOTIVES A LA FIN DU XIX° SIÈCLE
pas les dépenses d'entretien autant qu'on pourrait
le craindre, parce que ces mécanismes s’usent bien
moins vite que ceux des locomotives à simple
expansion.
La cause de
double :
l'économie de combustible est
d'abord, la disposition compound exige
moins de vapeur pour la production d’une puis-
sance donnée; et, par suile de cette réduction de la
dépense de vapeur, la chaudière est moins sur-
menée, de sorte que la production, par kilogramme
de combustible brûlé, est plus forte.
On à parfois supposé que la locomotive com-
pound élail moins élastique que la locomotive ordi-
naire, c'esl-à-dire se prêtait moins bien à des
services très variables, et surtout qu'elle ne prenait
pas aussi facilement de grandes vitesses. Mais la
pratique à fait justice de ces préjugés. Il est juste
d'ajouter que les inconvénients signalés ont pu
quelquefois se produire, mais ils tenaient à des
dispositions vicieuses qui ont été améliorées.
\
Les disposilions de la locomotive, envisagée
comme véhicule qui roule sur les rails, demandent
à être déterminées avec le plus grand soin: ces
dispositions laissent quelquefois à désirer dans
certaines constructions anciennes. Les conditions
d'adhérence exigent l’accouplement d'un nombre
d'essieux variable, suivant la grandeur de l'effort à
produire, la charge sous chaque essieu étant limi-
tée. Cette limite est fixée pour la locomotive pesée
sur des bascules formant une voie bien horizon-
lale, les ressorts élant soigneusement réglés. Mais
lorsque la locomotive roule sur les rails, plusieurs
causes modifient constamment la répartition de la
charge entre les diverses roues. Ce sont d'abord
les oscillations, parfois assez étendues, de la masse
suspendue, oscillations qui font varier la tension
des ressorts el, par conséquent, la force avec
laquelle ils pressent les boîtes des essieux. D'autre
part, les flexions et les inégalités de la voie agissent
aussi sur les ressorls et, par suite, sur la charge,
en abaissant et en soulevant les roues. En oulre,
l'effort vertical variable que la crosse du piston
exerce sur ses glissières, celui qui résulte, sur cer-
laines locomotives, de l'inclinaison des cylindres,
enfin, l'effet de l’inertie des masses tournantes,
quand elles ne sont pas parfaitement équilibrées,
viennent constamment modifier la charge sous
Celle augmente
comme le carré de la vilesse et prend, dans certains
cas, une grande importance.
chaque roue. dernière aclion
En résumé, la charge sous chaque roue, au lieu
de conserver la valeur trouvée au repos lors du
pesage, varie entre deux limites, parfois assez éloi-
gnées. Il en résulte d’une part un accroissement
de la fatigue du rail, et, d'autre part, un risque de:
déraillement lorsque la limite inférieure s'abaisse
par trop. Quand ces écarts sont peu imporlants, il
semble qu'on pourrait, sans inconvénient, relever
un peu la limile imposée à la charge moyenne de
chaque essieu.
Au point de vue de la conservation de la voie eb
de la sécurité de la circulation, les charges verti=
cales sur les rails ne sont pas seules à considérer :
les actions horizontales, qui s’exercent perpendi=
culairement à la voie el qui résultent de la poussée
transversale des roues et surtout du choc des men-
tonnets des bandages contre le rail, ont une très
grande importance. Diverses causes, notamment
les inégalités de la voie, impriment parfois à la
locomotive un mouvement de Jacet ou d’oscillation
autour d'un axe vertical. Lorsque toutes les roues
sont resserrées vers la partie centrale de la locomo-
tive, qui n'a ainsi qu'une courte base d'appui, et
qui présente aux extrémités des parlies impor-
Llantes en porte-à-faux, on comprend que le lacet
prenne facilement une grande importance : les men-
tonnets des roues extrêmes viennent choquer le
rail avec violence, et il peut en résulter des défor-
mations el des ripages de voies, dangereux pour la
locomotive même qui les produit ou pour les trains
suivants. L'intensité de ces actions augmente beau-
coup avec la vitesse. Le danger résulte aussi de lan
coïncidence d'un violent choc transversal et d'une
forte réduction de la charge qui appuie la roue
d'avant sur le rail.
Au contraire, quand les essieux extrèmes sont
placés loin du milieu de la locomolive, surtout
quand le premier essieu se trouve tout à fait à
l'avant, il s'oppose plus efficacement au lacet, et
les chocs contre le rail sont moins violents. De
plus, si cet essieu peut prendre un déplacement
transversal, contrôlé par des ressorts ou des plans
inclinés, les chocs contre le rail s'en trouvent fort
amorlis. L'amélioralion est encore plus importante
quand l'avant de la locomotive est supporté par un
hogie où lrain de deux essieux, qui répartit entre
ses deux roues placées d'un même côté l'action
latérale contre les rails et qui, en oulre, distribue
également la charge entre ses quatre roues, de
sorte que les varialions de la charge verticale sous
les roues d'avant sont fortement allénuées.
Pendant longlemps, le bogie a été considéré
uniquement comme un appareil facilitant la cireu-
lation des locomotives dans les courbes raides,
mais inulile sur les lignes peu sinueuses. Certes, le
bogie se prête fort bien au passage dans les
courbes, mais, en outre, il améliore beaucoup law
circulation sur toutes les lignes, en réduisant les
efforts verticaux et horizontaux que la locomotive
EE a
exerce sur les rails, et en se prétant aux sinuo-
sités accidentelles que peuvent présenter les rails.
L'opinion de presque tous les ingénieurs de che-
mins de fer est unanime sur ce point, et les appli-
cations du bogie n’ont cessé de se mulliplier sur la
{plupart des chemins de fer d'Europe (On sait qu'en
Amérique le bogie est d'un usage général, et qu'il
existe à peu près depuis l'origine de la locomo-
live). IL y a peu d'années encore, les administra-
tions de quelques réseaux imporlants de divers
pays élaient restées rebelles à l'emploi du bogie,
“prétendant que, sur leurs voies peu sinueuses el
bien entrelenues, il ne constituait guère qu'un sup-
plément de poids à peu près inulile; mais successi-
Yement on à vu disparaitre ces dernières résis-
tances.
—… Pour que le bogie ait toute son efficacité, il con-
vient qu'il ait la plus grande liberté de déplace-
ment dans tous
les sens, Con-
trôlée par des
moyens de rap-
pel suffisants :
@est ce qu'on
‘obtient en ajou-
'fant, au pivo-
tement autour
de la cheville
ouvrière, la fa-
ED. SAUVAGE — LES LOCOMOTIVES A LA FIN DU XIX° SIÈCLE
ractérisliques de la construction moderne des loco-
motives. Même avec plusieurs essieux accouplés,
on l'applique fréquemment : notamment les puis-
santes locomotives à quatre et même à cinq essieux
couplés qu'on construit aux Elats-Unis en sont
munies. On estime assez haut les services du bogie
pour sacrifier l'avantage évident de l’adhérence
totale pour ces fortes locomotives à marchandises.
Bien entendu, la charge que porte le bogie est
alors réduile au minimum.
Toutefois, pour ces locomotives, on se contente
assez fréquemment d'un seul essieu porleur à
l'avant, muni de l’arliculation Bissel ou d'une dis-
posilion équivalente.
VI
Quelques exemples de locomotives récentes com-
pléleront ces
considérations
Le
nombre des es-
couplés
fournit un élé-
générales.
sieux
ment simple de
classificalion.
En outre, on
range dans des
catégories spé-
culté de dépla-
cement lrans-
versal. Quel-
quefois on considère seulement la cireulation de
la machine dans des courbes régulières, et le seul
déplacement que puisse prendre le bogie corres-
pond à l'inscription radiale des essieux dans la
ourbe ; c'est ce que réalise la disposition de Zisseh
courbe régulière, manquent de souplesse
pour l'entrée en courbe et pour le passage
r diverses parties sinueuses des voies. Toutefois,
urs, au bogie, mais commodes dans certains
as).
Il convient, en outre, pour que bogie ménage
“autant que possible les voies, qu'il ne soit pas trop
“Chargé et qu'il soit placé tout à fait à l'avant de la
locomotive, le pivot se trouvant à peu près sous la
Cheminée. Avec le matériel des grands chemins de
L. une charge de 14 à 18 lonnes, également ré-
partie sous les quatre roues du bogie, parait très
convenable.
…_ En résumé, l'emploi du bogie est l'une des ca-
Mig. 4. — Locomotive à grande vitesse, à deux essieux couplés et bogie, com-
pound à quatre cylindres, des Chemins de fer de l'Ouest.
ciales les ma-
chines-tenders
quiporlentleur
approvisionnement d'eau et de combustible, et les
machines diles es-
sieux moleurs ne restent pas toujours parallèles.
articulées, où les divers
Les locomotives à un seul essieu moteur, dites à
essieux libres où indépendants, ne sont plus que
rarement employées. Même avec une charge tres
forte sous l'essieu moteur unique, elles manquent
d'adhérence dans bien des cas. On a encore
construit récemment quelques exemplaires en An
gleterre et aux Etats-Unis: mais on peut dire que
c'est un type condamné en principe. Si elles suf-
fisent à la rigueur pour les trains très rapides à
rares démarrages, il est difficile de les employer
dans d’autres cas; cette spécialisation forcée est,
en pratique, un inconvénient sérieux, que ne vient
racheter aucun avantage bien marqué.
La locomolive normale à grande vitesse a aujour-
d'hui deux essieux couplés précédés d’un bogie.
La disposition compound à quatre cylindres, usi-
tée sur tous les grands réseaux français, convient
parfaitement pour ce genre de machines (fig. 1).
Pour les services les plus rapides, il n'est pas
nécessaire de construire des locomolives présen-
tant des dispositions extraordinaires permetlant
en
480
de réduire la vitesse des pistons, telles que des
roues de diamètre énorme; les diamètres de 2 mè-
tres à 2%,100 suffisent parfaitement pour les plus
grandes vilesses que puissent supporter les voies ;
mais il faut des locomotives très puissantes et rela-
tivement légères. En somme, les vitesses maxima
atteintes aujourd'hui en pleine marche ne dépas-
sent guère celles qu'on obtenait quelquefois sur les
pentes il y a bien longtemps; mais la locomotive
moderne soutient ces vitesses plus longlemps, et |
ea
ED. SAUVAGE — LES LOCOMOTIVES A LA FIN DU XIX:° SIÈCLE
trois essieux couplés et à bogie (fig. 3); en donnant
aux roues couplées un assez grand diamètre, 1,7
environ, on oblient une machine pouvant mars
cher vite, tout en exercant un grand effort de trac
tion. Ces machines conviennent pour presque to
les services de chemins de fer; il n’y a guère q
les grands trains de marchandises sur fortes
rampes et les trains très rapides qu'elles ne pu
sent remorquer dans de bonnes conditions. Sur les
réseaux du Nord et du P.-L.-M., notamment, on
Lig. 2, — Locomotive à grande vitesse, à deux essieux couplés, bogie à l'avant, et essieu porteur à l'arrière, compound
quatre cylindres, des Chemins de fer du Nord (type Atlantic);
surtout elle marche vite sur les paliers et sur les
rampes, de manière à se rapprocher de l'unifor-
mité de la vitesse, toujours grande ; en outre, elle
démarre rapidement.
Afin d'augmenter encore la puissance des loco-
molives à grande vitesse, il faut les munir d'une
chaudière plus grande, et alors le poids devient
trop lourd pour les deux essieux couplés et le
tender à bogie.
les trouve avantageuses pour la remorque des
trains de marchandises à des vitesses accélérées
Ces trains s'intercalent plus facilement entre les
lrains de voyageurs, sans avoir à perdre un lemps
énorme en garages ; le matériel etle personnel sont
mieux utilisés, el il en résulle une large compensa
Lion de la petite augmentation de la dépense de coms
buslible, qui peut résulter d'une vitesse plus grande
Fig-.3;
bogie. On est alors conduit à munir la machine
d'un cinquième essieu, essieu porteur placé à l'ar-
rière, sous un très vasle foyer. Les deux essieux
couplés sont alors rapprochés autant que possible,
ce qui à l'avantage de réduire la longueur des
bielles d'accouplement.
Ce lype remarquable de locomotive est origi-
naire d'Amérique, où il est désigné par le nom de
type Atlantic; il commence à se répandre en Eu-
rope : on en a construit des exemplaires en Angle-
terre, en Allemagne, en France (fig. 2).
Un autre lype bien moderne est la machine à
— Locomotive à trois essieux couplés et à bogie, compound à quatre cylindres, des Chemins de fer de l'ESIM
En augmentant encore le diamètre des roues
motrices, qui peut atleindre deux mètres, on arrive
à une vérilable locomotive à grande vitesse, à très
forte adhérence, qui peut porter une très vasle
chaudière. Le système compound à quatre cylin=
dres, avec deux essieux moleurs différents, cons
vient très bien pour ces machines à trois essieux
couplés et à bogie.
Les locomotives à quatre essieux couplés ave
un bogie (fig. 4), ou un simple essieu porteur à
l'avant, sont fréquemment construites aux État
Unis avec des dimensions vraiment colossales : ces
ED. SAUVAGE — LES LOCOMOTIVES A LA FIN DU XIXe SIÈCLE
181
chines remorquent des trains d'un poids qui
raît invraisemblable aux ingénieurs européens.
Par exemple, une machine de ce genre, construite
mr l'/llinois Central Railroad, pèse 103 tonnes,
“dont 87 pour le poids adhérent.
rempli, le poids s'élève à 165 tonnes. Cette machine
traîne, parait-il, des trains de 1.800 tonnes sur
rampe de 7 millimètres par mètre.
… On fail mème des machines à cinq essieux cou-
plés, avec bogie ou essieu porteur à l'avant.
Les machines-tenders sont employées ordinaire-
ment pour des services de banlieue et de manœu-
“res dans les gares. Quelquefois, en donnant aux
outes à eau et à combustible une capacité suffi-
ante, on peut les employer pour des services de
rande ligne : mais le poids des approvisionne-
ments vient réduire la part allribuable à 11 ma-
chine proprement dite.
Pour les lignes sinucuses de montagne, il faut
concilier une forte adhérence avec une grande
flexibilité. Plusieurs dispositions, souvent assez
compliquées, ont été appliquées à cet effet, L'une
des plus satisfaisantes est celle de M. Mallet, où
“deux paires de cylindres, les uns à haute, les
- autres à basse pression, commandent deux groupes
- d'essieux différents. Le groupe d'arrière est relié
| directement au chässis de la locomotive : le groupe
d'avant est muni d'une articulation Bissel. Il exige
. un tuyau articulé pour l'admission de vapeur ; afin
d'obtenir plus facilement des articulations étan-
Avec le tender |
ches, on commande ce groupe par les cylindres à
basse pression, qui recoivent la vapeur du réser-
voir intermédiaire, et non de la chaudière, c'est-à-
dire à tension réduite.
VII
La conclusion qui terminait l’article précité sur
la machine à vapeur en général est applicable à la
locomotive : les progrès dans la construction sont
dus à l'application de plus en plus étendue de la
méthode scientifique. C'est une erreur, qui du
reste devient rare, de penser qu'en fait de machines
| ———
EE og Lee À 4
nana TT
be
à quatre essieux couplés et à bogie.
le rôle de la science est d'indiquer quelques grandes
théories générales, qui ne peuvent guère s'appli-
quer directement aux cas de la pratique. L'an-
cienne distinetion entre la théorie et la pratique
s'efface de plus en plus : non seulement les dispo-
sitions d'ensemble, mais tous les détails des appa-
reils sont déterminés scientifiquement, par l'appli-
cation raisonnée des ressources de la technique
aux diverses conditions du problème à résoudre.
On demande quelquefois si la locomotive à va-
peur n’est pas appelée à disparaitre bientôt devant
les applications croissantes de la traction élec-
trique. Certes, il est difficile de prévoir avec quelque
précision ce que seront les machines de l'avenir ;
mais si la très petite locomotive indépendante, au-
trefois essayée sur les tramways, a cédé la place
aux moteurs électriques (au moins quand on ne s’est
482
LIEUTENANT PERRIER — PASCAL
pas amusé, par un caprice véritablement stupé-
fiant, à rendre ce mode de traction très compliqué
et très onéreux), le remplacement de la puissante
locomotive à vapeur des chemins de fer ne parait
pas très proche.
Plus une machine motrice est puissante, moins
elle se prête, en principe, à la commande indirecte
par transmission : l'augmentation même de la
puissance des locomotives récemment construites
semble être, à ce point de vue, une garantie de
leur durée. La transmission électrique a un champ
PASCAL
CRÉATEUR DU CALCUL DES PROBABILITÉS
ET PRÉCURSEUR DU CALCUL INTÉGRAL.
î
Î. — LE CALCUL DES PROBABILITÉS. |
Le Calcul des Probabilités est né de deux problè-
mes posés à Pascal par un bel esprit de ses amis,
sans doute plus acharné joueur que bon analyste,
le chevalier de Méré'. Cerles, depuis longtemps,
on avait la notion de l'importance qu'ont dans les
jeux, pour le réglage des enjeux et des paris, les
rapports des nombres de cas favorables ou non aux
joueurs. Mais c'était une audacieuse entreprise
qu'essayer de soumettre pour la première fois à
l'analyse des événements qui dépendent du hasard
et paraissent devoir, plus que lout autre objet,
échapper forcément au calcul. Paseal et Fermat la
tentèrent avec succès. M
« En combien de coups peut-on espérer faire
sonnez ? avec deux dés ? » Tel était le premier pro-
blème du chevalier de Méré. Il présente peu de dif-
ficullés. Pascal, Fermat et Roberval le résolurent
facilement, mais la solution de Pascal ne nous est
pas restée. Il est vraisemblable que, par les seules
ressources du bon sens, Méré en trouva une qui
devait être exacte, si l'on en juge par une phrase
d’une lettre de Pascal à Fermat *. Il s'altaqua alors
à d'autres problèmes analogues, tels que celui-ci :
« En combien de coups peut-on espérer faire une
rafle * avec deux dés ? » et les résolut également.
Mais le suivant l'arrêta : « Dans un jeu de hasard
1 Galilée avait été, cinquante ans plus tôt, invité par un
amateur de jeu à s'occuper d'un problème de même genre.
Voir Berrranp : Les Lois du hasard (Revue des Deux Mon-
des du 15 avril 1884).
2 C'est-à-dire amener deux six.
3 « Il me disoit.… si on entreprend de faire sonnez avec
deux dés. il y a désavantage de l'entreprendre en 24 (coups). »
(Lettre de Pascal à Fermat, du 29 juillet 1654, p. 223, Lahure.)
i C'est-à-dire amener le même point avec chaque dé,
d'application très vaste, avant de s'élendre aux
grands chemins de fer. [1 convient toutefois d'in*
intermédiaires entre ceux des tramways et de
chemins de fer proprement dits, services caracté
risés par l'emploi de trains légers très fréquents
Cette application parait se développer, et prend
sans doute beaucoup d'importance. à
Ed. Sauvage,
Protesseur à l'École des Mines de Paris.
tout à fait égal, deux joueurs, jouant une partie en«
un certain nombre de points, en ont déjà chacun
un nombre inégal, et veulent rompre la partie sans
l’achever. On demande de déterminer les partis.
des joueurs, c’est-à-dire comment ils doivent par=
tager équitablement l'enjeu ». Les parts doivent
être évidemment proportionnelles aux probabilités
respeclives de gagner la partie; ces probabilités
inconnues dépendent des nombres connus des
points qui manquent à chaque joueur pour atteindre
le nombre convenu, et le problème consiste à déler-
miner les probabilités en fonction de ces nombres.
Méré n'était pas de taille à le résoudre : «IL a
très bon esprit, » écrivait Pascal, « mais il n'est
pas géomètre; c'est, comme vous savez, un grand
défaut; et mème il ne comprend pas qu'une ligne
mathématique soit divisible à l'infini et croit fort
bien entendre qu'elle est composée de points en
nombre fini, et jamais je n'ai pu l'en tirer; si vous
pouviez le faire, on le rendroit parfait". » Roberval
lui-même n'eut pas plus de succès que Méré.w
Pascal avait transmis l'énoncé à Fermat el tous
deux réussirent presque en même temps. Fermat
communiqua le premier sa solution à son rival eb
celui-ci répondit par l’envoi de la sienne. À partir
de ce moment, l'histoire des origines du Calcul des
Probabilités est Lout entière dans les six admirables
lettres qui nous sont restées de la correspondance
échangée par eux dans les derniers mois de 1654:
Il faut croire que celle de Pascal avec Méré fut
moins active; une leltre, tantôt intéressante, tantôt
ridicule, de ce dernier est parvenue jusqu'à nous *.
1 Lettre de Pascal à Fermat du 29 juillet 1654, p. 223.
2 Lettre citée par Bossut dans son Discours sur la vie el
les ouvrages de Pascal, ajouté au tome second de l'Essai
‘ral LIEUTENANT PERRIER — PASCAL 183
"_« L'impatience me prend aussi bien qu'à vous »,
écrit Pascal à Fermat le 29 juillet 1654; « et quoi-
que je sois encore au lit, je ne puis m'empêcher de
“ous dire que je recus hier au soir, de la part de
M. de Carcavi, votre lettre sur les partis, que j'ad-
-mire si fort que je ne puis vous le dire. Je n'ai pas
6 loisir de m'étendre; mais, en un mot, vous avez
…_frouvé les deux partis des dés et des parties dans
la parfaite justesse : j'en suis tout satisfait; car je
ne doute plus maintenant que je ne sois dans la
| vérilé, après la rencontre admirable où je me
“irouve avec vous... Mais parce que la peine des
“combinaisons est excessive, j'en ai trouvé un
“abrégé, et proprement une autre méthode bien plus
“courte et plus nette, que je voudrois pouvoir vous
“2,
dire ici en peu de mots; car je voudrois désormais
vous ouvrir mon cœur, s'il se pouvoit, tant j'ai de
joie de voir notre rencontre. Je vois bien que la
vérité est la même à Toulouse et à Paris". »
Pascal se trompait en estimant sa méthode « plus
ourte et plus nelle ». Elle est fort ingénieuse et
consiste, au fond, à rechercher l'« équation aux
ifférences ‘parlielles » du problème? : mais, telle
u'il la présente, elle conduit quelquefois à d'inex-
ricables raisonnements, et ne s'applique, d’ail-
leurs, qu'au cas de deux joueurs. Celle de Fermat,
basée sur des combinaisons, est plus directe, plus
générale et lui permit de résoudre le problème
“analogue dans le cas de trois joueurs. Pascal crut
… d'abord cette généralisation inexacte : « Je ne pus
- vous ouvrir ma pensée enlière touchant les partis
de plusieurs joueurs, par l'ordinaire passé, » écrit-il
- à Fermat le 24 août; « et même j'ai quelque répu-
… gnance à le faire, de peur qu'en ceci, cette admi-.
CLS
…rable convenance qui éloit entre nous, et qui
“m éloit si chère, ne commence à se démentir; car
je crains que nous ne soyons de différens avis sur
ce sujet. Je veux vous ouvrir toutes mes raisons,
et vous me ferez la grâce de me redresser, si j'erre,
ou de m'affermir, si j'ai bien rencontré. Je vous le
demande tout de bon et sincèrement; car jé ne me
_tiendrai pour certain que quand vous serez de mon
côté". » Mais il y avait erreur en un point du
raisonnement par lequel Pascal prétendait con-
vaincre Fermat *. Celui-ci le lui fit remarquer et il
sur l'Histoire générale des Mathématiques, Louis, Paris,
1802, et par Havet dans son édition des Pensées de Pascal,
Delagrave, 1863, p. 5 : « Les démonstrations de la Géométrie
sont le plus souvent fausses, elles empêchent d'entrer
dans des connaissances plus hautes qui ne trompent ja-
mais, de remarquer à la mine et à l'air des personnes
qu'on voit quantité de choses qui peuvent beaucoup ser-
vir, etc. »
1 Leitre de Pascal à F'ermat du 29 juillet 1654, p. 220 et 122.
? Voir LarLace: Œuvres complètes, t. VII, Théorie analy-
tique des probabilités, introduction, p. XXV, XXXV, CXLv.
… * Lettre de Pascal à Fermat du 24 avril 1654, p. 226.
4 Voir MonrucLa : Histoire des Mathématiques, Agass
Paris, 1860, t. LIL, p. 382.
J'avoua de bonne gràce dans la lettre du 27 octobre :
« Votre dernière lettre m'a parfaitement satisfait:
j'admire votre méthode pour les partis, d'autant
mieux que je l'entends fort bien; elle est entière-
ment vôtre, et n'a rien de commun avec la mienne,
et arrive au même but facilement.
intelligence rétablie'. »
Dans l'« Usage du triangle arithmélique pour
déterminer les partis qu'on doit faire entre deux
Joueurs qui jouent en plusieurs parties », Pascal
expose d'abord une première solulion du problème
des partis, celle dont nous venons de parler; il y
Joint une seconde ainsi que des solutions de pro-
blèmes analogues, toutes basées sur la considé-
ration de son triangle arithmétique. Les deux prin-
cipes* fondamentaux qu'il énonce au début du
chapitre dérivent du simple bon sens dans le cas
de circonstances absolument égales pour les deux
joueurs. Bernouilli* et D'Alembert # ont recherché
s'il ne faut pas les modifier quand ceux-ci sont
dans des circonstances physiques ou morales diffé-
rentes, par exemple dans le cas où leurs fortunes
sont inégales.
Les recherches de Pascal et Fermat ne furent
pasimmédiatement publiées, mais firent sans doute
quelque bruit parmi les savants de l’époque. Les
énoncés, sinon les solulions, des problèmes traités
par eux parvinrent à Huyghens, qui s'y atlaqua à
son tour. En 1658, parut son « Le ratiociniis in
ludo aleæ ». On y trouve résolus les différents cas
du problème des partis, par une méthode du reste
analogue à celle de Pascal, ainsi que les solutions
ou seulement les énoncés de quelques autres pro-
blèmes du même genre. Huyghens rend d'ailleurs
justice à ses illustres contemporains et reconnait
formellement leurs droils de priorité”. C’est donc
à tort qu'on a voulu quelquefois lui attribuer l'in-
Voilà notre
! Lettre de Pascal à Fermat du 27 octobre 1654, p: 235.
> Premier principe : « Si l'un des joueurs se trouve en
telle condition que, quoi qu'il arrive, une cerlaine somme
doit lui appartenir en cas de perte et de gain, saus que le
hasard puisse la lui ôter, il ne doit en faire aucun parti,
mais la prendre entière comme assurée, parce que le parti
devant être proportionné au hasard, puisqu'il n'y à nul
hasard de perdre, il doit tout retirer sans parti. »
Deuxième principe : « Si deux joueurs se trouvent en
telle condition que, si l’un gagne, il lui appartiendra une
certaine somme, et s'il perd, elle appartiendra à l'autre: si
le jeu est de pur hasard, et qu'il y ait autant de hasards
pour l'un que pour l'autre, s'ils veulent se séparer sans
jouer, et prendre ce qui leur appartient légitimement, le
parti est qu'ils séparent la somme qui est au hasard par la
moitié, et que chacun prenne la sienne. »
* Anciens Mémoires de l'Académie de Saint-Pétersbourg,
ES 10e ATSI TN pu
‘ Mélanges de Littérature, t. V, et Opuscules mathéma-
tiques, t. IL et V.
* « Sciendum vero quod jampridem inter præstantissimos
tola Gallia geometras calculus hic agitatus fuerit ne quis
indebitam mihi primæ inventionis gloriam hac in re
tribuat. »
184
LIEUTENANT PERRIER — PASCAL
vention du Calcul des Probabilités; sa gloire est
assez belle: il est inutile de la grandir en dimi-
nuant celle de Pascal et Fermat. Ceux-ci ne par-
tagent avec personne lPhonneur d'avoir ouvert à
leurs successeurs une route féconde de l'Analyse.
IJ. — LA ROULETTE.
Nous arrivons aux travaux de Pascal sur la
roulette. On sait la place considérable occupée par
celte courbe dans les recherches mathématiques
du xvu: siècle. Elle doit sa célébrité autant à ses
nombreuses et remarquables propriétés, qu'aux
querelles fameuses qu'elle a suscitées, méritant
d'être appelée par Montuela « l'Hélène » ou « la
pomme de discorde » des géomètres. Tout a été
dit sur elle, depuis Groningius' et Carlo Dati”
jusqu'à Bertrand *; nous n'avons donc nullement la
prétention d'analyser les innombrables écrits qu'elle
a fait naître, mème en n'en retenant que ce qui
concerne spécialement Pascal. La question de la
roulette est d'ailleurs étroitement liée à celle, plus
générale, des origines du Calcul intégral. Au temps
de Pascal, tout comme aujourd'hui, des procédés
sommatoires étaient indispensables pour la recli-
fication des lignes courbes, la quadrature des sur-
faces planes ou courbes et la cubature des volumes,
problèmes suggérés par la considération de la rou-
lette ou d'autres courbes. On peut dire que chaque
géomètre imagina alors les siens pourles appliquer
aux cas particuliers qu'il avait en vue. Aussi, le
Pascal précurseur du Calcul intégralne peut-il être
séparé du Pascal qui, sous le nom de Dettonville,
défait tous les géomètres de l'Europe de trouver
les solutions de certains problèmes sur la roulette.
Nous les étudierons ensemble, après avoir donné
un rapide aperçu des travaux antérieurs.
Cette étude ne peut être poussée bien loin si l'on
s'interdit, ce qui est notre cas, loute formule, toute
figure et tout développement exclusivement mathé-
matique. Il faut se borner à l'historique des faits
et à quelques généralités mathématiques indispen-
sables. Le lecteur insuffisamment versé dans les
-sciences devra passer celles-ci; mais il pourra
quand même s'intéresser à celui-là, et se faire une
idée du génie mathématique de Pascal et de quel-
ques-uns de ses rivaux. En ce qui concerne le
lecleur déjà assez au courant des questions de
Géométrie et d'Analyse, notre but serait atteint si
nous pouvions lui inspirer le désir d'approfondir,
parmi les œuvres mêmes de Pascal, les opuscules
qui accompagnent la « Lettre de Dettonville à Car-
avi». Il pourra se rendre comple des procédés
Le ne EP RE
\ Historia cycloidis.
2 Lettera a Philalethi.
3 Article dans le Journal des Savants, numéro de mai 1520.
sommaloires de Pascal et voir combien, si primitif
qu'ils nous paraissent aujourd'hui, ils étaient
remarquables pour l’époque, puisqu'ils lui ont
permis d'énoncer des théorèmes qui sont la tra
duction même de formules de notre Calcul intégral,
dont certaines sont déjà très compliquées".
$ 1. — La méthode des indivisibles.
On est tenté de s'imaginer aujourd'hui que
notre Analyse infinitésimale, telle que nous la con=
paissons et l'appliquons, dans ses deux grandes
divisions du Calcul différentiel et du Calcul intégral
permet seule de résoudre les problèmes qui sonb
de son ressort. La méthode d’exhaustion, celles des
indivisibles, celle des indéterminées de Descartes,
celle des limites et des fluxions de Newton, sont
peu connues malgré les services que chacune à
rendus dans son temps.
La méthode d’exhaustion est la plus ancienne:
Pour arriver à la connaissance d'une courbe, par
exemple, les géomètres de l'Antiquité imaginaient
un polygone inscrit à la courbe, et un polygone
circonscerit; ils les étudiaient en supposant que le
nombre de leurs côtés augmente, tandis que le
longueurs de ces côtés diminuent; ils avaient ainsi
une idée de plus en plus approchée de la courbe;
toujours comprise entre les deux polygones, @
arrivaient, en raisonnant par continuité, à décou=
vrir exactement ses propriétés. Pour les surfaces
et les volumes, ils usaient de méthodes analoguest
Au début du xvn° siècle apparait la méthode des
indivisibles. Le Milanais Cavalieri? l’applique dès
1629 et l'expose en 1635 dans sa « (Gcomelria indi=
visihilibus continuorum nova quædam ralione pros
mota ». À la même époque, en France, Roberval
est en possession d'une méthode analogue, mais,
suivant son habitude, ne publie rien, car il aimait
faire mystère de ses découvertes et détestaitd’écrire,
ayant quelque peine à s'exprimer nettement. Il se
contente de réclamer, par une lettre de 164%à Torris
celli*, des droits de priorité discutables. Le « 7railés
des Indivisibles », publié seulement après sa mort#
1 Jusqu'à des formules contenant des intégrales doubles eb
triples. Ce fait a été très bien mis en évidence par Maries
A ceux que les traités géométriques de Pascal rebuteraientà
première lecture par suite de l'archaïsme de la forme, on n
saurait trop conseiiler de les étudier d'abord dans Marie
Histoire des Sciences mathématiques et physiques, t. MN
p. 187 et suivantes). Marie, quelque inégal et incomplet sun
certains points qu'on puisse le juger, a un wérite rare: il
complètement lu les principales des œuvres dont il parle
de préférence les œuvres mathématiques). Dans son histoires
il donne de chacune une analyse qui la suit pas à pas. Quandh
l'œuvre n'est pas écrite en français, ou est d'un style vieilli
cette analyse, véritable traduction résumée et commentées
facilite singulièrement l'étude de l'original.
2 1598-1647.
3 Anciens Mémoires de l'Académie, t. VI.
‘ Premier volume de Mémoires publié par l'Académie des,
Sciences.
LIEUTENANT PERRIER — PASCAL 482
GO
QC
ontre bien qu'il avait puisé sa méthode dans son
opre fonds; mais, en voulant, comme il dit, s'en
jouir « juveniliter » et la garder «in petlo », il
ait laissé à Cavalieri l'honneur de la découverte.
“ La méthode des indivisibles ne correspond qu'à
“notre caleul intégral limité à l'intégration des fonc-
“tions différentielles. On comprend aisément pour-
“quoi ce dernier est né, somme toule, avant le calcul
différentiel : rectifier des lignes courbes, quarrer
des surfaces planes ou courbes, cuber des volumes,
sont des problèmes qui se sont forcément posés de
“tout temps, tandis que ceux du calcul différentiel
Wiennent moins naturellement à l'esprit.
Le calcul intégral n’est au fond que l'inverse du
calcul différentiel, puisqu'il revient toujours à
chercher si les fonctions placées sous le signe
somme ne sont pas des différentielles de fonctions
nnues. Au contraire, dans la méthode des indi-
décomposés en un nombre infini d'éléments qu'il
apoelle des indivisibles, c'est-à-dire qu'il considère
comme représentant le dernier terme de la décom-
position. Pour les lignes, ces indivisibles sont des
points placés côte à côle; pour les surfaces, ce
sont des droites parallèles juxtaposées; pour les
volumes, des plans parallèles empilés. Ainsi pré-
“sentées, les hypothèses sur lesquelles repose la
méthode paraissent évidemment absurdes, et Cava-
ieri est forcé d'avouer qu'il ne peut donner de
“démonstration rigoureuse de celle-ci. Altaqué par
Guldin’, il la compléta et la justifia en 1640 dans
ses « Zxercitationes geometricæ sex », faisant voir
qu'elle est au fond une transformation heureuse
de la méthode d'exhauslion. Le seul défaut de
Cavalieri était de s'exprimer « d'une manière un
peu dure pour des oreilles accoulumées à l'expres-
ion géométrique ». Ses indivisibles sont ce que
nous appelons aujourd'hui des lignes, des surfaces
ou des volumes élémentaires qui décroissent indé-
finiment à mesure que leur nombre augmente
indéfiniment. (Cest ainsi que Roberval l'entend
dans sa lettre de 1644 à Torricelli.) Il ne faul voir
dans les hypothèses de Cavalieri qu'un moyen com-
mode d'abréger le discours. 11 faisait, en somme,
abstraction d'une dimension des indivisibles, qu'il
suffit de rétablir dans ses raisonnements pour leur
rendre la rigueur qui parait leur manquer.
- Les grands géomnètres de son temps ne s'y sont
pas trompés etont pratiqué la méthode en se faisant
ine idée très exacte de son esprit. Mais, comme
Cavalieri, ils sous-entendaient constamment dans
Mu 1577-1643.
> MoxrucrA: Histoire des Mathématiques, t. Il, Agasse,
aris, an VI, p. 28.
REVUE GÉNÉRALE DES SCIENCES, 9901.
leurs démonstrations les différentielles des varia-
bles, ce que nous appellerions aujourd'hui dx, dy,
dz, ds,..…. et les supposaient implicitement égales
entre elles. Pascal est formel à cet égard : « Tout
ce qui est démontré par les véritables règles des in-
divisibles, se démontrera aussi à la rigueur et à la
manière des Anciens; et ainsi l'une de ces mé-
thodes ne diffère de l'autre qu'en la manière de
parler : ce qui ne peut blesser les personnes raison-
nables quand on les a une fois averties de ce qu'on
entend par là. Et c'est pourquoi je ne ferai aucune
difficulté, dans la suite, d'user de ce langage des
indivisibles : /a somme des lignes ou la somme des
plans ;.… je ne ferai aucune difficulté d'user de cette
expression : /2 somme des ordonnées,... puisqu'on
n'entend autre chose par là sinon la somme d'un
pombre indéfini de rectangles faits de chaque
ordonnée avec chacune des petites portions égales
du diamètre, dont la somme est certainement un
plan. De sorte que, quand on parle de /a somme
d'une multitude indélinie de lignes, on a toujours
égard à une certaine droite, par les portions égales
et indéfinies de laquelle elles soient multipliées!. »
Pascal et Roberval négligentsans cesse les quantités
infiniment petites vis-à-vis des quantités finies :
« Une grandeur continue d'un certain ordre n'aug-
mente pas », dit Pascal, « si on lui ajoute des quanti-
tés d'un ordre inférieur entelnombre qu'on voudra»;
etil ajoute, ens'exprimant comme Cavalieri: «Ainsi,
par exemple, une somme de lignes n'augmente pas
plus par l'addition d'une somme de points, qu'une
somme de surfaces n’augmente par l'addition d'une
somme de lignes, ou une somme de solides par
l'addition d’une somme de surfaces ?. » Roberval
emploie sans cesse les expressions « infini » et
«infiniment petit », absolument dans le sens que
nous leur attribuons aujourd'hui. La notion de
l'infini mathématique élait donc familière aux
géomètres de l'époque *.
Ne pouvant faire que des démonstrations géomé-
triques, ils ont déployé une habileté véritablement
étonnante dans l'application de la méthode des
1 Lettre de Dettonville à Carcavi, p. 332.
2 Peotestatum numericarum Summa, P. 311.
3 Au sujet de l'idée de l'infini dans Pascal, voir Pensées,
(édition Havet, Delagrave, 1883, article I,1; article XXV, 3),
ainsi que De l'esprit géométrique (méme édition, p. 536 et
suivantes). Voir aussi, la lettre du chevalier de Méré que nous
avons déjà citée. Dans tout le passage de l'opuscule D: J'es-
prit géométrique indiqué ci dessus, Pascal prend le mot
« indivisible » au sens bien précis qu'il avait depuis Cavalieri
pour les géomètres de son temps. Deux indivisibles ne sont
donc ni « deux portions de pur espace », ni « plutôt deux
atomes réels, deux petits corps », et Pascal n'entend point,
p. 541, prouver que le « point géométrique, et en général les
figures géométriques-pures sont des idées sans réalité »
(Havet), mais seulement faire voir l’absurdité qu'il y
aurait à prendre les hypothèses de Cavaheri au pied de la
lettre.
10°*
486
indivisibles. En général, Cavalieri opérait comme
il suit : Etant donné par exemple deux solides,
l’un de volume inconnu, il admettait que le rapport
de leurs volumes est égal à la valeur limite de celui
des sommes de leurs indivisibles, en nombre infini,
et obtenait le volume du second en cherchant cette
limite par des considérations purement géométri-
ques. En opérant d'une façon analogue pour les
surfaces, il arriva à quarrer les paraboles jusqu'à
celles du quatrième degré, et établit par analogie
la règle pour celles de degré quelconque. Wallis, ”
par une méthode qui est au fond celle des indivi-
sibles, entrevit clairement que le problème de la
quadrature de la parabole de degré m revient à
trouver la limite, pour 7 — æ, du rapport de la
somme des m»°%% puissances des nombres entiers
de {à n à n fois la (m — 1)*" puissance du der-
nier, mais ne parvint, lui aussi, à la formule géné-
rale qu'en opérant de proche en proche. En obte-
nant, comme on l’a vu plus haut, les sommes
successives des puissances semblables, entières et
positives, des termes d’une progression arithmé-
tique, Pascal résolut du même coup la question
dans toute sa généralité. Fermat et Descartes y par-
venaient en même temps par d’autres voies.
Les détails précédents sur les progrès de la
Géométrie infinitésimale entre les mains des con-
temporains de Pascal permettront de comprendre
exactement ce qui fait l'originalité de celui-ci dans
les profondes recherches que lui inspira la roulette.
Il n’a rien modifié au principe de la méthode des
indivisibles, et l'a sans cesse appliquée en se ren-
dant, comme on l'a vu, parfaitement compte de sa
portée; Cavalieri avait déjà considéré ce que Pascal
appelle des « onglets », Tacquet* et Huyghens s’en
servaient à la même époque. Mais là où Pascal se
révèle supérieur, c'est dans les procédés géomé-
triques qu'il était, comme eux, forcé d'employer
pour obtenir les limites de sommes d'éléments infi-
niment petits en nombre infini. Son génie a pu se
donner libre carrière el résoudre les problèmes les
plus difficiles que la Géométrie se soit posés jus-
qu à lui.
$ 2. — Travaux sur la roulette antérieurs à Pascal.
La roulette avait déjà été l’objet de nombreuses
recherches quand Pascal commença à s'en occuper.
Connue, d'après Wallis, dès 1451 par le cardinal de
Cusa, étudiée par Galilée qui essaya de la quarrer en
la comparant par des pesées à son cerele générateur,
elle avait élé mise à la mode en France par le
P. Mersenne. Eu 1628, il propose à Roberval le
problème de la quadralure de l'aire totale de la
roulette; celui-ci le résout en 1634, et appelle la
1 Jésuite belge ; 1612-1660.
LIEUTENANT PERRIER — PASCAL
courbe « trochoïde », tandis qu'en même temps
Beaugrand lui donne le nom de « cycloïde » qui lu“
est resté; en 1638, apprenant du P. Mersenne Je
succès obtenu par Roberval, Descartes lui répondk
par l'envoi d’une solution à lui; d’où querelle entre
Descartes et Roberval, que ce dernier envenime«
aussitôt.
Descartes trouve, immédiatement après, la tans
gente à la roulette au moyen d'une méthode géo
métrique élégante, devenue plus tard la base de 1
théorie des centres instantanés de rotation; il fait
proposer par Mersenne le problème à son adver=
saire et à Fermat : Roberval, après de nombreu
efforts infructueux, le résout par sa méthode ori=
ginale des « mouvements composés », si mal expli=
quée d’abord par lui qu’elle fut longtemps discutée;
en même temps Fermat en donne une solution par
la méthode « de maximis et minimis » qui lui à
valu d’être regardé par d'Alembert, Laplace et
Lagrange comme le véritable inventeur du Calcul
différentiel : autre querelle, bientôt apaisée, entre
Descartes et lui.
Enfin, en 1644, Roberval découvre la cubalure«
des volumes engendrés par la courbe entière tour:
nant autour de son axe ou de sa base.
La même année, Torricelli, dans un appendice
à ses Opuscula yjeometrica, publie à son tour
une solution du problème de la quadrature de la
courbe ; Roberval réclame ses droits de priorité,
Torricelli répond et la querelle ne prend fin qu'en
1646 ; si les droits de priorité résident dans l'anté-
riorité de Ja découverte, ceux de Roberval élaient
inconteslables, puisque, dès 1637, Mersenne, à la
fin de son /armonie universelle, cite la décou-
verle de Roberval".
$ 3. — Premières interventions de Pascal
dans les polémiques suscitées par la roulette.
Certainement Pascal, avant d'entrer lui-mêmes
en scène, s’intéressa aux débats provoqués par la
roulette. Il est diflicile de croire, comme il l’affirme
dans son Aistoire de la roulette, qu'il ait ignoré
jusqu'en 1658 le rôle important de Roberval,
plus âgé que lui de vingt-et-un ans, mais ami de
son père et le sien, avec qui il entrelenait des rela=
lions suivies. L'Histoire de la roulette, publiée
en 4658, est visiblement inspirée par Roberval.
L'amitié de Pascal le porte d'abord à attribuer à
la solution de Roberval pour la tangente à la rou=
letle une supériorité exagérée sur celles de Fermab
et de « feu M. Descartes ».
Il accuse ensuite formellement Torricelli de pla=
1 ]l est curieux de constater les variations de Pascal sui
vant les besoins de sa cause. Dans l'Æistoire de la rou
lette, il prend violemment parti pour Roberval contre
Torricelli. Dans la Suite de l'histoire de la roulette, etc
envers Roberval. Torricelli aurait trouvé la
lution de celui-ci dans les papiers de Galilée,
uel « feu M. de Beaugrand » l'aurait commu-
ée en 1658. Tout comme à Descartes, il était
fficile à Beaugrand de protester! Montucla et
ême Bossut, si enclin d'ordinaire à l'indulgence
ur son héros, n’ont point admis l'accusation.
is Montucla a parlé de la « fulminante et pédan-
lesque » lettre de Roberval, Marie à affirmé que
€ Roberval passa bientôt d’une discussion modérée
x plus violentes injures » et Bossut va jusqu'à
ire que « Torricelli concut un tel chagrin de cette
cusation de plagiat qu'il en mourut à la fleur de
n àge ». Bertrand a montré au contraire que la
liscussion entre Torricelli et Roberval n'a pas
épassé les bornes de la courtoisie. Leurs lettres
ntété publiées. Elles « ne prouvent rien de con-
re à la bonne foi de Torricelli. Roberval, écri-
nt à Torricelli, n'a pas l’impertinence de l'accuser
6 plagiat, et Torricelli, répondant à des réclama-
ions exprimées en termes courtois, acceple avec
blitesse les assertions de Roberval, sans avoir à
éfendre sa loyauté !. » « Il serait cruel », a dit
ondorcet, « d'être obligé de suspecter Pascal de
mauvaise foi ». On y est cependant bien forcé en
cette circonstance, surtout quand on remarque ses
Variations d'opinion sur Torricelli : En 1651 ?,
lorricelli est pour lui « un génie si illustre, et dont
nous avions déjà recu des productions en Géo-
nétrie, qui surpassent toutes celles de l'Antiquité ».
En 1658 *, il le met bien au-dessous de Roberval et
le traite par l'ironie en rapportant ses tentatives
Walheureuses pour résoudre certains problèmes
r la roulette. Ici encore, les raisons de sa con-
duite doivent être recherchées dans son amitié pour
Roberval et une secrète jalousie envers Torricelli
que l’on a vu déjà être fort vraisemblable.
. — Défi adressé aux géomètres contemporains
par Pascal, ses polémiques et ses travaux
sur la roulette.
| La roulette élait quelque peu délaissée des géo-
mètres depuis douze ans, quand Pascal ramena
avec éclat l'attention sur elle en 1658. Tout comme
sa nièce Marguerite Périer, sa sœur Gilberte Pas-
al (M Périer) nous apprend, dans sa Vie de
Blaise Pascal, comment il chercha dans l'étude
le cette courbe une diversion à ses souffrances,
{comment son ami, le duc de Roannez, homme
ieux et d'ailleurs versé dans les Mathématiques,
pasagen à publier le résultat de ses médilations,
mp. 353), pour défendre Roberval contre le P. Lallouëre, il
tient avec beaucoup de force que les droits de priorité
résident dans l'antériorité de la publication.
1 Article dans le Journal des Savants, n° de mai 1890.
> Lettre à M. de Ribeyre du 12 juillet 1651, p. 71.
$ Histoire de la roulette, p. 339.
LIEUTENANT PERRIER — PASCAL 487
pour prouver qu'on peut être à la fois géomètre de
génie et chrélien ardent : « Ce renouvellement de
ses maux commença par un mal de-dents qui lui
Ôta absolument le sommeil. Dans ses grandes
veilles, il lui vint une nuit dans l'esprit, sans des-
sein, quelques pensées sur la proposition de la rou-
lette. Cette pensée étant suivie d’une autre, et
celle-ci d'une autre; enfin une multitude de pensées,
qui se succédèrent les unes aux autres, lui décou-
vrirent, comme malgré lui, la démonstration de
toutes ces choses, dont il fut lui-même surpris.
Mais comme il y avait longtemps qu'il avait renoncé
à loutes ces connaissances, il ne s'avisa pas seule-
ment de les écrire : néanmoins, en ayant parlé par
occasion à une personne à qui il devait toute sorte
de déférence, el par respect et par reconnaissance
de l'affection dont elle l'honorait, cette personne, qui
est aussi considérable par sa piété que par les émi-
nentes qualités de son esprit et par la grandeur de
sa naissance, ayant formé sur cela un dessein qui
ne regardait que la gloire de Dieu, trouva à propos
qu'il en usât comme il fit, et qu'ensuite il le fit
imprimer !. »
Sous le nom d’A. Dettonville ?, Pascal adressa er
latin, en juin 1658, une cireulaire à tous les géo-
mètres en renom, bientôt suivie d'une seconde,
destinée à préciser cerlains points”. Il leur deman-
dait de trouver l'aire d'un demi-segment de la rou-
lette « ordinaire‘ » el son centre de gravité, les
volumes des solides qu’il engendre en tournant
autour de l'axe, puis autour de la base, leurs centres
de gravité, enfin les centres de gravité des quatre
solides partiels obtenus en coupant les précédents
par un plan mené par l’axe. Les solutions devaient
être reçues avant le 1* octobre. M. de Carcawi,
conseiller du Roi, assisté d'un jury de personnes
compétentes, devait les juger, et Pascal déclarait
avoir déposé entre ses mains deux prix de 40 et
20 pistoles destinés aux auteurs des solutions
Jugées les meilleures et les premières en date. Il
suffisait de traiter complètement deux cas particu-
liers indiqués par Pascal et de prouver, dans les
autres cas, que « les données suffisent pour déter-
miner Loutes les choses demandées; en sorte qu'il
soit facile... de déduire l'une quelconque de ces
choses de celles qui sont renfermées dansl'énoncé »,
c'est-à-dire, dénoncer la solution (ce
EE
1 Vie de Blaise Pascal, par Me Périer, édition Havet des
EÈRE de Pascal, Delagrave, 1883, p. x.
2 Amos Dettonville, anagramme de Louis de Montalte.
pseudonyme sous lequel Pascal avait publié les Drovin-
ciales, en 1656.
# Les deux circulaires (textes latin et francais de Pascal)
sont réunies dans les œuvres de Pascal sous les titres « Pro-
blemata de cycloide proposita mense junii 1658 » et « Pro-
blèmes sur la cycloïde, proposés en juin 1658 ».
- Ainsi nommée pour la distinguer de la cycloïde «allon-
gée » et de la cycloïde « accourcie ».
en somme,
488
LIEUTENANT PERRIER — PASCAL
que nous exprimerions aujourd'hui en disant
donner la formule), quitte à en fournir plus tard la
démonstration détaillée, lorsqu'on serait moins
pressé par le temps.
Les problèmes de Pascal étaient d'une difficulté
bien supérieure à ceux résolus avant lui sur la
roulette. Ildemandait des quadratures et des cuba-
tures dont ses prédécesseurs n'avaient pu traiter
que des cas particuliers à l'aide de méthodes ingé-
nieuses, mais non générales.
Au 4 octobre, Carcavi est absent de Paris :
le jury ne peut se réunir. Pascal l'annonce le 7 dans
ses « Réflexions sur les conditions des prix alla-
chés à la solution des problèmes concernant la
cycloïde » ou « Annolata in quasdam Solutiones
problematum de cycloide ». Cet écrit vise, sans les
nommer, l'illustre Wallis d'Oxford et le P. de Lal-
louère', Jésuite de Toulouse. Le premier, dès le
mois d'août, avait réclamé contre le faible délai
accordé aux concurrents : il pouvait se faire,
remarquait-il, « que leurs lettres, quoique écrites
le 4° octobre, soient très longtemps en chemin,
soit par les incommodités de la saison; soit par
celles de la guerre, soit enfin par les tempêtes de
mer qui peuvent arrêter, ou même faire périr les
vaisseaux qui les portent*. » Pascal lui répond d'un
ton assez haut : Les prix « venant de ma pure libé-
ralité, j'ai pu disposer des conditions avec une
entière liberté‘. » Lallouère avait annoncé à
Carcavi, à la fin de septembre, qu'il avait résolu
toutes les questions proposées et lui avait envoyé,
à titre d'exemple, un caleul relatif à l'une d'entre
elles. S'il faut en croire Pascal, le calcul est faux et
n'est accompagné d'aucune explication qui puisse
au moins faire supposer juste la méthode suivie;
bien plus, l'auteur l'a produit sciemment, pour
gagner du temps et pouvoir ensuite tromper le
jury sur la date où ses efforts auraient élé cou-
ronnés de succès. Pascal le déclare exclu du con-
cours : « Nous allons examiner », conclut-il, «’les
calculs et les solutions des autres qui ont été
reçus dans le temps". »
Trois jours après paraît l'Histoire de la roulette”.
Pascal rend compte d’abord des envois de certains
géomètres qui ont communiqué des résultats inlé-
ressants sans prélendre au prix. Sluze avait
déterminé l'aire totale de la roulette par une mé-
1 1600-1664.
? Histoire de la Roulette, p. 338.
3 Jb1d., "p.329.
4 Jbid., p..333.
5 Histoire de la roulette, appelée autrement trochoïde ou
eycloïde, où l'on rapporte par quels degrés on est arrivé à
la connaissance de cette ligne ou Historia trochoïidis, sive
cycloidis, gallice la roulette : ?n qua narratur quibus gra-
dibus ad intimam illius lineæ naturam cognoscendam per-
ventum sil.
thode nouvelle. Huygens avait quarré le segmen
limité par une parallèle à la base, menée au quan
de l'axe à partir du sommet. Le chevalier Wrensà
la fois géomètre et grand architecte, à qui nous
devons l'église Saint-Paul de Londres, avait quarré
conque de la courbe limité au sommet (Pascal
affirme d'ailleurs‘ que Roberval en avait déjà trouvé
lui-même, décidément coutumier de ce genre de
réclamations, a revendiqué cette découverte
Lallouère est aussi cité : Il aurait envoyé des
solutions visiblement empruntées à Roberval
Quant aux concurrents pour les prix, on ne pourrä
les juger encore de quelque temps, Carcavk
n'étant pas revenu. Pascal termine en proposant
de nouveaux problèmes qui ne feront plus l'objet
d'aucun prix : trouver la longueur et le centre de
gravité d’un are quelconque de la roulette limité
au sommet (le premier de ces deux déjà résolu pa
Wren), les surfaces qu'il engendre en lournant aus
tour de la base ou de l'axe d’une fraction de tou
quelconque et leurs centres de gravité. Pasca
annonce avoir résolu ces problèmes et avoir aussi
rectifié les ares de la roulette allongée ou accourcie
. Le 24 novembre, le jury se réunit enfin. Il existe“
un véritable procès-verbal de sa délibération#
Lallouère n’a rien envoyé de nouveau depuis sep
tembre, a même déclaré ne plus concourir; pa
acquit de conscience, on examine son calculeton
trouve des fautes grossières : « Dans un solide aigu
par une extrémité, et qui va toujours en s'élargis
sant vers l'autre, il assigne le centre de gravité
vers l'extrémité aigue ». Reste seul Wallis pour
prétendre aux prix; son Mémoire n'a pas plus de
succès. Non seulement l'auteur a commis de
erreurs de calcul, maissa méthode est fausse : « Il
raisonne de certaines surfaces indéfinies en nombre
et qui ne sont pas également distantes entre elles,«
de même que si elles l'étoient..….. »; il prend mal
«les centres de gravité de certains solides élevés
perpendiculairement sur des lrapèzes'. » Bref
«les prix n'ont point été gagnés, parce que pers
sonne n’a donné la véritable solution des problè
mes" ». |
Tel est le récit des faits pris dans les œuvres de
Pascal. La plupart des auteurs ont accepté aveus
1 Jbid., p. 341.
2 Anciens Mémoires de l'Académie, t. VL. De trochoide.
8 Récit de l'examen et du jugement des écrits envoyés
pour les prix proposés publiquement sur le sujet de la rou
lette, où l'on voit que ces prix n'ont point été gagnés, pale
que personne n'a donué la véritable solution des problèmess
4 Histoire de la Roulette, p. 350.
5 Jbid., p. 351 et 352.
S Jbid., p. 349.
ment ses dires. D'autres’ se sont montrés plus
res envers lui.
Groningius, dans son /isloria cycloidis, à sou-
u les prétentions de Wallis, et celui-ci, dans son
ité De cycloide, à protesté lui-même contre la
Cision du jury. Mais le procès-verbal du 25 no-
fembre est trop précis sur les erreurs de Wallis
our qu'on puisse les mettre en doute; il les a
hilleurs lui-même reconnues, et, quelque excuse
il en fournisse, il est bien difficile dès lors de lui
lonner raison.
“Les erreurs de Lallouère sont tout aussi indé-
fables. Du reste, en lisant Pascal, on sent conti-
iuellement combien il est sûr de leur réalité et la
e qu'il en éprouve. Le Jésuite était sans aucun
loute inférieur aux difficultés des problèmes pro-
posés. Sa (Greometria promola in seplem de cycloide
ris, parue en 1660, est surtout une vaste com-
ilation, dénotant une faible originalité; il y an-
once (c'était son habitude) la publication à bref
lélai de la quadrature du cercle, et « que penser »,
omme disait Fontenelle, « d’un homme qui avait
ü le malheur de faire une pareille découverte »?
De plus, on ne peut accuser Pascal d'avoir voulu
se dérober à l'obligation de payer les prix promis :
tait l'époque où, près de la mort, il vivait dans
à pauvreté et dépensait son bien en aumônes.
- Mais que de contradictions, d'obscurités appa-
'aissent dans ses écrits, quand on tente de les
approfondir !
Le 7 octobre, il sent le besoin d'exposer longue-
ment pourquoi Lallouère doit ètre exclu , du
concours”; le 10, il le range parmi ceux qui ne
prétendent pas aux prix*; faut-il croire que le
ésuite s'est précisément désisté dans l'intervalle?
Comment ces trois jours ont-ils suffi à Pascal pour
étudier à fond les envois de Sluze, Huyghens,
Wren et Lallouère (c'est le 10 qu'il en rend
‘ompte* alors que le 7 il était seulement sur le
point de les examiner‘). En juin, il promet de pu-
blier ses propres solutions le 1° octobre, mais en
ajoutant cette condition, qui prête à bien des équi-
voques : « si personne n'a résolu nos problèmes ».
Or, le 4 octobre, le jury ne se réunit pas. Pascal
en profite pour se contenter de communiquer ses
olutions à Carcavi, Roberval et au notaire Ga-
lois’; il attend encore trois mois pour les rendre
publiques en y joignant celles de ses nouveaux
problèmes! Dans l'intervalle, il lance le 12 décem-
1 BenrranD (article cité); Raoul Rosières : La découverte de
Ja cycloïde, Revue générale des Sciences, 30 juillet 1890.
.* Histoire de la Roulette, p. 330 et suivantes.
3 » » » eue 340.
+ » » » , P. 340, 341.
Si » » » HD: 333.
&) » » » : 325
7
, p. 335, 342.
LIEUTENANT PERRIER — PASCAL
489
bre, contre le P. Lallouère, mais sans le nommer,
un violent réquisitoire! qui se réduit à ceci : « De
Lallouère n'a répondu à aucune demande d’expli-
calions complémentaires sur ses solutions parce
qu'il n’a rien trouvé et veut s'approprier les mien-
nes. » Comme si le Jésuite ne pouvait pas dire à
son tour avec autant de vraisemblance : « Si Pascal
ne publie rien, c'est qu'il attend mon envoi pour
donner mes solutions comme siennes! »
Tout cela cause un certain étonnement. Il re-
double à la lecture de deux lettres de Pascal à
Lallouère, d'authenticité indiscutable, publiées en
1659 et signalées par Bertrand. Dans la première,
Pascal loue le Père d'avoir trouvé une méthode
plus générale, dit-il, que celle de Roberval, en lui
faisant remarquer qu'il soupconne seulement quel-
ques erreurs dans les calculs. Dans la seconde, il
convient qu'un examen plus approfondi lui à mon-
tré la rigoureuse exactitude de ceux-ci.
Affirmer que Pascal a réellement joué un double
jeu avec son adversaire, soupçonné de plagiat,
pour l'amener à se découvrir et mieux le frapper
ensuite, est une grave accusation qu'il est difficile
de porter tant que de nouveaux documents n'auront
pas éclairé à fond la question; mais il faut bien
avouer qu'il donne, jusqu'ici, prise à tous les
soupcons.
D'ailleurs, comme il à habilement disposé des
conditions de la lutte pour rester maître du champ
de bataille! Il accorde à ses rivaux, pour résoudre
des problèmes qu'il a eu et a encore le loisir de
méditer à l'aise, un délai bien insuffisant, étant
données les lenteurs des communications à l'épo-
que; de parti pris, il passe outre aux protestations
de Wallis. Les juges sont ses amis : sans aucun
doute, c'est lui qui prend les décisions?; en
l'absence de Carcavi, il a communication d’une
partie au moins des mémoires envoyés®; il fait
surveiller Lallouère‘; le procès-verbal du 25 no-
vembre est sûrement écrit de sa main. Il sent tous
ses avantages et, afin d'affirmer à tous sa supério-
rité, il retarde la publication de ses solutions pour
en ajouter de nouvelles.
Le premier concurrent, le seul redoutable, Wal-
lis, pressé par le temps, envoie heureusement des
résultats incomplets et entachés d'erreurs.
Le second, Lallouère, est négligeable : Pascal
1 Suite de l'histoire de la roulette, où l'on voit le procédé
d'une personne qui avait voulu s'attribuer l'invention des
problèmes proposés sur ce sujet ou Historiæ trochoïdis sive
cycloidis continuatio, in qua Videre est cujusdam viri ma-
chinamenta qui se auctorem problematum super hat re pro-
positorum erat professus.
2 « Leurs calculs sont done justement réputés nuls. »
Histoire de la Roulette, p.322.
e croit p. 333, 340 et 341.
« Je témoignai donc mon soupcon et je priai qu'on ob-
servàt ses démarches ». Ibid., p. 354.
490
LIEUTENANT PERRIER — PASCAL
le sait et se joue de lui. Il a en plus le malheur
d’être Jésuile : Pascal l’accable sans pitié.
Le grave reproche bien établi qu'on peut adres-
ser à Pascal nous semble donc celui d’avoir été
trop habile dans une affaire où il était à la fois juge
et partie.
Après le jugement du 24 novembre, Pascal recut
les solulions de quelques-uns des problèmes pro-
posés en octobre. Wrenet Fermat avaient trouvé
le centre de gravité d’un arc quelconque de la rou-
lette limité au sommet ainsi que les surfaces qu'il
engendre en tournant autour de la base ou autour
de l'axe d’une fraction de tour quelconque, mais
personne n'avait trouvé les centres de gravité de
celles-ci.
Au début de 1659, Pascal se décida enfin à publier
ses découvertes impatiemment attendues. Il com-
mence par donner, dans la « Lettre de Dettonville
à Carcavi », une méthode pour la recherche des
centres de gravité, fondée sur le théorème, déjà
connu, des moments dans le cas de forces para-
lèlles,et la considération de certaines sommes dites
« triangulaires ». Pascal définit ensuite ce qu'il
appelle un « lriligne rectangle ». C’est l'aire com-
prise entre deux axes rectangulaires et une courbe
quelconque limitée à ces axes. Le « Traité des trili-
gnes rectangles et de leurs onglets » a pour but de
déterminer les éléments du triligne nécessaires
pour obtenir certaines surfaces et certains volumes
engendrés par sa rotation autour des deux axes
ainsi que leurs centres de gravilé. Le « Traité des
sinus du quart de cercle », le « Traité des ares de
cercles », le « Petit traité des solides circulaires »,
développent le cas particulier où le triligne est cireu-
laire: Enfin, dans le « Traité général de la rou-
lette », Pascal montre que les précédents donnent
tous les éléments nécessaires pour résoudre les
fameux problèmes proposés, et qu'il suffit d'en
faire l'application à la roulelte !.
! Huyghens, Leibniz et Jean Bernouilli devaient enrichir
plus tard la liste des propriétés de la cycloïde en montrant
que sa développée est une cycloïde égale, que la cycloïde
est à la fois « tautochrone » et « brachystochrone ».
En communiquant ses opuscules à Huyghensw
Pascal y ajoute la « Dimension des lignes courbes
de toutes les roulettes », généralisation du problèmt
déjà traité par Wren dans le cas de la roulette
ordinaire seulement. Pour de Sluze’, il y joim
un traité « De l'escalier, des triangles cylindriques:
et de la spirale autour d'un cône ». Les réponse
de Huyghens et de Sluze nous sont restées *.
L'analyse de cette partie de l’œuvre de Pasca
nous est interdite à cause des développements
mathématiques étendus qu'elle exigerait. Mais, en
se reportant à ce que nous avons dit plus haut dé
sa méthode et de ses procédés, on voit que, to
en ayant surtout cherché à résoudre des problèmes
concernant une courbe particulière, et sans abon
der dans toute leur généralité ceux des recti
cations, des quadratures, des cubatures et des
centres de gravité, Pascal doit être placé en tête
des grands géomètres qui, avant Leibniz et Newton
ont, en somme, pratiqué le Calcul intégral, maïs
sans le soumettre à un mode uniforme par un algo®
rithme. Il a pressenti les « merveilles de la nou
velle analyse * ». N'y fait-il pas allusion quand à
s'écrie? : « Il y a des propriétés communes à toutes
ces choses, dent la connoissance ouvre l'esprit aux
plus grandes merveilles de la Nature. La principale
comprend les deux infinités qui se rencontrent
dans toutes : l'une de grandeur, l’autre de pet
tesse © »?
Lieutenant Perrier,
Détaché au Service Géographique
de l'Armée.
1 Lettre de Dettonville à Huyghens de Zulichem, non datée
2 Lettre de Dettonville à Sluze, chanoine de la cathédrale
de Liège, non datée.
8 Lettre de Huyghens de Zulichem à Dettonville, du 5 fé
vrier 1659 et Lettre de Sluze à Pascal, du 29 avril 1659.
4 Lettre de Dettonville à Sluze, chanoine de la cathédrale
de Liège, p. 445. e
5 De l'esprit géométrique, p.169.
5 Cet article de M. le lieutenant Perrier paraitra prochais
nement dans un ouvrage que le regretté Adolphe Hatzfeld
a consacré à Pascal, et pour la partie scientifique duquel
notre distingué collaborateur lui a donné son concours. Ce
livre aura pour titre : Apocrne Hatzrerb : Pascal, À vols
in-$° de 300 pages, chez Alcan, 1901 (Collection des grands
philosophes, dirigée par Cronius Prar).
BIBLIOGRAPHIE — ANALYSES ET INDEX
1° Sciences mathématiques
Andoyer{(H.), Chargé de Cours à la Faculté des
Sciences de Paris. — Leçons sur la Théorie des
Formes et la Géométrie analytique supérieure.
Tome I. — 1 vol. gr. in-8 de 508 p. (Prix : 15 fr.)
…Gauthier-Villars, éditeur, 55, Quai des (irands-Au-
gustins, Paris, 1901.
La Théorie des Formes peut êlre exposée au point de
ue purement algébrique, sans l'intervention de la
éométrie; mais on peut aussi, dès le début, avoir re-
urs à la Géométrie analytique, afin d'interpréter
ométriquement les diverses théories algébriques.
Cette dernière méthode offre non seulement un grand
térêt, mais elle est encore appelée à rendre de grands
rvices à la fois à l’Algèbre supérieure el à la Géomé-
trie. C'est aussi celle qui a été adoptée danscet ouvrage.
L'interprétation géométrique des propriétés de la
Théorie des formes algébriques permet d'édifier une
Géométrie générale, que M. Andoyer désigne sous le
nom de Géométrie analytique supérieure, et dont la
Géométrie ordinaire n'est qu'un cas particulier. Suivant
que les formes envisagées renferment deux, trois ou
uatre variables primitives, on se trouve conduit à la
Géométrie binaire, à la Géométrie ternaire ou à la Géo-
métrie quaternaire. Ces trois Géométries, prises dans
leur ensemble, correspondent à la Géométrie ordinaire.
L'auteur se propose de les examiner successivement, en
méme temps que les formes algébriques qui les engen-
drent.
- Ce premier volume contient l'étude des formesbinaires
ét ternaires et des formes qui endérivent, el, par suite,
aussi les Géométries binaire et ternaire. Il comprend
deux parties : I. La Géométrie binaire; Il. la Géométrie
ternarre. Dans chacun de ces domaines, l'auteur expose
d'abord la théorie générale des Invariants; puis, après
avoir étudié les formations invariantes générales, il
examine successivement les systèmes linéaires, les
résultants et les discriminants, les formes bilinéaires et
les systèrnes quadratiques. Chaque partie se termine
‘par une étude intéressante des propriétés de la Géo-
métrie métrique.
- On concoit facilement que, dans cet exposé, il n'y
avait pas lieu de faire intervenir d’une facon systéma-
tique la partie arithmétique de la Théorie des Formes,
c'est-à-dire celle qui s'occupe de la formation des sys-
tèmes complets, etque l’on retrouve d’ailleurs dans les
traités classiques d'Algèbre supérieure. M. Andoyer
s'est borné aux notions les plus simples, afin de pouvoir
‘embrasser d'un poiut de vue unique l'ensemble des
théories algébriques dont on fait usage en Géométrie
analytique.
- Gerte facon nouvelle de développer la Théorie des
Formes, jointe à la clarté et à la précision de l'exposé,
permet de classer cet ouvrage parmi les publications
les plus imporlantes parues dans ce domaine.
H. Feur,
Professeur à l'Université de Genève.
Rollet (P.), Professeur a l'Ecole d'Arts et Métiers
… de Chälons et Foubert (E.), Professeur à l'Ecole
… primaire supérieure de Lille. — Cours d'Algèbre,
. pour les Ecoles primaires supérieures et pr'ofession-
. “elles et pour la préparation aux Arts et Métiers.
— 1 vol. in-12 de 400 pages, avec nombreux exer-
eices et problèmes. (Prix, cartonné : 3 fr.) Félix
Alcan, éditeur, 108, Boulevard Saint-Germain, Pa-
ris, 1901.
BIBLIOGRAPHIE
ANALYSES ET INDEX
2° Sciences physiques
Meyrat (P.). et Dardant (A.), Professeurs à l'Ecole
de Commerce de Limoges. — Cours de Marchan-
dises. 1°r fascicule : Métaux; ?° fascicule : Produits
chimiques. Engrais. Explosifs. — 2 vol. qr. in-12
avec figures. Librairie Nony et -Cie, Paris, 1901.
Ces deux petits volumes sont les premiers d’une série
de six fascicules, dans lesquels les mêmes auteurs
présentent, envisagés d'un point de vue essentiellement
commercial, tous les produits naturels où manufac-
turés, susceptibles d'être échangés entre les différents
peuples.
Il y avait là matière à des développements consi-
dérables et nos futurs commerçants sauront gré à
MM. Meyrat et Dardant d’avoir su condenser en un si
petit nombre de pages les questions essentielles qu'il
leur est indispensable de connaitre sur chaque mar-
chandise : Origine des produits, leurs caractères dis-
tinctifs, leurs variétés, leurs principaux emplois, leur
valeur commerciale, les droits d'entrée qu'ils suppor-
tent, etc.
Le premier volume traite des mélaux et plus de là
moitié en est naturellement consacrée aux fers ef à ses
dérivés, fontes et aciers. C'est le véritable résumé d’un
cours de Métallurgie avec explication des termes cou-
rants employés dans le langage des forges. Peut-être
pourrait-on reprocher aux auteurs de ne pas s'être tou-
Jours adressés aux sources les plus récentes en la ma-
tière et d'apporter à leurs élèves des définitions aujour-
d'hui un peu surannées. Il est certain, par exemple, que
de l’acier contenant 0,009 de carbone est loin d'être
doux et que la trempe agit encore assez sur l'acier con-
tenant moins de 0,006 de carbone, pour que tous les
jours il y ait en douane de vives contestations, en
vue justemeut de déterminer le point de passage, d’ail-
leurs très douteux, entre l'acier dur et l'acier doux. Ce
côté de la question, envisagé au point de vue des droits
d'entrée, méritait évidemment plus de précision. D’au-
tre part, lorsque l'obtention d'un métal comporte,
comme pour le zine, des procédés Irès différents, sui-
vant la teneur des minerais traités, et, par conséquent,
variables avec les régions, il eùl été préférable de
signaler chacun d'eux, d’une facon succincte, c'est .
vrai, mais sans en omettre.
L'histoire des produits chimiques, des engrais et des
explosifs constitue le second fascicule. Ici la descrip-
tion des procédés d'extraction ou de fabrication paraît
plus comolète et plus soignée. Elle contient certaine-
ment toutes les notions élémentaires utiles au com-
mercant, qui veulapprécier sa marchandise et en assurer
la conservation.
A part nos légères critiques sur la partie purement
technique de l'ouvrage, nous avons plaisir à recon-
naître que son programme d'ensemble est eycellent.
C'est une idée heureuse et nouvelle d’avoir réuni pres-
que dans les mêmes pages, à propos de chaque produit,
les chiffres aux formules, car cela facilite singulière-
ment les recherches. Toute la partie statistique est
fort bien présentée; de nombreuses cartes émaillent le
texte et permettent de retrouverles lieux de production
et de consommation des principales substances com
werciales; enfin, la plupart des chapitres se terminent
par quelques extraits bien choisis d'ouvrages connus,
qui donneront certainement envie à beaucoup de lec-
teurs de se reporter aux textes originaux, ce qui leur
sera très profitable. M Dane ne
Ingénieur-métallurgiste.
492
Severin (Emile-C.), l’rofesseur de Sciences physi-
ques au Lycée de Bärlad. — Produits de conden-
sation de l'acide dichlorophtalique (Thèse pour le
doctorat de l'Université de Paris). — Une brochure
de 62 pages. L. Boyer, imprimeur, Paris, 1901.
MM. Haller et Guyot ont montré autrefois qu’en con-
densant l'anhydride phtalique avec la diméthylaniline
on obtenait l'acide diméthylaminobenzoylbenzoïque, qui
a été ensuite le point de départ de l'étude de nouveaux
dérivés (anthraquinone, antbranol correspondants,
etc..…). M. Severin s'est proposé d'étudier ce qui se
passerait dans le cas de l'acide phtalique dichloré
1:.2— 3.6.
Lorsqu'on condense l'anhydride dichlorophtalique
avec la diméthylaniline en présence du chlorure d’alumi-
nium, on obtient l'acide diméthylaminobenzoyibenzoïque
dichloré :
CH°
COC'H Az
CeHeCE< NcHs
CooH
Tandis que l'acide non chloré traité par l’anhydride
acétique se transforme en une phtaléine, l'acide chloré
donne seulement un anhydride mixte.
De même, l’acide diméthylaminobenzoylbenzoïque se
condense sous l'influence de l'acide sulfurique en don-
nant l'anthraquinone correspondante. L’acide di-
chloré, au contraire, ne donne rien. Ce faittrouve son
explication dans la règle de V. Mayer, relativement à
l'éthérification directe de certains acides. En effet, une
éthérification n’est autre chose qu'une condensation
entre un groupe acide et un groupe alcool avec élimi-
nation d’eau. Or, les deux groupements négatifs qui
limitent en ortho le carboxyle rendent l’éthéritication,
ainsi que toute autre condensation, difficilement réali-
sable.
On peut cependant y arriver en changeant le carac-
tère négatif d'un des orthosubslituants, par exemple
en réduisant le groupe
CO — C'H*Az(CH°)°.
La condensation, dans ce cas, se fait très facilement :
el es Cl
ZONCHE — CH#AZS CH, 0H:
| CH — n°0 +| | Donraz
2 L SRE
| /C00H KL /co CH
él ù
Il semble donc que la présence des atomes de chlore
par rapport à un des carboxyles empêche la condensa-
tion de l'acide diméthylaminobenzoylbenzoïque chloré.
L'auteur a vérifié qu'il en était de même pour l'acide
diéthylé. G. BLANC,
Docteur ès sciences,
Lagatu (H.) et Sicard (L.). — Guide pratique et
élémentaire pour l'Analyse des terres et son uti-
lisation agricole, avec une Préface de M. E. Riser,
Directeur de lInstitut national agronomique. —
1 vol. in-8° de 303 pages, avec planches et figures.
(Prix: 6 fr.) Coulet et fils, éditeurs à Montpellier,
et Masson et Ce, éditeurs à Paris, 1901.
« Notre guide pour l'analyse des terres est pratique,
en ce sens qu'il décrit les opérations de laboratoire
BIBLIOGRAPHIE — ANALYSES ET INDEX
que l'on effectue couramment pour étudier les terres |
arables; il est élémentaire, en ce sens qu'il contient
l'indication de tous les détails de ces opérations, et,
sous une forme aussi simple que possible, les explica-
tions permettent de comprendre pourquoi tous ces
détails sont nécessaires. » Tel est le dékut de l « aver-
tissement » de l'ouvrage que nous présentons, début
que les auteurs se préoccupent constamment de justi-
fier. Le prélèvement des échantillons de terre, la
description et la conduite des appareils de mesure et
de chauffage, l'analyse physique et l'analyse chimique
le figure exactement.
forment l'objet d'autant de chapitres bien détaillés etm
bien exposés; les méthodes décrites sont conformes à
celles du Comité consultatif des Stations agronomiques
Nous regrettons seulement de n'y pas voir adjoints
quelques mots sur les déterminations de potasse eb
surtout d'acide phosphorique « assimilables », c’est-às
dire solubles dans les acides faibles, soit dans l'acide
acétique, comme l'a préconisé M. Dehérain, soit dans.
l'acide citrique à 1 °/,, suivant la méthode de Dyer
Après cette légère critique, il convient de faire res=
sortir les bonnes qualités de l'ouvrage : un grand
nombre de traités d'analyses de terre arrêtent leur
étude aux déterminations que nous avons signalées et
négligent de montrer d’une facon suffisante comment
et en quoi les résultats analytiques permettent, si on
sait bien les interpréter, d'améliorer les cultures exé-=
cutées sur les terres examinées. C’est une faute que
MM. Lagatu et Sicard n’ont pas commise, et les éloges
ne doivent pas leur être ménagés à cet égard. Presque
la moitié de leur ouvrage est consacrée à l’utilisation
agricole de l'analyse des terres, à l'interprétation des
résultats, aux améliorations culturales suggérées par
ces analyses.
Un chapitre entier est réservé aux études analytiques
appliquées à un ensemble de terres arables, telles que
celles d'un domaine ou d'une région, études qui per-
mettent aussi d'en dresser les cartes agrologiques et
agronomiques, dont l'utilité n’est plus à démontrer. M
Un certain nombre d'exemples d'analyses compor-
tant des résultats numériques, et une représentation
graphique fait encore mieux saisir les ressources que
fournit l'analyse du sol bien comprise et bien inter-
prétée.
Enfin, les dernières pages renferment l'établissement
et le détail du devis du matériel et des produits chimi=
ques nécessaires à l'analyse des terres et permettent
de déterminer les dépenses afférentes à ce sujet.
A. HÉBERT.
3° Sciences naturelles
Vidal (Louis), Chef des travaux de Botanique à la
Faculté des Sciences de Grenoble. — Recherches
sur le sommet de l’axe dans la fleur des Gamo-
pétales. (T'hèse pour le Doctorat de la Faculté des
Sciences de Paris). — 1 vol. in-8, broché, de
415 p. avec 4 planches, figures dans le texte (An=
nales de l'Université de Grenoble, X11). Impr:
Allier frères. Grenoble, 1901. |
Si tout le monde est d'accord sur la nature de l'axe
floral, qui est une tige, s'il n'existe aucune difficullé
relative à l'interprétation de la nature foliaire du calice
et de la corolle, quelques difficultés ont été soulevées,
il y à bien longtemps déjà, au sujet de la nature
exclusivement foliaire de l'androcée et du gynécéen
L'organogénie semblait impuissante à expliquer lan
structure de certaines fleurs autrement que par une,
participation de l'axe à la constitution de l'ovaire. On
a pu croire que l'étude anatomique du système vas=s
culaire avait résolu toutes les difficultés; mais M. Van,
Tieghem, qui en avait tiré si bon parti, a eu plus
d’une fois l’occasion de reveuir sur ses observations”
pour en modifier l'interprétation, sans modifier d'ail="
leurs la conclusion essentielle qu'il en avait tirée:
Eichler, MM. Celakovsky, Warmiog, Gœbel, par des
moyens différents, sont arrivés au même résultat, à
savoir que le système vasculaire ne peut donner, à lui
seul, la solution du problème. Le débat est donc toujours
ouvert, M. Grélot s'y est engagé récemment; M. Vidal
y prend part à son tour. Il ne se renferme pas dans un
seul procédé d'étude; il les utilise tous sans parti
pris, n'ayant d'autre désir que celui de faire la lumières
Il observe avec soin, décrit brièvement ce qu'il à vu et
L'axe ne prend aucune part à la constitution du
pistil des Gamopétales lorsque les carpelles sont plus \
ou moins libres (Asclépiadacées, Apocynacées); dans
presque toutes les autres Gamopétales à ovaire supère,
Vaxe prend part à la constitution du pistil, soit en se
rolongeant au centre de l'ovaire, soit en se creusant
n une coupe réceplaculaire. Dans le premier cas, les
uilles carpellaires sont plus ou moins concrescentes
avec un axe intraovarien, à moins que l'axe ne soit
fudimentaire. L'axe intraovarien des Gamopétales pos-
Sède assez souvent un système vasculaire caractéristique
de la tige; les faisceaux y sont orientés normalement;
ïls sont rangés en un cercle ou forment un anneau
béro-ligneux continu, sans trace de péricycle ou
d'endoderme. M. Van Tieghem dit qu'il existe, dans
Ce cas, un axe transitoire. Plus fréquemment l'axe
intraovarien est parcouru par des faisceaux inverses
isolés ou par des faisceaux dont l'orientation n’est pas
déterminable. Quel que soit son développement mor-
phologique, l'axe intraovarien parait être de nature
œaulipaire. Le sommet en est libre entre les carpelles
embrassants concrescents. Quelquefois il atteint le
plafond de l'ovaire qu'il touche, s'appliquant contre
orifice interne du canal stylaire; plus souvent, l'axe
ne s'élève pas jusqu'au sommet de l'ovaire, qui n'est
Pluriloculaire que dans sa partie inférieure. Des faits
tératologiques connus depuis longtemps confirment
cette opinion. L’axe floral prolongé dans la fleur est
bien alcrs une tige qui peut n'avoir pas de système
vasculaire. Si l’on admet qu'il existe des feuilles sans
faisceaux conducteurs, il est logique d'admettre qu'il
puisse exi-ler aussi des tiges sans faisceaux. Cette
interprétation est à fort peu près celle de M. Warming
et de M. Celakovsky. :
Dans le cas où l'axe intraovarien est réduit au mini-
um, et où la placentation est basilaire, on peut se
demander si l'ovule unique est terminal. On l'a cru;
le fait a été infirmé dans plusieurs cas par de bons
bservateurs. M. Vidal confirme que l’ovule n’est pas
erminal chez les Composées et Plombaginacées. Dans
és deux familles, la placentation basilaire dérive de
Ja placentation axile par avortement complet de l'axe
LL par réduction des ovules à un seul.
- Ilest impossible de ne pas admettre la participation
de l'axe à la constitution des ovaires infères des Gamo-
pétales. Dans beaucoup de cas, les faisceaux demeurent
éunis sur une certaine longueur; les faisceaux qu'on
suppose radialement superposés sont soudés en un
“faisceau unique (Caprifoliacées); il peut aussi y avoir
concrescence latérale de faisceaux appartenant au
même verticille. Chez les Composées mêmes, soudures
latérale et radiale sont si intimes que la nervation de
Ja coupe réceptaculaire ne laisse plus soupconner
e nombre et la disposition des pièces florales. Il est
certain que, si des coupes réceptaculaires ainsi consti-
tuées représentent des sommes d'appendices, il n'est
‘pas possible de les distinguer d'organes caulinaires, et,
si l'indépendance des faisceaux caractérise les feuilles,
il faut bien admettre qu'il n’y a pas de feuilles dans
l'ovaire infère des Composées.
On peut dire, en vérité, que, chez les Phanérogames
es plus différenciées (Dipsacées, Composées), le carpelle
est réduit à ne former que le style. Le sommet de l'axe
a supplanté le carpelle. :
- Nous laissons de côté les détails relatifs à la part qui
revient à l'axe dans la conduction du tube pollinique,
Jl'emmagasinement des réserves ou la constitution du
fruit. Relevons simplement, pour finir, quelques indi-
calions relatives aux applications à la systématique des
détails morphologiques qui précèdent.
11 convient de faire remarquer d'abord que la forme
de l'axe est très variable chez les plantes d’une même
famille et identique souvent dans des plantes très
. différentes. La réduction du nombre des graines
entraine le raccourcissement de l'ovaire et surtout
de l'axe ovarien, la gynobasie et, plus tard, la substi-
tution physiologique du péricarpe au tégument séminal.
- Des modifications de cette sorte peuvent se produire
- dans des groupes éloignés et induire en erreur.
— Il ne paraît pas douteux que l'Empetrum dont on a
0
L
f
|
BIBLIOGRAPHIE — ANALYSES ET INDEX
195
beaucoup discuté les affinités ne doive être réellement
rapproché des Vaceinium et des Ericacées. Les Convol-
vulacées paraissent plus voisines des Labiées qu'on ne
le pense. L'Adoxa Moschatellina doit être définitive-
ment rapproché des Caprifoliacées.
Nous devons nous arrêter, mais il convient de dire
que le travail de M. Vidal est de ceux qui perdent à
être analysés: IL fait honneur à l’auteur et à l'Univer-
sité de Grenoble, qui a pris, depuis quelques années,
une place si honorable parmi les centres d'étude des
Sciences naturelles. C. FLAHAULT,
Professeur de Botanique
à l'Université de Montpellier.
Stephan (Pierre), Préparateur à l'Ecole de Médecine
de Marseille. — Recherches histologiques sur la
structure du tissu osseux des Poissons (7hese de
la Faculté des Sciences de Paris). — A vol. in-8° de
150 pages avec 8 planches. L. Danel, imprimeur,
Lille, 1901.
La thèse de M. Stephan touche à plus de choses que
ne le laisse penser son titre. On y trouve non seule-
ment la structure des différents tissus calciliés dont
l'os n’est qu'une espèce, mais encore le développement
de ces tissus et les considérations d'ordre général sur
divers modes d’ossification et la classification des tissus
squelettiques.
C'était là un vaste sujet à entreprendre, trop vaste
peut-être même pour un jeune savant. L'Histologie
est une des sciences les plus difficiles parmi les
sciences biologiques. Elle demande une longue initiation
pour acquérir la pratique des méthodes, pour amener
une éducation suffisante de l'œil; enfin, et surtout,
pour savoir juger les faits et leur faire donner tout ce
qu'ils peuvent fournir. Si M. Stephan n'a pas encore
traversé cette période d'initiation, le travail qu'il nous
présente aujourd'hui nous montre qu'il possède, en
germe tout au moins, ce qu'il faut pour devenir un
histologiste de carrière.
Les différents tissus squelettiques sont caractérisés
tout d'abord par la nature de la substance intercellu-
laire qui donne à ces lissus leur caractère général le
plus frappant, la consistance. Cependant, l'étude de
cette substance ne saurait nous fournir une classifica-
tion de ces tissus. M. Stephan nous montre, en effet,
que, si elle est presque toujours fibrillaire, on peut
trouver tousles intermédiaires entre les larges faisceaux
de fibrilles du double cône vertébral, par exemple, et
la couche superficielle des écailles, où cette substance
se dissout presque entièrement par la décalcification.
Cette première partie de lathèse de M. Stephan se
termine par cette généralisation très intéressante : « Il
y à une concordance complète entre la substance :
osseuse qui se forme et Ja substance fondamentale du
tissu conjonctif dans lequel s'accomplit l'ossification. »
Quand le tissu conjonetif est lâche ou muqueux, la
substance fondamentale est homogène; quand il est
chargé de fibres conjonctives, celle-ci devient fibril-
laire.
Ce sont surtout les éléments cellulaires qui per-
mettent de diviser les tissus squelettiques des Poissons.
En laissant de côté le cartilage et ses variétés, M. Ste-
phan distingue et étudie quatre cas :
1° L'os proprement dit, qui renferme des cellules à
nombreux prolongements ramifiés (ostéoblastes). Ce
tissu se trouve chez les Ganoïdes, les Sirénides et les
Physostomes ;
2 La dentine, dont les cellules ne présentent qu'un
ou deux longs prolongements (odontoblastes) : écailles
pläcoïdes, dents et plaques masticatrices;
30 L'ostéodentine, nom sous lequel Owen désigne les
tissus qui renferment à la fois des ostéoblastes et des
odontoblastes : Ganoïdes osseux; quelques Téléos-
téens ;
4° La substance ostéoïde, de Külliker, ou substance
spiculaire, de Pouchet, qui est une espèce d'os réduit
à sa substance fondamentale : presque tous les Téléos-
494
BIBLIOGRAPHIE — ANALYSES ET INDEX
téens, plaques basales des dents et des écailles des |
Sélaciens.
Dans cette étude, M. Stephan ne nous apporte rien de
bien nouveau, et il ne pouvait le faire non plus en se
limitant, comme il l’a fait, à l'examen de la forme et
du degré de ramification de ses prolongements. Du |
reste, la partie la plus importante de son Mémoire
traite du développement des tissus squelettiques. |
Il étudie tout d'abord l’ossification fibreuse en pre- |
nant pour type la formation:des doubles cônes verté- |
braux. Cette ossification se fait chez les Poissons de la
même facon que chez les Vertébrés supérieurs, avec un
remaniement vasculaire moins considérable cependant
de l'os nouvellement formé. <
Les os un peu volumineux, tels que les os du crâne et
ceux de la ceinture scapulaire, montrent des systèmes
de Havers bien caractérisés; mais, le plus-souvent, ces
systèmes sont rares et isolés au milieu de la substance
fondamentale ; quelquefois même, comme chez les Gadi-
dés, ils sont complétement absents; et, d'une façon très
générale, on peut dire que l’ossification trabéculaire
constitue la majeure partie du squelette des poissons
supérieurs adultes. |
L'ossification dans le cartilage divise toujours les his- |
tologistes au sujet de l’origine des ostéoblastes et de la |
substance osseuse. Dans la plupart des cas étudiés par |
M. Stephan, les cellules cartilagineuses acquièrent peu
à peu la colorabilité des cellules médullaires et persis- |
tent sous cette forme, à la suite de la fonte de la car-
tilagéine; celle-ci ne se transformerait donc pas en
substanceosseuse.]Ilest quelques points cependant,— les
arcs branchiaux des Gadidés et le maxillaire supérieur |
du Tetrodon reticulatus, — où il semble bien que l'on |
ait affaire à du cartilage calcifié.
Après avoir montré les relations qui existent entre
le développement des corps verlébraux des Ganoïdes
osseux et des Téléostéens, M. Stéphan étudie la répar-
tition des divers modes d'ossification; il donne ensuite
quelques détails intéressants sur certains os mous et
termine son travail par un essai de classification des
tissus squelettiques. ;
Les conclusions de cette thèse sont les suivantes :
«4° Confirmant pour les Poissons ce que l’on admet en
général pour les Vertébrés supérieurs, quele tissu osseux
est seulement une adaptation spéciale du tissu conjonc-
tif, nous avons montré qu'il n'y a pas de différence
essentielle entre celui des Poissons et celui des Verté-
brés plus élevés en organisation.
« 20 Les tissus fibreux, fibro-cartilagineux et cartila-
gineux ossifiés sont absolument équivalents... ;
« 3° Au cours de l'édification d'organes, on voit les
phénomènes du développement s'arrêter à différents
états parcourus dans l'édification des os des Mammifères ;
« 4° Chez les Poissons, les tissus de substance dure
peuvent présenter un certain nombre de particularités
ou de modes spéciaux d'évolution qui apparaissent dans
cette classe et y restent limités...
Eu somme, si le travail de M. Stéphan ne fait guère
avancer nos connaissances générales sur les tissus calci-
fiés, ce n'est pas la faute de l’auteur, qui nous présente
ici une œuvre très consciencieuse. Cela lient plutôt à la
direction qu'il a donnée à ses recherches. L'Histologie
purement descriptive ne laisse plus grand’chose à
glaner chez les Vertébrés, et nous pensons que ce n'est |
pas dans cet embranchement qu'on trouvera la solution |
de la grande question de la descendance des tissus.
D'un autre côté, les points d'histosénèse en suspens
ne pourront être résolus qu’en portant toute l'attention
sur la structure intime et sur la physiologie de la cel- |
lule, c’est-à-dire, dans le cas particulier, sur le rôle
de la cellule cartilagineuse ou osseuse dans la résorp-
tion de la cartilagéine et dans la formation de la matière
calcaire. Or, c’est justement cela que M. Stephan a
laissé de côté. Espérons qu'il nous donnera, dans un
prochain Mémoire, ce complément indiqué. Les os de
Trachypterus, de Lophius, de Cyclopterus et de quel-
ques Poissons des grandes profondeurs, os qui sont
»,
mous et faciles à couper sans décalcification préalable,
fourniraient probablement matière très favorable pour
cette étude. GUSTAVE LoIsEL,
Préparateur à la Faculté de Médecine
et à la Faculté des Sciences de Paris,
Chauveau (C.). — Le Pharynx. T. I : Anatomie et
Physiologie. Préface de M. le IX PoLaiLLon. — 1 vol:
1n-8° de 40% pages avec 165 figures. (Prix : 12 fr.)
J.-A. Baillière, éditeur. Paris, 1901.
Ce volume est le premier d'une série qui formera le.
Traité du Pharynx. M. Chauveau a fait plus qu'un
rappel des connaissances anatomiques et physiolo-
giques sur le pharynx, nécessaires à l'exposé et à l'in
telligence des maladies de cet organe et des procédés
thérapeutiques. IL à écrit et bien décrit tout ce qu'on
sait d’essentiel sur l’anatomie, le développement et Ia
physiologie du pharynx. Peut-être même son zèle l’a-tl
emporté trop loin en arrière, jusque dans une période
prépharyngienne du développement; car il décrit réel=
lement ah ovo la formation du tube digestif, d'une fa=
con qui rappelle trop certaines lecons d'agrégation
Mais le reste, c'est-à-dire l'anatomie proprement dite
et surtout la physiologie avec le rôle du pharynx dans
les moyens de défense des voies respiratoires et diges-="
tives, rachète grandement ce point faible par la clarté
des descriptions et par l'abondance des documents
bien employés et mis à leur vraie place. C'est là, en
somme, un ouvrage eslimable, qui témoigne, chez un
clinicien, d'une disposition d'esprit réellement scienti-\
fique. A. PRENANT,
Professeur à l'Université de Nancy.
4° Sciences médicales
Marie (D°A.), Directeur de l'Institut Antirabique de
Constantinople. — La Rage. — 1 vol. in-80 de
180 pages, de l'Encyclopédie scientifique des Aïde-
Mémoire. (Prix : broché, 2 fr. 50; cartonné, 3 fr.)
Masson et Gauthier- Villars, éditeurs. Paris, 1904.
Ce livre, qui est une intéressante étude sur la rage
chez l'homme et chez les animaux, donne une descrip-\
tion exacte de l’évolution de la maladie durant ses diffé-
rentes phases: sa durée et la période d’incubation.
Dans des pages aussi claires que précises, l’auteur
parle du diagnostic différentiel de la rage avec des
maladies d’une autre espèce dont les symptômes peu-
vent être confondus avec ceux de l’hydrophobie : l'hys-
térie, l’hydrophobie imaginaire, certains accès de deli-
rium (iremeus, quelques formes de tétanos, etc. Le
chapitre sur l'anatomie pathologique contient des obser-
vations sur les altérations vasculaires admises jusqu'en
1890, sur l'atrophie pigmentaire de Schalfer et de Poz=
polf, sur les tubercules rabiques de Babès qui peuvent
mauquer dans le névrax d'animaux rabiques, sur les
lésions décrites par van Gehuschten. Ce savant déclare
avoir retrouvé chez des hommes et chez des animaux
morts de la rage des ganglions périphériques. Bien que
ces lésions soient faciles à vérilier, el nous mettent
entre les mains un diagnostic de la plus haute impor-
tance, elles ne se présentent pas toujours avec la net=
teté décrite par le savant histologiste, et, selon Nocard
et Vallée, leur absence ne saurait faire exclure l'exis=
tence de la rage. — Les hygiénistes, les administrateurs"
liront avec fruit la partie où M. Marie discute less
questions de police sanitaire, qui jouent un si grand
rôle dans la prophylaxie de la rage. "4
Ce livre arrive au moment où les Instituts antiras
biques tendent de plus en plus à se multiplier; aussi
lira-t-on avec utilité les passages de ce volume qui con=
cernent l'installation et le fonctionnement des Instituts
antirabiques, et l'application de la méthode pasteu=
rienne, qui, comme le dit M. E. Roux dans la préface,
a épargné des milliers de vies humaines, et dont Iles
résultats dépassent les plus satisfaisants obtenus jus=
qu'ici en Médecine. D: A. Loir, A
Directeur de l'Institut Antirabique de Tunis
5° Sciences diverses
Harion (Henri), Professeur à la Faculté des Lettres
de Paris. — Psychologie de la Femme. — { vol.
in-12 de xu-307 pages. (Prix : 3 fr. 50) Armand
Colin et Cie, éditeurs. Paris, 1901.
“Lourbet (Jacques). — Le problème des sexes. —
nitro]. in-8° de 301 pages. (Prix : 3 fr. 50) V. Giard
et Brière, éditeurs. Paris, 1901.
Voici deux livres qui se rapportent au même sujet et
dont, en dépit de frappantes différences de ton, d'esprit
et de méthode, les conclusions sont, sur bien des
oints, les mêmes. M. Lourbet ramène à des causes
istoriques et sociales, dont l'effet peut et doit aller
“steffacant, les traits de l'intelligence et du caractère
“féminins qui se pourraient interpréter comme des
marques d'infériorité, et se refuse à les faire dériver
“des particularités que présente, au point de vue phy-
siologique, l'organisme de la femme. M. Marion, à vrai
“dire, bien qu'il ait plus longuement et plus fortement
“insisté sur sa fonclion d'épouse et de mère, dont l’ac-
“complissement lui semble l'essentiel de la vie de la
emme et la raison d'être de tout le reste, ne concluait
pas autrement. M. Lourbet s'attache à établir que, si
“l'équité autant que l'intérêt social commandent qu'une
réelle égalité de droits soit créée entre les deux sexes,
iLest à souhaiter que cette « équivalence » de l'homme
et de la femme ne se transforme jamais en une sorte
d'identité où s'effacerait la féconde originalité de l'un
et de l'autre et où s’amoindriraient, en se neutrali-
sant, leurs aptitudes spéciales. C'était là aussi, à peu
de chose près, l'opinion de M. Marion. Tous deux ils
“sont d'avis que les multiples problèmes pédagogiques
“et sociaux que la vie actuelle contraint à se poser
“ne peuvent être résolus que par l'incessante et intime
- collaboration de l'homme et de la femme.
Si la mort n'a point permis à M. Marion de conduire
- au dernier point d'achèvement ce livre qu'il aimait, du
moius sommes-nous assuré que l'on à conservé, dans
ces pages, sa pensée tout entière. Il est une idée
cependant qui domine tout l'ouvrage, et qui nous
semble appeler quelques réserves : c’est la transmission
- héréditaire aux femmes de notre temps des caractères
. acquis par leurs mères et leurs aïeules, au cours de
- celte longue période de sujélion où se sont déroulées
leurs vies et dont, à vrai dire, le terme n'est point
‘encore apparu. Une femme est fille de son père comme
de sa mère, elle lui emprunte bien souvent des parti-
_cularités de structure physique ou mentale, des apti-
_tudes, des goûts, des maladies; il serait bien étrange
que, si ces façons féminines d’être et de penser ne
sont pas sous la dépendance immédiate du sexe, mais
d'origine purement sociale, elles se soient ainsi trans-
» mises par hérédité maternelle, sans que l'hérédité
- paternelle les ait en rien altérées. La vérité est, à nos
- yeux, qu'il s'agit beaucoup moins ici d'hérédité biolo-
- gique que de tradition, d'éducation, d'imitation, de ce
-que Baldwin à appelé hérédité sociale. Du reste,
- M. Marion ne méconnait pas l'importance de cette imi-
tation sociale et, en désaccord sur ce point avec
M. Lourbet, il reconnaît, d'autre part, que, si large
- qu'il faille faire la part des facteurs sociaux dans la
genèse des particularités de l'intelligence et du carac-
-tère féminins, ilest bon nombre de traits caractéris-
tiques de l'esprit de la femme qui sont sous la dépen-
dance immédiate de son organisation sexuelle ; il fait
sienne la phrase célèbre de Maudsley: « Sex lies
“deeper than culture ». Peut-ètre serait-il parvenu à
une conception plus exacte et plus précise de cette
- question de l'origine des caractéristiques psychologi-
_ ques des deux sexes, s'il n'avait pas écarté de propos
délibéré du champ de ses recherches les documents
- ethnographiques : ils lui auraient fourni plus d'une
indication précieuse, et lui auraient montré, en parti-
culier, que la division du travail et la spécialisation
BIBLIOGRAPHIE — ANALYSES ET INDEX
495
des fonctions sont beaucoup plus complètes dans les
sociétés non civilisées, qu'il ne l’avait imaginé.
Après ces premiers chapitres, consacrés à l'étude de
la condition sociale de la femme dans le passé, M. Ma-
rion fait une rapide esquisse de ses caractères anato-
miques et physiologiques, et examine les conséquences
psychologiques qu'entraine, pour la jeune fille et pour
la femme, le développement de la fonction pour la-
quelle elles sont essentiellement organisées : la fonc-
tion maternelle. Il recherche dans les goûts, les ten-
dances, les manières d'être et d'agir de la petite fille
avant la puberté, l’esquisse de la femme future, puis,
passe en revue les diverses catégories de phénomènes
psychologiques, en s'efforcant de déterminer dans
quelle mesure différent, chez l'homme et chez la
femme, les diverses manifestations de la vie affective
et de la vie intellectuelle, et comment se traduisent,
dans les actes, ces varialions des événements inté-
rieurs. La caractéristique essentielle de l'esprit fé-
minin, c'est pour Jui, en dépit des expériences contes-
tables de Lombroso sur la sensibilité féminine, la
prédominance de la vie émotionnelle ; il en étudie,
avec grand soin, les divers aspects : tendances égoistes
(sensualité, avarice, coquelterie, jalousie, envie, besoin
de dominer), sentiments sympathiques (il montre que
la femme est, comme l'homme, capable d'amitié vraie
et désintéressée), sentiments supérieurs (sens esthé-
tique, sentiment religieux, curiosité scientifique, désir
de la vérité, sens moral ; il place, dans cette catégorie,
la pudeur), et s'efforce de mettre en lumière Ja réaction
exercée par cesdiverssentimentslesunssurlesautres. On
peut s'étonner que nulle place n'ait été donnée à l'étude
des émotions simples : joie, tristesse, colère, peur, etc.
Le chapitre consacré à l'étude de l'intelligence fémi-
nine est l'un des meilleurs du livre : M. Marion montre
finement que le plus réel obstacle au développement
intellectuel de la femme, c'est sa docilité, sa plasticité
même, son manque d'originalité, œuvre, d'ailleurs,
des conditions sociales où elie à vécu. La seule qualité
qu'il lui refuse — et à juste raison — c'est l'esprit cri-
tique. Il signale ‘aussi son manque d'initiative. Elle
est ingénieuse et adroile, elle a une imagination mer-
veilleuse des détails, elle estrarement, dans le domaine
de l’action, créatrice et vraiment inventive. Mais elle a
toutes les qualités négatives qui font les volontés fortes :
la patience, l'endurance, l'obstination. Le caprice est
chez elle de surface et d'apparence; Le fond, c'est,
chez la plupart, la ténacité douce.
Les derniers chapitres sont consacrés à l'étude de la
destinée de la femme, des améliorations que comporte
sa condition, et des droits politiques à lui concéder.
Le livre de M. Lourbet est, avant tout, un livre de
polémique. On le lira, néanmoins, avec intérêt et avec:
fruit, en dépit des réserves que suscitent certaines des
opinions que M. Lourbet a adoptées, sans les soumettre
à une assez rigoureuse critique : la théorie, par exem-
ple, qui fait de la famille maternelle une forme posté-
rieure et dérivée par rapport à la famille patriarcale.
L'idée qui domine tout l'ouvrage, c'est qu'aux premières
phases de l’évolution humaine, la condition mème du
développement mental se trouvait dans une certaine
supériorité de force musculaire, qui seule pouvail assu-
rer les loisirs et l'indépendance nécessaires pour se
libérer de l'existence purement animale : de là, l'état
d’infériorité intellectuelle où la femme a été longtemps
condamnée à vivre. Le plan qu'a suivi M. Lourbet est
analogue à celui de M. Marion. Il s’est surtout attaché
à établir qu'aucun des caractères anatomiques sur les-
quels on à voulu fonder l’infériorité nécessaire de la
femme n'a la constance, ia signification ou la valeur
que la plupart des auteurs leur ont altribäées; sur
bien des points il a partiellement raison, mais il a
affaibli son argumentation en abondant, plus qu'il
n'aurait fallu, dans son propre sens.
L. MARILLIER,
, Maitre de Conférences
à l'École pratique des Hautes-Éludes
196
ACADÉMIES ET SOCIÉTÉS SAVANTES
ACADÉMIES ET SOCIÉTÉS SAVANTES
DE LA FRANCE ET
ACADEMIE DES SCIENCES DE PARIS
Séance du 29 Avril 1901.
M. R. Zeiller est élu membre dans la Section de
Botanique.
1. SCIENCES MATHÉMATIQUES. — M. H. Lebesgue montre
que toute fonction dérivée, limitée supérieurement en
valeur absolue, étant de première classe, est sommable
et que son intégrale, considérée comme fonction de sa
limite supérieure, est une de ses fonctions primitives.
— M. H. Dulac communique ses recherches sur les inté-
gralesanalytiques des équations différentielles du premier
ordre dans le voisinage de conditions initiales singu-
lières. — M. de Séguier détermine les équations de
certains groupes et montre, en particulier, que le seul
groupe deux fois transitif de degré p -+ 1 et d'ordre
CRE - ;
s DL? — 1) (p > 2) est le groupe modulaire, excepté
si p — 7. — M. P. Duhem démontre, par une méthode
semblable à celle de Lejeune-Dirichlet, un théorème
relatif à la stabilité d'un système animé d'un mouve-
ment de rotation. — M. Ed. Maillet démontre que les
lois des montées de Belgrand et les formules des débits
d’un cours d’eau sont, en réalité, non des lois empiri-
ques, mais des lois théoriques approximatives. —
M. A. Cornu indique une méthode de compensation
mécanique de la rotation du champ optique fourni par
le sidérostat et l’héliostat, basée sur l'emploi du joint
universel ou croisillon. La solution est aussi rigoureuse
que celles de M. Turner et de M. Lippmann et elle a
sur elles l’avantage d'être mécaniquement plus par-
faite, car elle ne comporte que des mouvements de
pivotement réalisables avec une rigueur presque indé-
finie par les procédés mécaniques usités dans la cons-
truction des instruments de précision.
2. ScieNCES PHYSIQUES. — M. Edouard Mack a vérifié
sur l’éther la loi de M. Amagat : A volume constant,
l'augmentation de pression est proportionnelle à l’ac-
croissement de température. C'est-à-dire que les lignes
d'égal volume ou isochores sont des droites: p —
a t + $. Les isochores de l’éther présentent une légère
courbure, mais, vu leur petitesse, les écarts peuvent
être attribués aux erreurs de mesures seulement. —
M. L. Decombe indique le mode opératoire qu'il a
employé pour mesurer la période des oscillations élec-
triques par le miroir tournant. Le résultat général a
été la constatation de J'unicité de la période des exci-
tateurs électriques. — M. G. A. Hemsalech a constaté
que le spectre de bandes, obtenu dans l’étincelle oscil-
lante avec certains métaux, est identique au spectre de
bandes de l'azote du pôle négatif. Il n'a trouvé aucune
bande du pôle positif — MM. Ph.-A. Guye et
F.-L. Perrot indiquent une méthode de mesure rapide
de la tension superficielle des liquides par la méthode
des gouttes, qui permet, dans certaines conditions,
d'obtenir cette valeur à 1 ou 2 % près. — M. P. Th. Mul-
ler a reconnu que la conductibilité électrique d'une eau
minérale ou d'une eau de source est une constante
caractéristique ; on peut reconuaitre la moindre varia-
tion de composition de l’eau par une varialion corres-
pondante de la conduetibilité. — M. Ph. Barbier a fait
l'étude du myrcénol, alcool provenant de l'hydratation
du myrcène, et a reconnu qu'il possède la constitution :
CIF — C= CH — CH? — CH? — C(OH) — CH = CHE
|
CHS Ce
. Comme cette formule est celle qui a été attribuée au
licaréol par M. Tiemann, il faudra en chercher une
—
DE L'ÉTRANGER
autre pour ce corps. Le myrcénol donne, par oxydation?
un aldéhyde isomère du lémonal et susceptible d'exister M
sous deux formes stéréoisomériques. — M. A. Wahla
préparé, par réduction du nitro-diméthylacrylate
d’éthyle, le nitroacétate d’éthyle. Il a obtenu le même
corps à partir du nitro-malonate d'éthyle par élimina-
tion de CO? sous l'influence de la potasse. — M. Mavro-
jannis a préparé les trois éthers ortho, méta et para-
nitro-benzoylcyanacétiques en faisant réagir les chlo-
rures de nitrobenzoyle sur l’éther cyanacétique sodé.
— M. Al. Leys indique une nouvelle réaction caracté-
ristique de la saccharine; en ajoutant à une solution
extrêmement diluée de saccharine 2 gouttes de per-
chlorure de fer, puis 2 cc. d’eau oxygénée, on obtient,
au bout de 30 minutes, une coloration violette qui se
maintient pendant des semaines. L'auteur décrit l’ap-
plication de la méthode aux produits de laiterie, —
M. M.E. Pozzi-Escot indique les réactions microchi-
miques de quelques alcaloïdes, spécialement avec le
chlorure de platine et l’iodure de potassium ioduré.
— M. G. André a étudié la migration des matieres
azotées et des matières ternaires dans le Sinapis alba
et le Lupinus albus. — M. Balland a fait l'analyse des
graines du Voandzou, légumineuse de l'Afrique inter-
tropicale; ces graines offrent la particularité de ren-
fermer les matières nutritives dans les proportions
nécessaires pour en faire un aliment complet.
3. SCIENCES NATURELLES. — M. L. Cailletet présente
un appareil permettant aux aéronautles d’emporter de
l'oxygène dans leurs ascensions; il se compose de plu-
sieurs vases contenant de l'oxygène liquide, d’un réci-
pient destiné à faire repasser à l'état gazeux l'oxygène
liquide en le réchauffant, enfin d’une sorte de masque
qui assure la respiralion du gaz par le nez. Cet appareil
a été employé avec succès par le comte Castillon de
Saint-Victor dans une ascension. — M. G. Weiss com-
munique un apercu de ses recherches sur les constantes
physiques qui interviennent dans l'excitation électrique
du nerf. — M. Aug. Charpentier décrit une nouvelle :
méthode pour la mesure directe de la longueur d'onde
dans le nerf à la suite d’excitations électriques brèves.
Elle peut se comparer à la méthode de Koenig pour
montrer l'interférence du son dans un tuyau à deux
branches. On a obtenu, pour les demi-longueurs d'onde,
les valeurs: 18mm,5; Qmm 9: Gmm 2: 4mm 5, ce qui démontre
la coexistence d’harmoniques avec la vibration fonda-
mentale, — MM. Charrin et Guillemonat ont constaté
sur des cobayes qu'on fait fléchir la vitalité d’un orga-
nisme et sa résistance à la maladie quand on stérilise
les milieux qu'il habite, l'air qu'il respire etles aliments
qu'il ingère. — M. Marage à reconnu que le liquide
de l'oreille interne de la genouille est une dissolution,
dans un fluide de nature indéterminée, de bicarbonate
de chaux et de traces de bicarbonate de magnésie avec
des cristaux de carbonates en excès; l’une des fonctions
des otolithes est de maintenir aussi constante que pos-
sible la conductibilité acoustique de ce milieu.— MM. C:
Vaney et A. Conte ont étudié les phénomènes d'histolyse
etd'histogenèse accompagnantle développementdes Tré-
matodes endoparasites des Mollusques terrestres; il n'y
a, à aucun moment, intervention de la phagocytose.
— M. A. Conte décrit l'évolution des feuilles blasto-
dermiques chez quelques Nématodes. On constate une
disparition plus ou moins importante de l’ectoderme, et
une disparition totale de l'endoderme. Le tube digestif
de l'adulte est formé, d’une part par des éléments ecto-
dermiques constituant l'æœsophage, d'autre part par des
éléments mésodermiques formant l'intestin. Dans tous
ces cas, la cavité générale est limitée par deux feuillets
ACADÉMIES ET SOCIÉTÉS SAVANTES
197
d'origine mésodermique. — MM. H. Coutière et J. ,
Martin décrivent un nouvel hémiptère marin recueilli
à Djibouti, l'Hermatobates Djiboutensis, et un individu
“un peu différent qu'ils nomment Hermatohatodes Mar-
“cher. L'étude de ces insectes les conduit à créer une
“nouvelle sous-famille d'Hémiptères, celle des Herma- |
tobatine. — M. P. Carles adresse une nole ayant pour
titre : « La pourriture grise du raisin aurait-elle quelque
rapport avec la présence des morilles dans les vignes? »
Séance du 6 Mai 1901.
…. L'Académie procède à l'élection de deux correspon-
“dants. M. G. Zeuner est élu Correspondant dans la
Section de Mécanique. M. Oudemans est élu Corres-
- pondant dans la Section de Géographie et de Navigation.
1° SCIENCES MATHÉMATIQUES. — M. Loewy présente le
quatrième volume des Annales de l'Observatoire de
“Joulouse, renfermant le calatogue, dû à M. Saint-
‘Blancat, de 3.179 étoiles visibles dans Ja zone de Tou-
louse. — M. B. Baïllaud à appliqué le photomètre à
“coin à la mesure des grandeurs photographiques des
“étoiles. L'emploi de cet appareil offre moins de préci-
sion pour les très belles étoiles que pour les étoiles
faibles. Toutefois, les résultats paraissent suffisamment
“exacts. — M. G. Bigourdan donne la liste des nébu-
“leuses nouvelles découvertes à l'Observatoire de Paris
de 1897 à 1900. — M. A. Demoulin cherche à déter-
-miner la surface réglée la plus générale telle que le
“lieu des projections d'un point quelconque de l'espace
sur ses génératrices soit une courbe sphérique. Le
cône le plus général satisfait à la question. Une autre
solution est fournie par un conoïde droit admettant
comme directrice curviligne l'intersection d'un cylindre
de révolution renfermant l'axe du conoïde et d'une
Sphère quelcouque. — M. G. Tzitzeica s'occupe de la
-déterminalion de toutes les surfaces qui admettent un
réseau conjugué iavariable dans une déformation con-
“ tinue. — M. L. Desaint communique ses recherches |
- sur les séries de Taylor et les étoiles correspondantes.
— M. C. E. Guillaume iudique un procédé pour la
‘correction de l'erreur secondaire des chronomètres. Il
… cousiste à employer pour les balanciers une combinai-
son de laiton et d'acier au nickel, dont les dilatations
. vont en s'écartant à mesure que la température s'élève.
Des chronomètres à balanciers construits sur ce principe
ont présenté une erreur secondaire pratiquement nulle.
2 SCIENCES PHYSIQUES. — M. A. Poincaré, poursuivant
ses études sur la pression atmosphérique, détermine le
mouvement, en chaque jour synodique, de l'axe instan-
tané de symétrie des écarts baroméiriques. — M. E.
- Bertainchand à étudié les poussières atmosphériques
rouges observées à Tunis le 10 mars 1901. Elles étaient
constituées par un sable siliceux entouré d'une fine
pellicule de limonite; elles provenaient vraisemblable-
ment du Sahara, d'où elles avaient été arrachées par un
ouragan. — M. V.Crémieu: Sur l'existence des courants
ouverts (Voir p. #98). — M. G. Flusin a étudié l'osmose
à travers la membrane semi-perméable de ferrocyanure
de cuivre. Pour un même vase, les vitesses d’osmose
- sont proportionnelles aux pressions osmotiques, et, par
conséquent, inversement proportionnelles aux poids
- moléculaires. L'urée seule présente une anomalie, pro-
- venant de ce qu'elle traverse la membrane. — M. L.
. Guillet a cherché à préparer des alliages d'aluminium
et de tungstène, en réduisant l'acide tungstique par un
plus ou moins grand excès d'aluminium. Suivant les
conditions, il a obtenu les alliages AlTu*, Al‘Tu, AlTu,
en cristaux bien déterminés. Les résultats sont bien
moins nels avec l'oxyde TuO*. -— M. A. Granger, en
- faisant réagir le mercure sur le triiodure d'antimoine
en tube scellé vers 300°, a obtenu un iodoantimoniure
— de mercure Hg'Sb'.2Hgl°. Il cristallise en prismes. —
— M. Ad. Jouve a trouvé de petits cristaux prismatiques
… de chaux dans un four à carbure de calcium qui avait
…. été arrêté au début de la réaction. Ils se sont proba-
“ blement formés par refroidissement de la chaux fondue
… ou vaporisée dans cet espace clos. — M. V. Thomas
établit que : 4° le mercure réagit sur l'iodure de mé-
thylène exempt d'iodoforme en donnänt en même temps
CHI. Hgl, CH°(Hgl}® et CH(Hgl)'; 2 l'iodure CH°L. Hgl
se décompose sous l’action de la chaleur en donnant
les dérivés CH?{Hgl}° et CH(Hgl}'; 3° l'iodure de méthy-
lène est décomposé par certains métaux avec formation
d'éthane et de méthane ou de carbures acétyléniques
précipitant en rouge le chlorure cuivreux ammoniacal.
— MM. Ch. Moureu et R. Delange, en traitant l'acide
amylpropiolique par l'acide sulfurique fumant!, ont
obtenu l'acide gras à deux atomes de carbone de moins;
en traitant le même acide acétylénique par la potasse
alcoolique, ils ont obtenu un acide f-cétonique non
substitué et à chaîne normale, l'acide caproylacétique.
— M. A. Wahl, en chauffant à 100° uue solution chlor-
hydrique étendue d’x-aminodiméthylacrylate d'éthyle,
a obtenu un corps qu'il suppose être l'acide diméthyl-
pyruvique. Pour fixer sa constitution, il l'a réduit par
l'amalgame de sodium et a obtenu l'acide +-oxyisovalé-
rique, ce qui confirme son hypothèse. — M. R. Fosse
montre que l'anhydride obtenu par Rousseau en appli-
quant la réaction de Reimer et Tiemann au f-naphtol,
n'est autre chose que la dinaphtoxanthène :
ACHAS
CH*:
Note
0
M. M. Descudé, en faisant réagir le chlorure d'acélyle
sur l'oxyde d’éthyle (éther) en présence de ZnC!, à
obtenu du chlorure et de l’acétate d'éthyle. Avec un
éther mixte (oxyde de méthyle-amyle), on obtient à la
fois du chlorure de méthyle et du chlorure d'amyle, et
de l'acétate de méthyle et de l'acétate d’amyle. Les
réactions sont presque quantitatives. — M. G. André
examine la variation des hydrates de carbone saccha-
rifiables, de la cellulose insoluble et de la vasculose
dans le Sinapis alba et le Lupinus albus.
3 SCIENCES NATURELLES.— MM. Lannelongue, Achard
et Gaïllard ont étudié l'influence du travail muscu-
laire, de l'alimentation insuffisante et de l'inhalation
d'un air chargé de poussières sur la marche de la tuber-.
culose chez les cobayes. L'action pernicieuse de ces
trois facteurs a été nettement constatée, — M. C. Phi-
salix à étudié l'affection connue sous le nom de
maladie des chiens, et en a isolé et cultivé le microbe
spécifique. C'est le même que celui de l'infection spou-
tanée du cobaye. L'auteur à constaté, de plus, que les
jeunes chiens qui ont recu, à plusieurs reprises, des
inoculations de culture atténuée du microbe, résistent
aussi bien à la contagion naturelle qu'à l'infection
expérimentale. — M. Bierry a constaté que l'injection
du sérum néphrotoxique au chien provoque une albu-
minurie intense qui peut amener la mort. Le sérum.
d'an chien ainsi rendu néphrilique jouit, à son lour,
de propriétés néphrotoxiques vis-à-vis d'un autre chien.
— M. Etienne Rabaud montre que les processus léra-
tosènes se divisent en deux grands groupes; certains
d'entre eux sont extrémement précoces, les autres plus
ou moins tardifs. — M. A.-D. Waller décrit un signe
distinctif qui permet de reconnaitre sur la peau intacte,
par les réactions aux excitalions électriques, si les
tissus sont vivants ou morts; comme la peau est douée
d'uve survie exceplionnellement prolongée, le fait de
sa mort indique que la mort délinitive a eu lieu. —
M. E. Bataillon a étudié l’évolution des œufs imma-
turés de ÆRana fusca. Il est conduit à leur attribuer une
pression osmotique supérieure à celle de l'œuf mür.—
MM. Fabre-Domergue et Eug. Biétrix out étudié le
développement de la Sole au laboratoire de Concarneau.
Favorisé par une nourriture abondante, on obtient une
survie de plus de 50°/,, ce qui permet d'envisager la
possibilité d'une culture industrielle de la Sole. —
M. Jean Friedel décrit des expériences qui le con-
duisent à supposer que l'assimilation chlorophyllienae
est accomplie, sans intervention de la matière vivant»,
par une diaslase qui utilise l'énergie des rayons solaires,
la chlorophylle fonctionnant comme sensibilisateur. —
498
M. E. de Martonne a reconnu que les mouvements du
sol. en Valachie, accusent une tendance générale à
l'affaissement, comme dans le bassin pannonique. Mais
cet affaissement atteint son maximum d'amplitude et
d'extension dans la région limitrophe de la Moldavie,
tandis qu'à l’ouest de l’Oltu, il était localisé à la bor-
dure du massif cristallin et compensé probablement par
un soulèvement d'une partie de l'Olténie tertiaire. Toute
l’histoire du bas Danube et des vallées valaques est en
liaison intime avec ce processus qui se continue peut-
être encore à l'heure actuelle. — M. F.-A. Forel a pra-
tiqué des sondages thermométriques sur les eaux du
Léman, el a comparé les variations de la température
avec celles d’antres lacs. Il en déduit que l'amplitude
de la variation thermique annu-lle est fonction de la
latitude; elle est nulle à l'équateur et maximale au pôle.
D'autre part, il semble que la profondeur de pénétra-
tion de la chaleur croît aussi avec la latitude.
Louis BRruNeT.
SOCIÉTÉ FRANÇAISE DE PHYSIQUE
Séance du 3 Mai 1901.
M. H. Morize, au sujel d'une récente communication
de M. B. Brunhes, rappelle que, dans sa thèse, publiée
eu 1898 à Rio de Janeiro, et écrite en langue portu-
gaise, il a décrit, mais non réalisé, une méthode pour
la mesure de la vitesse des rayons de Rüntgen. Un
même flux de rayons X provoquerait successivement la
décharge de deux micromètres chargés silués sur son
parcours et séparés par une distance connue. On éva-
luerait au miroir tournant l'intervalle de temps sé-
parant les deux étincelles, et l'on en déduirait la
vitesse des rayons actifs. M. Morize propose aujour-
d'hui une autre méthode. Une fente fixe serait éclairée
par une source de rayons X. Assez loin devant cette
fente, un système de deux disques, portés par un même
axe horizontal, peut être mis en rotation rapide. Ces
disques sont munis de fentes qui, successivement,
viennent se mettre deux par deux en ligne droite avec
la fente fixe. Si le disque tourne très lentement, c'est
dans cette position qu'un écran fluorescent placé
derrière le dernier disque peut s'illuminer. Quand les
disques tournent très vite, et si les rayons X se prs-
pagent aves une vitesse finie, l'illumination de l'écran
doit se déplacer, dans le sens du mouvement, d'une
quantité dont la mesure fera connaître la vitesse des
rayons X. M. L. Benoist fait observer qu'il à établi
et présenté à M. Lippmann, ea mars 1898, en vue
d’une réalisation ultérieure, un projet de mesure de la
vilesse des rayons X, complètement étudié et fondé
précisément sur la méthode et la disposition expéri-
mentale que propose en dernier lieu M. Morize. —
M. V. Crémieu informe la Société de Physique qu'il
croit avoir pu réaliser expérimentalement des courants
ouverts. L'existence de ces courants serait la consé-
quence directe des résultats obtenus par l’auteur sur
la non-existence de l'effet magnétique de la convection
électrique. Le principe de l'expérience esi le suivant :
Un disque d'ébonite a été doré suivant des secteurs
radiaux isolés les uns des autres. Ces secteurs se
chargent par influence en face d'un inducteur fixe en
touchant un premier balai métallique; ils viennent
ensuite se décharger sur un balai relié au premier par
un fil conducteur. On constate alors que la partie con-
vection du circuit ainsi constitué ne produit aucun
effet magnétique, tandis que la partie conduction en
produit un très notable. L'intensité mesurée des cou-
rants réalisés est de l'ordre de 10-* ampère. L’expé-
rience est trop délicate pour pouvoir être reproduite en
public; mais l’auteur, désireux de la soumettre aux
critiques de toutes les personnes compétentes, se tient
à leur disposition, au Laboratoire des Recherches phy-
siques, à la Sorbonne. — La question des poids molé-
culaires étant généralement abordée par ses côtés phy-
siques, M. Lespieau demande à la Société la permission
ACADÉMIES ET SOCIËÈTÉS SAVANTES
d'envisager rapidement le côté chimique. I] rappelle
d'abord comment on peut arriver aux uombres actuel-
lement en usage, soit en admettant l'existence des
atomes et l'hypothèse d’Avogadro, soit en partant de
l'existence de nombres proportionnels el en fixant Je
choix de ces nombres par la condition de correspondre
à des volumes de vapeur égaux. Il expose que cette
manière de procéder peut paraitre supérieure à Jan
première parce qu'elle est exempte d'hypothèse, mais
qu'en réalité elle est obligée d'admettre dans les COm=M
binaisons chimiques une simplicité qui ne s’y rencontre
pas. fl cite de nombreux exemples à l'appui de son
dire. Il existe, par exemple, des carbures C‘*H!? et
C#H*%, Le rapport des poids d'hydrogène qui se com-
binent ici à un même poids de carbone est égal à&
D] A
D. On n'’oserait pas citer de tels exemples après
avoir énoncé les lois de MNalton et de Gay-Lussac
comme on les énonce d'habitude. Pour mettre ces lois
en accord avec lés faits actuellement connus, il fau
drait remplacer les rapports simples par des rapports
commensurables. Mais l'analyse devient impuissante
à confirmer de telles lois, et l'hypothèse que l’on fait
se confond pratiquement avec celle des atomes. D’ail:
leurs, comme l'ont ditGerhardt, Wurtz et bien d’autres,
les formules des corps sont faites pour rappeler les
réactions de ces corps. Elles ne doivent être que des
équations de réactions contractées (Gerhardt). M. Les-
pieau essaye d'établir que l'étude des réactions d'un
corps permet à elle seule de lui donner une formule
développée sans hypothèse d'Avogadro et sans notion
de valence. Il rappelle que les chimistes n'hésilaient
point à sacrifier l'hypothèse d'Avosadro quand elle
semblait en contradiction avec les formules déduites …
des propriétés chimiques; il cite les travaux de Wil-
lamson sur l’éther, de Wurtz sur les radicaux hydro-
carbonés, comme ayant établi par une voie chimique
les formules de ces composés. Il se résume en disant
que la recherche du poids moléculaire d’un corps et
celle de sa formule développée sont deux problèmes
inséparables. L'idée d’Avosadro devient, dans cette
conception, une loi expérimentale au même titre que la
loi de Raoult. Il semble d’ailleurs à M. Lespieau que
cet accord entre les propriétés chimiques et ies pro-
priétés physiques plaide singulièrement en faveur de
l'hypothèse atomique. — MM. P. Curie et G. Sagnac
exposent leurs recherches sur l'électrisation négative
des rayons Secondaires dérivés des rayons X. Tandis
que les rayons X ne se montrent pas électrisés, les
rayons secondaires qu'excitent les rayons X en frappant
le zinc, l’étain et surtout le platine ou le plomb, nous …
ont fourni des flux d'électricité négative de l’ordre du
101 ampère; les rayons secondaires de l’alaminium
ne semblent pas électrisés, et l'on sait qu'ils ne diffè-
rent pas notablement des rayons X qui les excitent,
tandis que les rayons secondaires du zinc, de l’étain,
et surtout du platine ou du plomb sont beaucoup plus
absorbables que les rayons X générateurs dont ils sont
une transformation‘. L'émission électrique du plomb,
par exemple, est aussi absorbable que l'émission
cathodique produite par la décharge dans le vide et"
étudiée par P. Lenard. Aussi est-elle difficile à obser-
ver quand le métal rayonnant est entouré d’un diélec-
trique solide (paraffine). Nous l'avons étudiée surtout
en placant une lame L du métal rayonnant (platine;
par exemple) à quelques millimètres seulement des
‘ Le Professeur Dorn a constaté que les rayons secondaires M
du platine, du plomb renferment des rayons déviables par
l'aimant et d’autres rayons non déviables: ceux-ci existent
seuls dans le faisceau secondaire de l'aluminium. L'un de
nous avait antérieurement émis l'hypothèse que les rayons
secondaires issus de la transformation des rayons X par
les métaux tels que le platine, le plomb, pouvaient bien
renfermer des rayons déviables par l'aimant (G. SAGNaAC:
L'Eclairage électrique du 12 mars 1898 : Aayons X, rayons
secondaires cb rayons Lenard). .
ACADÉMIES ET SOCIÉTÉS SAVANTES
199
parois d'une boîte métallique B, dans laquelle nous |
aréfions l'air jusqu’au vide de Crookes( - _ demilli-
mètre de mercure), de manière à lui rendre suffisam-
ment ses propriétés isolantes malgré l'action des
rayons X et des rayons secondaires qui le traversent,
“lu tube focus, placé à quelques centimètres seulement
de la lame L, lui envoyait des rayons X sur une sur-
face d'environ 30 centimèlres carrés, à travers des
fenêtres fermées par de l'aluminium. L'intérieur de la
boîte B était tapissé d'aluminium. La lame L (platine
“par exemple), isolée des parois, communiquait avec
Vaiguille d'un électromètre et avec un quartz piézo-
“électrique; on pouvait ainsi mesurer le flux électrique
“des rayons secondaires par la méthode d'opposition
“le M. Curie. On compensait d'ailleurs l'effet dû à la
“force électromotrice entre le métal L et celui des
“parois de la boite B (platine-aluminium par exemple),
effet qui, dans le vide de Crookes, n'est plus que la
“centième partie environ du courant étudié. Dans les
‘conditions indiquées, le platine, perdant les charges
négatives emportées par les rayons secondaires, se
chargeait de la quantité complémentaire d'électricité
positive. On renversait le phénomène et l'on recueillait |
électricité négative envoyée par les rayons secon-
daires en formant la lame intérieure L d'aluminium et
placant une mince feuille de platine sur les fenêtres de
Ja boîte B. L'existence de rayons secondaires électrisés
formant un faisceau déviable, mélangé à des rayons non
déviables, est en accord avec l'analogie des rayons
secondairesetdes rayons spontanés des corps radioaclifs
signalée par Mme Curie. Elle s'accorde aussi avec l’ana-
logie des rayons X et des rayons ultraviolets. Le Pro-
fesseur A. Righi et le Professeur P. Lenard ont, en
“effet, montré que les rayons ultraviolets peuvent, en
frappant des métaux (électrisés ou non), provoquer une
émission de rayons cathodiques particuliers. —M. Guil-
laume présente, à la demande de M. le D' Berger, un
appareil désigné par lui sous le nom de plastiscope,
et qui permet, grâce à une illusion d'optique, de donner,
dans certains cas, une impression assez nette de relief
avec une seule image. Une loupe binoculaire est com-
plétée par un système divergent tel que la mise au
point sur les bords du champ soit plus éloignée qu'au
centre. De cette facon, la partie centrale et les parties”
périphériques ne sont pas au point en même temps; et
si, comme cela arrive souvent, le sujet central et prin-
cipal du dessin est en avant du reste, il apparaît effec-
tivement avec un faible relief attribuable uniquement à
la mise au point.
SOCIÉTÉ CHIMIQUE DE PARIS
Séance du 410 Mai 1901.
…. M. A. Haller décrit, au nom de M. A. Guyot et au
«sien, une nouvelle matière colorante qui dérive du
diphénylèneméthaue ou phénylfluorène. Ce composé
s’oblienten diazotant, en solution sulfurique concentrée,
l'hexaméthyltriamidotriphénylméthane ortho-amidé, et
-oxydant ensuite la leucobase obtenue :
[CSH*AZ(CHS 2
AzH? + AzO®H + SOAI*
NAZ(CUSE
(C'H+Az(CHE 2
= (
1 Az?.SO'H + 2H°0.
Nc
NAZ(CHSE
[CHH“Az(CH°)°]? C‘H‘Az(CH:)?
‘4 74
à CH 4e RQ = CH— CH — Az(CH*)? + SOH? + Az?
NAz(CH} C'H'AZ(CH)
Quand la diazotation se fait en solution acide étendue,
on obtient la leucobase du violet cristallisé hydroxylé.
Quand elle se fait en solution chlorhydrique, il se
forme, outre le dérivé phénolique, la leucobase du
violet cristallisé monochloré, et ce deruier en quantité
d'autant plus grande que l'acide employé est plus con-
centré. La leucobase décrite plus haut donne, par oxy-
dation, une matière colorante d’un bleu-violet qui, en
teinture, donne des nuances tirant sur le bleu. —
MM. E. Blaise et G. Blanc ont cherché à montrer
qu'il existe entre les acides du type «-campholénique,
d'une part, &-campholénique, $-campholytique (isolau-
ronolique) d'autre part, une différence profonde qui
provient de la transposition apparente dans le noyau
C‘H'* du camphre, du reste CO?H ou CH*.CO*H, Pour
cela, ils ont traité la dihydrocampholénamide de Mahta
et Tiemann par le brome et la soude, et obtenu une
nouvelle base, l’«-dihydroaminocampholène CSHCH®.
AzH°. Eb. à 1900: l'urée fond à 107-1080, l’oxamide à
147-1480, le picrate à 227° (se déc.). «n — + 329,48. D!5
— 0,8655. La comparaison de cette base avec l’isomère
droit du dihydro-B-aminocampholène n'a pu être faite
parce que celte dernière base n'a pu être dédoublée en
ses deux composants optiques. De ce côté, la démons-
tration est incomplète. L'acide dihydrocampholénique
a alors été bromé. L’éther bromé correspondant CH.
CHBr. CO*C3H5 bout à 135-1400 (H = 12 mm.). Traité par
la potasse aicoolique, il donne un acide incomplet
CH. CH — CH. CO“H, Eb. à 155° (12 mm.), F. à 702: Ce
dernier, oxydé par le permanganale, donne une cétone
C#H0, Eb. à 164-165. L'’oxime fond à 107-1080, la
semicarbazone à 1882. Elle est donc différente de la
triméthyl-1. 1. 2-cyclopentanone-3 de Noyes et ne peut
avoir que la constitution :
CH* CH?
à
C
Fe
CO/ PE
lan fe
— MM. Ch. Moureu et R. Delange communiquent les
premiers résultats qu'ils out obtenus dans l'étude des
acides acétyléniques. Ils ont préparé deux acides
acyeliques normaux, lac. amylpropiolique CH" —C=—
G — CO*H et l'ac. hexylpropiolique C'H®—C=C—CO'H,
ainsi qu'un certain nombre de leurs dérivés. Chacun de
ces acides, hydrogéné par le sodium et l'alcool absolu,
fournit l'acide saturé gras correspondant; l'un d'eux
est identique à l'acide caprylique C#H#O0#, qui existe
sous forme de glycéride dans le beurre de vache, et
l’autre à l’acide pélargonique C'H!*0* de l'essence de
pélargonium. L'acide amylpropriolique, traité par:
l'acide sulfurique fumant, se dédouble avec formation
d'acide caproïque C‘H#*0: et d’un acide sulfoné. Chauffé
avec de la potasse alcoolique, il fixe une molécule
d’eau, en donnant, avec de bons rendements, l'acide
caproylacétique C°H'— C0 — CH*— CO*H, nouvel acide
G-cétonique dont il est aisé de préparer les éthers par
éthérification directe. Celte dernière réaction sera
généralisée; elle constitue un procédé de synthèse
nouveau des acides et éthers f-cétoniques. — M. Wy-
rouboff résume brièvement ses recherches sur la cons-
titution des composés du chrome. — M. Albert Gran-
ger décrit la préparation et les propriétés d'un iodo-
antimoniure de mercure obtenu en faisant réagir
l'iodure d'antimoine sur le mercure. Ce composé
Hg®Sb:.2Hgl° est cristallisé et rappelle la stibine par son
aspect.
SOCIÉTÉ DE PHYSIQUE DE LONDRES
Séance du 26 Avril 1901.
M. H. L. Callendar lit un mémoire sur la correction
thermodynamique du thermomètre à gaz. Dans un court
historique, il montre que les hypothèses faites par
500
ACADÉMIES ET SOCIÉTÉS SAVANTES
ceux qui ont jusqu'à présent tenté de résoudre cette
question, ont élé généralement erronées. De 4885 à
1888, M. Chappuis a fait une série de comparaisons
soignées entre divers thermomètres à gaz et un ther-
momètre à mercure très délicat, et il a dressé une
table de différencesentreles thermomètres à hydrogène
et à azote. M. Callendar a pris les observations de
M. Chappuis et calculé une nouvelle table de diffé-
rences. L'indice n de l'équation de Joule-Thomson
modifiée n'est pas constant. Pour la vapeur, il est de
3,5; pour CO*il est de 2. La correction thermodyna-
mique est très faible, surtout dans le cas de l'hydrogène |
et de l’hélium; elle est bien moindre que la correction
pour la dilatation du bulbe du thermomètre. — M. R.
W. Wood communique une note sur lä production d'un
spectre de lignes brillant par la dispersion anomale et
ses applications. M. W. H. Julius a suggéré l’idée que le
« spectre à éclats», vu immédiatement au moment de
la totalité, est peut-être dû à la réfraction anormale de la
lumière de la photosphère par l'almosphère de vapeurs
métalliques qui entoure le Soleil. La lumière ainsi ré-
fractée anormalement possède des longueurs d'onde
presque identiques à celles que les vapeurs métalliques
sont elles-mêmes capables de rayonner. Le Soleil est
supposé entouré d'une atmosphère de vapeurs métalli-
ques dont les indices de réfraction décroissent à mesure
que la distance au centre croît.Dans cette atmosphère,
les rayons de lumière venant de la photosphère se
meuvent suivant des trajectoires courbes; l'indice de
réfraction est très faible, excepté pour les longueurs
d'onde très proches de celles absorbées par la vapeur.
Donc la lumière qui ressemble à celle émise par les
vapeurs sera très fortement réfractée, et s'incurvera
suffisamment pour atteindre la Terre après que la pho-
tosphère aura été cachée par la Lune. L'auteur montre
le spectre à éclat du sodium, en envoyant la lumière
d'une lampe à arc par une fente horizontale sur le
devant d'une plaque métallique plane supportée de
telle facon que le plan de sa surface inférieure coïncide
avec le plan de la fente. A une distance d'environ
2 mètres, on dispose un spectroscope à vision directe
donnant un spectre vertical, et placé à une hauteur
telle que le prisme recoit tout juste les rayons venant
de la fente et rasant la plaque. En regardant au spec-
troscope, on voit un beau spectre continu. On place
alors un bec Bunsen sous la plaque métallique, et on y
fait brûler du sodium. Il se produit une couche de
vapeurs de sodium d'indice de réfraction variable. En
élevant ou abaissant le spectroscope, on voit les lignes
du sodium dues à la dispersion anomale. En arrangeant
des écrans, on peut obtenir ces lignes de telle façon,
qu'en interceptant la lampe à arc le spectre à éclats
s'évanouil.
SOCIÉTÉ DE CHIMIE DE LONDRES
Séance du 28 Mars 1901.
Séance anniversaire annuelle. M. T. E. Thorpe, pré-
sident sortant, résume l'activité de la Société pendant
l'année écoulée. — Il est ensuite procédé à l'élection
du bureau pour l'année courante; le scrutin donne les
résullats suivants :
Président : M. J. Emerson Reynolds;
Vice-présidents : MM. E. Divers, C. E. Groves,
H. Mec Leod, H. A. Miers, T. Purdieet T. Stevenson;
Secrétaires : MM. W. R. Dunstan et A. Scott;
Secrétaire étranger : M. R. Meldola ;
Trésorier : M. W. A. Tilden.
Séance du 18 Avril 1901.
M. J. Moir a reconnu que le produit de condensation .
C#H*OAz?, obtenu par Holtzwart en faisant bouillir une
solution aqueuse du polymère de l'acétronitrile, est
très probablement une cyanohydroxylutidine 11), iso-
mère avec le composé (IT) obtenu par Guareschi dans Ja
CU“ CU
4) É
20 ) CG
H Ke 7 OH H'EX 70H
AZ AZ
(I) (I) j
réaction de l'acétylacétonamine sur l'éther cyanoacé=
tique. Il a trouvé également que le troisième isomère
préparé par von Mayer est, en réalité, identique au dé
rivé d'Holtzwart. Les deux isomères forment des aiguilles
blanches peu solubles, d’un goût très amer. Ils sont.
transformés en pseudolutidostyrile par l'action de
H Br. lis donuent des dérivés bromés, nitrés et, pan
réduction de ces derniers, des dérivés aminés. Le dé=
rivé aminé (I) ne donne pas de coloration avec Fe*Clf,
le dérivé aminé (II) fournit une coloration indigo. —=
MM. W. R. Dunstan et E. Goulding, en faisant réagi
les halogénures d’alkyles sur des oximes en présence
de méthylate de soude, ont obtenu, à côté des éthers
vrais des oximes RHC : AzOH et R?C : AzOH, des éthers
d'isooximes :
REC — AzH et
ns.
R?C — AzH
SZ
Ô
Les isooximes alkylées sont très instables et ne peu="
vent être étudiées qu'en combinaison avec l'iodure de
sodium. Elles s’hvdrolysent en donnant l’aldéhyde ou
la cétone correspondante, ainsi qu'une hydroxylamine
8-subslituée. Par la réduction ordinaire, elles sont
transformées dans l’amine primaire de l'alkyle subs=
titué et dans l'aldéhyde ou la cétone correspondante:
Par réduction ménagée, elles donnent l’amine secon=
daire correspondante. Les éthers alkylés des oximes
sont des liquides stables, fournissant, par hydrolyse;
l'aldéhyde ou la cétone et une hydroxylamine 4-sub=
stituée. — Les mêmes auteurs ont préparé une triéthyl=M
oxamine (C°HS)AzO, possédant des propriétés diffé=
rentes du composé décrit par Bewad comme ayant la
même constitution. Bewad vieut de reconnaître que son
dérivé est la 8-éthyl-sec-batylhydroxylamine, ce qui,
explique les divergences. — M. ©. Forster a préparé
le {-nitrocamphène
en chauffant une solution alcoolique de 1:1-bromo=
nitrocamphane avec le nitrate d'argent. C'est un solide
cristallisé en prismes fondant à 560. Traité par H Br, il
donne le 2:1-bromonitrocamphane (1):
ù CHB
PANNES re ie r .
NCH.Az0? N CBr. Az0?
(1) (1)
fondant à 1789; traité par le brome, il fournit Je
1:2-dibromo-1-nitrocamphane (I), fondant à 1959. Lan
réduction du nitrocamphène par la poudre de zinc et
l'acide acétique glacial donne le 1-aminocamphène,
fondant à 46°. On obtient le 1-hydroxycamphène en.
chauffant le sulfate d'aminocamphène avec le nitrate
de potassium. — MM. C. Young et W. H. Oates ont
préparé la beuzal-2-méthvlsemicarbazone C'H°.CH ©
Az.Az (CH*).CO.AzH® et le 3-phényl-1-méthylhydroxy=
triazol qui en dérive par fermeture de la chaîne :
Az. AzCH®
cH.c£ |
Naz: CON
Ils ont obtenu un certain nombre de composés ana-
logues et discutent la possibilité de l'isomérisme dans la
série du triazol.
Le Directeur-Gérant : Louis OLIVIER.
Paris, — L. MARETHEUX, imprimeur, 1, rue Cassette.
DIRECTEUR :
N° 11
15 JUIN 1901
_ Revue générale
Dr Noenc
11 pures el appliquées
LOUIS OLIVIER, Docteur ès sciences.
Adrésser tout ce qui concerne la rédaction à M. L. OLIVIER, 22, rue du Général-Foy, Paris, — La reproduction et la traduction des œuvres et des travaux
publiés dans la Revue sont complètement interdites en France et dans tous les pays étrangers, y compris la Suède, la Norvège et la Hollande.
VOYAGES D'ETUDE DE LA REVUE
CROISIÈRE EN SYRIE ET PALESTINE
?
Sur le conseil du Comité de Patronage de ses voyages
d'étude, la Ztevue prépare en ce moment, pour les mois
de septembre et octobre prochains, une croisière en
Syrie et en Palestine.
Déjà, en 1897, nous avions conduit une centaine de
touristes en ces régions, à Rhodes, à Adalia, à Damas, à
Baalbeck et à Jérusalem. Nous nous proposons, cette
Mannée, de visiter ces mêmes régions plus en détail et
d'ajouter à l'itinéraire d'il y a quatre ans des escales et
des excursions nouvelles. C’est ainsi notamment que
Seront étudiées dans leur ensemble l'ile de Rhodes et
Mile de Chypre, et que seront organisées autour de
érusalem et de Béthléem jusqu'à la mer Morte et
au Jourdain des excursions que ne comprenait pas
notre programme de 1897. Enfin, une grande tour-
née facultative en Galilée et Tibériade avec re-
Miour par Port-Saïd et Alexandrie, permettra aux tou-
“ristes qui le désireront, d'aller au mont Carmel, à
“Nazareth, au mont Thabor, à Tibériade, Capharnaüm,
M Bethsaida, Magdala et Cana, puis à Port-Saïd et à
lexandrie, et même de visiter Suez, le Caire et la
(DAMAS, BAALBECK ET JÉRUSALEM)
7e RGANISÉE AVEC LE CONCOURS DE LA COMPAGNIE DES MESSAGERIES MARITIMES
(414 SEPTEMBRE - 9 OCTOBRE 1901)
Haute-Egypte, toutes facilités de retour d'Alexandrie au
Caire par les paquebots de la Compagnie des Message-
ries Maritimes leur élant donnée.
Le prospectus encarté dans le présent numéro de la
Revue renseigne suffisamment le lecteur sur l'intérêt et
les conditions du voyage, pour que nous n’ayons pas à
nous y étendre ici.
Ce que nous avons tenu à annoncer à cette place,
c'est que le savant éminent qui avait bien voulu, en
1897, se charger de la direction scientifique de notre
croisière en Méditerranée orientale, a accepté d'assumer
eucore cette année la tâche délicate de nous préparer
en cours de route à l'observation des pays que nous
irous visiter : M. Charles Diehl, correspondant de l'[ns-
titut et professeur d'Histoire byzantine à l'Université de
Paris, nous donnera à bord des conférences sur l’his-
toire et les monuments de l'Orient latin; sur les lieux
mêmes, ses explications nous aideront à ressusciter et
à bien comprendre le monde disparu. Nous le remer-
cions d’un concours qui sera, nous n'en doutons pas,
aussi apprécié cette année qu'il l’a été, ily a quatre ans.
HEVUE GÉNÉRALE DES SCIENCES, 1901.
11
CHRONIQUE ET CORRESPONDANCE
$ 1. — Distinctions scientifiques
Élections à l'Académie des Sciences de
Paris. — Dans ses dernières séances, l’Académie a
procédé à l'élection de plusieurs Correspondants.
Notre éminent collaborateur M. Paul Sabatier, pro-
fesseur de Chimie à la Faculté des Sciences de Tou- 4
louse, à été nommé Correspondant pour la Section de
Chimie, en remplacement de M. A. Haller, élu précé-
demment membre de l’Académie.
M. Oudemans, membre de l'Académie des Sciences
d'Amsterdam, bien connu par sa {riangulation de Java,
et M. Davidson ont été élus Correspondants dans la
Section de Géographie et Navigation.
M. Zeuner, professeur au Polytechnikum de Zürich,
a été nommé Correspondant pour la Section de Méca-
nique.
— Astronomie
Le Sidérostat et la Photographie stellaire.
— On sait que, dans l’image fournie par un sidérostat,
un seul point est immobilisé, tandis que les autres
points du ciel paraissent tourner autour du premier
avec une vitesse variable.
La simplicité de la relation analytique qui lie au
temps la rotation du champ optique observable avec le
sidérostat a naturellement attiré l'attention des astro-
nomes et des physiciens intéressés à l'emploi de ce
genre d'appareil, et suggéré l’idée d'obtenir la com-
pensation mécanique de cette rotation particulière-
ment gênante pour la Photographie stellaire.
On peut donc se proposer de réaliser un appareil qui
communique à la plaque phofographique, automati-
quement, cette même vitesse de rotation que possède
l'image, afin d'obtenir des images posées de tous les
points du ciel.
M. H. H. Turner, directeur de l'Observatoire de l'Uni-
versité de Cambridge ‘, a posé récemment ce problème,
et en a indiqué trois solutions différentes.
M. G: Lippmann, dans une Note présentée à l'Aca-
démie des Sciences®, vient de proposer une quatrième
solution, qui est la suivante : l'appareil qui sert à
déplacer le miroir du sidérostat permet également de
donner à la plaque le mouvement qui convient pour
suivre l'image.
Considérons, en effet, le rayon lumineux qui va du
centre de l'objectif à l’image d’un point quelconque du
ciel : ce rayon se déplaçant entraîne la plaque. Mais
supposons ce rayon lumineux représenté par une tige
métallique rendue solidaire du châssis porte-plaques;
il y a dès lors entraînement. Or, l'appareil qui sert à
faire mouvoir le miroir du sidérostat est précisément
constitué de manière à représenter les rayons inci-
dents et réfléchis sous forme de tiges métalliques.
Soit donc, installé derrière le porte-chässis, un
appareil disposé comme le moteur du sidérostat.
Munissons-le d’une tige assujettie à rester symétrique
de l’axe polaire par rapport à la direction de la queue
du miroir.
L'axe polaire a la direction du faisceau incident venant
de l'étoile, la tige a donc la direction du faisceau
réfléchi correspondant, et vient percer la plaque au point
où se formerait l'image du pôle céleste. Toul se passe
donc comme si le faisceau réfléchi provenant du pôle
céleste entraînait la plaque photographique. Au lieu
de l’image du pôle, on pourrait employer l'image d'un
autre point du ciel arbitrairement choisi : il faudrait
alors ajouter à l'appareil une tige de plus.
‘ H.-H. Turner. : Monthly Notices of R. A. S., 1.
p. 122; 1901.
? Comptes rendus, t. CXXXII, p. 931.
LXT.
CHRONIQUE ET CORRESPONDANCE
Tel est, succinctement, l'appareil de M. Lippmann
destiné à entrainer la plaque photographique qui reçoit
l’image fournie par un sidérostat. Antérieurement à ce
descriptions purement théoriques de MM. Turner et G
Lippmanv, M. P. Gautier, membre du Bureau des
Longitudes, avait réalisé, d'après des données numé=
riques que M. Cornu lui avait communiquées en mar
1899, un mécanisme simple, imposant au châssis photo
graphique un mouvement angulaire compensateur,
suffisamment précis pour l'obtention d’un cliché astro=
photographique de courte durée. C'est le disposili
qu'on apu voir à l'Exposition universelle de 1900, a
foyer de l'instrument gigantesque (lunette photogra=
phique et sidérostat) construit par M. Gautier.
Enfin, M. A. Cornu vient à son tour de présenter
l’Académie des Sciences !, une solution plus élégante de
ce problème du sidérostat photographique, tout em
précisant les motifs qui limitent considérablemen
l'application de tous les mécanismes compensaleurs.
Le dispositif décrit par M. Cornu dérive d’études
anciennes, relatives à un objet bien différent : à
l'occasion de recherches sur la réflexion cristalline &,
M. Cornu avait été conduit à réaliser mécaniquement
la relation homographique qui lie les plans de pola=
risation des rayons incident et réfléchi sur la surface
d'un milieu isotrope ou cristallisé, et qu'on rencontre
dans d'autres phéuomènes optiques. Cette relation est
précisément celle qui lie l’angle de rotation du champ:
du sidérostat avec l'angle horaire de l'autre, dont
l'image est envoyée dans une direction fixe d'angle
horaire.
Le plus précis des organes cinématiques qui réalise
cette relation est le jorut universel, ou joint hollandais,
ou encore croisillon, souvent employé en mécanique
pratique pour transmettre le mouvement de rotation:
d’un axe à un autre axe incliné sur le premier, et situé
dans un même plan. k
Le joint universel résout d'une manière simple @
générale le problème de la compensation rotative du
champ fourni par le sidérostat et l’héliostaf : lasolution:
qui en résulte est aussi rigoureuse que celles d
MM. Turner et G. Lippmaun, et elle a sur elles l’avan=
tage d'être mécaniquement plus parfaite, car elle ne
comporte que des mouvements de pivotement, réali-
sables avec une rigueur presque indéfinie par les pro=
cédés mécaniques usités dans la construction des ins-
truments de précision.
Le défaut des solutions de MM. Turneret G. Lippmann
est de comprendre des organes frottants, tels que
manchons où coulisses, d'une exéculion moins rigous
reuse, qui entrainent des résistances lrès inégales
suivant l'angle sous lequel les tiges guidantes les cons
duisent; de là des coincements et des déformations
qui altèrent la relation des rotations simultanées.
Ajoutons que la solution de M. Turner est subor=
donnée à une condition rigoureuse, que les sidérostal
et les héliostats ne remplissent qu'imparfaitement, prés
cisément à cause des pièces frottantes inhérentes à leur
construction : il en résulterait des complications
additionnelles provenant de l'imperfection .de ces.
appareils. ; F
Eu effet, pour pouvoir opérer la compensation désiré
avec la précision nécessaire à la photographie céleste
on doit supposer que l’on connait d'avance le point du
champ autour duquel s'effectue la rotation, avec la
même rigueur que celle dont le mécanisme compens
sateur est susceptible. \e' US
Il y aurait donc d'abord un réglage préliminaire à
effectuer, à savoir la mise en coïncidence rigoureuse
1! Comptes rendus, t. CXXXIT, p. 1013.
? Ann. de Chim, et Phys. 4, série, t. XI, p. 282.
CHRONIQUE ET CORRESPONDANCE
C3
centre de rotation du mécanisme avec le centre de
fation du champ, et ensuile l'addition d'un dispositif
rectification en marche, pour ramener la coinci-
lence des divers points du champ avec les étoiles au
r et à mesure des déplacements inévitables des
ages durant les longues durées d'exposition.
“Une pareille méthode de rectification est employée
ournellement dans les observatoires avec les équato-
aux photographiques pour l'obtention des clichés de
Carte du Ciel; mais les conditions sont bien diffé-
entes : avec l'équatorial, les erreurs à corriger sont
“produites par une sorte de translation qui est sensi-
“lement la même pour tous les points du cliché : on
peut donc la corriger par deux monvements indépen-
“ants, l’un en ascension droite, l’autre en déclinaison,
ès bien définis par l'observation d'un point quelconque
du champ.
Dans l'observation avec un sidérostat, le problème
“de la rectification en marche est beaucoup plus com-
mpiexe, non seulement par suite de l’imperfection pra-
lique des organes moteurs du miroir, mais parce que
fous les points du champ offrent des déplacements
différant considérablement en grandeur et en direc-
tion : il faudrait done observer simultanément au
moins deux points du cliché, — par exemple, l’un au
centre, l’autre à la circonférence, — car la correction
un seul point n'entraine nullement celle de tous les
ïtres; et, de plus, on devrait disposer les réglages de
anière que la rectification de l’un ne dérange pas la
éctification de l’autre.
Ces diverses considérations, qui s'appliquent à tous
Bs mécanismes proposés jusqu'ici, suftisent pour mon-
er que des solutions cinématiques, simples en
héorie, entrainent souvent beaucoup de complications
dans la pratique.
Eclipse du 4° satellite de Jupiter. — lalilée
écouvrit les quatre premiers satellites de Jupiter les
et 8 janvier 1610; celui que nous numérotons IV,
Callisto, observé le 7 janvier, était vu également dès le
lendemain par S. Mayer. Or, malgré de plus récentes
“découvertes, ces quatre satellites constituent la partie
capitale et très importante du système de Jupiter.
… Ce sont les éclipses des satellites de Jupiter qui
permirent la première détermination de la vitesse de
la lumière par Rœmer, et une détermination un peu
précise des longitudes terrestres; puis ces corpus-
œules suscitèrent les recherches théoriques de Newton,
Lasranse, Bailly, Laplace, Souillart, etc.; enfin, pour des
maisons analytiques, l'étude du système de Jupiter
est une des plus importantes en même temps qu'une
des plus délicates de la Mécanique céleste.
Cependant les quatre satellites se différencient rapi-
dement en deux groupes : tout d'abord, les trois
premiers sont étroitement liés par une relation de
Sommensurabilité très approchée, qui crée un nouvel
intérêt et une difficulté daus la théorie de Jupiter; ils
éclipsent à chacune de leurs révolutions. Mais la
relation qui existe entre leurs longitudes les empêche
de s'éclipser tous trois en même temps. Enfin, avant
ie la théorie n'intervint avec succès, Bradley et
largentin, en diseutant les observations, reconnurent
célèbre inégalité de 437 jours qui se présente dans
les éclipses de ces trois satellites.
Quant au quatrième satellite, il fait nettement bande
part : sa théorie présente la plus grande analogie
ce celle de notre satellite, la Lune; il offre des
égalités de même nature, mais s’éclipse beaucoup
moins souvent que ses trois voisins.
= Ainsi, l'observation des éclipses des satellites de
Jupiter prend une importance réelle, et il serail fort
ésirable que l’on cherchàt à réunir et à relier toutes
S mesures déjà faites à ce sujet, d'autant qu'elles
uvent assez souvent paraître très discordantes, comme
cas s’est déjà présenté. Et, en effet, la théorie put
établir que l'ombre de Jupiter présente une forme
assez complexe : ainsi, le phénomène géométrique de
pénombre et d’ombres se trouve encore compliqué de
ce fait. 11 faudrait donc classer, en premier lieu, les
anciennes mesures avec leurs facteurs compliqués qui
dépendent de la distance du satellite au disque brillant
de la planète, de l’état de l'atmosphère, de l'instrument
employé, de la délicatesse de l'œil de l'observateur ;
puis, selon l'indication de M. Cornu, développée
par M. Obrecht, il faudrait rompre résolument avec
la routine et substituer les mesures photométriques aux
mesures micrométriques; du moins la chose ne fait
aucun doute pour l'observation de tels phénomènes.
Un exemple va bien mieux encore faire saisir la
nécessité d'une étude plus systématique des éclipses.
Dans Ja nuit du 17 au 18 mai dernier, le quatrième
satellite de Jupiter devait s'éclipser : M. Bigourdan, à
l'Observatoire de Paris, dont le mérite est établi depuis
longtemps en ce qui concerne l'observation des objets
faibles, s’apprêta à regarder l’éclipse : il avait pour
l'observation, selon Les vieux procédés, un équatorial et
ses deux chercheurs. Or, qu'advint-il? L'appréciation
de la disparition et de la réapparition du satellite,
dans les chercheurs, fournit des heures assez diffé-
rentes de celles qui étaient prévues dans la Connaissance
des Temps; mais, dans l'équalorial lui-même, le
satellite ne cessa pas d'être visible. Done, il n'y eut
point, à proprement parler, d'éclipse. Alors l'évaluation
dans les chercheurs n'a aucune signification scienti-
fique, et ne pourra jamais être utilisée : c'est un
mélange indissociable de l'état atmosphérique et de la
délicatesse de perception visuelle de l'observateur.
Au lieu d'un résultat à peu près nul, une mesure
photométrique de demi-éclat aurait toujours fourni
une donnée numérique relative à la surface d'ombre.
$ 3. — Aéronautique
Un point d'histoire de la Locomotion
aérienne. — J'ai éprouvé quelque surprise en rele-
vant, dans une conférence faite à l'Institution royale,
par M. G.-H. Bryan, membre de la Société Rovale de
Londres, sur l'Æistoire et les progrès de la Loco-
motion aérienne, reproduite par notre excellent confrère
anglais Nature, du 28 mars dernier, l'indication sui-
vante concernant les expériences récentes du comte
Zeppelin et celles des capitaines Renard et Krebs :
« Les expériences du comte Zeppelin faites l'été
dernier, et consistant eu un voyage aérien dirigé, dans
certains cas, contre un vent debout, nous autorisent à
dire que la solution de ce problème a été obtenue
avant la fin du xix° siècle. Le seul résultat antérieur
approchant de celui du comte Zeppelin a été celui de
MM. Renard et Krebs, avec le ballon La France. Ges
aéronuutes ont réussi une fois à accomplir un voyage
aérien en retournant à leur point de départ; mais le
fait ne s'étant pas reproduit, et la vitesse de leur
ballon étant donnée par un auteur comme égale à
quatre milles, et par un autre à qualorze milles à
l'heure, ilest bien difficile de juger, par des documents
aussi contradictoires, le degré de succès obtenu. »
Pensant qu'il pourrait être agréable à M. Bryan de
posséder quelques documents authentiques sur les
expériences de 1885, je lui expédiai, le {1° avril, ceux
qui étaient en ma possession, savoir : une Note pré-
sentée à l'Académie des Sciences et publiée aux Comptes
rendus de la séance du 7 décembre 1885, et une con-
férence faite par le commandant (aujourd'hui colonel)
Renard, en mars 1886, devant la Société de Secours
des Amis des Sciences, conférence dans laquelle la
question tout entière se trouve exposée avec une nel-
teté et une élégance qu'on ne retrouve dans ‘aucun
écrit ultérieur touchant ce problème. Dans une lettre
accompagnant l'envoi, j'exposais les raisons qui me
semblaient expliquer la retraite apparente des éminents
aérostiers de Meudon, et celles pour lesquelles l'appré-
cialion de M. Bryan, concernant les succès remportés
avant la fin du siècle passé, S'appliquait bien plutôt,
à mon sens, aux expériences de 1865 qu'à celles de 1900.
Mon envoi élant resté sans réponse, j'ai tout lieu de
penser que M. Bryan se désintéresse de la question, et
je crois pouvoir, sans manquer aux règles de la cour-
toisie, plaider directement ici la cause des expériences
de Meudon. En ce qui concerne les renseignements con-
tradictoires, utilisés par M. Bryan, l'explication nous
est donnée par un entrefilet publié dans Nature, le
18 avril dernier, p. 594, que je transcrirai en entier :
« Il s’est produit quelques divergences dans des allu-
sions récentes faites aux expériences exécutées à Paris
en 4886, avec le ballon dirigeable La France, M. Cha-
nute, dans J’Engineering Magazine d'avril 4896, parlant
d’une vitesse de 14 milles à l'heure, tandis que Sir Hi-
ram Maxim, dans / Aeronautical Journald’octobre 1900,
fait allusion seulement à un cas de retour au point de
départ et parle d'une vitesse de 4 milles à l’heure. Une
Note, parue dans l'Aeronautical Journal d'avril dernier,
mentionne cinq retours au point de départ. En nous
reportant à l'article original des Comptes rendus de
TaBzrau |. — Vitesse du ballon « La France »
dans ses diverses sorties.
|
| NUMÉROS
| des Be
DATE
ascen-
sions
NOMBRE | VITESSE
de tours |du ballon
de l'hélice|en mètres
par par
minute | seconde
OBSERVATIONS
Le ballon rentre
à Chalais.
Avarie de ma-
chine, descente
à Vélizy.
9 août 1884.
6.00 fs ballon rentre
12 sept. 1884.
8nov. 1884. |
_— 3) 3.82
à Chalais.
Id.
Vent de 6m5 à 7m.
Descente à Villa-
coublay.
Le ballon rentre
à Chalais.
Id.
25 août 1885. 6,00
6,00
22 sept.1885.
>
3 sept. 1885.
1886, nous voyons que la vitesse à été estimée entre 4et
6 mètres par seconde, et il nous parait probable que les
discordances sont dues à une confusion dans les
unités. »
Les faits sont ici correctement rétablis ; mais il peut
paräitre singulier que des Notes livrées à une publicité
aussi considérable que celle des Comptes rendus de
l'Académie des Sciences aient échappé à un homme
qui, comme Sir Hiram Maxim, a consacré, avec beau-
coup de succès, le meilleur de ses forces au problème
de Ja navigation aérienne, et l’on s'élonnera à bon
droit que des documents publiés de seconde main sur
son autorité puissent créer une légende dont la conclu-
sion serait que les expériences de 1885 ont été, en réa-
lité, quelque essai informe de navigation, et qu'une
unique sortie, dans des conditions mal définies, soit
plutôt un aveu d'impuissance que le grand progrès
auquel on avait cru.
Il suffirait peut-être de renvoyer aux publications
originales, que chacun retrouvera aisément; mais il me
semble utile d'en donner ici au moins un court résumé :
Les étapes successives des épreuves auxquelles a
été soumis le ballon La France ont été exposées devant
l'Académie des Sciences le 18 août et le 10 novem-
bre 1884, puis dans un Mémoire lu à la séance du
23 novembre 1885, et inséré au Compte Rendu du
7 décembre. Les premières décrivent les expériences
des capilaines Renard et Krebs, la dernière relate les
ascensions faites par MM. Ch. et P. Renard, aidés de
M. Duté-Poitevin. Entre les deux séries, le moteur avait
été changé, el divers organgs avaient été allégés, de
manière à permettre l'enlèvement d'un troisième
aéronaute.
CHRONIQUE ET CORRESPONDANCE
équipé pour la marche ? L'est-il encore aujourd'hui
La dernière Note contient des diagrammes de J&
vitesse du ballon mesurée par des visées sur le sol, ow
au moyen d'un ballon formant loch aérien, aban
donné dans l'air à la même hauteur que l'aérostats
et se déplacant en même temps que le vent, de
probablement un peu trop faibles, à cause du léger
entrainement du ballonnet par le dirigeable. J&
transcris ici (Tableau I) le résumé donné dans la Note
On voit donc qu'à part une avarie de début, presque
inséparable d'une mise en train, les ascensions se sont
répétées avec le même succès, et, dans les cing
dernières, ont donné quatre retours sur cinq sorties!
avec un essai, très intéressant d'ailleurs, contre un
vent trop fort.
Après ces expériences, l'appareil était parfaitement
connu des aérostiers qui l'avaient monté, et ces
derniers auraient pu, sans aucun doute, répéter indé=
finement des ascensions dans des conditions sembla:
bles. Convenait-il, dès lors, de fatiguer inutilement le
ballon par des expériences qui n'auraient pas appris
grand'chose, et dont les avantages n'auraient probas
blement pas compensé les inconvénients? Après les
ascensions de 4885, l'établissement de Chalais-Meudon:
possédait, cela n'est pas douteux, un navire aérien
capable d'effectuer un voyage dirigé, toutes les fois que
la vitesse du vent ne dépasserait pas sensiblement
vingt kilomètres à l'heure, et d'une durée sur laquelle
l'étude des piles et de la machine, faite désormai
dans un atelier, pouvait renseigner très suffisamment:
Combien de temps le ballon La France resta-t-il
Ce sont des questions auxquelles les documents rendus
publics ne permettent pas de répondre; mais des mil:
lions de visiteurs l'ont vu en 1889, au Pavillon du Minis
tère de la Guerre, et on peut affirmer qu'à cette époques
il existait encore tout entier. (
Les dernières expériences avaient été exécutées, dit
la Note du 7 décembre, en présence du général Cam
penon, alors ministre de la Guerre, et du général Bres=
sonnel, président du Comité des fortifications, qui
avaient pu en constater le succès. Dès lors, le ballon
était devenu un engin de guerre, classé comme tel, eb
n'était plus une machine d'expérience. Le fait même de
la cessation des essais de navigation montre la parfaite
sécurité des aérostiers chargés de sa manœuvre, et 1
confiance absolue qu'ils avaient dans l’ensemble de
leur appareil.
Quel que soit le mérite, très grand sans doute, de
M. le comte Zeppelin, qui, avec ses propres moyens,
tenté la construction d'un appareil nuuveau, présentant
d'ingénieuses dispositions et au moyen duquel il a
entrepris des ascensions dirigées, il ne semble pas qu'on
puisse, pour le moment du moins, établir entre ses
expériences et celles de 1885, une comparaison qui lu
soit avantageuse; ses ascensions, intéressantes à plus
d'un égard, se sont terminées par une chute qui eük
été une catastrophe si elle ne s'était produite au-dessus
d'un lac, et dans laquelle les machines ont été si forte=
tement endommagées qu'elles ont été mises hors d'u
sage. Mais les journaux nous ontappris que M.Zeppeli
n'avait point perdu courage, et qu'il se proposait de
recommencer ses expériences aussitôt quil aurait
rassemblé les fonds nécessaires à la réparation de se
avaries. C'est seulement lorsque son ballon aura pu
fournir un certain nombre de voyages avec retour au
point de départ, et avec une vitesse uniforme bien
mesurée, que l'on pourra se prononcer définiivement
sur les progrès réalisés par rapport aux expériences dem
1885. Mais cette question est tellement à l’ordre du jour
en divers pays que, d'ici là, nous aurons probablement
à enregistrer plusieurs succès nouveaux, entre lesquels
il y aura lieu de faire une comparaison d'ensemble.
Ch. Ed. Guillaume.
we CHRONIQUE ET CORRESPONDANCE
505
$ 4. — Physique
Propriétés diélectriques des électrolytes.
= D'après la théorie de Maxwell, tout corps conducteur
le l'électricité doit être opaque à la lumière, puisque
lopacité n'est autre chose qu'une absorption avec con-
“uction de l'oscillation électrique. En fait, la grande
* pacité des métaux est bien d'accord avec cette théorie,
cela près que les coefficients que l’on en déduit de-
“Nraient correspondre à une absorption encore plus
érande. En revanche, la plupart des solutions électro-
ic
Jytiques sont transparentes ou translucides, en contra-
iction apparente avec la théorie.
Des expériences récentes et très curieuses de
MM. André Broca et Turchini résolvent complètement
à contradiction, en montrant bien nettement la dis-
mrontinuité entre les phénomènes qui se passent dans
les électrolytes et ceux dont les diélectriques sont le
| Siège, discontinuité qui, comme nous allons le voir,
“Se déplace en même temps que la brusquerie du choc
électrique, et fait apparaître les électrolytes, dans
Certaines conditions, comme de vérilables diélectriques.
“Les auteurs placent, dans un cristallisoir, un excita-
feur, qu'ils uoient dans une solution électrolytique, et
auquel ils font arriver une oscillation électrique dont la
fréquence est de l’ordre du million par seconde. Une
étincelle équivalente dans l'air permet de mesurer le
“potentiel aux bornes de l’excitateur. Dans ces condi-
tions, si l'électrolyte est très conducteur, il dissipé, par
“lectrolyse ordinaire, le courant alternatif qui se pro-
duit aux bornes; mais, s'il est relativement peu con-
ducteur, l'égalisation se fait par une étincelle disruptive.
ette étincelle est extrèmement puissante, d'un grand
“éclat, et donne lieu à des effets mécaniques intenses.
Ainsi, lorsqu'elle éclate dans l’eau, la bobine consom-
“mant 50ampères, elle fait voler le cristallisoir en éclats,
et projelte l'eau à une grande hauteur.
J La dilution pour laquelle l’étincelle cesse de se pro-
“uire dépend de la forme de l’excitateur. Ainsi, entre
dés boules de laiton de 2 centimètres de diamètre, la fré-
“quence d’un million ne donne plus d'étincelles pour
une concentration supérieure au quarantième pour
l'eau additionnée d'acide sulfurique. Entre fils, on
J'observe jusqu'à une concentration de 1/7.
Nous voyons donc que, pour ces fréquences, des
lectrolytes de conductivité moyenne se comportent
‘comme le feraient des diélectriques liquides, huile,
pétrole, etc. Si l'on arrive à une conductivité plus
élevée, l'électrolyse se produit, et l’étincelle cesse.
Les expériences de MM. Broca et Turchini sont encore
incomplètes; mais les auteurs nous promettent de les
“poursuivre en variant notamment la fréquence. Les
résultats déjà obtenus permettent de conclure que les
mélectrolytes peuvent devenir des diélectriques pour des
fréquences suffisantes, et rendent tout au moins
obable le fait que la fréquence donnant l'élincelle
reculer…a en même temps que la conductivité, ce qu’on
peut exprimer en disant que la conduction électrolyti-
que ne s'établit qu'au bout d’un certain temps, qui est
fonction de la conductivité.
* Ce phénomène présente une certaine analogie avec
celui qu'a observé le capitaine Abney dans l'action de
Aa lumière interrompue sur les préparations photogra-
phiques ‘. Plus l’éclairement est brusque et court, pour
une même durée totale, plus l’action est faible, comme
Shil fallait un certain temps pour que la lumière puisse
‘décomposer la molécule de bromure d'argent, le premier
‘choc ne produisant qu'une déformation élastique de la
molécule, déformation après laquelle elle revient à sa
forme primitive.
On peut aussi en donner une image très nette en
observant l'action des forces plus ou moins vives sur
un corps tel que la glu marine ou le brai de goudron.
Le choc brusque d'un petit marteau animé d’une
rande vitesse, ne laisse aucune trace visible, ou bien
4 Noir la Revue, t. IV, p. 520; 45 août 1893.
fait voler en éclats une plaque d’un de ces corps,
avec une cassure conchoïde, semblable à celle du verre
ou de la silice, alors qu'une pièce de monnaie simple-
ment posée sur elle y marque une empreinte très nette,
et, creusant un trou de plus en plus profond, finit par
passer tout au travers. Le choc agit comme l’oscillation
électrique rapide, et le corps y résiste sans se déformer
s'il n'est pas trop violent, ou se brise si son énergie
est suffisante, tandis qu'un effort lentement poursuivi
ouvre un passage sans rupture proprement dite, sem-
blable à l’électrolyse, qui est le phénomène lent et
continu.
$ 5. — Biologie
La théorie de Schenk sur la détermination
volontaire du sexe. — On se souvient de la théorie
de Schenk sur l'origine des sexes chez l'Homme et la
détermination volontaire du sexe, théorie qui à fait un
bruit considérable dans le gros public; l’auteur expose
à nouveau ses idées, légèrement modifiées depuis 1898,
son mode de traitement et les résultats obtenus‘:
Pour Schenk, l'œuf est déterminé comme mâle ou
femelle, dans l'ovaire même de la mère, par le chi-
misme général de celle-ci (le père n'a donc aucune
influence) : il est déterminé comme femelle, lorsque
l'organisme recoit plus d'hydrates de carbone qu'il
n'en brûle, ce qui se traduit par le passage dans l'urine
d'une certaine quantité de sucre, indice d’une combus-
tion incomplète; au contraire, il est déterminé comme
mäle lorsque l'organisme brûle surtout ses albumi-
noïdes, ce qui se traduit par l'apparition dans l’urine
d'une quantité notable d'urates et d'urée.
Lorsqu'une femme désire avoir un garcon, il y a lieu
tout d’abord de procéder à l’analyse de l'urine, pour
se rendre compte de la quantité d'azote et de sucre
qu’elle renferme; la femme est ensuite soumise à un
régime approprié, dans lequel la quantité d’albuminoïldes
est considérablement accrue, et celle des hydrates de
carbone diminuée le plus possible; on procède alors à
une nouvelle analyse d'urine; si la quantité d'azote y a
augmenté dans des proportions considérables, on est
en droit de compter que le chimisme de la mère a été
modifié, et par suite que les œufs de l'ovaire vont
être déterminés comme mâles. Le traitement destiné à
provoquer l'augmentation de la combustion azotée
consiste soit en une nourriture spéciale, soit en bains
froids avec massages, soit à ingérer des pastilles sur
lesquelles Schenk ne donne pas de détails (thyroïdine ?);
le traitement est commencé un ou deux mois avant la
fécondation, et continué deux mois après (Pourquoi ?).
Quand le chimisme de la mère a été modifié par le
traitement daus le sens indiqué plus haut, on peut
compter sur une naissance masculine; si, au contraire,
la mère augmente de poids en utilisant l'azote fourni
sans que la combustion d'albuminoïdes s’accroisse, il
est inutile de suivre le traitement, l'influence détermi-
nante sur le sexe des œufs ne pouvant se produire
dans ces circonstances. Sur dix-neuf personnes trai-
tées par sa méthode, Schenk rapporte que quinze ont
eu un garcon comme elles le désiraient, trois avaient
un chimisme tel que tout traitement élait inutile, et
enfin une est restée stérile.
On sait que la théorie de Schenk, point invraisem-
blable au premier abord, a suscité de graves critiques
(le cas des jumeaux de sexe différent, entre autres);
d'autre part, on l'a accusé d'avoir sacrifié la science à
ses ambitions personnelles, et ses collègues de l'Uni-
versité de Vienne, paraît-il, l'ont forcé à demander sa
retraite et lui ont infligé un blàme. Il est vraisemblable
qu'ils n’ont pas eu tort; le nouveau livre de Schenk ne
donne pas l'impression d'une œuvre de savant sérieux ;
sa bibliographie, confuse et incomplète, n'a que de
lointains rapports avec son sujet; il est extraordinaire
qu'il n'ait pas eu un seul insuccès; ses pastilles sentent
furieusement le charlatan, etc.
1 Lehrbuch der Geschlechtsbestimmung, Malle, 1901.
506
LA TUBERCULOSE EN FRANCE
‘
Le 22 novembre 1899, M. Waldeck-Rousseau,
président du Conseil des Ministres, inslituait une
Commission « à l'effet de rechercher les moyens
pratiques de combattre la propagation de la tuber-
culose en France ». Un an après, le 30 septembre.
1900, cette Commission déposait son Rapport, et
publiait, dans une série de Mémoires, les résultats
de son enquête !. L'étude qu'on va lire est faite
en très grande partie avec ces documents; qui nous
donnent des renseignements assez complels sur
la tuberculose en France.
I. — EXTENSION ET DISSÉMINATION DE LA TUBERCULOSE
EN FRANCE.
$ 4. — La mortalité par tuberculose.
Quelle est actuellement en France la mortalité par
tuberculose? Telle est la question que M. Brouardel
s'est posée dès le début de son enquête?.
On évalue ordinairement à 150.000 le nombre
d'individus qui, tous les ans, meurent en France de
tuberculose. Mais ce chiffre n’est pas tout à fait
exact, el cela pour plusieurs raisons.
La première, c'est que les statistiques du Ministère
de l'Intérieur, compulsées par M. Brouardel, ne
sont pas complètes : elles ne portent que sur la
population urbaine, c’est-à-dire sur un peu plus
de 12 millions d'habitants. En second lieu, suivant
une ancienne habitude, la tuberculose pulmonaire
est encore fréquemment désignée parles médecins,
dans les statistiques de mortalité, sous le nom de
bronchite chronique. Il arrive alors ceci, surtout
dans les petites villes : c'est que, suivant les idées des
médecins de la localité, c’est tantôt la tuberculose,
tantôt la bronchite chronique qui fait le plus de
victimes. Ainsi, à Cours (Rhône), la stalistique
donne, pour 10.000 habitants, une mortalité de 0,5
par tubereulose et de 51,4 par bronchite chronique,
tandis qu'à Pantin, sur 10.000 habitants, il en meurt
tous les ans 2 de bronchite chronique et 42 de
tuberculose. Dans certaines localités, on voit même
brusquement, d’une année à l’autre, les bronchites
chroniques disparaître pour faire place à la tuber-
culose, transformation qui tient tout simplement
à ce qu'un ancien médecin a été remplacé par
un jeune. Ce qui rend enfin cette rubrique de
bronchite chronique singulièrement suspecte, c'est
qu'elle sévit avec la même intensité chez les enfants
‘ La propagation de la tuberculose (moyens pratiques de
la combattre). Paris, 1900. Masson et Cie, éditeurs.
* Brouardel. Exposé de la question, p. 3.
R. ROMME — LA TUBERCULOSE EN FRANCE
et les adultes, et devient lrès rare chez les vieil
lards.
Pour établir le chiffre de mortalilé annuelle par
tuberculose, M. Brouardel a donc considéré comme
élant d’origine luberculeuse les bronchites chro”
niques portées sur les statistiques. Il a trouvé
alors que, pendant l’année 1896-1897, sur les
12.531.624 habitants consignés dansla statistique du
Ministère de l'Intérieur, 42.399 (soit 33,8 p. 10.000)
ont succombé à la tuberculose; en y ajoutant ceux
qui sont morts de bronchite chronique, il arrivé
au chiffre de 51.624 (soit 41,2 p. 10.000). Si l'on
admet que cetle morlalité baisse dans les petits cen=
tres et dans les campagnes, on arrive à conclure que
sur 35 millions d'habitants que compte la France,
140.000 environ sont emportés annuellement par
la tuberculose. « Si, au lieu d'être disséminée sur
toute l'étendue du territoire, dit M. Brouardel,
cette maladie était concentrée sur un point, ik
disparaitrait chaque année une ville ayant la popu=
lation de Toulouse ou une population supérieure à
celle du Havre, de Rouen, ete. »
Pour mieux apprécier la gravité du fléau qu'esb
la tuberculose, il ne faut pas oublier que c’est à
l'âge de la plus grande activité sociale que les
individus sont emportés par la tuberculose. En
étudiant la statistique pour la Ville de Paris,
M. Brouardel a notamment trouvé que l'âge auquel
la tuberculose fait le plus grand nombre de victimes
est de trente à trente-qualre ans. Toutefois, si l’on
considère les décès tuberculeux en rapport avec Ie
nombre de survivants à chaque âge, on trouve,
pour Paris loujours, que, si on laisse de côté le
premier àge, l’âge maximum de mortalité est de
quarante-cinq à cinquante-cinq pour les hommes.
et de trente à trente-cinq pour les femmes. Il y &
encore ce fait intéressant à noter, qu'à Paris la
mortalité par tuberculose est de 62,4 p. 10.000 chez
les hommes et de 36,9 seulement chez les femmes.
M. Brouardel attribue cette différence en premier
lieu à l'alcoolisme, qui est plus répandu parmi les
hommes que parmi les femmes, en parlie aussi à
ce que la femme est, de par sa situation sociale,
moins exposée que l’homme à la contamination
tuberculeuse dans l'usine, l’atelier, la fabrique, ete:
Disons enfin que M. Brouardel a pu vérifier un
fait connu depuis longtemps, à savoir que la mor=
talité par tuberculose est plus élevée dans les grands.
centres que dans les petits. Un coup d'œil jelé sur
le tableau [ montre, en effet, l'existence de dif
férences très appréciables entre le taux de la mor-
talité par tuberculose dans les grandes et les
R. ROMME — LA TUBERCULOSE EN FRANCE
507
petites villes. Mais il semble que les petites villes
“sont en train de perdre cet avantage, car, depuis
quelque temps, la tuberculose parait augmenter
“dans les villes ayant une population au-dessous de
5 000 habitants, tandis qu’elle reste plutôt station-
naire dans les villes de 5 à 10.000 habitants. Ce
MABLEAU I. — Mortalité par tuberculose et bronchite
— chronique réunies (Moyenne de 1888 à 1897),
E dans les villes moyennes.
MORTALIT |
Proportion
Jour
10.000 habit:
DÉSIGNATION DES VILLES POPULATION
Villes ayant plus de 50.000 ha-
bitauts (31 villes). .
Villes ayant de 10 à 50. 000 ha-
bitants (197 villes) . .
Villes ayant de 5 à 10. 000 ha-
bitants (30ù villes). .
Villes ayant moins de 5. 000 ha
bitantes (89 villes. 24
0.119.646
3:803.478
095.356
309.046
pui apparait très nettement dans le tableau I.
Cette augmentation est surtout appréciable dans
E. villes ayant moins de 3.000 habitants. Elle
dique une sorte d'envahissement progressif des
campagnes par la (tuberculose, fait qu'un grand
“ nombre de médecins avaient déjà signalé à
M. Brouardel à litre d'impression. La statistique
ci-dessus confirme donc cette impression; mais
elle ne fournit encore qu'une simple indication, car
Tagzeau Il, — Mortalité par tuberculose et bronchite
chronique réunies, dans les petites villes.
PÉRIODE 1891-1895 | PÉRIODE 1896-1897
| CR ER.
Mortalité Mortalité
Propor- Propor-
tion pour ë tion pour
tion 10.000 tion 10.000
habitants habitants
DÉSIGNATION DES VILLES
Popula- Popula-
Villes de 4 à 5.000 hab.
(26 villes)
Villes de 3 à 4
(36 villes) . . :
Villes de 2 à 3.000 ‘hab.
(20 villes) . . :
Villes de 1 à 2.000 hab.
(7 villes). MES
Lie 31,6 | 118.992
4.000 hab.
34,6 | 125.918
50.701
11.169
- le nombre de petites villes sur lesquelles elle donne
des renseignements est encore très restreint.
$ 2. — La répartition de la tuberculose.
- Les faits que M. Brouardel a réunis dans la partie
de son Rapport consacrée à la répartition de la
_ tuberculose en France sont fort intéressants. Il
. est seulement regrettable que son enquête n'ait
pu être poussée à fond et se trouve, en somme,
limitée à Paris.
M. Brouardel a eu l'idée de grouper par dépar-
tements les villes qui ont fourni des renseigne-
ments statistiques sur la mortalité par tuberculose
de leurs habitants. Il est, de cette facon, arrivé à
constater qu'il existe en France trois foyers prin-
cipaux de tuberculose. Toutefois, il ne s'agil ici
que d’une simple indication, car, si certains dépar
tements nous fournissent des renseignements inté-
ressant la plus grande partie de leur population,
dans d’autres la statistique ne porte que sur le
dixième, le quinzième, voire même le vingtième de
la population totale.
Des trois foyers principaux délimités par M. Brou-
ardel, le premier part de Paris et des départements
voisins, et s'étend vers le nord, où il est limité : à
l'ouest, par le département de la Seine-Inférieure;
à l’est, par le département du Nord. Le second foyer
est constilué par les départements de l’ancienne
Bretagne, avec la Mayenne. Le troisième enfin, qui
rayonne autour de Lyon, s'étend depuis le Jura et
l'Ain jusqu'au Gard, le long de la vallée du Rhône.
Ces trois foyers ne sont pas les seuls. La carte de
M. Brouardel (fig. 1} montre qu'il en exisle encore
d'autres, moins étendus, ilest vrai, mais faisant tout
de même tache noire. Ainsi, au Centre, on trouve
l'Indre-et-Loire avec une mortalité de 50,3 p. 10.000;
la Haute-Vienne avecune mortalité de 51 ,1; la Creuse,
avee une mortalité de 37,8. Au sud-ouest, nous
pouvons encore signaler: la Gironde avec une mor-
lalité de 41,1; le Gers avec une mortalité de 40,5.
Chacun des trois foyers principaux a pour centre
de rayonnement une ou plusieurs villes dont la
mortalité particulièrement élevée grève d'autant
celle de tout le département. À mesure qu'on s'é-
loigne de cette ville, surtout à partir d'une certaine
distance, la mortalité par tuberculose diminue. Si
nous prenons en exemple le premier foyer avec
le département de la Seine pour centre, nous trou- :
vons que la mortalité de 57,4 °/,5,, qu'accuse ce dé-
partement, descend à 46,1 dans la Seine-et-Oise, à
40,9 dans l'Oise, à 38,3 dans la Seine-et-Marne.
Cette diminution de la tuberculose, à mesure
qu'on s'éloigne d’un centre de rayonnement, se
retrouve encore, quand, au lieu d'envisager le dé-
partement, on prend une ville avec son arron-
dissement. Ainsi, dans le département du Nord, qui
offre une mortalilé de 42,9 °/,%, nous avons, pour
centre, Lille avec son arrondissement, donnant
une mortalité de 45,5 ‘50; Cette mortalité tombe
à 44,9 pour Hazebrouck (distant de 40 kilomètres
de Lille) et son arrondissement; à 40,0 pour Valen-
ciennes (distant de 45 kilomètres de Lille) et son
arrondissement, à 37,4 pour Dunkerque (distant
de 46 kilomètres de Lille) et son arrondissement ;
à 34,8 pour Cambrai (distant de 53 kilomètres de
Lille) et son arrondissement; à 32,7 pour Avesnes
508
(distant de 87 kilomètres de Lille) et son arrondis-
sement. Disons toutefois que l'arrondissement de
Douai a une mortalité de 47,1, mortalité supérieure
R. ROMME — LA TUBERCULOSE EN FRANCE
à celle de l'arrondissement de Lille.
Un centre de rayonnement n’est pas, non plus,
un bloc. On peut le décomposer à son tour en
arrondissements, en quartiers, rues, maisons, el
mettre ainsi en vedetle certains facteurs interve-
nant dans la
propagation
et l'extension
de la tubercu-
lose. Faute de
documents,
M. Brouardel
n'a pu faire ce
travail d’ana-
lyse que pour
la ville de
Paris.
En grou-
pant par ar-
rondissements
et par quar-
tiers les décès
tuberculeux
[moyenne de
seize années),
M. Brouardel
a constaté
qu'à Paris
(fig. 2) cette
mortalité va-
rie dans des
limites très
larges d’un
arrondisse-
ment à l’au-
tre !. Pour ne
prendre que
les chiffres
extrèmes,
nous lrou-
vonsunemor-
talité de 80 pour le xrIv° arrondissement, et une
morlalité de 21,9, c'est-à-dire presque quatre fois
4 Mortalité par tuberculose dans les arrondissements de Paris
(moyenne de 1881 à 1896), pour 10.000 habitants.
moins élevée pour le vue. Si, à la place de l'arron-
dissement, unité administrative, on envisage le
quartier, groupement plutôt social, on trouve des
différences encore plus grandes : mortalité de
104 °/,, dans le quartier de Plaisance, mortalité de
11 °%% dans celui des Champs-Élysées. L'impor”
tance du groupement social apparaît très nette
ment quand, en allant du centre vers la périphérie,
M
Is 1e
RN
ET LOIRE
Mortalité
pour 10.000 habitants
57, + aàaH,3
Il #1, 1 à 35,9
34, 8 à 30,4
31,1à 20,1
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La À
CE — ln
GARONNE! GARD AUCLUSE) 2
\ 2:
Æ Borremans Se. 5 rue Æautereuille Farrs
Fig. 1. — Répartition des décès par tuberculose dans les départements.
XIVe arrondissement . . . . . . .
XXe
XIXe
XVe
XVIIIe
XIe
XIIIe
LVe
Ve
quartier lui-même peut encore être décomposé en
éléments plus simples, et, d'après M.
c'est-à-dire
vres,onprend,
sur la carte
dressée
qui
comme taux
de mortalité
lose, par 10:
mille habi
tants, les chif
fres de : 10,8
tier
Champs-Ély-
sées; de 22,1
pour le quar-
tier des Inva-
lides; de 43,6
pour le quar-
tier de l'Éco-.
le - Militaire ;
de 78,4 pour
le quartier de
Necker; de10%
pour le quar-
tier de Plai-=
sance. Le
Brouardel, les
7 C7
CES
rs
= © de O0 CO O2 =
œ à
Se © D © N © SG © D IS
= 19 CE 19
D =
| ont les habitants sont voués à à tuberculose.
-« Au point de vue du plan de campagne à suivre
inscrits sur la carte de France, aux foyers des
“quartiers, et, en dernière analyse, à la maison
insalubre. C’est elle qu'il faut viser. »
Cette conclusion de M. Brouardel est des plus
Jégitimes et ne saurait être trop approuvée, à un
Mortalite
pour 10 , 000 habitants
—_ 104,1 à 66,9
R. ROMME — LA TUBERCULOSE EN FRANCE
509
exerce une action très réelle, très manifeste sur la
dissémination de la tuberculose, et constitue un
facteur étiologique important. Seulement, il n’est
pas le seul, et, en réalité, ses effets ne font que
s'ajouter à une série d'autres que nous avons eu
l'occasion d'étudier dans la /?evue générale des
Sciences !. Il suffit, du reste, de jeter un coup d'œil
sur la carte de Paris établie par M. Brouardel, pour
voir les qurtiers dits pauvres enserrer comme une
ceinture noire les quartiers bourgeois du centre,
teints en gris, cependant que les quartiers riches
KBatignol |
arrières LE
M, 9
Re
Z=, P1€ Monceau
L---—"
= du Roule,
LE =
ES
1 Crime
LU
7 Médeleine ! s LE
ES Vincent—|
de Paul
=—=Bellevile——
1,5
Invalides / f
22,1 /SThomas =
==
Fig.
point de vue général. Une statistique publiée récem-
ment par M. Sogniès', nous montre, à Nancy,
dans la rue de l’Atrie, une maison dans laquelle se
produisent cinq décès par tuberculose sur neuf
constatés dans toute la rue pendant dix années;
une autre maison, de la rue d'Auxonne, fournit
quatre décès sur sept qui se sont produits, dans
toute la rue, dans l’espace de sept ans. La propor-
tion est encore plus forte dans une maison de la
rue Berguier, qui, pour l'espace de quatre ans,
fournit quatre décès sur six, ete., elc.
Il est donc certain que le logement insalubre
. 4H. Socniis : L'hygiène de l'habitation dans ses rapports
avec la mortalité par tuberculose. — Œuvre anti-tubere., 1900,
nos, p. 212.
2, — Répartition des décès dans les différents quartiers de Paris de 1892 à 1896.
se profilent en blanc. Or, la ceinture noire, de
même que les quartiers gris qu'elle enserre, n'est
pas composée d'une chaîne de maisons insalubres,
et dans celles-ci, comme dans celles qui ne sont pas
« insalubres », s'exercent en toute liberté les au-
tres facteurs de la tuberculose : surmenage physi-
que, repos incomplet, alimentation défectueuse et
insuffisante, travail dans des usines et ateliers
dont l'air est vicié, alcoolisme, ete., ete. La seule
chose qu'on puisse dire, c'est que la misère écono-
mique et physiologique, qui synthétise les facteurs
que nous venons d'énumérer, est fatalement liée à
4 R. Roue: La diminution de la tuberculose en Angleterre.
Rev. gén. des Sciences, 1900, numéro du 30 mai, p. 680.
»10
R. ROMME — LA TUBERCULOSE EN FRANCE
la maison insalubre, mais peut aussi exister dans
une maison répondant, dans une certaine mesure,
aux exigences de l'hygiène de l'habitation.
C'est une raison pour ne pas se laisser éblouir
par les statistiques, fort peu nombreuses du reste,
tendant à incriminer la maison insalubre seule.
Quand Philippovich ‘ note une mortalité par tuber-
culose de 11,6 °/, dans les quartiers aisés de
Vienne (Autriche), et de 35 °/,,, dans les quar-.
tiers non-aisés ; quand Chadwick * signale une mor-
talité de 11,3 °/,, dans les maisons habitées par
des ouvriers aisés, el de 38 ‘/. dans des mai-
sons habitées par des ouvriers pauvres, ce n'est
pas la maison seule, mais bien plutôt les condi-
lions matérielles générales qui donnent l'explica-
Lion de cette différence. On peut en dire autant de
la statistique de M. Sogniès *, quand il nous montre,
par exemple, que, dans la même rue (rue Saint-
Nicolas), une première partie, habitée par des gens
aisés, accuse une mortalité par tuberculose de
17,85 °/656, tandis que, dans la deuxième partie,
occupée par des ouvriers et des pauvres gens, cette
mortalité monte à 75,3 °/, C'est-à-dire à un
taux six fois plus élevé. Dans ces conditions, il est
difficile de dire si l'accumulation de décès tuber-
culeux dans la même maison doit être attribuée à
ses conditions antihygiéniques ou à la misère noire
de ses habitants, proie toute désignée pour le bacille
de Koch.
I ne faut pas croire que, pour M. Brouardel, la lutte
contre la tuberculose doit être limitée à l'assainisse-
ment du logement. Il estlepremier à réclamer, dans
son Rapport, la création d’un nombre suffisant de sa-
natoria populaires. Toutefois, on nous permettra de
citer ici encore un fait qui montre la multiplicité
et la complexité des causes de la tuberculose, ainsi
que l'insuffisance des moyens prophylactiques diri-
gés contre un seul de ses facteurs étiologiques. Ce
fait se rapporte à la question de la désinfection des
logements ayant été habités par des tuberculeux.
À première vue, celte désinfection, destinée à
détruire les germes de la maladie, semble devoir
exercer une influence appréciable sur la diminu-
tion de la tuberculose. Or, les chiffres que nous
trouvons dans le Rapport de M. Martin‘ ne font
pas ressortir d’une façon bien nette cette action de
la désinfection.
En effet, le nombre des désinfections pour tuber-
culose, demandées ou acceptées, et le nombre de
décès ont suivi la marche suivante :
Roexer : Prophylaxie der Wobn-und Arbeitsräume und
des Verkehrs. Bericht über den Kongress zur Bekämpfung
der Tuberkulose als Volkskrankheït, p. 308, Berlin. 1899.
2fTbrd,
II. Socxiës : loc, cit.
* A.-J. Marin : Désinfection des logements des luber-
culeux, p. 113.
ANNÉES DÉSINFECTIONS DÉCÈS
ASI2 RER NET 4.5
AIO NAN ENCRES 8.077
ER PSS TTE 1.389
ASIN MR NE ET 8.130
DOG AU ATEN RSS 8.330 :
EH PISTE 9.506 41.605
TSON EME CIE 10.504 12.040
899 EURE 11.002 12.053
Ainsi done, malgré l'augmentation progressive
el très accentuée du nombre des désinfections, le
nombre de décès tuberculeux n'a pas diminué.
Tout ce qu'on peut dire, en tenant compte de l’aug-
mentation de la population parisienne pendant ces
huil ans, c'est que la mortalité par tuberculose est
restée stationnaire. Et ce qui rend cette constata-
tion encore plus significative, c’est que les désinfec-M
tions pratiquées pour des maladies contagieuses
épidémiques (rougeole, scarlatine, diphtérie, etc.),
ont eu pour résultat d’abaisser très notablement la
mortalité par ces maladies : elle comptait pour un
dixième, et elle ne compte plus que pour un vingt-
cinquième de la mortalité totale.
I. — FORMATION DES FOYERS DE TUBERCULOSE.
Ces considérations nous amènent à envisager
une question, dont l'importance au point de vue
de la lutte contre la tuberculose nous paraît assez
grande. S'il existe en France trois principaux foyers
de tuberculose, quelles sont les causes qui ont con-
tribué à les former?
Nous aurons à envisager, dans un moment, les
rapports entre la tuberculose et l'alcoolisme. Mais,
en dehors de l'alcoolisme, existe-t-il d’autres
causes pouvant, dans une certaine mesure, nous
expliquer la formation des trois gros foyers dont M
parle M. Brouardel? Nous n'avons certainement
pas la prétention de donner ici la solution de ce
problème. Mais il nous semble intéressant de
mellre sous les yeux de nos lecteurs quelques faits
qui se rattachent à cette question, et dont l'expli-
cation n’est pas aisée.
$ 1. — Développement industriel et tuberculose.
La première idée qui vient à l'esprit, c'est de
ratlacher la formation des foyers tuberculeux au
développement del’industrialisme dans ces régions,
Or, si l’on compare la carte de M. Brouardel avec une
carte sur laquelle se trouvent marquées, en cou-
leurs différentes, l'agricullure, l'industrie et le com=
merce de la France, on constate qu'il n'y a pas de.
superposition entre le développement industriel de
la région et la formation du gros foyer tubereu=
leux. Ainsi, le deuxième gros:foyer, celui qui s'étend
surlès départements de l’ancienne Bretagne avec la
Mayenne, n'est nullement silué en pays industriel.
R. ROMME — LA TUBERCULOSE EN FRANCE
»11
Le premier et le second foyers sont aussi inter-
rompus à chaque instant par des départements
agricoles, vinicoles, etc.
Ce fait n'est pourtant pas particulier à la France.
Du moins, quand on consulte les statistiques portant
“Sur un grand nombre d'individus et sur un espace
“de temps suffisamment long, on constate, contrai-
“rement à ce qu'on pouvait atlendre, que le déve-
“loppement progressif et même très intense des
forces industrielles d'un pays ne comporte pas une
augmentalion correspondante de la tuberculose.
- Prenons en exemple l'Allemagne, dont l'essor
Pays allemands
reunis
Prusse, Bavière Saxe)
Prusse
Angleterre
1887-1893
1887-1895
Allemagne
(Villes)
industrielle a surtout porté sur la classe des sala-
riés, le nombre des ouvriers occupés dans l'indus-
trie s'étant élevé de 7.340.789 en 1882 à 10.269.269
en 1895.
D'après ce que nous savons sur la fréquence de
la tuberculose dans les villes et les campagnes,
d'après ce que nous savons sur les conditions hygié-
niques de l’ouvrier de fabrique ou d'usine, nous
devons donc nous attendre à voir les statistiques
accuser une augmentation de la tuberculose. Il n’en
estrien. Le graphique de la figure 3 montre très net-
tement une diminulion progressive el constante
France
(Villes)
Belgique Pays Bas
1880-1986
1980-1886
1880-1886
industriel pendant les derniers dix-quinze ans est
. proverbial. En 1882*, on comptait 19 millions 1/2
- d'habitants vivant de l’agriculture, 46 millions
d'habitants vivant de l'industrie, 4 millions 4/2
S'adonnant au commerce. Après treize ans, en 1895,
la population industrielle s'était élevée à 20 mil-
. lions 1/4 d'habitants, tandis que la population agri-
cole tombait à 18 millions 1/2 d'habitants. Pendant
cet espace de temps — de 1882 à 1895 — le chiffre
de la population totale avail bien augmenté; mais
alors qu'il ne s'était élevé que de 14,48 °/,, la popu-
- lation industrielle s'était accrue de 26,5 °/,, et
. la population agricole avait diminué de 3,77 °/,.
_Ajoutons enfin que l'augmentation de la population
_ 4 CarërtEen Kann : L'état des forces productives dans les
—… différents pays. Mouvement socialiste, 1901, n° 15, p. 157.
Fig. 3. — Courbes de la mortalité par tuberculose dans divers pays. — Les chiffres des colonnes verticales indiquent -
le nombre des décès par millions d'habitants.
de la tuberculose en Allemagne, comme dans les
aulres pays industriels, telle la Belgique, par
exemple.
La facon dont l'industrialisme et la tuberculose
se présentent en France ne fait que confirmer le phé-
nomène que nous venons de signaler en Alle-
magne. Le graphique de la tuberculose nous montre
en France une augmentation progressive el cons-
tante de la tuberculose de 1880 à 1895, et cepen-
dant son développement industriel a élé bien moins
intense que celui de l'Allemagne. Les chiffres que
cite M. Chrélien Karr‘ indiquent, par exemple, à
côté d'une légère diminution de la surface de terres
labourables, une augmentalion de la surface de
päturages, qui, de 4.115.124 hectares en 1882, a
! La Propagation de la tuberculose, Masson.
R. ROMME — LA TUBERCULOSE EN FRANCE
alteint 4.402.836 en 1892. L’émigration vers les
villes et les centres industriels a donc été moins
accentuée en France qu'en Allemagne, et pourtant
la tuberculose a constamment augmenté dans le
premier de ces deux pays.
Une petite statistique, établie par M. Baudran et
citée par M. Brouardel dans son Rapport, confirme
le fait que nous venons de signaler. Dans l'arron-
dissement de Senlis, la mortalité moyenne par tu-
berculose est de 33,7°/,.. Cet arrondissement
compte sept cantons, dont un industriel (Creil), avec
une mortalité de 38,4 ; un mixte, c'est-à-dire à la fois
industriel et agricole (Crépy), avec une mortalité de
45,8; dans les cinq autres cantons, tous agricoles
(Betz, Nanteuil, Neuilly, Pont-Sainte-Maxence, Sen-
lis), la mortalité moyenne par tuberculose oscille
entre 26,1 et 36,6 °/.
J'ajoute que, si l'on se rapporte aux statistiques !,
on constate que les conditions matérielles et de tra-
vail de l’ouvrier (salaire, durée du travail, législation
ouvrière, elc.), n’ont guère varié, au point de nous
expliquer la diminution de la tuberculose dans les
pays industriels. Nous nous trouvons donc en pré-
sence d’un fait qui est en contradiction avec lout ce
que nous savons sur les conditions étiologiques de
la tuberculose, et dont l'explication nous échappe
complètement, à moins d'admettre une influence
sur la tuberculose des mesures d'hygiène générale
dont les progrès sont indiscutables dans la plupart
des pays.
$ 2. — Alcoolisme et tuberculose.
M. Baudran, dont nous avons cité la petite statis-
tique fort instructive, estime que, pour comprendre
la distribution et la dissémination de la tuberculose,
il ne faut jamais perdre de vue une sorte de loi qui
peut se formuler comme suit : « La mortalité par
phtisie est fonction directe de l'alcool consommé
par tête d'habitant ». Cette loi est le résumé d’un
tableau sur lequel l'auteur à porté, pour chaque
département, d’un côté, la consommation moyenne
de l'alcool total par tête d'habilant, et, de l’autre, la
mortalité par tuberculose. Il a trouvé les chiffres
que voici, pour 10.000 habitants :
JUFANEONACTÉS EL PRNENRE 12117 d'alcool
KO NS ON 15,21 Te
S0 CIRE 14,72 —
60 TOME El CRE 16,36 —
HU ds DO Me 1 M ENPNPRR ANSE 17,16 —
BOND! he NL APS 17,30 —
90 et au-dessus. . 50.70 —
lesquels chiffres montrent que la mortalité par
tuberculose est presque directement proporlion-
nelle’à la quantité d'alcool consommé.
L'influence phtisiogène de l'alcool est une notion
LR. Rome : Joc. cit.
clinique ancienne, et lorsque M. Landouzy écrit
que « l'alcool fait le lit de la tuberculose », ou
lorsque M. Hayem dit que « la phlisie se prend sur
le zinc », ils ne font que résumer d’une façon pitto- ;
resque un fait qui se trouve déjà noté par les clini-«
ciens français etanglais du xvin° siècle. Mais la con-
statation scientifique de ce fait, par l’élude comparée
des statistiques établissant les rapports étroits entre
l'alcoolisme et la tuberculose, ne date que de quel-
ques années. Cette étude, faite aujourd’hui dans
quelques pays, a montré que partout l'alcoolisme,
quelle que soit la nature de la boisson contenant de
l'alcool, constitue un des facteurs les plus puissants,
sinon le plus puissant, du développement de la
tuberculose. *
En Angleterre, par exemple, cette relation appa-
rait très nettement quand, avec M. Jacquet, auquel
nous devons la connaissance de ces faits, on étudie
la mortalité par tuberculose dans les professions.
I1 suffit de se rapporter au tableau de Tatham *
(dans lequel les chiffres représentant le nombre de
décès par tuberculose, correspondent annuellement,
pour une profession donnée, à 61.215 personnes de
celte profession) pour voir la mortalité par tuber-
culose augmenter d’une facon considérable, quin-
tupler et décupler, dans les professions dans les-
quelles l'abus de boissons spiritueuses est notoire.
Le tableau ci-dessous nous montre, en effet, que,
pour la phtisie, qui a fait périr 69.057 sujets mâles
au-dessus de quinze ans pendant la période de
1890-1892, la mortalité comparative a été ::
Clerey men EN EC EE 67
CultivateurS ERP RENE LE 79
Médecins At" 7 EU RAS TER NE 105
Maîtres d'écoles "ue SU RATERS ill
PÉCHEUTS PAM SE EN ER IE eo 114
ChITLEITIDDA IE EN EE N EER 185
Cabaretiers (districts industriels). . . . 314
Musiciens ambulants. . . . . . : Le 322
OUVERTES TOCLS REC 325
Garcons de cabarets {distr. agric.) . . . 352
— — (diste. industr.}) . . 357
Manouvriers (Londres). : . 384
Marchands ambulants 143
Cabaretiers (Londres). "0... 418
Garcons de cabarets (Londres) .°. . . . 607
Pour l'Allemagne, la statistique qui a été publiée
par Baer* nous montre les mêmes relations étroites
entre l'alcoolisme professionnel et la tuberculose.
En prenant les chiffres de mortalité pour la période
de 1881-1893, Baer trouve sur :
! L. Jacquet : Alcool-Maladie-Mort (Rapport à la Société
méd. des Hôpitaux), Presse Méd., 1899, n° 98.
? Dans la statistique anglaise, le chiffre global (185) indi-
que la mortalité pour l'ensemble des sujets mâles exerçant
une profession. k
3 Barr : Alkohol
Kongress zur Bekämplung der
krankheïit, p. 630, Berlin, 1899.
über den
Volks-
und Tuberculose. Bericht
T'uberculose als
R. ROMME — LA TUBERCULOSE EN FRANCE 513
MORTS DE TUBERCULOSE
18.703 restaurateurs. . . . 4.418 soit 24,6 °/o
3.191 cabaretiers. . . . . 808 — 25,2
160 cuisiniers. . . . . . 49 — 30,6
429 sommeliers.. . . . 15% — 35,9
2.358 garcons de café . 1.250 — 53,1
tant de juger, d’une facon indirecte, de l'influence
de l'alcoolisalion continue sur le développement
e e la tuberculose. Nous savons seulement, d'après
le Rapport de M. L. Jacquet, que, sur 252 phtisiques
iques avant les premiers symplômes de la maladie;
et que ce chiffre est à rapprocher de ceux de Cous-
tan (de Montpellier), de Rendu, Barbier, Jacquet,
qui estiment que, sur 100 phlisiques, on compte 88
à 90 alcooliques.
“ Les remarquables travaux que M. X. Rocques a
publiés dans la Revue Générale des Sciences nous
dispensent d'entrer dans de grands détails au sujet
du développement de l'alcoolisme en France. Il
nous semble pourtant intéressant de publier ici
“deux tableaux, dont l'un (tableau IT) montre Faug-
entation progressive de la consommation annuelle
de l'alcool par tête d'habitant en France.
Ainsi done, la consommation de l'alcool total, qui
“en 1830 était de 7 litres par tête, est montée à
13 litres en 1898. Mais ce chiffre n'est pas exact. Si,
avec M. De Lavarenne, on établit la consommation
Œawceau II. — Consommation de l'alcool en France
depuis 1830.
os VINS BIÈRE CIDRE Fret
= " ota
dautiées| 10e | 8e | 5e | ao
litres litres litres litres
1,12 53.7 | 9.215 | 23.0
1,74 84,3 | 12,43 21,0
2,94 91,4 | 19,02 26, |
2,82 | 142,0 | 20,0 30,2
9,71 119,0 | 21,32 | 49.0 |
3,64 ON EEE RTE Er
4,0 70,0 ï 955 (12 années :
4,56 à F) ; 13,676 |
4,32 19,0 | 23,0 18,00 13:81
4,04 » » » |
4,54 » » » » |
\
de l'alcool en se guidant sur les tables proportion-
- nelles de population suivant les âges, on arrive à
- établir qu'un adulte français boit aujourd'hui en
moyenne par an 38 à 40 litres d'alcool à 100°.
. Letableau IV, que nous tenons à citer, est établit
sur les statistiques de Denis, et montre, si l’on con-
. sidère l'alcool total, que la France est le pays le
- plus alcoolisé du monde.
1 TrisouLer et Marne : L'Alcool et l'Alcoolisme, Paris, 1900.
La France est done non seulement le pays le plus
alcoolisé, mais encore le seul pays (avec la Bel-
gique) dans lequel l'alcoolisme a constamment suivi
une marche ascendante. Si maintenant nous consi-
dérons la courbe de la tuberculose en France, telle
qu'elle figure sur notre graphique (fig. 3), nous cons-
tatons que c'est encore la France qui paie le tribut
Tasceau IV: — Consommation actuelle de l’alcoo!l
dans les divers pays.
DER-
NIÈRE
ANNÉE
VIN |arcoor | TOTAL
EN
ALCOOL
à 100
BIÈRE
etcidre
à 1000
à 100° à 100°
1893
1893
1893
1590
185$
1890
1894
1893
1890
1893
1890
1S91
1892
France: .
ETIENNE
Belgique. . . .
HÉROS ancre TR. 1.
Autriche-Hongrie. .
Danemark.
| Allemagne. .
Angleterre .
Pays-Bas
Etats-Unis.
Suède . . : :
Norvège. .
Canada .
© DE CS
le plus lourd à la tuberculose, et que le nombre de
vielimes faites par la tuberculose augmente réguliè-
rement de 1887 à 1895. Le parallélisme de ces deux
faits est assez éloquent pour affirmer les relations
étroites entre la tuberculose et l'alcoolisme.
Le Rapport très remarquable présenté sur celte
question, à la Commission de la Tuberculose, par
M. De Lavarenne ‘
relations. Les faits quil cite à l'appui de cette
thèse sont de deux ordres : les uns personnels,
fournis par une enquête qu'il a faite dans un dis-
pensaire silué à Paris, rue Haxo; les autres dé-
coulant de l'étude comparée, par département, de
la consommation de l'alcool d'un côté, el de la mor-
talité par tuberculose de l'autre.
Les faits personnels de M. De Lavarenne con-
firment les statistiques que nous avons citées plus
haut. Sur 50 tuberculeux pris au hasard de la
consultalion, il compte 32 hommes, dont 26, soit
80 0/,, étaient alcooliques : ‘c'est la proportion des
statistiques de MM. Rendu, Barbier, Jacquet. L'hé-
rédité, qui passe pour jouer un rôle considérable
dans l’étiologie de la tuberculose, n'a été constatée
que cinq fois, la contagion manifeste sept fois, dont
cinq chez des alcooliques. Dans tous les autres cas,
l'alcool, et l'alcool seul, d'après M. De Lavarenne,
était en cause. Ce qui le prouverait encore, c'est
que, sur les 18 femmes tuberculeuses, on notail,
comme éliologie : 11 fois l'hérédité, 9 fois Les pri-
, précise encore davantage ces
1E, De Lavarenxe : Alcoolisme et tuberculose. La propa-
gation de la Tuberculose, p. 278.
d14 R. ROMME — LA TUBERCULOSE EN FRANCE
vations et le surmenage; 2 autres, chez lesquellesles | évolution rapide. Sur 16 tuberculeux observés par |
facteurs étiologiques précédents n’existaient pas, | M. Brunon, 1 étaient alcooliques, et 5 non-alcoo=
étaient alcooliques, et chez elles la tuberculose se | liques : les 11 alcooliques sont tous morts; des
présentait sous forme grave. 5 autres, 2 sont morts, 2 guéris, 1 amélioré. «
©
CR CANNMG UE IE CD PEN RMIEULIE
NE
£. OFERLINW del
Fig. 4. — Carte montrant la répartition et la consommation de l'alcool en France.
Consommation par tête et par an.
EE
Moins de 2? litres d'alcool à 1000, de 5 à 7 litres d'alcool à 1000,
C7 de 2 à 5 litres d'alcool à 1000. Fi plus de 7 litres d'alcool à 100.
Une statistique de M. Brunon, que M. De Lavarenne ! La seconde partie du Rapport de M. De Lava-
signale dans son Rapport, semble montrer que non , renne, celle dans laquelle il étudie comparative-
seulement l'alcool prédispose à la phtisie, mais qu'il | ment, par département, la mortalité par tubereu-
imprime encore à la tuberculose pulmonaire une * lose et la consommation de l'alcool ‘total) aboutità
R. ROMME — LA TUBERCULOSE EN FRANCE 515
méme conclusion : les départements qui four-
justement ceux qui consomment de grandes quan-
és d'alcool. A première vue, la règle ne parait
générale; mais, quand on pousse l'analyse à
nd, comme l'a fait M. De Lavarenne, les exceptions
parentes s'expliquent fort bien.
“Ainsi M. De Lavarenne prend, comme exemple,
six départements dans lesquels la mortalité par
berculose est la plus élevée : Seine, Rhône, Doubs,
Haute-Vienne, Loire-[nférieure, Ardèche. La con-
sommation de l’alcool (lotal), en quantités de 21 à
litres par tête d’habitant et par an dans la Seine,
Rhône, la Loire-Inférieure, de 18 litres 1/2 dans
Doubs, nous fait comprendre que la mortalité par
ée dans la Haute-Vienne et l'Ardèche, dont les sla-
tiques n'accusent qu’une consommation annuelle
le 10 à 12 litres d'alcool (lotal) par Lête d'habitant?
C'est que, nous dit M. De Lavarenne, la statistique
alcool porte sur la population de toutle dépar-
lement, y compris celle des campagnes où l’on boit
beaucoup moins, tandis que celle de la tuberculose
porte seulement sur la population des villes, où l'on
boit beaucoup plus. Or, dans la Haute-Vienne, nous
vons Limoges, où l'on consomme 22 litres 65 d’al-
oo! par lète; dans l'Ardèche nous avons Annonay,
ville industrielle, où l'on boit énormément, et qui,
dans la statistique pour tuberculose de l'Ardèche,
fournit près de 20.000 habitants sur une totalité
de 40.000 ».
Il suffit, du reste, de comparer la carte de consom-
mation de l'alcool (fig. 4), dressée par M. Rocques*,
avec celle de mortalité par tuberculose (fig. 1), éla-
blie par M. Brouardel, pour voir que les deux se su-
perposent presque complètement. Les différences
qu'on constate s'expliquent par ce fait que M.Roc-
ques n’a tenu compte que de l'alcool des eaux-de-vie
el autres spiritueux. Mais si l’on faitentrer en ligne
de compte l'alcool du cidre ou du vin, on saisit de
Suite la raison pour laquelle certains départements
(Côtes-du-Nord, Mayenne, Sarthe, Ille-et-Vilaine,
Gard, Ardèche, etc.), teintés en noir sur la carte de
. Brouardel, apparaissent en gris foncé ou gris
clair sur celle de M. Rocques.
Comment peut-on s'expliquer l'action phtisio-
gène de l'alcool ? M. De Lavarenne estime qu'il agit
par les lésions des muqueuses respiratoire et intes-
-tinale qu'il produit. L'alcool permettrait d’un côté
au bacille de Koch de se grefler sur la muqueuse
bronchique, et de l’autre il affaiblirait la résistance
de l'organisme dont la nutrition se trouve compro-
1 X, Rocouess : Etat actuel de l'industrie des eaux-de-vie
et liqueurs en France. Rev. gén. des Sciences, 1896, p. 283.
mise par le fait de la dyspepsie alcoolique. Bollin-
ger ‘, qui a été frappé de la fréquence et de l'évolu-
tion rapide de la tuberculose pulmonaire chez les
garcons-brasseurs de Munich, généralement très
vigoureux, est porté à incriminer l’action délétère
de l'alcool sur le cœur. On peul encore admettre
que, comme tous les poisons et toxines, l'alcool
prédispose à toutes les infections, y compris l'infec-
tion tuberculeuse, auxquelles il imprime une
marche particulièrement grave. Les recherches
expérimentales publiées récemment par Laitinen *
mettent ce fait hors de doute.
Des relations étiologiques étroites existent done,
en France comme parlout ailleurs, entre l’alcoo-
lisme et la tuberculose, et aujourd'hui personne ne
cherche à les nier. Mais ce dont on ne saurait trop
louer M. De Lavarenne, c'est d'avoir gardé la juste
mesure, et évité les exagéralions des antialcoolistes
fervents, « pour lesquels, comme il dit, alcoolisme
et phtisie sont deux termes inéluctables d'une
même équalion ». Ce serait, en effet, une erreur que
de croire que la tuberculose résulte à peu près
uniquement de l'alcoolisme, et que la lutte contre
l'alcoolisme atteint directement et toujours la tu-
berculose, comme certains l’ont soutenu. Les fails
qui prouvent le mal-fondé de cette opinion extrême
ne manquent pas.
Prenons en exemple la statistique personnelle
de M. De Lavarenne. Sur 32 hommes phlisiques, il
trouve 26 alcooliques, et nous disons avec lui :
C'est l'alcool qui est en cause. Mais sur 18 femmes
tuberculeuses du même dispensaire, 2 seulement
sont alcooliques, tandis que chez les 16 autres on
trouve, comme cause étiologique, l'hérédité, Ja
misère, le surmenage, mais pas d'alcool.
Un autre fait d'ordre plus général, qui montre
que, comme étiologie, il y a encore autre chose à
côté de l'alcoolisme, est le suivant : Si, dans un la-
bleau, nous établissons, par pays, d’un côté la mor-
talité par tuberculose, et de l’autre la consommation
de l'alcool Lotal par tête d'habitant, nous consta-
tons tout de suite que /e plus souvent'il n'existe pas
de rapport direct enlre ces deux facteurs. Ainsi,
dans le tableau V, dans lequel les chiffres pour la
tuberculose sont empruntés au Rapport de M. Küh-
ler”, directeur de l'Office impérial de Santé de Ber-
lin, et les chiffres pour l'alcoolisme au Rapport de
M. Jacauet*, il est difficile de trouver une corré-
L Barr, loc. cit.
2 Taav. LarmNen : Ueber den Einfluss des Alkohols auf die
Empfindlichkeit des thierischen Kürpers für Infektionsstofte.
Zeitschr. f. Hyq., 4900, t. XXXIV, p. 206.
s KüuLer : Allgemeines über die Ausbreitung und Bedeutung
der Tuberkulose als Volkskrankheïit. Bericht über den
Kongress zur Bekämpfung der Tuberkulose als Volks-
krankheïit., p. 48, Berlin 190(
4 L. Jacquer, La propagation de la tuberculose.
516
lation entre la mortalilé par tuberculose et la con-
sommation. En faisant même, avec le tableau com-
plet de Denis, que nous avons reproduit plus haut,
les corrections nécessaires relatives aux années
pour ce qui est des moyennes de la consommation
d'alcool; en prenant même en considération que la
mortalité par tuberculose porte dans certains pays
TaBLEAU V.— Comparaison entre la mortalité tuber-
culeuse et la consommation alcoolique dans les.
différents pays.
MORTALITÉ CONSOMMATION
Jar de l'alcool total
à 100°
par an el par tête
d'habitant
|
tuberculose pulmon.
pour
1 million d'habitants
PAYS
Angleterre et Pays
de Galles . :
Norvège .
Belgique .
Italie. .
| Pays-Bas.
Danemark .
SUISSE RTE
Allemagne .
Suède .
France .
Hongrie .
Autriche .
Russie . .
Lo V9 D NO NN
sur les villes seules, et dans d'autres sur les villes
et les campagnes ; en faisant, dis-je, toutes ces res-
trictions et corrections nécessaires, il n'en reste
pas moins vrai qu'alcoolisme et phtisie ne sont pas
« deux termes d’une même équation ».
Pour certains pays, la situalion qu'ils occupent au
point de vue tuberculose et alcoolisme est tout à
fait bizarre. Les statistiques les plus récentes rela-
lives à la consommalion de l’alcool nous montrent
que les deux pays qui viennent en tête de liste
sont la France et la Belgique, et qu’en outre, dans
ces deux pays, la consommation de l'alcool à suivi
une marche toujours ascendante. Or, la mortalité par
tuberculose est deux fois moins élevée en Belgique,
pays essentiellement industriel, qu'en France, pays
en grande partie agricole.
La Suède, qui ne consomme que 4 litres 39 d’al-
cool, a une mortalité tubereuleuse supérieure à PAI-
lemagne, où l’on boit deux fois plus d'alcool. En
France, où l'alcoolisme augmente, la tuberculose
diminue depuis 1895. Enfin le pays qui consomme
le moins d'alcool, la Russie, offre la mortalilé la
plus élevée par tuberculose. Etpour apprécier l'im-
portance de cette constatation, n'oublions pas que
l'alcoolisme proprement dit n'existe pas en Russie,
où il est remplacé par l'ivrognerie, et que ce qu'on
« boit» dans ce pays, c’est le (hé, quand ce n’est pas
12 Paisoucer et MarutEu, loc. cit.
3 Focurer : L'alcoolisme avant la loi pénale. Paris, 1900.
R. ROMME — LA TUBERCU
LOSE EN FRANCE
l'eau. Autrement dit, la misère, bien connue, des
populations ouvrières et rurales de la Russie fait
à elle seule « le lit de la tuberculose ».
Les contradictions qui résultent de l'opposition
de la « statistique-tuberculose » à la «statistique-«
alcoolisme » n'ont pas échappé à M. De Lavarenne;
mais l'explication qu'il en donne n’est pas toujours
à l'abri de toute critique. Il admet que l’augmen-«
tation de la tuberculose en Norvège, le seul pays,
avec la Suède, dans lequel l'alcoolisme a considé-m
rablement diminué depuis une vingtaine d'années,
s'explique par deux faits : par la date relativement
récente des statistiques de la tuberculose, etparune
sorte de reprise de l’alcoolisation avec des bières et
des vins fabriqués à Hambourg. C’est très possible;
mais il est encore possible que les conditions éco-
nomiques aient changé dans un sens défavorable,
fait sur lequel nous ne possédons aucun renseigne-
ment. Pour expliquer le cas de la Belgique, M. De
Lavarenne fait intervenir « l'augmentation considé-
rable du bien-être produit par le développement
des œuvres d'association, dont le bien produit
dépasse assurément ce que l'acoolisme a pu faire
de mal ». Or il suffit de consulter les statistiques À
relatives au salaire, à la durée du travail, au nombre
d'enfants et de personnes employées dans l’indus-
trie, etc., pour constater que toutes ces conditions,
par lesquelles se mesure le degré de bien-être de
l'ouvrier, ont à peine changé depuis une dizaine
d'années, en tous cas pas au point d’influencer d'une
“facon si remarquable la mortalité par tuberculose.
Il est facile de s’en convaincre en jetant un coup
d'œil sur le tableau VI", dans lequel se trouvent
consignées, pour la ville de Liége, les variations du
salaire depuis 1870 :
— Variations du salaire des ouvriers à
Liège depuis 1870.
TaBzeau VI.
1870-1878 | 1879-1887
| DÉSIGNATION
1888-1896
h
RO 9 0 GO É9 re En OS de 7
| Charpentiers. . .
| Ebénistes . .
| Compositeurs d'i imprimerie. c
| Mouleurs . . : CAD
Fargerons a ŒnNn
Mécaniciens . 5 1
| Plombiers. . . .
Macons (pierre :
| Peintres en bâtiments .
Manouvriers.
2:38!
HE =) CO de ©
So ©
Nous avons cité un nombre suffisamment grand
de faits prouvant le rôle important, sinon prépon-
dérant, de l'alcoolisme dans la genèse de la tuber-
culose. Les considérations développées en dernier
lieu tendent seulement à accentuer l'impossibilité
! Bulletin de l'Office du Travail, 1898, n° 12, p. 964.
di à
R. ROMME — LA TUBERCULOSE EN FRANCE 517
les autres facteurs, qui tous, et au même litre que
Jalcoolisme, créent un terrain favorable à l’ense-
“lose, en favorisant la misère physiologique et la
“déchéance de l'organisme.
III. — LA TUBERCULOSE DANS LES COLLECTIVITÉS.
. Une série de Rapports, que nous allons analyser
aintenant, nous fait connaître la fréquence et
Hextension de la tuberculose dans diverses collec-
tivilés telles que l'armée, la marine, les asiles, les
prisons, etc. Les faits qu'ils signalent sont intéres -
sants à connaître ; il est seulement regrettable que
“dans un certain nombre de Rapports nous ne trou-
ions pas d'éléments de comparaison permettant
de mieux juger la question et d’en dégager les
points saillants.
$ |. — L'armée.
Ce qui frappe d'emblée quand on étudie la
uberculose dans l'armée française’, c’est la diffé-
rence entre la mortalité générale et la mortalité
par tuberculose. La première décroit d'une façon
presque régulière depuis un quart de siècle, si bien
que, de 10,5 pour 1.000 hommes d'effectif, en 1875,
“elle tombe à 4,41 en 1898, ce qui nous donne une
diminution de près de 60 °/,. La seconde, au con-
F raire, augmente régulièrement, bien que cette
augmentation soit relativement peu élevée. La
statistique qu'apporte M. Letulle, et qui indique les
Japceau VII. — Pertes de l'armée par tuberculose
j de 1888 à 1898.
} RÉFORMES DÉCÈS Hors
ANNÉES À 2 des pertes
1888 4,30 1,18 5,48
1889 4,9% 1,05 5,99
1890 5,10 1,08 6,18
1891 6,10 1,33 1243
1892. . 6,35 1,04 1,59
1893 . 6,33 0,9% 1,21
41894 . 6,55 1,01 1,56
1895 . 8,34 4,1% 9,48
1896 . 1,34 0,9% 8,28
1897 . 1,84 0,95 8,19
1898 . TiAE) Ü,88 8,01
retraites et réformes
“irès nettement.
Cette statistique accuse bien une diminution du
nombre de décès par tuberculose, mais elle montre
aussi une augmentation relativement bien plus
de 1888 à 1898, le montre
… ©: M. Leruice : La tuberculose dans l'armée francaise,
Loc. cit. p. 154.
REVUE GÉNÉRALE DES SCIENCES, 1901
accentuée du nombre de réformes. Celte augmen-
talion peut s'expliquer soit par la fréquence de plus
en plus grande de la tuberculose dans la popula-
tion civile, soit par la rigueur avec laquelle le ser-
vice de santé élimine, dès qu'il peut, toutes les
recrues susceptibles de se tuberculiser, afin de pré-
server ses effectifs sains.
Si nous nous rapportons à une statistique publiée
Tagceau_ VIII. — Pertes par tuberculose dans les
diverses armées,
DÉCÈS TOTAL DES PERTES
ARMÉES pour (décès, réformes)
1000 hommes |pour 1000 hommes
Francaise (1886-89) . 1,2
Allemande (1882-84). . 0,7
Autrichienne (1878-87). LT
Italienne (1881). . 0,8
Espagnole (1886) . 2]
Anglaise (1879-84). . 254
Russe (1880-84) . 0,8
Belge (1837-88) . 0,9
par M. Kovatcheff!, nous constatons qu'au point de
vue des pertes (décès, retraites, réformes) par tuber-
culose, l'armée francaise est relativement mieux
partagée que les armées d’autres grandes nations.
Ces chiffres ne doivent pourtant être acceptés
qu'avec réserve pour ce qui est de la situation
respective des différentes armées à l'heure actuelle,
car les données de cette statistique sont vieilles de
dix ans, et c'est de cette époque que datent les
diverses mesures qui ont amélioré l’état sanitaire
de l’armée. Ajoutons que la diminution progressive
du nombre de décès par tuberculose qu'accuse la
statistique de l’armée française existe aussi dans
l’armée allemande. Les chiffres cités par M. Schjer-
ning? dans son Rapport au Congrès de Berlin, mon-
trent notamment que la mortalité par tuberculose
dans l'armée allemande est tombée de 0,63 °/,, en
1883 à 0,36 en 1892, et à 0,2%en 1897.
Plus intéressante est la question de la mortalité
comparée par tuberculose dans l'armée et la popu-
lation civile. M. Kovatchef, qui l'aborde dans son
travail, cite une statistique de Marvaud, statistique
ancienne, qui donne, pour plusieurs pays et villes,
la mortalité par tuberculose pour 1.000 individus
âgés de vingt à vingt-cinq ans. En la comparant à
la statistique de l’armée, il arrive à conclure que le
rapport entre la mortalité par tuberculose dans
l’armée et dans la population civile, est comme 5 à
3, c'est-à-dire que, pour le même groupe d'âge, la
tuberculose fait presque deux fois plus de victimes
1S. Kovarcaere : Contribution à l'étude de la luberculose
pulmonaire dans les armées. Thèse de Nancy, 1900.
2 ScHERNING : Die Tuberculose in der Armce, Bericht über
den Kongress zur Bekampfung der Tuberkulose, p. 93.
le
518
R. ROMME — LA TUBERCULOSE EN FRANCE
dans l'armée que dans la population civile.
Mais il faut dire que celte évaluation n’est qu'ap-
proximative. En effet, dans la statistique de l'armée
nous avons à compter non seulement avec la mor-
talité proprement dite, qui est très faible, mais
encore avec les réformés dont le plus grand nom-
bre est faltalement voué à la mort, d'autant que la
plupart d'entre eux, rendus à la vie civile, se trou-
vent en face de conditions hygiéniques nullement
propices à la guérison de leur tuberculose. En
tablant sur les chiffres de la rubrique : « Pertes
totales », on peut donc évaluer à 5 ou 6 °/,, la mor-
talité par tuberculose chez les jeunes gens passant
par l'armée. Si nous comparons cette mortalité à
celle de la population civile dans le groupe d’âge
de vingt à vingt-cinq ou trente ans, nous trouvons
pour celle-ci, dans le Rapport, déjà cité, de M. Küh-
ler’, les chiffres suivants :
Tagceau IX. — Mortalité par tuberculose dans la
population civile de 20 à 30 ans.
MORTALITÉ
par tuberculose
pour 1000 hab.
Angleterre (1891-95). . .| 20 à 25 ans
1,88
2:50
3,39
2,10
2 #9
2,52
Prusse (1896) . 20 à 30
Bavière (1894-97) . R2UNa
Saxe (1894-97) 20 à 30
Italie 1897). . 20 à 30
Tout approximatif el incomplet que soit notre
calcul, il n'en permet pas moins de dire que la mor-
talité par tuberculose est plus élevée chez les indi-
vidus passant par l’armée que dans la population
civile. Parmi les causes qui expliquent ce fait, on
peut citer le surmenage de l'éducation militaire,
faisant éclore les tuberculoses jusqu'alors latentes,
les maladies infectieuses agissant dans le mème
sens, l'alimentation plutôt insuffisante, l'encom-
brement relatif, la facilité plus grande de contagion
qu'on trouve dans toutes les agglomérations, l'hy-
giène générale défectueuse, etc.
$ 2. — La marine de l'État.
Le Rapport de M. Vincent® nous montre que la
profession du marin est une de celles qui paient
le tribut le plus lourd à la tuberculose. Malgré la
rigueur de l'examen médical auquel sont soumis
les futurs matelots, malgré la visite minutieuse des
hommes au moment de la formation d’un équipage
pour un bâtiment entrant en armement, la tuber-
culose n’en sévit pas moins dans la flotte. La sta-
! Kouzen : Allgemeines über die Ausbreilung.…., ete.
2 JL, Vincenr : La tuberculose dans la marine de l'Etat,
La propagation de la tuberculose, p. 173.
tistique de l'Hôpital maritime de Brest, par exemple,
donne, pour la période de 1888 à 1897, sur un tota
de 1.119 morts, 501 décès par tuberculose, soit une
proportion de 46,8 °/,. Si l’on prend la statistique
de cinq hôpitaux maritimes (Brest, Cherbourg,
Lorient, Rochefort, Toulon), on trouve, pour cent
décès de causes diverses, 35,5 décès par tubereu:
lose en 1898 et 35,1 en 1899. En 1898, avec um
effectif de 44.344 marins, la flotte française a perdu
un total de 2.176 hommes, et sur ce nombre là
tuberculose entre pour un chiffre de 635 hommes
(réformes, pensions de retraite, décès), soit 29 v}
des pertes générales.
Les décès par tuberculose varient suivant les:
professions. Ce sont les gabiers, les mécaniciens:
et les chauffeurs qui sont les plus éprouvés : sur
100 décès par tuberculose, ils en fournissait 410
à 11. Leurs conditions de vie et de travail expli
quent du reste cette mortalité élevée. Les gabiers;
par exemple, sont exposés à toutes les intempéries.
du mauvais temps, et contribuent au dur service
des embarcations. Les mécaniciens et les chauf
feurs sont obligés, de par leur service, de séjourner
dans des compartiments mal aérés et surchauffés,
dans lesquels la température monte à 40°, voire
même à 50 et 55°, où ils s’usent et s'anémient rapi
dement. Cette étiologie professionnelle apparait
encore plus clairement dans une statistique de
Vincent ei Burot, que cite M. Kovatcheff', et d'oùil
résulte qu'à Brest la tuberculose entre pour 53,2°/
des décès chez les matelots, pour 23,1 °/, chez les
quartiers-maitres, pour 18,5 °/, chez les premiers,
et deuxièmes-maitres.
Pour ce qui est de la tuberculose dans la marine
étrangère, nous trouvons, dans le travail de M. Ko=
vatcheff, les indications suivantes :
En Italie, la mortalité par tuberculose pendanb
la durée du service a été en moyenne, de 1893
1897, de 2,20 °/,,; la proportion des conscrits éli=
minés au moment de la visite a été de 4,10 2}.
y à donc proportionnellement plus de tuberculeux
parmi les hommes en activité de service que parm
les conscrits. Dans la flotte allemande, on compte
sur 100 décès, 2? par tuberculose. En Russie, 1&
tuberculose donne une proportion de 2 °/,, pour les
décès et de 1,4°/,, pour les réformes, et cette pros
porlion se retrouve presque identique dans la
marine néerlandaise. C'est dans la marine anglaise
que la tuberculose fait le moins de victimes : sun
un effectif de 68.000 officiers et matelots, on ne
compte en moyenne que 50 à 55 cas de tubercu
lose.
Ces faits, peu connus du public, méritaient
crovons-nous, d'être cilés ici.
18, Kovarcuerr : Thèse de Nancy, 1900.
R. ROMME — LA TUBERCULOSE EN FRANCE
»19
J S“3: — Etablissements pénitentiaires et personnel;
gardiens de la paix de Paris.
. Il résulte d'une statistique établie par M. Brouar-
“del! que la mortalité moyenne par tuberculose,
“depuis cinq ans (1894-1898), dans 87 prisons, a été
“en moyenne de 43,7 °/, prisonniers. Celte morta-
lité est un peu plus élevée que la mortalité moyenne,
et la différence s'explique quand on sait que la
population des prisons est composée en très grande
partie d'individus vivant habituellement dans de
“mauvaises conditions d'hygiène, et souvent infectés
de tuberculose au moment de leur entrée dans une
prison. La prison ne semble donc pas aggraver
leur tuberculose, et ce qui vient à l'appui de cette
“proposilion, c’est que, lorsqu'on classe les dépar-
tements et les prisons par ordre de mortalité tuber-
‘culeuse, on constate qu'aux départements à forte
mortalité tuberculeuse correspond une proportion
“élevée de mortalité tuberculeuse dans les prisons.
Le personnel des prisons n'est pas non plus très
“éprouvé par la tuberculose : elle est de 31,2 °.
La situation est tout autre dans les maisons
centrales, les pénitentiaires, les colonies agricoles.
Ici nous trouvons une mortalité par tuberculose de
“115,3 409, presque trois fois supérieure à la mor-
“talité moyenne et à la mortalité dans les prisons,
“fait que M. Brouardel est disposé à altribuer à
“l'insuffisance de la nourriture, à une hygiène
“défectueuse des aleliers. Quant au personnel, il
offre une mortalité par tuberculose de 19,5 °/,50,
c'est à dire une mortalité sensiblement inférieure
… à la moyenne.
Ce fait est d'aulant plus curieux à noter, qu'à
Paris, chez les gardiens de la paix, M. Landouzy*
“à lrouvé qu'en moyenne on compte, sur 100 cas de
mort, 49 par tuberculose. Le taux de la mortalité
par tuberculose n’est pourtant chez les gardiens
“de la paix que de 38,4 2, chiffre analogue à celui
du personnel des prisons. Mais, suivant la juste
remarque de M. Landouzy, il ne faut pas oublier
que le recrutement des gardiensde la paix comporte
“un examen médical très rigoureux des candidats.
Le chiffre relativement élevé de la mortalité tuber-
“culeuse tient donc dans cette corporation à des
conditions particulières de profession.
$ 4. — Asiles d’aliénés ; enfants assistés.
…— L'étude de la tuberculose dans les asiles d’alié-
nés à révélé à M. Brouardel* des faits tout à fait
- : P. Brouanoez : Mortalité par tuberculose dans les établis-
Sements pénitentiaires, Loc. cit. p. 187 et 408.
? L. Lanouzy : Mortalité par tuberculose des gardiens de
à. Paix de Paris, Loc. cit. p. 197.
… ‘ P. Brouarvez : Mortalité par tuberculose dans les asiles
…d'aliénés de France (1891-1898), p. 148 et 396.
”
divers asiles, on trouve pour la tuberculose une
mortalité de 117,1 °,,,,, c'est à dire une mortalité
trois fois supérieure à la moyenne. Mais, si l'on
divise le nombre des asiles en trois groupes, on
trouve que la mortalité par tuberculose y oscille
entre 48,3 et 196,7 °,,.,. Certains asiles, comme
celui de Cadillac (Gironde), ou de Morlaix (Finis-
tère), perdent annuellement par tuberculose plus
de 500 sur 10.000, tandis que d'autres, non moins
peuplés, n'en perdent que 30: M. Brouardel est
donc amené à se demander si, dans les asiles à
mortalité luberculeuse élevée, la nourriture est
suffisante et les mesures élémentaires d'hygiène
bien prises et observées. L'enquête qu'il exige est
d'autant plusnécessaire que, dans les asiles privés,
d'après une statistique portant sur 716maisons avec
une populalion moyenne de 4.261 aliénés, la mor-
lalité par tuberculose n’est que de 39,9 °/,,,, pro-
TagLEau X. — Mortalité par tuberculose des enfants
assistés.
POUR
POUR D
10.000 enfants
assistés
10.000 habitants |
portion analogue à celle de la mortalité moyenne
par tuberculose en France.
La mortalité par tuberculose chez les enfants
assislés et moralement abandonnés' n'est pas
la même chez les garcons (66.312) et les filles
(58.083) : elle est de 20,2 °/,,, chez les premiers, et
de 25,4°/,% chez les secondes. Si, comme l'a fait
M. Brouardel, on divise les départements en quatre
groupes par ordre de mortalité décroissante, et si
on compare la mortalité tuberculeuse des enfants
résidant dans ces départements, on trouve les
chiffres du tableau X.
Ils montrent que la mortalité tuberculeuse propre
du département n'exerce pas d'influence prépondé-
rante sur la mortalité luberculeuse des enfants
assistés. Ajoutons que, chez les enfants soumis à la
surveillance de l'Assistance publique de Paris, la
mortalité par tuberculose est seulement de
19,8 °/ chez les garçons et de 17,2 ©}, chez les
filles.
Il est intéressant de comparer cette mortalité à
celle que fournissent, dans chaque pays, les groupes
d'âge correspondant à ceux des enfants assistés.
4 p. Brovarwez : Mortalité par tuberculose des enfants
assistés et moralement abandonnés, Loc eil. p. 151 et 397
R. ROMME — LA TUBERCULOSE EN FRANCE
Sinous prenons les statistiques citées par Kühler ‘,
nous trouvons les chiffres du Tableau XI ci-dessous :
Tagzeau XI. — Mortalité infantile par tuberculose
dans les divers pays.
MORTALITÉ
par tuberculose
pour 10.000 hab.
Angleterre .
Prusse .
Bavière. .
Saxe
Belgique .
Italie.
=
Do OC SE N
DVUUSIDEUS
12
Pour Paris, M. Brouardel? nous indique les
chiffres suivants :
0 à 1 an mortalité par tuberculose de 73,3 0/60
À à 4 ans — — — 63,9 —
5 à 9 ans — _— — 18,1 —
10 à 14 ans — — — 12,2 —
So. — Mines de charbon et chemins de fer.
Le Rapport de M. Dislère* est bien fait pour
montrer quelles difficullés on rencontre quand il
s'agit d'interpréter les statistiques et d'en tirer,
non pas une conclusion, mais même une simple
indication. Sur 54.000 ouvriers employés dans les
mines de charbon des bassins du Nord et du Pas-
de-Calais, M. Dislère a trouvé une mortalité
moyenne par tuberculose de 21 ‘/,,. Mais, ce qui
rend immédiatement suspect ce chiffre, c'est que
cette moyenne est établie avec des chiffres dont les
extrêmes sont 49 (pour Ferfay) et 5 (pour Anzin);
et, si on laisse de côté ces deux chiffres extrêmes,
on trouve encore, comme mortalité moyenne par
tuberculose, le chiffre de 24 0/,,,. Un autre fait non
moins curieux, c'est que, chez les femmes el les
enfants de ces mineurs, la mortalité par tuber-
culose s'élève déjà à 58 °/,,,. plus du double.
Un fait sur lequel M. Dislère insiste, c'est que la
fréquence de plus en plus grande de la tubercu-
lose chez les mineurs — qui passaient pour être
presque réfractaires à l'infection tuberculeuse —
coïncide avec le développement de l'alcoolisme
dans les centres miniers.
L'enquête sur la fréquence de la tuberculose dans
le personnel des chemins de fer, entreprise par
MM. Galippe et Letulle‘, n'a pu aboulir, pour la
1? Loc. cit.
2 Loc. cit., p. 393.
# P. Disière : Note sur la mortalité par tuberculose dans
le personnel ouvrier des mines de charbon, Loc. ci. p. 283.
! Gauirpe et M. Lerure : La prophylaxie de la tubercu-
lose dans les chemins de fer, p. 209.
seule raison qu'aucune de ces administrations, à
l'exception du Nord, n’a pu fournir des éléments
nécessaires à une telle statistique. Celle de la Com=
pagnie du Nord, fort rudimentaire du reste, et qui
ne dale que de 1896, donne pour 41.800 employés
(en 1898) une morbidité par tuberculose de 7 M
pour 1.000. En 1896 et 1897, cette morbidité étails
respectivement de 7,75 et de 6,4 pour 4.000.
IV. — MESURES PROPIYLACTIQUES PROPOSÉES.
Les mesures que la Commission propose d'Oppo=
ser en France au flot montant de la tuberculose sont
de deux ordres. Les unes sont générales, et peuvent
se résumer par ce mot: « guerre aux crachats ».
Faire à ce point de vue l'éducation du public par”
une propagande active au moyen des conférences,
des brochures, des tracts, ete., eic., dans les collec=«
tivités de l'Etat (armée, marine, administrations, «
écoles, asiles, etc.), ainsi que dans les collectivités
privées (établissements de crédit, théâtres, biblio-
thèques, communautés religieuses, fabriques, voi-
tures publiques, etc., etc.), prescrire la défense
absolue de cracher à terre, multiplier les crachoirs
hygiéniques à 1 mètre du sol, exiger le balayage
humide des parquets, faire d'une façon particulière
l'éducation antituberculeuse du personnel, intro-
duire l’enseignement antituberculeux dans les
écoles, ete. etc. Telles sont les mesures qui, suivant
la Commission, peuvent être prises du jour au
lendemain et dont l'efficacité contre la propagation
de la tuberculose est indiscutable, d’après tout ce
que nous savons sur le rôle de la contagion par les
crachats desséchés.
Comme mesure curative, la Commission réclame
la création des sanatoria. Nos lecteurs connaisseut
certainement l’organisation et le fonctionnement -
de cesétablissements, etnous n'avons pas à insister
là-dessus. Mais en attendant que nous en ayons, —"
et tout porte à croire que nous n'en aurons pas de.
silôt, — que faire des luberculeux qui encombrent
nos hôpilaux, où non seulement ils ne trouvent
aucune des conditions nécessaires à leur guérison,
mais contaminent encore leurs voisins de lit?
$ 1. — Pavillons d'isolement pour tuberculeux. \
La Commission spéciale ‘nommée pour étudier ce
point a pensé qu'on pouvait dès maintenant, à Paris
du moins, créer, dans quelques-uns des hôpitaux
existants, des pavillons d'isolement pour tubercu=
leux. Ceux-ci trouveront, dans les pavillons spécia=«
lement aménagés, les éléments nécessaires à leur
guérison, el les malades soignés dans les hôpitaux,
!J. Graxoner et Tnomor : Rapport de la Commission de
la Tuberculose. p. 127.
BR. ROMME‘— LA TUBERCULOSE EN FRANCE 521
énéraux seront ainsi mis à l'abri de la contami-
mation tuberculeuse.
Ces pavillons comportent naturellement une
organisalion spéciale. Suivant M. Letulle', un
service d'isolement pour tuberculeux doit se rap-
procher autant que possible du sanalorium-lype,
“conslituer une sorte de demi-sanalorium dans
lequel « tout luberculeux hospitalisé, à quelque
période de la bacillose pulmonaire que ce soit,
“doit être jusqu'à la fin répulé curable et traité
… comme tel ».
«… En règle générale, un service pour tuberculeux
ne doit pas contenir plus de 60 à 80 lits. Pas de
grandes salles, où les infections et contaminations
secondaires sont toujours possibles, mais de petites
“chambres à 2, 3 ou 4 lits, chambres vitrées dont
la surveillance est facile ; puis, quelques chambres
dites d'isolement, à un seul lit, pour les moribonds,
les conlagieux accidentels (érysipèle, fièvre ty-
phoïde, etc.). L'installation et l'aménagement géné-
ral doivent répondre aux exigences de la cure
anlituberculeuse : cubage d’air abondant (40 mètres
“cubes par lit, au minimum), aération parfaite (ven-
tilation, fenêtres à triples châssis), chauffage hygié-
nique, lavabos, water-closets aérés, chauftés, hygié-
niques et commodes, bains et douches à proximité
… du service.
La triple base de la cure antituberculeuse : le
repos, l'alimentation et la cure d'air, sera orga-
| -nisce de la même façon que dans un sanalorium
type, et il en sera de même de la discipline pour
ce qui est, avant tout, du crachat : « la guerre au cra-
- chat». La cure d'air, forcément incomplète et insuf-
…. fisante dans une ville, sera réalisée au moyen des
. galeries-vérandas avec leurs chaises-longues, sun-
- box, etc. En ce qui concerne l'alimentation de ces
tuberculeux, il faudra régler d’une façon spéciale
la quantité et la variété des plats, les heures et le
nombre des repas, etc., bref prendre la contre-par-
tie du règlement actuellement en vigueur dans la
plupart des hôpitaux en France.
Les services d'isolement pour tuberculeux, tels
- que M. Letulle les voudrait, constituent certai-
nement un progrès. Une fois créés, ils auraient
- pour résultat de mettre à l'abri de la contamination
* tuberculeuse les malades quientrentdans un hôpital
- général ponr une affection non bacillaire ; ils offri-
raient encore l'avantage de fournir aux tuberculeux,
je ne dis pas le confort, mais les conditions parli-
…. culières d'hygiène impérieusement exigées par la
. nature même de leur maladie. Mais, demi-sanatoria,
ils constiluent aussi une demi-mesure, un pis-aller.
… En l'absence de sanatoria, ces services d'isolement
. 4 M. Lerurre : Organisation d'un service hospitalier en
— vue de l'isolement et de la cure de la phtisie pulmonaire,
M 1oC. cit., p. 312.
seront rapidement envahis par les tuberculeux
avancés et incurables, au préjudice des tuberculeux
du premier degré qui, à la rigueur, pourraient
retirer quelque bénéfice du séjour dans ce demi-
sanatorium urbain. En second lieu, il est à craindre
que la promiscuilé inévitable entre les tuberculeux
avancés et les tuberculeux encore curables n’exerce
sur ceux-ci une action déprimante, capable de
diminuer grandement les chances de guérison.
Mais, comme réforme hospitalière, la création des
services d'isolement est indispensable et urgente.
$ 2, — Dispensaires pour tuberculeux.
Un autre projet ayant obtenu les suffrages de la
Commission est celui de M. Calmette, relatif à la
création de dispensaires pour tuberculeux, desti-
nés à suppléer, en partie, aux sanatoria qui nous
font défaut.
Partant de cette idée que jamais on n'aura assez
de sanaloria pour y hospitaliser les tuberculeux
peu aisés, M. Calmette demande que, dans chaque
ville et centre important, on crée un nombre suffi-
sant de dispensaires spéciaux. Leur but serait de
dépister, d'aller chercher les tuberculeux commen-
çants de la classe ouvrière, de leur donner les con-
seils et les soins nécessaires. À côté de ces conseils,
de ces consultations gratuites, l’organisation que
comporte le dispensaire distribuera aux malades
des secours en nature ou en espèces, des vêtements,
des médicaments, des livres; elle fera l'éducation
antituberculeuse du malade et de son entourage
(« guerre au crachat »), fournira les crachoirs, désin-
fectera, quand il sera besoin, le logement, les vête-
ments, le linge de corps, donnera, en un mot,
« toutes les instructions nécessaires pour assurer
dans les meilleures conditions possibles l'hygiène
du tuberculeux à domicile, et préserver de la con-.
tagion ceux qui l'entourent. » La dépense annuelle
que nécessiteraitle fonctionnement d’un tel dispen-
saire serait de 60.000 francs environ.
M. Calmette a parfailement raison de dire qu'avec
ces dispensaires on aura « la certitude d'obtenir des
résultats immédiats pour la prophylaxie de la tuber-
culose dans la classe ouvrière ». Quant à leur uti-
lité au point de vue du traitement et de la guérison
des tuberculeux curables, elle est fort contestable.
En effet, les dispensaires de M. Calmette constituent
simplement un système perfeclionné, très perfec-
tionné même, du traitement des tuberculeux à
domicile. Or, s'il est une vérité, c’est bien celle qui
consiste à dire qu'un ouvrier tubereuleux ou en
train de se tuberculiser, ne travaillant plus et
tombé dans la misère, ne peut pas guérir chez lui,
où il est forcément condamné au logement encom-
1 À. CaLETTE : Dispensaires pour tuberculeux, p. 355.
©
19
19
R. ROMME — LA TUBERCULOSE EN FRANCE
bré, à l'air perspiré et confiné, à la nourriture
insuffisante, non seulement comme qualité, mais
encore comme quantité. Il n'y a pas de dispensaire
qui puisse changer ces conditions inhérentes à la
situalion matérielle de l’ouvrier.
Ces dispensaires seraient par contre d'une utilité
inconteslable pour le fonctionnement régulier des
sanatoria. Leur organisation, telle que la comprend
M. Calmette, en fait de véritables bureaux de recru-
tement des tuberculeux du premier degré, qui
seuls peuvent guérir dans les sanatoria et consti-
tuent la raison d’être de ces établissements coûteux.
C'est du reste de cette façon que M. Fraenkel !, le
promoleur de ces dispensaires en Allemague, com-
prend leur rôle.
En second lieu, comme le veut M. Calmette, ils
viendraient en aide à la famille de l’ouvrier hospi-
talisé, lui trouveraient une occupation en rapport
avec ses forces au moment de sa sortie du sanato-
rium, compléteraient enfin très avantageusement le
rôle social du sanatorium. C'est dire, que si les dis-
pensaires de M. Calmette ne peuvent remplacer les
sanatoria, ils en constiuent le complément obliga-
toire.
$ 3. — Sanatoria marins.
L'agitation soulevée ces temps derniers autour
de la création des sanatoria pour adultes pauvres,
a laissé un peu dans l'ombre une institution mer-
veilleuse, les sanatoria marins, dont on ne saurait
nier l'efficacité dans la lutte contre la tuberculose
chez les enfants. La Note de M. Bergeron” et le
Rapport de M. Armaingaud * nous fournissent l'oc-
casion de dire deux mots de cette institution.
Un sanatorium marin est, suivant l’heureuse
définition de M. Armaingaud, « un établissement
spécial où se guérissent, par un séjour prolongé
dans l’atmosphère marine, aidée ou non de la bal-
néation, les enfants entachés de lymphatisme, de
rachitisme, de faiblesse de constitution, et enfin
les petits scrofuleux ». La clientèle de ces établis-
sements se recrutant parmi les candidats à la tu-
berculose, il n'est que juste de considérer les
sanatoria marins comme un excellent moyen de
lutte contre la tuberculose.
Nous avons, à l'heure actuelle, échelonnés le
long de nos côtes, quatorze sanatoria marins dans
lesquels sont soignés près de 2.000 enfants par
année, en y ajoulant les pelits malades placés chez
des paysans, sur les différents points du littoral.
Dans la plupart de ces sanatoria, les enfants ma-
1 B. FRAENKEL : Polikliniken fur Lungenkranke. Zeitsch.
[. Tuberkul. und Heilstältenwesen, 1901, vol. II.
?J. BerGeron : Note sur les sanatoriums marins, loc. cil.,
p. 320.
* ARMAINGAUD : Sur le rôle des sanatoriums marins dans
la lutte contre le tuberculose, loc. cit. p. 325.
.
i
£
lades sont envoyés et entretenus par les services
d'assistance départementale ou par les municipa-
lités des grandes villes et d’un certain nombre de
communes. Les frais de séjour d'un enfant, jus=
qu'à sa guérison, peuvent être évalués en moyenne à
à 700 francs. On peut donc évaluer, très approxie
mativement, à 1.400.000 francs le coût annuel
(entretien des malades, intérêts du capital, conser-
vation du mobilier) de nos quatorze sanatoria.
Cette dépense n’est certainement pas bien élevée,
mais elle n'en pèse pas moins sur le budget des
communes et des départements, si bien que, pour
la réduire, il arrive souvent que les malades sont
retirés trop tôt du sanatorium, au détriment de
son action curalive et surtout au détriment de lan
durée de la guérison. Or, d'après le calcul de
M. Armaingaud, ce n'est pas 2.000, mais 12.000
petits scrofulo-tuberculeux qui devraient, tous les
ans, être soignés dans ces établissements. La dé-
pense nécessaire serait done de 8.500.000 franes
par an. M. Armaingaud, en s'appuyant sur ce fait
que le mouvement de la bienfaisance privée suit à.
peu près exactement celui de l'assistance départe-
mentale et municipale, estime que, pour quintupler
le nombre des sanatoria, les budgets publics pour-
raient facilement fournir les 4 millions nécessaires.
« IL suffit, dit M. Armaingaud, pour se rendre
compte que cet espoir n’est pas trop ambitieux,
de considérer qu'il y a en France 36.000 communes,
et plus de 2.900 chefs-lieux de canton, et quil
suffit que 2 communes par canton entretiennent
dans un sanatorium marin un enfant indigent,
pendant un an, ou 4 communes un enfant pendant
six mois, ou simplement 8 communes un enfant
pendant trois mois, au prix moyen de 700 franes
par année, pour que ce chiffre de 3.800.000 francs
soit atteint. »
V. — CONCLUSIONS.
Pour s'opposer, dans la mesure du possible, à la
marche envahissante de la tuberculose, la Com-
mission demande donc deux choses : 1° des me-
sures d'ordre général que résume la formule : « la
guerre aux crachats »; et 2 Ja création d’un
nombre suffisant de sanatoria populaires. Si l’en-
semble des mesures destinées à empêcher la pro-
pagation de la tuberculose par les crachats dessé-
chés est d'une exécution relativement facile, on ne
saurait en dire autant de la création des sanatoria.
En l'absence des assurances obligatoires contre
la maladie et l'invalidité, comme en Allemagne; en
l'absence des sociétés de secours mutuels nom-
breuses et puissantes comme en Belgique; en l’ab=
sence des coopératives socialisles qui, comme le
Vooruit de Gand, assurent à leurs adhérents une
R. ROMME — LA TUBERCULOSE EN FRANCE 523
ans toute leur complexité, les sanatoria. La seule
essource qui s'offre à ceux qui ne veulent pas
ester impassibles en face des hécatombes que la
tuberculose fait tous les ans chez nous, c’est la
tharilé, la bienfaisance privée. On l'a, en effet, uti-
bienfaisance seule est incapable de lutter efficace-
nent contre le mal.
1 La Commission l'a pensé, et, d'une façon toute
particulière, elle a attiré l'attention du Gouverne-
ÿ
ment sur un projet de MM. Letulle et Roux, relatif
à la création de caisses d'assurances mutuelles
contre la maladie, et de compagnies d'assurance
contre la tuberculose, avec traitement au sanato-
rium.
MM. Letulle et Roux voudraient notamment que
le personnel de l'État et de différentes collectivités
professionnelless'organisäten assurances mutuelles
contre la maladie; de leur côté, l'État et les Com-
pagnies privées faciliteraient, par une participation
minime et individuelle, ces assurances, qui, en cas
le maladie, accorderaient au sociétaire une somme
quotidienne égale à la somme mensuellement
versée. En versant par exemple 8 francs par mois,
“le sociétaire toucherait, en cas de maladie, et
quelle qu'en soit la durée, la somme de 8 franes
par jour; s'il payait 4 francs par jour au sanato-
“rium populaire, il lui resterait 4 francs par jour
pour subvenir aux besoins de sa famille. En ad-
mettant que l'État, aidé par quelque combinaison
financière, par vienne à édifier, dans les différentes
régions de son territoire, des sanatoria populaires,
le problème du traitement des tuberculeux dans
ces établissements se trouverait par là résolu.
Une autre combinaison consisterait à créer une
“assurance particulière contre la tuberculose.
MM. Letulle et Roux pensent que, si les Compa-
gnies d'assurances édifiaient des sanatoria, en y
—… organisant la triple cure hygiénique, bon nombre
d'individus, soit de leur propre mouvement, soit
aidés par leurs patrons ou directeurs, contracte-
raient ces assurances pour avoir droit, en cas de
tuberculose, au traitement dans un sanatorium.
…_ Une combinaison particulière permettrait même
de subvenir aux besoins de la famille pendant le
séjour du malade au sanatorium.
Ces deux projets, excellents en eux-mêmes et
très rationnels, ont le défaut d'être en désaccord
… avec les habitudes du pays. L'assurance mutuelle
contre la maladie existe chez nous, sous forme de
sociétés de secours mutuels. Malgré la somme
modique du versement annuel qui, en 1897, était
de 23 fr. 95, les 11.335 sociétés de secours mutuels
qui existaient en France au 31 décembre 1897 ne
groupaient que 1.539.104 membres participants”,
dont 250.604 femmes et 61.287 enfants. Si l'on
songe que les membres de ces sociétés constituent
l'élite de la classe ouvrière, jouissant d'une cer-
taine aisance et pouvant, pour cette raison, faire
acte de prévoyance, il est à craindre que l’assu-
rance mutuelle contre la maladie, même favorisée
par l'État et les grandes Compagnies, comme le
veulent MM. Letulle et Roux, n’englobe jamais,
tant qu'elle restera facultative, la masse des ou-
vriers, la masse de ceux parmi lesquels la tubercu-
lose fait le plus de victimes. On peut en dire autant
de l'assurance facultative contre la tuberculose,
sans compter que les Compagnies françaises d'assu-
rances, avec le peu d'initiative qui les caractérise,
ne consenliront jamais à se lancer dans une en-
treprise dont le bénéfice financier ne leur apparai-
trait pas clairement.
En admettant même que le principe de l'obli-
gation, en fait d'assurances, soit impossible en
France, on pourrait faire une exceplion pour la
tuberculose qui se présente avec tous les carac-
tères d'un véritable désastre nalional. C'est à ce
titre que le projet de loi sur les Caisses de retraites
qui doit prochainement être discuté à la Chambre,
présente pour nous un intérêt tout particulier. Le
projet de la Commission, dont M. Guieysse est rap-
porteur, est établi sur le modèle de l’assurance
allemande * contre l'invalidité et la vieillesse, avec
deux classes desalaires et participation de l'ouvrier
et du patron à la prime, qui est relativement très
peu élevée : 5 ou 10 centimes (suivant la taxe du
salaire) versés par l'ouvrier par chaque jour de tra-
vail et une somme égale ajoutée par le patron. Ces
versements doivent fournir une somme de 200 mil-
lions de francs. Quand ces Caisses d'assurance
contre l'invalidité verront que la plupart des rentes
sont payées à des ouvriers tuberculeux, elles feront
comme les Établissements d'assurance en Allema-
gne : pour alléger leur budget, elles trouveront un
bénéfice à construire des sanatoria.
Il faut, en effet, avoir le courage de regarder les
choses en face, et d'envisager la situation telle
qu'elle est. Pour avoir des sanatoria populaires en
nombre suffisant, il faudra dépenser 200 millions
de francs pour leur construction et leur installation,
1 Les Sociétés de secours mutuels pendant l'année 1897.
Bullet. de l'Office du Travail, 1900, n° 7, p. 691.
2 R. Rouue : Les assurances ouvrières et la lutte contre
la tuberculose en Allemagne, Rev. gén. des Sciences, 1899,
nos 45 et 16 (15 et 30 août).
D2%
et un budget annuel de 70 millions de francs pour
assurer leur fonctionnement. On ne peut raisonna-
blement demander à la charité et à la bienfai-
sance, si inépuisables qu'elles soient, de se charger
d'une œuvre pour laquelle il faudra des millions
et des millions. Les sociétés de secours mutuels,
composées en majeure parlie d'ouvriers aisés, de
contre-maitres, de petits bourgeois, de bouti-
quiers, elc., ne semblent pas vouloir s'intéresser
EUGÈNE CHARABOT — L'ÉTAT ACTUEL DE L'INDUSTRIE DES PARFUMS ARTIFICIELS
<) Préparateur à la Faculté de Médecine de Paris”
suffisamment aux sanaloria populaires. Le budgeb
des communes et des départements est déjà forte”
ment grevé. Dans ces conditions, il faut demander
au pays un nouvel eflort, le lui imposer, en exi
geant le vote du projet Guieysse, afin d'arrêter un
mal en train de miner la nation, de désagréger la
race et de compromettre l'avenir du pays.
R. Romme,
L'ÉTAT
DE L'INDUSTRIE DES
Aussitôt que la synthèse chimique eût ouvert
aux chercheurs de nouveaux horizons, un grand
nombre d'entre eux dirigèrent leurs efforts en vue
de la production des matières colorantes artifi-
cielles, et l’on sait combien fécondes ont été jusqu'à
ce jour les tentatives, même les plus audacieuses,
qui ont élé faites dans cette voie. Parmi les pro-
blèmes à la solution desquels paraissent pouvoir
conduire les méthodes synthétiques, il en est un
qui s'offre sous un aspect des plus séduisants :
nous avons nommé celui qui consiste à reproduire
de toutes pièces, avec les seules ressources du labo-
ratoire, le parfum délicat des fleurs. Et, cependant,
les premiers chimistes qui ont fait application de
ces méthodes n'ont pas cru devoir envisager cette
question. Ce n’est, en effet, qu'en 1874 que surgit
l’industrie des parfums artificiels, industrie qui,
d'ailleurs, a pour but la transformation de ma-
Uüères premières extraites des végétaux, plutôt
que la fabrication de produits odorants par la voie
purement synthétique.
Il n'est pas sans intérêt d'essayer de mettre en
lumière les raisons pour lesquelles une question
aussi caplivante que celle de la reproduction arti-
ficielle des matières odorantes fut si longtemps
délaissée.
On sait que, pour arriver à reproduire méthodi-
quement un corps, il est nécessaire d'être fixé
préalablement sur l’architecture atomique de sa
molécule. Or, pendant fort longtemps, on ne connut
rien de précis de l'histoire des composés auxquels
les fleurs doivent leur parfum si recherché; ces
composés apparliennent, en effet, à une série de
corps possédant descaractères spéciaux, dont l'étude
ne remonte pas à une époque antérieure à ces
vingt-cinq dernières années. C'est pour cette raison
déjà que les tentatives failes en vue de la repro-
duction artificielle des matières odorantes sont de
date toute récente. Il y en a une autre plus im-
PARFUMS ARTIFICIELS
ACTUEL
portante encore, et qui est de nature à limiter less
espérances que l’on pourrait fonder sur l'application"
des méthodes synthétiques dans l'industrie des:
parfums. Les parfums des fleurs ne sont pas dus.
généralement à une substance unique, mais bien
à un ensemble de plusieurs corps judicieusement
assemblés et réunis en proportions conyenables,;,
un cerlain nombre d'entre eux, souvent les plus
exquis, n'existant dans le mélange qu'à des doses
extrêmement faibles. Songer à préparer industriel:
lement cet ensemble de corps, dont plusieurs sont
et resteront longtemps encore inconnus, serait Chose
téméraire, élant donné que les voies synthétiques
sont encore trop torlueuses pour conduire à un but
aussi difficilement accessible.
Du reste, ainsi que nous l'avons fait remarquer.
déjà, la plupart des substances odorantes que nous
aurons à passer en revue dans celte monographie:
sont, non pas des produits artificiels au vrai sens
du mot, mais bien des dérivés de substances
extraites des végétaux.
Il est arrivé parfois que les chimistes qui ont
découvert des matières susceptibles d'application
en parfumerie n’ont nullement apprécié comme il
convenait les propriélés odorantes de ces malières,
si bien que plusieurs d’entre elles n’ont été utilisées
industriellement que bon nombre d'années après.
leur apparilion dans le domaine chimique. Nous
cilerons, dans cet ordre d'idées, le terpinéol, dont
l'odeur rappelle celle du muguet, l’anthranilate de
méthyle, quel'on rencontre à faible dose dans la fleur
d'oranger, et mème l'indol qui, envisagé jusqu'ici
comme une matière nauséabonde, est considéré
maintenant comme utilisable, mais à des doses
infiniment faibles, dans l'industrie de la parfu=
merie.
Il faut cependant reconnaitre que, dans la voie
de la production artificielle des parfums, aussi bien
que dans loutes les autres branches du savoir et
EUGÈNE CHARABOT — L'ÉTAT ACTUEL DE L'INDUSTRIE DES PARFUMS ARTIFICIELS 525
F3
_ |
de l'activité humaine, ce sont les recherches
“méthodiquement poursuivies qui ont conduit aux
“découvertes les plus remarquables. C'est ainsi
que Tiemann et Krüger ont préparé une substance
‘à odeur de violette, en voulant reconstituer une
“molécule analogue à celle de la matière odorante
de l'iris, préalablement isolée et étudiée au point
de vue de sa constitution. Un semblable résultat
est digne d'admiration, et, lorsque l’on pénètre au
cœur de la question, lorsque l’on mesure le nombre
et l'étendue des difficultés qu'il a fallu surmonter
pour l'obtenir, on le trouve plus remarquable
encore.
Pour l'ensemble des raisons que nous avons
énumérées plus haut, la contribution de la Chimie
‘aux arts qui utilisent les matières odorantes fut,
jusqu'en 1874, des plus restreintes, et, parmi les
produits connus doués d'une odeur agréable, fort
peu avaient antérieurement trouvé leur application
dans la parfumerie nitrobenzène (essence de
mirbane ), aldéhyde benzoïque (essence d'amandes
amères), salicylate de méthyle, et quelques éthers
de fruits.
I. — HisroriQUE.
… L'industrie des parfums artificiels naquit simul-
“tanément en France et en Allemagne de la belle
- découverte réalisée en 1874 par Tiemann et Haar-
mann, et consistant à préparer la vanilline, prin-
cipe odorant de la vanille, par oxydation de la
coniférine, découverte en 1861 par Hartig.
A Grenelle, qui avait été Le berceau de l’industrie
chimique en France, fut fondée l'usine de Laire
et Ci®, par M. Georges de Laire, dont le nom se
trouvait déjà inscrit dans l'histoire des matières
| colorantes. Dans cette usine furent exploités et le
brevet français Haarmann pour la préparation de
. la vanilline en partant de la coniférine, et le brevet
français Reimer, pour la production d'aldéhydes
aromatiques par l’action du chloroforme et des
alcalis sur les phénols. Mais la vanilline ne devint
un produit réellement industriel que le jour
. (48 mars 1876) où M. de Laire prit un brevet pour
préparer ce corps en partant de l’eugénol extrait
de l’essence de girofle.
Tandis que se fondait en France la Société de
Laire et C°, une usine était construite à Holz-
minden pour exploiter la découverte que venaient
de faire également Tiemann et Haarmann, et deve-
nait plus tard la propriélé de la Société Haarmann
et Reimer. Nous verrons ensuite les deux Sociétés
de Laire et C° d'une part, Haarmann et Reimer
d'autre part, continuer à exploiter industriellement
les découvertes de Tiemann et de ses collabo-
rateurs.
Bientôt d'aulres fabrications vinrent se grouper
autour de celle de la vanilline, fournissant égale-
ment des produits utilisables dans la parfumerie:
telles furent celles de la coumarine, substance iso-
lée, dès 1825, de la fève tonka et reproduile par
W.-H. Perkin au milieu du xIx° siècle ; de l'hélio-
tropine, préparée artificiellement dès 1869 par
R. Fittig et H. Mielck; de l’aldéhyde anisique.
Ce n'est qu'à la fin de 1888 que le terpinéol,
connu cependant depuis fort longtemps, fit son
apparilion dans le commerce sous le nom de
muguet. L'année 14889 marqua la découverte du
muse artificiel Baur.
Depuis cette époque, l'industrie des parfums arti-
ficiels a acquis une importance toujours croissante
parmi les autres industries chimiques, à cause de
l'influence profonde qu'elle n'a cessé d’exercer sur
l’évolution de la chimie des terpènes.
En 1890, la Société de Laire et Ci° modifiait de la
facon la plus heureuse les conditions de la produc-
tion artificielle de la vanilline en préparant ce corps,
non-plus directement au moyen de l’eugénol, mais
en passant par l'intermédiaire de l'acétyleugénol.
Enfin, en 1893, après une série de beaux travaux
qui ont éclairé de mille lumières nouvelles les phé-
nomènes touchant à la chimie des terpènes, Tie-
mann el Krüger découvraient l'ionone, substance
à odeur de violelle.
Entre lemps, on vit des maisons anciennes et
puissantes monter, elles aussi, la fabrication des
parfums artificiels appartenant au domaine public,
ou bien prendre des brevets pour proléger des
méthodes nouvelles de préparation.
La coumarine et l’héliotropine furent fabriquées
en grand par la Sociélé chimique des Usines du
Rhône (Lyon), MM. Schimmel et C!° (Leipzig), la
Société anglo-française des Parfums perfectionnés
(Courbevoie), MM. Bæhringer et Sæhne (Waldhof),
de Haën (Hanovre), Heine et C'° (Leipzig), von Hey-.
den Nachfolger (Dresde), Merck (Darmstadt), Riedel
(Berlin), etc. Il en fut de même pour le terpinéol,
l’aldéhyde anisique, ainsi que pour d'autres pro-
duits encore.
Des brevets furent pris, notamment par M. P.
Monnet et par MM. Heine et C'°, pour la préparation
des succédanés de l'essence de rose, qu'on lança
dans le commerce sous des noms divers (rhodinol,
réuniol, etc.).
Le marché de la vanilline fut sensiblement mo-
difié, non seulement par les nouveaux brevets de
Laire, mais encore par suite de l'emploi de l'ozone
comme agent d'oxydation directe de l'eugénol et de
l'isoeugénol (brevels Otto et Verley, 1895), ainsi
que par les brevets de la Sociélé chimique des
Usines du Rhône, permettant de préparer la vanil-
line au moyen de l'aldéhyde protocatéchique.
Plusieurs fabricants, en France et en Allemagne,
520
ont également consacré tous leurs soins à l'extrac-
tion de cerlains principes contenus dans les huiles
essentielles, et cela pour des raisons très diverses :
raison de solubilité s’il s'agit de produits employés
pour la fabrication des liqueurs; raison d'activité
thérapeutique s'il s'agit de substances pour l'usage
pharmaceutique, etc.
Après ce coup d'œil rapide jeté sur le passé de
l'industrie des parfums artificiels, nous allons étu-
dier : 1° quelques substances à composition définie,
extraites des huiles essentielles ; 2° les principales
matières odorantes obtenues, soit de toutes pièces,
soit par transformalion de certains produits d'ori-
gine végélale.
Pour apporter quelque méthode à notre exposé,
nous grouperons d’après leurs fonctions chimiques
les différents corps que nous aurons à passer en
revue.
Il. — PRINCIPES A COMPOSITION DÉFINIE EXTRAITS DES
HUILES ESSENTIELLES.
Ces principes ne sont généralement pas employés
directement en parfumerie. Les uns trouvent des
débouchés dans les industries de la distillerie et
des produits pharmaceutiques; les autres, que nous
étudierons plus spécialement, servent de matières
premières pour la préparation de parfums arti-
ficiels.
Les corps dont nous aurons à nous occuper dans
celte première partie peuvent être groupés de la
façon suivante : 1° des a/cools (linalol et menthol);
2° des phénols (thymol et eugénol) et des éthers de
phénols (anéthol et safrol) ; 3° une a/déhyde (citral) ;
4° une célone (irone).
$S 1. — Alcools.
M. Haller a proposé, pour isoler les alcools
terpéniques à l’état de pureté, l’élégante méthode
que voici : On combine une molécule de l'alcool à
extraire avec une molécule d'un acide bibasique de
façon à obtenir l’éther acide correspondant. Celui-
ci se dissout alors dans les alcalis, tandis que les
autres composés (erpéniques sont insolubles. On le
sépare donc facilement d'avec ces derniers. Il suffit
ensuite de le précipiter de sa solution, et de le
saponifier.
Les détails opératoires varient évidemment selon
les cas. Nous n'aurons point à les décrire ici; d’ail-
leurs, en ce qui concerne l'extraction industrielle
des alcools dont nous voulons nous occuper, les
méthodes physiques sont seules d’une application
pratique.
1. Linalol. — Le linalol est un alcool tertiaire
non saturé de la formule GH0. Il est très répandu
EUGÈNE CHARABOT — L'ÉTAT ACTUEL DE L'INDUSTRIE DES PARFUMS ARTIFICIELS
dans la Nature et existe, en particulier, dans l’es-
sence de linaloë sous la forme lévogvre, dans Pes=
sence de coriandre sous la forme dextrogyre Ses
applications industrielles sont des plus restreintes:
Il ne sert guère qu'à préparer l’acétate de linalyle,
qui a été lancé dans le commerce comme succédaném
de l'essence de bergamotte. L'emploi des huiles
essentielles qui renferment cet alcool est plusM
avantageux que l'emploi du linalol lui-même. Sons
extraction s'effectue par simple distillation fraclion=«
née, en recueillant le produit qui bout à 197-1980
Le linalol possède la propriété de se transformer"
facilement en son isomère, le géraniol, qui est un
alcool primaire, et se trouve assez répandu dans la
nature (essences de géranium, de palma rosa, de
rose, etc.). Comme d'ailleurs le géraniol, le linalol
s'oxyde en donnant une aldéhyde, le citral, conte
nue dans les essences de lemon grass (verveine
des Indes), de citron, etc.
2. Menthol. — Ce corps, alcool secondaire de la
formule C°H”"O, existe dans les essences de Wentha
piperita de diverses origines et surtout dans l’es-
sence de Menthe du Japon (Mentha arvensis Var.
piperascens) qui, en raison de son bas prix, en est
la source industrielle.
L'extraction du menthol se fait de la facon la
plus simple, en refroidissant l'essence de menthe
du Japon, et essorant les cristaux qui se séparent
dans ces conditions.
Le menthol naturel est lévogyre. Il fond à 43° et
bout à 212°. Par oxydalion, il donne de la men-
thone gauche qui, sous l'influence de l'acide sulfu-
rique, se convertit en menthone droite. Par hydro-
génation de chacune de ces deux menthones, on
obtient un mélange de menthol gauche et d'un
isomère de celui-ci, l'isomenthol, qui, par oxyda-
tion, donne de l’isomenthone.
Le menthol possède de nombreuses applications
thérapeutiques. On en a fait des « crayons antimi-
graine » dont le succès a été assez grand. Ses
vertus contre les inflammations des muqueuses de
la gorge, pour la guérison des contusions, contre
le coryza, etc., sont aujourd’hui universellement
reconnues.
Toutefois, il convient de remarquer que l’exploi-
tation de cette substance est des moins lucratives.
Il suffira, pour s'en rendre compte, de jeter un
coup d'œil sur le tableau ci-dessous qui fait con-
naître les variations de prix subies par le menthol
au cours de ces vingt dernières années :
|
|
|
PRIX DU KILO
ANNÉES de menthol
119 îr. LE
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_ EUGENE CHARABOT — L'ÉTAT ACTUEL DE L'INDUSTRIE DES PARFUMS ARTIFICIELS 527
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— La cause de cette baisse de prix est due à la sur-
production en essence de menthe du Japon durant
H ces dernières années. Le menthol a été vendu sans
mhénéfice ; aussi, a-t-on dû, au Japon, restreindre les
“récoltes de la menthe, si bien que, actuellement, les
prix ont une tendance très marquée à la hausse.
D'ailleurs, la consommation de menthol tend à
s'accroitre, sans toutefois acquérir l'importance
qu'elle avait atteinte lors de l'emploi des crayons
antimigraine.
e
$ 2. — Phénols et Éthers de phénols.
- Les phénols peuvent être très facilement extraits
des huiles essentielles, grâce à leur propriété ‘de
Se dissoudre dans une lessive alcaline caustique. Il
suffit d’agiler l'essence avec une solution aqueuse
de potasse ou de soude à 10-20 °/,, d'ajouter un
peu d'eau chaude pour faciliter la séparation de la
portion non phénolique, de décanter celle-ci ou de
l'entrainer au moyen de la vapeur d'eau, enfin de
“remettre le phénol en liberté par addition d'acide
…— chlorhydrique étendu.
Cette méthode est applicable à à l'extraction du
- thymol et de l’eugénol; nous n’aurons donc pas à y
- revenir à propos de l'étude de ces corps.
Nous aurons à passer en revue, dans ce para-
graphe, une série de composés aromaliques ren-
_ fermant une chaine latérale C'H° et pouvant être
…— groupés deux à deux de façon que chaque groupe
… renferme : 1° un composé dont la chaine C'H° a la
forme développée — CH?— CH — CH? (chaine ally-
lique); 2° l'isomère dont la chaine C'H° a la forme
développée — CH—CH—CH° (chaine propény-
lique) :
GOMPOSÉS ALLYLIQUES ISOMÈRES PROPÉNYLIQUES
Eugénol. Isoeugénol (œillet artificiel).
Estragol. Isoestragol ou anéthol.
Safrol. Isosafrol.
Tandis que l’isoestragol (anéthol\ et son isomère,
l'estragol, existent tous deux dans la Nature, l’eu-
génol et le safrol sont contenus dans les huiles
essentielles à l'exclusion de leurs isomères propé-
nyliques.
Ces composés ont une importance considérable
dans l'industrie qui nous otcupe en ce moment,
importance qui réside dans la possibilité de les
transformer, par oxydation de la chaîne latérale
C°H°, en aldéhydes qui constituent de véritables
parfums : vanilline, aldéhyde anisique (aubépine),
pipéronal (héliotropine). Mais on sait que les corps
non saturés s’oxydent facilement avec rupture des
chaines à l'endroit d'une double liaison. Il en
résulte que la transformation du groupement C°H°
en groupement aldéhydique CHO s'effectuera plus
facilement sur un corps à chaine propénylique que
sur un corps à chaine allylique. Il y aura donc
intérêt à convértir l’eugénol et le safrol respecti-
vement en isoeugénol et isosafrol, avant d'effectuer
leur oxydation en vue de l'obtention de la vanilline
et de l'héliotropine. Nous nous bornerons, pour le
moment, à indiquer que cette transformation peut
être effectuée à l’aide de la potasse alcuolique à
l’ébullition.
Quant au composé propénylique, l'anéthol, qui
conduit à l'aldéhyde anisique, il se trouve tout
formé dans les essences de fenouil et d'anis, d'où il
suffit de l’extraire.
Indiquors les relations qui existent entre les
formules de structure des phénols et dérivés phé-
noliques dont nous venons de parler, et celles des
aldéhydes auxquelles ils donnent naissance, aldé-
hydes dont nous aurons à nous occuper plus loin :
CH? — CH—CH? (1 CH = CH — CHF
/ A
CSS — OC (3) S—> C‘H—O0CH*
N Ne
ON (4) on
Eugénol. Isocugénol.
CHO
ES CHE — OCHS
on
Vanilline.
PA CH?— CH—CH* (1 , CH = CH — CH°
C°H* + CH
Noces f ocH®
Estragol. Anéthol.
CHO
D Cort V4
NocEr
Aldéhyde anisique.
CH?—CH—CH (1 CH = CH — CHS
CHREO (3) > C'IF—O\
ss > CH® | NE > CH:
O0 (# 0 /
Safrol. Isosafrol.
CHO
VA
> CH" — a?
NS C ie
()
Héliotropine.
1. Thymol. — Le thymol :
CH* (2)
Pr €
CSH5— OH 3)
à
CH(CH?E (4)
se présente sous la forme de cristaux à odeur de
thym, fusibles à 50-510, IL bout à 232. C'est de
l'essence d’'Ajowan plychotis, très riche en thymol
(45-55 °/,), que l’on extrait industriellement ce
D28
EUGÈNE CHARABOT — L'ÉTAT ACTUEL DE L'INDUSTRIE DES PARFUMS ARTIFICIELS
phénol, contenu aussi dans les essences de thym,
de moutarde, de serpolet, ele.
Le résidu de l'extraction du thymol est employé
dans la savonnerie commune sous le nom de
thymène.
Les semences d'Ajowan employées en Europe
pour là préparalion de l'essence proviennent no-
tamment des Indes (Marwar et Rajputana). Les
cristaux de thymol se séparent spontanément de
l'essence; le reste est extrait comme il a été dit
plus haut, c'est-à-dire au moyen d'une lessive de
soude.
Le thymol est très employé comme antiseptique.
Il sert aussi de malière première pour la prépa-
ralion de l’aristol, C*H?*(01}, souvent préféré à
l'iodoforme à cause de l'odeur désagréable que
possède ce dernier corps. Il convient d'ajouter que
le thymol est employé encore pour la préparation
de savons médicinaux.
Durant plusieurs années le prix du thymol a
baissé d'une façon constante, pour atteindre une
limite ne laissant plus au producteur que des bé-
néfices illusoires. Mais l'épidémie de peste qui a
sévi dans le nord des Indes à ralenti considéra-
blement l'arrivée d'Ajowan et déterminé la con-
sommation sur place de cette malière première.
Aussi le prix du thymol, qui, de 85 francs le kilo
en 1876, était tombé à 19 francs en 1898, s'est-il
sensiblement élevé en 1900 pour atteindre et même
dépasser la vaieur de 40 francs. Cette hausse va
prendre fin el les prix ne vont tarder à fléchir par
suile de nouveaux arrivages de semences d’A7owan.
2. Eugénol. — L'eugénol :
CH? CH = CH)
ns
C'Hi = OCH* (3)
N
OH Ü
est intéressant à un double point de vue : ce corps
sert, en effet, à préparer, d’une part l'isoeugénol ou
æillet artificiel, d'autre part la vanilline dont l'écou-
lement est considérable.
On l'extrait industriellement de l'essence de
girofle en utilisant sa propriété, comme phénol,
de se dissoudre dans une lessive de soude.
Les clous de girofle, qui servent à préparer
l'essence, proviennent notamment des îles de
Pemba et de Zanzibar. Les prix de celte malière
première avaient fléchi d’une facon très sensible
durant ces dernières années. Depuis la suppression
de l'esclavage en 1897, dans les iles de Zanzibar
et de Pemba, la main-d'œuvre fait défaut, et la
production de girofles tend à diminuer, si bien
que les cours deviendront forcément plus tendus
lorsque les stocks seront épuisés. Cette variation
aura une répercussion certaine sur le cours de
l’'eugénol.
L'eugénol est un liquide incolore ou jaunàtres
bouillant à 251-253°. Sa densité à 15° est de
1,072-1,074.
Chauffé avec la potasse alcoolique, il se trans
forme en isoeugénol.
3. Anélthol. — L'anéthol :
s'extrait des essences de fenouil et d'anis par
simple refroidissement. On essore ensuite le produib
concret. Il possède une odeur d'anis, bout à 228:
2990, et fond à 21°-9149,5 (à 22°-22°,5 Jorsquila
été fortement comprimé et soumis à la cristallisan
tion dans l'éther de pétrole).
On l'emploie fréquemment pour la fabrication des
liqueurs, et il sert, en outre, à préparer l’aldéhyde
anisique où aubépine,
4. Safrol. — Ce corps existe dans l'essence de
sassafras. On l'extrait industriellement de l'essence
de camphre débarrassée du camphre. L'essence
de camphre (Laurus camphora) est produite prin=
cipalement par le Japon. En Europe, on en extrail
le safrol par distillation fractionnée et refroidis=
sement des portions bouillant entre 228 et 2359
Les produits à point d'ébullition inférieur (huile
légère) sont utilisés dans la savonnerie; ils ont, en
outre, la même application que l'essence de téré-=
benthine. Les parties à point d'ébullition élevés
(essence lourde) trouvent aussi leur emploi dans”
la savonnerie commune.
Le safrol :
CH? — CH = CH®
cm Lo,
a puis .
fond à + 8° et bout à 232°. Il peut être converti
en son isomère propénylique, l'isosafrol, qui, par
oxydation, donne l'héliotropine. C'est en cela d'ail=
leurs que consiste l'application industrielle du
safrol.
$ 3. — Aldéhyde.
Cilral. — En 1888 les chimistes de MM. Schim=
mel et Ci° découvraient, dans l'essence de Zackou=
sia cilriodora, une aldéhyde, le citral, qui ne devait
pas tarder, grâce à la belle découverte de l'ionone
(violette artificielle), à prendre dans la chimie des
parfums une place prépondérante. Peu de temps
après, les mêmes auteurs signalaient la présence
du citral dans l'essence de citron, et M. Dodge mon=
trait que cette aldéhyde se trouve abondamment
N +
CH5 — C = CH — CH? — CH? — C — CH — CHO
|
CHS Vus
el existe sous deux formes stéréoisomériques.
- L'extraction du citral s'effectue en mettant à
selon les conditions, d'autres produits d’addition
avec le bisulfile de sodium, par fixation de la mo-
® l'hydromonosulfonate, C'H'(SO*Na).CHO.
— On peut passer par l'intermédiaire de la combi-
naison bisulfitique normale, dont on lave ensuite
les cristaux au moyen de l'éther; on décompose
ette combinaison par addition de carbonate de
… On peut aussi, pour l’extraire, transformer le
citral en dihydrosulfonate instable. Celte méthode
“présente l'avantage que la combinaison formée se
dissout dans l’eau et peut être plus facilement lavée
à l'éther qu'un produit solide. La mise en liberté
du citral est effectuée par addition de soude.
Nous sorlirions du cadre que nous devons im-
poser à notre travail en insistant davantage sur le
“côté expérimental de la question.
Le citral est surtout employé pour la préparation
de l'ionone, cétone à odeur de violelte. Aussi les
“envois d'essence de lemon grass provenant des
Ôtes de Malabar, qui étaient d'environ 1.900 caisses
de 7 kil. 5 en 1892-93, se sont-ils élevés l'année
“suivante (qui à suivi la découverte de l’ionone) à
2.300 caisses, pour atteindre 3.000 en 1896-97.
$ 4. — Cétone.
Irone. — Tiemann et G. de Laire avaient
entrepris, dès 1880, une série de recherches en
ue d'isoler le principe odorant de l'essence d’iris
et de le reproduire artificiellement. Pensant' tout
d'abord que l'odeur exquise de cette essence était
due à un produit provenant d'un glucoside, l'iri-
“line, ils poursuivirent l'étude de ce corps; mais
leurs prévisions ne furent nullement confirmées. Ce
fut seulement en 1893 que Tiemann et Krüger,
grâce au puissant concours que purent leur prêter
les usines Haarmann et Reimer, et de Laire, par-
- vinrent à isoler le vrai principe odorant de l'iris, :
UGÈNE CHARABOT — L'ÉTAT ACTUEL DE L'INDUSTRIE DES PARFUMS ARTIFICIELS 529
auquel ils donnèrent le nom d’irone, et à préparer
un isomère de ce corps, l’ionone, que nous étu-
dierons plus loin.
L'irone est accompagnée, dans l'essence d'iris,
d'acides organiques, d’éthers de ces acides, d'al-
cools et de petites quantités d'aldéhydes. On éli-
mine les acides par dissolution dans un alcali
étendu, les éthers par saponification, les aldéhydes
par oxydation au moyen des oxydants très faibles.
Finalement, on puritie l’irone en passant par son
hydrazone que l’on isole facilement, gräce à sa
faible volatilité avec. la vapeur d’eau.
L'irone répond à la formule C*H"O. Elle bout à
144 sous 16%" et dévie de + 40° le plan de polari-
sation de la lumière sous une épaisseur de 100%.
Sa molécule renferme un noyau hexagonal, une
double liaison dans ce noyau et une autre liaison
éthylénique dans une chaine latérale.
Praliquement, il n'y a pas intérêt à isoler l’irone.
Nous avons dû néanmoins ne point passer sous
silence cette intéressante cétone, dont l'étude
constitue l'introduction nécessaire à l'histoire de
l'ionone.
III. — PARFUMS ARTIFICIELS.
Parmi les diverses substances exploitées dans
l’industrie des parfums artificiels, nous ne pour-
rons étudier ici que les plus importantes au point
de vue commercial; ce sont, d'ailleurs, celles qui
présentent en même temps le plus grand intérêt
scientifique.
Nous décrirons : 1° des composés nilrés, qui cons-
lituent la série des muscs artificiels; 2° des a/cools
(terpinéol, succédanés de l'essence de rose) et des
éthers (acétate de linalyle, cinnamate de méthyle,
anthranilate de méthyle) ; 3° un phenol(isoeugénol)
et des éthers de phénols (éthers méthylique et éthy-
lique du B-naphtol); 4 des aldéhydes (aldéhyde
benzoïque, aldéhyde phénylacétique, aldéhyde
cinnamique, vanilline, aldéhyde anisique, pipé-
ronal ou héliotropine); 5° une célone (ionone);
6° enfin, une /aclone (coumarine).
Cette énumération montre déjà que toutes les
fonctions chimiques se trouvent représentées
parmi les parfums. Jusqu'ici, il est matériellement
impossible de signaler l'existence, chez les ma-
tières odorantes, de caractères et de groupements
spécifiques. Il semble cependant que les éthers
composés, dont le poids moléculaire n'est pas trop
élevé, forment une série dans laquelle abondent
les substances douées d’odeurs agréables. Les
cétones et les aldéhydes non saturées occupent une
place importante dans le catalogue des produits
utilisables en parfumerie. Mais aucune des règles,
d'ailleurs peu précises, que l’on pourrait être tenté
530 EUGÈNE CHARABOT — L'ÉTAT ACTUEL DE L'INDUSTRIE DES PARFUMS ARTIFICIELS
de formuler en ce qui concerne les relations entre
la qualité odorante d’un corps et sa struclure, ne
posséderait une généralité suffisante. Tous les fac-
teurs, jusqu’à l’isomérie de position, interviennent
en effet pour modifier l'odeur d'un corps. Parmi
les substances déjà passées en revue, les composés
propényliques possèdent des aromes plus suaves
que leurs isomères allyliques; parmi les trois aldé-
hydes oxybenzoïques, l'aldéhyde ortho-oxyben-
zoïque (aldéhyde salicylique) seule possède ung
odeur agréable. La même remarque pourrait être
faite en ce qui concerne la vanilline et l'iso-
vanilline.
Il résulte de cette incertitude que les recherches
que l’on peut lenter en vue de trouver de nouveaux
composés odorants, ne pourront être guidées que
par des considérations dues à de vagues analogies,
à moins qu'on ne vise à la reproduction méthodique
d'un principe naturel dont la structure est connue.
$ 1. — Composés nitrés : Muses artificiels.
On sait depuis longtemps que, sous l'influence
de l'acide nitrique, certaines substances organi-
ques se transforment en produits doués d'une odeur
musquée. Kopp rapporte que, dès 1759, Margraf
avait obtenu, en traitant par l'acide nitrique l'huile
provenant de la distillation de l’'ambre, une résine
appelée muse artificiel, à cause de son odeur. En
1878, M. E. von Gerichten relate que les cymènes
chloro et bromonitrés ont une odeur de muse. En
1881, Kelbe décrit le trinitro-méta-cymène, et dit
qu'il possède une odeur spéciale musquée.
En cherchant dans la littérature chimique, on
trouve bon nombre d’autres indications relatives à
cette odeur musquée dégagée par des produits
nitrés, mais aucune substance chimique définie ne
fut employée industriellement avant 1888, pour
remplacer le muse naturel. Le 3 juillet de cette
même année, M. À. Baur prit un brevet allemand
pour un procédé de fabrication du muse artificiel.
Il avait repris l'étude de l'essence de résine, dans
laquelle M. Kelbe avait reconnu la présence du
méta-pseudo-butyltoluène, el parvint à reproduire
ce carbure artificiellement, et à le transformer
ensuite, par nitration, en une substance possédant
une très forte odeur de musc. C'élait le premier
muse artificiel dont la composition chimique fût
parfaitement définie. |
Quelques années plus tard, M. Mallmann décou-
vrit un nouveau muse à fonction cétonique.
Le nombre des substances connues possédant
une odeur de musc n’a pas tardé à s'accroitre, et,
à côté du résultat pratique, l'étude de ces corps à
enrichi la Chimie organique d’un chapitre impor-
tant : la défense des brevets, ainsi que le désir de
trouver de nouveaux composés à odeur de musc,
ont, en effet, suscilé de la part de nombreux chi
mistes des travaux fort intéressants. n.
Les muses artificiels sont des benzènes polysub:
titués, trinitrés où dinitrés. Leurs propriétés odô
rantes paraissent dues à la présence des groupe
ments nitro (AzO?) dans des molécules telles ques
les deux suivantes :
R R
f #
6 2?
IR’ RAR
1
ef
5 3
4
reste alcoolique, généralement CIl*, ou un groupe
éther phénolique O.CHP+", l
Les groupements AzO° occupent, dans les musts
trinitrés, les positions symétriques 2, 4, 6 :
R R
A0 Nazo® Az0%// \z0®
l
1 le 311 | !
à RAR
Az0O® Az0?
Parmi les muses connus, les deux premiers en
date, muscs Baur, ont été le {rinitrobutyltoluène et
le trinitrobutylxylène :
CH cu?
A202/ 70: A20%/ Nz0®
Li LE
(00) cHA| Jcicr**
AZzO? AzO°
Le hasard a voulu qu'ils fussent aussi les deux
plus importants, le second surtout, au point de
vue industriel.
Si, dans les musces trinitrés, on remplace u
groupe AzO° par cerlains éléments ou radicaux
on obtient encore des muses. Ces derniers consti
tuent la série des muscs dinitrés à laquelle appar-
tiennent, entre autres, les muses Mallmann :
CHS ce
a Nazo? CH*.C0/” be
C(CH®* cu JcicHr)
AzO® Az0®
Disons un mot des muscs Baur. Parmi les muses
trinitrés, c'est le trinitro-pseudo-butylxylène qui
est le plus employé. ;
On prépare tout d'abord le pseudo-butylxylène
par la méthode de Friedel et Crafts (action du
chlorure ou du bromure d'isobutyle sur le xylène
en présence du chlorure d'aluminium), et on Je
nitre ensuite au moyen d'un mélange d'acide ni=
trique et d'acide sulfurique à 15 °/, d'anhydride.
Le trinitro-pseudo-butyltoluène s'obtient de la
même facon, en partant du toluène au lieu du.
xylène.
— Ce sont des corps cristallisés. Le musc au xylène | M. Monnet prépare son « rhodinol » en saponi-
fond à 110°, le muse au toluène fond à 96-97°. | fiant les éthers contenus dans l'essence de géra-
On les trouve dans le commerce mélangés avec | nium, fractionnant dans le vide l'essence sapo-
“une certaine proportion d’'antifébrine (acétanilide), | nifiée, éthérifiant les alcools de façon à les rendre
à cause de leur pouvoir odorant considérable. plus facilement séparables, par distillation frac-
—… Le dosage du musc dans un semblable mélange | lionnée, des produits qui les accompagnent, enfin,
s'effectue très simplement. Il suffit de chauffer un | en saponifiant les éthers purifiés.
“poids connu du produit à étudier avec de l'acide Pour extraire son « réuniol », M. Heine fait appli-
chlorhydrique concentré : l'acétanilide se dissout, | cation de la méthode de M. Haller pour la purifi-
“on extrait le musc par épuisement au moyen de | cation des alcools terpéniques, en employant l'acide
“l'éther, on sèche la solution éthérée, on évapore le | camphorique.
dissolvant, et on pèse le résidu.
Nous croyons superflu d’insister sur les applica- 3. Acélate de linalyle (bergamiol). — On peut
tions du muse artiticiel. Son emploi dans la parfu- | l'obtenir en abandonnant pendant quelques heures
…_merie et dans la savonnerie communes n'a dû | à la température ordinaire un mélange de linalol et
échapper à personne. La parfumerie fine peut sans | d'acide acétique en présence d'une petite quantité
doute l'utiliser, mais à la condition de n'en faire | d'acide sulfurique, concentré. On ajoute ensuite
“quun usage des plus parcimonieux, et de l'em- | de l’eau, et l'on fractionne dans le vide l'huile pré-
ployer en même temps qu'une cerlaine proportion cipilée dans ces conditions.
de muse naturel, produit dont la suavité est bien Il se forme en réalité un mélange d'éthers du
connue. s linalol, du géraniol et du terpinéol. Le linalol pos-
$ 2. — Alcools et éthers. sède, en effet, la propriété de s'isomériser sous
1. Terpinéol. — Le terpinéol s'obtient par l’ac- | l'influence des acides.
‘tion de l'acide sulfurique étendu sur l'hydrate de Une autre méthode consiste à transformer le
“ierpine, qui prend naissance lui-même par hydrata- | linalol en son dérivé sodé, et à traiter ensuile
tion de l'essence de térébenthine. Celte essence est | celui-ci par l'anhydride acétique.
constituée presque exclusivement par un hydro- L'acétale de linalyle est quelquefois employé
“carbure C"H'° connu sous le nom de pinène où | comme succédané de l'essence de bergamotte.
… térébenthène. Sous l'action de l'acide nitrique,
le pinène se transforme en hydrate de terpine | 4. Cinnamale de méthyle. — Ce produit, doué
C'H*0,H°0. d'une odeur assez agréable, possède la propriété
Pour convertir l'hydrate de terpine en terpinéol, | de fixer les parfums. On l’obtient en faisant passer
il suffit de le dissoudre dans l’eau bouillante, | un courant d'acide chlorhydrique sec dans une
d'ajouter un acide dilué et d'entrainer le produit | solution d'acide cinaamique dans l'alcool méthy-
formé au moyen de la vapeur d'eau. lique.
On obtient un produit liquide, formé d'une petite Quant à l'acide cinnamique :
proportion d'hydrocarbures CH (terpènes), et
d'un mélange d'isomères C°H"O, parmi lesquels on
trouve un terpinéol fusible à 35°, et un terpinéol | 6n peut l'extraire du styrax ou le préparer artifi- :
fusible à 32-33°. Le terpinéol cristallisé peut être | ciellement en partant de l'aldéhyde benzoïque.
extrait par distillation fractionnée et refroidisse- Le cinnamate de méthyle fond à 35-36° et bout
ment. vers 26%.
Le terpinéol possède une odeur agréable qui le £
fait employer pour la préparation du syringua, du
lilas, du muguet, du gardénia. La savonnerie en
fait une consommation considérable, étant donné
le bas prix auquel est tombé ce produit.
k
!
à
C5H° — CH = CH — COH
5. Anthranilate de méthyle. — Ce composé a été
signalé pour la première fois, il y a trois ans, par
M. Gildemeister dans l'essence de fleurs d'oranger.
Il possède une odeur rappellant un peu celle de cette
fleur; mais son emploi est assez restreint.
On peut l'obtenir en faisant passer un courant
d'acide chlorhydrique dans une solution d'acide
anthranilique :
2. Succédanés de lessence de rose. — Les
essences de géranium de diverses origines renfer-
…. ment un mélange de deux alcools : le géraniol
- C“H"O et le rAodinol C"H®*O, mélange qui possède
une odeur assez agréable et qui a été lancé dans
- le commerce, sous des noms divers (rhodinol de
M. Monnet, réuniol de M. Heine, elc.), comme | dans l'alcool méthylique, chauffant le produit et
succédané de l’essence de rose. décomposant par un alcali le sel d’anthranilate de
ce /C00H (0
| NH? (2
32
EUGÈNE CHARABOT — L'ÉTAT ACTUEL DE L'INDUSTRIE DES PARFUMS ARTIFICIELS
méthyle ainsi formé. C'est un produit fusible à
22-25,
$ 3. — Phénols et éthers de phénols.
1. Zsocugénol. — Ce corps est employé dans la
parfumerie et la savonnerie sous le nom d'œillet
artificiel, mais il sert surtout à la préparation de la
vanilline, On l’obtient en chauffant vers 140° l’eu-
génol et la potasse en solution dans l'alcool amy-
lique, ou dans tout autre dissolvant susceptible de
dissoudre à la fois l'eugénol et la potasse, à condi-
tion que le mélange bouille entre 90° et 150.
On peut encore employer l’amylate de sodium
ou opérer l'isomérisalion au moyen de la potasse
en fusion.
L'isoeugénol bout à 258-262, et donne, par
refroidissement, des aiguilles fusibles à 34°.
Le parfum de l'isoeugénol s'allie très bien à
celui de la rose.
2. Ethers méthylique et éthylique du B-naphtol.
— Ces corps, doués d'une odeur extrêmement pé-
nétrante, sont connus, le premier sous les noms de
yara ou de néroline, le second sous le nom de
bromélia.
Le yara, C'H'OCH*, s'obtient par l'action de
l'iodure de méthyle sur le B-naphtol sodé en pré-
sence de l’alcool méthylique.
Le bromélia, CHTOCŒH, se prépare d'une façon
analogue.
Ces produits sont employés dans la savonnerie
commune et entrent dans la composition des eaux
de Cologne des qualités très inférieures.
S 4. — Aldéhydes.
1. Aldéhydes benzoïque, phénylacétique et cin-
namique. — L'aldéhyde benzoïque, C5H°.CHO, ou
essence d'amandes amères artificielle, peut être
préparée par le procédé classique dû à Grimaux
et Lauth, qui consiste à oxyder le chlorure de
benzyle C'H°—CH°CI. Cette méthode laisse subsister
une certaine proporlion de produits chlorés dans
le noyau benzénique, exerçant sur le parfum une
influence nuisible.
Pour remédier à cet inconvénient, la. Société
chimique des Usines du Rhône a fait breveter un
procédé consistant à oxyder directement le Loluène
au moyen du peroxyde de manganèse en solution
acide.
L'aldéhyde benzoïque sert à préparer l'aldéhyde
et l'acide cinnamiques; elle est très employée en
savonnerie.
L'aldéliyde phénylacétique où a-toluique, C5 —
CH°—CHO, s'obtient par l'action de l'acide sulfurique
soit sur l'acide phényloxyacrylique, soit sur l'acide
phényllactique, soit sur le glycol styrolénique. Elle«
se prépare encore à l’aide de l'acide phénylchlo=M
rolactique.
M. Erdmann a récemment fait breveter un pro=«
cédé permettant d'obtenir cette aldéhyde par décom=
position, au moyen de la chaleur seule ou de l'eau,
de la £-lactone de l'acide 4«-oxyphénylpropionique:
L'aldéhyde phénylacétique est employée dans la
parfumerie et la savonnerie sous le nom de jacinthes
Quant à l’aldéhyde cinnamique, CH —CH —CH—
CHO, principe odorant de la cannelle, elle s'obtient
artificiellement par condensation de l'aldéhyde
benzoïque avec l’aldéhyde éthylique en présence
de la soude.
2. Vanilline. — La vanilline, principe odorants
de la vanille, dérive de l'eugénol, comme nous la
vons déjà indiqué plus haut. Nous avons fait
remarquer que l'oxydation de la chaîne propény-
lique de l'isoeugénol se fait dans de meilleures con-
ditions que celle de la chaine allylique de l'eugénol.
Pour obtenir de bons rendements en vanilline, il
faut avoir soin de protéger, avant d'effectuer l'oxy-
dation, le groupement phénolique libre OH.
C'estainsi que M. G. de Laire fit breveter, en 1876,
une méthode consistant à oxyder l'acétyleugénol:
CSH°
A
C'H°— OCH* ;
N
OCO.CH*
et que, en 1890, MM. Haarmann et Reimer et M. de
Laire prirent des brevets pour l'emploi de l'acétyl-
isoeugénol ou du benzoylisoeugénol. L'oxydation
s'effectue alors au moyen du permanganate. On
obtient ainsi l’acétovanilline ou la benzoylvanilline,
qu'il suffit de dédoubler par la potasse ou la chaux
pour obtenir la vanilline.
Tout récemment, M. Verley a proposé de bloquer
le groupement phénolique en transformant l'eu-
génol en acide eugénol-sulfurique et celui-ci en
acide isoeugénol-sulfurique.
En 1895, MM. Otto et Verley ont réussi à éviter
de bloquer le groupement phénolique, c'est-à-dire
à opérer directement sur l'eugénol ou l’isoeu-
génol, en employant l'ozone comme agent d'oxy-
dation.
On peut encore obtenir la vanilline en partant :
soit de l’aldéhyde protocaléchique :
CHO (1)
%
CSIF—OH (3)
N
OH (4)
(procédé de la Société chimique des Usines du Rhône,
1895), soit des aldéhydes para et méla-oxybenzoï=,
ques, soit de la pyrocathéchine :
soit enfin du gaïacol :
LA
SOH
Une lutte formidable s'est engagée sur le terrain
industriel au point de vue de la production de la
vamilline. Aussi, tandis que le prix de ce produit
était de 8.800 francs en 1876, de 2.000 francs en
1880, de 875 francs entre 1885 et 1890, et se main-
enait encore au-dessus de 700 francs jusqu'en
1895, sa valeur descendit brusquement à 157 franes
en 1897, à 125 francs en 1898, à 115 francs en 1899.
Actuellement, le prix du kilo de vanilline oscille
enre 75 et 110 francs !
On peut constater que l'emploi de l'ozone comme
agent d'oxydation a été l'une des causes qui ont le
plus contribué à l’avilissement des prix.
La vanilline fond à 80-81°. Ses applications sont
fort nombreuses : la parfumerie, la savonnerie, la
pâtisserie, la biscuiterie, la chocolaterie, etc., en
font un usage constant, sans pour cela que les
applications de la vanille naturelle aient été res-
treintes.
… 3. Aldéhyde anisique laubépine). — L'aldéhyde
anisique :
CHO. : (1)
s'obtient en oxydant l'anéthol au moyen du bichro-
ate de potassium et de l'acide sulfurique, ou
bien encore au moyen de l'ozone.
Cette aldéhyde entre dans la composition de cer-
Hains bouquets. C'est, en particulier, la base des
extraits d'aubépine et de foin coupé.
4. Pipéronal ou héliotropine. — En chauffant le
safrol soit avec la polasse alcoolique, soit avec le
méthylate de sodium, on obtient l'isosafrol, que
l'on transforme en héliotropine :
* CHO (41)
/
CH —O, 3),
SN:
0/ (4)
par oxydation soit au moyen du bichromate de
potassium et de l'acide sulfurique, soit au moyen
de l'ozone.
Le pipéronal fond à 31°et bout à 263°. Il sert de
base aux parfums d'héliotropeets'emploie fréquem-
ment à l'état de mélange avec la vanilline (hélio-
tropine amorphe). Le prix de l’héliotropine a baissé
avec une rapidité considérable, ainsi que l'indique
e tableau ci-dessous :
REVUE GÉNÉRALE DES SCIENCES, 4901.
GÈNE CHARABOT — L'ÉTAT ACTUEL DE L'INDUSTRIE DES PARFUMS ARTIFICIELS
533
PRIX DU KILO
ANNÉES d'héliotropine
fr
1859 49004)
1881 2,500 »
158 LES HEART IR 1.250»
TEST ER RARES 150 »
1887 500 »
1889 . 450 »
1891 312 »
ET AR EE 150 »
ETES , TU
1897 45 »
RU NAME TRE 31 50
11,14) PRE RE NE 36 »
Le prix actuel de 36 fr. le kilo ne laisse plus de
bénéfice sensible au fabricant.
$ 5. — Cétone
lonone. — Après avoir découvert le principe
odorant de la racine d’iris, Tiemann et Krüger son-
gèrent à le reproduire artificiellement. Ils pensè-
rent que cette cétone, de la formule C'°H®0, pou-
vait s’oblenir en condensant une aldéhyde en C"
avec l’acétone ordinaire CH°.CO0.CH*. Les chimistes
de MM. Schimmel et Ci° venaient précisément de
découvrir le citral, aldéhyde de la formule C"H"O.
La condensation de cette aldéhyde avec l’acétone
ordinaire devait fournir une cétone C'*H*O d’après
l'équation :
CCH60 + CH6O = CSH#0 + H?0,
Tiemann et Krüger obtinrent bien, en procédant
ainsi, la cétone C®H°*0 prévue théoriquement,
mais ce corps ne possédait nullement le parfum
de l’ionone. Ayant reconnu que le principe odorant
de la racine d'iris n'appartenait pas à la série acy-
clique, ils eurent l'heureuse idée de soumettre la
cétone qu'ils avaient obtenue, et à laquelle ils don-
nèrent le nom de pseudo-ionone, à l'action d'un
agent isomérisant, l'acide sulfurique. Un isomère
cyclique prit naissance quireçu le nom d’ionone el
possédait une odeur rappelant celle de la violette.
Depuis, il a été reconnu que l'ionone commer-
ciale est un mélange de deux isomères, l’x-ionone
et la B-ionone, qui ne diffèrent que par la position
d'une double liaison dans leur noyau hexagonal.
L'une d'elles, l'x-ionone, prend naissance en quantité
prédominante quand on isomérise la pseudo-ionone
au moyen de l'acide sulfurique étendu ; si l’on
emploie, au contraire, l'acide concentré, c'est sur-
tout la B-ionone qui se forme.
C'est en 1893 que les Sociétés de Laire et CC d’une
part, Haarmann et Reimer d'autre part, commen-
cèrent l'exploitation du brevet Tiemann, relatif à
l'ionone.
Il devint aussitôt nécessaire, pour la déleuse des
brevets, de pousser jusque dans ses plus obscurs
recoins l'histoire des dérivés du citral et de l’ionone.
qi"
34
Aussi, aux résultats pratiques que nous venons de
signaler, ne lardèrent pas à s'ajouter d'importants
résultatsscientifiques. Nousavons d’ailleurs la ferme
conviction que l'étude de cet intéressant chapitre
de la chimie des matières odorantes réserve encore
bon nombre de découvertes.
L'emploi de l'ionone ne tarda pas à se généra-
liser,gràce à la façon heureuse dont ce corps seconde
la violette naturelle, grâce aussi et surtout aux
exquis bouquets que surent créer, à l’aide de ce.
nouveau produit, les parfumeurs habiles et raffinés
dans leur art qui en firentles premiers l'application.
On trouve dans le commerce la solution alcoolique
d’ionone au 4/10 au prix de 1.000 francs le kilog.
$ 6. — Lactone.
Coumarine. — La coumarine :
CH— CH
CHE
: No Co!
est le principe odorant de la fève tonka. On l'extrait
industriellement, au moyen d’un dissolvant volatil,
des feuilles de Ziatrix odoralissima, végétal origi-
naire de la Virginie, de la Floride et de la Caroline.
On l’obtient aussi arlificiellement en partant de
l'aldéhyde salicylique et de l’anhydride acétique.
Durant ces dernières années, les stocks de
Liatrix s'étaient épuisés, et l’on dut avoir recours
au procédé artificiel pour la production de la
coumarine. Mais actuellement on dispose de nou-
velles quantités de matière naturelle. Si l'on tient
compte, en même temps, de la hausse subie par le
prix du phénol quisert à préparer l’aldéhyde sali-
cylique, on sera forcé de conclure que la’ méthode
consistant à extraire la coumarine du Ziatrix est
actuellement plus avantageuse que le procédé
synthétique.
La coumarine fond à 67°. Son prix a subi une
baisse sensible depuis 4880. On l’emploie en parfu-
merie et surtout en savonnerie ; elle entre, en par-
ticulier, dans la composition du parfum connu sous
le nom de « New-mown hay ».
IV. — INFLUENCE DE L'INDUSTRIE DES PARFUMS ARTI-
FICILLS SUR L'AVENIR DE L'INDUSTRIE DES PARFUMS
NATURELS.
Encore que très succinct, cel exposé suffira
pour mettre en lumière les ressources scientifiques
formidables dont a su disposer l’industrie des
parfums artificiels.
On peut se demandersi une aussi puissante rivale
ne menace pas d’une facon constante l'avenir de
celle belle industrie des parfums naturels dont
Grasse, la terre des fleurs, a conservé le monopole.
EUGÈNE CHARABOT — L'ÉTAT ACTUEL DE L'INDUSTRIE DES PARFUMS ARTIFICIELS
Nous avons encore le souvenir précis des inquié-
tudes qui, au lendemain de la découverte dem
l'ionone, vinrent assombrir les espérances fondées
par les laborieuses populations agricoles de l'arron=
dissement de Grasse, sur la culture de la violette:
Après avoir vu leur échapper les bénéfices que
leur ménageaient jadis d'abondantes récoltes
d'olives, ces cultivateurs avaient fait l'avance de
leur travail et de leurs modestes ressources en plan-
tant des violettiers à l'abri des oliviers qui semblent.
devoir rester désormais stériles !Etl'on était en droit
de se demander s’il n'allait pas se produire ce que
l’on avait vu dans l’industrie des matières coloran-
Les, où la Chimie, par ses merveilleuses méthodes dem
synthèse, est arrivée à réaliser les mêmes assem-
blages d’atomes que la vie végétale, remportant ainsi
sur la Nature une victoire qui a eu pour conséquence
la ruine d'industries agricoles, le bouleversement
de la situation économique de plusieurs régions.
Mais les événements n'ont pas tardé à montrer
que ces craintes étaient sans fondement. |
L'industrie des parfums naturels devait se déro-
ber à ces lois perturbatrices, et ce n’est nullement
au prix de la ruine de celle industrie que celle des
parfums ärlificiels a dû le développement considé=
rable dont témoigne l'abondance des produits
décrits dans les pages qui précèdent.
On a pu voir, au contraire, celte industrie
nouvelle des parfums artificiels naître et se déve"
lopper non seulement sans porter le moindre
préjudice à celle de Grasse, mais encore en aidant
à son évolution progressive. La Nature conservait
en effet le monopole des fines odeurs, landis que
l’art du chimiste eréait des produits odorants,
manquant il est vrai de discrétion, mais d'un prix
peu élevé, et permettant par suite de préparer des
composilions à la portée d’une clientèle modeste.
De nouveaux besoins sont nés de la posssibilité de
les satisfaire, si bien que l’usage des parfums s'est
répandu dans toutesles classes de la société. L'em-
ploi des malières odorantes artificielles nécessitant »
celui d’üne certaine proportion de produits natu-
rels, il en est immédiatement résulté que ceux-ci
ont trouvé des débouchés nouveaux dans la parfu-
merie commune, tout 4n restant la base des compo-
sitions les meiileures.
C'est en particulier pour cette raison que, depuis
l'apparition de l'ionone, c’est-à-dire depuis bientôt
huit ans, la consommation des fleurs de violette a
sensiblement augmenté chez lous les fabricants : il
en est même chez lesquels elle a plus que triplé.
Et ces deux industries, rivales en apparence,
sont en réalité solidaires dans la voie du progrès,
et également prospères.
Eugène Charabot.
Docteur ès sciences.
P. NOLF — LA PRESSION OSMOTIQUE EN PHYSIOLOGIE
Qc
Œ
QE
LA PRESSION
: — ABSORPTION DANS L'INTESTIN ET LES CAVIYÉS
SÉREUSES.
“Après l'analyse, que nous avons faile dans un
premier article‘, des condilions de l'équilibre
es liquides dans les mailles des tissus, il est plus
facile de se rendre compte des facteurs qui règlent
Pabsorption des liquides salins ou autres introduits
dans les cavités naturelles du corps : cavités cœlo-
miques, plèvre, périloine, ou cavité inteslinale,
Ici encore ce furent des travaux d'Heidenhain sur
Pabsorption intestinale qui ouvrirent le débat.
Dans un mémoire, paru en 1894, Heidenhain ? élève
contre une théorie de l'absorption intestinale des
solutions salines, basée uniquement sur les prin-
cipes de la diffusion, les objections suivantes :
4° Si, dans une anse inteslinale de chien, on
quand, dans un D on en le même liquide
des deux côtés de la membrane, il ne se produit
aucun mouvement osmolique. Il faudrait donc,
d'après les lois strictes de l'osmose, que le sérum
ne füt pas absorbé.
2° Si l’on introduit dans l'intestin d'un chien une
solution contenant de 0,3 à 0,4°/, (moins de 0,6 °/, à
0,7°/,) de chlorure sodique, il existe au début de
Pabsorption une disparition concomitante du selet
de l'eau (celle-ci en plus grande quantité). Or, le
sang contenant 0,65 °/, de sel marin, il faudrait,
dit Heidenhain, si l'absorption obéit aux lois de
losmose, que le sang cédât au début une partie de
son chlorure sodique au liquide intestinal, alors
que c'est le contraire qui s'effectue,
. Si, d'autre part, la solution introduite est hyperto-
nique (1,2°/, à 1,5°/,), l'absorption porte également
dès le début sur le sel et l’eau (plus forte pour le
Sel), tandis que les lois de l’osmose exigeraient un
passage préalable de l'eau du sang vers l'intestin.
3° Si l'on ajoute aux liquides salins des doses
faibles d'un poison de l'épithélium intestinal, de
fluorure de sodium, les condilions de la double
absorplion se rapprochent davantage des Begnoe
mènes de difusion.
+ ! Voyez Ja Revue du 30 mai 1901, t. XII, p. 459 et suiv.
> * HeiDENUAIN : « Neue Versuche über die Aufsaugung im
Dünndarm ». Archiv für die gesammte Physiologie, ft: “LVL,
p. 519, 1894.
OSMOTIQUE EN PHYSIOLOGIE
DEUXIÈME PARTIE : ABSORPTION INTESTINALE ET SECRÉTIONS GLANDULAIRES
° De deux substances cristalloïdes, le sulfate
de sodium et le sucre, dont les coefficients de dif-
fusion sont entre eux comme 1,15 et 1,2, la pre-
mière est résorbée 10 fois moins rapidement que
la seconde (Rühmann), ce qui indiquerait une
indépendance absolue des deux ordres de choses.
Heidenhain conclut que, lors de l'absorption des
solutions salines, il faut lenir compte (à côté des
phénomènes osmotiques) d'une intervention aelive
des cellules vivantes de la paroi intestinale, inter-
vention dont la nature nous échappe.
A ces déductions théoriques, si bien échafaudées,
Hamburger! opposa l'expérience. Il reprit les essais
de Heidenhain sur des chiens morts ue plusieurs
heures (24 heures dans certains cas; el... il obtint
les mêmes résultats que HA ne L'inteslin
mort absorbait les solutions salines hyper et hypo-
toniques, le mode d'absorption dans l'intestin mort
élait identiquement celui de l'intestin vivant.
Avant de pousser plus loin l'analyse de ces phé-
nomènes, il est intéressant de voir ce qui se passe
dans l'absorplion des liquides salins introauits
dans les cavilés séreuses.
Ce fut Orlow,élève de Heidenhain, qui entama la
question, bientôt suivi par Hamburger, Leathes et
Starling. Comme l'avoue Orlow?, qui tâche cepen-
dant de leur appliquer une explication vitaliste,
les données de l'expérience plaident ici éloquem-
ment en faveur d’une explicalion purement phy-
sique des phénomènes. Introduites dans les cavités
séreuses, les solutions hypotoniques se concentrent
rapidement par perte d'eau, jusqu'à ce qu'elles
aient alteint le titre osmotique absolu du sérum
sanguin (équivalent à une solution de 0,9 °/, de
chlorure sodique). Dès ce moment leur absorption
se continue beaucoup plus lentement. Les solutions
hypertoniques se diluent à la faveur d’une sortie
d'eau du sang, de facon à se mettre également en
équilibre Cao ie absolu avec le sang, puis leur
absorption se fait comme dans le premier cas. Ham
burger*,LeathesetStarling* sontarrivés aux mêmes
résultats. De plus, ces auteurs ont montré que
l’adjonclion de fluorure sodique aux solutions
introduites dans les cavités viscérales n'a
d'influence sur l'absorption.
pas
1 HameurGer : Archiv {ür Physiologie 1896, p. 428.
? Orcow : Archiv für die gesammte Physiologie, t. LIX,
1894.
# HamweurGer: Archiv für Physiologie, 1895, p. 281 ; 1896,
p. 36, 302.
» LeaTuEes et STARLING : Journal of Physiology, 1895.
536 D' P. NOLF — LA PRESSION
OSMOTIQUE EN PHYSIOLOGIE
Il en est de même, d'après Hamburger, pour les
détériorations causées par d’autres agents chimi-
ques, par la chaleur, comme aussi par la mort.
La régulation de la pression osmotlique entre le
liquide injecté et le plasma du sang se fait surtout,
d'après les recherches précitées, par une sortie ou
une entrée rapide de l’eau du sang.
D'après les lois de l'osmose, elle devrait se faire
ainsi, en partie {out au moins, par une entrée ou
une scrtie de sel. Celle-ci se fait effectivement:
mais faiblement, et ce sont les mouvements du
liquide qui règlent surtout l’équilibration de la
pression osmotique. Cette constatation a sa valeur
en ce qu'elle nous révèle une des propriétés osmo-
tiques de la paroi de ces cavités : celle-ci est beau-
coup plus facilement perméable à l’eau qu'au sel.
Et, sous ce rapport, elle se comporte comme le simple
endothélium vasculaire.
Cette rapidité plus grande d'absorption pour
l’eau que pour la substance dissoute däns l'eau
n'est nullement obligée. Il se peut parfaitement
que la pénétration se fasse tout aussi rapidement
ou plus rapidement.
On ne concoil l'action instantanément destruc-
tive d'une solulion d'urée à 10 °/, sur des hémalies,
qu'enadmettantunerapidité de pénétration del’urée
au moins aussi grande que celle de l'eau. Les agents
d'hémolyse qui pénètrent lentement, comme la gly-
cérine ou mieux encore l’érythrite, ne provoquent la
globulolyse qu'au bout de quelques minutes ou mème
de quelques heures (Hedin).EtHôüber ! a montré que
des solutions hypertoniques de chlorure ammo-
nique, d'urée et surtout d'alcool introduites dans
une anse inlestinale dechien peuvent y devenir hypo-
toniques. C'est ainsi qu'une solution d'alcool, ayant
un point de congélation de —0°,689 lors de son
introduction dans l'intestin se congélait à — 0°,433
après un séjour de vingt minutes, le point de con-
gélation du sérum étant de — 0°,575. Il s'était done
produit dans ce cas, une forte dépression osmotique
dans l'intestin, provenant de la perméabilité plus
grande de la paroi intestinale pour l’alcool que
pour l’eau et pour les sels du plasma. Dépression
osmotique qui n'était eñ rien la conséquence d'un
processus vilal, comme on pourrait l'objecter, puis-
qu'on peut en produire d'aussi considérables dans
un boyau de parchemin (Hüber).
Ce qui décidera du plus ou moins de rapidité de
l'absorption d'une solution, ce sera donc non pas
sa concentration, mais Sa pénélr'abilité à travers la
cloison vivante que la solution baigne. La muqueuse
! Hoger : Archiv für die gesammte Physiologie, 1898, t.
LXX, p. 624; 1899, t. LXXIV, p. 225 et 246:
Voir aussi :
Lazanus-BanLow : The initial rate of Osmosis. Journal
of Physiology, t. XIX, p. 140-166 ; t. XX, p. 145-157.
intestinale se comporte tout autrement sous ce rap-
port que les séreuses. Elle est beaucoup plus per-
méable au chlorure sodique que celles-ci, comme
le prouve la rapidité d'absorption beaucoup plus
grande des solutions hypertoniques de ce sel et la
tendance faible à l'équilibration osmotique, qui est
à peine ébauchée. Au contraire, les sulfates alcalins
la traversent beaucoup moins aisément; aussi des
solutions faiblement hypertoniques de ces sels se
mettent en équilibre osmolique complet, par sortie M
d'eau du sang, avant d'être absorbées(Küvesi)!. On
concoit dès lors très bien que toute cause qui dimi-
nuera la vitesse d'absorption, laissera aux phéno-
mènes osmotiques plus de temps pour se produire.
C’est l'explication toute simple de l’action du fluo-
rure de sodium sur la résorption du chlorure
sodique dans l'inteslin. :
Dans le même ordre d'idées, Wallace et Cushny”
ont mis en lumière la grande différence de per-
méabilité de la muqueusé intestinale pour toute
une série de sels sodiques tant inorganiques qu or-
ganiques. Celte facilité d'absorption plus où moins
grande peut être mise en parallèle avec le pouvoir
purgalif des sels. C'est la mise au point de l’ancienne
théorie de Liebig, allribuant à des phénomènes
d'osmose l’action des purgalifs salins.
Comme on le voit, il ne reste plus grand'chose
des arguments de Heidenhain. L'absorption des
liquides salins dans l’inleslin ou dans les plèvres
est un phénomène de même ordre que la résorption
des liquides épanchés artificiellement ou naturel-
lement dans les tissus. Et il faut s'expliquer la
résorption finale de tous les liquides introduits dans
la cavité intestinale par les mêmes processus phy-
siques que ceux qui amènent, d'après Starling, la
résorplion par les capillaires veineux des liquides
transsudés par les capillaires artériels, empêchent
la formation de lymphe dans les membres, s'oppo-
sent à la transsudation à la surface des muqueuses
et assurent la vacuité des cavités séreuses.
Nous avons analysé à ce propos la grande impor-
tance de la pression à l'intérieur des capillaires,
contrebalancée en partie par la pression des tissus
eux-mêmes.
Dans l'intestin vivant, l'étude de ce dernier fac-
teur prend une importance spéciale, à raison de
l'intervention de la pression abdominale, des con-
tractions péristaltiques de l'intestin et du jeu des
villosités inlestinales, qui peuvent agir à l'instar
de pelites pompes aspirantes sur le contenu intes-
linal. Hamburger a mis nettement en lumière la
grande importance de la pression intra-intestinale.
! Kovest :
1897.
# WarLacet Cusuxy: American Journal of Physiology,
t. 1: et Archiv für die gesammte Physiologie, t. LXXNI:
Centralblatt lür Physiologie, t. XI, p. 353
ar des différences très faibles de celle-ci produites
expérimentalement, il provoqua des différences
notables dans la vitesse d'absorption d'une même
solution. En glissant dans une anse intestinale une
carcasse métallique de mème forme, qui lui tint
lieu de squelette, il a pu supprimer complètement
la pression intra-iateslinale dans cette anse. S'il y
-introduisait une solution isotonique de chlorure
- sodique, celle-ci y reslait indéfiniment, sans aug-
- ménler ni diminuer de volume. Il suffisait pour
-provoquer un débul d'absorption d’une pression
de 0,5 centimètres d’eau salée.
La conclusion de tous ces travaux, confirmés et
étendus dans de nombreuses recherches récentes,
- est nette : il est légitime de dire actuellement que
l'absorption des crislalloïdes dans les cavités intes-
tinale et cœclomique peut être expliquée dans
ous ses détails par la seule mise en œuvre de fac-
teurs physiques, sans intervention d’une action
vitale quelconque des parois de ces cavités.
L'étude de l'absorption des graisses a pris dans
ces dernières années une impulsion nouvelle. C'est
. cependant une opinion encore classique aujour-
d'hui que les graisses sont absorbées à l'état d’émul-
sion. Ce genre de pénétration d'une substance dans
. l'épithélium intestinal ne se conçoit pas, si l'on
n’admet une intervention active des cellules de
l'épithélium. En effet, il résulte des recherches de
lous les auteurs qui se sont occupés de la question,
que la paroi intestinale est absolument imperméa-
ble à toutes les substances finement pulvérulentes,
telles que carmin, lycopode, encre de Chine,
qu'on introduit dans l'intestin, en suspension dans
un liquide. Si donc exception est faite pour les
gouttelettes d'une émulsion graisseuse, ce doit
ètre par suite d'un pouvoir électif des cellules de la
muqueuse intestinale. On a voulu faire jouer aux
leucocytes le rôle d'agents préhenseurs des goutte-
lettes graisseuses. Mais il est prouvé aujourd'hui
que la plus grande partie, sinon la totalité de la
graisse absorbée, passe par les cellules épithé-
liales.
Dans ces dernières années, plusieurs travaux ont
paru, dont les résultats plaident en faveur d'une
tout autre conceplion du mécanisme d'absorption
Rockwood, ont montré la possibilité et même la
probabilité d'une absorption totale des graisses
à l'état dissous, après saponification complète
préalable. En raison du caractère particulier
du sujet et de la copieuse littérature qu'il com-
. porte, il est impossible d'entrer ici dans les détails
. du débat, qui se continue d’ailleurs, très animé,
entre les défenseurs de l’une et de l’autre théorie.
Dans deux articles très documentés, Pflüger
. vient d'en résumer les données, et conclut catégo-
D: P. NOLF — LA PRESSION OSMOTIQUE EN PHYSIOLOGIE
. des graisses, et deux auteurs anglais, Moore et
531
riquement en faveur d'une absorplion exclusive
des corps gras à l’état dissous".
Lesalbuminoïdes aussi traversent la paroi intesli-
nale à l’état dissous et bien que l'intestin ne ren-
ferme, à chaque instant de la digestion, que de fai-
bles quantités de peplones, la quantité de celles-ei
dépasse toujours notablement celle des albu-
minoides simplement (Schmidt -Mühl-
heim)?. Et comme, d'autre part, les peplones sont
absorbées beaucoup plus rapidement par l'intestin
que les albuminoïdes solubles (Friedländer)*, il
faut bien admettre que de loin la majeure partie,
sinon la totalité des substances protéiques ingérées
sont peplonisées dans le cours de la digestion nor-
male avant de pénétrer dansla muqueuse digestive,
S'il en est ainsi, il suffit, pour produire l'absorp-
tion des graisses el des albuminoïdes, des simples
lois de la diffusion; et il n'est nul besoin pour
l'expliquer de supposer que les cellules vivantes qui
forment l'épithélium déploient une activité vitale
quelconque qui les rendrait momentanément plus
spécialement perméables à telle
substances plutôt qu'à telle autre. Seulement, à
peine absorbées, tantgraisses (acides gras ou savons)
que peptones, subissent de profondes modifications:
les premières sont transformées en glycérides, les
secondes en albuminoïdes plus complexes. Cette
élaboration est, quant à elle, conséquence d’ane
action vitale, et l’on peut concevoir qu'elle a sur
l'absorplion des.graisses et des albuminoïdes une
influence indirecte, mais de haule importance. En
effet, les substances absorbées étant transformées,
gräce à elle, à mesure de leur pénétration, leur
concentration doit rester très basse dans l'intérieur
des cellules de la muqueuse; l'équilibre de teneur
n'est donc jamais atteint entre le contenu de
l'intestin et le contenu des cellules, et la diffusion
se poursuit jusqu'à épuisement complet du liquide
intestinal. f
C'estpar un mécanisme analogue quePfeffer‘expli-
quele pouvoir que possèdent certaines cellules végé-
tales vivantes d'emmagasiner de grandes quantités
de substances colorantes. Ainsi les cellules épider-
miques des racines de Zemna minor absorbent
le bleu de méthylène d'une solution aqueuse à
0,001 °/, avec une énergie telle qu'après 1 à 3 heures
la concentration de la solution intra-cellulaire
est de 1 ?/,. Il existe à l'intérieur de la cellule vé-
dissous
catégorie de
1 Priucer : Ueber die Gesundheïitschädigungen welche
durch den Genuss von Pferdefleisch verursacht werden.
LXXX, 1900.
Lehre von der
LXXXI,
Archiv fur die gesammte Physiologie, t.
In. : Der gegenwärtige Zustand der
Verdauung und Resorption der Fette. /bidem. t.
1900.
? Scuwror-Muucuein : Verdauung der Eiweisskorper. Ar-
chiv für Anatomie und Physiologie, 1879.
3 FriepLanDer : Zeitschrift fur Biologie, t. XXXII.
5 Prerrer : lflauzenphysiologre.
D38
gétale des substances telles que des tannins, de la
phloroglucine ou d'autres composés inconnus, for-
mant avec la matière colorante des combinaisons
solubles ou insolubles, pour lesquelles la mem-
brane cellulaire est imperméable. Cette formation
incessante aux dépens de la matière colorante de
composés non diffusibles équivaut, au point de vue
osmotique, à une destruction de celle-ci, et, tant
qu'elle se produira dans la cellule, il y entrera de
nouvelles quantités du colorant. ;
C'est l’analogue complet de la fixation extrême-
ment rapide de l'anhydride carbonique d’une atmos-
phère confinée par un bälon d'hydrate de polas-
sium, que l’on y introduit. Cette combinaison
(dont la nature intime peut être variable d'un cas à
l’autre) d'un élément pénétrant la cellule avec cer-
tains constituants de celle-ci, dont le produit est
une substance non diffusible, joue probablement un
grand rôle dans les processus de nutrition de la
cellule, en ce qu'il permet à celle-ci d'accumuler
dans son intérieur de grandes réserves nutritives
non diffusibles, sans grande augmentation de sa
tension osmotique. On voit immédiatement l'uti-
lité d'un mécanisme de ce genre, non seulement au
point de vue de la fixation, mais encore de la con-
servation à l'intérieur de certains tissus des divers
matériaux d'épargne : albuminoïdes complexes peu
ou pas diffusibles, formés aux dépens des peptones;
graisses insolubles dans l'eau (par conséquent sans
action osmotique), aux dépens de savons solubles et
de glycérine; glycogène de tension osmotique faible
et peu ou pas diffusible, aux dépens des sucres.
IT. — SÉCRÉTIONS GLANDULAIRES.
Jusqu'ici la vie ne s’estmanifestée dansla produc-
Lion des faits d’osmose que suivant des modes sim-
ples : soitenélablissant dansuntissu vivantdes con-
ditions de perméabilité constantes, permanentes,
mais différentes de celles du même tissu mort ou
malade (endothélium vasculaire), soit en augmen-
tant par désintégration moléculaire la tension
osmotique d'un milieu, soit en facilitant dans une
mesure très grande les échanges osmotiques de
cerlains composés par la production à leurs dépens
de substances peu où pas diffusibles.
Mais il existe dans l'organisme une série de
liquides dont les valeurs osmotiques sont en dé-
saccord complet avecles lois de l’osmose (telle que
celle-ci se passe au travers de cloisons inertes, à
propriétés invariables) : ce sont les liquides glan-
dulaires.
Ce fut Dreser ‘qui, le premier, étudia, au moyen de
! Dreser : Ueber Diurese und ihre Beeinflüssung durch phar-
makologische Mittel. Archiv für experimentelle Pathologie
uad Pharmakologie, 1891, € XXIX, p. 303.
D' P. NOLF — LA PRESSION OSMOTIQUE EN PHYSIOLOGIE
la cryoscopie, la concentration moléculaire de
diverses sécrétions et humeurs organiques. Dreser
constata que, tandis que la bile, le lait, l'humeur
aqueuse présentaient des valeurs s’écartant très
peu ou pas du tout de celle du sérum, il en était
tout autrement pour l'urine. C'est ainsi qu'un chat,
privé d’eau pendant plusieurs jours, émeltait une
urine dont le point de congélation était A — — 49,79,
alors que son sérum se congelait à — 0°,66, ce qui »
faisait une concentration moléculaire 7 fois plus
forte dans l'urine. Au contraire, après l'administra-
tion de diurétiques ou à la suite de libations copieu-
ses, l'urine peut devenir très diluée et son point de
congélation remonter à A——0°,33.
Dans d'autres liquides de sécrétion aussi, tels
que la sueur, la salive, la teneur en sels peut être
très faible et le point de congélalion posséder des
valeurs correspondantes. C'est ainsi que, dans un
travail qui vient de paraitre, Ardin-Delteil ! cite
comme valeurs du point de congélalion de la
sueur de l'homme sain des chiffres variant entre
A—0°,08 et A —0°,46. J'ai trouvé ? pour la salive
tympanique du chien des valeurs très voisines
(A = — 0°,193 à A — — 0396).
Il faut nécessairement admettre ici une inter-
vention active du protoplasme cellulaire qui, par
un mécanisme encore inconnu, parvient à enlever
au plasma sanguin, solution saline, les éléments
d'une autre solution, où les rapports entre l’eau et
les sels sont changés, opérant ainsi une sorle de
distillation incomplète de l’eau du plasma : un vé-
ritable travail, dont on peut établir la valeur en
kilogrammètres. Et, sous ce rapport, il est intéres-
sant d'ajouter que, d’après d'anciennes observa-
tions de Heidenhain, confirmées d’ailleurs par
tous ceux qui se sont occupés de la question, la
salive sous-maxillaire est d'autant plus concentrée
en sels qu'elle coule plus rapidement. C'est-à-dire
que la glande sous-maxillaire, excitée fortement,
n'opère plus aussi complètement la séparation
entre l’eau et les sels du plasma. De ce fait, la
dépense d'énergie est moindre; seulement la quan-
tilé de salive sécrélée étant beaucoup plus consi-
dérable, Le travail total est néanmoins supérieur à
celui qui est nécessaire pour sécréter, dans le
même temps, une salive plus diluée, mais beau-
coup moins abondante. Dans les reins aussi, il y à
travail fourni, que l'urine soit plus diluée que le
plasma du sang ou qu'elle présente une concen-
tralion plus forte. À ce sujel, tous les physiolo-
gistes sont actuellement d'accord; mais, où les opi-
AnniN-DELtEIL : Cryoscopie de la sueur de l'homme sain.
C. R. de l'Académie des Sciences de Paris, novembre 1900.
? P. Norr : La pression osmotique de la salive sous-maxil-
laire du chien. Bulletin de l'Acad.royale de Belgique(Sciences),
1900, p. 960.
D'° P. NOLF — LA PRESSION
mions diffèrent, c'est sur le point de savoir dans
quelle partie du rein s’effectue ce travail.
La glande rénale occupe une situation unique
parmi les appareils sécréteurs, par le fait que ses
tubes, au lieu de finir simplement en cul-de-sac,
offrent à leur extrémité aveugle un amincissement
“de leur paroi, qui s'applique directement sur une
houppe vasculaire, formant ce qu’on appelle le
f#lomérule. Au niveau du glomérule, le sang est
séparé de l'urine par un endothélium très mince,
“doublé d'un épithélium tout aussi mince. Partout
“ailleurs, la cloison de séparation est plus épaisse.
De plus, les dispositions vasculaires du glomérule
“ont extrêmement favorables à une filtration abon-
dante et facile des éléments cristalloïdes et de
l'eau du plasma sanguin. Le vaisseau afférent, très
court, de la houppe vasculaire se détache directe-
ment des premières ramifications de l'artère ré-
male, ce qui permet de supposer que la pression
artérielle y est encore très élévée, d'autant plus
que le vaisseau efférent est d'un calibre moindre
-que l'artère afférente.
_ Ludwig admettait que, grâce à cette pression
élevée, se produit dans le glomérule une filtra-
tion de l'eau et des cristalloïdes du plasma sanguin,
et que le liquide ainsi formé, en circulant au tra-
» vers des tubes rénaux, y subit une concentration
: par suite de la résorption d’une partie de l'eau
- filtrée. Cette concentration transformerait le liquide
filtré au point d'en faire l’urine définitive. La con
+ centration dans les tubes rénaux était supposée
s'effectuer par suite d'échanges osmotiques avec
la lymphe concentrée qui les entoure.
_ Ainsi concue, l'hypothèse de Ludwig n'est plus
soutenable, depuis que des recherches précises ont
. déterminé l'écart, parfois extrêmement considé-
rable, pouvant exister entre la tension osmotique
‘du sang, peu différente de celle de la lymphe, et la
tension de l'urine. Pour mettre la théorie de
Ludwig en accord avec les faits actuellement
connus, il faut admettre que le liquide filtré dans
le glomérule, liquide a/calin contenant en dissolu-
tion tous les éléments cristalloïdes du plasma san-
guin, estmodifié, non pas grâce à de simples phé-
nomènes osmotiques, mais par l'absorption active
_ d’une bonne partie de son eau et de ses éléments
. salins (Starling), cette absorption étant due à l'inter-
. vention des cellules épithéliales bordant les canali-
cules rénaux. Dans cette idée, l'activité spécifique
-du rein serait donc, non pas une sécrétion, mais
une absorption
Au contraire, la théorie de Bowmann, déve-
loppée par Heidenhain, suppose une sécrétion ac-
tive de l’eau et des sels de l'urine par le glomérule,
avec sécrétion également active des constituants
_Spécifiques de l'urine, urée, acide urique, elc., et
OSMOTIQUE EN PHYSIOLOGIE 539
d'une certaine quantité d’eau par les cellules des
canalicules rénaux. Examinons rapidement à la
lumière de ces deux hypothèses les principaux
résultats de l’expérience.
On sait depuis longtemps que la rapidité d’ex-
crétion de l'urine croit avec la valeur de la pres-
sion aortique, et que, lorsque celle-ci tombe au-
dessous d’une certaine limite (30 — 40 millimètres
de mercure),- quelle que soit d'ailleurs la cause
de cette chûte, il se produit un arrêt complet de la
sécrétion urinaire. D'autre part, il est établi d'une
façon tout aussi assurée que la ligature de la veine
rénale produit également un arrêt immédiat de
l'écoulement de l'urine.
Heidenhain explique ces faits en disant que ce
qui importe au bon fonctionnement du glomérule,
ce n'est pas la pression du sang, mais sa rapidité
d'écoulement au travers des vaisseaux gloméru-
laires. La chûte de pression artérielle et la ligalure
des veines arrêteraient toute sécrétion en dimi-
nuant notablement cette vitesse ou en la rendant
nulle. L'explication est ingénieuse, surtout en ce
qui concerne la seconde constalalion,; on se rend
plus difficilement compte par elle de l'influence si
considérable de la pression artérielle. Car les cons-
tatations faites au sujet des glandes salivaires,
dont l’activité nettement sécrétoire a élé mise hors
conteste par Ludwig lui-même, montrent une in-
dépendance beaucoup plus complète entre le phé-
nomène de la salivation et la pression sanguine, le
premier pouvant encore s'effectuer en l'absence de
toute pression dans les vaisseaux.
Au contraire, celte influence prépondérante de
la pression artérielle est tout expliquée dans Ia
théorie de Ludwig, dont elle constitue la base.
L'effet de la ligature des veines, au contraire, est
à première vue en opposilion formelle avec cette
hypothèse. Mais des expériences ingénieuses de
Ludwig et de M. Hermann ont montré que l'arrêt
de l'écoulement urinaire, observé dans ces condi-
tions, pouvait se comprendre par la dilatation des
capillaires veineux (qui forment autour des tubes
urinaires un lacis très riche), dilatalion dont la
conséquence est la compression et l’oblitération
des voies glandulaires. C'est ainsi que, de même
que la stase veineuse influence l'écoulement de
l'urine, de même la stase urinaire influence l'écou-
lement veineux.
Si l'on détermine d'une façon concomitante la
pression aorlique et la pression à l’intérieur du
bassinet, après ligature de l'uretère, ainsi que le
firent plusieurs auteurs, et dernièrement encore
Starling', on trouve qu'il existe entre les déux va-
1 E.-N. SrarcinG : The glomerular Functions of the Kid-
ney, Journalof Physiology, t, XXIV, p. 316, 1899.
940
leurs, quelle que soit leur grandeur absolue, une
différence constante, qui est de 40 à 50 milli-
mètres de mercure (sensiblement égale, par con-
séquent, à la pression artérielle minima, permet-
tant encore un écoulement urinaire). Fait très
important, comme on le conçoit facilement, et tout
en faveur de l'hypothèse d'une filtration dans le
glomérule. Pour l'expliquer, Heïdenhain est forcé
d'admettre que, dans ces conditions, il n'y a pas
arrêt de sécrétion au niveau des glomérules. Celle-
ci persiste. Mais l'urine, accumulée dans les canali-
cules sous une pression pouvant être élevée (jus-
qu'à 95 milligrammes de mercure, dans une expé-
rience de Starling), fl{rerait au travers de leur
paroi, avec une vitesse précisément égale à celle
de la sécrétion dans les glomérules. Le raisonne-
ment est étonnant de la part d’un adversaire aussi
résolu des processus de filtration dans l'organisme.
Voilà done Heidenhain forcé, pour justifier sa con-
ception de l'activité sécrétoire du glomérule, d’ad-
meltre qu'il se produit, au travers des cellules
épaisses bordant Les canalicules, une filtration dont
il ne veut à aucun prix, quand il s'agit de l’épithé-
lium mince du glomérule, alors que /a pression
lilérante y est plus énergique et que toutes les dis-
positions anatomiques y sont réunies pour la faci-
liter.
Un moyen simple pour augmenter la pression
capillaire (et non la pression artérielle) dans les
organes abdominaux, c'est, ainsi qu'on à pu le
voir déjà, l'injection des lymphagogues de deu-
xième classe, des substances cristalloïdes. Or, ces
agents sont connus depuis longtemps comme de
puissants diurétiques. Il a déjà été dit que leur
pouvoir diurétique a été trouvé proportionnel à
leur valeur osmotique par von Limbeck*, constata-
tion confirmée récemment par Münzer* pour diffé-
rents sels sodiques, et par Hedon et Arrous*° pour
les sucres.
Comme il a élé dit au sujet de l’action lympha-
.gogue de ces substances, c'est aux changements
mécaniques de la circulation capillaire, qui se pro-
duisent dans toute pléthore hydrémique, qu'il faut
attribuer, en partie du moins, leur influence sur la
rapidité d'écoulement de l'urine. Mais ül y a lieu
aussi de tenir compte de la dilution du sang et de
la diminution de sa tension osmotique effective
1 Vox Limeecx : Zur Lehre von der Wirkung der Salze. Ar-
chiv fur experimentelle Pathologie und Pharmakologie,
t. XXV, p. 69, 1889.
? Muxzer : Zur Lehre von der Wirkung der Salze. Zhidem,
t. XLI, p. T4, 1898.
* H£pox et Arnous : Sur les effets cardio-vasculaires des
injections intra-veineuses des sucres. C R. Soc. de Biologie,
1899, p. 642.
In. 1n. : Des relations existant entre les actions diurétiques
et les propriétés osmotiques des sucres, C. R. Ac. Sciences,
t. CXXIX, p. 118, 1899.
D' P. NOLF — LA PRESSION OSMOTIQUE EN PHYSIOLOGIE
(due aux colloïdes du sang); et cela d'autant plu
que la surface glomérulaire peut-être considérée
comme étant totalement ou presque totalement
imperméable aux albuminoïdes du plasma. À cé
point de vue, il est frappant, comme le fait res=
sortir Slarling, que la pression osmotique de
albuminoïdes du plasma est précisément égale à I
valeur minima de la pression aortique permettan
encore une sécrétion rénale.
Il y a lieu également de renvoyer ici à ce qui &
été dit plus haut, concernant les injections intra
veineuses des colloïdes, dont l'influence sur le rein
est semblable à leur action sur l'écoulement dé
la lymphe thoracique. Envisagées au point de vue
osmolique, les propriétés diurétiques des cristal=
loïdes deviennent donc d’une lumineuse simplicité:
Mais, dans des processus aussi complexes que les
secrétions glandulaires, il est prudent de ne pas
généraliser trop tôt. |
Aux facteurs principaux, délerminant un phéno-
mène, sadjoignent souvent toute une série de
causes secondaires, dont il faut tenir compte. C'est
ainsi que, d'après Starling lui-même, il y a, dans la
diurèse produite par les injections sucrées, autre
chose que les actions exposées plus haut, et cette
autre chose c'est une vaso-dilatation rénale causée
directement par l’action du sucre sur les vaisseaux
du rein. |
Dans deux travaux récents sur la diurèse saline:
‘(après injection de NaCl et Na SO‘), Magnus *
arrive à des conclusions peu en accord avec ce qui
précède. Ce qui importe, suivant Magnus, au point
de vue de l'accélération du cours de l'urine, ce n’est
pas le changement apporté par la pléthore hydré-
mique dans la pression capillaire, mais bien la
dilution du sang. La vaso-dilatation rénale ne,
jouerait également aucun rôle important. Mais là
dilution du sang elle-même ne rend pas compte de
tous les faits. C’est ainsi que des solutions de sulfate
et de chlorure sodiques âe concentrations telles que
la dilulion du sang qu'elles provoquent soit la
même, ont cependant un pouvoir diurétique diffé-
rent, le sulfate sodique se montrant plus actif que
le chlorure. Au point de vue de leur élimination
aussi, il existe des différences : le sulfate sodique
passe en plus grande abondance dans les urines.
Dans une diurèse provoquée par le sulfate sodique,
Magnus constate que l'urine obtenue ne contient
que 0,05 °/, de NaCI, alors que le sérum en contient
0,60°/,. Ce résulat et d'autres amènent Magnus à
considérer le rein comme un appareil extrêmement
! Maënus : Veränderung der Blutzusammensetzung nach
Kochsalzinfusion. Archiv {ur experimentelle Pathologie
und Pharmakologie, t. XLIV, p. 68,1900.
Ib. : Vergleich der diuretischen Wirksamkeit isotonischer
Salzlüsungen. Zbidem, p. 396, 1900.
Sensible à la teneur du sang en eau etJen sels,
féagissant vis-à-vis des différences faibles des
Sonstituants normaux ou anormaux du plasma, et
éagissant de manière à rétablir l'équilibre rompu.
… Dans la pléthore hydrémique causée par l'injec-
lion de Na°S0*, il y a diminution de la proportion
de chlorure sodique dans la masse sanguine aug-
mentée et diluée par l'eau des lissus. Le rein en a
pour ainsi dire conscience et retient le chlorure
sodique du plasma tout en laissant passer le sulfate.
Magnus trouve ces faits peu conciliables avec la
théorie de Ludwig. Il suffit pourtant, pour les met-
tre d'accord, d'admettre que les canalicules rénaux
ont la propriété d'absorber non seulement de l’eau
ais encore du sels. On arrive d'ailleurs à celte
conclusion par différentes voies.
C'est ainsi qu'il est impossible de comprendre
autrement, à la lumière de la théorie de Ludwig, la
formalion d'urines extrèémement diluées, telles que
celles examinées par Dreser (voir plus haut). D'au-
tre part, von Koranyi a démontré que, si l'on dilue
les urines de viogt-quatre heures, de façon à leur
donner une tension osmotique absolue égale à celle
du plasma, la leneur en chlorure sodique du
liquide ainsi obtenu est de beaucoup inférieure à
- celle du plasma.
- Cet auteur admet que le liquide filtré au travers
- du glomérule abandonne aux cellules des canali-
- cules une partie de son chlorure sodique, qui
serail remplacé par une quantité osmotiquement
équivalente des autres constituants urinaires.
- Plus l'urine s'écoulerait lentement au travers des
conduits sécréteurs rénaux, plus elle serait riche
en urée et pauvre en chlorure sodique.
Ainsi s'expliquerait la constatation de Ludwig
. que le liquide recueilli dans un bassinet dont
l’urétère avait été lié élait très riche en urée et
ne contenait plus que des traces de chlorure so-
| dique.
LR LT
L'auteur a examiné, à ce point de vue, un grand
nombre d'urines pathologiques et il est arrivé à
des conclusions intéressantes, reprises el étendues
. par plusieurs cliniciens français.
. Très intéressantes sont encore les observalions
. de von Koranyi sur les urines du célèbre jeûneur
Succi. Au sixième jour de jeûne, Succi émettait
| des urines extrêmement concentrées (moyenne de
» A—— 8,15), dont la teneur en chlorure sodique
_ était très faible (0,26 °/.). Ces différentes consta-
| lalions s'expliquent parfaitement en admettant que
. le rein est extrêmement sensible à de légères
> différences dans la teneur du sang en chlorure
| sodique, et l'organe rénal nous apparait ici comme
| le véritable régulateur de cette teneur, constante
à l’état normal; si cette idée est exacte, il faut
| s'attendre à voir diminuer la quantité de chlorure
D' P. NOLE — LA PRESSION
|
OSMOTIQUE EN PHYSIOLOGIE
41
sodique dans les urines chaque fois que, pour un
motif ou l’autre, il y a tendance à la baisse dans
la richesse du plasma en sel marin: baisse pouvant
être due à un apport insuffisant ou nul de ce sel
(inanition), où à un état de pléthore hydrémique
ausé par un agent autre que le chlorure sodique
(expérience de Magnus avec le sulfate sodique).
On peut se demander si cette action régulatrice
du rein s'effectue par sécrétion, au niveau du glo-
mérule, d'un liquide plus pauvre en sel marin que
le plasma sanguin, ou si elle consiste en la réab-
sorption, par le canalicule rénal, d'une partie du
sel marin éliminé par le glomérule. La constatation
précitée de Ludwig plaide en faveur de la seconde
hypothèse. Cette action régulatrice de l'organe
rénal sur la composition du sang est très impor-
tante, en ce qu'elle touche à une question très
intéressante, la constance osmotique du plasma
(ou du sérum) des Vertébrés supérieurs.
Chez les Invertébrés marins, le milieu intérieur
est, d'après les recherches de Fredericq* Botazzi”,
en équilibre osmotique complet avec l’eau de mer
qui les environne*. Parmi les Poissons, les Sélaciens
présentent encore la même dépendance de la valeur
osmotique lotale de leurs humeurs vis-à-vis du
milieu ambiant. Mais cette valeur totale ne corres-
pond plus à une teneur saline égale le sang étant
beaucoup moins riche en sels que l'eau de mer (Fre-
dericq*);déjàlesTéléostéens marinsontun sang beau-
coup moins concentré. Leurs congénères d'eau
douce ont encore diminué la valeur osmotique de
leur plasma, dont le point de congélation ne diffère
pas sensiblement de celui des Amphibiens et des
Vertébrés supérieurs. Mais, de parleur vie dans une
eau très pauvre en principes salins, Téléostéens
d’eau douce et Amphibiens ont à se préserver non
plus d'un excès, mais d'un manque de sel. Absor-
bant l'eau douce par les aliments avalés et par la
surface cutanée et respiraloire (absorption peut- :
être très faible, mais continue), n'absorbant certai-
nement pas la quantité équivalente de sel marin,
ces animaux son! done forcés d'éliminer plus d'eau
que de sel pour garder intacte la tension osmo-
tique de leur milieu intérieur. C'est ce qu'effectue
leur rein. Dreser a trouvé que le point de congé-
lation de l'urine de grenouilles était A = — 0°,24.
1 FrevericQ : Influence du milieu ambiant sur la compo-
sition du sang des animaux aquatiques. Archives de Zoolo-
gie expérimentale, 2e série, t. I, p. 34, 1885.
2 Borazz : La pression osmotique du saug des animaux
inarins. Archives italiennes de Biologie, t. XXVIIT, p. 61,
1892. '
3 Ronier : Observations et expériences comparatives sur
l'eau de mer, le sang et les liquides internes des animaux
marins. Travaux du Lahoratoire de la Station zo0l. d'Ar-
cachon, 1899.
“ Frenekxico : Sur la perméabilité de la membrane bran-
chiale. Bull. Acad. Sciences de Belgique, p. 68, 1901.
542
Avec la vie aérienne surgissent de nouvelles com-
plications. Ici le danger devient double par le
fait de grandes pertes d’eau s’effectuant par la peau
et les poumons; la nécessité d’une seconde régu-
lation se fait sentir et le rein s'en charge encore,
l'effectuant d'une facon d'autant plus complète que
le besoin en est plus grand. Oiseaux et Reptiles
exerètent une urine presque solide. Les Mammi-
fères règlent la concentration de leur urine suivant
les apports de boisson. d
Mais à ces facleurs d'origine extérieure, s'ajou-
tent les effets de la désintégration des tissus.
Incessamment se produisent des scissions et des
combustions dont le résultat est une augmentation
de la valeur osmotique de la lymphe et du sang
veineux. L'acide carbonique en est le facteur
dominant. Sa nature gazeuse rend facile son éli-
mination au niveau du poumon, qui apparait ainsi
comme organe de régulation de la constance osmo-
tique du plasma (von Koranyi). Quant aux produits
azolés de la désassimilation, s'ils sont en moindre
quantité que l'acide carbonique, ils présentent
l'inconvénient de n'être point volatils et s'accu-
muleraient fatalement dans le sang, si un organe
spécial, le rein, ne se chargeait de leur élimination.
Von Koranyi, ayant enlevéles deux reins à un lapin,
‘vit le point de congélation du sérum sanguin de
cet animal tomber de A — — (°,56 à À = — 0°,61
en 3 heures, à A — —(°,73 en 7 heures.
Au cours de cet exposé, il a donc été fourni des
arguments en faveur d'une régulation de la tension
osmotique du plasma sanguin par le rein, dont
l'activilé serait mise en jeu par des variations de
la quantité d’eau, de sels solubles et de prin-
cipes cristalloïdes provenant de la désassimilation
des albuminoïdes. Ne sont-ce pas là des arguments
suffisants pour localiser dans cet organe sinon
exclusivement, du moins principalement le siège
des forces myslérieuses qui règlent la belle
constance osmotique du milieu intérieur des Ver-
ltébrés? Plusieurs auteurs ont déjà insisté sur
l'importance de cette invariabilité osmotique du
milieu intérieur et lui ont attribué des causes dif-
férentes. Ce fut d’abord Hamburger’ qui l'attribua
à l'intervention active de l’endothélium vasculaire.
Puis Winter”, qui insista particulièrement sur la si-
gnification générale de la constance osmotique de la
plupart des humeurs organiques et attira l’attention
sur le rôle important du chlorure sodique dans
l'équilibration osmotique. D'après Winter, la plus ou
! HamsurGer : Ueber die Regelung des Blutbestandtheile,
Zeitschrift lür Biologie, t. XXNIX, p. 259, 1890.
2 Winrer : De la concentration moléculaire des liquides
de l'organisme, Archives de Physiologie normale et patho-
logique, 2 série, t. VIII, p. 114, 1896, De l'équilibre molécu-
laire des humeurs. Rôles des chlorures. Zhidem, p. 281.
D: P. NOLF — LA PRESSION OSMOTIQUE EN PHYSIOLOGIE
moins grande dissociation électrolytique de ce se
pourrait servir d’élément régulateur de cette valeur
Enfin Fano et Bottazzi' croient pouvoir dérive”
l'uniformité du niveau osmotique sanguin de l’exis:
tence, dans les lissus et les liquides de l'organisme
de combinaisons instables entre le chlorure sodiquem
et les albuminoïdes cellulaires et humoraux, com=
binaisons qui céderaient aux liquides ambiants du
sel marin dès que la tension de ce dernier tom-=
berait au-dessous d’une certaine limite, etle repren
draient dans les conditions inverses.
Cette opinion toute théorique a été infirmée (du
moins en ce qui concerne une union possible entre
chlorure sodique et ovalbumine) par un travail dem
Bugarszky et Liebermann ?. 1
I faut également remarquer ici que si, chez une
même espèce animale, il règne une certaine cons
tance osmolique du plasma sanguin, et que les
valeurs de celte constante varient peu d'un mam-
mifère à l’autre, l'étendue de ces variations esk
cependant beaucoup plus considérable que nem
l'avait indiqué Winter. Un travail récent de Tangl
et Bugarszky* fournit à ce sujet des détails très
intéressants.
Mais, si nous laissons celte curieuse question de
la constance osmotique du milieu intérieur des Ver-
tébrés supérieurs pour en revenir au mécanisme de
la sécrélion rénale, nous sommes obligés de recon-«
maitre qu'il est impossible de déduire des expé-«
riences citées plus haut une cerlitude quelconque
concernant le mode d'activité de l'organe rénal.
Heidenhain avait attaché beaucoup d'importance
à l’étude de l'éliminalion de diverses matières
colorantes par lies reins en vue de l'établissement
de sa doctrine. Suivant lui, le mode d'élimination
de l'indigosulfate de soude prouve, à n'en pas dou- |
ter, la nature sécrétoire de l'épithélium des cana-
licules contournés. Des recherches ultérieures
d'autres savants ont confirmé le résultat des expé-
riences d'Heidenhain sur ce point, comme d'ailleurs
sur tous ceux dont s'est occupé l'éminent physio-
logiste. Mais, si les faits étaient exacts, leur inter
prétation était plus problémalique, et von Sobie-
ransky * a montré qu'il était au moins aussi facile
de les comprendre avec la théorie de Ludwig.
Quant à la présence d'urates dans les cellules des
canalicules contournés du rein des Oiseaux, cons-
talée par von Witlich, quant aux expériences de
! Faxo et Borrazz : Travaux du laboratoire de Physio=
logie de Florence, 1896.
= Buoanszky et Liësermanx : Ueber das Bindungsvermügen
siweissartiger Kürper, Archiv für die gesammte Physio=
logie, t. LXXIT, p. 51, 1898. ;
3 Bucanszky et TaxGL : Moleculäre Concentrations-Verhält-
nisse des Blutserums, Archiv für die gesammte Physiolo=
gie, t. LXXII, p. 531, 1898.
# Von SomieranskY : Ueber die Nierenfunction. Archiv für
exp. Pathologie und Pharmakologie, t. XXXV, p.144, 18954
ni x ER À F, NE ve
D: P. NOLF — LA PRESSION OSMOTIQUE EN PHYSIOLOGIE b]
E
Ce
tes respectivement par Bial! et par Adami* dans
laboratoire de Heidenhain lui-même, qu'il faut
énoncer à leur attribuer une valeur démonstralive
e l'hypothèse de Bowmann: Dreser * a démontré,
des essais avec la fuchine acide chez la gre-
ouille, que les glomérules sécrètent un liquide
calin qui ne devient acide que dans les canali-
ules. Chez les Mammifères carnivores, les urines
ünthabituellement d'autantplus acides qu'ellessont
“lus concentrées, et, sous l'influence d’une diurèse
nergique, l'urine peut devenir alcaline en mème
émps qu'elle se dilue. Il est donc très probable que,
hez eux aussi, l'urine glomérulaire primitivement
caline ne devient acide que dans les canalicules.
lais qui nous dira si cette acidité est due à la
sécrélion des sels acides plutôt qu'à la résorption
le sels alcalins ?
» Aucune de ces recherches n’est donc en état de
résoudre la question de savoir si le rein est une
lande suivant l'opinion de Bowmann-Heidenhain,
)u s'il faut comprendre son activilé comme étant
“une filtration, compliquée de la résorption ultérieure
active d'une partie des éléments filtrés. Il est en
fout cas bien certain que, dans l’une ou l'autre
“alternative, il faut l'intervention active des cellules
des canalicules rénaux tout au moins. Ainsi mo-
difiée, la théorie de Ludwig semble rendre compte
au moins aussi facilement et avec moins d'hypo-
hèses que celle de Bowmann de la plupart des
expériences, et elle lui est manifestement supé-
heure dans l'explication de certaines d'entre elles.
III. — INFLUENCE DE LA CONCENTRATION SALINE
SUR DIVERSES CELLULES.
Avant de terminer cetterevue troplongue des tra-
aux faits dans divers domaines de la Physiologie
r l'influence possible de la pression osmolique sur
es phénomènes vivants, il sera permis de rappeler
que, même avant les travaux de Hamburger, il avait
éLé fait par Nasse différents essais sur l’action de
concentration saline sur les muscles de gre-
nouille. Nasse *, ayant cherché pour différents sels
de potassium et de sodium quelles étaient les
foncentrations des solutions dans lesquelles les
1 Bra : Ein Beitrag zur Physiologie der Niere, Ayrchiv
im die gesammte Physiologie, t. XLVIT, p. 116, 1590.
2 Apaui: Nature of glomerular activity, Journal of Phy-
Siology, t. VI, p. 382. -
5 Dreser : Histochemisches zur Nierenphysiologie, Zeits-
hrift für Biologie, t. XXI, p. 41, 1855.
Nasse: Archiv für die gesammte Physiologie, t. U,
>: 114, 1869.
muscles de grenouille conservent le plus longtemps
leur contractilité, trouva 1° que ces solutions
étaient équimoléculaires entre elles; 2° que leur
teneur était légèrement supérieure à une solution
déci-normale, c'est-à-dire à une teneur de 0,6 °/,
de sel marin. Hambuger obtint depuis, comme on
le sait, une valeur rapprochée pour la tension osmo-
tique du sérum de grenouille. Les observations de
Nasse, parues en 1869, étaient, comme on le voit,
en plein accord avec la théorie osmotique, dont elles
furent une confirmation avant la lettre. J. Loeb'a
repris récemment les expériences de Nasse et les a
développées considérablement. Ses conclusions sont
également en accord avec l'idée que, pour la cellule
musculaire comme pour toute vivante,
les condilions créées par les propriétés osmo-
tiques de la paroi cellulaire sont primordiales au
point de vue de la conservalion de la vie.
Le même auteur” étudia l'influence des mèmes
facteurs sur le développement des œufs d’Arbacia
(Échinoderme), et, comme on le sait, il est arrivé
à produire le développement (incomplet) d'œufs
non fécondés, en les plongeant pendant un certain
temps dans des solutions plus concentrées que
l'eau de mer. Dans son dernier travail, il attribue à
leur seule concentration osmotique élevée, sans
intervention chimique, spécifique des solutions,
leur pouvoir stimulant sur la division cellulaire.
Ces recherches sont l'application directe à la cellule
des méthodes employées jusqu'ici, en Physiologie
animale, à l'examen des propriétés osmotiques des
tissus. Nul doute que, pour la cellule comme pour
les tissus, les résultats futurs seront brillants.
L'étude de l'influence des solutions salines sur les
cellules végétales (microbiennes et autres), mon-
trant l'influence des concentrations sur les phéno-
mènes de division, de mobilité (Wladimirofl), ren-
dant comple de la toxicilé par les propriétés des
ions (Krænig et Paul), en est un sûr garant.
C'est, d’ailleurs, le propre des études sur les pro-
priétés osmotiques d'un tissu, de constituer avant
tout l'examen d'une propriété fondamentale de ce
tissu, commune aux cellules qui le caractérisent.
Les méthodes employées dans ces recherches sont
done des méthodes de Physiologie cellulaire, et
c'est ce qui constitue leur inappréciable valeur ?.
D: P. Nolf,
Assistant à l'Institut de Physiologie
de l'Université de Liège.
cellule
1 J. Loge : Physiologische Untersuchungen über Ionen-
wirkungen, Archiv für die gesammte Physiologie, t. LXIX,
p.13; t. LXXI, p: 457, 1898.
2 J. Lors : Further experiments on artificial parthenoge-
nesis. American Journal of Physiology, t. IV, p. 419, 1900.
# Depuis la rédaction de cet article, terminée en février
quelques recherches sur ce sujet, déposant dans le sens
déjà indiqué, ont été publiées.
44
BIBLIOGRAPHIE — ANALYSES ET INDEX
BIBLIOGRAPHIE
ANALYSES
1° Sciences mathématiques
Carvallo(E.), £xaminateur à l Ecole Polytechnique. —
Théorie du mouvement du Monocycle et de la
Bicyclette. — 1 vol. in-8°. (Extrait du Journal: de
l'Ecole Polytechnique, 2° série. 5° et 6° cahiers.)
Gauthier- Villars, éditeur. Paris, 1901.
M. Carvallo vient de consacrer un important Mémoire
à l'étude du mouvement des cycles. Voici, d’après une
communication présentée par l’auteur lui-même à la
Société Mathématique de France, les principaux points
qu'il a abordés dans son travail :
Le cerceau qui roule est un système à trois degrés
de liberté. Les paramètres naturels sont l'angle de
chute, l'angle de marche sur le sol et l'angle de con-
version autour de la verticale. Les trois équations du
mouvement sont obtenues par le théorème des travaux
virtuels. Ce sont les équations de chute, de marche et
de conversion. Le théorème des forces vives sert de
vérification. Les mêmes équations sont, d’ailleurs, obte-
nues dans là deuxième partie au moyen des équations
de Lagrange, affectées d'une modification nécessaire et
qui est expliquée plus loin.
Un développement en série permet de déduire des
trois équations du mouvement deux relations très im-
portantes : une équation d'équilibre et une condition de
stabilité de l'équilibre. La condition d'équilibre est une
relation entre l'angle de chute, la vitesse de marche et
la vitesse de conversion. Elle est établie aussi par un
raisonnement direct. Par un raisonnement analogue,
on calcule la tendance au dérapage. Une discussion
complète des régimes d'équilibre, avec la stabilité et la
tendance au dérapage, est résumée dans un graphique.
Pour terminer, l'auteur calcule l’action de la baguette
sur la conversion du cerceau et explique les effets si
différents qu'on oblient en appliquant la baguette à
l'arrière ou à l’avant du cerceau.
Le monocyele donne lieu à des développements ana-
logues. Signalons seulement l'équation de marche, les
réflexions qu'elle provoque sur le pédalier de la multi-
plication, puis une digression sur certains paradoxes
de Mécanique : une expérience sur la bicyelette, et le
paradoxe du navire. L'étude de la stabilité provoque
aussi des digressions sur la stabilité des appareils
rotatifs et sur l’Electrodynamique.
Dans la deuxième partie, consacrée à la Areyelette,
l'auteur montre qu'on est encore en présence d'un sys-
tème à trois degrés de liberté. Les trois paramètres
sont l'angle de chute, l'angle de guidon et l'angle de
marche de la roue motrice. La complication du pro-
blème, quand on tient compte des petits détails du mé-
canisme, est telle que la seule géométrie de la bicy-
clette exige un chapitre spécial. Il faut une application
attentive pour y distinguer des éléments qui paraissent
identiques au premier abord. Ainsi, pour la roue
motrice, l'angle de roulement sur les tourillons peut
différer de l'angle de marche surlesol, à cause de l’abais-
sement du cadre produit par la rotation du guidon.
On étudie ensuite la cinématique de la bicyclette et l'équi-
libre au repos. Cet équilibre est essentiellement instable.
Pour les équations dynamiques de la bicyclette, le
théorème des travaux virtuels, appliqué sans arlifice,
conduit à des calculs si compliqués que lauteur a dû
renoncer à les exposer dans son Mémoire. Il s'est alors
adressé à la simplification de Lagrange, qui consiste à
calculer le travail des forces d'inertie au moyen de la
force vive, Son but était de vérifier ses premiers calculs
par des calculs moins compliqués et d'arriver à une
exposition plus abordable. Il s’est alors aperçu d'une
ET INDEX
parlicularité importante des équations de Lagrang
déjà siynalée antérieurement par M. Hadamard, mais
encore peu connue. Voici en quoi elle consiste :
Lagrange prend pour paramètres des coordonnée
proprement dites, par exemple les trois angles d'Eu
dans la rotation d'un solide autour d'un point fi
Connaissant les trois angles, on peut placer le solide
Les coordonnées d'un quelconque de ses points maté
riels sont des fonctions de ces trois paramètres et On
peut appliquer à ces fonctions le théorème connu st
le changement de l'ordre des dérivations. Les pard
mètres naturels du cerceau et de la bicyclette ne sati
font pas à la même condition : donnez l'angle de chute
l'angle de marche et l'angle du guidon, vous ne pourr®
pas dire si la bicyclette, partie de Paris dans une diree
tion donnée, est arrivée à Versailles ou à Fontaine
bleau. Les coordonnées d’un point de la bicyclette ne
peuvent pas s'exprimer en fonclion seulement des trois
paramètres; il faudrait, en outre, connaître la loi des
variations simultanées des trois paratmètres. Il en ré
sulte qu'une des transformations de Lagrange devien
impossible. Les équations auxquelles il faut s'arrêter,
moins simples que les équations délinitives de Lagrange
apportent encore une simplification cons.dérable. M
Pour la stabilité, la bicycleite exige aussi une mé
thode plus puissante que le cerceau. M. Carvallo a été
conduit à définir les régimes d'équilibre et à donnet
une méthode générale pour étudier la stabilité de ces
régimes. Ces deux méthodes, d'aborl appliquées au
cerceau et au monocycle, ont permis d'aborder ensuite
l'étude de la bicyclette: équilibre avec les mains, sans
les mains, et stabilité de ces équilibres. ;
Les résullats sont ceux-ci : Les termes principaux de
l'équation d'équilibre sont la pesasteur et la force
centrifuge. Celle-ci dépend de l'angle du guidon. Aux
vilesses habituelles, elle à une prépondérance considé
rable, d'autant plus grande que la marche est plus
rapide. Aussi le guidon doit-il être manœuvré avec pré
caution et par mouvements insensibles. Mais le corps
peut être déplacé sans crainte de chule brusque.
Pour le lâche-mains, l’auteur trouve que le seul ré
gime d'équilibre est la marche rectiligne si le corp
reste droit; une conversion ne peut être obtenue par lé
cavalier qu'en portant et maintenant le corps incliné
du côté où il veut tourner.
Quant à la stabilité, elle n'existe pas si le guidon est
fixé; mais l'instabilité est faible, assez pour que le ca
valier ait tout le temps de porter le guidon insensible
ment à droite et à gauche, de facon à retrouver, par
une sorte d'oscillation voulue autour de la position
d'équilibre, la stabilité qui n'existe pas en théorie.
Dans le làche-mains, les formules donnent deu
limites de la vitesse, environ 10 kilomètres et 16 kilo
mètres à l'heure. Entre ces deux limites, le régime
serait stable; en dehors, il serait instable. Toutefoi
l'instabilité du côté de la limite supérieure est très
faible; maxima vers 18 kilomètres à l'heure, elle tend
vers zéro à mesure que la vitesse augmente.
M. Carvallo termine en indiquant une méthode
permet d'étudier l'influence du frottement sur la stah
lité; il indique qu'il y aurait lieu de l'appliquer à Ja
bicyclette et qu'elle augmenterait la stabilité. L'auteu
poursuit actuellement cette recherche; elle fait prévoit
que le frottement rend stables les régimes qui seraient
instables au delà de la limite supérieure (16 kilome}
Bien entendu, les évaluations numériques dépendent
de la bicyclette considérée, notamment de la place dé
l'axe du guidon par rapport au centre de la roue direcs
trice et à son point de contact avec le sol. E, AM
2
2° Sciences physiques
V. Ostwald, Professeur de Chimie à l'Université
de Leipzig. — Die wissenschañftliche Grundlage
der analytischen Chemie (Les bases scientifiques
de la Chimie analytique). — 1 vol. in-8 de 221 pages.
(Prix : 8 fr. 75.) Engelmann, éditeur. Leipzig, 1904.
Ainsi que le titre l'indique, l'ouvrage du savant pro-
esseur de Leipzig n'est pas un traité de Chimie analy-
que, écrit spécialement en vue des praticiens; la partie
pliquée est réduite, au contraire, à sa plus simple
Kpression.
Ce qui le distingue des autres publications sur le
“nnème sujet, c'est la première partie, théorique, dans
quelle l’auteur s’est efforcé de montrer tout le parti
“que les méthodes analytiques peuvent tirer des con-
Ceptions modernes de la Chimie physique, telles qu'elles
se sont développées dans ces vingt dernières années.
» Les opérations générales de la Chimie analytique y
Sont expliquées à la lumière de ces théories, et l’auteur
fait ressortir, avec une grande évidence, selon nous,
leur caractère éminemment utile au point de vue
Mtlidactique. On s'en rendra compte en jelant un coup
d'œil sur les principales questions traitées dans cette
première partie.
Après un premier chapitre, relatif aux caractéris-
“tiques qui permettent d'identifier les corps, l’auteur
aborde, dans les deux chapitres suivants, les diverses
méthodes de séparation, basées sur des moyens phy-
siques : la filtration, la théorie du lavage des précipités,
Pétat colloïdal et les phénomènes de décantalion y sont
articulièrement étudiés, ainsi que la distillation et les
rocédés de séparation de deux liquides par les moyens
d'extraction. ;
- Ici encore, la théorie donne une idée très claire
des conditions pratiques dans lesquelles ces opérations
“doivent être mises en œuvre.
…. En ce qui concerne les procédés de séparation chi-
mique, qui font l'objet des 1v° et v® chapitres, l'auteur
“se place au point de vue général de la théorie moderne
“des solutions ; il expose d'une facon élémentaire les
principales propriétés des ions, puis les lois des équi-
libres chimiques et de la dissociation, spécialement
“considérée au point de vue des séparations chimiques;
es réactions chimiques elles-mêmes y sont envi-
“sagées au point de vue des vitesses de réaction.
Dans un paragraphe consacré à la précipitation,
auteur étudie spécialement le rôle de la sursaturation,
les propriétés du « produit de solubilité », la disso-
ution des précipités.
Enfin, il indique, d'une facon élémentaire, les
données fondamentales sur lesquelles sont basées
ujourd'hui les méthodes de séparationélectrochimique.
La seconde partie est consacrée à l'étude des prin-
cipales réactions qui sont employées dans la Chimie
analytique pratique, soit pour séparer les métaux les
uns des autres, soit pour les doser. Ici encore l’auteur
se place absolument au point de vue des théories mo-
dernes, et laisse plus ou moins dans l'ombre tous les
développements sur lesquels ces théories ne projettent
pas quelque clarté,
—… C'est donc cette nouvelle manière d'exposer la Chimie
analytique qui donne à cet ouvrage an caractère qui
ui est bien particulier.
Ajoutons enfin que, dans un supplément d’une visg-
taine de pages, qui termine le volume, sont décrites
diverses expériences de cours, très faciles à exécuter,
qui peuvent servir à illustrer cette manière d'exposer
Ja Chimie analytique, telle que la comprend M. Ostwald.
Nous ne doutons pas que ce petit ouvrage, qui à
déjà été traduit en anglais, en russe et en hongrois,
m'intéresse aussi bien vivement les lecteurs de langue
française qui suivent les développements actuels de la
Chimie physique contemporaine.
Puicippe-A. GUYE,
Professeur de Chimie à l'Université de Genève.
L
e
i
BIBLIOGRAPHIE — ANALYSES ET INDEX 545
3° Sciences naturelles
Chevalier (Le R.P. S.) — Atlas du Haut Yang:-tse,
de I-Tchang fou à P'ing Chan Hien. 65 feuilles
ä44:2.500€, 51 X 40. Zmprimerie de la Presse Orien-
tale, à Shang-Hai.— Le Haut Yang-tseen 1897-1898
Voyage et description. — 2 fase. avec croquis et
figures, 97 p., 5 appendices. Ibid., 1899. La
Navigation à vapeur sur le Haut Yang-tse. —
Ibid., 1899. ]Zmprimerie de la Mission Catholique. En
vente chez Kelly et Walsh, 18 p. 4 cartes extraites
de l'Atlas, 1900 *.
. En affrontant les ennuis et les travaux d'une longue
navigation en jonque sur un fleuve chinois, le P.
Chevalier a simplement entendu servir la Science.
L'Observatoire de Zikawei qui concentre et distribue
les observations pour l'annonce des lempêtes à
Shang-Haï et plusieurs autres ports, souffrait. de
l'irrégularité et de l’imprécision des télégrammes
météorologiques originaires du Haut Yang-tse. Le
P. Chevalier résolut d'entreprendre une tournée d'ins
pection des stations el instruments installés par
les Douanes Impériales, et de provoquer l'établis
sement d'un poste au delà de Tchong King. Du même
coup, il importait de déterminer, dans tout le réseau, les
coordonnées des points principaux : ce fut l'objectif du
voyage, et c'en est un des résultats décisifs. Désormais
est fixée la position géographique des villes et escales
riveraines du Yang-tse entre Hankeou el Sui-fou * ;
météorologistes et cartographes n'ont plus qu'à enre-
gistrer les données acquises avec une conscience et une
compétence indiscutables *; la carte de l'amirauté an-
glaise est caduque *.
Le P. Chevalier ne s'est pas borné aux seuls relevés
astronomiques ; sa curiosité s'est portéeaussisur l'hydro-
graphie. Il accomplit son parcours dans des conditions
singulièrement favorables à ce genre d'études; son
embarcationu®, qui démarrait d'Ftchang le 5 novem-
bre 1897, remonta le Yang-tse pendant l'étiage, à la
période où émergent les bancs de sables et de galets.
les écueils, où s'accusent toutes les inflexions du
rivage, que masque la nappe d'eau gonflée par la crue ;
tous les accidents furent relevés à la boussole et notés.
A la descente, qui fut inaugurée le 27 janvier 1898, el
qui fut effectuée sur la ligne médiane du fleuve, la
sonde fut jetée par les deux aides chinois du Père,
tandis que celui-ci pointait toutes les variations des
mouvements de la barque. Tous ces détails méritaient
d'être signalés, car ils garantissent la haute valeur et la
sincérité de l'Atlas, véritable guide de la navigation.
L'Atlas se compose de 65 feuilles, à l'échelle de
vingt-cinq millièmes (1 centimètre pour 250 mètres)
la légende est en trois langues : francaise, anglaise,
1 Si l’on embrasse sous le nom conventionnel de Yang-tse
tout le système fluvial, on sera fondé à discuter le titre
mème : l'appellation de Æaut Yang-tse devrait être appli-
quée à la branche maitresse de la région proprement monta-
snense, jusqu'à Man-yng-tse (transcription anglaise : Man-
i-ssu) terminus de la navigation, à 40 /i en amont de P'ing-
Chom ; là commencerait le Moyen Yang-tse jusqu'au seuil
du plat pays, à l'issue des gorges (Cf. W. R. Carres : The
Yang-tse Chiang, dans la (eogr. Journ., XII, 4898, p. 225-
240 avec carte; C. E. Boni : La navigabilité du Fleuve
Bleu, dans la Æev. de Géogr., mars 1901, p. 170-180).
2 C'est le nom abrégé, mais usnel, de Souei-tcheou-fou.
5 Dans les appendices Il et III, voir l'exposé de la mé-
thode et des calculs; la position de 13 villes, dont 3 en aval
d'l'tchang, a été directement déterminée.
5 Dans une traversée rapide d'I'tchang à Haokeou, le P.
Chevalier a constaté qu'il y aurait lieu de rectifier et com-
pléter ce document (p.97). Ailleurs, près du Che-cheou-hien,
le chenal navigable s'est déplacé et la carte anglaise indui-
sait les bateaux à vapeur en un faux chemin (p. 11}.
5 Description de la jonque et de l'appareil de halage (p. 15-
A8, Cf. Boni, p. 173).
546
chinoise ‘ — la transcription ou « romanisation »
anglaise est par elle-même assez significative, car la
carte sera vraisemblablement plus consultée par des
Anglais que par nos compatriotes. — Sur chaque feuille
sont reportés les noms des localités, rive droite et rive
gauche ; enfin, sont figurés par des symboles spéeiaux
les sables, galets, grosses pierres, roches basses, roches
hautes, falaises; la profondeur est chiffrée en mètres.
Grâce à des touches très délicatement graduées,
l’image est claire et parlante.
Entre l’tchang et Sui-fou, le Yang-tse se développe
sur 1.124 kilomètres, dont 743 d'l'tchang à Tchong-king,
et 381 de ce dernier point à Sui-fou ?. C'est la section
la plus critique de l'artère navigable; mais elle n’en est
pas moins fréquentée, car elle est le chemin par où
s’échangent les produits de l'Etranger et de la plaine
chinoise avec ceux de la riche contrée du Sechouan et
du Tibet, dont Tchong-King et Sui-fou sont les entre-
pôts. Aussi, est-elle suffisamment connue. Toutefois, si
les notes et documents du P. Chevalier ne révèlent rien
de neuf ou d’'inédit, l'hydrographie et la géographie
feront leur profit de mainte remarque.
La vallée d'ltchang à Sui-fou est un couloir étroit,
s'évasant rarement en bassins où l'horizon s’élargisse.
L'issue du défilé sur le cône de déjection étalé en
une plaine alluviale marque la brusque retombée d’un
gradin montagneux, que souligne une puissante fracture,
celle du Hou Kouang ; c'est à l'itchang même que le
Yang-tse la coupe *. L’escarpement est le rebord d’un
massif tabuldire de calcaire paléozoïque, que le fleuve
perce sur 138 kilomètres, et dont la section Nord-Ouest
se redresse en plis. Plus loin, vers l'Ouest, un autre fais -
ceau de plis plus larges se profile en falaises sur le
fleuve. Assurément le P. Chevalier n'a pu apercevoir
que la facade, le premier plan de cet ensemble orogra-
phique. Il a distingué toutefois depuis l’tchang jusqu à
la frontière de Sechouan six formations géologiques,
qui sont des membres de ce que Richthofen appelle
l'arc du Kouei; il étend les limites du « Bassin Rouge » de
Richthofen au delà de Koueitcheou fou, puisque le
grès rouge qui donne le ton domine dans les collines
qui courent jusque vers Ouchan ; il est frappé enfin
de l'apparition d’une zone granitique entre les défilés
de Nieou Kan ma fei et d'l'tchang, zone dont Richthofen
a dénoncé la signification. Le P. Chevalier a discerné
les linéaments primordiaux de ce relief.
« En considérant, écrit-il, que presque toutes les
collines du Setchoan, à l'exception de quelques
chaînes plus hautes, sont formées de sédiments, con-
glomérats ou grès, il me paraît naturel de regarder
le sommet de toutes ces collines comme le fond
d'un ancien lac. Lorsque, par suite de la rupture des bar-
rages naturels, par le creusement successif des gorges,
les eaux se furent ouvert un passage vers l'immense
plaine basse du Houpé, et de là vers la mer, le lac se
dessécha ; le fond, déjà sans doute plus ou moins
‘ Pour la figuration des caractères, dit le P. Chevalier
dans la Préface, le système suivi est celui du Cursus litera-
turæ sinicæ de R.P. Zorrour. Les noms chinois, recueillis
au cours de l'expédition ont été rectifiés par des lettrés ou
d'après les Annales (p. 61).
2 Les estimalions du P. Chevalier ne concordent pas avec
celles de M. Bonin (loc. cil., p. 171-172).
M. CHEVALIER
D'l'tchang à la mer. 1.750 kilom. 4.550 kilom.
D'ltchang au Tchong-king. 600 — 743 —
De Tchong-king à Sui-fou . 400 (envir.) LIRE
M. BONIN
La distance de P'ing-chan à la mer, évaluée par le capi-
taine Blakiston à 1.550 milles — 2,400 kilomètres environ
(CARLES, loc. cil., p. 231), n'est pas exacte, puisque de Sui-
fou, la distance est déjà de 2.674 kilométres.— Ajoutons que
le P. Chevalier a pu fixer à 400 mètres le Zi du Sechouan
(pau):
Ps Ricurorex * Ueber Gestalt und Gliederung einer Grund-
linie in der Morphologie Ost-Asieus, dans les Sitzungsber,
Akad. Berlin, XL, 1900, 893-898.
BIBLIOGRAPHIE — ANALYSES ET INDEX
accidenté, commença à se sillonner de ruisseaux, de
ravins, de vallées, qui dessinaient de plus en plus
les pics et les chaînes des montagnes actuelles. Telle
du moins m'apparaît la genèse du « Set choan »#
Quoi qu'il en soit de cette explication, les échantillons
géologiques rapportés par le P. Chevalier, les figuress
el croquis des paysages du Yang-tse, dont beaucoup
semblent vus el rendus à la chinoise, seront d'utiless
contributions aux notions déjà conquises sur l'architec-«
ture de l'Asie Orientale *. s
7 . . . %
Le Yang-tse est un travailleur énergique et qui n'a
point encore achevé sa phase héroïque ou militante.M
Son lit est eucombré de rapides: autant sur la
plate-forme nivelée d'l’tchang à la mer la pente est atté-«
nuée (0, 062 par kilomètre), autant elle s'accuse à
l'amont, 0%,19%, sur le bief l'tchang-Tchong-king,
0 25 %, sur le tronçon Tchong-king-Suitou *. Ce carac-
tère quasi torrentiel du Yang-tse n’est pas peu renforcé
par les écueils et les éboulis contre lesquels le cou-
rant se heurte et tourbillonne. Tous les obstacles
soit connus des naulonniers indigènes, qui les bapti=
sent de noms congrus et pittoresques ; la nomen-
clature des rapides fait honneur à l'imagination et à
l'humeur goguenarde des Chinois *.
Aurisque de quelques chavirages et du harassementdes
haleurs, les jonques franchissent les passes difficiles,
même lors des maigres eaux; et, quand le plan d'eau.
s'est haussé, elles évoluent avec aisance. Ce problème
intéresse surlout la navigation à vapeur. Sur la foi d'un
rapport vieux de trente ans, émanant d'une Commission
d'exploration anglaise, le Yang-tse fut déclaré imprati-
cable. Le P. Chevalier, dans une brochure spéciale, w
a réfuté ce dire, et, par une description topographique «
minutieuse, dissipé les préventions. « En remontant,
le Yang-tse, prononce-tl, nous wavons trouvé nulle
part ni couraut vraiment torrentiel, ni barrage, ni
aucun endroit qui ne présentât une passe libre d'au »
moins 400 mètres de large. Aux basses eaux, qui durent
environ quatre mois, il existe deux rapides qui offrent
l'aspect d'un barrage, el qu'il serait peut-ètre difficile M
de passer autrement que par un touage » 5. Paradoxe M
apparent : la navigation à vapeur est moins laborieuse;
moins dispendieuse qu'à la cordelle. « Notre manière
de naviguer à la cordelle nous oblige à longer de 1rès
près larive sur laquelle repose notre moteur. Nous
évitons ainsi le courant que nos haleurs ne pourraient
vaincre, nous profiltons des remous, mais, en revan-
che, nous sommes réduits à n'avaocer qu'au milieu
des rochers, où nous trouvons à chaque pas une pointe
à doubler, un récif à éviter, un rapide à franchir. Un
bateau à vapeur qui aurait à bord une force motrice
suffisante pour vaincre le courant du fleuve trouverait
partout une eau profonde et un chenal large sans
aucun écueil. Il serait donc dans des conditions de
sécurité incomparablement supérieures aux nôtres.
L'unique obstacle est la rapidité du courant, qui exige
un bateau à grande vitesse et par conséquent uue
machine consommant beaucoup de charbon *.
L'on sait que la solution pratique de la question a été
tentée. Le 4 mars 1898, la Jonque du P. Chevalier croi-
sait, lors de son retour, un petit vapeur, le Lecchuen
que montait M. Archibald Little, un des plus hardis
1.0. 84.
2, Parmi d'autres observations du même ordre, le P.Ghe-
valier signale (p. 73) des marmites fluviales (CF. BRUNHES :
Sur quelques phénomènes d'érosion et de corrosion fluviales,
dans les ©. AR. Acad. d. Se.: XXVI, 1898, p. 5575, 60).
# Ces évaluations sont dues au P. Chevalier (Appendice LV}
4 Certains rapides sont appelés passage des haricots; un
autre, banc de riz froid; un autre, ôte-tes-bottes. La topo-
nymie locale est curieuse, et l'on saura gré au P. Chevalier.
d'en avoir donné la traduction, même au prix de la pudeur:
{l est fort choqué du nom de tétine de vache appliqué à
une montagne, bien qu'il reconnaisse la justesse de l'appel-
lation (p. 8).
5 La navigation à vapeur, p. ÿ.
® Voyages et descriplions, p. 30.
pionniers, si l'on peut dire, du bassin du Yang-tse ‘,
et qui, quatre jours après celte rencontre, atterrissait au
quai de Tehong king. Ce futun tour de force, maisexécuté
lans des conditions anormales, En effet, outre que le
onnage et la vitesse de la chaloupe étaient trop faibles
pour une marche sûre et un trafic rémunérateur, il
fallut 100 à 150 hommes pour le hisser par-dessus les
pides du Sint'an et de Miaochitsé, « à la facon des
nques »,remarque assez ironiquement le P. Chevalier.
puis cette date, une canonnière anglaise, d'un modèle
pécial, réussit à monter jusqu’à Sui fou. Mais un vapeur
e commerce de Brême, le Suil-Siang, d'un tonnage
rop fort, s'échoua en chemin *.
Le P. Chevalier aura donc bien mérité des intéressés
en procédant, soit sur sa carte, soit dans le texte expli-
catif, au levé des rapides les plus périlleux ou les plus
mal famés : Le Sint'an ou nouveau Rapide de Yung-yan-
hien (15 kilomètres en amont de cette localité); l'T'tan
Rapide I (6 kilomètres en amont de Koei tcheou),
Sint'an,autre nouveau Rapide (10 kilometres en aval
> la même ville), enfin le Kong ling et le Ta-Tong,
plus rapprochés d'l'tchang. Les rapides dits nouveaux
sout dus à des éboulements de roches détrempées par
les pluies; un de ces accidents s'est produit à la fin de
896 *. Sans avoir pu partout jeter la sonde, le P.
Chevalier a déduit, d'après la vitesse du courant et le
débit dans les passes, la profondeur du chenal prati-
sable. Et il conclut qu'au prix de quelques déblaiements
Bt dérochements — travaux déjà en voie d'exécution
sous la direction des Douanes impériales — tout vapeur
filant 45 à 16 nœuds circulerait sans obstacle sérieux.
Nous n'avons pas ici à contrôler le témoignage ou
Pexpérience du P. Chevalier: ce que nous voulons rete-
nir, c’est que l'investigation des rapides livrera des
r
éléments précieux pour l'hydrologie du fleuve.
L'Atlas du Haut Yang-tse est donc aujourd'hui le
document le plus sûr et le plus suggestif pour la péné-
lration du bassin, et notamment du Se-Tchouan, ce
foyer d'attraction et ce champ d'exploitation que se
disputent les Puissances commerciales #, Il est vrai,
“s'il faut en croire le P. Chevalier, que ces âpres con-
yoitises s'exposent à quelques déceptions. La population
Jui a paru moins nombreuse et moins dense qu'on se
Î imagine. « En tout cas, elle est très pauvre el habituée
à des besoins minimes », trop misérable encore pour
ayer les articles « offerts à sa cupidité ». Ce n'est
la qu’une impression personnelle, le P. Chevalier
>onfesse: que les questions économiques lui sént peu
amilières.
II n’a donc fait qu'effleurer ce sujet. Que n’a-t-il usé
de la mème discrétion au regard de la question des
missionnaires *. Bien que le récit soit rédigé sous
forme de journal de voyage, une polémique religieuse
et politique n'en est pas moins déplacée dans une œuvre
de science, qui eût gagné à n'être que le commentaire
de l'Atlas.
BERTRAND AUERBACH,
Professeur de Géographie à l'Université
de Nancy.
.! M. Liltle a conté lui-même sa tentative dans la 3° édi-
tion (Londres, 1898) de son célèbre ouvrage: Through the
Yanç se gorges or Trade and Traval in Western China.
2 Boxn, Loc. cit., 172. Cf. Eseere: Mit dem Dampfer über
die Yang-tse Schnellen (Ostasiatische Rundschau, 1, fase. 3,
P: 43-61. Shanghaï, Deutsche Druckerei, 1901).
n ! On comparera la description du P. Chevalier (p. 39)
vec celle de Bourxe : The New Rapid on the Yang-tse,
e0gr. Journal, 1897, X, p. 191-105; ainsi que les croquis
1 XVIII de l'Atlas et Bourne, p. 193). Cf. Evssenic: Notes
r les rapides du Yang-tse-kiang, dans les Annales de
160gr., p. b22-6 1895-1896.
4 M. Boni (loc. cit., p. 1179) considère que la voie fluviale
sera toujours préférée, pour le traïüc, au chemin de fer, et
oute que la ligne ferrée du Tonkin, même si elle attei-
gnait Sui fou püt jamais détourner le courant. Cf. Capit. K.
enNarD. L'Indo-Chine (Rev. de Paris, 15 févr. 1901, p. 748.)
_ 5 P. 60 et suiv.
BIBLIOGRAPHIE — ANALYSES ET INDEX
947
4° Sciences médicales
Lemaître (Aug.), Professeur au Collège de Genève.
— Audition colorée et Phénomènes connexes
observés chez des écoliers. — 1 vol. in-$ de
1793 pages, avec 120 figures. (Prix : 4 fr.) F. Alcan,
éditeur à Paris, et Ch. Eggimann et C', éditeurs
à Genève, 1901.
Sous ce titre, l'auteur nous donne les résulats d'une
enquête qu'il a faite sur les élèves de la sixième classe
du Collège de Genève. Ce livre est une excellente con-
tribution à l'étude de l'audition colorée, en ce sens
qu'il nous apporte une très ample moisson de docu-
ments.
Sur 112 élèves répartis entre les quatre divisions de
cette classe, 40 possèdent des photismes, c'est-à-dire
des associations de sons et de couleurs, soit 36 0/,,
pourcentage sensiblement supérieur au pourcentage
moyen (15 °/,) constaté jusqu'ici. Quant à la nature
des couleurs correspondant aux voyelles, cette étude a,
comme les précédentes, souligné l'absence de tout
caractère constant.
L'a et li s'associent à sept espèces de couleurs,
avec, toutefois, une prédominance du rouge pour l'a
et du blanc pour l'r.
L'e et lu revêtent neuf espèces de couleurs, sans
prédominance sensible de l’une ou de l’autre.
L'o évoque aussi neuf espèces de couleurs, mais
avec une prédominance du noir.
Les consonnes, les jours de la semaine, les mois de
l’année, les nombres ont aussi leur coloration, sans
qu'on puisse y remarquer plus de fixité que chez les
voyelles. Il est à regretter que l’auteur n'ait pas jugé
bon de faire préciser la nature de cette image chroma-
tique.
Les lecteurs de la /tevue générale des Sciences que
la question de l'audition colorée intéresse savent, en
effet (voir numéro du 30 août 1000), que celui pour
lequel il n'existe qu'une cerlaine convenance d'har-
monie entre les sons et les couleurs n'est pas audilif-
coloriste au même tilre que celui qui possède des
images extériorisées ; el l'on peut se demänder s'il y a
de l'audition colorée dans le fait de voir: Janvier et
février, blancs; mars, avril et mai, verts; juillet et août,
jaunes; septembre, octobre et novembre, gris.
Sur les 112 élèves de la sixième classe, 21 possèdent
des diagrammes, phénomène « qui se distingue du pho-
tisme en ce qu'il s'applique non seulement aux mots
considérés en eux-mêmes, mais en ce quil consti-
tue une série, un groupement spécial de termes simi-
laires occupant dans le champ de la vision mentale
une position déterminée ». Ainsi, par exemple, les mois
de l'année sont vus écrits, chaque fois que le sujet y
pense, sur toute la longueur d'une circonférence ou
d’une ellipse, ou encore éveillant l'idée d'une hoîle à
compartiments ou des parallélogrammes combinés; les
chiffres, sur une ligue qui s'élève de droite à gauche,
ou de gauche à droite, et par paliers plus ou moins
réguliers, etc. Enfin, 2 élèves seulement ont des per-
sonnifications; en d'autres termes, ce sont des person-
nages qu'évoquent chiffres, mois de l’année, jours de
la semaine, etc.
Mais la majeure partie du livre (11% pages) est consa-
crée à l'exposé des synopsies de trois sujets excep-
tionpels. On ne saurait donner une idée de la bizarrerie
des phénomènes qu'offrent Rodolphe Moine, Pierre
Lelort et Jules Pradel et qu'illustrent 103 figures.
Quant à l'explication, M. Lemaitre fait une large
part à l'associalion, surtout inconsciente, sans oublier,
toutefois, que l'association ne peut être que la cause
orcasionnelle du phénomène et que, pour produire
l'audition colorée, il faut un terrain prédisposé.
JEAN CLAVIÈRE,
Professeur de Philosophie,
äu Collège de Château-Thierry.
.
ACADÉMIES ET SOCIÉTÉS SAVANTES
ACADÉMIES ET SOCIÉTÉS SAVANTES
DE LA FRANCE ET
ACADÉMIE DES SCIENCES DE PARIS
Séance du 13 Mai 1901.
M. le Secrétaire perpétuel annonce à l'Académie le |
décès de M. Henry Rowland, Correspondant pour‘ la
Section de Physique, — La Section de Médecine et de
Chirurgie présente la liste suivante de candidats à la
place laissée vacante par le décès de M. Potain: En
première ligne, MM. Charrin et Jaccoud; en seconde |
ligne, MM. Cornil, Fournier, Hayem, Lancereaux, |
Laveran et Richet.
19 SCIENCES MATHÉMATIQUES. — M. Henri Dulae étudie
les intégrales réelles des équations différentielles du |
premier ordre dans le voisinage d’un point singulier. —
M. Lelieuvre communique ses recherches sur certaines
relations involutives par rapport à p variables x, y..., ,
qui se rencontrent dans certains problèmes de Géomé-
trie et qui sont caractérisées par la propriété d'être
vérifiées par tout groupe de p quelconques des m rü-
cines d'un polynome entier f(x).—M. F. Siacci indique
quelques cas d’'intégrabilité d’une équation posée par
d’Alembert et relative au mouvement d'un projectile
dans un milieu résistant, la résistance étant supposée
directement coutraire à la vitesse et fonction de la seule
vitesse. — M. P. Duhem, en partant des théorèmes |
d'Huguniot et des lemmes de M. Hadamard, démontre |
que, quel que soit l’ordre d’une onde, elle ne peut se
propager au sein d'un fluide visqueux. |
20 SciENCES PHYSIQUES. — M. G. Lippmann présente |
|
un salvanomètre parfaitement astatique (voir page 551)
— M. H. Pellat décrit une expérience d'oscillation
électrique (voir le compte rendu de la séance du 7 juin
de la Société francaise de Physique). — M. R. Paillot a
étudié, par la méthode de l'isthme, la perméabilité des
aciers au nickel dans les champs intenses. Pour les |
aciers irréversibles, la perméabilité augmente sensible-
ment dans les chàämps intenses. Pour les aciers réver- |
sibles, elle diminue, au contraire, régulièrement quand |
le champ augmente. — M. Larroque indique les lois
de l'écoulement de l'air dansles instruments de musique.
— MM. Tissier et Grignard ont préparé des dérivés |
organo-magnésiens aromatiques: bromure de magné- |
sium-phéuyle et de magnésium-tolyle. Le premier ré- |
agit sur le beuzoate de méthyle pour donner le triphé-
nylcarbinol (C*H°COH, sur l’acétone pour donner le
phényldiméthylcarbinol C$H*(CH*?COH; sur le chlo- |
rure d'acélyle pour donner après déshydratation le
diphényléthylène (C6H°):CH?. — M. A. Etard, en sou-
mettant à l'hydrolyse sulfurique les os de bœuf décal-
citiés, a obtenu : 1° du glycocolle, de la leucine et un
peu de tyrosine ; 2° une matière sirupeuse très so-
luble dans l’alcool coucentré; 3° une matière tout à fait
insoluble dans l'alcool méthylique concentré. La partie |
insoluble peut-être obtenue à l'état cristallin; elle corres-
pond à peu près à la composition C#HP5Az"0'ÿ et fixe
une molécule de BaO. — M. Th. Schlæsing' fils a déter-
miné la quantité d'acide phosphorique soluble dans
l'eau de diverses terres et a trouvé des chiffres allant
de 130 à 440 ky. à l'hectare, stock qui peut subvenir aux
besoins de nombreuses récoltes. La proportion d'acide
phosphorique soluble dans l'acide azotique très dilué
{{ à 2 dix-millièmes) suit celle des phosphates solu-
bles daus l'eau. — M. Hexzri Lasne à fait l'analyse de
deux échantillons d'amblygonite recueillis à Montebras
(Creuse), Il en déduit la formule suivante :
EE / 0
2[(Po+ *F(Li pts EE =. n) |
+ mAI1F.0H):.
DE L'ÉTRANGER
où 21 est égal à 5 pour le premier échantillon et à $
pour le second.
39 SCIENCES NATURELLES. — M. R. L. Craciunu a cons-
taté, d’une facon générale, que les déchets qui s'accu-
mulentdans la bile sont plus abondants dans la jeunesse
et à l'état de maigreur que dans la vieillesse et à l’état
d'engraissement. L'excrétion de la lécithine est maxima
chez les animaux vieux, maigres ou gras, comme si
cette substance était un produit de déchet de l'organisme.
— M. A. Guilliermond a étudié la sporulation des le-
vures, en particulier du Sacch. Ludwigii. Au moment
de la sporulation, il semble s'effectuer une sorte de
dissolution des grains rouges contenus dans les vacuoles
et ces corps paraissent se comporter comme des matières
de réserve.
20 Mar 1901.
membre dans la Section de
Séance du
M. A. Laveran est élu
Médecine et de Chirurgie.
1° SCIENCES MATHÉMATIQUES. — M. J. Janssen annonce
qu'il a recu de M. de la Baume-Pluvinel, chargé d'ob-
server l'éclipse de Soleil du 18 mai à Sumatra, une
dépêche signalant que les observations ont été bonnes.
M. Binot, chargé d'une mission analogue à la Réunion,
a eu également un temps superbe. — M. G. Bigourdan
a observé à Paris, daus la nuit du 17 au 48 mai, l'éclipse
du quatrième satellite de Jupiter. — M. M. Luizet
communique ses observations de Nova Persée du
1e mars au 29 avril, faites par la méthode des degrés.
Les variations rapides d'éclat de cette étoile atteignent
encore une grandeur; mais il ne semble pas que leur
périodicité soit régulière. — M. Léon Autonne com-
munique six nouveaux théorèmes sur les groupes régu-
liers d'ordre fini.
20 SciENGES PHYSIQUES. — M. L.-C. de Coppet commu-
nique les abaissements moléculaires de la température
du maximum de densité de l’eau produits par la dis-
solution des chlorures, bromures et iodures de potas-
sium, sodium, rubidium, lithium et ammonium. Le rap-
port entre les abaissements produits par le chlorure et
bromure (ou le bromure et l’iodure) d'un même métal
est sensiblement le même pour tous les métaux du
groupe. — M. Pierre Lefebvre a étudié la décompo-
sition des alcools passant sur le carbure de calcium
chauffé vers 500°. On obtient, dans tous les cas, un
excès considérable d'hydrogène libre ou combiné; par
contre, les produits liquides présentent un déficit d'hy-
drosene ; on trouve, en effet, l’aldéhyde correspondaut
à l'alcool employé. — MM. Ch. Moureu et H. Desmots
ont réalisé la synthèse des alcools primaires acét\ié-
niques par la coudensation des carbures acétyléniques
vrais avec l'aldéhyde formique. En partant de l'œnuan-
thylidène, on obtient l'alcool amylpropiolique; avec le
phénylacétylène, on a l'alcool phénylpropiolique. —
M. P. Freundler, à propos de la note de M. Descudé
relative à l'action des chlorures d'acide sur les éthers-
oxydes en présence du zinc, rappelle que M. Freund à
déjà obtenu des résultats analogues. M. Freundler lui-
même étudie depuis quelque temps l'action du couple
zinc-cuivre sur les chlorures d'acides. — M J.-A. Tril-
lat a reconnu que : 1° tous les alcools primaires de la
série grasse sont oxydables sous l'influence de la spi-
rale de platine; 2 on peut limiter l'oxydation à lal-
déhyde correspondant à l'alcool; 3° la présence d'eau
n'est pas un obstacle à l'oxydation ; elle peut même la
favoriser; 4° les corps poreux et le noir de platine
donnent par oxydation les acides correspondauts plutôt
que les aldéhydes; 5° la formation des acétals, sous
l'influence catalytique, est constante, au moins pour
ACADÉMIES ET SOCIÉTÉS SAVANTES
es premiers termes de la série grasse : én outre, la
réaction est réversible. — M. Ach.Livache à étudié la
substitution du blanc de zinc à la céruse dans la pein-
ture à l'huile et les enduits. Les compositions et prix
de revient de tous les produits à base d'oxyde de zinc
qu'il a obtenus ont été reconnus comme donnant en-
tière satisfaction au point de vue de la pratique, tout
en présentant le double avantage d’être inoffensifs et
moins altérables. — M. Th. Schlæsing a recherché
sous quel état se trouve l’alumine dans les terres végé-
tales, en particulier certaines terres de Madagascar. La
plupart des échantillons étudiés contiennent, en pro-
portions souvent considérables, soit de l'alumine libre,
Soit un silicate de cette base très attaquable par une
“dissolution diluée de soude; cette alumine et ce sili-
cale se trouvent, en majeure partie, à l’état sableux, et
ne sont pas des agents de ténacité dans ces terres;
enfin, ils ne paraissent pas faire obstacle à la végéta-
tion. — M. P. Tailleur à constaté que la plantule du
hêtre contient un glucoside et une diastase qui, sous
l'action de l'eau, donnent naissance à de l'éther méthyl-
ssalicylique et à du glucose assimilé par la plante. Cette
réaction, localisée dans l'axe hypocotylé, ne se produit
ni dans la graine, ni dans la plantule âgée. La forma-
tion de l'éther méthylsalicylique est donc caractéris-
“ tique de la période germinative du hêtre. — M. L. Hu-
“ gounenqg, en faisant réagir le persulfate d'ammoniaque
“sur l'albumine, a constaté la formation de 5 /, d'urée.
…. 3° SCIENCES NATURELLES. — MM. Bordier et Gilet ont
«étudié l'électrolyse des tissus animaux, et ont reconnu
nm que la condition nécessaire pour que le courant ne
subissé pas une chute sensible après le renversement,
c'est la présence constante, au niveau des aiguilles,
d’un électrolyte en quantité suffisante pour imprégner
les tissus. — MM. M. Caullery et F. Mesnil ont observé
que le cycle évolutif des Orthonectides comprend au
moins deux termes bien distincts, ayant chacun leur
*individualité : les plasmodes, les formes ciliées sexuées;
il y a, si l’on veut, alternance de générations. — M. L.
Duparc à distingué sept types principaux dans les
schistes de Casanna en Valais : 1° micaschistes et gneiss
à mica blanc ; 2 chlorito-schistes et gneiss chloriteux;
3° schistes et gneiss chlorito-micacés ; 4° schistes cal-
caréo-micacés et chloriteux ; 5° schistes amphiboliques;
6° schistes à glaucophane; 7 schistes à chloritoide. —
M. W. Kilian communique quelques observations sis-
- mologiques faites à Grenoble. Cette station enregistre
régulièrement, non seulement les ébranlements locaux,
mais des secousses lointaines. Louis BRUNET.
ACADÉMIE DE MÉDECINE
Séance du 30 Avril 1901.
M. le Président annonce le décès de M. H. Napias,
membre de l'Académie.
M. Hervieux lit un Rapport au Ministre de l'Intérieur
sur les instituteurs et institutrices qui ont contribué
le plus activement à la propagation de la vaceine. —
M. Delorme signale le cas d’un militaire qui fut blessé
- presque à bout portant par une balle de fusil Lebel;
celle-ci produisit une fracture de l'humérus, une
section de l’humérale et de la radiale et une dilacé-
ration explosive de l’avant-bras. Traité par la méthode
conservatrice, le membre a gardé sa fonction, ayant
seulement perdu une partie de sa force et de sa
— mobilité — M. E. Scrini lit un mémoire sur le
… strabisme chez les nouveau-nés. — M. Lemoine (de Lille)
“ communique un travail sur les sanatoria dans le
à ‘traitement de la tuberculose. — M. Morel-Lavallée lit
- un travail sur la nature et le traitement de la goutte.
— M. de Langenhagen donne lecture d'un mémoire
sur un cas de pseudo-lithiase intestinale d'origine
- médicamenteuse,
LI
" Séance du 7 Mai 1901.
\* M. Panas présente un rapport sur un travail de
… M. José Presas relatif à de nouvelles échelles optomé
D "is
#4
CAS AE TE
A à REVUE GÉNÉRALE DES SCIENCES, 1901,
triques et chromo-photométriques. L'auteur a été
amené à remplacer dans tous les cas les échelles typo-
graphiques par les échelles formées de carrés ouverts
d'un seul côté destinées aux illettrés. Il se rattache
complètement au système Landolt. — M. Régis (de
Bordeaux) lit un mémoire sur le délire onirique des
intoxications et des infections.
Séance du 4% Mai 1901.
M. Chauvel présente un rapport sur un mémoire de
M. Galezowski concernant les névrites el thromboses
rétiniennes paludéennes et leur guérison par la quinine.
Il ne semb'e pas que, dans tous les cas, on se trouve
bien en présence d’affections oculaires d’origine palus-
tre. Celles-ci n'en sont pas moins bien établies, ainsi
que le bon effet du trailement par la quinine. —
M. A. Raïlliet présente un rapport sur un travail de
MM. Lucet et Costantin relatif à quelques champignons
pathogènes nouveaux. Les auteurs ont observé, dans
les crachats d’une femme atteinte d'une affection lente
des voies respiratoires, un champignon qu'ils nomment
Rhizomucor parasiticus. Un cheval atteint de teigne
leur à fourni trois champignons : Wucor corymbiter
var. Truchisi, M. e. var. Regnieri et Sterigmatocystis
pSeudo-nigra. — M. J. V. Laborde cite des cas qui
montrent que, lorsqu'on fait intervenir des sensations
auditives agréables, en particulier des sensations
musicales, sur unsujet, en même temps qu'on pratique
l'anesthésie opératoire par le peroxyde d'azote, le sujet
supporte des opérations très douloureuses, en parti-
culier sur les dents, sans ressentir, pendant et après,
la moindre souffrance. — M. Hacks lit un mémoire
sur la scrofule des enfants. — M. Suarez de Mendoza
lit un travail sur le vertige nasal guéri par l’ablation
bilatérale d’un copeau de la cloison épaissie.
SOCIÉTÉ DE BIOLOGIE
Séance du 27 Avril 1901.
M": Rondeau-Luzeau a étudié l’action des solutions
isotoniques de chlorures et de sucre sur les œufs de
Rana fusca. — MM. Tuffier et G. Milian montrent
que le cytodiagnostic différencie d’une manière absolue
la péritonite tuberculeuse du kyste de l'ovaire; le
liquide de la première renferme des lymphocytes,
tandis que celui de la seconde contient une très grande
variété de cellules, surtout de très grosses cellules
rondes ou ovalaires vacuolées. — M. André Lombard
a reconnu que l’hyperleucocytose est constante après
l'injection d'atropine ou de strychnine à un animal
réfractaire. Elle est d'autant plus manifeste que l’ani-
mal est plus réfractaire et que la dose injectée est plus
considérable. — M. A. D. Waller à constaté que les
rayons qui font travailler es chloroplastes sont surtout
les rayons lumineux rouges. — M. G. Weiss à reconnu
qu'au voisinage de l’optimum d'excitabilité du nerf,
pour des ondes de même durée, l'excitation est direc-
tement liée à la quantité d'électricité mise en jeu, et
non à la quantité d'énergie dépensée. — M, H. Ribaut
a constaté que le violet de méthyle, en se fixant sur
les cellules hépatiques, paralyse leur fonction anticoa-
gulante dont l'exercice est provoqué par la peptone à
l'état normal. — MM. Bordier et Lecomte prouvent
que les courants de haute fréquence, appliqués suivant
la méthode de l'auto-conduction, activent notablement
les réactions interstitielles, et par suite augmentent la
production de l'énergie calorifique dissipée dans le
milleu extérieur par la surface du corps des ani-
maux. — M. H. Surmont a préparé un sérum cyto-
toxique pour la cellule paucréatique du chien en injec-
tant dans la cavité périlonéale des lapins une émulsion
de cellules pancréatiques du chien. MM. P. Carnot
et M. Garnier poursuivent depuis plusieurs mois des
recherches analogues. — M. H. Dominici a recherché
la formule hémoleucocytaire de la vaccine expérimen-
tale du lapin. 11 à distingué trois périodes : mononu-
cléose faible, suivie d’une polynucléose, qui fait place
TES
ACADÉMIES ET SOCIÉTÉS SAVANTES
elle-même à une mononucléose marquée. — MM. CI. | toxique très nette. — M. P. L. Simond décrit deux
Regaud et A. Policard ont constaté, chez la chienne,
que l'épithélium folliculaire élabore une substance à
réaction histochimique spéciale, qui se présente sous
forme de gouttelettes logées dans des vacuoles intra ou
extra-cellulaires. Cette substance passe à travers la
zone pellucide, s'’accumule peu à peu dans le proto-
plasma de l’ovule, qui, arrivé à maturité, en renferme
une quantité considérable. — Les mêmes auteurs
déduisent, de leurs recherches sur le testicule de porc,
que la fonction sécrétoire des cellules interstitielles
s'établit bien avant la fonction spermatogénétique ({es-
iicule impubère) et qu'elle persiste lors même que la
fonction spermatogénétique ne s'est jamais établie (tes-
ticule ectopique). — M. F. Cathelin annonce quil a
expérimenté simultanément et indépendamment de
M. Sicard, la méthode des injections épidurales d’anes-
thésiques par le procédé du canal sacré. Cette mélhode
présente des avantages marqués sur celle des injec-
tions sous-arachnoïdiennes. — M. Angel Gallardo
montre que les croisements des radiations polaires
dans les figures karyokinétiques ne sont nullement
incompatibles avec l'adoption d’une interprétation dyna-
mique, et viennent plutôt la compléter. — MM. Athias
et C. França ont constaté la présence de Was/zellen
dans les vaisseaux corticaux, chez un paralytique
général.
Seance du 4 Mai 1901.
M. C. Bonne a constaté, au niveau d'une bronche
chez un bœuf sain, l'existence d'une leucocytose éosi-
nophilique avec essaimage des granulations dans le
voisinage d'une glande en suraclivité. — MM. Lecène
et Legros signalent un cas d'hémothorax traumatique
infecté à streptocoque et à B. perfringens. — M. Le-
gros a employé le sérum antidiphtérique dans le trai-
tement de la pneumonie expérimentale chez la souris:
les résultats ont été toujours négatifs. — MM. Sabrazès
ei Fouquet ont constaté que l’urine du chien à la ma-
melle n'est pas hématolysante. — M. Nocard admet
l'identité du surra et du nagana; par contre, il lui pa-
rait certain que le trypanosome de la dourine est spé-
cifiquement différent de celui du nagana. — M. G.
Weiss énonce la loi suivante de l'excitation électrique
des nerfs : Quand une excitation électrique parcourant
un nerf a une durée {, la quantité d'électricité néces-
saire pour provoquer la réponse minima est liée au
temps par la formule Q = a+ bt, a et hb étant deux
coefficients indépendants des condilions de l’expé-
rience. Toutes les qualités déterminées par cette for-
mule sont physiologiquement équivalentes. — M. H.
Stassano à observé que le petit noyau des trypanoso-
mes donne naissance à un flagelle accessoire se diri-
geant vers la partie postérieure. M. A. Laveran, qui a
examiné les mêmes préparations, croit cette conclusion
prématurée. — MM. CI. Regaud et A. Policard ont
étudié les phénomènes sécrétoires, les formations erga-
stoplasmiques et la participation du noyau à la sécré-
tion dans les cellules des corps jaunes chez le Héris-
son. — M. CI. Regaud met en lumière l'indépendance
relative de la fonction sécrétoire et de la fonction sper-
matogène de l’épithélium sémival: un testicule stérile
n'est pas par cela même un organe absolument inutile.
— M.9. P. Morat a observé, dans les ganglions spi-
naux de la grenouille, une réserve adipeuse très abon-
dante en hiver et qui disparait complètement en été. —
M. C. Bonne pense que ces goutlelettes graisseuses à
existence temporaire sont des matériaux de réserve
destinés à la nutrition de la cellule nerveuse. — M. F.
Cathelin indique la technique des injections épidu-
rales par la voie du canal sacré. Il pense que la cocaine
agit par osmose au travers des riches plexus veineux
intra-rachidiens. — M. A. Sicard indique également la
technique qu'il emploie dans les injections sacero-coccy-
siennes et quel est, selon lui, le mécanisme de l'anal-
gésie. — M. J. Hobbs à constaté que l'injection de
sérum d’urémique chez le cobaye a une action néphro-
nouvelles coccidies : le Coccidium Kermorganti qu'il as
rencontré dans la rate du Gavialis gangéticus, et le
Coccidium Legeri trouvé chez une tortue de l'Inde, le
Cryptopus qranosus. — MM. Ch. Achard et M. Loeper
ont étudié la formule leucocytaire dans quelques infee-
tions expérimentales. Elle paraît indépendante de Jam
nature des virus; elle dépend, au contraire, de la facon
dont s'accomplissent les réactions de l'organisme à
l'infection.
SOCIÉTÉ FRANÇAISE DE PHYSIQUE
Séance du 17 Mai 1901.
A propos de la récente Note de M. Morize sur des
méthodes propres à déterminer la vitesse des rayons\,
M. Bernard Brunhes fait remarquer que ces mé-
thodes ne sauraient permettre de mesurer que des
vitesses de beaucoup inférieures à la vitesse de law
lumière. — M. Georges Rosset présente une pile
électrique à dépolarisant spontanément régénérable
par réoxydalion directe à l'air. Le dépolarisant dem
cette pile, réduit par l'hydrogène de dépolarisation,
vient se réoxyder à l'air par la surface de la pile,
pendant son fonctionnement même et sans nécessiter
aucune manipulation : ce dépolarisant, qui se régénère
ainsi spontanément par réoxydation directe à l'air, est
donc inusable. 11 est constitué par du cuprate d'ammo-
nium, qui, réduit dans la pile, devient du cuprite;
celui-ci, à l'air, est ramené à l’élat de cuprate, et le
dépolarisant se trouve ainsi spontanément régénéré. Il
est intéressant de noter que le cuprite lui-même est un
oxydant, et peut dépolariser au besoin en déposant sur
le pôle positif (charbon) du cuivre métallique très bon
conducteur : lors d’un repos, ce cuivre se redissoult…
et reforme finalement le cuprate primitif. La solution
excitatrice, étant à base de chlorure d'’ammonium,
fournit de l'ammoniaque au pôle positif pendant le :
fonctionnement, ce qui compense les pertes inévitables
du dépolarisant en ammoniaque. La diffusion du dépo-
larisant est évitée par l'emploi d'une membrane col-
loïdale semi-perméable de ferrocyanure de cuivre,
obtenue par voie de précipitation chimique dans lé-
paisseur de la cloison poreuse. Grâce à l'ammoniaque
libre du dépolarisant, dans laquelle le ferrocyanure
de cuivre est soluble, cette membrane, toujours ré-
dans l'intensité est de moins de un milliampère par
vingt-quatre heures, pendant un mois qu'a duré l'essai.
Cette variation est d'ailleurs très continue. La cons-
tance de cette pile est donc remarquable. L'usure du
zine est extrêmement régulière
devient un véritable fil. Le renouvellement du zine et «
de la solution excitatrice rend à la pile son énergie
première : la courbe reprend la même allure, un mil-
liampère au-dessus de la première. Ce fait démontre
l'inusabilité du dépolarisant. En bouchant le trou de
respiralion du dépolarisant, la force électro-motrice
et le débit baissent plus rapidement que d'ordinaire, et
remontent quand on donne de nouveau accès à l'air.
On remarquera que les deux états d'oxydation, cuprate
et cuprite, sont obtenus dissous, condition indispen-
sable à ces réactions successives de réduction et de
réoxydation à l'air; que ces deux états sont de puis-
sants oxydants presque équivalents; que les produits
de la réduction, même jusqu'à l’état métallique, «
reviennent toujours à l'air à leur état primitif de
maximum d'oxydation; que la solution excitatrice peut
compenser au fur et à mesure les pertes inévitables du
dépolarisant en ammoniaque; qu'enfin la composition
même du dépolarisant permet d'entretenir la mem-
brane semi-perméable, qui doit en éviter la diffusion, à
l'état colloïdal convenable. Il y a là un concours de
circonstances qui font du cuprate d’ammonium une
€
£
le crayon de zinc M
|
ACADÉMIES ET SOCIÉTÉS SAVANTES 551
Solution particulièrement heureuse de ce problème si
itéressant : dépolariser par l'oxygène de l'air, au
moyen d'un intermédiaire chimique, et constituer par
üite un dépolarisant inusable. — M. G. Lippmann
résente un nouveau galvanomètre parfaitement asta-
ique. Au lieu d'employer deux aiguilles aimantées
Statisées l’une par l'autre, M. Lippmann n'emploie
uune seule aiguille 4h demeurant invariablement
ans le plan du méridien magnétique. Le courant à
nésurer passe dans deux bobines AB d’axe commun ap,
qui entourent respectivement les pôles a et h de l'ai-
ille aimantée et agissent dans le même sens, l'une A
porte l'aiguille ab; il est attaché au levier /, d'une
jalance de torsion. Au moyen du tambour torseur de
ette balance, on a réglé l'axe de la balance perpen-
diculaire à l'axe de l'aiguille ab. Quand le courant
it, l'aiguille ab se déplace parallèlement à elle-même
la Terre ne tend pas à déplacer l'aiguille; la seule
brce directrice est celle de la torsion de la balance *.
Malgré l'emploi d’un fil de cocon, le modèle présenté
par M. Lippmann est très maniable. La durée d'’oscil-
ation est d'environ une minute et l'amortissement est
complet ne trois oscillations. La sensibilité est pro-
portionnelle à Ja longueur du bras de levier de la
balancé de torsion. Il faut prendre une aiguille for-
lement aimantée et pas trop légère. La sensibilité
Rig.1.— Schéma du galvanomèlre astalique de M. Lippmann.
— 1h, aiguille aimantée; A, B, bobines; f, fil de cocon:
1, levier de la balance de HSQn portant un petit contre-
poids.
parait comparable à celle d'un galvanomètre Thomson.
ML'amorlissement devient très grand quand le galva-
iomètre est fermé sur lui-même. L'appareil, facile à
construire, est d'un emploi commode : l'orientation de
aiguille aimantée est bien fixe, tandis que les systèmes
i sont seulement astatiques par compensation ont
e orientation essentiellement variable. M. Pellat
it que cette variation du zéro s’observe, en effet, fré-
quemment avec les galvanomètres Thomson à aimant
irecteur. M. Broca dit qu'avec le système à deux
iguilles verticales de M. P. Weiss, formant un circuit
magnétique complètement fermé, on à un zéro très
ixe. 11 rappelle les excellents résultats qu'il a obtenus
lu moyen d'un équipage à points conséquents ; l’avan-
ge sur le galvanomètre de M. Lippmann est que ces
uipages sont insensibles à l’action d'un champ uni-
me et même encore à l’action d’un changement uni-
mément varié du champ. — A propos de la commu-
ation de M. A. Cotton, du 13 avril (Réseaux obtenus
ja Ja photographie des franges d'interférence),
M: Lippmann annonce la propriété suivante que devront
posséder les réseaux obtenus par M. Cotton: Si la
mière employée pour produire les franges renferme
eux longueurs d'onde différentes, À et \, le réseau
btenu par la photographie de ces franges sera capable
4, M. Lippmann montre que son galvanomètre est net-
ment différent de ceux qui sont dus à A. C. Becquerel. La
alance électromagnétique de A. C. Becquerel est environ
000 fois moins sensible que le galvanomètre astatique de
Lippmaon.
repoussant, l'autre B attirant l'aiguille. Un fil de cocon f
de dévier, dans la même direction, les lumières de
longueur d'onde À et X. Si la lumière productrice des
franges est blanche, le réseau enverra dans une même
direction toutes les couleurs de cette lumière et
par conséquent constituera un réseau achromatique.
M. Cotton indique qu'il n'a fait jusqu'ici d'expériences
qu'avec la raie indigo du mercure, employée seule.
Mais il avait, lui aussi, examiné le cas où les photo-
grapbies seraient faites avec plusieurs radiations super-
posées, et remarqué la réversibilité que M. Lippmaon
vient de signaler. Lorsque le réseau complexe obtenu
avec une lumière colorée, formée de plusieurs radia-
tious simples, est éclairé par un faisceau parallèle de
lumière blanche, il y a encore une direction priviié-
giée où les radiations primitives ont leurs maxima su-
perposés. En isolant (lentille et fente) les rayons dif-
fractés dans celte direclior, on peut théoriquement
reproduire la couleur de la lumière qui avait servi à
faire la photographie. Mais il faut que les maxima
soient suffisamment intenses et conservent leurs inten-
sités relatives. Il faut done que l’action photographique
et l'intensité de la lumière incidente aient entre elles
uve relation telle que chaque réseau élémentaire ne
donne qu'un spectre. M. Cotton reviendra, sur ces ques-
tions et présentera à la Société des réseaux qu'il obtient
avec les ondes stationnaires. — M. Guillaume signale
un mémoire de M. Lyman (Physical Heview, jan-
vier 1901), dans lequel l’auteur étudie l'apparition de
fausses raies spectrales dans les spectres des réseaux de
Rowland et les explique par l'influence des inégalités
périodiques des intervalles des réseaux. M. A. Cornu
signale les diverses erreurs que comporte l'emploi des
réseaux. IL rappelle comment on peut reconnaître les
inégalités périodiques par sa méthode du moiré, en
superposant presque parallèlement deux réseaux trans-
parents obtenus avec la même machine à diviser, ou,
d'une manière plus générale, deux copies transparentes
d'un même réseau obtenues par la méthode de M. Izarn.
Quand on trace un réseau, il faut rendre très constante
la tension du système qui relie la machine à diviser
au moteur; pour cela, il convient de produire la ten-
sion à l'aide de poulies et de poids tenseurs. Une expé-
rience très simple pour juger des défauts d'un réseau
consiste à observer la lueur que Je réseau diffracte
entre le premier spectre et l’image de la fente éclai-
rante. Dans un spectroscope à vision directe, sur Ja
fente duquel on fait tomber la lueur précédente, on
aperçoit plusieurs raies. Le réseau supérpose ainsi au
spectre régulier une foule de spectres tenant aux iné-
galités périodiques de la vis. D'une manière générale,
l'emploi d'un spectroscope par réfraction est uu con-
rôle nécessaire des observalions des spectres des
réseaux, outre qu'il fournit une dispersion particuliè-
rement grande dans l’ultra-violet. — M. D. Korda
signale un cas remarquable de vitesse de cristalli-
salion. En une fraction de minute seulement, il a fait
cristalliser, par refroidissement dans l'eau, des culots
de. ferrosilicrum. La forme des cristaux varie avec la
proportion de silicium : longues aiguilles pour 10 2/4
de silicium (formule Fe?Si); — tétraèdres de 1 à 10%"
de côté pour 22 à 23 °/, de silicium (formule Fesi);
— lames d'aspect micacé pour 50 °/, de silicium (for-
mule FeSi®). Des cristaux jaunes de ferromanganèse,
ou argentés de ferrochrome, se forment d’une manière
aussi rapide dans des conditions analogues.
SOCIÉTÉ DE CHIMIE DE LONDRES
Séance du 18 Avril 1901 (suite).
M. W. Ackroyd poursuit ses recherches sur les
eaux de Moorland, et montre que la présence duw chlore
s'explique facilement par la quantité de chlorure de
sodium existant dans l'eau de pluie, surtout en hiver.
— M. A. C. Perkin a étudié la rohinine, glucoside des
fleurs du /?ohinia pseudoacacia. Séchée à l'air, elle
possède la formule C#H*0?,8H°0. Elle est hydrolysée
par les acides minéraux dilués en une matière colo-
532 ACADÉMIES ET SOCIÉTÉS SAVANTES
rante C#H!°05, identique au camphérol, et un sucre,
qui donne une osazone mêlée, renfermant de la dex-
trosazone et probablement de la galactosazone. L'osy-
r'itrine, glucoside de l'Osyris compressa, séchée à 1300,
possède la formule 2C?*H*#01%,H°0. La violaquereitrine,
glucoside de la Viola tricolor, possède à 160 la formule
C?7H°°0'°; séchée à l'air, elle renferme 3H?0, et se
trouve identique à l’osyritrine. — M. J. C. Irvine
indique un procédé rapide de préparation de l’éther
méthylique de l’aldéhyde salicylique : on fait réagir
avec l’oxyde d'argent sec un mélange d'aldéhyde salicyli-
que et d'iodure de méthyle. L'éther obtenu, chauftè avec
une solution alcoolique de cyanure de potassium, se
condense facilement en o-diméthoxybenzoine. — M. M.
O. Forster, en faisant réagir l'hydroxylamine sur les
anhydrides du 1 : 1-bromonitrocamphane, a obtenu le
dérivé C!°H10*A7!Br, fondant à 197, Il est converti,
par l’action prolongée de la soude, en un composé
C'°H1°0*Az?, fondant à 2080. — MM. W. Garsed et J.
N. Collie ont observé que, si l’on ajoute à une solution
contenant environ 1 °/, d'un sel de cocaïne un excès de
solution décinormale d'iode jusqu’à ce que le liquide
surnageant contienne un excès d'iode, il se précipite
un iodhydrate de diiodococaine C!H?*AzO#HL.I®. L'ex-
cès d’iode peut être titré par l'hyposulfite et le précipité
peut être pesé ou déterminé d'après la quantité d'iode
employée. L'iodhydrate est un composé bien cristallisé
et très stable. La titration n’est pas troublée par la pré-
sence d'ecgouine; par contre, il faut éviter la présence
de benzoylecgonine; celle-ci peut être séparée par
l’éther ou le pétrole qui dissout la cocaïne et laisse la
benzoylecgonine. — M. T. Gray a préparé de l'acéto-
nylacétone très pure, et déterminé sa densité (0,973),
son indice de réfraction (1,4232) et sa réfraction molé-
culaire (29,85). Elle se condense avec l’hydrate d’hydra-
zine pour donner deux composés : C'2H*’Az!, bouillant
à 157-8° sous 13 millimètres, et C'2H?*Az5, fondant à 430-
1320, — MM. H. Ryanet W.S. Mills ont obtenu l’acé-
tochlorogalactose par l’action du chlorure d'acétyle sur
le galactose. Ce composé, traité par la potasse et l'a-
naphtol, donue l'a-naphtylgalactoside, C°H!05.0.C!°H7;
c'est un glucoside de synthèse, fondant à 2029-30. On
obtient de même le »1-crésylglucoside par l’action du
m-crésol sur l’acétochloroglucose en solution alcaline.
— MM. C. J. Martin et O. Masson ont déterminé les
conductibilités de solutions d'acide chlorhydrique et de
chlorure de potassium contenant des quantités varia-
bles de sucre, et ont trouvé que la conductibilité ne
diffère guère de celle des solutions aqueuses, en tenant
compte de la viscosité des solutions sucrées. Par con-
tre, si l’on ajoute de la soude à des solutions sucrées
de différentes concentrations, on constate que le sucre
influe sur la conductibilité; ce fait est attribuable à la
formation de saccharate de soude, qui est fortement
1onisé en solution diluée, — MM. J.-B. Cohenet H. D.
Dakin ont poursuivi leurs recherches sur l’action du
couple aluminium-mercure comme halogénant dans la
préparation des dérivés chlorés des hydrocarbures
aromatiques. Ils ont obtenu toute la série des chloro-
benzènes, ainsi que les mono, di-et trichlorotoluènes.
L'identification de ces derniers a demandé de longues
recherches. — M. E. Dowzard a reconnu qu'une solu-
tion d’acétate de plomb absorbe seulement l'hydrogène
sulfuré du gaz d'éclairage; une solution à 15 °/, de
chlorure cuivreux dans HCI absorbe l'hydrogène sul-
furé, phosphoré et antimonié, mais non l’arsenie, —
M. R. C. L. Bose a fait l'analyse de la racine de
Nerium odorum, et y a trouvé, à côté des deux corps
déjà connus, la nériodoréine et la nériodorine, un nou-«
veau composé, la Æarabine, C*H#O05, La nériodoréine
esttrès soluble dans l’eau, la nériodorine dans l’eau seu-«
lementchaude,la karabine y est insoluble. Par contre, elle
est très soluble dans l'éther et le benzène, où les deux
premiers constituants sont insolubles. L'auteur COnSi=M
dére Ja nériodoréine comme une variété de saponine:
La nériodorine et la karabine ne sont pas des gluco
sides, mais possèdent les caractères des résines; elles
ne contiennent pas d’azole. — M. A. Lapworth pense
que les changements isomériques dans les composés
organiques sont dus à la dissociation, et que la dissocia=«
tion entre deux atomes susceptibles de se transposer
existe, en général, seulement une fois dans la molécules
à un inslaut donné. Celte dissociation aurait le carac=M
tère d'une ionisation. L'influence d’un agent cataly-«
tique peut être variable. Il peut non seulement» sut
menter la vitesse de la transformation en élevant lan
concentration des ions représentant un groupe labile
dans la modification isomérique, ou soustraire certains
ions à Ja sphère d'action en les convertissant en com-"
posés non dissociés, mais il peut encore convertir unes
molécule en un individu possédant les propriétés d’un
groupe dissocié ou d'un ion, eu lui apportant des
groupes plus simples avec lesquels elle s’unit. L’atomem
duquel un groupe a été enlevé aura, en apparence, une
valence d’une unité moindre que celle qu'il a dans un
composé non dissocié ; un tel atome est dit sous-valent.M
Tandis que les atomes en dedans d'un groupe dissocié
ne changent pas leurs positions relatives, la position de
sous-valence peut être modiliée par un réarrangement
des forces attractives mutuelles entre les atomes; l'en
lèvement d'un groupe d’un autre déjà dissocié ne cons=
titue pas une double dissociation, mais uu transport d
la sous-valence à ce groupe; il est analogue à la con-
version d'un ion complexe en un ion simple et un com
posé neutre. De ces conceptions, l'auteur déduit quel=M
ques lois pour des cas particuliers. — M. A. Lap-
worth explique le mécanisme de la réaction de Claisenm
en se basant sur les hypothèses qu'il vient d'indiquer
1° un ion sodium s’unit avec le groupe carbonyle de la
cétone O:CR,.CHPR, pour former un groupe sous-valents
qui perd un atome d'hydrogène : Na.0.CR,:CHR, ; 29 les
dérivé métallique se dissocie alors, une partie réagis-
sant avec un groupe sous-valent (produit par l’union
d'un ion sodium avec l’oxalate, le formate, ete., d’éthyle}s
NaOCR, : CHR, + CR,OEt : O
(0.CR, : CHR, + CR,;(OEt)ONa]
0: CR,.CR, : CR,.ONa + HOE.
Ss-
D >
L'action de l’acide chlorhydrique, favorisant la conden-
sation des aldéhydes avec les cétones, les phénols, ete.;
peut être attribuée à une série de transformalions ana=
logues, dans lesquelles un ion H agit comme un ion Na
— M. P. C. Ray, en traitant une solution de nitrite de
mercure par un léger excès d’ammoniaque, à obtenu
un nitrite de dimercurammonium : 2AzHg*Az0®.H°0}
dissous dans lacide chlorhydrique, puis la solution
évaporée à sec, ce corps donne un sel blanc cristalli
Azlle?Cl,4HCI. L'acide bromhydrique fournit le sel cor
respondant. Les deux sels haloïdes, traités à froid pan
la potasse diluée, donnent respectivement 2AzHg°CI,H20
et 24zHg*Br,H°0.
Le Directeur-Gérant : Louis OLIVIER.
Paris. — L. MARETHEUX, imprimeur, 4, rue Cassette.
N° 42
30 JUIN 1901
DIRECTEUR :
Revue générale
DOS -NCienc
; pures el appliquées
LOUIS OLIVIER, Docteur ès sciences.
— — _ _—
Adresser tout ce qui concerne la rédaction à M. L. OLIVIER, 22, rue du Général-Foy, Paris. — La reproduction et la traduction des œuvres et des travaux
publiés dans la Revue sont complètement interdites en France et dans tous les pays étrangers, y compris la Suède, la Norvège et la Hollande.
$ 1. — Astronomie
L'éclipse de Soleil du 18 mai 1901. — Dans
- une des dernières séances de l’Académie des Sciences,
= M. J. Janssen a communiqué à l'Académie une dépêche
de M. de la Baume-Pluvinel, chargé d’une Mission pour
observer, à l'ile de Sumatra, la grande éclipse qui
devait s'y produire le 18 mai dernier, dans des circon-
stances de durée tout à fait exceptionnelles.
D'après le programme arrêté entre M. Janssen et lui,
M. de la Baume devait, indépendamment des pho-
- tographies de couronne, porter ses observations sur
la rotation de la couronne, sur la présence plus ou
- moins marquée des raies obscures dans la lumière
“coronale, et enfin sur la radiation calorique de la cou-
nue Le temps, sauf quelques légers nuages, a favo-
risé les observations, et tout le programme fut exécuté.
Il est indispensable d'attendre le retour de la Mission
… ou, du moins, un Rapport détaillé, pour avoir une idée
… précise des résultats obtenus; mais déjà, d'après la
dépêche, on remarque que la rotation de la couronne
n'a pu être constatée; la présence des raies dans la
lumière de la couronne n’est pas observée, comme
“très marquée, ce qui s'accorde avec cette circonstance
que nous sommes à une époque de minima des
Maches, et que c'est aux époques des maxima que
les vapeurs du globe solaire s'élèvent davantage dans
l'atmosphère coronale et y permettent ces phénomènes
de réflexion de la lumière photosphériques accusés
par la présence des raies fraunhofériennes. C'est ainsi
“qu'elles avaient déjà été reconnues en 1871 et en 1883.
…_ L'observation de M. de la Baume est donc intéres-
«sante à cet égard, aussi bien que sa constatation d’une
“chaleur sensible émise par la couronne.
— D'autre part, M. le D' Binot, chef de laboraloire à
“l'Institut Pasteur, chargé d'une Mission à l'ile de la
“Réunion, dans les mêmes conditions que celle de Suma-
“tra, vient d'envoyer une dépêche informant M. Jans-
sen qu'il fit un temps superbe, d’où l'on peut inférer
qu'il a pu exécuter dans les meilleures conditions le
programme dont il avait bien voulu se charger, M. le
D: Binot à pu prendre d’ailleurs une nombreuse série
de photographies.
Les Missions étrangères ne semblent pas avoir été
="
REVUE GÉNÉRALE DES SCIENCES, 1901,
CHRONIQUE ET CORRESPONDANCE
favorisées par le beau temps. À Karang-Sazo, la Mis-
sion anglaise, sous la direction du Prcfesseur Todd, à
été très gènée par les nuages. L'éclipse a duré 620
environ. On a vu Mercure et Vénus.
La Mission hollandaise, installée sur la côte même
de Sumatra, n’a pas été mieux favorisée. On a égale-
ment constaté que l'obscurité a duré 6%20%,
Les astronomes américains avaient établi six stations
sur autant de petites îles. Partout le ciel à été nuageux,
et les photographies n'ont pas montré de traces de la
couronne. On n’a pas vu les bandes sombres sur le sol,
avant et après la totalité.
A Port-Louis (ile Maurice), les observations ont été
bonnes. On a pu noter les trois derniers contacts.
L'activité solaire. — Nous venons de traverser
une période de minimum d'activité solaire, nettement
accusé. Depuis le mois de novembre 1900 jusqu'à fin
avril 1901, done pendant six mois, on n'a vu qu'un pore
insignifiant le 7 février, quelques petites taches du 3 au
9 mars, et un groupe de pores le 20 mars au bord
oriental du disque.
Le reste du temps, la surface du Soleil n'a présenté
d’autres indices de trouble que des facules très mar-
quées.
Mais ce minimum solaire est passé. Un groupe de
taches très remarquable est arrivé au bord oriental du
disque solaire pendant la nuit du 19 au 20 mai, et a
été observé, dès son apparition, par M. J. Roberts, à
Dungannon, en Irlande. Il se compose d'une tache
jumelle et d'une troisième, le tout accompagné de plu-
sieurs petites.
Le même jour, cette tache, qui clôt la période du
repos du Soleil, a été observée en France.
C'est le cas, ou jamais, de tenter une nouvelle liaison
entre cette apparition et les perturbations météorolo-
giques, magnétiques, etc.
L’éclipse du 4: satellite de Jupiter. — À pro-
pos de la Note qui a paru dans la chronique de notre
dernier numéro sur ce sujet (p. 503), M. G. Bigourdan
nous écrit :
« L'observation de ces phénomènes est déjà beaucoup
trop négligée, et la fin de cet article pourrait avoir pour
12
CHRONIQUE ET CORRESPONDANCE
effet de la faire abandonner encore davantage par ceux
qui ne disposent que de faibles instruments.
« À mon avis, ce serait très malheureux, et il me
semble que cela est démontré bien clairement par
l'observalion mème dont cet article se fait argument :
en effet, sur les trois lunettes employées, les deux faibles
ont donné le moment de l'opposition (moment essentiel
à connaitre et qui s'est trouvé avoir une correction
énorme), et la grande lunette n’a pu le faire. »
La première comète de 1901. — La: pre-
mière comète du xx° siècle a été découverte le 23 avril
1901, par M. Halls, à Queenstown, dans la colonie du
Cap. Le lendemain de sa découverte, c’est-à-dire le
2% avril, sa position était, à 17 h. 5 m. temps moyen de
Greenwich
13014
3h27!
Ascension droite .
Déclinaison N
La comète élait visible à l'œil nu, et a frappé les po
pulations de l'Afrique australe, de l'Australie et de toute
l'Amérique du Sud. En effet, au moment de sa décou-
verte, elle était très brillante, malgré son voisinage du
Soleil, avec un noyau bien défini, d'un éclat supérieur
aux éloiles de 3° grandeur, et une queue d'une lon-
gueur triple d'environ 10°. C'est donc un objet céleste
remarquable : cependant ce n'est pas encore là, comme
on le voit, la comète Donat de 1858, ni celle de 1861;
nous sommes depuis longtemps privés de ces appari-
tions.
La comète est apparue, le 23 avril, dans une position
voisine de ceile de l'étoile & Poissons, est passée le
-26 au sud de & et, continuant de suivre à peu près
l'équateur, s'est dirigée vers Orion; le 6 mai, elle
marquait l'augle occidental d'un triangle un peu allongé
dont Bellatrix et Riel formaient la base occidentale.
Celle comète fut découverte, en réalité, à Melbourne
par un passant, qui la vit par hasard en regardant le
ciel le 23 avril au malin : il se hâta de lancer un télé-
gramme en Europe pour s'assurer la priorité de son
observation, mais comme il ignorait l'adresse du Bureau
central astronomique chargé d'enregistrer et de publier
les découvertes de ce genre, il envoya son message à
Valentia, au lieu de le diriger sur Kiel. Il en résulta
un retard de transmission dont profita M. Halls, pour
arriver le premier et lui donner son nom.
Une photographie a été prise à l'île Maurice, montrant
la plus longne des trois queues jusqu’à 15° de distance
du noyau ou trente fois le diamètre de la Lune.
La comète à dû passer à son périhélie, tout près du
Soleil, le 24 avril : la veille on la voyait le matin, le 25
on l’a vue le soir.
Elle s'éloigne du Soleil et de la Terre, et son éclat va
diminuer de plus en plus. Cette comète semble offrir
quelque parenté avec celles de 1843 et de 1882. Nous
saurons sans doute bientôt à quoi nous en Lenir sur son
rbite exacte.
$ 2. — Météorologie
Variations de la température à diverses
hauteurs. —Dans une note présentée à 1 Académie en
août 1899, M. L. Teissereñc de Bort avait indiqué l:s
résultats principaux fournis par la première série. mé-
thodique de sondages aériens effe clués au moyen de bal-
lons-sondes: depuis cette époque, les lancers ont conti-
nué avec régularité à l'Observatoire de météorologie
dynamique de Trappes, et l'on possède aujourd’hui les
dépouillements de plus de 240 ascensions de ballons-
sondes, réparties sur les années 1898, 1899 et 1900. Ces
documents, groupés par mois, prouvent d'une facon
posilive que : ]
1° La température, dans l'atmosphère libre, éprouve
dans le cours de l'année une variation saisonnière Irès
sensible, au moins jusqu'à l'altitude de 10.000 mètres;
2 L'amplitude de la variation de la température,
jusqu'à ces dernières années, ce qui lient à ce qu'on ne
suivant les saisons,
mente. |
Pour les moyennes mensuelles considérées, cette am-
plitude est de 17° auprès du sol, de 44, 6 à 5 kilomèM
tres et de 12° à 10 kilomètres. x
Les résultats s'écartent beaucoup de l'opinion admise
diminue quand la hauteur aug-«
possédait, avant cette série, que quelques observations
isolées pour la température à de grandes hauteurs. :
Voici le tableau des moyennes des températures ren
contrées par les ballons pour les divers mois à différents
niveaux : À
TEMPÉRATURE
Re
au sol à 5.000® à 10.000
Janvier 009 — 1809 — 5204
FEVER Eee 50% — 1503 — 4106
Mars res Lo — 2108 — 5304
ANTILLES a 009 — 92009 — 5307
Mal AOL 503 — 1804 — À903
NL ADIT : CRUE, 70 — 1608 — 5103
Juillet. . 4102 — 808 — 4503
AIO Le ER 1507 —- 807 — 4405
Septembre. . 1708 — 702 — 4108
Octobre . 1304 — ÿo7 — 4709
Novembre. e 1002 — 110 — 4501
Décembre. . . . 308 — 1208 — 4592
On peut remarquer, de plus, sur les courbes repré-
sentant l'altitude de diverses isothermes dans les diffé
rents mois de 1898, 1899 et 1900, que la température
moyenne de 0° se trouve vers 1.200 mètres à la fin de
la saison froide, et remonte à 3.600 mèlres en été. Lan
moyenne de l'altitude de cette isotherme dans le cours
de l’année est d'environ 2.750 mètres, chiffre très voisin
de celui qui est donné pour la hauteur des neiges per
manentes dans les Alpes. ; 4
L'isotherme moyenne de —50° s'abaisse jusqu'à
8.800 mètres (8.700 mètres en 1899, 8.700 mètres en 1900)
à la fin de l'hiver, et dépasse 11.000 mètres en été
(11.400 mètres en 1899, 11.100 mètres en 1900).
La distance verticale entre les surfaces isothermes ne
reste pas constante pendant toute l’année, ce qui tient
à ce que la variation annuelle est un peu plus grande
dans les couches inférieures. La décroissance de tem—
pérature étant plus rapide dans les couches élevées, le
changement de hauteur n'est pas non plus le même aw
cours de l’année pour les isothermes dans les régions
basses et dans les régions supérieures, même à égalité
d'amplitude.
Le maximum et le minimum (hermique moyens se
produisent plus tard en haut que dans les couches in-
férieures; ce retard est surtout très sensible pour le
minimum, qui a lieu seulement à la fin de l'hiver. Une
série plus longue permettra seule de préciser les con=
ditions de ces retards; mais il est intéressant, dès à
présent, d'appeler l'attention sur la température relatis
vement basse du mois de mai. Cette température, dans
la série de M. L. Teisserenc de Bort, paraît due principa=
lement aux résultats des ascensions faites vers le milieu
du mois, c'est-à-dire à l’époque du refroidissement pé=
riodique bien connu sous le nom de froid des saints de
glace. Chose remarquable, l'inflexion est aussi mars
quée sur l'isotherme de — 50° que sur celle de 0°, ce
qui montre bien que l’abaissement de température n esb
pas limité aux couches voisines du sol. Déjà, M. Hers
gesell, à propos du cas particulier de l'ascension mters
nationale du 13 mai 1897, avait fait remarquer que les
basses températures élaient produites non seulement
près du sol, mais encore daus les couches élevées d&
l'atmosphère. Ce fait, dont on retrouve aussi la trace
dans les observations incomplètes de 1898, tend à
confirmer l'opinion des savants qui, comme Ch. Saintes
Claire Deville, ont cherché à rattacher le refroidisse=
ment de l'air, en mai, à une cause générale. à
On ne saurait être trop obligé à M. L. Teisserenc d@
Bort de ses recherches persévérentes el généreuses4
c'est l'exemple d'un observateur attentif et très cons
CHRONIQUE ET CORRESPONDANCE 255
cieacieux qui sut développer, chez nous, une branche
nouvelle et très importante de la Météorologie, qui
ommence à simposer par ses résultats mêmes.
$ 3. — Physique
Le déplacement des bandes d'absorption
dans les solides en fonction de la tempéra-
ture. — Si le pouvoir émissif des corps à des tempéra-
tures élevées a été l'objet de travaux nombreux, au
moins pour la partie visible du spectre, il n’en est pas
de même du pouvoir absorbant, qui n'a été que peu
examiné jusqu'ici loin de la température ambiante. On
a eu, par conséquent, peu d'occasions de comparer les
pouvoirs émissifs et absorbants dans les mêmes condi-
tions, et de vérifier la loi de Kirchhoff dans le détail.
Ainsi qu'il a été montré récemment dans la /evue,
tel corps, parfaitement transparent aux rayons visibles
à la température ambiante, émet une vive lumière lors-
qu'il est porté à une température élevée, ce qui, en
admettant la parfaite exactitude de la loi de réciprocité,
montre que les propriétés optiques se modifient consi-
dérablement avec la température. Cette modification
est tantôt graduelle, tantôt brusque, et, dans ce der-
ment nul dans le jaune; en revanche on voit, dans, le
vert et plus encore dans le viulet, s'avancer la bande
d'absorption de l’ultraviolet à mesure que la tempéra-
ture s'élève. Le verre à l’oxyde d'argent, jaune par
transparence, et par conséquent absorbant dans la par-
tie la plus réfrangible du spectre visible, accentue ses
propriétés, avec une augmentalion de l'absorption allant
vers le rouge. Le bichromate de potasse devient de plus
en plus absorbant dans le jaune, à mesure qu'on le
chauffe. En revanche, on sait depuis longtemps que ce
corps, fortement refroidi, se décolore presque complè-
tement, ainsi que le brome, le soufre, etc.
Des corps dont les bandes d'absorption se trouvent
très loin dans l’ultraviolet, comme le quartz ou la fluo-
rine, restent incolores aux températures élevées, tant
qu'ils n'éprouvent pas de transformation, parce que le
déplacement des bandes s'opère entièrement en dehors
du spectre visible.
Le travail de M. Koenigsberger est assurément fort
incomplet, puisque le nombre des substances examinées
est très restreint, et que les expériences ont porté seu-
lement sur la partie visible du spectre, de telle sorte
que l'ébauche de loi qu'il formule doit encore être con-
sidérée seulement comme une première indication
TaeLeau 1. — Pouvoir absorbant de quelques corps à diverses températures, d'après M. Koenigsberger.
SUBSTANCES
Flint lourd .
Verre jaune à l'oxyde d'argent
Bichromate de potasse
TEMPÉRATURES
EEE =
15° 100: 1509 200 00 300 3500
0,003 » » 0,003 » 0,004
0,0%# 0,068 | 0,080 | 0,115 | 0,137 | 0,180
0,082 | 0,126 | 0,148 | 0,280 | 0,247 | 0,377
0,237 » » » » »
0,416 » » » » 0,503
1,09 » 1,1% » » .23
0,317 | 1,05 1,62 2,67 3,48 »
“nier cas, correspond généralement à un changement
d'état.
… En revanche, la variation du pouvoir émissif ou absor-
bant pour une radiation donnée peut se faire, dans de
“larges limites, d’une manière tout à fait continue pour
ne longueur d'onde déterminée, comme l'ont déjà
montré quelques expériences.
Il était intéressant de rechercher si ces varialions se
produisent suivant des règles à peu près générales, ou
“si chaque corps se comporte, à ce point de vue, d'une
facon indépendante de toute loi. Une étude dans ce
Sens vient d'être entreprise par M. Koenigsberger, de
“Fribourg en Brisgau, et l'a conduit à formuler, au
moins pour les corps non métalliques qu'il a examinés,
R ette règle, qu'il généralise : Les bandes d'absorption
d'un corps solide se déplacent vers les grandes lon-
| 0 ueurs d'onde à mesure que la température s'élève, en
Méprouvant en méme temps un léger élargissement.
| … Les corps examinés par M. Koenigsberger sont en-
core peu nombreux; mais, parmi eux, il n'a trouvé
aucune exception à celle règle. En voici quelques
xemples : « désignant le coefficient d'absorption de la
rmule :
a .
Mdans laquelle l'épaisseur traversée est représentée par /,
s valeurs suivantes de « (tableau 1) ont été déduites
lobservations photométriques.
Le flint lourd, parfaitement transparent dans le
pectre visible à la température ordinaire, conserve, aux
utres températures, un pouvoir absorbant sensible-
ÿ J = Je 17,
3 à Cn. En. Guirraune : Les lois da rayonnement et la
théorie des manchons à incandescence, dans la /tevue du
LS0 avril 1901, t. XII, p. 358 et suiv,
l
pour les recherches futures. Il n'était pas moins inté-
ressant de la mentionner dès maintenant.
$ 4. — Métallurgie
La production électrothermique du ferro-
silicium. — On sait que le silicium rend de grands
services au cours de la fabrication des aciers : on
l'ajoute à la fin des opérations sous forme de ferrosili-
cium pour réduire les oxydes formés et diminuer les
soufflures dans les lingots. À ce point de vue,le sili-
cium joue un rôle analogue à celui de l'aluminium.
Au cubilot, le: ferrosilicium permet de fabriquer des
fontes grises et par conséquent convenables pour le
moulage. Enfin l'existence de silicium dans la consti-
tution même des aciers n'est plus considérée comme
nuisible, et la maison Hollzer fabrique actuellement
des aciers à ressorts très élastiques et très résistants,
qui doivent leur renommée à la présence du silicium
dont la teneur dépasse 1,5 °/4. On comprend donc
l'intérêt qui s'attache à l'étude des siliciures contenus
dans tous les métaux dérivés du fer. Cette éludé a été
conduite d'une facon remarquable, notamment par
MM. Carnot, Goutal, Moissan, Lebeau, Gin, etc.
Le ferrosilicium avait jusqu'ici élé préparé au haut
fourneau. IL contenait du Fe’Si, siliciure isolé par
MM. Carnot et Goutal et qui est, de tous, le siliciure le
plus stable à baute température. On prépare maintenant
ce ferrosilicium à l'usine de Meran (Tyrol) par les
procédés d'électrothermie, en {raitant un mélange de
battitures de fer à 72 % (1.000 kilos), de quartz
(410 kilos) et de coke (398 kilos) avec une densité da
puissance en régime normal de 70 watls par centi-
mètre carré. Les opérations durent quinze heures et le
556
production moyenne en ferrosilicium est de 776 kilos, ce
qui représente un rendement de 1.240 kilos par four et
par vingt-quatre heures, soit 200 grammes par kilowatt-
heure. Le ferrosilicium contient 21,5 % de silicium,
17,5 de fer et son prix de revient à la tonne ressort
à 200 francs.
En augmentant la proportion de quartz et en faisant
varier en sens inverse la densité du courant, on peut
obtenir des ferrosiliciums à teneur plus élevée, jusqu'à
83 %, sans que le prix de revient soit majoré. Cela
présente un gros intérêt, puisque le prix de vente croît
avec le nombre d'unités de silicium. On paie en France
le ferrosilicium à 10 % 180 francs et celui à 25 %
300 francs, ce qui donneS8 francs pour le prix de l'unité
entre 10 et 25 %.
Au lieu d'employer des batlitures de fer, on peut
aussi, avec l'électricité, traiter directement les minerais
de fer siliceux, contenant environ 15 % de Si0* et
60 % d'oxyde de fer. Dans ce cas, le mélange se com-
pose de 4.800 kilos de minerai de fer, 420 kilos de sable
quartzeux et 720 kilos de coke. On obtient un ferrosili-
cium à environ #5 %.
Enfin, on à été conduit à essayer l'emploi des scories
provenant des opérations sidérurgiques et contenant, en
dehors d'une certaine proportion de fer, la presque
totalité des éléments plus oxydables qye le fer et no-
tamment le silicium. Ce sont des sous-produits dont la
valeur est à peu près nulle. De plus, le fer et le man-
ganèse contenus étant. à l’état de protoxydes, leur
réduction exige moins de carbone et, par suite, une
moindre dépense d'énergie que celle des minerais
dans lesquels ces métaux se trouvent à l’état suroxydé.
La réduction des scories de fer, difficile par les gaz
réducteurs du haut fourneau, se fait très aisément au
four électrique. De plus, les scories provenant de cor-
nues Bessemer ou de fours Martin acides contiennent
peu ou pas de phosphore. Les ferrosiliciums n’en
renferment eux-mêmes que des quantités insignifiantes.
Ces dernières fabrications ont été réalisées par M. Gin.
Les scories employées provenaient d’un four produi-
sant de l'acier à 0,13 de carbone et contenaient 50 %
de Si0?, 34 % de FeO et de 10 % de Mn0. On mélan-
geait 1.680 kilos de scories et 600 kilos de coke à 80 %.
On fit un ferrosilicium à 30 % avec 54 % de fer, 13 %
de manganèse et 0,5% de carbone en consommant
5.380 kilowatts-heure par tonne. C'est une économie
de 12 % de l'énergie consommée pour la production à
l’aide de minerais. En outre la dépense de coke a di-
minué de 120 kilos par tonne.
Cette fabrication de ferrosilicium au four électrique
est à encourager, car elle permettrait de tirer profit
des nombreuses installations de carbure de calcium,
qui demeurent inertes en raison de la crise subie par
cette dernière industrie. La métallurgie francaise, qui
consomme beaucoup de ferrosiliciums et de silico-
spiegels, pourrait dès lors s'affranchir de l’appoint que
lui fournit l'étranger et éviterait ainsi le droit d'entrée
élevé de 37 francs qu'elle est obligée de payer.
$ 5. — Chimie végétale
Découverte de nouveaux alealoïides dans le
tabac. — Bien que le tabac ait été l'objet de recher-
ches très nombreuses relativement à sa composition
chimique, on n’en à retiré, jusqu'à présent, à l’état de
pureté, qu'un seul alcaloïde, la nicotine. MM. A. Pictet
et A. Rotschy, ayant eu à préparer une certaine quantité
de nicotine, vienneut de découvrir, à côté de celle-ci,
trois nouveaux alcaloïdes dans le tabac de Kentucky.
Ces auteurs procèdent ainsi : On extrait le jus de
tabac par le chloroforme ou l’éther, et on débarrasse le
produit de l’extraction de la nicotine qu'il contient par
distillation aux vapeurs d’eau. En soumettant le résidu
à la distillation fractionnée, on sépare deux fractions bien
définies, bouillant à 266-2689 et à 300-3100.
La première renferme un alcaloïde liquide, de for-
mule C!‘H!*Az?, que MM. Pictet et Rotschy nomment
CHRONIQUE ET CORRESPONDANCE
nicotéine; elle est soluble dans l’eau, et lévouyre à l'état
de base et à l'état de sels.
La seconde fraction contient un alcaloïde solide, de
formule C!‘HSAz®, désigné sous le nom de nicotellinef
il fond à 147-148°, est peu soluble dans l’eau, mais très
soluble dans l’alcool.
Enfin, la nicotine entraînée par les vapeurs d’eau est
mélangée d’une petite quantité d’une base secondaires
de formule C!‘’H!*Az?, isomère avec la nicotine, et que
les auteurs nomment nicolimine.
La proportion des nouveaux alcaloïdes dans le tabacs
par rapport à la nicotine est approximativement la
suivante : nicotine, 1.000; nicotéine, 20; nicotimine, 5%
nicotelline, 1.
$ 6. — Géographie et Colonisation
Institut de Médecine coloniale. — L'Union
Coloniale française, convaincue de la nécessité de law
création, à la Faculté de Médecine, d'un Institut de
Médecine coloniale, vient de prendre l'initiative d’ou=
vrir une souscription publique dont le montant servira
à la création et à l'entretien de cet Institut.
Nous extrayons du Manifeste qu'adressent au publie
MM. Berthelot, Brouardel, Gréard, Perrier et Roux, les
passages suivants :
« La France a, depuis vingt ans, conquis un domaine
colonial considérable. Quelques-unes des maladies qui
sévissent sur ces territoires, dont les climats sont si
divers, n'existent pas en Europe. Par suite, les modes
de leur transmission et de leur traitement sont mal
connus des médecins appelés à les traiter.
« La responsabilité de la France est moralement
engagée vis-à-vis des populations qu'elle a placées sous
son autorité et vis-à-vis des Français qui s’expatrient
pour mettre en valeur ces régions nouvelles. La pros=
périté de leurs entreprises est intimement liée à la pré=
servation de leur santé et de celle des indigènes. Enfin,
les colons, à leur retour, rapportent en France les ger
mes de maladies tropicales, dont les noms figurent à
peine dans nos traités de Médecine. »
«… L'Allemagne a organisé, à Hambourg et à l'Office
impérial de Berlin, un enseignement spécial pour les
médecins qui se destinent à exercer dans les colonies:
« La Faculté de Médecine de Paris considère qu'il ests
de son devoir de créer cet enseignement. Par la valeur
de ses maitres, par le nombre de ses élèves, elle peut
lui donner le développement nécessaire... » Ê
Il nous a paru utile de citer ces extraits du Manifeste
pour bien montrer aux lecteurs de la /tevue l'intérêt
national qui s'attache à l’œuvre entreprise par l'Union
Coloniale francaise et la nécessité, pour tous ceux qui
veulent la prospérité de nos colonies et le bon renom
de la science française, de contribuer de tous leurs
efforts à sa réussite.
Voyage de M. Hugues Le Roux dans l'E
thiopie occidentale. — Plusieurs points des nous
velles, envoyées dans le courant de juin par M. Hugues
Le Roux, qui vient d'accomplir un voyage en Ethiopie,
paraissent mériter de retenir l'attention des géogras
hes.
ï Toute la région qui s'étend à l’ouest d’Addis Ababz
était restée jusqu’à présent inexplorée.
D'Abbadie en 1843, Cecchi en 1880, Aubry en 18854
avaient traversé du nord au sud le Djimma et le Kaffa*
Cailliaud en 1821-22, Jean-Marie Schuver en 1881-82,
avaient exploré la contrée arrosée par le Jabous et le
Toumat. Enfin, plus récemment, M. de Bonchamps eb
ses compagnons avaient, d'Addis Ababa, atteint, au
prix de quelles difficultés et de quelles misères, on s'en
souvient, le Baro et le Nil Blanc. Mais de la contrée
approximativement délimitée par 32° 30! et 35° longi
tude Est du méridien de Paris, et par 9 et 14° latitude
Nord, nous ne savions presque rien, bien qu’elle füb
traversée par une route commerciale, depuis longtemps
fréquentée par les négociants éthiopiens.
CHRONIQUE ET CORRESPONDANCE
597
Or, M. Hugues Le Roux annonce qu'il a pu « par-
courir en tous sens la province occidentale du Oual-
daga ». Il est donc probakle qu'on aura prochainement
quelques renseignements sur la Didessa, ce grand
affluent méridional du Nil Bleu, dont on ne connais-
| sait jusqu'ici que le nom, ainsi que sur la haute falaise
qui limite à l’ouest les terrasses éthiopiennes et sur-
…plombe les plaines nilotiques.
On n’était guère fixé non plus sur la direction exacte
du Nil Bleu au sud du Godjam et du Damot : il avait
été traversé en plusieurs points par des explorateurs
E européens, mais jamais relevé sur tout son cours. M. Le
MRoux se croit en mesure d'affirmer « que le Nil Bleu
Ë vait été confondu jusqu'à ce jour avec un de ses
“affluents septentrionaux et qu'il coule à un degré plus
Mau sud qu'on ne l’a cru jusqu'à ce jour. » Ce serait là
Mine constatation fort intéressante. Toutefois, avant de
la classer parmi les faits acquis, nous croyons sage,
sachant combien ces questions d'hydrographie sont dé-
icates et fertiles en erreurs, d'attendre que le voyageur
ait publié les preuves de sa découverte, itinéraire jour-
“nalier, relevé du terrain à la boussole, déterminations
des latitudes et des longitudes, preuves qu'on ne pou-
“wait s'attendre à trouver dans la courte note qu'il a
‘transmise en France.
Notre compatriote ajoute encore : « J'ai eu à soute-
nir contre les Beni Changoul (et non, comme lil écrit,
“Beni Schangul, qui est la forme anglaise), un engage-
assez vif. » Le fait n'a rien de surprenant. Ces popula-
“tions du Dar Bertat, depuis qu'elles sont entrées dans
l'histoire, c'est-à-dire depuis l'attaque infructueuse
“qu’en 1821, Ismail, fils de Mehemet Ali, dirigea contre
“elles, se sont toujours montrées très belliqueuses.
Elles ont, pendant le xix° siècle, conservé leur indé-
‘pendance aussi bien contre les maîtres de la vallée du
Nil, khédives d'Esypte, Madhi Mohammed Ahmed, Kha-
life Abdullah, qu'en face des Negus éthiopiens. Actuel-
lement elles ne reconnaissent pas plus lautorité de
Ménélik, que celle du Khédive d'Egypte ou plutôt de son
délégué à Khartoum, le gouverneur général du Soudan,
… MWingate Pacha.
M. Hugues Le Roux dit enfin que les autorités abys-
sines avaient jusqu'à présent mis le Ouallaga en inter-
dit et que, s’il a pu le « parcourir, c’est grâce à la bien-
. veillance de l’empereur. » Nous savions que Ménélik
avait déjà souvent accordé son appui aux explorateurs;
“une fois de plus, il aura donc rendu service à la Géo-
graphie,
P
Li
;
Henri Dehérain,
Les Docteur ès lettres,
Sous-bibliothécaire de l'Institut.
Croisière en Syrie et Palestine : Livres à
lire. — A l’occasion de son premier voyage au « Pays
des Croisés », la Aievue a déjà publié, dans son numéro
du 15 août 1897, une bibliographie succincte des prin-
cipaux ouvrages dont la lecture pouvait être recom-
mandée. Nous renvoyons MM. les touristes de la pro-
chaine croisière à cette liste, que nous complèterons
seulement par l'indication de quelques œuvres récem-
ment parues.
Signalons d'abord quelques études rapportées de
notre premier voyage au pays des Croisés : M. Charles
Diehl, qui en avait été le directeur scientifique, comme
il a bien voulu accepter de l'être de celui qui se pré-
pare, a publié une de ses conférences faites à bord du
«x Sénégal » : Les Monuments de l'Orient latin (Paris,
Leroux, 1897, broch. in-8°). Tout récemment, dans
Ja « Revue de Paris » du 15 avril 1901, sous le titre de
Villes mortes d'Orient, il a évoqué, en des pages saisis-
santes, le passé historique et la silhouette actuelle des
“vieilles cités guerrières, Rhodes et Famagouste. Dans
“son volume : Vers Athènes et Jérusalem (Paris, Ha-
. chette, 1898, in-16), M. Gustave Larroumet à consigné
… les souvenirs de sa croisière à bord du « Sénégal », et,
“par sa grâce attique, par la poésie discrète de ses des-
"criplions, ce journal du premier voyage en Syrie et
1
Palestine sera, pour les touristes du second, le plus
charmant des Guides. Signalons aussi l’œuvre d’un
autre de nos compagnons de bord, M. Théophile
Calas, qui a publié l’année passée, chez Fischbacher,
un volume illustré et plein d'intérêt : Eu terre dé-
solée; Au Pays des Croisés avec la Revue Générale
des Sciences.
Depuis le voyage de 1897, il a paru sur l’ile de Chypre
un ouvrage essentiel, de M. Camille Enlart : L'Art
Gothique et la Renaissance en Chypre (Paris, Leroux,
1899, 2 vol. in-8°, avec de nombreuses planches et figu-
res). On y trouvera le description scientifique, avec les
plus précises indications de date et de style, des mo-
numents chrypriotes du Moyen-Age, et, en tête du pre-
mier volume, une notice historique et une bibliographie
au courant des plus récents travaux. F
Pour la géographie de la Syrie et de la Palestine,
leur administration, leur statistique et leur commerce,
nous recommandons l'œuvre de M. Cuinet : Syrie,
Lyban et Palestine (Paris, Leroux, in-8°), dont le der-
nier fascicule a été publié cette année même. Comme
souvenirs de voyage dans ces régions, signalons : de
M. André Chevrillon, son livre : Terres mortes, The-
baïde-Judée (Paris, Hachette, 1897, in-12), et une Con-
ference sur la Syrie (Rouen, Gy, 1898, broch. in-4°);
de M. Lucien Gautier : Autour de la mer Morte (Paris,
Fischbacher, 1901, in-8°, illustré); de M. Delmas,
Egypte et Palestine (Paris, Fischbacher, 1900, in-8,
ill.); enfin une traduction de l'ouvrage italien du R. P.
Dominique Zanecchia : La Palestine d'aujourd'hui, ses
sanctuaires, ses localités bibliques et historiques
(Paris, Lethielleux, 1898, 2 vol. in-12).
Sur la situation politique de ces pays au point de
vue international, M. P. Pisani a publié, en 1898, dans
le « Correspondant », sous le titre de Questions d'Orient,
deux études: Les Allemands en Palestine et les Russes
en Syrie. À noter aussi un livre de W. Cambus: Paläs-
tina, Land und Leute (Berlin, Cronbach, 1898, in-8e),
écrit par un israélite allemand qui à surtout observé
les essais de colonisation agricole juive tentés depuis
un certain temps en Palestine.
Un intéressant chapitre de l'histoire du Royaume
latin de Jérusalem nous est donné par M. Schlumberger
dans son livre sur Renaud de Chatillon, prince d'An-
tioche, seigneur de la Terre d'Outre-Jourdain (Paris,
Plon, 1898, in-8°). Il faut y joindre deux ouvrages
étrangers : G. R. Conder : The latin Kingdom of Jeru-
salem, 1099 to 1291 (Londres, 1897, in-8°), et la Ge-
schichte des Kônigreichs Jerusalem, 1100-1291 (Inns-
brück, Wagner, 1898, in-8°), par le professeur Reinhold
Rôbricht, dont la Bibliotheca geographica Palæstinæ
(Berlin, 1890) est essentielle pour la géographie, l'his-
toire et l'archéologie de la Palestine.
Mentionnons sur deux sujets très différents un livre
d'art du baron E. Rey sur Les grandes écoles syria-
ques du 1v° au xu° siècle (Paris, 4898, in-8°), et une
étude médicale du Dr B. Boyer surles Conditions hyqié-
niques de Beyrouth (Lyon, Rey, 1897, in-8°).
Enfin les récentes affaires de Crète ont donné lieu à
diverses publications que nous énumérerons briève-
ment : V. Bérard, Les Affaires de Crète (Paris, C. Lévy,
1898, 4898, in-12); Laroche, La Crète ancienne et mo-
derne (Paris, 1898, in-12); H. Turot, L’insurrection cré-
toise et la guerre gréco-turque (Paris, Hachette, 1898,
in-12); Henri Couturier, La Crète, sa Situation au point
de vue du ‘droit international (Paris, Pédone, 1900,
in-8°).
Indépendamment de ces ouvrages spéciaux, les mem-
bres de la croisière liront avec vif plaisir l'ouvrage tout
récent d'un historien doublé d’un écrivain de talent :
En Méditerranée, Promenades d'histoire et d'art,
volume que M. Ch. Diehl, Correspondant de l'Institut,
directeur scientifique du voyage en Syrie et en Pales-
tine, fait paraître ces jours-ci à la Librairie Armand
Colin. Ils y trouveront notamment des pages char-
mantes et pleines d'intérêt sur Rhodes, Chypre et
Jérusalem.
On
©
(ee)
D' CUREAU — NOTES SUR L'AFRIQUE ÉQUATORIALE
NOTES SUR L'AFRIQUE ÉQUATORIALE
PREMIÈRE PARTIE : GÉOGRAPHIE
La structure orographique du continent africain
est maintenant à peu près connue dans ses grandes
lignes. Les massifs montagneux y sont rares; leur
étendue, même pour le plus imposant, celui des
Monts de la Lune, est très limitée, comparative-
ment à la superficie de cette partie du vieux monde,
et, en tout cas, ils n'y dessinent point ces longues
chaînes ramiliées qui forment l’arête de l'Europe,
de l’Asie ou de l'Amérique.
Ce ne sont ici que des étages superposés de
plateaux et de cuvettes de faible altitude, sur
lesquels les eaux fluviales se déversent successi-
vement en descendant vers la mer. La figure 1 met
en lumière cette disposition‘. Elle représente le
profil de l'itinéraire suivi depuis Loango et Brazza-
ville jusqu'aux plateaux nyam-nyams par le Congo,
l'Oubanghi, le Mbomou et le Kèrè. Le profil du
bas cours du Congo au-dessous de Brazzaville a été
projeté sur celui de la route de Loango au Stanley-
Pool. La pente réelle du terrain est, il est vrai,
faussée dans un dessin ainsi compris : le relief s'y
trouve atténué. Car le profil, au lieu d'être imaginé
suivant une ligne droite, est figuré sur l'itinéraire
développé, tel que le voyageur se le représente en
s’ayançant vers l'intérieur. La carte n’est pas
encore couverte d'un assez grand nombre de cotes
d'altitude pour offrir les éléments d'une coupe
rationnelle.
Toutefois, l'erreur résultant de la disposition
que j'ai adoptée peut être considérée comme insi-
gnifiante, si l’on réfléchit que l'échelle des hau-
teurs est centuple de l'échelle des distances. Avec
celte proportion, la moyenne des sommets des
Pyrénées et des Alpes atteindrait, sur la même
figure, 15 à 20 millimètres, et le Mont-Blanc 37 mil-
limètres.
Autre particularité intéressante de ce schéma :
ce sont les bourrelets que présente, de distance en
distance, le profil du terrain, formant saillie sur la
ligne basse et presque horizontale du reste de la
figure, dans Ja parlie centrale.
Voici d'abord, près de la mer, la chaïne côtière,
monts de Cristal, Mayombé, Palabala, etc., de
600 à 700 mètres d'altitude en moyenne, très rare-
ment plus de 1.000 mètres. Cette altitude moyenne
! Les profils représentés par les figures 1, 3 et 4 sont
construits avec les altitudes fournies par les cartes de
MM. Jacob et Rouvier pour les points voisins de la côte;
pour les autres, avec les altitudes déduites de mes observa-
tions barométriques.
n'est guère dépassée dans l’intérieur. Toute la ré-
gion riveraine du
La
24280
bas Congo est itiée
tourmentée, héris- st
KÊRE
sée de petites col- Confé du Kère
lines, qui, aux en-
virons du Stanley- : fa Barmeu
ZEMIO Æ
Pool, s’écartent en
vaste amphithéà-
tre pour se relier para;
à la Série wdepla tee
teaux qui conti- PANGASsa
nuent vers le Sud ovango-mscroy
Yakoma
les plateaux ba-
téké.
Là, sur 130 kilo-
mètres, le Congo
est encaissé dans
un fossé profond, È
tracé enligne pres-
que droite entre
les « falaises de raxcmi
Douvres », sur le
Stanley-Pool, et ;
la pointe de |
Tchoumbiri. Son
resserrement sur Éè
une largeur de
2 kilomètres au 5]
j
Al
MBomouy
Rapides |
Setema
MOBAYE
OUBANGHI
*e de Loango aux plateaux Zandés.
plus, l'escarpe-
ment des parois yen
de 100 à 150 mè- É
tres qui l’empri- <
sonnent, justifient "* e
bien le nom de
couloir, qui à été
donné à cette par- Nea-ntenous
tie de son cours.
Partout, sur ces
rives, règne la fo-
rêl aux grandes
essences, (fig. 2); Comsn
au sous-bois Oobs- Bouenza
trué de troncs
morts, de bran-
ches cassées par MertBamba
les singes ou abat- 12460
tues par les vents
d'orages, d'épaisses couches de feuilles que la
pourriture revêt, la nuit, de faibles lueurs phos-
Fig. 4. — Profil de l'itinérai
Profil des Eaux
ConNGco
BRAZZAVILLE
LOUDIMA
D' CUREAU — NC SUR L'AFRIQUE ÉQUATORIALE
phorescentes. Ces solitudes sont frappées d'un | ment discordant des toucans et des lourucas, le cri
Cr
k
45
Ep À
2
D 4 LeT'eiys ro
d 1
Fig. 2. La forét du Mayombé, sur les bords de la Loukènène,
éternel silence, que fait ressortir encore le bruisse- | plaintif de l'aigle pêcheur et, soir et malin, le con-
ment des eaux impétueuses du fleuve, le € cert criard des perroquets qui passent à des hau-
560
D' CUREAU — NOTES SUR L'AFRIQUE ÉQUATORIALE
teurs prodigieuses, se rendant aux cantons riches
en arbres à graines, ou revenant à leurs nids.
De l’autre côté du seuil des plateaux batéké
s'étale la vaste dépression, au fond de laquelle les
grands affluents de la rive droite viennent con-
Riy Soué
M Ndour
R:y Yobo
M Ndzounçou
Mb; Eroubou
=
R:v Yobo =
x, D. AE
TAMBOURA (us Tina) se
Mbva Baghera =
V5 Amet ==
=
Riv. Rembio
Ru Zerou
MBIMA
RiY Karë
25 Tawa
5iNANGBA
Ru Mbira -mbira
y? Bare- mbanga
R:v Bouda
V3° Gamandzou
V#-Kana
BAKARI
Riy. Basara
5
24 Rora
ZEMIO ( Rw Mbomou)
RE ———————— hi
Versant du Nil
———_—_—_—_—_—_]_]_—_—_—_——
Versant du Congo
100 Xm
50 60 70 Bo 9o
40
30
M'Bamba
(May mbe)
Niveau de la mer
— Profil de l'itinéraire de Zémio au Soué.
3.
Fig.
fondre leurs
eaux par une
mullitude de
canaux et d’a-
nastomoses, au
milieu de bancs
de sable, d'i-
lots à demi-
submergés, de
champs de pa-
pyrus, de plai-
nes vaseuses,
hérissées de
grands roseaux
où le corps de
lourds pachy-
dermes à ou-
vert des pas-
sées et creusé
des bouges. Le
Congo acquiert
en cet endroit
jusqu'à une
vinglaine de
kilomètres de
largeur. Pen-
dant la crue,
tout le pays est
noyé par les
eaux fangeuses
du fleuve dé-
bordé; les pi-
rogues des no-
mades Bafou-
rou peuvent
circuler parmi
les arbres de
la forêt, sous
l’inextricable
enlacementdes
lianes et des ro-
tangs. Ces lar-
ges étendues
d’eau, ces îles
vaseuses, les silhouelles grèêles ou puissantes que
projette une végétation exubérante d'arbres, peut-
être encore innomés pour la plupart, sur un ciel
chargé de brumes lourdes et chaudes; cette éblouis-
sante lumière qui donne aux objets rapprochés des
tons crus et heurtés, et fond les lointains dans des
teintes vagues et nuageuses; les effets du mirage
qui paraissent suspendre en l'air les îles et les
pirogues; le reniflement
des hippopotames;leero- &
codile, vautré dans une
siesteimmon-
de à l'extré-
mité d'un
bancdesable,
d’où la moin-
dre alerte le
fait lourde-
ment sauter
dans l’eau; la
démarche s0-
lennelle des
pélicans et
des aigrettes
en quêle de
poisson; le
vol d'un an-
hinga, moitié
oiseau, moi-
tié serpent :
un varan, al-
longé sur une
branche, au-
dessus de la
rivière et
guettant sa
proie ; une
troupe d'’élé-
phanis, qui
passe dans
une clairière,
battant des
oreilles, ba-
lançant la
LrOMpeELM=
tout cet en-
semble forme
un tableau
absolument
étranger à
nos sites mê-
me les plus
sauvages
d'Europe et
procure l’im-
pression d'à-
ges géologi-
n° Tchighigoua
M! Galabourou
M° Sarogo
Djebel
Mançayat
M° Boughira
Rw Sopo
Cotlines de
Deleb
Riw Biri
DEM ZIBER
Rty. Zaka
Riv Bari
Riv. Bibr
Rw_D)amba
Riv. Neanda
Riv Bomou
Riv Senghu
Riw.Daraoua
VS Rabet
Fe
V*"Mazina
BEN Riv Nswa-ngwa
M° Koungou
Riw Woula
VS*Kipa
VS Mbima
BAKARI]
Riv Bagara
Riv Rora
ZEMIO(Riv Mbomou)
ques disparus et de fabuleuses
époques, qui ont survécu dans
un coin oublié par les révolu-
tions du Globe.
A Banghi, un nouveau seuil
ferme la grande cuvette équatoriale. Le voyageur,
Versant du Nil
190 Km
—_<
30
10 10
Oubang he
LT
Bançghr
Conga
Hi
Brazzaville
1
M'Samba |
[MENTENTS)
Versant du Congo
60
8o go
70
So
40
Lit
a
Niveau de 15 mer
Djcbel-Mangayat,
10 au
de Zèm
éraire
Fig, 4, — Profil de l'itin
È
|
|
Qui remonte la rivière, voit peu à peu s'élever sur
Jhorizon du Nord un rideau de collines. En arri-
van, aux basses-eaux, dans l'espèce de cirque que
“domine le poste, il apercoit deux promontoires
rocheux qui s'avancent à la rencontre d’une rive à
l'autre et ne ménagent, au milieu, qu'une brèche
par où la rivière s'échappe en tourbillonnant. Aux
eaux hautes, celte porte étroite ne lui suffit plus;
le passe par-dessus le seuil et retombe de l'autre
“côté en calaracte.
+ Au-dessus de Banghi, l'Oubanghi est extrême-
ent resserré entre des plateaux de médiocre élé-
alion. Dans ce défilé, sa profondeur devient con-
idérable, son courant torrentueux; les rapides se
mètres de longueur, quelques-uns dangereux,
notamment celui de l'Éléphant”.
Au delà de ce couloir, nous rentrons dans des
ux calmes, au milieu d'une terre nouvelle. La
Nature a changé d'aspect. La forêt équatoriale
“jaisse encore quelques vesliges sur la rive gauche ;
“mais la rive droite est dénudée, plate, accore,
“la haute futaie, maintenant disparue sans retour.
D'immenses plaines herbeuses se développent
jusqu'à de lointaines et basses collines.
—…. À terrain plat, large rivière. Quoique simple
ju et loin du grand fleuve à cet endroit,
l'Oubanghi y alteint parfois plus de 1 kilomètre
“d'une rive à l’autre. Celle partie de son cours est
“partagée, par les barrières rocheuses de Mobaye et
“de Sétéma, en trois biefs à peu près navigables en
toute saison pour des bateaux de faible tirant d’eau.
Les régions de rapides ne sont accessibles qu'aux
seules pirogues indigènes.
Laissant le Ouellé à droite, le troisième bief
nous conduit dans le Mbomou, le tributaire le
‘plus important de l'Oubanghi; il mesure environ
300 mètres de largeur à son confluent. Rivière ca-
pricieuse et pleine d’imprévu, le Mbomou présente,
dans le quart inférieur de son cours, une série de
rapides qui en rendent la navigalion assez péril-
leuse pour les pirogues, impraticale pour toute
“autre espèce d'embarcation. La figure 1 indique
nettement la pente des eaux dans celte région;
elle montre la rivière descendant des plateaux
- nyam-nyams comme su: les marches d'un escalier.
- A partir de Rafaï, le pays devient tout à fait plat.
L’altitude se maintient uniformément aux environs
de 630 à 650 mètres. Les figures 3 et 4 en donnent
“ le profil suivant deux directions, l'une versle nord,
, =
1 4 Actuellement appelé par les indigènes Para-mbô, du
surnom donné par eux à un de nos agents, M. Juchereau, qui
- S'y est noyé, en 1896.
D' CUREAU — NOTES SUR L'AFRIQUE ÉQUATORIALE
5061
l’autre vers l’est; les deux ilinéraires coupent en
des points éloignés la ligne de parlage d'eaux entre
le Congo et le Nil. Il m'a paru intéressant d'en
rapprocher, à la même échelle, l'altitude de trois
des principales
étapes depuisla
côte un des
sommets du
Mayombé, le
Congo à Braz-
zaville et l'Ou-
banghi à Ban-
ghi.On voit par
là combien l'al-
titudemoyenne
du centre du
continent sur-
passe peu celle
des points voi-
sins de la côte.
Il y a lieu
d'insister sur
l’orographie el
l'hydrographie
de celte région,
parce qu'elles
permellent de
serendre comp-
Le de bon nom-
bre de particu-
larilés de la
géographie
africaine. C'est
là aussi, sans
doute, que les
couches pro-
fondes vien-
nent le mieux
se révéler à la
surface. Il sera
donc nécessai-
re, pour ne pas nuire à
=
=
as)
“
Ge
un
ü
=
a
Ÿ
=
Lo
n
— HumusetDépôts végétaux
BR sg Herbes at Arbres:Termitières
TuLSse aux
Coupe schématique des ter
Galerie
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J.
Fig.
ilot. de vegetation
: : ° SW
la clarté de l’ensemble, Le FE £
TS
de faire marcher defront «S È €
les descriptions de la à À =
. 3 A
conformalion et de la = g À s
ML —
structure du sol, ainsi DRAM AE
a
5 CET,
=
que la répartition des
eaux.
I
En se basant sur l'examen superficiel des ter-
rains dans la région des plateaux zandés, on peut
se représenter la coupe du sol comme j'ai essayé
de le faire sur la figure 5.
L'assise inférieure apparait aux environs de la
562
limile des deux bassins du Congo et du Nil. Du
côté Congo, l’amphibolite du Namoungoua, quel-
ques blocs de quartz disséminés aux environs du
Kèrè, du Bégoué et du Ngwa-ngwa, y représentent
seuls cette couche profonde. Les gneiss de Yaben-
ghé, de Mbima, du Mbia-Gaza, du Mbia-Dou, du
Mbia-Baghéra, voisins de la limite des deux bas-
sins, font pressentir les massifs plus importants
éparpillés sur l’autre versant.
Là, du côté Nil, ces massifs de schistes cristal-
lins sont nombreux et disséminés à 20 ou 30 kilo-
mètres les uns des autres depuis les hautes vallées
du Soué et de l'Iba jusqu'aux limites du Darfour el
du Ouadaï el peut être plus loin. L'embarras est de
les caractériser par une désignation générale. Le
nom de rocher est trop modeste; le nom de mon-
tagne trop ambitieux. S’iln’y en a pas déjà d'autre
dans la science, le mot zandé mbia (caillou, rocher)
paraïîtrait convenir aux si remarquables monoli-
D' CUREAU — NOTES SUR L'AFRIQUE ÉQUATORIALE
lèvement, et qui est plus rapprochée du côté nord,
ils s'agglomèrent pour former une chaîne plus
compacte, creusée de golfes profonds, de défilés
étroits, au sol fangeux, encombré de quartiers de
roches et de bambous".
L'aspect de celte contrée estempreint d’un carac-«
tère singulier et étrange. Gravissez un de ces som-
mets. Autour de vous s'étend à perte de vue une
plaine uniforme, légèrement ondulée, sans villages,
sans habitants, sans vie; la végétation y est maigre,
les arbres chétifs et rabougris, les herbes gréles et
délicates; c'est un steppe désolé, brûlé par un
soleil ardent, stérilisé par un vent sec et aride.
Plus près de vous, le terrain se déprime en légère
cuvelte. En cette saison sèche, le sol est, par
endroits, dur et craquelé, gardant l'empreinte du
pied des éléphants et du sabot des girafes; autre
Fig. 6.
Fig. 6 et T. — Mont Tchighigoua. (Fig. 6. — Côté nord; Fig. 1. — Côté sud.)
thes qui hérissent cetle région. C'est à tort que les |
cartographes les figurent avec les hachures dignes
des plus superbes chaines. Illusion fort naturelle :
car Junker n'avait vu que de loin l'alignement des
Pambias, et le nom de Djebel, donné emphatique-
ment par les indigènes arabisants au groupe du
Mangayat, avait pu en imposer aux nombreux
voyageurs qui sont venus à Dem Ziber, mais ne
l'avaient pas visité”.
Le Djebel-Mangayat est le plus considérable de
ces massifs. C'est un faisceau de pics, affectant
dans son ensemble une forme grossièrement ovale,
de 20 à 25 kilomètres dans sa plus grande dimen-
sion, du sud-estau nord-ouest. Le plus haut de ces
pics, le Tchighigoua a 220 mètres au-dessus de la
plaine et un kilomètre environ de longueur; ce
n'est donc, en réalité, qu'un très gros rocher. Les
autres pics, qui composent le groupe, présentent
4 Les monts des Pambias et les autres massifs situés ‘dans
la vallée du Soué ont été reconnus, en 1896, par M. le capi-
taine Hossinger et M. le lieutenant Angot, de la Mission
Liotard ; le Djebel Maugayat, en 1898, par M. Liotard lui-
mème.
Rio
part, il est formé d’un sable fin, blanc grisâtre,
composé en grande partie de lamelles de mica, qui
reluisent au soleil. Dans la saison des pluies, la
contrée disparaît sous 20 à 30 centimètres d’eau et
se transforme en un immense marécage.
De ce marais surgissent les géants de granit,
isolés ici, là pressés les uns contre les autres. De.
la hauteur que vous occupez, ils prennent des
formes bizarres, mitres d'évèques, panthéons à
moitié éboulés, lions couchés, monstres marins
vautrés dans la vase, prodigieuses pierres tumu-
laires ; tout cela gris, pelé, souillé de longues trai-
nées noirâtres (figures 6, 7,8 et 9). Battue par les.
pluies diluviennes, désagrégée par des tempéra=
tures qui'passent, entre 6 heures du matin et midi,
de + 6° à + 40° ou 45°, la roche se clive en feuil-
lets minces; des rainures, des crevasses se creu-
sent sur la surface lisse : juste ce qu'il faut à quel=M
ques graines pour y germer, à de chétives herbes.
pour y croître, à un pauvre buisson pour y assujet-
ür son tronc rachitique contre l'effort des”tornades.\
{ Bambusus abyssinica.
|
À
|
D: CUREAU — NOTES SUR L'AFRIQUE ÉQUATORIALE
563
“ Ce chaos de pierres sans fertililé et sans vie
laisse une impression de désolation et de mort. La
dévastation est passée par là avec les hordes du
Mahdi. Sur les sommets, on trouve encore quelques
débris de poteries brisées, témoins de la fuite des
“indigènes devant les horreurs de l'Islam. Ce lugu-
bre pays semble porter le deuil de ses villages incen-
diés et de ses populations massacrées ou réduites en
esclavage. Les autres pics situés vers le Nord, Lifi,
outou, Talgaouna, etc. ; ceux qui se trouvent dans
la vallée du Soué, Pambias, Eroubou, Ndzoungou,
“Ndour et bien d’autres; de même aussi, sans doute,
ceux qui sont échelonnés entre ces deux régions et
qui ont été recon-
nus par les anciens
| voyageurs, tels que
“jé Dou, le Dara-
goumba, le Titam-
; tous ap-
à dla Fig. 8. —
formation,
tous présentent un aspect et une constitution sem-
blables, mais sur des proportions beaucoup plus
Dour Fartout, ce sont gneiss el ph eites
ss des mêé-
es éléments,
- mais constituée
par des frag-
E oblongs
comme des mor-
ceaux de sucre
cé, où le quartz
_ prédomine, et
| soudés par un
ciment résistant;
celle-ci n’est
point feuilletée
et offre beaucoup plus de dureté que les autres.
? Voilà donc ce que l'examen superficiel du sol
ermet de connaitre de son assise la plus profonde.
u-dessus vient se superposer une couche d'élé-
ER. extrêmement complexes, épaisse sur le
ersant du Congo, plus mince sur celui du Nil. Ce
ont des conglomérats formés en proportions très
| variables de cailloux arrondis, de sable, enveloppés
dans une gangue manifestement riche en fer, dont
“Ja teinte passe du rouge brun au noir bleu foncé.
En quelques localités, cette partie colorée devient
Àprédominante et sert aux indigènes de minerai
‘pour la fabrication du fer. La consistance de cette
roche est généralement dure. À sa surface, la gan-
gue ferrugineuse forme des veines saillantes, cir-
Conscrivant des alvéoles d'où se sont échappés les
“cailloux arrondis qui y étaient logés. Elle est dis-
posée en tables sensiblement horizontales de 1 à
Mont
Sarogo (côté est).
3 décimèlres d'épaisseur, dont la superposition
constitue les plateaux de l'Afrique centrale. L'as-
pect de ces plateaux répond à un type assez uniforme.
Quand on monte de la vallée sur le plateau, on
trouve d'abord des blocs de roches provenant du
terrain désagrégé et prêts à glisser sur la pente.
Quelques pas encore et le sol prend son niveau à
peu près horizontal. Le sentier est semé d'un fin
gravier qui roule sous les pas et rend la marche
très pénible. La roche, raboteuse, est recouverte
d'une sorte de lichen coriace et d'herbes courtes et
fines, très glissantes, Par places, sur les points
déclives, se sont amassés quelques grains de terre
végétale; des Gra-
minées plus drues
el plus vigoureuses
ont pu s'y fixer. De
singulières excrois-
sances parsèment
la plaine, celles-ci
d'origine animale,
sorte de gros champignons d'argile grise, isolés ou
groupés en tourelles et en châteaux forts : c'est
l’œuvre d'un névroptère, le Termes mordax. De dis-
| tance en distance s'élèvent des ilots de végétation
(fig. 10) : buis-
sons et arbres
de médiocre hau-
teur ; la Lerre
leur manque:
leurs racines s'é-
talent sur le roc.
Ces arbres sont
posés sur le sol
comme les ar-
bres naïfs des
ménageries en-
fantines : le pas-
d'une tornade suffit
sage d’un éléphant, le vent
souvent pour les renverser, et l'on voit redressé le
disque de racines qui les soutenail sans les accro-
cher au sol.
Viennent les pluies lorrentielles du Khamsin :
la roche superficielle est délavée; l'eau court en
torrent à sa surface, enlève les cendres du dernier
incendie de la brousse, entraine tout l'humus qui
n'est pas retenu par les racines des herbes. Des
flaques d'eau se forment, où ne tardent pas à appa-
raître des myriades de tètards, d'hydrophiles, de
gyrins, de larves de moustiques, d'hydromètres.
La végélation devient plus verdoyante et plus
touflue; mais la prochaine saison sèche anéantira
ces essais de résurrection : ces plateaux sont voués
à la stérilité.
Les terrains qui recouvrent les gneiss et les
conglomérats ferrugineux sont formés par la désa-
grégalion de ces roches. Ce sont, au fond des
vallées, des argiles plus ou moins mélangées de
sables, d'une couleur passant du blanc pur à l’ocre
jaune et au rouge-brun foncé. Au-dessus viennent
l'humus, les marais, tous les produits dela décom-
position végétale. Sur le versant du Nil, l'action
corrosive des agents atmosphériques sur les mas-
sifs cristallins a répandu dans la plaine une épaisse
couche de sables, à peine mélangés d'un peu
d'humus et, par suite, doués d’une très médiocre
fertilité. Dans la vallée du Soué, le mica y prédo-
mine : là, le sable est grisàtreetcoulant. En d'autres
points, c'est le quar!z : le sable prend une couleur
jaune-clair ou rosée; il s'agglomère plus facilement
ex
D' CUREAU — NOTES SUR L'AFRIQUE ÉQUATORIALE
signalée sur les plateaux; en maints endroits, des.
grès grossiers, mélangés de graviers; à Matadi, près
de l'embouchure du Congo, des micaschistes à micam
blanc *. .
Remarque importante : les calcaires manquent à
peu près complétement dans toute cette partie de
l'Afrique. À Comba, près de Brazzaville, il en passe
une bande dirigée du Nord-Est au Sud-Ouest. A
partir de là, on n’en trouve plus. Les eaux des
rivières ne tiennent en solution que des traces de
chaux tout à fait insensibles. Pourtant, l’'Oubanghi
renferme des quantités considérables d'huîtres, dont
les indigènes font une grande consommation. Il s'en
trouve également dans le Souéetjusque dansle Yobo.
Fig. 10. — Un plateau Zandé avec des ilots de végétation et des termitières.
et, au lieu de se laisser charrier en masse par les
eaux de pluie, ilse ravine et se découpe nettement.
En aval des hauts plateaux, on à peu visité et peu
décrit les pays éloignés des grands cours d'eau ',
de sorte que la connaissance des terrains est pres-
que exclusivement limitée aux couches alluviales
provenant de l'apport des rivières. Les seuils des
rapides montrent en quelques pointslaroche à nu :
dans le Mbomou, c'est une roche granitoïde alté-
rée (taplite), à Banghide gros blocs de quartz blanc
laiteux soudés par celte même gangue ferrugineuse
! Sauf dans le Bas-Congo et l'Ogowé, que des géologues
de profession out étudiés avec toute la compétence dési-
rable. Il est regrettable de constater que l'Etat indépendant
du Congo a été l'objet d'investigations scientifiques sérieuses,
alors que le Congo francais est à peine effleuré. La bonne
volanté, dont j'essaie de faire preuve ici, ne saurait rem-
placer les connaissances approfondies que des études
spéciales peuvent seules donner.
La conformation et la structure du sol étant
ainsi élablies dans leurs grandes lignes, essayons
de nous rendre compte de la genèse des rivières
et des vicissiludes de leur cours.
IT
L'absence de système orographique entraine
l'absence presque complète de sources. Celles-ci,
du moins, sont rares et proviennent de faibles
transsudations à travers les minces couches d’hu=
mus et de sables, qui recouvrent la surface imper=
méable des plateaux. On peut donc dire, d'une
manière générale, que les rivières prennent nais=
sance, non par filtration d’eaux souterraines,
! Les déterminations des échantillons de roches que j'ai
rapportés ont elé faites par M. Emile Haug, professeur
adjoint à la Sorbonne.
D: CUREAU — NOTES $
SUR L'AFRIQUE ÉQUATORIALE 265
mais par ruissellement des eaux de pluie sur la | ment incliné. Je n'ai vu cet arbre que dans ce pays
“surface imperméable des plateaux.
Cette absence d'eaux vives occasionne de grandes
privations aux populations du Bahr- el-Ghazal,
“pendant la saison sèche. À cette époque, les ruis-
“éeaux sont taris; la chaleur solaire n’est tempérée
_ par aucun nuage; les herbes brûülées couvrent le
sol d'un manteau de cendres; les maigres arbres,
à moilié calcinés, ont perdu leur feuillage; tout
le pays est desséché et aride. Pour satisfaire leur
soif, les indigènes n'ont d'autre ressource que de
“creuser, dans le lit d’un ruisseau ou d’un marais à
sec, un trou de quelques décimètres de profondeur,
“dans lequel ils puisent, avec une petite calebasse
ou des feuilles réunies en cornet, une eau noire,
< bourbeuse, nauséabonde, peuplée d'un monde
d'algues et de larves de toute nature. Chose re-
- marquable, ces populations fuient le voisinage des
rivières, qui pourraient leur assurer une abondante
“provision d’eau en toute saison. Elles recherchent,
«pour s'y établir, les emplacements dénudés, brûlés,
“au milieu du jour, par l'ardeur d'un soleil zénithal.
“J'ai vu ainsi construire des villages à proximité
… d’un lit desséché, alors que, à une heure de mar-
“che, un charmant ruisseau court entre des cailloux
“sous un ombrage délicieux. Personne n'a jamais
pu me donner une raison suffisante d’une coutume
si paradoxale au regard des goûts et des habitudes
de la plupart des hommes. La consultation des
- fétiches étant éliminée, est-ce hérédité ou tradition
chez des peuplades dont le berceau se trouverait
dans les contrées du Nord et de l'Est, encore plus
arides et desséchées? Est-ce motif irraisonné de
santé, crainte inslinclive des miasmes et des
brouillards ?
Mais, revenons à l'eau de pluie, que nous avons
laissée ruisselant à la surface des plateaux. Simple
- filet sans cours déterminé dans les dépressions
indécises des tables rocheuses superficielles, les
“ eaux ont, au cours des siècles, enlamé celles-ci
dans les parties plus déclives. Sans cesse grossies
par de nouveaux apports, à mesure qu'elles des-
cendent vers la vallée principale, l'effet mécanique
de leur masse s’accentue : la dépression devient
ravinement.
On rencontre souvent, dans l'intervalle des pla-
+ (eaux, des vallons dont le fond est occupé par un
- marais hérissé de grands roseaux, de hautes
herbes au chaume quadrangulaire garni d'ailes
tranchantes comme des rasoirs, d'arbustes épineux,
de daltiers sauvages‘ aux pointes acérées; il s’y
trouve également, par petils bouquets, une jolie
miniature de palmiers, aux couleurs fraiches de
vert clair et de rouge orangé, au stipe gracieuse-
! Phœnix spinosa
et dans ces vallons marécageux.
Au ravinement succède un ravin plus profond,
qu'on appelle, depuis Piaggia, une « galerie ». La
galerie ne se trouve donc point sur les parties
culminantes des plateaux, mais seulement aux
approches des vallées principales.
Qu'on se figure un ravin creusé dans la roche du
plateau, de 15 à 20 mètres de profondeur, aux
pentes très raides. Les pluies ont fait glisser d’en
haut, d'abord des fragments de roc, puis de la
terre végélale. L’épaisseur de la couche formée par
celle-ci va naturellement en croissant du bord du
ravin jusqu'au fond. Là coule le ruisseau, sur un
lit de sable et de feuilles mortes. Dans cette retraite
profonde, à l'abri des vents desséchants et des
ouragans, dans une atmosphère maintenue humide
par la proximité de l’eau, la végétation rencontre
un milieu éminemment favorable à sa prospérité.
Mais l'épaisseur de terre végétale, trop faible près
du bord, ne tolère que le buisson; plus considé-
rable au fond du ravin, elle admet les grandes
essences ; de sorte que le faite de ces végétaux de
taille différente s'égalise au sommet du ravin et
que le dôme de verdure dépasse à peine la surface
du plaleau.
Les grandes vallées, telles que celles du Kèrè,
du Woula, du Bamou, du Mbomou', ne sont, en
somme, qu'une extension, un élargissement de la
galerie.
Partons encore de la surface du plateau, Immé-
diatement au-dessous du bord, nous trouvons des
éboulis provenant de la destruction de la roche.
Plus bas commence la terre végétale; la couche
augmente d'épaisseur; elle se mélange avec les
sables et les argiles charriés par la rivière et dépo-
sés par les crues. Là, suivant la richesse du sol,
croissent de simples herbes, des buissons, des
arbustes ou des arbres. Elus près du thalweg, les
herbes seules subsistent; le sol devient fangeux ;
c'est le terrain d'inondation, couvert par les eaux,
soit tous les ans, soit seulement aux crues excep-
tionnelles. Au milieu de cette plaine basse serpente
un rideau d'arbres courts el rameux, qui dessine
au loin le trajet de la rivière. En approchant, nous
reconnaissons que ces arbres bordent un fossé aux
parois taillées carrément comme celles d'un canal;
la profondeur en est pour toutes les rivières de
3 à 5 mètres en moyenne. Terre végétale en haut;
au-dessous, sable, argile et souvent grès tendres
dans le bas. La rivière coule tranquillement tout
au fond de ce fossé, en saison sèche ; en saison des
pluies, elle en remplit tumultueusement les bords
1 Les mots Bamou et Mbomou dérivent d'un mot Karè,
impossible à figurer dans notre orthographe et qui signifie
eau,
500
D' CUREAU — NOTES SUR L'AFRIQUE ÉQUATORIALE
de ses eaux fangeuses, puis se répand dans la
plaine avoisinante. Des deux côtés, les arbres,
minés en dessous par le couranl, penchent vers
le milieu, comme se saluant d'un bord à l'autre.
Cette circonstance facilite beaucoup l'établissement
des ponts de lianes en diminuant leur portée.
La nature rocheuse et la dureté variable des
terrains, où Ja rivière a creusé son lit, l'ont obligée
à se replier en mulliples sinuosités; on dirait les
contorsions d'un ver coupé. Sur une partie de son
parcours, le Mbomou fait 150 kilomètres d'oscilla-
tons autour de sa direction générale, qui n'en a
que 77.
Comme le montrent les profils du sol (fig. 3 et 4),
la crête qui sépare les deux bassins du Congo et
du Nil est extrémement peu marquée.Elle n’est cons-
tiluée que par un plateau à peine plus élevé que les
autres et
tout aussi DA Pa
horizontal .
On conçoit
que, sur
ces surfa-
ces planes,
le partage
des eaux se
fasse avec une certaine indécision et qu'elles pa-
raissent comme hésiter entre les deux directions.
Pour beaucoup même de ces ruisselets, le sens de
l'écoulement n'est pas constant; sous le moindre
prétexte, quelques mottes de terre, une poignée
d'herbes, ils reportent d'un bassin à l’autre leur
modeste tribut; c'est une demi-slagnation, un
Fig. 11.
Hauteurs
Debut
MR MAMAN TR NUE RE CSM CN IN D Ir
Fig. 12. — Régime des eaux du Soué,
— hauteurs ..….. débits.
écoulement alternant, moitié marais, moilié ruis-
seau.
Les cours d'eau qui descendent des plateaux
dans la direction du Nil, tout en conservant la
plupart des caractères généraux décrits plus haut,
offrent quelques particularités qui tiennent à la
nature sablonneuse des couches superficielles sur
lesquelles ils coulent.
Les dépressions, occupées par les ruisseaux de
faible débit, à cause de la nature meuble du sable
où elles sont creusées, sont peu profondes et lrès
évasées. La fillration des eaux de pluie à travers la
mince couche superficielle, où elles sont maintenues
par l'imperméabilité de la couche sous-jacente
entretient sur les pentes latérales un état cons
tant d'imbibilion, qui réalise ainsi un marais in
cliné. Dans le fond de la dépression, l'épaisseur
de vase se fait de plus en plus considérable, sous
une eau fangeuse à peine courante; le marais de 1
vient fondrière. |
Les rivières de plus grand débit reprennent, dun
côlé du Nil comme du côté du Congo, la même
section rectangulaire de trois à cinq mètres dem
hauteur, dont la surface correspond à la masse des
eaux pluviales déversée par les plateaux pendant
le Khamsin.
L'origine des cours d’eau africains, le défaut de
réservoirs souterrains comme régulateurs de leu
débit, l'absence de végétalion sur les lieux élevés.
entrainent falalement des écarts considérables dan
le régime
ve
02
Hautes caux
trouvera ici
(fig.11) unes
coupe du
F o — Coupe du Soué au confluent du Yobo
(Echelle des hauteurs double de celle des longueurs.)
Souéàl’em-
bouchure
qui donne une idée exacle de la conformation de
toutes les rivières de la contrée, Mbomou, Woula,
Ngwa-ngwa, Sarangou, Biri, ete. J'y joins (fig.12)les
courbes de son niveau et de son débit moyens
pendant l'intervalle d'une année. On y verra que
le débit varie entre 10 et 400 mètres cubes par
seconde, écart énorme, pour un point aussi élevé
de son cours.
Pour des bassins de médiocre étendue, la loi de
ces oscillations est évidente et facile à dégager :
elle correspond nettement, quoique avee un léger
retard, à l'allernative des saisons.
Mais, pour ceux qui embrassent des latitudes
très différentes, la loi est plus complexe. Les tribu-
taires ne sont soumis aux crues qu'à tour de rôle,
au fur et à mesure du déplacement de la saison des
pluies le long du méridien. Le Congo, dont
l'immense bassin enjambe largement sur les deux,
hémisphères, est soumis, dans ses crues, à
des ondulalions correspondant aux contributions
successives des bassins secondaires du Nord et du
Sud. Il serait intéressant, au point de vue de la cli=
malologie et de l'hydrographie africaines, que les
Etats riverains du grand fleuve s'entendissent pour
instiluer un service d'observations marégraphiques
en des points judicieusement répartis du Congo et
de ses affuents. |
Dans son ensemble, la ligne de partage d'eaux
est dirigée du S.E. au N.0., courant en diagonale
des sources du Mbomou à celles du Borou et du
D: CUREAU — NOTES SUR L'AFRIQUE ÉQUATORIALE 567
Bahr-el-Arab. Le cours du Mbomou dans le Sud, et,
“dans le Nord, celui du groupe Bahr-el-Homr et
Bahr-el-Arab, prolongé par le Bahr-el-Ghazal etune
Partie du Bahr-el-Djebel, sont sensiblement paral-
“èles et dirigés en sens contraire, le premier de
L'Est à l'Ouest, le second de l'Ouest à l'Est. Les
affluents du Mbomou ont une disposition rayonnée,
encore plus frappante, si l'on y joint le Ouellé er le
et son affluent le Ngwa-ngwa ?, le Chinko, le Mbari,
“6 Koto se redressent peu à peu pour venir COnver-
er soit directement, soit par leurs prolongements,
u point de jonction du Ouellé et du Mbomou.
“ Du côté du Nil, les rivières suivent parallèlement
une pente commune inclinée vers le Nord et quiles
“conduit dans l'immense dépression transversale
ont les marais du Ghazal occupent une bonne
artie. C'est le cas du Babr-el-Djebel lui-même, du
ouong, du Rôl, du Roua, de l'Iba ‘, du Soué *, du
“Pongo, du Kourou et du Biri.
Nous avons suivi les eaux depuis le moment où,
recueillies par les plateaux, elles ont glissé à leur
rface, s'y creusant un lit de plus en plus profond,
is s'épandant sur leurs déclivités dans deux di-
rections opposées, Nil ou Congo. Nous voici main-
Bahr-el-Ghazal forme la partie centrale; de
autre, la cuvette équatoriale du Congo. Ce sont Les
k errains d'épandage des apports des deux bassins :
Mbroduils de la dissociation des roches superficielles
assifs de gneiss des H/hias, cendres délavées de
incendie annuel, humus, résidus de la décom-
1 Ou plus exactement Bekou.
«= improprement appelé par Junker Ouarra, nom qui n'est
“pas entendu des indigènes.
# Improprement appelé par Junker Go2ng04.
- * Jha est le nom zandé de cette rivière; le nom dinka est
impossible à traduire eu orthographe francaise. La trans-
cription du D' Schweinfurth, Tondj, n'est que grossièrement
approchée. Si l'on veut bien preudre l'y pour une consonne
analogue au j allemand, la vraie appellation s'écrirait Tü4y,
“qu'il ne faut par conséquent pas prononcer Tüti, les deux
“dernières lettres formant une seule articulation, une sorte
“de consonne double mouillée.
… Soué est le nom zandé de cette rivière. Dans son cours
férieur, on l'appelle Dyour, du nom d'une population
riveraine. Le passage des mots indigènes d'une langue euro-
“héenne à une autre donne souvent lieu à des méprises.
Ainsi le nom d'une rivière, judicieusement écrit Waou par
le Dr Schweinfurth avec un w anglais, a été transformé par
lauteur de la traduction francaise en celui totalement défi-
üré de Vahou. Ces questions n'intéressent par le géogra-
“phe : un nom n'est pour lui qu'une étiquette. Il n'en est pas
“de même des voyageurs, auxquels ces travestissements
occasionnent souvent des ennuis.
… Cet incendie est allumé par la main des indigènes, lors-
que les herbes sont sèches, après la saison des- pluies. À
“celte époque, de grands espaces sont réservés par les vil-
ges voisins: à un signal, le feu est mis sur plusieurs
points à la fois; les chasseurs se portent en embuscade au
Dans ces dépressions, les eaux sont maintenues
à un niveau relativement élevé par les seuils ro-
cheux des rapides eL des calaractes, par les étran-
glements du fleuve situés en aval. Il en résulte un
certain état de stagnation, très marqué dans le
Babr-el-Ghazal, où viennent converger des cours
d'eau d'importance médiocre comparativement à la
superficie du bassin, moins accentué au contraire
dans le Congo, à cause du débit considérable du
fleuve principal et de ses affluents. Il faut remar-
quer également que, tandis que les tributaires du
Ghazal s’y rendent directement, descendant des?
plateaux en ligne droite et sans arrêt, ceux qui se
dirigent vers la cuvette équatoriale, à un niveau
sensiblement égal au précédent, n’y parviennent
qu'après être descendus de degré en degré et avoir
décrit, par le Mbomou et l'Oubanghi, de longs cir-
cuits parallèles au bord des plateaux qu'ils vien-
nent de quitter ; durant ce long parcours, les eaux
ont pu déjà se décharger d'une bonne partie des
matériaux qu'elles tenaient en suspension.
Ces diverses raisons comparalives expliquent
sans doule pourquoi le bassin du Bahr-el-Ghazal
est un marais pestilentiel, presque sans courant,
obstrué de bancs d'herbes; tandis que la cuvette du
Congo n’est qu'une expansion lacustre, maréca-
geuse en quelques points de la rive droile, mais
riche en formations alluviales, dans la région où la
confluence de l'Oubanghi, de la Likouala-aux-Her-
bes, de la Sanga, de la Likouala-Mosaka, de l'Alima
forme un véritablé delta intérieur, Il ne m'appar-
tient point de parler de l’autre expansion du Congo,
siluée au nord de l'Equateur, bien plus longue et
plus large que la première; les îles innombrables
dont elle est parsemée doivent être dues à une for-
mation analogue de la part du cours supérieur du
grand fleuve et de ses affluents.
Ces cuveltes intérieures tendent à se vider au
fur et à mesure que les barrières naturelles, qui
maintiennent le niveau des eaux, s'usent sous l'ef-
fort prodigieux du courant. Quand on voit les ra-
pides du Congo, en aval du Stanley-Pool, leurs re-
mous vertigineux, les hautes gerbes liquides qu'ils
projettent, les amoncellements d'énormes rochers
roulés accumulés sur la rive (fig. 13), l'incessant gon-
flement et resserrement du fleuve, qui forme comme
des allernances rapides d'une sorte de flux et
reflux, on se rend compte de la formidable puis-
sance dynamique développée par ces eaux bondis-
santes et tourbillonnantes, en présence des résis-
lances relativement faibles opposées par les roches
7
côté opposé et abattent au passage le gibier affolé par les
flammes. Ce premier incendie ne suffit généralement pas
pour incinérer complètement les herbes ; les feuilles et les
balles seules y brülent; il faut un second incendie pour
consumer les chaumes et couvrir la Lerre de cendres.
268
D' CUREAU — NOTES SUR
L'AFRIQUE ÉQUATORIALE
feuilletées, les conglomérats, les associations hété-
rogènes el peu compactes qui en composent la ma-
jeure partie. C’est ainsi que, au cours des âges, le
Congo est venu successivement à ‘bout de ses bar-
rières primitives. Il fut une époque lointaine où il
ne s'était pas encore frayé à travers les plateaux
batéké l'étroit et profond ! couloir actuel; il se
déversait alors tumultueusement de l’autre côté,
dans ce vaste cirque qui circonserit maintenant le
Stanley-Pool. En amont de ce couloir, sur le pour-
tour de la cuvette équatoriale et notamment sur
la rive gauche, moins basse que la rive droite, il a
une sorte de falaise, qui marque une ancienne
rive. Entre le pied de cet escarpementet le bord dé
l’eau règne une plaine basse, en pente très douce,
soulevée en plusieurs légères ondulations parallès
les au fleuve. Disons, en passant, que ces ondul&
tions sont très communes sur le bord de tous les.
cours d’eau. Elles sont produites par les courants
et contre-courants qui se forment dans les eaux
d'idondation, au voisinage et par l’action du cou
ran( principal. A l’époque actuelle, par suite de
baisse séculaire du niveau général des eaux, ce
bourrelets riverains émergent, même dans leg
Fig. 13. — Amas de rochers sur le Congo, aux rapides de Kintamo (près de Brazzaville).
laissé des traces de ses niveaux successifs, comme
des échelons superposés, pratiqués dans la berge
accore. Il est évident, en effet, que l'usure des
seuils d'aval ne s'est pas opérée avec régularité,
mais que, en raison de causes mulliples, nolam-
ment du défaut d'homogénéité des roches, elle
s'est effectuée avec des vitesses variables et a, pour
ainsi dire, subi des à-coups à marche séculaire: de
là la formation de ces gradins.
En quelques endroits, on trouve, à une distance
plus ou moins grande du fleuve, un escarpement,
! J'ignore si l'on a tenté de faire des sondages en cet en-
droit. Il paraitrait, d'après M. A. Dolisie, le regretté gouver-
neur du Congo français, qu'une expérience de ce genre,
pratiquée un peu au-dessous de Brazzaville et de la pointe
de Kalina, aurait donné 75 brasses sans trouver le fond.
Avait-on tenu compte de l'influence du courant très fort en
cet endroit ?
crues, tandis que les terrains situés en arrière
couverts par les eaux débordées, ou n'offrant vers
la rivière aucune issue pour les eaux de pluie, s8«
transforment en marécages. Par exemple, c'est Cm
qui fait que, sur l'Oubanghi, le bord immédiat den
la rivière est l'endroit le plus propre à l'établisse
nent des villages.
Peut-être, malgré leur extrème lenteur, les
effets de l'usure des seuils rocheux du Nil et du
Congo ne sont-ils pas négligeables, même pour les
époques historiques. Sur des surfaces aussi plates,
une faible variation dans le niveau des eaux suffll
pour À.
pays ‘. Cela expliquerait peut-être pourquoi les
! Comparer avec ce que Stanley rapporte, d'après les MIS
sionnaires, sur l'abaissement considérable du niveau du
Victoria-Nyanza (Dans les Ténèbres de l'Afrique, t. il). Le
éographes de l'Antiquité, dressant leurs cartes
laprès les relations des caravanes venues du sud,
aient cru à une mer el avaient donné au con-
inent africain une forme tronquée dans le sud.
eut-être aussi avaient-ils été trompés par une
exagération de langage analogue à celle qui à fait
donner, par les indigènes arabisants, aux cours
eau du haut bassin du Nil le nom de Babr, la
er.
Gette baisse lente des eaux n'a pas pour seul
“effet de diminuer la surface des bassins de l'Afrique
Bentrale. Elle influe encore de proche en proche
ur l'hydrographie des contrées plus élevées et des
plateaux, et cela de deux manières : — d'abord, le
“niveau général baisse sur les pays d'en haut simul-
tanément avec celui des pays d'en bas; — puis, aux
«points où existent des seuils rocheux, la différence
de niveau s'accroit entre les deux biefs d'amont et
.
d'aval; l'énergie destructive du courant augmente
moins, après les pluies, n'y fait qu'un séjour de
tilité du sol qu'elle entraine sans cesse l'humus en
formation.
cheresse tue. La limite de l'ÆZ«lis quineensis est
gurée par une ligne qui partirait de l'embou-
chure du Kèrè pour passer dans les environs du
“mont Koungou, pour s'infléchir vers l’ouest.
Ainsi, la succession des pays compris entre la
représentent les phases successives qu'ont pu et dû
arcourir les vastes étendues stériles de l'Afrique
septentrionale : la haute forêt, le taillis, le buis-
Son, le steppe, le sable. L'impression de cette évo-
lution graduelle est très nette pour le voyageur qui
S'avance du Sud au Nord. Outre les modifications
dans la nature du sol, dont j'ai parlé plus haut, on
voit les grandes essences disparaitre, la végélalion
Sélioler; voici des légumineuses chétives et con-
tournées, arbres à gommes et à résines, dominées
par quelques tamarins, des Terminalia macroplera,
dont les feuilles gaufrées simulent de loin les
recul rapide des cataractes du Niagara est un exemple bien
plus grandiose de la puissance destructive des eaux en mou-
vement.
REVUE GÉNÉRALE DES SCIENCES, 1901
D' CUREAU — NOTES SUR L’AFRIQUE ÉQUATORIALE
plus en plus passager; elle y prend des allures
209
feuilles de chêre; des Bassia, qui produisent le
beurre végétal; des Xigelia aux longs fruits cylin-
driques ; et le singulier Euphorbe candélabre, dont
les branches semblent des boudins articulés. Plus
loin apparaissent les plantes grasses, aloès et
cactus.
La faune se modifie parallèlement à la flore. Le
milan, le vautour, l'hyène, le lion, les nuages de
saulerelles annoncent un nouveau climat.
Je ne sais rien de plus lugubre que l'aspect de
Dem Ziber, lorsque j'y suis allé, en 1897, peu
après l'établissement du poste’ par M. Liotard.
Sur le versant, complètement dénudé, d'un plateau,
se dresse un seul vieil arbre parmi les ruines épar-
pillées de monuments en briques. Ici, sur la droite,
deux pans de mur, l’un percé de deux grandes
fenêtres, sont tout ce qui reste de la maison de
Lupton..C'est là que, au moment de l’arrivée des
hordes du Mahdi, le malheureux gouverneur, aban-
donné de ses troupes, s'assit au devant de sa
porte et attendit avec une sérénité antique la eapti-
vité, dont il ne devait être délivré que par la mort.
A soixante ou soixante-dix pas de là, en descen-
dant, on trouve les restes mieux conservés de la
maison de Ziber-el-Fahal, puis de son fils Soliman.
Des chambres y sont encore intactes, ainsi qu'une
sorte de véranda ou d’atrium, qui occupe un coin
du bâtiment et dont la voûte maconnée est sou-
tenue, dans l'angle, par un pilier. en bois. Les
autres constructions sont méconnuaissables : ce
sont des pans de mur, des monceaux de briques,
des bouts de solives fourchues, à demi-carbonisées,
qui servent de perchoirs à de tristes vautours, des
débris de fortifications percées de meurtrières, des
portes monumentales écroulées. Quelques citernes
fournissaient l’eau, sauf au plus fort de la saison
sèche. Maintenant elles sont comblées de terre, de
fragments de maçonnerie, d'ossements d'hommes
et d'animaux. Derrière la maison de Ziber, trois ou
quatre papayers étriqués et prodigieusement hauts
attestent d'anciens essais de culture, d'ailleurs
restés infructueux.
Vers le Nord, le regard s'étend sur la vallée de
l'Oudjoukou, maigre ruisseau, desséché pendant
une partie de l’année. Au delà, par-dessus la vallée
du Biri, on voit se dérouler d'immenses steppes à
peine ondulés, sous un ciel élincelant, chargé de
brumes lumineuses. Là se dressent, à 20 kilomètres
de la moudiria ?, et presque directement au Nord,
les deux collines graniliques de Deleb, au milieu
d'une forêt de Zorassus. Que ce mot de « forèt » ne
1 Maintenant évacué, depuis le traité franco-anglais de
1899.
2 Résidence du moudir ou préfet turc. Nom encore donné
par les indigènes à cette localité concurremment avec celui
de Dem Ziber.
12*
570
fasse pas croire de ma paært à une contradiction
avec ce que j'ai dit plus haut de la végétation dans
cette triste contrée. Rien de moins réjouissant que
ces palmiers sans grâce, sans fraicheur et sans
ombre. Leur haut tronc dénudé!, le long duquel
pendent, comme des haillons, les feuilles dessé-
chées ; leur couronnement de larges éventails, qui
rendent,au moindre vent, un bruissement de lames
métalliques froissées, leur donnent je ne sais quoi
de raide, de sec, d'artificiel, d’étranger à la nalure
végétale. La girafe fait son apparition et il ne faut
pas pousser bien loin vers le nord pour rencontrer
aussi l’autruche, fille du désert. La nuit, s'élève le
lugubre concert des hurlements d2s fauves de
toute espèce: le chacal, l'hyène tachetée, le lion
d’Abyssinie.
Actuellement, toute cette région est à peu près
complètement inhabitée. La chasse à l’esclave, les
exactions des fonctionnaires égyptiens, les hor-
reurs de l'invasion mahdiste, les razzia des petils
sultans zandés ont anéanti presque entièrement
les anciennes populations ou les ont poussées à se
fusionner avec des tribus voisines. Toute la por-
tion de pays qui s'étend au nord d'une ligne courbe
passant par Rabet, Mbima et les monts Ndour n’est
guère qu'une vaste solitude. Tout au plus y sub-
siste-t-il encore quelques être misérables, Krèychs
pour la plupart, meuant, sous des huttes d'herbes et
de branchages, une vie d'alertes perpétuelles, sans
cesse traqués par les chefs zandés. On peut circuler
pendant bien des jours dans cette contrée sans voir
autre chose que des passées d'éléphants, des fou-
lées de buffles et d'antilopes, ou des sentiers de
singes * : sol ingrat, terre désolée, pays sans habi-
tants, sans ressources, souvent sans eau, voué par
la fatalité des phénomènes géologiques à une stéri-
lité sans retour.
Comment la province du Bahr-el-Ghazal a-t-elle
pu être décrite par quelques anciens voyageurs
sous de riantes couleurs, qui ont suscité tant de con-
voitises en Europe? La raison en est sans doute que
ces voyageurs n'y élaient parvenus qu'après un
long cheminement à travers les déserts de la Nubie,
les bancs d'herbes du Mogren-el-Bohour et les
marais infects de la Gazelle. Les steppes qu'ils
avaient rencontrés ensuite, entrecoupés de quel-
ques fraiches « galeries » et de vallées buisson-
neuses, leur étaient apparus comme une terre
promise.
! D'après des mesures que j'ai faites de ces arbres sur
pied, ils atteignent de 18 à 20 mêtres jusqu'à la naissance
des feuilles.
* Les gros singes, cynocéphales et hamadryas, qui sont
surtout marcheurs, suivent en effet des routes régulières
sur les plateaux et dessinent ainsi des passées d'où l'herbe
a disparu et qui, sauf une moindre largeur, sont parfaite-
ment analogues aux sentiers indigènes.
D' CUREAU — NOTES SUR L'AFRIQUE ÉQUATORIALE
Nous, au contraire, quittant la grasse région
fluviale et la forêt équatoriale, nous avons éprouvé
le contrasle dans un sens tout opposé. La triste «
végétation et les villages misérables des hauts pla-
teaux n'ont pu que nous faire regretter la nature
exubérante et les vigoureuses populations de l'Ou-
banghi et du Congo. J'ai conservé très vive dans
mon souvenir l'impression de soulagement et de
bien-être, que j'ai éprouvée, après un séjour de:
près de trois ans sur les plateaux nyam-nyams, en
revovant le pays nzakara. Je ralentissais la mar
che, j'abrégeais les élapes pour séjourner plus”
longtemps dans de plantureux villages, prolon-
ger mes campements sous de beaux arbres, dev
vrais arbres, auprès d’une eau courante. Je m'ar-
rêtais pour admirer le désordre d’une végéta-
tion touffue : arbres gigantesques, lianes enchevé-
trées, maniocs superbes, énormes régimes de
bananes ; le papayer reprend des proportions nor-
males ; d'immenses figuiers couvrent le sol d'une
ombre épaisse; l’{/rostigma offre son écorce aux"
ouvriers batteurs pour la confection des pagnes.
C'est le retour à la fertilité, à l'abondance, à la.
vie intense et riche.
III
Dans l'Afrique tropicale, les saisons sèche et
pluvieuse se partagent l'année à peu près par
moitié. Celte distinction n’est pourtant pas tout à
fait rigoureuse, car il survient quelques petites
ondées en saison sèche, ce qu'on appelle au Gabon
la pluie des mangues; et, réciproquement, la sai-
son des pluies se signale souvent par quelques
jours de rémission.
Dans la saison pluvieuse, les pluies ne sont pas
continues ; elles surviennent par violents orages,
généralement entre quatre et six heures du soir.
Une épaisse masse de nuages noirs apparaît vers le
nord-est; elle envahit rapidement le ciel: à peine”
a-t-elle atteint le zénith que le vent s'élève et se
met tout à coup à souffler en bourrasque. Aussitôt
la foudre entre en scène; éclairs el tonnerre se
succèdent sans relàche. Enfin une pluie diluvienne
commence à tomber en nappes compaetes et fait
taire peu à peu le fracas de la foudre. Avec le gros"
de l’orage, le tonnerre s'enfuit vers l'horizon; lan
pluie devient moins torrenlielle, mais persiste.
encore quelques heures, parfois toute la nuit. AU
matin, un soleil éclatant fait évanouir les dernières
nuées et fait lever du sol trempé des brumes
chaudes et épaisses.
On sail combien la courbe barométrique est
régulière sous les tropiques. J'ai souvent recher-
ché, tant avec un enregistreur qu'au Fortin, lin-
fluence que pouvait exercer sur elle l'approche de
D: CUREAU — NOTES SUR
L'AFRIQUE ÉQUATORIALE 571
- ces orages; je n'ai jamais trouvé la moindre
… inflexion dans la continuité du tracé.
… Tels sont les caractères les plus généraux de la
É climatologie de l'Afrique tropicale. Elle subit ce-
Li pendant quelques légères modifications et affecte
des allures spéciales, suivant qu'on la considère
dans la région fluviale où dans la région des
plateaux.
Dans la région fluviale, le ciel est constamment
couvert pendant la saison sèche; la vapeur d'eau
ne cesse pas d'être en très forte proportion dans
- l'atmosphère. La pluie parait toujours à l’état de
- menace sans jamais tomber. L'horizon est consi-
dérablement rétréci par les brumes; à Brazzaville,
- chacun sait que la disparition de la rive gauche du
Stanley-Pool est un indice certain du début de la
saison sèche.
Pendant la saison des pluies, la courbe de la
tension de la vapeur d’eau procède par bonds
successifs. Elle s'élève d'une manière continue
- pendant plusieurs jours; puis survient une con-
- densation brusque sous forme de tornade. L'atmo-
“sphère devient d'une extrême limpidité; les loin-
fains sont nets, clairs, et se délachent avec vigueur.
- Bientôt la chaleur solaire aura de nouveau saturé
l'air de vapeur d’eau, et la même suite de phéno-
mènes se reproduira.
La tempéralure, régularisée par l'énorme masse
d'eau en suspension dans l'atmosphère, n'atteint
jamais des valeurs extrêmes. À Brazzaville, elle
- oscille entre + 20° et + 30°. Son plus faible mini-
mum est aux environs de + 13°, un jour ou deux
par an, dans la saison sèche, à 6 heures du malin.
Sur les plateaux et sur le versant du Nil, la sai-
son sèche justifie réellement son nom, et d'une
_ manière excessive. La tension de la vapeur d'eau
approche de zéro pendant le jour; elle se relève à
peine pendant la nuit, et seulement dans les ter-
rains bas. Les bois craquent: le papier devient
raide et se froisse bruyamment comme du par-
chemin. L’atmosphère se charge d’un mélange de
poussières lénues soulevées par le vent de nord-
est, et de fumée, provenant de l'incendie des
herbes, qui, sous l'irradialion du soleil, prend un
éclat et une luminosité excessifs. On éprouve
. une impression pénible de cuisson au pourtour des
. narines et des paupières.
La température subit de grands écarts entre
6 heures du matin et 1 heure de l'après-midi,
maxima et minima qui peuvent alteindre + 6°
et + 40° (à l'ombre). On reconnait là, une fois de
plus, un des caractères particuliers des contrées
désertiques.
En saison des pluies, l'intervalle diminue entre
les températures extrêmes; il ne s'étend plus que
de +21° à +295. L'humidité atmosphérique
prend un régime analogue à celui de la région
fluviale; c'est-à-dire qu'il procède par oscillations
diurnes, d'amplitude croissante pendant plusieurs
jours consécutifs, et suivies d’une dépression
brusque à l’occasion d’un orage. Dans une même
journée, la proportion de vapeur d'eau se porte
de 15 à 90 °/,. Contrairement à ce qui arrive dans
la région fluviale, la nébulosité ne cesse d’être très
forte; les orages ne purifient jamais le ciel. Un
phénomène fécond en surprises est la soudaineté
avec laquelle s'opère la condensalion des vapeurs,
à la tombée de la nuit; quelques minutes suffisent
pour que l'humidité, avec l’abaissement de tempé-
rature qui suit le coucher du soleil, passe brusque-
ment de l'état gazeux à l’état vésiculaire, puis se
rassemble en amas floconneux, et enfin en nuages
épais.
Dans celte région des plateaux, les phénomènes
hydrographiques et les phénomènes météorologi-
ques sont intimement liés et exercent les uns sur
les autres une réaclion réciproque. L'aridité du sol
accroît la sécheresse de l'atmosphère; celle-ci se
prête d'autant moins au développement d'une végé-
tation qui rendrait au sol une féconde humidité.
Surviennent ensuite les pluies torrentielles du
Khamsin, qui charrient l’humus vers les cuvettes
inférieures, dénudent la roche et préparent un ter-
rain sans cesse plus aride. Cette progression est
parfaitement mise en lumière par la comparaison
des états hygrométriques de l’air, en saison sèche,
dans la région fluviale et dans la région des pla-
teaux. L'humidité, même en l'absence des pluies,
ne cesse d’être très considérable dans la première,
au contact des forêts et des larges étendues d’eau.
Dans la seconde, au contraire, l'effet de la saison
pluvieuse cesse de se faire sentir avec les dernières:
ondées, et Lout de suile le climat passe de l’ex-
trême humidité à l'extrême sécheresse.
Ainsi se ferme un cycle de phénomènes enchai-
nés, dont le terme ultime sera, dans un avenir
lointain, l’empiètement des grands déserts du
Nord jusqu'aux premières pentes du versant du
Congo.
Dans un second article, nous étudierons les peu-
plades qui habitent les régions dont nous avons
cherché à donner un aperçu géographique.
D' Çureau,
Chargé de Missions.
512
SUR LES CONCEPTIONS
DE HAUY, DE MALLARD ET DE M. WALLERANT
EN CRISTALLOGRAPHIE
I. — REMARQUES AU SUJET D'UN RÉCENT
ARTICLE DE M. DE LAPPARENT
Tous les cristallographes auront lu avec intérêt
l'exposé magistral que M. À. de Lapparent a donné
dans la /evue' des doctrines cristallographiques
francaises telles que les ont établies les immortels
travaux d'Haüy, de Delafosse, de Bravais, de Mal-
lard. Ces doctrines, dans lesquelles l'hypothèse a
si peu de part qu'on chercherait en vain par où
elles s’écartent des déductions logiques purement
tirées de l'expérience, qui n’ajoutent aux faits qu'un
lien solide et jamais en défaut, qui enfin sont com-
patibles avec toutes les hypothèses imaginables
sur la constitution de la matière, ne tarderont sans
doute pas à s'imposer aux esprits en Allemagne et
ailleurs, comme elles l’ont fait depuis longtemps
en France. Et il était bon qu'une parole autorisée
comme celle de M. de Lapparent vint rappeler aux
trop nombreux savants étrangers qui, parfois sys-
tématiquement, ignorent ce qui se fait chez nous,
que même annexées et germanisées comme elles le
seront sans doute bientôt, comme elles le sont déjà
en partie, ces doctrines, ainsi que tant d’autres,
sont françaises.
Toutefois, il me paraît nécessaire qu'un élève de
Mallard présente ici quelques observations sur cer-
tains passages de l’article en question qui tendent
à présenter sous un jour peu conforme à la réalité
les idées du Maitre ou les modifications qu'on a
tenté d'y introduire après lui. Des observations ana-
logues, bien que moins graves, s'imposent en ce
qui concerne Haüy.
Mon intention n'est pas de chicaner en détail
M. de Lapparent sur certaines phrases où il établit,
au préjudice d'Haüy, une distinction peu justifiée
entre la conception du milieu cristallin, telle que
l’a reprise Delafosse et telle que, dès l’abord, elle
s'était présentée à l’idée du fondateur de la Cristal-
lographie. Delafosse, il est vrai, a cru nécessaire
de montrer que la notion de particules inlégrantes
1 De Lapparent : L'évolution des doctrines cristallogra-
phiques, dans la Revue générale des Sciences du 15 mai 1901,
t. XII, p. 399 et suiv.
GEORGES FRIEDEL — SUR CERTAINES CONCEPTIONS EN CRISTALLOGRAPHIE
contiguës, de milieu cristallin plein, telle qu'on
l’attribuait à tort à Haüy, n'était pas nécessaire.
Mais ce qu'il importe de rappeler, c'est que jamais
cette notion n'a été celle d'Haïüy. La maille de Dela-
fosse et de Bravais, bien qu'établie par un raison-
nement plus général, bien que basée sur toutes les
propriétés internes des cristaux, au lieu de n’être
tirée que du seul clivage, ne diffère nullement de
la molécule intégrante d'Haüy, comme on le répète
trop souvent. Veut-on la preuve que la grossière
notion de molécule intégrante, telle qu'on nous la
présente, n'était nullement dans la pensée d'Haüy?
« Dans l'exposé que nous faisons de certains phé-
nomènes naturels, dit-il dans son Traité de Cris-
tallographie, nous employons les mots de contact
immédiat entre les molécules des corps; nous re-
gardons les surfaces de ces corps comme des plans
continus, parce que nous sommes portés à juger
des choses prises en elles-mêmes, d’après la ma-
nière dont elles s'offrent à nos observations. Mais
lorsque nous réfléchissons sur la transparence des
corps, nous concevons que les rayons de lumière
doivent traverser suivant toutes les directions les
corps qui jouissent de cette propriété, sans être
arrêtés dans leur trajet, d’où il faut conclure que
les molécules des corps, arrangées pour ainsi dire
en quinconce, laissent entre elles des intervalles
incomparablement plus considérables que leurs
diamètres”. » On peut penser ce qu'on voudra du
raisonnement, mais on ne saurait vraiment faire
honneur à Delafosse, qui a assez d'autres mérites,
d'avoir imaginé, en espacant les « molécules », un
perfectionnement de la « molécule intégrante ». On
voit assez qu'Haüy distinguait nettement entre le
quinconce géométrique (réseau de molécules inté=
grantes ou de mailles, peu importent les mots) et
la molécule matérielle quelconque dont ce réseau
détermine la position. J'ai tort de dire : peu im-
portent les mots, car il apparaît trop clairement
par cet exemple que l’on tend à leur attribuer plus
d'importance qu'aux faits et aux idées. Haüy a
employé assezimproprement le mot de «molécule »
pour désigner un espace géométrique, une forme;
et, bien qu'il ait, on le voit, expliqué fort elaire
ment que sa « molécule intégrante » élait autre
chose que la « molécule » matérielle, on ne lui
LI 210 apte fur 4 ta FE ES PSN OE REEESES
! Traité de Cristallographie, 1822, t. I, p. 241.
GEORGES FRIEDEL — SUR CERTAINES CONCEPTIONS EN CRISTALLOGRAPHIE 513
pardonnera pas de n’avoir pas trouvé, pour désigner
exactement la même chose, les mols certainement
meilleurs, mais indifférents au fond, de « maille »
et de « réseau ». Loin de moi la pensée de diminuer
par là l'importance de l'œuvre de Delafosse et sur-
tout de celle de Bravais; mais ce n'est pas en ima-
ginant le réseau qu'ils ont rendu service à la
Cristallographie, car Haüy se faisait du réseau
exactement la même idée qu'eux; c'est en en dé-
montrant mieux l'existence, en en étudiant les
modes possibles et surtout en tirant de cette notion
des conclusions qui avaient échappé à Haüy, no-
tamment au poini de vue de l'hémiédrie.
Je n'insisterai pas sur la notion singulière de
« moindre action » et de « résistance vis-à-vis du
dehors » où M. de Lapparent voit une explication
des groupements par pseudo-symétrie. Ce serait
suivre l'auteur dans le domaine lilléraire, et l'on
ne se sent pas le courage de souiller de prosaïques
réfutalions d'aussi poétiques images. Rien ne doit
. cependant paraître plus singulier aux élèves de
Mallard que de voir attribuer, comme semble le
faire M. de Lapparent, à cet espril si merveilleuse-
ment clair et logique une interprétation nébuleuse
des faits qui élait bien loin de sa pensée et qu'en
tout cas il n'a exposée ni dans ses écrits ni dans
ses lecons. C'est précisément en détruisant cette
vieille notion vague d’ «augmentation de symétrie »,
ou plutôt en la transformant en une notion précise
. toute différente, celle de la continuation ‘du réseau,
que Mallard est sorti de l’ornière et a lancé la
théorie des groupements dans la véritable voie. Le
Maitre serait bien étonné sans doute de l'explication
de la macle de l’Aragonite, que M. de Lapparent
croit reproduire selon sa doctrine.
IT
Ce qui me parait plus grave, car il s’agit, non du
passé et de notions généralement classées et com-
prises en France, mais du présent et de l'avenir,
c’est ce que dit M. de Lapparent au sujet de la voie
_ soi-disant nouvelle où est entrée la Cristallogra-
phie par les travaux purement géométriques de
MM. Sohnke, Schænfliess, elc., et surtout par les
applications qu'a faites plus récemment de ces tra-
vaux M. Wallerant. M. de Lapparent montre, d'ail-
leurs, avee beaucoup de raison, qu'en somme une
géométrie compliquée n'ajoute rien au réseau de
Bravais; qu'elle ne sert qu'à obseurcir la notion
fondamentale de système cristallin et d'hémiédrie
pour la remplacer par celle de types de symétrie
épars dépourvus de signification physique. Mais
_ enfin cette géométrie, si elle n’est en réalité d'aucun
usage pour le cristallographe imbu des idées fran-
caises, n’est pas en elle-mème dépourvue d'intérêt.
Elle constitue l’une des manières d'envisager la
question et il est toujours bon de retourner les
questions de toutes les manières. Ce qui est, par
contre, extrêmement singulier, c’est que des cris-
tallographes nourris dans les idées françaises,
repoussant avec raison comme une complication
inutile tout cet attirail de théorèmes, n’en gardent
qu'une seule chose : un mot,qui,séparé de ces théo-
rèmes, se trouve comme étranger et perdu dans la
belle ordonnance logique du système de Mallard,
où il n'a que faire et où il n'introduit que désordre
et confusion. Je veux parler du domaine fonda-
mental ou plutôt de la « particule fondamentale »
de M. Wallerant, que M. de Lapparent adopte après
lui.
Je suis loin de vouloir diminuer les mérites de
ce savant. Endormie depuis la mort de Mallard,
trop satisfaite peut-être du merveilleux édifice
dont il paraissait avoir presque achevé la construc-
tion, la Cristallographie française semblait perdre
de sa vitalité et dévier trop exclusivement vers les
applications pétrographiques, lorsque les belles
recherches de M. Wallerant sur le quartz, sur la
fluorine, ses considérations sur la pseudo-symétrie
et sur les groupements cristallins sont venues mon-
trer que tout n'étail pas dit et remettre ces sujels
à l’ordre du jour. Mais, si la question est posée à
nouveau, si notamment on comprend mieux que
par le passé combien est encore imparfaite la
théorie des macles par hémitropie,le moment est-il
venu de chanter victoire et de célébrer, comme le
fait M. de Lapparent, l'acquisition non de mots
nouveaux, mais de otions nouvelles? Je ne le crois
pas.
M. Wallerant, dans ses éludes sur les anomalies
optiques, présente explicitement comme nouvelle
celle idée que la mériédrie peut-être poussée au
delà de celle qui conduit à un groupe de symétrie
d'ordre immédiatement inférieur à celui du réseau.
Pour prendre un exemple, la Boracite, dit-il, n'est
pas « pseudo-cubique et orthorhombique » comme
le disait Mallard, mais a bien réellement un réseau
cubique; elle est « cubique et mérièdre », ne gar-
dant des éléments de symétrie du cube que ceux
du système terbinaire. mais conservant un réseau
exactement cubique. Il y a, d’après M. Wallerant,
une distinction bien nette à établir entre ce cas et
celui de la Leucite, par exemple, qui n'est que
pseudo-cubique. Cela est juste, encore que la dis-
tinction ne soit pas si nette en pratique.
Mais il n'y a là rien que Mallard n'ait enseigné.
S'il ne l'a peut-être pas exprimé par le mot même
de « mériédrie » dans ses ouvrages, c'est cependant
l'idée que tous ses élèves se sont faite du phé-
nomène d'après ses lecons. Et n'est-ce pas encore
s’altacher à un mot que de présenter comme une
D74
nouveauté la nolion que la ‘Boracite est cubique et
mérièdre, quand on lit dans Mallard ceci : « La
Boracile... se trouve dans la Nature en petits cris-
taux parfaitement cubiques. Le réseau de cette
substance a donc bien la symétrie cubique; cepen-
dant la substance jouit d'une double réfraction
énergique, et l'observation montre que la symétrie
optique est seulement terbinaire. La double réfrac-
tion est donc due uniquement à la molécule, dont
la symétrie doit êlre certainement rhombique.
L'édifice cristallin, composé de l’ensemble du
réseau et de la molécule, a ainsi seulement Ja
symétrie rhombique... Il nous suffit ici de cons-
later qu'une substance peut être énergiquement
biréfringente avec un réseau rigoureusement
cubique” ». Il n'est pas exagéré de dire que
M. Wallerant n'a pas ajouté sur ce point un iota à
ce que Mallard avait conçu, écrit et enseigné, et
que M. de Lapparent se fait une étrange illusion
quand il dit, au sujet de la mériédrie, que M. Wal-
lerant croit avoir imaginé de pousser plus loin que
Mallard : « Cette conception une fois admise, ce
qu'on appelait autrefois les anomalies optiques va
maintenant apparaître sous un jour tout différent. »
En réalité tout reste en l’état, et parfaitement salis-
faisant d’ailleurs; il n’y a pas trace de conception
nouvelle, mais un mot qui n’est même pas nouveau
dans ce sens et que Mallard, qui par malheur a été
enlevé à la science avant la publication de son
volume sur les groupements, employait dans ses
leçons et dans sa conversation, en l’appliquant aux
cas même qu'a pris pour exemples M. Wallerant *.
La citation précédente suffit, je pense, à montrer
que l’idée est celle de Mallard, sans la moindre
modificalion. Elle montre aussi avec évidence que
M. de Lapparent attribue à M. Wallerant une autre
idée de Mallard, discutée et démontrée par lui
tout au long dans son 7railé de Cristallographie,
quand il dit : « Ce qui est certain, c’est que,
d'après l'explicalion que M. Wallerant a donnée de
ce qu'on appelait les anomalies optiques, l'allure
optique d'un cristal est déterminée non par son
réseau, mais par sa particule. »
III
J'en viens maintenant, pour ne relever que les
points les plus importants, à ce que M. de Lap-
parent présente comme le summum des perfection-
nements apportés par M. Wallerant aux doctrines
! MarranD, Cristallographie, L. 2, p. 496.
? Dans son cours, pour bien faire comprendre la mériédrie,
Mallard donnait pour exemple une particule anorthique se
placant aux nœuds d'un réseau cubique. On est étonné de
voir M. de Lapparent déclarer (p. 410) que cette idée n'était
venue à personne avant M. Wallerant, alors qu'elle est
absolument familière aux nombreux élèves de Mallard.
! mental lui-même
GEORGES FRIEDEL — SUR CERTAINES CONCEPTIONS EN CRISTALLOGRAPHIE
de ses prédécesseurs. Je veux dire la théorie des
macles et l'idée de pseudo-symétrie appliquée à la
« particule complexe » et à la « particule fonda-
mentale ».
Ici, nous nous perdons dans un chaos de mots
sous lesquels il est souvent difficile de découvrir
des idées, mais parmi lesquels les contradictions
sautent aux yeux. La « particule complexe » c'est
la « molécule cristallographique » de Mallard qui,
quoiqu’en pense M. de Lapparent, n'a jamais été
pour lui, ni même pour ses prédécesseurs (sauf
peut être Haüy), identique à la molécule chimique,
mais composée d’un certain nombre de molécules
chimiques. C'est tout simplement l'élément, quel
qu'il soit, qui se répète identique à lui-même et
identiquement placé aux nœuds du réseau de
parallélipipèdes. Son existence physique réelle
n'est pas plus contestable que celle de la matière
même. C'est la matière dont la molécule intégrante
d'Haüy est la forme. On ne lui ajoute rien, qu'un
nom nouveau. On ne peut, comme le fait M. de
Lapparent, « taxer de conceplion fautive, celle
qui consiste à attribuer la même orientation » à
toutes les molécules, car c’est leur définition même
d'être équidistantes et identiquement orientées.
Elles peuvent, comme Mallard l’a spécifié, contenir
des molécules chimiques ou des groupes identiques
de molécules chimiques diversement orientés,
mais, par définition même, ces groupes ne sont pas
la molécule cristallographique. Jamais Mallard n'a
enseigné que chaque maille du réseau fût occupée
par une seule molécule chimique.
Mais voici que les géomètres, préoccupés de
donner à leurs théories toute la généralilé possible,
ont imaginé avec raison que le « domaine com-
plexe », qui a souvent une symétrie, peut être
considéré comme composé de plusieurs « domaines
fondamentaux » dépourvus de symétrie, qui cons-
tiltuent, au point de vue mathémalique, l'élément
ultime au delà duquel il n’y a pas lieu de pousser
la dissection du milieu symétrique, et dont, par le
jeu des axes, plans et centres de symétrie, on peut
tirer l'édifice complet. Ce domaine, qui nest
qu'une conceplion géométrique, M. Wallerant le
transporte dans la réalité physique en le remplis-
sant par une « particule fondamentale », qui na
d'autre définilion que celle du domaine fonda-
: c'est une fraction de la particule
complexe qui ne possède aucun élément desymétrie
commun avec celle-ci. Rien ne démontre que cette
particule fondamentale ait une existence réelle,
qu'ainsi définie elle existe comme une entité dis-
tincte dans l'acte de la cristallisation. Nous savons
bien que très probablement la « particule com
plexe » se compose de plusieurs molécules ou
groupes de molécules chimiques; mais, de quel
GEORGES FRIEDEL — SUR CERTAINES CONCEPTIONS EN CRISFALLOGRAPHIE D)
21
droit, s'il est question de réalités physiques et non
_ plus de Géométrie, supposer que ces éléments
soient dépourvus de symétrie? En arrivera-t-on,
si la molécule chimique dernière a, elle-même, des
“éléments de symétrie qui se retrouvent dans le
. cristal, ce qui doit être fréquent, à la décomposer
“ en particules fondamentales? Et si, au contraire,
… comme le dit M. de Lapparent, « chacune des par-
…icules fondamentales est très vraisemblablement
un agrégat de molécules chimiques », ces molécules
… chimiques se sont-elles donc groupées sans acqué-
rir d'éléments de symétrie? Ou n'ont-elles acquis,
sans qu'on puisse certes nous expliquer pourquoi,
que des éléments de symétrie qui ne se retrouveront
pas dans la particule complexe, alors qu'on veut,
avec raison sans doute, faire jouer aux éléments
- de symétrie des particules un rôle dominant dans
la détermination de la symétrie de leurs grou-
pements?
Il est possible assurément que beaucoup de
molécules chimiques n'aient aucun élément de
symétrie, ou qu'élant symétriques elles forment en
se groupant des ensembles qui n'aient plus les
mêmes éléments de symétrie el en aient acquis
d'autres. Mais déclarer qu'il existe toujours une
« particule fondamentale » dépourvue de tout
élément de symétrie de la molécule cristallogra-
phique, et, qui pis est, que celte particule se com-
pose de beaucoup de molécules chimiques, c'est
- supprimer le lien qui existe certainement, el que
l'on aperçoit déjà dans beaucoup de cas, entre la
symétrie chimique de la molécule et celle géomé-
trique du cristal; c'est se condamner, s'il est
reconnu qu'un axe ou un plan de symétrie de la
molécule chimique existe dans le cristal complet,
à subdiviser la molécule chimique. Le géomètre a
le droit de le faire, non le physicien, La « particule
fondamentale » n’a pas de réalité physique; c'est
une simple subdivision géométrique de la « par-
. ticule complexe », qui, elle, est quelque chose de
concret, de tangible, étant la substance même de
la maille du réseau, et révélant sa symétrie par
celle de l'édifice cristallin tout entier.
Ce n'est pas à dire que l’on doive renoncer à
rien savoir sur les particules constitutives de la
molécule cristallographique. Mais est-ce ajouter
quoi que ce soit à la notion, déjà bien ancienne, de
la complexité de cette molécule que de déclarer
. arbitrairement que la division doit êlre poussée
. jusqu'à la disparition de la symétrie ? de prétendre
- traiter cette « particule » comme une unité maté-
rielle pouvant passer à l’état solide, attirer d'autres
particules semblables, et déterminer ainsi des
particules complexes, des réseaux, des grou-
“1 pements de réseaux? Et si, abandonnant cette
… définition géométriquement précise qui risque d'en
él 44
faire un jour une fraction d'atome, on admet que
la « particule fondamentale » puisse avoir avec la
« particule complexe » des éléments de symétrie
communs, qu'est-elle de plus qu'une de ces sub-
divisions quelconques de la molécule cristallo-
graphique dont tout le monde admet l’existence,
mais sur lesquelles nous ne savons rien?
IV
La notion arbitraire et injustifiée de « particule
fondamentale » n’a pas élé imaginée uniquement
pour concrétiser le « domaine fondamental » par-
faitement rationnel des géomètres. M. Wallerant y
voit un moyen de rendre la molécule cristalline
plus souple à l'hypothèse, principalement pour
l'explication des macles. A vrai dire, on ne voit pas,
dans tout ce que dit M. Wallerant, en quoi il est
nécessaire pour cela de préciser que la « particule
fondamentale » est dépourvue de tout élément de
symétrie de la « particule complexe ». N'importe
quel groupement de molécules chimiques, ayant
avec la particule complexe autant d'éléments com-
muns qu'on le voudra, ferait aussi bien l'affaire,
etle mot nouveau n'a pas engendré a ce point de
vue de zotion nouvelle. Ce qui est nouveau, et vrai-
ment étrange, c’est l'application à la « particule
complexe » et à la « particule fondamentale »,
c'est-à-dire en somme à la molécule cristalline et à
ses conslituants quelconques, de la notion d’axes
et de plans de pseudo-symétrie déterminant les
groupements. -
Dans un réseau de parallélépipèdes, un axe ou un
plan de pseudo-symétrie sont quelque chose de
parfaitement défini en direction parce qu'on spé-
cifie toujours implicitement qu'un axe de pseudo-
symétrie est une rangée et un plan de pseudo-symé-
trie un plan réticulaire. Et cette spécification que,
je crois bien, Mallard ne s’est pas même donné la
peine de faire, tant elle est évidemment nécessaire,
est justifiée par l'expérience, qui nous montre les
axes de macle coïncidant avec des rangées et les
plans de macle avec des plans rétigalaires. Dans les
cas, à vrai dire douteux, où cela n'a pas lieu, la
notion d'éléments de pseudo-symétrie cesse d’être
applicable, car ces éléments cessent d'être quelque
chose de défini. On voit bien, quand il ne s’agit
plus de réseaux, qu’un polyèdre quelconque peut
avoir une symétrie approchée, autour d'un axe par
exemple. Mais cet axe n’est pas défini, sa direction
n'est qu'approximalivement déterminée. Voici un
cube ; déformons-le légèrement de façon qu'une de
ses directions de faces ne soit plus exactement per-
pendiculaire sur les autres. L'axe quaternaire pri-
milivement normal à cette face n'existera plus; si
la déformation est faible, il y aura un axe quater-
576 GEORGES FRIEDEL — SUR CERTAINES CONCEPTIONS EN CRISTALLOGRAPHIE
naire limite. Mais où serä cet axe? Sera-ce la nor- | lins ont pu se développer, grâce à la quasi-identité
male à la face, ou la parallèle aux deux autres, ou
toute autre droite voisine ? Voici la seule réponse
de M. Wallerant : « Ce qu'il importe de remarquer
à propos de ces éléments limites, c'est que, dans sa
position symétrique relativement à ces éléments,
la particule coïncide plus exactement avec sa posi-
tion primitive que dans toute autre position voi-
sine *. Et voici celle de M. de Lapparent : « D'une
facon générale, on peut, avec M. Wallerant, définir
un élément ou organe de symétrie limile par cette
condition que, traité comme un organe réel passant
par le centre de gravité de la particule, il amène
celle-ci dans une situation telle que sa superposi-
tion à la Ssiluation initiale détermine une partie
commune plus grande que pour n'importe quelle
autre position ». Si M. Wallerant reste dans le
vague, M. de Lapparent précise d’une manière
absolument arbitraire et que ne justifient aucun
fait d'observation quelconque, ni même les besoins
d'aucun raisonnement. Dans un triangle qui n'est
qu'à peu près isocèle, quel est l'axe de pseudo-
symétrie? Est-ce la médiane, la bissectrice, la hau-
teur? M. de Lapparent répondrail, je crois, que
c'est la bissectrice. Mais pourquoi ?
En réalité, il est impossible, à moins de tomber
ainsi dans l'arbitraire, de définir d'une manière pré-
cise les éléments de pseudo-symélrie d’un polyèdre.
Et alors, que dire de la distinction, essentielle
selon M. Wallerant”, et sur laquelle il base toute
sa classification des groupements, entre les deux
cas où : 1° les éléments en question font entre eux
exactement les angles des éléments de symétrie
d’un polyèdre, et 2° les éléments limites ne font
qu’à peu près ces mêmes angles, par exemple les
axes pairs ne sont pas exactement perpendiculaires
sur les plans de symétrie. La distinetion est juste,
elle existe, elle a été dès longtemps ‘signalée ; seu-
lement elle n’a aucun sens si on l’applique aux élé-
ments de symétrie de la particule, qui est un
polyèdre quelconque, dont les éléments de pseudo-
symétrie ne sont pas plus définissables en direction
que ne l’est en position l'équaleur d’un œuf. Elle
ne signifie quelque chose que si l'on parle des élé-
ments de symétrie d'un réseau, rangéesiet plans
réticulaires. Imbu des idées de Mallard; je com-
prends bien que les macles de l'Albite et du Péri-
cline révèlent l'existence dans le réseau des felds- :
paths d'un plan de symétrie limite et d'un axe
binaire limite qui ne sont pas exactement perpen-
diculaires entre eux. Je vois bien que, dans les deux
cas, en partant d'un plan réticulaire commun ou
d’une rangée commune, les deux individus cristal-
1 Wazzerant : Groupement cristallins. Bibliothèque Sciez- ;
lia, 1899, p. 15. |
3 Loc. cit.) pp. 16. 31, etc.
de leurs réseaux dans ces positions, comme s'ils
ne formaient qu'un seul cristal. J'ajoute volontiers :
gräce à la quasi-identité des positions de leurs
molécules, car j'admets tant qu'on voudra, comme
encore le faisait Mallard, que ces éléments de
pseudo-symétrie ne sont pas sortis de rien, que si.
le réseau les possède c'est que la molécule a quelque
chose du semblable en elle. Mais je demande : em
quoi a-t-on avancé la théorie des macles en repor-
tant du réseau que l'on voit, que l’on mesure, sur
la particule que l'on ignore, la notion précise de
pseudo-symétrie, qui, de cette façon, devient quel-
que chose de vague et d'indéfinissable ? On y gagne
simplement d’obscurcir la notion de continuation
des réseaux, qui, il importe de le rappeler, est la
seule base légitime de la théorie des groupements
par pseudo-symétrie.
V
Je n'insisterai pas davantage sur les principes,
bien qu'il y ait beaucoup d’autres choses à dire. Les
résullats sont ce qu'on devait attendre. Partout où
la doctrine de Mallard suffit, le raisonnement de
M. Wallerant, infiniment moins clair, n'est qu'une
traduction de celui de Mallard en un langage plus
vague. Pour la Staurotide, pour les Feldspaths, le
réseau est pseudo-cubique et cela suffit à expliquer
toutes les macles ; M. Wallerant croit pousser plus
loin l'analyse du phénomène en disant : Si le réseaw
a des éléments de pseudo-symétrie, cela tient à ce
que la « particule complexe » a ces mêmes élé=…
ments, et c'est elle ét non le réseau qui détermine …
les macles. Où est l'avantage ? Connaïit-on la parti-
cule autrement que par le réseau, en tenant compte,
s'il y a lieu, de la mériédrie?
Quant aux cas où la théorie de Mallard est en dé-
faut, c'est-à-dire quant aux hémitropies proprement
dites, la théorie de M. Wallerant n'en explique pas
une seule. Car on ne saurait qualifier d'explication
l'affirmalion sans preuve, chaque fois que l’on ren-
contre un plan de macle, que c'est un plan de”
pseudo-symétrie de la « particule complexe » ou de
la « particule fondamentale », plan qui ne se révèle
que de cetle seule manière, ce qui interdit toute
vérification. M. Wallerant voit bien que sa théorie,
pour recevoir un commencement de juslification,
exigerait que l'on lrouvät partout, où du moins
dans beaucoup de erislaux {puisqu'on s'est réservé
comme échappatoire les éléments spéciaux à la par=
ticule fondamentale), tout l'ensemble des éléments
de groupement disposés comme dans les Feldspaths
ou la Staurotide suivant les positions approchées
des éléments de symétrie d'un polyèdre. C'est ce
qui n'a pas lieu en général. Il faut cependant que la
£
particule Sy “ue et voici jusqu'où peut aller sa
Souplesse ! dans la Ealcite, où les éléments de
“nacle sont précisément disposés comme les élé-
ents de symétrie d'un cube déformé, ce cube, qui
“est le rhomboëdre primitif bien connu, est tel que
lune de ses faces, au sommet ternaire,
'arète non adjacente, un angle de 109°8"!
fait avec
Si une
déformation de 19° conserve la pseudo-symétrie, si
Ja face du rhomboèdre équiaxe b! peut être consi-
lérée comme sensiblement perpendiculaire à celle
lu primitif, si on la considère comme une légère
déformation du dodécaèdre rhomboïdal, c'est
qu'alors les mots de pseudo-symétrie et de symé-
trie limite ont perdu non seulement tout sens pré-
Cis, mais même toute signification physique aussi
“vague que l'on voudra. Considérer ce plan comme
“un plan de pseudo-symétlrie, c'est vraiment user
inconsciemment d'un trompe-l'œil. Mallard aussi à
dit que le réseau de la Calcite était pseudo-cubique,
Ce qu'il a eu soin d'ailleurs de justifier par d'autres
considérations que celles tirées de la forme ou
des macles de ce minéral, mais ce n'est pas du
primitif de la Calcite qu'il a jamais songé à faire
un pseudo-cube.
. L'exemple de la Calcite, pris entre cent autres,
ëéstun des plus typiques. Les plans de macle de
2 minéral sont incompatibles avec aucun sys-
“ième de symétrie ou de pseudo-symétrie possible
dans un polyèdre. Et le fait qu'ils sont cepen-
dant placés, par rapport au rhomboëdre pri-
Mitif, comme le seraient les éléments de symé-
trie d'un cube {rès déformé par rapport à ce cube,
montre avec évidence que ce n’est pas en qualité
“d'éléments de pseudo-symétrie du réseau ni de la
“particule complexe qu'ils fonctionnent comme plans
de macle, mais bien simplement comme étant,
ainsi que les plans de symétrie du cube, les plans
réticulaires dont le réseau est le plus serré, en un
mot comme plans réticulaires «importants » selon
la notion de Bravais et de Mallard. Assurément
ous les plans réliculaires «importants » ne sont
pas toujours des plans de macle, et la théorie de
Mallard sur les macles par hémitropie est insuf-
fisante en ce qu'elle ne dit pas pourquoi les uns le
sont et les autres pas. Parfaite en ce qui concerne
les groupements par pseudo-symétrie, elle laisse
“presque tout à faire pour les autres. En laissant
“de côté la subslitution de la « particule » au réseau,
qui n'ajoute rien à ce qu'on savait, M. Wallerant
ne s'écarte au fond de l’idée de Mallard qu'en
ffirmant que /outes les macles sont dues à la
seudo-symétrie, alors que Mallard, isolant ses
os par hémitropie, ne tentait même pas d'en
4 Loc. cit., pp. 55 et 56.
a
A. DE LAPPARENT — SUR CERTAINES CONCEPTIONS EN CRISTALLOGRAPHIE
511
donner une explication complète. L'exemple de la
Calcite montre assez à quel point il avait raison.
En réalité, la question reste exactement au point
où il l'a laissée. IL ne parait guère douteux qu'un
seul principe doive permettre de réunir dans une
même théorie tous les groupements; mais si l’on
ne peut encore qu'entrevoir dans quelle direction il
faut chercher ce principe, on peut affirmer cepen-
dant que ce n'est pas dans celle qu'a indiquée
M. Wallerant.
On reste convaincu, à la lecture de ses œuvres,
que cet observateur sagace,
tout suggestif et plein d'idées, ne persistera pas
longtemps, en ce qui concerne la théorie,
cette voie sans issue, et reprendra la saine tradition
de logique, de rigueur et de limpidité dont M. de
Lapparent fait à bon droit la caractéristique de
l'École française.
ce théoricien malgré
dans
Georges Friedel,
Ingénieur au Corps des Mines,
Professeur à l'Ecole des Mines de Saint-Etienne.
II. — RÉPONSE DE M. DE LAPPARENT
M. de Lapparent, à qui la direction avait commu-
niqué en épreuves larticle de M. Friedel, xous à
adressé la réponse suivante :
Monsieur le Directeur,
En vous remerciant de votre obligeante commu
nicalion, je viens vous demander la permission de
répondre, en quelques mots seulement, à l'inté-
ressant article de M. Georges Friedel.
Il me paraît que ce serait abuser de l'hospitalité
de la Revue, comme de la patience de ses lecteurs
si l'on cherchait à prolonger une controverse sur
un sujet aussi spécial que celui de la Cristallo-
graphie. D'ailleurs, la plus grande partie des
observations de M. Friedel passe par-dessus ma
tête pour atteindre les doctrines de M. Wallerant,
en face de qui mon savant contradicteur se pose
comme un adversaire résolu. Or, M. Wallerant me
paraît bien armé pour se défendre, et je n’entre-
prendrai pas de plaider ici sa cause, au lendemain
même du jour où, dans le Zullelin de la Société de
Minéralogie, l'auteur des Groupements cristallins
vient de publier un nouveau et remarquable
travail répondant, ce me semble, à plus d'une
objection de M. Friedel. Quant au reproche,
adressé à M. Wallerant, de n'avoir introduit que
des mots nouveaux, et non des idées nouvelles, je
crois savoir que plus d’un éminent minéralogiste
sera surpris de la sévérité d’un tel jugement.
En ce qui me concerne, je ne veux dire qu'un
mot, à propos du dédain suprême avec lequel
M. Friedel traite ce qu'il appelle la « notion singu-
518
D' SAINT-REMY — LA VALEUR MORPHOLOGIQUE DES FEUILLETS GERMINATIFS
lière de moindre action ÿ. Je suis, je le reconnais,
de ceux qui voient ce principe à la base de toutes les
opéralions de la Nature. J’y suis même en bonne
compagnie, si je me reporte à la récente et magis-
trale étude que M. H. Poincaré a consacrée aux
théories physiques, et où il établit que le critérium
d'une bonne théorie est la netteté avec laquelle elle
met en évidence les deux principes de la moindre
action et de la conservation de l’énergie*.
Contestera-l-on que la matière cristallisée repré-
sente l'ordonnance la plus parfaile et, par cela
même, la plus stable, dont les particules des corps
soient susceptibles, ni que le maximum de stabilité
corresponde au maximum de symétrie? Dès lors,
en invoquant ces principes, je ne crois pas avoir
prêté le moins du monde au ridicule, ni abandonné
le terrain scientifique pour pénétrer dans le « do-
maine littéraire » et celui des « poéliques images ».
Ou alors, il faudrait trailer de poète celui qui È
prend plaisir à remarquer que les deux lois expé-
rimentales, de la réflexion et de la réfraction des
rayons lumineux sont telles qu'on pouvait les pré=
voir à priori en vertu du principe de la moindre
action.
Je terminerai en me félicitant d'avoir pu, grâce à
l'obligeance de la Revue, attirer sur la cause de lan
Cristallographie une attention que cette spécialité
n'est pas accoutumée à rencontrer. Quelle que
doive être l'issue du débat engagé, on y recueillera
du moins, je pense, cette impression, que la
science des Haüy et des Bravais compte toujours
dans notre pays des adeptes d'une rare distine-
tion.
A. de Lapparent,
Membre de l'Institut,
Professeur à l'Institut Catholique de Paris:
AIS 5.
LES IDÉES ACTUELLES
SUR LA VALEUR MORPHOLOGIQUE DES FEUILLETS GERMINATIFS
On sait qu’on désigne sous le nom de blastoderme,
dans le développement des Métazoaires, l’ensemble
des blastomères ou cellules de segmentation engen-
drées par l'œuf fécondé. À moins qu'il n'enveloppe
dès l'origine une masse centrale de vitellus nutri-
tif dont la présence modifie les phénomènes, ce
germe éprouve des changements qui consistent dans
l'écartement de ses cellules et la formation, en son
milieu, d'une petite cavité, dite cavité de segmenta-
tion. Sous sa forme typique, le germe constitue alors
une blastula, et le blastoderme représente une
couche unique dont les éléments vont subir des
phénomènes de mulliplication, qui aboutissent en
définitive à la constitution de deux couches ou
feuillets germinalifs primordiaux emboîtés lun
dans l'autre, dont l’un (ectoderme primitif) limite
le corps de l'organisme vers l'extérieur, l'autre
(endoderme primitif) la cavité digestive, primilive
ou archentéron. Cette forme embryonnaire, consli-
tuée par deux feuillets germinaltifs, est: désignée
sous le nom de yastrula.
Des deux feuillets primordiaux dérivent les feuil-
lets définilifs par séparation d'un troisième, le mé-
soderme ou feuillet moyen: celui-ci constitue un
complexe cellulaire issu tantôt de l'ectoderme,
4 Voyez H. Pomncané : Les relations entre la Physique
expérimentale et la Physique mathématique (Rapport pré-
senté au Congrès international de Physique), dans la /evue
générale des Sciences du 15 novembre 1900, t. XI, p. 1163 et
suivantes.
tantôt de l’endoderme primitif, tantôt d'une zone
indifférente des deux, tantôt de cellules parti-
culières pouvant provenir elles-mêmes de di-
verses cellules des premiers stades de la segmen-
lation. L'ectoderme et lFendoderme définitifs ne
sont, en Somme, que la persistance de l’ectoderme
et de l’endoderme primitifs, qui se continuent res-
pectivement en eux soit dans leur totalité, soit par-
liellement. Aussi ces deux feuillets définitifs gar-
dent-ils, aux yeux des embryologistes, la même
valeur que les feuillets primordiaux.
La raison d'être des feuillets, leur valeur morpho-
logique ont préoccupé depuis longtemps les embryo=
logistes, et deux théories, ou mieux, deux sortes
de théories ontéléproposées pour expliquer leur ori-
gine:les uns (His, Gütte) en attribuent la formation
à des causes purement mécaniques; les autres
depuis les travaux de Hæckel, voient dans le déve"
loppement des feuillets la répétition ontogénétique
d'une phase ancestrale. C’est la célèbre {héorie des
la Gastreæa, élablie par Hæckel, reprise et modifiées
par Melschnikoff, Ray Lankester, les frères Hert=
wig. On en connaitle principe. La gastrula paraît
se rencontrer, sous une forme plus ou moins carac=
térisée, dans loutes les grandes sections du règne
animal, et constituer un stade commun à tous les
Métazoaires. Ge stade ne serait que la réapparilion,
dans l'ontogénie, d'une forme ancestrale : la (ras=
tra, dont les Cælentérés adultes, constilués par
deux couches séparées par une lame anhiste, repro-
RÉ LE US
D: SAINT-REMY — LA VALEUR MORPHOLOGIQUE DES FEUILLETS GERMINATIFS 579
duisent encore actueilement le type. Cette ingé-
nieuse interprétation est fondée d'une part sur cette
idée que l’ontogénie n'est autre chose que la réca-
“pitulation de la phylogénie, et d'autre part sur l'exis-
“tence générale de l’ectoderme et de l'endoderme,
considérés comme respectivement homologues chez
ous les animaux, c'est-à-dire doués de propriétés
spécifiques qui se transmettraient aux éléments des
tissus et des organes dérivés de chacun d'eux,
organes naturellement bien déterminés. Quant au
euillet moyen, il n’y a pas lieu d'en tenir compte:
est un complexe secondaire, d'origine variable,
u'il est impossible d'homologuer dans les divers
roupes.
Cette théorie phylogénétique a eu le plus grand
uccès auprès de la majorité des zoologistes, très
isposés à admettre les deux principes de la réca-
pitulation ontogénétique et de l'homologie des
euillets germinatifs, principes en apparence bien
émontrés par de nombreux faits. Or, il s'en faut
e beaucoup qu'on tienne aujourd'hui ces deux
ases pour aussi inébranlables qu'elles le parais-
aient à l'origine. Je ne veux pas m'occuper ici de
la doctrine de la récapitulation ontogénétique :
elle a subi des criliques sérieuses dans ces der-
nières années (Oppel, Keïibel), et ne parait pas pou-
voir être maintenue en tant que loi fondamentale
iogénétique ; mais le sens général en subsiste
Loujours, à savoir que l’ontogénie, sans êlre une
récapitulation exacte de la phylogénie, présente
parfois des stades correspondant à des élats
adultes d'êtres plus inférieurs. Le principe de
l'homologie des feuillets, la « théorie des feuillets
germinatifs » (Keimblätterlehre), suivant l'expres-
sion courante, mérite à lui seul une élude appro-
Un point important à fixer tout d'abord, c'est
de savoir ce qu'il faut entendre exactement par
feuillet germinalif. La notion du feuillet parait très
claire à première vue; elle est cependant moins
simple à établir nettement, lorsqu'on veut donner
une définition précise. Pour définir les feuillets
germinalifs, on peut se placer soit au point de vue
morphologique, soit au point de vue physiologique,
c'est-à-dire qu'on peut les définir soit comme des
“couches de l'organisme caractérisées par une cer-
| taine situation, ou bien, au contraire, comme des
‘is cellulaires, ébauches de certains organes,
. destinés à remplir certaines fonclions. Braem s'est
_ montré, dans ces derniers temps, un défenseur
. convaincu du point de vue purement physiologique
ou mieux organologique. Il déclare que « le con-
_ cept du feuillet germinalif n'est nullement mor-
_ phologique, mais physiologique. Les feuillets sont
des formateurs d'organes. Le feuillet germinatif
existe avant d'être morphologiquement reconnais-
sable, indépendamment de tous les processus
morphologiques. Une couche est un endoderme,
non parce qu'elle est le feuillet interne d’une gas-
trula, mais parce qu'elle présente les caractères
physioïogiques du feuillet intestinal, soit qu'elle
les possède déjà, soit qu'elle les acquière dans le
cours du développement ultérieur. »
Ce concept physiologique, incompalible avec la
théorie morphologique des feuillets, soulève de
trop sérieuses objections pour pouvoir être acceplé.
Par exemple, en s’en tenant à la définition de
Braew, les portions terminales, antérieure et pos-
térieure, du tube digestif, devraient être stricte-
ment qualifiées d'endoderme, alors qu'elles font
manifestement partie d'un autre syslème que l'in-
testin moyen. L'auteur cherche à se tirer de cette
difficulté en- disant que ces régions ectodermiques
servent seulement au passage des aliments, et n'ont
rien à voir avec la digeslion proprement dite, ar-
gument spécieux, car, en fait, l'intestin antérieur
joue un rôle dans la digestion (glandes salivaires),
et l'intestin postérieur peut avoir également un
rôle physiologique important dans l'absorption.
Au surplus, on sait que, dans quelques cas, les
cellules de l’ectoderme contribuent à l’alimentation
de l'embryon (cellules de l'épiderme du manteau
chez les larves d'Anodonte, des houppes choriales
des Mammifères); il faudrait alors les qualifier
d'éléments endoderimiques (Faussek). Enfin, comme
le remarque Samassa, ce qu'on arrive à distinguer
en se conformant à la définilion de Braem, ce n'est
plus un feuillet germinatif, c’est un organe pri-
milif. La notion du feuillet ne peut donc être éla-
blie sur une base exclusivement physiologique el
organogénique ; là où cela semble possible, on ar-
rive seulement à exprimer des analogies physiolo-
giques, sans valeur au point de vue de la morpho-
logie comparée. Les embryologisles n'admettent
donc en général que le concept morphologique el
les définitions dans lesquelles le rôle organogé-
nique du feuillet n'inlervient pas. Telle est la défi-
nilion proposée par O0. Herlwig, réservant le nom
de feuillet germinalif à « toute couche de cellules
embryonnaires disposées à la façon d'un épithé-
lium et servant à délimiter soit la surface, soit une
grande cavilé du corps », ou celle, moins étroite,
de V. Faussek, interprétant « comme feuillets ger-
minalifs, dans tous les cas lypiques, les divers
complexes cellulaires qui se différencient dans
l'embryon après ou même déjà pendant la segmen-
tation. »
C'est aux feuillets ainsi compris dans un sens
morphologique, que les auteurs ont attribué une
homologie complète dans les différents groupes du
580
D' SAINT-REMY — LA VALEUR MORPHOLOGIQUE DES FEUILLETS GERMINATIFS
règne animal, une spécificité organogénique et
histologique absolue. On avait vu maintes fois le
feuillet externe (feuillet sensitif) produire le revé-
tement externe du corps, le système nerveux cen-
tral, les extrémités antérieure et postérieure du
tube digestif, le feuillet interne (f. végélatif) donner
l'intestin moyen et ses annexes (foie, etc.) : on
n'imaginait pas qu'une autre filiation fût possible.
Pour la plupart des embryologistes, chez tous les
Métazoaires, tous les organés identiques, histologi-
quement et physiologiquement, devaient toujours
provenir exclusivement de couches germinatives
de même siluation. Mais de nombreuses observa-
lions sont venues contredire les idées reçues, et
faire naître des doutes de plus en plus forts sur la
réalité de la spécificité et de l'homologie des feuil-
lets germinatifs. C'est l'exposé de quelques-uns de
ces faits et l'examen de ces doutes que nous nous
sommes proposé. On peut les grouper en deux
catégories, suivant qu'ils sont tirés de l'étude du
développement embryonnaire même, ou de l'étude
de la régénération et du bourgeonnement.
IT
Les faits embryologiques contraires à la notion
de l'homologie et de la spécificité sont nombreux, et
ilest impossible de les énumérer tous. Gütle, Kowa-
levsky et Marion, Kôlliker, les frères Hertwig eux-
mêmes ont apporté des preuves irrécusables que
chaque feuillet, considéré dans l’ensemble du règne
animal, est capable de donner naissance à plusieurs
tissus, peut-être à tous. Les frères Hertwig recon-
naissent que « les feuillets germinalifs ne sont ni
des unités organologiques, ni des unités histologi-
ques »; mais ils refusent cependant d'en tirer un
argument contre leur homologie. L’ectoderme et
l'endoderme peuvent bien former des organes
variés; à leurs yeux, ilsn'en restent pas moins res-
pectivement homologues dans le règne animal, en
tant qu'ils offrent partout les mêmes rapports de
situation et qu'ils représentent les deux couches
fondamentales de la gastrula, — argument faible,
puisque l'homologie organogénique prouverait
seule que ces couches ne doivent pas leur disposi-
tion à de simples conditions mécaniques.
Les observations plus récentes ont montré des
différences très remarquables dans le mode de for-
mation des mêmes organes dans des groupes voi-
sins d'une même subdivision du règne animal. On
connait des faits de substitution d’un feuillet à un
autre dans le développement du tube digestif chez
les Arthropodes et les Mollusques, où, dans certains
cas, on à constaté la dégénérescence totale des élé-
ments endodermiques chargés d’assimiler une
énorme quantité de réserves vitellines, et usés de
bonne heure par leur fonction digestive. Ainsi, chez
les Insectes ptérygotes, l'endoderme disparait sans
former aucun organe de l'adulte : l'intestin moyen“ À
se constitue aux dépens d’ébauches ectodermiques
(Graber, Korotneff, Heymons, Lécaillon, Pratt)M
Chez les Céphalopodes, l'endoderme se détruit de
même (Bobretzky, Vialleton, Faussek) et le méso=
derme donne naissance à sa place aux organes
formés par lui chez les autres Mollusques (intestin
moyen, foie). Récemment, Conte a observé égale
ment la dégénérescence lotale du feuillet interne
chez des Nématodes, et la formation de l'intestin
moyen par le mésoderme issu du feuillet externes
IIT
L'étude de la régénération et de la reproduction
asexuée par bourgeonnement a fourni les argu=
ments les plus forts contre la doctrine de-la spéci-= ;
ficité. Acceptant la théorie des feuillets germinatifs
dans toute son intégrité, on admettait autrefois que
les phénomènes de régénération et de bourgeonne-
ment devaient se conformer à ses indications. I
paraissait impossible que le même organe püt se
développer aux dépens de dérivés de deux feuillets
différents chez deux formes d’une même espèce
polymorphe, ou chez un même individu dans un
cas de régénération. Les premières observations
contraires semblèrent douteuses, car elles ébran-
laient les bases mêmes de la théorie des feuillets,
comme le remarquaient avec justesse Van Beneden
etJulin. Or, les recherches poursuivies dans ces der-m
nières années ont montré que si le plus souvent
les organes se régénèrent, ou bien se constituent
dans le bourgeon, aux dépens de dérivés du même
feuillet germinatif que celui qui leur donne naïis-
sance chez l'embryon, ce n'est pas cependant une
règle absolue, et l’on peut voir un organe d'origine
embryonnaire ectodermique, par exemple, sen
former dans la régénération ou le bourgeonnement,
grâce à la prolifération d’un dérivé endodermique:
C'est ce qu'on appelle l’hétéromorphose d'origine
(Bergh, Labbé’), où mieux l'héféroblastie (Sa=m
lensky).
Comme exemples de régénération hétéroblas-s
tique, on pourrait citer les observations de F. Wa=
gner etde Rievelsur la régénération du tube digestif
de certains Turbellariés et Annélides, si la valeur
de ces résultats n'avait élé considérablement di-
minuée par des rectifications de F. Wagner lui-
même. Mais Haase à fait connaître que, dans la
régénéralion de l'extrémité antérieure des Tuhifex,
le pharynx se reconstitue aux dépens de l'épithé-
À
! Lanné : L'hétéromorphose en Zoologie, Revue générale
des Sciences, t. VIII, 1897.
D: SAINT-REMY — LA VALEUR MORPHOLOGIQUE DES FEUILLETS GERMINATIFS
581
est ectodermique dans le développement embryon-
aire. M. von Bock a vu également, chez le Chæ-
“ogaster diaphanus, les intestins antérieur et posté-
rieur se régénérer aux dépens de l’endoderme, à
“l'exception d'une petite région tout à fait terminale
Correspondant respectivement à la bouche et à
lanus. D'après les observations de Michel, la régé-
nération caudale chez les Annélides se fait par
un bourgeon épidermique exclusivement ectoder-
mique,aux dépens duquel se différencient des tissus
qui, chez l'embryon, proviennent respectivement
des divers feuillets germinalifs. Il semble que dans
la génération l'organisme jouisse de la plus grande
liberté dans le choix des matériaux nécessaires, et
se règle sur desraisons physiologiques ou purement
mécaniques. La nature, suivant l'expression de
M. Von Bock, ne se laisse pas enfermer dans le
Schéma que lui impose l'application stricte de la
héorie des feuillets.
Certaines observations de reproduction asexuée
sont encore plus nettes et plus indiscutables. On
tenait autrefois pour absolument nécessaire que,
dans ce mode de reproduclion, des éléments issus
de deux feuillets germinatifs fondamentaux pris-
Sent part à la formation du bourgeon. Mais les
observations directes n'ont pas toujours confirmé
cette manière de voir, et, s’il en est ainsi dans cer-
Lains cas, dans d'autres on à vu des organes cor-
respondants et indubitablement homologues se
former de façons diverses et aux dépens de feuillets
germinatifs différents, non seulement dans des
groupes voisins, mais encore dans la même espèce
(Seeliger, Salensky). Par exemple, chez les Cœlen-
térés, l'ectoderme et l’'endoderme de l'individu-
mère entrent ordinairement dans la conslilution du
bourgeon, mais Chun à rencontré une exception
intéressante à cette règle chez deux espèces de Mar-
gélides où les bourgeons se développent sur le ma-
nubrium exclusivement par prolifération de cellules
ectodermiques : la présence de la lamelle de sou-
tien assure à l'observation une netteté exceplion-
nelle, et il est indéniable que le nouvel endoderme
de la jeune Méduse se différencie aux dépens d’élé-
ments purementectodermiques.Chezles Bryozoaires
ectoproctes, des trois feuillets qu'on trouve dans
l'embryon, l'ectoderme est le seul qui se perpétue
à travers la colonie, le seul qui soit représenté dans
les individus nés par bourgeonnement, c'est-à-dire
tous les individus de Ja colonie sauf le premier, né
d'un œuf. L'étud: du bourgeonnement des Ascidies
-composées fournit également des faits défavorables
à la théorie de la spécificité des feuillets. Ainsi,
pour ne citer que des lravaux récents, Hjort a mon-
«tré que tous les organes importants de l'animal
nouveau peuvent se développer aux dépens d'élé-
. ments de l'animal-mère qui peuvent être exelusive-
ment lantôt d'origine ectodermique (Botryllus),
tantôt d’origine endodermique (Polyclinum), quelle
que soit l’origine ecto-ou endodermique de ces
organes chez l'embryon. Ces faits ont été confirmés
par Caullery. Les deux feuillets primordiaux peu-
vent donc se substituer l’un l'autre dans le bour-
geonnement.
LV
On le voit, les observations contraires à la théorie
de la spécificité, et par conséquent à l'homologie
des feuillets, sont assez nombreuses et convain-
cantes pour nous permettre de croire avec Salensky
que la valeur future des cellules embryonnaires
dépend de leur situation, c'est-à-dire en somme de
conditions mécaniques. Cependant, la foi des parti-
sans de celte théorie ne se laisse pas si facilement
ébranler. Les explicalions les plus spécieuses ont
été imaginées pour diminuer l'importance des faits
acquis. À propos du processus, plusieurs fois
observé, de la formation du système nerveux aux
dépens de l’endoderme dans les bourgeonnements
des Tuniciers, Ritter objecte que l’ectoderme de
ces animaux est différencié à un très haut degré,
n'ayant pour ainsi dire plus qu'une seule fonction,
la production de la cellulose : par suite il n'est plus
capable de fournir des différenciations nouvelles,
il n'est plus un feuillet sensilif, et l’endoderme
prend sa place. Mais comment expliquera-t-on alors
que, dans d'aulrescas, c'estprécisément l’ectoderme
qui fournit tous les éléments du bourgeon ?
Pour des cas semblables, Rabaud déclare que
« l’ectoderme, tissu primordial d’où sont nés tous
les autres, reprend son indifférence initiale », ce
qui ne souffre aucune difliculté puisque, « surtout
chez les êtres inférieurs, il n’est pas un tissu étroi-
tement différencié, qu'il est le feuillet originel ».
Cela revient à dire, en somme, qu'il a les propriétés
du feuillet blastodermique unique de la blastula,
c’est-à-dire qu'il n'a aucune propriété spécifique.
Caullery, à propos du bourgeonnement des
Ascidies composées, el Calvet, au sujet des Bryo-
zoaires, estiment qu'il y a lieu d'établir une distinc-
tion entre le développement embryonnaire et le
développement par bourgeonnement ou régénéra-
tion. Le bourgeonnement n'est qu'une reconstitu-
tion partielle d'un individu : c’est une sorte de régé-
nération.
Le bourgeonnement et la régénération, phéno-
imènes intimement liés, s'effectuent suivant des
processus post-embryonnaires acquis, et offrant le
« caractère partiel d'une régénération », tandis que
le développement par œuf est « un phénomène
total ». « Le bourgeon porte au plus haut point
l'empreinte d’une épigenèse, c’est-à-dire d'une
582
D' SAINT-REMY —
LA VALEUR MORPHOLOGIQUE DES FEUILLETS GERMINATIFS
évolution dépendant avant tout des conditions envi-
ronnantes. Sa morphologie doit être fondée sur
cette considération, etne peut ni fortifier ni affaiblir
la théorie des feuillets » (Caullery). Cette distinc-
tion est très admissible, mais elle n’enlève rien à
l'importance de ce fait que des éléments issus d'un
feuillet peuvent se substituer à ceux d’un autre.
Pour Hjort, si le bourgeon d'une Ascidie compo-
sée peut se former aux dépens d’un seul feuillet ger-
minatif, c'est que ce feuillet n’en est pas au sens
habituel du mot, et représente, comme les éléments
de la blastula, «un matériel cellulaire indifférent
qui doit se transmettre de génération en généra-
tion ». Une telle interprétation n’est pas pour forti-
fier la notion de la spécificité.
L. S. Schull{ze a repris et perfectionné cette théo-
rie, destinée à détruire l'effet des arguments tirés
de la régénération et du bourgeonnement. D'après
lui, la différence du lieu d'origine des cellules-
mères d'un organe dans l'embryologie d'une part,
dans le bourgeonnement ou la régénération d’au-
tre part, n'a aucune importance au point de vue de
la théorie de l'homologie des feuillets germinatifs
et de la détermination de l'homologie des organes :
il suffit d'admettre l'existence d’un matériel spécial
de cellules destinées à proliférer dans les proces-
sus de régénération et de bourgeonnement. Dès
lors, les premiers phénomènes embryogéniques
n'ont rien de commun avec les phénomènes de la
reproduction asexuée ou ceux de la régénération ;
on distinguera les couches formées dans ces cas
sous des noms nouveaux : ecto-,endo-, mésolemme,
tout à fait différents des ecto-, endo-, mésoderme
ou feuillets germinatifs. Seulement, il reste à
prouver par des observations directes l'existence
de ce matériel de reproduction asexuée et de régé-
nération, et, s'il existe, sa présence dans les divers
feuillets suffit à leur enlever toute spécificité.
Au surplus, comme le remarque Michel, s'il ne
faut sans doute pas exagérer le rapprochement des
développements embryonnaire et régénératif, et
vouloir pousser le parallèle de la formation de
l'embryon et du bourgeon jusqu'à une identité
complète, on doit cependant reconnaître que « la
spécificité absolue des feuillets conduit à des résul-
tats absurdes. » .… « Tout processus’ dépendant
uniquement de conditions internes, nées de l'état
antérieur, autrement dit de l'hérédité, et de condi-
tions externes, si les conditions se retrouvent less
mèmes, le même processus se produit : en dehors
de là, il n'y a que mots et systèmes. » En somme,
il y a une sorte de spécificité apparente acquise,
ou, comme le dit Houssay : « une spécificité de fait,
capable, en raison de sa longue durée, d'imprimer
des traces suffisantes pour ne pouvoir, en certains
cas, être détruites ». Mais, sans chercher à dénier
toute valeur morphologique à des formations aussi
générales que les feuillets, il est permis de leur
refuser l'importance considérable qu’on leur attri-«
buait autrefois, et de se ranger à l'opinion ancienne»
de His, Gütte, Külliker, sur leur valeur morpholo-
gique secondaire. Il n'existe entre eux aucune diffé-
rence histologique ou physiologique profonde ; ils
ne possèdent aucune spécificité réelle, mais seule-
ment une spécilicilé apparente, résultant de ce
que le plus souvent chacun d'eux se trouve placé
dans des conditions qui se répètent. Si, dans la
plupart des cas, ils évoluent chacun suivant des
processus particuliers, et ne donnent ordinairement
naissance qu'à des complexes organiques bien
déterminés, cela doit dépendre de conditions méea-
niques du développement, et non de propriétés
vitales intimes de leurs cellules (Faussek). Nous
conclurons, avec Heymons, qu'on ne peut voir en
eux des documents pour une théorie phylogéné-
tique”.
D° Saint-Remy,
Professeur adjoint à l'Université de Nancy.
‘Il n'est pas possible de donner ici la bibliographie assez
étendue de ce sujet, pour laquelle je suis redevable de pré-
cieux renseignements à mes amis A. Prenant et L. Cuénot;
on la trouvera indiquée en grande partie dans les Mémoires
suivants :
V. Faussek : Untersuch. ueber d. Entw. d. Cephalopoden.
Mitth. Zool. St. Neapel, x1v, 1900.
R. Hevwoxs : Die Embryonalentw. d. Dermapteren u.
Orthopt. Jena, 1895.
A. Micure : Rech. sur la régénér. ch. les Annélides. Bull. M
seientif. France et Belq., xxx1, 1899.
Er. Ramauo : La régénér.et la cicatris. dans leurs rapports
avec le dével. embryonn. Arch.gén. de Médecine, 1900.
SaLexskY : Heteroblastie, Proc. 4 th. Intern. Congr. Zool.
Cambridge, 1898.
L. S. ScuuLrze : Die Regener. d. Ganglions von Ciona
intestinalis L. Jen. Zschr. €. Naturwiss., xxxu1, 1899.
O. Seeuier : Natur u. allgem. Auffassung d. Knospen-
AE SLT
fortpfl. Metazoen. Verhandl. d. deutsch. zool. Geselisch., 6
Jahresvers. Bonn, 1896,
. vrage peut se résumer en quelques mots :
élémentaires de
BIBLIOGRAPHIE — ANALYSES ET INDEX
583
2
BIBLIOGRAPHIE
ANALYSES ET INDEX
1° Sciences mathématiques
Anuario del Observatorio astronomico äe Santiago
de Chile, publicado por A. Obrecht, Director del
Observatorio. Tomes 1 e£ I. — 2 vol. in-8 de 254 et
184 pages avec planches. Imprenta Cervantes, San-
tiago de Chile, 1900.
L'éminent directeur de l'Observatoire de Santiago
(Chili), M. A. Obrecht, vient de commencer la publica-
tion des travaux qui y ont été exécutés par lui ou sous
sa direction. Les deux premiers volumes de l'Annuaire
de l'Observatoire renferment des Mémoires importants :
de M. Obrecht, sur la Théorie de la précession luni-
solaire; de M. Taulis, sur la détermination des coordon-
nées géographiques de la lunette méridienne de l'Ecole
navale; de MM. Obrecht et Krahnass, sur la détermina-
tion de la gravité à Santiago (g—9%,7953) ; de M.Obrecht,
sur la détermination du mouvement du pôle terrestre
au moyen de la photographie; de M. J. Taulis, sur les
coordonnées géographiques et les éléments magnétiques
de la ville de San Felipe.
Notes et formules de l'Ingénieur, du Constructeur-
mécanicien, du Métallurgiste et de l’Electricien,
ubliées par un Comité d'Ingénieurs, sous la Direc-
tion de MM. Cu. Vicreux, Répétiteur à l'Ecole Cen-
trale, et Cu. Mizanpre (12 édition). — 4 vol. in 12
. de 1500 pages avec 1130 figures (Prix, cartonné :
42 fr.). E. Bernard et Cie, éditeurs. Paris, 1901.
Le but poursuivi par les auteurs de cet excellent ou-
mettre sous
une forme très condensée tous les renseignements
dont peut avoir à faire usage un technicien quelconque
dans l'établissement du projet d’une machine ; donner
au lecteur le moyen de se faire rapidement une idée de
la construction ou de l'usage d’une machine ou d'un
organe mécanique, et des propriétés des matériaux
employés dans toutes les branches de l’industrie.
Les chapitres de l'ouvrage donnent successivement
des formules de Mathématiques pures et appliquées,
avec les tables numériques correspondantes, des notions
Mécanique rationnelle, des indica-
tions sur le frottement et À résistance des matériaux,
puis des renseignements sur l’'Hydraulique, la Chaleur,
avec des applications à la tuyauterie, à l'écoulement
des gaz, aux chaudières, à la navigalion, et, spéciali-
sant encore, aux fabrications telles que celles du pa-
pier, du sucre, de la bière. Viennent ensuite quatre
parties distinctes, consacrées à la Métallurgie, à la
Traction, à la Balistique et à l'Electricité. Eafin, un
vocabulaire trilingue termine l'ouvrage.
Ici pourrait s'arrêter notre tâche; car, devant une
douzième édition, les éloges peuvent paraitre superflus,
et les critiques réfutées d'avance par la sanction
donnée par les lecteurs. Mais ce serait peut-être res-
treindre trop notre devoir vis-à-vis de nos lecteurs.
L'énorme profusion des renseignements précis,
donnés sous une forme aussi réduite que possible, ti-
rera toujours d'embarras ceux qui auront à faire usage
des Notes et formules de l'Ingénieur, qui ne devraient
faire défaut dans la bibliothèque d'aucun technicien et
d'aucun homme de science. Mais, en y regardant de
très près, on entrevoit la possibilité de faire mieux
encore, de critiquer plus complètement les sources, de
sacrifier une fois pour toutes des données numériques,
bonnes autrefois, mais qui ne correspondent plus à
l’état actuel des sciences techniques, tels, par exemple,
les tableaux de Matthiessen, revisés par les recherches
récentes en Electricité, ou certaines données concer-
nant les poids et mesures. Puis, l'impression générale
qui se dégage, lorsqu'on revoit dans son ensemble Ja
table des matières, est que, si l’on trouve tout dans
l'ouvrage, bien des renseignements sont loin de l'en-
droit où l’on aurait cru devoir les chercher. Pourquoi,
par exemple, les sondages, les forages, la géologie, les
poids et mesures sont-ils rattachés à la traction ? Pour-
quoi les unités ne sont-elles données qu'à propos de
l'Electricité? C’est, assurément, dans cette science
qu'elles ont atteint tout d'abord leur plus parfait déve-
loppement, mais elles se sont heureusement répandues
tout à l'entour. Pourquoi eucore la densité de la tourbe
ou de la terre végétale est-elle donnée à la suite de la
Métallurgie? Pourquoi enlin la résistance des maté-
riaux est-elle scindée en deux parties, l’une rattachée
à la Mécanique, l'autre à la Métallurgie ?
Ces quelques bizarreries donnent un peu l'impres-
sion d’un ouvrage dû à une collaboration assurément
très compétente, mais dont le travail n'a pas subi une
refonte suffisante, et pour lequel, si le souci du détail
a êté grand, celui de l'homogénéité a été moindre.
La table alphabétique complète rend, pour la prati-
que, ce pelit défaut négligeable. Si les auteurs pensent,
comme nous, qu'il est réel, pour l'harmonie de l'en-
semble, ils pourront, par quelques transpositions, le
faire disparaitre dans la treizième édition.
Cu. Eb. GUILLAUME,
Physicien au Bureau interaational des Poids et Mesures.
2° Sciences physiques
Grimaux (Ed.). — Chimie organique (8° édition). —
4 vol. in-12 de 462 pages, avec fiqures dans le texte.
(Prix :5 fr. 50.) — Chimie inorganique (8° édition).
— 1 vol. in-12 de 533 pages, avec liqures dans le
texte. (Prix : 5 fr. 50.) Felix Alcan. Paris, 1901.
Cet admirable petit livre, dont la librairie Alcan
nous donne aujourd'hui la 8° édition, a été revisé et mis
au point par l'auteur peu de jours avant sa mort. Ce
n'est pas seulement aux étudiants en Médecine, pour
qui l'ouvrage fut d’abord écrit, qu'il a rendu et rendra
encore des services. Quiconque désire s'initier aux
choses de la Chimie et prendre une vue nette et précise
dés lois générales et des méthodes de cette science, a
le devoir de lire ces deux volumes, véritable chef-d'œu- .
vre de haute pédagogie scientifique.
Ed. Grimaux possédait au plus haut degré le don de
la clarté : il exposait, de façon à être compris de tous,
la Science la plus élevée, et lui gagnait ainsi des adep-
tes. Ses lecons à l'Ecole Polytechnique, à la Faculté de
Médecine, sont reslées célèbres dans le monde des
Ecoles, et doivent à bon droit être citées comme un
modèle d'enseignement chimique. Il ne servirait de
rien d'analyser celles qu'il a professées à l'Ecole de
Médecine, les faits qu'il y décrit étant de ceux que
connaissent tous les hommes du métier. Ce qu'il faut
louer dans cette œuvre, c’est, avant tout, le talent de
l'écrivain, qui a su s'imposer en chaque chapitre de ne
pas tout dire, et est arrivé à choisir de la facon la plus
habile les faits qu'il fallait mettre en lumière et l'ordre
suivant lequel il convenait d’en parler pour donner au
lecteur une idée exacle du système positif de la
Science. :
En feuilletant ce dernier ouvrage du regretté savant,
on ne peut s'empêcher de haïr davantage les manœu-
yres infâmes qui ont troublé les deux dernières années
de sa vie, et, sans aucun doute, hâté sa fin.
Louis Oxivier.
BIBLIOGRAPHIE — ANALYSES ET INDEX
Park (James), Professeur à la Société Géologique de
Londres. — The Cyanide process of Gold extrac-
tion.—1 vol. de127pages avec gravures. (Prix : 6 sh.)
Ch. Grillin and C°, éditeurs. Londres, 1904.
L'auteur avait publié la première édition de cet
ouvrage en Nouvelle-Zélande, mais il l’a considérable-
ment amplifiée, en y adjoignant les derniers perfec-
tionnements survenus dans cette industrie si progres-
sive. Depuis quelques années, l'adaptation des méthodes
scientifiques au traitement des minerais a rendu la
métallurgie de plus en plus dépendante des connais-
sances chimiques, et cela surtout pour les procédés de
cyanuration appliqués à l'extraction de l'or, car il s'y
présente souvent des cas fort perplexes provenant des
causes les plus simples. La description du procédé Mac
Arthur Forrest, sa théorie et son application pratique,
les différents moyens d'extraire l'or de ses solutions,
tels sont les principaux traits de ce petit ouvrage très
documenté, à la fin duquel un appendice fournit des
détails inédits sur les nouvelles méthodes de cyanura-
tion suivies actuellement en Nouvelle-Zélande avec un
plein succès. EuiLe DEMENGE,
Ingén'eur-métallurgiste.
Helot (Jules), Vice-Président de la Chambre de Com-
merce de Cambrai. — Le Sucre de Betteraves en
France, de 1800 à 1900. — 1 vol. in-# de 220 pages
et dessins (Prix : 15 fr.). Imprimerie F. et P. Deli-
gne. Cambrai, 1901.
La fabrication du sucre de betteraves est née en
France, au début même du siècle, La belle découverte,
purement théorique, de Margraaf, avait été, à la fin du
xviie siècle, de la part d'Achard, chimiste prussien,
l’objet d'une exploitation industrielle en Silésie; mais
Achard, malgré les prodigalités du roi Frédéric-Guil-
laume IE, malgré l'ingéniosité des procédés employés,
ne put réussir. C'est le 6 messidor an VIII (4800), que
Deyeux, membre de l’Institut, fit connaître en France
les procédés d’Achard, et montra qu'ils pouvaient four-
nir le sucre de betteraves au même prix que le sucre
de cannes. On abandonna cette direction imprimée par
Deyeux pour suivre une chimère, l'extraction du sucre
de raisins, et ce n’est qu’au moment du blocus conti-
nental, que de nouveaux efforts furent faits, et que
Deyeux, Crespel, Drapiez réussirent, chacun de leur
côté, et la même année (1810), à fabriquer du sucre de
betteraves en pains. De cette époque datent les encou-
ragements de l’empereur Napoléon [°', qui, admirable-
ment secondé par Chaptal et par de Montalivei, sut don-
ner l'essor à cette industrie nouvelle. Aujourd’hui,
après cent ans de travail, la production du sucre de
betteraves s'élève en France à 800.000 tonnes.
Le moment était donc admirablement choisi pour
faire une étude rétrospective de cette grande et belle
industrie, et personne mieux que M. Hélot, l'un des
fabricants de sucre les plus instruits et les plus achar-
nés au travail, n'était désigné pour en faire le pané-
gyrique, à la cérémonie de son Centenaire.
La question de la fabrication du sucre n'est pas une
question isolée, au milieu de celles qui intéressent
l’agriculture et l’industrie francaise; et, quand on se
propose de l’étudier; il faut prendre à la fois en con-
sidération la culture de la betterave, les perfectionne-
ments des procédés, les modifications dans l'outillage,
l'étabiissement de l'impôt qui frappe le sucre, et la
concurrence qu'exerce le sucre de betteraves vis-à-vis
des sucres coloniaux de cannes.
Ce sont ces considérations que M. Hélot s’est, avec
beaucoup d'habileté, attaché à faire ressortir dans le très
bel ouvrage qu'il a publié au moment de l'Exposition
universelle. La betterave, ou la bette de 4810, qui ren-
fermait 4 à 5 °/, de sucre, est devenue, par les pro-
cédés modernes de sélection, auxquels le uom de
Vilmorin est immortellement attaché, la betterave
riche à 15 et 20 0/4. L'avenir est peut-être même plus
intéressant encore à considérer; de grands efforts sont
faits, en particulier par M. Hélot lui-même, pour repro-
duire non plus par graines, mais par boutures, les
betteraves de race riche. Les procédés de défécation à
l'acide, puis à la chaux, ont lait place aux procédés de
Possou et Périer. L'outillage s’est complètement trans-
formé; les râpes et les presses ont été délogées par les
appareils de diffusion; les chaudières à air libre par
les chaudières à vide : combien il esi intéressant de
suivre ces progrès sur les plans que M. Hélot a su re-
trouver, et qui nous montrent l'installation de sucreries
modèles depuis 1835 jusqu'à nos jours. Enfin, l'étude
de la législation des sucres ne doit pas être négligée;
elle est le reflet de la situation relative des deux indus-
tries concurrentes de la canne et de la betterave; elle
elle est également le reflet de la prospérité de l’une et
de l’autre. Napoléon 1°" donnait des licences aux fabri-
cants de sucre, et faisait distribuer des secours. Au-
jourd'hui, l'Etat n'hésite pas à prélever sur chäque sac
de sucre un impôt de 60 francs. C’est la législation de
1884, si habilement défeudue par M. Méline, qui a fait
la prospérité de la sucrerie de 1900.
Le meilleur éloge que l'on puisse faire des docu-
ments réunis par M. Hélot dans son livre, se trouve
dans ce fait qu’un amateur, on pourrait dire un con-
naisseur, peu scrupuleux, a eu la hardiesse de profiter
du désordre qui a présidé à l'installation de l'Exposi-
tion, pour voler les pièces originales que M. Hélot
avait cru devoir annexer à l'exposition de son ouvrage.
L. Lixper,
Professeur à l'Institut National Agronomique.
3° Sciences naturelles
Charpentier (H.), Ingénieur civil des Mines. —
Géologie et Minéralogie appliquées.— 1 ro/. in-120
de 64% pages avec 115 figures (Bibliothèque du Con-
ducteur de Travaux publics. Prix cartonne : 8 fr.).
V* Ch. Dunod, éditeur. Paris, 1901.
Les cent cinquante premières pages du livre sont
consacrées à une sorte de résumé des connaissances
générales sur la Géologie et les roches nécessaires à
l'ingénieur. L'intérêt propre du livre est de décrire,
pour chacun des métaux usuels, des principaux maté-
riaux de construction et des corps variés qui inté-
ressent l'ingénieur, les minerais, les gites el les pro-
cédés d'extraction. A ce point de vue, le livre de
M. Charpentier peut être cité comme un modèle d’au-
tant plus précieux que Les nombreux faits qu'il ren-
ferme n'avaient guère été rassemblés jusqu'à présent
dans des manuels réellement utiles au praticien. Les
miniers y trouveront des descriptions d'une précision
extrême, accompagnées d'une foule de coupes et de
croquis relatifs aux gisements, et d'indications abon-
dantes sur la production annuelle des diverses mines.
Au sujet de chaque minéral étudié, est citée la biblio-
graphie utile qui le concerne. RSS
Belzung (Er.), Professeur au Lycée Charlemagne,
Docteur ès Sciences. — Anatomie et Physiologie vé-
gétales. — 1 vol. 1n-8° de 1.320 pages avec 1.700 gra-
vures dans le texte. (Prix: 20 fr.) Félix Alcan,
éditeur. Paris, 4801.
Les modifications survenues depuis quelques années
dans la clientèle de nos Facultés des Sciences ont dé-
terminé l'éclosion d’un certain nombre d'ouvrages
destinés à familiariser nos jeunes étudiants avec les
principes généraux de la science des plantes. Aucun
d'eux n'a l'importance et la portée de celui que nous
devons à l'expérience pédagogique et à la science de
M. Belzung. Nulle part, sauf dans les traités destinés
aux études supérieures, on ne saurait trouver un
pareil luxe de détails minutieux el circonstanciés;
nulle part, la méthode d'exposition n'est plus précise:
C'est un travail de longue haleine auquel l'auteur a
consacré des années, par lequel il espère étendre à
diverses catégories d'étudiants le bénéfice d'un ensei=
gnement qui fait honneur à nos grands lycées.
»
:
Il s'est proposé de donner des principales questions
- d'Anatomie et de Physiologie végétales un exposé con-
forme à l'état de la Science. Il y a réussi pour la plu-
part d’entre elles, et plusieurs chapitres peuvent être
cités comme des modèles de mise au point aussi exacte
que possible.
Ce volume n'est pourtant pas un Traité, dans la
pensée de l’auteur. Il ÿ voit un livre d'étude, dans
lequel le lecteur soit à même de trouver un fonds de
connaissances qui lui permette d'aborder avec fruit les
ouvrages plus complets et surtout les travaux spéciaux;
par malheur, en ce qui concerne cette partie du pro-
gramme, M. Belzung ne donne aucune indication
bibliographique. Comment le lecteur atteindra-t-il les
ouvrages plus complels et les travaux spéciaux? Rien
ne lui permet de les découvrir, si ce n'est, parfois, un
nom d'auteur accompagnant une figure. Comme livre
d'initiation, comme livre d'étude, quelque chose man-
que donc à celui de M. Belzung que tout étudiant doit
réclamer, c’est la base même de la critique. Comme
Traité, l'absence complète de renseignements biblio-
graphiques met le Lecteur dans l'impossibilité de re-
constituer l'historique des questions, même les plus
fondamentales. On fait trop aisément fi de l'histoire
des idées depuis quelques années; on se débarrasse du
souci de la recherche des sources en la déclarant inu-
tile et l’ou attribue, sans sourciller, des découvertes
accomplies depuis de longues années, à des contem-
porains qui n'y sont pour rien. Certains noms doivent
être cités parce qu'ils marquent des dates importantes
qu'il n'est pas permis d'ignorer, sans la connaissance
desquelles les rapports de la Science et de ses diverses
parties demeurent insaisissables.
A une époque où l’activité scientifique est aussi
grande, tout ouvrage de ce genre, sans bibliographie,
reste un Manuel, Celui-ci est un excellent Manuel, au-
quel il faudrait ajouter pourtant des tables détaillées
des matières pour que chacun y puisse trouver ce
dont il a besoin.
Tout y est réparti avec un ordre parfait; l'ouvrage y
est divisé en dix parties, subdivisées en seclions, en
chapitres et paragraphes dout l'importance relative est
signalée par des différences typographiques ; mais celte
classification, expression d'un dogmatisme savant, pous-
sant l'analyse jusque dans les plus menus détails,
éloigne constamment l'esprit des notions synthétiques
et concrètes. La forme et la structure des organes sont
étudiées en dehors des fonctions dont ils sont le siège.
La physiologie externe est séparée de la physiologie
interne; ces distinctions, tout à fait arbitraires, dérou-
tent le chercheur. On apprend à connaître la structure
de la plante, des tissus qui la composent, des membres
qui la forment, sa croissance, sa mulliplication, la di-
gestion, l'absorption et la circulation des aliments
avant d'aborder l'étude des phénomènes dont dépend
l'assimilation de l'aliment par la cellule verte. On ne
sait pas encore ce qu'est la cellulose qu’on connait en
détail la structure de la membrane ; on ne connait pas
la feuille, mais on a épuisé l'étude des stomates. On est
en présence d'un Manuel complet de Chimie biolo-
gique sans qu'on sache ce qu'est le tissu où s’opèrent
toutes les transformations. C’est se priver à plaisir des
moyens de relever l'intérêt de son sujet; il n’est pas
possible d'établir les relations de cause à effet. A peine
peut-on les indiquer en se mettant en contradiction
avec le principe de la division admise.
Chaque chapitre, chaque paragraphe doit être consi-
déré en lui-même, comme un article de dictionnaire
très soigneusement rédigé, trop indépendant de ses
voisins. C'est pourquoi, malgré toute l’érudition qu'il a
apportée à ce travail, M. Belzung ne nous parait pas
avoir atteint le but qu'il se proposait. Il destine son
livre aux étudiants des Universités et des grandes
écoles et il n’en a pas fait un livre d'enseignement
supérieur.
Il ne faut pas perdre de vue la différence profonde
qui devra exister entre le lycéen et l'étudiant, aussi
REVUE GÉNÉRALE DES SCIENCES, 4901.
BIBLIOGRAPHIE — ANALYSES ET INDEX
En)
longtemps que l’enseignement secondaire des Sciences
naturelles conservera le caractère encyclopédique et
scolastique qu'on lui a donné. Les jeunes gens qui
quittent les bancs du lycée ont tout appris, mais
ils ne savent rien par eux-mêmes; ils n'ont aucune
certitude. Poussez-les; ils répondent invariablement :
C’est ce qu’on nous a dit: Magister dixit. Cette mé-
thode peut-elle être appliquée dans les Universités? —
Ce serait le pire des maux. Les maîtres de l’enseigne-
ment supérieur doivent considérer les jeunes étudiants
comme n'ayant aucune notion personnelle des objets
qu'étudient les sciences biologiques.
La critique ne s'adresse pas seulement à l’œuvre de
M. Belzung, mais à tous les ouvrages destinés à ceux
qui abordent, en Krance, les études supérieures de
sciences biologiques. Elles sont traitées, en général,
comme des sciences abstraites ayant la Nature pour
objet. L'étude de la Nature est bien le thème développé ;
mais il semble que la Nature soit hors d'atteinte, qu'on
ne puisse la voir. Les auteurs parlent des objets qui
les entourent comme ils parleraient des étoiles, comme
si eux-mêmes ne les connaissaient pas. Ils citent indit-
féremment comme exemples les espèces les plus vul-
gaires et celles qu'on ne voit jamais. Ils Ggurent avec
soin des détails anatomiques qui n'en laissent pas
moins dans le monde des abstractions les plantes les
plus répandues auxquelles ils sont empruntés.
La plante est le substratum de phénomènes connus
dans tous leurs détails, mais le substratum est quel-
conque, comme le ballon ou le creuset où s'accomplit
une réaction chimique.
Si cette méthode n’a pas étouffé les aptitudes natives
et latentes pour l'observation, s'il reste encore chez le
jeune homme quelque attrait naturel pour la Nature,
assez fort pour déterminer le choix d'une carrière,
médicale, agricole ou autre, notre devoir est d'éprou-
ver ces aptitudes au plus vite, de les développer si elles
sont réelles et de diriger ailleurs les jeunes hommes
lorsqu'elles ne sont pas confirmées.
Il s’agit beaucoup moins pour nous de bourrer l’es-
prit et la mémoire de la masse des faits acquis à la
Science que de former l'esprit à l'observation person-
nelle. Que le jeune étudiant soit mis, dès le premier
jour, en face de la Nature pour l’interroger lui-même,
qu'on lui mette entre les mains les moyens de contrô-
ler les faits sur lesquels le maître s'appuie et d'en
faire la preuve, et, s’il est capable de penser, on verra
bien vite se développer chez lui la curiosité de l'obser-
vation personnelle, l'esprit de contrôle et de critique.
Le devoir de former des intelligences à l'observation
personnelle préoccupe tous ceux des maitres de l'en-
seignement supérieur qui vivent en contact constant
avec leurs élèves. Il n’est pas besoin, pour y réussir,
de tout enseiguer; il faut et il suffit que, suivant le but
qu'il poursuit, l'étudiant puisse se (aire une opinion
personnelle sur la majorité des faits qu'on lui enseigne.
Dans l’enseignement des sciences biologiques, l’ensei-
gnement de l’amphithéâtre doit être subordonné; il est
la synthèse et le complément de l'enseignement des
laboratoires. Le laboratoire, c'est l'observation de la
nature endiguée, régularisée, dirigée; mais, il ne faut
pas l'oublier, la Nature ne se laisse pas emprisonner
et contraindre; bon gré mal gré, il faut y revenir ou
mieux commencer par elle et lui demander tout ce
qu'elle peut donner directement. On ne peut être natu-
raliste, si on ne sait pas observer la Nature: aucun des
ouvrages destinés à nos jeunes étudiants ne les attire
vers elle. Il fallait bien enfin signaler ce défaut. L'œuvre,
pleine d'érudilion, de M. Belzung, nous en a fourni l’oc-
casion. Si, comme nous l'espérons, il en donne bientôt
une nouvelle édition, il en fera, sans peine, une œuvre
très utile en mettant entre les mains de ses collègues
de l’enseignement secondaire un résumé aussi complet
que précis de nos convaissances sur l'anatomie et la
physiologie des plantes. C. FLAHAULT,
Professeur de Botanique
à l'Université de Montpellier.
12**
586
Be Ribaucourt (Edouard), Préparateur à la Fa-
culté des Sciences de Paris. — Etude sur l’anato-
mie comparée des Lombricides (7hèse pour le doc-
torat de la Faculté des Sciences de Paris). — 1 bro-
chure de 120 pages, avec 54 figures dans le texte et
8 planches hors texte. Bulletin scientifique de la
France el de la Belgique, 3, rue d'Ulm, Paris, 1901.
M. de Ribaucourt est déjà connu par ses travaux
antérieurs sur les Vers de terre, et la thèse qu'il sou-
tint, en 1896, devant l'Université de Berne, sur la
Faune des Lombricides de la Suisse, lui avait marqué
une place à part parmi les spécialistes.
Sa thèse de Paris (1900) débute par une étude sur la
faune des Lombricides des environs de Paris. Cette
faune n'est pas riche en espèces variées. On y trouve
seulement vingt-quatre types principaux, dout trois
entièrement nouveaux et cinq constatés pour Ja pre-
mière fois dans cette région.
Jusqu'à ce jour, les auteurs ont eu tendance à étendre
à toute la famille des Lombricides les résultats par-
tiels, spéciaux, auxquels ils étaient arrivés par l'étude
d'une seule espèce,
L'étude anatomique et histologique démontre l'inex-
actitude de celte méthode.
Outre les stries connues de la cuticule, il existe, chez
plusieurs espèces, de grandes lignes transparentes,
visibles à un faible grossissement et formant cadre
aux petites stries, qui ne sont, elles, apparentes qu'à
un très fort grossissement. A la partie inférieure de
la cuticule adhère une couche très mince de matière
amorphe, limitée aux petites stries et dans lesquelles
elle se trouve moulée. Il est à remarquer que le grou-
pement des fibrilles musculaires longitudinales varie
suivant les espèces. Quant au muscle buccal, il peut,
soit ne former qu'une seule masse (Lumbricus), soit en
constituer plusieurs dans autant de segments (A//urus).
Si l’on fait l'étude comparée des dissépiments, de
l’æsophage, des fibres longitudinales du jabot, on
voit qu'ils peuvent varier considérablement, non seule-
ment suivant les genres, mais encore suivant les
espèces.
Il en est de même de l'anatomie comparée des
glandes calcifères de Morren. L'auteur, qui en a déjà
lait la description dansune Communication à l'Académie
des Sciences (19 juin 1899), étudie plus à fond cette
question, et appuie de nombreux dessins son étude.
Il décrit ensuite l'anatomie du gésier et mentionne la
striation des fibrilles qui forment les bandelettes mus-
culaires de cette partie du tube digestif.
Parlant du typhlosolis, il fait remarquer que cet
organe peut être constitué par une simple lame ou être
compliqué par la présence d'un feuillet multilobé.
Entre ces deux dispositions, s'observe une série de
types de passage. Quant au plasma sanguin, il se
sépare, après fixation, en deux masses distinctes, une
jaune et une brune, dans lesquelles sont disséminées
des vacuoles non colorables. À mentionner de nom-
breuses cellules amiboïdes, avec ou sans noyaux.
M. de Ribaucourt a trouvé, dans le vaisseau dorsal,
de véritables valvules correspondant à la segmentation
externe (Lumbricus festivus). Ces valvules ne sont
pas visibles chez tous les Lombricides.
Nous appellerons tout spécialement l'attention sur le
fait suivant, mentionné par l’auteur dans sa thèse, et
qui nous paraît présenter un intérêt biologique consi-
dérable : Il existe chez certaines espèces, au sortir des
pavillons vibratiles, de véritables épididymes, semblables
à celles que l’on observe chez les Hirudinées.
Le travail se termine par une étude sur les chlora-
gogènes et les éléments figurés (lymphocytes) du li-
quide lymphatique (liquide périviscéral, plasmatique,
d'autres auteurs), qui æarient de forme, de structure,
uon seulement chez des espèces différentes, mais chez
une même espèce.
Pour l’auteur, les spermatophores se forment sur
l’anneau qui les porte et non pas dans les spermathè-
ques, comme on l’a cru jusqu'à présent.
BIBLIOGRAPHIE — ANALYSES ET INDEX
M. de Ribaucourt met en doute, aussi, le processus.
de fécondation admis jusqu'à ce jour chez les Lombri-
cides.
Parlant des parasites, il cite le fait curieux d'une-
mue de la cuticule des Nématodes enkystés à la partie
caudale et celui d'Enchytræides carnivores tuant
d'avord les Lombrics pour les absorber ensuite.
On peut voir, par cette rapide analyse, que les Lom-
bricides présentent entre eux de notables différencia-
tions anatomiques.
La thèse de M. de Ribaucourt, très consciencieuse, fait
honneur à l’auteur, qui a su mettre en relief des
faits nouveaux, particulièrement intéressants au point
de vue biologique. Marius PERRIN.
4° Sciences médicales
Dubois (Raphaël), Professeur à l'Université de Lyon
et Couvreur (Edmond), Chefdes Travaux pratiques
de Physiologie à la Faculté des Sciences de Lyon. —
Leçons de Physiologie expérimentale. ! vo/ 1n-80:
de 388 pages, avec 303 gravures. (Prix, cartonné :
14 fr.) Carré et Naud, éditeurs. Paris, 1901.
Comme son titre l'indique, ce livre n’est pas un
traité de Physiologie, mais bien une série de leçons
faites dans le laboratoire, sous la forme de démonstra-
tions pratiques.
Dans ce travail, les auteurs se sont surtout préoccu-
pés de décrire minutieusement les principes de l'expé-
rimentation physiologique; on sait de quels progrès
énormes la Physiolouie est redevable à cette méthode
d'investigation, et l'on n'ignore pas davantage les
idées otisinales qu'elle peut suggérer à ceux qui
l’emploient, tout en développant chez eux l'esprit eri-
tique dans une large mesure.
Mas, pour aborder l'expérience sur l'animal vivant,
il est un certain nombre de principes qu'il faut con-
naïtre parfaitement, et, pour chaque vivisection, il est un
manuel opératoire auquel il faut s'astreindre rigoureu-
sement alin de mener à bien les recherches entreprises.
Ce sont ces notions indispensables qui, groupées en
trente et une leçous, font l'objet du livre de MM. Dubois
et Couvreur.
Après avoir décrit les principes de la méthode gra-
phique et des appareils enresistreurs, les auteurs
traitent de la contention des animaux en général et de
leur insensibilisation. Deux lecons sont consacrées aux
généralités sur les opérations, à l'asepsie et à l’antisep-
SIER
« Alors même que le sujet serait destiné à être sacri-
fié après l'expérience, disent les auteurs, le vivisecteur
doit appliquer aussi rigoureusement que le chirurgien
les règles de l’antisepsie et de l’asepsie.
« C’est une mauvaise discipline que d’avoir deux
manières d'opérer, car certains détails de la méthode
anti-infectieuse seront fatalement négligés quand on
voudra l'appliquer exceptionnellement pour conserver
des animaux vivisectés. »
Puis, viennent les expériences relatives aux propriétés
générales des nerfs, des centres nerveux et des muscles,
et celles qui ont trait à la respiration et à la circula-
tion. Les différentes manipulations classiques de Chi-
mie physiologique forment enfin la substance de huit
leçons.
Le tout est écrit dans un style à la fois simple et:
précis et dont l'intelligence est rendue très facile
par la présence de nombreuses figures, la plupart
schématiques, qui illustrent l'ouvrage.
Les auteurs destinent spécialement leur livre aux
étudiants des Facultés des Sciences, préparant le Certi-
ficat d'études supérieures de Physiologie générale.
Disons, pour conclure, qu'il intéressera un bien plus
grand nombre de lecteurs, et que tous, biologistes,
médecins, chirurgiens, vétérinaires, trouveront dans
ces Lecons de précieuses notions et d'utiles renseigne-
ments. JULES LESAGE,
Chef des Travaux de Physiologie
à l'École vétérinaire d'Alfort.
re die sé. st nt de à
ACADÉMIE DES SCIENCES DE PARIS
Séance du 28 Mai 1901.
M. le Secrélaire perpéluel annonce. Je décès de
M. Marès, Correspondant de la Section d'Economie
‘rurale.
19 SGIENCES MATHÉMATIQUES. —M. Bouquet de la Grye
décrit les travaux et les calculs qui ont été faits pour
obtenir la parallaxe du Soleil, d'après les observations
du passage de Vénus sur le Soleil, enregistrées par les
Missions françaises en 1882. Par la méthode des con-
tacts, on obtient la valeur 8",80 à un centième de se-
-conde d'arc près. — MM. Rambaud et Sy présentent
leurs observations de la comète 1901 à faite à l'équato-
rial coudé de l'Observatoire d'Alger. — M.C. Duprat
a observé une comète à la Guadeloupe, le 9 mai, vers
‘sept heures du soir; c’est la comète 1901 a. — M. A.
de la Baume-Pluvinel a photographié le spectre de la
couronne solaire, à Elche, pendant l'éclipse du 28 mai
1900, au moyen de trois spectroscopes différents, l'un
à fente, les deux autres à prisme-objectif. Les résultats
montrent que le minimum d'activité solaire s'est fait
sentir sur les phénomènes de la couronne et de la
chromosphère, qui ont présenté fort peu d'intensité
pendant l'éclipse.
20 SCIENCES PHYSIQUES. — MM. Ch. Fabry et A. Pérot
-ont déterminé la longueur d'onde de quelques raies du
fer par comparaison avec les radiations du cadmium
mesurées en valeurs absolues par M. Michelson. —
M. Ed. van Aubel à déterminé la densité de l’al'iage
Al Sb, qui est de 4,2176; cette valeur s'écarte beaucoup
de la densité théorique 5,2246. On en déduit qu'il se
produit une énorme augmentation de volume dans la
formation de cet alliage d'aluminium et d'antimoine,
— M. V. Crémieu présente une balance très sensible
pouvant servir de galvanomètre, d'électrodynamomètre
-et d'électromètre absolu (voir la description détaillée
dans le compte rendu de la séance du 7 juin de la
Société de Physique, p. 589). — M. Jouniaux à étu-
dié la réduction du chlorure d'argent par l'hydrogène
‘el la réaction inverse, en tubes scellés. Ces deux
réactions ont une limite distincte au-dessous de 500°,
‘qui devient commune aux deux systèmes au-dessus de
600°. La proportion d'HCI formé ou restant croit avec
la température. L'application de la théorie thermody-
namique à ces phénomènes conduit à des résultats en
accord remarquable avec l'expérience. — M. M. Ber-
thelot pense que, dans les équilibres ci-dessus, on
doit attribuer un rôle à l'hydrure d'argent et à la for-
mation d'états allotropiques de l'argent. — M. A. Maïlhe
a fait réagir l’oxyde mercurique sur les solutions
aqueuses de quelques sels métalliques. Avec le chlo-
rure de zinc, il se précipite un oxychlorure ZnCF,
3Zn0,3H°0 ; avec le bromure, on obtient un sel double
HgBr°,Zn0,8H°0 ; avec l’azotate, il se forme (AzO‘)°Hg,
Zn0,H°0. Avec le cuivre, on obtient les mêmes compo-
sés, avec un nombre différent de H°0. Avec le chlorure
de nickel, il se forme HgCl?,NiCl,7Ni0,10H°0.— MM. P.
Sabatier et J.-B. Senderens ont hydrogéné, par le
nickel réduit, un certain nombre de carbures aromati-
ques. Avec le benzène et ses homologues, on obtient
toujours le cyclohexane correspondant; le styrolène
donne l'éthylcyclohexane. Les terpènes quadrivalents
donnent un hydrocarbure C!°H'*. Le naphtalène et l’a-
cénaphtène fournissent un tétrahydrure.
Séance du 3 Juin 1901.
1° SCIENCES MATHÉMATIQUES. — M. L. Raffy détermine
les surfaces algébriques qui sont à la fois des surfaces
ACADÉMIES ET SOCIÉTÉS SAVANTES
87
ACADÉMIES ET SOCIÉTÉS SAVANTES
DE LA FRANCE ET
DE L'ÉTRANGER
de Joachimsthal et des surfaces de Weingarten, — M. P.
Duhem démontre que les fluides parfaits ne peuvent
propager que des ondes exclusivement longitudinales
ou exclusivement transversales, et cela sans supposer
que les actions sont newtoniennes et sans faire aucune
restriction relative à la loi de compressibilité ou à la
relation supplémentaire.
20 SCIENCES PHYSIQUES. — M. E. Marey a observé par
la chronophotographie les changements de direction et
de vitesse d'un courant d'air qui rencontre des corps
de forme diverse. Le courant d'air renferme des filets
de fumée et chemine dans un tube en verre où l'on
immerge des corps divers; on photographie ces filets
par des éclairs magnésieus. Les filets, qui marchent
parallèlement, s’élargissent à l'approche d'un corps,
puis s'écartent à droite et à gauche, s’écoulent sur les
bords en se resserrant, puis continuentleur chemin sans
se mélanger, en laissant derrière le corps un vaste
espace où l'air est immobile et où se font les remous.
— M. H.S. Hele-Shaw a lait des expériences analogues
sur la trajectoire des veines liquides et leurs déforma-
tions par des obstacles. Des veines liquides colorées
s'écoulent dans un tube contenant des obstacles et sont
photographiées. L'auteur a constaté que les courants
dérivés des veines liquides ont une forme qui concorde
absolument avec celle des lignes de force magnétique
de l’obstacle placé dans ua champ magnétique. — M. H.
Becquerel à reconnu, par une nouvelle méthode, que
les rayons non déviables du radium, émis au travers
du verre, ainsi que les moins déviés, traversent l’alu-
minium comme si celui-ci n'existait pas et provoquent
à peine des rayons secondaires. Les rayons déviables,
partiellement absorbés, traversent l'aluminium sans que
la trajectoire soit modifiée; les rayons partiellement
absorbés provoquent sur les deux faces de l'écran d’alu-
minium des rayons secondaires intenses. — M. Albert
Turpain a fait des observations de résonance électrique
dans l'air raréfié. Les mesures de longueur d'onde ont
montré que la demi-longueur d'onde des oscillations
qui excileut un résonateur donné est très sensiblement
égale à la longueur du résonateur. La perturbation micro-
métrique observée au cours des mesures faites dans
l'air doit donc être rapportée à la présence de l'air. —
M. René Paillot a constaté que la force électromotrice
d'aimantation du fer doux augmente avec la tempé-
rature, et d'autant plus que le champ est plus intense:
La force électromotrice d'aimantation du bismuth dimi-
nue quand la température s'élève. — M J. Semenow
a observé que l'ionisation de l'air par les rayons de
Rüntgen n'est pas la cause unique de la décharge des
conducteurs chargés et que le verre se polarise sous
l'action des rayons X. 11 faudrait attribuer la décharge
à ce que les corps chargés d'électricité et soumis à
l'action des rayons X deviennent des foyers d'émission
électrique. — M. J. Jaubert donne quelques rensei-
gnements sur l'orage qui à éclaté sur Paris dans l’après-
midi du 29 mai. Dans la rue Linné, on a recueilli
80 millimètres d'eau; c’est le nombre le plus élevé qui
ait été authentiquement observé à Paris. — M. G. Car-
taud a observé, à la surface des métaux coulés en
plaques minces sur une plaque de verre inclinée, un
réseau continu de cellules délimitées par des contours
polygonaux en creux. L'aspect de ces cellules ranpelle
à beaucoup d’égards celui des tourbillons ‘cellulaires
observés par M. Bénard dans les nappes liquides. —
M. L. Guillet a préparé des alliages d'aluminium et de
molybdène en réduisant l'acide molybdique par un
excès plus ou moins grand d'aluminium. Suivant les
proportions employées, on obtient : 1° des cristaux
588
ACADÉMIES ET SOCIÉTÉS SAVANTES
lamellaires, de compositron Al‘Mo; 2° des cristaux
filiformes, de formule AlMo; 3° descristaux en rognons,
de composition Al°Mo. — M. O. Boudouard a étudié la
fusibilité des alliages d'aluminium et de magnésium
(voir page 591). -— M. M. Berthelot à analysé un certain
nombre de fragments métalliques trouvés dans les
tombeaux des x1°, xu° et xiu° dynasties en Egypte. Ce
sont des alliages d’or et d'argent. — M. M. Berthelot
a observé, dans la neulralisation de l'acide phospho-
rique par la chaux, que la quantité de trois équivalents
ne représente pas le terme de saturation. Il paraît se
former un phosphate quadribasique, qui a d’ailleurs été
observé dans la Nature par Gmelin. Il en est de même
pour la soude, qui continue à dégager un peu de
chaleur au delà de la proportion PO‘H* +3 NaOH, et
aussi pour la baryte. — M. J. Cavalier indique les
conditions précises dans lesquelles il faut se placer
pour utiliser les alcalino-terreux au titrage de l'acide
phosphorique libre. — M. F. Parmentier a constaté la
présence d’alumine dans l’eau de deux sources de
Vichy : Puits Chomel, 0,0117 grammes; Grande-Grille,
0,0075 grammes par litre. Cette alumine s’est pré-
cipitée par perte d'acide carbonique et par infiltralion
d'eaux chargées de chaux provenant de bétonnages
récents. — M. F. Bodroux a fait réagir le bromure
d’isobutylène sur le benzène en présence de chlorure
d'aluminium. Il se forme d’abord le phényl-1-dimé-
thyl-2-éthane phényle, qui, se détruisant partiellement
sous l'influence de AICI, donne naissance à l'isobutvl-
benzène que l’on recueille. — M. G. Favrel a constaté
que les éthers alcoylmaloniques réagissent sur les
chlorures diazoïques pour donner les éthers des acides
phénylhydrazone-4-pyruviques. — MM. P. Freundler et
L. Bunel ont reconnu que la décomposition des dérivés
bisulfitiques des aldéhydes par les azotites alcalins
fournit des rendements au moins égaux à ceux que
l'on obtient en employant les carbonates. La réaction
est analogue à celle d'un azotite sur un pyrosulfite; on
a pu caractériser la présence d'acide nitrilosulfonique.
— M. A. Verneuil a reliré des produits de l’action de
l'acide sulfurique sur le charbon de bois, outre l'acide
mellique, l'acide benzène-pentacarbonique, dont les
cristaux orthorhombiques, séchés à l'air, possèdent la
formule C‘H(CO?H ),5H°0. On obtient encore 2°/, d'acide
pyromellique C6H#(CO*H)',2H°0. — M. P. Bourcet à
recherché l’origine de l’iode de l'organisme. Il provient
des aliments; la plupart des espèces végétales le con-
tiennent en proportions appréciables, et il existe aussi
dans les tissus des animaux.
3° SCIENCES NATURELLES. — MM. H. Becquerel ct
P. Curie ont constaté que les rayons du radium
agissent énergiquement sur la peau, à la facon des
rayons X. Un tube de verre contenant du chlorure de
baryum radifère, placé dans une petite boîte renfermée
dans une poche de gilet pendant quelques heures, à
produit sur la peau, au bout d’une dizaine de jours, une
inflammation, qui s’est transformée en plaie suppurée
n'ayant guéri qu'au bout de cinquante jours. — M. P.
Vuillemin a observé à Nancy un cas de trichosporie
(piedra nostras). Cette affection, caractérisé par le para-
sitisme d’un champignon sur les poils de la moustache,
a cédé rapidement à l'emploi de lavages fréquents avec
une solution de sublimé. — M. P. Bonnier cite un cer-
tain nombre de faits montrant que, contrairement aux
idées de M. Marage, ni les otolithes, ni la conductibilité
acoustique n’ont de rapport direct avec l'audition. —
M. Ed. Branly a obtenu des phénomènes analogues à
ceux de l’électrolyse des tissus animaux en électroly-
sant des liquides visqueux, soit par la méthode mo-
nopolaire, soit par la méthode bipolaire. — M. Louis
Léger décrit une nouvelle grégarine, l'Aggregata
cœælomica, parasite des Pinnothères des Moules. Les
kystes ne se rencontrent que dans la cavité générale
de l'hôte; les sporozoïtes se forment directement
dans leur intérieur, sans qu'il apparaisse de sporo-
cystes. — M. P. Vignon présente quelques observa-
tions sur les cils des Cténophores et les insertions
ciliaires en général. — M. Bounhiol a étudié la respira-
tion des Annélides sur le Spirographis Spallanzanii.
Cet animal possède une respiration mixte, à la fois
cutanée et branchiale, la respiration cutanée étant géné-
ralement plus active que l’autre. — M. L. Bordas dé-
crit la glande défensive ou odorante des Blattes mâles ;
elle secrète un liquide volatil, à odeur forte, nettement
alcalin : la sécrétion est continue: elle s'accélère en cas
de danger, quand l'animal est poursuivi ou saisi. —
M. Col a constalé que l'écorce des Fusains renferme
dans sa région libérienne des cellules lactifères spé-
ciales, qui n'ont pas été signalées chez ces plantes, et
qui sont remplies d’une substance élastique possédant
de nombreux caractères communs avec le caoutchouc
et surtout la gutta-percha. — M. Marcel Dubard a
ohservé que les rejets chez les végétaux ligneux tendent
à prendre des caractères de plantes herbacées : crois-
sance rapide, entre-nœuds allongés, stipules dévelop-
pées et persistant longtemps, bourgeons dissociés, dif-
férenciation moindre des tissus, production peu abon-
dante de liber par rapport au bois. — M. F. Kôvessi à
reconnu que la forme d’un arbre ainsi que l’emplace-
ment de ses branches florifères sont, en majeure partie,
déterminées par des conditions relatives à l'aoute-
ment. Le degré d'aoutement des branches et, par
suite, le nombre des fleurs et des fruits de l’année
suivante est plus grand quand la quantité d’eau que
reçoit la plante est moins considérable. — M. G. Jac-
quemin à constaté qu'on peut faire évoluer facile-
ment en moût acide à une température supérieure
à 25° des levures basses de fermentation, Ces levures
aiusi acclimatées font fermenter des moûts de bras-
serie non réfrigérés et donnent une bière qui pos-
sède toutes les qualités des bières fermentées à basse
température. — M. A. de Lapparent signale quelques
faits curieux de capture de cours d’eau dans la chaîne
des Andes, dus à l'érosion régressive, par laquelle des
rivières autrefois tributaires de l'Atlantique ont entamé
la crête andine, et coulent maintenant vers le Paci-
fique. — M. Ad. Carnot a examiné des échantillons de
tellurures d'or et d'argent rappottés de Kalsoorlie
(Australie occidentale). Il à reconnu les espèces miné-
rales suivantes : 1° la sy/vanite, bitellurure d’or et d'ar-
gent (Au, Ag) Te?, à texture cristalline ; 2° la calavérite,
analogue au précédent, mais moins cristalline et con-
teuant moins d’Ag; 3° la coolqardite, sesquitellurure
d'or, d'argent et de mercure (Au, Ag, HgTe*; 4° Ja
kalgoorlite (Au, Ag, Hg)Te.
Louis BBUNET.
ACADÉMIE DE MÉDECINE
Séance du 21 Mai 1901.
M. Hervieux présente un rapport sur un travail du
D' Moreau relatif à une épidémie de Lorse-pox observée
à Lusignun. Cette épidémie a frappé 170 juments au
haras et à contagionné 22 personnes qui les soignaient;
il n'ya pas eu de mortalité. — M. J. Chatin présente
un rapport sur un mémoire de M. E. Bureau relatif
aux Strychnos africains et aux plantes servant à
empoisonner les armes en Afrique. Les Strychnos,
employés en Amérique et dans l'Archipel indien, ne
sont pas utilisés par les indigènes africains. Ceux-ci
emploient, pour empoisonner leurs armes, le suc de
certaines Apocynées (Carissa, Strophantus) et d'une
Euphorbiacée, le Croton lobatus. M. J.-V. Laborde
insiste sur l'importance de l'étude des plantes exo-
tiques pouvant fournir des poisons ou des médicaments
et signale d'autres recherches faites sur ces sujets. —
M. A. Robin fait un rapport sur un mémoire de M. Gaube
intitulé : La reminéralisation appliquée au traitement
des rhumatisants chroniques. — M. E. Besnier présente
le rapport de la Commission nommée, sur la demande
du Ministre de l'Intérieur, pour examiner le projet de
création d'un sanatorium privé pour ,lépreux dans la
commune de Rouceux près de Neufchäleau (Vosges),
dors SA
Fr
ACADÉMIES ET SOCIÉTÉS SAVANTES
589
projet qui a soulevé de vives protestalions dans cette
localité. La Commission estime que, placé dans une
région où il y a encore des lépreux, un sanatorium
privé pour lépreux peut avoir une réelle utilité. Con-
venablement situé et isolé, solidement réglementé dans
sa constitution par l'autorité sanitaire et soumis par
elle à une surveillance intérieure et extérieure perma-
nente et effective, un tel sanatorium paraît, dans l’état
actuel, ne devoir êlre l’origine d'aucun inconvénient
pour la santé publique.
Séance du 28 Mai 1901.
L'Académie procède à l'élection de trois Correspon-
pondants étrangers dans la Division de Chirurgie.
MM. Aug. Reverdin (de Genève), Ceccherelli (de Parme)
et Neugebauer (de Varsovie) sont élus.
M. H. Huchard indique un nouveau symptôme des
anévrismes de l'aorte, surtout de l'aorte thoracique
descendante et de l'aorte abdominale; ce sont des dou-
leurs névralgiques, rebelles aux médications habituelles,
qui augmentent d'intensité dans certaines positions du
corps. En présence de ces accidents douloureux, on
doit se douter de la probabilité d'un anévrisme, et cher-
cher à vérifier le diagnostic par la radioscopie. —
M. Barette lit une observation de déciduome malin.
SOCIÉTÉ DE BIOLOGIE
Séance du 11 Maï 1901.
M. H. Coupin a constaté que les composés du nickel
et du cobalt ont une toxicité très voisine, en même
temps que très élevée, pour les végétaux supérieurs.
— M. Tuffier a fait un essai d'injection épidurale de
de cocaïne par voie sacrée, suivant la technique de
M. Cathelin. Le résultat analgésique a été absolument
nul. -- M. P.-A. Zachariadès a étudié les crêtes et les
caunelures des cellules conjonctives. Les cannelures
sont le résultat d’une perte de substance; les crêtes
sont les parties de protoplasma qui se trouvent entre
les cannelures, et qui ont conservé leur épaisseur
primitive. — M. F. Charlier à constaté, dans le
rein du cheval, la présence d’un ferment très actif,
du genre émulsine, capable de dédoubler en peu de
temps de grandes quantités de phlorizine. — MM. La-
griffe et Maurel : Réponse à M. Lefèvre au sujet de la
détermination des plus basses températures compa-
tibles avec la vie. — MM. Wertheimer et Laguesse
décrivent de nouvelles expériences montrant l'indé-
pendance du grain de zymogène et du ferment dias-
tasique dans le pancréas. — M. F. Cathelin à essayé
de produire l’anesthésie générale chez le chien par
injection de chloral dans l’espace épidural par la voie
sacrée. Le chien s'est endormi profondément, mais le
lendemain il à été retrouvé mort sans qu'on puisse en
dire la cause; les essais sont continués. — M. C. França
résente de nouvelles recherches sur l'action du sérum
eucotoxique sur les lésions du névraxe dans la rage.
Il semble que la mort de l'animal rabique est due à un
excès de défense de l'organisme, et que l'emploi judi-
cieux du sérum leucotoxique peut apporter quelque
bénéfice à l'animal. — MM. N. Vaschide et L. Marchand
communiquent des recherches qui montrent, une fois
de plus, la prédominance de la perception et de la syn-
thèse mentale dans la genèse des émotions. — M. D.
Olmer a étudié le pigment des cellules nerveuses. Il
distingue d’une part une fine poussière jauvätre qui
encombre un grand nombre de cellules, et qui est un
pigment de dégénérescence, d'autre part un pigment
jaune verdàtre dont la signification est à trouver.
— M. Ch. Dopter a produit des névrites expérimen-
tales par injections de sérums toxiques au niveau du
sciatique du cobaye; l'acétone produit aussi des lésions
de dégénérescence wallérienne très caractérisées. —
M. H. Coupin a étudié la toxicité de divers métaux
pour les végétaux supérieurs, et a reconnu qu'ils se pla-
cent dans l’ordre décroissant suivant: Ag, Hg, Au, Pt, Pd.
Séance du 18 Mai 1901.
M. J.Choquet montre qu'on pent stériliser parfaite-
ment les dents cariées en joignant au nettoyage méca-
nique le lavage à l'alcool et un pansement à l'alcool
absolu et à l'hydronaphtol. — M. E. de Cyon recom-
mande l'ingénieux appareil de M. Camus pour main-
tenir la circulation artificielle dans un cœur isolé, mais
prélère l'emploi d'un manomètre à l'enregistrement
par un tambour à levier. — M. H. Moreigne confirme,
par ses recherches, que le taux de l’urée et le taux de
l’azote total urinaire restent constants chez les adultes
normaux soumis à un régime alimentaire invariable.
— M. H. Moreigne a constaté que, dans la cure de rai-
sins, l’action du jus de raisins sur l'organisme produit :
une action évacuante sur l'intestin, une action diuré-
tique, une diminution du degré d’acidité urinaire et
de l'acide urique, une action d'épargne des matières
azotées, une hypersécrétion biliaire et une diminution
des oxydations. — M. R. Lœwy a employé les greffes
péritonéales dans la réparation des plaies des organes
abdominaux. — M. J. Baylac a déterminé la compo-
sition des liquides d'æœdème; elle est en moyenne la sui-
vante : densité, 1,007; NaCI, 6 gr. 51 ; albumine, 3 gr. 56;
urée, 2 gr. 219; P*05, 0 gr. 40. Les propriétés toxiques,
le point cryoscopique et la tension superficielle sont à
peu près contants. — M. G. Weiss démontre, par des
expériences sur le crapaud, la grenouille, la tortue, la
généralité de la loi d’excitation des nerfs qu'il a don-
née. — MM. M. Caullery et F. Mesnil décrivent le
cycle évolutif des Orihonectides. Il comprend deux
termes distincts : les plasmodes, les formes ciliées
sexuelles ; il y a alternance de générations. — M. Et.
Rabaud a observé un cas d'adhérence amniotique
chez un embryon de poulet cyclocéphalien parvenu à
la fin du quatrième jour de l'incubation. — M. Lai-
gnel-Lavastine indique un procédé de numération,
après centrifugation, des éléments cellulaires du li-
quide céphalorachidien.
SOCIÉTÉ FRANÇAISE DE PHYSIQUE
Séance du 7 Juin 1901.
M. V. Crémieu présente un galvanomètre électro-
dynamomètre-électromètre absolu. Cet appareil repose
sur le même principe que celui décrit par M. Lipp-
mann dans la séance du 17 mai (voir page 551); c'est
une modification de la balance électromagnétique de
A. C. Becquerel'. Entre les deux branches CC d’une
ne Schéma du galvanomètre-électrodynamomètre-
électromètre absolu de M. Crémieu, vu de protil. — CC,
chappe de laiton; B, tiges portant le fil de cocon {f'{!f;
aa, plaquette d'aluminium ; M, miroir.
chappe de laiton (fig. 1), on a fixé, sur deux tiges BF,
un lil de cocon //'/'F qui supporte une plaquette d'alu-
minium # 4. Sur cette plaquette se trouve un tube
d'aluminium TVT (fig. 2), portant un écrou mobile E,
et (ixé perpendiculairement au plan des brins du fil de
cocon. Ce dispositif constitue un fléau de balance sans
couteau ; il est d'une très grande légèreté (0,8 grammes).
L'écrou E permet d’en régler la sensibilité et le miroir M
d’en suivre les déplacements sur une échelle verticale.
Aux extrémités TT on a suspendu verticalement, par
des fils de cocon, deux aimants cylindriques NS, de
! Voyez la description de cet appareil dans les Mémoires
de l'Académie des Sciences, t. XXII, p. 338, 1850.
590
ACADÉMIES ET SOCIÉTES SAVANTES
6 millimètres de longueur et 2? millimètres de diamètre:
ils peuvent se déplacer dans l'axe des bobines BB, de
6 millimètres de longueur, et dont le noyau, en cuivre
rouge, présente une ouverture cylindrique de # milli-
mètres de diamètre. Ces bobines portent chacune
30.000 tours de fil, présentant une résistance de
5.000 ohms par bobine. On règle l'appareil de facon
que le pôle inférieur des aimants soit un peu au-dessus
du centre des bobines. L'appareil est susceptible d'une
sensibilité considérable. Pour une période d’oscillation
de 8 secondes, il donne à 1 mètre de distance uue
déviation de 12 mm. pour un courant de 10* ampères,
circulant dans les bobines, ce qui correspond à une
sensibilité de 3,7 X 108 (Kohlrausch). L'appareil, par
suite de ses dispositions, est à la fois très amorti et
parfaitement astatique. Si l’on remplace les aimants
NS par des bobines de mêmes dimensions, auxquelles
le fl de suspension peut facilement amener le courant,
on à, sans autre changement, un électrodynamomètre
sensible. Enfin, en remplacant l’un des aimants par un
plateau circulaire placé dans un anneau de garde
au-dessus d’un plateau fixe, et disposant l'autre aimant
en N'S' de façon que l’action électromagnétique soit
répulsive, on réalise les conditions de l'électromètre
Fig, 2. — Schéma de l'appareil de la figure 1 vu de face. —
TVT, tube d'alumivium; :E, écrou mobile; M, miroir;
B,B, électro-aimants; NS, N'3/, aimants.
absolu de lord Kelvin. On étalonne l'appareil à l'aide
de poids marqués placés sur le plateau, qu'on équi-
libre avec des courants d'intensité connue envoyés
dans la bobine. — M. H. Pellat présente une expé-
rience dont le résultat paraît paradoxal au premier
abord, mais qui s'explique très facilement par les oscil-
lations électriques. Deux condensateurs de capacité
très inégale (une batterie de six grandes jarres et une
petite bouteille de Leyde, par exemple), ont leurs
armatures respectivement en communication par un
inverseur qui permet d'alterner les communications.
Celui-ci est monté sur colonnes d'ébonite de facon à
pouvoir opérer avec des potentiels élevés. Toutes les
armatures des condensateurs, ou trois d’entre elles, au
moins, sont isolées. Deux tiges de décharges sont
placées près du petit condensateur et permettent à
l’étincelle d’éclater quand la différence de potentiel
des armatures devient suffisante. Si l’on vient à charger
lës condensateurs de facon à leur donner la moitié
seulement de la charge nécessaire à la production de
l'étincelle, ou même un peu moins, et qu'on vienne
ensuile à intervertir les communications des armatures
en faisant jouer l’inverseur, l’étincelle éclate entre les
tiges de décharges. Or, on peut remarquer que, si
l'étincelle n'éclatait pas, après l'inversion et l’état
d'équilibre atteint, la différence du potentiel des arma-
tures aurait diminué, puisque l'inversion fait commu-
niquer l’armature positive de l’un des condensateurs
avec l'armature négative de l’autre et vice versa. Mal-
gré cela, la différence de potentiel des armatures du
petit condensateur à plus que doublé à un certain mo-
ment, par suite des oscillations électriques, puisque
l'étincelle éclate. La théorie classique des oscillations
électriques rend compte parfaitement de toutes les
particularités du phénomene. Les calculs sont plus
compliqués que dan: la décharge d’un condensateur,
mais n'offrent pas de difficultés. On trouve ainsi pour
la différence de potentiel maximum V,, pendant l’oscil-
lation, en appelant V, la différence du potentiel avant
l'inversion et G et « les capacités du grand et du petit
condensateur, la relation très simple :
3C — ce
C+Hc
Sur les deux fils parallèles qui réunissent les armatures,
il ya uu nœud, c'est-à-dire qu'entre deux points parti-
culiers se faisant face la différence de potentiel reste
constante pendant l’oscillation, ses variations étant de
sens inverse au même moment de part et d'autre du
nœud. On a pour la position de celui-ci :
nee
IN CEE:
1 Vu = Vo
(2
Le rapport des coefficients de self-induction L! et L
étant sensiblement le même que celui des distances au
petit condensateur, on voit que, si les capacités sont
égales, le nœud est au milieu, mais qu'il est plus près
du grand condensateur si les capacités sont inégales.
La relation (1) montre que la différence de potentiel
maximum eotre les armatures du petit condensateur
tend vers trois fois la différence de potentiel initiale,
quand le rapport des deux capacités tend vers zéro.
M. Pellat a vérifié expérimentalement l'exactitude de
la relation (1). Les différences de potentiel étaient me-
surées par un électromètre de MM. Bichat et Blonilot;
on déterminait la différence de potentiel nécessaire
pour avoir la décharge sans inversion, puis la plus
petite des différences qui amenaient l'explosion après
inversion. Les tiges de décharges étaient placées aussi
près que possible des armatures du petit condensateur,
de facon à avoir sensiolement l'explosion correspon-
dant à la différence de potentiel de celui-ci. Il a trouvé
Cr
Vo
des expériences, tandis que la relation (1) donnait,
d’après la connaissance des capacités, le nombre 2,8.
La concordance paraîtra très satisfaisante, si l'on songe
aux irrégularités des expériences où l’on mesure une
différence de potentiel explosive. La connaissance de
ce phénomène n’est pas sans intérêt pratique, car on
voit que l'inversion des communications peut amener
la rupture de l’isolant du petit condensateur, ou pro-
duire des différences de potentiel dangereuses. En
outre, cette expérience, facile à répéter dans un Cours,
est très propre à montrer la profonde différence qui
existe entre les effets de l'électricité au repos et cenx
de l'électricité en mouvement. — M. Daniel Berthelot
présente quelques réflexions sur une propriété des gaz
monoatomiques. Glausius a conclu de considérations
cinétiques que le rapport des chaleurs spécifiques d’un
gaz parfait est égal à 1,67. Cette conclusion ne parut
pas d'abord conforme à l'expérience ; mais on a expli-
qué le désaccord en remarquant que la théorie de Clau-
sius assimilait les molécules à des points matériels et
négligeait l'énergie correspondant aux mouvements
des atomes dans la molécule, ce qui n’est permis que
pour les gaz à molécules monoatomiques. Et, en effet,
pour la vapeur de mercure, qui est dans ce cas, d’après
les chimistes, l'expérience donne exactement le rap-
port de Clausius. MM. Rayleigh et Ramsay, ayant
retrouvé ce même rapport pour l'argon, en ont conelu
qu'il est monoatomique. D'autre part, en s'appuyant
également sur des hypothèses cinéliques, M. Van der
Waals à établi pour l'ensemble de l’état fluide l’équa-
tion (p+a:v*)(v—b)=RT. Cette formule, tout en
représentant bien les faits au point de vue qualitatif,
ainsi pour le rapport le nombre 2,4 comme moyenne
et
ACADÉMIES ET SOCIÉTÉS SAVANTES 591
n'offre avec eux qu'un accord quantitatif imparfait.
Ainsi l'équation indique que l'expression RT,:p4v,, qui
- représente le rapport du volume théorique du fluide à
son volume réel au point critique, est égale à 2,67.
Voici les valeurs trouvées pour quelques corps :
Octane Heptane Ether Pentane Benzène
3,86 3,89 3,81 3,16 2,15
CH# Co: A7? O2
3,67 3,61 3,93 3,49
On voit que ce rapport décroit en général avec le
nombre des atomes de la molécule. Il était donc par-
ticulièrement intéressant de chercher la valeur quil a
pour les gaz monoaltomiques. Il n'eu est qu'un dont les
coustantes sont assez bien déterminées pour essayer la
vérification, c'est l'argon. D’après les dernières me-
sures de MM. Ramsay et Travers, pe — 52 alm. 8, T. —
155°,6 abs. et la densité liquide d—1,212 à 87° obs. En
appliquant la formule de M. Mathias, on en tire : d =
0,434; on trouve alors : (RT. : p.ve) — 2,62, valeur qui
s’écarte beaucoup de celle de tous les gaz polyato-
miques, mais qui est très voisine de celle qu'indique la
formule de Van der Waals. Il semble donc que cette
formule figure exactement la compressibilité isotherme
d’un gaz monoatomique, et que, conformément au point
de vue auquel M. Van der Waals a été amené par
d'autres considérations et qu'il a développé tout ré-
cemment dans un Mémoire important, les modifica-
tions à y introduire dans le cas des gaz polyatomiques
doivent être cherchées dans l'influence du nombre et
des mouvements des atomes de la molécule sur la
grandeur du covolume b. A la suite d'une remarque de
M. Wyrouboff, M. D. Berthelot observe qu'il existe un
grand nombre de propriétés physiques et chimiques
pour lesquelles l'écart entre le premier et le second
terme d'une série de composés homologues surpasse
de beaucoup les écarts qu'on rencontre entre les termes
suivants. Le point essentiel à noter dans l'exemple
actuel est la concordance entre le calcul et l’observa-
tion pour le premier terme de la série. M. Corzu fait
remarquer l'allure asymptotique des nombres inscrits
par M. Berthelot, et s'appliquant à des molécules de
plus en plus complexes.
SOCIÉTÉ CHIMIQUE DE PARIS
Séance du 2% Mai 1901.
MM. Ch. Moureu et H. Desmots, en faisant réagir
le trioxyméthylène (CH°0)' sur les carbures acétylé-
niques sodés en suspension dans l’éther anhydre, et
traitant par l’eau le produit de la réaction, ont obtenu
des alcools primaires acétyléniques R-C—C-CH?0H,
avec des rendements de 30 °/,. L'alcool amylpro-
piolique GCH%-(CH*)-C—C-CH°0H distille à 98° sous
13 mm., et son éther acétique à 114° sous 16 mm.;
l'alcool phénylpropiolique C°H5-C—C-CH°0H distille à
139° sous 16 mm. et son éther acétique à 146° sous
16 mm. Dans la réaction productrice d'alcool amyl-
propiolique, il se forme en même temps un composé
qui distlle à 178° sous 16 mm. et qui parait être
l'alcool di-amylpropiolique C'‘H*O, résultant de l’éli-
minalion d'une molécule d’eau entre deux molécules
d'alcool amylpropiolique. Les auteurs ont commencé
l'étude de l’action des autres aldéhydes sur les car-
bures acétyléniques sodés. Le produit de condensation
de l’aldéhyde benzoïque avec l’æœnanthylidène distille à
180-182° sous 21 mm. — M. Paul Sabatier, dans les
recherches qu'il poursuit depuis longtemps avec
M. Senderens, a trouvé que le nickel récemment
réduit permet de réaliser très facilement à température
basse la fixation de l'hydrogène sur diverses subs-
tances, et particulièrement sur les carbures incom-
plets. On obtient ainsi très commodément, à partir du
benzène et de ses homologues, la synthèse directe du
cyclohexane pur et de ses divers homologues. Le cin-
. namène fournit dans ces conditions l’éthylcyclohexane :
en présence du cuivre, il donne seulement l'éthyl-
benzène pur. La distinction eutre les lerpènes tétrava-
lents et divalents est absolument justifiée par l'hydro-
génation le limonène, le sylvestrène, le lerpinène
fixent H* en donnant le même produit que ie cymène.
Le pinène, le camphène ne fixent que H°, en formant
des carbures C'°H!* oxydables, mais inattaqués à froid
par le mélange sulfonitrique. Le naphlalène et l’acé-
uaphtène ne tixent que H'. — M. Ad. Jouve signale un
échantillon de chaux cristallisée qu'il a oblenu dans
un four électrique. Cette chaux diffère des échantillons
eristallisés décrits par MM. Meunier et Levallais, puis
par M. Moissan, par sa densité plus faible /2,5 au lieu
de 3,29 et 3,32) et par sa forme en aiguilles prisma-
tiques au lieu de cubes. — M. Brenans a envoyé une
note sur quelques dérivés sodés des phénols. —
M. Boudouard expose les résullats qu'il a obtenus en
étudiant la fusibilité des alliages d'aluminium et de
magnésium: La mesure des températures s'effectuait
au moyen du couple thermo-électrique de M. Le Cha-
telier, placé dans un petit lube de verre pour le pro-
téger contre l’action destructrice des métaux fondus.
Si l’on construit une courhe en portant en abscisses
les proportions en poids d'aluminium et en ordonnées
les températures, on remarque que la courbe présente
deux maxima (4559 et 462), lesquels mettent en évi-
dence l'existence de deux combinaisons définies d'alu-
minium et de magnésium : AIM£* et AlMg.
SOCIETE DE PHYSIQUE DE LONDRES
Séance du 10 Mar 1901.
M. Chree étudie l'application des solides élastiques à
la métrologie. La conception ordinaire d'un solide est
celle d'un corps dont la forme et le volume sont va-
riables seulement avec la température. Les variations
élastiques des dimensions sont nécessairement faibles
dans beaucoup de corps de petit volume, et sont sou-
vent négligeables, même dans des travaux exacts. Le
but du mémoire de l’auteur est de donner quelques
exemples de l'influence de l'élasticité sur les mesures
physiques. La plupart des résultats se déduisent d'un
mémoire précédent, dans lequel M. Chree a obtenu des
expressions pour les tensions moyennes et pour la
variation du volume total d'un solide élastique homo-
gène quelconque soumis à un système donné de forces
dans sa masse et à sa surface. La formule est d’abord
appliquée au cas d’un cylindre circulaire droit; on voit
qu'on peut éliminer l'action de la gravité en prenant
pour longueur et volume la moyenne des résultats
obteuus quand le cylindre est suspendu par un fil et
quand il repose par sa base sur une surface plane.
L'auteur considère ensuite l'effet de la pression d'un
milieu ambiant de densité constante sur la forme et le
volume d'un solide isotrope, et il étend la théorie au
cas d’un solide ælotropique dans un milieu de densité
variable. Si un kilogramme-étalon de platine-iridium
est suspendu au lieu d’être supporté par sa base, l’al-
tération du volume doit être de 66 X 10—8 cc.,et s'il est
transporté de l’air à la pression atmosphérique dans le
vide, l’altération doit être de 24 X 10 — cc. M. Chree
étudie alors le changement de volume de la matière
des parois d'un vase contenant un liquide, et il montre
que la variation est indépendante de l'épaisseur des
parois, la dilatation moyenne par unité de volume
étant inversément proportionnelle au volume total.
Théoriquement, un vase dont la surface intérieure est
un cône, formé d’un solide quelconque, le vertex vers
le bas, possède la propriété que le volume du corps
de ses parois n'est pas affecté par la pression dù liquide
qu'il contient, quel qu'il soit. En général, on ne peut
pas déterminer l'effet de la pression du liquide sur la
capacité interne du vase qui le contient; mais, si les
parois sont des cylindres cireulaires droits coaxiaux,
dont l'axe commun est vertical, la solution devient
possible. L'augmentation de volume par unité de
volume à l'intérieur d’un tube à parois minces est en
raison directe de la densité du liquide, de la hauteur
du niveau et du rayon du tube et en raison inverse cle
l'épaisseur des parois. Ainsi, un tube de verre de
12,7 centimèlires de hauteur, de 10 millimètres de dia-
mètre interne et de 1,5 millimètre d'épaisseur, contient
0,11 gramme de mercure de plus que s’il était non-
élastique. La solution est enccre possible dans le cas
d'une enveloppe sphérique et l’auteur étudie également
ce cas. M. Chree considère ensuite l'application de la
théorie de l’élasticité aux élalons de longueur, et il
s'occupe particulièrement des cinq cas suivants : le
yard étalon, le prototype international du mètre à sec-
tion X, un étalon de travail appartenantau Bureauinter-
national, et deux barreaux de déviation employés dans
des magnétomètres. Les formes de ces règles sont éta-
blies en partie en vue de faciliter l'égalisation de la
température le long de la barre. Les étalons les plus
modernes ne sont pas supportés sur toute leur surface
inférieure, mais sur deux rouleaux symétriques ou
sur trois pointes. Une solution exacte du problème
élastique constitué par un barreau lourd supporté par
des pointes on des cylindres, n'a pasencoreélé obtenue;
mais la solution de Bernoulli-Euler est très suflisante,
excepté près des supports. Lorsqu'on emploie des
étalons de longueur, c'est seulement la projection ho-
rizontale de la surface graduée qui est intéressante, et
il est prouvé qu'à moins d'opérer sur de très longues
règles, la différence entre la corde et l'arc est très pe-
tite. La différence augmente lorsque les supports sont
déplacés de leurs positions les plus favorables jusque
vers les extrémités du barreau. Le yard étalon, à ce
point de vue, n’est pas comparable aux étalons plus
modernes. L'auteur traite ensuite les courbures et les
longueurs des barreaux, chargés ou non, et montre
que, par une disposition appropriée des supports, les
variations de longueur entre deux points dues à la
flexion peuvent être rendues assez faibles pour devenir
négliseables pratiquement. Dans le prototype du mètre
à section X, les divisions se trouvent sur la surface
neutre, et leur distance n’est pas affectée par la tension
du barreau. Dans le cas des barreaux de déviation du
magnétomètre, il est bon de rapprocher autant que
possible l'aimant du barreau. L'augmentation du poids
de l’aimant ou de l'équipage, ou la diminution de la
distance entre les deux points de support par réduction
du cercle gradué produisent des erreurs dues à la
flexion. A la suite de diverses observations, M. Chree
répond que des expériences ont été faites sur la flexion
des barreaux et que les résultats concordent bien avec
ceux de la théorie. La formule de correction de pression
obtenue pour le thermomètre est analogue à celle cou-
ramment employée. —MM. J. Rose-Innes et S. Young
communiquent leurs recherches sur les propriétés
thermiques de l'isopentane comparées à celles du pen-
tane normal. La quantité R T — p v à un volume et une
température quelconques est appelée écart de la loi te
Boyle à ce point; les auteurs trouvent qu'il y a un rap-
port constant entre les écarts à la loi de Boyle de l'iso-
pentane et du pentane normal aux mêmes volumes et
températures. Pour vérifier la loi, on détermine la va-
leur probable du rapport, et au moyen de ce dernier
on calcule un grand nombre de valeurs de p v pour
l'isopentane, d’après les résultats obtenus pour le pen-
tane normal. Ces valeurs calculées tombent sur la
même courbe que les valeurs observées, et concordent
avec elles à 4 °/, près. Les auteurs sont confirmés dans
leurs conclusions précédentes que la différence de
pression entre deux substances isomères aux mêmes
température et volume renferme la même puissance de
la densité que la première déviation à la loi de Boyle,
c'est-à-dire la deuxième puissance.
SOCIÉTÉ DE CHIMIE DE LONDRES
Séance du 2 Mar 1901.
MM. W. H. PerkinelJ.F. Thorpe ont éludié quel-
ques dérivés du bicyclopentane. Par digestion avec la
ACADÉMIES ET SOCIÉTÉS SAVANTES
potasse de l'acide triméthylcétobicyclopentanedicar-
boxylique :
% C{CO?H.C (CH) COH
CH°C£ | |
NCH=——C0
on obtient un acide fondant à 237%, dont l'anhydride
se transforme par distillation dans l’anhydride d'un
acide isomérique, fondant à 1810. Ces deux accides sont
des lactones de l'acide triméthylhydroxybutanetricar-
boxylique :
C(CO*H).CH (CH) COH
CBC NO
NCUPEN
CH?2—CO
l'anneau du bicyclopentane s'étant complètement rom-
pu pendant leur formation. Une rupture analogue à
lieu dans l'hydrolyse du diméthyldicarboxytriméthylè-
nemalonate d'éthyle :
C(CO2C2H°).CH (CO?CHS}*
cmecZ || es ‘
N CH.CO2CH5
qui donne deux acides isomères fondant à 187° et 158°,
et qui sont les lactones de l'acide diméthylhydroxybu-
tanetricarboxylique :
C(CO®H).CH2.COH
(cm 207 No
PSN
CH?—CO
Ces acides, chauffés, perdent CO* et sont convertis dans
les lactones correspondantes de l'acide diméthylhydro-
xybulanedicarboxylique. Au cours de leurs recherches
les auteurs out encore préparé des dérivés de l’ac. 6f-
diméthylglutarique. — MM. T. E. Thorpe et C. Sim-
monds ont étudié l'emploi du plomb dans les couvertes
des poteries. L'emploi d'oxydes et de carbonates basi-
ques de plomb, tel qu'il est encore pratiqué souvent en
Angleterre, offre un grand danger pour les ouvriers à
cause de la solubilité de ces composés dans les acides
de l'organisme. Sur le conlinent, ils ont été générale
ment remplacés par des silicates ou des borosilicales
de plomb ou des silicates complexes de plomb et d'au-
tres métaux, dont le plomb est presque insoluble.
Toutefois, en examinant certains silicates proposés
pour l'emploi en poterie, les auteurs ont constaté que
la majeure partie du plomb était soluble dans HCI ou
le suc gastrique, tandis que d’autres spécimens élaient
très résistants. A quoi tient celte différence de solubi-
lité ? Les auteurs ont constaté qu’elle dépend de l’exis-
tence d’un certain rapport entre les bases et les acides.
Si le rapport du nombre de molécules acides au nombre
de molécules basiques tombe entre certaines limites, tout
le plomb est pratiquement insoluble, quelle que soit sa
proportion dans le silicate (jusqu'à 50 ou 55 °/0). En
réponse à diverses remarques, M. C. Simmonds annonce
qu'on employait toujours dans les expériences un excès
d'acide, afin d'éviter la formation d'oxychlorure inso-
luble, et de pouvoir neutraliser les bases qui accompa=
gnent le plomb. Les spécimens ont été expérimentés à
à l'état de division dans lequel on les emploie; quel-
ques-uns seulement ont été pulvérisés. L'emploi d'au-
tres solvants donne des résultats analogues à ceux
obtenus avec HCIL. — MM. M. O. Forster et W. Ro-
bertson ont préparé le 2 : 6-dibromo-4-nitrosophé-
nol par l’action de l'hypobromite de potassium sur le
p-nitrosophénol dissous dans la potasse. — M. W.,
P. Wynne a préparé les dérivés chlorés du toluène par
la méthode de Seelig.
es nt ne
19: ANNÉE
N° 43
45 JUILLET 1901
Revue générale
des Sciences
pures et appliquées
DIRECTEUR :
LOUIS OLIVIER, Docteur ès sciences.
Adresser tout ce qui concerne la rédaction à M. L. OLIVIER, 22, rue du Général-Foy, Paris, — La reproduction et la traduction des œuvres et des travaux
publiés dans la Revue sont complètement interdites en France et dans tous les pays étrangers, y compris la Suède, la Norvège et la Hollande.
CHRONIQUE ET CORRESPONDANCE
$ 1.
De lutilisation des gaz de hauts -four-
neaux. — En octobre 1899, M. Lencauchez a été
chargé par les Aciéries de Micheville d'étudier et d’ériger
une installation d'épuration de gaz de haul-fourneau,
pouvant alimenter un ou deux moteurs Otto de 300 che-
vaux.
Cette installation, qui a été construite dans la pre-
mière moitié de l’année 1900, consiste : 1° en un con-
denseur atmosphérique composé d'une série de tuyaux
verticaux (jeux d'orgue) dans lesquels le gaz passe en
se refroidissant et peut se débarrasser de ses grosses
poussières; 2° de ce condenseur, le gaz est aspiré et
refoulé par un ventilateur-exhausteur, marchant à
grande vitesse, pour donner au gaz la pression néces-
saire pour passer à travers des épurateurs et contre-
balancer la pression d'un gazomètre régulateur. Deux
appareils semblables ont été prévus, l’un de rechange;
ils sont munis de portes de nettoyage; 3° le gaz, refoulé
par l’exhansteur, passe à travers des épurateurs agissant
comme filtres, et 4° il est finalement réglé par un petit
gazomètre. Des scrubbers ou laveurs avaient été prévus;
mais, en raison des asserlions de Seraing à cette époque
(fin 1899), qu'aucune épuration n'élait nécessaire, on en
différa la construction.
Les premiers essais furent faits à Micheville en octo-
bre 1900, et il fut reconnu que, malgré la grande résis-
tance des filtres épurateurs, une trop grande quantité
de poussière arrivait aux cylindres du moteur, jusqu'à
en arrêter la marche. M. Lencauchez avait appris à
cette époque qu'à Duddelange, pour pouvoir maintenir
le ventilateur servant d'extracteur en état de fonctionner
et pour s'opposer à son encombrement par les pous-
sières, on y introduisait de l'eau de temps en temps
sans autrement y attacher d'importance. Cet encom-
brement ne se faisait guère sentir à Micheville, le
ventilateur ayant été établi en conséquence.
Il vint à l'esprit de M. Lencauchez que le ventilateur-
exhausteur avec une grande quantité d'éau pourrait
constituer un bon épurateur, et il pensa qu'il était
utile d'introduire de chaque côté des ventilateurs et au
centre un fort jet d'eau et que cette introduction serait
un bon moyen d'épuration.
Métallurgie
REVUE GÉNÉRALE DES SCIENCES, 1901.
En février dernier, les essais furent faits, et on
constata que le ventilateur-épurateur pouvait être con-
sidéré comme le. meilleur épurateur. Le moteur de
300 chevaux marche tous les jours depuis fin février,
et il semble qu'un nettoyage du moteur ne sera né-
cessaire qu'après une très longue période de marche
continue.
Des résultats semblables ont été obtenus à Differ-
dange; mais il faut noter qu'au début, dans cet établis-
sement, aucune épuration n'avait été prévue et, en
conséquence, qu'il n'existait pas de gazomètre ni de
ventilateur-extracteur. Les moteurs aspiraient le gaz
dans des réservoirs à régulateur hydraulique.
On peut donc dire que la question de l'épuration des
gaz de hauts-fourneaux est aujourd’hui résolue. Nous
constatons avec plaisir que c'est la France qui a eu la
priorité de cette solution.
$ 2. — Chimie industrielle
La stérilisation et le transport des moûts.
— La rapidité avec laquelle le moût de raisin entre en
fermentation est certainement un obstacle quand on
veut apporter cerlains perfectionnements aux procédés
classiques de vinification, et on pourrait espérer réaliser
d'importants progrès si la conservation et le transport
du moût étaient choses possibles et pratiques.
Nous verrons plus loin quels seraient ces progrès.
Disons d'abord comment le problème de la conservation
et du transport du moût vient d’être résolu par M. Kuhn.
Stérilisation du moût. — La stérilisation s'opère
dans l'appareil Kuhu, dit « Girator ». C'est un grand
cylindre horizontal, à l’intérieur duquel est disposé un
faisceau tubulaire. Le cylindre est argenté intérieure-
ment et le faisceau tubulaire extérieurement ; de cette
facon, le moût introduit dans le cylindre ne se trouve
en contact qu'avec de l'argent; la capacité intérieure
varie entre 15 et 23 hectolitres dans les appareils qui
fonctionnent actuellement.
Le moût, aussitôt après son extraction, est introduit
dans l'appareil, que l’on remplit complètement. On sou-
met d'abord le liquide à l’action du vide pour extraire
l'air en solution dans le moût et éviter que celui-ci ne
prenne, pendant la chauffe, le goût de cuit. Le cylindre
ep 13
594
CHRONIQUE ET CORRESPONDANCE
élant fermé etcomplètement rempli de moût privé d'air,
on fait arriver de l’eau chaude dans le faisceau tubu-
laire. Cette eau chaude, produite par un générateur,
étant maintenue sous pression, peut être portée jusqu'à
1109, température qu'il est nécessaire d'atteindre pour
opérer la stérilisation complète. Sous l'influence de la
chaleur, le moût contenu dans le cylindre se dilate et
produit une certaine pression. On maintient celle-ci à
3 kilogs par centimètre carré en laissant échapper une
petite quantité de moût.
Le moût est chauffé à 110°, sous cette pression de
3 kilogs, pendant 15 minutes. Pendant ce temps, le
Girator est animé d'un mouvement de rotation qui
assure l’égalisation de la température dans toutes les
parties de l'appareil.
Quand la stérilisation est terminée, on fait arriver de
l'eau froide dans le faisceau tubu-
laire pour ramener le moût à la
température ordinaire.
Transvasement aseptique du
noût. — Il s’agit maintenant de
transvaser ce mouût stérile dans
robinet d, la vapeur est envoyée dans la rampe supé-
rieure et dans les fûts. Enfin, par le robinet e, la
vapeur est distribuée dans la rampe inférieure et dans
le tuyau flexible reliant l'appareil stérilisateur à la
rampe. La purge de vapeur se fait par des robinets
placés à l'extrémité des rampes inférieure et supé-
rieure. Des manomètres, fixés sur chacune de ces
rampes, indiquent la pression de la vapeur pendant la
stérilisation.
Lorsqu'on juge que la stérilisation est complète, on
ferme graduellement l’arrivée de la vapeur, et on
ouvre progressivement les robinets d'arrivée de l'air
filtré, a et b. Les robinets de purge et de vapeur étant
fermés, l'appareil, après refroidissement, se trouve
rempli d'air filtré et stérile.
Pour transvaser le moût stérile dans les fûts stériles,
Fig. 1. — Dispositif adopté pour le transva-
sement aseptique du moût stérilisé, — N,
stérilisateur «Girator », système Kuhn,
contenant le moût stérilisé ; G, H, 1, fûts
de bois destinés à recevoir le moût stérile;
E, rampe supérieure ; J, rampe inférieure ;
D, arrivée de l'air sous pression; À, B, C,
filtres à air ; F, conduite d'air filtré; M, ar-
rivée de vapeur ; L, robinet d'air; K, robi-
net de vidange du moût; a, b, c, d'et e,
robinets; g, g, g, glaces servant à sur-
veiller le remplissage des fûts.
des récipients permettant de le conserver et de le
transporter. M. Kuhn a choisi des fûts ordinaires en
bois assez épais; le dispositif qu'il a adopté est repré-
senté dans les figures 1 et 2.
Les fûts G, H, I portent sur chaque fond une tubulure
munie d'un tube d'étain; l'un de ces tubes est relié à
une rampe inférieure J, l’autre à une rampe supé-
rieure E. Les füts sont donc placés debout, comme on
peut le voir sur la figure 1. La rampe inférieure est en
communication avec le robinet de vidange K du stéri-
lisateur N.
On commence par stériliser les fûts et l'ensemble de
la canalisalion au moyen de la vapeur sous pression
produite par un générateur et arrivant par le tuyau M.
La vapeur estenvoyée simultanément dans les rampes,
les fûts et les tuyaux où doit passer soit le moùût sté-
rile, soit l'air qui est stérilisé par sa filtration à travers
les filtres À, Bet C.
Par le robinet €, la vapeur passe dans la conduite
d'air qui relie les fûts à air avec le robinet L, par
lequel se fera la rentrée d'air dans l'appareil stérili-
sateur au moment de la vidange de celui-ci. Par le
on ouvre les robinets L et K, on ferme les robinets e et
d, et on envoie par le tuyau F de l'air filtré, sous une
pression légère. On ouvre doucement le robinet de
purge de la rampe supérieure E, de manière à ce que
l'air contenu dans les fûts puisse s'échauffer au fur et
à mesure qu'il est remplacé par le moût.
On s'aperçoit que les fûts sont pleins, lorsque le
liquide apparaît dans les glaces g, placées entre le
tube d’étain et la rampe supérieure; on ferme alors le
tube d'étain en l'aplatissant fortement au moyen d'une
pince.
Lorsque tous les fûts sont remplis, on ferme le ro-
binet de l'appareil stérilisateur K, et l'arrivée d'air.,
Enfin, on ferme les tubes d'étain reliant les fûts à la
rarnpe inférieure.
Conservation et transport du moût en füts. — On
obtient, en opérant comme nous venons de l'indiquer,
des fûts absolument clos, remplis de moût stérile et
portant sur chaque fond un lube d'étain fermé par
aplatissement, On a constaté que ces fûts, gardés sur
place, étaient susceptibles d’une assez longue conser-
vation. De plus, ces fûts peuvent être sans aucun 1n=
CHRONIQUE ET CORRESPONDANCE 595
convénient expédiés à d'assez grandes distanres.
J'ai recu deux envois comprenant chacun deux fûts.
Le premier, expédié en petite vitesse de Lunel à Paris,
est parti le 19 avril 1900 et est arrivé le 30 avril. La
seconde quinzaine d'avril avait été très chaude;
— néanmoins, le moût n’a pas souffert; un füt a été ouvert
tout de suite; l’autre füt n'a été ouvert que huit jours
après et tous deux étaient en bon état et n'avaient pas
« fermenté. | ; À:
Un second envoi, parti le 6 décembre 1900, est arrivé
1 à destination le 18 décembre. Les deux fûts étaient
aussi en excellent état; je les ai conservés, et ne les
ai ouverts, pour les mettre en fermentation, qu’en
avril 1901. Ils étaient restés parfaitement stériles, et
leur gout était excellent.
Le problème de la conservation et du transport du
moût de raisin peut donc être considéré comme résolu.
Reste à voir maintenant si la solution de ce problème
peut devenir
l'origine de
progrès im-
portants en
vinification.
Tout d'a-
bord, avant
de préciser
- les progrès
possibles, on
voit que, si la
conservalion
du moût peut
être obtenue
à un prix peu
élevé, — et
cela est pos-
sible, — le vi-
nificateur se
trouve en pré-
sence d'une
situation nou-
- velle, car, au
lieu d'être
obligé de con-
vertir ses
._moûts en vins
aussitôtaprès
qu'il vient de
. dre à son gré,
et devenir le
maître des
conditions
“dans lesquelles il pourra opérer ses fermentations.
» Au point de vue pratique, il nous semble que la
«possibilité de conserver et de transporter les moûts
peut faire entrer dans une voie nouvelle l'amélioration
des vins par l'emploi des levures sélectionnées. Les
deux facteurs qui interviennent dans la vinification
sont le moût et la levure. Jusqu'ici, on s’est efforcé de
répandre l'emploi des levures sélectionnées, mais
celles-ci âgissent dans un milieu bien différent de leur
- milieu originel. Au lieu de porter la levure auprès du
… moût, il serait plus rationnel de porter le moùût auprès
de la levure que l'on veut faire agir sur lui, et de
… laisser travailler cette dernière dans les conditions de
milieu où elle paraît se plaire.
C'est ainsi, par exemple, que si l’on expédie en
… Champagne des moûts stériles préparés dans l'Hérault
(on choisit des moûts ayant une teneur en sucre et
—_ une acidité voisines de celles des moûts champenois),
et que l'on ensemence ces moûts avec des levures de
. Champagne, ou des lies fraîches de bon vin de Cham-
… pague, on obtient des vins se rapprochant beaucoup
«plus, comme odeur et comme saveur, des vins de Cham-
_ pagne, que si l’on fait l’ensemencement dans le Midi
avec la levure sélectionnée,
vront le moût stérile. A gauche, on aperçoit une partie du générateur de vapeur du
moteur servant à envoyer l'air sous pression dans le filtre, dont on ne voit que la
partie supérieure,
Il serait, sans aucun doute, possible d'obtenir ainsi
des vins de bonne qualité.
En dehors de leur emploi en vinification, les moûts
stériles pourraient être l’objet d'un commerce interna-
tional, puisqu'en Suisse, en Allemagne, en Angle-
terre, etc., on consomme beaucoup de vins sans alcool,
qui ne sont autre chose que des moûts conservés soit par
la chaleur, soit par l'acide sulfureux ou d'autres anti-
septiques. X. Rocques,
Ingénieur-chimiste,
Ancien chimiste principal
du Laboratoire municipal de Paris,
$ 3. — Botanique
La culture de la Morille. — En 1897, au cours
d'un article sur la culture du champignon de couche,
publié dans cette Revue!, je fis allusion à des recherches
que je poursuivais alors dans le but de réaliser la cul-
tureartificiel-
le de la Mo-
rille, en par-
tant de la
spore.
Les expé-
riences en
question
ayant abouti,
ilne sera peut-
être pas sans
intérêt d'’ex-
poser briève-
ment la mé-
thode suivie.
La culture
d'un champi-
gnon supé-
rieur, on le
conçoit, com-
porte d’autres
exigences que
celle des Mu-
cédinées que
l’on est habi-
tué à manier
dans les labo-
ratoires, Les
mycéliumsde
les préparer, Fig. 2. — Stérilisation et transvasement aseptique du moüt.— On voit au centre l'ap- ces espèces
il peut atten- pareil de stérilisation Kuhn, monté sur roues. À droite sont placés les fûts qui rece- doivent végé-
ter pendant
une période
fort longue
afin d'accu-
muler les matériaux de réserve destinés à faire les
frais d’une fructification volumineuse ; ils doivent aussi
avoir à leur disposition un terrain sans cesse renou-
velé, car ils ne végètent pas sur place, mais s’avancent
au contraire d'une manière continue, sans jamais reve-
nir sur le terrain parcouru.
Afin de satisfaire à ces conditions, j'adoptai comme
vases de culture des tubes de verre d'environ un mètre
de longueur et 25 à 30 millimètres de diamètre. Ces
tubes étaient bourrés d’un substratum composé de
matières végétales réduites presque à l’état d'humus,
telles que du bois pourri, du terreau de feuilles
mortes, etc. L'addition d’un grand nombre de subs-
tances nutritives a été essayée en vue d'améliorer ce
milieu naturel, sans aucun résultat positif.
Après stérilisation préalable, l'ensemencement se
faisait, à l’une des extrémités du tube, au moyen de
spores recueillies avec pureté. f
La germination est très rapide et, déjà au bout de
vingt-quatre heures, on peut apercevoir, au point où
les spores ont été déposées, un fin duvet blanc; c’est la
1 Voyez Cu. Répin : La culture du champignon de couche,
dans la Revue du 15 septembre 1897, t. VILI, p. 705 et suiv.
596
CHRONIQUE ET CORRESPONDANCE
première apparition du mycélium, qui bientôt pénètre
dans le terreau sous forme de filaments ramifiés, par-
court le tube dans toute sa longueur et atteint en quel-
ques semaines l'extrémité opposée. On sectionne alors
cette extrémité et on l’abouche avec l'orifice. d'un
second tube préparé comme le premier. Si l'opération
a pu être effectuée à l'abri des moisissures, le mycé-
lium passe sans difficulté dans le second tube et s’y
propage; si, au contraire, la culture a été contaminée,
elle peut être considérée comme perdue, car, à celte
période, le simple voisinage des moisissures suffil à
tuer le jeune mycélium de la Morille. C’est pour éviter
autant que possible leur invasion qu'il importe de choisir
comme terrain des débris végétaux en voie de décom-
position déjà très avancée, c’est-à-dire dontles matières
fermentescibles ont complètement disparu.
Au bout de plusieurs mois de végétation, lesfilaments
du mycélium paraissent plus volumineux, plus nourris;
parfois même, on remarque de véritables cordons
résultant de la soudure de plusieurs filaments paral-
lèles; en d’autres points, cette tendance des filaments
à.se rapprocher, pour constituer des structures plus
denses, se manifeste par la formation d’amas feutrés
rappelant le tomentum qui, chez une famille très
voisine de la Morille, les Pezizes, constitue la première
ébauche du réceptacle.
C'est là l'indice irrécusable que les cullures sont en
bonne voie, et que la forme que nous propageons est
bien celle qui doit aboutir à Ja production des asco-
spores, c'est-à-dire de la Morille. Je ne parlerai donc
que pour mémoire d'une autre forme, stérile celle-là,
que l’on obtient en cultivant le mycélium non plus au
sein d’un substratum poreux, mais en surface dans
une atmosphère humide. C'est une forme Botryts,
caractérisée par de très longs filaments droits et grêles,
bientôt transformés en chapelets de conidies; cette
forme se fixe et ne semble plus susceptible de faire
retour à la forme fertile dont nous allons continuer à
suivre l’évolution.
On constate bientôt que le mycélium a acquis avec
l’âge la propriété de résister victorieusement à la con-
currence des moisissures; au lieu d'être tué par elles, il
refoule maintenant celles qui ont pu s’introduire dans
les tubes de culture. Dès ce moment, autant pour
simplifier la besogne que pour me rapprocher davan-
tage des conditions naturelles, j'abandonnai les cul-
tures en tubes stérilisés, et j'instituai à la campagne
des cultures « en pleine terre ». La méthode, à l’imi-
tation de ce qui se pratique pour le champignon de
couche, consistait essentiellement à préparer des
couches de terreau de composition variable, enfouies
dans des tranchées, et à y insérer de place en place
des mises de mycélium adulte provenant de mes tubes.
Plusieurs printemps passèrent sans qu'aucune Mo-
rille fit son apparition sur les couches, bien que la
prise et la propagation du mycélium eussent été cons-
tatées. Pour la première fois, en mai 1900, je trouvai
une demi-douzaine de Morilles disséminées sur le sol
d'une cave, autour d'un emplacement où avaient sé-
journé, en 1892, des cultures établies dans des pots à
fleurs. Cette année-ci (mai 1901), le succès s’est con-
firmé d'une manière non douteuse. Autour d’une couche
composée de feuilles mortes et alcalinisées assez forte-
ment avec du carbonate de soude, datant de 1896, on
a récolté une dizaine de Morilles, et plusieurs autres
encore sur une tranchée dans laquelle avait été déposé,
à la même époque, un compost de marc de pommes.
Cela fait donc trois cultures différentes ayant déjà
donné, à l'heure actvelle, un résultat positif.
Il est donc acquis que la Morille est un champignon
saprophyte, que son mycélium n’a nullement besoin
de vivre en symbiose avec les racines de certains ar-
bres, comme le veut une opinion très répandue (dans
les expériences en question, toutes les précautions
avaient été prises pour ne laisser subsister aucun doute
à cet égard) et que sa culture artificielle n’est pas très
difficile à réaliser sous certaines conditions. Il est vrai
que celte culture serait bien lente, puisque dans un
cas il s'est écoulé huit ans et dans l'autre cinq ans
entre l’ensemencement et la récolte. Mais certains faits,
connus des mycolosistes, derécoltes extraordinairement.
abondantes de Morilles sur des substratums particuliers,
notamment certaines pâles de bois pour la fabricatiom
du papier, permettent de croire qu'il serait possible de:
reproduire régulièrement ces conditions exceptionnelles
parfois rencontrées dans la Nature et de créer ainsi
une méthode intensive de culture de la Morille qui au-
rait certainement un intérêt économique.
D' Ch. Repin,
Attaché à l'Institut Pasteur.
$ 4. — Géographie et Colonisation
La Pénétration dans la Côte d'Ivoire. — À la
Côte d'Ivoire, comme partout en Afrique, après l'occu-
pation du littoral, a commencé l'œuvre de pénétra-
tion. Tout d'abord, les explorateurs ont parcouru le
pays : Binger et Treich-Laplène dans le pays de Kong
et le bassin du Comoë; Marchand, les administrateurs
Nebout et Pobeguin, M. Eysseric dans le bassin du Ban-
dama; l'administrateur Thomann dans celui de la
Sassandra ; le capitaine Blondiaux dans le Nord-Ouest
de la Colonie; l'administrateur Hostains et le lieutenant
d'Olonne dans le bassin du Cavally; enfin la Mission
du chemin de fer, dirigée par le Commandant du Génie
Houdaille, dans la région intermédiaire entre le Comoë
et le Bandama. Je passe sous silence nombre de tra-
vaux de détail qui permettent de coordonner, de cou-
trôler ou d'étendre les itinéraires des voyageurs que je
viens de nommer.
Puis est venue l'action politique, que l’on peut consi-
dérer comme complète dans ses grandes lignes pour
la partie Nord et pour la moilié orientale de la colonie.
L'action militaire engagée contre Samory nous à
amenés à fonder les postes de Touba, Odienné, Tom-
bougou, Seguela, Nouantogloin, Haut-Bandama, Bouaké
Dabakala, Kong et Bouna dans le Nord de la Côte
d'Ivoire. La pénétration pacifique, commencée en 1894
sous l'impulsion de M. Binger, premier gouverneur de
la colonie et continuée sous ses successeurs, MM. Mout-
tet et Roberdeau, nous a amenés à occuper successi-
vement les postes de Bettié, Zaranou, Attrakrou, Nia-
bley, Manzano, Assikasso et Bondoukou dans le bassin
du Comoë ou le long de la frontière Est, ceux de Tias-
salé, Toumodi et Kodiokofi dans le bassin du Bandama.
Le mouvement est à peine ébauché dans la partie Ouest
de la colonie. L'année 1899 avait vu l'établissement des
postes de Grabo, de Taté et d'Olodio dans le bas Cavally.
En 1900, l'administrateur Thomann a été chargé de
fonder un poste à Boutoubré, à une centaine de kilo
mètres de la côte, sur le cours de la Sassandra.
On remarquera que ces diverses lignes de pénétration
suivent toutes les vallées des cours d’eau qui arrosent
la colonie; ce n'est pas que les rivières de la Côte
d'Ivoire soient d'une navigation facile, mais leur
orientation générale Nord-Sud en fait en quelque sorte
des fils conducteurs pour qui, du littoral, veut s'élever
vers l'intérieur. ‘
Livingstone, il y a longtemps déjà, comparait l'Afri-"
que à une auge dontles rebords, formés par une série
de montagnes ou de plissements parallèles aux côtes,
isolaient de la mer tout le centre du continent. Les
fleuves africains les plus importants, le Nil, le Niger,
le Congo, le Zambèze, n'arrivent à la mer qu'après
s'être frayé une route pénible au prix d'une série de
rapides ou de calaractes à travers l'obstacle géologique
qui leur barrait le chemin. Leur navigabilité se trouve
donc interrompue à une distance plus ou moins faible
de leur embouchure. Cette configuration du continent
africain, après avoir, pendant de longues années,
entravé les reconnaissances des explorateurs, est
aujourd'hui l'une des grosses difficultés que rencon-
trént les nations européennes pour la mise en valeur
CHRONIQUE ET CORRESPONDANCE
Ce
de)
|
des vastes territoires qu'elles se sont attribués en Afri-
. que pendant le dernier quart du xix° siècle.
1 Bien qu'appartenant tous au bassin côtier du golfe
—. de Guinée, les fleuves de la Côte d'Ivoire ne font point
exception à cette règle générale et ils ne se jettent
dans l'Atlantique qu'après avoir franchi, par de nom-
breux rapides, les gradins montagneux et boisés qui,
du littoral, accèdent aux plateaux de la boucle du
Niger, où les plus importants de ces cours d'eau pren-
nent leurs sources.
On rencontre, en allant de l'Est à l'Ouest : le Tanoë
dont le cours inférieur sépare notre colonie de la Côte
d'Or anglaise. Il est navigable, mais pour les pirogues
seulement, jusqu'à Nougouä, point à partir duquel il
coule entièrement en territoire anglais.
La rivière Bia, qui se Jette dans la lagune Aby, cesse
d'être navigable pour les pirogues aussi bien que pour
les vapeurs à Aboisso, à une cinquantaine de kilomètres
«de la mer.
Le Comoë, l'un des trois cours d’eau les plus consi-
dérables de la colonie, a son embouchure à Grand-Bas-
sam ; il cesse d’étre navigable pour les vapeurs à Alépé,
à seulement 40 kilomètres du littoral; 50 kilomètres
plus haut, à Malamalosso, des chutes de plusieurs mètres
arrêtent la marche des pirogues. Les chutes de Mala-
-malosso tournées par voie terrestre, le Comoë redevient
navigable pour les pirogues qui pourraient, au prix de
sérieuses difficultés, causées par les nombreux rapides
obstruant le cours du fleuve (il y en a 17 entre Bettié
“et Attakrou), remonter jusqu'à Nabaé, par environ 8°30
de latitude nord. Le Comoë prend ses sources bien plus
haut encore, dans le Kenedougou, entre le 10° et
le 11° degrés de latitude.
Les rivières Mé et Agneby, qui se jettent dans les
lagunes Potou et Ebrié, sont beaucoup moins impor-
tantes et prennent leurs ssurces dans le voisinage du
7e degré de latitude nord. Leur cours inférieur serait
pendant quelques kilomètres accessible aux vapeurs
s'il était débarrassé des nombreux troncs d'arbres qui
l'obstruent.
Le bassin du Bandama, bien que les sources de ce
fleuve soient un peu moins septentrionales que celles
du Comoë, paraît, par l'importance et le nombre des
affluents, le plus étendu des bassins fluviaux de la Côte
d'Ivoire. Malgré son débit pendant l'hivernage, ce
fleuve, qui a son embouchure près de Lahou, n'est navi-
gable pour les vapeurs que jusqu'à Thiassalé, à 90 kilo-
mètres de la mer et pendant les plus hautes eaux seu-
lement, c’est-à-dire pendant trois ou quatre semaines;
encore les rapides de Broubrou, à une trentaine de
kilomètres en aval de Thiassalé forment-ils toujours un
obstacle peu commode. Pendant le reste de l’année, la
navigation par vapeurs s'arrête soit à Broubrou, soit à
Ahuakrou, à une quarantaine de kilomètres seulement
du littoral. Ses deux branches les plus considérables,
Bandama Rouge et Bandama Blanc, ainsi que le Nzi, son
affluent le plus important, sont encore trop peu connus
pour qu'on puisse apprécier exactement davs quelle
mesure leurs nombreux rapides forment obstacle à la
-navigation des pirogues.
Le Daguiré et le Bonico, qui arrivent à la côte auprès
de Fresco, sont sars importance. La Sassandra, dont le
cours supérieur a été reconnu par le capitaine Blon-
diaux sous le nom de Ferédougouba, est le troisième
des grands fleuves de la Côte d'Ivoire. Elle cesse d’être
navigable pour les vapeurs à quelques kilomètres de
-son embouchure, et on ne l’a encore remontée en
pirogues, au prix de sérieuses difficultés, que jusqu'à
pes poudou, un peu au-dessous du 7° degré de latitude
nord.
La rivière de San Pedro, beaucoup moins importante
que la Sassandra, est, comme celle-ci, coupée par de
nombreux rapides presque jusqu'au littoral. Les
rivières de Wappou et de Tabou, moins importantes
À
encore, deviendraient accessibles pour de petites em-
barcations sur un parcours de quelques kilomètres si
on débarrassait leur cours inférieur des nombreux
troncs d'arbres tombés qui l’obstruent.
Sur le Cavally, qui forme la limite ouest de la colonie,
le point terminus de la navigation à vapeur est Niamé,
à 38 milles géographiques de l'embouchure; on n'est
pas remonté beaucoup plus haut en pirogues.
Il s’agit, bien entendu, dans toute l'énumération qui
précède, de petits vapeurs de rivière calant au plus un
mètre ou un mètre cinquante de tirant d'eau.
Je me suis attaché à déterminer, aussi exactement
que possible, pour toutes ces rivières le point où cesse
la navigation à vapeur, car l'expérience me semble
avoir démontré que, dans les rivières à rapides, la navi-
gation par pirogues ne saurait suflire à un mouvement
commercial de quelque importance.
Les difficultés de la navigation sur ces rivières ont,
en effet, pour conséquence première d'exiger des mari-
niers une connaissance du cours d'eau, de ses récifs et
de ses crues qui monopolise la batellerie au profit des
seuls riverains. Ceux-ci augmentent leurs exigences pro-
portionnellement aux demandes, leur nombre n'ayant
pas varié, alors que celui des traficants et des marchan-
dises à transporter augmentait, si bien que le temps
arrive vite où la rareté et la cherté des transports par
pirogues créent un obstacle presque insurmontable au
plus grand développement du commerce dans la région.
Le fait vient de se produire à la Côte d'Ivoire daus le
bassin du Comoë. Il y a quatre ans encore, les pistes
suivies par les caravanes commerciales venant de l'inté-
rieur s'arrètaient toutes à Bettié ou à Malamalosso sur
le fleuve, qu’elles utilisaient ensuite pour se rendre à
Alépé ou à Grand-Bassam. Mais, depuis, la quantité de
caoutchouc exporté est passée de 141.997 kilogrammes
en 1896 à 633.435 kilogrammes en 1899, chiffre qui a été
encore dépassé en 1900. La presque totalité de cet excé-
dent provient des cercles de l’'Indénié etde Bondoukou
ou des régions voisines qui empruntent les routes de
l'Indénié pour leurs relations avec lelittoral. Devant cette
surproduction, la batellerie sur le Comoë est devenue
insuffisante et l'Administration fait, en ce moment,
ouvrir le long de la rive gauche du fleuve une piste pour
permettre aux caravanes d'accéder à Alépé, point ter-
minus de la navigation à vapeur.
Il ressort de ce rapide exposé que la question des
moyens de transport et des voies de communications
économiques se pose à la Côle d'Ivoire avec la même
urgence que dans nos autres possessions de l'Afrique
Occidentale. Si la solution est moins prochaine qu'au
Sénégal, à la Guinée Francaise et au Dahomey, où les
chemins de fer sont déjà en construction, elle ne sau-
rait être infiniment retardée. La Mission Houdaille a
déjà étudié le tracé de 200 kilomètres de voie ferrée;
tout un plan de campagne; comprenant un complément
d'étude et des travaux préparatoires, a été établi pour
l'année 1901.
En attendant la mise en train de la grosse entreprise
qu'est toujours la construction d’un chemin de fer dans
l'Afrique intertropicale, l'Administration locale s'est
préoccupée de l'amélioration des pistes suivies par les
caravanes indigènes. Elle en a tracé, élargi et amé-
nagé plus de 1.200 kilomètres dans les cercles d’Assinie,
de l'Indénié, de Bondoukou, du Baoulé et de Kong.
Enfin, elle a presque achevé la construction de la
ligne télégraphique qui doit la relier au réseau du Sou-
dan et du Sénégal. Le fil parti de Grand Bassam et des-
servant les postes d'Alépé, de Bettié, de Zaranou, de
Niabley, d'Assikasso et de Bondoukou, était arrivé le
4 août 1900 à Dabakala, à 150 kilomètres seulement de
Kong, point qu'avait atteint deux mois plus tôt le fil
soudanais.
M. Clozel,
Gouverneur de la Côte d'Ivoire.
598
D' CUREAU — NOTES SUR L'AFRIQUE ÉQUATORIALE
NOTES SUR L’AFRIQUE ÉQUATORIALE
DEUXIÈME PARTIE : ETHNOGRAPHIE:
Rien de plus embrouillé que l’ethnographie afri-
caine : la mulliplicité des peuplades de toutes races,
leur confusion, l'absence de traditions ou de mo-
numents de leur histoire, le peu de temps depuis
lequel nous avons commencé à les connaître, ren-
dent fort difficiles, sinon impossibles, l'établisse-
ment de leurs parentés et la poursuite des pistes
de leurs migrations. Tout s’efface vite sur cette sau-
vage terre d'Afrique. La féconde Nature a bientôt
fait disparaitre les morts et détruit la trace de leurs
pas ou les vestiges de leurs travaux.
Nous allons cependant essayer de donner une
idée générale des principales peuplades qui habi-
tent l'Afrique équatoriale, de leurs caractères phy-
siques et de leurs coutumes, de leurs mœurs et de
leurs langues, en nous basant sur les observations
que nous avons ‘pu recueillir pendant un séjour de
plusieurs années dans ces régions.
I
Les races africaines obéissent à la loi commune :
elles se modifient par une évolution plus ou moins
lente, que l'intervention européenne tend à brus-
quer aux dépens de l'existence même de plusieurs
d’entre elles. Pourtant, soit par soumission à une
tradition obscure, soit par la protection de rem-
parts géographiques, soit à cause de leurs qualités
prolifiques, de leur énergie vitale et de leurs vertus
guerrières, qui leur rendent superflue ou hostile
toute immixlion étrangère, quelques-unes parais-
sent avoir conservé un type assez homogène : c'est
ce qui est arrivé, par exemple, pour les Pahouins,
les Ballali et les Bobanghi.
Ces cas sont rares. La plupart des peuplades
offrent des types assez méêlés. En tête des circon-
stances qui ont contribué à modifier les caractères
ethniques primitifs, il faut placer l’infusion du sang
étranger par la voie de l'esclavage. Notons que les
Pahouins, qui viennent d’être cités pour avoir con-
servé la purelé du type, ne pratiquent pas le trafic
de l'homme : le prisonnier fait à la guerre n’est
point réduit en esclavage; on le mange; il n'ya
même pas de mot dans leur langue pour signilier
« esclave ».
! Voir la première partie de cet article dans la Revue du
30 juin, t. XII, p. 558.
Cette partie était consacrée à l'examen des conditions
orographiques, hydrographiques et climatériques des régions
africaines équatoriales,
Chez tous les autres, au contraire, la traite de
l'homme est très prospère (fig. 1); pour la région
du Congo, ce sont les Bayandzi qui en sont les
grands pourvoyeurs. D'ailleurs, sauf cas spéciaux
et exceptions, l'esclavage n'y est pas si terrible
qu'on l’a dit et ne justifie qu’en partie les alarmes
de nos philanthropes : j'entends l'esclavage chez
les noirs mêmes; car l'esclavage tel que l'avaient
institué autrefois les Européens ou tel que ceux-
ci l'exercent encore assez couramment, déguisé
sous les noms les plus divers, est infiniment plus
impitoyable et plus cruel.
L'esclave du nègre est un peu le client de l'Anti-
quité, à cela près qu'il peut être vendu; mais il
fait en quelque sorte partie de la famille et jouit de
cerlaines prérogatives. J'ai connu un nommé Mou-
loulou, qui tirait son nom de sa tribu d’origine.
Vendu chez les Bobanghi comme esclave, il était
devenu possesseur d'une grosse fortune en ivoire,
avait acheté lui-même des esclaves et s'était libéré.
Un beau jour, il avait perdu au jeu toutes ses ri-
chesses; il était en train de recommencer une nou-
velle fortune. C'est un fait remarquable que l'es-
clave puisse posséder en propre des biens et des
esclaves, en dehors de la propriété de son maitre.
Sur quelle loi peut reposer un droit en apparence
si paradoxal? Quelle en est la sanction? Si cou-
tume il y a, je ne répondrais pas qu'elle soit tou-
jours respectée. Il est évident qu'elle n'a d'autre
fondement que l'intelligence, l'habileté et la force
de caractère de l'individu, mais il n'en est pas
moins vrai aussi qu'elle repose sur une conception
particulière de la servitude chez les races nègres.
Il suffit que des exemples analogues au précédent
ne soient pas rares et que, même chez des tribus
aussi aristocratiques que les sultanats zandés, des
esclaves aient pu s'élever au rang de chefs.
Une autre anecdote montrera certaines particu-
larités curieuses de l'esclavage en Afrique. Un
esclave des Batéké, ayant été malmené par son
maître, un chef de Kimpila nommé Malié, vint se
réfugier au poste de Brazzaville. Il portait le cos-
tume, la coiffure en couronne et les balafres carac-
téristiques de la tribu. L'administrateur consenlit
volontiers à lui donner asile ; il lui suffisait de se
présenter le lendemain matin à l'appel et de
prendre sa part de travail avec nos autres engagés.
Mais notre homme ne l'entendait pus de cette ma-
nière; il répliqua avec indignation : « Pourquoi
viendrais-je travailler ici, alors que je ne fais rien
Le
|
D' CUREAU — NOTES SUR L'AFRIQUE ÉQUATORIALE
299
au village? » et il s'en retourna chez son maitre.
Je ne voudrais pourtant pas laisser croire que tout
est rose dans la condition de l’esclave. Son exis-
tence est assez précaire, surtout s'il est faible et
chétif; il est exposé aux mauvais iraitements, à
Quoi qu'il en soit de la condition des esclaves,
ils laissent néanmoins leur empreinte sur la race
où ils sont transplantés, soit par le concubinage
des femmes captives avec leurs maîtres, soit par le
mariage des esclaves entre eux, ainsi que par leur
Fig. 1. — Esclaves à la fourche chez les Zandés, menés par des bazingers.
être revendu, à être étranglé à la mort du chef,
pour continuer à le servir dans l’autre monde. Il
faut lui rendre cette justice qu'il accepte la bonne
et la mauvaise fortune avec le plus entier fata-
lisme. Ce n’est pas lui rendre service que d'essayer
de le tirer de son état; souvent il s’y refuse, même
avec la perspective d'être gardé pour la marmite,
comme cela arrive dans le moyen Oubanghi.
élablissement et celui de leurs enfants dans la
tribu, où leur famille finit par prendre droit de
naturalisation. Dans ces condilions,\la race fne
saurait manquer de perdre la pureté de son type
primitif. Mais elle n’en conserve pas moins son
indépendance et son intégrité au point de vue poli-
tique. L'esclave devient l'enfant adoptif et le ci-
toyen de sa nouvelle patrie; il en épouse les que-
600
relles et redoute l'étranger. Son intérêt bien
entendu lui commande sa conduite : il n’a rien à
gagner au change et court le risque de troquer
une existence médiocre, mais assurée, contre les
hasards d’une nouvelle et incertaine condition.
Telle est, dans ses grandes lignes, au Congo,
l'influence de l'esclavage dans le mélange des
races. Les Nzakaras sont trop anthropophages
pour que les esclaves aient chance de jouer chez
eux un rôle de quelque importance. Leur race
n'en est pas pour cela plus homogène; elle est
composée d'éléments disparates, venus on ne sait
d'où, puis réunis et confondus sans doute par la
seule raison de solidarité. Et c'est vraisemblable-
ment cette raison de solidarité et le besoin ins-
tinctif de relier plus intimement un tout si peu
cohérent par soi-même, qui a poussé les Nzakaras
à s'ériger en royaume, grotesque parodie d’un
État constitué.
Dans les sultanats zandés, où peut-on dire qu'il
existe encore des individus de race pure ? Peut-être
chez Mbia, tout à fait dans l'Est. Partout autre
part, la population actuelle est le résultat des croi-
sements répétés de la race zandé conquérante el
des nombreuses races autochtones. Deux des sul-
tans tiennent même à ne pas être de race zandé.La
plupart de leurs enfants sont nés de femmes es-
claves, dont les chefs possèdent toujours un assor-
liment raisonnable. Quant aux conquis, Biris,
Karès, Krèychs, Basiri, Pambias, Barès, Digas (ces
derniers n'étant autre que des zandés asservis), ils
sont en voie de disparaitre, à brève échéance, par
la privation de leurs femmes enlevées par les chefs
et par suite des misères et des corvées de toute
nature.
Le mélange des races rencontre un gros obstacle
dans la crainte qu'éprouvent les indigènes à s'éloi-
gner de la tribu. Si certaines peuplades commer-
çantes, comme les Bobanghi et les populations
riveraines du haut cours de l'Oubanghi, se risquent
à des voyages fort loin de leur patrie, c'est que
de larges cours d’eau offrent à leur expérience de
navigateurs une route commode, et à leur sécu-
rité un refuge contre les tribus moins versées dans
l’art du pagayage; de plus, leur liberté et leur vie
ont pour garantie les besoins et les intérêts com-
merciaux des gens-qu'ils vont visiter.
Il n’en va pas de même sur les cours d'eau de
médiocre importance ou sur la plupart des routes
de terre. Chacune des peuplades échelonnées le
long de la rivière ou de la route établit des droits
sur les transactions commerciales qui s'opèrent à
travers son territoire el ne tolère, sous aucun pré-
texte, les relations directes entre ses voisins d’amont
et d’aval; elle impose son intermédiaire, moyen-
nant un prélèvement, qui, répété de proche en !
D' CUREAU — NOTES SUR L'AFRIQUE ÉQUATORIALE
proche, épuise promptement le stock de marchan-
dises. !
Ce fut là une des raisons des lentes migrations
des peuplades nègres vers la mer (fig. 2), tant que le
commerce européen n'eut pas encore pénétré dans
l'intérieur de l'Afrique. On se poussait insensible-
ment versla source de tant de richesses: les étoffes,
les fusils, la poudre, les liqueurs fortes. Pour cer-
taines tribus prolifiques, comme celle des Pahouins,
l'accroissement rapide de la population accélère ce
mouvement vers la mer, l'extension ayant plus de
chance de se faire avec la moindre résistance du
côté des peuplades déjà amollies par la vie plus
facile, les excès et les vices que leur communique
le contact des Européens. Au siècle dernier, les
Loangos étaient une race fière et courageuse et.
constituaient un royaume puissant ‘; maintenant,
ils sont läches, voleurs et paresseux, excellents
pour la cuisine, la couture et les travaux de fem-
mes; cent ans de domination européenne et d’al-
cool ont suffi pour les amener à une décadence
complète et à leur prochaine extinction. Les
Mpongwés ont presque entièrement disparu; à
l'heure actuelle, il en reste à peine au Gabon
deux ou trois représentants de race pure. Même
sort est arrivé aux Bengas, aux Kombés, aux Bou-
lous. Tout cela a disparu sous l'inondation pa-
houine, dont les premiers flots commencent à
apparaitre sur l'horizon du Kouilou.
Ainsi voilà deux causes de migration, le mirage
des richesses et la pléthore de population. L’inté-
rêt prend d’autres formes que celle du commerce :
chez les Musulmans du Soudan, qui menacent les
fronlières septentrionales de notre colonie, c'est
le prosélytisme religieux, ou plutôt l'appât des
terres plus grasses et plus fertiles de la région flu-
viale, riches d'une luxuriante végétation et d’hom-
mes vigoureux propres à l'esclavage. Chez les
Nzakaras, c'est affaire de cuisine; leur goût du
gibier humain les entraine tous les ans à des
guerres contre leurs voisins, les Boubous. Les
morts sont consommés sur place par les deux par-
tis; les prisonniers sont emmenés comme réserve
alimentaire par chacun des belligérants et abattus
au fur et à mesure des besoins. Dans les sultanats
zandés, c’est désir d'étendre le territoire ou chasse
aux esclaves : Rafaï guette les Nzakaras; les autres
sultans, contenus les uns par les autres, n'ont
d'autre porte ouverte que celle du Nord.
La conséquence de ces divers mouvements est
que, en certains points, règnent des zones de com-
pression de tribus, sans lien commun de parenté,
accumulées les unes contre les autres par une
1 L. pe Granppré : Voyage à la Côte occidentale d'Afrique,
fait dans les années 1186 et 1187. Paris, an IX. 1801.
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D' CUREAU — NOTES SUR L'AFRIQUE ÉQUATORIALE
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_ poussée d'ensemble. Ainsi, nous voyons s'écraser
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« sur la côte et s'y éteindre les Bômoudi, une frac-
Lion des Bosyéba, les Kombés; les Mabéa, les Ben-
gas, les Boulous, les Mpongwés et, plus au Sud,
les six tribus sœurs des Mpongwés, toutes refou-
lées par l'innombrable invasion des Pahouins‘.
Vers la côte du Loango, sur une profondeur de
400 kilomètres, se pressent sept peuplades, qui
n'ont rien de commun entre elles, ni caractères
physiques, ni coutumes, ni langues : Bavili (ou
En avancant vers l'intérieur, la compression
diminue. Déjà les Batéké (Atyo) sont fort à l'aise
sur leurs plateaux, d'où ils se sont écoulés vers le
Stanley-Pool (qu'ils appellent Mbankoua) pour pré-
lever leur dime sur le commerce fluvial.
De l’autre côté du couloir, le groupe de popu-
lations que les gens du bas Congo comprennent
sous la dénomination générale de Bayandzi, cou-
vre une immense surface de pays avec leurs ra-
mifications, Bolobo, Bonga, Bafourou, Bobanghi,
pe
“
\
3 __—_—
FSC Y
\
\rare. LarigouassiS\
\ Zimtes des grands
s plateaux.
. Limite du palmzer
* aæ futile.
Les flèches indiquent
Le sens des nugrations:
Grave par F'Borremans, 5 rue Hautefeuille.
_Loangos)?, Bayombé, Bakamba, Basoundi, Bakongo,
Ballali, Batéké (ou Atyo)°.
1 La dénomination de Pahouins ou plutôt Mpangwen
(mot à peu près intraduisible autrement dans notre ortho-
graphe) est d'origine gabonaise. Les Pahouius s'appellent
eux-mêmes Fang (les deux dernières consonnes sourdes et
- nasales) et non Fan et encore moins Man, comme on écrit
quelquefois; car, dans ce dernier cas, le pluriel ne pourrait
être Befang, qui est la forme régulière. Les Pahouins appel-
lent les Mpongwés Beyoukh (le kh guttural comme le ch
dans l'allemand nach, doch).
? C'est une erreur d'attribuer aux Loangos et Cabindas,
ainsi qu'à leur langue, le nom de fiotè. Ce mot veut dire
simplement noir (adjectif de couleur)-ou nègre, eln'a dés
lors aucune signification, appliqué à une tribu en particu-
lier. D'ailleurs, les indigènes protestent eux-mêmes contre
cette dénomination.
* Le préfixe Ba est le signe du pluriel; il remplace le pré-
fixe du singulier Mou, qui devient selon les cas Moun ou M
(comme dans Mvili). Bobanghi est le pluriel de Mobanghi ;
Bangala de Mongala.
Fig. 2. — Carte des populations de l'Afrique équatoriale et de leurs migrations.
Bangala, auxquelles on pourrait rattacher, mal-
gré de notables divergences, des types de tran-
sition qui occupent la moyenne Sanga et le bas
Oubanghi.
Au-dessus de Banghi, nouvelle zone de compres-
sion, composée de plusieurs couches de popula-
tions échelonnées les unes derrière les autres et
refoulées vers le Sud par la lente invasion des
Musulmans du Soudan. C'est d'abord, tout à fait
au bord de l'Oubanghi, une étroite bande de peu-
plades assez disparates, Sabangas, Ouadas, Ban-
- ziris et Bourakas, Sangos et Yakomas. En arrière,
s'étend de l'Est à l'Ouest un formidable front de
bataille, déployé entre la Sanga et le Chinko, et
qui est composé d’une chaine de tribus de même
race et presque de même langue, les Ndérés, les
Langouassis, les Ngapous, les Boubous et les
602 D' CUREAU — NOTES SUR L'AFRIQUE ÉQUATORIALE
Gabons*. En arrière entore vient une masse com- | Dar-Four, Ce quadruple plan se pousse de proche
pacte de fétichistes exposés, directement aux entre- | en proche et vient s'écraser sur les bords de
prises et aux razzia des Musulmans de F'Ada- | l'Oubanghi; car, de l’autre côté de ce rempart,
Fig. 3. — Village de Bonga (Basse Sanga).
maoua, du Bornou, du Baghirmi, du Ouadaï, du | sont d'autres tribus qui en défendent le passage.
TRE PE LC rot ne es En résumé, si nous faisons le dénombrement de
! Presque tous les noms de l'Oubanghi ont été défigurés . % A TE
par les Européens; je crois devoir néanmoins conserver toutes les populations échelonnées le iong de l'iti
l'orthographe usuelle, pour éviter toute confusion. néraire de la figure 1 de notre premier article,
<a hd.
cn
D: CUREAU -- NOTES SUR
soit sur une distance de 2.600 kilomètres, nous y
trouvons vingt-cinq tribus différentes, dont l’énu-
mération serait à la fois fastidieuse et inulile. Et,
Fig. 4 — J'amille de Ballali,
parmi toutes ces tribus, quelles variétés de types,
de coutumes, de dialectes !
I]
Deux grandes divisions s'imposent d'abord, et,
comme elles joignent à des caractères ethniques
différents une architecture bien distincte, on
pourrait les désigner aussi bien par la forme
ronde ou rectangulaire de leurs habitations. Les
populations à cases carrées (fig. 3), dites de langue
Bantou, éparses sur le Congo, se séparent ainsi
très nettement, à la fois par un signe sensible et
par des signes de constatation plus délicate, de
celles à cases coniques qui règnent au-dessus du
quatrième parallèle.
Cette première distinction, tout en limitant la
question, est loin d'en diminuer la difficulté et
l'inextricable imbroglio : car, des deux parts,
malgré des similitudes générales, des analogies
physiques ou linguistiques, les dissemblances de
détail sont si nombreuses et souvent si tranchées
L'AFRIQUE ÉQUATORIALE 603
qu'il paraît bien difficile d'assigner, avec quelques
chances de probabilité, des liens de parenté entre
les diverses tribus. Peut-on faire dériver d'une
même origine les Pahouins ou les Bobanghi bra-
chycéphales et les Bakongo dolichocéphales? Puis,
indépendamment de la forme du crâne, combien
toutes ces races, même dans les régions où elles
sont le plus pressées, ne diffèrent-elles pas par
leurs formes physiques, leurs qualités morales et
leurs aptitudes! Voici les Bakamba aux formes
épaisses et charnues‘: à côté d'eux, les Basoundi
et surtout les Bakongo, aux traits fins et intel-
ligents, au front saillant, aux membres vigoureux,
malgré leur gracilité. Voici également les Ballali
(fig. 4), actifs, tout pelils, aux formes quasi-fémi-
Fig. 5. — Famille de Batéké (Atyo).
nines; à côté d’eux, les Batéké (Alyo)* à la haute
taille, à l'allure dégingandée et paresseuse (fig. 5,
1 J'ai vu chez eux plusieurs cas bien marqués de stéato-
pygie chez des femmes.
? Il s'agit ici des Batéké de Mbë, riverains du Congo, très
60%
D' CUREAU — NOTES SUR L'AFRIQUE ÉQUATORIALE
6, 7). Et combien tous ces gens diffèrent encore des
Bayandzi, beaux hommes, vigoureusement décou-
plés, à la poi-
trine dévelop:
pée de pa-
gayeurs, au
front large
mais bas, à la
tête ronde !
Au moral,
les divergen-
ces sont en-
core wplus
grandes : —
Le Pahouin
est le brocan-
teur retors,
qui fait le pe-
tit commerce,
dispute pour
une tête de
tabac, mar-
chande pen-
dant des heu-
res et des
jours avec la
plus mauvai-
se foi du mon-
de; — les Ba-
kongo sont
voyageurs,
commission -
naires, bras-
seurs d'affai-
res, débattant
de gros inté-
rèêts avec viva-
cité, mais non
sans quelque
largeur d'i-
dées et quel-
que générosi-
{é; — les Bal-
lali sont les
petits agricul-
teurs écono-
mes, qui vont
avecdiligence
porter au mar-
ché les pro-
duits de leurs
plantations et
Fig. 6. — Groupe de Batéké (Atyo).
cherchent à en retirer un bénéfice raisonnable, |
dillérents par leurs caractères physiques de ceux du haut
Alima, qui sont de très petite taille; les premiers s'appelleut
eux-mêmes Atyo (&u singulier Ityo).
pophagie.
| plus difficile
mais honnête; — les Baléké (Alyo) sont gens
d'importance, à prétentions aristocratiques, parfai-
tement pares-
seux, répu-
gnant au lra-
vail manuel,
sachant se
rendre néces-
saires comme
entrepositai -
res et préle-
ver leur part
des transac-
tions qui s'o-
pèrentchez
eux ; — le Mo-
banghi est
l'homme d’au-
dace ; il voya-
ge; il fait le
commerce au
loin et s’a-
bouche avec
maintes tri-
bus, dont il
devient l'in-
dispensable
pourvoyeur ;
il trafique
d'esclaves
avec ceux-ci,
d'ivoire avec
ceux-là, con-
nait les pro-
duits qui font
prime sur tel
ou lel mar-
ché; ila, peut-
ètre encore
plus que les
autres noirs,
la passion du
jeu et il n’hé-
site pas à ris-
quer sa for-
tune sur un
coup de pa=
tara ;— "les
Baloï et sur=
tout les Bon-
djos sont des
ventres; c'est
tout ce qu'il y a de plus bestial en fait d'anthro=
Au-dessus de Banghi, la confusion est encore
à déméler. D'ailleurs, il faudrait
D' CUREAU — NOTES SUR L'AFRIQUE ÉQUATORIALE
605
mieux connaitre les populations non riveraines
de la rivière, que les itinéraires. tracés jusquà
présent nous ont permis de le faire, pour établir
des rapprochements et essayer de dégager des
affinités. Les plus sympathiques et les plus utiles
….j nos intérêts sont les peuplades établies immédia-
“tement sur le bord de l'Oubanghi. Leurs aplitudes
Fig. 7. — Jeune fille Baléké.
à la navigalion fluviale, leur expérience des rapides
les rendent précieux pour les transports; l'habi-
tude héréditaire du pagayage (fig. 8) et de la pêche a
développé leurs membres thoraciques aux dépens
des membres inférieurs. De caractère enjoué,
toujours gais et chantants, insouciants et impré-
voyants à l'excès, leur commerce est en général
agréable, mais parfois impatientant par l'extrême
versalilité de leur caractère; ils aiment les jeux de
société, les calembredaines, les lazzi; puis, dans
un coup de tête, quoique sans méchanceté dans le
fond, ils commettront un acte grave par convoi-
tise ou par représailles. Dans leurs pirogues,
ils chantent à journée entière, improvisent des
paroles sur des airs connus, vous jouent des tours
pendables et trouvent moyen de se faire pardonner
à force de bonne humeur.
Les Nzakaras (fig. 10) inaugurent la série des
gens moroses. Leur goût de la viande humaine,
attesté par les trophées d’ossements qui dé-
corent chaque village, n’est pas d’ailleurs sans
leur nuire quelque peu dans notre esprit. Il
convient toutefois de se faire une idée aussi
exacte que possible de l'anthropophagie. Ces
Fig. 8. — Pagayeur Sanga poussant la piroque
à la perche.
horribles appétits sont encore fort répandus
dans toute l'Afrique centrale, depuis le moyen
Congo jusque dans la haute Sanga et le haut
Oubanghi, y compris les Nzakaras. Les Pa-
houins s’y adonnent aussi {rès volontiers,
Il y a des degrés dans l'anthropophagie. Les
uns, comme les Pahouins, n'abattront point un
homme exprès pour le manger; mais ils dévoreront
fort bien l'ennemi tué à la guerre, par manière de
représailles ou afin d’hériter ses vertus et sa
valeur; il n'y a pas longtemps que les héros de
l'Ziade n'en faisaient plus autant. D'autres sont
anthropophages par rencontre :la faim, l'occasion.….,
quelque diable aussi les poussant; tels les Ban-
ziris (fig. 9), Sangos et Yakomas. Les Nzakaras
avancent d'un degré de plus : ils font la guerre
pour se procurer la viande humaine. Quant aux
606 D' CUREAU — NOTES SUR
Bondjos, aux Langouassis, aux Boubous, ils tuent
pour manger, ils achètent des esclaves pour la
tuent entre eux;
cuisine; ils se dans certaines
Fig. 9. — J'emme Banziri,
tribus au nord de l'Oubanghi, les
hommes, dispersés dans la brousse par
petits groupements de cases, vivent
dans une alerte perpétuelle, de case
en case, exposés aux embuscades! de
leurs voisins.
Contrairement à ce qu'on a souvent
dit, la faim et l’absence de ressources
ne sont point ici la cause déterminante
de l'anthropophagie. Les pays des Bondjos, des
Boubous, des Nzakaras sont parmi les plus fertiles
et les plus riches de l'Afrique ; le poisson y abonde,
L'AFRIQUE ÉQUATORIALE
ainsi que l'éléphant, lantilope et les chèvres. Cés
coutumes ont donc leur source dans un goût:
nalurel pour la chair de l’homme. Si l'on met à
part l'horrible bestialité des dernières tribus citées,
il faut essayer de se faire, psychologiquement
parlant, une idée exacte et dénuée de tout pré-:
jugé, si respectable qu'il soit, au sujet des con-
ceptions obscures et instinctives de nos indigènes
en pareille matière; et, pour les trois premiers de-
grés établis plus haut, il faut se garder de con-
Fig. 10, — Femme Nzakara.
fondre férocité avec anthropophagie. Bien des Euro-
péens, depuis le D° Schweinfurth, ont cireulé
absolument isolés parmi ces sauvages tribus; aucun,
D° CUREAU — NOTES SUR L’AFRIQUE
ÉQUATORIALE 607
que je sache, pas plus que ceux de mes camarades
et moi-même, qui nous sommes trouvés en pareil
cas, n'a eu l'impression de n'être pas parmi eux en
parfaite sécurité (j'en exceple toujours la quatrième
catégorie). Cela lient à la notion qu'ils se font de
l'homme libre
et de l esclave
ou captif.
L'existence
de ce dernier
ne compte
pas; sa forme
humaine ne le
différencie en
rien, au point
de vue alimen-
taire, d’une
poule ou d'un
cabri. IL est à
remarquer, à
leur déchar-
ge, que, au
contact des
Européens, ils
prennent vite
la honte de
ces praliques;
s'ilss’ylivrent
encore, ils se
cachent et, in-
terrogés à ce
sujet, ne veu-
lent point en
convenir.
Les Zandés
ou Nyam-
nyams(fig.11,
42, 13) ont,
selon toute
apparence,en-
tièrement re-
noncé à l’an-
thropophagie.
Et puis, peul-
on dire qu'il
existe encore
vraiment des
Zandés? Leurs
sultanats ne sont pas des groupements naturels
de races, mais des constitutions politiques tout
à fait artificielles. L'élément zandé conquérant
s’est si bien fusionné avec les conquis, que, sauf
peut-être dans l'extrême Est, on ne retrouve plus
le type originel décrit par le D' Schweinfurth. Les
conquis eux-mêmes appartiennent aux races les
plus diverses et les plus hétérogènes; comme les
Fig. 11. — Bazinger (soldat) Zandé.
populations de l'Oubanghi, elles ont subi le refou-
lement vers le sud, à la suite des incursions des
Musulmans du nord. Actuellement, ils
voie d'extinction rapide :
les guerres, la chasse
sont en
la misère, les privalions,
à l’esclave, la privation
de leurs fem-
mes ont consi-
dérablement
dépeuplé le
pays. Les seu-
les popula-
tions du Babr-
el-Ghazal, qui
aient jusqu'à
présent résis-
té victorieuse-
ment aux in-
fluences exté-
rieures et
évilé toute em-
preinte étran-
gère, sont cel-
les, Dinkas,
Chillouks et
Nouërs, qui,
relranchées
au milieu de
leurs impéné-
trables ma-
rais, y ont tou-
jours trouvé
un rempart
inexpugnable
contre les plus
redoutables
tentatives
d'invasion. Je
pensequ'iln'y
a plus lieu de-
réfuter l'hy-
pothèse du
D' Schwein-
furth, tentant
à établir l'i-
dentité des
Nyam-nyams
et des Pa-
houins. L’aire
de peuplement de ces derniers est maintenant cir-
conscrite.
En outre, il y a aussi peu que possible de traits
communs entre les deux types; leurs ‘idiomes
ne se ressemblent non plus, ni par les mots, ni
par la grammaire, ni par l’accentuation : le zandé
est doux et monotone; le pahouin, rauque et gut-
tural,
608 D' CUREAU — NOTES SUR L'AFRIQUE ÉQUATORIALE
les données sont encore bien vagues et insuffi-
III samment étendues; elles nous permettent tout
juste de trouver, entre les non moins nombreuses
Voilà donc bien la vraie confusion des peuples: | langues qui sont parlées jusqu'au Soudan et jus-
c’est aussi la confusion des langues. Autant de tri- | qu'au Nil, quelques traits communs qui tendraient
bus, autant d’idio- à les ranger dans un
mes. Des vingt-cinq
tribus que nous
avons relevées sur
notre long itinérai-
re, aucune ne Com-
prend ses voisines.
Pourtant, les migra-
tions, les relalions
commerciales, favo-
risées par les voies
naturelles de com-
munication,les mul-
tiples causes de mé-
lange des races ont
imprimé à quelques
groupes de ces lan-
gues des caractères
communs, des règles
de syntaxe et d’ac-
cord, calquées surun
modèle unique, des
radicaux et même
des mots entiers
identiques, qui leur
donnent un air de
famille et que cha-
eun s’est assimilé en
les adaptant à son
génie particulier.
L'indigène est le
plus souvent incon-
scient de ces res-
semblances; il faut
un esprit d'observa-
lion moins superti-
ciel que le sien pour
les dégager. Le seuil
de Banghi, continué
jusqu'à la moyenne
Sanga, d’une part,
Oo
même groupe.
Mais, qui dit simi-
litude de langage ne
dit point similitude
de races; de sorte
que la’ constatation
qui vient d'être faite
des analogies lin-
guistiques, de part
et d'autre de la li-
mile établie, n'est
pas en contradiction
avec celle de la va-
riété des races qui
peuplent l’une et
l'autre régions. En
vertu de l'extrême
facilité qu'ont les
noirs à s'assimiler
les langues, surtout
celles qui répondent
à leurs conceptions
simplistes, ils ont
tous plus ou moins
subi l'influence
d'une langue plus
claire, plus com-
plète, qui s’est pro-
pagée sans doute de
l'Est à l'Ouest.
Le procédé qu'a
dû suivre cette lan-
gue bantou, pour
s'imposer à des races
si diverses, est en-
core en action sous
nos yeux dans les
langues commercia-
les, qui s'étendent
sur des espaces con-
et, de l’autre, à tra- Fig. 12. — Baziuger (soldat) Zandé filanit le coton. sidérables et permet-
vers les territoires
compris entre le Congo et l'Oubanghi, établit en-
core une fois, dans le domaine linguistique, une
ligne de démarcation bien tranchée entre l'archi-
tecture carrée et l'architecture ronde. Au sud rè-
gnent les nombreux dialectes confondus sous l'ap-
pellation générale de Zangues bantou!; — au nord,
’ Le mot bantou est le pluriel du mot kongo mountou,
tent aux trafiquants
de s'entendre entre eux. Ces langues commer-
ciales dérivent toujours de lidiome d’une tribu
prépondérante par ses relations, son trafic ou le
chiffre de sa populalion. Mais la prononciation
pure est singulièrement modifiée et la correction
homme. Je crois bien que le même mot existe en Kiswahili,
sur la cùte orientale de l'Afrique.
|
RATARU 1
D: CUREAU — NOTES SUR L’AFRIQUE ÉQUATORIALE
des règles d'accords et de syntaxe tout à fait mé-
connue. Quelques formes grammalicales, quelques
mots finissent par pénétrer dans les dialectes
“particuliers à châque tribu; mais ce ne sont pas
les mots les plus usuels et les plus communs,
ceux qui sont d'usage courant dans la vie jour-
nalière du village; ce sont les termes les plus
- généraux et ceux qui ne correspondent point à
des préoccupations habituelles et, en quelque
sorte, intimes. Les mots Lomme, femme, enfant,
… feu, eau, etc. trahissent bien rarement une origine
étrangère ; ou bien
les deux existent
simultanément
les Bakongodisent
plus volontiers
nkoko que maza
pour désigner
l'eau; etles Loan-
gos en font pres-
que autant des
bmots »langou et
ss)
So
propres, tandis
que maza et masi,
déjà assez sem-
blables entre eux,
leur ont été impor-
tés.
Même chose se
passe en Europe;
nous empruntons
aux étrangers cer-
lains termes de
métiers, de jeux,
ete.; ils nous pren-
nent des termes
masi; nkoko et VA
nlangou leur sont PA
respectivement 4
meublement, par '
exemple; les mots fondamentaux ne varient pas
Je donne (p. 610) un tableau comparatif de
quelques mots en différentes langues indigènes;
je les ai transcrits aussi exactement que le permet
l'orthographe francaise; la figuration précise de
leur prononciation nécessilerait des signes et
_ accents conventionnels ; elle rendrait quelques
+ rapprochements encore plus évidents. On pourra
- néanmoins, je l'espère, se rendre compte des ana-
— logies et des dissemblances.
Les vingt-cinq tribus déjà citées sont reliées entre
elles par quatre langues commerciales seulement :
— Une mauvaise langue Kongo, qui s'étend de la
côte au Stanley-Pool; — le Mobanghi, qui, étant
très facile, n'a pas été très dénaturé; il va du Stan-
REVUE GÉNÉRALE DES SCIENCES, 1901.
de tailette et d'a- Fig, 13, — Tisserand Zandé,
609
ley-Pool jusque dans le bas cours de l'Alima, de
la Sanga et de l'Oubanghi el sur une partie du cours
supérieur du Congo; — le Sango (ou Yakoma) sur
le cours supérieur de l'Oubanghi; — au nord du
Mbomou, à parlir du Chinko, un mauvais arabe,
adouei comme prononciation, simplifié à l'extrême
comme grammaire et tellement métamorphosé
qu'un Arabe même ne saurait le comprendre sans
étude préalable.
Les langues bantou sont caractérisées par quel-
ques principes généraux, communs à toutes :
4° La formation
du pluriel à l’aide
d'un préfixeajouté
au-devant du mot
ou substitué au
préfixe qui mar-
que le singulier !;
2° L'accord des
adjectifs, des pro-
noms, etc., avec le
substantif se fait
loujours par le
commencement
des mots, d'apres
une règle d'eupho-
nie qui
donner à tous les
déterminants la
même consonance
initiale qu'au dé-
terminé ; ainsi, on
a en Kongo :
tend à
0 mamagnè
les pierres
mawpermbè mabotè,
blanches (sont) belles.
3° L'emploi d'un.
petit mot, appelé
relatif, destiné à
établir la relation, la possession, l'attribution, et
qui entre, à ce titre, dans la composition des
adjectifs et pronoms pessessifs el démonstralifs ;
ainsi, en mpongwé :
mpono YINO YI
chemin ce (il)
kendia gqoué?
conduit où?
4° La permutation de certaines consonnes d'après
des règles fixes, soit dans la formation du pluriel,
dans la conjugaison des verbes, dans les accords,
soit dans le passage d'un radical ou d’un mot d'une
1 Dans les langues de l’Oubanghi (quand elles ont un plu-
riel), et dans le Zandé, le pluriel se forme également par
l'adjonction d'un préfixe. Ainsi, en Zandé, on dit : zandé,
pl. azandé; ango, chien, pl. aango, chiens.
13*
610
D' CUREAU — NOTES SUR L'AFRIQUE ÉQUATORIALE
langue à une autre. C'est ainsi que le mot moban-
ghi motoba (six) a pu devenir orowa en mpongwé.
Ces langues ne sont pas très riches; leur domaine
est particulièrement limité en matière d'idées
Plusieurs de ces consonnes ont tellement de ten- | abstraites, tandis qu’elles se trouvent, au contraire,
dances à se transformer les unes dans les autres | bien douées en ce qui concerne les occupations et
que, dans certains idiomes, elles prennent une | travaux habituels, palabres, pêche, pagayage,
TagLeau 1. — Tableau comparatif de quelques mots communs en différentes langues
de l'Afrique équatoriale.
LANGUES BANTOU
FRANÇAIS
PAHOUIN LOANGO
MPONGWÉ
(FANG) KONGO
mountou
bakala
nkento
homme onomé fam; mûr
femme onwanto monega
enfant onwana mone mwana
nouni
iko
mnouni
(nnouni)
nlélè
oiseau ononi ônon
pagne onamba iko
mvinou
nkoko
nlangou
maza
sale ichèkè mvin
eau aningo medzim adza
boire dyonga gnou noua
manger gna dzi lia dza
village nkala ndzal bouala oulla
fou |
mioumou
milenghé
chef oga kvouma
cheveux itoué mfou
couteau chouaka mbèlè
dormir nana lala la
œil in! yo lièsou dziou
nti
DERE mti
arbre
nz0 nz0
maison nago
douleur nkaja gnan ntchyenzo
pierre ido akok magnè mèë
esclave ochaka (néant) ndongo nkèrè
perroquet | ngojo nkôs likousou
chemin mpono nzen nzila
aller kenda kwenda kè
bonjour bolo bwèka ouki
européen otangani moundèlè
mbasou mbaa
feu ogoni
Ed A ——
KITÉKÉ
(1TY0)
mbourou
moukëèo
mwana
mvinou
mfoumou
mbyèlè
mouti
mpourou
nkouo
nkvoula
moundèlè
OUBANGHI
A
ZANDÉ
BANZIRI SANGO
MOBANGHI
(MBWANDIIRI) YAKOMA
mwénè moko-bo kori
mwasi wolo-bo wali
molenghé | foulé molaughi
» pnou »
élamba » bongo
» ndjiri birika
may imè
noua mbiri
(ko-) 118 z0 ë liè
mboka mgba kodro
gbya
manghiri
mokôndji | ngojou mokôndji
» sou-ndjo
moutalè mhègn sapè
toutouma da lala
disou lèla banghili-sè
mwètè kèkè ngoua
ndako da bambou
bwalé
likendjé
mopika
nkoso
lèghi
ndjyèla kwaji
kè » goué
omwa balao balao sènènè
moundè]lè
< nténdèlè
liyandza
méya
mboundjou| mousoungou
\ mboundjou
zÉwa wa
prononciation intermédiaire, très difficile à saisir
pour nous; on ne peut distinguer le # du r;le Z du
d; le / du v ou de l’ü consonne *.
‘ Dans plusieurs langues (mpongwé, mobanghi, mou-
loulou), l'ü consonne joue par rapport à l'ü voyelle le même
portage. Certaines formes dérivées en augmentent
notablement les ressources, dansles langues les plus M
parfaites, et leur donnent une certaine élégance;
rôle que le w par rapport à la diphtongue ou plutôt voyelle «
ou. 9
4 D' CUREAU — NOTES SUR L'AFRIQUE ÉQUATORIALE
611
-Vemploi d’un suffixe ajouté au radical d’un verbe
- modifie de diverses manières le sens primilif : faire
faire l’action exprimée par le verbe; la faire pour
quelqu'un ou en faveur de quelqu'un; la faire fré-
quemment ou avec continuité; la défaire; refaire
“ce qui a élé une première fois défait, etc.
. Cette intéressante étude des langues africaines
‘pourrait comporter de longs développements, qui
entrer dans les détails fastidieux pour qui ne s’in-
éresse pas directement à ces questions.
IV
plus utiles et les plus industrieuses qui disparai-
tront les premières : car c'est précisément leur
utilité qui pousse les Européens à abuser d’elles.
Brazzaville a notablement hâté leur extinction ;
Jeaucoup d'entre eux ont laissé leurs ossements
Sur la route, décimés par la variole, par les priva-
ions, par le surmenage; depuis que la construction
du chemin de fer de Matadi au Stanley-Pool a créé
à l'embouchure du Congo un centre de commerce,
2e qui avait survécu a peu à peu fui la corvée du
porlage et va chercher du côté de l'Etat Indépendant
ne condition moins pénible. C'est aussi, dans le
Haut Oubanghi, l'histoire des populations riverai-
nes. Un petit nombre d'indigènes assument, depuis
quelques années, la lourde tâche des transports
vers le Mbomou et vers le Chari; les hommes,
distraits pour ces corvées du repeuplement de leurs
Willages désertés, succombent peu à peu aux fali-
ES
[ cé
Pre |
gues, aux maladies, à l'insuffisance du régime, aux
sagayes des gens chez lesquels leur passage cause
des déprédations, aux répressions qu’entrainent
leurs protestations contre les corvées. Pareille
chose a déjà failli arriver autrefois avec les Ballali,
producteurs de manioc, et se renouvellera certai-
nement un jour ou l'autre.
La conséquence logique de cet état de choses es!
que les populations qui ont le plus de chances de
survivre sont les inutiles ou les nuisibles, comme
les Batéké (Atyo), les Bondjos, les Zandés et autres.
D'ailleurs, dans cette action destructive de la civili-
sation en Afrique, il ne faut voir qu'un paragraphe
de l’histoire des relations des races supérieures
avec les races primitives. 11 semble que la seule
aclion de contact des premières soit délélère pour
les secondes; en dehors de la destruction par des
moyens violents, l'alcool et la propension qu'a le
noir à ne prendre de nous que nos vices, suffisent
à empoisonner rapidement la race.
La terre d'Afrique est ingrate à l'Européen. La
source du commerce de l'ivoire, qui a excité tant
de convoilises, ne tardera pas à se tarir. Mais le
sol, par ses productions végétales, par les cul-
tures variées, dont il est susceptible, peut devenir
une mine inépuisable de richesses. Les nations
qui se sont partagé cette terre à la fois si fertile et
si rebelle pour les races étrangères à son climat,
feront œuvre de sagesse et de prévoyance en se
ménageant des auxiliaires indigènes et en les pré-
parant à leur rôle à venir, non par une éducation
stérile et spéculalive, contraire à leurs aptitudes,
mais par la pralique des métiers manuels et des
travaux agricoles. Le succès futur de la coloni-
salion est à ce prix.
D' A. Cureau,
Chargé de Missions.
4
612 ANDRÉ BLONDEL — L'INSCRIPTION DIRECTE DES COURANTS ÉLECTRIQUES VARIABLES h
L'INSCRIPTION DIRECTE
DES COURANTS ÉLECTRIQUES VARIABLES
PREMIÈRE PARTIE
L'étude des phénomènes électriques variables,
et surtout des courants alternatifs, a pris depuis
quelques années un grand intérêt. On concoit, en
effet, qu'on ne puisse analyser de pareils phéno-
mènes que si l’on peut connaitre et scruter dans
le détail la forme des courbes, périodiques ou non
périodiques, des courants et des forces électro-
motrices.
La différence entre les données fournies par les
appareils de mesure ordinaire des courants élec-
triques et les indications que donnent les courbes
instantanées de ces courants est du même ordre que
la différence entre l'étude grossière du rendement
d'une machine à vapeur par le frein et le mano-
mètre, et l'analyse de ce rendement par l’étude du
diagramme du travail de la vapeur dans le cylindre.
Créer des appareils qui rendent, pour létude des
courants électriques, les mémes services que l’in-
dicateur de Watt pour l'étude de la machine à
vapeur, telle a été la tâche théorique et pratique
que s’est donnée depuis dix ans l’auteur de cet
article, et dont il se propose de présenter aujour-
d'hui aux lecteurs les derniers résultats.
I. — SUPÉRIORITÉ DES MÉTHODES DIRECTES SUR LES
MÉTHODES INDIRECTES.
Les méthodes employées pour l'étude des cou-
rants variables peuvent être classées en deux espè-
ces :lesméthodes indirectes,ouméthodespar points,
et les méthodes directes. Les premières, qui ont
été les seules connues jusqu'à une époque récente",
n'ont été l'objet que de peu de perfectionne-
ments depuis quelques années, tandis que les
secondes paraissent appelées à être les seules
employées dans un prochain avenir.
Les méthodes indirectes présentent, en effet, de
très graves défauts. Elles sont pénibles, compli-
quées comme installation, et fort peu expédilives,
bien que l’auteur ait pu, dès 1891°, ramener par
l'enregistrement photographique la durée d'une
inscription de courants alternatifs à une minute
1 Pour l'exposé des principales méthodes indirectes (Jou-
bert, Duncan, Pionchon, Janet, etc.), voir une intéressante
conférence de M. Abraham au Bull. Soc. Intern. des Elec-
triciens, 7 juillet 1897.
? À. BLonveL : Nouvelle méthode pour l'inscription photo-
graphique automatique des courbes périodiques des cou-
rants alternatifs. Lumière Electrique, 20 août 1891.
LES OSCILLOGRAPHES ACTUELS
environ. Elles ont surtout un inconvénient de prin=
cipe tout à fait capital, c'est qu'elles ne se prêtent
qu'à l'étude des phénomènes périodiques (ou
artificiellement rendus tels), et qu’elles ne révèlent"
que des courbes moyennes de plusieurs périodes, «
plus ou moins différentes en réalilé. Il en résulte
que ces courbes sont déformées par les variations
de vitesse inévitables des machines génératrices,
et que tous les phénomènes si intéressants des
régimes instantanés non permanents (par exemple
les périodes variables d'établissement et de rup-
ture des courants), échappent à l'analyse dès qu'ils
ne peuvent plus être reproduits rythmiquement.
Aussi a-t-on depuis longtemps ressenti le besoins
de méthodes directes, qui pussent affranchir de
semblables sujélions de moyennes et de périodi- :
cité. :
Le desideralum de ces méthodes directes esth
d'inscrire sans retard et aussi fidèlement que pos=M
sible les valeurs successives du courant étudié !. :
De premières tentatives furent faites dans ce
sens en réduisant l'inertie des galvanomètres ordis
naires, comme le firent d'Arsonval, Arnoux, Erie
Gérard; mais il ne s'agissait encore que d’étudie
des variations lentes, et ces galvanomètres ne
pouvaient analyser des courants rapides. D'autre
part, Colley, en 1885, voulant étudier des décharges®
oscillantes, ne se préoccupa que d’en déterminer
la période par un galvanomètre analogue à l'électro
dynamomètre de Bellati, et ne présentant pas de
force directrice; un essai analogue fut fait pa
M. Nichols à l’aide d'un filet de mercure tombant
parcouru par un courant et oscillant dans un champ
magnétique. On voit, par ces appareils sans force
directrice, qu'à cette époque on connaissait peu les
conditions à remplir. Cependant, Frülich et
E. Thomson, en 1887 et 1888, s'en rapprochaient.
davantage en employant comme instrument d@
mesure un téléphone muni d'un miroir collé sus
la membrane. Mais le téléphone était un bien
mauvais type d'instrument de mesure à cause de
la complexité de la vibration de sa membrane et
des effets d'hystérésis et courants de Foucault
‘ Pour plus de détails sur les méthodes directes autres
que les oscillographes, et pour la bibliographie générale
du sujet, voir un rapport de l’auteur : Sur l'inscription
directe des courants variables. Congrès international de
Physique en 1900, t. II.
ANDRÉ BLONDEL — L'INSCRIPTION DIRECTE
“dont il est le siège; c'est tout au plus un « oscillo-
53 »
- Ces différents essais ne furent suivis d'aucune
“application. Quelques années plus tard, en 1895,
“l'auteur, partant d'une analyse de la solution
héorique', trouva la première solution du pro-
“blème par la création des oscillographes”, qu'on
peut définir : des galvanomètres à oscillations très
rapides par rapport à celles du courant, dépassant
1.000 périodes propres par seconde, et susceptibles
“d'être réglés à l'amortissement critique.
— Une seconde solution fut donnée, en 1897, par
fs Abraham, sous le nom de rhéographe. Les
rhéographes peuvent être définis : des galvano-
“mètres à oscillations moins rapides que celles du
courant et dans lesquels l'inertie et l'amortissement
sont compensés par des effets d’induction électro-
magnétique.
- Enfin, à la même époque, M.F. Braun, reprenant
ét réalisant pour la première fois une idée indi-
ée déjà en 1894 par M. Hess, utilisa la déviation
des rayons cathodiques par un champ magnétique,
pour obtenir, dans un tube à rayons cathodiques,
une image de la courbe du courant traversant un
Solénoïde voisin du tube. Nous proposerons pour
ette méthode le nom d'oscilloradiographie.
Chacune de ces trois méthodes peut avoir sa
raison d'être dans telle ou telle application. Mais on
de précision.
Au contraire, les oscillographes sont faciles à
nanier, très simples de construction; les derniers
ypes, que je vais décrire ici pour la première fois,
aissent, à cet égard, les autres très loin en arrière,
et, grace à leur prix de revient relativement bas,
ils pourront, j'espère, êlre bientôt d'un emploi
énéral, de préférence aux anciennes méthodes. On
peut dire en tout cas qu'ils constituent actuellement
la seule méthode directe vraiment pratique.
Nous en exposerons successivement les principes,
es organes el les applications.
II. — PRINCIPES DES OSCILLOGRAPHES.
…. La théorie des oscillographes est une générali-
sation de la belle théorie de la synchronisation de
M. Cornu. Pour obtenir le résullat désiré, il faut
“ que les oscillations soient non seulement synchroni-
4 Conditions générales que doivent remplir les instru-
ments indicateurs ou enregistreurs (Comptes rendus,
LCXVI, p. 148 ; 1893).
l ? Oscillographes, nouveaux appareils pour l'étude des
… oscillations électriques lentes (Comptes rendus, t. CXNI,
p.502; 1893
DES COURANTS ÉLECTRIQUES VARIABLES
613
ques, mais, autant que possible, ? chaque instant
proportionnelles au courant à mesurer. Si l'on se
reporte à l'équation générale des galvanomètres
amortis :
- d°6
CT"
/l
+ AT + CS= GI,
(où K est le momentd'inertie, Ale coefficientd'amor-
tissement, C le couple de torsion, G la constante
galvanométrique, I le courant à étudier), on voit
que, si l'on rend les deux premiers termes négli-
geables devant le troisième, il y aura à chaque
instant proportionnalité de l'angle au courant à me-
surer ; et, en étalantles dévialions dans le sens per-
pendiculaire, à l’aide des méthodes de composition
optique bien connues, dont on parlera plus loin,
ou traduira le mouvement oscillaloire par une
courbe. En ce qui concerne le galvanomètre pro-
prement dit, d'après la théorie que l’on ne repro-
duira pas ici, les conditions à remplir sont au
nombre de cinq, les deux premières, d'ordre gé-
néral, applicables à toute espèce d'indicateurs, les
autres spéciales aux oscillographes électriques:
1° L'instrument doit avoir une période d'oscil-
lation propre très courte par rapport à celle des
oscillations électriques. En particulier, pour les
courants alternatifs ordinaires, ayant une fréquence
comprise entre 40 et 100 périodes par seconde, un
bon oscillographe doit vibrer avec une fréquence
au moins 50 fois plus grande, c'est-à-dire au moins
5.000 périodes par seconde.
2% L'amortissement doit être réglé à une valeur
aussi voisine que possible de l'apériodicité critique
toutes les fois que les oscillations électriques ne
sont pas bien continues, ou que les variations brus-
ques ne sont pas supprimées par un artifice de
correction. L'auteur a montré la nécessité de réa-
liser cet amortissement en plongeant les équipages
mobiles dans des liquides visqueux, baumes ou
huiles de vaseline, de ricin, ete., choisis empirique-
ment el auxquels on donne la température conve-
nable.
Lorsque la fréquence des vibrations propres de
l'appareil est très grande, la précision de l’amor-
tissement perd son importance, car il est facile de
rétablir le tracé exact sous les dentelures, d’ailleurs
toujours vite amorties.
3 La se/f-induction propre doit être assez faible
pour ne pas altérer la loi de variation du courant
mesuré. On verra plus loin comment on peut la
compenser.
. 4° Les phénomènes d'hystérésis et les courants
de Foucault dans l'appareil doivent être négli-
geables.
5° La sensibilité doit être suffisante, ce qui eu-
traine l'emploi de parties mobiles excessivement
petites.
614
Les condilions 1°,3° et 5°, plus ou moins opposées
entre elles, sont les plus difficiles à concilier ‘.
L'auteur a étudié et indiqué dès le début (1893)
trois types salisfaisant, avec des sensibilités di-
verses, à ces conditions : l'oscillographe bifilaire,
l'oscillographe à barreau mobile, et l’oscillographe
à plaque vibrante. Tous ceux qui
ont été construits depuis rentrent
dans ces types. Mais, dans ce qui
suit, nous ne considérerons que
deux catégories, car lenouveau type
d'oscillographe à fer doux est une
combinaison du barreau et de la
plaque vibrante en un seul organe.
Le
III. — OSCILLOGRAPHE BIFILAIRE.
| C'était, en 1893, une forme com-
plètement nouvelle de galvano-
mètre (fig. 1), dérivant indirecte-
ment d'un galvanomètre à cadre
mobile. L'inertie du cadre et la
sensibilité sont toutes deux pro-
portionnelles au nombre de spires ;
par conséquent, il n'y a pas d'in-
térêt à en avoir un nombre supérieur à deux ;
l’auteur en a conclu que la plus simple des solu-
tions consistait à supprimer le cadre et à le rem-
Fig.1.— Schéma
du premier
oscillographe
bifilaire de
l'auteur, cons-
truit en 1893.
placer par un simple hifilaire formé de deux fils!
parallèles très rapprochés, traver-
À Î sés par le courant étudié et por-
2 \ | tant un miroir collé en leur milieu;
| [| ce bifilaire était placé entre deux
P + pôles d’électro-aimant allongés et
aussi rapprochés que possible,
\. comme le montre la figure 4, et
= donnant au champ magnétique la
plus grande intensité possible.
| Les grands avantages de ce dis-
positif sont la simplicité de la sus-
pension, l'absence de toute vibra-
\ tion parasite, la très faible self-in-
L duction, et la grande intensité réa-
Fig. 2. Te lisable pour le champ magné-
ces polaires et tique, qui donne beaucoup de sen-
sibilité. Les inconvénients sont la
des pièces de
concentration
en fer doux nécessité de ce champ puissant, la
des oscillogra- a à :
ins finesse des fils nécessaires el la
res. difficulté de faire tenir le miroir
sur le bitilaire d'une facon durable.
La fréquence ne dépassait pas, avec ce premier dis-
positif, 4.000 à 2.000.
Divers perfectionnements ont été apportés à l'os-
‘ L'étude théorique plus détaillée de tous les oscillographes
fera l'objet d'un Mémoire plus étendu dans la Revue
« Eclairage Electrique ».
ANDRÉ BLONDEL — L'INSCRIPTION DIRECTE DES COURANTS ÉLECTRIQUES VARIABLES
cillographe bifilaire dans ces dernières années. Les
deux fils de cuivre furent remplacés, en 1897, par
M. Duddell, par deux bandes de bronze phosphoreux
fortement tendues, ce qui permit d'accroître le
nombre de vibrations jusqu'à 10.000 en même
temps que la sensibilité. L'auteur croit avoir résolu
plus complètement ce problème par l'emploi rai-
sonné de bandes d'aluminium de section convenable
et l'application à l’électro-aimant inducteur de prin-
cipesde construction rationnels, inspirés des études
de Ewing et de Weiss. La sensibilité a été ainsi
doublée ou triplée.
Les pôles coniques de Ewing sont utilisés en rem-
plaçant l’isthme par de petites pièces polaires en
biseau PP (fig. 2), entre lesquelles on a laissé un
petit entrefer de 0,6 à 4 millimètre.
Po
Fig. 3. — Oscillographe bifilaire double, modèle de 1900. —
E, électro-aimant (type Weiss): P, pièce amovible dont le
détail est fourni par la figure 4.
Les figures 3 et 4 indiquent en gros le mode de
construction que j'avais adopté en 1899 pour un
oscillographe double.
Dans cet appareil, il y avait deux entrefers sem-
blables séparés par une petite pièce de fer,et chacun
comprenait un bifilaire. L'ensemble n’occupait pas
plus de 20 millimètres de largeur, et, grâce à la
forme conique des pôles adjacents, le champ était
très concentré et alteignait un maximum élevé
dans les entrefers, même avec un électro-aimant
de 30 kilos seulement, dont les diverses parties sont
parfaitement proportionnées. Dans les derniers
modèles (fig. 5), le montage et l'emploi de l’appa-
reil sont grandement facilités par un dispositif
nouveau adopté pour les bifilaires et les pièces po-
laires; celles-ci forment, avec des entretoises en
bronze qui en maintiennent l’écartement (avec len-
tille plan-convexe fixée sur le devant), des boîtes
amovibles séparées qui contiennent toute la partie
I PT
ANDRÉ BLONDEL — L'INSCRIPTION DIRECTE DES COURANTS ÉLECTRIQUES VARIABLES
615
- délicate de chaque oscillographe, et dans lesquelles
on introduit par le haul de l'huile, et un chevalet à
ressort portant un bifilaire. Chacun des bifilaires
+
;
;
Fig. 4. — Partie principale de l'oscillographe bifilaire de
1900. — à, a, bornes-attaches des bandes; P, P, pièces
potes en fer, qui s'appliquent contre les pôles libres de
‘électro-aimant; c, ce, crochets-supports; F,F, bifilaires, en
bandes d'aluminium ou de bronze; m, m, miroirs collés à
È cheval sur les bandes, et miroir de repère collé sur une
…_ ‘tête de vis; E, appui inférieur des bandes en ivoire; D, D,
—. appuis supérieurs en ivoire; À, pivot commun des appuis
. supérieurs (deux vis placées derrière l'appareil permettent
d'obliquer l'un ou l’autre de ces appuis en les faisant tour-
… ner autour du pivot central A); p, p, poulies tendeuses;
—_ T,T, tiges tendues par des ressorts spiraux contenus dans
—._ là boîte B; b, b, attaches mobiles des extrémités supé-
rieures des ressorts tendeurs.
p
- est ainsi tendu séparément sur un support d'ivoire
suspendu, orientable par une vis tangente. Les
attaches des brins des bifilaires se font sur le che-
valet, et communiquent par deux aiguilles avec des
godets de mercure ménagés dans une plaque d'ébo-
nite fixée en dessous de la boîte; leur tension est
produile, pour chacun, à l’aide d’une petite poulie
embrassée par le bifilaire au-dessus du chevalet.
Chaque poulie est tendue individuellement par un
ressort étalonné et réglable.
Le montage et le remplacement des bifilaires se
font avec la plus grande facilité, gràce à des dispo-
sitifs étudiés en vue de rendre cette manœuvre
commode. En outre, chaque appareil peut être
muni de plusieurs chevalets interchangeables éla-
blis suivant des données différentes, ce qui permet
d'utiliser l'instrument pour des applications variées
exigeant plus ou moins de sensibilité, plus ou moins
de lumière, etc.
Avec ces dispositions, des bifilaires très courts
(10 à 15 millimètres) en aluminium, et des miroirs
très petits collés à la gomme laque, on atteint des
nombres de vibrations de
10.000 à 15.000 par se-
conde, et des sensibilités
de 600 à 800 millimètres
par ampère à 1 mètre de
distance. On obtient ainsi
de très bons appareils de
laboratoire. Pour certains
usages, on peut quintupler
la sensibilité, en se con-
tentant de 4.000 à 5.000 vi-
brations par seconde.
L'équipage bifilaire de
ces appareils peut être considéré (et c'est là son
grand avantage) comme un appareil à vibrations
tournantes, étant donné que les fils ou bandes
sont très rapprochés et parfaitement solidarisés en
leur milieu par le miroir, de manière que toute .
torsion de celui-ci imprime aux deux brins non
seulement des déplacements transversaux, mais
des torsions. Or on sait, d’après les travaux de
Saint-Venant, que les vibrations tournantes d’une
tige prismalique peuvent avoir une fréquence
beaucoup plus élevée que ses vibrations transver-
sales ; sans qu'il soit nécessaire d'appliquer au
bifilaire des tensions très grandes, on peut donc
accroître la fréquence propre, en augmentant le
nombre des vibrations tournantes des deux brins.
On démontre que le nombre de vibrations est la
racine carrée de la somme des carrés du nombre
des vibrations dues à l’élasticité de torsion et du
nombre des vibrations transversales; on peut done
le faire varier dans certaines limites en tendant
plus ou moins le ressort auquel est attachée la
poulie égalisatrice. Pour réduire la période de
vibration propre, sans accroître trop la tension par
Fig. 5.— Schéma de l'os-
cillographe bifilaire
double, nouveau mo-
dèle, muni de boïtes à
huile distinctes, B, B:.
616 ANDRÉ BLONDEL — L'INSCRIPTION DIRECTE DES COURANTS ÉLECTRIQUES VARIABLES
unité de section —» il convient d'employer des
ç
bandes assez épaisses relativement à leur largeur
(l'idéal serait des fils carrés ou ronds très rap-
Coune horijontale
par Le centre du barreau M
Fig. 6. — Schéma du premier oscillographe à fer doux de
l'auteur, construit en 1893. — N, $, pôles d'un aimant ou
électro-aimant: P, P, pièces polaires plates feuilletées,
M, petit barreau mobile en fer doux, doublé d'un miroir
et pivoté eutre pointes, ou collé sur un fil métallique.
prochés), et de réduire au minimum le rapport
FE du poids spécifique au coefficient d'élaslicité par
le choix convenable du métal. La discussion de la
sensibilité, pour un nombre de
vibrations donné, conduil aux mê-
mes desiderata.
L'auteur a pu, gräce au précieux
concours de M. Charpentier-Page,
fabricant de fils d'aluminium, sa-
üisfaire à ces condilions en em-
plovant des bifilaires d'aluminium
très élastiques, en fils plats etronds
de très peltiles seclions, qui don-
nent de très bons résultats, comme
le montrent les chiffres cités plus
haut. Le bronze phosphoreux ou
siliceux donne aussi de suffisants
résultats, eLil est plus facile à pré-
parer; pour les très grandes sen-
sibilités (20 mm. par milliamp.),
on préfère encore l'argent,
un champ magnétique très intense, produit par un
aimant où mieux par un électro-aimant puissant
NS; le courant à étudier passait dans deux bobines
BB' placées de part et d'autre des pièces polaires
PP (très aplalies pour laisser la place nécessaire),
et produisait un champ oscillatoire perpendiculaire
au champ directeur. Pour réduire le moment d'iner-
tie, le barreau était plus haut que large. Pour éviter
les courants de Foucault, les pièces polaires élaient
faites en tôles assemblées, feuilletées horizonta-
lement.
Par suite des attractions auxquelles le barreau
mobile était soumis dans le champ intense, on était
obligé de le maintenir mécaniquement par des
pivots ou de le fixer à une petite bande métallique
tendue verticalement ; la fréquence était au début
seulement de 1.000 à 1.500 périodes par seconde.
En 1897, l’auteur a présenté à l'Exposition de la
Société de Physique un appareil de ce genre déjà
plus perfectionné (fig. 7), construit avec le concours
de MM. Jigouzo et Pellin, permettant la vision
directe des courbes et donnant 5.000 à 6.000 vibra
lions propres par seconde, ce qui assurait une
assez grande précision pour l'étude des courants
industriels.
L'appareil était double, et donnait à la fois (ce
qu'on n'avail pas réalisé encore à cette époque) les
courbes de l'intensité de courant et de la différence
de potentiel, dans leurs phases relatives, sur un
même écran où sur une même plaque photogra-
phique, qui recevait, en outre, une image de l'axe
des temps, comme le montre la figure 9. Chacun
Fig. 7. — Grand oscillographe double à fer doux, modèle de 1897. — F, lampes
à incandescence; P, disque tournant entrainé par le moteur synchrone
M; O,, O,, oscillographes à électro-aimants; P, prismes pour envoyer les
IV. — OSCILLOGRAPHE À FER DOUX.
rayons lumineux incidents sur les miroirs des deux galvanomètres, et ren
voyer les rayons réfléchis dans le tube L; V, écran d'observation des courbes:
Dans l'appareil primitif, dont la
figure 6 donne le schéma, un très petit barreau de
fer doux M, portant un miroir, était suspendu dans
des oscillographes était analogue à celui de la
figure 6 et avait son champ produit par un électro=
ANDRÉ BLONDEL — L'INSCRIPTION DIRECTE DES COURANTS ÉLECTRIQUES VARIABLES 617
aimant. Le barreau, réduit à 4 millimètre de lar- | Chaque élément horizontal de la bande se com-
geur, était contenu avec ses pivots dans une petite | porte comme un petit aimant, et les déviations
boite à huile fermée par une lentille (fig. 8). produites par l'effet des bobines se cumulent des
Malgré les grands progrès réalisés, l’oscillo- | extrémités au centre de la bande, ce qui augmente
graphe à barreau mobile ne donnait que des fré- | beaucoup la sensibilité ; les déviations totales indi-
quences encore trop faibles à
quées par le miroir sont proportionnelles au
Élévation Coupe mon gré,et l'emploi de pivols,
courant.
malgré leur perfection, était Gräce aux propriétés des vibrations tournantes,
sujet à quelques inconvé- | beaucoup plus rapides que les vibrations trans-
nients.
En reprenant, pour les sup- ë Ël À
el (al
. 5 "
primer, le montage du bar- = SR ps
reau sur une bande mélal- |
lique, j'ai été amené par une | | | £
. » . N | t |
étude théorique à prendre |
comme barreau la bande elle- | |
-même, en la faisant en fer | + L]
doux. La combinaison ainsi | le
réalisée, qui m'a donné des |{l
résullats inespérés, peut être | : :
appelée : oscillographe à |
- bande vibrante, [||
o o : , se |
Ce nouveau dispositif con- | L |
. . . | TT |
siste simplement dans l'em- |
Fig. 8 — Détail de Ê , : 2 é ÿ FE. DA
la boite à huile des ploi d'une bande plat très T| | | {|
oscillographes de mince et très étroite (2/10 à | |
1897, contenant le Érao Î |
Parreau de fer doux +10 de-millimètre de largeur | |
entre pivols. sur quelques centièmes d'é- fes | |
[T |
paisseur), tendue verlicale- pl::llP |
ment dans le champ magnélique de la figure 2, L |m re {|
entre deux chevalets distants de 20 à 30 millimè- [ii |
res, et portant un très pelit miroir en son milieu. ||: |
Pour;la commodité du monlage et des réglages, | | |
l l
Je
E
À
Fig. 10. — Boïte à huile du nouvel oscillographe à bande
de fer vibrante. — T, tube à huile en ivoire; P, P, pièces
| de concentration du champ magnétique, incrustées dans
| l'ivoire (ou fixées au support); en avant se trouve une
| fenêtre munie d'une lentille L, également incrustée dans
la paroi; Q, anneau de cuivre muni d'une vis tang-nte D;
C, détail du chevalet-support en ivoire contenu dans la
Fig. 9. — Fac-similé de courbes périodiques d'un arc aller- | boîte à huile; », miroir collé sur la bande: a, attache de
natil (crayons homogènes, circuit inductif) obtenues par la bande à un petit chariot qui coulisse dans la rainure
l'oscillographe double de 1897. rectangulaire C: », tige d'attache de ce chariot; {, petit
cylindre en cuivre, contenant un ressort spiral autour
; s ;, ; EAU Te de la tige; s, bouton moleté servant d'écrou à la partie
cette bande est renfermée dans une boîle à huile APérienee flat be oinantrce DE cr
(fig. 10), munie d’une lentille, analogue à celle de tead plus ou moins le ressort qui soulève la tige, et, par
suite, on tend plus ou moins la bande de fer’ doux fixée
la figure 8, mais plus compliquée, car elle est Sn
munie d'un tendeur, et susceptible d'orientation
et de déplacement vertical; de’ cette manière, le | versales, cet équipage mobile tend à présenter une
fer doux n'a plus besoin de pivots ni de fil de sus- | périodicité très élevée, qu'augmentent encore les
pension. | influences de la tension et du champ magnétique.
618
On démontre, en effet, que le nombre de vibrations
propres est la racine carrée de la somme des carrés
des nombres de vibrations dues respectivement à
l'élasticité de torsion, à la tension (nombre des
vibrations transversales) et enfin au champ magné-
tique.
Les figures 11 et 12 représentent l’ensemble
et les détails de construction d'un oscillo-
graphe double de ce système, qu'expliquent
les légendes de ces figures.
L'auteur a
pu obtenir de-
puis un an,
par ce dispo-
ANDRÉ BLONDEL -— L'INSCRIPTION DIRECTE DES COURANTS ÉLECTRIQUES VARIABLES
| à partir du moment où cette aimantation augmente
moins vite
que le champ;
au contraire,
le nombre de
vibrations va
toujours en
croissant, d’a-
bord très vite,
puis plus len-
tement, par
suite de la sa-
turation de la
bande etaussi
sitif,avecl'ha-
bile et persé-
vérant con-
cours de son
assistant M.
Dobkévitch *,
aujourd'hui
constructeur,
des fréquen-
ces propres de 40 à 50.000 périodes par seconde,
avec une sensibilité convenable. Cette sensibilité
peut êlre grandement accrue si l’on se contente
de 10.000 à 20.000 périodes ; elle atteint alors
aisément 100 millimètres par ampère à 1 mètre,
et même davantage, si le fer employé est très pur
et bien recuit.
Il semble que ce procédé donne le maximum
d'avantages dans l'emploi du fer doux, parce qu'il
permet d’atteindre des intensilés d'aimantation
très élevées de la bande, même avec les champs
relativement faibles produils par un aimant per-
manent. Ces champs suffisent pour donner, dans
un oscillographe simple, 30.000 à 40.000 vibrations
avec un aimant un peu fort, 20.000 à 25.000 avec
un petit aimant de quelques kilogrammes.
Dans les oscillographes doubles, on réalise seu-
lement 20 à 25.000. Grâce à sa minceur extrême,
la bande atteint aisément la saturation.
L'utililé d'une aimantation saturée est très
visible si l'on trace, pour un oscillographe à élec-
tro-aimant, des courbes du genre de celles de la
figure 13, où l’on a porté en abscisses les ampères-
tours magnétisants et en ordonnées les nombres
de vibrations doubles par seconde et les sensibi-
lités (en millimètres par ampère sur une échelle
placée à 1 mètre de distance). On voit que la sensi-
bilité va d’abord en croissant, grâce à l’aiman-
tation croissante de la bande, puis qu'elle décroit,
{ L'auteur a été également assisté par MM. Duris, Tcher-
nosvitoff et Farmer; les bandes ont été préparées par
MM. Gailfe et Pellin. Les oscillographes sont aussi construits
par M. Carpentier, en France, et M. Queen, aux Etat-Unis.
Fig. 11.— Vue générale de l'oscillographe double à bande de fer, — À, aimant carré;
S, barre de fer qu'on peut placer à cheval sur les pôles de l’aimant pour former
shunt magnélique, et réduire le champ magnétique et le nombre des vibrations
propres; B, une des bobines, détachée du galvanomètre de droite. .
de la satura-
tion du noyau
de l'électro-
aimant. Il y
ANUNEMUTES
grande diffé-
rencesemibre
les résultats,
suivant que
le fer employé est plus ou moins parfaitement doux,
LE
AL,
2
Fig, 12. — Détail de Ja figure 11. Vue des pièces rapportées
letées en tôle; T, tubes à huile contenant les équipages
mobiles; v, v, vis-écrous moletés pour élever ou abaisser
les tubes; V, vis sans fin altaquant les roues D pour orien-
ter les tubes; M, miroir destiné à donner le {trait de repère;
R, bouton pour orienter ce miroir.
aussi bien pour le nombre de périodes que pour
la sensibilité.
entre les pôles de l'aimant. — P, P, pièces polaires feuil- *
- ou de boîtes à huile,
ANDRÉ BLONDEL — L'INSCRIPTION DIRECTE DES COURANTS ÉLECTRIQUES VARIABLES
La sensibilité se règle d’ailleurs dans de larges
limites en shuntant magnétiquement plus ou moins
l'aimant par un cavalier de fer doux, qui permet
d'obtenir toute une gamme de fréquences diffé-
rentes.
IL va sans dire que, la bande étant très petite,
il doit en être de même des miroirs ; ceux-ci ont
pu, grâce aux efforts de MM. Pellin, Werlein et
Dobkévitch, être réduits à 2/10 de millimètre de
largeur sur 1/20 à 1/10 d'épaisseur et 5/10 de
hauteur. Ils sont en verre ou en mica, argentés
par le procédé Martin ou Foucault; ils sont collés
à la gomme laque sur les bandes avant le montage
de celles-ci ; quant à ce montage, il se fait sur un
petit chevalet d'ivoire qu'on introduit ensuite dans
la boite à huile. La bande est ainsi préservée de
la rouille, et mise à
l'abri de toute dété- :s!
rioration.
Grâce à ce dispo-
sitifdesboitesàahuile,
l'oscillographe à fer
doux réalise le même
avantage d’inter-
changeabilité que je
me suis déjà efforcé
d'obtenir pour l’ap-
pareil bifilaire. Avec
une série dechevalets 10
on peul réaliser des
L — —
frequence
619
V. — MopE D'OBSERVATION ET D'ENREGISTREMENT
DES COURBES.
Les oscillographes, ainsi que les autres appareils
d'étude directe, donnent un spot lumineux dont
les déviations sont proportionnelles à l'intensité
ou à la tension du courant étudié; pour transfor-
mer ces déviations en courbes, il faut imprimer en
même temps au spot un déplacement qui leur
soit perpendiculaire et proportionnel au temps. De
nombreux dispositifs mécaniques ou optiques ont
été imaginés dans ce but pour l'emploi des oscillo-
graphes ou des rhéographes : glace tombante, tam-
bour tournant, miroir tournant, miroir oscillant,
etc. Tous sont applicables aux oscillographes, mais
l'auteur s'est attaché plus particulièrement à per-
meltre la vision con-
55000 tinue des courbes à
| 50 000 l'œilnu aussibien que
0 rye 1 à
EEE Re leur photographie.
Il a reconnu que le
#0 000 . .,
dispositif le plus sa-
25000 {isfaisant pour obte-
20000 nir ce résullat est
l2500 Celui du miroir oseil
lant, imaginé par
20 900 : AE
M.Abraham en 1896.
1500 Les rayons lumineux
10000 provenant des oscil-
5000 lographes sont réflé-
chis environ à 45° sur
fréquences etdessen- 0 02 O4 06 08 10 12 1# 16 18 20 22 24 26 28 30 un miroir mobile au-
sibilités variées; en Fig. 13. — Spécimen d'une courbe de relation entre les intensités {our d'un axe paral-
ù du champ magnétique, la sensibilité et la fréquence. — Abscisses : x Re
employant,parexem- courants d'excitation du champ (électro-aimant\ en ampères; or- lèle au plan desdévia-
données de droite :
ple, des bandes plus ordonnées de gauche :
larges avec de plus
grands miroirs, on
transforme l'appareil de laboratoire en appareil
de démonstralion pour projections; celles-ci se
font sur un écran blanc de 1 mètre carré envi-
ron, avec des bandes de 0,8 à 1 millimètre de
largeur.
Enfin, grâce à l'emplacement très restreint
occupé par les boîtes à huile et les bobines, qui
ont moins de 30 millimètres de largeur, et aux
faibles champs nécessaires, il est facile de loger
À côte à côte, dans un même circuit magnétique, deux
et même trois oscillographes semblables et indé-
pendants. Il suffit, pour éviter complètement toute
influence réciproque, de les séparer, comme le
montre la figure 12, par des cloisons de tôles feuil-
letées,.
La convergence des images s'obtient par simple
orientation des boîtes à huile, comme on le verra
avec plus de détails dans le chapitre qui traite de
l'observation et de l'enregistrement des courbes.
nombres de vibrations doubles par seconde;
1 déviations à 1 mètre en millimètres par
ampère (avec de très petites bobines de 6 ohms de résistance).
tions de ces rayons.
Le mouvement oseil-
lant est produit par
une came qui donne un mouvement d'aller lent,
proportionnel au temps, puis un mouvement de
retour brusque aidé par un ressort. Le mouvement
de la came est enlretenu soit par un pendule, soit
préférablement par un moteur synchrone.
L'auteur a réalisé pour celle application un petit
moteur synchrone à 6 pôles, extrêmement simple,
sans frotteur ni balais’, qu'on voit à droite de la
figure 16. L'induit est fixe, l'inducteur est un
aimant tournant dont l’axe porte la came et une
vis sans fin que commande une pelite manivelle.
Il suffit de donner à la main quelques tours de
cette manivelle, pour lancer le moteur à sa vitesse,
et le synchroniser. La came perpendiculaire à
! Le principe nouveau de cette construction de moteur
est le suivant: un induit fixe, ayant un nombre de pôles
multiple impair de 6, présente deux pôles opposés diamé-
tralement de signe contraire, qui peuvent exercer des actions
concordantes sur les deux pôles d'un aimant inducteur
formé d'un simple fer à cheval.
620 ANDRÉ BLONDEL — L'INSCRIPTION DIRECTE DES COURANTS ÉLECTRIQUES VARIABLES
l'arbre porte un canal creux, tracé suivant un profil
calculé pour assurer le mouvement uniforme de
l'image sur l'écran E, et dans lequel est guidé un
galet d'acier ou
"1" d'agate fixé à
“ l'extrémité d'un
ne M res 7 levier passant
Le par l'axe du mi-
tps roir. Cet axe est
Fig. 14. — Schéma de lartilice opti- défini par deux
que de Boys. — ab, fente lumi-
EL te UMI= pointes d'acier
neuse verticale; m, petit miroir
d'oscillographe; e, lentille cylindri-
que à génératrices horizontales;
a!b', image théorique de la fente
ab; f, point suivant lequel cette
image est concentrée par la len-
tille C.
fixées à une pla-
que d'aluminium
sur laquelle est
collé le miroir.
Pendant la pé-
riode de retour du miroir en arrière, les rayons lumi-
déviation dans le sens horizontal: la source de
lumière est une fente verticale éclairée par le pro-
Jecteur"etdontles miroirs plans des oscillographes,
précédés d’une lentille plan convexe sphérique,
donnent en S des images conjuguées: la lentille C
réduit chacune de ces droites lumineuses à un
point rectangulaire ayant pour hauteur celle du
miroir correspondant réduite dans le rapport des
A
distances Cm: l'éclairement de l’image se trouve
D)
NI
D
1 | I \
ll
1) 1]
J l
| | L
| ] | | ; Al
LL
| [
| Il Il |
| | {
Fig. 15. — Vue d'ensemble extérieure de l'oscillographe « Kodak » double. — C, couvercle de la caisse, auquel est fixée la
chambre noire à soufflet P, dont la queue peut se rabattre dans le plan du couvercle; L, lampe à arc; r, ouverture pour
la mise en marche du synchronoscope ; T, tableau de distribution, contenu dans un placard; V, voltmètre; A, ampère-
mètre; B, bornes, et J, commutateur du courant principal, passant par l'ampèregrapbe ; G, commutateur pour mise en
court-circuit de l'ampère-mêtre; b,, bornes du circuit voltgraphe; 2,, bornes du circuit du synchronoscope; F, fusibles
du circuit voltgraphe et du synchronoscope; m, 2, p, interrupteurs des circuits du voltgraphe, du voltmètre et du
synchronoscope.
neux provenant du projecteur sont obturés par
un pelil quart du disque D commandé par le
moteur.
Dans sa position moyenne, le miroir est environ
à 45° sur l'horizontale, de facon à renvoyer vertica-
lement sur son écran horizontal les rayons qu'il
recoit des oscillographes. Devant ce miroir, du
côté des osciliographes, est placée une lentille de
concentration à courbure cylindrique.
Le professeur Boys a eu, en effet, l'ingénieuse
idée, pour diminuer la surface du miroir des oscil-
lographes, de concentrer verticalement les rayons
qui en proviennent par une lentille cylindrique à
axe horizontal C (fig. 44) qui permet leur libre
accru en raison inverse de sa hauteur, de sorte
que l’expression de e est :
(1—2)(l—a)DHi,
PE X À
en appelant : Zet /'les distances du point image res-
pectivement au miroir de l’oscillographe et à l'axe
optique de la lentille cylindrique, H la hauteur de
! En réalité, les faisceaux étant très étroits, le diaphragme
du projecteur porte non pas une seule fente, mais plusieurs
très voisines, éclairant respeclivement chacun des oscillo-
graphes et le petit miroir fixe servant à produire l'axe de
repère ; la lumière de ce dernier peut être affaiblie comme
on veut à l’aide d'un verre jaune collé sur la fente corres-
pondante, pour rendre le trait plus fin.
À
d
Édr- à LÉ von
FANSORE OOPEEES >
ANDRÉ BLONDEL — L'INSCRIPTION DIRECTE DES COURANTS ÉLECTRIQUES VARIABLES
l'image a! L' de la fente, et la largeur du miroir,
a le coefficient d'absorption total des rayons dans
leur trajet à travers le projecteur et l'oscillographe ;
s la surface éclairée du miroir ; 1 l'éclat intrinsèque
du cratère de l'arc; 8 le coefficient de diffusion du
verre dépoli (qu'on peut remplacer par l'unité,
si l'on veut regarder directement les images
aériennes à l’aide d'un oculaire micrométrique);
a' le coefficient d'absorption de la lentille cylin-
drique.
On conçoit combien est précieux ce moyen, qui
621
mais un déplacement vertical par vis de rappel,
comme on le verra à propos des réglages optiques
des appareils.
Des miroirs très petits, comme ceux dont on a
donné plus haut les dimensions, suffisent pour
donner un éclairement satisfaisant avec une lampe
à arc; mais il ne faut pas exagérer leur étroitesse
si l’on veut éviter les effets de la diffraction, qui
rend les images beaucoup moins nettes, quand l’on
descend au-dessous de 0,5 de largeur.
Le dispositif qu'on vient de décrire permet la
Fig. 16. — Vue intérieure du même appareil « Kodak » double, — O, aimant à lames, portant à sa partie supérieure les
deux oscillographes jumeaux; D, chambre noire à soufflet: J, lentille cylindrique ; m, miroir oscillant du synchro-
noscope; M, disque obturateur monté sur l'arbre et tournant devant l'objectif; X, objectif à lentille cylindrique fixé
dans la paroi de la caisse et muni d’un diaphragme à trois fentes éclairant respectivement les miroirs des deux équipages
mobiles et le miroir de repère.
permet d'augmenter l'éclat, non par la dimension
du miroir mobile, mais par celle d’une simple
fente fixe; il résout complètement la question de
l'éclairement des oscillographes, quelque petite
que soit leur partie vibrante. En outre, il suffit que
les miroirs de plusieurs équipages voisins employés
simultanément soient placés sur une même hori-
zontale, pour que leurs images, fournies par la
lentille C à génératrices horizontales, soient égale-
ment toutes sur une même horizontale, alors même
que ces miroirs ne seraient pas bien verticaux.
Pour tirer partie de cette dernière propriété, j'ai
donné aux boîtes à huile des oscillographes à fer
doux non seulement un mouvement d'orientation,
vision permanente des courbes sur l'écran avec une
très grande fixité, grâce à la puissance et à l’'amor-
tissement du couple du moteur synchrone; on
peut les suivre avec un crayon sur le verre dépoli.
Le secteur tournant sert encore à un autre usage,
très utile pour la vérification de la fréquence et de
l'amortissement des oscillations propres des oscillo-
graphes, comme on l’expliquera plus loin (p. 627).
Pour l'étude des phénomènes non périodiques,
le moteur synchrone du synchronoscope doit être
remplacé par un simple moteur à courant continu
en conservant la commande par came dans le cas
ordinaire ; pour les phénomènes très rapides, on
peut supprimer la came et placer le miroir sur
622
22 ANDRÉ BLONDEL — L'INSCRIPTION DIRECTE DES COURANTS ÉLECTRIQUES VARIABLES
l'arbre même du moteur. On peut également, à
l’aide d’un châssis enregistreur à déroulement de
pellicules photographiques récemment imaginé, in-
scrire un grand nombre de périodes consécutives,
ce qui est ulile pour l'étude de certains phéno-
mènes.
VI. —— Caisses « KODAK » POUR L'EMPLOI
DES OSCILLOGRAPIIES.
Pour éviter toutes les complications d'un montage
lors de chaque expérience, et rendre l'appareil por-
tatif, tous les organes en sont réunis et fixés
invariablement dans une solide caisse en bois
de 070 à 080 de longueur (fig. 15 et 16). Cette
caisse, à laquelle on donne le nom de « Kodak »,
par analogie
avec les appa-
reils photogra-
phiques de ns
Eastman, for-
me chambre
noire. À l'une
de ses extré-
mités est placé
l'oscillographe, F
à l’autre le syn-
chronoscope
(c’est-à-dire
l'ensemble du
miroir oscil-
lant, de la len-
tille et du mo-
tance focale. (Ce changement s’oblient très simple-
ment en inclinant la lentille autour de sa généra-
trice moyenne.)
Comme source de lumière, on emploie le plus
simplement une lampe à incandescence placée au
foyer de la lentille de projection, ou une flamme
d’acétylène. Dans ces conditions, on peut photo-
graphier avec quelques secondes de pose des
courbes moyennes, en employant des lampes à in-
candescence spéciales très poussées.
Il convient de remarquer qu’en éclairant l'oscil-
lographe à fer doux par incandescence, on na
plus besoin d'aucun courant continu,
condition extrêmement importante
pour relever des courbes sur les sec-
teurs ou dans les usines à courants
alternatifs. La
superposilion
de plusieurs
courbes est
sans inconvé-
nient sérieux
dans ces appli-
cations.
Pour les pro-
jections etpour
les photogra-
phies instanta-
nées, on em-
ploie l'arc élec-
trique; un mo-
dèle de lampe
à arc à main,
teur synchro- Fig. 18. étudié dans ce
ne) et au-des- Fig. 1lret 18: — Schémas de la marche des rayons lumineux dans l'oscillogra- butpar l'auteur
é phe « Kodak », soit pour le tracé et la photographie des courbes (fig. 11), soit P :
sus, dans la pa- pour leur projection dans un cours (fig. 18). — S, source de lumière (arc élec- € construit par
roi, l'objectif
de projection
cylindrique,
avec diaphrag-
me percé d'une
ou plusieurs
fentes verlica-
les deslinées à
éclairer le ou les équipages mobiles et le miroir de
repère. La figure 17 indique schématiquement la
marche des rayons lumineux dans cet appareil.
De petites portes latérales permettent de régler
l’oscillographe, et de mettre en marche le moteur.
En outre, la caisse porle un couvercle amovible
qui permet de découvrir tout l'appareil. C'est sur ce
couvercle qu'est fixé le châssis qui reçoit l'écran en
verre dépoli pour voir el tracer les courbes; cet
écran peut être remplacé par un châssis photogra-
phique. Un soufflet de chambre noire est ajouté
quand on le juge nécessaire, pour changer la dis-
trique); X, objectif ou condenseur, à lentille cylindrique horizontale; F, dia-
phragme percé de fentes verticales éclairant chaque petit miroir »; N, miroir
plan ä'un équipage mobile; O, petite lentille plan-convexe de la boite à huile;
1, lentille cylindrique horizontale pour la concentration des rayons réfléchis ;
m, miroir oscillant à axe horizontal (perpendiculaire au tableau) commandé
par un levier g; ab, arbre moteur; C, came calée sur cet arbre et agissant
sur l'extrémité du levier g, et calculée de facon à ce que le déplacement du
point lumineux f sur l'écran P soit proportionnel au temps; M, disque calé
sur l'arbre ab, et échancré de façon à n’obturer les rayons que pendant le
retour du point /; J, miroir qui remplace la chambre noire pour les projec-
tions; l', lentille cylindrique à long foyer ; E, écran de projection.
M. Vassia, s’ac-
croche contre
la paroi de la
caisse dans une
position inva-
riabhle, etse ma-
nœuvre très fa-
cilement.
Pour les photographies posées, qui suffisent
pour l'étude des phénomènes alternatifs réguliers”,
on se contente de remplacer le verre dépoli par une
glace sensible, et de découvrir l'objectif du projec-
teur, pendant un temps qui varie d'une seconde
pour l'éclairage par arc, à une demi-minule pour
l'éclairage par incandescence.
Pour faire la photographie instantanée, par
l'arc, de phénomènes très changeants tels que l'arc
RE NT IRC PEUR UT ARIANE ARR en De —
‘ Il ne se produit de flottement des courbes que si les
machines génératrices des courants alternatifs étudiés sont
commandées par des moteurs à vitesse très irrésulière.
12603
ANDRÉ BLONDEL — L'INSCRIPTION DIRECTE DES COURANTS ÉLECTRIQUES VARIABLES
623
électrique, on adapte à l'objectif un obturateur | oscillographes s’emploient, si on veut, directement
instantané à déclenchement électrique imaginé
dans ce but; ce déclenchement est produit par un
électro-aimant, qui recoit un courant dérivé aux
bornes des charbons du projecteur, par un cireuit
que ferment successivement un bouton pressé par
l'opérateur et deux balais frottant sur un secteur
métallique isolé, calé sur l'arbre tournant du mo-
teur synchrone: l'angle de calage de ce secteur
est déterminé par tâtonnement, de façon que l'ob-
jectif se découvre un peu avant que l'image soit
projetée sur la glace par le miroir oscillant.
Enfin, pour faciliter l'emploi de l'appareil, on
ajoute un pelit tableau de distribution, dans un
placard latéral, qui s'ouvre en dehors. Ce tableau
contient : ampère-mètre, voltmètre, interrupteurs,
fusibles et bornes d'attache des conducteurs : de
. sorte qu'il n’y à jamais aucun montage de fils à
faire. Dans le même but, les rhéostats ou shunts,
nécessaires avec les oscillographes employés
comme voltmètre ou commeampère-mètre, peuvent
être eux-mêmes installés à poste fixe dans la boîte.
L'ensemble est, ainsi, portatif et indéréglable.
Un appareil ordinaire se transforme en appareil
à projections en recevant les rayons provenant du
synchronoscope, non pas sur un châssis, mais sur
un miroir à 45°, qu'on adapte au-dessus de l'appa-
reil au lieu du couvercle et qui renvoie les faisceaux
lumineux horizontalement sur un écran blanc de
1 mèlre carré environ, placé à 3 ou 4 mètres de
distance (fig. 18). En même temps, on remplace la
lentille du synchronoscope par une autre de plus
long foyer, et les équipages mobiles par d'autres
formés de bandes plus larges et portant des miroirs
de 1 millimètre de largeur.
On accroit ainsi l'éclairement des points lumi-
neux et l'amplitude des déziations au détriment de
la fréquence, qui s'abaisse à 4 ou 5.000, valeur très
suffisante pour les démonstrations publiques. Tous
ces changements se font presque instantanément.
Les oscillographes bifilaires peuvent être trans-
formés de même, en quelques minutes, grâce à la
facilité qu'on a de remplacer leurs chevalets inté-
rieurs par d'autres portant des bifilaires plus
larges.
Celle qualité précieuse d'interchangeabilité de
ces appareils permet d’avoir tout prèts, dans un
écrin, des équipages de fréquence ou de sensibilité
variées ou des rechanges en cas d'accident: les
seules parties délicates des appareils peuvent être
ainsi réparées aisément et à loisir, ou plus simple-
ment envoyées par la poste au constructeur qui les
retourne remises en élat de fonctionnement. Ainsi
se trouve écartée toute difficulté d'emploi pour les
opérateurs les moins expérimentés.
Moyennant quelques précautions spéciales, les
sur les réseaux à haute tension. À cet effet, on
blinde les parois de la caisse avoisinant l'oscillo-
graphe proprement dit de plaques d'ébonite qui
l'isolent complètement, et l’on amène les conduc-
teurs par des tubes d'ébonite; en outre, on s'arrange
de facon à donner une borne commune au volt-
graphe et à l’ampèregraphe, de façon qu'il ne
s'établisse entre eux que de très faibles différences
de potentiel; les rhéostats sont placés en dehors de
la caisse. Ce disposilif présente des avantages évi-
dents.
VII. — COMPARAISON ET CHOIX ENTRE
LES DIVERS TYPES.
L'oscillographe à fer doux est, grâce à sa cons
truction robuste, l'instrument normal qu'il convient
d'employer dans les usages industriels. Les perfec-
tionnements récents ont permis de lui donner des
qualités exceptionnelles de précision et de sensi-
bilité qu'on n'avait pu obtenir jusqu'ici. Il n'exige
que peu de précautions et peut être mis entre des
mains peu exercées.
Dans les laboratoires aussi, il peut être employé
avantageusement dans toutes les recherches où
l'on n'a pas à analyser de courants inférieurs au
1/10 d'ampère et où l'on ne craint pas, dansles cir-
cuits de voltmètre, la présence d'un peu de self-
induction provenant des bobines de l’oscillographe.
Celle-ci peut tre d'ailleurs compensée presque
complètement, comme on le verra ci-dessous, par
l'addition d'un condensateur decapacité appropriée.
Cet oscillographe présente l'avantage d'une fré-
quence d'oscillation propre extrèmementélevée, qui
assure l'inscription exacte de phénomènes élec-
triques oscillatoires atteignant jusqu à 4.000 oscil-
lations par seconde, et qui, pour les courants alter-
nalifs ordinaires, dispense de tout réglage précis
de l'amortissement.
Le type bifilaire présente de plus grandes sensi-
bilités, tout en réalisant des fréquences de plus de
10.000 périodes complètes par seconde. Il convient
aux recherches de laboratoire, pour lesquelles on
désire éviter toule self-induction ou étudier des
courants d'intensité inférieure à 1/10 d'ampère.
Mais ilexige un électro-aimant puissant, quirend
l'appareil beaucoup moins portatif que le précé-
dent. Il est aussi plus délicat de construction et
d'emploi; on a à craindre de brûler le bifilaire par
un court-circuil. Il doit ètre enfin entretenu à une
température constante, malgré l'échauffement des
bandes produit par le courant, sous peine de voir
varier le coefficient d’élasticité des bandes, et par
suite la constante de l'appareil.
L'oscillographe bifilaire doit donc être réservé
"4
|
624 ANDRÉ BLONDEL -— L'INSCRIPTION DIRECTE DES COURANTS ÉLECTRIQUES VARIABLES
aux travaux de laboratoire spéciaux dont on vient
de parler, et aux opérateurs exercés,
En outre, il ne peut être employé que si l'on a du
courant conlinu à sa disposition.
Comme on l’a dit, dans chacune des deux caté-
sories précédentes, les oscillographes sont cons-
truits à volonté : simples, doubles ou triples.
Les oscillographes simples, ne comprenant qu'un
seul équipage mobile, peuvent cependant enregistrer
à volonté un courant ou une force électromotrice ;
il suffit de munir les oscillographes à fer doux de
deux paires de bobines interchangeables, les unes
à fil fin, les autres à gros fil. Quant à l'oscillographe
bifilaire, toujours à fil fin, il joue le rôle de volt-
mètre ou d’ampèremètre, suivant qu'on le monte
en série avec une grande résistance ou en dériva-
l'instrument à celle du courant alternatif étudié:
Par exemple, avec la fréquence 25.000, on peut
étudier avec une précision de 1 °/, ainsi définie des
courants alternatifs de 250 périodes, sauf la correc-
tion de la self-induction, dont on va parler.
La self-induction de l'instrument L est prali-
quement négligeable avec les oscillographes bifi-
laires et avec les oscillographes à fer doux à gros
il, jouant le rôle d’ampères-mètres; elle n'entre en
ligne de compte que dans les oscillographes-volt-
mètres à fer doux. Or, ilest facile de voir qu'elle
équivaut alors à un simple accroissement d'amor-
üssement. En effet, l'équalion du galvanomètre-
voltgraphe peut s'écrire sensiblement (au deuxième
ordre près) :
art à 0 G
tion sur une faible résistance. Le type simple, suf- KT + (a TR mn) ne RM 1 =
fisant pour des études 1
d'ateliers, doit être LR (ER fe ben ———— K, À, C conservant les
remplacé par le type | + mêmes significations
double quand on veut . pos El 2 que plus haut, et U, R
inscrire à la fois, et | : | | et R’ désignant respec-
non successivement, la à EE É 1 0,5 0,25 tivementla tension aux
tension et le courant Ampères. bornes, la résistance
pour en mesurer le Pig. 19. du voltgraphe et la
décalage; c'est le cas te résistance supplémen-
ordinaire de la pra- Lo taire du circuit en série
tique. | : | avec lui. On peut donc
Les oscillographes | 4 [ toujours compenser
triples trouvent enfin à à 5 E ae 62 pratiquement la self-
leur application spé- Ampères induction en réduisant
ciale dans les recher- Fig. 20. l'amortissement, ou in-
ches de laboratoire, Fig. 19 et 20. — Influence de la variation du champ directeur versemen! se servir de
quand on veut inscrire
à la fois le courant con-
sommé, la tension aux
bornes et une autre
variable corrélative, telle que la force électromo-
trice produisant le courant, ou les variations d'un
courant soumis à des réactions, etc.
VIII. — LimiTE D'EMPLOI DES OSCILLOGRAPHES.
Les oscillographes sont plus simples que toutes
les autres méthodes et se prêtent à une inscription
facile des courbes avec une précision bien plus
grande. Leur emploi n’est limilé que par la rapi-
dité des variations du courant. Il ne faut guère
dépasser des fréquences supérieures au 1/30 de
leur fréquence propre. Leur exactitude dépend de
l’inertie, de l'amortissement et de la self-induc-
tion. En ce qui concerne les deux premiers fac-
teurs, il suffit de savoir qu'avec l'amortissement
critique, la précision, dans le cas usuel le plus
défavorable (inscription de rectangles), est sen-
siblement égale au rapport de la période de
(champ produit par un clectro-aimant) sur la précision des
oscillographes, déterminée par l'inscription d'une courbe d'éta-
blissement etde rupture d'un courant constant. — Les excita-
tions sont indiquées en ampères; la figure 19 se rapporte à un
amortissement trop faible (huile de vaseline), et la figure 20
à un amortissemen trep fort (huile de ricin).
cette self-induction
pour aider à l’amor-
tissement s'il est insuf-
fisant".
Il existe, du reste, un autre procédé très simple
| pour compenser la self-induction et même l’amor-
tissement; il suffit de shunter la résistance morte
R' par un condensateur réglable, dont nous appel-
lerons € la capacité. On démontre, en effet, que
l’on à alors, encore au deuxième ordre près, sen-
siblement :
a?6
: CL C
Rs +
[a+ - en] +0 ou.
On peut donc toujours annuler les deux derniers
termes de la parenthèse, ou même la parenthèse
tout entière, par un choix expérimental convenable
de la capacité. Il va sans dire qu'il faut, pour que
celle-ci soit bien définie, employer de préférence
1 J'ai indiqué d’ailleurs antérieurement (Lumière Electri-
que, 1894) comment on peut toujours d'une courbe, faussée
par l'amortissement, l'inertie ou la self-induction, déduire
la courbe rigoureuse à l'aide d'une correction par points
peu compliquée.
ANDRÉ BLONDEL -- L'INSCRIPTION DIRECTE DES COURANTS ÉLECTRIQUES VARIABLES (
19
ot
à des condensateurs à mica ou à huile de ricin. | étudier. La courbe exacte doit être formée d'une
— Mais, en fait, l'amortissement et la self-induction, | série de rectangles parfaits. On peut encore sim-
3 dans leurs limites ordinaires, laissentune précision | plifier l'essai en étudiant simplement la courbe
…. suffisante pour que l'arlifice du condensateur soit | d'établissement d'un courant continu périodi-
inutile, dans la pratique courante, la capacité pro- | quement interrompu (la courbe de rupture ne peut
pre des bobines étant suffisante. être employée, parce que la rupture est plus ou
{
|
———— | A
A£nO 1 |
AE
= e
Fee à
| | À
| | |
| |
Ftero |
| B
|
V
Fig. 23, 24, 25 Fig. 21, 28
A Î Fr on Re D
| | |
FLD Zéro _/p
Fig. 29. Fig. 30.
Fig. 21 à 30, — Courbes de rupture et d'établissement du courant appliquées à la vérification de la précision des oscillo-
graphes.
Fig: 21 et 22. — Oscillographe à bande, réglé à 12.000 périodes, sous 110 volls, amortissement par l'huile de cèdre, rigou- *
reusement apériodique à 169 (fig. 21), et un peu plus faible (fig. 22) sous l'influence d'une température plus élevée.
Mig. 23, 24, 25. — Le même oscillographe, amorti à l'excès par l'huile de ricin. — A et B, angles d'établissement, puis de
rupture arrondis par l'effet d'amortissement exagéré; C, angle d'établissement rectifié par l'addition d'une faible
cépacité en dérivation sur la résistance ajoutée en série avec l'oscillographe; D, le même angle déformé par exagéra-
tion de la capacité additionnelle.
Fig. 26, 21, 28. — Le même oscillogranhe, avec amortissement un peu trop faible produit par l'huile de vaseline. — AetB,
angles d'établissement et de rupture laissant apparaître les oscillations propres insuffisamment amorties; C, angle
d'établissement rectifié par addition d'une self-luductance en série ; D, le même augle arrondi par l'addition d'une
sell-inductance exagérée.
Fig. 29 et 30. — Le même oscillographe, amortli à l'huile de ricin, sous 6 volts seulement. — L'insuffisance de la résistance
eu circuit laisse apparaître en A et B un coude très arrondi à l'établissement et à la rupture par suite d'un excès
d'amortissement et de la self-inductance propre de l'appareil, qui devient sensible (comparer à la figure 23); en C,
l'angle d'établissement est rectifié par addition de capacité en dérivation.
A
|
Le IX. — VÉRIFICATIONS EXPÉRIMENTAL ES DES CONDITIONS
3 DE PRÉCISION DES OSCILLOGRAPHES. cette vérification se fait, pour l’oscillographe-volt-
€ mètre, en faisant passer le courant qu'on y envoie
moins altérée par l'étincelle et d’autres effets);
_ Ilexiste un moyen simple de vérifier les condi- | par le secteur tournant calé sur l'arbre du moteur.
tions de précision d'un oscillographe; il suffit de | Les figures 19 à 30, qui montrent des résultats
lui faire inscrire une courbe de courants continus | variés ainsi obtenus, font aisément comprendre
__inversés périodiquement avec une fréquence com- | cette méthode, en même temps qu'elles confirment
..parable à celle des courants alternatifs qu'on veut | les indications théoriques qui précèdent.
; REVUE GÉNÉRALE DES SCIENCES, 4901. 13°
626 MICHEL PETROVITCH — ANALOGIES MATHÉMATIQUES ET PHILOSOPHIE NATURELLE
Les figures 419 et 20 montrent l'influence de la |
fréquence propre et de l'amortissement (elles ont
élé relevées sur l’oscillographe de 1897); 21, 22
montrent ce qu'on réalise avec un oscillographe
bien réglé; 23, 24, 25 montrent les effets d'un
amorlissement exagéré; 26, 27, 28 celui d'un
amortissement trop faible; ces diverses courbes
font ressortir, en outre, les effets de compensation
de la capacité ou de la self-induction.
Les figures 29 et 30, qui se rapportent au casle
plus défavorable (faible voltage, excès d'amor-
tissement), sont les seules où la self-inductance
de l'appareil lui-même se fasse sentir, lorsqu'on le
branche directement sur un réseau à 6 volts seu-
lement sans ajouter aucune résistance en série
avec celle des bobines, qui n’est que de 28 ohms
en série; la constante de temps de l'instrument
est alors notable, et lamortissement l’exagère
encore‘; l’addition d’une capacilé aux bornes ne
suffit pas à compenser cet excès. Mais toutes les
fois qu'il s’agit d'un phénomène continu, on n'aura
qu'à employer, en outre, un amortissement systé-
matiquement plus faible, au lieu de l'amortissement
exagéré, pour ramener le coude d’élablissement
à la forme sensiblement rectangulaire.
Il est remarquable que l'appareil puisse être
employé industriellement jusqu'à d'aussi bas vol-
tages; dans les études de laboratoire, au-dessous
de vingt-cinq volts, on préférera l'oscillographe
bifilaire dont la constante de temps est toujours
négligeable.
Dans un second article, nous indiquerons les
applications des oscillographes à l'étude des ares
électriques.
André Blondel,
Professeur d'Électricité appliquée
à l'Ecole des Ponts et Chaussées.
LES ANALOGIES
MATHÉMATIQUES
ET LA PHILOSOPHIE NATURELLE
Il arrive souvent que des phénomènes d'ordres
différents, de natures concrèles bien distinctes,
présentent, au point de vue des relations des élé-
ments qui les caractérisent el des lois mathémati-
ques qui les régissent, des ressemblances frap-
pantes. Des éléments, ayant des significations
concrètes tout à fait distinctes dans deux phéno-
mènés distincls, jouent souvent des rôles sembla-
bles, et cette ressemblance des rôles conduit d'une
manière naturelle à une ressemblance des relations.
Les analogies mathématiques qui en résultent entre
de tels phénomènes sont souvent si complètes que
tout résultat obtenu dans l'étude d’un de ces phé-
nomènes peut être immédiatement transporté,
avec sa traduction spéciale, dans le second, en
substituant aux conceplions particulières, rencon-
trées dans la théorie du premier phénomène, leurs
conceptions correspondantes dans le second. La
Nature semble, diraient les anciens philosophes,
construire un grand nombre de ses œuvres d’après
un même plan primilil, caché sous des apparences
extérieures différentes d’un phénomène à l'autre.
Des phénomènes divers peuvent conduire aux mé-
mes équations, diraient simplement les analystes.
On a signalé depuis longlemps de nombreuses
analogies de cette espèce. Pour ne rappeler que
* M. Farmer a eu l'excellente idée d'utiliser cette courbe
d'établissement pour en déduire la valeur de la self-induc-
tance.
les plus connues et les plus complètes, citons l’ana-
logie mathémalique bien connue entre les phéno-
mènes d'équilibre électrique, ceux de la propaga-
tion des radialions dans un milieu homogène, et
celui du mouvement permanent d’un liquide
incompressible et sans froltement; l’analogie entre
la propagation de l'électricité dans l’état permanent
et la propagation de la chaleur entre deux surfaces
à températures conslantes dans un milieu conduc-
teur; entre la propagation de la chaleur et celle de
l'électricité dans le régime variable; entre certains
phénomènes de l'Électrostatique et du Magnétisme ;
entre le mouvement oscillant des pendules, celui
des liquides et la décharge des condensateurs;
entre les phénomènes d'équilibre élastique, la
distribution de la température à l'intérieur d'un
corps solide et celle du potentiel; entre la théorie
des tourbillons et celle de certains phénomènes
électrodynamiques; entre la théorie de la pression
osmolique et celle de la pression des gaz; entre les
conséquences du principe de la conservation de
l'électricité et celles du principe de Carnot dans les
phénomènes thermiques, elc.
Les modèles d'illustralion mécanique des phé-
nomènes physiques, tant recherchés par les phy-
siciens anglais, fournissent aussi des exemples
remarquables d’analogies mathémaliques. L'idée
fondamentale de ces illustrations consiste, comme
on sait, en ceci: Étant donné un phénomène ®,
Dh à nt
MICHEL PETROVITCH — ANALOGIES MATHÉMATIQUES ET PHILOSOPHIE NATURELLE 627
- créer un modèle mécanique pour le fonctionnement
duquel vaudront les mêmes lois mathématiques
“que pour le phénomène ®. Entre les phénomènes
“auxquels donne lieu le fonctionnement d'un tel
. modèle et les lois du phénomène ®, subsistera
“alors une analogie de l'espèce dont il est ici ques-
4 tion. Tels sont, par exemple, les modèles mécani-
ques par lesquels Maxwell se représentait les phé-
“nomènes de l'induction électrique ou la polarisation
“des diélectriques : les nombreux modèles par
“lesquels iord Kelvin a représenté divers phénomè-
“nes d'Optique ; le modèle imaginé par M. Garbasso
pour représenter la décharge des condensateurs,
ætc., etc.
… Enfin, on rencontre dans les diverses sciences
une foule de phénomènes distincts, présentant
entre eux, dans certaines particularités, des res-
“emblances plus ou moins parfaites, que l’on ne
peut pas préciser aussi bien que dans le cas des
phénomènes mécaniques ou physiques, et qui
donnent lieu à des métaphores plus ou moins heu-
reuses. On compare tel ou tel phénomène au torrent
dont la force destructrice grandit avec les obstacles
qu'on lui oppose, ou bien à la marée avec son flux
et son reflux, etc. Dans différentes sciences, on
rencontre des phénomènes ayant des allures de
certains phénomènes mécaniques ou physiques.
On compare, par exemple, tel ou tel phénomène au
mouvement pendulaire amorti, présentant une série
oscillations autour d'un état stable, les écarts des
oscillations étant de plus en plus restreints, et
ainsi de suite.
On connaît bien les services que les analogies
mathémaliques ont rendus aux diverses parties de
la Physique mathématique. Auguste Comte avait
bien prévu le rôle qu'elles seraient appelées à
jouer dans le développement de cette branche de
Ja Science. Ohm, Lamé, Chasles, lord Kelvin, Helm-
ætc. C'est par les considérations d'analogies entre
les problèmes électrique et thermique que Ohm a
“édifié sa belle théorie de la propagation de l'élec-
“tricité, en y transportant le mode de raisonnement
par lequel Fourier avait déjà édifié la théorie de la
propagation de la chaleur. Maxwell s’en est très
- fréquemment servi dans ses recherches; c’est ainsi
qu'en comparant les phénomènes électromagnéti-
ques à une certaine espèce de mouvement tourbil-
Honnaire des liquides, il a trouvé les équations fon-
damentales de l'Electromagnétisme auxquelles son
nom est demeuré attaché. L’analogie des lois des
gaz parfaits avec celles de la pression osmotique a
également été un guide pour les physiciens qui ont
établi la théorie de la pression osmotique. Les mo-
dèles mécaniques ont souvent servi comme guide
indiquant la direction à suivre pour les investiga-
tions plus rigoureuses.
Il y aurait un livre intéressant à écrire sur les
services que les considérations d’analogies ont
rendus à la Science. Elles ont aujourd'hui une haute
valeur scientifique, et rendent toujours de réels et
très grands services. Certains résultats se présen-
tent d’une façon plus naturelle dans un ordre
d'idées que dans un autre; c'est surtout par cette
raison que les analogies, si incomplètes qu'elles
puissent être, ont toujours le grand mérite de
suggérer des recherches dans cerlaines directions,
d'engager à essayer de préférence tel raisonnement
ou de tenter telle expérience.
Mais je voudrais ici insister sur un genre de
services d’un ordre plus général et plus élevé, que
pourraient rendre les analogies mathématiques
convenablement interprétées. Envisageons un cas
simple d’analogies existant entre des phénomènes
divers qui peuvent n'avoir aucun rapport concret :
considérons les phénomènes qui suivent la « loi
logarithmique » :
Y= YocËr,
où x et y sont les variables du phénomène, y, et Æ
des constantes. Cette loi, ainsi que les conséquences
qui s'en déduisent, régit, comme l’on sait, une foule
de phénomènes de natures concrètes très diverses,
dont voici des exemples :
1° Affaiblissement de l'intensité de la lumière passant
à travers un milieu absorbant;
2° Refroidissement d’un corps solide par échange de
chaleur avec le milieu qui l’ertoure ;
3° Déperdition de l'électricité des liquides électrisés,
sous l'influence de l’évaporation;
4° Distribution des températures le long d'une tige
métallique chauffée en un point; J
5° Décroissement de la pression barométrique quand
on s'élève dans l’atmosphère ;
6° Variation de la quantité d'un corps pur qui se
transforme progressivement sous l'action d'un agent
physique ou d'un ferment;
7° Augmentation d'une somme d'argent prêlée à
intérêts composés, etc.
Le tableau T met en évidence les éléments qui
jouent les rôles analogues dans ces divers phéno-
mènes.
Il est facile de se rendre compte de la raison
intime par laquelle s'impose l’analogie entre ces
phénomènes si variés. Un capital placé à intérêts
composés s'accroilt à chaque époque d’un intérêt
proportionnel à la valeur du capilal lui-même à
cetle époque. La température d’un corps qui se
refroidit diminue à chaque instant de manière que
628 MICHEL PETROVITCH — ANALOGIES MATHÉMATIQUES ET PHILOSOPHIE NATURELLE
celte diminution varie en raison directe de la tem-
pérature elle-même. La pression barométrique varie
demanière quesa diminution, correspondantàl’aug-
mentalion d'une hauteur donnée, soit proportion-
nelle à la pression à cette hauteur. Et d’une manière
sénérale : dans les divers phénomènes énumérés
précédemment, l'élément particulier, dont la modi-
fication graduelle définit le phénomène, varie à
chaque instant en raison directe de sa valeur à cet
instant. Autrement dit : le phénomène consiste dans
la variation progressive et continue d’un élément
en raison directe de la grandeur de l’élément lui-
même. Zelest le schéma commun auquel peuvent
sé ramener lous les phénomènes en question; tel
est le squelette qui sert de support à tous les
organes, quelle que soit leur nature concrète. Il
conduit directement à l'équation différentielle de
Tagceau |. — Analogie des éléments dans
les phénomènes variés,
PHÉNOMÈNE VARIABLE æ
FRE
VARIABLE 7
Intensité lumineuse.
Température.
Charge électrique.
Température.
40. . . .|Épaisseur de la couche.
TER GNOME Temps.
MS Temps.
40. . . .| Distance au point
chauffé.
USER Hauteur.
Core Temps.
Pression barométrique.
Quautité du corps
primitif.
OR RS Temps. Capital.
tous ces phénomènes et à toutes les conséquences
dans lesquelles consiste leur analogie mutuelle.
De même, les phénomènes de la propagation de
l'électricité de la chaleur, etc., se ramènent au
schéma général suivant : un état se propage de
proche en proche, progressivement et continuelle-
ment; l’état d'un point n'a d'influence sensible
que sur les points très voisins; cette influence pro-
vient de la tendance de cet état de passer des
points où son intensité est plus grande aux points
où elle est plus faible ; enfin, cette influence varie
en raison directe avec la grandeur de la différence
de ces intensités.
D'une manière générale, précisons les faits et les
propriétés caractéristiques dans lesquels réside
la raison intime de l'analogie des divers phéno-
mènes considérés; dégageons-en ce qui est
commun et général à ces phénomènes, ce qui
définit les rôles des éléments correspondants et la
manière dont ces rôles sont combinés entre eux;
donnons à tout ceci la forme la plus simple et la
plus générale possible en ayant soin de ne pas
franchir les limiles de l’analogie, au delà des-
quelles le problème devient indéterminé. Le schéma
auquel se réduiront les phénomènes aura l'aspect
suivant : à la place des phénomènes mécaniques,
physiques, chimiques, etc.…..,apparaîtrontles lois de
variation d'un certain nombre de variables carac-
téristiques, en fonclion de certaines variables indé-
pendantes: à la place des causes réelles (forces
mécaniques, électriques, magnétiques, chimiques)
ou des résistances, on verra apparaitre des causes
fictives, définies uniquement par leurs aclivités et
les lois de leur variation en fonction des variables
indépendantes; les liaisons seront remplacées par
des relalions fixes, données à l'avance, entre les
variables caractéristiques, elc.
Ce schéma n'est au fond que celui auquel on à
affaire dans la mise en équation d'un problème
mécanique ou physique quelconque. Il importe de
le tirer non pas d'un phénomène particulier, mais!
d’un groupe de phénomènes divers analogues entre
eux : 11 s'en dégage alors l'image de Paction des
causes de natures concrètes variées, agissant dans
des circonstances diflérentes, mais douées d'une
certaine espèce d'activité commune à tous les cas
qu'une telle analogie embrasse.
Un tel schéma équivaudra à un modèle mécani-
que illustrant une foule de phénomènes divers. Le
nombre de tels modèles ira en augmentant lorsque,
avec le progrès de la Science, on connaîtra des
analogies mathématiques de plus en plus nom-
breuses. Et, lorsque leur nombre sera suffisamment
grand, ces schémas amèneront probablement à la
formation d'une nouvelle branche de la Philosophie
nalurelle, destinée à s'édifier progressivement et
indéfiniment, dont l'objet sera l'étude des rela-:
tions mathématiques générales entre les causes et
leurs effets, débarrassées de toutes les particula-
rités qui les rattachent spécialement à telle ou telle
espèce particulière de phénomènes.
II
Pour mieux préciser ce qu'il faut entendre par
là, arrêtons-nous à un schéma particulier d'une
telle espèce, mais possédant les trails essentiels de |
tous les schémas que nous avons en vue.
Reportons nous d'abord à la conception la plus
générale de la cause, dans le sens physique du
mot : envisageons-la par son côté dynamique, par
son activité. Gelle-ci consiste en une certaine /en-
dance, qui se manifeste dans les phénomènes
comme force mécanique, comme pouvoir moteur,
capacité modificatrice, capacité perturbatrice, ete.
Etant donné l’ensemble de circonstances au milieu»
desquelles une cause agit, la tendance de cette
cause sera définie : 4° par son objet direct; 2° pars
sa direction et son sens (en adoptant pour ces
termes leur sens mécanique généralisé); 3° par son
intensité, qui peut être constante ou variable. {
Le
MICHEL PETROVITCH — ANALOGIES MATHÉMATIQUES ET PHILOSOPHIE NATURELLE 629
Les tendances ont les caractères essentiels des
“éléments mesurables, au moins dans le sens mathé-
matique du mot : on peut les concevoir plus fortes
ou plus faibles, les comparer si elles ont les mêmes
“objets directs et les mêmes directions; leurs varia-
tions d'intensilé sont aussi faciles à concevoir que
“celles des forces mécaniques; plusieurs tendances
“peuvent se gêner mutuellement, s’équilibrer,
“ajouter pour augmenter l'effet, etc... Dans les
Sciences physiques, on les mesure pratiquement ;
n Biologie, on compare entre elles les actions des
“divers agents et des conditions du milieu sur un
être ou une cellule; on peut préciser les tendances
de diverses espèces de bacilles pour un objet
direct donné, étudier les lois quantitatives de leur
action simultanée, etc. Dans d’autres sciences, on
parle de tendances prépondérantes, collectives,
résultantes, etc. On peut connaître ou non la gran-
deur de l'intensité d'une tendance dans un cas
donné, mais cette grandeur est bien déterminée
dans tous les cas.
Ceci étant, soit un phénomène dont les variables
Caractéristiques :
(1)
dépendent collectivement d'une seule variable
indépendante /. Le phénomène sera déterminé
lorsqu'on connaitra les lois :
de — alt),
d'après lesquelles les « varient en fonction de £, et
ces lois (2) caractérisent les tendances des causes
actives du phénomène.
Chacune des équations (2) définit un phénomène
Simple, consistant dans la variation d’une seule
variable caractéristique. Supposons, pour trailer
n Cas simple, qu'on puisse réaliser ou concevoir
la séparation effective de ces phénomènes, de sorte
que le phénomène complexe considéré puisse se
décomposer en » phénomènes simples. Nous dirons
qu'une cause C (ou un ensemble donné de causes) est
la cause directe et exclusive du phénomène simple
(2), si, la variable indépendante / variant d’une ma-
nière quelconque, x cesse de varier lorsque la cause
“Cdisparaitsubitement; qu'elle recommence à varier
au moment où cette cause apparaît de nouveau et
que, de plus, lorsque la cause reste identique à
Ë elle même, la varialion de + est à chaque instant
| proportionnelle à celle de f. La variable à sera
alors l'objet direct de la cause C et la grandeur de
V de : ; 1
-la dérivée — à un instant donné mesurera l’inten-
; de
sité du phénomène. Ainsi, dans les mouvements,
objet direct des forces motrices sera la vitesse
du mouvement; dans le phénomène de refroidis-
sement, l'objet direct de la tendance du corps à
|
égaliser sa température avec celle du milieu
ambiant sera la vitesse de refroidissement, etc.
Ces éléments si simples et si généraux consti-
tuent un schéma de l'espèce que nous avons en
vue, et qui se prète déjà aux spéculations de l’Ana-
lyse mathématique.
Ainsi l'effet direct total de la cause C, corres-
pondant à la variation {—1, de la variable indé-
pendante, sera mesuré par la différence 4 —, w
et «, étant les grandeurs de x correspondant aux
valeurs respeclives {et {,; l'effet direct élémentaire
sera donc dx. Et, en adoptant le principe bien intui-
tif d'après lequel l'effet direct élémentaire d'une
cause serait proportionnel à l'intensité de la cause
elle-même et à l'intervalle dt de la variable indépen-
dante, on aura l'équation fondamentale :
où X désigne l'intensité de la tendance, par laquelle
se traduit l'activité de la cause, au moment où la
variable indépendante a la valeur {; K représente
un coeflicient jouant un rôle analogue à celui de la
masse. On attribuera à X le signe + ou — suivant
que la cause tend à faire augmenter ou diminuer
la variable «.
L'équation (1) généralise l'équation fondamentale :
do
de la Dynamique d'un point, et l'expression — K TT
généralise celle de la force d'inertie.
Si le phénomène élait l'effet résultant d'un en-
semble de causes directes d'intensités X,, X,. x,
on aurait :
du
( K7 = EXi
ayec la convention précédente pour les signes des
X:.
Les tendances figurant dans ces équations peu-
vent être définies :
1° Directement, par les lois de leur variation pen-
dant la durée du phénomène. Ainsi, dans les pro-
blèmes de Dynamique, ce sont les forces actives:
dans les phénomènes de la Cinétique chimique, la
tendance aclive est proportionnelle aux quantités
des corps actifs; la tendance destructive d'un
groupe de bacilles de même espèce est proportion-
nelle à leur nombre, etc., ete. ;
2 Par les lois o(/,4)—0 que suivrait le phéno-
mène, effet direct de la cause considérée: si cette
cause agissait seule, la tendance serait proportion-
nelle à la dérivée « étant tiré de 9 —0.
(2
Si les causes ne varient pas d'intensité, le phé-
630 MICHEL PETROVITCH — ANALOGIES MATHÉMATIQUES ET PHILOSOPHIE NATURELLE
nomène sera régi par des lois linéaires. Si elles
sont variabies, la recherche de ces lois se ramène
à l'intégration des équations différentielles ordi-
paires. Dans le cas d’un phénomène complexe, con-
sislant dans la simultanéité de 7 phénomènes
simples, le problème se ramène à l'intégration
d'un système d'équations simultanées.
Les équations (1) et (2) conduisent à des concep-
tions el à des principes embrassant comme cas
particuliers ceux de la Dynamique.
Ainsi, l'équation (2) exprime qu'il y a à chaque
instant équilibre entre l’inertie du phénomène et
les tendances actives.
La vitesse du mouvement étant généralisée par
la variable «, etle temps par la variable indépen-
dante {, la conception du chemin parcouru sera
généralisée par la grandeur :
(3) q= 0 ‘adt
lo
qui représenterait l'exfension du phénomène (x, /).
Le travail élémentaire de la cause directe X, cor-
respondant à l'extension élémentaire 4, serait :
(4 dR = Xdg;
l'énergie du phénomène simple (x, {) serait :
(5) =
2
Ka
19! =
Une combinaison facile de (1), (3), (4), (5)
conduit à l'équation :
(6) U—U,=R,
exprimant que l'accroissement de l'énergie du
phénomène équivaut au travail de la cause directe
qui l'a produit, et il serait facile d'étendre le théo-
rème aux cas où le phénomène dépend d'un nombre
quelconque de causes directes.
L'intégrale
t
A Xdt
lo
représenterait l'impulsion de la cause X relative à
la variation {— /, de la variable indépendante, par
analogie avec l'intégrale correspondante de la
Dynamique. De l'équation (1), on tire :
Ra) RE
lo
ce qui montre que l'effet direct total de la cause
X, pendant que { varie de {, à {, est proportionnel
à l'impulsion de cette cause.
Ces principes s'étendraient aussi aux cas des
phénomènes complexes, quel que soit le nombre de
phénomènes simples dont ils sont composé. Ils
s'étendraient aussi aux cas de plusieurs variables
indépendantes, et on pourrait même, dans certaines
conditions, donner aux équations fondamentales
une forme analogue à celle des équations de La-"
grange, etc. De plus, ces principes schématisent
une foule de lois particulières, qu'on en déduirait"
en attribuant, aux conceptions abstraites qui en
font l'objet, diverses significations concrètes. Ils
s'appliquent directement à la recherche des lois
des phénomènes, dans lesquels on connaît la nature
dynamique des causes actives directes, et ces lois
restent les mêmes, quelle que soit la nature con-
crèle de ces causes et du phénomène lui-même.
On en tire, par exemple, bien facilement, les consé-
quences suivantes :
Lorsqu'un ensemble de causes tend constamment
à renforcer ou à affaiblir un phénomène simple,
qui en est l’effet direct, et que cette tendance varie
en raison directe de l'effet direct total des causes,
l'intensité du phénomène varie toujours dans un
même sens, en croissant ou en décroissant; l’ex-
pression :
où « est la variable caractéristique, { la variable
indépendante, a et » des constantes convenable-
ment choisies, conservera une valeur invariable
pendant toute la durée du phénomène, et cette va-
leur sera positive ou négalive suivant que la cause
est renforçante ou affaiblissante; l'effet total aug-
mente indéfiniment, ou bien tend vers une limite
finie, suivant le sens de la cause.
Ce théorème embrasse toutes les analogies entre
les phénomènes divers qui suivent la loi logarith=
mique, par exemple entre ceux dans lesquels les:
causes, en produisant leur effet, s'affaiblissent, em.
se dépensant en raison directe de l'effet produit.
Comme conséquence immédiate des principes
précédents, mentionnons aussi le théorème sui-
vant :
Considérons un phénomène simple, effet direct
d’un ensemble de causes, dont quelques-unes ont
des tendances constantes en intensité et sens;
d'autres consistent en une sorte de résistance va=
riant en raison directe de la grandeur absolue de:
l'effet direct total ; enfin, certaines se comportent
aussi comme résistances, mais varient en raison di-
recte de l'extension du phénomène. Celui-ci sera
continu ou oseéillant, suivant le cas, et son étude se
ramène à l'intégration d'une équation linéaire du.
second ordre. Si les racines de l'équation caracté-\
rislique du second degré, relative à cette équatio
linéaire, sont réelles, l'intensité du phénomène,"
ainsi que l'effet direct total, seront des fonctions
continues de {, ne pouvant présenter qu'un seul
maximum ou minimum, à partir duquel elles va="
rient constamment dans un même sens. Si ces ra=
cines sont imaginaires, ce seront des fonctions
oscillantes de { : le phénomène présentera une sé-
MICHEL PETROVITCH — ANALOGIES MATHÉMATIQUES ET PHILOSOPHIE NATURELLE
rie d’oscillations d'amplitudes plus ou moins rapi-
dement amorties; son état s'approchera et s'éloi-
gnera tour à tour d'un certain état stable, et s'en
éloignera de moins en moins jusqu'au moment où
ses oscillations deviendront insensibles, l’état du
phénomène se confondant désormais avec cet état-
limite.
Ce théorème, avec ses conséquences, embrasse
une foule de problèmes analogues à celui de la
décharge entrelenue des condensateurs, oscilla-
tions du cadre mobile d’un galvanomètre lors du
passage du courant, etc.
Considérons enfin un phénomène simple, résul-
tant de l'action de deux groupes de causes directes,
les unes étant invariables en sens et en intensité,
et les autres tendant à détruire l’action des pre-
mières, cette tendance destructive variant en raison
directe de l'effet direct total, mais agissant avec
un certain relard constant 2, de manière que, pour
la valeur actuelle de #, elle soit proportionnelle à
l'effet Lolal résultant, tel qu'il a été au moment où
la variable { avait la valeur { — h. La théorie du
phénomène se ramène à une certaine équation
linéaire aux différences mêélées ; l'effet total résul-
tant ou bien décroitra constamment en tendant
vers un état-limite, ou bien présentera une série
d’oscillations amorlies autour de cet état, en ten-
dant à se confondre avec lui, etc.
IT
L'exemple simple que nous avons traité précé-
demment donne des indications sur la possibilité
de faire un schéma général des actions des causes,
correspondant à la Dynamique des forces, mais qui
ne demeurerait plus attaché à l’une ou l’autre
espèce concrète de phénomènes. On entrevoit de
même la possibilité de faire un schéma général de
l'équilibre des causes, correspondant à la Slatique
des forces. R
L'ensemble de schémas pareils, quand on en pos-
sédera un certain nombre, sera vraisemblablement
appelé à constituer une branche spéciale de la Phi-
losophie naturelle, une espèce de Mécanique géné-
rale de phénomènes divers, n'ulilisant qu'un pelit
nombre de notions très générales. Cette Mécanique
aurait tout d’abord le réel avantage de relier entre
elles et de ramener à une même base bien des théo-
ries wayant aucun rapport mutuel. Elle donnerait
la clef des analogies mathématiques aujourd'hui
connues, et en fournirait une foule d'autres. Les
analogies, d'autre part, contribueraient à l'édifi-
cation de cetle branche de la Science en lui offrant
des problèmes d’un intérêt réel, et en lui fournis-
sant des applications concrètes. C'est même, comme
nous l'avons dit, dans la recherche et l'analyse des
631
analogies que consisterait la méthode inductive de
cetle édification,
Mais y a-t-il des chances pour qu'une telle théo-
rie, quand elle sera faite, conduise à quelque chose
de nouveau ? Permettra-t-elle de prévoir des faits,
de suggérer des explications de faits inexpliqués,
de conduire à des expériences à tenter, à des
recherches à entreprendre ?
Voici quelques exemples contenant des réponses
à de telles questions, et mettant en évidence le
genre de services qu'on pourrait attendre de cette”
théorie.
La notion de symétrie peut ètre généralisée de
diverses manières, et les relations entre la symétrie
des causes et celle de leurs effets formeraient un
chapitre important de la théorie qui nous occupe.
L'extension, par exemple, de la nolion et de la théo-
rie de symétrie des corps cristallisés aux divers
phénomènes physiques de natures concrètes variées,
telle qu'elle a été faite par M. P. Curie et M. Voigt,
montre déjà l'efficacité de cette espèce de généra-
lisation en ce qui concerne la prévision de la pos-
sibililé des phénomènes ou de leur impossibilité.
Ainsi, pour que cerlain phénomène soit possible,
il faut que le système où il se manifeste présente
une certaine dissymétrie, caractéristique pour ce
phénomène : le phénomène est impossible si une
telle dissymétrie n'existe pas. D'autre part, deux
phénomènes de même dissymétrie ont entre eux
des liens particuliers. Lorsque certaines causes
produisent certains effets, les éléments de symétrie
des causes doivent se retrouver dans les effets pro-
duits. Lorsque cerlains effets révèlent une certaine
dissymétrie, celle-ci doit se retrouver dans les
causes qui lui ont donné naissance. M. P. Curie à
montré ? le parli qu'on peut tirer des considéra-
tions de celte espèce pour se rendre compte de la
possibililé ou de l'impossibilité d'un grand nombre
de phénomènes électriques, magnétiques, ther-
miques, etc.
Un autre genre de services que pourra rendre la
théorie en question, consisterait dans la possibilité,
qu'elle fournirait dans certains cas, de préciser des
hypothèses sur la nature dynamique des causes
donnant naissance à un phénomène dont on con-
naît les lois mathématiques ou l'allure géométrique,
et de provoquer des recherches ayant pour but de
préciser la nature concrète de telles causes.
Considérons, pour fixer les idées, un phénomène
consistant dans les oscillations d'un de ses élé-
ments caractéristiques autour d’un certain état
défini, duquel il s'approche et s'éloigne ‘alternati-
vement par une série d'oscillations de plus en plus
1 P. Curie, Journal de Physique, 3° série, t. IT, 1894,
p. 393-417.
632 MICHEL PETROVITCH — ANALOGIES MATHÉMATIQUES ET PHILOSOPHIE NATURELLE
faibles. On rencontre de telsphénomènes dans toutes
les sciences, et l'on exprime ce caractère oscilla-
toire de manières variées, propres à la branche de
science à laquelle appartient le phénomène. Nous
avons indiqué précédemment quelques manières
dont peuvent prendre naissance de tels phéno-
mènes. Ainsi, ils peuvent résuller, en particulier,
de l’action retardée d'une cause, variable, détruisant
l'action d’une autre cause, invariable. L'explication,
que M. Sagnac a donnée récemment”, de certains
phénomènes photochimiques, rentrerait dans ce
type d'explications. L'expérience a montré, pour
l'action photochimique de la lumière, que, si le
temps d'illumination de la couche sensible va en
augmentant, l'image se développe en noir de plus
en plus intense jusqu'à une certaine valeur; cette
valeur une fois atteinte, l'intensité du noir va en
diminuant jusqu'à un certain minimum ; celui-ci
est suivi d'un second maximum, puis vient un
second minimum, et ainsi de suite. M. Janssen en
a compté trois, mais la rapidité avec laquelle les
oscillations du phénomène s'amortissent semble
seule avoir empêché d'en compter un plus grand
nombre. D’après le théorème précédent, l'une des
explications de ce caractère oscillant consisterait
en ce qu'on le considère comme effet de deux
causes directes : l’une active, invariable en sens et
en intensité; l’autre destructive, variant en raison
directe de l'effet résultant, relatif à une époque
antérieure.
D'après l'hypothèse par laquelle M. Sagnac
essaie d'expliquer le phénomène, la première cause
serait la tendance directe et invariable de la lumière
à modifier le sel d'argent de la couche sensible ; la
seconde serait due à une réaction de la couche sen-
sible, qui produirait, avec un certain retard, une
modification inverse de la couche sensible.
Si l'on imagine, de plus, que la réaction, pro-
duite en un point P de la couche sensible, puisse
rayonner dans un petit cercle concentrique à P, la
même explication conviendrait aussi aux maxima
et minima d'impression, qui se peignent aux
limites des pénombres sur les plaques photogra-
phiques frappées par les rayons lumineux ou par
les rayons X, et aussi sur la rétine frappée par les
rayons lumineux. Elle conviendrait encore à une
foule de phénomènes variés présentant une carac-
tère oscillant *,
1 Sacxac : L'Optique des rayons de Rüntgen, p. 29-35.
Paris, Gauthier-Villars, 1900.
2 G. SAGNAC, loc. cit.
Les phénomènes oscillatoires peuvent d’ailleurs
prendre naissance suivant d'autres mécanismes;
chacun d'eux fournirait une hypothèse admissible
pour expliquer le mécanisme de leur production.
Une étude plus approfondie des particularités du
phénomène, où notre théorie n'aura plus rien à
faire, décidera quel est celui qui doit êlre définiti-
vement admis.
D'une manière générale, certaines particularités
de l'allure générale d'un phénomène peuvent s’ex-
pliquer par certains mécanismes communs à une
foule de phénomènes divers, et de tels mécanismes
seront fournis par les schémas généraux faisant
l'objet de la théorie qui nous occupe. Un tel mode
d'explication pourra d'ailleurs représenter la vérité
elle-même, ou être seulement admissible au point
de vue purement analytique : c'est à l'étude expé-
rimentale de décider lequel parmi eux sera le vrai.
On cherchera, par exemple, à mettre en évidence
telle ou telle action destructive, prévue par des
théorèmes généraux, à découvrir sa nature con-
crèle, les conditions qui lui font prendre naissance;
ou bien on cherchera à démontrer l'existence des
résistances, variant suivant les lois prévues par ces
théorèmes, ete. Ces recherches seraient expérimen-
tales, mais ce sera la théorie générale qui en aura
suggéré l'idée, qui les aura provoquées et qui aura
bien le ,droit à une certaine part de mérite si ces
recherches aboutissent à quelque chose d'intéres-
sant.
Ces exemples donnent une idée de la manière
dont une telle théorie générale pourrait s'appliquer
directement à des problèmes concrets. Celte théo-
rie ne serait pas dénuée d’un certain intérêt philo-
sophique par la généralité et le petit nombre de
notions fondamentales qu'elle ferait intervenir. Tout
cela justifierait bien la peine qu'on se donnerait à
l'édifier, et à cet égard il y a lieu d'insister sur l’idée
suivante qui se dégage de cet exposé : Ce sera
probablement par le groupement de phénomènes
divers suivant les analogies mathématiques qui
existent entre eux, et par l'étude des schémas géné-
raux lirés de chaque groupe ainsi obtenu, que pren-
dra naissance cette branche de la Philosophie natu-
relle, consistant dans l'étude des relations géné-
rales entre les causes et leurs effets.
Michel Petrovitch,
Professeur de Mathématiques
à la Faculté des Sciences de Belgrade.
BIBLIOGRAPHIE — ANALYSES ET INDEX
633
BIBLIOGRAPHIE
ANALYSES ET INDEX
1° Sciences mathématiques
Sencier (G.), Zngenieur des Arts et Manufactures,.et
Delasalle (A.), /ngénieur, ancien élève de l'Ecole
de Physique et de Chimie. — Les Automobiles
Electriques. — 1 vol. 1n-8° de 400 pages, orné de
192 gravures, avec prélace de Cu. JEANTAUD. (Prix :
45 fr.) V'e Ch. Dunod, éditeur. Paris, 1901.
Où en est la locomotion électrique? C’est la question
que se posent bien des gens, qui, après avoir cru à son
application générale et immédiate en voyant dessociétés
comme la Compagnie générale des Voitures à Paris
monter de grandes usines électriques et mettre de nom-
breux fiacres en circulation, n'ont pas compris pourquoi,
un beau jour, ces fiacres sont restés sous remise et ces
usines se sont fermées.
La vérité est, comme le dit dans sa préface M. Jean-
taud, un maître en la matière, que « la voiture élec-
trique est actuellement parfaite; que le moteur, à haut
rendement, est presque sans usure; que le combinateur
permet de faire varier les vitesses et la puissance du
moteur dans des limites très étendues ; que les véhicules
eux-mêmes, si critiqués dans leur forme dès leur appa-
rilion, sont confortables. » Mais l'accumulateur qui
fournit à la voiture l'énergie dont elle a besoin, qui,
depuis 1881, époque à laquelle Faure l’a créé, avec ses
six ampères-heure au kilogramme de plaques, avait
jusqu'en 1898 gagné annuellement un demi ampère-
heure, est depuis trois ans resté lamentlablement sta-
tionvaire, et on n'a pas trouvé le moyen de faire de lui
autre chose que cet organe lourd, cher d'achat et d’en-
tretien, qui peut bien être employé pour la traction de
luxe, mais ne peut devenir la base d’une exploitation
commerciale quelconque.
Qu'en revanche on trouve le moyen de remplacer le
plomb par un métal moins coûteux et plus léger; que
les renseignements sur le nouvel accumulateur d'Edi-
son, au fer, au nickel et à la potasse caustique, soient
confirmés et que les progrès s'affirment dans cette voie
nouvelle ; ou, mieux encore, qu’on découvre cet appa-
reil produisant directement de l'électricité et pouvant,
sous un poids d’une centaine de kilogrammes, donner
économiquement un courant de 3.000 watts, à la réali-
sation duquel M. Jeantaud croirait volontiers, et la
question change absolument de face. La voiture élec-
trique voit commencer immédiatement pour elle l’ave-
nir grandiose qui lui est certainement réservé, et dont
l'ouverture seule reste indéterminée.
Voilà pourquoi, loin de se désintéresser de la voiture
électrique, il faut la suivre dans ses moindres détails.
Et nous devons savoir gré à MM. Sencier et Delasalle de
nous en avoir fort savamment et fort clairement expli-
qué le mécanisme.
Cette double tâche n’était pas aisée, car, si la voilure
est simple d'aspect, de construction et de commande,
les principes sur lesquels elle repose ne manquent pas
de complexité. Et c’est toute une grande partie de la
science électrique qu'elle met à contribution.
Ce côté théorique est parfaitement tiré au clair, si
bien que les personnes que n'intéresse pas la chose au-
tomobile, mais qui désirent se familiariser avec la
grosse question des accumulateurs et des dynamos,
feront leur profit de l'ouvrage.
Le côté automobile y est traité fort complètement et
fort actuellement. Nous faisons allusion à la question,
bien à l’ordre du jour, des voitures pétroléo-électriques.
L'idée n'est pas nouvelle d'associer le pétrole et l’élec-
icité dans la propulsion d'un automobile. Déjà, en
1899, on a pu voir à l'Exposition des Tuileries la voi-
ture Pieper, dont nous avons entretenu nos lecteurs #.
Depuis cette époque, la question n'avait pas progressé.
Elle vient d’être reprise par les constructeurs des voi-
tures de courses, qui, désespérant de pouvoir dépasser
beaucoup, avec les systèmes actuels, les moyennes dès
à présent réalisées (85 kilomètres à l'heure par la voi-
ture Mors que pilotait M. Fournier dans la course Paris-
Bordeaux), à cause de la fatigue que la transmission de
l'effort moteur fait subir aux pneus des deux roues
motrices, vont essayer de rendre motrices les quatre
roues par l'adjonction à chacune d'un moteur électrique,
alimenté par la génératrice qu'actionnera le moteur à
pétrole. ï
Ils sont en train de monter sur roues de véritables
usines électriques, qui ne constitueront jamais que des
véhicules d'exception. Mais de leurs efforts sortiront
probablement quelques innovations dont profiteront les
voitures pétroléo-électriques de tourisme, celles-là véri-
tablement intéressantes.
GÉRARD LAVERGNE,
Ingénieur civil des Mines,
2° Sciences physiques
Nietzki, Professeur à l'Université de Bäle. —
Chimie des Matières colorantes organiques. Tra-
duction de MM. Cnarzes VaucuEr, CamiLce Favre el
AxrRen Guyot, Maïtre de Conférences de Teinture et
Impression à la Faculté des Sciences de Nancy. Avec
préfaces de MM. C. Frigoez et E. NŒLcniNG. — 1 vol.
in-8° de 447 pages (Prix : 10 fr.). Carré et Naud,
éditeurs. Paris, 1901.
Tous ceux qui s'occupent de matières colorantes
connaissent de longue date le Traité, si elair et si
parfait dans sa concision, que M. Nietzki a fait
paraître en 1889, comme tirage à part de son article sur
les matières colorantes dans le Dictionnaire de
Ladenbourg. Ce Traité en esl à sa quatrième édition à
l'heure actuelle, et la traduction faite sur la troisième
édition n'ayant pu, par suite de circonstances spécia-
les, être publiée à l'heure voulue, M. A. Guyot l’a revisée
et complétée sur la quatrième édition allemande. Cette
œuvre est donc au courant de toutes les découvertes
essentielles qui ont été faites dans le domaine si varié
et si étendu des colorants artificiels. ;
Après une introduction, où l’auteur fait une esquisse
rapide de l’évolution de cette chimie spéciale dans le
cours de la seconde moitié du siècle finissant, M. Nietzki
parcourt rapidement chacune des onze classes de
colorants, tout en insistant sur les faits fondamen-
taux, sur les nolions de c/romophore en particulier,
qui donnent à chacun de ces groupes son allure parti-
culière. Un dernier chapitre est consacré aux colorants
de constitution inconnue.
Ce volume contient, en somme, tous les faits essen-
tiels concernant les principaux types de colorants et
rendra service non seulement aux lechniciens, mais
encore aux hommes de science et aux débutants qui
désirent s'initier à cette classe si intéressante de com-
posés organiques.
À. HALLER,
Membre de l'Institut,
Professeur de Chimié organique
à la Sorbonne.
1 GérarD LAVERGNE : La deuxième Exposition internatio-
nale d'Automobiles,.dans la Æevue géncrale des Sciences
du 30 août 1899, t. X, n° 16, p. 61%.
634
Charabot (Eugène), Professeur à l’Institut commer-
cial. — Genèse des composés terpéniques dans les
Végétaux (Thèse de la Faculté des Sciences). —
4 broch. in-8° de 88 pages. Gauthier- Villars, éditeur.
Paris, 1901.
M. Eugène Charabot, un jeune chimiste qui, depuis
plusieurs années, publie sur les essences destravaux re-
marqués, à soutenu récemment sa thèse de doctorat ès
sciences physiques, intitulée : «Genèse des composéster-
péniques dans les végétaux ».
Sans aborder le problème purement biologique de la
genèse histologique des essences, qui a été magistrale-
ment traité par M. Guignard, M. Charabot s'est surtout
proposé de suivre les variations de composition d’une
essence donnée aux diverses époques de végétation de
la plante mère.
Les essences ne sont pas, en effet, des produits uni-
ques, mais bien des mélanges de plusieurs principes
immédiats. À l’aide d’ingénieuses méthodes analytiques,
M. Charabot a pu déterminer les proportions de ces prin-
cipes à plusieurs stades de la vie de la plante; ila égale-
ment comparé, pour une même plante, l'essence fournie
par les feuilles à celle que donnent les fleurs.
Il arrive assez souvent que certains principes consti-
tuants d'une même essence n’ont entre eux aucun rap-
port chimique (par exemple, la fénone et l'anéthol de
l'essence de fenouil); mais, dans la majorité des cas, ces
principes peuvent être dérivés les uns des autres par
des réactions régulières d'hydratation ou d’oxydation.
C'est aux essences de ce genre que s’est adressé M. Cha-
rabot, dans l'espoir d'expliquer les modifications de
leur composition par les propriétés des divers tissus
végétaux.
Il à choisi cinq exemples : l'essence de bergamotte,
celles de lavande francaise, de menthe poivrée,
d’absinthe et de pélargonium species.
Les deux premières sont formées de linalol partiel-
lement éthérilié par l'acide acétique et d'un mélange de
limonène et de dipentène, identique au produit obtenu
par déshydratation du linalol. Elles contiennent aussi
une certaine quantité d'acides gras libres.
L'essence de bergamotte préparée avec des fruits mûrs
contient moins d'acides libres et une plus forte propor-
tion d’éthers que l'essence de fruits verts; elle est aussi
moins riche en linalol total et plus riche en terpènes.
L'essence de lavande s'enrichit en éther jusqu'au
moment du complet épanouissement dé la fleur et s'ap-
pauvrit ensuite. l'essence de pélargonium subit une
modification analogue.
L'essence de menthe contient du menthol, éthérifié
en partie, et son produit normal d’oxydation, la men-
thone, qui devient de plus en plus abondante, au fur et
à mesure que la plante se développe et fleurit. Cette acé-
tone se rencontre surtout dans les fleurs, organes d'oxy-
dation très active : l'essence de feuilles en contient au
contraire fort peu.
L’essence d’absinthe est formée d'un alcool, le thuyol,
de ses éthers et de l’acétone correspondant, la thuyone.
Elle se comporte différemment des précédentes : on
trouve, en effet, que, pendant la période de végétation
active, la proportion de thuyone a diminué.
Le travail de M. Charabot constitue une tentative
neuve et originale dont il y a lieu de lui être reconnais-
sant. 1l ne nous a pas montré par quelles réactions chi-
miques les essences prennent naissance dans les cel-
lules des plantes, mais nous lui devons de savoir quelles
modilications elles y subissent une fois formées.
L. BouveauLr,
Professeur adjoint à la Faculté des Sciences de Nancy,
Chargé du Cours de Chimie organique.
Jacquemin (Paul). — Guide historique et pratique
de l'Opticien. — 1 vol. in-8° de 99 pages de la Petite
Encyclopédie scientifique et industrielle. Prix :
1 fr. 50). Æ. Bernard et Cie, éditeurs. Paris, quai des
Grands-Auqustins, 1901.
BIBLIOGRAPHIE — ANALYSES ET INDEX
3° Sciences naturelles
Lagatu (H.), Professeur de Chimie à l'Ecole nationale
d'Agriculture de Montpellier. — La Fumure inten-
sive et économique de la Vigne. — { vol. iu-8° de
100 pages. (Prix : 2 fr. 50). Bureaux du Progrès agri-
cole. Montpellier, 1901.
M. Lagatu à publié tout dernièrement un volume sur
l'Analyse des terres et son utilisation agricole. Dans
cet ouvrage, qui nous a vivement intéressé, l’auteur dit,
avec raison, que l'analyse du sol suggère les modifica-
tions susceptibles d'améliorer l’état actuel de la terre
arable. Parmi ces améliorations possibles, il en est qui
consistent précisément à ajouter au sol, sous une forme
appropriée, les éléments dont la quantité paraît insuffi-
sante et, en outre, à établir, entre tous les aliments,
les proportions relatives qui permettent à chacun de
jouer son rôle.
L'analyse du sol conduit ainsi logiquement à l'étude
de ce que l’on appelle la fumure. L’engrais n’est, en
effet, que la matière alimentaire utile au végétal cultivé
et qui manque au sol.
Le travail de M. Lagatu sur la Fumure de la vigne
est, en réalité, le complément de son précédent ouvrage.
Comme l'indique clairement le titre choisi par l’auteur,
il s’agit uniquement de la vigne et surtout des vignobles
méridionaux.
M. Lagalu part du principe suivant : « Pour chaque
vignoble, en tenant compte de toutes les conditions du
milieu cultural, il y a une fumure plus économique que
toute autre, c'est-à-dire utilisant, avec un bénéfice plus
grand et plus sûr, l’argeut dont on dispose pour fumer
le vignoble. »
L'auteur passe en revue les diverses catégories de
terrains dont la fumure doit varier avec la composition
et la nature physique du sol. C’est ainsi qu'il distingue :
1° La fumure des terres franches calcaires ;
20 La fumure des terres fortes calcaires ;
30 La fumure des terres légères calcaires;
4° Les terres non calcaires ;
5° Les terres un peu calcaires;
6° Les terres trop calcaires ;
1 Les vignes de coteau. Les vignes de qualité ;
8° La succession des fumures. La question du fumier.
M. Lagatu s'appuie constamment sur les résultats
fournis par l'expérience, résultats qu'il commente avec
discernement et une connaissance approfondie du sujet
qu'il traite.
Nous sommes persuadé que nos viticulteurs feront
bien de lire cet excellent travail qui fait le plus grand
honneur à l’auteur et à l'Ecole de Montpellier où
M. Lagatu professe la Chimie agricole.
D. ZorLa,
Professeur d'Economie rurale
à l'Ecole Nationale d'Agriculture de Grignon.
Bouin (M.), ?réparateur à la Faculté des Sciences
de Nancy. — Histogenèse de la glande génitale
femelle chez Rana temporaria L. (J'hèse de la Fa-
culté des Sciences de Nancy). — 1 br. in-8 de 182
pages avecplanches. Imprimerie Vaillant-Carmanne,
Liége, 1901.
Il n'existait en France, il y a quelques années, que
deux formes possibles de thèse de doctorat ès sciences
en Zoologie : le travail de faune et le mémoire d'ana-
tomie zoologique. Celui-ci, pour avoir droit à tous les
éloges, devait à son tour satisfaire à l’une ou à l’autre de
ces deux conditions : ou bien parcourir, d'un train
d'enfer, tout un groupe de la série zoologique, en s'ar-
rèlant au plus grand nombre possible de types, ce qui
ne laissait pour chacun d'eux que quelques instants
d'arrêt; ou bien décrire, sinon exactement et minutieu-
sement, du moins complètement, la morphologie d'un
type (anatomie, histologie, embryologie\ avec un cha=
pitre spécial pour le système nerveux et une figure
dans un coin représentant les zoospermes de l'animal.
RP PP EN PRE CES SU ER ER RR E ET
BIBLIOGRAPHIE — ANALYSES ET INDEX
Des dissertations telles que celle de M. Bouin n'auraient
pas passé pour des travaux de Zoologie; histologie ou
embryologie, ce sont là les deux seules rubriques sous
lesquelles on aurait songé à les désigner.
Le Mémoire de M. Bouin représente dignement une
forme relativement récente de thèse zoologique, sans
doute plus propre que toute autre à faire avancer la
solution des grands problèmes que la Zoologie se pro-
pose.
La limitation du sujet traité fait le mérite même du
travail. Une seule espèce est étudiée : la /?ana tempora-
ria; mais la valeur d’un travail zoologique ne se mesure
pas au nombre des espèces observées. Un seul organe,
la glande génitale femelle, est examiné; mais un tra-
vail, pour être anatomique, n’a pas besoin de s'occuper
à la fois du testicule et du poumon.
L'histogenèse seule dé cet organe a fourni la matière
d'un important Mémoire. Elencore, du développement
de la glande génitale femelle, les deux premières périodes
seules ont-elles été passées en revue; mais l'embryo-
logie étant une histoire, on sait (oujours où l’on s’arrète
et à partir de quel moment l'étude devra être reprise.
M. Bouin a parcouru deux périodes seulement de cette
histoire : celle qui s'étend de la toute première appa-
rition de l'ébauche génitale jusqu'à la différenciation
des ovules primordiaux (stade de l'ébauche génitale
primordiale); celle qui débute avec la différenciation
des ovules primordiaux et qui prend fin au moment où
se différencient les premiers ovocyles (stade de la
glande sexuelle primitive), Trois chapitres principaux
composent ce Mémoire : le premier, pour l’ébauche
génitale primordiale; le second, pour la glande sexuelle
. primitive; le troisième, pour les phénomènes (ovogenèse
proprement dite) qui marquent le passage de la glande
sexuelle primitive (2° période) à la glande sexuelle
jeune (3° période).
Bon nombre de faits intéressants et nouveaux sont
sigualés dans cette étude.
C'est d’abord l'apparition de l’'ébauche génitale pri-
mordiale sous forme d’une masse cellulaire impaire et
médiane, tandis qu'on croyait auparavant, faute d’avoir
étudié des stades suffisamment jeunes, à la parité de
l'ébauche génitale. Les grandes cellules sexuelles pri-
mordiales et les petites cellules germinatives qui com-
posent cette ébauche proviennent des cellules périto-
néales de la zone génitale, aussi bien que de cellules
mésenchymateuses transformées par autodifférencia-
tion ; elles ne dérivent nullement des éléments du rein
céphalique ou du corps de Wolff. La diversité d'origine
des cellules génitales va à l'encontre de la doctrine de
la spécificité cellulaire. Elle tend aussi à remplacer la
notion purement morphologique de l'organe génital,
par celle, bien plus physiologique, de la zone ou région
génitale, pouvant être composée d'éléments de nature
différente, mais pareillement influencés et par suite
évoluant dans le même sens. Les grandes cellules
sexuelles, au cours de leur évolution, accumulent d’a-
bord, assimilent ensuite du matériel deutoplasmique
(plaquettes vitellines); après quoi, on peut ls appeler
ovules primordiaux. La phase d'activité glandulaire
par laquelle elles passent alors est homologue à la
phase d'accroissement qui précède les divisions réduc-
trices des cellules sexuelles; elle mérite donc le nom
de période préparatoire aux divisions équationnelles
des œufs primordiaux. Pendant cette phase, il n'y à
aucun signe d'activité proliférative de ces cellules, ce
qui permet d'opposer la forme reproductrice de l’acti-
vité cellulaire à la forme sécrétrice.
Dans la période de la glande sexuelle primitive, les
ovules primordiaux augmentent d'abord, puis dimi-
nuent de nombre. La diminution est due à l'expulsion
d’un grand nombre de ces éléments, à une véritable
ponte d'ovules primordiaux, comparable à celle des
ovocytes adultes. La glande sexuelle s'édifie pendant ce
temps par la formation du stroma conjonctif et des
cordons médullaires fournis par du tissu mésenchy-
mateux périwolffien immigré dans l’ébauche génitale.
635
A ce moment, le sexe peut êlre déjà déterminé par
plusieurs caractères histologiques différentiels.
A propos des corps adipeux, l'auteur confirme leur
genèse aux dépens de la partie antérieure de l’ébauche
génitale primordiale, partie se distioguant du reste par
l'absence d'ovules primordiaux. Il émet, au sujet de
leur signification, l'ingénieuse hypothèse qu'il pourrait
s'agir d'organes représentant dans leur ensemble les
cellules interstitielles des glandes géuitales des Verté-
brés supérieurs, ici séparées de la partie sexuelle.
Quant à l'ovogenèse proprement dite, c'est-à-dire à
la transition de la deuxième période à la troisième,
l'auteur établit que les nids d'ovogonies naissent aux
dépens des ovules primordiaux, que, dans ces nids, un
certain nombre d'ovogonies dégénèrent et disparaissent,
sans se transformer, comme on l'a admis, en cellules
de la granulosa. L'épithélium folliculaire se forme aux
dépens de l'enveloppe épithéliale du follicule primordial,
issu lui-même des petites cellules germinatives. Ce lroi-
sième chapitre contient une description de faits cytolo-
giques dans le détail desquels je ne puis entrer, et sur
lesquels l’auteur se propose de revenir ultérieurement.
On voit, par ce trop rapide aperçu, que les faits inté-
ressants ne manquent pas à ce travail, et que l’auteur
en a su tirer tout le parti théorique qu'ils comportaient.
Ce Mémoire fait honneur à la fois à son auteur et à
l'Université d'où il sort. Tout en étant exclusivement
embryologique et cytologique, il demeure une très
bonne thèse de Zoologie. A. PRENANT,
; Professeur à la Faculté de Médecine
de l'Université de Nancy.
4° Sciences médicales
Vallery-Radot (René). — La Vie de Pasteur. —
1 vol. in-8° de 692 pages, avec un portrait. (Prix :
1 {r. 50). Hachette et Cie, éditeurs, 1901.
Si, comme le dit Carlyle, l'histoire universelle est,
essentiellement, l'histoire des grands hommes qui ont
travaillé ici-bas, « toutes les choses que nous voyons
accomplies étant le résultat matériel extérieur, la
réalisation pratique et l'incarnation des pensées qui
habitèrent dans les grands hommes envoyés en ce
monde », le xix° siècle finissant n'aura pas légué au
siècle qui commence un plus noble et plus profond
livre d'histoire que cette Vie de Pasteur, ni un plus
glorieux exposé de ses titres à la reconnaissance de
tous les siècles. Il y montrera, en effet, en face des
grands hommes d'action dont on ne peut décider
encore, après cent années, s'ils ont fait à leur patrie
plus de mal que de bien ou plus de bien que de mal,
dont on peut être assuré toutefois que le bien mème,
c’est au détriment du reste de l'humanité qu'ils le firent
à leurs frères les plus proches, — ily montrera, dis-je,
l'image d'un homme en qui se résument, sans louches
mélanges, toutes les grandeurs intellectuelles et toutes
les grandeurs morales de son temps; dont on peut
confronter sans crainte la vie avec l’œuvre, et dont la
bienfaisance, égale au génie, après avoir été l'honneur
et l'inestimable fortune de son pays, s'étend et ne
cessera plus de s'étendre au genre humain tout entier.
Ce livre, nul n'était plus désigné pour l'écrire, d'une
main plus pieuse et plus sûre, que M. René Vallery-
Radot. Dès 1883, il avait, sous les yeux de son illustre
beau-père, composé l'ouvrage intitulé : Histoire d'un
Savant par un Ignorant, un chef-d'œuvre de vulgarisa-
tion, devenu populaire. Dix ans plus tard, il publiait le
compte rendu officiel des inoubliables fêtes du Jubilé.
Et, jusqu'au dernier jour, il n’a cessé d'être le témoin
de la vie du Maitre, lui vouant toute la sienne avec un
oubli de soi-même que j'ose à peine rappeler, tant est
sincère et délicate la modestie avec laquelle il se plait
à s'effacer dans le rayonnement d'une telle gloire. Mais
l'ouvrage qu'il y aura consacré, sans s'y nommer une
seule fois, n’en sera pas moins pour lui un titre de
gloire personnelle. C'est par cet ouvrage, écrit dans la
langue la plus pure, la plus classique, la mieux assurée
636
BIBLIOGRAPHIE — ANALYSES ET INDEX
contre les variations de la mode littéraire, que la pos-
térité apprendra à connaître Pasteur; et cette biographie
ne sera pas plus séparable de son œuvre scientifique
que la Vie de Blaise Pascal par M°° Périer, sa sœur, ne
l'est de toute édition des Provinciales et des Pensées.
L'auteur y mène de front le récit des événements
intimes et celui des découvertes. De ces découvertes,
je ne saurais parler avec assez de compétence. Pour-
tant, cette incompétence même ne m'autorise-t-elle pas
à dire combien, dans le livre de Vallery-Radot, elles
apparaissent, füt-ce aux profanes, dans leur clarté
entière el leur merveilleux enchainement ?
Un jour, à l'Ecole Normale, comme le jeune Pasteur
éludiait la Cristallographie avec l’un des maîtres de
conférences, M. Delafosse, élève d'Haüy, une note du
minéralogiste allemand Mitscherlich, récemment com-
muniquée à l'Académie des Sciences, lui tombe sous
les yeux. Ce savant y affirmait à la fois l'identité molé-
culaire absolue et cependant la dissemblance du carac-
tère optique entre deux combinaisons : le paratartrate
et le tartrate de soude et d’ammoniaque. De cette note,
que, cinquante ans plus tard, Pasteur pouvait encore
réciter dans son texte, toute sa vie scientifique devait
sortir. Entre les deux conclusions de Mitscherlich, la
contradiction lui apparaît, flagrante. S'il les fallait
admettre, toutes ses croyances en seraient troublées,
renversées. Cette difficulté s'enfonce dans son esprit
avec la ténacité d'une idée fixe, — et, quatre ans plus
tard, en 1848, la difliculté est résolue pas sa décompo-
sition de l'acide paratartrique en acide tartrique droit
et acide tartrique gauche, qui fait exalter de joie le
vieux Biot et qui produit dans tout le monde savant
une émotion considérable.
Est-ce un simple chapitre ajouté à la Chimie ceristal-
lographique? Non, c'est l'apparition d'une grande loi,
aux conséquences infinies, que Pasteur, le premier,
formule en ses études sur la dissymétrie moléculaire.
Il y touche le mur infranchissable qui sépare la Nature
morte, c'est-à-dire les espèces minérales et les produits
artificiels, tous à image superposable, non dissymétri-
ques, sans influence sur la lumière polarisée, — et les
produits des végétaux et des animaux, tous doués de
cette dissymétrie qui se traduit au dehors par le
pouvoir de déviation du plan de polarisation. Et de ce
point de départ se déduiront, avec la plus surprenante
logique, toutes les recherches de Pasteur.
D'abord, la Chimie et la Physique cristallographiques
l'ont conduit à la Chimie de la Nature vivante. Puis, il
voit la dissymétrie moléculaire intervenir dans un
phénomène physiologique, lorsque l'opposition dans les
propriétés des deux acides tartriques droit et gauche
lui apparaît dans toute son évidence, au moment où
interviennent des conditions de vie et de nourriture
d'un être organisé tel que la graine de cette petite
moisissure verdàtre, le Penierlium glaucum. Et le voilà
amené à l'étude des infiniment petits de la vie, au
renversement des théories de Liebig et de Berzelius sur
la fermentation, à la preuve que ce phénomène est
toujours sous la dépendance d'un être microscopique
et vivant.
Désormais, pour employer une éloquente parole de
M. Gaston Paris dans son éloge de Pasteur à l'Aca-
démie française, «un nouveau règne de la Nature »
est trouvé, « celui des êtres invisibles et partout
présents, animaux et surtout végétaux, qui tissent et
défont sans relâche la grande trame de la vie plané-
taire ». Car les « microbes », pour employer le mot vul-
gaire, Pasteur nous les fera voir présidant à toùs les
phénomènes de la vie et de lamort. Il terrassera, par des
expériences décisives, les partisans de la génération
spontanée, et découvrira les corpuscules de la pébrine
des vers à soie. Les études sur les ferments du lait, du
vinaigre, de la bière, du vin, le couduiront, par un fil
magique, aux grandes découvertes de Biologie médi-
cale, à ces fermentations morbides et d’origine micro-
bienne que sont le charbon, la septicémie, le choléra
des poules, Eufin, l'étude des maladies virulentes l'amè-
|
À
nera à ce qui marquera l'apogée de son génie : la
théorie et la pratique de l'atténualion des virus, aux
conséquences incalculables, dont le traitement de la
rage n'aura été que le prélude.
Tel est le plan de la carrière scientifique de Pasteur,
dont M. René Vallery-Radot nous développe la splen-
dide ordonnance. Mais il fait plus et mieux : il nous
apprend à connaître l’homme ainsi qu'il l’a connu, et
il nous amène à penser, sans avoir eu besoin de nous le
dire, que c’est des hautes vertus de l’homme que le
génie du savant est sorti, que la vie morale a été pour
lui — sil'onme permet cette image —comme leferment
de la vie intellectuelle. De cette vie morale, l’auteur va
chercher les racines profondes en cette femme enthou-
siaste et tendre que fut sa mère, et en ce père, vieux
soldat de Napoléon, travailleur infatigable, presque
sans culture, mais avide de savoir, et qui donne à son
fils cette règle de vie : « Regarder en haut, apprendre
au delà, s'élever toujours. » A elle il devra son imagi-
nation ardente, à lui sa patience obstinée dans l'obser-
vation. M. Vallery-Radot nous conduira ensuite au Col-
lège d’Arbois, au Collège royal de Besancon, à l'Ecole
Normale, et de là, d'étape en étape, jusqu'à cette sorte
d'apothéose que décerna au grand homme la reconnais-
sance du monde civilisé. Tour à tour nous aurons vu, à
côté du Savant et du Maitre, le fils, l'ami, l'époux, le père,
l’aieul admirables, le citoyen et le patriote dont l’âme
saigne aux désastres de la patrie. Si aucune des plus
hautes émotions du cœur ne lui fut inconnue, pas une
seule des nobles curiosités de l'esprit ne lui fut non plus
étrangère. À treize ans il peignait des portraits remar-
quables, qui annoncaient un artiste; et deux ou trois
ans avant sa mort. l'une des rares fois que j’eus l’hon-
neur de le rencontrer et d'échanger avec lui quelques
paroles, ce fut un dimanche, au Musée du Louvre, où
il conduisait ses enfants et sa petite-fille, devant des
chefs-d'œuvre. A Ja littérature, il faisait une place à
part : il la regardait « comme la directrice des idées
générales ». Jeune homme, quand il quittait une heure
le laboratoire, c'était pour suivre, à la Sorbonne, les
cours d'Hippolyte Rigaud ou de Saint-Marc Girardin;
il ne perdit pas une seule des leçons de Sainte-Beuve,
et il savait par cœur les Méditations de Lamartine.
Vieillard, il avait gardé toute cette ferveur d'admira-
tion pour les écrivains, les orateurs et les poètes : et
sa place ne parut pas moins marquée à l’Académie
française qu'à l'Académie des Sciences et à l'Académie
de Médecine. En un mot, dans le plus magnifique équi-
libre de toutes les facultés, il avait réalisé en lui
l'homme intégral.
Que dire de son action de parle monde ? L'Acriculturé
et l'Industrie lui doivent de telles sources de richesses
que Huxley pouvait écrire : « Les découvertes de
M. Pasteur suffiraient, à elles seules, pour couvrir la
rancon de guerre de cinq milliards payés à l'Allemagne
par la France. » Et le savant anglais eût pu ajouter
que, en écartant le fléau de la septicémie et de la
fièvre puerpérale, en ouvrant à la Médecine, par ses
études sur les maladies contagieuses et l’atténuation
des virus, le champ presque illimité de la prophylaxie,
il avait sauvé et prolongé beaucoup plus d’existences
que n’en avait pu détruire la guerre.
Cette Vie de Pasteur, où M. Vallery-Radot a con-
centré tant de purs exemples, tant de hautes pensées,
tant de principes d'action et tant de motifs d'espérance
dans l'avenir de la race humaine, me semble l’un de
ces ouvrages essentiels qu'aucun homme cultivé n’a le
droit de ne point connaitre. S'y plonger, pendant les
{rois où quatre jours que demande sa lecture, c'est
faire une de ces retraites spirituelles, si réconfortantes
et si fécondes, que la complexité et l'agitation de la vie
contemporaine ont rendues à la fois plus difficiles et
plus nécessaires que jamais. Et l'on n'en sortira point
sans avoir associé à une immense gratitude pour le
héros du livre, celle que l'on doit à l'écrivain et au filial
disciple qui lui a élevé ce monument.
AUGUSTE DOoRCHAIN.
RE EE SES te es à on Éd
ACADÉMIES ET SOCIÉTÉS SAVANTES
637
ACADÉMIES ET SOCIÉTÉS SAVANTES
DE LA FRANCE ET DE L'ÉTRANGER
ACADÉMIE DES SCIENCES DE PARIS CS? sur une amine primaire. — MM. L. Maquenne et
Séance du 10 Juin 1901.
49 SCIENCES MATHÉMATIQUES. — M. G. Mittag-Leffler
recherche s'il existe un domaine de convergence de la
série de Bernoulli. Il montre que cette série possède
une étoile de convergence, mais qui diffère essentielle
ment du cercle de convergence de la série de Taylor.
— M. E, Vallier communique ses recherches sur les
intégrales eulériennes incomplètes de deuxième espèce
et sur les intégrales définies de ces fonctions elles-
mêmes. — M. E. Phragmen démontre que le domaine
de convergence de l'intégrale infinie :
1 F (ax) ea da
0
possède toujours l’une des deux propriétés qui, d'après
la définition de M. Mittag-Leffler, caractérisent une
étoile. — M. J. Boussinesq met en équation les phé-
nomènes de convection calorifique dans les fluides et
en tire quelques considérations sur le pouvoir refroi-
dissant de ces derniers. — M. Rabut signale deux cas
où, malgré la transformation inévitable du diagramme
qui se produit dans l'enregistrement d'un mouvement
oscillatoire, on peut en déduire avec une rigoureuse
exactitude certaines quantités utiles parce que celles-ci
sont des invariants de la transformation considérée.
20 SCIENCES PHYSIQUES. — M. A. Ponsot démontre que
les lois de Gay-Lussac relatives aux combinaisons chi-
miques effectuées à l’état gazeux sont seulement ap-
prochées, quelle que soit la grandeur de la pression.
Le volume d'un composé gazeux dissociable est plus
petit que le volume du mélange de ses composants
séparés par la dissociation. — M. D. Negreano a cons-
taté que, si l’on réunit directement l’un des pôles de
l'excitateur d’une machine Wimshurst à un bout d’un
fil métallique tendu, isolé et contenu dans un tube,
l'autre pôle de la machine étant au sol, le fil métal-
lique effectue des vibrations transversales. — M. Ch.
Pollak a poursuivi ses recherches sur l'emploi de
plaques d'aluminium plongées dans un électrolyte
comme redresseurs de courants; il est arrivé à pré-
parer des plaques pour 200 volts, avec un rendement
de 75 à 80 °/,. Il est bon que la température ne s'élève
pas au-dessus de 40°. — M. G. Léon indique le prin-
cipe d'un grisoumètre basé sur la différence de résis-
tance électrique de deux fils de platine chauffés vers
14000 par le même courant et placés l'un dans le
grisou, l’autre dans l'air pur. L'appareil se prête au
dosage de tous les gaz combustibles. — M. F. Gornes-
siat communique le résumé des observations météoro-
logiques qu'il à faites à Quito, depuis le moment ou il
a pris la direction de l'Observatoire. — M. H. Pélabon
a étudié expérimentalement l’action de l'hydrogène sur
le sulfure de mercure et la réaction inverse du gaz
sulfhydrique sur le mercure, conduisant à un système de
quatre corps volatils. Les résultats concordent assez
bien avec les valeurs déduites des lois de la mécanique
chimique. — M. Recoura, en faisant réagir l’hydrate
de cuivre sur les sulfates métalliques, a observé qu'il
se combine avec la même quantité de tous les sulfates
éludiés, le sulfate de nickel excepté, pour donner des
composés 3CuO(MO,S0*), correspondant au sulfate
3Cu0(CuO,S0®) qui se produit dans les mêmes condi-
tions, — M. M. Delépine a préparé les éthers imidodi-
thio-carboniques RAz—C(SR'} en faisant réagir les
iodures alcooliques sur les thiosulfocarbonates SC
(AzHR)SAzH'R, provenant eux-mêmes de l'action de
G. Bertrand ont déterminé la constitution des deux
tétrites actives qu'ils ont préparées isolément. Ce sont
les deux antipodes optiques de l’érythrite. L'une, qui
dérive du xylose, est la Zérythrite, l'autre est la d-6ry-
thrite. — M. M. Berthelot a éludié le titrage, à l’aide
de divers colorants, des acides et alcalis à fonctions
complexes; ses recherches ont porté sur : le glycocolle
ou acide amidoacétique, la leucine ou acide amido-
caproique, les trois acides amidobenzoïques, l'acide
aspartique, l'acide urique, l'acide hippurique et la tau-
rine. — M. H. Guillemard a employé l'acide silico-
tungstique comme réactif des alcaloïdes de l'urine. Il a
constaté que le brightique élimine moins d'azote alca-
loïdique par le rein’ que l’homme bien portant; le
régime lacté provoque au début une débäcle d'azote
alcaloïdique. — M. E. Fleurent présente un appareil,
nommé gliadimètre, destiné à déterminer la valeur
boulangère des farines de blé d’après la variation de
densité que fait subir à une liqueur alcoolique conve-
nable la dissolution de la gliadine des farines.
39 SCIENCES NATURELLES. — M, R. Cambier a constaté
que le bacille typhique possède la propriété de tra-
verser une bougie de porcelaine suffisamment poreuse;
on peut ainsi le séparer des eaux et des selles. —
M. Marage, en réponse à une note de M. P. Bonnier,
précise ses recherches expérimentales sur les otolithes
de la grenouille; il se borne à signaler les faits
observés sans tenter d'explications théoriques préma-
turées. — M. C. Viguier a poursuivi ses observations
sur la parthénogénèse des Oursins et confirme ses pré-
cédentes observations. Il montre que le risque d'une
fécondation intra-ovarique doit être écarté, et que celui
de fécondation par des spermatozoïdes apportés par
l'eau des expériences est insuflisant pour expliquer
tous les développements qui se produisent. — M. A.
Billet a observé, .dans le cycle évolutif de l’hémato-
zoaire du paludisme, un stade grégariniforme. Il se
rencontre dans le cours de la multiplication par voie
endogène ou asexute, entre le stade du début et le
stade final. — M. Louis Léger a étudié la morpho-
logie des éléments sexuels chez les Grégarines Stylo-
rhynchides. — M. de Lamothe a reconnu que les sys-
tèmes de terrasses de l’'Isser, de la Moselle, du Rhin à
Bâle et du Rhône à Valence sont entièrement compa-
rables et même superposables. Cette formation doit
être attribuée, dans ces quatre bassins, à une succes-
sion de mouvements eustatiques alternativement posi-
tifs et négatifs, mais dont la résultante a été négalive.
— MM. L. Duparc et F. Pearce ont étudié les gabbros à
olivine en relation avec la koswite du Kosswinsky-
Kamen (Oural). Le feldspath y est rare. La roche pré-
sente généralement des phénomènes dynamiques in-
tenses. — MM. C. Girard et F. Bordas ont analysé des
travertins provenant des bassins de quelques sources
de Vichy. Ils contiennent les mêmes éléments que les
eaux, mais en proportions différentes. Les matières
ainsi perdues par les eaux expliquent pourquoi les eaux
en bouteille ont souvent une action moins efficace
qu'à la source même. Louis BRruNEt.
SOCIÉTÉ DE BIOLOGIE
Séance du 25 Mai 1901.
M. A. Mossé a reconnu que, dans le diabète, la
diminution de la glycosurie et l'amélioration consé-
cutive à l'alimentation par les pommes de terre ne
provient pas d’une transformation insuffisante de la
638
matière hydrocarbonée de celles-ci dans le tube digestif.
Elle paraît dépendre : 1° de ce que les pommes de
terre introduisent dans l'organisme une plus grande
quantité d'eau; 2 de ce que les matières hydrocar-
bonées de ces tubercules sont beaucoup mieux uti-
lisées qu'on ne le croyait. — M. H. Coupin a constaté
que les composés du fer ont, pour les végétaux supé-
rieurs, une toxicité très différente suivant leur compo-
sition ; les composés du plomb et de l'uranium ont une
toxicité moyenne. — M. Bruandet a ligaturé l'utérus
sravide du cobaye à diverses époques de la grossesse ;
au premier tiers, le fœtus se résorbe ; au second tiers,
il se momilie; au troisième tiers, il se macère. —
M. Y. Manouélian a étudié la structure de la circon-
volution de l’hippocampe. — M. N. Vaschide a observé
l'influence des crises hystériques sur l'olfaction. Avant
les crises, il y à une légère hyperesthésie, qui disparaît
pour revenir à l'état uormal, avant même que la crise
soit complètement fixée. — M. A. Sicard rappelle qu'il
a, le premier, publié des expériences d’injections extra-
durales par la voie sacro-coccygienne. — M. H. Coupin
montre que le protoplasma à l’état de vie ralentie
résiste toujours plus à l’action nocive des agents chi-
miques que le protoplasma à l'état de vie active. —
MM. G. Carrière et Leclereq ont obtenu des résultats
très satisfaisants dans le traitement de la chorée de
Sydenharm par l’antipyrine à dose suffisante. — M. Bro-
card a obtenu l’analgésie par la méthode des injections
épidurales de Sicard dans certaines affections d'ordre
médical : sciatiques, zona, douleurs fulgurantes, lum-
bago: Il insiste sur quelques particularités anatomiques
et physiologiques de la méthode. — M. J.-V. Laborde
montre que, pour produire avantageusement l'analgésie
locale par la cocaïne, il faut injecter directement la
substance sur les éléments vasculaires des circulations
locales, de facon à déterminer l’analgésie dans un
champ opératoire plus ou moins limité, en évitant les
effets généraux consécutifs à l'absorption intra-vascu-
laire et les dangers qui s’y attachent. — M. Hallion
conteste le mécanisme de l'anesthésie cocaïnique (par
action vaso-constrictive) adopté par M. Laborde. —
M. Ad. Javal à constaté que, pendant la dénutrition,
l'absorption de NaCl joue vis-à-vis des albuminoïdes
un rôle de préservation et empêche l'excès de leur
désassimilation. — M. Jacobson est parvenu à réaliser
une septicémie expérimentale chez le lapin et la souris
par l'inoculation du coccobacille de Pfeiffer. — M. G.
Milian a constaté que le sang de la fin d'une hémorragie
a une coagulabilité plus grande et plus parfaite que le
sang du début de l’hémorragie ; il s'agit d’une action
locale, due à l'accumulation de substance coagulante.
— MM. Th. Tuffier et G. Milian montrent que l’obten-
tion d'un liquide rouge vif dans une ponction lombaire
permet d'affirmer l'existence d'une abondante hémor-
ragie méningée. — MM. A. Pitres et J. Abadie
signalent des faits qui prouvent que les effets de
l’analgésie cocaïnique sont principalement dus à l'im-
prégnation des racines postérieures, irrégulièrement et
inégalement atteintes par l'injection poussée à des
niveaux et profondeurs variables.
SOCIÉTÉ FRANÇAISE DE PHYSIQUE
Séance du 21 Juin 1904.
M. E. Carvallo développe une théorie de la dispersion
des couleurs, exposée vers 1860 par de Sénarmont, et
reprise par M. Ricour au Congrès de 1900. L'hypothèse
est la périodicité de l'éther identique à celle du réseau
moléculaire ; la méthode est celle des différences finies;
le résultat est une formule à deux constantes seule-
ment, très semblable à celle de Baden-Powell, savoir :
}, longueur d'onde dans le vide,
n, indice de réfraction,
; eu
A) x sinh=—=Xx ji, :
À l b,k,con-tantes É période moléculaire).
ACADÉMIES ET SOCIÉTÉS SAVANTES
M. Ricour a obtenu une vérification assez satisfaisante
de cette formule avec les déterminations de M. Mascart
sur le quartz, de la raie A (À — 76044) à la raie P
(À 336%), En adoptant pour la période moléculaire
- — 25%0,233, il trouve pour À sin = un nombre assez
constant dont le logarithme varie seulement de 2,0845
à 2,0847. M. Carvallo étend la comparaison de la
formule à ses déterminations sur l’'infrarouge et à
celles de M. Sarazin sur l'ultraviolet (À = 217184 à
202"), Il trouve une variation tout à fait inadmissible
de la prétendue constante, savoir 2,0802 à 2,0850.
M. Carvallo montre ensuite que l'écart n'est certaine-
ment pas dû à un choix défectueux des constantes par
l’artifice suivant : il construit la courbe qui a pour
ù l
coordonnées log ;
devrait être superposable à la courbe type dont les
et log n. D'après la formule (1), elle
. X
coordonnées sont log sin x et log ER et cela par deux
translations suivant les deux axes. Ces translations,
égales à log Æ et log =
constantes 2 et Æ. Tandis que la courbe type est con-
cave vers le haut dans toute son étendue, la courbe du
quartz est concave vers le bas pour les grandes lon-
gueurs d'onde. La superposition est donc impossible et
la théorie doit être rejetée. Les deux courbes sont pro-
jetées devant la Société, à l’aide de deux clichés, dont
l’un est fixe et l’autre mobile pour montrer la tentative
infructueuse de superposition. — M. J. de Rey-
Païlhade présente quelques considérafions sur la
décimalisation du quart de cercle. On emploie actuelle-
ment deux systèmes de notation des grandeurs angu-
laires : 1° Celui des degrés, minutes et secondes d’are,
datant des Chaldéens, en usage dans la marine, avec le
nœud où mille qui correspond à la minute d'arc de
méridien terrestre; 2° Celui de la division du quart de
cercle en 100 grades, suivi depuis plus d'un demi-
siècle par le Service géographique de l'Armée française.
Le centigrade-are correspond au kilomètre au niveau
moyen des mers. Le second système étant plus avanta-
geux que celui des degrés, M. de Rey-Pailhade propose
d'inscrire dans les deux systèmes les valeurs angulaires,
par exemple :
feraient connaître les deux
1901795 (916,346)
Par ce procédé très simple, le Bulletin de la Société
française de Physique fera connaître et apprécier les
avantages du système décimal et préparera insensi-
blement les esprits à la réforme proposée parles auteurs
du système métrique. M. H. Pellat dit qu'on emploie
déjà les dixièmes et centièmes de degré pour simplifier
les calculs ; il est encore plus rationnel d'employer les
grades. Mais s’il est tout à fait partisan de la décima-
lisation des angles, il tient à faire toutes ses réserves
au sujet de la décimalisation du temps. M. Deslan-
dres dit que ces deux questions sont connexes en Astro-
nomie, de sorte qu'il faudrait faire les deux réformes
en même temps. M. Pellat répond à cela que si l’on
touche à la seconde, on doit modifier les unités du
système C. G. S. quelques années seulement après
qu'une loi a sanctionné en France l'usage des unités
pratiques dérivées de ce système. M. de Rey-Pail-
hade tient, pour faciliter le succès des deux réformes,
à ne faire d'abord que celle des unités angulaires. IL
n'est pas de l'avis de M. Deslandres en ce qui concerne
la connexion des deux réformes : ce n'est pas le
temps, ce sont les angles qui jouent le rôle le plus
important en marine ; c'est ce qu'a montré le comman-
dant Guyou en faisant construire des « tropomètres »,
appareils qui déterminent la position du Soleil sans
faire intervenir le temps. M. Deslandres rappelle
qu'il a proposé, il y a quelques années, de conserver
l'heure, unité à laquelle trop de personnes sont accou-
tumées, et de la diviser décimalement; la circonférence
t
ACADÉMIES ET SOCIÉTÉS SAVANTES
639
serait divisée en 240 parties, de sorte que, par exemple,
on aurait l'heure d’un lieu sur la carte à la seule ins-
pection du lieu. La modification du système C. G. S. ne
serait contre cette réforme que l'argument des seuls
physiciens et ingénieurs, c'est-à-dire d'une minorité.
M. Lauriol fait remarquer que l'emploi pratique simul-
tané de l'heure et de la seconde introduit à chaque
iustant les facteurs 60 et 3.600, dont il serait commode
de se débarrasser. Ce serait encore un avantage de la
réforme proposée par M. Deslandres. M. de Rey-
Pailhade ajoute que la centième partie du jour serait
voisine de notre quart d'heure, de même que le
centième de grade du méridien terrestre vaut un
- kilomètre. M. Deslandres dit que le Congrès récent des
d
(
}
}
à
Académies s’est déjà occupé de la question et que l'on
doit s'attendre à ce qu'un Congrès international la
résolve. — M. G. Sagnac présente des expériences
avec le biprisme et les glaces argentées de Jamin. 1.
Nouvelles franges d'interférence dues ‘à la lumière
rélléchie par un biprisme de Fresnel. Une fente éclai-
- rante envoie la lumière sur la face en biseau d'un
biprisme de Fresnel dont les arêtes sont parallèles à la
fente. Au lieu d’un seul système de franges que don-
nerait le biprisme par transmission, on en voit, dans la
lumière réfléchie, deux et même trois (quand les deux
- premiers sont assez voisins pourinterférer). Ces trois sys-
tèmes de frauges sont projetés devant la Société à l’aide
d'un biprisme dont la face plane a été argentée pour
augmenter l'intensité des faisceaux interférents, qui
sont tous les trois réfléchis par cette face, savoir : le
- faisceau entré par la face verre d’une moitié P'du
biprisme et ressorti par la même face, le faisceau
réfléchi de même par l’autre moitié P* du biprisme;
entin le faisceau entré par la face verre de P! et ressorti
» par la face verre de P* après s'être réfléchi sur la face
plane argentée, IL. Réglage, en lumière blanche, du
_rélractomètre interférentiel à glaces épaisses argen-
tées de Jamin. Le réglage géométrique, par superposi-
tion des deux images de la source lumineuse, nécessite
des tàätonnements fort longs. On trouve, au contraire,
très vite les franges en lumière blanche en observant
d'abord les franges en lumière jaune du sodium et fai-
sant monter ou descendre les franges dans le champ de
1 visée pour reconnaitre leurs maxima et minima de visi-
- bilité dus à la constitution de la raie D. Si la source
de lumière jaune est la flamme très chaude et très
chargée en sel marin d'un brûleur, il ÿ a un maximum
de netteté des franges beaucoup plus net que le précé-
dent et que le suivant. On dépasse nettement le maxi-
mum par le mouvement de la vis V convenable qu'on
- ramène ensuite un peu en arrière pour regagner le
“ temps perdu de cette vis. On remplace la lumière du
sodium par la lumière blanche. 11 suffit alors de tour-
ner la vis V dans le même sens que la dernière fois
pour voir apparaître presque aussitôt les franges colo-
- rées. IL. Zxpérience pour montrer, sans aucun réglage,
- des franges de méme espèce que celles des qlaces
épaisses argentées de Jamin. Ces franges se voient
en appliquant deux glaces de Jamin G et G' (fig. 1) l’une
contre l’autre par leurs faces verre, de manière qu’elles
se débordent mutuelleinent en AB et A'B! sur une
fraction de. leur longueur (un tiers par exemple). Il
suffit de regarder par réflexion dans la face A'B' la
lumière entrant par AB, qui vient d’un fond blanc
uniforme. Ces franges sont projetées devant la Société.
Dans celte expérience, comme celle de Jamin, on voit
plusieurs images. La plus avantageuse est celle qui est
fournie par les rayons réfléchis une fois sur l’argenture
d'une glace et deux fois sur l’argenture de l’autre. On
doit inciiner convenablement les glaces sur la lumière
incidente. En les pressant plus ou moins l’une contre
l'autre, on fait varier les positions des franges. On peut
enlever l’une des deux glaces, puis l'appliquer de nou-
veau contre l’autre ; les franges reparaissent as{anta-
nément. A propos de la communication Il de
M. G. Sagnac, M. C. Raveau signale l'importance pré-
_ pondérante exercée par les défauts des glaces de
Jamin quand ces glaces s'approchent d'être parallèles ;
de là des déplacements de la région de localisation des
franges et une complication dans l'étude de leur visi-
bilité. Il montre pourquoi le réglage géométrique des
glaces par superposition des deux images de la source
lumineuse n'est pas vraiment rigoureux : on choisit, en
effet, l'incidence pour laquelle 1l y a maximum d'écart
des deux rayons interférents; les deux images d’un
point peuvent alors rester superposées très longtemps
lorsqu'on fait tourner un des deux miroirs autour d’un
axe vertical, mais il est impossible de saisir la coïnci-
dence exacte. M. Raveau montre, en outre, que le sys-
tème de franges obtenues dans l'expérience IIL de
M. G. Sagnac peut être observé avec le réfractomètre
de Jamin (glaces non au contact), en interceplant entre
les miroirs certains des rayons qui forment l’image
très brillante immédiatement voisine de la première ;
par le même procédé, on peut avoir encore dans la
même image successivement deux autres systèmes de
franges dont l’un est produit par des rayons qui se sont
deux fois réfléchis sur l'argenture de chaque glace et
dont l’écartement est double de celui des rayons ordi-
nairement considérés. M. R. Salvador Bloch, à pro-
pos de la communication II de M. Sagnac, indique
Fig. 1. — Production, sans réglage, de franges colorées 2e
les glaces de damin. — G et G', glaces de Jamin argentées
sur les faces CD et C!D', et accolées par leurs faces verre
en BA'; Sa..R, et Sa...R,, deux rayons interférents.
qu'on peut encore. régler commodément les franges de
Jamin en lumière blanche par l'emploi d'un spectros-
éope; il suffit d'enlever l’oculaire de la lunette du
réfractomètre Jamin et de placer la fente du spectros-
cope derrière l'objectif de cette lunette dans la place
où doivent se former les franges. On fait varier l’ordre
de l'interférence jusqu'à ce que les cannelures de
Fizeau et Foucault qui traversent le spectre se rédui-
sent à une ou deux; les franges colorées sont à ce
moment sur la fente du spectroscope; on remplace
alors celui-ci par l’oculaire de la lunette si l’on veut
observer les franges colorées.
SOCIÉTÉ DE CHIMIE DE LONDRES
Séance du 16 Mai 1901.
M. H.-J.-H. Fenton et M'e A. Gostling décrivent
la préparation et les propriétés du bromométhylfur-
fural :
CH : C.CH°Br
Do P.F. —60
/
|
ln : C.COH
et de quelques-uns de ses dérivés, — MM. W.-J. Pope
et A.-W. Harvey, en traitant l’iodure de benzylphényl-
allylméthylammonium extérieurement compensé de
Wedekind par le d-camphorsulfonate d'argent, ont ob-
tenu le d-camphorsulfonate de d-benzylphénylallyImé-
thylammonium, dont le pouvoir rotatoire moléculaire
est égal à +218°1, ce qui donne pour la base d-benzyl-
phénylallyIméthylammonium [M], — +-166°k. Le résidu
de la préparation, traité par KI, fournit du iodure de
LbenzylphénylallyIméthylammonium, au moyen duquel
on prépare le /-camphorsulfonate, qui possède une
rotalion moléculaire égale à — 21006, ce qui donne
640 ACADÉMIES ET SOCIÉTÉS SAVANTES
pour la base gauche [M}, —— 159. Les iodures des | ture azotée et inorganique au delà d'une certaine
bases droite et gauche sont solubles dans le chloro-
forme, mais leur pouvoir rolatoire s'évanouit par inver-
sion au bout d'un certain temps, ou si l’on élève la
température. Les auteurs ont également préparé le
nitrate et l'iodomercurate de la base droite, qui pré-
sentent tous deux le pouvoir rotatoire. Ces composés
se distinguent de ceux qui renferment un carbone
asymétrique en ce que ce sont des électrolytes, qui
doivent probablement être décomposés en solution
aqueuse en donnant un ion optiquement actif dont la
valence libre est attachée à l’atome asymétrique, sans
qu'il se produise cependant d'inversion. M. Arms-
trong fait remarquer que l'obtention de dérivés de
l'azote optiquement actifs permet de trancher définiti-
vement la question de la valence de l'azote dans les
composés de l’ammonium. Ces composés ne sont pas des
composés moléculaires, comme le croyait Kékulé, mais
l'azote s'y trouve à l’état pentavalent. Par contre, il n'y
a pas de doute que cette valence supérieure prise par
l'azote dans les composés de l’ammonium (comme celle
du soufre dans les composés du sulfonium), n'ait des
caractères différents de la valence inférieure ou ordi-
naire de ces éléments. M. Forster pense que la dif-
férence numérique entre les constantes de rotation de
dAdB et /AIB disparaitrait si /A/B était séparé d'abord
par l'addition de /-camphorsulfonate, ou peut-être
mieux de /-bromocamphorsulfonate. M. W.-J. Pope
répond que le nouveau principe qu'il a cherché à mettre
en lumière, c'est-à-dire que pendant le changement de
valence d’un atome les directions des valences peuvent
aussi changer, est applicable quand un atome de
soufre bi ou tétravalent devient tétra ou hexavalent, ou
quand un atome d'azote pentavalent devient heptava-
lent; mais il n’est pas nécessairement applicable au
cas où un atome d'azote trivalent devient pentavalent,
car les deux nouveaux groupes peuvent se relier à
l'azote dans une direction perpendiculaire au plan con-
tenant les trois premiers groupes. — MM. R.-H. Pic-
kard et W. Carter ont constaté que les hydroxyoxa-
mides RAzH.CO.COAZHOH et leurs dérivés aromatiques
réagissent comme les acides hydroxamiques en don-
nant quantitativement des biurets substitués, des car-
bonyl-dicarbamides et des allophanates. — MM. F.-D.
Chattaway et K.-J.-P. Orton attirent l'attention sur
la grande ressemblance qui existe entre les deux chlo-
rodibromoanilines symétriques (4 :2 :6 et2:#4:6), de
même qu'entre leurs dérivés acélylés. Par contre, les
acétylchloroamino dérivés possèdent des points de
fusion assez différents, et permettent de distinguer l’un
des isomères de l’autre. Les auteurs ont préparé un
grand nombre de dérivés de ces corps. — Les mêmes
auteurs ont constaté que la tribromoaniline (1 : 2 : 4 : 6)
réagit en solution chloroformique sur l’acétylchloroa-
mino-2 : 4: dichloroacétanilide pour donner, avec dé-
gagement de brome, un dérivé azoïque et la 4-chloro-
2 : 6-dibromoaniline. Avec les chlorobromoanilines
symétriques, le dégagement de brome est plus fort
quand il y a un atome de Br en para par rapport à
AzH°; on obtient ainsi la 2 : 4-dichloro-6-bromoaniline
de la 2-chloro-4: dibromoaniline. — MM. W. N. Hart-
ley, J. J. Dobbie et A. Lauder ont constaté que
l'acide cyanurique et ses dérivés, non plus que l'acide
isocyanurique et ses dérivés, ne présentent de spectre
d'absorption. Ils en déduisent que la formule de cons-
titution généralement adoptée pour l'acide cyanurique
(chaine d'atomes de carbone et d'azote, alternativement
doublement et simplement liés) n’est peut-être pas
exacte, car la pyridine et la diméthylpyrazine, qui pos-
sèdent une constitution analogue, montrent de fortes
bandes d'absorption. — M. A. L. Stern, poursuivant
ses recherches sur la nutrition de la levure, arrive aux
résultats suivants : 1° Toute augmentation de nourri-
limite n'accroît pas la quantité d'azote assimilée par la
levure ou le poids de celle-ci; 2 Toute augmentation du
sucre est accompagnée d’un accroissement du poids de
l'azote assimilé et du poids de la levure, et cela jus-
qu'aux plus grandes concentrations qui puissent être
complètement fermentées; 3° Entre 12° et 25°, le poids
d'azote assimilé et celui de la levure ne varient presque
pas. A température plus haute, ils diminuent; 4 L'ac-
croissement de la levure est, pendant une partie de la
fermentalion, proportionnel à la quantité de sucre fer-
menté; il se poursuit aussi longtemps qu'il reste du
sucre non fermenté. L'auteur conelut qu'il y a une dif-
férence essentielle entre les fonctions des aliments
azotés et inorganiques d'une part, et celles du sucre
d'autre part : les premiers fournissent seulement des
matériaux, tandis que le second fournit des matériaux
et de l'énergie. — M. H. G. Madan a conslaté que la
pipérine cristallisée, chauffée à 135°, se solidifie par
refroidissement en une substance résineuse transpa-
rente, quiest une modification allotropique colloïdale.
Mais celle-ci n’est pas permanente, car elle retourne
spontanément au bout de quelques mois à la forme
cristalloïde. Mais, si la pipérine a été chauffée pendant
une heure à 180, le produit colloïde résultant est plus
stable, car il n'a pas varié au bout de deux ans et demi.
La pipérine colloide a une réfraction élevée (un —1,68#)
et une dispersion remarquable (bry — pry = 0,142). —
MM. R. H. Pickard et A. Neville ont préparé les car-
bamides et les carbamates du furane à partir de l'acide
pyromucylhydroxamique par la méthode de Thiele et
Pickard. Ce sont des huiles incristallisables. L'acide
pyromucylbydroxamique, C*H°O. COAZHOH, obtenu en
hydrolysant le pyromucate d’éthyle avec l’hydroxy-
lamine, fond à 124, — M. R. D. Abell a condensé
l’éthylphénylcétone avec la benzaldéhyde en présence
d'éthylate de sodium et a obtenu : 1° le 1 : 3-diphényl-2-
méthyltriméthylèneglycol (F. 98-99); 20 la benzalpro-
piophénone; 3° le 1 : 3-diméthyl-1 : 3-dibenzoyl-2 phé-
uylpropane (F. 162°-1630). Le glycol, oxydé par l'acide
chromique et traité par l'hydrate d'hydrazine, donne le
3:5-diphényl-4-méthylpyrazol (F. 2220-2230). La ben-
zalpropiophéuone, traitée par l'éthylphénylcétone, four-
nit un mélange du composé 3° et d'un isomère (F. 1210-
1220). Ce dernier, chauffé avec l'ammoniaque alcoo-
lique, donne un composé qui est la triphényldiméthyl-
pyridine ou dihydropyridine. — M. R. C. Farmer
propose une nouvelle méthode pour la détermination
de la dissociation hydrolyiique, basée sur la distribu-
tion de l'acide ou de la base libre entre deux solvants.
Une solution aqueuse du sel est agitée avec une quan-
tité connue de benzène ou d'un autre dissolvant qui
extrait seulement l’un des composants. De la quantité
extraite, on peut calculer le degré d'hydrolyse du sel,
en ayant eu soin de déterminer auparavant le coeffi-
cient de partage de la substance entre les deux sol-
vants. Les résultats obtenus dans plusieurs cas concor-
dent bien avec la loi de dilution d'Arrhénius. —
MM. S. A. Tucker et H. R. Moody décrivent la prépa-
ration et les propriétés de quatre nouveaux borures
Zr°Bo‘, Cr Bo, TuBo* et Mo‘Bo*. Ces composés sont
obtenus en soumettant un mélange inlime des consti-
tuants à l’action de la température produite par un
courant de 200 à 275 ampères et 60 à 75 volts. —
M. R. E. Doran a poursuivi ses recherches sur l’action
du thiocyanate de plomb sur les chlorocarbonates et a
préparé une série de carboxyméthyl- et de carboxya-
mylthiocarbimides avec de nombreux dérivés.
Le Directeur-Gérant : Louis OLIVIER.
Paris. — L. MARETHEUX, imprimeur, 1, rue Cassette,
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N° 14
30 JUILLET 1901
Revue générale
De SP ]encC
pures el appliquées
DIRECTEUR :
LOUIS OLIVIER, Docteur ès sciences.
Adresser tout ce qui concerne la rédaction à M. L. OLIVIER, 22, rue du Général-Foy, Paris. — La reproduction et la traduction des œuvres et des travaux
publiés dans la Revue sont complètement interdites en France et dans tous les pays étrangers, y compris la Suède, la Norvège et la Hollande.
CHRONIQUE ET CORRESPONDANCE
$ 1. — Distinctions scientifiques
Élection d'un savant français à l'Acadé-
mie Royale des Lincei. — Une des plus célèbres
Académies étrangères, l'Académie Royale des Lincei
de Rome, vient de décerner à M. Emile Picard, mem-
bre de l’Académie des Sciences de Paris, un éclatant
hommage. Désireuse de témoigner de la très haute
estime en laquelle elle tient l'œuvre mathématique de
notre éminent collaborateur, elle a voulu le compter
au nombre de ses Associés étrangers. Nous rappellerons
que deux autres Académies italiennes, celles de Turin
et de Bologne, ont déjà conféré à M. E. Picard la
même distinction.
$ 2. — Météorologie
La Météorologie au sommet de la Tour de
300 mètres. — La Tour de 300 mètres est un obser-
vatoire météorologique incomparable, dont le caractère
ne tient pas à son altitude absolue, laquelle est seule-
ment de 334 mètres; ce caractère dépend essentielle-
ment de la hauteur, au-dessus du sol, de la couche
d'air considérée, qui permet d'écarter les perturba-
tions dues au voisinage immédiat de la surface.
Déjà, à cette faible hauteur de 300 mètres, les phéno-
mènes de vent et de température sont absolument
différents de ceux qui se passent au niveau du sol,
dont la température propre et le relief communiquent
aux couches voisines des variations tout à fait spéciales.
A cette hauteur, l'amplitude des variations de tem-
pérature ou d'état hygrométrique est bien moindre
que près du sol; les vents sont plus réguliers et plus
forts, et, en somme, ce n’est que dans les stations de
montagnes élevées que l’on retrouve des résultats ani-
logues à ceux que fournit la Tour de 300 mètres.
. Aussi, dès l’origine de la construction, en 1889, il a
été installé, par les soins et sous la direction de
M: E. Mascart, membre de l'Institut et directeur du
Bureau Central Météorologique de France, un service
de Météorologie extrêmement important.
Les instruments de mesure sont disposés sur la
petite plate-forme de 1,60 de diamètre qui termine
la Tour, à 300 mètres du sol; à l’aide d’un câble, ils
REVUE GÉNÉRALE DES SCIENCES, 1901.
transmettent électriquement leurs indications à des
appareils enregistreurs situés au rez-de-chaussée du
Bureau Central Météorologique, qui est voisin.
Toutes les observations sont relevées heure par
heure : pour le vent, en vitesse et en direction, pour la
température, pour la pression atmosphérique, pour
l'état hygrométrique, etc.; elles sont inscrites sur les
resistres du Bureau central, et leur résumé figure
dans le Bulletin publié journellement.
Ces observations sont centralisées par M. Alfred
Angot, météorologiste titulaire du Bureau central, qui
en a analysé les résultats comparativement aux obser-
vations faites dans le local du Bureau central; ils font
l'objet de Mémoires insérés dans les Annales du Bureau.
Tous ceux que ces questions intéressent devront les
consulter ; ils renferment tous les documents détaillés
et leur discussion scientifique. Un premier Mémoire
concerne les résultats de 1889; cinq autres, ceux des
années 1890, 1891, 1892, 1893 et 1894. Enfin, un Mé-
moire général récapitule les observations de ces cinq
années, sauf celles relatives au vent, qui font l’objet.
d'un Mémoire spécial, allant jusqu’en 1895. Un deuxième
Mémoire récapitulatif, allant jusqu'en 1899, a été publié
duns le courant de 1900. Cet ensemble constitue le
résultat d'un effort et d'une énorme quantité de (ra-
vail; il fait grand honneur à son auteur, mais on y
retrouve cependant le défaut inhérent aux vieilles
méthodes : l'amour exagéré des moyennes, avec les-
quelles on perd trop souvent les chutes et inégalités
les plus importantes, relatives aux instabilités les plus
intéressantes de l'atmosphère.
La nomenclature des instruments et le résumé des
observations et des résultats sont empruntés à ces
divers Mémoires.
Les observations de pression atmosphérique ont été
faites régulièrement au Bureau météorologique, à l’al-
tiltude de 33,40, dans une pièce du rez-de-chaussée,
et sur la Tour Eiffel, à l'altitude de 312,90, dans une
des pièces qui sont au-dessus de la troisième plate-
forme. La différence d'altitude des deux instruments
est de 279%,5, et leur distance horizontale d'environ
480 mètres. On a employé dans les deux stations
des baromètres enregistreurs Richard à mercure,
multipliant par 2 les varialions de Ja pression; la
14
642
CHRONIQUE ET CORRESPONDANCE
marche de ces enregistreurs est contrôlée par les
sbservations directes, faites trois fois par jour au
Bureau central, et quatre ou cinq fois par semaine,
quelquefois même plus en été, à la Tour Eiffel, avec
deux baromètres à mercure à large cuvette, comparés
directement l'un à l’autre. Toutes les observations sont
réduites à zéro et corrigées de l'erreur instrumentale ;
les hauteurs réduites au niveau de la mer sont, de
plus, ramenées à la gravité normale, c’est-à-dire expri-
mées en colonnes de mercure dont la densité est éva-
luée au niveau de la mer et à la latitude de 450.
Une série d'observations de la température a été
faite au Bureau central, dans la cour, à l'altitude de
312,6 et 42,60 du sol, dans ur abri en fer à double toit,
analogue à celui qui est en usage dans toutes les sta-
tions françaises. À la Tour Eiffel, les thermomètres
sont placés à l'altitude de 335",3 au-dessus de la mer,
et à 301,8 du sol, sous un abri à double toit, accroché,
du côté nord, en dehors de la balustrade de la plate-
forme du paratonnerre. L'abri, comme celui de la ter-
rasse du Bureau central, est entièrement ouvert au
nord et par dessous. Il est fermé à l’est, au sud et à
l’ouest, par deux séries de persiennes inclinées en sens
inverse et distantes intérieurement de 5 centimètres
environ. Le vent étant beaucoup plus fort à cette hau-
teur que près du sol, les petites causes d'erreur intro-
duites par l'abri deviennent négligeables, et les obser-
vations de température peuvent être considérées
comme faites dans d'excellentes conditions. Sous cet
abri sont placés un psychromètre, un thermomètre à
maxima, un thermomètre à minima, un thermomètre
etun hygromètre enregistreurs Richard; on y a ajouté un
thermomètre transmetteur électrique, de l'invention
de MM. Richard frères, qui donne au Bureau central
météorologique la marche continue de la température
au sommet de la Tour Eiffel. En plus de ces instru-
ments, on à installé à la Tour deux autres séries de
thermomètres à lecture directe et enregistreurs, l’une
à la plate-forme intermédiaire (230,2 au-dessus de la
mer, 196%,7 au-dessus du sol); l’autre à la deuxième
plate-forme (156%,6 au-dessus de la mer, et 123,1 au-
dessus du sol).
L'humidité est enregistrée au sommet de la Tour
Eiffel, depuis le 10 juillet 1889, au moyen d’un hygro-
mètre à cheveu de MM. Richard frères, installé à côté
des thermomètres, à 301,8 au-dessus du niveau du
sol. Cet instrument est contrôlé par les observations
directes effectuées au psychromètre aussi souvent que
cela est possible.
Pour tout ce qui a trait à l'étude de la pluie et de
l’évaporation, les chiffres des observations recueillies à
la Tour de 300 mètres n'ont aucune signification réelle.
Le vent est tellement fort au sommet que, dans la plu-
part des cas, les gouttes de pluie sont animées d'un
mouvement horizontal et ne tombent pas dans le plu-
viomètre ; il est arrivé fréquemment que, pendant des
averses importantes, non seulement le pluviomètre
n'indiquait rien, mais que le sol de la plate-forme du
sommet n’était pas mouillé,et recevait à peine quelques
gouttes, tandis que les objets verticaux ruisselaient
’eau. Pour obtenir, dans ces conditions, des nombres
qui aient quelque signification, il faudrait changer com-
plètement le mode ordinaire d'observation de la pluie,
et la recueillir dans un pluviomètre dont l’entonnoir,
au lieu d’être horizontal, pourrait s’incliner et se placer
normalement au vent.
Les anémomètres employés au Bureau central météo-
rologique et à la Tour Eiffel sont identiques; ce sont des
anémomètres imaginés par MM. Richard frères; ils se
composent d'un moulinet formé de six ailettes en alu-
minium, inclinées à 45°, et rivées sur des bras très
légers en acier : leurs dimensions sont calculées pour
que le moulinet fasse exactement un tour pour 1 mètre
de vent; leur marche est, du reste, vérifiée sur un ma-
nège et, s’il y a lieu, on établit pour chaque appareil
une table de correction. Comme le moulinet tourne
dans un plan vertical et doit toujours se présenter nor-
“sol.
malement au vent, il est monté à l'extrémité d’une pièce
horizontale formant girouette et tournant autour d'un
axe vertical, qui est placé très près du plan de rotation
des ailettes afin de diminuer autant que possible la
distance que le moulinet doit parcourir pour s'orien-
ter. L'orientation est assurée par une queue rivée à
l’autre extrémité de la girouette et formée de deux
plaques de tôle à angle aigu. Le moulinet complet ne
pèse que 150 grammes; il offre à l'air une surface
de 6 décimètres carrés environ. Cet instrument est
d'une sensibilité remarquable et peut mesurer des
vitesses qui ne dépassent pas 0,1 à Ow,2 par seconde;
il se met instantanément à tourner dès que le vent
commence à souffler, et s'arrête aussitôt que le vent
cesse, tandis que le moulinet de Robinson, à cause de
sa grande masse et de sa faible surface utile, prend
un certain temps pour acquérir sa vitesse et, une fois
lancé, continue à tourner longtemps après que le vent
a cessé.
Les moulinets de ce genre, installés au Bureau central
et à la Tour Eiffel, transmettent leurs indications sur
des cinémographes Richard frères, qui indiquent à
la fois la vitesse du vent à chaque instant en mètres
par seconde, et le temps pendant lequel le vent a par-
couru une distance de 8 kilomètres. L’anémomètre de
la Tour Eiffel est installé à 305 mètres au-dessus du
Au Bureau central, l'anémomètre Richard est
installé à l’angle nord-ouest de la tourelle, à 20,9 du
sol. L'appareil récepteur est dans la pièce qui est
immédiatement au-dessous de la terrasse. À l’anémo-
cinémographe de MM. Richard frères, employé au som-
met de la Tour Eiffel depuis l’origine des observations,
on a ajouté, en octobre 1890, un autre cinémographe
à indications instantanées.
La direction du vent est enregistrée d'une manière
continue, au Bureau central, au moyen d’une girouette
ordinaire, à deux ailes, très mobile, placée à l'angle
nord-est de la tourelle; l'axe de cette girouelte com-
mande directement un cylindre vertical sur lequel est
enroulée une feuille de papier; une plume, mue par
un mouvement d'horlogerie, descend en vingt-quatre
heures suivant une génératrice du cylindre et marque
ainsi à chaque instant la direction du vent.
La circonférence, qui correspond à une rotation com-
plète du vent, a sur le papier 457 millimètresde longueur
et la plume descend exactement d’un centimètre par
heure. A la Tour Eiffel, la girouette se compose de deux
roues montées sur un même axe horizontal et dont
l'ensemble peut se mouvoir autour d’un axe vertical ;
quand les roues ne sont pas orientées exactement dans
la direction du vent, elles se mettent à tourner, ce qui
change en même temps leur orientation. Cette dispo-
sition a l'avantage, tout en conservant une grande sen-
sibilité à l'appareil, de diminuer les oscillations brusques
que présentent fréquemment les girouettes. Au moyen
d'un système de transmission électrique spécial, à trois
fils seulement, tous les mouvements de la girouette
se reproduisent à distance sur un cylindre vertical
identique. à celui de la girouette enregistrante du
Bureau météorologique. Les contacts sont établis
Re {
de facon que la transmission s'effectue par TS de
circonférence, c’est-à-dire qu'il suffit que la direc-
5 il = ;
tion du vent change de DE de circonférence, ou de
23045", pour que le cylindre récepteur, placé à une
grande distance, tourne dans le sens convenable de
la même quantité; cet intervalle est tellement petit
que la courbe reproduit exactement l'apparence. des
courbes obtenues par transmission mécanique directe.
Le dépouillement des courbes, obtenues tant au Bureau
central qu'à la Tour Eiffel, a été fait de la même manière,
en relevant à chaque heure la direction du vent; cette
direction est notée en chiffres de 0 à 32, 0 correspon-
dantà N.,2 à N.-N.-E., 8 à E., 16 à S., 24 à O., et ainsi
de suite. La direction du vent est donc appréciée à
trs. men es
és fre 0
CHRONIQUE ET CORRESPONDANCE
moins de = de circonférence, c’est-à-dire environ à 5°
près, ce qui a paru suffisant. On a supprimé la direc-
tion du vent et noté calme toutes les fois que la vitesse
du vent, au moment de l'observation, était inférieure à
0,5 au Bureau météorologique, et à 1 mètre à la Tour
Eiffel, car, en dessous de ces limites, on n'est plus sûr
que les girouettes obéissent au vent et s'orientent exac-
tement.
— En dehors de la girouette et des anémomètres, on a
installé au sommet de la Tour Eiffel, en juillet 4889, un
moulinet destiné à l'étude de la composante verticale
— du vent. Cet instrument se compose de quatre ailettes
planes, inclinées à 45° et mobiles autour d'un axe
“vertical. Par sa construction même, ce moulinet reste
“immobile dans un courant d'air horizontal, tourne dans
un sens quand le vent a une composante verticale ascen-
“dante, et dans l’autre sens quand le vent a une com-
…posante verticale descendante. Toutefois, l'observation
de cet instrument présente de grandes difficultés : il
peut tourner, même dans un courant parfaitement
ment la même aux deux extrémités du diamètre du
—… moulinet; et il suffit pour cela du plus petit obstacle.
rl Résumé des observations. — Ce qui frappe tout
d'abord dans l'observation du vent au sommet de la
Hour Eiffel, c'est la force tout à fait imprévue qu'il pos-
sède déjà à 300 mètres de hauteur; sa vitesse moyenne
est de 7%,05 par seconde, soit plus de 25 kilomètres à
l'heure. Pendant la même période, un instrument iden-
tique à celui de la Tour Eiffel, placé sur la tourelle du
— Bureau Central Météorologique, à 21 mètresau-dessus du
sol et à une distance horizontale d'environ 500 mètres
de la Tour, indiquait seulement une vitesse moyenne
de 22,24, c'est-à-dire un peu moins du tiers de ce qu'on
…_observait au sommet de la Tour. On savait bien que la
vitesse du vent augmente avec la hauteur puisque, près
du sol, les mouvements de l’air sont gênés et retardés par
“le frottement contre toutes les aspérités, collines, mai-
sons, arbres, etc., mais on n’admettait pas jusqu'iciune
«loi de variation aussi rapide. Ce fait a une très grande
importance pour les études relatives à la navigation
“aérienne; il importe, en effét, de savoir pendant com-
“bien de temps,en moyenne, la vitesse du vent reste en
“dessous de telle ou telle valeur contre laquelle peut
“lutter avantageusement la machine du ballon diri-
… geable. Or, pendant la période qui va de 1889 à 1900, la
De du vent à 300 mètres a été pendant 59 pour 100
du temps supérieure à 8 mètres par seconde, et pen-
21 pour 100 supérieure à 10 mètres.
… Les observations anénométriques de la Tour Eiffel ont
“mis en évidence un autre fait encore plus imprévu
“que la grandeur de la vitesse du vent : c’est la manière
dont cette vitesse varie régulièrement dans le cours
. de la journée.
— Au Bureau météorologique, comme du reste dans
_ toutes les stations basses, la vitesse est le plus faible
vers le lever du Soleil (1,6 à 5 heures du matin) et le
plus forte au milieu du jour {4,1 à 4 heure du soir).
“Ala Tour Eiffel, au contraire, la plus petite vitesse
(52,4) s'observe entre 9 et 10 heures du matin, et la plus
“grande se produit au milieu de la nuit(8",8 à 11 heures
du soir), C'est presque exactement ce qui se passe au
“sommet des montagnes, comme au Puy de Dôme et au
Pic du Midi, où la vitesse du vent est maximum pen-
dant la nuit et mininum au milieu du jour, suivant
ainsi une marche inverse de celle des régions basses.
- Cette inversion est encore plus nettement mise en évi-
dence si l’on forme le rapport des vitesses du vent à la
Tour Eiffel et au Bureau météorologique. Ce rapport
est le plus grand el égal à 5 entre 2 et 4 heures du
matin; le plus petit est égal à 2 entre 10 heures du
matin et 3 heures du soir; sa variation diurne présente
“exactement la forme caractéristique de celle de la
xilesse du vent sur les montagnes. C'est certainement
la première fois que l'on signale une variation sem-
blable à une hauteur aussi faible dans l'atmosphère.
horizontal, si la vitesse du vent n'est pas rigoureuse-
643
Au point de vue de la vitesse du vent, considérée
soit dans sa grandeur absolue, soit dans sa variation
diurne, la Tour Eiffel se rapproche donc beaucoup plus
des stations de montagnes que des stations ordinaires.
Ilen est encore de même pour la température. En admet-
tant, comme d'ordinaire, une décroissance de 1° pour
180 mètres d’altitude, le thermomètre devrait être
constamment plus bas de 10,6 au sommet de Ja Tour
qu'au niveau du sol.
Or, dans tous les mois sans exception, au moment
du maximum diurne, la température au sommet de la
Tour est plus basse qu'au pied; la différence est même
beaucoup plus grande que la valeur théorique 1°,6 que
nous avons indiquée; les journées sont donc relative-
ment froides au sommet. Par contre, les nuits sont très
chaudes : non seulement la différence entre le som-
met et la base n'atteint pas 19,6, mais c'est le sommet
qui est le plus chaud en valeur absolue. Au sommet de
la Tour, les journées sont donc relativement fraîches
et les nuits chaudes; l'amplitude de la variation diurne
Fa la température est beaucoup moindre que près du
sol.
La cause principale de ces différences est la faiblesse
des pouvoirs absorbant et émissif de l'air, qui s'échauffe
très peu, directement, pendant le jour et se refroidit
aussi très peu pendant la nuit : la variation diurne de
la température, à une certaine hauteur dans l'air libre,
doit donc être petite; elle devient plus grande dans les
couches inférieures de l'atmosphère, auxquelles se
communiquent par contact les variations de tempéra-
ture considérables que subit le sol. Dans les 200 ou
300 premiers mètres d'air à partir du sol, la décrois-
sance de la température est ainsi très rapide le jour
et très lente la nuit, et même il fait normalement plus
chaud à une certaine hauteur que près du sol, la nuit
durant, quand le temps est calme et beau. Ces consi-
dérations sont vérifiées de la manière la plus complète
par les observations de la Tour; dans les nuits calmes
et claires, en particulier, la température y est fré-
quemment de 5° à 6° plus haute au sommet qu'à la
base.
Des différences analogues ont été observées fréquem-
ment dans les observatoires de montagnes; mais elles
y sont beaucoup moins marquées. C’est que, dans ces
stations, la masse de la montagne exerce encore une
influence considérable, tandis qu'à la Tour Eiffel, on
est réellement dans l'air libre.
C’est ainsi que l’amplitude de la variation diurne de
la température à la Tour Eiffel, à 336 mètres au-dessus
du niveau de la mer, est presque égale et même plutôt
inférieure à celle que l’on observe au sommet du Puy
de Dôme, à 1.470 mètres.
La marche annuelle de la température au sommet
de la Tour suit les mêmes lois que la variation diurne;
la température moyenne est plus basse que la tempéra-
ture normale pendant la saison chaude, et plus élevée,
au contraire, pendant la saison froide.
En dehors de ces causes régulières, des causes acci-
dentelles peuvent produire des différences de tempéra-
ture encore plus remarquables entre le haut et le bas
de la Tour Eiffel.
Au moment des changements de temps, la modifica-
tion se manifeste parfois complètement à 300 mètres
de hauteur, plusieurs heures et même plusieurs jours
avant de se produire près du sol; et voilà bien, comme
nous le disions tout à l'heure, les instabilités ou cou-
pures caractéristiques qu'il faudrait se garder de
perdre dans les moyennes.
Les observations de température, aussi bien que
celles de la vitesse du vent, montrent ainsi, d'une
manière tout à fait imprévue, à quel point les condi-
tions météorologiques, à 300 mètres seulement de hau-
teur, peuvent différer de celles que j’on observe près du
sol. Malgré son altitude relativement faible, la station
météorologique de la Tour Eiffel est donc des plus
intéressantes ; c'est la première qui nous donne réelle-
ment des observations faites dans l’air libre, en dehors
644
CHRONIQUE ET CORRESPONDANCE
de l'influence du sol, et il est probable qu'elle réserve
encore aux météorologistes plus d'une surprise et plus
d’un enseignement.
$ 3. — Chimie
La distribution des prix à l’Institut de Chi-
mie appliquée. — Le 13 juillet a eu lieu, sous la pré-
sidence de M. Darboux, doyen de la Faculté des Sciences,
secrétaire perpétuel de l’Académie des Sciences, à
l'annexe de la Faculté des Sciences, 3 rue Michelet, la
distribution des médailles, des prix, des diplômes et des
certificats décernés annuellement aux élèves de l’Ins-
titut de Chimie appliquée. Cet enseignement intéresse
au plus haut point l'Industrie nationale, qui y trouve,
chaque année, un recrutement de jeunes chimustes bien
préparés aux recherches de laboratoire, véritables col-
laborateurs de nos grands industriels de la région
parisienne ei de celle du Nord de la Frauce.
M.H. Moissan, directeur de l'Institut de Chimie appli-
quée, a d’abord retracé les progrès accomplis pendant
l’année écoulée ; il a pu féliciter les étudiants de leur
zèle intelligent et l'Université de Paris de ses libéralités
et de son dévouement envers nos laboratoires. Le direc-
teur a eu le regret de constater que les bâtiments sont
en très mauvais état. Il rappelle que les élèves ont été
obligés parfois de chausser des sabots lorsque, par
une pluie d'orage, l’inondation a gagné les laboratoires.
Et cependant, la Chimie appliquée est appelée à rendre
de grands services au pays. Il est indigne de Paris de
constater que l’un de ses enseignements les plus
importants est insuffisamment armé pour soutenir la
concurrence étrangère ; sous prétexte qu'en France, le
le provisoire seul peut durer, nous ne pouvons pour-
tant admettre que l’on abandonne un enseignement
aussi utile. Plusieurs fois, le sol s’est affaisé dans les
laboratoires de la rue Michelet et les conduites d'eau et
de gaz menacent ruine. Et, comme conclusion,
M. Moissan remarque qu'une reconstruction s'impose.
M. Expert-Besancon a pris ensuite la parole et à
insisté, avec beaucoup d'opportunité et de tact, sur les
qualités morales du chimiste, qui, par son honnêteté,
comme par son talent, aide à la fondation de ces
grandes maisons industrielles, où l'honneur de bien
faire passe au-dessus du souci des bénéfices à réaliser.
M. Darboux a terminé la série des discours par une
spirituelle allocution fort applaudie. Il suit avec le plus
grand intérêt le développement de l’Institut de Chimie
appliquée et il est heureux du travail et des progrès
des élèves. Il leur souhaite de bonnes vacances et il
leur remet ensuite les diplômes de chimiste de la
Faculté.
Nous rappelons que l’Institut de Chimie appliquée
reprendra ses cours le 1°° novembre et que les élèves
qui désirent suivre son enseignement passeront
l'examen d'entrée dans la seconde quinzaine d'octobre.
La production électrothermique du ferro-
silicium. — À la suite de la note que nous avons
consacrée à la production du ferrosilicium dans notre
numéro du 30 juin (p. 555), M. Keller nous écrit que la
Compagnie électrothermique Keller, Leleux et Cie fabri-
que actuellement en France, d’une facon courante, des
alliages variés de fer et de silicium, et particulièrement
des ferrosiliciums à haute teneur (50 à 86 4).
A ce propos, M. Keller nous fait remarquer que
l'usine de Meran (Tyrol) ne fabrique pas des ferrosili-
ciums à 83 °/, de silicium (p. 556, 10° ligne), mais des
ferrosiliciums à 21,5 °/, de silicium avec un rendement
de 83 °/, en silicium. L'usine de la Compagnie électro-
thermique est la seule qui produise industriellement,
eu grande masse, les ferrosiliciums à 80 °/, de silicium.
Condensation de Ia phényl-éthyleétone
avec la benzaldéhyde. — L'acétophénone peut
se condenser avec la benzaldéhyde de (rois manières
différentes :
1° Une molécule d'acétophénone avec une molécule
de benzaldéhyde donne la benzalacétophénone ! :
CSHS — COCHE + C'H°CHO = H°0 + C'H°CO.CH — CHCSH.
2° Deux molécules d’acétophénone avec une molé-
cule de benzaldéhyde donnent la benzaldiacétophénone
ou 2-phényl-1 : 3-dibenzoylpropane * :
C‘H:.CO.CH®
CSH°.COCH* |
+ CHO.CSHS = H°0 + CH.C°H:
C°H5.COCH® |
C‘H°.CO.. CH?
3° Enfin trois molécules d’acétophénone avec deux
molécules de benzaldéhyde donnent deux stéréoiso-
mères de la dibenzaltriacétophénone ou 2-4-diphényl-
1-3-5-tribenzoylpropane :
CSH5.CO.CH* C‘H°.CO.CH?
|
CH — C°HS
+ CHO.C°H*
C‘H5.CO.CH* = 2H°0 + C‘HS.CO — CH
+- CHO.CSH° CH — C'H°
CSH5.CO.CH* CSH°.CO.CH°
Les cétones de la forme R.CO.CH?R', par exemple la
phényléthylcétone C°H5.CO.CH?CH®, ne donnent pas la
troisième forme de cette condensation.
La formation des composés précédents peut s'expli-
quer de la facon suivante, d’après M. R. D. Abell: :
1° Une molécule d’acétophénone se condense avec»
une molécule de benzaldéhyde pour former la benzala-
cétophénone.
29 La benzalacétophénone s’additionne avec une
molécule d’acétophénone :
C‘H5.CO.CH
||
CH— CH
CHeCO.CH. 0
CSH.CO.CH?
|
CH — C°H
|
CSHS. CO — CH?
3° La formation du troisième composé s'explique de
même.
Dans la première et la seconde de ces réactions, le
groupe —CO.CH®— est présent dans l’acétophénone,
tandis que, dans la {roisième, il n'existe pas dans la
dicétone-1-5.
Si, maintenant, la phényléthylcétone prend la place
de l’acétophénone, cette substance contient aussi le
groupe —C0—CH°— et l'on doit s'attendre à obtenir
les réactions (1) et (2), mais pas la troisième, parce
que la dicétone-1-5 (2-phényl-1-3-diméthyl-1-3-diben-
zoylpropane) ne contient pas ce groupe.
Les expériences instituées par M. Abell confirment
pleinement cette manière de voir.
Le cellose, un nouveau sucre tiré de la
cellulose. — On sait que l’amidon, chauffé avec un
acide étendu, finit par se transformer intégralement en
glucose. Ce phénomène, étudié avec soins, a permis de
concevoir l’amidon comme un anhydride particulier du
glucose dans lequel 5, 6,.. n molécules de ce sucre
se seraient soudées les unes aux autres en perdant suc-
cessivement 4, 5,.. n-1 molécules d'eau.
La cellulose se comporte de la même manière; mais,
comme elle est plus résistante, on suppose qu'avec une
constitution analogue elle possède un degré de conden-
sation plus élevé, autrement dit que le nombre de mo-
lécules de glucose y est plus grand que dans l’amidon.
Bert exIiV;, CLAISEN :
! CLAISEN et CLAPARÈDE : 2464;
Ber., t. XX, 655.
= Kosraneckt et Rosssacn : Ber., t: XXIX p. 1492.
% R.-D. ABELL : J. of the Chem. Soc., t. LXXIX, p. 928.
CHRONIQUE ET CORRESPONDANCE
MM. H. Skraup et J. Konig viennent de montrer, dans
un travail très intéressant, qu'il existe entre l’amidon
et la cellulose une différence plus profonde.
En saponifiant par la potasse le produit qui résulte
de l’action de l’anhydride acétique sur la cellulose, ils
ont préparé un nouveau sucre, le cellose, ayant pour
formule .C'*H#0'!, dédoublable, par fixation d’eau, en
deux molécules de glucose.
Ce nouveau sucre, convenablement purifié, est une
poudre cristalline, soluble dans environ 8 fois sou poids
…. (l'eau froide, très soluble dans l’eau chaude, presque
… insoluble au contraire dans l'alcool absolu. Sa saveur
est très faible et il ne fermente qu'avec difficulté. Il
… réduit énergiquement la liqueur de Febhling, est doué
de la multirotation et tourne finalement le plan de la
— lumière polarisée de 3307.
—_ D'après ces propriétés, il ne saurait être confondu
avec le maltose, qu'on obtient en faisant réagir la dias-
tase sur l'amidon. Comme, d’autre part, il possède la
même formule, il faut bien admettre que la cellulose et
l'amidon diffèrent autrement que par leur degré de
condensation moléculaire, que la facon dont les molé-
… cules de glucose y sont associées entre aussi en ligne
ï de compte. C’est là une donnée entièrement nouvelle
dont l'intérêt ne saurait échapper, même au point de
vue de la Physiologie végétale.
”.
2
$ 4. — Zoologie
ï Le lait utérin chez quelques Poissons. —
— Chez divers Elasmobranches, on sait que les œufs. au
- lieu d'être pondus au dehors, se développent dans
l'utérus de la mère; quand l'embryon a consommé son
… vitellus, le sac vitellin, très vasculaire, s'applique contre
… la paroi utérine, également très vasculaire, et forme un
placenta vitellin (Muotelus, Carcharias). N peut y avoir
— mieux encore, comme le décrit Alcook ‘ pour cinq
… espèces des genres Trygon, Pteroplatea et Myliobatis :
— l'embryon vit d'abord sur l’'abondant vitellus de l'œuf,
| et, quand celui-ci est absorbé, le sac vitellin s’atrophie
au lieu de former un placenta; il ne se développe pas de
membranes enveloppantes, de sorte que le fœtus se
C trouve entièrement à nu dans la cavité utérine. Les
« parois de cette cavité, d'autre part, sont reconvertes
… de nombreuses villosités sécrétrices, renfermant un
" abondant réseau sanguin, dans les mailles duquel
… s'enfoncent des follicules tubulaires. Ces follicules, très
“nombreux, sécrètent un liquide gras et visqueux, quel-
… quefois d'apparence crémeuse, ayant un goùtdoucereux,
- qui contient beaucoup de noyaux et de corpuscules en
suspension; ce liquide est coagulable par la chaleur, et
C contient de l'albumine et de la graisse, mais pas de
— sucre.
Le lait utérin est peut-être absorbé directement par
k Le fœtus ; quelquefois, des faisceaux de villosités passent
… à travers ses évents jusque dans le pharynx; en tout cas,
on à trouvé à plusieurs reprises le lait utérin non modi-
— fié dans l'intestin spiral du fœtus, ce qui ne permet pas
de douter que ce liquide est bien absorbé par le jeune
. Sélacien.
u $ 5. — Géographie et Colonisation
La Mission Lenfant. — On sait que l’arrange-
ment franco-anglais pour la délimitation des territoires
du Niger, signé à Paris, le 14 juin 1898, avait prévu la
cession à bail à la France, pour trente années au moins,
de deux enclaves sur le Niger, l’une à l'embouchure,
l'autre en amont, entre Léaba et le confluent de la
:rivière Moûssa. On avait eu par là en vue d'éviter que
la navigation du Niger, libre en vertu de l'Acte général
de Berlin de 1885, ne subisse plus désormais d’entraves.
Ce fut une Commission mixte, dirigée par le commandant
Zoological Gleanings from the R. I. M. Survey Ship
Investigator, Scientific memoirs by medical officers of the
army India, part XII, 1901, p. 35.
(=?)
rs
©
Toutée et le commandant anglais Lugard, qui détermina
l'emplacement de ces enclaves, l’une sur la branche
Forcados, l’autre devant Badjibo, où, en 1895, M. Toutée
avait déjà, aussi sur la rive droite, élevé le fort d'Aren-
berg.
La Mission à la tête de laquelle a été placé M. le
capitaine d'artillerie coloniale Lenfant, a été précisément
chargée de prendre possession de ces deux enclaves et,
en même temps, de transporter par la voie du fleuve le
ravitaillement de Say et du troisième Territoire militaire
de l'Afrique Occidentale, quiest commandé parle colonel
Péroz et qui comprend la région de Zinder, du Niger
au lac Tchad. Il peut être intéressant de signaler les
données que la Mission a rapportées sur la navigabilité
du Niger.
Le capitaine Lenfant est parti du Havre sur le Conseil
le 29 janvier 4901; il était accompagné des lieutenants
de Peyronnet et Anthoine, de trois sous-ofliciers euro-
péens et de trente-six laptots. Sa flottille se composait de
quinze chalands en bois et de cinq chalands en acier.
Elle portait dix mille caisses de vivres et deux mille
caisses d'outillage.
Le 21 février, la Mission arriva à Forcados-River. Les
rives sont vaseuses, couvertes de palétuviers, et l’enclave
est le seul coin de terre et de sable de la région. Le
débarquement de huit mille caisses s'effectua sans
encombre, et le capitaine Lenfant, laissant dans l’enclave
un sous-officier chargé de l’organiser, se mit de suite
en route pour Badjibo-Arenberg, la seconde enclave,
avec l’aide du remorqueur à vapeur Liberty qu'il avait
pu Jouer, gràce à l’obligeance des autorités anglaises.
La montée fut difficile, la crue ayant été très faible
cette année dans le bas fleuve. Cependant, la Mission
parvint le 43 mars à Lokodja et le 25 à Géba. Elle fut
bientôt après à Badjibo, et le capitaine Lenfant, ayant
organisé la seconde enclave comme il l'avait fait pour
la première, en repartit au commencement d'avril afin
de franchir les rapides au moment le plus favorable,
avec soixante tonnes de marchandises réparties en
mille neuf cents caisses. Nos compatriotes allaient main-
tenant aborder la région dangereuse des rapides; il
fallut au capitaine Lenfant et à ses collaborateurs une
remarquable habileté et d'énergiques efforts pour triom-
pher des difficultés qu'ils rencontrèrent. |
Le 8 avril, les rapides d'Ourou furent franchis; le 10,
ceux de K'patashi; le 22, ceux de Gurafiri et de Boussa.
A la date du 27, le convoi avait remonté deux chutes,
cinq grands rapides, vingt petits rapides et de nom-
breuses cascades. Au cours de cette dangereuse navi-
gation, aucun homme n'avait été sérieusement blessé,
aucun chaland n'avait été brisé. La mission arriva le
7 mai à Gaya, le premier poste français, et le 25 mai
à Say. Le capitaine Lenfant remonta ensuite jusqu'à :
Sorbo Haoussa, le port du troisième Territoire el y dé-
barqua cinquante-quatre tonnes de matériel destinées à
la colonne Péroz; puis il redescendit à Say, où il arriva
le 8 juin. La descente ayant été rendue plus difficile par
la baisse des eaux du fleuve, le capitaine Lenfant décida
de demeurer à Say jusqu’à la crue du milieu de juillet,
pour remonter à cette époque vers Ansonjo.
La Mission avait donc accompli avec le succès le
plus complet sa pénible et périlleuse tâche. Si, en raison
de la saison tardive et de la baisse des eaux, l'opéra-
tion avait été difficile et dangereuse, la Mission avait
pu conclure néanmoins que le ravitaillement par le
fleuve pouvait être facile et pratique à l’époque des
hautes eaux. Ainsi se trouve démontrée la possibilité
pour nous d’user de la voie du bas Niger, malgré les
rapides qui gènent une partie de son cours, comme de
la route actuellement la plus courte et la plus économi-
que quipuissenous mettre en communication avec Say.
Mais s’il en est ainsi, pour le moment au moins, il ne
faut pas perdre de vue que, dans quelques années, nous
devons avoir une voie entièrement française de péné-
tration sur le fleuve : c’est le chemin de fer qui doit
relier Porto-Novo au Niger à travers le Dahomey et
son hinterland. Gustave Regelsperger
646
.
L’'ALCOOLISME
AU XIX°
La question de l'alcoolisme est devenue d’une
telle importance qu'elle a aujourd'hui conquis la
première place parmi les préoccupations des socio-
logues. De nombreux travaux, publiés aussi bien en
France qu'à l’Étranger, ont démontré les déplo-
rables résultats de l’intoxication éthylique au point
D' RAOUL LEROY — L'ALCOOLISME DANS L'EURE AU XIX* SIÈCLE
DANS LEURE
SIÈCLE
inquiétants, et de nature à émouvoir les esprits les
plus optimistes.
I, — DÉVELOPPEMENT DE LA CONSOMMATION ALCOOLIQUE.
La statistique officielle donne à l'Eure le second
de vue social. rang parmi les départements normands classés
Dans le même ordre d'idées, nous avons cherché | selon l'importance de leur consommation alcoo-
Hect. d'— a = = & = à = 2 & = — = + = &
RO EL ar AU Se cu tate SOU Me 2 LUN = EL ENOUINE DR ME F
56.000 L Rert| | ! [_ 2f I L
CT | TE EEE) Ï [ en | 4
54. 000 TT ETNOITIE latest SE aecierutestet Î {
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52.000 + +— IC 4
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50.000! T ni le 1 af ra te} | [1 1 7. Ë
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30.000 | | 3.700
28.000 3 3.500
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26.000 | 3.300
|
24.000 je
3.100.
| PEUR. ‘
22.000 F ZA SABRE 2. 800
20.600 IBDER Ge mEI FE s
É | ie 2.700
18.000 | sue [12.500
: LE 1 1
16.000 LE 1
14,000 | Î Eee
12.000 2E Ï er In CI
11.000 (Ep unter tele Hi je HE ci
à l QE rt Hi Eee | japan (oufes|
8.000 l Li RER EC 2
FGORREMANS 5e
Fig. 1. — Tableau comparatif du mouvement de la population, de la consommation alcoolique et du nombre
des débits de boissons dans l'Eure, depuis 1827.
à établir le bilan de l’alcoolisme dans un départe-
ment normand, l'Eure, pendant la plus grande
partie du xix° siècle. Cette étude porte sur une
région riche, salubre, fertile, où les causes de déca-
dence devraient être minimes, mais où, malheureu-
sement, l’intoxication des habitants est intense.
Après avoir examiné le développement de la
consommation alcoolique, nous en montrerons les
conséquences économiques et sociales. Notre travail
est, avant tout, une œuvre de statistique, et les
tableaux graphiques résument de longues colonnes
de chiffres. Les résultats obtenus sont extrèmement
lique, le premier étant attribué à la Seine-Inférieure.
Si l'on considère que ce dernier contient une
énorme population flottante (marins des ports,
étrangers, baigneurs des villes d’eau), qui boit
beaucoup et augmente le chiffre de l'alcool absorbé
sans que l'habitant en prenne sa part; si l’on consi-
dère également que, l'Eure étant un pays essentiel-
lement rural, les bouilleurs de cru y sont infini-
ment plus nombreux, on peut admettre que l'Eure
est probablement le département normand qui
absorbe le plus d’eau-de-vie.
Le développement de l'alcoolisme dans l'Eure
D' RAOUL LEROY — L’ALCOOLISME DANS L’'EURE AU XIX° SIÈCLE
647
pendant le x1x° siècle a été prodigieux. Afin de s'en
rendre compte dans son ensemble, nous avons tracé
le graphique ci-contre, qui indique, pour chaque
année, de 1827 à 1898, l'effectif de la population et
le total d'hectolitres d'alcool consommé (fig. 1).
En examinant la courbe de l'alcool, on voit que,
tout en étant d’une façon générale ascensionnelle,
elle présente d'assez grandes irrégularités. La mar-
che de la consommation éthylique de l'Eure peut
- donc être divisée en plusieurs périodes.
De 1827 à 1841 : Période d'augmentation progres-
sive. Le chiffre des hectolitres d'alcool monte peu
. à peu:
DEPTEn SRTAROR RELREER Ear R 8.652
MÉOCNE RS EN ERET ERTee 9.202
TER. 0e em ee PORT POS 10.819
LOTS SAR RNRRLE NE ESS 11.001
LBUE L'ÉPORR A NEERRREREE AE 12.285
AR M A us tue à 14.181
RÉSPUTA DRRÉOORRREAOE 15.338
A D em ae à 16.033
JET 48 per Role PLEASE 17.351
De 1848 à 1857: Période de diminution, présen-
tant deux grands minima :
La faible consommation de cette époque a peut-
être un certain rapport avec la Révolution de
Février et les troubles politiques ou sociaux qui
la suivirent. Notons aussi que la loi restrictive
des cabarets date de 1851. IL est curieux de rap-
procher cette diminution du même fait constaté
pour le Finistère dans un précédent travail".
De 1858 à 1871: Période stationnaire. La con-
sommation, qui s'était élevée en 1858 à 20.000 hec-
tolitres environ, oscille pendant quinze ans autour
de ce chiffre.
De 1872 à 1898 : Période d'augmentation exces-
. sive et brusque, surtout à partir de 1879. La courbe
fait un véritable saut.
LOTS NA ANAL NE US vas 24.541 hectolitres.
TERMS PARENTS 21.863 —
AS SOMPE PAINTAE EN. 30.071 —
RP CERTES 44.385 —
LES te de OT OT 46.755 —
LEURS TO TR LCD 56.652 —
Aquoiattribuercet énorme accroissementsurvenu
en quelques années ? Deux événements importants
méritent d'attirer notre attention à ce sujet:
Le 14 décembre 1875, l'Assemblée nationale réta-
blissait le privilège des bouilleurs de cru.
Le 17 juillet 1880 était promulguée la loi autori-
sant l'ouverture de tout débit de boissons après
une simple déclaration.
-
# D' Raouz Leroy : L'alcoolisme dans le Finistère au
xixe siècle, dans les Annales d'Hygiène publique et de
Médecine légale, février 1900.
À notre avis, le principal facteur de l’accroisse-
ment éthylique survenu dans l'Eure depuis 1873
doit être attribué aux bouilleurs de cru. Au fur et à
mesure que la production du cidre s'élève, leur
nombre augmente, passant de 16.250 en 1887 à
23.133 en 1895, et l’eau-de-vie devient de plus en
plus abondante. Le graphique 2 fait parfaitement
ressortir la vérité de ce que nous avançons.
Quant à la loi sur les débits, elle semble avoir
exercé une influence moins néfaste. La consom-
mation éthylique a doublé, il est vrai, depuis 1880;
mais ce fait n'est peut-être pas imputable aux
cabarets, car le chiffre en était déjà si élevé qu'il
est resté à peu près stationnaire.
En recherchant la quantité d'eau de-vie-absorbée
par tête et par année, on arrive au même résultat
que celui donné par le graphique de l'alcool:
De 1825 à 1845 : augmentation progressive de 2! à
41,08.
dimioution de 41,08 à 31,43.
période stationnaire.
augmentation prodigieuse et très
rapide de 71,45 à 16 litres.
De 1845 à 1855 :
De 1855 à 1870 :
De 1875 à 1890 :
Les chiffres de notre statistique portent sur
l'alcool ramené à 100°, ainsi que le fait l'Adminis-
tration des Contributions indirectes. L'eau-de-vie,
telle qu'elle est bue, marque environ 50°, de sorte
que les 16 litres de 1898 représentent en réalité
32 litres d'eau-de-vie par tête, pendant le cours de
l'année. Étant donné qu'un litre contient 40 petits
verres, nous arrivons au (total de 1.280 petits
verres.
Déduction faite des jeunes enfants, des femmes
et des gens sobres, l'alcool n'est guère consommé
que par 1/3 des habitants; on voit donc que le
buveur du département de l'Eure absorbe annuel-
lement 96 litres d’eau-de-vie commerciale, repré-
sentant la valeur de 3.800 petits verres. :
Si ce nombre paraît incroyable, et si l’on doute
de nos renseignements, il nous est possible de citer
le nom d'un petit village de 300 habitants où les
débitants vendent 1.000 litres d’eau-de-vie par
mois.
IT. — DÉBITS DE BOISSON.
L'énorme développement alcoolique a été accom-
pagné d’une multiplication des débits.
Les cafés et les cabarets sont des établissements
indispensables dans notre société moderne. Ils
offrent des lieux de réunion et de rendez-vous
d'affaires très licites à beaucoup de personnes qui
n'en ont pas d'autres. Malheureusement, ils servent
aussi trop souvent à la satisfaction d'un goût
funeste. L'expérience a montré que la consomma-
tion éthylique n'est pas toujours en rapport avec
le nombre des cafés. En Suisse, par exemple, le
648
D' RAOUL LEROY — L'ALCOOLISME DANS L'EURE AU XIX° SIÈCLE
Conseil fédéral a remarqué que le montant d'hecto-
litres absorbés était précisément plus fort dans les
cantons qui avaient le moins de cafés. Toutefois,
leur abondance est une tentation pour quantité de
gens, recrutés en général dans la partie la moins
éclairée de la population.
Au cabaret, l’homme oublie le travail et l’ordre;
il y trouve la misère. Que reste-t-il pour la vie,
quand le tiers ou la moitié du salaire passe en
boisson ?
Dans le département de l'Eure, les débits pullu-
lent; il n’y a pas d'agglomération, si petite soit-
elle, qui ne compte queiques cabarets. Leur chiffre
semble même avoir atteint toute limite possible, car
il descend un peu depuis 1882, certainement en
raison de la dépopulation (fig. 1).
Voici quelle en a été la progression depuis 1827.
Eure.
1827. . . . 2.565 soit 1 débit pour 164 habitants.
1899-2092 — 14t —
ASH EE 109 857 = 107 —
1860. . » . 3.679 — 108 —
1810: 1... 3.138 — 91 —
1880. 0014.709 — 71 —
l'890 "0004798 — 70 —
1898. :. . . 4.699 — 70 —
Irance (non compris Paris).
ENS 0 4065 ba to 1 débit pour 109 habitants.
DS US pre ee — 10% —
IRD EL MATE — 9% —
HE A oO AE AT M En 20 — 94 —
Le chiffre de 70 habitants pour un débit est
inouï, si l’on considère que l'Eure est un pays agri-
cole, récoltant beaucoup de pommes, où le nombre
des bouilleurs de cru est considérable. En ne comp-
tant que la population adulte, on arrive au chiffre
de 23 personnes pour entretenir un cabaretier.
Si nous en croyons un Curieux passage que nous
avons rencontré dans la collection du Musée des
Familles, il y a nombre d'années que la profession
d’aubergiste est lucrative en Normandie : « Quand
on n'est pas herbager en Normandie, il faut être
aubergiste. La cuisine est en permanence. On ne
vide les verres que pour remplir les brocs. Si l’on
vend des bœufs, c'est au cabaret; si l'on achèle
des bœufs, c'est au cabaret. Le cabaret est la
Bourse. Si l’on se rencontre, c'est pour entrer au
cabaret; si l'on parl, on entre au cabaret; si l’on
arrive, on s'embrasse au cabaret: si l'on pleure, on
se console au cabaret. Le cabaret consomme ce
que l'herbage produit. On ne saurait parler sans
boire. Comme en Belgique on offre une choppe de
bière à son voisin, en Normandie on offre une
tasse de café au passant... Le café aide aux lran-
sactions; mais il est loujours accompagné des de-
moiselles du Calvados. Honni soit qui mal y pense
Il ne s'agil ici ni de Paphos, ni de Cythère : les
demoiselles du Calvados sont des petits verres très
grands qui contiennent à peu près la valeur de
deux à trois verres à liqueur... En Normandie, les
estomacs sont doublés de zinc et les gosiers à
l'épreuve du feu. A la fin d’un repas, l'usage veut
que les convives prennent le café, le pousse-café,
la poussette, la rincette et la surrincette. On parle
ici des gens sobres. Les autres ne comptent pas” ».
Il est instructif d'examiner quelle a élé l’in-
fluence de la législation sur le nombre des débits.
De 1852 à 1880, les cabarets ont été sous le régime
de la loi du 29 décembre 1851, exigeant pour l’ou-
verture la permission préalable de l'autorité admi-
nistrative. La figure À nous apprend que, à partir
de 1851, le chiffre de débits descend peu à peu jus-
qu'à 1858 et tombe de 4.058 à 3.318. Il remonte
ensuite progressivement, l'Administration s'étant
probablement montrée plus tolérante.
La loi du 17 juillet 1880, qui subsiste encore,
abroge cette disposition et permet l'ouverture de
tout café après simple déclaration. Le montant des
débils a augmenté de 230 pendant l’année quia
suivi la promulgation de cetle loi, de 10 seulement
l'année suivante. Il a diminué légèrement depuis
1882, mais moins rapidement que le nombre des
habitants, de sorte que, toute proportion gardée, le
total des cabarets reste de plus en plus scandaleux.
III. — L'ALCOOL ET LE CIDRE.
« Le Parisien s'imagine encore que les Normands
boivent du cidre...! Ils boivent de l’eau-de-vie, et
dans des proportions effrayantes », dit M. le D'Bru-
non. Cette spirituelle boutade ne doit pas être prise
à la lettre : le cidre est toujours la boisson habi-
tuelle des Normands.
La production du cidre augmente d'année en
année depuis le commencement du siècle. Jusqu'en
1865, la consommation de cette boisson dans l'Eure
a varié entre 460.000 et 240.000 hectolitres. Elle s’est
considérablement développée depuis cette époque,
pour atteindre, dans les années de bonne récolte,
un chiffre colossal. Ces années privilégiées sont :
ASTSEE TAN ATERNE 121.000 hectolitres.
1877 501.000 —
ASC EEE 0 672.000 —
1893 NN E Vos 967.000 —
CPP EME MER ARE D 1.525.000 —
ABOBLE LAS A MAUINTARE 954.000 —
Celte quantité énorme d'hectolitres sera cerlai-
nement dépassée cette année, en raison de l’abon-
dance exceplionnelle des pommes en41900.
Quelle corrélation existe-t-il entre la consomma-.
tion du cidre et celle de l'alcool? Les avis sont pro-
! Auépée Acuarp : Voyage en France. Normandie, dans
le Musee des Familles, 1852.
ET
PRES
DS RÉ 0H 0 00
N
:
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ss
nu
r' a CN
‘+
D: RAOUL LEROY — L'ALCOOLISME DANS L'EURE AU XIX° SIÈCLE
fondément divisés sur ce point. Certains écono-
mistes soutiennent que les années de cidre sont
des années de faible consommation éthylique et que
le cultivateur ne s'adresse aux spiritueux que pour
compenser l'alcool, qui fait défaut dans la boisson,
- Jors de la disette des pommes. Nos recherches prou-
vent le contraire, et la figure 2, mettant en parallèle
la consommation du cidre et de l'eau-de-vie, l'in-
_ dique très nettement. Les faits sont là, irréfutables,
pour montrer qu'on n'a jamais absorbé autant
d'alcool dans l'Eure, que du jour où le cidre est
devenu très abondant.
=
œ
[a]
[al
649
tout illusoire et qui disparaît au fur et à mesure
que la provision s'épuise. 1901 est également une
année exceptionnelle. On a distillé des quantités
énormes de cidre et les cultivateurs ont fait provi-
sion de calvados. Nous sommes persuadé que
l'alcoolisme va sévir avec uue nouvelle intensité;
l'avenir dira si nos prévisions sont justes.
IV. — L'ALCOOL ET LE VIN.
Le cidre n’est pas l'unique boisson des Nor-
mands; le vin joue également un cerlain rôle dans
Hect.
|_] de cidre
980.000
Ï
: |_|9#0. 000
. 000
.000
. 000
. 000
. 000
- 000
Quand la récolte des pommes est faible, le pro-
priétaire commence par fabriquer sa provision de
cidre, et vend le surplus un bon prix; il n'a pas
intérêt à distiller. Si, au contraire, les fruits abon-
dent, les tonneaux sont vite pleins, la méventearrive,
et l'alambic transforme la boisson en eau-de-vie.
Telle est la facon dont les choses se passent à la
campagne. Les bonnes années de pommes rem-
plissent les caves d'alcool. Nous connaissons des
personnes qui ont encore en réserve des stocks
considérables de calvados provenant de la grande
récolte de 1893.
C'est à celte accumulation d’eau-de-vie dans le
pays qu'est due la baisse de l'alcool constalée par
les Contributions indirectes depuis 1894, baisse
1+0. 000
ORFEMAUS 50
Fig. 2. — Consommation de l'alcool, du vin et du cidre dans-l'Eure, depuis 1N27.
l'alimentation, et a élé, de tout temps, connu et
apprécié. C'est une boisson de luxe, qui ne laisse
pas d'être commune dans les bonnes maisons.
La consommalion du vin n’a fait que croitre
dans l'Eure depuis de longues années, sauf pendant
la période 1843-1845, correspondant aux ravages
des vignobles français par l’oïdium :
1830. . . . 33.430 hectol. soit 710 par habitant.
1850. . . . 47.664 — 11,4 —
1860. . .". 59.947 — 14,5 —
ASTD ED ES) — 15,8 —
1880. . . . 60.020 — 16,4 —
1890. . .. .» 72:588 — 20,8 —
1895... .. 922258 — 27,0 —
IL est intéressant de rechercher s’il existe quelque
connexion entre le vin et l'alcool.
650
D' RAOUL LEROY — L'ALCOOLISME DANS L'EURE AU XIX° SIÈCLE
La figure 2 nous apprend que leur consomma-
tion semble le plus souvent augmenter ou diminuer
parallèlement : années 1875, 1882, 1886, 1891, 1895.
D'après l'étude de nos documents, on voit que
la progression de la consommation a porté à la fois
sur l'alcool, le cidre et le vin. Ce fait est imputable
au développement de la richesse publique. Partout
les terres sont mieux labourées, mieux engraissées
les Jachères ont disparu. Les procédés agricoles ont
été perfectionnés. Même progrès du côté de l'in-
dustrie : des usines se sont installées sur les cours
d’eau, apportant la prospérité dans les vallées.
Ce favorable changement, survenu depuis moins
de cinquante ans, a transformé les conditions de
l'existence. Les salaires des journaliers, les gages
des domestiques, valets de ferme, charretiers, ont
bénéficié dans ce pays d’une hausse plus marquée
que dans les autres provinces de la France. Il en
est résulté une amélioration considérable du bien-
être général. On vit mieux qu'autrefois ; d'où l’ac-
croissement des différentes boissons. Malheureuse-
ment, le Normand n'a pas su profiter en sage des
bienfaits de la civilisation. L'alcool qui déprave et
qui lue a eu ses préférences. Nous allons examiner
quelles en ont été les suites au point de vue social
(population, criminalité, suicides, aliénation, ete.).
V. — L'ALCOOL ET LA POPULATION.
La Normandie est une des contrées de la France
où la dépopulation se fait le plus vivement sentir.
Ilne s’agit pas seulement d’un ralentissement dans
l'augmentation normale des habitants, mais d’une
diminution très appréciable par la baisse du total
des naissances, à laquelle se joint, dans certaines
régions, l'accroissement sensible du chiffre de la
mortalité. La Manche, le Calvados, l'Orne et l'Eure
ont aujourd'hui une population bien inférieure à
celle constatée en 1801. La Seine-Inférieure doit
son meilleur rang à l'immigration dans les deux
grands centres, Rouen et Le Havre, ainsi qu'à la
natalité encore forte de ses marins.
Cette situation dépend avant tout d’un état d’es-
prit profondément inquiétant : on est résolu à ne
plus avoir d'enfants, ou du moins à en limiter le
nombre, et cela dans un pur profit égoïste. Chacun
veut jouir le plus possible de l'existence sans aug-
menter ses charges; chacun ne veut mettre au
monde que des hommes aisés, heureux ou, tout au
moins, supposés tels. Ce sont les moins pauvres
qui se livrent à ce calcul, alors que l'intérêt général
exige des familles nombreuses chez les riches, afin
de pouvoir compter sur cette bonne moyenne de
capacités et de qualités qui fait la valeur d'un
peuple. Une telle manière d'envisager la vie hu-
maine finira par tuer dans son germe toute énergie
créatrice. Le Normand meurt de sa richesse.
Étrange objectif, que celui qui fait sortir la stérilité
et le néant de l’opulence elle-même !
Le département de l'Eure comptait en 18A
425.780 habitants; le recensement de 1896 n’en
accusait plus que 340.652; soit, en cinquante-cinq
ans, une diminution de 85.000 — 1.500 par année.
Celle-ci serait même encore beaucoup plus con-
sidérable, si elle n'était un peu compensée par la
venue d'éléments étrangers. Les domestiques, les
ouvriers ruraux, les petits métayers d’origine bre-
tonne sont très nombreux, et on peut prévoir
l’époque où les Normands de race deviendront
l'exception.
Cette décroissance du nombre des habitants
offre ce caractère particulier d’être absolument
constante, régulière, paraissant en cela obéir à une
règle fixe. Le mal remonte loin; avant de diminuer,
la population étaitrestée sensiblement stationnaire
pendant de longues années et celte période de
statu quo avait été précédée au xvin° siècle par un
ralentissement d'augmentation, que des esprits
éclairés n’hésitaient pas, non plus, à rattacher à la
continence volontaire *.
C'est là, assurément, le facteur primordial; mais
est-ce le seul? La question est assez importante
pour retenir quelque temps l'attention.
Le graphique 3, qui met sous les yeux du lecteur
la natalité et la mortalité dans l'Eure, depuis 1828,
parle avec assez d’éloquence pour nous dispenser
de longs commentaires.
En examinant le rapport du chiffre des naissan-
ces et des décès à celui de la population, nous
arrivons aux résultats suivants :
1° Le total des naissances a diminué:
1831-1840. . . . . 20 naissances pour 1.000 hab
1851-1860. . . . . 19 — —
ASTASABSO ER 19 — —
1891-1898. . . . . 18 — —
2° Inversement, le total des décès à augmenté :
ASSIEASED EEE . 22 décès pour 1.000 hab.
ASDIEASE EEE EE 23. — —
ASSET 23 — —
APS RÉ E ec re 26 — —
Ainsi, la dépopulation du département de l'Eure
n'est pas seulement imputable au faible dévelop-
pement de la natalité, mais encore à l’augmenta-
tion de la mortalité. Alors que, sous l'influence de
l'hygiène et des progrès de la science, la mortalité
générale de la France diminuait dans de notables
proportions et passait de 25 pour 1.000 habitants
en 1820, à 23 en 1890, celle de l'Eure suivait une
progression inverse. |
1 Lire, à ce sujet, le Mémoire de M. Louis Passy, à l'Aca-
démie des Sciences morales, 1863.
sant 6e, À. 7° da ét "5
D: RAOUL LEROY — L'ALCOOLISME DANS L'EURE AU XIX° SIÈCLE
6:
Cette pénible constatation n'est pas faite pour
surprendre le médecin qui connait l'influence
désastreuse des excès alcooliques sur l’économie.
L'abus prolongé des spiritueux détermine dans
tous les appareils de l'organisme une série de
- troubles fonctionnels, prélude d'accidents d'un
ordre beaucoup plus grave, constitués par des
lésions irrémédiables. L'estomäc commence par
présenter des troubles dyspeptiques, aboutissant
le plus souvent à la gastrite alcoolique simple et,
dans certains cas, à la gastrite alcoolique ulcé- |
De plus, l’intoxication éthylique prédispose
singulièrement à la tuberculose, et tous les prati-
ciens savent que les maladies infectieuses (pneu-
monie, érysipèle, fièvre typhoïde, etc.) offrent,
chez les ivrognes, des formes particulièrement gra-
ves et souvent mortelles.
Diverses Compagnies anglaises d'assurance sur
la vie ont-démontré irréfutablement que les person-
nes qui s'abstiennent absolument de toute boisson
spiritueuse vivent plus longtemps, et offrent moins
de jours de maladies que les autres.
& 8 3 & & æ a & Décès
LA © a o s
Éebaeeepee) T È = PA. 800
CEE DE . 600
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6.800 (ES Ein EI CIE Î EE VA 6.800
600 EEE ET FE BRRauE : D
Ï
6.400 Ï Hi
reuse, comme l'a indiqué Leudet, de Rouen”.
Le foie, à la suite des congestions à répétitions
_ provoquées par les boissons fermentées (Claude
. Bernard), finit par devenir cirrholique ou graisseux.
Le cœur et les reins subissent également la dégéné-
rescence graisseuse. Les artères s’infiltrent de sels
calcaires, se sclérosent et cèdent ensuite à la pres-
sion sanguine, produisant alors des anévrismes,
des hémorragies cérébrales, etc. Cazalis a dit que
l’homme avait l’âge de ses artères ; l’alcoolique,
même adolescent, est donc, qu'on nous passe
l'expression, un jeune vieillard.
1 Leuper : Des ulcères de l'estomac à la suite des boissons
alcooliques, Congrès médic.-chirurg. de Rouen, 1863.
. DORREMANS
Fig. 3. — Natalité et mortalité dans le département de l'Eure, depuis 1825.
Voici quelques chiffres empruntés au D' Drys-
dale * :
Mortalité des assurés sur la vie de la Compagnie « Le Sceptre»,
de 1884 à 1889.
NOMBRE NOMBRE
des morts des morts
calculées effectives 10
Section générale. . . . 569 434 76,27
Section des abstinents. 249 183 51,42
[2
Donc, 18,85 °/, de cas de mort en moins dans la
section des abstinents que dans la section générale.
1 DryspaLe : The comparative Death-rate of total Abstai-
ners and moderate Drinkers, London, 1890.
652 D' RAOUL LEROY — L’ALCOOLISME DANS L'EURE AU XIX° SIÈCLE
Mortalité des assurés sur la vie de la Compagnie dépopulation du département de l'Eure est, sans
Eee Eee on EU Mu doute, fort complexe, et il n’entre pas dans notre
rôle de l’examiner sous toutes ses faces. Disons
NOMBRE NOMBRE s é'
de morts de morts seulement que deux des causes principales sont
calculées effectives Cy as 4 Ê ge à Ë
= — == l'abaissement de la natalité et l'augmentation dela
SECHE nt ste 2) mortalité. Si la première semble au-dessus de notre
Section des abstinents. 2.418 1.70% 10
Donc, 29 °/, de cas de mort de moins chez les
abstinents.
Morbidité hebdomadaire (1866 à 1881) chez chacun des assurés
des sociétés de secours mutuels.
M. V. EXP. RURAL
TOWNS
and city Distr.
(non abstinents)
M.EXPERIENCE
Rural Districts
(non abstinents)
SONS OF TEMPER.
(abstinents)
FORESTERS
(non abstinents)
1,40 semaines 26,20 semaines 24,68semaines 27,66semaines
Ces considérations expliquent clairement pour-
quoi l'Eure, pays sain et riche, a une mortalité
considérable. D'après nos observations person-
nelles et celles de nos confrères amis, la tubercu-
lose fait des ravages de plus en plus marqués; les
affections de l'estomac sont si générales (entre
autres la dyspepsie flatulente et l’ulcère rond), que
tous les médecins normands en ont été frappés: les
affeclions hépatiques se voient couramment, et le
nombre des artérioscléreux augmente de jour en
jour.
Un autre raison de l'accroissement des décès ré-
side dans la grande mortalité des enfants par suite
de l'alcoolisme infantile. Les troubles nerveux du
bas âge sont extrêmement fréquents, et il n’est pas
rare de voir les nourrissons présenter des convul-
sions par le fait de l’intempérance de la nourrice.
Nous en connaisons deux exemples remarquables,
et M. le professeur Brouardel, doyen de la Faculté
de Médecine de Paris, nous cilait récemment le
cas d'un de ses élèves, établi dans la région, qui
avait dû proscrire l'allaitement maternel dans une
partie de sa clientèle en raison de l'ivrognerie
invétérée des mamans. De plus, les fils de buveurs
sont en général malingres, chélifs, prédisposés à
toutes les maladies. « Les alcooliques, dit M. Coste,
transmettent leur infirmité constitutionnelle à leurs
enfants. Ceux-ci naissent frappés au coin de la
débilité physique ou de la débilité mentale. Tantôt
ils meurent en bas âge ; tantôt ils sont scrofuleux,
rachitiques; tantôt ils deviennent phtisiques à la
puberté. Ces dénouements sont bien cruels; mais
le châtiment de l'intempérance des parents est en-
core plus terrible, quand les enfants sont idiots ou
faibles d'esprit; plus terrible encore, quand les
enfants, intelligents à certains égards, sont vicieux,
sans moralité, criminels : toutes conséquences
d'un déséquilibre nalif qui a son origine dans
l'état constilutionnel des ascendants. »
La question, si grosse de conséquences, de la
atteinte et nécessite un changement radical dans
l'état d'esprit des habitants, la seconde n'est pas
inaccessible à nos moyens. Il était utile de montrer
l'importance du mal alcoolique dans la genèse de
tant d’affections mortelles. Les règles de l'hygiène
(la première est la tempérance) sont destinées à
étendre la durée de la vie. Espérer que le Normand,
devenu sobre, saura mieux conserver sa sanlé dans
l'intérêt de sa race n'a rien qui soit au-dessus des
chances probables.
VI. — L'ALCOOL ET LA CRIMINALITÉ.
IL suffit de lire les faits divers des journaux pour
se rendre compte du rôle immense de l'alcoolisme
dans la criminalité. La conscience et le sens moral
s’obseurcissent vite chez le buveur; grossier,
cynique, paresseux, il devient indélicat, mal-
honnête, se laisse aller à tous ses mauvais pen-
chants et arrive, tôt ou tard, à avoir affaire avec la
justice. L'alcoolisé est susceptible, ombrageux,
souvent agressif et batailleur; ses colères vio-
lentes, non motivées, le poussent à l'homicide. Que
de crimes épouvantables ne sont que le résultat de
l'excitation éthylique !
Déjà Dumesnil citait ces mots qu'avait prononcés
un échevin de Rouen en 1349 : « De vingt bandits
ou routiers, messires, dix-neuf se sont formés au
cabaret ». Le mal est encore décuplé par lal-
coolisme héréditaire. Chez les enfants d'ivrognes,
la tare originelle se révèle non seulement par des
anomalies physiques ou mentales, mais encore par
des monstruosités dans la sphère morale. Le cri-
minel-né se rencontre le plus souvent dans les
familles adonnées à l’intempérance.
Les prisons sont peuplées de malheureux êtres
tolalement avilis par celte dégradante pas-
sion. M. Marambat, greffier de Sainte-Pélagie, à
étudié l’action de l'alcool sur 2.950 prisonniers
parisiens. Il a trouvé, comme alcooliques, 88 °/
condamnés pour coups et blessures, 79 °}, pour
attentats aux mœurs, 78 °/, pour vagabondage,
10 °/, pour vols, 57 °/, pour incendies et 53 °/, pour
homicides.
Une constatalion inverse et plus intéressante
encore à été faite en Irlande vers 1810. Un capucin,
le Père Mathew, mena à cette époque dans le pays
une vive campagne antialcoolique. Sous l'influence
de ses prédications, le nombre des buveurs baïissa
considérablement : 237 débits de boissons dispa-
D' RAOUL LEROY — L'ALCOOLISME DANS L'EURE AU XIX° SIÈCLE
rurent, une des prisons de Dublin fut fermée; le
nombre des détenus tomba de 3.200 à 1.600, et, au :
lieu de 59 exécutions capitales, il n'y en eut plus
qu'une seule.
Puisque l'influence du développement alcoolique
sur la criminalité est telle, on ne saurait s'élonner
que la Seine-Inférieure et l'Eure arrivent en tête
des départements qui fournissent le plus de
crimes.
D'après les documents publiés par le Ministère
de la Justice pour la période 1878-1887", au point
de vue de la criminalité générale (Cour d'assises
et tribunaux correctionnels réunis), le département
de l'Eure occupait le 8° rang, avec 742 accusés ou
- prévenus par 100.000 habitants, la moyenne an-
- nuelle de la France étant de 517.
Les sept départements pour lesquels on relève
des chiffres plus élevés sont :
Bouches-du-Rhône. 1.015
Corse . 982
Seine . AD RE 961
Alpes-Maritimes . 909
Seine-Iuférieure . . . 834
HÉTAUI TEE Cure 815
Seine-et-Oise. . 151
Eure. . . 742
Si l'on considère que l'Eure ne compte pas une
seule grande ville, a peu de centres industriels de
quelque importance et un nombre d'étrangers
infime, on doit reconnaitre qu'un tel chiffre est
énorme et qu'il n'existe pas en France de popu-
lation rurale présentant un état moral aussi mau-
vais”.
En recherchant les causes qui contribuent à un
pareil résultat, on voit que les principales sont la
violence et l'immoralilé.
L'Eure vient, en effet, au 5° rang des départe-
ments classés d'après le nombre des accusés pour
assassinats, meurtres, coups et blessures :
Corse . TC né 9322
Haute-Savoie. . . . . 170
Alpes-Maritimes: : « : . . . . 154
Pas-de-Calais. . . . . . . 146
ATOS EUE 0 OEM EE MATE TEE 137
et au 6° rang relativement aux viols, attentats aux
mœurs et adultères :
Seine. NES QT ER 34
Bouches-du-Rhône Ce EE 20
BIDESMALIMES RE CL RON. 25
Marne . ASP 2%
Selné-InférTienre. en: ras sie dilat 25
TOR SEE PNR RO APRES Le DER 22
Ces chiffres remontent à quinze ans. La Commis-
sion extra-parlementaire, instituée au Ministère des
1 Compte rendu de l'administralion de la justice crimi-
minelle pendant l'année 1887, Imprimerie nationale, 1889.
? La Corse doit sa grande criminalité à une cause toute
spéciale, dérivant des mœurs du pays.
| Finances en vue d'élaborer la question du mono-
pole de l'alcool (1896), a publié une statistique plus
récente, comprenant les années 1891, 1892 et 1893.
Celle-ci montre que l'Eure arrive actuellement à
dépasser, comme criminalité, les départements
urbains.
Voici quelques indications à ce sujet :
Classement des départements suivant la proportion par
1.000 habitants du nombre des individus annuellement
condamnés par les Cours d'assises :
COS MAS PACS 0,36
Alpes-Maritimes . 0,23
Calvados . . 0,22
Eure . . DCE. 0,19
Bouches-du-Rhône 0,19
Seine. 0,18
Var. 0,16
oire MA u.r 0,15
Ille et-Vilaine . J 0,14
Moyenne générale. . 0,09
Classement des départements suivant la proportion par
1.000 habitants du nombre des individus annuellement
condamnés par les tribunaux correctionnels :
Corse and retanener.s das Mie QUES
Euro ea 10,88
Seine-Inférieure . 10,81
Hérault . 10,4%
Calvados. 5 CN 10,2%
Seine-AEOISP. LA ee note ee a00
Alpes-Maritimes "C0. 1955
Bouches-du-Rhône. . . .=., . . "9,46
SORA ER EM TR NT R 9,44
Moyennelgéneérale sn. RES 55
L'Eure tend à prendre la première place; il l'oc-
cupe même pour les délits jugés par les tribunaux
correctionnels, en faisant abstraction de la Corse.
Lorsqu'on examine dans son ensemble la crimi-
nalité dans l'Eure depuis soixante-quinze ans, la
première chose à remarquer est que le total des
accusés jugés par la Cour d'assises était beaucoup
plus considérable autrefois qu'aujourd'hui. Il ne
faut pas en conclure que les crimes ont diminué
de fréquence. Depuis nombre d'années, en effet,
l'instruction écarte les circonstances aggravantes
afin d'assurer, par la juridiction correctionnelle,
une répression plus prompte et de ne pas surchar-
ger les Cours d’assises d’affaires ne présentant pas
un réel caractère de gravité.
Si nous voulons juger sûrement l’état moral du
pays, il importe, d’une part, de réunir les prévenus
aux accusés et, d'autre part, d'étendre l'examen à
une période suffisamment longue pour faire dispa-
raître les exceptions pouvant se produire dans le
cours d'une année. En suivant ces indications,
nous obtenons les résultats suivants :
1841-1850.
1861-1810.
1881-1890.
4,6 accusés ou prévenus pour 1.000 hab.
4,2
88
f —.
19
Ainsi, la criminalité dans l'Eure a doublé depuis
trente ans, en même lemps que la consommation
65%
annuelle d'eau-de-vie passait de 5 litres à 45 litres
par habitant. Si l'alcool n’est pas la cause unique
de ce mal sans cesse grandissant, il faut avouer
qu'il y contribue pour une bonne part, car ce sont
surtout les crimes violents, les attentats aux mœurs
et les incendies, dont le chiffre s’accroit de jour en
jour.
NII. — L'ALCOOL ET LES SUICIDES.
Dans un remarquable ouvrage ‘, M. Durkeim dit,
à propos de l’action alcoolique sur la marche des
D' RAOUL LEROY — L'ALCOOLISME DANS L'EURE AU XIX° SIÈCLE
sité dans la Seine et dans les départements voisins;
elle est déjà moins sombre en Normandie et n’at-
teint pas le Nord. La première se développe vers
l'Ouest et va jusqu'au littoral de l'Océan; la se-
conde a une orientation inverse. Elle est très vite
arrêtée dans la direction de l'Ouest par une limite
qu'elle ne franchit pas; elle ne dépasse pas l'Eure
et l'Eure-et-Loir, tandis qu'elle tend fortement vers
l'Est. »
Il résulte des observations de M. Durkeim que
les cartes de la consommation alcoolique et des
suicides : « Au premier abord, un rapport étroit | suicides sont sensiblement comparables, à quel-
, ,
= = =“ =\ EX À En = = _ = A EX es:
$$$ aber. 5 Sete
Te TETE nant
Ï anal nn CET + mu Er $ 000
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30 CE D HE El EE LITTLE CET Le. 000
nfinenen
Fig. 4 — Marche de la consommation de l'alcool, de la population et des suicides dans l'Eure, depuis 1830.
paraît exister entre la quantité d'alcool consommé
et la tendance au suicide, au moins pour ce qui
concerne notre pays. En effet, c'est dans les dépar-
tements septentrionaux qu’on boit le plus d’alcool,
et c’est aussi sur cette même région que le suicide
sévit avec le plus de violence.
« Mais d’abord, les deux taches n'ont pas du
tout, sur les cartes, la même configuration. L'une
a son maximum de relief en Normandie et dans le
Nord, etelle se dégrade à mesure qu'elle descend
vers Paris; c'est celle de la consommation alcoo-
lique. L'autre, au contraire, a sa plus grande inten-
1 Eurce Dunkerm : Le Suicide (Bibliothèque de Philosophie
contemporaine), 1897.
Î
FE. BorrREMANS Sa
ques départements près. Le fait qu'elles ne le sont
pas absolument ne prouve qu'une chose : l'alcoo-
lisme n’est pas tout et le suicide dépend de plu-
sieurs facteurs, comme le montre l'influence des
races, de la richesse publique, des centres ur-
bains, ete. |
Si la Bretagne fournit peu de morts volontaires,
malgré son intoxication éthylique considérable, ne
peut-on pas attribuer ce résultat à la pauvreté du
pays, à sa grande nuptialité ou bien à la prépon-
dérance des idées religieuses? Si la carte des sui-
cides a son maximum dans la Seine et les départe-
ments voisins, ne serait-ce pas gràce à la présence
de Paris?
En étudiant la carte des suicides des départe-
D' RAOUL LEROY — L'ALCOOLISME DANS L'EURE AU XIX°‘ SIÈCLE 65
ments par arrondissements, on voit que, dans l'Eure,
l'arrondissement de Pont-Audemer est le plus
envahi par le fléau. Or, cette région est celle où le
mal alcoolique atteint son maximum d'intensité.
Pour nous, nous considérons l'alcoolisme comme
le facteur le plus important des suicides et nous
ne craignons pas d'être démenti par nos confrères
aliénistes en disant que les suicides des alcoo-
liques sont d'une extrême fréquence, soit qu'ef-
frayés par une hallucination terrifiante, ils croient
échapper au danger en se jetant à l’eau ou en se
précipitant d’une fenêtre, soit qu'ils se tuent à la
suite de délires mélancoliques ou d'idées de persé-
cution, si communes chez ces malades !. De plus,
les habitudes d'ivrognerie agissent d'une facon
très puissante sur l'énergie morale qu'elles amoin-
drissent. L'homme qui boit, déprimé peu à peu par
le poison, diminué dans sa volonté, s’exagère les
difficultés de l'existence, se croit incapable de les
surmonter et préfère en finir avec la vie.
Le département de l'Eure donne la preuve écla-
tante de l'influence de l’intempérance sur le déve-
loppement du suicide. La progression des suicides
y est parallèle à la progression de la consomma-
lion alcoolique (fig. 4).
Pour bien se rendre compte de la gravité du
mal, il est bon de chercher le rapport des suicides
avec la population, et de le comparer à la moyenne
de la France :
PROPORTION ANNUELLE
sur 100.000 habitants
PÉRIODES QUINQUENNALES Eure France
Ho CU RES SRE 9 8
RE TITRE SERRE 9 d
1446-1850.../.1: .1.7 12 10
1892-1855 121. -, - | D IQÉOAS 12 10,50
42856-18600 2. . ts ÀE 16 il
ADAM Ne nette 18 12
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ASTASLET ON PME re : 24 15
AISÉE RNA 16 17
ARS EE PE ENS 32 20
ARSGASIDENS Ur EC. 40 21
RES EICE SSSR . 46 22
Que dire devant cette constatation ? Le total des
suicides s'accroît chaque année dans des propor-
tions effrayantes : il a doublé en cinquante ans, et
dépasse aujourd'hui le double de la moyenne de la
France. Cette marche ascendante a suivi pas à pas
celle de l'alcool; elle s’est surtout accentuée à par-
tir de 1877, suivant en cela le bond énorme de la :
courbe éthylique. Le département de l'Eure, si
pauvre en vies humaines, perd chaque année 150
à 200 êtres enlevés par le suicide. Il y a là un fac-
teur de dépopulation qui ne doit pas être oublié.
* La Gazette des Tribunaux du 13 avril 1865 cite un
exemple remarquable de suicide par suite d’alcoolisme dans
une même famille. Les quatre frères Dufay étaient tous
adonnés à l'ivrognerie la plus effrénée. L'ainé s'est jeté à
©
VIII. — L'ALCOOL ET LE SERVICE MILITAIRE.
L'abus des boissons spiritueuses exerce une
action désastreuse sur la constitution humaine. Il
arrête le développement de l'organisme, et diminue
la vigueur corporelle. Nos lois militaires ordonnant
chaque année, en vue du contingent, l'examen phy-
sique de tous les jeunes gens, il était utile de savoir
s'il se dégageait quelque rapport constant entre le
nombre des cas d’exemption et la marche de la
consommation alcoolique. M. le sénateur Claude
(des Vosges) relate ce fait que les départements
de Meurthe-et-Moselle et des Vosges, renommés
pour la validité de leurs recrues, ont accusé un
chiffre de réformes considérable du jour où ces
contrées, jadis sobres, se sont livrées à l'intempé-
rance. M. Guillemet remarque, de son côté, que le
département de la Seine-Inférieure, où il y avait, en
1873, 405 exemptés pour 6.604 inscrits, soit 6 °/,,
comptait, en 1893, 1.680 exemptés pour 6.796 ins-
crils, soit 27 °/,.
Dans l'Eure, on n'observe pas la même progres-
sion. Le tolal des cas de réforme est singulièrement
variable d'année en année, et la chose se comprend
facilement si l'on considère que les Commissions
se montrent plus ou moins sévères selon les ins-
tructions du Ministre el les appréciations indivi-
duelles des médecins militaires.
Afin de se rendre compte plus exactement de la
valeur physique de chaque classe, il est préférable
de négliger le nombre des jeunes gens ajournés,
réformés ou placés dans l’armée auxiliaire, pour
s'occuper uniquement du chiffre des hommes recon-
nus propres au service. On s'approche mieux ainsi
de la vérité.
Le résultat obtenu indique que le pourcentage
des hommes bons à être incorporés est moins élevé
aujourd'hui qu'il y a vingt-cinq ans.
RERO RE) OS ET 70 LL PE 73 °/o
ASSOSTSSAR EN RER Le Te. 71
L885-A8SI PRE NU Ue 12
LCTBICEE MONS y CESSE Te 69
1895-1899. AVENANT US 64
Cette diminution, surtout appréciable pour les
cinq dernières années, donne la preuve de la dé-
chéance imputable à l'alcoolisme des procréateurs.
IX. — L'ALCOOL ET L'ALIÉNATION.
L’aliénation mentale a suivi, au xIx° siècle, un
mouvement ascensionnel inquiétant. Les asiles
sont partout encombrés, de nouveaux éfablisse-
ments s'ouvrent aussitôt complets, et les départe-
l'eau, le second s'est pendu, le troisième s'est coupé la
gorge, et le quatrième s’est jeté d'une fenêtre.
ments voient leurs budgets obérés par ces charges.
Une des causes de l'augmentation du nombre des
fous hospitalisés réside dans. la plus grande facilité |
de l'internement. Le législateur a voulu, dans un |
but de sécurité publique, retirer de la société les
aliénés qu'on laissait autrefois en liberté, afin de
les guérir ou tout au moins les metlre dans l'im-
possibilité de nuire. Des efforts inouïs ont été faits
dans ce sens, et ce n’est pas un des moindres litres
du xix° siècle à la reconnaissance des générations
futures.
D' RAOUL LEROY — L'ALCOOLISME DANS L'EURE AU XIX° SIÈCLE
Une autre raison, attristante celle-là, est l’ac-
L'intoxication ne se contente pas de frapper le
buveur dans sa personne; elle le poursuit encore |
dans ses enfants, pendant la suite des générations.
Les idiots, les imbéciles, les hystériques, les épilep-
tiques, les dégénérés se retrouvent en grande partie
parmi les descendants d’alcooliques. Déjà Hippo-
crate avait remarqué que les enfants conçus pen-
dant l'ivresse étaient menacés des troubles phy-
siques et psychiques les plus graves. Darwin admet »
que les enfants héritent jusqu’à la troisième géné- \
ration des maladies engendrées par l'ivrognerie.
Morel, Marcé, Roesch, Friedrich, etc., arrivent aux
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10. 000 sennu
8.000 75 À DFRÉMANS 50.
Fig. 5. — Marche de la consommation de l'alcool, de la population et de l'aliénation mentale dans l'Eure, depuis 1827.
croissement des aliénés par suite des progrès de
l'alcoolisme. Tous les travaux contemporains ont
montré l'étroite corrélation existant entre le déve-
loppement de la consommation éthylique d'une
contrée et la marche de la folie. L'alcool agit sur
l'économie à la facon des toxiques qui imprègnent
l'organisme tout entier, et y créent un état patho-
logique général. Il n’est pas, toutefois, de système
organique plus fréquemment atteint que le système
nerveux,et plus spécialement le cerveau. La cellule
cérébrale présente une susceptibilité particulière
vis-à-vis du poison alcoolique, surtout chez les
prédisposés : l'ivresse n'est-elle pas une courte
folie ? L'homme qui se livre chaque jour à l'intem-
pérance arrive Lôt ou tard, selon son degré d’éner-
gie physique, au délire ou à la démence.
mêmes conclusions. Plus près de nous, M. le
D° Legrain s'est livré, à ce sujet, à une série de
recherches fort instructives. Il a étudié 215 familles,
de buveurs, et en a observé la descendance jusqu'à"
la troisième génération. Le nombre d'individus nés
de ces familles a été, pour les trois générations, de
814, sur lesquels 174 ont succombé prématurément.
Sur les 640 restants, une centaine seulement ont
joui d'un état physique et mental satisfaisant ; les.
autres ont donné lieu aux constatations suivantes 2
élaient atteints de perversion morale,
avaient eu des convulsions infantiles,
ont présenté de l'hystérie ou de l'épilepsie,
étaient des aliénés.
62
173
131
145
Étant donné celte influence de l'alcoolisme sur
la folie, il n’est pas étonnant que le département,
D° RAOUL LEROY — L'ALCOOLISME DANS L'EURE AU XIX° SIÈCLE
657
de l'Eure présente un accroissement continu des
cas d’aliénation. Il suffit, pour s'en convaincre, de
jeter les yeux sur la figure 5, où nous avons mis en
parallèle l'alcool, la population, le total des ma-
lades et le chiffre des admissions annuelles, On y
voit que la courbe de l'aliénation suit une marche
’ ascensionnelle, absolument régulière dans son en-
“semble, tandis que celle de la population baisse
. progressivement.
Ces documents nous permettent de nous rendre
- compte du rapport du nombre des fous à celui des
habitants :
mu 1841-1850. 40 aliénés en traitement par 100.000 hab.
1851-1860. 63 en Le
1861-1870. 110 — —
m… 1571-1880. 142 — _
…._ 1551-1890. 180 = =
m… 1591-1898. 199 —— —
A 4
…_ Au point de vue du chiffre des admissions an-
f nuelles, la proportion est celle-ci :°
D 1851-1860. . . . . 1% admissions par 100.000 hab.
1861-1870. . . . . * 23 — =
1871-1880... 31 —
1881-1890. . . . . 32 — —
ASOIS 1898 0e 39 — =
L'augmentation du nombre des aliénés est due,
“sans aucun doule, à l'alcoolisme. La statistique
montre, en effet, que le chiffre des vésanies pro-
QU dites a plutôt tendance à diminuer, tandis
pue celui des alcooliques et des dégénérés de
“toute nalure se multiplie dans des proportions
effrayantes. La physionomie de l'Asile d'Évreux a
complètement changé depuis vingt- ne ans. Les
agités, les grands délirants ont pour la plupart
“disparu, remplacés par des débiles. La moyenne
de l'intelligence des malades qui entrent chaque
“année diminue de plus en plus. Nous avions fait
“également la même remarque dans notre étude sur
| l'Asile de Quimper.
…— D'où vient donc ce changement, celte accen-
| fuation de la dégénérescence, alors qu'en internant
les aliénés, en les empêchant de faire souche, on
faisait la meilleure prophylaxie de l'aliénation ?
Les travaux de Morel, de notre maitre M. le
D° Magnan, et de nombre de ses élèves, nous l'ap-
prennent avec surabondance de preuves. La raison
de cette dégénérescence, c'est le fléau élhylique,
qui, en intoxiquant les procréaleurs, multiplie le
nombre de familles tarées, et abàätardit la race.
Les renseignements que nous sommes à même
de recueillir sur les antécédents héréditaires nous
confirment chaque jour dans cette opinion. Sou-
vent le malade compte un aliéné dans ses ascen-
dants; plus souvent encore, peut-être, ses parents
se livrent à des excès de boisson. L'hérédo-alcoo-
lique a, pour ainsi dire, le délire en puissance.
REVUE GÉNÉRALE DES SCIENCES, 1901,
Son père a pu absorber de grandes quantités de
boisson avant de succomber: lui, au contraire, né
avec le goût des liqueurs fortes, délire à la moindre
infraction aux règles de l'hygiène. C'est avec raison
qu'on à pu dire que l'alcool était la pierre de
touche du dégénéré; son intoxication se traduit
par un véritable accès d’aliénalion, et cet accès
n'est pas le délire alcoolique (il n’a pas le lemps
d'y arriver), c'est une des formes complexes sous
lesquelles se révèle le délire des prédisposés.
Le rapport si documenté de M. le sénateur Claude,
des Vosges, donne, pour la proportion d'alcoolisés
traités à l’Asile départemental de l'Eure, les chiffres
de 28 °/, des admissions annuelles chez les hommes,
et de 7 °/, chez les femmes, et cela pour la période
1871-1885.
Depuis 1885, le nombre des admissions alcoo-
liques oscille autour de 30 °/, pour les hommes, et
8 °/, pour les femmes. Beaucoup de ces malades
sont internés à la suite d'un examen médico-légal
qui les a reconnus irresponsables de l'acte criminel
commis par eux. Nous comprenons dans ce chiffre
de 30 °/, les alcooliques purs et les dégénérés
alcoolisés, ceux-ci étant beaucoup plus nombreux
que ceux-là.
Quant à la question si intéressante du rapport de
la paralysie générale et de l'alcoolisme,
peut-être pas inutile de noter ce fail que le nombre
des paralytiques généraux est reslé à peu près
stationnaire depuis l'ouverture de l’Asile, et qu'il
n'a nullement suivi la progression de la consom-
mation alcoolique.
En 1899, sur 108 aliénés de l'Eure entrés pour la
première fois, il existait 11 paralytiques généraux,
soit près de 10 °/,. En 1895, ce rapport était de
12 pour 120, soit 10 °/,. Les chiffres des années
précédentes donnent sensiblement la même pro-
portion.
il n'est
X. — CONSÉQUENCES FINANCIÈRES.
« Si vous avez l'illusion que nous ävons épuisé
la liste de nos misères, hälez-vous de la perdre.Tout
se tient dans une société, les intérêts comme les
citoyens, et nous serions trop heureux si, après avoir
payé à la folie, au crime et à la décrépilude d'aussi
lourdes dimes, nous avions au moins la consolation
de sauver le numéraire. Croyez-vous que ce soit
impunément pour les deniers publics que nous
tenons enfermés des milliers d’aliénés alcooliques
ou fils d’alcooliques, que nous gardons sous clef les
milliers de malfaiteurs que nous devons à l'alcool,
que nous hospitalisons les infirmes, les épileptiques
et les idiots ? Croyez-vous que le chômage du lundi
de paresse, que le repos forcé dû à la maladie n’ont
pas de répereussion du côté de la bourse des con-
14°
658
D' RAOUL LEROY — L'ALCOOLISME DANS L'EURE AU XIX:° SIÈCLE 1
tribuables? Quand les bras chôment, l'estomac ne
chôme pas; il faut nourrir les affamés sans pain, il
faut réchauffer les petits qui grelottent quand le
père se tue au cabaret. Où l’Assistance publique
puise-t-elle ses ressources? Qui fera le décompte
de l'argent gàché pour la seule satisfaction d'impul-
sions maladives, de passions grossières, de jouis-
sances malsaines ou de préjugés néfastes? Il serait
temps de dire bien haut où va l'argent‘. » (Legrain.)
M.Rochard” a essayé d'évaluer, pour l’année 1881,
les dépenses occasionnées en France par l'alcool.
Il estime le prix de l'eau-de-vie consommée à 90 mil-
lions, le coût des journées de travail perdues à
960 millions, les frais de traitement pour maladie à
10 millions, les frais d’internement des aliénés à
3 millions, les frais de répression pour les crimes à
9 millions, etle coût des suicides el des morts acci-
dentelles à 5 millions. C'est un total de 1 milliard
138 millions, et cette somme colossale est considé-
rablement dépassée aujourd’hui, puisque limpôt
sur les spiritueux à produit à lui seul 256 millions
en 1894.
Si le même travail était fait pour le département
de l'Eure, on serait probablement effrayé du résul-
tat. Sans traiter à fond cette question, nous pou-
vons tout au moins donner quelques renseigne-
ments.
Le budget départemental est de plus en plus
obéré chaque année par les dépenses d’assistance
publique. Depuis cinquante ans, les frais occa-
sionnés par le traitement des aliénés indigents ont
triplé, alors que la construction d’un asile aurait
dû, l'installation une fois payée, diminuer les
charges des contribuables. En 1850, la somme con-
sacrée à ce service était de 86.000 francs, y compris
la contribution des communes et des familles;
en 1860, elle s'élevait à 134.000. Voici la progres-
sion depuis l'ouverture de l’Asile d'Évreux :
AGIT et als e chere ee HIO2 0UDMITANCSS
LORS eee DDDESE ES
ABB ANNE UE ER MA Tone 251.000 —
A SOON LD We ee 259.000 —
RON PC le EME 267.000 —
Le service des enfants assistés, comprenant les
enfants trouvés et ceux moralement abandonnés, a
nécessité la même progression de dépenses, pro-
gression portant principalement sur ces derniers.
La loi du 24 juillet 1889 a voulu retirer aux parents
indignes les malheureux enfants qui, livrés à eux-
mêmes et poussés au vice par les mauvais exemples,
élaient voués, falalement, à l'ignorance, au vaga-
! Cité par M. Guinceuer, dans le Rapport sur le monopole
de la rectification de l'alcool, Journal officiel, 1897. Annexe
n° 2.212.
? Rocuarp : L'alcool, son rôle dans les sociétés modernes,
dans la Aevue des Deux Mondes, 15 avril 1886,
bondage, au vol, à la prostitution, etc. Cette loi,
essentiellement humanitaire et de préservation so-
ciale, est appelée à retirer de l’armée du crime, pour
en faire des travailleurs et des honnêtes gens,
quantité d'infortunés qui auraient été corrompus |
par l'influence du milieu. Ce sont les tribunaux qui
prononcent la déchéance paternelle, et confient les
droits de garde et de tutelle des enfants à l'Assis= M
tance publique.
Il faut lire les considérants des jugements pour
se rendre compte du rôle immense de l'alcoolisme
dans l'indignité des parents. Partout ou presque
partout c’est la même histoire lamentable : «le père
ou la mère se livrent à l’ivrognerie la plus effrérée,
et sont d’une inconduite notoire ».
De 1850 à 4899, les tribunaux du département de
l'Eure ont rendu 283 jugements de déchéance
paternelle, sur lesquels 226 ont eu pour cause pri-
mordiale l’intempérance scandaleuse des parents.
Étant donné les mœurs du pays, on ne saurait
s'étonner que le nombre des pupilles de l’Assis-
tance s’accroisse chaque année.
Il était de 186 en 1890, il s'approche de 700
en 1899, et ce n’est pas se montrer grand pro-
phète que de prévoir une constante augmentation.
On se plaint journellement du poids des impôts,
chacun répète à l’envi qu'on ne travaille plus « que“
pour le Gouvernement », que le Minotaure dévore
tout, que le percepteur encaisse le fruit de tous les
labeurs. Que dirait le contribuable si on venait lui è
prouver que cet argent des impôts directs, versé \
avec tant d’amertume, est moins considérable que
celui donné volontairement à l'État pour Re
:
ses habitudes malsaines et ses vices? La chose est
facile à faire, tout au moins pour l'habitant du
département de l'Eure. Il suffit de relever, pour
chaque année, le produit des impôts directs et celui
des contributions indirectes concernant seulement
les boissons et le tabac. On y trouvera un rappro-
chement intéressant.
CONTRIBUTIONS INDIRECTES
Années Impôts directs Boissons Tabac Total
1819. . . .« 9.826.000 2.567.000 1.916.000 4.483.000
LESAP EEE 9 405.000 2.921.000 1.949.000 4.870.000
blocs 9.516.000 5.474.000 4.305.000 9.780.000)
1890... . 9 820.000 5.897.000 4.108.000 9.905.000
189%. , . . 8.878.000 6.260.000 #4.022.000 10.282.000
1895... . . 9.036.000 5.143.000 3.924.000 9.067.000
1898. « « « 9.163.000 6.199.000 4.005.000 10.204.000:
Ainsi, depuis 1895, les habitants de l'Eure paient
plus en contributions indirectes (alcool et tabac seu=
lement) qu'en impôts directs, et, pour l’année 1898,
la différence est d'un million.
Le rendement des boissons est passé de
2.500.000 francs en 1879, à 6.200.000 en 1898, Cette
progression mérite d'autant plus d'être signalée
que nous sommes ici dans un pays contenanb
ANDRÉ BLONDEL — L'INSCRIPTION DIRECTE DES COURANTS ÉLECTRIQUES VARIABLES 639
25.000 bouilleurs de cru, et où, par conséquent, la
plus grande partie de l'eau-de-vie consommée
échappe au fisc.
XI. — ConcLusIoNs.
Queile conclusion tirer de cette étude? L'’alcoo-
lisme est un mal qui anéantit les forces vives d'une
- nation. Il tue l'individu et, avant de le tuer, le
déprave et l’avilit. En accroissant par la voie héré-
ditaire la foule des faibles d'esprit, des criminels et
des aliénés, le poison contribue, pour une large
part, à la déchéance de la race. Perte du capital
humain par la multiplication des morts prématu-
… _rées, perte du capital intellectuel par l’accentuation
« de la dégénérescence, tel est le bilan de ce fléau.
« L'alcool, a dit Gladstone, fait de nos jours plus
de ravages que les trois maux historiques : la
famine, la peste et la guerre. Plus que la famine et
… la peste, il décime; plus que la guerre, il tue ; — il
« fait plus, il déshonore. » Un peuple n'est puissant
- que par le nombre et la vigueur physique ou
morale de ses enfants. L'alcoolisme nous pousse
donc peu à peu vers la décadence, par la soustraction
incessante de forces sociales.
Entre toutes les régions de la France, la Nor:
mandie est menacée de ce péril. Sa populalion dimi-
nue tandis que monte le flot des criminels et des
fous. Cette contrée, au climat tempéré, à la terre
fertile, voit chaque année un grand nombre de ses
enfants emportés par la maladie du suicide, mala-
die dont ils ne soupconnent pas la cause. Après
bien d’autres, nous venons signaler le danger dans
ce pays qui nous est cher à plus d’un titre. La saine
raison du Normand saura terrasser ce fléau, d’au-
tant plus à craindre qu'il semble inaperçu. Elle le
retiendra sur la pente qui l’entraine. Nous sommes
ici en présence d'un fonds si fécond de volonté
forte, de calcul patient et de ressources matérielles.
qu'on peut espérer de cette riche province unintel-
ligent et courageux effort de relèvement".
D' Raoul Leroy,
Médecin-adjoint de l'Asile des Aliénés d'Evreux.
| L'INSCRIPTION DIRECTE
DES COURANTS ÉLECTRIQUES VARIABLES
; DEUXIÈME PARTIE : APPLICATIONS DES OSCILLOGRAPHES
" A L'ÉTUDE DE L'ARC ÉLECTRIQUE
Les applications des oscillographes sont dès
“maintenant presque indéfinies, tant dans le Labo-
f ratoire que dans l'Industrie, pour l'étude de tous
“les phénomènes des courants alternatifs ou va-
riables, de rapidité modérée. L'auteur a publié déjà
plusieurs travaux de ce genre, et, à l'Étranger, di-
«vers physiciens! ont également employé les oscil-
… lographes avec succès.
“ Comme exemple particulièrement intéressant de
ces applications, je reproduirai ici d’abord quelques
courbes relatives à un phénomène plus complexe
“qu'il ne le parait, celui de l’arc électrique à cou-
rants alternatifs; j'avais fait connaitre déjà les
principales propriétés de cet arc dans de précé-
dents mémoires?, et l'oscillographe m a donné des
vérifications très satisfaisantes. Cet appareil a per-
mis de relever en quelques jours des courbes
qu'il m'avait fallu jadis plusieurs mois pour obte-
>
1 Il convient de citer en particulier MM. Hotchkiss et
Millis, Mac Kittrick, Duddell et Marchant.
? La Eumière électrique, 19 décembre 1891 et G sep-
tembre 4893, complétée, au sujet du décalage, dans l'Z1-
dustrie électrique, 1895, p. 329.
nir moins parfaitement à l'aide de la méthode du :
contactinstantané (dont l'invention remonte à M.Jou-
bert).
Je signalerai ensuite les curieux effets relatifs à
l'arc entre métaux et charbons, encore peu connu.
Enfin je compléterai cette série d'exemples par une
autre étude, encore inédite, sur l’are pulsatoire etles
conséquences qui s’en déduisent pour la théorie de
la stabilité de l’arc continu.
I. — L'ARC ALTERNATIF ENTRE CHARBONS.
Les photolypes ci-joints (fig. 1 à 49), qui consti-
tuent la première publication d'oscillographie
double qui ait été faite ?, donnent les courbes de
4 La place forcément restreinte dont nous disposions ne
nous à pas permis d'aborder quelques questions acces-
soires; les personnes que le sujet intéresse les trouveront
exposées dans le Bulletin de la Société libre de l'Eure.
? Ces relevés photographiques ont été exécutés il y a
deux ans, sous ma direction, par mes assistants d'alors,
MM. Dobkévitch, Tchernosvitoff, Duris et Farmer, à qui je
tiens à exprimer ici tous mes remerciements pour leur
habile et dévoué concours. (Travail exécuté au Laboratoire
central d'EÉlectricité.)
660 ANDRÉ BLONDEL
l'intensité du courant dans l’are entre charbons et
de la différence de potentiel entre les pointes des
crayons dans leurs phases relatives. Ces courbes
sont rapportées à un même axe des temps, lracé
par l'appareil.
Le courant était fourni par le réseau du Secteur
de la Rive gauche, qui jouait le rôle d'une source
allernalive à 110 volts efficaces et à 42 périodes
par seconde, de résistance et de self-inductance
Fig.
Fig. 1. Courbe du Secteur de la Rive gauche. — Fig. 2 à
U, différences de potentiel entre pointes; I, intensités. Le table:
négligeables. La figure { montre la force électro-
motrice de ce secteur (inscrite à une échelle plus
réduite que les courbes suivantes), et le courant
obtenu sur un circuit inductif sans arc (le décalage
est sensiblement de un quart de période). On met-
tait en dérivation sur ce réseau une lampe à arc à
main, à charbons très courts (pour diminuer leur
résistance), en série soit avec une résislance morte,
soit avec une bobine de self-induction, suffisante
pour réduire, dans les deux cas, l'intensité du cou-
rant à une valeur voisine de 10 ampères. Les
Fig.
y
L'INSCRIPTION DIRECTE DES COURANTS ÉLECTRIQUES VARIABLES
lijures 1 à 19 sont une reproduction héliogra-
phique directe des courbes ainsi oblenues. Les
lettres E, U, 1, ajoutées au burin -sur les clichés,
désignent respeciivement les courbes de force élec-
tromotrice, de différence de potentiel entre pointes
et d'intensité de courant. On doit les lire de gauche
à droite (sauf la figure 19 où le sens a été inversé),
l'axe horizontal étant celui des temps croissants
dans cette direction.
Courbes de l'arc alternatif entre charbons. — E, f. 6. m;
iu | iudique les caractéristiques de chacune de ces courbes.
Le tableau I (page 662) résume les condilions de
production de l’are : ualure des crayons, diamètre,
écart des pointes, voltage entre pointes et inten-
sité de courant relevés à l'aide d'appareils de
mesure Calorifiques !.
‘ Les chiffres de force électromotrice, tension, intensité,
ont été relevés à l'aide des appareils susdits, et non déduits
des courbes. Les échelles de celles-ci ont varié suivaut les
expériences, d'après le groupement des bobines des oscillo-
graphes.
Les arcs 15* et 16* ont été produits entre, des charbons
ANDRÉ BLONDEL — L'INSCRIPTION DIRECTE
DES COURANTS ÉLECTRIQUES VARIABLES G61
Ces expériences, ainsi condensées sous une forme
succincle, permettent aisément d'établir les pro-
priétés principales suivantes :
Le phénomène de l'arc alternatif peut être extré-
différent suivant et
donne lieu à une infinie variélé de courbes (dont
celles qui sont reproduiles ici sont seulement des
mement les circonstances,
échantillons caractéristiques). Mais, en définitive,
les facteurs essentiels sont la 2a{ure des charhons
(homogènes, ou à mèche) et la nature di circuit
qui les contient (inducltif, ou non induelif).
Fig. 16.
Fig. 10 à 18. — Courbes d2 l'arc alternatif entre charbons (suite).
Fig. 17.
deux types très différents de courbes caractéris-
tiques des figures 2 et 6 respectivement, lesquelles
S'interprètent aisément, comme je l'ai montré, par
| les phénomènes de vaporisation et d’arrachement
disruplif du carbone. Ce dernier effet est néces-
saire pour rallumer l'arc à chaque changement de
signe, et se traduil par un bec de la courbe de ten-
sion U, sauf pour les arcs très courts (fig. 5); il ya
aussi assez souvent, à la fin de chaque alternance,
surtout lorsque l'arc est sifflant ou ronflant (fig. 2
et 6), un second bec, qui disparait dans les arcs plus
18
Fig.
— Les lettres ont la même signification que
précédemment. Le tableau I indique les caractéristiques de chacune de ces courbes.
En ce qui concerne les charbons, les seuls qui
donnent lieu à un phénomène parfaitement défini,
que nous appellerons l'arc normal, sont les char-
bons homogènes purs, contenant très peu de sels
minéraux (fig. 2 à 7 inclus); les charbons à mèche
ne donnent qu'un phénomène modifié ou bâtard.
1° Charbons homogènes. Pour les charbons
homogènes, l'influence de la nature du circuit est
des plus nettes; en effet, suivant que le circuit est
non inductif ou fortement induclif, on obtient les
de nature différente, pour faire apparaître une dissymétrie
marquée entre les deux alternances d'une période.
silencieux, ou quand on diminue l'écart des char-
J,
bons (fig. 4 et 5), ou enfin quand on ajoute une
àme légèrement saline (fig. 3). La grande différence
|
| entre les circuits non inductifs et les circuits
inductifs, c'est que, dans les seconds, le retard du
courant sur la force électromotrice, produit par
l'effet ordinaire de la self-induction, permet à la
tension de reprendre très rapidement, après chaque
changement de signe, une valeur suffisante pour
rallumer l’arc en sens inverse ; fandis que, dans les
circuits non induclifs, et surtout si l’are siffle, la
! Lumière électrique (loc. cit.).
662
différence de potentiel aux bornes suit, pendant
l'extinction, la courbe arrondie de la force électro- |
19. — Courbe de l'arc
Fig.
alternatif criardentre char-
bons homogènes durs en
circuit uon inductife
motrice de la source sur
une certaine longueur,
comme le montre par
exemple la figure 19*.
2 Charbons à äme.
— L'addition d’une âme
ou mèche, formée de
poudre de charbon mé-
langée à des silicates ou
substances analogues,
change complètement
les conditions de fonc-
tionnement, par la pro-
duction dans l'arc de va-
peurs salines conduc-
trices, qui entretiennent
une conduclibilité arti-
ficielle. Celle-ci tend à
‘ramener toutes les courbes à la forme simplement
sinusoïdale, ou arrondie (fig. 13, 14, 17), comme si
l'arc n’était qu'une résistance morte; les charbons
ANDRÉ BLONDEL — L'INSCRIPTION DIRECTE DES COURANTS ÉLECTRIQUES VARIABLES
tionnement, leurs courbes se rapprochent davan-
tage soit de la sinusoïde (fig. 8, 13, 14, 17), soit
au contraire des formes de l’arc normal (fig. 3, 9,
10 MAP M6)
La différence entre les formes de courant des
circuits inductifs ou non induclifs reste assez
caractéristique.
On voit qu'on peut assez bien classer, d’après
le simple son, les ares alternatifs en deux types,
caractérisés par des formes de courbes différentes :
l'arc silencieux, qui donne des courbes analogues
à celle de la force éleciromotrice d'alimentation, et
se comporte à peu près comme une simple résis-
tance, qu'il y ait ou non addition de self-induction
en dehors de l'arc dans le circuit; l’are sifflant où
criard, caractérisé par des courbes de tension ai-
guës, avec où sans zéros prolongés de l'intensité,
suivant qu'il y a ou non self-induction dans le
circuit.
L'annulation prolongée du courant ne se produit
que sous des écarts très faibles, exceptionnelle-
ment 2? ou 3 millimètres si l'arc jaillit sur les côtés;
avec les écarts plus longs, il y a autour des char-
TaBceau Ï. — Arcs à courants alternatifs entre deux charbons.
à = ORCE TENSIOX | INTEN-
; PSE pe a Éntretes eine è ,
NUMÉROS a électro- | pointes du NATURE OBSERVATIONS
NATURE DES CHARBONS en de l'arc à des courant ° %
des figures Fo] _ motrice crayons en du circuit sur le bruit de l'arc
millim. | millim. | en volts | en volts | ampères
DITS UE des Homogènes. 10 LAS 32,2 24,2 | Non inductif. Ronflant.
3. . « . . .| À mèche, haut voltage. 10 10,4 443,25! 50 18,5 — Silencieux.
4, . . . . .| Homogènes durs. 10 0,6 113 24,2 24 — Sifflant.
ÉLIRE = 10 0,5 113 20 3 — —
mette — 10 DA5 112 35 26 Inductif. Ronflant.
TOC CEE — 10 1 115 21 9,4 — Sifflant.
8. . . . . .| À mèche, haut voltage. 10 4 116 38 9,2 | Non inductif. Criard.
129: .|A mèche, moyen voltage. 10 9 115 3 8,8 — Légèrement ronflant.
| 10. . . . . .| À mèche, haut voltage. 10 10,5 115 39 8,2 Inductif. Silencieux.
11. . . . . . |A mèche, moyen voltage. 10 13 113,5 34,0 1) — Ronflant.
12, — 10 3 115 38 10,2 — Criard.
13. è A mèche, bas voltage. 10 ET 116,5 3225 8,9 — Ronflant.,
14. k — 10 A 116,5 26,5 9 Non inductif. —
[45* . . . . .| A mèche, haut voltage, et
| homogène tendre. 10 2,4 11225 36,25 8,9 — Légèrement criard.
| 46* .|A mèche, bas voltage, et
homogène dur. 10 4,7 112,5 40 13 Inductif. Silencieux.
OS A mèche, haut voltage 10 6,5 113 13 8,1 | Non inductif. —
18. - — 10 13,3 114,5 53 16 — Ronflant,
19. Homogènes durs. 10 2,1 113 36 8,9 — Criard.
à mèche n'ont donc que peu d'intérêt pour le phy-
sicien. Du reste, suivant qu'ils contiennent plus
ou moins de matières salines?, ou même que la
mèche s’est plus ou moins vidée en cours de fonc-
Le sifflement de l'arc produit par excès de densité de
courant peut faire réapparaître quelquefois le trait hori-
zontal dans un arc sur circuit inductif; mais c'est un cas
assez rare pour qu'on puisse regarder ce zéro prolongé
comme spécial au circuit non inductif,
? Cette dernière circonstance rend souvent illusoire la clas-
sification des charbons en «haut, bas et moyen voltage ».
bons une colonne de gaz chauds qui offre un pas-
sage conducteur continu, a fortiori s’il y a dans le
charbon une mèche qui produit une atmosphère
saline.
Le rapport de la puissance vraie consommée
dans l'arc (mesurée au wattmètre) à la puissance
apparente (produit des volts par les ampères aux
bornes de la lampe, déduction faite de sa bobine
régulatrice) porte, comme on le sait, le nom de
facteur de puissance. On peut en étudier directe-
cé
= * ir nf. mis de tué unes ét. cm mc à on | =.
;
+
ANDRÉ BLONDEL — L'INSCRIPTION DIRECTE DES COURANTS ÉLECTRIQUES VARIABLES
663
ment la valeur sur les courbes en calculant le
rapport :
Ordonnée moyenne volts X Ordonnée moyenne ampères.
Produit moyen des ordonnées volts et ampères de mème
abscisse.
Ce rapport, toujours voisin de l’unité pour les
courbes arrondies de l'arc silencieux, s’abaisse
au-dessous de 0,70 pour les ares sifflants sur
circuit non inductif, par l'effet de l'annulation pro-
longée du courant pendant que les ordonnées de
la tension atteignent leur maximum ; l’inductance
des circuits inductifs réduit cette durée du zéro et
améliore par conséquent le facteur de puissance.
Ainsi s'explique, comme je l’ai montré il y a dix
ans !, le fait que l'addition d’un arc sur un circuit
de ces courbes‘, un électricien canadien fort dis-
tingué, M. Duddell, a présenté avec M. Marchant, à
l'Institut anglais des Ingénieurs électriciens, un
travail analogue, contenant un nombre de courbes
encore plus considérable, obtenues avec un oscillo-
graphe bifilaire et confirmant complètement mes
déduclions antérieures *
II. — L'ARC ALTERNATIF ENTRE MÉTAUX
ET CHARBONS
M. Sahulka” et M. von Lang‘ ont montré, res-
pectivement pour le fer et pour l'aluminium, qu'un
are produit entre une électrode de métal et une
électrode de charbon, par une force électromotrice
… alternatif semble produire un décalage du courant. ! alternative, semble être le siège d’un courant con-
Tagceau Il. — Arcs à courants alternatifs entre charbon et métal,
=—
NATURE DES ÉLECTRODES PER TENSION
NUMÉROS
ERA NATURE Tr ; CARACTÈRE DU SON
du courant NATURE PE D'ARC
des figures
PR.
Charbon
Métal
des
électrodes
en
millimètres
aux bornes
en volts.
en
ampères
du circuit
alternatif
qui accompagne le phé-
k Il
nomène
Cuivre.
Homogène.
Homogène.
A âme.
Homogène.
A âme.
Aluminium.
Fer.
[-r]
Mort.
Induetif.
Mixte.
Inductif.
Légèrement criard. |
Criard. |
Silencieux.
Criard.
Silencieux,
Criard.
Criard, période
de trouble.
Criard.
Légèrement bruyant
Criard.
ETS
CID
Mixte.
Inductif.
12
1 ©
Court.
Long.
— Court.
Mixte. Long.
Inductif. —
Mort.
En réalité, l'arc ne présente pas, même dans ce
cas, de décalage notable, et c'est même là une
preuve indirecte intéressante qu'il n'existe pas
dans l'arc électrique de force contre-électromotrice
de polarisation (comme l'avait cru Edlund) au sens
ordinaire de ce mot?.
_ La résistance au passage apparait en même
temps que la vaporisation et représente le travail
effectué dans celle-ci, mais elle se complique, au
moment de l'allumage del’are, de la résistance du
diélectrique, que l'échauffement rend peu à peu
conducteur. D'autres courbes, publiées dans mon
ancien Mémoire cité plus haut, ont permis de
mettre en évidence les variations de la résistance
de l'arc proprement dit, c'est-à-dire de la colonne
gazeuse.
Quelque temps après la première publication
1 Soc. française de Physique, 1°" avril 1892; Lumière Elec-
trique, 16 avril 1892, p. 136.
# J'ai donné plus récemment une preuve directe de la
même proposition. Voir Journal de Physique, 1896.
linu (dénomination d’ailleurs fort impropre) dans
le sens métal-charbon. La cause de cette apparence,
déjà signalée par MM. Jamin et Manœuvrierÿ, a été
élucidée en partie par MM. Eichberg et Kallir°.
L'oscillographe m'a permis d'étudier plus complè-
tement les conditions de production et la nature de
cette dissymétrie” par le tracé exact des courbes
périodiques, qui sont extrêmement variables et ne
peuvent être saisies pour ainsi dire qu'au vol.
Toutes les expériences ont été faites encore à
l'aide du courant du Secteur de la Rive gauche, dont
la tension, représentée à une échelle plus réduite
par la courbe de la figure 20, était de 112 à 415 volts
* Comptes rendus, 12 décembre 1898.
? Institute of Electrical Engineers, février 1899, Ces
auteurs ont traité également la question de l'arc entre
métaux, dont je vais parler.
# Sitzungsber. der Kaïiserl. Akad. der Wissenschaften,
Vienne, t. CIII, p. 925, 1894.
4 Wied. Ann., t. LXIII, n° 13, p. 191, 1897.
5 Comptes rendus, t. XCV, p. 1615, 1892.
5 Sitzunsgber. der K. Akad., Vienne; 31 mars 1898.
7 Comptes rendus, 20 mars 1899.
ANDRÉ BLONDEL — L'INSCRIPTION DIRECTE DES COURANTS ÉLECTRIQUES VARIABLES
efficaces ; le tableau If indique pour chacune d'elles
la nature des électrodes et du circuit, ainsi que
les régimes observés à l’aide d'appareils de mesure
calorifiques.
Sur toutes les courbes, le Lemps est mesuré de
gauche à droile; les alternances supérieures cor-
respondent au sens du courant métal-charbon,
sauf sur les courbes des figures 21,93, 25, 29 et 30,
où c'est l'inverse qui a lieu.
Ces tracés et les observations accessoires faites
Fig. 20.
tout dans le cas des longs ares. C'est pourquoi les
charbons à mèche ont été employés de préférence,
suivant l'exemple de MM. Eichberg et Kallir; ces
crayons, d'après une remarque faite précédemment
sur les arcs entre charbons, doivent donner dans
les courbes de tension des becs moins pronontés,
pour l’are charbon-métlal, que les charbons homo-
gènes.
De même, le cuivre étant le mélai qui se prête le
mieux à l’obtention de phénomènes variés, a été
Fig. 26. Fig. 28.
Fig. 20 à 28. — Courbes de l'arc alternatif entre métaux et charbon. — Le tableau II indique les caractéristiques de
chacune de ces courbes,
au cours des mesures conduisent aux conclusions
suivantes :
Tous les métaux employés comme électrode en
présence d’une autre électrode en charbon donnent
lieu aux mêmes phénomènes et ne présentent de
différences qu'au point de vue quantitatif. Les effets
que l’on va décrire se produisent aussi bien, que
l’électrode en charbon soit homogène ou munie
d'une âme contenant des silicates ; mais la présence
de cette dernière facilite l'observation en donnant
des régimes plus stables et plus persistants, sur-
employé de préférence et constitue le sujet des plus
nombreuses figures dans celte série.
Toute électrode de métal, associée à une élec-
trode de charbon, sur un circuit à courants alter-
natifs, donne lieu à deux types d’arcs différents,
qu'on peut appeler l'arc court et l'arc long.
1° L’arc court est celui qu'on réalise sous de fai-
bles écarts des électrodes ; il peut être entretenu
avec une stabilité d'autant plus satisfaisante que
l'écart entre électrodes est plus court; il ne faut
pas, en général, dépasser 1 millimètre avec un
ANDRÉ BLONDEL — L'INSCRIPTION DIRECTE
665
DES COURANTS ÉLECTRIQUES VARIABLES
charbon à mèche; les tensions efficaces correspon-
dantes sont inférieures à 25 volts pour le cuivre-et
l'aluminium (fig. 24 et 29), et peuvent atteindre
jusqu'à 30 volts pour le fer {fig. 31).
L'inlensité du courant peut être abaissée au-
dessous de 10 ampères pour le cuivre (fig. 25 et
26), tandis que, pour le fer, on ne peut marcher
facilement avec moins de 30 ampères (fig. 31).
Les courbes périodiques sont analogues à celles
des ares entre charbons, avec cependant une dissy-
métrie plus ou moins accusée entre les alternances
succéssives. Cette dissymétrie, faible sur cireuit
l'arc long au vol, pour ainsi dire. Avec l'alumi-
nium, cest pire encore, parce l'électrode
s'oxyde, se recouvre lrès vite d'une couche d’alu-
que
mine qui amène promptement l'extinction; il faut
ensuite nettoyer le métal avant de pouvoir rallumer
l'arc. Avec le fer, on peut, au contraire, maïntenir
longtemps le régime de l’are long, à la condition de
disposer d'un vollage assez élevé (par exemple aux
environs de 80 volts), et de faire passer un courant
de 25 à 30 ampères. Le zinc se prête mal aux essais
| parce qu'il entre trop facilement en fusion.
Tous ces arcs ne se produisent bien qu'avec des
Fig.
32
2,
Fig. :
Fig, 29 à 34 — Courbes de l'arc alternatif entre métaux et ck
chacune de
99 9:
induclif avec le cuivre et l'aluminium (fig. 22, 2:
25, 29), est plus prononcée dans les mêmes condi-
tions pour le zinc et le fer (fig. 31).
La nature du cireuit modifie la forme des courbes
,
exactement comme pour les ares entre charbons.
Les figures 21 et 22 montrent, par exemple, la
différence entre les deux cas typiques d'un are sur
circuit non inductif et d'un arc sur cireuit induelif.
2 L'arc long se produit plus ou moins nette-
ment dès qu'on augmente l'écart. Il est caractérisé
par un son vibraloire criard. Il est assez difficile à
maintenir d'une façon stable, car il y une sorte de
flottement de régime entre l'arc long et l’are court.
Avec le cuivre, il faut un courant d'intensité efti-
cace de 14 à 15 ampères; mais les arcs tendent à
Fig. 33.
"+ fa
30. Fig. 31.
SN
Fig
1arbon (suite
ces courbes.
— Le tableau IT indique les caractéristiques de
électrodes d'au moins 3 à 4 millimètres de diamètre,
qu'on doit laisser d'abord se porter à l’incandes-
cence par un contact prolongé avec l’électrode en
charbon; il se forme alors à la pointe une goutte-
lelte fondue d'où part l'arc dans le sens métal-
charbon. Cette précaution est surtout nécessaire
pour le fer.
Ce qui caractérise l'arc long, c'est la suppression
d'une alternance sur deux, l'arc ne s'allumant plus
dans le sens charbon-métal. Il en résulte pour les
courbes périodiques des formes caractéristiques
qui diffè-
oc
Je
très curieuses (fig. 26, 27, 28, 30, 32,
rent peu d’un métal à l’autre.
Dans le cas d’un circuit non inductif, le courant
s'établit dans le sens métal-charbon à partir du bec
revenir à l'arc court ou à s'éteindre; il faut saisir
d'allumage de la tension; il s’annule quand celle-ci
666
ANDRÉ BLONDEL — L'INSCRIPTION DIRECTE DES COURANTS ÉLECTRIQUES VARIABLES
s'abaisse au-dessous de la valeur normale. Le pas-
sage du courant reste ensuite interrompu pendant
une demi-période (fig. 34). Pendant celle-ci, il peut
subsister un léger courant, dû sans doute à une
conduction par les gaz chauds; mais, dans bien
des cas, ce léger courant disparaît rigoureusement.
Au moment de l'extinction, la courbe de la tension
aux bornes rattrappe la courbe de la force électro-
motrice du réseau, qui a déjà changé de signe,et la
suit ensuite, jusqu'au moment où le rallumage se
produit dans le même sens que précédemment.
Si l'on alimente l’arc long en circuit inductif
(fig. 27, 28, 30, 32, 33), l'apparence des courbes
reste la même, avec cette seule différence que la
durée d'extinction est augmentée d'autant plus que
le circuit est plus inductif; par exemple, l'alternance
charbon-métal (comprise entre deux zéros de la
tension) se réduit, sur les figures 27 et 30, à 0,27
de la période.
On peut, je crois, expliquer assez facilement ces
phénomènes de l'arc alternatif entre métaux de la
manière suivante. D'abord il est très naturel que
le courant soit plus intense dans le sens métal-
charbon que dans le sens inverse, à cause de la
moindre force électromotrice nécessaire pour la
volatilisation du métal que pour la volatilisation
du charbon. Mais il semble qu'il y ait contradiction
entre cette propriété et la difficulté du rallumage
de l'arc (après extinction très courte) dans ce même
sens. Cette contradiction disparaît si l’on admet
que le rallumage se produit par une étincelle dis-
ruptive dirigée du pôle négatif vers le positif : il
semble bien qu'il en est ainsi, car, en regardant
l'arc au miroir tournant, on voit la lueur qui indi-
que l'allumage partir d’abord du pôle négatif, puis
se renforcer sur le pôle positif. On conçoit, dans ces
conditions, que cette étincelle d'allumage jaillisse
bien plus aisément de la surface du charbon main-
tenue incandescente par la mauvaise conductibilité
de ce corps, que de la surface de l’électrode néga-
tive dont la conductibilité très grande abaisse rapi-
dement la température pendant la durée de l’ex-
tinction. On comprend, en outre, que l'arc reste
bilatéral lant que l'écart est très faible, car l’élec-
trode métallique est alors maintenue chaude par
le voisinage de l’électrode en charbon.
Enfin, lorsque l'écart est suffisant pour que l'arc
devienne unilatéral, dans le sens charbon-métal,
l'ensemble de ces courants interrompus, mais tou-
jours de même sens, produit naturellement sur un
galvanomètre une déviation de sens constant,
comme dans un courant continu et correspondant
à la moyenne des intensités variables. Mais on
ne saurait en lirer aucun parti pour redresser
le courant alternalif, car il manque une alter-
nance sur deux, et ces courants interrompus si
longtemps ne sembleraient susceptibles d'autre
application, que la charge des accumulateurs si l’on
pouvait donner quelque stabilité à ce régime.
L'accroissement de l'alternance métal-charbon
aux dépens de l’autre peut s'expliquer lui-même
aisément par le retard qu'imprime la self-induc-
tion au courant dès qu'il s’est établi, et qu'elle ne
saurait produire dans le cas où le courant est nul.
Il résulte de cette influence de la self-induction
un autre effet intéressant et imprévu, que l’on cons-
tate sur les arcs instables.
Au moment où se fait le changement du régime
d’are court, peu bruyant, au régime d'arc long,
accompagné d'un son criard, et bien que l’une des
alternances soit supprimée, on voit l’'ampèremètre
calorique accuser un brusque accroissement de
l'intensité moyenne efficace (\/ © moy.) du cou-
rant, qui, pour le cuivre, passe, par exemple, de
9 ampères à 20 ampères.
Cette augmentation, qui n’a pas lieu sur circuit
non inductif, provient tout simplement de ce que
la prolongation des alternances métal-charbon per-
met au courant de continuer à croître plus long-
temps, de sorte que l’aire de la courbe des carrés
des intensités pendant cette alternance est plus
grande que la somme des aires correspondant aux
deux alternances de l'arc court.
III. — L'ARC PULSATOIRE ET LA STABILITÉ DE L'ARC
A COURANT CONTINU.
Une question fort intéressante, que soulève l'étude
de l'arc électrique à courants continus, est celle de
la stabilité du régime, c’est-à-dire du maintien
d’une intensité de courant constante, sous un écart
donné entre charbons. On a depuis longtemps
remarqué que, si l’on maintient deux crayons de
charbon à une distance invariable après avoir éta-
bli l'arc entre eux, au moyen d'une batterie d'aceu-
mulateurs à potentiel constant, cet arc s'éteint bien-
tôt si l’on n'a soin d’ajouter en série dans le circuit
une résistance assez importante, à laquelle on a
donné le nom de résistance de slabilité\. Le rôle
de cette résistance ést cependant en général fort
mal compris, car on l’attribue à la nécessité de
favoriser le réglage du mécanisme de la lampe,
tandis qu'il s’agit d'un véritable phénomène phy-
sique. L'auteur a donné, pour la première fois
croit-il, la véritable explication de ce phénomène,
il y a quelques années, en montrant que si, une fois
‘ Dans ces derniers temps, on a pu supprimer la résis-
tance de stabilité, dans les circuits de lampes à arc mon-
tées par deux ou par trois, au moyen d'un artifice de cons-
truction qui permet de prévenir l'extinction par rapproche-
ment rapide des charbons. L'extinction d'un are sur potentiel
constant est, en effet, un phénomène non pas instantané,
mais relativement assez lent.
»4
ès
El
ANDRÉ BLONDEL — L'INSCRIPTION DIRECTE
DES COURANTS ÉLECTRIQUES VARIABLES 6
le régime permanent élabli, on fait varier très
rapidement l'intensité du courant dans le circuit
par un moyen extérieur queiconque, tout en main-
tenant en même temps invariable la position des
charbons, la tension aux bornes reste sensible-
-ment constante, indépendamment de l'intensité
variable du courant'.On peut exprimer ce fait d'ex-
périence sous forme graphique en disant que la
« caractéristique instantanée des régimes d'un are
-à écart constant est sensiblement une horizontale
“aux environs du régime préalablement établi ». IL
ne faut pas confondre du reste cette caractéristique
“instantanée avec les caractéristiques des régimes
permanents à écarts constants, si bien étudiées par
M=° Ayrton ?, lesquelles sont obtenues en laissant
aux charbons le temps de se tailler différemment
suivant les différentes intensités de courant, par un
fonctionnement préalable d'au moins une heure :
“ ces caractéristiques présentent des courbures bien
plus prononcées que nos caractéristiques inslanta-
nées, obtenues autour d'un régime donné, sans
laisser aux charbons le temps de changer leur taille.
TagLeau III, — Arcs à courants
qui décroit linéairement quand le courant I aug-
mente, ainsi que le montre la figure 35 ; la ligne
représentative de la tension U est une droite incli-
F.e.m de la source Æ
pûintes des_charbons
|
{l
à [
La | |
À : àl
à l 1
à | |
(l (|
0 I ls Zutensite du courart
Fig. 35. — Théorie de la stabilité de l'arc.
née au-dessous de l'horizontale suivant un angle
« ayant r comme tangente angulaire, et qui coupe
la caractéristique instantanée de l'arc en un point M
pulsatoires entre deux charbons.
FORCK
élect.-motrice
en volts
du courant
continu
< DIAMÈTRE
NUMÉROS NATURE
en
des figures des charbons
millimètres
»
2 homogènes.
.|{ à âme, { homog.
2 homogènes.
1 à âme, 1 homos.
FORCE
élect.-motrice
efficace
du courant
alternatif
superposé
brusquement
INTENSITÉ
du courant
continu
en ampères
avant la super-
position
NATURE OBSERVATIONS
du circuit sur le bruit de l'arc
Éteint.
Sifflant.
Résist.morte
Silencieux.
Légèrement sifflant.
Silencieux.
DAS
19 1 1 1 NN 19 19
Sifflant.
Silencieux.
Cr Ge
=
Légèrement sifflant.
SEE + © © OO D NN 19 19
SES
=
La caractéristique instantanée étant voisine d’une
ligne droite, on en conclut immédiafement qu'une
alimentation à potentiel constant ne peut donner
un régime stable, parce que n'importe quelle inten-
sité de courant est compatible avec la tension qui
permet de réaliser le régime normal : l'arc doit
donc finir par s’éteindre. Au contraire, si l'on ajoute
un rhéostat r en série, la force électro-motrice cons-
tante E du réseau ou de la source ne laisse dispo-
nible aux extrémités des charbons qu'une tension :
U=E—71I
! Cf. La Lumière électrique, 26 décembre 1891, p. 621.
? The Electrician, janvier-avril 1895.
correspondant à l'intensité normale de régime I,
(on peut faire varier cette intensité de régime I, en
modifiant E ou r). On voit que, si l’inclinaison de la
ligne d'alimentation est suffisante, toute augmen-
tation ou diminution accidentelle de l'intensité du
courant fera apparaître une différence à h entre la
tension aux bornes et celle qu’exige l'arc, dans le
sens voulu pour ramener l'intensité à sa valeur
primitive : par conséquent le régime de l'arc sera
stable. Le même résultat serait d’ailleurs atteint,
avec une alimentation à potentiel constant, si l'on
pouvait donner à l’are une caractéristique d’alimen-
tation montante.
Il y a donc intérêt à étudier, au point de vue du
668
ANDRÉ BLONDEL — L'INSCRIPTION DIRECTE DES COURAN
ÉLECTRIQUES VARIABLES
signe, l'inclinaison des caractéristiques inslan- |
tanées. Or, quand on étudie expérimentalement
divers charbons, on conslate que la caractéris-
tique instantanée n'est pas toujours horizontale,
haut ou vers le
bas, c’est-à-dire qu'on peut avoir, suivant la nature
mais peut être inclinée vers le
des charbons
du =
ZE} ||
di <
MM. Frith et Rogers', qui ont les premiers
constaté cette inversion de signe, en ont conclu à
tort, et sans être cependant démentis, que « la ré-
sistance d'un arc pouvait devenir négative », parce
du u
qu'ils ont cra pouvoir admettre — — -; en réa-
BTE AI
à nombre de spires variable) d’un transformateur
dont on peut relier le primaire, au moment qu'on
veut, à une source de courants alternatifs (dans le
cas acluel, le Secteur électrique de la Rive gauche).
On pouvait ainsi régler le fonctionnement sur cou-
rant continu simple, en régime normal, puis lancer
brusquement dans le même circuit, et sans en
changer aucunement la résistance, une force élec-
tro-motrice allernalive, dont l'effet se superpose à
celui la électromotrice continue. On
réglait l'amplitude de cette force électro-motrice
allernalive de façon qu'elle restät loujours infé-
de force
ricure à la force électromotrice continue, et que
le courant résultant fût un courant pulsaloire, tou-
jours de même sens, et non un courant a//ernalif.
Fig. 39.
Fig.
10. Fig. 41.
Fig. 36 à 41. — Courbes de l'arc pulsatoire. — Le tableau IIT indique les caractéristiques de chacune de ces courbes. Les
lignes de repère sont en réalité horizontales.
lité, ces rapports ne peuvent être égaux puisque r |
n’est pas constant.
Nous définirons ici plus correctement le quo-
tient = comme un coefficient de stabilité de l'arc, |
(4
représenté par le coefficient angulaire de la caracte-
ristique instantanée autour du point-régime.
Ces explications étant données, je vais exposer
l'application intéressante de l'oscillographeà l'étude
de ce coefficient de stabilité.
J'ai réalisé, encore avec le concours de M. Dobke:-
vitch, le dispositif suivant : L’are était alimenté par
une batterie d’accumulateurs, et monté en série avec
une résislance de stabilité et le circuit secondaire
‘ On the resistance of the electric arc. /nstitution of Elec-
trical Engineers, 1895
- L
La mise en circuit du primaire du transformateur
se faisait à l’aide d’un simple interrupteur, qui pou-
vait en même temps lancer le courant d’une pile
locale dans l'oblurateur l'oscillo-
graphe double inscrivant le courant ef la tension
instantané de
aux bornes de l'arc. Au moment de la fermeture,
il s'établit des régimes troublés très complexes;
pour obtenir un régime permanent, nous avons dû,
pour certaines épreuves, laisser un intervalle entre
la fermeture du circuit et l'ouverture de l'oblura-
teur inslantané.
Nous avons opéré comparativement avec des
charbons à mèche et des charbons homogènes, sous
et différentes
amplitudes de force électro-motrice supplémentaire.
Les figures 36 à 50 représentent quelques-uns des
différents voltages d'alimentation
résullats caractéristiques obtenus, et les régimes
ANDRÉ BLOA\DEL — L'INSCRIPTION DIRECTE
DES COURANTS ÉLECTRIQUES VARIABLES
t69
correspondants sont résumés dans le tableau IT.
4. Influence de l'amplitude de la force électromo-
trice alternative introduite. — La figure 36 montre
tout d'abord un exemple des forces électromotrices
pulsatoiresemployées: celle-ciestlarésultante d'une
force électromotrice secondaire de 22 volts, obtenue
Fig. 48. Fig:/49.
Fig. 42 à 50, — Courbes de l'arc pulsaloire (suite
a priori, que, suivant que l'amplitude de la force
électromotrice alternative ajoutée est plus ou moins
grande, la tension aux bornes peut ou non s'abais-
ser au-dessous de la valeur nécessaire à l'entretien
de l'arc. Dans le premier cas, on a des zéros plus ou
fig. 38, 39, 40, A,
ÿ), tandis que dans le second cas le cou-
moins prolongés du courant
Fig. 50.
. — Le tableau IT indique les caractéristiques de ces courbes. Les lignes
de repère sont en réalité horizontales.
par lransformalion du courant du Secteur de la Rive
gauche, avec la force électromolrice continue d'une
batterie de 40 volts.
Comme l'indique le tableau IL, ces forces électro-
motrices ont reçu d’autres valeurs variées. La force
électromotrice continue a été portée jusqu'à 72 volts
pour les ares longs.
On voit immédialement, comme cela est évident
| rant reste toujours notable (fig. 45, 47, 48, 49, 50).
2. Influence dela phase au moment de l'introduction
de la force électro-motrice. — Les courbes 37 à 42
ont été obtenues après une ou deux secondes, c’est-
à-dire une fois un régime permanent élabli, tandis
que les autres ont élé prises au moment même de
l'introduction, Ces courbes, qui ne sont que des
670 ANDRÉ BLONDEL — L'INSCRIPTION DIRECTE DES COURANTS ÉLECTRIQUES VARIABLES «
exemples fort restreints, font ressortir déjà l’ex-
trème variété des résultats qu’on peut obtenir, et
qui varient non seulement avec la phase au mo-
ment de l'introduction, mais encore avec le temps
pendant la période variable. Elles ne constituent
que la première ébauche d’une étude plus complète
que l’auteur se propose de poursuivre en enregis-
tant toute la durée du régime variable. Ces régimes
variables peuvent seuls rendre compte de certaines
courbes anormales, comme celles de la fig. 4%, où
l'on voit l'arc s’éteindre (1 — 0) bien que la ten-
sion aux bornes aille en croissant à ce moment, et
dépasse la valeur qui suffit à l'entretenir après le
réallumage. Les effets sont encore plus complexes
avec les circuils inductifs, dont on ne s'occupera
pas ici.
3. Influence de la nature des charbons.— Lorsque
la varialion périodique de la force électromotrice
est assez importante pour annuler périodiquement
le courant, les courbes obtenues présentent la plus
grande analogie avec celles de l’are à courants
alternatifs ordinaires. Leur tracé est continu ou
tremblé, suivant que l'arc est silencieux ou sifflant,
phénomène qui se produit de préférence avec les
charbons homogènes (fig. 37, 39, 43, 47).
Les figures 38 et 39 sont tout à fait analogues à
celles des ares alternatifs entre charbons homo-
gènes : pendant la durée du passage du courant, la
tension présente un palier limité par deux becs
brusques ; dans certains cas, si, par exemple, les
points de jaillissement de l'arc se déplacent sur le
cratère, on peut constater deux paliers différents de
hauteur (fig. 38), voire même trois paliers (fig. 48).
Bien que ces formes caractérisent ordinairement
les charbons homogènes, elles peuvent naturelle-
mentserencontrer aussi avec des charbons à mèche,
lorsque celle-ci est momentanément vidée (fig. 42).
L'effet de la mèche des charbons à âme en fonc-
tionnement normal est caractérisé, comme avec les
courants simplement alternatifs, par l’arrondisse-
ment des courbes et la faible durée des zéros du
courant, comme le montrent par exemple les
figures 40, 41, 49. En outre, la tension aux bornes,
au lieu de paliers, présente des pentes notables
proportionnelles à celles de la courbe du courant.
Les formes des courbes sont autres lorsque la
force életromotrice alternative ajoutée est très
faible (par exemple avec les forces électromotrices
de 4,4 volts des figures 47 à 49), mais elles pré-
sentent les mêmes signes distinctifs : constance
approximative de la tension aux bornes, ou faible
variation de sens contraire à celle du courant, s’il
s'agit de charbons homogènes (fig. 47 et 48), et, au
contraire, variations de même sens que celles du
courants'il s'agit de crayons à mèche (fig. 49 et 50).
Cette distinction est naturellement moins nette“
avec les arcs longs obtenus sous 72 volts, par suite
de la flamme considérable qui les entoure et forme
une atmosphère conductrice entre électrodes, pou-
vant jouer un rôle analogue à celui de l’atmo-
sphère due à l'âme (fig. 43 et 45) ; mais c’est là un
cas spécial, qu'on ne rencontre guère dans la pra-
tique usuelle, c’est-à-dire pour des ares à courant
continu ordinaires, dont la tension est comprise
entre 30 et 50 volts. Ë
Nous sommes donc en droit de conclure que le:
coefficient de stabilité des arcs à courant continu
ordinaires, défini plus haut par le rapport = est
très faible, négatif avec les charbons homogènes,
et posilif avec les charbons à âme. Cela explique en
partie que ces derniers ont besoin d’une moindre
résistance de stabilité additionnelle, et confirme
également les résultats de Frith et Rogers rappelés.
plus haut, indépendamment de leurs conclusions «
que nous avons rejetées comme incorrectes.
4. Arc sifflant. — Dans ce qui précède, nous avons:
parlé à diverses reprises d’arcs sifflants, et des
courbes correspondantes, en prenant seulement le
sifflement comme un moyen indirect de reconnaitre:
la nature de l'arc. Quant au caractère propre du
sifflement, il ressort immédiatement des tracés os-
cillographiques, notamment de celui de la figure 37;
on voit que le régime est soumis à des variations
rapides, présentant un caractère plus ou moins
périodique, de fréquence très élevée, qui produit
le son que l’on entend. M. Duddell a étudié, derniè-
rement, plus complètement ces variations en les
enregistrant à une plus grande échelle, et en à
déduit des conséquences fort ingénieuses !. Quant
à la cause qui les produit, elle a été expliquée
d’une façon remarquable par M Ayrton?:ilya
sifflement toutes les fois que l'oxygène de l'air pé-
nètre dans le cratère de l'arc; il semble s'établir à
ce moment une lutte entre la colonne gazeuse et
l'air ambiant sous l'influence de la rotation rapide
de l’are, et il en résulte des variations oscillantes
et rapides de la résistance de passage à la surface
du cratère.
IV. — ConcLuSIoNs.
J'espère que ces exemples auront montré suffi
samment lintérêt que présente l'emploi des oscil-
lographes pour les études de laboratoire; ils sont
1 W. Duopecz : Rapid variations in current through the
direct current are, Znstitution of Electrical Engineers, 25 dé=
cembre 1900.
3 Mme Ayrron : The hissing of the electric arc, /nstitution
of Electrical Engineers, 23 mars 1899.
|
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U
L
3
FRED. WALLERANT -— SUR CERTAINES CONCEPTIONS EN CRISTALLOGRAPHIE
tout aussi utiles pour les études industrielles,
telles que le relevé des courbes des alternateurs et
de leurs harmoniques”, pour l’élude des formes
de courant dans les recherches d'Électrophysio-
logie.
Il est intéressant de constater, en terminant, que
celte méthode et toutes celles qui ont été rappelées
au début de mon premier article sont d’origine
française ; notre pays semble s'être fait ainsi une
671
spécialité de développer l'outillage scientifique des-
tiné à l'étude des courants variables, et tout per-
met d'espérer que les appareils décrits ci-dessus
susciteront de nombreux travaux d'application; le
champ large et facile ouvert aux recherches a de
quoi tenter, je crois, les physiciens.
André Blondel,
Professeur d'Électricité appliquée
à l'Ecole des Ponts-et-Chaussées.
SUR CERTAINES CONCEPTIONS EN CRISTALLOGRAPHIE
Monsieur le Directeur,
Un récent numéro de votre journal* renferme
un article bien fait pour m'étonner. Je n'aurais
jamais pensé que la Cristallographie püt sou-
lever de pareilles tempêtes. Je ne puis, d’ailleurs,
que m'en féliciter, et je suis heureux de remercier
M. Friedel, qui me fournit l’occasion de défendre
ici les théories que j'ai publiées dans d’autres
revues. Je me suis bien mal exprimé pour qu'un
esprit aussi avisé m'ait si peu compris, et soit
amené à me prêter des opinions qui n'ont jamais
été les miennes.
Tout d’abord, votre correspondant me reproche
de m'être attribué des notions que Mallard a pro-
fessées dans son cours, à l'École des Mines, et qu'il
aurait publiées si la mort ne l'avait empêché de
faire paraître le troisième volume de son 7railé de
Cristallographie. Cela est fort possible, mais
M. Friedel m'accordera bien des circonstances
atténuantes : je n'ai jamais assisté au cours de
Mallard, et il m'est impossible de savoir ce qui S'y
passait. Je ferai seulement remarquer que le se-
cond volume du Traité de Mallard a paru en 1884,
etque, lors de sa mort, en 1894, c'est-à-dire dix ans
après, Mallard n'avait pas encore commencé la
rédaction de son troisième volume : il est donc
fort probable que ses idées n'étaient pas encore
» fixées sur ces questions délicates. Si l’on s’en tient
à ce qui a été publié, la situation est très nette :
Mallard à donné une théorie des anomalies op-
. tiques, et j'ai établi que cette théorie était inutile.
Les anomalies résultent d'une restriction non jus-
tifiée, apportée par les anciens auteurs à la théo-
rie générale, et il suffit, comme je l'ai montré,
de supprimer cette restriction pour les faire dis-
paraitre.
L'auteur se livre ensuite, sur la particule fonda-
mentale, à une dissertation un peu confuse, qui
4 Voir : BLonoer, Dosxevireu, Duris, FARMER, et TCHERNOS-
virorr : Application des oscillographes à l'étude des alter-
nateurs, Congrès international des Electriciens, Paris, 1900,
? Voyez la Revue du 30 juin, t. XI, p. 572.
laisse difficilement deviner sa pensée. Pour m'en
tenir au point principal, la particule fondamentale
ne serait, d'après lui, qu'une: vue de l'esprit pour
le moins inutile. Et cependant, l'individualité et
l'indépendance relative des particules fondamen-
tales sont nettement mises en évidence par les phé-
nomènes du polymorphisme et des groupements
par actions mécaniques. Comment expliquer les
changements de symétrie observés dans un corps
cristallisé, si l’on ne reconnait pas aux particules
fondamentales une indépendance suffisante pour
se grouper de différentes façons? Voici le sulfate de
potasse, qui, vers 600°, passe de la forme orthorhom-
bique à la forme hexagonale; une très faible varia-
tion de température suffit pour faire passer le
cristal de la première forme à la seconde, et inver-
sement : à cette température, les particules fonda-
mentales doivent donc jouir d'une grande mobilité.
M. Friedel me répondra qu'il est inutile de faire
intervenir ces particules fondamentales, que les
particules orthorhombiques se groupent pour don-
ner naissance aux particules hexagonales: mais
c'est reculer pour mieux sauter. Un examen un
peu attentif lui montrera, en effet, que, s il en était
ainsi, les éléments de symétrie de la particule.
orthorhombique n'interviendraient en rien dans la
symétrie de la particule hexagonale, autrement
dit, que la particule orthorhombique se comporterail
comme une particule fondamentale. Cette théorie,
dont le principe seul a été posé par M. Mallard,
n'est qu'un cas particulier de la mienne; elle ne
permet pas de donner une solution complète du
problème du polymorphisme, ni au point de vue
géométrique, ni au point de vue physique; elle ne
permet pas d'établir les rapports existant entre les
différentes formes d'un même corps, quand ces
rapports existent bien entendu, puisque, de l'avis
des hommes les plus compétents sur ces matières,
il est des cas échappant à toute théorie, dans l’état
actuel de la science.
Il est plaisant de constater, en passant, que, si les
arguments de M. Friedel portaient, ils toucheraient
672
FRED. WALLERANT — SUR CERTAINES CONCEPTIONS EN CRISTALLOGRAPHIE
aussi bien la théorie de Mallard que la mienne.
Mais l'examen des macles obtenues mécanique-
ment nous fournit une démonstration concluante
de l'indépendance et de l’individualité des parti-
cules fondamentales, Comment, en effet, en dehors
de cette indépendance, expliquer la formation
des macles de la Calcite par un simple mouve-
ment de translation? Comment un tel mou-
vement pourrait-il transformer une particule
complexe en une autre, symétrique de la première,
si les particules fondamentales ne pouvaient
modifier leurs positions relatives ? L’argument
tiré de la considération de la Boracite, dont les
macles se produisent sans déformation du réseau,
et par un faible dérangement des particules fonda-
mentales, est non moins concluant. La notion de
particule fondamentale est donc indispensable
pour établir d’une façon simple et rationnelle les
théories de l’isomorphisme, du polymorphisme et
des groupements cristallins; il faudra l'introduire,
dès le début, dans l'exposé des doctrines cristal-
lographiques, si l'on veut qu'elles retrouvent leur
netteté et leur rigueur primitives.
Dans la troisième partie de son article, M. Friedel
combat la théorie que j'ai proposée pour expliquer
les groupements critallins; mais toute son argu-
mentation repose sur une confusion. Il ne s'aper-
çoit pas que la symétrie approchée et la symétrie
limite sont deux notions absolument distinctes et
qu'un élément limite n'est pas forcément un élé-
ment approché. Toul ce qu'il dit sur les éléments
approchés est parfaitement juste, mais n'a aucun:
rapport avec la question.
L'élément limite d'un polyèdre est défini par
celte propriété, que le volume commun à ce po-
lyèdre et à son symétrique par rapport à cet élément
est un maximum, c'est-à-dire plus grand que pour
tout autre élément voisin; un plan est un plan
limile, quand le voiume commun au polyèdre et à
son symétrique, par rapport à ce plan, est plus
grand que pour tout autre plan voisin. Très souvent
l'élément limite est un élément approché, c'est-à-
dire qu'il y à presque coïncidence entre le polyèdre
et son symétrique; mais c'est là une condition qui
n'est ni suffisante, ni nécessaire, el elle peut n'être
pas réalisée. Quand une particule cubique se dé-
forme, cerlains de ses éléments de symétrie devien-
nent approchés, d'autres deviennent limites, plus ou
moins approchés, d’autres perdent toute propriété,
et cela quel que soit le degré de la déformation.
L'orientation symétrique de la particule com-
plexe par rapport à l’un de ses éléments limites,
correspond, dans la cristallisation, à un.maximuin
relatif de stabilité, l'orientation parallèle corres-
pondant à un maximum absolu. Gelte orientalion
symétrique est donc celle que la particule com-
plexe doit choisir de préférence, quand, par suite
de causes extérieures, elle ne peut s'orienter paral-
lèlementauxautres:plusl'élémentlimite sera appro-
ché, plus la macle aura chance de se produire.
Quoi qu’en dise M. Friedel, cette théorie si simple
s'applique aussi bien aux groupements présentant
un plan de symétrie qu'à ceux constitués par plu-
sieurs cristaux symétriquement orientés autour
d'un axe. Est-ce que les macles des Feldspaths ne
sont pas considérées par tous les auteurs comme
des macles dites par hémitropie ? Est-ce que, par
hasard, M. Friedel considérerait les groupements
de l'Aragonite comme se produisant autour d'un
axe? Ce serait singulièrement déformer les faits
pour les adapter à une théorie.
Mais, ce qui est plus surprenant, c’est de voir
M. Friedel me reprocher de faire appel aux pro-
priétés de la particule complexe pour expliquer les
groupements sous prétexte qu'on l’'ignore. M. Frie-
del oublie-t-il que le but de la Cristallographie est
précisément d'expliquer les propriétés des cristaux
en partant de l'élément constituant? Que connaïit-il
de plus de cet élément quand il s'appuie sur ses
propriétés de symétrie pour expliquer la symétrie
des corps cristallisés ? Comment! pour toutes les
propriétés physiques des cristaux, on sera en droit
de faire intervenir la particule complexe, et il yaura
une exception, une seule, relative aux groupements
cristallins? €ela n'est pas sérieux. Il est évident,
pour tout esprit sensé, que la symétrie des édifices
cristallins et celle de leurs groupements ont même
cause première : c'est dans la symétrie de l'élé-
ment constituant que nous trouvons l'explication
de la symétrie cristalline, c’est elle également qui
doit nous fournir l'explication de la symétrie des
groupements; je crois donc avoir eu raison de dire
que les éléments de symétrie réelle de la particule
complexe se retrouvent dans l'édifice cristallin, et
ses éléments limites dans les groupements.
En résumé, M. Friedel a obéi, en écrivant son
article, à un sentiment très honorable, mais mal
compris : son admiration pour son ancien maitre.
C'est fort mal honorer la mémoire de Mallard que
de considérer ses théories comme intangibles et
de refuser à quiconque le droit de s'occuper de
Cristallographie. Dans ses conceptions, Mallard est
toujours parti de cas particuliers pour remonter
vers le cas général, mais, selon les phénomènes,
les questions qu’il étudiait, il a suivi des voies dif-
férentes; aussi son œuvre manque-t-elle de cette
unité qu'il lui aurait certainement donnée sil
avait vécu assez longlemps pour la reprendre dans
son ensemble. Ce que Mallard n’a pu faire, faute
de temps, je l'ai tenté, et j'ai la conviction d'avoir
Fred. Wallerant,
Maître de Conférences à l'École Normale Supérieure.
réussi,
BIBLIOGRAPHIE — ANALYSES ET INDEX
673
BIBLIOGRAPHIE
ANALYSES
$ 1° Sciences mathématiques
Muller (F.).— Vocabulaire mathématique français-
allemandet allemand-français, contenantles termes
techniques employés dans les Mathématiques pures
et appliquées. Tome I. — 1 vol. in-8 de xn-132
pages. B.-G. Teubner, éditeur. Leipzig, 1901.
On raconte que l’illustre mathématicien anglais Syl-
vester, fier d'avoir donné une désinence à un grand
nombre de formes algébriques, se décerna un jour le
titre d'Adam des Mathématiques, par allusion à notre
premier ancêtre, qui aurait attribué leur nom à toutes
les créatures de la Terre. L'exemple de Sylvester a
été suivi par beaucoup de ses successeurs, qui ont
introduit chaque jour de nouveaux termes dans la
nomenclature mathématique. Si quelques expressions
n'ont eu qu'une existence éphémère, on ne peut se
dissimuler que, dans la dernière moitié du siècle qui
vient de finir, le vocabulaire des Mathématiques pures
et appliquées s’est considérablement enrichi, et on peut
envisager le moment où les savants des divers pays ne
se comprendront plus qu'à grand'peine.
C'est dans le but de jeter quelque clarté dans ce
chaos, et de faciliter la lecture des mémoires rédigés en
français et en allemand, que M. Müller nous offre aujour-
d’hui le premier volume deson Vocabulaire mathémati-
que. Cet ouvrage est le fruit d’une très longue collabora-
tion à la rédaction du recueil bien connu Jahrbuch für
die Fortschritte der Mathematik. Depuis sa fondation,
M. Müller a rassemblé toutes les expressions techniques
(mathématiques, physiques et astronomiques) qu'il y a
rencontrées; il les a disposées par ordre alphabétique,
puis classées systématiquement, en les accompagnant
de l'indication de la source et d’autres notices piblio-
graphiques et historiques. Le nombre de termes alle-
mands qu'il a actuellement recueillis s'élève à plus
de 10.000. L'auteur a, parallèlement, recherché, dans la
littérature étrangère, les expressions correspondantes
françaises, anglaises et italiennes. Ses recherches his-
toriques sur la terminologie mathématique des Grecs
- et des Romains sont venues encore enrichir celte pré-
- cieuse collection, qui formera la base d'un grand dic-
- tionnaire mathématique. C'est de ces matériaux que
… M. Müller a tiré le vocabulaire en deux langues quil
- publie aujourd’hui.
» Ce vocabulaire ne renferme pas seulement les voca-
. bles simples avec leur traduction, mais aussi toutes les
- expressions composées, avec l'expression étrangère qui
- leur correspond. Le mot principal figure le premier et
est suivi de tous les qualificatifs qui peuvent l'accom-
- pagner. On se fera une idée de la richesse de la nomen-
clature mathématique quand on saura que l’auteur a
trouvé, en francais, 119 expressions composées com-
mençant avec le mot angle, 89 avec le mot axe, 130
avec le mot cercle, 242 avec le mot surface, 363 avec le
mot courbe, etc.
Comme on le voit, ce vocabulaire rendra les plus
grands services aux savants francais pour la lecture oula
traduction des mémoires allemands de Mathématiques,
et vice versa, questions qui ne laissaient pas jusqu'à
présent d'offrir souvent de sérieuses difficultés. En
applaudissant au beau résultat obtenu par les patientes
recherches de M. Müller, nous nous permettrons de
signaler et d'encourager les efforts tentés dans le même
sens par quelques mathématiciens français, en parti-
culier M. J. Boyer et M. H. Brocard, qui travaillent aussi,
depuis plusieurs années, à la préparation de diction-
nüires mathématiques. L. B
ET-INDEX
2° Sciences physiques
Da Silva Basto (Alvaro José), Professeur à l'Uni-
versité de Coïmbre. — Liçoes de Estereochimica
(2° édition). — 4 vol. in-8 de xvi-136 pages, avec
50 figures dans le texte. (Prix : 5 fr.) França
Amado, éditeur. Coïmbre, 1901.
Nous signalons à nos lecteurs ce petit livre portugais,
pour attirer l'attention sur ce fait curieux du mouve-
ment actuel de diffusion de la Stéréochimie. C’est, en
effet, un mouvement qui continue à se propager, alors
que l'ébranlement central qui lui a donné naissance
voit plutôt son intensité diminuer.
Il est bien certain qu'en France on abuse moins
qu'autrefois des notations stéréochimiques compliquées,
cerlaines de ces figures devenant plus difficiles à lire
que l'exposé même des faits qu'elles ont mission de
représenter.
Malgré l'abus de ce système un peu compliqué de
notalion, on doit cependant reconhaitre les services
qu'il a déjà rendus et peut rendre encore; c'est à ce
point de vue qu'il est surtout intéressant de constater
la part que lui accordent certains pays étrangers dans
l'enseignement de la Chimie.
Lefèvre (Léon), Directeur de lax Revue générale des
Matières colorantes et des Industries qui s'y ratta-
chent ». — Les Produits chimiques et les Matières
colorantes, le Blanchiment, la Teinture et l’Im-
pression des fibres textiles. — 1 vo/. de 144 pages
avec 1 plan, 23 dessins, #4 photogravures, 19 échan-
tillons. (Prix : 5 fr.) Au Bureau de la « Revue », 23,
Chaussée d'Antin, Paris, 1901.
M. Lefèvre a eu l'heureuse idée de réunir, en une
élégante brochure, l’ensemble des documents recueillis
sur les différentes industries énumérées plus haut, et
qui ont été représentées à l'Exposition de 4900. Après
avoir émis quelques réflexions générales sur le but et
l'utilité des expositions universelles, réflexions aux-
quelles il a ajouté quelques critiques très judicieuses,
l’auteur passe en revue, et examine en même temps,
la situation de l’industrie chimique dans chacun des
principaux pays dont la production mérite d’être prise
en considération. Ces revues sont émaillées de statis--
tiques très suggestives qui font voir, dans une cer-
taine mesure, l’état de prospérité plus ou moins avancée
dans lequel se trouvent, pour chaque groupe de pro-
duits, les pays mis en parallèle. [
A cet exposé général fait suite un chapitre de M. Tas-
silly sur la préparation électrolytique des produits
chimiques employés dans la teinture et l'impression.
M. Lefèvre aborde ensuite la question des colorants
minéraux et organiques, ainsi que celle des extraits
tinctoriaux, fait ressortir les découvertes et améliora-
tions introduites dans la fabrication de ces produits,
tant en France qu'à l'Etranger, insiste, en passant, sur
l’organisation scientifique et matérielle qui caractérise
quelques-uns des Etablissements les plus prospères, et
termine par une comparaison du commerce des pro-
duits chimiques de la France et de l'Allemagne.
Une troisième partie est consacrée au blanchiment, à
la teinture et à l'impression. Elle comprend d'abord la
description des nouvelles machines en usage dans ces
industries, puis un chapitre sur la teinture sur fils et
tissus de M. Emile Blondel, et, enfin, un autre chapitre
sur l'impression des tissus dans les principaux pays de
l'Europe. Une quatrième et dernière partie comprend
lé mercérisage du coton et les nouveaux textiles artifi-
674
ciels brillants (soies artificielles). Les figures très bien
réussies, les échantillons choisis avec goût ajoutent à
l'attrait de l'exposé, qui est fait dans une langue claire,
concise et sans redites.
Tous ceux qui s'intéressent à ces industries si impor-
tantes, qui sont sans cesse inspirées et fécondées par
la Science, pourront se rendre un compte exact des
progrès considérables qu'elles ont réalisés dans le
cours des dix dernières années. A. HALLER,
Membre de l'Institut,
Professeur de Chimie organique à la Sorbonne
Lévy (Lucien), Professeur à l'Ecole nationale des
Industries agricoles de Douai. — Microbes et Dis-
tillerie. — 1 vol. in-8° de 323 pages avec figures.
(Prix : 10 fr.), G. Carré et Naud, éditeurs, Paris,
1901.
Il y a quelque dix ans, un distillateur agricole disait
à un chimiste qui lui faisait des observations sur la
pureté des moûts en fermentation : « Vous ne m'ap-
prendrez pas à faire de l'alcool; voilà trente ans que
j'en fais! » Ce distillateur, qui doit avoir aujourd’hui
quarante ans de pratique, serait bien étonné, en lisant
le livre de M. Lévy, de l'énorme quantité de choses
qu'il faut apprendre quand on veut faire de l'alcool.
C'est le microbe qui produit l'alcool; c'est le microbe
également qui l'empêche de se former, à moins qu'il
ne le détruise au fur et à mesure de sa formation.
Les différents microbes, les bons et les mauvais, les
saccharomyces, les amylomyces, les mucor, comme les
moisissures, les bactéries acétiques, les ferments de
l’amer, les amylobactes, etc., sont étudiés par M. Lévy
dans leurs origines, dans leur développement, dans leur
composition chimique, dans l’action qu'exercent vis-à-
vis d'eux les différents antiseptiques.
Mais le distillateur est un metteur en œuvre; il faut
qu'il admette les bons, et repousse les mauvais; c'est
là qu'interviennent les pratiques industrielles, et que
se trouve justifiée la seconde partie du titre de l’ou-
vrage. Il faut sélectionner la levure, la cultiver à l’état
pur ; il faut la faire intervenir dans la préparation des
levains ou pieds de cuves, il faut ensemencer les cuves
par le procédé dit de coupage, etc., toutes questions .
traitées avec méthode par M. Lévy. Le praticien dont
je parlais au début se retrouverait dans la seconde
partie de l’ouvrage, mais il reconnaïtrait certainement
qu'il n'aurait jamais su formuler aussi bien les opéra-
tions qu'il pratique, et, s’il est honnête, qu'il a appris
beaucoup de choses du théoricien et de l'homme de
science. L. LiNper,
Professeur à l'Institut National Agronomique,
3° Sciences naturelles
Clautriau (feu G.), Assistant à l'Institut Botanique de
l'Université de Bruxelles, — Nature et significa-
tion des Alcaloïdes végétaux. — { vol. in-8° de
114 pages, H. Lamertin, éditeur, Bruxelles, 4901.
Ce Mémoire posthume est le dernier qui soit dû au
jeune et distingué botaniste que la mort est venue fau-
cher en plein talent, et quand la Science était en droit
d'espérer encore de lui de fructueuses observations.
L'intérêt de ce travail était assez grand pour qu'il ne
füt pas laissé dans l'oubli ; aussi la Société des Sciences
médicales de Bruxelles en a-t-elle assuré la publication,
en même temps que celle d’une notice biographique
rédigée par son maitre et ami Erréra ‘.
Après avoir passé en revue les travaux publiés jusqu’à
ce jour relativement à la nature et au rôle des alca-
loïdes dans les végétaux, l’auteur rend compte de ses
propres expériences, qui portent spécialement sur les
Collea et les Thea. Gonstatant que les réactifs micro-
chimiques des alcaloïdes ne donnent que de mauvais
1 L. Ennéra : G. Clautriau. Esquisse biographique. Ann.
Soc. Sc. méd, et nat. de Bruxelles, t. IX, fase. 2-3, 1900.
BIBLIOGRAPHIE — ANALYSES ET INDEX
résultats avec la caféine, il montre que l’analyse chi-
mique peut seule donner des renseignements précis
pour la recherche de cette substance. Appliquant ces
données, il trouve que, chez les Cafés et les Thés, la
plus forte proportion d’alcaloïdes se rencontre dans les
parties très jeunes et en voie de développement; cepen-
dant, une différence se manifeste entre les deux genres
au point de vue des fruits : tandis que, chez le Café, il
n'y a pas d’alcaloïde dans le péricarpeet qu'il en existe
en quantité notable dans la graine, chez le Thé, le pé-
ricarpe, seul, renferme de la caféine.
Voulant ensuite élucider la signification des alcaloïdes,
Clautriaù entreprend une série d’expériences sur la ger-
mination ou les annélations à la lumière et à l'obscurité.
Il constate ainsi que, contrairement à l'opinion d'Heckel,
l’alcaloïde ne disparaît pas au cours de la germination
et n'est pas utilisé directement par la jeune plantule.
Cela ne veut pas dire qu'il ne soit jamais réassimilé : ce
phénomène est même fréquent chez les plantes her-
bacées annuelles vers la fin de leur végétation, mais on
peut remarquer expérimentalement que jamais cette
disparition n’est accompagnée d'une augmentation des
albuminoïdes, tandis qu’au contraire toute diminution
des matières protéiques entraîne une accumulation
d'alcaloïdes. Ces dernières substances seraient donc des
déchets de l’activité cellulaire.
Quant au rôle qu'elles jouent dans le végétal, l’auteur,
se basant sur leur localisation dans l’épiderme de cer-
taines plantes, dans l'écorce, dans les jeunes feuilles,
dans les tissus de réserve, admet qu’elles constituent un
moyen de protection vis-à-vis des animaux. Il pense
que leur production doit être un fait beaucoup plus
général qu'on ne suppose, mais que l'accumulation
qu'on observe n’est en quelque sorte qu'une résultante
de la formation et de la destruction simultanée de ces
déchets de nutrition azotée, résultante qui devient tan-
cible lorsque la destruction n'est pas suffisamment
rapide ou n'a pas lieu.
Lux
Docteur ès sciences,
Chef de Travaux à l'Ecole de Pharmacie de Paris.
Boule (Marcellin), Docteur ès sciences ; Glangeaud
(Ph.), Maitre de Conférences à l'Université de Cler-
mont; Rouchon (G.), Archiviste du Puy-de-Dôme;
Vernière (A., Ancien président de l'Académie
de Clermont. — Le Puy-de-Dôme et Vichy, guide
du touriste, du naturaliste et de larchéologue. —
4 vol. in-16 de 378 pages, avec 108 figures et 3 cartes.
(Prix cartonné : 4 fr. 50) Masson et Cie, éditeurs.
Paris, 1901.
La collection des Guides publiés sous la direction de
M. Marcellin Boule vient de s’augmenter d’un nouveau
volume sur le Puy-de-Dôme et Vichy. Le but poursuivi
dans ces Guides est connu : à la sèche énumération de
curiosités de tout ordre rencontrées au hasard des iti-
néraires, M. Boule s'est proposé de substituer des des-
criptions raisonnées des régions naturelles de la France.
Pénétré de cette idée que le paysage que le touriste va
admirer n'est qu'une conséquence des phénomènes
géologiques qui ont affecté un région, c’est autour de sa
description géologique qu'il a groupé les notions orogra-
phiques et hydrographiques. L'ensemble de la première
partie du Guide embrasse les caractères physiques, la
faune et la flore, l'anthropologie, l'archéologie, l’histoire,
l'homme actuel. La seconde partie, consacrée aux itiné-
raires, est conçue sur le plan des Guides classiques, mais
le touriste y verra à chaque instant rappelée la liaison
de la topographie avec les phénomènes géologiques et la
nature du sol, et le naturaliste y trouvera d’intéressants
renseignements sur les gisements de minéraux, les sta-
tions de plantes intéressantes.
La valeur de ces Guides ainsi compris dépasse celle
d'un ouvrage pour le grand public; ils deviennent de
véritables monographies régionales où le géographe, le
naturaliste, l'historien, l'archéologue, l'économiste, qui
voudront se faire une idée aussi exacte que rapide du
BIBLIOGRAPHIE — ANALYSES ET INDEX 675
pays décrit, trouveront condensés de multiples rensei-
gnements jusqu'alors épars dans de nombreuses publi-
cations. A. BiGoT,
Protesseur à l'Université de Caen.
… Deniker. (J.). — Les Races et les Peuples de la
Terre. Eléments d’Anthropologie et d’Ethno-
graphie. — 14 vol. 1u-18 de vu-692 pages. (Prix :
12 fr. 50). Schleicher frères, éditeurs. Paris, 1901.
Le titre du livre de M. Deniker en indique très exac-
tement l'objet. Tout son ouvrage, en effet, est dominé par
la distinction très justifiée qu'il établit entre la race,
…_ «unité somatologique », et le peuple, « groupe ethni-
que », constitué d'ordinaire par le mélange ou la com-
… binaison de plusieurs races. La notion de race a une
valeur zoologique, beaucoup plutôt qu'historique ou
. ethnographique. Des groupes ethniques, constitués par
des individus de même race, présentent souvent les
différences les plus nettes au point de vue de leurs
«mœurs, de leurs coutumes, de leur structure sociale,
de leur civilisation matérielle, de leurs croyances,
tandis qu'il y a fréquemment, au contraire, une res-
semblance, qui peut aller jusqu'à une identité complète,
- entre les institutions familiales, les rites religieux, les
procédés de culture de populations qu'éloignent l’une
de l'autre leurs caractères somatiques.
. Avec grande raison, M. Deniker range au nombre des
. caractères ethniques la langue que parle une popula-
tion; elle est fort indépendante de la race ou des races
auxquelles elle appartient, et c'est une méthode dange-
. reuse et qui peut induire en de singulières illusions que
de conclure de la communauté de langue à l'unité d’ori-
» gine. On a dû renoncer à la notion de race celtique, qui
- ne répondait à rien, et peut être se verra-t-on obligé
bientôt de renoncer également à la notion de race
aryenne. Il est vraisemblable queles Aryens, ce sont les
populations qui, à une époque très ancienne, et anté-
- rieurement aux grandes migrations historiques, par-
laient déjà une langue aryenne. Il y a eu des peuples
arvens qui ont imposé, dans les temps où nous permet-
- tent d'atteindre nos documents, leur domination à des
peuples anaryens et les ont marqués de l'empreinte de
leur civilisation : il ne semble pas qu'il y ait eu de race
aryenne.
Et, d’ailleurs, comme le fait très justement remarquer
M. Deniker, il n'existe que fort peu d'individus de race
- pure. Les « unités somatologiques » sont des « types
» théoriques », formés d’un ensemble de caractères phy-
- siques combinés d’une certaine façon. « On peut dégager
l'existence de ces unités par l'analyse minutieuse des
caractères physiques d'un grand nombre d'individus
pris au hasard dans un groupe ethnique donné » ; mais,
de ces espèces ainsi constituées, on n'a pas le type
sous la main. Chez les divers sujets, les formes sont
altérées par les mélanges et les métissages, et cha-
cun d'eux n'offre que deux ou trois des traits caracté-
ristiques de la race. Et cette complexité des types est
» d'autant plus grande que l'on a affaire à des popula-
. tions plus civilisées. Ce n’est guère que chez des peu-
plades au plus bas degré de civilisation, et qui vivent
- dans un entier isolement, que l'on a chance de ren-
… contrer quelque homogénéité de race. Il est, du reste,
à remarquer que l'homme, qui n'est pas soumis, comme
… Jes animaux domestiques, à la sélection artificielle, et
que les conditions où il vit soustraient en partie à l’action
de la sélection naturelle, ne peut être assimilé que sous
certaines réserves aux autres animaux, en ce qui con-
- cerne les lois de formation des espèces, des variétés et
…— des races. M. Deniker estime que nulle limite précise
… n'existe entre l'espèce et la race, et il considère que
la querelle entre monogénistes et polygénistesn'a pas
- une primordiale importance; il ne croit pas, d’ailleurs,
— que la question qui les divise soit, à l'heure présente,
…._ susceptible d'une solution scientifique.
Le livre de M. Deniker se divise en deux parties:
l'une générale, l'autre spéciale. Dans la première
“ (pp. 14-332), après avoir exposé les caractères différen-
LS
S
NET De
tiels entre l'homme et les singes, il passe en revue les
différentes caractéristiques des diverses races humaines
au point de vue morphologique, physiologique, psycho-
logique et pathologique et présente un court tableau de
l'évolution linguistique et de l'évolution sociale, où il
insiste plus encore sur les traits communs aux divers
groupes ethniques que sur les particularités de leur
structure et de leur développement.
Dans la seconde (pp. 333-658), il esquisse une clas-
sification d'ensemble des races et des peuples et étudie
successivement les peuples des cinq parties du monde
et les races qui entrent dans leur composition.
M. Deniker a groupé sur les variations de la taille
dans l'espèce humaine, d’après la race, l'ensemble le
plus complet de documents qu'on ait réuni jusqu'ici.
Il résulte nettement de ses recherches qu'en dépit des
variations individuelles, la taille est l’un des caractères
les plus constants dans un groupe ethnique donné et
surtout dans une race : l'influence du milieu, si mar-
quée qu'elle soit, ne vient qu'au second rang et laisse,
d’ailleurs, reparaître celle de la race dès que les condi-
tions se modifient quelque peu.
M. Deniker attribüe aux particularités de structure
des cheveux une importance prépondérante pour la
distinction et la classification des races, mais il montre
qu'à ne tenir compte que de ce seul ordre de caractères,
comme de tout autre d'ailleurs, on sépareraitdes unités
somatologiques que rapprochent leurs affinités natu-
relles et on réunirait en un même groupe des variétés
que l’ensemble de leurs caractères éloigne les unes
des autres. Un autre caractère de haute valeur et dont
la constance semble singulière, c’est la coloration de
la peau, des yeux et des cheveux : elle est, du reste, en
corrélation avec la structure et la morphologie de la
chevelure.
L'auteur semble attribuer à ces traits extérieurs, et
aux diverses particularités de la structure de la face
chez le vivant, autant d'importance qu'aux caractères
craniologiques. Ces caractères, d'ailleurs, il les à
exposés avec une remarquable clarté, et tout le chapitre
qu'il à consacré aux mensurations craniennes est à lire
avec grande attention. Il semble, au reste, que la forme
du crâne, dont la valeur est considérable au point de
vue morphologique. n'ait pas de signification nette au
point de vue physiologique et qu’elle ne tienne sous sa
dépendance ni la puissance intellectuelle des individus
ou des races, ni la qualité de leur intelligence.
Il n'apparaît pas que, même au point de vue mor-
phologique, la signification de l'indice céphalique
prime celle de l'indice nasal, auquel M. Deniker attache
une valeur toute particulière.
La capacité cranienne elle- même et le poids du cer-
veau, qui sont sous la dépendance, en une large mesure,
du poids et de la laille de l'individu, ne donnent que
des indications très grossières sursa puissance mentale.
M. Deniker, qui est au courant des récents travaux
en matière de linguistique, a dit un sage adieu à la
théorie qui fait à toute langue une obligation de passer
par les trois étapes du monosyllabisme, de l’agglutina-
tion et de la flexion. Il a présenté un très lucide résumé
de l'histoire des premières ébauches de l'écriture.
L'esquisse qu'il a tentée des formes primitives de la
religion est, dans ses traits essentiels, exacte; peut-
être, cependant, a-t-il donné au culte des morts une
plus large place que celle qui lui appartient légitime
ment dans l’ensemble des phénomènes religieux, et
a-t-il établi, entre les croyances spiritiques et le féti-
chisme, un lien plus constant et plus étroit que ne le
révèle l'analyse des faits. Il aurait fallu montrer que
les croyances relatives aux diverses catégories d'êtres
supérieurs sont, dans la plupart des cas, non pas
successives, mais simultanées: le culte des animaux,
des arbres ou du soleil ne dérive pas du culte des
morts ; ils se sont parallèlement développés. On pour-
rait aussi reprocher à l’auteur de n'avoir pas assez
nettement indiqué que l'essentiel, dans (oute religion,
c’est le rite. Ce qui est secondaire et subordonné, ce
676
BIBLIOGRAPHIE — ANALYSES ET INDEX
sont les mythes, les légendes, les dogmes, toute la thé-
ologie en un mot. Mais il le faut louer d'avoir mis en
lumière l'indépendance originelle de la morale sociale
et de la morale religieuse, l'indifférence primitive des
dieux à la conduite des hommes les uns envers les
autres. On trouvera (p. 263 et suiv.), d'intéressantes
indications, peut-être un peu trop rapides, sur la nu-
méralion, la géométrie, la chronologie, la cartogra-
phie etla médecine des non civilisés. M. Deniker, avec
raison, rejette l'hypothèse hasardée de la promis-
cuité primitive : il accepte, peut-être sans la sou-
mettre à une suffisante critique, la théorie de Mac
Lennan, de Morgan et de Fison et Howitt sur le ma-
riage collectif (group-marriage), dont il ne distingue
pas assez nettement la famille polyandrique; il
semble confondre la famille maternelle avec le régi-
me matriarcal, qui en est une forme très exception-
nelle, et ne donne pas d'explication très claire de l'hor-
reur qu'inspire l'inceste aux non civilisés; il ne cite pas
à ce propos le mémoire capital sur la question, celui
de Durckheim (Année sociologique, t. 1); il semble par-
fois ne pas discerner aussi précisément qu'il faudrait la
différence de nature qui existe entre la famille et le
clan, qu'il parait parfois se représenter comme une
agrégation de familles. Sur les formes diverses du ma-
riage, les rites en usage lors de la naissance, l’éduca-
üon de l’énfant, l'initiation, le traitement que recoivent
les vieillards, les coutumes du deuil, ses indications,
très sommaires, sont dans l’ensemble exactes. Il con-
vient de signaler l’intéressante esquisse qu'a donnée
l’auteur (p. 289-902) de l’organisation économique des
sociétés primitives, mais on ne saurait admettre que
c’est l'établissement du régime féodal qui a détruit en
Occident la propriété collective. Sur la question du
Totemisme, M. Deniker semble n'avoir pas utilisé les
plus récents travaux (Jevons : Az introduction to the
History of Religion; E. B. Tylor : Journal of Anthrop.
Inst. 4898; G. G. Frazer : lortnightly Review, avril
et mai 1899). Ce qui concerne le gouvernement et le
rôle des chefs est très sommairement exposé ; il est à
peine fait allusion à leurs fonctions religieuses. Du
tabou, qui tient une si grande place dans l’organisation
des sociétés non civilisées, il n’est dit qu'un mot en pas-
sant. M.Deniker se méprend à notre sens en lui attri-
buant en Mélanésie une signification purement civile et
économique; nous croyons avoir établi (Bibliothèque
de l'Ecole des Hautes-Eludes, Sciences religieuses,
t. VIT) son caractère religieux. Sur les sociétés secrètes,
l’auteur a donné les détails essentiels. Toute la partie
de ce chapitre relative à la civilisation matérielle
(armes, monnaie, véhicules, etc. est fort intéressante;
l’auteur a su faire tenir en ces quelques pages un très
grand nombre de faits clairement classés.
Dans le chapitre vur, M. Deviker passe rapidement
en revue les diverses classifications que l’on a proposées
des races humaines et expose le système de classifica-
tion auquel il s’est lui-même arrêté. Il distingue vingt-
neuf races, qu'il groupe sous six chefs distincts :
A) Cheveux crépus, nez large — Races : Bochimane,
Négrito, Nègre, Mélanésienne; B) Cheveux frisés ou
ondulés — Races Ethiopienne, Australienne, Dravi-
dienne, Assyroïde ; C) Cheveux ondulés, bruns ou noirs ;
yeux foncés — Races : Indo-Afghane, Arabe, Berbère,
Européenne littorale, Ibéro-insulaire, Européenne occi-
dentale, Adriatique; D) Cheveux ondulés ou droits,
blonds; yeux clairs — Races: Européenne Nordique,
Européenne orientale; E) Cheveux droits ou ondulés,
noirs, yeux foncés — Races: Aino, Polynésienne, Indo-
nesienne, Sud-Américaine ; F) Cheveux droits — Races:
Nord-Américaine, Centraméricaine, Patagone, Esqui-
mau, Lapone, Ougrienne, Turque, Mongole.
Il a représenté les affinités des races en un tableau où
sont distribuées les vingt-neuf races, qu'il a constituées
en dix-sept groupes, dont sept seulement (Américain-
Océanien, Négroïde, Nord-Africain, Eurasien, Melano-
chroïde (Européen), Xanthochroïde (Européen) com-
prennent plus d’une race. La disposition du tableau met
en évidence, par exemple, les relations qui unissent les
Dravidiens aux Indonésiens et aux Australiens, les Assy-
roïdes aux Adriatiques et aux Indo-Afghans; les Indo-
Afghans aux Ethiopiens et aux Arabes, les Esquimaux,
aux Mongols et aux Nord-Américains à la fois.
C'est sur de tout autres principes que s’est fondé
M. Deniker pour la classification des groupes ethni-
ques ; ila pris pour base les affinités linguistiques et
sociologiques et surtout le groupement au point de vue
géographique.
_ Le chapitre consacré aux races et aux peuples de
l'Europe est extrêmement remarquable : c'est peut-être
le meilleur du livre, c’est à coup sùr le plus neuf et
sans doute le plus utile. Après un exposé très plein, en
sa brièveté, de ce que nous savons de l’anthropologie,
et de l'archéologie préhistoriques de l’Europe (il laisse
en suspens la réalité de l'existence de l’homme tertiaire),
où il à mis à profit les beaux et classiques travaux de
MM. de Mortillet et Salomon Reinach, l’auteur
présente un court résumé des polémiques qu'a soulevées,
entre ethnographes et linguistes, la question aryenne.
Pour M. Deniker, il n’y a pas de race aryenne, et c’est
perdre son temps que d’en chercher le point d’origine
en Asie ou en Scandinavie :il y à une famille de langues
aryennes, dont le berceau se trouve sans doute dans le
Sud-Est de l'Europe,etpeut-être une civilisation aryenne,
fort semblable d’ailleurs probablement à celle des au-
tres populations de l’âge néolithique.
Il en vient alors à l'étude des races actuelles. Si l'on
ne tient pas compte des Allophyles d’origine asiatique,
turque où mongole, la population de l’Europe est cons-
tituée par les combinaisons de deux races blondes: la
Nordique et l'Orientale,et de quatre races brunes: Ibéro-
insulaire, Cévenole ou Occidentale, Littorale et Adria-
tique. Il faut renoncer à donner une valeur anthropo-
logique aux expressions de races latines ou de races
Semen leur signification est exclusivement linguis-
tique ou sociologique. La race germanique a une exis-
tence un peu moins conventionnelle, mais il s’en faut
que tous les germanophones soient de race Nordique
ou sub-Nordique.— Les paragraphes qui se rapportent,
en ce chapitre, à l’ethnographie de la France et de l'Italie
et aux Finnois sont tout particulièrement intéressants.
Dans le chapitre relatif aux races et peuples de l'Asie,
nous signalerons spécialement les pages qui traitent de
l'archéologie prémstorique et celles qui ont trait à
l'ethnographie de la Sibérie et de l’Indo-Chine. Nous
aurions aimé qu'une étude plus approfondie nous ait
été donnée des races de la Chine,de l'Inde et de la Perse.
La race sémitique semble bien avoir une réalité anthro-
pologique et n'être pas seulement une entité linguisti-
que, mais il s'en faut que tous les peuples de langue
sémitique y puissent trouver place et il paraît bien que
bon nombre des Juifs appartiennent à la race assyroïde.
Dans le chapitre relatif aux peuples et races de l’Afri-
que, il nous semble que tout ce qui se rapporte aux
Baotous a été traité bien sommairement, mais il faut
noter la conception très plausible et très suggeslive de
M. Deniker qui en fait des métis de Nègres, de Ne-
gritos, de Boschimans-Hottentots et d'Ethiopiens. Il n'y
a qu'à louer, par contre, les pages très intéressantes
et très neuves consacrées aux populations rouges de la
région équatoriale : Sandé, Massaï, etc., et aux popu-
lations nigritiennes, dont cependant, il n'a indiqué
que d’une facon bien générale les traits caractéristiques
au point de vue dela civilisation et de l'organisation
sociale.
L'ethnographie de l'Australie est, elle aussi, fort som-
mairement traitée, mais il faut reconnaître que bon
nombre des questions essentielles qu'elle soulève avaient
été traitées dans les chapitres qui se rapportent aux ca-
ractères sociologiques des diverses races. M. Deniker a
montré, en se fondant sur les travaux de Ling Roth,
qu'il fallait séparer des Australiens les Tasmaniens,
aujourd'hui éteints, et les rattacher à la race mélané-
sienne. Il a jeté un peu de lumière sur l’ethnographie
sicompliquée de la Malaisie et a fait voir clairement qu'il
BIBLIOGRAPHIE — ANALYSES ET INDEX
n'existait pas les affinités que l'on avait cru entre les
Polynésiens et les Indonésiens, que tous leurs caractères
rapprochent des Malais; ce sont peut-être les Proto-
Malais, et les Malais actuels ne seraient alors que des
mélis, produits des croisements des Indonésiens avec
“des Chinois,des Papous, des Négritos, des Hindous, etc.
«Il nous semble que M. Deniker se méprend en énumé-
rant, parmi les caractères spécifiques des Papous, l’em-
ploi du ull-roarer; il se retrouve chez les autres
Mélanésiens, au témoignage de Codrington.
+ Ileüt été nécessaire de donner des détails plus pré-
cis sur les Micronésiens, qui diffèrent à plusieurs égards
des autres Polynésiens, en particulier au point de vue
de la structure familiale et de l’organisation sociale.
—_ Le chapitre consacré à l'Amérique est fort bon. Il
renferme une bonne étude sur les mound-builders; on
est un peu surpris que M. Deniker n'y mentionne pas
je beau livre de Cyrus Thomas : Zntroduction to the
«study of North american Archæology. Peut-être esti-
« mera-t-on qu'il vaudrait mieux séparer plus complè-
à tement les Esquimaux des autres races américaines,
.
… dont ils diffèrent à la fois somatiquement et ethnique-
ment. M. Deniker reconnait l'existence d'une race
palé-américaine, à laquelle il rattache les Indiens des
Andes. Les paragraphes qu'il a consacrés à l’ethno-
* graphie de Amérique centrale, du bassin de l’Ama-
- zone et du Brésil rendront à tous les ethnographes les
: meilleurs services. Il a décrit avec une extrême clarté
les migrations en sens opposé des Arrawaks et des
+ Caraïbes. Il aurait pu, mettant plus largement à profit
| les travaux de von den Sleinen, donner de plus amples
- détails sur les tribus du centre du Brésil, dont les mœurs
jettent une si précieuse lumière sur diverses questions
de sociologie.
…. L'auteur a rendu un éminent service en écrivant son
« livre. Nous ne voudrions pas que nos criliques de
détail puissent donner le change sur nolre pensée;
c'est un ouvrage excellent que celui de M. Deniker,
- un livre méthodique et clair, amplement et sûrement
L documenté, L. MaRILLIER,
Maître de Conférences à l'Ecole pratique
des Hautes-Etudes.
4 Sciences médicales
- Rothschild (D: Henri de). — Bibliographia lactaria.
- Bibliographie générale des Travaux parus sur le lait
—. et l'allaitement jusqu'en 1899, avec une préface de
} M. E. Duczaux, Membre de l’Institut, Directeur de
… l'Institut Pasteur.— 1 vol. in-8° jésus de 600 pages.
(Prix : 20 fr.) O. Doin, éditeur. Paris, 1901.
| M. Henri de Rothschild est très honorablement connu
dans la littérature médicale par ses publications sur
ï l'alimentation des nourrissons. Au cours de ses recher-
ches, il a été amené à consulter ce qui avait déjà été
écrit sur ces questions. Il a trouvé intéressant et utile
. d'établir une bibliographie générale des ouvrages ayant
traité du lait et de l'allaitement. C’est ainsi qu'est né le
volume qu'il nous présente aujourd'hui.
Ce volume in-8°, de près de 600 pages, ne contient
que des indications bibliographiques. Celles-ci sont
exactement au nombre de 8.375. Ainsi, sur cette ques-
. tion limitée d'hygiène alimentaire de l'enfance, il a 616
publié 8.375 mémoires, ouvrages, traités ou livres. Je
n'ai pas compté le nombre d'auteurs qui ont concouru
à l'édification de cette véritable bibliothèque : leurs
noms, disposés par ordre alphabétique, n'occupent pas
moins de 68 pages.
En publiant ce volume, M. de Rothschild a voulu être
utile à tous ceux qui s'intéressent à la question du lait.
Certes, l'utilité d'une telle publication ne saurait être
niée, et ce n'est pourtant pas ce côté du livre qui
nous à frappé quand nous l'avons parcouru. Ce qui
. nous à semblé vraiment curieux, c’est de voir que les
questions que nous abordons aujourd'hui avec toutes
les ressources de la science moderne (analyse chimi-
que, microscopie, bactériologie) — sans les résoudre le
Te,
plus sonvent— se posaient déjà dans l'esprit des savants
d'il y a quatre cents ans, ;
En 1538, Acorombonus publie à Nuremberg un livre
intitulé : « Tractatus utilissimus de natura et usu
lactis », et en 1653 nous trouvons l'ouvrage de Ortlob
« De lacte humano ». Je ne dirai pas qu’à cette époque
on connaissait déjà les méfaits du lait de vache; mais,
en fout cas, on y pensait déjà, puisqu'en 1666 pa-
raîit le travail de Bourdelin sur «l'examen du lait
de vache, d'âänesse et de chèvre », et qu'en 1790
Bouillon-Lagrange publie une « Lettre contenant ‘des
expériences sur le lait de femme et le lait de vache. »
A ces époques lointaines, on observait comme au-
jourd'hui, souvent mal, quelquefois bien. Si Borri-
chius voit bien dans son « Observation sur une femme
dont le lait était amer par l'usage qu’elle avait fait de
l'absinthe » — cette observation date de 1766, — on
ne peuten dire autant de l’auteur qui, en 1707, publieun
Mémoire sous le titre suivant : « Le lait des Européennes
qui vont à Batavia est si salé, qu'elles ne peuvent
nourrir leurs enfants. Il n'en est pas de même du lait
des négresses ».
Tout comme aujourd'hui la composition du lait inté-
ressait les savants et, comme nous, ils essayaient de
l’analyser. Nardius fait paraître à Florence, en 1634, un
livre intitulé : « Lactis physica analysis », et en 1756,
Vullyamoz, dans sa dissertation inaugurale, s'occupe du
dosage des sels du lait : « De sale lactis essentiali »!
Quant au rôle du lait dans le traitement des maladies,
il est connu depuis des siècles. Voici, en 1670, l'ouvrage
de Greisel sur les effets mirifiques du régime lacie
dans l'arthrite : « Tractatus medicus de cura lactis in
arthritide, in quoi indigata natura lactis et arthritidis
tandem rationibus, etc., etc. »; voici encore, en 1678, le
livre de Bayle : « De utilitate lactis ad tabidos refi-
ciendos et de immediato corporis alimento. » Il n’y a pas
dix ans que nous connaissons le koumis et le kephir,
et pourtant, dès 1811, Clarke faisait paraître un ouvrage
intitulé : « Of the koumiss of the Calmucks and of the
ardent spirit which they distill from milk. » C’est ainsi
qu'à travers des siècles on voit revenir les mêmes ques-
tions et celles-ci être prises et reprises avec de nou-
veaux moyens d'investigations, avec d'autres idées
préconcues, avec de nouvelles méthodes.
« Quand on voit, écrit M. Duclaux dans la préface
qu'il a consacrée au livre de M. de Rothschild, l'énorme
bibliographie établie par M. le D° H. de Rothschild, à
propos de l'étude du lait, et que l'on songe, comme on
peut le faire en consultant les derniers ouvrages qu'elle
mentionne, combien nous sommes encore peu avancés
sur cette question, on se sent saisi d’une sorte de mé-
lancolie devant l’immensité des efforts et la pauvreté -
du résultat; des centaines de savants, des milliers
d'années d'études, pour aboutir à deux ou trois cents
pages de vérités! Et encore, toutes ces vérités, pouvons-
nous en répondre? »
Telle est la philosophie qui se dégage des 8.375 indi-
cations bibliographiques réunies par M. H. de Rothschild
dans son superbe volume. Dr R. ROMME,
Préparateur à la Faculté de Médecine de Paris.
De Langenhagen (Maurice) — L’Entéro-colite
muco-membraneuse. Enquête sur certains points
controversés de son histoire. — (Æx/rait de la
Presse Médicale du 11 mai 1901). G. Carré et C. Naud,
éditeurs. Paris, 1901.
Dans ce Mémoire, M. de Langenhagen produit et
discute une statistique personnelle de six cents cas
d’entéro-colite muco-membraneuse. Ce travail, très
complet, fait honneur à son auteur et élucide lâ plupart
des problèmes qui se posaient dans l’histoire de cette
affection.
Girod (D° Paul). — Comment on se défend contre
les Vers intestinaux. — 1 hroch. 1n-8° de 71 pages,
avec planches. (Prix : 1 fr.) L’Edition médicale fran-
çaise, Paris, 1901.
678
ACADÉMIES ET SOCIÉTÉS SAVANTES
ACADÉMIES ET SOCIÉTÉS SAVANTES
DE LA FRANCE ET DE L'ÉTRANGER
ACADÉMIE DES SCIENCES DE PARIS
Séance du 17 Juin 1901.
M. Maupas est élu Correspondant pour la Section
d'Anatomie et Zoologie.
1. SCIENCES MATHÉMATIQUES. — M. G. Bigourdan donne
la liste des nébuleuses nouvelles qu'il a découvertes à
l'Observatoire de Paris (équatorial de la Tour de l'Ouest).
— M. M. Hamy a constaté que deux épreuves photo-
graphiques de la Lune, prises à des époques correspon-
dant à une même phase et à des librations très diffé-
rentes, regardées stéréoscopiquement, fournissent des
données sur le relief de notre satellite. Il montre que
la stéréoscopie peut s'appliquer à d’autres problèmes
astronomiques. — M. Rabut donne les équations et les
propriétés fondamentales des figures auto-polaires
réciproques dans le plan et dans l’espace. Les lignes
planes auto-polaires sont définies par une relation
symétrique entre l’abscisse (ou l’ordonnée) et la sous-
tangente. — M. A. Hurwitz communique un théorème
général sur les séries de Fourier, dont il tire d'intéres-
santes applications. — M. Mesnager étudie l'application
de la théorie de l’élasticité au calcul des pièces rectan-
gulaires fléchies.
2. SCIENCES PHYSIQUES. — M. E. Rothé a constaté, au
moyen de l’électromètre capillaire de Lippmann, que
la force électromotrice du compensateur correspondant
au maximum de tension superficielle augmente avec la
concentration. Les hauteurs de mercure soutenues,
soit au maximum, soit quand les deux mercures sont
en communication, diminuent quand la concentration
augmente. Ces résultats peuvent être prévus par la
théorie des ions. — MM. Ph.-A. Guye et A. Baud ont
mesuré les constantes capillaires de quelques liquides
organiques, en vue de fixer leur degré de polymérisa-
tion. Le phénétol, l'anisol, l'acétate d’éthyle, le nitro-
benzène, le benzonitrile paraissent normaux. Le méla-
crésol n'est pas polymérisé entre 9° et 55°, mais le
devient partiellement entre 100° et 150°; c'est le pre-
mier exemple de ce genre. — M. Eug. Demarçay a
obtenu, par fractionnement de l’azotate magnésien, une
petite quantité d’un nouvel élément, intermédiaire entre
le gadolinium et le samarium, et caractérisé par de
fortes raies violettes et ultra-violettes. Il le nomme
europium, avec le symbole Eu — 151 (environ). —
M. M. Berthelot a constaté qu'à froid, la précipitation
totale de l'argent, sous forme de phosphate, dans Ja
réaction du phosphate bisodique sur l’azotate d'argent,
a lieu seulement lorsque les deux sels ont réagi à mo-
lécules égales, les deux tiers de l'acide phosphorique
demeurant dissous sous forme de sels mono et biba-
SU La précipitation totale de l'acide phosphorique
sous la forme de phosphate argentique a lieu seulement
lorsque l’on a employé trois molécules d'azotate d'ar-
gent pour une molécule de phosphate bisodique, avec
addition finale de soude en dose équivalente à la neu-
tralisation appréciée par la phtaléine. — M. V. Thomas
a observé que le brome en excès réagit sur le chlorure
thalleux pour donner le chlorobromure TCEBrs. En
présence de solvants susceptibles de se combiner aux
halogènes, il se forme TIBr°. Par voie sèche, on obtient
des produits d'addilion normaux du chlorure thalleux.
En présence d'un excès de brome, c’est le chlorobro-
mure TICIBr qui prend naissance. — M. R. Chavas-
telon a constaté que l’action de l'acétylène sur une
solution saturée et neutre de chlorure cuivreux dans
le chlorure de potassium conduit à des résultats iden-
tiques au cas d’une solution acide précédemment
décrit. Dans le cas d’une solution neutre, et quelle
que soit la vitesse du courant gazeux, une agitation
active est nécessaire. — M. Dimitry Balachowsky
indique une méthode de séparation électrolytique du
cobalt et du nickel. On opère en solution acétique, en
présence de sulfocyanate d'ammonium, d’urée et d'am-
moniaque; en employant un courant d’un volt avec
0,8 ampère, le nickel seul se précipite à la cathode. —
M. A. Trillat a étudié l’action de contact d’une spirale
de platine chauffée sur les alcools secondaires et ter-
liaires ; il se forme soit des cétones seules, soit des
cétones et de la formaldéhyde. La chaleur dégagée par
la réaction est suffisante GONE maintenir la spirale de
platine incandescente. — M. A. Haller, en faisant réa-
gir l'épichlorhydrine sur les éthers benzoylacétiques
sodés, a obtenu une cétolactone :
C°H5.C0.CH — CO
| 0
CH? —
>
CH.CH®CI
qui est la2-benzoyl-4-valérolactone-5-chlorée. Ce corps,
sous l’action d'une lessive alcaline, donne naissance à
un cétoneglycol, qui est le 4-benzoyl-1 : 2-butanediol;
il peut aussi se dédoubler en acide benzoïque et en acide-
glycol. — MM. G. Bertrand et R. Sazerac indiquent
un moyen chimique de différencier les deux principaux
ferments du vinaigre : le Mycoderma aceti et la bacté-
rie du sorbose ou Bacterium xylinum Brown. Tandis
que la bactérie du sorbose oxyde rapidement la glycé-
rine et la transforme en dioxyacétone, le mycoderme
du vinaigre attaque à peine cette substance. —
M. P. Miquela employé la levure de bière pour déce-
ler les communications des nappes d’eau entre elles. La
levure ne perd pas sensiblement de sa vitalité après de
longs parcours souterrains, et, si l’on recueille l’eau qui
la contient dans un bouillon de peptone sucré, il se
déclare bientôt une énergique fermentation alcoolique.
— M. M. Nicloux a reconnu que le gaz oxyüe de car-
bone se rencontre à Paris dans! le sang des nouveau-
nés. Sa quantité est, en moyenne, de 0,11 centimètres
cubes pour 100 centimètres cubes de sang.
3. SCIENCES NATURELLÈS.
ont reconnu que les lécithines de l'œuf de poule aug-
mentent l'appétit des animaux qui les recoivent par
voie sous-cutanée ou par voie stomacale. Il en résulte,
conformément aux recherches de Danilewsky, un
accroissement rapide du poids des animaux. L’urée,
l'azote urinaire total, le coefficient d'utilisation azotée
se trouvent augmentés; on observe simultanément une
diminution de l'acide phosphorique éliminé par les
urines. — M.'L. Lapicque a déterminé le temps de réac-
tion des Negritos des iles Andaman. Ceux-ci mettent,
en moyenne, à répondre 4/100 de seconde de plus que
de Européens cultivés. Mais les expériences faites sur
la classe des travailleurs manuels à Paris donnent un
chiffre du mème ordre que celui des Negritos. Il ne
semble donc pas que la race ait une influence sur le
temps de réaction ; ce seraient plutôt les conditions
biologiqués. — M. Mendelssohn a étudié les effets pro-
duits par le passage des courants électrotoniques extra
polaires dans les nerfs sans myéline. — M. S. Leduc,
en déposant symétriquement sur une couche de géla-
tine des gouttes de liquide précipitant au contact, à
obtenu des figures géométriques qui reproduisent les
formes des cellules des tissus vivants. — M. L. Beille
a distingué chez les Disciflores, d’après le mode de
développement et la disposition de l'androcée, trois
séries principales
isostémone, diplostémone, polystémone; % les Disci-
1° les Æuphorbiacées, à androcée.
DR PNA
ACADÉMIES ET SOCIÉTÉS SAVANTES 679
fores obdiplostémones (Rutacées, Diosmées, etc.);
30 les Disciflores eudiplostémones (Méliacées, Coria-
riées, etc.).
Séance du 24 Juin 1901.
M. Ed. van Beneden est élu correspondant pour la
Section d'Anatomie et de Géologie.
19 SCIENCES MATHÉMATIQUES. — M. H. Deslandres
communique une troisième série d'observations de
la nouvelle étoile de Persée. Le 17 avril, la nouvelle
étoile présentait très probablement la raie caractéris-
tique des nébuleuses, — M. Dumont envoie un exposé
détaillé des principales propriétés des surfaces du
troisième ordre traitées par les méthodes de la Géomé-
trie projective. — M. D.-Th. Ægorov étudie le problème
suivant : Trouver toutes les surfaces qui admettent un
réseau conjugué invariable dans une déformation con-
tinue. — M. L.-E. Dickson poursuit ses recherches
sur la théorie des groupes linéaires dans un domaine
arbitraire de rationnalité. — M. S. Zaremba commu-
nique quelques considérations sur l'intégration de
l'équation Aw— p?w — 0.
29 ScrENCES PHYSIQUES. — M. J. Violle a observé, au
cours d’un orage, un éclair en boule, le 9 juin, près
de Gevrey-Chambertin (Côte-d'Or), — M. A. Ponsot,
poursuivant ses recherches sur les actions chimiques
. dans les systèmes dissous ou gazeux, montre que la
formation réelle ou virtuelle du système qui tend à
exister seul à une dilution infinie et qui décroit quand
on enlève du dissolvant, diminue la tension de vapeur
de ce dissolvant; celle du système antagoniste accroit
cette tension de vapeur. — MM. Ph.-A. Guye et
- A. Baud ont déterminé les constantes capillaires de
- la valéroxime, de la méthyléthylcétoxime, des phényl,
méthyl, éthyl et isopropyluréthanes. Tous ces corps
sont polymérisés à l’état liquide; chez les uréthanes
- aliphatiques, le dérivé méthylé est moins polymérisé
que le dérivé éthylé, et celui-ci que le dérivé propylé.
— M. A. Besson, à la suite de la confirmation de
- l'existence du sous-oxyde de phosphore P‘O par Mi-
chaelis, a repris l'étude de son oxyde phosphoreux
P°0, dont l'existence avait 6t6 mise en doute. En dis-
- solvant HBr à froid dans du chlorure de phosphoryle,
- puis en faisant passer un courant de PH, on obtient
un volumineux dépôt jaune orangé, qui, purifié, cor-
- respond bien à la composition P°0. — M. Jouniaux
a étudié l’action des radiations solaires sur le chlorure
- d'argent en présence d'une atmosphère limitée d'hydro-
gène. Après une exposition au soleil suffisamment
- prolongée, et avec une quantité convenable de chlo-
rure d'argent, tout l'hydrogène est transformé en HCI.
— M. M. Berthelot à étudié les réactions de deux
bases mises simultanément en présence de l'acide
phosphorique, l’une formant un phosphate soluble
(soude), l’autre formant ua phosphate insoluble (chaux
ou baryte). Dans les trois cas examinés, la proportion
de PO'‘H* précipité est double de celle qui correspon-
drait à la chaux ou à la baryte supposées changées en
phosphates tribasiques. Il y a donc séparation, sous
forme insoluble, d'une fraction de soude considérable.
— M. Paul Sabatier rappelle, à la suite de la commu-
nication de M. Recoura, qu'il a obtenu, il y a déjà
longtemps, des sels basiques mixtes par action d’un
oxyde ou d’un hydrate métallique sur les solutions
des sels des autres métaux. — M. A. Maïlhe a pour-
suivi l'étude de l’action de l’oxyde mercurique sur les
solutions aqueuses de sels métalliques. Avec les azo-
tates de manganèse et de cadmium, on obtient des
sels du type (Az0*)*Hg, RO, 3H°0. Avec les sels ferreux,
il y a réduction de l'acide mercurique en sel mercu-
reux ou en mercure et oxydation du sel ferreux en sel
ferrique. — M. G. André rappelle qu'il a aussi obtenu,
il y a quelques années, des oxychlorures basiques ren-
fermant plusieurs oxydes métalliques. — M. F. Par-
mentier rappelle qu'il a indiqué, en 1892, un procédé
d'embouteillage des eaux minérales qui assure la con-
servation parfaite de leur composition et de leurs pro-
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priétés thérapeutiques. — M. M. Berthelot pense que
les corps obtenus par M. Chavastelon dans l’action de
l'acétylène sur le chlorure cuivreux peuvent être con-
sidérés comme des dérivés d’un chlorure double de
cuprosacétyle monosubstitué (C*H°Cu)Cl.CuCI ou tri-
substitué (C*Cu*)Cl.CuCI. — M. A. Colson montre que
la réaction du chlorhydrate de pipéridine sur le chlo-
rhydrate d'ammoniaque sec en présence du gaz
ammoniac est réversible et limitée par la tension du
gaz. — MM. L. Maquenne et G. Bertrand ont préparé
l’érythrite racémique inactive par compensation en
mélangeant des poids égaux des deux érythrites actives.
Le corps obtenu est ideutique à celui trouvé autrefois
par M. Griner; il fond à + 72°, — M. M. Descude a
fait réagir le chlorure d’acétyle sur le trioxyméthylène
en présence de chlorure de zinc et a obtenu l'acéto-
chlorhydrine de méthylène CH°.CO0.CH:CI. Avec le
chlorure de benzoyle, on obtient un corps (C'H'0:},
isomère de l’acide benzoïque. — MM. L. Bouveault et
A. Bongert, en soumettant à l’action de l'acide nitrique
fumant les deux butyrylacétylacétates de méthyle,
ont obtenu le même éther méthylique C°H°Az?0"; la
nitration de l'acétylacétate fournit également le même
produit. Les groupes acidylés sont donc indifférents à
la réaction et se retrouvent à la fin à l’état d'acides.
MM. A. Haller et A. Guyot, en diazotant l’hexaméthyl-
triamidotriphénylméthane orthoamidé en milieu chlor-
hydrique, ont obtenu une leucobase qui, par oxydation,
donve un colorant bleu ne présentant aucune particu-
larité. Mais, si la diazotation a lieu en milieu sulfurique
concentré, on obtient un dérivé fluorénique, l'hexamé-
thyltriamidophénylfluorène. C’est la leucobase d'un
nouveau colorant, le bleu de fluorène, soluble dans
l'alcool et dans l’eau. — M. G. Massol a étudié la valeur
acidimétrique de l’acide parasulfanilique C‘H*AzH?.SO'H.
— MM. J. Minguin et E. Grégoire de Bollemont ont
étudié les propriétés de quelques composés racémiques
de la série du camphre. Ils ont généralement une
forme cristalline différente de celle des composés actifs.
Un mélange d’actif et de racémique à formes cristallines
différentes possède un point de fusion commençant
inférieur au point de fusion de celui des deux corps
qui fond le plus bas. Un mélange d’actif et de racémique
affectant la même forme cristalline a un point de fusion
commencant un peu plus élevé que le point de fusion
de celui des deux corps qui fond le plus bas. La densité
du racémique est plus grande que celle de ses consti-
tuants. — M. A. de Schulten a effectué la synthèse de
la boronatrocalcite (ulexite) en ajoutant une solution
de chlorure de calcium à une solution de borax en
excès saturée à froid. Les cristaux obtenus possè-
dent bien la composition Na°0,2Ca0,5B°0*,16H°0. —
M. G. André a étudié l’évolution du soufre et du phos-
phore dans la plante pendant la germination. Le soufre
total augmente progressivement pendant la germination.
Le phosphore des phosphates préexistants augmente
aussi pendant la germination, tandis que le phosphore
total reste stationnaire et n'augmente que lorsque
l'azote lui-même s'accroît.
39 SCIENCES NATURELLES. — MM. L.-R. Régnier et
G. Didsbury ont pratiqué l’anesthésie locale en chi-
rurgie dentaire à l’aide des courants de haute fréquence
et de haute intensité. Les incisives et les canines sont
les dents les plus faciles à anesthésier; les molaires et
les racines découronnées le sont moins. L'électrisation
ne provoque aucune réaction fâcheuse. — M. R. Demer-
liac a employé le résonnateur Oudin pour actionner les
tubes à vide. Les rayons X produits par ce moyen pos-
sèdent la propriété de ne pas donner d’érythèmes. —
MM. Stassano et P. Bourcet ont constaté que l’iode
contenu dans le sang normal existe exclusivement dans
les leucocytes. — MM. A. Chauveau et J. Tissot pré-
sentent un outillage simple pour rendre inoffensifs
le séjour et le travail de l'homme dans les atmosphères
irréspirables contaminées par des gaz délétères. Leur
appareil nasal à séparation du courant d’air expiré et
du courant d'air inspiré permet de prendre ce dernier
680
à une grande distance du sujet au moyen d'un tube.
Les sujets munis de cet appareil peuvent séjourner et
agir sans danger au milieu d'une atmosphère quel-
conque. Le système se prête à toutes les opérations de
sauvetage qu'on peut avoir à réaliser dans les locaux
envahis par les gaz délétères. — M. L. Bordas a étudié
l'appareil digestif des Dytiscides, —M. H. Coupin a cons-
taté que les végétaux supérieurs jouissent d’une sensi-
bilité merveilleuse à l’action utile des sels de potassium
et permettent d'apprécier la mesure de ceux-ci, même
quand ils sont en proportion infime. — M. Ed. Heckel
a étudié la constitution de la graine de Hernandia; les
cotylédons y sont partagés en lobules plus ou moins
nombreux par des cloisons membraneuses d’origine
spermodermique, ce qui rapproche ces graines de celles
de Riavensara,
Louis Brune.
ACADÉMIE DE MÉDECINE
Séance du 4 Juin 1901.
L'Académie adopte, après discussion, les conclusions
du Rapport de M. E. Besnier sur la création d’un sana-
torium privé pour lépreux dans les Voges (voir p. 589).
— M. Chantemesse donne lecture d'un mémoire sur
le diagnostic des eaux qui transmettent la fièvre typhoïde.
— M. Mouchet (de Sens) lit une observation de kystes
dermoïdes d’un volume extraordinaire situés dans la ré-
gion sacro-coccygienne chez un enfant nouveau-né ;
l’ablation de la masse kystique, six jours après la nais-
sance, fut suivie de guérison. — M. Chavasse donne
lecture d’un travail sur un cas de kyste dermoïde à
contenu huileux de l'angle interne de l'orbite gauche.
Séance du 11 Juin 1901.
M. Chantemesse est élu membre titulaire dans la
Section d'Hygiène publique, Médecine légale et Police
médicale. — M. Heurteaux (de Nantes) est élu Associé
national.
M. Chauvel présente le rapport sur la concours du
Prix Meynot en 1901. — M. P. Budin fait un rapport
sur un mémoire de MM. M. Balestre et Gilletta de
Saint-Joseph, relatif à la mortalité de la première
enfance dans la population urbaine de la France de
1892 à 1897. Celle-ci est considérable; les décès, pour
1.000 enfants de 0 à 1 an, sont dus aux causes suivantes;
385 à la gastro-entérite, 147 aux maladies des voies res-
piratoires, 171 à la débilité congénitale, 25 à la tuber-
culose, 50 aux maladies contagieuses et 222 aux autres
causes réunies. Des mesures bien comprises, surtout en
ce qui concerne la nourriture de l'enfant, pourraient
enrayer fortement cette mortalité. — M. J.-V. Laborde
fait un tableau des ravages causés par la consommation
de l’absinthe et des essences toxiques similaires, et,
en se basant sur l'amendement suivant voté par le
Parlement : « Le Gouvernement interdira, par décrets, la
fabrication et la vente de toute essence reconnue dan-
gereuse et déclarée comme telle par l’Académie de
Médecine », il propose à l’Académie : 1° De prendre sans
tarder l'initiative de l'indication des liqueurs, apéritifs
et boissons contenant les essences les plus dangereuses
pour la santé publique, à l'effet d'en interdire la fabri-
cation, la circulation, la publication et la vente; 2° De
charger de cette étude et de cette indication la Com-
mission de l’Alcoolisme; 3° De communiquer, sous
forme de vœux, aux Pouvoirs publics et au Parlement,
la délibération adoptée et prise par l'Académie à ce sujet,
après avoir entendu le rapport de la Commission.
Séance du 18 Juin 1901.
M. le Président annonce le décès de M. Bleicher,
Correspondant national. — MM. Tichomirow. (de
Moscou) et Schaër (de Strasbourg) sont élus Corres-
pondants étrangers dans la Division de Pharmacie.
MM. Lancereaux et Paulesco ont administré la
lécithine dans deux cas de diabète pancréatique, à la
phase du dépérissement, et ont vu les malades aug-
2e Ds |
ACADÉMIES ET SOCIÉTÉS SAVANTES
menter rapidement de poids en même temps que leur
état général s'améliorait. Ils ont employé la lécithine
dans plusieurs autres affections s’accompagnant de
dénutrition et ont obtenu de bons résultats, —
M. Wlaeff lit un mémoire sur la sérothérapie du cœur.
— MM. Jacquet et Portes communiquent un travail
sur la viciation hémo-urinaire dans la pelade.
SOCIÉTÉ DE BIOLOGIE
Séance du 4° Juin 1901.
M. Ch. Féré a démontré que les odeurs, qu'elles
soient agréables ou désagréables, ne produisent qu'une
excitation passagère, et qu'en somme elles diminuent
la capacité de travail d'autant plus qu’elles ont provo-
qué une excitation plus grande. — M. A. Laveran à
examiné des Culicides recueillis à Djibouti et à la Nou-
velle-Calédonie. Les premiers sont des Anopheles, tan-
dis que les seconds sont des Culex. Ces résultats con-
cordent avec le fait que le paludisme est très grave à
Djibouti, tandis qu'il est inconnu en Nouvelle-Calédo-
nie. — M. H. Coupin a reconnu que les composés mi-
néraux ayant un pouvoir antiseptique élevé sont, en
mème temps, à de rares exceptions près (aluns), des
poisons violents pour les végétaux supérieurs. — M. B.
Lansac a observé un cas d’angine de Vincent dont l'a-
nalogie clinique avec la diphtérie était telle que seul
l'examen bactériologique a permis d'en faire le dia-
gnostic précis, — M. A. Chipault montre que la ra-
chicocaïnisation sous-arachnoïdienne est contre-indi-
quée dans la chirurgie nerveuse ; par contre, il a ob-
tenu d’assez bons résultats avec les injections épidurales
dans une certaine position. — M. C. Simionesco à
trouvé que les calculs biliaires sont proportionnelle-
ment plus fréquents chez l'homme que chez les ani-
maux. — M. Onimus rappelle qu'il a le premier indi-
qué une méthode pour la photographie des mouve-
ments du cœur. — M. Touche communique un nouveau
cas aui tendrait à faire admettre que la mémoire topo-
graphique a son siège dans le lobule fusiforme, —
M. Sabrazès indique un procédé simple pour recon-
naître le sang leucémique et les précautions à prendre
pour le dosage colorimétrique de l’hémoglobine dans la
leucémie. — M.G. Milian établit que la peau a une in-
fluence très grande sur la coagulabilité du sang, pro-
bablement parce qu'elle renferme une substance coa-
gulante. — MM. Calugareanu et V. Henri ont constaté
qu'il n'existe pas de différence appréciable entre la vi-
tesse de diffusion dans les solutions gélifiées et dans
l'eau pour les corps anorganiques de structure molé-
culaire simple; au contraire, pour certaines matières
colorantes complexes, la diffusion est bien plus lente
dans les solutions gélifiées que dans l’eau. — M. H.
Gilardoni a étudié les conditions mécaniques de la
systole ventriculaire et l'influence de ces conditions sur
la forme de la secousse musculaire. Puis il a fait tra-
vailler, dans les mêmes conditions, un gastrocnémien
de grenouille pour comparer au myocarde ce type
classique du muscle. Pour cela, il a d'abord employé un
myographe à poids variable perfectionné, qu'il a rem-
placé ensuite, à cause de son inertie considérable, par
un myographe à ressort de torsion. — MM. F. Arloing
et F. de Gebhardt ont obtenu, par réaction de l’orga-
nisme de la chèvre en présence du bacille de Koch vi-
rulent introduit dans le tissu conjonctif, un sérum
antituberculineux, pourvu d’un pouvoir chimiotaxique ,
positif très développé ; pourtant il est inefficace à pro-
téger contre l'inoculation du bacille de Koch. — M. Oni-
mus conseille, pour la destruction des larves de mous-
tiques, le pétrole, et, pour la destruction des insectes
ailés, le pyrèthre, en poudre ou en teinture. — M. A.
Frouin a reconnu que la variation du pouvoir digestif
du suc gastrique dépend surtout de l'acidité du liquide.
Les substances alimentaires qui, ingérées dans l'intes-
tin, produisent une sécrétion abondante, augmentent
aussi le pouvoir digestif du suc gastrique.
ACADÉMIES ET SOCIÉTÉS SAVANTES
681
. Séance du 8 Juin 1901.
M. Ch. Féré a étudié l'influeuce de la théobromine
sur le travail. Dans un cas, elle a non seulement sup-
«primé les effets de la fatigue, mais elle a donné une
“plus-value de travail de 69,21 °/,. Toutefois, si Le travail
ce prolonge, il se produit une moins-value sur la nor-
male etune fatigue beaucoup plus intense, — M. F. Ca-
thelin fait l'historique de la méthode des injections
…cpidurales par le canal sacré et donne quelques indica-
“tions nouvelles sur la technique. Il pense qu'on pourra
injecter avec avantage par cette voie tous les médica-
ments solubles et facilement assimilables, de préférence
aux voies rectale, buccale et sous cutanée. — M.C. Phi-
“salix à reconnu que les jeunes chiens qui ont recu à
Ru reprises des inoculations de cultures atté-
-nuées du bacille spécifique de la maladie du chien
résistent aussi bien à la contagion naturelle qu'à l'in-
fection expérimentale, — M. Max Egger signale des
phénomènes vaso-paralytiques du plexus brachial droit
qui l'ont conduit à de nouvelles idées sur Ja topogra-
phie radiculaire et périphérique des vaso-moteurs de
“l'extrémité supérieure de l'homme, — M. G. Weiss
démontre que sa formule de l'excitation électrique est
normalement applicable a l’homme; il donne l'expli
“cation de la réaction de dégénérescence avec inversion
de la formule chez les malades. — M. F. Dévé a réussi
“à reproduire expérimentalement chez le lapin l'échino-
—coccose embolique du poumon. — M. Salomon a vu,
dans un cas d'hémorragie cérébrale avec inondation
ventriculaire, la ponction lombaire donner un liquide
très chargé de globules sanguins; cette teinte rouge
n'est donc pas absolument caractéristique de l'hémor-
ragie méningée. — M. M. Nicloux signale la présence
d'oxyde de carbone dans le sang du nouveau-né à Paris.
M. J. Jolly a reconnu que l'aspect diffus, homogène,
du noyau d’un certain nombre de leucocytes, en par-
…ticulier dans le sang normal et pathologique de l'homme,
n'est qu'une altération artificielle tenant à une fixation
imparfaite. — MM. C1. Regaud et A. Policard pensenl
que l’épithélium ovarique, du moins chez la chienne,
‘possède une fonction glandulaire et que les tubes cor-
ticaux de l'ovaire sont des diverticules glandulaires de
l'épithélium ovarique. — M. CI. Regaud communique
le résultat de ses recherches sur les cellules glandu-
laires de l'épididyme du rat. — MM. Galavielle et
Aoust ont constaté que la bile rabique n’a aucune pro-
priété spécifique; la bile normale agit tout aussi bien
que la bile rabique. Les deux ont une certaine action
neutralisante à l’égard du virus fixe: elles ne paraissent
pas avoir d'action préventive. — MM. Ch. Achard et
Lœper ont reconnu que la cryoscopie comparée du
sérum sanguin et des épanchements pathologiques ne
saurait fournir au clinicien des indices suffisamment
précis sur la tendance des liquides à s’accroître ou à se
—résorber. La cryoscopie ne paraît pas non plus pouvoir
fournir des renseignements utiles sur la cause patho-
gène des épanchements. Toutefois, le pus septique se
“congèle toujours plus bas que le pus tuberculeux. —
4 MM. E. Cassaet et G. Saux ont trouvé que le suc de
viande, obtenu par macération, est peu toxique en
‘injections intra-veineuses. La substance toxique qu'il
- renferme serait plutôt de nature comateuse.—M. F. Ar-
…loing montre que la propriété chimiotaxique positive
d'un sérum immunisant (en l'espèce le sérum antichar-
.bonneux) peut disparaître par l’adjonction d'une subs-
tance chimique douée, au contraire, d'un pouvoir chi-
miotaxique négatif.
À
Séance du 15 Juin 1901.
M. Ch. Féré a étudié l'influence du café sur le tra-
vail. C'est par sa saveur que la caféine provoque l’exci-
tation la plus considérable; mais, au bout d’un certain
temps, il y a abaissement du travail et accélération de
la fatigue. — M. Ch. Julliard a constaté que le pouvoir
hématolytique des épanchements traumatiques des
séreuses des articulations et de la bourse prérotulienne
est en raison inversz du temps qui sépare le moment
de l'examen du début des phénomènes morbides. —
M. Max Egger a observé que le retard de la perception
douloureuse et thermique, si fréquent dans le tabès,
n'est pas rare non plus dans les affections de la subs-
tance grise. — M. Ch. Richet montre que la détermi-
nation de la toxicité du sérum musculaire en injections
intra-veineuses est très difficile, car certaines condi-
tions la modifient considérablement. Ainsi cette toxi-
cité peut varier du simple au quintuple, suivant qu'elle
est mesurée en hiver ou en été. Ces différences peuvent
tenir à ce que les extraits musculaires contiennent des
quantités d’eau et d’albuminoïdes variables avec la tem-
pérature d'extraction. — MM. P. Ravaut et P. Aubourg
ont constaté que le liquide céphalo-rachidien extrait
par ponction après la rachicocaïnisation est trouble et
sort sous forte tension. Il contient des polynucléaires
abondants, dont la quantité va en diminuant chaque
jour. — M. L. Lapicque a déterminé le temps de réac-
tion suivant les races ou les conditions sociales (voir
p. 678). — M. O. Josué a reconnu que le chloroforme
est un excellent fixateur pour les préparations de sang.
— M. A. Poulain a constaté que les ganglions lympha-
tiques du mésentère renferment et secrètent une lipase
très active agissant sur les graisses et facilitant proba-
blement leur absorption. — MM. Sabrazès et Mathis
ont pratiqué la cryoscopie des expectorations de diverses
maladies, — MM. Ch. Achard et M. Lœper ont déter-
miné les variations comparatives de la composition du
sang et des sérosités. Elles se font toujours suivant un
même cycle d'augmentation ou de décroissance ; mais
la durée de ce cycle n'est pas la même pour les vais-
seaux et pour les tissus. — MM. A. Desgrez et A. Zaky
ont étudié l'influence de la lécithine de l'œuf sur les
échanges nutritifs (voir p. 678). — M. J. Lefèvre pense
que le problème de la détermination de la température
interne minima compatible avec la vie est subordonné
à l'étude topographique du refroidissement jusqu'à la
mort. — M. F. Marceau pense que les cellules de Pur-
kinje sont des formations spéciales, ayant la même
origine que les cellules cardiaques, avec lesquelles elles
s'anastomosent d'ailleurs, mais qui se différencient de
bonne heure, peut être en vue de l'accomplissement
d'une fonction encore à trouver. — MM. Gilbert, Lere-
boullet et Herscher ont trouvé que la cholémie est très
fréquente, mais qu'on retrouve toujours sa cause, soit
dans une maladie chronique du foie ou des voies biliaires
{ictère acholurique simple), soit dans une viciation tem-
poraire des fonctions hépatiques au cours des maladies
aiguës. — MM. H. de Rothschild et L. Netter ont
reconnu ‘qu'il est inutile de donner au nourrisson des
doses trop élevées de lait, mais qu'il faut, au contraire,
établir, par l'examen des échanges nutritifs, la dose quo-
tidienne minima qui convient à un nouveau-né sans
nuire à sa croissance. — M. A. Chipault indique les
recherches anatomiques sur le canal sacré qui l'ont
conduit à proposer ses méthodes d'injections rachi-
diennes. Il propose en même temps l'huile comme
véhicule dans les cocaïnisations épidurales. — M. V.
Griffon a constaté que, pour stériliser les crachats
tuberculeux par l’aniodol, il faut employer une solution
forte (à 1 v/,) et assurer un contact d'au moins vingt-
quatre heures. — M. A. Rémy présente un appareil,
nommé diploscope, qu'il à imaginé à l’occasion d’une
expertise médico-légale sur un homme qui prétendait
ne pas voir d'un œil, mais qui peut également servir
pour le diagnostic et la correction de certaines affec-
tions de l'œil,
SOCIÉTÉ CHIMIQUE DE PARIS
Séance du 44 Juin 1901.
La séance est entièrement consacrée à la discussion
d'un projet de modification aux statuts et règlements
de la Société.
682
Séance du 28 Juin 1901.
M. R. Fosse a étudié l’anhydride du binaphtylène-
glycol, auquel Rousseau a assigné la formule :
CHH6—C
| 1 o.
CH — C/
Cet anhydride ne possède pas la formule C#*H'®#0,
mais C#H#0; c’est le dinaphtoxanthène :
CAHe
En effet, le corps de Rousseau et le dinaphtoxan-
thène cristallisent du benzène en aiguilles incolores
groupées, fondant à 201°, et fournissent les mêmes
nombres à l'analyse. Pour mieux identifier ces deux
corps, M. Fosse à préparé une combinaison picrique
du dinaphtoxanthène fondant à 2739, cristalisant en
aiguilles rouges à reflets verts. Gette combinaison
répond à la formule :
CS (AzO®}'
CH. JO + 20H :
Noos OH
L'anhydride de Rousseau donne un picrate identique,
fondant également à 273°. — M. R. Fosse a préparé les
dérivés monobromés et chlorés du dinaphtoxanthène.
Le monobromodinaphtoxanthène :
est un corps cristallisé en prismes rouges à reflets
verts, fondant de 218 à 220°. Il se combine à HBr, à
PtCl', aux chlorure et bromure mercuriques. Il pos-
sède la curieuse propriété de régénérer le dinaph-
toxanthène lorsqu'on le traite par l'alcool chaud et de
transformer ce dernier en aldéhyde. Cette propriété
est de tous points comparable à l’action de l'alcool sur
les sels diazoïques; on ne l'avait pas encore signalée
comme appartenant aussi à des corps sans azote,
L'équation de cette réaction est la suivante :
10776 C10Y19
Co Ka
IN 200 — Û 2H40 } 2
0 C'HO = HBr+ CH'O- CH D
Br—CH
Nous”
Le bromodinaphtoxanthène, traité par AzH° en solu-
tion alcoolique ou aqueuse, donne une amine secon-
daire :
cime
CH 0
VA N cons
AI
10p16
SAM ENE
1 0
f ete
qui se présente en cristaux brillants, fondant vers 230°.
Cette amine, traitée par HBr, donne du bromure d'am-
monium et régénère le monobromodinaphtoxanthène.
Quand on emploie HCI, on obtient :
CHS
AzH4CI et CI—CH< ÿO
Nous
fondant vers 150° et identique au corps obtenu directe-
ment en traitant par Cl le dinaphtoxanthène, Ce corps,
par l'alcool, régénère le dinaphtoxanthène. Il se com-
bine à PCI“, HgCE. — M. Engel montre que le carbo-
nate de soude ne précipite pas, en agissant sur les sels
de magnésie, d'hydrocarbonate avec formation corré-
lative de bicarbonate de magnésie restant en solution
à la faveur de l'acide carbonique, comme l'indiquent
tous les ouvrages de Chimie. C’est un carbonate neutre
qui se précipite, entraînant une certaine dose de car-
bonate de soude et passant rapidement à l’état cristal-
ACADÉMIES ET SOCIÉTÉS SAVANTES
lisé par addition de quelques cristaux tout formés.— En
faisant réagir les éthers formiques sur les carbureS
acétyléniques sodés en suspension dans l’éther anhydre,
et décomposant ensuite par l’eau les produits de la
réaction, MM. Ch. Moureu et R. Delange ont ob-
tenu des aldéhydes acétyléniques R-C—C-CHO. L’al=
déhyde amylpropiolique C*H‘#-C=—C-CHO distille à 899
sous 26 centimètres (D,—0,89). L'aldéhyde phénylpro=
piolique C°H°-C—C-CHO distille à 127-1289 sous 28 cen=
timètres (D,—1,0791;.
SOCIÉTÉ ROYALE DE LONDRES
Sir Lauder Brunton et Herbert Rhodes :
Sur la présence d’un enzyme glycolytique dans le
muscle. — Claude Bernard, ainsi que Ludwig et Ge-
nerich, ont découvert que le sang qui sort d'un musele
contracté contient moins de sucre que le sang artériel
qui y était entré. Cette destruction du sucre, pendant le
passage du sang à travers le muscle, est sans nul doute
due en grande partie à l’action du sang lui-même sur
le sucre, mais il est naturel de penser qu’elle peut être
due à l’action de quelque ferment glycolytique contenu
dans le muscle même. |
Un de nous (Brunton), en 1873, a essayé d'isoler ce
ferment ou enzyme. Cet essai n’a réussi qu’en partie.
La méthode employée a été celle de von Wittich. Un
muscle frais a été broyé, puis entièrement mélangé à
de la glycérine, et le mélange a été soumis au repos
pendant plusieurs jours. L’extrait glycériné fut alors
filtré. Quand une partie de cet extrait a été mélangée à
une solution de glucose, et s’est reposée pendant quel
ques heures à la température du corps, on a observé
une diminution sensible dans la quantité du glucose;
comme contrôle, on à traité un échantillon de glucose
de même facon avec une quantité égale de glycérine
pure, et il ne s’est présenté aucune diminution. Las
présence d'une substance glycolytique fut ainsi elaire=
ment démontrée. Un essai a été fait pour isoler un
enzyme glycolytique de l'extrait glycériné en diluant
la glycérine et en la mélangeant avec de l'alcool. On
obtient un précipité blanc de peu d'importance, mais
ce précipité ne montre que peu ou pas de pouvoir
glycolytique. De nombreuses expériences ayant échoué
pour isoler le ferment, elles ne furent pas publiées, et
le résultat fut indiqué brièvement dans une note au
bas de la page d’un mémoire sur le diabète dans le
British medical Journal du 21 février 1874.
A cette époque, un de nous (Brunton) donna de las
viande crue aux diabétiques, dans l'espoir de fournir
suffisamment de ferment glycolytique pour permettre
au sucre d’être utilisé dans le corps même, et essaya
aussi de leur administrer de l'extrait glycériné de mus=
cle. Le succès qui a accompagné ces essais n’a pas été
cependant suffisant pour encourager l'emploi constant
de ces moyens de traitement, et l'essai d'isolement du
ferment glycolytique a été abandonné pendant un grandi
nombre d'années. +
Le succès de Buchner, en séparant un ferment alcoo=
lique de la levure au moyen d’une forte pression, à
donné l'espoir d’un succès possible dans la séparation
d’un ferment glycolytique du muscle par des moyens»
semblables, et, grâce à l’amabilité de MM. Allen ek
Hanbury, qui nous ont permis d'employer leur presse
hydraulique à une pression de 5 tonnes par pouce
carré (0,025), il nous a été possible de reprendre la re=
cherche.
Voici la méthode adoptée : L'os et la graisse
superflue furent retirés des muscles d'un mouton
fraîchement tué. Le muscle fut alors haché menu dans
une machine à saucisse stérilisée, et broyé dans un
mortier avec du sable argenté. Le sable argenté avait
été auparavant netloyé au moyen de l'acide chlorhy=
drique et lavé avec de l’eau jusqu'à ce que tout l'acide
hydrochlorique eut disparu. La masse fut alors mise
dans un sac en canevas et placé sous la presse hydrau=
lique. Le jus fut recu dans des bouteilles propres et
+ ACADÉMIES ET SOCIÉTÉS SAVANTES
L
bouchées; la quantité produite après chaque pression
fut recueillie dans des bouteilles différentes.
Voici la quantité de jus extraite d’un gigot de mouton:
1.750 grammes de viande ont donné approximative-
ment: à 0,1 tonne de pression par pouce carré (0,025),
450 c.c. de jus; à 1,2 tonne, 350 c.c.; et à 2,5 lonnes
25 c.c.
—… Voici la méthode d'expérience : 5 c.c. de jus de
muscle ont été placés dans un flacon et bouillis pen-
dant une minute; 5 c.c. dans un autre flacon restèrent
sans être bouillis. Dans chaque flacon on a ajouté
50 c.c. de solution de sucre diabétique à 4 °/, et 5 c.c,
de solution d'acide lactique à 1 °/, avec un fragment
on thymol (environ 25 grammes). Les deux vases
ont été soumis pendant vingt-quatre ou quarante-
huit heures à une incubation à 37% C. Lorsque l’incu-
bation a été terminée, on a estimé le sucre dans chacun
des flacons par titration avec une solution de Fehling,
près avoir précipité l’albumine en faisant bouillir,
ft en neutralisant si c'était nécessaire, Six expériences
nt été faites avec des résultats concordants; nous ne
onnons que le résultat d’une comme modèle.
Voici la quantité de sucre déduite de la réduction du
“liquide de Fehling :
È 1% exemple A (jus bouilli) : quarante-huit heures d'in-
cubation ; 0,57 pour cent de dextrose.
2° exemple B (jus non bouihi) : quarante-huit heures
“d'incubation; 0,2 pour cent de dextrose.
La destruction du sucre dans le flacon contenant du
sucre non bouilli parait être presque sûrement due à
“quelque enzyme glycolytique, puisque le contenu du
flacon est resté tout à fait clair au moment de l’expé-
rience. Plus tard, cependant, le contenu du flacon non
ouilli devint trouble, et après quatre jours on a obtenu
ne culture définie de champignons.
Nous avons ensuite essayé de rendre le jus de mus-
ele stérile en le filtrant dans un filtre Pasteur-Cham-
berland. La solution de sucre a été stérilisée par ébulli-
tion ; tous les flacons et les autres vases employés dans
…ces expériences ont été chauffés dans un autoclave. Le
us de muscle, après filtration, était complètement sté-
ue comme cela a été démontré par le fait qu'il a été
ardé, dans une bouteille bouchée avec de la laine sté-
|
“rilisée, pendant un grand nombre de semaines sans
“que quelque croissance bactérienne se manifestat.
— Le pouvoir glycolytique de ce jus de muscle stérilisé
a été prouvé de la facon suivante :
On a placé 5 c.c. de jus stérilisé dans chacun des
deux flacons. Dans un des deux, le jus a été bouilli de
facon à détruire tout le ferment glycolytique qu’il pou-
wait contenir. On a alors mis dans chaque flacon
“30 c.c. d’une solution stérile de sucre diabétique à
20/,.Ils furent soumis à l’incubation pendant quarante-
huit heures.
» La quantité de sucre dans chaque flacon a été alors
“constatée par titration avec une solution de Fehling de
lä même facon qu'auparavant, et le résultat obtenu a
été de 1,5 °/, de sucre diabétique dans le flacon con-
tenant du jus de viande bouilli et seulement de 0,75 °/,
“dans le flacon contenant du jus non bouilli.
— Une action glycolytique très certaine a été ainsi
“prouvée par cette expérience, laquelle a été répétée
pecis fois avec des résultats identiques. Un certain nom-
bre d'expériences ont été faites pour isoler un enzyme
par dialyse à travers des membranes faites en peau de
Saucisse ou en parchemin.
Dans la première série, une action glycolyhque dis-
tincte a été observée; mais elle a été probablement
due à l’action bactérienne parce que le milieu devint
trouble ; dans une série suivante, faite avec des précau-
tions aseptiques, aucun pouvoir glycolytique n'a été
observé dans le dialysat, quoiqu'un précipté floculent
soit résulté de l'addition de l'alcool absolu. Un essai a
été fait dans d’autres séries d'expériences pour isoler
le ferment glycolytique du muscle même, par précipita-
tion. Cet essai n'a pas été couronné de succès. Du jus
frais fut mélangé avec quatre fois son volume d'alcool
683
absolu; le précipité a été recueilli, séché et pulvérisé.
Il fut alors extrait avec de la glycérine, mais cet
extrait avait peu ou point de pouvoir glycolytique. Il a
donné un précipité floculent blanc avec de l'alcool
absolu, qui était soluble dans une solution saline, mais
qui cependant n'avait aucune action glycolytique.
L'action du jus de muscle a alors été prouvée sur de
l'urine neutre d'un diabétique et sur une solution
neutre de dextrose commercial.
Voici les résultats :
Le flacon C contenait 2 c.c. de jus de muscle bouilli
et 10 c.c. d'urine neutre de diabétique ;
Le flacon D contenait 2 c.c. de jus de muscle non
bouilli et 10 c.c. d'urine neutre de diabétique.
Après cinquante heures d'incubation à 37 centi-
grades, C contenait 1,25 /, de dextrose et D, 0,75 0/4.
Le flacon E contenait 2 c.c. de jus de muscle bouilli,
10 c.c. d'urine neutre de diabétique et 1 c.c. d’une
solution d'acide lactique à 1 °/4.
Le flacon F contenait 2 c.c. de jus de muscle non
bouilli, urine et acide lactique comme dans le flacon E.
Encore après incubatijon E contenait 2,5 °/, de
dextrose, et F contenait 0,5 °/, de dextrose.
Le flacon G contenait 2 c.c. de jus de muscle bouilli,
10 c.c. d'une solution neutre à 0,5 °/, de dextrose
commercial.
Le flacon H contenait 2 c.c. de jus de muscle non
bouilli, le reste comme dans le flacon G. Après incuba-
tion : G contenait 0,37 °/, de dextrose; H n'a pas
donné de réduction avec une solution de Fehling.
Nous pensons que les expériences que nous avons
décrites prouvent que le muscle contient certainement
un enzyme glycolytique, quoiqu'il soit d'une nature si
délicate que nous avons été incapables de l'isoler sans
détruire son pouvoir.
SOCIÉTÉ DE PHYSIQUE DE LONDRES
Séance du 31 Mai 1901.
M. A. W. Ashton déduit de ses expériences des
formules pour les courants de charge et de décharge
d'un condensateur à diélectrique de caoutchouc. Les
courants sont des fonctions exponentielles du temps.
Les courbes pour des différences de potentiel variées
montrent que les propriétés isolantes du caoutchouc
sont augmentées par l'application des forces électro-
motrices rapidement variables. — M. Ashton commu-
nique d’autres expériences sur l’électrisation des dié-
lectriques par des moyens mécaniques: Une feuille de
caoutchouc de Para est placée dans un condensateur
dont les plaques sont reliées à un électromètre à qua-
drants. On fait ensuite tomber un poids de deux livres
sur le condensateur d’une hauteur de trois pouces.
L'électromètre recoit deux impulsions de signe con-
traire,se suivant rapidement. Le caoutchouc est ensuite
étiré, et une différence de potentiel de sept volts se
montre entre les plaques, la supérieure étant néga-
tive. Le condensateur et l’électromètre sont alors
déchargés, la feuille renversée et l'expérience répétée.
Le même effet se reproduit, la plaque supérieure
élant toujours négative. Il semble donc que la polari-
sation d'un diélectrique étant ainsi produite par l’éner-
gie mécanique, une partie de l'énergie mécanique
employée à la manipulation du caoutchouc reste dans le
diélectrique comme énergie électrique. — MM. Fle-
ming et Ashton présentent un modèle imitant la
facon de se comporter des diélectriques. Celle-ci, en ce
qui concerne la charge résiduelle, est analogue à celle
d'un fil soumis à une tension mécanique. Mais un sim-
ple fil tordu ne peut pas imiter tous les effets diélec-
triques ; c'est cette raison qui a conduit les auteurs à
construire un modèle plus complet. Six pistons, séparés
par des ressorts, sont placés à l’intérieur d’un cylindre
vertical. Le piston inférieur ferme hermétiquement le
cylindre; le second est plus lâche; le troisième possède
un petit trou, le suivant un plus grand, et ainsi jus-
qu'au piston supérieur qui a juste assez de métal pour
684
ACADÉMIES ET SOCIÉTÉS SAVANTES “À
arrêter le ressort sans vibration après avoir été com-
primé. Le cylindre est rempli d'huile de machine et de
vaseline, Au piston supérieur est fixée une tige au
moyen de laquelle on exerce des pressions sur les
pistons pendant un temps quelconque; c’est le char-
gement du condensateur, Le mouvement de la tige
après l'enlèvement des poids représente la décharge.
Celle-ci est enregistrée graphiquement par un tambour
tournant, et les courbes obtenues sont tout-à-fait
analogues à celles des condensateurs avec diélectriques.
SOCIÉTÉ DE CHIMIE DE LONDRES
Séance du 6 Juin 1901.
MM. W. J. Sell et F. W. Dootson ont examiné une
substance
CI
= CA 3
dl À ce ce
AL JE AZQUN CE
NET Nr
Az CL "CL
qui s’obtient par l’action du chlore sur le chlorhydrate
de pyridine. Elle cristallise inaltérée du chloroforme et
de l’acétone, mais se décompose si le solvant contient
un groupe hydroxyle. Elle réagit avec l'acide benzoïque
suivant l'équation :
CHCI{Az? + COHSCOSH = CSH°COCI + C!HCI'AzO* + HCI.
MM. R. Meldola et J.-V. Eyre ont préparé, par
l’action d’un nitrite sur la dinitroanisidine en solution
acétique, un composé diazoïque cristallisé de formule :
Az : AZ
cHe.0/ N
qui est un diazoxide. Une preuve de cette constitution,
c'est la transformation facile de ce composé en nitro-
méthylrésorcinol (C‘H*. AzO?, OH. OCH* — 1 :2: 4). Le
diazoxide est très stable vis-à-vis des acides minéraux;
il ne se décompose que par ébullition avec HI en don-
nant l’iodonitrorésorcinol. La dinitroanisidine qui sert
à le préparer doit posséder la constitution :
OCH*
Ai
Az0° 2
AzO?
Elle donne, par réduction avec Sn et HCI, un triami-
noanisol, qui doit avoir deux groupes amino en posi-
tion ortho, car il fournit, par condensation avec la phé-
nanthrènequinone, une azine :
Az. C. CH
CIO.AzH2.CHE£ | || | -
N Az. 0. C'Ht
M. G.-S. Newth indique une méthode de laboratoire
pour la production de l'éthylène. On chauffe dans un
ballon de l'acide phosphorique sirupeux jusque vers
2209 et on y laisse tomber de l'alcool éthylique goutte
à goutte. Il se dégage de l'éthylène presque pur. —
MM. W.-A.-H. Naylor et C.-S. Dyer décrivent la
méthode d'extraction et de purification de l’oroxyline,
substance cristalline jaune retirée de l'Oroxylum Indi-
cum. Elle est décomposée par les alcalis en aldéhyde ou
acide benzoïque, et donne un dérivé triacétylé et un
dérivé dibromé. La formule est C‘H#06, — MM, A.
Lapworth et W.-H. Lenton montrent que, lorsque
l'acide bromocamphorénique se convertit en «- mono
bromocampholide, l'oxygène lactonique s'attache au
noyau dans la position à par rapport au groupe carboxyle
et non dans la position y comme on l'avait d’abord
cru. Il en résulte que la seule formule possible pour
l’acide camphonique est :
CHE — CH:
CO®H.C(CH°){ Nco.
NC (cH:}.cH2/
L'acide bromocamphorénique et l'acide camphononi-
que ont donc les formules :
CH? CH:
CO®H.C (CH?)
NC (CH), CHE
CHE— CH?
1%
C(CH#},CO
NE
Br
CO*H.C (CH)
— M. W-H. Sodeau conteste l'hypothèse d’après la-
quelle la décomposition du chlorate de potasse serait
activée par l’adjonction d’une poudre chimiquement
inerte (comme l’est l'ébullition de l’eau). L'addition de
1°/, de sulfate de baryum augmente la décomposition
de 16°/, seulement, et ce fait est facilement explicablew
par la formation d’un peu de chlorate de baryum par”
double décomposition. — M. J.-E. Mackenzie, en fai-
sant réagir le propylate et l’isobutylate de soude sur
le chlorure de benzophénone, a obtenu le dipropoxy-
et le diisobutoxydiphénylméthane. L'action du méthy-
late et de l’éthylate de soude sur le chlorure de benzal
fournit le diméthoxy- et le diéthoxybenzylidène. Le
phénate de soude donne avec le premier chlorure
le 4: 4!'-dihydroxytétraphénylméthane. — M. A. Ri-«
chardson décrit un chalumeau construit pour utiliser
la combustion de l'huile de kérosène à la production
d'une flamme capable de fondre le verre. L'huile dem
kérosène présente sur les autres huiles l'avantage de
ne pas charbonner. — MM. W. Ramsay et H.-S.#
Hatfield, en traitant le borure de magnésium par HCLN
concentré dans le vide, ont obtenu un gaz qui, par re-
froidissement, dépose des cristaux blancs. Par chauf-M
fage, les cristaux se liquéfient, puis se gazéifient en
fournissant un gaz à odeur forte, qui brûle avec une
flamme verte brillante. Sa densité est de 19,36. L'étin-M
celle électrique le décompose avec dépôt de bore, et le
volume augmente dans le rapport de 2 à 3. Les analy-
ses montrent que le gaz se compose en majeure partie
d'un corps B°H*. Dans le traitement du borure de ma-
gnésium par HCI, on obtient en outre un mélange d'hy-m
drogène et d’un gaz qui ne condense qu'à la tempéra-M
ture de l’air liquide ; il paraît répondre à la formule
BH*. Le gaz B°H° semble lui-même être un mélange de
deux composés, l’un relativement stable, l'autre très
instable, décomposable par la potasse ou l'acide sul-
furique. Les auteurs considèrent que les hydrures dem
bore théoriquement possibles sont les suivants :
BIS H°B—BH? H°B—BH—BH° Saturés.
IB— BH EH?B — B — BH Non saturés,
BH BH
/X Cyclo saturé. /X Cyclo non saturé.
HB— BI B—=B
Ils pensent que le composé stable B°H° est le com=
posé cyclique. Le résidu du traitement du borure de
magnésium par HCI dégage à chaud des torrents de
gaz, principalement de l'hydrogène ; il renferme sans
doute des hydrures de bore solides, que les auteurs.
n'ont pu isoler.
Le Directeur-Gérant : Louis OLIVIER.
Paris, — L. MARETHEUX, imprimeur, 1, rue Cassette.
_n
D. 12° ANNÉE
N° 45
15 AOÛT 1901
Revue générale
Be AEIenC
pures el appliquées
2 -e-
£ DirEcTEUR :
6
LOUIS OLIVIER, Docteur ès sciences.
Adresser tout ce qui concerne la rédaction à M. L. OLIVIER, 22, rue du Général-Foy, Paris. — La reproduction et la traduction des œuvres et des travaux
publiés dans la Revue sont complètement interdites en France et dans tous les pays étrangers, y compris la Suède, la Norvège et la Hollande.
CHRONIQUE ET CORRESPONDANCE
$ 1. — Nécrologie
Morts récentes. — Nos lecteurs ont su la mort,
toute récente, de deux sommités de la science contem-
poraine, Henri de Lacaze-Duthiers, l'éminent zoologiste
“qui à institué chez nous les études expérimentales de
Zoologie marine, et l’illustre physicien et mathémati-
cien d'Edimbourg P.-J. Tait, à qui la Philosophie natu-
“relle de notre temps doit une partie de ses plus impor-
- tants progrès.
La ARevue consacrera prochainement à la vie et à
«l'œuvre de chacun de ces deux regrettés savants une
“notice détaillée.
$ 2. — Météorologie
L: Anciens journaux météorologiques. — M. J.
“Vincent, météorologiste à l'Observatoire royal de
« Belgique, nous apprend dans l'Annuaire de cet Obser-
vatoire pour 1901, que le directeur du Service météoro-
logique possède deux journaux météorologiques manu-
«scrits, dont le principal intérêt réside dans l'ancienneté.
# L'un a été tenu à Tiney, depuis l’année 1779 jusqu'à
l'année 1810, l’autre est un peu plus récent et a pour
“auteur M. J.-L. Hauregard, qui habitait à La Roi. Les
auteurs de ces cahiers y ont inscrit le temps de chaque
jour, pendant plusieurs années, mais en se bornant à
des indications générales. C’est l'aspect du ciel, beau,
nuageux, couvert; ce sont les pluies, les chutes de
neige, les orages, les tempêtes; ce sont les gelées, les
froids rigoureux, les fortes chaleurs; c'est enfin la
direction du vent, cet élément météorologique dont la
relation avec les météores est si attachante.
Les Annales de l'Observatoire royal de Belgique
annoncent la prochaine reproduction, sous la forme la
. plus commode pour les recherches, des renseignements
fournis par ces deux documents.
On ne saurait trop insister sur le grand prix qu'il
faut attacher à de telles observations : elles permettent,
en effet, de reconstituer, dans ses grandes lignes,
l'histoire des variations atmosphériques. Sans être
forcément aussi complets que les registres des obser-
Yatoires, ces documents peuvent suppléer, jusqu'à un
certain point, à l'absence de ces établissements aux
REVUE GÉNÉRALE DES SCIENCES, 1901.
époques anciennes. La série des observations météorolo-
giques de l'Observatoire royal de Bruxelles ne commence
qu'avec l’année 1833. Or, le journal de Hauregard et celui
de Tiney permettent, à part une lacune de quelques
années, de remonter cinquante-quatre ans plus haut.
Ces cahiers sont d’autant plus intéressants que l’un
des buts essentiels de la Météorologie cousiste à re-
chercher si les climats subissent des altérations : il
faut, pour cela, de longues séries d'observations et l’in-
stitution d'établissements permanents, où le travail
quotidien des observateurs se perpétuera indéfiniment ;
mais cette institution est si récente, qu'il ne faut rien
négliger pour augmenter le peu de connaissances posi-
tives que nous possédons jusqu'ici sur l'histoire de
l'atmosphère. C'est donc rendre service à la Science que
de mettre au jour les vieux cahiers où sont patiem-
ment consignés ef sauvés de l'oubli les fugitifs aspects
du temps.
$ 3. — Génie civil
Le chemin de fer électrique sous-fluvial
de Liverpool à Birkenhead. — On sait qu'un chel
min de fer avec locomotive à vapeur, passant en tunne-
sous la Mersey, relie depuis longtemps la ville de
Liverpool à sa voisine Birkenhead.
Cette ligne est extrêmement fréquentée : les ingé-
nieurs et le personnel des constructions maritimes de
Birkenhead, les riches négociants de Liverpool qui ont
leurs bureaux en ce port et leur villas dans la cité voi-
sine, y circulent continuellement. Le samedi surtout, les
trains s'y succèdent sans interruption, chargés d’une
multitude de familles qui fuient la suie de Liverpool et
ne rêvent que tennis, foot-ball, bicyclette ou yachting.
Cette clientèle s’est plainte maintes fois de la fumée
qui, pendant le passage sous la Mersey,emplit le tunnel
et en rend l'air irrespirable. Attentive à ses doléances,
la Compagnie exploitante vient de décider de substituer
à la traction par la vapeur la traction électrique; elle a
passé à cet effet un contrat-avec la British Westing-
house Electric and Manufacturing Company, qu'elle a
chargée d'opérer cette transformation. La Compagnie a
calculé que le nouveau mode de traction ne lui sera pas
plus onéreux que l’ancien, qui exigeait une ventilation
permanente et très coûteuse du tunnel.
15
086
$ 4. — Chimie physique
Sur un nouveau facteur intervenant dans
la solubilitf des corps solides. —-- Des recherches
récentes vieunent de montrer que la solubilité, consi-
dérée en tant que constante physique des corps, n’est
pas seulement fonction d'une variable, la température,
mais encore dépend aussi de la dimension des particules
solides qui sont en équilibre avec la solution saturée. —
Cette relation, quoique prévue théoriquement par Gibbs,
n'avait pas, jusqu'ici, élé soumise à une vérification ex-
périmentale quantitative. Celle-ci découle des recher-
ches suivantes, dont le point de départ se trouve dans
une discussion entre MM. Ostwald et Cohen au sujet de
la non-identité des deux modifications rouge et jaune
de l'oxyde de mercure. Se basant sur la force électro-
motrice (0, 685 millivolts à 25°) de la pile Hg — oxyde
rouge — potasse — oxyde jaune — Hg, M. Cohen‘ con-
cluait à une véritable isomérie entre les deux oxydes.
M. Ostwald ?, au contraire, étudiant acidimétriquement
la réaction limitée :
Hg0 +2KBr 22 KOH + HgBr°
montra qu'en effet l'équilibre se déplacait d'environ
% quand on passait de l'un des oxydes à l’autre, mais
qu'il suffisait de pulvériser suffisamment l’'oxyde rouge
pour obtenir avec lui la même valeur qu'avec la modi-
fication jaune. Il ne s'agissait là, à son avis, que
d'une différence dans la solubilité, différence due au
degré de division plus ou moins grand de l’oxyde em-
ployé. M. Ostwald montra, en outre, que ce fait n’était
pas isolé et que certains sels (oxalate de chaux, azotate
de baryte, chlorure mercurique, chlorure de plomb)
offraient des différences allant jusqu’à 3 % dans leurs
solubilités, suivant leur pulvérisation plus ou moins par-
faite.
D'un travail récent de M. G.-A. Hulett* sur le même
sujet, travail aboutissant aux mêmes conclusions que
les recherches précédentes, nous extrayons ce qui suit:
L'étude de la condurtibilité électrique de solutions de
gypse plus ou moins finement pulvérisé montre que la
solubilité varie avec le diamètre moyen des particules
solides. Cette influence de la grosseur des grains ne se
manifeste d’ailleurs qu'à partir d’une certaine valeur
(environ 2 4 —0,0002 cms). Jusqu'à ce point, la solu-
bilité est constante et la solution saturée à 25° contient
2 gr. 084 SO“ Ca par litre. Puis, le degré de finesse aug-
mentant, la solubilité croît jusqu'à un maximum atteint
pour un diamètre moyen de 0,3 y} et correspondant à
2 gr. 475 de sel anhydre par litre.
Cette différence représente 15,7 % de la valeur
maxime de la solubilité. On voit ainsi combien ces varia-
tions peuvent être importantes; pour d’autres corps,
tels que SO* Ba, elles sont même, d'après M. Hulett,
encore beaucoup plus considérables.
L'explication théorique de ces faits est très simple et
peut se résumer ainsi. Considérons un corps volatil,
comme le soufre, sublimé sur une paroi de verre à une
température telle que les gouttelettes obtenues restent
liquides; noussavons que peu à peu les pluspetites dispa-
raissent tandis que les plus grosses augmentent. Celles-ci
ont donc une tension de vapeur plus faible que celles-
là. Appliquons maintenant cette conclusion au cas d’une
solution d'un corps quelconque, en équilibre avec un
excès de ce corps solide plus ou moins finement pulvé-
risé. La tension de dissolution sera plus élevée pour les
particules les plus fines, et l'équilibre s'établira d'abord
par rapport à celles-ci. Mais comme on ne peut réaliser
une poudre dont les grains soient rigoureusement sem-
blables, les plus gros augmenteront aux dépens des plus
petits, la solubilité diminuera graduellement pour
ntteindre plus ou moins vite sa valeur normale corres-
pondant à ce que M. G.-A. Hulett nomme une solution
1 Zoitsch. f. phys. Chem., t. XXXIV, p. 69, 1900.
2 Jbid., t. XXXIV, p. 495, 1900.
3 Jbid,, t. XXXVII, p. 385, 18 juin 1900.
CHRONIQUE ET CORRESPONDANCE
normalement saturée. Ce sera, par exemple, le cas d'une
solution de gypse en équilibre avec un excès de sel
Ces curieux resultats montrent done que dans la dé-
terminalion de la solubilité intervient un facteur nou-
veau, qui est le temps nécessaire pour, partant d’une
solution quelconque, arriver à cette solution normale-
ment saturée, qui seule permet de définir la solubilité
d'un corps en tant que constante physique. Ce temps
pouvant être relativement considérable, il y a lieu de
reviser, surtout pour les corps peu solubles, les solubi-
lités déterminées jusqu'ici. Ch. Marie.
solide dont les grains auraient au moins 2 p.
$ 5. — Chimie industrielle
À
Un grand perfectionnement dans la fabri-
eation du gaz d'éclairage. — Approximativement «
100 kilos de houille grasse, qui contiennent environ
85 kilos de carbone total, dont 13 à 21 kilos de carbone
volatil, et 5 à 6 kilos d'hydrogène, ne produisent que
15 à 18 kilos de gaz renfermant 8 à 10 kilos de carbone et
3 kilos environ d'hydrogène. En rapprochant ces quel-
ques chiffres, on se rend compte que même les éléments
volatils (carbone et hydrogène), que la houille contient,
ne sont pas utilisés d'une mauière complète, et on pré-
voit les nombreux progrès que doit réaliser encore l’in-
dustrie du gaz.
Le Professeur Lewes vient de montrer, par des expé-
riences très décisives, comment on peut améliorer le
rendement lors de la distillation de la houille dans la
cornue. On sait qu'il se produit alors un certain nom-
bre d'hydrocarbures, qui restent plus ou moins exposés
à l’action de la chaleur rayonnante engendrée par les
parois supérieures de la cornue. Ces hydrocarbures se.
décomposent partiellement en formant une grande quan-
tité de goudron et de charbon de cornue, ce qui, par
conséquent, diminue notablement le pouvoir éclairant
du gaz. De plus, cette décomposition est d'autant plus
intense que les gaz restent plus longtemps soumis au
régime qui la détermine : ceux qui se dégagent aux
points les plus éloignés de la colonne montante et qui
sont, par suile, animés d'une vilesse d'échappement
beaucoup plus faible, donnent lieu à une décomposition
plus grande.
Le remède est d'empêcher cette décomposition de se
produire, et, pour cela, il faut accélérer la vitesse d'échap-"
pement des gaz qui se dégagent et entraîner rapidement
les hydrocarbures hors de la coruue. Pour y arriver,
M. Lewes a recours au gaz à l'eau, produit de préférence
par un générateur du type Dellwik-Fleischer (dont nous
avons déjà eu l'occasion d'entretenir nos lecteurs). Ce
gaz à l’eau se compose en effet à peu près exclusivement
d'un mélange d'hydrogène et d'oxyde de carbone. Il a le
grand avantage de ne pouvoir être lui-même décom=
posé à son tour par la chaleur intense à laquelle il est
soumis; il est, de plus, éminemment combustible, et le .
pouvoir éclairant qui lui manque lui est précisément
fourni par les hydrocarbures qu'il entraine au grand
profit de l’ensemble de la fabrication. On injecte done
le gaz à l'eau dans la cornue, en l'y introduisant au
moyen d'une conduite qui pénètre dans la colonne mon
tante elle-même et vient s'appliquer contre la voûte de
la cornue, de manière à ne pas gêner l'opération du
chargemert du charbon ou de l'extraction du coke. A
une certaine distance de la tête de cornue, cette con=
duite est munie d'ouvertures latérales espacées d'environ
15 centimètres, el son extrémité reste ouverte.
La proportion de gaz à l'eau envoyé dans la cornue
est généralement de 25 à 30 % du gaz fabriqué, mais
elle peut aller dans certains cas, avec du charbon riche
en cannels, jusqu'à 50 %. On produit ordinairement
dans les usines à gaz 300 mètres cubes de gaz par tonne
de charbon. Avec le secours du gaz à l'eau Dellwik=
Fleischer, il sera possible maintenant d'obtenir de
370 mètres cubes à 400 mètres cubes de gaz par tonne
de charbon, tout en donnant au gaz un pouvoir éclai=
rant d’une intensité non seulement égale, mais aug:
ne
D GR me En nd Bo em de de 7
CHRONIQUE ET
mentée d'environ une bougie, sans que ces avantages
nécessitent une augmentation de dépense de plus de
un centime par mètre cube.
Extraction des cyanures dans les usines
“à gaz. — On sait qu'entre autres impuretés, le gaz
«d'éclairage contient de l'hydrogène sulfuré, de l’ammo-
… niaque et de l'acide cyanhydrique. Le lavage par l’eau
“ de cet acide avec l’ammoniaque du gaz ne permet pas
… de l'en extraire sous forme de cyanure d’ammonium
… facilement soluble, car l'acide carbonique, toujours
en excès dans le gaz, décompose immédiatement le cya-
nure d'ammonium formé en carbonate et en acide
…— cyanhydrique. Ceci explique pourquoi les eaux ammo-
—…niacales des usines à gaz ne contiennent pas de cyanure
— d'ammonium. La faible quantité de ryanure que ces
_ eaux retiennent se trouve sous forme de sulfo-cya-
—nure d'ammonium, tune certaine partie du cyanogène
passe dans les épurateurs, où il se produit la réaction
suivante : le cyanogène s’unit à l’oxydule de fer de la
—… masse épurante, à la pelite quantité d'ammoniaque
encore présente, et aux combinaisons sulfurées, pour
— former des ferro-cyanures et des sulfo-cyanures inso-
1 lubles qui, peu à peu, s'accumulent dans les épurateurs.
“Le plus, tout le cyanogène n'est pas encore retenu de
… cette façon et une certaine partie très appréciable reste
— dans le gaz livré à la consoromation.
— Jusqu'en 1880, la masse épurante était, pour lesusines
… à gaz, un déchet sans valeur. La question a bien changé
de face depuis la découverte des nombreuses mines
d'or et l'application à peu près générale, depuis cette
“époque, du cyanure de potassium comme procédé
Riextraction. Aujourd'hui, les usines à gaz tirent un
; grand profit de la masse épurante de leurs épurateurs.
Il n'en est pas moins vrai qu'un tel procédé d’ex-
traction descyanures laisse beaucoup à désirer. D'abord,
mil ne retient pas la totalité du cyanogène; ensuite, il
empêche le fer de la masse épurante d'être entièrement
disponible pour servir à la récupération de l'hydro-
“sène sulfuré : il contrecarre par conséquent le but
“ même de l’épurateur.
Le procédé indiqué par M. le Dr Bueb et appliqué à
«usine à gaz de Dessau présente de grands avantages
“et mérite à ce titre d'être signalé, puisqu'il élimine la
_ totalité du cyanogène avant l'introduction du gaz
dans les épurateurs. Son principe est d'amener le gaz
à sa sortie du condensateur Pelouze et Audouin dans
un laveur mécanique spécial, type Standard, composé
“de quatre ou cinq compartiments séparés, qu'une solu-
“tion de sulfate de fer parcourt en sens inverse du cou-
rant gazeux. Dans le dernier compartiment, la solution
- concentrée et fraiche fournit, en présence de l'ammo-
nique et de l'acide sulfhydrique, la réaction suivante :
1 FeSO* + H°S + 2AzH° — FeS + (AzH‘}S0*.
$
{ 1 y a donc transformation du sulfate de fer en sul-
“fure de feret forwation d’une solution de sulfate d'am-
…moniaque. Ces liquides parviennent alors dans le com-
…partiment, précédent, et là l'ammoniaque et le cyano-
“gène du gaz forment avec le sulfure de fer un sel double
minsoluble de cyanure de fer et d’ammonium, tandis
“que l'hydrogène sulfuré devient de nouveau libre, est
“en partie entrainé par le gaz et reste en partie sous
forme de sulfure d'ammonium. Cette réaction se con-
tinue dans les autres compartiments jusqu'à celui
d'entrée du gaz où elle se se termine.
Le liquide, qui est noir foncé dans le premier com-
partiment s'éclaircit progressivement et devient vert-
Jaune dans le dernier. Le produit sort du laveur à cya-
nures sous forme de boue liquide et contient 20 °/,
“de prussiate jaune et 6 à 8 °/, d'ammoniaque. On
fait bouillir cette boue pour la débarrasser de l’'ammo-
niaque et on la passe au filtre-presse, ce qui donne
finalement une pâte contenant environ 30 °/, de
bleu et près de 44 °/, de prussiate jaune, que l'on vend
telle quelle; pour 100 kilos de bleu de Prusse, il faut
compter sur une dépense de 200 kilogs de sulfate de fer.
CORRESPONDANCE 687
$ 6. — Agronomie
L'Institut Agricole de l'Université de Nancy.
— À plusieurs reprises, l'Université de Nancy a déve-
loppé ses enseignements et ses laboratoires de sciences
appliquées. Elle vient de compléter son Polytechnicum
en s'adjoignant un Institut d'Enseignement agrono-
mique supérieur, qui, d'une façon générale, préparera
les étudiants à la profession d'agriculteur.
Cette fondation a été approuvée par la Fédération
des Associations agricoles du Nord-Est, mais elle n'a
pas seulement un intérêt régional. Indépendamment
des nouveaux cours scientifiques, qui vont être inau-
gurés en novembre prochain, la Ville de Nancy offre,
en effet, des institutions de premier ordre : [nstitut
chimique, Ecole de Brasserie, Ecole natiosale des Eaux
et Forêts, Office agricole et Station agronomique, Insti-
tut sérothérapique, qui constituent autant de ressources
appréciées pour l'enseignement et les recherches rela-
tives à l'agriculture.
L'enseignement agricole, qui est dès maintenant
organisé, conduit à la fois à un Diplôme d'études supé-
rieures agronomiques, et à divers certificats délivrés
par l'Etat et par l'Université. Trois de ces certificats
confèrent la licence ès sciences avec ses prérogatives.
L'enseignement scientifique, très complet, comprend
les cours suivants :
Botanique préparatoire, Histoire naturelle des plantes eul-
tivées, Pathologie végétale, Chimie végétale, Microbiologie,
Zoologie préparatoire, Zootechnie générale, Entomologie
agricole et Parasitologie, Alimentation rationnelle, Piscicul-
ture et Aménagement des chasses, Chimie préparatoire, Chi-
mie agricole, Aualyses agricoles, Industries agricoles, Géo-
logie appliquée, Météorologie.
Il faut y ajouter un Enseignement complémentaire spécial,
qui est réparti en quatre sections, à option : 10 Ætudes fores-
tières (Sylviculture, Histoire naturelle forestière, Législation
forestière) ; 20 Ætudes économiques (Science sociale, His-
toire des Doctrines économiques, Droit administratif, Géo-
gräphie économique, Agronomie générale et coloniale);
30 Ætudes physiques (Physique préparatoire et appliquée,
Mécanique appliquée, Eléments d'Electrotechnique, H ydrau-
lique agricole); 4° Ætudes d'Agriculture pratique (Culture et
Commerce des produits agricoles, Comptabilité, Arpentage,
Génie rural, Zootechnie spéciale et Art vétérinaire).
S'adressant plus particulièrement à la grande bour-
geoisie rurale, cette tentative attirera à l'Université de
Nancy un public nouveau qui y trouvera un enseigne.
ment préparant directement aux carrières productives.
Les cours commenceront le 15 octobre prochain." Dès
maintenant, les inscriptions sont recues. Les pro-
grammes sont publiés et envoyés sur demande adres-
sée à M. le Doyen de la Faculté des Sciences. Nous fai-
sons des vœux pour la réussite d’un enseignement qui
pourra trouver des imitateurs dans d’autres Universités.
Il est intéressant de voir nos Universités régionales
pousser des racines vivaces dans le milieu spécial où
chacune est appelée à vivre.
S 7. — Hygiène publique
La stérilisation domestique de leau d’ali-
mentation. — La question de la stérilisation des
eaux d'alimentation publique et privée a de tout temps
préoccupé les hygiénistes. Le public lui-même, dont
l'attention a été appelée sur cette question par les dif-
férentes campagnes de presse entreprises depuis
quelques années, s'en est ému, et le Lemps n’est plus
éloigné où chacun cherchera à s'assurer la pureté de
l'eau qui est nécessaire à ses besoins journaliers.
Signalons aujourd'hui un nouvel appareil stérilisa-
teur pour usage domestique qui semble marquer un
progrès sensible dans la question de la stérilisation
de l’eau.
L'opinion générale des savants comme du public est
que la chaleur est le seul agent capable d'assurer d’une
facon complète la destruction des germes dangereux
688
qu'une eau peut renfermer. On a donc cherché de bien
des côtés à la fois des appareils pouvant réaliser dans
les ménages, d'une facon pratique et certaine, la stéri-
lisation de l'eau par la chaleur, et c’est dans cet ordre
d'idées qu'a été concu le nouveau stérilisateur dont nous
allons parler. Cet appareil est dû à un ingénieur des
Arts et Manufactures, M. Lepage.
L'eau impure et non stérilisée remplit le réser-
voir (1) (fig. 1) qu'alimente une conduite (2), branchée
sur une canalisation d'eau. Le niveau de l’eau XX est
maintenu constant dans ce réservoir grâce à un flot-
teur. L'eau, descendant par le tuyau (3), remplit le
compartiment (4), puis le petit bouilleur (5) jusqu’au
niveau XX, où elle s'arrête. Si l’on approche de ce bouil-
leur une source de chaleur quelconque (7), bec de
gaz ou lampe à pétrole, l'eau du bouilleur entre en
ébullition, etun mélange de vapeur et d’eau bouillante,
montant par le tuyau (6), vient se déverser en (8), où
l’eau arrive stérilisée. La différence de niveau entre
XX et le sommet du tuyau (6) est calculée de facon que
lVig. 1 = Schéma de l'appareil Lepage pour la stérilisation
de l'eau.
l’eau ne puisse le franchir que sous le coup d'une ébul
lition légèrement tumultueuse, de sorte que l’eau arri-
vant en (8) ait forcément passé par une température de
400. Mais, en même temps, cette différence de niveau
est assez faible pour que le temps d'ébullition soit très
court, quelques secondes à peine, de facon que l’eau
n'ait pas le temps de perdre les gaz dissous qui lui
donnent sa saveur. L'eau stérilisée s'accumule dans le
compartiment (9), puis dans le siphon (11); quand le
niveau s’est assez élevé pour atteindre le sommet du
siphon, l’eau sort par l'extrémité (12); on la recueille
dans un récipient quelconque.
Il faut remarquer qu'à mesure que l’eau en ébullition
s'échappe par le petit tuyau (6), elle est immédiatement
remplacée dans le bouilleur, puisque le niveau XX est
maintenu constant par le flotteur du premier récipient;
l'opération est de ce fait très régulière et la circu-
lation de l’eau dans l'appareil se fait sans brusquerie.
La cloison (10) de sépazation des deux compartiments
(4), (9) présente une grande perméabilité à la chaleur et
facilite l'échange de température entre l'eau non stéri-
lisée froide du compartiment (4) et l’eau stérilisée
chaude du compartiment (9); l'eau froide s'échauffe
donc petit à petiten montant vers le bouilleur, de facon,
quand elle arrive, à être déjà très chaude; en revanche,
CHRONIQUE ET CORRESPONDANCE
l'eau arrivant bouillante dans le compartiment (9) perd
de sa chaleur en descendant dans ce compartiment de
manière à arriver complètement froide dans le si-
phon (14).
Les principaux avantages de l'appareil sont les sui-
vants :
4° L'eau qui traverse l'appareil est stérilisée d’une
facon certaine, permanente et indéfiniment, aucune
fausse manœuvre de robinet n'étant à craindre puisque
c’est l’ébullition seule qui force l’eau à circuler dans
l'appareil.
2% L'eau conserve toutes ses qualités objectives sédui-
santes, l'opération ne durant pas assez longtemps pour
lui faire perdre l'oxygène et les autres gaz qu’elle con-
tenait en dissolution. Elle conserve donc sa saveur et
ne ressemble en rien à l’eau bouillie,
Fig. 2. — Mode d'installation de l'appareil Lepage pour
la stérilisation de l'eau. —R, robinet d'arrivée de l’eau ;
E, entrée de l'eau dans le récipient H; GI, flotteur;
D, sortie de l’eau en excès; Q M N, tuyau d'amenée de
l'eau dans l'échangeur de température K; ©, arrivée de
l'eau dans le stérilisateur B:; A, sortie de l’eau stérilisée
pour retourner dans l'échangeur de température; O P V;
tuyau de sortie, amenant l'eau dans un récipient en verre V >
. S, conduite de gaz; J, lampe à gaz. 1
30 L'eau sort de l'appareil à une température très
voisine de celle qu'elle avait en y entrant, ce qui per=
met son utilisation immédiate. Il est même possible de
faire passer de l’eau glacée dans l'appareil. Celui-ci la
stérilisera en la faisant bouillir et la rendra glacée.
4° Enfin, un autre point important: le prix de l’appa=
reil est peu élevé et la dépense de combustible, gaz,
pétrole ou alcool est iusignifiante. On peut, en effet,
l'évaluer à deux centimes par dix litres d’eau stérilisée.
Nous donnons (fig. 2) le dessin d'un appareil tel qu'il
est construit actuellement pour les installations de
ville où l'on dispose de l’eau sous pression et du gaz
d'éclairage. D'autres modèles portatifs pour la cam=
pagne ou les colonies sont chauffés soit à l'alcool, soit
au pétrole.
E. BOULLANGER — L'EMPLOI DES MUCÉDINÉES EN DISTILLERIE
689
L'EMPLOI DES MUCÉDINÉES EN DISTILLERIE
Il y à quelques années, on considérait encore,
dans les industries de fermentation, toute moisis-
sure comme un ferment de maladie. Le rôle néfaste
de ces microorganismes, surtout en brasserie et en
malterie, les avait fait tenir avec juste raison
comme très dangereux, et, jusqu à ces derniers
temps, la Science s'était bornée à rechercher les
“ moyens praliques de les combattre et de les
détruire. Cependant, quelques expérimentaleurs,
notamment Atkinson et MM. Gayon et Dubourg,
… avaient remarqué que cerlaines espèces jouissent
“:
par exemple,
- l'amidon et la dextrine en sucre fermentescible, et
de propriétés très intéressantes et susceptibles
d'un haut intérêt pralique. Plusiçurs Mucédinées,
ont la facullé de transformer
- de décomposer ce sucre en donnant de l'alcool et
de l'acide carbonique. Une seule espèce micro-
bienne semblait ainsi pouvoir remplir le double
rôle du malt et de la levure dans la fabrication de
l’alcoo!l de grains. Cependant, ces premiers travaux
ne donnèrent lieu à aucune ulilisation industrielle
véritable. Ce n'est qu'au cours de ces dernières
années que la question est entrée dans une phase
décisive, grâce à l'impulsion scientifique donnée à
ce problème par M. le D' Calmette, le promoteur
des idées nouvelles qui devaient conduire ses col-
laborateurs, MM. Collette et Boidin, au résultat
pratique définitif. L'application des Mucédinées au
travail de la distillerie de grains a constitué le pro-
cédé à l’'Amylomyces, autour duquel il a été fait
tant de bruit depuis quelques années. Quelle est
exactement la portée de cette découverte, et quelles
sont ses conséquences praliques? C'est ce que
- nous allons chercher à indiquer en exposant la
série des recherches qui ont conduit au procédé
Amylo, et en déterminant les bases scientifiques
» sur lesquelles il repose : cetle étude est d'autant
plus utile qu'elle nous fournit un exemple des
bienfaits que peut donner la collaboration intime
de la Science pure et de l'Industrie.
On saït que les moisissures sont des végétaux
microscopiques qu'on rencontre le plus souvent
sur les matières en décomposition, qu'elles re-
couvrent d’une masse de filaments grèles entre-
lacés, en formant ce qu'on appelle le mycélium. Ce
mycélium, qui est l'agent de nutrition de la plante,
donne naissance, soit dans son épaisseur même,
soit à l'extrémité de tubes aériens, à des organes
particuliers appelés spores, qui ont pour but d'as-
surer la dissémination de l'espèce et sa repro-
duction.
Parmi ces Mucédinées, les plus intéressantes à
notre point de vue sont certainement les Mucors.
Ils appartiennent à la classe de ces organismes qui
peuvent mener indifféremment la vie aérobie ou
anaérobie, suivant les conditions qui leur sont
offertes. Pasteur nous en a donné un exemple re-
marquable avec le Mucor racemosus. Cette espèce
vit normalement à la surface des liquides sucrés,
en donnant un mycélium qui se couvre rapidement
de spores aériennes : c'est la vie aérobie du Mucor.
Mais, si l’on vient à immerger complètement ce
mycélium dans le liquide nutritif, le mode d’exis-
tence de l'espèce change. On voit la plante se
remplir de bulles de gaz carbonique, et il se forme
de l'alcool. En même temps, l'aspect microscopique
se modifie. Dans la vie aérnbie, on voyait de longs
filaments peu cloisonnés et des spores aériennes,
tandis que, dans la culture en profondeur, on trouve
un mycélium très cloisonné, qui se renfle par
places de manière à former des sortes de boules
(conidies mycéliennes). Ces conidies se séparent
bientôt du mycélium et bourgeonnent à la façon des
levures. L'espèce possède done deux modes d'exis-
tence : une vie aérobie, dans laquelle les propriétés
comburantes sont très élevées et où tout le sucre
est à peu près brûlé à Fétat d'eau ct d'acide car-
bonique; et une vie anaérobie, dans laquelle la
plante fonctionne comme un véritable ferment
alcocliqne.
Ces fails étaient d'une importance capitale à
rappeler au début de l'étude sur l'Amylomyces, car
nous verrons plus loin comment ces propriétés
ont pu être utilisées dans la pratique. L
C'est à Atkinson que nous devons les premières
recherches importantes sur les fonctions sacchari-
fiantes des Mucédinées. — Déjà, en 1878, Ahlburg
avait découvert, dans le koji japonais, une moisis-
sure particulière à laquelle il avait donné le nom
d'Æurotium Orizæ, et qui semblait jouer un rôle
important dans la fabrication du saké, ou bière de
riz, au Japon. Ce koji, que l’on peul grossièrement
considérer comme du riz recouvert par l'Æurotium
Orizæ, sert comme agent de saccharification en
agissant sur l’amidon du riz cuit, et en le transfor-
mant en sucre fermentescible. M. Atkinson a étudié
avec soin la diastase produite par celte Mutédinée,
et a remarqué qu'elle saccharifiait avec énergie
l'empois d'amidon. Mais, comme, dans le saké, la
fermentation alcoolique est en majeure partie pro-
duite par des levures, Alkinson ne reconnut pas la
690
fonction alcoolique chez l'Æurotium d'Ahlburg.
Ce sont MM. Gayon et Dubourg qui ont démontré
les premiers l'existence d'une Mucédinée pouvant
produire à la fois la saccharification de l'amidon et
de la dextrine, et la fermentation alcoolique. C’est
le Mucor allernans. Ensemencé dans une solution
de dextrine, on constate que ce corps diminue peu
à peu, et qu'il se forme de l'alcool. Dans l'empois
d'amidon, la Mucédinée forme du maltose, qui
subit ensuite la fermentation alcoolique. MM. Gayon
et Dubourg ont également constaté que le Mucor
racemosus possède des propriétés analogues.
Mais cette transformalion de la dextrine semblait
lente et incomplète, et il y avait toujours une perte
notable qu'on ne retrouvait ni à l’état d'alcool,
ni à l'état de sucre. Cependant, ces expériences
élaient assez intéressantes pour pouvoir faire pré-
sager une utilisation industrielle possible.
Ce n’est que cinq ans après, en 1892, que M. Cal-
mette, alors directeur de l’Institut bactériologique
de Saïgon, publia ses études sur la levure chinoise
et sur la fabrication des alcools de riz en Extrême-
Orient. C'est cet important travail qui a été le point
de départ de toutes les études ultérieures qui ont
conduit au procédé Amylo; aussi est-il nécessaire
de nous y arrêter assez longuement.
M. le D' Calmelte, frappé de voir les Chinois
fabriquer de l’alcool de riz sans se servir de malt
ni d'acide, pensa que la levure chinoise, dont se
servaient les distillateurs indigènes, devait contenir
un ferment analogue à l'Zurotium Orizæ du koji
Japonais. Cette levure ghinoise, qu'on trouve
dans le commerce sous la forme de petits gâteaux
aplalis, est préparée, d'après M. Calmette, de la
facon suivante :
« On pile d’abord dans un morlier quarante-six
espèces de plantes aromatiques, dont le but n'est
que de parfumer ullérieurement l'alcool de riz. Le
mélange est passé au tamis ; la poudre ainsi obtenue
est additionnée de farine de riz, et malaxée sous
une lourde roue dans une auge circulaire. La roue,
passant et repassant un grand nombre de fois sur
le mélange, le rend homogène. On le porte alors
dans une terrine, où il est malaxé avec de l’eau
jusqu'à consistance de pâte molle. On coule ensuile
celte pâle en pelits pains, qu'on dispose en quin-
conces sur des naltes couvertes d'une mince couche
de bales de riz humectée d'eau. Les nattes sont
échelonnées sur des étagères couvertes de paillas-
sons dans une pièce obscure. Au bout de quarante-
huit heures, à la lempérature de 30°, le dévelop-
pement des germes est achevé : la pâte, restée
humide, à pris une odeur de moisi et s’est couverle
d'une sorte de velours blanc très fin. On l'expose
au soleil jusqu'à dessiccation complète et on la met
en sacs pour la vendre aux dislillateurs.
E. BOULLANGER — L'EMPLOI DES MUCÉDINÉES EN DISTILLERIE
« C'est à l'aide de cette levure chinoise que les.
indigènes préparent leurs alcools de riz. Le riz,
décortiqué à l’aide de grossières meules de bois,
est d'abord mélangé dans une chaudière de cuisson
avec un peu plus de son poids d'eau chaude. On
arrête la cuisson lorsque le grain s'écrase facile-
ment entre les doigts. On l'étale alors en couches
minces sur des natles pour le laisser refroidir, et
on le saupoudre de levure chinoise pilée au mor-
üer. Ensuite, on le répartit dans des pots en terre,
de 20 litres environ de capacité, mais en ne lesrem-
plissant qu’à moitié, et on les ferme avec un cou-
vercle. Au bout de trois jours, la saccharification
est achevée; on opère le remplissage des pots avec
de l’eau du fleuve, et on les laisse découverts. La
fermentation alcoolique s'établit rapidement et
dure deux jours, au bout desquels on distille toute
Fig. 1. — Amylomyces Rouxii;
Mycelium et spores
mycéliennes. x
la masse à feu nu dans des alambics en tôle. Pour.
traiter 100 kilos de riz, il faut environ 4 kil. 500 de
levure chinoise, et les distillateurs obtiennent avec
cetle quantité 60 litres environ d'eau-de-vie à 36°,
soit un rendement moyen de 18 litres d'alcool
pur. »
M. le D' Calmetle se demanda quel était l'agent
actif de cette levure chinoise. Pour cela, il procéda
à l'analyse bactériologique d'un pain de levure, et
il reconnut bientôt qu'à côté d’un certain nombre
de levures on rencontrait sans cesse une moisissure
particulière, très abondante, qui se mullipliait à
l'aide d'un mycélium rameux, et envahissait rapi-
dement toute la surface des milieux de culture.
C'est à cette Mucédinée que M. Calmette a donné le
nom d'Amylomyces Rouxïi; elle est apportée dans
la levure chinoise par la bale de riz dont est
incruslé le petit pain de levure.
Les propriétés morphologiques de l'espèce sont
les suivantes : « Au contact de l'air, le tube mycé-
lien s'allonge peu et se divise bientôt en cloisons
transversales, au niveau desquelles le protoplasma,
\
E. BOULLANGER — L'EMPLOI DES MUCÉDINÉES EN DISTILLERIE
très réfringent, s'amasse pour former des conidies.
Au début, ces conidies ont une forme cubique, puis
elles s'arrondissent, mais ne s'isolent pas du rameau
qui les a fait naître et qui se prolonge au-dessus
d'elles pour former, un peu plus loin, une ou plu-
sieurs aulres conidies semblables (fig. 1).
« Dans les cultures profondes en moût gélatiné,
partout où le mycélium échappe au contact immé-
* diat de l’air, il s'accroit par bourgeonnement direct,
étalant en tous sens ses ramifications tubuleuses ;
mais aucune conidie n'apparait.
« Noyée dans un liquide sucré, dextriné ou amy-
lacé, la plante ne produit pas de cellules ovales ou
sphériques en forme de levures comme le Mucor
racemosus ou le Mucor allernans. Elle se déve-
loppe exclusivement en mycélium rameux. »
- Quant aux propriétés physiologiques de l'espèce,
elles ont été fort bien décrites par M. le D' Calmette,
et nous extrayons de son Mémoire les lignes sui-
- vantes, qui sont du plus haut intérêt :
« Sur du riz cuit à la vapeur, placé en couche
mince au fond d’un ballon largement aéré, l'Amy-
lomyces brûle directement presque tout le sucre
qu'il forme aux dépens de l'amidon. Mais si, en
agilant les ballons de culture, on maintient le
mycélium dans les couches profondes du riz à
mesure qu'il s'accroit, et si l'on empêche ainsi les
fruclifications aériennes de se produire, la quan-
lité de glucose formée en quatre jours atteint 64°/,
de l'amidon. Dans le moût de bière, c'est la quan-
lité d'alcool qui devient plus considérable : au
bout de sept jours, on peut en obtenir jusqu'à
3,5 °/,. Ainsi, le pouvoir ferment de la moissure
se trouve augmenté si on lui rend plus difficile
l'accès de l'air; toutefois, il y a une limite au delà
de laquelle on ne peut pas pousser la privation
d'oxygène. Ce gaz est indispensable au mycélium
de la plante, et il est impossible de la cultiver en
tubes clos absolument privés d’air, quel que soit le
subetratum nourricier qu'on lui fournisse. Donc,
pour produire un effet utile, l'Amylomyces doit être
cullivé dans une atmosphère confinée. Celte condi-
tion est réalisée inconsciemment par les Chinois,
qui placent pendant trois jours un couvercle sur
les jarres, après avoir pris soin de ne remplir
celles-ci qu'aux deux liers avec le riz cuit mélangé
de levure pilée. »
L'importance capitale deces constatations n'échap-
pera à personne; dans ces quelques lignes étaient
déjà indiquées les conditions industrielles dans
lesquelles on devait travailler pour obtenir des
résultats favorables : immersion de la plante, et
aération modérée.
D'ailleurs, en opérant dans ces condilions en
symbiose avec des semences pures d'Amylomyces
et d’une levure de pale-ale, M. Calmette put dou-
|
691
bler, du premier coup, le rendement en alcool
qu'obtenaient les Chinois.
Tel est l'important travail qui a ouvert défini-
tivement la voie à l'application industrielle des
Mucédinées à la distillerie de grains. Nous allons
voir maintenant comment MM. Collette et Boïdin,
assistés de M. Calmette, ont pu réaliser industriel-
lement, à l'usine de Seclin, les espérances que les”
essais de laboratoire avaient fait concevoir.
IE
Mais, avant d'entrer dans cette étude, il est néces-
saire de donner quelques détails sur les opérations
que l’on pratique d'ordinaire dans les distilleries
de grains, afin de faire mieux comprendre de quel
côté on devait diriger les recherches sur l'Amy-
lomyces, pour réaliser un progrès sensible,
Aujourd'hui, le travail des grains se fait générale-
ment de la facon suivante : Le grain, cuit sous pres-
sion, est trailé dans une cuve-matière par une quan-
tilé de malt suffisante pour produire une sacchari-
fication de l’amidon aussi complèle que possible.
Celle quantité de malt atteint 10 à 15 °/, du poids
du grain employé. À cet emploi de malt correspond
déjà une perte minima de 1 kil. 400 d'amidon
par suite du maltage, soit un litre d'alcool par
100 kilos de grains. La saccharification par
le. malt donne d’abord : d’une part, du maltose
qui fermente sous l’action de la levure, et, d'autre
part, de la dextrine qui n’est fermentescible que
dans une proportion réduile, variable
d’ailleurs avec l'espèce de levure: employée.
La dextrine restante occasionnerait une perte con-
sidérable de rendement. Pour réduire celte perte
au minimum, on ulilise la propriété que possède
la diastase du malt, de continuer à agir sur la dex-
trine quand la saccharification principale est Ler-
minée, et de la transformer en sucre, qui subitalors
la fermentation alcoolique. Il importe donc de ne
pas détruire cette diastase, qui doit produire la
saccharification complémentaire. Il en résulte un
inconvénient des plus graves : l'impossibilité
d'opérer asepliquement et de stériliser le moût,
la diastase étant détruite à 70-75°, température
à laquelle résistent beaucoup d'espèces micro-
biennes.
Pour lutter autant que possible contre les
ferments nuisibles, le dislillateur augmente l'aci-
dité du moût en faisant des levains lacliques. Cette
préparation des levains lactiques, très délicate,
est un mal nécessaire, qui cause à l'industriel des
déboires continuels ; car le succès ullérieür d'une
fermentation dépend en grande partie de la qualité
du levain. En outre, le sucre qui se transforme en
acide lactique est perdu. Enfin l’acidificalion, avec
très
692
E. BOULLANGER — L'EMPLOI DES MUCÉDINÉES EN DISTILLERIE
tous ses défauts, n'est même pas un moyen suffisant
pour combattre l'infection par les mauvais fer-
ments ; ceux-ci s’habituent à la réaction acide du
milieu, prennent bientôt le dessus, et engagent
avec la levure une lutte pour l’existence qui se Lra-
duit par une chute importante du rendement en
alcool.
On comprend dès lors quel intérêt capital il y
avait à opérer la saccharification au moyen d'une
Mucédinée qu'on pouvait ensemencer à l'état pur
dans un moût stérilisé. La Mucédinée produi-
sant de la diastase, il devenait inutile de sacchari-
fier totalement l’amidon. On pouvait donc réduire
beaucoup la proportion de malt. En outre, le moût
était stérilisable, puisque l’action complémentaire
de la diastase était produite par la Mucédinée
ensemencée dans le moût stérile. Donc : suppres-
sion, au moins partielle, du malt, suppression des
levains lacliques, possibilité d'un travail aseptique
et d'un contrôle scientifique rigoureux, voilà les
avantages qu'on pouvait entrevoir à priori en
employant la saccharification par les Mucédinées.
Telles furent les idées directrices qui guidèrent
les premiers essais d'application des Mucédinées
au travail des grains. Déjà, en 1894, le Japonais
Takamine avait cherché à employer la diastase de
moisissure comme succédané du malt. On ense-
mençaitsur du son humide des spores d’Aspergillus
Orizæ et, après développement de l'espèce, on ab-
tenait une matière saccharifiante qu'on délayait
avec de l’eau. La diastase ainsi obtenue servait pour
la saccharification à la place du malt. Mais cc pro-
cédé, avantageux pour les pays où l'orge fait défaut,
ne réalisait pas un progrès bien sensible dans nos
pays, eton ne pouvait espérer travailler d’une facon
plus pure que par l’ancien procédé.
C'est alors que M. Calmette, devenu directeur
de l'Institut Pasteur de Lille, fit étudier dans ses
laboratoires l’emploi de l'Amylomyces à la saccha-
rification des matières amylacées. Les premières
recherches, faites par M. Boidin, ne donnèrent pas
de résultats satisfaisants. Le rendement était mau-
vais ; la Mucédinée brûlait toujours du sucre à l’état
d'eau et d'acide carbonique, et il restait toujours
de l’amidon non transformé.
MM. Boidin et Rolants cherchèrent alors à
employer l’Amylomyces pour la fermentation des
vinasses de distillerie. Ces vinasses contiennent
de la dextrine, que la Mucédinée faisait fermenter,
et on oblenait ainsi, par litre de vinasses, 6 à
10 centimètres cubes d'alcool, ce qui était large-
ment suffisant pour couvrir les frais d'une nouvelle
distillation.
M. Boidin entreprit donc, à la distillerie de M. Col-
lelte à Seclin, des essais industriels d'application
de l’'Amylomyces à la fermentation des vinasses.
Les premières expériences, effectuées dans des
cuves de 300 hectolitres, montrèrent tout d’abord
qu'il était possible pratiquement de stériliser ces
grandes masses de liquide, et de les maintenir
stériles dans des cuves complèlement closes,
et, en outre, MM. Collette et Boidin constatèrent
que le rendement en alcool était beaucoup plus
élevé dans ces cuves qu'au laboratoire.
En cherchant à expliquer ce dernier résultat,
M. Boidin ne tarda pas à faire une remarque très
importante : la combustion par la Mucédinée deve-
nait inappréciable quand on faisait vivre l’Amylo-
myces constamment à l’état immergé, sans qu'il püt
former de fruclifications superficielles. Ces condi-
tions étaient évidemment très difficiles à réaliser
d'une facon parfaite dans les expériences de labora=
toire, et l'essai industriel seul permit de mettre
ce fait en lumière. MM. Collette et Boidin remar-
quèrent, en outre, qu'en injectant de l'air stérilisé
dans le moût, on accélérait considérablement le
développement de l'Amylomyces, sans qu'il y ait
une perle sensible par combustion directe. C'était
là un résultat décisif. En faisant vivre à l'état
d'immersion continue l'Amylomyces dans un moût
de grains stérilisé et aéré constamment par de l'air
stérile, on pouvait donc espérer transformer inté-
gralement l’amidon du grain en sucre, puis en
alcool, sans pertes appréciables, en supprimant
l'emploi du malt ou de l'acide, et en faisant en une.
seule opération la saccharification et la fermenta-
tion alcoolique en milieu aseptique.
Les essais de MM. Collette et Boidin furent aus-
sitôt dirigés dans ce sens. Le procédé Amylo élait
constitué.
III
Nous pouvons maintenant aborder l'étude du
procédé à l’Amylomyces, tel que MM. Collette et.
Boidin l'ont établi à la suite de la longue série de
recherches que nous venons de décrire. Nous allons
voir, en passant en revue les phases successives de
la fabrication, avec quelle souplesse la pratique
industrielle a su se conformer aux conditions théo-
riques dictées par les études du laboratoire.
1. Cuisson du grain.— Le maïs entier estd’abord
introduit dans le cuiseur avec deux fois son poids
d'eau. On injecte alors de la vapeur et on fait
monter la pression pendant 3 h. 1/2 jusquà
4 kilogrammes. L'amidon est ainsi complètement
transformé en empois. Mais il importe que cet em-
pois soil bien homogène : on doit avoir une masse
exempte de fragments de grains, et bien divisée,
qui subisse facilement la liquéfaction par le malt,
et l'action saccharifiante de la Mucédinée. Aussi le
cuiseur adopté dans un grand nombre d'usines qui
E. BOULLANGER — L'EMPLOI DES MUCÉDINÉES EN DISTILLERIE
693
travaillent par le procédé Amylo est-il un cuiseur
vertical, muni d'un puissant agitateur à paletles et
de dispositifs qui permettent de cuire le grain en
brassant fortement la masse. On obtient ainsi une
päte tout à fait homogène.
2. Liquéfaction. — Si l'on envoyait directement à
… Ja cuve de fermentation l'empois ainsi formé, dilué
avec une quantité d'eau convenable, la masse ferait
prise par le refroidissement, s'empäterait dans les
… conduites, et la Mucédinée ne pourrait se multiplier
dans un milieu aussi compact. Il est donc néces-
saire de liquéfier l'amidon par une faible quantité
de malt, quantité qui représente 1 à 2°/, du poids
« du grain employé, tandis que dans les procédés
anciens, où l’on cherchail à produire une sacchari-
fication complète, on employait une proportion de
410 à 15 °/, de malt.
On place donc, dans une cuve-matière, 10 à
90 kilogrammes de malt par 1.000 kilogrammes de
… maïs, et on fait un lait de malt avec de l’eau froide.
- L’empois, chassé directement par la pression du
cuiseur, tombe dans cette cuve-matière, où il se
trouve en contact avec le malt. La tempéralure ne
doit jamais dépasser 70°, pour ne pas tuer la dias-
tase. On laisse en contact pendant une heure à 60°-
65°, en agitant constamment. Si l’on examine, au
bout de ce temps, le moût obtenu, on constate que
la filtration, impossible au début, est devenue très
facile : la masse est complètement fluide. Le liquide
filtré donne la réaction rouge des érythrodextrines,
et réduic très fortement la liqueur de Fehling. Les
matières insolubles restées sur le fillre donnent la
réaction violette de l’amidon. Cette opéralion cons-
titue done plus qu'une liquéfaction; il y a un véri-
table commencement de saccharification, qui fait
passer à l'état de sucre fermentescible et de dex-
trine une partie assez considérable de l’amidon
présent. On obtient donc, au sortir du macérateur,
un moût bien fluidifié, qui ne fait plus prise par le
refroidissement et qui conlient à la fois du maltose
et de la dextrine provenant de l'action du malt, et
de l’amidon non transformé.
3. Stérilisation. — I faut maintenant détruire
totalement les germes de ce milieu de manière à
avoir un liquide parfaitement stérile dans lequel
on puisse ensemencer à l’état pur la Mucédinée
saccharifiante qui doit terminer la transformation
de l'amidon et de la dextrine en sucre. Cette stérili-
sation se fait dans un immense autoclave horizontal
où le moût est chauffé pendant une demi-heure à
une pression de vapeur de 1 kil. 1/2, c'est-à-dire à
une température d'environ 128°. Le milieu se
trouve ainsi parfaitement stérilisé, et il est alors
chassé dans la cuve de fermentation.
4. Fermentation. — C'est ici que nous allons ren-
contrer une réalisation industrielle surprenante des
travaux de bactériologie du laboratoire. Imaginons
un immense matras en tôle de 1.000 hectolitres,
hermétiquement clos et stérilisable par la vapeur
(fig. 2).
C'est dans ce gigantesque ballon de culture que
va s'effectuer la fermentation : le moût stérile va
être introduit, refroidi et ensemencé avec une cul-
ture pure d'Amylomyces, en suivant exactement le
mode opératoire d’une expérience faite au labora-
toire avec un ballon de 500 centimètres cubes. Au
premier abord, on se refuse à croire que l’asepsie
rigoureuse puisse être réalisée sur des masses de
liquide aussi considérables. Nous allons voir, au
contraire, que quelques précautions simples suf-
fisent pour obtenir facilement une stérilité parfaite.
La cuve, d'une hauteur totale de 6 mètres, est
absolument close, de manière à éviler toute conta-
mination venant de l'extérieur. À sa partie supé-
rieure se trouve le tuyau d'arrivée du moût venant
du stérilisateur ; à sa partie inférieure, le robinet
d'évacuation du moût fermenté, Un tuyau de
vapeur débouche dans le fond de la cuve, et permet
l'injection de vapeur dans le moût, pour le muinte-
nir en ébullition pendant toute la durée du charge-
ment. Par une manœuvre très simple, on peut
remplacer la vapeur par de l'air comprimé, qui
$e débarrasse de tout germe en traversant un filtre
à coton flambé au préalable à 465°. On peut ainsi
injecter dans le moût de l'air stérile, et réaliser par
conséquent une des premières conditions de la vie
active de l'Amylomyces : la culture en aération
continue. La cuve porte, en outre, dans son intérieur
un puissant agitateur, dont l'arbre est muni d’un
calfat qui rend toute infection impossible. Cet agi-
lateur permettra de réaliser la culture de la Mucé-
dinée en profondeur, et d'éviter les fructificalions
superficielles: seconde condition nécessaire, comme.
nous l'avons vu, pour avoir des rendements satis-
faisants. Enfin, de la partie supérieure de la cuve
part un tuyau de dégagement des gaz, air et acide
carbonique, qui va s'ouvrir dans un barboteur de
4 hectolitres, rempli d’eau.
Dans le dôme de la cuve, bien à la portée de la
main, se trouve une petite tubulure de 5 à 7 centi-
mètres de diamètre, et de quelques centimètres de
hauteur. Sur celte tubulure s'engage un tuyau de
caoutchouc d'environ 20 centimètres, bouché par
un manchon métallique qui l'obture hermétique-
ment. C’est l’orifice par lequel se fera l’ensemence-
ment. Sur le côté de la cuve, à 1 mètre environ de
la calotte supérieure, est placée une autre tubulure
identique à la première : c'est la tubulure de prise
d’échantillon du moût. Enfin un thermomètre,
plongeant dans une gaine métallique qui fait corps
694
E. BOULLANGER — L'EMPLOI DES MUCÉDINÉES EN DISTILLERIE
avec la cuve, indique la température du liquide.
Pour supprimer les infections possibles par les
joints elles robinets, tous ceux-ci sont plongés dans
des euvettes remplies d’eau formolée. D'ailleurs,
nous verrons bientôt que, dans le travail, on laisse
toujours dans la cuve un léger excès de pression,
afin que les fuites, si elles se produisent, aient
toujours lieu de l’intérieur vers l'extérieur, et non
inversement. Toute rentrée est ainsi rendue impos-
sible.
l'air de la cuve. Quand la cuve est déjà assez avan-
cée, on badigeonne avec du formol les deux tubu-
lures, on place les deux tubes de caoutchoue, et on
les obture avec les manchons métalliques fortement
flambés à l’aide d'une lampe à alcool; puis, on con-
tinue l'injection de la vapeur et l'admission du
liquide jusqu'à ce que la cuve soit pleine de moût
stérile. Des regards vitrés permettent de se rendre
compte aisément de l'instant où l’on doit arrêter.
Il s’agit maintenant de refroidir ce moût sans
Fig. 2. — Installation de seize cuves de fermentation de 1100 hectolitres,
Telle est la cuve qui fut construite par MM. Col-
letle et Boidin, pour la fermentation par l'Amy-
lomyces en milieu stérile. Suivons maintenant le
travail du moût dans cet appareil.
Le liquide stérile, venant de l'autoclave, arrive
dans la cuve à l'ébullition. La vapeur, qu'on in-
jecte d'une facon continue par la valve inférieure
de la cuve, maintient celte ébullition pendant tout
le remplissage. La vapeur produite échauffe peu à
peu la tôle, se condense sur les parois de la cuve
en entrainant avec elle les germes qui peuvent s'y
trouver. Bientôt elle commence à sortir par tous
les orifices, stérilisant les tubulures d'échantillon
et d'ensemencement, et chassant complètement
l'infecter d'aucun microbe étranger. On ferme
l'arrivée de vapeur, qu’on remplace immédiate-
ment par un fort courant d'air stérile. Cet air
produit dans la cuve un excès de pression qui
empêche toute rentrée de l'air extérieur impur. On
remplit le barboteur d'eau, et, par le regard vitré
de cet appareil, on se rend compte aisément de la
rapidité du passage de l'air comprimé. Au bout
d’une heure environ, on met l'agitateur en mouve-
ment et on procède au refroidissement du moût. La
cuve porte, à cet effet, à sa partie supérieure, une
couronne d'arrosage percée de trous, par laquelle
on fait ruisseler de l’eau froide sur les parois exté-
rieures. L'agilateur amène constamment de nou-
E. BOULLANGER — L'EMPLOI DES MUCÉDINÉES EN DISTILLERIE
velles couches de moût chaud au contact de la
paroi froide, l'air comprimé qu'on injecte em-
pêche le vide que produirait la condensation, et
aère en même temps la masse. Il se produit, au
contact de la nappe d’eau froide qui coule le long
de la cuve, une évaporation intense qui refroidit
rapidement le moût et amène en quelques heures
à 38°C les 1.000 hectolitres du liquide.
On à ainsi réalisé le problème d'avoir, dans une
cuve stérile, un moût parfaitement stérile. Il s'agit
695
fique par le laboratoire est commencé, et, si un
insuccès se produit, ce contrôle permettra toujours
de reconnaitre à quoi il est dû, et à quelle phase de
l'opération il s'est produit. On vérifie également au
microscope la pureté de la culture d'Amylomyces
qu'on va employer, et, si le résultat est favorable,
on ensemence, suivant les règles de l’asepsie usitées
dans le laboratoire, le ballon d'Amylo destiné à
peupler les 1.000 hectolitres de la cuve.
L'ensemencement effectué, on met l’agitateur en
par le procédé Amylo, aux distidleries Bugnot-Colladon et
maintenant d’ensemencer l'Amylomyces à l'état
pur, sans introduire aucun autre microbe.
C'est alors que commence la collaboralion active
du laboratoire et de l'usine. On a préparé d'avance
au laboratoire, sur 20 grammes de riz cuit réparti
au fond d’un ballon de 1 litre environ, une culture
vigoureuse d'Amylomyces. Cetle minime quantité
de semence, qui ne représente à l’état sec que
quelques centigrammes, va servir à ensemencer
l’énorme cuve de 1.000 hectolitres. Avant de pro-
céder à l'ensemencement, on fait aseptiquement
une prise d’échantillon du moût de la cuve, dont
on contrôlera au laboratoire la stérilité, et qui sera
soumise à l'analyse chimique. Le contrôle scienti-
Boulet, à Eouen.
mouvement, et on aère énergiquement la masse.
Grâce à cette aération et à la température très
favorable de 38°C, la Mucédinée se mulliplie rapi-
dement. L'agitation continue empêche la formalion
du mycélium superficiel, qui brûlerail le sucre à
l'état d'eau et d'acide carbonique. Au bout de
vingt-quatre heures, on fait une prise d'échan-
tillon, et on vérifie au microscope la pureté de la
culture. On constate alors que ces vingt-quatre
heures ont suffi pour que toute la masse soit envahie
par les filaments mycéliens de l'Amylo. Au point
de vue chimique, on remarque que la réaction à
l'iode est devenue plus faible; le travail saechari-
fiant de la Mucédinée a commencé, travail qui va
696
E. BOULLANGER — L'EMPLOI DES MUCÉDINÉES EN DISTILLERIE
remplacer celui de la diastase du malt dans la saccha-
rification complémentaire, mais avec l'immense
avantage de l’asepsie parfaite et d'un contrôle
scientifique rigoureux.
La transformation de l’amidon et de la dextrine
en sucre fermentescible par la Mucédinée s'accom-
pagne d'une fermentation alcoolique : l'Amylo
décompose le sucre qu'il forme en alcool et acide
carbonique. Mais l'expérience montre que cette
fermentation, pour être complète, demande tou-
jours un lemps assez long. Nous possédons dans
la levure un ferment alcoolique infiniment plus
actif que la Mucédinée, et, d'ailleurs, M. le D' Cal-
mette n'avait-il pas constaté déjà la symbiose
mucédinée-levure dans la fabrication des alcools
de riz en Indo-Chine? Il est donc tout naturel que
MM. Collette et Boidin aient songé à utiliser surtout
les propriétés saccharifiantes de l’Amylomyces, el à
confier à la levure, vivant en symbiose, le travail de
la transformalion du sucre en alcool. Il y avait là
en quelque sorte l'avantage évident qu'on retire
en prenant un train express au lieu d’un train
omnibus. Ce changement de train se fait du reste
d'une façon très simple. On refroidit d’abord la
cuve à 33°C, parce que la température de culture de
l'Amylo est un peu élevée pour la levure, puis on
ensemence, avec les mêmes précautions que pour
l'Amylomyces, un ballon de 500 centimètres cubes
d'une culture pure de levure en pleine fermenta-
tion. C’est cette minime quantilé de semence qui
va assurer, en se mullipliant, la fermentation
alcoolique du liquide. Au bout de vingt-quatre
heures, une nouvelle prise d'échantillon permet de
constater que toute la masse est peuplée de cellules
de levure ; on cesse alors l'injection d'air stérilisé,
et le travail symbiotique des deux organismes
Amylo-levure commence.
La levure va parcourir avec une rapidité très
grande la voie qui lui a été tracée par l'Amylo-
myces ; celui-ci, quiaquarante-huitheures d'avance,
continuera à préparer le chemin, plus lentement il
est vrai, mais il ne sera rejoint cependant pär la
levure qu'au moment où son travail sera enlière-
ment terminé.
D'ailleurs, il est facile de suivre la marche de
la transformation de l'amidon, et de la fermenta-
tion, {en faisant chaque jour une prise d'échan-
tillon du moût depuis le moment de l’ensemen-
cement de la levure. C'est, d'ailleurs, ce qu'on
fait pour chaque cuve, et ce contrôle scientifique si
précis permet de reconnaître sans retard les fautes
commises et l'instant où elles l'ont été. Au moment
de l’ensemencement de la levure, l’iode donne
encore une forte réaction bleue. La réduction à la
liqueur de Febhling est devenue un peu plus consi-
dérable, d'abord parce qu'une partie de l'amidon
passe à l’état de sucre réducteur, et surtout parce
que la Mucédinée hydrolyse le maltose et le trans=
forme en glucose dont le pouvoir réducteur est
plus élevé. Vingt-quatre heures après l'ensemence=
ment de la levure, le liquide donne à l’iode une:
réaclion rouge foncé; les pailles, une réaction bleue.
Si l’on examine le moût au microscope, on constate
que le liquide est totalement envahi par les deux
espèces microbiennes, l'Amylomyces et la levure:
Le jour suivant, le liquide filtré se colore encore:
légèrement en rouge par l'iode; il y a donc encore
un peu d'érythrodextrines; les pailles ne donnent
plus qu'une très faible réaction bleue. Le dégage-w
ment d'acide carbonique se ralentit dans le barbo=
teur. Enfin, trois jours après l'ensemencement de la,
levure, le liquide filtré ne donne plus de réaction
à l'iode; il n'y a plus de bleuissement dans les
pailles, et seul l'examen microscopique permet de
Fig. 3.
— Mücor $-Mycelium et fructifications aérienne.
retrouver des traces d’amidon. La saccharificalion
est finie, la transformation intégrale du sucre est
achevée, comme il est facile de s'en rendre compte «
par la liqueur de Fehling; la cuve est prête à être.
distillée.
Tel est le mode de travail imaginé par MM. Col-
lette et Boidin et désigné sous le nom de procédé
Amylo, dans lequel, comme nous l'avons vu, Jai
saccharification et la fermentation alcoolique se
font simultanément par la symbiose des deux orga-
nismes Mucédinée et levure. Depuis 1897, le procédé
a subi quelques modifications qu'il est maintenant.
nécessaire de décrire.
Le procédé Amylo avait, à l'origine, l'inconvénient
fort grave de ne convenir qu'à des moûts dilués,
d'environ 1030 de densité, ce qui augmentait dans.
des proportions nolables les frais généraux de la
fabrication. L'Amylomyces Rouxiine possède pas,
en effet, des propriétés saccharifiantes assez éner-
giques pour conduire à une bonne atténuation dans
des moûts concentrés. Aussi, M. Boïdin ne tarda pas
à entreprendre l'étude de diverses autres Mucédi-
E. BOULLANGER — L'EMPLOI DES MUCÉDINÉES EN DISTILLERIE
697
nées saccharifiantes dont les propriétés pouvaient
être plus actives. Pour la distillerie, la meilleure
espèce élait évidemment celle qui poussait le plus
loin l’atténuation, en donnant l'acidité la plus faible.
-M. Boidin a isolé ainsi sur un échantillon de koji
japonais, dû à l'obligeance de M. Armand, ministre
plénipotentiaire de France au Japon, un Mucor
“qu'il a désigné sous le nom de Mucor £ {fig. 3). Ce
“Mucor se mentra supérieur à l'Amylomyees Rouxii :
a saccharification était plus complète, l'acidité
“moindre, le rendement plus élevé. En utilisant ce
Mucor £ au lieu de l'Amylomyces, M. Boidin cons-
“tala qu'on pouvait travailler en moûts concentrés,
“à 18, 20 et même 25 °/, de grains. Une autre Mucé-
“dinée, le Mucor J, isolée sur du riz venant du Tonkin,
a donné des résultats analogues. Le procédé ne
laisse donc plus rien à désirer au point de vue de
la concentration.
— On a également beaucoup reproché au procédé à
l'Amylomyces d'être délicat et très dangereux à
cause des minimes quantités de semence qu'on
“emploie. Pendant toute la durée du développement
“de la moisissure, c'est-à-dire pendant vingt-quatre
“heures, le moût est maintenu à la température de
“38°C., très favorable au développement des fer-
ments de maladie. Si une faute est commise au
“moment de la fermeture de la cuve ou de l’ense-
-mencement, cette faute peut entrainer les consé-
“quences les plus graves, le ferment de maladie
“pouvant se développer plus vite encore que l'Amy-
«lomyces. Aussi a-t-on cherché à éviter cet écueil en
faisant des levains de Mucédinées. La cuve àlevains,
“de dimensions réduites, est ensemencée avec une
“culture pure de Mucédinées : s’il y a par hasard une
“infection, on la stérilise et on réensemence. Dans
“tous les cas, on envoie à la grande cuve un fort
É levain de Mucédinée pure, ce qui permet d'ense-
…mencer aussilôt la levure et de gagner ainsi du
“ lemps, avec une marche plus sûre. Cependant, ilne
… faudrait pas croire que cette petite complication du
“procédé soit nécessaire. L'exemple d'un grand
… nombre de distilleries qui travaillent sans levains,
… d'après la méthode préconisée au début par
… MM. Collette et Boidin, prouve qu'il est facile, avec
un personnel dressé, d'arriver à une réussite par-
Bite : les infections deviennent exceptionnelles et
; n'abaissent pas la moyenne des rendements.
Un dernier perfectionnement du procédé a été
son application aux distilleries agricoles. On pou-
vait, en effet, reprocher à la méthode d’être inap-
plicable sur une petite échelle à cause du matériel
important qu'elle exige. La difficulté a été résolue
en combinant un appareil à usages multiples, qui
sert à la fois de cuiseur, de cuve-matière, de sté-
rilisateur et de cuve de fermentation. Toutes les
opérations se font ainsi dans un même appareil, et
avec la plus grande facilité. Le procédé est donc
maintenant accessible à la petite distillerie agri-
cole.
II
Nous avons vu, par ce qui précède, que le procédé
Amylo repose sur des bases scientifiques solides,
et qu'il constitue un progrès réel sur les anciennes
méthodes. Mais on sait que, dans l'industrie, les
résultals économiques donnés par une méthode
passent avant sa valeur scientifique, et on peut dire
que peu de distillateurs auraient adopté le procédé
Amylo, s'il n'avait eu pour avantages que ceux qui
résultent d'un travail plus rationnel et d'un con-
trôle scientifique rigoureux. Quels sont donc ies
résultats praliques fournis par le procédé Collette
et Boidin ?
Nous en avons déjà signalé quelques-uns : d’a-
bord, la dépense en malt est considérablement
réduite, puisqu'on n'emploie que 2 °/, de malt au
lieu de 45 à 25 °/,. C'est là un premier avantage,
très important pour les usines qui emploient de
grandes quantités de malt. La malterie étant ré-
duile au minimum, il en résulte une économie sen-
sible qui est encore augmentée
par le fait de la suppression des levains. Le travail,
si délical et si aléaloire, de la fabrication de la
levure, est remplacé par le travail précis et rigou-
reux du laboratoire où l'on prépare les ballons qui
serviront à ensemencer les cuves. Enfin, nous avons
vu que le procédé Amylo permet d'effectuer la sté-
rilisation parfaite du moût et de travailler en moût
stérile avec des organismes bien définis. C'est là
un immense avantage, qui met le distillateur à
l’abri de toutes les difficultés qui proviennent de
l'invasion du moût par les ferments étrangers.
Mais ce n'est pas tout, MM. Collette et Boidin
garantissent, en outre, un rendement en alcool
plus élevé que par toutes les autres méthodes, et
la production d’un alcool de meilleure qualité. En
effet, avec les maïs ordinaires, le nouveau procédé
conduit à un rendement minimum de 37 à 39 litres
d'alcool pur par 100 kilos de grains, au lieu de
34 litres, que donnent, comme maximum, les an-
ciens procédés les plus perfectionnés. Les savants
chimistes anglais H. Roscoe, H.-T. Brown et À. Mac-
fadyen, qui ont soumis au contrôle le plus rigou-
reux une cuve de 4.017 hectolitres à la distillerie
de Seclin, ont constaté que le rendement en alcool
était de 37 1. 81 par 100 kilos de grains, le rende-
ment théorique maximum déduit par l'analyse du
grain étant de 38 1. 76. Le rendement d'alcool
donné par le procédé Amylo atteignait done, dans
cette expérience, 97,5 °/, du rendement théorique.
Il semble difficile de pouvoir arriver à un chiffre
plus élevé. À la Société anonyme des Distilleries
de main-d'œuvre,
698
E. BOULLANGER — L'EMPLOI DES MUCÉDINÉES EN DISTILLERIE
Bugnot-Colladon et Boulet réunies (usine de
Bapeaume-lès-Rouen), le rendement moyen indus-
triel de 15 cuves Amylo a été de 38 L. 93 d'alcool
par 100 kilos de grains. A la distillerie de Temes-
var (Hongrie), le rendement moyen de 29 cuves
Amylo s'est élevé environ à 39 litres d'alcool par
100 kilos de grains. Il est donc hors de doute que
le procédé à FAmylomyces fournit des rendements
en alcool supérieurs à ceux que l’on obtient par
tous les autres procédés usités en distillerie.
La quantilé de combustible supplémentaire
nécessitée par la stérilisation des moûts s'élève,
d’après un Rapport de M. le D' Delbrück, à environ
20 kilos par hectolitre d'alcool. Les frais généraux
de l'installation deviennent très minimes dans les
grandes cuves de 1.000 à 1.200 hectolitres, d'autant
plus qu'ils se répartissent sur un nombre d’hecto-
litres d'alcool considérable. L'augmentation des
dépenses est donc loin de compenser le bénéfice
obtenu par le rendement plus élevé, et nous pou-
vons conclure que, au point de vue économique
comme au point de vue scientifique, le procédé
Amylo donne des résultats très satisfaisants.
La qualité de l'alcool produit est également supé-
rieure. La quantilé de moyens et mauvais goûts est
beaucoup moindre, et ces alcools de moyens et
mauvais goûts sontde meilleure qualité. De100 litres
de fegmes on retire, en effet, à la rectification :
ANCIEN PROCÉDÉ PROCÉDÉ AMYLO
litres litres
BONVEOUTE SPA CIRE 12,98 79,62
MOYEUREOUL MEME ER 20,29 13,16
Mauvais SOUL. EP RENEe 3,88 2,94
97,15 97,29
Pertes ER 2,85 2,71
En outre, MM. Brown, Roscoe et Macfadyen ont
constaté que la quantité d'alcools supérieurs était
moindre que celle produite par l'emploi des pro-
cédés ordinaires de fermentation.
M. Boidin a signalé également un autre avantage
du procédé Amylo, qui n’esl pas sans importance.
La fermentation des dextrines élant très complète,
la filtration des drèches devient très facile. Or, on
sait combien cette filtration présente de difficultés
dans les procédés ordinaires. La levure forme avec
la dextrine restante une masse gluante qui obstrue
les filtres-presses, et on n'oblient qu'un liquide
trouble, qui passe péniblement. Avec le procédé
Amylo, les filaments mycéliens de la Mucédinée
semblent exercer une action favorable en envelop-
pant les cellules de levure, et les drèches se
laissent presser sans difficulté.
I] devient alors très facile d'obtenir des tour-
teaux qui renferment 70 à 72 °/, d’eau et dont le
traitement ultérieur va être une source nouvelle de
bénéfices. Ces tourteaux renferment l'huile du
grain de maïs, et un laux assez élevé de matières
azolées. On les dessèche dans l'appareil Donard et
Boulet, eton obtient des poudrettes qui contiennent
19 à 21°/, d'huile et 6,5 à 7 °), d'azote. Ces pou-
drettes sont épuisées de leur huile dans l'appareil"
Donard et Boulet, au moyen de l'éther de pétrole,
eton oblient ainsi, par 100 kilos de maïs, environ:
3 kilos d'huile, et 20 kilos de drèches qui peuvent
être vendues pour l'alimentation des bestiaux.
Un autre sous-produit que le procédé permet
seul de récupérer, c'est l'acide carbonique de fer-
mentation. Des énormes cuves de 1.200 hectolilres
s'échappent des torrents de gaz carbonique, qu'on
peut recueillir et comprimer dans des cylindres
pour le vendre à l’état liquide.
C'est grâce à ces avantages multiples que le pro-
cédé Amylo a permis aux distillateurs de grains de
résister pendant longtemps à la crise que subit en
ce moment cette industrie. Le prix de l'alcool, qui
était encore, il y a quelques années, de 40 francs
l’hectolilre, est maintenant descendu à 28 francs.
En même temps, le prix du charbon s’est considé-
rablement accru, ainsi que le prix des grains; les .
mais ont été, en outre, récemment frappés d’un
nouveau droit d’accise qui à rendu les conditions
encore plus désastreuses. Il devenait dès lors diffi- “
cile d'avoir des résultats satisfaisants au point de
vue économique, el il n'est pas surprenant d’avoir
eu à constater l’arrêt d'un grand nombre de distil-
leries de grains, même de celles qui travaillent par
le procédé Amylo. Certaines usines qui obtenaient
des rendements moyens de 38 litres à 39 litres
d'alcool par 100 kilos de grains, qui extrayaient et
vendaient l'huile des drèches, les drèches elles-
mêmes, l’acide carbonique de fermentation, et
livraient même parfois leurs alcools avec surprime,
à cause de leur excellente qualité, ont dû renoncer
à peu près complètement à une fabrication qui,
dans ces conditions cependant exceptionnelles, ne
donnait pas de bénéfices.
Mais ce sont là des conditions économiques pas-
sagères; et les résultats excellents obtenus dans
les autres pays, notamment en Hongrie, en Es-
pagne, au Tonkin, justifient pleinement la valeur
de la nouvelle méthode. Elle nous reste, en outre,
comme le témoignage des bienfaits que peut donner
la collaboralion de la Science pure et de l'Industrie.
Le procédé, comme nous l'avons vu, repose sur
des bases scientifiques rigoureuses: cette inven-
tion, comme d’ailleurs toutes celles qui s'appuient
sur des principes solides, donnera des résultats
féconds le jour où l’état économique du marché
des grains et de l'alcool permettra son extension.
E. Boullanger,
Chef de laboratoire à l'Institut Pasteur de Lille.
X. ROCQUES — L'ÉTAT ACTUEL DE L'INDUSTRIE DES CONSERVES ALIMENTAIRES
699
L'ÉTAT ACTUEL ET LES BESOINS
DE L'INDUSTRIE DES CONSERVES ALIMENTAIRES EN FRANCE
PREMIÈRE PARTIE
L'industrie des conserves alimentaires est née |
en France au début du xix*siècle, et Nicolas Appert
en a élé le promoteur. Appert fit ses premiers
essais en 1796, et il appliqua pour la première fois
son procédé en 1804, dans une petite fabrique qu'il
… avail créée à Massy (Seine-et-Oise).
Le procédé Appert, qui est encore appliqué
(ans certains cas sous sa forme primilive, consiste
à renfermer dans des bouteilles ou des bocaux les
— substances que l’on veut conserver, à boucher soi-
“ yneusement ces vases de manière à en assurer la
fermeture hermétique, à plonger ensuite les bou-
teilles closes dans un bain-marie, et à les soumettre
- pendant un temps plus ou moins long, suivant leur
nature, à l'action de l’eau bouillante.
Ce procédé fut modifié, en 1839, par Fastier, qui
chassa l'air des vases pendant la cuisson en prali-
quant un petit orifice dans le bouchon. On ferme
ce trou avec un peu de cire à cacheter, quand le
chauffage est terminé.
Le procédé Appert fut rapidement adopté, et
des fabriques de conserves, établies à Bordeaux, à
Nantes, au Mans, en firent usage avec succès jus-
qu'en 1847, époque à laquelle la plus grande partie
de leur production s'’altéra.
Les causes d’allération des substances animales
ou végétales n'étaient encore que bien peu connues,
et l'on ne savait pas qu'une température inférieure,
ou, au plus, égale à 100° était insuffisante pour luer
- tous les germes de putréfaction. Cependant, en 1850,
un chimiste, Favre, indiqua de stériliser les con-
serves dans un bain d’eau salée dont la température
d'ébullition était supérieure à 100°. Vers la même
. époque, Collin, de Nantes, substituait les boîtes de
fer-blanc aux vases de verre, et il opérail la stérili-
sation dans un bain de sel ou de chlorure de cal-
ciumn bouillant à 105° et même à 110°.
Mais ce procédé de chauffage présentait un grave
inconvénient. A 1107, la tension de la vapeur
étant déjà assez élevée (1 atm. 1/2 environ), les
boîtes se déformaient, se dessoudaient, et quelques-
unes même éclataient. Ce fut l'adoption de l’auto-
clave qui permit d'appliquer dans la pratique la
température de 110°et même de 115°, indispensable
à la réussite de la stérilisation. Ce perfectionnement
est, en général, attribué à Martin de Lignac, qui
employa en 1854 l’autoclave pour la préparation
des conserves alimentaires ; mais il faut en faire
FABRICATION
remonter le mérite à Chevalier-Appert, qui fit bre-
veler en 1852, pour la fabrication des conserves, une
chaudière à bain-marie concentré, munie d'un ma-
nomètre servant à indiquer à la fois la pression et
la tempéralure d’ébullition de l'eau. Ajoutons,
pour être juste vis-à-vis de Martin de Lignac, que
ce savant inventeur fit de nombreuses et intéres-
santes recherches, qui ont rendu de grands services
à l'industrie des conserves.
Telle est, rapidement esquissée, l'histoire de l'in-
dustrie des conserves alimentaires.
En même temps que cette industrie prenail son
essor, des progrès considérables, réalisés parallè-
lement dans la Science, lui apportaient de pré-
cieuses clartés.
En 1810, Gay-Lussac, dans un Mémoire présenté
à l'Institut, attribuait la conservation des substances
alimentaires par le procédé Appert à l'absence de
l'oxygène, celui qui se trouve renfermé dans Îles
boîtes ayantété absorbé et n'existant plus que sous
forme d’une nouvelle combinaison « qui n'est plus
propre à exciter la fermentation ou la putréfaction ».
Jusque vers 1865, on assignait à l'oxygène le rôle
prépondérant dans les phénomènes de fermenta-
tion. Cetle théorie, appuyée par la haute autorité
de Liebig, était officiellement adoptée.
Ce fut Pasteur qui, en 1862, en démontrant que
la putréfaclion n'était pas due à l’air, mais aux
germes que celui-ci renferme, détruisit la théorie
de Liebig et fit entrer les recherches sur les fer-
mentalions dans une voie nouvelle et fructueuse.
Aussi nous est-il permis, associant au début de
cette étude les noms de Pasteur et d’Appert, de citer
ces deux Français comme étant les promoteurs des
connaissances théoriques et pratiques qui forment
la base de l’industrie des conserves alimentaires.
Cette industrie, créée et étudiée en France, s'est
depuis répandue dans tous les pays civilisés. Elle
devaitnaturellementse développer dans les régions
agricoles, où il y a surproduction d'aliments ani-
maux ou végélaux : la malière première y està bon
marché, et la préparalion des conserves devient un
moyen de favoriser l’utilisation, la vente etl'expor-
tation de ces produits. Il en est de même pour les
contrées où la pêche est une industrie importante et
où la préparation des conserves de poissons est de-
venue une source de richesse. Telle a été la cause
du développement de l'industrie des conserves aux
700
X. ROCQUES — L'ÉTAT ACTUEL DE L'INDUSTRIE DES CONSERVES ALIMENTAIRES
Etats-Unis, sur les côles du Canada, en Suède, en
Norvège, sur les côtes du Portugal et de l'Espagne,
à la Guadeloupe, etc.
La France a su conserver, dans cette fabrication,
une place importante : si elle a été dépassée par les
Etats-Unis sous le rapport de la quantité, elle est
restée la première pour la qualité, et ses conserves
continuent à faire prime sur le marché étranger.
I. — TECHNIQUE GÉNÉRALE.
La fabrication comprend, d'une part des procé-
dés généraux, applicables dans tous les cas, quelle
que soit la nature de la conserve; et, d'autre part,
des procédés spéciaux à chaque ordre de produits.
Toutes les conserves alimentaires doivent réa-
liser deux conditions essentielles :
1° Le vase dans lequel on les renferme doit être
absolument étanche ;
2 Le contenu du vase, c'est-à-dire le produit
alimentaire, doit être absolument stérile.
Étanchéité du contenant, stérilisation du con-
tenu: voilà donc les deux conditions indispensables
à réaliser, pour produire des conserves.
Nous sommes donc conduits à étudier successi-
vement : 4° la fabrication des boîles et flacons et
leurs modes de fermeture ; 2° la stérilisation.
Dans la pratique, il est assez fréquent de voir ces
deux parties de la fabrication séparées. Les fabri-
cants de boîtes métalliques, qui préparent les
boîtes de toute nature servant à l'emballage, sont
outillés ou s'outillent facilement pour la fabrica-
tion des boîtes de conserves alimentaires, et
deviennent les fournisseurs des fabricants de con-
serves. Mais lorsque ces derniers ont une pro-
duction assez importante, ils ont tout avantage à
réunir les deux industries, et à devenir fabricants
de boîtes de conserves; c’est ce qui se produit dans
la plupart des grandes installations.
$1. — Etanchéité des récipients. Fabrication des
boîtes ou flacons de conserves. Modes de fer-
meture.
Les boîtes de fer étamé sont les plus employées
par les fabricants de conserves alimentaires. Les
flacons de verre ne s'emploient guère que pour
cerlaines conserves préparées avec des fruits ou
des légumes choisis. Les conserves en flacons sont
toujours plus coûteuses et sont employées, de pré-
férence, pour les produits dé marque.
Les avantages de la boîle de fer-blanc sont assez
nombreux pour qu'on s'explique la généralisation
de son emploi. D'abord, ces boîtes sont solides:
il n'y à pas à craindre la casse pendant les mani-
pulations et surtout pendant la stérilisation, casse
qui est quelquefois assez importante quand on se
sert des flacons de verre. Il faut, ensuite, mettre en
ligne de compte la facilité de fermeture de la boîte
métallique. La fermeture des vases de verre pré-
sente, comme nous le verrons plus loin, de grandes
difficultés. Enfin, il y a une différence de prix assez
notable entre la boîte mélallique et le bocal de
verre, et à l'avantage de la première.
À côté de ces avantages, la boîte métallique pré-
sente l'inconvénient de se laisser plus ou moins
atlaquer par les substances qu'on y renferme; il en
résulte, en pratique, deux inconvénients : le con-
tenu de la boîte peut prendre une couleur anormale,
provenant de la formation de composés métal-
liques, de sulfures notamment; ou bien il peut
prendre un goûl assez sensible de métal. On re-
médie à ces inconvénients en appliquant à l’inté-
rieur des boîtes un vernis destiné à empêcher le
contact avec le métal. La difficulté est de trouver
un vernis qui adhère à celui-ci, qui soit peu coû-
teux, qui ne se dissolve pas dans les liquides avec
lesquels il est en contact, qui ne se désagrège ou ne
craquèle pas quand on porte la boîte à la tempéra-
ture de 110° à 120°, nécessaire pour effectuer la
stérilisation. Ce vernis idéal est encore à trouver;
jusqu'ici on s’est borné à employer des vernis à
base de gommes-résines. L'argenture a donné de
mauvais résultats. La solution de ce problème pré-
sente donc un grand intérêt pratique.
Nous avons dit que la fabrication des boîtes mé-
talliques était une industrie importante. Les ma-
chines servant à faire ces boîtes sont fabriquées
principalement aux États-Unis, en France et en
Allemagne.
La fabrication des boîtes de conserves comprend
la série d'opérations suivante : 1° découpage ou
estampage des fonds ; 2 découpage des corps de
boîtes; 3° cintrage de ces corps; 4° préparation
des agrafes des corps; 5° serrage de ces agrafes;
6° soudage des corps; 7° sertissage des fonds.
Chaque opération peut être faile par une ma-
chine différente; mais on peut aussi réduire le
nombre des machines et faire effectuer par la
même machine plusieurs opérations. On a même
poussé plus loin le perfectionnement de l'outillage …
et on a imaginé des machines faisant automatique-
ment les boites. Nous avons décrit ici (Revue géné-
rale des Sciences, 1899, p. 844) une machine amé-
ricaine réalisant ces conditions. Ces machines
automatiques ne présentent d'intérêt que lorsqu'on
doit produire une très grande quantilé de boîtes
d'un modèle unique (conserves destinées à l’armée
el à la marine, par exemple). Dans les fabriques
françaises, où l'on est, en général, obligé de pré-
parer des boîtes de plusieurs formats différents, il
vaut mieux posséder les divers outils produisant
chacun un travail simple.
mm smith td RS SE Sd ee te
X. ROCQUES — L'ÉTAT ACTUEL DE L'INDUSTRIE DES CONSERVES ALIMENTAIRES
Les boîtes de fer-blanc sont constituées par trois
pièces : un corps cylindrique agrafé et soudé lon-
gitudinalement, et deux fonds emboutis. Ces fonds
Sont assemblés au corps soil par soudure, soit par
sertissage. La soudure est le procédé le plus
ancien, et il continue à être employé dans un grand
nombre de cas; le sertissage, procédé plus récent,
tend à se substituer au soudage.
Nous décrirons ici quelques-uns des principaux
- modes de fermeture‘.
Voici d'abord deux types de boites soudées ; le
premier se rencontre
A REA plus particulièrement
= dans les boîtes fran-
caises, et le second
dans les boites amé-
ricaines. Dans le pre-
Fig.” 1.
d'une boîte
— Coupe
de
d CONSÉTVE SOU- E ;
£ FAURE mier (fig. 1),lecorpsC
F Vercle de la de la boîte est légè-
boite; C, corps rement élargi pour
FE. te UE nee laisser pénétrer le
a dure. couvercle À, quis’em-
à boite à l'intérieur;
È dans le second (fig. 2), le couvercle A
# s’'emboîte exlérieurement.
| Chacun de ces procédés assure une
4 bonne étanchéité.
à MM. Besse’et Lubin ont récemment
proposé un procédé de soudage mécanique. Celui-
* ci présente l’avantage de réaliser une grande éco-
“ nomie de main-d'œuvre. Le métal qui servira à
effectuer la soudure est déposé mécaniquement
en
- d'avance sur la boile. Celle-ci est placée dans la
“machine à souder (fig. 3), et un mouvement de
4 rotation amène le cou-
4 A vercle au-dessous du fer
: à souder, qui s'y appli-
Fig. 2. — Coupe que exactement.
; d'uneautresorte Dans les systèmes de
.B de boïte de con- : à
à serve soudée. — fermeture par serlis-
À nel ee sage, les deux lames de
è ? re précédente. fer-blanc à relier sont
fortement serrées l’une
-contre l’autre, et, pour assurer l'étanchéité, on
“ interpose entre ces deux lames une substance
D éemment malléable pour qu'elle remplisse
tous les interstices du métal. Cette substance est,
- en général, à base de caoutchouc. Elle est for-
mée par un mélange de bon caoutchouc Para,
de substances minérales et de fibres de chan-
vre. La partie minérale était, il y a quelques
années, à base d'oxyde de plomb, et cette sub-
stance, associée au caoutchouc, assurait une grande
4M. Aurientis, directeur des usines Potin, a bien voulu
nous donner de précieux renseignements sur cette question
et nous l'en remercions bien vivement.
REVUE GÉNÉRALE DES SCIENCES, 1901.
701
herméticité à la fermeture. Mais un règlement
d'hygiène a interdit, en France, l'emploi de com-
posés plombifères pour le sertissage, et on a rem-
placé l'oxyde de plomb par d’autres substances
minérales, notamment par de l’oxyde de fer.
Nous décrivons ici deux modes de fermeture par
— Machine Besse et Lubin à souder les boïtes de
conserves. — La boite à souder, munie de son couvercle,
est placée dans la position indiquée à gauche; par la
rotation de l'appareil, cette boîte est amenée au-dessous
du fer à souder automatiquement, comme on peut le
voir dans la partie droite de la figure.
Fig. 3.
sertissage. Dans le premier, le Jjoint est formé par
un bracelet de composition caoutchoutée, de coupe
rectangulaire, fixé sur le corps de la boite,'en des-
sous du rebord destiné à effectuer le sertissage.
Le couvercle, dont le rebord est environ deux fois
plus large que celui du corps, est mis en place
comme l'indique la figure 4, puis on procède à trois
15*
102
serrages successifs, qui donnent les résultats.indi-
qués dans les figures 5, 6 et 7.
Ces serrages successifs sont obtenus au moyen
de trois séries de molettes à profils différents et
appropriés aux résultats à obtenir. La boîte, animée
Fig. 4. Fig. 5.
X. ROCQUES — L'ÉTAT ACTUEL DE L'INDUSTRIE DES CONSERVES ALIMENTAIRES
tion du second procédé, qui assure une bonne étlan-
chéilé avec des joints à base de caoutchouc non
plombifère.
On a proposé de remplacer le joint de caout-
chouc par un joint en étain pur. Les figures 12 à 14
Fig. 6. Fig. 7.
Fig. 4 à 1.— Schémas montrant les coupes successives de la boïte, de son couvercle et du caoutchouc.— À gauche, on voit
le couvercle posé sur la boîte, le caoutchouc étant placé sous le rebord du corps de la boite. Les figures 5, 6 et 1 mon-
trent les résultats donnés par les 3 serrages successifs.
d'un mouvement rapide de rotation, passe succes-
sivement sous les trois molettes. Suivant les
Fig. 8.
Fig. 9.
montrent la manière dont s'opère le sertissage
dans ce cas. Le ruban d’étain, qui est collé sur le
Fig. 10. Fig. A1.
Fig. 8 à 11. — Coupe montrant les positions successives de la boïte et de son couvercle pendant le sertissage.
constructeurs, ces trois serrages successifs sont
obtenus sur le même appareil ou sur trois appa-
reils différents.
Dans le second procédé, le joint de caoutchouc,
au lieu de for-
pourtour du couvercle, a une épaisseur de 2/10 de
millimètre. Le sertissage s'opère à l'aide d’une
machine spéciale qui imprime à la boîte un mou-
vement de rotalion de 800 tours environ. Deux
molettes en
mer un bra- LÉ ESS acier trempé,
celet entou- * À profilées con-
rant le haut À venablement,
de la boite, Ÿ sont appli-
présente l’as- quées succes-
pectd'unmin- sivement sur
ce ruban col- la boiteetpro-
lé'au couver- duisentle ser-
ANR Fig. 12. Fig. 43. Fig. L4. ses
les trois ser- Fig, 12 à 14. — Coupes montrant la façon dont s'opère le sertissage au moyen d'un Les joints
rages Succes- ruban d'étain. de caoutchouc
sifs donnent
les résultats indiqués sur les figures 9, 10 et 11.
Le premier système de sertissage donnait d’ex-
cellents résultats quand on se servait de joints de
caoutchouc plombifères; il en a donné de mauvais
quand on a substitué à ceux-ci des caoutchoucs
non plombifères, et c'est ce qui a nécessité l’adop-
et ceux d'é-
tain ne sont pas les seuls qui puissent être uli-
lisés pour le sertissage. L'amiante en poudre four-
nirait, paraît-il, un joint excellent. Mais, jusqu'ici,
le joint de caoutchoue est le seul dont l'emploi
se soil généralisé.
Le procédé de fermeture par sertissage présente
a hs ti tente de de DES Se ns à Éd es de D
X. ROCQUES — L'ÉTAT ACTUEL DE L'INDUSTRIE DES CONSERVES ALIMENTAIRES 703
l'avantage d'être plus pratique que la soudure. Il
n'exige pas un personnel spécial dont les exigences
sont parfois un obstacle à une fabrication régulière.
\ L'étanchéité s'obtient
plus facilement par la
soudure; cependant, le
sertissage bien fait
donne aussi d’excel-
lents résultats.
Au point de vue éco-
nomique, le prix de
revient des boîtes sou-
dées à la main est bien
plus élevé que celui
des boites serlies. Le
prix de revient est
sensiblement le même
pour les boites serties
et pour celles qui sont
Ber. Soudées mécanique-
“Fig. 15. — l'ermelure
thoud (grossie 2 fois). — ment.
A, capsule de fer blanc: B, re .
disque de liège; C, face du Voici, suivant MM.
verre dépolie; D, flacon. Besse et Lubin, le prix
de revient comparatif
de 1.000 boîtes de conserves du type de la boite
“cylindrique, dite « demi-pois » (le prix du fer-blanc
non compris) :
SENISSAC PAM Ed e-N Ci 28 fr. 40
Soudage à la main . . . . . . . 66 fr. 20
ML IMÉCANIQUE.. 6 de 2OUIT- 20
Un des inconvénients du sertissage est de ne
pouvoir s’appli-
quer aux conser-
ves à l'huile, car ce
liquide altaque et
désagrège le joint de caout-
chouc. Il serait intéressant de
trouver un joint assurant l'étan-
chéité des boites de conserves
à l'huile.
On à proposé un grand nom-
E bre de procédés de fermeture
pour les flacons de verre des-
tinés aux conserves. Nous in-
diquerons quatre de ces pro-
cédés.
Les figures 15 à 18 repré-
Fig.16.— Zerme- Sentant la coupe des bocaux
ture Petit (gros- i a Ù p
LE ERIN munis de ces fermetures, nous
7 capsule de fer- en éviteront une longue des-
- blanc; B, feuille pti
À d'étain ; 4 face cription.
= deverredépolie; La fermeture Berthoud (fig.
D, rondelle en 13) s' loi Het
hrs ») s'emploie pour les flacons
… tré; E, flacon. de compotes de fruits. Le bou-
+ chon se compose d’une capsule
… en mélal avec un disque de liège s'appliquant sur
le goulot du flacon. Pour fermer, on porte le fla-
con muni de sa capsule dans une machine à sertir
à molette. Le flacon tourne rapidement, en même
temps que la capsule est fortement appliquée au
vase de verre. On sertit ensuite la capsule mélal-
lique au-dessous du goulot.
Cette fermeture est très bonne. Elle est recom-
mandable pour la confection des conserves de fruils
rouges, car il n'y a pas de contact avec le métal et,
par suite, il n'y a aucune crainte de bleuissement
des sirops.
On peut reprocher à ce système le peu de facilité
du débouchage.
Dans la fermeture Petit (fig. 16), sur le col rodé
du flacon vient s'appliquer une capsule de fer-blane
garnie à l'intérieur d'une feuille d'étain. Une ron-
delleencaout-
chouc feutré
assure l’étan-
chéité. Pour
rendre l'ou-
verture facile,
Fig. 17. — l'ermeture ae
Borde (gross. 2? fois). Ja capsule de
—A,capsuleenétain: fer porte deux
B. rondelle de caout- lletacési
ehouc feutré: C,bou- Mollelagesin-.
chon à vis en fer- lérieurs avec
blanc; D, bocal. Se 2
une partie dé-
tachée per-
mettant d'enlever, au moyen d'une
clef, une bande métallique. La ma-
chine à sertir est une machine à
quatre molettes tournantes, le flacon
restant fixe. En raison du contact
de la matière avec l’étain, on ne
peut employer cette fermeture pour les conserves
de fruits rouges.
La principale critique à faire à ce système, c’est
qu'il est nécessaire, pour que la fermeture soit
bonne, que tous les flacons soient exactement cali-
brés à la verrerie. Celte uniformité est difficile à
réaliser dans la pratique : aussi y a-t-il souvent
des fuites au cours du serlissage ou de la stéri-
lisation.
La fermeture Borde, ou fermeture pneuma-
tique (fig. 17), est un peu compliquée. Il faut ap-
porter un assez grand soin pour la réussir. Au
centre de la capsule en étain se trouve un petit
tube, également en étain, qui sert à l'évacuation
de l'air. Quand on juge que celle-ci est suffisante,
on pince le petit tube métallique pour l’obturer.
Dans ce système, il arrive que les vases de verre
ne sont pas toujours bien calibrés, ce qui occasionne
des fuites par suite de la mauvaise position du
caoutchouc. On ne peut aussi l'employer pour les
fruits rouges à cause du contact avec l’étain. Il
nécessite également l'emploi d'autoclaves spéciaux.
70%
X. ROCQUES — L'ÉTAT ACTUEL DE L'INDUSTRIE DES CONSERVES ALIMENTAIRES
Enfin, la fermeture Philippe (Gg.18) donne de très
bons résultats; elle est facile et rapide. Pour la sté-
rilisation des flacons bouchés par ce procédé, il est
nécessaire d'employer des cages à vis de pression
pour maintenir
les fermelures
pendant l'ébulli-
B :
4 Fig. 18. — JFer- VUOn.
meture Philippe Nousdonnons,
(grossie 2 fois). à
—A,capsuleen Pour terminer,
étain; Bfilécru; Jes coupes de
C, bague en s 4
caoutchoucélas- deux systèmes
tique; D, bague
en fer-blanc; E,
flacon.
de fermeture de
terrines (fig. 19
et 20) servant à
loger les conserves de foie gras
quand celles-ci sont destinées à une
assezlongue conservation ou qu'el-
les doivent ètre exportées.
Aucun de ces procédés de fer-
meture des flacons de verre n’est parfait, et il
reste là un problème intéressant à résoudre. Une
solution assez satisfaisante consisterait à trouver
NNNNNNNNNNNNRRNNNNNNNNNENNNNR
TILLL LILI 22
VLLLLLLL,
SIKKKKKKK
SNSNSJIQIQE
!
Fig. 19. — Fermeture Philippe pour terrines de foie gras
(grossie 2 fois). — À, capsule en étain; B, couvercle en
poterie vernissée: C, fil écru; D, bague en fer-blanc;
E, bague en caoutchouc élastique; F, terrine.
un bon procédé de soudure du métal sur le
verre. On pourrait alors terminer les vases de
verre par un col métallique, el sur celui-ei pour-
rait venir s'appliquer un couvercle soudé ou
serli, d'une manière analogue à celui des boîtes
de métal. $
En résumé, les desiderala de la fabrication des
vases destinés à contenir les conserves alimen-
taires sont, pour les vases de métal, de trouver un
bon vernis intérieur, et de perfectionner le sertis-
sage pour qu'il puisse se généraliser et s'appliquer
aux conserves à l'huile, et, pour les vases de verre,
| de trouver un bon procédé de fermeture.
$S 2. — Stérilisation.
Les boîtes ou les flacons de conserve étant pré-
parés de manière à réaliser les conditions d'étan-
chéité indispensables, il faut en stériliser le contenu.
|
Fig. 20. — Fermeture Weissenthauer, dit bouchage Phénix
(grossie 2 fois). — A, couvercle en poterie vernissée;
B, rondelle en caoutchouc feutré; C, bague en fer-blanc ;
D, terrine; E, capsule en étain.
Cette stérilisation s’oblient par un chauffage à une
température comprise entre 100 et 120° et pendant
un temps qui oscille entre quelques minutes et
plusieurs heures. La température et la durée de »
stérilisation varient, en effet, dans d’assez grandes
limites, suivant la nalure des substances à con-
server et suivant la grosseur des boites. Lorsque
cela est possible, il vaut mieux adopter une tem-
pérature de stérilisation assez élevée, car alors la
durée de l'opération peut être réduite dans une
grande proportion. La stérilisation à basse tempé-
rature à l'inconvénient d'exiger un Lemps très long;
elle est, par conséquent, onéreuse. De plus, elle ne
permet pas, autant qu'une stérilisation à plus haute
température, d'éprouver le métal des boîtes.
La stérilisation à température élevée offre tou-
jours plus de chance de réussite. On sait, en effet,
que les spores de certains ferments peuvent sup-
X. ROCQUES — L'ÉTAT ACTUEL DE L'INDUSTRIE DES CONSERVES ALIMENTAIRES
105
porter une température élevée sans être tués; les
spores du Bacillus filiformis, par exemple, ne sont
tuées qu'à 120°.
Les conserves que l’on veut stériliser à la tempé-
-ralure de 100° seu-
lement sont placées
dans un bain-marie
à l'air libre. Lors-
qu'on stérilise à une
tempéralure supé-
rieure à 100”, on
Be dans un au-
toclave. L’autoclave
Je plus communé-
ment employé a la
forme d'un cylindre
ertical (fig. 21),
dont la hauteur dé-
asse peu le dia-
“mètre. La ferme-
“iuresefaitau moyen
d'un couvercle mu-
ni de charnières,
quis'assujettil rapi-
dement au moyen
de boulons à oreil-
les. Les boites
“stériliser sont pla-
cées dans un pa-
nier métallique de
“forme cylindrique
‘qui s'emboile dans
‘autoclave.
Le chauffage est
obtenu par la va-
peur qui circule
ans un serpentin
à
n manomètre indique la pression de la vapeur
à l'intérieur de l'appareil; il porte comme gradua-
en ébullilion ; on laisse penda
vapeur d'eau s'échapper par un
[]
ñ
=
LL
Fig. 21. — Autoclaves servant à stériliser les conserves (Usine Félix
= Potin). — On voit, à gauche, un autoclave ouvert ; le panier métal-
lique servant à placer les boites est en partie hissé par le palan.
A droite, autoclave fermé.
place au fond de l’autoclave. | 23). C'est là le caractère des
présentent, au bout de peu de
sous une pression de 3 à 4 atmosphères, produite
par une chaudière quelconque.
L'eau entre bientôt
nt quelque temps la
robinet placé sur le
couvercle de l'auto-
clave, de manière à
purger complète-
ment l'appareil de
l'air qu'il contenait.
Cette précaution est
indispensable pour
obtenir à la lecture
du manomètre l'in-
dication exacte de
la température.
Quand on juge
l'opération termi-
on arrêle le
chauffage, on laisse
tomber
ment la pression,
puis on ouvre l'au
toclave et on enre-
‘tire les conserves.
À la sortie
l'autoclave, les boi-
tes sont bombées
par suite de la di-
latation de leur con-
tenu, mais, par re-
froidissement, ce
bombage disparait,
et les fonds pren-
nent, au contraire,
une forme légère-
ment concave (fig.
boites réussies; les
née,
complète-
de
boîtes mauvaises, que l'on nomme hoites-fuiles,
temps, un bombage
plus ou moins
ratures d'ébul- bonne flocheuse mauvaise accentué (fig.
lition de l'eau 25). Celui-ci est
sous pression d l'indice d’un dé-
La stérilisa- gagement ga-
tion se prati- zeux provenant
que d’une ma- d'une fermen-
nière très sim- Fig. 22. Fig. 93. Fig. 24. Fig. 95. tation ; la stéri-
« ple. Les boites Fig. 22 à 25. — Schémas des déformations d'une boîte de conserve. RU fig. 2 lisalion à élé
Dé lconserves Hontre la boite atantia stérilisation, ces roi schqmes 2 AL 6 (ONE NE insuffisante ou
sont rangées qu'elle est bonne, flocheuse ou mauvaise. il s'est produit
FL. ë
_ dans le panier
- métallique, et celui-ci, après remplissage, est
- hissé au moyen d'un palan et introduit dans
l'autoclave, que l'on a partiellement rempli d'eau.
- On met le couvercle en place, on l'assujettit,
… puis on fait arriver dans le serpentin de la vapeur
A
une introduction de germes
vaises, il y a aussi les boîtes
niconvexes; ilscèdentalternat
une fuite et
d’altération.,
En dehors des boiles nettement bonnes et mau-
nommées f//ocheuses
(fig. 24). Les fonds de ces boîtes ne sont ni concaves
ivement l’unetl'autre
106 X. ROCQUES — L'ÉTAT ACTUEL DE L'INDUSTRIE DES CONSERVES ALIMENTAIRES
sous la pression des doigts. Les boites flocheuses
sont, en général, bien stériles, et c’est, la plupart du
temps, à la mauvaise qualité du métal de la boite
qu'est dû cel accident; le métal manque de résis-
tance ou d’élasticilé. Ces boites ne sont pas mar-
chandes. Quand on constate leur présence dans
une fabrication, il faut s'assurer si la cause n’en
est pas une allération. Si la conserve est parfaite-
ment saine el si elle est bien stérile, on peut la sté-
riliser à nouveau après avoir piqué un fond, fait
sorlir l'excès de liquide ou d'air et fermé le trou
par une goutte de soudure. Cette opération n'est,
bien entendu, légitime, qu'autant qu'on s’estassuré
de la parfaite conservation du contenu de la
boite.
Il ne doit pas, dans une fabrication normale, y
avoir plus de 1 °/, de boites-fuites. Quant aux
boîtes flocheuses, il ne doit pas, en principe, y en
avoir.
Dans le mode de stérilisation que nous venons de
décrire, on n’élimine pas l'air, comme l'a [indiqué
Fastier dans la modification qu'il a fait subir au
procédé Appert. L'élimination de l'air se pratique
dans certains cas, par exemple pour les conserves
de viandes destinées à l’armée et à la marine, pour
les conserves de fruits en flacons, etc.
Pour les conserves de viandes, le couvercle de la
boîle porte en son centre unpelit massif d'étain de
forme sphérique,'Z (fig. 26), dont lamoitié est logée
dans une dépression obtenue par emboutissage,
l’autre moitié faisant saillie sur le plan du couvercle.
Au milieu de ce massifest ménagé un petit trou co-
nique d'environ 2 millimètres de diamètre moyen.
On chauffe les boites en les plongeant presque
complètement dans un bain de chlorure de calcium
chauffé à 120°. Le contenu des boîtes ne tarde pas
à entrer en ébullition et la vapeur sort par le petit
ZZ Z
NS,
C »
Fig. 26. — Schéma du mode d'élimination de l'air des con-
serves de viande. — B, massif d'étain pur percé d'une
ouverture; À, cheville d'étain pur; C, capsule de fer-blanc
empêchant le contenu de la conserve de venir boucher
l'orifice B.
orifice du couvercle. Quand on juge l'élimination
suffisante, on obture cet orifice au moyen d'une
petite cheville d’étain À (fig.26), qu’on enfonce au
marteau; on passe ensuile un fer à souder pour
fondre ensemble l'élain de la cheville et celui du
petit massif fixé au couvercle. On continue ensuite
la stérilisation à 120°.
Pour les fruils conservés en flacon, le système
Borde permet de faire l'élimination de l'air. Nous
avons dit que le couvercle d'étain était muni à son
centre d’un petit
tube capillaire 0
d'étain (fig. 27). /
Les flacons sont '
placés dans un WA III |
bain-marie que
l’on porte à l'é-
bullition, et, [A
quand on juge 22
que l’air a été éli- f)
miné suffisam- TITI III NTI III ID
ment, on serre
fortementletube #ig- 21. — Schéma du mode d'élimi
nation d'air des flacons de con
capillaire pour serves de fruits. — Le schéma
Robin 2 supérieur montre le petit tube
opLurer, puis d'étain placé sur le couvercle et ser-
on continue la vant à la sortie de l'air. Le schéma
PR RE inférieur montre le même tube qui,
stérilisation. lorsque l'air a été éliminé, a été
Voici, à titre aplati pour faire l'obturation.
d'indicalion, les
conditions de température et de durée de stérili=
sation de quelques-unes des principales conserves :
TEMPÉRATURE
de stérilisation PURÉE
Légumes.
\ 1150 20 min.
Pois (boite de 1 litre). . :. : = - i ou 1120 30
ou 105° 60
2 1150 10
Haricots verts (boîte de 1 litre). . ou 1100 15
ou 105 30
Haricots flageolets (boite de 1 lit.) . 1150 25
Champignons (boîte de 500 CAE 2
1ampignons (boîte de 500 gr.). . en t10e 20
= pre { 41450 30
SatCetOMeles Re Ÿ ou 110 40
Fruits.
Boîte ou flacon de verre. . . . . . 1000 30à45
Viandes.
Boite de 1 kilo (pour assurer la con- 1150 1h.45
servation pendant un an environ). ou 412 2h.
Boite de 1 kilo (pour assurer une
plus longue conservation) . . . . 118-1209 A1h.45
( 102-1050 45
Flacontdevertre mettre i ou 1080 10.
On sait que, pour effectuer la stérilisation, om
peut, au lieu de faire une seule chauffe à une tem-
pérature assez élevée, faire plusieurs chauffes suc=
cessives à des températures inférieures à celles
nécessaires pour tuer les spores et suffisantes pour
tuer les bactéries adultes ou en voie de développe
ment; et mettre entre les chauffages des inter:
X. ROCQUES — L'ÉTAT ACTUEL DE L'INDUSTRIE DES CONSERVES ALIMENTAIRES
707
valles permettant aux spores de germer sans leur
donner le temps de se reproduire.
C'est le principe de la méthode de Tyndall, que
M. Rosensthiel a appliqué à la préparation des con-
serves alimentaires (brevel pris en 1895).
Les substances à conserver sont enfermées dans
des vases clos. Elles sont stérilisées dans ces vases
par des chauffages répétés à des intervalles de 12 à
48 heures. Le nombre des chauffes dépend de la
température à laquelle on opère, et celle-ci est
adaptée à la substance qui doit être conservée.
Entre 70 et 90°, trois ou quatre chauffes suffisent.
A 60-709, il faut six chauffes, et à 53-607, il en
faut de six à douze. La durée de la chauffe est
qu'il ait d'ailleurs été appliqué à une fabrication
régulière.
IT. — TECHNIQUE SPÉCIALE.
Nous avons étudié, dans le précédent chapitre,
les conditions générales qu'il faut réaliser pour
assurer la conservation en vases fermés.
Nous devons dire maintenant quels sont les pro-
grès qui ont été faits dans la pratique des industries
de la conservation.
1. Léqumes et fruits. — Dans l’industrie des
| légumes, un certain nombre d'appareils permettent
——
nn
Fig. 28, — Machine Navarre
de une heure, comptée à partir du moment où l'in-
térieur de la masse est arrivé à la température
voulue.
Le procédé Rosensthiel présente l'avantage de
dénaturer beaucoup moins que le procédé ordi-
naire les substances alimentaires. On peut repro-
cher à ce dernier de cuire parfois d'une manière
excessive. La stérilisation à une température infé-
-rieure à celle dé la coagulation de l’albumine,
appliquée aux viandes, par exemple, laisse à
celles-ci un aspect bien plus voisin de celui de la
viande fraiche que la stérilisaiion à 120°.
Par contre, le procédé Rosensthiel a le grave
inconvénient d'être fort long et d’exiger un travail
très compliqué, puisqu'il faut faire de trois à douze
chauffes à des intervalles déterminés. Il y a là une
très grosse difficulté pratique qui risque fort d’em-
pêcher ce procédé de se répandre. Je ne crois pas
0
à écosser les pois.
d'obtenir un travail plus rapide et plus écono-.
mique ; l'écossage mécanique des pois, par exemple,
tend à remplacer, dans les installations d'une cer-
taine importance, à la main. On peut
aussi effectuer mécaniquement certaines opérations
pour lesquelles on employait autrefois la main-
d'œuvre manuelle ; le découpage des haricots verts,
le dénoyautage des fruits, etc.
La machine à écosser les pois,
M: Navarre (fig. 28),
pois à l'heure.
Le prix de revient de l’écossage mécanique (y
compris la force motrice) est de 5 fr. 50 à 6 francs
les 1.000 kilos de pois en cosses (soit 300 kilos de
pois écossés) tandis que le prix de revient de l’é-
cossage à la main est de 58 à 60 francs, soit dix fois
plus élevé
L'écossage mécanique a non seulement l’avan-
l'écossage
construite par
écosse environ 750 kilos de
708
X. ROCQUES — L'ÉTAT ACTUEL DE L'INDUSTRIE DES CONSERVES ALIMENTAIRES
tage d’être économique, mais aussi celui d'exiger
un personnel très restreint. Une machine à écosser
750 kilos à l'heure occupe 2 hommes et 5 femmes.
La machine à écosser se compose d’un tambour
cylindrique formé d'amatures métalliques en petits
fers à T sur lesquels se réunissent des toiles métal-
liques perforées. A l’intérieur, monté sur un arbre,
sont disposés trois croisillons portant à leur extré-
mité des tringles en bois disposées en hélice.
Les pois sont amenés dans l'intérieur du cylindre
et entrainés par un mouvement de rotation assez
rapide. En mème temps, et en sens inverse, tournent
les tringles en bois qui, en recontrant les cosses
pleines, les forcent à passer entre elles et entre les |
importance, car de sa réussite dépendent l'aspect et
la qualité du poisson conservé. S'il est insuffisant,
la dépense d'huile peut être du double ou triple de
ce qu'elle doit être normalement; de plus, le pois-
son manque de fermeté, et l'huile des boîtes prend
un aspect trouble et boueux. Si, au contraire, le
poisson est trop chauffé au séchage, les écailles se
lèvent, le poisson crève et jaunit.
M. Fouché a construit, pour cette dessiccation, un
séchoir méthodique à chariot dans lequel on peut
effectuer le séchage avec une grande régularité.
On procède ensuite à la cuisson dans l'huile.
Celle-ci se faisait autrefois dans de petites bassines
chauffées à feu nu. Or, pendant la cuisson, il se
LS
Ps
Fig. 29. — Crible Navarre pour classer les pois verts selon leur grosseur.
parois du cylindre perforé. Dans ce mouvement, les
cosses se trouvent roulées sur elles-mêmes et s'ou-
vrent, laissant libres les grains qui traversent le
cylindre métallique, tandis que la cosse continue à
ôtre entrainée et est chassée à une extrémité de la
machine. Les grains tombent sur une toile écrue
maintenue humide, qui les amène dans des augels
en bois où ils sont recueillis pour être passés au
crible classeur représenté par la figure 29.
$ 2. — Poissons.
La fabrication des conserves de sardines, dont
l'importance est très grande en France, a subi aussi
des perfectionnements qui permettent de réaliser,
dans de meilleures conditions qu'antérieurement,
le séchage et la cuisson.
Cette fabrication comprend trois opérations
essentielles : le séchage, la cuisson et l'ébullition.
La première opération, le séchage, a une grande
détache des poissons des débris d’écaille et des
fragments de chair qui se réunissent au fond de la
bassine et se carbonisent. Aussi l'huile prend-elle
D ne
À À
Fig. 30. — Chaudière à dos d'âne servant à faire frire les
sardines destinées à être mises en boîtes.
un goût désagréable, et il faut la renouveler assez
souvent.
M. de Lagillardare a réalisé un perfectionnement
important en imaginant la chaudière dite « à dos
X. ROCQUES — L'ÉTAT ACTUEL DE L'INDUSTRIE DES CONSERVES ALIMENTAIRES
709
d'âne ». Cette chaudière (fig. 30) est traversée dans
loule sa longueur par un bâli S, à la partie supé-
rieure duquel se trouve le carneau H, dans lequel
circulent les gaz chauds provenant du foyer. La
Chaudière AAKK est remplie d'huile. La partie supé-
rieure AA, soumise directement à l’action du feu,
est portée à une lempérature de 130 à 160°; on y
introduit les grils remplis de sardines à cuire. La
générateurs multitubulaires. Le chauffage à la
vapeur évite les coups de feu; il est done plus
régulier et a l'avantage de noircir beaucoup moins
l'huile.
Parmi les perfectionnements apportés à la fabri-
cation des conserves de poissons à l'huile, signa-
lons l'appareil emplisseur automatique de MM. Besse
et Lubin (fig. 32). Les boites contenant le poisson
Fig. 31. — Appareil Besse et Lubin pour emplir automatiquement les boïtes de conserves d'huile.
partie inférieure de la chaudière KK n'est pas
portée à une température supérieure à 80°; c'est
dans cette partie que viennent s'accumuler les
déchets, qui ne peuvent se carboniser.
On a perfectionné ce procédé de cuisson en
adoptant le chauffage à la vapeur. Celui-ci néces-
site l'emploi de générateurs à haute pression, car,
pour obtenir une température de 180°, il faut de la
vapeur à 10 atmosphères. On peut oblenir cette
pression d'une manière pratique par l'emploi de
sontsoudées, puis placées dans la grande caisse rec-
tangulaire de l'appareil dans lequel on à placé au
préalable la quantité d'huile nécessaire. On ferme
l'appareil, puis on y fait le vide. Comme on a eu
soin de ménager dans le couvercle des boîtes un
trou de 1 millimètre, le vide se fait dans celles-ci.
En faisant ensuite rentrer l’air dans l'appareil, les
boîtes se remplissent aussitôt par aspiration. On
enlève les boîtes, qui, pour plus de commodité,
ont été disposées dans un panier métallique, et on
710
X. ROCQUES — L'ÉTAT ACTUEL DE L'INDUSTRIE DES CONSERVES ALIMENTAIRES
ferme l'orifice au moyen d'une goutte de sou-
dure.
$ 3. — Viandes.
La fabrication des conserves de viandes a été
perfectionnée par M. Montupet. Voici quel est le
procédé ordinairement suivi pour la fabrication
des conserves de l’armée. On opère successive-
ment : 4° le blanchiment ou cuisson de la viande:
2° la stérilisation en
boites.
On commence par
préparer la viande;
pourcela,onretireles
morceaux de choix et
les parties grasses;
on enlève les tendons
à la concentration définitive par évaporation dansM
le vide.
L'autoclave servantàlacuisson est vertical (fig. 32)»
La viande est disposée sur lesplateaux perforés d'un
grand panier métallique. On chauffe à 415° pendant
une heure aumoyen de la vapeur. Onretire la viande
cuite, ainsi que le jus qu’elle a produit. On laisse
refroidir celui-ci pour le débarrasser de la graisse,
puis on le concentre.
L'appareil à concen-
trer (fig. 33) se com-
pose d'un évapora-
teur R à double en-
veloppe E remplie en
partie d’eau, muni à
la partie inférieure
et les os, et on coupe
la viande en mor-
ceaux de 500 à 800
grammes.
Le blanchiments'o-
père en placant la
viande dans des pa-
niers en tôle perforée
que l’on met dans
des chaudières à dou-
ble fond, chauffées
par la vapeur. On met
ordinairement dans
ces chaudières un
poids d’eau sensible-
ment égal au poids
de la viande à cuire
d'un serpentin de va-
peur S. Il est sur-
monté d'une tubu-
lure T, reliée au réfri-
gérant F. Ce réfrigé-
rant se compose d'un
serpentin et d’un ré-
cipient P muni d’un
tube de niveau NN.
Le bouillon à con-
centrer est introduit
dans le récipient R.
On ferme celui-ei et
on fait arriver la va-
peur par le serpen-
tin S. On porte le
bouillon à l’ébulli-
DL
et l’on fait trois opé-
tion et on continue
rations successives
celle-ci jusqu’à ce
de cuisson dans le
même bouillon; la
première opération
dure une heure, la |
seconde une heure l
un quart et la troi-
sième une heure et
demie.
On concentre en-
suite ce bouillon.
On remplit les boîtes, ‘qui doivent renfermer
800 grammes de viande (celle-ci a perdu par la
cuisson de 40 à 45 °/, de son poids) et 200 grammes
de bouillon concentré.
On stérilise les boîtes à 115-118° pendant une
heure un quart au moins.
M. Montupet a remplacé fort avantageusement le
blanchiment à l’eau et à l'air libre par la cuisson
dans la vapeur saturée et en vase clos.
Ce mode de cuisson présente l'avantage de don-
ner un bouillon déjà très concentré, qu'on amène
|
(LIT |
|
NW
2. — Appareil Montupet pour cuire les viandes sous pression.
que la vapeur sorte
d'une manière inin-
terrompue par la tu-
bulure E'. On ferme
alors celte tubulure
E', et on ouvre le
robinet G d'entrée
d'eau froide dans le
réfrigérant. Cette eau
condense la vapeur
qui existe dans le récipient P et dans le ser-
pentin F, et produit un vide plus ou moins grand,
qui permet de concentrer le bouillon à une
température inférieure à 400°. On extrait l’eau
condensée dans le récipient P au moyen d’une
pompe.
On concentre le bouillon au tiers de son volume ;
il pèse alors 5° Baumé à la température de 20°.
On remplit ensuite les boites en mettant dans
chacune d'elles la quantité voulue de viande et de
bouillon; on soude et on stérilise.
X. ROCQUES — L'ÉTAT ACTUEL DE L'INDUSTRIE DES CONSERVES ALIMENTAIRES
711
$ 4. — Lait.
La conservation du lait présente un grand inté-
rêt en raison de la facilité avec laquelle s’altère cet
utile aliment. Mais cette conservation est difficile à
réaliser dans de bonnes conditions. En effet, quand
on soumet le lait à la température de 108 à 110°,
nécessaire pour assurer la stérilisation, le lait
TN
AT
DNS
CIO
RKKKKKK
sente presque Lojours les inconvénients que ‘nous
avons signalés.
Le procédé Kuhn est préférable. Il consiste à
opérer la stérilisation dans un grand cylindre) à
| l'intérieur duquel est disposé un faisceau tubulaire,
Le faisceau tubulaire est argenté extérieurement
et le cylindre intérieurement. On remplit le cy-
lindre de lait, puis on fait circuler de l’eau chaude
Fig. 53. — Appareil Montupet pour concentrer le bouillon dans le vide.
jaunit ou brunit légèrement et il prend un goût de | dans le faisceau tubulaire. Le lait se dilate et fait
cuit; il perd donc les qualités qui le rendent appé-
tissant, sa belle couleur blanche etson goût naturel.
On prépare dans l'industrie des laits stérilisés et
des laits concentrés sucrés ou non sucrés en boîtes
métalliques.
Les laits stérilisés se préparent le plus générale-
ment en bouteilles munies d’une fermeture hermé-
tique, et la stérilisalion s'opère directement sur le
lait en bouteille. Dans ces conditions, le lait pré-
pression sur lui-même. On laisse s'écouler une
| petite quantité de lait, de manière à obtenir une
pression de 3 à 4 almosphères à une température
de 108-110°. Dès que la stérilisation est obtenue,
on cesse de faire arriver de l'eau chaude et on
remplace celle-ci par de l'eau froide, de manière à
ramener le lait le plus rapidement possible à la
température ordinaire. On soutire alors aseptique-
ment le lait dans des bouteilles, bidons, etc.
O0. CALLANDREAU — REVUE ANNUELLE D'ASTRONOMIE
La fabrication du lait concentré se pratique sur
une grande échelle en Suisse et aux États-Uunis.
On en prépare aussi en Suède et en Norvège.
En France, celte fabrication na pas pris
encore uve grande extension, et cependant
nous sommes placés à ce point de vue dans
une situation très favorable. C'est la pré-
paration du lait concentré additionné
de sucre qui est de beaucoup la
plus importante. On cherche
à développer la fabrication
du lait concentré non sucré,
qui se rapproche beaucoup
plus du lait naturel que le
lait est additionné de 12 à 13 °/, de sucre. On con-
centre ensuite dans de grands appareils à vide
analogues aux cuiseurs de sucrerie;
l'ébullilion a lieu vers 50° (fig. 34). Lan
concentration est terminée quand lan
densité est de 1,300. Il faut atteindre
celte densité pour que le lait ait la con-
sistance mielleuse exigée, et il ne faut,
pas la dépasser pour éviter la cristal-.
lisation du lactose. On fait refroidir,
puis on met en
boîtes. 100 litres
de lait donnent
10 boîtes d'une
lait concentré sucré, mais, livre anglaise
outre que la fabrication du fe (450 grammes),
lait concentré non sucré est à ce qui corres-
plus difficile, ce lait ne reste pond à un rende-
pas aussi homogène que le ment de 31,5 °/,
lait concentré sucré, qui à en poids.
une consislance visqueuse Lo AA A ELA
Quelle que soit la nature Dans un pro-
du lait concentré NC chain article,
qu'on se propose K nous examine-…
de préparer, il rons le dévelop-
est nécessaire de pement pris par
partir d'un lait _ HE l'industrie dont
très sain, frais, = : = nous venons d’é»
résistant bien à CS À ludier la Lech-
la coagulation. FSorremas Se nique, Mets
Aussi est-il de Fig. 34. — Appareil pour concentrer le lait dans le vide. essaierons aussi
toute nécessité d'indiquer l'im-
d'en faire l'essai préalable. Il faut aussi y doser
le beurre, car les laits riches en beurre se pré-
tent mal au travail de la concentration; dans le
vas de laits riches, on écrème partiellement. Le
porlance des problèmes d'Hygiène qui s'y rat-
lachent. X. Rocques,
Ingénieur-Chimiste;
Ancien Chimiste principal
du Laboratoire municipal de Paris.
REVUE ANNUELLE D’ASTRONOMIE
L'année 1900 a vu beaucoup de Congrès; il n'y
a pas eu de Congrès astronomique proprement dit.
Comme dédommagement, nous avons eu une ma-
gnifique réunion pour la Physique, sous la prési-
dence de M. Cornu. M. Ch.-Ed. Guillaume et
M. Lucien Poincaré ont déjà publié les Rapports pré-
sentés au Congrès : ces Rapports occupent trois
volumes.
MM. Guillaume et Poincaré! ont donné ici
même une idée des questions qui y ont été trai-
lées, en particulier de ce qui pouvait présenter un
! Cu. En. GuirLaume et L. Poixcaré : Le prochain Congrès
international de Physique, dans la Revue du 30 mai 1900,
t. XI, p. 669 et suiv.
intérêt spécial pour l’Astronomie et la Physique
générale.
La Conférence astronomique internalionale de la
Carte du Ciel, qui s'est tenue à Paris, à l'Observa-
toire, sous la présidence de M. Læwy, a emprunté
aux circonstances une importance parliculière. En
dehors des mesures à prendre pour assurer le suc-
cès de la Carte du Ciel, le grand problème de la
détermination de la distance de la Terre au Soleil
ou, comme on dit, de la parallaxe solaire, au moyen
des observations d'Eros, a sollicité l'attention de la
Conférence. M. Lœwy a cerlainement beaucoup
TE
0. CALLANDREAU — REVUE ANNUELLE D'ASTRONOMIE
contribué, par son activité scientifique, à la réus-
site d'une belle entreprise astronomique, sur
laquelle nous reviendrons tout à l'heure.
Je voudrais faire remarquer, en passant, à pro-
pos de la Carte du Ciel, fruit de l'initiative de
l'amiral Mouchez, combien l’idée de coopération
a fait de progrès parmi les astronomes depuis
une quinzaine d'années. A l'origine, les meilleurs
esprits concevaient quelques doutes sur la réalisa-
“tion du projet de l'amiral ; aujourd'hui, nous voyons
avec quel empressement se produit le concert
“ désiré. La science est dès lors en mesure d'attaquer
_ des problèmes qu'on aurait jadis qualifiés de chi-
-mériques. C'est ainsi que M. J.-C. Kapteyn, de Gro-
“ningue, dont le nom fait autorité, juge possible
“ d'aborder aujourd'hui la détermination des paral-
$ laxes des 800.000 étoiles inférieures à la dixième
“ grandeur, avec une erreur probable de 0",025. Il
“estime qu'une telle entreprise ne demanderait pas
- plus de temps et d'efforts que la Carte du Ciel et
* nous fournirait des matériaux suffisants pour l'étude
des parties de l'Univers stellaire les plus voisines
- de notre système. C'est aussi aux efforts réunis du
« D' Kapteyn et de sir David Gill, directeur de l'Obser-
vatoire du Cap de Bonne-Espérance, que nous
devons ce que les astronomes appellent la Zurch-
musterung photographique du Cap, catalogue des
- positions approchées des étoiles du ciel austral,
indispensable à tout astronome observateur de
l’autre hémisphère.
À peine les astronomes avaient-ils fini que les
membres du Congrès de Chronométrie prenaient
possession de la grande salle de l'Observatoire. Le
Congrès s’est tenu du 28 juillet au 4 août, sous la
» présidence de M. Caspari, l’un de nos vice-prési-
- dents. Les procès-verbaux sommaires font désirer
- une publication in exlenso dans un délai rappro-
ché. Plusieurs des communications, une en parti-
culier de M. Ch.-Ed. Guillaume sur l’ensemble des
propriétés des aciers-nickels susceptibles de trouver
- des emplois importants en horlogerie, offrent le
plus grand intérêt.
Une place à part doit être faite à la treizième
- Conférence de l'Association géodésique inlernatio-
nalé, qui s'est tenue à Paris du 5 septembre au
6 octobre, sous la présidence de M. Faye. Il faut lire
dans l'Annuaire du Bureau des Longitudes la note
que lui a consacrée M. Bouquet de la Grye !.
. L’Associalion, d'européenne qu’elle était d'abord,
est devenue universelle ou mondiale, pour employer
une nouvelle expression, par l'adhésion des États-
Unis, du Mexique, du Japon et en dernier lieu de
l'Angleterre. L'Association comprend aujourd'hui
Lun
Le
1 Voyez aussi G. Perrier : La treizième Conférence géné-
rale de l'Association géodésique interoationale, dans la Revue
des 15 et 30 novembre 1900,
113
21 Étals; il ne reste en dehors d'elle que la Chine,
avec la Corée et le royaume de Siam, puis les Répu-
bliques de l'Amérique Centrale et du Sud.
Je ne puis qu'énumérer en passant quelques-unes
des questions abordées au cours de séances qui ont
laissé dans l'esprit de tous uu souvenir ineffaçable :
la haute situation des délégués, l'élévation de leur
langage empreint d'une sincère cordialité, les
grands intérêls en jeu, tout cela faisait penser à
ces congrès fameux où sont débaltues les destinées
des empires
Sir David Gill, directeur de l'Observatoire du Cap,
est venu présenter un projet de mesure d'un arc de
méridien parlant de l'extrémité sud de l'Afrique el
aboutissant à Alexandrie. La différence en latitude
est de 66°, el rien ne s'opposera ensuite au prolon-
gement du réseau à travers l'Asie Mineure, pour
aboutir en Russie, au 66° degré de latitude nord.
IL à été parlé par M. Backlund, directeur de
l'Observatoire Central Russe, d’une autre grande
entreprise qui se poursuit dans les glaces du Spitz-
berg, et qui met à une rude épreuve l'énergie et la
persévérance des savants russes el suédois. Malgré
les dangers et les difficultés de toutes sortes, le
dévouement des observateurs va permettre de réa-
liser la mesure d'un are de méridien d'une longueur
supérieure à celle de l'arc de Laponie, dû jadis à des
Savan({s français qui s'appellent Maupertuis et Clai-
raut.
Dans la première séance, M. Leygues, minisire
de l'Instruclion publique, qui la présidait, assisté
de ses collègues de la Guerre et des Travaux
publics, avait, dans un éloquent discours, en sou-
haitant la bienvenue aux délégués, annoncé la vo-
lonté du Gouvernement français de procéder à une
nouvelle étude de l'arc du Pérou, opération deman-
dée depuis dix ans par l'Association.
Le général Bassot, qui aura la haute direc-
de cette grande opération, nous a montré com-.
bien la renommée scientifique de la France était
intéressée à cette nouvelle mesure de l'arc du
Pérou ou de Quito, avec quelles difficultés de
toutes sortes on aurait à lutter, difficultés de
nature à paralyser les efforts de savants qui ne
seraient pas en même temps doués de qualités
exceptionnelles d'énergie et d'endurance. L'entre-
prise se poursuivra par les soins du Service Géogra-
phique de l'Armée, sous les auspices de l'Académie
des Sciences, et, pour commencer, celui de ses
membres qui possède la plus haute autorité scien-
tifique, je veux dire M. H. Poincaré, a recu la mis-
sion de rapporteur. Sans perdre de temps, M. Poin-
caré s’est attaqué aux questions à l’ordre du jour
de la haute géodésie : les perturbations de la gra-
vité et les dévialions de la verticale. La Æevue a
publié in extenso, dans son numéro du 15 août
714
O0. CALLANDREAU — REVUE ANNUELLE D'ASTRONOMIE
dernier, son Rapport à l'Académie des Sciences !.
Cet arc de Quito, à la mesure duquel nosofficiers
vont se consacrer, sous la direction du comman-
dant Bourgeois, chef de la Section géodésique ?,
peut être considéré comme un chaînon d’un réseau
qui, partant de l'Océan Arctique, s'étendrait jus-
qu'au cap Horn, embrassant un arc de méridien
de 120°. Au Nord, les ingénieurs du Coast Survey
viennent d'achever de grands travaux; il y a peu
de semaines élaient publiés les résultats définitifs
concernant deux arcs d’une étendue inusitée : un
arc de parallèle, par 39° de latitude, qui s'étend de
la côte orientale de l'Atlantique jusqu’au Pacifique,
avec une amplitude de 49° et un développement
de plus de 4.000 kilomètres; un second arc qui
raltache le golfe du Mexique au Canada. Ils laissent
aux Canadiens le soin de prolonger le réseau plus
au Nord. Le Mexique, de son côté, poursuit, sous
la direction d’un Institut géographique, des travaux
de même nature. Il serait à désirer que les gouver-
nements de l'Amérique du Sud se rattachent officiel-
lement à l'Associalion géodésique.
Dans celte énumération rapide des grands tra-
vaux géodésiques de notre époque, ne saurait être
omise l’œuvre, tout récemment achevée, de l'un
des vétérans de la Science, M. Oudemans : la triän-
gulation de l’île de Java, poursuivie pendant de
longues années, en tenant compte des exigences
scientifiques de l’ordre le plus élevé.
Bien des questions d'ordre plus spécial ont
retenu l'attention du Congrès. Nous citerons la
variation des latitudes traitée dans le Rapport de
M. Albrecht, des communications de M. Cornu sur
un appareil appelé par lui nadirozénithal, et de
M. Ch.-Ed. Guillaume sur l’utilisation des alliages
d'acier et de nickel en Géodésie, le Rapport du
D' Helmert, directeur du Bureau central de l’Asso-
ciation, sur l’intensilé de la pesanteur ; enfin, les
questions qui se rattachent aux marées et au nivel-
lement de précision ont été traitées par M. G.-H.
Darwin, l'un des fils du grand naturaliste, délégué
de l'Angleterre, et par M. Lallemand, qui a été
chargé de faire, pour la prochaine Conférence, un
exposé général des recherches concernant les
opérations de nivellement.
IT
M. Lœwy à eu la bonne idée de profiter de la
présence à Paris des astronomes réunis à l’occasion
de la Carte du Ciel, pour élaborer et fixer le pro-
gramme des observations d'Eros, pendant l’oppo-
silion très favorable qui vient d'avoir lieu. I s'agis-
! Voir la Æevue du 15 août 1900, t. XI, p. 925 et suiv.
* Voir, pour plus de détails, la Revue du 30 mars 1901,
t. XII, p 249.
sait d'obtenir une détermination de la parallaxe
solaire d'une précision exceptionnelle, au moyen
des mesures micrométriques ou photographiques
de la planète, prises soit le matin et le soir dans un
même observatoire, soit dans des observatoires
appartenant aux deux hémisphères, à des latitudes
irès différentes. Le programme comprenait, en
outre, la détermination des positions d'un nombre
assez considérable d'étoiles de comparaison.
Pour faciliter la coopération de la trentaine d’ob-
servatoires qui avaient promis leur concours,
M. Lœwy à publié, au nom d'un Comité spécial,
une série de circulaires, contenant soit des rensei-
gnements utiles aux observateurs, soit des com-"
munications provisoires de ceux-ci concernant
leurs mesures. On y voit que M. Hermann Struve,
à Kœnigsberg, digne héritier d'un nom illustre, par
une seule mesure complète, en suivant la méthode
de la parallaxe diurne, obtient la parallaxe solaire
avec une incertitude moindre que 0",03. MM. Henry
ont, d'autre part, fait des recherches sur la préci-
sion qu'on peut attendre des mesures des épreuves
photographiques : l’incertitude semble du même
ordre que pour les mesures directes de M. Struve:;
elle paraît devoir augmenter notablement pour les
étoiles de comparaison d'éclat très faible.
Le résultat final, je veux dire une détermination
de la parallaxe solaire plus précise et plus sûre que
celle que nous possédons aujourd'hui, ne sera, je
serais disposé à le penser, que le moindre bénéfice
de l'entreprise. Il résultera, sans doute, de la
comparaison de tous les résullats obtenus par les
différents procédés une série d'indications pré-
cieuses de nature à assurer un progrès marqué des
méthodes d'observation, tant visuelles que photo-
graphiques.
Mais la tâche de discuter loutes les observations
sera fort lourde; elle nécessitera une forte dépense
et exigera beaucoup de temps. M. Læwy n'a pas
craint, au nom du Comité international, d'en
réclamer la responsabilité.
Eros nous ménageait encore des surprises : sa
variation d'éclat, qui avait plus où moins frappé les
observateurs dès le début, a été mise ensuite hors
de doute, el ce qu'on appelle la courbe lumineuse
est connu d'une manière assez approchée. Des
estimations de MM. J. Guillaume, Le Cadet et Luizet.
à l'Observatoire de Lyon; Montangerand et Ros-
sard, à Toulouse; Deichmuller, à Bonn...., aux-
quelles il faut ajouter, entre autres, une belle série
due à M. Hartwig, à Bamberg, et comprenant un
très long intervalle, il résulte une durée de la
période voisine de 2h. 38 m. 25 s., avec une ampli-
tude atteignant une grandeur. M. André, directeur
de l'Observatoire de Lyon, a indiqué qu'Eros peut
être regardée comme une planète double qui doit
DST
LT D ER LS
RE sr
+
L
0. CALLANDREAU — REVUE ANNUELLE D'ASTRONOMIE 71
26
Ja plus grande partie de sa variation lumineuse
actuelle aux éclipses réciproques de ses deux com-
posantes. Cette explication a paru peu probable
à quelques-uns; cependant, le savant le plus
autorisé dans la matière, M. E.-C. Pickering, ne
“rejette point les idées de M. André, Tout n'est
pas encore élucidé dans cette question, qui touche
de près, on le conçoit, à la Cosmogonie.
Je puis citer cette année comme s'étant livrés,
“i l'égard des petites planèles, à des recherches
“statistiques intéressant la Cosmogonie, M. de
“reycinet, le colonel du Ligondès et M. Jean
| Mascurt. A coup sûr, la séance de l’Académie où
illustre homme d'Etat exposa à ses confrères les
conclusions d'une étude qui complétait les indica-
“tions de-:Laplace, fut remarquée; les journaux en
_parlèrent. Il paraît par là qu'un philosophe ne peut
S'en tenir au terre à terre des questions de détail
et des notions susceptibles d’une vérification
“nathématique immédiate; il lui faut s'élever plus
haut, au risque de perdre contact avec les faits
expérience. Cependant, j'ai entendu M. Bertrand,
lillustre secrétaire perpétuel dont nous déplorons
perte, déclarer qu'il faisait bon marché de la
célèbre note finale de l'Exposition du système du
onde de Laplace. Les tendances actuelles, ce
goût qui nous a pris pour le fait d'expérience, je
dirais pour les possibilités dont le lien logique nous
chappe, et, par une suite naturelle, l'espèce de dis-
“erédit où est tombé ce qu'on appelait la théorie
pure, tout cela paraissait à M. Bertrand le signe de
dispositions fâcheuses de la part des écoles d’au-
jourd'hui. Quoi qu'il en soit, les astronomes sen-
ent, depuis une vingtaine d’années, s'ouvrir, gràce
“àla plaque photographique et au spectroscope, une
ère nouvelle pour l'astronomie sidérale. M. Ch.
ndré a été très heureusement inspiré en compo-
sant un traité destiné à initier le lecteur français
iux plus récentes conquêtes de la science.
III
L'étoile de Tycho-Brahé, parue en 1572 dans
Cassiopée, plus brillante que Jupiter, et visible
pendant seize mois à l'œil nu; l'étoile de Képler,
dans Ophinchus, en 1604, à peu près aussi brillante
“que celle de Tycho et visible pendant deux ans,
…. sont les manifestations les plus connues de cette
- curieuse classe de corps célestes, qu'on appelle
étoiles nouvelles ou Noræ.
… C'est à l’occasion de la neuvième découverte de
ce genre, pour T Couronne Boréale, aperçue en
1866 par l’astronome amateur Birmingham, que
l’on commenca, grâce aux indications fournies par
le spectroscope, entre les mains du D’ Huggins, à
obtenir des renseignements précis. T Couronne,
avant et après l'illumination subite qui en fit pen-
dant quelques jours une étoile de deuxième gran-
deur, était une des étoiles anonymes des zones
d'Argelander. Son spectre, soigneusement éludié
par Huggins, accusait fortement les raies brillantes
de l'hydrogène, comme s’il s'agissait d’un soleil
tel que le nôtre, avec, sur toute sa surface, des
explosions ou protubérances d'hydrogène incan-
descent.
La Nova, découverte ensuite par Schmidt, à
Athènes, en 1876, a une histoire analogue. Son
spectre a été étudié par notre collège M. Cornu,
puis par M. Vogel, de Potsdam, avec ce résultat
que le spectre, qui présentait l’apparence de deux
spectres superposés, l’un continu, l’autre formé de
raies brillantes, se rapprocha de plus en plus,
après la période du maximum, de celui des nébu-
jeuses. Nous voyons par là un mode de transition
entre deux classes de corps, qui paraissent d'abord
irréductibles l’une à l’autre.
A partir de 1893, la photographie est venue en
aide à l’observation directe, et les découvertes se
sont multipliées. Il est hors de doute que les Nova
ne se montreraient pas trop rares si l’on pouvait
suivre de près toutes les petites étoiles faibles; et
ilest aisé de pressentir l'importance, à ce point de
vue, de la photographie continue de l’ensemble du
ciel, à intervalles aussi rapprochés que possible,
telle qu’elle a été organisée, pour les deux hémi-
sphères, par l’éminent directeur de l'Observatoire
de Cambridge (États-Unis), M. E.-C. Pickering.
Je dois entrer dans quelques détails en parlant
de la dernière découverte due au D' Anderson,
d'Edimbourg, qui a signalé le 21 février 1901, au
commencement de la soirée, la Nova de Persée et a
estimé sa grandeur de 2",7 environ.
Dans une circulaire (n° 56), issue de l’'Observa-
toire du Collège Harvard, M.E.-C. Pickering résume
ce que les plaques du Service de photographie con-
tinue du Ciel nous indiquent pour la période anté-
rieure au 22 février. Il se trouve que des plaques
de la région de la Nova ont été prises les 2, 6,8,
18 et 19 février. Aucune étoile de onzième grandeur
n'élait visible à la place en question.
Les plaques prises àla lunette Bache, de8 pouces,
les 6 et 8 novembre et le 12 décembre 1887, n'in-
diquent rien. Aucune trace du même objet ne se
rencontre sur une plaque prise avec la lunette
Bruce de 24 pouces, le 18 octobre 1894, tandis que
les étoiles de 12,5 sont bien visibles.
Il parait donc qu'à la date du 19 février 1901 et
antérieurement, l'étoile était invisible, ou du moins
plus faible que la 11° grandeur Le 21 février, sa
grandeur était 27,7, d'après M. Anderson. Le 22 fé-
vrier, elle était de 0",5, et, après avoir augmenté
sans doute un peu d'éclat le 23, elle diminuait et
716 0. CALLANDREAU — REVUE
25
tombait le 25 février à 12,1. Son spectre, les 2 et
23 février, élait du type d'Orion, à peu près con-
tinu, traversé par de fines raies sombres. Dans les
vingt-quatre heures qui ont suivi, un changement
extraordinaire se manifesta, de sorte que le 24 fe-
vrier, le spectre ressemblait à celui des autres
Nov&. Il était traversé par des bandes brillantes
et sombres, et les principales raies sombres étaient
accompagnées de raies brillantes du côté le moins
réfrangible.
Sur les huit Novæ qu’on a vues depuis quatorze
ans, M. Anderson a découvert les deux plus bril-
lantes, celle du Cocher, en 1892, et celle dont :]
s'agit aujourd'hui; toutes les autres proviennent
de l'examen, fait par M®° Fleming, des photogra-
.phies du Draper Memorial.
Pour la Nova de l’Aigle, en 1899, la photographie
continue du ciel a aussi permis de reconstituer
son passé. On n'a pu la voir sur des plaques prises
le 1% novembre 1898 et auparavant, là où des
13% élaient visibles. Le 24 avril 1899, elle était de
On la note sur 18 pholographies prises
pendant l'été, et le 27 octobre 1899, elle était de
10%. En juillet 1900, quand on la découvrit, elle
était comparable à une étoile de 12". Les raies
brillantes HS, He, Hô, Hy, 4693, HB et la raie des né-
buleuses 5007 se montrèrent dans le spectre pho-
tographié le 3 juillet 1899. Finalement, les raies
se réduisaient, le 27 octobre 1899, à Hy et à 5007,
de sorte que le spectre était devenu celui d'une
nébuleuse gazeuse.
Il est malaisé de préciser les idées que les astro-
nomes se font de ces phénomènes. Il peut y avoir
— c'élait sans doute le cas pour la Nova du Cocher,
— des protubérances ou explosions gigantesques
sur un Corps unique, avec un caractère de persis-
tance plus ou moins marqué, dont le Soleil a offert
parfois des exemples; mais aussi, à en juger par
les indications dues à l'emploi du principe de
Doppler-Fizeau, il pourrait y avoir plus d’un corps.
M. Vogel (Astronomische Nachrichten, n° 3693)
assigne une vitesse d'environ 700 kilomètres par
seconde à l’ensemble des raies du spectre autres
que les deux H et K du calcium auxquelles corres-
pondrait une vitesse beaucoup plus faible : il y
aurait donc au moins deux corps; c'est aussi
l'opinion de M. Deslandres dans ses premières
notes des Comples rendus. M. George E. Hale, dans
7e
ANNUELLE D'ASTRONOMIE
le Bulletin n° 16 de l'Observatoire Yerkes, insiste
sur l’analogie avec la Nova du Cocher.
Les éloiles nouvelles appartenant pour les trois
quarts à la Voie lactée, là où la densité stellaire
est plus forte, la supposition de collisions de
masses cosmiques animées de vilesses différentess
est toute indiquée. Toutefois, les vitesses énormes
qu'il faudrait attribuer aux corps en mouvement,
comparables à un miilier de kilomètres par se
conde, d'après l'intervalle des raies, paraissent
excessives. Il est vrai que la variation de longueur
d'onde peut résulter, d'après les expériences de
Humphreys et Mühler (1896), d'une forte pression.
M. Wilsing, en faisant éclater l’étincelle disruptive
dans un liquide entre des électrodes métalliques
ou des électrodes de charbon, a constaté ques
l'aspect caractéristique des spectres des étoiles
nouvelles : raies doubles, composées d'une raie
brillante déplacée vers le rouge, et d'une raie
noire déplacée vers le violet, peut s'expliquer pars
l'influence de pressions anormales, développées.
subitement dans l'atmosphère d'un corps céleste à
noyau incandescent, aussi bien que par les phé-"
nomènes que provoquerait le conflit de deux corps.
Rien n'empêche d'ailleurs de faire intervenir les
deux causes à la fois.
En résumé, la Nouvelle découverte par les
D' Anderson à commencé par ressembler à la
Nouvelle du Cocher; peu après s'est accusé le
spectre caractéristique des raies doubles. Dans la
dernière période, l'éclat de la Nouvelle a diminué.
lentement, non pas d'une manière continue, mais.
en subissant des variations périodiques assez
régulières, el son speclre, malheureusement diffi-
cile à observer, a offert, comme dans plusieurs cas
antérieurs, les particularités des spectres des né-
buleuses, état vers lequel tendent, pourrait-on
croire, les Nouvelles. 500
Avec le temps seront précisées les indications
précédentes; l'étude des détails de l'univers sidéralm
ne fait que de commencer !.
0. Callandreau,
Membre de l'Institut.
Astronome à l'Observatoire de Paris.
1 Cet article reproduit avec quelque développement une
conférence de l'auteur récemment donnée à la réunion
annuelle de la Société Astronomique de France. C
BIBLIOGRAPHIE — ANALYSES ET INDEX
BIBLIOGRAPHIE
ANALYSES ET INDEX
1° Sciences mathématiques
—…_Buhl (A). — Sur les équations différentielles si-
_. multanées et la forme aux dérivées partielles
adjointe. (Thèse de Ja Faculté des Sciences de
Paris). — 1 broch. in-8°. (Naud, éditeur. Paris,
1904.)
Tous les mathématiciens connaissent le théorème de
“ Poisson que Jacobi a qualifié de théorème prodigieux
et sans exemple. Ce théorème, qui a fait l'objet de
nombreux travaux, donne une troisième intégrale d'un
système spécial d'équations différentielles appelé sys-
“ème canonique, dès qu'on connaît deux intégrales de
te système. É
— M. Buhl s'est proposé de découvrir pour un système
quelconque d'équations simultanées, non canonique, un
théorème général analogue à celui de Poisson. Le fait
qu'il doit exister un théorème de ce genre résulte de ce
qu'un système quelconque d'équations différentielles
—… peut toujours, comme l’a montré M. Kænigs, être réduit
«à la forme canonique. Mais celte réduction entrainant
des calculs souvent très longs quand on ne veut pas,
comme l'avait fait Liouville, introduire des variables
parasites, il est évidemment du plus haut intérêt de
posséder un théorème immédiatement applicable à
“ des équations de forme quelconque.
M. Bubhl est arrivé à énoncer ce théorème général
sous une forme des plus simples. Etant donné un sys-
… 1ème d'équations différentielles
__dXn
RENNES
C'
K, dx, dx
(1) x, Xe
— M. Buhl associe aux fonctions X,, X,, .…., X, d'autres
fonctions Y,, Y,, …, Y, dites adjointes, qui possèdent
“la propriété suivante : Si F est une intégrale du sys-
…tèrnce (1), l'expression
| Cr . dF
UE + Y, +... Yn
ACLE dXu
k “
# en est une autre; inversement à tout système (4) qu'on
sait intégrer, correspondent une infinité d'autres Sys-
“ièmes admettant X,, X,, .…, Xn pour fonctions ad-
jointes.
M. Buhl, après avoir établi les propositions fonda-
- mentales, en discute l'application et en indique des
exemples. Il fait voir sommairement comment cette
—…._ étude se rattache à la théorie des groupes de Lie et
… réseve le développement de cette idée pour un autre
_ Mémoire.
- Letravail de M. Bubl fait faire un progrès à lathéorie
des équations différentielles ordinaires : il constitue
… un pas en avant dans un domaine exploré par Poisson,
_ par Jacobi, par Joseph Bertrand, par Sophus Lie; il
… paraît appelé à rendre des services dans l'intégration
des équations de la Mécanique céleste.
M. Buhl a communiqué son théorème à l'Académie
des Sciences en février 1901 ; il est juste d'ajouter que
le même théorème se trouve dans un intéressant tra-
vail de M. de Donder, qui a été publié peu après la
Note de M. Buhl, dans les Rendi Conti del Circolo
Mathematico di Palermo, en 1901. P. APPELL,
Membre de l'Institut.
D'a
iesten ([.). — Annuaire astronomique de l’Ob-
servatoire royal de Belgique, pour 1901. — 1 vol.
in-16 de 246 pages, avec planches et un Supplément
formant À vol. in-16 de 200 pages avce planches.
(Prix : 3 fr.) Hayez, imprimeur. Bruxelles, 1901,
HEVUE GÉNÉRALE DES SCIENCES, 1901.
Holzmüller (G.), Directeur de l'Ecole royale de Mé-
canique de Hagen. — Die Ingenieur-Mathematik in
elementarer Behandlung T. Il : Das Potential
und seine Anwendung. — 1 vol. in-8° de 440 pages
avec figures. (Prix : 7 fr. 50.) B. G. Teubner, édi-
teur, Leipzig, 1901.
Ce livre, qui répond bien à son but, est divisé en
16 chapitres :
I. La loi d'attraction newlonienne. — II. La courbe
se l : ;
de la gravitation y — — et la notion de potentiel. —
IT. Attraction d'une couche sphérique homogène, d'ure
sphère pleine et d’une sphère creuse. — IV. Les tubes
de force les plus simples, et les surfaces de niveau; di-
vision cellulaire de l'espace et ses applications phy-
siques. — V. Les problèmes relatifs à plusieurs points.
— VI. Les équations de Laplace et de Poisson et leur
signification physique. — VIT. La méthode des images ;
de la symétrie et de l’inversion dans l'espace. — VII.
Distributions superficielles et distributions en volume,
centrées. — IX. Etude indépendante des problèmes à
deux dimensions, et du potentiel logarithmique. — X.
Les problèmes plans relatifs à plusieurs points ou à des
lignes. — XI. Considérations physiques sur le courant
galvanique et son potentiel. — XIT. Magnétisme. — XIII.
Actions électromagnétiques et électrodynamiques des
courants galvaniques, — XIV. Analogies hydrodynami-
ques : a. Généralités ; ». Mouvements tourbillonnaires ;
e. Marche des eaux souterraines d’après le professeur
Forchheimer. — XV. Compléments sur la gravitation
etl'électrostatique. Ellipsoïdes.— XVI. Unités et dimen-
sions.
Ce que la table des matières n'indique pas suffisam-
ment, c'est le nombre et la variété des problèmes
traités, et la valeur instructive qu'ils tirent de la sim-
plicité des méthodes et de l'emploi systématique de
figures (au nombre de 240) construites à l'échelle avec
soin. À cet égard, les chapitres 1x, x sont particulière-
ment riches. MARCEL BRILLOUIN,
Professeur de Physique générale et mathématique
au Collège de France.
2° Sciences physiques
Franche (Ch.). — Manuel pratique du fabricant de
vinaigre (Préface de M. Tricrar, Directeur du Ser- -
vice d'analyses et de Chimie appliquée à l'Institut
Pasteur). — 4 vol. in-8° de 281 pages avec 29 fiqures
dans le texte. (Prix : 4 fr. 50.) Bernard Tignol, édi-
teur. Paris, 1901.
L'industrie du vinaigre est, parmi les industries ali-
mentaires, une de celles dont les bases scientifiques
sont les mieux établies. Depuis que Pasteur en a posé
les fondements, l'étude chimique et bivlogique du phé-
nomène de l’acétification a été faite avec soin.
M. Franche s’est efforcé de les résumer clairement
dans la première partie de son livre; je souhaite que
tous les vinaigriers la lisent, car leur ignorance des
notions scientifiques est souvent la cause de leurs insuc-
cès de fabrication.
Après avoir exposé ces notions scientifiques géné-
rales, l’auteur aborde la fabrication du vinaigre. C'est
naturellement la partie la plus développée du Jivre, les
procédés et les appareils servant à l’acétification étant
nombreux. Il ne s’agit d’ailleurs ici que de la prépara-
tion du vinaigre par l’acétification du vin ou des liquides
alcooliques au moyen des ferinents acéliques. L'acéti-
fication obtenue chimiquement, au moyen de la mousse
de platine, par exemple, n'est pas du domaine pratique
15#*
718
et la iabrication de l'acide acétique par la distillation
du bois est une industrie différente, dans la description
de laquelle M. Franche n'est pas entré.
Si nombreux que soient les appareils servant à acéti-
fier le vin, on peut les classer de la manière suivante :
en premier lieu la méthode dite « d'Orléans » dans
laquelle l’acétification est obtenue en fûts, les bactéries
agissant seulement à la surface du liquide contenu
dans ceux-ci. Ce procédé a l'inconvénient d’être lent,
d'exiger une assez grande main-d'œuvre; il est par
conséquent, assez coûteux. On ne peut produire que
40 litres de vinaigre par fût et par mois, et le prix de
revient de l'opération est de 2 fr. 50 à 3 fr. 50 par hec-
tolitre. Par contre le vinaigre obtenu par cette acéti-
fication lente a un bouquet agréable et recherché.
Cela explique pourquoi, actuellement encore, le
vinaigre pur vin est fabriqué presque complètement
par le procédé d'Orléans.
Les procédés dits « rapides » n'ont, en effet, été
adoptés dans l'industrie que pour produire des vi-
naigres d'alcool. Le procédé d'Orléans, tel qu'on l'appli-
que, ne permet pas d'acétifier les dilutions d'alcool
contenant moins de 25 °/, de vin. Si l’on descend au-
dessous de cetle proportion, il faut ajouter des phos-
phates et des albuminoïdes pour que les bactéries acé-
tiques trouvent dans le liquide des aliments en quan-
tité suffisante,
Il faut dire aussi que le vin ne se prête pas à l’acé-
tification par les procédés rapides à cause des dépôts
de tartre et de colorants qui encrassent rapidement
les copeaux ou les corps servant à opérer la division
du liquide.
Le procédé d'Orléans a reçu de M. Claudon des per-
fectionnements importants, et cet inventeur a construit
un appareil rationnel d’acétification à grande surface,
en se basant sur les conclusions des travaux de Pas-
teur. On peut abaisser ainsi à 0 fr. 80 le prix de l’acé-
tification par hectolitre.
A côté du procédé d'Orléans, caractérisé par sa len-
teur, mais par la qualité du vinaigre qu'il permet
d'obtenir, il faut classer les procédés dits « rapides ».
Ceux-ci se distinguent par l'accroissement considé-
rable de la surface acétifiante et le caractère de conti-
nuité de l'opération.
On connait le principe de l'appareil allemand, ou
essighilder. C'est un grand cylindre de bois rempli de
copeaux, dans lequel le liquide alcoolique à acétifier
arrive à la partie supérieure pendant que l'air arrive à
la partie inférieure.
Les avantages du procédé allemand sont incontes-
tables; cependant, l'appareil tel qu'il a été conçu dans
sa forme primitive présente des inconvénients dont le
principal est un excès de circulation d’air, qui donne
lieu à une évaporation excessive, et, par conséquent, à
des pertes.
Knapp a fait une étude très soignée des conditions de
fonctionnement de l’essigbilder et il a indiqué les con-
ditions dans lesquelles il faut se placer pour éviter les
inconvénients du procédé. L'appareil qu'il a conçu,
ainsi que l'appareil Barbe, qui est utilisé dans plusieurs
fabriques francaises, réalisent un grand progrès dans
la fabrication du vinaigre d'alcool.
A côté des appareils du type allemand, il faut placer
les appareils du type dit « hollandais ». L'acétification
y est également obtenue sur une grande surface de
copeaux, mais ceux-ci au lieu d'être placés dans un
appareil fixe, garnissent des tonneaux qui sont animés
d'un mouvement de rotation. Le procédé Agobet, dit
procédé d'Orléans rapide, est basé sur ce principe et
permet d'obtenir en dix jours l’acétification complète
du liquide, alcoolique traité.
Enfin, nous signalerons les appareils à plateaux qui
sont des appareils continus, mais dont l'usage ne paraît
pas s'être répandu dans l'industrie.
Après avoir ainsi traité d'une manière très complète
la partie industrielle, M. Franche étudie le vinaigre au
point de vue chimique et fait la critique des méthodes
BIBLIOGRAPHIE — ANALYSES ET INDEX
d'analyse employées dans les laboratoires officiels,
Sa principale critique porte sur le rapport que l’on
admet entre la teneur en acide acétique et la teneur en
extrait sec. Ce rapport varie suivant la nature des vins
qui ont servi à la préparation de l'acide acétique. En
réalité, il faut tenir compte. des divers éléments du
vinaigre : tartre, acides fixes, cendres, etc., pour tirer
des conclusions de l’analyse. X. Rocques.
Ingénieur-chimiste,
Ancien chimiste pETeTE
du Laboratoire municipal de Paris,
Pozzi-Escot (M.-E.). — Les Diastases et leurs
applications. — 1 vol. in-8° de 218 pages de l'Ency-
clopédie scientifique des Aide-Mémoire. (Prix : bro=
ché, 2 fr. 50; cartonné, 3 fr.) Gauthier-Villars et
Masson, éditeurs. Paris, 4901.
Ce nouveau venu de la très intéressante et très utile
collection scientilique de M. Léauté s'adresse, comme
le dit son auteur dans la préface, non pas aux biolo-
gistes, mais aux ingénieurs et aux chimistes.
A ce titre, il ne traite ni des sérums, ni des venins,
passe sous silence une foule de ferments solubles dont
l'intérêt est exclusivement scientifique, mais étudie en
détail les diastases qu'on pourrait appeler industrielles.
Une série de chapitres sont consacrés à l’amylase, au
rôle de cette substance dans la Brasserie et la Distillerie,
au malt et à la maltase, aux mucors et amylomyces, à
la sucrase et à ses applications, à la zymase de
Buchner, etc. Les oxydases, dont le rôle apparaît tous
les jours plus important, font aussi l'objet d'un chapitre
spécial.
Toutes ces études sont précédées d’un exposé général
dans lequel se trouvent succinctement et clairement
exposées les principales notions relatives à la sécrétion,
à la classification, à la préparation, à la composition,
aux caractères et au mode d'action des diastases. Plu-
sieurs chapitres s’occupent même de la zymogenèse,
du dosage des diastases, enfin des interprétations nou-
velles qu’on a proposées des actions diastasiques.
Fortement inspiré de certains ouvrages sur les
mêmes sujets, particulièrement du beau Traité de Micro-
biologie de Duclaux, à la lecture duquel il prépare, ce
petit livre résume assez bien ce qu'il est essentiel de
connaître des ferments solubles. Il rendra certainement
service à beaucoup de praticiens, de ceux qui veulent
s'affranchir de la routine et cherchent dans les données
positives de la Science un guide vers le progrès.
GABRIEL BERTRAND,
Chef de service à l'Institut Pasteur.
3° Sciences naturelles
Lorin (Henri), Professeur de Géographie coloniale à
l'Université de Bordeaux. — L'Afrique à l'entrée du
vingtièmesiècle. Lettre-préface de M, Pierre FONGIN,
A vol. in-42 de xn-377 pages, avec carte, (Prix :
3 fr. 50.) A. Challamel, éditeur. Paris, 4901.
L'ouvrage de M. Heori Lorin sur l'Afrique n'est ni un
traité de géographie physique, ni une histoire de Ja géo-
graphie, ni une étude de géographie coloniale, et cepen-
dant c'est à la fois un peu tout cela. Il définit lui-même
son travail, « une étude, fondée sur la Géographie, des
problèmes que pose l'appropriation progressive de
l'Afrique noire par les puissances européennes; c'est,
si l’on veut, ajoute-t-il, un manuel des questions afri-
caines au début du xx° siècle ». Des notions de géogra-
phie physique et surtout de pluviométrie, de tempéra-
ture et de végétation; puis, des considérations sur les
indigènes; ensuite, un exposé de ce qui a été fait par
les Européens, et, enfin, des problèmes qui se posent
devaut eux, tel est le plan généralement suivi par l’au-
teur, dans chacun de ses chapitres. IL n'est pas facile
de diviser judicieusement l'Afrique. M. Lorin s'en est
habilement tiré en groupant les contrées qui présentent
des caractères physiques analogues. Il a ainsi partagé
| les régions africaines en quatre grands groupes : plaines
.
— Page
-vembre 1899 pendant l'expédition du colonel Wingate,
- mais le calife Abdullah, son successeur. — Page 353.
BIBLIOGRAPHIE — ANALYSES ET INDEX
équatoriales; plateaux du centre; Soudan et Sahara;
Afrique australe.
Nous avons relevé quelques inexactitudes, que nous
nous permettrons d'indiquer ici.
Page 136. Les Matabélés ne sont pas seulement appa-
rentes aux Zoulous, ce sont véritablement des Zoulous,
semblables à ceux qui habitent au nord du Natal. Au
commencement du xix° siècle, à l'époque du règne de
Chaka, un groupe de Zoulous se détacha de la nation
sous les ordres du chef Mosilikatsé et alla s'établir à
Vouest du Limpopo. Les premiers voyageurs Européens
qui les virent, notamment Andrew Smith en 1834-1835,
“les appellent indifféremment Matabélés ou Zoulous.
Page 178. L'Ounyoro et l’Ouganda n'ont jamais été
« liés politiquement au Soudan Egyptien par des expé-
- ditions militaires venues du Nord ». C'était bien le désir
du khédive Ismail Pacha, d'étendre sa domination
jusque-là, mais il ne réussit pas et ces pays restèrent
indépendants jusqu'à l’arrivée des Anglais. — Page 180.
Les premiers missionnaires anglais sont arrivés dans
Ouganda non pas en 1875, mais en 1877. — Page 181.
La British East Africa Company fut bien fondée en 1885,
-mais elle ne recut sa charte et par conséquent son titre
d'«imperial» qu'en 1888. — Page 217. La ville de
Sennar est située sur le Nil Bleu et non sur le Nil Blanc.
223. Ce n'est pas le Mahdi qui a été tué en no-
C'est non pas au xvii* siècle mais au xvin®, que des rela-
tions se sont établies entre les colons du Cap et les
. Cafres de l'Est, et au xix° siècle seulement entre ces
colons et les Basoutos. — Page 354. Les Griquas sont
-non pas des métis de colons européens et de femmes
cafres et basoutos, mais de colons européens et de Hot-
tentotes. — Page 355. Ce n’est pas par le Natal que les
Basoutos ont commencé à avoir des rapports avec les
Anglais, mais par le Nord, par la vallée du Caledon. —
Page 358. La première tentative des Anglais pour s’em-
parer du Cap a eu lieu non en 1780 mais en 1781. —
Même page. Ce n'est pas en 1795 que les Anglais s'em-
parèrent définitivement du Cap. Ils le conquirent alors
une première fois, le restituèrent à la Hollande en 1803,
après la signature de la paix d'Amiens, et le conquirent
une seconde fois en 1806. — Même page. Les républi-
ques boers furent fondées non seulement par les Boers,
qui quittèrent le Natal après l’occupation anglaise de
1842, mais encore par ceux qui étaient restés entre
l'Orange et le Vaal après leur départ du ,Cap, et qui
n'étaient pas allés au Natal. — Page 360. Ce n'est pas
en 1880 que le district diamantifère où s'élève aujour-
- d'hui Kimberley a été attribué à l'Angleterre par un
- arbitrage, mais en 1871. Signalons encore deux incor-
reclions orthographiques : Page vin, lire d'Abbadie et
non d'Abadie; page 181, lire Mackinnon et non Makin-
nou. Enfin nous exprimerons le regret que M. Lorin
n'ait pas cru devoir composer un index des noms géo-
graphiques cités.
Ces légers défauts ne doivent pas nous faire mécon-
naître les nombreuses qualités de cetouvrage. L'auteur
possède manifestement une érudition très étendue ; il
ne se laisse pas dominer par elle, mais en demeure
le maître, si bien que la lecture de l'ouvrage reste
toujours agréable et facile. Comme il fallait s’y at-
tendre dans un livre écrit par un professeur de géo-
graphie coloniale à l'Université d'une ville essentielle-
ment commercçante, ce sont les passages de géographie
économique qui nous ont paru le mieux venus.
Le livre de M. Lorin sera utile au public français, La
bibliographie africaine est déjà positivement immense,
et chaque jour elle s'accroît. Elle se compose principa-
lement de récits de voyageurs, dans lesquels il y a beau-
coup à prendre mais aussi beaucoup à laisser, et
d'études de détail composées par des géographes ou
des historiens. Il est nécessaire de synthétiser ces tra-
vaux pour les présenter aux personnes qui s'intéressent
aux questions d'Afrique, mais n’ont pas le loisir de lire
“out ce qui se publie. Le public anglais possède des
749
livres tels que The partition of Africa par Scott Keetie,
ou The colonization of Africa par Sir Harry H. Johnston,
le public allemand, l'Afrika de Sievers, dont M. Hahn
nous donne actuellement une nouvelle édition (rès re-
maniée. Nous sommes moins bien pourvus en France,
jusqu'à présent. Il faut louer M. Lorin, d’avoir, dans une
certaine mesure, remédié à cette lacune de notre biblio-
graphie.
Ajoutons enfin que dans unelettre-préface, M. Pierre
Foncin esquisse à grands traits les rapports séculaires
de la France et de l'Afrique, et insiste fortement et avec
raison sur la nécessité de la diffusion de la langue fran-
çaise parmi les indigènes. HENRtT DEHÉRAIN,
Docteur ès Lettres.
De Rocequigny (Comte), Déléqué au Service agricole
du Musée social. — Les Syndicats agricoles et leur
œuvre. — 4 vol. in-16° de 412 pages avec une carte.
(Prix : 4 tr.) A. Colin et Ci, éditeurs. Paris, 1904.
La loi du 21 mars 1884, relative aux syndicats profes-
sionnels, a eu pour conséquence de servir à grouper
dans les campagnes les agriculteurs désireux de s’en-
tendre pour étudier et défendre leurs intérêts. Le
{er juillet 1884, les syndicats étaient au nombre de 5;
le 31 décembre 1899, on en comptait 2.133 représentant
près de 500.000 adhérents. Ce résultat est à coup sûr
fort intéressant. M. de Rocquigny a fait l'histoire de ce
mouvement syndical dans les campagnes, et il nous
présente, dans son ouvrage, le tableau de ces progrès
aussi bien que l’énumération des services qu'ils peuvent
rendre au point de vue économique ou social. L'auteur
a consigné beaucoup de faits utiles à connaître dans les
400 pages de son volume; on devine sans peine qu'il
est très fervent admirateur des bons effets de l’associa-
tion et du groupement professionnel agricole. Son zèle
sincère et son optimisme convaincu ne nous paraissent
pas blämables; bien au contraire. La foi soulève des
montagnes et le scepticisme est stérile. Pourquoi nous
priver, d'ailleurs, du plaisir d'applaudir à des efforts
généreux, à des initiatives, désintéressées, à des succès
féconds?
Et il y à vraiment lieu de signaler les manifestations
diverses de toutes les activités louables en parlant des
syndicats.
M. de Rocquigny a très heureusement divisé son livre
en trois parties :
La première a pour objet l'étude des syndicats et des
groupes de syndicats appelés Unions.
Ces Unions sont au nombre de dix et se partagent la
France tout entière.
M. de Rocquigny signale également l'existence de
certains syndicats généraux qui s'occupent d'achats ou
de ventes, de publications, ou même de certaines cam-.
pagnes économiques.
Dans une deuxième partie, l’auteur parle du fonction-
nement des syndicats et des services d'ordre matériel
qu’ils rendent à l'exploitation du sol. Il s'agit d'achats
d'engrais industriels, d'instruments, de la vente en
commun des produits agricoles, etc., etc.
L'amélioration du bétail est citée comme un des
objets que se proposent les syndicats par l'achat de
bons reproducteurs, l'établissement de livres généalo-
giques, l'achat d'aliments provenant de résidus indus-
triels.
Dans une troisième partie, M. de Rocquigny décrit
les services économiques et sociaux du syndicat. —
Parmi ces services, il faut compter les publications, con-
férences, enseignement primaire; la fondation des
coopératives de production et de consommation, le
Crédit agricole, les Assurances, la Prévoyance, l'Assis-
tance, et la Défense collective des intérêts profession-
nels en toutes occasions.
Dans ses conclusions, l’auteur résume les œuvres
syndicales et en fait ressortir le mérite; il espère et il
croit que les Syndicats « ont donné aux classes rurales
une organisation qui leur manquait et les ont élevées à
une conception plus haute de leurs droits et de leurs
720
BIBLIOGRAPHIE — ANALYSES ET INDEX
devoirs. — Ils les ont affranchies — poursuit l’auteur —
des servitudes que de longs siècles d'ignorance, de
faiblesse et d'isolement faisaient peser sur eux... »
Nous ne sommes pas convaincu que les syndicats
aient fait tant de choses depuis seize ans. Notamment,
il y aurait lieu d'étudier les associations déjà existantes
avant 1884 et les raisons pour lesquelles le groupement
des cultivateurs est devenu plus utile. En somme, il est
inutile de discuter ici pareille question. Les syndicats
rendent des services, il faut le reconnaître, et louer
M. de Rocquigny de l'avoir très bien montré,
D. Zozra,
Professeur à l'Ecole d'Agriculture
de Grignon.
À treatise on Zoology, édité par M. E. Ray Lan-
KESTER, tuembre de la Sociète lioyale de Londres,
Correspondant de l'Institut, Directeur des Départe-
ments d'Histoire naturelle au British Museum. —
3° partie: The Echinoderma, par MM. P. A. Ba-
ther, Assistant au Département géologique du
British Museum, J. W. Gregory, Professeur de
Géologie à l'Université de Melbourne et E.S. Goo-
drich, Démonstrateur d'Anatomie à l'Université
d'Oxford. — 1 vol. 1n-8° de 344 pages avec figures.
Prix 15 fr. 65.) Adam et Charles Black, éditeurs,
Soho Square, Londres, 1901.
Cet important Traité de Zoologie est caractérisé sur-
tout par sa méthode rigoureusement taxonomique,
c'est-à-dire que les faits principaux de la morphologie
animale y sont exposés eu suivant l’ordre naturel
de la classification. À en juger par le volume qu
vieut de paraître, l'ouvrage ne sera pas seulement un
livre d'élude pour le serious student auquel 1l s'adresse,
mais encore el surtout un répertoire condensé de l'état
des connaissances zoologiques au début du xx° siècle.
Souhaitons que les dix volumes dont il doit se com-
poser se succèdent assez rapidement pour que les pre-
miers n'aient pas sensiblement vieilli avaut l'achève-
ment des derniers, et pour que l'ouvrage puisse
conserver dans son ensemble toute l'homogénéité dési-
rable, à une époque où la science évolue sans cesse et
où les théories, en particulier, vieillissent vite.
Le premier volume dans l’ordre d'apparition, mais
qui est en réalité le troisième de l'ouvrage, est consacré
aux Echinodermes, et ceux-ci sont divisés en deux
grands groupes : 1° Les Eleuthérozoaires, qui embras-
sent la presque totalité des formes actuelles, Oursins,
Astéries, et Holothuries. Les trois chapitres qui leur
sont consacrés sont trailés par J. W. Gregory et
E. S. Goodrich. 2 Les Pelmatozoaires. Ce sont les
Echinodermes fixés, qui ont eu leur plus riche épa-
nouissement pendant les temps primaires, et qui ne
sont plus représentés dans nos mers actuelles que par
quelques genres de Crinoïides. Leur histoire a été contiée
à la plume autorisée de P. A. Bather, et les deux tiers
environ du volume leur sont consacrés; c'est la pre-
mière fois, je crois, qu'un Traité de zoologie générale
lait une place aussi importante à des types fossiles.
Elle est parfaitement justiliée, du reste, non seulement
par le nombre et la variéte de leurs formes (quatre-
vingt-quatorze familles et plus d'un millier de genres sont
caractérisés où enumérés dans les quatre chapitres qui
les concernent), mais surtout par le fail que les Echino-
dermes sont aujourd’hui de toutes les grandes divisions
du regne animal la plus complètement isolée, saus
aucune de ces formes de passage que moutrent les
aulres groupes, el que seule l'étude atteutive des
iormes eteinces peut Jeter quelque jour sur les affinités,
sur l'origine et sur l'évolution du type Echinoderme
lui-même.
Partant de l'idée, assez contestable d’ailleurs, que
l'évolution larvaire doit reproduire les traits essentiels
de l’histoire généalogique des organismes, les z0olo-
gistes ont créé, en synthétisant les caractères communs
ue toutes les larves d'Echinodermes, un ancêtre hypo-
thétique, la Dipleurula, qui devait ètre un animal hbre
à symétrie bilatérale, de forme allongée, avec un grand
lobe préoral, un cœlome divisé en deux paires de vési="
cules dont l'antérieure débouchait au dehors par une
paire d’orilices (hydropores), et portait en arrière deux
prolongements en culs-de-sac, les deux hydrocæles
droit et gauche; dans l'épaisseur du tégument étaient
éparses des particules calcaires, Sans insister, peut
être sans croire beaucoup à la réalité objective d’un
organisme ainsi constitué, les auteurs du Traité regar-
dent néanmoins ces différents caractères comme pri-
nutils, et ils eu partent pour suivre, au milieu du dédale
des formes éteintes, les modifications successives de la
symétrie et la marche des différenciations qui ont
abouti à la diversité des formes actuelles. |
En premier lieu, l'Echinoderme primitif, libre jus-
qu'alors, s’est fixé par le sommet du lobe préoral, et un
peu sur le côté droit. Comme conséquence de cette
lixation, la bouche s'est déplacée et s’est portée jusqu'à
l'extrémité opposée devenue l'extrémité supérieure, en
entrainant avec elle les organes voisins dans un mou-
vement de torsion assez comparable à celu: des Gasté-
ropodes, au cours duquel j'hydrocæle droit a disparu.
En même temps, les spicules calcaires se multipliaient
et s'agrégeaient eu plaques irrégulières. C’est le stade
Pentactiæa, qui se retrouve au cours du développement
de l’Autedon, et c'est sous cette forme qu'apparait
l'Échinoderme le plus primitif connu, l'Aristocystis
bohemicus, de l'Ordovicien de Bohème; c'est un petit
corps pyriforme, fixé au sol par une de ses extrémités,
couvert de cent cinquante ou deux cents plaques irrégu-
lièrement polygonales, dépourvu de tous appendices,
bras ou tentacules, sans trace encore de symétrie
radiaire. Tous les Amphoridés sont construits sur cer
plan.
Dans leur descendance immédiate, apparaissent w
d'abord trois, puis, par bifurcation des deux laté-
raux, cinq sillons superliciels, probablement cilliés,
rayonnant autour de la bouche, avec différenciation eu
régularisation des plaques de test sur leur trajet, avec
souvent des ramilications secondaires des sillons se
prolongeant sur des « brachioles » saillantes, articulées,
plus ou moins allongées, c’est la première ébauche de la
symétrie radiaire, conséquence de la vie fixée (Rhombi-
feres, Aporites, Diploporites). Cette symétrie pentamère
s’accentue chez les Blastoides, par la régularisation des
sillons et le groupement délini des plaques du test en
deltoides, basales, radiales. Et, enfin, de véritables
« bras », développés au sommet des plaques radiales,
parcourus par les troncs nerveux, les canaux ambula-
craires, Les cordons génitaux, se forment chez les Cri-
noides comme ditférenciation ultime du type pelma-
Lozoaire.
Mais, dès le début des temps primaires, il s'était
détaché de la souche commune un autre rameau dont
l'évolution a été bien différente; c’est lui qui a abouti
aux Eleuthérozoaires actuels. Les Edrioastéridés au
début ont encore des Amphoridés primitifs le corps
sacciforme, dépourvu d’appendices et fixé par un point
indeterminé de sa surface. Mais les cinq sillons ambu-
lacraires qui rayonnent autour de la bouche sont
couverts chacun d'une double rangée de plaques
exothécales, et entre elles font saillie au dehors des
podia où tubes ambulacraires, divertuicules des canaux
aquifères sous-jacents, qui sont complètement étran-
gers au type précédent. U'est la première apparition du
type d'ambulacres caractéristique des Echinodermes
actuels à vie libre, qui tirent ainsi tous leur origine des
anciens Pelmatozoaires sédentaires. Un Edrioastéride
typique (Stromatocystis, Édrioaster), vu par sa face
orale, ressemble entièrement à une Astérie dont les
bras ne se seraient pas encore prolongés au delà du.
disque. On peut mème ajouter que c’est l'acquisition
de ces appendices ambulacraires souples etcontractiles,
dont l'extrémité a pu se différencier en ventouse pour
la locomotion, qui a permis le retour à la vie vagabonde,
à la libre recherche de la nourriture, et l’épanouisse-
ment du type éleuthérozoaire en formes de plus en plus
c
BIBLIOGRAPHIE — ANALYSES ET INDEX 124
multipliées, alors que le type pelmatozoaire sédentaire
et immobilisé était de ce fait relativement frappé de
_ caducité.
— Les Astérides sont probablement le dernier groupe
issu directement de formes fixées : l'Asterina montre,
“en effet, dans son développement embryonnaire, une
Janv pentactæa fixée par le lobe préoral et se recour-
‘bant ensuite sur la face ventrale pour amener la bouche
“en bas, avant d'assumer de nouveau la vie libre et de
développer ses cinq bras. Les Holothurides ont dù se
“détacher de la souche commune à un stade plus pré-
coce, avant le complet développement du système sque-
Jettique et avant l'achèvement de la symétrie pentamère,
car l'organe génital est encore unique, et, d’ailleurs, les
deux rangées ambulacraires latérales du trivium se
développent plus tardivement que les trois autres.
uant aux Echinides, ils se sont probablement détachés
peu près en même temps et de la même manière que
les Holothuries, car la Paléontologie enseigne que les
remiers Oursins (Bothriocidaris, Echinocystis) avaient
un corps flexible, à paroi musculaire, et couvert d'un
revêtement uniforme de plaques irrégulières, parmi
lesquelles les cinq doubles rangées de plaques ambula-
craires ne se distinguaient des autres que par la pré-
sence des pores pour le passage des podia.
…— Mais il est à noter que toutes ces différenciations se
sont produites rapidement, car tous les principaux
types d'Echinodermes sont déjà représentés dès le
Silurien inférieur.
. On trouvera, dans le chapitre consacré aux généra-
lités sur les Echinodermes (chap. vu), l'exposé des
particularités anatomiques des formes actuelles qui
ont été longtemps regardées comme énigmatiques,
mais qui s'éclairent à la double lumière de l'Embryo-
génie et de la Paléontologie, et qui s'interprètent aisé-
ment par la théorie de l’évolution dont je viens de résu-
mer les grandes lignes et les principaux arguments.
G. Pruvor.
Directeur du Laboratoire de Banyuls.
4° Sciences médicales
Jacquet (L.), Médecin des Hôpitaux. — Alcool. Ma-
ladie. Mort. (apport sur l'alcoolisme dans les hôpi-
taux parisiens, lu à la Sociélé médicale des Hopi-
taux). — Bull. de la Soc. méd. des Hüp., Paris,
- décembre 1900.
Le D' Jacquet dénonce le péril alcoolique dans toute
sa gravité. Il en étudie les causes et les modaïités, en
détermine les conséquences pathologiques directes et
indirectes et préconise les premières réformes que l'on
doit accomplir pour combattre le fléau.
» La lutte contre l'alcoolisme, dit-il, est le premier
devoir social de ce temps. C'est une question de vie ou
de mort pour la population francaise, stationnaire, et
la plus alcoolisée du globe. :
Comme exemple particulier de ce grand péril social,
“le D' Jacquet résume les observations faites sur 4.74%
malades répartis en 23 services de différents hôpitaux,
“et représentant au point de vue morbide l'ensemble de
la population parisienne. Ont été considérés comme
- alcooliques, seuls les malades présentant des stigmates
ou avouant absorber chaque jour au moins un litre et
demi de vin et deux petits verres ou apéritifs,
$ Les femmes, qui représentent près d’un tiers du total
- général, comptent 10 v/, d’alcooliques ou alcoolisées.
—…. Cette proportion est très inférieure à la réalité, car les
_ femmes nient toujours s'alcooliser, et, d'autre part, les
… stigmates sont inconstants. L’alcoolisation féminine, fai-
— ble jusqu'à ces dernières années, progresse rapidement.
| Les 4.744 malades se répartissent en 3.416 consul-
“lants et 1.328 hospitalisés; 23°/, des premiers et 47 °/,
des seconds sont alcoolisés ou alcooliques; l'écart de
ces deux pourcentages est significatif.
_ Sous quelles formes se fait l’intoxication? La con-
sommation du vin et celle même de l’eau-de-vie et du
rhum tendent à s'accroîlre suivant une progression
- moins rapide que celle des boissons à essences, apéri-
tifs, amers et quinquinas, mensongèrement proclamés
hygiéniques. Mais l'absinthe les distance tous; elle de-
vient par excellence la boisson nationale; elle s'infiltre
dans la bourgeoisie et ruisselle dans la classe ouvrière.
La qualité, le degré de pureté de ces breuvages est
de mince importance: la quantité des impuretés est
trop faible pour être très nocive. L'alcoolisme est ques-
tion de quantité bien plus que de qualité. Et toutes les
mesures législatives visant uniquement la rectification
sont d'avance frappées d’absolue insuffisance.
Quelle est l'expression pathologique de l'alcoolisme ?
Sur les 30 °/, de ces malades intoxiqués, 5 °/, sont
frappés d'affections spéciales, ou peu s’en faut, à l'alcool:
gastrites, affections du foie, paralysies, etc., les autres
sont atteints de maladies banales, qui trouvent en eux
un terrain facilement attaquable et destructible; leur
morbidité totale est fortement accrue, surtout sous la
forme tuberculeuse : 88 à 90 °/, des phtisiques sont, en
ellet, alcooliques.
Les statistiques anglaises citées par le D' Jacquet font
ressortir la plus grande morbidité des alcooliques et la
résistance des sujets sobres. Les manouvriers et les
cabaretiers subissent une mortalité plus de deux fois
supérieure à la moyenne; celte mortalité est due, pour
près des deux tiers, à l’alcoolisme ou à ses complica-
tions, et pour le resté, à la phtisie.
A Paris, où la consommation d'alcool a quintuplé en
vingt ans, le maximum de mortalité s'observe, comme
à Londres, parmi les professions intempérantes, et la
phtisie y exerce de grands ravages. Pourtant, la mor-
talité parisienne est en diminution; mais, si son taux
s’abaisse pour un certain nombre de maladies infec-
tieuses, il s'accroît fortement pour quelques maladies,
qui, comme la cirrhose du foie et les népbrites, relèvent
plus particulièrement de l'alcool. La phtisie à subi un
recul, mais des plus modestes, et bien moins accentué
que dans le reste de l'Europe. Enfin, la nalalité décroît,
tandis qu'elle reste forte dans les autres pays.
La suralcoolisatioe se répercute sur le budget de l’As-
sistance publique. Tandis que de 1878 à 1896 la popu-
lation parisienne augmentait de 23 °/,, les dépen-es du
service de santé s'accroissaient de 57 °/,, et le chiffre
des secours à domicile doublait, ou peu s’en faut, d’où
une élévation de budget de 1# millions 1/2. Quant aux
asiles d'aliénés, leur clientèle s'élevait de 450.000
à 700.000 malades.
Les médecins, il faut l'avouer, sont un peu respon-
sables de cette poussée alcoolisatrice. Exagérant la
vertu thérapeutique de l'alcool, ils ont prodigué les pré-
parations alcoolisées, nocives et très onéreuses et
prescrit à outrance Le vin de Champagne, dont la con-
sommalion progresse rapidement. Cette alcoolisation
médicamenteuse encourageant l’alcoolisation univer-
selle, devait facilement entrainer une alcoolisation
administrative: les infirmiers recoivent une allocation
quotidienne de rhum, faible, mais bien inutile. ‘
Le danger est done multiple et pressant. Les conseils
individuels sont vains; il faut organiser une action
collective. L'alcoolisation médicamenteuse due aux mé-
décins disparaîtra par leur effort : plus de potions
alcoolisées, ni de vins médicamenteux. Une simple
décision directoriale supprimera l’alcoolisat‘on admi-
nistrative, un lieu convenable de réunion offert aux
infirmiers pour y passer les heures de loisir, les atti-
reràa hors du cabaret.
Le grand alcoolisme politico-social est plus difficile
À combattre, même sur le seul terrain hospitalier. Il
faut, avec insistance, répéter aux ouvriers que l'alcool
ne donne pas de forces, mais seulement surexcite, et
est, en réalité, un poison. L'auteur propose de distri-
buer à chaque sortant de l'hôpital un mémento suceinet
des dangers dont l'alcool, sous ses différentes [ormes,
menace aussi bien l'individu que sa descendance. Une
Commission permanente de l'alcoolisme, veillant à
l'exécution des rélormes adoplées, en préparant de
nouvelles, assurerait la continuité et la progression de
l'effort antialcoolique. F, TRÉMOLIÈRES.
ACADÉMIES ET SOCIÉTÉS SAVANTES
ACADÉMIES ET SOCIÉTÉS SAVANTES
DE LA FRANCE ET
ACADÉMIE DES SCIENCES DE PARIS
Séance du 1°" Juillet 1901.
4° SCIENCES MATHÉMATIQUES. — M. G. Bigourdan com-
munique la liste des nébuleuses nouvelles qu'il a dé-
couvertes à l'Observatoire de Paris. — MM. Doué et
Rivet ont observé en mer, entre Tahiti et Panama, la
comète de mai 4901. — M. A. Seligmann-Lui donne
l'interprétation mécanique suivante du second prin-
cipe de la Thermodynamique : Soit un système en
mouvement permanent. Si l’état d'équilibre vient à ces-
ser par suite d'une modification infiniment petite, le
système tendra à prendre un état d'équilibre nouveau.
Ce déplacement se fera dans le sens des forces agis-
santes, qui produiront un travail positif, de sorte que
l'énergie cinétique du système ira toujours croissant.
20 ScrENCES PHYSIQUES. — MM. J. de Kowalski et J.
de Modzelewski ont calculé les indices de réfraction :
des mélanges de liquides par la loi des mélanges, et
out obtenu des résultats concordant avec l'expérience.
Pour les constantes diélectriques, on trouve au con-
traire des anomalies qui s'expliquent en admettant que
c'est l'absorption dans l’infra-rouge qui change dans
ces mélangesd'une manière irrégulière. — M. F. Lar-
roque a reco nu que les ondes hertziennes émises par
certains masnfs orageux étaient susceptibles de par-
venir par propagation successive à des distances énor-
mes en suivant la moyenne et la haute atmosphère. —
M. M. Berthelot a constaté que le rapport entre une
molécule d'acide phosphorique combinée et le nombre
d'équivalents des bases alcalino-terreuses qui concou-
rent à saturer cette molécule dans les phosphates pré-
cipités, varie depuis 2 jusqu à 4 équivalents, suivant la
nature et les proportions relatives des corps mis en
présence, acides et bases libres ou combinées, chlorures
alcalino-terreux, etc, Ces variations sont d’ailleurs
fonction du temps écoulé depuis le commencement des
réactions. — MM. A. Astruc et J. Tarbouriech ont re-
connu que la saturation de l'acide arsénique et de
l'acide phosphorique par les bases alcalines ne présente
pas de différences sensibles ; au contraire, elle diffère
sur plusieurs points avec les bases alcalino-terreuses;
en particulier, le sel trimétallique obtenu à froid et en
liqueur étendue par l'acide arsénique, en présence des
alcalis et d’un excès de chlorures alcalino-terreux, se
transforme en dimétallique dès qu'on sature l'excès de
base par un acide titré, ce qui n’a pas lieu pour l'acide
phosphorique.— M. H. Moissan indique la préparation
et les propriétés de la fonte de niobium (p. 726). —
— M. A. Helbronner, en faisant réagir un éther de
l'aldéhyde G-oxy-«-naphtoïque sur le camphre sodé, a
obtenu l’éthoxynaphtalcamphre :
= CH — C'°HS — OC°H*
œuu£ Ÿ
SN CO
Par réduction, il fixe deux H à la double liaison. —
MM. A. Seyewetz et G. Blane ont obtenu, en mélan-
geant le tétrazotolylsulfite de soude avec l’éthylnaphty-
lamine-$, une combinaison non colorante qui, après
avoir été isolée, est susceptible de donner, sous l'action
de la lumière, la même matière colorante que le mé-
lange prolongé des réac'ifs. — M. G. Martine a cons-
taté que le menthol sodé se comporte comme le bornéol
sodé vis-à-vis de l’aldéhyde benzoïque, et qu'il donne
de la benzylidènementhone. La réaction se passe néan-
moins en partie suivant l'équation donnée par Claissen.
DE L'ÉTRANGER
La benzylidènementhone peut aussi être obtenue en
traitant la menthone sodée par l’aldéhyde benzoïque.
M. Fr. March, en faisant agir la bromacétophénone
sur l'acétylacétone sodée, a obtenu une tricétone
(CH3.CO0)?CH.CH?.CO.C'H"; c’est le diacétylbenzoylmé-
thane. 11 est décomposé par la soude en acétophénona-"
célone eten acide acétique.— M. F. Leteur, en faisant
passer un courant de H°S dans une solution chlorhy-
drique d'acétylacétone, a obtenu un corps cristallisé,
fondant à 162°-1630,5, de formule (C'H*S?}?. — M. H.
Hérissey a constaté l'influence, nettement favorable,
qu'exerce le fluorure de sodium dans la digestion, par
la séminase, des hydrates de carbone des albumens «
cornés; en qualité d'antiseptique, il empêche, en outre,
l'invasion des microorganismes. — M. H. Causse indi-
que une nouvelle réaction caractéristique des eaux
pures. Lorsqu'on y verse une solution sulfureuse et
incolore de violet cristallisé, la couleur primitive réap-
paraît, surtout si l'on chauffe à 35-400, Avec les eaux
souillées ou contenant de l’oxysulfo-carbonate de fer, la M
coloration ne réapparaît ni à chaud, ni à froid,
30 SCIENCES NATURELLES. — MM. A. Charrin et G.
Delamare ont observé des tares cellulaires précises
et identiques chez des ascendants et des descendants.
Toutefois, on ne peut conclure forcément à l'inter-
vention de l'hérédité cellulaire, car il se peut que, chez
la mère et l'enfant, les mêmes groupes cellulaires aient
été soumis à l’action altérante des mêmes agents mor-
bifiques. — M. M. Nicloux a constaté, par des expé-
riences sur le cobaye et le chien, que l’oxyde de carbone
respiré par la mère passe du sang de la mère dans
celui du fœtus. Il n'y a pas simple diffusion, mais
dissociation, au niveau du placenta, de l'hémoglobine
oxycarbonée contenue dans le sang maternel.—MM. De-
noyès, Martre et Rouvière ont constaté que les
courants de haute fréquence agissent sur la sécrétion:
urinaire en produisant une augmentation du volume
d'urine, de l’urée, de l’acide urique, de l'azote total,
du rapport azoturique, des phosphates, des sulfates et
des chlorures éliminés en vingt-quatre heures. — M.P.
Vignon pense qu'en dehors des cas où la présence du
granule appelé centrosome coexiste avec une différen-
ciation caractéristique d'un état d'équilibre déterminé,
les centrosomes, organes obligatoirement dynamiques,
se comporteraient comme des substances inertes. —
M. G. Chauveaud a étudié le développement de la
racine des Cryptogames vasculaires. La séparation tardive
de l'écorce et de la stèle se traduit par la superposition
radiale de leurs cellules (Fougères, Salviniacées), tandis
que la séparation hâtive se traduit par l'alternance de
leurs cellules (Equisétacées). — M. R. Bouilhac a
observé que le saccharose, le maltose et l’amidon
sont susceptibles de remplacer le glucose pour cultiver
le Nostoc punctiforme mal éclairé. Avec le lactose, on
n'obtient qu'une très faible végétation. — M. H. Devaux
a constaté la fixation, par la paroi cellulaire des jeunes
plantes, des métaux suivants : K, Li, Na, Ca, Sr, Ba,
Fe, Ni, Co, Cd, Cu, Pb, Ag. La proportion de métal
fixé est toujours faible pour tous les métaux; par
contre, l'énergie de fixation est assez grande, car elle
se produit encore dans des solutions très diluées. —
MM. F. Pearce et L. Dupare ont rencontré, dans un
gabbro à olivine de l’Oural, des feldspaths basiques du
groupe de l’anorthite mäclés selon la macle du péri-
cline; la macle de l’albite est rare. — M. G. B. M.
Flamand annonce la découverte, dans le Sahara ocei-
dental (Gourara, Archipel touatien), de fossiles, tels
que la Calceola sandalina, qui caractérisent nettement
la présence du Dévonien moyen dans ces régions.
ACADÉMIES ET SOCIÉTÉS SAVANTES
123
Séance du 8 Juillet 1901.
1° SCIENCES MATHÉMATIQUES. + M. G. Bigourdan com-
munique la suite de la liste des nébuleuses nouvelles
qu'il a découvertes à l'Observaloire de Paris. — M. H.
Morize envoie les observations de la comète Hall (1901 à)
qu'il a faites à l'Observatoire de Rio de Janeiro. —
“M. J. Guillaume communique ses observations du
“Soleil faites à l'Observatoire de Lyon pendant le premier
mrimestre de 1901. Les taches ont diminué tant en
— nombre qu'en étendue, Les facules ont aussi diminué.
M. Demartres démontre le théorème suivant : Pour
“qu'une surface soit de révolution, il faut et il suffit
“qu'elle soit divisée en carrés par deux familles de
“lignes dont les courbures soient dans un rapport
constant; toute surface de révolution admet une infi-
nité de pareils systèmes; les courbes qui les composent
*sout des loxodromies. L'alysséide est caractérisée par
le fait que, dans chaque réseau, chacune des deux
courbes géodésiques, séparément, reste conslante.
— 20 SCIENCES PHYSIQUES. — M. Ch. Pollak fait remar-
—_quer qu'on ne peul praliquement mettre en série des
… voltamètres disjoncteurs de courant à lame d'alumi-
“ nium, à moins de mettre en dérivation sur ces volta-
… mètres des résistances convenablement choisies pour
leur donner le même débit.-— M. V. Auger, en fondant
“l'azotate de manganèse avec l'acide phosphorique, a
obtenu un pyrophosphate Mn“P°0*!,14H°0. Par l’action
À de l'acide phosphorique sur le bioxyde de manganèse,
il a obtenu du métaphosphate manganique MnP*0?, —
M. L. Henry rappelle, à propos du récent mémoire de
M. Descudé, qu'il a fait réagir le chlorure d'acétyle sur
le méthanal polymérisé et a obtenu le chloroacé-
tate de méthylène. Avec le chlorure de benzoyle, en
présence de ZnCl, on obtient le chlorohbenzoate de
….néthylène. — MM. L. Bouveault el A. Bongert ont
_ fait réagir les amines substituées sur le produit de ni-
- tation e l'éther acétylacétique. Avec la diéthylamine,
on obtient le sel de diéthylamine d’un acide CTHAz*0#,
— Avec la diméthylamine, on obtient le sel de diméthyla-
nine d’un acide C‘H7A7°05 et d'autre part, de l'alcool
“et du diméthyluréthane. — MM. Ch. Moureu et R.
Delange, en faisant réagirles éthers formiques RH.C:0
sur les carbures acétyléniques sodés R.C:CNa, ont
réalisé la synthèse des aldéhydes acétyléniques
…R.C:C.CHO. Ceux-ci, sous l'influence des solutions
alcalines bouillantes, régénèrent le carbure acélylé-
& nique et donnent des formiates alcalins. — MM. A.
“Haller et J. Minguin ont reconnu que l'acide non
saturé COOH.C8H'#.CH:CH.CSHS qui prend naissance
“quand on traite le benzylidènecamphre à chaud par
HBr, ou le benzylcamphre bromé par de la potasse ou
de l'’ammoniaque alcoolique, fixe une molécule d'HBr
: pour fournir l'acide phénylbromohomocampholique :
COOH.C#H'#CH2CHBrC°H5. L'action du brome sur le
… benzylcamphre droit donne deux benzylcamphres bro-
— més stéréoisomères (I) différant du benzyleamphre
# bromé (Il) :
À CBr.CH®.C°H5 CH.CHBr. CA
\ cpu | CH |
| Nco Nco
@) (11)
“ — M. R. Fosse décrit les propriétés des dérivés du
. dinaphtoxanthène (p. 682). — M. A. Astruc a éludié
* l'action des alcaloïdes végétaux sur quelques réactifs
indicateurs. Ils agissent d’une façon différente, non
seulement suivant le groupe auquel ils appartiennent,
mais encore suivant le pouvoir dissociant du liquide
dans lequel ils sont dissous.
3° SCIENCES NATURELLES. — M. A. d’Arsonval rappelle
que les cellules microbiennes ne sont pas tuées par un
séjour prolongé dans l'air liquide. Cette résistance à la
congélation peut s'expliquer par le fait de l'énorme
pression osmotique qui existe dans ces petites cellules,
pression qui abaisse considérablement le point de con-
gélation de l’eau. Si l’on abaisse la tension osmotique
des cellules de levure de bière en les plongeant dans
des solutions hypertoniques, elles ne résistent plus à
un abaissement de température. — M. P. Bonnier ré-
pond à la note de M. Marage sur la conductibilité acous-
tique et l'audition. — MM. N. Vaschide et C1. Vurpas
ont terminé l'examen histologique du système nerveux
de leur anencéphale. La disparition complète du fais-
ceau pyramidal, malgré l'intégrité relative du faisceau
sensitif, semble prouver qu'il peut y avoir des mouve-
ments spontanés ou associés en l'absence totale du
faisceau pyramidal. Une intégrité à peu près parfaite du
système musculaire a coexisté avec la dégénérescence
des cellules nerveuses sur toute la hauteur du névraxe.
— M. Ch. Lepierre a constaté que presque tous les
microbes, pathogènes ou non, poussent parfaitement
dans les liquides où l'azote est exclusivement fourni
par les glucoprotéines &«. — M. H. Stassano établit
que les leucocytes ont une part prépondérante dans
l'élimination de toutes les substances introduites dans
l'organisme. — M. J. Beauverie montre que la forme
du Botrytis cinerea faisant le passage de la forme coni-
dienne normale à la forme stérile dite toile, peut ser-
vir à immuniser les plantes contre les atteintes de
celles-ci. — M. F. Parmentier a examiné l'eau de la
source intermittente de Vesse, près de Vichy. Comme
minéralisation et teneur en bicarbonate de soude, cette
source peut rivaliser avec ses voisines. Elle est com-
plètement stérile et se conserve remarquablement
bien, Louis BRUNET,
ACADÉMIE DE MÉDECINE
Séance du 25 Juin 1901.
M. Troisier est élu membre titulaire dans la Section
de Pathologie médicale. — M, Galtier (de Lyon) est
élu Associé national. — MM. Livon {de Marseille) et
Motais (d'Angers) sont élus Correspondants nationaux
dans Ja Division de Médecine.
M. J.-V. Laborde présente un nouvel appareil audi-
phone portatif construit avec le concours de M. F. Dus-
saud. — M. M. de Fleury lit un mémoire sur quelques
graphiques de la pression sanguine et de l’état des forces
chez les neurasthéniques.
Séance du 2 Juillet 1901.
M. Bureau est élu membre titulaire dans la Section
de Thérapeutique et d'Histoire naturelle médicale.
M. François-Franck présente un rapport sur les
travaux présentés au Concours pour le Prix de l'Aca-
démie. — M. H. Rendu lit un rapport sur un mémoire
de M. Martin du Magny intitulé : Accidents pul- .
monaires conséculifs aux lésions du nez, de ses cavités
accessoires, de l'oreille et de la région rétropharyngée.
L'auteur montre que des congestions pulmonaires et
des broncho-pneumonies sont fréquemment le résultat
de la propagation directe d'une inflammation naso-
pharyngée. La cause initiale de ces phegmasies bron-
chopulmonaires est un écoulement purulent qui prend
sa source dans le nez, les sinus frontaux ou maxil-
laires, l'oreille et le pharynx. L’ensemencement direct
de cet écoulement crée la maladie pulmonaire, —
M. A. Gautier lit la première partie d'un mémoire sur
la médicatiou par l’arsenic latent. — MM. Jullien et
Justin de Lisle présentent un mémoire intitulé
Recherches bactériologiques sur la syphilis.
Séance du 9 Juillet 1901.
MM. Istrati (de Bucarest) et Ladenburg (de Breslau)
sont élus Correspondants étrangers. ;
M. François-Franck présente un rapport sur les
mémoires déposés pour le Prix Louis. — M. Richelot
lit le Rapport sur le Prix Daudet. — M. A. Gautier
termine la lecture de son mémoire sur la médication
par l’asenic latent. En voici les conclusions : Les pré-
parations cacodyliques rendent de remarquables ser-
vices dans les affections les plus diverses, et particu-
lièrement dans les maladies consomptives, la tuber-
1
19
=
,
ACADÉMIES ET SOCIÉTÉS SAVANTES
culose pulmonaire au premier et au second degrés,
les tuberculoses osseuses et viscérales, le diabète, les
neurasthénies avec dépérissement général et affaiblis-
sement des fonctions, les troubles de la vision, l'intoxi-
cation palustre, la grippe, les anémies graves, l'asthme,
la chorée, les longues convalescences, les blessures
avec perte de substances, les fractures, les suites de
grossesses répétées, les vomissements incoercibles, le
myxædème, les maladies de la peau, etc. Elles ont
donné des résultats variables ou douteux dans la ma-
Jadie de Parkinson, les dégénérescences qui accompa-
gnent les troubles psychiques et le cancer. La méthode
de choix pour l'administration de ces préparations est
la voie hypodermique. Elles peuvent être employées
durant des années consécutives sans provoquer aucun
désordre de la nutrition, aucune congestion du côté du
foie, des reins, du tube intestinal, des centres nerveux,
de la peau. Elles agissent en excitant la reproduction
des cellules, multipliant les hématies, rajennissant les
tissus et conférant à l’économie une extraordinaire
résistance aux déchéances de cause morbide. — M. V.
Babes et Mlle H. Densusianu ont observé divers cas
de néphrites pyramidales hématoyènes dans des infec-
tions aiguës. Les lésions papillaires étaient analogues
à celles observées par M. Levaditi dans des empoisonne-
ments pardes poisons chimiques — M.P. Budin montre
l'importance que présente l'exploration de la cavité uté-
rine dans le traitement de l'infection puerpérale. Si, de la
fièvre survenant chez une femme récemment accouchée,
l'on constate dans l'utérus la présence de caillots
fétides ou non, les enlever et laver la cavité de l’organe
peut suflire. Si la muqueuse de la matrice est atteinte,
surtout au niveau de la caduque inter-utéro-placen-
taire, il faut sans hésitation procéder au curage digital
et à l'écouvillonnage; lorsqu'on intervient vite, la gué-
rison est habituellement très rapide. Si l'infection dure
depuis quelques jours lorsqu'on pratique le nettoyage,
la guérison est plus lente, car il y a eu pénétration
des germes ou des toxines dans l'économie. Si l’infec-
tion dure depuis longtemps, ou si elle est très grave,
la mort peut survenir.
SOCIÉTÉ DE BIOLOGIE
Séance du 22 Juin 1904.
M. Ch. Féré a étudié l'influence des excitations
visuelles sur la fatizue dans le travail. L’excitalion à
une des doses les plus favorables, si l'on considère les
effets primitifs, donne encore un déficit de plus d'un
tiers relalivement au travail exécuté sans excilant. —
M. A. Giard, à propos de l'invasion des Charentes par
les Acridiens, rappelle qu'il a montré que la multipli-
cation exagérée de ces Insectes coïncide avec les
années de minimum des taches solaires. En se basant
sur ce fait, on devrait détruire à l'avance les œufs de
ces animaux. — MM. F. Widal et L. Le Sourd ont
constaté que la réaction de fixation de Bordet est aussi
neite sur les bacilles tués par la chaleur que sur les
bacilles vivants. — MM. J. Ville et J. Moiïitessier ont
reconnu que l'urine ne renferme pas de chlore à l’état
de composés chloro-organiques. — M. F. Arloing
montre que les différences dans la rapidité de la coagu-
lation du sang peuvent recevoir des interprétations
variées, et que la rétraclilité du caillot n’est pas tou-
jours en raison inverse de la coagulation. — M. F. Tour-
neux à étudié le revêtement endothélial des tendons
de la queue des Rongeurs. Chaque cellule tendineuse
superficielle se compose : 1° d'un corps protoplasmique
s'étalant à la surface du tendon et s'anastomosant avec
les expansions des éléments voisins; 2 d'une lame
superficielle individualisée et pouvant être délimitée
par les imprégnations au nitrate d'argent. — MM. A.
Laveran et KF. Mesnil ont constaté que le Trypano-
some de la Grenouille verte présente toutes les particu-
larités que Wasielewsky et Senn regardent comme
caractéristiques du genre Âerpetomonas. Dans ces
conditions, ce genre doit disparaître et le nom géné-
rique Zrypanosoma servira seul à désigner tous les
Flagellés parasites du sang des Vertébrés, du moins
tous ceux connus jusqu ici. — MM. Legros et Lecène
ont trouvé, dans un cas de gangrène gazeuse aiguë
mortelle, un bacille particulier, non encore décrit;
qu'ils nomment hacille septique aérobie. — MM. Ch:
Richet et J.-Ch. Roux ont traité la méningite tuber-
culeuse expérimentale par la zomothérapie. La morta=
lité est tombée de 100 % chez les animaux témoins, à"
75 % chez les animaux nourris avec de la viande crue.
— M. G. Weiss énonce la loi suivante : Si deux
ondes inverses l’une de l’autre sont assez courtes et se
succèdent assez rapidement pour que l'ensemble des
opérations tombe dans la période latente, au moment
où l'on arrive au seuil de l'excitation, l’une seule des
deux ondes est active; l’autre peut être supprimée
sans rien changer au résultat. — MM. Barjon et Cade
ont cherché la formule cytologique des pleurésies par
infarctus chez les cardiaques. La formule diffère de
celle de l'hydrothorax : 1° par la richesse du liquide en
éléments figurés; 2 par l'abondance des polynucléaires.
— M.J. Rehns a constaté que l'absorption des toxines,
agglutinines, etc., injectées au niveau des voies respi-
ratoires, est aussi rapide qu'après introduction sous-
cutanée. — M. J. Païillard présente un appareil ayant
pour but d'injecter directement le liquide contenu
dans une ampoule quelconque. — M. Rappin a observé
que l’urée empêche le développement des cultures de
tuberculose en houillon. — M. Cololian a observé que
la sensibilité des poissons de mer et des poissons d’eau
douce aux différents poisons est la même. — M. Cha-
vigny indique quelques troubles sensitifs qui carac-
térisent les traumatismes articulaires, les hydarthroses
en particulier.
Séance du 29 Juin 1901.
M. Ch. Féré a étudié l'influence du haschich sur le
travail. A l'excitation du début succède une dépression
qui ne fait que s'accentuer, de sorte que le travail total
est inférieur au travail normal. — MM. Benoit et
Roussel ont constaté que le cobaye est un animal
réactif excellent pour la vaccination jennérienne; Pin-
fection provoquée prut être transportée sur la génisse. …
— M. R. Dubois a isolé des organes photogènes de la
pholade dactyle, par son procédé de dissociation plasti-
daire (dialyse chloroformique), une substance qui donne
de la lumière par oxydation. — M. Milian pense que
les expériences de M. F. Arloing n'infirment pas sa
théorie sur l'influence de la peau dans la coagulation
du sang, car M. Arloing a étudié des hémorragies abon-
dantes. — MM. Tuffier et Milian ont reconnu que le
liquide de l'hémarthrose est incoagulable. — MM. N.
Vaschide et L. Marchand ont ohservé un cas d’anes-
thésie gustative des deux tiers antérieurs de la surlace
supérieure de la langue avec hypoesthésie tactile causées
par une lésion de la corde du tympan. — M. Mauclaire
a essayé les injections iodoformées par la voie épidu=
rale pour traiter cerlaines formes de mal de Pott. Ces
injections n'ont eu aucun mauvais résullat et pourront
être employées utilement comme adjuvant à l'immobi-
lisation. — MM. Ch. Achard el A. Clerc ont observé
un abaissement léger du pouvoir amylolytique du sérum
sanguin chez les diabétiques, et un abaissement très
marqué dans les cachexies, présageant la mort à bref
délai. La pilocarpine, à dose hypertoxique, exalte mani-
festement l'activité de l’amylase sanguine. — M. M. Ni-
cloux a constaté le passage de l’oxyde de carbone de
la mère au fœtus (p. 722). — M. E. Weil pense que les
organes hématopoiétiques réagissent dans la cyanose
pour produire l'hyperglobulie; mais leur participation
n'est ni uniforme, ni constante. — MM. E. Cassaet et
G. Saux ont trouvé aue la toxicité du suc gastrique est
à peu près deux fois plus élevée que celle de la macé-
ration de viande préparée dans des conditions identi-
ques. — MM. G. Rosenthal et G.-A. Weïill établissent
qu'il est possible d'utiliser l'injection intra-trachéale et
l'absorption pulmonaire dans le traitement des maladies
aiguës et chroniques, surtout dans les affections des
voies respiratoires. Ils indiquent la technique qu'ils ont
usitée dans ces injections. — M. J.-F. Ferrier a éludié
par la radiographie l'élargissement du pied pendant la
marche. Son rôle est probablement d'accroître l’élasti-
cité du pied, il ne doit pas être contrarié par la forme
. des chaussures.
SOCIÉTÉ FRANÇAISE DE PHYSIQUE
à Séance du 5 Juillet 1901.
M. L. Benoist avait élabli, dans ses recherches
antérieures, que l'absorption des rayons X ne dépend
pas uniquement de la masse des corps qu'ils traversent,
suais aussi de la nature de ces corps et de La qualité des
“rayons X employés. Pour étudier complètement l’in-
“ilueuce de ces divers facteurs, il a principalement
“employé la méthode de l'écran fluorescent convena-
“plement perfectionnée. L'étude a porté sur la plus
“srande partie des corps simples et sur un nombre con-
Denis ve de leurs composés. Chaque corps a été carac-
“iérisé par la masse qui, réparhe sur un centimètre
_cairé de base, produit sur les rayons X employés une
nsorption d'ordre déterminé. C'est ce qui constitue
l'équivalent de transparence de ce corps vis-à-vis d’un
étalon de transparence convenablement choisi. On
“reconnait ainsi que l'équivalent de transparence d'un
“corps, pour un inème élalon et une même espèce de
“rayons X, a une valeur constante indépendante des
“changements d'état physique, des groupements molécu-
“aires ou atomiques quelconques que ce corps peut pré-
Door, mais fonction uuiquewuent du poids atomique de
ce corps ou des corps simples qui le composent. En por-
ci les poids atomiques en abscisses et les équivalents
de transparence en ordonnées, on oblient la courbe
…d'isotranspar2nce des corps simples pour la qualité de
rayons X considérés. En moditiant cette qualité, en
“changeant l'épaisseur élalon, en interposant des écrans,
Rec on obtient un faisceau de courbes qui donnent
… les lois générales de trausparence de la matière pour les
rayons À. La principale peut se résumer ainsi : L'opa-
cité spécilique de la matière pour les rayons X est une
pr'opriélé additive et essentiellement atomique. Cette
“opacité, dans le cas des corps Simples, est une fonction
“termine et généralement croissante de leur poids
, atomique. Ces courbes donnent aussi les lois du radio-
«chroisme, c'est-à-dire de l'absorption sélective exercée
par la matière sur les rayons X. Ce radiochroisme aug-
unente, en général, avec le poids atomique, en présen-
tant toutefois, dans le cas de rayons assez mous, un
minimum remarquable dans la région de l'argent.
D'autres applications de ces courbes et de ces lois sont :
1° La définition précise de chaque qualité de rayons X ;
2° La classilication des rayons X, des rayons secon-
daires, des rayons de l'uranium et du radium, etc. ;
3° La caractérisation précise des tubes radiogènes et de
leurs différents états (on peut construire des échelles
: de teintes, ou chronometres, formées par des couples
de corps de radiochroisme tres différent) ; 4 Le pertec-
tionnement des tubes radiogènes, en permettant d'uti-
liser le rapport qu'elles signalent entre le pouvoir absor-
bant d'une substance, pour une qualité donnée de rayons
X, et le pouvoir émissil de ce corps pour cetle mème qua-
lité, lorsqu'il sert d’anticathode ; 5° La détermination ou
la vérilicatiou des poids atomiques des corps simples par
uue méthode plus générale et plus précise que celle de
Dulong et Petit, avec un contrôle précieux fourni par le
radiochroisme (c'est ainsi que M. L. Benoist a pu
.… démontrer que ie poids atomique de l'indium doit être
113,4 et non 75,6); 6° Enfin, une méthode générale
d'analyse des composés et des mélanges, méthode
pouvant dès à présent donner une précision qui dépasse
Souvent l’ordre du millième. Au sujet de la Communi-
cation de M. L. Benoist, M. P. Villard rapproche les
anomalies de trausparence aux rayons X observées par
M: Benoist pour les métaux voisins de l'argent et les
anomalies analogues que M. Villard a observées lui-
4 08
ACADÉMIES ET SOCIÉTÉS SAVANTES
195
même en étudiant l'intensité de l'émission des rayons X
par une anticathode formée de divers métaux juxta-
posés, étudiée pendant son fonctionnement en faisant
l'image de cette anticathode sur une plaque radiogra-
phique au moyen d'une chambre noire de Pora. M. G.
Sagnac rappelle que des anomalies du même genre
ont été déjà signalées par lui pour l’activité et le degré
de translormation des rayons secondaires émis dans le
vide (ou dans l’air à une distance suffisamment petite)
par des métaux divers. C’est ainsi que le fer et. le
nickel, toutes choses égales d’ailleurs, émettent des
rayons secondaires plus actifs que ceux du ziuc et
surtout que ceux du cuivre, bien que l’ordre des poids
atomiques décroissants soit précisément d'ordre inverse.
— M. A. Champigny : loyers conjugués des pinceaux
lumineux obliques à une surface sphérique réfringente.
Formule de Thomas Young. Applications. Soient P et
Q les distances d'un point lumineux A et de son con-
Jugué B, comptées à partir de la surface réfringente
sur les rayons incident et réfracté. On sait que, x
désignant l'indice de réfraction el R le rayon de la
suriace sphérique réfringente, on a, dans le cas des
rayons centraux :
Depuis longtemps, Thomas Young a établi, par des
considérations géométriques, une formule qui résout
le problème dans le cas où l'on considère un pinceau
lumiueux tombant sur la surface réfringente sous une
incidence quelconque 7. Si r est l'angle de réfraction,
cette formule est :
Rcosi+P_,
Rcosr+Q
cos r P
cos i Q°
M. A. Champigny insiste sur l'importance de cette
formule, dont il expose une démonstration très simple :
il considère le triangle AMN dont le sommet est le
point lumineux A, et dont la base est définie par la
largeur du pinceau lumineux à sa rencontre avec la
suriace sphérique réfringente. La relation des sinus
donne daus ce triangle :
sas
Cosi di—do
en appelant 0 l'angle sous lequel la longueur P — AM
est vue du centre O de la surface réfriugente. On a
ainsi :
(R cos À + P)do = Pdi,
Le triangle BMN donne de même :
(R cos r + Q)do = Qdr
d’où l’on déduit la formule de Thomas Young en divi-
sant membre à membre ces deux relations et rempla-
di cos r
cant — par sa valeur
ÿ dr cos 1
La formule de Young permet, pour un pinceau
d'ouverture quelconque, de donner, point par point, la
surface conjuguée qui est le lieu de tous les pinceaux
étroits de sominet commun A. On peut ainsi aborder
la question des aberrations sphériques et faire d'une
manière systématique la théorie des objectifs de mi-
croscope et des ovjectifs photographiques qui sont
grand-angulaires. M. A. Cornu rappelle qu'il a fait con-
naître en 1863, dans les Vouvelles Annales de Mathé-
matiques, une construclion géométrique qui permet de
trouver très simplement le point B correspondant au
point lumineux A, pour chaque pinceau incident. —
Au nom de M. Damien, M. G. Sagnac présente un
appareil, construit par M. Pellin, qui permet de
produire les phénomènes d’interférence dus à la
biréfringence crculaire, analogues aux phénomènes
dus à la birélringence rectiligne, déjà présentés à la
Sociélé de Physique dans la séance du 15 Mars 1901.
M. Pellin projette devant la Société les anciennes
726
expériences, pnis les nouvelles. Dans les secondes, on
fait intervenir la biréfringence circulaire en rempla-
cant les cuvettes de quartz de Biot par des cuvette de
quartz dont la face plane, au lieu d'être parallèle à
l'axe, est perpendiculaire à l'axe du quartz. Les franges
de soustraction, analogues aux franges des prismes de
Sénarmont, sont produites en projetant l’image de deux
telles cuvettes formées de quartz de signes contraires,
superposées avec leurs centres distincts et placées entre
deux nicols croisés. Les anneaux d'addition s'obtien-
nent de même avec deux cuvettes formées de quartz de
même signe; seulement, à cause de la faiblesse de la
biréfringence circulaire comparée à la biréfringence
rectiligne, les cuvettes doivent être ici très profondes.
Elles ont été taillées par M. Pellin en hémisphères de
18 millimètres de rayon. Pour empêcher les rayons
d'être fortement déviés aux bords de la cuvette ou
réfléchis totalement, un hémisphère de verre, d'indice
voisin de l'indice ordinaire du quartz, a été collé au
baume de Canada dans la cuvette de quartz; chaque
quartz à ainsi l'apparence d'un cylindre transparent.
L'épaisseur (32,5) du quartz au centre de la cuvette a
été compensée par une lame de quartz perpendiculaire
à l'axe de même épaisseur et de signe opposé collée
sur la face plane de la cuvette. Un tel système, placé
entre deux nicols à l’extigction et projeté, présente
des anneaux à centre noir produits par la biréfringence
circulaire, comme les anneaux classiques de la cuvette
de Biot sont produits par la biréfringence rectiligne. Ce
sont les franges primaires des nouvelles expériences
de M. Damien, lesquelles produisent, quand il y a deux
systèmes de cuvettes superposés, les franges secon-
daires d’addition ou de soustraction,
SOCIÉTÉ CHIMIQUE DE PARIS
Séance du 28 Juin 1901 (suite).
M. H. Moissan expose des recherches sur la fonte
de niobium. L'emploi du four électrique lui a permis
d'obtenir avec facilité, à partir de la niobite naturelle,
une fonte mixte de niobiumet de tantale, de laquelle, en
appliquant la méthode de Marignac, on peut séparer le
niobium et le tantale sous forme de composés oxygénés.
L'acide niobique, qui est irréductible par le charbon à
la plus haute température de nos fourneaux ordinaires
et à celle du chalumeau à gaz oxygène, peut être ré-
duit au four électrique et donner une fonte très dure,
ne contenant qu'une petite quantité de carbone com-
biné. Cette fonte, qui reste solide à la température de
fusion du platine, qui est à peu près inattaquable par
les acides, qui n’exerce pas d'action au rouge sur la
vapeur d’eau, qui brüle dans l'oxygène avec facilité en
produisant un acide stable, possède en même temps
des propriétés réductrices très curieuses. Cet ensemble
de réactions éloigne le niobium des métaux et rap-
procne ce corps simple du bore et du silicium. —
M. V. Thomas, continuant ses recherches sur les chlo-
robromures de thallium, a pu isoler les aiguilles
orangées qui se produisent par l’action du Br sur le
chlorure thalleux en présence de l’eau. Ges aiguilles
correspondent à la formule TClBr. Sous l'influence
d’une chaleur ménagée, elles deviennent d’un rouge
intense et se décomposent ensuite lorsqu'on les chauffe
à température élévée. Un chlorobromure TICIBr? + aq.
s'obtient très facilement en grandes aiguilles inco-
lores, en ajoutant du brome à une solution aqueuse
renfermant TICI en suspension. On obtient ainsi une
huile qui, lorsqu'on cherche à la concentrer, perd très
facilement des halogènes, mais qui se prend immé-
diatement en masse lorsqu'on la refroidit à — 18° dans
un mélange de glace et de sel. Les aiguilles sont stables
à température ordinaire, mais se décomposent très
rapidement lorsqu'on les chauffe même légèrement.
Séance du 12 Juillet 1901.
M. Wyrouboff dépose un travail de MM. Sabanejeff
et Rosin sur les isonitriles et les nitriles cycliques. —
ACADÉMIES ET SOCIÉTÉS SAVANTES
M. Béhal présente un travail de M. Maïlhe sur l’action
de l’oxyde mercurique sur les solutions aqueuses des
sels métalliques (p. 679). — M. P. Freundler signale
quelques propriétés du phénylcarbazinate de phényl-
hydrazine C6H5. AzH.AzH.COOH.CSHSAzH.AzH, décrit
autrefois par M. Fischer. Les propriétés de ce corps.
permettent de l'appliquer soit à la préparation de
certaines hydrazones à point de fusion bas, soit à la
régénération des résidus de phénylhydrazine, soit à
la séparation de cette dernière base d'autres bases aro=
matiques. — M. V. Auger a étudié la solution violette
aqueuse produite par dissolution dans l’eau de là
masse violette obtenue en chauffant à 220° du ses-
quioxyde de manganèse dans l’acide phosphorique. I
en à isolé un sel bien cristallisé dont la formule est:
Mn'P°0*,14H°0.— MM. Moureu et Delange ont observés
que les alcalis en solution aqueuse attaquent les aldé=
hydes acétyléniques R—C=—C—CHO, avec production:
d'acide formique et de carbure acétylénique. Dans le
cas de l’aldéhyde amylpropiolique CFH'C=C—CHO,
il se forme en outre de la méthylamylcétone CH“ —
CO—CH* et de l'acide caproïque C°H‘—CO°H; ces.
faits sont faciles à expliquer si l’on admet la formation
préalable et transitoire de l’aldéhyde C5H!! — CO —
CH°— CHO, qui peut se dédoubler dans deux sens
différents. — M. Leidié communique en son nom et
en celui de M. Quennessen une note relative à um
procédé de dosage du platine et de l’iridium dans la
mine de platine. Ce procédé est une application d'une
méthode générale précédemment indiquée par l’un des
auteurs. — M. Léger a analysé les corps dont ii a
signalé autrefois la formation dans l’action de Na*°0?
sur les aloïnes et leurs dérivés chlorés [ Bull. Soc:
chim. (3), t. XXV,p 99]. La barbaloïne donne un corps
C#H805, l'isobarbaloïne un isomère de ce corps. L’homo:
natalnine donne au contraire un dérivé de formule
CiSH#05. La chlorobarbaloïne donne C{6H°Cl'05 et la
chlori-obarbaloïne un dérivé chloré isomère. Les corps
C'#H505 seraient des trioxanthraquinones nouvelles,
tandis que CSHSCI“O* seraient les dérivés tétrachlorés
de leurs produits méthylés. Le corps C‘H‘05 repré=
senterait l’éther méthylique d'une méthyltrioxanthra=
quinone. Se basant sur les résultats obtenus par ses
devanciers et par lui-même, M. Léger pense pouvoir
représenter la barbaloïne par la formule C#H*0*, qui
peut s’écrire :
OH
H
CCG
HO YEN cu 14
| |
ON—CK 2H — 0 — CH — CHOH —CHOH — COH 4
k Co É eee
CH*
ce qui en ferait un produit de condensation avec perte
de H°0 d’une dihydrométhyltrioxanthraquinone avec
l'éther méthylique d’un pentanetétrolal. Cette formule
rend compte de la plupart des faits observés jusqu'ici:
Cependant, ces faits étant assez peu nombreux, M. Lé-
ger ne donne cette formule qu'avec réserve, se pro-
posant d'en véritier l'exactitude. Il fait remarquer que
la chlorocétylbarbatoïne, corps parfaitement cristal=
lisé, qui, avec cette formule, correspond à un poids
moléculaire M—724, donne à la cryoscopie dans le
benzène M—713. En outre, la barbaloïne, chauffée à
sec dans un tube, dégage des vapeurs qui donnent la
réaction du furfurol (coloration rouge) avec le papier
imprégné d’acétate d’aniline. — M. Blondel, par l'action
ménagée de la chaleur ou des réducteurs sur le sulfate
platinique, a obtenu un composé cristallisé contenant
du sesquioxyde de platine et de l'acide sulfurique,
dans lequel les éléments sont dissimulés, comme le
sont ceux des acides chromiques complexes décrits
par M. Recoura. Ce nouvel acide complexe forme avec.
les bases des combinaisons bien cristallisées,
»
ACADÉMIES ET SOCIÉTÉS SAVANTES 727
SOCIÉTÉ ROYALE DE LONDRES
pe SCIENCES PHYSIQUES.
_ H. A. Wilson : Sur la conductivité électrique de
l'air et des vapeurs salines. — Les expériences décri-
fes dans ce mémoire ont été entreprises dans le but
d'obtenir des informations sur la variation de la con-
ductivité de l'air et des vapeurs salines avec un chan-
“sement de température et sur le courant maximum
“qu'une quantité déterminée de sel sous forme de vapeur
“peut conduire. Ces expériences sont la continuation
“des deux séries de recherches sur le même sujet
“publiées en 1899.
— Quelques observations sur la variation de la conduc-
“ivité avec la température à différentes hauteurs dans
“ja flamme ont été données dans le mémoire sur la
… conductivité électrique et la luminosité des flammes ».
Elles montrent une augmentation rapide de conduc-
“tivité avec l'élévation de température.
ù Voici la méthode employée dans les expériences
décrites dans ce mémoire : On a fait passer un courant
air, contenant en suspension, sous forme de goutte-
dettes, une petite quantité de solution saline, à travers
“un tube de platine chauffé dans un fourneau à gaz ; ce
“iube constituait l'une des électrodes, l’autre élant fixée
“Suivant son axe. La température du tube a élé mesurée
‘au moyen d'un thermo-couple platine et platine-
“rhodium ; la quantité de sel passant à travers le tube a
“été estimée en recueillant les gouttelettes sur un tam-
…pon de laine de verre.
» L'énergie nécessaire pour produire l'ionisation peut
“être calculée d’après la variation de température de la
“conductivité, celle-ci comparée à l'énergie nécessaire
“pour ioniser des corps en solution.
— Depuis la publication des recherches mentionnées
“ci-dessus, plusieurs mémoires du D' E. Marx sur la
“conductivité des vapeurs salines dans les flammes ont
“paru. La première partie de ce mémoire-ci contient
“une discussion de quelques conclusions du docteur
“Marx, lesquelles portaient sur mon travail précédent.
# La fin du mémoire est divisée comme suit :
—…. 1° Description de l'appareil employé.
—…. 20 Variation du courant avec la f. e. m.
L 3° Variation du courant à travers l'air avec la tem-
… pérature.
4° Variation du courant à travers des vapeurs salines
“avec la température.
… ;° Sommaire des résultats.
La relation entre le courant et la f. e. m. dans l'air
dépend beaucoup de la direction du courant. Quand
lélectrode extérieure est négative, le courant atteint
une valeur de saturation avec une f. e. m. d'environ
200 volts; mais, quand le tube extérieur est positif,
elle augmente rapidement avec le courant, même avec
une f. e. m. de 800 volts, de façon qu'une f.e. m. plus
grande est nécessaire pour produire la saturation si la
saturation peut être produite. Avec des vapeurs salines, la
soie entre le courantetlaf.e.m.n'a pas été beaucoup
affectée par le renversement du courant. Le courant
était toujours plus grand quand le tube extérieur était
négatif, lé contraire étant le cas avec de l’air seul. A
basse température, le courant a atteint une valeur de
“saturation, mais au-dessus de 1000° on a découvert
“qu'elle augmentait davantage presque proportionnel-
_ lement à la f. e. m.
Il est possible de représenter approximativement la
- variation du courant à f. e. m. constante avec la tem-
… péralure, pour l'air, par une formule du type C—A6"
üans laquelle C est le courant, © la température abso-
lue, et À et » des constantes.
La constante n dépend de la f. e. m. employée. Avec
240 volts, elle a été de 17, et avec 40 volts, de 13. Cepen-
dant le courant ne commence pas tout d’un coup quand
on élève la température, mais augmente toujours régu-"
lièrement avec la température, si bien que la plus
- basse température à laquelle le courant peut être décelé
dépend entièrement de la sensibilité du galvanomètre.
L'énergie nécessaire pour ioniser une molécule-
gramme d'air a été estimée en supposant que la frac-
tion de gaz dissociée en ions est proportionnelle au
courant pour de pelites f. e. m.
L'énergie en question peut être obtenue au moyen
de la formule th-rmo-dynamique ordinaire donnant
la variation de la dissociation avec la température. Le
résultat pour l’air est de 60.000 calories entre 1.000 et
1.300° €. Cette quantité d'énergie est du même ordre
de grandeur que l'énergie mise en liberté quand les
ions H et OH se combinent pour former de l'eau en
solution.
La relation entre le courant et la température pour
des vapeurs salines est assez compliquée.
Avec KI, en employant une f. e. m. de 800 volts, le
courant a les valeurs suivantes (1—10—* ampère) :
Température . 5009 600 700° Sono 9000 4.0000
BEA AN EN EE NORE TON AS A OP EMA TE D 4.0
Température . . . . 1.141000 11500 1.2000 1.3000
CORANTIENS ES SNS 3.5 3.6 1.0 1.0
En employant une f. e. m. de 100 volts, les valeurs
suivantes du courant ont été obtenues (1—10-* ampère):
Température . . . . . 3000 4009 500° 60ûo 7000 sûûo
Courant. . 0.2 198054 DA AUD Ur
Température 900 1.000 41.100 1.200 1.300
Courant. . 5.5 5.3 6.8 8.2 92
Ainsi le courant a un maximum près de 900° C, et il
s'élève très rapidement près de 1.150°. Des résultats
semblables ont été obtenus avec d'autres sels.
L'énergie nécessaire pour ioniser une molécule-
gramme de K I à environ 300° C a élé estimée à 15.000
calories de la même facon que pour l'air.
Le courant maximum transporté par la vapeur saline
(à 1.300° avec 800 volts) est presque égal à celui néces-
saire pour électrolyser la même quantité de sel en
solution. Ce fait peut être considéré comme une preuve
en faveur de l’hypothése que les ions sont de même
nature dans les deux cas.
SOCIÉTÉ DE PHYSIQUE DE LONDRES
Séance du 1% Juin 1901.
M. Lehfeldt rappelle que M. Jahn a publié récem-
ment des mesures des f. e. m. des piles de concentra-
tion, d’où il a cherché à conclure que la loi de dilution
est applicable aux solutions concentrées. L'auteur
montre que cette conclusion repose sur un cercle vi-
cieux, car la loi d'Ostwald est comprise dans la for-
mule employée par M. Jahn pour calculer les degrés
de concentration. Les formules de Nernst et d’Arrhe-
nius ne donnent pas de résultats concordants ; la pre-
mière est bonne pour calculer les concentrations, la
seconde pour calculer les pressions osmotiques. —
M. J.-H. Jeans cherche à obtenir une réponse aux
deux questions suivantes : 4° Quelles conclusions peut-
on tirer, quant au mécanisme de l'émission de la ra-
diation, de l'examen des formules de l'Optique physi-
que ? 2° Est-il possible, à l’aide de ces conclusions, de
bâtir une conception de la matière qui explique suffi-
samment les divers phénomènes optiques ? Il développe
ensuite une théorie très intéressante, basée sur les
propriétés moléculaires et atomiques de la matière, et
au moyen de laquelle il explique plusieurs phénomènes
optiques, notamment ceux de la spectroscopie, —
M. S.-P. Thompson présente quelques échantillons de
verres d'Iéna avec des graphiques donnant l'indice de
réfraction, la dispersion entre les lignes C et F et l’in-
verse du pouvoir dispersif de chacun. L'auteur pro-
pose pour cette dernière quantité le symbole vet la
qualification de réfraction achromatique du. verre.
L'introduction du baryum dans un verre augmente la
déviation, mais n’influe pas sur la dispersion. Il est
done possible de faire du crown à indice de réfraction
\ plus élevé que le flint, et de construire ainsi une len-
728
tille achromatique donnant un champ plan. Générale-
ment, les objectifs achromatiques sont construits exac-
tement achromatiques pour les rayons rouges et vio-
lets; on peut obtenir un meilleur effet en les faisant
approximativement achromatiques sur toute l'étendue
du spectre. On y arrive en compensant l'irrationnalilé
d'un verre par un autre, et en construisant une paire
achromatique au moyen des deux.
SOCIÉTÉ DE CHIMIE DE LONDRES
Séance du 20 Juin 1901.
MM. P. Gordan et L. Limpach ont substitué par des
groupes méthyles l'hydrogène benzénique des formyl-
et acétylanilides et ont obtenu 38 composés différents.
Ceux-ci peuvent être classés suivant le nombre 9 de
groupes subslituants ou suivant leur position relative.
La moyenne D des points de fusion d’une série d'iso-
mères peut se déduire de p; l’un des points de fusion
est identique à cette valeur moyenne, et les autres en
diffèrent en plus ou en moins de quantités égales. —
M. S. Ruhemann a condensé les éthers des acides chlo-
rofumarique et phénylpropiolique avec le thymol et le
carvacrol. L'action du thymol sur le chlorofumarate
d'éthyle donne le thymoxyfumarate. d’éthyle; l'acide
correspondant se condense, sous l’action de l'acide
sulfurique concentré, en acide 5-méthyl-8-propyl-1 : 4-
benzopyrone-2-carboxylique :
CSH7
NN C.coH
Il
CH
NAN
CH* CO
Le carvacrol donne le carvacroxyfumarate d’éthyle et
l'acide 5-propyl-8-méthyl-1 : 4-benzopyrone-2-carbo-
xylique. — M. C. O'Sullivan a étudié les constituants
de la gomme adragante. La partie insoluble dans les
acides et alcalis froids est de nature cellulosique. Les
acides gummiques sont lévogyres; ce sont des acides
polyarabinane-trigalactane-geddiques; le principal pos-
sède la formule 4#C!°H104,3C'2H201°,C#H?°02°,H°0. Les
granules sont apparemment des granules d'amidon. La
matière azotée n'a pu êlre encore complètement puri-
fiée. La bassorine, sous l’action d'un excès d'alcalis, se
dédouble en deux acides, les acides «& et $-adragantane-
xylane-bassoriques. L'acide « possède la formule
C#H%020,H20 ; il donne des sels de Ba, Ca et Ag. Digéré
avec de l'acide sulfurique vers 989, il se dédouble en
adraganthose, un pentose lévogyre, et en acide xy/ane-
bassorique C*H?*017., Ce dernier donne aussi des sels
métalliques et se dédouble en xy/ose et acide hasso-
rique CH%0%, L'acide £ possède la même formule
que l'acide «et donne les mêmes produits de dédouble-
ment. — MM. T. Purdie et J. C. Irvine, en alkylant
les tartrates de méthyle, d’éthyle et de propyle par
l'oxyde d'argent et l’iodure de méthyle, ont obtenu les
diméthoxysuccinates aclifs correspondants, dont ils
ont déterminé le pouvoir rotatoire. — MM. T. Purdie
et W. Barbour ont comparé la rotation des diméthoxy-
succinates avec celle des tartrates correspondants dans
divers dissolvants; en général, la rotation des premiers
est moins influencée par les solvants que celle des
derniers. Des déterminations des poids moléculaires
des éthers par la cryoscopie dans divers liquides, les au-
teurs concluent que l'agrégation des molécules dissy-
métriques n’est pas un facteur prédominant dans l'in-
fluence des solvants sur la rotation. — MM. W. A. Bone
et D. S. Jerdan ont constaté que le carbone et l'hydro-
gène se combinent à 1200° en formant un hydrocarbure
saturé qui est du méthane; il s'établit un équilibre
défini entre l'hydrocarbure, l'hydrogène et la vapeur
de carbone. Le passage de l'arc entre charbons dans
une atmosphère d'hydrogène produit aussi, à côté de
l'acétylène, du méthane et de l'éthane ; l’état d’équi-
libre est caractérisé par les proportions suivantes :
ACADÉMIES ET SOCIÉTÉS SAVANTES
H,90-91 °/, C2H2,8-9 0/,; CH,1,25; C2H5,0,25. — MM. E.
Divers et M. Ogawa ont isolé l’imidosulfite d'ammo-
nium des produits de décomposition de l’amidosulfitem
C'est un corps cristallisé, qui se décompose à 1500 en
laissant du soufre, du sulfate et de l’amidosulfate d'am-«
monium. Bouilli avec HCI, il donne du soufre, SO? el
l'acide amidosulfurique (S et SO? représentant sans
doute le thiosulfate décomposé) : !
2 AzZH(SO®AzH#} + H°0 = 2 AzH?SOSAZHS + S?0*(AzH*}. L 4
MM. E. Divers et T. Haga ont préparé le nitrilosul=«
fate de soude en faisant passer un courant de SO? dans
a solution la plus concentrée possible de nitrite et de
carbonate de sodium, dans le rapport de deux molécules
du premier pour trois du second, jusqu'à ce que le nou=«
veau sel commence à cristalliser. Il forme des prismes
contenant 5H°0 et très instables. — MM. W. A. Bones
et D. S. Jerdan ont étudié la décomposition des hydro=
carbures à haute température. Ceux-ci étaient placés
dans un tube de porcelaine vide, primitivement chauffé
à 11509, et pourvu d’un manchon pour empêcher les
gaz du fourneau d'y diffuser. L'acétylène est rapide-m
ment décomposé à 1150°; après cinq minutes, il n'en
reste plus que des traces. Il se forme d’abord du mé-
hane, qui se décompose ensuite lentement en ses
éléments ; les produits finaux sont l'hydrogène, les
méthane et un dépôt de carbone. Le méthane se ré-
sout en ses éléments à 1150° plus rapidement qu'on
ne le suppose. Comme avec l’acétylène, il ne se forme
pas d'hydrocarbures non saturés. Au bout de (rente mi-
nutes, il ne reste que 6,6 °/, de méthane. — M. H. J.H.
Fenton, en traitant la cellulose par HCI sec et en éli-
minant les dérivés du méthylfurfural qui se produisent,
a obtenu un résidu brun sombre, d'où l’on extrait, par
digestion avec de l'eau chaude, du dextrose, Cär AC IEr CI
sible par son osazone. Avec le papier-filtre suédois, on
obtient de même du chlorométhylfurfural et du dex-M
{rose, en proportions moléculaires égales. Ces failsm
présentent un grand intérêt si on les rapproche de las
découverte récente du cellose C'2H?0‘# par Skraup et
Künigdansles produits d'hydrolyse dela cellulose. Si l'on
admet que ce cellose contient à la fois des résidus de
cétohexose et d’aldohexose, l’action de HCI peut être
représentée par les équations :
Ct2H2010 EL HCI=— CSHSOECI + CH 08 + 2H°0
C'2[2081 HCI— C'HO2CI + CSH#09 + 3H°0
— M. M. O. Forster a préparé le 1-benzoxy-2-benzoyl-
camphène (1) par l'action du chlorure de benzoyle sur
le camphre sodé. Par hydrolyse de ce composé avec la
potasse, on oblient le 1-hydroxy-2-benzoylcamphène,
CACOCLHE / G-CO.C*A°
cc Il CERTA Il
NC.0.C0.C'H° C.OH
(1) (1)
Il cristallise en octaèdres et donne des sels de soude,
de cuivre et de fer. L'«-benzoylcamphre :
.CO. C‘A°
AU Co.c'f
Nco
est obtenu en faisant bouillir une solution de son iso-
mère dans l'acide formique. Par fusion, la forme céto-
nique se convertit dans l'isomère énolique. — M. J. N.
Collie a constaté que, si de l’anhydride carbonique à la
pression de 5 millimètres est soumis, dans un tube à
vide, à l'action de l'étincelle électrique, 63 °/, sont déjà
décomposés, au bout de dix minutes, en oxyde de car-
bone et oxygène. En 15 secondes, la décomposition est
déjà de 48 °/,; et, sous une pression de 1 millimètre,
elle est de 65 v/, en dix secondes. Mais, si les électrodes
de platine rougissent, la recombinaison se produit.
a
Le Directeur-Gérant : Louis OLIVIER.
Paris, — L. MARETHEUX, imprimeur, 1, rue Cassette.
Led
12° ANNÉE
NOMG
30 AOÛT 1901
Revue générale
Mes Sciences
DIRECTEUR :
in
pures el appliquées
LOUIS OLIVIER, Docteur ès sciences.
Adresser tout ce qui concerne la rédaction à M. L. OLIVIER, 22, rue du Général-Foy, Paris. — La reproduction et la traduction des œuvres et des travaux
publiés dans la Revue sont complètement interdites en France et dans tous les pays étrangers, y compris la Suède, la Norvège et la Hollande.
EE —
ee CHRONIQUE ET CORRESPONDANCE
4 $S 1. — Nécrologie
« Mort du Professeur et Explorateur Nor-
“denskiôld. — Alors que le numéro de la Æevue était
Sous presse, nous avons reçu de Stockholm la nouvelle
“de la mort du baron de Nordenskjôld, Une Notice sera
“prochainement consacrée ici même à la vie et à
œuvre de l’illustre savant.
—… Entrainé par ses études de Minéralogie à explorer
“l'Océan Arctique, Nordenskjôld s'était pris de passion
pour les choses de la navigation, spécialement dans
“les régions polaires; applaudissant à toutes les ten-
“atives faites pour propager le goût des voyages par
“mer, il portait le plus grand intérêt aux croisières de
“là Revue générale des Sciences et avait bien voulu
“nous promettre son concours pour organiser, à desti-
“nation des terres du Nord, un voyage où fussent conviés,
“en même temps que les savants voués à l'étude de la
Physique du globe et à la Biologie marine, toutes les
ersonnes désireuses de s'initier à leurs recherches et
e goûter les splendeurs du monde boréal. — La /ievue
labandonnera pas ce projet,
LS $ 2. — Astronomie
x À
— La formation des petites planètes. — Au
“temps de Laplace, quelques astéroïdes, seuls, étaient
“connus et constituaient pour ainsi dire une singularité
mans le système solaire; aussi bien leurs masses sont
msi petites qu'il n'yavait pas lieu d’y attacher autrement
“d'importance, et Laplace n'eut à s’en préoccuper, après
‘coup, qu'à l'état d'instabilité temporaire dans la forma-
“tion successive des planètes. L'hypothèse si élégante de
Laplace sur l'origine du système solaire devait préoccu-
per bien des savants, et la cosmogonie doit d'importants
travaux à Kirkwood, G. Darwin, Trowbridge, Roche, etc.;
Cependant, dans ces dernières années, M. Faye crut
devoir soumettre le système de Laplace à certaines
critiques, pour lui faire supporter de profondes modi-
fications; mais, d'autre part, M. Wolf s'est efforcé, dans
un ouvrage très précieux sur ces questions, de montrer
qu'il n’y avait là aucune objection irréfutable : en fait,
ven effet, les hypothèses de Laplace peuvent être con-
servées dans leurs grandes lignes, elles sont très
REVUE GÉNÉRALE DES SCIENCES, 1901.
simples, et figurent
mondes.
Malheureusement, la Cosmogonie n’estenseignéenulie
part en France : on peut même dire plus, elle est à
peine effleurée, comme sujet accessoire de recherches;
elle n’est pas bien vue, pour ainsi dire, et cela pour des
raisons fort regrettables et qu'il serait trop long d'expo-
ser ici.
Quoi qu'il en soit, on peut considérer aujourd'hui
les petites planètes comme constituant la pierre de
touche et le nœud de toute hypothèse sur la formation
de notre système; leur nombre s’est considérablement
accru, leurs orbites offrent des différences caractéris-
tiques, comme pour servir de lien intermédiaire entre
les grosses planètes et les comètes, et leur situation
même, près de Jupiter, est rendue critique, tant au
point de vue de leur formation qu'à celui de l'étude
analytique des perturbations.
Cependant Kirkwood allait bientôt signaler des lacunes
dans l'anneau des pelites planètes, vers les régions de
commensurabilité avec le moyen mouvement de Jupiter,
et l’on peut concevoir que les molécules abandonnées
dans le voisinage des lacunes, si leurs orbites sont assez
excentriques, aient disparu par le fait de leur absorption
dans l'atmosphère de la nébuleuse solalre en voie de
condensation. L'étude théorique des lacunes n’est pas
sans soulever les plus grandes difficultés au point de
vue de la stabilité des trajectoires, et M. Callandreau fut
conduit à rechercher si la formation des planètes,
toutes choses égales d'ailleurs, n’a pas été, sinon
impossible, du moins relativement plus difficile dans
la région de commensurabilité, et à examiuer quel
put être l'effet de Jupiter sur un système de molécules
représentant les matériaux constitutifs des astéroïdes,
molécules abandonnées par la nébuleuse, dans des
orbites à très peu près circulaires, surtout vers les
points de la nébuleuse en conjonction avec Jupiter, où
des marées considérables doivent se produire.
Ces lacunes, à vrai dire, diminuent de jour en jour;
les découvertes récentes font connaître des planètes de
plus en plus petites, qui se rapprochent des régions cri-
tiques, montrant, par leur faible masse elle-même,
qu'il y avait là une instabilité dans la condensation
nébulaire. En tout vas, le phénomène des marées dans
16
très clairement la genèse des
130
CHRONIQUE ET CORRESPONDANCE
la nébuleuse a été pressenti par Kirkwood, et personne
aujourd'hui ne parait douter de l'influence de Jupiter
sur cet anneau d'astéroïdes, et pour sa formation, et,
par les perturbations, pour avoir singulièrement com-
pliqué sa contexture présente.
M. J. Mascart a étudié avec soin, au point de vue sta-
tistique, les données si complexes de cet anneau, en
reprenant aussi l'étude détaillée des lacunes; enfin, en
rapportant les orbites au plan même de l'orbite de
Jupiter, il s’est efforcé de voir si les singularités, coïn-
cidences, moyennes, ne devenaient pas plus frappantes :
il n'en est résulté, à notre connaissance, qu'une série
d'observations générales, saus loi formelle. M. R. du
Ligondès s'est appliqué aux mêmes études, insistant
sur les coups de hache qui correspondaient aux lacunes,
pour mettre encore en évidence l'influence de Jupiter :
les comètes, alors, seraient des résidus de matière,
premiers matériaux absorbés par Jupiter.
M. de Freycinet vient d'attirer à nouveau l'attention
sur ces problèmes, en y consacrant deux longues Notes
à l’Académie; au reste il ignore, ou veut ignorer, les
immenses efforts suscités par ces questions, et cherche
à confirmer la théorie de Laplace, bien qu'il semble
révoquer en doute l'influence de Jupiter sur la généra-
tion des planètes télescopiques et sur les alternances de
leur répartition autour du Soleil. Le grand intervalle de
350 millions de kilomètres où se rencontrent les asté-
roides permettrait presque, déjà, d'écarter l'hypothèse
de leur formation par la rupture d’un ou de piusieurs
anneaux, d'autant plus qu'aux distances mêmes où il
paraît y avoir un peu de condensation, la densité de la
matière semble encore bien trop faible pour avoir cons-
titué un anneau continu. De plus, on voit diflicilement
— surtout en négligeant tellement Jupiter — comment
un anneau circulaire à peu près plat permetira une
telle dispersion d’inclinaisons et d’excentricités. Si la
génération des petites planètes provenait de la rupture
d'anneaux issus de l'atmosphère solaire, les groupe-
ments de fortes excentricités seraient parmi les plus
voisines de la planète troublante, et c’est à peu près le
contraire que l’on observe.
D'ailleurs, M: de Freycinet reporte tout à l'équateur
solaire actuel : c’est là un plan qui a bien varié depuis
l'origine, et les inclinaisons présentes des astéroïdes
n'auront qu'une valeur relative. Enfin il considère tantôt
trois subdivisions, tantôt cinq, tantôt huit anneaux :
pourquoi ? Si l’on néglige les relations de commensu-
rabilité, le nombre des anneaux est absolument arbi-
traire; mais alors, pourquoi prendre toujours comme
limites de ces anneaux — sans aucune raison — les
zones mêmes de cesrelations de commensurabilité ? On
voit qu'il reste bien des difficultés, bien des aléas,
malgré les coïncidences extraordinaires que trouve
l'auteur entre une théorie approchée et les moyennes,
et, puisque les pages des Comptes Rendus lui sont si lar-
sement ouvertes, il serait à souhaiter qu'il. y donnât
ses calculs plus détaillés encore, avec les changements
d’orbites qui pourraient être fort utiles à d’autres. En
tout cas, M. de Freycinet à pensé mettre en évidence la
relation entre les grandes inclinaisons et les fortes
excentricités, bien souvent utilisée depuis Tisserand,
et qui parait inhérente à toutes les hypothèses cosmo-
goniques imaginées jusqu'ici.
$ 3. — Géologie
L'origine des nitrates dans les cavernes.
— M. E.-A. Martel, analysant dans la Géographie’, un
récent Mémoire d’un géologue américain, M. Hess, sur
l'origine des nitrates des cavernes, nous donne à ce
sujet les intéressantes indications que voici :
# « L'origine des nitrates, du salpètre, si abondants
dans certaines cavernes d'Amérique (Mammoth, Wyan-
dot, Luray), qu'ils donnèrent lieu, pendant les guerres
de 1812 et de Sécession, à une active exploitation pour
RDA ES RE DR ER EE RSS
! La Géographie, n° 8, 15 août 1901.
la fabrication de la poudre, était attribuée à Ja décome
position des malières animales, notamment du guano
de chauve-souris. Observant que les nitrates se ren
contrent dans les cavernes, à de considérables distances:
souterraines où n'ont point l'habitude d'aller les chéi=
roptères, M. Hess est arrivé à douter que cette explis
cation füt la vraie. Il s’est livré à de nombreuses €
savantes analyses de terres extérieures et intérieures,
avec où sans nitrates; il en a conclu que les nitrates:
des cavernes ont été amenés du dehors par les eaux
d'infiltration, à travers les fissures des vouütes. Exté
rieurement, les eaux entraînent ces nitrates, formés
par la décomposition d'amas de matières végétales
intérieurement, elles les déposent dans les eaux d
cavernes, en s'y incorporant et en précipitant à no
veau les nitrates entraînés.
« [explication de M. Heiss parait très plausible!
remarquons qu'elle est, en tout, pareille à celle re
connue depuis longtemps pour la formation des conc
tions calciques (stalagmites et stalactites). L'eau perd
nouveau ses nitrates, de même qu'elle se dépouiile
d'une part, de la calcite (carbonate de chaux), d'autre
part, de l'acide carbonique qu'elle contenait. Comm®
l'évaporation seule peut amener ce résultat, il faut,
pour la précipitation des nitrates, que deux conditions
soient réalisées : absence d'eaux courantes (qui conti
nueraient l'entrainement) et équilibre entre la quantité
infiltrée et celle d’eau évaporée. Ces condilions, nor
tons-le bien, sont nécessaires également pour la fo
mation des concrétions calcaires. »
$ 4. — Biologie
De la double spécificité des sérums pré
cipitants. — On sait‘ que, si l'on injecte à quatre ou«
cinq reprises espacées de six à huit jours, à un animal
a d'espèce À, du sérum d’un animal d'espèce B,
sérum de a acquiert la propriété de précipiter le sérum
d'un animal d'espèce B et de cette espèce seulement
Il y a là une première spécificité remarquable ayanl
donné lieu à des applications pratiques importante
(caractériser le sang humain par exemple).
Dans un travail présenté comme thèse de doctorat
en Médecine à la Faculté de Médecine de Lille, M. Van:
steenberghe insiste sur une seconde spécificité des
sérums précipitants; sur leur spécificité chimique
pourrions-nous dire, pour la distinguer de la première
spécificité indiquée par les expérimentateurs et qu
conviendrait d'appeler la spécilicité zoologique.
M. Nolff, et après lui quelques autres, ont établi que;
dans le sérum des animaux B, la substance utile pou
faire apparaitre dans le sérum de à la propriété précis
pitante, est la sérumglobuline. On peut, en effet, fair
apparaitre cette propriété en injectant, au lieu et place
de sérum de B, des solutions de sérumglobuline, obtes
nue aussi pure que possible en partant de sérums di
B; tandis que cette propriété n'apparaît pas à la suilé
d'injections de solutions de sérumalbumine de B.
D'autre part, la substance précipitée dans le sérum
de Best la sérumglobuline de ce sérum, car en ajoutant
du sérum de à à une solution de sérumglobuline de B;
on obtient un précipité; on n'en oblient pas en ajou
tant du sérum de a à une solution de sérumalbumine
de B.
M. Vansteenberghe a repris cette étude, vérifié les
faits fondamentaux, exposé des conclusions fermes là
où ses prédécesseurs n'avaient fourni que des indica
tions provisoires, La propriété précipitante apparait
la suite d'injections de globuline ou de caséine, extraites
du sang, du lait, de l'œuf d'un animal d'espèce diffé
rente; elle n'apparaît pas à la suite d’injections d'a
bumines ou de protéoses. D'une façon générale, om
peut dire qu'en injectant à un animal à, à plusieurs
reprises, des solutions de globuline ou de caséine em
! Voir La Revue générale des Sciences du 15 mars 1901
p. 205. : .
nb Se. Pin LS
>
CHRONIQUE ET CORRESPONDANCE
131
pruntées à des liquides ou tissus organiques d'animaux
d'espèce différente B, on communique au sérum de a la
propriété de précipiter les solutions des substances
injectées à l'animal a et celles-là seulement.
On comprend qu'il sera par là possible de caractériser
des substances protéiques et de les différencier, alors
que les moyens dont nous disposions jusqu’à ce jour
étaient insuffisants. Injectant à des lapins du sérum
de bœuf, M. Vansteenberghe a obtenu du sérum de
lapin capable de précipiter le sérum de bœuf, ce qui
était un fait connu, capable de précipiter le lait de
“ vache, ou le lactosérum de vache, ou la lactoglobuline
extraite du lait de vache : la lactoglobuline est donc
identique à la strumglobuline. Inversement, injectant
à des lapins du lait de vache, il a obtenu des sérums
de lapins capables de précipiter le lait de vache, ce
qui était un fait connu, et capables de précipiter le
sérum de bœuf.
M. Vansteenberghe n'a pas mulliplié les exemples de
semblables recherches phvsio-chimiques ; il s'est con-
tenté de poser le principe de la méthode. Il sera pos-
sible sans doute d'établir entre les substances protéi-
ques des disuünctions plus précises qu'on ne l'a fait
jusqu'ici. Il sera possible de donner de nouvelles
preuves de la différence fondamentale du fibrinogène
et de la fibrine, du caséogène et de la caséine, etc.
M. Vansteenberghe a eu le grand mérile, dans son
travail, de ne pas suivre la voie toute tracée par les
expérimentateurs qui l'ont précédé; son travail méri-
tait une mention spéciale, car il contient l'indication
d'une méthode nouvelle permettant de caractériser
les espèces chimiques de la famille protéique.
$ 5. — Hygiène publique
Le passage des microbes à travers les
filtres. M. W. H. Horrocks, professeur-adjoint
d'Hygiène, à l'Ecole de Santé militaire de Netley, vient
de se livrer à une intéressante étude comparative des
filtres Chamberland et Berkefeld'. Il à cherché à
observer par des expériences directes si la filtration
d'une culture de bacilles typhiques par les bougies
Chamberland et Berkefeld est suivie de l'apparition de
ce bacille dans le filtrat, et pendant quel nombre de
jours il en demeure indemne. 4
Le procédé adopté est le suivant : Une bougie Ber-
kefeld (n°12 du Catalogue), placée dans un cylindre de
verre, fut solidement maintenue en position par une
vis de serrage. Le tube métallique de décharge fut
alors relié, au moyen d’un fort tuyau de caoutchouc
préalablement enfilé sur un robinet, à un court tube
- en verre qui traversait un bouchon de caoutchouc
- enfoncé lui-même d'une manière élanche dans un
flacon de Kitasato.
Le col du flacon et l’orifice du cylindre de verre étaient
“ houchés avec de la ouate. Tout l'appareil était ensuite
placé dans le stérilisateur, et passé à la vapeur pendant
une heure. On le laissait refroidir : la bougie filtrante
et l'enveloppe en verre étaient soutenues dans la posi-
tiou verticale par un support à burette ordinaire, et on
introduisait 50 centimètres cubes de bouillon stérile
dans le flacon avec toutes les précautions possibles. Le
robinet étant mis en position sur le tube de caoutchouc
de manière à séparer la bougie et le cylindre en verre
du flacon ,on rendit étanches tous les joints de l'appareil
à l’aide de cire paraftinée. On remplit alors le cylindre
de bouillon, de manière à recouvrir complètement la
bougie filtrante sans toucher au bouchon de ouate. On
ouvrit le robinet et on laissa filtrer 10 centimètres cubes
du bouillon contenu dans le cylindre de verre, de la
bougie dans le flacon. La filtration s'opérait simplement
en vertu de la pression atmosphérique, et la bougie
4 British Medical Journal, n° 2111, 15 juin 1901, p. 4471.
fonctionnait dans des conditions qui permettaient à
son influence moléculaire d'agir en plein. L'appareil
fut alors placé dans un casier maintenu à la température
moyenne de 25° C. Après quarante-huit heures, le
bouillon du cylindre et celui du flacon étaient parfai-
tement clairs, ce qui prouvait que les manipulations
n'avaient en rien contaminé le liquide. On ensemenca
alors le bouillon du cylindre avec une cuillerée d'une
culture de B. typhique sur agar âgée de vingt-quatre
heures. Le lendemain, le bouillon élait trouble dans
tout le cytindre, mais celui du flacon était parfaitement
clair. On ouvrit alors le robinet et on laissa filtrer
10 centimètres cubes du contenu du cylindre, qui
allèrent dans le flacun. Le lendemain, le bouillon con-
tinuant à être parfaitement stérile, on fit de nouveau
filtrer 40 centimètres cubes comme précédemment. Le
même système de filtration fut employé de jour en jour
et la quantité de bouillon filtrée chaque jour fut rem-
placée dans le cylindre par du bouillon stérile, la ma-
nipulalion étant faite avec toutes les précautions
possibles. Le bouillon du flacon de Kitasato demeura
parfaitement clair pendant quatre jours; le cinquième
jour, on le trouva légèrement troublé; on en retira
quelques gouttes au moyen d'un fil de platine introduit
dans le col du flacon, puis déposé sur une couche
d’agar. La culture obtenue présentait tous les caractères
du bacille typhique.
M. Horrocks a exécuté neuf autres essais analogues
ävec des bougies Berkefeld et a réussi à faire passer le
bacille dans le filtrat à des dates diverses, mais toutes
inférieures au onzième jour.
Il a ensuite expérimenté des bougies Chamberlani
ävec des eaux d’égout, des eaux résiduaires, des eaux
de réservoir polluées, ensemencées à plusieurs reprises
avec de larges doses de bacilles typhiques. Les opéra-
tions ont été poussées pendant (rois semaines sans
qu'on püt découvrir de bacille typhique dans le filtrat:
on avait d’ailleurs soin de s'assurer que le liquide à
filtrer contenait toujours une grande quantité de
bacilles typhiques vivants.
M. Horrocks termine son Mémoire par les conclusions
suivantes :
1° Les bacilles typhiques ne sont pas capables de
proliférer à travers les parois de la bougie Chamberland,
et si l’on prend des soins suffisants pour empêcher le
passage direct des bacilles à travers les fissures du
corps filtrant ou les imperfections des joints, le filtre
Chamberland doit donner uue protection complète
contre la fièvre entérique d'origine hydrique;
2 Les bacilles typhiques peuvent proliférer à travers
les parois de la bougie Berkefeld, probablement à cause
de la dimension plus grande des pores, et la diminution
des influences d’immobilisation et de dévitalisation. Le
temps nécessaire pour que les bacilles typhiques tra-°
versent une bougie varie de quatre à onze jours, et
semble dépendre principalement de l'alimentation
fournie aux organismes par le milieu dans lequel ils
existent. Si l’on veut obtenir une protection complète
contre la fièvre entérique d’origine hydrique, lorsqu'on
emploie des filtres Berkefeld, il est nécessaire de
stériliser les bougies dans l’eau bouillante tous les
trois jours.
$ 6. — Sciences médicales
à
Institut Pasteur : Cours d'Analyse et de
Chimie appliquée à lHygiène. — Le Cours
et les manipulations du nouveau service d'Analyse etde
Chimie appliquée à l'Hygiène (2° année), commen-
ceront le mardi 5 novembre.
Ce Cours s'adresse spécialement aux pharmaciens,
médecins et chimistes industriels. ;
Il peut donner lieu à un certificat.
Pour les conditions, s'adresser, 26, rue Dutot (Ser-
vice d'Analyse).
PAUL VUILLEMIN — LES BLASTOMYCÈTES PATHOGÈNES
LES BLASTOMYCÈTES PATHOGÈNES
Depuis quelques années, il est souvent question,
dans la littérature médicale, de Blastomycètes
pathogènes ; mais les médecins auraient peine à
trouver, dans les ouvrages généraux qui traitent
soit de Botanique, soit de Pathologie, des notions
assez explicites pour leur apprendre si les Blasto-
mycètes forment un groupe de parasites bien cir-
conscrit par ses caraclères morphologiques, par
ses propriétés biologiques, par son mode d'action
sur l'organisme humain; si, d'autre part, les hlas-
lomycoses se distinguent des autres groupes
nosologiques par leurs caractères cliniques et
analomiques.
Sans vouloir prétendre que ce double problème
soit, dès à présent, susceptible d’une solution défi-
nitive, sans songer à faire un exposé magistral qui
marque une élape parcourue de l’évolution seien-
tifique, il nous a semblé opportun de grouper les
données acquises, afin de permettre à chaque pra-
ticien d'apprécier des cas embarrassants et d'ap-
porter de nouvelles contributions à un chapitre
encore obseur de la Pathologie.
Et d'abord, il faut nous entendre sur la signifi-
calion du mot Blastomycètes. Il ne désigne pas un
groupe naturel, une famille botanique fondée sur
les affinités généalogiques, une série de plantes
rattachées à un genre-type comme les Tubéracées
se rattachent à la truffe.
Il existe bien un genre Zlastomyces, mais, quel-
que étrange que cette asserlion paraisse, les Plas-
tomyces ne sont pas des Blastomycètes. Ce n'est
point la dernière des causes de confusion dont on
a, comme à plaisir, hérissé l'étude de ce groupe.
Costantin et Rolland! nomment Plastomyces des
champignons filamenteux dont les éléments
sporiformes terminaux, latéraux ou intercalaires
peuvent s'isoler par désarticulation. L'ordre des
Blastomycètes, créé antérieurement par Frank?,
comprend les champignons, tels que la levure de
bière, dont les éléments s’isolent par bourgeonne-
ment et non par désarticulation. En vertu de la
loi de priorité, il semblerait que le nom de Blasto-
mycète, tel que l'entend Frank, doive seul subsis-
ter. Mais, si les naturalistes s'interdisent de donner
le même nom à deux genres, leur législation n'a
pas prévu le cas où un genre usurpe le nom d'un
ordre. Par suite de cette bizarrerie des règles de
la nomenclature, le genre de Costantin et Rolland
est légal. Heureusement pour la clarté de notre
1 Cosranun et RoLrann : Blastomyces, genre nouveau,
dans la Soc. mycol. de France, t. 1V, 1889.
2 Frank : Drei Natur Reiche, II.
sujel, il n'est pas légitime et il tombe en raison de
l'insuffisance de ses caractères distinelifs, qui n'ont
pas une valeur générique.
Le terme de Blastomycètes s'est maintenu en
Botanique et vulgarisé en Médecine avec une accep-
tion voisine de celle qui l'a fait introduire par
Frank, mais qui doit être élargie.
D'après son élymologie (8kéorn bourgeon, uüxne
champignon), il signifie champignons bourgeon-
nants. A-t-il en Botanique et en Médecine un sens
plus spécial, plus large ou plus restreint? Nous ne
le pensons pas. Il signifie ce qu'il dit, rien de plus,
rien de moins; c’est un vocable qui, malgré sa
forme grecque, appartient au langage vulgaire. La
définition des Blastomycètes se confond avec leur
nom. Donc, par Blastomycèles nous entendons tous
les champignons qui se présentent, à un moment
donné, sous forme de globules bourgeonnants,
quelles que soient leurs affinités, quels que soient
les aspects qu'ils revêtent à d'autres moments de
leur existence. Telle espèce présente toujours ce
mode de végélation, par exemple la levure de,
bière; telle autre la présente seulement sous cer- |
laines conditions de milieu, par exemple le cham-
pignon du muguet.
Quand nous parlons de Blastomycètes patho-
gènes, nous ninvoquons donc pas l'idée de
Champignons supérieurs ou de Champignons infé-
rieurs — les plus parfaits des Champignons, les
Basidiomycètes, sont Blastomycèles à leurs heures;
— nous n'affirmons pas l'existence ou l'absence de
tel ou tel mode de reproduction; nous exprimons
la même idée que si nous parlions de Champignons
pathogènes bourgeonnants. Ce mot est-il utile?
Sans doute; il abrège le langage, et les formes
grecques n'ont jamais rebuté le médecin ni le
naturaliste. Est-il bien choisi? Ce point est pius
contestable ; il a une fàächeuse consonnance avec
Phycomycètes, Ascomycèles, etc., et, sous cet habit
de nom technique, il ferait croire aisément qu'il
invoque des caractères botaniques précis, qu'il
résume, lui aussi, un ensemble de propriétés d'où
se dégage la certitude d'une affinité, d'une parenté.
réelle, d’une filiation commune. Il suffit d’être
prévenu pour éviler cette confusion.
Tout ce que nous venons de dire revient à avertir
le lecteur qu'en parlant de Blastomycètes, nous ne
parlons pas le langage taxinomique ; nous adoptons
une formule conventionnelle pour éviter une
périphrase.
Une autre convention permettra de circons-
crire plus nettement notre sujet: nous laisserons
PAUL VUILLEMIN — LES BLASTOMYCÈTES PATHOGÈNES 133
de côté les Champignons qui, durant l'existence
parasitaire, présentent habituellement des formes
filamenteuses mélangées aux globules bourgeon-
nants ; tels sont : l'Zndomyces albicans du muguet,
le Malassezia fufur du pityriasis versicolor. Mais
nous n'affirmons nullement que les Champignons
- retenus dans le cadre de cette étude soient inca-
pables de donner aussi des filaments, s'ils vivent
dans un milieu différent de l'organisme de l'homme
- ou des animaux à sang chaud.
Nous allons donc éludier, dans ce groupe empi-
rique des Blastomycètes, les parasites de l'homme
qui s'offrent, à l'examen médical, principalement
sous forme de végétation globuleuse et bourgeon-
nante.
L'importance médicale des Blastomycètes fut
entrevue dès le jour où l'on reconnut la nature
… végétale de la levure de bière. On ne songea point,
— tout d'abord, à chercher dans ce groupe les agents
- spécifiques de plusieurs maladies. Pouvaitil en
-être autrement il y a 60 ans, alors que le micros-
-cope ne percevait aucun détail de structure dans
les levures, et que l'analyse morphologique, seule
- base connue des distinctions spécifiques en Bota-
“nique, ne parvenait à y saisir aucun caractère
“ différentiel ? On ne songeait même pas à discuter
l'unité du cryplocoque du fermeut.
C'est donc au cryptocoque du ferment, à celte
r végétalion aquatique rappelant les algues les plus
«inférieures, que Vogel", en 1842, compare le parasite
… du muguet. C'est au même cryplocoque que l'on
- rapporle, dans les années suivantes, des globules
“ovales ou elliptiques aperçus à la surface des mu-
n queuses, dans les déjections, les urines, les matières
-vomies. Ces observations sont faites sur des malades
k atteints d'affections diverses et surtout de ces affec-
* tions à étiologie obscure: diabète, typhus, cho-
_ léra, qui tentent naturellement la sagacilé des
… chercheurs en quête de nouveauté. Cesconstatations
. sommaires ne pouvaient ébranler le dogme intan-
4 de la spécificité morbide, et le cryptocoque du
. ferment apparut, non comme un agent de maladie,
… mais plulôt comme l'artisan de ces fermentations
d'humeurs viciées, depuis longtemps dénoncées
…_ comme l'effet et non comme la cause des maladies
les plus variées.
Il ne faut pas remonter à vingt ans d'ici pour
voir encore diverses affections imputées à la levure
de bière ou plutôt à ce groupe colleclif non défini,
non analysé, que lesmédecins désignent sous le nom
delevure, sans même se demanders'il neconfondent
-pas sous une rubrique commune des êtres aussi
1 Vocez : (A/1g. Zeitung für Chirurgie, 1842).
disparates que les ferments industriels et le parasite
du muguet. Toule une série d'observations de
levures dans les affections gastro-entériques échap-
pentainsià la critique par l’ absence ou l'insuffisance
des données botaniques. Lesthéories pathogéniques
sont encore plus fantaisistes que les vagues indi-
calions qui leur servent de base, soit qu'elles
invoquent un empoisonnement par l'acide carboni-
que produit dans l'estomac par les ferments ingérés,
soit qu'elles soutiennent que la levure en excès
dans la boisson passe dans le sang, dans l'urine, et
peut même s'échapper par la peau en causant l'acné
et le psoriasis !
Ceperdant, la conception du rôle pathogène des
Blastomycètes s'est modifiée depuis que la diver-
sité des levures ressort, non seulement de la forme
et de la structure, mais encore des propriétés phy-
siologiques et des actions variées exercées sur le
milieu qui leur sert de support et d'aliment.
La vogue des levures comme médicament n'a
pas subi les mêmes vicissitudes que l'appréciation
de leur action délétère. Dès1852, lalevure de bière
est préconisée par M. Mosse dans le traitement des
furoncles. D'autres la chargent d'aller détruire le
sucre dans l'organisme des diabéliques, sans avoir
beaucoup à se louer de ses services. Les théories
thérapeutiques reflètent les théories pathogéniques.
Pendant cette période primitive, la fermentation
qui transforme les humeurs semblait susceptible
d'être, selun les circonstances, nuisible ou salu-
laire.
Plus tard, s'ouvre l'ère des microbes, et aussitôt
se révèle l’antagonisme des bactéries et des levures
Pasteur dénonce les bactéries comme les pires
ennemis des ferments industriels. Tandis que les
brasseurs cherchent à éliminer des cuves les mi-
crobes, ferments de maladie, Heer! (188$) songe à
susciter aux bactéries pathogènes la concurrence
de la levure en l'introduisant, soit dans l'intestin
des typhoïsants, soit dans la gorge des diphlé-
riques. Boinet et Ræser” la préconisent dans la diar-
rhée de Cochinchine et dans le muguet. Les auteurs
récents la recommandent dans la leucorrhée vagi-
nale, la vaginite blennorragique, la constipation”,
la pneumonie", la bronchopneumonie, les furoncles,
les orgelels, etc.
On ne sait trop si la levure est utile en faisant
concurrence aux microbes. On pourrait invoquer
en faveur de cette interprélation les expériences
1 Herr : (Deutsche medie. Zeitung, n° 68, 185$), d'après
Boinet et Rœæser. ’
2 Boner et Rorser : Action de la levure de bière. (Bull.
gén. de Thérapeutique, CXIX, 30 sept. 1890).
3 Braxcuer : La levure de bière dans le traitement des
entérites (ONE se méd., Paris, 1900).
# ManIE : Traitement de la pneumonie par la levure de
bière (Soc. méd. des Hôpitaux, 18 mai 1900).
de Boinet et Rœser (1890) sur l'atténuation des
virus charbonneux ou typhoïde inoculés avec la
levure, celles de d’Arsonval et Charrin! (1893) sur
la concurrence vitale entre le bacille pyocyanique
et la levure de bière. Faisans ? (1900) considère la
levure comme un agent de désinfection gastro-
entérique dans la grippe et la fièvre typhoïde. Las-
sar”* (1899), à propos de la leucorrhée vaginale, croit
à un parasitisme subslitutif. Il se pourrait aussi
bien que l’action fût imputable aux produits de la
fermentation, car Murer‘ ne la constate qu’en pré-
sence du sucre. Hallion * (1899) pense que la levure
atténue la toxine diphtérique en entretenant l'aci-
dilé du milieu; Nobécourt” est du même avis. Peut-
être enfin n’agit-elle ni comme parasile, ni comme
ferment, ni comme être vivant, mais comme uu
vulgaire laxatif; Ross ?(1900) trouve la levure stéri-
lisée plus efficace contre la constipation que la
levure avalée vivante.
La levure de bière, plus ou moins pure, plus ou
moins exactement déterminée, est le seul Blasto-
mycète essayé en Thérapeutique, si nous exceptons
quelques essais de sérothérapie dont nous discu-
terons les résultats après avoir examiné la nature
des affections auxquelles on à voulu opposer ce
remède. En somme, les Blastomycètes n'offrent
guère à la Thérapeutique qu'un remède empirique,
préconisé depuis une cinquantaine d’années avec
des alternatives de vogue et d'oubli, et dont le
mode d'action est trop mal défini pour éclairer la
biologie des parasites de ce groupe.
Au contraire, le rôle pathogène de ces champi-
gnons devient très envahissant : ils sont observés
dans des affections banales, telles que les troubles
digestifs, les angines', les endométrites, les olites
moyennes, les dermatoses; de nouveau, ils sont
accusés de causer les maladies occultes comme le
typhus et la rage. Enfin, toute 11 gamme des néo-
plasies, depuis les simples kystes, les tuméfactions
! D'Arsonvaz et Carr : Le bacille pyocyanique et la
Levure de bière (C. R. de la Soc. de Biol., t. XUV, 1893).
= Farsas : De l'emploi de la levure de bière comme agent
de désinfection gastro-intestinale (Soc. médic. des Hôpitaux,
25 mai 1900. — Semaine médicale, t. XX, 1900).
% Lassar : La levure de bière contre la furonculose des
diabétiques (Zbid., 15 février 1899).
# Muxer : Valeur de la Levure de bière dans le traitement
de la vaginite blennorragique (Thèse Méd.; Paris, 1899).
* Hazcion : Action de la Levure de bière et des acides
qu'elle sécrète sur la toxine diphtérique ( Volume jubilaire
de la Soc. de Biologie, 1899),
5 Nosécourr : Action in vitro des Levures sur les microbes
et leurs toxines (C. R. Soc. de Biologie, 28 juillet 1900). —
Le sort et le rôle des Levures introduites dans le tube
digestif (Semaine médicale, 9 janvier 1901).
? Ross : La Levure de bière contre la constipation habi-
tuelle (Semaine médicale, t. XX, 1900).
# De Sreckuix : Recherches cliniques et expérimentales
sur le rôle des Levures trouvées dans les angines suspectes
de diphtérie (Archives de Méd. expér. et d'Anat. pathol.,
t. X, 1898).
PAUL VUILLEMIN — LES BLASTOMYCÈTES PATHOGÈNES
inflammatoires jusqu'aux tumeurs malignes, dont
l'étiologie reste un des points les plus controversés
de la médecine contemporaine, devrait, s'il faut em
croire quelques auteurs, rentrer dans le cadre des
blastomycoses.
Les Blastomycèles n'auraient plus, dans ces ma-
ladies diverses, le rôle accessoire et uniforme attri-
bué jadis au cryptocoque du ferment : ce seraient
des agents spécifiques au même titre que le bacille
diphtérique ou, tout au moins, que les Actinomy-
cètes. En un mot, les Blastomycètes tendraient à
prendre en Pathologie une importance analogue à
celle des bactéries.
Les praticiens ont peine à accepter des assertions
aussi imprévues. On s'étonne que des parasitesrela-
tivement volumineux aient élé si longtemps mé-
connus, alors qu'on appliquait des méthodes suffi-
santes pour déceler des êtres plus petits et plus
délicats. Cependant, on considérera que la délica-
tesse de la technique est moins essentielle dans ce
genre de recherches que son appropriation exacte «
au but poursuivi. Dans les cancers, par exemple, on
a éherché des bactéries ou des protozoaires. Or, les
réactifs qui fixent les lissus pathologiques et les
parasites animaux dont la consistance approche de
celle des cellules humaines, de même que les caus-
tiques qui sacrifient les éléments anatomiques pour
faire ressortir les microbes de consistance plus
ferme, laissent transparentes les membranes végé-
tales et déforment le protoplasme, au point de
rendre une levure méconnaissable. On a tout fait
pour voir autre chose que des Blastomycètes, et
tous les progrès de la technique tendent à dissi-
muler davantage ces champignons, au cas où il
s’en trouverait dans les tissus malades.
Nous n'avons donc pas lieu d'être surpris de la
découverte de Blastomycètes dans des affections
où les parasites ont été longtemps recherchés sans
succès.
Ce n’est pas à dire que tous les résultats annoncés
dans cette voie nouvelle de recherches offrent un
égal degré de certitude, une semblable garantie
d'authenticité. Il faut faire la part de l'engouement
et des conclusions prématurées, basées sur des
analogies plus que sur des faits complètement
clairs. Mais, sans généraliser hâtivement, sans ac-
cepter sans contrôle des théories plus retentissantes
que solides, le médecin doit tenir compte des faits v
positifs établissant l’action pathogène de certains
Blastomycètes.
RS LE
PPT
IT
SA Mn dm
L'existence de Blastomycètes dans l'organisme
vivant, dans les tissuset les produits pathologiques,
est démontrée par un grand nombre d'observations.
À leur forme de globules sphériques, ovales ou i
|
.|
K:
PAUL VUILLEMIN — LES BLASTOMYCÊTES PATHOGÈNES
1
FÈ
O6
elliptiques, à leur structure de cellules à membrane
| bien distincte, à noyau fixant les malières colo-
autes appropriées, à la présence de bourgeons
| plus ou moins volumineux, adhérents par un point
étroit à la cellule-mère, on reconnait sans peine
Jes éléments de Blaslomycètes : dans les matières
| (Demme), les écoulements vaginaux et uté-
s(Colpe”, Bossi, Rossi-Doria?), le mucus retiré de
la Pompe d'Eustacne (Maggiora et Gradenigo*). Ils
sont d'observation courante dans la salive et les
“crachats. Ils ont été conslatés dans diverses affec-
tions cutanées, telles que l'eczéma séborrhéique
isenberg ‘), l'acné chéloïdienne (Secchi°), le pso-
ouvrant les ie nm Gilchrist et
a ARE la conjonctivite M Homatonse
azza, dans le rhinosclérome; Attiolo et Simoni,
ans les amygdales hypertrophiées. Ils se sont
montrés avec un aspect non moins typique dans
des poches kystiques sous-cutanées (Saccharomy-
btenu par incision d'une tuméfaction d'aspect
hlegmoneux ($S. granulatus de Vuillemin et Le-
grain), dans des nodules inflammatoires chro-
niques (Cryplococcus hominis de Busse), dans le
farcin d'Afrique (Cr. farciminosus de Rivolta).
Les Blastomycètes sont parfois accumulés sans
mélange en masses visibles à l'œil nu. Ainsi,
forment de vastes enduits d'aspect crémeux à la
face des muqueuses buccale et pharyngienne.
“Les médecins sont portés à englober toutes les
stomatiles et angines crémeuses sous le nom de
muguet et à les imputer à l'Xndomyces albicans.
Cependant, Troisier et Achalme” ont démontré, par
4 COLPE :
enitalkanal (Archiv für Gynäkologie, t. XL VII, 1894)
Rossi-Donra : La teoria blastomicetica del cancro (71
ale infettante (Zbid., t. III, 1896).
% MAGGrorA e Graven160 : Bakteriologische Beobachtungen
über den Iuhalt der Eustachischen "Trompete bei chro-
nischen katarrhalischen Mittelohreutzündung. (Centr. f.
4 EISENBERG :
5 SEcOnt :
Bakteriologische Diagnostik, 1891.
Ueber die nt ua Le LIÉE serre
Dermatologie, t. XXV. 1397).
“— RivOLTA : Parassiti vegetali, 1873.
Rivoura e Micgcroxe : (Giorn. di Anat. e Fisiol. degl.
L 1883).
2 =: Giccurisr and Rovaz Srokes : The presence of an oidium
inthe tissues of a case of pseudolupus vulgaris (Zbid., 1),
" Journal of exp. Med., t. III, 1898).
A case of pseudolupus vulgaris caused by a blastomyces
8 Hcava : Vyzman microorganismu pri variole (Prag.,
887 et Centr.{. Bakt., t. I, 1887).
Trorsier et Acnatye : Sur une angine parasitaire causée
par une levure, et cliniquement semblable au muguet (Arch.
“4 Méd. expér., t. V, 1893).
asis (Rivolla®). Nous en avons vu dans des croûtes |
. |
ils
Hefezellen als Krankheitserreger im weiblichen |
Policlino, t. 1, 1894). — I blastomiceti nel sarcoma puerpe- |
une étude très complète, l'existence d’un vrai Sac-
charomyces dans une angine cliniquement sem-
blable au muguet. Le diagnostic différentiel a son
importance, car le Blastomycète de Troisier et
Achalme, que nous appellerons Saccharomyces
Anginæ (fig.1),ne possède pas, comme les Hypho-
Fig: 1. — Saccharomyces Anginæ. Globules bourgednnants
et asques (d'après Troisier et Achalme).
mycètes auxquels se rattache l’Ændomyces albicans,
de filaments capables de s'insinuer, par Île fait
même de leur végétalion, jusque dans la profondeur
des tissus. Ce diagnostic est d’ailleurs délicat, car
le champignon du muguet donne surtout, à la sur-
Fig. 2. — A. Blastomycète simulant le muguet buccal; a,
chlamydospore ; B, Endomyces albicans du muguet buccal”
au même grossissement.
face des enduits, des globules bourgeonnants en
proporlion assez considérable pour masquer les fila-
ments si l'examen n'est pas suffisamment appro-
fondi. Les difficultés de ce diagnostic s'applani-
ront dès que l'altention des praticiens sera éveillée.
Le S. anginæ ne se distingue pas seulement de
lÆ. albicans par le caractère négatif de l'absence
7136
PAUL VUILLEMIN — LES BLASTOMYCÈTES PATHOGÈNES
de filaments; ses globules sont deux fois plus
gros; les asques et les spores obtenus dans les cul-
forme toute différente. Divers
auteurs n'ont vu que des globules dans de prétendus
muguets. De mon côté, j'ai rencontré, dans un cas
diagnostiqué comme muguet buccal, un Blasto-
mycète différant à la fois de l’Z. albicans et du
S.anginæ (fig. 2); le sujet est loin d'être épuisé.
Des Blastomycètes disséminés dans des liquides
en moindre quantité attirent l'attention par leur
couleur. Maintes fois on a signalé des levures roses
dans la bouche, le pharynx, la trompe d'Eustache,
la séborrhée ; le S. granulatus, que j'ai observé
avec Legrain”, donnaitune teinte spéciale au liquide
séro-sanguinolent issu de l'incision des {umeurs
inflammatoires.
La recherche des Blastomycètes dans l’intérieur
des tissus malades ne donne pas, en général, de
résultats aussi évidents que l'examen des sécrétions
ou des enduits. Les éléments rapportés par les
auteurs aux Blastomycètes ne présentent plus las-
pect classique des levures.
Dans les ganglions lymphatiques d'un bœuf
atteint de carcinome du foie avec généralisation à
tout le système lymphatique, Sanfelice? découvrit,
en 1895, des globules qu'il rattache aux Blastomy-
cèles sous le nom de Saccharomyces lithogènes.
Cette observalion fut le pivot d’une théorie nouvelle
sur l'étiologie du cancer, théorie insuffisamment
ctayée jusqu'alors par des données anatomiques et
expérimentales. Mais les globules en question
étaient revêtus d'une capsule calciliée, ou même
encastrés dans des masses pierreuses de grande
étendue, au sein desquelles la struclure d'une cel-
lule végétale élait singulièrement masquée. Des
capsules douées d’un éclat vitreux revètent les élé-
ments du Plastomyces vitro simile degenerans,
sigoalé par Roncali dans une série de tumeurs
malignes de l'homme.
tures sont d'une
1 VuiLLeN et LEGRAIN : Sur un cas de saccharomycose
humaine (Archives de Parasitologie, t. HI, 1900).
? Saxreu1ce : Ueber eine für Thiere pathogene Sprosspilzart
{Centr. f. Bakt., XNII, 1895). — Ueber die pathogene Wir-
suug der Sprosspilze, Zbid.).— Ueber einen neueu pathoge-
uen Blastomyceten welcher innerhatb der Gewebe unter
Bildung kalkartig aussehender, Massen degenerirt (Centr. f.
Bakt., XVIU, 1895). — Ein weiterer Beitrag…. (Centr. f.
Bakt., XXIV, 1998). — Ueber die pathogene Wirkung der
Blastomyceten I-V Abhandlungen (Zeitschr. f. Hyg., XXI-
XXIX, 1896-1898). — Ueber die Immunität gegen Blastomy-
ceten (Centr. f. Bakl., XX, 1896). — Note à la Société i. r.
des médecins de Vienne, 16n0v. 1906(Sem. médie.,t. XX,1900).
3 RoncaLr : Die Blastomyceten in den Adeno-Carcinomen
der Ovariums (Centr. f. Bakt., t. XVII, 1895). — Die Blas-
tomyceten in den Sarkomen (/bid.). — Di un nuovo blasto-
miceto isolato da un epitelioma... (Centr. f. Bakt., t. X\,
1896). — Klinische Beobachtungen und histologische und
inikrobiotische Untersuchungen über einen Fall von pri-
‘mären Adenocarcinom (Centr. f. Bakt., t. XXIV, 1898). —
Sopra uu caso di epitelioma delle mammella del maschio.
(Supplem, al Policlinico, 13 octobre 1900).
Les globules observés dans les lissus ne s'écartent
pas seulement de la description classique des
levures par les caractères de leur enveloppe ; le
des granulations noires, réfringentes, qui gran
dissent et deviennent libres par éclatement de |
membrane. Dans le pus des chevaux japonais
atteints d'une lymphangite épizootique analogue
au farcin d'Afrique, Tokishige? trouve des Blasto
mycètes contenant un pelit noyau cocciforme, for
tement réfringent, animé d'actifs mouvements, eb
de petits corps semblables, libres entre les cellules;
isolés ou unis en diplocoques. D'après Bra*, les para
sites globuleux des tumeurs malignes présentent,
à un cerlain stade, un contenu sporulé et sont
ensuite réduits à leur membrane d'enveloppe irré
gulièrement gaufrée. Inutile d'ajouter que Bra croit
trouver aussi des périthèces entiers, analogues à
ceux des MVeclria, dans l'intérieur des tumeurs
malignes. De telles interprélalions ne soutiennenk
pas l'examen‘. Dans du tissu frais de carcinome“
Rosenthal et Léopold observent des granulation
mobiles, contenues dans les cellules ou s'en échap=
pant activement.
Toutes ces formations observées dans les cellules
parasites sont mal définies. Rien ne permet de leur
assigner la valeur d'un organe spécial qui manquez
rait aux levures ordinaires. Effectivement, l'histo=
logie des Blastomycètes n'a pas été étudiée avec la
même précision sur les éléments enfouis dans les
tissus malades que sur les abondantes végétations
des cultures ; la fine structure du protoplasme el
du noyau de la cellule de levure n'a pas été recher=«
chée dans les inelusions des tumeurs. Notre igro=
1 Conseczr uud Frisco : Pathogene Blastomyceten bei
Menschen. (C. f. Bakt., t. XVII, 1895).
2 TokisuiGe : Ueber pathogene Blastomyceten (Centr. 1:
Bakt., XIX, 1896).
3 Bra : D'un champignon parasite du cancer (C. R. Soc:
Biol., 1898). — Le champignon parasite du cancer (Presse
médie., 23 févr. 1899). — Culture de Vectria, parasite des
chancres des arbres. Analogies de ces cultures avec celles
du champignon parasite du cancer humain (C. R. Acad:
Se., 10 juillet 1899). — Le cancer et son parasite (Paris;
1900).
4 Voruceix : Cancer et tumeurs végétales (Bulletin des
séances de la Soc. des Sciences de Nancy, 15 février 1900}
® RosexruaLe : Ueber Zellen mit Eigenbewegung des Inhalts,
beim Carcinom des Menschen und über die sog. Zelleins=
cblüsse auf Grund von Untersuchungen an lebensfrischen!
Material (Archiv. f. Gynäkologie, t. LI, 1896).
ü Lroporp : Untersuchungen zur Æliologie des Carcinoms.
und über die pathogenen Blastomyceten (Archiv für Gynà
kologie, t. LXI, 1900).
se
PAUL VUILLEMIN — LES BLASTOMYCÈTES PATHOGÈNES
137
rance lient à des difficultés techniques: il faut éga-
lement faire la part des erreurs d'interprétation
émanant de savants moins versés dans les connais-
sances bolaniques que dans les connaissances
pathologiques. Rien ne prouve, par exemple, que
les diplocoques de Tokishige et de Bra corres-
pondent aux granulalions observées dans l'inté-
rieur des globules levuriformes. Nous admettrons
difficilement que les corpuscules de Léopold soient
comparables aux zoospores par leur motilité,
quand l'auteur nous déclare que le mouvement
persiste dans les cellules plongées dans l'acide
chlorhydrique et même dans des fragments de tissu
enrobés depuis trois jours dans la paraffine. Des
organismes si délicats n'auraient pas survécu à
Fig. 3. — Saccharomyces tlumefaciens. Formes parasilaires
munies de grosses capsules gélifiées (Curtis).
l’action préalable des liquides fixateurs el déshy-
dratants. :
On peut négliger, comme insuffisamment établies,
les données concernant les formations endogènes
Spéciales à l’état parasitaire des Blastomycètes.
Il est, au contraire, parfaitement établi que les
globules provenant des tissus possèdent souvent
une capsule volumineuse d'aspect pierreux ou
vitreux, qui n'est point habituelle chez les levures.
Mais l'expérience a prouvé que des globules encap-
sulés, provenant des Lissus, donnent des Blasto-
mycètes typiques. Ainsi Sanfelice, Roncali obtien-
nent des cultures caractéristiques en placant dans
des milieux putritifs des fragments de tumeurs
contenant, d’après le premier, le Saccharomyces
lithogenes ; d'après le second, le Zlastomyces vitro
simile degenerans. Restait à prouver que les cul-
tures provenaient bien des corps calcifiés ou vitreux
et non de germes masqués dans la masse néopla-
sique. Les Blastomycètes, débarrassés par repi-
quages successifs des impuretés que la semence
d'origine aurait pu entrainer, ont élé inoculés à des
cobayes. Dans les expériences de Roncali comme
dans celles de Sanfelice, les animaux présentèrent
des globules encastrés dans une gangue piérreuse
ou vitreuse au milieu de nodules inflammatoires.
Les masses pierreuses provenant du rein d'un
cobaye inoculé, placées dans de l’eau stérilisée, se
décalcifient progressivement
dans une période de vingt-
quatre à quarante-huitheures ;
il ne reste plus, autour de la
membrane fine et réfringente
de la cellule levuriforme, © K :
qu'une capsule hyaline. Une © F) NA)
semblable capsule hyaline @)
s'est montrée autour des cel-
: Fig. 4. — Cryptocoe-
lules contenues dans les tissus, €
cus Hominis (Vieille
à la suite de l’inoculation de culture, sur jus de
ÿ : pruneaux d'après
levures banales pratiquée par Busse).
Sanfelice et Nesczadimenko #.
La démonstralion est complète : les enveloppes
pierreuses, débarrassées de la substance incrus-
tante, prennent le caractère de capsules hyalines.
Des globules encapsulés engendrent des globules à
membrane mince, et réciproquemeni. Par consé-
quent, les capsules qui, par leur développement
extrême, ont frappé les anatomistes, peuvent fort
bien appartenir à des Blastomycèles.
Nous dirons plus : elles représentent un organe
normal des Blastomycèles. Chez le Saccharomyces
tumefaciens, dont la capsule atteint un prodigieux
développement dansle produit pathologique, Curtis?
l'a retrouvée sans peine dans les cultures (fig. 3);
Fig. 5. — Saccharomyces granulatus. — a, b, aspect de la
surface : granules isolés ou confluents en réseau; €,
forme allongée : d, chlamydospores ; e, asques.
chez le Cryplococcus Hominis, Busse* l'a reconnue
dans les milieux artificiels (fig. 4), dès que son
1 NESCZADIMENKO : Zur Pathogenese der Blastomyceten
(Centr. f. Bakl., t. XXV, 1899).
? Curns : Contribution à l'étude de la saccharomycose
humaine (Ann. de l'Institut Pasteur, t. X, 1896). — A
propos des parasites du cancer (Presse méd., 11 mars 1899).
3 (. Busse : Ueber parasitäre Zelleinschlüsse und ihre
138
PAUL VUILLEMIN — LES BLASTOMYCÈTES PATHOGÈNES
altention eut été éveillée par les observations de
Curtis; chez le Saccharomyces granulatus, elle
forme un revétement orné d'élégantes saillies ponc-
tiformes ou soudées en réseau (fig. 5). D'une façon
plus générale, la membrane des Blastomycètes se
compose de deux couches, dont l'externe, géné-
ralement réduite à une mince pellicule, s'épaissit
et se différencie sous diverses influences. Cette
sorte de cuticule, prenant un développement inso-
lite dans les tissus malades, devient la capsule.
Ce développement exagéré est considéré à tort
comme un signe de dégénérescence; les globules du
S. tumefaciens se multiplient abondamment, malgré
la capsule géante qui les protège. Il résulte assu-
rément de l’action du milieu hospitalier sur le para-
site; mais chaque espèce réagit à sa manière
contre la provocation des tissus auxquels elle
dispute le terrain ; suivant ses tendances propres,
elle donnera des capsules minces ou épaisses, hya-
lines, cornées ou pierreuses. Les capsules repré-
sentent, en un mot, une adaplation parasitaire de
la couche superficielle de la membrane des Blas-
Ltomycètes.
Il est donc démontré que les Blastomycètes sont
capables de vivre dans l'intimité des tissus et
s'adaptent à ce milieu exceptionnel, en prenant
des caractères aberrants, qui les feraient mécon-
naître par des observateurs non prévenus.
Partant de cette donnée exacte, divers observa-
teurs rapportent sans hésiter aux Blastomycètes
les corps avides de couleur qu'ils observent dans
les tumeurs et qui répondent à peu près, par leur
forme et leurs dimensions, aux cellules de levures.
Roncali, Binaghi', Aievoli”, s'engagent hardiment
dans cette voie et concluent de leurs observations
que les Blastomycètes existent constamment dans
les tumeurs malignes. Les partisans de la théorie
trouvent des arguments jusque dans les observa-
tions destinées à démontrer l'intervention des
Protozoaires. Albarran *, Banti*, Gilchrist avaient
antérieurement mentionné des phénomènes de
bourgeonnement peu conformes au mode d’évolu-
tion des animaux.
Züchtung (C.f. Bakt., 1. XVI, 1894). — Ueber Saccharomy-
kosis hominis (Virchow's Archiv, t. CXL, 1895, et t. CXLIX,
1896). — Die Helen als Krankheitserreger (Berlin, 1891).
1 BiaGur : Ueber das Yorkommen von Blastomyceten in
den Epitheliomen und ïbre parasitäre Bedeutung (Z. f.
Hygiene, XXIII, 1896).
? AxevoLr : Osservazioni preliminari sulla presenze di blas-
tomiceti nei neoplasini (77 Policlinico, I, 1895). — Nuova
contribuzione aïlo studio dei blastomiceti nei neoplasmi
{Riforma medica, nov. 1895). — Ricerche sui Blastomiceti
nei neoplasmi (Centralblatt für Bakter., XX, 1896),
3 Acparnax : Sur les tumeurs épithéliales contenant des
psorospermies (C. R. Soc. de Biologie, 1889).
# Banrr : | parassili nella malattia mammaria del Paget
(Lo Sperimentale, t. XLVII, 1894).
5 Giccuristr : À case of blastomicetic’ dermatitis in
(J. Hopkins Hospital Reports, t. 1., 1896).
man
Les corps fuchsinophiles, décrits d’abord par
Cazia” comme les produits d'une dégénérescence
hyaline des cellules cancéreuses, avaient été, peu
après, considérés par Russell * comme des cellules
parasites. L'auteur anglais n’était pas éloigné de les
rapporter aux Blastomycètes ; mais il songeait …
d'autant moins à en faire les agents spécifiques du
cancer, qu'il en avait retrouvé d’analogues dans des
lésions syphilitiques ou tuberculeuses. D'ailleurs, les
travaux de Soudakewitch?, Foa‘, Ruffer et Walker”
Metchnikoff®, ete., avaient mis les Sporozoaires à la
mode et les corps avides de fuchsine tombaient
dans l'oubli, quand les découvertes de Sanfelice
attirèrent de nouveau l'attention sur ces productions
mal définies. Cependant personne n’a constaté en
eux la structure d'une cellule de champignon.
Pianese ? combat énergiquement leur assimilation
aux Blastomycètes, tant par des raisons hislolo-
giques que par des preuves expérimentales. Il à
constaté l'apparition de corps de Russell dans les
Fig. 6. — Corps de Russel se produisant à la suite d'une
injection de sublimé (d'après Pianese).
tissus dégénérés sous l'influence d'’injections asep-
tiques de sublimé (fig. 6).
Les données histologiques sont, en somme, insuf-
fisantes pour démontrer que les inclusions des
tissus cancéreux soient des Blastomycètes. Quand
les descriptions son! assez vagues pour justifier
l'hésitation entre un Blastomycète et un Protozoaire,
oumême un produit d'altération d'un tissu humain,
il nous paraît sage de conclure, en bonne logique,
qu'elles sont insuffisantes pour appuyer l'une ou
l’autre des théories en présence.
{ Cain : Contribution à l'étude des dégénérescences
cellulaires (Journal de l'Anal. et de la Physiol., t. XXVNI,
1900).
? RusseLL : An adress on à charakteristic organism ©
cancer (British medical Journal, 1890).
# SounakewIrsCu : Recherches sur le parasitisme intracel-
lulaire etintranucléaire chez l'homme (Ann. Institut Pasteur,
1891.)
+ Foa : Sui parassiti e sulla istologia patol. del cancro
Arch. per le scienze mediche, t. XVIII, 1593).
5 Rorrer and WALKER : On some parasitic proftozoa found
in cancerous tumours {Journal of Pathology and Bacter.,
1892).
Rurrer and Primuer : Further researches on some para-
sitic protozoa found in cancerous tumours (/bid., 1893).
S MercuxiKkorr : Carcinomes et coccidies (Revue géncrale
des Sciences, t. 111, 1892).
7 Pranese : Su i corpi fuxinofili di Russell (Archives de
Parasitologie, t. 1, 1898).
PAUL VUILLEMIN — LES BLASTOMYCÈTES PATHOGÈNES
Des preuves physiologiques ont été invoquées à
l'appui des renseignements imparfails de l'histo-
logie. Léopold a pu obtenir la fermentation alcoo-
lique en présence des tissus cancéreux; mais ce
n'est là encore qu'une indication, non une preuve.
Si les Blastomycètes comptent dans leurs rangs les
agents les plus importants des fermentations indus-
trielles, ils n'ont pas le monopole de cette fonction.
III
Pour prouver la nature végétale d'un corpuscule
contenu dans un tissu, le procédé le plus sûr est
de constater qu'il végète. Cette observation est
pupossible, tant que l'élément en litige est enfoui
dans l’ organisme ; elle n’est pas pratiquement réa-
Misable dans les tissus eux-mêmes. Léopold a bien
“attaqué de front la difficulté, en conservant pen-
“dant plusieurs mois des fragments de tumeurs sous
Je microscope plongeant dans une éluve maintenue
à la température du corps ; mais les conclusions
“qu'iltire de ces expériences sur la croissance et les
“mouvements des Blastomycètes dans les tissus
“nourriciers soulèvent de sérieuses objections.
“ Ilest donc nécessaire d'isoler les éléments soup-
“connés d'être des Blastomycèles parasiles et de les
“cultiver. Les cultures en terrains variés ont en
“outre l'avantage de mettre en jeu la plasticité d'or-
“ganismes très sensibles aux influences de milieu,
artant de multiplier les manifestalions de l'acti-
vité, de varier les caractères morphologiques et de
- faciliter les distinctions spécifiques.
On a isolé et cultivé sans peine les Blastomycètles
“agglomérés en grandes masses dans des enduits
* superficiels (Troisier et Achalme), dans des poches
kystiques (Curtis) et ceux qui flottent librement
dans les sécrétions, le pus et autres produits patho-
- logiques. Le semis des issus et notamment des
- néoplasmes donne des résultats moins constants et
moins certains. Tandis que Léopold réussit du pre-
« mier coup des cultures dans la gélatine ou le bouil-
* lon nutritif ordinaires, Bra, et à sa suite Chevalier”
| insistent sur la nécessité d'acclimater d’abord les
4 Blastomycèles des cancers dans un milieu spécial
. ayant pour base le bouillon de mamelle. Corselli et
. Frisco n'obtiennent un résultat pOSitie avec un Sar-
come des ganglions mésentériques qu'en faisant les
premiers ensemencements sur fucus, surtout neutre
ou alcalin, Roncali se trouve mieux de l'emploi
des liquides acides et sucrés usités journellement
dans l'étude des levures. Après maints essais
infructueux, Plimmer * réussit à isoler un Cryplo-
1 Cnevauier : Sur un champignon parasite dans les
affections cancéreuses. (C. A. Acad. Se., 23 et 12 juin 1898).
— Le cancer, maladie parasitaire. (Thèse Méd., Paris, 1899).
2 Priumer : Note préliminaire sur cerlains organismes
139
coceus d'un carcinome en ensemençant en culture
anaérobie une infusion de tissu cancéreux addi-
tionnée de substances nutritives. Wlaiev' se procure
aussi des cultures de Blastomycètes en semant des
tissus Bonome? réussit dans 7
sur 23.
Malgré les résultats encourageants obtenus dans
le carcinome du bœuf, Sanfelice ne présente
qu'avec une extrème réserve les premiers résulials
de ses tentatives d'isolement des parasites des
tumeurs humaines. Le petit nombre des colonies
obtenues laisse subsister des craintes de contami-
nation par les germes de l'air. Effectivement le
nombre des Blastomyceètes qui ont germé n'est pas
en rapport avec la multitude des globules observés
dans les tumeurs considérés agents
pathogènes ; ces globules restent donc stériles, au
moins pour la plupart, dans les milieux de cul-
ture où ils sont introduits expérimentalement
Cela ne prouve pas qu'ils aient cessé de vivre et
perdu la propriété de se multiplier dans les ‘issus
eux-mêmes. Sans doute, beaucoup de parasites
périssent dans l'organisme et finissent par être vic-
times des altérations qu'ils ont provoquées autour
d'eux; la dégénérescence frappe à la fois les tissus
malades et les agents pathogènes. Mais, comme le
remarque Sanfelice, les Blastomycètes pliés aux
conditions nouvelles qui leur sont imposées par
leurs connexions avec les cellules de l'organisme
humain, ont pris de nouvelles habitudes biolo-
giques et ne savent plus faire usage de la liberté
qui leur est brusquement rendue. L'insuccès des
cullures ne nous donne pas une preuve suffisante
de l'absence de Blastomycètes vivants dans les
organes lésés; mais il nous prive d'une preuve
importante de leur existence.
Par suite de leur viabilité affaiblie dans les con-
ditions expérimentales, les Blastomycètes patho-
gènes sont aisément supplantés dans les cultures
par des cultures banales qui y trouvent les condi-
tions les plus favorables à leur extension. Aussi les
résultats positifs des cultures doivent-ils être sou-
mis à une critique rigoureuse. Il ne faut pas iden-
tifier hâtivement un Blastomycète obtenu en cul-
ture avec les éléments observés dans les tissus
semés.
Dans bien des cas, la comparaison de la forme
cultivée avec la forme reconnue dans les produits
pathologiques est suffisamment convaincante. Plus
souvent, les éléments des cultures diffèrent des glo-
Cancéreux ; cas
el comme
isolés du cancer et leurs effets pathogéniques sur les
animaux (Pevue gén. des Sciences, t. X, 1899). — On the
aetiology of cancer (The Practitioner, t. LXII, 1899).
1 Wrarev : Sérothérapie des tumeurs malignes (Mémoire
présenté à l'Acard. de Médecine, 20 nov. 19007.
2 BoxouE : Sull’ importanza dei blastomiceti nei tumori
(Auti del R. Istituto Veneto, t. IX, 1898).
PAUL VUILLEMIN — LES BLASTOMYCÈTES PATHOGÈNES
bules intra-organiques. Quelques espèces perdent
même, dans les milieux artificiels, le caractère de
Blastomycèles qui, par définition, repose sur la
végélation bourgeonnante. Ainsi le Cryptococcus
degenerans s'allonge en filaments, contrairement
au (Cr. lithogenes qui lui ressemble beaucoup,
dans l'organisme, par la dégénérescence pierreuse
de ses capsules. Roncali insiste sur cette différence
et en conclut que son parasite est intermédiaire
entre les Blastomycètes et les Oïdiées. Il faudrait
même aller plus loin et considérer le Cr. degene-
rans comme un Hyphomycète réduit, par adapta-
tion parasilaire, à l'état de globules bourgeonnants,
si les formations mycéliennes prennent réellement
le dessus dans des conditions plus favorables de
nutrition. Tokishige établit une distinelion analo-
gue entre le Cryptococcus de la lymphangite épi-
zootique du Japon et le Saccharomyces du farein
d'Afrique. GilchristetR.Stokescomparent au Cham-
pignon du muguet les cultures filamenteuses d'un
Blastomycète isolé d'un cas de pseudolupus. Hek-
toen * oblient un Hyphomycète semblable à un Spo-
rotrichum en cultivant des Blastomycèles extraits
du pus d'abcès sous-cutanés. G. Memmo* avait ob-
servé dans la moelle épinière d’un enfant mort de
rage, et chez des lapins inoculés avec le virus rabi-
que, des formes semblables aux Blastomycètes
signalés par Sanfelice dans les tumeurs. Les eul-
tures ensemencées avec la substance cérébrale de
l'enfant lui donnèrent un Champignon intermé-
diaire entre les Saccharomyces et les Oidium, c'est-
à-dire un mélange de globules bourgeonnants et de
filaments cloisonnés ou continus. Calmette*, ayant
observé des levures dans la salive de malades
atieints de typhus, vit se développer à leurs dépens
des filaments spirilliformes dont la nature est peu
claire. Û
Tous ces Champignons, inoculés aux animaux,
ont reproduit dans l'organisme les formes de Blas-
tomycèles exclusivement. Par conséquent, l'appa-
rilion de filaments ne prouve pas la contamination
des cultures par des germes extérieurs distincts
des Blastomycètes observés dans l'organisme.
Les asques ou sporanges caractéristiques du
genre Saccharomyces se forment dans des condi-
tions de milieu assez strictement déterminées. Ils se
montrent pour chaque espèce dans d'étroites limites
de tempéralure (Hansen) et de préférence quand
les levures en voie d'active évolution sont brusque-
ment sevrées, quand on les transporte, par exemple,
© HEKkTOEN : Un nouveau Champignon pathogène (Centr. f.
Bakt., t, XXVII, 1900).
* MEwwo : Britrüge zur Ætiologie der Rabies (Centr. 1.
Bakt., t. XX, 1896).
* CaLuerTE : De la présence d’un microorganisme dans le
sang, les crachats et les urines des malades atteints de
typhus exanthématique (Ann. de Microgr., févr. 1893).
sur des blocs de plâtre (Engel), du papier buvar
(Wasserzug), ou quand les globules anciens son
écartés de la gélatine nutrilive par les nouvelles
couches qui les soulèvent (Swan). Ces conditions
ne se réalisent guère dans l'organisme. À part le
Saccharomyces farciminosus, où les cellules endo=
gènes (à paroi mince d'ailleurs) se montrent par-
fois dans le pus (fig. 7), d'après Fermi et Aruch!,
les ascospores n’ont jamais été observées à l’examert
direct des tissus ou des produits pathologiques.
Leur existence dans les cultures a élé signalée
par Achalme et Troisier chez le S. anginæ, par
Busse chez le S. fumefaciens de Curtis. Des cellules*
endogènes à paroi mince, répondant à la descrip=
tion de Fermi et Aruch, ont été obtenues chez le
S. granulatus transporté sur des blocs de plâtre.
Mais ces organes reproducteurs font défaut dans*
la plupart des milieux de cultures comme dans
l'organisme. La formation decapsules danslestissus
de chlamydospores dans les cultures, manifestent
également la réaction du Cham-
pignon contre des influences de
se ; a CS) 6
milieu restreintes et n'infirment É) 0
en rien Ja communauté d'origine 6
des globules observés dans le 0 O0:
corps et des végétalions déve-
ps 8 2) @
loppées in vitro.
Les diagnoses botaniques ba-
sées sur l'étude des cultures con-
viennent donc pour la plupart
aux Blastomycètes préexislant
dans les tissus ou les produits
semés. Elles ont permis de dresser une liste déjà
longue des Blastomycètes parasites de l'homme.
Le genre Saccharomyces, fondé sur la présence
des asques, comprend les espèces cilées plus haut,
S. Anginæ, tumelaciens, larciminosus, granulatus.
On a cité d’autres Saccharomyces parasites : S. 2
lipsoidens dans ia trompe d'Euslache, S. Cerevi-.
si dans le mucus ulérin, sans toutefois fournir la
preuve de l'existence des asques, qui justifierait
cette détermination. Les levures roses signalées
fréquemment dans les produits pathologiques se
rattachent sans doute en parle au S. Fresenii. La
forme des globules roses isolés par Stéphen Artault”
des cavernes pulmonaires sous le nom de Cryplo=-.
coccus cavicola répond assez bien à la diagnose de
cette espèce ; mais la preuve de cette assimilation
fait défaut, et d'ailleurs il ne semble pas que le pa-
rasite ait végélé dans l'organisme en quantité suf-
fisante pour nuire.
Fig. 7. — Crypto-
coccus {farcimi-
nosus dans Je
pus (d’après Fer-
mi et Aruch).
1 Kenur und Anucu : Ueber eine neue pathogene Hefeart
und über die Natur des soz. Cryplococcus farciminosus
Rivoliæ (Centr. f. Bakt., t. XVII, 1895).
? Srernex Auraurr : Flore et faune des cavernes pulmo-
näires (Archives de Parasilologie, 1, 1899).
PAUL VUILLEMIN — LES BLASTOMYCÈTES PATHOGÈNES
1
LS
—
Les autres Blastomyeètes parasiles, à défaut
d'organesreproducteurscaractérisliques d'un genre
définitivement fixé, rentrent dans le genre pro-
visoire Cryplococcus. Nous ne saurions étendre,
avec Sanfelice, la dénomination de Saccharomyces
à tous les ferments alcooliques. En attendant la dé-
couverte de caractères qui les rattachent à divers
é os
£ SES æ)
ra K ® \ DZ
Fig. 8. — Cryptococcus Tokishigei donnant des filiments
— en culture sur gélose (d'après Tokishige). — x, globules
typiques ; b, e, globules conteuant des granulations ; 4,
—… granulations libres, supposées issues des globules : e, f,
À transformation des globules en filaments.
genres d'Hyphomycètes, nous laissons aux (Cryp-
“lococceus les espèces qui donnent des filaments dans
“les cultures : Cr. degenerans, Tokishigei (fig. 8),
“Gilchristi, ainsi que les espèces fort douteuses
“signalées par Hektoen dans les abcès sous-culanés,
par Memmo dans les centres nerveux des rabiques,
par Calmette dans le typhus.
| Les espèces constamment globuleuses se dislin-
…puent par des caractères dont la valeur spécifique
“est inégale, souvent incerlaine; par le mode de
nec dans les tissus : Cr. lithogenes ;
| “par leur coloration rose : Cr. glulinis, rouge
“framboise: Cr. ruber, noire: Cr. niger de Maf-
“fucci et Sirleo', Cryplococcus de Corselli
risco. La distinction des levures incolores repose
principalement sur leur origine. Peut-être pourra-
-on invoquer la préférence du Cryplococcus de
Plimmer pour les milieux privés d'air, les grandes
imensions du Cr. psoriasis, la sphéricité du Cryp-
et
ères considérés comme spécifiques par les bota-
_nistes font jusqu'ici défaut pour distinguer le
“Cr. hominis de Busse, le Cr. granulomatogenes du
poumon du porc et divers Blastomycètes isolés des
tumeurs humaines par Sanfelice, Léopold, Wlaïev,
ccm, le Gr. albus, de Hlava, le Cryplococcus
trouvé par Gotti et Brazzola* dans un polype nasal
. de la jument, etc.
1 Marrucer und Sirzeo : Beobachtungen und Versuche
über einen pathogenen Blastomyceten (Centr. f. allq.
… Pathol. u. Anat., t. VI,-1895 et t. VII, 1896). — Ueber die
Blastomyceten als Infektionserreger bei bôsartigen Tumoren
(Zeitschr. f. Hyq., XXVII, 1898).
? Gorrr e Brazzora : Sopra un caso di blastomicosi
“nasale in una cavalla (%/emorie d, R. Acc. d, Scienze di
… Bologna, t. VI, 1891).
x
Lococcus que j'ai vu dansl'ecthyma; mais des carac- |
IV
Les procédés combinés de l'Anatomie patholo-
gique et des cultures ont établi la coexistencr
entre une série de lésions et une série de Champi-
gnons parasites appartenant au groupe des Blaslo-
mycèles. Le résultat est fort intéressant pour le
bolaniste, en lui montrant que le terrain vivant
convient à ces divers Champignons. Mais le méde-
cin ne saurait s'en coulenter; il lui importe de sa-
voir s'il existe entre le parasite et la lésion un rap-
port de cause à effet. Est-ce l’altération préalable
du terrain organique qui détermine la fixation et la
mulliplication des Blastomycètes? Est-ce au con-
traire le parasite qui cause la lésion ou du moins
contribue à la produire ?
Dans des circonstances spéciales, bienrestreintes,
on a vu le Blastomycète à l'œuvre dans l'organisme.
Son aclion mécanique est appréciable, quand le
Saccharomyces Anginæ forme des plaques cré-
meuses envahissant le pharynx, quand le S. /ume.
faciens dissèque les tissus en séparant la peau des
muscles par l'extension de sa masse.
L'action chimique a été mesurée par l'analyse
des sécrétions produites par les Champignons dans
les cultures. Mais quand il s'agit de démontrer la
toxicité d'un produit, il ne suffit plus de l'analyser,
il faut constater son aclion sur un organisme com-
parable à celui de l'homme.
Les catarrhes gastro-entériques observés par
Fig. 9. — Cryptococcus ruber. Culture dans du bourllon. —
a, chlamydospore.
Demme chez des enfants en bas âge ayant ingéré
le Cryptococcus ruber (fig. 9, 10 et 11) avec du
lait eru ou mal cuit sont d'origine toxique. Nous en
avons la preuve dans l'expérience de Casagrandi”,
1 Casacrawot : Il Saccharomyces ruber (Ann. d'Ig. sper.,
t. VII et VIII, 1898).
qui donna la diarrhée à une petite fille en lui faisant
boire du lait dans lequel le Cr. ruber avait été
cultivé, par stérilisation fractionnée.
Les chiens et les lapins avaient fourni au préalable
le même résultat. Si le Cr. ruber est cultivé dans
puis tué
Fig. 10. — Cryptococcus ruber dans le sang du cœur d'un
lapin inoculé depuis cinq mois. — g, globule rouge.
le bouillon, on l'ingère impunément en grande
quantité, à la seule condition d’exclure le lait de
l'alimentation. Ce Blastomycète n’élabore donc de
principes toxiques qu'en se nourrissant de lait; le
poison est un produit de la transformation du lait
par le Champignon.
Cet exemple nous fait loucher du doigt la diffi-
culté que soulève l'appréciation de la production
toxique d'un Blastomycète. Les sécrétions d’un pa-
rasite varient avec son alimentation ; les sorties sont
réglées par les entrées. Dans les expériences de
Demme * et de Casagrandi, nous avons pu suivre
dans le tube digestif la substance aux dépens de
laquelle le Blastomycète élabore le poison in vitro.
Mais, dans la plupart des lésions à Blastomycètes,
nous ignorons si le parasite rencontre à l'intérieur
du corps humain des aliments comparables à ceux
de nos milieux artificiels. Qui sait si les produits
de la nutrilion parasilaire sont les mêmes que les
produits de culture? Les premiers peuvent être
inoflensifs, quand les seconds sont toxiques, et
réciproquement.
On atténue cette difficulté en introduisant dans
le péritoine des sacs de collodion contenant des
cultures ; le parasitisme est alors réduit aux
échanges chimiques entre le Champignon et l’or-
ganisme hospitalier. Par ce procédé, Legrain obtient
chez le lapin, avec le Saccharomyces granulatus, un
amaigrissement extrêmement considérable en huit
! Dewme : Saccharomyces ruber (Volume du jubilé d'Hé-
noch, 1889, — Ann. de Microgr., 1889, et Anpali d'Ig. sper.,
t. VII, 1897).
PAUL VUILLEMIN — LES BLASTOMYCÈTES PATIHOGÈNES
| à dix jours. C'est encore avec un fort amaigrisses
ment que périssait un lapin, cinq jours après avoit
recu dans les veines une vieille culture du mémt
parasite en bouillon. Un homme atteint de tumeurs
de la mächoire contenant le même Blastomycète
avait perdu 6 kilogrammes de son poids en un mois
On observe donc, dans ce cas, une cerlaine con
cordance entre les symptômes de la maladie spon
fanée el ceux del'intoxication expérimentale.
Mais le syndrome clinique est autrement com*
plexe que l’ensemble de phénomènes reconstitué
par la synthèse des actions mécaniques et des ac
tions chimiques séparées par l'analyse. Pour être
fixé sur le rôle étiologique d’un Blastomycète, ul
faudrait reproduire expérimentalement la maladie
spontanée, en faisant agir le parasite et en sépa
rant de son action celle des agents accessoires qui
la renforcent, la complètent, la modifient ou s’as
socient à elle.
Aucune tentative de ee genre n'a été faite pour
les Blastomycètes observés par Hlava dans la va
riole, par Rivolla, Eisenberg et d'autres dans
diverses affections cutanées, les exanthèmes, les
otites, le rhinosclérome, l'hypertrophie des amyg
dales. Dans d’autres cas, l'inoculation est restée
sans effet.
Dans une autre série d'expériences, la lésion
Fig. 11. — Cryptococeus ruber dans le pus d'un lapin.
a, cellules vivantes; b, enveloppes vides; c, blastomy-
cètes englobés par les leucocytes.
provoquée diffère totalement de la maladie d'ori
gine. Lalevure trouvée par Calmette dans le typhus.
est inoffensive pour le lapin, quand elle est dépo=
sée sur les muqueuses nasale, pharyngienne, vagi=
nale; les phagocytles en ontraison en quatre jours:
PAUL VUILLEMIN — LES BLASTOMYCÈTES PATHOGÈNES
743
Les crachats et les cultures de Blastomycètes qui
en proviennent, inoculés dans la trachée du lapin,
provoquent une fièvre de 40 à 42° C., jamais d'exan-
thème ; l'animal guérit sans traitement au boul
d'une quinzaine de jours.
Les résuliats positifs les plus nets ont élé obte-
nus avec des Blastomycètes provenant de simples
affections inflammatoires. Nous avons déjà vu le
Zryplococcus ruber reproduire l'entérite. Une
evure, isolée par Colpe des écoulements d'une
- femme alteinte d'endométrile catarrhale, fut cul-
tivée et injeclée dans le vagin d'une lapine ; l’ani-
maleut pendant quinze jours un écoulement séreux
contenant le parasite.
Les causes d'irriltation les plus banales eussent
produit un effet analogue. Du moment qu'un Blas-
tomycète peut s'étendre à la surface d'une mu-
queuse délicate, il est tout naturel qu'il en provoque
linflammation. L'expérimentation a même paru
superflue à Troisier et Achalme lorsqu'ils ont pris
sur le fait la levure de l’angine crémeuse.
Le Blastomycète comparé par Hektoen à un Spo-
rotrichun d'après les caractères des cultures a
reproduit des abcès sous-cutanés chez le chien, le
cobaye, la souris et le rat; il prend donc place dans
la catégorie des pyogènes.
La lésion initiale est encore reproduite chez le
porc par le Cr. granulomalogenes de Sanfelice ;
les granulomes provoqués ont exactement la struc-
ture histologique du granulome qui a fourni le
parasite.
Les poches à levures dont Curtis isola le $S. {ume-
laciens ont élé reproduites avec leurs caractères
de pseudo-tumeurs lobulées, contenantdes colonies
géantes de Blastomycètes, chez les rats et les sou-
ris inoculés sous la peau avec des cultures pures.
Dans les cas précédents, il s'agit d'affections
locales, et la lésion reproduite est d’un type assez
simple, pour ne pas dire banal, On a cherché à
reproduire aussi des maladies nellement spécifi-
ques. Memmo donne aux animaux une maladie
mortelle, qui lui parait être la rage du type paraly-
tique, en leur inoculant, soit sous la dure-mère. soit
sous la peau, soit dans le péritoine, des cultures de
Blastomycètes provenant des centres nerveux des
animaux morts de rage. Les accidents éclatent après
une longue période d’incubation, dont la durée est
de six à huit jours chez le lapin, onze à vingt jours
chez le cobaye, trente à soixante jours chez le
chien.Chez ce dernier, la maladie, une fois déclarée,
se juge en sept à huit jours. L'animal est maigri,
hargneux, agressif; il a parfois la manie de mordre ;
il refuse la nourriture; il a l’écume à la bouche, la
mâchoire pendante; la paralysie envahit tout le
corps. La maladie a pu être transmise en série aux
chiens, non aux lapins, par inoculalion sous-cuta-
née d'une émulsion de substance cérébrale des
chiens qui ont succombé avec les symptômes qui
viennent d'être décrits.
Les expériences de Memmo méritent d'être répé-
tées et variées; elles sont d'un haut intérêt, mais
encore trop restreintes pour permettre de classer
définitivement la rage parmi les blastomycoses.
Dès que l’on sort des simples abcès, des kystes
ou des granulomes, les tuméfactions expérimen-
tales sont difficiles à identifier avec les lésions
spontanées. Le Cryptocoecus Gilchristin'a pas re-
produit le pseudo-lupus; il a provoqué des abcès
sous la peau du cheval, une masse purulente dans
la plèvre du chien; les inoculations à la souris et
au cobaye n'ont pas donné de résultat. Les cultures
la® see e229 2
206 LOST OECS
Fig. 12. — Cryplococcus Hominis logé dans la paroi d'un
abcès du tibia humain (d'après Busse).
des (r yplococeus du farcin d'Afrique ou du Japon,
le plus souvent inoffensives, ont donné tout au plus
des nodules locaux tendant à suppurer. Le S. gra-
nulatus, injecté sous la peau des lapirs, provoque
des nodules inflammatoires, qui finissent par
s'abcéder et se résorber; son action est purement
infectieuse à la suite d'inoculalion intraveineuse.
Avec le jetage d'une jument alteinte de polypes
nasaux, Gotti et Brazzola obtiennent un tissu de
granulations.
Les difficultés redoublent lorsqu'on aborde le
chapitre des tumeurs malignes. D'abord, le dia-
gnostic est discuté, soit pour la maladie d’origine,
soit pour la maladie provoquée. Sanfelice veut
trouver un sarcome généralisé dans l'affection
décrite par Busse comme une inflammation para-
sitaire chronique. Le Cryptococcus hominis (Gg.12
et 13), extrait de cette affection, n'a provoqué chez
les animaux que des phénomènes inflammatoires
1
ES
=
et, dans les cas les plus favorables, chez le chien,
une tumeur composée d’un tissu de granulalions
mou, vasculaire, œdémateux avec de grands et de
petits espaces infiltrés de graisse. La lésion expé-
rimentale ne présente donc pas la malignité soup-
connée par Sanfelice aux tumeurs d'origine; elle
est même au-dessous des prévisions de Busse.
Sanfelice n'a rien obtenu avec le Cr. lithogenes
provenant d'un bœuf cancéreux. Il ne se loue pas
davantage des résultats, très inconstants d’ailleurs,
obtenus par l'inoculation aux chiens, soit des émul-
sions de tumeurs de l'homme et des animaux, soit
des cultures qui en provenaient.
Maffucci et Sirleo avaient obtenu le Cr. niger en
semant les issus d’un cobaye atteint de tumeur
myxomaleuse du poumon avec ganglions tuméfiés.
Ils n'ont pas inoculé des cultures pures, mais des
fragments de poumon malade, et ont obtenu, chez
le cobaye, une tumeur locale qui s’ulcéra et s’ac-
compagna d'un gon-
flement des ganglions
axillaires. Leur con-
clusion est qu’un
Blastomycèle peut
produire des néopla-
sies de nature chro-
nique, dont les pro-
duits cellulaires ont
la propriélé d’émi-
vers les gan-
grer
do ne
une cellule géante : abeès du €t que le parasite
tibia humain (d'après Busse). émigre avec les élé-
ments de la néopla-
sie. Ils restent néanmoins convaincus que les pro-
cessus déterminés jusqu'ici (1898) par les Blasto-
mycèles ne représentent nullement une forme de
néoplasie équivalente à la formation anatomique
du cancer et du sarcome. Jusqu'ici, disent-ils, les
Blastomycètes ont causé, chez l’homme et les ani-
maux, de la septicémie, de la suppuration, et des
néoplasies inflammatoires chroniques à la façon de
la granulie.
Corselli et Frisco, les premiers, déclarent qu'ils
ont reproduit des néoplasies de nature maligne et
mortelle avec un Blastomycèle provenant d'une
maladie semblable, et'ils concluent que la parfaite
analogie dans le siège, la structure et la marche
de ces altéralions provoquées chez l'animal et des
lésions spontanées de l'homme, démontrent la spé-
cificité de leur action pathogène dans les deux cas.
Malgré la netteté de ces asserlions, on hésite à
porter le diagnostic de cancer dans le cas de Corselli
et Frisco. Leur malade présentait une sorte de
sarcome des ganglions mésentériques avec ascile
chyleuse:; les animaux inoculés n'ont jamais offert
PAUL VUILLEMIN — LES BLASTOMYCGËTES PATHOGÈNES
l'exsudat laiteux qui donnait une allure si parli-
culière à la maladie humaine. La démonstration
que les auteurs croient avoir fournie pour ce cas
particulier n’est donc pas complète: en tout cas, —
ils le reconnaissent eux-mêmes, — elle n'est pas
valable pour les tumeurs malignes en général.
Le Cryptococcus degenerans (fig. 14), extrait par
Roncali des adénocarcinomes, des épithéliomes et
des sarcomes, a provoqué, chez les cobayes et les
chiens, une réaction néoplasique et non inflam-
matoire; mais la mort rapide des animaux inoculés
n'a pas permis le développement de tumeurs com-
parables aux lésions d’origine.
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Fig. 14. — Coupe d'une tumeur adhérente au côlon humain
et renfermant du Cryptococcus degenerans (d'après
Roncali).
Les résullats énoncés par Bra à la suite de l’ino-
culation de champignons isolés du cancer sont
beaucoup plus saisissants. Il observe toute une
gamme allant de l’inflammation aiguë ou chronique
et de la sclérose jusqu'au fibro-sarcome et au sar-
come inclusivement. Seulement, il n’est pas facile
de se faire, d'après les descriptions de l’auteur, une
idée exacte de ce que sont, au point de vue bota-
nique, les champignons isolés des tumeurs mali-
gnes. Bra a observé, soit dans l'organisme malade,
soit dans les cultures, des formes bourgeonnantes
colorées ou incolores, des éléments cocciformes,
des filaments chargés de conidies allongées, des
périthèces analogues à ceux des Nectria qui sont des
Ascomycètes d'un type très élevé. Il décrit en outre,
comme endospores, des grains rouge rubis sem
vi ne Lost MN
PAUL VUILLEMIN — LES BLASTOMYCÈTES PATHOGÈNES 745
blables à des microcoques et des inclusions plus
volumineuses, rondes ou allongées, contenues dans
les globules levuriformes. Rapportant toutes ces
formes à une même espèce, l’auteur conclut avec
“une inconteslable logique que le champignon du
cancer n'est pas un Blastomycète. Mais, si le rai-
sonnement est juste, les observations qui lui ser-
vent de base sont tout à fait insuffisantes.
…. Bra à bien voulu, à deux reprises différentes,
nous fournir des échantillons vivants de son para-
Sile. Les cultures, multipliées pendant dix-huit
“mois dans notre laboratoire, ont donné constam-
ment un Blastomycète répondant à la diagnose du
“Cryptococcus ruber. Dans une note toute récente",
ra objecte que la coloration n'est pas constante ;
mnais cette remarque n'infirme pas notre détermi-
“nalion ; chez tous les champignons chromogènes, la
f formation du pigment peut être entravée ou abolie
“par une nutrilion défectueuse. Nous concluons
“donc que Bra a obtenu, des tissus cancéreux, un
lastomycète, le Cr. ruber; mais il n'est pas suf-
“isamment élabli qu'il ail toujours opéré avec la
-même espèce de champignon.
L'incertitude du point de départ retentit sur la
rigueur des résultats expérimentaux. Ces résultats,
Er ailleurs, sont loin de confirmer les prévisions de
_ Bra sur la spécificité de l’action parasitaire : il
“obtient, en effet, des dermatites, des glossites, des
“ulcères de l'estomac, des cirrhoses hypertrophi-
pures des infections aiguës ou subaiguës, des ca-
“chexies sans lésions mycosiques. Les lumeurs
“ provoquées sont le plus souvent des poches kysti-
ques remplies de champignons; tantôt elles se
résorbent, tantôt leur paroi s'épeissit progressive-
ent de manière à combler la cavité; parfois les
chiens ont offert des noyaux indurés dans _
viscères.
Chevalier répète les expériences de Bra et arrive
“aux mêmes résultats.
Le Cr. ruber avait déjà été inoculé par Demme et
par Casagrandi; le premier le considère comme
inoffensif, le second oblient des nodules à contenu
puriforme, en tout identiques à ceux que produisent
- d'autres Blastomycètes.
— MlkKovatcheva' a inoculé le Cr. ruber donné par
Bra comme champignon extrait du cancer. Les
« cobayes périrent en quelques jours. Chez les lapins,
- l'injection n'eut d'autre conséquence immédiate
- qu'un amaigrissement passager, parfois accompa-
_gné de l’évolution d'une poche à contenu puriforme
“au point d'inoculatiom. Les suites éloignées sont
L
|
! Bra : Sur les formations endogènes du Champignon isolé
des tumeurs cancéreuses (C. R. Acad. Sc., 10 décembre
190 0).
©? K. Kovarcueva :
Nancy, 1900).
Blastomycètes et tumeurs (Thèse Méd.,
REVUE GÉNÉRALE DES SCIENCES, 1901.
plus intéressantes. Après une période d'incubation
de plusieurs mois, durant laquelle les animaux
gardaient toutes les apparences de la santé, la
courbe des pesées présente une nouvelle chute qui
signale le début de l’évolution de tumeurs viscé-
rales.
De ces diverses expériences on ne saurait con-
clure que le Cr. ruber ou les champignons de Bra,
quels qu'ils soient, aient une action spécifique dans
la production du cancer.
La lenteur de l’évolution des tumeurs malignes
ne, permet guère d'apprécier les productions épi-
théliales observées par Plimmer chez les cobayes
morts de treize à vingt jours après l’inoculalion de
son Cryplococcus. D'après la description et les fi-
gures, il est très douteux, disent Petersen el Exner',
que ces nodules aient le caractère de vraies lu-
meurs; nous ne trouvons rien qui ne puisse êlre
rapporté avec autant de raison à des modificalions
inflammatoires. En lout cas, — et Plimmer lui-
même l'avoue, — il ne s'agit pas de carcinome.
inoculés avec les Blastomycètes de
D'après
Les rats
Wlaïev ont péri d'infection généralisée.
Lucas-Championnière
chez ces animaux ne sauraient êtres assimilées à
de véritables tumeurs cancéreuses.
Leopold vient de publier le résultat positif d'une
inoculation de Blastomycèles provenant d'un carci-
nome de l'ovaire dans les testicules d'un rat. L'ani-
mal périt au bout de cent quatre-vingt-quinze jours;
il présentait une quantité de nodules sur tous les
sur le péritoine pariélal,
les néoplasies observées
organes de l'abdomen,
dans les ganglions lymphaliques rétro-péritonéaux,
avec ascile des nodules du
péritoine donna, six jours après le semis, une cul-
ture blanchâtre de Blastomycèles à la surface de la
gélatine restée parfaitement claire.
Ce résultat est d'autant plus intéressant, que
Leopold croit trouver des Blastomycètes sembla-
bles dans les lissus cancéreux conservés sous le
microscope chauffé et dans les tumeurs expéri-
mentales obtenues deux fois à la suite du transport
de ussu carcinomateux frais de l'homme dans la
cavi é abdominale des rats.
Cependant, avant d'en apprécier la portée, il est
juste d'opposer à cette unique donnée positive les
nombreux échecs du même expérimentateur. Les
premiers essais de culture des tissus cancéreux sont
tous infructueux. Dans les deux dernières années,
Leopold réussit quatre fois sur vingt à obtenir
des cultures de champignons. Dans ces cas heureux,
les filaments mycéliens l'emportent au début sur
hémorragique. Un
1 Perensex und Exwer : Ueber Hefepilze und Geschwulst-
bildung (Beiträge zur Klin. Chir., t. XXV, 1899).
? Lucas-CHAMPIONNIÈRE Rapport sur un Mémoire de
Wlaïev (Acad, de Méd., Paris, 20 novembre 1900).
16*
746
les Blastomycètes et ne sont éliminés que par des
repiquages successifs. Si les formes filamenteuses
représentent une impureté, il n'est pas prouvé que
les formes globuleuses proviennent davantage de
la tumeur. Quelque incertitude plane done encore
sur l’origine cancéreuse de ces quatre séries de
cultures de Blastomycètes. Une seule de ces cul-
tures a été inoculée à cinq rats, dont un seul a
donné le résultat cherché. Encore les tumeurs
expérimentales du rat offraient-elles la structure
d'un sarcome à cellules géantes, d’une tumeur con-
jonctive et non d’un carcinome comme la tumeur
humaine dont la semence paraissait provenir.
L'inoculation des cultures de Blastomycètes pro-
venant des lésions humaines n’a donné, en somme,
que des résultats incertains, discutables, quand
on à leur demandé de reproduire chez l’animal
des maladies spécifiques d’un type bien net. Les
conclusions de Memmo sur la rage expérimentale
demandent confirmation; celles de Roncali, de Cor-
selli et Frisco, de Bra, de Plimmer, de Leopold sur
les tumeurs malignes ne reposent pas sur des
preuves péremptoires. La lymphangite farcinoïde
n'a pas été reproduite avec les Blastomycètes de
Fermi et Aruch, de Tokishige, ni ie pseudolupus
avec celui de Gilchrist.
L'action expérimentale des Blastomycètes d’ori-
gine humaine consiste en intoxications, en inflam-
mations des muqueuses, abcès, poches kystiques,
granulomes et autres néoplasies inflammatoires,
subaiguës ou chroniques. Ces diverses lésions pro-
voquées n’ont pas de caractères franchement spéci-
fiques et ne cadrent pas avec les lésions spontanées
qui ont fourni les cultures. Les Blastomycètes pro-
venant des malades se sont donc montrés patho-
gènes; mais l'expérience ne résoud pas le pro-
blème de l’étiologie des lésions dont ils ont été
isolés.
C'est que l'expérience ne réalise pas toutes les
conditions de l'infection naturelle. D'abord, elle
ne réussit qu'en faisant pénétrer simultanément
des quantités de germes sans rapport avee celles
qui entrent spontanément dans le corps humain;
elle introduit le parasite par des voies artificielles;
elle choisit arbitrairement ses sujets. Or, chaque
espèce animale réagit à sa manière aux provoca-
lions d'un même parasite et, pour chaque espèce,
la prédisposition individuelle varie dans des limites
aussi larges qu'inconnues.
La constance des lésions provoquées par un
parasite est loin de prouver la spécificité de son
action pathogène. L'organisme prédisposé est tou-
jours sur la défensive et la lutte qu'ilengage contre
Fennemi hérédilaire n’est point exempte de péri-
pélies et de chances de succès. Les ravages causés
par un parasite d'occasion, les manifestations
PAUL VUILLEMIN — LES BLASTOMYCÈTES PATHOGÈNES
banales de l'irritabilité des tissus en imposent trop
souvent pour la reproduclion d'un type morbide
défini, que l’expérimentateur recherche avec des
idées trop préconçues pour garder une rigoureuse
impartialité. Ce sont là des vices inhérents à la
méthode d’expérimentation sur l'animal appliquée
à la solution des problèmes de pathologie humaine.
V
Le rôle étiologique des Blastomycètes dans la
production de diverses maladies, et notamment
des tumeurs, n'étant pas suffisamment élucidé par
l'observation des lésions qui les fournissent et par
l’inoculation des cullures qui en proviennent, il
nous reste à chercher un complément d’information
dans des observations et des expériences qui, sans
aborder de front le problème, en éclairent diverses
faces par voie d'analogie.
On a inoculé aux animaux des Blastomycètes ne
provenant pas des malades. Diverses levures indus-
trielles se montrent inoffensives. Falk*', Boinet et
Roeser, Gilkinet? n’enregistrent que des insuccès.
Raum *, comme Neumayer‘, ne détermine chez le
lapin qu'une fièvre éphémère en injectant les
levures dans les veines. C’est seulement en forçant
la dose au point d'amener une distension et une
obstruction mécanique des capillaires du poumon,
qu'il provoque la dyspnée, le refroidissement, le
collapsus et la mort. L'aclion est purement trau-
malique.
M'e Rabinowitsch a essayé cinquante espèces de
levures, dont 43 n’ont pas causé d'accidents,
à moins d'être injectées en masses énormes. Les
sept espèces pathogènes, dont nous pourrions
encore retrancher les deux formes mélangées à des
filaments, inoculées sous la peau des souris, ame-
naient la mort en quelques jours. Le résultat était
moins constant chez le lapin après inoculation
sous-cutanée ou intra-veineuse. Les levures se mul-
tipliaient dans les organes ; on les retrouvait dans
le sang et dans les viscères (reins, rate, foie), entre
les cellules, plus rarement dans leur intérieur.
Jamais les organes ne furent le siège de déforma-
tions ou de tumeurs. ‘%
De Gaetanoÿ nomme Saccharomyces septicus
1 Fark : Ueber die Eiowirkung von Verdauungssäften auf
Fermente Archiv. f. Physiol., 1882.
2 Gizxiner : Arch. de Med. expér., t. VII, 1897.
8 Rauu : Zur Morphologie und Biologie der Sprosspilze
(Zeïtschr. f. Hyg., t. X, 189).
4 Neumayer : Untersuchungen über die Wirkungen der
verschiedene Hefearten (Zeïtschr. {. Hygqg.,t. XII, 1891).
5 L. RABINOWITSCU Untersuchungen über pathogene
Hefearten (Zeitschr. f. Hyq.,t. XXI, 1896).
© Dr Gagrano : Di un blastomicete patogeno, dotato di
rapido potere setticemico per le cavie (La Riforma med.;
n° 200, 1897).
D
PAUL VUILLEMIN — LES BLASTOMYCÈTES PATHOGÈNES
une levure qui donne aux Cobayes une péritonite
fibrineuse et une septicémie rapidement mortelle.
Raum obtint une fois, avec la levure de bière,
une tumeur remplie d’une masse caséeuse. Dans
cette expérience, l'émulsion qu'il voulait introduire
dans la veine auriculaire avait fusé, par accident,
dans le tissu conjonctif ambiant. Noisette* oblient
des lésions viscérales analogues aux affections pro-
voquées par le champignon du muguet, en inoculant
- des cultures de levure de bière; mais il ressort des
- descriptions, que l’auteur avait employé des cham-
pignons filamenteux mélangés comme impuretés au
« Saccharomyces Cerevisiæ dans les levures com-
merciales.
Des nodules à contenu puriforme ont été obser-
vés sous la peau ou dans le péritoine, par Casa-
grandi et Buscalioni*, à la suite de l’inoculation du
… S. gultulatus, hôte inoffensif du tube digestif des
. rongeurs.
Avec deux espèces de levures rondes et une
- espèce ovale, toutes trois indélerminées, Nesezadi-
menko obtient aussi, chez le rat et le cobaye, des
abcès sous-cutanés et des nodosités périlonéales
riches en Blastomycètes.
… Sanfelice se loue particulièrement de l'emploi
d'une levure trouvée dans des jus de fruits sucrés,
nommée par lui Saccharomyces neoformans. Nous
la désignerons sous le nom de Cryplococcus neo-
formans, puisqu'elle est inconnue sous la forme
sporifère caractéristique du genre Saccharomyces.
Un chien et une chienne inoculés dans les lesti-
cules et dans les mamelles présentèrent des
tumeurs dans les glandes en question, avec repro-
ductions métastatiques dans les ganglions lympha-
tiques. La mort arriva au bout de cinq mois pour
le chien, de six mois pour la chienne. Le diagnos-
tic d’adéno-carcinome fut posé par les maitres de
la chirurgie de Rome et confirmé par l'anatomie
pathologique.
Une banale levure des jus sucrés a donc causé
une maladie qui, dans l'état actuel de la science,
ne peut êlre distinguée d’un cancer typique. Sup-
posons qu'elle pénètre dans l'organisme humain et
y suscite les mêmes désordres que chez le chien,
le médecin se défendra difficilement de l'idée que
le Cr. neoformans soit agent du cancer.
Cependant, le (/r. neolormans provoque d’habi-
tude des réactions moins remarquables. Divers
expérimentaleurs, notamment Petersen et Exner,
n'obtiennent, dans les cas les plus favorables,
qu'un envahissement des organes par les cellules
de levure, avec une faible réaction des tissus.
1 Noiserte : Recherches sur le Champignon du muguet
(Thèse méd., Paris, 1898).
? CasaGranNDpt e BusCALIONT : Il Saccharomyces guttulatus
(Ann. d'Ig. sper., t. VII et VIIL, 1898).
]
=
Sanfelice lui-même n'a rien obtenu de plus chez le
cobaye. Chez le chien, il n'a obtenu de tumeurs
qu'après une série de passages destinés à accou-
tumer le Cryplococcus à vivre dans l'organisme de
cet animal.
Ce résultat, considéré par Sanfelice comme très
favorable à sa théorie, n'est-il pas plutôt de nature
à la compromettre? 1l est peu probable que les
globules observés dans les cancers appartiennent
au même Cr. neoformans. Sanfelice lui-même fait
de ce dernier une espèce distincte de son Cr. litho-
genes. On serait ainsi amené à supposer quil
n'existe pas un Blastomycète, agent de cancer, mais
que des espèces de ce groupe, en nombre illimité,
seraient susceptibles d'intervenir dans la produc-
tion du cancer, du moins dans certaines conditions.
La première de ces conditions, d'après Sanfelice,
c'est que les parasites n'aient pas perdu, par une
longue adaplation au milieu spécial réalisé par les
tissus d'un malade, la capacilé de se développer
dans un nouvel organisme. Ainsi s'expliquerait
l'échec des expériences tendant à reproduire le
cancer avec les parasites isolés de lésions invété-
rées. Sanfelice attend de meilleurs résultats de la
méthode indirecte, consistant à prendre un Blaslo-
mycèle sauvage el à faire en quelque sorte son édu-
cation en lui imposant des passages successifs à
travers l'organisme d’un animal prédisposé, jusqu'à
ce qu'il ait acquis le degré voulu de virulence.
Une autre série d'expériences est destinée à
rechercher si les propriélés des Blastomycètes sont
capables d'expliquer la production des cancers.
Pour cela, on a étudié séparément leur action chi-
mique et l'action mécanique des corpuscules qui
leur ressemblent.
Sanfelice fait, sous la peau des cobayes, des
injections quotidiennes de bouillons de culture de
Cr. neolormans filtrés sur bougie Chamberland ;
il n’en obtient d'autre effet qu'une élévation passa-
gère de la température à la suite des premières
injections. L’injection des produits solubles est
donc inoffensive.
D'après Bra, les produits filtrés du champignon
qu'il a isolé du cancer ne sont pas inoffensifs comme
ceux du Cr. neoformans. Is déterminent des phé-
nomènes vaso-constricteurs, une accélération des
mouvements respiratoires et cardiaques, le rétré-
cissement pupillaire, l'opisthotonos, des contrac-
tures, des secousses dans les membres postérieurs
et la mort brusque, probablement par arrêt de la
respiration dû à l’action prédominante du poison
sur les centres nerveux. Ces effets, il est vrai, ont
été obtenus par l'injection intraveineuse de doses
massives de 15 à 20 grammes par kilo de poids de
l'animal et même de 30 à 35 grammes si le liquide
a été chauffé; d'autre part, des phénomènes iden-
7148
PAUL VUILLEMIN — LES BLASTOMYCÈTES PATHOGÈNES
tiques ont suivi l'inoculation des cultures fillrées de
champignons quelconques, comme on en trouve sur
les arbres chancreux.
Chevalier avait noté l'amaigrissement notable des
cobayes auxquels il avait injecté les produits de
culture ou les substances extraites du même cham-
pignon. M'° Kovatcheva a cherché à préciser les
conditions de ces variations de poids. Elle se ser-
vait pour ses injections des produits préparés par
le D' Bra et considérés par cet auteur comme un
sérum anticancéreux. L'injection du sérum est
immédiatement suivie d'une chute dans la courbe
2? Décembre
Janvier
x
1° Février
5 Avril
5
. BORREMANS SC
Fig. 15. — Courbes bimensuelles du poids de deux lapins
inoculés avec 2 ce. de bouillon de culture de Cryptococeus
ruber, avec où sans injection préventive de sérum de
Bra. — X lujection de sérum (6 grammes). © Inoculation
des cultures (Expérience de M!1e Kovatcheva).
des pesées, même chez les lapins traités en pleine
période de croissance. La même chute se manifeste
à la suite de l'inoculation des cultures vivantes. Est-
elle due alors à la toxicité des produits solubles ou
aux troubles plus complexes liés à la nutrition du
parasile? L'expérience suivante parle clairement
en faveur de la première hypothèse (fig. 15).
Deux lapins de la même portée sont inoculés
simultanément avec des cultures de Cr. ruber ;Vun
d'eux, injecté préventivement avec le sérum de Bra,
venait de perdre 170 grammes; l’autre présentait,
au moment de l’opéralion, une courbe ascendante
de croissance, Dans la semaine qui suit l'injection
de culture, le premier diminue seulement de
> grammes; le témoin, non trailé préventivement,
perd 180 grammes. La chute totale a done été
identique dans les deux cas; l’immunitlé apparente
du lapin traité au sérum tient à ce qu'il avait payé
d'avance son tribut à l'action toxique des produits
parasilaires.
L'action toxique du Cr. ruber se manifeste dans
les expériences de Mi!° Kovalcheva comme celle du
S. granulatus dans celles de Legrain. Mais l’amai-
grissement qui la révèle est passager ; la courbe se
relève bien vite. Quand les tumeurs chroniques se
mettent à évoluer après plusieurs mois de santé
apparente, le poids diminue de nouveau; mais
celte chute secondaire na pas de rapport avec
l'amaigrissement passager du début; elle est la.
même chez les lapins qui ont reçu d’abord le sérum
de Bra et chez ceux qui ont été inoculés immédiate-
ment avec les cultures de Cr. ruber.
L'expérience n'a donc pas réussi à prouver que
les Blastomycètes interviennent dans la production
des tumeurs par l’aclion isolée de leurs produits
toxiques. Quant aux symptômes d'intoxication, ils
sont d'ordre trop banal pour être invoqués en
faveur d'une évolution cancéreuse.
En dehors de leur végétation el de leur nutrition,
les Blastomycètes représentent une poudre impal-
pable dont les particules sont disséminées dans les
tissus. On appréciera assez exactement leur aetion
mécanique par l'effet des particules solides de même
dimension, mais de nature différente.
Le Plasmodiophora Brassicæ est un Myxomycète
qui cause, sur la racine du chou, des tumeurs
connues sous le nom de hernie; après une phase
d'activilé pendant laquelle il ressemble à une
amibe, il se résoud en une masse de spores rondes,
semblables aux cellules des Blastomycètes, mais
n'offrant pas, comme elles, de phénomènes d’accrois-
sement et de multiplication. Podwyssotzki! trans-
porte sous la peau ou dans le péritoine de divers.
animaux de tout pelits morceaux de tissu de chou
rempli de spores de Plasmodiophora. Déjà au bout
de quinze à dix-huit jours, les lapins et les cobayes
présentaient des tumeurs grosses comme une noix.
La tumeur résulte d'une forte hypertrophie et d'une
prolifération des cellules fixes du tissu conjonctif
et principalement de l'endothélium des espaces
cireumvasaux, si bien qu'on pourrait, dit l'auteur,
parler avec raison d'un périthéliome ou d’un gra-
nulome parasitaire. Comme la spore ne croit ni ne
bourgeonne, son action est comparable à l'irrita-
lion de contact déterminée par les levures en dehors
de leur végétation envahissante.
Des tumeurs analogues se forment autour des
œufs d'Helminthes. Rappelons, par exemple, l'obser-
! Ponwyssorzki : Myxomyceten, resp. Plasmodiophora
Brassicæ, als Erreger der Geschwülste bei Tieren (Centr, f.
Bakt., t. XXVII, 1900).
LL SUR
PAUL VUILLEMIN — LES BLASTOMYCÈTES PATHOGÈNES 749
vation de Dujardin !, qui vit, dans la rate hyperitro-
phiée d’une musaraigne, des fubereules blanc jau-
nâtre d’un aspect crétacé remplis d'œufs de Calo-
dium; celle de Davaine”, qui décrit, dans la cavité
branchiale d'un aigle-bar (Scisna aquila), une
tumeur lobulée, plus volumineuse qu'un œuf de
poule et formée par un lacis inextricable de tubes
de tissu cellulaire qui contenaient des amas ou des
trainées d'œufs operculés. Rappelons encore, parmi
les lésions si variées produites par les œufs de la
douve de Bilharz (Schistosomum hæmatohium), les
ganglions mésentériques hypertrophiés, les lésions
pulmonaires simulant une tuberculose miliaire, les
polypes et les tumeurs richement vascularisées,
faisant saillie sur la muqueuse de l'inteslin, de la
vessie ou du vagin. Au dire d'Albarran et Bernard”,
la réaction provoquée par ces œufs amène parfois
la constilution d'un véritable épithélioma.
Ces actions mécaniques sont indépendantes de la
croissance des parasites au sein des tissus et même
de leur nature animale ou végétale. Des particules
inertes aussi fines causeront le même genre de
désordres. Nous en trouvons la preuve dans un cas
récemment publié par W. Dubreuilh et A. Vénot*.
Un enfant de onze ans s'était introduit sous la peau
de l’index un petit éclat de coquille d'huitre. Deux
mois plus tard, l’écaille est expulsée spontanément
par un abcès bientôt cicatrisé. Cependant, un empà-
tement persiste ’et grandit, sans occasionner de
trouble local ou général. Au bout de six mois, on
énuclée un néoplasme de la grosseur et de la
forme d’une amande, ayant la consistance d'un
myxosarcome. Le néoplasme est formé d'un tissu
conjonclif jeune, divisé en lobes linégaux et irré-
guliers par des travées de tissu fibreux ; il est farci
_d’abcès microscopiques, contenant chacun un tout
petit fragment de coquille d'huitre.
Il s'agissait donc d'une lumeur offrant clinique-
ment l'aspect du sarcome, mais causée, en réalité,
par des corps étrangers multiples et de volume très
faible comparable à celui des Blastomyceètes.
Dans ces expériences et ces observations, des
spores non germées de Myxomycètes, des œufsnon
éclos d'Helminthes, des parcelles inertes de coquille
d'huitre ont provoqué l'apparition de tumeurs sem-
blables aux granulomes, aux sarcomes, aux épi-
2 DusarDiN : Histoire naturelle des Helminthes (Paris,
1845).
? Davanxe : Note sur une tumeur singulière contenant une
quantité prodigieuse d'œufs d'Helminthes, observée chez un
Poisson vulgairement appelé Aigle-bar ‘Sciæna aquila). —
(GC. R. Soc. Biol. 2 S., t. I, 1854).
% AzparRan et BerNarD : Sur un cas de tumeur épithéliale
due à la Bilharzia hæmatobia (Arch. de Méd. expérim., IX,
1897).
* DugreurLn et Véxor : Tumeur d'aspect sarcomateux
causée par des corps étrangers multiples (Ann. de Dermat.
et Syph., oct. 1900).
théliomas. Les cellules de Blastomycètes, qui sont
des particules solides de même dimension, ne
peuvent-elles pas provoquer des tumeurs cancéri-
formes par simple action de contact? L'analogie est
assez frappante pour appuyer celte hypothèse,
d'autant plus que nous ne connaissons pas, parmi
les produits solubles des Blastomycèles, de subs-
tance dont l'injection soit suivie de processus néo-
plasique.
Cependant, d'autres expériences révèlent chez les
Blastomycèles un pouvoir pathogène plus complexe
qui les mel au rang des agents infectieux. Ainsi,
d'après Bra, des lapins soumis préalablement à
l'inoculation sous-culanée de doses infinitésimales
et croissantes de cultures de son champignon,
résistent à l'inoculalion inlra-veineuse de doses
massives. Il parait se faire là une sorte de vaccina-
tion.
D'après Sanfelice, une culture de Cr. neoformans
délayée dans l'eau et chauffée pendant 20 à 30 mi-
nutes à 60°C. perd beaucoup de sa virulence. Des
cobayes inoculés préventivement avec ces Blasto-
mycètes atténués par la chaleur résistent à une
inoculalion de culture ordinaire.
On ne s’expliquerait pas une accoutumance ana-
logue à une action purement mécanique. Mais il
faut noter que l'expérience de Sanfelice concerne
les cobayes, qui ne sont pas sujets à des tumeurs
comparables à celles des chiens. On pourrait donc
soulenir que la toxicité seule a été modifiée et que
les animaux, moins affaiblis pour l'action loxique,
ont opposé une résistance plus efficace à l'action
mécanique des levures inoculées. Les cultures
alténuées par la chaleur sont restées sars effet
quand elles ont été inoculées, non plus préventi-
vement, mais après les cultures virulentes.
On à eu recours enfin à une sorte de confronta-
tion entre les Blastomycètes et leurs victimes sup-
posées, en étudiant l'influence des cultures vivantes,
de leurs produits, des sérums modifiés par eux sur
la marche des cancers.
Dans des tumeurs de l’homme qui n'offraient à
la biopsie aucune apparence de cellules végétales,
Bonome introduit en masse des cultures de Blasto-
mycèles isolés d’autres cancers humains. La tumeur
se ramollit bientôt par dégénérescence de ses élé-
ments. Les parasites injectés ne se multiplient pas
abondamment; pourtant, on peutles extraire vivants
pendant plusieurs mois. Cetle expérience montre
que des Blastomycètes peuvent vivre dans les tissus
des lumeurs sans participer à leur formation. La
facon dont ils en ont modifié la structure n'éveille
pas l'idée d'une aclion spécifique. D’autres auteurs
ont obtenu des résullats analogues de l'injection de
levure de bière ou de bactéries dans les tissus can-
céreux. Un érysipèle inlercurrent modifie d'une
150
facon plus avantageuse certaines tumeurs malignes,
par exemple un lymphosarcome du cou dans une
observation de Nieden ‘.
Les produits de culture des Blastomycètes connus
sous le nom de sérum de Bra exercent parfois une
modificalion avantageuse sur la santé des cancé-
reux; mais la spécificité de cette aclion n’est pas
démontrée. Les cures obtenues par ce moyen ne
sont pas assez radicales pour révéler, selon le vieil
adage, la nature des maladies.
La sérothérapie proprement dite n'avait pas réussi
à Sanfelice dans ses essais d'immunisation des ani-
maux à l'égard du Cr. neoformans. Les cobayes
supportent impunément l'injection des produits
solubles de ce parasite; mais ce (raitement pré-
ventif n'atténue pas la marche de l'infection pro-
duite par une inoculalion conséculive de culture
vivante. Des cobayes qui ont reçu dans l'abdomen
8, 10 ou 15 centimètres cubes du sang des animaux
ainsi traités périssent lous d'infection diffuse, si on
leur injecte ensuite une culture pure. Le sérum
des chiens qui s'étaient montrés réfractaires à
l'inoculation des cultures virulentes n'a pas non
plus conféré d'immunité aux cobayes.
Les tentatives de Wlaïev ont fourni des résultats
plus encourageants. Le sérum des oiseaux de basse-
cour qui avaient reçu des cultures de Blastomy-
cêtes isolés du cancer à préservé les rats de la
maladie consécutive à l’inoculalion des mêmes
parasites, tandis que les témoins périssaient. Ce
sérum, efficace contre une blastomycose expéri-
mentale, d’ailleurs inoffensif, pouvait être injecté
à l’homme. Wlaïev a cherché à démontrer son
efficacilé dans le traitement du cancer. Cette effi-
cacilé est réelle, d’après les appréciations de plu-
sieurs chirurgiens éminents, tels que Lucas-Cham-
pionnière, Berger”, Le Dentu*; ce dernier lui
reconnait même une influence plus constante sur
les tumeurs épithéliales qu'aux autres modes de
traitements médicaux. Pourtant l'amélioration
n’est pas définitive et le sérum de Wlaïev, pas plus
que les cultures vivantes ou les produits directs des
Blastomycètes, n'a pas encore à son actif une gué-
rison où même un acheminement vers la guérison
d'une tumeur maligne.
VI
Des faits que nous venons d'exposer, fil nous
semble que les conclusions suivantes se dégagent:
Plusieurs espèces de Blaslomycètes sont aptes à
1 Nine : Emploi du sérum cancéreux.. (Semaine médi-
cale, 12 août 1896).
* BerGer : Observations à propos du sérum Jde Wlaïev
(Acad. de Méd., 20 nov. 1900).
*Le Denru : De la sérothérapie des tumeurs malignes
(Acad. de Méd., Paris, 21 novembre 1900).
PAUL VUILLEMIN — LES BLASTOMYCÈTES PATHOGÈNES
vivre en parasiles dans le corps humain. Leur pré"
sence s'accompagne d’allérations histologiques:
mais ces lésions répondent aux types les plus
variés, et il n'est pas toujours possible de dire si
elles résultent de l’action parasitaire ou si ce n'est
pas plutôt l’allération préalable des tissus qui à
préparé les voies à l'invasion des champignons.
Les Blastomycètes signalés dans le typhus, la
variole sont sans rapport avec la genèse de ces
maladies.
Plusieurs espèces ont un rôle évident ou suffi-
samment démontré dans des affections inflamma-
loires des muqueuses, telles que vaginites, endo-
métrites, entérites, stomalites, angines, amygda-
hites, otites moyennes, tandis que, dans d’autres cas »
analogues, on n’a pas exclu la possibilité d'une
simple coïncidence ou d'une intervention secon-
daire et accessoire.
Pénétrant dans l'intimité du corps, les Blasto-
mycètes sont capables de produire des abcès, de
vastes kystes parasitaires, des nodules inflamma-
toires, des granulomes. |
Le rôle des Blastomycètes, comme agents des
lymphangites épizootiques connues sous les noms
de farcin d'Afrique, de farcin japonais, est très
probable.
Les arguments invoqués par Memmo en faveur
de l'intervention des Blastomycètes dans la rage
sont loin d’être négligeables; mais le dernier mot …
n'est pas dit sur celte question, qui a déjà recu
tant de solutions contradictoires.
C'est surtout au sujet de l’origine des tumeurs
malignes que les Blastomycètes ont exercé la saga-
cité des chercheurs depuis quelques années. Il
existe bien certainement des tumeurs à levures;
c'est même à elles que l'usage tend à assigner plus
spécialement le nom de saccharomycoses ou mieux
blastomycoses, bien que ce terme s'applique avec.
autant de justesse aux affeclions précédentes.
Les tumeurs à levures, spontanées ou provo-
quées expérimentalement, sont l'œuvre d'espèces
variées et non d'un agent spécifique à part. Les
mêmes espèces, selon leur mode de pénétralion,
selon l'animal choisi comme sujet d'expérience el
selon diverses circonstances accessoires, peuvent
se montrer inoffensives ou produire de simples
phénomènes d'obstruction ou d'intoxication sans
lésions anatomiques. Les tumeurs à levures sont
des inflammalions parasilaires chroniques, dont
les analogies avec la tuberculose et l'actinomycose.
ont élé soulignées par Busse.
Les tissus néoplasiques produits par la réaction
inflammatoire autour des cellules parasites, isolées
ou agglomérées en amas, rappellent parfois la
charpente des sarcomes et des carcinomes; des
foyers nouveaux s'organisent autour des levures
»
X. ROCQUES. — L'ÉTAT ACTUEL DE L'INDUSTRIE DES CONSERVES ALIMENTAIRES
151
emportées par voie sanguine ou lymphatique. Mais,
daas ces colonies nouvelles, non plus que dans les
lésions principales, on n’a pas démontré la pré-
sence des cellules spécifiques qui constituent le
caractère objectif des tumeurs malignes.
Il existe donc une catégorie de tumeurs
levures longtemps méconnue. Leur diagnostic est
parfois facile, pourvu que l'attention des méde-
-cins soient éveillée sur elles. Dans d’autres cas, il
est délicat, comme le montrent les discussions sou-
levées par la remarquable observation de Busse.
Les cancers eux-mêmes sont-ils des blastomy-
“coses. ou bien seront-ils un jour démembrés en
plusieurs familles dont l’une se rattachera aux blas-
… tomycoses?
è Il serait prémaluré de trancher ces questions.
“ On a trouvé des Blastomycètes dans des cancers,
“ mais leur constance n'est pas cerlaine. On a re-
produit avec des Blastomycètes, comme d'ailleurs
“avec des corpuscules de nature différente, des
- affections rappelant le cancer, mais dont l'identité
… avec celte maladie est contestable.
- On a modifié les tumeurs malignes par l'em-
« ploi des Blastomycètes et de leurs produits; mais
à
+
L'ÉTAT ACTUEL
la spécificité de cette action n’est pas démontrée.
Bonome, frappé de l'abondance des Blasto-
mycètes dans les jeunes nodules métastatiques et
dans la carcinose miliaire diffuse, a suggéré l'idée
que les Blastomycètes ne sont peut-être pas les
producteurs du cancer, mais les agents de la diffu-
sion de l4 maladie. On ne s'explique pas aisément
comment un champignon globuleux pourrait servir
de porte-virus, à moins qu'il ne s'agisse d'un virus
soluble susceptible de l'imprégner et d'émigrer
avec lui. Behla' a déjà émis l'hypothèse que l'agent
du cancer pourrait êlre un virus soluble analogue
à celui que Beijerinck* a découvert dans une ma-
ladie du tabac; mais nous ne possédons aucun fait
à l'appui de cette hypothèse, en sorte que les rap-
ports des Blastomycètes avec le cancer sont encore
problématiques *.
Il reste donc beaucoup à faire pour connaitre
l'importance des Blasltomycètes pathogènes. Les
résultats acquis suffisent à montrer que leur étude
ne saurait être négligée du médecir
Paul Vuillemin,
Professeur à la Faculté de Médecine
de l'Université de Nancy.
ET LES BESOINS
DE L’INDUSTRIE DES CONSERVES ALIMENTAIRES EN FRANCE
… |. — DÉVELOPPEMENT DE L'INDUSTRIE DES CONSERVES
“ La produclion des conserves en France est très
ÿ importante. Il est assez difficile, en l'abseuce de
- stalistiques officielles, de la caiffrer avec quelque
« précision; néanmoins, nous croyons qu'on peut
“l'évaluer à 120 millions de boites par an. Dans
î cette quantité, c'est la production des conserves
« de sardines, avec Nantes pour centre, qui occupe
- la place la plus importante. La production y est
d'environ 80 millions de boites par an. Bordeaux
- vient ensuite, avec une production d'environ dix
“ millions de boîtes. Dans la région bordelaise, la
- fabrication des conserves a pris un grand dévelop-
pement, surtout la fabrication des conserves de
légumes. Les conserves de cette région sont, en
général, faites avec un très grand soin, et elles
sont fort appréciées. La région parisienne viendrait
ensuite, avec une production qu'on peut évaluer à
8 millions de boiles: légumes, fruits, champi-
gnons, elc. La région du Mans est aussi très im-
1 Voir la {re partie de cetle étude dans la Revue du
45 août 1901, t. XII, pages 699 et suiv.
DEUXIÈME PARTIE : PRODUCTION, HYGIÈNE:
portante pour ses conserves de légumes (environ
> millions de boiles). Parmi les autres régions
productrices, citons la région méridionale pour
les tomates et les fruits, la région du Périgord
pour les truffes, la région de l'Est, dans laquelle
! BeurA : Die geographisch statistische Method als Hülfs-
factor der Krebsforschung (Z. f. Hygiene, t. XXXII, 1899).
— Ueber neue Forschungswege der Krebsaetiologe (C. f.
Bakt., XX VII, 1900).
? BererNGk : De l'existence d'un principe contagieux
vivant fluide, agent de la nielle des feuilles de Tabac (Arch.
néerl., 2e s., t. Ill, 1899).
3 Voir encore sur cette question : Mox6our : Des produits
solubles du Champignon parasite du cancer humain et du
Nectria ditissima.… (Soc. de Méd. et de Chir. de Bordeaux,
5 janvier 1900.— Journ. de Med. de Bordeaux, 25 février 1900.
— Bull, médical, 18 juillet 1900.
MoreurGo : Farbbare Kérper in den Krebszellen (Centr.
f. Bakt., XVI, 1896.) Osservazioni ed esperimenti intorno
ad un blastomiceto patogeno con inclusione dette steno
nelle cellule dei tessuti patologici (71 Policlinico, t. 11, 1895).
Kanaxe : Versuch einer Theorie des Carcinoms auf bio-
logischer Grundlage (Centr. f. all. Pathol. und pathol.
Anat., t. VI, 1895). — Notiz, betreffend das Vorkommen von
Blastomyceten in Carcinomen und Sarkomen (Centr. f.
Bakt., t. XVIII, 1895).
Kororxerr : Untersuchungen über den Parasitismus des
Carcinoms (Beriin, 1893).
752
X. ROCQUES — L'ÉTAT ACTUEL DE L'INDUSTRIE DES CONSERVES ALIMENTAIRES
on produit des conserves de viande, de foie, etc.
Voici quelle serait chez nous, suivant le recen-
sement de 1896, la statistique de l'industrie des
Conserves :
PRE NOMBRE
lola .
de personnes ë te
occupées tablissements
Fabriques de salaisons, de con- — —
serves de viandes, d'extraits de
viande etc M AE 350 29
Fabriques de conserves de pois-
sons, fromages, etc. . Bpe 1.200 128
Fabrication de conserves de lé-
gumes, fruits secs, etc. . 3.500 87
5.050 25%
Il s'agit sans doute ici du personnel permanent :
les industries de conserves sont des industries sai-
sonnières, qui occupent, à l'époque d'activité, un
personnel féminin considérable (fig. 4).
Les pays dans lesquels nous exportons des con-
serves sont principalement : l'Angleterre, les États-
Unis, l'Amérique du Sud.
Notre exportation de conserves s'est beaucoup
amoindrie depuis les traités protectionnistes de
1892. Auparavant, la France avait presque le mo-
nopole de cette industrie, et elle écoulait ses
produits dans toute l'Europe et en Amérique.
Depuis, ces différents pays, l'Amérique notamment,
ont frappé de droits importants nos conserves, de
sorte que celles-ci sont devenues un article de
luxe. L'Espagne, l'Allemagne, la Suisse et l'Italie
se sont mises à fabriquer des conserves, et nolre
exportation s’en est trouvée atteinte. En Allemagne,
à Brunswick, dans des terrains sablonneux, on a
cultivé avec succès les asperges, dont l’exportalion
a pris en Angleterre une assez grande importance;
la Belgique fait des conserves, et le prix de la
main-d'œuvre y est peu élevé. Ces pays, dont nous
élions autrefois les seuls fournisseurs, exportent
des conserves en Angleterre. Maintenant, on nous
demande surtout les qualités supérieures; pour les
qualités ordinaires, on se contente des produits
allemands, italiens, ete., quisont à meilleurmarché.
Chaque pays, appliquant les procédés de fabrication
aux produits de son sol et de son élevage, est
devenu un concurrent, de consommateur qu'il
élait autrefois. La production américaine est
notamment une de celles dont l'accroissement
rapide a lieu de nous occuper plus spécialement.
La production annuelle de conserves en boites
aux États-Unis peut être évaluée à environ 700 mil-
lions de boîtes, qui se répartissent ainsi :
Viandes . 200.000.000 de boîtes.
Saumon . 140.000: 000 —
MO ÉTES AMENER ON 150.000 ,000 —
Corn pack ‘mais doux). 102.000.000 —
POTS EPP. me 40.000.060 —
ETUIS RTE TE 85.000.000 —
SOUPES M FANS. 5.000.000 —
2.000.000 de boites.
La production des viandes ‘en boites est con-"
centrée au nord-est, dans l'Illinois, le Missouri,
Wisconsin, Nébraska, et les grands centres de cette
fabrication sont Cincinnati et Saint-Paul. L'industrie
des conserves de poissons se trouve sur les côtes
de l'Atlantique et du Pacifique. Sur l'Atlantique,
le long des côtes du Maine, ontété installées trente
quatre fabriques de conserves de sardines, à Port
land, Eastport, Lubec et Brunswick
Plus au sud, dans le Maryland, Baltimore est le
grand centre des conserves d'huîtres; on y compte
quatre-vingts établissements faisant en même temps …
les légumes et les fruils en boîtes. La Virginie,
avec Morfolk, produit également des conserves
d'huitres. Sur le Pacifique, les États producteurs
sont l'Orégon, le Washington et la Californie pour”
la conserve du saumon, qui y est très importante. \
Astoria et Portland, dans l'Orégon, Seattle, Ana-
dortes et Tocama, dans le Washington, et San
Francisco, dans la Californie, sont les centres prin-
cipaux. Les conserves de légumes se font prin-
cipalement dans le Maryland, à Baltimore, dans
l'État de New-York, l'Ohio, l'Indiana, l'Illinois, le
Maine, le New-Jersey et la Californie. Les conserves
de tomates se font principalement dans les États
de Maryland, New-Jersey, Delaware, New-York,
Ohio, Iowa et Virginie. Les conserves de mais
doux dans les États du Maine, Maryland, New-
York, Iowa et Ohio. Les conserves de fruits en
boites se font principalement dans la région cali-
fornienne. On en produit aussi à Baltimore (Ma-
ryland), à Syracuse et Rochester (État de New-York),
dans le New-Jersey, Delaware, Pensylvanie, Ohio,
Indiana et Michigan. Toutes ces industries sont en
grand progrès; le Gouvernement les favorise par
le larif de douane qui leur assure une protection
sérieuse en frappant les produils similaires étran-
gers. Aussi, non seulement la consommation inté-
rieure de conserves américaines augmente-t-elle.
mais, aussi, la concurrence que peut faire l'industrie
américaine devient-elle de plus en plus grande.
Les extraits de viande sont protégés par un droit
de douane de 1 fr. 75 par livre de 453 grammes et
les légumes en boîtes par un droit de 40 °/, ; les
fruits en boîtes paient 0 fr. 10 par livre et 35 °/, de
la valeur; les poissons en boites entrent avec un
droit de 30 °/,; les sardines, suivant la grosseur
des boîtes, paient 0 fr. 42 à O fr. 50 la boîte; seules,
les conserves de homards entrent en franchise. Les
saumons en boîles paient 95 °/,; enfin, les fruits
secs, pommes et prunes, 0 fr. 10 par livre.
Dans le Nord de l'Amérique, le Canada produit
environ 13 millions de boîtes de homards et six
millions de boites de tomates. Le marché principal
est Halifax.
Les Etats-Unis produisent également une grande
X. ROCQUES — L'ÉTAT ACTUEL DE L'INDUSTRIE DES CONSERVES
ALIMENTAIRES 353
quanlité de conserves de lait concentré; on en fabri-
que notamment New-York,
Whitefield (New-Hamspshire), Richmond (Vermont)
et Highland (Illinois).
La fabrication des conserves à pris une grande
extension aux Etats-Unis, non seulement parce
que celte industrie y a rencontré abondamment les
malières premières, mais aussi parce que les Amé-
ricains, de même que les Anglais, sont grands con-
à San-Francisco,
la morue et du hareng, pour une valeur de
2.500.000 francs. L'importation des Etats-Unis à
été, la même année, de 5.500.000 francs de conserves
de sardines, venant principalement de France, et
de 3.500.000 franes de homards.
L'exportation des Etats-Unis en conserves de
fruits en boites a été de 8.000.000 de francs en
1897-1898.
Si l'Amérique est pour la France une concur-
1
Fig. 1. — Vue de l'une des cours de l'usine K. Potin, au moment de la labrication des conserves.
sommateurs de conserves. Chez eux la cuisine joue
un rôle moins important que chez nous.
L'industrie des conserves américaines développe
aussi ses exportations, comme le montrent les
chiffres suivants :
L'exportation des conserves de viandes en boites
s'est élevée, dans l’année douanière 1897-1898, à
37.000.000 de livres américaines (la livre : 453 gr.),
valant environ 16.000.000 de francs.
La même année, les Etats-Unis ont exporté
27.200.000 livres de saumon en boite, valant
12.500.000 francs, d’autres poissons en boîtes pour
une valeur de 500.000 francs et 12.500.000 livres
de poissons séchés ou fumés, principalement de !
rente très redoutable, l'Europe aussi doit allirer
notre attention. Nous avons dit que, depuis une
dizaine d'années, l'industrie des conserves alimen-
taires s'y était beaucoup développée.
Sur les côtes de l'Espagne et du Portugal, on
fabrique beaucoup de conserves de sardines à
l'huile.
En Espagne, on trouve, sur les côtes des provinces
maritimes de Vigo et de Villagarcia, 162 usines qui
préparent principalement des conserves de sardines
à l'huile et des sardines pressées et salées. Leur pro-
duction a élé, en 1898, d'environ 5.000.000 de kilos
de conserves de sardines à l'huile. Ces sardines
se sont vendues en moyenne 20 peselas par caisses
me y
194
X. ROCQUES — L'ÉTAT ACTUEL DE L'INDUSTRIE DES CONSERVES ALIMENTAIRES
de 100 boîtes dites « quarts » ; l'exportation en a
été de 2.283.000 kilos.
A Bilbao et Santander, 10 usines préparent aussi
des conserves de sardines.
A la Corogne, on en produit une quantité impor-
tante. On en prépare aussi à Higarita, à l'embou-
chure de la Guadiana.
À Tavira, près de Cadix, on prépare des conser-
ves de thons et de sardines.
On fabrique aussi en Espagne es conserves de
légumes et de fruits, à Lerida, Saragosse, Tudela,
Ponferrada, Madrid, Seville, etc.
Dans les îles Baléares, on prépare des conserves
de fruits et de tomates.
Sur les côtes de Portugal, la fabrication de con-
serves de sardines est importante. À Espinho,
arrondissement industriel de Porto, une usine de
conserves occupant 4 à 500 ouvriers produit de
2.000.000 à 2.500.000 boîtes de conserves.
Dans l'arrondissement industriel de Lisbonne, on
compte 36 usines occupant 2.109 ouvriers.
On trouve des usines de conserves à Lisbonne,
Setubal. On en trouve aussi à l’Algarve, Faro,
Lagos, Olhäo, Villaréal.
En Italie, la fabrication de conserves est assez
importante. On prépare beaucoup de conserves de
tomates dans toute l'Ilalie; mais surlout dans la
région de Naples, des conserves de fruits, de
légumes. Sur la côte ouest, entre Civita-Vecchia et
Gênes, on prépare des conserves de sardines, de
thons et d’anchois.
À Palerme, en Sicile, on prépare des conserves
de thons.
En Autriche, la fabrication des conserves est
encouragée par le Gouvernement. L’Administralion
de la Guerre donne aux fabriques de conserves
des commandes de boites de conserves de viande
pour une somme équivalente à l'intérêt du capital
engagé dans les fabriques. On a obtenu, de celte
manière, une organisation telle qu'elle permettrait
de faire en temps de guerre 450.000 boites de
conserves par jour.
On fabrique surtout, en Autriche, des conserves
de viande, et, sur la côte de l'Istrie et de la Dalmalie,
des conserves de sardines.
Les principaux centres de fabrication sont :
Vienne, où l'on fabrique notamment dans une
grande usine, 200.000 boites de conserves de viande
par jour, Buda-Pesth, Isola (Istrie), Grado, Rovigno,
Fasana, Kædling.
À Botzen, dans le Tyrol, deux grandes fabriques
font les conserves de fruits et les confitures.
On sait que Vienne est aussi le grand marché
des foies gras.
En Suisse, c'est la fabrication du lait condensé
qui occupe la première place dans la fabrication
des conserves. On trouve des fabriques de lait con-
densé à Cham, Vevey, Gruyère, Yverdon, Em-
menthal. La production aurait atteint, en 4897,
68.000.000 de boîtes, et on pourrai! l’évaluer ac-
tuellement à 70.000.000. L'exportation annuelles
(moyenne de 1892 à 1898) est de 184.850 quintaux
métriques, représentant une valeur de 18 millions
de francs.
Signalons aussi une importante usine à Saxon
(Valais), préparant des conserves de légumes, fruils
et viandes.
En Allemagne, on prépare des conserves de
viande à Brunswik, Gottingue, Eisenberg i. Th.,
Apoldo, Hambourg, Lubeck, Strasbourg ; des con-
serves de poissons à Barth, Stralsund, Greiferwald
et Lubeck; des conserves de fruits et légumes (pois,
asperges, haricots, etc.) à Brunsvick, Metz et
Schlitigheim (Alsace), Magdebourg, Hanovre et
Lubeck.
L'industrie des conserves en Alsace-Lorraine
s'est beaucoup développée et a bénéficié des traités
de 1892.
La Belgique compte plusieurs usines importantes
où l'on fabrique très bien les conserves de légumes
et de fruits.
En Hollande, on trouve aussi des fabriques de
conserves. .
Le Danemark exporte beaucoup de beurre con-
servé en boîtes. On fabrique aussi à Copenhague
des tonneaux de hêtre pour loger le beurre destiné
à être exporté.
On fabrique aussi des conserves diverses; une
maison importante existe à Copenhague; il yen a
aussi une à Faaborg.
En Angleterre, on fabrique des conserves de
viandes. À Londres, d'importantes maisons pré-
parent des conserves de pâtes de viande; les An-
glais sont très amateurs de ces conserves fortement
épicées.
En Suède, on rencontre des fabriques de con-
serves. À Gothembourg, dans une usine importante,
on met des morues en boites; à Karlshamn, on
prépare des conserves de harengs marinés.
En Norvège, il y a d'importantes fabriques de
conserves, principalement des conserves de pois-
sons, notamment à Stavanger et à Kristiansund.
On en trouve aussi à Bredvold, Balstad, Grimsæ,
Bodæ, Trondjem, Brandæsund.
Une importante fabrique de lait concentré non
sucré à aussi été établie à Christiania.
En Russie, l'industrie des conserves à pris
une certaine extension. On prépare des conserves
de fruits à Moscou, Saint-Pétersbourg, Kertch; des
conserves de poissons, à Odessa, Amour, Balaklava,
Nicolaev, Revel (sardines d'Esthonie). Une école
de conserves de poissons a élé créée à Tobolsk.
RE Le fe
LA
T8
X. ROCQUES —— L'ÉTAT ACTUEL DE L'INDUSTRIE DES CONSERVES ALIMENTAIRES
tete
199
En dehors de l'Europe etdes Etats-Unis, il existe
- des fabriques de conserves alimentaires. Nous cite-
-rons principalement la fabrication des conserves
“d'ananas. La Guadeloupe étaitautrefois le lieu de pro-
“duction principal de celte conserve, et celte colonie
en fabriquait annuellement de 600 à 800.000 boites.
Mais, depuis 1890 environ, la culture de l'ananas et
sa mise en conserve ont pris une grande importance
à Singapore, et l'ananas de Singapore fait une
concurrence considérable à celui de la Guadeloupe.
Actuellement, la Guadeloupe ne produit plus guère
“que 200 à 250.000 boites d'ananas, tandis qu'à Sin-
gapore on en produit de 5 à 6.000.000 de boîtes.
Comme qualité, l'ananas de la Guadeloupe a con-
servé sa supériorilé.
On voit que l'industrie des conserves est très
répandue ; la France continue à être à la tête de
celte industrie, sinon comme quantité, puisqu'à ce
point de vue elle est dépassée par les Etats-Unis,
out au moins comme qualité de ses produits et
comme soin avec lequel ils sont préparés. Notre
pays ne peut donc espérer lutter pour la grande
production à bon marché: sa supériorité est dans
la qualité de ses produits. Il faut done que les
industriels francais conservent cette supériorité et
améliorent sans cesse leur fabrication.
IT. — LES CONSERVES ALIMENTAIRES AU POINT DE VUE
DE L'IYGIÈNE
On a souvent porté, au nom de l'Hygiène, des
accusations contre les conserves alimentaires. Les
conserves de viandes deslinées aux troupes de la
Guerre et de la Marine ont été surlout fréquemment
incriminées. Si l’on compare cependant le nombre
considérable de ralions de conserves consommées
par les troupes ! avec le nombre relativement très
restreint d'accidents observés, on voit que les con-
serves ne peuvent pas, 4 priori, êlre considérées
comme un aliment qu'on doit metlre en suspicion,
D'autant plus qu'il faut observer que les accidents
constatés sont souvent peu graves, qu'ils se bor-
nent à des tranchées ou à des vomissements, et que
ces indisposilions disparaissent promptement. Les
cas mortels sont d'une très grande rareté.
Les conserves de poissons donnent lieu aussi
quelquefois à des accidents : on les observe surtout
‘avec les conserves de homard, de saumon et les
« conserves de sardines à l'huile.
4 Il ne parait pas y avoir d'accidents causés avec
É'
s
A
- les conserves de légumes, ou du moins ces accidents
sont-ils d'une rareté très grande.
E Les inconvénients que peuvent présenter, au
… point de vue de l'Hygiène, les conserves alimen-
£ laires peuvent avoir deux causes :
1 Les troupes consomment annuellement 3.000.000 de boites
renfermant chacune 5 rations.
PTE
TS RL
4° La nature de la boîte ou du récipient servant
à les contenir ;
2% La nature du contenu, c'est-à-dire de la con-
serve elie-même.
Examinons successivement les conditions que
doivent remplir la boîte et son contenu pour que la
conserve se présente dans les meilleures condilions
hygiéniques possibles.
$ 1. — Boîtes.
La boîte ou le récipient servant à emmagasiner
les conserves doit réaliser les conditions suivantes:
4° La fermeture doit être parfaite pour prévenir
toute cause d’altération venant de l'extérieur;
2 Les parois intérieures de la boile et toutes les
parties de la boite pouvant se trouver en contact
avec les substances à conserver doivent être abso-
lument dépourvues de substances nuisibles pouvant
s'introduire dans le contenu de la boite.
Pour ce qui est du premier point, la fermeture
parfaite, les fabricants sont obligés de la réaliser
sous peine de voir leurs conserves s'altérer. Nous
avons vu que cette fermeture hermétique pouvait
s'obtenir soit par soudure, soit par sertissage et que
ces procédés, lorsqu'ils étaient bien appliqués,
donnaient tous deux de bons résultats.
Au point de vue des conditions que doivent rem-
plir les parties de la boite en contact avec le con-
tenu de celle-ci, il y a lieu de considéder : 4° la sur-
face intérieure de la boite; 2° les joints (soudure
ou sertissage).
Pour les boîtes de fer-blane, l'étamage doit être
fait à l’étain fin‘. On doit, suivant Grimaux”, enlten-
dre par étain fin à employer pour les bainsd'étamage
ou de rétamage, celui qui contient au moins 97 [0
d'étain dosé à l’état d'acide métastannique, et qui
renferme moins de 0,5 °/, de plomb et moins de
0,01°/, d'arsenic. Suivant M. Pouchet*, on a observé
en Russie des accidents provenant de la présence -
de l'arsenic dans l’étain employé à l'étamage d'us-
tensiles de cuisine.
Lorsqu'on emploie pour l'étamage des boites de
conserves de l'élain renfermant du plomb, on re-
trouve dans le contenu des boîtes une quantité de
plomb qui peut être assez importante. Cest ainsi
que Schutzenberger et Boutmy, qui ont examiné
16 boites de conserves de viandes de la marine, ont
obtenu les résultats suivants : Le métal employé
pour l’étamage renfermait de 5,93 à 20,13 °/ de
plomb (12°/, en moyenne), et la viande en contact
avec l'étamage renfermait de 8 à 143 milligrammes
de plomb par 100 grammes de viande.
1 Ordonnance de police du 31 décembre 1890.
2 Comité Consultatif d'Hygiène, 27 janvier 1890.
3 Comité Consultatif d'Hygiène, 1890.
756
D'autre part, MM. A. Gautier et Pouchet ! ont
trouvé les résultats suivants en analysant des boiîles
de conserves de poissons à l'huile dans lesquelles
on avait pratiqué des soudures intérieures avec de
l'étain plombifère :
PLOMB PAR KILO
=,
de poisson d'huile
Sardines. 33 milligr. 68 milligr.
— PRE ES RE DRE PE MEL NREES 3 —
Maquereaux Re PO RE ILES
Thon 30° — =
AM Le MO sex NS SA 0e 223 0 — 170 —
Sardines (vieille boite). . . . . +: 43 — 168 —
Au sujet de l’étamage, nous ajouterons que, pour
produire des fers-blanes d’un prix peu élevé, on
réduit la couche d’étain le plus possible, et on
arrive à avoir une couche si mince de métal pro-
tecteur du fer, que ce dernier peut être atlaqué par
les liquides contenus dans la conserve.
M. Doremus a examiné des boîtes de conserves
de poissons qui étaient dans ce cas; elles étaient
gonflées et avaient l'apparence extérieure de
conserves, avariées. Cependant, en ouvrant ces
conserves, on constalait que les poissons étaient
fermes, de bonne couleur, sans goût ni odeur
désagréable et que leur contenu était stérile ; mais
l'examen chimique indiqua la présence de fer et
d’étain. À l'intérieur, on constatait une corrosion
étendue des côtés et du fond de la boîte, tandis que
le couvercle, qui était revêln d’un étain différent,
était inlact.
Le gaz qui gonflait ces boîtes contenait 80 °/,
d'hydrogène.
Le gonflement était dû à la mauvaise qualité du
métal des boîtes, et surtout à un étamage insuffi-
sant.
On a cherché à parer aux inconvénients que
présente le contact des conserves avec un métal
quelconque en enduisant l’intérieur des boiles mé-
talliques d’un vernis protecteur. Malheureusement,
jusqu'ici on n’a découvert aucun vernis susceptible
de résister parfaitement à une stérilisation de
110-115° et à l’action des matières contenues dans
les boites. Il y a là, comme nousl'avons déjà dit, un
problème intéressant à résoudre.
Les divers modes de fermeture des boites ont
donné lieu aussi à des réglementations.
Comme il entre généralement une notable pro-
portion de plomb dans les alliages servant à faire
les soudures, il était prescrit® de pratiquer les
soudures uniquement à l'extérieur des boîles. Cette
circulaire a soulevé de nombreuses protestations
de la part des fabricants de conserves de sardines,
qui ont déclaré qu'il leur fallait de toute nécessité
‘ Comité Consultalif d'Hygiène, 1er octobre 1888.
* Arrêté ministériel du 4 mars 1879.
X. ROCQUES — L'ÉTAT ACTUEL DE L'INDUSTRIE DES CONSERVES ALIMENTAIRES
pratiquer des soudures à l’intérieur des boîtes. Lam
question, soumise à plusieurs reprises au Comité
Consultalif d'Hygiène, a été réglée dans les cireu
laires ministérielles des 31 mai 1880 et 12 août 1889
permettant l'usage de soudures intérieures, à la
condition qu'elles soient pratiquées à l’étain fin.
La soudure, lorsqu'elle est pratiquée à l'extérieu
avec de l’étain plombifère, ne présente aucun incon«
vénient quand elle ne pénètre pas; mais il n’en est
pas toujours ainsi dans la pratique, et il pénètren
quelquefois dans les boites de conserves des
goultes de soudure plombifère qui peuvent conta=«
miner le contenu de la conserve. |
Lorsque, au lieu de pratiquer la soudure, on pra=
tique le sertissage, on emploie des caoutchoucs«
renfermant des oxydes mélalliques. Ces caout=
choucs étaient autrefois addilionnés d'une forlem
proportion d'oxyde de plomb (30 à 40 °/,); mais, à
la suite de protestations du syndicat des ferblan=s
tiers soudeurs, le Comité Consultatif d'Hygiène a,
dans sa séance du 21 mai 1894, adopté les conclu
sions d’un rapport du D’ Dubrisay tendant à inter,
dire l'emploi de tous les procédés de sertissage quim
comportent l'emploi de substances plombifères. A:
la suite de cette interdiction, on a adopté divers
oxydes, mais on a éprouvé des mécomptes, car les”
autres oxydes qu'on a employés n’ont pas l'étans,
chéilé que procurait le minium ou la litharge
Les premières tentatives faites dans le but de sup=«
primer les caoutchoucs plombifères ont été très
onéreuses pour les fabricants; on a, cependant,
réussi à employer des caoutchoucs non plombifères,«
mais à la condition de changer la disposition du
mode de fermeture et de poser le joint de caoult=M
chouc sur le couverele, etnon sur la boite. (Voir la
première parlie de cette étude.)
rm >
$ 2. — Contenu des boîtes.
Le contenu des boîtes doit, pour répondre aux
desiderata de l'hygiène, satisfaire aux conditions
suivantes : |
1° Les substances à conserver doivent être, au
moment de la fabrication, en parfait état de conser-
vation ;
2° Les opérations de préparation doivent s’effec-
tuer avec la rapidité désirable et les précautions
indispensables; 4
3° Toute boite mal réussie, reconnaissable par
le bombage, doit être rejetée et ne doit jamais
donner lieu à l'opération dite de la représervation à
4 Enfin, la stérilisation doit être parfaite pour
assurer la destruction de tous les germes.
M. le D' Vaillard, qui a fait une étude très com-
plète des conserves de viandes destinées à l’armée,
à cherché si les conserves renfermaient des subs-
tonces toxiques, ou si elles pouvaient renfermer
X. ROCQUES — L'ÉTAT ACTUEL DE L'INDUSTRIE DES CONSERVES ALIMENTAIRES
(1
—]
)
des microbes vivants capables de provoquer une
infection intestinale.
M. Vaillard ne pense pas que le fait du vieillis-
“étment des conserves puisse être cause de la for-
Une conserve
9% Une viande saine à l’origine peut devenir
loxique au cours de la fabrication, lorsque, par suite
5, basilles. Dans cette classe de conserves, M. le
D' Vaillard signale principalement les conserves
ées, dont le fond avait bombé, et que l'on a voulu
réutiliser. Pour exécuter cette opération, on fait un
ces conserves représervées sont dans des condi-
tions hygiéniques mauvaises, car si les microbes
ont élé tués, les produits de leurs sécrétions
restent dans la conserve;
. 3 Dans une conserve insuffisamment stérilisée,
les germes peuvent persister vivants el se déve-
lopper par la suite. Si les anaérobies ont été tués,
il peut rester des aérobies qui ne peuvent se déve-
lopper en l'absence d'oxygène libre; lorsqu'on
ouvre la boite pour la consommalion, les aéro-
bies peuvent se développer librement et rendre le
éontenu de la boîte malsain.
Les conserves à l'usage de l’armée paraissent
contenir, dans certains cas, des substances Loxiques.
Des expériences de Pouchet paraissent tout au
moins le démontrer. Ce savant a injecté à des co-
bayes des extraits de conserves, et quelques-uns
de ces extraits ont déterminé la mort en quelques
heures. Des extraits, préparés d'une manière iden-
dique avec des viandes fraiches et saines, ne don-
“nent jamais, dans les mêmes conditions, desexlraits
… toxiques. Les conserves alimentaires de l'armée ne
“renferment pas seulement, dans certains cas, des
produits toxiques; elles contiennent aussi des mi-
- crobes, et le D' Vaillard a pu, en aérant aseptique-
- ment des conserves paraissant saines, y détermi-
ner le développement de microbes aérobies qui
n'avaient pas été lués. Il a pu ainsi constater que
10 et même 80 °/, des boites qu'il a examinées,
contenaient des germes revivifiables. Il semblerait
donc que fréquemment les conserves sont impar-
faitement slérilisées ; la cause en serait due à l'in-
suffisance du degré et du temps de chauffe.
Le D' Vaillard a constaté qu'en soumettant des
conserves à 120° dans des autoclaves employés
par l'industrie, c'est seulement après une heure
trente environ que le centre de la boite alteint
116°.
La conclusion à tirer de ces faits, c'est que les
conserves de viandes, pour être parfaitement salu-
bres, doivent être fabriquées dans les conditions
que nous avons indiquées plus haut, et, surtout, ne
pas être soumises à la pralique vicieuse de la repré-
servalion.
Ajoutons que c’est avec juste raison que l’on
recommande de consommer les conserves dès que
les boites ont été ouvertes; les inconvénients que
présentent les conserves se manifestent, en effet,
la plupart du temps quand cn ne consomme les
conserves que quelque temps après l'ouverture des
boites. Le même fait se produit avec les conserves
de poissons.
Si nous passons maintenant aux conserves de
légumes, nous constatons qu'il y à une grande dif-
férence dans les accidents observés. Tout d'abord,
il parait difficile d'employer pour préparer les con-
serves alimentaires des légumes gâlés, en raison de
l'aspect défectueux de ceux-ci. Ja stérilisation des
produits végétaux s'obtient avec beaucoup plus de
facilité que celle des substances animales. Quand
il se développe une altéralion ayant pour résultat
de faire bomber la boite, cette altération est due au
développement de ferments acidifiants, et l'on con-
naît très peu de cas d'accidents provoqués par de
telles conserves.
Nous devons dire un mot de la pratique du
reverdissage qui est appliquée aux légumes verts.
Cette pratique, qui a été adoplée en raison des exi-
gences de cerlains consommateurs et des demandes
de l'exportation, a pour but de rendre leur belle
teinte verle aux légumes qui ont été décolorés
pendant les diverses opérations de cuisson et de
stérilisation. Ce résultat s'oblient par l'addition
d’une petite quantité de sulfate de cuivre (45 à 50
grammes de sulfate de cuivre par bassine conte-
nant 70 à 75 kilos de pois, ou 50 à 55 kilos de hari-
cots verts).
L'emploi des sels de cuivre était interdit depuis
1860’. A la suite d'un rapport de M. Grimaux au
Comité Consultatif d'Hygiène, celte interdiclion a
été levée”.
1 Ordonnance du 20 décembre 1860.
2 Ordonnance du 18 avril 1889
758
$ 3. — Date de la fabrication.
Pour terminer l'étude des conserves alimentai-
res au point de vue de l'Hygiène, il nous reste
à parler d’une proposition de loi de M. Muteau,
député de la Côte-d'Or, soumise en ce moment au
Parlement, loi tendant à obliger les fabricants de
conserves alimentaires à mentionner d’une facon
apparente la date de fabrication. M. Muleau espère
éviter ainsi les inconvénients qui peuvent résulter
de l'usage des conserves alimentaires avariées.
Cetle question avait été déjà discutée au Congrès
international d'Hygiène tenu à Paris en 1900, et le
Congrès avait émis un vœu dans le même sens.
Une réglementation analogue est déjà en usage
er Autriche, où les boîtes de conserves portent la
date de la fabrication; mais je ne crois pas que cette
mesure puisse être appliquée d'une manière géné-
rale à tous les produits alimentaires commerciaux ;
elle doit être restreinte aux conserves de viandes
destinées aux troupes.
En France, les industriels ont l'habitude de faire
estamper sur les boites de conserves des lettres ou
des signes leur permettant de reconnaître la date
de fabrication. Mais ces indications conservent un
caractère secret et ne renseignent pas le consom-
mateur. Le résullatique l’on veut oblenir est, au
contraire, defrendre apparente au public l'époque
de fabrication d’une boite de conserve quelconque.
Si l’on‘veut que le consommateur connaisse la
date de fabrication d'une conserve qu'on lui offre,
c'est qu'en [admet que cette conserve est sujette à
s'altérer avec le temps. Il doit donc y avoir une rela-
tion entre l’âge d'une conserve et son état d’alté-
ration, et il doit y avoir ainsi une période de temps
au bout de laquelle la conserve n’est plus saine. La
vérilé est que ce n'est pas le temps qui est le fac-
teur le plus important de l’altération : c'est l'état
de stérilisation de la conserve. Une conserve est
bien ou mal stérilisée. Si elle est bien stérilisée,
X. ROCQUES — L'ÉTAT ACTUEL DE L'INDUSTRIE DES CONSERVES ALIMENTAIRES
|
toute action microbienne cesse : il ne peut plus se 1
produire que des actions d'ordre physique ou chi= |
mique. Peut-il se former sous ces seules actions
des composés loxiques? Cela parait bien peu vrai=
semblable.
M. le D'° Vaillard, parlant des conserves de
viandes, dit que la Chimie, aidée de l’expérimen=
tation sur l’animal, a été impuissante à constater
l'existence de produits toxiques dans des conserves
datant de plus de dix ans et restées inaltérées;
d'autre part, des millions de conserves dont lan
fabrication remonte à cinq et six ans sont consom="
mées journellement dans l'armée sans déterminer
d'accidents. Il ajoute qu’une conserve bien faite à
l’origine ne subit aucun changement appréciable au
cours du temps et demeure inoffensive.
Ce qui est vrai pour les conserves de viandes, -
l’est plus encore pourles conserves de légumes. J'ai
eu l'occasion d'examiner un assez grand nombre
de ces conserves datant de six à douze ans: elles»
étaient parfaitement stériles, ne présentaient pas
trace d’altération et ont élé consommées sans qu'il
en soit résulté le moindre inconvénient. 4
Je crois que si l’on voulait exercer un contrôle
efficace sur la valeur hygiénique des conserves *
alimentaires, il faudrait faire porter ce contrôle sur '
l'état de stérilisation. Une conserve bien stérile
peut être sans inconvénient consommée au bout.
d'un temps très long, alors qu'une conserve mal.
stérilisée est susceptible au bout d’un temps res-
treint de déterminer des accidents.
On ne saurait trop engager les industriels à s’as=
surer que les conserves qu'ils préparent sont bien
stérilisées. Le bombage des boîtes, qui est un signe
d’altération, n’est pas le seul, et des conserves peu-"
vent sans se bomber ne pas être complètement sté=
rilisées.
x
st gt *
Le
Xavier Rocques,
Ingénieur Chimisle,
Ancien Chimiste principal
du Laboratoire municipal de Paris :
Eh ef
LE COMMERCE EXTÉRIEUR DE LA FRANCE
AU XIX’ SIÈCLE
Le but de la Revue est de faire connaître, à mesure qu'iis se produisent, les progrès dans chaque
branche des études positives, de synthétiser les résultats obtenus, et d'en dégager l’enseignement ; enfin,
indiquer, en des articles d'avant-garde, les idées nouvelles qui dirigent les chercheurs, le sens dans
lequel semblent devoir s'orienter le plus utilement linvestigation expérimentale ou les essais
application. Sciences « pures » et « Applications » des Sciences ont également droit à l'hospitalité de la
Revue. Mais faut-il classer les Sciences économiques parnni celles dont ses lecteurs ne sauraient se
désintéresser? Nous nous sommes posé la question. Et nous avons cru pouvoir la trancher affirma-
livement, — sous certaines conditions, cependant.
La science économique groupe les faits relatifs à la vie particulière des nations et à la vie
générale du monde civilisé; elle étudie ensuite ces faits, s'eflorce d'en discerner lenchaïnement et la
Subordination, puis d'en déduire des lois générales. Il y a done, dans les travaux des économistes, une
artie positive, indépendante de toute appréciation personnelle, et une partie, plus subjective, qui
orcément donne prise à la controverse : une partie où s'exerce l'observation, et une partie réservée
à Ja discussion. Demander à la Revue d'accueillir des articles économiques de discussion serait
dentraïner dans une voie qui n’est pas la sienne; mais il semble bien qu'elle demeure fidèle à son
programme général et à sa ligne de conduite, en publiant, de temps en temps, certaines études portant
Sur des faits précis, el présentant des conclusions d'intérét national.
Tel nous parait être le double caractère du travail qu'on va lire.
Quelle a été, pendant le XTX* siècle, et quelle est aujourd'hui la puissance d'expansion
commerciale de la France? De celte question, nul ne Saurait se désintéresser; elle doit préoccuper
Thomme cultivé, le savant, plus encore que le citoyen moins éclairé, car le commerce extérieur est,
de nos jours, le grand facteur de la puissance d'un peuple. Au XV£ et au X VIF siècle, le missionnaire
était le pionnier des nations colonisatrices : on querroyait alors pour des idées. Actuellement, le
marchand est le porte-drapeau de sa patrie, et Ton se bat pour conquérir des marchés nouveaux. 11
importe done de savoir quelles sont nos chances de succès dans la lutte qui emplira le XX° siècle.
Pour élucider le problème, le mieux est de s'en tenir aux méthodes scientifiques de lobser-
wation. Le simple examen des faits, accompagné d'une explication précise, dira mieux que les
plus ingénieuses dissertations ou les plus éloquents discours des hommes politiques, comment $est
développé notre commerce pendant le XTX® siècle et pourquoi la situation de l'heure présente apparait
Comme grave.
L. O.
Il n’est peut-être pas sans intérêt de résumer | commerciales; Richelieu et Colbert avaient, de leur
lhistoire commerciale de la France pendant le | côté, perfectionné ce service; mais le « Bureau de
xIx° siècle, et d'examiner ensuite si quelque lecon | la Balance du Commerce » n’en était pas moins tout
tile ne se dégage pas de l'observation des faits. | à fait insuffisant. L'Assemblée nationale de 1792,
Nous allons donc essayer d'établir : quelles ont été | voulant remédier au mal, ordonna la formation
les causes des variations de notre commerce exlé- | d’un « Bureau central d'Administralion du Com-
rieur; quel à été le rang de notre pays au point de | merce », dont la mission serait de réunir tous les
vue de l'importance des échanges internationaux; | mouvements commerciaux. Le « Bureau de la Ba-
quelle est enfin notre situation comparée à la fin | lance du Commerce » devint celui des « Archives du
de l’année 1900. Commerce », et la Douane fut chargée de recueillir
I les renseignements. Le Règlement du 17 janvier
1792 organisa le service. Et bientôt paraissait le
Pour le premier quart de ce siècle, les documents | premier tableau semestriel du commerce de la
précis n'abondent pas. Sully avait bien organisé, | France. Mais, au milieu des troubles de tous genres
vers 1602, un « Cabinet de politique et de finance » | qui secouaient le pays, l'entreprise ne put être
# chargé” de réunir les éléments des statistiques | poursuivie, et on attendil en vain le deuxième ta-
bleau. Ce n’est qu'en 1818 que furent inaugurée
1 GEonGEs PaLraix : Les Douanes françaises. les publications annuelles de l'Administration de
760
Douanes, faisant foi en la matière; et la première
publication décennale comprend les chiffres de la
période 1827-1830.
Notons, cependant, que les statistiques de celte
époque sont loin d'offrir loutes les garanties néces-
saires d'exaclitude. D'une part, l'organisation du
service central laissait à désirer, et ce n’est guère
qu'en 1851, sur la demande de M. Thiers, ministre
du Commerce, que les documents furent enfin col-
lationnés, détaillés et publiés rationnellement.
D'autre part, l'évaluation des valeurs était faite
d’étrange facon. De 1818 à 1826, le tableau d’éva-
luation fut dressé par l'Administration des Douanes
d'après les renseignements recueillis auprès du
commerce et de l'industrie. Mais, à cette dernière
date, on décida de dresser un tableau définitif des
évaluations, après consultation d’une commission
spéciale de commercants et de manufacturiers; et
l'ordonnance du 29 mars 1827 stipula que les va-
leurs moyennes ainsi fixées, dites « valeurs offi-.
cielles », serviraient désormais de base permanente
à la stalistique. Et il en fut ainsi jusqu'en 1847,
année où une réorganisation du service amena la
constitution d’une « Commission permanente des
valeurs » de Douane, définitivement établie le
13 décembre 1848.
Depuis 1848, nous possédons des statistiques
consciencieuses et précises. Il est aisé de compren-
dre que les publications afférentes à la période
1826-1841 n'offrent pas les mêmes garanties d’exac-
titude. Par suite de l’applicalion du tableau des
« valeurs officielles », la Douane ne tenait aucun
compte des variations des prix des marchandises.
IL est vrai qu'à cetle époque les osallations du
marché international n'étaient ni aussi brusques,
ni aussi amples que de nos jours; mais elles
avaient une certaine importance, cependant; en les
négligeant, on faussait sensiblement les conclu-
sions que chacun pouvait tirer de la lecture des
documents publiés.
Il est done bien entendu que les chiffres dont
nous userons doivent être tenus : pour de simples
évaluations, s'ils sont antérieurs à 1818; pour des
documents d'une précision insuffisante, s'ils sont
antérieurs à 1848; et qu'ils n'auront toute leur
force probante qu'aulant qu'ils auront été puisés
dans les tableaux dressés pendant la seconde moi-
tié du siècle. La «Commission permanente des va-
leurs de Douane » fournit, en effet, chaque année,
des évaluations concordant avec les prix actuels
du marché, et la statistique offre, dès lors, une
base solide d'appréciation.
Cette observation faite — et elle était nécessaire,
— voyons quels ont été les mouvements de notre
commerce extérieur, depuis la Révolulion jusqu'à
la fin du xix° siècle.
MARCEL BICHON — LE COMMERCE EXTÉRIEUR DE LA FRANCE AU XIX° SIÈCLE
IT
Quand survint la Révolution de 1789, nous étions
régis par les lois du Système mercantile, organisé
par Colbert, c'est-à-dire par le système protection=
niste, dont la formule peut-êlre résumée ainsi:
assurer aux produits nationaux, agricoles et manu-
facturés, le marché intérieur du pays, en arrêtant
à la frontière douanière, par des droits élevés, par-
fois même par des prohibitions, les produits étran-
gers concurrents. L'œuvre libérale de Turgot
n'avait produit d'effels que sur le marché inté-
rieur, et elle n'avait d’ailleurs pas élé durable.
L'Economie politique n'était pas encore née, et les
Physiocrates — Quesnay, Gournay, Mercier de la
Rivière, l'abbé Beaudeau, Dupont de Nemours —
avaient à peine frayé la voie, dans laquelle l'Ecos=
sais Adam Smith et le Français Jean-Bapliste Say
entraineront plus tard les nations civilisées.
La Révocation de l'Édit de Nantes avait eu, entre
autres résullats, celui de répandre dans toute l'Eu-
rope le Système mercantile, car chacune des nations
auxquelles les Protestants émigrés étaient venus «
apporter des industries nouvelles avait tenu à
protéger ces entreprises naissantes en fermant son
territoire aux produits rivaux.
L'Europe du nord-ouest, la seule importante au
point de vue de la production et des échanges, était
hérissée de barrières douanières que les commer-
cants franchissaient avec de grandes difficultés.
En 1789, notre commerce extérieur général — la
statistique n'élait pas assez précise pour que nous |
puissions faire la part du commerce spécial — élait M
évalué à 4.078 millions, dont 441 millions à l'im-
porlation, et 637 millions à l'exportation.
En 1799, il arrive à 1.732 millions, grâce à l’œu-
vre de la Constiluante, à laquelle nous devons la
suppression, en 1791, des douanes intérieures, et
l'adoption d'un tarif douanier libéral. Mais les
luttes de la Convention contre l'Angleterre brisent.
net l'effort du commerce, et, en 1799, — sous le
Direcloire, — nous sommes au chiffre global de
590 millions de francs, y compris le commerce avec
les colonies.
Le Consulat succède au Directoire, et l'Empire
au Consulat. La lutte s'engage bientôt entre l'An
gleterre et Napoléon, et le Blocus continental rend
impossible toute entreprise commerciale régulière
et de longue haleine. Notre commerce extérieur est
gravement atteint : après être monté de 790 mil=
lions en 1802, à 933 millions en 1806, il retombe
à 769 millions en 1807 et à 621 millions en 1809.
Mais il serait puéril de demander aux chiffres de
celte période des indications sur les causes écono-
miques des mouvements de nos échanges internas
Lionaux : un duel à mort est engagé entre Napoléon
met l'Angleterre, et l'Empereur fait la guerre avec
ses douaniers comme avec ses soldats.
Il faut donc attendre la Restauration pour que le
parché international, affranchi des servitudes
errières, se remetle en équilibre, et fonctionne
normalement.
En 1815, notre commerce extérieur oscille au-
tour du chiffre de 500 millions de francs. Déjà, les
idées libérales ont fait quelques progrès et le gou-
“vernement des Bourbons ne parait pas hostile à
l'établissement d'un régime douanier, protection
misie sans doule, mais sans prohibitions ni taxes
“excessives. Mais ces tendances ne purent prévaloir,
par suile des nécessités politiques. Les Chambres
la Reslaura-
ion, élues au
# 000
MARCEL BICHON — LE COMMERCE EXTÉRIEUR DE LA FRANCE AU XIX° SIÈCLE
761
alors la doctrine proleclionniste; et elle ne com-
mença guère qu'en 1836. Mais la prospérilé indus-
trielle s'affirmait lous les jours. D'autre part, la
campagne de « l'Anli-corn-law-league », acti-
vement menée en Angleterre par Cobden et la
Ligue de Manchester, avait sa répercussion en
France, où, sous l'impulsion de Bastiat, Horace-
Emile Say, Michel Chevalier, ete., se fondait, à
Bordeaux, « l'Association pour la liberté des
échanges », le 10 février 1846. Aussi voyons-nous
apparaitre, le 31 mars 1847, le projet douanier,
relalivement libéral, de M. Cunin-Gridaine, mi-
nistre du Commerce. Mais l'opposition protection-
niste fut si ardente, que la discussion s'éternisa :
elle durait en-
core, quand s'é-
régime censitai-
re, étaient peu-
croula le trône de
Louis-Philippe.
plées de genlils-
{ 5 3.500
Pendant celle
hommes, pour :
période, nos
lesquels « labou-
rage et pälurage
échanges s'é-
aient sensible-
3 000
étaient les deux
ment accrus :
-mamelles de la
rance » : ils te-
En 1829, notre
commerce exté-
naient en médio-
rieur avait élé
cre estime et les
2.000
de 988 millions;
industriels et les
en 1836, il attei-
commercants.
Parmi les pro-
1 500
gnait 1.193 mil-
lions ; en 1847,
ducteurs, les
il arriva à 1.676
igriculteurs ont
été de tout temps
1.000
millions (fig. 1).
La France pre-
es plus détermi-
nés proteclion-
nistes.
La politique
commerciale de
ja Restauration
lorienla done peu à peu, et de plus en plus, vers
la protection bien caractérisée, souvent même vers
la prohibilion. Aussi, bien que la paix régnût en
Europe, et que les entreprises commerciales
fussent assurées d'une sécurité absolue, nos
échanges n’augmentèrent que bien lentement : en
829, ils se chiffrent, au commerce spécial, le seul
dont nous nous occuperons désormais, par 988 mil-
lions (fig. 1).
> La monarchie de Juillet parut, tout d'abord,
‘vouloir revenir à des taxes douanières plus modé-
rées : elle avait, en effet, à satisfaire une clientèle
olilique composée plutôt de financiers, de com-
-meérçants et d’industriels, que d'agriculteurs; aux
gneurs: « terriens » avaient succédé les repré-
sentants de la haute bourgeoisie. Cependant,
évolution fut lente, très lenté, tant était puissante
1827
o
m e
œ œ
— =
1840
REVUE GÉNÉRALE DES SCIENCES, 1901,
Fig. 1. — Commerce extérieur de la France de 1827 à 1860. (Commerce spécial
en millions de francs, numéraire non compris.) Période du régime de
protection caractérisée.
| nait rang, de
ra 8 plus en plus,
parmi les Puis-
sances indus-
trielles. Et l'éta-
blissement dé
notre grand réseau ferré allait contribuer, gran-
dement, au développement des entreprises com-
merciales.
Arrivé au pouvoir avec la Révolution de 1848, le
Socialisme entreprit de supprimer la concurrence
internationale, et l'Assemblée nationale revint à
une protection exagérée, même aux prohibitions.
Mais la réaction ne fut pas. plus durable que la
Révolution. Et quand Napoléon II eut rétabli
l'Empire, la marche vers la liberté reprit immé-
diatement.
un)
+
œ
1850
III
Napoléon, dans sa jeunesse, avait passé de
longues années en Angleterre. Il avait assisté aux
principaux actes de la Ligue de Manchesler, et
avait été conquis par les ardents apôtres du libre-
16**
162
MARCEL BICHON — LE COMMERCE EXTÉRIEUR DE LA FRANCE AU XIX° SIÈCLE
échange. Il comptait appuyer son action politique
non plus sur la noblesse — qu'il humilia volon-
tiers, surtout au début de son règne, — ni même
sur la haute bourgeoisie, mais bien sur le peuple.
La population des campagnes tenait toujours à la
protection douanière; le peuple des villes, le plus
ardent des bataillons politiques, avait encore
besoin d’une longue éducation économique pour
en arriver à comprendre que toute mesure sus-
ceptible d'étendre notre commerce extérieur
vivifiait par cela même l'industrie, et augmentait
le bien être de la classe ouvrière. Aussi Napoléon HI
se montra-t-il très prudent dans la préparation de
l'évolution économique qu'il jugeait indispensable.
La période de 1850 à 1859 vit apparaître une série
de décrets, réalisant, petit à petit, ce qu'une-loi
n'eût pu réaliser en bloc, sans émouvoir profon-
dément le pays. L'Exposition de Londres de 1851,
celle de Paris de 1855, prouvèrent que nous étions
armés suffisamment pour la lutte internationale.
Notre commerce montait, d'ailleurs, très rapi-
dement et d'une façon ininterrompue (fig. 1):
En 1852 millions
En 1855.
En 1860.
Cette augmentation était due, surtout, au déve-
loppement de l'industrie, et à l'importation des
matières premières.
Le moment était venu de chercher la formule
qui donnerait satisfaction aux libre-échangistes,
sans atteindre directement les protectionnistes.
Michel Chevalier trouva cette formule : il préconisa
les Traités de Commerce. Un traité de commerce
n'est pas, nécessairement, un acte delibre-échange;
il peut être, tout aussi bien, un acte de proteclion.
Mais, qu'il soit à tendances protectionnistes, ou à
tendances libre-échangistes, il comporte toujours
des tarifs modérés, car la libre: discussion entre
deux Puissances ayant des intérêts rivaux aboutit
fatalement à un compromis et exclut toute exagé-
ration, En fait, les Traités de commerce inaugurés
en 1860 n'ont été, vraiment, des actes de libre-
échange que parce qu'ils mettaient fin à une longue
période de protection plus ou moins accentuée, En
les appréciant en eux-mêmes, on aperçoit qu'ils
procèdent d'une théorie libre-échangiste, ou pro-
tectionniste modérée : il est permis d'adopter l’une
ou l’autre hypothèse, sans méconnaïître les fails.
Leur grand avantage fut de codifier les taxes des
produits échangés par les principales nations
européennes, pour une période assez longue : de
dix années d’abord, puis de plusieurs fois dix
années, par renouvellements suecessifs, et de per-
mettre ainsi aux grandes entreprises industrielles
et commerciales d'établir leurs travaux sür des
bases stables.
Michel Chevalier fut l'organisateur du système.
Il convertit à ses convictions Napoléon IIL en«
France, Cobden et Gladsitone en Angleterre. Lam
retentissante « Lettre-Programme », publiée au
Moniteur du 5 janvier 1860, était signée Napoléon
mais elle traduisait nettement les idées de Michel d
Chevalier : l'empereur approuvait l'œuvre de l'éco-
nomiste, la prenait à son compte et allait la réaliser:
Quel fut le programme sommaire de cette évo-.
lution économique, qui donna au commerce de la
France une si vive impulsion ?
Il tient en quelques formules :
1° Développer la production agricole nationale : à
en multipliant les capitaux par l'expansion des
institutions de crédit; en facilitant la circulation
des marchandises par l'exéculion de grands
travaux publics, nolamment par l'extension de
notre réseau ferré;
2 Développer la production industrielle : en
laissant entrer en franchise, ou à des faxes très
modérées,les matières premières utiles aux usines;
en stimulant l’action du capilal par la création dem
nombreuses banques;
3° Favoriser enfin l'échange international des
produits agricoles ou manufacturés : en supprimant
les prohibitions; en donnant au commerce, par
l'institution de traités à longs termes, conclus avec
les principales nations civilisées, la stabilité indis=
pensable aux entreprises de longue haleine.
Comment fut réalisée chaque partie de ce pro-M
gramme? Nous ne le rappellerons pas ici, car ce
serait élargir considérablement le cadre de cette
étude. Il nous suffira de dire que de la théorie on
passa à la pratique, et que l'ère des Traités de
commerce fut ouverte le 23 janvier 1860, par law
signature du traité de commerce franco-anglais. Ce
traité fut suivi de conventions analogues avec
toutes les grandes nations commerçantes. Et les
traités de commerce ont été la base de notre orien-
tation commerciale jusqu'à la réforme du 11 jan-
vier 1892. Ë
Quels furent les résultats immédiats de l'appli-
cation du système des Traités de commerce ? Une
prospérilé générale indéniable, qui dura jusqu'à la
fatale guerre franco-allemande de 1870-1871; une
activité industrielle si intense que, dès 1868, la
surproduction mettait en crise le marché indus-
triel; une activilé agricole que les hommes de la
campagne vantent encore, et d'autant plus qu'ils
ne savent pas toujours reconnaitre que les temps
sont changés.
Quant à notre commerce extérieur (fig. 1 et 2),
il augmenta toujours, grâce au développement des
échanges avec les nations bénéficiant d’un traité :
En 1860, il atteint 4.174 millions.
En 1868, il se chiffre par 6.094 millions.
+
Er Me EEE md ner hndr 2
La surproduction industrielle n'’eût-elle pas
amené une réaction sensible? La question reste en
_ suspens, car la guerre franco-allemande vint mettre
“üun lerme à la prospérité matérielle de la période
ppériale et modifier la situation commerciale de
Europe. Somme toute, l'expérience avait donné
d'heureux résultats. Et nous n'avions aucune
- Cependant, un traité de commerce avait disparu :
celui qui régissait nos rapports avec le Zollverein
allemand. Il était remplacé par l’article 14 du traité
MARCEL BICHON — LE COMMERCE EXTÉRIEUR DE LA FRANCE AU XIX:° SIÈCLE
163
IA"
Jusqu'en 1870, nous n'avions connu qu'une na-
tion concurrente sur le marché international, et
cette nation était l'Angleterre. Par suite du déve-
loppement général des voies de communication, de
l'augmentation du tonnage des navires, — cause im-
médiate de l'abaissement du prix du fret, — enfin du
remplacement progressif des navires à voiles par
les navires à vapeur, à marche de plus en plus
rapide, le marché internalional va désormais être
la proie du plus hardi, du plus souple, du plus
habile, et nous allons y voir paraitre les nations
jeunes, pleines de sève : l'Allemagne, née en 1871,
Main par les et les Etats-
plénipotentiai- & 5° Unis,unifiésune
es français el + t ne fois encore —
allemands. Cet 8 000 nn et mn s'il est permis
article 11 stipa- —— —+ = de se servir de
lait que l'Alle- 7500 LE + cette expression
1 . . . |
agne jouirait, | Je +1 — par la guerre
l'égard de la 7.000 | ja EI EN LL Le) de Sécession.
nel
E de la 1m: JOUR. | | Let pi L'entrée en
lause de la na- 6.500 | | [| | || | ligne de ces na-
lon la plus favo- EN! | || tions devait
lisée; c'est-à- & 000 | || avoir pour con-
dire que les con- L el | séquence un re-
3 4 + L ++ : - : | >
cessions doua- tour au sysième
DA 5- 000 TE À ES EE | F = + + — NT.
nières par nous El de la protection.
faitesaux divers DRE LS | | |] k Une nation ne
pays commer- [A ET À ao ? peut paraitre
: s [en | LIEN en .. | | | ÿ
ants seraient, Dal | = avantageuse-
] + # [e] = | Je. = LE En 5
le plano, faites Ex l | ment, en effet,
$ - [+ ,
ussi à l'Alle- S = D ÉONE LE Fo > à surlemarchéin-
8 2 5 & & a 8 ® ;
Toute- es o e & e è © © ternational, que
So l'art: Fig. 2. — Commerce extérieur de la France de 1861 à 1892. (Commerce Spécial AY ST ,
IS; l'article ne en millions de francs, numéraire non compris.) — Période de libre-échange lorsqu elle P20
ait applica-
qu'autant
ue les concessions auraient été faites à l’Angle-
erre, la Belgique, les Pays-Bas, la Suisse, l’Au-
triche et la Russie. D'autre part, l'Allemagne accep-
ait une clause de réciprocité.
Cette convention commerciale avait ceci de par-
ourparlers : inscrite dans un traité de paix, elle
> pouvait être modifiée que par un acte de
guerre.
On a beaucoup discuté sur la portée économique
l'article 11 du traité de Francfort. En réalité,
effets ont été peu sensibles sur les mouve-
ents de notre commerce extérieur. C'est ail-
leurs qu'il faut chercher les causes non pas de
modéré et de traités de commerce à longs termes.
duit beaucoup
et à bas prix:
elle ne produit à bas prix que quand elle dispose
d'un puissant outillage industriel; or, pour assurer
le développement de son outillage industriel, elle
doit, tout d’abord, réserver aux usines nationales
son marché intérieur; et, pour arriver à ce but,
elle est obligée de fermer ses frontières aux pro-
duits étrangers rivaux. Toute nation jeune est
done, forcément, proteclionniste. Elle n'évolue vers
le libre-échange que quand sa production se
transforme en surproduclion. Si plusieurs nations
ferment leurs frontières, les autres sont tenues de
suivre leur exemple, sous peine de se trouver en
état d'infériorité.
L’Angleterre seule fait exception à la règle :
reine de la mer, maitresse des transports mariti-
mes internationaux, peu agricole, essentiellement
industrielle, elle ne peut maintenir sa suprématie
que par le libre-échange. Mais les autres na-
MARCEL BICHON — LE COMMERCE EXTÉRIEUR DE LA FRANCE AU XIX° SIÈCLE
lions ne sauraient échapper à la règle commune.
L'expérience l'a prouvé avec une entière nettelé.
Quand la France eut pansé ses blessures, elle se
préoccupa de réorganiser ses douanes. La majorité
parlementaire, élue sur un programme de paix,
comprenait surtout de gros propriétaires fonciers.
C'est dire qu'elle était plutôt protectionniste. D'au-
tre part, la France avait besoin d’argent pour
reconstituer sa puissance militaire, et réparer les
désastres de la guerre. Il fallait créer de nouveaux
impôts. Les douanes devaient être appelées à fournir
leur contingent de subsides. Quelques mesures
protectionnistes élaient done imposées par les
circonstances. Mais, sauf le traité de commerce
franco-allemand, tous les autres subsistaient. Et
les industriels et les commerçants se souvenaient
des années prospères vécues sous le régime des
traités.
Le législateur dut tenir compte des deux élé-
ments de la situation, et, s'ilrevint à la protection,
ce fut très lentement, partiellement, et avec tous
les ménagements désirables. Après des débats sou-
vent orageux, les trailés de commerce venus à
expiration furent renouvelés, à peu près dans les
mêmes conditions que précédemment. La démis-
sion du maréchal de Mac-Mahon, en 1876, en lais-
sant le champ libre à l’action des progressistes,
donna un regain de vitalité aux théories libre-
échangistes. D'ailleurs, notre commerce se déve-
loppait sans cesse, et du chiffre de 6.440 millions
en 4871, il s'élevait en 1879 à 7.826 millions, et,
en 4880 à 8.501 millions (fig. 2).
Cependant, l'idée protectionniste allait bientôt
prédominer, par suile de l'entrée en scène de
l'Allemagne. Le prince de Bismarck s'occupait alors
d'organiser l'action commerciale de l'Allemagne,
comme il avait organisé sa puissance mililaire :
en 4879, il surélève les barrières douanières. Les
Etats-Unis avaient, de même, fermé leur territoire,
de 1874 à 14879, par le vote de taxes de plus en plus
élevées : ils devaient en arriver, en 1890, avec les
larifs Mac-Kinley, à des taxes parfois prohibitives.
La Russie, désireuse de devenir une puissance
industrielle, agissait de même.
Elait-il possible que les autres nations, arrêtées
dans leur expansion par ces barrières, pussent
ouvrir leurs frontières aux produits de concurrents
sussi peu libéraux ? Il fallut bien songer à se dé-
feadre et à traiter les produits étrangers avec une
certaine sévérité.
La France, en 1881, entra dans la voie de la
protection de ses produits agricoles, assez timide-
ment d’ailleurs. Et, une fois encore, de 1881 à 1886,
elle renouvela les traités de commerce venant à
échéance.
Mais le mouvement proteclionniste, qui entrainait
f
le monde civilisé, se faisait sentir de jour en jour
plus vivement dans notre pays. L'idée républicaine
s'imposant de plus en plus äla Nation,les populations
rurales, essentiellement protectionnistes, venaient
à leur tour prendre rang dans la majorité gouver
nementale. Dès lors, le mot « liberté », tout en con=
servant sa signification en malière politique, n
pouvait plus avoir la même emprise sur les foules
au point de vue économique. La France redevink
protectionniste, ouvertement, et une campagne, à
laquelle M. Méline a attaché son nom, s'organisa
pour amener une revision de nos tarifs douaniers:
Michel Chevalier avait fait passer la France, insen=
siblement, de la protection au libre-échange mo=
déré ; M. Méline allait diriger le mouvement qui
substituera au libre-échange la protection mo=
dérée.
La situalion de notre commerce extérieur n
fournissait, d’ailleurs, aucune indication précise M
il demeurait à peu près stationnaire. Nous avons
enregistré, pour 1880, le chiffre de 8.501 millions
en 1886, nous notons 7.457 millions, et, en 1890
8.021 millions (fig. 2).
Les traités de commerce, généralement conclus
pour dix ans, allaient de nouveau arriver à termes
Il fallait les renouveler, ou les dénoncer. Un grandk
débat s'ouvrit dans toutes les assemblées, politique
ou techniques, du pays. Et, de celte vaste enquêèlen
est née la loi du 11 janvier 4892, qui est encor
notre charte commerciale. |
Voici l'idée maîtresse de cette réforme :
1° Protection efficace pour les produits agricoles ss
% Protection efficace pour les produits manufac=
turés ; ]
3° Taxes modérées sur les matières premières
étrangères nécessaires à nos usines ; ñ
4° Et quand ces matières premières font concur=
rence à la production nationale similaire, un jeu.
de primes met le produit national en mesure de
subir cette concurrence. >
Le principe des primes a surtout trouvé son.
application dans la question des soies. Nous pros
duisons des cocons, 1 à 9 millions de kilogrammes.
par an. Cette culture fait vivre une partie 4
populations de la vallée du Rhône, des Corbières,
aux Cévennes etaux Alpes, et de Valence à Marseille
Mais notre production ne suffit pas à alimente
les usines de la région lyonnaise. Nous avons don
laissé les soies d'Italie entrer assez facilemenk
mais les sériciculteurs et les filateurs français 0
obtenu des primes qui suflisent à les maintenir
gain.
Une grosse question avait été soulevée, qu
mettait en jeu le principe même des traités di
commerce : on leur reprochait de nous lier oi
longtemps, alors que la situation économique gés
:
|
|
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buse. tt)
ès
MARCEL BICHON — LE COMMERCE EXTÉRIEUR DE LA FRANCE AU XIX° SIÈCLE
A
… nérale évoluait sans cesse; on les accusait, en oulre,
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o o
e È e 8 e e e o
Fig. 3. — Commerce extérieur de la France de 1893 à
— 1900. (Commerce spécial en millions de francs, numtraire
non compris.) — Période de protection modérée, avec
traités de commerce à courts termes. Les chiffres de 1900
ue sont que provisoires.
par la Constitution, maitre de passer des traités
de commerce suivant sa volonté. Mais, en pratique,
on Jui a indiqué les limites en decà et au delà
desquelles il ne saurait agir sans trahir la volonté
nationale. Ces bornes ont élé posées par le nouveau
tarif, qui offre la particularité d’être un tarif double,
comportant un tarif général et un tarif minimum.
2e tarif général est un tarif de protection large. Le
tarif minimum est un larif de protection stricte.
Le Président de la République ne peut, dans une
Convention commerciale, descendre au-dessous du
larif minimum sans mettre en jeu, indirectement
du moins, sa responsabilité, et sans méconnailre
la volonté du Parlement.
765
général : cela veut dire qu'ils ne peuvent être
conventionnalisés. Quelques autres sont portés au
tarif minimum avec la mention : Exempts; cela
veut dire qu'on peut, par convention, les laisser
entrer en franchise.
En pratique, les traités de commerce ont survécu.
Mais les négociateurs se bornent à accorder à la
nation contractante le barème du tarif minimum,
en totalité ou en partie. La clause de la nation la plus
favorisée a été maintenue : mais elle ne peut plus
produire de surprises, grâce au tarif minimum.
Et les conventions n’ont plus, comme jadis, nous
l'avons vu, une durée définie.
C’est sur ces bases que nous avons traité, depuis
5000 -
5.800! ous |
#.000 52 -—
À
ER
| oi?
à
3.500 Va 2
3.000
2.500
2.000
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1 000
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1900)
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A |
500 a
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Le] + [el ao [°2]
æ œ œ@ œo œ
EE ES e es = É
Fig. 4. — Commerce extérieur de la France. Importations
ét exportations de 1830 à 1890. (Commerce Spécial, en
millions de francs.)
le 30 janvier 1892, avec loutes les Puissances com-
commerciales du monde civilisé. L'accord ne s’est
fait qu'en 1895 avec la Suisse et qu'en 1899 avec
l'Italie. Mais, à l'heure actuelle, deux Puissances
seulement n'ont pas, avec nous, de traité de com-
merce librement consenti : l'Allemagne, qui con-
serve le bénéfice de l’article 11 du Traité de
Francfort, et le Portugal.
Pourquoi cette indifférence de la part du Por-
tugal? Elle s'explique par ce fait que cette nation
est sous la dépendance économique de l'Angleterre.
Nous n'avons, d’ailleurs, pas de raisons sérieuses
pour lui faire des avances. Nous avons à régler
avec elle trop de questions financières délicates
pour ne pas attendre une manifestation sincère
de sa bonne volonté.
766
MARCEL BICHON — LE COMMERCE EXTÉRIEUR DE LA FRANCE AU XIX° SIÈCLE
Y
Qu'est devenu nolre commerce extérieur sous
le régime inauguré en 1892? IL a baissé d'abord
(fig. 3) : de 8.190 millions en 1890, il est tombé
à 6.928 millions en 1894, pour remonter ensuite à
8.671 millions en 1899, et se fixer autour de 8 mil-
liards et demi en 1900. Les chiffres de 1900 et de
1880 sont sensiblement égaux. Et, en réalité, depuis
vingt ans, notre commerce extérieur est plutôt
slationnaire. Nous ne saurions tenir ces chiffres
pour satisfaisants.
Si nous examinons les importations de notre
pays, de 1830 — année où notre commerce extérieur
a pris son essor
tel n’est pas le cas. Nos exportations ne se dévelop=
pent qu'avec une extrême lenteur. Et c'est le mar
ché national qui absorbe surtout les produits des
usines. Il y a donc, dans l'intérieur du pays, un
roulement actif de capitaux. Mais la richesse na=
tionale ne s'accroit pas comme elle le ferait si nous
développions notre clientèle étrangère. 1
La caractéristique de notre commerce extérieur,
pour la période de 1870 à 1900, pendant laquellen
l'activité du marché mondial a été si remarquable,
est que nous progressons très lentement, tandis que:
d’autres nations témoignent d’une véritable force
d'expansion : nous marckhons, tandis que l’A:lema=
gne et les États-
Pain WE Fpha”
É $ 13 —— È
— jusqu'en 1900 | À Unis courent.
(fig. 4), nous | REA L Celte constata-
constatons:qu'a ,, | | Î tion est inquié-.
près avoir grandi | la &] Hp tante. .
parallèlement ee e Les progrès in-.
aux exporta-
dustriels de l'A
tions, de 1850 à
lemagne ont été
considérables
1870, principale-
ment pendant la
pendant ces
période des Trai-
tés de commerce,
vingt-cinq der-,
elles ont ensuite
nières années.
Grâce à l’activité
augmenté brus-
de ses usines, la
quement jus-
qu'en 1880, pour
nation germani-.
que à pu, tout
se rapprocher
d'abord, alimen-
ensuite du chiffre
des exportations.
ter son marché
intérieur; puis,
Sinous exami-
nons ensuite les
exportations,
nous constatons
qu’elles ont aug-
menté, d'une ma-
nière continue, lentement de 1830 à 1850, rapide-
ment de 4850 à 1870, lentement de 1870 à 1900.
Que nos importations aient beaucoup augmenté
pendant la seconde moitié de ce siècle, principale-
ment pendant le dernier quart, c’est un fait dont
il n’y à pas lieu de se réjouir outre mesure : la
France, en effet, est, de toute l’Europe, le pays qui
devrait le moins importer, car il est à la fois — el
c'est pour cela qu'il est riche — gros producteur
agricole et gros producteur industriel. Pour les
denrées de première nécessité, nous pouvons, en
nous-mêmes. En
important des denrées élrangères, nous nous ap-
année normale, nous suffire à
pauvrissons d'autant. Que mous importions, de
plus en plus, des matières premières nécessaires
à l'industrie, rien de mieux : à condition, toutefois,
que nos exporlalions de produits manufacturés
Fig. 5. — Commerce extérieur de la France, comparé à celui des grandes
nations commerçantes aütres que la Grande-Bretagne. (Commerce spécial,
en milliards de francs.)
F. BonpEmans 5e.
elle s’est présen-
tée sur le marché
international, et
y à conquis une
place telle,
qu'elle s’est po-
sée en rivale de la nalion anglaise.
Dès 1885 (fig. 5), le commerce extérieur de l’Alle-
magne égalait le nôtre ; en 1890, il avait une avance
de plus d'un milliard; en 1900, il nous distance den
près de quatre milliards et demi.
Un autre concurrent est apparu, tout aussi redou—
table, sur le marché du monde : ce sont les États=
Unis. Il ya vingt-cinq ans, les États-Unis n’impor=
taient guère, en Europe, que des denrées agricoles,
et leur commerce extérieur était de tout deuxième
ordre. En 1891, se manifeste une activité indus=
trielle intense.
Le marché intérieur de l'Union absorbe, tout
d'abord, le supplément de production. Puis les
produits américains apparaissent sur tous les mars
chés du monde. Classé au quatrième rang, en 1890
après celui de l'Angleterre, de l'Allemagne et de lan
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—_ MARCEL BICHON — LE COMMERCE EXTÉRIEUR DE LA FRANCE AU XIX* SIÈCLE
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France, le commerce extérieur des États-Unis nous
“enlève la troisième place en 1891 (fig. 6), et il
grandit si rapidement, qu'il semble devoir bientôt
disputer le deuxième rang au commerce allemand.
“Jusqu'en 1870, il n'y avait que deux grandes
nations commerçantes : l'Angleterre et la France,
et elles se partageaient le marché du monde.
- Aujourd'hui, la clientèle mondiale a quatre four-
sseurs de premier ordre : Angleterre, Allemagne,
tats-Unis, France, — et il ne faut pas dédaigner la
Belgique et la Hollande, dont les progrès économi-
ques méritent de retenir l'attention. Et si l'on tient
compte de l’activité industrielle qui
se manifeste en Russie et au Japon,
il faut bien reconnaitre que la lutte
pour la conquête des marchés de
consommation va devenir sévère.
C'est une des raisons qui ont
poussé les grandes nations euro-
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n 1900 à
AD
18 __ 1 Fig. 6. — Commerce extérieur de Ja
France comparé à celui des grandes
FE Aalions commerçantes. (Commerce spé-
bi cial, en milliards de francs.) — Les
statistiques commerciales britanniques
ne donnent que les chiffres du com-
merce général.
IL
IV II
Ê è
: è ÿy
1890 — S
péennes à développer leur puissance coloniale.
Mais, s'il est vrai que le marché de consommation se
soit accru par les conquêtes coloniales, sa puissance
bsorption ne sera pas comparable, de longtemps,
a puissauce de production des grandes nations
européennes. Déjà, l'Allemagne semble en état de
urproduction, et un tassement général se produit
Sur son marché. L'activité industrielle de l'Angle-
lerre se ralentit et les progrès récents du commerce
britannique ne sont qu'apparents : c'est à l'élévation
“dés prix de la houille et des matières premières
nécessaires aux industries métallurgiques, qu'est
lue l'élévation du chiffre du commerce de la Grande-
elagne pendant ces deux dernières années.
La puissance d'absorption de la clientèle exté-
rieure n’augmentant pas aussi vite que la produc-
tion, l'Angleterre, l'Allemagne, les États-Unis et la
France vont en être réduits à lutter entre eux,
pour se maintenir sur les marchés d'exportation.
La victoire reviendra au plus actif, et au mieux
oulillé. Nous ne sommes certainement pas en état
d'infériorité, au point de vue des éléments de la
production. Mais nous lémoignons, au point de vue
de la diffusion des produits, d'une atonie qui peut
compromettre notre avenir.
Nous ne saurions compter sur le développement
de notre marché intérieur pour assurer des débou-
chés nouveaux à notre production, car la population
francaise n'augmente plus. Tandis que la natalité
procure, tous les trois ans, à l'Allemagne, une popu-
lation égale à celle que lui valut l'annexion de l’AI-
sace-Lorraine, c’est à peine, chez nous, si les nais-
sances sont aussi nombreuses que les décès. Au
commencement du siècle, nous étions sinon la na-
tion la plus nombreuse, du moins la plus importante
des nalions civilisées et définitivement unifiées.
Aujourd'hui, avec nos 38 millions et demi d'habi-
tants, nous sommes loin de la Russie, qui en
compte 106 millions sur son territoire européen ;
de l'Allemagne, dont la population dépasse 55 mil-
lions; de l'Autriche-Hongrie, qui recensera bientôt
45 à 46 millions de citoyens. Nous avons perdu,
récemment, le quatrième rang, que le Royaume-
Uni nous enlève avec 40 millions d'habitants. Et
le jour approche où l'Italie sera aussi peuplée que
notre pays. Nous devons donc nous lancer, résolu-
ment, dans l'exploitation du marché extérieur, du
marché mondial, le nôtre ne pouvant suffire à notre
activité industrielle.
En étudiant attentivement les résultats obtenus
par un siècle d'efforts, nous constatons qu'à la pé-
riode très active, celle de 1850-1870, a succédé une
période d’atonie. Le fait est inquiétant, car il nous
est particulier. Le tableau suivant en témoigne :
Commerce extérieur des principales nations (en chiffres
ronds).
PAYS 1880 1900 GAIN
milliards milliards milliards
Angleterre. 17 22 4/2 5 1/2
Allemagne . 8 12 1/2 4 1/2
États Unis ne T 11 1/2 41/2
Hollande . 3 1/2 sl 30472
Belgique . 3 4 17/2 AE
Russie . 2/2 5 1/2 3
France . . 8 1/2 8 1/2 (l
Dans l'état présent du monde économique, qui
n'avance pas recule. Ne laissons donc pas le champ
libre aux Puissances rivales. Si une amélioration
ne se produit pas, et tout de suile, nous n'aurons
plus de chances sérieuses de reconquérir le terrain
Marcel Bichon,
Sous-directeur de l'École Supérieure de Commerce
de Montpellier
perdu.
768
BiBLIOGRAPHIE — ANALYSES ET INDEX
BIBLIOGRAPHIE
ANALYSES
1° Sciences mathématiques
Festschrift zur Feier der Enthüllung des Gauss-
Weber Denkmals. — Grundlagen der Geometrie,
von D' David Hirgerr, O-Professor an der Universität
Gittingen. — Grundlagen der Elektrodynamik,
von D' Emile Wrecuert, A-0-Pro'essor au der Uni-
versität Güttingen. — 1 voi. iu-4° de 204 pages avec
figures dans le texte, (Prix : 6 mk.) B.-G. leubner,
éditeur. Leipzig, 1901.
Ces deux essais ont été publiés à l’occasion du jubilé
de Gauss.
Le premier, consacré aux principes fondamentaux de
la Géométrie, que M. Hilbert a plus profondément étu-
diés que personne, a été récemment traduit en francais‘.
C'est une œuvre digne de l'illustre géomètre auquel elle
est dédiée. En voici les principaux chapitres.
Introduction. — I. Les cinq groupes d’axiomes :
1. Axiomes d'association; 2. Axiomes de distribution;
3. Axiomes des parallèles; 4. Axiomes de congruence ;
». Axiome de continuité (ou d'Archimède) |axiome
complémentaire, axiome d'intégrité]. — II. La non-con-
tradiction et l'indépendance des axiomes. — IIT. Théo-
rie des proportions. — IV. Théorie des aires planes. —
V. Le théorème de Desargues. — VI. Le théorème de
Pascai. — VII. Les constructions géométriques repo-
sant sur les axiomes 1... 5. — Conclusion.
Le second essai, dû à M. Wiechert, est un des expo-
sés les plus nets et les plus concis des principes de
l'Electrodynamique moderne. Il est divisé en quatre
parties :
I. Introduclion mathématique. — II. Principaux faits
d'expérience. — II. Théorie de l'Electrodynamique sans
avoir égard à la constitution moléculaire de la matière
(Maxwell, von Helmholtz, Heaviside et Hertz); extension
de la théorie de Maxwell aux milieux en mouvement,
d'après Hertz. — IV. Théorie de l'Electrodynamique en
ayant égard à la coustitution moléculaire de la matière
(Lorentz, Wiechert).
Dans ce chapitre, l'auteur rappelle qu'it a lui-même
proposé dès 1897 (janvier) de faire jouer, dans la con-
ductibilité des métaux, un rôle important aux ions, dont
l'étude des décharges dans les gaz a montré la réalité.
A vrai dire, pas plus que Riecke et Drude, qui ont
cherché à préciser ces notions, il n'a montré l’origine
de la résistance ohmique.
Au moment même où les expériences de M. Crémieu
rendent très douteuse la production d'un champ magné-
tique par convection, il est intéressant de voir quelles
difficultés d'interprétation comportent ces expériences
dans toutes les théories, car toutes donnent le champ
magnétique dû à la convection comme conséquence de
la propagation des oscillations hertziennes, et même,
plus simplement, de l'unité de la force électrique.
L'ouvrage de M. Wiechert, par sa forme condensée et
l'absence de digressions, fournit une excellente base de
discussion. MARCEL BRILLOUIN,
Professeur de Physique générale et mathématique
au Collège de France.
Gaget (Maurice). — La Navigation sous-marine. —
1 vol. in-18 de 472 pages, avec figures dans le texte.
(Prix : 10 fr.) Ch. Béranger, éditeur. Paris, 1901.
Le livre de M. Maurice Gaget est une initiation à la
navigation sous-marine. Il aborde la question sous
toutes ses faces. On y trouve l’histoire des sous-marins,
leur théorie et la description des sous-marins modernes
‘ Annales de l'École Normale, 3e strie, t. XVII.
ET INDEX
avec toutes les données peu connues souvent des
hommes du métier eux-mêmes parce qu'elles résultent
fréquemment d'indiscrétions publiées dans des jour-
naux. Aujourd'hui que le grand coup porté par l'Angle-
terre en se lançant après la France et l'Amérique dans
celte voie, a plus que jamais appelé l'attention sur les
sous-marins, cet ouvrage est arrivé à son heure. L'au-
teur à, d'ailleurs, élargi le champ de son livre au delà
des limites de la navigation sous-marine : le plaidoyer
qu'il fait pour les torpilies Howell, dont cette Revue à
déjà parlé avec éloge, la deuxième partie, qui contient
l'exposé le plus clair qui ait été fait des idées de
l'amiral Aube et de son Ecole, vaudraient une étude à
elles seules; cette dernière est particulièrement inté-
ressante parce qu'elle met en lumière l’idée fausse que
l’on se fait, en général, de la suppression des lettres de
course par le Traité de Paris, en l’appliquant non seu-
lement à la guerre faite sur mer par les particuliers,
mais à la guerre de course faite par l'Etat, que le Traité
de Paris n'a nullement visée. Bref, c'est un livre sur les :
conclusions duquel les opinions peuvent différer, mais
qui mérite d'être lu et médité.
2° Sciences physiques
Garrigou (D'EF.). — Le Vin concentré comparé avec
les moûts et les raisins concentrés. — 1 r0/. in-18
de 193 pages (Prix : 2 fr. 50). Société d'Editions
scientifiques. Paris, 1901.
L'idée de concentrer le vin parait à priori assez
peu pratique, quand on songe à la complexité de sa
composilion et à la facilité avec laquelle on altère son
goût délicat lorsqu'on le soumet à des manipulations
qui ont quelque chose d'un peu brutal. 1] paraitrait
beaucoup plus rationnel de concentrer le moùt pour
augmenter sa richesse saccharine et, par suite, Ja ri-
chesse alcoolique du vin qu'il produira. Mais, dans cette
voie, on est limité, car le fonctionnement des levures
s'arrête quand on atteint une certaine teneur alcooli-
que.
M. Garrigou est d'avis qu'il vaut mieux chercher à
concentrer le moût que le vin; d'abord, parce qu'on
peut pousser la concentration de ce dernier beaucoup
plus loin, et, ensuite, parce qu’on peut opérer en tout
temps sur du vin, alors que la concentration du
moût doit être faite dès la vendange, ce qui exige un
matériel coûteux, utilisé pendant un mois au plus.
Pour opérer la concentration partielle du vin, on
peut employer deux procédés ; la congélation, qui per-
met d'éliminer de l’eau sous lorme de glace, et la con-
centration dans le vide.
Disons tout de suite que le premier procédé, qui est
d'un emploi assez ancien, est encore utilisé en Bour-
gogne. Il est excellent pour concentrer dans une faible \
mesure, pour porter à 12°, par exemple, du vin de 10e.
Dans ces conditions, la glace que l'on extrait du vin
est de l'eau presque pure. Mais, si l’on. voulait pousser
beaucoup plus loin la concentration, on obtiendrait
de la glace qui retiendrait une forte proportion de vin,
et la perte serait importante.
Pour obtenir une concentration plus grande, à moitié
par exemple, il faut concentrer dans le vide. C'est le
mode opératoire que M. Garrigou a adopté.
Le procédé est assez complexe: on distille le vin dans
le vide: on obtient, d'une part, un liquide distillé con-
tenant l'alcool, les substances volatiles et une partie de
l'eau du vin, et, d'autre part, un résidu renfermant les »
matières fixes. On rectifie l'alcool, de manière à éliminer
la plus grande partie de son eau, et on ajoute cet alcool
BIBLIOGRAPHIE — ANALYSES ET INDEX 169
concentré au résidu contenant les matières fixes du vin.
Ce mélange est le vin concentré, auquel il suffit d’a-
jouter l’eau enlevée pour reproduire le vin primitif.
“._ Onpeutainsiamener le vin à la moitié de son volume.
Si l'on veut pousser plus loin la concentration, ramener
j
À
# le vin au quart de son volume, par exemple, M. Garri-
gou conseille de ne pas ajouter au résidu aqueux con-
tenant les principes extraclifs la totalité de l'alcool
“ extrait du vin, mais d'en ajouter un quart seulement.
nr (jn conserve à part les trois quart restants d'alcool pour
- jes ajouter en même temps que l’eau. lors de la recons-
“hitulion du vin primitif. Si l’on ajoutait la tolalité de
l'alcool, on précipiterait une notable proportion des
… substances extratives du vin, et celles-ci ne se redissou-
- draient qu'imparfaitement ensuile.
M. Garrigou décrit les appareils qu'il propose pour
opérer la concentration. Ces appareils ne paraissent
pas pratiques pour une opération industrielle, et nul
doute que des modifications y seraient. apportées si la
concentration du vin devenait une industrie nouvelle.
Ce qu'il faut surtout retenir des observations de M. Gar-
. rigou, c'est que l’on doit écarter le cuivre, le plomb,
» J'étain et l’antimoine dans la construction des appareils
de distillation, tout au moins pour les parties en con-
tact avec le vin, car ce liquide attaque ces métaux
d'une facon très appréciable. M. Garrigou préconise la
distillation dans des vases de verre ou d'aluminium.
- L'argent pourrait également être utilisé, et M. Garrigou
n’écarte son emploi que pour des raisons d'économie.
- Les avantages que présenterait le vin concentré peu-
vent se résumer aiusi: facilité de transport et conser-
. vation assurée. Ce sont certes là deux résullats fort
importants, et de nature à contrebalancer les incon-
vénients du procédé; car il y a des inconvénients :
d’abord, la difficulté de l'opération, qui est assez ‘élicate
et complexe; ensuite, la qualité du vin, qui subit une
. certaine dépréciation ; celle-ci n'est peut-être pas con-
sidérable, mais le vin concentré n’a pas les qualités de
fraicheur du vin naturel.
Un inconvénieut d'un autre ordre, auquel se sont
heurtés et auquel se heurteront probablement encore
ceux qui entreprendront la concentration du vin, est le
régime fiscal. Sans doute, M. Garrigou envisage la con-
centration comme une opéralion parfaitement licite et
honnête, dans laquelle la Régie n'est point lésée; mais
la Régie, de son côté, flaire la fraude et trouve l'opéra-
tion op favorable aux fraudeurs. Je ne doute d’ailleurs
pas que, si la concentration entrait dans la pratique, une
entente s'établirait et que la Régie exercerait un con-
trôle qui lui garantirait ses droits.
De sorte que, en définitive, c’est surtout la difficulté
de l'opération, telle que la concoit M. Garrigou, qui me
piraîl être la pierre d'achoppement de son procédé. À
ce point de vue, je préférerais un appareil continu, tel
qu: celui qu'ont inraginé MM. Schribaux et Baudoin,
pour opérer la co icentration.
Ce; observations ne retirent nullement le mérite du
travail de M. Garrigou, qui a le premier appelé l'atten-
lion sur l'intérêt que présente la concentration du vin.
Je ne doute pas qu'un tel procédé pourrait rendre des ser-
vices dans certains cas. C'est peut-être dans son appli-
Ca'ion que l'on trouvera une solution du trouble écono-
nomique dans lequel est plongée la viticulture méri-
dionale, car la concentration appliquée aux petits vins
de plaine du Midi pourra en faciliter la conservation,
d'abord, le transport ensuile, el pallier dans une cer-
taine mesure les inconvénients actuels de celte surpro-
duction de petits vins. X. ROCQUE»,
Ingénieur-Chimiste,
Aucien Chimiste principal
du Laboratoire municipal de Paris.
Lancaster (A.), Directeur du Service météorolo-
gique de Belgique, Membre de l'Académie royale
des Sciences. — Annuaire météorologique de l’Ob-
servatoire royal de Belgique pour 1901. — 1 vol.
in-16 de 516 pages, avec planches. (Prix : 3 fr.)
Hayez, imprimeur. Bruxelles, 1901.
3° Sciences naturelles
Haug (F.). — Les Géosynclinaux et les Aires con-
tinentales. Contribution à l'étude des transgres-
sions et des régressions marines. — Extrait du Bull.
Soc. géol. de France. 3° série, t. XX VIII, p. 617-711,
3 cartes, 1901.
M. Haug a publié récemment un important travail,
très documenté, qui intéresse à la fois géologues et
géographes, et dans lequel il s’est ‘surtout eflorcé 1e
rechercher les causes de la répartition des terres el
des mers aux diverses époques géologiques.
Suess, qui avait déjà essayé de déterminer les lois qui
président aux déplaczments des rivages, avait recours,
pour expliquer ces déplacements, à des mouvements
propres de la masse océanique. Il ne croyait pas que
les o-cillations des continents pussent expliquer les
submersions et les émersions réitérées de la terre
ferme.
M. Haug s'élève avec force contre ces conclusions.
11 établit d'abord le rôle joué par les dépressions
connues sous le nom de géo-yneclinaux, qui n'ont pas
cessé, depuis le commencement des temps géologiques,
d'être les portions mobiles de l'écorce terrestre, com-
prises entre des, masses continentales toujours stables
et qui sont au nombre de cinq : continents nord-atlan-
tique, sino-sibérien, africano-brésilien, australo-indo-
malgache et pacifique. Grâce à la grande érudition de
l'auteur, les limites et les conditions d'existence de
ces continents sont déterminées avec som lant au
point de vue géologique qu'au point de vue des êtres
qui les ont habités (animaux et végétaux).
Les continents actuels résultent du morcellement,
parfois très récent, de ces anciennes masses conli-
nentales.
- L'auteur déduit de ces données générales : d'abord,
que les principales transgressions sout toujours cousé-
cutives d'une phase de plissement, puisque les dépla-
cements des lignes de rivage sont en relalion étroite
avec les mouvements du sol.
Il en arrive à formuler la loi suivante :
« Toutes les fois qu'un terme déterminé de la série
sédimentaire se présente en transgression sur les aires
continentales, le même terme est en régression dans
les géosynclinaux, et réciproquement. » Ce qui revient
à dire que les transgressions sur les aires continentales
sont compensées par les régressions dans les géosyn-
clinaux el vice versa.
Cette conclusion, inconciliable avec toutes les hypo-
thèses cosmiques ou telluriques qui supposent des mou-
vements propres de la nappe océanique, s'accorde bien,
au contraire, avec l'hypothèse d'oscillations de la terre
ferme, qui seraient dues, pense l’auteur, à des mou-
vements épeirogéniques (inouvements verticaux) des
aires continentales.
Ce sont là des idées nouvelles fort intéressantes,
car elles sont basées sur un ensemble de faits; aussi
ne peuvent-elles être que fructueuses en résultats.
Pa. GLANGEAUD,
Maitre de Conférences à l'Université
de Clermont-Ferrand.
Clautriau (feu Georges), Assistant à l'Insti ut Bota-
nique de l'Université de Bruxelles. — La digestion
dans les Urnes de Nepenthes. — 1 rochure in-5°
de 54 pages. (Wxtrait des Mémoires. de l'Académie
roy. de Belgique.) Hayez, éditeur. Bruxelles, 1901.
La digestion des substances albuminoïdes dans les
urnes de Nepenthes a fait l'objet d'un grand nombre
de travaux; mais, jusqu'ici, on avait constaté seulement
la présence d'une zymase dans le liquide qui emplit les
urnes, et on avait reconnu que ce ferment protéoly-
tique se rapprochait de la pepsine, sans cependant en
préciser la nature. d
D'autre part, les recherches effectuées par les divers
expérimentateurs avaient été poursuivies sur des Nepen-
thes cultivés en serre dans nos pays, aussi les obser-
1
1
©
BIBLIOGRAPHIE — ANALYSES ET INDEX
vations de Clautriau présentent-elles d'autant plus d'in-
térêt qu'elles ont été faites 1n situ sur des plantes
vivant en épiphytes dans les forêts de Java où l'auteur
a pu séjourner pendant un certain temps.
Certaines expériences ont porté sur les urnes de Ne-
penthes melamphora, dans lesquelles Clautriau ajoutait,
au moyen d'une pipette stérilisée, une quantité assez
minime d’albumine rendue incoagulable par le sulfate
de fer et stérilisée également. D'autres ont été conduites
in vitro avec le liquide des urnes.
L'auteur a pu ainsi constater qu'il existe bien chez
les Nepenthes une zymase peptonifiante agissant en
milieu acide et transformant les albumines en peptones
vraies; mais cette substance, de même que l'acide
qui l'accompagne dans le produit de sécrélion des
urnes, ne prend naissance que sous l'influence d’une
excitation préalable. Il semble, d’ailleurs, que la pep-
tonilication complète des albuminoïdes ne soit pas
nécessaire pour leur absorption. L'assimilation des pep-
tones est extrêmement rapide, et c’est probablement
la cause de l'absence presque constante des Bactéries
ou des Champignons dans le liquide de l’urne; mais, Si
les matières organiques (débris d'insectes) sont trop
abondantes, une putréfaction se manifeste, sans aucun
inconvénient, d’ailleurs, pour la plante.
Dans ces conditions, il paraît admissible que les
urues apportent au végétal un appoint notable à la quan-
tité d'azote qu'il peut tirer normalement du sol.
L:Lurz,
Docteur ès sciences,
Chef de Travaux à l'École de Pharmacie de Paris.
Jumelle (Henri), Professeur adjoint à la Faculté des
Sciences et Chargé de cours à la Chambre de Com-
merce de Marseille. — Les cultures coloniales :
I. Plantes alimentaires. II. Plantes industrielles.
2 vol. in-8° 425 pages, et 360 pages, avec figures.
(Prix : 4 franes le vol.) J.-B. Baillière et fils, 19, rue
Hautefeuille. Paris, 1904.
En même temps que l'attention est attirée vers les
ressources agricoles de nos colonies, la nécessité s’im-
pose de développer l’enseignement colonial au point de
vue spécial de l'exploitation du sol. C’est une tâche où
l’Université de Marseille a déjà rendu de grands services.
Son Institut colonial, de fondation peu ancienne, a
déjà un passé qui l'honore grandement; son avenir
s'annonce comme très brillaut, grâce au zele de ses
dévoués collaborateurs. Il suffit de rappeler les nom-
breuses publications qui sont sorties de ses laboratoires ;
elles arrivent au bon moment et font œuvre d'utilité
pratique.
C'est le cas, notamment, du nouveau livre de M. Ju-
melle, qui vient apporter à la Botanique coloniale un
heureux appoint. L'auteur a voulu résumer, pour les
planteurs de nos colonies et les élèves de nos Ecoles
coloniales ou de Commerce, les diverses méthodes
appliquées à la culture des plantes utiles dans les diffé-
rentes régions intertropicales.
Avec les ressources du Musée Colonial de Marseille
et les renseignements qu'y envoient ses nombreux cor-
respondants, avec l'autorité que donnent des travaux
antérieurs si appréciés, le livre de M. Jumelle devait
avoir un caractère vraiment scientifique.
Dans le premier volume l’auteur passe successivement
en revue les plantes féculentes et les céréales, les
plantes potagères, les fruits, les plantes saccharifères,
les épices et les aromates, les caféiques. Le second
volume comprend les plantes textiles ou oléagineuses,
les plantes à caoutchouc ou à gutta, les plantes à par-
fum et à vernis, les plantes tinctoriales, tannantes,
médicinales, narcotiques, fourragères.
On appréciera beaucoup la comparaison des méthodes
de culture et des rendements oblenus, qui intéresse
tant la partie commerciale de la question. Les rensei-
gnements si précis fournis par le texte permettront de
tracer quelques cartes de la répartition géographique
«les principales cultures coloniales, ce genre d'illustra-
tion étant en général apprécié de nos élèves, futurs com-
merçants ou colons. Les migrations successives des
plantes cultivées sont parfaitement indiquées, mais
M. Jumelle a eu surtout pour but d'exposer la pratique
culturale. Tel qu'il nous est présenté, son ouvrage s2
recommande tout particulièrement pour les bibliothè-
ques des Ecoles de Commerce et pour tous ceux qu'in-
téressent les productions tropicales. C'est une précieuse
contribution à la connaissance de l'Agriculture des
pays chauds. EDmoxD GAIN,
Professeur à l'Ecole Supérieure de Commerce,
Maître de Conférences à l'Université de Nancy.
Müntz (A.), Membre de l'Institut, Directeur des Labo-
ratoires à l'Institut National Agronomique, et Rous-
seaux (Eug.), /ngénieur-Agronome, Préparateur de
Chimie à l'Institut Nationa! Agronomique. — Etude
sur la valeur agricole des terres de Madagascar.
— 1 vol. in-8° de 216 pages, avec une carte. Impri-
merie Nationale. Paris, 1901.
Quand, au prix de sacrifices considérables, une na-
tion est parvenue à acquérir une nouvelle colonie, il
importe, si elle veut tenir son rang parmi les contrées
voisines, qu'elle ne s'endorme pas dans l'inaction, et
qu'elle recherche tout de suite les meilleurs moyens
de mettre en valeur le nouveau pays.
C'est le cas qui s’est présenté pour Madagascar. Aussi
le gouverneur de l'île, M. le général Galliéni, pensant
avec raison que la plupart des pays exotiques valent
surtout par leurs productions agricoles, a-t-il demandé
à M. Müntz, et à son disciple, M. Rousseaux, de vouloir
bien examiner les terres des principales parties de la
colonie. C'est à ce travail considérable et ingral, mais
nécessaire, que se sont attachés l’'éminent agronome et
son collaborateur, dans l'étude très intéressante et très
documentée qu'ils ont publiée dans le Bulletin du
Ministère de l'Agriculture. On y trouve les résultats
de cinq cents analyses environ de terres provenant des
districts les plus divers de Madagascar, ainsi que les
conclusions particulières et générales qui en découlent.
Nous pouvons maintenant, grâce à cette étude, nous
faire une juste idée des ressources agricoles que nous
devons attendre de notre colonie de l'océan Indien.
Les recherches de MM. Müntz et Rousseaux nous
montrent que les sols de cette île, qui avaient été si-
gnalés par certains voyageurs comme possédant une
grande valeur agricole, sont, pour la plupart, peu riches
en principes fertilisants, n’offrent que peu de ressour-
ces à la grande culture et sont difficiles à exploiter.
A l'exception des fonds de vallée, la région centrale
se présente dans de trop mauvaises conditions pour être
mise en valeur, et ne pourra vraisemblablement jamais
devenir un pays de production intensive; .la région
Ouest est meilleure, formée de terres plus riches, per-
méables et d'un travail facile, pouvant être avaula-
geusement exploitées.
Le littoral Est, quoique assez pauvre, renferme cepen-
dant des terres cultivées qui paraissent un peu fertiles;
le climat chaud et humide contribue à y favoriser la
végétation. Enfin, le Sud de l'ile possède des terrains
d'une certaine richesse et d'un travail facile.
En résumé, il ne faut pas regarder toute l'ile de
Madagascar comme un pays de grand avenir agricole;
mais, cependant, beaucoup de points, même dans les
régions déshéritées, méritent d'attirer l'attention des
colons. Les terres pauvres, qui manquent simultané-
ment des principaux éléments de fertilité, ne peuvent
être améliorées d’une façon économique par des en-
grais ou des amendements nécessitant des tranports
coûteux, et l’exploitalion de ces sols serait onéreuse et
aléatoire. Par contre, on peut les utiliser, soit comme
pays d'élevage dans les endroits où poussent des herbes
propres à la nourriture du bétail, soit comme pays fo-
resliers, là où se trouvent des forêts dont il importe
d'empêcher l'incendie par les indigènes.
Le colon devra donc choisir les points privilégiés sous
le rapport de la nature des terres et du régime des
BIBLIOGRAPHIE — ANALYSES ET INDEX 771
+ eaux et y concentrer ses efforts. La partie restreinte de
l'ile qui sera ainsi exploitée pourra donner des résul-
tats importants, et assurer à la colonie une certaine
prospérité agricole. L'étude de MM. Müntz et Rousseaux,
“en établissant ces divers points, permettra aux colons
dé ne pas s'engager dans de fausses spéculations et les
empêchera de voir leurs espérances déçues; c'est là un
véritable service rendu à la fois à notre pays et à sa nou-
elle colonie. A. HÉgErr.
4 Sciences médicales
…Hédon (E.), Professeur de Physiologie à la Faculté
de Médecine de Montpellier. — Physiologie nor-
male et pathologique du Pancréas. — 4 vol. in-8°
de 192 pages de l'Encyclopédie scientifique des Aïde-
Mémoire. (Prix : broché, 2 fr. 50; cartonné, 3 fr.)
Masson et Ci, éditeurs. Paris, 1901.
On connaît les beaux travaux de M. Hédon sur le
pancréas. Ses expériences comptenc parmi les plus
importantes de celles qui nous ont fait connaitre le
- rôle du pancréas comme glande à sécrétion interne.
D'autre part, tous ceux qui ont lu son Traité de Phy-
siologie en ont pu apprécier les qualités didactiques, la
clarté et l’élégante concision.
- Nul n'était donc mieux qualifié que le professeur
. Hédon pour nous donner une bonne monographie de la
glande pancréatique.
M. Hédon a étudié cet organe au triple point de
. ue anatomique, physiclogique et pathologique. Natu-
rellement, la partie physiologique est la plus impor-
tante.
Très au courant des travaux les plus récents, l'au-
teur a su, en évitant les détails trop minutieux, nous
donner un aperçu clair et concis de tous les faits domi-
. nateurs et des résultats les plus récemment acquis.
La technique expérimentale occupe une place assez
imporlante dans ce petit livre, et à juste titre, car
c’est bien à propos du pancréas qu'on peut dire : tant
vaut la technique, tant valent les résultats, puisqu'il
suffit qu'uu minime fragment d’organe soit conservé
pour que les troubles consécutifs à l'ablation complète
n'apparaissent pas. Et ce que je dis au point de vue
de la sécrétion interne s'applique entièrement à la
sécrétion externe.
N'est-ce pas à une technique aussi judicieuse qu'ir-
. réprochable que Pawlow etses élèves doivent en partie
les beaux résultats de leurs recherches sur la diges-
tion ?
. Mais quelque nombreuses que soient les expériences
sur la sécrétion interne du pancréas, quelque riche
que soit la littérature physiologique sur ce sujet, il faut
bien reconnaître que nous ne sommes pas encore {out
. près de connaître le mécanisme des troubles graves de la
nutrition quisuccèdent à l’ablation totale de cette glande.
- Après nous avoir brièvement exposé les diverses
- théories qui ont été proposées (auto-intoxication ; fer-
ment glycolytique de Lépine ; théorie de Chauveau et
Kaufmann; et, enfin, l'opinion plus récente de M. Lé-
- pine, sur l’action adjuvante qu'exerce la sécrétion
- interne vis-à-vis de la glycolyse des tissus), M. Hédon
réserve sou opinion, très sagement à notre avis.
- L'enquête n'est pas encore close et nous conclurons
avec M. Hédon qu'il est impossible encore, dans l'état
actuel de la Science, de donner une explication formelle
de cette question, dont la solution serait pourtant d'un
immense intérêt en Physiologie aussi bien qu'en Patho-
logie. J.-E. ABELOUS,
Professeur à la Faculté de Médecine
de Toulouse.
4 Puiade (D' P.). — La Cure pratique de la Tubercu-
ulose. — / vol. in-8° de 374 pages. (Prix : 3 fr. 50).
G: Carré et C. Naud, éditeurs. Paris, 1901.
5° Sciences diverses
Lefèvre (André). — La Grèce antique. Entretiens
sur les Origines et les Croyances. — 1 vo/. in-18
de 463 pages. (Prix : 6 fr.) Schleicher, éditeur.
Paris, 1900.
Le sous-titre de ce livre en indique très exactement
la nature et le contenu. M. André Lefèvre a réuni en
un volume les lecons qu'il a professées à l'Ecole d'An-
- thropologie sur la civilisation homérique et l'histoire
des religions helléniques. De nombreuses traductions
de fragments d'Homère et d'Hésiode y sont insérées,
écrites en cette langue souple et colorée que s'entend
Si bien à manier M. Lefèvre. Pas plus que dans ses
autres ouvrages, il n'a su — ou voulu peut-être — se
défendre ici contre la tendance qui l’entraine à trans-
former en une sorte de réquisitoire contre les idées et
les croyances qu’il ne partage pas, des recherches
historiques qui devraient, à notre sens, conserver un
caractère d'entier désintéressement et de parfaite
objectivité. Il enlève peut-être ainsi à ces livres de
haute vulgarisation quelque peu de l'autorité qu'ils
pourraient légitimement revendiquer. Il ne semble pas,
d’ailleurs, qu'il ait eu à cœur de se tenir très au cou-
rant des travaux qui, au cours de ces dernières années,
ent un peu renouvelé l'aspect de la mythologie hellé-
nique, dont on ne fait plus seulement un chapitre de
la mythologie indo-européenne, mais qu'on étudie
davantage en elle-même et par une méthode moins
étroitement philologique, en donnant à l'examen des
rites, des coutumes et des institutions une importance
beaucoup plus grande dans l'interprétation des mythes
cosmiques et des légendes divines.
L'absence d’index et, pour la plupart des faits cités,
de références précises enlève au livre de M. Lefèvre une
partie de son utilité, et c'est grand dommage, car nul
ouvrage n’est plus propre à faire sentir la prestigieuse
beauté et la magie séductrice et naïve des antiques
cosmogonies de l'Hellade.
Nous ne saurions présenter ici la critique détaillée
d'un livre dont la matière ne rentre pas strictement
dans le cadre de la Æevue, à moins que l’on ne veuille
considérer les spéculations d'Hésiode sur la genèse et
l'évolution de l'Univers, comme un chapitre d'une
sorte de préhistoire des sciences; il nous suffira d’en
indiquer sommairement le contenu. Les deux premiers
chapitres sont consacrés à une brève description des
premières populations qui se sont succédé et mêlées
sur le sol de la Grèce, à un rapide inventaire des
croyances animistes, des cultes zoolatriques et lithola-
triques, de la religion du feu, du foyer et de la famille,
et du culte, le plus ancien peut-être de tous, des arbres
et de la forêt. Il esquisse ensuite à grands traits les
principaux linéaments de ce qu'il appelle la mytho-
logie pré-hellénique, de cette religion pré-homérique
que les découvertes archéologiques nous permettent,
en quelque mesure, de reconstituer, et s'attache à
déterminer quelle a été la part des peuples d’Asie-Mi-
neure, des Thraces, des Phéniciens dans la genèse de Ja
religion grecque. L'histoire littéraire des poèmes homé-
riques, l'étude des personnages divins et des légendes
héroïques et divines qui y figurent, le tableau de la vie
grecque à ce stade de l'évolution de la société hellénique
remplissent les chapitres suivants. M. Lefévre parle
ensuite des mœurs et des idées au temps d'Hésiode,
de sa cosmogonie el de sa théogonie. La légende et le
culte d'Heraklès et de Dionysos, le mythe de Dèmeéter,
les mystères éleusiniens et la théologie orphique font
l'objet des derniers chapitres du livre, que termine un
bref exposé de l'expansion de Ja civilisation hellénique
et de la décadence de la Grèce. :
L. MARILLIER,
Maître de Conférences
à l'Ecole pratique des Hautes-Etudes
772 ACADÉMIES ET SOCIÉTÉS SAVANTES
ACADÉMIES ET SOCIÉTÉS SAVANTES
À DE LA FRANCE ET DE L'ÉTRANGER
. L = D RE NE la pyridine, a obtenu la pyridylmonoxydichloroquinone.
ACADEMIE DES SCIENCES DE PARIS i
Séance du 15 Juillet 4901.
1° SCIENCES MATHÉMATIQUES. — M. J. Coulon indique
deux transformations que l'on peut faire subir à la for-
ule de Green pour les équations aux dérivées par-
tielles du second ordre linéaires et à un nombre quel-
conque de variables indépendantes, ainsi que les
applications qui peuvent en être failes pour étendre
la méthode d'intégration de Riemann dans le cas des
caractéristiques réelles. — MM.Eug. et Fr. Cosserat
cherchent la solution des équations de l’élasticité dans
le cas où les valeurs des inconnues à la frontière sont
données. — M. L. Décombe étudie le mouvement du
pendule en milieu résistant. Lorsque la résistance du
milieu est une fonction paire de la vitesse, il est facile
de démontrer l'isochronisme des oscillations pour une
loi de résistance absolument quelconque. Lorsque c'est
une fonction impaire, les vitesses du pendule à des
instants équidistants de ceux pour lesquels la vitesse
est maxima suivent les termes d’une progression géo-
métrique décroissante. — M. G. Kœnigs présente un
Joint qui permet non seulement de transmettre inté-
gralement la rotation d'un arbre à l’autre, mais encore
de faire varier continument et indépendamment l'angle
que ces arbres forment entre eux.
2° SCIENCES PHYSIQUES. — M. A. Cornu indique le prin;
cipe d'une nouvelle méthode pour la détermination des
trois paramètres optiques principaux d’un cristal, en
srandeur et en direction, au moyen du réfractomètre,
— M. J. Macé de Lépinay a constaté que, dans la pro-
duction des franges de Herschell, il se forme, au voisi-
nage de la réflexion totale et avant cette dernière, tout
à la fois un retard de phase par réflexion sur Ja pre-
mière et une avance de phase par réflexion sur la
seconde des surfaces limitant la lame mince. Il en
résulte que la véritable limite de la réflexion totale
serait à 3,1 de la limite apparente. — MM. A. Pérot
el Ch. Fabry ont comparé directement 33 raies du
spectre solaire à la radiation verte du cadmium, fournie
par un tube de M. Michelson: ils donnent le rapport de
la longueur d'onde indiquée par Rowland avec celle
qu'ils ont trouvée. Ce rapport varie de 1,0000286 à
1,0000381. — MM. B. Brunhes et P. David rappellent
que l'argile cuite prend une aimantation dirigée dans
le sens dn champ magnétique terrestre à l'instant dela
cuisson. Or, ils-ont trouvé, dans la région volcanique
du Puy-de-Dôme, des couches d'argile de Ja fin du Plio-
cène cuites sur place par un fleuve de lave ayant coulé
dessus. Ces couches présentent une aimantation de
direction bien définie et différente de la direction
actuelle du champ terrestre; on a ainsi un moyen pour
retrouver la direction du champ terrestre aux époques
reculées. — M. E. Esclangon a observé à Floirac
(uironde), le 5 juiliet à 8 h. #4, un gros bolide chemi-
naut à raison de plus de 10 kilomètres à l'heure. —
M. de Forcrand à reconnu l'existence de quatre hy-
drales de potassium, KOH +-0,5H°0, KOH-H°0,
KOH+2H?0, qui se forment avec les dégagements de
chaleur suivants :
KOH + 0,5 H?0 — 12 cal. 60
KOH, 0,5 H°0 + 0,5H°0 — 6 cal. 30
KOH, H£O + H°0 — 3 cal. 04
— M. P. Brenans a préparé quelques éthers-oxydes
el éthers-sels du diiodophénol et du triiodophénol.
— M. H. Imbert en faisant réagir le chloranile sur
Avec la picoline-B, on obtient un dérivé analogue. Avec
le bromanile, il se produit le composé dibromé corres-
pondant. — M. A. Bongert, en faisant réagir l'hydrazine
sur le butyrylacétylacétate de méthyle dans des condi-
tions variées, a obtenu dans un cas le propylméthyl-
pyrazolcarhonate de méthyle, dans l’autre la propyl-
pyrazolone. Avec l'iodure de méthyle, on obtient le
méthylbutyrylacétate de méthyle, qui se combine avec
la phénylhydrazine en donnant la propylméthylpyra-
zolone. — M. Chavanne a étudié les propriétés de
l'acide isopyromucique et de ses sels métalliques. —
M. L. Ferrand, en traitant l’orthoxylène par le chlore
eu présence d'iode, a obtenu les trois dérivés chlorés
possibles dont il poursuit l'étude. — MM. R. Lépine et
Boulud ont constaté, dans le sang de gros chiens nour-
ris exclusivement de viande, la présence de sucre
réducteur lévogyre (lévulose), celle de pentoses, de
maltose el quelquefois de saccharose.
3° SCIENCES NATURELLES. — MM. A. Chauveau el
Tissot ont observé qu'un chien, pourvu de leur appa-
reil respiratoire, peut séjourner pendant une heure
sans être indisposé dans un milieu contenant beaucoup
d'acide sulfhydrique. La peau e‘ les muqueuses exté-
rieures ne constituent donc pas une voie d'introduction
active pour l'hydrogène sulfuré. — MM. Denoyes,
Martre et Rouvière ont étudié l'action des courants
de haute fréquence sur la sécrétion urinaire. Ils ont
constaté : 1° une augmentation de la quantité de subs-
tance toxique éliminée dans les vingt-quatre heures
et par kilo de poids vif; 2° une diminution du nombre
de molécules élaborées moyennes nécessaires pour
tuer { kilo d'animal. — MM. A. Charrin et Guillemonat
ont observé, au cours de la grossesse, une série de
modifications humorales, en particulier un abaissement
de l'alcalinité de certains plamas et une hyperacidilé
de quelques autres. Ces changements, en favorisant la
solubilisation des éléments minéraux, en particulier le
fer, peuvent expliquer la genèse des anémies perni-
cieuses de la grossesse. — MM. Apostoli et Laquer-
rière ont conslalé que les courants galvaniques cons-
tants peuvent détruire les microbes, ou atténuer leur
vitalité et Jeur virulence proportionnellement à l'inten-
sité de leur application. — MM. Cornil et G. Petit
décrivent les lésions de la cirrhose atrophique du foie
dans la distomatose des Bovidés. — M. C. Viguier
indique les précautions à prendre daus l'étude de la
parthénogenèse des Oursins. — MM. A. Laveran et
F. Mesnil concluent, d'une étude comparative, que les
Trypanosoma et les Trichomouas-sont construits sur
le même type, mais que les 7richomonas, au point de
vue des appareils de relation, sont heaucoup plus
compliqués que les Trypanosomes. Il est probable que,
chez tous les Flagellés, les flagelles aboutissent à un
système centrosomique ; quant à la membrane ondu-
lante, quand elle existe, elle apparait comme une sorte
de flagelle rattaché au corps sur une partie de sa
longueur ; ses relations avec le centrosome sont celles
d'un flagelle ordinaire. — M. P. Lesage a reconnu que
la germination des spores des Penicillium glaucum
dépend moins de la quantité absolue de vapeur d’eau
que de l’état hygrométrique de l'air. La limite infé-
rieure de cet état hygrométrique est 0,82. — M: Ph.
Glangeaud à observé la formation de nappes de glace,
en été, sous les coulées de laves des volcans d'Auver-
gue. Cette formation paraît être due à l’évaporation
énergique de l'eau souterraine à travers la lave
poreuse, évaporation qui produit un fort refroidis-
sement. À
ACADÉMIES ET SOCIÈTÉS SAVANTES mr
Séance du 22 Juillet 1901.
M. le Président annonce le décès de M. H.de Lacaze-
Duthiers, membre de la Section de Zoologie.
19 SCIENCES MATHÉMATIQUES. — M. G. Bigourdan com-
“ munique la suite de la liste des nébuleuses nouvelles
qu'il a découverte à l'Observatoire de Paris. — M. L.
Autonne indique les propriétés principales de l'her-
+ mitien et de l'hermitienne. — MM. Eug. et Fr. Cosse-
“rat poursuivent leur étude de l'application des fonc-
tions potentielles à la théorie de l'élasticité, — M. E.
- Vallier continue ses études sur la loi des pressions
dans les bouches à feu, et montre le moyen d'obtenir
“une approximation supérieure à celle qu'il a donnée
. précédemment.
20 Sciences PuysiQues. — M. E. Bouty recherche l'in-
fluence de la paroi sur le passage de l'électricité à tra-
vers les gaz. L'étude des perturbations amenées par la
- paroi établit que le phénomène critique est en lui-
même lout à fait indépendant de la matière isolante
- qui emprisonne le gaz. Celle-ci n'agit qu'indirectement,
en modifiant d'une manière plus ou moins irrégulière
le champ qui règne au sein de la masse gazeuse. —
M.G. Meslin indique comment il a pu obtenir par la
photographie de franges rigoureusement achromatiques
des réseaux dont la période est arbitraire. — M. H.
Becquerel a observé le rayonnement de l'uranium aux
très basses températures; il a constaté une diminution
de la charge d'un électroscope par l'air ionisé par les
rayons uraniques. Ce phénomène ne parait pas altri-
buable à une diminution de la radioactivité de l'ura-
nium quand ce mélal est refroidi, mais plutôt à
l'absorption des rayons très absorbables, actils dans
l'ionisation, par la couche d'air froid très dense qui
avoisine le métal refroidi. — M. J. Semenow conclut,
d'une étude sur les rayons X, que ceux-ci représentent
l:s directions de transmission, par l'intermédiaire de
l'éther, des vibrations électriques. Ces vibrations se
communiquent à tous les corps qu'elles rencontrent
. sur leur passage. Lorsque ces corps sont charsés d'élec-
tricité et quils sont protégés contre la décharge par
convection, ils perdeut leur charye par rayounement,.
— M. Athanasiadis adresse une note relalive à un
instrument servant à mesurer l'intensité du courant
électrique; c'est une modification de l'aréomètre élec-
trique. — M. Jean Sterba à préparé l'oxyde de cérium
pur par la méthode de MM. Wyrouboff et Verneuil, en
la rendant plus rapide par l'emploi de lélectrolyse
comme agent d'oxydation. L’oxyde de cérium parfaite -
ment pur peut être coloré d’une facon très sensible;
mais, par l'élimination de l'azote, il devient blanc de
- neige. L'action de l'hydrogène sur l'oxyde de cérium
donne une réduction incomplète avec formation de
Ce?0%, — M. de Forcrand a fait l'étude thermique des
- hydrates de soude solides; il a constaté l'existence des
hydrates 3NaOH ÆH°0, NaOH + H°0 et NaOH + 71H20.
Comme pour la potasse, les premières portions d'eau
fixées sur NaOH dégagent moins de chaleur que les
suivantes. — M. A. Mailhe à fait réagir les hydrates de
cuivre sur quelques chlorures et bromures; il a obtenu
les sels mixtes suivants : HgCEË, 3Cu0, H°0 ; ZnCl'Br°),
3Cu0, 4H°0; MnCEË, 2Cu0, 6H°0; CoCP, 3Cu0, 4H°0;
NiCI?, 2Cu0, 6H°0 ; etc. — M. Jouniaux a étudié l’ac-
tion de l'argent sur l'acide bromhydrique, et a obtenu
des résultats parallèles à ceux qu'on observe dans l’ac-
tion de Ag sur HCI. — M. C. Marie, en faisant réagir
à chaud l'acétone sur l'acide hypophosphoreux, a ob-
tenu un mélange de trois acides : C‘H'O'P (= PO*H*
—+ 2C*H‘0), monobasique ; C*H°O*P (= PO*H* —Æ C'H'O),
monobasique, fort; C*H°0*P (— PO*H'E CSH°O), biba-
sique. — M. H. Imbert poursuit l'étude de l’action des
bases pyridiques sur les benzoquinones tétrahalogé-
nées. — M. R. Fosse montre que les éthers bromhy-
drique et chlorhydrique qu'on fait dériver du pré-
tendu binaphtylèneglycol de Rousseau, sont en réalité
les dérivés monobromé et monochloré du dinaph-
toxanthène. — M. F. Bidet a étudié la réaction entre.
le giz ammoniac et les chlorhydrates de monoéthyl-
amine et de diéthylamine.— M. André Kling a constalé
qu'à de légères différences d'activité près la bactérie du
sorbose et le Mycoderma aceti d'Orléans agissent de la
même manière sur le propylglycol racémique, oxydant
la fonclion alcool secondaire de l'isomère gauche et le
transformant en acétol. — M.M. Berthelot à déterminé
l'acidité de quelques sécrétions animales : suc gastrique,
salive, urine. — M. H. Mouton a-réussi à extraire, d'une
espèce d'Amibes très abondante dans la terre de jar-
diu, une diatase qui doit servir, chez l'animal vivant, à
la digestion intracellulaire des bactéries dont il à fait
sa nourriture ; elle se rapproche des ferments protéo-
lytiques qui agissent en milieu alcalin, tels que la
trypsine. — M. Balland à déterminé le rendement des
farines en pain. Il y à d'autant plus d'eau dans le pain
que la croûte est en moindre proportion; le rendement
des farines en pain est donc étroitement lié au déve-
loppement que prend Ja croûte au four.
3 SCIENCES NATURELLES. — M. J. Tarchanoff donne
le résumé d'une série d'expériences concernant l'iu-
fluence de différentes conditions sur l’activité lumineuse
des bacilles phosphorescents de la mer Baltique. —
M. G. Weiss a constaté que, si une onde électrique,
portée sur un nerf ou un muscle, est juste suffisante
pour donner la réponse minima, une autre onde moins
efficace, de sens inverse, n’ajoute rien, ni ne retranche
rien à l’effet obtenu, qu'elle précède la première onde
ou qu'elle la suive. — M. E. Drake del Castillo à élu-
dié quelques espèces végétales nouvelles de Madagascar,
les A/luaudia et Didierea. Au point de vue anatomique,
elles ont de grandes analogies; on y observe, dans la
moelle et dans l'écorce, des vaisseanx remplis d'une
matière colorante d'un rouge brun, et paraissant rem
plir les fonctions de laclicifères. — M. A. Guilliermond
a observé la sporulation des Schizosacchiromycètes.
Chez le Schiz. octosporus, il existe une vérilable conju-
gaison qui précède la formation de l'asque, lequel
provient de deux cellules sœurs qui s'unissent et fu-
sionnent leur noyau. Le Schiz. Pombe présente des
phénomènes analogues. — M. F. Garrigou propose
d'employer comme engrais les 3.600.000 hectolitres de
vinasses et les 10.000.000 d'hectolitres de vins perdus
par maladie qu’on jette en moyenne chaque année en
France. Il suffirait de les abandonner à l’évaporation
dans des fosses ou sur des aires planes et de répandre
sur les terrains le concentré qui renferme des quanli-
tés appréciables de substances minérales et organiques.
Louis BruNEr.
ACADÉMIE DE MÉDECINE
Séance du 16 Juillet 1901.
M. H. Hallopeau présente un Rapport sur un travail
de M. Dezautière, intitulé : Une épidémie de pelaie.
Il résume, à cette occasion, tous les arguments qu'on à
invoqués en faveur de la transmissibililé de la pelade
et les objections qu'on à opposées à cette manière de
voir. Il conclut que la pelade ne se transmet que dans
certaines conditions, dont la principale parait être un
contact intime entre la plaque contaminée ou ses pro-
duits de desquamation et les régions pilaires de l'in-
dividu infecté. En dehors de ces contacts intimes, la
transmission ne se fait pas. — M. A. Pinard fait un
Rapport sur la question de la prophylaxie des oph'al-
mies ou conjonctivites des nouveau-nés. Il n'y à pas
une ophtalmie, mais des ophtalmies purulentes des
nouveau-nés, toutes d’origine infectieuse et de nature
contasieuse; causées le plus souvent par le gonocoque,
elles peuvent naitre sous l'influence d'autres agents
microbiens. L'emploi des différentes méthodes d'anti-
sepsie, visant à obtenir l'asepsie de l'appareil génital
maternel avant l'accouchement, et de l'appareil oculaire
de l'enfant au moment de la naissance et dans les trois
semaines qui la suivent, a fait diminuer le nombre des
ophlalmies purulentes des nouveau-nés dans des pro-
porlions considérables, quel que soit l'agent médica-
774 ACADÉMIES ET SOCIÉTÉS SAVANTES
menteux employé (jus de citron, acide citrique, per-
manganate de potasse, alcool, etc.). — M. Du Castel
présente le Rapport sur le Prix Buisson en 1901. —
MM. Lancereaux et Paulesco communiquent de nou-
veaux cas montrant que les injections de sérum gélatiné
constituent à l'heure actuelle la seule méthode de trai-
tement inoffensive et capable d'amener la guérison des
anévrismes vrais de l'aorte, non justiciables d’un trai-
tement chirurgical. — M. Roustan lit un travail inti-
titulé : Epidémie de grippe à forme abdominale observée
à Cannes et dans ses environs.
Séance du 23 Juillet 1901.
M. Chauvel présente un Rapport sur un {ravail de
M. Chavasse relalif à un cas de kyste dermoiïde à con-
tenu huileux de l'angle interne de l'orbite gauche. Le
contenu du kyste était composé de #1 °/, d'oléine et
56 */, de palmétine. La paroi kystique offrait la struc-
ture de la paroi normale. — M. F. Raymond fait un
Rapport sur un Mémoire de M. Boinet relatant trois
cas d'hémichorée préparalytique. L'un d'eux montre les
relations de l'hémichorée avec l'hémiathétose, un autre
les relations de l'hémichorée et de la démence paraly-
tique. — M. H. de Brun a constaté que l'existence de
vibrations abdominales chez un sujet qui parle indique
l'apparition d'un épanchement liquide dans la cavité
péritonéale. — M. Ant. Poncet signale trois observa-
tions nouvelles d'accidents articulaires d’origine tuber-
culeuse. Il propose de grouper ces affections sous le
nom de rhumatisme tuberculeux ou pseudo-rhuma-
tisme d'origine bacillaire. — M. R. Blanchard à étu-
dié les lésions du foie déterminées chez
et chez l'homme par la présence des Douves. Elles
provoquent l'obstruction des canaux biliaires et l'arrêt
de la bile. — M. Galipre lit une note sur l'hérédité des
stigmates dystrophiques maxillo-dentaires.
SOCIÉTÉ FRANÇAISE DE PHYSIQUE
Séance du 5 Juillet 1901 (suite).
M. A. Cotton a poursuivi les expériences sur l'obten-
tion de réseaux par la photographie de franges d'inter-
férences dont il a déjà entretenu la Société le 16 Avril. Les
réseaux qu'il présente aujourd'hui ont été obtenus en
photographiant des ondes stationnaires, c'est-à-dire
en faisant interférer une onde directe et une onde
réfléchie, comme dans les expériences de Wiener et
de Lippmann. I. Lorsqu'un faisceau parallèle et mono-
chromatique se réfléchit sur un miroir plan, la partie
commune à ce faisceau et au faisceau réfléchi est tra-
versée par des surfaces d’interférences fixes, qui for-
ment une série de plans équidistants parallèles au
miroir. Si, à l'exemple de Wiener, on dispose une
couche sensible très mince, dont la surface plane est
oblique par rapport au miroir, on photographie sur
cette surface une série de franges rectilignes et équi-
distantes, d'autant plus serrées que l’angle de la surface
sensible et du miroir est plus grand. Or, on peut aug-
menter cet angle et photographier un grand nombre de
franges serrées si l’on prend certaines précautions que
la théorie indique sans difficulté; cette théorie est la
même que dans le cas général de l’interférence de deux
faisceaux paralléles. La radiation monochromatique est
toujours fournie par la raie indigo de l'arc au mercure.
La lumière de cet arc, filtrée par des absorbants con-
venables, éclaire la fente d’un collimateur: cette fente
doit être d'autant plus étroite et plus courte que l'on
veut photographier des franges plus éloignées du mi-
roir. La surface argentée de ce miroir a été disposée
d'avance, par aulocollimation, normalement au fais-
ceau : c’est, en effet, l'orientation qui fournit les ondes
slationnaires d'ordre donné les plus nettes pour
une ouverture donnée de la fente du collimateur,
Ces ondes sont alors distantes de 5) On dispose alors
la glace sur laquelle doivent se fixer les franges : la
le bœuf
surface sensibilisée repose à l’une de ses extrémités
sur le miroir et en est séparée à l’autre extrémité par
une cale de verre dont l'épaisseur varie suivant le
nombre de franges que l’on veut photographier. II. Le
procédé photographique employé dérive du daguer-
réotype. Une couche d'argent très mince (couleur bleu
clair par transmission) est déposée sur la glace; on la
traite par les vapeurs d'iode et de brome jusqu'à ce
qu'il se soit formé, à la surface de l'argent devenu plus
mince encore, une couche d'épaisseur convenable
d'iodure et de bromure d'argent. Après la pose, la
plaque est révélée à la vapeur de mercure qui se
dépose en buée très fine aux endroits où la lumière a
agi. Dans le cas actuel, ce développement fait appa-
raitre un réseau, sans qu'il soit nécessaire de plonger
dans un liquide la plaque, qu'il n’est pas nécessaire de
fixer. IT. M. Cotton présente à la Société un de ces
réseaux dont la surface rayée a environ 5 centimètres
de largeur. Comme il y a environ 90 traits au milli-
mètre, le réseau porte en tout plus de 4.000 traits. La
cale employée avait près d’un millimètre d'épaisseur.
Les spectres, surtout nets par réflexion, sont assez
purs pour qu'on puisse dédoubler la raie jaune du
mercure. Cependant, les glaces utilisées étaient simple-
ment des glaces du commerce, et l'on ne peut espérer
obtenir le [pouvoir séparateur théorique qu'avec des
glaces travaillées spécialement et contrôlées au préala-
ble. Une propriété géométrique curieuse de ces réseaux
se justifie sans peine : Considérons une onde plane qui
occupe par rapport au réseau la place du miroir qui a
servi à l'obtenir : le réseau pour cette onde, et pour la
radiation qui avait servi, est au minimum de déviation,
c'est-à-dire que, fonctionnant sous cette incidence
comme réseau par réflexion, il renvoie dans la direc-
tion des rayons incidents les rayons de cette couleur
particulière. Cette propriété est indépendante de
l'angle des plans : on pourrait donc, pour obtenir le
réseau, utiliser une surface formée de plusieurs mor-
ceaux accolés (ou même une surface courbe, pourvu
que les ondes soient planes à la sortie). La photographie
une fois faite, toute la surface de ce réseau en mo-
saïque cenverrait dans la direction du faisceau paral-
lèle incident, arrivant sous cette incidence privilégiée,
la radiation qui a servi à fixer les franges. Les spectres
diffractés du premier ordre ont beaucoup plus d'éclat
que les autres, ce qui tient à la continuité du tracé
(voir la communication du 16 avril). L'épaisseur de la
couche du sel. d'argent n'est pas indifférente à ce point
de vue : on lui a donné une épaisseur telle que la lame
mince qu'elle forme sur le reste d'argent non attaqué
ne réfléchisse pas sensiblement la radiation bleue ser-
vant à faire la photographie. Dans ces conditions, les
réflexions successives n'interviennent plus, et en outre
la plaque est plus sensible. Avec une autre épaisseur
donnée à la couche, on pourrait favoriser, au con-
traire, les réflexions successives, changer la distribu-
tion de la lumière dans les franges, et donner au réseau
obtenu des propriétés qui se rapprocheraient davan-
tage de celles des réseaux à traits discontinus. IV. Un
daguerréotype, fait sur un support d'argent mince,
fonctionne comme un négatif par transparence et peut
servir à obtenir des copies, sur papier par exemple.
Dans le cas des réseaux, il était tout naturel d'employer
pour ces copies le procédé de la gélatine bichromatée,
suivant la technique de M. Izarn. Il fournit, en effet,
sans difficulté, des copies qui donnent, par transmis-
sion surtout, des spectres plus brillants que ceux
fournis par l'original, ce qu'il est facile de com-
prendre. Ce procédé à la gélatine bichromatée, si com-
mode pour les copies, ne s'est pas montré assez sen-
sible pour qu'on pût l'utiliser pour fixer directement
les franges très serrées conslituant le réseau, en appli-
quant le procédé décrit par M. Izarn (C. 24. 1894). Ce
procédé est très commode quand on dispose d’un
faisceau intense, comme cela est possible lorsqu'on me
veut pas un très grand nombre de franges. V. M. Cotton
présente encore à la Société un objectif à diffraction
obtenu encore par phofographie. C’est M. Cornu qui a
“ indiqué le premier que la photographie des franges
d'interférence pouvait servir à faire des réseaux.
M. Cornu avait prévu et vérifié qu'en photographiant
des franges suivant les lois des anneaux de Newton,
on obtenait facilement un réseau ayant les propriétés
focales des écrans de Fresnel et des réseaux de Soret.
“1 était intéressant de vérifier que les ondes station-
naires fournissent ici encore un moyen d’oblenir ce
résultat sans objectif. Il a suffi, en effet, de remplacer
Je miroir plan postérieur par un miroir sphérique.
Celui-ci, préparé en argentant la surface convexe d’une
Jentille, avait près de 0,50 de rayon de courbure. Le
“réseau obtenu par ce procédé, qui a encore une sur-
face rayée de 5 centimètres de diamètre, montre des
“anneaux visibles à l'œil nu au centre du champ, et qui
vont en se resserrant régulièrement jusqu'au bord, où
il y en à environ 200 au millimètre. On fixe ainsi d’un
seul coup plus de 2.000 franges circulaires : c’est beau-
coup plus que dans les appareils analogues antérieu-
rement construits, et que Soret, Wood, etc., avaient
obtenus en photographiant des dessins. Aussi les foyers
“obtenus par transmission ou par réflexion sont-ils très
distincts. Ici encore, les copies à la gélatine bichro-
matée donnent des images spectrales plus brillantes
. que l'original. VI. M. Cotton termine en faisant remar-
-quer que les conditions expérimentales dans lesquelles
il s'est placé (expérience I) sont exactement celles que
lon suppose quand on fait la {héorie des expériences
de Wiener et de Lippmann. Or, il est intéressant de
noter que ces conditions n'étaient pas exactement
remplies dans ces expériences mêmes, telles qu'elles
ont été faites. Wiener en particulier, pour obtenir les
clichés qui ont servi à ses mesures, n'utilisait pas un
faisceau parallèle et monochromatique, mais bien un
faisceau convergent. M. Cotton reviendra sur ce point
lorsqu'il aura pu faire des expériences avec les couches
sensibles transparentes comme en préparait M. Wiener,
et avec l’émulsion sans grain que M. Lippmann emploie
pour la photographie des couleurs.
SOCIÉTÉ ROYALE DE LONDRES
E.-W. Mott et W.-D. Haïlliburton : La chimie de
la dégénération nerveuse. — Nous avons démontré
auparavant que, dans la maladie de la paralysie géné-
ACADÉMIES ET SOCIÉTÉS SAVANTES
ES |
—
vail, et avons découvert que ce caractère n’est pas par-
ticulier à la maladie ci-dessus mentionnée; mais que,
dans plusieurs autres maladies nerveuses dégénératives
(sclérose combinée, sclérose disséminée, névrite alcoo-
lique, béri-béri), on trouve aussi de la choline dans le
sang.
Nous avons fait surtout deux essais pour découvrir
la choline : 1° un essai chimique, c’est-à-dire l'obtention
de cristaux ocfaédriques caractéristiques du sel double
de platine obtenu de l'extrait alcoolique du sang; 2 un
essai physiologique, c'est-à-dire l’abaissement de la
pression sanguine (en partie d’origine cardiaque, en
partie dû à la dilatation des vaisseaux périphériques)
que produit une solution saline du résidu de l'extrait
alcoolique; cette chute est abolie, ou même remplacée
par une élévation de la pression artérielle, si l'animal a
été atropinisé. Il est possible que ces essais aient une
valeur diagnostique pour la distinction entre les ma
ladies organiques et fonctionnelles du système nerveux.
On peut obtenir facilement l'essai chimique avec 10 cen-
timètres cubes de sang.
Un effet semblable a été produit artificiellement sur
les chats par la division des deux nerfs sciatiques, eLil
a été le plus marqué parmi les animaux chez lesquels
le processus dégénératif est à son plus haut point,
comme on le prouve histologiquement par la réaction
de Marchi. On a également fait une analyse chimique
des nerfs eux-mêmes. On a pris une série de 48 chats,
on a divisé les deux nerfs sciatiques et tué les animaux
postérieurement, à des intervalles variant de 1 à
106 jours. Les nerfs sont restés normaux tant qu'ils ont
été irritables, c'est-à-dire jusqu'à trois jours après
l'opération. A partir de ce moment, on a remarqué une
augmentation progressive dans le pourcentage d’eau et
une diminution progressive dans le pourcentage de phos-
phore, jusqu'à dégénérescence complète. Quand la
régénération a lieu, les nerfs reviennent approximati-
vement à leur condition chimique première. L’explica-
tion chimique de la réaction de Marchi paraît être le
remplacement de la graisse phosphorée par de la graisse
non phosphorée. Quand la réaction de Marchi disparait
dans le dernier état de dégénérescence, la graisse non
phosphorée a été absorbée. Cette absorption a lieu
plutôt dans les nerfs de la périphérie que dans les nerfs
du système nerveux central.
Ceci confirme les observations précédentes faites par
TABLEAU I. — Résumé des expériences sur la dégénération des nerfs.
NERFS SCIATIQUES DES CHATS
JOURS
après la sec- Phosphore
dans
les solides
tion À Solides
100 —106
ÉTAT DU SANG
résence de traces minimes
de choline. MR Dee
Plus grande abondance de ? Perte de l'irritabilité; commencement de
choline.
Choline moindre.
Disparition presque totale } Absorption de la graisse presque complète;
de choline. \
\
(
Choline abondante.
(
|
ÉTAT DES NERFS
Nerfs irritables et sains histologiquement.
dégénérescence.
Dégénérescence bien montrée par la réac-
tion de Marchi.
La réaction de Marchi est toujours visible,
mais l'absorption de la graisse dégénérée
a commencé.
retour des fonctions: nerfs régénérés.
- rale des aliénés, la dégénération marquée qui a lieu
_ dans le cerveau est accompagnée par le passage des
. produits de dégénération dansle liquide cérébro-spinal.
Parmi ceux-ci, on découvre le plus rapidement le
4 nucléo-protéide et la choline. La choline se trouve éga-
lement dans le sang. Nous avons continué notre tra-
lun de nous (Mott) sur le cordon spinal, dans lequel la
dégénérescence unilatérale du faisceau pyramidai par
des lésions cérébrales a produit une augmentation d’eau
et une diminution de phosphore dans le côté dégénéré
du cordon qui se colore par la réaction de Marchi.
Le Mémoire entier est illustré par des dessins repré-
776
ACADÉMIES ET SOCIÉTÉS SAVANTES
sentant les effets, sur la pression artérielle, de la choline
séparée du sang dans les cas de muladies nerveuses
ci-dessus mentionnées, et du sang des chats sur les-
quels on à opéré,
On donne aussi des tableaux des analyses des nerfs,
des dessins et des photo-micrographies des spécimens
histologiques des nerfs.
Le tableau 1 (page 775) représente le résumé des résul-
tats principaux des expériences faites sur les animaux.
SOCIÉTÉ DE PHYSIQUE DE LONDRES
Séance du 28 Juin 1901.
M. S.-A.-F. White a recherché si l'action de la
lumière sur une résistance de séléuium peut être imitée
par l'emploi des oscillations électriques à haute fré-
queuce. Il a trouvé que ces oscillations augmentent tou-
Jours la résistance du sélénium. L'effet du champ sur
une pièce à haute résistance peut êlre renversé par
l'exposition à la lumière ou par un réchauffement et
un refroidissement successifs. Pour le tellurium, un
champ de haute fréquence diminue temporairement la
résistance, comme le ferait une élévation de tempé-
rature. Un chauffage et uu refroidissement répétés d'un
morceau de tellure augmentent sa résistance. Il semble
probable que tous les effets sont dus à un échauffe-
ment causé par de pelites étincelles jaillissant dans la
masse. L'augmentation de résistance par le chauffage
et le refroidissement répétés est peut-être due à la for-
mation de tellurures avec le métal des électrodes. L'effet
négatif de température considérable que présente le
tellure le fera utilement employer à la recherche des
radiations calorifiques. — MM.E.-C.-C. Baly et H.-W.
Syers ont obtenu ie spectre du cyanogène en forcant
le gaz pur à traverser un tube à vide et en observant
de l'extrémité du tube. Cela est nécessaire à cause du
dépôt brun de paracyanogène qui se forme et rend
impossible l'observation à la manière ordinaire. Le
spectre obtenu diffère du spectre de flamme et consiste
en une série de cannelures équidistantes à travers le
rouge et le jaune, — rappelant un peu celles du spectre
de baudes positif de l'azote. Ces expériences prouvent
que : dv le spectre de Swan n’est pas produit par un
composé de carbone ne contenant pas d'oxygène;
2e le spectre de Swan est celui de l’oxyde de carbone,
car il se change dans celui de l’anhydride carbonique
par admission d'oxygène ou décharge électrique intense.
SOCIÉTÉ DE CHIMIE DE LONDRES
Séance du 20 Juin 1901 (suite).
MM, M. O. Forster et W. Robertson ont reconnu
que l'huile qui se produit dans la transformation du
1 : {-bromonilrocamphane en son anhydride est du
bromo-p-cymène (CH: : Br : C'H78 — 1 : 2: 4). De même,
dans la préparation de l’anhydride du 1 : 1-chloro-
nitrocamphane, il se forme accessoirement du chloro-
p-cymène. — M. G. Martin expose une théorie de la
combinaison chimique. L'action chimique wa lieu
d'elle-même que lorsque le degré de variation de la
tension de l’éther produit par une molécule à l'appro-
che et au recul des molécules voisines est tel qu'il
coincide avec le degré de vibration interne d’un atome
ou d'une molécule. — MM. T. E. Thorpe et J. Holmes
ont trouvé, dans l'extrait des feuilles de tabac par
l'éther de pétrole, deux paraffines, l'hentriacontane,
C*H5!, et l’heptacosane, C*’H°°. Les auteurs pensent que
la substance blanche satinée trouvée par Kissling dans le
tabac de Kentucky, ainsi que la substance analogue trou-
vée par lui dans la fumée de tabac, sont un mélange de
ces deux hydrocarbures. — M. H. E. Burgess a retiré
deux nouvelles substances de l'huile de citron; l'une,
soluble dans le métabisullite de soude, est un aldéhyde,
donnant par oxydation un acide huileux ; Faure, solu-
ble dans l’acétone, est cristallisable et fond à 1459. Elle
est oxydée en acide oxalique et anhydride carbonique.
— M. À. W. Crossley à obtenu, par condensation de
l'isobutylidénacétone avec le malonate d'éthyle, le 2 : 6-
dicéto-4-isopropylhexaméthylène-3-carboxylate d'éthile,
qui est transformé par la potasse en 2:6-dicéto-#-
isopropylhexaméthylène :
D /CH ECO
CH°CH<
Ncx—
Il est hydrolysé à son tour par la baryte en acide B-iso-
propyl-y-acétylbutyrique. — MM. J. T. Hewitt el
J. N. Tervet ont bromé les trois toluène-azophénols
en solution acétique glaciale et ont obtenu dans les trois
cas les toluène-azodibromophénols. — MM. F.R. Japo
et À. J. Michie ont reconnu que, dans la réduction de
l'x-y-dibenzoylpropane par le sodium, il se produit un
mélange de 1:2-diphényl-1 : 2-dihydroxycyclopentane
Neo
CH°,
co
el de a:-diphényl-x:-dihydroxypentane. Dans la réduc-
tion du dibenzoyldiphénylbutadiène par AL, il se forme
du 2:3:5-triphénylfurfurane et de l'acétophénone. —
MM. F. R. Japp et N. Meldrum ont trouvé que. souss
l'influence de la potasse, le benzyle se condense avec
les homologues de l’acétone pour donner des homo-
louues de l'anhydracétone-benzyle (diphényleyelopen-
ténolone) :
LT EE
C‘H5.C CH Na
CSHS.C(OIT).CH2/
Les auteurs ont préparé plusieurs de ces dérivés. Ils
sont réduits par HE en diphényleyelopentéaones (1),
qui se réduisent à leur Lour en dérivés du diphényley-
clopentane (I).
C‘H5.C CH?
co
C5. C. CH®/
C‘H5.CH.CH?
Sc.
CU. CIL. CH?
(D (1)
MM. F.R. Japp ei W. Maitland, en chauffant le
&-naphtol avec le chlorhydrate de phénylhydrazine; ont
obtenu le phényl-$ naphtylcarbazol :
CSH:
N
À Re Goes
L'a-naphlol donne une réaction analogue. — MM. H. M.
Dawson et J. Mac Crae ont constaté que si l’on ajoute
de l’ammoniaque à des solutions aqueuses de sels ulca-
lino-terreux, les ions calcium sont ceux qui forment
le plus facilement. quoique à un faible degré, des ions
complexes avec l’ammoniaque, tandis que les ions
barvuum les forment le plus difficilement. D'autre part,
le sulfate de cuivre fixe plus d'ammoniaque à basse
qu'à haute température. — M. G. H. Morris a conslalé
que, si des granules d’amidon non gélatinisés sont
soumis à l’action combinée de la diastase du malt et
de la levure, une quantité trois fois plus grande est
décomposée que par l'extrait de malt seul. Il n'y a pas
d'augmentalion du pouvoir de la diastase en présence
de la levure, si le pouvoir fermentatif de cette dernière
a été supprimé par le chloroforme. — M. C. A. Bell
décrit une pipette à mercure simple et pratique pour
les opérations de calibrage. — M. F. S. Kipping a
préparé la $-méthylhydrindone par l'action du chlo-
rure d'aluminium sur le chlorure de l'acide «-méthyl-
hydrocinnamique. Elle donne une oxime qui, par
réduction, fouruit l’x-amido-8-méthylhydrindène :
‘He CH'CHS
om/CE -CHCH®) |
N CH(AZH?)
Ce corps conténant deux atomes de carbone asymé-
triques doit théoriquement exister sous quatre formes
optiques différentes, et donner avec les acides optique
ment inactifs deux séries de sels. Il fournit, en ellet,
avec HC]I deux chlorhydrates, séparables par eristallisa-
tion fractionnée, et qui sont probablement les sels
des deux bases extérieurement compensées.
Le Directeur-Gérant : Louis OLivier.
Paris. — L. MARETHEUX, imprimeur, 1, rue Cassette.
|
Be.
DIRECTEUR :
N°17
15 SEPTEMBRE 1901
Revue générale
es SCrenc
pures el appliquées
LOUIS OLIVIER, Docteur ès sciences.
Adresser tout ce qui concerne la rédaction à M. L. OLIVIER, 22, rue du Général-Foy, Paris. — La reproduction et la traduction des œuvres et des travaux
publiés dans la Revue sont complètement interdites en France et dans tous les pays étrangers, y compris la Suède, la Norvège et la Hollande.
$S 1. — Nécrologie
de perdre l'un des esprits les plus originaux parmi ceux
qui ont le mieux contribué aux progrès des Sciences
physiques et de la Philosophie naturelle : le Professeur
ait, qui, par suite de l'affaiblissement de sa santé,
avait dù, il y a quelques mois, abandonner la chaire de
d'Université d'Edimbourg qu'il avait occupée sans inter-
ruption durant une quarantaine d'années, et autour de
laquelle plus de 10.000 élèves étaient venus, pendant ce
emps, entendre ses lecons solides et brillantes, s’est
éteint doucement le 4 juillet dernier.
L'histoire de sa vie est des plus simples : Il naquit à
Dalkeith, le 28 avril 4831; il fit de brillantes études à
Dalkeith d’abord, à Edimbourg et à Cambridge ensuite;
ses succès scolaires et ses triomphes dans les exercices
physiques nesont pas oubliés à l'Université de Cambridge.
11 fut nommé professeur au Collège royal de Belfast
en 1854, et il obtint em 1860 la chaire de Physique
d'Edimbourg, contre un compétiteur qui était déjà l'un
de ses meilleurs camarades de jeunesse et qui devint
son plus intime ami, l'illustre Clerk Maxwell: il a
d'ailleurs consacré à la vie et à l'œuvre de son ami une
notice émue et pleine d'apercus scientifiques remar-
quables.
… Une telle amitié exerca sur la vie intellectuelle de Tait
la plus profonde et la plus heureuse influence, et l’on
peut penser que, pareillement, Maxwell, dont le génie,
plus profond peut-être que celui de son ami, se serait
sans doute développé même dans l'isolement, a cepen-
dant, lui aussi, beaucoup gagné dans le commerce d’un
esprit aussi original et aussi hardi que celui de Tait.
Aussi bien, la correspondance échangée entre ces deux
« srands physiciens est pieusement conservée; elle sera
“intégralement publiée quelque jour et elle nous four-
nira certainement de précieux renseignements.
Au début de sa carrière, Tait rencontra aussi deux
+ hommes qui furent ses collègues à Belfast, et dont on
etrouye aisément l'influence dans quelques-uns de ses
rafaux. D'une part, il se lia avec le physicien et chi-
iste Andrews; ils collaborèrent, dès 1856, à des
recherches sur l'ozone; Andrews lui donna le goût de
“expérience claire et précise et l’initia à ses admirables
REVUE GÉNÉRALE DES SCIENCES, 1901,
Le Professeur Taït. — Le monde savant vient |
CHRONIQUE ET CORRESPONDANCE
découvertes relatives à la continuité des états liquide
et gazeux. Tait s'intéressa d’ailleurs toujours d’une
facon spéciale à ces questions si importantes, et c'est
ainsi qu'il suivait avec le plus grand soin les travaux
de notre compatriote M. Amagat, pour qui il professait
une estime toute particulière. Le mathématicien Ha-
milton, l'inventeur de la théorie des quaternions, fut,
d'autre part, celui des professeurs de Belfast qui séduisit
le plus l'esprit de Tait par son originalité; il fut très
frappé par l'élégance et la commodité des symboles
imaginés par son collègue: il se considéra comme le
champion de la nouvelle théorie et fit, dans ses travaux
personnels, grand usage des quaternions; il a publié,
en 1867,un Jrailé des Quaternions, qui a rendu d'in-
contestables services. Peut-être doit-on estimer, avec
de bons esprits, que Tait attribuait une importance
exagérée à un mode de représentation que son intelli-
gence parfois un peu paradoxale voulait rattacher à des
idées philosophiques et à des principes contestables,
mais l’on ne saurait nier qu'à un moment où la notion
de grandeur dirigée prenait, en divers chapitres de la
Physique, une importance capitale, les nouveaux pro-
cédés pouvaient servir à simplifier considérablement
les calculs.
L'œuvre qui contribua le plus à rendre le nom de
Tait véritablement célèbre est, sans aucun doute, le
traité de Philosophie naturelle qu'il publia en 1867,
en collaboration avec Thomson (Lord Kelvin). Cet
ouvrage, qui a eu de nombreuses éditions, et qui a été
traduit dans toutes les langues, est devenu rapidement
populaire en Angleterre sous le nom humoristique de
Traité de T'et T’'; son influence fut immense sur le
développement et la transformation de la Physique ma-
thématique. Pour la première fois, les idées qui résul-
taient des travaux de Joule, d'Helmholtz, de Rankine
et de Thomson lui-même étaient exposées d'une façon
générale ; la notion d'énergie et le principe de la con-
servation de l'énergie apparaissaient avec toutes leurs
conséquences et retentissaient profondément dans les
divers chapitres de la Physique et de la Mécanique. Il
est difficile de déterminer la part personnelle qui
revient à chacun des deux collaborateurs dans cette
œuvre désormais classique, mais la reconnaissance de
tous les savants est à jamais acquise à tous les deux.
17
1178
CHRONIQUE ET CORRESPONDANCE
On ne saurait songer à parler ici de tous les Mé-
moires publiés par Tait; son activité scientifique fut
considérable; il fut un mathématicien distingué, et il a
publié des travaux relatifs aux Mathématiques pures,
comme ses recherches relatives au « Théorème de
Green» (1870), aux « Surfaces isothermes orthogonales »
1870), à la « Géométrie de position » (1880); à la Méca-
nique, comme son mémoire « Sur la rotation d'un corps
rigide autour d'un point fixe » (1868), qui est un véri-
table modèle de simplicité et d'élégance; il fut aussi un
expérimeutateur habile, et il a exécuté des recherches
miuutieuses el adroites, comme ses expériences bien
connues sur la conductibilité thermique et électrique,
sur la compressibilité des gaz et des liquides, les den-
sités des vapeurs saturantes, etc...; mais son goût par-
ticulier le portait surtout vers les éludes de Physique
mathématique, et son Traité de Dynamique, ses mé-
moires sur les tourbillons, sur la surface d'onde, sur
la théorie cinétique des gaz prouvent les heureux
résultats que sait obtenir l’étroite alliance des mathé-
matiques et des connaissances expérimentales exactes.
On ne doit pas non plus oublier quelques articles
remarquables de vulgarisation; il excellait dans ce
genre où tant de savants anglais furent des maitres;
ses notices sur les propriétés de la matière, sur la
lumière, sur la chaleur (1884), sur les récents progrès
de la Physique (1876), sont dignes de figurer parmi les
chefs-d'œuvre du genre.
L'œuvre de Tait ne périra pas; le physicien d'Edim-
bourg sera toujours compté au nombre de ces mer-
veilleux ouvriers qui ont construit le plus bel édifice
scientifique que nous à laissé la seconde moitié du
xIx° siècle : la théorie de l'énergie, et son nom sera
cité dans l'avenir, à côté de celui de son illustre colla-
borateur, Lord Kelvin, dont la verte vieillesse nous
promet d’ailleurs encore tant de fruits magnifiques.
Lucien Poincaré,
Recteur de l'Académie de Chambéry.
Adolf Erik Nordenskiôld. — Le doyen des
explorateurs des régions polaires, le baron Adolf Erik
Nordenskiôld, intendant des Collections minéralogiques
du Musée d'Histoire naturelle de Stockholm, associé
étranger de l'Institut de France, est mort le 42 août 1901.
Il était né à Helsingfors le 18 novembre 1832. Son
père, Nils Gustave Nordenskiüld, fut un minéralogiste
distingué, passionné pour sa science, n'hésitant pas à
accomplir de longs voyages pour augmenter ses collec-
tions, et dont l'exemple et les conseils eurent une
influence marquée sur la direction de la vie de son fils.
Nordenskiüld étudiait l'Histoire naturelle, principa-
lement la Minéralogie et la Géologie, à l'Université
d'Helsingfors; déjà il avait acquis une certaine habileté
dans la classification des minéraux et paraissait un suc-
cesseur désigné à son père, quand, en 1855, ses opi-
nions libérales, opinions auxquelles, d’ailleurs, il resta
fidèle toute sa vie, le firent regarder comme suspect par
les autorités russes. Il vit aisément qu'il lui serait im-
possible de faire sa carrière en Finlande, si bien qu'en
1858 la place de professeur et d'intendant du Musée
minéralogique de Stockholm lui ayant été offerte, il
l'accepta. Il vécut désormais en Suède, nonobstant
quelques retours passagers en Finlande.
Malgré ces prémisses, la notoriété, puis la célébrité
devaient arriver à Nordenskiôld, non par la Minéra-
logie, mais par l’exploration. En cette même année
1858, il entreprit la première de ses croisières dans les
régions arctiques, qu'il devait couronner en 1878-79 par
la découverte du passage du Nord-Est, si obstinément
el si infructueusement cherché par les marins des
siècles passés.
Il s'intéressa d’abord très longtemps à l'archipel du
Spitzherg. Il y était allé en 1858; il y retourna en
1860-61, en 1864, en 1868 et en 1872-73. Grâce à ces
voyages successifs, méthodiquement conduits, Nordens-
kiôld réussit à opérer un relevé complet de ces terres,
profondément échancrées par les fjords. La plus haute
latitude qu'il atteignit fut celle de 81042, en 4868:
Comme il avait toujours soin d'emmener avec lui un
ou plusieurs naturalistes, il contribua beaucoup à
accroître les connaissances relatives à la faune et à la
flore des contrées polaires. Généralement, la campagne
se développait pendant l'été et l'automne. Cependant,
en 1872-73, Nordenskiold hiverna et ce fut en traineau
qu'il gagna la partie nord-est du Spitzherg.
Entre ces voyages, s’en était intercalé, en 1870, un autre“
au Groenland, en vue d'étudier l'usage que l’on pour-
rait faire des chiens comme animaux de trait pendant
la future expédition au Spitzhberg. Mais Nordenskiüld
était l'un de ces fortunés qui éclairent tout ce qu'ils
touchent : il était parti pour le Groenland dans le rôle
utile, mais modeste, d'un acquéreur de chiens; ül
en revint avec une quantité d'observations nouvelles
sur l’/ulandsis, ce glacier sans fin qui couvre tout le
pays. ts
A partir de 1875, l'Océan glacial sibérien devint
l'objet particulier de son attention. Sur un navire à
voile, le Prüven, il atteignit l'embouchure de l'Iénissei,
et l'année suivante, 1876, il refit le même voyage à
bord du vapeur l'Ymer. Or, ces deux expéditions pré-
sentent un grand intérêt, non seulement parce que
la découverte des îles Sibiriakov et une connaissance
exacte de l'estuaire de l'Iénissei en résultèrent, mais
encore parce qu’elle constituent le prélude de la grande
croisière accomplie en-1878-79.
C'est, en effet, à ce moment que se présenta à l'esprit
de Nordenskiüld l'hypothèse dont le célèbre voyage
démontra la justesse, et qui peut se formuler ainsi : A
la fin de l'été, les masses d'eau des puissants fleuves
sibériens, Obi, [énissei, Khatanga, Olenek, Lena,
Kolyma, échauffées par la chaleur estivale, doivent, à
mesure qu'elles se déversent dans l'Océan Arctique,
fondre les masses de glace sur leur passage et ménager
ainsi, le long de la côte septentrionale de l'Asie, un
chenal de mer libre, par où un navire parti du cap
Nord doit vraisemblablement pouvoir atteindre le dé-
troit de Behring.
Cette hypothèse reposait d'une part sur les propres,
observations faites par Nordenskiüld dans la mer de
Kara pendant les étés 1875 et 1876, et d’une autre sur
une critique très fine des rares renseignements extraits
des relations des voyageurs, notamment Minin, Prout-
chichev, Laptev, Tcheliouskine, qui, de 1734 à 1743, sen
hasardèrent, soit en bateau, soit en traîneau, dans les”
parages les plus septentrionaux de la Sibérie.
Le plan d'expédition, dont aujourd'hui encore la
lecture procure un vif plaisir intellectuel, tant lesw
arguments y sont logiquement déduits, convainquit,
ceux à qui il s'adressait. Non seulement les Mécènes
ordinaires de Nordenskiüld, Oskar Dickson, Alexandre
Sibiriakov, dont la libéraïté avait défrayé ses précé-
dents voyages, mirent de nouveaux et larges crédits à
sa disposilion, mais le roi Oscar voulut contribuer per=
sonnellement à l'expédition. De son côté, le Gouverne=M
meut suédois consentit à payer les frais d'armement
d'un navire spécialement aménagé et de la solde dem
l'équipage pendant la campagne. 3 :
Le 4 juillet 1878, la Véga, capitaine Palander, l'an
cien chef de l'expédition suédoise de 1872-73 au
Spitzhberg, montée par tout un état-major scientifique
dirigé par Nordenskiüld, quitte Gæteborg. Comme elle
est accompagnée de deux vapeurs, la Léua el le Fraser,
et d'un voilier, l'Zxpress, c’est toute une escadrille qui,
Je 1er août 1878, pénètre dans la mer de Kara par le.
détroit d'Yougor. Le 6 août, Port-Dickson est atteint à
l'embouchure de l'Iénissei, point auquel le Fraser et
l'Express se séparèrent de leurs compagnons pour
pénétrer dans le grand fleuve sibérien. Le 14 août, la
Véqga et la Léna arrivent, après avoir traversé d'épais.
brouillards, à l'ile Taymyr, et le 19 devant l'extrémité
septentrionale de l'Asie, le cap Tcheliouskine. On re=
connut qu'il était situé par 77 36 49" lat. N. et pan
1309 17! 12" long. E. Greenwich, et qu'il se composait
bien de deux pointes séparées par un golfe; ainsi était
CHRONIQUE ET CORRESPONDANCE
démontrée l'exactitude, souvent mise en doute, des
“assertions du vieux voyageur russe, qui, en mai 1742,
“avait, dans son traineau, atteint le cap qui porte son
nom. Le 27 août, la Léna et la Véga atteignirent, non
sans que les glaces ne leur eussent opposé quelques
difficultés, l'embouchure de la Léna, où elles se sépa-
èrent, la première pénétrant dans le fleuve, la Véga
continuant sa route vers l'archipel de la Nouvelle-
Sibérie et les îles des Ours. Tout allait bien, et faisait
présager pour octobre une heureuse arrivée au Japon,
quand, à la fin de septembre, la Véga se trouva, contre
“oute attente, emprisonnée dans les glaces à une petite
distance du détroit de Bebring. Le 27 septembre 1878,
elle naviguait à l'ouest du cap Serdze-Kamen; elle avait
aversé de la glace nouvellement formée, mais nulle
part assez forte pour s'opposer à sa marche; le soir, à
ord, on croyait déjà atteindre l'Océan Pacifique. Mais,
e 28, la Véga se trouva enfermée dans des glaces
flottantes, soudées entre elles par de la glace nouvelle.
ordenskiôld, sachant que des baleiniers avaient
maintes fois navigué dans ces parages jusqu’à la mi-
octobre, ne s'alarma pas, tout d'abord, de ce contre-
temps. Mais les jours se passèrent sans amener de
changement, si bien que l'expédition dut se résigner à
un hivernage, qui ne prit fin que le 18 juillet 1879, et
dura par conséquent 294 jours.
Ainsi Nordenskiüld venait d'accomplir ce que les
marins des peuples du nord, Hollandais, Anglais,
“Russes avait vainement tenté : le passage de l'Océan
Atlantique à l'Océan Pacifique par l'Océan Sibérien. Ce
“Srand résultat n'était pas le seul de l'expédition sué-
doise de 1878-79. La topographie de la côte sibérienne
“était précisée en plusieurs points, et particulièrement
“depuis Port-Dickson jusqu'à la baie de la Khatenga;
a profondeur de l'Océan Glacial était relevée, grâce à
de nombreux sondages; l’un des membres de l’expé-
dilion, Almquist, avait composé un Mémoire sur la
flore des algues de la mer Glaciale et sur la végétation
“des côtes s2ptentrionales de la Sibérie; l'ethnographie
‘des Tchoutches, les habitants de cette extrème pointe
nord-est de l'Asie, avait été étudiée.
Nordenskiüld espérait même que son exploration
aurail des résultats économiques, Dans un Mémoire
“« Sur la possibilité de la navigation commerciale dans
‘la mer Glaciale de Sibérie », qu'il composa pendant
lhivernage de la Véga, il disait : « IL n'existe pas de
difficultés pour l’utilisation, comme route commerciale,
‘de la voie par mer entre l'Obi-lénissei et l'Europe.
Selon toute probabilité, la route par mer entre l'Iénissei
let la Léna, et entre la Léna et l'Europe, peut être éca-
lement utilisée comme route de commerce, mais l'aller
et le retour entre la Léna et l'Europe ne pourront se
faire dans le courant du même été ».
Après sou retour de cette mémorable expédition de
878-719, Nordenskiôld ne resta pas inactif et satisfait
“de sa gloire. En 1883, il entreprit un nouveau voyage au
“Grænland. Il supposa, d’après certains indices, qu'au
delà de la ceinture blanche qu'on voit entourer le pays,
il devait y avoir à l'intérieur une région sans glaces.
Les observations lui donnèrent tort. Il s'avanca person-
mellement à 118 kilomètres de la côte occidentale, il
envoya deux Lapons à 225 kilomètres encore plus loin :
partout la calotte de glace recouvrait le sol.
… Ce voyage de 1883 fut le dernier de Nordenskiôld.
- Vers 1890, il faillit diriger une expédition antarctique,
“dont les frais auraient été faits en commun par Oscar
Dickson et les colonies australiennes ; mais le pro-
jet échoua. Dans les dernières années de sa vie,
—Nordenskiold s'intéressa surtout aux anciens voyages,
_ ou deux ouvrages sur l'histoire de la Géogra-
_ phie.
À Nordenskiôld eut la bonne fortune de posséder à la
fois les qualités de l'homme d'action et celles du savant.
. En même temps qu'il voyait les problèmes à résoudre,
ilétait doué de la force physique nécessaire pour sup-
- porter les pénibles campagnes des mers arctiques.
… Aussi, a-t-il étendu considérablement nos connais-
(1
y
sances sur la partie du globe qui, pour être la moins
apte à la vie des hommes, n’en est pas moins aussi
digne que toute autre de l'intérêt des savants : il restera
l’un des grands noms de l'exploration arctique.
Henri Dehérain,
Docteur ès Lettres,
Sous-bibliothécaire de l'Institut.
$ 2. — Astronomie
Systèmes cométaires résultant de la désa-
grégation de comètes. — M. H. Krentz, astro-
nome à l'observatoire de Kiel, vient de découvrir qu'un
certain nombre de comètes appartiennent certainement
à un corps unique qui se serait ultérieurement divisé.
Les savants calculs de M. Krentz ont principalement
porté sur les comètes de 1668, 1843 I, décembre 1872,
18801, 1882 II, 1887 I, et d’autres encore, dont les orbites
se coupent en un point si.rapproché du Soleil qu'il
touche presque la couronne solaire elle-même. La
comète de 1882 s’est également fractionnée d'une ma-
nière analogue en quatre nouveaux astres périodiques,
dont les orbites elliptiques sont parcourues respective-
ment en 670, 770, 880 et 960 années.
1] existerait donc, suivant M. H.Krentz, des systèmes
cométaires qui résulteraient de la segmentation de co-
mètes primitives, s'éparpillant de plus en plus le long
de leurs orbites, et finissant probablement même par
se désagréger complètement : c'est ce qui dut arriver
pour la comète 1889 V, qui était accompagnée de quatre
astres secondaires. Les satellites de celte comète
s'étaient probablement détachés du noyau principal
quand celui-ci, lors du passage de 1886, avait presque
frôlé la surface de Jupiter. De plus, au retour de 1896,
les compagnons avaient disparu : peut-être avaient-ils
été capturés dans leur course ; il est aussi fort possible
qu'ils se soient résolus en essaims d'étoiles filantes,
comme l'ont déjà fait de nombreuses comètes.
A nos yeux, cet important travail aurait encore une
autre conséquence très élevée : il devient de plus en
plus improbable, en général, que l’origine des comètes
soit extérieure à notre système — contrairement à
l'opinion trop fréquemment admise encore.
$ 3. — Chimie industrielle
Programme des prix de la Société Indus-
trielle de Mulhouse pour 1402. — la Société
industrielle de Malhouse vient de publier le programme
des prix à décerner en 1902.
Parmi les nombreux sujets que sont appelés à traiter
les concurrents, nous relevons les suivants : :
Théorie de la fabrication des rouges à l’alizarine. —
Synthèse de la cochenille. — Carmin de cochenille. —
Matière colorante du coton. — Composition des noirs
d’aniline. — Transformation du coton en oxycellulose.
— Action du chlore sur la laine. — Constitution des
matières colorantes. — Noir d’aniline solide. — Noir
soluble et solide. — Bleu pour l’azurage des laines. —
Fixation des couleurs d'aniline. — Golorants immédiats.
— Impression de poudres métalliques. — Blanchiment
et coloration des diverses espèces de coton. — Blan-
chiment et coloration des diverses espèces de laine. —
Blanchiment et coloration des diverses espèces de
soie. — Blanchiment à l’eau oxygénée. — Indicateur
totalisateur du travail des machines à vapeur. —
Moteurs à gaz de graude puissance. — Force motrice
nécessaire à la filature du coton, de la laine, etc. —
Ventilation et humidification des salles et ateliers. —
Propagation des méthodes de culture intensive: — Sta-
tistique de la population ouvrière. — Variation du prix
de la main-d'œuvre depuis un siècle. — Carte des
établissements industriels du Haut-Rhin.
Les Mémoires, dessins, pièces justificalives et échan-
tillons devront parvenir à la Société avant le 15 fé-
vrier 1902.
780
$ 4. — Géologie
L'Association géologique de Londres en
Auvergne. — L'Association Géologique de Londres a
fail, cette année, une excursion de quinze jours dans
notre pays. Elle à étudié la région volcanique si inté-
ressante et si variée de la France centrale : successi-
vement la chaine des Puys et le massif du Mont Dore,
sous la direction de M. Glangeaud, la Limagne, sous
celle de M. Girond, le grand volcan du Cantal, sous celle
de M. Boule.
Partout, les savants anglais, au nombre d'une qua-
rantaine, parmi lesquels il faut compter le président de
l'Association, M.Whitaker, etM. Armstrong, de la Société
Royale de Londres, des professeurs, des ingénieurs, etc,
. ont recu l’accueille plus empressé et le plus chaleureux.
Ils ont emporté de l'Auvergne géologique, pittoresque
et thermale, un souvenir qui ne s’effacera pas.
$ 5. — Sciences médicales
1: Congrès égyptien de Médecine. — Ce
Congrès, qui a obtenu le haut patronage du khédive et
l'appui officiel du Gouvernement égyptien, se tiendra
au Caire du 40 au 14 décembre 1902.
Les travaux du Congrès porteront surtout sur les
affections particulières à l'Egypte, telles que la bilhar-
‘a, l’'ankylostome, la fièvre bilieuse, les abcès du foie,
te., etc. Les questions relatives aux épidémies qui,
depuis quelques années, visitent régulièrement l'Egypte,
les mesures prophylactiques à prescrire, les quaran-
taines à observer, seront également à l’ordre du jour.
L'utilité incontestable de cette œuvre ne peut man-
quer d'attirer sur elle l'attention des médecins d'Eu-
rope, qui sont d'ailleurs conviés par leurs Confrères
d'Egypte à assister aux réunions du Congrès.
$ 6. — Géographie et Colonisation
Les limites du Gulf Stream dans l'Océan
Aretique. — Le prince Galitzine a publié dernière-
ment, sur cette question, dans le Bulletin de l'Acade-
mie des Sciences de Saint-Pétershourg, une étude fort
intéressante el très documentée. M. le D'° Laloy donne
de ce travail, dans /a Géographie du 15 août 1901, la
substantielle analyse suivante :
« Dans l'Océan Arctique, le Gulf Stream se distingue
nettement des eaux qui l'entourent par sa couleur plus
bleue, sa salinité plus forte et sa température en géné-
ral plus élevée. Les vents régnants peuvent imprimer
de grandes modifications à son parcours. D’après Pet-
terson, il subirait même des variations dans son inten-
sité, qui paraissent êlre en rapport avec certaines
conditions climatologiques et notamment avec l'exis-
tence de vents chauds ou froids en Europe septen-
trionale.
« Après avoir doublé le cap Nord, le Gulf Stream se
dirige, à travers l'Océan Arctique, vers les côtes de la
Nouvelle-Zemble. La limite septentrionale de la bande
qu'il forme n’est pas encore déterminée d’une facon
précise; quant à sa limite méridionale, elle se dirige
vers l’est-sud-est, parallèlement à la côte mourmane,
qu'elle suit à une distance de 50 à 60 milles. Vers le 40°
long. E., et par 69°30!-70° de lat. N., cette limite
méridionale du Gulf Stream se dirige franchement à
l’est, passe près de l'ile Kolgouyev et vient toucher la
Nouvelle-Zemble à hauteur de la Terre des Oies (Gousi-
naia Zemlia). Suivant les années, la distance du courant
à la côte mourmane est plus ou moins grande. Les
CHRONIQUE ET CORRESPONDANCE
vents du sud peuvent la rejeter à 100 milles vers le
nord, tandis que, dans d’autres circonstances, le Gult
Stream est tout près de la côte; d’après certains au-h
teurs, il peut même pénétrer dans les baies mourma-
nes. En tout cas, certaines années, on le rencontre
presque à la sortie du havre Iekaterinski.
« D'après Jdanko, dans les années froides, la limite
méridionale du courant se trouve à 100 milles au nord
du cap Kanine et ne se dirige pas plus loin vers l’est.
Le prince Galitzine l’a, au contraire, trouvée, en 1896,
par 69030" de lat., au niveau du cap Kanine. Quant à
sa limite nord, elle était bien marquée, par 48 long. E.,
dépassant légèrement le 71° de lat. N. — Par le tra-
vers du cap Kanine, la largeur du Gulf Stream était
de 120 milles; d’après Middendorf, elle peut atteindre
en ce point 240 milles.
« Au niveau de l'ile Kolgouyev, à l'endroit où le Gulf
Stream change de direction pour atteindre la Terre des
Oies, ilenvoie, vers l’est, un petit rameau qui se perd, en
se mélangeant aux eaux douces venues de la Petchora.
Cependant, on peut rencontrer, jusqu'à hauteur dé
l'île Vaigaich, des courants d’eau plus salée, qui pro-
viennent visiblement du Gulf Stream. Quant à la bran-
che principale, qui longe les côtes ouest de la Nouvelle-
Zemble, les opinions sont assez partagées à son égard.
D'après les uns, elle baignerait immédiatement le
rivage, tandis que, d’après les autres, elle s’en écarte- M
rait de 50 à 60 milles. Il est hors de doute que, dans
certaines années, le courant pénètre dans la baie de
Moller et contribue à adoucir le climat de la partie occi-
dentale de la Nouvelle-Zemble; mais, en général, il
s’en tient assez écarté. On a tout lieu de penser qu'il
vient du détroit de Kara des courants froids qui ont
pour effet de refouler le Gulf Stream à l’ouest. En effet,
la température et la salinité très variables montrent M
qu'il y a mélange d'eaux de provenance diverse. On
observe, d’ailleurs, un fait analogue près du cap Kanine,
où les variations de la température de l’eau atteignent
3 degrés.
« L'existence de rameaux détachés du Gulf Stream
dans le voisinage du cap Kanine et du cap Sacré (Svia-
toi Nos) est encore controversée. Dans certaines an-
nées, un rameau contourne le premier de ces promon-
toires, mais se perd bientôt sans pénétrer dans la mer
Blanche. L'existence d'un courant détaché dans le voi-
sinage du Sviatoi Nos est également très vraisemblable;
il se pourrait même que le courant du Kanine ne soit
que le prolongement de celui qui passe le long du cap
Sacré. Mais il est impossible de savoir, pour le mo-
ment, si une branche du Gulf Stream contourne la pé-
ninsule de Kola à partir du cap Sacré et pénètre dans
la mer Blanche, en suivant la côte de Ter. En 1896,
rien de pareil n'existait; mais, en 189% et 1895, il y
avait le long de toute cette côte, presque jusqu'au cap
Orlovski, de l'eau très salée; ce qui porte à croire que M
l’eau du Gulf Stream peut effectivement pénétrer dans .
la mer Blanche, non pas, comme le croyait Middendorf,
en suivant sa côte orientale, mais bien le long de sa
rive occidentale. a
« Nous avons vu que le Gulf Stream se distingue des
eaux environnantes par sa couleur, sa température et.
sa salinité. Celle-ci est soumise à des variations assez .
rapides qui dépendent de diverses circonstances, eb
notamment du vent. Mais, en même temps que Îles
mouvements de l'air, lorsqu'ils sont prolongés, refou-
lent les eaux du Gulf Stream dans une direction donnée,
on voit se déplacer l’isotherme de 0°, ce qui prouve
que, même en ce point de son parcours, le grand cous
rant chaud a encore une influence appréciable sur le
climat des régions avoisinantes. » 4
L
L
JACQUES BOYER — L'ÉTAT ACTUEL DE L'INDUSTRIE DU MARBRE EN FRANC
L'ÉTAT
Es
V4
à
DE L’INDUSTRIE DU
…. La France est la mieux partagée des nations au
point de vue de l'industrie marbrière : sous ce rap-
“port, elle n'a guère que l'Italie pour rivale. Encore,
la majeure partie des marbres de la Péninsule
sont-ils travaillés sur notre territoire. Celle silua-
lion privilégiée, notre pays la doit à la beauté et à
l'abondance des variétés marmoréennes des Pyré-
nées, et aux nombreux débouchés que l'exportation
lui assure. Pourtant, les gens du métier se plaignent
de la décadence actuelle de leur industrie, et
“cependant, dans ce commencemént de siècle, le
luxe de l'habitation s'accroissant, une ère de pros-
périté devrait s'ouvrir pour eux. Cet état de choses
tient sans doute un peu à la mode : on délaisse au-
jourd'hui les décorations trop chères, pour des
matériaux moins artistiques, mais plus écono-
miques. Peut-être aussi, et nous nous poserons la
question, faut-il souhaiter que le législateur inter-
vienne au sujet de certains desiderata formulés
par les marbriers parisiens.
I. — PRINCIPAUX GISEMENTS.
Le mot de marbre n'a aucun sens scientifique.
- On désigne communément sous ce nom des masses
minérales cristallisées, dures et susceptibles de
recevoir un beau poli. C'est exclusivement de ces
matériaux que nous nous occuperons ici.
Dans l’industrie marbrière, telle qu'elle est prati-
quée en France, on ne considère comme #marbre
proprement dit que des calcaires cristallisés. Les
uns sont saccharoïdes ou grenus, tandis que les
autres sont lamellaires et spathiques. Leurs nom-
breuses variétés sont disséminées un peu partout à
la surface de la Terre. Les veines et la coloration des
échantillons proviennent de l'infiltration de matières
bitumineuses et ferrugineuses, ou tiennent à la pré-
sence de quelques coquilles fossiles désagrégées.
Pour qu’un gisement soil exploitable commercia-
lement, il faut qu'on y trouve la pierre en couches
assez importantes, que sa lexlure soit homogène,
compacle ou cristalline. Le praticien ne s'inquiète
- pas, du reste, du mode de formation de la masse ni
du terrain avoisinant. Les caicaires secondaires el
. tertiaires lui conviennent aussi bien que ceux des
- errains archéens. De plus, la substance extraite
1 doit réunir plusieurs qualités : être dure et suscep-
_Lible d'un beau poli, posséder des couleurs vives
- ou offrir une gamme de teintes agréables à l'œil.
En général, les marbresles plus estimés et les
bé
181
ACTUEL
MARBRE EN FRANCE
plus beaux se rencontrent dans les roches sédimen-
laires les plus anciennes. Donc, la connaissance
géologique d'une carrière fournira des indications
utiles sur sa composition et sa valeur.
Quant à la classification même des marbres, il
est à remarquer que, dans le commerce, on ne con-
nait guère d'autre groupement que celui des lieux
de production. Ainsi, on range dans la même caté-
gorie tous les marbres d'Italie. Or, quelques-uns
appartiennent à des genres très divers. Dufrénoy,
dans son ?raité de Minéralogie (1847), distingua
les marbres par la couleur prédominante de chacun
d'eux. Plus récemment, M. Tournier a proposé une
classification plus rationnelle, que mous indiquerons
ici. Il divise d'abord les marbres en deux groupes :
4° les marbres simples, et 2° les marbres composés,
subdivisés à leur tour en sections et variétés. Le
tableau suivant résume son travail :
A. — MARBRES SIMPLES.
1. Les marbres blancs;
2. Le bleu Turquin;
3. Le rouge Languedoc;
4. Le jaune de Sienne et le jaune de l'Aude;
5. Le noir antique.
G
B. — MARBRES COMPOSÉS :
1. Composés ordinaires.
1. Le campan;
2. La griotte dite d'Italie et de Caunes;
3. Le vert antique;
4. Le vert d'Egypte et de Gènes.
II. Lumachelles! :
. Le lumachelle d'Italie ;
La brocatelle d'Espagne ;
Le drap mortuaire;
. Le petit granité;
. Le lumachelle de Narbonne.
Brèches®? et poudinques :
1. La brèche violette;
2, La brèche africaine;
3. La brèche jaune;
ñ
b)
TES D =
III.
. La brèche des Pyrénées ;
. La brèche tarentaise,
Enfin, la marbrerie française travaille également
les porphyres rouges et verts, certains albâtres aux
couleurs chatoyantes et plusieurs espèces de granit.
Examinons à présent les principaux gisements,
non seulement de France, mais de l'Étranger, car, si
quelques marbres ordinaires se débilent sur place,
1 Lumachelle vient de Jumaca (limacon). Ces marbres
sont ainsi dénommés parce que les calcaires qui les forment
sont pétris de coquilles dont la couleur diffère souvent de
la pâte qui les englobe.
? Les brèches sont constituées par des fragments angu-
leux ou ronds de grosseur variable et réunis par un ciment
calcaire dont la teinte est différente de celle des grains,
182
JACQUES BOYER — L'ÉTAT ACTUEL DE L'INDUSTRIE DU MARBRE EN FRANCE
presque tous les marbres riches du monde entier
sont mis en œuvre à Paris.
La région des Pyrénées nous retiendra tout d'a-
bord. Les marbres blancs de Saint-Béat (Haute-
Garonne), connus déjà du temps des Romains et
remis en exploitalion au commencement de notre
siècle, possèdent une tendreté et une contexlure
à gros grains brillants qui les rendent très estimés
des statuaires. On en rencontre de même nature
dans l'arrondissement de Bagnères-de-Bigorre.
Mais, les marbres de couleur sont de beaucoup les
plus nombreux dans ces départements. Le Saint-
Fig. 1. — Carrière de marbre à Hon-Hergis (Nord), appartenant à M. Blondeau.
Anne d'Arudy (Basses-P yrénées) offre assez de res-
semblance avec les marbres de la vallée de Biesme
(Belgique). Il est à fond grisätre veiné de blanc.
Ses variélés dites « grand dessin », « rubané » et
« granilé » s'emploient beaucoup sur place, car
ailleurs on lui préfère son similaire belge. Le noir
d'Izeste ou des Pyrénées, gris, semé de taches
blanches, se trouve dans le même canton. Le luma-
chelle, l'aspin et le turquin de Lourdes s’utilisent
surtout dans la région. Le sarrancolin d’Arreau
(Hautes-Pyrénées) produit un joli effet décoratif,
dont on peut juger par l'examen du chambranle de
l'Opéra-Comique de Paris. A Saint-Laurent et à Mau-
léon-Barousse, signalons la brèche de Bize, d’un cail-
loutage très serré et très brillant, noyé dans une pâle
jaune d'or, la brèche Portor formée de galets noirs
et gris réunis ensemble par un ciment silico-cal-
caire. La griotte de Sost ressemble beaucoup à
celle de Caunes (Aude), dite « griotte d'Italie ».
D'un magnifique rouge brun semé de points blancs,
c'est un des marbres pyrénéens les pius demandés.
Les campans verts, mélangés de rouge, servent
principalement dans la grande décoration. Le rouge
antique, qu'on tire de Caunes, trouve des appli-
calions dans la marbrerie artistique. Quant aux
gisements de l'Ariège et de l'Hérault, on commence.
seulement à les exploiter.
Les marbres de Hon-Hergis (Nord), noir uni et
semés d'amandes blanches, s'emploient pour les .
cheminées ordinaires (fig. 1).
Dans le Jura, aux environs de Molinges, on extrait
deux variétés assez recherchées : le jaune Lamar-
tine, à fond jaune parsemé de petites veines fines
rosées, et la brocatelle violette.
Les autres marbres de France sont moins esti-
més, sauf toutefois le vert Maurin qu’on trouve près
de Prunières, la brèche Galiffet ou Alep qui vient.
d'Aix en Provence, le Jaspé ou Rosé du Var que
fournissent les carrières des environs de Pour-
cieux. Enfin, le Sarrancolin ou rosé de l’ouest et le
marbre Bois-Jourdan, qui proviennent des carrières
de Sablé (Sarthe), et les marbres dits « de Boulo-
gne », qui arrivent de Marquise (Pas-de-Calais),
sont des produits communs.
JACQUES BOYER — L'ÉTAT ACTUEL DE L'INDUSTRIE DU MARBRE EN FRANCE 183
#
“envoient des marbres translucides connus sous le | Kléber, la brèche de Numidie est seule importée en
“nom d'onyx. La province d'Oran nous approvi- | France, mais le rosé et le jaune de Numidie servent
— Nos colonies de l'Algérie et de la Tunisie nous | sifs à cause de sa transparence. Des marbres de
Fig. 2. — Sciage dans la roche, dans la carrière de marbre de « Cava Torrione », à Carrare (Appartenant à M. Faggioni)
L
#4
- sionne d'onvx de l'Isser, dont une des variétés les | en Amérique pour la grande décoralion. Les diffé-
— plus recherchées est l'onyx cachemire. Les carrières | rentes variétés de marbres de Guelma (le Saint-
…sises près de Nemours (Oran) nous fournissent | Augustin, le Sutulle, le Boisé romain et le Kalama),
… l'onyx ambré, qui s'emploie surtout en travaux mas- | rosés d'un veinage très fin, sont utilisées dans
784
la marbrerie artistique'. Quant aux carrières de
Chemtou (Tunisie), exploitées déjà du temps des
Romains, elles semblent avoir donné plus de mé-
comptes que de bénéfices à leurs propriétaires.
Mais un grand nombre de marbres venant du
dehors sont ouvrés en France; disons donc quelques
mots des variétés étrangères les plus connues sur
le marché parisien.
En Europe, la Belgique nous approvisionne en
JACQUES BOYER — L'ÉTAT ACTUEL DE L'INDUSTRIE DU MARBRE EN FRANCE
de cheminées dans le sud-ouest de notre pays. Mais
c'est surtout à l'Italie que nous achetons le plus de
marbres. Carrare arrive en première ligne (fig. 2
et3). Voici les principaux genres qu'il nous fournit : «
le blanc clair pour les travaux courants, le blanc
pour slaluaire, de Seravezza (gisements très im-
porlants), le Paonazzo à fond ivoire avec veinage «
violet foncé, le Paonazzetto à fond blanc avec vei-
nage brèché noir, la brèche violette à grandes vei-
Fig. 3. — Vue de la scie héliçoïdale en action dans la carrière de marbre de « Cava Torrione », à Carrare (Italie).
rouge de Flandre, rouge royal et rouge rance, qu'on
rencontre aux environs de Romedenne, en vrai
Sainte-Anne, qui vient de Biesme, en noir fin, que
produisent les carrières de Golzimes, près de Namur,
et de Denée, près de Dinant. La Suisse nous fournit
du Cipolin vert et rose, qu’on trouve à Saxou, aux
environs de Lucerne. Le noir de Saint-Triphon est
également très employé pour la confection des foyers
! Ces derniers renseignements nous ont été obliseamment
communiqués par M. Heurley, négociant en marbres à
Paris,
nes violettes et cailloutée blanc, la fleur de pêcher,
le véritable bleu Turquin uni à fond bleu, et le bleu
fleuri, marbre à fond bleu clair avec veines violelles
foncées. Près de la Spezzia, gisent le Portor à
fond noir avec veinage d'or et le Levanto. Sienne
donne un beau marbre jaune, Vérone un joli marbre
rouge, et Gênes une variété verte à points rouges,
dénommée commercialement « vert d'Égypte ».
La Grèce possède le vert antique de la Thessalie,
dont le fond vert à cailloux blanc verdàtre produit
un joli effet dans certaines décorations artistiques.
}
1
JACQUES BOYER — L'ÉTAT ACTUEL DE L'INDUSTRIE DU MARBRE EN FRANCE 185
L'Espagne nous envoie sa brocatelle, marbre jaune | L’onyx vert dit « du Brésil » vient des environs de
or tiré des environs de Tortosa, au sud de Barcelone. | San Luis (République Argentine). On l'embarque
-L'« agate maures- à Buenos-Aires, et
“que » de Malaga il est aujourd'hui
s'emploie dans la à la mode pour la
tabletterie, et le petitemarbrerie.On
marbre Teba à fond l'utilise par exem-
rosé orange pour ple pour la confec-
les dessus de toi- tion des füts de
lettes etles lavabos. lampes. Quant à
Dans les contrées l'onyx blanc du Ve-
du Nord, la France nezuela, c'est une
sapprovisionne, raretécommerciale.
pour l'imitation des
meublesanciens, du II. — EXPLOITATION
rosé de Norvège à
fond blanc, veines
rose très clair, lais-
sant voir la cristal-
lisation, et du vert
de Suède veiné
d'une belle couleur
oncée. Comme au-
res marbres euro-
péens, on peut en-
ore citer le vert
d'Irlande et la ser-
pentine d'Écosse.
Ce dernier, à fond
brun parsemé de
points rouges, sert
DES CARRIÈRES.
Les anciens pro-
cédés d'exploitation
des carrières de
marbre élaient pri-
mitifs, lents,el d'un
prix de revient éle-
vé. Mais aujour-
d'hui, gràce à l'in-
vention de la scie
héliçoidale (fig. 5)
par un ingénieur
belge, M. Paulin
Gay, on débite les
blocs d'une manière
plus expédilive et
. 2 Fig. 4 — Perforatrice. — À, tube cylindrique en tôle d'acier; B, À :
seignes de bouli- allonge du tube servant de couteau: C, axe; D, manchon fixant plus économique.
À l’allonge sur l'arbre vertical; G, poulie à gorge; 1, châssis suppor- à 2
| a POP tant les poulies et la chaine; P, poulie de renvoi; R, fil hélicoïdal; Cet appareil APCORS
exposé à l'air et à V, cabestan; W, chaîne de descente, pose d'une corde
a pluie, il a le pré- - sans fin obtenue par
eux avantage de conserver très longtemps son poli. | la torsion en hélice de trois fils d'acier. D'un côté,
. L'Amérique du Nord nous expédie le marbre dit | elle s'enroule sur une poulie fixe calée sur l'arbre
C
Fig. 5. — Installation du fil héliçoïdal dans une carrière. — X, fil hélicoïdal; À, poulie fixe; B, schéma du moteur;
C, chariot tendeur; D, E, débiteuse ou instrument de sciage proprement dit; M, bloc de marbre à attaquer.
« Tonkin », granité vert, aussi tendre que le marbre | du moteur et, d'autre part, sur la poulie folle d’un
blanc. Depuis quelque temps, on exploite les | chariot tendeur posé lui-même sur les rails d'un
“marpres fossilifères d'Orizava, près de Vera-Cruz | plan incliné et chargé de poids destinés à équili-
(Mexique), qui présentent des dessins très variés. | brer l'effort de traction. On installe la débiteuse
786
(ou instrument de‘sciage proprement dit) à l'endroit
voulu du circuit. Cette dernière comprend quatre
poulies maintenues et guidées entre des colonnes
dont l'écartement varie avec la longueur de la masse
de marbre à découper. Le déplacement des poulies
inférieures s'obtient au moyen d'un mécanisme in-
génieux. Les chariots qui les supportent sont fixés
par des coulisses aux extrémités de vis verticales
dont les écrous se trouvent au sommet des châssis.
Un levier à deux branches articulées, mû par l'arbre
de la poulie supérieure, commande chacune de ces
vis et, à chaque révolution, un corbeau agencé sur
JACQUES BOYER — L'ÉTAT ACTUEL DE L'INDUSTRIE DU MARBRE EN FRANCE
la continuité du sciage, assure la grande rapidité
du travail. Done, le fil découpe la roche sur tous
les points de la carrière, et il divise la pierre pour
en faciliter le transport ultérieur.
Actuellement, pour pratiquer les puits nécessaires
à l'installation du fil hélicoïdal, on emploie une per-
foratrice (fig. 4). Essenliellement, celle-ci est for-
mée d'un tube en tôle A, d'une hauteur et d’un
diamètre variables. À sa partie inférieure se trouve
rivée une allonge en fer B, beaucoup plus épaisse,
qui lui sert de couteau. Un manchon D le fixe sur
un arbre vertical à section carrée, qui lui commu-
Fig. 6. — Descente d'un bloc de marbre de la carrière d'extraction au lieu de gerbage.
la branche inférieure du levier attaque une roue
dentée dont le mouvement se transmet, à l’aide
d'engrenages, à la vis de suspension de la poulie
mobile. Comme la vitesse de translalion de la scie
est d'autant plus rapide que la branche du levier
est plus courte, l'ouvrier doit régler celle-ci selon
le degré de durelé du marbre.
En outre de ces mouvements de translation
et de descente, la cordelette est animée d'un
mouvement giratoire qui a pour but de dégager
continuellement le fond de l’entaille de la boue
produite par le sciage. Un sablier déposé au-dessus
de la masse fournit le sable humidifié, qui est rapi-
dement véhiculé le long du trait en même temps
que sur tous les points de la périphérie du brin
engagé dans la pierre. Cette combinaison, jointe à
nique un mouvement de rotation tout en lui lais-
sant la faculté de descendre en vertu de son propre
poids. La transmission télédynamique communi-
quant à l'axe du cylindre sa giration par l’inter-
médiaire d'une poulie à gorge G, peut changer de
direction au fur et à mesure des déplacements de
l'appareil. D'autre part, le sable et l'eau projetés
sur le pourtour du couteau accélèrent l'usure de la
roche. De temps à autre, les matières broyées
s'accumulent entre le tube et les parois du marbre,
et enrayent la marche de la perforatrice; aussi
l’ouvrier doit-il relever ce tube à l’aide d'une
chaine W s'enroulant sur un cabestan V rivé au
chässis. Cette simple manœuvre suffit pour net-
toyer l'entaille de la boue qui l'obstruait, et qui
aurait fini par provoquer la ruplure de l'outil.
cts
LE cu
Ar
JACQUES BOYER — L'ÉTAT ACTUEL DE L'INDUSTRIE DU MARBRE EN FRANCE
187
Pour extraire, en pleine roche, un quartier de
marbre de la dimension désirée, on creuse, au
moyen de la perforatrice, aux quatre coins de son
périmètre, des puits que l'on approfondit jusqu'à
ce que l'on atteigne le premier dessous séparant
la masse des assises inférieures. On descend en-
suite et on fixe dans ces cavités les supports verti-
caux de la débiteuse. En deux traits de scies
. parallèles et espacés de 0%,60, on relie deux de ces
“puits par une tranchée à parois verlicales, et l'on
dégage ainsi le massif sur tout son pourtour. Alors,
Fig. 7. — Gerbage des blocs de
au moyen de coins et de leviers, on détache au-
dessous la masse ainsi isolée, puis on l'amène sur
le chantier où on la façonne en morceaux plus aisé-
ment maniables. Parfois, l'opération du gerbage
des blocs sur les lieux d'extraction n'est pas chose
aisée (fig. 6 et 7).
Les avantages de cette méthode sont mulliples.
Facilement transportable, la perforatrice ne broie
qu'une faible partie de la surface du roc, et con-
somme peu de force motrice. De plus, par trois
forages successifs disposés en triangle, elle creuse
un puits où les supports de la débiteuse peuvent
se mouvoir en tous sens.
Les déplacements de la perforatrice et de la
débiteuse ont lieu sans l'intermédiaire d’une poulie
de renvoi, la cordelette prenant la direction et
l'inclinaison voulues, sans qu'on ait besoin de
modifier la transmission. Pour cela, il suffit de
monter sur une double rotule chacune des poulies
du poteau distribuleur placé au sommet de la
carrière. D'autre part, la poulie à rotules se meut
dans un plan horizontal et peut s'incliner à volonté
sur l'horizon par la rotation du plateau sur lequel
s'opère sa translation. Enfin, la scie héliçoïdale
possède deux qualités essentielles en l'espèce : la
marbre à proximité de la carrière.
résistance nécessaire pour entamer les marbres
les plus durs, et une incroyable rapidité d'action,
due à la vilesse et à la continuité de son mou-
vement.
IIT. — TRAVAIL DU MARBRE.
D'ordinaire, les marbres se scient en passe, c'est-
à-dire qu'ils se débitent dans le sens où on les a
trouvés dans la carrière. Mais, dans quelques cas,
cependant, on est forcé de les scier à contre-passe.
Quoi qu'il en soit, l'opération est exéculée au moyen
du chässis à scier ordinaire ou à descente automa-
tique (fig. 8 et 9).
La commande de ce dernier appareil, le seul
188
que nous décrirons, se compose d'un arbre à ma-
nivelle mû par une poulie A. L’entablement sup-
portant les paliers est boulonné sur un massif en
pierre, en maconnerie ou en béton, B. En C se
trouve un débrayage. Le chässis proprement dit
est un cadre en fer et fonte, formé de deux lon-
gerons rigides D, dont la section doit être calculée
suivant le nombre de lames à la tension desquelles
ils doivent résister.
Deux fortes traverses en fer plat forment la tête
de châssis, et réunissent à chaque extrémité ces
longerons. Un créneau, dans lequel on place les
tirants-tendeurs, est ménagé entre ces traverses ;
une lame va d'un tirant à l'autre, et la tension se
fait au moyen d’une clé.
JACQUES BOYER — L'ÉTAT ACTUEL DE L'INDUSTRIE DU MARBRE EN FRANCE
mécanique ou instrument distributeur d'eau et de
sable, dont les systèmes sont très nombreux. D'or-
dinaire, le mouvement de commande sert pour
deux chàssis, l'arbre portant une manivelle à cha-
que extrémité. Quelquefois, le sciage s'effectue sur
wagon, pour obtenir plus de célérité.
Nous passerons rapidement sur les autres outils
employés pour travailler le marbre : débiteuses,
sciotteuses, machines à moulurer, tourner, creuser
et raboter. Cela nous entrainerait hors des limites
de cette étude, Ajoutons seulement que les pièces
cylindriques (socles, colonnes, vases, ete.) s'ébau-
chent au ciseau et se terminent au tour. Quant à la
scie diamantée, elle est encore en usage, malgré les
Un châssis comprend un nombre de lames va-
riant de 50 à 150, selon l'épaisseur des tranches à
obtenir. Bien entendu, chacune d'elles peut se rap-
procher ou s’écarter à volonté. En outre, le châssis
porte un attelage en fonte E, et quatre charnières
de suspension. La bielle F reliant le chàssis à la
commande est formée d'une pièce en sapin, munie
à une extrémité d'une lête de bielle ordinaire avec
coussinet en bronze s'adaplant à la broche de la
manivelle, et à l'autre bout d’une chape dont la vis
permet de régler la longueur de la bielle au fur et
NES ESS
Fig. 8. — Chässis à scier avec descente et remonte automatique (Système Decamps). — À, poulie; B, massif supportant le
moteur; C, débrayage; D, longeron; E, pièce d'attelage; F, bielle reliant le châssis à la commande; G, traverses de guide
en acier; H, colonnes du chässis; K, engrenages de descente; L, tambour d’'enroulement des chaines: M, chaïnes.
à mesure de la descente du chässis. Les quatre tiges
sur lesquelles se fait le balancement du cadre sont
pourvues à leur extrémité de ferrures en bronze
s'arliculant, d'une part, avec les charnières de
suspension, et de l’autre côté avec les broches en
acier des traverses de guide G. Ces deux dernières
sont elles-mêmes suspendues à des chaines. Quant
aux qualre colonnes H, elles servent à guider le
chàssis dans son mouvement alternatif, et les tra-
verses dans leur ascension et leur descente, au
moyen de coulisseaux.
Les rouages K actionnent les tambours d’enrou-
lement L des chaines par l'intermédiaire d'engre-
nages ou de vis. Ces lambours, en déroulant les
chaînes M, laissent descendre le chàssis au fur et à
mesure du sciage. On règle à volonté cette des-
cente, suivant la dureté du marbre et le nombre de
lames. Enfin, entre les colonnes se place l’arrosage
frais d'établissement élevés qu’elle nécessite, et
surtout l'inconvénient qu'elle à de « brûler » le
marbre, comme disent les gens du métier. Il faut
entendre, par ce terme, qu'elle produit des arra-
chements au cours du sciage. La rapidité constitue
son unique avantage.
La dernière opération que subit le marbre dé-
grossi est le polissage. Celui-ci exige cinq manipu-
lations successives : 1° l'égrisage, destiné à adoucir
les aspérilés, et qui s'exécute en frollant la pièce
avec un morceau de grès mouillé; 2 le rabat ou con-
tinuation du frottement; mais, cette fois, avec des
morceaux de faïence sans émail n'ayant subi qu'une
cuisson; 3° à la suite de ce premier poli, le houchage
des cavités du imarbre avec du mastie de couleur
appropriée. La substance qui sert à cet effet se com-
pose, en général, d'un mélange de cire jaune, de ré-
sine et de poix blanche, additionné d’un peu de sou-
JACQUES BOYER — L'ÉTAT ACTUEL DE L'INDUSTRIE DU MARBRE EN FRANCE
7189
fre et de plâtre lamisé très fin, auquel on donne la
consistance d'une pâte épaisse. La coloralion s’ob-
tient en ajoutant du noir de fumée et de la potée
rouge, en proportion convenable, jusqu'à ce que l’on
ait obtenu la nuance désirée. Parfois aussi, on intro-
duit des fragments concassés de l'échantillon, s'il
s'agil de marbres verts et jaunes. La gomme-laque
permet également de donner du corps et du bril-
lant; 4° l’adouri ou frottement à la pierre ponce
avec addition d'eau, mais sans aucun ingrédient
des machines à dresser et à polir. Enfin, pour aller
plus vite en besogne, certains marbriers mettent
de l’alun dans l’eau. Cette pratique doit être con-
damnée, car si ce mordant, qui pénètre dans les
pores du marbre, lui donne beaucoup plus rapi-
dement le brillant voulu, celui-ci se ternit très
vite à l'humidité. La fraude se reconnaît d'ailleurs
aisément : il suffit de mettre une goutte d’eau sur
la surface du marbre soupçonné. Si le polisseur
s’est servi d'alun, la pierre absorbant le liquide, une
Fig. 9. — Châssis à scier ordinaire de la marbrerie Heurley, à Paris. (Photographie montrant la disposition des lames
pendant le sciage d'un bloc.)
solide ni mordant; 5° enfin, le piqué. Pour ce der- | tache blanchâtre apparaîtra après essuyage. Là s’ar-
nier travail, on mêle du plomb en limaille avee de
la boue d'émeri provenant du polissage des glaces,
et l’on frotte la pièce avec un tampon de linge fin
bien serré et imprégné de cette composition.
Pour les ouvrages destinés à être exposés au
dehors, on s’en tient là. Mais si l’on désire un
brillant plus parfait, on procède au Zustré. On lave
bien les surfaces, on les laisse se ressuyer, ét on
prend un tampon de linge humidifié légèrement et
imprégné d'un peu de potée d'élain. Après avoir
frolté pendant quelques instants, on passe des
chiffons secs avec légèreté. On utilise également
rête, à proprement parler, l’industrie du marbre,
dont nous examinons plus loin les divers emplois.
IV. — STATISTIQUE ET CONSIDÉRATIONS ÉCONOMIQUES.
En France, les scieries de marbres sont, autant
que possible, installées non loin des lieux d’extrac-
tion, à proximité de nos frontières, parce que
les matériaux bruts ne paient pas de droits de
douane, alors que, sciés, ils acquittent des taxes
élevées. D'autre part, le sciage faisant perdre
de 1/6 à 1/3 à la masse, les frais de transport à
190
JACQUES BOYER — L'ÉTAT ACTUEL DE L'INDUSTRIE DU MARBRE EN FRANCE
Paris seraient inutilement majorés du poids des
déchets. À proximité de l'Italie et de la Suisse,
les scieries s’échelonnent : aux environs de Gre-
noble (Isère), du Sault-Brénaz et de Glandieu (Ain),
de Molinges et de Saint-Amour (Jura). Pour les
marbres de Belgique, les usines sont établies près
de Jeumont, Guissignies, Bellignies, Cousolre et
Maubeuge. Quant à ceux d'Espagne, on les scie et
on les ouvre à Paris. Enfin, quelques scieries fonc-
tionnent à Marseille et à Toulouse. La plus grande
partie des plaques débitées en ces diverses localités
sont dirigées sur Paris, qui est le grand centre de
la marbrerie manufacturée.
Les usages du marbre sont nombreux :
Dans le bâtiment, on l’emploie aussi bien pour les
cheminéesriches que pour les cheminées ordinaires,
pour certains carrelages, pour des revêtements d’es-
calier, pour des colonnes, des soubassements, etc.
Dans l'ameublement, on l'utilise pour les toilettes,
dessus de tables, buffets, dressoirs, guéridons et
lavabos.
Les sculpteurs se servent principalement des
marbres de Carrare.
Les marbres transparents, connus commercia-
lement sous le nom d'onyx, s’allient aux bronzes
pour faire des socles, des vases, des pendules et
des colonnettes pour lampes.
Dans les boucheries, boulangeries, charcuteries
et autres bouliques d'alimentation, les comploirs
et les enseignes sont généralement en marbre.
Tels sont les plus importants débouchés des diffé-
rentes variétés marmoréennes.
La question du transport joue un rôle restreint
dans le négoce des marbres précieux, celte matière
étant d'un prix assez élevé pour supporter aisément
le voyage, par voie ferrée, du port de débarquement
à Paris. Ainsi, les marbres d'Algérie, de Tunisie,
d'Espagne et de Thessalie arrivent presque tous par
Marseille. De là, ils empruntent le réseau P.-L.-M.
pour atteindre la Capitale; quelques-uns viennent
pär le Havre; puis, par batellerie fluviale, jusqu'à
Paris; mais c'est là l'exception. Les onyx du Mexi-
que et de la République Argentine débarquent à
Saint-Nazaire ou à Anvers. Les produits de la Suède
et de la Norvège passent également par le port
d'Anvers, et ceux de l'Angleterre par Dunkerque.
Les marbres riches ne se travaillent guère qu'en
France; seuls; les marbres ordinaires étrangers
s'ouvrent sur place; toutefois, en Chine et au Japon,
on exécute assez bien la petite marbrerie.
D'après les dernières statistiques du Service des
Mines, on a extrait en France, pendant l’année 1898,
un total de 47.025 mètres cubes ou 124.161 tonnes
de marbres. L'Algérie, durant la même période, en
a fourni 304 mêtres cubes ou 985 tonnes.
Les négociants français vendent leurs produits
fabriqués un peu partout; ils exportent même le
marbre brut dans l'Amérique du Nord, l'Angleterre,
la Suisse, l'Allemagne, l'Autriche, la Russie, la
Hollande et le Danemark. Les chiffres d'exportation
et d'importation fournis par le Ministère du Com-
merce, pour 1898, sont les suivants :
EXPORTATION
en tonnes
IMPORTATION
en tonnes
28% 58
Marbres blancs us AELE
statuaires PUDES 2:
moulurés. 9 49
Autres marbres de toute es-
DÉCE ESA NEC EE 46.569 6.814
Les centres de vente sont, par ordre d'impor-
tance : Carrare, Paris, Londres, Anvers et Bruxelles.
Comme nous l’avons écrit au commencement de
cette étude, les négociants en marbre se plaignent
de la situation qui leur est faite. D'abord, dans l'in-
dustrie du bâtiment, ils ont le désavantage d'arriver
après les autres corps de métier, le marbre n'étant «
employé que pour la décoration. À ce moment de
la construction, l'architecte a souvent dépensé dans
le gros œuvre le devis fourni, les imprévus ont
majoré ses estimations. Il doit donc réaliser des
économies sur les travaux restant à exécuter; c'est
ainsi que, partout où cela sera possible, il rempla-"
cera le marbre par le stuc, ou autres procédés "
décoralifs. L'imprévoyance de l'homme de l’art
retombera sur le marbrier! D'autre part, en ce qui
concerne l'octroi, l'industrie marbrière parisienne
ne semble pas favorisée. En effet, le marbre, qu'il
soit brut, scié ou ouvré, paie 30 francs d'entrée par
mètre cube (2.700 kilos). D'après ce Larif, une che-
minée toute sculptée acquittera des droits moins
élevés, pour entrer dans la Capitale, que la matière
première nécessaire à l’exécuter, puisque son poids
sera diminué des déchels de la fabrication. Le
résullat fâcheux de cette anomalie administrative
est que l'octroi parisien favorise la province et
l'étranger au détriment du négociant en marbres
de la Capitale, qui ne peut plus, par suile, lutter
à armes égales avec ses concurrents du dehors.
Le remède parait cependant des plus simples.
Il suffirait que le tarif, pour le marbre brut, fût
moins élevé que pour le marbre ouvré. C'est là une
réforme qui s'impose. En outre, les gens du métier
adressent aux Compagnies de transport le reproche
suivant : Les chemins de fer, dans le but d'augmen-
ter leur trafic dans divers centres, ont accordé des
conditions spéciales très avantageuses à certaines
localités. Nous n’en citerons qu'un exemple, typique,
il est vrai : un lavabo, avec dessus en marbre,
expédié d'Autun à Paris, paie des frais de transport
moins élevés que s’il est envoyé de Paris à Autun!
Il y a là, nous semble-t-il, un abus, qu'il appar-
tiendrait au Ministre des Travaux Publics de faire
cesser. Jacques Boyer.
1
nn
Sarthe Sub 17"
Te.
w
FPVEN
AUGUSTE PETTIT — LES MATÉRIAUX DE L'HISTOLOGIE COMPARÉE 191
LES MATÉRIAUX DE L’'HISTOLOGIE COMPARÉE
, INSTRUCTIONS POUR LES EXPLORATEURS (CONFÉRENCES DU MUSÉUM)
& Messieurs,
Une comparaison familière, mieux que de lon-
% gues considérations théoriques, vous fera com-
prendre sans peine le but de l'Histologie comparée.
Le corps d'un animal peut être assimilé à une
“maison. L'anatomiste en étudie la disposition,
lagencement des diverses pièces, les ouvertures,
les moyens de communication; l'histologiste,au con-
traire, se préoccupe de la nature intime des maté-
riaux de construction, des rapports que ces derniers
affectent les uns vis-à-vis des autres, des moyens
d'union des diverses parties constiluantes, etc.
- Nécessairement, à des fins aussi différentes cor-
respondent des techniques distinctes et, en dehors
de quelques instruments de dissection, aucun des
procédés que je vous indiquerai dans cette Confé-
rence ne pourrait convenir pour les études d'Ana-
tomie proprement dite.
Pour ces dernières, il importe d'obtenir, sinon
-des animaux complets, tout au moins des organes
entiers, présentant encore leurs rapports naturels :
un membre avec ses muscles, ses vaisseaux et ses
nerfs; une cage thoracique avec son cœur, ses pou-
mons, ses plèvres et son péricarde; un tube
digestif, maintenu en place dans la cavité cœlo-
mique par les divers replis péritonéaux, elc.
Les exigences de l'Histologie comparée sont sin-
J
gulièrement plus faciles à satisfaire ; pour ce genre
d'études, les pièces volumineuses, les organes
sont, non seulement inutiles, mais inutilisables ; il
n'est besoin que de morceaux d'organes, de frag-
ments de vaisseaux ou de nerfs, de lambeaux de
tissus; mais ceux-ci doivent être prélevés avec des
soins spéciaux, dont l'exposé fera précisément
l'objet de la présente conférence.
L — MATÉRIEL.
Tout d'abord, je dois vous donner des indications
sur le matériel nécessaire à la récolte des pièces
- destinées aux études d'Histologie comparée.
- Je n'insisle pas sur les instruments de dissec-
. tion, car ceux-ci sont exactement les mêmes que
pour les recherches d'Anatoômie comparée; ils vous
serviront donc à deux fins, et ce sont, vous ne
* ! Conférence faite pour les voyageurs, explorateurs, méde-
cins de marine et administrateurs coloniaux, au Laboratoire
d'Anatomie comparée, dirigé par M. le Prof. Henri Filhol,
au Muséum d'Histoire naturelle de Paris.
l'ignorez pas, quelques scalpels, une pince à dissé-
quer, une ou deux scies, un marteau et un ciseau.
Le choix des récipients (tous en verre) dont
vous devrez vous munir mérite attention; je vous
recommanderai, de préférence aux tubes à fond
plat d’un usage courant dans les laboratoires, mais
vraiment trop fragiles, des flacons à parois résis-
tantes, munis de bouchons de liège de la meilleure
qualité possible et d’une faible contenance : n’ou-
bliez pas que les morceaux volumineux sont impro-
pres à toute étude, et qu'une faible quantité de
tissu suffit pour les études microscopiques; par
conséquent, choisissez un assez grand nombre de
flacons d'une contenance de vingt grammes environ
et quelques-uns de dimensions plus considérables,
125 et 250 grammes.
Je ne crains pas de le répéler, ce qui importe, c'est
la conservation parfaite des pièces, et non pas la
quantité; et, pour dissiper loutes les inquiétudes
que vous pourriez avoir sur la petilesse des frag-
ments que je vous conseillerai de prélever, je vous
rappellerai que les appareils à couper dont on se
sert dans les laboratoires pour étudier les tissus
permettent de débiter un morceau de 1 millimètre
d'épaisseur en trois cents tranches. Par conséquent,
ne vous embarrassez pas de récipients inutilement :
un nombre relativement peu élevé suffira, si les
sujets d'étude sont bien choisis et convenablement
traités, pour des recherches étendues.
Vous ajouterez enfin, à ces récipients, quelques
flacons à l'émeri (125 gr.), destinés à la conserva-
tion des fixateurs, une éprouvette graduée, quel-
ques Lubes de verre, du fil de Bretagne, du papier .
blanc fort, des crayons Conté et un peu de tar-
latane.
Comme vous le verrez bientôt, les études héma-
tologiques exigent l'emploi de plaques de verre,
coupées suivant des dimensions conventionnelles ;
ces lames se vendent chez lous les fournisseurs
d'instruments microscopiques; vous vous en procu-
rerez plusieurs centaines de la qualité la plus ordi-
naire et une douzaine à bords soigneusement rodés.
La question des réactifs à recommander à un
voyageur est parliculièrement épineuse, non pas
par pénurie, mais, au contraire, par trop grande
richesse. La technique histologique est actuelle-
ment fort compliquée, et le nombre des fixateurs,
en particulier, est considérable.
Or, cette abondance, qui, pour l’homme de labo-
ratoire, constitue une condition des plus favorables,
792
pourrait devenir un obstacle pour l'explorateur.
En voyage, les manipulations compliquées sont
inexécutables, et je connais trop l'impérieuse né-
cessité, pour le voyageur, de simplifier toute chose
le plus possible, pour songer à vous donner un
apercu, même sommaire, des méthodes de fixation
actuellement usitées; mon but est beaucoup plus
modeste; je me suis simplement proposé de vous
indiquer un très petit nombre de réactifs qui,
choisis entre beaucoup d’autres, vous permettront
de rapporter des matériaux histologiques dans des
conditions salisfaisantes pour l'étude.
Nous examinerons plus tard la préparation de
ces solutions ; pour le moment, je vous énumérerai
simplement les produits que vous devez emporter
pour confectionner ces solutions sur le terrain
même de vos explorations :
1° Alcool à 100° (placer dans le récipient, pour
éviter l'hydratation, une certaine quantité de ba-
ryle calcinée) ;
20 Alcool à 90°;
3° Bichlorure de mercure ;
4 Acide picrique ;
5° Acide acétique cristallisable ;
6° Bichromate de potasse pulvérisé ;
7° Chlorure de platine ;
8° Acide osmique ;
9° Formaldéhyde à 40°.
Vous le voyez, le matériel qui vous est nécessaire
n'est pas trop compliqué, et, comme ilne faut que
de petites quantités de chacun des produits, je pense
que les exigences de l'Histologie ne vous paraîtront
pas exagérées; en lout cas, je me suis efforcé de
simplifier le plus possible, et de vous indiquer les
moyens nécessaires, strictement nécessaires, pour
l’accomplissement de la tâche que vous voulez bien
vous imposer.
II. — Cox DES MATÉRIAUX.
Une nouvelle question se pose immédiatement
à l'esprit : Quels animaux, quels organes choisir ?
Malheureusement, je ne puis pas vous donner
une règle formelle qui vous permette de reconnai-
tre, à première vue, les matériaux fructueux, et
d'établir deux catégories tranchées d'objets : l’une
sans intérêt pour l'histologiste, l'autre devant né-
cessairement fournir des résultats. Les faits bio-
logiques ne se plient pas aisément à de telles exi-
gences de catalogage. Mais, à défaul d’une no-
menclature ou d’un critérium formel, je puis vous
donner des indications générales sur les faits qui
devront décider votre choix.
Tout d'abord, ai-je besoin de le dire, la beauté
d'un animal (si même on peut parler de beauté
dans le langage scientifique) ne devra, en aucune
AUGUSTE PETTIT — LES MATÉRIAUX DE L'HISTOLOGIE COMPARÉE
façon, influencer vos décisions, car il ne parait pas
que les muscles du plus beau des Tigres doivent
présenter plus d'intérèt pour l’histologiste que
ceux du plus vulgaire Chat.
D'autres considérations devront déterminer votre
choix dans la récolte des matériaux : ce sont les
conditions spéciales de vie des animaux, leur place
dans la série des êtres, leurs affinités zoologiques, la
singularité (au sens étymologique du mot) et lacom-
plexité des appareils anatomiques. Quelques exem-
ples, d’ailleurs, suffiront à préciser ces indications.
1° Comme vous le savez, le milieu exerce une.
influence indéniable sur les animaux; or, il est
d'un grand intérêt pour l’histologiste d'étudier les
variations qui relèvent d'une telle cause; aussi, le
sang des animaux vivant aux allitudes élevées, les
sinus des poissons des grands fonds, les tissus dé-
pigmentés des êtres cavernicoles, elc., ont-ils une
grande valeur à nos yeux.
2° Les animaux qui occupent une place isolée
dans l'échelle zoologique, ceux qui sont les der-
niers survivants de groupes, autrefois puissants,
mais actuellement en voie de disparition, tels les
Aptéryx, les Monotrèmes, les Spirules, les Nau-
tiles, etc..., pourront être l’objet d’investigations
fructueuses, car ils n’ont pas leurs analogues à
proximité des laboratoires et, par conséquent,
n’ont pas pu, pour le plus grand nombre tout au
moins, être étudiés par les histologistes.
3 Il en est de même des appareils anatomiques.
qui semblent être l'apanage de quelques animaux
seulement, d'un seul genre ou même d'une seule
espèce, ou encore des organes qui présentent une
complexité exceptionnelle : yeux pinéaux de Sau-
riens (/Jatteria), glandes venimeuses de Reptiles,
Batraciens, Poissons et Insectes, glandes salivaires
d'Edentés, glandes odorantes de Mouffette, organes
photogènes, organes électriques, etc.
Ces quelques exemples suffiront pour vous mon-
trer combien vaste est le champ de vos recherches
et quel profit les histologistes pourront tirer de
l'étude des formes animales qui font défaut au
voisinage des laboratoires. k
Si quelques-uns d'entre vous conservaient en-
core des doutes à ce sujet, il leur suffirait, pour se
convaincre de l'importance qu'il convient d’atta-
cher aux recherches de cette nature, de se reporter
au beau travail que le professeur A. von Kælliker
vient de consacrer à l'étude de la moelle allongée
et des tubercules quadrijumeaux de l'Ornitho-
rynque et de l'Echidné : ils se rendraient compte
alors de la valeur des enseignements que l’illustre
maitre de Wurzbourg a réussi à dégager del’examen M
histologique de deux cerveaux de Monotrèmes!, M
1 En l'absence d'un catalogue impossible à établir, nousindi-
AUGUSTE PETTIT — LES MATÉRIAUX DE L'HISTOLOGIE COMPARÉE 193
_——.—
III. — T£écuNiIQuE.
Le lraitement des malériaux destinés aux études
“histologiques exige des soins minutieux ainsi que
“des manipulations longues et compliquées; ces
dernières sont exposées, avec détail, dans de nom-
breux Traités, parmi lesquels, celui de Bolles Lee
et Henneguy, que je vous présente’, jouit d'une
légitime autorilé; d'après la grosseur de ce vo-
lume, vous concevez aisément qu'un nombre
d'heures considérable me seraient nécessaires pour
ous mettre au courant de celte technique, qui,
ailleurs, ne pourrait qu'être un embarras pour
vous. Le but que je poursuis-dans cette Conférence,
e vous l'ai déjà dit, est tout autre et je veux, sup-
imant radicalement tout ce qui n'est pas es-
Sentiel, retenir uniquement les procédés qu'il est
indispensable que vous sachiez meltre en œuvre
sur les lieux mêmes de vos investigalions.
Je supprime donc lout ce qui à trait à l'inclu-
sion, à la confection et à la coloration des coupes
pour ne vous parler que de la seule opération (la
fixation) que vous aurez à effectuer vous-mêmes;
et encore, pour celle-ci, je ne vous entretiendrai
que d'un nombre minime de méthodes, choisies
entre des centaines d'autres et se recommandant
à votre choix tant par la simplicité d'emploi que
par l'excellence des résultats.
Ces réaclifs ne s'appliquent pas indistinctement
à toutes les catégories de tissus, et tel mélange
fixateur, qui fournira d'excellentes préparations
-pour le système nerveux, ne donnera que des résul-
Lats médiocres où même mauvais pour l'étude des
glandes ; d'autre part, les éléments figurés du sang
exigent une technique spéciale; aussi, devons-nous
envisager les lraitements qui conviennent aux di-
verses espèces tissulaires, et, comme il s'agit ici
de queslions purement pratiques, vous m'excuse-
rez d’avoir recours à une classificalion artificielle,
sans base scientifique, mais qui aura au moins
l'avantage de la commodité.
. Nous examinerons successivement les méthodes
de fixation applicables :
1° Au sang; 2 au système nerveux;
autres Lissus *.
ÿ° aux
Œuons ici quelques-unes des pièces que le Laboratoire serait
- particulièrement désireux d'obtenir : Organes venimeux de
Reptiles, Batraciens, Poissons, Arachnides et Insectes. Pla-
. centas d'Anthropoïdes, Lémuriens et Sélaciens. Appendices
- d'Anthropoïdes. Glandes salivaires d'Edentés. Poumons de
Dipneustes. Foies et Poumons multilobés. Yeux pinéaux. Cer-
- veaux et moelles de Célacés, Eléphants, Marsupiaux, Ratites,
gros Ophidiens, très grands Poissons osseux et cartilagi-
= neux. Organes lumineux. Organes électriques. Sang des ani-
. Maux non représentés en Europe, etc.
—._ 4 Le conférencier met sous les yeux de ses auditeurs un
- exemplaire de cet important ouvrage.
? Dans cette Conférence, je me bornerai simplement, j'in-
REVUE GÉNÉRALE DES SCIENCES, 1901.
Pour chaque réactif, la technique varie; néan-
moins, certaines règles sont applicables dans tous
les cas : les lissus, destinés à être étudiés au mi-
croscope, doivent être recueillis sur l’animal vivant
ou immédialement après sa mort, et même, pour
le sang, le prélèvement doit être effectué sur l’ani-
mal vivant. Si les dimensions’ des organes ou des
animaux sont trop volumineuses, il faut débiter
ceux-ci en fragments de grosseur convenable au
moyen d'une lame bien aiguisée, en évitant toute
compression et toute malaxalion ; enfin, les pièces
ainsi recueillies sont directement plongées dans le
mélange fixateur, sans lavage ni autre traitement
préalable.
$S 1. — Sang.
La récolte et la conservation des éléments figurés
du sang sont relativement simples. Le matériel
nécessaire est très réduit, et la préparation des
lames exige un simple tour de main, qui s'acquiert
rapidement.
Chez l'Homme, chez les Singes, dont les doigts
sont dénudés, voici une des meilleures façons de
procéder * :
L'extrémité (face) d’un des doigts est soigneu-
sement lavée sur l'étendue d'une pièce de un frane
avec du savon, puis avec de l'alcool ou un mélange,
à parties égales, d'alcool à 100° et d’éther.
On laisse sécher et on pratique une légère inei-
sion dans la pulpe du doigt, soit au moyen d’une
lancette spéciale, soit au moyen d'une pointe de bis-
touri ou de tout autre instrument piquant.
Dès qu'une gouttelette de sang est formée, on
se hàâle de la recueillir sur une lame de verre, en
amenant cette dernière au contact; immédiatement
après, on étale la petite gouttelelte ainsi déposée à
la surface de la lame au ou du bord rodé d'une
autre lame, qu'on promène à la surface de la pre-
mière. Les deux porte-objets sont orientés de telle
façon qu'ils forment entre eux un angle de 45°,
Pour la réussite de celte opération, il importe
d'aller vite pour éviler l'évaporation du sang, et de
ne pus sur la lame qu'une très minime quan-
tité de sang; autrement, le bord rodé ne permet
pas d' EL suffisamment les divers éléments.
Dans la plupart des cas, il vous suffira d’étiqueter
les lames ainsi obtenues, et de les rapporter telles
quelles, soit emballées dans des boîtes à rainures,
siste sur ce poiut, à indiquer quelques-unes des méthodes
de fixation qui me paraissent permettre aux voyageurs de
rapporter, dans des conditions satisfaisantes, des matériaux
destinés aux études histologiques. J'ai dû supprimer, en
raison de leur complication, les méthodes très précises (or,
argent, etc.), qui sont inutilisables dans le cas présent.
1 Voyez ce qui a trait à cette question à propos de chacun
des réactifs examinés ici.
2 Le sang doit toujours être récolté sur des animaux vi-
vants,
17*
794
AUGUSTE PETTIT — LES MATÉRIAUX DE L'HISTOLOGIE COMPARÉE
soit empaquetées dans du papier avec des cales | logistes ont, jusqu'à présent, limité leurs inves-
intermédiaires, afin d'éviter tout frottement.Mais,
dans les pays humides, il sera prudent de chauffer
les lames, au moyen d’une source de chaleur quel-
conque, pendant une ou deux minutes, à 60° en-
viron,
Tous les animaux ne présentent pas des dispo-
sitions anatomiques aussi favorables que l'Homme
et le Singe; mais il vous sera facile de vous tirer
d'affaire dans tous les cas. Chez les Mammifères
poilus, vous devrez d'abord raser les poils, s'il
n'existe pas de régions glabres; celles-ci mérite-
raient alors votre préférence : le nez, les oreilles
sont souvent dans ce cas.
Chez les Oiseaux, vous choisirez de préférence le
pli correspondant à l’arliculation huméro-cubi-
tale, où existent de nombreuses veines superti-
cielles.
Si quelque condition spéciale (taille, par exemple)
contre-indiquait un tel choix, vous pourriez toujours
puiser le sang directement dans le cœur": c’est,
d’ailleurs, cette voie que vous adopterez pour le
plus grand nombre des Reptiles, des Batraciens et
des Poissons.
J'altirerai votre attention sur les résultats que
pourraient fournir des matériaux ainsi récoltés : en
effet, ces lames, dont la préparation est, en somme,
aisée, permettent d’éludier simultanément l'histo-
logie proprement dite du sang, et son histoire pa-
rasitologique; or, vous n’ignorez pas quel intérêt
puissant est attaché en ce moment à l'étude des
hématozoaires, pour laquelle ce procédé fournit
des renseignements très salisfaisants.
Enfin, chez les animaux venimeux ou à sérum
toxique, il conviendrait de faire des prélèvements
de sang. Pour cela, il vous suffirait d’aspirer, dans
une pipette? de bactériologiste, préalablement stéri-
lisée, quelques centimètres cubes du sang du cœur
ou d'un gros vaisseau; naturellement, cette opéra-
lion devrait être effectuée sous le couvert d'une
asepsie soigneuse, d'ailleurs facile à réaliser au
moyen d’une tige métallique portée au rouge, et
utilisée comme cautère. Le sang serait rapporté
dans les pipettes, scellées à la lampe, séance
tenante ?.
$ 2. — Système nerveux.
En l'état actuel des connaissances, FHistologie
comparée du système nerveux constitue un
domaine de recherches extrêmement étendu, et on
peut légitimement fonder de sérieuses espérances
sur les études dirigées dans cette voie. Les neuro-
1 Il va de soi que, dans ce cas, tout lavage est inutile.
* Un simple tube de verre étiré aux deux extrémités, muni
ou non d'un tampon d'ouate, suffirait à la rigueur.
* Ce procédé est applicable également aux produits de
sécrétion; voyez plus loin,
ligations à un nombre peu étendu d'espèces
zoologiques; aussi, peut-on croire qu'il y aurait un
sérieux profit à examiner histologiquement les
systèmes nerveux de la plupart des groupes qui ne
sont pas représentés dans la faune européenne ;
l'étude des types primitifs ou aberrants (Marsu-
piaux, Monotrèmes, Dipneustes, etc.) semble
devoir être particulièrement fructueuse.
Pour les études névrologiques comparées, c'est
le névraxe qui doit surtout attirer votre attention;
il ne semble pas, en effet, que le prélèvement des
nerfs soit utile, mais je me garderai bien de toule
affirmation à cet égard,
En tout cas, voici ce qu'il conviendra de faire
dans la plupart des circonstances :
S'il s’agit d'un animal de la taille d'un lapin, vous
mettrez à nu le cerveau et la moelle; ensuite, au
moyen d'une lame mince bien affilée, vous débite-
rez l'encéphale en une série de coupes frontales
de 1 centimètre d'épaisseur, et vous inciserez la
moelle de centimètre en centimètre, en réser-
vant, toutefois, une petite portion de tissu afin
que les divers tronçons restent unis les uns aux
autres.
Sur les surfaces de section, vous prélèverez avec
le même couteau de minimes parcelles mesurant
au maximum 5 millimètres de largeur et 3 à 4 milli-
mètres d'épaisseur; vous plongerez ces dernières
dans dix fois leur volume d'alcool marquant au
moins 98°; elles y séjourneront jusqu'au retour.
Les fragments principaux seront plongés (et
rapportés) dans vingt fois leur volume d'une solu-
tion aqueuse de formaldéhyde à 10 °/,.
Ces procédés sont applicables aux plus grands
animaux; mais il est évident qu'on ne peu: songer
à rapporter le névraxe entier d’un gros Cétacé, d’un
grand Squale, d’un long Ophidien, etc... : dans ce
cas, on se résignera à ne prélever que le cerveau,
le bulbe et les renflements médullaires cervicaux
et lombaires.
En revanche, pour les êtres de la taille de la sou-
ris, il suffira d'extraire le névraxe et de le fixer
in loto,
Enfin, je vous rappellerai que la fixation par la
formaldéhyde est également applicable aux yeux
et à la plupart des organes sensoriels; mais, pour
assurer la pénétration du liquide à l'intérieur du
globe oculaire, il faut pratiquer une incision équa-
toriale.
$ 3. — Tissus en général.
J'ai déjà eu l’occasion d'insister sur la richesse
de la technique histologique moderne et sur la
nécessité de faire un choix parmi ses innombrables
méthodes.
Après mûre réflexion, je crois que vous Fouvez
AUGUSTE PETTIT — LES MATÉRIAUX DE L'HISTOLOGIE COMPARÉE
“vous borner aux trois réactifs suivants : ce sont
des agents fixateurs très suffisants, et, en outre, ils
ont l'avantage de répondre à la plupart des exi-
à -gences. Ces réactifs sont :
1° La solution aqueuse saturée de bichlorure de
- mercure;
… Je liquide de Bouin;
3° Le liquide de Lindsay.
…. Mais, avant de vous indiquer la préparation et
“le mode d'emploi de ces réactifs, je dois atlirer
“votre attention sur toute une série de précautions
“qu'il importe d'observer si l'on veut obtenir de
bonnes fixations.
Tout d’abord, les tissus destinés aux recherches
histologiques doivent élre prélevés sur des ani-
maux vivants ou qui viennent de mourir, et plon-
gés sans retard dans les mélanges fixateurs.
En second lieu, j'insisterai sur un point capi-
tal, presque toujours négligé d’ailleurs. La plupart
du temps, on entasse des fragments volumineux
dans un flacon de petite dimension, et on remplit
les interstices avec le mélange fixateur : au lieu
d'une fixalion, c'est-à-dire d’une coagulation rapide
du protoplasma, on n'obtient pas d'autre résultat,
en procédant ainsi, qu'une macératior fâcheuse des
“éléments tissulaires, qui deviennent, de cette facon,
impropres à toute étude histologique.
Pour obtenir une bonne fixation, il est indispen-
sable de plonger de très petits fragments dans une
“quantité considérable de réactif.
Je vous indiquerai, à propos de chacun des trois
réactifs précités, les dimensions maxima des
fragments; mais je dois, auparavant, vous donner
quelques renseignements sur le prélèvement des
pièces.
Lorsque le volume d'un organe ne dépasse pas
le maximum correspondant à un réactif donné, il
faudra simplement inciser les tissus avec un scalpel
bien aiguisé, en évitant soigneusement toute com-
pression, et plonger immédiatement la pièce dans
le mélange fixateur.
Dans le cas contraire, vous vous bornerez à rap-
porter des fragments d'organes, prélevés, je ne
crains pas de le répéter, avec une lame LUE affilée,
“en évilant toute malaxation.
Pour chacun des organes que vous jugerez bon
‘de récolter, vous devrez toujours pratiquer sinon
trois, au moins deux fixations.
“ Vous prélèverez, tout d'abord, des fragments
relativement volumineux, qui permettront d'obtenir
“des vues d'ensemble : ceux-ci seront fixés par le
sublimé. Ensuite, vous détacherez avec votre
“scalpel de minimes fragments, destinés aux
recherches plus délicates; vous plongerez ces der-
“miers dans une certaine quantité de liquide de
- Bouin et de liquide de Lindsay.
1° Bichlorure de mercure.
Solution aqueuse saturée de bichlorure de mercure.
Ajouter, au moment de s'en servir, à 0/0 d'acide acétique
glacial.
Les fragments destinés à être fixés par celte solu-
tion seront prélevés avec un couteau bien affilé et
mesurerontau maximum 15 millimètres de largeur
sur 3 à 4 d'épaisseur; ils seront plongés immédia-
tement après l'ablation dans vingt fois leur volume
de liquide et y séjourneront jusqu'à blanchisse-
ment (ce changement se produit en un laps de
temps variant de deux à six heures).
Au sortir de la solution bichlorurée, les pièces
seront directement transportées dans l'alcool à 70°,
où on les conservera, sans aucune autre manipula-
tion, jusqu'au retour.
Naturellement, dans le cas d'organes ou d'ani-
maux, dont les dimensions seraient inférieures aux
maxima sus-indiqués, la pièce pourrait être fixée
in loto, sauf le cas où une enveloppe résistante
(chitine, tissu conjonctif, elc.) s'opposerait à la pé-
nétration du liquide, ou la retarderait simplement;
il serait alors indispensable de pratiquer une inci-
sion‘,
2 Liquide de Bouin.
RormaldéRyude, EME MR NE A ae
Solution aqueuse saturée d’ acide picrique
‘Acide acétique cristallisable.
10 volumes,
30
N. B. — La solution s'altère au bout de quelques
sémaines.
Les pièces devront mesurer au maximum 10 mil-
limètres de largeur sur 3 d'épaisseur. Elles seront
plongées dans vingt fois leur volume de liquide
et y séjourneront de six à douze heures.
Au sortir du mélange de Bouin, elles seront plon-
gées dans l'alcool à 70°, où on les conservera jus-
qu'au retour.
3° Liquide de Lindsay.
Solution aqueuse de bichromate de potasse
ADD 0 au ee ee
Solution aqueuse de chlorure de platine à
1/0 ds
Solution aqueuse ® d'acide osmique * à 2 °/,.
Acide acétique cristallisable # , , . . . . .
70 volumes.
Ce mélange fournit des résultats remarquables,
mais à la condition que les pièces n'aient que des
dimensions extrêmement faibles : à millimètres
1 Cette précaution est particulièrement indiquée pour les
yeux, dont les tuniques résistantes empêchent la pénétra-
tion rapide des fixateurs.
? Toutes ces solutions doivent être faites dans l'eau distil-
lée, ou, à défaut, dans de l’eau de pluie très propre.
3 L'acide oswique se veud dans des tubes en verre scellés
à la lampe, par 1/2 et 1 gramme (7 francs le gramme envi-
ron); ce corps dégage des vapeurs, dont l'inhalation (en rai-
son des propriétés fixatrices) est dangereuse.
4 On peut remplacer l'acide acétique par une égale quan-
tité d'acide formique.
796
de largeur, sur 1 ou 2 d'épaisseur au maximum.
Les lissus sont plongés dans dix fois leur volume
de Lindsay pendant six à douze heures; puis, ils
sont lavés à l’eau courante (dans un nouet en tar-
latane) pendant le même laps de temps, et enfin
plongés dans l'alcool à 70°, où ils seront conservés
jusqu'au retour.
Je vous propose ces trois méthodes, parce que
leur combinaison, ainsi que je vous l'ai déjà indi-
qué, répond à la plupart des besoins (Tableau I).
D'autre part, il est tout à fait illusoire de se fier
aveuglément aux images fournies par une méthode
unique; en effet, el c'est là une notion fondamen-
tale, tous les réactifs, même les meilleurs, modi-
tient, plus ou moins, la structure du protoplasma ;
il est, par conséquent, indispensable de contrôler
Tagceau I. — Schéma
AUGUSTE PETTIT — LES MATÉRIAUX DE L'HISTOLOGIE COMPARÉE L
En terminant, vous me permettrez d'insister,
encore une fois, sur l'intérêt que présenteraient des
matériaux récoltés dans les conditions que je viens :
de vous indiquer.
Le champ d'investigation de l'Histologie a tou-
jours été extrèmement restreint et c'est pres-
que invariablement aux mêmes animaux qu'on s'est
adressé pour chercher la solulion des problèmes
les plus importants de l’Analomie générale. L'étude
des innombrables formes animales qui peuplent le
Globe est cependant pleine d'enseignements, et les
trop rares travaux d'Histologie comparée, publiés
actuellement, ont mis en évidence l'impérieuse né-
cessité de s'écarter de l'étroit sentier servilement
suivi jusqu'à ce jour par les médecins et les natu-
ralistes, pour lesquels l'hôpitaletl’abaltoirsemblent
des manipulations.
TISSUS FIXATION
NOMBRE DE VOLUMES
de
liquide fixateur pour un volume
de tissu.
DIMENSIONS DES PIÈCES
exprimées en millimètres
— .
Épaisseur
Largeur
(Recueillir sur un porte-objet
une goutte de sang; étaler,
Tissus nerveux et organes sen-\
SORIEIS NE Ra NT LR LUE
AICODI A bSOLEE
sécher, chauffer légèrement.
Solution de formaldéhyde . .|
celle de
l'organe entier
ù
Solution de bichlorure .
Tissus*en général . . - : . ‘Liquide de Bouin . . -
| Liquide de Lindsay .
10
Rapporter les préparations de s
seusoriels dans les liquides fixateurs;
æ dans des boîtes en bois ou métalliques à l'abri de l'humidité ; les tissus nerveux et les organes
les autres tissus dans dix fois leur volume d'alcool à 70°.
les résultats obtenus avec une solution fixatrice par
l'emploi d'autres mélanges de composilion et d’ac-
lion différentes. Cette simple remarque suffit pour
réndre indiscutable la nécessité des méthodes con-
vergentes.
Lors, donc, que vous vous .proposerez de rappor-
ter des matériaux histologiques, pour chaque sujet
d'étude, vous ferez, en premier lieu, des fixations
au sublimé de pièces assez volumineuses; ces der-
uières seront précieuses pour l'obtention des
coupes d'ensemble ; puis, pour l'étude appro-
fondie des éléments, vous prélèverez de petits et de
minuscules fragments que vous plongerez dans les
liquides de Bouin et de Lindsay. Et, comme il faut
toujours prévoir les innombrables difficultés qui
surgissent presque toujours en voyage, àlarigueur,
dans les cas de nécessité, vous pourrez vous borner
à l'emploi des deux réactifs dont l'emploi est le
plus simple : la solution bichlorurée, et le liquide
de Bouin !.
1 L'étiquetage des pièces destinées aux études histologiques
peut être réalisé à peu de frais ; il suffit de plonger avec les
résumer l’ensemble de la création. Les types zoolo-
giques qui n'ont pas d'analogues à proximité de
nos laboratoires, ceux qui représentent des formes
aberrantes ou primitives, constituent des matériaux
incomparablement fructueux. Vous seuls, Mes-
sieurs, êtes en mesure de recueillir de tels sujets
d'étude, et c'est précisément pour vous engager
dans cette voie inexplorée, que mon cher et émi-
nent Maître, le Professeur H. Filhol, m'a chargé de
faire devant vous cette Conférence; malgré l’aridité
du sujet, vous avez bien voulu m'écouter avec une
attention et une bienveillance dont je vous suis
sincèrement reconnaissant. Auguste Pettit,
Docteur ès Sciences et en Médecine,
Attaché à la Chaire d'Anatomie comparéé M
du Muséum.
pièces, à même le liquide, un morceau de papier fort sur
lequel sont écrites au crayon Conté les indications relatives
à l'organe et à l'animal. Dans le cas où des objets d'origines
diverses devraient être réunis dans le même récipient, il.
suffirait d'envelopper chaque lot, avec l'étiquette correspon=
dante, dans un nouet de tarlatane ; ce procédé rend des ser-
vices dans le cas où l'on désire rassembler, dans un ou deux
bocaux, toutes les collections faites au cours d'un voyage €t
traitées suivant une même méthode.
LÉON FREDERICQ — REVUE ANNUELLE DE PHYSIOLOGIE
197
REVUE ANNUELLE DE PHYSIOLOGIE
I. — GÉNÉRALITÉS.
1. Bibliographie. — Parmi les publicalions nou-
velles, nous signalerons :
Deux traités de technique physiologique :
Dugois et Couvreur : Leçons de Physiologie expé-
.rimentale, Paris, 1900; et W.-T. Porter: An intro-
… ductory to Physislogy, Cambridge, Mass, 1901 ;
La première partie du Tome V du Lictionnaire
de Physiologie de Cu. Ricuer;
Le volume I du grand Traité de Physique biolo-
-giqie, publié sous la direction de MM. d'ARSONVAL,
CHaAuUvEAU, GARIEL, MAREY et WEIss;
Le volume II du grand Zexthook of Physiology,
publié, sous la direclion de E.-A. SCuAFER, par une
. réunion de physiologistes anglais ;
Deux monographies allemandes, consacrées, l’une
à la chimie des matières albuminoïdes, l’autre à
l'étude des ferments :
Orro Counneim : Die Chemie der Eiweisskôrper,
_Braunschweiz, 1900 ;
OrPPenueIner : Die Fermente und ihre Wirkun-
gen, Leipzig; 1900. 350 pages;
La traduction française (HÉpox) de la Physiologie
générale de VERWORN, Paris, 1900, 664 pages ;
Enfin :
Un volume de Aicerche di Fisiologia e Scienze
alfini, dédié au professeur Lucranr, Roma, 1900; et
les £ssais de Philosophie et d'Histoire de la Bio-
logie d'E. GLey, Paris, 1900.
2. Commission internationale de Contrôle des
instruments enregistreurs et d'Unilicalion des mé-
thodes en Physiologie. — Lors de la quatrième ses-
sion du Congrès international de Physiologie réuni
à Cambridge en août 1898, M. Marey a insisté sur
la confusion qui s’est introduite par l'emploi de la
-méthode graphique en Physiologie, el sur la néces-
sité qui s'impose d'établir une entente parmi les
physiologistes pour faire donner à leurs instru-
ments enregistreurs des indications fidèles et pour
rendre comparables entre elles les courbes oble-
nues.
« La méthode graphique, disait-il, semblait
devoir constituer entre les physiologistes une sorte
de langue universelle éminemment favorable aux
progrès de notre science. Elle devait exprimer les
phénomènes d'une manière simple et toujours uni-
forme, afin d'en rendre la comparaison facile.
« Or, il est arrivé que les différents auteurs ne
s'étant pas concerlés pour le choix d'une échelle
commune servant à évaluer les durées et les inten-
sités des phénomènes, les divers tracés physiolo-
giques sont difficilement comparables entre eux.
« Bien plus, la construction de certains instru-
ments n'étant soumise à aucun contrôle, il s'ensuit
que plusieurs d’entre eux donnent des courbes
défectueuses.
« La Science s'encombre ainsi de travaux non
seulement inutiles, mais nuisibles, car ils soulèvent
des discussions stériles et mettent parfois en
doute les faits acquis.
« Il appartiendrait à une Commission internatio-
nale d'établir une échelle commune pour l'expres-
sion graphique des phénomènes physiologiques, de
faire construire des types aussi parfails que pos-
sible pour les instruments usuels, tels que mano-
mètres, myographes, sphygmographes, ete.; enfin
d'établir une sorte de Zureau de contrôle des ins-
truments existants, afin d'en évaluer le plus ou
moins de précision.
« Pour d’autres sciences, des commissions ana-
logues ont réalisé d'immenses progrès. En entrant
dans la mème voie, la Physiologie se mettra au
niveau des sciences les plus précises! ».
La proposition de M. Marey fut adoplée à l'unani-
mité le 26 août 1898, dans une séance plénière du
Congrès de Cambridge. Voici le texte des résolu-
lions votées :
« 4. Il est créé une Commission internationale
pour l'étude des moyens de rendre comparables
entre eux les divers inscripteurs physiologiques et
d'une facon générale d'uniformiser les méthodes
employées en Physiologie.
«2. Cette Commission estformée deMM.Bowdilch,
Foster, von Frey, Hürthle, Kronecker, Marey, Mis-
lawsky, Mosso et Weiss.
« 3. Chacun des commisstuires dans le pays qu'il
représente recueillera les avis de ses collègues et
ceux des physiciens les plus compétents. Il se tien-
dra en relations avec M. Marey.
« 4. Enfin, tous les commissaires se réuniront
en septembre 1900, à la Station physiologique de
Paris, où seront centralisés et discutés les résultats
obtenus. »
La Commission ainsi constituée nomma M. Ma-
rey président, M. Kronecker vice-président et
M. Weiss secrétaire.
L'un des vœux de la Commission était de voir
créer pour ses travaux un élablissement central où
l'on, pût soumettre à un contrôle rigoureux les
1 Leonaro Hire : An ace. of the pruc. of the fourth intern.
physiolog. Congress held at Cambridge, Aug. 23-26, 1898,
Journ. of Physiol., t. XXII, suppl., p. 6.
798
divers instruments usilés en Physiologie et déter-
miner pour chacun d'eux son degré de précision et
les limites dans lesquelles on peut considérer ses
indications comme exactes. Le rôle d’un tel établis-
sement serait tout à fait analogue à celui du Pavil-
lon de Breteuil pour la Commission internationale
du Métre, où à celui du PAysikalische-technisehe
Reichsanstall de Charlottenburg et à d'autres créa-
tions similaires faites en différents pays.
L'Etat français, comprenant l'utilité d'un sem-
blable bureau de contrôle pour les instruments de
Physiologie, à fait les frais d'un laboratoire qui
pourra se développer suivant les besoins ultérieurs.
La construction des nouveaux bâtiments, à la Sta-
tion physiologique, sur un terrain concédé par la
Ville de Paris, fut poussée activement, de sorte
‘que la Commission put s'y installer lors de ses
réunions de septembre 1900 et d'avril 4901.
Déjà, quelque temps avant la première de ces
réunions, une série d'appareils enregistreurs
avaient élé envoyés de divers pays dans le nouveau
bâtiment de la Station physiologique. La Commis-
sion a été frappée de la remarquable exécution de
certains appareils enregistreurs; elle a constaté le
nombre et la variété des organes employés pour
explorer, transmettre et inscrire divers phéno-
mènes physiologiques ; et elle a pensé que de lon-
gues études techniques devaient s'ajouter encore à
celles qui ont élé déjà faites. Pour ce complément
de recherches, elle a nommé des sous-commissions
permanentes chargées de les poursuivre, soit à la
Station physiologique, soit dans d’autres labora-
toires. Les résultats de ces études seront soumis au
Congrès international de Physiologie dans ses
réunions triennales.
Entre temps s'était conslituée, comme l’on sait,
une Association internationale des Académies,
ayant pour but « de préparer ou de promouvoir
des travaux scientifiques d'intérêt général, qui
seront proposés par une des Académies qui en font
partie, et, d'une manière générale, de faciliter les
rapports scientifiques entre les pays » (Art. 3 des
statuts).
Présentée par l’Académie des Sciences de Paris à
l'Association des Académies, la Commission inter-
ualionale de Contrôle des appareils enregistreurs
et d'Unilicalion des méthodes en Physiologie y fut
favorablement accueillie et placée sous le haut
patronage de cette Association. Il fut décidé que les
différentes Académies faisant partie de l’Asso-
ciation seraient invilées à se faire représenter au
sein de la Commission internationale. C'est ainsi
que trois nouveaux membres ont été adjoints à la
Commission : MM. Chauveau et Cornu, par l'Aca-
démie des Sciences de Paris et M. Léon Fredericq
par l'Académie Royale de Belgique.
F e
LEON FREDERICQ — REVUE ANNUELLE DE PHYSIOLOGIE
Les premières recherches de la Commission lui
ont permis de formuler certains principes généraux
dont l'admission par les physiologistes remédierait M
déjà en grande partie aux désaccords constatés dans
l'emploi des appareils enregistreurs. Ces principes
seront soumis, sous forme de vœux, au Congrès de
Physiologie qui se tiendra à Turin du 17 au 21 sep-
tembre de cette année.
IT. — Sac.
1. Constitution des globules rouges. — Le sang
se compose, comme l’on sait, d'une partie liquide,
incolore ou peu colorée, le plasma, dans laquelle
nagent les éléments figurés, dont les plus impor-
tants sont les globules rouges. Ces globules doi-
vent leur coloration à l'hémoglobine dont ils
sont imprégnés. Pourquoi cette hémoglobine ne
diffuse-t-elle pas dans le plasma, dans lequel elle
est extrèmement soluble? Il n’y a pas longtemps
encore, les physiologistes étaient à peu près una-
nimes pour donner de ce fait une explication
chimique et pour admettre que l'hémoglobine est
retenue dans le stroma globulaire par une affi-
nité chimique spéciale. Les agents tels que l’eau
distillée, l’éther, les sels biliaires etc., qui dissol-
vent l’hémoglobine et la font passer en solution,
étaient censés libérer cette substance en décom-
posant la combinaison qu’elle forme avec le
stroma..
Ce sont principalement les recherches de Ham-
burger, sur l’action exercée par les solutions
salines isotoniques sur les globules rouges, qui
ont été le point de départ d’une conception nou-
velle de la constitulion de ces éléments *.
Hamburger a montré que l’action dissolvante ou
altérante que les solutions salines très diluées, ou
l’eau distillée, exercent sur les globules rouges,
dépend bien plus des propriétés osmotiques, c'est-
à-dire purement physiques de ces solutions, que
de la nalure chimique des corps dissous. Si
certaines solutions ratatinent les globules, si d’au-
tres les font gonfler, si d’autres enfin les dissol-
vent, cela dépend uniquement de la valeur de la
tension osmolique de ces solutions. Le globule
sanguin se comporte comme s'il était formé d'une
enveloppe semi-perméable (c'est-à-dire se laissant
traverser par l'eau, mais non par les sels) et d'un
contenu liquide tenant l'hémoglobine en solution.
Les solutions isotoniques ne changent rien à son
volume; les solutions hypertoniques lui enlèvent
de l'eau et le ratatinent par conséquent; les solu-
tions modérément hypotoniques lui cédent au
contraire de l’eau et le font gonfler jusqu'à établis-
4 Voir Revue générale des Sciences, t. IV, 1893, p. 35.
1 LÉON FREDERICQ — REVUE ANNUELLE DE PHYSIOLOGIE
199
sement de l'équilibre osmotique avec la solution.
“ Si le gonflement dépasse la limite d'extensibilité
de l'enveloppe du globule, celle-ci crève ou tout
au moins est altérée et la solution d'hémoglobine
se répand à l'extérieur.
La dissolution du globule pour chaque espèce de
sang se fait, en effet, à un degré de pression osmo-
lique ou de dilution moléculaire tout à fait typique
et indépendant de la nature chimique du sel
dissous.
Un des côtés faibles de cette théorie, c'est qu'au
point de vue histologique, le globule rouge ne
paraît pas du tout formé par un liquide coloré,
renfermé dansune vésicule à paroisemi-perméable.
On peut, il est vrai, se tirer d'affaire en admettant
que le liquide rouge est contenu dans une multi-
tude de vacuoles, entre les mailles d’un réticulum
de stroma à surface semi-perméable.
Un travail récent de Meltzer ! me paraît confirmer
la nouvelle théorie. Mellzer a constaté que l'agi-
tation mécanique des globules, surtout si elle a
lieu au contact de corps durs, anguleux, les rédui-
sait en menus fragments et finalement en une
- espèce de poussière ténue. Or, cette division pure-
ment mécanique du globule a toujours pour effet
de faire passer l'hémoglobine eu solution.
On sait l'importance considérable qu'ont prise en
+ Physiologie les notions d'isotonie, de concentra-
tion moléculaire, etc., notions basées, comme on le
sait, sur les nouvelles conceptions concernant la
nature des solutions.
» Les nombreux travaux exécutés dans cette
direction pendant ces dernières années ont été
analysés récemment dans cette Revue par M. Nolf.
Je puis done me dispenser d'y revenir ici et
renvoyer aux deux articles très documentés : La
pression osmotique en Physiologie : Première
partie : Sang et Lymphe; Deuxième partie :
Absorption intestinale et Sécrétions glandulaires,
publiés dans la Revue”,
9, Sang des Singes anthropomorphes. — On sait
- que le sérum du sang d'un animal jouit de pro-
- priétés globulicides vis-à-vis des hématies appar-
tenant à une autre espèce animale.
. Le sérum du sang de chien, de porc, de mouton,
. de cheval, de lapin, etce., dissout les globules rouges
du sang de l'homme; et, réciproquement, le
. sérum du sang de l'homme détruit les globules du
sang de chien, de mouton, de lapin, ele. Cette
propriété globulicide du sérum explique les
accidents graves qui surviennent, quand on pra-
- tique, chez l'homme ou chez l'animal, la trans-
1 Johns Hopkins Hospital Reports, t. IX, 135.
? Revue générale des Sciences du 30 mai 1901, p. 459 et
du 15 juin, p. 535.
fusion au moyen de sang appartenant à une autre
espèce, d'où l'impossibilité d'utiliser le sang
des animaux comme matériel de transfusion chez
l'homme dans un but thérapeutique. Les globules
du sang étranger sont décolorés : l'hémoglobine
passe en solution dans le sang et peul être éliminée
par les urines, les stromas globulaires s’agglutinent
et peuvent venir obstruer les vaisseaux ou consti-
tuer le point de départ de coagulations intravas-
culaires.
Il n'y a d'exception à cette règle que si l'on
s'adresse à des espèces animales très voisines; le
sang du lièvre n'exerce pas d'action nuisible sur
celui du lapin et réciproquement. De même, le
sang de rat n'altère pas celui de souris. On peut
de même mélanger le sang ou pratiquer impuné-
ment la tranfusion de l'âne au cheval, du chien
au renard ou au loup, du chat au jaguar.
L'examen de l’action réciproque qu'exerce le
sang de deux espèces animales constitue donc un
élément permettant de délerminer les affinités
zoologiques des deux animaux. Hans Friedenthal *
a appliqué cette méthode au sang de différentes
espèces de singes sur lequel il a fait agir du sang
humain. Il a constaté que le sang de l’homme atta-
quait les globules sanguins d’un grand nombre
de singes appartenant aux groupes des Zému-
riens, des Platyrhiniens et des Catarrhiniens.
Parmi ces derniers, le sang de Macacus se mon-
tra dans certains cas réfractaire à l’action des-
tructive du sérum sanguin emprunté à cerlaines
personnes.
Seul, le sang des singes anthropomorphes :
Gibbon, Orang-outang, Chimpanzé, peut êlre mé-
langé avec le sang humain, sans qu'il se produise
la moindre altération des globules. La transfusion
du sang humain au Chimpanzé put être faite sans
aucune suite fâcheuse. Le sang de Chimpanzé se
comporte ici comme le ferait du sang de nègre.
L'examen des propriélés du sang vient donc con-
firmer ce que nous savions sur l'étroite parenté
zoologique de l'homme et des singes anthropo-
morphes, parenté altestée par les données anato-
miques et embryologiques. Les affinités sont si
grandes que Selenka avait proposé de séparer les
singes anthropomorphes des Catarrhiniens et d'en
former un groupe de Primates comprenant éga-
lement l'espèce humaine.
3. Vaccination au moyen de sang étranger. —
Les propriétés globulicides dont il vient d'être
question s'exercent vis-à-vis de toute espèce de
sang étranger : elles n'ont rien de spécifique. Elles
sont dues à la présence, dans le plasma sanguin, de
1 Arch. {. Physiol., 1900, p. 494.
800
LÉON FREDERICQ — REVUE
ANNUELLE DE PHYSIOLOGIE
substances (les alexines), qu'un chauffage à 56°
suffit à détruire.
Mais il est possible de provoquer artificiellement,
dans le sang d'un animal À, l'apparition de pro-
priétés globulicides ou destructives spécifiques,
c’est-à-dire ne s'exercant que vis-à-vis du sang
d'une autre espèce déterminée B, etque le chauffage
à 56° ne supprimera plus. Ces propriétés dépendent
de la formation, dans le séram de A, de Corps
nouveaux (an{icorps), corps qu'il ne faut pasconfon-
dre avec les a/exines. On arrive à ce résultat en
praliquant chez l'animal de l'espèce À un certain
nombre d'injections de petites quantités de sang
de l'espèce B. Un exemple coneret fera mieux
comprendre ce dont il s'agit.
Dans les conditions ordinaires, le sérum de lapin
(animal A) n’a qu'une action globulicide modérée
sur le sang de la poule (animal B), action qu'un
chauffage à 56° supprime d'ailleurs. Mais, si l’on
injecte à l'animal A (lapin), pendant plusieurs
jours de suite, quelques centimètres cubes de sang
de poule (animal B), le sérum du lapin acquiert une
série de propriétés nouvelles destructives vis-à-vis
du sang de poule. Ce sérum attaque et dissout éner-
giquement les globules du sang de poule; il les
agglutine, c'est-à-dire qu'il provoque l'adhérence
des stromas globulaires les uns aux autres; enfin
il amène la formation d'un précipité albuminoïde
dans le sérum de sang de poule, alors que, dans
les conditions ordinaires, le mélange des sérums
de lapin et de poule reste parfaitement liquide.
Ces faits, découverts par Bordet (Ann. Instil.
Pasteur, 1899), ont été confirmés par d'autres expé-
rimentateurs : Ehrlich et Morgenroth, v. Dungern,
Landsteiner, Nolf.
Nolf” a repris ces expériences et a réussi à dé-
montrer que les trois propriétés nouvelles, pré-
cipitante, agglutinarte et hémolytique (globulicide),
qui apparaissent dans le sérum du lapin sous l’in-
fluence d'injection de sang de poule, sont provo-
quées chacune par l’action d'un élément différent
appartenant au sang de poule. On peut faire apparai-
tre isolément la propriété précipitante dans le sérum
de lapin, en lui injectant simplement du sérum de
poule, les globules du sang de poule ne prenant
aucune part au phénomène. De plus, dans le sérum
de l'animal À, c'est la globuline (c'est-à-dire la
partie des albuminoïdes précipitable par le sulfate
de magnésium) qui constitue l'élément actif, dont
l'injection chez l'animal B fait apparaître la pro-
priélé précipilante. Le précipité que le sérum de
l'animal À vacciné au sang de B fait apparaitre
dans le sérum de B, est lui-même, d’ailleurs, de la
globuline. Quant aux propriétés glohulicides et
? Annales de l'Institut Pasteur, 1900, p. 297.
agglutinantes, elles apparaissent dans le sang du
lapin après injection de globules du sang de poule,
et non après injection de sérum de poule. Ici aussi
on peut pousser l'analyse plus loin.
En résumé, chaque substance (albuminoïde ?)
empruntée au sang de B el injectée à A, provoque
chez A la formation d'un corps nouveau, qui jouit
d’une action spécifique altérante, s'exercant préci-
sément sur la même substance du sang de B.
Il y a là une série de faits rappelant la formation
des antitoxines, sous l'influence des injections vac-
cinantes de toxines, ou celle des antienzymes après
injection d’enzymes, faits qui occupent une place
si importante en Bactériologie.
Dans le même ordre d'idées, Uhlenhut‘' et
Schütze ont constaté que, si l'on injecte du lait de
vache à un animal, son sérum acquiert la propriété
de précipiter seulement les albuminoïdes du lait de
vache. La précipitation se produit encore avec
quelques goultes de sérum dilué au 1/100.000.
Aucune autre réaclion chimique des albuminoïdes
n'a une pareille sensibilité. Si, au lieu de lait de
vache, oninjecle du lait de femme, on observe la
même aclion spécifique s'exercant vis-à-vis de l’al-
bumine du lait de femme.
Leclairché et Vallée constatent que le sérum de
lapin auquel on a injecté de l'urine humaine albu-
mineuse acquiert la propriété spécifique de préci-
piler exclusivement cette albumine, à tel point
qu'il peut lui servir de réactif.
Chaque substance albuminoïde injeclée au lapin
développe ainsi la propriété, dans le sérum de lapin,
de précipiter celte substance, à l'exclusion de
toules les autres.
Uhlenhut * d’une part, Wasserman et Schütze * de
l'autre, ont proposé d'uliliser ces propriétés spéei-
fiques pour le diagnostic des taches de sang en
Médecine légale. Le sérum d’un lapin auquel on a
injecté au préalable du sang humain, peut ullé-
rieurement servir de réactif vis-à-vis du sang hu-
main qu'il précipite à l'exclusion de tous les autres.
Nous serions enfin dotés d'un moyen pratique et
infaillible de reconnaitre si une lache de sang est
d'origine humaine ou si c'est une vulgaire tache de
sang d'animal. On sait l'importance capitale de
ce problème en Médecine légale.
4. Coagulation du sang. — À la liste déjà assez
longue des substances dont l'injection supprime
la coagulation du sang, il faut, d'après L. Camus
et P. Lequeux, ajouter l'extrait aqueux de ver de
terre * qui jouit, comme l'exlrait de sangsue, de
! Deutsche med. Wochens., 1900, p. 734.
? Deuts. med. Wochens., 11 janv. 1901, p. 82.
* Berlin klin. Wochens., 18 fév. 1904.
‘ C. R, Soc. Biol., 1900, p. 690.
TRE re RQ É EL Gags per. De me 2
Sms
' LEON FREDERICQ — REVUE
ANNUELLE DE PHYSIOLOGIE
S01
propriétés anticoagulantes énergiques. Comme
pour la peplone, il est nécessaire que l’on injecte
extrait de ver de terre dans le torrent circulatoire
“le l'animal vivant. La substance n'agit qu'in vivo.
Ajoutée à du sang liré du vaisseau, elle est sans
action ; l'extrait de sangsue au contraire agit in
“itro comme 12 ViVO.
5. Présence de Tiode dans le sang normal.
«E. Gley et P. Bourcet ‘ constatent, au moyen de
Ja inéthode de Rabourdin-Nicloux, modifiée par
Bourcet, la présence constante de l’iode (1/80 à 1/9
de milligramme par litre de sang) dans le plasma
Sanguin. L'iode parait combiné à l'albumine ou à
Ja nucléine.
- Armand Gautier a pareillement constaté la pré-
sence normale de petites quantités d'arsenie dans
différents tissus de l’homme et des animaux :
glande thyroïde, thymus, mamelles, peau, 05°.
G. Quantité totale de sang. — On admet générale-
“ment que le corps de l'homme et des mammifères
contient une quantité de sang qui correspond envi-
on au treizième du poids du corps, de sorte qu'un
homme de 70 kilos aurait un peu plus de 5 kilos
“de sang. Ces 5 kilos de sang contiendraient environ
100 grammes d'hémoglobine, représentant un peu
lus de deux grammes de fer.
Toutes ces valeurs seraient trop fortes d'après
*J. Haldane et J. Lorrain Smith *.
Gréhant et Quinquand avaientautrefois déterminé
a quantité de sang lotale chez le chien, par la mé-
thode de l’oxyde de carbone : respiration dans un
mélange titré d'oxyde de carbone et d'air, et dosage
de l'oxxde de carbone fixé dans le sang. Les phy-
siologistes anglais ont modifié le procédé d'une
façon ingénieuse pour l'appliquer à l'homme.
. 14 analyses, faites sur 11 sujets différents, ont
donné comme rapport entre le poids du sang et le
— avec
poids total, des chiffres variant de si à 16
90
1 Rae
une moyenne de Tr? valeur très inférieure, comme
On voit, à la valeur cl
1
13"
1. Hémocyanine. — Chez un grand nombre d'In-
vertébrés, notamment les Mollusques Céphalopo-
- des (poulpe, seiche) et Gastéropodes (escargot) et
“les Crustacés (langouste, homard, écrevisse), la
fonction respiratoire du sang paraît remplie par
ACCRA TC CXXN: p. 1121.
# ? À. Gaurier : L'existence normale et le rôle de l’Arsenic
+ les Animaux, dans la Revue générale des Sciences du
15 mars 1901, p. 207 et suiv.
a * Journ. of Physiol., t. XXV, 1900, p. 331.
une matière colorante bleue, cuprifère, l'hémocya-
nine, dont l'histoire physiologique et chimique
serait calquée sur celle de l'hémoglobine. L'hémo-
cyanine incolore se combine dans l'organe respi-
ratoire du Crustacé, du Mollusque, avec l'oxygène
pour former une combinaison bleue, instable, l'oxy-
hémocyanine. Cette combinaison, transportée dans
le torrent de la circulation, s’y dissocie en hémo-
cyanine réduite et en oxygène qui sert à la respi-
ration des tissus.
Le cuivre joue dans le sang de ces animaux le
même rôle que le fer de notre sang. Ces fails
avaient été mis en doute par Kruckenberg et, plus
récemment, par Heim !. Heim avait nié l'existence
du cuivre dans le sang des Crustacés décapodes et
insisté avec raison sur les causes mulliples d'intro-
duction accidentelle -du cuivre, qui avaient pu
induire en erreur plusieurs chimistes. La théorie
de l'hémocyanine cuprique, si intéressante au point
de vue de la Physiologie générale, demandait donc
une revision. C'est travail qu'a entrepris
Ch. Dhéré ?. Il a constaté la présence du cuivre en
quantité notable (maximum : 23,5 milligrammes de
cuivre pour 100 centimètres cubes de sang chez le
poulpe; minimum : 4 milligrammes pour 100 eenti-
mètres cubes de sang chez l'écrevisse) dans le sang
des Mollusques et des Crustacés. Il a constaté aussi
que la capacité respiraloire de ce sang (mesurée
par la quantité maximum d'oxygène absorbable) est
supérieure à celle de l'eau et.en rapport avec sa
teneur en cuivre.
Phisalix ?, Guénot et Couvreur * ont constalé des
faits analogues en ce qui concerne le sang de l’es-
cargot.
L'hémocyanine se trouve ainsi réintrégrée dans
la catégorie des protéides métallifères, jouant dans
la respiration des Invertébrés le même rôle que
l'hémoglobine des animaux supérieurs (et de
quelques Invertébrés).
ce
JIT. — CIRCULATION.
4. L'intersystole du cœur. — Chauveau* a repris.
dans ces dernières années, l’élude du mécanisme
de la pulsation cardiaque chez le cheval, en partie
au moyen d'appareils nouveaux.
J'ai mentionné, dans ma Revue de l’année der-
nière, ses inscripteurs à transmission électrique
permetlant de déterminer exactement les moments
tant d’occlusion que d'ouverture des valvules
1 Etude sur le sang des Crustacés décapodes. Thèse. Pa-
ris, 1892.
C. R. Soc. Biol., 1900, p. 458.
C. R. Soc. Biol., 1900, p. 729.
C. R. Soc. Biol., 1900, p. 395.
Physiol. et Path. gén., 1900, p.125.
a æ 2
802 LÉON FREDERICQ — REVUE
ANNUELLE DE PHYSIOLOGIE
artérielles, ainsi que des valvules auriculo-ventri-
culaires.
Chauveau a utilisé également un procédé d'enre-
gistrement des déplacements du plancher aortique.
Un résultat très important de ces nouvelles re-
cherches, c’est la distinction, dans le cycle d’une
pulsation cardiaque, d’une période intersystolique,
s'intercalant entre la fin de la systole auriculaire
et le début de la systole ventriculaire qui lui fait
suite. Chauveau a constaté, sur tous les graphiques
recueillis chez le cheval, que la chute de la courbe
qui marque la fin de la systole auriculaire est tou-
jours séparée de l'ascension initiale de la courbe
de systole ventriculaire par un intervalle très
appréciable. On constate, pendant cet intervalle,
une pulsalion brève pouvant se traduire à l’exté-
rieur, dans le tracé du choc du cœur, par une ondu-
lation positive, se marquant également à l'intérieur
par un accroissement brusque de la pression
intra-ventriculaire (ondulation positive du tracé de
pression ventriculaire). Cette pulsation positive
serait due à une contraclion active des muscles
papillaires, dont l'entrée en jeu précéderait done la
contraction des parois ventriculaires proprement
dites.
L'intersystole est caractérisée également par un
soulèvement fugitif du plancher formé, à l'orifice
aortique, par les valvules sigmoïdes abaissées,
avec où sans oscillations concomitantes de la pres-
sion intra-aortique.
2. Vaso-moteurs du cerveau. — La tunique
musculaire des vaisseaux, spécialement des vais-
seaux artériels, est innervée, comme.on le sait,
par deux catégories de nerfs vaso-moteurs : les
vaso-constricleurs, qui président au resserrement
des vaisseaux ; les vaso-dilatateurs, qui provoquent
leur relâchement.
L'état des vaisseaux dans chaque territoire vas-
culaire est, à chaque instant, la résultante du conflit
local d'innervation entre les vaso-constricteurs et
les vaso-dilalateurs.
Un certain nombre de physiologistes admettent
que les‘vaisseaux des centres nerveux font excep-
tion à la règle et ne reçoivent pas de nerfs vaso-
moteurs. Les dilatations ou constrictions que l'on
observe si souvent sur les vaisseaux cérébraux à
la suite de la section ou de l'excitation de tel ou
tel nerf périphérique, seraient dues non à une
intervention directe de nerfs affectés à l’innerva-
tion des vaisseaux cérébraux, mais ne seraient que
le retentissement passif de changements provoqués
activement dans d’autres départements vasculaires.
C'est ainsi que la constriction des vaisseaux céré-
braux qui se montre lorsqu'on provoque la dilata-
tion d’autres territoires, notamment de celui de la
peau, serait un effet purement mécanique de la
diminution de pression.
Cohnstein ! a abordé le problème du côté anato=
mique. L'examen histologique le plus minulieux
des vaisseaux des centres nerveux, exécuté au
moyen de méthodes variées, ne lui a permis, dans
aucun cas, de conclure à la présence d'éléments
nerveux.
3. Mécanismes régulateurs de la pression san-
quine. — La valeur moyenne de la pression arté-m
rielle présente, en général, une remarquable
constance. |
Les causes qui, à première vue, semblent de
nature à amener une altération complète de cette
valeur moyenne, telles qu'une saignée ou une {rans-
fusion abondante, ne la modifient en général que
d'une façon tout à fait passagère. C'est qu'il existe
dans l'organisme une série de mécanismes régula-
teurs qui entrent en jeu pour contrebalancer les
influences perturbatrices. L'un de ces mécanismes
est constitué par l'appareil nerveux modérateur du
cœur. Chaque fois que la pression tend à baisser,
le cœur précipite ses battements et rétablit par un
supplément de travail actif l'équilibre de pression.
Toute hausse de pression provoque, au contraire,
une diminution de l’activité du cœur, un ralentis-
sement de ses battements, d'où également retour à
la pression primitive. Le centre nerveux qui inter-
vient ici est situé dans la moelle allongée et
exerce son action modératrice sur le cœur par des
fibres nerveuses qui suivent le trajet du nerf
preumogastrique. L’excitalion de ces fibres ou du
centre de la moelle allongée ralentit les battements
du cœur; la suppression ou la paralysie soit de
ces fibres, soit du centre de la moelle allongée
émancipe le cœur de cette action frénatrice, d'où
une accélération des pulsations du cœur,
On admettait généralement, avec Bernstein, un
mécanisme assez simple pour cette autorégulation
de la pression artérielle : toute augmentation de
pression artérielle agit localement au niveau de la
moelle allongée pour comprimer les cellules du
centre modérateur, d’où excitation de ce centre,
renforcement de l’action frénatrice, ralentissement «
du cœur et tendance à la chute de pression. Par
contre, toute diminution de pression artérielle
amène une diminution de l'excitation tonique du
centre modérateur de la moelle allongée, d'où,
diminution de l’action frénatrice, c'est-à-dire accé-
lération des pulsations cardiaques et relèvement
de la pression sanguine.
Les recherches récentes de E. de Cyon‘surl'hypo-.
1 Arch. 1. mixr. An.,t. LV, p. 516.
# Arch. £. d. ges. Physiol., 1900, t. LXXX, p. 267.
LÉON FREDERICQ — REVUE ANNUELLE DE PHYSIOLOGIE
803
simple, L'hypophyse du cerveau est, comme on le
sait, un organe peu volumineux, faisant saillie à la
“base du cerveau, dans le voisinage de l'origine
elle turcique du cràne.
Cet organe avait été rangé avec le thymus, les
capsules surrénales, le corps thyroïde, etc., dans
écatégorie hybride des glandes vasculaires. On a
plaisamment de cette catégorie d'organes qu'ils
mavaient qu'un seul point commun, c'était l'insuf-
fisance de nos connaissances au sujet de leurs
onctions. De Cyon fait jouer un rôle mécanique
important à l'hypophyse dans la régulalion par
oie nerveuse des altéralions de la pression san-
guine artérielle. Les moindres changements de
pression dans la cavité cranienne (dus en général
à des changements de pression artérielle) influen-
éraient directement l'hypophyse ; celle-ci réagirait
ën met{ant en action l'appareil modérateur contenu
ns la moelle allongée et, par son intermédiaire,
agirait sur la pression sanguine en modifiant le
“nombre et la force des battements du cœur. Il y
durait un chainon de plus dans le mécanisme qui
lecommode à chaque instant le nombre des batte-
ments du cœur aux besoins de la pression artérielle.
Outre ce rôle de régulation mécanique, de Cyon
dttribue encore à l'hypophyse un rôle chimique
“de suppléance vis-à-vis du corps thyroïde.
-Schäfer et Swale Vincent’ ont constaté de leur
“COlé que les extraits du Lissu de l'hypophyse con-
tiennent deux substances dont l'injection intra-
Veineuse modifie la pression sanguine. L'une de
s substances, insoluble dans l'alcool et dans
Déther, produit une hausse durable de la pression
sanguine chez l'animal auquel on l’injecte; l’autre,
qui se dissout dans l'alcool et l’éther, produit, au
Contraire, une baisse passagère de la pression san-
IV. — RESPIRATION.
“1. Apnée. — On a donné le nom d'apnée à l’état
dans lequel se trouve un animal vivant qui sus-
nd momentanément sa respiration, par suite de
bsence du besoin de respirer.
il est facile à l'homme de se meltre en état
apuée. Il suffit d'exécuter un certain nombre de
ouvements respiraloires extrêmement profonds,
e manière à exagérer la ventilation pulmonaire :
ant de sauter à l’eau, les plongeurs de profession
ht recours instinctivement à cette manœuvre, qui
ur permet ensuite de supporter plus longtemps
à l’état d'apnée, on pratiquera sur lui, au moyen
d’un soufflet approprié, la respiration artificielle,
en ayant soin d’exagérer les insufflations. Au bout
de quelques instants, l'animal sera à l'état d'apnée,
c'est-à-dire qu'il ne se remettra pas immédiatement
à respirer si l'on cesse la respiration artificielle.
L'apnée s'explique très bien dans la théorie de
Rosenthal, en vertu de laquelle le stimulus qui,
dans les conditions ordinaires, entretient l'activité
des centres nerveux respiraloires de la moelle
allongée, est constitué par un certain degré de
vénosité (déficit d'oxygène, excès de CO°) du sang
qui baigne la moelle allongée. La respiration arti-
ficielle produit une surartlérialisation de ce sang :
le stimulus physiologique des centres respiratoires
faisant ainsi défaut, ceux-ci suspendent leur action
et l'animal cesse momentanément de respirer.
Cette théorie de l'apnée n’a pas été admise sans
contestalion. Un certain nombre de physiologistes
refusent d'admettre que l'apnée soit due aux chan-
gements chimiques qui se passent dans le sang.
Pour eux, la cessation des mouvements respira-
toires qui suit la ventilation pulmonaire exagérée
est un effet d'inhibition réflexe, ayant son point de
départ dans les phénomènes mécaniques dont le
poumon est le siège, lors de la respiration artifi-
cielle. Hering et Breuer ont, en effet, montré que
toute insufflation pulmonaire, toute distension mé-
canique des alvéoles, provoquait, par voie réflexe,
l'excitation des fibres d'arrêt du pneumogastrique,
excitation qui coupe tout mouvement d'inspiration
et place l'animal dans la position d'expiration.
L'expérience suivante me parait trancher la ques-
tion de l'apnée en faveur de ia théorie chimique”.
Sur deux chiens, À et B, convenablement anes-
thésiés et préparés de manière à ce que leur sang
soit rendu incoagulable (par une injection préalable
de propeplone), j'élablis la circulation céphalique
croisée, c'est-à-dire qu'après avoir lié les artères
vértébrales, j'élablis au moyen des carotides un
échange de sang. Le bout central d'une carotide
de A est relié, au moyen de eanules et d’un tube de
caoutéhouc, avee le bout céphalique de la carotide
de B, et réciproquement. La tête de B, y compris
ses centres respiratoires, ne reçoit que du sang qui
vient du tronc de A, et réciproquement. Dans ces
conditions, je produis l’apnée chez B, en pratiquant
la respiration artificielle chez À. L'influence ner-
veuse se trouve exclue dans cette expérience, où le
seul lien physiologique entre ces deux animaux esl
constitué par le sang de la circulation croisée. C'est
donc le sang qui vient du tronc de À dans la tête
de B qui y produit l’apnée, et l'expérience résout
la question en faveur de la théorie chimique.
1 Arch. de Biol., 1901.
804
LÉON FREDERICQ — REVUE ANNUELLE DE PHYSIOLOGIE
Mais une seconde question se pose alors. La ven-
tilation pulmonaire pratiquée sur le chien A enri-
chit son sang en oxygène et l’appauvrit en acide
carbonique. Quelle importance faut-il attribuer à
chacun de ces facteurs dans la production de
l'apnée? L'expérience a montré qu'il s'agit avant
tout de la diminution de CO?, dont la teneur absolue,
ainsi que la tension, tombent pendant l’apnée à la
moitié de leur valeur, tandis que l'oxygène ne subit
que des varialions insignifiantes.
2. Réiablissement de la respiration dans les cas
d'asphyxie et de mort apparente. — Le procédé le
plus efficace pour ramener à la vie un noyé, une
personne en état de mort apparente, a été décou-
vert, comme on le sait, par Laborde. Il consiste à
exercer sur la langue des tractions dont le rythme
imite celui des mouvements respiratoires normaux.
L'excitation des nerfs sensibles de la base de
la langue se transmet aux centres respiratoires
et finit par réveiller ceux-ci de leur torpeur,
quand celle-ci n’est pas irrévocable. Laborde a fait
construire des appareils grâce auxquels son pro-
cédé des traclions rythmées de la langue fonctionne
automatiquement pendant plusieurs heures.
Dans plusieurs cas, le rappel à la vie de noyés
ou d'animaux asphyxiés dans un but expérimental
a été obtenu après l'énorme durée de trois heures
de mort apparente. Laborde admet que c'est là
l'extrême limite et que, si, au bout de trois à quatre
heures, à plus forte raison de cinq heures de trac-
ions prolongées, les mouvements respiratoires ne
se sont pas rélablis, la mort peut être tenue pour
réelle el irrévocable.
Nous avons là un signe certain et nouveau de la
mort, et qui résout d'une façon positive une question
importante d'hygiène ”.
Puisque j'en suis à m'occuper de la distinction
de la mort réelle et de la mort apparente, je deman-
derai la permission de citer un travail récent de
Waller qui a trait au même sujet.
D'après Waller”, la matière encore vivante se
distingue de la malière morte en ce qu'elle répond
à une excitation électrique en produisant elle-
même un courant de même sens. Ce procédé peut
servir à étudier l'ordre dans lequel les fonctions
vitales s’éleignent successivement dans les difré-
rents organes au moment de la mort.
3. Air atmosphérique. — Tout semblait avoir
élé dit sur la composition chimique de l'air atmo-
sphérique, lorsque, il y a quelques années, la
découverte retentissante de l’argon a été le point
1 Le signe automatique de la mort réelle. Paris, 1900, et
C. R. Soc. Biol., 1900; n°21, 74,427:
2 C. R. Ac: Sc., t. CXXXI, p: 482.
de départ d'une série de travaux sur notre atmo=
sphère. Si l'année dernière n'a pas ajouté un élés
ment à la liste des nouveaux corps simples de l'air,
elle a cependant enrichi nos connaissances de
plusieurs données importantes dues principalemen
aux recherches d’Armand Gautier*.
2/10.000 de son volume d'hydrogène libre. Il cons
tient également des traces d'hydrocarbure, notams
ment de méthane. L'air des villes, celui des bois
est beaucoup plus riche en hydrocarbures. Celui dt
la mer contient de l'hydrogène (0 ce. 2 par litre
mais pas d'hydrocarbure, .
L'auteur a trouvé, dans 100 litres d'air puisé dans
les rues de Paris : %
H, 19 ce. 5; CH‘, 12 cc. 1; gaz très carburés®
L ec. 7; oxyde de carbone, ete., 0 ce. 2.
V. — NUTRITION. DIGESTION. ABSORPTION.
SÉCRÉTIONS.
1. Rôle des microbes dans la nutrition. — Pasteur
avait émis l’idée que les bactéries jouent un r6l8
important dans la digestion des animaux supés|
rieurs, et que la vie deviendrait impossible si
nous supprimions tous les microorganismes dé
notre lube digestif. J'ai signalé ici, dans ma Revue
de l’an passé”, les expériences de Nultal et Thierfel=
der d'une part, celles de Schottelius de l'autre
entreprises dans le but de soumettre l’idée de Pas
teur à la crilique expérimentale. Nuttal et Thier:
felder étaient parvenus à extraire aseptiquement
un jeune cochon d'Inde de l'utérus maternel, età
le maintenir en vie, au moyen d'aliments exemptSl
de bactéries. 4
Schottelius*, expérimentant sur de jeunes pous
sins au sortir de l'œuf, avait constaté, au contraires
l’action nuisible, mortelle, d'une nourriture stéri |
lisée.
Kijanisin‘, non content d'affirmer l'influence
délétère de la stérilisation de l'eau et des aliments
consommés par ses sujets d'expériences, va plus
loin encore, et affirme l'utilité, la nécessité même
des bactéries qui se trouvent dans l'air que nous),
respirons. Ces microbes, introduits dans notre corps
agiraient comme stimulant de nos leucocytes eb,
4 À. Gautier, C. R. Ac. Sc.,t. CXXX, p. 167; t.1CXXM
p- 13, 86 et 535. Voyez aussi : Les gaz combustibles de l'ai
dans la Revue générale des Sciences du 15 septembre 1900)
t. XI, p. 998 et 999.
2 Voyez la ltevue générale des Sciences du 30 juillet 1900
t. XI, p. 897.
3 Archiv 1. Hygiene, t. XXXIV, 210.
4 Arch. Biol., t. XVI, p. 663. 3
LEON FREDERICQ — REVUE ANNUELLE DE PHYSIOLOGIE
a"
inciteraient ces derniers à produire en quantité
suffisante les ferments oxydants indispensables à
notre vie. Ces ferments ont pour rôle de transfor-
mer en anhydride carbonique et en urée les pro-
duits de la désassimilation.
5 L'auteur en voit la preuve dans les alléralions
que l’on oblige à ne respirer que de l'air stérilisé.
Jes animaux dépérissent, victimes d'un empoison-
nement chronique dû à une accumulalion de pro-
“duits intermédiaires de la nutrilion (leucomaïnes),
dont l'excès se constate directement dans les
Cependant, l'exemple des mammifères, des oi-
seaux, des poissons des régions polaires, don! l'or-
ganisme, et spécialement le tube digestif, est géné-
alement vierge de tout microbe, et qui respirent
hn air exempt de microbes, nous montre que les
Inimaux supérieurs se tirent parfaitement d'affaire
Sans l’aide des infiniments petits. L'air stérile des
“hautes montagnes, celui des régions arctiques
passent d’ailleurs pour extrêmement sains.
2. Absorption de la graisse. — Le rôle du suc
pancréatique dans la digestion de la graisse a été
découvert, comme on le sait, par Claude Bernard.
“Chez le lapin, le canal de Wirsung, qui déverse le
Suc pancréatique dans l'intestin, débouche à
(
“sur la digestion des graisses, et de conslater par
“exemple que l'absorption de ces dernières ne com-
mence qu'à partir du point où les matières alimen-
‘taires ont subi le contact du suc pancréalique. C'esl
“seulement à parlir de ce niveau que les chylifères
présentent l'injection laiteuse caractéristique de
l'absorption de la graisse. Claude Bernard déter-
mina la substance à laquelle le suc pancréalique
doit son action digestive vis-à-vis des graisses. Il
montra que ce suc contient un ferment saponifiant
(nommé depuis lipase, stéapsine), qui jouit de la
propriété de dédoubler les graisses en glycérine et
acides gras. Ces derniers peuvent ultérieurement
Se transformer en sayons alcalins au contact de l'al-
cali du suc pancréalique ou de la bile.
— Or,il suffit d'une petite quantité de savon alcalin
“pour transformer en peu de temps une masse con-
sidérable d'huile ou de graisse fusible en une
“émulsion durable. Comme c'est sous forme d’émul-
Sion que la graisse apparaît dans les chylifères au
moment de son absorption, il semblait assez ra-
tionnel d'admettre que les globulins de graisse,
émulsionnée dans l'intestin par celle action des
savons dus au ferment saponifiant, étaient directe-
4 absorbés à travers le revêtement épithélial
M
de la nutrition qui se montrent chez les animaux
805
de l'intestin. Dans cette théorie, une pelite partie
seulement de la graisse était censée dédoublée par
le ferment saponifiant. Cette saponification avait
pour conséquence d’émulsionner le reste de la
graisse, et c’est sous forme de goultelettes de
graisse émulsionnée que la plus grande partie de
cette substance devait être absorbée à la surface de
l'intestin. La plus petite portion, transformée en
glycérine et savon, élait seule absorbée sous forme
réellement soluble et après transformalion chi-
mique !.
Pflüger s'est récemment avec énergie
contre cette doctrine pour ainsi dire classique. Il a
affirmé que la totalité de la graisse alimentañe
absorbée l'était sous forme soluble : g/ycérine et
acides gras Ou savons, et avait par conséquent
subi intégralement la décomposition hydrolytique
sous l'influence de l’action du ferment saponifiant.
Voici les arguments mis en avant par Pflüger
pour combattre l'idée de l'absorption directe de la
graisse non saponifiée. D'abord, si l'on examine au
microscope les cellules vivantes de l'épithélium
intestinal pendant la digestion de la graisse, on
constate que leur portion basilaire, celle qui est
directement en contact avec le contenu intestinal,
est absolument claire, transparente et ne contient
pas le moindre globulin de graisse (contesté par
Exner, von Basch, etc.). La graisse n'apparait sous
forme de globulins que plus loin, dans les portions
plus profondément situées de la cellule. L'aspect
des cellules correspond tout à fait à l'idée que la
graisse traverse le plateau canaliculé de la cellule
sous forme dissoute, invisible, pour se précipiter
plus loin sous forme insoluble et apparente.
Quantà l'utilité de l’émulsion de la graisse, Pflüger
la voit dans ce fait que le ferment saponifiant, étant
dissous dans l’eau, doit agir difficilement sur les
graisses qu'il ne mouille pas. L'émulsion provoquée
par l’action du sue pancréatique et de la bile à
pour effet d'augmenter la surface d'attaque de la
graisse et de permettre un contact plus élendu avec
le ferment saponifiant.
Les acides gras peu solubles mis en liberté par
le ferment saponifiant décomposent les carbonates
du suc pancréatique et du suc intestinal, mais sur-
tout décomposentles glycocholates et taurocholates
de la bile, pour former des savons, corps solubles
dans l’eau et directement absorbables. D'ailleurs
l'acide taurocholique, résultant de la décomposition
des taurocholates par les acides gras, contribue à
dissoudre ces derniers, comme le savait déjà
Strecker (1848). Ce dernier fait a été confirmé par
Marcet et récemment par Moore et Brockwood.
élevé
4 Arch. f. d..g. Physiol.,t-"LXXX, p. 114, 4900,,Zbid,,
t. LXXXI, p. 311, 1900 ; t. LXXXII, p. 403, 381,1900;t. LXXXV,
p. 1, 1901.
806
LÉON FREDERICQ — REVUE ANNUELLE DE PHYSIOLOGIE
n
Si l'on objecte que la saponification ou la solubi-
lisation de toute la graisse de l'alimentation re-
présente un énorme travail chimique, on peut ré-
pondre que Ja possibilité de l'exécution d’un tel
travail de saponificalion a été établie par les expé-
riences d'Otto Frank’, de I. Munk, etc. Frank fait
ingérer à un chien une grande quantité d’éthers
éthyliques des acides gras et retrouve dans le chyle
une émulsion laiteuse de graisse ordinaire, c’est-à-
dire d'éthers glycériques, sans traces d’éthers éthy-
liques.
Ici, les éthers éthyliques ont évidemment été sa-
ponifiés en entier et la glycérine a pris la place de
l'alcool éthylique. De même, le palmitate de cétyle
(blanc de baleine) est transformé en palmitate de
glycérile — après saponification complète — lors
de son absorption par les chylifères.
On sait depuis longtemps” que l'ingestion de
savons alcalins ou d'acides gras fait apparaître de
la graisse neutre dans les chylifères et a la même
valeur nutritive que la graisse elle-même. Iei aussi,
les savons alcalins, les acides gras ont dû être
absorbés sous forme soluble et ce n'est qu'arrivés
dans le protoplasme de l’épithélium intestinal qu'ils
ont régénéré de la graisse neutre en se combinant
à la glycérine. Il est établi que cette synthèse de la
graisse au moyen de glycérine et d'acides gras peut
être réalisée in vitro par le revêtement épithélial de
l'intestin enlevé à un animal vivant”.
Enfin, la théorie de Pflüger a l'avantage de com-
prendre dans une même formule la digestion des
trois grandes catégories d'aliments; les féculents,
lès graisses et les albuminoïdes. Dans les trois cas,
la digestion serait une fermentalion qui hydrate-
rait les matières alimentaires insolubles et les
transformerait en produits solubles.
Naturellement, les objeclions n’ont pas manqué
de se produire. Presque en même temps que
Pflüger, L. Hofbauer”* cherchait à résoudre la ques-
tion de l'absorption directe de la graisse en nour-
rissant des chiens avec de la graisse colorée au
moyen de matières colorantes insolubles dansl'eau :
rouge d'alcanna, rouge laque À, etc. Si la graisse
est saponifiée avant d'être absorbée, disait Hof-
bauer, la matière colorante, le rouge d'alcanna,
insoluble dans l’eau, sera précipitée au sein du
contenu intestinal et ne passera pas dans les villo-
sités intestinales. Celles-ci ne contiendront que de
la graisse incolore.
Au contraire, si la graisse émulsionnée et colorée
1 Zeit. {. Biol., t, XXXVI, p. 568.
* Radziejewsky et Kühne, 1868, Perewoznikoff, 1876, Will,
1876, Munk, 1879, etc.
# C.-A. Ewald, 1883, H.-J. Hamburger, 1900.
* Arch. f. d.g. Physiol., t. LXXXI, p. 263, 1900.
5 Jbid., t.LXXXIV, p. 619, 1891.
| J. Munk pour établir la possibilité de l'absorption de
par l'alcanna est absorbable en nature, sans sapo
nification préalable, alors on doit rencontrer, dans
les villosités intestinales et dans les chylifères, des
globulins de graisse colorée.
Or, en sacrifiant l'animal, on constatait la présence
dans le chyle de graisse fortement colorée. Hof
bauer en concluait la possibilité de l'absorption
directe de la graisse simplement émulsionnée, sans
saponificalion préalable.
Pflüger a mis en doute l'exactitude des prémisses
posées par Hofbauer. Il a montré que, si le rouge”
d'alcanna est insoluble dans l’eau, celte matière
colorante se dissout au contraire plus ou moins
bien dans les solutions analogues à celles qui cons-
tituent la bouillie intestinale et qui contiennent de“
la glycérine, des acides gras, des savons et des
acides biliaires, etc., et que la matière colorante
avait donc pu pénétrer à l’état dissous, tout comme
la graisse, à travers le revêtement épithélial de l'in-
testin.
V. Henriques et C. Hausen! ont constaté, comme
Pflüger, la solubilité du rouge d'alcanna et d’autres
malières colorantes analogues dans les solutions
de savons alcalins et l'impossibilité de trancher la
question de l'absorption directe des graisses par le
procédé de Hofbauer.
Ils ont repris l'expérience en incorporant à la
graisse alimentaire de la paraffine fusible, subs-
tance lout à fait insoluble dans l’eau. Ils avaient
constaté que le mélange à parties égales de graisse
de porc et de paraffine donne une émulsion typique -
au contact des solutions de carbonate de soude, à
condition que l’on ajoute une petite quantité d'acide”
gras. Dans ce cas, chaque globulin de l'émulsion est”
formé de parties égales de paraffine et de graisse.
Si les globulins sont absorbés comme tels sans sa-
ponification préalable, on devra retrouver la paraf-
fiue dans le chyle, tandis qu'il y aura un déficit de …
paraffine dans les excréments, Or, les auteurs
constatent au contraire l'absorption presque com-
plète de la graisse seule el l'élimination complète
de la paraffine par les excréments, Il y a donc eu
ici, par le fait de l'absorption, une séparation de la
paraffine et de la graisse, ce qui n'aurait pas eu lieu
si les gouttelettes avaient pénétré comme telles à
travers le plateau canaliculé des cellules épithéliales M
de l'intestin.
Cetle question de l'absorption de la graisse a
donné lieu à un débat assez acerbe entre Pflüger
d'une part et J. Munk de l’autre ?.
Un des principaux arguments mis en avant par
l
la graisse sans saponification préalable, était tiré
! Centralbl. f. Physiol., t. XIV, p. 313, 1900.
? Centralbl, f, Physiol.
h LÉON FREDERICQ — REVUE ANNUELLE DE PHYSIOLOGIE
807
du fait que les animaux privés de pancréas | présente des valeurs en apparence paradoxales, ne
“peuvent encore absorber des quantités considéra-
_bles de graisse, quand cette dernière leur est offerte
“sous forme d'émulsion (lait). On peut répondre
avec Pflüger que l'exemple des animaux dépan-
éréalisés ne prouve rien, puisqu'on sait que la
“oraisse peut être saponifiée en quantité notable
ans l'intervention du suc pancréatique, notamment
“dans l'estomac.
« Hédon n'a-t-il pas constaté la présence de sa-
3. Graisse et féculents. — On donne le nom de
quotient respiratoire au rapport entre le volume
de CO° exhalé par la respiration et le volume de
CO En
Voxygène consommé : ce rapport TE est générale-
>
ment inférieur à l'unité, c'est-à-dire que tout
, ane consommé par l'organisme ne reparait
pas sous forme de C0 dans l'air expiré. Une
partie de cet oxygène est employée à réaliser
d'autres oxydations que celle du carbone, à pro-
duire de l’eau par exemple.
La valeur du quotient respiratoire varie néces-
Sairement suivant la nature du combustible brûlé
dans notre corps. Avec une alimentation exclusive-
ent composée de féculents, le quotient respira-
3
“toire — PE
0?
lunité. En effet, les substances hydrocarbonées
(fécule nC°H"0*, glycose C'H°0", etc.) contiennent
par elles-mêmes assez d'oxygène pour transformer
tout leur hydrogène en H°0. Il suffit de leur four-
nir l'oxygène nécessaire à la combustion du C en
CO°. De même, quand on brûle de la fécule à l'air,
le volume de l'oxygène consommé 0° est exacte-
ment égal au volume de CO° produit. Le quotient
2
TX
devient = 1, ou lend à se rapprocher de
de combustion —
égal à 1.
Les graisses (stéarine GH'"05, palmitineC5H%05,
oléine CTH"*05, etc.) contiennent peu d'oxygène
et beaucoup d'hydrogène; aussi leur quolient de
combustion (ou de respiration) est-il notablement
inférieur à l'unité (Q. R. — 0,70).
+ Dansla combustion de l'albumine, le quolientres-
iratoire est également notablement inférieur à
‘unité.
La valeur du quotient respiratoire varie en géné-
ral avec la nature de l'alimentation et nous montre
“que les phénomènes d'oxydation qui se déroulent
dans notre corps atteignent principalement le com-
bustible alimentaire introduit en dernier lieu par
le tube digestif.
Mais, dans certains eas, le quotient respiratoire
comme on pourrait l'appeler, est
cadrant pas avec le quotient de combustion des
aliments.
Ces anomalies trouvent leur explication si l’on
réfléchit que, dans certaines circonstances, par
exemple dans les phénomènes de croissance ou
de simple engraissement du sujet, une partie
des aliments n’est pas destinée à -être brûlée et
peut subir des transformations chimiques autres
que la simple combustion,
Hanriot a étudié, il y a quelques années (1893),
un cas de ce genre. Il a constaté que le quotient
respiratoire pouvait dépasser l'unilé chez l'homme
sain à la suile d’ingestion d'une quantité notable
d’hydrocarbonés (glycose). Le glycose n'est pas
brûlé, mais se dédouble en fournissant d’une
part CO?, et d'autre part de la graisse qui se dépose
dans les Lissus.
Un exemple d’une transformation inverse, celle
de la graisse de l'organisme en glycogène, a été
étudié récemment par Bouchard et Desgrez!.
Pour se transformer en glycogène, la graisse doit
absorber des quantités notables d'oxygène, qui ne
reparaitront pas sous forme de CO? dans l'air de
l'expiration. Le quotient respiratoire acquerra une
valeur extrêmement basse; de plus, l'organisme
pourra momentanément augmenter de poids par
suite de cette fixation d'oxygène dans les tissus.
Cette augmentation temporaire de poids a été
notée par ces expérimentateurs dans (toute une série
d'expériences faites tant chez l'homme que chez
l'animal.
On sait que, dans les conditions ordinaires, si
l'on place un animal vivant sur un plateau de
balance, on constate une diminution continue de
poids provenant de la combustion organique. Si le
sujet a été soumis à une abstinence plus ou moins
complète pendant plusieurs jours, et si on lui
donne alors un repas très riche en graisse, l'assi-
milalion de cette graisse pourra s'accompagner
d'une augmentation temporaire de poids, due à la
formation de glycogène aux dépens de la graisse,
avec fixation d'oxygène atmosphérique.
Ce glycogène se dépose exclusivement dans les
muscles, d’après les expériences de Bouchard et
Desgrez.
Le foie n'aurait aucune part au phénomène,
4. Digestion. — Je n'analyserai pas ici les tra-
vaux récents de Pawlow et de ses élèves sur les
sucs digestifs. Ces travaux ont été passés en revue
par M. Arthus dans la Revue du 15 juillet 1899.
La Revue est revenue sur le même sujet dans le
numéro du 30 janvier 1900, p. 60.
1 Arch.
Physiol. et Path., 1900, p. 237.
808 LÉON FREDERICQ -— REVUE
5. Sueur.— Ardin-Delteil! a constaté que la sueur
humaine constitue un liquide dont la concentration
moléculaire est toujours notamment inférieure à
celle de la lymphe ou du plasma sanguin. Le moyen
le plus convenable pour apprécier le degré de con-
centration moléculaire consisté, comme l'on sait, à
délerminer la température à laquelle le liquide se
congèle : l'abaissement du point de congélation est
proportionnel au nombre de molécules dissoutes
(les ions dissociés comptant chacun comme une
molécule entière, et agissant d'ailleurs comme tels
dans les phénomènes osmotiques). Le point de con-
gélation moyen de la sueur est de — 0°,237 (sang
— 0°,45). Maximum — 0°,46, minimum —0°,08.
Le même expérimentateur * a cherché, en colla-
boralion avec Mairel, à résoudre la queslion con-
troversée de la toxicité de la sueur. La sueur
humaine, recueillie asepliquement sur des indi-
vidus dont la peau a été préalablement bien net-
toyée, peut être injectée dans les veines du lapin
en quantité considérable (116 à 361 centimètres
cubes par lapin), sans produire d'accidents graves.
La sueur peut cependant tuer le lapin si elle est
fort diluée : elle Lue alors par osmonocivilé.
6. Variations diurnes de la quantité de graisse.
— On connaît la remarquable périodicité diurne
que montrent la plupart des fonctions physiolo-
giques.
La valeur des échanges respiratoires, le taux de
la température interne, le nombre des pulsations
et des respiralions, etc., présentent un minimum
nocturne et un maximum diurne, et parcourent
pendant les vingt-quatre heures un cycle de phases
tout à fait typiques. M. J. Gaule? a signalé un fait
tout à fait surprenant qui se rapporte au même
ordre d'idées. Les grenouilles présentent, en avant
des organes génitaux, des amas de graisse à sur-
face élégamment festonnée. Ces corps adipeux
seraient, d'après Gaule, sujets à d'énormes varia-
tions diurnes de leur volume. Ils disparaîtraient
presque complètement la nuit pour se reformer le
jour suivant. L'apparition et la disparition des
corps adipeux se poursuivraient ainsi journellement
chez la grenouille, même pendant la période de
torpeur hivernale. La lumière parait êlre le fac-
teur prépondérant qui provoque l'apparition de la
graisse dans le corps adipeux, tandis que le séjour
dans l'obscurité la fait disparaître. Fait extrème-
ment curieux, ce n’est pas par l'intermédiaire de
l'œil que la lumière agit, car le changement de
volume du corps adipeux se produit encore après
extirpation des yeux ou section des nerfs optiques.
1 C, R., CXXXIT, p. 844, 1900.
? C. R. Soc. Biol. 1900.
* Contralbl. f. Physiol., t. XIV, p. 25:
ANNUELLE DE PHYSIOLOGIE
C'est donc probablement par l'intermédiaire de la
peau que la lumière provoque l’émigration journa=
lière de la graisse du corps adipeux.
5 Il
VI. — SYSTÈME NERVEUX.
1. Théorie du neurone. — On considérait au
trefois le tissu nerveux comme constitué par
deux espèces d'éléments anatomiques : les cel=
lules et les fibres nerveuses. Dans la compa-
raison classique, qui assimile le système nerveux
d'un animal supérieur au réseau tlélégraphiques
d'un grand pays, les cellules nerveuses représen-
taient les différents bureaux télégraphiques et les
nerfs étaient les fils électriques reliant les diffé-
rents bureaux ou cellules entre elles ou avec las
périphérie du corps. Comme on Je sait, cette con=
ception du système nerveux est généralement
abandonnée aujourd'hui. On n'oppose plus les
fibres ou fibrilles nerveuses aux cellules nerveuses :
on sait que les fibres et fibrilles nerveuses consti-
tuent les prolongements naturels des cellules ner-
veuses.
Fibres ou fibrilles nerveuses et corps cellulaire
ne sont que les parties de l'élément unique du
système nerveux que Waldeyer a baptisé du nom:
de neurone.
Le neurone dérive d’une cellule embryonnaire:
transformée, de manière à présenter des prolonge
ments plus ou moins longs, plus ou moins ramifiéss
et arborisés (contesté par Apathy). C'est par leurs»
prolongements juxtaposés, articulés les uns avec
les autres, que les différents neurones communi-
quent les uns avec les autres et que l'influx ner
veux passe d'un neurone à l'autre. Si nous vou="
lons reprendre la comparaison énoncée tanlôt, nous»
dirons que l'unité nerveuse c'est le bureau télé"
graphique (la cellule) avec un certain nombre de
bouts de fils télégraphiques (prolongements, fibres
nerveuses) attachés par une extrémilé au bureau, e
se terminant librement par l'autre. Ces extrémités"
libres se rattacheront par juxtaposition ou autre=
ment aux bouts libres des fils télégraphique
émanant des bureaux voisins.
Malgré les attaques dont la théorie du neurone &
été l'objet dans ces dernières années, on peut dire
que la conception du neurone comme individualité
formée d'un corps cellulaire et de prolongement
est sortie triomphante du débat.
Quelle importance faut-il attacher au corps cellu=
laire dans le fonctionnement du système nerveux?
Faut-il le dépouiller de sa dignilé de bureau télé=
graphique central et faire, au contraire, jouer le rôle
iniportant, dans les actes nerveux centraux, aux
articulations plus ou moins arborisées par lesquelles:
les neurones communiquent entre eux? Dans cell
LÉON FREDERICQ — REVUE ANNUELLE DE PHYSIOLOGIE
809
"| —— ———_ —— —"—"— —"—"—"—"—"’— " ”—/7— —"—"— ——
4
“théorie, le corps cellulaire ne jouerait qu'un rôle
econdaire, trophique, il n'interviendrait pas dans
“les actes nerveux proprement dits. Les fibrilles
erveuses des différents prolongements d'un même
autres et l'influx nerveux pourrait passer de l’un à
l'autre, sans que le corps de la cellule y prenne
une part active.
Bethe a cherché à étayer ces vues théoriques par
des expériences directes *, exécutées sur le système
nerveux relativement simple des Crustacés. Chez
le Carcinus, l'Astacus, etc., les cellules nerveuses
motrices de la chaine gavglionnaire ventrale (ana-
Jogue, au point de vue de la production des mou-
vements réflexes, à la moelle épinière des Vertébrés)
ont leur corps cellulaire en dehors du ganglion,
dans lequel ne plongent que leurs prolongements
avec ses ramificalions dendritiques. La structure
de ces cellules rappelle celle des cellules des gan-
glions spinaux des Verlébrés, c'est-à-dire que ces
cellules sont en apparence unipoiaires, leur prolon-
gement unique se ramifiant à une petite dislance
du corps cellulaire par une division en T en deux
prolongements : l'un constituant la fibre nerveuse
motrice périphérique, l'autre le prolongement
formant le tronc des dendrites.
Bethe réussit, dans plusieurs expériences, à
enlever tous les’ corps cellulaires moteurs d'un
ganglion, tout en laissant intacts les prolongements
en T. La suppression des corps cellulaires n'em-
pêcha pas les mouvements réflexes de se produire
encore pendant un certain temps. La condition
sine qua non de la production du réflexe, c’est
donc, dit Bethe, la continuité entre la fibre nerveuse
“et les prolongements dendritiques, et nullement la
conservation de l'intégrité de la cellule nerveuse.
Le corps cellulaire proprement dit ne serait donc
pas intercalé, pour Bethe, dans le trajet parcouru
par l’influx nerveux.
- L'expérience de Bethe a déjà donné lieu à de
vives controverses : on a fait observer notamment
que Bethe n'avait enlevé que le noyau et une partie
du protoplasme cellulaire, et que son expérience
prouvait seulement que les fonctions des cel-
-lules nerveuses pouvaient encore s'exécuter en
l'absence du noyau et d’une partie du protoplasme.
Cela n'a rien d'étonnant, fait observer Verworn, si
l'on considère ce qui se passe dans d’autres cellules
- dont le protoplasme peut également continuer à
fonctionner après l'enlèvement du noyau.
La question de l'amiboïsme et de la plasticité
. des prolongements des cellules nerveuses est tou-
jours à l'ordre du jour. Elle a donné lieu, dans ces
… derniers temps, à une série de publications inté-
4 Biol. Centralbl.,t. XVIL, p. 843.
ressantes, sorties de l'Institut Solvay de Bruxelles
et dont une partie a déjà été analysée ici (recher-
ches de Héger, Demoor, Stefanowska, etc.).
Je n'ai pas non plus à revenir sur les théories de
Rabl-Rückhard, Lépine, Mathias Duval, etc., qui
avaient la prétention de donner une explication
rationnelle des phénomènes de sommeil, d'anes-
thésie, d'inhibition, de mémoire, d'éducation, etc.,
en partant de la notion de l'amiboïsme des neu-
rones cérébraux. Ces théories sont, jusqu à présent,
restées au stade purement hypothélique.
2. Cocainisation de la moelle épmière. — La
cocaïne jouit, comme on le sail, de la propriélé de
paralyser les éléments nerveux avec lesquels on
la met en contact. Getle propriété est utilisée de-
puis plusieurs années par les oculistes pour obtenir
l'anesthésie locale de la cornée, par les chirurgiens
pour obtenir celle de la peau, ete. Les physiolo-
gisles y ont eu souvent recours : ainsi, Aducco
avait cherché à résoudre la question controversée
de la localisation des centres respiratoires dans la
moelle allongée, en badigeonnant la surface du
bulbe au moyen d'une solulion de cocaine : la
cocaïne, pénétrant peu à peu dans la profondeur,
provoquait un ralentissement, puis un arrêt com-
plet des mouvements respiratoires. Les résultals
de l'expérience sont ici d'accord avec la théorie
classique, qui place dans le bulbe le primum n0-
vens des mouvements respiratoires. En 1899, Sicard
a obtenu l’anesthésie de l’arrière-train chez le chien
par une injection de cocaïne dans le canal verté-
bral. La méthode a élé reprise par les chirurgiens
Bier, Tuffier, etc., et a déjà été appliquée chez
l'homme un grand nombre de fois.
La solution de chlorhydrale de cocaïne (stérilisée
par un chauffage à ++ 60°) est injectée, au moyen
d'une seringue à canule piquante, dans le liquide
cérébro-spinal qui entoure la queue de cheval.
dans la région lombaire. On enfonce la pointe de
la canule au niveau d’une ligne qui joint les épines
iliaques supérieures, de manière à pénétrer entre
la 4%et la 5° vertèbre lombaire, à travers la peau,
les muscles, les ligaments et la dure-mère jusque
dans le liquide cérébro-spinal.
Il se produit presque immédiatement une anes-
thésie complète des membres inférieurs, du bassin
et d'une partie des organes abdominaux, sans que
le fonctionnement de l'encéphale ni de là partie
supérieure de la moelle soit compromis, et avec
conservation (au moins parlielle) de la motilité,
même dans la région anesthésiée. Tuffier, et Hal-
lion! ont montré que la cocaïne porte son action
pour ainsi dire exclusivement sur les racines
RARE 1 (AT nn ARE AE AE TER EU EUR
1 C, R. Soc. Biol, t. 1900, p. 1855,
810
LÉON FREDERICQ — REVUE ANNUELLE DE PHYSIOLOGIE
rachidiennes. Les racines sensibles sont beaucoup
plus fortement atteintes que les racines motrices.
On sait que ce procédé de cocaïnisalion a été
employé avec succès comme anesthésique dans un
grand nombre de cas d'opérations chirurgicales,
de névralgies rebelles, d’accouchements difficiles
ou même physiologiques, ete. .
Les médecins discutent les avantages et les
inconvénients de cette nouvelle méthode, compa-
rativement à l’anesthésie chloroformique.
3. Organes des sens des chauves-souris. —
R. Rollinat et E. Trouessart ! ont repris les an-
ciennes expériences de Spallanzani sur la faculté
que présentent les chauves-souris de se mouvoir
avec rapidité dans l'obscurité la plus complète, tout
en évitant les obstacles variés placés sur leur
route dans un but d'expérience.
La faculté qui avertit la chauve-souris de l’ap-
proche d’un obstacle n’est pas localisée dans tel
ou tel organe des sens ; elle résulle du concours des
sensalions fournies par plusieurs de ces organes,
surtout par ceux de l’ouïe et du toucher (mem-
brane alaire, expansions nasales, pavillon de
l'oreille).
4. Canaux semi-circulaires. — De Cyon?s'occupe
depuis de longues années des fonctions des canaux
semi-circulaires. Ses recherches l'ont conduit à
considérer ces canaux comme les organes péri-
phériques du sens de l’espace : « Ils servent chez
les animaux à l'orientation dans l’espace, et chez
l'homme, en outre, à la formation de la notion
d'un espace à trois dimensions sur lequel nous
transportons nos impressions visuelles et tactiles
et autres* ».
Les trois paires de canaux semi-circulaires, dit
de Cyon, situés dans les trois plans de l’espace, nous
permettent de nous orienter dans les trois direc-
tions : donc, les animaux qui ne possèdent que
deux paires de canaux semi-circulaires ne devraient
se mouvoir que dans deux directions de l’espace;
ceux à une paire, que dans une seule direction.
Les expériences faites sur les lamproies, qui se
trouvent dans le premier de ces cas, avaient pleine-
ment confirmé cette prévision.
1 C. R, Soc. Biol., 1900, p. 604.
Arch. {. d, g. Physiol., t. LXXIX, p. 211, 1900.
Livre jubil. Soc. Biol., p. 54%,
M. Rawitz' a découvert que les souris japonaises,
de la variété dite dansante, ne possèdent qu'une
seule paire de canaux semi-circulaires en parfai
état de fonctionnement, celle des verticaux supé=
Les deux autres paires ne se trouvent qu’
l'état rudimentaire. Ces souris sont douées d'un
mobilité extrême. Elles sont constamment en mou!
vement, avancent en zigzag et exécutent avec grâce
une danse tournante qui rappelle la valse.
De Cyon a étudié le mécanisme du mouvement de
ces animaux ne possédant qu'une seule paire de
canaux semi-circulaires, et a trouvé que les résul=
tats de cette étude cadraient parfaitement avec sa
théorie. Il les formule de la facon suivante : dl
« # Les souris japonaises ne sont aptes à se mou=
voir que dans uue seule direction, à droite ou &
gauche; quand elles persistent dans un de ces
mouvements, elles tournent en cercle (mouvement
de manège). Il leur est impossible de marcher droit
(en avant ou en arrière) ou de se mouvoir dans le
sens vertical. Ces souris ne connaissent qu'un es-
pace à une dimension.
« 29 La danse à laquelle elle s’adonnent avec pas=
sion et constamment, en dehors de leurs repas et
de leur sommeil, n'est pas un mouvement forcé:
Les souris peuvent l’interrompre et le reprendre à
volonté. Cette danse est une valse à plusieurs
figures, dont plusieurs s'exécutent avec une rapis
dité vertigineuse.
3° L'aveuglement subit des souris japonaises
provoque chez elles, immédiatement et avec une
rare violence, tous les phénomènes de Flourens, qui
suivent la destruction simullanée des six canaux
semi-circulaires.
« 4° La rapidité extrême avec laquelle les souris
exécutent pendant des heures des mouvements de
rotation sur place autour d’un axe vertical (plus de
trois mouvements à la seconde) ne provoque chez
elles aucun vertige: et cela en conformité avec ma
théorie que le vertige visuel est dû à un désaccord
entre l’espace idéal (subjectif) provenant du laby=
rinthe, et l’espace visuel (objectif). Les sourds=
muets, auxquels manquent les canaux semi-circu=
laires, ne connaissent pas non plus le vertige.
visuel ».
r'ieurs.
Léon Fredericq,
Professeur de Physiologie
à l'Université de Liège.
1 Arch. f, Physiol., 1899.
1° Sciences mathématiques
Laussedat (Colonel A.), Iembre de l'Institut, Direc-
teur honoraire du Conservatoire des Arts et Métiers.
— Recherches sur les instruments, les méthodes
“et le dessin topographiques. Tome 11, Première
partie : Iconométrie et Métrophotographie.— 1 vol.
in-8° de 198 pages, avec 51 figures et 15 planches.
(Prix: 10 fr.) Gauthier- Villars, éditeur. Paris, 1901.
Après avoir indiqué les origines de l’/conométrie,
l'ancien Directeur du Conservatoire des Arts et Métiers
passe en revue les premières tentatives faites pour
utiliser la photographie dans les reconnaissances topo-
graphiques et géologiques. Ces essais remontent à 1843.
Effectivement, durant le siège de Sébastopol, des pho-
tographes français et anglais cherchèrent à prendre des
vues des travaux de défense des Russes. Deux ans plus
tard, le colonel Langlois se rendit sur les lieux pour
“composer un panorama militaire, puis, après une visite
aux positions occupées par les armées, il leva des plans
à l’aide d'appareils photographiques. En 1858, un ancien
officier du génie, Aimé Civiale, appliqua l'invention de
Daguerre à l'étude de la constitution physique et géolo-
#ique des Pyrénées et des Alpes. A la même époque,
Nadar photographia, du haut de la nacelle du ballon
captif de Godard, l'Arc-de-Triomphe, à Paris.
C'étaient là d'intéressants débuts, mais il fallait dé-
montrer les propriétés et les avantages des images sur
tableau plan, faire appel aux principes généraux de la
perspective pour tirer des procédés métrophotographi-
“ques tout ce qu'ils semblent susceptibles de donner.
L'auteur de cet ouvrage y contribua plus que quicon-
que. Il substitua d'abord, pour les opérations faites à
terre, aux dessins à vue toujours plus ou moins incor-
rects, des images rigoureusement géométriques, tracées
‘au moyen de la chambre claire sur ua tableau plan
vertical et dans une position parfaitement déterminée
par rapport au point de vue. Enfin, en 1859, il réalisa
la première chambre noire topographique, qui lui
permit d'obtenir des vues photographiées représentant
des perspectives géométriques du terrain ayant le centre
de l'objectif pour point de vue. Dès lors, la métropho-
tographie entra dans le domaine de la pratique. L'usage
suggéra de multiples modifications aux plotothéodo-
lites imaginés pour répondre aux desiderata formulés,
et les instruments primitifs sont devenus aujourd'hui
d'une grande simplicité et d'une précision remarquable.
Le colonel Laussedat décrit dans les dernières pages
de ce fascicule (dont l'intérêt fait vivement désirer
la suite) les dispositions générales adoptées par les
constructeurs et les circonstances dans lesquelles on
peut avoir à opérer. Jacques Boyer.
Engel (Friedrich). — Sophus Lie. — 1 broch. in-8°
de A pages. Teubner, éditeur. Leipzig, 41901.
- Nos lecteurs mathématiciens liront avec plaisir cette
plaquette consacrée à l’un des plus grands mathémati-
ciens du siècle qui vient de s'achever, l'illustre analyste
Sophus Lie. Ils y trouveront, en même temps qu'une
‘courte biographie, la bibliographie complète de ses
importants travaux.
Rollet (P.), Professeur à l'Ecole nationale d'Arts et
… Métiers d'Aix, et Foubert(E.), Professeur à l'Ecole
. primaire supérieure de Lille. — Cours d’Algèbre,
poùr les Ecoles primaires supérieures et profession-
nelles, et pour la préparation aux Arts et Métiers. —
4 vol. in-12 de 400 pages. (Prix, cartonné : 3 fr.)
Félix Alcan, éditeur. Paris, 1901.
BIBLIOGRAPHIE — ANALYSES ET INDEX
ANALYSES
811
BIBLIOGRAPHIE
ET INDEX
2° Sciences physiques
Larmor (Joseph), Membre de la Société Royale de
Londres, Fellow du Collège Saint-John à Cambrigde.
Aëther and Matter. À development of the Dy-
namical Relations of the Aether to Material Sys-
tems on the basis of the Atomic constitution of
Matter.— 1 vol. in-8 de 365 pages. (Prix: 12 fr.50.)
University Press. Cambridge, 1901.
Le titre complet de l'ouvrage de M. Larmor est le
suivant : « Ether et Matière, développement des -rela-
tions dynamiques de l'éther et des systèmes matériels,
fondé sur la constitution atomique de la matière,
contenant une discussion de l'influence du mouvement
de la Terre sur les phénomènes optiques. »
Pendant longtemps, c'est seulement à propos de
questions d'Optique pure que les physiciens étaient
conduits à examiner les relations entre l'éther et la
matière ordinaire. En particulier, l'étude de ces rela-
tions s'est imposée quand on a cherché à expliquer
l'aberration de la lumière et les résultats des recher-
ches expérimentales sur des sujets connexes. Une par-
tie importante de l'ouvrage de M. Larmor, comme l'in-
dique le titre lui-même, se rapporte à ce sujet.
Mais les idées actuelles sur l'électricité et la lumière
ont permis de rattacher à l'étude des relations de
l'éther et de la matière, non seulement les phénomènes
électro-optiques, mais des phénomènes purement élec-
triques. L'ouvrage de M. Larmor est, en réalité, un essai
de théorie générale où il étudie, non seulement l'op-
tique des milieux en repos ou en mouvement, mais un
nombre considérable de faits ou de théories se ratta-
chant à d'autres branches de la Science.
L'hypothèse fondamentale est celle de la constitution
« atomique » de la matière : il faudrait dire plutôt
« corpusculaire »; car les corpuscules matériels, char-
gés d'électricité, lés électrons, sont distincts, comme on
sait, des atomes des chimistes, qui sont des édifices plus
complexes. Dans les Mémoires antérieurs de M. Larmor
(Philos. Transactions, 1894 à 1897), cette notion des
électrons avait été introduite d'une façon secondaire et
pouvait mème passer inaperçue : cette fois, M. Larmor
en fait une notion fondamentale et la fait intervenir
à propos de tous les sujets qu'il aborde. A ce titre,
l' « Essai » de M. Larmor vient prendre sa place à côté
des travaux de M. Lorentz, dont l'importance a surtout
été reconnue le jour où Zeeman en a fait la brillante
application que l’on sait. Il doit aussi être rapproché
des travaux de Wien, Riecke, Drude, J.-J. Thom-
son, etc.., auxquels M. Brillouin a consacré, cette
année, ses lecons au Collège de France.
Dans l'introduction qui précède son ouvrage, M.Lar-
mor à indiqué brièvement la marche qu'il suit, La pre-
mière section contient une revue historique rapide des
recherches sur l’aberration de la lumière et les sujets
qui s'y rattachent, puis un exposé général, au point de
vue cinématique, de la propagation des ondes et des
rayons dans un milieu en mouvement.
Dans la deuxième section, après avoir déduitles équa-
tions de Maxwell, pour l’éther libre, de l'application du
principe de la moindre action, M. Larmor introduit la
considération des électrons et l'applique à la théorie
d'un certain nombre de questions d'Electrodynamique
et d'Optique, Puis, il examine l'influence du mouvement
de la matière : l'hypothèse fondamentale est que l’éther
reste en repos, malgré le mouvement de la matière qui
le traverse, et que ses propriétés ne sont modifiées que
par le mouvement des particules électrisées que la ma-
tière entraine. Il explique ainsi l’aberration et les au-
812
BIBLIOGRAPHIE — ANALYSES ET INDEX
tres résultats d'expériences, en ne tenant compte d’a-
bord que des termes du premier ordre. Sur ces points,
l’auteur est d'accord avec Lorentz, au moins pour les
idées fondamentales.
Dans la troisième section se trouve une discussion
plus approfondie de l'influence du mouvement de la
matière sur l'éther, L'’atome matériel est supposé uni-
quement formé d'électrons positifs ou négatifs en
mouvement, et les forces interatomiques sont, pour la
plus grande part au moins, supposées d'origine élec-
trique. Les atomes ainsi constilués forment des sys-
tèmes indépendants dont les positions relatives ne sont
pas altérées par le mouvement. Ces hypothèses per-
mettent d'établir, entre les configurations d’an système
en repos et en mouvement, des relations qui permet-
tent de tenir compte de termes de l’ordre du carré de
l’aberration, et de rendre compte aïnsi des expériences
de Michelson et Morley.
Dans la quatrième section, M. Larmor s'occupe des
phénomènes de polarisation rotatoire ordinaire et ma-
gnétique, et montre que le mouvement de la Terre ne
doit pas les affecter, conformément aux expériences
de M. Mascart et contrairement aux résullats théori-
ques de M. Lorentz.
La cinquième section est consacrée à l'émission des
radiations. M. Larmor cherche à expliquer pourquoi
l'émission, produite par les mouvements oscillatoires
des électrons, n'apparaît que lorsque les molécules sont
violemment agitées, et examine, ici encore, l'influence
du mouvement de la source. Enfin, il étudie les ques-
tions relatives au rôle du spectroscope, à la constitu-
tion de la lumière blanche et des rayons de Rôntgen, à
la régularité du mouvement lumineux.
L'ouvrage proprement dit est suivi d'un appendice
d'une centaine de pages. Voici les titres des chapitres :
Principes de Ja théorie de la polarité électrique et ma-
gnétique; Sur le but d’une explication mécanique et sur
l’idée de force; Sur l'électrolyse et les courants de con-
duction ; Développement historique de la théorie ato-
mique et de la théorie de l'éther; Modes de représen-
tation de l’activité de l’éther; Influence du magnétisme
sur la radiation.
Le deuxième chapitre s'adresse à tous ceux qui s'in-
téressent aux principes généraux de la Mécanique; le
quatrième est formé de citations empruntées à divers
auteurs, de Fermat à Lord Kelvin. ASC:
Œchsner de Coninck. — La Chimie de l'Ura-
nium. — À hroch. in-8 de 24 pages. Firmin et Mon-
tane, éditeurs. Montpellier, 1901.
Au moment où les rayons uraniques attirent si légi-
timement l'attention même du grand public et conti-
nuent d'exercer la sagacité des physiciens, on sera
particulièrement reconnaissant à M. OEchsner de Co-
ninck de nous offrir aujourd'hui une bibliographie
complète des travaux consacrés à la chimie de l'Ura-
nium.
Son opuscule contient, d’ailleurs, plus que des indi-
cations bibliographiques, l'auteur y ayant joint de très
précises indications sur les résullats des principaux
Mémoires qu'il a énumérés.
3° Sciences naturelles
Van den Broeck (Ernest). — Le dossier hydrolo-
gique du régime aquifère en terrains calcaires et
le rôle de la Géologie dans les recherches et
études des travaux d'eaux alimentaires. — 1 ro-
chure iu-8°, de 178 pages avec 12 figures. Extrait du
Bull. Soc. Belge Géol., Pal. et Hydr., £. XI, fase. 10,
avril 1901.
Dans cette brochure, l'auteur a réuni des documents
relatifs au mode de pénétration et de circulation de l'eau
dans les terrains calcaires. Si les géologues sont sufli-
samment édiliés, surtout depuis les études de M. Mar-
tel, sur le régime des eaux souterraines dans les ré-
gions calcaires, il n’était pas inutile de grouper pour les
| techniciens les multiples arguments qui démontren
une situation toute différente de celle des terrains
perméables. M. Van den Broeck, qui a exercé une très
heureuse influence sur le rôle de la Géologie dans l'étude
préliminaire des projets d'adduclion d'eau, a réelle-«
| ment constitué dans ce travail un dossier hydrologique
des terrains calcaires. Les géologues y trouveront
groupées d'intéressantes indications el les ingénieurs
pourront ÿ puiser des renseignements d’une grande
utilité pratique. A. Bicor, {
Professeur à l'Université de Caen.
Forel (F.-A.) et Sarasin (Ed.). — Les Oscillations
| des Lacs. — 1 brochure in-8° de 15 pages avee
figures. Gauthier- Villars, éditeur. Paris, 14901.
Sarasin (Ed.). — Les Oscillations du Lac des
Quatre-Cantons. 1 hrochure in-8° de 12 pages,
avec 3 planches. Eggimann et Ci, éditeurs. Ge=
nève, 4901.
On sait que toute masse d’eau est, par sa nature
même, essentiellement mobile et réagit avec la plus
grande sensibilité aux moindres impulsions qui lui
viennent du dehors. Il en est ainsi de l'eau d'un lac!
qui, même sous l'apparence du plus grand calme, est,
toujours en mouvement et présente continuellement
des dénivellations plus ou moins marquées. .
Ces mouvements sont de deux sortes : les uns,
rapides et superficiels, les vagues, facilement visibles
pour tous; les autres, lents, profonds, affectant toute
la masse de l’eau. Ces derniers sont depuis longtemps
connus à Genève sous le nom de seiches.
C'est à l'étude de ces mouvements dans les divers
lacs de la Suisse que se sont employés MM. Forel et
Sarasin, et c'est le résultat de leurs patientes obser-
vations qu'ils ont consigné dans les deux brochures
ci-dessus. à
Disons en terminant que, pour M. Forel, les seiches
seraient « un mouvement de balancement de part et
d'autre d'un axe médian ». Marius PERRIN.
L'Année biologique, publiée sous la direction de
Y. Delage. 4° année, 1898. — 1 vol. in-8 de
847 pages. (Prix : 48 fr.) Schleicher frères, édi-
teurs. Paris, 1901.
Au premier volume de l'Année biologique, publié en
1897 par M. Delage avec la collaboration d'un comité
de rédacteurs, et présenté aux lecteurs de cette Revue
par le D' H. Beauregard *, sont venus s'ajouter succes-
sivement les volumes de 1898, de 1899 el de 1900.
Ainsi s’est constituée une œuvre considérable, dont on
ne saurait méconvaitre la valeur et l'utilité.
Le volume que voici n'est pas moins important que
les précédents. Il se rapporte aux travaux parus en M
1898. Suivant la méthode adoptée dès l'origine, tout
chapitre comprend, outre un index bibliographique et
de nombreuses analyses, un apercu des progrès réa-
lisés dans l’année. Ces résumés, très clairs, mettent en «
lumière les Mémoires les plus importants et constituent,
par leur ensemble, une esquisse rapide du mouvement
de la Biologie générale.
Pour donner une idée de l'intérêt de ce quatrième
volume, nous nous bornerons à mentionner les princi-"
paux chapitres qui ont été l'objet d'analyses impor-
tantes. Le chapitre 1 est un résumé très complet de nos
connaissances nouvellement acquises sur la cellule;
toutes les recherches récentes de Gylologie, notamment
celles qui sont relatives au centrosome, sont analysées
en détail. Le chapitre 11 concerne les produits sexuels
et la fécondation ; la question de la spermatogénèse y
est particulièrement étudiée. Dans les chapitres sui-
vants, les travaux sur la parthénogénèse, la reproduc=
tion asexuelle, l'ontogénèse, la tératogénèse, la régéné-
ration et la greffe, le sexe, la corrélation, la mort et le
1 Rev. gén. des Se., t. IX, p. 299.
BIBLIOGRAPHIE — ANALYSES ET INDEX
813,
plasma germinatif sont successivement passés en revue.
chapitre xiv est consacré à la morphologie et —
rtout — à la physiologie générales. Les chapitres
Suivants sont relatifs à l'hérédité, à la variation, à l'ori-
ne des espèces, à la distribution géographique des
res; ils sont tous richement documentés. Le cha-
tre xix, le plus important de l'ouvrage, est divisé en
ux parties, dont l’une contient un exposé des tra-
ux publiés en 1898 sur la structure et les fonctions
de la cellule nerveuse, des centres nerveux et des
organes des sens; la seconde partie, relative aux pro-
ssus psychiques, ne présente pas moins d'intérêt
ur le philosophe que pour le physiologiste et le mé-
ecin.
La table analytique qui termine le volume contribue
rendre les recherches faciles et rapides, malgré l’abon-
dance des matériaux accumulés.
Comme on le voit, ce volume ne diffère pas d’une
acou sensible des précédents. Ceux-ci, pourtant, conte-
ient, annexés à certains chapitres, de véritables
articles originaux destinés à mettre au point quelques-
unes des grandes questions à l’ordre du jour. On pour-
regretter la disparition de ces excellentes revues
nérales si, en raison du développement considérable
l'ouvrage, il n'avait été préférable de les sacrifier
que de diminuer le nombre ou l'étendue des analyses.
On des grands avantages que présente cette publica-
ion et qu'on espère retrouver dans les prochains
umes, est, en effet, de fournir au lecteur des ana-
es assez détaillées pour le dispenser, dans bien des
tas, de recourir aux originaux : ce ne sont pas de
simples indications bibliographiques, ce sont des résu-
més complets donnant, outre les conclusions des Mé-
moires, un exposé des faits nouveaux ou des théories
qu'ils renferment.
On remarquera l'espace réservé au système nerveux
ët aux fonctions mentales, qui font l'objet d'un cha-
bitre spécial de 248 pages, tandis que les autres sys-
lèmes et fonctions (sauf la reproduction) sont confondus
dans le chapitre de morphologie et physiologie géné-
rales, et l'on se demandera peut-être pourquoi, parmi
les recherches descriptives relatives à la structure des
rsanes, celles qui concernent les organes nerveux
sont seules analysées en détail. Mais il faut tenir compte
du but que s'est proposé le fondateur de l'Année biolo-
gique : « Trier les seuls Mémoires où il est question des
phénomènes généraux de la Biologie et ceux surtout
ù l'on cherche à fournir l'explication, à donner la
use des faits décrits ». Ce programme oblige à re-
ousser les investigations purement descriptives et,
Pautre part, à accueillir, en ce qui concerne la vie
sychique, toutes les tentatives d'explication ‘des actes
intellectuels par la constitution des organes quien sont
e siège ou les agents.
Tel qu'il est, cet euvrage est conforme au plan déve-
Joppé par M. Delage dans la préface du premier volume,
Tous les grands problèmes de la Biologie qui ont été
discutés dans l'année, tous les faits qui présentent un
intérêt général, y sont successivement exposés, à l’'ex-
clusion des recherches spéciales et des monogra-
phies. )
- Les faits de détail et de morphologie pure ne rentrent
pas dans le cadre de cette publication, largement ou-
erte aux recherches expérimentales et aux considéra-
tions théoriques qui tendent à l'explication des phéno-
mènes vilaux.
Inspiré par ces idées, qui caractérisent la direction
uvelle des études biologiques, ce recueil, unique en
Rrance, — et même à l'étranger, — rendra d’inappré-
&iables services à tout biologiste soucieux de se tenir au
courant des progrès de la Science. L'impatience avec
aquelle l'apparition de chaque volume est attendue
est l'indice de l'incontestable utilité de cette publica-
tion et de l'estime dans laquelle on la tient.
D' P. Vicier,
Préparateur-adjoint d'Histologie
à la Faculté de Médecine de Paris.
Catois (Eugène), Professeur à l'Université de Caen.
— Recherches sur l'Histologie et l'Anatomie mi-
croscopique de l'Encéphale chez les Poissons
(Thèse de la Faculté des Sciences de Paris). —
1 vol. in-8 de 168 pages, avec 10 planches hors texte.
L. Daniel, imprimeur. Lille, 4901.
La thèse présentée par M. Catois est une étude très
travaillée sur l’encéphale des Poissons, envisagé aux
points de vue histologique et anatomo-microscopique.
Indépendamment de l'historique et de la technique, le
travail comprend deux parties principales, l’une histo-
logique, l'autre anatomo-microscopique, d'ailleurs iné-
galement développées.
La partie analomo-microscopique, qui ne se prête
pas à une analyse à cause de son caractère purement
descriptif, l'emporte de beaucoup sur l’autre. Elle est
illustrée par plusieurs planches représentant dans leur
ensemble les ganglions et les trajets fibreux du Télen-
céphale, du Diencéphale et du Mésencéphale chez les
Téléostéens et les Sélaciens; un paragraphe spécial est
consacré à l'étude du Mésencéphale et à la difficile
question du cervelet des Poissons. Cette description
anatomo-microscopique offre une valeur documentaire
considérable.
La parlie histologique du fravail a recu des déve-
loppements moindres. Les résultats rapportés par l'au-
teur dans cette partie ont trait d'une part à la forme
et aux rapports, d'autre part à la structure des élé-
ments nerveux et autres de l’encéphale.
Sur le premier point, et spécialement sur la forme
des cellules nerveuses, il est à noter qu'en général la
différenciation de l'axone est moins accusée et que les
dendrites sont moins abondamment ramifiés chez les
Poissons que chez les Vertébrés supérieurs; les cellules
psychiques ou cellules pyramidales de l'écorce céré-
brale, par exemple, ne présentent pas chez les Séla-
ciens la forme différenciée si caractéristique qu'elles
offrent ailleurs, et ne sont représentées que par des
éléments indifféremment multipolaires.
Quant aux rapports des éléments nerveux entre eux,
ils ne sont pas étudiés, par la raison bien simple que
l'auteur ne soupçonne pas qu'ils puissent être autre-
ment que conformes à la théorie du neurone, tant est
grande sans doute la confiance qu'il a dans cette
théorie et dans les méthodes d'investigation sur les-
quelles elle repose. Il n'y a pas de doute, en effet, que
ces méthodes ne montreront jamais que des faits nou-
veaux venant toujours à l'appui de la théorie, puisque
celle-ci est née de faits analogues dus aux mêmes
méthodes. Pour pouvoir aujourd'hui décerner le titre
de « recherches historiques » au chapitre histologique
d'un travail consacré comme celui-ci à l'étude du sys-
tème nerveux, la première condition est qu'il y ait
véritablement recherche, c’est-à-dire que, par l'emploi
des méthodes très diverses déjà en usage, et au besoin
de méthodes nouvelles et originales, on se propose
d'éprouver l'exactitude des faits déjà produits et la
valeur des théories en cours, et qu'on ne s'affranchisse
pas du devoir obligatoire d'examiner comparativement
et de critiquer. C’est faute de pratiquer cet examen
critique, en matière de système nerveux, et c’est pour
accepter les yeux fermés une théorie dogmatiquement
établie, que l’histologie risquera fort de rester « im-
puissante à donner la solution du problème » (du pro-
blème physiologique du système nerveux), et que,
suivant la prédiction même de Ramon y Cajal {cité par
l’auteur), « l'achèvement complet de l'édifice de la
névrologie nécessitera encore un labeur de plusieurs
siècles ». Tout ceci, bien entendu, ne s'adresse pas
spécialement à ce travail, mais en général à tous ceux
qui, conçus dans le même esprit, s'inspirent d'un
dogmatisme trop facile et par cela même dangereux,
et sont néanmoins des travaux le plus souvent fort
estimés. =
Quant au chapitre consacré à la structure des élé-
ments nerveux, il est moins important que le précé-
814
dent; il renferme des documents intéressants relative-
ment aux fibres nerveuses et aux cellules de soutien,
mais il est extrêmement réduit pour ce qui est de la
cytologie des cellules nerveuses.
En somme, si, dans la partie histologique, ce travail
n’est pas devenu une véritable contribution à l’histo-
logie du système nerveux, en s’élevant au-dessus de la
description pure, et surtout en s’affranchissant de
toute idée préconçue sur les rapports des éléments
nerveux, du moins est-il, par sa partie anatomo-mi-
croscopique, qui est {rès riche en faits et qui précise
sur beaucoup de points la texture de l’encéphale des
Poissons, un excellent Mémoire descriptif, d’une valeur
anatomique et zoologique considérable, et dont les
résultats très précis prouvent l’habileté du technicien
et la sagacité de l'observateur.
- A. PRENANT,
Professeur à l'Université de Nancy.
4° Sciences médicales
Hartmann (Henri), Professeur agrégé à la Faculté de
Médecine. — Chirurgie gastro-intestinale. — 1 vol.
in-8° de 154 pages avec figures. (Prix:8 fr.) G. Stein-
heil, éditeur. Paris, 1901.
H. Hartmann est avec Chaput, Doyen, Quénu, Terrier,
Tuffier, un des chirurgiens parisiens qui se sont le plus
occupés des questions de chirurgie gastrique et de chi-
rurgie intestinaie.
Il a déjà publié sur ce sujet de beaux ouvrages : un
livre avec Terrier sur la Chirurgie de l'estomac, un
autre avec Quénu sur la Chirurgie du rectum.
Dans son nouveau livre, il complète, et surtout il
condense ses travaux antérieurs.
L'ouvrage se divise en six lecons essentiellement pra-
tiques; l’auteur ne noie pas son lecteur dans les ren-
seisnements bibliographiques etles aperçus historiques;
en historique, il ne donne que les points essentiels;
avant tout et surtout il expose la manière de faire,
il décrit les procédés qui lui ont paru les meilleurs.
La description de chaque opération est suivie de l'étude
de ses résultats et de la discussion de ses indications.
On voit dans tout le livre le souci de la précision dans
les détails opératoires, de la netteté dans les indications
thérapeutiques.
La première lecon est consacrée à l'anatomie de
l'estomac, à l'examen clinique d'un estomac, à la techni-
que générale des anastomoses entre deux organes creux.
Dans ce chapitre, on trouve le résumé des travaux de
Cunéo sur les lymphatiques de l'estomac, travaux indis-
pensables à connaître pour tout opérateur qui s'occupe
de chirurgie gastrique.
La deuxième lecon traite d’une des plus importantes
opérations sur l'estomac, de la gastro-entérostomie.
L'auteur trace brièvement l'historique de cette opéra-
tion: il décrit surtout la gastro-entérostomie postérieure
de von Hacker, qu'il considère comme le procédé de
choix.
La troisième lecon est celle qui nous a le plus intéressé;
elle contient une excellente étude des diverses variétés
de gastrorectomies. Hartmann fixe les conditions indis-
pensables pour obtenir, dans les opérations de ce genre,
une guérison complète et durable; il décrit le procédé
qu'il emploie dans les résections stomacales.
Dans la quatrième lecon sont exposées diverses opé-
rations qui sont, pour la plupart, d’un intérêt secon-
daire. 11 n’est pas certain que la dilatation du pylore, la
pyloroplastie, la gastrorraphie, la gastropexie soient des
opérations destinées à rester dans la pratique chirur-
gicale; il était difficile néanmoins de les passer sous
silence.
Le traitement des lésions traumatiques de l'intestin,
les divers procédés d'entérectomie, l'entéro-anastomose,
l'excision de l'intestin forment le sujet de la cinquième
leçon.
La sixième’lecon renferme la description de l’entéro-
BIBLIOGRAPHIE — ANALYSES ET INDEX
tomie de Nélaton, de la typhlotomie, de la colostomie
iliaque et de la colostomie lombaire.
La septième lecon est réservée à la question de l’abla*
tion des cancers du rectum ; après avoir cité les prin=
cipaux procédés, Hartmann considère comme la voie la
meilleure pour enlever un cancer du rectum l’ancienne
voie périnéale, modifiée et améliorée. Il décrit
manuel opératoire de l'ablation périnéale du rectum.
L'auteur termine son ouvrage par une sorte d'adden:
dum consacré à la gastrostomie, et par l'exposé de sx
statistique personnelle des opérations praliquées Sur
l'estomac pendant les années 1898, 1899, 1900.
De cette statistique, il résulte, pour l’auteur, quedë&
succès dépend en grande partie de la précocité de ins
tervention ; savoir poser à temps l'indication thés
rapeutique est, pour lui, un point d'une importante
capitale. k
Le livre de H. Hartmann est, avant tout, un livre d'en
seignément; dans l’avant-propos, l’auteur met en reli
l'idée directrice qu'il voudrait inculquer aux jeune
chirurgiens ; c’est que : comme la chirurgie des me
bres, la chirurgie des viscères doit étre régie pan
l'anatomie de la région sur laquelle on opère. Ces temp
derniers, deux des prosecteurs de l'Ecole nous ont
donné à ce point de vue des travaux extrèmeme
utiles : Fredet s’est consacré à l'étude des vaisseaux
de l'utérus ; Cunéo, à l'étude des lymphatiques de les»
tomac; souhaitons que cet exemple soit suivi. Un bom
anatomiste n’est pas nécessairement un bon chir
gien, mais l'Anatomie est une des plus utiles servant
de la Chirurgie. ,
Le livre de H. Hartmann est bien édité, bien illustré
On y trouve les magnifiques dessins de Leuba cons&
crés aux lymphatiques de l'estomac, quelques figures
plus ou moins schématiques de Devy, et, en très gran
nombre, les planches très claires de Warine; les dessi
de Warine manquent un peu de souplesse; mais à
témoignent d'une grande conscience et d’un très rée
talent. Pour illustrer un livre de technique chirurgi
cale, l'illustration par la photographie est défectueuse:
Le dessin est aussi fidèle et infiniment plus clair.
P. DEsrosses.
5° Sciences diverses
Finot (Jean). — La Philosophie de la Longévité.=
4 vol. in-8° de 332 pages. (Prix : 5 fr.). Schleiche
freres, éditeurs. Paris, 1901.
Sous ce titre, M. Jean Finot, directeur de La Revue
(ancienne revue des Revues), vient de faire paraître un
ouvrage de forme un peu romantique, mélange de faits
et d'hypothèses sur le problème de la Mort. 4
Sans doute, beaucoup, parmi les idées qu'émet
l'auteur, ne sont guère susceptibles, au moins actuel
ment, d'être scientifiquement démontrées; mais ]
questions qu'il agite et que s'est de tout temps posé
l'Humanité, semblent, à l'heure présente, comme res
mises à l’ordre du jour à la suile des beaux travaux
d'un illustre collaborateur de la Æevue générale des
Sciences, M. Metchnikoff, sur ce qu'on pourrait appe
ler l'éloignement progressif de la vieillesse. ä
M. Finot passe en revue, dans son livre, des sujets
bien divers, dont plusieurs sont toutau moins tangen!
à la science positive, et, par la facon même dont il}
expose, parait, en vérité, les rajeunir. ,
Après avoir indiqué les faits qui tendent à prouver
que la vie humaine ne cesse d'augmenter, il se po
l'éternel problème de la guérison de la vicillesser
considère tour à tour les différentes conceptions
l'esprit humain s'est failes de la pérennité de la viee
de la survivance de la personnalité.
Si son livre ne convainc pas toujours le lecteur, ila
du moins, le mérite de linciler à penser. Ajoutons quul
est écrit d'un style alerte et avec une clarté qui ren
dent attrayantes des spéculations, d'un caractère ordi
nairement fort aride. MP
ACADÉMIES ET SOCIÉTÉS SAVANTES
ACADÉMIE DES SCIENCES DE PARIS
Séance du 29 Juillet 1901.
A9 SCIENCES MATAÉMATIQUES. — M. Ch. André a pour-
suivi ses recherches sur la variation lumineuse de la
planète Eros. Depuis le 29 mars, les minima successifs
d'ordre pair et-impair se produisent à des intervalles
de temps sensiblement égaux. — M. A. Demoulin mon-
tre que la principale difficulté du problème de la recher-
che des surfaces susceptibles d'une déformation con-
linue avec conservation d'un système conjugué consiste
dans l'intégration d'une équation aux dérivées partielles
qui, dans le cas général, est du quatrième ordre, et,
dans les cas particuliers, du troisième ou du deuxième
ordre. — M. H. Dulac étudie les intégrales analytiques
des équations différentielles du premier ordre et de
degré quelconque dans le voisinage de certaines valeurs
singulières. — MM. Eug. et Fr. Cosserat poursuivent
l'étude de la déformation infiniment petite d'un corps
“élastique soumis à des forces données. — MM. C. Ché-
neveau et G.Cartaud ont photographié les ondes pro-
duites, sous l'influence de vibrations, à la surface des
liquides contenus dans des cuvettes de formes variées.
Les figures ne sont pas sensiblement influencées par la
pature et l'inclinaison des parois. — M. J. Boussinesdq,
recherchant le pouvoir refroidissant d'un courant
liquide ou gazeux, montre que le flux F, émis par
l'unité d’aire du corps chauffé immergé dans le courant,
est proportionnel à l'excès moyen 4 de température du
“corps et à la racine carrée du produit de la conducti-
_bilité K du courant par la capacité calorifique C de son
- unité de volume et par sa vitesse v.
20 SGIENCES PHYSIQUES. — MM. P. Curie et A. De-
bierne indiquent divers procédés pour communiquer
les propriétés radio-actives à l’eau distillée ; mais cette
radio-activité disparait au bout de quelques jours en
vase ouvert où fermé. Les dissolutions de sels de radium
pérdent également peu à peu leur activité à l'air libre,
mais ils la recouvrent ensuite en tubes scellés. —
M. H. Stassano apporte des faits nouyeaux à l'appui
de l'hypothèse de De la Rive, qui attribue à l'évaporation
équatoriale l'origine de l'électricité des aurores polaires.
- — M. L. Décombe explique la continuité des spectres
dus aux solides et aux liquides incandescents, formés
pourtant de molécules finies, par la considération des
phénomènes qui se passeraient dans la couche superfi-
cielle. Son interprétation conduit à une nouvelle éva-
luation de l'intervalle moléculaire moyen, qui concorde
avec celles obtenues par d’autres méthodes. — M. G.
Gouy à étudié l’action électrocapillaire des molécules
-non dissociées en ions. Les courbes électrocapillaires
pis corps organiques sont très variées; le sens de l'effet
du corps organique est toujours une dépression ou
È diminution de 2, surtout marquée vers le milieu de la
courbe; elle tend à s’annuler en s’approchant des
. extrémités. — MM. Massol et Maldès ont constaté que
- les dissolutions obtenues avec un mélange de sulfate de
cuivre et de sulfate de soude (les deux sels étant en
- excès) présentent une composition invariable aux tem-
» pératures peu élevées, ainsi que l'avait observé Rudorf';
mais, dès que la température est suffisante pour que la
modification sulfate de soude anhydre puisse prendre
. naissance, la composition de la dissolution varie avec
- les proportions relatives des deux sels mis en présence.
- —M.C. Matignon a déterminé les principales constantes
pebysiques du chlorure de néodyme; il a signalé un
nouvel hydrate NdCI.H*0 et donné une méthode de
_ préparation simple par le chlorure de néodyme anhy-
815
ACADÉMIES ET SOCIÉTÉS SAVANTES
DE LA FRANCE ET
DE L'ÉTRANGER
dre; enfin, il a démontré que le néndyme est trivalent
dans son chlorure. — M. L. Guillet a isolé, dans la
réduction de l'acide molybdique par l'aluminium, cinq
combinaisons correspondant aux formules Al Mo, AlMo,
AlMo, AÏMo, AlMo* et, enfin, un composé très riche en
molybdène qui semble correspondre à AlMo*®. —
M. Jean Sterba, par des essais de cristallisations de
l'oxyde de cérium à différentes températures, a toujours
obtenu ce corps en cubes ou cubo-octaèdres, isotropes,
incolores et transparents, mais dont la densité variait
suivant la température de cristallisation. — M. C. Cha-
brié a extrait le cæsium du pollux en attaquant une
partie de ce minéral par 100 parties d'acide fluorhydri-
que, puis en transformant les fluorures en carbonates.
L'auteur à préparé divers sels de cæsium : sulfites,
hyposulfite et hyposulfate. — M. M. Delage poursuit
l'étude des acides pyrogallolmono- et disulfoniques ; il
a préparé leurs sels de sodium, potassium et ammonium
el indiqué les conditions de leur dosage alcalimétrique.
— M. Marcel Guerbet, en faisant réagir l'alcool éthy-
lique sur l'éthylate de baryte à 230°-240°, a obtenu une
petite quantité d'alcool butylique normal; la réaction
est lente el ne donne que de faibles rendements. —
MM. E. Bourquelot et H. Hérissey ont reconnu qu'il
y à production, durant la germination des graines de
Phœænix canariensis, d’un ferment soluble capable
d'hydrolyser les mannanes de l'albumen avec formation
de maunose; ce ferment pévètre dans l'albumen et
imprègne au moins les portions de cet albumen qui
touchent au cotylédon; le mannose formé est utilisé au
fur et à mesure de sa formation.
39 ScIENGES NATURELLES. — MM. N. Vaschide et Cl.
Vurpas ont observé que leur monstre anencéphalien
possédait deux rétines normalement constituées, mal-
gré l'absence de cerveau. — M. E. Hédon a constaté
que les globules rouges ayant fixé une quantité appré-
ciable d'un acide ou d'un sel acide deviennent impéné-
trables à la solanine ; inversement, les globules ayant
fixé un peu d’alcali subissent plus rapidement l'hémo-
lyse par la solanine que les globules normaux... —
M. G. Carrière a étudié l'influence de la lécithine sur
les échanges nutritifs. Ce corps à produit chez des en-
fants une notable augmentation de poids, une élévation
de la taille et une augmentation du nombre des hé-
malies. — M. Louis Mangin a reconnu que la forma-
tion des thylles gommeuses a lieu, dans les tiges végé-
tant normalement, toutes les fois qu'une dépression se
produit pendant un certain temps dans l'atmosphère de
la tige. Elles doivent se produire dans les cultures en
sol mal aéré. — M. J. Ray a réalisé des cultures arti-
ficielles de plusieurs parasites végétaux (charbons,
rouilles) et obtenu des formes atténuées d'un certain
nombre d'entre eux. — M. P. Thomas a étudié la nutri-
tion azotée de la levure en employant un milieu mi-
néral sucré auquel il ajoutait des poids connus de
substances azoltées parfaitement pures. La concentra-
tion de 20 °/, de sucre parait être la plus favorable
pour une bonne assimilation de l'azote, que celui-ci
soit présenté sous forme d'urée ou de bicarbonate
d'ammoniaque.
Séance du 5 Août 1901.
49 SCIENCES MATHÉMATIQUES. — M. Ch. André a observé
que l'amplitude de la variation lumineuse d'Eros, d'abord
de deux grandeurs, a diminué depuis le 20 février d’une
facon à peu près continue. Le 23 avril, on n'a plus cons-
talé de variation. — M. P. Appell montre que le théo-
rême communiqué récemment par M. Buhl et dont il
a déduit comme cas particulier le célèbre théorème de
816
ACADÉMIES ET SOCIÉTÉS SAVANTES
"a
Poisson, peut être considéré à son tour comme une
conséquence du théorème de Poisson. — MM. Eug. et
Fr. Cosserat étudient la déformation infiniment pe-
tite d’une enveloppe sphérique élastique. — M. E. Val-
lier indique les méthodes de calcul du coefficient de
lenteur dans les formules relalives à la pression dans
les bouches à feu. — M. Gravaris a trouvé qu'il existe,
entre l'angle & caractéristique de la déformation des
métaux et le coefficient newtonien de restitution €,
9
3 AMEN :
une relation de la forme e — = Cette relation se
vérifie pour le fer, le cuivre, le zinc, le verre. — M. G.
Kænigs présente une étude critique sur la théorie gé-
nérale des mécanismes. Il examine la classification de
Monge, qui se base sur le mouvement produit, et celle
de Willis, qui fait intervenir la nature des liaisons
mises en jeu.
20 Screxces PHysiques. — M. K.-R. Johnson rappelle
qu'il a publié dans les Annalen der Physik des expé-
riences semblables à celles de MM. Broca et Turchini
sur la décharge disruptive dans les électrolytes, et qu'il
en à aussi tiré la conclusion que l’électrolyte se com-
porte à peu près comme un diélectrique. — M. G. de
Metz a constaté que le corps humain se charge tout
comme un conducteur métallique; sa capacité élec-
trique reste constante quand le voltage varie de 100 à
1.000 volts; elle varie avec les circonstances et la pose;
elle est en moyenne de 0,00011 de microfarad. — M.F.
Beaulard a mesuré la différence de potentiel aux
bornes d'un micromètre, entre les boules duquel éclate
une étincelle ayant le caractère oscillatoire. Cette va-
leur, calculée par la formule de l’électromètre, diffère
de celle qui correspond à la même distance explosive
sur les tables de MM. Bichat et Blondlot d’une quantité
variable, passant par un maximum. Ce résultat s'ex-
plique par l'amortissement plus-ou moins rapide de
l'excitateur mis en jeu. — M. Ch. Nordmann à étudié
la transmission des ondes hertziennes à travers des so-
lutions d’acide sulfurique, de NaCI, de KCI etde Mg SO*.
Pour ces liquides, les épaisseurs maxima que peuvent
traverser les ondes employées, c’est-à-dire les trans-
parences pour ces ondes, varient dans le même sens
que les résistances, mais croissent moins vile que
celles-ci. — M. A. Ponsot montre qu'en général si,
dans un dissolvant qui ne prend pas part à fa réaction
chimique, la substitution d’un corps À à un corps B
dans le composé BC se produit avec dégagement de
chaleur, la tension de vapeur du dissolvant est plus
élevée quand il renferme une masse donnée de AC que
quand il renferme une masse équivalente de BC. —
MM. P. Sabatier et J.-B. Senderens ont réalisé la
réduction du nitrobenzène et de ses homologues en
aniline et bases correspondantes par l'hydrogène en
présence de cuivre ou de nickel très divisé :
CSHS.A20? + 6H — CSHS.AzII° + 2H°0.
La même réaction a lieu avec le gaz à l’eau:
C5H5AZ0° + 200 + H°— CSH5, AZI + 2C0?.
Vu le bas prix de revient de ce dernier corps, cetle
réaction pourrait devenir industrielle. — M. N.-A.Bar-
bieri décrit une méthode d'analyse immédiate du tissu
nerveux. Elle lui a permis d'en retirer de la chlolesté-
rine, de la cérébcine, de l'homocérébrine, de la kéra-
tine, une globuline-x et une globuline-$, et d'autres
substances non encore identifiées.
30 SCIENCES NATURELLES. — M. Yves Delage pense
que la maturation cytoplasmique est peul-être due à
la diffusion, dans le cytoplasme, du suc nucléaire qui
peut, selon sa constitution, modifier la teneur de
celui-ci en eau et en sels ou lui apporter des ferments
spécifiques. Le moment où le suc nucléaire diffuse
dans le cytoplasme est un stade critique où la sensibi-
lité de l'œuf aux agents est maximum. — M. G. M.
Stanoiéviteh présente un photomètre physiologique
basé sur ce principe qu'une quantité d'énergie lumi-
neuse minimum etconstanteestnécessaire pour produire
l'impression lumineuse sur la rétine de l'observateur.
Un diaphragme iris, dont on peut faire varier l’ouver-
ture au moyen d'un tambour divisé, est ouvert peu à
peu jusqu’à ce qu'on percoive ce minimum. — M. Collot
a déterminé des échantillons de Goniatites rapportés
du Sahara (chemin de Figuig à Igli). Cette découverte
ramènerait à un âge un peu plus récent que celui
admis par M. Ficheur les couches carbonifères du
Sahara oranais, ou bien elle montrerait qu'il y a plu=
sieurs niveaux.
Séance du 12 Août 1901.
19 SCIENCES MATHÉMATIQUES. — M. G. Mittag-Leffler
indique un critère pour reconnaître les points singu=
liers de la branche uniforme d’une fonctron monogène.
— MM. Eug. et Fr. Cosserat étudient la déformation
infiniment petite d'un ellipsoide élastique soumis à des
efforts donnés sur la frontière. — M. G. Gravaris a vé-
rifié expérimentalement, pour le verre, l'acier, le cui
vre et le plomb, la relation qu'il a trouvée entre l’angle
caractéristique de la déformation des métaux et Ie
cœflicient de restitution de leur élasticité.
20 Sciences puysiques. — M. G. M. Stanoiévitch
rappelle que les perturbations de l'état moléculaire
d'un nuage à grêle, produites par une ou plusieurs
ondulations, peuvent empêcher la formation de Ian
grêle. Pour produire ces vibrations, il préconise l'em=
ploi de cerfs-volants ou de ballons captifs, pouvant”
monter à des hauteurs variables, et porteurs de fortes:
sonneries ou sirènes. — M. G. Vaillant a vérifié cxpé-"
rimentalement que : 1° Dans des solutions complète-
ment dissociées, ne contenant qu'un ion coloré, la
coloration est indépendante de la nature de l’autre ion;
2 Si, au contraire, l'ionisation est incomplète, la colo-
ration varie avec la concentration et la nature de l'ion.
non coloré. — M. de Forcrand a établi la formule :
2e M = 30,
dans laquelle z et s indiquent les chaleurs de liquéfac- M
tion etet de solidification de l'unité de poids d'un corps,
M son poids moléculaire et T sa température absolue
d'ébullition. Il s'en sert pour calculer le poids molécu-
laire de divers corps au point d'ébullition. — M. M.
Descudé, en faisant réagir l’anhydride benzoïque ou le
chlorure de benzoyle sur le trioxyméthylène en pré-"
sence de chlorure de zinc, a obtenu du dibenzoate de
méthylène (C°H5, COO ŸCH®, cristallisant en prismes eli-
norhombiques incolores, fondant à 99°.
Louis BRUNET.
ACADÉMIE DE MÉDECINE
Séance du 30 Juillet 1901.
M. le Président annonce le décès de M, Moncorvo, M
correspondant étranger, et de M. de Lacaze-Duthiers,
membre libre de l'Académie.
M. R. Blanchard présente, au nom de la Commis-
sion du paludisme, un Rapport sur les moustiques de
Paris et leurs méfaits. Ceux-ci peuvent propager le
paludisme, les maladies filariennes, la fièvre jaune et …
peut-être la lèpre. IL importe donc, dans les maisons
envahies par les moustiques, de faire usage des mous-
tiquaires pour se protéger pendant la nuit; il est utile
également, pour chasser les moustiques, de répandre
dansles chambres des vapeurs de formol. Pour atténuer
les effets de la piqûre, il est avantageux d'employer la
teinture d'iode en badigeonnage. Pour se débarrasser
des moustiques, il importe avant tout de faire dispa=
raître les eaux stagnantes, en les remplaçant par de
l'eau courante; pour détruire les larves de moustiques
dans l'eau, on se servira avec avantage d'huile de
pétrole qui s'étalera à la surface de l’eau. — M. Kelsch …
présente une étude sur les cardiopathies latentes et la
mort subile dans l'armée. Il signale la fréquence des
ME
affections idiopathiques du cœur et des gros vaisseaux
“chez les soldats, leur évolution silencieuse et leur réveil
“brusque, leur révélation soudaine dans une catastrophe
“finale provoquée par l'effort professionnel, tel que le
pas de gymnastique, le saut d'obstacles, l'exercice, la
manœuvre, la marche, etc., effort qui vient surprendre
inopinément le cœur et réclame de lui un déploiement
d'énérgie incompatible avec sa déchéance.
SOCIÉTÉ DE BIOLOGIE
Séance du 6 Juillet 1900.
M. Ch. Féré a constaté que les excilalions du goût
augmentent la capacité de travail au début lorsqu'elles
font courtes; quand elles sont prolongées, elles pro-
duisent une dépression immédiate. Dans tous les cas,
elles précipitent la fatigue et diminuent le travail total.
L'opium en petite quantité produit d'abord une aus-
Mentation; en quantité plus grande, il cause dès le
début une dépression du travail. Dans tous les cas, le
travail total est au-dessous de la normale. — M. E. Mau-
rel a reconnu que le danger de la cocaine réside dans
sa pénélration dans les veines, autres que celles du
système porte, à un litre suffisant pour tuer le leuco-
cyte, ou du moins pour lui donner la forme sphérique.
La mort accidentelle par la cocaïne est due aux leuco-
Cytes rendus sphériques el rigides qui, arrêtés par les
“capillaires du poumon, remplissent le rôle de véritables
embolies. — MM. Jean Camus et P.Pagniezontobservé
“de grandes variations dans le pouvoir hémolysant de
différents sérums, sans que celles-ci paraissent liées à
telle ou telle affection. D'autre part, ils croient àfla pré-
sence, dans le sérum, d’une substance protectrice,
existant à côté de l’alexine et capable de s'opposer dans
“une certaine mesure à son action. — MM. L. Camus et
“E. Gley rappellent leurs recherches analogues sur le
sérum d'anguille, qui les avaient conduit à des résultats
contradictoires. — MM. J. Camus el P. Pagriez croient
avoir décelé dans le sérum des phtisiques l'existence
d'une sensibilisatrice. — M. Widal a fait une ohserva-
tion analogue. — MM. F. et J. P. Tourneux ont observé
que la durée de l'incubation des œufs de perruche
ondulée est, en moyenne, de dix-huit à vingt jours.
L'intervalle qui sépare deux pontes successives peut
varier de sept à quarante-neuf jours. — MM. H. Roger
et E. Weil ont reconnu que les animaux inoculés avec
le pus variolique résistent fréquemment lorsqu'ils sont
bien nourris. D'autre part, le sang des animaux, ino-
culés n’est virulent que pendant un temps très court.
— MM. Léri et Du Pasquier ont comparé la valeur des
injections de cocaïne sous-arachnoïdiennes et épidu-
rales dans le traitement de la sciatique. Les premières,
qui présentent des inconvénients, ne doivent ètre em-
ployées qu'après échec des secondes, qui sont sans dan-
ger. — M. E. Couvreur pense que l'accélération dans
e refroidissement, constatée par M. de Tarchanoff
après section des pneumogastriques au cou, est due
simplement aux troubles respiratoires très marqués
qui suivent immédiatement la double section. —
MM. Doyon et Morel ont constaté, chez le lapin, que,
sous l'influence d'un séjour de vingt et un jours dans
l'air comprimé, le nombre des globules a diminué de
plus d'un tiers. Cette modification à disparu lorsque la
pression est redevenue normale. — M. L. Lauroy à
“mis en évidence l’ergastoplasme dans les cellules des
glandes Jabiale supérieure et sous-linguales des cou-
“euvres Zamenis viridiflavus et Tropidonotus viperi-
nus soumises pendant dix minutes à l’action de la pilo-
carpine. — M. Laignel-Lavastine a observé que le
“liquide céphalo-rachidien des paralyliques généraux
‘paraît stérile à toutes les périodes de la maladie. —
M: G. Carrière a étudié la méthode de séro-diagnostic
de la tuberculose. Elle est d'une pratique difficile, mais
«elle est très sensible et a une grande valeur ajoutée
‘aux autres éléments de diagnostic. — M. L. Bard à
reconnu que l'hémoglobine du sang épanché et héma-
ACADÉMIES ET SOCIÉTÉS SAVANTES
tolysé dans le liquide céphalo-rachidien y subit une
transformation pigmentaire spéciale qui précède sa
résorption définitive et qui permet de constater pen-
dant un certain temps l'existence d’un épanchement
antérieur.
Séance du 13 Juillet 1901.
M. Ch. Féré a observé que les excilations auditives
produisent une suractivité du travail, surtout si elles
sont variées; mais la répétition d'une note monotone
fait bientôt disparaître l'effet exaltant primitif et pro-
duit une diminution de travail, De même, à la suite
d'une excitation cutanée prolongée, l'augmentation
initiale fait place à une dépression du travail. —
M. Ch. Féré à constaté que l'injection préalable de
doses faibles d'une solution d'antipyrine dans l’albu-
men de l'œuf a une action excitante sur le développe-
ment de l'embryon de poulet, tandis que l'injection de
doses fortes .a un effet nuisible. — MM. B. Auché et
L. Vaillant ont étudié les altérations du sang pro-
duites par les morsures de serpents venimeux; elles
consistent principalement dans une hématolyse des
globules rouges et une augmentation des globules
blancs. — MM. Albarran el Cathelin ont vu l'inconti-
nence d'urine disparaitre plus ou moins complètement
à la suite d'injections épidurales de cocaine. —
MM. E. Wertheimer el L. Lepage ont observé que de
très fortes doses d’atropine ne suppriment pas, chez le
chien, les réflexes sécrétoires du pancréas et qu'elles
ne paraissent même pas les atlénuer. — MM. E. Bar-
dier et H. Frenkel ont constaté qu'une excitation
légère du rein par le nitrate d'argent, incapable de
provoquer une véritable néphrite, exagère l'activité
glandulaire. Une cautérisation plus profonde produit
une petite diminution de la quantité d'urine excrétée.
L'injection d'acide chromique dans le rein produit une
néphrite intermédiaire entre la simple irritation de la
surface et la néphrite épithéliale. — MM. R. Oppenheim
et M. Lœper ont étudié les lésions des capsules surré-
nales dans quelques maladies infectieuses aiguës. Elles
consistent en altérations du protoplasma des cellules,
thromboses des veines capsulaires, nodules infec-
tieux, elc. — M. E. Retterer à reconnu que la fonction
principale du ganglion lymphatique est de produire
des hématies et du plasma. Les leucocytes qui s'y déve-
loppent ne sont que des restes cellulaires qui finissent
également par se convertir, dans le courant lympha-
tique ou sanguin, en éléments hémoglobiques. —
MM. Ch. Féré el Aug. Pettit ont éludié la structure
des téralomes expérimentaux et ont trouvé certaines
ressemblances avec les néoplasmes spontanés. —
M. A. Lesage a isolé, dans seize cas de gastro-entérite
du nourrisson terminés par la mort, un cocco-bacille
possédant les caractères du genre Pasteurella. —
MM. A. Charrin el G. Delamare ont étudié les pro-
priétés du placenta dans le but de rechercher si cet
organe possède une activité propre capable de modifier
ou d'arrêter certains produits; leurs éxpériences ne :
sont que préliminaires. — M. Ch. Lapierre à employé
les glucoprotéines comme milieux de culture chimi-
quement définis pour l’élude des microbes. L'étude
comparée du coli-bacille et du bacille typhique lui a
permis d'établir cinq types de transition définis entre
ces deux formes, mais il n’y a pas passage au bacille
d'Eberth. Les cinq types sont des variétés de l'espèce
coli, à laquelle il est possible de les faire revenir. —
M. F. Arloing à étudié un sérum antituberculineux
qui exalte la virulence du bacille de Koch, ou bien
favorise l'infection de l'organisme par l'agent tubercu-
leux. — MM. E. Cassaet et G. Saux ont reconnu que
les produits acides de la digestion artificielle des
viandes sont les mêmes que ceux des hyperchlorhy-
driques; leur principale propriété est une action tétani-
sante. — MM. V. Henri et Larguier des Bancels ont
étudié l’action de l'acide chlorhydrique sur le saecha-
rose et sur l'acétate de méthyle; les deux ‘réactions
se produisent avec la même vitesse séparément et
818
ACADÉMIES ET SOCIÉTÉS SAVANTES
simultanément. Elles sont donc purement catalytiques.
— M. A. Poulain a reconnu qu'à l’état normal le pou-
voir lipasique est sensiblement le même dans les gan-
glions périphériques et dans les ganglions du mésen-
tère. Dans les infections intestinales, l'activité lipasique
des ganglions mésentériques diminue beaucoup par
rapport à celle des ganglions périphériques; le con-
traire se produit dans les infections cutanéo-mu-
queuses. — M. C. Simionesco a employé avec succès
le cacodylate de soude dans diverses affections. Le
traitement cacodylique prolongé n'a pas produit de
phénomènes d'intoxication, — MM. Grossard et Pégot
ont constaté l'existence d'un centre psychique d’auto-
audition. — M. Tribondeau a observé 14 cas d’éléphan-
tiasis des membres supérieures avec engorgement du
ganglion sus-épitrochléen.
SOCIÉTÉ ROYALE DE LONDRES :
SCIENCES NATURELLES.
R. Kennedy : Sur la restauration des mouve-
ments coordonnés après le croisement des nerfs,
avec changement de la fonction des centres corti-
caux cérébraux. — Dans le membre antérieur du
chien, le centre nerveux des muscles fléchisseurs peut
être croisé avec celui des muscles extenseurs avec ce
résultat, malgré le changement de l'innervation, de
rendre à l'animal, comme auparavant, le pouvoir
d'exécuter des mouvements volontaires et coordonnés
de ses membres.
Le fait de croiser les nerfs n’ajoute rien matérielle-
ment au temps qui serait nécessaire pour recouvrer
le fonctionnement du membre si les mêmes nerfs
avaient été seulement divisés et réunis par suture avec
toute l'exactitude possible.
Le résultat du croisement du centre nerveux des
groupes de muscles antagonistes est que les centres
nerveux qui innervaient le premier groupe autrefois,
servent maintenant à l’autre groupe; et ce changement
s'étend jusqu'aux centres cérébraux corticaux dont la
position est changée, mais qui conservent leur irrita-
bilité. sx
Les centres cérébraux corticaux dont la position a été
interchangée par le croisement peuvent émettre, en
réponse à la volonté, des impulsions qui amènent dans
les nouvelles terminaisons périphériques des mouve-
ments parfaitement coordonnés, ; ,
Chez l’homme, le nerf facial peut être détaché du
centre facial et attaché au nerf spinal accessoire; de
cette facon les nerfs faciaux sont innervés par le centre
spinal accessoire, en permettant ainsi le rétablisse-
ment partiel des mouvements coordonnés de la face
à la fois volontaires et réflexes.
Dans le cas de la réunion d’un nerf divisé, il n’est
pas nécessaire de supposer que la régénération a res-
tauré les anciens trajets des impulsions nerveuses,
car si de nouveaux trajets sont formés par la coadap-
tation imparfaite des extrémités du nerf divisé, en
modifiant les connexions des cellules du nerf central
avec les extrémités périphériques, l'organisme à le
pouvoir de compenser cette altération. :
Dans le cas de paralysie d'un muscle ou d’un groupe
de muscles, si le nerf qui commande le ou les muscles
affectés est greffé à un nerf efférent voisin qui com-
mande des muscles sains, il est probable que le groupe
de muscles affectés, s’il n'est pas complètement détruit
par un processus dégénératil, reprendra sa fonction
normale.
SOCIÉTÉ DE CHIMIE DE LONDRES
Séance du 20 Juin 1904 (suite).
MM. H.-E. Armstrong et T.-M. Lowry pensent que
l'acide camphorsulfonique de Reychler est probable-
ment un acide «, le groupe sulfo occupant la même
position que l'atome de brome dans l'x-bromocamphre.
Quand le sulfochloro- ou le sulfobromocamphre es
traité par l'’ammoniaque diluée, la réaction est normale
et il se produit seulement l'«-sulfonamide, fondant
2230; quand l’ammoniaque est concentrée, la réactio
est violente et il se forme l’«-sulfonamide isomère, fon:
dant à 1320. C’est une substance labile, qui est aisémen
convertie dans l’x-sulfonamide stable par le brome o
les acides. Les auteurs ont préparé beaucoup de dérivés
sulfonés et halogénés du camphre. L’«-bromocampbhre
a-sulfonamide, bouillie avec l’anhydride acétique, se
convertit en un anhydride qui paraît répondre à [à
formule :
C.Br — S0?
CH O |
C——Az
— M. A.-T. Larter a répété les expériences d'Arms=
trong et Rennie sur la nitration du dinitrothymol eta
toujours obtenu le trinitrométacrésol et non le trini=
trothymol comme prétend l'avoir obtenu Maldotti. La
nitration de l’éther éthylique du dinitrothymol donne
également l'éther éthylique du trinitrométacrésol. =
M. A. C. Hill a observé que l'hydrolyse des solutions
diluées d’amidon par la diastase du taka aboutit à un
transformation complèle en glucose. Une solution co
tenant 35 °/, de glucose et 6 °/, d'hydrate de maltose,
traitée par la diastase du taka renfermant de la mal=
tase, s'hydrolyse jusqu'à renfermer 39 °/, de glucose
et 2 0/, d'hydrate de maltose. Par contre, une solution
renfermant 60 °/, de glucose, traitée de la même facon,
contient, au bout d'un certain temps, 58 °/, de glucose
et 2 0/, d'hydrate de maltose; il y a donc eu unes
action inverse du ferment; si l’on dilue la solution,
l'hydrolyse reprend de nouveau.
ACADÉMIE DES SCIENCES D'AMSTERDAM
Communications récentes.
1° SCIENCES MATHEMATIQUES. — MM. H. G. et E. F.
van de Sande Bakhuizen font connaitre et expliquent
les dépêches se rapportant aux résultats de l'expédition
néerlandaise destinée à l'observation de l'éclipse solaire
totale du 18 mai 1901 à Karong Sago, près de Païnan,
sur la côte occidentale de l’île de Sumatra. Malheureu-«
sement, pendant l'observation, la plus grande partie du
ciel a été couverte de nuages (alto-cumuli). C'est ainsi
que les observations avec le grand spectrographe n'ont
pas permis de déduire des résultats relatifs au mou=.
vement de la couronne. Au contraire, les observa-
tions avec le petit spectrographe ont livré des images
du spectre entier de la couronne et du phénomène
connu sous le nom de « flash », etc. — M. W. Kap-
teyn : Sur des cas particuliers de l'équation différen=
tielle de Monge. Autrefois (Rev. gén. des Se., t. XI,
p. 658), l'auteur s’est occupé du cas s + At + p —=0;
maintenant il étudie le cas r—Xt+1—0, en suppo=
sant en premier lieu que À et # sont des fonctions des
pet q, et en second lieu que X et y ne dépendent que
de x, y, z: Ensuite M. Kapteyn s'occupe d’une intégrale
définie où entrent des fonctions de Bessel. U démontre
la relation: :
r(m—ne) f° CO 10 Se Su ESA TE
(1 t P}
où In(/), In(t) sont des fonctions de Bessel de première
/
espèce et des ordres différents m, »n, et le cas particu-
lier :
Ee dt_,
2n f° in (+=.
— M. J. Cardinaal présente, au nom de M. K. Bes :
Détermination analytique du neuvième point dinter-
section de deux cubiques planes menées par huit points
donnés. L'auteur exprime les coordonnées du neuvième.
point à l'aide de déterminants contenant les coordon-
nées des huit points donnés. Il remarque que le hui-
tième point d'intersection de trois quadriques menées
ar sept points donnés de l’espace se détermine d’une
amère analogue. — M. H. G. van de Sande Bak-
ayzen présente encore : 1° « Korte handleïding, enz. »
Pelit aperçu des observations simples à faire pendant
éclipse totale du Soleil le 18 mai 1901), et 2° la thèse de
b J.-W.-J.-A. Stein, S. J., intitulée : Beobachtungen
ur Bestimmung der Breitenvariation in Leiden nach
er Horrebow-Methode angestellf von Juni 1899 bis
ani 1900 (Observations pour la détermination de la
ariation de la latitude de Leyde, d’après la méthode
le Horrebow, faites de juin 1899 à juin 1900).
20 SCIENCES PHYSIQUES. — M. H. Kamerlingh Onnes :
Représentation de l'équation critique des qaz et des
luides par des séries. Les calculs de l’auteur sont en
ation avec les résultats des expériences de M. Amagat
nales de Ch. et de Phys., série 6, t. XXIX, 1893).
Quoiqu'il ait recherché le développement de l'équation
ritique p — f (v,T) en série infinie double convergente
Suivant la densité moléculaire = et la température ab-
solue T, il a dû se restreindre à une représentation
Dar un polynôme ne contenant qu'un nombre fini de
ermes, pas même convergent pour toutes les densités.
our chaque isotherme, il a dù déterminer les coefli-
ents des termes de ce polynôme, etc. En partant de
à forme :
B Ch YD E F
PÉEPA HEE AE ENTRE LL
l obtient des résultats assez sensiblement d'accord
avec les expériences de M. Amagat en représentant une
elconque des fonctions B, C, D, E, F, en #{ par des
expressions de la forme :
Mit + Me +
My | My
ELU CÉ
M. Onnes présente ensuite, au nom de M. J.-C. Schalk-
wyk: {sothermes de précision. Suite d'une commu-
ication précédente (Rev. gén, des Se., t. XII, p. 151).
IL. Précision de la mesure de la pression à l’aide du
manomètre à air libre de Kamerlingh Onnes. IT. Man-
feau d’eau d'une température ordinaire constante.
IV. La calibrage des tubes piézométriques. V. L'iso-
therme de l'hydrogène à 20° au-dessous de 60 atmo-
sphères. — M. H.-A. Lorentz présente, au nom de
M. EF. Schuh : Ondes lumineuses planes dans un milieu
diélectrique homogène, électriquement et magnétique-
ent anisotrope. Déduction de l'équation connue de la
surface de l'onde, tant en coordonnées tangentielles
a'en coordonnées ordinaires. Etude des propriétés de
cette surface. — M. J.-D. van der Waals présente, au
iom de Ph. Kohnstamm et de B.-M. van Dalfsen :
Pensions de vapeur de mélanges d'éther et de chloro-
forme, D'après les résultats déposés par les auteurs en
ne table et un diagramme, la relation simple
4 — d,a, de Galitzine-Berthelot semble assez impro-
ble. — M. H.-W. Bakhuis Roozeboom présente, au
m de A. Smits et de L.-K. Wolff : Sur la r'étrogra-
tion de l'ionisation de solutions de NaOH, Na,CO, et
NaHCO, par l'addition de NaCI. En 1900, M. Starke
uvait qu'en ajoutant 1 centimètre cube d’une solu-
ion de NaOH de 0,15 °/, à 25 centimètres cubes d’une
olution de NaCI de 15 °/, où à 25 centimètres cubes
eau distillée, on obtient des solutions de réaction
caline différente, la réaction de la solution de NaCI
nt la plus forte. Il répétait ses épreuves en substi-
ant des solutions de Na,CO, et de NallCO, à celle de
l; le résultat restait le même. Il parvint ainsi à
ette conclusion que, contrairement à la théorie, la
ion alcaline d'une solution de NaOH, au lieu de
minuer, s'accroît sensiblement par l'addition d’un sel à
n homologue. MM. Smits et Wolff trouvent entre autres
e cette contradiction disparaît quand on se sert d’eau
re ne contenant pas des traces d'acide carbonique. —
Roozeboom s'occupe ensuite des Amalgames de
dmium en faisant connaître les résultats d’une étude
ACADÉMIES ET SOCIÉTÉS SAVANTES
819
cadmium et le mercure se mélangent dans toutes les
proportions. En refroidissant ces mélanges, on engendre
des cristaux correspondant aux lignes AG et CB du
diagramme (fig. 1), dont la première joint le point de
fusion À (— 40°) du mercure au point G (1880) et la
seconde ce point C au point de fusion B (321°) du cad-
mium. Ces deux lignes forment en C un point saillant
au lieu de s'y toucher. Elles ont été déterminées par
la méthode ther-
mique el par la mé- F
thode dilatométri-
que ; elles font con-
naître, pour une
proportion quel-
conque des deux
substances, la tem-
pérature où la con-
gélation commen-
ce. Car aucun des
amalgames liquides
ne congèle à une
température déter-
minée. Ainsi, [au
contraire, les lignes
AE, ED, DB font
connaître la tem-
pérature où la fu-
sion commence. Les
lignes AE, DB limi-
tent les deux séries
possibles de cris- Fig. 1. — Diagramme des points de
faux de mélange. A solidification des amalgames de
cadmiurn.
la température de
188°, elles se joi-
gnent à peu près en laissant entre elles un petit hiatus
situé entre 75 et 77°/, de cadmium. La question, très
importante, si les limites des deux espèces de cristaux
du mélange subissent des variations pour des tempéra-
tures plus basses, a été étudiée par la méthode élec-
trique. A cette fin, on mesurait la force électromotrice
d'alliages de concentration différente dans une solution
de sulfate de cadmium avec un pôle réversible de
mercure comme pôle positif, à des températures de
25° à 75°. Les lignes du
diagramme (fig. 2) indi-
quent la force électro-
motrice; les parties ab,
cd, ef correspondent aux
parties homonymes de £
la même horizontale de ;
25° dans la figure 1. La d
partie horizontale be à
une grande signification
en rapport avec les élé- S
ments Weston (voir /tev. NS
gén. des Sciences, t. XI,
p. 1252, l'étude de M.E.
Cohen, et surtout t. XIT,
p. 348, celle de M. C.-H.
Wind). On en déduit
qu'on obtient un élé-
ment de force électro- Hÿ
motrice constante en
choisissant comme pour-
centage de l’amalgame
qui sert comme pôle né-
gatif celui qui correspond
à un point quelconque de
droite be. De plus, toutes les irrégularités observées
dans ces éléments s'expliquent d’une manière assez
simple par la remarque que, si l'on prend un amal-
game d'une composition correspondant à un point tout
près de « (b), un refroidissement (échauffement) qui
donne à la partie horizontale be une translation vers b
(e) fait correspondre cette même composition à un
point qui ne fait plus partie de cette partie hotizontale
be, etc, — Enfin, M. Roozeboom présente Ja thèse de
Concentration Cd
Fig. 2. — Forces électromo-
trices d’amalgames de cad-
mium dans une solution de
sulfate de cadmium.
520
M. H.-C. Bijl : « De Cadmiumamalgamen en hun elec-
tromotorisch gedrag » (Les amalgames de cadmium et
leur conduite électromotrice), et la thèse de M. E. van
de Stadt Kzn : « Barnsteenzuuranhydride en phtaal-
zuuranhydride in hun gedrag tegenover water » (Les
anhydrides des acides succinique et phtalique et leur
conduite vis-à-vis l’eau). — M. H. Behrens : liecher-
ches microchimiques sur les métaux du groupe des
cérites. Etude des succinates des métaux du groupe des
cérites. — M. C.-A. Lobry de Bruyn présente au nom de
M. G. van der Sleen : Sur l'acide «-oxyhutyrique (acide
vinylglycolique) et ses transformations. L'étude de
l'acide vinylglycolique ‘CH, : CH.CH (OH) (COOH), com-
mencée en 1885 par M. Lobry de Bruyn lui-même, a élé
reprise en 1898 par M. van der Sleen, lorsque l'on eut
réussi à préparer cette substance en quantité assez im-
portante, par exemple d'environ 600 grammes par jour.
— M. Lobry de Bruyn présente encore, au nom de M. C.
Prey Jz., une étude : « Sur la synthèse de l'acide éry-
thrique », CH,OH.CHOH.CEOH.COOH, et, au nom de
M. P.-K. Lulofs, la thèse : « Reactiesnelheid by aro-
matische [halogeennitroderivaten » (Vitesse de réaction
des dérivées nitriques aromatiques halogènés). —
M. A.-N.-P. Franchimont : Une nouvelle classe de
nitramines ». En 4895, M. van Breukelenveen a préparé
l'uréo-éthanol (Hev. gén. des Se., t. VI, p. 198), dans
l'espoir d'en déduire un nitramine-alcool; mais cette
tentative n'a pas réussi, la combinaison de l'uréo-
éthanol avec Az0,H développant à la température ordi-
naire immédiatement A20, et CO,. Donc, M. Franchi-
mont a essayé, avec l’aide de M. Lublin, la préparation
d'un nitramine-alcool d'une toute autre manière, et
cette fois-ci il a réussi. Sa méthode s'explique assez
simplement à l’aide des deux équations :
CHE. Az — CO CHE. AZH
(4) | ME CHU OH LIRE CO
CH2.OH OCH CH —0
CHE. A7 — Az0° _ CH?.AzH:-A70*
CE INS SRE ERD EE
CH2.0 — CO CH2.OH
La substance du premier membre de l'équation (4) fut
déduite de l’amine-éthanol. En l’échauffant, elle se dé-
compose, même in vacuo, comme l'indique cette équa-
tion, en méthyle-alcool et l'olide de l'acide oxéthyla-
mine-formique. En ajoutant cet olide à l'acide nitrique
réel, on obtient le dérivé mononitrique qui figure dans
le premier membre de l’équation (2). En le faisant
bouillir avec de l'eau, on fait naître, d’après l'équa-
tion (2), de [l'acide carbonique et le nitramine-éthanol
dissout dans l’eau, qu'on obtient après vaporisalion de
l'eau sous forme d’un fluide sirupeux. L'auteur en a pré-
paré un sel de mercure cristallisé en aiguilles minces, un
sel d'argent cristallisé en plaques à éclat de nacre, etc.
— Ensuite M. Franchimont présente, au nom de M'° E.
van Aken : L'oxydation des substances organiques 420-
tées et la détermination de leur carbone et de leur
azote suivant la voie humide. Critique scientiique et
expérimentale des méthodes de Mill et Varrentrapp,
de Kjeldahl, de Budde et Schou et spécialement de M. P.
Fritsch (Liehig's Annalen, t. CXCIV, p. 7, 1897).
3. SCIENCES NATURELLES. — M. M. W. Beyerinck :
Suite des recherches sur les bactéries oligonitro-
philes (voir Rev. gén. des Se., t. XII, p. 392). Dans
celte seconde partie, l’auteur s'occupe des espèces qui
se développent sous l'influence de la lumière en des
fluides nutritifs ne contenant que des traces de
substances azotées, c'est-à-dire des espèces dont la
nutrition en carbone se fait à l’aide du carbone de
l'atmosphère. Ensuite M. Beyerinck s'occupe de : Bac-
téries lumineuses comme réactif dans les recherches
sur la fonction de la chlorophylle. Des algues marines
enfermées dans une quantité d'eau salée contenant
des bactéries lumineuses, n'émettant pas de lumière
par suite d'une admission insatisfaisante de l'air, for-
ment un réactif très précieux pour reconnaître la sé-
crétion de l'oxygène dans la lumière et le rapport de
+ CO!
ACADÉMIES ET SOCIÉTÉS SAVANTES
cette sécrétion avec la couleur de :a lumière. L'auteur
se sert d’une boîte en verre, rémplie d'une gélatine de
culture à 3°/, de NaCI, contenant une grande quantité
de bactéries lumineuses (Photobacter phosphorescens),
et donc lumineuse sous une admission satisfaisante
d'oxygène, portant dans son milieu une bande large
d'une espèce d'algue ({/1va) introduite avant la congé
lation de la gélatine. Dans l'obscurité, la gélatine ces
sait bientôt de dégager de la lumière, les parois e
verre empêchant l'entrée de l'air. Exposée à la lumière;
la décomposition de l'acide carbonique par l'Ulva pro
cure l'oxygène nécessaire pour que les bactéries rede
viennent lumineuses, ce qui fait naître une tache de
lumière qu’on peut faire disparaître et reparaître plus
sieurs fois. Si l’on s'imagine cette boîte placée dans une
chambre obscure, munie d'une coulisse qui permet de
l'exposer par partie à des rayons de différentes cou
leurs, on à une idée de l'instrument de l’auteur. De
cette manière, il trouve que la lumière rouge seule
favorise la décomposition de l'acide carbonique ; cam
c'est seuleinent en admettant cette lumière que les
bactéries recommencent à devenir lumineuses. De plus,
l’auteur démontre que des feuilles de plantes de terres
enfermées en gélatine contenant des bactéries lumis
neuses, ne sécrètent qu'une petite quantité d'oxygène,
quand on les éclaire après qu'on les a déprivées de
l'air; ainsi il vérifie le résultat de M. Stabl (Botanische«
Zeitung, 1894, p. 117 ét 1897, p. 71), que la respiration
se fait à travers les stomates. — M. J. W. Moll : Appa-
reil pour l'ajustage à distance du microscope de pro=
Jjection. Description d’un mécanisme inventé par le
directeur du Laboratoire botanique à l'Université de
Groningue, à l’aide duquel le démonstrateur peut ajus=
ter le microscope de projection, de manière que cer=
taines parties de l’image grossie cinq mille fois et plus
se montrent aussi distinctement que possible, sans
qu'il soit nécessaire qu'il quitte la chaire, éloignée de
6 mètres des appareils à projection. — M. Th. Place
présente au nom de M. J. W. Langelaan: Sur le
tonus des muscles (suite) (voir Rev. gén. des Se., t. XI$
p. 1355). L'auteur démontre que la relation /= Ap—
Bplogp, déduite d'expériences prises avec des gre
nouilles, est vérifiée de même dans le cas de chats
dont on a coupé la moelle épinière. Ensuite, M. Place
présente au nom de M. Al. Kleyn : Æxamen bactério=
logique d'exeréments humains. le partie : 4° L'hommem
adulte sain sécrète dans les fèces un nombre de bacté-
ries beaucoup plus grand qu’on ne le croyait jusqu'à
présent (en vingt-quatre heures, environ 8.800 mil=
liards, constituant 1,3 °/, de la substance solide des
fèces); 2° la majeure partie de ces bactéries sont mortes
(environ 99 °/,); 3° ordinairement, on observe dans les
fèces des actions anti-bactérielles qui font diminuer en
dehors du corps humain à 37° le nombre des microbes
vivants et leur multiplication. — Rapport de MM. C. A:
Pekelharing et Th. Place sur une communication de
M. C. Nicolai intitulée : Un nouveau muscle de l'œil
(Musculus papillæ nervi optici). Ce travail, démon-
trant l'existence d'un muscle annulaire autour du nerf
optique au point où ce nerf perce la paroi de l'œil,
paraitra dans les Mémoires de l’Académie .
M. C. A. J. A. Oudemans offre pour ces Mémoires :
Enumeratio systematica Fungorum in Ranunculacea
run, Berberidacearum, Nymphæacearum, Papavera
cearum et Fumariacearum Europæarum organis di
versis hucusque observatorum. — M. B. J. Stokwis
présente au nom de M. E. Cohen : Voordrachten ovei
physische Scheikunde voor geneeskundigen (Leçons de
Chimie physique pour les étudiants en médecine).
M. F. A. F.C. Went présente la thèse de M. S. L.Schou
ten : Reinkulturen uit een onder het mikroskoop geï-
soleerde cel (Cultures déduites d'une cellule unique;
isolée sous le microscope). P.-H. Scnoure.
Le Directeur-Gérant : Louis OLrvier.
Paris. — L. MARETHEUX, imprimeur, 1, rue Cassette.
12° ANNÉE
N° 18
30 SEPTEMBRE 1901
Revue générale
DIRECTEUR :
Des SCiences
pures el appliquées
LOUIS OLIVIER, Docteur ès sciences.
Adresser tout ce qui concerne la rédaction à M. L. OLIVIER, 22, rue du Général-Foy, Paris. — La reproduction et la traduction des œuvres et des travaux
publiés dans la Revue sont complètement interdites en France et dans tous les pays étrangers, y compris la Suède, la Norvège et la Hollande.
;: A L'OCCASION DE L'INAUGURATION
C'est le 29 septembre, sous la présidence de
M. Liard, directeur de l'Enseignement supérieur,
À que la ville d’Arbois à inauguré solennellement la
statue de Pasteur. Ce monument, dû au ciseau du
seulpteur Daillon, s'élève sur la place de la Petite-
Foule. La stalue, qui a figuré au dernier Salon, est
Bon bronze et représente le grand homme assis
dans l'attitude pensive qu'il avait souvent.
Des discours ont élé prononcés, le jour de
l'inauguration, par M. Cailletet, au nom de l'Aca-
démie des Sciences, par M. Chamberland, repré-
sentant l'Institut Pasteur, et par M. Boutroux,
: professeur à la Faculté de Besancon, ancien pré-
parateur de Pasteur.
Le
2
Dans la petite cilé franc-comtoise, aux environs
‘agrestes, serpentés par une jolie rivière, la Cui-
sance, s'écoulèrent l'enfance et la première jeu-
nesse de celui qui devait être une des grandes
- gloires du dix-neuvième siècle.
…—_ Vers 185, le père de Pasteur, tanneur de son
… état, vint se fixer à Arbois, dans une tannerie
| qu'il avait louée et dont il fut plus tard propriétaire.
Il avait combattu sous Napoléon, et sur la poitrine
de l'humble travailleur brillait la croix de chevalier
de la Légion d'honneur. Le jeune Louis, qui devint
ensuile le grand Pasteur, était alors tout enfant.
Il fréquenta d'abord l’école primaire, puis le collège
]
|
REVUE GÉNÉRALE DES SCIENCES, 1901.
PASTEUR A ARBOIS
DE SA STATUE (29 SEPTEMBRE 1901)
d'Arbois. Le rêve de son père était de le voir un
jour professeur de ce même collège. Pendant ses
premières années d'élude, aucun succès ne distin-
gua le jeune écolier, ni ne fit pressentir son génie.
Vers l'âge de treize ans, il ne manifestait encore
qu'un goût prononcé pour le dessin; il maniait
avec grâce le crayon et le fusain, et avait même
fait un essai de pastel, un portrait témoignant
d'une main très sûre et d'un vif sentiment de la
réalité. Ce portrait, pieusement conservé dans la
demeure familiale, représente sa mère, un matin
qu'elle se rendait au marché, coiffée de son bonnet
blanc, les épaules serrées dans un châle écossais
bleu et vert. L'heure de l'étude passée, il était
des premiers à aller s'ébatitre joyeusement dans
la campagne. Les écoliers en vacance couraient
dans les bois, ou organisaient des parties de
pêche sur les bords la Cuisance. Souvent
aussi, l’on se réunissait dans la cour de la tannerie,
située derrière la facade de la maison, où s'ali-
gnaient sept fosses pour la préparation des peaux,
Là, Louis Pasteur et ses petits camarades s’amu-
saient à utiliser les déchets d'écorce, à placer les
débris de tan dans des rondelles de fer, et à fabri-
quer, d’un mouvement de talon brusque et tour-
nant, des séries de mottes destinées au chauffage.
Le principal du collège d'Arbois, M. Romanet, fut
le premier à deviner, dans l’écolier studieux et
altentif, le génie qui devait un jour illustrer notre
époque. Il parla d'avenir et de la grande École
18
de
822
normale à ce jeune élève qui l’écoutait les yeux
brillants, le cœur rempli du feu de l'enthousiasme.
Après bien des hésitations, son père consentit au
départ de Louis pour Paris. Quitlant pour la pre-
mière fois les siens, qu'il aimait tendrement, il
partit vers les derniers jours d’octobre 1838 avec
son ami Jules Vercel, qui venait préparer son bac-
calauréat. Son séjour dans la capitale fut de courte
durée. Malgré les efforts de sa volonté et son amour
pour le travail, la nostalgie l’accabla. Il disait à
Vercel : « Si je respirais seulement l'odeur de la
tannerie, je sens que je serais guéri ».
Sa famille, avertie par lui, s’alarma de ce mal
moral qui prenait des proportions si intenses. Un
matin, au milieu de novembre, Joseph Pasteur,
ne pouvant endurer l’inquiélude, arriva à Paris
sans être attendu, et le père et le fils retour-
nèrent ensemble à Arbois. Durant les quelques
mois qu'il passa auprès de sa famille, il revint
à son passe-lemps favori, et reprit ses crayons,
qu'il avait abandonnés depuis dix-huit mois. Des
portraits au pastel, la plupart d’une touche gra-
cieuse et fine, fixèrent les traits des amis qui fré-
quentaient la maison du tanneur.
À la fin de 1839, Pasteur achevait sa rhétorique ;
il fut alors résolu qu'il se rendrait à Besançon pour
suivre au lycée la classe de philosophie; il comp-
tait dans cette ville finir ses études et préparer ses
examens de l'École normale, point de mire de ses
rèves et de ses aspirations. Son père se rendait à
Besançon les jours de grand marché pour y vendre
les cuirs de sa lannerie. Ces visites rendaient la
séparation moins amère.
En 1840, reçu bachelier ès lettres, il fut nommé
maitre supplémentaire au lycée de Besancon.
Deux ans après, il partit pour Paris pour se pré-
_ parer au concours de l'École normale. Des lettres
fréquentes à ses parents el à ses sœurs rappro-
chaient la distance qui le séparait de son cher
Arbois. Bien que l'éloignement du pays où vivait
sa famille lui fût toujours aussi douloureux, son
énergie, son enthousiasme pour l'étude l’aidèrent à
surmonter cette épreuve que son attachement pour
les siens rendait si pénible.
IT
À partir de celte époque, Pasteur cessa d’habiter
Arbois; mais il resta fidèle à ce lieu rempli de
souvenirs qu'il aimait: jusqu'à la fin de sa vie, il
garda le culte voué à ce joli coin de terre où
ses parents avaient vécu, où lui et ses sœurs
avaient grandi.
Chaque été il revenait à Arbois, dans l’ancien
logis paternel, qu'il avait religieusement conservé.
A mesure que sa famille s'était accrue, la vieille
2 D' ADRIEN LOIR — PASTEUR A ARBOIS
de sa famille.
De douloureux événements Îe rappelèrent à
maintes reprises en Franche-Comté, le frappant
dans ses plus chères affections.
Sa mère mourut à Arbois peu de temps avant le
mariage de Pasteur. Quelques années après, sa
fille aînée, étant en vacances auprès de son grand
père, élait brusquement enlevéé par une fièvre
typhoïde. Cette mort fut suivie de près par celle dem
Joseph Pasteur. k!
Il perdit deux autres de ses filles, l’une à Cham
béry, l’autre à Paris. Ce fut lui qui reconduisit 3"
Arbois leur dépouille mortelle.
On vivait simplement dans celte maison, que;
durant les vacances, M. et M": Pasteur ouvraient à
leur famille et à quelques amis intimes. 4
Dès huit heures, le savant se rendait dans son
cabinet, conligu au laboratoire aménagé dans l'ha=M
bitation, et travaillait jusqu'à midi. Dans le labo
ratoire, Pasteur s'adonnait surtout à des expériences
pour arriver à faire bénéficier ses compatriotes de
ses recherches sur la vinification. Il passait, pour"
les paysans franc-comlois du voisinage, pour une
sorte de médecin des vins. Souvent on frappait à
sa porte, lui apportant des bouteilles de ce célèbre
vin jaune d’Arbois dont un fût menacait de s'altérer
Consciencieusement, Pasteur analysait le vin eb
faisait le nécessaire pour arrêter la maladie. Dans
les caves d’Arbois peut-être en trouverail-on encore»
des bouteilles chauffées par Pasteur lui-même. Il
faisait aussi des recherches sur le charbon et le
choléra des poules et surveillait la fabrication du
vaccin du rouget des porcs. Il aimait à avoir ainsi
dans ce laboratoire d'Arbois des travaux à suivre
de près, mais il faisait surtout des projets d'expé-
riences pour le retour à Paris. Du reste, il dirigeait
de loin comme s'il eût été présent les grandes re-
cherches du laboratoire de Ÿ Ecole normale. L'étude
de la rage, qui a occupé une si longue période de“
sa vie, n'a subi aucune interruption durant ces
mois de villégiature. Tenu au courant par ses pré-
parateurs, il enregistrait chaque jour le résultat
des expériences dans ces gros cahiers noirs dont
parle Jules Claretie dans ses chroniques du Temps:
Malgré son absence, grâce à cette comptabilité.
scrupuleuse, il suivait pas à pas le développement
de ses travaux.
L'heure du déjeuner réunissail à table la fa-l
mille. Les repas étaient égayés par les saillies
spirituelles de son fils Jean-Baptiste, par la bonho=
mie remplie d'humour de son ancien camarade”
Bertin, qui devenait, ainsi que sa fille, l'hôte des
Pasteur pendant la durée des vacances. Pasteur
se laissait aller volontiers au courant de gaieté des”
CHRONIQUE ET CORRESPONDANCE
Conwives : Bertin surtout avait le don d’exciter sou-
ent son hilarité, et il riait de son bon rire de franc-
gomtois en écoutant les amusants à-propos de son
_mieil ami.
— Après le déjeuner l'on se rendait dans le minus-
ule jardin, longé par la rivière, qui avait remplacé
cour de la tannerie d'antan.
Pasteur retournait ensuite dans son cabinet, où
éitéré leur appel. On partait généralement vers
atre heures; on allait d'habitude sur la route
Dans son livre : Ja Vie de Pasteur, M. Vallery-
Radot, son gendre, dit que cette petite excursion
avait été aussi la promenade favorite du père du
grand savant. Vers le second kilomètre, Pasteur
possédait une vigne de quelques arpents : c'était
but de la promenade, C’est dans cette vigne que
furent faites, en réponse aux écrits posthumes de
raisin.
- Arbois fut la première étape du voyage expéri-
823
mental qu'il poursuivit jusqu’à la mer de Glace au
moment de ses études sur la génération spontanée.
À peu de distance de la tannerie paternelle, il mit
ses premiers ballons de verre en contact avec l'air
extérieur.
Quoique n'étant pas sa ville natale, Arbois a
toujours été son pays de prédilection et le théâtre
de ses joies et de ses douleurs. Cette brève histoire
de Pasteur à Arbois montre les liens qui atta-
chaient le grand savant au petit pays jurassien. Il
y allait encore pendant les dernières années de sa
vie, toujours entouré de la tendresse de sa dévouée
compagne et de ses enfants et de l'affection filiale
de son gendre, M. Vallery-Radot.
Ce brillant écrivain, digne historiographe du
grand homme auquel il a consacré sa vie, nous a
donné le plus complet document qui existe sur
Pasteur. En lisant ces pages, où se trouvent retracées
pieusement toutes les époques de sa vie, on revit
non seulement l'histoire de ses découvertes, mais
aussi la vie intime de l’illustre savant. C’est à juste
titre que le docteur Roux à dit du grand maitre
les paroles que Vallery-Radot à mis en tête de son
beau livre :
« L'œuvre de Pasteur est admirable: elle montre
son génie, mais il faut avoir vécu dans son intimité
pour connaître toute la bonté de son cœur ».
D' Adrien Loir,
Ancien préparateur de M. Pasteur.
CHRONIQUE ET CORRESPONDANCE
$ 1. — Astronomie
La constitution physique du Soleil, La Zevue
a récemment publié une longue étude sur les Eclipses
ét la constitution physique du Soleil !.
- Nous voulons aujourd'hui revenir sur ce sujet à pro-
pos d'un mémoire important dont l'auteur est M. Kr.
Birkeland, professeur à l'Université de Christiania.
Dans ses Recherches sur les taches du Soleil et leur
origine, M. Birkeland ne se montre pas satisfait par
les nombreuses hypothèses émises jusqu'à ce jour sur
lintérieur du globe solaire.
L'intérieur du Soleil renferme évidemment de vio-
lents foyers thermodynamiques qui se manifestent de
temps à autre au dehors, à travers la photosphère : les
taches et les facules du Soleil doivent figurer au nombre
de ces indices. Il est donc rationnel de rechercher les
moyens de constater, à l'aide d'observations faites sur
les taches et les facules, s’il existe une certaine persis-
tance dans ces foyers, supposés cachés à l'intérieur du
oleil, s'ils donnent lieu à des éruptions à retour pério-
dique et si, dans la suite des temps, les différents
v
foyers forment entre eux une configuration de quelque
invariabilité.
… ! Voir : J. Mascanr : Les Eclipses et la constitution phy-
sique du Soleil, dans la Revue des 15 et 30 mars 1901, €. XII,
p.213, à 222 et 270 à 282.
M. Birkeland examine d'abord le cas très simple où,
à l'intérieur du Soleil, tournerait un noyau contenant
un ensemble, à configuration fixe, de centres éruptifs
distincts, bien séparés les uns des autres, et trahissant
de temps à autre leur position instantanée en donnant
lieu à des taches, au-dessus d'eux, sur la surface de la
photosphère. Mais, en réalité, lorsqu'on veut procéder
à une recherche sur la persistance des foyers qui pour-
raient exister ainsi à l'intérieur du Soleil et servir de
centre à des cataclysmes thermodynamiques, il con-
vient de ne pas s'imaginer que de tels foyers existent,
soit de facon distincte, soit séparés les uns des autres:
on doit, au contraire, imaginer qu'il existe un système
extrêmement compliqué de cratères et de fissures, en-
chevètrés les uns dans les autres.
En outre, on ne peut pas admettre comme évident
que chaque volcan trahit sa position momentanée par
des taches faisant leur apparition juste au-dessus du
cratère considéré : car, si l'on veut bien considérer que
les masses dont se composent les taches doivent tra-
verser la photosphère, il est manifeste que les courants
dominant dans celle-ci doivent, jusqu'à un certain
point, influer sur la position qu'aura finalement la
tache à l'instant de son apparition. Tout ce que l'on peut
donc supposer, c’est que les taches apparaîtront au
voisinage des points de la surface solaire qui sont
situés au-dessus de centres éruptifs internes.
Pour ces motifs, il faut renoncer à l'idée que l'on
pourra obtenir la coïncidence parfaite des taches au
824
CHRONIQUE ET CORRESPONDANCE
dessus des foyers auxquels elles doivent leur origine :
mais, cependant, il était intéressant, et c'est ce qu'a fait
M. Birkeland, de rechercher s'il existe une répartition
nettement accusée des taches, subsistant d’une facon gé-
nérale,invariable d'une année à l’autre, pour des dizaines
ou peut-être même pour des centaines d'années.
M. Birkeland, en se basant sur plus de 2.000 observa-
tions de taches solaires empruntées, soit aux Greenwich
Observations, soit à Carrington (Observations of Solar
spots), soit à De la Rue, Stewart, etc.., est conduit à
cette hypothèse qu'il y aurait dans l'intérieur du Soleil
un noÿau, ayant une stabilité relativement considérable,
et possédant une période unique de rotation de
25 jours, 149 : ce noyau contiendrait les centres d’érup-
tion qui, pendant de longues années consécutives,
occasionnent des éruptions périodiques et trahies par
des taches à la surface du Soleil.
Un tel résultat une fois admis, il reste impossible de
défendre l'hypothèse suivant laquelle l'intérieur du
Soleil serait gazeux, du moins au sens qu'on attache
d'ordinaire à la notion de cet état d’agrégation. En effet,
nous ignorons à priori quel est l'état des corps qui doit
être le plus stable aux températures en question, et sous
des pressions énormes longtemps prolongées. Espérons
que M. Birkeland trouvera des éléments pour la solution
de ce dernier problème dans les curieuses expériences
que poursuit M. Tammann, sur les changements subis
par la viscosité des corps lorsqu'on les soumet à des
pressions considérables !.
Quoi qu'il en soit, cette hypothèse de M. Birkeland,
tendant à supposer le noyau du Soleil d'une rigidité
effective au moins comparable à celle de l'acier, est des
plus intéressantes, et il est à souhaiter qne les recher-
ches du savant professeur de Christiania, tant sur la
constitution physique du Soleil que sur l'influence des
planètes sur les taches solaires, le conduisent à un ré-
sultat encore plus certain. Les travaux de M. Birkeland
sont une nouvelle preuve que la Physique et l'Astrono-
mie sont déjà arrivées au degré de développement où
les sciences, après s'être d'abord séparées, se rejoi-
gnent et permettent des synthèses générales : en outre,
il devient de plus en plus évident que l’astronome mo-
derne ne peul manquer d'instruction générale, notam-
ment sur la Physique, et qu'il est grand temps pour lui
d'abandonner les errements de ses anciens.
$ 2. — Météorologie
La foudre en boule. — Une récente observation
de foudre globulaire, communiquée par M. J. Violle à
l'Académie des Sciences de Paris, vient de nouveau
d'attirer l'attention du monde savant sur cet étrange
phénomène, qui touche à la fois à la Météorologie et à
la Physique : la foudre en boule.
Devant de pareils faits, il n’est guère possible de se
soustraire à l'idée qu'il existe une espèce de matière
subtile, susceptible de s'unir temporairement avec la
matière ordinaire : c'est cette matière fulgurante qui
jouirait de la propriété d’entrainer dans sa course des
sphères incandescentes composées de gaz ramassés
dans l'atmosphère; c'est elle qui donnerait, à ces
effrayants mobiles, des mouvements désordonnés, en
quelque sorte volontaires.
Qu'est-ce, en réalité, que cette matière fulqurante,
dont Arago parle à chaque instant dans sa célèbre
Notice sur le Tonnerre? Nous ne nous chargerons, pas
plus qu'il ne le fait lui-même, de la définir.
Mais, bien que nous ne puissions rattacher encore
ces faits extraordinaires à l'ensemble de nos idées
scientifiques, bien que nous ignorions la nature de
Ja substance fulgurante, que nous connaissions à peine
les phénomènes dont elle est, sinon l'agent, du moins
la matière première, il nous serait vain, désormais, de
—_——————————_———_————_——_—____ -—— ——_]——]"— "—
1 G. Tammanx : Uber die Grenzen des festen Zustandes,
I-IV, dans les Wied, Ann, et Ann. der Physik}; 1897-1900.
ne pas tenir compte des cent cinquante cas de foudres
globulaires authentiques réunis par le D' Sestier, dans
son savant ouvrage, et des nombreuses observations
plus récentes de ce phénomène.
Le 18 août 1777, à 9 heures du soir, on vit un globe
de feu de 2 à 3 pieds de diamètre frapper le paraton=
nerre de l'Observatoire de Padoue; le même phénos
mène fut observé au village de Villers-la-Garenne, le
18 août 1792; le 24 décembre 1821, une troisième boule.
de feu atteignait le paratonnerre d'une maison de
Grabon.
Nous voyons, dans les Annales de Poggendorf, que, ik
y a une cinquantaine d'années, un autre éclair en
boule apparut près de la ville de Cœthen, dans le duché
d'Anhalt : cette fois, du moins, il y avait un grands
nombre de personnes qui, toutes, virent la sphère
merveilleuse couverte d'une teinte d'un vert clair:
M. Colon, ancien vice-président de la Société géolo=
gique de France, vit une boule descendre lentement du
ciel sur la terre en suivant l'écorce d’un peuplier : elle
n’exigea pas moins de cinq à six minutes pour aller du“
sommet jusqu'à la base, comme si elle avait à vaincre
la résistance de l'air; mais elle choqua le sol, rapide
comme l'éclair, rebondit et disparut sans avoir éclaté,
En 1823, dans un orage observé par le Professeur
Schübler, au-dessus de la forêt Noire, on apercut
deux globes lumineux remorqués par deux langues de
flammes. L'amiral Duperrey raconte qu'il assista, dans
les îles de la Sonde, au spectacle effrayant d'un nuage
sphérique qui lançait dans toutes les directions des
éclairs et des tonnerres. Du globe de feu qui fil inva=
sion dans l’église de Stralsund sortirent plusieurs gre-
nades qui se brisèrent avec un fracas énorme. Le globe
fulminant de Beaujon fit autant de dégâts, autant de
bruit qu'une machine infernale qui aurait éclaté dans
la rue : il lanca une douzaine de foudres en zigzag,
qui frappèrent de tous côtés les objets environnants?
l'une d'entre elles troua un mur, comme l’eut fait un
boulet de canon. Un autre éclair perça le mur d'une
grange à Effels pour tuer deux vaches et une jument:
qui s'y trouvaient attachées. Un globe fulminant, ayant,
éclaté à Everdon au milieu d'une grange remplie de
moissonneurs, en blessa ou foudroya plusieurs : on
trouva un grand nombre de brûlures lenticulaires à la
surface du corps des victimes. ! <
Nous pourrions aisément multiplier les exemples;
mais arrivons enfin à l'observation de M. Violle :
« … Tout à coup, écrit-il, je vis une boule de feu
paraissant tomber du ciel, à la facon d'une pierre. Peu
après, la région considérée fut encore illuminée à plu-
sieurs reprises par des éclairs en effluves, sous forme
de décharges diffuses localisées en un espace res=
treint. » M. Violle ne croit pas possible d'attribuer à
une erreur d'optique le phénomène qu'il a vu et qui a
été vu, en même temps, de facon identique, par une
personne placée à côté de lui et à laquelle le phéno=
mène arracha une exclamation immédiate.
Quelques mots maintenant de la dimension du ton-
nerre en boule. Le volume de ces sphères brillantes
n'est jamais bien considérable : sur quarante et une
observations qui évaluent approximativement les di-
mensions du météore, on n’eu trouve qu’une seule dans.
laquelle il ait dépassé un mètre; le plus souvent on le
compare au globe apparent de la lune, quelquefois
même à une bille d'enfant.
Presque toujours ces boules fulminantes se déplacent
aussi lentement que celle qui visita les rues de Milan:
des curieux purent marcher derrière elle pendant trois.
ou quatre minutes avant qu'elle n'allât échouer sur la
croix d'un clocher. Quelquefois, par exemple, les obsers
valeurs qui ont vu passer ces curieux méléores purent
s'imaginer qu'ils étaient entraînés par un léger courant
d'air, tant leurs allures semblent nonchalantes.
Ce sont là des faits bien curieux qui nous montrent,
une fois de plus, que notre connaissance de la Nature
est encore fort imparfaite, et que l'étude du monde qui
nous entoure nous réserve encore bien des surprises:
$S 3. — Art de l’Ingénieur
La destruction des ordures et la produce-
‘ion de l'énergie électrique.— La question de la
“Combustion des ordures des villes et de la production, au
moyen de la chaleur dégagée, de vapeur et d'énergie
mécanique ou électrique est une de celles qui intéres-
Sent le plus, actuellement, les ingénieurs. Un éminent
échnicien anglais, M. J.-S. Highfield, vient de com-
muniquer au Congrès des Associations électriques
Municipales, à Glasgow, le résultat de ses expériences
en la matière, en qualité de directeur d'une station
“d'énergie électrique à St-Helens, où la plus grande
Mhartie de la vapeur est produite par la chaleur de
Dmbostion des ordures ménagères. Voici quelques-
| unes des remarques les plus intéressantes faites par
M. Highfield :
| -I1 est absolument certain que dans la plupart des
milles, dans toutes, sauf dans les villes côtières, il n'ya
À pas de meilleur moyen pour se débarrasser des ordures
Mménasères, que celui de l’incinération, et le but prin-
cipal de tout destructeur doit être de brûler les ordu-
. es d’une facon parfaitement hygiénique. Dans les
villes ayant 100.000 habitants ou plus, il sera générale-
ment plus économique d’avoir deux emplacements, et
dans les très grandes villes plus de deux, car le prix
Supplémentaire du transport dépasse l'économie réa-
lisée en brülant toutes les ordures dans un grand
destructeur central. A St-Helens, il y a deux destruc-
meurs; le prix de transport par tonne au n° 1, est
de 3 fr. 15, et au n° 2 de 3 fr. 15 aussi; si toutes les or-
dures étaient transportées au n° 1, le prix moyen par
tonne serait de 3 fr. 65.
. Si l’on considère la question de l'emplacement, là
où deux ou un plus grand nombre de destructeurs sont
nécessaires et où il n'existe pas déjà de station cen-
trale, il est préférable de placer le plus grand destruc-
teur sur un emplacement qui soit aussi convenable
=}
de facon que le transport ue soit pas trop cher depuis
les districts où les ordures fournissent le meilleur com-
bustible. Si une station centrale existe déjà, et si
emplacement est suffisamment grand, et dans une
position suffisamment favorable au point de vue du
transport, alors naturellement ce sera l'emplacement
pour le destructeur des ordures.
» Si l’on n'y adjoint pas de chaudières, un bon des-
tructeur doit réaliser les conditions suivantes: 1° tirage
forcé ; 2° disposition convenable des carneaux doubles;
3 chargement rapide des matières; 4° chambres de
dépôt ou installations pour empêcher la poussière
d'entrer dans la cheminée; 5° dispositions pour enlever
rapidement et à bon marché le mächefer.
Si, au moyen de l'incinération des ordures ména-
gères, on désire obtenir une grande quantité de vapeur,
est nécessaire de fournir :
1° Une chaudière à haute pression en relation avec
haque four; il doit y en avoir au moins deux, dont
une de rechange;
. 2 Chaque fourneau doit avoir deux divisions ou cel-
lules, dontune doit toujours être allumée, pendant que
l'autre est nettoyée ou chargée;
. 3° Des carneaux dérivés de façon que toute chaleur
,
… 4° Des dispositions pour empêcher l'air froid d'entrer
dans la chaudière pendant le chargement ou le net-
toyage;
5e Des carneaux en double pour permettre aux four-
“neaux d'être employés coutinuellement de semaine en
semaine, une série de carneaux étant refroidie pour le
nettoyage périodique.
. Généralement, quand un destructeur est adjoint à une
station d'énergie électrique, on à en réserve une grille
- séparée pour pouvoir brûler du charbon sous la chau-
- dière. Cela est seulement nécessaire quand, pour une
raison quelconque, on désire chauffer les chaudières
pour la station centrale, et de choisir cet emplacement:
CHRONIQUE ET CORRESPONDANCE 825
sans ordures ménagères, avec du charbon seulement,
ou quand les ordures sont d’une qualité excessivement
variable.
L'auteur n’a encore jamais employé de charbon pour
aider les feux du destructeur, mais quelquefois les
ordures ménagères ont été de mauvaise qualité et il a
été nécessaire d'aider le destructeur avec de la vapeur
d’autres chaudières. 11 a trouvé bon de mélanger du
mächefer et des cendres aux ordures ménagères quand
elles consistent principalement en poisson et en papier ;
par ce moyen ces matières brülent d'une meilleure
facon; on obtient plus de vapeur et aussi on se débar-
rasse d'une grande quantité de produits d'une facon
économique.
Un des facteurs les plus importants de la production
de la vapeur consiste dans la rapidité de chargement et
de nettoyage des fourneaux. Le carneau ci-dessus men-
tionné doit être en double ou disposé de facon que les
fourneaux n'aient jamais besoin d'être arrêtés; les dis-
positifs du tirage forcé devraient être aussi en double.
La vapeur doit être produite sans interruption pen-
dantenviron 16heures, et, si possible, pendant 24 heures
chaque jour. Il n’est désirable en aucune facon de faire
marcher le destructeur de façon à suivre les variations
d'un circuit de lumière; si un circuit de lumière doit
être alimenté, et si la charge du jour est petite, l'em-
ploi du destructeur doit être limité à la fourniture
d'une faible part de la chafge. Dans le cas d’une ins-
tallation à courant direct, une grande batterie d’accu-
mulateurs est le complément le plus utile; elle permet
d'améliorer le facteur de charge et par conséquent
l’utilisation de la vapeur,
Le meilleur moyen d'installer le destructeur dans un
cas semblable est d'établir une chaudière beaucoup
trop grande pour que le destructeur puisse vaporiser
seul toute sa capacité. Quand la charge la plus forte se
produit, on peut brûler du charbon dans le second
fourneau pour produire la quantité lotale de vapeur
nécessaire.
Si cependant la vapeur est employée en rapport avec
une station de traction, ou une station qui fournit à la
fois de l'énergie pour l'éclairage et la traction, alors la
vapeur du destructeur peut avoir un meilleur emploi.
L'installation dont l’auteur est chargé, à Saint-Helens,
consiste en deux fourneaux de Beaman et Dea, chacun
partagé en deux cellules, chaque fourneau servant à
donner de la vapeur, à sa capacité entière, à une
chaudière Babcock de 1.470 pieds carrés de surface de
chauffe. Le tirage forcé est fourni par un ventilateur
de 18 chevaux, la pression moyenne dans les cendriers
fermés étant de 3 pouces. L'installation de la station
centrale consiste en cinq générateurs de vapeur d'un
rendement total de 1.000 kilowatts. En plusdela vapeur
des chaudières du destructeur, de la vapeur est fournie
par une batterie de % chaudières Lancashire de
30 X 8 pieds.
La distribution de la vapeur est arrangée de facon à
ce que deux moteurs d'une capacité de 125 kw.
puissent être commandés par le destructeur indépen-
damment des autres chaudières; d'autre part, les
chaudières du destructeur et les chaudières du Lan-
cashire peuvent fournir toute la vapeur en parallèle;
dans chaque cireuit de machine, un wattmètre-heure
enregistreur est disposé pour mesurer le rendement
du générateur. D'habitude, l'énergie nécessaire pen-
dant la journée est fournie par les destructeurs seule-
ment,commandant un ou deux moteurs de 125 kilowalts ;
plus tard, quand on a besoin d’une plus grande quan-
tüité de force, on met parallèlement les deux séries de
chaudières en travail.
Le travail pendant cette année a été quelque peu en-
{avé par suite de la nouvelle installation; un grand
nombre de changements et de reconstructions ont été
faits, ce qui a empêché d'obtenir le rendement maxi-
mum du travail.
On a trouvé que la valeur calorifique du combustible
était bien supérieure en été qu'en hiver. Les’ordures
826
varient quelque peu de qualité d'un jour à l’autre.
Voici les chiffres relatant le (ravail du 31 mars 1900
au 31 mars 1901 pour un destructeur d'ordures à deux
chaudières :
TOTAL
pour l'année
MOYENNE
par semaine
Poids d'ordures brülées . . 9.778 tonnes. 188 tonnes.
Energie électriqueemployée
pour conduire le ventila-
teur etles autres moteurs. 70.000 unités.
Unités produites par la va-
1.346 unités.
DÉC E- ODEUUURRRE 1.019 —
Dépenses de chauffage. . . 18.750 francs. 360 fr. 60.
Frais de réparations . . . 2.150 — 41 fr. 35.
ErAIS MOT AUX EME REEE E RA UNION 404 fr. 95.
Poids du màächefer produit. 3.900 tonnes. 75 tonnes.
Valeur du mortier vendu . 5.538 fr. 05. 106 fr. 45.
Valeur des unités électri-
ques produites, à 0 fr. 30
PARU ER AR 25 0 fran ess 216"fr. 35.
Moyenne par tonne d'ordures brülées.
Unités produites. . . . 9 IS UDITÉS:
Unités employés pour les travaux . HS TI
Prix de la combustion (comprenant les salaires,
latlumieretetlamonce) PRET 2e SD:
Prix des réparations (salaires et matériel). ONfT AS
Poseto al dede COCHON EE RERO 0!
Prix pour enlever le mäcbeler qui n'est pas
SUÉRAMERNEMINID YÉMEN CR DDC UNIT ROIS
Prix total pour détruire les ordures et pour
enlever une partie du mâächefer. . . . . . . 3 fr. 18.
Par les chiffres ci-dessus, on voit que l'économie
netle due à l'emploi du destructeur en combinaison
avec une station électrique, est de 11.250 francs, moins
1.250 francs pour réparations de chaudière, et. moins
2.250 francs, représentant l'intérêt et l'amortissement
d'une somme de 37.500 francs (prix supplémentaire
pour les chaudières faisant marcher les broyeurs de
mortier, le ventilateur, etc.). Il reste un bénéfice de
7.750 francs, ou #1 °/, des frais totaux.
Le prix pour incinérer les ordures et enlever le mà-
chefer est donc réduit de 3 fr. 15 par tonne à 2 fr. 40
par tonne.
11 faut remarquer qu'en plus de la vapeur fournie
pour les travaux électriques, le destructeur en fournit
aussi pour faire marcher deux broyeurs à mortier et un
treuil à vapeur.
$ 4. — Chimie
Nouvelles recherches sur l'affaiblissement
des clichés photographiques. — Il y a quelques
années, MM. Lumière et Seyewelz' ont montré que le
persulfate d’ammoniaque jouit de propriétés précieuses
permettant de l’'employer à l’affaiblissement des clichés
photographiques. A la suite de ces recherches, diverses
substances douées de propriétés oxydantes ont été pro-
posées comme affaiblisseurs, agissant davantage sur les
parties très opaques du cliché que sur les portions de
moindre intensité, et permettant ainsi d'affaiblir les
clichés manquant de pose et trop développés sans
atténuer l'importance des détails des parties les plus
transparentes.
Citons, parmi ces substances : l'eau oxygénée®, le per-
manganate de potassium addilionné d'acide sulfurique,
et même le bichromate de potassium additionné d'acide
sulfurique.
MM. Lumière et Seyewetz ont examiné comparative-
ment ces divers composés et ont mis en lumière
quelques particularités intéressantes du persulfate
d'ammoniaque :
1° Le persulfate d'ammoniaque agit plus rapidement
lorsque le cliché soumis à son action est humide que
lorsqu'il est sec;
1 Bulletin de la Société fr, de Photographie, 1898.
? ANDRESEN : l’hotographische Correspondenz, 1898.
% Namras, Bull. della Societa Lotografica italiana, 1899.
CHRONIQUE ET CORRESPONDANCE
2° L'action affaiblissante du persulfate d'ammoniaque
ne se manifeste qu'au bout d'un temps relativemen
long, après l'immersion dans le bain; mais, dès que
celte action à commencé, elle se continue régulière
ment, tandis qu'avec tous les autres affaiblisseurs
même dans le cas du permanganate de potassium addi
tionné d'acide sulfurique, l’action affaiblissante com”
mence presque immédiatement après l'immersion du
cliché dans la solution:
3° Les clichés affaiblis au persulfate d’ammoniaque
doivent être plongés dans une solution susceptible
de détruire l'excès de persulfate d'ammoniaque qui
mouille le cliché (solution de sulfite ou de bisulfite
alcalin), sinon l’action affaiblissante s'exerce encore
quelque temps après que le cliché a été retiré du bains
même sous l'eau de lavage. Cette précaution n’est pas
nécessaire avec les autres affaiblisseurs, car l’action
cesse dès qu'on les retire de la solution pour les
laver; |
4° Quelle que soit la concentration de la solution de
persulfate, le résultat final est constant au point de vue
du rapport des intensités entre les parties opaques et
les parties transparentes; seule la rapidité de l'action:
varie et se trouve d'autant plus diminuée que la solu=
tion est plus étendue. Il n'en est pas de même des
autres affaiblisseurs qui donnent des résultats différents:
suivant qu'ils agissent en solution étendue ou con
centrée ;
o° Le voile produit par surexposition ou par un déve-
loppement trop prolongé n'est pas sensiblement atténué
par l'action du persulfate d’ammoniaque, tandis qu'il
peut être détruit par tous les autres affaiblisseurs. »
Ces différences essentielles, qui paraissent exister
entre le mode d'action du persulfate d'ammoniaque
et celui des autres substances affaiblissantes, ont con=
duit MM. Lumière et Seyewelz à rechercher un moyen»
de mettre en évidence d’une facon précise les résultats
fournis par les divers affaiblisseurs.
Dans ce but, ils ont impressionné une plaque sensible
de facon à produire sur celle-ci une série de bandes
verticales continues correspondant à des temps de pose
croissants, en prenant la précaution de commencer pan
un temps de pose extrêmement faible. Ils ont ains
obtenu, d’une extrémitè à l’autre de la plaque, une
échelle d’intensités variées dont le premier terme est
très faible et le dernier très intense. En divisant ensuite
cette plaque, dans un sens perpendiculaire aux bandes:
formant l'échelle, en autant de parties qu'il y avait
d'affaiblisseurs à comparer, on peut en affaiblissant
chacune d'elles de facon à ramener l'impression la plus
opaque à être la même sur toutes les bandes, juger
facilement ainsi par comparaison que est celui des
affaiblisseurs qui attaque le moins les parties les plus
transparentes des bandes.
Dans ces conditions ont été expérimentés les affai=
blisseurs suivants : 1° A l’eau oxygénée; 2° Au pers
sulfate d'ammoniaque; 3° Au permanganate de potas
sium et à l'acide sulfurique (formule Namias); 4 Au
sulfate cérique ; 5° Au ferricyanure de potassium et à
l'hyposullite de soude; 6° Au bichromate de potassium»
et à l'acide sulfurique.
Les résultats obtenus montrent que le persulfate
d'ammoniaque est bien le seul des affaiblisseurs préco=
nisés jusqu'ici, qui, pratiquement, permette d’atténue
l'intensité des parties opaques des clichés sans détruire
les faibles impressions. MM. Lumière et Seyewetz ont;
en outre, observé que les résultats obtenus avec le pe
sulfate d'ammoniaque peuvent varier suivant la naturë
du révélateur ayant servi à développer le cliché soumis
à l’action de cet affaiblisseur.
Ainsi l’action spéciale du persulfate d'ammoniaques
qui est très marquée lorsque le cliché a été développé
au diamidophénol, ou avec la plupart des révélateurs;
se trouve non seulement atténuée, mais complètement
inversée lorsque le développement a lieu avec le paras
midophénol. Dans ce cas, le cliché affaibli au persulfaté
d'ammoniaque conserve beaucoup moins de détails
CHRONIQUE ET CORRESPONDANCE
827
“dans les parties les plus transparentes que s'il a été
_ soumis à l'action des autres affaiblisseurs.
Le développateur au paramidophénol paraît être le
Seul présentant vis-à-vis de l'emploi du persulfate
d'ammoniaque cette curieuse anomalie ; tous les autres
svélateurs expérimentés se comportent, à cet égard,
comme le diamidophénel. C'est dans le cas de photo-
“ypes développés avec le dernier révélateur que l'on
peut retirer les plus grands avantages de l'emploi du
Les Expéditions antarctiques anglaise et
allemande. — On peut certainement attendre d'im-
rtants résultats scientifiques des deux grandes expé-
ions, l’une anglaise, l'autre allemande, qui sont par-
ties, dans le courant du mois d'août dernier, pour les
régions polaires antarctiques. Non seulement elles sont
Orsanisées de longue date et avec un très grand soin;
Mais, comme il doit être procédé par l'une et l’autre à
diverses études et notamment aux observations magné-
liques et météorologiques d’après un programme élaboré
en commun par les savants des deux pays, cette enquête
méthodiquement poursuivie dans les régions les plus
néridionales de l'hémisphère sud ne peut manquer
d'être d'un grand profit pour la science.
L'Expédition anglaise, qui a pu être organisée grâce
surtout aux efforts de Sir Clements Markham, président
de la Société royale de Géographie de Londres, à pris
a mer le 6 août, et le navire qui la porte, la Discovery,
rte de baleinière, réunit toutes les conditions de cons-
fruction désirables pour résister aux plus forts assauts
des glaces. Il a été construit à Dundee sur les plans de
& Discovery, dont il a pris le nom, l’un des bâtiments
de Sir John Nares dans son expédition arctique de 1872-
1873, et il passe pour présenter une force de résistance
supérieure à celle du Fram, de Nansen. Long de 55 mè-
tres sur 10%, 10 de large, le navire de l'Expédition anglaise
déplace 1.570 tonnes. Sa machine à vapeur est forte de
50 chevaux; sa mâture et sa voilure sont disposées de
lle sorte qu'il pourra profiter du moindre soufile de
ent. Le navire est en chêne et sa résistance aux pres-
sions du dehors est assurée par des revêtements exlé-
ieurs et par un système de poutres géminées, unissant
diverses parties de sa carcasse. Les laboratoires sont
installés des deux côtés du pout supérieur, et l'obser-
atoire magnétique est isolé soigneusement de toute
influence perturbatrice extérieure, Des canots destinés
ux explorations polaires sont suspendus aux flancs du
vire ; il emporte aussi ce qui est nécessaire pour armer
ballon captif qui, sur la banquise, servira d’observa-
La Discovery est commandée par le capitaine Scott,
de la Marine royale, avec le lieutenant Armitage comme
écond, et c'est de lui que dépend l'état-major scienti-
que civil. Les travaux savants devaient être d’abord
dirigés par le D' Gregory, professeur de Géologie à
Université de Melbourne; il a été remplacé par
D George Murray, Directeur du département botanique
au British Museum, qui n'accompagnera pas ses collè-
gues au delà de Melbourne. Avec l'équipage, le navire
compte à son bord quarante-huit personnes.
“L'Expédition allemande, dont le promoteur est le
G. Neumayer, est en préparation depuis plusieurs
nées et a été également organisée avec le soin le plus
nutieux. Le navire qui la porte a recu le nom d’un
es plus célèbres mathématiciens ailemands : c’est le
auss. Ce navire, qui est par le gréement un trois-mâts
oélette, mesure 50%, 40 de longueur sur 40%, 50 dans sa
plus grande largeur. Un modèle du Gauss à figuré à
Exposition de 1900.
A babord se trouve un pavillon aux parois épaisses,
où sont logées la tabie et les cartes pour les travaux
nagnétiques ; de même que sur la Discovery, le fer est
anni de toute cette partie du navire. Une grue en fer
.£ 40 .
lassif est, à l'autre extrémité, destinée à lancer et à
Î
Î
retirer les filets que le vaisseau laisse trainer au fond
de la mer. Dans le salon des officiers et des savants,
sont rangés les divers instruments devant servir aux
observations météorologiques et autres, et notamment
les thermomètres pour mesurer la température au fond
de la mer. Dans l’entrepont, se trouve tout le matériel
nécessaire pour gonfler sept fois le petit ballon qu'em-
porte avec lui le navire, ainsi que de nombreux cerfs-
volants qui feront connaitre la direction du vent.
Le chef de l’'Expédition est le Professeur Erich von:
Drysalski, le savant explorateur des glaciers du Groen-
land ; c'est l'Empereur lui-même qui lui en a confié la
conduite. Il se chargera spécialement des travaux océa-
nographiques et géodésiques, et il est accompagné de
plusieurs autres savants; mais, ce qui est remarquable
dans l’organisation de cette Expédition, c’est qu'il a la
haute main sur le capitaine du navire lui-même. Le
Professeur von Drygalski a le droit de disposer entiè-
rement du vaisseau et de tous ses moyens d'action, ainsi
que de tout son personnel; ce droit n'estlimité que dans
le cas de péri! du navire ou de la vie de l'équipage. On
pense généralement que ce mode d'organisation, qui n’a
pas été admis pour l'Expédition anglaise, est le seul
rationnel pour une importante mission scientifique.
L'équipage comprend, en y joignant les officiers, vingt-
huit hommes.
Afin de régler et de coordonner les travaux des deux
Expéditions, anglaise et allemande, les Comités antarc-
tiques des deux pays ont divisé de concert les régions
polaires antarctiques en quatre quadrants, en prenant
comme méridien initial celui de Greenwich : 1° Qua-
drant Victoria, du 90° de long. E. au 1809; 2° Quadrant
de Ross, du 180° au 90° de long. O.; 3° Quadrant de
Wedell, du 90 de long. O. à 0°; 4 Quadrant d'Enderby,
du 0° au 90° de long. E. Chacun de ces quadrants corres-
pondra à un cadre spécial d'activité scientitique.
L'Expédition de la Discovery a pour mission l'explo-
ration des deux premiers quadrants, Victoria et Ross.
Du Cap, le navire se dirigera sur Melbourne, puis sur
le port de Lyttelton, dans la Nouvelle-Zélande; et, si
tout se passe selon les prévisions, il sera dès la fin de
l'année dans les régions ylacées. Pendant l'été 1901-1902,
l'Expédition cherchera à reconnaitre l'extension de la
terre Victoria vers l'est, et elle passera, s’il est possible,
l'hiver 1902 sur la côte ouest de cette masse continen-
tale. Pendant cette période, des reconnaissances seront
faites en traîneau vers le sud et vers la région volcanique
du mont Erebus. La Discovery est équipée pour un
voyage de trois années, c'est-à-dire pour deux hiver-
nages dans les glaces du pôle sud. Dans le courant
de 1902, un autre navire partira d'Angleterre pour ravi-
tailler les explorateurs.
Le Gauss abordera la région opposée à celle que doit
explorer l'Expédition anglaise, c'est-à-dire le côté
atlantique et indien du pôle sud, en prenant les îles
Kerguelen comme base d'opération. Une station y sera
installée à Three Island Harbour, pour exécuter des
observations météorologiques et magnétiques, en même
temps que d’autres seront faites aussi d’après le même
programme dans certaines autres stations, notamment
dans celle que la République Argentine doit installer
dans l'ile des Etats, grâce à l'intervention du D' Moreno.
Des îles Kerguelen, qu'elle laissera dans le courant de
décembre 1901, l'Expédition fera route, d’abord vers
l'est, jusqu'au 90° de Jong. E. de Gr., puis dans le sud.
Le Professeur von Drygalski fera ensuile tous ses efforts
pour atteindre les terres antarctiques et pour s'appro-
cher, autant que possible, du pôle sud. Il cherchera à
reconnaître les relations qui pourraient exister entre la
terre Victoria et les terres de Kemp et d'Enderby. Il a
le projet d'établir une station scientifique sur l’une des
terres antarctiques, où les savants de l'Expédition se
livreraient à des recherches pendant une année. Le
vaisseau restera en exploration au plus tard jusqu’en
juin 1904. Si, à cette date, on n'avait pas recu de ses
nouvelles, une autre Expédition serait envoyée à sa
recherche. Gustave Regelsperger.
E. DE CYON — LES GLANDES RÉGULATRICES DE LA CIRCULATION
LES GLANDES
DE LA CIRCULATION
L'étude des glandes vasculaires —corps thyroïdes,
capsules surrénales et hypophyse — occupe actuel-
lementune des premières places, sinon la première,
parmi lesrecherches des physiologistes. Depuis une
vingtaine d'années, ces organes, considérés jus-
qu'alors comme inaccessibles à une expérimenta-
tion méthodique, ont fait l'objet des éludes expé-
rimentales les plus variées, tant chimiques que
pathologiques. La voie avail élé ouverte aux tra-
vaux de laboratoire par de nombreuses observa-
tions cliniques sur les maladies des glandes vascu-
laires et sur les graves perturbations qu’elles pro-
voquent dans l’économie générale des organismes
atteints. La symptomatologie de ces affections,
admirablement décrile par cerlains cliniciens,
avait sinon révélé le rôle physiologique de ces
glandes, du moins indiqué la route où l'expéri-
mentation devait d'abord s'engager pour le décou-
vrir.
Ainsi s'explique la ‘endance des premiers expé-
rimentaleurs à reproduire artificiellement, chez
des animaux, diverses lésions de ces organes,
afin d'en observer les suites de plus près et dans
des conditions variées. L'ablation totale ou par-
tielle des glandes vasculaires, telle fut donc, au dé-
but, la méthode prédominante, presque exclusive,
à laquelle recoururent, dans leurs innombrables
recherches, physiologistes et pathologistes. Mais,
pour être les plus anciens de la Physiologie, ces
procédés d’expérimentation ne laissent pas d'offrir
de graves inconvénients. Les résultats obtenus de
la sorte n'autorisent que des conclusions exces-
sivement restreintes et leur interprétation présente
souvent des difficultés insurmontables. D'ailleurs,
la méthode de l’extirpation ne peul être appliquée
avec fruit que quand il s'agit d'organes facilement
accessibles à l'opérateur, et surtout quand il est
possible à celui-ci de les enlever soit en partie,
soit en totalité sans porter atteinte aux organes
voisins. Or, parmi les glandes vasculaires, seuls
les corps thyroïdes et les parathyroïdes répondent
à peu près à ces conditions. Pour ce qui est des
capsules surrénales et de l’hypophyse, la méthode
de l’extirpation ne saurait leur être appliquée sans
produire des lésions et perturbations graves dans
des appareils voisins, dont le fonctionnement est
souvent plus important que celui de ces glandes
elles-mêmes.
Aussi, quelque nombreuses et intéressantes que
soient les observations recueillies par les recherches
RÉGULATRICES
ET DE LA NUTRITION
expérimentales sur ces organes, elles n'ont pas
réussi à nous fournir des données certaines eb
préeises, susceptibles de nous en dévoiler le rôles
physiologique. Pour s’en convaincre, il suffit de
se rappeler le nombre incalculable d’hypothèses
émises sur ce rôle, hypothèses contradictoires, dont.
aucune ne donnait satisfaction aux exigences des
physiologistes. C'est surtout la thérapeutique des
maladies de ces organes qui a profité des recherches
effectuées; encore est-elle restée trop souvent toute
empirique. Le concours que les investigations des
chimistes ont pu prêter aux cliniciens devait
également rester très limité, lant que le fonction=
nement physiologique des glandes vasculaires"
n'aurait pas été suffisamment éclairci. }
Cette étude ne pouvait être entreprise utilement
que par des physiologistes, à l’aide des méthodes
précises que leur science emploie avec tant des
succès dans la déterminalion des fonctions d’autres:
organes. Pour les glandes vasculaires, notamment,
il fallait recourir aux procédés d'expérimentationn
directe qui ont donné des résultats si brillants à
Claude Bernard, Ludwig et autres dans leurs clas-
siques recherches sur la glande sous-maxillaire. La
physiologie de ces organes serait encore à présent
lettre close pour la Science si l'on.s’était contentés
de les extirper pour en déterminer les fonctions
C'est en observant directement le jeu normal d'un
organe qu’on en saisit le mieux le mécanisme. C'est
en modifiant à volonté les conditions de ce fone=
tionnement qu'on arrive peu à peu à élablir tous
les détails d'un mécanisme d'ordinaire très com=
plexe. |
Aussi, quand, il y à cinq ans, j'abordai l'étude
des glandes thyroïdes, c’est à celte méthode d'ex=
périmentation direcle que j'eus exclusivement
recours. C'est à elle en première ligne que je dois
les résultats précis et incontestables qui m'onts
permis de fixer les traits principaux de la desti=
nation physiologique de ces corps *.
Je débulai dans mes recherches par une élude
analomo-physiologique des nerfs des glandes
! Mes expériences sur les glandes thyroïdes, l'hypophyse»
et les capsules surrénales sont exposées en détail dans les.
nombreuses études publiées dans l'Archiv von PfAügers
vol. LXX, LXXI, LXXII, LXXIII, LXXIV, LXXVII, LXXXIMeR
LXXXIII, et dans un volume : Beiträge zur Physiologie
E. DE CYON — LES GLANDES RÉGULATRICES DE LA CIRCULATION
829
thyroïdes, et cela chez trois animaux choisis de
“préférence pour mes expériences : le cheval, le
chien et le lapin. En établissant l’origine, la dis-
- tribution et le fonctionnement des nerfs vaso-
moteurs des corps thyroïdes, je pus constater
| “influence tout à fait hors pair qu'ils sont à même
d'exercer aussi bien sur la circulation dans ces
glandes elles-mêmes que sur la pression sanguine
mdes artères voisines.
4
Leur action peut, en effet, accélérer considéra-
blement la circulation du sang dans les glandes, /a
mquadrupler méme, el diminuer d’une manière très
“sensible la pression sanguine dans les deux caro-
tides. Pour ces expériences, j'appliquai directement
“aux artères et aux veines des thyroïdes la mélhode
de mensuration de la pression sanguine et de la
Vitesse de la circulation. Pendant que celle-ci
S'accroissait dans les vaisseaux de la glande sous
l'excitation des nerfs thyroïdiens, je pus aussi
observer de visu les changements de volume des
“aisseaux lymphatiques, notamment leur gonfle-
ment considérable. Comme les substances colloïdes
“des thyroïdes quittaient la glande par ces derniers
“vaisseaux (Langendorff, Hürthle et autres), ce gon-
flement indiquait que l'excitation de certains nerfs
“thyroïdiens augmentait l'écoulement et très proba-
blement la production même de ces substances.
Certains nerfs du cœur, notamment les nerfs
dépresseurs et les nerfs pneumogastriques, exer-
“cent de leur côté un effet analogue sur la circulation
“sanguine dans les thyroïdes : les premiers nerfs —
“pur une action réflexe sur les vaisseaux de la
“glande ; les pneumogastriques — grâce à l’aug-
“mentation de la force des pulsations cardiaques et
au ralentissement de leur rythme.
La grande puissance des nerfs vaso-moteurs des
| thyroïdes et les limites très larges dans lesquelles
elles peuvent, grâce aussi à leur extrême vascula-
ilé ", varier la masse du sang qui les traverse,
oivent forcément exercer une influence notable
ur la circulation intracranienne. La quantité du
Sang qui pénètre par les carotides dans le cerveau
doit être déterminée en grande partie par l'état de
a circulation dans les vaisseaux thyroïdiens ; ces
erniers forment, pour ainsi dire, des écluses de
défense à l'entrée même des carotides dans la boîte
“cranienne.
— Ce rôle purement mécanique des corps thyroï-
diens, les médecins l'avaient depuis longtemps
“soupçonné en observant les augmentations pério-
4
+
der Schilddrüse, etc., Bonn, 1898. Une partie de mes re-
cherches est résumée dans les Comptes Rendus de l'Aca-
démie des Sciences, années 1897 et 1898, et dans les
“Archives de Physiologie, n° 3, juillet 1898, etc.
… 4! D'après les calculs de Sommeri ing, le diamètre des vais-
‘seaux des thyroïdes représente huit fois celui des artères
_ cérébrales.
—_ REVUE GÉNÉRALE DES SCIENCES, 1901.
"
diques de ces glandes pendant la menstruation et
la grossesse, comme aussi certains rapports entre
ces augmentations et les congestions cérébrales.
Mes recherches n’ont faitqu'indiquer le mécanisme
nerveux à l’aide duquel les thyroïdes peuvent rem-
plir cette fonction régulatrice de la circulation cra-
nienne.
Parmi les nombreuses substances extraites par
les chimistes de ces glandes et représentées comme
déterminant leur destinalion chimique, je choisis
pour mes expériences l'iodothyrine de Baumann,
dont l’aclion sur les oxydations du corps avait déjà
été très neltement démontrée par plusieurs
recherches antérieures. Cette concordant
avec l'effet thérapeutique des glandes thyroïdes,
employées dans leur intégrité ou par extraits
aqueux, indiquait déjà clairement que l'iodothyrine
devait être classée parmi les principes actifs de la
glande. Sa richesse en iode, dont l'efficacité dans le
trailement de certains goitres était connue depuis
longtemps, parlait en faveur de la même conclu-
sion. Une étude expérimentale sur les propriétés
physiologiques de l'iodothyrine s'imposait donc.
Les résultats que j'oblins vinrent confirmer le
grand rôle que la substance de Baumann joue dans
le fonctionnement des glandes thyroïdes. Je pus,
en effel, constater que l'iodothyrine exerce sur le
système nerveux cardiaque et vaso-moteur une
action considérable et très constante : elle aug-
mente et entretient l’activité et l'excitabilité des
nerfs pneumogastriques, dépresseurs et vaso-dila-
lateurs, landis que, par contre, elle diminue celles
des nerfs accéléraleurs et vaso-constricteurs. La
vérilable portée de cette action m'apparut surtout
quand de nombreuses expériences, faites sur des
animaux atteints d'affections strumeuses!, meurent
révélé que les dégénérescences et les atrophies des
corps thyroiïdes aflaiblissent très notablement l'ac-
tivilé des nerfs pneumogastriques et dépresseurs,
tandis contraire elles exallent à un haut
degré celle des accélérateurs et des vaso-constric-
teurs. L’eflel général des aflections strumeuses très
avancées est done entièrement opposé à celui que
produit l'introduction de l'iodothyrine dans la cir-
culation. Ce fut là, sur la destination physiologique
de cette substance, un trait de lumière permettant
enfin d'élucider la véritable nature du processus
qui s’accomplit dans les thyroïdes. Je dirigeai done
mes nouvelles recherches dans la voie indiquée.
Bientôt je pus me convaincre que l’iodothyrine est
en mesure de rétablir l’excitabilité des pneumogas-
triques et des dépresseurs, même dans les cas où
action
qu'au
1 Mes recherches furent exécutées dans le Laboratoire de
Physiologie de Berne; or, dans cette ville, comme dans
beaucoup d'autres villes suisses, la plupart des animaux
sont atteints de goitres. {
18*
830 E. DE CYON — LES GLANDES RÉGULATRICES DE LA CIRCULATION
celle-ci a été complètement éteinte par la mise hors
fonetion des glandes thyroïdes. C'est après cette
constatation que je me mis à étudier les effets de
l'ablation des corps thyroïdes sur le système ner-
veux cardiaque. Ici encore, les résultats de mes
expériences furent on ne peut plus concluants. Les
premiers jours, après la thyroïdectomie, le fonc-
tüonnement normal des nerfs cardiaques et vaso-mo-
teurs est complètement bouleversé. Le mot anarchie
est le seul qui rende exactement l’état anormal
dans lequel se trouvaient les nerfs dont la tâche
consiste à régulariser les fonctions des organes de
la circulation. Cet état dure plus ou moins long-
temps ; il cède ensuite la place à une série de mo-
difications plus fixes dont j'ai pu constater la per-
sistance huit et dix mois après l'opération. Ces phé-
nomènes consistent en une exagéralion de l'action
des nerfs accélérateurs et vaso-constricteurs, jointe
à une diminution considérable de l'activité des
nerfs modérateurs et régulateurs du cœur et des
vaisseaux. Get état correspond donc entièrement à
celui observé dans la plupart des animaux goitreux,
et— comme chez ces derniers — l'introduclion de
l'iodothyrine fut à même de rétablir l'équilibre
troublé et de rendre aux nerfs modérateurs et vaso-
dilatateurs leur excitabilité diminuée ou abolie.
Fait très important à relever : les modifications
que les affections strumeuses ou la thyroïdectomie
amènent dans le système nerveux cardiaque et
vaso-moteur s’élendent aussi bien aux centres
cérébro-spinaux de ces nerfs qu'à leurs centres
périphériques situés dans les ganglions du grand
sympathique et du cœur lui-même. Bien plus, il
n'est pas jusqu'aux troncs nerveux qui ne soient
souvent atteints dans le même sens. Or, l'iodo-
thyrine exerce aussi son action bienfaisante sur
tous les centres du même système nerveux. Ainsi,
par exemple, elle provoque une notable augmen-
tation de la force des battements du cœur en même
temps que leur ralentissement, même après la
section préalable des deux pneumogastriques.
La grande importance physiologique de liodo-
thyrine ainsi établie, il devenait nécessaire de
déterminer quelle part dans son action revient à
l’iode qu’elle contient. Le D' Barbèra voulut bien,
à ma demande, exécuter des recherches expéri-
mentales sur l’action de l’iode pur et de l'iodure de
sodium sur les mêmes systèmes nerveux, tant chez
les animaux pourvus de glandes normales et stru-
meuses que chez les sujets thyroïdectomés. Le
résultat capital de ces expériences fut que l’action
de l'iode était dans tous les cas opposée à celle de
l'iodothyrine. L'iode agissait sur les nerfs du cou
et des vaisseaux dans le même sens que la thyroiï-
dectomie ou les affections strumeuses. L'iode et
l’iodothyrine étaient donc, au peint de vue de leur
aclion sur le système nerveux, des antagonistes
Bien plus, l'iodothyrine pouvait agir commen
antidole de l'iode, et plusieurs fois je réussis à
neutraliser les effets paralysants de 7 gramme
d'iode par une injection intraveineuse de 2 cen=
timètres cubes d'iodothyrine, ne contenant que
1 milligr. 8 d’iode.
Etant donné cet anlagonisme entre l’iodothyrine
et l'iode dans leur action sur les pneumogastriques;
il était d'un très grand intérêt de rechercherm
comment ces deux substances se comporteraient
vis-à-vis de l’atropine et de la muscarine qui exer=
cent, comme l'on sait, une action contraire sur les
mêmes nerfs cardiaques. La puissance de l'iodo-
thyrine irait-elle jusqu’à rétablir l'excitabilité des
preumogastriques paralysés par l’atropine ? L'iodes
de son côté, pourrait-il inhiber la forte et souvent
mortelle excitation des pneumogastriques pro
voquée par la muscarine? De nombreuses expé=
riences donnèrent des réponses affirmatives aux
deux questions: l'iodothyrine est un énergique
antidote de l’atropine, comme l’iode est un antidoté
de la muscarine. Indépendammeut du haut intérêt
qu’ils présentent pour la pharmacologie", ces faits,
faciles à observer, précisent encore davantage lem
rôle important de l'iodothyrine dans le fonction-
nement de la glande thyroïde : en dehors de sim
faculté d'accélérer les échanges organiques et
d'augmenter la production de l’urée, l'iodothyrines |
est, en effet, destinée à entretenir le bon fonction-m
nement des nerfs modérateurs du cœur et des vaso=
dilatateurs et à les défendre contre des agents:
toxiques et nuisibles.
En résumé, l’expérimentation directe sur les
glandes thyroïdes a mis en lumière des fonctions
bien déterminées de ces organes: une fonction
mécanique, toute locale en apparence, consistant à 1
régulariser la circulation du sang dans la boites
cranienne, et la fonction chimique plus générale que
je viens de préciser. Quels sont les rapports entre
ces deux fonctions des corps thyroïdes et cette se-
conde propriété de l’'iodothyrine, déjà connue avants
mes recherches, d'augmenter notablement les échan-
ges organiques? Je reviendrai sur celte question
d'une portée générale à la fin de mon exposé, parce
qu'elle se pose également et presque dans les mêmes
termes à propos du fonctionnement des autres
glandes vasculaires.
Auparavant, je veux résumer les résultats dem
mes recherches ultérieures, instituées surtout pour
mieux approfondir la nature et les fonctions des,
corps thyroïdes.
en DEN OMOPEN MP AP CES SERRE
1, Jusqu'à présent l’atropine avait été considérée comme
un poison absolu pour les pneumogastriques et cette.
substance pouvait seule inhiber les elfets mortels de La
muscarine.
E. DE CYON — LES GLANDES RÉGULATRICES DE LA CIRCULATION
IT
C'est l’antagonisme physiologique entre l'iode et
“l'iodothyrine qui, selon moi, constitue le nœud du
problème chimique à résoudre dans l'étude des
fonctions des glandes thyroïdes. Parmi les nom-
“ breux travaux des chimisles, ceux qui se ratta-
3 chaient de plus près aux recherches de Baumann
sur l'iodothyrine devaient donc être les plus inté-
“ressants pour le physiologiste. C'est par là que les
études d'un élève de Baumann, le D' Oswald, se
“recommandaient tout particulièrement à mon atten-
» Lion.
— Prenant pour point du départ de ses recherches
l'assertion de Baumann que l'iodothyrine existe
“dans les thyroïdes unie à un corps albuminoïde,
Oswald s'attache à isoler ce corps el à en étudier
les propriélés chimiques et physiologiques. Il
réussit à dégager dans la thyroïde deux substances
albuminoïdes dont l’une contenait de l’iode et élait
ibre de phosphore, tandis que l’autre, au contraire,
élait libre d'iode et contenait du phosphore. Con-
formément à leurs propriétés chimiques, Oswald
dénomma la première thyroïglobuline et ‘désigna
la seconde comme nucléo-protéide. Les deux subs-
tances se trouvent dans la masse colloïde de la
glande, qui ne serait qu'un mélange de ces deux
—…_ Corps.
… C'estla thyroïglobuline qui nous intéresse le plus,
puisque c'est elle qui contient l'iode sous forme
Blicdothyrine. Ainsi que l'avaient montré quelques
—… expériences d'Oswald, la thyroïglobuline exerce
sur les oxydations dans l'organisme les mêmes
… effets que la substance de Baumann ou la glande
. thyroïde ingérée intégralement.
Il était donc du plus haut intérêt d’éprouver son
action sur les appareils nerveux qui régularisent la
circulation du sang. Les études expérimentales
faites dans cette direction par Oswald et moi, et
. dont une partie a paru dans l'Archiv von Pflüger
(vol. LXXXIIT), confirmèrent de tous points nos
prévisions. Voici quelles furent les conclusions de
nos premières recherches :
a) La thyroïglobuline doit être considérée comme
- la substance albuminoïde qui contient l'iodothyrine ;
D) l'antagonisme entre l’action physiologique de
. l'iodothyrine sur les nerfs du cœur et des vaisseaux
et celle de l'iode se rapporte aussi à l’iode que les
thyroïdes peuvent contenir sous une autre forme
- que l’iodothyrine. C’est-à-dire qu'aucun autre pro-
duit de ces glandes, füt-il même iodé, ne possède
les propriétés physiologiques de l'iodothyrine.
Quelques faits observés au cours de nos recher-
ches méritent encore d'être signalés, parce qu'ils
soulignent la grande portée de l'iodothyrine dans
le fonctionnement des thyroïdes. La thyroïglo-
,
+
TS
buline des veaux de Zurich‘ ne contient diode sous
aucune forme : aussi est-elle dépourvue de toute
action sur le système nerveux cardiaque. Par contre,
la même substance, recueillie par Oswald sur des
veaux envoyés de Paris, renferme, en moyenne,
jusqu’à 0,56 °/, d'iode.
L'autre fait est encore plus significatif : la thy-
roïglobuline extraite par Oswald de glandes thy-
roïdes normales d'hommes contient 0,34 °/, d'iode;
celle d’un habitant de Zurich ne donne que 0,19 °},
et celle d'un goitre basedowien que 0,07 °/, ?. La
thyroïglobuline provenant des glandes strumeuses
d'un habitant de Zurich que je viens d’expérimenter
est restée sans effet sur les nerfs du cœur et des
vaisseaux.
Dans les chapitres consacrés à la synthèse des
fonctions des glandes thyroïdes j'ai groupé de
nombreux faits relatifs à l'étiologie et à la théra-
peutlique des goitres, faits qui tous trouvent aisé-
ment leur explication dans le trouble des fonctions
chimique et mécanique, lelles que je viens de les
exposer. Je ne puis que renvoyer le lecteur à ces
chapitres ”,
III
Une lacune avait été signalée dans ma théorie de
la fonction physique où mécanique des thyroïdes :
j'avais bien démontré, m'objectait-on, l'existence
dans ces glandes de mécanismes nerveux suscep-
tibles d'influencer les quantités de sang qui pénè-
trent par les carotides dans la boîte cranienne,
mais il restait à établir, par quelque preuve directe,
que lesdits mécanismes remplissent eflectivement
ce rôle d’écluses. Le fait est que la présence d’un
autre rouage est encore indispensable pour que
l'ingénieux outillage nerveux et vasculaire des
glandes thyroïdes soit à même d'exercer son action
protectrice du cerveau. Il faut, en outre, que ce
dernier, se trouvant en danger, puisse 2voquer à
temps le secours de cet outillage et le mettre anto-
maliquement en jeu.
« Démontrer expérimentalement la justesse de
celte déduction, écrivais-je en 1898, c'était asseoir
ma théorie sur des bases inébranlables, les preuves
déductives jointes à celles qu'on à obtenues par la
méthode d'induction donnant toujours le plus haut
degré de certitude qu'on puisse atteindre dans les
Sciences naturelles ».
C'est à l'hypophyse que je m'adressai pour
découvrir le rouage en question, les recherches
antérieures de Rogowitz, Slieda, Gley et autres
£ Et probablement de la plupart des veaux suisses.
2 M. Gley a également constaté la diminution de l'iode
dans la maladie de Baseaow.
$ Chapitres vi et vin des Beiträge zur Physiologie der
Schilddrüse.
832
E. DE CYON — LES GLANDES RÉGULATRICES DE LA CIRCULATION
ayant déjà altiré mon atlention sur les relations
physiologiques entre cet organe et les glandes thy-
roïdes : située dans la partie la plus abritée du crâne,
entourée de grands sinus veineux et abondamment
pourvue elle-même de vaisseaux sanguins, enfer-
mée en outre dans une cavité à parois rigides,
l'hypophyse paraissait, en vertu de ces conditions
anatomiques, éminemment apte à ressentir toutes
les variations de la pression intracranienne. Elle se
prêtait donc parfaitement au rôle d’un avertisseur
automatique destiné à mettre en mouvement le
mécanisme protecteur des glandes thyroïdes.
C'est encore à l'expérimentation directe que
j'eus recours pour déterminer les fonctions de
l'hypophyse. La méthode de l’extirpation était ici
contre-indiquée. Les inévitables lésions des parties
cérébrales voisines auraient rendu impossible toute
interprétation précise des résullats obtenus. Au
contraire, avecl'expérimentation directe sur l'hypo-
physe, ces lésions pouvaient être aisément évitées.
Mes procédés opératoires les réduisirent, le plus
souvent, à une simple incision de la muqueuse du
palais de la bouche (chez le chien) ou à une section
du pharynx {chez le lapin) et à une ouverture de
2-% millimètres à la base du crâne chez les deux.
L'hypophyse ainsi mise à nu, une simple pression
mécanique exercée sur elle-même ou sur les parois
de sa cavité suffisait pour la mettre en fonction.
Une légère excitation électrique (de la force de
3-5 volts) réussissait à activer notablement le fonc-
tionnement de l'hypophyse et permettait d'observer
en détail le mécanisme par lequel elle parvient à
régler la pression intracranienne.
Voici les principales indicalions que m'ont don-
nées, sur le rôle physiologique de l'hypophyse
cérébrale, les recherches de plusieurs années :
1° L'hypophyse préserve le cerveau des dange-
reux afflux de sang et le protège contre les con-
séquences des pressions trop fortes dans la boite
cranienne ;
2 Elle régularise, en outre, les échanges orga-
niques du Corps.
La première de ces fonctions, l'hypophyse la
remplit par deux voies : 4) Toule augmentation de
pression dans la cavité provoque un renforcement
et un ralentissement notables des pulsations car-
diaques ainsi qu'une légère élévation de la pression
sanguine. Par suite de ces changements, la vitesse
de la circulation veineuse, surtout dans les corps
thyroïdes, s'accroit d'une manière considérable, les
sinus veineux se vident avec facilité et la pression
intracranienne baisse, C'est là la voie mécanique;
b) De plus, l'hypophyse produit deux substances
dont l'action simultanée entrelient constamment les
centres nerveux cardiaques et vaso-moteurs dans
un état d’excitalion tonique extrêmement favorable
à l'écoulement du sang des veines intracraniennes.
Les deux voies — la mécanique et la chinrique —
agissent donc dansle même sens el principalement
par l'intermédiaire des centres pneumogastriques.
Le tonus de ces nerfs est dü en grande partie à
l'hypophyse. C'est par l’action des mêmes subs-
tances que Fhypophyse intervient dans les échanges
organiques : elle provoque une notable augmenta-
tion de ces échanges et, conséquemment, une
diminution dans le poids du corps.
La principale substance active de l'hypophyse, à
laquelle j'ai donné le nom d’hypophysine, agit
donc en général dans le même sens que l'iodothy- «
rine, mais avec beaucoup plus d'énergie. Ainsi, par
exemple, non seulement elle peut inhiber plus
complètement l’action paralysante de l’atropine sur
le cœur, mais son introduclion préalable est à
même d'empêcher cette action de se manifester.
Comme l'indiquent les nombreux graphiques repro-
duils dans mes Mémoires, les substances actives
de l'hypophyse peuvent aussi augmenter la force
des battements du cœur dans une mesure beaucoup
plus considérable que ne le fait l’iodothyrine. En
outre, celte augmentation persiste plusieurs heures
après l'introduction de la substance. Howell, Li-
von, Cleghorn et d’autres ont, indépendamment de
moi, constaté les mêmes phénomènes.
Quant à l'action des extraits de l’hypophyse ou
de l’hypophyse entière sur les oxydations, j'avais
pu reconnaitre, par des observalions faites sur les
malades, qu’elle est aussi d’une efficacité supérieure
à celle de l’iodothyrine.
Ainsi, quoique se trouvant en quantité bien
moindre, les substances actives de l'hypophyse
peuvent remplir en grande partie la fonction chi-
mique de l'iodothyrine, lorsque celle-ci fait défaut
par suite de la thyroïdeelomie. Pour ce qui est du
rôle de l'hypophyse en tant qu'auto-régulateur
mécanique de la pression intracranienne, elle est à
même également de l'accomplir, mais en partie
seulement, chez les animaux thyroïdectomés, grâce
à son action sur la vitesse de la circulation dans
le système veineux du corps entier.
Parmi lesrésultats, souvent contradictoires, obte-
nus en procédant par l’extirpation ‘! de l'hypophyse, \
il en est pourtant plusieurs qui apparaissent avec
plus de régularité, grâce à l'exécution plus soi-
gneuse de l'opération. Ce sont, en premier lieu,
l'accélération des battements du cœur et le ralen-«
tissement des mouvements respiratoires qui, selon
‘ Une discussion détaillée des expériences exécutées à
l'aide de cette méthode est sur le point de paraître dans
l'Archiv von Pflüger, vol. LXXXVI. Dans la même étude, la
plupart des symptômes de l'acromégalie et d’autres affections
de l'hypophyse sont aisément expliqués à l'aide de ma théo-
rie de son fonctionnement.
+
sa *
D me SP RS MORE
E. DE CYON — LES GLANDES RÉGULATRICES DE LA CIRCULATION
… Caselli, se manifestent constamment après l'opéra-
lion et persistent pendant huit ou dix jours. Une
— dépression psychique, suivie d'un état comateux,
— apparait également aussitôt après l’extirpation de
4
e
l'hypophyse et dure jusqu'à la mort de l'animal.
Les désordres moteurs, allant jusqu'aux convul-
“sions cloniques, et les variations du poids de l’ani-
mal sont égalementles conséquences très fréquentes
“de l'opération, mais elles se manifestent sous di-
verses formes. Le plus souvent, le poids augmente
“malgré les troubles digestifs et la dépression de
l'animal opéré.
Le premier symptôme observé par Caselli con-
firme d'une manière éclalante ma thèse, que l’ex-
“citation lonique des pneumogastriques est due en
“grande partie au fonctionnement normal de l'hy-
pophyse. La dépression psychique et le coma sont
les résultats inévitables de l'augmentation de la
pression intracranienne, par suile de la mise hors
fonction de l'appareil qui en est le régulateur auto-
matique .
Les troubles moteurs ont la même origine que
les convulsions épileptiformes que j'ai souvent
observées après une excitation prolongée de l'hy-
- pophyse : une anémie des centres cérébraux provo-
quée par cette excitation. Enfin, l'augmentation de
poids de l'animal à la suite de l’ablation de l'hypo-
| - physe s'explique aisément par l'absence des subs-
tances actives de cette glande qui favorisent les
- oxydations dans l'organisme.
Ma théorie des fonctions de l’hypophyse, basée
sur les résultats de l’expérimentation directe, se
- rouve donc pleinement d'accord avec les prinei-
paux faits observés par les pathologistes qui
avaient le plus habilement opéré des extirpations
de l'hypophyse.
La thèse que ces pathologistes avaient soutenue
pour expliquer les fonctions de l'hypophyse, notam-
ment que cet organe était destiné à détruire des
toxines accumulées dans l'organisme, n'a donc
plus aucune raison d'être.
La lâche de désintoxiquer le sang incombe, en
premier lieu, au foie; l'élimination des produits
nocifs des désassimilations organiques, aux reins
et aux glandes sudorifiques. Le concours qu'une
glande aussi minuscule que l'hypophyse pourrait
prêter à ces organes serait vraiment d'une impor-
. lance dérisoire.
IV
En somme, la méthode de l’expérimentation di-
- recte m'a permis d'élucider les fonctions principales
4
4 Aussi, ai-je pu observer chez des acromégaliens une
— amélioration notable d'une dépression psychique analogue
—… par un traitement avec l'hypophyse en poudre. Voir LancE-
REAUX : Bull. de l'Acad. de Méd., 22 Novembre 1898.
833
des deux glandes vasculaires, les corps thyroïdes
et l'hypophyse,ei de préciser le véritable caractère
des imporlants rapports physiologiques qui existent
entre ces glandes.
Grâce à la nature de ces rapports, ces glandes
peuvent se suppléer en cas d’ablation de Zune
d'elles, au moins jusqu'à un certain point. Ces abla-
tions n'en produisent pas moins de graves pertur-
bations dans le fonctionnement des centres nerveux
qui président à la régularisation de la circulalion
sanguine. Mais ces désordres ne doivent nullement
amener la mort immédiate, comme le pensent à tort
plusieurs expérimentateurs, comme par exemple Lo
Monaco et van Rynberk. Ce n’est que l'examen direct
de ce fonctionnement qui permet de constater, aus-
silôt après l'opération, la gravité de ces désordres,
et ce n’est qu'après un laps de temps plus ou moins
long qu'apparaissent les symptômes morbides qui
font périr les animaux opérés.
Seule l’ablation des capsules surrénales s'est Jus-
qu'à présent toujours montrée mortelle dans un
délai très court. Mais, étant données les lésions
concomitantes, les causes intimes de cette mort ne
sont pas encore entièrement élucidées. Par leur
situation anatomique, les capsules se prêtent, d’ail-
leurs, très difficilement à l’'expérimentation directe.
Aussi me suis-je borné, dans mes études sur ces
organes, à préciser davantage l’action de leurs pro-
duits chimiques sur les nerfs cardiaques et vaso-
moteurs. Les recherches antérieures faites par
M. Oliver et Schäfer, par Cybulski et Szymonowicz,
par Langlois, Gottlieb et autres n'avaient fourni que
des indications peu concordantes sur la nature de
cette action. Des expériences avec l'introduction
d'extraits des glandes surrénales tantôt dans la cir-
culation isolée du cer veau, tantôt dans celle du reste
du corps, ainsi que l'étude de l’excitabililé des
nerfs cardiaques et vaso-moleurs pendant ces intro-
ductions, ont permis d'établir que les substances
actives des capsules surrénales augmentent nota-
blement l’activité physiologique des centres des
nerfs vaso-constricteurs et des accélérateurs. Elles .
agissent dans un sens opposé sur les vaso-dilalateurs
et les nerfs modérateurs du cœur. Par conséquent,
ces substances sont des antagonistes de l'iodothyrine
et de l'hypophysine.
Loin de nuire au bon fonctionnement des nerfs
régulateurs de la circulation, cet antagonisme en
est uné condition indispensable. L'appareil cireu-
latoire n'est pas, en effet, un simple appareil hy-
draulique fonctionnant dans des conditions im-
muables. La cireulation du sang doit se modifier
sans cesse pour s'adapter aux multiples besoins de
chaque organe, Tantôt c'est le cerveau, tantôt c’est
l'estomac ou le système des muscles volontaires,
qui exige un afflux de sang plus considérable afin
534
de pouvoir äccomplir sa tâche fonctionnelle. La
quantité de sang dont dispose l'organisme est loin,
en effet, de suflire à un fonctionnement simultané
de tous les organes du corps. L'appareil de la cir-
culalion doit également s'adapter aux innombrables
modifications qu'exercent constamment sur le corps
les influences extérieures, Lelles que les variations
de la température, de la pression barométrique, de
l'humidité de l'air ambiant, etc. Les conditions de
la circulation varient aussi avec l’état de repos ou
de travail, avec l'attitude du corps (couché ou
debout); elles sont différentes la nuit et le jour,
Tantôt, c'est une accélération des battements du
cœur, avec une diminution ou une augmentation de
la pression sanguine, qui répond le mieux au besoin
momentané de l'organisme; — tantôt, tout l’op-
posé.
La somme des périodes d'activité du cœur dans
un temps donné reste, il est vrai, la même, quelle
que soit la rapidité des pulsations cardiaques. Mais
celte loi de la constance du travail du cœur dans
certaines limites délerminées, que j'ai établie en
1866, ne reçoit son exécution que gräce à l'antago-
nisme entre les diverses fonctions des nerfs du
cœur et des vaisseaux. Pour que le cœur puisse
varier son rythme selon les besoins momentanés
de l'organisme, sans que la somme de son travail
utile soit diminuée, l'intervention de nombreux
appareils régulateurs (nerfs accélérateurs, nerfs
modérateurs, dépresseurs el vaso-moteurs du cœur)
est indispensable.
La quantité de sang dont dispose l'organisme
entier est également presque constante. Mais, pour
que chaque organe puisse disposer, à un moment
donné, de la quantilé de sang qui lui est nécessaire,
le jeu automatique des nerfs vaso-constricteurs el
vaso-dilatateurs affectés au service de cet organe
doit intervenir d'une manière diverse.
C'est donc sur l'harmonie entre toutes les in-
fluences antagonistes et modératrices des nerfs que
repose le fonctionnement normal et régulier du
cœur et du reste de l'appareil circulatoire. Les
glandes qui, par leurs sécrétions et produits divers,
maintiennent les nerfs antagonistes en bon état de
fonctionnement, remplissent par conséquent un
rôle physiologique d’une portée vitale. Il est évi-
dent que, suivant qu'une quantité plus ou moins
forte de telle ou telle de ces substances actives
arriverait dans la circulation, la prépondérance
appartiendrait tantôt à certains nerfs, tantôt à cer-
tains autres. /] doit donc exister normalement entre
ces quantités un rapport harmonique qui ne saurait
être troublé longtemps sans provoquer des acci-
dents pathologiques plus ou moins graves. Ce sont
ces perturbalions qu'on observe en premier lieu
après l’ablation de la thyroïde ou de l'hypophyse.
E. DE CYON — LES GLANDES RÉGULATRICES DE LA CIRCULATION
Ainsi, j'ai pu constater queles battements irréguliers
du cœur qu'on désigne sous le nom de pulsus bige-
minus Où {rigeminus sont aisément provoqués par M
des introductions artificielles des produits de l’une
ou de l’autre glande, ces pulsations élant dues à
une disharmonie anormale entre les nerfs modé-
rateurs et les nerfs accélérateurs du cœur, Des *
introductions semblables produisent également des M
oscillations toutes particulières de la pression san-
guine, connues sous le nom d'’oscillations de Traube.
Les oscillalions spontanées de cette pression dé-
pendent d’une rupture de l'équilibre entre les inner-
vations toniques des vaso-constricteurs et des
vaso-dilatateurs. ILest donc extrêmement probable
que, normalement, cet équilibre est maintenu par
les actions antagonistes des diverses substances
actives des glandes vasculaires”.
V
Les glandes dont les fonctions viennent d'être
exposées ici sont-elles les seules qui soient chargées
de régulariser la circulation? Certainement non.
Les glandes parathyroïdes de Gley, les glandes
carotides et les pelites glandes du même genre,
disséminées, selon Stilling, sur le parcours du
grand sympathique, ont une destination analogue.
Pour les parathyroïdes, les recherches de Gley
avaient déjà établi le concours qu'elles fournissent
aux corps thyroïdes. Les résultats obtenus par
Luzena, Gatla, Caselli et autres, en procédant par la
méthode de l’exlirpation, n'admettent, il est vrai,
que des interprélations très vagues ; il n’en ressort
pas moins de leurs expériences que le rôle de ces
glandules est encore assez important.
La glande coccygée de Luschka, qui, par sa struc-
ture et sa situation anatomique, présente tant
d'analogies avec l'hypophyse, serait particulière-
ment intéressante à étudier. Elle paraît être des-
tinée à régulariser la circulation dans le petit
bassin.
D'autres problèmes concernant ces organes res-
tent encore à résoudre : l'action des glandes yas-
culaires sur les oxydations organiques s'exerce-
t-elle par l'intermédiaire des nerfs qui régularisent
la circulation du sang ou dépend-elle d’une action
directe sur les nerfs trophiques? Il est hautement
probable que ces oxydations sont réglées à la fois
par les nerfs vaso-moteurs et par les nerfs tro-
phiques. Une partie considérable de ces derniers, M
sinon la totalité, se trouve dans le pneumogas-
trique et dans le grand sympathique. Le rôle du
premier de ces nerfs à l'égard des glandes diges-
4 Le professeur Livon (de Marseille) est arrivé par ses
propres recherches à une explication analogue des oscilla=
tions périodiques de la pression sanguine.
4
ù
lun
j;
E. DE CYON — LES GLANDES RÉGULATRICES DE LA CIRCULATION
“tives (estomac et pancréas) vient encore d'être
“établi dernièrement d'une manière éclatante par
les études de Pawlow et de ses élèves. On connaît
depuis longtemps son action sur les organes de la
respiration, sur le foie, etc. Or, est-il possible
admettre que les substances actives de la thyroïde
et de lhypophyse, dont l'effet est si puissant sur les
centres périphériques el cérébraux de ces nerfs,
se rendent dans le cœur et les vaisseaux, laissant
en dehors de leur action celles qui se distribuent
dans les poumons, le foie et les glandes digestives ?
ien n'autorise une conclusion aussi paradoxale.
u contraire, les effeis connus de ces substances
ctives sur les échanges organiques s'explique-
raient très aisément dans l'hypothèse que l'iodothy-
rine, l'hypophysine et l’épinéphrine exercent les
effets que nous venons de constater sur la totalité
des systèmes pneumogastrique et sympathique.
C'est en ramenant le plus grand nombre de phé-
nomènes biologiques aux mêmes causes. iniliales
que le naturaliste parvient à découvrir les lois qui
les régissent.
Est-il besoin de dire que les chimistes se four-
voient complètement lorsque, négligeant l’interven-
tion du système nerveux, ils prétendent expliquer
l'action des substances en question par d'hypothé-
tiques combinaisons chimiques ? Procéder de la
sorte, c'est méconnaitre entièrement l'essence
même des phénomènes physiologiques dont on
cherche l'interprétation.
Comment doit-on désignerles glandes vasculaires,
à présent que le mystère qui couvrait leur destina-
tion physiologique vient d'être en grande partie
dissipé ?
Brown-Sequard, qui aimait beaucoup les mots
à effets, les a désignées autrefois sous le nom de
« glandes à sécrétion interne ». Cette dénomina-
tion n'était ni neuve ni exacte; mais, comme elle
n'avait aucun sens et n’expliquait rien, elle devint
rapidement populaire, chacun pouvant lui faire
signifier ce qu'il voulait. La désignation em-
agissent exclusivement sur les fibres nerveuses qui |
835
ployée par Gley : « glandes protectrices de l'orga-
nisme contre lui-même » vaut déjà mieux. Mais
l'élargissement de nos connaissances sur les fonc-
tions de ces glandes nous permet aujourd'hui de
préciser bien davantage. Je propose de les dési-
gner comme les glandes régulatrices de la cir-
culation et de la nutrition (Schutzdrüsen für die
Regulirung der Blutlaufs und der Ernährung). Cela
répond exactement à leur destination physiolo-
gique, telle qu'elle ressort avec évidence des der-
nières recherches.
Antérieurement, j'avais désigné les substances
actives que ces glandes produisent comme les poi-
sons physiologiques du cœur et des vaisseaux". Le
développement ultérieur des recherches sur les
sécrétions des autres glandes permettra très pro-
bablement d'étendre davantage leur rôle et de les
désigner comme les poisons physiologiques du
système nerveux.
Le mot « poison » a été choisi avant tout pour
marquer l'analogie de leur action avec celle des
poisons du cœur les plus connus, comme l'atropine,
la nicotine, la muscarine, le chlorol, dont ces pro-
duits sont les antagonistes victorieux. Il fallait
aussi, en les désignant comme poisons physiolo-
giques, bien indiquer qu'il s’agit de substances tout
opposées aux « toxines ». Ces dernières, produils
accidentels des désassimilations organiques ou des
sécrétions microbiennes, sont des substances
pathogènes qui doivent être éliminées du corps.
L'iodothyrine, l'hypophysine, l'épinéphrine de
Abel (ou la suprarénine de Furth) sont, au con-
traire, des substances physiologiques produites par
des glandes ad hoc; leur présence est indispen-
sable au bon fonctionnement du système nerveux
qui domine la circulation du sang et la nutrition.
E. de Cyon.
PERRET
{ Voir mon étude sous ce titre dans l'Archiv von PAüger,
vol. LXXIII, LXXIV et LXXVII, ainsi que le chapitre L
de mon article « l'Innervation du cœur », dans le Diction-
naire de Physiologie de Ch. Richet, vol. I.
836
L'ÉTAT ACTUEL ET LES BESOINS
DE LA CULTURE DES PRAIRIES NATURELLES
ET DES PATURAGES EN FRANCE
I. — IMPORTANCE CULTURALE ET ÉCONOMIQUE.
Les prairies naturelles ou polyphytes, c'est-à-
dire constituées par le mélange d'un grand nombre
d'espèces végétales, surtout de Graminées et de
Légumineuses, forment, après les céréales, les cul-
tures les plus importantes de la France; car, s’il est
vrai que les diverses céréales occupent une étendue
totale d'environ 15.000.000 d'hectares, les prairies
naturelles et herbages viennent immédiatement
après, avec une superficie de près de 6.300.000 hec-
tares ‘: Cette étendue comprend : les prairies nalu-
relles proprement dites, ou prairies de fauche,
consacrées à la production du foin et du regain,
prairies qui, à elles seules, dépassent 4.400.000 hec-
tares, et les herbages où pälurages qui forment le
reste. Toutefois, cette distinction n’est pas absolue,
car il arrive, dans bon nombre de cas, qu'une sur-
face enherbée est à la fois fauchée et pâturée, soit
dans le courant d'une année, soit pendant la
période qu’elle occupe le sol.
Les causes qui militent en faveur de l’accroisse-
ment de la surface des prairies artificielles sont les
mêmes pour ce qui à trait aux prairies naturelles;
nous n'insislerons donc pas sur ce point.
Non seulement l'herbe verte et le foin servent à
la nourriture des bestiaux, dont le nombre va
toujours en augmentant dans la plupart des exploi-
tations rurales, mais encore c’est l'agriculture qui
doit fournir le foin nécessaire à l'armée, à la cava-
lerie des Omnibus, des Petites-Voitures et autres
entreprises de transport dans les grandes villes; la
p'oduction du foin est donc des plus impérieuses,
car elle intéresse au plus haut point le commerce,
l'industrie et la défense nationale.
$ 1. — Rôle économique.
à
Les prairies naturelles, les prés, comme on les
appelle quelquefois, constituent un excellent sys-
tème de cullure, et cela à bien des points de vue.
Tout d'abord, elles ne demandent que très peu de
main-d'œuvre, ce qui est à prendre en sérieuse
considération, à une époque où le manque de bras
! L'étendue consacrée aux prairies artificielles n'atteint
que 3.000.000 d'hectares. Voir : L'Etat actuel et les besoins
de la culture du trèfle, de la luzerne et du sainfoin en
France, dans la Revue générale des Sciences du 45 août 1898,
t. IX, n° 15,
A. LARBALÉTRIER — LA CULTURE DES PRAIRIES NATURELLES EN FRANCE
se fait de plus en plus sentir; de plus, elles per-
mettent l'entretien d'un nombreux bétail, source de
# à . . ° à ‘
bénéfices indiscutable, puisque la consommation
de la viande va toujours en augmentant; il en
résulte aussi une production abondante de fumier.
Or, on sait que, malgré l'accroissement dûment
constalé en ces dernières années dans l'emploi des
engrais chimiques, le fumier de ferme n'en reste
pas moins l’engrais type par excellence, la base
de toute fertilisation rationnelle et économique,
les engrais artificiels ou commerciaux n'étant que
complémentaires dans un système de culture bien
compris.
On peut donc dire, sans éxagération aucune, que
la prairie est l'appui de tout progrès agricole,
puisque avec les bestiaux on fait de l'argent et
qu'avec le fumier en abondance il n'y a pas de
mauvaises terreslabourables. D'ailleurs, il est avéré
que les systèmes de culture les plus productifs sont
précisément ceux qui font aux prairies la plus large
part. C'est ainsi que l'ile de Jersey, dont la cullure
est si riche, n’a que un sixième de son étendue
consacrée aux céréales, tandis que le reste est
en prairies.
$ 2. — Rôle améliorateur.
Contrairement aux autres cullures, qui sont plus
ou moins épuisantes, les prairies naturelles, tout
comme les prairies artificielles et presque autant
que celles-ci, améliorent le sol qui les porte. En
effet, on sait que la formation de l'azote nitrique
(nitrification) est due à une fermentation; or, le
ferment nitrique est aérobie. Il en résulte que, dans
une terre labourée, perméable par conséquent, la
nitrification est très intense et les plantes ne
peuvent pas toujours absorber les nitrates au fur
et à mesure de leur formation; il en résulle une
perte, du fait de l'entrainement par les eaux de
drainage, perte qui n'existe pas dans un sol en
prairie où la nitrification est beaucoup moins
active. D'autre part, les plantes de la familie des
Légumineuses sont toujours plus ou moins abon-
dantes dans une prairie polyphyte, et on sait que,
non seulement ces plantes n'absorbent pas l'azote
du sol, mais qu'elles captent l'azote libre de l’atmo-
sphère par un phénomène biologique des plus
intéressants, que nous n'avons pas à décrire. Il
semble donc, comme le fait observer notre émi-
nent maitre M. P.-P. Dehérain', qu'il y ait deux
causes agissant en sens inverse : la nitrification,
5 cause de perle qui s'exerce surtout sur les sols
—… riches, tandis que la fixation microbienne de l'azote
…nyintervient pas, cette fixalion entrant en jeu au
L- dans les sols pauvres ; on concoit toutefois
- que, même lorsque cette fixation d'azote intervient
-dans des sols labourés chaque année, elle soit con-
trebalancée par la nitrification et que la teneur en
azote ne subisse plus de grands changements, tan-
dis qu'au contraire, si l’on retarde la nitrification
- en supprimant les labours, les actions microbiennes
dominent et la terre s'enrichit en azote.
- «Quand, il y a quelques années, dit M. Dehérain,
nous ignorions que l'azote de l'air intervient effica-
- cement dans la végétation, nous pouvions craindre
que l’impossibililé où nous sommes encore d’en-
. gager directement l'azote de l'air en combinaison
n'amenàt, après l'épuisement des gisements connus
de nitrates, un appauvrissement considérable de
nos terres-cullivées; et il est certain que cet épui-
sement du nitrate du Pérou causera un grand
préjudice, sans toutefois amener nos terres à la sté-
ki
A. LARBALÉTRIER — LA CULTURE DES PRAIRIES NATURELLES EN FRANCE
837
riblement aux récoltes qui suivent le défriche-
ment. » ;
$ 3. — Etendue cultivée.
La surface consacrée aux prairies el aux pätu-
rages est en voie d'accroissement marqué, ainsi
que le montrent les chiffres du tableau 1, que
nous empruntons aux statistiques officielles.
TABLEAU I, — Accroissement de la culture des prairies
naturelles et des herbages depuis 1840.
PRODUCTION PRODUIT
ANNÉES cultivée herbacte moyen
en tonnes
| ÉTENDUE
|
| par hectare
|
en hectares |
|
————— | ———— ————————— | ————
1810 (86 départ.) .| 4.198.197 | 10.520.203 2.640
1862 (S9 — ) 5.021.246 | 16.009.500 3.381
1882 (86 — ) 5.946.260 | 18.528.519 3.527
86 — }).| 6.230.671 | 16.003.057* 2.832
| 1892
Déjà, il y avait en France, en 1700, d’après Vau-
ban, 4.267.000 hectares de prairies, el soixante ans,
plus tard, Mirabeau évaluait à 5.000.000 d'hec-
tares l'étendue prairiale de notre pays.
TABLEAU IL. — Répartition des prairies et pâturages en catégories.
CATÉGORIES
——————
Prairies naturelles irriguées :
19 Naturellement par les eaux de rivières . . . .
20. A l'aide de canaux d'irrigation ou de travaux
spéciaux . NET ere
Prairies uaturelles non irriguées .
RENDEMENT
moyen
par hectare
en quintaux en quintaux
PRODUCTION
totale
SUPERFICIE VALEUR TOTALE
en hectares en francs
————————
198 38.024.828
37.343.837
52.484.658
181
S51
Totaux et moyennes .
836 127.853.323
Herbages pälurés de plaines .
de côteaux
alpestres .
562
827
219 3.385.396
Totaux et moyennes .
608 35.562.643
Totaux généraux et moyennes générales
213.444 163.415.966 .980.25
rilité, en effel, nous savons aujourd'hui qu'une
terre maintenue en prairies s'enrichit d'azote, et
nous avons dès lors entre les mains une méthode
qui nous permettra toujours d'augmenter le stock
. d'azote combiné que renferment nos terres, méthode
qu'il ne faut au reste employer qu'avec précaution,
car, Si la création des prairies temporaires de Gra-
minées laisse le sol enrichi en azote, la culture de
ces prairies défrichées est très difficile, à cause
… des insectes qui y pullulent et souvent nuisent ter-
4
L
SeP:-P-
page 503.
LA
DEuÉRAIN : Trailé de Chimie agricole, 1898,
La statistique officielle, d'accord en cela avec la
pratique courante, divise les prairies de fauche en
deux grands groupes :
1° Les prairies irriguées ; 2° les prairies non irri-
guées.
Les herbages ou pâturages sont divisés, à leur
tour, en trois séries :
! Dans cette dernière colonne se trouvent aussi les prai-
ries artificielles et le trèfle incarnat.
? La différence en moins constatée pour l’année 1892 ne
doit pas être considérée comme un recul; elle tieut unique-
ment à ce que la récolte en foin de cette année à été infé-
| fieure, environ d'un quart, à celle d'une année moyenne.
838
1° Les herbäges de plaines; 2° ceux de coteaux;
3° les pâturages alpestres ou de montagnes.
Les résultats de l'enquête décennale de 1892
donnent, pour ces diverses surfaces enherbées, la
répartilion consignée dans le tableau If.
Par les chiffres qu'il présente, on voit que la
valeur totale des produits fournis par les prairies
naturelles et les pâturages en France dépasse le
chiffre formidable de un milliard deux cents mil-
lions de francs.
A. LARBALÉTRIER — LA CULTURE DES PRAIRIES NATURELLES EN FRANCE
AAN IG SIL METIER RRRIE
NE:
MANCHE CALVADOS r :
RXANNOOS
Il
ORN
TANISTÉRE 2
Diapason des Teintes
Moins de 20.000 hect
de 20000 à 50.000
de 50.000 à 70.000
NU de 70.000 à 90.000
— de 90.000 à 100,000
plus de 100.000
YR NÉS
CDR
4 LÉ NN
D LA NE x
o Qre KR N 2
17 hectares par cent habitants:
93,20 hectares par cent cultivateurs;
L'hect. O1 par 1.000 kilos de poids vif des ani-
maux.
Les prairies naturelles se rencontrent dans tous
les départements, car partout on fait du foin;
mais c'estsurtout dans ceux du Centre et de l'Ouest
que les superficies consacrées à ces cultures sont
les plus vastes. En 1898, on comptait six départe-
ments dans lesquels l'étendue réservée aux prai- “
LE, LA
COLE
CLAAL LL LL
Grave’ par F:_Borrenans 5 rue Hautefenille - Paris
Fig. 1. — Répartition des prairies naturelles en France par départements.
Si l’on ajoute, aux totaux ci-dessus indiqués, le
total des prés temporaires, c'est-à-dire des prairies
à base de Graminées, dont la durée est limitée et
ne-dépasse guère plus de quatre ans, on trouve
que les prairies naturelles, prés et herbages, occu-
pent en France comme superficie :
12,53 °/, du territoire de la France ;
12,92 °/, de la superficie totale du territoire
agricole ;
20, 39 °/, de la superficie des terres labourables
et prés.
Relativement à la population, ils représentent :
ë
|
ries de fauche dépassait 100.000 hectares. C'est ce
que montre la carte de la figure 1.
Le département qui tient la tête est celui du Puy-
de-Dôme, avec 154.500 hectares de prairies nalu-
rellesé.
Ceux qui cultivent le moins de prairies natu-
relles sont, indépendamment du département de
‘ Le département du Puy-de-Dôme comprend une super-
ficie totale de 795.051 hectares, dont 410.630 hectares de
terres labourables. En 1862, on y comptait 83.167 hectares
de prairies et, en 1882, 92.013 hectares, sur lesquels il n'y .
en avait que 29.388 non irrigués.
_ Ja Seine (avec 430 heclares), les départements qui
… suivent :
- Somme : 8.034 hectares; Seine-et-Oise :
“hectares; Corse : 5.310 hectares.
+ Dans aucun département, on ne constate l'ab-
sence totale des prairies de fauche.
Par contre, dix départements sont complètement
privés de päturages, car on ne peut comprendre
sous ce terme les landes ou pâtis fournissant quel-
ques maigres herbes aux moutons ou aux chèvres.
6.550
A. LARBALÉTRIER — LA CULTURE DES PRAIRIES NATURELLES EN FRANCE
839
rencontre surtout les prairies naturelles non irri-
guées, dont le rendement est toujours moindre.
Ce sont, ainsi que nous l’avons vu, les départe-
ments voisins de la mer, ou situés dans lesrégions
montagneuses de l'Est et du Centre,qui occupent
les plus grandes surfaces en päturages (fig. 2).
Les herbages de plaines les plus productifs sont
ceux du Calvados, puis viennent ceux de l'Orne et
de la Manche,
Les herbages de coteaux dominent surtout dans
Diapason des Teintes
Pas ou presque pas d'herbages
Moins de 2.000 hectares
de 2.000 à 9.000
de 9. 000 à 20.000
lame
de 20.000 à 50.000 EANDESS
de 50.000 à 70.000
Plus de 70.000
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Le | AUDE
\ MEDITERRANÉE
*
Fig. 2.— Répartition des herbages en France par départements.
Le département qui tient la tête pour les pâtu-
rages est celui du Calvados, avec 96.500 hec-
tares.
Pour en revenir aux prairies de fauche, les dé-
partements les mieux dotés pour les prairies irri-
_ guées naturellement par les crues de rivières sont
. ceux de Saône-et-Loire et de la Vendée. Pour les
prairies arrosées à l’aide de canaux ou de travaux
spéciaux, il faut citer les Vosges et quelques dé-
partements du plateau central, notamment la
Haute-Vienne, le Cantal et le Puy-de-Dôme.
C’est dans l'Ouest, le Sud-Ouest et le Nord qu’on
le Calvados et dans la Lozère. Enfin, c'est dans la
Savoie et les Hautes-Alpes que les pâturages al-
pestres ou de monlagnes occupent les plus grandes
surfaces.
II. — CRÉATION ET ENTRETIEN DES PRAIRIES.
Nous n'avons pas l'intention de développer ici la
technologie de la culture prairiale, mais nous vou-
drions présenter quelques critiques au sujet de la
manière dont ces cultures sont créées et entretenues,
afin de faire ressortir ce fait, indéniable à notre
A. LARBALÉTRIER — LA CULTURE DES PRAIRIES NATURELLES EN FRANCE
avis, que, si lès surfaces enherbées étaient mieux
soignées, leur puissance productive serait considé-
rablement accrue et leur durée beaucoup plus
longue.
$ 1. — Climat et situation.
Ces deux facteurs, qui influent beaucoup sur la
productivité des surfaces enherbées, sont détermi-
nés par l'élévation au-dessus du niveau de la mer.
ainsi que par la latitude et l'exposition de la con-
lrée. C'est pourquoi les agronomes sont générale-
ment d'accord pour diviser les prairies de fauche
en prairies hautes, prairies moyennes, prairies
basses et prairies marécageuses, qui se définissent
d’ailleurs elles-mêmes.
Toutefois, comme le fait observer M. V.-F. Dun-
kelberg”, « on trouve la végétation de l'herbe aussi
riche sur l'Himalaya, à une hauteur de 5.400 mètres
au-dessus du niveau de la mer, qu'à 2.400 mètres
dans les Andes de Quito, à 1.200 mètres en Suisse,
comme aussi dans les plaines de Hollande, au bord
de la mer du Nord. La riche croissance de l'herbe
est liée à un certain degré de chaleur et surtout à
une certaine quantité d'humidité de l'air et du sol,
ou à tous deux simultanément ». D'ailleurs, les
prés irrigués des vallées sont ceux qui, avec un
traitement convenable, garantissent le plus grand
rapport.
$ 2. — Sol et engrais.
L'influence du terrain sur lequel est établie la
prairie est double; il faut la considérer eu égard à
ses propriétés physiques, qui influent beaucoup sur
le degré d'humidité ou de fraicheur; puis, au point
de vue des propriétés chimiques et de la plus
grande abondance, ainsi que de la proportion rela-
tive des principes fertilisants qui s’y trouvent;
ceux-ci ayant une action marquée tant sur la na-
ture des plantes que sur leurs qualités nutritives et
la durée de la prairie.
La profondeur du sol doit aussi être prise en
considération.
En effet, la plupart des plantes qui forment l'enga-
zonnement ont des racines peu profondes. D'après
les recherches de M. Joulie, on peut admettre,
d'une facon générale, que, pour cent parties en
poids de radicelles contenues dans la couche super-
ficielle de 10 centimètres, la couche immédiate-
ment sous-jacente de même épaisseur n’en ren-
ferme que dix parties: dans la troisième couche,
la quantité de radicelles est insignifiante.
Sur prairies nouvellement établies, les racines
pénètrent un peu plus profondément, mais le dé-
veloppement de la végélation leur rendant l'accès
de l'air moins facile, les force à se reporter vers la
! V.-F. DuxkecserG: De la création des prairies irriquées,
pot:
surface. L'air est indispensable aux racines non
moins qu'à la graine, à la tige et aux feuilles.
En général donc, on se gardera d'utiliser, pour
prairies, les terrains qui possèdent dans le sous-
sol les plus fortes réserves d'éléments nutritifs.
En effet, les Graminées ne peuvent en retirer les
mêmes avantages que les plantes des terres arables.
Les sols de fertilité moyenne et sains sont moins
appropriés, attendu qu'il est aisé d’incorporer les“
engrais nécessaires à la couche superficielle, dans
laquelle les Graminées se développent.
Tant au point de vue physique qu'au point de
vue chimique, on doit accorder la plus sérieuse
altention à la nature géologique du sol, qui donne
de très utiles indications.
Quoiqu'on rencontre des prairies dans tous les
étages géologiques, c'est en général sur les assises
jurassiques qu'on trouve les plus productives, car
ces terrains renferment la chaux et l'acide phos-
phorique en quantité suffisante, éléments absolu-
ment indispensables aux plantes des prairies. En
outre, on y trouve le plus souvent, surtout dans le
lias, de petils cours d’eau à débit lrès irrégulier,
et des sources qui ont traversé les calcaires et qui
viennent sourdre aux affleurements des couches
marneuses.
Ceci nous conduit tout naturellement à dire un
mot de la fertilisation des prairies.
On a longtemps prétendu que les surfaces enher-
bées pouvaient se suffire à elles-mêmes, qu'elles
« devaient toujours fournir et ne jamais rien rece-
voir ». Or, quoique d'une manière générale on
soit quelque peu revenu de cette erreur, il n’en est
pas moins vrai que, dans certaines régions de la
France, on se refuse encore à fertiliser les prai-
ries et les pâturages.
La fumure des prairies ne doit pas être quel-
conque. Etant posé ce principe qu'une bonne prai-
rie doit reposer sur un sol suffisamment calcaire,
la proportion des Légumineuses, dans ce cas, sera
suffisante et celles-ci, puisant la totalité de leur
azote-dans l'atmosphère, l'apport de ce dernier élé-
ment, pour subvenir .aux besoins des Graminées,
pourra être assez restreint. Il n’en est pas de même
pour l'acide phosphorique el la potasse, qui
augmentent à la fois la végétation des plantes des
deux familles, quoique ayant une action plus éner-
gique sur les Légumineuses.
Aiïnsi que le fait observer M. F. Berthault *, avec
la chaux et l'azote assimilable, on régularise sur-
tout Ja flore.
La première profite exclusivement aux Légumi-
neuses; l'azote favorise les Graminées.
1 K, BerruAurr : Les Prairies, t. 1:
p. 196.
Prairies de fauche,
:
|
A. LARBALÉTRIER — LA CULTURE DES
PRAIRIES NATURELLES EN FRANCE SAL
Cela ressort neltement de l'analyse botanique
des prairies effectuée par MM. Lawes et Gilbert.
Tous les engrais ont restreint la proportion des
plantes diverses ; mais, tandis que les engrais mi-
Tagcrau III. — Influence des engrais sur la flore
, des prairies.
PARCELLE
à engrais mi-|
. ARCELLE
TEMOIN ES
# PLANTES avec engrais néraux et à |
sans engrais AN E À
4 6 MINETAUX engrais azotés
, # e |
Graminées . 67,43 0Jo 61,03 °)o 95,91 0, |
Légumineuses . . 8.20 23,06 0,01 |
Plantes diverses . 24,31 15,91 4,08 |
néraux développaient énormément les Légumineu-
ses, l'engrais azoté donnait aux Graminées une
prépondérance excessive (tableau HT) *
L'acide phosphorique exerce un rôle prépondé-
*rant dans les prairies, à la condition toutefois que
le sol en contienne plus que les plantes n'en exi-
gent. En Bretagne, par exemple, l'emploi des en-
grais phosphatés a eu pour conséquence de faire
produire à des régions jadis déshéritées des
fourrages plus nutritifs, ce qui permet d'y entre-
tenir aujourd’hui des animaux de plus grande
taille, dont le cadre s’est en quelque sorte élargi à
mesure que la richesse des fourrages en acide
F phosphorique allait en augmentant.
“ Les engrais phosphatés, notamment les scories
À Thomas, font surtout merveille dans les prairies
. humides et tourbeuses, lors qu'elles ont été préa-
lablement assainies.
C'est ainsi que M. Ayraud a suivi la transforma-
tion imprimée à la flore par le phosphatage dans
ÿ Taureau IV. — Modification de la flore des prairies
basses sous l'influence du phosphatage.
PRÉ PRÉ
NATURE DES PLANTES ; e
phosphaté sans engrais
Bonnes graminées . . de
Graminées des pins basses.
Légumineuses . . . . SL
Plantes indifférentes . . . . .
Plantes nuisibles. . .
5,05 0/0
91
9,96
19 = 10
19 © O0 C3 —1
UE & IN
=
GORE 1
12
—…._ des prairies basses; il est arrivé aux constatations
L: que résume le tableau IV.
M. Bourgne, professeur départemental d'Agricul-
# 4 Les engrais phosphatés doivent être incorporés en au-
tomne et on peut en répandre une forte dose pour plusieurs
années, surtout quand on s'adresse aux phosphates miné-
…_ raux naturels ou aux scories de déphosphoration.
v La potasse peut être employée moitié à l'automne, moitié
… au printemps. Pour les engrais à azote assimilable, il faut
_ toujours choisir le printemps.
4
t
ture de l'Eure, cile également un cas remarquable
où l'emploi des phosphales et des sels de potasse
semble avoir en quelque sorte créé des Légumi-
neuses dans une prairie où elles élaient fort rares.
Le rendement y a passé, d'une année à l’autre,
de 1.427 kilos à 2.040 kilos à l'hectare.
D'autre part, dans le courant d'une seule année,
M. Muntz a vu des prairies médiocres transformées
en prés excellents, à rendement triplé, sous l'in-
fluence des engrais phosphalés *
Lorsqu'on ne fait pas usage des engrais chi-
miques, la meilleure fumure pour les prairies et
herbages consiste dans l'emploi des composts.
$ 3.— Influence des engrais sur la valeur nutritive
des produits.
Pendant longtemps aussi on a cru que la compo-
silion chimique des plantes des prairies était sen-
siblement constante pour une même espèce. Celte
supposition était gratuite. M. Joulie a montré qu'il
y avait des différences dans la composition d’une
même plante arrivée à une mème période de végé-
lation suivant la nature du sol. Il a démontré
également que cette composilion chimique, essen-
liellement variable, avait une influence considéra-
ble sur le développement des plantes, et que, pour
les prairies qui étaient plus particulièrement l'ob-
jet des travaux de ce chimiste, le développement
maximum de chaque espèce végétale correspondait
à la présence dans le sol d’une quantité minimum
des éléments minéraux constitulifs de la plante,
quantité moins variable naturellement avec chaque
espèce. Cette constatation élait d'autant plus pré-
cieuse à établir qu'une fois les conditions les meil-
leures de développement de chaque végétal
l'analyse du sol qui doit le produire
donne à l'agriculteur le moyen d'obtenir des ren-
dements maxima dans les conditions physiques de
sol et de climat dans lesquelles il opère.
M. L. Vassillière a déduit de cette importante
découverte cette autre conséquence, qu'il faut do-
rénavant avoir recours à la composition chimique
d'un foin et non seulement à la composition bota-"
nique, pour en estimer la valeur nutritive.
A ce point de vue, il nous parait inléressant de
donner ici la composition moyenne comparée des
Légumineuses et des Graminées des prairies (Ta-
bleau V).
Ces chiffres suffisent pour bien montrer que les
connues,
1 L'usage des scories de déphosphoration sur les prés se
généralise de plus en plus, parce que ces engrais, contenant
de l'acide phosphorique assez assimilable, renferment en
outre de 35 à 45 % de chaux; elles ont donc une action dou-
ble. De nombreuses observations ont démontré que l'emploi
des scories permet d'augmenter le rendement d’un quart et
d'en obtenir un foin d'une valeur nutritive double ou triple
de celui qu'elles produisent ordinairement.
A. LARBALÉTRIER — LA CULTURE DES PRAIRIES NATURELLES EN FRANCE
Légumineuses exigent des sols plus fertiles que les
Graminées, seulement pour donner des pro-
duits rémunérateurs, mais encore pour végéler
dans de bonnes conditions.
La conclusion de ce qui précède, c'est que, par
l'emploi judicieux des engrais, l’agriculteur peut
en quelque sorte conduire les prairies à sa guise et
cela économiquement. Les engrais phosphatés,
potassiques et calcaires font développer les Légu-
mineuses. Les engrais azotés favorisent la végé-
tation des Graminées. Les rendements paient la
dépense lorsqu'elle est faite dans de sages propor-
tions, et, à défaut de la constatation du poids du
fourrage obtenu, l'examen de la flore, le change-
ment de couleur de l'herbe dansles prairies pauvres,
non
Tagzezau V. — Composition chimique comparée
des Légumineuses et des Graminées.
DANS 100 KILOS DE FOURRAGE
SEG
SUBSTANCES EE
Graminées
Légumineuses
————— —
12,39
4,68
3:66
4,95
1.39
18,14
1,34
2.21
15,31
AzoteR nd
Acide phosphorique. :
Acide sulfur aus è
Chaux .
Magnésie.
Potasse.
Soude . .
Oxyde de fer .
Silice.
le séjour prolongé du bétail, viennent démontrer au
cultivateur qu'il n'a perdu ni son temps ni son
argent.
Cr
$ 4. — Création des prairies.
On a beaucoup discuté sur l’opportunité de la
création des prairies. Les uns prétendaient qu'il
valait mieux laisser le terrain s’engazonner seul,
tandis que les autres préconisaient le semis direct.
Or, parmi ces derniers, quelques-uns utilisent les
balayures de fenil ou /eur de foin; d’autres préfè-
rent le mélange rationnellement effectué de graines
fourragères choisies avec discernement. La cou-
tume encore très répandue d’ensemencer en fleur
de foin ne constitue pas un progrès sur l’engazon-
nement naturel primitif, quoique beaucoup d' agri-
culteurs prétendent, on ne sait trop pourquoi,
« qu'il faut rendre au sol la semence qu'il a pro-
duite lui-même ».
Il résulte d'expériences très nombreuses que le
rendement de la fleur de foin est de moitié infé-
rieur à celui d’un mélange de graines fourragères ;
en outre, et pourvu que la prairie soit fertilisée, on
empêche l'introduction des plantes nuisibles ou
inutiles, qui se produit déjà suffisamment dans les
conditions normales.
Sans entrer ici dans la pratique même de la
création des prairies, nous dirons que les mélanges
doivent être composés d’après certains principes.
Ceux-ci ont été succinctement indiqués par M. C.
Denaiffe
1° Les Légumineuses ne doivent y entrer, en gé-
néral, que pour un tiers (33 °/,), si l'on veut que
la culture soit dans les meilleures conditions de
rapport et de durée;
2 La proportion du Ray-Grass d'Italie ne doit
pas être de plus de 20 °/,, parce que, dans les”
deux premières années, il étouffe souvent les es-«
pèces qui se développent plus lentement et que, par
là, lorsqu'il a disparu lui-même, il se prod des
oe dans l’herbage;
3° Pour la même raison, il ne faut pas que le
Ray-Grass anglais dépasse 15 °/,, quoiqu'il soit de
plus longue durée que le précédent;
4 Il faut mettre à la fois des herbes hautes,
moyennes et basses;
° Les espèces les plus durables, telles que le
dactyle, la fétuque et le paturin des prés, doivent
y participer dans des proportions convenables.
Ces prescriptions, toutefois, s'appliquent surtout
à
aux prairies temporaires, d'une durée de trois à
six ans.
Nous ne pouvons donner ici d'exemples de mé-
langes, ceux-ci variant beaucoup avec la nature du
sol, son état de fraicheur, la pureté des graines,
leur pouvoir germinatif, etc.; enfin, les mélanges
pour prairies de fauche ne sont pas les mêmes que
pour les päturages, car, pour ces derniers, il faut
surtout donner la préférence aux herbes qui re-
poussent bien sous la dent du bétail.
Voici néanmoins, pour fixer les idées sur ce
point, et à titre de simple indication, un mélange
indiqué par M. G. Heuzé pour créer une prairie
permanente sur un terrain argilo-calcaire bien
fumé ? :
A. Ray-grass 10 0) 5k000
A. Vulpin des prés. . . . . 10 » 2,500
B. Paturin ‘des prés 10 » 2,000
A Fétuquesduretten "000€ 8 » 2,500
AÉMETOMENTILÉENN NIET 8 » 8,000
AABrÔMEMESADTÉSEE Er 8 » .000
A. Houque lainease . . . . SE) 1,000
A. Avoine jaunâtre . . . . 0e 1,500
ASPDAC VIe CRT EEE Se) 2,000
B'AHJéole des ERÉ Re 5 » 0,500
B. Canche flexueuse . . . . CR 1,600
BARTÉHENIOIÉ TER ERA EE 6 » 1,200
B'S81nt0ID - 600 7,500
B. Trèfle hybride PE 6 » 1,200
B:uTréfle“blanc- 40 #7: 4 » 1,000
2 C. DENAIFFE :
fourragères et les créations de prairies.
? Le semis doit être fait en deux fois. On répand d'abord
le mélange comprenant les grosses semences indiquées p ar
la lettre À, qu'on enterre par un hersage très léger; ensuite
Renseignements succincts sur les plantes
ER RL.
=
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AVATAY J,
A. LARBALÉTRIER — LA CULTURE DES PRAIRIES NATURELLES EN FRANCE
Le tableau VI résume toutes les indications pra-
tiques sur ce point, tout au moins en ce qui con-
cerne les principales plantes des prairies.
$ 5. — Entretien.
Indépendamment de la fumure, il est essentiel,
dans les prairies et päturages, d'enlever les mau-
vaises plantes au fur et à mesure qu'elles se mon-
trent; c'est le plus sûr moyen d'en prolonger la
durée.
En outre, plus la prairie vieillit, plus il se forme
d'humus; c'est un motif pour recourir au hersage.
Grâce à lui, l'air pénétrant dans le sol provoquera
la décomposition de l'humus. D'ailleurs, les avan-
tages du hersage se traduisent dans l'expérience
suivante effectuée par Anderegg :
NON FUMÉE FUMÉE
Non hersé . 3717 kilos. 833 kilos.
Hersés ANS APN TIR 1.563 —
Le chaulaye permet aussi de combattre l'influence
nuisible de l'excès d'humus‘.
Une pratique trop souvent négligée dans l’entre-
tien des surfaces enherbées et dont l'oubli contribue
beaucoup à en abréger la durée, c’est la destruction
des herbes nuisibles au fur et à mesure qu'elles se
montrent. Parmi ces mauvaises plantes qui élimi-
nent peu à peu les bonnes, il faut citer les Plan-
tains (Plantago), le Rhinanthe crête de coq (Rhi-
nanthus erista yalli), les Chardons (Carduus) etsur-
tout le Colchique etles mousses. Le colchique (Co1-
chicum autumnale) est en outre vénéneux. Il se
montre surlout dans les prairies fraiches. Quand il
est peu abondant (et il ne faut pas attendre qu'il se
multiplie), on peut couper les feuilles rez-terre deux
années de-suite; la plante finit par périr. Des her-
sages pendant deux années successives, à l’époque
de la floraison, déterminent aussi la pourriture des
bulbes. La mousse (J/uscedo) prend rapidement la
place des bonnes plantes dans les prairies mal
entretenues et insuffisamment fumées. On en
débarrasse plus ou moins complètement le terrain
en travaillant vigoureusement sa surface au moyen
d'ure herse à dents serrées et bien épointées, avant
l'hiver et préférablement au printemps, quand le
sol est frais; on les recueille au rateau, on les fait
sécher et on les brûle. On peut aussi arroser les
places envahies avec du purin tenant en dissolution
5 °/, en poids de suifate de fer, et quelques
on procède à l'épandage des petites semences désignées par
la lettre B. Ce deuxième semis doit être suivi par un roulage.
4 La chaux ne doit, ou plutôt ne devrait pas être incor-
porée directement; on la mélangera à de la terre, sous forme
de compost. Ce compost sera réparti avec la herse à chai-
nons. Daus le nord de la France, on utilise aussi très avan-
tageusement dans ce but les écumes de défécation ou boues
de sucrerie.
semaines après on engazonne de nouveau les places
ainsi traitées.
Les Taupes (Ta/pa), quoique rendant des services
en détruisant les vers blancs, sont parfois nuisibles;
en effet, l'abondance des laupinières contrarie non-
seulement les opérations du fanage, mais souvent
elle empêche l'herbe de pousser sur des étendues
parfois considérables; aussi ne saurait-on trop
recommander, dès le printemps, d'exécuter l'étau-
pinage, c'est-à-dire le nivellement des monticules
de terre. La même observation s'applique aux
fourmilières.
Si la prairie a été pâturée après la première ou
la seconde coupe, il faut avoir soin de répandre les.
déjeclions des animaux et de couper les touftes
d'herbes laissées par ces derniers.
L'irrigalion prend également place parmi les
soins d'entretien. Naturellement, plus l'eau sera
chargée de matières organiques et meilleure elle
sera.
Toutefois, l'eau ne doit jamais être stagnante : le
sol deviendrait acide. Ainsi que le fait remarquer
M. P. de Vuyst', l'eau peut couler depuis l'époque
de l'enlèvement du regain jusqu'aux premières
gelées; comme la végétation est alors à l’élat la-
tent, l'irrigation peut durer longtemps; en effet,
l'on a surtout en vue l'enrichissement du sol en
principes nutritifs. Après l'hiver, on irrigue quand
l'eau a une température supérieure à celle de l'air
ambiant, c'est-à-dire au premier printemps. Après .
l'hiver, les arrosages doivent se faire par inter-
valles, car la plante qui se développe doit avoir de
l'air, aussi bien pour la racine que pour la tige.
III. — UTILISATION DE LA PRODUCTION HERBACÉE.
L'herbe verte, le foin et le regain ne sont pas
toujours récoltés et utilisés d'une manière bien ra-
tionnelle. Dans beaucoup de régions, sous l'in-
fluence de l’empirisme et de la tradition séculaire,
on ne fait pas assez l'application des dernières dé-
couvertes de la Science à cette partie de l'Économie
rurale.
Tout d'abord, c'est par le pâturage qu'une sur-
face enherbée donne le plus grand rendement, car
alors les jeunes pousses sont ulilisées au fur et à
mesure qu'elles apparaissent; or, ainsi que nous
allons le démontrer, c'est dans l'herbe jeune que
se trouve la plus grande quantité d'éléments nutri-
LISE
4 P. DE VuysrT :
spéciales, p. 254.
? Les cultivateurs semblent se préoccuper surtout de
l'abondance de la récolte et ne pas tenir suffisamment
compte des qualités nutritives qu'elle peut offrir, et cela
tant au point de vue de la fertilisation qu'au point de vue
de la récolte.
Manuel pratique et raisonné des cultures
à
{
A. LARBALÉTRIER — LA CULTURE DES PRAIRIES NATURELLES EN FRANCE 845
$ 1. — Fauchage et fenaison.
—…_ D'une manière générale, les prairies naturelles
sont fauchées trop tardivement. Il y a à cela deux
onne un foin de moins belle couleur, moins aro-
“cile; en outre, le fauchage tardif est préjudiciable
“au regain, car, en différant la coupe, on retarde
Dans une série d'analyses faites sur le foin de la
grande prairie de Caen, M. Is. Pierre a trouvé, par
kilo de fourrage vert! :
MATIÈRE SÈCHE EAU
Coupe du 18 Juin . 231 gr. 163 gr.
— 2 Juillet 281 — 7119 —
— Ler Août :. 350 — 650 —
Les proportions d'azote contenues dans chaque
kilo de ces mêmes foins considérés soit à l'état
vert, soit à l’état fané, à 20 0/, d'humidité, soit
complètement privés d'eau, ont été trouvées les
suivantes :
FOIN
CRE nn Re.
à 20°/, d'hu- complète-
vert midité ment sec
Coupe du 18 Juin , . 3gr. 4 A{gr.6 14 gr. 5
— 2 Juillet . 3gr.7 A1 gr. 13 gr. 8
— 1er Août. . 4 gr. 5 10 gr. 3 12 gr.
Comme fourrage vert, le foin s’est enrichi pris
en masse, parce qu'il est de moins en moins aqueux ;
“mais comme fourrage complètement privé d'hu-
midité ou amené, par le fanage, à contenir, dans
les trois cas, la même proportion d'humidité, il
S'appauvrissait à mesure que son développement
vançait.
L'importance qu'il y a de faucher le foin de
bonne heure découle encore des analyses suivantes,
beaucoup plus complètes, exécutées par Warington:
HYDRATES
JOUR ÉLÉMENTS MATIÈRES de carbone
d fauchage azotés grasses solubles CELLULOSE CENDRES
# : OA VA [0 CA ‘lo
A4 Mai. . 17,65 3,19 40,86 22,97 15,53
9 Juin. . 11,16 2,14 43,21 34,88 7,95
25 Juin. , 8,46 2,71 42340 38/15 7,34
Il se produit des changements importants pen-
dant la fenaison : le foin perd beaucoup de ses
principes nutritifs en temps de pluie. Le fanage
.
“doit donc se faire avec beaucoup de soin et, si pos-
hi ”
… «Is, Pierre: Études comparées sur la culture des céréales,
“des plantes fourragères et des plantes industrielles.
REVUE GÉNÉRIT. DES SCIENCES, 1901.
atique et plus dur, d'une mastication plus diffi- |
sible, par un temps sec et une chaleur modérée,
afin d'obtenir du foin sec et vert.
S 2. — Rendements.
En France, la proportion des prairies à faible
rendement l'emporte malheureusement de beau-
coup encore sur celles à rendements élevés. La
récolte moyenne par hectare donne, pour les prés
submersibles, un rendement moyen de 35 quintaux
69 par hectare; pour les prairies non irriguées,
31 quintaux 25 seulement.
Les prairies basses donnent souvent des rende-
ments élevés, surtout dans les années sèches. mais
le foin ainsi obtenu est généralement de mauvaise
qualité.
Les prairies moyennes, non arrosées, donnent,
suivant leur nature, des rendements qui oscillent
entre 4.000 et 5.000 kilos. Enfin, les bonnes
prairies, à deux, trois, et même qualre coupes,
fournissent de 6.000 à 10.000 kilos de foin par
hectare.
On peut admettre, eu égard à leur productivité,
cinq groupes bien distincts de prairies naturelles !.
Nous les résumerons dans le tableau ci-dessous.
Tagceau VII — Rendement des prairies.
RE ——————————————.——"————— ——"#î{
NATURE DES PRAIRIES PRODUCTION DE FOIN
6.000 à 10,000 kilos.
1.000 à 5.500 kilos
et un pâturage.
3.000 à 4,000 kilos
et un päturage.
2.000 à 2.800 kilos.
1.800 à 1.500 kilos
et au-dessous.
A plus de deux coupes (irriguées).
A deux coupes arrosées , , . .
non arrosées .
À 1 coupe. .
Les départements qui consacrent la plus grande
étendue aux prairies ne sont pas ceux qui ob-
tiennent la production moyenne par hectare la
plus élevée.
En 1898, les plus forts rendements ont été obte-
uus dans les départements qui suivent :
VAR HFCTARE
fn CRE Ds cou NEC 65 quintaux.
Côtes-du-Nord . . 65 _
Manche. , . 65 —
Vaueluse. . . . . 6% quint. 60.
Seine-et-Oise. . . . . . 62 quint. #1.
Drôme 60 quintaux.
Pour les herbages, durant la même année, c'est
dans les départements qui suivent que les rende-
ments ont été les plus élevés :
PAR HECTARE *
Mayenne Cie I ER: 55 quintaux.
A A EU a MO ICE LE 49 quint. 6€.
Nord ENTRE NE nc 45 quintaux.
Manche. '. 1.1.1" 0u2. . 44 _
LH bd
XXX — LE 5° CONGRÈS INTERNATIONAL DE ZOOLOGTE
3. — Foin et regain.
Malgré l'accroissement des cultures prairiales en
France, nous ne produisons pas assez de fourrage
pour notre consommation. Bien peu d'agriculteurs
produiront du foin et du regain pour les grandes
villes, qui sont cependant de grands consomma-
teurs; aussi les importations viennent-elles combler
le déficit. C'est ainsi que, tous les ans, l'étranger
formé de feuilles et de tiges moins élevées, qui ne
rer quelquefois, ou bien on le fauche vers la fin de
septembre. Le cultivateur a tout intérêt à récolter
soigneusement le regain, qui convient {très bien
aux bovidés et particulièrement aux veaux. Le
chevaux, en sont, en général, moins friands". k
Le fanage du regain est souvent difficile à cause
des mauvais temps, si communs à celte époque de
Tagzeau VIII — Composition comparée du foin et du regain.
MATIÈRES
EE SÈCHES
Re RE
Subs-
tances
orga-
niques
DÉSIGNATION par
100 kilos
Foin de pré naturel,
re qualité. .
2e :
3e
Regain de pré naturel. .
TS
Cendres| Brutes
PROTÉIQUES
MATIÈRES SUBSTANCES
GRASSES HYDRATES DE CARBONE
ALIMEN-|,
TAIRE
par sh
100 kilos!}.
RO ER
Diges-
Diges-
tibles tibles
nous envoie de 12.000.000 à 19.000.000 de kilos
de fourrages, représentant une valeur de 1.900.000
à 11.000.000 de francs. C’est surtout la Belgique,
l'Allemagne et l'Italie qui y pourvoient.
Les prairies donnent souvent deux et même trois
ou quatre coupes par an, suivant leur fertilité. La
dernière coupe, ou regain, est plus riche que le
foin de première coupe; c'est ce qui résulte de
l'examen du tableau VII.
Le regain diffère aussi du foin en ce qu'il est
DE
LE )
Le 5° Congrès international de Zoologie s'est
tenu à Berlin, du 42 au 16 août, sous la présidence
de M. le Professeur Mübius, directeur du Musée
Zoologique de cette ville. Inauguré en 1889 à
Paris, ce Congrès international à tenu successi-
vement ses assises à Moscou, à Leyde et à Cam-
bridge. Son succès est allé sans cesse en grandis-
sant et l’on peut dire que, cette fois, il a dépassé
toute prévision : en effet, le nombre des membres
inscrits a été supérieur à 600, dont 500 au moins
étaient présents. di
Un tel résullat démontre mieux que tout dis-
cours à quel point était nécessaire le Congrès
fondé, voilà onze ans, par A. Milne-Edwards et
M. R. Blanchard; il prouve également le soin
apporté à l’organisation du Congrès de Berlin par
le Comité local, en particulier par M. Matschie,
conservateur des Mammifères, qui remplissait avec
l’année; aussi, dans certaines contrées, le rentre-
t-on à demi desséché pour le mélanger avec de lan
paille de blé ou d'avoine, qui absorbe l’eau sura-
bondante. \
Quoique le regain soit plus nutritif que le foin,
de première coupe, il est cependant moins re-
cherché dans le commerce; cela tient à ce qu'il est.
moins long, et qu'il plaît moins à l'œil.
Albert Larbalétrier,
Professeur à l'Ecole d'Agriculture de Grand-Jouan
CONGRÈS INTERNATIONAL DE ZOOLOGIE
zèle et talent les délicates fonctions de Secrétaire
général. :
Tous les zoologistes allemands étaient présents,
à de très rares exceptions près : non seulement les
Universités étaient représentées par leurs profes-
seurs, leurs privat-docenten, leurs assistants ; mais
les grands Musées, comme ceux de Hambourg, de.
Stuttgard, de Brunswick, de Magdebourg, etc.,"
avaient aussi délégué leurs directeurs. De l’Etran=\
ger étaient venus un grand nombre de savants =
d'Angleterre, MM. Hartert, Hoyle, lord Rothschild,
Comme le fait remarquer M. Joulie, le plus souvent, lan
relation nutritive et la valeur alimentaire s'élèvent de coupe
en coupe, et souvent dans de très larges proportions, de
telle sorte que la valeur alimentaire de la dernière coupe est.
quelquefois double de celle de la première, Aussi, les culti-
vateurs bien avisés se gardent-ils bien de porter au marché
leurs regains, qu'ils utilisent dans la ferme ou font manger
sur place par les animaux. f D
XXX — LE ÿ* CONGRÈS INTERNATIONAL DE ZOOLOGIE 84
Sclater, Scharff, M. et M! R. B. Sharpe; d'Au-
triche, MM. Babor, L. von Graf Mrazek
D. L. S. Schenk (Vienne) et Siedlecki (Cra-
. covie); de Heu le D' Pelseneer; des Etats-
à “Unis, MM. Stejneger et C. W. Stiles; de Hollande,
# MM. van Bemmelen, Hoek, Horst, Hubrecht, M. et
Mu Max Weber; de Hongrie, MM. Apathy et Hor-
vath; d'Italie, MM. Al. Brian, Emery,
—Livini; du Japon, MM. lIjima, Matsumura et Osawa:
de Roumanie, MM. Antipa et Cosmovici; de Russie,
MM. Salensky, Scheviakoff et Zograf:; de Serbie,
M. Yovanovitch; de Suède, M. Aurivillius; de
“Suisse, MM. Blanc, Field, A. Forel et Th. Studer.
La France était représentée par cinquante-cinq
“personnes el comptait de nombreuses délégations.
(Graz),
Grassi
MM. Th. Barrois, R. Blanchard, Yves Delage,
A. Giard, J. de Guerne, Ch. Janet, L. Joubin,
:C. Schlumberger et L. Vaillant; cette délégation
“était présidée par M. Edmond Perrier, directeur
du Muséum. Le Ministère de l'Agriculture était
représenté par M. le Professeur Railliet, d'Alfort.
Signalons aussi MM. A. Certes (Paris), G. Darboux
(Lyon), J. Guiart, Hérouard, Pizon, Pruvôt (Gre-
noble) et Racovitza (Banyuls).
M. le comte von Ballestrem, président du Reich-
stag, avait mis gracieusement le magnifique palais
“ du Reichstag à la disposition du Congrès La
grande salle des séances servait aux réunions gé- |
“ nérales; les vastes salles de Commissions élaient
- utilisées pour les séances de sections. Le restau-
“ rant, le bureau de poste, la salle de lecture et
“ toutes les autres dépendances étaient libéralement
ÿ ouverts aux congressistes, qui ont trouvé là l’orga-
Buisation la plus parfaite et l'hospitalité la plus
) gracieuse.
Il nous est difficile d'entrer dans le détail des
È travaux accomplis par le Congrès; nous ne signa-
lerons donc que les faits essentiels.
I
Le Congrès de Moscou, en 1892, avait créé un
Comité permanent dont le siège fut fixé à Paris,
en considération de ce que le premier Congrès
avait eu lieu en France : A. Milne-Edwards et
M. R. Blanchard furent désignés respectivement
à comme Président et comme Secrétaire général de
- ce Comité. Le même Congrès de Moscou fonda
# deux prix, grâce à des sommes considérables, que
“ l’empereur Alexandre III et S. A. I. le Tsarévitch
“ (actuellement S. M. l’empereur Nicolas Il) lui
- avaient accordées. Une Commission internationale
- fut également constituée, à l'effet de décerner ces
4 prix, avec A. Milne-Edwards comme Président et
M. R. Blanchard comme Secrétaire général Le
4?
“w
ES
&
4
el |
Le Ministère de l'Instruction publique avait envoyé
|: montrant les parts qui,
décès de M. A. Milne-Edwards, survenu depuis le
Congrès de Cambridge, avait done désorganisé les
deux Comités dont nous venons de parler. Ceux-ci,
usant de leur initialive, avaient appelé provisoire-
ment à la présidence M. Edmond Perrier, le
nouveau directeur du Muséum de Paris. Cette dé-
signation provisoire fut soumise à l'approbation
du Congrès de Berlin, qui la ratifia par un vote
unanime.
Le prix de S. M. l'Empereur Alexandre III
est décerné alternativement par le Congrès de
Zoologie et par le Congrès d'Anthropologie et
d’Ethnographie préhistoriques. Cette année, il
appartenait à ce dernier Congrès d'en disposer;
dans trois ans, ce sera le tour du Congrès de Zoo-
logie.
© Le prix de S. M. l'empereur Nicolas II appartient
en propre au Congrès de Zoologie, qui le décerne à
chacune de ses sessions. La Commission interna-
tionale des prix avait mis au concours la question
suivante : Déterminer l'influence de la lumière sur
le développement de la couleur chez les Lépidop-
tères. Sur le rapport de M. R. Blanchard, le prix a
été décerné à M. le D° J. Th. Oudemans, d'Amster-
dam. L'auteur présente à l'appui de sa thèse un
ensemble remarquable de faits bien observés, dé-
dans la production de la
couleur des ailes, reviennent respectivement à
l'hérédité, au mimétisme et aux diverses influences
actuelles.
Le prochain Congrès, qui doit se réunir dans trois
ans à Berne, sous la présidence de M. le Professeur
Studer, aura donc à décerner deux prix : nous en
ferons connaitre le programme dès qu'il nous aura
élé communiqué par la Commission internationale.
D'après le règlement, les zoologistes du monde
entier peuvent prendre part au concours, à l’excep-
lion de ceux du pays où doit se tenir le prochain
Congrès.
Son Altesse Impériale le prince héritier avait bien
voulu accepter le patronage du Congrès, qu'il avait
l'intention d'ouvrir en personne. La mort de sa.
grand'mère l’Impératrice Frédéric l'empécha de
meltre ce projet à exécution. M. le Président Mô-
bius ayant proposé d'adresser au Kronprinz, à l'Em-
pereur et à la famille impériale un télégramme de
condoléances, M. Edmond Perrier, désigné à cet
effet par les membres étrangers du Congrès, prit la
parole pour appuyer chaleureusement cette motion,
Son intervention, formulée en excellents termes, a
produit la meilleure impression.
La séance d’inauguration, malgré le deuil na-
tional, s'est ouverte en grande pompe, en présence
de deux ministres, du recteur, du bourgmestre et
d'une nombreuse délégation du Magistrat (admi-
nistration municipale) de la ville de Berlin. Après
818
XXX — LE 5° CONGRÈS INTERNATIONAL DE ZOOLOGIE
les discours d'usage, parmi lesquels celui de M. Per-
rier, au nom de la délégation francaise, le Profes-
seur Grassi, de Rome, fit une conférence sur le
paludisme et sa propagation par les Insectes. On
sait quelle part considérable revient au savant ita-
lien dans les récentes découvertes dont il devait
entretenir ses auditeurs; aussi son discours a-t-il
eu le plus grand succès, d'autant plus qu'il s’ex-
prime en allemand de la facen la plus correcte.
Parmi les autres conférences failes en séance
générale, nous signalerons tout spécialement celle
de M. le Professeur Yves Delage, de la Sorbonne,
sur les théories modernes de la fécondation". Nos
lecteurs connaissent les ingénieuses expériences de
notre savant compatriote sur la mérogonie; leur,
exposé vivant et lucide a valu au conférencier
d'unanimes applaudissements. Il en a été de même
pour M. A. Forel, qui a décrit de charmante facon la
vie psychique des Fourmis”; pour M. Bütschli, qui a
lu un long mémoire doctrinal sur la question du
vitalisme et du mécanisme; pour M. Branco, qui a
_traité de l'Homme fossile, du Pithecanthropus et de
a descendance des races humaines,
Nous devons encore une mention spéciale à la
communication faite, en séance générale, par le
Professeur S. L. Schenk, de Vienne, sur la pro-
création volontaire des sexes. On connait sa doc-
trine, qui a fait quelque bruit, voilà deux ans : elle
consiste essentiellement à produire la dénutrition
de la femme par un régime approprié, dès le début
de la grossesse, ou mieux, quelque temps avant la
conception; une femme dont le poids diminue pro-
gressivement et dont l'urine renferme une quantité
déterminée d'albumine, grâce au régime spécial,
produirait sûrement des mâles. Telle est, dans ses
grandes lignes, la théorie du savant viennois. Il a
su l’exposer avec éloquence, avec une verve toute
méridionale, et, malgré les sérieuses objections qui
lui ont été présentées, son succès a été considé-
rable. D'ailleurs, succès mondain plutôt que scien-
tifique, car, pour cette séance, le nombre des toi-
lettes claires avait singulièrement augmenté dans
la salle. Il faut croire que l'éternel féminin est
partout le même et que les questions quelque peu
croustillantes ont autant d’attrait pour les jolies
Berlinoises que pour nos gracieuses Parisiennes.
Les Sections ont entendu de nombreuses com-
munications. Mentionnons, entre autrés, celle de
M. Pizon, du lycée Janson-de-Sailly, sur la forma-
tion et l'accroissement des colonies de Botryllides
(Tuniciersde petite taille), et surtout celle de M, Ijima
_sur les Eponges japonaises de la famille des Hexac-
! La Revue publiera in extenso cette conférence dans son
prochain numéro.
2 La Revue publiera également cette étude dans up de ses
prochains numéros.
tinellides. Le savant de Tokio avait apporté une nl
admirable collection de ces Eponges : les formes
les plus diverses s’y trouvaient représentées par dess
exemplaires d'une taille considérable et d'une con-m
servalion parfaite. Il a fait présent de cette splen«
dide collection à l'Institut Zoologique du Professeur
F. E. Schulze:; elle en sera sans aucun doutele joyau
le plus précieux. j
IT
Le résultat le plus important du Congrès de Berlin
est l'entente définitive des zoologisles au sujet de
la nomenclature. À Paris en 1889, et à Moscou en-
1892, M. R. Blanchard avait présenté deux longs
et substantiels Rapports, lraitant de celte impor-«
tante question. Faute de temps, on n'avait pu les
discuter qu'en partie. Le Congrès de Leyde en 1893
avait nommé une Commission internationale, àm
l'effet d'étudier les questions encore pendantes. Gette«
Commission se réunit à Baden-Baden en 1896, puis
à Cambridge en 1898: elle s’adjoignit alors un cer-
tain nombre de membres nouveaux et résolut dem
saisir le Congrès de Berlin d'un dernier Rapport,
ne portant d'ailleurs que sur un petit nombre de
points encore litigieux.
Sous la présidence de M. R. Blanchard, la Sec
tion de nomenclature a fait de bonne besogne.
Après de longues et vives discussions, auxquelles
ont pris part, entre autres, MM. le comte von Ber-
lepsch, J. V, Carus, von Martens, F. E. Schulze
Stejneger et C. W. Stiles, elle a pu aboutir à une
entente complète et présenter au Congrès un en
semble de décisions qu'il a ralifiées à l'unanimité.
La rédaction du code définitif des règles de la nc-
menclature à été confiée à une Commission de trois
membres, composée de MM. ??. Blanchard pour la
langue française, #, von Maehrenthal pour l'alle=
mand et €, W, Stiles pour l'anglais. Cette Commis-
sion publiera prochainement le texte officiel des
règles de nomenclature adoptées par les Congrès
internationaux de Zoologie.
L'élaboration de ces règles a été longue, mais il
est juste de reconnaitre que rien n'était plus indécis
ni plus arbitraire, et qu'il était très important de
donner à cette question, une fois souleyée, une
solution définitive, pour autant qu'il peut y avais
quelque chose de définitif dans la science, donk
l'essence est de toujours progresser. I] nous plai
de rappeler ici que ce résultat capital est l'œuvre de
l'un de nos compatriotes, M. le Professeur R. Blan:
chard.
ro ge
III
La dernière séance générale de clôture a eu lie
le 16 août, sous la présidence de M. R. Blanchard
SE. M. le D' Studt, ministre de l’Instruction publi=«
XXX — LE 5° CONGRÈS INTERNATIONAL DE ZOOLOGIE
“que, y assistait. Après les conférences de MM. Büts-
_chli et Branco, et après l'expédition de diverses
“ilaires administratives, le président, dans un long
“discours en langue allemande, accueilli par les
applaudissements de l'assemblée, a résumé les tra-
vaux du Congrès et exprimé les remerciements des
qu'à se louer de la courtoisie discrète et des préve-
mances loujours en éveil de leurs collègues alle-
mands.
. Un Congrès ne va pas sans excursions, réceptions
zoologique. :
Citons tout d’abord la charmante excursion sur
e Wannsee, organisée à la hâte à la place d'une
visite à Potsdam, les châteaux impériaux de celte
localité étant interdits au publie en raison des obsè-
ques de l’Impératrice Frédéric qui devaient y être
célébrées le lendemain.
Mentionnons encore le déjeuner du 14 août au
“Jardin Zoologique, admirable établissement que
M. le D' Heck dirige avec un talent digne des plus
- grands éloges. Ce jour-là, le Congrès tout entier
«(plus de 500 personnes) était attendu par 150 lan-
daus. C'était vraiment un coup d'œil extraordinaire
“que celui de toutes ces voitures, défilant sous un gai
soleil par la Siegesallee et le Thiergarten et décri-
-vant les cireuits les plus capricieux, afin de montrer
aux Congressistes les monuments ou les sites les
plus remarquables. Le hasard, qui fait bien les
choses, voulut que l'escorte renconträt plusieurs
fois l'Empereur.
… Le Magistrat de Berlin a offert un diner d'au moins
500 couverts dans les salons du Rathhaus ou
« Rothhaus », comme disent plaisamment les Ber-
et autres fêtes ; il est juste que nous disions un mot |
de celles qui ont eu lieu pendant el après le Congrès
linois, à cause de la construction en briques rouges
de leur Hôtel de Ville.
L'Oberbürgermeister, M. Kirschner, a souhaité
la bienvenue au Congrès dans une chaleureuse
improvisation; divers orateurs lui ont répondu,
notamment M. Edmond Perrier au nom des savants
français ; le succès a été pour M. Ijima, qui a ter-
miné son discours allemand par des vivals poussés
en langue japonaise.
Signalons encore, pour être complet, le grand
banquet qui eut lieu, le 15 août, au Jardin Zoolo-
gique.
Tel est l’ensemble imposant des fêtes et récep-
tions qui furent offertes aux Congressistes. Le Comité
d'organisation avait préparé encore d’autres attrac-
tions, que le deuil national ne permit pas de réali-
ser:
Le Congrès était à peine clos qu'on prenait le
train pour Hambourg, où était préparée une bril-
lante réception, de la part de la Municipalité. Avec
sa bonne grâce coutumière, M. le D'Kraepelin a fait
les honneurs du magnifique Musée zoologique. La
principale attraction a été, sans contredit, la visite
du port de Hambourg : c'estun spectacle saisissant
que celui de ce port immense, où affluent des navi-
res de tous les points du globe et. où s'accomplit
unmouvementcommercial chaque jour grandissant.
Une excursion finale a eu lieu à l'ile d'Helgoland,
où le D' Heincke dirige une importante station de
Biologie marine. Depuis le peu d'années qu'il appar-
tient à l'Allemagne, l'ilot d'Helgoland est devenu,
non seulement un centre scientifique important,
mais aussi une slalion balnéare de plus en plus
fréquentée. La visite de cette terre isolée, aux
falaises abruptes où nichent les Oiseaux des mers
du Nord, est vraiment intéressante : par ses cou-
tumes, la population n’est pas sans analogie avec
celle de l'ile de Marken, dans le Zuiderzée.
ZXX.
850
BIBLIOGRAPHIE
ANALYSES ET INDEX
4° Sciences mathématiques
Russell (Bertrand-A.-W.). — Essai sur les Fonde-
ments de la Géométrie.(1raduit par M. ALBERT CADE-
Nat et annoté par l'auteur et par M. Louis Coururar).
— 1 vol. in-$8° de 274 pages, aveë figures. (Prix :9 fr.)
Gauthier- Villars, éditeur. Paris, 1901.
Ayaut à rendre compte, pour les lecteurs de cette
Revue, de cet important ouvrage, je me bornerai à
dire succinctement ce qu'on y trouve, sans m'engager
bien avant dans ies polémiques que le livre a soule-
vées dès son apparition.
Sans parler déjà de l'excellente exécution matérielle,
habituelle à tout ce qui sort de l'imprimerie Gauthier-
Villars, on doit signaler que la publication est très soi-
gnée. En elfet, le corps de l'ouvrage est accompagné :
1° de deux préfaces par l’auteur, l’une de l'édition fran-
caise, l’autre de l'édition anglaise; 2° d'un lexique phi-
losophique par M. Couturat; 3° de notes mathéma-
tiques par l’auteur; 4° d'une table détaillée et systé-
matique des matières, véritable répertoire. Le tout
conslitue un ensemble de 274 pages.
Quoique fortement teinté de Mathémaliques, le livre
est un livre de Philosophie. Il est très analogue, par
suite, aux études récentes de M. Hannequin sur l'hypo-
thèse des atomes ou de M. Couturat sur l'infini. Les
mathématiciens purs y trouveront, à côté des considé-
rations qui leur sont familières, les apercus dont, à
tort ou à raison, ils s’abstiennent habituellement.
Abordant le vaste domaine de recherches qu'on
nomme Géométrie non euclidienne ou Métagéométrie
(comme on dit Métaphysique par rapport à la Physique),
M. Russell rappelle d’abord, avec critique appropriée,
ce qui a déjà été publié d'important. Puis il développe
ce quil pense lui-même sur la matière. Il y a donc
uve partie historique et critique et une partie dogma-
tique.
Dans le développement historique de la Métagéomé-
trie, M. Russell distingue trois périodes :
I. (Les précurseurs : l'italien Saccheri de 1733 et
l'allemand Lambert de 1786; puisles fondateurs : Gauss,
Lobatchevski, Jean Bolyai). Le but poursuivi est de
montrer qu on peut édifier, en se privant du postulatum
d'Euclide, une géométrie logiquement cohérente.
IT. (Riemann, Helmholtz, Lie,...). Le principal objet
de recherches est la discussion du principe de libre
mobilité (« le déplacement des figures est possible sans
déformation »); la méthode principale est l'emploi des
coordonnées; l’espace est envisagé comme une multi-
plicité, c’est-à-dire comme lieu d'un point défini par des
coordonuées — nombres. La notion principale intro-
duite est la courbure des espaces.
IT. (Surtout MM. Klein et Poincaré) C'est l'époque
(actuelle) de la Géométrie projective. On ramène tout à
des intersections de droites et au rapport anharmoni-
que, ce dernier défini par la méthode de Staudt, c'est-à-
dire sans aucune intervention de la distance.
Chemin faisant sont examinées les opinions de quel-
ques savants ou philosophes. Signalons l'excellente cri-
tique des théories de Lotze, qui sont encore aujour-
d'hui l'arsenal où se munissent d'arguments les derniers
euclidiens intransigeants.
Voici maintenant ce que M. Russell pense lui-même
sur tous ces problèmes :
I. La Géométrie projective est entièrement a priori
et repose sur des axiomes dont voici les essentiels :
1° On peut discerner dans l'espace des parties élémen-
taires ou « points », qui, tout en étant qualitativement
BIBLIOGRAPHIE — ANALYSES ET INDEX
t tous pareils, sont cependant discernables comme exté-"
rieurs les uns aux autres. 2 L'espace a un nombre fini
et entier de dimensions.
IT. La Géométrie métrique s'obtient en introduisant
dans la Géométrie projective l'idée de mouvement et
trois axiomes nouveaux : 1° Le principe de la libre
mobilité; 2° celui (empirique) des {rois dimensions de
notre espace ; 3° la notion de la distance de deux points.
IT. Le chapitre 1v est purement métaphysique. On y
examine la question suivante : Quel rapport une notion
purement logique de l’espace (telle que celle qui pré-
cède) peut-elle avoir avec notre espace ambiant, objet
de la perception? Cette question n'est qu'un cas parti-
ticulier du problème, probablement à jamais insoluble,
de l'intelligibilité de l'Univers. Je n'insiste pas sur ce:
chapitre 1v.
Le livre est intéressant et suggestif, parce que M. Rus-
sell remue beaucoup d'idées et a beaucoup réfléchi sur
les matières qu'il traite. Mais enfin, commé personne au
monde ne peut avoir aujourd'hui la prétention de
résoudre complètement les problèmes posés, il n’y à
rien d'étonnant à ce que de nombreuses réserves soient
à faire aux théories de l’auteur.
Je ne veux pas m'engager bien avant dans la polémi-.
que, mais quon me permette de signaler deux de ces
réserves.
D'abord, est-ilbien sûr que la démonstration du para-
graphe 37 (Deux points, et non quatre, ont une relation «
mutuelle, leur distance, indépendante des autres points)
soit péremptoire? La distance ne peut-elle pas, sans
faire l’objet d'un axiome distinct, être réductible à la .
Géométrie projective? M. Russell dit que, sans la dis-
tance de deux points, on ne pourrait plus distinguer les
différents points d'une droite. Mais on les distingue déjà
par l’axiome primordial, la discernabilité des points exté-
rieurs les uns aux autres. L’axiome de la distance serait
surabondant, comme réductible à d'autres axiomes.
En second lieu, on ne trouve (du moins je n'ai pas
trouvé) aucune allusion à un fait algébrique, découvert
il y a quelques années, lequel est passablement décon-
certant. Voici ce que c'est :
En Géométrie analytique, il est impossible d'établir
une différence de nature entre figures à nombre diffé-
rent de dimensions. Prenons l'exemple le plus simple
de cette particularité. Soit, dans un plan, un point m,
X— Xi (L), AE
où X et Y sont des fonctions réelles, continues, unilor-
mes-de la variable réelle £. Faisons varier t, c'est-à-dire
attribuons-lui une suite infinie de valeurs. Si X et Y
sont les fonctions usuelles de l’analvse, le lieu du point
1 est une courbe C, figure à une dimension. Mais on
peut choisir X et Y de facon que les points de C rem-
plissent toute une région du plan, par exemple tout
l'intérieur d'un reclangle. On obtient ainsi la même
figure à deux dimensions que si l’on avait fait varier
séparément x et y. Cela est d'accord avec la théorie des
ensembles de Cantor, où l’on apprend qu'il n’est ni plus
ni moins général d'envisager :
soit une suite infinie de nombres,
soit plusieurs pareilles suites.
Il semblerait donc qu'on peut reproduire tous les
points, à » coordonnées indépendantes, d’un espace à
n dimensions, en faisant varier un paramètre unique.
Notre univers serait intrinsèquement à une dimension.
C'est précisément ce que l’auteur (paragraphes 135 et
suivants) soulient impossible.
Nous n'’attachons pas d'importance dogmatique abso-=
“lue aux observations ci-dessus, mais on souhaiterait
qu'à propos, par exemple, de l’axiome des dimensions,
x. Russell expliquât ce qu'il pense des doutes et diffi-
ultés qui viennent d'être énumérés.
LÉON AUTONNE,
Ingénieur des Ponts et Chaussées,
L,
2° Sciences physiques
londel (A.), /ngénieur des Ponts et Chaussées, Pro-
fesseur d'Electricité à l'Ecole nationale des Ponts
et Chaussées. — Moteurs synchrones à courants
- alternatifs. — 1 vol. in-8° de 244 pages, de l'Ency-
elopédie scientifique des Aide-Memorre. (Prix :
broché, 2 fr. 50; cartonné, 3 fr.). Gauthier- Villars,
éditeur. Paris, 1901.
Quel spectacle touchant et admirable nous donne
M. Blondel, qu'un mal implacable condamne à l’im-
mobilité et qui, non seulement se lient au courant des
progrès accomplis dans tous les domaines de l’Electri-
ité, mais dirige ces progrès sur plusieurs points et
publie avec une fécondité inlassable des travaux mar-
ques à la fois aux coins de l’érudition et de l’origina-
EM
Sa nouvelle production touche à un sujet difficile,
qu'il affectioune spécialement, et à l'avancement duquel
il a beaucoup contribué. En M. Potier, M. Maurice Le-
blanc et en lui, les machines à courants alternatifs ont
trouvé des analystes délicats, rompus aux difficultés
du calcul, qui par des moyens différents nous ont
montré le jeu complexe de ces appareils si simples en
apparence. Avec les alternomoteurs on ne se contente
pas, comme avec les moteurs à vapeur ou à eau, de
considérer les résultats dans leur ensemble et de faire
abstraction du mécanisme intime des phénomènes,
dont une investigation approfondie montrerait dans tous
les cas la complication. L'étude des alternomoteurs con-
duit à appliquer aux courants alternatifs les propriétés
générales des mouvements ondulatoires, telles que
celles utilisées dans la synchronisation des pendules
ou dans la propagation des ondes lumineuses. Ainsi
l'Electrotechnique, bien plus que les autres arts de
l'ingénieur, est amenée à côtoyer les recherches de la
Physique pure, et à apporter la rigueur de cette der-
nière dans ses développements.
Malheureusement, les matériaux qu’elle emploie sont
sujet à des imperfections qui ne permettent pas d'ap-
pliquer les résultats des calculs basés sur l’hypothèse
de matières idéales. De même que la vapeur ne pré-
sente pas, au point de vue de l'analyse, la simplicité
d'un gaz parfait, le fer ne possède pas une perméabi-
lité magnétique invariable. De là des complications
devant lesquelles le calculateur le plus habile recule.
De là aussi, pour les constructeurs, la nécessité d’em-
ployer dans les projets de machines électriques des
formules empiriques déduites de la comparaison des
moteurs existants.
La considération de machines théoriques, plus ou
moins simpliliées dans leur essence, n'en est pas moins
utile pour l'analyse qualitative des phénomènes com-
plexes auxquels donne lieu le jeu des appareils réels.
Le chapitre 1 de l’ouvrage que nous examinons pré-
sente une description générale et un exposé au point
de vue physique des alternomoteurs synchrones. Vien-
nent ensuite les théories classiques de Hopkinson, de
Blakesley et de Steinmetz. Cette dernière, basée sur
l'emploi des imaginaires, suggère l'observation typique
suivante : « Cette méthode donne lieu à des calculs
plus simples que celle de Hopkinson; mais, au fond,
elle ne constitue qu'un artifice d'écriture de la méthode
graphique et remplace des raisonnements détaillés par
des opérations algébriques effectuées mécaniquement
sans profit pour l'intelligence des phénomènes phy-
siques. »
Le chapitre n est une exposition très complète de la
méthode de l’épure bipolaire que l’auteur a imaginée
pour simplifier l'étude des alternateurs et dont il a tiré
BIBLIOGRAPHIE — ANALYSES ET INDEX
851
{ les résultatsles plus heureux. Entre autres applications
intéressantes, il faut lire l'étude économique de la com-
pensation dans les réseaux par les alternomoteurs, en
considérant le capital engagé et les frais annuels. C'est
là un problème technique traité de main de maître.
Le chapitre ur comporte quelques compléments théo-
riques, en vue de tenir comple, dans une certaine
mesure, de l'imperfection des matériaux employés dans
les machines, el de la complexité des courbes de force
électromotrice réellement observées. Il y a, dans ces
lignes, des remarques d’un intérêt sérieux sur l'effet
défavorable des termes harmoniques qui s'ajoutent à
l'onde fondamentale.
Le chapitre 1v est consacré à la mise en marche et
aux oscillations des moteurs synchrones. Ce dernier
phénomène est analysé avec altention et sera étudié
avec profit par ceux qui ont charge des alternateurs.
Enfin, les chapitres v et vi sont attribués respective-
vement aux essais des mofeurs synchrones, et à quel-
ques appareils qui peuvent se rattacher à ces derniers.
Le livre de M. Blondel, pour modeste qu'il soit dans
son format, sera accueilli avec le plus vif intérêt par
les électriciens de plus en plus nombreux qui s'occu-
pent des courants alternatifs. Il faut souhaiter que
l'auteur ne tarde pas trop à nous donner la suite qui
sera consacrée aux moteurs asynchrones et, souhai-
tons-le, aux commutatrices. - Eric GERARD,
Directeur de l'Institut Monteñore.
Walker (J.), Professeur de Chimie à University
College (Dundee), — Introduction to Physical Che-
mistry.— 1 vol. in-8° de 336 pages avec fig. (Prix :
42 fr. 50.) Macmillan et Cie, éditeurs. Londres, 1901.
« Au cours de dix années d'expérience dans l’ensei-
gnement de la Chimie physique, j'ai remarqué — nous
di! l'auteur dans sa Préface — que la majorité des étu-
diants retirent peu de profit réel de la lecture des
grands traités qu'ils ont à leur disposition, et cela
parce qu'ils ne sont pas capables d'établir une relation
entre les connaissances chimiques communes qu'ils
possèdent et les nouvelles notions placées devant eux.
Ils gardent soigneusement à part leur chimie de tous
les jours et leur chimie physique et, au lieu de retirer
quelque secours de cette dernière discipline pour la
compréhension de leur travail systématique ou pra-
tique, ils sont comme encombrés d'un fardeau nouveau
et inulilisable. »
L'auteur a cherché, dans le présent volume, à remé-
dier à cet état de choses en choisissant certains cha-
pitres de Chimie physique et en traitant à fond les
sujets qu'ils contiennent, avec une considération cons-
tante de leurs applications pratiques. Les vingt-sept
chapitres du livre passent successivement en revue: les -
unités et élalons de mesure, la théorie atomique et les
poids atomiques, les équations chimiques, les lois des
gaz simples, les chaleurs spécifiques, la loi périodique,
la solubilité, la fusion et la solidification, la vaporisa-
tion et la condensation, la théorie cinétique et l’équa- .
tion de Van der Waals, la loi des phases, les variations
thermochimiques, la variation des propriétés physiques
dans les séries homologues, les relations des propriétés
physiques avec la composition et la constitution, les
propriétés des substances dissoutes, la pression osmo-
tique et les lois des gaz dans les solutions diluées, les
méthodes de détermination des poids moléculaires, la
complexité moléculaire, les électrolytes, l'électrolyse et
la dissociation électrolytique, les équilibres chimiques,
la force relative des acides et des bases, et les principes
thermodynamiques.
Comme on le voit, cet ouvrage n'est pas un traité
complet ou systématique de Chimie physique. Mais
l’auteur pense que l'étudiant qui l'aura lu et médité
soigneusement sera alors en mesure de profiter des
traités plus vastes d’Ostwald, de Nerust et de Van’t Hoff,
D'autre part, comme M. Walker estime qu'il est bon
pour les étudiants de se familiariser de bonne heure
| avec les mémoires originaux, il a donné, à la fin de
BIBLIOGRAPHIE — ANALYSES ET INDEX
chaque chapitre, une liste des travaux sur le sujet con-
sidéré les plus accessibles aux commencants.
IE,
3° Sciences naturelles
Houdaiïlle (F.), Professeur de Physique et Météorolo-
gie à l'Ecole nationale d'Agriculture de Montpellier.
— Les Orages à grêle et le Tir des canons. —
vol, in-8° de 24% pages, avec 63 figures dans le texte.
(Prix : 3 fr. 50.) Félix Alcan, éditeur. Paris, 1901.
La lutte contre les orages à grêle à l'aide du tir des
canons est une question à l” ordre e du jour. Si les phy-
siciens ne sont pas d'accord pour encourager les agri-
culteurs, il semble que ceux-ci, cependant, se laissent,
par l'expérience, convaincre de l'efficacité du tir.
En France, cette année, les divers concours agricoles
régionaux présentaient des expositions de matériel
pour ce tir spécial. Mais on sait que c’est en Autriche
et en Italie que les essais ont été les plus nombreux.
Un congrès s’est réuni à Padoue, en 1900, un autre va
se tenir à Lyon, pour étudier les résultats obtenus. En
Belgique, dans la région des serres pour la culture de
la vigne sous verre, à Hoeylaert, par exemple, on pré-
fère déjà le tir des canons, qui coûte cinq fois moins
que la prime aux compagnies d'assurances.
Dans son livre, M. Houdaille, après avoir tracé l'his-
torique du sujet, décrit le matériel de tir et l organisa-
lion des stations de ir. Il donne les statuts des diverses
associations dont quelques-unes existent déjà en Saône-
et-Loire. On lui saura gré aussi d'avoir écrit un inté-
ressant chapitre scientifique, en passant en revue les
“diverses théories qui ont été émises pour expliquer la
ormation de la grêle. Enfin, nous mentionnerons la
parlie statistique relative à la répartition et à la fré-
quence des orages à grêle.
M. Houdaille avait élé chargé, par le Ministère de
l'Agriculture, d’une mission en Italie pour l'étude des
tirs contre la grèle. Il était donc spécialement qualifié
pour nous présenter cet exposé très documenté, qui
fait suile à son intéressant Rapport publié antérieure-
ment. D'après lui, les faits observés donnent à Ja pra-
tique des tirs la meilleure espérance de succès pour
l'avenir. Eomonp Gain,
Maître de Conférences
à la Faculté des Sciences de Nancy.
D'Arsonval, Professeur au Collège de France,
Membre de l'Institut et de l'Acadénne de Médecine ;
Chauveau, Professeur au Muséum d'Histoire na-
turelle, Membre de l'Institut et de l'Académie de
Médecine; Gariel, Zngénieur en chef des Ponts et
Chaussées, Professeur à la Faculté de Médecine de
Paris, Membr e de l'Académie de Médecine; Marey,
Professeur au Collège de France, Membre de
l'Institut et de l'Académie de Médecine, Directeurs.
— G. Weiss, /ugénieur des Ponts et Chaussées,
Prolesseur agrége à la Faculté de Médecine de
Paris, Secrétaire de la rédaction. — Traité de Phy-
sique biologique. — 1 volume in-8°, de 1150 pages
avec 91 fiqures. (Prix : 25 fr.) Masson et Ci, édi-
teurs. Paris, 1901.
Ce premier volume d'un ouvrage qui doit paraître en
troistomes, s'impose à l'attention de toutes les personnes
qui s'inté ressent aux Sciences biologiques. Ce qui carac-
térise cet ouvrage et le distingue de tous ceux qui l'ont
précédé, c’est son adaptation spéciale à la Biologie et
sa forme encyclopédique. Le lecteur n'y retrouvera
pas l’enchainement habituel des chapitres des traités
Éctnes de Physique, mais la réunion d'une série
d'articles, le plus souvent indépendants les uns des
autres, où sont exposées, d’une facon très complète et,
en général, par un auteur très compétent, des questions
de Physique biologique. Quelques-uns de ces chapitres
ont l'importance de véritables petits traités. La Phy-
‘sique pure n'occupe que peu de place et n’a recu de
développement que pour permettre au biologiste de
suivre l'exposition des questions qui l'intéressent.
Dans un chapitre préliminaire, M. Weiss traile des”
erreurs dans les mesures; il rappelle les causes d’er=«
reurs auxquellesle physiologiste est le plusfréquemments
exposé, il montre l'importance que présente la détermina=
tion de la limite de ces erreurs. Dans un autre chapitre,
le même auteur expose les principes généraux de Mé=
canique dans ce qu'ils ont de plus indispensable au bios
logiste ; il rappelle les principales notions de Cinémas
tique, ‘de Statique et de Dynamique; de nombreux
exemples et de nombreuses figures faciliteront la lecs=
ture de cet article aux personnes les moins familiarisées
avec les formules mathématiques. M. Gariel, dans um
court chapitre sur les propriétés des solides, définit les
états des corps, et ce qu'il faut entendre par cohésion,
adhésion et dureté; il traite ensuite, avec. quelques
détails, de la résistance des matériaux, de l’élasticité,
de la traction, de la compression, de la flexion, de la
torsion, il äonne l'application de l'élasticité aux appa=
reils de Physiologie; enfin, dans un chapitre spécial, il
montre l'application des notions précédentes à l'archi-
tecture des os, surtout en ce qui concerne leur réaction
à la compression, L'article suivant de M. Weiss, sur
l'architecture du muscle, continue cette étude : on y
trouve décrites la disposition qu'affectent les fibres des
différents muscles, l'adaptation structurale des muscles
aux mouvements qu'ils produisent. Un excellent article
du même auteur, sur la méthode graphique en Phy-
siologie, interrompt ici l'étude commencée du muscle;
nous Ja retrouvons dans AU suivant, encore du
même auteur, intitulé de la contraction musculaire. M
Après les myographes classiques, sont étudiées la se-
cousse musculaire et les conditions physiques qui las
modifient. Les variations de l’élasticité musculaire dans
la contraction sont présentées, d’après les travaux de
Marey et ceux, plus récents et très précis, de Chauveau.
Dans un importaut article de plus de 90 pages, le
D' P. Richer expose, avec uu très grand nombre dem
dessins, les questions de Statique et de Dynamique
humaine ; il montre que si les muscles sont soumis
sur le vivant aux influences de leurs aponévroses d’en-
veloppe, on peut cependant en faire très utilement
l'étude aux travers des téguments; il discute l'inter-m
vention de différents groupes musculaires exlenseurs M
et fléchisseurs dans Ja production d'un seul mouve-
ment. Il passe en revue, pour chaque seswment du
corps, les attitudes compatibles avec la station verti-"
cale droite symétrique, avec la station verticale asymé-"
trique ; cette étude de statique se trouve complétée
par quelques considérations sur la station à genoux, la
station assise et la pathologie de Ja station. La locomo-
tion, qui est la partie principale de cet article, est étu-
diée par les méthodes graphiques et chrono
phiques; les plus larges emprunts sont faits aux
travaux de Marey. Les tracés des appuis sont obtenus
avec la chaussure explorairice; ces tracés sont étudiés
dans les différentes allures de la marche, dans l'ascen-
sion et la descente d'un escalier. Le pas et ses modifi-
cations sont aussi étudiés par la méthode des em-
preintes et à l’aide des tracés de l’odographe de la.
Station physiologique. Le fonctionnement des muscles
des différents segments du corps est envisagé pour
chaque temps de la marche. De nombreux dessins, exé-
cultés par l’auteur, d'après des photographies de A.
Londe, accompagnent cette étude et: aussi celle sur les
mouvements à reculon, la marche avec fardeau, sur
la marche en poussant et en tirant, sur la marche
ascendante ou descendante. Quelques considérations
sur la marche en flexion, sur la marche sportive, et
une étude sur le saut terminent cet article.
Un article de M. Marey, sur la locomotion animale,
fait suite à cette étude de la locomotion chez l'homme,
et résume les belles recherches de l'illustre physiolo=\
giste sur le mouvement. Dans la partie sur la locomo=
tion des animaux terrestres est étudiée spécialement la
marche du cheval, par la méthode graphique et par
méthode chronophotographique ; avec le schema de
Le Hello est faite l'analyse et la synthèse du mouve-
“ment. De même est étudiée par la chronophotogra-
. phie, la locomotion des Reptiles, des Insectes, des Mol-
“lusques. C'est encore la chronophotographie qui a
permis à l'auteur d'étudier la locomotion aquatique, le
role des ondes du corps de l’anguille dans les mouve-
“ments de progression, la flexion de la queue des pois-
sons qui détermine la propulsion, le mouvement des
mageoires. Avec la chronophotographie on suit encore
les mouvements des Comatules, mouvements dus à la
“résistance inégale que rencontrent leurs bras couverts
de villosités, puis les mouvements de l’ombrelle de la
Méduse et les mouvements des membres de la Tortue
qui nage. Les mouvements dans l'air sont étudiés suc-
cessivement chez les Insectes et chez les Oiseaux. L'aile
(lé l'insecte se compose d'uve partie rigide, la nervure,
et d'une partie flexible, la membrane; la résistance de
Pair sur cet organe engendre des flexions alternatives
qui déterminent la progression. De rapides mouvements
“'oscillation imprimés à une aile artificielle reprodui-
“sent le mouvement de l'aile de l’insecte; un point
“hrillant du bord de cette aile décrit une lemniscate,
comme le fait l'aile de l'insecte en liberté; on peut, de
plus, constater, avec la flamme d'une bougie, que l'air
» est aspiré d'un côté et repoussé de l’autre. Un-appareil
du mème auteur, l'insecte artificiel, démontre l'influence
de la vitesse et de la direction du mouvement des ailes
“sur le déplacement de l'insecte. Sur un cylindre enre-
peser. couvert de noir de fumée, on peut obtenir
inscription directe du nombre des battements de
- l'aile, mais ce n'est que par la chronophotographie que
- l'on peut apprécier les changements de forme de l'aile.
Dans la partie relalive au vol des Oiseaux, l’auteur
montre comment il a pu inscrire directement le mou-
vement des ailes et en obtenir l'indication par la chro-
nophotographie; il résume sur ce sujet ses principaux
travaux, longuement exposés dans son volume sur le
vol des oiseaux. Enfin, l’auteur explique le mécanisme
- de vol glissé, et donne la démonstration et l'existence
du vol à voile, que l'on n’a pu, jusqu'à présent, étu-
» Jdier par la chronophotographie.
- Un court résumé, par M. Weiss, des principes d'Hy-
— drostatique et d'Hydrodynamique sert d'introduction à
l'étude du cœur et de la circulation.
La cardiographie et la physiologie du cœur est un
- article soigneusement écrit, avec de nombreuses indi-
cations bibliographiques, comme sont les articles de
- M. le Professeur Wertheiner. Les variations de Ja pres-
… sion à l'intérieur des cavilés cardiaques sont longue-
ment éludices, d'après les tracés de Chauveau, Marey,
- Fredericq, Hurthle: également bien étudiés, sont les
tracés des bruits du cœur obtenus avec le microphone
de Hurthle et les tracés obtenus avec le cardiographe
- placé sur la poitrine. De l’ensemble de ces tracés et de
ceux recueillis avec les appareils intracardiaques ou
. intravasculaires, un résullat important se dégage : il
est possible de préciser sur la courbe d'un bon car-
. diogramme les différentes parties du fonctionnement
cardiaque. Les données nécessaires au calcul du tra-
vail du cœur sont facilement obtenues expérimentale-
ment, mais les chiffres des auteurs sur le débit du
- cœur sont assez variables. Les appareils de Kronecker,
de Marey, de Dreser, permettent de faire cette mesure
. du travail du cœur. ;
Avec précision, M. Meyer expose, en cinquante pages,
la question de la circulation. Les vaisseaux ont des
propriétés physiques et vilales qui modifient le cours
du sang; les premières sont seules étudiées ici. Après
. avoir décrit les appareils en usage pour l'étude de
… l'élasticité et de la pression artérielle, l'auteur explique
avec de très beaux fracés les caractères graphiques
des courbes de pression : oscillations du cœur, oscilla-
« tions mécaniques de la respiration, oscillations respi-
ratoires d'origine nerveuse (courbes de Traube-Héring),
. oscillations vaso-motrices spontanées (courbes de Sig-
. mund Mayer). Les caractères du pouls et son inscrip-
tion avec les sphygmographes de Marey, de Dudgeon,
… de Von Frey sont particulièrement étudiés; le rap-
Æ BIBLIOGRAPHIE — ANALYSES ET INDEX
853
prochement des tracés sphygmographiques et des car-
diogrammes permet d'apprécier les rapports du pouls
et de la pulsation cardiaque. La circulalion veineuse
est due à divers facteurs : l’action du cœur, l'aspiration
thoracique, la présence des valvules. De très beaux
tracés de pression veineuse montrent l'influence de Ja
circulation périphérique sur cette pression.
La pléthysmographie, qui a donné de remarquables
résultats entre les mains de François Franck et Hallion,
est décrile par ce dernier auteur. Les nombreux appa-
reils sont classés en quatre catégories : 4° les appareils
à récipient contenant de l’eau; 2° les appareils à réci-
pient contenant de l'air; 3° les appareils à inscription
directe; 4° les appareils à paroi élastique; dans cette
dernière catégorie se range le pléthysmographe de Hal-
lion : c’est un instrument qui est simple dans sa cons-
truction, facile à manipuler, et qui donne les meilleurs
résultats. L'auteur donne ensuite la technique à suivre
dans l'exploration de chaque organe.
Les deux articles suivants de M. Imbert intéresseront
surtout les biologistes qui s'occupent des phévomènes
moléculaires; l'un de ces articles traite de la capil-
larité et de la tension superficielle; l’autre est relatif à
la solubilité des solides et à l'imbibition.
Faisant suite à cette étude, un très important article
de M. Dastre sur l'osmose mérite toute l'attention. Ce
travail, de plus de 200 pages, forme un véritable traité
sur la question. L'exposition est claire et méthodique,
la mise au point du sujet est irréprochable. La courte
analyse que nous donnons ici ne rendra que très impar-
faitement compte de cet arlicle qui est, à l’henre
actuelle, la meilleure et la plus complète publication
sur ce sujet, Très logiquement cette étude a élé divisée
en plusieurs parties; trois seulement de ces parlies
ont trouvé place dans ce volume, ce sont : 1? l'osmose;
20 Ja tonométrie; 3° la cryoscopie; les deux autres par-
ties, qui ont trait : l'une à la conductibilité électrique,
l’autre aux applications biologiques, auraient offert un
caractère d'ensemble très intéressant pour }a question,
si la division de l'ouvrage n’en avait obligé le rejet dans
un autre tome. Les sommaires détaillés, avec de nom-
breux numéros d'ordre, facilitent beaucoup la lecture
et les recherches. Un premier chapitre, sur l'étude
expérimentale des phénomènes osmoliques, fait con-
naître l'évolution de la question en même temps qu'il
prépare à une étude théorique complète en montrant
toutes les influences qui peuvent modifierle phénomène.
Les membranes osmotiques, cloisons naturelles et cloi-
sons arlificielles, sont l'objet d’une étude détaillée qui
periuet de comprendre les hypothèses émises sur le rôle
de la membrane dans l’osmose, et qui, au point de vue
pratique, renseigne sur un point important de la cons-
truction des osmomètres et sur-leurs qualités. Avec
l'osmomètre artificiel de Pfeffer, on constate les in-
fluences de la concentration et de la température; avec
l'osmomètre naturel, la cellule végétale, de Vries, on
arrive aux mêmes constatations, et on élablit la loi
des concentrations moléculaires et la loi des coeffi-.
cients isotoniques moyens. Le deuxième chapitre donne
la coordination des résultats obtenus; on y trouve bien
exposée la théorie de Van t'Hoff, et sa conséquence
principale qui est la forme définitive des lois de l'os-
mose. La formule de ces lois, ses formes variées et les
caleuis auxquels elle donne lieu, ont reçu un dévelop-
pement qui pourra servir dans les applications cou-
rantes de la Biologie. Enfin, un paragraphe sur les
substances électrolytes, où estexposée l'hypothèse d’Ar-
rhénius, termine cette étude de l’osmose,que complètent
. deux tableaux résumant les données osmotiques expé-
rimentales. Pratiquement, la mesure directe de la pres-
sion osmotique estune opération difficile; il est en géné-
ral plus aisé de déduire la pression osmotique de la
mesure de grandeurs qui sont aussi fonction du nombre
de molécules. L'auteur se trouve ainsi amené à exposer
la tonométrie et la cryoscopie, qui permettent de faire
la détermination indirecte de la pression osmotique.
Encore méthodiquement et avec un développement bien
854
BIBLIOGRAPHIE — ANALYSES ET INDEX
ménagé sont exposés les (ravaux qui ont conduit aux
lois générales. La mise en équation de ces lois est accom-
pagnée de calculs élémentaires très développés qui
faciliteront l'emploi des formules les plus usuelles.
La question des gaz est traitée avec grande compé-
tence par M. Tissot; trois chapitres sont consacrés à
cette étude : l’un est relatif aux propriétés des gaz,
l’autre aux analyses de gaz, et le troisième aux £az du
sang. Dans ces deux derniers chapitres on trouvera
longuement exposées, parmi les techniques les meil-
leures, les méthodes et l'instrumentation du Professeur
Chauveau, qui sont, comme chacun sait, d'une préci-
sion remarquable. M. Tissot a encore écrit un chapitre
sur les phénomènes physiques de la respiration; on y
remarquera surtout la partie relative à la mesure des
quotients, coefficients et du débit respiratoires; la
méthode de Chauveau et l’instrumentation de Chauveau
et Tissot y sont décrites en détail.
Un article de M. Weiss sert d'introduction à la partie
de l'ouvrage qui traite de la chaleur; dans cet article
sont condensés en quelques pages les notions et prin-
cipes généraux de Physique relatifs à la chaleur. Plu-
sieurs articles sont encore traités par M. Gariel; dans
l’un, sur la thermométrie, il décrit les thermomètres
usuels, leurs usages et les calculs de correction; dans
un autre, il aborde la question du travail fourni par les
animaux et du rendement des moteurs animés. En pas-
sant, il relève l'incorrection de langage commise en
qualifiant de travail statique l'énergie dépensée pen-
dant la contraction statique; puis, il apprécie la valeur
du travail pour les différents muscles et dans des con-
ditions variées. Il donne l'évaluation et la quantité de
travail que peuvent fournir l'homme et le cheval dans
certaines formes de travail; enfin, par le calcul, il
montre que le travail ne peut emprunter son énergie
à la chaleur; la transformation de la chaleur en travail
n'a pas lieu dans l'organisme.
Sous le titre température, M. Langlois donne les
principaux résultats d'observations de température chez
les animaux poikilothermes et chez les animaux homéo-
thermes. La température de l'homme est étudiée dans
ses variations par rapport au temps et aux organes,
dans les multiples conditions d'âge, de sexe, de race,
de climat et d'activité musculaire. Brièvementestensuite
exposé le mécanisme de la régulation thermique, ainsi
que l'influence de la température sur les fonctions
organiques; enfin, un certain nombre d'indications sur
les limites des températures compatibles avec la vie
terminent cet article bien documenté.
La calorimétrie est traitée par M. Sigalas, qui la
divise en trois parties : la première, la calorimétrie
physique, qui a pour objet la mesure des quantités de
chaleur dégagées ou absorbées par les corps lorsqu'ils
sont le siège de variations de température ou de chan-
“ements d'état; la seconde, la calorimétrie chimique, qui
mesure les quantités de chaleur dégagées ou absorbées
dans les réactions chimiques; la troisième, la calori-
métrie biologique, qui mesure les quantités de chaleur
dégagées ou absorbées par les êtres vivants; cette der-
nière partie a été surtout développée par l'auteur qui
passe en revue successivement les principaux appareils
dont il fait la critique : appareils à corps calorimétrique
solide, appareils à corps calorimétrique liquide et appa-
reils à corps calorimétrique gazeux; à la fin de cette
étude, l’auteur donne les méthodes suivies pour l'étalon-
nage des calorimètres. Dans un autre chapitre, M. Siga-
las fait la description des étuves, fours et régulateurs
en usage dans les laboratoires.
La chaleur animale est un article important de plus
de cent pages écrit par M. Laulanié. L'auteur développe
la question des sources de la chaleur animale; il expose
les théories du Professeur Chauveau, et donne les prin-
cipaux résultats expérimentaux sur la chaleur produite,
en tenant compte soit des aliments dépensés, soit Je
l'oxygène consommé. Il fait l'étude de la thermogénèse
et de ses variations chez les animaux; puis, après avoir
rappelé la fixité relative de la température centrale,
l’auteur se trouve amené à parler, dans la lutte contre
le froid, de la régulation de la température, de l'in-
fluence des réflexes vaso-constricteurs, du frisson ther-
mique, de l’exagération des combustions ; dans la lutte
contre la chaleur, du rôle des réflexes vaso-dilateurs,
sudoripare, respiratoire, de la polypnée thermique.
L'auteur étudie ensuite l’action de la chaleur et du
froid sur les êtres et les tissus vivants, l'influence du
système nerveux sur la calorification; puis, les troubles
qui peuvent survenir dans la régulation thermique.
Beaucoup de personnes trouveront sans doute que cet
important article serait mieux à sa place dans un granu
traité de Physiologie que dans un ouvrage de Physique
biologique.
L'influence de la pression sur la vie est un article de
MM. Regnard et Portier, où sont étudiées toutes les
modifications que les variations de la pression font subir
aux organismes et aux tissus vivants. Action de la pres-
sion de l’eau et action de la pression des gaz, influence
de l'air comprimé et de l'air raréfié, mal des mon-
tagnes en particulier sont analysés très en détail. Une
place importante a été judicieusement donnée dans ce
travail aux expériences de P. Bert et aux ingénieux
dispositifs expérimentaux de P. Regnard.
Le chapitre suivant : de l'influence des agents atmo-
sphériques sur les éléments cellulaires, est un article à
allure très générale, comme sait en écrire M. Charrin,
et où l’on trouvera des considérations intéressantes.
Les parties les plus différentes de la Physique ont été
envisagées dans cet article; le lecteur en est d’ailleurs
prévenu dès l’abord par la coupure suivante faite au
milieu du titre : — Température (chaleur, froid); lu-
mière ; état hygrométrique (sécheresse, humidité) ; élec-
tricité, ozone, pesanteur, mouvement, pression, oxygène.
Pour le plus grand avantage de l'étude de la Physio-
logie végétale, trois chapitres de Physique écrits par
M. Mangin ont élé rapprochés, bien qu'ayant rapport à
des parties différentes de la Physique. Dans le premier
sont étudiées les actions hygrométriques sur les végé-
taux; dans le deuxième, l'influence de la chaleur sur
les végétaux, et dans le troisième les achons méca-
niques sur les végétaux. Ces trois chapitres, qui sont
méthodiquement exposés, sont suivis d'indicationsbiblio-
graphiques précises.
En résumé, cet ouvrage, dans son ensemble, répond
bien à son titre, et son succès est assuré non seulement
par le patronage des savants, MM. d'Arsonval, Chauveau,
Gariel, Marey, qui en ont la direction, mais encore par
l'ensemble des travaux que ces auteurs ont fourni à
cette publication, et par la part importante que plu-
sieurs d’entre eux ont déjà prise dans Ja rédaction des
articles. Enfin, il n'échappera à personne que si cette
œuvre est menée à bien, le zèle, l'activité et la science
du secrétaire de la rédaction, M. Weiss, y sont pour
beaucoup. L. Caxus.
4° Sciences médicales
Vaullegeard (A). — Étude expérimentale et
critique sur l’action des Helminthes : I. Cestodes
et Nématodes. (Æxérait du Bulletin de la Société
Linnéenne de Normandie). — 1 hroch. in-8 de
64 pages. E. Lanier, imprimeur. Caen, 1901.
Les idées relatives à l'action pathogène des Hel-
minthes intestinaux se sont singulièrement modifiées
en ces derniers temps. C'est ainsi qu'un certain nombre
d'auteurs l’attribuent à des substances foxiques éla-
borées par ces parasites. Tel est le cas de M. le D: Vaul-
legeard. I] a donc étudié les substances actives conte-
nues dans diverses espèces de Vers, et a pu isoler deux
produits toxiques, dont l’un agit sur les centres ner-
veux, tandis que l’autre agit sur les muscles. L'étude
critique des principaux symptômes observés dans les
maladies vermineuses par les différents auteurs lui
permet du reste de montrer que bon nombre de ces
symptômes sont analogues à ceux que provoque l'injec-
tion des substances toxiques. M. le D' Vaullegeard
r
%
ee:
rejette donc les autres théories admises en Helmintho-
logie pour s'en tenir exclusivement à la théorie de
l'action chimique.
Celle-ci n’est pas niable, en effet, et tous les parasi-
tologues s’y sont ralliés depuis les importantes obser-
vations de Miram, Cobbold, Bastian, Vignardou, von
Livstow et Railliet. Les résultats de Vaullegeard sont
“du reste à peu près identiques à ceux obtenus anté-
mieurement par Chanson, Mingazzini et Cafiero, chez
JPAscaride; par Lussana, Arslan, Crisafulli et Tomaselli
chez l'Ankylostome, et enfin plus récemment par Mes-
ineo chez les Ténias de l'Homme. Le travail de Vaulle-
“eard vient donc confirmer ce que les parasitologues
Connaissaient déjà sur l’action toxique des Helminthes.
Le reproche que je lui ferai, c’est tout d'abord de
‘être pas suffisamment éclectique, et de faire jouer
ux toxines sécrétées par les Helminthes un rôle un
eu trop prépondérant, alors qu'il ne tient aucun
mpte des autres mécanismes qui peuvent intervenir,
tel que celui de l’inoculalion, sous la muqueuse intes-
tinale par exemple, de Bactéries pathogènes pouvant,
Iles aussi, sécréter des toxines. De plus, en ce qui con-
erne l'Ankylostome, il admet que l’anémie serait le
résultat des multiples saigoées produites par le para-
site. Or, on sait, à l'heure actuelle, avec quelle rapidité
se réparent les pertes de sang chez les Vertébrés supé-
rieurs, et tous les auteurs modernes sont portés à
admettre que l’uncinariose ou anémie des mineurs
serait bien piutôt une aulo-intoxication produite par
les substances toxiques secrétées par le parasite. Enfin
je ferai remarquer à M. Vaullegeard que les toxines
sérrétées par les Helminthes ne sont pas toujours aussi
dangereuses qu'il le pense et peuvent même jouer un
rôle bienfaisant, puisque MM. Picou et Ramond pré-
tendent que l'extrait de Ténia possède une action bac-
téricide des plus nettes vis-à-vis de certaines Bactéries
pathogènes, ce qui expliquerait pourquoi les porteurs
de Ténias sont rarement atteints de diarrhée infec-
tieuse, et en particulier de fièvre typhoïde, et ce qui
semblerait donner raison aux Abyssins qui ne se con-
sidèrent comme bien porlants que lorsqu'ils possèdent
un ou plusieurs Ténias. Dr J. Gurarr,
Professeur agrégé
à la Faculté de Médecine de Paris.
5° Sciences diverses
Aupetit (Albert). — Essai sur la Théorie générale
de la Monnaie. — { vol. in-8° de 297 pages.(Prix :
10 fr.) Guillaumin et Ci, éditeurs. Paris, 190,
L'Economie politique est née, au xvin® siècle, des
travaux des Physiocrates et de l'œuvre, plus précise,
d'Adam Smith. Mais cette science ne s’est vraiment
constituée qu'au xix° siècle. L'œuvre des économistes
est aujourd'hui considérable. Et, malgré le scepticisme
de la foule, elle s'est affirmée si sérieuse, si pratique,
que force a été aux détenteurs de l’action publique de
prendre en considération la science nouvelle et d’en
respecter les enseignements.
On a longtemps reproché aux économistes de se li-
vrer à une « gymnastique intellectuelle » et de formuler
des lois à ce point vagues que leur application dans
la vie pratique était impossible. Le reproche n'était
pas fondé. Mais on comprend qu'il ait été formulé.
Rien n’est plus délicat, en effet, que l'étude des pro-
. blèmes économiques. D'une part, l’économiste ne peut
appuyer une formule théorique d'expériences qui en
démontreraient l'exactitude rigoureuse. Sans doute, les
expériences ne font pas absolument défaut : faut-il
citer le système de Law, la loi du Maximum, l'aventure
- des assignats, et vingt autres? Mais elles sont de telle
nature, elles s'étendent sur un si long espace de temps,
qu'elles échappent au contrôle des esprits superficiels
et ne s'imposent pas à la raison du grand public, inca-
pable d’en saisir toute la portée.
BIBLIOGRAPHIE — ANALYSES ET INDEX 855
D'autre part, il est impossible de ne pas tenir compte,
en cette matière, d'un facteur particulièrement mobile :
l'intervention de l'homme. A vrai dire, cette action de
l'homme n'est pas à ce point prédominante qu'elle
puisse fausser le jeu d’une loi économique; mais elle
suffit à le troubler, et à cacher, aux yeux de l'observa-
teur inattentif, les conséquences du principe.
Il à donc fallu du temps, beaucoup de temps, et de
patientes recherches, pour que la science économique
prit définitivement corps. Aujourd'hui, elle repose sur
des bases solides. La somme des observations est suffi-
sante pour que la théorie puisse s'affirmer avec toute
la précision voulue.
De tait, deux groupes de savants ont concouru à ob-
tenir ce précieux résultat : les statisticiens, dont les
travaux sont imposants, ont fourni un ensemble de
renseignements où les théoriciens ont puisé selon leurs
besoins; d'autre part, les théoriciens ont, de plus en
plus, condensé leurs formules et ils en sont arrivés à
les exprimer avec toute la rigueur d'un calcul mathé-
matique.
Désormais, toute œuvre économique doctrinale est, à
la fois, rationnelle et expérimentale; de portée univer-
selle dans sa partie rationnelle, d'application particulière
dans sa partie expérimentale. Et l'Economie politique
a le droit de revendiquer le nom de Science.
Ce double caractère est mettement affirmé dans
l'Essai sur la Théorie générale de la Monnaie, que
vient de faire paraitre M. Albert Aupetit. Vaste serait
la bibliothèque qui pourrait contenir tout ce qui a été
écrit sur la monnaie. Cependant, M. Aupetit n'a pas
hésité à reprendre le sujet. Il l’a traité d’une manière
personnelle : avec la rigidité d'un problème mathéma-
thique et avec la sobriété qui convenait à une thèse
de doctorat ès sciences économiques.
L'auteur a divisé son ouvrage en deux parties. La
première est purement rationnelle. Le rôle de la mon-
naie y est étudié à un triple point de vue : fonction de
numéraire, fonction de circulation, fonction d'épargne.
Cette moitié de l'ouvrage est purement scientifique et
les abstractions y sont enfermées dans des formules
mathématiques.
La seconde partie a, nettement, le caractère expéri-
mental : les phénomènes monétaires y sont notés et
décrits avec précision, et une statistique détaillée,
accompagnée de graphiques, établit la concordance de
la théorie et des faits.
Nous sommes peu accoutumés, en France, à des
ouvrages économiques rédigés avec toute la rigueur
d'un traité de Mathématiques. Cournot, qui inaugura
cette « économie pure », n'a pas connu la popularité.
Mais les économistes d'Angleterre, d'Allemagne, d'Au-
triche, de Suède, d'Italie, de Suisse, des Etats-Unis
ont suivi la voie tracée par notre compatriote, et leurs
travaux ont beaucoup contribué à établir que la science
économique était, en partie, une science « exacte ».
L'ouvrage de M: Aupetit n'est évidemment pas destiné
au grand publie, mais il aura sa place dans la biblio- .
thèque des savants : il sera utile, parce qu'il résume Ja
théorie générale de la monnaie et la rend plus précise;
utile aussi, parce qu'il contient des renseignements
statistiques précieux. C’est un travail consciencieux et
sévère, qui prouve, une fois encore, que les questions
économiques sont des problèmes scientifiques, suscep-
tibles d’être résolus par la méthode mathématique,
bien que les faits dont elles traitent nous apparaissent,
à première vue, comme confus et rebelles à l'analyse
précise. Et cette étude mérite d’être signalée à l’atten-
tion des hommes que les progrès des Sciences pures
ne laissent pas indifférents,
Marcez BICHON,
Sous-directeur
de l'Ecole Supérieure de Commerce
de Montpellier.
ACADÉMIES ET SOCIÉTÉS SAVANTES
ACADÉMIE DES SCIENCES DE PARIS
Séance du 19 Août 1901.
M. le Président annonce le décès de l'amiral de
Jonquières, membre libre de l’Académie, et de M. A. E.
Nordenskiôld, associé étranger.
1° SCIENCES MATHÉMATIQUES. — M. F, Siacci donne la
solution d'un problème de d'Alembert. — MM. Eug.
Lt Fr. Cosserat signalent un point crilique particulier
‘le la solution des équations de l’élasticité dans le cas
où les efforts sur la frontière sont donnés. — M. G.
Kæœnigs poursuit son étude critique sur les principes
zénéraux des mécanismes. Reuleaux, dans sa théorie,
s’est affranchi du préjugé de la classification, mais il
eut dù aussi s'affranchir de cet autre qui consiste à ne
voir dans un mécanisme qu'un moyen de translormer
ou de produire un mouvement,
29 SCIENCES PEYSIQUES. — M. Ch. Eug. Guye indique
une méthode permettant de calculer la valeur absolue
du potentiel dans un réseau de conducteurs parfaite-
ment isolés présentant de la capacité. — MM. E. Cha-
rabot et A. Hébert ont reconnu que l'éthérificalion
dans les plantes se produit par l'action directe des
acides sur les alcools; elle se trouve favorisée par un
agent particulier, jouant le rôle de déshydratant. Cet
arent ne serait autre qu'une diastase, dont l’action
déshydratante s'exerce en milieu chlorophyllien.
3° SCIENCES NATURELLES. M. F. Bouffé considère
que le psoriasis est une trophonévrose ayant son siège
dans les centres nerveux et notamment dans le grand
sympathique; il présente une grande analogie d’origine
avec la neurasthénie, Dans le psoriasis, il y a diminu-
tion de l’activité nerveuse et École Le traile-
ment de choix consiste dans les injections d’orchitine.
— M. C. Flammarion a étudié l'influence des lumières
colorées sur la production des sexes. Des œufs de vers
à soie, placés sous des verres de couleur foncée, ont
donné une plus grande proportion de mâles; à ‘l'air
libre, et sous le verre incolore, lés proportions des deux
sexes sont les mêmes. — M. A. Thévenin a étudié les
dépôts littoraux et les mouvements du sol pendant les
temps secondaires dans le bas Quercy et fe Rouergue
occidental. — M. André Berthelot fait connaître que
l'origine de la source de la Loue, qui jaillit à 12 kilo-
mètres de Pontarlier, vient d’être élucidée à la suite
de l'incendie de l'usine d’absinthe Pernod. De grandes
quantités d’absinthe ayant coulé dans le Doubs, on re-
marqua, deux jours après, que les eawx de la source de
la Loue avaieut une odeur et un goût d'absinthe très
accusés. La Loue ne serait done qu'un bras souterrain
du Doubs. — M. M. Berthelot a analysé deux échan-
tillons de cette eau et y a constaté la présence d’es-
sence d’anis.
Séance du 26 Août 1901.
4° SCIENCES MATHÉMATIQUES. — M. Janssen annonce
la découverte d’un nouveau radiant des Perséides, au-
dessus de la constellation de Cassiopée, dans celle des
Lézards. — M. E. Sarrau signale quelques particula-
rités de l'application du principe de l'énergie aux phé-
nomènes électrodynamiques et électromagnétiques. —
M. A. Petot éludie le mode de fonctionnement des
freins dans les automobiles
29 Sciences PHYSIQUES. — M. O. M. Corbino conclut,
de la discussion de quelques phénomènes d'Optique,
que deux radiations se trouvant en deux points diffé-
rents du spectre continu produit par la lumière bian-
che sont complètement indépendantes, et qu'on ne
ACADÉMIES ET SOCIÉTÉS SAVANTES
DE LA FRANCE ET DE L'ÉTRANGER
peul, en conséquence, les considérer comme deux
composantes sinusoidales d'une seule vibration com-
plexe.
3° SCIENCES NATURELLES. — M. Louis Léger a cons-
taté que, chez les Stylorhynchides, la conjugaison n'est
pas isogame, les gamètes étant aussi protondément dif-
lérenciés que chez les animaux supérieurs. En outre,
ce qui est remarquable, c'est qu'ici le spermatozoide
très gros RORE avec lui la grande partie de la réserve
nutritive, tandis que l'œuf, beaucoup plus petit, n'en
renferme qu'une quantité beaucoup moindre. — M. A.
Giard critique les expériences de M. Flammarion rela-
tives à l'influence des couleurs sur la détermination du
sexe chez les Lépidoptères et pense qu'on n’en peut
tirer aucune conclusion. — M. G. Delacroix signale
une nouvelle maladie de la pomme de terre, qui sévit
depuis peu en France; elle est due à une bactérie, qui
paraît être le Bacillus Solanacearum d’'E. EF. Smith. Le
seul traitement qu'on puisse indiquer jusqu'ici est
l'emploi d'un assolement au moins triennal. — M. P.
Carles signale l'envahissement des cours d’eau du dé
partement de l'Hérault par le Jussiæa grandiflora
(Michaux). L'introduction de cette plante paraît proye-
nir du lavage des laines d'Amérique; elle fructilie
abondamment et se répand par des graines.
Séance du 2 Septembre 1901.
1° SCIENCES MATHÉMATIQUES. — MM. Rambaud et Sy
présentent leurs observations de la comète d'Encke,
faites à l'Observatoire d'Alger. —M. G. Humbert montr 6
que la représentation géométrique, sur une surface de
Kummer, de la transformation quadratique des fonc-
tions abéliennes fournit, pour les trois équations mo-
dulaires de la transformation, une expression remar-
quablement simple. — M. G. Tzitzeica étudie la
déformation continue des surfaces qui admettent un
réseau conjugué invariant. — M. G. Kæœnigs esquisse
une théorie géuérale des mécanismes; il y introduit
une considération nouvelle, celle des déplacements dis-
sociatifs, c'est-à-dire qui provoquent la rupture de
l’état des liaisons. — M. R. Liouville montre qu'il est
possible de réduire à un problème unique toutes les
questions d'équilibre concernant un corps, de forme
primitive donnée, quelles que soient les forces qui le
liennent en équilibre après déformation; il ne s'agit
que de calculer les effets, sur ce même corps, d'un
seul système de forces, choisi d’une facon convenable
et d’ailleurs entièrement connu. — M. E. Sarrau étudie
l'application des équations de Lagrange aux phéno-
mènes électrodynamiques et électromagnétiques. Les
résultats s'accordent avec le principe de l'énergie; mais,
pour cela, il semble nécessaire d'admettre que l'énergie
interne d’un système de courants et d’aimauts est pure-
ment cinétique, sans partie potentielle, et d'attribuer
par suite le caractère de forces d'inertie aux actions
mutuelles du système. — M. Ch. Frémont à reconnu
que la limite élastique du cisaillement d’un acier
permet d'avoir, avec une certaine approximation, la
limite élastique à la traction de cet acier, car le rapport
entre la limite élastique et la résistance maximum de
rupture d'un acier paraît être le mème pour le cisail-
lement et pour la traction.
20 SCIENCES NATURELLES. — MM. L. Léger et O. Du-
boseq communiquent leurs observations sur trois
grands groupes de Polycystidées,
Dactylophor ides, Clepsidrinides; elles montrent LE
l'évolution typique de ces Grégarines ne comporte, à
aucun moment, de stade intracellulaire, En ce point,
elles diffèrent notablement des Monocystidées intesli-
Actinocéphalides,,
ACADÉMIES ET SOCIÉTÉS SAVANTES
857
nales, dont les stades jeunes se passent à l'intérieur
des cellules épithéliales. — M. Arm. Billard a observé
la scissiparité chez plusieurs espèces d'Hydroïdes :
Obelia flabellata Mincks, O. geniculata Lin., Leptoscy
hus tenuis Allman, Campanularia anqu'ata. La se
parité de ces espèces assure leur multiplication rapide
dans les conditions où elles se trouvent placées. —
MM. J.-D. Catta el A. Maige signalent l'apparition
du tot blanc (Charrinia diplodiella) en Algérie; la ma-
— jadie a été enrayée après un énergique traitement à la
DR LS SR Li
œ
é
ÿ
EE
bouillie bordelaise. — M. A. Jurie cite un cas de dé-
…(erminisme sexuel, produit par la greffe mixte de deux
plants de vigne. L'influence de la sève élaborée du
greffon a amené sur le rejet une inflorescence à fleurs
en partie hermaphrodites,
Séance du 9 Septembre 1901.
1° SCIENCES MATHÉMATIQUES, — M. F. Sy communique
ses observations de Ja planète G Q, faites à l'Observa-
… toire d'Alger. — M. W. Stekloff poursuit ses recher-
ches sur l'existence des fonctions fondamentales. —
M. Th. de Donder montre l'importance des invariants
intégraux relatifs du premier ordre. ;
20 SciENCES PHYSIQUES. — M. F. de Montessus de
Ballore démontre l'impossibilité de représenter par
des courbes isosphygmiques, ou d'égale fréquence de
séismes, la répartition de l'instabilité dans une région
sismique donnée. Il y faut un procédé discortiuu,
comme le phénomène lui-même.
3° SCIENCES NATURELLES. — M. A. Billet a constaté la
coïncidence de l'apparition des premiers cas de palu-
disme dans la région de Constantine avec celle des
premiers moustiques Anopheles de l’année. — M. A.
Menegaux a étudié.la biologie d’un parasite de l’orme,
la Galeruca xanthomelaena, qui s'est développé abon-
damment depuis quelques années. Pour sa destruc-
tion, on obtiendrait de bons résultats en offrant aux
larves, sous les Ormes, un lit de mousse ou de foin, où
elles pourraient se réfugier pour se chrysalider et qu'on
incinérerait ensuite; ou bien en détruisant les adultes
en les faisant tomber des branches, le matin au lever
du soleil, et en les recueillant sur des toiles étendues.
Lou's BRUNET,
SOCIÉTÉ DE BIOLOGIE
Séance du 20 Juillet 4901.
M. Ch. Féré a constaté que le travail digestif diminue
J'activité du travail manuel. — M. A. Laveran propose
un essai de classification des Hématozoaires endoglo-
bulaires ou Haemocytozoa. I les divise en trois genres :
Hacemamoeba, Piroplasma et Haemogregarina. — M. H.
Mouton a extrait, d'une espèce d'Amibes très abon-
dante dans la terre de jardin, une diatase qui doit
servir, chez l'animal vivant, à la digestion intracellu-
laire des bactéries dont il fait sa nourriture. — M. Fer-
rier a examiné le liquide céphalo-rachidien dans une
forte leucémie et n’y a trouvé que quelques rares glo-
bules rouges et un nombre moindre de leucocytes. —
M. E. Sacquépée a observé que les troubles de l'équi-
libre leucocytaire persistent longtemps et survivent de
beaucoup à la maladie causale. — MM. N. Vaschide et
C1. Vurpas ont reconnu que la vilesse des réactions
n'est pas toujours proportionnelle au sens et à la nature
de ces réactions, mais dépend aussi de la vie mentale
des sujets. — M. A. Poncet résume ses travaux sur
l’actinomycose humaine. — M. P. Bergouignan a
obtenu un succès complet dans le traitement des crises
vésicales du tabes par la méthode des injections épidu-
rales de cocaïne de Cathelin. — MM. Portier et Bierry
ont étudié l'influence de l'alimentation sur les sécré-
tions diastasiques, L'alimentation prolongée d'un canard
avec du lactose et du son provoque la sécrétion de lac-
tase dans l'intestin grêle ; on a noté la présence de glu-
cosazone. — M. Doyon à observé, chez une chienne,
l'existence d’anastomoses entre le système porte et le
système des veines caves par l'intermédiaire de l'épi-
|
ploon. — M. R. Loewy a utilisé une anse d'intestin
grêle en guise d'uretère. — MM. J. Hulot et K. Ra-
mond ont constaté qu'après une hémorragie, si le sang
séjourne dans les tissus, l'anémie qui suit revêt un
caractère particulier d'intensité.
Séance du 27 Juillet 1901.
M. Ch. Lesieur a reconnu que certains bacilles, dits
pseudo-diphtériques, sont capables de déterminer chez
le cobaye des paralysies mortelles, analogues à celles
que produit le véritable bacille de Lüffler. — Le même
auteur a constaté que ces mêmes bacilles pseudo-diph-
tériques non virulents ne se comportent pas autrement,
au point de vue de l’agglutinabilité, que les bacilles de
Lôüffler vis-à-vis du sérum spécifique. — MM. H. Claude
et A. Zaky ont observé que l'emploi de la lécithine
n'entrave pas directement l’évolution de la tuberculose,
inais modifie heureusement la nutrition du sujet tuber-
culisé ; il augmente de poids et l'élimination du phos-
phore diminue. — M. Ch. Féré, M'° M. Francillon et
M. Ed. Papin ont constalé que les excitations qui
paraissent défatiguer pour un moment provoquent uu
abaissement rapide de la pression artérielle, qui trahit
une menace pour l'organisme. — MM. Aug. Pettit el
J. Girard ont reconnu que la muscarine et l'éther
provoquent, chez le chien, le lapin et le cosaye, une
hypersécrétion dans les cellules de revèlement des
plexus des ventricules latéraux. — MM. D. Courtade
et J.-F. Guyon ont trouvé que la tonicité des muscles
vésicaux, qui règle la capacité physiologique de la
vessie normale, semble, dans certaines conditions,
absolument indépendante du centre médullaire.
M. D. Anglade présente des préparations de bacille de
Koch trouvés dans les selles des tuberculeux. — M. A.
Zaky a constaté que l'ingestion de la lécithine pro-
voque chez l'homme : 4° une augmentation de l'azote Lo-
tal, de l’urée et du coefficient d'utilisation azotée ; 2° une
diminution de l'acide phosphorique; 3° généralement
une diminution de l'acide urique. — M.E. Wertheimer
a noté l'existence, chez l'homme, d'une importante
anastomose des pneumogastriques, qui, derrière l’æso-
phage, unit la partie supérieure du nerf gauche à la
partie inférieure du nerf droit. — M. P. Mégnin signale
un cas extraordinaire de parasitisme du T'enebrio mo-
litor sur les jambes des poules immobilisées par l’in-
cubation. — M. G. Loisel a constaté, à la suite d’une
néphrectomie chez un chien, une production anormale
de graisse dans les canalicules du testicule. Le jeûne,
d'autre part, arrête complètement la spermatogenèse ;
l'épithélium des canalicules séminifères est en voie de
régression. — M. E. Maurel a observé une immunité
relative du lapin à la strophantine donnée par la voie
gastrique. — M. L. Mangin a entrepris l'étude des
tissus lignifiés. Pour les colorer, il a fait usage soit de
malières colorantes, soit de certaines substances aro=
matiques (beuzidine, dianisidine, etc.), qui réagissent
sur la substance ligneuse et la teignent d’une manière
spéciale. — M. Bierry a observé que le sang ou le.
sérum de chiens auxquels on a lié une artère rénale
devient au bout d’un certain temps néphrotoxique pour
des chiens neufs. L'injection de sang ou de sérum nor-
mal n’a jamais donné lieu qu'à une albuminurie
légère.
SOCIÉTÉ CHIMIQUE DE PARIS
Séance du 26 Juillet 4901.
M. R. Fosse a étudié quelques dérivés du prétendu
binaphtylèneglycol, L'éther bromhydrique esl repré-
senté par Rousseau comme possédant la formule :
CH°—C—Br
| I + HBr + 3H°0:
CH6— C— OH
convenablement purifié et séché dans le vide à 400, sa
formule est :
858
ACADÉMIES ET SOCIÉTÉS SAVANTES
cop
? ; NT
3r — CH DE
: ? G CPR k
c'est le monobromodinaphtoxanthène, précédemment
décrit et obtenu par M. Fosse par l’action de Br sur
COS
* hre/ NN
CH< À
AS
De même l'éther chlorhydrique de Rousseau, purifié
et séché à 100° dans le vide, n’est autre chose que le
monochlorodinaphtoxanthène. Rousseau pensait que
ces deux éthers, traités par l'alcool chaud, perdaient
simplement de l'hydracide et régénéraient l'anhydride
du glycol d'après l'équation :
CH — C— CI CH — C
(1) | Le =Ha) I 0.
CH — C—OH C!H5— C
M. Fosse a montré que l'anhydride de Rousseau
n’est autre que le dinaphtoxanthène, que l’éther chlor-
hydrique ou bromhydrique du glycol ne sont autres
que le monochloro où bromodinaphtoxanthène, que
l'alcool sur les dérivés halogénés du dinaphtoxanthène
régénère le dinaphtoxanthène, en se transformant en
aldhéhyde avec dégagement d'hydracide, de sorte que
l'équation (1) doit être remplacée par (2) :
cine
Cl—CH£ NO + CH°O—HCI-+ CH:0
(2) Niro”
7 CAC
2 O0
1 CH Ncugs/ Ÿ
L'amine
C'0H5— C— AzH°
|
CH — COH
que Rousseau avait obtenue par AzH* sur la bromhy-
drine du glycol n'est autre que la bis-dinaphtoxan-
thène-amine :
CH CHS
0€ ÿcH AH CHA;
C2HS Ncips/
que M. Fosse a déjà décrite et obtenue par AzH° sur
L'action d'HCI et HBr sur l’amine ne donne pas, comme
l'avait cru Rousseau, les sels correspondants, mais les
chloro ou bromodinaphtoxanthène avec formation de
AzH*Cl ou AzH‘Br. Le produit de l’action d'HCI surl'amine,
traité par PICI', ne donne pas un chloroplatinate de base,
mais un chlorure double de platine et de dinaphtoxan-
thène :
C!°HS
PtClU+2CICHS No.
Nçuns”
Les dérivés halogénés du dinaphtoxanthène, traités
par les alcalis en solution alcoolique, remplacent leur
halogène par OH en donnant l'alcool correspondant, le
dinaphtoxanthydrol
C2HS
CHOH£ 0,
Nciops/
fusible à 144, très soluble dans l'éther froid, d'où il
cristallise en aiguilles. HCI et HBr le transforment en
chloro et bromodinaphtoxanthène. Cet alcool perd faci-
lement H°0 en donnant l'éther oxyde, l’oxyde de bis-
dinaphtoxanthène, qui fond avec décomposition vers
2500 :
Ciopre CH
0ÉLAdHE DEC GUIoI
Nous” Nous”
— M. Ch. Moureu présente une note de M. G&. Oddo sur 1
les anhydrides sulfurique et disulfurique. — M. G. Ber-
trand présente une note de M. Kling sur l'oxydation
du propylelycol par les ferments oxydants.— MM.Junge-
fleisch et Léger ont envoyé deux mémoires sur l'hy-
drocinchonine et sur la cinchonine.
SOCIÉTÉ ROYALE DE LONDRES
1° SCIENCES PHYSIQUES.
J. Dewar : Le point d'ébullition de l'hydrogène M
liquide, déterminé par les thermomètres à hydro-…
gène et à hélium. — Dans un précédent mémoire,
l’auteur a indiqué que le thermomètre à résistance de
platine donne pour le point d’ébullition de l'hydrogène
— 238°,4 C. ou 349,6 absolus. Comme cette valeur
dépend d'une loi empirique reliant la température et
la résistance, qui peut se modifier à des températures.
aussi basses, et comme elle a été, en tout cas, obtenue
par une large extrapolation, il était nécessaire de la
vérifier au moyen de thermomètres à gaz. Les gaz
utilisés comme substances thermométriques ont été
l'hydrogène, l'oxygène, l'hélium et l'anhydride car-
bonique,
Si l’on prend comme les plus probables les valeurs
moyennes dounées par les expériences, le point d'ébul-
lition de l'oxygène est de — 182°,5 et celui de l'hydro-
gène de — 252°,5 C. ou 200,5 absolus. La température
trouvée pour le point d’ébullition de l'oxygène concorde
avec les résultats moyens de Wroblewski, Olszewski et
d’autres.
Dans un prochain mémoire, l'auteur envisagera la
température de l'hydrogène solide.
T. J. Baker : La thermochimie des alliages de
cuivre et de zinc. — Les chaleurs de formation d'un
grand nombre d’alliages de cuivre et de zinc ontété
déterminées par la mesure de la différence des cha-
leurs de dissolution, dans des solvants appropriés, de
chaque alliage et d’un poids égal d’un mélange con-
tenant les métaux dans la même proportion.
Les solvants suivants ont été employés : 1° une
solution aqueuse de chlore, 2° un mélange de solutions
de chlorure d'ammonium et de chlorure ferrique; 3° un
mélange de solutions de chlorure d'ammonium et de
chlorure cuprique. ;
Le premier solvant n'a pas donné de résultats satis-
faisants, tout en montrant que la chaleur de disso-
lution d'un alliage est sensiblement moindre que celle
du mélange correspondant. Les solvants 2° et 3° sont
- très appropriés ; les réactions qui se passent sont de
simples réductions et il n’y a pas de dégagement ga-
zeux.
Deux séries d'expériences faites sur 21 alliages ont
donné des résultats très concordants. Une chaleur de
formation maximum bien définie a été trouvée pour
l’alliage contenant 32 °/, de cuivre, c'est-à-dire corres-
pondant à Cu Zn°; elle s'élève à 52,5 cal. par gramme
d'alliage ou 10.143 cal. par molécule-gramme, Il y a
quelques indices d’un sous-maximum pour l’alliage
Cu/n. RU:
A partir de ces deux points, il y a une diminution de
la chaleur de formation, soit pour les alliages contenant
moins de 32 °/, de cuivre, soit pour ceux en contenant
plus de 50 °/,. }
Les résultats, en général, confirment l'existence de
composés intermétalliques, et les valeurs obtenues
s'accordent avec celles qu'exige le calcul des dimensions
moléculaires du cuivre et du zinc par Lord Kelvin.
C.-T.-R. Wilson : Sur l'ionisation de l'air atmo-
sphérique. — Dans une note préliminaire, l'auteur à
montré qu'un corps chargé d'électricité et suspendu
dans une cage contenant de l'air sans poussières perd
sa charge par perte à travers l'air. M. Geitel était arrivé
à la mème conclusion dans un mémoire publié peu
san RÉ an
ACADÉMIES ET SOCIÉTÉS SAVANTES
8959
“avant. La perte fut attribuée par les deux savants à la
production continue d'ions à travers le volume de
ts l'air.
Dans le présent mémoire, M. Wilson donne la des-
mm cription de son appareil et des nouveaux résultats qu’il
a obtenus. L'air, dans la plupart des expériences, était
contenu dans un vase de verre, recouvert intérieu-
rement d'une couche d'argent suffisamment mince pour
permettre de lire, au moyen d'un microscope, la position
d'une feuille d'or située à l’intérieur. Cette feuille d’or
“élait attachée à une étroite tige de laiton, fixée au
moyen d'un bain de soufre à un barreau de cuivre tra-
versant l’ouverture du vase. La tige de laiton et la
feuille d'or formaient le système dont on observait la
chute de potentiel; la capacité était donc très faible.
Pour éviter tout danger de perte par le support isolant,
le barreau de cuivre était maintenu à un potentiel
constant au moyen d’un condensateur en plaques de
zinc enrobées dans du soufre. Par un contact très court,
le potentiel initial du système dont on observait la
décharge lente était rendu égal à celui de son support.
La vitesse de décharge dans l'air à la pression atmo-
sphérique correspond à la production d'environ 20 ions
de chaque signe par centimètre cube et par seconde;
l'ionisation est à peu près proportionnelle à la pression.
Des expériences faites avec un appareil portatif ont
montré que l’ionisation dans un vase clos est la même
quand on opère dans un tunnel souterrain qu'à la
surface de la terre. Elle ne parait donc pas due à l’ac-
tion de radiations ionisantes traversant notre atmo-
sphère.
F. Gowland Hopkins et S.-W. Coles : Sur
la réaction d'Adamkiewicz et la chimie de l’acide
glyoxylique. — En 1874, Adamkiewicz signalait une
nouvelle réaction des substances protéides, qui porte
aujourd'hui son nom : elle consiste dans la production
. d'une couleur violette quand on ajoute de l'acide sul-
furique concentré à la solution d'un protéide dans
l'acide acétique glacial. Cette réaction ayant donné des
résultats assez variables dans la main de divers expéri-
mentateurs, les auteurs ont repris l'étude de son mé-
canisme et sont arrivés aux conelusions suivantes :
La réaction des protéides, décrite par Adamkiewiez,
n’est pas une réaction du furfurol, mais dépend de la
présence de petites quantités d'une impureté dans
l'acide acétique employé. Quelques échantillons d'acide
acétique ne donnent pas cette réaction, et tous peuvent
être privés du pouvoir chromogène par la distillation.
La substance essentielle de la réaction est l'acide
glyoxylique.
De petites quantités d'acide glyoxylique sont pro-
duites pendant l'oxydation de l'acide acétique au moyen
du peroxyde d'hydrogène en présence de fer ferreux.
. Dans les conditions ordinaires, une partie de l'acide
glyoxylique se scinde en donnant de la formaldéhyde.
De l'acide glyoxylique se forme lentement quand
l'acide acétique est abandonné à l'air, et plus rapide-
ment en présence de fer ferreux et sous l'influence de
la lumière solaire directe. La plupart des échantillons
d'acide acétique contiennent de petites quantités d’acide
glyoxylique.
Une solution aqueuse d’acide glyoxylique (qui peut
être préparée facilement en réduisant l'acide oxalique
par l’amalgame de sodium) constitue un admirable
réactif pour les protéides quand on l’emploie à la place
d'acide acétique dans les conditions ordinaires de la
réaction d'Adamkiewicz.
SCIENCES NATURELLES,
- B. Moore et W. H. Parker : Sur les fonctions
E de la bile comme solvant. Voici les conclusions des
recherches expérimentales des auteurs :
_ 1° La bile a une double fonction comme dissolvant :
À Physikalische Zeitschrift, t. AI, n° 8, 4116-19.
a) elle agit comme dissolvant pour la lécithine et la
cholestérine, et, de plus, elle aide à l'extraction de ces
corps, autrement insolubles, des cellules du foie, et
à leur marche vers l'intestin ; b) elle agit comme dis-
solvant dans l'intestin pour les acides gras en liberté
et les savons, donnant aux premiers leur entière solu-
bilité et augmentant beaucoup la solubilité des der-
niers, 3
20 Ces propriétés dissolvantes de la bile sont princi-
palement dues aux sels qu'elle contient; mais, quant
aux acides gras et aux savons, la quantité dissoute est
beaucoup augmentée par la présence simultanée de la
lécithine.
3° Ces actions dissolvantes des sels biliaires expli-
quent l'utilité de leur réabsorption et de leur circulation
à travers le foie, de facon à ce qu'ils servent à plusieurs
reprises comme agent dissolvant. Dans l'absorption, les
sels biliaires transportent les savons des acides gras
dans la cellule columnaire; dans le foie, ils sont
absorbés par les cellules du foie, transportent avec eux
la lécithine et la cholestérine sécrétées, et passent dans
les canalicules biliaires tenant ces substances en disso-
lution ; par la bile, la lécithine et la cholestérine sont
portées en dissolution dans l'intestin ; et dans l'intestin
les savons et les acides gras sont dissous, et sont ren-
dus capables par les sels biliaires d'être absorbés par
les cellules columnaires, tandis que la lécithine et Ja
cholestérine qui sont incapables d'absorption sont pré-
cipitées à mesure que les sels biliaires sont absorbés.
40 La lécithine possède une grande solubilité dans la
bile et la cholestérine une fable solubilité. La faible
solubilité de la cholestérine explique le fait que les
calculs biliaires sont composés presque entièrement de
cette substance.
5° Les savons de sodium ne possèdent qu'une faible
solubilité dans l’eau, le palmitate et le stéarate étant
pratiquement insolubles ; mais la solubilité est aug-
mentée par la présence des sels biliaires, et spéciale-
ment en présence de lécithine ; de plus, le caractère de
la solution est différent dans les deux cas; la solution
biliaire est moins colloïdale.
6° Même dans la bile ou dans la solution de sels
biliaires, les savons calcaires et magnésiens ont une
faible solubilité; mais, des deux, les savons magnésiens
sont les plus solubles.
1° Ces résultats jettent quelque lumière sur les fonc-
tions relatives du suc paneréatique et de la bile dans la
digestion et l'absorption des graisses. L'enzyme du suc
pancréatique divise les graisses neutres, mettant des
acides gras en liberté, qui sont convertis en savons par
l'alcali, tandis que la bile donne la solubilité aux acides
gras et aux savons ainsi produits. Maintenant il est bien
connu que le pouvoir d'absorber les graisses est affai-
bli, mais non complètement détruit par l'absence de
l'une ou de l’autre secrétion et qu'il est perdu quand
les deux secrétions manquent. Ces faits peuvent proba-
blement être mieux expliqués comme suit : a) En
l'absence du ferment pancréatique, puisque la bile n’a -
pas d'action sur les graisses neutres, et que celles-ci
sont insolubles, ne peut être absorbée que la portion
qui est libre dans la graisse lorsqu'elle est ingérée, où
qui est mise en liberté dans l'estomac, ou par l'action
bactérielle dans l'intestin. Puisque l’action bactérielle
est minimum dans l'intestin grêle, la plus grande par-
tie de la graisse n’est pas mise en liberté avant d'avoir
atteint le gros intestin, où les sels biliaires ont tous été
réabsorbés et ne peuvent alors l'aider à se dissoudre.
Par conséquent, en l'absence de la secrétion pancréa-
tique un grand pourcentage de graisse apparait comme
acides gras dans les fèces; b) En l'absence de la bile,
quoique la graisse soit décomposée dès l'entrée dans
l'intestin et convertie en acides gras et en savons, l’ab-
sorption est lente parce que l’action dissolvante de la
bile fait défaut et alors une fraction seulement est
absorbée, et le reste passe principalement comme
acides gras pour être rejeté dans les fèces. Quant à la
fois la secrétion pancréatique et la bile sont absentes,
860
ACADÉMIES ET SOCIÉTÉS SAVANTES
premièrement une petite quantité seulement est dé-
composée dans l'intestin grêle, et deuxièmement il n'y
a rien pour donner la solubilité à cette faible portion ;
il en résulte que l’absorption est presque nulle.
S. Monckfon Copeman : Le micro-organisme
de la maladie du chien et la production d’un vacein
contre la maladie. — La maladie des chiens est une
maladie si fatale, et particulièrement aux chiens de
bonne race, qu'on à depuis longtemps recherché une
méthode prophylactique,
Voici les résultats des recherches bactériologiques de
l'auteur sur cette maladie, recherches exécutées en
continuation de celles commencées dans son labora-
toire à l'hôpital de Saint-Thomas il y a environ dix ans
par feu Everett Millais.
Le micro-organisme spécifique de la maladie est un
petit cocco-bacille, qui se teint par les couleurs d’ani-
line ordinaires, mais qui est décoloré par la méthode
de Gramm. Il croît facilement à la surface de l’agar à
la température du corps; quand les colonies indivi-
duelles sont isolées par la méthode de culture en pla-
ques, elles ont une apparence grisâtre, reluisante,* à
demi transparente à la lumière réfléchie et une teinte
brun ciair à la lumière transmise, La forme générale
est circulaire, mais accidentellement, et particulière-
ment dans les cultures originelles, les bords sont un
peu irréguliers. Le microbe croit bien aussi dans un
bouillon de bœuf, occasionnant d’abord un trouble
général. Plus tard, un dépôt se forme au fond du tube,
et le liquide surnageant devient plus clair.
Daus les préparations provenant des bouillons de
culture, on trouve souvent les bacilles unis ensemble,
formant quelquefois des chaines d’une longueur consi-
dérable. Le bacille peut croître, bien que lentement,
sur du sérum de sang solidifié, et aussi dans du lait,
qui, lui, ne se coagule pas, Il se développe difficilement
sur une pomme de terre; mais, de temps à aulre, après
quelques jours d'incubation, on apercoit une bande
d'apparence humide d’une couleur chamois pâle. Si
l'on ensemence de la gélatine, la croissance s'opère
lentement à la température de la chambre, et après
quelque temps le milieu tend à se liquéfier,
On peut continuer la croissance sur l’agar, semaine
après semaine, pendant bon nombre de générations;
mais, après une douzaine de déplacements, les carac-
tères morphologiques et biologiques du bacille ont
changé quelque peu.
L'auteur donnera postérieurement un compte rendu
de ces variations et de l’histologie pathologique de la
maladie.
De la même manière, les propriétés pathogéniques
du micro-organisme semblent devenir graduellement
plus faibles, mais il peut regagner sa virulence à l'aide
d'inoculations répétées sur le cobaye.
Si l'on injecte, sous la peau de l'abdomen d’un chien
pesant 7 kilos, { ce, d'un bouillon de culture vieux de
sept jours, tiré à son tour d'une sous-cullure d'agar,
cette injection produit une attaque de la maladie, qui
se termine fatalement environ une semaine après l'in-
jection. Chez un grand nombre d'autres chiens sur
lesquels M. Millais et l'auteur ont fait des expériences,
celles-ci se sont terminées par une crise non mortelle
après l'inoculation dans la membrane iuqueuse nasale.
Le principal caractère de la maladie produite expé-
rimentalement est la diminution progressive du poids
que l’on constate chez l'animal pendant toute la durée
de la crise. Parmi les autres symptômes de la maladie,
bien connus des éleveurs de chiens, ceux qui sont les
plus apparents sont le résultat de l’inflammation plus
ou moins grande des différentes surfaces muqueuses.
Après examen post-mortem, l'auteur s'est aperçu que
la voie respiratoire entière était particulièrement
affectée, les poumons montrant une consolidation
preumonique dans presque toute leur étendue. La tra-
chée est apte à être congestionnée, et à contenir une
quantité de mucosités, tandis que les yeux et le nez
sont bouchés par uue matière purulente où muco-puru-
lente. Si l'on fait des cultures sur plaques d'agar de
l’exsudation des poumons, du mucus de là trachée ou
de la sécrétion nasale, le bacille spécifique peut être
isolé dans les deux premiers cas en cultures presque
pures.
Après avoir examiné des animaux morts de la maladie
des chiens, provenant de l'inoculation expérimentale,
ou contractée de la manière ordinaire, l'auteur na
jamais réussi à obtenir des cultures du sang retiré avec
des précautions aseptiques du cœur, du foie, de la
vésicule biliaire, des reins et de la rate.
Il n’a pu examiner des animaux inoculés à des périodes
intermédiaires de la maladie offrant une certuine gra-
vilé, ce qui lui aurait peut-être permis d'isoler lé bacille
dans l’un ou l’autre cas. Dans un cas où les vaisseaux
sanguins du cerveau étaient très congestionnés, l'inocu-
lation d’un tube d’agar avec une grande spatule de
platine pleine de fluide cérébro-spiual, bien étendu sur
la surface de l’agar, eut comme résultat l'apparition
d'une demi-douzaine de colonies isolées d’une culture
pure du bacille de la maladie.
Si l’on chauffe un bouilllon de culture du bacille
à 60° C., pendant une demi-heure, et que l’on y ajoute
subséquemment une petite quantité d'acide carbolique
comme préservatif, on obtient un vaccin qui agit d’une
facon semblable à ceux préparés par Hafïkine et
Wright comme préventifs de la peste et de la fièvre
eutérique. Le vaccin peut être étalonné de la manière
indiquée par Wright dans ses travaux sur la fièvre
entérique,
La dose doit varier sensiblement suivant la taille
du chien, mais M. Copeman a trouvé dans trois cas
différents que l'injection de 2 centimètres cubes de la
culture stérilisée du bacille suffit pour protéger de
petits fox-terriers pesant environ 1 kil. 500 contre
l'attaque de la maladie, tandis qu'un chien non pro-
tégé du même lot contracta la maladie à la suite de
l'introduction d'un chien malade. L'auteur à trouvé
aussi que les cobayes peuvent être protégés de celle
manière contre les effets d’une dose de culture vivante
qui serait généralement fatale en quarante-huit heures,
A. Ransome et A.-G.-R. Foulerton : De l'in-
fluence de l’ozone sur la vitalité de quelques bacté-
ries pathogènes ou autres. — [es expériences des
auteurs montrent qu'à l’état sec l'ozone n'a pas d'uc-
tion appréciable sur la vitalité des diverses bactéries
employées ; ces résultats s'accordent avec ceux de Sonn-
tag et Ohlmüller. Une exposition prolongée à l'action
de l'ozone n'a pas non plus diminué la virulence du
bacille de la tuberculose dans le pus. L'ozone aurait à
peine une légère influence sur la virulence des Z, mal-
lei et anthracis.
D'autre part, les auteurs confirment les conclusions
d'Ohlmüller quant aux propriétés bactéricides de l’ozone
passant à travers un liquide contenant des bactéries
en suspension.
Une comparaison de l'inactivité de l'ozone comme
désinfectant à l'état sec avec son action en présence
d’eau suggère une ressemblance superficielle avec
d’autres gaz, comme le chlore et l'anhydride sulfureux.
L'action purificatrice que l'ozone parait avoir dans
l'économie de la Nature est due à l'oxydation chimique
directe de la matière organique putrescible ; elle n’em-
pèche pas l'action des bactéries, qui, d’ailleurs, tra-
vaillent dans le même sens.
Le Directeur-Gérant : Louis OLIvreR.
Paris, — L. MARETHEUXx, imprimeur, 1, rue Cassette.
42° ANNÉE
Nor4:9
15 OCTOBRE 1901
:
des
DIRECTEUR :
| Revue générale
NCICnCeSs
pures el appliquées
LOUIS OLIVIER, Docteur ès sciences.
Adresser tout ce qui concerne la rédaction à M. L. OLIVIER, 22; rue du Général-Foy, Paris. — La reproduction et la traduction des œuvres et des travaux
q 3
publiés dans la Revue sont complètement interdites en France et dans tous les pays étrangers, y compris la Suède, la Norvège et la Hollande.
CHRONIQUE ET CORRESPONDANCE
1 $S 1. — Art de l'Ingénieur
; L'emploi de laluminium comme conduc-
“teur pour l’électricité. — Le prix élevé que, par
une combinaison de causes naturelles et artificielles,
“Je cuivre à atleint dans ces dernières années a ra-
“mené l'attention sur l'emploi de l'aluminium comme
“succédané du cuivre dans la transmission de l'élec-
Lricité.
À Pour comparer le cuivre avec l'aluminium au point
le vue du prix de revient, il faut tenir compte de leur
mdlensité et de leur conductibilité différentes, Si l'on
prend le cours moyen de ces deux métaux, dans nos
“pays, on arrive à celte conclusion que, pour une égale
Capacilé de conduction, une ligne en aluminium coù-
“ierait 1.000 francs, alors que la même ligne en cuivre
“coûlerait seulement 798 francs L'aluminium est donc
chez nous le plus cher des deux métaux.
Mais il s'est trouvé qu'en Amérique on a vendu, de-
puis quelques années, des quantités considérables
d'aluminium à des prix très bas, ce qui a ramené le
1325
1.000 P°"
une égale capacité de conduction; ce fait explique
a facilité avec laquelle les ingénieurs électriciens du
Nouveau-Monde ont adopté le métal blanc comme
conducteur. Il faut dire qu'aujourd'hui et jusqu’à ce qu'il
soit tombé à un prix beaucoup plus bas relativement
au cuivre il n’est pas encore question d'employer l’alu-
minium pour des conducteurs couverts; mais il jouit
déjà d'une grande vogue pour les lignes aériennes.
Voici les caractéristiques de quelques-unes des lignes
“de transmission en aluminium pur déjà installées au
delà de l’Allantique.
…_ Aux chutes du Niagara, il y a deux lignes de trans-
mission en aluminium. Ces deux lignes sont courtes et
“sont notées comme donnant un travail satisfaisant.
… La Hartiord Electric Light and Power Company
une ligne en aluminiuin entre sa station centrale à
“Tariffville et Hartford, à une distance de 17 kilom. 700.
“Le diamètre du câble employé est de 0,0187 et il pèse
environ 422,5 kg par kilomètre.
La ligne de transmission en aluminium de la Sno-
_qualmie Falls Power Company a été fréquemment
upport entre le cuivre et l'aluminium à
2
REVUE GÉNÉRALE DES SCIENCES, 1901.
décrite dans la presse technique. Elle va entre les chu-
tes et les deux villes de Tacoma et Seattle. Sa longueur
totale est de 54 kilom. 716. L'aluminium employé a été
allié avec 1 ‘/, % de cuivre, et l'augmentation de la
ténacité obtenue par cet alliage a permis d'employer
avec sûreté des câbles de 362,500 à 45,600.
La Blue Lakes Power Company a une ligne en alu-
minium, en usage entre sa maison centrale à Blue
Lakes et Sockton, à une distance de 57 kilom. 934. La
ligne d'origine a été remplacée par une autre d’une plus
grande capacité de conduction, et 446 tonnes de métal
ont été employées pour la nouvelle ligne. A 4 fr. 45 par
livre (453 gr. 54), cela représente une dépense totale de
1.510.000 francs (ou 41.925 fr. par mille) pour le métal
seulement.
Un des plus intéressants systèmes de transmission
de force aux Etats-Unis dans lesquels l'aluminium soit
employé, est celui de la Telluride Power Company.
Cette Compagnie produit un courant à Provo, dans
l'Utah, et le distribue, sur un circuit de 128 kilom. 75,
aux mines de Mercur et de Tintic.
Voici quelques autres Compagnies américaines dans
lesquelles l'aluminium est employé ou est sur le point
de l'être à la place du cuivre :
jo North Yuba Power Company, 101 kilom. 385;
20 The Municipal Supply Company, 28 kilom. 967;
3° The Big Cotton Wood Power Company ;
4% The Standard Electrie Company. Cette dernière a
été invitée à établir un projet pour alimenter San Fran-
cisco d'une station génératrice située dans les mon-
tagnes de la Sierra Nevada, à une distance de 2#1 kilo-
mètres 395 mètres.
Le succès de ce projet dépend de la possibilité
d'employer et de maintenir la tension proposée de
60.000 volts. On a décidé d'employer des câbles en alu-
minium pour le trajet, et les devis ont été préparés.
Dans la plupart de ces installations, la difficulté de
souder l'aluminium a été surmontée par l’emploi de
joints mécaniques. Le joint à manche Mac Intyre a été
généralement adopté. \
L'examen des principales installations où l'aluminium
est employé comme conducteur montre les progrès
considérables qui ont été faits. Si ce métal présente des
conditions de durée suffisantes, et si son prix de re-
19
862
CHRONIQUE ET CORRESPONDANCE
vient continue à diminuer, il peut devenir un rival im-
portant du cuivre dans ce nouveau champ d'emploi.
$ 2. — Physiologie
Recherches sur la coagulation du sang et
les sérums anticoagulants. — Dans un travail
publié sous ce:titre, dans les Annales de l'Institut
Pasteur, par MM. Jules Bordet et Octave Gengou, on
trouve des faits dignes d'être signalés, se rapportant :
les uns à la question physiologico-chimique de. la coa-
gulation du sang; les autres à la question physiologique
de la production d’antidiastases par un organisme dans
lequel on à injecté des diastases.
Freund a montré, il y a quatorze on quinze ans, que
le sang des Mammifères coagule très lentement, quand
il est recu dans un vase dont les parois ont été enduites
de vaseline, le passage du sang de l'artère dans ce vase
se faisant par un tube vaseliné intérieurement. MM. Bor-
det et Gengou obtiennent les mêmes résultats en rece-
vant le sang dans un vase paraffiné. A cet effet, on a
fait fondre la paraffine, puis on l’a fait couler sur la
paroi du vase de facon à l’enduire complètement; on
refroidit ensuite brusquement le vase en le plongeant
dans l’eau froide. La paraffine préseute un avantage sur
la vaseline; on peut, en effet, centriluger les tubes
peraffinés, sans délacher la paraffine de la paroi, tandis
que la vaseline s'en détache presque toujours, pendant
la centrifugation. On peut des lors obteuir, dans les
tubes paraffinés, une séparation (par centrifugation)
des globules et du plasma, qu'on ne saurait obtenir en
tubes vaselinés (en effet, le sang venant au contact du
verre, il se produit une coagulation rapide.)
Le plasma, ainsi séparé en tube paraffiné, peut être
enlevé au moyen d’une pipette paraffinée et introduit
dans un tube paraffiné. Il s’y conserve liquide pendant
un temps généralement long, qui peut atteindre vingt-
quatre et même trente heures; — mais il coagule en
quelques minutes, si on le verse dans un vase quelcon-
que non paraffiné, ou si on y plonge un corps quelcon-
que non paraffiné, par exemple, une baguelte de verre
non paraflinée.
Deux hypothèses sont possibles, pour interpréter ces
faits : ou bi :n le plasma en tubes paraffinés ne contient
pas de filrin‘erment, agent de la transformation du
fibrinogène ea fibrine; les éléments figurés du sang,
les leucocytes, générateurs du fibrinferment, n'au-
raient pas élé soumis aux impressions qui, au contact
des parois non paraflinées, leur font sécréter ou excré-
ter le fibrinferment (le liquide ne mouille pas les
parois paralfinées); — ou bien le contact d'une paroi
non paraffinée est une condition nécessaire de l’un des
phénomènes qui se passent dans la transformation du
fibrinogène en fibrine.
La première hypothèse ne saurait être acceptée, car
l'examen microscooique du plasma centrifugé en tubes
paraffinés n'y révèle la présence d'aucun élément figuré.
Ce plasma coagulant au contact des parois non paraf-
finées, il faut done admettre qu'il contenait du fibrin-
ferment. C'est là une conclusion qui peut surprendre
les physiologistes, accoutumés à considérer le phéno-
mène de la coagulation du sang comme un phénomène
purement el uniquement chimique; il est vraisembla-
ble, comme le disent MM. J. Bordet et 0. Gengou, qu'un
phénomène purement physique joue un rôle important
dans la coagulation.
Dans la seconde partie de leur important travail,
MM. J. Bordet et O. Gengou montrent que le fibrinfer-
ment, produit dans le sang des divers Mammifères, tout
en étant capable de transformer en fibrine un fibrino-
gène quelconque, extrait du sang d’un animal quelcon-
que, ou un plasma non spontanément coagulable, que ce
fibrinfermentprésente pourtant des dissemblances, selon
qu'il provient du sang de telle ou telle espèce animale. On
peut, en effet, en injectant, dans l'organisme d’un animal
d'espèce À, du sérum d’un animal d'espèce B, à plu-
sieurs reprises, et à quelques jours d'intervalle, obtenir
un sérum de A contenant une substance antagoniste
du fibriuferment de B. Des cobayes recoivent à cet effet
trois injections, pratiquées à buit jours d'intervalle,
de 5 c. c. de sérum de lapin; on saigne ces cobayess
douze jours environ après la dernière injection, et ot
laisse leur sang coaguler, de facon à en extraire, ving
quatre heures plus lard, le sérum. À
On sait que le sang d'oiseau, extrait en évilant tout
contact avec les bords de la'plaie, fournit par ceutrifu=
galion un plasma pur non spontanément coagulable,
mais coagulable par addition de sang défibriné ou de
sérum quelconque. Un tel plasma d'oiseau coasule par
addition de sérum ou de sang délibriné de lapin.
On sait, d'autre part, qu'un sérum ou un sang défi-
briné quelconque perd la propriété de faire coaguler
les liqueurs fibrinogénées, quand il a été chauffé pen-
dant trois quarts d'heure à 580,5. Le chauffage, à cette
température, détruit le fibrinferment.
Ceci posé : ajoutons à du plasma d'oiseau un mé=
lange formé de 1 partie de sérum de lapin frais et de 54
à 6 parties de sérum de cobayes préparé comme nous
l’avons indiqué ci-dessus (nous dirons sérum de cobaye
actif), préalablement chauffé à 582,5 pendant trois
quarts d'heure; nous constatons que le mélange ne
coagule pas. Le sang de cobaye actif chauffé, qui ne
contient plus de fibrinferment, renferme done une
substance antagoniste du fibriuferment du lapin. Si, au
plasma d'oiseau, on ajoute un mélange, dans les mêmes,
proportions, de sérum de lapin et de sérum de cobaye
actif, non chauffé, la coagulation se produit. C’est donc
que la substance antagoniste pour le fibrinferment du
lapin n'est pas anlagonisie pour le fibrinferment du
cobaye.
Ce sont là des faits inléressants qu'il convient d'en-
registrer avec soin, en attendant l’époque où il sera
possible de donner de ces faits et de nombreux autres
semblables une interprétation commune.
$ 3. — Sciences médicales
Le Congrès britannique de la Tuberculose,“
tenu à Londres du 22 au 26 juillet 1901.
— Il faut avoir le courage de le dire : les travaux du
dernier Congrès international contre la Tuberculose ont
présenté un intérét très médiocre. La cause en est facile
à comprendre. Depuis quatre où cinq ans que la tuber-
culose est à l'ordre du jour, la question commence à
être épuisée. Tout ce qui concerne l'étiologie, la pa=
thowénie, la prophylaxie et la symptomatologie est
aujourd'hui bien connu, et, si certains points de détail
peuvent encore faire l’objet d'une élude expérimentale
ou clinique ou statistique, il n'y a certainement plus
de matière pour remplir d'une facon. intéressante les
séances d'un Congrès auquel prennent part plusieurs
centaines de médecins. ;
Aussi bien, quand à tête reposée on relit les com=
municatious, on leur trouve quelque chose de déjà vu,
de déjà connu. Souvent même; c'est la reproduction
d'une communication déjà faite à Paris, à Berlin, à
Naples, où se sont réunis les congrès précédents.
Seul M. Aoch a trouvé le moyen de faire une com=
munication sensationnelle. M. Koch est le grand mailne”
de la Bactériologie moderne. A ce titre, nous avons le
devoir de faire connaitre à nos lecteurs la nouvelleu
découverte de ce savant, d'autant qu'elle.est en contra
diction formelle avec tout ce que nous savons sur le
point qu'il a abordé : les rapports entre la tuberculose
humaine et la tuberculose animale.
Jusqu'à aujourd’hui on a considéré ces deux formes
de tuberculose comme identiques et produites par les
même bacille. M. Koch s'inscrit en faux contre cetles
identité. Pour lui, la tuberculose bovine diffère totale=
ment de la tuberculose humaine, si bien que les bacilless
tuberculeux de provenance humaine, injectés à des
animaux de l'espèce bovine, seraient incapables de pro:n
voquer chez eux des lésions tuberculeuses. A l'appui de
cette assertion, M. Koch a cité les expériences suivantes:
NDS ET RS, 2 ee
“Un lot de jeunes veaux, éprouvés par la tuberculine
pouvant êlre ainsi reégardés comme indemnes de la
tuberculose, fut infecté suivant différents procédés par
+ es cultures pures de bacilles tuberculeux provenant
étuberculose humaine. Quelques-uns recurent direc-
ment des crachats de phtisiques. Dans quelques cas,
bacille tuberculeux ou le crachat étaient injectés
ous la peau; dans d’autres cas, dans la cavité péri-
pnéale; dans d’autres enfin, dans la veine jugulaire.
Six animaux furent alimentés avec des crachats tuber-
ux presque quotidiennement pendant sept où huit
js, quatre inhalèrent de grandes quantités de bacilles
suspension dans l'eau qu'on pulvérisait dans l'air.
un de ces animaux ne présenta le moindre symptôme
orbide et tous augmentèrent de poids. Six où huit
nois après le début de l'expérience, ils furent sacrifiés.
ans les organes, on ne trouva pas trace de tuberculose.
t seulement aux points où avaieut été faites les
échions que l’on rencontra de petits foyers de sup-
uration renfermant quelques bacilles tuberculeux.
Gest exactement ce que l'on lrouve, quand on injecte
corps de bacilles morts sous la peau des animaux
actaires. Ainsi les animaux réagissaient contre le
ille humain vivant comme s'ils avaient recu des
icilles morts. Ils étaient absolument réfractaires.
e résultat a élé tout à fait différent quand la même
érience fut faite sur des veaux non tuberculéux avec
bacilles provenaut d’un animal atteint de tubercu-
bovine. Après une période d'incubation d’une
aine environ, les plus graves lésions tuberculeuses
e produisaient dans les organes de tous les animaux
ectés. L'infection tuberculeuse suivait sa marche
atale : quelques-uns des animaux ont succombé au
out de un ou deux mois, d'autres furent sacrifiés au
out de trois mois. Dans les deux cas, on trouvait, à
topsie, une inliltralion tuberculeuse très étendue au
int où avait élé faite l'injection, ainsi que dans les
joumons, la rate, ele.
En résumé, le bétail se montrait aussi sensible au
acille de la tuberculose bovine qu'il était réfractaire au
cille de la tuberculose humaine. Les expériences ana-
œues faites sur des chèvres et des porcs ont donné
résullats ideuliques. Aussi M. Koch se croil-il auto-
soutenir que la tuberculose humaine diffère de la
Dberculose bovine et ne peut être transmise au bétail.
Sul en est ainsi, on doit done se demander si la
berculose bovine est transmissible à l’homme. M. Koch
se que non, et voici les faits qu'il a cités à l'appui
son opinion :
On sait, dit-il, que le lait et le beurre consommés
ans les grandes vitles contiennent une grande quan-
té, de bacilles vivants. La plupart des habitants des
iles consomment donc chaque jour des bacilles de la
erculose bovine, vivants et virulents, et réalisent
si uve véritable expérience. Or, d'après M. Koch, les
de tuberculose primitive de l'intestin sont exces-
ement rares. Pour sa part, il n’a observé que deux
de ce genre. A l'hôpital de la Charité, à Berlin,
n'aurait constaté dans cinq ans que 10 cas de
berculose primitive de l'intestin. De même, Biedert,
ur 3.10% autopsies d'enfants tuberculeux, n'a observé
[ue 46 cas d’entérite tuberculeuse primitive. 11 y a
même plus : ces cas de tuberculose primitive de l'in-
èstin pourraient, d'après M. Koch, tenir à la pénétration
écidentelle, dans l'intestin, des bacilles Cuberculeux
iumains. Et M. Koch eu conclut que la transmissibilité
le la tuberculose bovine à l'homme n'existe probable-
ment pas et que par conséquent il n’y a pas lieu de
rendre des mesures particulières contre la propagation
ë la tuberculose par le lait ou la chair des animaux
luberculeux. |
s faits, comme nous l'avons dit, sont en contradiction
complète avec tout ce que nous savons sur les rapports
tre la tuberculose bovine et la tuberculose humaine.
Koch a-t-il raison ou tort? Il est certain que la
rande autorité de M. Koch fera remettre cette question
étude et que nous ne tarderons pas à être rensei-
CHRONIQUE ET CORRE *PONDANCE
863
gnés sur ‘ce point. En attendant, il nous semble inté-
ressant de reproduire ici la réponse de M. Nocard.
M. \ocarda commencé par citer les expériences
déjà anciennes de M. Chauveau. Des veaux, au nombre
de quatre, ont été infectés, soil par la voie digestive,
soit par l'injection intra-veineuse, avec des produits
tuberculeux empruntés à l’homme. Ces quatre ani-
meux, sacrifiés après un laps de temps variable, allant
jusqu'à cinquante-neuf jours, ont, à l'autopsie, pré-
senté des lésions tuberculeuses très importantes, pro-
cédant manifestement de l'infection expérimentale.
Du reste, des expériences analogues ont élé faites un
peu partout et ont souvent donné le même résultat.
Quant à la transmissibilité de la tuberculose bovine à
l'homme, M. Nocard a signalé un certain nombre de
faits positifs qui valent les-faits négatifs et les considé-
ralions théoriques de M. Koch.
Parmi ces faits, il en est qui ont trait à des vétéri-
naires qui se sont blessés en faisant l’autopsie des
vaches tuberculeuses : les'uns ont guéri grâce à une
intervention chirurgicale hälive et radicale ; les autres,
moins heureux, ont fini par succomber à l'évolution
progressive de l'infection tuberculeuse. D'un autre côté,
il existe des faits nombreux et authentiques d'infection
tuberculeuse par l'usage alimentaire du lait provenant
de vaches atteintes de mamwmite tuberculeuse, lesquels
faits ont parfois la valeur d'une véritable expérience.
M. Nocard à enfin cité l'observation fort curieuse
concernant l'extension de la tuberculose en Angleterre.
On sait notamment, depuis les travaux de Thorn-Thorn,
qu'en Angleterre la mortalité générale par tuberculose
a, depuis cinquante ans, diminué de 45 °/,, laudis que
la mortalité par tuberculose abdominale chez les enfants
a, pendant ce temps, augmenté de 27 °/,. L'explication
de ce phénomène réside dans l'absence, en Angleterre,
de touté surveillance des laileries, de loule mesure in-
terdisant l'usage du lait provenant de vaches {ubercu-
leuses. «
En attendant de nouveaux faits, M. Nocard continue
donc: de croire à la transmissibilité de Ja tuberculose
bovine à l'honrme.
Üne autre communication, ayant dans une certaine
mesure le mérite de l'originalité, et qu'il nous semble
intécessant de citer ici, est celle de MM. Cornil et
Chantemesse sur l'influence de la viande crue sur
l'évolution de la tuberculose expérimentale.
Nos lecteurs connaissent celle question d’après le
travail publié dans notre Revue par M. Richet. MM. Cor-
nil et Chantemesse ont voulu étudier comparativement
l'influence de la viande cuite et de la viande crue sur
des chiens rendus tuberculeux. Les conditions de l’ex-
périence étant les mêmes pour les deux groupes de
chiens; ils ont constaté que les chiens nourris à satiété
avec de la viande cuile ont sutrombhé dans un espace
de temps variant entre quatre semaines el trois mois.
A l'autopsie, les animaux présentaient des lésions de
tuberculose généralisée avec nodules caséeux plus ou
moins volumineux; le foie était frappé de dégénérés-
cence graisseuse avancée.
Les animaux nourris avec de la viande crue ont sur-
vécu. Quand on les sacrifiait au moment où les chiens
nourris avec de la‘viande cuite succombaieut, on trou-
vait, chez eux aussi, des lésions tuberculeuses, mais
celle-ci étatent moins nombreuses et moins étendues.
En outre, les animaux avaient conservé un certain degré
d'embonpoint. Chez un chien qui n’a été sacrifié qu'au
bout d’un au, on a trouvé, à côté des lésions tubercu-
leuses, une néphrite chronique que MM. Cornil et Chan-
temesse n'hésitent pas à attribuer à l'usage prolongé
de la viande crue. De ces expériences, MM. Cornil et
Chantemesse concluent que l'utilité du régime de la
viande crue dans le traitement de la tuberculose ne
‘réside pas dans un phénomène de suralimentation
pur et simple, mais qu'il repose sur une qualité parti-
culière, antituberculeuse, de l'aliment.
Telles sont les deux communications qu'il hous à
semblé intéressant d'analyser ici.
864
LES THÉORIES DE LA FÉCONDATION
CONFÉRENCE FAITE
Mesdames et Messieurs,
Après avoir accepté, à la demande des organisa-
teurs de ce Congrès, d'exposer en séance générale
les théories de la fécondation, j'ai éprouvé, je dois
l'avouer, un réel embarras. La question est si vaste
etsi compliquée, l'auditoire est composé d'éléments
si variés, qu'il apparait fort difficile de trailer
dignement le sujet sans être obscur ou ennuyeux
pour personne.
Deux idées s'offrent tout d'abord à l'esprit.
La première est de se placer au point de vue de
la vulgarisation, en présentant le tableau d'en-
semble de nos connaissances et la marche de leur
développement. Mais c'est presque une injure : on
vulgarise pour le vulgaire et non pour des savants.
La seconde est de faire un exposé critique appro-
fondi, en laissant de côté ce qui peut être supposé
connu et s’attachant à ce qui est litigieux, compa-
rant les cas particuliers et les opinions indivi-
duelles, s’efforcant de rendre justice à tous et de
montrer la place de chacun dans le conflit général
des opinions. Cela serait intéressant peut-être, mais
c'est un sujet de Mémoire écrit et non de confé-
rence. Ce menu détail n’intéresse que les spécia-
listes ; il serait fastidieux pour les autres et, d’ail-
leurs, exigerait un temps beaucoup plus long que
celui qui m'est accordé.
Finalement, j'airejelé ces deux manières de faire
pour me rabatltre sur une troisième, et j'ai adopté
le plan que voici : Rappeler l'opinion classique,
celle que nous enseignons à nos élèves, sans tenir
comple des innombrables variantes particulières
aux divers auteurs, et cela en peu de mots, uni-
quement pour servir de base à la discussion; puis,
diseuter la valeur des explications qu'elle propose,
scruter la significalion vraie des phénomènes, exa-
miner si l'on ne s'est pas quelquefois laissé absor-
ber par la contemplalion de ce qui est le plus
apparent, en négligeant peut-être ce qui est le
plus essentiel ; chercher, enfin, de quel côté
doivent porter nos eflorts pour produire le maxi-
num d'effet utile.
La question ainsi comprise doit être examinée à
lrois points de vue : phylogénétique, histologique
et physico-chimique. L'ordre dans lequel, je viens
de les énumérer est, à mon sens, celui de leur
importance croissante : aussi est-ce celui que je
suivräi dans mon exposilion,
YVES DELAGE — LES THÉORIES DE LA FÉCONDATION
AU CONGRES
(SESSION DE BERLIN
INTERNATIONAL DE ZOOLOGIE
AOÛT 1901)
I. — LA FÉCONDATION AU POINT DE VUE
PUYLOGÉNÉTIQUE.
Il serait fort intéressant, à coup sûr, de savoir
comment s’est développée la fécondation dans
l'évolution générale des fonctions organiques“
Toutes les questions phylogénétiques sont d'un
haut intérêt. Mais cela ne veut pas dire qu'il faille
s’absorber dans leur étude et négliger pour elle lam
solution de problèmes non moins importants el
plus accessibles. Le propre des études phylogéné
liques est que les conclusions qu'elles proposent
sont invérifiables et, par là, se placent près de
limite où s'arrête la science vraie. Reconstituer un@
phylogénèse, c'est réunir par un lien les débris
uniformes; s'il suffisait, comme dans les sciences
mathématiques, qu'une conclusion fût logique
pour être vraie, nous serions autorisés à attribuer
une valeur objective à nos essais de reconstitution®
Mais, en examinant comment les choses se passeni
dans les cas où l'observation nous fournil des
documents positifs, nous ne tardons pas à nous
convaincre que l'espoir est chimérique de reconss
tituer par la pensée les lignées phylogénétiques
disparues. Dans la formation des organismes règnê
en mailre l'imprévu, l'impossible à prévoir, et je
dirai presque qu'un tableau phylogénétique a d'au
tant moins de chances de représenter la vérité
quil est plus rationnel et plus séduisant.
Une conférence entièrement consacrée à ce sujel
suffirait à peine à en montrer les nombreux
exemples. J'en citerai ici un seul. fl
Reportons-nous en 1860 et supposons un 20018
giste ou un paléontologiste, ayant (sauf sur le point
spécial qu'on va deviner) toutes les idées et Loutes
les connaissances que nous avons aujourd'hui
auquel on eût demandé d'imaginer une forme de
passage entre le Reptile et l'Oiseau. Il eût répondu
en altribuant à cette forme des caractères intem
médiaires à celles des deux groupes qu’elle devail
relier; en ce qui concerne spécialement la queue
il eût décrit celle-ci comme fort raccourcie eb cous
| verte de productions mixtes tenant à la fois de
l'écaille et de la plume. Et, s'il eût attribué à cet
être une longue queue de Replile garnie de vraies
} plumes d'Oiseau, on lui eût ri au nez.
L'année suivante, on découvraitl'Archæopteryx.
De pareils exemples doivent nous rendre circons-
“ects el nous faire comprendre qu'en cherchant à
reconstituer la phylogénèse, nous obéissons au
besoin légitime de concevoir comment les choses
auraient pu se passer, sans chances sérieuses de
“découvrir comment elles se sont passées en réalité.
— Ces réserves faites, je reconnais qu'on à décou-
vert, entre la fécondation et la reproduction, agame
les principaux termes :
4 L'être se reproduit au moyen de spores
asexuces, simples cellules de l'organisme donnant
tion a lieu par conjugaison :
» x) Les gamètes sont d'abord identiques entre
eux : la conjugaison est donc isogame; et jusqu'ici
il n'y a pas encore de sexualité, puisqu'il n'y à pas
de différences sexuelles ;
b) Puis, les différences sexuelles s'établissent :
de des gamètes devient gros, lourd, moins mobile,
chargé de réserves, tandis que l'autre reste petit,
“pauvre en réserves, très mobile : c'est la conjugai-
son anisogame, avec laquelle apparaît la sexualité.
Cette sexualité n’est d'abord qu'indécise, en ce
“sens que la conjugaison est /acullative avant d’être
nécessaire; elle n’est aussi d'abord que relative, en
ce sens que certains gamèles peuvent, dans la
onjugaison, jouer indifféremment le rôle d'élément
mâle ou celui d’élément femelle, de même que
cerlains corps chimiques sont électro-positifs dans
une combinaison, électro-négatifs dans une autre.
C’estainsi que, chez la Pandorina, il y a des spores
“de trois tailles : petites, moyennes et grosses; les
… pelites peuvent se conjuguer aussi bien entre elles
“ (isogamie) qu'avec les moyennes ou les grosses
(anisogamie); et les moyennes, en se conjugant
avec les petites, jouent le rôle de femelle, en se
. conjugant avec les grosses celui de mäle ;
… 3’ Le dernierstade est celui de la différenciation
- complète des gamètes en produits sexuels, avec les
caractères si tranchés qu'ils présentent dans les
! œufs etles spermatozoïdes des animaux.
£
Ainsi se présentent quatre stades bien nets d'évo-
lution progressive :
(s Reproduction agame.
Facultative, puis nécessaire,
avec différenciation relative,
puis absolue.
Hi Conjugaison isogame . FA
… Conjugaison anisogame. . l
YVES DELAGE — LES THÉORIES DE LA FÉCONDATION
865
Avec différenciation complète
des produits sexuels.
Fécondation.
Au point de vue des phénomènes intimes, on peut
distinguer plusieurs stades d’'évolulion :
{ Cytoplasmique (Plastogamie de
Hartog, chez les Myxomy-
cètes).
Nucléaire (Caryogamie de Mau-
pas, chez les Infusoires).
A la fois cytogamique et nu-
cléaire.
Conjugaison partielle
Conjugaison totale, . . .
Et la fécondation peut, à ce double point de vue,
êlre définie : une conjugaison totale, mais surtout
nucléaire, de gamèêtes complètement diflérenciés,
l'un en œuf gros, immobile, chargé de réserves;
l'autre en spermalozoïde, petit, très mobile, sans
réserves.
Mais, même en admettant que la série d’intermé-
diaires ainsi étabiie soit réelle, il s’en faudrait de
beaucoup que le problème phylogénétique de la
fécondation fût élucidé, car il resterait à montrer
comment, sous quelles influences, se sont produites
ces différenciations progressives, et cela soulève les
plus graves question de la Biologie générale.
Il est relativement aisé de montrer l'avantage
qui résulte pour l'embryon de posséder de grosses
réserves, ce qui explique l'œuf; et la nécessité
pour l’un des gamèles au moins de conserver une
mobilité parfaite, ce quiexplique le spermatozoïde.
Mais, nous ne sommes plus au temps où il suffisait
de prouver qu'un caractère est avantageux pour
croire qu'on avait expliqué son apparition. Weis-
mann, en montrant les graves objections qui s'élè-
vent contre l'hérédité des caractères acquis, Pfeffer,
en dévoilant les difficultés de la majoration des
caractères, alors qu'ils sont trop peu accusés pour
donner prise à la sélection, ont fait justice de celte
facile philosophie.
La phylogénèse de la fécondation, qui semble,
au premier abord, si simple, reste donc pleine
d'obscurités. Particulièrement obscure est la ques-
tion de l'introduction de la réduction chromatique
dans la fécondation. Aussi conclurai-je ce rapide
exposé en émettant l'avis qu'il y a mieux à faire
que de chercher à résoudre ces questions, peut-être
insolubles, et que, pour le moment au moins, il est
préférable de s'attaquer à l'étude des problèmes
histologiques et physico-chimiques qui se ral-
tachent à la fécondation.
II. — LES PHÉNOMÈNES HISTOLOGIQUES
DE LA FÉCONDATION,
Le point de vue histologique est, de beaucoup,
celui qui a le plus attiré l'attention, celui qui a pro-
voqué le plus de travaux, celui où la question de
- fait est la mieux connue. Et cependant, nous allons
806
YVES DELAGE —- LES THÉORIES DE LA FÉCONDATION
voir que, de ce côlé aussi, bien des choses sont
admises, qui sont loin d'être démontrées.
Rappelons d'abord, sommairement, l'opinion
classique, en laissant de côté, à dessein, les cas
particuliers et les opinions individuelles.
Une première question domine le problème :
c'est celle de la maturation des produils sexuels.
Commençons par l'œuf.
Les cellules germinales, mères des éléments
sexuels, se présentent sous l'aspect d'éléments non
différenciés, très semblables aux blastomères de
la segmentation. Chez quelques animaux, on les
voit effectivement s'individualiser dès la formation
des feuillets; mais, même lorsqu'il n'en est pas
ainsi, leur ressemblance avec les blastomères est
telle qu'on est autorisé à admettre qu'ils des-
cendent directement de l'œuf, sous une forme plus
ou moins voilée : ils ont gardé des caractères
embryonnaires, tandis que tout se différenciait
autour d'eux.
Lorsque la glande sexuelle commence à entrer
en activité, ces cellules germinales se mulli-
plient rapidement et, pendant loute cette période,
s’accroissent moins par nutrition qu'elles ne dimi-
nuent par la division, en sorte que leur volume
s'amoindrit progressivement : on les désigne sous
le nom d’ovoygonies. Quand elles ont fini de se
multiplier, elles manifestent un mode d'activité
inverse, se metlent à grossir énormément et de-
viennent ce qu'on appelait autrefois l'ovule, ce
qu'on appelle aujourd'hui l'ovocyte de premier
ordre, et qui est caractérisé par son volume consi-
dérable, par l'abondance des réserves dans le cyto-
plasme et par son noyau, la vésicule germinalive,
très gros, avec un ou plusieurs nucléoles ou /aches
germinalives el une membrane nucléaire très évi-
dente.
Après un temps variable, l'ovocyle de premier
ordre se divise coup sur coup deux fois, sans phase
de repos intermédiaire et d'une manière très iné-
gale, expulsant chaque fois la moitié de son noyau
avec une quantité négligeable de cytoplasme. Les
parties expulsées sont les globules polaires, et ce
qui reste après leur expulsion est l'œuf mür, qui a
conservé tout le cytoplasme et toutes les réserves
de l’ovule, mais qui n'a plus qu'un noyau très
réduit, d’où le nom de divisions réductrices donné
aux deux divisions successives qui lui donnent
naissance.
Pour le spermatozoïde, c'est la même chose, à
quelques différences près : 1° l'accroissement des
dernières spermaloyonies en spermatocytes de pre-
mier ordre-est moins considérable et ne comporte
pas d’accumulalion de réserves; 2° les divisions
maturatives sont égales et donnent naissance à
quatre éléments également actifs; 3° enfin, le pro-
duit de la deuxième division n'est pas le sperma
tozoïde achevé : c'est la spérmatide, qui n'es
encore qu'une cellule ordinaire et doit se trans
former en spermalozoide avec sa queue, flagellum
locomoteur formé essentiellement par le cytos
plasme, et sa tête comprenant le noyau, le centro
some et une quantilé de cytoplasme très minimes
Mais la spermatide se transforme en spermatozoïde
par simple réarrangement de ses parties, sans st
diviser ni rien rejeter. ‘11
Ces divisions maturatives si singulières Se
montrent chez tous les êtres qui ont une fécondas
tion, avec une généralité tout à fait remarquable
Aussi les considère-t-on, avec loute apparence de
raison, comme jouant dans la fécondation un rôle
capital, et l’on a énormément travaillé et discuté
pour élablir ce rôle.
L'opinion courante est qu'elles ont pour but dé
produire une triple réduction de la chromatine
numérique, quantilative et qualitative, et que ces
trois réductions, également nécessaires, sont la
raison d'être des divisions qui les produisent.
Examinons-les successivement.
1. liéduction numérique. — Dans le noyau au
repos, la chromaline est disséminée en granula
tions disposées sur les filaments du réseau achro=
malique; mais, à chaque division nucléaire, ces
granulations se groupent en un long filament con
tinu, qui se coupe en un certain nombre de seg=
ments appelés chromosomes.
On a remarqué que, sauf cerlaines exceptions,
les chromosomes étaient en même nombre dans
toutes les cellules du corps de chaque espèce ani-
male ou végétale. Aussi a-t-on élé conduit à pen-
ser que ce nombre devait rester fixe, et implici-=
tement on semble croire qu'il ne saurait varier,
sans entrainer des conséquences graves. Or, s'il
n'y avait pas une division réductrice spéciale, non,
seulement il varierait, mais il doublerait à chaque
génération. Si l'œuf et le spermatozoïde appor-
taient chacun 7 chromosomes, il y en aurait 22
dans l'œuf fécondé; chaque cellule de l'organisme
engendré en aurait aussi 22: à la génération sui-
vante, elles en auraient 4n, à la suivante 8», et ainsi
de suite. .
La réduction numérique a, dit-on, pour rôle de
remédier à cet inconvénient, et cela de la manière
suivante :
Dans les gonies, comme dans les cellules ordi-
naires de l'organisme, à chaque division, chaque
chromosome se fend en long, le nombre » devient
., 21
2n, et chaque cellule fille en reçoit — — », en sorte
que le nombre n’est pas modifié.
On a cru d’abord que, dans la deuxième division
YVES DELAGE — LES THÉORIES DE LA FÉCONDATION
maturative, la division longitudinale était sup-
“primée, et qu'une moilié des chromosomes allait à
chaque cellule fille, en sorte que l'œuf mûr, comme
Je deuxième globule polaire, en recevait seule-
‘à 11
ment 5
—. Mais, en y regardant de près, on a vu que les
f , . 3
“choses sont moins simples. On trouve dans l'ovo-
“cyte de premier ordre le nombre des chromosomes
2 ., .n : 1
“déjà réduit à 5. Mais ces ; Chromosomes sont qua-
A
druples, formant chacun un complexe de 4 chro-
mosomes, dit groupe quaterne. Chaque division
. 11
malturalive respecte le nombre - de ces groupes,
9
= . 2 — n
mais les décompose tous, la première en - groupes
5°
D. n L
« binaires, la seconde en 5 chromosomes simples.
+ La constitulion de ces groupes quaternes, qui est
la clef de la réduction numérique, est encore en-
- tourée de grandes obscurités. Mais ce qu'il y a de
* certain, c’est que le but est atteint : chaque élément
1 : ; : :
sexuel a = chromosomes simples, et l'œuf fécondé
mari j
en a2 —», en sorte que le nombre fixe est con-
Riservé.
Y a-t-il là, comme on le croit, une explication
suffisante de l'existence des divisions maturatives ?
Je ne le crois pas.
… Je ne le crois pas, d'abord, parce que la néces-
» sité d'un nombre fixe de chromosomes n'a rien
- d'impérieux; ensuite, parce que ce nombre n'a pas
besoin d’une opération spéciale pour se maintenir.
+ D'abord, si le nombre » était modifié, rien ne
. prouve que quoi que ce soit d’essenliel serait mo-
. difié dans l’animal.
Ona maintes fois trouvé, à titre d'anomalies, un
- nombre de chromosomes différent de celui qui
. devrait exister. D'autre part, Guignard a donné des
exemples de chromosomes réduits dans des cel-
. lules somatiques chez certaines plantes. Von Wini-
| warter a montré que, chez le lapin, les cellules
sexuelles réduites ayant 12 chromosomes, les cel-
lules somatiques devraient en avoir 24. Or, elles en
out un nombre variable et fort différent, allant de
36 à 80, et en moyenne égal à 42. Et le lapin ne
s'en porte pas plus mal!Il en est de même pour
les variétés hivalens et univalens d'Ascaris mega-
locephala et pour les deux variétés d'Arlemia dé-
crites par Brauer, l'une à &4, l'autre à 168 chro-
mosomes.
D'autre part, j'ai montré, dans des recherches
antérieures, que les embryons mérogoniques de
Strongylocentrotus, provenant de fragments anu-
we]
©?
Zi
HR ï : : 1
cléés d'œufs fécondés possédant en lout = — 9 chro-
mosomes exclusivement paternels, avaient cepen-
dant dans leurs cellules 18 chromosomes.
Boveri, dont cette conclusion ébranle la théorie
de la permanence et de l'individualité de ces élé-
ments, a élevé des objeclions contre sa valeur et
émis l'idée que je pouvais avoir eu affaire à des
individus anormaux. J'ai déjà répondu, ailleurs,
à cette objection, et j'ajouterai ici que J'ai compté
les chromosomes dans lrois cas où j'avais fécondé
les deux moitiés, l’une nucléée, l’autre anueléée,
d'un même œuf, avec le même sperme, dans la
même goutte d'eau, et que, dans ces trois cas, les
chromosomes, comptés dans plusieurs cellules de
chaque embryon, se sont trouvés au nombre de
18, aussi bien dans ceux provenant de la méro-
gonie que dans les normaux.
Mais voici une expérience nouvelle, plus démons-
trative encore, que j'ai faite il v a quelques
semaines au Laboratoire de Roscoff.
À l'aide de procédés analogues à ceux de Locb,
j'ai fait développer parthénogénétiquement des
œufs de Strongylocentrotus et j'ai compté les chro-
mosomes dans les embryons et les larves. Or,
partout j'en ai trouvé 18. Pas une seule cellule ne
m'en à montré 9 seulement. Et ici, comme les em-
bryons s'obliennent par centaines, c'est sur des
centaines que j'ai vérifié le fait.
Ainsi donc, quand un œuf a reçu seulement
= chromosomes, que ceux-ci soient exclusivement
=
paternels (mérogonie), ou exclusivement maternels
(parthénogénèse expérimentale), on retrouve tou-
jours » chromosomes chez l'embryon.
Cela montre : que les chromosomes ne sont pas,
comme le croient Rabl et Boveri, des individualités
permanentes; que leur nombre est une propriété
cellulaire; qu'il se rétablit par autorégulation quand
il a élé modilié; et que, par conséquent, il m'est pas
besoin d'une opération spéciale pour le maintenir.
La prétendue nécessité d’une réduction numé-.
rique ne fournit point une explication suffisante
de l'existence des divisions maturalives.
2. Réduction quantitative. — On admet qu'il
existe, parallèlement à la réduction numérique,
une réduclion quantitative qui serait également de
moitié. Voici comment on raisonne.
Une gonie, au moment de sa naissance, à une
masse de chromatine m. Pendant la période de
repos qui précède une division nouvelle, cette masse
s’accroit et devient 2m, et chaque cellule fille
Me Ne NON
en recoit la moilié, soit le CI sorte que la
quantité ne varie pas. Il en est ainsi jusqu'au cyte
YVES DELAGE — LES THÉORIES DE LA FECONDATION
de premier ordre, lequel, sortant d’une période de
repos au moment où il se divise, attribue de
même » à chacune de ses cellules filles. Mais
celles-ci, les cytes de deuxième ordre, se divisant
sans période de repos préalable, sans avoir eu le
temps de porter » à 2m, lèguent à l'œuf ou à la
- mm s
spermatide seulement -- de chromatine.
Mais toutes ces évaluations sont arbitraires et ne
reposent sur rien de précis. La quantité de chro-
matine que possède une cellule est sujelte à des
variations qui peuvent être considérables, suivant
la consommation qu'elle en fait dans ses opérations
cataboliques et suivant la quantilé qu'elle en recoit
par la nutrition. Les différences individuelles doi-
vent être notables entre les glandes sexuelles des
divers individus, sous le rapport de la quantité de
chromaline contenue dans les éléments germinaux,
en sorte quil est incompréhensible quil faille
toujours réduire cetle quantité de moilié pour
obtenir le taux convenable.
Kulagin (en 1898) a montré que les œufs d'insectes
soumis à un jeûne prolongé n'émettent plus qu'un
globule polaire. Mais il faut un jeûne d'une durée
déterminée, pour obtenir ce résultat. Un insecte qui
a jeûné pas tout à fait assez longtemps pour qu'un
de ses globules polaires soit supprimé a évidem-
ment dans ses cellules germinales moins de chro-
matine que celui qui à recu une alimentation abon-
dante. En émettant ses deux globules, le premier
laisse dans ses œufs mûrs une quantité de chro-
matine cerlainement moindre que le second. Ilest
donc impossible de dire que l'œuf mûr doit con-
tenir une quantité de chromatine fixe, toujours
égale à elle-même et toujours égale à la moitié de
ce que conlient l’ovocyte de premier ordre à l'état
normal.
Puisque des variations élendues dans la quantité
de chromatine sont compatibles avec la fécondation
et le développement, il n'est pas admissible qu'une
opération spéciale soit nécessaire pour réduire cette
quantilé toujours exactement de moilié.
On a des raisons de croire qu'une diminution de
la quantité de chromatine est nécessaire à l'œuf
vierge pour la fécondation ; mais on n’en a aucune
d'admettre qu'il en soit de même pour le sperma-
tozoïde ou pour l'œuf fécondé. Cependant, la réduc-
tion quantitative est la mème pour les éléments
sexuels des deux sexes.
D'autre part, il ne semble pas que la quantité
absolue de chromatine soit le point important dans
la physiologie de la cellule : ce qui entre en jeu,
c'est plutôt la quantité relative, le rapport entre la
quantité de chromatine et celle de cytoplasme.
L'énergie pouvant résulter de l’abondance de la
chromatine (en raison de sa teneur en phosphore)
dépend de la masse de cytoplasme dans laquelle elle
se dépense.
Or, si l’on envisage non plus m, mais le rapport,
In . . = A
7” tout ce que l’on a admis relativement à la réduc
tion quantitative devient inexact.
Premièrement, le rapport est indépendant de
l'existence ou de l'absence d’une période de repos
précédant la division. S'il y a une période de repos,
devient 2e chaque cellule fille recoit :
C [ei
S'il n'y a pas de période de repos, chaque cellule
fille recoit :
Par contre, le rapport dépend de la nature égale
ou inégale de la division. Pour le spermatozoïdes
où les divisions maturatives sont égales, le rapport
In x :
— reste le même que dansle cyte de premier ordre,
c
et ces divisions maluratives ne produisent aucune
réduction relalive. Pour l'œuf, au contraire, ces
divisions sont très inégales; les globules polaires ne.
recoivent qu'une quantité négligeable de cylo-
1/4m
m :
plasme, en sorte que le rapport = devient
Chez l'œuf mur, la réduction relative est non de
moitié, mais des (rois quarts.
D'autre part, le rapport © dépend dela nutrilion,
car, dans la période de repos précédant la division, …
m et « peuvent s'accroitre inégalement.
Or, c'est précisément ce qui a lieu, pour l'œuf en
particulier. Dans la multiplication des ovogonies, le.
m ; : d
rapport 7e augmente progressivement. Mais quand
vient l’accroissement de l’ovocyte de premier ordre,
il diminue considérablement, car le noyau s'accroît M
beaucoup moins que le cyloplasme, et, en outre, son
accroissement est dù, pour la plus grande partie, au
suc nucléaire; en sorte que la réduction délinitive,
sans pouvoir être évaluée exactement, est certaine-
ment, par rapport aux dernières ovogonies, très
supérieure aux 3/4, égale peut-être aux 9/10.
Chez le mâle, au contraire, non seulement les …
divisions réductrices ne font pas fléchir la masse
relative de chromatine, puisqu'elles sont égales,
mais, dans l'accroissement du spermatocyte de pre-
mier ordre, le cytoplasme se développe beaucoup
moins que dans l'œuf; et surtout, dans la transfor-
YVES DELAGE — LES THÉORIES DE LA FÉCONDATION
mation de la spermalide en spermatozoïde, la
presque totalité du cytoplasme passe dans la queue,
et il n’en reste que très peu dans la tête, qui seule
sera utilisée dans la fécondation; en sorte que,
“finalement, pour le spermatozoide, il n'y a point
réduction quantitative relative, mais au contraire
“augmentation chromalique ou, si l'on veut, réduc-
—… Lion cyloplasmique.
—._ Ensomme,laréduction quantitative relative étant
… a seule importante au point de vue fonctionnel,
cette réduction manquant chez le spermatozoïde et
se produisant chez l'œuf, en parlie indépendamment
. des divisions maturatives, en parlie parsuite d'une
particularité de ces divisions spéciale à l'œuf et
manquant chez le spermatozoïde, on ne peut
admettre que ces divisions maturatives, envisagées
» dans leur ensemble, soient suflisamment expliquées
par la nécessité de la réduction quantitative.
Û
3. Réduction qualitative. — La notion d'uncréduc-
tion qualitative tire son origine de ce fait que les
globules polaires, qui sont pour l'œuf un des pro-
duits des divisions maturatives, ne sontpas utilisés
dans le développement de l'embryon, d'où le nom
de corpuscules de rebut qui leur a été donné.
Diverses explications de l’utililé de cette réduc-
tion ont été proposées, mais aucune n’est pleine-
ment satisfaisante. Voici les principales :
a) Elle a pour but d'enlever à l'œuf la chroma-
line d'origine paternelle, au spermatozoïde celle
d'origine maternelle pour développer en eux leur
polarité sexuelle propre. De graves objections se
dressent contre celle conception.
D'abord, elle ne repose sur aucune observation
positive. On a vu parfois leschromosomes paternels
et maternels rester distincts dans l'œuf fécondé,
mais on n'a jamais pu les dislinguer dans l'œuf de
la généralion suivante. En outre, Weismann a fait
remarquer que l'élimination des chromosomes du
sexe opposé se concilie mal avec le fait que chaque
conjoint peut transmettre au produit les caractères
hérédilaires particuliers de la lignée ancestrale du
sexe opposé. Enfin, Francotte à vu, chez une Pla-
naire, un globule polaire, particulièrement gros,
être fécondé tout comme un œuf normal.
b) Elle a pour but d'éliminer des substances inhi-
bitrices de la fécondalion et du développement.
L'observation ci-dessus de Francotte va à l’en-
contre de cette idée. Chez les Conjuguées, la réduc-
lion ne s'opère qu'après la conjugaison, pendant la
division du zygote. Enfin et surtout, chez le mâle,
les quatre produits de la réduction sont également
fonctionnels.
c) Elle a pour but d'éliminer une partie des
plasmas ancestraux pour élargir la gamme des
variations individuelles (Weismann).
869
Il serait trop long de discuter ici cette question.
Je l'ai fait ailleurs et me contenterai de faire remar-
quer que cette opinion est entièrement hypothé-
tique.
Ainsi, rien ne démontre la nécessité où méme
l'utilité d'une réduction qualitative.
La réalité de son existence semble appuyée
sur une observation histologique. Voici le fait :
Tandis que dans toutes les autres divisions indi-
rectes, quelles qu’elles soient, les chromosomes des
cellulestilles proviennent deladivision longitudinale
de ceux de la cellule mère, dans une des divisions
maturatives, ils proviennent de leur division lrans-
versale. Or, il semble, au premier abord, naturel de
penser que la division longitudinale est une pré-
caution spéciale prise pour éviler loute différence
qualilative entre les deux moiliés, et que, par con-
séquent, la division transversale comporte une dif-
férence de cetle nature.
Chez quelques animaux, cependant, celle divi-
sion transversale semble manquer (Ascaris, divers
Vertébrés). Aussi s’est-on donné beaucoup de mal
pour la retrouver chez eux. Sabachnikov (en 1897),
chez l'Ascaris, Montgommery (en 1901) chez les
Vertébrés, y sont à peu près arrivés. Ce dernier a
montré que les deux moiliés du chromosome, dans
l'une des divisions longitudinales, ne sont pas les
deux parts d'un même chromosome, mais repré-
sentent deux chromosomes dislinels, momentané-
ment rapprochés dans une sorte de copulation.
Ainsi, les divisions maturatives auraient pour but
de produire une réduction qualitative, et ce qu'il
y à de tout à fait spécial dans ces divisions, c'est-
à-dire l'intervention d'une division transversale,
serait en rapport avec cette réduction qualitative
et destiné à la produire.
Je ferai remarquer d'abord que toute cette con-
ceplion repose sur l’idée que la constitution des
chromosomes varie dans le sens de la longueur et
ne varie pas dans le sens de l'épaisseur. Or, c'est
‘là une pure hypothèse, qui n'a d'autre fondement
qu'une grossière assimilation des chromosomes
avec des objets de toute autre nature, comme une
canne, une épée, un porle-plume, ou encore une
branche d'arbre ou le corps d'une anguille.
Tout fin quil est, par rapport à nous, le chro-
mosome peut fort bien présenter des différences de
structure dans le sens de l'épaisseur. Même s'il est
formé d'une simple file de mierosomes, il peut en
être de même; car ces microsomes, si pelits par
rapport à nous, sont sans doule, par rapport aux
particules élémentaires qui les constiluent, des
microcosmes, où des différences de structure très
notables peuvent trouver place. Inversement, au-
cune constatation positive ne permet d'affirmer que
les microsomes soient qualilalivement différents
810
YVES DELAGE — LES THÉORIES DE LA FÉCONDATION
les uns des autres, ni que le filament chromatique
présente dans sa longueur des différences essen-
tielles de constitution.
Rien done ne nous autorise à dire que le chro-
mosome est homogène en épaisseur, ni hétérogène
en longueur. Je dirai même que, selon toute pro-
babilité, c'est le contraire qui est vrai. Et j'en don-
nerai deux raisons :
ä) Quand le filament chromatique se fend en
long, ses deux moiliés commencent à s'écarter
l’une de l’autre, avant qu'aucun filament achroma-
tique capable (si lantest qu’ils le soient jamais) de
les tirer se soit formé et fixé sur eux. Ce qui les
écarte ne peut donc être qu'une force répulsive ;
et une force de ce genre ne peut se développer
entre eux que s'ils présentent une différence de
quelque nature. Les deux moitiés d’un tout homo-
gène ne sauraient se repousser.
D) Dans l’évolulion ontogénétique, toutes les di-
visions indirectes sans exceplion se font avec divi-
sion longiludinale des chromosomes, et cependant
elles marchent de pair avec la différenciation pro-
gressive des éléments. L'idée que cette différencia-
tion serait due tout entière à la place des cellules
dans le complexe embryonnaire (0. Herlwig) n'est
pas admissible : l'effet est hors de proportion avec
la cause, surtout pour les cellules très voisines que
l’on voit subir des différenciations opposées. L'ob-
servalion embryogénique démontre que les deux
cellules filles d’une mème cellule mère peuvent
recevoir à leur naissance des aptitudes évolutives
différentes, malgré la division longitudinale des
chromosomes. Rien donc n'empêche qu'il en soit
de même pour les divisions maturatives.
Il résulte de là que, s’il existe vraiment une ré-
duction qualitative, elle n'est point liée à la division
transversale des chromosomes qui se présente dans
les divisions maluratives ; et que, par conséquent,
ce qu'il y a de spécial, de caractéristique chez
celles-ci n'est pas expliqué par la nécessité d’une
réduction qualitative.
Ainsi, ni la réduction numérique, ni la réduction
quantitative, ni la réduction qualitative ne rendent
compte suffisamment des divisions maturatives et
de ce qu'elles présentent de particulier.
Et cependant, leur nécessité est absolue.
Jamais on n'a vu un ovocyte de premier ordre
accepter la fécondalion el se développer. Jamais on
n'a vu de spermatide féconder un œuf mûr. Mais la
cause de cette nécessité nous échappe encore. Elle
réside peut-être dans des phénomènes physico-
chimiques, connexes des phénomènes morpholo-
giques de la réduction chromatique, mais indépen-
dants de ceux-ci !.
! Ivanzov (en 1897) a émis l'idée que l'œuf non mür, muni
4. La fécondation. — Avant d'aborder l'examen de
l'interprétalion des phénomènes que comporte la
fécondalion, il importe de préciser une distinction
que j'ai établie dès mon premier travail sur la
mérogonie et qui me parait avoir une imporlance
capitale. *
La fécondation a un double but : 1° mellre l'œuf
mûr en état de se développer et de former un être
nouveau, c'est-à-dire déterminer l’'embryogénèse;
2° donner à cet être nouveau deux parents (au lieu
d'un seul, comme dans la reproduction agame ou
la parthénogénèse), c'est-à-dire introduire dans
son évolution l’amphimixie, avec les avantages
d'une double lignée ancestrale.
Embryogénèse et amphimixie sont deux choses
qu'il faut absolument distinguer, si l’on veut acqué-
rir des idées justes sur la fécondation et le déve-
loppement.
Dans la fécondation normale, les deux buts sont
atteints à la fois, et l’on ne voit pas, au premier
coup d’æil, ce qui, dans les phénomènes qui la
constituent, appartient au déterminisme de l'em-
bryogénèse et à celui de l'amphimixie.
La tête du spermatozoïde contenant le noyau
avec un peu de cytoplasme, et le segment intermé-"
diaire, formé principalemant du spermocentre et
d'un peu de cinoplasme actif, entrent dans i'œuf
formé d'un -cytoplasme riche en réserves, conle- «
nant le noyau réduit avec un ovocentre et un
cinoplasme sinon atrophié, du moins en état d'inhi-
bition fonctionnelle. Les aovaux se fusionnent; le
spermocentre et le cinoplasme ambiant, unis peut-
être au cinoplasme engourdi de l'œuf, forment l'ap-
pareil de division de l'œuf fécondé.
Qu'est-ce qui, dans tout cela, est nécessaire à
l'embryogénèse ? Qu'est-ce qui est relatif à l'am-
phimixie?
Pour le déterminer, il faut séparer les deux phé-
nomènes.
IL est à priori impossible d'obtenir une ampbi-
mixie sans embryogénèse!; mais on peut obtenir
une embryogénèse sans amphimixie ou avec une
amphimixie réduite.
On y arrive, d'une part, au moyen de la parthé-
d'un noyau puissant, digérerait les spermatozoïdes, et qu'il
réduisait son noyau pour se meltre hors d'état de les digérer
et pour se reudre apte à subir la fécondation. Les observa-,
tions de spermatozoïdes pénétrant dans l'œuf non mûr et y
attendant la maturation pour jouer leur rôle vont à l’en-
contre de cette idée, et son inexactitude est démontrée par
le fait que les fragments anucléés d'œufs non mürs sont
inaptes à la mérogonie.
1 Lœb a cependant suggéré l'idée de faire pénétrer le
spermatozoïide dans l'œuf d'un animal appartenant à une
espèce trop éloignée pour que la fécondation soit possible,
et de faire développer cet œuf par les procédés de la par-
thénogénèse expérimentale. Mais rien ne dit que l'expérience
réussirait et que le spermatozoïde ne resterait pas duns le
cytoplasme comme un corps étranger inerte.
YVES DELAGE — LES THÉORIES DE LA FÉCONDATION
811
» nogénèse expérimentale, de Vautre au moyen de la
mérogonie.
. Ces deux modes d'investigation von! nous mon-
“rer que les phénomènes morphologiques de la
fécondation, en parliculier la copulalion nucléaire,
Sont relatifs essentiellement à l’amphimixie et que
l’'embryogénèse dépend de phénomènes physico-
- chimiques concomitants, encore peu étudiés.
Cela nous amène à la troisième et dernière partie
de cette étude, celle qui est relative à l'examen de
la fécondation au point de vue physico-chimique.
ILI. — LES PHÉNOMÈNES PHYSICO-CHIMIQUES
DE LA FÉCONDATION.
C'est, avons-nous dit, à la mérogonie et à la par-
thénogénèse expérimentale que nous devons le
moyen de séparer ce qui, dans la fécondation, ap-
partient à l'embryogénèse etce qui estrelatif à l'am-
phimixie.
1. Mérogonie. — Je passerai rapidement sur la
mérogonie, el, des conclusions développées dans
mon Mémoire, reliendrai seulement ceci : c'est que
la copulation nucléaire n'est pas nécessaire à lem-
bryogénèse, puisqu'ici nous obtenons un embryon
sans intervention d'un noyau femelle. Elle nous
montre aussi que ce qui peut rester dans l'œuf de
l’ovocentre et du cinoplasme qui l'entoure n'est
pas nécessaire non plus. Mais elle ne nous dit pas
si l'union du cytoplasme ovulaire avec le noyau
et le spermocentre mäles ne suffit pas à déter-
miner un cerlain degré d'amphimixie, les expé-
riences de Boveri n'élant pas suffisamment dé-
monstralives à cet égard.
2. Partheénogénèse expérimentale. — La parthé-
nogénèse expérimentale a ici un intérêt tout spécial,
parce qu'elle nous montre une embryogénèse sans
trace d'amphimixie.
Lorsqu'on la compare à la fécondation normale
chez la même espèce animale, on voit que :
Fécondation — embryogénèse + amphimixie,
Parthénogénèse — embryogénèse;
et l’on est autorisé à penser que l'embryogénèse
est, sinon identique, du moins très semblable dans
l'un et l’autre processus, en sorte que le délermi-
nisme de la parthénogénèse expérimentale éclaire
celui de l'embryogénèse dans la fécondation.
Examinons donc le déterminisme de la parthé-
xogénèse expérimentale.
Avant Loeb, on avait fait déjà quelques essais
_ dans ce sens, mais on sait que c'est lui surtout qui
a contribué à la faire connaître.
Son procédé est bien connu : il place des œufs
murs et vierges dans des solutions de sels alcalins
KCI, NaCI, MgCP, puis les reporte dans l’eau de
mer, où ils se développent sans avoir été fécondés.
Ainsi que cela arrive souvent, ces expériences
n'ont pas donné d'emblée leur résultat définitif et
leur auteur a plusieurs fois varié dans ses inter-
prétations.
a) Au début, il à cru à une action exclusive des
ions mélalliques, etémis l'idée que c'était en appor-
tant ces ions à l'œuf que le spermatozoïde déter-
minait l'embryogénèse. L’essence de la fécondation,
nous dirons, nous, celle de l'embryogénése, eût été :
l'apport à l'œuf d'ions particuliers auxquels Je
spermalozoide sert de véhicule.
Diverses objections ont été élevées par d’autres
et par moi-même contre celte interprélation, à
laquelle le coup de gràce a été donné par mon fils
ct moi lorsque nous avons moniré que, /andis que
MgCE détermine la parthénogénèse chez loursin,
la proportion de Mg est moindre d'environ 4°},
dans le sperme que dans les œufs de cet animal.
D) Mais, dès avant que ce résultat eût été publié,
Lœb avait modifié sa manière de voir et admis,
conformément aux idées de Bataillon, que les solu-
tions salines agissent, non par la spécificité de leurs
ions métalliques, mais par leur pression osmolique,
en soustrayant de l’eau à l'œuf. On peut dès lors
se demander si, dans la fécondalion normale, le
déterminisme de l'embryogénèse ne réside pas
dans une souslraclion d'eau opérée sur l'œuf par
le spermatozoïde.
L'analyse des phénomènes semble confirmer
cette vue. Le pronucléus màle, à son entrée dans
l'œuf, est considérablement plus petit que le pro-
nucléus femelle, puisqu'il n’est autre chose que la
tête du spermatozoïde. Mais, pendant son court
voyage à travers le cyloplasme, il se gonfle consi-
dérablement et devient égal au pronueléus femelle.
Pour cela, il se charge d'eau qu'il emprunte au
cytoplasma ambiant; il déshydrate done celui-ci,
toutcomme ferait une solution hypertonique. li est
donc possible que ce soit là un facteur important et
même suffisant du déterminisme de l'embryogé-
nèse conséculive à la fécondation.
Réciproquement, il semble que l’eau du cyto-
plasme soit indispensable au pronucléus mäle pour
son évolution dans l'œuf et que le cytoplasme se
charge d'eau spécialement pour ce but.
J'ai fait à Roscoff, il y a quelques semaines, une
série d'expériences, encore inédites, qui sont très
suggestives à cet égard”.
On se rappelle peut-être que j'ai fait connaitre,
dans un travail récent, l'existence d'une maturation
1 Elles seront publiées dans le prochain numéro des Ar-
chives de Zoologie expérimentale.
812
YVES DELAGE — LES THÉORIES DE LA FÉCONDATION
cytoplasmique. J'ai montré qu'un fragment anueléé
d'ovocyte de premier ordre, mis en présence du
sperme, est absolument rebelle à l'embryogénèse,
tandis qu'un fragment anucléé d'œuf mûr se prêle
aisément à la mérogonie. Dans ces nouvelles expé-
riences, j'ai serré de plus près la question et
montré ceci :
Chez Asterias glacialis, quel que soit le degré de
maturité générale de la glande sexuelle, jamais
l'œuf n'est mûr dans l'ovaire. Il y reste indéfini-
ment à l'état d'ovocyte de premier ordre, muni de sa
vésicule germinalive. Placé dans l’eau de mer, il y
entre aussilôt en maturalion et, en une heure ou
deux, émet ses deux globules. Quand on suit le
phénomène, on voit la vésicule germinalrice
d'abord intacte, lurgide, bien sphérique, à mem-
brane parfaitement lendue. Puis, au bout de
quelques minutes, on la voit s’affaisser peu à peu,
perdre sa lurgescence, se froisser; sa membrane,
si évidente, s'estompe et bientôt disparait; souvent,
des traînées claires divergentes montrent que le
suc nucléaire se répand dans le cytoplasme dès que
la barrière qui le maintenait, la membrane nu-
cléaire, a élé forcée.
ER bien, tant que la vésicule est turgide, tant que
le suc nucléaire ne s'est pas répandu dans le cyto-
plasme, la fécondation des fragments anueléés est
absolument impossible; dès que la vésicule a pris
l'aspect froissé et les bords estompés, indices de
la diffusion du suc nucléaire dans le cytoplasme,
la fécondation mérogonique se fait avec la plus
grande facilité. Et pourtant, à ce moment, non seu-
lement il n'y a pas trace de globule polaire, mais
rien n'est accompli encore des phénomènes qui
caractérisent la réduction chromalique.
De là nous pouvons conclure :
1° Que la réduction chromatique de l'œuf n'est
pas nécessaire à l'embryogénèse et n'est utile qu'à
l'amphimixie ;
2 Que la pénétration du suc nucléaire dans le
cytoplasme est nécessaire, peut-être pour empé-
cher l'œuf de se développer parlhénogénétique-
ment, sürement pour fournir au pronucléus mäle
l'eau nécessaire à son évolution dans l'œuf;
3° Que Ja délinition différentielle des produits
sexuels doit étre complétée de la facon suivante :
spermalozoide petit, mobile, sans réserves, PAUVRE
EN EAU; œuf gros, immobile, riche en réserves,
RICHE EN EAU ;
4° Que, dans la fécondation normale, au nombre
des causes délerminantes de Tembryogénèse, on
peut compter la soustraction d'eau au cytoplasme
par le pronucléus mile, qui l'absorbe, s'en imbibe,
déshydrate le cytoplasme et, par là, communique à
l'œuf l'aptitude à se segmenter.
Je ferai remarquer cependant que nous ne sa-
vons pas la composition du suc nucléaire et que,
outre l’eau, il peut fournir au cytoplasme des subs-
tances diverses : sels, ions mélalliques, gaz dis-
sous, ferments spécifiques, ele., ete.
Les dernières expériences de Lœb, celles qui
ont porté sur le Chætopterus, ont montré que la
soustraction d'eau n'était pas le facteur unique de
la parthénogénèse expérimentale. Il a pu, en effet,
obtenir celle-ci avec des solutions de KCI hypoto-
niques par rapport à l’eau de mer; et il en revient
à l’idée d'une action spécifique des sels, mais com-
prise autrement qu'au début : ce serait une action
catalytique, accélératrice du développement. L'œuf
aurait une tendance naturelle au développement
parthénogénétique; mais, dans les conditions nor-
males, son évolution serait si lente qu'il mourrait
avant d'avoir pu entrer en développement; en
accélérant le processus, les calalyseurs lui per-
mettraient d'atteindre avant de mourir un stade
assez avancé pour qu'il puisse continuer ensuite à
évoluer par ses propres forces.
Mes récentes expériences sur l’Asferias confir-
ment la notion d'une action spécifique des solu-
tions salines et montrent que cette action est beau-
coup plus considérable qu'on ne croyait.
On sait le rôle singulier que Bertrand a assigné
au manganèse comme vecteur de l'oxygène dans
les ferments oxydants. Guidé par certaines induc-
tions théoriques fondées sur ce rôle du manganèse,
j'ai essayé dans la parthénogénèse le chlorure de
ce métal, et J'ai reconnu que AnCP à une action
spécilique très supérieure à celle des sels alcalins,
et qu'il détermine le développement dans des con-
ditions où ces derniers se montrent inaclifs.
J'ai trouvé aussi qu'un simple agent physique, la
chaleur, peut déterminer la parthénogénèse, à la
condition qu'on l’applique d’une manière particu-
lière, en immergeant les œufs brusquement dans
l'eau de mer entre 30 et 35°.
J'ai reconnu que les actions des différents agents
s'ajoutent en général (chaleur, action spécifique
des sels, hypertonicilé, acidification très légère par
HCI°,“etc.):
Enfin, j'ai constaté que tous ces agents ont,
chez l'Asterias, une efficacité toute particulière
quand on les applique au moment précis où la
mérogonie devient possible, à ce stade où le suc
nucléaire se répand dans le cyloplasme, véritable
stade crilique, où l'œuf se montre particulièrement
sensible aux influences capables de déterminer son
évolution.
Il résulte de là que, outre la pression osmotique,
des agents variés sont capables de déterminer la
parthénogénèse, et je comprends leur action d’une
autre manière que Lœæb. Pour moi, l'œuf vierge est
dans un état d'équilibre instable. Sans aide, et dans
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Fi
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i
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YVES DELAGE — LES THÉORIES DE LA FÉCONDATION
813
les conditions normales, il est incapable de se dé-
velopper; mais il lui manque peu de chose pour
qu'il puisse entrer en évolution, et ce quelque chose
n'a rien de spécifique. Les excitants les plus variés
peuvent le lui fournir : il suffit, pour qu'il se déve-
loppe, de rendre plus excitant le milieu où il vit. Il
répond aux excitalions appropriées, quelle que soit
leur nature, en faisant ce qu'il sait faire, se seg-
menter; comme la rétine répond aux excitations
qu'elle recoit, mécaniques, physiques ou chimi-
ques, en donnant ce qu'elle sait donner, la sensation
. Jumineuse. On peut aussi le rendre lui-même plus
excitable, en substituant à son noyau et à son
appareil ovocentrique inertes un appareil nucléaire
et spermocentrique plus excitable : c'est ce qu'on
fait dans la mérogonie.
De tous ces moyens de déterminer l'embryo-
génèse dans la parthénogénèse expérimentale,
quel est celui qu'emploie le spermatozoïde dans la
fécondalion normale ?
Nous sommes encore hors d'état de le dire d’une
manière précise, mais nous possédons déjà quel-
ques indications.
Nous savons, de par les expériences de mérogonie,
que le noyau mixte de l'œuf fécondé et son
appareil centrique sont plus excitables que les
organes similaires de l'œuf vierge; les expériences
que j'ai faites avec mon fils montrent qu'un apport
d'ions de magnésium par le spermatozoïde ne peut
être mis en cause; nous venons de voir que la
soustraclion d'eau au cytoplasme par le pronueléus
mäle très pauvre en eau est capable de jouer un
rôle important ; enfin, ilest possible qu'intervienne
l'apport par le spermatozoïde de ferments spéci-
fiques, comme les expériences de Pieri (en 1899) et
ceiles plus précises de Winckler (en 1900)
semblent l'indiquer.
C'est vers la solution de ce problème que doivent
tendre nos recherches relatives à la fécondation.
IV. — ConNcLuUSsIONS.
Nous pouvons résumer en quelques proposilions
les conclusions principales de cetle étude.
1° Une série assez complète de transitions relie
la fécondation à la reproduction agame ; mais cela
ne nous permet pas d'affirmer que la phylogénèse
de la fécondation s’est opérée suivant celle série.
On ne sait rien de posilif sur l'introduction de la
réduction chromalique dans le cycle de la fécon-
dation.
2° Les divisions maturatives des éléments sexuels
doivent avoir une raison d’être importante et
générale ; mais cette raison n’est pas tout entière
contenue dans la réduction chromatique : la réduc-
tion numérique n'a pas besoin, pour s'opérer, d'une
opération spéciale ; la réduction quantitative
relative, la seule à considérer, n'a pas lieu pour le
spermalozoïde (où elle est remplacée par une opéra-
tion inverse); elle a lieu pour l'œuf, mais indépen-
damment des phénomènes chromatiques des
divisions maturatives ; la réduclion qualilalive n'a
pas lieu pour le spermatozoïde, elle n'est pas
démontrée pour l'œuf, et rien n'indique, si elle
avait lieu, qu'elle dépendrait de la division trans-
versale, qui constitue le caractère le plus saillant
des divisions réductrices. IL doit donc y avoir, der-
rière les phénomèmes morphologiques de la réduc-
tion chromatique, des phénomènes physico-chi-
miques qui restent à étudier.
3° Concurremment à la maturation nucléaire, il
existe une maturation cyloplasmique, qui paraît
consister dans la diffusion du suc nucléaire dans
le cytoplasme à la suite de la destruclion de la
membrane de la vésicule germinative. Cette hydra-
tation semble avoir pour effet : a) d’empêcher l'œuf
de se développer parthénogénétiquement; b) de per-
meltre la fécondation en fournissant au pronu-
cléus mâle l'eau dont il a besoin. Réciproquement,
le pronucléus mâle, en s'imbibant de l’eau du cylo-
plasme, déshydrate celui-ci et le place dans Ja
condition requise pour le développement ultérieur.
41] ya lieu d'ajouter à la caractéristique différen-
tielle des éléments sexuels la richesse en eau pour
l'œuf, la pauvreté en eau pour le spermatozoïde, et à
la caractéristique de la fécondation le déplacement
d'une cerlaine quantité d'eau qui, venant de la
vésicule germinative, dont elle constitue le suc
nucléaire, diffuse dans le cytoplasme auquel le
pronucléus mâle l'emprunte pour s'hydrater, en
même Lemps qu'il déshydrate le cytoplasme.
5° Il convient de distinguer dans la fécondation
normale deux opérations absolument différentes et
séparables : l’embryogénèse ou formation
embryon, et l’amphimixie ou participation de deux
parents a la formation de cet embryon.
6° Le déterminisme de l'embryogénèse et celui
de l'amphimixie sont essentiellement différents.
C'est à cette dernière, presque exclusivement,
qu'appartiennent les phénomèmes morphologiques
qui ont surtout fixé l'attention.
1° La mérogonie et la parthénogénèse expérimen-
tale démontrent que la copulation nucléaire et les
phénomènes morphologiques qui l'accompagnent
ne sont point nécessaires à l'embryogénèse. Les
facteurs de cette dernière ne sont point spécifiques.
Elle peut être déterminée par des excitants de
nature très variée, physiques, chimiques et biologi-
ques. Il reste à déterminer lesquels, parmi les
nombreux exeitants possibles, interviennent effec-
livement dans la fécondation normale : un apport
d'ions métalliques par le spermatozoïde semble peu
d'un
814
GERVAIS-COURTELLEMONT — LA FRANCE EN AFRIQUE
probable, l'intervention d'une série d'hydralations
et de déshydralalions par un déplacement d’eau
est à peu près démontrée, celle d'un apport de fer-
d'être recherchée avec
ments spécifiques mérite
Soin.
Telles sont, Mesdames el Messieurs, les quelques
idées que j'ai cru devoir vous soumettre dans cet
entretien.
La brièveté du (temps qui m'étail accordé ne m'a
pas toujours permis de prendre toutes les précau-
nécessaires quand on présente,
comrne je l'ai fait, des conceplions passablement
révolutionnaires, de faire les réserves et les res-
trictions qui eussent convenu. Je n’ignore point les
grosses objeclions que l’on peut faire à cerlaines
de mes théories. Ce n’est pas ici le lieu de les dis-
cuter.
tions oratoires
Même si je ne suis point parvenu à vous con-
vaincre que tous les opinions développées ici sont
justes, je serai cependant salisfait si j'ai pu atlireru
votre atlenlion sur quelques points trop négligés,
jeter dans votre esprit quelques doutes touchant
la valeur de certaines explications trop facilement
acceptées, provoquer des expériences pour con-
trôler mes vues; mais surtout si j'ai réussi, car
c'était là principalement le but de ce plaidoyer, à
vous convaincre que l'on consacre trop de temps à
l'observation €es phénomènes morphologiques,
et que l’on ferait faire de plus grands progrès à nos
connaissances biologiques, si l'on se préoccupait
davantage de rechercher les condilions physico-
chimiques des phénomènes biologiques, car c'est
en elles qui résident eurs causes actuelles.
Yves Delage,
Professeur à la Faculté des Sciences de Paris.
LA FRANCE
Pour s'exercer utilement, l'action coloniale de la
France ne devrait pas s’éparpiller sur toute la sur-
face du globe. Et c'est là, cependant, une tendance
fâächeuse de notre époque, dont les conséquences
peuvent nous être funestes.
Noire domaine colonial, aujourd'hui quinze fois
grand comme la France continentale, est disséminé
un peu partout dans le monde.Tel qu'il est,ilexcède
déjà, pour le présent au moins, nos facullés coloni-
satrices; et, cependant, nous révons encore d’an-
nexions nouvelles! Cela tient à ce que nous n'avons
pas l'habitude d'examiner la question colonialé dans
son ensemble, nous contentant de considérer sépa-
rément chaque colonie en particulier.
Tout nous y porte, d’ailleurs. D'abord, l'émiel-
tement de notre adminisl coloniale en
plusieurs ministères : Intérieur pour lAlgérie,
rattachée à la France; Affaires étrangères pour
la Tunisie, pays de protectorat; et Colonies pour
les autres; sans parler des questions spéciales
traitées encore par d’autres ministères : Guerre,
Marine, Travaux publics, Agriculture, etc. Ensuite,
la pénurie d'hommes connaissant toutes les colo-
et la difficulté d’embrasser un aussi vaste
champ.
Aussi, en résulle-l-il un manque absolu d'unité
de vues; aucune tradilion n'est suivie, pas le
moindre esprit de suile ne nous dirige. Partout
on peut voir des institutions précaires, modifiées
au jour le jour, au caprice des tiraillements de
l'opinion publique locale ou de la politique inté-
rieure de la Métropole.
‘ation
nies
EN AFRIQUE
L'étude de l’ensemble de notre France extérieure,
comprenant toules nos possessions d'outre-mer, —
car il serait puéril d'objecler que l'Algérie et la
Tunisie ne sont pas des colonies el ce serait
vraiment jouer sur les mots, — ne tente, à la
vérité, personne, el chacun prélère se consacrer
à une colonie ou, tout au plus, à un groupe de
colonies, comme c'est le cas au Pavillon de Flore.
Qui le ferait avec autorité et efficacité, d'ailleurs?
Le ministre des Colonies? Mais nous avons dit
que l'Algérie et la Tunisie lui échappaient totale-
ment. Le président du Conseil? Nous savons
tous que les absorbanles préoccupations de la
polilique intérieure ne lui en laissent pas le loisir,
et l’on peut en dire autant du Président de la
République et du Conseil des ministres.
En réalité, il n y a aucune centralisation, aucune
direction. A la tête de chaque colonie, sont placés
de hauts fonctionnaires, Gouverneurs ou Résidents,
animés du plus grand désir de bien faire et qui,
sachant la Métropole fort insoucieuse à l'égard de
ses possessions coloniales, s'efforcent d'altirer son
attention et de gagner ses sympathies au profit dela
colonie qu'ils administrent. D'une facon générale, il
leur est plutôt désagréable de s'abstraire de cette
préoccupation, fort légitime d’ailleurs, pour essayer
de déterminer dans quelle mesure il conviendrait
d'envisager l'importance relative de leur colonie.
Certains croiraient mème, en le faisant, sortir de
leur rôle où manquer à leur devoir.
Aussi, assistons-nous à des revirements M con-
tinuels dans les sentiments de popularité dont
GERVAIS-COURTELLEMONT — LA FRANCE EN AFRIQUE
875
&
f
É
jouissent successivement nos diverses possessions,
En la popularité que leurs Gouverneurs ont su
“acquérir. Les uns ont alteint ce but par leur
“ascendant personnel, par la sympathie qu'ils
avaient inspirer à tous, tel le général Gallieni;
les autres, par leur facilité à fermer les yeux
sur beaucoup de choses et à prendre des initia-
lives. hardies, tel M. de Lanessan; d'autres,
enfin, par le grand crédit politique dont ils jouis-
Sent au Parlement, tel M. Doumer. Tous ont con-
tibué, à leur facon, au développement et à la
mais, il faut bien le dire, trop souvent au détriment
d'autres possessions momentanément placées en
des mains plus faibles ou moins habiles.
Ainsi, notre France extérieure, nôtre France
coloniale, marche à l'aventure, un peu par la
vitesse acquise et au hasard des circonstances,
beaucoup par les impulsions diverses qu'elle reçoit.
Mais pas une ligne directrice ne gouverne ses
“destinées. C'est ce qui explique, sans la justifier,
la défaveur dont souffre actuellement notre Afrique
francaise, alors que ses rivales, Madagascar et
l'Indo-Chine, sont relativement si populaires.
Et, cependant, comparativement à nosautres colo-
mies, dispersées sur le globe et, quelquefois, comme
“perdues au delà des océans, isolées de la Métropole
télégraphiquement et militairement, que d'avan-
tages ne nous offre-t-elle pas?
Elle forme un tout, un ensemble complet,
depuis les dernières conventions avec l'Alle-
magne et l'Angleterre. Et lorsque le Maroc, —
qui, tôtou tard, par la force des choses, tombera
entre nos mains Comme un fruit mûr, — viendra
s'ajouter à la Tunisie et à l'Algérie, ce sera, avec
nos autres colonies africaines, presque le tiers
d'un continent que la Destinée aura placé sous
notre domination.
> M'avancé-je trop en considérant la question du
Maroc si facilement résolue à notre avantage? Je
ne le crois pas, si nous savons nous maintenir à
notre rang de grande Puissance et si nous savons
profiler des fautes ou des faiblesses de nos rivaux
d'outre-Manche. Certes, au lendemain de .Ladys-
mith, au moment des événements d'Insallah,
l'occasion s'offrait belle pour nous et, peut-être,
“avons-nous eu tort de la laisser passer. D'autant
“plus qu'avec quelques concessions habilement
faites aux Allemands en Chine, nous aurions faci-
lement obtenu leur acquiescement. Mais il ne
“faut désespérer de rien el une occasion nouvelle
peut se présenter demain. Appliquons-nous, en
attendant, par une sage politique musulmane en
Algérie el en Tunisie, à nous concilier les esprits
des gens du Maroc. Déjà, la classe bourgeoise de
ce pays est lasse de l’anarchie qui y règne.
L'exemple de la Tunisie, heureuse et prospère,
peut les décider à nous accepter presque comme
des libérateurs.
Au sud du Maroc, s'étend le pays des Maures, où
la pénétration européenne a élé presque nulle
jusqu'à nos jours. On se souvient des difficultés
rencontrées récemment par la Mission du Malin,
confiée à la direction de M. Blanchet. Mais, quoique
ces pays paraissent n’offrir.que bien peu de res-
sources, il serait néanmoins utile de les étudier
plus complètement, surtout au point de vue géolo-
gique, et de ne pas laisser inachevée lœuvre
commencée par Blanchet.
Puis, viennent nos possessions du Sénégal,
Fouta-Djallon, Guinée francaise, Côte d'Ivoire et
Pahomey, le Soudan et, enfin le Congo, qui sy
rattache par le Chari et le lac Tchad.
Toutes ces possessions constituent un immense
domaine, presque d'un seu] lenant, comportant
bien quelques enclaves, colonies portugaises, an-
glaises et allemandes, mais formant néanmoins un
véritable empire dont la possession n'est certes
pas à dédaigner.
Dans un précédent article’, j'ai brièvement exposé
la situation favorisée quinousélait faite en Extrème-
Orient par la possession de l’Indo-Chine française.
Mais, combien celte colonie n'est-elle pas éloignée
de la mère patrie; combien, en cas de conflit euro-
péen, ne s'en trouverait-elle pas isolée !
Et, qu'on n'oublie pas que la perle des grands
empires à toujours eu pour cause leur dispersion
etleur manque d'homogénéité. D'autre part, jamais
le Francais ne s'acclimatera véritablement dans
celle presqu'ile indo-chinoise, jamais il n'y fera
souche. D'ailleurs, la place est prise : le pays est
très peuplé, les Jaunes sont là chez eux, dans leur
élément, très différents de nous, il est vrai, mais
non pas nos inférieurs au sens propre du mot. Ils
se façconneront très vile à notre contact, et je vois
en eux des concurrents redoutables pour nous :
dans l'avenir.
En Afrique, au contraire, je vois des Noirs en-
core attardés au dernier échelon de la hiérarchie
humaine, d'une domination facile et qui, de long-
‘temps, ne songeront à réclamer impérieusement
leur émancipation. Je vois, non point des civilisa-
tions différentes de la nôtre comme en Extrème-
Orient, mais pas de civilisation du tout; je vois la
possibilité de communiquer rapidement avec la
France; je vois un premier essaimage des Francais
; ROSE LE SES CURRENT TON PRE Pa
1 Genvais-CounreLcemont : La Rénovation de l'Asie. A
l'occasion d'un livre récent, dans la Æevue générale des
Sciences du 15 décembre 1900, t. XI, n° 23, p. 1272 et suiv.
810
en Algérie et en Tunisie, précédant un deuxième
essaimage vers les régions tropicales et équalo-
riales. Je vois, enfin, une grande diversilé de celi-
mats dans cet immense domaine qui s'échelonne,
en suivant les mêmes méridiens, sur plus de 50 de-
grés de latitude, du nord au sud, cordition excel-
lente pour les échanges et le trafic d'un pays à
l’autre.
Nous avons peut-être trop de colonies, cela peut
se disculer, mais ne nous restàt-il un jour que
celle-là, que cette Afrique française, dont nous
méconnaissons trop l'importance, nous ne serions
pas encore à plaindre.
Est-ce à dire que nous devrions abandonner ou
même simplement négliger nos autres possessions
pour favoriser celles d'Afrique? Non point, mais
je pense qu'il conviendrait de les considérer
comme très précieuses... pour l'avenir.
Je pense, d'ailleurs, que nous négligeons beau-
coup trop toutes nos colonies en général. Telle
cette Nouvelle-Calédonie dont d'autres, plus entre-
prenants ou plus avisés que nous, auraient certai-
nement tiré un meilleur parli. Nous y possédons
les plus importants gisements de nickel du monde
et, au lieu de donner l'exemple de l'emploi de ce
mélal pour la monnaie divisionnaire, nous serons
les derniers de l'Europe à l'adopter. Singulière
aberration !
Nous négligeons beaucoup trop également la
Tunisie, où la colonisalion marche à tout petits pas,
et nos colonies du Pacifique, Tahiti et ses sœurs,
au point de les abandonner presque. On pourrait
croire que nous avons totalement oublié nos vieilles
colonies, la Réunion et les Antilles, et nous ne
faisons rien pour la Guyane.
L'Indo-Chine et Madagascar jouissent seules
d’une certaine popularité, grâce à l’activité de leurs
gouverneurs, et nous nous en OCCUpons un peu...
mais si peu, en dehors, j'entends, des grands tra-
vaux publics, fruits de l'initiative gouvernementale.
Mais, hélas, à côté de cela, nous prêtons sans
compter nos milliards à nos voisins. Voici les
chiffres que je prends dans le beau livre du P. Pio-
let, La France hors de France, dans lequel il plaide
la même cause avec une chaleur et une autorité
très remarquables.
Nous avons prêlé :
A la Russie . : 7 milliards.
ANA DUTUIE. en. UE 3 —
A l’Autriche-Hongrie. 2 milliards 500 millions.
A l'Espagne et Cuba . 3 — 600 --
A l'Italie. Il — 600 —
A l'Angleterre . LISE | _
A diverses Mines d'or,ete. 2 — 600 _—
Total. . . . . . 21 nulliards 300 millions.
Nous venons de souscrire pour une large part à
l'emprunt allemand, et la Russie prépare un nouvel
GERVAIS-COURTELLEMONT — LA FRANCE EN AFRIQUE
emprunt auquel nous ne manquerons pas d'appor-
ter encore notre écot.
Et dire que nous nous montrons si parcimonieux
quand il s’agit de mettre en valeur notre propre
domaine, notre domaine colonial, que la dixième
partie de ces sommes que nous avons placées à
l'élranger suffirait à mettre en valeur rapidement
et fructueusement.
L'exemple des Anglais aux Indes devrait nous
servir de lecon de choses, cependant : Ils n'ont
-pas craint d'y dépenser à milliards en travaux pu-
blics, chemins de fer, routes et hydraulique agri-
cole; mais, outre qu'ils en retirent un inlérêl
annuel de 500 millions, ils bénéficient de l'immense
trafic que ces travaux ont développé et qui fait
vivre une flotte de dix mille vapeurs portant leur
pavillon !.
li faut sortir de notre léthargie. Il faut nous dé-
cider à nous occuper activement de nos colonies ou
les abandonner.
IT
En Afrique, particulièrement, il faudrait éludier
avec le plus grand soin le rôle que nous devons
jouer, nous documenter sur la valeur de chaque
province, sur leurs richesses révélées ou laten‘es.
Il fut un temps où l'opinion publique, en France,
n'étant pas encore sollicitée par l'Indo-Chine et par
Madagascar, portait toute son altention sur l’Afri-
que. L'idée d'un chemin de fer transsaharien, qui
devait nous ouvrir les portes du Soudan, élait
alors très répandue. Lors du départ de la Mission
Flatiers, l'Algérie tout entière, par la voie de
ses Conseils généraux, de sa dépulation et de
ses assemblées locales, la presse métropolitaine,
tout le monde, enfin, parlait du transsaharien,
avec plus ou moins de faveur; mais la question
intéressait.
Aujourd'hui que le Soudan est à nous, que Tom-
bouctou et le Tchad sont définilivement entre nos
mains, que nous avons accès au Congo par le Ghari,
que toutes nos possessions africaines sont recon-
nues, délimitées, nous paraissons nous désinté-
resser de cette mème queslion.
Il est nécessaire de réagir et, après avoir, incon-
sidérément peut-être, parlé de cette entreprise
comme d'une chose nécessaire et même indispen-
sable, il conviendrait de ne pas subitement l’aban-
donner, uniquement parce que nous pensons à
autre chose.
Après la conquête de la Tunisie, qui contribuait
à nous rendre maîtres d'une importante partie de
l'Afrique septentrionale, l'utilité de la relier à nos
possessions de l'Afrique centrale et de la Côte ocei-
1 Discours de lord Dufferin à Calcutta.
à GERVAIS-COURTELLEMONT — LA FRANCE EN AFRIQUE
-dentale parut tout à fait évidente. A partir de 1889,
“Cette idée a été poursuivie avec le plus grard
esprit de suite, une ténacité el une opiniàtrelé à
mjoute épreuve, par quelques grands esprits et
“quelques grands cœurs que rien ne rebuta et qui,
en s'intéressant si passionnément au développe-
ment de notre influence en Afrique, lémoignèrent
l'une grande clairvoyance de nos intérêts les plus
ssentiels.
Depuis longtemps la question avait été l’objet
ravaux publics de M. de Freycinet avail retenu le
projet très remarquable de l'ingénieur Duponchel;
a Mission Choisy, puis les Missions Flatters,
en travaillé dans le même but. On peut dire
üe, depuis 1889, et tout particulièrement sur l’ini-
tiative du Comité de l'Afrique francaise, les efforts
les plus persévérants n'ont cessé d'être tentés.
La figure qui se détache avec le plus de relief
dans la pléiade des explorateurs qui se vouèrent à
cette œuvre de pénétration dans le continent noir
st, sans contredit, celle de Foureau, et son nom
est entré dans l’histoire, car, à lui revient le
double mérite du long effort et du succès. Mais
combien d’autres épopées à
martyrologe !
En 1889, l'explorateur Crampel, qui s’'élait déjà
distingué au Congo sous les ordres de M. de Brazza,
forma le projet de se rendre du Congo en Algérie
“par le lac Tchad, c'est-à-dire de traverser dans
1 son étendue, du sud au nord, notre domaine
africain. Parti du Congo en mars 1890, il était tué
dans des circonstances mystérieuses vers la fin
d'avril, sans avoir atteint seulement le lac Tchad,
tant étaient grandes les difficultés à vaincre.
Le 5 août de la mêmé année, une convention
signée entre la France et l'Angleterre étendail vers
le sud, à travers le Sahara, l’arrière-pays de nos
possessions méditerranéennes jusqu à une frontière
placée entre Say, sur le Niger, et Barroua, sur le
lac Tchad, de l'ouest à l'est. L'accès du lac nous
était donc assuré diplomatiquement, mais avec
quels territoires et dans quelles limites, voilà ce
qu'il s'agissait d'établir par des reconnaissances et
des prises de possession effectives. A celte lâche, se
ouèrent d'abord les Missions Mizon et Monteil.
- La première atteignit l'Adamaoua par le Niger et
le Benoué, mais revint par la Sangha et le Congo,
ans s'être approchée du lac Tchad.
Plus heureux, Monteil, après avoir traversé la
boucle du Niger, puis franchi le fleuve à Say, le
25 août 1891, parvint à Kouta, presque sur les
bords du lac Tchad, le 9 avril 1892. Il en repartit
Je 25 août pour remonter vers le nord en suivant
les rives du lac ei rentra en France par le Sahara
et la Tripolitaine, merveilleux tour de force qui n'a
REVUE GÉNÉRALE DES SCIENCES, 1901,
études très sérieuses. La Commission des grands ‘
signaler, et quel long
871
Jamais été égalé, car il traversa de bout en bout ce
Sahara tantredouté, dans un très modeste équipage
et sans autre compagnon européen que l'héroïque
Badaire.
Mais les contrées entre le Niger et le Tchad res-
taient à explorer plus en détail. À celle œuvre,
s'attachèrent les Missions Dybowsky (1890-1891) et
Maistre (1892-1893). Les résultats géographiques
en furent très intéressants; mais il fallait obtenir,
en outre, des résultats politiques. D'aulant plus
que l'Allemagne, désireuse d'assurer, elle aussi,
l'accès du lac Tchad à sa colonie du Cameroun,
envoyait dans la région des agents lrès actifs. Les
efforts simultanés de ces agents et des nôtres ren-
daient la situation si confuse qu'un accord fut jugé
nécessaire. Une délimitation fut faite, qui précisa
la frontière demeurée provisoire depuis le 2% dé-
cembre 1885 (Convention du 15 mars 1894).
. La frontière tracée par cet accord se prolongeail
jusqu'au sud du Tchad, où elle était formée alors
par le cours même du Chari, jusqu’au 10° degré de
latitude.
Pour la politique francaise dans le Centre afri-
cain, cette convention avait deux sortes de consé-
quences : tout d'abord, en prolongeant jusqu'au
Tchad l’arrière-pays du Cameroun, elle nous obli-
geait à renoncer à l'espérance que nous avions
conçue de réunir un jour, par les territoires silués
à l’est du lac, nos possessions de l'Afrique du nord
et notre colonie du Congo; elle nous par
contre, toute liberté d'action au sud du Tchad, dans
les territoires situés à l’est du Chari et sur le Chari
lui-même.
Malheureusement, elle nous écartait d'une facon
définitive du Bornou, qui devenait ainsi l'apanage
de l'Angleterre et de l'Allemagne. Il faut évidem-
ment le regretter, car ce royaume jouit d'une excel-
lente réputalion. Les Arabes se plaisent à le repré-
senter comme la meilleure contrée des environs du
Tchad, les gens du Bornou sont très connus du
monde musulman et notamment à la Mecque, où
leurs « Metouafs » (représentants) sont très estimés.
Dès le onzième siècle de notre le Bornou
comptait des lettrés et des philosophes célèbres. La
population de ce royaume ne serait pas, parait-il,
d'origine nègre, mais arabe.
La voie fluviale du Chari était donc, désormais,
notre voie d'accès du Congo au lac Tchad, et M. Gen-
til, administrateur colonial, ancien officier de ma-
rine, offrit, aussitôt après la signature de la conven-
tion franco-allemande, d'essayer de l'utiliser tout
en travaillant à développer notre influence dans la
assurait,
ère,
région.
En 1895, le Gouvernement lui confia donc, sur sa
demande, la mission de transporter un, bateau
démontable du bassin du Congo au lac Tchad. Le
19°
818
GERVAIS-COURTELLEMONT — LA FRANCE EN AFRIQUE
montage el le lancement du Léon-Blot furent effec-
tués par ses soins à Brazzaville, et il lui fit remon-
ter le Congo, l'Oubanghi et la Tomi jusqu'à Kré-
bedjé sur un parcours de 1.200 kilomètres. Démonté,
puis transporté par voie dé terre, à travers la forêt
et la brousse, pendant 300 kilomètres, le Zéon-PBlot
fut remonté et de nouveau lancé sur la Nana. Il
redescendit alors ce cours d’eau, affluent du Gri-
bingui, puis le Gribingui lui-même, et enfin le
Chari jusqu'au lac Tchad, où il parvenait le 1* no-
vembre 1897.
En dehors de cet admirable résultat, M. Gentil
avait en outre accompliune œuvre politique considé-
rable. Il avait, au nom de la France, conclu un traité
de protectorat avec le sultan de Baguirmi el installé
un Résident dans la nouvelle capitale de cet État :
Massénya. Il avait recueilli de nombreux rensei-
gnements sur la situation du bassin du Chari etsur
les forces de Rabah, ancien esclave devenu poten-
lat, qui s'était taillé un vérilable empire sur les
bords du Tchad.
lei se place chronologiquement la malheureuse
épopée de Marchand, dont je ne parlerai que pour
mémoire, puisque celte œuvre de longue haleine,
entreprise un peu aventurément el sans but très
défini, menée sagement! mais très lentement par un
chef habile, eut à subir les pires vicissitudes du
fait de l’extrème et déplorable versatilité de notre
politique et de l'instabilité gouvernementale, si
funeste à notre pays. La direction de cette cam-
pagne passa de mains en mains et reçut des impul-
sions très diverses. Elle n'eut pour résultat, malgré
son éclatant succès matériel, que le douloureux et
retentissant échec de Fachoda. Notre pavillon s'était
glorieusement promené, nous comptions un héros
nalional et populaire de plus, mais notre prestige
en sortait singulièrement amoindri.
Les conventions franco-anglaises qui suivirent
(14 juin 1898 et 21 mars 1899) tracèrent les limites
de nos possessions du Centre africain, vis-à-vis de
l'Angleterre tout au moins.
Depuis Barroua, les rives du Tchad, au nord,
nord-est, est et sud-est, élaient reconnues fran-
vaises. Le Cameroun allemand commence à l'em-
bouchure (rive droile) du Chari; puis vient la pos-
session anglaise du Niger jusqu'à Barroua.
Pour se prémunir contre toute éventualité du côté
de l'Allemagne et aussi de l'Empire ottoman qui, à
la rigueur, pouvait demander la continuation de
l’arrière-pays de la Tripolitaine jusqu'au Tehad, il
importait de rendre plus effectives notre prise de
possession et notre occupation des bassins du Chari
et du lac Tehad. Ce fut l'œuvre à jamais mémorable
de Gentil.
En février 1899, le Gouvernement prépara l'ac-
tion combinée de trois Missions : l’une partant du
| Niger (Voulet-Chanoine); la deuxième, partie de
l'Algérie (Foureau-Lamy); la troisième (Missions
Gentil), avec laquelle les deux premières devaient
opérer leur jonction en convergeant vers le lac
Tchad.
De douloureux et sanglants épisodes m'em-
pêchent de m'étendre sur la marche de la première
de ces Missions. Je me bornerai à dire que ses
survivants purent rejoindre la Mission Foureau-
Lamy et grossir le nombre des braves qui eurent
‘raison de Rabah.
Quant à la Mission saharienne (Foureau-Lamy), 4
je dois lui consacrer une mention tout à fait spé-
ciale. Son chef, M. Foureau, poursuivait depuis
vingt ans sa marche en avant, à la conquête du
Sahara. Propriétaire des domaines de l'Oued-Rihr,
au sud de Biskra, il avait converti en ferliles oasis
des solitudes mortes et, grâce à la sonde arté-
sienne, les palmeraies de daltiers avaient remplacé
le désert stérile. C’est de son oasis qu'il partait tous
les ans, patiemment, obstinément, s’avançant :
chaque année un peu plus au sud. Faiblementw
soutenu, il ne disposait jamais que de moyens
insuffisants; mais son expérience saharienne n'en
grandissait pas moins, et quand, en 1898, un
concours de circonstances favorables lui donna les
moyens de s'organiser comme il convenait, il était
tout à fail préparé et en forme, Tout d’abord, un
legs généreux assez imporlant (140.000 francs), au
lieu des infimes crédits qu'il réunissait d'habitude,
échut à son entreprise. Le ministère de la Guerre y
ajouta une escorte, des vivres, des munitions et un
concours très utile pour le recrutement des cha-
meaux. Tout fut préparé dans le plus grand secret
et, le 23 octobre 1898, la Mission partait de Ouargla.
Après deux ans d'efforts, de lultes et de souf- |
frances, le Sahara élait vaincu. Foureau rentrait en
France, ayant traversé l'Afrique centrale de l’Algé=
rie au Congo, non plus en héros isolé comme les:
René Caillé, les Duveyrier ou les Monteil, mais avec
une troupe admirablement outillée, pourvue d’um
matériel scientifique complet et qui rapportait des
observations précises et nombreuses.
Gloire donc à Foureau et à ses vaillants compa-
gnons, sans excepter son malheureux camarade, le
commandant Lamy, chef de son escorte militaire,.
qui, lui, n’est pas revenu, tombé au champ d'hon-
neur, au combat de Kossouri, le 22 avril 1900, sous
les balles des partisans de Rabah.
La contribution de la Mission saharienne à
l'étude géologique des régions traversées est pré=
cieuse. Malheureusement, elle n’est pas très favo=
rable et, à ce propos, il faut savoir gré à M. Foureau
de sa franchise et de son désintéressement.
Après vingt années de labeur consacrées au
succès d'une idée, il n'hésite pas à nous dire la
GERVAIS-COURTELLEMONT — LA FRANCE EN AFRIQUE
879
Vérité toute crue, sans céder à la crainte d’amoin-
“rir son œuvre en en diminuant volontairement les
_ résultats pratiques. C'est un rare exemple de cou-
rage stoïque et c'est le fait d'un homme qui veut
oir autre chose que son intérêt personnel.
Il nous dit : le problème n'est pas résolu, nous
—ommes insuffisamment documentés, soyons pru-
dents. Certes, il ne doute pas quil y ait un intérêt
olilique à réunir par une voie ferrée nos posses-
sions de l'Afrique centrale à l'Algérie, si proche de
a France et si forte. Il est d'avis qu'à moins d'im-
ossibilité absolue, rigoureusement démontrée, il
e faut pas renoncer totalement à ce projet; mais
1 conseille de poursuivre nos investigations et nos
ludes préliminaires, afin d'essayer de marcher à
oup sûr. Combien je préfère ces sages avis à
lardeur de ceux qui, comme M. Paul Leroy-Beau-
ieu, dans son article de la Æevue des Deux
ondes du 1° Juillet 1899, jettent feu el flammes
et voudraient nous voir nous lancer lèle baissée
dans celle entreprise.
Certes, je reconnais volontiers avec lui que le
grand instrument de défense, comme le grand
instrument de civilisation et de commerce, est la
voie ferrée. J'ajouterai même que nos possessions
du Soudan central sont peut-être très favorables au
développement des cullures riches, car, en matière
“d'agriculture tropicale, quelle que soit la qualité
“de la terre, du moment où l’on dispose d'une
“main-d'œuvre abondante et à bon marché, on peut
obtenir d'excellents résultats par les amendements,
“les procédés de culture scientifiques, elc. Nous en
avons d'admirables exemples à Java, en Birmanie
et aux Indes.
Mais, néanmoins, toutes ces questions demandent
être étudiées très attentivement avant de rien
entreprendre. Il faudrait done, à mon avis, orga-
niser de nouvelles Missions d’études. En première
ligne, une Mission géologique, qui nous dirait si,
bui ou non, nous pouvons compter sur des richesses
inières quelconques, nous renseignerait sur
l'importance des gisements de nitrate, etc.
D'autres recueilleraient des renseignements pré-
cis el certains sur les questions agricoles et com-
également lieu de se préoccuper de là question
“d'exploitation. Ne conviendrait-il pas de recher-
chauffage au pétrole ou à l'alcool, toutes choses
de nature à modifier considérablement les données
économiques du problème ?
Mais le point essentiel, la donnée capitale est.
avant tout, de savoir si l'on peut espérer quelque
adjuvant de trafic, sur le parcours saharien, de
richesses minières encore inconnues. Là est cer-
tainement le nœud de la question, et, celte éven-
tualité écartée, on prendrait définitivement un
parti et l’on déciderait s'il faut continuer quand
même et se lancer dans cette entreprise considé-
rable, si importante pour le développement de
notre action en Afrique et, par contre-coup, dans
le monde entier.
En effet, notre puissance militaire s’en trouverait
si considérablement accrue, tant par les contingents
noirs que nous pourrions y recruter que par la
solidité de l’organisation que cela nous donnerait,
que l'on ne peut, sans y bien réfléchir au préalable,
abandonner radicalement cette idée pour la classer
au rang des utopies irréalisables.
III
Pendant que les trois Missions du Centre africain
opéraient si brillamment et avec tant de succès,
une aclion fort intéressante portait également notre
domination dans l'Extrème Sud Oranais, jusqu'à
Insalah.
Depuis plus de douze années, bien que ne dis-
posant que de ressources presque dérisoires, un
géologue de l’École supérieure des Sciences d'Alger,
M. Flamand, poursuivait modestement ses études
de géologie saharienne dans le Sud oranais. Sa
persévérance avait fini par triompher de l’indiffé-
rence ordinaire et il avait réussi à intéresser à
son œuvre M. Jules Cambon, alors gouverneur
général de l'Algérie.
Flamand s'appuyait, dans ses pérégrinations, sur
les grands chefs indigènes du Sud et, grâce à eux,
il était sur le point de pénétrer pacifiquement à
Insalah, lorsque M. Cambon quitta l'Algérie. Son
successeur, M. Lépine, commit quelques impru-
dences dans sa politique à l'égard de ces grands
chefs et toute pénétration au Touat fut momenta-
nément impossible.
Ce n'est que sous l'administration de M. Lafer-
| rière, qui lui succéda, que M. Flamand putreprendre
sa marche, pourvu, celle fois, d'uneescorte militaire,
très suffisante pour le protéger contre une surprise
des bandes pillardes, mais tout à fait insuffisante
pour une action militaire quelconque. Les instruc-
tions qu'il emportait élaient, d’ailleurs, absolument
précises el sa Mission devait être toute pacifique.
Le hasard en décida autrement et une attaque
des gens d'Insalah, fort heureusement et presque
830
miraculeusement repoussée par nos troupes, amena
la conquête de l’oasis, conquête que des renforts
arrivés ensuite ont affirmée et considérablement
étendue. C'est là une nouvelle étape franchie, un
nouveau bras tendu vers le Centre africain, une
nouvelle base d’opéralions.
D'autre part, la réunion, sur les bords du lac
Tehad, des trois Missions de l'Afrique centrale
nous à permis d'en finir, une fois pour toutes, avec
Rabah. Ses troupes, déjà vaincues une première
fois par Gentil et le capitaine Robillot au combat
de Kouno, le 29 octobre 1899, furent définitivement
écrasées, et Rabah lui-même décapité au combat
de Kossouri.
Il importait donc, en présence de tous ces événe-
ments, de parachever notre victoire de Kossouri et
de débarrasser à jamais les rives du Tchad et du
Chari de ces pirates qui, depuis plusieurs années,
ravageaient le pays, portant partout la dévastalion
et la mort.
Il semble que Gentil, victorieux, mais presque
sans hommes et sans ressources, eût dû être rapi-
dement secouru, comme il le demandait. C’est un
peu le contraire qui fut fait, telle est l'indifférence
qui règne au sujet des choses d'Afrique. Dans une
lettre datée de Gribinghi, le 21 novembre 1899,
Gentil, en rendant compte du combat de Kouno,
demandait des renforts et terminait en ces ter-
mes :
« Quand les moyens manquent, on peut toujours
mourir. C'est ce qu'ont fait Crampel, Bretonnet et
bien d'autres. Ils ont puisé leurs forces dans l'idée
du devoir qui les a poussés jusqu'au bout. C'est
par devoir que je parle comme je fais. Si nous nous
devons au Pays, corps et âme, lui, se doit à nous.
Les moyens dont nous disposons actuellement sont
insuffisants. C’est à vous et au Parlement de décider
si on nous les fournira. Quant à nous, il ne nous
reste qu'à attendre ».
Cette lettre est parvenue au ministre des Colonies
GERVAIS-COURTELLEMONT — LA FRANCE EN AFRIQUE
le 23 avril 1900 et les renforts demandés si instam-m
ment ne sont partis qu'au mois d'octobre!
Il est vrai que le Ministère, en plein feu d'inau-
guration de l'Exposition, redoutant le moindre
choc avec le Parlement, n'osa pas lui demander
des crédits pour le Chari. Il altendit les vacances
pour les demander, à titre extraordinaire , au
Conseil d'État, qui les lui accorda.. en octobre;
le décret les mettant à la disposition du Ministre
fut signé le 6 octobre, et la régularisation de
l'opération, demandée au Parlement, fut accordée
à la rentrée.
Tout a bien fini, fort heureusement. Après cinq
années d'efforts persévérants, M. Gentil à pu
achever la conquête du Chari, et l’on ne peut que 4
rendre hommage à son énergie et à sa ténacité
admirables, qui n’ont d'égales que son désintéres-M
sement et sa modestie.
Ilestaujourd'huideretouren Franceet ses explica="
tions verbales trouveront peut-être plus d'écho ques
ses lettres. Espérons qu'il arrivera à secouerl'inertie
gouvernementale et qu'une ère nouvelle s'ouvrira
pour l'Afrique francaise ; que des Missions d’études
vont être envoyées pour nous permettre de déter-,
miner sciemment le rôle à jouer par la France
dans ces contrées, que je veux espérer assez riches
pour justifier l'effort immense que nous avons
fourni depuis quelques années.
Les hommes de cœur et de bonne volonté ne
manquent pas pour cela. Il suffira de vouloir les
employer.S'ils’agitde géologie saharienne,n'avons-
nous pas Flamand, géologue et saharien, qui ne
demande qu'à continuer son œuvre momentanément"
interrompue par les coups de fusils, à Insalah? S'il
s'agit d'étudier les ressources agricoles ou com-
merciales, les hommes compétents désireux de se
distinguer ne manquent pas non plus. Qu'on se
mette donc énergiquement et courageusement à
l’œuvre.
Gervais-Courtellemont.
D' HENRI HARTMANN — REVUE ANNUELLE DE CHIRURGIE
881
REVUE ANNUELLE DE CHIRURGIE
4 ÎI. — QUESTIONS GÉNÉRALES.
$ 1. — Sérothérapie du cancer.
— Depuis les recherches de Richet et Héricourt, qui
“considéraient
comme sérum anticancéreux le
“sérum d'animaux auxquels ils avaient injecté le
produit du broiement d'une tumeur fraichement
“enlevée, le silence s'était fait sur la sérothérapie
du cancer. Ce sérum exerçcait certainement une
action favorable, mais n'amenait jamais la guéri-
son; son action était banale et comparable, comme
le montrèrent les expériences d'Arloing et Cour-
-mont, à celle des injections de sérum d'animaux
non inoculés, qui donnaientdes résullats identiques.
On ne pouvait parler de sérothérapie du cancer.
La question vient d'être reprise cetle année par
- de Wlaëff, qui, pensant que les tumeurs malignes
- sont le résultat de l’action de blastomycètes, se
sert d'un sérum obtenu par des inoculations à des
+ oiseaux, pigeons, poules, oies, animaux réfractaires
aux blastomycètes.
A en croire les premières communications faites,
on aurait possédé un sérum anlicancéreux. En
réalité, il ne s'agissait encore que d'améliorations
temporaires comparables à celles qu'on obtient par
l'injection hypodermique où intra-musculaire de
bromhydrate ou de chlorhydrate de quinine, mé-
thode conseillée par Jaboulay, puis par Launois, et
- dont nous avons pu constater les bons effets dans
certains cas.
$ 2. — Le cytodiagnostic en Chirurgie.
Le cytodiagnoslic est un moyen de diagnostic
qui consiste à reconnaitre la qualilé des éléments
cellulaires contenus dans un liquide et à en tirer
des conclusions au point de vue de la nature de
- la maladie. Il repose sur cette notion que les sé-
+ reuses réagissent différemment suivant la nature
de l'agent irritant.
Etudié surtou au point de vue de la différencia-
tion des pleurésies par Widal et Ravaut, le cyto-
diagnostic peut être utile dans certains cas chi-
. rurgicaux.
Dans l’hémothorax, existence de leucocytes po-
lynucléaires après le vingt-quatrième jour ou leur
présence en nombre plus considérable que le total
des lymphocytes et des mononucléaires, seraient
L'indice d'une infection de l'épanchement (Tuffier
et Milan).
Les Aydarthroses tuberculeuses sont à lympho-
cyles {Achard et Loeper).
Les Avydrocèles diffèrent suivant leur nature :
dans l’hydrocèle symptomatique d'une vaginalite
blennorragique, on trouve des polynucléaires ; dans
l’hydrocèle tuberculeuse, des lymphocytes; dans
l'hydrocèle dite idiopathique, de rares éléments
cellulaires se présentant avec l'aspect de grandes
cellules endothéliales, isolées ou en placards.
Ces quelques faits suffisent, croyons-nous, à
montrer qu'il y a là un champ de recherches qui
permettront peut-être, dans l'avenir, d’utiliser,avec
grands avantages, en Chirurgie, le cylodiagnostie.
$ 3. — L'hémodiagnostic en Chirurgie.
Une série de travaux publiés cette année en
Amérique par Th. Dunham, H. Stuart, Maclean,
H. Cushing, Da Costa et Kalleyer, Cabot, Blake et
Hubbard, rapprochés de l'étude d’une série de cas
examinés dans notre service par J. Silhol, mon-
trent ce qu'on peut lirer de l'hémodiagnostic.
Trois recherches doivent être faites sur la goutte
de sang que l'on veut examiner. Il faut : 1° Mesu-
rer la quantité d'hémoglobine ; 2° Faire une numé-
ralion des globules rouges et blancs; 3° Faire des
préparations sèches pour distinguer les variétés de
leucocytes et aussi les changements de forme des
hématies.
Ces constatations nous ont permis, à Silhol et à
moi, de faire, dans des cas difficiles, le diagnostic
dillérentiel du cancer et de l'ulcère de l'estomac.
Nous croyons qu'on est autorisé à dire qu'un ma-
lade atteint d'affection gastrique à un néoplasme
quand il présente le type suivant :
Diminution considérable de l'hémoglobine, ré-
duite à moins de la moitié;
Diminution notable du nombre des hématies. Leu-
cocytose marquée, au moins 15 à 20.000. Si les
mononucléaires sont dans une proportion élevée,
c'est une raison de plus, car celle proportion indi-
querait la participation ganglionnaire ; À
Globules rouges inégaux, présentant une pro-
portion élevée des formes extrêmes, petiles et
grosses, déformés, si bien que, dans un champ mi-
eroscopique, ils sont extrêmement dissemblables.
Dans les suppuralions, l'examen du sang nous a,
de même, paru donner des résultats constants.
Sauf les suppurations tuberculeuses, elles s'accom-
pagnent toutes de leucocytose polynucléaire.
II. — ANESTHÉSIE.
S {. — Injections sous-arachnoïdiennes.
Les nombreux travaux, parus au cours, de l'an-
née qui vient de s'écouler, sur la rachicocainisation,
882
nous obligent à revenir sur cetle question que
nous avons déjà abordée dans notre Revue l'an
dernier. Violemment atlaquée par quelques chi-
rurgiens, la rachicocaïnisation a été défendue avec
vigueur par d'autres, qui ont peut-être nui quelque
peu à la cause qu'ils soutenaient, parce qu'au dé-
but ils ont cherché trop systématiquement à laisser
dans l'ombre les inconvénients de cette méthode
d'anesthésie.
Aux cas de morts de Dumont, Goïlaw, Henne-
berg, Jonnesco, Julliard, Keen, Tuffier, relatés par
Reclus à l'Académie de Médecine, on peut ajouter
ceux de Bousquet, de Rouff, communiqués au
cours de la discussion qui eut lieu cette année à la
Société de Chirurgie, si bien qu'il semble dès au-
jourd’hui que la mortalité consécutive à ce mode
d’anesthésie soit au moins aussi grande que celle
qui suit les inhalalions chloroformiques. Quant
aux accidents moindres que nous avions, il ya un
an, signalés d’après nos propres observations et
que les propagateurs de larachicocaïnisation avaient
passés sous silence (affaiblissement, pâleur de la
face, accélération du pouls, élévation de la tempé-
rature, vertiges, céphalée, vomissements, quelque-
fois même raideur de la nuque), ils sont aujour-
d'hui reconnus par tous les chirurgiens; chez
quelques malades, à ces symptômes se sont même
ajoutés des tremblements généralisés, une rachial-
gie intense, une perte des réflexes patellaires, en
un motdes symptômes de méningite légère. Ces
faits ont été scientifiquement étudiés par deux
élèves de Widal, Ravaut et Aubourg, qui, pour
diminuer l'intensité de la céphalée, ont pratiqué,
quelques heures après l'opération, une nouvelle
ponction lombaire, espérant ainsi débarrasser le
malade d'une certaine quantité de cocaïne libre
dans le liquide céphalo-rachidien (ce qu'ont dé-
montré les examens chimiques) et peut-être aussi
diminuer la tension du liquide, qui pouvait être
augmentée.
Leurs recherches ont montré que la tension
céphalo-rachidienne était considérablement aug-
mentée dans les cas de céphalée intense, qu'elle
l'était peu lors de céphalée très légère. De plus,
l'examen du liquide a établi que l'injection était
toujours suivie d’un certain degré d'inflammation,
caractérisée par une très légère réaction polynu-
cléaire dans les cas sans accidents, par la présence
d'un véritable culot de pus et même par la forma-
tion d'un coagulum fibrineux lors de céphalée
intense.
Il semble que la cocaïne agisse comme une
toxine sur l'enveloppe arachnoïdo-pie-mérienne.
L'innocuilé absolue de ces injections sous-arach-
noïdiennes de cocaïne reste donc encore à démon-
trer, el sur ce point nous ne sommes pas plus
D' HENRI HARTMANN — REVUE ANNUELLE DE CHIRURGIE
avancés que l'an dernier. Aussi Bier, l'inventeur de
laméthode, conclut-il, au dernier Congrès allemand
de Chirurgie, que nous ne possédons pas encore
une méthode susceptible d'être recommandée aux
praliciens.
$ 2. — Injections épidurales.
A côté de l'injection sous-arachnoïdienne de
cocaïne, faite dans le but de déterminer une anes-
thésie suffisante pour permettre la pratique des
opérations chirurgicales, nous devons parler de la”
méthode des injections épidurales, pratiquées par”
la voie sacro-coccygienne. Inulilisables pour l'anal-
gésie chirurgicale, ces injections épidurales sup="
priment la douleur dans certaines affections médi-
cales : sciatique, lombago, zona, etc. Pour les
pratiquer, il suffit d'enfoncer une aiguille de 4 à
4 centimèlres, obliquement en haut et en avant,
entre les Lubercules sacrés inférieurs, à un travers.
de doigt de l'origine du pli interfessier. Le liquide
diffuse dans l’espace épidural jusqu'au niveau de
la région dorsale et mème de la cervicale, agissant w
soit directement sur les troncs nerveux, soit en
provoquant des phénomènes de vaso-constriction.
III. — CHIRURGIE DE LA SURDITÉ.
Depuis quelques années, on a beaucoup parlé du
traitement chirurgical de la surdité. Partant de ce .
principe que, si l'oreille interne est saine, la surdité
provient d’un obstacle à la propagation des sons
siégeant dans l'appareil transmelteur (caisse du
tympan, osselets, etc.), on a successivement per-
foré le tÿmpan rigide et épaissi, réséqué le tympan,
le marteau et l’enclume, sectionné des adhérences
de la caisse, fait l'évidement pétro-mastoïdien.
On a obtenu quelques succès; mais, le plus sou-
vent, le malade est resté aussi sourd après qu'avant
l'opération, sinon plus, quelquefois même atteint
secondairement d'une paralysie faciale, due à une
intervention malencontreuse sur le rocher, ou d'une
suppuration de la caisse, conséquence de l'infec-
tion déterminée par l'opération.
Aussi, au dernier Congrès international d'Otolo-
gie, les orateurs qui prirent part à la discussion,
tout en admettant que le traitement chirurgical
peut avoir de bons résultats lorsqu'il s'agit de mo-
ditications scléreuses consécutives à une olite
moyenne suppurée ou lorsqu'on se trouve en pré-
sence d’un calarrhe à forme hypertrophique, ont-ils
conclu à son inutilité dans le traitement de l’otite »
scléreuse primitive. Dans celte dernière cause, la
plus habituelle, de la surdité, la sclérose est irrémé- M
diable parce qu'elle porte sur le labyrinthe, c’est-
à-dire sur l’organe percepteur. L'otologiste qui
veut, en pareil cas, faire une opération sur l'oreille
D' HENRI HARTMANN — REVUE ANNUELLE DE CHIRURGIE
moyenne, agit, comme on l'a dit, sans plus de mé-
thode que l’oculiste qui enlèverait une cataracte
chez un tabétique atteint d’atrophie papillaire. Le
résultat est nécessairement nul dans les deux cas.
'
IV. — PONCTION LOMBAIRE ET FRACTURE DU CRANE.
=. Tuffer et Milian ont appelé l'attention sur un
“nouvel élément de diagnostic des fractures du
ne. : la coloration rouge du liquide céphalo-rachi-
dien, retiré par ponction lombaire. Ils ont rap-
porté plusieurs cas dans lesquels, les signes eli-
niques élant insuffisants, la ponction lombaire
ramena un liquide franchement hémorragique, et
l’autopsie montra une fracture du crâne.
Inversement, dans un cas douteux, le liquideétait
clair et le malade guérit.
De ces faits, Tuffier et Milian ont tiré les conclu-
sions suivantes : 1° la présence du sang dans le
- liquide céphalo-rachidien « suffit pour faire ad-
- mettre le diagnostic de fracture du crâne »; 2° la
elarté du liquide écarte tout de suite toute idée de
fracture.
Malheureusement, ce signe n'a pas la valeur
que veulent lui donner ces auteurs : un liquide,
hémorragique le premier jour, peut cesser de l'être
lequatrième, comme le montre un fait de Ricard, et,
de plus, la teinte hémorragique peut exister à la
suite d’une hémorragie cérébrale en l'absence de
. toute fracture.
V. — SYSTÈME VASCULAIRE.
$ 1. — Traitement des anévrismes du tronc
brachio-céphalique.
._ Les cas d’anévrismes du tronc brachio-cépha-
lique traités chirurgicalement sont encore peu
nombreux. L'extirpation, la ligature au-dessous du
sac ne sont guère praticables, et, le plus souvent,
on à dû se borner à la ligature au-dessus du sac,
par la méthode de Brasdor. 11 semble, d'après
. les observations réunies dans un Mémoire récent
de Grenet et Piquand, que la ligature simultanée
de la carotide et de la sous-clavière est indiquée à
moins d'oblitération de la carotide gauche, qui
doit faire craindre des troubles cérébraux, ou de
dilatation et d'insuffisance aortiques, qui rendent
l'opération dangereuse. L'efficacité de cette double
ligature diminue en raison de l'ancienneté des
lésions, à cause de la dilatation des collalérales qui
suppléent l'artère principale.
Lorsque cette double ligature a échoué, on peut
essayer les injections sous - culanées de sérum
gélatiné, que Lancereaux a préconisées dans le
traitement des anévrismes dits médicaux. Cette
méthode repose sur cette idée, qu’en ipjectant sous
883
la peau du sérum gélatiné (gélatine, 5 grammes;
solution de NaCI à 7°/,,, 200 centimètres cubes),
on fait passer dans le sang une substance coa-
gulante qui favorise le dépôt de caillots dans le
sac anévrismal. C’est là une hypothèse les faits
publiés nous semblent actuellement insuffisants
pour établir l’action coagulante de ces injections,
et des recherches expérimentales seraient néces-
saires pour élucider cette question d'une manière
définitive.
$ 2. — Traitement des plaies du cœur.
De toutes les plaies, celles du cœur semblent les
plus difficiles à traiter à cause des mouvements
constants auxquels cet organe est soumis, mouve-
ments dont la cessation est incompatible avec la
vie. Malgré les difficultés que semble à première
vue présenter cette suture, les chirurgiens l'ont
déjà pratiquée un certain nombre de fois, et, dans
un Mémoire récent, MM. Terrier et Raymond ont
pu en réunir 11 observations, avec 3 guérisons
ets morts.
Pour aborder le cœur, il est nécessaire de faire
une brèche au thorax, d'y tailler un volet, que l’on
a fait à base supérieure (Roberts), à base interne
s'arrêtant au bord gauche du sternum (Roiter)
ou comprenant une partie du sternum et s'arrélant
à son bord droit (Marion), à base inférieure gau-
che (Giordano), etc. Le procédé le plus rapide et
le plus simple semble celui de Fontan, grand volet
à charnière verticale et externe, se rabattant en
dehors, obtenu en seclionnant au bistouri les car-
tilages des 4°, 5° et 6° côtes, à bords passant en
haut par le troisième espace, en bas par le sixième,
à base obtenue par la section à la cisaille des deux
côtes supérieure et inférieure 4° et 6°, et par la
fracture de la côle intermédiaire.
Le cœur mis à nu, on a suturé la plaie à la soie
ou au catgut. Il semble que, pour placer les fils, la
diastole soit le moment le plus favorable.
La suture cardiaque faite, on termine l'opéra-
tion par la suture du péricarde, et par celle de la,
plèvre dans le cas où il existe, comme cela est fré-
quent, une lésion simultanée de cetle dernière
séreuse,
VI. — TUBE DIGESTIF.
$ 1. — Traitement chirurgical des perforations de
l'intestin au cours de la fièvre typhoïde.
Le traitement chirurgical des perforations de
l’inteslin au cours de la fièvre typhoïde, déjà étu-
dié par Dieulafoy, Lereboullet, Monod et Vanverts,
Finney, Keen, a fail l'objet, cette année, d'un impor-
tant travail d'Harvey Cushing et d'une discussion à
la Société de Chirurgie. En 1898, Keen réunissait
83 cas avec 19,3 °/, de guérisons; en 1899, il
584
D' HENRI HARTMANN — REVUE ANNUELLE DE CHIRURGIE
publiait 75 nouveaux cas avec 21 guérisons, soit
28 ‘/,. Cushing publie la série intégrale des cas
observés dans le service d'Osler au Johns Hopkins
Hospital et arrive avec 411 cas ayant donné 5 guéri-
sons, soil 45,4 °/,. La proportion des guérisons va
donc sans cesse en augmentant.C'est à faire précoce-
ment le diagnostic qu'on doit maintenant s'attacher.
Les douleurs abdominales, la rigidité du ventre,
la cessation de la respiration diaphragmatique, la
chute de la température, une poussée de leucocy-
tose temporaire sont autant de signes qui, par leur
réunion, font soupconner la perforation de l'in-
testin.
$ 2. — Exclusion de l'intestin.
Peu pratiquée en France jusqu'à ces derniers
temps, l'exclusion de l'intestin a fait, au cours de
celte année, l’objet de Mémoires importants de
Terrier et Gosset, de Delore et Patel; nous-même
avons éludié cetle question dans nos lecons sur
la chirurgie gastro-intestinale, et la Société de
Chirurgie en a fait le sujet d’une de ses discussions.
Quelques auteurs rangent dans l'exclusion l’en-
téro-anastomose simple; il nous semble que cette
dénomination doit être réservée aux cas où une
portion du canal intestinal est réellement exclue
par suite d'une interruplion chirurgicale de sa
continuité. Cette exclusion peut êlre unilatérale,
lorsque l’anse exclue n'est oblitérée qu'à une de
ses extrémités; elle esb bilatérale, lorsque l'occlu-
sion porle sur les deux bouts. Dans ce dernier cas,
l'exclusion bilatérale peut êlre ouverte ou fermée,
suivant qu'il existe ou non sur elle une fistule, soit
spontanée, soit créée par le chirurgien.
L'exelusion bilatérale fermée ou exelusion totale,
préconisée autrefois par Baracz et Obalinski, sem-
ble aujourd'hui délaissée. C’est donc à l'exclusion
bilatérale fistuleuse ou à l'exclusion unilatérale
qu'il faut avoir recours. Ainsi comprise, l'exclusion
peut être d’une réelle ulilité, en particulier dans la
cure des fistules pyostercorales, lorsqu'une opéra-
tion plus radicale, telle que la résection de l'in-
testin, semble impossible par suite de l'extension
des lésions. ;
D'après les recherches de Delore et Patel, il y
aurait des différences à établir entre les fistules
suivant leur siège. Lorsqu'elles se trouvent sur le
gros intestin, l'exclusion unilatérale suffirait ; au
contraire, lorsqu'elles occupent l'intestin grêle, il
faudrait praliquer l'exclusion bilatérale, les ma-
tières s'accumulant dans le segment inférieur et la
fistule persistant lorsqu'on s’est borné à pratiquer
une exclusion unilatérale.
$ 3. — Appendicite.
Si l’on en croyait M. Metchnikoff, l'appendicite
serait, dans un grand nombre de cas, la consé-
quence de la présence d'ascarides dans l'intestin.
Ces parasites agiraient de deux manières diffé
rentes: par influence directe, mécanique ou chi
mique, sur l’appendice; par l'intermédiaire de mi
crobes qu'ils introduisent dans la muqueuse. De là,
la nécessité de pratiquer, dans tous les cas suspects
d'appendicite, l'examen helminthologique des ma-
tières fécales pour voir s'il y existe des œufs d’as-
carides ou de tricocéphales, de manière à inslituer
mmédiatement le traitement vermifuge s'il y a
lieu.
La plus grande fréquence actuelle de l'appendi-,
cite serait due à ce qu'on donne beaucoup moins
fréquemment qu'autrefois des vermifuges aux en-
fants, et à ce que l’on fait une consommation plus
grande des légumes et des fruits crus, que l'on,
trouve maintenant en toutes saisons et qui pous-
sent souvent dans des terrains maraichers que l'on
arrose (comme dans les environs de Paris) avec .
des eaux d'épandage.
Cette théorie demande à être confirmée, d'au-
tant que, d'après les constatalions d'un médecin
militaire, Matignon, l’appendicite est exceplion-
nelle à Pékin, où Chinois et Européens sont cons-
tamment atteints d'helminthiase.
NII. — TRAITEMENT CHIRURGICAL DE L'ASCITE.
Fréquemment on voit des malades atteints de
cirrhose hépatique succomber à une ascite à répé-
tition, due à ce que les ramuscules de la veine porte
sont oblitérés dans le foie par le processus scelé-
reux qui les enserre. Il était donc permis d'es-
pérer qu'en dérivant le sang de la veine porte, on
arriverait à guérir sinon la cirrhose, lout au moins
l’'épanchement qui en résulle. C'est une idée
qu'avait eue, dès 1889, Talma (d'Utrecht), qui, fxant
le grand épiploon à la paroi abdominale anté-
rieure, espérait ainsi créer une circulation complé-
mentaire entre les branches épiploïques de la veine
porte et les branches d'origine de la veine cave
inférieure.
Peu pratiquée, celte déviation chirurgicale du
sang de la veine porte a fait cette année l’objet
de nombreux travaux, tant en France qu'à l'Étran-
ger; elle a été en particulier discutée à la So-
ciélé de Médecine et de Chirurgie de Bordeaux.
L'opération n'est malheureusement pas toujours
réalisable, par suite de l'existence d’altérations
pathologiques de l'épiploon; de plus, elle est
grave, les hépatiques chez lesquels on la pratique
résistant mal au moindre shock chirurgical. C'est
donc une opération qu'on ne doit faire qu'excep-
tionnellement, dans les cas où la persistance et
l'abondance de l'ascite menacent d'entrainer la.
mort à bref délai.
À | D' HENRI HARTMANN — REVUE ANNUELLE DE CHIRURGIE
882
VIII. — GYNÉCOLOGIE.
$ 1. — L’hystérectomie dans l'infection puerpérale.
—. Une discussion de la Société de Chirurgie a, cette
-année,rappelé l’attentionsur l'hystérectomiecomme
moyen de traitement de l'infection puerpérale, et
3 un certain nombre d'orateurs se sont déclarés par-
isans de ce mode de traitement. Si, théoriquement,
lopération est indiquée dans les cas de lésions
“ infectieuses profondes du muscle utérin, pratique-
ment il est actuellement difficile de poser l'indica-
tionopéraloire, car nous ne savons pas diagnostiquer
“ces lésions. Enlever l'utérus de toutes les femmes
atteintes de fièvre puerpérale, c'est faire un grand
nombre d'opérations inutiles, car les unes auraient
guéri spontanément ou à la suite d'interventions
bénignes (lavages intra-utérins, curettage), des
autres auraient succombé parce que l'infection
» avait dépassé le muscle utérin. C’est donc à perfec-
- Lionner nos moyens de diagnostic que nous devons
4
4
. nous attacher; c'est seulement quand nous saurons
* cliniquement établir des distinctions entre les cas,
‘que nous pourrons opérer rationnellement et être
- uliles aux malades qui se confieront à nos soins.
$ 2. — Fibromes et grossesse.
Une importante discussion de la Société d'Obsté-
- (rique et de Gynécologie nous montre qu'il n'y à
pas accord entre les chirurgiens et les accoucheurs
+ au sujet: de la conduile à tenir en présence des
» {ibromes compliquant la grossesse.
Tandis que les chirurgiens semblent assez dis-
| posés à intervenir, les accoucheurs sont, au con-
- traire, parlisans de l’abstention. Dans les cas où
apparaissent, du faitdel'utérusfibromateuxgravide,
sx
- des accidents immédiats graves, meltant en danger
‘la vie de la mère, que l’on soit à une époque rap-
prochée ou éloignée de la viabilité de l'enfant, peu
importe, il faut opérer immédiatement. Sur ce point,
tout le monde est d'accord.
La discussion porle sur les cas douteux. Tandis
que les chirurgiens Schwartz, Richelot, ete., sem-
blent assez portés vers l'intervention, les accou-
cheurs, Varnier en tête, s'appuyant sur l'évolution,
habituellement heureuse pour la mère, de la gros-
sesse compliquée de fibromes, estiment que le doute
doit profiter à l'enfant, c'est-à-dire à l’expectation.
C'est une opinion que vient appuyer de sa grande
autorité Pinard, en apportant la statistique des
femmes qui se sont présentées à la clinique Baude-
locque. Sur 84 femmes atteintes de grossesse com-
pliquée de fibromes, il y eut30 interventions : Apen-
dant la grossesse, 26 pendant le travail; 81 femmes
guérirent, 3 succombèrent; Gà enfants sorlirent
vivants; résultats qui, on le voit, plaident en fa-
veur de l’expectation. La réalité est, croyons-nous,
moins belle, et nombre de femmes sont aïteintes
par suite de leurs fibromes. Celles-ci ne vont pas
dans les cliniques d'accouchement; elles entrent,
pour les accidents qu'elles présentent, dans les ser-
vices de Chirurgie. C’est peut-être parce qu'ils
observent dans des milieux différents, les uns
voyant surtout les femmes chez lesquelles la gros-
sesse est le point principal, le fibrome l'accident
secondaire des grossesses compliquées de fibromes;
les autres, parce qu'ils sont consultés pour des acci-
dents fibromateux au cours desquels une grossesse
a néanmoins commencé, qu'accoucheurs et chirur-
giens soutiennent ainsi théoriquement des opinions
différentes, alors que, croyons-nous, en présence
d'un cas déterminé, ils suivraient une ligne de
conduite identique.
D' Henri Hartmann,
Professeur agrégé à la Faculté de Médecine,
Chirurgien de l'Hôpital Lariboisière.
886 BIBLIOGRAPHIE — ANALYSES ET INDEX
BIBLIOGRAPHIE
ANALYSES ET INDEX
1° Sciences mathématiques Il vient, pour déterminer y,
Serret (J.-A.) — Lehrbuch der Differential und (2) PR
Integralrechnung. Zweiler Band: Integralrech- GET AA 0
nung. — | vol. in-8° de 428 pages, avec 55 figures
dans le texte. Teubner, éditeur.
Leipzig, 1901.
Le Traité de Calcul différentiel et intégral de Serret
continue, à juste titre, à être en faveur dans les pays
de langue allemande. La première édition allemande,
publiée par A. Harnack, qui y a joint de nombreuses
annotalions, a été épuisée en une dizaine d'années. A
la deuxième édition du tome 1 (/1{ferentialrechnung),
parue il y à quatre ans, vient s'ajouter le tome Il,
consacré au Calcul intégral; le troisième volume, inti-
tulé Dillerentialgleichungen paraîtra sous peu. Les
tomes IL et IT de l'édition allemande correspondent
au tome IT de l'ouvrage francais, qui ne comprend que
deux volumes,
La publication de l'édition allemande est dirigée par
M. le professeur Bohlmann, de GϾttingue. Bien que,
dans ses grandes lignes, cette édition corresponde à
l'ouvrage primitif, il a été introduit quelques modifi-
cations destinées à donner plus d'unité aux diverses
parties et à rendre l'ouvrage d'une consultation encore
plus facile. D'autre part, les annotations dues à Har-
nack ont été fondues avec le texte, qui a été entière-
ment revu.
Cet ouvrage classique est bien connu de tous ceux
qui s'occupent de Calcul infinitésimal, aussi croyons-
nous pouvoir nous dispenser d'une analyse détaillée
des matières qui y sont contenues. Nous nous borne-
rons à faire l’'énumération des huit chapitres que com-
prend ce volume :
(Prix : 10 fr.)
1. La notion d’intégrale. — 2. Intégration de fonc-
tions connues; fonctions ralionnelles, algébriques,
elliptiques et transcendantes. — 3. Théorie de l'inté-
grale définie. — 4. Théorie de l'intégrale eulérienne;
la fonction gamma. — 5. Quadrature et rectification
de courbes. — 6. Cubature, quadrature de surfaces
courbes; intégrales multiples. — 7. Fonctions de plu-
sieurs variables réelles; différentielle et intégrale, —
8. Fonctions d'une variable complexe.
Vient ensuite, en Appendice, la remarquable étude
de Harnack, intitulée : Propriétés fondamentales de la
série de Fourier et de l'intégrale de Fourier.
L'ouvrage se termine par une table analytique des
matières par ordre alphabétique. FER,
Professeur adjoint à l'Université de Genève:
Davidoglou (Antoine). — Sur l'équation des vibra-
tions transversales des verges élastiques. { Z'hèse
pour le Doctorat de la F'aculté des Sciences de Paris.)
— Une brochure in-4° de M pages. Gautier- Villars,
éditeur. Paris, 1904.
Considérons une verge élastique dont on néglige les
dimensions transversales pour l’assimiler à une courbe
géométrique W=—/{x), où W et x sont l’ordonnée et
l’abscisse. La verge est encastrée aux deux points a et h
de l'axe des x et vibre dans le plan. W dépend, à
chaque instant, de x et du temps £. La physique apprend
que l’on à :
(1)
a:W aW
ax
Cherchons à satisfaire à (1) par un mouvement pen-
dulaire à amplitude variable y :
W=—y(x)cos (Vr.
M. Davidoglou fait, par la méthode des approxima-
tions successives due à M, Picard, et en restant dans le
réel, une étude approfondie des intégrales Y{x, R) de (2),
telles que la courbe y — Y touche l'axe des x aux points
a et b, comme la nature de la question de physique“
l’exige. On met en lumière certaines valeurs remar-
quables du paramètre r el on construit, pour Y, un
développement asymptotique, c’est-à-dire valable pour
r très grand.
Dans cette excellente thèse, M. Davidoglou a montré
qu'il savait manier à son aise des théories abstrailes et
difficiles. LÉON AUTONNE,
Ingénieur des Ponts et Chaussées,
2° Sciences physiques
Hemsalech (Gustave). — Recherches expérimen-
tales sur les spectres d’étincelles. (Thèse de la
Faculté des Sciences de Paris.) — 1 vol. gr. 1n-8°v
de 139 pages avec 33 liqures. A. Hermann, éditeur.
Paris, 1901. ;
L'intéressante thèse que nous devons à M. Hemsalech
comprend deux parties. La première est consacrée à la 4
constitution matérielle de l’étincelle électrique et spé-
cialement de l’étincelle osciilanteétudiée par la pho-
tographie sur pellicules tournantes animées d'une «
grande vitesse. C’est la continuation de recherches
antérieures où l’auteur y collaborait avec M. Arthur
Schuster ‘, de Manchester, et d'où il résulte + que la
décharge initiale donne le spectre du gaz, et que les
oscillations qui apparaissent dans l’auréole donnent le
spectre du métal. Dans cette thèse, M. Hemsalech s’est M
attaché surtout à faire ressortir les différences d'effet,
sur l’étincelle, de self-inductions variées, sans noyau
ou avec noyau métallique (fer ou cuivre), et des cou-
rants de Foucault. Le noyau agit uniquement par sa
surface; l'effet maximum est obtenu avec un tube «
miuce; les oscillations sont supprimées par le magné- \
tisme du fer, ou très diminuées en nombre par les cou- »
rants de Foucault lorsqu'on fait agir le cuivre. Dans le «
cas du fer, ces deux causes s'ajoutent l'une à l’autre. M
Pour obtenir des étincelles bien oscillantes et formées
uniquement de fragments vaporisés des électrodes, on
devra donc éviter toujours les bobines de self-induction
à noyaux métalliques, comme le primaire d’une bobine
de Rhumkorff.
Ce travail est précédé d'une courte introduction histo-
rique. Qu'il nous soit permis d'y regretter l'omission
des travaux d'Adolphe Perrot? qui, le premier, a effectué
la séparation entre l’auréole et le trait de feu par des
dérivations ou par un courant d'air, et de J.-M. Séguin
qui, étudiant au spectroscope la composition de l’au-
réole et du trait de feu, et promenant la fente verticale
de l'appareil sur toute la longueur d’une étincelle hori-
zontale, a distingué pour la première fois les raies
! Scnusrer et Hemsazecn : On the conslitution of the
electric spark. Philos. Trans., vol. CXCIIT, 1899.
? Sur la nature de l'étincelle d'induction de l'appareil
Rhumkorff. Thèse de Doctorat, Paris, 1861, et Comptes
Bendus, t. XLIX, p. 351. L
“ Analogies de l'étincelle d'induction avec les autres
décharges électriques. Ann. de Chim. et de Phys., 3° série,
t. LXIX, 1863.
BIBLIOGRAPHIE — ANALYSES ET INDEX
887
appelées depuis « longues » ou « courtes ». Ces Mé-
moires sont généralement peu connus; aussi M. Hem-
salech ne nous en veudra pas de profiter de l’occasion
“pour rappeler ici les deux noms de Perrot et de Séguin.
— La seconde et principale partie de la thèse est la plus
neuve et la plus importante au point de vue des applica-
Br à l'analyse spectrale. Elle est consacrée à l'étude
“des spectres de l'air et de quatorze corps simples que
j'auteur classe en deux groupes : le premier comprend
seulement Fe, Ni, Mn dont les raies sont presque toutes
lus ou moins renforcées en augmentant la self-indu-
ion ; le second est formé des dix autres corps simples
expérimentés : Cd, Zn, Co, Mg, Al, Sb, Sn, Bi, Pb, Cu,
g, qui donnent des raies fortes, mais relativement
moins nombreuses, moins neétles, et presque toutes
[us ou moins affaiblies par la self-induction.
. Les résultats d'ensemble de tout le travail peuvent
tre résumés d'une manière générale ainsi qu'il suit :
L'étincelle ordinaire est formée de trois parties : la
décharge iniliale, ou trait de feu donnant principale-
ment les raies de l'air, puis quelques oscillations très
rapides produisant les raies métalliques, dites de haute
tempéralure ou « enhanced lines » de N.-Lockyer, et
tiques dites de basse température.
L'étincelle oscillante, au contraire, obtenue par l'in-
tercalation d'une self-induction dans le circuit de
décharge du condensateur, est composée presque uni-
quement de l’auréole, et ne contient plus que des raies
des métaux. Les raies de haute température ou raies
courtes de l'étincelle ordinaire s'affaiblissent jusqu'à
disparaître et les raies de basse température devien-
ment plus vives. Avec une faible self-induction, les raies
“de l'air ont disparu; quant à celles des métaux, l’action
de la self-induction les répartit en trois classes
NT lignes diminuant rapidement d'intensité pour dis-
- paraître avec l'augmentation de la self : raies de l'air,
… doublets verts de Cd et de Zn, lignes 424,5 et 438,7 de
- Pb; 2° lignes s'affaiblissant lentement et d'une manière
“ continue par l'accroissement de la self ‘, tel le triplet
MS du vert qui correspond au groupe b de Frauen-
“ hofer; 3° lignes qui, après avoir diminué et atteint un
“minimum, augmentent cousidérablement d'éclat jusqu'à
pu maximum, pour diminuer de nouveau : principales
raies Fe et Co, etc.
M. Hemsalech ayant circonscrit son étude à la por-
tion du spectre photographiable avec des systèmes opti-
ques de verre sur des plaques d'usage courant isochro-
matiques où non, le champ embrassé est compris entre
À 590 et À 350. La dispersion, obtenue par l'emploi soit
de deux prismes ordinaires en flint, soit d’un ou deux
prismes composés de Rutherford, avec des objectifs à
long foyer (0,80 et 1,05), était assez forte pour four-
nir des spectrogrammes d'une lecture aisée, permettant
de suivre facilement à l'œil nu les variations spectrales
successives de vingt-deux épreuves obtenues l’une au-
dessus de l’autre sur un même cliché, déplacé vertica-
lement dans le plan focal. Les mesures de longueurs
d'onde étaient faites sur une machine à diviser et trans-
formées avec des courbes à grande échelle. Les self-
.inductions de grandeurs variables étaient obtenues par
l'intercalation de couches successives de fils enroulés
en deux bobines de longueurs différentes (0,20 et
. 0%,50), et dont l’ordre de grandeur en totalité pouvait
s'élever approximativement, d'après l’auteur, Jusqu'à
0,06 henry. Tout en regrettant que le temps ne lui ait
pas permis la mesure des coefficients de self-induction
. employés, nous noterons les détails donnés sur la con-
struction de ces bobines, et qui permettront d'en con-
. Struire facilement de semblables. Toute la partie expé-
rimentale de ce Mémoire est décrite avec la plus grande
précision. L'installation et le réglage des appareils spec-
. trographiques sont donnés avec beaucoup de soins et de
- clarté, et forment ainsi une instruction pratique sur la
t 4 La plupart font partie des séries de MM. Kayser et
4 Runge.
ES Re SE
nfin l’auréole elle-même, qui fournit les raies métal-
photographie spectrale, intéressante à lire pour tous
ceux qui s'intéressent à la spectroscopie.
Le meilleur éloge à faire de l’important Mémoire de
M. Hemsalech est de montrer qu'il a été suivi et conli-
nué. 1] a, en effet, suscité en Allemagne la thèse de
M. Berndt', qui s'est spécialement attaché à faire la
comparaison entre la self-induction et celle d'une résis-
tance équivalente, sur les spectres d'étincelle. Il à
donné raison à M. Hemsalech contre M. Hagberssel*, en
montrant que, tandis que la self-induction augmente la
durée de la décharge et fait disparaitre un grand
nombre de raies, rendant celles qui subsistent plus
étroites, ces effets ne sont pas produits par leur résis-
tance équivalente, celles-ci n'apportant aucun retard à
Ja décharge. M. Berndt a mesuré et calculé avec exac-
titude les constantes physiques (self-inductions, résis-
tances, capacité) des dispositifs mis en jeu, mais n’a
malheureusement pas dépassé des self dix fois infé-
rieures à celles de M. Hemsalech. D'autre part, son tra-
vail, effectué avec une faible dispersion, mais avec uu
spectrographe de quartz, complète celui de M. Hemsa-
lech, en s'étendant jusqu'à À 200.
Non seulement la thèse de M. Hemsalech a fait pro-
gresser nos connaissances sur la nature de l'élincelle
électrique, mais elle a aussi fourni un procédé nouveau
qui permettra, dans bien des cas, d'éliminer le spectre
de l’air et de simplifier les spectres, souvent si compli-
qués, qui se rencontrent dans la pratique de l'analyse
spectrale. A. DE GRAMONT.
Dugast (J.), Directeur de la Station agronomique
d'Alger. — Les Vins d'Algérie. — 1 vol. in-8 de
140 pages. (Prix : 2 fr.) Giralt, imprimeur. Alger-
Mustapha, 1901.
M. Dugast a écrit cette notice à l'occasion de l'Expo-
sion de 1900; il a voulu montrer quelle était l'impor-
tance et rechercher quel était l'avenir du vignoble
algérien.
M. Dugast signale les progrès que la vinification a
faits en Algérie; ces progrès sont très grands, et il était
d’ailleurs indispensable que l'Algérie les réalisàt, car la
réputation de quelques-uns de ses vins commencait à
être compromise. Je suis tout à fait de l'avis de M. Dugast
quand il dit que c'est en produisant des vins solides et
bien constilués que les colons pourront avantageusement
lutter. Quel est, en effet, l'objectif principal de l'Algérie?
C’est d'exporter ses vins en France. Or, nous produisons
dans le Midi une grande quantité de pelits vins. Il nous
faut donc acheter de préférence des vins riches. L'Algérie
peut produire ces vins alcooliques, corsés, riches en
couleur que le commerce va actuellement chercher en
Espagne, en Italie, etc. L'objectif de l'Algérie doit donc
être de se substituer complètement à l’étrangér dans
l'importation en France de ce genre de vins.
Tout cela est parfaitement juste, et cela l'était beau-
coup plus au moment où M. Dugast a écrit sa notice.
Depuis, en effet, la situation économique de l'industrie
viticole, et surtout de l’industrie vilicole algérienne, à :
considérablement changé. Deux faits nouveaux se sont
produits, qui ont amené ce changement : l'importance
de la vendange de 1900 et la modification de la loi des
boissons; la viticulture traverse une crise économioue
dont la durée est difficile à prévoir; la surproduction
de la vendange de 1900 peut se reproduire fréquem-
ment, étant donnée l'importance du vignoble reconstitué,
eton ne prévoit pas que la loi sur les boissons, qui à
favorisé la consommation des petits vins du Midi, puisse
recevoir une modification avantageuse pour l'Algérie.
Le vignoble algérien est donc, en ce moment, dans
une situation économique critique. Il faut, pour en sor-
tir, qu'il produise d’abord des vins pouvant prendre
1 Ueber den Einfluss von Selbstinduction auf die durch
den luductionsfunken erzeugten Metallspectra im ultra-
violett. Inaugural-dissertation. Halle A. S. //ofbuchdruckerei
vou Kœwmmerer, 1901. £
? Journal de Physique, Ie série, t. IX, p. 153, 1900
888
BIBLIOGRAPHIE — ANALYSES ET INDEX
chez nous la place des vins étrangers. Il faudrait aussi
que l'Algérie s’orientàt vers la production des vins de
liqueurs, des raisins secs, des moûts concentrés, etc.;
en un mot, qu'elle mit à profit les ressources de son
climat pour utiliser plus avantageusement tous les rai-
sins qu'elle produit et qu'elle se borne actuellement à
transformer en vin ordinaire. X. ROCQUES,
Ingénieur-Chimiste,
Ancien Chimiste principal du Laboratoire
de Paris.
3° Sciences naturelles
Chalon (J.), Professeur à l'Université nouvelle de
: Bruxelles. — Notes de Botanique expérimentale,
2me édition. — 1 vol. in-8°, de 339 pages, avec
T planches (Prix : 7 fr. 50.) Librairie scientifique de
Ad. Wesmael-Charhier. Namur, 1901.
« Celui qui aura épuisé les Notes pourra déjà se dire
fort, plus que s'il avait lu dix gros bouquins... sans
toucher une plante. Il sera mûr pour des travaux
personnels, ilaura en mains l'outil précieux, la méthode
el il pourra espérer d'ajouter à son tour des chapitres
nouveaux à la science. » Qu'est-ce donc que ces Votes
de Botanique expérimentale dont l’auteur attend de si
heureux résultats? Disons-le tout de suite : le livre ne
répond pas à son titre. On y chercherait en vain des
expériences personnelles sur divers sujets de Botanique.
L'expérimentation, au sens des physiologistes, n'y tient
pas la première place. La confection d'un herbier,
l’assemblage des collections, les préparations micros-
copiques sont, pour M. Chalon, des moyens de traiter
expérimentalement les questions botaniques. La
description des organes, la simple énumération des
plantes qui en offreut de bons exemples, prennent
place sous le titre de physiologie. « Voir pour savoir,
telle est l'idée simple de ce livre, où il ne faut pas
chercher un cours de Botanique, mais un guide
d'initiative et d'observation. » Laissons donc de côté la
Botanique expérimentale, pour parcourir cette inté-
ressante série de leçons de choses botaniques.
L'étudiant y trouvera un guide précieux pour utiliser
les matériaux les plus vulgaires, développer le sens et
l'esprit d'observation, du moins s'il est assez favorisé
pour recourir souvent aux lumières d'un maitre aussi
sagace que l’auteur du livre, si sa bibliothèque est
garnie d'une dizaine au moins de « gros bouquins »
énumérés dès la première page, et s'il est à portée d'une
bibliothèque publique possédant les périodiques aux-
quels les Notes font de nombreux renvois.
Les Notes seront, croyons-nous, d'un maniement
plus commode et d’un profit plus net pour ceux qui
ont déjà reçu l'initiation verbale dans un laboratoire
ou dans des excursions botaniques. Les maitres eux-
mêmes y trouveront une foule de renseignements.
C'est, en effet, un livre de renseignements sur les
moyens de se procurer les matériaux d'étude, soit
dans la Nature, soit dans le commerce ou par voie
d'échange. C’est un répertoire d'adresses, d'indications
bibliographiques, de recettes, de procédés concernant à
peu près tous les chapitres de la Botanique, donnés
au reste un peu au hasard, sans proportion bien
pondérée entre les diverses parties. Mais il serait
injuste d’en faire un reproche à un ouvrage si modeste
dans son titre. Comme forme, ce sont bien des Notes.
D'ailleurs, nous nous y retrouverons sans peine.
Après un chapitre de technique générale, dans lequel
l'auteur s'étend surtout sur les procédés simples,
économiques, à la portée de tous, nous abordons la
technique spéciale avec la cellule. L'étude de la mem-
brane y tient une place prépondérante ; l'épaissis-
sement de la paroi cellulaire ne comprend pas moins
de vingt paragraphes énumérés à la table des malières.
Les protoplasmes et le noyau sont traités au contraire
brièvement. Les chapitres suivants sont consacrés à la
racine, à la tige, à la feuille, à la multiplication par
fragments, à la reproduction sexuée. Dans chacun
d'eux, l'organographie, l'anatomie, la physiologie sont
envisagés successivement.
Les rapports dés plantes avec le milieu inerte ow
vivant font encore l'objet de quelques pages à la fin
volume.
Les Cryptogames ont fourni un cerlain nombre
d'exemples dans les chapitres précédents, notamment
au sujet de la cellule, de la fécondation, de la germi
nation. Néanmoivs, un chapitre spécial est consacré à
la technique des Cryptogames. M. Chalon ne l'a pas
traité avec le même luxe de détails que le reste du
livre, sans doute parce qu'il considère cette étude:
comme moins abordable pour le débutant privé d'ex=
olications verbales. Pour l'étude des Bactéries, des
aboraloires spéciaux sont nécessaires ; pour les.
Lichens, « il faut absolument demander à un spécialiste
les trois où quatre espèces dont nous avons besoin »;
pour les Mousses, « si un bryologue complaisant consent
à communiquer les premiers spécimens, la tâche sera
simplifiée ». Pour les Algues, les Champignons, les
exemples sont classés dans l’ordre alphabétique ; ainsis
le Bolet se trouve en compagnie des Aspergilles et de
la Carie ; les Mucor, les Phycomyces, les Rhizopus sont
décrits à des pages différentes, et, à défaut d'ordre
logique, une simple coquille d'imprimerie (comme
Mycomycètes pour Myxomycètes) doit jeter le bota-
niste novice dans un sérieux embarras.
Le développement des diverses questions est donc
inégal. Cette disproportion s'explique par l'esprit qui
se dégage de tout le livre. Le botaniste inexpérimenté
qui l'aura pris pour guide comprendra qu'il est des
sujets délicats au-dessus de sa portée. Avant d'aborder
la technique difficile de la cytologie et de la cryploga-
mie, il y trouvera le moyen de multiplier, de varier les
observations faciles, simples, infaillibles. Voir beaucoup
pour apprendre à voir, observer sûrement pour devenir
observateur, c'est assurément une meilleure gymnas-
tique intellectuelle que d'aborder d'emblée des pro-
blèmes complexes dans lesquels l'imagination et l'au=
torité viennent trop complaisamment au secours des
l'expérience en défaut. Il n'est pas mauvais qu'un mi:
crographe commence par bien voir les formes et les
ornements de la membrane cellulaire avant de deviner
les stades de la mitose, qu'un physiologiste s'exerce
d'abord à des expériences simples. Toutes celles dont
nous trouvons le détail dans le livre de M. Chalon sont
faciles à répéter sans outillage dispendieux et encom-=
brant.
L'illustration comprend cinq planches montrant Iles
applications de la photographie à la reproduction ico=
nographique des plantes, depuis un Chêne géant réduit
plus de 100 fois, jusqu'à un fragment de Diatomée am-
plifié 10.000 fois. Une cinquantaine de figures dans le
texte représentent des instruments et des appareils faciles
à construire. Les procédés graphiques employés pour
ces figures sont expliqués à la fin du livre. j
M. Chalon n'a rien négligé, on le voit, pour faire des
Notes un livre pratique, un répertoire qui a sa place
sur la table du laboratoire. Tous ceux qui veulent faire
de l’histoire naturelle en observant la Nature y trouve-
ront un guide; ils y rencontreront les indications que
nul étudiant n'est censé ignorer, mais que les trois
quarts de nos licenciés ne connaitront jamais, s'ils s'en
tiennent à la préparation classique des grades universis
laires.
Les Notes de Botanique de M. Chalon sont donc le
complément nécessaire des traités didactiques. Nous
souhaitons que la troisième édition ne tarde pas à cor=
riger quelques lapsus, tels que les vaisseaux aëriens
et la triple coloration de l'Amylobacter, à combler
quelques lacunes, et, sans en faire un livre banal, à
accuser les grandes lignes, à donner aux diverses par=
ties la proportion et l'harmonie qui n'ont jamais déparé
une œuvre scientifique.
PauL VUILLEMIN,
Professeur à la Faculté de Médecine
de l'Université de Nancy.
“ne s’agit pas d'un
BIBLIOGRAPHIE — ANALYSES ET INDEX
839
Houssay (Frédéric), Maitre de Conférences à l'Ecole
Normale Supérieure. — La Forme et la Vie. Essai
de la Méthode mécanique en Zoologie.— 1 vol. 11-8°
de 924 pages, avec 782 fiqures dans le texte. (Prix:
broché, 40 fr.; relié, k5 fr.) Schleicher frères, édi-
teurs. Paris, 1901.
Dès la préface de ce livre, le lecteur est prévenu qu'il
rajeunissement de Traités de Zoologie
ordinaires, mais d'une œuvre entièrement originale
RÉ É
*
dont le modèle n'existait pas encore, et qui rompt
bsolument avec les procédés d’exposilion suivis jus-
qu'ici. Une telle œuvre, venant d’un homme qui occupe en
…Loologieune importante situation officielle, mérite d'être
“examinée avec grand soin; elle n’est pas, à coup sùr,
d’un penseur ordinaire.
Après avoir rappelé qu'une Grenouille a changé de
forme, en fonction du temps, depuis l'œuf jusquà
l'adulte, que le Cheval actuel a été précédé par une
‘série de formes continues, fonction du temps, M. Hous-
say concoit l’histoire de la forme animale comme celle
d'un mouvement, comme une Mécanique, et, consé-
»quent avec cette idée, il divise son ouvrage en Statique
(corps au repos en équilibre), en Cinématique (mouve-
-ment du corps indépendamment des causes qui le pro-
- duisent), et en Dynamique (mouvement produit par des
causes données.
La Statique comprend l'étude sommaire des embran-
chements, caractérisés, comme ceux de Cuvier, par la
disposition du système nerveux : Vertébrés, Mollus-
ques, Articulés, Echinodermes, Gastréades (= Plathel-
minthes + Cœlentérés) et Protozoaires ; puis vient
l'étude succincte de la cellule au repos et des tissus :
en somme, la Slatique comprend l'Anatomie et l'Histo-
losie.
La Cinématique débute par un chapitre intitulé « La
continuité dans la forme », qui montre que les embran-
chements et les classes sont reliés entre eux par des
types intermédiaires, Amphioxus,Tuniciers (reliant les
Vertébrés aux Mollusques), Balanoglossus, Cephalo-
diseus, Rhabdopleura, Brachiopodes, Géphyriens, Péri-
pates (reliant les Vers annelés et les Arthropodes), ete. ;
- vient ensuite un résumé de l'Embryologie, comprenant
- la description des principales formes larvaires et des
. processus morphogéniques, plissements et métabolies,
le développement métamérique, la formation et la cor-
respondance des extrémités céphaliques, etc. Puis,
symétriquement à la cellule au repos en Statique,
l'étude de la division cellulaire, ensuite l'histogénèse et
la différenciation, la phagocytose, la fécondation, la
régénération, et enfin les théories sur l’isotropie de
l'œuf et la spécificité des feuillets, En somme, la Ciné-
matique est un mélange d'Embryologie, de Cytologie
et d’un certain nombre de chapitres de Biologie géné-
rale.
La Dynamique comprend divers chapitres de Biologie
ou de Zoologie générale : dynamique de la cellule et de
la fécondation, action des milieux, dimorphisme sexuel
et déterminisme du sexe, déterminisme des métabolies,
- adaptation, mimétisme, parasilisme, fixation, etc.; en
somme, l'étude des déterminismes.
Chacun de ces trois livres est terminé par une revue
des théories générales suggérées par les faits techni-
ques exposés au point de vue statique, cinématique ou
dynamique : dans le premier, la théorie de l'unité de
plan de composilion et le principe des connexions de
Geoffroy Saint-Hilaire (en somme, la Morphologie), puis
les théories microméristes sur la constitution de la
matière vivaute (Weismann):; dans le deuxième, la
loi de concordance des stades embryologiques et des
séries d'adultes; dans le troisième, le lamarckisme, que
M. Houssay adopte dans toute sa plénitude, le darwi-
nisme et l'origine de la matière vivante.
Cette sorte de table des matières que je viens de
dresser suffit à montrer l'incontestable nouveauté de
l'arrangement; cette joriginalité se poursuit dans la
rédaction des chapitres techniques ou théoriques;
l'auteur use avec une visible prédilechon du langage
philosophique ou mathématique, en général assez
étranger aux biologistes; par exemple : « [étude
complète des qualités des vivants revient donc à dé-
terminer par des mesures possibles une fonction
FE (y, ©, 0) — 0, c'est-à-dire à construire une surface »
(p- 256).
« L'Embryologie poursuit la solution de la formule
générale suivante :
À HR rr (p. 261
û
p—"1
« L'évolution normale est proportionnelle aux carrés
des temps » (p. 908). — « Réaumur, Fabre, etc., ont
donné, à propos des phénomènes de la Nature, d'inté-
ressantes et copieuses descriptions, sans s'inquiéter de
réduire la qualité à la quantité et sans rien mesurer;
mais, justement pour cela, leur œuvre est toute litté-
raire et point scientifique (p. 2#) ».
Ces citations suffisent à montrer que l'écriture de
M. Houssay n’est pas banale; mais elle reste le plus
souvent claire et même attachaute, malgré son appa-
reil métaphysique.
à Critique. — Depuis les origines de la Zoologie, on
s’est certainement peu préoccupé de lui reconnaitre des
points de vue statique, cinématique ou dynamique,
ce qui ne parait pas du reste lui avoir fait de tort; les
savants se sont bornés à décrire ce qu'ils voyaient, ce
qu'ils observaient de manière plus ou moins expéri-
mentale (Anatomie, Histologie, Physiologie et Embryo-
logie), en groupant et en sériant autant que possible les
faits de facon à aider la mémoire (Morphologie et Zon-
logie générale); puis, avec les progrès de la connais-
sance, ils se sont attachés à la recherche, infiniment
plus difficile, des déterminismes.
Ces trois étapes de la Science, découverte et descrip-
tion, groupement, explication, doivent forcément se
succéder d'une facon chronologique pour un même
objet, ce qui est, du resle, une évidence de sens com-
mun; il à fallu d'abord trouver la cellule, puis les
phénomènes de la vie cellulaire (ÿ compris la division),
avant de tenter la recherche des déterminismes de ces
phénomènes et de la constitution de la cellule. Que
M. Houssay veuille donner à ces trois étapes les noms
de Statique, Cinématique et Dynamique, il est per-
mis de trouver que la nouveauté est beaucoup plus
dans les termes que dans la méthode; qu'à toute force,
il veuille faire rentrer telles observations dans la Sta-
tique (étude des Vertébrés, Mollusques, etc.), et telles
autres dans la Cinématique (étude de l'Amphioxus et
des Tuniciers, pour montrer la continuité entre les
grandes coupures de la Statique), alors que les unes et
les autres sont tout simplement des descriptions d'ob-
jets tels qu'ils apparaissent à nos sens, je n'y puis voir
que la préoccupation paradoxale de ne pas « faire défi-
ler le règne animal embranchement par embranche-
ment, comme desrégiments dont on se borne à changer
l'uniforme ».
M. Houssay dit quelque part que les ouvrages de
Zoologie sont toujours disposés sur un plan uniforme,
rappelant celui des Suites à Buflon où de l'Anatomie
comparée de Cuvier; mais, je trouve, au contraire,
qu'ils sontextrèmement disparates, suivant l'objet qu'ils
se proposent : la Zoologie de Claus ou de E. Perrier,
celle de Delage, l'Analomie comparée de Roule, de
Lang, les Traités d'Hertwis, sans parler des livres plus
spécialisés d'Histologie, d'Embryologie, de Biologie gé-
nérale, sont aussi différents que possible. M. Houssay
a écrit, à son tour, un Traité encore différent de ceux-
là, dont l’arrangement est basé sur une certaine idée
théorique; reste à voir, pour juger du mérite de cet
arrangement, si les matières se présentent daus un
ordre logique et pratique, allant du simple au complexe,
du facile à comprendre au plus compliqué, des faits
aux théories qui les groupent et les expliquent.
Je ne puis pas convenir qu'il en soit ainsi : étudier la
890
structure de la cellule en Statique, puis les phénomènes
de la division beaucoup plus loin eu Cinématique, puis
enfin donner les tentatives d'explication de la mitose
et des phénomènes cellulaires beaucoup plus loin, en
Dynamique, je n'y vois pas d'avantages notables et je
trouve une foule d'inconvénients à scinder ainsi tout
ce qui a rapport à un même objet. Il paraît singulier
d'étudier la genèse des formes et des tissus avant de
connaitre la division cellulaire, alors que celle-ci est
facteur de celle-là; il me paraît illogique de passer en
revue (1° livre : Statique) les formes et Ja structure des
animaux et leur division en groupes depuis les Verté-
brés jusque et y compris les Protozoaires, alors que le
lecteur est censé ignorer encore ce que sont une cel-
lule et un tissu. La fonction des organes est indiquée
dans la Statique ; comment se fait-il que la phagocytose
soit réléguée dans la Cinématique? N'est-ce pas une
fonction de cellule, au même titre que la sécrétion de
diastases ou la différenciation de neuro-fibrilles ?
Avec la meilleure volonté du monde, je n'arrive pas
à comprendre pourquoi M. Houssay restaure à peu
près, en Statique, les cinq embranchements de Cuvier,
Vertébrés, Mollusques, Articulés, Echinodermes et Gas-
tréades; ce n’est pas la peine d’avoir travaillé pendant
trois quarts de siècle pour en revenir à quelque chose®
qui est sûrement incomplet et inexact. Même observa-
tion pour la division en classes des embranchements :
les Mollusques comprennent autre chose que les Cépha-
lopodes, les Acéphales et les Gastropodes; pourquoi
les Amphineures et les Scaphopodes sont-ils passés
sous silence en Statique? Les zoologistes accepteront
difficilement la division des Protozoaires en Monères,
Amibes, Rhizopodes, Ciliés (renfermant les Flagellés)
et Sporozoaires; on sait bien que presque sûrement il
n'y à pas de Monères, et que les Amibes sont insépa-
rables des autres Rhizopodes. La recherche de l'origi-
nalité, très estimable en soi, ne peut cependant pas
aller jusqu'à modifier sans bonnes raisons ce qui est
admis dans la Science.
Quelques négligences de rédaction ou des Zapsus
calami, bien excusables du reste dans un livre aussi
volumineux, ne laissent pas d’être regrettables, notam-
ment au sujet du cou des Oiseaux (p. 69), du polypier
des Madréporaires (p. 450), de la glande venimeuse
des Scolopendres (p. 104).
D'une facon générale, si ce livre n'avait pas, avant
tout, un caractère théorique et transcendant, il y au-
rait peut-être lieu de regretter que l’auteur se soit
peu préoccupé de mettre les faits au courant de la
science actuelle.
Pour résumer cette longue analyse, je dirai que le
livre de M. Houssay ne me semble pas fait pour des
étudiants, si avancés qu'ils puissent être; c’est plutôt
une Zoologie transcendante, qui ne pourra être goûtée
que par des professionnels, et qui, pour cette raison,
aurait pu être considérablementallégée danslapartie des-
criptive. Geux qui sont enclins aux spéculations méta-
physiques y trouveront de quoi se satisfaire amplement ;
les positivistes, qui apprécient surtout les faits et les
expériences et n'acceptent les belles théories qu'avec
un grain de scepticisme, ne seront pas fâchés non plus
de lire un livre si opposé à leurs tendances, Les uns
et les autres en retireront d’ailleurs profit; si je n'ai
pas ménagé les critiques, je dois dire que j'ai lu avec
grand plaisir la plupart des chapitres isolés de Mor-
phologie ou de théories générales : signification des
formes larväires, tête et céphalisation, mort et immor-
talité, métamérie, etc.; on y rencontre des aperçus
iutéressants, souvent paradoxaux, comme cette com-
paraison de la fécondation d'un œuf mérogonique avec
une greffe (p. 607). En somme, si cet essai de la mé-
thode mécanique en Zoologie me parait prématuré et
peu pratique, on doit néanmoins savoir gré à M. Houssay
d'avoir tenté du nouveau, quel que soit le sort de sa
tentative.
L. Cuénor,
Professeur à l'Université de Nancy.
BIBLIOGRAPHIE — ANALYSES ET INDEX
4 Sciences médicales
Jeanselme (E.), Médecin des Hôpitaux de Paris. =
Etude sur la Lèpre dans la péninsule Indo-Chi-
noise et dans le Yunnan. — { rochure in-8° de 90
pages, avec gravures dans le texte. Carré et Naud
éditeurs. Paris, 1901.
On a beaucoup écrit, ces temps-ci, sur la lèpre. Le
livre de M. Jeanselme présente ceci de particulier et
d'intéressant que c'estune étude faile sur place. Chargé
par le Ministre de l'Instruction publique et par le Minis=
tre des Colonies de rechercher les moyens propres à
combattre la lèpre dans les colonies francaises de
l'Extrème-Orient, il a d’abord visité les divers foyers
d'endémie lépreuse qui existent dans l'Indo-Chine
française et dans le Yunnan; puis, il a étudié l'aména-
gement des léproseries établies dans les colonies
anglaises de la Birmanie et du Gouvernement des
Détroits. Il à ainsi recueilli des faits fort intéressants,
qui forment la base de son étude documentée eb cons=
ciencieuse.
La lutte contre la lèpre présente-t-elle vraiment un
intérêt pratique? Les faits que cite M. Jeanselme ne
laissent aucun doute à ce sujet. On est tout surpris
d'apprendre, par exemple, que le nombre des lépreux
disséminés dans nos possessions indo-chinoises est
de 12.000 à 15.000. On comprend alors que toutes ces
existences improductives, qui sont à la charge de la
colonie, représentent, au point de vue économique, un
énorme déchet, et que cette endémie lépreuse ait pour
résullat d'accroitre la pénurie de la main-d'œuvre indi- «
gène el d’écarter les colons européens de notre do-
maine d'outre-mer. Il est, en effet, démontré aujourd'hui
que le colan contracte fort bien la lèpre et que celle-ei
tend à s'infiltrer dans la population blanche. Il ne
saurait, du reste, en être autrement; car, dans nos colo=
nies, les précautions les plus élémentaires, pour se pré-
munir contre la contagion, sont négligées. Voici, parmi
les faits que cite M. Jeanselme, quelques-uns qui sont
particulièrement probants à cet égard.
Nombre de lépreux à Saigon font le métier de
coolies; ils gagnent leur vie à décharger sur le port
les bagages des voyageurs ou les légumes arrivant de
Chine; d'autres errent en ville, mendiant aux alen-
tours de la ville.
A Hanoï, dans une grande boucherie européenne, le
garcon indigène qui débite la viande est lépreux.
Le gardien indigène du dispensaire du Haïphong, où
sont enfermées les prostituées atteintes de maladies
vénériennes, est un lépreux. Dans les prisons de Saigon,
de Pnom-Penh, de Vinh, de Luang-Prabang, des lépreux
vivent au milien des détenus sains.
Pour combattre l'extension du fléau, M. Jeanselme
demande qu'à l'exemple des colonies anglaises, on in-
terdise aux lépreux avérés l'exercice de certaines pro-
fessions telles que celles de boulanger, de boucher,
de blanchisseur, de barbier, de domestique, d’intir-
mier, etc., etc. Ces mesures élémentaires devront être.
complétées par une surveillance étroite de l'immigra-
tion jaune, par la construction de léproseries ter-
restres et insulaires où seraient internés et isolés les
lépreux, par la surveillance des foires, marchés.et tous
autres lieux de rassemblement. Pour ce qui est des
détails de l’organisation de cette défense si légitime,
nous ne pouvons que renvoyer nos lecteurs au livre si
intéressant de M. Jeanselme.
Dr R. Roue,
Préparateur à la Faculté de Médecine
de Paris.
Meunier (D'), Médecin en chef de l Hôtel-Dieu de Pou-
toise, et Plieque (D' A.-F.), Médecin en chef du
Sanatorium d'Angicourt. — Le Traitement hygié-
nique des tuberculeux dans l’ancienne médecine
(Extrait du Bulletin médical). — Une broch. 1n-8° de
22 pages, Librairie du Bulletin médical. Paris, 1901.
ACADÉMIES ET SOCIÉTÉS SAVANTES
891
ACADÉMIE DES SCIENCES DE PARIS
Séance du 16 Septembre 1901.
» 4° SCIENCES MATHÉMATIQUES. — M. G. Poisson donne
ine solution générale du problème de la voûte élastique
Supportant uue charge hydrostatique; la méthode em-
ployée est fondée sur la considération des filets élé-
menlaires obtenus en décomposant la section droite de
la voûte par une série de courbes orthopiéziques
infiniment rapprochées.
20 Scexces PHysIQuEs. — M. A. Cornu expose la
démonstration des formules qu'il a données précé-
demment pour la détermination complète, en grandeur
et en direction, des paramètres optiques d'un cristal.
__ M. E. Mercadier a expérimenté, sur le circuit de
Paris à Bordeaux, l'emploi simultané de la télégraphie
multiplex à courants ondulatoires et de la télégraphie
ordinaire à courants continus; on obtient ainsi une
transmission excessivement rapide, — M. J, Mascart
a observé le 9 septembre à Bréval trois larges rayons
lumineux divergents émergeant d'un point situé à 180°
du Soleil. — M. de Forerand a appliqué sa règle à
l'hydrate de chloral et trouvé que ce corps, à la tem-
» pérature de l’ébullition, donne une vapeur contenant à
Ja fois de l'eau, du chloral et un peu (#4 à 5 °/,) d'hy-
… rate de chloral non dissocié.
… 39 Sciences NATURELLES. — MM. L. Duparc et F.
À Pearce ont étudié la dunnile du Koswiosky-Kamen
… (Oural); elle présente de nombreux filons en voie de
serpentinisation.—MM.L.CapitanetH.Breuilsignalent
l'existence de figurations d'animaux, gravées sur les
parois d’une grotte sise aux Combarelles, commune de
Tayac (Dordogne). Ces figurations remontent à l'époque
où vivaient, en France, le mammouthet le renne ; elles
sont donc paléolithiques et très vraisemblablement
magdaléniennes.
Séance du 23 Septembre 1901.
40 Sciences MaruémarIQuEs. — M. G. Kœnigs étudie
les systèmes binaires et les couples d'éléments cinéma-
tiques.
20 SCIENCES NATURELLES. — MM. H. Claude et A. Zaky
ont constaté que la lécithine, grâce à son action en
quelque sorte spécifique sur l'élimination des phos-
phates par les urines, à son influence remarquable sur
les échanges nutritifs, peut ètre considérée comme un
adjuvant précieux des diverses méthodes de traitement
de la tuberculose. — MM. G. Gastine et V. Vermorel,
à la suite des ravages causés par la Pyrale dans les
vignobles du Beaujolais, ont cherché à détruire ces
papillons nocturnes au moyen de pièges lumineux,
alimentés par le gaz acétylène, et entourés d'un bassin
rempli d'eau recouverte d'huile qui tue les insectes qui
s'y jettent. Ce moyen a été de tous le plus efficace et il
ne représente qu'une dépense de 6 fr. 40 par hectare
pour trois semaines. — M, A. Astruc à constaté que :
4 L'acidité de la tige d'une plante diminue à mesure
que l’on s'éloigne du sommet ; 2 L'acidité des feuilles,
supérieure à celle de la tige, est en raison inverse de
l'âue ; 3° Dans une même feuille, le maximum d’acidité
se trouve vers la zone de croissance ; 4° L'acidité de la
fleur décroit depuis l'état de bouton jusqu'à complet
épanouissement. — MM. L. Capitan et H. Breuil
décrivent une série de véritables peintures à fresque
qu'ils ont observées dans la grotte de Font-de-Gaume
(Dordogne); elles sont très vraisemblablement de
l'époque magdalénienne.
ACADÉMIES ET SOCIÉTÉS SAVANTES
DE LA FRANCE ET DE L'ÉTRANGER
ACADÉMIE DE MÉDECINE
Séance du 1° Octobre 1901.
M. le Vice-président annonce le décès de M. A. Leo
Roy de Méricourt, membre de l’Académie.
M. G. Pouchet résume des expériences qui démon-
trent : 1° que l'action toxique de l’antimoine, ainsi que
sa localisation, ne commencent à se montrer qu'à une
dose élevée relativement aux doses correspondantes
d'arsenic ; 2° que la localisation de l’antimoine est
très différente de celle de l'arsenic ; 3° que, dans les
mélanges d’arsenic et d'antimoine, ce dernier, loin de
diminuer le pouvoir toxique de l’arsenic, paraît au
contraire le soutenir et mème l’accroître.
SOCIÉTÉ ROYALE DE LONDRES
1° SCIENCES PHYSIQUES.
J.-W. Walker: L'application de la théorie
cinétique des gaz aux propriétés électriques, ma-
gnétiques et optiques des gaz diatomiques. — L'au-
teur a cherché à appliquer la méthode de la théorie
cinétique des gaz de Botzmann-Maxwell aux propriétés
électriques, magnétiques et optiques des gaz. Pour sim-
plifier, il a supposé la molécule comme formée de deux
atomes; les résultats s'appliquent donc aux gaz comme
l'oxygène et l'hydrogène. La plupart des résultats
indiquent, d’ailleurs, ce qui doit se passer qualitative-
ment pour les autres molécules.
Un des atomes est supposé chargé positivement et
l'autre négativement, et la force qui agit entre les deux
atomes est considérée comme la force électrostatique
ordinaire. Les molécules peuvent être classées en trois
types : 1° Celles dans lesquelles les atomes tournent en
contact; 2 celles dans lesquelles les deux atomes
suivent des orbites elliptiques autour de leur centre de
gravité, mais non en contact; 3° celles dans lesquelles
les deux atomes suivent une orbite hyperholique
pendant le court instant où ils s'influencent d'une
facon appréciable.
La première partie du mémoire est consacrée au
calcul des proportions relatives de ces trois sortes de
molécules ; quoiqu'une solution complète n'ait pas été
obtenue, les résultats sout importants et préparent la
voie à des recherches plus complètes.
L'auteur montre ensuite qu'un tel système doit
présenter des propriétés magnétiques et il calcule le
coefficient de susceptibilité magnétique. Les formules:
obtenues concordent avec les expériences du profes-
seur Quincke sur le sujet. Le système possède aussi
des propriétés électriques, et l’auteur calcule la cons-
tante diélectrique. La formule diffère essentiellement
de celles des autres théories, en particulier de celle de
Boltzmann, surtout en ce qui concerne l'influence de
la température. La théorie concorde bien avec les
résultats obtenus par M. K. Baedecker dans ses expé-
riences sur l'effet de température. La conductibilité
est également calculée d’après le nombre d’atomes
libres présents. |
Les propriétés optiques sont enfin considérées, el
l’auteur calcule la réfraction produite par les atomes
libres et les molécules. Les atomes libres accélèrent la
vitesse avec laquelle les ondes sont transmises; quant
aux molécules, leur influence optique dépend de w,
w étant la vitesse angulaire de rotation de deux atomes
autour de leur centre de gravité commun. La disper-
892
ACADÉMIES ET SOCIÉTÉS SAVANTES
sion dépend essentiellement de la loi de distribution
des vitesses.
L'auteur calcule aussi le degré de rotation du plan
de polarisation dans un champ magnétique, et il mon-
tre que le signe de rotation dépend de l'atome qui a
la plus grande masse; si les masses sont égales, il n’y
a pas de rotation.
Les formules obtenues sont appliquées au cas de
, 3 , . e e
l'oxygène dans le but d'obtenir les valeurs de — et —;,
œ 111 11)
1 a
e étant la charge et m, et m, les masses des deux
atomes; les valeurs d'u et aussi de 2 r,, la somme des
rayons des deux atomes, sont également calculées. La
e . A
valeur de — concorde numériquement avec celle dé-
11
duite de considérations électrolytiques, tandis que la
e
valeur de concorde avec celle déduite de la cousi-
1,
dération de l'effet Zeeman,
A.-E. Tutton : Etude cristallographique com-
parée des séléniates doubles de la série R°Mg(SeO!};,
GH°0. — Ce mémoire sur les séléniates doubles magné-
siens, dans lesquels R représente le potassium, le
rubidium ou le césium, conduit aux mêmes conclu-
sions que le mémoire précédent de l’auteur sur les
séléniates doubles zinciques. On observe une progres-
sion uniforme, dans les propriétés morphologiques et
physiques, avec l'augmentation des poids atomiques
des trois métaux alcalins présents; les constantes du
sel de rubidium sont généralement intermédiaires
entre celles des sels de césium et de potassium.
Le groupe magnésien présente un intérêt particulier
en ce que la diminution progressive de la double
réfraction, d'après la loi qui a été établie pour les
séries des sulfates et séléniates doubles, conduit, dans
le cas du séléniate de magnésium et de césium, à un
tel rapprochement des trois indices de réfraction que
les cristaux de ce sel présentent des phénomènes
optiques exceptionnels : dispersion des axes optiques
dans les plans des axes croisés à la température ordi-
naire, la figure à un axe étant produite pour la lon-
gueur d'onde 466 dans le bleu; formation de la figure
uniaxiale pour chaque longueur d'onde lorsque la tem-
pérature est élevée, l'obtention de l’uniaxialité pour
Ja lumière rouge du lithium ayant lieu à 94°. Comme
Ja vie propre du sel finit à 100°, à cause de la présence
d’eau de cristallisation, cette substance simule des pro-
priélés unaxiales à toute température entre ses limites
d'existence tout en conservant les caractères généraux
de la symétrie monoclinique. A ce point de vue, elle
ressemble au sulfate correspondant, mais elle présente
une plus grande dispersion.
Il est intéressant de constater que les propriétés
optiques du séléniate double de magnésium et de césium
peuvent être prévues étant données les constantes du
sel de potassium et les lois de progression établies
pour les sulfates doubles et les séléniates doubles du
groupe du zinc.
20 SCIENCES NATURELLES.
A. Gamgee : Sur la facon dont se comportent,
dans le champ magnétique, l'oxyhémoglobine, l’hé-
moglobine oxycarbonée, la méthémoglobine et cer-
tains de leurs dérivés, et sur l’électrolyse des com-
posés de l’hémoglobine. —— Les recherches de l’auteur
peuvent se résumer comme suit :
La matière colorante du sang, l’oxyhémoglobine,
ainsi que l'hémoglobine oxycarbonée et la méthémo-
globine sont des corps tout à fait diamagnétiques.
Les dérivés contenant du fer, l'hématine et l'acéthé-
mine, sont des corps fortement magnétiques. Les dil-
férences, au point de vue magnétique, entre la matière
colorante du sang d'une part, l’acéthémine et l'héma-
tine d'autre part, montrent la profonde transformation
qui a lieu dans la molécule d'hémoglobine quand elle
est décomposée en présence d'oxygène.
L'étude préliminaire de l’électrolyse de l'oxyhémo-
globine et l’hémoglobine oxycarbonée semble montrer
que, dans la matière colorante du sang, le groupe con-
tenant le fer (duquel ses propriétés physiologiques
dépendent) est (ou est renfermé dans) un radical élec
tro-négatif; d'après les analogies, le fer, dans ce com-
plexe, posséderait des propriétés diamagnétiques et
non magnétiques. (
M. C. Potter: Sur la maladie bactérienne du
navet (Zrassica napus). — Ge mémoire donne les ré-
sultats d’une étude sur la cause d’une maladie spéciale
de la tête du navet. La maladie est visible sur les
plantes en train de pousser dans les champs; quelques
racines ont été trouvées toutes pourries; la partie dété-
riorée est blanche et possède une odeur particulière et »
désagréable. La recherche microscopique la plus minu-
tieuse n’a pas réussi à faire découvrir quelque trace
d'hyphes de champignons supérieurs dans la masse
attaquée, mais seulement une quantité considérable de
bactéries. Les tissus sont complètement désorganisés,
les cellules séparées les unes des autres le long de la
lamelle moyenne; les parois des cellules sont molles,
gonflées et faiblement striées; le protoplasma aussi a
perdu sa couleur primitive et est devenu brun et con-
tracté. La maladie peut être rapidement communiquée
à des racines saines qui sont dans la période de crois-
sance en faisant simplement une légère incision et en
inoculant la racine à la partie atteinte. ;
Après de longues séries de cultures, une bactérie à
été isolée et des cultures pures obtenues à partir d’uu
seul individu, lesquelles produisirent tous les symp-
tômes du « rot blanc» lorsqu'il a été semé sur des
morceaux stériles de navets vivants. Cette bactérie li-
quélie rapidement la gélatine; c’est un bâtonnet court,
mobile, avec une seule flagelle polaire, et, si on l’adopte
la classification de Migula, il a été décrit sous le nom
de Pseudomonas destructans. Quand il pousse dans le
tissu d'une plante vivante ou dans des solutions nutri-
tives, il secrète une cytase; celle-ci a été isolée par la
méthode bien connue de la précipitation par l'alcool,
et il a été prouvé qu'elle était la cause de la dissolution
des cellules, de l'amollissement et du gonflement des
parois des cellules de l'hôte.
L'apparence du tissu malade n’a pas pu être entière-
ment expliquée par l’action de la cytase. On a décou-
vert que le jus bouilli et filtré d'un navet qui s’est pourri
sous l'influence d'une culture pure de ?. destruc-
tans avait un puissant effet toxique sur la cellule d’une
plante vivante. Ce toxique est de l’acide oxalique. Une
réaction a probablement lieu entre le pectate de cal-
cium de la lamelle moyenne et l'acide oxalique produit
par la bactérie, le pectate de calcium neutralisant
l’acide oxalique et permettant ainsi la croissance con-
tinuelle de la bactérie.
L'action de cette bactérie sur les tissus de plante vi-
vante est semblable à celle de quelque champignon
parasite ; dans les deux cas, l'organisme envahi produit
de l'acide oxalique qui agit comme un toxique du
protoplasma et, décomposant le pectate de calcium,
produit la dissolution des cellules ; il y aussi la secré-
tion d'une cytase, qui a une action destructive sur la
paroi de la cellule et la substance iatercellulaire. La
question du parasitisme de la bactérie a donc la même
importance que celle des champignons, et on peut éta-
blir une homologie complète entre tes deux sujets. De
nombreuses observations dans les champs permettent
d'affirmer que le P. destructans est toujours introduit
dans une partie blessée par l'intermédiaire des limaces
et des larves.
Le Directeur-Gérant : Louis OLiviEr.
Paris. — L. MARETHEUX, imprimeur, 1, rue Cassette,
N° 20
30 OCTOBRE 1901
DIRECTEUR :
Revue générale
Des SCienc
pures el appliquées
LOUIS OLIVIER, Docteur ès sciences.
Adresser tout ce qui concerne la rédaction à M. L. OLIVIER, 22, rue du Général-Foy, Paris. — La reproduction et la traduction des œuvres et des travaux
publiés dans la Revue sont complètement interdites en France et dans tous les pays étrangers, y compris la Suède, la Norvège et la Hollande.
$ 1. — Métrologie
La troisième Conférence internationale
“du Mètre. — Les délégués des Etats signataires de
Ma Convention du Mètre viennent de se réunir à Paris
pour là troisième fois, afin de prendre connaissance du
MRapport préparé par le Comité international des Poids
pet Mesures concernant les travaux exécutés depuis six
ans dans le Bureau dont il a la haute surveillance, et
e discuter en même temps le programme futur des
echerches et les mesures propres à assurer la propa-
ation du système métrique.
» La Conférence a tenu quatre séances, dont l'une au
inistère des Affaires étrangères sous la présidence de
. Delcassé, et les trois autres au Pavillon de Breteuil,
MSiège du Bureau international. M. Millerand, ministre
lu Commerce, a tenu à présider lui-même l’une des
ances, et à témoigner, dans un beau discours, l'inté-
ët que le Gouvernement de la République prend à
euvre commune et au développement de la belle ins-
fitution créée il y a vingt-cinq ans par une entente de
Ja plupart des Etats civilisés ; les autres séances ont été
présidées par M. Bouquet de la Grye, vice-président de
PAcadémie des Sciences, remplacant M. Fouqué, à qui,
conformément aux dispositions de la Convention du
Mètre, cette fonction revenait, et qu'une indisposition
Mienait momentanément éloigné de Paris.
n Dans le Rapport présenté à la Conférence par
M: Færster, président du Comité international, l'émi-
nent directeur de l'Observatoire de Berlin a décrit
ommairement les recherches faites pour établir, par
des procédés dérivant de ceux de M. Michelson, des
échelles micrométriques dont les valeurs sont déter-
Mminées avec une précision inconnue jusqu'ici, sans
“qu'il soit nécessaire d'avoir recours à l'opération très
“longue et fastidieuse de l’étalonnage d’une règle; il a
parlé aussi de la construction et de l'étude, entreprise
par le Bureau, d'étalons du décimètre d'une grande per-
“iéclion, dont un grand nombre d'exemplaires ont été
répandus dans les observatoires etles laboratoires, et qui
mendront de très grands services dans les mesures de
précision; il a décrit enfin les longues et patientes re-
‘herches exécutées en vue de déterminer l'importante
ustante naturelle qui définit le rapport entre le kilo-
REVUE GÉNÉRALE DES SCIENCES, 1901.
CHRONIQUE ET CORRESPONDANCE
gramme et la masse du décimètre cube d’eau, et les
expériences qui ont conduit à la découverte des pro-
priétés si curieuses et si importantes des aciers au
nickel. Ces divers travaux ont été développés dans des
communications faites par le très distingué directeur
du Bureau international, M. J.-R. Benoit, et par ses
collaborateurs dévoués, MM. P. Chappuis et Ch.-Ed.
Guillaume.
Il résulte en particulier de ces communications que
la masse du décimètre cube d’eau est presque certai-
nement comprise entre 999,940 et 990,975 granimes,
limites beaucoup plus serrées que celles entre lesquelles
oscillent les résultats des travaux anciens. Cependant,
l'écart paraît encore un peu trop considérable, eu égard
à la perfection des méthodes employées, et la Confé-
rence a appuyé le projet du Comité de faire poursuivre
les recherches afin de resserrer si possible encore ces
limites.
La Conférence a été appelée aussi à se prononcersur
une définition rationnelle du litre, volume de 1 kilo
d’eau pure, à son maximum de densité et sous la pres-
sion atmosphérique normale, et celle du kilo, unité de
masse, représentée par la masse du kilo international.
Une résolution au sujet de ces définitions était dési-
rable, alña de donner, aux législateurs, une base pré-
cise pour une terminologie encore mal fixée des poids
et mesures.
Au sujet des législations, d'importants progrès ont
été enregistrés depuis la dernière réunion de la Confé-
rence, qui eut lieu en 1895. Parmi les vingt et un Etats
qui contribuent actuellement à l'entretien du Bureau
international, dix, dans lesquels le système métrique
est obligatoire, ont sanctionné par des lois ou des
décrets les étalons internationaux, qui sont aussi
reconnus dans trois Etats où le système n’est pas
obligatoire; dans les autres, ces étalons sont entrés
dans l'usage sans qu'on ait jugé nécessaire jusqu'ici
de leur donner une existence légale; mais cette recon-
vaissance d’un état de fait ne saurait tarder beaucoup à
se produire.
Depuis six ans aussi, le système métrique à beaucoup
progressé dans les pays qui, comme le Royaume Uni
de Grande-Bretagne et d'Irlande ou les Etats-Unis
d'Amérique, ne l'avaient que toléré ou autorisé. En
29
894
Angleterré, en particulier, il est légal depuis 1897, et
admis à égalité avec le système britannique. En Russie,
il est facultatif dans les mêmes conditions, et en Dane-
mark, l'adoption en a été proposée dans une loi au su-
jet de laquelle les deux Chambres ne sont point encore
arrivées à se mettre d'accord.
Le système métrique est aujourd'hui d’un usage gé-
néral dans la Science; et, dans toutes ses applications
aux mesures de laboratoires, le progrès qui reste à
accomplir est fort peu de chose. En revanche, d’autres
systèmes sont encore couramment employés par l'in-
dustrie, notamment dans les pays anglo-saxons, et
c’est dans cette direction que la propagande en faveur
du système métrique aura à s'exercer avec le plus
d'efficacité. Sur ces sujets très actuels, la Conférence
a écouté avec beaucoup d'intérêt les communications
de M. Simon, au nom du bureau du Congrès des textiles,
qui a adopté, l'an dernier, un numérotage des filés basé
sur les unités métriques, et une autre communication
de M. Sauvage, au nôm de la Société d'encouragement
pour l'Industrie nationale, sur la question des filetages
et du système international des pas de vis adopté par
le Congrès de Zurich.
Dans une autre direction, le commandant Guyou,
membre de l’Institut, a relaté les résultats très remar-
quables obtenus à bord de cinq bâtiments de l'Etat
dans la détermination du point en mer à l’aide de tro-
pomètres, c'est-à-dire de chronomètres à division déci-
male. Il ne s’agit point ici, bien entendu, de la décima-
lisation de l'heure civile, mais seulement de la division
décimale des angles et du temps, qui permet d'exécuter
des calculs très rapides des positions et d'éviter de
nombreuses erreurs.
Le budget primitif du Bureau international était de
100.000 francs par an; puis il avait été réduit d'un
quart, et, après une période d'essai de douze années,
la Conférence, après avoir constaté que celte réduction
ne pourrait être maintenue qu'au détriment du déve-
loppement normal du Bureau, a décidé de recomman-
der aux Gouvernements le retour à l’ancien budget.
M. Millerand, dans la séance qu'il a présidée, s’est
déclaré nettemeut favorable à cette augmentation. Une
caisse de retraites a aussi été instituée pour le person-
nel du Bureau.
Enfin, il a été décidé que l’on pousserait activement
les publications qu'un surcroît de travail avait obligé à
ralentir depuis quelques années et qu'on continuerait
la vérification périodique des étalons nationaux, qui
seule peut assurer l'identité indéfinie des unités mé-
triques dans le monde entier.
$ 2. — Physique
Une nouvelle relation entre les raies spec-
trales. — Dans les spectres, déjà nombreux, où l'on
a pu grouper tout ou partie des raies en séries obéis-
sant, avec une grande approximation, à la loi de Bal-
mer ou à celle de Rydberg, la parenté des raies d’une
même série s'accuse, en particulier, par un caractère
découvert successivement par Hartley, Rydberg et Ju-
lius : ces raies ne sont pas simples; elles sont tout à
la fois des doublets et des triplets et, si l'on appelle
n, n! les nombres d'ondes (c'est-à-dire le nombre de
longueurs d'onde contenues dans un centimètre) des
composantes d'un doublet, la différence v—=n'—n
est une constante pour tous les doublets d’une même
série; de même, les nombres d'ondes de la deuxième et
de la troisième raie d’un triplet s’obtiennent, en ajou-
tant, au nombre d'ondes de la première, des quantités
v, , qui ont la même valeur pour toule la série. Y
a-t-il une relation entre ces constantes spectrosco-
piques des éléments et les autres nombres qu'ont
déterminés des procédés d'étude différents?
M. Rydberg a cherché à relier les constantes v, v,, »,
aux poids atomiques des métaux; il est arrivé à ce
résultat que le quotient de v, par le carré du poids
atomique est fonction périodique de ce poids atomique.
CHRONIQUE ET CORRESPONDANCE
SO Ne
M. William Sutherland, de l'Université de Melbourne,
vient de découvrir, entre les éléments d'une même
famille, des relations numériques extrêmement sim
ples, qui constituent un des pas importants qu'on a
faits dans l'étude de la constitution des spectres, de
puis la publication de la formule de Balmer, mais qui
faisant en quelque sorte un tout des éléments d'un
même groupe, orientent les recherches dans une tout
autre direction. à
La relation générale est la suivante: les quantités
v, ,, , sont des fonctions de la forme æp—f, où
est un nombre entier, « et 6 des constantes qui ontfla
même valeur pour un groupe d'éléments. Ainsi, en
faisant p successivement égal à 1, 3, 12, 28, et en pre*
nant «—19,6, $——?2, on calcule pour les métaux alcas
lins les valeurs de v:
Na K Rb Cs
VE SUITE 56,8 233,2 546,8
Les valeurs observées sont :
17,2 56,8
Dans la série Zn, Cd, Hg on trouve, pour v,, en fais
sant 8— 0, et en prenant les valeurs 1, 3, 12 de p:
Vi NAS MS NE 1.1:9,2 4.636,8
à côté de
386,4 1.159,4 4.633,3.
M. Sutherland a calculé les « et $ pour les groupes:
suivants :
Viet re M D Ca Sr Ba
LOST Te Du Cu Ag Au
VERRE Ga In TI
Ici, il y a une petite ombre au tableau; pour le
corps inscrits dans l’avant-dernière colonne, la con
cordance cesse d'être aussi bonne. -
Les valeurs 1, 3, 12, 28, qu'on a données à p, sonb
celles que prend l'expression :
6) RE
1—52+ 52
quand on y fait successivement » —0, 1, 2, 3. Il est
impossible de conserver cette expression quand On»
passe à d’autres quantités v; on à alors:
(famille de Zn) EEE DEAR f
he 1,3, 12,24.
; 3, 12, 26:
Ve
vsr(famille deMe)e. CRE
y (certains doublets de Ca, Sr, Ba)
Il peraît bien difficile, malgré la légère différence de
ces quatre séries de facteurs, de considérer comme un:
pur hasard l'existence de relations numériques à coeffi=
cients entiers entre les valeurs de v, v,, v., relatives
aux éléments d'une même famille. Le Mémoire où
M. Sutherland à fait connaître ce résultat contient
beaucoup d'autres considérations intéressantes, destis
nées à étayer l'idée que tous les spectres doivent leur
naissance à des vibrations tournantes d'électrons, déris
vant d’une même oscillation fondamentale; mais c@
travail demanderait une étude approfondie et il nous a
paru préférable d'isoler et de mettre en relief le résultats
le mieux établi et le plus inattendu. ,
$ 3. — Botanique
L'enseignement de la Botanique dans les
Universités. — Notre très distingué collaborateur
M. Vuillemin rend compte, dans une autre partie de la
Revue d'un intéressant et très origininal Traité de
Biologie végétale, dù à M. Pavillard. Nous voudrions
prendre occasion de la publication de ce livre pour
appeler l'attention des professeurs sur une question
de pédagogie scientifique que M. Ch. Flahault a spé
SE ————— ————
4 Voir plus loin, page 932
CHRONIQUE ET CORRESPONDANCE
cialement traitée dans la préface qu'ila donnée à cet
ouvrage.
—…._ L'éminent professeur de Montpellier est, on le sait,
“particulièrement qualifié pour apprécier les méthodes
en vigueur dans l'enseignement des Sciences natu-
relles, et nous devons être attentifs au cri d'alarme
“qu'il profère au sujet des tares fondamentales, des
“Jacunes et des dangers d'une pédagogie surannée, où
tant de place estencore laissée à une routine irréfléchie
“et incohérente.
ds
… M. Flahault rappelle d'abord les conditions actuelles
me l'enseignement des Sciences naturelles, en particu-®
lier de la Botanique, dans nos établissements universi-
aires. Conformément à l’évolution de nos convuaissan-
ces, la théorie cellulaire y joue un rôle prépondérant;
“elle est la base fondamentale de tout le système, le
point de départ de toutes les déductions; elle s'impose,
comme inévitable, à l'esprit des maîtres et des élèves.
Ouvrez n'importe quel ouvrage élémentaire : il débute
invariablement par la notion de la cellule, par l'analyse
abstraite de sa constitution, de ses attributs, de sa
systématique. Cette méthode est loin d'être à l'abri de
tout reproche.
« A partir du jour où il est établi que la cellule est
l'élément fondamental de tout organisme vivant, écrit
M. Flahault, il semble que tout livre destiné à l’ensei-
+
gnement de la Botanique doive nécessairement com-
mencer par l'analyse détaillée de la cellule. Cette
manière à ses avantages; nous nous garderions d'y
trouver à redire, lorsqu'il s'agit d’un enseignement
préparé par la connaissance générale des objets de la
Nature. Mais l'enfant échappe à peine à cette obses-
sion : on daigne encore lui dire ce qu'est une plante,
à quoi servent ses diverses parties; c'est une concession
à son jeune âge; le temps des lecons de choses passé,
on n'y revient plus. L'enfant est au lycée; il va subir
- une longue réclusion pour apprendre à faire bon usage
de la liberté. Il ne verra plus la Nature qu'en rêve, ou
pendant de courtes envolées. Ses maitres, obéissant à
… des exigences étrangères à la Science, n'ont pas le pou-
… voir de la lui montrer, de lui en faire apprécier la
£ sublime harmonie. La discipline le veut ainsi.
- «La parole du maitre doublée de manuels, ce sont les
- seuls moyens par lesquels les jeunes gens de nos gran-
ki des villes, sans contact avec la Nature, apprendront à la
connaître. On à pourtant la prétention de ne pas la
leur laisser ignorer. Pour y réussir, on l'analyse jusque
dans les détails les plus minulieux; on en dissèque tous
les éléments constitutifs. On étudie les fonctions indé-
» pendamment les unes des autres et, parfois, pour plus
de simplicité, en dehors des organes qui les accomplis-
sent. L'horizon est de plus en plus borné. La Botani-
que, ainsi traitée, devient une science abstraite qui a la
Nature pour objet. L'étude de la Nature est bien le
thème développé; mais il semble que cette Nature soit
… hors d'atteinte; on parle des objets qui nous entourent
- comme on parlerait des étoiles. On ne les décrit pas;
on ne les montre pas, et les détails minutieux qu'on en
fait connaître n'en laissent pas moins l'objet le plus
vulgaire dans le monde des abstractions. On met beau-
coup de logique à catégoriser les faits; chaque chapi-
tre est un compartiment bien clos, on entrevoit à peine
- ses rapports avec les compartiments voisins. Au milieu
de cet ordre parfait, nous ne voyons plus vivre la
plante; nous n'avons plus l'idée du fonctionnement
harmonique de toutes ses parties. Elle est le substratum
de ses phénomènes déterminés avec précision, mais ce
substratum est quelconque, comme le ballon oule creu-
set où s’accomplit une réaction chimique. »
Une telle méthode apparaîtra, sans doute, comme le
. résultat de notre régime de centralisation absolue, où
toute tendance individuelle est paralysée par l’unifor-
… mité des programmes, tout écart d'indépendance bridé
- par la contrainte des obligations administratives, régime
- dont l'idéal semble être le fonctionnement automatique
Re mécanismes immuables, de rouages parfaitement
réglés, mais dont toute âme serait absente.
|
)
895
L'abus des classements artificiels, des procédés
géométriques et des vues a priori, la multitude des
noms de genre et d'espèce, et des termes techniques,
suffisent amplement pour slupéfier les jeunes gens, en
sollicitant l'intervention exclusive de la mémoire, pour
bannir de leur esprit, comme de celui des maitres,
toute tentative d'effort intellectuel, pour étouffer chez
eux toute aptitude à l’investigation personnelle. .
La conquête rapide d'un grade plus ou moins
auréolé, palladium indispensable à l'entrée de toute
carrière libérale, est, pour le plus grand nombre, le but
suprème d'une scolarité laborieuse, qui dicte, à l'exa-
men, les réponses stéréotypées, incomprises ou rete-
nues à l’aide de futiles procédés mnémoniques.
Qui ne voit au bout d’un pareil régime l'effacement
complet de la personnalité, le recul, peut-être l'atro-
phie d’une intelligence, comprimée dans son essor par
des procédés niveleurs et tortionnaires ? L'enfant
modelé par la contrainte, faconné d’avauce à tous les
renoncements, hésite, et sent sa raison faiblir à la plus
légère contradiction. Son esprit, habitué aux affirma-
tions sommaires, aux jugements ex cathedra, recule
devant tout essai de critique, s’abstient de tout initia-
tive soit pour découvrir, soit même pour comprendre,
« Les jeunes gens qui nous viennent, écrit encore
M. Flahault, ont tout appris; mais ils ne savent rien
par eux-mêmes. Ils n’ont aucune certitude. Pour peu
qu'on les pousse, ils s’abritent derrière l'autorité de
leur professeur : Magister dixit ; « cest ce quon ma
dit ». d
On a parlé de la faillite de la Science; c'était une
bêtise; mais ne semble-t-il pas que nous marchions,
tète baissée, vers la faillite de notre éducation scienti-
fique ? ;
Bien lourde est !a charge des professeurs de l’ensei-
snement secondaire, obligés de se tirer d'affaire dans
un cadre aussi restreint, en accommodant leur rôle
d'éducateurs aux exigences du mécanisme adminis-
tratif. Autrement grave serait la responsabilité des
maîtres de l’enseignement supérieur, si, ne s'avisant
pas des devoirs qu'impose leur situation privilégiée, —
l'entière liberté dout ils jouissent, — ils ne s’efforçaient
d'orienter leur enseignement dans le sens du progrès
intellectuel et moral de leurs disciples. Leur rôle est
nettement tracé :
« Si toutes les aptitudes natives et latentes de l’en-
fant pour l'observation n'ont pas été étouffées, s'il
reste encore chez le jeune homme quelque désir d'aller
vers elle assez fort pour déterminer le choix d'une
carrière scientifique, agricole, médicale ou autre, notre
devoir est d'éprouver ces aptitudes au plus vite et de
donner une autre direction aux jeunes hommes lors-
qu'elles ne sont pas confirmées. ? k
« Nous avons le devoir de faire l'éducation de la
pensée par l'observation. Les sciences physiques el
naturelles en fournissent d'excellents moyens. Il s'agit
beaucoup moins pour nous de bourrer l'esprit et la
mémoire de la masse des faits acquis à la science que
de former l'esprit à l'observation personnelle. Que le
jeune étudiant soit mis, dès le premier jour, en face de
la Nature pour l'interroger lui-même; quon lui mette
entre les mains les moyens de contrôler les faits sur
lesquels le maître s'appuie el d'en faire la preuve et,
s'il est capable de penser, on verra bien vite se déve-
lopper chez lui la curiosité de l'observation personnelle,
l'esprit de contrôle et de critique. Ce devoir de former
des intellisences et de les dégager des procédés scolas-
tiques préoccupe les maîtres de l'enseignement supé-
rieur qui vivent en contact constant avec leurs élèves.
Il n’est pas besoin, pour y réussir, de tout enseigner.
I] faut et il suffit que, suivant le but qu'il vise, l'étudiant
puisse se faire, sur la majorité des faits qu'on lui
enseigne, une opinion qui lui soit propre.» ;
Fortifier le jugement, développer et affermir | intelli-
sence, exercer l'esprit par l'observation des phéno=
mènes de la Nature, par la recherche personnelle des
causes et des relations, cela vaut mieux, sans doute,
896
que dérouler l’entendement et décourager les vocations
par les vains artifices d’une nomenclature outrancière,
par les compilations indigestes, l'analyse sèche et minu-
tieuse des moindres détails, l'étalage puéril des réac-
tifs, flacons et appareils. Mettre les jeunes gens en
présence du monde organisé, les intéresser aux formes
dominantes, aux aspects caractéristiques, les initier
aux manifestations essentielles de la vie des végétaux
et des animaux, tel nous apparaît le régime rationnel
de l'enseignement des sciences naturelles dans les
Universités. Méthode bien simple, en vérité; et, pour-
tant, que de lacunes, de négligences ou de défaillances
dans l'application! Nombreux sont les étudiants qui
arrivent à la licence sans avoir jamais vu d’autres
plantes que celles qui végètent dans le sol artificiel
des jardins botaniques. Nous pourrions citer telle
Faculté où l'on n'herborise jamais!
Est-elle réellement propre à élever l'esprit, à « l'ou-
vrir au sentiment de l'harmonie universelle des êtres
vivants », celte dogmatique froide et prétentieuse qui
se flatie d'éclairer un point obscur de la philosophie
naturelle, en ramenant la suggestive évolution des
Fougères à la succession de deux tronçons de longueur
inégale !
Que dire encore ? Le mal est grave, mais il n'est pas
irréparable. De toute part, en effet, surgissent déjà
d'heureux symptômes. Depuis quelques années, un
souffle puissant, régénérateur, a passé, emportant au
loin les antiques formules, les procédés rouliniers,
encombrant héritage du passé. En Physique appliquée,
en Chimie industrielle, dans toutes les formes de
l'Art, des progrès admirables ont été réalisés.
Sous l'impulsion des conquêtes prodigieuses du savoir
humain, de l'étonnante éclosion d'idées qui est sortie
de ces conquêtes, grâce enfin à l'influence d’un sens
critique toujours plus raffiné, l’enseignement scienti-
fique en France a commencé à sortir de sa torpeur;
un malaise indéfinissable s’est emparé de tous les
esprits ; les meilleurs ont eu comme l'intuition d'avoir
fait jusqu'ici fausse roule. A l’œuvre donc, et qu'on
réforme, puisqu'il en est temps encore !
C'est d’abord l'organisation du travail qu'il importe
d'adapter à son rôle, en restituant à l'éducation indivi-
duelle, à l’investigation personnelle, la prépondérance
usurpée par la forme doctrinaire de l’enseignement
magistral :
« Lorsqu'il s'agit de l'enseignement supérieur des
sciences biologiques, les cours professés à l’amphi-
théâtre doivent être subordonnés: ils doivent être le
complément de l’enseignement des laboratoires, en
relier les diverses parties, en établir l'enchainement,
en tirer les conclusions. L’enseiynement des labora-
toires régularise et complète ce que l'observation
directe de la Nature a, nécessairement, de fortuit et de
fragmentaire. Le laboratoire, c’est l'observation de la
Nature endiguée, régularisée, dirigée; mais, il ne faut
pas l'oublier, quoi qu'on fasse, la Nature ne se laisse
pas emprisonner et contraindre. Bon gré, mal gré, il
faut y revenir, ou mieux commencer par elle, et lui
demander tout ce qu’elle peut donner directement.
« N'est-ce pas là, d’ailleurs, que tend l'effort entier
de notre peuple ? Pouvons-nous demeurer étrangers à
ce mouvement qui partout, hors de France, pousse les
maitres de la Science à délaisser les facilités de leurs
laboratoires pour se mettre en rapport plus intime
avec la Nature par l'observation directe des faits, par
la recherche des rapports de l'être avec le milieu qui
lentoure ? De quelles découvertes insoupconnées ne
sommes-nous pas redevables à ces vaillants champions
de la vérité qui, des pôles à l'équateur, des forèts
tropicales aux neiges éternelles, forcent la Nature
à leur livrer ses secrets : Haberlandt, Kerner, Fritz
Müller, Schimper, Treub, Warming, et tant d'autres.
En voulant que les botanistes.... sachent observer la
Nature, nous suivons la voie où s'engage la Science. On
ne devient pas natucaliste par d’autres moyens. »
En second lieu, c'est la forme mème de l'enscigne-
CHRONIQUE ET CORRESPONDANCE
ment qu'il faut mettre à la hauteur des progrès généraux
de l’esprit humain et de l’évolution de la pensée scien-
tifique. Depuis un demi-siècle, des notions nouvelles
se sont fait jour; des idées anciennes, naguère domi-
nantes, ont décliné; quelques-unes ont été totalement
abandonnées; d’autres les ont remplacées, déjà entre-
vues dans le passé, ou nées d'hier, et dont l'essor fut
aussi rapide que brillant. Chacune doit trouver sa place
dans un enseignement rationnel, fondé sur l’interpréta=
tion légitime des formes et des phénomènes. S'adres:
sant à des jeunes gens, dont la culture intellectuelle
offre pour garants les diplômes déjà conquis, l'ensei=
gnement supérieur doit dépouiller toute la raideur
d'ane dogmatique impérieuse, sans s’abaisser au terre
à terre de la leçon de choses; faire appel au sens cris
tique, à l'esprit d'analyse, sans rien concéder à la
curiosité mesquine et frivole. Aux conceptions sim
plistes, peut-être erronées, de l'unité du Règne végétal,
de l'indépendance des deux domaines, morphologique
et physiologique, il doit substituer un enchaivement
méthodique, un développement harmonique des progrès
de l’organisation, de la différenciation des fonctions,
des rapports de l’être avec le milieu.
C'est les yeux fivés sur le monde qui nous entoure,
que l'étudiant doit être initié à l'épanouissement gra
duel de la vie des plantes et des formes végétales:
L'humble plasmode des Myxomycètes, le grumeau pro=
toplasmique lui fournira l’occasion d'analyser les pro:
priétés vitales fondamentales, manifestations obscures,
mais universelles, de la vie de toute matière vivante.
La théorie cellulaire, déchue de son rang usurpé de
souveraine, sera remise à sa place dans le cortège
méthodiquement ordonné des progrès morphologiques:
La grande loi de la division du travail, introduite.
dans les sciences biologiques par la sagacité d'un H:
Milne-Edwards, ressortira comme le trait d'union né=
cessaire des deux domaines, anatomique et physio-
logique, comme le mécanisme créateur, le principes
dominateur de toutes les conquêtes réalisées dans
l'ordre du progrès morphologique, comme le guide
infaillible à l’aide duquel nous pouvons gravir, d'échelon:
en échelon, tous les degrés de l'orgauisation, depuis"
les êtres les plus élémentaires jusqu'au sommet de las
série végétale.
Enfin, la concurrence vitale, la lutte pour l'existence,
conception géniale d’un poète, devenue réalité vivante
par l'effort continu de plusieurs générations de pen=
seurs, répandra sur tout le domaine de la philosophie
naturelle la clarté lumineuse de ses explications, élu-
cidant tous les problèmes, répondant à toutes less
questions légitimes, s'appliquant à tous les processus
de l'évolution individuelle, à tous les mécanismes de
l'adaptation, à lous les facteurs multiples de la survi=.
vance spécifique et de l'extension territoriale. À
Quel tableau impressionnant pourrait dresser un.
botaniste, connaissant et aimant la Nature, et bornant
ses désirs à la faire connaître el aimer par d'autres M
Affranchi de la tutelle de l'anatomiste, qui dissèque, el.
du collectionneur, qui dessèche, il n'aurait d'autre.
ambition que de montrer la plante, mais la plante
vivante, en place, dans la plénitude de ses fonctions,
dans l’infinie diversité de ses manifestations vitales,
dans ses rapports multiples avec Je temps, le milieu eb
les autres plantes ; tâche grandiose, mais non surhu-
maine, dont s'acquittent, avec un succès aujourd hui
notoire, les éminents directeurs de l'Institut Botanique
de Montpellier. ;
En signalant ici à nos lecteurs les remarques que
l'un d'eux vient d'émettre incidemment, dans lan
préface d’un Traité didactique, au sujet des procédés.
ordinaires d'enseignement, nous ne devons pas omettre
d'indiquer combien fécondes se sont montrées les
méthodes qu'il préconise. Il s'agit là, en effet, non de
vues à priori et qu'il resterait à soumettre au contrôle
de l'expérience, mais de tout un système d'éducation
scientifique soigneusement appliqué et qui, à l'heure
actuelle, a fait ses preuves. Louis Olivier.
CT T Se VONT ©
L sd
E. GLEY — LA PATHOGÉNIE DU GOITRE EXOPHTALMIQUE
897
LA PATHOGÉNIE DU GOITRE EXOPHTALMIQUE
Le goitre exophlalmique, cette curieuse maladie
que caractérisent trois grands symptômes, l’hyper-
trophie de la glande thyroïde ou goitre, la projec-
“tion du globe oculaire ou exophtalmie et l’accélé-
ration persistante des battements du cœur, très bien
connue cliniquement dans loutes ses particularités
- et dans son évolution, est encore inexpliquée. Et,
sans contredit, c'est une des questions médicales les
- plus discutées de’ ce temps que la question de sa
pathogénie. Il me semble cependant que, grâce
à plusieurs travaux publiés dans ces dernières
années, il n'est pas impossible présentement de
délimiter le champ des hypothèses.
sf
LE
En premier lieu, la remarque s'impose de l'aban-
don définitif des anciennes théories. Aucun mé-
decin sans doute ne considère plus maintenant le
goitre exophtalmique comme une maladie du cœur
ou comme une névrose pure et simple.
ner re, D. ii ds | SF M ET, Po EPS
Il
Il faut aussi abandonner la théorie plus récente
de la suractivité fonctionnelle de la glande thy-
roïde ou, pour employer un néologisme usilé, de
« l'hyperthyroïdation ». Depuis que cette hypothèse
a élé mise au jour, on a fait observer que les
injections d'extrait thyroïdien ou « l'alimentation
thyroïdienne » n'ont, en définitive, jamais donné
lieu au syndrome décrit par Basedow et par Graves.
Il n’eùt pas été difficile cependant, au cas où cette
conception eût été exacte, de l'appuyer solidement
sur des vérifications expérimentales. En fait, per-
sonne n'a réussi, même en administrant pendant
longtemps à des animaux des extraits thyroïdiens,
à réaliser la maladie. C’est déjà ce que constatait
Brissaud, en 1895, dans son Æapport sur le corps
thyroide et la maladie de Basedow, au VI° Congrès
des aliénistes et neurologistes français : « Chez le
chien, disait-il, l'ingeslion de lobes thyroïdiens
en quantité considérable ne provoque ni la tachy-
cardie, ni l'exophtalmie, ni le goitre. Quant aux
accidents qui, chez l'homme, résultent de la médi-
calion thyroïdienne intempestive ou excessive, ils
n'ont aucun rapport, en quoi que ce soit, avec la
maladie de Basedow. » Dans ce même Congrès, je
montrais moi-même que la plupart des symptômes
du goitre exophtalmique, sinon tous, pourraient
aussi bien s'expliquer par une diminution que par
une exagération de la fonction thyroïdienne.
« L'idée de la diminution de la ‘sécrétion thyroï-
dienne comme cause de cette maladie, disais-je,
peut être défendue par des raisons aussi valables
que l’idée de l’exagération de cette sécrétion. » Un
peu après, Walter Edmunds écrivait à son tour ‘ :
« Le contraste entre la maladie de Graves et le
myxædème n'exisie bien que pour le myxædème
chronique ; dans le myxædème aigu, tel qu'on le
voit chez les chiens, et quelquefois chez les singes,
il y a des tremblements et des attaques de dyspnée
qui ressemblent à ceux de la maladie de Graves. »
Le seul argument qui pourrait encore être in-
voqué en faveur de l'hyperthyroïdation, c’est celui
que l'on a liré des bons effets de la thyroïdectomie
dans le goilre exophtalmique. Les stalistiques de
ce traitement chirurgical qui ont été produites à la
LXXI Réunion des Naluralistes et Médecins alle-
mands (Münich, 17-22 septembre 1899) donnent
près de 70 °/, d'améliorations (Rehn, Reinbach,
Kümmel). Mais Allen Starr, dans un autre travail
de statistique, publié en 1896 dans les Afedical
News, rapporte que, sur 190 opérés (thyroïdec-
tomie partielle), il y eut 33 morts immédiales; et, à
ces désastres de la méthode, il faut ajouter les sim-
ples échecs et les cas d'amélioration passagère suivie
de récidive. Enfin et surtout, il importe de se rap-
peler que l'on a plusieurs fois obtenu la guérison
du goitre exopüulalmique non seulement par des
traitements. médieaux dont il
inutile de parler ici, mais aussi par la résection
du sympalhique cervical là un
que j'examinerai tout à l'heure) ou bien par
l'alimentation thyroïdienne. Les observations con-
cernant cette dernière méthode, lrès génantes pour
les partisans de l’«hyperthyroïdalion », ne peuvent
êlre mises en doute. J'ai été moi-même appelé
très divers, esl
(c'est point
occasionnellement, il y a plusieurs années, à faire
appliquer ce traitement dans un cas grave de.
goilre exophtalmique et j'en ai constaté le succès;
j'ai vu la tumeur thyroïdienne diminuer de volume,
les tremblements disparaitre, le cœur se ralentir
un peu et les forces revenir peu à peu. Ainsi donc
la thérapeulique du goitre exophtalmique n'est pas
simple et une. Le vieil aphorisme : Naturanm mor-
borum ostendunt curationes, ne s'applique pas au
traitement chirurgical de cette maladie; car il n'a
de valeur que s'il est absolu. Une médication ne
peul avoir de signification pathogénique qu'à la
1 Wauren Eouunos : Observations and experiments on the
pathology of Graves's disease. Transactions of pathol. Soc.
of London, 1895 et Journal of Pathol. and Bacteriol., January
1896.
898
=
condition de réussir dans lous les cas. La théorie
de « l'hyperthvroïdation » se trouve donc dépos-
sédée de sa preuve la plus solide en apparence.
III
Pendart que la théorie de « l'hyperthyroïdation »
essayait de se maintenir, une autre conceplion se
faisait jour, amenant un nouveau traitement du
goitre exophtalmique, dont le résultat à son tour
apparaissait comme constituant la preuve la plus
sûre à l'appui de celte conception. On voulut voir
la cause de la maladie dans une excitation per-
manente du sympathique cervical. Cette idée avait
déjà élé émise par Trousseau. Elle fut implicite-
ment reprise par Jaboulay (de Lyon) pour justifier
son traitement du goitre exophtalmique par la
section du sympathique cervical. Elle a été
exposée avec une grande clarté par Ch. Abadie ‘.
IL est très vrai que l’on peut, en supposant une
excitation permanente des filets nerveux vaso-
dilatateurs de la glande thyroïde et de la tête,
expliquer la dilatation des artères de la tête et du
cou, la projection du globe oculaire, le gonflement
de la thyroïde ; d'autre part, la tachycardie et la
dilatation de la pupille tiendraient à l'excitation
des nerfs accélérateurs du cœur et des nerfs
dilatateurs de la pupille, qui ont une commune
origine dans la moelle et qui suivent les mêmes
voies que les vaso-dilatateurs de la tête.
Dans celie conception cependant, ni les tremble-
ments, ni les convulsions épileptiformes, ni les
crises de dyspnée, ni la polyurie, ni la diarrhée,
ni la boulimie, ni l'anémie, ni la faiblesse, ni la
cachexie, que présentent si souvent les malades
dont il s’agit, ne se trouvent expliqués. Je n'insis-
terai pourtant pas sur ce point, car une remarque
plus importante est tout de suite à présenter.
De quoi dépend cette excitation permanente de
celte partie du système sympathique? On ne nous
le dit pas.
Ce phénomène ne s'explique pourtant point
par lui-même ; il a donc besoin à son tour d’une
raison causale. C'est qu'il en est de cette théorie
comme de toutes les théories pathogéniques dites
nerveuses; elles ne se suffisent pas. Une lésion
nerveuse, un trouble nerveux fonctionnel peuvent
bien rendre compte de toute une série de
désordres, mais ils doivent avoir eux-mêmes une
cause qu'il faut délerminer. La conception dont il
est question ne pourrait donc, à supposer qu'on
l'admit sans réserves, constituer qu'une élape dans
la voie des explications.
‘ Aganie : Pathogénie et traitement du goitre exophtal-
mique. Presse médicale, 3 mars 1897, p. 93.
E. GLEY — LA PATHOGÉNIE DU GOITRE EXOPHTALMIQUE
IV
A la même époque à peu près où se produisait .
celle théorie, nos connaissances sur la physiologie
de l'appareil thyroïdien subissaient une évolution.
Jusqu'en 1891, les physiologistes ne connurent «
que la glande thyroïde proprement dite. Mes
recherches, publiées à la fin de cette année et en
1892-93 *, élablirent le rôle important des petites
glandules annexées à cette glande, ou glandules
parathyroïdes. Cetle donnée fut confirmée par
plusieurs expérimentateurs. Entre temps, A. Nico-
las (de Nancy)? et Kohn (de Prague)* montrèrent
que les glandules sont au nombre, non pas de
deux, comme je l'avais cru d'abord, mais de
quatre. L'existence de ces deux paires de glan-
dules fut constatée sur des animaux de diverses
espèces. Il devenait alors indispensable de chercher
quels seraient les effets de l'extirpation simultanée
de toutes les parathyroïdes. J'avais dit précédem-
ment (Arch. de Physiol., 1892) que l’extirpation
des glandules externes ne détermine aucun
accident ; mais il se pouvait que la suppression de
celles-ci et des deux glandules internes en même
temps provoquàt des troubles. Les premiers,
Vassale et Generali realisèrent cette expérience “;
les chiens et les chats opérés présenlèrent les
accidents habituels de la thyroïdeclomie, suivis de
mort rapide. Rouxeau (de Nantes) et moi-même,
indépendamment l'un de l'autre, nous fimes voir
que l’on peut observer le même fait sur le lapin‘,
et je le vérifiai sur le chien ‘. Moussu’ confirma à
son tour les résultats des recherches de Vassale,
De ces données nouvelles plusieurs expérimenta-
teurs tirèrent très vile la conclusion que la
glande et les glandules ont des fonctions absolu-
ment distinctes.
Il n’est pas inutile de remarquer combien cette
conclusion était prématurée. Je possède deux cas
de survie, chez le chien, après exlirpation de
toutes les glandules, un seul lobe de la thyroïde
élant conservé. J'ai observé, d'autre part, sur
deux autres animaux, à la suite de la même opé-
ralion, le développement lent d'accidents qui se
sont aggravés après l’ablation d'un lobe restant de
la thyroïde et ont alors amené la mort. J'ai vu un
fait du même genre chez le chat. Un autre chien,
après la parathyroïdectomie, n'a présenté que des
* C. R. de la Soc. de Biol. et Archiv. de Physiol.
* Bull. de la Soc. des Sc. de Nancy, V, p. 13,3 mai 1893.
* Archiv {. mikrosk. Anat., XLIV, p. 366, 1895.
* VASSALE et GENERALI : Av. di palol. nerv. e mertale,
1896, 1, p. 95 et 249.
* Rouxeau : Comptes rendus de la Soc. de Biol., 9 janvier
1897, p. 17. — E. Grey : Zbid., p. 18 et Bull. du Muséum
d'Hist. nalur., 4897, n° 1, p. 23.
® E. GLey : Joc. cit.
* G. Moussu : Soc. de Biol., 16 janvier 1897, p. 44.
ax
fi
E. GLEY — LA PATHOGÉNIE DU GOITRE EXOPHTALMIQUE
899
troubles nutritifs qui ont mis un mois à évoluer
jusqu'à l'issue fatale. Sur le lapin, enfin, j'ai vu
plusieurs fois l'extirpation des glandules externes
“(celle de la glande ayant été faite préalablement
_ depuis un certain temps) n'être suivie que de
troubles nutritifs chroniques entrainant la mort
“en un mois environ. Walter Edmunds a également
M des cas de survie (4 sur 9) chez les chiens
“parathyroïdectomisés ‘. Et il considère cette opé-
ration, contrairement à Vassale et Generali, à
oussu, à Lusena, comme moins grave que la
hyroïdectomie complète (ablalion de l'appareil
hyroïdien tout entier, glande et glandules). Telle
serait aussi mon opinion.
L'idée d'une distinction absolue entre ces deux
parties du même appareil est donc déjà battue en
brèche par ces expériences. D'autres faits, d'un
autre ordre, la contredisent encore. Ainsi, Walter
Edmunds à montré que la suppression des para-
thyroïdes entraine des modifications histologiques
dans la glande. Je reviendrai plus loin sur ce
point. Vassale et Generali ont eux-mêmes trouvé
que, chez les chiens qui succombent à la paralhy-
roïdectomie, les vaisseaux lymphatiques de la thy-
« roïde ne contiennent plus de substance colloïde.
G. Lusena, vérifiant cette observation, a vu que,
dans les cellules de la thyroïde des chiens en
tétanie, après la parathyroïdectomie, on ne trouve
plus de granules colloïdes*. Cette sécrétion est
donc strictement dépendante de la présence des
glandules parathyroïdes. Or, le rôle physiologique
de la sécrétion colloïde paraît indiscutable. D'au-
tres expériences du même auteur, il résulte que
la médication parathyroïdienne agit aussi bien sur
les accidents consécutifs à l'extirpation de la thy-
roiïide que sur ceux qui suivent l'extirpation des
parathyroïdes. — Autre chose maintenant. Je rap-
pellerai que j'ai trouvé * autant et plus d'iode dans
les glandules que dans la glande chez le chien et
chez le lapin, et que Lafayette Mendel ‘ a récem-
ment confirmé ce fait intéressant. Or, nous savons
. que l’iode est nécessaire à l'action de la sécrétion
thyroïdienne. — D'autre part, ver Eecke ‘, dans des
. expériences très bien conduites sur le lapin, a éta-
bli que les échanges nutritifs subissent des modi-
fications de même sens après la thyroïdectomie
totale ou partielle (réduite à l'ablation de la thy-
roïde proprement dite).
- Pour toutes ces raisons, il me semble que l'idée
que j'ai émise dès 1897 °, à savoir qu'il se pourrait
Lé À
1 J. of Pathc]. and Bacteriol., may 1899.
…. © G. LusenA : F'üisio-patologia dell apparecchio tiro-para-
- tiroideo, Firenze, 1899.
# Comptes rendus de l'Acad. des Se., 2 août 1897.
# American J. of Physiol., 1, p. 283, 1900.
n ÿ Arch. intern. de Pharmacodynamie, IV, p. 81, 1898.
ÿ E. Gzey : Rapport sur la physiologie pathologique du
fort bien qu'il y eût entre la thyroïde et les para-
thyroïdes une véritable association fonctionnelle,
devient de plus en plus plausible. WalterJEdmunds
a été amené, de son côté, à conclure de ses recher-
ches (loc. cit., mai 1899, p. 71) que ces deux sortes
de glandes ne sont pas indépendantes, puisque
l'extirpation des lobes thyroïdiens amène des
modifications de structure dans les parathyroïdes
et que l’extirpation de celles-ci provoque de même
des altérations dans la thyroïde. Je noterai encore
volontiers ici que Cunningham (de New-York) a
trouvé dans une parathyroïde de chien, à la fois les
deux tissus, thyroïdien et parathyroïdien, et que
Walter Edmunds à eu aussi l'occasion de faire la
même constatation (loc. cit., p. 71). Ainsi, on peut
démontrer physiologiquement qu'il n'y a pas indé-
pendance entre la glande et les glandules,
Voyons maintenant si de toutes ces recherches
sur les glandules parathyroïdes ne sont pas sorties
des conséquences pathologiques. Il me semble que
deux théories en sont plus ou moins directement
issues, relatives à la pathogénie du goitre exo-
phtalmique.
1°. — Les expériences de Vassale et celles de
Moussu avaient conduit leurs auteurs à cette con-
clusion que la thyroïde et les parathyroïdes cons-
tituent deux organes différents. La suppression
du premier de ces organes n'amènerait que des
troubles trophiques (plus ou moins analogues au
myxædème de l'homme), et celle du second déter-
minerait des accidents convulsifs et la mort. D. A.
Welsh” peut être rangé aussi parmi les promo-
teurs de cette théorie. Moussu, poursuivant celte
voie el appliquant cette idée à la pathologie,
émit l'hypothèse que le goitre exophtalmique relè-
verait d'une « insuffisance parathyroïdienne » ?.
« On ne peut s'empêcher, dit-il, d'établir un rap-
prochement entre celte symptomatologie (celle de
l'insuffisance parathyroïdienne) et celle de la mala-
die de Basedow » (0e. cit., p. 71). Mais comment
cet auteur a-t-il pu concevoir que les symptômes :
de la maladie de Basedow résultent de la perte ou
de la diminution de la fonction parathyroïdienne,
alors que les effets essentiels de l’extirpation des
parathyroïdes ne sont nullement identiques à ces
symptômes ? La suppression des parathyroïdes ne
réalise pas plus la maladie que l'administration
myxædème (12° Congrès intern. de Méd.. Moscou, 1891).
Voy. aussi du même auteur : Les relations actuelles entre la
physiologie et la pathologie de la glande thyroïde, Physio-
logie pathologique du myxœdème (Revue gén. des Se.
15 janvier 1898) et : Glande thyroïde et glandules para-
thyroïdes (Presse médicale, 12 janvier 1898).
1! J, of Anal. and phys., XXXII, p. 292-307 et 380-402, 1898.
? Moussu : Recherches sur les fonctions thyroïdienne et
parathyroïdienne (Thèse, Paris, 1897).
900
exagérée d'extrait thyroïdien *. On a, d’ailleurs, vu
plus haut qu'il y a des cas où la parathyroïdecto-
mie n'est suivie d'aucun accident d'aucune sorte.
Un peu plus tard, sans doute, Moussu a essayé
d'appuyer celte hypothèse sur les résultats du trai-
tement du goitre exophtalmique par l’administra-
tion de glandules parathyroïdes ; mais il n'a publié
qu'une seule observation, dans laquelle, sous l’in-
fluence de ce traitement, ilse produisit une amélio-
ration de la maladie *. D'un autre côté, je sais bien
que Easterbrook et Hutchison ‘ ont vu que l'ali-
mentation parathyroïdienne est sans utilité dans le
myxædème. Mais, pour asseoir une théorie patho-
génique sur des observations du genre de celle
que Moussu a publiée, il faudrait en avoir au moins
un certain nombre. D'ailleurs, le fait, s'il se
vérifiait, serait passible d’une autre explication.
On pourrait penser que l'introduction de glandes
parathyroïdes dans un organisme dans lequel la
fonction thyroïdienne esttroublée, apporte au corps
thyroïde lui-même, incontestablement altéré dans
la maladie de Graves, quelque chose qui iui man-
quait et qui rétablit son fonctionnement normal. De
fait, comme je l'ai déjà dit plus haut, Lusena, qui a
récemment beaucoup étudié leseffets de laparathy-
roïdectomie, déclare que « l’organothérapie para-
thyroïdienne modifie avantageusement d'une façon
certaine aussi bien le syndrome thyréoprive que le
syndrome parathyréoprive » (loc. cil., p. 402). Et
c'estici lelieu derappelerles observations de Walter
Edmunds * qui montrent qu'après l’extirpation-des
parathyroïdes la glande thyroïde est profondément
altérée. — Quant aux observations de Easterbrook
et Hutchison, n'est-il pas possible de les expliquer
par la supposilion légitime que l'alimentalion
parathyroïdienne peut demeurer sans effet dans le
myxædème parce que la glande thyroïde est grave-
ment malade et que la substance ainsi administrée
ne trouve plus ou plus assez de tissu sain sur
lequel agir.
20, — [1 faut donc enarriverà une conceplionnou-
velle, qui me paraît reposer sur un ensemble de
preuves expérimentales, histo-physiologiques et
chimiques.
Considérons d'abord les preuves d'ordre hislo-
physiologique. Ce sont les faits si bien observés
par Walter Edmunds. Cet expérimentateur a mon-
tré, d’une part, qu'il se produit chez le chien, après
l'extirpation des parathyroïdes, si l'animal survit
4 La question de savoir si on ne la reproduirait pas par
l'administration en excès d'extrait parathyroïdien seul ne
‘est pas encore posée. Rien, en tout cas, n'indique présen-
tement que cet extrait aurait cette propriété.
? Moussu : Soc. de Biol., 25 mars 1899, p. 2#2.
# Cités par Wacter Enxunps : J. of Pathol. and Bacteriol.,
mai 1899, p. 71.
# J. of Pathol. and Bacteriol., January 1896.
E. GLEY — LA PATHOGÉNIE DU GOITRE EXOPHTALMIQUE
quelques jours, une hypertrophie de la glande
thyroïde (développement de vaisseaux et de tissi"
embryonnaire) et que la substance colloïde dispas
rait des vésicules, si l'animal survit plus longtemps!
cetle dernière constatation a été faite aussi pat
Vassale et par Lusena, comme je l'ai déjà noté plus
haut; d'autre part, Walter Edmunds a observé
dans des cas de goitre exophtalmique, des lésions
analogues, le développement dans la glande d'u
tissu ressemblant à celui des parathyroïdes ‘. L’ims
portance de ce dernier fait n’a pas besoin d'êtré
relevée. De son côté, J. Renaut(de Lyon)* a vu qué
la thyroïde, dans le goitre exophtalmique, ne con
tient plus de substance colloïde. Or, nous savon
que la sécrélion colloïde de la thyroïde contient la
substance active formée dans cet organe. IL est
clair que, dans l'ordre d'idées dont il est main-
tenant question, il nous faudrait une étude soignée
de la structure des glandules parathyroïdes, dan
un cerlain nombre de cas de goilre exophtalmique:
Que la glande thyroïde elle-même soit altérée
dans cette maladie, c'est encore ce qui résulte
fait, d'ordre chimique, que nous avonsobservé l'un et
l'autre, A. Oswald (de Zurich) et moi, la diminu-
tion de l’iode de la glande. Il est bien établi aujour-
d'hui, et récemment encore il a été bien prouvé
par les expériences de E. de Cyon et Oswald *, que
la ‘substance active de la sécrétion thyroïdienne est
un proléide iodé. Le fait de la diminution de l’iode
dans la maladie de Graves offre donc un réel inté
rêt. Oswald a trouvé, dans un cas, O0 gr. 00394
d'iode °/, de glande fraîche; et, dans un autre cas, je
n'ai trouvé * que 0 gr. 00201 °/,. La moyenne entre
ces deux chiffres est de 0 gr. 00295 ou, pour sim-
plifier, de 0 gr. 003. Or, on peut admettre, d'après
les. nombreux dosages d’iode faits dans des thy=
roïdes humaines, qu'il y a en moyenne de 0 gr. 05 à.
0 gr. 03 d'iode °/, de glande normale, à l’élat frais.
On pourrait done dire qu'il y a environ dix fois
moins d’iode dans le goilre exophtalmique que
dans la glande normale. Ce n'est là évidemment
qu'une indication approximative ; il est à désirer
que les résultats d’autres dosages viennents'ajouter
à celui d'Oswald et au mien.
Si, conformément à l'opinion que j'ai émise il y
! En présence de certains des faits constatés par Walter
Edmunds, on peut se demander si le goitre exophtalmique
ne consisterait pas primitivement en une hypertrophie, ave@
altérations, des parathyroïdes.
? VIe Congrès des aliénistes el des neurologistes français,
Bordeaux, 1885.
% Archiv f. die gesammte Physiol., LXXXIIT, p. 4199,
1901. Voy. aussi la toute récente étude de E. pe Cow. Les
glandes régulatrices de la circulation et de la nutrition (Rev.
générale des Se., XII, p. 828, 30 septembre 1901).
* À, Oswazp : Zur Kenntniss des Thyreoglobulins (Zeits:
f. physiol. Chemie, XXX, p: 121-144, 1901).
5 E. Gex : Présence de l'iode dans le goitre exophtal-
mique (Comptes rendus de la Soc. de Biol., 20 avril 1901).
E. GLEY — LA PATHOGÉNIE DU GOITRE EXOPHTALMIQUE
a plusieurs années, les parathyroïdes et la thyroïde
sont des glandes fonctionnellement associées et
- que, par exemple, la formation de la substance
protéique iodée ne puisse se faire sans la participa-
“ Lion des parathyroïdes, on comprend que, dès que
— celles-ci sont altérées, cette formalion diminue.
—. Nous voici alors amenés peu à peu à cette con-
»- ceplion que le goitre exophtalmique est lié à une
altération de l'appareil thyroïdien, intéressant
d'abord les parathyroïdes, dont le fonelionnement
normal est troublé.
S'il en est ainsi, il conviendrait de chercher
d'abord quelle est l’action physiologique des
extraits de parathyroïdes normales et malades
(provenant de goitre exophtalmique) comparalive-
ment à celle des extraits des thyroïdes correspon-
— dantes. Ce travail s'impose d'autant plus que nous
1 connaissons déjà bien, depuis les expériences d'Oli-
“ ver et Schäfer! et celles de l’un de mes anciens
clèves, Haskovec (de Prague)?, les effets cardio-
; vasculaires des injections intra-veineuses d'extrait
* lhyroïdien normal. Haskovec, en particulier, à
prouvé que cet extrait possède une action excitante
‘sur le système sympathique et possède aussi une
action dépressive directe sur le cœur. La question
devra être examinée maintenant de savoir si celle
aclion appartient à l'extrait de thyroïde propre-
ment dite ou à l'extrait parathyroïdien ou à l'un et
à l’autre ; car les recherches n'ont été pratiquées
jusqu'à préseat qu'avec des extraits pour lesquels
cetle Séparalion n'avait pas été faite, avec des
extraits provenant de tout l’appareil thyroïdien.
Dans un récent lravail *, Haskovec, s'appuyant sur
cette donnée que, dans tout goitre exophtalmique,
la glande thyroïde est malade, arrive à la conclu-
sion que le mécanisme de quelques-uns des symp-
tômes de celte affeclion dépend de l'excès dans
l'organisme de substances toxiques qui ont une
action élective sur le système sympathique. Il nous
est permis, d'ailleurs, aujourd’hui de concevoir que
ces substances, aussi bien que des poisons végé-
taux, puissent agir de préférence sur une parlie
localisée du syslème nerveux et, par exemple, sur
2-01 Physiol., XVIII, p. 211, 1895.
? Wiener medic. Blalter, 1895, n° 41.
3 Wiener medic. Wochens., 1900.
901
toute cette région de la moelle d’où proviennent les
nerfs accélérateurs du cœur, vaso-dilatateurs de
la tête el du cou et irido-dilatateurs.
Pourrait-on aller plus loin? Ces substances
toxiques résultent-elles d’une suraclivité fonction-
nelle des glandules parathyroïdes en voie d'altéra-
lion? ou sont-elles produites dans l'organisme, où
elles s'accumuleraient parce que les glandules
malades et la thyroïde, secondairement altérée, ne
peuvent plus les neutraliser? Il faut reconnaitre
que les faits que nous possédons actuellement ne
permettent pas de trancher cette importante ques-
tion. Mais la voie dans laquelle il serait utile main-
tenant de chercher ne parait-elle pas s'ouvrir? Ne
devons-nous pas entreprendre de déterminer exac-
tement les troubles fonctionnels des glandules
parathyroïdes et les relalions entre ces troubles et
le système nerveux sympathique ?
V
Cette conclusion de l'étude critique qui vient
d'être faite, quelque réservée qu'elle soit, montre
néanmoins, je crois, les progrès réalisés dans ces
dernières années sur cette question de la patho-
génie du goitre exophtalmique. On en jugera mieux
encore peut-être, si l'on me permet de rappeler la
conelusion, beaucoup plus modeste, à laquelle me
conduisait une semblable étude critique, il y a
six ans ‘. Voici, en effet, comment je Lerminais ce
actuellement
travail: « Nous ne dire
qu'une chose, c'est qu'il y a beaucoup de cas de
pouvons
maladie de Basedow, sinon tous, dans lesquels on
saisit une relation, et sans doute une relation de
cause à effet, entre des altéralions de la glande
thyroïde et celte maladie. Il faut savoir, pour le
moment, s’en tenir à ce point. » Ne semble-t-il pas
que nous avons maintenant dépassé ce point?”
E. Gley,
Professeur agrégé de Physiologie
à la Faculté de Médecine de Paris,
Assistant au Muséum.
1 E. Gcey : Sur le fonctionnement de la glande thyroïde
et la maladie de Basedow. V/e Congrès des Médecins alié-
nistes et neurologistes français, Bordeaux, 1895.
? Communication faite à la 69° réunion de l'Association
médicale britannique, 30 juillet-2 août 1901, à Cheltenham.
902
E. MATHIAS — LA PRÉPARATION INDUSTRIELLE DES GAZ LIQUÉFIÉS
LA PRÉPARATION INDUSTRIELLE
ET LES PRINCIPALES APPLICATIONS DES GAZ LIQUÉFIÉS
PREMIÈRE PARTIE : LIQUÉFACTION
I y a des corps que les progrès de la Science
font passer, en peu d'années, de l’état de curiosités
scientifiques au rang de matières industrielles; de
ce nombre sont les gaz liquéliés. On appelle ainsi
les liquides qui ont, à la température moyenne de
nos climats (15°), une tension de vapeur supé-
rieure à la pression atmosphérique. Interprétée à
Ja lumière de la loi approchée de Pawlewski, d'après
laquelle la différence entre la température critique
et la température d'ébullition normale serait sen-
siblement constante et voisine de 165° à 170°, la
conception des gaz liquéfiés devient celle des corps
dont la température critique centigrade est infé-
rieure à — 180° ou à + 185°.
D'après le tableau des constantes critiques des
corps, un assez grand nombre de substances
satisfont à la condition précédente; pratiquement,
il n'y en à qu'un très petit nombre qui appar-
tiennent à l'industrie; ce sont, rangés dans l’ordre
ascendant de leurs points d’ébullition normale ou
de leurs températures criliques : l'air atmosphé-
rique, le protoxyde d'azote, l'acide carbonique,
l’acétylène, l’'ammoniac, le chlore, le chlorure de
méthyle, l'acide sulfureux et le chlorure d’éthyle.
C'est dans cet ordre que nous étudierons ces gaz
dans ce qui suit.
Nous considérerons successivement la prépara-
tion industrielle des gaz liquéfiés, leur conser-
vation, les applicalions tant physiques que chi-
miques auxquelles ils ont donné naissance et,
dans la mesure du possible, leur importance
économique, ainsi que les circonstances qui favo-
risent où paralysent le développement en France
de l’industrie de la liquéfaction.
Ï. — PRÉPARATION INDUSTRIELLE DES GAZ LIQUÉFIÉS.
Celle opération comprend ordinairement deux
phases distinctes : la préparation chimique du
gaz et sa liquéfaction ultérieure; pour l'air, que
nous étudierons en premier lieu, le problème de
la liquéfaction seul se pose.
$S 1. — Air liquide.
Tous les dispositifs employés actuellement pour
l'obtention de l'air liquide, et dont quelques-uns
sont connus des lecteurs de la /?evue, sont cons-
truits d’après le principe suivant : ou détend l'air
comprimé sans vilcsse sensible, le refroidissement
étant produit uniquement par l'effet Joule-Thomson,
et on accumule le froid produit par les détentes sue-
cessives, en se servant de l'air détendu et refroidi
pour abaisser, au moyen d'un appareil à contre-
courant, la température de l'air comprimé qui va
se détendre. Dans ces conditions, la température de
l'air et de l’ensemble de l'appareil s'abaisse cons-
lamment jusqu'au point de liquéfaction de l'air.
Je décrirai d’abord les appareils à liquéfaction
de l’air qui ont figuré à l'Exposilion Universelle
de 1900, c’est-à-dire ceux de Linde et de Tripler.
1. Appareil Linde.— La figure 2 montre une vue.
d'ensemble de la machine de l'Exposition, tandis
que la figure 1 en donne un plan schématique assez
détaillé *.
L'air extérieur arrive par la droite de l'appareil
où il est aspiré, dans la proportion de 19 mètres
cubes à l'heure, par le premier piston d'un com-
presseur À à trois cylindres, chargé de gouttelettes
d'eau *, puis amené à une pression de 7 kilos par
centimètre carré”. Au moyen d'un serpentin, plongé
dans un bain d'eau et qui le ramène sensiblement
à sa température initiale, l'air arrive dans un
deuxième cylindre de section plus petite, débitant
2%%9 à l'heure, et où sa pression passe de 7 à
50 kilos; il arrive enfin dans un troisième cylindre
beaucoup plus petit, et faisant passer en une heure
4%5,9 d'air de la pression de 50 à celle de 200 kilos.
L'air ainsi comprimé, refroidi par un serpenlin,
passe dans un séparaleur d'eau B où il laisse la
majeure parlie de l’eau qu'il a entrainée et où un
manomètre métallique donne sa pression. Un robi-
net de purge, placé à la partie inférieure de B,
permet d'évacuer l'eau de temps en temps. De B,
l'air comprimé passe dans un tube C, où il se dessè-
che complètement sur du chlorure de calcium
L'’absolue dessiccation de l'air est une condition
! Due, comme la figure 2, à la gracieuseté de M. A. Des-
vignes, représentant à Paris de la Compagnie des Machines
Linde.
? La chaleur développée par la compression est en grande
partie absorbée par la vaporisation de l'eau liquide entrai-
née. C'est là un procédé aussi simple qu'efficace, pour em-
pêcher l'échauffement exagéré de l'air pendant sa compres-
sion.
# Dans le langage des ingénieurs, les pressions données en
kilos par centimètre carré, expriment l'excès de la pres-
sion réelle sur l'atmosphère.
\
E. MATHIAS — LA PRÉPARATION INDUSTRIELLE DES GAZ LIQUÉFIÉS 903
"|| || —(€—(————————Z—Z —
indispensable à remplir pour le bon fonctionnement | traire de l'air sec, dans un tube large, concentrique
de l'appareil Linde. Sans quoi, la vapeur d’eau, | à celui de l'air et extérieur à lui, où elles s'éva-
venant à se solidifier, obstruerait les serpentins, et | porent sous l'aspiration de la pompe L. Le froid.
a marche de l'appareil serait absolument arrêtée. | produit par l'évaporation de l’ammoniaque liquide
u sortir du dessiccateur C, l'air passe dans un | refroidit l'air énergiquement, et celui-ci arrive, par
rigérant D appelé réfrigérant à air; le tube | un conduit soigneusement protégé contre la chaleur
roit qui l'amène est, à cet effet, entouré d'un | extérieure, dans le tube central de l'échangeur à
be concentrique plus large où circule, en sens | contre-courant F. Arrivé au premier robinet de
Gntraire, l'air froid qui a échappé à la liquéfaction | réglage G, l'air franchit une soupape, subit une
ét auquel une première récupération en F n'a pas | chute de pression qui le ramène à 50 atmosphères,
enlevé la totalité de sa puissance réfrigérante. | et se refroidit à — 130° environ; la plus grande
Cet air, ramené sensiblement à la température | partie de l'air ainsi refroidi revient sur ses pas et
ordinaire, retourne au compresseur À sous la | circule de nouveau autour du tube central, mais
pression de 50 kilos, et atteint celui-ci dans la | en sens contraire, en refroidissant l'air qui arrive
=
Fig. 1. — Schéma de la machine Linde pour Ja liquéfaction de l'air. — A, compresseur à trois cylindres, aspirant l'air
extérieur et le refoulant dans la machine; B, séparateur d'eau ; C, tube à chlorure de calcium ; D, réfrigéraut à air;
E, réfrigérant à ammoniaque avec son compresseur L et son condenseur M; F, échangeur à contre-courant; G, premier
robinet de réglage ; H, second robinet de réglage ; I, collecteur de l'air liquide; K, robinet de soutirage.
valeur, c'est-à-dire entre le deuxième et le troisième | en D, puis en A.
cylindre. Une partie seulement de l'air qui a franchi la
“ Le réfrigérant à air D est suivi d'un réfrigérant | première soupape franchit le second robinet de
ammoniaque E, actionné par une petite machine | réglage M, puis une seconde soupape, subit une
frigorifique indépendante, à ammoniaque, du sys- | deuxième détente et un nouveau refroidissement;
tème Linde. Les vapeurs d'ammoniaque liquéfiées | la pression est alors voisine de la pression atmo-
dans le compresseur L, après avoir traversé le | sphérique. Dans ces conditions, l'air liquéfié
Serpentin condenseur M où elles se refroidissent | s’amasse dans le collecteur T, tandis que l'air non
dans un bain d’eau, s'en vont passer, en sens con- | liquéfié s'échappe par la partie supérieure de la
È cavité commandée par la seconde soupape, et passe
dans un /roisième serpentin F concentrique et
exlérieur aux deux autres, pour former chemise de
vapeur, et protéger contre le réchauffement le
deuxième serpentin F, avant de retourner dans
Fatmosphère, à une température encore assez
basse. On recueille au dehors l'air liquide dans des
vases appropriés, en manœuvrant le robinet de
s
"D
+ : La réfrigération en D pourrait n'être pas suffisante,
surtout dans le cas des machines de faible puissance dont
Jauto-refroidissement initial est très lent; il est donc éco-
nomique d'avoir un réfrigérant indépendant avant l'entrée
de l'air dans l'appareil à contre-courant. Dans les machines
“à faible débit, ei surtout lorsqu'on ne dispose que d'une
“orce motrice insuffisante, le refroidissement en E se fait
“au moyen d'un mélange réfrigérant ordinaire, glace et sel
région où la pression a sensiblement la même | en F; de là, l'air passe, comme nous l'avons vu,
marin, ou glace et chlorure de calcium. |
E. MATHIAS — LA PRÉPARATION INDUSTRIELLE DES GAZ LIQUÉFIÉS
soulirae K. Tous les organes de cette machine
sont en cuivre.
Le volume d'air envoyé par heure dans l'échan-
geur F par le troisième cylindre À, est aone, ramené
à la pression atmosphérique, 1,9 X50—95 mètres
cubes. Sur ces 95 mètres cubes, il y en à 19 qui
quittent la machine en traversant les deux ré-
gleurs G et H; un tiers passe à l'état liquide’, et
deux tiers échappent à la liquéfaction, et retournent
à l'atmosphère comme on vient de le voir.
Les 95 —19— 76 mètres cubes qui restent sont
faut comprimer à 200 kilos pour remplacer l'air
qui s'échappe de la machine, ce qui exige théoris
quement 3%,8": soit un travail théorique tolal de”
7%,8. En réalité, le compresseur de l'Exposition
absorbe 12 chevaux, ce qui donne un rendement
mécanique de 64 °/,. Î
Il convient d'ajouter à la force ci-dessus les 3
chevaux absorbés par la machine à ammoniaques
qui produit le refroidissement préliminaire gràcé
auquel la machine produit8 litres à l'heure, alors
que, sans ce refroidissement, elle ne donnerai
Fig. 2. — Installation de la machine Linde pour la liquélaction de l'air à l'Exposition Universelle de 1900.
ceux qui retournent au troisième compresseur À
après avoir traversé le premier régleur, c'est-à
dire à la pression de 50 kilos par centimètre carré.
On voit donc qu'il y a dans la machine Linde
deux circuits : le premier, ou circuit de refroidis-
sement, exige par heure la compression de 50 à
200 kilos d’un volume initial d'air de 76 mèlres
cubes [à la pression atmosphérique), par suite
4 chevaux”; le second, ou circuit d'alimentation,
puise dans l’air, par heure, 19 mètres cubes qu'il
! Ce qui représente environ $ litres d'airliquide à l'heure,
production normale de la machine.
* On a, en elïet :
" .P1 16X 10332 200 76 X 10332X 2,3
D PVE LE TE 3600 * 50 15. X 3600
log.i—4chev.
que à litres; le rendement définitif est donc de
E — 01,533 d'air liquide par cheval et par heure.
2. Appareil Tripler. — L'air aspiré dans l'ats
mosphère est d'abord saturé de vapeur par un las
vage à l’eau; après quoi, il subit trois compressionss
successives en A, B, C (fig. 3), qui l'amènent à
5 atm. 3, puis à 27 atm. 7, puis enfin à 170 atmos-
phères?: après chacune des deux premières com="
! On », en effet :
pr 19%x<10332 à 19X410332+<23 3 :
= LU Le ———— 200 —3 3
Pa 13% 3600 3600 108200 —3;8ch
2 Les pressions successives sont respectivement de SU,
115 et 2.500 pounds par pouce carré; or, l'atmosphère cors
respond sensiblement à 15 pounds par pouce carré. A. SIE=
5
pv£
E. MATHIAS — LA PRÉPARATION
pressions, l'air est refroidi en D par un courant
d'eau, et ramené à sa tempéralure initiale d’en-
viron 13°. ‘
Après la troisième compression, il est amené en E
“à une lempéralure voisine de — 17°,8, et dépouillé
par congélation de sa vapeur d'eau, très probable-
“ment au moyen d'une solution aqueuse de chlorure
“le calcium refroidie par l'air qui revient des liqué-
“facteurs à la pression atmosphérique sans avoir
“épuisé complètement son pouvoir de réfrigération.
—._ Comprimé à 170 atmosphères, il se purifie d'abord
“dans un séparateur F qui lui enlève les poussières et
huile qu'il entraine. Il arrive enfin dans les liqué-
acteurs, qui sont au nombre de deux et dont le pre-
ier H n'est au-
tre qu'un échan-
qeur de tempé-
rature, formé
… vraisemblable-
- ment de tubes de
. cuivre concentri-
ques verlicaux
dans lesquels
l'air comprimé
…_ quiarrive est re-
_ froidi par l'air
_ froidquiaéchap-
. pé à la liquéfac-
tion, et qui che-
_ mine en sens
contraire. La
neige provenant
F Borremans So
Fig. 3. — Schéma de la machine Tripler pour la liquc-
INDUSTRIELLE DES GAZ LIQUÉFIÉS 905
| disseur et alimentaire tout à la fois. Pour faciliter
la comparaison, Supposons que dans l'appareil Tri-
pler l’air soit comprimé à 151 atmosphères ; comme
il se détend jusqu'à la pression atmosphérique, on
voit que la chute de pression est la même que
dans la machine Linde, où l'air tombe de 200 kilos
à 50 kilos par centimètre carré!. Par conséquent,
pour une même quantité d'air circulant dans les
deux appareils (95 mètres cubes à l'heure, par
exemple), et en supposant que l'échangeur Tripler
soil aussi bien isolé que celui de la machine Linde,
la quantité d’air liquéfiée sera la même, soit 5 litres
à l'heure, ce qui est la production de la machine
Linde de l'Exposition fonctionnant sans refroidisse-
ment préalable.
La machine Tri-
pler fonction-
nant sans retour
d'une partie de
l'air au compres-
seur, il faudra,
par heure, com-
primer 95 mètres
cubes de 1 à 151
atmosphères, ce
qui exige théo-
riquement 18,2
chev.?, alors que
lamachine Linde
ne demande que
7 chev. 8, soil
2,3 fois moins.
laction de l'air. — ABC, compresseur; D, réfrigé- J Ù
" de la congéla- rant à eau; E, second réfrigérant; F, séparateur; K La machine
à G, G, tubes où s'emmagasine
tion de la vapeur :
- d’eau tombe
. alors au bas de
- l'appareil, tandis que l’airdesséché etrefroidi main-
lenant à — 73°,3 passe en lraversant une soupape
- dans la partie centrale du second liquéfacteur I
où il se délend jusqu'à la pression atmosphérique,
et se liquéfie si la tempéralure s'est abaissée à
—191°% L'air qui à échappé à la liquéfaction
s'échappe par la partie supérieure, et revient sur
. ses pas en refroidissant, dans un serpentin à con-
- tre-courant, l'air comprimé qui arrive : cet air, déjà
un peu réchauffé, passe à son tour dans le premier
liquéfacteur, etc. Après un quart d'heure de fonc-
tionnement de l'appareil Tripler, on commence
à recueillir du liquide".
Si l’on compare cet appareil à celui de Linde, on
voit qu'il n’y a ici qu'un seul circuit, qui est refroi-
» Enr : /ce and Réfrigeration, octobre 1900, pp. 117-120, à
qui j'ai emprunté divers renseignements sur la machine Tri-
pler. -
- : Le liquéfacteur Tripler, probablement perfectionné, vient
. d'être décrit dans Z. f. comp. und A. Gase, t. IV, p. 151.
l'air comprimé ;
H, échangeur de température; I. liquéfacteur ; J, ro-
binet qui commande la soupape de détente; K,robiuet de soutirage de l'air.
Tripler de l’Ex-
position produi-
sait environ 10
| litres d'air liquide à l'heure, et absorbait à peu près
»o chevaux, soit un rendement de 0!,182 par heure
| et par cheval, tandis que la machine Linde sans
réfrigérant indépendant donne 5 litres pour 12 che-
vaux, soit O!,M7 par cheval et par heure; le rap-
port des deux rendements pratiques est sensible-
ment le même que celui des travaux théoriques de
compression.
3. Autres appareils à liquéfaction de l'air. — Les
lecteurs de la Æevue en connaissent deux qui re-
montent à l’année 1896: le premier est celui du
Professeur J. Dewar *, dans lequel l'air, avant de se
! À la condition de confondre l'atmosphère pression de
1 kil., 033 par centimètre carré, avec la pression de 1 kilo-
| gramme.
? On a, en effet :
95 X 10332 95>x<103325C2,3
pren XX ET Ant ARCS
Pa 15 X 3600 15 X 3600
% Revue géncrale des Sciences, t. VII, p.
1896.
ASE
27%; 15 mars
906 E. MATHIAS — LA PRÉPARATION INDUSTRIELLE DES GAZ LIQUÉFIÉS
détendre, subit un double refroidissement, d’abord Il faut faire en sorte que p, — p, soit le plus grandi,
par l'acide carbonique solide à 79, puis par
l'acide carbonique liquide détendu soit à la pres-
sion atmosphérique, soit à une pression plus faible.
Avec de l'air comprimé d'abord à 200 atmosphères,
on liquéfie environ 5 °/, de l'air employé, le liquide
commençant à couler après 6 minutes de fonction-
nement. Le second est celui du D' Hampson, décrit
par le Professeur Tilden”, qui liquéfie 6,6 °/, de l'air
détendu, la liquéfaction mettant environ 15, mi-
nutes à se produire. La compression iniliale de
l'air à 120 atmosphères exige une force d'environ
3 chevaux et demi.
Dans les appareils de Dewar et de Hampson, la
phase préalable de compression de l'air est abso-
lument séparée de la liquéfaction proprement dite;
ces appareils peu encombrants, très commodes,
sont exclusivement des liquéfacteurs qui paraissent
très bien convenir, surtout le dernier, à la prépa-
ration de l'air liquide dans les laboratoires de Phy-
sique ou de Chimie. Dans ces conditions, c'esl-à-
dire toutes les fois que la préparation de l'air li-
quide a pour but de répondre à un besoin qui ne se
fait sentir que de tempsen temps, on est trop heu-
reux de sacrifier l'économie à la commodité.
Lesappareils analogues à l'appareil Linde n’ont,en
effet, d'intérêt réel que s’il s'agit d’une préparation
vraiment industrielle de l'air liquide, c'est-à-dire
d'une préparation en grand, qui, pour être éco-
nomique, doit être nécessairement continue.
L'appareil du D' Hampson est à peu près exclusi-
vement répandu en Angleterre; rappelons que
c’est grâce à lui que l’usine Brin de Londres a pu
fournir au professeur W. Ramsay l'air liquide qui,
par une distillation fractionnée bien conduite, l'a
amené à la mémorable découverte des gaz néon,
erypton et xénon, lesquels accompagnent l'argon,
l'oxygène, l'azote et l'acide carbonique dans l'air.
Remarques sur la liquéfaction de Pair. —
Tous ces appareils sont, comme celui de Tripler,
dans un notable état d’infériorité économique vis-
à-vis de l'appareil Linde, parce que s'ils accumulent
comme lui le froid produit par la détente, avec ou
sans travail extérieur, ils n’obéissent pas, comme
l'appareil Linde, à la condition essentielle qui ex-
prime que le travail de compression isotherme du
gaz sera minimum. Pour une chute de pression
p,— p., le travail de compression isotherme de l'u-
nité de masse de gaz, repassant de la pression p, à
la pression p,, est donné par :
1 Revue générale des Sciences, t. VII, p. 329, 15 avril
1896.
possible et à le plus petit possible.
C'est ce qu'ont bien compris MM. Ostergreen eb
Bürger, qui, à des détails près de constructions
sont, dans leur récente machine à liquéfaction de |
l'air, revenus purement et simplement aux idées
ue de la machine de Linde et à à l'emploi
de deux cycles, un cycle de refroidissement et un
cycle d'alimentation : seulement, le cycle de re=
froidissement fonctionne entre des pressions,
environ moitié moindres que celles qu'utilisent
les machines Linde à grand débil!. Ce « nou
veau » procédé est exploité à New-York par la
« General Liquid Air and Refrigerating C° », don
l'installation serait capable de produire de 6
7.000 litres d'air liquide en 24 heures; la plu
grande machine Linde existantil y a quelques moi
produisait seulement 50 kilos d'air liquide à l heure,
soit environ 1.100 litres par jour, avec une 100
inférieure à 100 chevaux. Plus s’accroitront les di=
mensions et la puissance des machines à liquéfier
l'air et plus le rendement en sera économique. Il
est tout à fait possible que l’on arrive à un rende=
ment de 4 kilo d'air liquide par heure et par che=
val. Il suffit, pour le montrer, de calculer le travail
théorique nécessaire pour liquéfier 4 kilo d'air par
heure sous la pression atmosphérique.
Prenons 1 kilo d’air à + 20° et amenons-le à l'éta
liquide à son point d’ébullilion normal — 4194°; ül
faudra pour cela abaisser d’abord sa température à
— 191°, puis le liquéfier sous la pression de l'at-
mosphère et dès lors fournir un travail qui est l’é=
quivalent de sa chaleur de vaporisation. L'abaisse=\
ment de + 20° à —191° correspond, vu la cOnS=
tance de la chaleur spécifique de l'air 0,2374, à
une absorption d'environ 50 calories par kilo d'air”.
Mais le travail qu'il faut dépenser pour absorber ces"
50 calories ne leur est nullement proportionnel. IL
faut, en effet, imaginer que le kilo d'air à 20° est,
comprimé isothermiquement à une pression p telle
que, par détente sans vitesse sensible, la tempéra-.
ture s’abaisse de 214°, la pression finale étant la.
pression atmosphérique.
On a, en simplifiant un peu les calculs :
2110 — 0026 (p—1), d'où p — 813 atmosphères,
d'où
10332
Spy S 81 = 5 X 2,3 X log. 813— 53125 kilogrammêtres:
{ La machine de MM. Ostergreen et Bürger fonctionne
entre les pressions de 4.250 livres par pouce carré (83atm.),
et de 300 livres par pouce carré (20 atm.); la pression
maxima est donc exactement moitié de celle de la machine
Tripler.
? Nous nous exprimons ici dans le système du kilo-
gramméètre.
2 +
Le
E. MATHIAS — LA PRÉPARATION INDUSTRIELLE DES GAZ LIQUÉFIÉS
On voit que le travail isotherme de la compres-
53.125
425
Il faut maintenant enlever à l'air sa chaleur
de vaporisation. Or, la chaleur de vaporisation
sion équivaut à — 125 calories.
- proprement dite est donnée par la loi de Trouton
on ue, LA
hp Cut, tee nt
n
M2
T — 21, où M est le poids moléculaire, et T la
+ température absolue d'ébullilion normale. L'air
liquide étant un mélange d'oxygène de poids molé-
culaire 32 et d'azote de poids moléculaire 28, on
peut admettre M —29. On alors:
À ZE —59:cal. 4,
Soit À—60 calories en nombres ronds. Le travail
total, nécessaire
àlaliquéfaction
907
l'autre à M. Raoul Pictet actuellement en passe de
devenir citoyen des États-Unis.
L'idée de M. Tripler est d’actionner sa machine
à liquéfier l'air par un moteur à air liquide de son
invention; d’après lui, lorsque le moteur a con-
sommé 13 litres et demi (3 gallons) d'air liquide,
le liquéfacteur de son appareil a recueilli 31 litres
et demi (7 gallons), d’où un bénéfice net de 18 litres
(4 gallons, d'air liquide n'ayant rien coûté. Mouve-
ment perpétuel ! allez-vous dire ; non, répond l'in-
venteur, l'énergie qui fait fonctionner le moteur à
air liquide est prise à l'air extérieur, donc en défi-
nitive au soleil, source de loute énergie terrestre ;
le principe de la conservation de l'énergie est
respecté. La réponse est spécieuse.
L'idée de M. Pictet consiste à remarquer que si
de l'air à la
pression atmo-
de l'air sous la
pression atmo-
sphérique, cor-
respond donc à
495 +60 —185
calories, ce qui
à l'heure don-
nes
185X425 ;
TE X3600 — 0 ch. 3.
Théorique-
SSS
Ÿ
RS
ment, on pour-
rait donc obte-
nir par cheval
et par heure
3 kilos d'air li-
quide, tandis que le meilleur rendement actuel est
six fois moindre’, D'après le Professeur Linde, le
prix de revient du kilo d’air liquide dans les ma-
chines débitant 1.000 kilos par jour est inférieur à
0 fr. 125, prix qui ne peut que diminuer pour des
installations plus grandes, et qu'augmenter pour
des installations de moindre importance.
Les raisonnements qui précèdent montrent qu'il
y a place encore pour bien des perfectionnements
de détail, susceptibles d'améliorer le rendement
de la fabrication de l'air liquide ; il y a place aussi
pour les utopies et les espérances déraisonnables,
s'il faut en croire les nouvelles récentes qui nous
arrivent de l’autre côté de l'Atlantique. Sans pré-
tendre aucunement les ranger dans cette dernière
catégorie, nous croyons utile de signaler aux lec-
teurs de la Æevue deux projets de perfectionnement
FE Bopyeuans £&.
de la liquéfaction de l'air dus, l’un à M. Tripler,.
4 Line : Zeitschrift des Vereines deutscher Ingenieure,
t. XLIV.
Fig. 4. — Schéma du dispositif de M. Raoul Pictel pour la liquéfaction de l'air.
R, pompe; CG, serpentin plongeant dans l'air liquide: A, B, robinets.
sphérique est
refroidi à —191°
par de l'air li-
quide, sa liqué-
faction peut se
faire sans dé-
pense notable
de force. Sup-
posons donc un
serpentin C
(fig. 4) relié
d'une part à
une pompe à
main R, de l’au-
tre à un tube
deux fois re-
courbé et fermé
au besoin par un robinet B; le serpentin plonge
dans de l'air liquide obtenu par un procédé quel-
conque. Si l’on ouvre le premier robinet et si l’on
pompe, l'air gazeux contenu dans le serpentin va se
liquélier, en abandonnant sa chaleur de vapori-
sation, soit 60 calories par gramme, à l'air liquide
qui baigne le serpentin. Conclusion: cet air va.
bouillir, et il va se vaporiser aulant d'air liquide
extérieur qu'il s'en liquéfie dans le serpentin ; on
peut même penser que, grâce à la chaleur qui
arrive de toute part à l'air liquide extérieur, la
quantité qui s'en évapore dans un temps donné est
plus grande que celle qui se liquéfie à l’intérieur
du serpentin. C'est là, parait-il, une simple appa-
rence ; l'air extérieur bout bien, mais il s’évapore
avec plus de lenteur que l'air intérieur ne se
liquélie, de sorte que si l’on a soin de faire débou-
cher l'orifice de sortie de l'air qui vient d’être
liquéfié dans le bain liquide qui entoure le serpen-
in, le bain liquide non seulement ne diminue pas,
mais augmente indéfiniment pendant que la pompe
908 E. MATHIAS — LA PRÉPARATION
INDUSTRIELLE DES GAZ LIQUÉFIÉS
En ————— "| |] — |" — — " — —.(—(.(—î——.—.——.—————
fonctionne‘! La méthode précédente, appliquée sur
une grande échelle, permettrait, grâce à des dispo-
sitions extrêmement ingénieuses, de séparer l'air
en ses composants, d'obtenir à part, à l’état solide
ou liquide, l'acide carbonique de l'air, etc*.
£2. — Gaz liquéfiés autres que l’air.
1. Protoxyde d'azote liquide. — Ce corps est
préparé en minime quantité, car il n'a d'application
courante que comme anesthésique”. Il servait
autrefois dans ce but aux dentistes, qui en em-
ployaient d'assez notables quantités, mais l'emploi
en a été longtemps interdit à la suite d'accidents
mortels ; il est de nouveau permis. Ce produit n'est
guère préparé en France que par M. Duflos, phar-
macien à Paris, qui s'en est fait une spécialité.
Pour le préparer, on prend de l’azotate d'ammo-
niaque très pur et bien cristallisé, et on le chauffe
dans un grand ballon où l’on a mis, pour faciliter
le dégagement gazeux, du sable de rivière débar-
rassé de ses matières organiques et de ses carbo- !
nates par un lavage à l'acide chlorhydrique. Le
gaz, après traitement par le sulfate ferreux*, est
envoyé de la pompe de liquéfaction, par un rac-
cord de volume très petit, dans la bouteille de fer
où il est livré au commerce; chaque bouteille con-
lient 850 grammes de liquide pouvant fournir
450 litres de gaz. La pompe qui sert à liquéfier
ce gaz est une pompe de Natterer horizontale, qui
n'offre rien de particulier.
Parmi les usines étrangères qui préparent le pro-
toxyde d'azote liquide, on peut citer la « Sauerstoff
Fabrik, de Berlin. »
1 ]f the coiled tube is so bent that its mouth discharge
into the bulb, the liquid air, it will be found, can be produ-
ced in volumes which not only compensate for the loss due
to evaporation, to radiation and to the solidification of car-
bone dioxyde, but a remainder will be left which can be
reserved for further use. (Scientilic American, 31 mars 1900,
201)
È 2 Scientific American, 31 mars 1900, p. 202. — Les idées
de M. Raoul Pictet sur la liquéfaction et la distillation frac-
tionnée de l'air atmosphérique ont été l’objet d'un échange
d'explications entre la « Gesellschaft für Linde’s Eismaschi-
nen » el M. Raoul Pictet sans-qu'une partie ait convaincu
l’autre. Voir Zeitsch. fur comprimirlie und flüssige Gase,
4e année, pp. 65-71, août 1900.
# ]l en aura une autre sous peu, car M. A. Desvignes a
bien voulu me confier que le Professeur Linde étudie en ce
moment une machine frigorifique à protoxyde d'azote
liquide, qui parait donner de bons résultats. L'intérêt de
cette machine serait de donner une réfrigération intermé-
diaire entre celle de la machine à air liquide et celle de la
machine à ammoniaque.
4 Le sulfate ferreux enlève la plus grande partie du bioxyde
d'azote, mais l'absorption est limitée par la tension de dis-
sociation du composé formé par le bioxyde et le corps
absorbant: il reste donc un peu de Az0 ; si on veut réduire
ce corps par la limaille de zinc humide, la réduction va trop
loin et donne du protoxyde d'azote mêlé d'azote dont on ne
peut pas le débarrasser.
5 R. Bennanp et P. Grogss : Les produits chimiques à
l'Exposition Universelle de Paris, Moniteur Scientifique du
D' Quesneville. Janvier 1901, p. 14.
2, Acide carbonique liquide. — Ce corps fera
l'objet d'un article spécial.
3. Acétylène liquide. — Le gaz s’oblient, comme
l'on sait, au moyen de la décomposition du car-
bure de calcium par l’eau. Le gaz desséché peul
être liquéfié à la tempéralure ordinaire, et livré au
commerce dans des bouteilles d'acier. Pendant les
années 1895 et 1896, l'Institut Pictet de Paris à
ainsi fabriqué et expédié un peu partout, par che-
mins de fer, plus de mille kilos d'acétylène liquide”.
Depuis l'explosion terrible survenue à cet établis-
sement el au laboratoire Isaac de Berlin, il a été
établi que l'acétylène liquide est d’une manipula-
tion redoutable, surtout dans sa phase de liqué-
faction. Comme le pouvoir explosif de l’acétylène …
liquide n'existe plus à la température de — 80°, on
a proposé de le liquéfier à cette température,
l'emploi du liquide à la température ordinaire
paraissant sans danger pourvu que le robinet qui
commande la bouteille d'acier où le fluide est
rassemblé ne grippe pas. Quoi qu'il en soit, et
malgré l’optimisme des personnes qui, comme le
D° Altschul, croient encore à l'avenir de l’acétylène
liquide, sa préparation industrielle a été totale-
ment abandonnée en France et en Allemagne. Pour
ce qui concerne les recherches faites sur le pouvoir
explosif de l'acétylène gazeux ou liquide, elles sont
connues des lecteurs de la Æevue générale des
Sciences”.
4. Gaz ammoniac liquéfié. — L'étude de ce gaz
liquéfié a été faite récemment dans cette Æevue par
M. Truchot, dont la compétence est bien connue*.
À son savant article je me permettrai seulement
d'ajouter les renseignements suivants : Jusqu'en
1896, la France était tributaire de l'Allemagne pour
l’'ammoniac liquéfié, et tout particulièrement de la
fabrique Kunheim et C°, de Berlin, et du « Verkaufs-
syndicat der Kaliwerke », de Stassfurt; mais, depuis
celte époque, M. Bardot a installé à Paris, 274, rue
Lecourbe, une fabrique d’ammoniac anhydre,
liquéfié au moyen d'appareils Linde, qui alimente
presque tous les possesseurs de machines à ammo-
niac de notre pays. La consommation annuelle
d'ammoniac anhydre en France est d'au moins
10.000 kilos ; celle de l'Allemagne n’est pas moindre.
de 150 à 200.000 kilos, le produit y valant actuelle=
ment 125 francs les 100 kilogs.
5. Chlore liquide. — Le chlore préparé en vue
de la liquéfaction doit être aussi pur que possible;
1Z. für comp. und Aüssige Gase, t. 1, p. 14, avril 1899.
* Marcez Guicuann : Le pouvoir explosif de l'acétylène,
Revue générale des Sciences, t. VII, p. 847, 1896.
3 L, Trucnor : Etat actuel de l'industrie de l’'ammoniaique
; E. MATHIAS — LA PRÉPARATION INDUSTRIELLE DES GAZ LIQUÉFIÉS
909
le meilleur procédé de préparation parait être
l'électrolyse d'une dissolution aqueuse de sel marin.
| Dans ces condilions, le chlore se porte à l’anode et
“je sodium à la cathode, mais il ÿ a action secon-
_daire du sodium sur l’eau, formalion de soude
auslique, et dégagement d'hydrogène à la cathode.
M. Culten‘ emploie une anode et une cathode en
charbon. La soude caustique, plus lourde que la
- liqueur salée qui lui a donné naissance, tombe au
Bond du réservoir dans lequel se fait l'électrolyse, et
passe de là dans des réservoirs à canaux où elle
S'accumule. Quant au chlore produit à l'anode, il
est aspiré par une pompe, accumulé dans une
conduite centrale, et envoyé de là dans un dispo-
Sitif spécial où il est desséché au moyen du chlo-
rure de calcium ; une pompe réfractaire aux acides
‘envoie ensuite dans une chambre où il s’accumule
et se liquéfie. La petite quantité d'air et de gaz
“étrangers que le chlore peut avoir entrainés s'accu-
ule au-dessus du chlore liquide où ils sont peu
solubles, et la pression de liquéfaction, qui ne
serait que de 4 à 5 atmosphères à la température
“ordinaire pour le chlore pur, va constamment en
augmentant. Lorsque le réservoir à chlore liquide
est presque rempli, une soupape placée à la partie
… supérieure se soulève, et les gaz étrangers s'échap-
_ pent, en même temps qu'un peu de chlore; le
- liquide restant est à peu près complètement purgé
des impuretés qu'il renfermait.
4 La liquéfaction du chlore est obtenue par une
pompe à piston liquide (fig. 5) formé d'acide sulfu-
rique concentré, lequel est sans action sur le chlore.
La pompe est constituée par un tube cylindrique en
forme: d'U, en fonte doublée intérieurement de
plomb. Dans les deux branches, il y a de l'acide
sulfurique ; dans celle de gauche en cd, l'acide est
surmonté par du pétrole dans lequel se déplace le
piston plongeur 4 d'une pompe aspirante et fou-
lante. Lorsque le piston à monte, la soupape d'aspi-
ration / s'ouvre et le chlore gazeux est aspiré par
le tuyau 2; quand le piston descend, le pétrole
refoule l'acide sulfurique qui oblige le chlore à
soulever la soupape de refoulement X et à se liqué-
fier dans l’espace 31. On supprime tout espace nui-
sible en maintenant de l'acide sulfurique dans
l'espace qui sépare les deux soupapes au moyen
d'un petit conduit réglable à l’aide du robinet p
qui, au moment de l'aspiration, fait arriver un peu
d'acide sulfurique, en même temps que la sou-
pape / laisse passer du gaz. L'espace y représente
n bain-marie au moyen duquel on porte l'acide
caustique, de l'ammoniaque liquéfiée et des sels ammonia-
“caux, Æevue générale des Sciences,t. VIIT, p. 743, 1897.
4 Revue de Chimie Industrielle, t. WI, p. 182, 1892.
2 Jauserr : Dictionnaire de Würlz, 2e supplément, 39° fas-
icule, p. 643.
REVUE GÉNÉRALE DES SCIENCES, 1901,
sulfurique à une température comprise entre
50 et 80°, pour laquelle le coefficient de solubililé
du chlore dans ce corps est nulle.
Le tube o est mis en communicalion avec une
bonbonne à chlore D par l'intermédiaire d'un ser-
pentin entouré d'eau froide; la bonbonne porte
deux robinets, dont l'un sert à la sortie de l’air.
Lorque celui-ci est expulsé, on ferme le robinet
correspondant, en laissant l’autre ouvert, et la bon-
bonne se remplit; l'indicateur de niveau » et le
manomètre qui surmontie #1 permettent de suivre
la marche de l'opération.
Le chlore liquide est emmagasiné dans des réei-
pients en acier éliré qui peuvent contenir 50 kilos.
En l'absence de l'humidité, le chlore liquide
n'atlaque pas à froid ni le fer nilecuivre. Sa densité
Î
À
CT ILLLZZ
CLLLLILZIZ 7177
RES
ZZZ
|
2
SSSS
=
=
RQ
Fig. 5. — Pompe à liquélier le chlore. — a, piston plon-
OF PaT acide sulfurique formant piston liquide ;
f, soupape d'aspiration; h, tuyau d'arrivée du chlore;
g, bain-marie pour chauffer l'ac ide sulfurique; X, soupape
de refoulement; m, chambre de liquéfaction; n, niveau;
0, tube de communication avec la bonbonne à chlore D.
moyenne est de 1,4; un kilogramme de ce corps
représente 300 litres de chlore, et correspond à
3 kilos de chlorure de chaux. Le chlore liquéfié
donne donc le transport le plus économique du
chlore ; ce transport se fait d'ailleurs sans aucune
espèce de danger.
Certaines usines emploient pour le contenir des
bouteilles en tôle d'acier doublées de plomb ou
d'ébonite, mais cela parait inutile si le chlore est
parfaitement desséché. Pour l'usage des labora-
toires, le commerce de demi-gros le transvase dans
des bouteilles plus petites.
C'est à la « Badische Anilin und Sodafabrik » que
le chlore liquide dut son apparition dans l'industrie
chimique en 1892; il rend depuis les plus grands
services dans les laboratoires de Chimie où il a
permis de supprimer totalement la préparation si
20*
910 E. MATHIAS — LA PRÉPARATION
.
INDUSTRIELLE DES GAZ LIQUÉFIÉS
ennuyeuse du chlore. Son prix actuel en Allemagne
oscille entre 75 et 87,50 fr. les 100 kilogs; ce prix
ne peut que continuer à baisser.
Il est regrettable de constater qu'on ne fabrique
pas en France de chlore liquide, tandis qu'on peut
citer en Allemagne au moins quatre usines qui
fabriquent annuellement 250 tonnes de ce produit,
destiné à remplacer l’eau de Javel et le chlorure de
chaux ; ce sont : la « Badische Anilin und Sodafa-
brik », de Ludwigshafen, —la « Chemische Fabrik
Rhenania », d'Aix-la-Chapelle, — la fabrique « Ku-
nheim et Ci », de Berlin; enfin, les usines de
Griesheim, de Bitterfeld et de Rheinfelden de la
Compagnie « Chemische Fabrik Griesheim Elek-
tron » fabriquent actuellement, par le procédé
Griesheim, le chlore liquide”.
La dépendance où nous sommes vis-à-vis de
l'Allemagne en ce qui concerne le chlore liquide —
alors qu'il y a en France de puissantes et floris-
santes usines où se préparentdu chlorure de chaux,
des chlorates et de hypochlorites, — prendra
bientôt fin; une nouvelle Société productrice de
chlore, la « Volta Lyonnaise », a, parait-il, l'intention
de liquéfier une partie du chlore qu'elle produira ”.
On ne peut qu'applaudir à cette nouvelle et sou-
haiter à la « Volta Lyonnaise » bienvenue et réussite,
d'autant que le chlore liquide répond à une néces-
sité industrielle et que l’industrie n’en produit pas
assez pour satisfaire aux besoins exprimés.
6. Chlorure de méthyle. — Ce gaz liquéfié est
susceptible de deux préparations industrielles.
Dans le procédé Camille Vincent, le chlorure de
méthyle est un sous-produit de la fabrication de la
potasse avec les vinasses de betterave. La distilla-
tion en vase clos des vinasses donne des produits
de décomposition qui, condensés, donnent, après
traitement des eaux-mères, du chlorhydrate de tri-
méthylamine. La distillation de ce chlorhydrate
donne de la triméthylamine libre, de l’'ammonia-
que et du chlorure de méthyle. Un lavage à l'acide
chlorhydrique enlève toutes les traces d’alcali, et le
gaz, recueilli sous une cloche pleine d’eau, peut
être ensuite desséché au moyen de l'acide sulfuri-
que et liquéfié à la température ordinaire sous une
pression de 3 à 4 atmosphères. Ce procédé est ex-
ploité en France par trois maisons : la maison « La-
barre », à Montreuil-sous-Bois (Seine), la maison
« Brigonnet et Naville », de la Plaine-Saint-Denis,
et la maison « Cerckel », rue Bergère, à Paris.
1 R. Bennarp et P. GLorss : Les produits chimiques à
l'Exposition Universelle de Paris, Moniteur Scientifique du
Dr Quesneville. Janvier 1901, p.9.
2 Léon Guiccer : Etat actuel de l'industrie des produits
inorganiques en France, Moniteur Scientifique du Dr Ques-
neville, 4 série, t. XV, p. 85, février 1901.
Le second procédé industriel est dû à M. P. Mon |
net : il date de 1875. Il consiste à chauffer sous.
pression l'acide chlorhydrique du commerce avec |
molécules égales d’alcool méthylique ; on obtient
la réaction suivante :
CHS.0H + HCI = CH*CI + H°0.
Le même inventeur a trouvé que l'acide bromé
hydrique et l'acide iohydrique en solution aqueuse:
chauffés sous pression avec l'alcool méthylique à Ja
température de 120°, donnent également du chlorure
et de l’iodure de méthyle. Le brevet Monnet est ap
pliqué aux « Usines du Rhône », à Lyon.
On livre ordinairement le chlorure de méthyle
dans des vases en cuivre.
7. Anhydride sulfureux liquide.— La « Compagnie
industrielle des procédés Raoul Pictet pour la pro
duction du froid et de la glace » est la seule en Eu
rope, et sans doute dans le monde entier, qui
obtienne l’anhydride sulfureux liquide chimique
ment pur comme produit de première fabrication
Cette fabrication repose sur le procédé de Melsens;
c'est-à-dire sur la réduction de l’acide sulfurique
concentré par le soufre ; le dessin schématique ci=
contre (fig. 6), dû à la bienveillance de M. Mendès,
montre les diverses phases de cette fabrication
Dans une cornue en fonte a d'une capacité de
1.500 à 2.000 litres, on introduit environ 500 kilos
de soufre en canons redistillé et, en plusieurs fois,
au fur et à mesure des besoins de la fabrication,
qui dure environ trente heures, 2.500 kilos d'acide
sulfurique à 66° Baumé absolument pur et sans.
traces d'arsenie. La cornue, placée dans un four à
double retour de flammes, est recouverte d'un,
dôme, également en fonte, muni d’un hrise-mousse
en platine ; deux tubes de sürelé placés sur ce
dôme et remplis à hauteur convenable d'acide sul-
furique permettent de surveiller la pression inté-
rieure du mélange chauffé, et d'introduire dans la
cornue, au cours de la fabrication, les quantités
d'acide sulfurique nécessaires.
Le mélange est chauffé à l’ébullition ; le gaz sul=
fureux produit est dirigé dans une série de grands
dépotoirs piombés b, b, munis de chicanes en
plomb et constamment refroidis par une circulation
d'eau froide. L'acide sulfureux abandonne là le
soufre et l'acide sulfurique non combinés, la vas
peur d'eau et la majeure partie de ses impuretés:
De là, le gaz passe dans un filtre à coke sulfurique
c,puis dans une série de filtres ou pots laveurs d, d,
munis de plateaux étagés sur lesquels sont disposés
des déchets de coton blanc et de fibres d'amiante
qui retiennent toutes les poussières et toutes les
impuretés solides.
OR NE Eee RE
1 P. Monwer : Revue de Chimie Industrielle, t, I, p.38, 1892,
: Dans cet élat, le gaz sulfureux est introduit dans
- une sorte de chambre froide /, munie d’un jeu d'or-
. que métallique e, e, e, à l’intérieur duquel une
— pompe provoque l'évaporation d'acide sulfureux
… préalablement liquéfié. La chambre est maintenue
par ce moyen à une température voisine de — 10°,
… ce qui est suffisant pour congeler toute la série
des hydrates de l'acide sulfureux. L'anhydride sul-
“ fureux, ainsi épuré, se rend dans un gazomètre
y dont la cloche plonge dans une cuvette annu-
aire remplie d'huile, d'où il est aspiré par une
| pompe aspirante et foulante 2 qui l'envoie
dans un condenseur tubulaire en cuivre 1, refroidi
par une double circulation d’eau froide et dans le-
quel il se liquéfie. Il est dirigé de là soit dans de
Réservoir :
d'acide sulfurique
633]
(1)
(Le)
S
E. MATHIAS — [LA PRÉPARATION INDUSTRIELLE DES. GAZ LIQUÉFIÉS
911
tour à coke de 20 mètres, à l’intérieur de laquelle
ruisselle de l’eau froide qui le dissout. La solution
d'acide sulfureux est ensuite portée à l'ébullition
dans de grandes chaudières de plomb chauffées
par la chaleur perdue, où elle abandonne le gaz
sulfureux ; celui-ci passe d'abord dans un serpentin
refroidi où il se débarrasse de l’eau entrainée, puis
il se sèche sur de l'acide sulfurique, et est finale-
ment liquéfié au moyen d'une pompe de compres-
sion ordinaire, puis emmagasiné dans des bou-
teilles en fer forgé d’une contenance de 100 kilos !.
La production annuelle de l'Allemagne est d’envi-
ron 2.500 tonnes; les centres d’expédilion sont les
districts de Kattowitz, d'Allona, d'Essen et- de
Lud wigshafen.
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_ Fig. 6. — Préparation et liquéfaction de l'anhydride”sulfureux. — a, cornue où l’on fait réagir le soufre sur l'acide sulfu-
2 rique ; L, b, dépotoirs ea plomb; c, four à coke sulfurique ; d, d, pots laveurs ; f, chambre refroidie par l'évaporation
A d'anhydride sulfureux liquide dans les tubes e, e, e; q, gazomètre ; h, pompe aspirante et foulante; i, condenseur ; k,
[4 bonbonne à anhydride sulfureux liquide,
»
- grands réservoirs en acier, d'une contenance de
… 2,500 à 3.000 litres, où iles temmagasiné, soit dans
“ es bonbonnes en cuivre qui'servent à son transport.
: L'anhydride sulfureux chimiquement pur de la
- « Compagnie industrielle des procédés Pictet » est
. fabriqué exclusivement à l'usine d'Anthy-Séchex
(Haute-Savoie) jusqu'à concurrence de 4à 5.000 kilos
par jour. Cette usine, non seulement alimente la
- France d'anhydride sulfureux d'une façon presque
- exclusive, mais encore exporte ce produit dans
- toutes les parties du monde ; l'importation étran-
- gère annuelle ne dépasse guère 10 à 12.000 kilos
} d’anhydride liquide non rectifié venant d'Allema-
- gne et plus spécialement des usines de zine d'Ober-
hausen (Provinces Rhénanes). Le produit résulte
de l’utilisation, obligatoire en Allemagne, des gaz
. provenant du grillage des pyrites, des sulfures et
_sulfoarséniures, des blendes, ele. À Oberhausen, le
- gaz sulfureux provient du grillage des blendes
- dans des fours spéciaux ; de là, il passe dans une
LéTC MR
8. Chlorure d'éthyle. — Ce corps dont le point
d’ébullilion normale est à Æ 11°, n’est en hiver
qu'un liquide très volatil et ne devient un gaz
liquéfié qu'en été; il s'obtient industriellement par
le procédé Monnet * en chauffant sous pression
l'acide chlorhydrique avec l'alcool ordinaire, à
molécules égales. La réaction est donnée par
l'équation :
CH5.OH + HCI = CHSCI + H°0.
Dans un autoclave émaillé, muni d'un manomè-
tre et d’un thermomètre plongeant dans le liquide,
on chauffe, pendant cinq heures, 100 kilos d'acide
chlorhydrique du commerce à 33 °/, d'acide réel et
46 kilos d'alcool éthylique à 93° centésimaux. Quand
la température est descendue par le refroidisse-
4 Jaueerr: Dictionnaire de Würtz, 2° supplément, 39 fas-
cicule, p. 644. :
2,P. MOoNNET :
1892.
Revue de Chimie industrielle, t. III, p. 38,
IX
E. MATHIAS — LA PRÉPARATION INDUSTRIELLE DES GAZ LIQUÉFIÉS
ment à 50 ou 60°, on ouvre un robinet placé sur le
couvercle de l'autoelave et communiquant avec un
récipient métallique fermé et refroidi, et le chlorure
d'éthyle vient se condenser dans ce récipient. Le
corps ainsi obtenu contient un peu d'acide chlor-
hydrique entrainé dont on le débarrasse par dis-
üllation sur de l’eau légèrement alcaline. Il est
alors propre aux usages médicaux et enfermé par
fractions de 10 grammes dans des ampoules de
verre terminées en pointe effilée et fermées à la
lampe.
II. — CONSERVATION DES GAZ LIQUÉFIES.
La question des vases dans lesquels on doit re-
cueillir et conserver les gaz liquéfiés jusqu’au mo-
ment de s'en servir est, évidemment, une question
capitale, tant au point de vue économique qu'au
point de vue de la sécurité. Les gaz liquéliés qui
sont passés en revue dans cette étude se partagent,
à ce double point de vue, en deux groupes bien
nets : l'air liquide, et les autres corps.
$ 1. — Coxservation de l’air liquide.
La conservation de ce corps s'effectue dans des
vases ouverts ou pratiquement ouverts, où l'excès
de pression sur l'atmosphère est toujours excessi-
ment faible !; la question de sécurité ne se pose
donc pas, et la question économique consistant à
ralentir l'évaporation, seule, subsiste. Quel rôle, en
effet, peut espérer un corps dont on ne pourrait
empêcher l'entière vaporisation ? D'un tel corps,
assez éphémère pour ne servir à rien, pourrait-on
dire que sa préparalion revient à bon marché ? Ces
deux questions, dont les réponses s'imposent,
montrent bien que l'importance industrielle de l'air
liquide dépend presque exclusivement de sa con-
servation dans des vases pratiquement imperméa-
bles à la chaleur, et très peu de l'abaissement de
son prix de revient actuel.
Le problème de la conservation de petites quan-
tités d'air liquide est résolu en fait par l'emploi de
vases de verre à doubles parois argentées, entre
lesquelles on a fait le vide (solution de d'Arsonval,
perfectionnée par James Dewar). Un litre d'air
liquide, dans de pareils flacons, peut mettre qua-
torze jours à se vaporiser. Ces vases affectent or-
dinairement les formes ci-contre (fig. 7). La forme
primitive À est réservée aux pelites capacités allant
jusqu'à 600 centimètres cubes, par exemple; la
forme B devient assez malaisée à construire dès
que l'on atteint des contenances de plusieurslitres ;
: Si on laissait la pression s'élever, au moyen de vases
hermétiquement clos, la température de l'air liquide s'élè-
verait en même temps et l'on n'aurait bientôt plus que de
l'air gazeux comprimé.
dès que l'axe du vase cesse d'être rigoureusement
vertical; jusqu’à 4 litres, la solidité est satisfais
sante. La forme C est construite par Richard Mül
ler-Uri de Brunswick, d'après Weinhold, le réser=
voir intérieur pouvant être, au besoin, muni d'une
graduation. ]
Dans les grandes fabriques d'air liquide, on em-
ploie des vases métalliques ordinaires, d'une conte=
nance de 50 lib'es, recouverts de feutre ou de laine
de mouton; mais de lels vases laissent évaporer
deux litres de liquide en une heure !, de sorte que
le contenu du vase est évaporé en un jour !
La «General Liquid Air and Refrigerating C° » em-
ploie, soit de petils réservoirs en pâte de bois, soib
Fig. 1. — l'ormes diverses de récipients pour la conservation
de petites quantités d'air liquide.
des réservoirs métalliques à double enveloppe très
ingénieusement disposés. La sortie du liquide se
fait au moyen d’un tube plongeant jusqu'au fond,
le remplissage se faisant, au contraire, par une ou-
verture plus large. La paroi iuléricure du vase
porte à sa partie supérieure une soupape de sûreté
qui s'ouvre dès que la pression de l'air dépasse de
0 kil. 4 environ celle de l'atmosphère; l'air froid
passe entre les deux enveloppes métalliques, for=
mant ainsi chemise de vapeur avant de s'échapper
à la partie inférieure de l'enveloppe extérieure.
Celle-ci est protégée contre le réchauffement exté=
rieur par une enveloppe isolante, et le tout esb
contenu dans un panier d'osier.
S 2. — Conservation des autres gaz liquéfiés.
Les gaz liquéfiés autres que l'air, pouvant être
amenés à la température ordinaire sans cesse
d'être liquides, peuvent et doivent êlre conservés
1 Lanoe : Zeitschrift des Vereines deutscher Ingenicure
t. XLIV. 6
dans des enveloppes hermétiquement closes. Les
“deux questions de la zature de l'enveloppe et de
la résistance à lui donner seront traitées plus loin,
… à propos du transport des gaz liquéfiés où elles in-
Mérviennent comme touchant à la sécurité publique,
met où elles sont régies, très sagement d'ailleurs,
«par des règlements officiels. La question de l'étan-
…chéité des robinets est liée intimement à celles qui
précèdent, car la résistance du réservoir devient
“illusoire si le robinet fuit. Enfin, au point de vue
de l'emploi des gaz liquéfiés, il peut être désirable,
K à un moment donné, d'avoir exclusivement soit du
liquide, soit du gaz, et, dans ce dernier cas, d’avoir
du gaz à une pression convenable, variable à vo-
lonté, résultat que l’on obtient au moyen d'un de-
tendeur.
- Les robinets des récipients à gaz liquéfiés sont
n invariablement des robinets à pointeau. Ce sontdes
! vis à pas très serré, terminées par une extrémité
l conique d'environ 60°, très dure, très bien travaillée
à
Fig. 8. — Bonbonne pour la conservation de l'anhydride
sulfureux. — A, calotte en cuivre; B, orifice de sortie:
C, pointeau.
- et qui s'applique exactement sur l'ouverture légè-
- rement évasée d'un conduit très étroit ayant même
- axe que la vis. Si les surfaces qui doivent s’appli-
quer l’une contre l’autre, et qui sont de révolution,
. sont parfaites, la faible résistance que l’on éprouve
en faisant tournér la vis dans son écrou, dans le
sens dextrorsum, s'accroît subitement quand l’ex-
trémité du pointeau rencontre l'orifice à obturer.
. Ilest alors inutile de forcer! et il suffit de donner
une légère impulsion tangentielle à la vis pour par-
faire le contact; le pointeau est alors serré à hloe,
et la fermeture est absolue, quelque grande que
soit la pression.
Pour ouvrir le robinet, il suffit de donner
d'abord à la vis une légère impulsion tangentlielle
dans le sens sinistrorsum, pour vaincre l'adhérence
des surfaces en contact, el continuer à dévisser
légèrement le pointeau.
4 Si les surfaces qui doivent s'appliquer l'une contre
l'autre sont mal travaillées, le pointeau n'obture pas avec
un serrage modéré et le robinet fuit. Si l'on serre à
outrance, on déforme de plus en plus les surfaces et l’on
finit par avoir une fuite plus grande qu'avec un serrage
modéré.
E. MATHIAS — LA PRÉPARATION INDUSTRIELLE DES GAZ LIQUÉFIÉS 913
L'orifice de sortie du gaz liquéfié est toujours
perpendiculaire à l’axe du pointeau; aussi, pour
empêcher le gaz de sortir dans la direction du
pointeau, faut-il que la tête de celui-ci, cylindrique
et lisse, soit serrée dans une boite à cuir d'où
émerge l'extrémité carrée que l'on manœuvre de
l'extérieur au moyen d'une clef de forme variée.
La forme des récipients à gaz liquéfiés et la dis-
posilion du robinet varient évidemment avec la
nature du corps et avec le constructeur. La descrip-
tion des bonbonnes employées pour l’anhydride
sulfureux liquide, par la Société Piclet, donnera en
particulier l'exemple d’une disposition permettant
d'obtenir à volonté le gaz ou le liquide. Ces bon-
bonnes, dont la forme
et les dispositions sont
protégées par des mar-
ques de fabrique, sont
en cuivre rouge et éta-
mées intérieurement à
l'étain fin. Elles se com-
posent d'un corps eylin-
drique soudé et brasé à
deux calottes également
en cuivre, dont l'une |
supporte le robinet, du
lype à pointeau. L'ori- |
fice de sortie se prolonge
à l’intérieur de la bon- |
bonne par un tube re- |
|
courbé qui, selon que la
bonbonne est placée sur |
le dos ou sur le ventre, Thu
permet d'obtenir à vo-
Fig. 9, — Bouteille à chlo-
lonté l’anhydride sulfu- rure de méthyle. — À, clé
Nr LR s ; en forme de disque per-
reux liquide ou gazeux, mettant de manœuvrer la
comme le montre la tête carrée du pointeau;
B, écrou à oreilles permet-
figure 8. tant de fixer l'appareil à
Le chlorure de mé- projection de liquide sur
L ES l'orifice de sortie du gaz
thyle est ordinairement liquéfié; C, poignée du
srmé d: EEE pointeau commandant la
renfermé dans des vases projection du liquide; D,
en bronze construits par corps de la bouteille (en .
Mondollot, et qui offrent onze); P, orifice de pro-
cette particularité de pré- thyle.
senter un second poin-
eau latéral qui se meut au moyen d’une molette
fixe et qui se raccorde à la bouteille au moyen
d'un écrou à oreilles muni intérieurement d'un
cuir. Au moyen de cet écrou et du second poin-
teau, on peut produire un jet de chlorure de mé-
thyle liquide et le diriger à volonté, tout en modé-
rant ou activant son intensité (fig. 9).
Il est inutile évidemment de décrire ici tous les
perfectionnements de détail apportés à certains ré-
cipients, et dont quelques-uns, comme celui de
M. Fournier, par exemple, ont des soupapes de
914
PH, GLANGEAUD — LE VIII: CONGRÈS GÉOLOGIQUE INTERNATIONAL
sûreté fonctionnant automaliquement dès que la
pression intérieure dépasse une valeur fixée à
l'avance, et nous terminerons la question de la
Fig. 10. — Détendeur ou réducteur de pression. — À, arrivée
du gaz liquéfié; B, pièce métallique portée par le levier
BOC; C, ressort, DE, membrane de caoutchouc; F, disque
métallique commandé par le ressort G; V, vis de réglage;
R, robinet d'échappement: M, manomètre.
conservation des gaz liquéfiés, en décrivant le dé-
tendeur ou réducteur de pression (fig. 10). Celui-ci
consisté essentiellement en une boîte métallique
dans laquelle le gaz liquéfié arrive en A, sous la
pression de sa vapeur saturée à la température de
l'expérience. Le conduit d'arrivée, terminé en
biseau, est obturé hermétiquement par une ron-
delle d'ébonite encastrée dans une pièce métal-
lique B placée à l'extrémité d’un levier BOC;
celui-ci est mobile autour de l'axe O perpendicu-
laire au plan de la figure et commarsdé par un très
fort ressort C. La chambre d'arrivée du gaz est
limitée par une paroi de caoutchouc DE, qui presse
contre un disque métallique F commandé par un
fort ressort G. La tension de ce ressort, de laquelle
dépend le fonctionnement du réducteur de pres-
sion, est commandée du dehors par une vis de ré-
glage V. Si les choses sont disposées de telle sorte
que le disque F presse sur le ressort C, l'orifice du
conduit À est ouvert, et le gaz pénètre dans la
chambre ADE et s’y détend ; si la pression du gaz
est trop forte, elle repousse la paroi de caoutchouc
DE, et le disque F cesse de presser sur le ressort
C; dès lors, l’arrivée du gaz est suspendue. Si la
pression du gaz est trop faible, le ressort G presse
sur C, et l'orifice de À est ouvert. Donc, le gaz
s'écoule par le robinet R sous une pression sensi-
blement fixe indiquée par le manomètre métallique
M, et que l’on règle à volonté au moyen d'une clef
agissant sur une vis V à tête carrée.
Dans un second article, nous examinerons les
principales applicalions des gaz liquéfiés et les
conditions de leur transport.
E. Mathias,
Professeur de Physique à la Faculté
des Sciences de Toulouse.
LE VII CONGRÈS GÉOLOGIQUE INTERNATIONAL
Le VII: Congrès géologique international a été
particulièrement brillant, au milieu des autres
Congrès qui ont tenu leurs séances dans ce palais
de la place de l’Alma, si peu somptueux, et qui
a été, cependant, ainsi que l’a dit M. Millerand,
l'âme de l'Exposition.
Plus de mille géologues. dont plus de la moitié
étaient étrangers, s'étaient fait inscrire. Parmi eux
figuraient tous les grands noms de la science géo-
logique. Près de cinq cents ont pris une part effec-
live aux séances qui ont eu lieu à Paris et aux
excursions organisées à travers toutes les régions
françaises. Ainsi, notre pays a été parcouru et étu-
dié par les savants du monde entier, qui ont pu
apprécier, à travers son pittoresque, toutes les
richesses minérales de son sol et les nombreux
problèmes scientifiques qu'il soulève.
Le Compte rendu de ce Congrès vient de paraître,
moins d'un an après les séances de Paris, sous la
forme de deux gros volumes de plus de 1.300 pages.
Je désirerais en présenter ici les résultats, le plus
sommairement possible.
Mais il convient de louer, tout d’abord, le Comité
d'organisation qui à eu la lourde tâche de prépa-
rer le livret-guide des excursions, d'organiser les
séances et de mener si rapidement l'impression
du compte rendu, et cela malgré les deuils si cruels
qui ont frappé l’éminent el si sympathique prési-
dent du Congrès M. Albert Gaudry, dont le dévoue-
ment a élé absolu, et le secrétaire général M. Ch.
Barrois, dont le zèle et l'activité n'ont pas cessé un
instant de se manifester.
Ils ont été secondés dans leur tâche par les vice-
présidents, MM. Michel Lévy et Marcel Bertrand,
“par les secrétaires et les autres membres du Comité
d'organisation.
à L'œuvre du Comité, qui est celle de tous les géo-
“ogues francais, a été telle qu'il est permis d'espé-
rer que le VII° Congrès géologique sera fécond en
résultats.
Je ne saurais passer sous silence üne innovation,
qui a une portée et une significalion sur lesquelles
articipation au Congrès des Sociétés industrielles
“ét minières françaises, au nombre de plus de cin-
‘quante, et de la générosité avec laquelle elles ont
exclusivement dans le domaine de la théorie, et
Jindustrie minière, qui sait profiter de toutes les
recherches et de Loules les découvertes géologiques.
Qu'on me permette d'ajouter encore un mot.
Depuis trente ans, la Géologie, science relativement
jeune, à fait des progrès remarquables. Ainsi que
le disait sir Archibald Geikie, « elle est entrée dans
une période où l’on doit attendre les plus grands
avantages de méthodes d'investigation plus pré-
cises et de la convergence des efforts individuels,
librement associés, sous une même règle et vers
un même but ». Ses applications multiples : à la
“ Géographie, rénovée en grande partie, grâce à elle,
“à l'Industrie minière, à l'Hydrologie, à l’'Agricul-
_ ture, ete., montrent que cette science, à l’évolution
de laquelle ont pris part tant de noms français,
devient de plus en plus féconde, par les idées philo-
sophiques qu'elle fait naîlre et développe, el par
les résultats pratiques, dont le nombre va en crois-
sant d’une facon remarquable, qui en découlent.
Le Compte rendu de la VIII session du Congrès
géologique international est divisé en sept parties.
La première parlie comprend la liste des mem-
bres du Congrès; la deuxième fait connaitre les
travaux préparatoires de la VII session; la troi-
sième est consacrée aux procès-verbaux des séances
générales, des séances des sections et des séances
des commissions. La quatrième présente les rap-
ports des Commissions et les communications rela-
tives aux œuvres colleclives des Congrès. La cin-
quième a élé réservée aux Mémoires présentés
dans les séances. La sixième renferme un résumé
très succinet des excursions. La septième est occu-
pée par le lexique pétrographique.
Il a été rendu compte, ici même, par M. Barrois
du livret-guide des excursions’. Ce sont donc les
troisième, quatrième, cinquième et seplième par-
Hies qui constituent, à proprement parler, l'œuvre
1 Voyez cette analyse dans la Revue générale des Sciences
du 15 juillet 1900, t. XI, p. 857.
PH. GLANGEAUD — LE VIII: CONGRÈS GÉOLOGIQUE INTERNATIONAL
915
du Congrès. Je désirerais les analyser, avec le
regret de ne pouvoir parler, faute de place, de tra-
vaux fort intéressants, mais sur lesquels je revier-
drai ailleurs.
I, — RÉGIONS NOUVELLEMENT EXPLORÉES.
C'est l'Afrique qui a fait l'objet des plus nom-
breuses études de la part des géologues anglais et
français. Si l'on tient compte des travaux de M. Mo-
lengraff sur le Transvaal, publiés très récemment
dans le Pulletin de la Société géologique de France,
de ceux de divers géologues et d’explorateurs sur
la colonie du Cap, le Congo, etc., et de ceux dont
nous allons parler sur l'Egypte, Madagascar, l'Al-
gérie et le Sahara, on peut se faire une idée d’'en-
semble assez précise du continent africain, au point
de vue géologique.
Les Découvertes géologiques récentes de M. Hugh
J. L. Beadnell dans la vallée du Nil et le désert
Libyen Yont amené à modifier les idées (émises
par Zittel) que l'on se faisait sur les rapports du
Crétacé supérieur et du Tertiaire inférieur. Le
savant paléontologiste de Munich pensait que, dans
le désert Libyen, il n’y avait pas de ligne de
démarcation tranchée entre l'Éocène et le Crétacé,
ni discordance de stratilication, ni intercalalion de
dépôts d'eau douce, ni interruption dans la sédi-
mentalion : en un mot, qu'il existait un lien étroit
entre les deux formations. Or, M. Beadnell a
observé, dans plusieurs points du désert Libyen
(régions d'Abou Roach et de l’oasis de Beharieh),
qu'il existe une discordance très nette entre les
deux séries de dépôts. Il y a plus : le Grétacé avait
été exondé, plissé, faillé et arasé en partie avant le
dépôt de l'Éocène.
Ainsi, à mesure que les recherches se poursui-
vent dans les diverses régions du globe, on arrive
à cette conclusion que, s'il y a eu des périodes pen-
dant lesquelles les mouvements du sol ont été par-
ticulièrement intenses et généraux, il y a eu aussi
des mouvements à toutes les époques géologiques,
dont l'importance et l'extension géographiques ont
été très limitées.
Le rôle joué par la température et les phéno-
mènes éoliens (sables poussés par le vent, etc.) sur
la topographie font l'objet de remarques intéres-
santes, qui sont à rapprocher de celles faites dans
d'autres régions africaines, el aussi en Chine, par
von Richthofen.
En outre, M. Beadnell arrive aux importantes
conclusions suivantes :
« La vallée du Nil s'est vraisemblablement for-
mée lors du Pliocène inférieur. ‘
« La direction générale nord-est de cette vallée,
MG
PH. GLANGEAUD — LE VIII® CONGRÈS GÉOLOGIQUE INTERNATIONAL
E.
en Egypte, les hautes falaises qui la bordent, l'ab-
sence de vrais dépôts fluviatiles attribuables au
Nil à un niveau notablement au-dessus du fleuve,
l’absence presque complète de collines ou de lam-
beaux détachés du plateau dans la vallée, l'exis-
tence de grandes failles de bordure le long de la
presque tolalité de la vallée, font considérer cette
gorge, non comme une vallée d’érosion ordinaire,
mais comme le résultat de failles, de rifts, d’impor-
tantes fractures et de flexures.
« Ces dislocations sont probablement dues aux
grands mouvements orogéniques qui ont déter-
miné les principaux traits de la géographie phy-
sique de l'Afrique nord-est et d'une partie de l'Asie,
tels que la vallée du Jourdain, la mer Morte,
l'isthme de Suez, la mer Rouge, les lacs Rudolf,
Tanganiyka, Baringo, ete. »
Au commencement du Pléistocène, la vallée fut
occupée par une série de lacs. A la fin de la même
période, « un fleuve, le Pater Nilus, commença
sa carrière en creusant un chenal à travers les dé-
pôts antérieurs de la vallée, déposant couche par
couche le limon du Nil, et formant ainsi la longue
bande de terrain cultivableet habitable sans laquelle
l'Egypte fertile que nous connaissons n'existerail
pas. »
Les Notes sur la géologie du désert oriental de
l'Egypte, par MM. 7. Barron et W.F. Hume, vien-
nentajouter beaucoup à nos connaissances sur cette
partie de l'Afrique et complètent le travail précé-
dent et les suivants. Il faut retenir surtout de ce
Mémoire la partie qui a trait aux plages soulevées
et aux récifs coralliens.
Les mouvements pléistocènes qui se sont fait
sentir dans cette région et sur les bords de la mer
Rouge sont indiqués par cinq séries de récifs co-
ralliens, qui s’étagent du niveau actuel de la mer à
l'altitude de 170 mètres et sont d'autant plus
éloignés de la mer qu'ils sont plus anciens.
Ces mouvements du sol, qui ont relevé les récifs
coralliens au Pléistocène, sont les mêmes que ceux
qui ont produit la chaîne du Gebel Esch, parallèle
au golfe de Suez, et ont donné naissance à la der-
nière parlie de la vallée du Nil.
Dans son étude sur la Géologie du Sinaï oriental,
Hume insiste également, avec raison, sur la forma-
tion de récifs coralliens dans celte région, en voie de
soulèvement, les plus anciens étant les plus élevés
(200 mètres d'altitude). Il établil aussi qu'en géné-
ral la formation d'un récif corallien est indépen-
dante de la nature de son soubassement.
Un autre point sur lequel il faut attirer l’atten-
tion est la modification progressive des appareils
récifaux, quand ils sont émergés. 11 y à d'abord
une disparition continue des squelettes, du test ou
à |
&
d |
des coquilles, disparilion due en grande partie à 1
l'instabilité de l'aragonite constituant les parties
dures de certains de ces organismes. Puis, dans un
récif plus âgé, il se produit une altération chimiques
plus avancée, décelée par le passage du calcaire à la
dolomie, par enrichissement en magnésie. Cette
dernière question a fait, dans ces dernières années,
l’objet de nombreuses discussions.
Un autre (ravail de Hume sur les Æifts valleys
de TEst du Sinaï fournit, avec la Géologie du Sinaï
oriental, des données précieuses sur les rapports:
de la Géologie et de la Géographie physique et sur
les effondrements linéaires qui ont donné à cette
contrée sa physionomie si particulière. « La struc-=
Lure spéciale du Sinaï est due à des dykes de roches
éruptlives, de couleur variable, parallèles les uns
aux autres, continus sur un grand nombre de kilo=
mètres, et déterminant la direction de beaucoup de
chainons montagneux. Ce sont surtout des felsites
sphérulitiques, des diabases, des dolérites, qui
constituent ces dykes. On n’a pas trouvé de basalte. »
Dans une étude synthétique des plus intéres-
santes, M. Poule fail connaitre la Géologie et la Pa-
léontologie de Madagascar dans l'état actuel de nos
Connaissances.
L'esquisse de la carte géologique qui accompa-
gne cette étude permet de mieux saisir la constitu-
tion de la grande ile africaine, sur laquelle plusieurs
géologues anglais et français, notamment MM. Ba-
ron et Newton, Grandidier, Boule, Douvillé, Sta
nislas Meunier, Lacroix, Haug, etc., ont publié
récemment d'assez nombreuses notes.
Voici un résumé du travail de M. Boule.
Madagascar se divise en deux régions différentes :
1° une région centrale et orientale, comprenant la
chaîne de montagnes qui forme l'ossature de l'ile,
constituée par des roches cristallines (granites,
gneiss, schistes, etc.); 2° une région occidentale de.
plateaux et de plaines, formée de terrains sédimen-
taires. Une troisième calégorie de terrains, com-
posés de roches volcaniques, se rencontre en des
points variés de l'ile.
Les terrains primaires sont inconnus jusqu ici à
Madagascar. Les terrains secondaires (Trias, Juras-
sique et Crétacé) sont, au contraire, très développés
et forment presque entièrement la bande sédimen=
laire.
Le Trias, mal déterminé au point de vue paléon=
tologique, présente cependant de grandes anas
logies avec le Trias de la colonie du Cap (Xaroa
lormation) et la Gondwana formation de l'Inde, €
qui permet de supposer que Madagascar aurait faib
partie, à l’époque triasique, du continent relianb
l'Inde à l'Afrique du Sud. Le Jurassique et le Cré
PH. GLANGEAUD — LE VIII® CONGRÈS GÉOLOGIQUE INTERNATIONAL
917
tacé, très fossilifères, offrent des affinités, surtout
avec les formes de l'Europe pour le Jurassique, et
» celles de l'Inde pour le Crétacé.
La découverte de sédiments crétacés sur la côte
“orientale de l'ile conduit M. Boule à admettre,
“contrairement à l'opinion reçue, que, dès cette
; époque, peut-être même au Jurassique, Madagascar
“ était déjà une ile et n'était plus reliée à l'Inde par
“un continent. Il faut signaler encore d'assez nom-
“breux restes de Dinosauriens dans les couches
… secondaires des terrains éocènes en relrail vers la
- côte occidentale, et les combreux ossements si
inléressants recueillis par MM. A. et.G. Grandi-
dier, qui représentent forme récemment
éteinte.
une
… M. Boule « fait jouer aux failles un grand rôle
dans l'explication de l'orographie et de la tectonique
de l'île. C’est à leur faveur, et probablement à des
époques diverses, que des volcans se seraient éla-
blis un peu partout, le long des cassures, en don-
nant des lrachyles, des andésiles, des phonoliles
et surtout des basalles ».
La communication de M. Douvillé, sur le Juras-
sique de Madagascar, complète, sur certains points,
le travail précédent. L'auteur montre la grande
richesse en fossiles de ces terrains et « l'analogie
qu ils présentent avec ceux des colonies allemandes
de l'Afrique orientale, qui se prolongent par le
pays des Somalis dans l'Abyssinie. Il y a également
beaucoup d'affinilés avec la province de Cutch et
les couches à plantes de l'Inde ».
Signalons encore ici la troisième édition de la
Carte géologique de l'Algérie au 1/800.000, pré-
sentée par M. Ficheur, et la communication sur la
Géologie des hauts piateaux et des régions saha-
riennes, par M. Flamand.
Les travaux que nous venons d'analyser briève-
ment, venant s'ajouter à ceux qui ont récemment
paru sur la Géologie africaine, prouvent les grands
progrès de la Géologie dans cette partie du monde.
On sait l'importance considérable présentée par
l1 Géologie de la Palagonie, en raison des curieuses
formes de Vertébrés qui ont élé trouvées dans cette
région par MM. Gervais, Ameghino, Burmeister,
Moreno, elc., et les controverses passionnées aux-
quelles ces découvertes ont donné lieu. La discus-
sion ne semble pas près d'être close, à en juger
par un nouveau travail de M. Ameghino, que je
viens de recevoir.
J'ai rendu comple, en son temps', des belles
découvertes des frères Ameghino, et exposé som-
mairement l’élal de la question, en faisant remar-
* Pn. GLANGEAUD : Les Manimifères crélacés de la Patagoni
Revue générale des Sciences, 28 février 1898.
quer que les documents paléontologiques marins
recueillis n'étaient pas suffisants pour dater les
couches d'une façon précise.
Depuis quatre ans, des missions ont élé orga-
nisées pour l'étude géologique el paléontologique
de la Patagonie : d'une part, par M. Moreno el ses
éléves; d'autre part, par MM. Ameghino et aussi
par M. Hätcher.
M. Scott, qui présente le résumé des recherches
de ce dernier, fixe ainsi la série des couches :
Gault. Renfermant des ammonites qui montrent .
une complète ressemblance avec la faune synchro-
nique du sud de l'Afrique. ({ruaranien de M. Ame-
ghino.)
Magellanien. Terrain d'âge éocène ou oligocène.
Nombreux restes de Vertébrés. (Couches à Pyro-
therium de M. Ameghino, qui les range dans le
Crélacé supérieur.)
Palagonien. Formation miocène étendue
superficiellement, d'origine marine, dont les fos-
siles (plus de 200 espèces d'Invertébrés) offrent une
étroite parenté avec le Miocène d'Australie et de la
Nouvelle-Zélande.
M. Ameghino rapporte cetle faune à l'Éocène
inférieur.
très
Miocène d'eau douce
ou terrestre, très fossilifère, avec Mammifères. La
faune se relie davantage à celle de l'Australie qu'à
celle de l'Amérique du Nord, et présente une diffé-
rence profonde et radicale avec les faunes euro-
péennes. La formation santacruzienne, si impor-
tante en raison de sa richesse en Mammifères, est
considérée par M. Ameghino comme éocène supé-
rieur.
Il convient de dire, avec M. Depéret, qui a fait à
ce sujet de judicieuses remarques, que, si M. Ame-
ghino avait trop vieilli ces couches, MM. Scott et
Hatcher les ont singulièrement rajeunies, car il
existe de telles affinités paléontologiques entre les
Palæotherium européens et les Prothérothéridés
palagoniens, qu'il est permis de croire à l'äge oli-
gocène probable des couches de Santa-Cruz. C'est
également l'opinion de Ziltel. On peut conclure
en disant qu'il est nécessaire de reprendre, d'une
façon rationnelle, une grande partie de la géologie
et de la paléontologie palagoniennes.
Je menlionnerai encore, au sujet des régions.
nouvellement explorées, la présentalion de Ja
Carte géologique du Portugal, par MM. Delgado et
Chofät, le travail de M. Douvillé sur les Zxplora-
tions géologiques de M. de Morgan en Perse, celui
de M. Zeiller, sur la Ælore fossile du Tonkin, et un
excellent exposé de l’Ælat actuel des recherches
sur les volcans de l'Italie centrale, par M. Sabatini,
el spécialement de ceux du Lalium, dont j'ai publié
une élude ail'eurs.
Couches de Santa-Cruz.
918
Il. — OROGRAPHIE ET STRATIGRAPHIE
PALÉONTOLOGIQUES.
Dans ces dernières années, les recherches sur la
topographie du fond des océans se sont multipliées
et ont conduit parfois à des résultats fort inat-
tendus.
M. Edward Hull, qui s'est fait une spécialité de
cette étude, a rendu compte, à plusieurs reprises,
dans des Revues scientifiques étrangères, de ses
explorations.
J'ai eu l’occasion de parler ici même’, assez
longuement, des faits si intéressants signalés par
ce géologue et des conclusions qu'il en tirait,
relativement aux causes de l'époque glaciaire.
Depuis celte époque, M. Hull à fait de nouveaux
sondages sur les côtes de l'ouest de l'Europe et des
îles Britanniques, qui lui ont permis de schéma-
liser, de la facon suivante, la figure topographique
des régions sous-marines voisines du Continent. I]
existe d'abord une terrasse doucement inclinée de
la côte vers le large, désignée sous le nom de
plate-forme continentale, à la suite de laquelle vient
une pente rapide où un escarpement, correspon-
dant à la fin de la plate-forme et dont les fonds
atteignent rapidement 500 à 600 mètres.
Ce qu'il y a de particulièrement remarquable,
c'est l'existence des vallées sous-marines, ayant
fréquemment tous les caractères des canons du
Colorado et des Causses, qui ne font souvent que
prolonger les vallées actuelles et s'étendent à tra-
vers la plate-forme continentale, parfois jusqu'à
plus de 100 kilomètres au large, jusqu'aux grandes
profondeurs abyssales.
Des observations analogues ont élé faites le long
des côtes orientales de l'Amérique du Nord et des
iles occidentales de l'Inde et ont conduit à des
résultals analogues.
Hull conclut de ces données, à la suite d’autres
géologues, que ces vallées se sont creusées à la fin
du Pliocène, et il pense qu'il y eut, à cette époque,
un soulèvement du sol quiaffecta toutes les régions
orientales du bassin de l'Atlantique. La plate-forme
fut alors en partie arasée et les rivières creusèrent
leurs vallées à travers cette plate-forme jusqu’à la
base de l’escarpement qui la limitait vers l'Océan.
Après une longue période de repos, marquée par
celte érosion, eut lieu un nouveau mouvement
d'affaissement qui amèna l’invasion de la mer et la
submersion de la plate-forme et des vallées qui la
sillonnaient.
Ces conclusions, très originales, mais encore
bien hypothéliques, permettent à Hull de croire que
? Pu. GLanGeauD : Les vues nouvelles sur les Causes de
l'époque glaciaire. Revue générale des Sciences, 15 jan-
vier 1899,
PH. GLANGEAUD — LE VIII: CONGRÈS GÉOLOGIQUE INTERNATIONAL
l’'exhaussement du sol européen et nord-américain
a dù être une cause suffisante pour l'établissement
de la période glaciaire post-pliocène.
Les recherches de M. W. Hudleston sur la Bor-
dure de la parlie septentrionale du bassin de l Atlan-
lique semblent appuyer cette interprétation ; ce
dernier géologue indique, en outre, que le nord de
l'Atlantique, la mer de Norvège et l'Océan Polaire
septentrional apparliennent à une seule et même
dépression géosynclinale, très étendue, et seulement
interrompue, par places, par des épanchements
volcaniques.
M. Oshorn, l'éminent paléontologiste américain,
publie, avec le concours de paléontologistes fran-
çcais et étrangers, la (troisième édition de son Tableau
des horizons de Mammifères tertiaires en Europe
et en Amérique, en faisant remarquer que, pour
comprendre l'évolution des Vertébrés, on doit
tenir grand compte de l’orographie, de la nature
du sol, de la végélation dans laquelle ont vécu ces
êtres et aussi des migralions auxquelles ils ont pu
être soumis. Le problème paléontologique se rat-
tache ainsi à la Géologie, à la Zoogéographie, à la
Zoologie et devient alors un problème biologique.
A l'heure actuelle, on peut considérer comme
bien près d'être établie l'exactitude des corréla-
tions entre les divisions de l'Éocène, en Europe et
en Amérique, tandis que celles del'Oligocène, du Mio-
cène, du Pliocène et du Pléistocène ne doivent être
envisagées que comme provisoires. Quoi qu'il en
soit, on a suffisamment d'éléments aujourd'hui pour
conclure, avec M. Gaudry, que la marche de l'évo- |
lution a été la même en Amérique et en Europe.
Les travaux de MM. Dollfus, Guébhard, Bleicher,
Stanilas Meunier, Martel, Raulin, Fabre, Van den
Broeck, etc., seront certainement développés par
ces auteurs dans des Revues françaises. Je n'en
parle pas pour cette unique raison.
III. — PÉTROGRAPUIE.
Les pélrographes ont pris une large part au
Congrès de Géologie de 1900. La présence des
représentants les plus autorisés de cette science,
les discussions parfois passionnées qui eurent lieu
dans les réunions préparatoires et durant le Con-
grès pour arriver à une entente sur un certain.
nombre de questions louchant aux principes fon-
damentaux de celle science, montrent son impor-
lance croissante.
Tous les congrès émettent des vœux, souvent
platoniques, car ils ne lient pas les savants, qui
conservent loute leur liberlé d'action. Et parfois,
les dissidents ont plus tard raison contre ceux
;.
qui avaient voulu enfermer la science dans
d'étroites limites, et qui croyaient d’ailleurs, par là,
de très bonne foi, la faire avancer plus vite.
M. Becke, l’éminent professeur de Vienne,
estime que la Pétrographie est encore dans la
“période d'accumulation des faits et que le temps
“n'est pas encore venu où l’on puisse les systéma-
“liser avec fruit. Une nomenclature rationnelle,
Systématique des roches devrait être basée sur
bujoutes les relations des roches (rôle géologique,
“composition minéralogique et chimique, struclure).
Moute préférence pour l’un de ces points de vue,
préférence inévitable dans la période de transition
que traverse actuellement la Pétrographie, dispa-
raitra certainement plus tard.
Les classifications, même provisoires, ont cepen-
dant du bon, car elles permettent de grouper les
choses apparentées les unes aux autres, de mieux
Saisir les relations qui les unissent et de simplifier
la nomenclalure.
Les travaux des Commissions de Pétrographie
ont porté surtout sur la nomenclature des roches.
tetenons seulement, parmi les vœux votés, les sui-
ants, qui sont les plus importants :
4% Vœu : Les noms d'auteur devront toujours
être indiqués, à la suite des noms de roches,
“comme cela est d'usage en Zoologie et en Bota-
2% Vœu : Il y a lieu de nommer une Commission
internationale, chargée de publier les noms nou-
“veaux des roches, avec leur description aussi pré-
“au besoin, avec un dessin reproduisant leur struc-
ture.
3° Vœu : Il est avant lout désirable de régulariser
la nomenclature des roches éruptives où le manque
d'unité est particulièrement sensible.
Ces trois vœux ont été adoptés à l'unanimité. Il
n'en a pas été de même du quatrième, ainsi conçu :
% Vœu : La caractéristique des grands groupes,
par exemple des familles, doit se baser sur la
composition minéralogique appuyée sur la compo-
sition chimique et la structure.
Ce vœu, qui a été voté à une assez forte majorité,
“est un succès pour l'Ecole française, représentée
par deux de ses fondateurs, MM. Fouqué et Michel
- Lévy, qui accorde une importance prépondérante à
la composition minéralogique sur la composition
- chimique, tandis que l'autre École fait l'inverse.
La section de Minéralogie et de Pétrographie a
“également voté la publication d’un Journal inter-
national de Pétrographie, qui renfermerait des ré-
sumés et des travaux extrêmement courts.
Nous ne pouvons examiner que quelques-uns
des Mémoires de DLERES qui ont été pré-
2
PH. GLANGEAUD — LE VIII: CONGRÈS GÉOLOGIQUE INTERNATIONAL
919
M. Joly, professeur de Géologie el Minéralogie à
Dublin, a fait une série d'expériences destinées à
déterminer l'ordre de formation des silicates dans
les roches. Ces expériences lui ont montré, que les
points de fusion, un peu inférieurs à ceux qui sont
actuellement admis, sont en complète harmonie
avec la théorie de Rosenbuch, suivant laquelle
l’ordre de consolidation des silicates est fonclion
du degré de basicité.
Les anomalies dans l’ordre de formation de ces
minéraux, le phénomène d'accroissement intratel-
lurique qu'ils présentent, et qui ont fait l’objet
de nombreux travaux de MM. Fouqué et Michel
Lévy, s'expliquent, d'après M. Joly, par la variation
de stabilité des silicates soumis à une chaleur pro-
longée. Les expériences de ce géologue auront
leurs applications dans les recherches de tempéra-
ture des laves solidifiées el dans la fusion des en-
claves. ;
L'étude de M. Weinschenk, le Dynamo-
métamorphisme et la piézocristallisalion, est fort
intéressante, bien qu'un peu obscure etassez hypo-
thétique. L'auteur ne tient guère comple, ou si
peu, des travaux des pétrographes et des géologues
français, qui ont cependant fait avancer beaucoup
l'état de la question, et des géologues anglais, qui
ont émis des idées se rapprochant des siennes par
certains côtés.
M. Weinschenk ne parait pas avoir résolu
toutes les difficultés sur la question de l’origine des
schistes cristallins et du terrain primitif.
Pour ce géologue, il y aurait, pour les Alpes, par
exemple, un rapport très net entre les plissements
montagneux et l'apparition des masses graniti-
ques. « Par la pression exercée pendant les plisse-
ments, le magma fluide s'est élevé de la profon-
deuret s’est injecté entre les couches des différents
horizons géologiques, tandis que des mouvements
et des dislocations colossales accompagnaient le
phénomène de l'intrusion. La tension n’étail pas
supprimée par l'injection du magma liquide, et ce
magma s’est consolidé sous la pression des monta-
gnes qui se plissaient encore. » M. Weinschenk dé-
signe sous le nom général de piézocristallisation
« l’ensemble des phénomènes qui se sont passés
pendant la consolidation du granite central des
Alpes » ; il croit que tous les fails constatés s'ex-
pliquent si l'on admet que la solidification du gra-
nite s'est faite sous une grande pression.
« La consolidation de la roche a commencé
la séparation des éléments noirs (biotite et horn-
blende). Le mica s'est d'abord formé dans la masse
liquide. À ce moment, les pressions orogéniques
ont agi sur la zone périphérique du magma, orien-
Lapt ce minéral normalement à la pression.’Au sein
de la masse visqueuse, cette faculté d'orientation a
sur
avec
920
élé remplacée par une tension intérieure dirigée
dans tous les sens. » Ainsi s'expliquerait, pour le pro-
fesseur de l'Université de Munich, la zone périphé-
rique schisteuse qui passe à un noyau granili-
que. « Quand il s'est formé de grands cristaux de
feldspath, les pailletles de mica se sont disposées
autour de lui, ont empêché sa croissance et l'ont
contraint à prendre une forme œæillée. À un état
plus avancé de la cristallisation, le magma était
transformé en un squelette solide dont les espaces
interstiliels étaient remplis par le résidu liquide.
Les efforts orogéniques ont amené aussi l'écrase-
ment de ce squelette cristallin ; les feldspaths se
sont froissés, les micas se sont tordus. Dans les
parties où commencait la cristallisation du der-
nier élément, le quartz, celui-ci a élé influencé
dans son développement par ces pressions énormes.
La trituration des éléments composants ne serait
pas toujours due à l'influence de pressions posté-
rieures à leur consolidalion.
« Pendant ce temps, les minéralisaleurs à haute
température se sont infiltrés dans les sédiments,
déjà fortement plissés et disloqués etont commencé
leur réaction métamorphique sous l'influence de la
pression élevée. Celle action diffère du métamor-
phisme de contact normal par la tendance de la
roche à prendre le plus petit volume possible : les
roches de contact piézométamorphiques contien-
nent toujours, de deux minéraux dimorphes, celui
qui a la plus grande densité. »
J'ai tenu à donner presque in extenso les princi-
pales conclusions de l’auteur, afin qu’elles parais-
sent plus compréhensibles. En résumé, pour
M. Weinschenk, trois agents seraient intervenus
dans la formation des schistes cristallins :
1° Le magma fondu, consolidé sous l'influence
de la pression, aurait permis l'alignement des élé-
ments cristallisés ; 2° mais les mouvements oro-
géniques auraient troublé cette régularité; 3° enfin,
les minéralisateurs seraient inlervenus avec plus
ou moins de force.
Suivant le rôle variable considérable de ces trois
facteurs, et la nature du magma, on avait des ro-
ches schisteuses de nalure différente.
M. W. Salomon propose un Æssai de nomen-
clalare des roches de contact et M. Saccoune Clas-
silication générale des roches.
Dans un important Mémoire relatif aux Æoches
accompagnant les lherzolites et les
ophites des Pyrénées, et qu'il nomme ariégites et
hornblendites, M. Lacroix éludie la structure, la
composition chimique et minéralogique de ces nou-
velles roches et les relations qui les unissent aux
ophites et aux lherzolites. Il conclut qu'elles sont
élroitement apparentées et constiluent des varia-
basiques
PH. GLANGEAUD — LE VII CONGRÈS GÉOLOGIQUE INTERNATIONAL
tions d’un même magma profond. Des expériences
de laboratoire ont permis également à l’auteur de
montrer que ces mêmes roches, fondues el recris
tallisées, reproduisent des roches microlitiques
offrant la composition des basaltes. Ces derniers"
pourraient done êlre considérés comme la forme
d'épanchement des premières, qui sont des roches
de profondeur à structure holocristalline et pres-
que loujours grenue.
Le Congrès a décidé l'impression, dans les
Comples rendus, du Lexique pétrographique de
M. Lœwinson-Lessing, qui rendra les plus grands
services aux pétrographes.
Ce Lexique, qui est plutôt une seconde édition"
qu'une simple traduction de l'œuvre de l’éminent
pétrographe russe, n’a pas moins de 300 pages, et il
a été modifié avec le concours d'un grand nombre”
de pétrographes européens et américains.
Dans ve travail, presque tous les termes utilisés
par les pétrographes du monde sont indiqués, avee
leur signification, et le nom de l’auteur qui les
a employés la première fois. M. Barrois, qui a
revu ce Lexique avec grand soin, à fait suivre éga=
lement, conformément aux vœux du Congrès, le
nom des roches du nom de l’auteur et de la date,
d'émission.
IV. — GÉOLOGIE DU CARBONE.
La géologie du carbone s’est enrichie d’impor-
tantes contributions dues à MM. Eug. Bertrand,
Grand'Eury, Lemière, Renault et Weinschenk.
Disons d’abord quelques mots de la Mote de
M. Weinschenk sur la formation du graphite. Une
opinion assez répandue veut que les gisements de
graphite soient d'anciennes veines de houille, an-
térieures aux premières couches fossilifères et mo
difiées par métamorphisme. À la suite de l'étude
minutieuse d'un assez grand nombre de gisements
de graphite (Ceylan, Bavière, Cumberland), M.Weins-
chenk établit qu'on ne trouve jamais de termes de
passage entre le charbon et le graphite. Tous les
gisements étudiés par l’auteur lui font conclure que
le carbone des gisements graphitiques a été amenés
par des émanations volcaniques, ou que, provenant
de substances organiques, il a été remis en mouve-
ment sous l'influence d'actions volcaniques. Il a
fréquemment, en effet, une allure filonienne, est
en relation avec des roches intrusives, et les roches.
imprégnées de graphite sont, en outre, remplies de
minéraux d’allération.
« Ce seraient des fumerolles, principalement.
composées d'anhydride carbonique, de carbonyles
et de cyanures métalliques, qui auraient déposé,
d'une part le graphite, d'autre part les oxydes de
f
; PH. GLANGEAUD — LE VIli® CONGRÈS GÉOLOGIQUE INTERNATIONAL
92L
lilane et de manganèse qui l'accompagnent, tout en
- décomposant la roche encaissanle. »
11 faut rapprocher cette opinion de celle d’'Armand
“Gautier sur l’origine des carbures d'hydrogène et
“de l'acide carbonique, qui est assez analogue à
“celle du professeur de l'Université de Munich.
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à
K
MM. Renault et Eug. Bertrand, qui ontattaché leur
_ nom à tant de travaux intéressants relatifs à l'ori-
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L
gine des charbons fossiles, ont donné au Congrès
de Géologie deux Mémoires qui se complètent l’un
l'autre et permettent d’avoir une idée générale sur
la genèse des produils carbonés.
M. Æug. Bertrand présente de celte façon le
résumé de ses recherches sur les deux types de
combustibles que l'industrie nomme bogheads et
schistes bilumineux. Les premiers sont formés
- par des algues gélosiques, comparables aux fleurs
» d’eau, enfouies dans une gelée brune. L'accumula-
tion d'algues s’est faite rapidement, en une saison,
. et la fossilisation a eu lieu en présence du bitume.
. Les schistes bitumineux sont des accumulations de
gelée brune, faites dans les mêmes condilions que
celle des bogheads, mais les corps figurés n’y in-
terviennent que pour une part insignifiante.
L'addition d'algues en fait des bôgheads, l’addi-
dilion de spores en fait un charbon de spores,
l'addition de coprolites peut en faire un charbon
animal.
M. Renault, dans son travail sur le Ale de quel-
ques baclériacées fossiles au point de vue géolo-
gique, fait ressortir le rôle important que les infini-
ment pelits ont joué dans la formation de quel-
ques-unes des couches du globe où on les rencontre
en abondance * :
1° En déterminant, sous forme de zooglées,
issues de la décomposition des plantes, la forma-
tion de roches oolitiques siliceuses à structure
radiée ;
2° En pratiquant la décomposition partielle des
végélaux dans des marais ou en eau profonde.
Dans le premier cas, ils ont contribué à la forma-
tion des tourbes, des lignites et des charbons li-
gnitoïdes. Dans le second, ce sont des bogheads,
des houilles, des cannels el des anthracites qui se
sont formés. Dans tous les cas, il y a eu perte
d'oxygène et d'hydrogène en plus grande propor-
tion que de carbone, sous forme d'hydrogène pro-
tocarboné et d’acide carbonique ;
3° La nature des végélaux paraît avoir eu une
certaine influence sur la qualité des combustibles
produits.
! Voyez aussi à ce sujet B. Rexaczr : Les bactéries fos-
Siles et leur œuvre géologique, dans la ffevue générale des
Sciences du 15 octobre 1896, t. VII, p. 804 à 813.
à]
a) Les Logheads ont été formés par l'accumula-
tion d’'alques d'eau douce;
D) Les cannels, par une sorle de séiection porlant
sur des fruclilications de eryptoqames et d'alques
d'eau douce.
c) Les houilles résultent de l'assemblage de tous
les organes des plantes, bois, écorce, feuilles,
fruclilications variées, elce.; leur composition dé-
pend de l’allération plus ou moins profonde que la
fermentation microbienne leur a fait subir.
Dans son Mémoire sur la 7ransformation des vé-
gélaux en combustibles fossiles, M. Lemitre, ingé-
nieur, fail à son tour de curieux rapprochements
en essayant d'établir qu’ « il y a une analogie com-
plète entre la fermentation houillère et la fermen-
tation alcoolique ».
Les travaux MM. Renault
trand semblent bien appuyer
M. Lemière, qui « assimile les formations de la
houille à la fabrication de l'alcool, en retrouvant
dans la première opération, accomplie parles forces
nalurelles, les mêmes phases de macération, de vie
microbienne aérobie et anaérobie, les mêmes dé-
gagements de gaz et finalement un enrichissement
des matières premières en carbone, phénomènes
que l’on reproduit lous les jours dans l'industrie.
L'alcool réduit aux pulpes et drèches est un produit
comparable à la houille ».
Relenons, parmi les conclusions de M. Lemière,
qui sont des plus intéressantes, mais dont cer-
taines recevront vraisemblablement des modifiea-
tions, les considérations suivantes :
« Les facteurs principaux de la transformation
des végétaux en combustibles fossiles sont : les
ferments solubles, les ferments vivants et les anti-
sepliques. Les deux premiers sont des agents de
trans'ormation, le troisième est un agent de conser-
vation ; les ferments solubles ne sont peut-être pas
indispensables pour obtenir un certain degré de
carbonisation : exemple, la tourbe; mais, quand ils
existent, ils développent beaucoup la macération,
c'est-à-dire la formation de la matière fondamen-
tale pulpeuse.
« Les ferments vivants sont les agents de la
fermentalion, et par suite de la carbonisation;
enfin, les antisepliques sont indispensables pour
limiter la transformation en gaz et sauver de la
destruction complète une partie de l'accumulation
végétale.
« Dans le cas le plus général, celui des houilles, le
processus de la formation des combustibles miné-
raux est diastasique et microbien, c’est-à-dire que
l’action des diastases correspond à la macéralion
et que l'action proprement dite des microbes cor-
respond à la fermentation. »
et
les
Ber-
de
de Eug.
théories
€ 22
2 PH. GLANGEAUD — LE VII: CONGRÈS GÉOLOGIQUE INTERNATIONAL
M. Grand Eury, qui a soutenu l'opinion que l’on
sait sur l’origine de la houille, essaye encore de
trouver des arguments pour combattre la théorie
de M. Fayol, si généralement admise, en étudiant
les tiges enracinées des terrains houillers, qui,
pour l’auteur, « ont vécu là où on les trouve, et ont
le plus contribué à former la houille ». Le savant
ingénieur admet cependant que ces tiges sont irré-
gulièrement distribuées et à toute profondeur, et
que «le bassin s’est creusé pendant sa formation
par des mouvements d’affaissement lents et
brusques ».
M. Grand'Eury, qui a publié des travaux remar-
quables sur la flore houillère, semble oublier que
s’il y a eu affaissement, produit généralement par
l'enfoncement progressif des synclinaux ou des cu-
veltes déterminant les dépressions houillères, il y a
eu aussi élévation correspondante, par plissement,
des parties continentales, parfois trèsmontagneuses,
quientouraient ces dernières.
N'est-il donc pas logique d'admettre la formation
de torrents descendant de ces régions élevées, cou-
vertes de forêts, et charriant les végétaux dans les
parties basses?
Je regrette de ne pouvoir parler, faute de place,
des travaux sur les rolcans, les glaciers, les grottes
et cavernes,ceux sur la Géologie appliquée, et sur-
tout ceux sur l’Aydrologie.
On doit retenir, toutefois, que la Géologie tend de
plus en plus à devenir pratique et à prêter son con-
cours à de nombreuses recherches minières, d’eau
potable, d’eau minérale, ete.
V. — TRAVAUX INTERNATIONAUX DU CONGRÈS.
Divers projets d'ordre collectif ont été adoptés
par le Congrès.
Sir Arch. Geikie a demandé qu'il y eût une
coopération internationale dans les investigations
géologiques, pour soumettre les faits observés à des
mesures précises et pour les contrôler.
A ce sujet, M. Albert Gaudry disait: «Ce projet, qui
exige une action continue, me semble fécond. Notre
Congrès,comme certains couvents au Moyen-Age, de=
viendrait une institution permanente, poursuivant,
s’il le faut, pendant un siècle, les œuvres qu'uné
courte vie humaine ne peut accomplir. »
M. Chamber lain, le distingué géologue américain,
ne demande pas moins qu'on revienne à l'étude et
à la discussion des principes fondamentaux qui
doivent servir de base à la classification géolo-
gique.
Tous ceux qui se sont occupés de Paléontologie
savent les difficultés qu'on éprouve souvent à dé-
terminer une espèce ou à recourir aux travaux Spé-M
î
ciaux ou généraux, dans lesquels les premières dia-
gnoses ont été faites. Pour faire disparaitre ce
facheux inconvénient, M. (Æhlert proposa au Con-
grès la fondation d'une publication destinée à
rééditer les types des fossiles décrits et ligurés
antérieurement à une époque déterminée. Je n'ai
pas besoin de faire ressortir l'intérêt considérable
d'une telle œuvre, qui avait déjà été indiquée par
M. Kilian. Aussi son exécution fut-elle adoptée à
l'unanimité,
Pour terminer cet exposé, que je regretle si som-
maire, disons, avec l'éminent président du Con-
grès, M. Albert Gaudry, que « outre les jouis-
sances d'amitié internationale, les Congrès de
Géologie antérieurs à celui de 1900 ont déjà
apporté de nombreux avantages scientifiques,
établi bien des accords et préparé la solution de
hautes questions ». Celui de Paris, qui a eu tant
de succès, contribuera pour une large part, nous
l’espérons, à développer ces résultats.
Ph. Glangeaud,
Maître de Conférences
à l'Université de Clermont-Ferrand
ES
ss
panne “her PAT he
D' A. LÉTIENNE — REVUE ANNUELLE DE MÉDECINE 92€
REVUE ANNUELLE DE MÉDECINE
I. — CYTOoDIAGNOSTIC.
—… Regarder une cellule sous un microscope, en dé-
rire les caractères normaux et les attributs patho-
logiques, étudier sur elle l'effet des divers réactifs
et interpréter les phénomènes observés, ces actes,
dont les applications sont variables à l'infini, con-
F stiluent une branche spéciale de la Science qu'on
appelle (ytoscopie. En Médecine, l'acception de ce
— mot est devenue beaucoup plus restreinte ; et, pra-
à tiquement, on ne l'applique guère aujourd'hui qu'à
… l'étude des cellules en suspension dans un liquide
“— humoral quelconque : sang, Iymphe, urine, pus,
… exsudats divers, épanchements pleurétiques, péri-
tonéaux, articulaires, etc.
La facilité avec laquelle on peut aujourd’hui puiser
2 sans danger, par la ponction lombaire, le liquide
à céphalo-rachidien a étendu la cytoscopie à l'étude
: de cette humeur sur le vivant.
+ De l'examen des cellules contenues dans ces di-
» vers liquides, on tire des conclusions qui, dans
- certains cas (et ceux-ci deviendront sans cesse plus
- nombreux), sont utiles pour établir ou confirmer
un diagnostic. De là vient le mot ceytodiagnostie,
dont la valeur est analogué à celle du mot sérodia-
gnostic, qu'avait imaginé M. Widal et que nous
- avons expliqué dans une précédente Revue.
Ce sont les résultats acquis jusqu à ce jour que
nous allons résumer. Rappelons que c'est surtout
la théorie de Metchnikoff, la phagocytlose, c'est-à-
dire la réaction des globules blancs sur les divers
, agents infeclieux ou simplement sur les corps
— étrangers à l'organisme, les périodes de coloration
- découvertes par Ebrlich et le procédé technique de
la centrifugation, qui ont permis à la cytoscopie et
“ au cytodiagnoslic de prendre leur importance ac-
' tuelle parmi les méthodes d'investigation clinique.
- Les multiples travaux de tous ordres qu'elles ont
; suggérés ont abouti à l'application et à la généra-
| lisation du procédé.
“ 1. — Sang. — Sans revenirsur la composition du
. sang et les diverses modifications que peuvent
subir les globules rouges, nous ne parlerons que
- des globules blancs, leucocytes, parce que ceux-ci
- ont une propriété caractéristique de migration qui
les fait retrouver à divers états dans les autres
. liquides de l'économie.
“ Ces leucocytesontune grande variabilité d'aspect.
- On en a fait une véritable classification. Elle amè-
- nera sans doute à la connaissance des causes qui
« président à ces variations. Le principal élément de
2
‘Ai
différenciation des globules blancs réside dans les
caractères du noyau.
Les uns ont un novau sphéroïdal, unique, de
forme assez régulière. Pour cela, on les a appelés
mononucléaires. Les autres ont une masse nucléaire
irrégulière, fragmentée : la cellule parait avoir
plusieurs noyaux, être polynucléaire.
Le leucocyte mononucléaire a un protoplasma
assez homogène dans lequel se détache bien le
noyau, isolé, unique, souvent sphéroïdal ou cylin-
drique et plus ou moins contourné en U. Mais on a
établi entre ces mononucléaires des différences qui
portent surtout sur leur volume. On en distingue
des grands,des moyenset des petits. La proportion
des grands et des petits est différente suivant les
conditions.
Les leucocytes polynucléaires, outre la multipli-
cité des noyaux, ont un caractère commun, qui les
différencie déjà nettement des précédents : ils ont
un protoplasma grenu, formé de granulalions de vo-
lume variable. Les uns ont des granulations très
fines et presque égales; les autres ont des granula-
tions inégales et volumineuses. Ces derniers sont
appelés polynucléaires et éosinophiles, parce que
leurs granulations prennent et fixent avec une affi-
nité spéciale certaines substances colorantes (é0-
sine).
C'est, du reste, sur ces propriétés colorantes des
granulations leucocytaires qu'est fondée la division
universellement adoptée d'Ebrlich, et qui comporte
les quatre variélés suivantes :
4° Les leucocytes polynucléaires neutrophiles,
dont le protoplasma est granuleux avec un noyau
irrégulier, fragmenté, polymorphe. De plus, ce pro-
toplasma contient des granulations neutrophiles,
ainsi appelées parce qu'elles présentent une réac-
tion spéciale. Colorées avec le réactif triacide
d’Erhlich, composé de vert de méthyle, d'orangé et -
de fuchsine acide, elles prennent une teinte vio-
lette. Or. le réactif dittriacide est en réalité neutre,
d'où la dénomination de neutrophiles appliquée à
ces granulations, qu'on nomme aussi granulations e.
2 Les leucocytes polynucléaires éosinophiles.
L'aspect général de la cellule est le même que dans
la variété précédente; mais, colorées avec le même
réactif triacide d’Ehrlich, certaines granulations
protoplasmiques prennent une teinte rouge très
nette. Elles fixent avec intensité la couleur acide;
d’où leur nom d’acidophiles ou éosinophiles. Cette
granulation éosinophile, généralement plus grosse
que la précédente, est dite aussi granulation «.
3° Des leucocytes à protoplasma vasculaire, à
924
D' A. LÉTIENNE — REVUE ANNUELLE DE MÉDECINE
noyau irrégulier, multilobé, nommé mastzellen
d'Ebrlich. Elles ne contiennent pas de granula-
tions « ou s, mais des granulations colorées en
violet rougeàtre.
x Enfin des leucocytes monucléaires à noyau
sphéroïdal et à protoplasma homogène.
Dominiei, dans un intéressant travail sur l’ori-
gine et la valeur de ces divers éléments, a donné
les proportions dans lesquelles on les trouve nor-
malement.
Si l'on examine les diverses humeurs qui, à
l'état normal ou pathologique, occupent certaines
cavités du corps, on remarque, après quelques
essais, que leur richesse en leucocytes est très
variable et que les leucocytes trouvés ne sont pas
tous de la même espèce. C’est sur la variabilité de
ces éléments qu'on s'appuie pour arriver au dia-
gnostic. Examinons-les successivement.
2. Plèvres. — Widal et Ravaul ont tiré quelques
conclusions pratiques de l'examen histologique de
l’exsudat pleural.
L'épanchement provoqué par la pleurésie simple
(si souvent tuberculeuse) donne un liquide que
caractérisent de pelits leucocytes mononucléaires,
lymphocytes, en nombre assez considérable. Ils
sont accompagnés d'une petite quantité d'hématies.
La pleurésie consécutive à des lésions tubercu-
leuses avancées du poumon a une autre formule
cytoscopique. Le nombre des lymphocytes et des
hématies est restreint, mais on y trouve des leuco-
cytes polynucléaires à noyau très fragmenté et à
granulations neutrophiles; en outre, quelques
mononucléaires déformés et dégénérés.
Les épanchements par stase, les liquides
d'hydro-thorax (ceux observés chez les cardiaques
par exemple) présentent de grandes cellules prove-
nant du revêtement épithélial de. la plèvre, isolées
ou réunies en lambeaux. Il y a relativement très
peu de lymphocytes.
Dans la pleurésie streptococcique, ce sont les
polynucléaires neutrophiles qui dominent.
Dans la pleurésie pneumococcique, outre un
nombre beaucoup plus considérable qu'ailleurs de
lymphocyles et d'hématies, il y a une grande
abondance de polynucléaires et de grandes cellules
mononucléces, qui, selon Widal et Ravaut, auraient
un pouvoir phagocylaire accentué et engloberaient
les polynucléaires.
Le liquide de la pleurésie cancéreuse est carac-
lérisé par les cellules distinctives du néoplasme.
On voit donc que, d’après la seule formule cyto-
scopique d’un épanchement pleural, on peut avoir
une indication valable pour le diagnostic de la
nature de l'affection causale.
Signalons encore l'intérêt de l'étude cytologique
plèvre, consécutif à un traumatisme. Tuffier et
Milian ont montré qu'elle pouvait en faire prévoir
la suite clinique. Les polynucléaires, si le liquidem
est aseptique, disparaissent progressivement etM
sont toujours en nombre beaucoup moindre que
les lymphocytes et mononucléaires. S'ils prédu-m
minent au contraire, c'est que la cavité pleurale est
infectée et que les signes cliniques de la suppu-
ralion ne tarderont pas à se manifester.
3. Périloine et autres séreuses. — Les résultals
sont ici absolument comparables à ceux que nous
venons de voir pour les plèvres. Le liquide séreux
d'ascile (épanchement dans la cavité péritonéalem
cours d'affections cardiaques, hépatiques,
rénales) est pauvre en éléments figurés, tandis que
le liquide de la péritonite luberculeuse contient
des lymphocyles en nombre appréciable.
Les liquides des kystes de l'ovaire contiennent
des cellules de diverses espèces et en particulier de
grosses cellules ovalaires ou rondes, remplies de
vacuoles, et moins constamment des cellules eylin-
driques, dont l’un des pôles porte une toufle de
cils vibratiles (Tuffier et Milian). ;
Les hydarthroses tuberculeuses ont pour carac-
téristique la présence des lymphocytes (Achard et
Lœæper). De même, l'hydrocèle tuberculeuse, l'hy-
drocèle blennorragique, comme la plupart des
infeclions aiguës, contiennent des polynucléaires.
au
al D RTE
4. Liquide céphalo-rachidien. — Normalement, et
dans un grand nombre de maladies, le liquide
céphalo-rachidien puisé sur le vivant au moyen de
la ponelion lombaire est extrêmement pauvre en
éléments figurés. Le nombre (rès restreint de leu-
cocyles el d'hémalies qu'on y trouve parfois peut y
être apporté du fait de la traversée des tissus par
l'aiguille. Mais, quand il y a une cause morbide M
locale, quand les méninges sont lésées, même très.
superficiellement, on voit dans ce liquide des cel-
lules en nombre très notable. Celles-ci varient sui-
vant les cas. Widal, Sicard et Ravaut les ont
éludiées spécialement dans la méningite tubereu=
leuse. Dans cette affection, ils ont remarqué une
prédominance accusée des lymphocytes, quelque-
fois des hématies (si nombreuses en quelques cas
que le liquide prend un aspect hémorragique),
puis de rares polynucléaires. Chose importante,
dans la méningite cérébro-spinale, ce sont au con-
traire les polynucléaires qui prédominent et les
lymphocytes qui sont rares.Ces auteurs en arrivent
donc à conclure que la formule eytologique de las
méningite tuberculeuse est la lymphocylose. .
On comprend aisément la valeur de cette consla-
lalion. L'absence de lymphocyles permet d’écarter
D' A. LÉTIENNE — REVUE ANNUELLE DE MÉDECINE
“le diagnostic de méningite tuberculeuse, lorsque
des désordres nerveux la simulent.
- Les résultats précédents ont élé confirmés par les
“recherches de Griffon, qui, dans trois cas de ménin-
gite aiguë de l’aduite, trouva une lymphocytose
‘1
“prédominante ; par celles de Sicard et Brécy qui,
“dans la méningite cérébro-spinale, trouvèrent de
très nombreux leucocyles polynucléaires. Ce pro-
cédé de diagnostic est d'autant plus intéressant que
souvent, ni les méthodes de coloralion, ni les cul-
ures, ni même les inoculalions aux animaux ne
“décèlent de microbes dans le liquide céphalo-
rachidien, et que le diagnostic bactériologique
direct ne peut donc être établi.
. Dans diverses maladies de l'axe cérébro-spinal :
paralysie générale, myélites, tabes, lésions syphi-
litiques du système nerveux, on trouve surtout des
lymphocytes. R. Monod, entre autres, a signalé,
dans la paralysie générale, des lymphocytes, quel-
ques polynucléaires neutrophiles ou éosinophiles
et de rares hématies. Dans le tabes, le dépôt du
liquide céphalo-rachidien est formé à peu près des
mêmes éléments. Dans la névrile périphérique
alcoolique, les résultats sont peu précis. Ils sont
négatifs, à part la présence de quelques rares mo-
nonucléaires, dans le rhumatisme chronique, l’al-
_ coolisme et l'hystérie.
>
5. Affections chirurgicales. — Les données pré-
Mintes, appliquées soil au sang, soit aux diverses
humeurs, sont suffisamment assises pour que les
“chirurgiens y voient un argument décisif pour ou
contre l'opportunité de l'intervention qu'ils pro-
jettent.
Hartmann a déjà signalé ces avantages et cons-
até que le diagnostic différentiel entre le cancer
ét l'ulcère de l'estomac pouvait être fait, avant
Jopération, par l'examen du sang. Il insiste sur ce
fait que, dans le cancer, l'hyperleucocytose porte
urtout sur les mononucléaires.
Des abcès latents, développés au sein des pa-
reuchymes, peuvent être décelés. Boinet a trouvé
“chez un homme que l'on soupconnait atteint d'un
abcès du foie une augmentation considérable (6 à
10 °/, environ) des leucocytes du sang : elle était
fournie principalement par les polynucléaires.
> Dans l'appendicite, Laignel Lavastine a signalé
“une tendance spéciale à l'éosinophilie du sang.
Pendant la crise aiguë, on trouve dans le sang une
proportion élevée de leucocytes polynucléaires
“éosinophiles. Après l'ablation de l'appendice, cette
REVUE GÉNÉR: T: DES SCIENCES, 1901.
Cependant il faut, pour que les enseignements
de la cytoscopie soient nets en clinique, ne pas se
contenter d'une seule constalation. Plusieurs exa-
mens sont nécessaires. Leurs résultats doivent tou-
| jours être concordants, et la disproportion des élé-
ments dans le même sens flagrante. Le sang est
en effet un liquide changeant, le nombre des leu-
cocytes y est variable suivant le moment où on le
considère. Des phénomènes physiologiques l’in-
fluencent; la digestion, par exemple, augmente la
leucocytose, et parfois dans des proportions très
notables. Cette augmentation semble même se faire
surtout au profit des polynucléaires.
C'est encore une modalité du eytodiagnostie que
l'épreuve dite du vésicatoire qu'ont instiluée Roger
et Josué. Elle consiste à examiner les cellules con-
tenues dans le liquide séreux qui s'accumule sous
l'épiderme soulevé par l'application d'un vésica-
toire. Ce liquide, quand la phlyctène est bien for-
mée, est recueilli, centrifugé; puis le dépôt, étalé
et desséché sur une lame, est coloré au triacide ou
à la thionine.
Dans ces conditions, on trouve des différences
nettes entre les sérosilés provenant d'un sujet sain
et d'un sujel malade. À l'état normal, il y a unetrès
forle proportion de leucocytes polynucléaires éosi-
nopbhiles.
A l'état pathologique, celles-ci sont rares ou
manquent. Elles reparaissent lors de la guérison.
Roger et Josué expliquent ce contraste par l’action
des loxines sur les organes hématopoïéliques, et
surtout sur la moelle des os. Les toxines empêche-
raient la moelle de fournir des polynucléaires éosi-
nophiles; elle ne donnerait que des neutrophiles.
L'épreuve du vésicaloire sert donc d'indice pour
mesurer le degré de l'imprégnalion toxi-infectieuse
de l'organisme.
Les éosinophilesont ici une valeur prédominante.
On trouve, en outre, dans le liquide des phlyctènes,
des cellules neutrophiles, des lymphocytes et des
myélocytes, qui, d'ordinaire, n'existent pas dans
les exsudats:; enfin, des cellules à réaction colorée
spéciale, dont la nature est indéterminée et aux-
quelles les auteurs ont donné la dénomination
d'attente de « cellules du vésicatoire ».
Chez les tuberculeux, en général, la présence des
éosinophiles indique que la lésion est peu accusée
ou que le sujet résiste bien à la maladie. Dans
l'érysipèle, les éosinophiles disparaissent pour
reparailre à la convalescence. Roger et Josué ont
fait la même constatation dans des affections très
diverses, comme les oreillons, l’angine simple,
le zona, la bronchopneumonie, etc. Ils insistent
sur la sensibilité de cetle épreuve du vésicatoire.
Son but n'est pas de renseigner sur la nature de
l'affection, mais sur l’état de maladie, sur le degré
20**
926
D' A. LÉTIENNE — REVUE ANNUELLE DE MÉDECINE
de l'infection, sur la résistance de l'organisme.
Ces considérations en font un élément de pronostic
important.
IT. — VARIOLE.
Pendant les dix-huit derniers mois, la population
parisienne a été éprouvée par une épidémie de
variole assez sévère et surtout prolongée. La réap-
parition épidémique de cette maladie a été une
cause de surprise. Les résultats acquis donnaient
en effet à espérer que la variole s’éteindrait peu à
peu. Les chiffres stalistiques de Roger, portant
sur ces dernières années, étaient des plus salisfai-
sants. L'hôpital d'Aubervilliers avait reçu 38 va-
rioleux en 1896: 20, en 1897; 2, en 1898; et, de
juin 1898 à décembre 1899, la variole n'avait néces-
silé aucune admission. A la fin de décembre 1899,
une femme y arriva avec une varioloïde légère;
et, dès ce jour, le nombre des malades est progres-
sif : 8 entrent en janvier; à la fin de 1900, le
total en dépasse 900. Depuis lors, l'intensité de
l'épidémie est en décroissance. Les causes de la
prolongation de cette épidémie ont été recherchées
par Roger. Il en voit les raisons dans la négligence
que mettent les habitants à se faire revacciner.Onne
consent généralement à subir cette minuscule opé-
ration qu'une fois l'épidémie en plein développe-
ment. Ce n’est malheureusement pas la raison,
mais la peur qui pousse la population à prendre
celte précaulion, si souvent efficace et toujours
sans danger. Une revaccination posilive et récente
préserve complètement de la variole ou tout au
moins atténue considérablement l'affection. Une
revaccination négative et récente semble même
porter ses fruits ou démontrer une immunité rela-
tive du sujet; car, s’il vient à prendre la variole,
celle-ci est d'ordinaire bénigne. Il arrive qu'une
première revaccinalion soit négative, alors qu’une
seconde ou une troisième, pratiquée quelques jours
plus tard, est suivie de succès. Ce fait est connu
depuis longtemps ; mais Roger signale cette parti-
cularité curieuse que, lors de la seconde revacci-
nation, non seulement les dernières piqûres, mais
les premières qui étaient restées stériles, se cou-
vrent d'une vésicopustule. « Le virus déposé avait
sommeillé, dit-il, et il a pu se développer quand
on en à introduit une nouvelle dose. » La conclu-
sion pratique de ces observations est la suivante :
En dehors des épidémies, se faire revacciner tous
les dix ans environ; en temps d'épidémie, se faire
revacciner, bien qu’une vaccinalion antérieure de
un an ou de deux ans ait élé positive.
Une autre cause de la prolongation de l'épidémie,
Roger la trouve dans l'isolement défectueux des
malades. Un varioleux, même reclus dans un hôpi-
tal, correspond avec l'extérieur au moyen delettres
et dissémine ainsi l'agent de contage. On désin=«
fecte bien les leltres, mais cette désinfection n'est
parfaite qu'à la surface. Pour obvier à cet incon=
vénient, Roger, dans son service, a conseillé à ses
malades de n’employer que les cartes postales pou
les correspondances banales : il n'a pu obtenir
d'eux cette complaisance. L'isolement du varioleu
devrait durer quarante jours. Or, combien se rési
gnent à cette exclusion. La maladie, une fois à peu
près guérie, avant que l'épiderme ait été débarrassé
des croûtelles et des squames qui le souillent, le
convalescents reprennent la vie commune : les uns
retournent au bureau ou à l'atelier, les autres visi
tent leurs parents ou amis; ils se servent sans
scrupule des voitures publiques, et tous dissémi
nent le germe morbide.A Paris surtout, les moyen
de contagion sont innombrables : et, dans la plu=
part des maladies infectueuses, il est presque rare
que nous trouvions avec certitude le lieu et le mode
de contagion.
Aux pratiques de revaccination, il est done
urgent d’adjoindre un isolement des malades effee
üf et rigoureux.
Le développement de l'épidémie parisienne à
coïncidé avec la recrudescence d’une épidémie,
qui sévissait discrètement à Lyon depuis le mois de
juin 1899, et sur laquelle Courmont et ses internes
ont fait des observalions intéressantes. À Lyon
comme à Paris, la variole s'élait montrée très rar@
les années précédentes, si rare qu'on avait pu dis
cuter la question de la désaffectation de l'hôpital
d'isolement lyonnais. Ainsi qu'on l’observe habi
tuellement, la variole a frappé de préférence les
femmes, qui ne sont pas, comme les hommes, sou
mises à des revaccinalions successives obligatoiress
Les chiffres de Courmont sur la proportionnalité
des sexes atteints suivant l’àge sont démonstralifs
avant 10 ans, le nombre des garcons atteints de
variole est sensiblement égal à celui des filless
de 10 à 20 ans, le sexe masculin est plus frappés
les obligations mililaires ou administratives
n'ayant pas encore été remplies; après 20 ans, Je
nombre des femmes est à peu près double de celui
des hommes ; après 50 ans, l'égalité reparait. La
mortalité est aussi plus élevée chez les femme
La forme la plus grave de la variole, la variole
hémorragique primitive, n'a frappé presque exclus
sivement que des sujets non vaccinés où revaceis
nés depuis plus de dix ans.
Comme dans toutes les maladies infectieuses, le
sang subit au cours de la variole des modifications
importantes ; généralement, le nombre des hématies
et leur richesse en hémoglobine diminuent et la pra
portion des leucocytes augmente. Courmont &@
Montagard ont vu que cette hyperleucocytose Se
faisait surtout aux dépens des lymphocytes mos
D' A. LÉTIENNE — REVUE ANNUELLE DE MÉDECINE
927
nonucléaires dans les cas simples. Si la maladie
est compliquée, si des suppuralions surviennent,
ce sont les polynucléaires qui apparaissent dans le
Sang. En outre, le sang variolique serait caracté-
risé par la présence d'hématies nucléées et de leu-
ocytes mononucléaires éosinophiles et surtout
neutrophiles. Ces éléments sont de provenance
myélogène ; ils ont leur siège normal dans la
moelle des os. Ils sont si constants dans la variole
qu'ils peuvent servir à affirmer le diagnostic. Ces
constatalions de Courmont et Montagard sont
confirmées par E. Weill, dans un travail impor-
“tant consacré au sang et aux réactions défensives
de l'hématopoïèse dans l'infection variolique, que
nous retrouverons plusloin.
On sait que jusqu'ici l'agent causal de la variole
a déjoué toutes les recherches. Aussi les nouvelles
investigations de H. Roger et Weill, aboutissant
à la détermination d’un parasite déjà entrevu,
mais mal défini, ont-elles eu un retentissement
considérable. .
Examinant le pus variolique coloré au bleu de
Lüffler, ils virent de petits corps arrondis, de vo-
. lume variable, fixant la couleur beaucoup plus
énergiquement que les noyaux cellulaires. Ces
corpuscules sont libres, quelquefois englobés dans
des leucocyles mononucléaires. Ils se retrouvent
également dans la pustule variolique avant sa sup-
puration, dans les épanchements sanguins et l’hé-
maturie. Ils sont plus nombreux dans la variole
hémorragique que dans la variole simple. Ils
existent dans la varioloïde.
. Si on inocule au lapin du pus variolique pur
contenant ces corpuscules, non mélangés à d’au-
tres bactéries surajoutées, comme le streptocoque
ou le pneumocoque, on détermine chez l'animal
une maladie mortelle, mais plus ou moins rapide
suivant le lieu ou le mode d’inoculation. Elle
dure de cinq à six Jours ou de deux à trois
semaines. En reprenant du sang chez l'animal
ainsi inoculé, on y trouve les mêmes corpuscules.
De plus, cultivés dans le sang même, ils augmen-
tent de nombre dans les quarante-huit heures sui-
provoque chez lui une maladie encore mortelle.
Dans leurs premières expériences, Roger et Weill
n'avaient pas observé chez le lapin la formation de
. pustules nettes et comparables à celles qui se
produisent chez l’homme. Mais, dans une nou-
welle série de recherches, ils obtinrent chez les
animaux inoculés le développement de papules
qui se dessèchent et se recouvrent de croûtelles
avant de suppurer. Roger et Weill font remarquer
que, chez les nouveau-nés issus de mères vario-
liques, la variole ne détermine pas souvent l'érup-
tion pustuleuse normale : celle-ci est remplacée
vantes. Cette culture, réinoculée à un animal neuf,
par une éruption papuleuse diserète. De plus, en
recherchant les raisons pour lesquelles l'inocula-
tion aux lapins n'est pas toujours positive, ils
virent que, si le sang de l'animal inoculé donne à
la cullure les corpuscules caractéristiques, l’ani-
mal mourra certainement, tandis qu'il survivra si
ces cultures sont négatives.
Weill, dans sa thèse, a mis en relief l’action de
l'agent pathogène dans la production des réactions
leucocytaires constatées dans le sang. Il compare
la polyleucocytose variolique à celle de la leucé-
mie myélogène. Il explique la différence que l’on
remarque entre les réactions cellulaires de la va-
riole et celles des autres affections par ce fait que
le microorganisme pathogène est lui-même très
différent. Il le classe parmi les Sporozoaires.
Comme Courmont, il pense que la formule héma-
tologique de la variole est si caractéristique, qu’a-
vant l'éruption même, on peut la distinguer des
autres fièvres éruptives (scarlatine, rougeole, érv-
thèmes, purpuras, etc.). Cette formule est iden-
tique dans la varioloïde et même la varicelle. Ce
dernier point est un argument favorable à la thèse
déjà soutenue, que la varicelle n'est qu'une variété
de variole. L'état du sang peut même donner des
indications précieuses pour le pronostic. L'absence
d'une hyperleucocytose mononucléaire et la pré-
dominance de la polynucléose sont des signes de
gravité de l'affection.
Les altérations du sang dans la variole sont pous-
sées à un degré excessif dans la forme hémorra-
gique, où la terminaison fatale est presque la règle.
Hayem et Bensaude en ont fait l'étude. Ils ont ob-
servé une diminution des globules rouges, une
augmentation considérable des leucocytes et une
pauvreté extrême du réticulum fibrineux et des
hématoblastes. De là, une absence de rétraction
du caillot sanguin et de formation du sérum. En
outre, le sang contient des noyaux libres de glo-
bules rouges nucléés. Ce sont ces noyaux qui,
d’après Hayem el Bensaude, auraient été pris par.
Roger et Weill pour des’ parasites du sang vario-
lique. (Nous avons vu plus haut que la démonstra-
tiôn bactériologique de la réalité de ces parasites
s’appuyait sur des arguments de grande valeur.)
La forme hémorragique de la variole tiendrait
à une pénétration dans le sang des loxines. Celles-
ci détermineraient la formalion d’une infinité de
petites concrétions granuleuses qui favorisent
l’'agglutination des hématoblastes. Ces concrétions
obstrueraient les petils vaisseaux, d’où la produc-
tion d'infaretus minuscules et des hémorragies.
La thérapeutique de la variole ne s’est accrue
d'aucune ressource nouvelle. Cependant, mention-
nons l'emploi judicieux qu'a fait Roger du chlorure
de calcium dans les formes hémorragiques. Il à
D' A. LÉTIENNE — REVUE ANNUELLE DE MÉDECINE
mis à profit les propriétés hémostatiques de ce sel.
Les résultats qu'il en a obtenus ont été satisfai-
sants au point de vue de la cessation des hémor-
ragies hémorragiques, entérorragies,
métrorragies) tout au moins, car le chlorure de
calcium ne semble pas atténuer la virulence de
l'affection.
Legrand, par l'application de bandelettes ou de
päle de Vigo, s'oppose à la formation des cicatrices
disgracieuses qui suivent la guérison des pustules.
Courmont préconise avec une juste ardeur les
bains. Ceux-ci doivent être pris quotidiennement,
et durer quinze à vingt minutes. Pendant l'épi-
démie lyonnaise, il employa les bains au sublimé
‘(30 grammes par litre). Il attribue nettement à
celte balnéation la rareté des complications sup-
purées observées.
Contre l'ophtalmie variolique, complication
assez fréquente et redoutable, il a employé avec
profit les instillations répétées, plusieurs fois par
jour, de bleu de méthylène à 1/500.
(pustules
III. — RÉGULATION DE LA COMPOSITION DU SANG.
On a lu, dans les courts chapitres précédents, des
allusions fréquentes aux modifications qu'apporte
l'état morbide dans la constitution des diverses
humeurs de l'organisme et du sang. Ce sujet solli-
cite vivement l'attention des médecins. Aussi je
voudrais résumer ici une des pages les plus inté-
ressantes qui aient été écrites cette année sur la
Pathologie générale. C'est celle où M. Achard
expose le mécanisme régulateur de la composition
du sang.
On a toujours élé surpris qu'au milieu des
échanges ‘incessants dont le sang était le siège à
l’état normal, la composition de ce liquide restät
pour ainsi dire fixe. Pour se rendre compte d'un
équilibre aussi constant, il faut admettre l’inter-
vention d'un mécanisme régulateur, dont l'exis-
tence, pressentie depuis longtemps, trouve sa
démonstration dans les notions nouvelles sur le
rôle des cellules de l'organisme.
Le sang comprend, entre autres éléments figu-
rés, des hématies et des leucocytes de diverses
variétés. L'état normal ne comporte que de faibles
variations dans la proportion relative de ces cel-
lules. De même, le sérum comprend un nombre
sensiblement égal de molécules dissoutes. L'intro-
duction expérimentale de substances étrangères au
sang ou l'élévation artificielle du taux des subs-
lances qui font partie de sa composition amènent
aussitôt l'élimination de ces matières. Que le corps
introduit soit gazeux, ou liquide, ou solide, le lieu
et le mode d'élimination varient; mais celle-ci ne
s'en fait pas moins. Inversement, si l’on enlève
artificiellement au sang uné parlie de ses élé-N
ments, ce que réalise une saignée, par exemple,
les pertes se réparent non seulement en matières
salines ou albuminoïdes, mais en cellules vivantes.
Ces deux phénomènes ne se passent cependant pas”
avec la même activité. L'équilibre physique se
rétablit plus vite que l'équilibre chimique. Il faut,
en effet, que les conditions physiques soient réor-
données pour que les échanges chimiques puissent
se produire normalement.
La régulation étant démontrée, M. Achard en
étudie le mécanisme. Les divers actes physiolo=
giques : évaporation pulmonaire et cutanée, pro-
cessus digestifs, élaboration moléculaire cellulaire,
changent la concentration et la composition du
sang. Les divers émonctoires et principalement les
reins éliminent l'excès des matériaux qui s'accu-
mulent dans le sang. L'expérience d'Hällion et
Carrion montre qu'aprèsinjection dans lesang d'une
solution hypertonique de chlorure de sodium, le
rein se met à éliminer une partie du sel injecté :
en même temps, pour s'opposer à la concentralion
du sang, les tissus lui cèdent de l'eau. La masse du
sang est ainsi augmentée et la quantité d'hémo-
globine qu'il contient pour un volume déterminé
diminue. ;
L'élimination des matières en excès ne se fait
pas indistinctement par ’tous les émonctoires. Ils
ont chacununrôle défini. Iséliminent de préférence
l’un une substance, l’autre une autre. Il convient
de remarquer que si une voie dévient insuffisante,
une autre y supplée. La voie rénale, par laquelle se
fait l'élimination de l’urée, vient-elle à être obstruée,
celle-ci passe par les voies digestives et même par
la peau, comme le prouvent les sueurs d’urée chez.
certains brightiques. Plus encore, si les émonc-
toires extérieurs sont insuffisants, la dépuration
se fait au sein même des lissus, dans la lymphe
interstitielle, dans le proloplasma cellulaire. Ce
fait ressort des expériences d’Achard et Lœper.
« Si on lie les uretères d'un animal ou le pédicule
vasculaire des deux reins, de manière à tarir com.
plètement l'éliminalion rénale, et qu'on injecte
dans les veines une certaine quantité de ferrocya-
nure, ou de sulfocyanure de potassium, ou de chlo-
rure de sodium ou de bleu de méthylène, on ne
retrouve plus dans le sang, trois heures après l'in
jection, qu'une faible partie de lasubstance injectée.
Au bout de vingt-quatre heures, on n’en peut plus
déceler que des traces. Pourtant, toute la substance
est restée dans l'organisme. Mais le sang l'a dé-
7. “= . Se %
versée presque tout entière dans l'intimité des
tissus, et l’on peut s'en assurer par des dosages
rigoureux praliqués sur les différents organes de
l'animal. » Ce que l'expérience prouve, certaines
conditions morbides le réalisent. Ainsi, dans lan
4
pneumonie, où il y à une baisse si remarquable
“les chlorures urinaires, on peut, comme l'ont fait
F Achard et Lœper, faire ingérer au malade des
quantités nolables de chlorure de sodium sans les
voir réapparaitre dans l'urine. L'élimination ne se
“fait pas davantage par les fèces (Moraczewski); et
cependant le sel reste dans l'organisme sans ame-
“ner pour cela une concentration permanente du
Sang. Il se trouve, en effet, dans les tissus des
divers organes (cerveau, muscles, cœur, elc.), où
“l'on peut le déceler en plus grande abondance après
la mort, ou même sur le vivant dans les exsudats
ou lranssudats.
Celte accumulation des substances en excès dans
les tissus n'est que temporaire. Peu à peu, les
tissus les rejettent dans le sang ; et ces substances
s'éliminent lentement par leurs voies de prédilec-
tion. C'est également ce qu'on observe dans l'im-
prégnalion biliaire : une jaunisse peut encore colo-
rer les téguments d'une façon intense, tandis que
les urines n'éliminent plus que de faibles quantités
de pigments.
L’emmagasinement des matières étrangères dans
les tissus permet au sang de reprendre au plus tôt
i ses qualités indispensables à la vie, de ne pas avoir
“ une surcharge excessive et massive de matériaux à
“ éliminer. Pour ne pas succomber sous le faix, il le
“fragmente, l’entrepose et le transporte en détail.
” À l'état de maladie, les qualités du sang, ses pro-
“ priétés physiques changent, la concentration mo-
“ léculaire augmente ou diminue suivant les cas; il
s'en suit que ses propriétés chimiques sont alté-
“rées. Le mécanisme régulateur accomplit quand
umnèéme sa fonction; mais celle-ci ne s'effectue plus
M avec la même activité ou plutôt avec la même mé-
thode. On comprend donc que, si une lésion orga-
“ nique locale prive partiellement la dépuration uri-
naire de ses émoncloires, grâce au mécanisme
régulateur, la difficulté puisse être tournée, parce
que des voies de suppléance ou des relais s'éta-
blissent. C'est pourquoi une survie relativement
longue est encore compatible avec la lésion orga-
nique.
IV. — PALUDISME:
On s'est beaucoup occupé récemment des moyens
“de combattre la malaria. Laveran, après avoir
‘découvert l'hématozoaire, cause du paludisme,
“s'est attaché à rechercher l'habitat du parasite.
es recherches furent simultanément poursuivies
« par nombre de savants, dans toutes les contrées
ù sévissaient les fièvres palustres, Les belles
expériences de Ross, jadis relatées dans cette Revue
même, montrèrent que la dissémination de la ma-
adie pouvait se faire par l'intermédiaire des mous-
iques. Depuis lors, ce mode de contamination a
D' A. LÉTIENNE — REVUE ANNUELLE DE MÉDECINE
929
trouvé des preuves surabondantes. Il est aujour-
d’hui admis sans conteste que, dans la plupart des
cas, c’est le moustique qui, en suçant le sang du
fiévreux, y puise le parasite et l'inocule à l’homme
sain. Cependant, le fait n’est pas aussi simple qu’il
est exprimé, et le mécanisme semble plus com-
pliqué que le transport banal d'un germe d'un
Sujet à un autre. Le moustique ne porte pas l'hé-
matozoaire comme l'abeille porte le pollen fécon-
dant d'étamine à pistil, ni même comme une
mouche qui s'est posée sur un corps septique vient
infecter la plaie minuscule qu'elle fait à l'homme.
Il y a plus qu'un simple contact. Le moustique
puise dans le sang du fiévreux l'hématozoaire, qui
s’y trouve dans un état particulier, sous forme de
corps sphériques et de croissants. Dans l'estomac
de J'insecte, la fécondation du parasite s'opère.
Il adhère alors à la paroi de l'estomac du mous-
tique. Celle-ci le recouvre : il s’y enkyste. Pendant
cet enkystement, le développement de l'héma-
tozoaire se poursuit. Le contenu du petit kyste se
subdivise en une multitude de petits corps fusi-
formes (sporozoïtes). Puis, le kyste se rompt et les
sporozoites passent dans la cavité générale de lin-
secte, s’y répandent et pénètrent dans les glandes
salivaires. C'est alors que le moustique, piquant
l'homme, peut introduire dans le sang des éléments
qui vont poursuivre leur évolution, former les
corps sphériques, envahir les globules rouges et
donner naissance aux phénomènes cliniques du
paludisme.
Tous les moustiques ne se prêtent pas également
aux élapes successives de la vie de l'hématozoaire.
Une espèce surtout, l'Anopheles claviger, en est
l'hôte. Cette espèce pullule dans les pays à fièvres.
A Paris, où les moustiques abondent, Blanchard à
montré que l'espèce la plus commune était le Culex
pipiens; et, bien qu'il fasse des réserves sur le rôle
du Culex dans la transmission d’autres affections,
il le met hors de cause en ce qui concerne le palu-
disme.
Ces connaissances élant acquises, on en a tiré
au point de vue prophylactique des déductions pra-
tiques, que Dopter, dans un tout récent travail, a
bien développées et expliquées. II montre, en effet,
comment le paludisme peut s'établir en un lieu où
il n'existait pas auparavant. Il suffit qu'un palu-
déen vienne y séjourner et que le pays compte les
Anopheles dans sa faune. Ceux-ci sucent son sang,
s'infectent et transmettent la maladie aux habitants.
Aussi Dopter a-t-il groupé les moyens prophylac-
tiques en deux catégories : les mesures à prendre
contre le moustique, d'une part, contre l'homme
même, d'autre part. Û
I1 faut tout d’abord s’efforcer de détruire les
moustiques. Pour y arriver, la suppression des
°930
eaux stagnantes est nécessaire. C'est là que le
moustique pond et éclôt. Le desséchement des
mares, le drainage du sol, l'écoulement facile des
eaux, la mise en culture des lieux marécageux,
sont des moyens généraux depuis longtemps re-
connus efficaces. Les plantations d'arbres souvent
réputées comme salubres, et qui le sont effective-
ment à bien des égards, ont ici des inconvénients.
« L'eucalyptus notamment, dit Dopter, que l’on
supposait doué de propriétés fébrifuges, offre au
moustique un abri favorable pendant les chaleurs
du jour.» Les conifères, pins, sapins, cèdres, sont
préférables, surtout dans le voisinage des habita-
tions.
Si ces condilions ne peuvent être réalisées, on
s'attaque au moustique en détruisant sa larve.
Celle-ci vil à la surface de l'eau. En recouvrant cette
surface d'une mince couche de pétrole, on la tue
par asphyxie. D'après Celli et Casagrandis, la pou-
dre de chrysanthèmes aurait l'avantage de ne pas
allérer l’eau et de tuer les larves en un quart
d'heure. L'acclimatement de certains insectes des-
tructeurs de moustiques, tels qu'une espèce de
libellule (Haward), rendrait aussi des services. Pour
chasser les moustiques des appartements, divers
moyens ont élé préconisés : combustion de poudre
de fleurs de chrysanthèmes ou de racines de valé-
riane, fumée de pétrole, ete. Mais ils n’ont pas, en
général, un véritable pouvoir destructif. Onimus
recommande l'évaporation dans les chambres
d'huile de cajeput.
Le meilleur moyen d'éviter les piqüres est l’em-
ploi de la moustiquaire. En Italie, Celli, puis
Grassi firent des expériences praliques très inté-
ressantes à ce sujet. Au lieu d’avoir des mouslti-
quaires individuelles, suivant la coutume, c'est
toute la maison qu'ils garantissent par des toiles
métalliques fines appliquées sur les fenêtres et les
portes, celles-ci défendues en outre par un tam-
bour treillissé. Dans des contrées extrêmement
malsaines, les résullats obtenus ont été surpre-
nants. D'autres expériences ont été faites en divers
endroits, en Sicile, en Sardaigne, etc., avec le
même succès.
A défaut de moustiquaire ou d'habitation appro-
priée, on peut recourir à des frictions faites sur
les parties découvertes du corps avec des pom-
EEE a ———
D: A. LÉTIENNE — REVUE ANNUELLE DE MÉDECINE
mades aromatiques (menthol, phénol, térében-*
thine, etc.). Ce procédé est très ancien. Peut-être
la coutume qu'avaient les anciens et qu'ont encore
certaines races de s'oindre d'huiles odorantes,
l'habitude qu'ont certaines peuplades sauvages de
se recouvrir le corps de couches de terres coloriées
et préparées, n’ont-elles qu'un but prophylactique
contre les parasites de toute espèce.
Il va sans dire qu'il est imprudent de coucher
en plein air, surtout sans que le corps soit com-
plètement garanli. .
Dans l'établissement d'une maison, on doit
veiller à ce qu'il n’y ait pas de mares ou d'eaux
stagnantes aux environs, disposer le rez-de-
chaussée en surélévalion et éviter d’y habiter la
nuit. On a constaté à maintes reprises que les
moustiques étaient d'autant plus nombreux qu'on"
se rapprochait du niveau du sol.
Dans les mesures qu'il conseille de prendre
contre l'homme, Dopter, avec Laveran, Celli, etc.,
fait bien voir le danger que fait courir à ses voi-
sins l'individu atteint de paludisme. Qu'un mous-
tique vienne à le piquer, il puise dans son sang de
quoi inoculer plusieurs autres personnes saines.
Aussi le moyen le plus simple est-il de guérir le
paludéen.
La quinine est l'agent thérapeutique le plus
efficace. Mais il importe de poursuivre le traite-
ment assez longtemps. Celli conseille de donner læ
quinine après l'accès, au moment où les héma-
tozoaires sont encore jeunes. Koch donne quoti-"
diennement 4 à 2 grammes de chlorhydrate de
quinine jusqu'à la disparition des accès; puis,
pendant les deux mois suivants, il la fait prendre
tous les huit jours, pendant deux mois consécutifs.
L'isolement du paludéen a élé proposé par
Celli : isolement qui est réalisé dans l'habitation
au moyen d'une moustiquaire individuelle ou par
le groupement de tous les paludéens dans une
habitation isolée.
À ces mesures prophylactiques spéciales, il faut
joindre toutes les règles d'hygiène générale ordi-
naires : éviter le surmenage, les privations, la
fatigue, les excès, les intoxications et surtout l’al-.
coolisme.
D:' A. Létienne.
BIBLIOGRAPHIE — ANALYSES ET INDEX
931
BIBLIOGRAPHIE
1° Sciences mathématiques
André (Ch.), Directeur de l'Observatoire de Lyon,
Professeur d'Astronomie à l'Université de Lyon. —
… Traité d’Astronomie stellaire. 27° partie : Etoiles
. doubles et multiples. Amasstellaires. —-1{ vo/. in-8°
de 429 pages, avec 74 figures et 3 planches. (Prix :
44 fr.) Gauthier- Villars, Imprimeur. Paris, 1901.
Les groupes stellaires multiples, particulièrement les
groupes formés de deux composantes, désignés sous le
nom d'étoiles doubles, n'ont guère attiré l'attention des
astronomes avant l'invention des instruments d'optique.
es premières observations systématiques entreprises,
vers la fin du xviue siècle, par Christian Mayer, en vue
de la découverte de ces astres, en firent connaitre une
soixantaine. Quelques années plus tard, W. Herschel,
persuadé que la proximité apparente de deux étoiles
est un effet de perspective, fut amené à rechercher,
‘pour la détermination de leurs parallaxes, tous les
groupes de cette espèce. Cette eutreprise devait le
conduire, après quarante années d'observations, à
‘une des découvertes qui illustrent le plus son nom.
a discussion de toutes ses mesures lui fit voir que
« beaucoup d'étoiles doubles ne le sont pas qu'en
“apparence, mais doivent être considérées comme une
combinaison réelle de deux étoiles intimement reliées
June à l'autre par le lien de leur attraction mutuelle »,
L'historique du sujet, l'exposé des travaux des astro-
“…nomes du xix° siècle, pour défricher le nouveau champ
d investigations ouvert devant eux, tel est l’objet des
premières pages du second volume du Traité d'Astro-
nomie stellaire de M. André.
Après avoir parlé de l'élimination des erreurs systé-
matiques qui se glissent dans les mesures, erreurs
dont l'influence est considérable, l'auteur développe les
méthodes de calcul qui permettent de discuter les
“observations d'étoiles doubles ; il apprend au lecteur à
discerner, parmi ces étoiles, celles qui, liées l’une à
l'autre par l'attraction, forment un système binaire, de
celles qui, réunies simplement par un effet'de perspec-
tive, ne sont qu'un groupe optique.
M. André est ainsi conduit à parler de la détermina-
tion des éléments de l'orbite d’un système binaire,
recherche qui nécessite l'étude préalable de l'orbite
apparente de l'étoile secondaire autour de l'étoile prin-
cipale, c’est-à-dire de la projection, sur la sphère
céleste, de l'orbite véritable. Cette orbite apparente est
toujours une cllipse, excentrée le plus souvent, par
rapport à l'étoile principale. C’est ce seul fait, bien
établi par l'expérience, qui a permis d'étendre à tout
l'Univers la loi de la gravitation, dont on ne pouvait, en
toute rigueur, admettre la généralité, avant que la
connaissance de la solution du problème célèbre, posé
par J. Bertrand et résolu simultanément par Halphen
et M. Barboux, n'ait donné la certitude à cet égard.
Un tableau énumérant les étoiles doubles dont on
connait les orbites termine cette partie du livre, dans
laquelle le rare talent d'exposition de l’auteur, son éru-
dition et la clarté qu'il sait mettre dans ses écrits, char-
ment à chaque pas le lecteur.
M. André étudie ensuite le nombre, les dimensions,
les masses et distances au Soleil des systèmes binaires,
beaucoup plus répandus dans le ciel que les groupes
optiques, Des discussions se dégage cette conclusion
que « les étoiles qui composent les systèmes binaires
ne diffèrent pas beaucoup, en moyenne, ni du Soleil, ni
. des étoiles simples par leurs dimensions, leurs masses
et leurs densités, mais que, comme les étoiles simples,
La
ANALYSES ET INDEX
| elles se distinguent entre elles et du Soleil par leurs
éclats intrinsèques ».
Suit la description de quelques binaires que l'œil,
armé d’une lunette suffisamment puissante, dédouble
facilement. Par la grandeur des excentricités des
orbites et surtout par l'égalité ou, plus exactement, la
similitude de grandeur des masses des composantes,
ces systèmes se distinguent nettement du système so-
laire où l’astre principal s'est formé aux dépens de la
presque totalité de la nébuleuse originelle, La même
différence, et ce fait est hien de nature à montrer com-
bien il est difficile d'arriver à une conception juste de
la formation de l'Univers, la même différence, dis-je,
se retrouve dans les systèmes binaires, tels que Sirius
et Procyon, dans lesquels le compagnon, dont l'éclat
est considérablement moindre que celui de l’astre prin-
cipal, a été découvert par des considérations théoriques,
fondées sur la discussion des irrégularités de leurs
mouvements propres, avant d'être vu dans les lunettes.
Les composantes des étoiles doubles, dont la dis-
tance angulaire est petite par rapport à 0",1, ne peu-
vent être séparées, même par l'emploi des plus puis-
santes lunettes actuellement en service dans les grands
observatoires. Le dédoublement périodique des raies de
leurs spectres, dû aux variations des vitesses relatives,
dans le sens du rayon visuel, permet cependant de con-
clure, comme Pickering l’a fait le premier pour {Grande
Ourse et & Cocher, à l'existence d'un système double.
L'usage du spectroscope ne se borne pas, d'ailleurs, à
cette simple constatation. Faisant connaitre, à chaque
instant, la vitesse relative du compagnon dans la direc-
tion de la ligne de visée, il conduit à la détermination
de l'orbite relative de l’une des étoiles autour de l’autre,
et fournit des données importantes sur la valeur de la
masse totale du système. On a pu ainsi acquérir la cer-
titude que les masses des cinq systèmes binaires spec-
troscopiques actuellement étudiés sont, comme celles
des autres étoiles, tout à fait comparables à la masse
du Soleil.
Après avoir exposé le sujet avec l'ampleur qu'il com-
porte, M. André aborde la description des phénomènes
que présentent certaines étoiles variables, dites étoiles
doubles photométriques à variations lumineuses dis-
continues, dont la plus anciennement connue est
Algol. IL développe les considérations qui ont conduit à
expliquer les variations d'éclat de cet astre, en admet-
tant l'existence d’un satellite obscur éclipsant périodi-
quement le corps principal, hypothèse qui a été défi-
nitivement confirmée par les observations spectrosco-
piques de Vogel. M. André montre comment la con-
naissance des variations d'éclat fournit la valeur des
éléments de l'orbite du satellite. Les moyens de calcul,
la discussion numérique des observations photomé-
triques sont très nettement exposés dans le volume.
La descriplion des caractères de quelques étoiles du
type d'Algol, la détermination du diamètre de cet astre,
la théorie d’une inégalité périodique dans les époques
de minima d'éclat des étoiles doubles photométriques,
dont la cause a été rattachée par Tisserand à l’aplatis-
sement du corps principal, achèvent d'épuiser le sujet
et M. André passe à l'étude des étoiles dont l'éclat
change avec le temps, mais dont les variations lumi-
neuses sont continues. Les observations photométriques
et spectroscopiques de ces astres décèlent des carac-
tères qui appartiennent aux étoiles doubles, mais l'ex-
plication complète des phénomènes nécessite l’interven-
tion d’autres causes encore mal connues, Aussi l'auteur
insiste-t-il avec raison sur l'immense intérêt qui s'at-
tache à l'observation physique de ces étoiles, dont la
«932
surface est vraisemblablement, pour certaines d'entre
elles, le siège de manifestations de l'énergie analogues
à celles qui causent la période solaire.
Avant de passer aux amas stellaire, aux nébuleuses,
à leur distribution dans l'espace, M. André consacre
quelques pages à la description des systèmes triples et
multiples. 1l expose ensuite les particularités des amas
globulaires, dont quelques-uns, les plus denses, possè-
dent des variables en proportion considérable, avec des
périodes obéissant à des lois bien définies. L'étude des
éloiles colorées, celle des changements de coloration
des systèmes binaires, puis un aperçu de la conception
de Mädler, concernant la position, dans l'espace, du
soleil central, autour duquel évolueraient les astres qui
font partie de la Voie lactée, terminent le volume, dont
les dernières pages résument les idées d'Herschel sur
la genèse du monde céleste.
L'importance du sujet traité dans ce livre, l’art avec
lequel y sont conduites les discussions d'observations,
en font un ouvrage de premier ordre à mettre entre
les mains des jeunes astronomes. Faisant connaître
une branche de l’Astronomie, presque complètement
ignorée dans notre pays, il est appelé, croyons-nous, à
exercer une notable influence sur la direction des
recherches astronomiques. MAURICE Hay,
Astronome-adjoint à l'Olservatoire de Paris.
2° Sciences physiques
Leidié (E.), Professeur agrégé à l'Ecole Supérieure
de Pharmacie de l'Université de Paris.— Palladium,
Iridium, Rhodium. (Tome NI, 17e cahier, 3° fasci-
cule de l'Encyclopédie chimique de Fremy). — 1 vol.
in-8° de 395 pages. (Prix : 17 fr. 50.) Veuve Ch.
Dunod, éditeur. Paris, 1904.
L'auteur de ce livre a publié, soit seul, soit en colla-
boration avec Joly, d'importants travaux sur les métaux
associés dans la mine de platine, sur les solutions
qu'on peut adopter pour résoudre le difficile problème
de leur séparation complète, comme aussi sur la pré-
paration de leurs combinaisons, enfin sur la délermi-
nation de leurs poids atomiques. Ces recherches pré-
cises, longues et laborieuses, lui donnent, pour traiter
ce sujet spécial, une particulière autorité.
Dans les anciens trailés de Chimie, les renseigne-
ments qu'on trouve sur ces métaux précieux sont
presque inulilisables, car les traitements anciens n'ont
réalisé qu'une séparation incomplète. Les ouvrages
modernes ne donnent, pour la plupart, que des rensei-
gnements sommaires sur des sujets aussi spéciaux.
Une exacte monographie de ces mélaux était indis-
pensable. [! n’est plus possible, en effet, d'admettre
que l'étude des corps rares soit mise à part, et séparée
de l'étude des éléments les plus usuels.
La théorie et la pratique, comme il convient, ont à
présent, et auront de plus en plus, à fusionner. Les
métaux rares, les couples électriques formés par leur
contact, leurs alliages, soit entre eux, soit avec les mé-
taux communs, sont indispensables à connaître, même
pour les applications. Les actions dites de contact, dont
le mécanisme, encore mal connu, est si curieux, sont
et seront de jour en jour plus fréquemment utilisées.
Au point de vue théorique, la découverte et l’étude des
alliages de palladium et d'hydrogène ont donné aux
Ciimistes des notions d'une importance capitale. La
plupart de ces métaux précieux sont capables de
donner des combinaisons, très complexes, mais très
définies et dont les formes cristallines sont très nettes;
elles ont beaucoup étendu les connaissances chimiques.
On trouvera sur tous ces points, dans l’ouvragé de
M. Leidié, l'exposé des découvertes faites, en France
et à l'Etranger, par tout un siecle de laborieux efforts.
L’excellent ouvrage que l’auteur vient de nous donner
représente véritablement l'état actuel de la science.
LÉéoN PIGEON,
Professeur adjoint
à la Faculté des Sciences de Dijon.
BIBLIOGRAPHIE — ANALYSES ET INDEX
3° Sciences naturelles
Pavillard (J.), Chargé d'un Cours complémentaire de
Botanique à la Faculté des Sciences de Montpellier,
— Eléments de Biologie végétale. — 1 vol. in-8#
de xvi-589 pages, avec planches et figures. Société
d'Editions scientifiques. Paris, 1901.
En écrivant ses Æléments de Biologie vegétale,
M. Pavillard s'est proposé de combler une lacune entre
les manuels élémentaires où l'élève s’initie aux rudi=
ments de la Science et les grands traités didactiques en
usage dans le haut enseignement. Il s'adresse spéciale=
ment aux candidats en Médecine qui, déjà dégrossis par
l'enseignement secondaire, ont besoin, avant de franchir
le seuil des écoles spéciales, d'apprendre à penser pas
eux-mêmes el à raisonner sur les faits observés.
Cette entreprise excitera la sympathie de tous ceux
qui déplorent l'insuffisant développement de l'esprit
d'observation et de l'esprit critique chez beaucoup de
jeunes étudiants. Nous applaudissons à l’éloquent plais
doyer que l'auteur a mis dans sa préface en faveur des
exercices pratiques. Rien ne se grave mieux dans l'esprit:
que les notions dégagées d'une causerie en pleins
champs, sans autre ordre que celui des faits glanés au
hasard de la course, Les élèves de M. Pavillard ont, à
coup sûr, beaucoup de ces idées nettes dans l'ésprit,
puisque leur maitre leur à appris à étudier l'Histoire
naturelle en face de la Nature.
Mais cette libre allure convient-elle à un cours com-
plet ne laissant, dans un programme très vaste, aucune
queslion sans réponse? Telle est, en effet, l’audacieuse
entreprise dont ce livre est le produit.
Selon l’auteur, il est urgeut de rompre avec de
vieilles habitudes pédagogiques et d'adopter un plan
nouveau plus conforme à l’ordre uaturel. M. Pavillard
ne veut point faire l'exposé d’une science abstraite
divisée en compartiments indépendants. Effectivement,
les vieux cadres sont quelque peu endommagés dans
son livre; nous ne trouvons plus ici la classique divisions
en Botanique générale et Botanique spéciale, qui se ren-
contre, plus ou moins nettement, dans la plupart des
traités. Valait-il mieux décrire les plantes en particulier
avant de connaître les propriétés qui les distinguent ou
au contraire les propriétés avant de connaitre les
plantes qui les présentent? M. Pavillard cherche à sup-
primer cet irritaut problème en prenant le progrès de
l’organisation pour base de la division méthodique des
matières et en montrant les mécanismes fonctionnels
de plus en plus différenciés dans des catégories d’orga-
nismes de plus en plus complexes.
Les Eléments de Biologie végétale sont partagés en:
huit parties. Ces huit parties, typographiquement équi-
valentes, sont, en réalité, bien inégales. Six d’entre elles
ont pour titres les noms des grandes subdivisions dus
règne végétal, tout comme les chapitres de la partie
spéciale des traités de jadis. La première et la dernière,"
par contre, traitent de questions générales : celle-là est
consacrée à l’organisation générale des êtres vivants;
celle-ci est intitulée : « Dispersion des végétaux, Espèces,
Géographie botanique ». A elles deux, elles répondent
assez bien à la Botanique générale ; toutefois, leur disso-
ciation n’est point une simple réminiscence de la sages-e
de Salomon; elle trahit l'intérêt très différent que
l’auteur porte à l'une et à l’autre.
Tous les problèmes ardus touchant à la vie intime de
la plante sont elfleurés dans la première partie. Leur
exposé sommaire ne le cède en abstraction à aucun
manuel de forme ancienne. 1l semble que l'auteur ait
voulu, au début de sa course, se décharger des ques
tions du programme dont l'étude se prète le moins aisés
ment à ses conceptions pédagogiques. :
Ces problèmes, indiqués plutôt que résolus méthodi=
quement, se dresseront à maintes reprises au cours des
descriptions consacrées à la série ascendante des végé=
taux. Les uns seront traités à fond à l'endroit même où
se présenteront les exemples les plus propices; les
BIBLIOGRAPHIE — ANALYSES ET INDEX
933
autres seront présentés par fragments successifs difti-
“ciles à réunir en une synthèse féconde. Beaucoup sont
“abordés trop tôt ou trop tard pour répondre au but de
“l'auteur et nous regretions de ne pas voir leur dévelop-
. pement réuni aux généralités du début pour donner à
celles-ci plus de corps, ou rejeté après la description
“es plantes qui fournissent les éléments de la solution.
… Ainsi, c'est à propos des Myxomycètes dépourvus de
“mycélium que nous abordons la biologie générale des
Champignons. C'est sur l'étude du #ucor aux gamètes
“incertains et, en tout cas, sans différenciation sexuelle
“connue, qu'est fondée l'étude de la reproduction sexuée.
Ce faux départ jelte de la confusion sur tout ce qui
touche à la sexualité. La cytologie des Champignons, à
laquelle les travaux de ces dernières années ont donné
“un si haut intérêt biologique, est totalement négligée;
“celle des Algues manque de précision.
L'auteur s'est resolu à pousser plus avant, dans le
chapitre des Algues, l'examen des fonctions de la chlo-
rophylle et de leurs conséquences; mais la précision
de cet exposé lient aux exemples empruntés à la Pomme
de terre pour son amidon, au Dablia pour son inuline,
à l'Olivier pour son huile, au Chêne pour son lanin,
beaucoup plus qu'aux renseignements offerts par les
…_ohjets qu'on s'attendait à rencontrer dans ce chapitre.
È D'autre part, il est assez plaisant que la biologie des
Champignons ait pu être épuisée bien avant le chapitre
… des Lichens, dans lequel est développée la notion du
- parasitisme.
…_ Au cours de ces six parties consacrées à la Botanique
« spéciale, les notions de biologie intime ébauchées dans
“ la première partie se sont progressivement complétées.
- En même temps, la plante s'est peu à peu dégagée sous
“ ses aspects variés, sous des formes de plus en plus
concrètes. |
Une huitième partie vient heureusement couronner
Fœuvre. Elle est consacrée à la vie extérieure des
plantes. M. Pavillard a traité ce sujet avec une prédi-
lection marquée; il y fait preuve d'une expérience,
d'une compétence personnelle qui font vite oublier le
chemin aride qui nous à conduit vers ces sommités
fleuries. Regardant les plantes par le dehors, découvrant
» les relations qu'elles contractent entre elles ou avec le
- milieu extérieur, dans le temps et dans l’espace, l'étu-
. diant aura le sentiment de la vie végétale, si les données
- complexes tirées de leurs propriétés intimes ne lui en
ont pas déjà fourni la démonstration claire.
- Cette partie est la plus originale, parce que l'auteur
y à introduit une note artistique que nous ne sommes
. pas habitués à trouver dans les manuels d'Histoire natu-
relle. L'étude préalable des principaux groupes de
. plantes fournit à ces généralités une base positive qui
achève de les mettre en opposition avec les abstractions
du début.
En somme, l'étudiant, à qui ce livre est destiné, y
trouvera traitées, sous une forme parfois neuve, la plu-
part des questions qu'il lui importe de connaitre. Si la
disposition des matières est un peu déconcertante, peu
conforme peut-être à la vieille méthode qui consistait à
aller du clair à l’obseur, du connu à l'inconnu, si le
. livre ne peut être lu de suite que par un botaniste
- depuis longtemps rompu à l'observation de la Nature et
aux travaux de laboratoire, il sera toujours facile à
- consulter grâce à une double table des matières très
- soignée. Il fournira sans peine à l'élève des renseigne-
ments sur les objets ou les phénomènes qui lui auront
- été montrés au laboratoire ou dans la campagne.
; PauL VUILLEMIN,
Professeur à la Faculté de Médecine
de l'Université de Nancy.
4
LS
nt cf
ai mhee dd
Nawville (A.). Doyen de la Faculté des Lettres et des
_ Sciences sociales à l'Université de Genève. — Nou-
velle classification des Sciences (2° édition. —
{ vol. in-12 de 186 pages. (Prix : 2 fr. 50.) Félix
Alcan, éditeur. Paris, 1901.
mi
ET 7
Richet (Charles), Professeur à la Faculté de Médecine
de Paris. — Dictionnaire de Physiclogie. — Tome
V, fase. 1 et 2. — 2 fasc. in-8° de 320 pages chacun,
avec gravures dans le texte. (Prix : le fase. 8 fr. 50 ;
le vol. 25 fr.) Félix Alcan, éditeur, Paris, 1901.
Ces deux fascicules continuent le beau Dictionnaire
publié sous la direction de M. Charles Richet.
Nous relevons, dans ces livraisons, des articles d'ane
importance considérable, dont voici Les principaux :
Digitale (études botanique, chimique, pharmacolo-
gique, physiologique et thérapeulique), par le Profes-
seur G. Pouchet; Dioptrique oculaire; Diurétiques,
par M. Charles Richet; Domestication, par M. Henry
de Varigny; Douleur, par M. Charles Richet; ƣflort,
par M. E. Wertheimer; Ælasticité, par M. Georges
Weiss; Ælectricité ({héorie physique, phénomènes
électriques en Biologie, poissons électriques, etc., appli-
calions thérapeutiques), par MM. André Broca, Maurice
Mendelssohn et H. Bordier; £lectrotonus, par M. Mau-
rice Meudelssohn; Æmulsine, par M. H. Hérissey;
Epilepsie corticale, par M. H. Lamy; Ærgométrie, par
M. André Broca; £rgotine, par M. L. Guinard ; Æspace,
(le sens de l’espace), par M. E. de Cyon,; Æstomac.
4° Sciences médicales
Bowlby (Anthony A.), Footh (Howard H.), Wat-
lace (Cuthbert), Calverley (John E.), Kilkelly.
— À civilian War Hospital. — 1 vol. 1n-8 de
344 pages, avec nombreuses fiqures. (Prix : 45 fr.).
John Murray, éditeur. Londres, 1901.
La guerre du sud de l'Afrique, en raison de sa longue
durée, en raison de l'autorité des chirurgiens attachés
directement ou indirectement au corps expéditionnaire
anglais, a permis de réunir de nombreuses observa-
tions. Ces observations peuvent éclairer la Science sur
les elfels des armes modernes; elles peuvent fournir
d'utiles renseignements à tous ceux que préoccupent
les questions d'assistance des blessés et des malades
en temps de guerre.
L'Angleterre avait envoyé dans le sud de l'Afrique, en
même temps que des médecins et des chirurgiens d'ar-
mée, un certain nombre de médecins civils, destinés à
compléter l'œuvre de leurs confrères de l'armée.
Un groupe de ces médecins civils, faisant partie de
l'état-major médical du « Portland Hospital », vient de
publier le résultat des observations recueillies au cours
de la campagne.
Le « Portland Hospital » fut le premier hôpital civil
envoyé dans le sud de l'Afrique après la déclaration de
guerre en octobre 1899. Il devait son nom au duc de
Portland, fondateur de l’œuvre.
Le « Portland Hospital» embarqua à Liverpool, le 13 dé-
cembre 1899, et débarqua à Cape-Town, le 28 décembre;
il commenca son œuvre à Rondebosch, près Cape-Town,
le 8 janvier 1900. Le 6 avril, il évacua ses malades et fut .
envoyé à Bloemfontein, où il put ouvrir à nouveau, le
17 avril 1900. Le 21 juillet, il procéda à une seconde et
définitive évacuation; il partit pour l'Angleterre le
4er août, où il arriva le 18 août.
Cet hôpital civil eut donc une période de mobilisa-
tion de 248 jours; 65 jours furent employés aux divers
déplacements, 184 jours furent consacrés aux soins
hospitaliers. Le nombre des malades et blessés recueillis
fut de 1.009. A cette époque, le nombre des malades et
blessés de l’armée anglaise parait avoir été d'environ
15.000, — 10.000 malades et 5.000 blessés. Dans le livre
que le corps médical a consacré au « Portland Hos-
pital », il ne faut donc pas s'attendre à trouver une his-
toire complète de la médecine et de la chirurgie au
cours de la suerre Sud-Africaine.
Le corps médical du « Portland Hospital » n’a étudié
qu'un pelit coin du théâtre de la guerre; il a groupé
cependant des renseignements fort intéressants.
Primitivement, le « Portland Hospital » devait conte-
nir 104 lits; mais, dans la suite, le nombre des lits fut
BIBLIOGRAPHIE — ANALYSES ET INDEX
porté à 160 :130 lits pour les sous-officiers et soldats et
30 lits pour les officiers.
L'état-major médical comprenait 5 médecins ou chi-
rurgiens; 4 nurses élaient atlachées à l'hôpital.
Le personnel proprement dit était composé de 6 sous-
officiers, 24 infirmiers, 6 serviteurs.
Chaque homme avait signé un contrat pour six mois
de service, Durant le voyage, on procéda à la revacci-
nation du personnel et à des inoculations préventives
de la fièvre typhoïde. Le directeur du «Portland Hos-
pital » avait eu soin de prendre parmi les sous-ordres un
nombre suffisant d'hommes spécialisés dans divers
métiers. Ces ouvriers, charpentiers, forgerons, furent
extrêmement utiles dans l'établissement de l'hôpital et
durant toute la campagne.
Il y avait trois cuisiniers et plusieurs aides de cui-
sine divisés en deux groupes. Une cuisine pour les
ofliciers et les nurses, une cuisine pour les malades
ordinaires et les sous-ordres; aux cuisines étaient an-
nexés ua garde-manger, une glacière, un filtre Pas-
teur-Chamberland.
Au point de vue hygiénique, on construisit de nom-
breuses latrines; les selles des dysentériques et des
typhiques étaient brülées avec de la sciure; les linges
élaient bouillis dans une chaudière spéciale ou portés
à l’étuve de désinfection.
Les salles de malades étaient constituées par des
tentes au nombre de 24, de grandeurs différentes, ce
qui permettait un isolement facile des malades.
Dans les climats sud-africains, les tentes for-
mèrent des salles de malades parfaites, très saines, très
faciles à ventiler. D'autres tentes étaient réservées à
l'état-major médical, aux nurses et au personnel.
L'ensemble du matériel pour 160 lits pesait 70 tonnes
et occupait 12 wagons, y compris les wagons occupés
par les bêtes de trait (six mules et trois chevaux).
Tout ce qui concerne un mobilier chirurgical moderne
complet se trouvait réuni dans les magasins du « Port-
land Hospital » : instruments, gouttières à fracture,
substances médicamenteuses, antiseptiques, anesthé-
siques, appareils à rayons X, etc.
Une condition excellente pour la bonne organisation
de l'équipement médico-chirurgical, c'est que le choix
de cet équipement avait été donné non pas à une com-
mission administrative incompétente, mais à l'état-
major médical lui-même. Médecins et chirurgiens choi-
sirent les objets et les substances que leur expérience
leur faisait prévoir comme nécessaires ; on ne se char-
gea d'aucune inutilité.
Le chapitre médical est rédigé par H. Tooth et G. Cal-
verley. Ces auteurs donnent la première place dans leur
rapport à la fièvre entérique, fièvre typhoiïde. Ils en ont
observé 232 cas, ayant donné 29 décès, soit une mor-
talité de 12 °/,. Les traits un peu particuliers que pré-
sentèrent les cas observés furent l'élévation de la tem-
pérature, la fréquence de la dépression mentale, la
rarelé des complications pulmonaires. On nota un nom-
bre exceptionnellement grand de cas de phlébite.
Dans la campagne sud-africaine, le corps médical de
l'armée anglaise s'intéressa beaucoup à une question
peu connue en France : la question des inoculations
préventives contre la fièvre typhoide. Un très grand
nombre de soldats envoyés en Afrique ont subi des
inoculations au moyen de sérum de Wright. Ce sérum
est préparé avec des cultures de bacilles typhiques
tuées par la chaleur. L'inoculation à l'homme détermine
des troubles généraux caractérisés par l'élévation de la
température, de la céphalée, de la courbature.
Ces inoculations antityphoiïdiques provoquent chez
les sujets l'apparition de la réaction agglutinative de
Widal. Chez un des médecins du «Portland Hospital»,
le sang examiné trois mois après l’inoculation montra
une séro-réaction positive; 13 mois après, la séro-
réaction ne se manifestait plus. Les auteurs considè-
rent que cette réaction est jusqu'à un certain point la
mesure du degré de l’immunité acquise.
Tooth et Calverley donnent, en ce qui concerne le
« Portland Hospital », le résultat de ces inoculations :
le personnel de l'hôpital comprenait 41 personnes:
28 avaient été inoculées, 13 n'avaient pas été inocu-
lées.
Sur les 28 personnes inoculées, il y eut 7 cas de
fièvre typhoide, terminés par guérison; sur les 13 per=
sonnes non inoculées il y eut 2 cas de fièvre typhoïde
graves, un terminé par la mort.
A l'hôpital, sur les 232 malades atteints de fièvre
typhoïde, 54 avaient été inoculés et eurent une morta-
lité de 7,4 °/,; sur 178 malades qui n'avaient pas été
inoculés, 25 moururent, soit une mortalité de 14 0/,.
Ces chiffres, sans être absolument démonstratifs, parais-
sent néanmoins en faveur de l'inoculation préventive
de la fièvre typhoïde.
La dysenterie donna 94 cas. Parmi ces malades,
78 avaient acquis leur maladie dans le sud de l'Afrique,
et 16 avaient été autrefois dans l'Inde ou dans une autre
région tropicale. 3 malades succombèrent, ce qui donne
une mortalité de 3,1 0/4.
Au point de vue symptomatique, parmi les particu-
larilés de la dysenterie dans le sud de l'Afrique, Tooth
et Calverley signalent la rareté des complications hépa-
tiques. Dans les formes ordinaires de la dyseuterie tro-
picale, la tendance aux inflammations secondaires du
foie est au contraire extrêmement marquée. Au point
de vue anatomo-pathologique, on ne trouve signalé
rien de particulier. Tooth et Calverley publient dans le
livre deux photographies montrant ies lésions ulcé-
reuses de la muqueuse du gros intestin.
36 malades atteints de diarrhée entrèrent au « Port-
land Hospital »; quelques-uns présentèrent des vomis-
sements et parfois de l’élévation de température; il y
avait de la tendance à la chronicité; les médecins de
l'hôpital se demandèrent si diarrhée et dysenterie
n'avaient pas une commune origine.
Malgré la chaleur intense qui régna à certains mo-
ments, le coup de soleil fut absolument exceptionnel.
D'une façon générale, les affections des voies intesti-
nales furent fréquentes; les autres maladies furent
exceptionnelles.
Le rôle du « Portland Hospital » fut surtout un rôle
chirurgical; on eut àsoigner principalement les blessures
par armes à feu.
Les fusils dont se servaient les soldats anglais et ceux
qui étaient utilisés par les Boers avaient des calibres
analogues et leurs effets étaient semblables. Les troupes
anglaises étaient armées soit du «Lee-Metford Mark 41»,
soit du « Lee-Enfield », armes du même calibre, 72,7,
Le poids de la balle était de 13 gr. 93. Les Boers tiraient le
plus souvent avec les Mauser de calibre 7° ; le poids
de la balle était de 11 gr. 80. Les projectiles dans les
deux camps étaient recouverts d’une enveloppe métal-
lique, Dans quelques rencontres, les Boers se sont
servis de fusils de différents systèmes, notamment du
Martini-Henry dont le calibre est supérieur.
Les points principaux sur lesquels les armes à feu
modernes différent des armes auciennes sont l’augmen-
ation de vitesse et de force de pénétration des projec-
tiles, la diminution de volume des projectiles, l’adjone-
tion d'un revêtement de métal dur au noyau de plomb,
l'addition d’un magasin, l'emploi de la poudre sans
fumée. Au point de vue militaire, ces différences se
traduisent par l'augmentation dans la portée des armes
et dans la rapidité du tir, d’où augmentation d'étendue
de la zone dangereuse.
Il ne faut pas croire que ces perfectionnements ap-
portés dans la puissance destructive des fusils modernes
les aient rendus beaucoup plus meurtriers que leurs
devanciers, mais les effets des projectiles sont diffé-
rents de ce qu'ils étaient autrefois.
La douleur au moment de la blessure fut en général
légère, souvent nulle : un soldat occupé à tirer en po-
sition penchée sent sa pipe se casser dans la poche de
son pantalon; il porte la main pour se rendre compte
de ce quiarrivaitetilsort de lapochesa pipe cassée eten
même temps une balle. Voyant du sang sur sa main, il
BIBLIOGRAPHIE — ANALYSES ET INDEX
935
ensa qu'il devait être blessé. Or, il avait été frappé
ar une balle ayant pénétré par l'épaule et traversé le
poumon et l'abdomeu; le passage du projectile n'avait
déterminé aucune sensalion spéciale.
Les blessures de la poitrine et des poumons furent
fréquentes, mais elles présentèrent en général assez
peu de gravité ; il est vrai que le « Portland Hospital »
ne recueillait pas les blessés directement sur le champ
“de bataille, et que les blessés qui arrivaieut à Bloem-
fontein un jour ou deux après leur blessure étaient
ceux qui avaient survécu aux premiers accidents d’hé-
morragie et de dyspnée. Il est infiniment probable, par
exemple, que les soldats qui étaient frappés au niveau
des pédicules pulmonaires succombaient sur ie champ
de bataille même. L'hémothorax ne s'observa que dans
a minorité des cas ; l'emphysème fut exceptionnel; les
ccidents secondaires tels que l’'empyème furent très
ares.
A. Bowlby et Cuthbert Wallace attribuent aux faibles
dimensions du projectile la tolérance du poumon pour
les plaies par balles ; ils comparent le passage de Ja balle
au passage d'un trocart explorateur. En fait, les résultats
des plaies pénétrantes du thorax furent extrèémement
satisfaisants et un grand nombre de blessés, au bout
pue semaine ou deux, purent reprendre leur service
actif.
Quelle fut la gravité des plaies pénétrantes de l'ab-
domen? Un certain nombre de chirurgiens de la guerre
sud-africaine ont parlé de la bénignité relative des
plaies pénétrantes de l'abdomen. Les chirurgiens du
« Portland Hospital » croient qu'il est difficile de porter
un jugement; car uve question principale est de savoir si
Vintestin est blessé ou intact; or, il leur paraît certain
qu'une balle peut traverser l'abdomen sans léser l’in-
_testin. Quand l'intestin est lésé, la plaie pénétrante
paraît fort grave. Bowlby et Wallace rapportent des
faits tirés de la pratique de leurs confrères qui se
trouvaient à l'avant. Theatle, par exemple, sur 10 cas, a
yu 9 fois la mort survenir ; le seul cas de guérison con-
cerne un homme qui guérit sans invident d’une plaie
par balle Mauser ayant pénétré à 1 pouce 1/2 au-dessus
et à gauche de l’ombilic, et étant sortie au niveau de la
région dorsale à un niveau correspondant.
Les résultats fournis par les chirurgiens varient
énormément suivant que le chirurgien est à
l'avant, sur la ligne de feu, ou dans un hôpital,
à la base d'opérations, Watson Cheyne, lorsqu'il était
à un hôpital de la base, au Cap, avait observé que la mor-
talité des plaies abdominales n'était que d'environ 20°/;/;
mais, aux combats de Paardeberg et de Karee Siding, il
» vit que les résultats n'étaient plus aussi bons. D'une
* façon générale, les plaies pénétrantes de l'abdomen
paraissent graves, et, étant donné les conditions défa-
vorables dans lesquelles on est obligé d'opérer, l'inter-
vention chirurgicale paraît fort discutable ; la plupart du
temps, le chirurgien s'abstient.
La lumière des rayons X est indispensable aujour-
» d'hui pour l'étude des fractures; les chirurgiens du
. «Portland Hospital » étaient munis d'appareils radio-
. graphiques, ils purent réunir des observations bien com-
plètes concernant l'effet des projectiles sur les os;'ils
donnent dans leur livre plusieurs belles reproductions
de radiographies.
D'une facon générale, les lésions osseuses ont [paru
d'autant plus graves que la distance du tir était plus
courte ; certains chirurgiens avaient émis l'idée qu'un
. projectile animé d'une grande vitesse perforait l'os
comme à l’emporte-pièce plutôt que de déterminer une
fracture; Bowlby et Wallace ne partagent pas cette
manière de voir; pour eux, uneballe animée d'une très
grande vitesse en frappant un os produit pour ainsi dire
. une action explosive. Cet effet explosif est extrêmement
. marqué. Quand la balle a été tirée à moins de 50 mètres,
>
l'os est pour ainsi dire pulvérisé dans une plus ou moins
2
.
grande portion de son étendue; il se forme une multi-
tude de petits fragments qui vont se loger dans les par-
lies molles; quand le tir est fait à grande distance, la
fracture est d'autant plus étendue et d'autant plus
grave qu'elle siège sur un os plus dense, plus compüct,
plus résistant. Les lésions osseuses sont beaucoup plus
étendues lorsqu'elles siègent sur la diaphyse que lors-
qu'elles siècent sur les épiphyses. Les simples perfora-
tions osseuses par balle ne sont pas fréquentes; au
niveau des diaphyses, il y a toujours formation d’es-
quilles, les traits de fracture suivant toujours des direc-
tions très obliques, parfois presque longitudinales; les
auteurs auraient vu cependant un cas ou deux de per-
foration de tibia. Au niveau des épiphyses, les perfora-
tions simples ont été moins rares, surtout au niveau de
l'extrémité inférieure du fémur ; les perforalions de l’ex-
trémité inférieure de l’humérus étaient toujours asso-
ciées avec des fissures osseuses, En ce qui concerne
l'angle d'arrivée du projectile sur l'os, il semble prouvé
que la fracture est généralement plus grave lorsque la
balle vient frapper l'os perpendiculairement à la sur-
face, que dans les cas où elle l’atteint obliquement.
Le choc de la balle sur un os détermine souvent une
déformation du projectile ; l'enveloppe métallique peut
éclater, ce qui détermine des lésions beaucoup plus
grandes dans les blessures des parties molles. Aussi, les
dimensions des blessures des parties molles et spécia-
lement de la peau dans les cas où l'os a été atteint ont
été très considérables. Si, dans quelques cas heureux,
l'orifice de sortie ne présente pas de dimensions excep-
tionnelles, ordinairement il est extrêmement élargi.
Les blessures des articulations furent en général
assez peu graves. Autrefois, la blessure par arme à feu
d'une grande articulation était presque toujours suivie
de mort; dans tous les cas de blessures de ce genre
observés au « Portland Hospital », la guérison s’effectua
sans incidents notables.
Les blessures des gros vaisseaux n’ont pas paru être
suivies souvent d'hémorragies mortelles. En tout cas,
on vit guérir sans incident des plaies où le trajet de la
balle était tel qu'il paraissait impossible que des gros
vaisseaux n'eussent pas été blessés.
Les auteurs citent par exemple le cas d’un cavalier
frappé d'une balle Lee-Melford à courte distance; la
balle entra immédiatement au-dessous du chef sternal
du muscle sterno-mastoidien gauche et ressortit à un
pouce au-dessous de l’épine de l'omoplate gauche; il
semble difficile qu'un gros vaisseau de la base du
cœur n'ait pas été atteint, et pourtant l'homme ne pré-
senta aucun accident grave.
On observa assez souvent des{cas d'anévrisme et
d'anévrisme artérioso-veineux.
Au point de vue chirurgical, les résultats obtenus au
«Portland Hospital» ont été extrêmement remarquables.
L'hôpital recut 303 blessés, il n'y eut que 3 décès; l’un
concerne un officier frappé au poumon et à la moelle
épinière; un autre concerne un homme atteint de plaie
pénétrante du crâne; le troisième concerne un homme
alteint de gangrène de la jambe et qui succomba à la
suite de la gangrène de l’autre jambe, une semaine
après l'amputation de la jambe; il y avait une embolie
dans l'aorte. Tous les autres blessés guérirent presque
sans suppuration, sans érysipèle, sans accidents pyé-
miques. :
Les interventions opératoires importantes furent très
peu nombreuses et la méthode conservatrice donna des
résultats parfaits.
Ces faits sont encourageants. Il est réconfortan
pour les chirurgiens de savoir qu'ils ont entre les
mains une méthode certaine et que désormais tout
blessé, dans une ambulance bien tenue, sera à peu près
complètement sûr de guérir rapidement et dans
d'excellentes conditions.
P. DEsrosses,
936
ACADÉMIES ET SOCIÉTÉS SAVANTES
DE LA FRANCE ET DE L'ÉTRANGER
ACADEMIE DES SCIENCES DE
Séance du 30 Novembre 1901.
1° SCIENCES MATHÉMATIQUES. — M. P.-J. Suchar
expose le résultat de ses recherches sur les équations
différentielles linéaires du second ordre à coefficients
algébriques. — M. J. Boussinesq étudie le problème
de la dissipation, en tous sens, de la chaleur dans un
mur épais à face rayonnante. Il emploie la méthode
qui consiste à ramener le problème du refroidissement
ou de l'échauffement des corps par rayonnement à
celui du refroidissement ou de l'échauffement des
mêmes corps par contact.
29 SCIENCES PHYSIQUES. — M. A. Petot montre qu'on
peut trouver, dans les problèmes sur l’état variable des
courants, certains résullats sans connaître les lois de
variation des diverses résistances. Cetle considéralion
permet d'entreprendre létude du combinateur des
automobiles électriques, de la commulation dans les
dynamos à courant continu. — M. de Forcrand montre
qu'au moyen de sa nouvelle formule, on peut calculer
la chaleur latente de vaporisation quand on connaît
la chaleur de fusion et le poids moléculaire à l'ébulli-
PARIS
tion. Pour le phosphore (31 sr.), on trouve L'—#%.0%% cal.
Pour l’arseni:, le SAÉnruu le carbone, on arrive à des
valeurs approchées par un calcul analogue. — MM. Léo
Vignon et F. Gérin ont constalé que : 1° la penta et
l'hexanitromannite réduisent énergiquement la liqueur
cupropolassique; 2° cette propriété, dans son intensité
principale, n’est pas attribuable à la formation de man -
nose; 3° la nitromannite, traitée par le chlorure ferreux,
donne de la mannite nou réductrice; à ce point de vue,
elle ue se comporte pas comme les nitrocelluloses. —
M. J. Gnezda, eu traitant l’albumine par l'acide hypo-
chloreux, à obtenu un corps qui parait posséder les
propriétés d'une chlorisatine. — M. G. Pouchet : Sur
la localisation et la dissémination de l'antimoine dans
l'organisme (voir p. 891). — MM. M. Berthelot et G.
André rappellent que les liquides végétaux sont géné-
ralement acides, mais que la plus grande partie des
acides sont généralement combinées à l’état de sels,
de sorte que le litre acidimétrique des jus ne saurait
donner une idée sur la quantité totale d'acide contenue
dans la plante.
3° SCIENCES NATURELLES. — M. E.-L. Bouvier a étudié
la reproduction et le développement du Peripatopsis
Blanviller. La présence d'annexes embryonnaires n'est
pas, comme le pensent plusieurs zoologistes, le résultat
d'une évolution qui consisterait daus la réduction yo
gressive du volume de l'œuf; on ne peut, dès lors, la
considérer comme un c: ractère primilif du groupe. —
M. Arm. Billard à constaté que la scissiparité et la
stolonisation sont des moyens actifs de multiplication
chez les Hydroïdes et qu'ils se rencontrent chez un
grand nombre d'espèces. Ces deux modes de mullipli-
calion sont délerminés par les conditions d'habitat : les
espèces scissipares vivant, sauf de rares exceptions,
dans les courants ou dans les eaux profondes; les
espèces à stolons se rencontrant généralement sur
le littoral. — MM. Ch.-Eug. Bertrand et F. Cornaille
ont étudié les pièces libéro -ligneuses élémentaires
du stipe et de la fronde des Filicinées actuelles : le
faisceau bipolaire et le divergeant. — M. Em. Ri-
vière à étudié les dessins gravés et peints à l'époque
paléolithique sur les parois de la grotte de La Mouthe
(Dordogne). Ils représentent des animaux : bison, bou-
quetin, renne, équidés, un oiseau, et peut- -être un
mammouth. L'exploration de la grotte n’est pas ter-
terminée; il reste environ encore 70 mètres à dé ‘blayer.
ACADÉMIES ET SOCIÉTÉS SAVANTES
Octobre 1901.
1 SCIENCES MATHÉMATIQUES. — M. K. Bohlin indique
une extention d'une formule d'Euler au calcul des
moments d'inertie principaux d'un système de poinis
matériels. M. G. Koenigs passe en revue les pro=
priétés Bénérales des couples d'éléments cinématiques.
2 SCIENCES PHYSIQUES. — M. L.-J. Simon a constalé
que l’uréthane se combine directement à l'acide pyru=
vique, sans agent de condensation, pour donner l'acide.
diuréthane pyruvique CH*. C(AzH.C0* C?H5CO®H, corps
blanc cristallisé fondant à 1389-1399. C'est un acide
assez énergique, qu'on peut tirer alcalimétriquement:
Chauffé avec l’eau, il régénère ses deux constituants.
— M. R. Lespieau a reconnu que le corps qu'il avait
obtenu par l’action non ménagée du brome sur divers
composés en €? est la dialdéhyde bromée, CHO.CHBr.
CHO. C'est un corps solide, cristallisé, fondant à 1402 et
donnant un dérivé potassé. Avec la phénylhydrazine,
elle se condense en fournissant le 1-phényl-4-bromo-
pyrazol. — MM. Léo Vignonet F. Gérin ont éludié les
propriétés réducrices des dérivés nitrés des alcools
mono et polyalomiques. Jusqu'aux alcools triatomiques
(glycérine), elles sont nulles. L'érythrite (alcool tétraz
tomique) réduit faiblement la liqueur de Fehling; la
mannile et la dulcite (hexatomiques) la réduisent for-
tement.
30 SCIENCES NATURELLES. — M. A.-N. Vitzou a observé
Séance du 7
que la substance grise de la moelle est excitable,
comme celle de l'écorce cérébrale, avec les excitants
artificiels, électriques et mécaniques. — M. N. Vas-
chide et Ml M Pelletier ont recherché les signes
physiques de lintelligence sur des élèves des deux
sexes de l'école de Villejuif. Ils ont reconnu que la
hauteur auriculo-bregmatique est constamment plus
grande chez les sujets intelligents que chez les sujels
non intelligents. Mie C. de Leslie à observé
que si l'on injecte à la souris blanche male du
sérum spermotoxique fourni par le cobaye, elle perd
l'aptitude à la reproduction; son sperme contient
toujours des spermatozoïdes vivants, mais ils ont perdu
leur fonction fertilisante. Ils la recouvrent de seize à
vingt jours après l'injection. — MM. C.-Eug. Bertrand
et F. Cornaille poursuivent l'étude des pieces libéro-
ligneuses élémentaires du stipe et de la fronde des
Filicinées actuelles (divergeant fermé, pièce apolaire,
masse libéro-ligneuse indéterminée). M. Marin
Molliard considère que certaines plantes à fleurs
doubles peuvent provenir d’une association parasitaire
s'exercant aux dépens des organes souterrains de ces
plantes.
Séance du 14 Octobre 1901.
{° SCIENCES MATHÉMATIQUES. — M. Perrotin commu-
nique les éléments elliptiques de la comète 1900 €. Cet
astre appartient au groupe si curieux des comètes jié-
riodiques dont la capture peut être attribuée à Jupiter.
— M. A. Davidoglou énonce quelques théorèmes relu-
tifs aux iutégrales réelles des équations différentielles
binomes. — M. P. Duhem a reconnu qu'en un fluide
visqueux, qui est ou mauvais conducteur ou compres-
sible, ou à la fois mauvais conducteur et compressible,
on peut observer une onde d'ordre » par rapport à
certains éléments du mouvement et d'ordre supérieur
à n pour les autres. Aucune onde n'est possible dans
un fluide visqueux, incompressible et bon conducteur.
20 SCIENCES PHYSIQUES. — M. A. Colson a étudié les
phénomènes calorifiques qui se produisent quand on
ajoute à des dissolutions plus ou moins chaudes de sel
de l'eau à la même température. Il a trouvé qu'il existe
ACADÉMIES ET SOCIÉTÉS SAVANTES 957
un point fixe auquel le mélange se fait sans change- | cycle évolutif des Orthonectides comprend deux
ce point est indépendant du | phases : 1° le sporocyste ou phase plasmodiale para-
“ment de température :
faux des dissolutions diluées: Pour le sel marin, ce
point est à 52°. — M. M. Berthelot, comparant les
ÿ hènomènes observés dans la réaction des acides sur
+ Esyde d'argent ordinaire, d'une part, sur le peroxyde
Larcent, d'autre parl, a constaté les résultats suivants :
“ie Eu opérant à 13° avec Ag°0 ordinaire, récemment
«précipité, et mis en présence des acides sulfurique,
“azolique, lactique étendus, à équivalents égaux, la
“combinaison chimique et la réaction thermique qui en
“ résulte sont complètes au bout de peu de minutes;
2° en opérant vers 13°, avec la substance qui résulte
de l’action immédiate de Ag°0 récemment précipilé sur
H20: étendu, et en meltant aussitôt cette substance en
“présence des acides sulfurique, azotique et lactique
étendus, dans des conditions identiques aux précéden-
“es, une première réaction chimique et thermique s’ac-
complit également en peu de minutes. Cette réaclion
est suivie de certaines autres, beauccup plus lentes; la
chaleur qui en résulte est minime et son dégasement
parait se poursuivre indéfiniment. Ces faits confirment
l'existence de peroxyde d'argent dans le corps obtenu
par l'action de H*0*. — M. L.-J. Simon, en fai-
sant réagir l'urée sur l'acide pyruvique, a obtenu,
dans certaines condilions, l'acide homoallantoïque
….(AzH°.CO.AzH)*C(CH°)CO®H. Celui-ci, dissous dans l'eau
chaude, se déshydrate en donnant le pyvurile de Gri-
… maux :
SLR A
DAS
AzH°.CO.AzH AzH.CO AZI.
CH*
“ — MM. Léo Vignon et F. Gérin ont constaté que les
- dérivés nitrés des alcools à chaine ouverte dont l'ato-
micilé est égale ou supérieure à # manifestent des
» propriétés réductrices par rapport à la liqueur cupro-
potassique. Toutefois le dérivé tétranitré de la pentaé-
rythrile est dénué de toute propriété réductrice. On
doit done adinettre que cerlains éthers nitriques ont
une constitution spéciale. — M. L. Lewin a reliré du
sang des animaux empoisonnés par la phénylhydrazine
une matière colorante verte, qu'il nomme hémover-
- dine. Elle est soluble dans l'alcool, la paraldéhyde,
l'acétone; son spectre est caractérisé par quatre bandes.
…. 3° SCIENCES NATURELLES. — MM. Lannelongue, Achard
et Gaillard ont reconnu que mi le froid modéré, ni
les variations légères de température n'ont d'influence
marquée sur le développement de la tuberculose. Au
- contraire, les variations thermiques brusques et con-
- sidérables, quoique compatibles avec la vie des cobayes
sains, ont précipité d'une facon remarquable la marche
de l'infection. — M, P.-S. de Magalhaes a observé
* un cas de Piedra sur une jeune dame de Rio de-
* Janeiro. Il en a isolé le parasite et a observé la forma-
+ tion des spores, notamment à l'intérieur des filaments.
. La constitution cellulaire et filamenteuse de la subs-
tance hyaline qui enveloppe les spores n'avait pas
encore été signalée. — M. Arm. Gautier, à propos de
- la note récente de M. Molliard, rappelle qu'il existe des
“ variations qui sont dues à des causes plus générales
- que l'hybridation par le pollen. Il les attribue à l’ino-
- culation directe, dans le protoplasme végétal, de ma-
tières secrétées par des bactéries ou des parasites. Les
- mêmes remarques s'appliquent aux animaux.
- M. G. Bohn a étudié la vie fouisseuse de quelques
animaux marins (Annélides en particulier); il mon-
- Lre les modifications qu'ils ont subies et qui ont en
. partie pour but d'échapper à l'action toxique des mi-
lieux marins. — M. Raphaël Dubois à constaté que
le Distomum margaritarum s’enkyste dans le Aytilus
edulis et y provoque la formation des perles. L'année
suivante, si le parasite n'est pas mort, il provoque
la fonte physiologique de la perle, reprend sa vie
active et se reproduit; les jeunes distomes s’enkys-
. tent alors de nouveau pour former des perles. —
MM. M. Caullery et F. Mesnil ont observé que le
masse … diff
ESS ls, on mé
D dde
site produisant les mäles et les femelles; 2° une phase
libre, asexuée, représentée sans doule par des embryons
devenant les plasmodes après pénétration dans l'hôte.
— MM. A. Laveran et F. Mesnil ont trouvé, chez des
poissons marins (Soles et Blennies) deux espèces nou-
velles d'Hémogrégarines : Æ:emogregarina Simondi et
H. bigemina. — MM. L. Duparc et F. Pearce ont élu-
dié les roches éruptives du Tilai Kamen (Oural). Ce
sont des pyroxénites et des gabbros à olivine, ayant
subi des phénomènes dynamiques intenses, et traversés
par des filons de clunite et de gabbro-aplites.
Louis BRUNET.
ACADÉMIE DE MÉDECINE
Séance du 8 Octobre 1901.
M. Hallopeau présente un rapport sur deux {travaux
de M. Bonnet {de Massiac). Dans l'un, l’auteur fait con-
naître les propriétés de l’hydrate de chloral comme
vésicant et ses avantages sur la cantharide, surtout
pour les grands vésicatoires. Par contre, pour les petits
vésicatoires employés en ophtalmologie et en dermato-
logie, le chloral semble n'avoir aucun avantage sur la
teinture de cantharides. Le second est relatif au traite-
ment de l’ozène par les irrigations nasales au bleu de
méthylène; cette méthode a donné d'excellents résultats.
— M. Hervieux rend compte d’un travail du D' Gros
qui propose la formation de vaccinateurs indigènes
pour combattre le fléau de la variolisation en Algérie et
Tunisie.
Séance du 15 Octobre 1901.
M. Sevestre lit le rapport sur le concours pour le
prix Alvarenga. — M. Huchard lit le rapport sur le
Prix Mège. — M. P. Brouardel communique le rapport
sur le concours pour le prix Clarens. — M. Ehrmann
présente quelques considérations sur 4 cas de palato-
plastie en deux temps daus les divisions congénitales
du palais. L'opéralion en deux temps, quoique exigeant.
une double chloroformisation et une durée de traite-
ment plus longue, présente des suites opératoires plus
simples et une guérison plus certaine.
SOCIÉTÉ DE BIOLOGIE
Séance du 5 Octobre 1901.
MM. F. Widal et L. Le Sourd ont recherché par
le procédé de fixation de Bordet l'époque d'appari-
tion de la seusibilisatrice dans le sérum des typhiques.
La réaction de fixation ne saurait être considérée
comme un témoin de l’immunité. — M. L. Camus à
reconnu que l'état de lactation n'empêche pas les
chiennes d'être sensibles aux injections de lait. Elles
sont sensibles aux injections de lait de vache et elles
peuvent l'être aussi aux injections de leur propre lait. |
— M.J.Ch. Roux a constalé que la peptone parait être
un des excitants moteurs de l'estomac; dans certaines
conditions, elle paraît mettre en train l'évacuation de
l'estomac; toutefois, sous son influence, cette évacua-
tion ne se fait pas en bloc, mais progressivement. —
M. Ch. Julliard a vérifié que l'albumine en solution
n'a aucune action spécifique sur les hémalies, sur les-
quelles elle n’agit qu'en raison de sa tonicilé seulement.
Elle n'abaisse le point de congélation d’une solution
que d'une facon très restreinte et provoque le laquage
du sang, même à des concentrations relativement très
élevées. — M. G. Delamare a reconnu qu'on peut
observer dans le‘tissu ganglionnaire sain des hématies
à noyaux. — M. M. Molliard rappelle qu'on peut obte-
nir expérimentalement la transformation des étamines
du chanvre en carpelles, à des degrés très variables: la
cause de ces variations parait résider dans l'action
d'une faible intensité lumineuse, mais elle peut être
plus complexe. — M. A. Slatineano a provoqué la sep-
ticémie expérimentale par le bacille de Pfeiffer chez le
938
ACADÉMIES ET SOCIÉTÉS SAVANTES
cobaye, le lapin et-la souris. Il est parvenu également à
immuniser ces animaux contre la maladie; le sérum
des immunisés jouit de propriétés préventives.
Séance du 12 Octobrè 1901.
M. Et. Sergent a observé queles Anopheles sont très
communs dans la vailée de l'Essonne, bien que l'endé-
mie palustre ait disparu de cette région. — MM. Caul-
lery et F. Mesnil : Sur la phase libre du cycle évolutif |
des Orthonectides (voir p. 937). — M. E. Maurel a re-
connu que les doses minima mortelles de chlorhydrate
d’émétine par la voie hypodermique, aux titres de 0,5
à { gramme pour 10 grammes d’eau distillée, sont de
0,15 gramme par kilogramme pour le congre, le pigeon
et le lapin, et de 0,25 gramme pour la grenouille. I ré-
sulte d’autres expériences que, pour le lapin et pour
le chlorhydrate d'émétine aux titres employés, la dose
minima mortelle est sensiblement la même pour la
voie gastrique et pour la voie hypodermique, landis
qu'elle est cinq fois moindre pour la voie intra-vei-
neuse. — M. E. Castex, au moyen d'un nouvel appa-
reil qu'il nomme réflexomètre rotulien, a mesuré la
valeur normale du réflexe rotulien. Elle est, chez
l'homme ou la femme adulte, de 130 grammes-centi-
mètres sur une surface de choc de 1 centimètre carré.
— M.Aug. Mizzoni a isolé, des eaux du vieux port de
Marseille, un nouveau microbe pathogène, sous forme
d'un bâtonnet droit, cylindrique, qui, par la culture,
devient trapu. Ses milieux de cullure exhalent rapide-
ment une odeur putride. — M. Ch. Féré signale un cas
d'épilepsie réflexe provoquée par la miction et la défé-
cation. — M. H. Milian montre que le cytodiagnostic
peut être d’une très grande utilité pour le diagnostic et
l'étude pathogénique des affections du rein. — MM. Tuf-
fier et Milian ont observé, chez une femme atteinte de
brûlures, une hémoglobinurie provenant de l'action
hémolysante de l’uriue. — MM. P. Nobécourt et G. De-
lamare ont reconnu, par l'examen cryoscopique des
urines, que la grossesse, à n'importe quelle période, ne
détermine aucun ralentissement de la circulation
rénale.
SOCIÉTÉ ROYALE DE LONDRES
1° SCIENCES PHYSIQUES.
J. Dewar : Le nadir de la température et les
problèmes qui s’y rattachent. — 1° Les propriétés
plysiques de l'hydrogène solide et liquide. Le point
d’ébullition de l'hydrogène, mesuré au thermomètre à
hélium, est de 20,5, et son point de fusion de 46°. La
chaleur latente d’ébullition de l'hydrogène est de 200
unités et sa chaleur latente de fusion de 16 unités. Sa
chaleur spécifique moyenne entre ses points de fusion
et d'ébullition est de 6. L'hydrogèue obéit à la loi de
Dulong et Petit et possède la plus grande chaleur spé-
cifique connue.
La tension superficielle de l'hydrogène à son point
d'ébullition est environ le 1/5 de celle de l'air liquide
dans les mêmes conditions; elle ne doit pas dépasser
le 1/35 de celle de l’eau à la température ordinaire.
Son indice de réfraction à l'état liquide est de 4,12; il
concorde avec celui prévu par la théorie.
2° Séparation d'hydrogène libre et d'autres gaz de
l'air. En liquéfiant l'air dans certaines conditions, qui
empêchent les gaz les plus volatils de se dissoudre dans
la partie liquéfiée, on obtient un résidu composé de :
I 32,5 °/,; Az 8 °/,; hélium, neon, etc., 60°. Après
élimination de l'hydrogène et de l'azote, le néon peut
être solidifié par refroidissement dans l'hydrogène
liquide, et il ne resteque les portions les plus volatiles.
On peut obtenir un autre constituant de l’air sans re-
courir à la liquéfaction de ce dernier. On aspire une
grande quantité d'air à travers un tube rempli de laine
de verre et immergé dans l'air liquide; si l'on réchauffe
ensuite Je tube, il se dégage un gaz qui s'était condensé
et qui est formé en majeure partie de xénon.
3° Thermométrie au moyen de résistances électri-
ques au point d'ébullition de l'hydrogène. Sept thermo“
mètres ont été étudiés : deux en platine, un en or, en
argent, en cuivre et en fer, un en alliage platine-rho=
dium. Le {thermomètre d'or donne le plus bas point d
fusion : 239,5 au lieu de 20°5 indiqué par le thermo
mètre à héliam. Les métaux présentent une diminutio
extraordinaire de leur résistance au point d’ébullitio
de l'hydrogène; elle n'est plus pour le cuivre que
1/105, pour l'or que 1/30, pour le platine que 1/35 à
1/17, pour l'argent que 1/24, pour le fer que 4/8 de
leur résistance dans la glace foudante. La loi reliant
la résistance électrique à la température entre ces
limites est inconnue, et aucun thermomètre à résis
tance ne peut être employé pour obtenir des tempéra=
tures exactes aux environs du point d'ébullition de
l'hydrogène.
4° Expériences sur la liquéfaction de l'hélium à
point d'ébullition de l'hydrogène. Les essais n'ont jus=
qu'à présent donné aucun résultat; l'hélium a été re-
froidi jusqu'à 9° ou 10° absolus sans apparence de
liquéfaction. Il est vrai qu'à cause de sa faible réfrac-
tivité, la formation de goutteleltes sera très difficile à
constater. Il est probable qu'on ne pourra liquélier
l'hélium, qui paraît avoir un point d'ébullition de 59
absolus, qu'en le soumettant au même processus qui à
réussi pour l'hydrogène : emploi de l'hydrogène liquide
bouillant sous pression réduite et récolte du liquide
produit dons des tubes à vide entourés d'hydrogène
liquide.
5° Phosphorescence et pyro-électricité des corps
aux basses températures. Le sulfure de zine, refroidi
à 21° absolus et exposé à la lumière, présente une bril="
lante phosphorescence lorsque la température remonte.
Le radium conserve sa luminosité à l'obscurité dans»
l'hydrogène liquide.
L'action photographique persiste, quoique diminuée.
Quelques cristaux placés dans l'hydrogène liquide
deviennent pour un temps très lumineux, par suite des
décharges électriques que le refroidissement produit
entre les molécules du cristal. L’air liquide étant très
isolant, ce fait montre que le potentiel électrique en-
gendré par le refroidissement doit être très élevé.
Quand le cristal refroidi est réchauffé, la luminosité et"
les décharges électriques persistent jusqu'à la tempé-
rature ordinaire. Un cristal de nitrate d'uranium est
tellement chargé que, quoique sa densité soit 2,8 par”
rapport à celle de l’air liquide, il ne tombe pas au fond,
s’attachant au bord du vase et exigeant une force me-
surable pour en être détaché.
Hertha Ayrton : Le mécanisme de l'arc électri-
que. — L'objet de ce mémoire est de montrer qu'en
appliquant les lois ordinaires de la résistance, du
réchauffement, du refroidissement et de la combus-
tion de l'arc, considéré comme une rupture dans un
circuit fournissant son propre conducteur par la volatili-
sation de sa malière propre, on peut expliquer tous les
phénomènes principaux qui se passent sans faire inter-
venir l'existence d’une grande force coutre-électro-
motrice, ou d’une résistance négative, ou de tout autre
attribut spécial.
XV. KR. Dunstan ef T. A. Henry : La nature et
l’origine du poison du Lotus arabicus. — Les auteurs
ont déjà donné un compte rendu préliminaire de ces
recherches ! et ont montré que la propriété vénéneuse
de ce fourrage égyptien est due à l’acide prussique qui
se forme pendant que la plante macère dans l’eau, au
moyen de l’action hydrolytique d'une enzyme, la lotase,…
sur un glucoside, la lotusine, laquelle est décomposée
en acide cyanhydrique, dextrose et lotoflavine, une
matière colorante jaune.
Les auteurs ont continué leurs recherches dans le
but de fixer les propriétés et la constitution chimique
de la lotoflavine et de la lotusine, et aussi d'étudier les
* Voyez à ce sujet la Revue du 30 octobre 1900, p. 1156.
ropriétés de la lotase en relation avec celles d'autres
enzymes hydrolytiques.
Lotusine. — La lotusine peut être séparée d'un ex-
frait alcoolique de la plante par un procédé ingénieux
qui donne un très petit rendement, environ 0,025 °/,
La lotusine est un glucoside cristallin jaune, plus so-
Juble dans l'alcool que dans l’eau. Quand on la chauffe,
elle se décompose graduellement sans montrer aucun
point fixe de fusion. Les combustions d’une substance
puriliée spécialement donnent des nombres d'accord
vec ceux déduits de la formule C**H**Az0#°,
Dans la notice préliminaire, la formule C*H‘Az0"
avait été provisoirement assignée à la lotusine, d'après
l'idée qu'une seule molécule de dextrose est formée
dans son hydrolyse. La formule donnée ci-dessus comme
ésultat d'une analyse ultime, est confirmée par l'ob-
Servation que deux molécules de dextrose sont produites
par l'hydrolyse acide, laquelle est donc représentée
par l'équation :
CH31Az016 + 2H°20 — 2 CH!°06 + HCAz + C!H!06
Lotusine. Dextrose. Acide Lotoflavine.
prussique.
Quand une solution de lotusine est chauffée avec de
l'acide chlorhydrique dilué, l'hydrolyse se produit de
suite. Le liquide acquiert une forte odeur d'acide
cyanhydrique el un précipité cristallin jaune de lotofla-
vine se dépose, tandis que la solution réduit fortement
Ja liqueur de Fehling. L'acide sulfurique dilué produit
seulement très lentement l'hydrolyse de lotusine.
Quand elle est chauffée avec des alcalis aqueux, la
» lotusine est graduellement décomposée; de l’ammo-
niaque se dégage et un acide se forme auquel on à
donné le nom d'acide lotusinique :
: C*#H#1016 E 21H20 — CH#0!8 + AzH°.
À
- L'acide lotusinique est un acide monobasique qui
- fournit des sels cristallins jaunes. Il est rapidement
. hydrolysé par des acides dilués en formant de la loto-
- flavine, du dextrose et de l'acide heptogluconique
- (acide dextrose-carboxylique) :
CESH0 + 2H20 — CIO + CeHO® + CHAOS
Acide Lotoflavine. Dextrose. Acide
lotusinique. heptogluconique.
à
à
| A l'exception de l'amygdaline, la lotusine est le seul
- glucoside entièrement connu qui fournisse de l'acide
| prussique comme produit de décomposition.
/ Lotollavine. — La lotoflavine est une matière cris-
talline colorante jaune, rapidement dissoute par l'alcool
4 ou par l'acide acétique glacial chaud, et aussi par les
alcalis aqueux qui forment des solutions jaune clair.
- Elle est toujours présente en quelque mesure dans les
plantes, spécialement dans les plantes vieilles. L'ana-
lyse ultime conduit à la formule C‘*H!0°, Elle est donc
isomérique avec la lutéoline, la matière colorante jaune
- du Æeseda luteoja, et avec la fisétine, matière colorante
| jaune du Zhus cotinus. La morine, du Morus tinctoria,
. parait être l'hydroxylotoflavine.
- La lotoflavine ne forme pas de composés avec les
acides minéraux. Elle fournit un dérivé tétracétylé et
deux éthers triméthyliques isomériques mutuellement
. convertibles, qui sont capables de former une seule et
» même acétyl-triméthyl-lotoflavine. Par l'action de la
potasse fondue, la lotoflavine est convertie en phloro-
. glucine et en acide £-résorcylique.
Dextrose. — On a trouvé que le sucre qui résulte de
l'hydrolyse possède toutes les propriétés du dextrose
. ordinaire.
… Acide eyanhydrique. — On a déterminé la quantité
d'acide prussique fourni par les plantes à différentes
époques de leur croissance, Des plantes mûres portant
. des gousses ont fourni 0,345 °/, de cet acide, calculé
sur une substance séchée à l'air, ce qui correspond
à 5,23 °/, de lotusine. De plus jeunes plantes ayant des
boutons donnent 0,25 ‘/,, tandis que des quantités
ACADÉMIES ET SOCIÉTÉS SAVANTES
939
encore plus petites sont fournies par de très jeunes
plantes, et presque rien par de vieilles plantes dont les
graines sont tombées.
La formation du poison paraît donc atteindre son
maximum à la période des graines, et, après celle
période, elle diminue rapidement. Les Arabes savent
que la plante est bonne à être employée comme four-
rage lorsque les graines sont tout à fait müres, mais
pas avant. Nous avons découvert que c'est la lotusine
qui disparait pendant que les graines mürissent. Les
vieilles plantes contiennent une certaine quantité de
lotase et de lotoflavine, mais peu ou point de lotusine.
Lotase. — Dans ses propriétés générales, la lotase
ressemble aux autres enzymes hydrolytiques, desquels
cependant elle diffère à plusieurs points de vue impor-
tants. Elle peut être comparée à l'émulsine, l'enzyme
des amandes amères. L'émulsine cependant n'attaque
la lotusine que très lentement, tandis que la lotase x
seulement une faible action sur l'amygdaline, le gluco-
side des amandes amères. La lotase est beaucoup plus
rapidement détériorée et privée de son pouvoir hydro-
lytique que l'émulsine. C'est pourquoi il est difficile de
l'isoler à l'état solide. Son pouvoir disparait rapide
ment, non seulement par la chaleur, mais il est aussi
rapidement détruit par le contact avec l'alcool ou la
glycérine. En outre de la lotase, la plante contient un
enzyme amylolytique et un enzyme protéolytique.
Constitution de la lotoflavine et de la lotusine. — En
considérant ces réactions et spécialement la production
par l’action des alcalis fondus d'un acide G-résorcy-
lique et de la phloroglucine, les auteurs concluent que
la lotoflavine est représentée par la formule suivante :
0 on
-
OR VEN ÿoH
NES
OH CO
qui est celle d’un composé appartenant à la même
classe (des phéno-y-pyrones phénylées) que ses iso-
mères, la lutéoline et la fisétine. La particularité mon-
trée par la lotoflavine, qui contient quatre groupes
hydroxyles mais fournit seulement un éther lrimé-
thylique, s'explique par le fait qu'un des groupes
hydroxyles est en position ortho par rapport à un
groupe carbonyle.
Les réactions de la lotusine sont le mieux repré-
sentées par la formule suivante :
0 .0H
A ne
CO CHE OA NL ou
el Fe
AZ V4
OH CO
qui est celle d’un éther lotoflavinique de maltose- .
cyanhydrine.
Cette formule explique d'une facon satisfaisante
l'hydrolyse partielle du glucoside par les alcalis, qui
donne l'acide lotusinique et l’ammoniaque, et la dé-
composition de la substance par les acides qui donnent
la lotoflavine et l'acide maltose-carboxylique, lequel
est immédiatement décomposé en dextrose et en acide
heptogluconique. Elle rend compte aussi de lhydro-
lyse de la lotusine, par les acides, en lotoflavine et
maltose, qui est ensuite changé en dextrose.
Pour localiser la position du groupe cyanogène dans
la lotusine, on à recherché si les différentes cyanhy-
drines de constitutions connues fournissent de l'acide
cyanhydrique quand on les traite par l'acide chlorhy-
drique dilué. On a trouvé que le nitrile mandélique, la
lévulose-cyanhydrine et le pentacétyl-glucenitrile,
dans lesquels le groupe cyanogène occupe une position
analogue à celle qu'on lui a assignée dans la, formule
suggérée pour la lotusine, sont, comme la lotusine,
aisément décomposés par l'acide chlorhydrique dilué
90
ACADÉMIES ET SOCIÉTÉS SAVANTES
en formant de l'acide prussique et l’aldéhyde ou Ja
cétone correspondante.
20 SCIENCES NATURELLES.
A. D. Waller : Essai de détermination de la
vitalité des graines par une méthode électrique. —
L'auteur rappelle la méthode qu'il a indiquée précédem-
ment pour reconnaitre l'existence de la vie. Appelons
« coup de feu » (blaze current) le signe galvanomé-
trique d'un changement soudain produit localement
dans la matière vivante; on appellera «coup de feu non
équivoque » le courant excité de mème direction que
le courant excitant; ce ne peut donc être un contre-
courant de polarisation. Or, d’après l'auteur, la pré-
sence d’un coup de feu non équivoque ou homodrome
est une preuve positive que l’objet examiné est en vie;
l'absence de cet effet est une forte présomption qu'il
soit mort où plutôt non vivant. Caril peut être dans cet
état paradoxal d’immobilité que l'on appelle vie latente,
et qui ne présente pas de coup de feu; puisqu'il est
capable de se réveiller, il n’est done pas mort. C’est
pourquoi l'auteur adopte la catégorie plus générale des
substances non vivantes. L'auteur formule donc la règle
suivante : Si les réponses produites par des courants
induits simples dans les deux sens sont de méme
direction que ces courants, l'objet examiné est en vie.
En pratique, parle fait que la plupart des objets exa-
minés ne sont pas physiologiquement homogènes, il y
a une direction favorable et une direction défavorable
à la réponse; c'est pourquoi il faut essayer le courant
dans les deux sens. Quand les objets sont à peu près
physiologiquement homogènes, il peut y avoir réponse
non équivoque dans les deux sens, mais il est rare
que les deux coups de feu soient égaux et opposés. Il y
a donc lieu de distinguer trois cas :
1° Les deux réponses à des excitations simples dans
les deux sens sont homodromes aux courants excitants;
l'objet est en vie;
2° Les deux réponses sont de même sens; l'objet est
en vie;
3° Les deux réponses sont dans la direction de pola-
risation ; l’objet est non-vivant.
La valeur électromotrice du coup de feu excède géné-
ralement de beaucoup celle d'un courant de polarisa-
tion ordinaire; pour des graines vigoureuses, elle peut
alteindre 0,1 volt, tandis que le courant de polarisation
arie de 0,0005 à 0,001 volt. Il ne peut y avoir d'hési-
lation que pour des graines très faibles qui donnent un
coup de feu de l’ordre du courant de polarisalion ; mais
celles-ci peuvent être pratiquement considérées comme
mortes, car elles ne germeut généralement pas.
La figure 1 donne la disposition d'une expérience
pour la détermination de la vitalité d’une graine par la
méthode électrique. Un haricot fraîchement écossé et
non brisé est placé latéralement entre deux électrodes
non polarisables À et B. 1° 11 donne un coup de feu
dans la direction négative en réponse à une excitation
induite négative. 2° La même graine, après qu'on a
coupé une tranche à sa surface inférieure B, donne des
coups de feu dans la direction négative en réponse à une
excitation positive (coup de feu équivoque) et à une
excitation négative (coup de feu non équivoque); c’est
le contraire qui se produit si la tranche a été coupée à
la surface supérieure A, 3° Une graine bouillie ne donne
aucune réponse, mais seulement de faibles contre-cou-
rants de polarisation.
Par sa méthode, M. Waller a étudié la détérioration
des graines avec l'âge et il l’a vérifiée par des essais
comparatifs de germination. Pour les vieilles graines, la
méthode à été modifiée comme suit : Les graines sè-
ches sont trempées dans l'eau pendant douze heures à
259, puis posées sur de la flanelle mouillée pendant un
jour; elles sont décortiquées, séparées en deux, et la
radicule détachée et placée entre les deux électrodes de
facon que l’apex touche l'électrode inférieure B. Le cou-
rant d'excitation était négatif. D'autre part, des essais
de germination ont été faits soit sur [a même graine,
soit sur des graines du même lot.
Le résultat général de nombreuses expériences est
une correspondance générale, quoique non complète,
entre la production de coups de feu et l’activité germi-M
nale. L'existence d’un courant de réponse est bien un
signe de vie, et sa grandeur peut en quelque sorte me-
surer la vitalité. Lorsque la vitalité est grande, les deux
épreuves sont toujours concordantes; ce n’est que
Jorsque la vitalité est très faible qu'il y a des chances
de discordance entre les deux épreuves. Les graines
Josiive
2017807
Do 624
Cmpénsateur
URUE
EX Ojet à
3 etamirer
Ævcitateur
Fig. 1. — Schéma d'une expérience pour déterminer la vila-
lité des graines par la méthode electrique. — L'appareil
se compose : 40 d'un compensateur pour balancer tout
courant accidentel dans le circuit et mesurer la f. 6. m.
de réaction, 2° d'une bobine d'induction pour produire
l'excitation; 30 de l'objet à examiner: 4° d'un galvano-
mètre. — En haut, on voit la disposition de la graine et
des électrodes À et B; les expressions « positive» et
« négative » signifient que l'excitation va respectivement
de B à À et de À à B.
fraîches et vigoureuses offrent un fort coup de feu
(0,05 volt ou plus) et germent rapidement. Des graines
plus vieilles et moins vigoureuses présentent uue ré-
ponse moins accusée (0,01 volt au moins) et une germi-
nation moins active. Enfin, les graines très vieilles,
incapables de germer même dans les conditions les
plus favorables, présentent une réponse de 0,001 volt
ou moins, ou nulle. ou encore un faible contre-couranf
de polarisalion de 0,0005 volt en moyenne.
ERRATUM
P. 887, 2° colonne :
1° ligne, au lieu de comparaison entre la self-
induction, lire : comparaison entre l'action de la
self-induction ;
9e ligne, au lieu de Hagberssel, lire : Hasselberg."
Le Directeur-Gérant : Louis OLIVIER.
Paris. — L. MARETHEUX, imprimeur, 1, rue Cassette.
À
à
Ë 12: ANNÉE
_
DIRECTEUR :
N° 21
15 NOVEMBRE 1901
Revue générale
Des Sciences
pures el appliquées
LOUIS OLIVIER, Docteur ès sciences.
Adresser tout ce qui concerne la rédaction à M. L. OLIVIER, 22, rue du Général-Foy, Paris. — La reproduction et la traduction des œuvres et des travaux
publiés dans la Revue sont complètement interdites en France et dans tous les pays étrangers, y compris la Suède, la Norvège et la Hollande.
$ 1. — Astronomie
- Un changement à longue période des ta-
“ches solaires. — Dans une récente séance de
la Société Royale de Londres, sir William Lockyer a
présenté une Note importante sur l'activité solaire
“pendant la période qui s'étend de 1833 à 1900. Ce sa-
“ant a principalement appelé l'attention sur la décou-
“erte qu'il vient de faire, dans la manifestation des
“taches solaires, d'une nouvelle variation périodique
dont la durée est d'environ trente-cinq ans.
—…. On sait depuis longtemps, et Rudolf Wolf, de Zurich,
fut le premier à le signaler, que si la longueur d’une
période de taches solaires est en moyenne de onze ans,
a longueur réelle de toute période peut différer de
cette valeur de plus ou moins deux ans. Un autre fait
lobservation consiste en ce que les époques des
maxima ne se présentent pas un nombre constant
d'années après le minimum précédent : Wolf a déter-
miné l'intervalle moyen comme étant égal à quatre ans
et demi. — Le minimum suit le maximum dans un
intervalle moyen de six ans et demi.
On a remarqué, de plus, que l'intensité de chaque
période, autrement dit la quantité totale de surface
tachée comprise entre un minimum et le minimum
suivant, n'est pas constante : Wolf croyait que ces
“quantités devaient révéler une certaine périodicité, et
“il supposa d'abord que la période était de 178 ans,
plus tard de 55,5 — ou un cycle embrassant cinq
hpériodes de onze ans.
Dans son travail actuel, sir William Lockyer s’est
“limité à l'intervalle de temps qui s'étend de 1833 à
“1900, intervalle pendant lequel on fit des observations
systématiques précises de la surface solaire ; et comme
“les chiffres relatifs de Wolf s'accordent bien avec les
faits d'observation de cette période, sir William Lockyer
“na pas hésité à les employer.
— Enfin les importants résultats magnétiques obtenus
par William Ellis ont servi de contrôle à tout le travail,
“pour montrer que les courbes relatives aux éléments
“magnétiques sont en complète harmonie avec celles
des taches solaires : toute variation déterminée des
“courbes des taches doit avoir sa contre-partie dans les
“courbes magnétiques.
? REVUE GÉNÉRALE DES SCIENCES, 1901.
CHRONIQUE ET CORRESPONDANCE
La discussion de ces soixante-huit années d'observa-
tions conduit à l’importante conclusion que: au-des-
sous de la période ordinaire d'environ onze ans des
taches, il existe un autre cycle de plus grande ampli-
tude, environ trente-cinq ans. Ge cycle modifie non
seulement le moment des maxima, relativement aux
minima précédents, mais produit encore des change-
ments dans toute la surface tachée, d'une période de
onze ans à une autre.
Du moment qu'il y a, en plus de la période undécen-
nale bien connue, un autre cycle embrassant environ
trente-cinq ans, indiqué par les changements dans les
époques des maxima aussi bien que par les variations
de surface des périodes undécennales consécutives des
taches et du magnétisme, il est naturel de supposer
que cette variation à longue période est l'effet d'un
cycle de perturbation dans l'atmosphère solaire elle-
même.
Si le cycle était assez intense, il produirait une
variation dans la circulation normale de l'atmosphère
terrestre, et il devrait être marqué dans les phéno-
mènes météorologiques.
Or, nous devons précisément à Ed. Brückner un
travail important sur les changements des climats :
l'auteur y traite les variations de la hauteur de l'eau
des mers intérieures, des lacs et des rivières; les varia-
tions dans la quantité de pluie tombée, la pression
barométrique et la température, dans le mouvement
des glaciers, dans la fréquence d’hivers froids, dans le
développement des vignes, etc. Brückner, comme
résultat de toutes ses recherches, a trouvé l’exis-
tence d'une variation périodique des climats sur
toute la Terre dont la période moyenne est d'environ
34,8 + 0,7 ans.
Brückuer était tellement convaincu des incontestables
modifications climatologiques qu'il avait déduites, et
tellement sûr que de telles variations ne sauraient être
causées que par une influence extérieure, qu'il avait
examiné les données de Wolf sur les taches solaires,
afin de voir s’il n’y avait aucune trace d’un cycle sem-
blable ; n’en trouvant pas, il osa affirmer qu'une varia-
tion analogue à celle qu'il cherchait devait exister dans
le Soleil, bien qu'elle puisse être indépendante des
taches. Il finit par conclure que les variations des cli-
21
° 942
CHRONIQUE ET CORRESPONDANCE
mats constituent le premier symptôme d'une variation
à longue période dans le Soleil, période que l’on décou-
vrirait plus tard.
Mises en regard de la période d'activité solaire indi-
quée par sir W. Lockyer, les conclusions de Brückner
sont d’un puissant intérêt, parce que, non seulement la
longueur de la période, mais aussi les époques critiques
de son cycle sont en parfaite harmonie avec les con-
clusions de sir William Lockyer.
Le professeur Ed. Richter a également trouvé un
cycle de trente-cinq ans dans une recherche détaillée
du mouvement des glaciers, et il attira l'attention sur
ce fait que les variations étaient, en général, d'accord
avec les modifications climatériques de Brückner
cependant la période glaciaire était accélérée pendant
les phases humides et fraîches.
Charles Egeson a trouvé, lui aussi, non seulement
une période séculaire de trente-trois à trente-quatre
ans dans la chute de la pluie, la production des orages
et la prédominance des vents d'ouest en avril pour
Sydney, mais encore que les époques des maxima de
ces deux derniers concordent avec celles du cycle de
trente-cinq ans déduit des taches.
Nous citerons encore rapidement à ce sujet les
recherches de Meldrum et Poey sur la correspondance
entre le maximum des cyclones et celui des taches
solaires, ainsi que les indications de Kæppen sur la
correspondance entre la température moyenne annuelle
et la variation des taches, etc... Sans doute, pour se
distinguer des prévisions aléatoires des fabricants
d’almanachs, les météorologistes ont écarté dès le
début d'une manière très violente l'idée de périodicité;
elle a encore des adversaires acharnés et, cependant,
la question entre véritablement dans une voie nouvelle,
scientifique, et du plus haut intérêt pour la transmis-
sion de la force à l’intérieur du système solaire.
Il ne paraît donc pas douteux que, pendant la pé-
riode 1833-1900, les phénomènes météorologiques, le
nombre des aurores et d'orages magnétiques, montrent
des variations d’une période voisine de trente-cinq ans
et dont les époques cadrent bien avec celles des varia-
tions des taches solaires. Comme nous entrons mainte-
nant dans une phase qui tend vers un nouveau maxi-
mum de taches — qui devrait correspondre comme
intensité et comme époque à celui de 1870,8 — il sera
intéressant d'observer si tous les phénomènes solaires,
météorologiques et magnétiques vont se répéter dans le
même ordre.
$S 2. — Mécanique expérimentale
Essai des métaux à la flexion par choc de
barreaux entaillés. — Une nouvelle méthode d’es-
sai des métaux, qui préoccupe vivement consommateurs
et producteurs de métaux, a été exposée tout récem-
ment devant la Société des Ingénieurs Civils par notre
collaborateur M. Charpy‘, dont on se rappelle les beaux
travaux sur la trempe des aciers. On sait que l’essai de
traction, si préconisé autrefois, ne renseigne pas sufli-
samment sur les propriétés mécaniques d’un métal, et
qu'en particulier il n'y a pas de corrélation entre la
résistance d'un métal aux efforts statiques, et sa résis-
tance aux efforts dynamiques. Aussi, pour le matériel
des chemins de fer, on pratique depuis longtemps l'essai
au choc en vue de la réception des essieux et des ban-
dages, mais cet essai se fait pour ainsi dire en grand
sur quelques spécimens que l’on prélève dans un lot et
qui sont sacrifiés. Lorsqu il ne s’agit pas d’une fabrica-
tion en série, l'essai de choc a lieu sur des barreaux
détachés de la pièce, et la rupture de ces éprouvettes,
d'une section généralement carrée, est obtenue sous
les chocs répétés d’un mouton tombant d’une hauteur
plus ou moins élevée. Le nombre des coups sert à
différencier les résistances, et on admettait jusqu'à
! Mémoire de la Socièté des Ingénieurs civils de France,
Bulletin de juin 1901.
ces derniers temps que deux barreaux supportant Je
même nombre de coups de mouton étaient identiques:
au point de vue de la fragilité. M. Charpy, reprenant
les essais de MM. André Le Chatelier, Auscher, Barba
Frémont et Le Blant, montre la nécessité qu'il y à
modifier l'essai précédent en préparant la ruptun
de la barrette par une entaille faite à l'outil. 25 ba
reaux d'acier doux, de qualité courante pour lamis
nés, classés par ordre de résistance croissante à a
traction depuis 34 kil. 8 jusqu’à 50 kil. 4, ont supporté
sans casser 15 coups d’un mouton de 18 kilos tombant
d'une hauteur de 2,75, et ont été ensuite pliés à bloc
sans criques notables. Ils devaient donc être après cela
considérés comme non fragiles, et sensiblement équiva
lents. On pratiqua sur des barreaux identiques, pri
dans les mêmes barres, une entaille d’une profondeut
égale à la moitié de l'épaisseur du barreau, et l’ordre
primitivement établi dans le classement des éprou
vettes fut totalement bouleversé. Certains métaux
parmi les plus doux, furent démontrés nettement infé
rieurs aux autres, et les nombres de coups de mouton
varièrent de 4 à 5. Le nouvel essai dénonce donc cer
tains métaux qui, recus avec les exigences des cahiers.
de charges actuels, auraient pu donner lieu en service
à de graves mécomptes.
M. Charpy a apporté au mode d'essai sur barreaux
entaillés une amélioration importante, qui va contri
buer à en généraliser très rapidement l'application
Les différents expérimentateurs avaient adopté jus
qu'ici des entailles de formes très variées. M. Le Chate
lier pratiquait un trait de scie de 1n" X 1m; M. Aus=
cher obtenait au moyen d’un burin une coupure trian=
ulaire équilatérale de 1 millimètre de côté; M. Barba
aisait d’abord une rainure avec un outil de raboteuses
et en terminait le fond au moyen d’un couteau d’acie
trempé, à angle vif, enfoncé à la presse. Dans d’autres!
essais, ce fond était constitué par un arrondi d’un rayon
ne dépassant pas deux dixièmes de millimètre. Tous!
ces types d’entailles pouvaient varier avec l’état de
l'outil employé, et le service plus ou moins prolongé de
cet outil. Le trait de scie a une section parfaitemenk
rectangulaire et à angles vifs avec une scie neuve, mais
qui s’arrondit au fur et à mesure que les dents de
l'outil s'émoussent. Les burins et autres instruments
tranchants ne restent pas à la longue identiques
eux-mêmes, et comme le résultat de l'essai est com
plètement modifié suivant que les entailles sont
fonds plus ou moins arrondis, la description de l'outil
adopté pour pratiquer l’entaille type ne suffit pa
pour définir celle-ci dans un cahier des charges:
M. Charpy a tourné la difficulté d'une facon très heu
reuse. Il s'attache à donner au fond de l'entaille un
rayon bien défini, et assez considérable pour que les
variations inévitables dans le travail n'aient qu'une
influence négligeable. Pour cela, il perce dans le bars
reau, à la moitié de sa hauteur, un trou cylindrique de
2 millimètres où # millimètres de rayon, aû moyen
d’une mèche hélicoïdale et d’un alésoir, estimant avec
raison que les stries ont moins d'influence lorsqu'elles
sont produiles par un outil travaillant perpendiculai
rement à la direction de l’entaille. Celle-ci est achevée
par un trait de scie entre le trou et l’une des faces d
barreau. C'est là un procédé simple à définir, et per
mettant de reproduire en tout temps des entailles
identiques. |
M. Charpy donne, en outre, la description du mouton
pendulaire que, d'après les idées de M. Russel, il a faib
construire aux usines de Saint-Jacques, à Montluçon“
pour l'essai au choc des barreaux entaillés. Le mouton
est formé par une plaque de métal découpée en forme
de c, de façon que son centre de gravité coïncide ave@
le couteau qui produit le choc. Cette pièce est suss
pendue à un portique en charpente, par l'intermédiaire
de tubes sans soudure disposés en triangle, et d’un axe
roulant sur billes. Le barreau à essayer est maintenu
au moyen de plaques et boulons sur deux supports
contre un massif métallique formant chabotte. La hau-
CHRONIQUE ET CORRESPONDANCE 943
teur à laquelle le pendule remonte après avoir rompu
“Je barreau est retranchée de celle à laquelle il a été
“lâché de l'autre côté, et la différence obtenue, mul-
“tipliée par le poids du mouton, mesure le travail
k absorbé par la rupture, après qu'on a tenu compte des
“pertes dues aux résistances passives et à la force vive
… imprimée aux fragments du barreau, pertes très faibles
met faciles à évaluer. On a donc un moyen simple et
pratique de classer au moyen de chiffres les résultats
“de l'essai, le degré de non-fragilité du métal ou, comme
Je propose M. Charpy, sa résilience, c’est-à-dire la
“résistance vive à la rupture dont est capable une tranche
“infiniment mince de ce métal. Le travail de rupture
ainsi défini est évalué d'autant plus exactement que la
“déformation se trouve limitée à ia section de rupture.
Aussi, à ce point de vue, l'essai de choc sur barreaux
“entaillés, qui localise la déformation, est certainement
“plus sensible que l'essai de traction ordinaire.
Les industriels sauront grand gré à M. Charpy d’avoir
“précisé et rendu pratique un nouveau mode d'essai
qui ne fera évidemment pas disparaître des cahiers des
charges les exigences sacro-saintes des essais de trac-
tion, mais qui placera ces derniers essais au second
rang, c'est-à-dire à leur vraie place.
Emile Demenge,
Ingénieur métallurgisle,
$ 3. — Chimie
- Synthèse complète de l'acide apocampho-
… rique (Camphopyrique). — M. Komppa à montré
autrefois ‘ que la condensation de l'éther oxalique avec
… le ff-diméthylglutarate d'éthyle donne naissance à
… un nouvel éther dicétonique, cyclique, selon l'équa-
- tion :
COOR
H.CH.CO0R CO — CII — COOR
+ ÿc(cH}—2R.0H+ | Decre}
11.CH.CO0R CO — CH — COOR
+
COOR
… Cet éther cyclique fond à 115-1169 (éther diméthyli-
- que); l’éther éthylique fond à 98e.
La réduction conduit aisément au dioxyacide :
k
j OH.CH — CH — COOH
N cn GE
ACL
| | OH.CH — CH — COOH
… Ce dioxyacide lui-même *, soumis à la réduction au
moyen de l'acide iodhydrique (D — 1,7) et du phosphore
- rouge, fournit un acide fusible à 203-209°, non saturé et
y répondant vraisemblablement à la formule (}) ou (ID) :
CH — C.COOH CH — CI — COOH
Nc CH Nctcree
D C< Gp | Dc(cH?)
CH = C.COONH CH — CH — COON
(1) (II)
Comme il n'est pas réduit par l'alcool amylique
et le sodium, c’est la formule (Il) qui a le plus de
chances d’être exacte. Enfin, le traitement de cet acide
- non saturé par l'acide bromhydrique en solution acé-
… tique fournit un acide hydrobromé (II) que l'acide
. acétique et la poudre de zinc convertissent en un
‘nouvel acide (IV) :
BrH.C— CH — COONH
#
CH? — CH — COOH
Dotca} Jeccr*”
HEC — CH — COOH CHE — CH — COOH
J (III) (IV)
Celui-ci fond à 1609-1700; il ne réduit point le per-
ns de potasse, el il est identique à l'acide
M. : Ber. Ch. Ges., t. XXXII, p. 1421.
2 Ber., t. XXXIV, p. 2472.
k
0
mésocamphopyrique de March et Gardner. Cet acide
mésocamphopyrique se scinde aisément en ses deux
composants, les acides cis et trans-apocamphorique
(camphopyrique), identiques aux acides provenant de
l'oxydation nitrique du camphène. f
L'auteur en conclut, en particulier, que cette synthèse
démontre l'exactitude de la formule de Bredt pour le
camphène et le camphre :
CHE = CH CH CH? —— CH —— CH?
Coms | Liens :
CHE — b CH Qu — L C0
Gus Gus
Camphène. Camphre.
Nous nous permettrons de faire remarquer que cette
conclusion n’est pas rigoureusement exacte. En effet,
si l'oxydation nitrique du camphène donne bien, entre
autres produits, l'acide carboxylapocamphorique (cam-
phoïque), l'oxydation manganique n’en fournit point
trace et donne d’autres composés de structure fort
différente, et tous les chimistes, ou du moins la grande
majorité des chimistes, sont d'accord pour rejeter cette
formule du camphène. ;
Quant à la relation qui lie le camphre au camphène,
personne pe la connaît, bien qu'il ait été émis sur ce
sujet bien des hypothèses.
Que la formule du camphre de Bredt soit exacte, cela
est à présent extrêmement probable, presque certain ;
mais le travail de M. Komppa, quoique fort intéres-
sant, ne peut le prouver.
$ 4. — Zoologie
Notes sur des Nautiles vivants. — Sous ce
titre ‘, M. Bashford Dean donne quelques détails sur les
mœurs du Nautile, ce dernier représentant du groupe
des Céphalopodes Tétrabranches, qui, pendant long-
temps, est resté un animal rare, dont on ignorait le
genre de vie. M. Dean a trouvé aux Philippines, dans le
bras de mer qui s'étend entre les îles de Negros et de
Cebu, des stations où les Nautiles sont capturés vivants
en grande abondance; la chair est mangée, mais est
peu estimée; les coquilles sont achetées surtout par
des Chinois, qui les exportent pour en faire des
boutons. Les pêcheurs de cette région pêchent le
poisson avec des nasses en bambou, qu'ils immergent
à de grandes profondeurs, de 100 à 200 mètres, peut-
être mème beaucoup plus; ces nasses sont amorcées
avec des poules entières, des viscères de chevreau ou
des chiens et des chats; les Nautiles sont attirés par
l'odeur, et entrent dans les nasses, où l’on en trouve par-
fois une vingtaine. L'animal est d’un blanc opaque, avec
une légère teinte ocracée sur le capuchon; il n'a pas
de chromatophores comme les Dibranches; il ne vit :
que peu de temps en aquarium, et reste volontiers
rétracté, le capuchon s’adaptant à l'ouverture de la
coquille à la manière d'un opercule.
$ 5. — Physiologie
Les relais des réflexes. — On sait que, dans les
phénomènes désignés parles physiologistes sous le nom
de phénomènes réflexes, une impression, produite à la
périphérie, engendre un ioflux nerveux qui, chemi-
nant dans un nerf, gagne les centres nerveux, pour
s'y réfléchir et venir à la périphérie, en suivant un
trajet nerveux, déterminer une réaction motrice ou
sécrétoire. On sait que l'influx nerveux centripète che-
mine au voisinage des centres dans les racines posté-
rieures des nerfs rachidiens (neurones de ganglions
spinaux), ou dans leurs équivalents bulbo-protubé-
! Notes on Living Nautilus, The American Naluralist,
vol. XXXV, 1901, p. 819.
944
CHRONIQUE ET CORRESPONDANCE
rautiels, et que l'influx nerveux centrifuge chemine, au
voisinage des centres, dans les racines antérieures des
nerfs rachidiens (neurones de cornes antérieures), ou
dans leurs équivalents bulbo-protubérantiels. Les études
récentes des anatomistes et des histologistes ont établi
que les terminaisons intramédullaires des neurones de
ganglions spinaux se ramifient dans la moelle, au voi-
sinage des ramifications terminales des prolongements
protoplasmiques des neurones des cornes antérieures,
du même côté ou du côté opposé, et aux divers niveaux
de la moelle. Par conséquent, on peut imaginer que
l’influx nerveux passe directement du neurone de gan-
glion spinal dans le neurone de corne antérieure, sans
traverser d'autres neurones interposés. Toutefois, l’exis-
tence, bien démontrée, de neurones anastomotiques
entre les divers étages de la moelle permet de supposer
que, dans certains cas tout au moins, de tels neurones
interposés peuvent prendre part à la constitution de
l'arc réflexe (ensemble des éléments conducteurs de
l’influx nerveux dans un phénomène réflexe déterminé).
Dans les Æléments de physiologie que M. Maurice
Arthus vientd'écrire, nousrelevons les passagessuivants,
au sujet du schéma qu’il convient d'adopter pour les
phénomènes réflexes :
« On a donné de ce phénomène réflexe un schéma
absolument faux, qu'il faut éliminer. On a imaginé que
l'arc réflexe le plus simple comprend au moins cinq
éléments : un organe périphérique d'impression, une
fibre nerveuse centripète, une cellule nerveuse, une
fibre nerveuse centrifuge, un organe périphérique de
réflexion. La cellule était dite centre réflexe, parce que
c'était à son niveau que l’influx nerveux se réfléchissait,
de centripète devenant centrifuge. Cette conception est
inacceptable, car jamais un corps de neurone n'est en
continuité à la fois avec une fibre d’une racine. posté-
rieure et une fibre d'une racine antérieure; d’ailleurs,
une fibre nerveuse, ne peut être considérée comme un
élément anatomique distinct du corps de neurone.
« Dans tout arc réflexe, il y a à considérer au moins
deux neurones : un neurone de ganglion spinal et un
neurone de corne antérieure. Donc, l'arc réflexe le plus
simple comprend au moins quatre éléments : un organe
périphérique d'impression et un organe périphérique
de réflexion, réunis par une chaîne de neurones, com-
prenant au moins deux neurones, mais pouvant en con-
tenir plus de deux. Dans le cas d’une chaîne à deux
neurones, on peut distinguer le premier neurone (ou
neurone sensitif), élément des ganglions spinaux, et le
second (ou dernier) neurone (ou neurone moteur), élé-
ment des cornes antérieures. Dans le cas d’une chaîne
à plus de deux neurones, on peut encore distinguer le
premier neurone, élément des ganglions spinaux, et le
deinier neurone, élément des cornes antérieures, faci-
lement accessibles à l’expérimentation…
« Où doit-on placer le centre réflexe, c’est-à-dire le
point où se fait la réflexion de l’influx nerveux? Si les
divers neurones de l'arc réflexe étaient anastomosés
entre eux de facon à constituer un tout anatomique,
pour ainsi dire indivisible, on pourrait conserver la
vieille conception ; et, faisant abstraction des cylindres-
axesextra-médullaires, considérer comme centre réflexe
l’ensemble des neurones entrant en activité, Mais il a
été élabli que les neurones ne sont pas en continuité
de substance, mais seulement en contiguité : done, l'arc
réflexe est formé d'éléments distincts ; d'autre part, on
n'a pas le droit de séparer les cylindres-axes des neu-
rones auxquels ils appartiennent. Ausei a-t-on pro-
posé ! de placer le centre réflexe entre les deux
neurones intéressés, dans la substance interposée,
puisque c'est à son niveau que l’influx nerveux passe
du premier neurone, centripète, dans le second neu-
rone, centrifuge. Toutefois, il nous déplait de consi-
dérer comme centre réflexe une région banale, un
terrain vague, compris entre les éléments actifs; ce
n'est pas là un centre, au sens généralement adopté
1 M. le Professeur Morat.
pour ce mot. Comme on a abandonné la vieille con-
ception du réflexe, il faut abandonner l'expression de
centre réflexe, et lui substituer une autre expression,
qui constitue une image plus exacte de la réalité : nous
proposons l'expression relai du réflexe. Cette substi=
tution est d'autant plus nécessaire que, dans le cas, au
moins possible, d’un arc réflexe à plus de deux neu-
rones, il est difficile de préciser la place du centre : sera
ce entre le 1% el le 2°, entre le 2° et le 3°, entre le n«
et le (2 + 1)°? Faudra-t-il donc admettre autant de
centres qu'il y a d'espaces interneuroniques? Ce ne
serait pas conforme au sens qu'on attribue généralement
à l'expression centre. Il faut donc, à l'expression de
centres réflexes, substituer l'expression de relais des
réflexes.
« En résumé, dans un réflexe, on peut considérer un
organe d'impression et un organe de réflexion, réunis.
par une chaîne de neurones; ces neurones présentant
entre eux des points de communication par contiguité,
non par continuité; ces points constituant ce que les
histologistes appellent les articulations de neurones, ce
que les physiologistes auront avantage à appeler les
relais des réflexes, » 5
$ 6. — Géographie et Colonisation
Le Congrès international de Sociologie
coloniale. — La multiplicité des Congrès tenus à
Paris pendant l'Exposition Universelle, la saison dans
laquelle ont eu lieu quelques-uns d’entre eux, n’ont
pas toujours permis aux intéressés de les suivre
avec toute l’assiduité désirable. Cependant, ces Congrès
ont parfois fourni une somme de travail considérable et
réuni des documents précieux. Aussi conviendra-t-ik
d'en reparler au fur et à mesure que paraïîtront leurs
comptes rendus.
Deux Congrès coloniaux se sont tenus en 1900 : l'un
se proposait pour but l'étude des progrès matériels,
l’autre avait pour objet la Sociologie coloniale. C'est de
ce dernier que nous nous proposons aujourd'hui d’en-
tretenir les lecteurs de la Revue.
Le mot de Sociologie coloniale est un peu vague, et
les études qu'il embrasse assez mal définies. S'il est.
relativement facile d'apporter une méthode scientifique
et de s’appuyer sur des faits précis dans l'examen des
moyens propres à assurer la mise en valeur des colonies,.
tels que le régime des chemins de fer, de la navigation
fluviale, celui des concessions, celui de la main-d’œu-"
vre, on risque davantage de s'égarer lorsqu'il s’agit de
l'organisation juridique, politique et sociale à donner
aux populations coloniales, par suite de l'ampleur
même du problème et des préoccupations d'ordres
divers qu'on apporte dans cette étude. Aussi, bon nom-
bre de coloniaux, connaissant l'esprit qui anime, em
France et en Angleterre notamment, certaines Sociétés
dites de protection des indigènes, plus généreuses que
prudentes, n’étaient-ils pas sans inquiétude et crai-
gnaient-ils de voir le Congrès verser dans la phraséo=
logie et l'utopie. Hàtons-nous de dire que, s’il a quel-
quefois côtoyé ces écueils, il les a néanmoins suffisam=
ment évités pour donner tort à ses détracteurs et pour
que son œuvre ait conservé, dans l’ensemble, une.
portée sérieuse et un caractère pratique. Le mérite en
revient à la Commission d'organisation, à l'éminenb
président du Congrès, M. Le Myre de Vilers, à sons
secrétaire général, M. Paul Leseur, professeur de Légis=
lation coloniale à l'Université de Paris. +
Les publications du Congrès, récemment parues;
occupent deux volumes ‘; le premier comprend les Rap-
ports qui ont servi de base aux discussions, le compte
rendu sténographique des séances, séances de sec=
tions ou séances plénières ; le tome second est consas
cré à la reproduction des Mémoires composés à l'occa=n
1 Exposition Universelle internationale de 1900. Congrès
international de Sociologie coloniale, teou à Paris du 6 au
A1 août 1901. 2 vol., in-80. Paris, Rousseau, 1901.
np?
D
CETTTTe
CHRONIQUE ET CORRESPONDANCE
V5
———— ——_—_—_— —…—…—…—…"…"…"…"—"—"…"…"…"…"…"—"…"—"…"…"…"…"…"…"—"—"”"—"—…"…"—"—"—"—"…"…"…"…—…—…—…——…—…..———————_—— —.——
sion du Congrès. Le thème général choisi était l'étude
des devoirs que l'expansion coloniale impose aux
Puissances colonisatrices, dans les colonies proprement
dites, à l'égard des populations indigènes. Trois sec-
tions devaient étudier respectivement la condition
politique et juridique des mdigènes, leur condition
matérielle et leur condition morale.
Deux systèmes sont en présence en ce qui concerne
Ja politique à suivre vis-à-vis des indigènes : ou bien les
laisser s'administrer eux-mêmes sous la tutelle euro-
péenne et n'intervenir que dans la mesure où cette
intervention est reconnue absolument indispensable ;
ou bien les assimiler aux habitants de la métropole en
leur imposant nos idées et nos lois, et ne les laisser
vivre de leur existence propre que dans la mesure où
il n’est pas possible de faire autrement. C’est au pre-
mier de ces systèmes, le seul raisonnable et le seul
qui ait jamais réussi en fait, que s'est finalement rallié
le Congrès ; c’est celui qu'ont préconisé les trois Rap-
ports les plus remarquables que le Congrès ait eu à
discuter, ceux de MM. Van Kol, Girault et de Saussure.
M. Van Kol, membre du Parlement hollandais, avait à
exposer dans quelle mesure et dans quelles conditions
il y avait lieu de maintenir les organismes adminis-
tratifs indigènes ; il a conclu avec beaucoup de force
que la politique coloniale devait tendre au maintien de
ces organismes.
« Nous ne pouvons, a-t-il dit, régler l'évolution à
à notre gré. Nos souhails sont impuissants, nos ordres
ridicules et nuisibles. Ce n’est pas à coups de décrets
qu'on change une organisation sociale, encore moins
par une armée de soldats et de fonctionnaires. Gouver-
ner directement ces peuplades des pays lointains et
inconnus, ces indigènes dont nous ne connaissons ni
les vœux ni les désirs, nous ne l’avons jamais su, nous
ne le saurons jamais ». fl faut gouverner les indigènes
avec et par leurs chefs. L'oubli de ce principe conduit
à des mécomptes, parfois même à des catastrophes.
« Citez-moi, dit M. Van Kol, un seul exemple, depuis
des siècles, d’un gouvernement européen qui ait
réussi, même eu apparence, à assimiler une colonie
qu'il à administrée, et je suis prêt à me déclarer
xaincu. Partout, au contraire, où l’on a gardé les admi-
nistrations indigènes, on a réussi. »
M. Arthur Girault, professeur à la Faculté de Droit
de Poitiers, s'est occupé, dans un Rapport très docu-
menté, de la condition des indigènes au point de vue
de la législation civile et criminelle et de la distribution
de la justice. « Les nations colonisatrices, a-t-il dit,
doivent respecter la double organisation de la famille
et de la propriété à laquelle les indigènes sont habi-
tués et attachés; ce n’est jamais impunément qu'on
entreprend de bouleverser cette organisation, Il faut
aussi en principe maintenir les juridictions indigènes
sauf en matière pénale, où le soin de rendre la jus-
tice doit être confié aux autorités européennes. La
séparation des autorités administrative et judiciaire,
qui apparaît aux Européens comme une base essen-
tielle des libertés publiques, n’est pas désirable aux
colonies, et y offre, au contraire, des inconvénients de
plus d'un genre; aux yeux de l'indigène, c'est une
chinoiserie pure, un émiettement incompréhensible du
pouvoir; il ne comprend pas que celui-là qui com-
mande ne puisse pas réprimer ».
Le Congrès, à une faible majorité, il est vrai, s'est
refusé à suivre sur ce dernier point M. Girault; à notre
avis, c'est le Congrès qui a eu tort.
M. de Saussure, auteur d’un intéressant ouvrage sur
la Psychologie de la colonisation française, à rédigé un
Rapport très philosophique sur la condition morale des
indigènes et les moyens auxquels il convient d'avoir
recours pour élever leur niveau. Il a condamné la doc-
trine de l'assimilation, qui pousse au prosélytisme de
la langue, de la morale et des institutions. L'éducation
est, pour M. de Saussure, l'art de développer et d'uti-
liser les facullés héréditaires en vue des fonctions
qu'elles auront à remplir dans le milieu auquel elles
sont destinées. « Quel que soit le milieu social, a-t-il
dit, quel que soit son degré d'évolution, au lieu de le
bouleverser, au lieu de chercher à le faire entrer artifi-
ciellement dans les cadres de notre civilisation, nous
devons chercher à le développer, à utiliser ce qui existe
et nous garder de détruire systématiquement ce que
nous ne pouvons remplacer etficacement. »
Le Rapport de M. de Saussure constituant, à certains
égards, un réquisitoire contre la politique coloniale de
la France, M. J. Chailley-Bert a très justement relevé
ce qu'il contenait d'excessif à ce sujet; il a montré
que la France a pu, en effet, être séduite autrefois par
l'idée d'assimilation, mais qu'elle s’est ressaisie depuis
lors, qu'elle n’a pas persévéré dans ses anciennes
méthodes, et qu'elle marche vers une colonisation ra-
tionnelle et scientifique, tenant compte du milieu et
desraces, sachant, par exemple, qu'on ne peut prétendre
par l’école transformer un peuple en une génération,
parce que, selon un mot célèbre, l'humanité se com-
pose de plus de morts que de vivants.
Nous avons insisté sur ces trois Rapports de MM. Van
Kol, A. Girault et de Saussure, qui nous ont paru les
plus importants. Il faut y joindre un Rapport de M. le
D: Georges Treille sur les moyens propres à assurer la
conservation des races indigènes et à préverir leur
dégénérescence physique; ici, tout le monde est d’ac-
cord sur les grandes lignes, notamment sur la lutte
contre l'alcoolisme, les mesures contre la lèpre et les
épidémies,
Il y aurait, au contraire, bien des réserves à faire sar
les conclusions de M. Alexander, qui proposait d'ac-
corder aux indigènes la liberté de réunion et la
liberté de la presse, conclusions que n'a, d’ailleurs, pas
ratifiées le Congrès, et sur celles de M. Nouet, qui a
demandé la suppression de la corvée sans trop indiquer
par quoi on la remplacerait.
Les mémoires et communications individuelles, qui
occupent le tome IT du Congrès, sont, si l'on en excepte
les documents communiqués par le Gouvernement por-
tugais sur la situation des indigènes de ses colonies,
sans grande importance, quelques-uns même tout à
fait dépourvus d'intérêt.
Le Congrès à décidé qu'il serait périodique ; la Com-
mission permanente qu'il a constituée devra seulement
prendre garde de borner sa tâche à préparer les tra-
vaux du prochain Congrès, ainsi qu'elle en a recu la
mission.
La véritable conclusion nous est fournie par l'un
des hommes qui ont le plus fait pour notre renais-
sance coloniale : « Concilier les intérêts des colons avec
les intérêts matériels des indigènes, a dit M. Chailley-
Bert, telle est la noble cause qui doit être le but de la
politique coloniale. » Le Congrès international de Socio
logie coloniale a très bien fait de s'occuper des indi-
gènes : il ne devra pas oublier cependant que la colo-
nisation suppose des colons. AS1B-40E
La Revue d’Asie. — Nous avons plaisir à annon-
cer l'apparition toute prochaine d’un recueil bimensuel
consacré aux questions d'Asie. La Revue d'Asie', —
c’est le titre de la nouvelle publication, — exposera,
selon les indications de l'actualité, les questions écono-
miques et politiques relatives aux pays asiatiques, spé
cialement celles où se trouvent engagés les intérêts
économiques ou politiques de notre pays.
La Revue d'Asie est dirigée par M. Maurice Gandolphe,
Le premier numéro, qui paraît aujourd'hui même,
contient un ärticle de M. Anatole Leroy-Beaulieu sur
l'Asie, des « Opinions », de M. Stéphen Pichon sur le
rôle politique de Liom Shun et des notes de M. Roger
Max sur les Beaux-Arts à la prochaine Exposition de
Hanoi.
7
1 Rédaction et administration, 1, rue de Grammont, Paris.
946
LES CARBURES
Dans la Métallurgie et la Céramique, l'industriel,
depuis des milliers d'années, a utilisé de hautes
températures pour obtenir des métaux, des verres
et des terres cuites. Ces températures élevées étaient
produites par la combustion du bois ou du charbon.
Plus tard, les savants et les curieux de nouveaux
phénomènes ont concentré la chaleur solaire au
moyen des miroirs et des verres ardents pour
réaliser quelques expériences intéressantes. Il y à
deux siècles, l'importance de l’action de la chaleur
dans les différentes réactions était si bien appréciée
qu'elle a servi de base à la théorie du phlogistique
de Sthal. Et, lorsque la Chimie s'est constituée à
l’état de science, les idées de Lavoisier sur la
combustion ont été le point de départ de cette
profonde transformation.
L'emploi du chalumeau à hydrogène el à oxy-
gène permit à Robert Hare ?, en 1802, d'obtenir des
températures plus élevées que celles des fours indus-
triels les plus puissants et de réaliser en petit
plusieurs expériences très curieuses, telles que la
fusion du platine et la volatilisalion de la silice. On
sait quelle heureuse application Deville et Debray
firent plus tard du chalumeau à hydrogène pour
l’élude de la métallurgie des métaux du platine*.
Mais la plus importante des découvertes réa-
lisées sur ce sujet, dans le siècle dernier, fut celle
de la dissociation faite par Henri Sainte-Claire
Deville *. Après un grand nombre d'études et de
recherches heureusement poursuivies sur ce sujet,
on comprit mieux l’action de la chaleur, et, dans un
certain nombre de cas simples, on put en établir
les lois.
Enfin, la question du chauffage des fours ordi-
naires, après de grandes discussions, à été fixée
comme pralique et comme théorie par les travaux
d'Ebelmen * et les belles recherches de Siemens ‘.
À chacune de ces étapes correspond un ensemble
z
! Cet article est la mise au point et le développement
d'une conférence non publiée donnée l'an dernier au Con-
grès international de Chimie.
? Rosert HARE : Memoir on the supply and application of
the Blow-pipe (1802). Phil. Mag., XIV, p. 238-245, 298-306.
Ann. de Chim., 1802, t. XLV, p. 113-138.
% H. SainTe-CLatREe Device et DEsraY : Du platine et des
métaux qui l'accompagnent. Ann. de Chim, et de Phys. (3),
t. LVI, p. 385-496.
% H. Sare-CLaiRE DEvILLE : De la dissociation ou décom-
position spontanée des corps sous l'influence de la chaleur
(1857). C. R., t. XLIII, p. 857.
* EseLmex : Recherches sur la production et l'emploi des
gaz combustibles dans les arts métallurgiques (1843). Ann.
des Mines, t. II, p. 207-263.
° Charles-William SIEMENS : On a regencrative gas fur-
nace, as applied to glass house, puddling, heating, etc. (1862).
Chemical News, t. VI, p. 19-20, 33-35.
H. MOISSAN — LES CARBURES MÉTALLIQUES
MÉTALLIQUES
de découvertes, soit que l'étude d'un certain
nombre de réactions fût poussée plus loin, soit que
de nouveaux composés vinssent enrichir la Science
et finalement l'Industrie.
Mais le chalumeau à oxygène et à hydrogène ne
permet d'atteindre qu'une température de 4.800°,
Le point de fusion du platine, mesuré par
M. Violle ‘, est de 1.775°. Il était utile d'étudier nos
réactions chimiques au delà de cette température
Déjà, différents chercheurs parmi les savants et
les industriels avaient tenté d'utiliser la tempé-
rature élevée de l’arc électrique, découvert il y a
bientôt un siècle par Humphry Davy. Mais ces
essais ne pouvaient être poursuivis avec succès
avant la mise au point de la machine dynamo-
électrique. La découverte de Gramme et le perfec-
tionnement continu des dynamos mettaient enfin
dans la main des chimistes une source puissante de
courant électrique qu'il était facile de transformer
en chaleur.
Par une coïncidence assez curieuse, notre Science
a pu, en quelques années, reculer les frontières
connues de la chaleur et du froid. Après les expé-
riences si importantes de M. Cailletet *, qui ont servi
de point de départ à ces nouvelles études, après les
recherches originales de Raoul Pictet, d'Ols-
zewski, .de Wroblewski, M. Dewar° a pu obtenir
l'hydrogène liquide à l’état statique et, par l’ébul-
lition de ce dernier, descendre à la température la
plus basse obtenue jusqu'ici, ceile de la solidifi-
cation de l'hydrogène — 252°,5, c'est-à-dire 2095 au-
dessus du 0 absolu. L'échelle maniable de nos tem-
pératures s’est donc considérablement agrandie.
Moins heureux que M. Dewar, nous n'avons pu,
dans la longue série d'expériences que nous avons
exécutées au moyen du four électrique, déterminer
d'une facon exacte à quelle limite extrême de tem-
péralure nous étions parvenu.
À la suite d'expériences délicates, M. Violle ‘ a
donné comme point de volatilisaiion du carbone là
température de 3.500°. Mais, ainsi que nous le
démontrerons plus loin, la température de l’are
granditavec l’intensité du courant, et la question de
la mesure de ces températures élevées exige de
nouvelles recherches. Pour fixer dès lors les con-
! Vrozce : Chaleur spécifique et chaleur de fusion du pla-
tine (1877). C. R., t. LXXXV, p. 543-546.
? Career : Sur la condensation des gaz réputés incoer-
cibles (1877). C. R., t. LXXXV, p. 1270-1271.
# Dewar : Sur la liquéfaction de l'hydrogène et de l'hélium
(1898). C. R., t. CXXNI, p. 1408.
“ Vioze : Sur l& température de l'arc électrique (1892).
C. R.,t. CXN, p- 1278 ett. CXIX, p. 949:
*
H. MOISSAN — LES CARBURES MÉTALLIQUES
947
ditions de nos essais, nous avons indiqué avec soin
le voltage et l'ampérage du courant et la durée de
“l'expérience. Le diamètre des électrodes et la capa-
“cité du four avaient été établis au préalable et
restaient constants.
Tout d'abord, nous avons reconnu qu'à la tem-
“pérature de notre four électrique, les oxydes métal-
“liques regardés jusqu'à présent comme irréduc-
- tibles sont facilement décomposés. De même, des
“réactions, qui étaient limitées aux plus hautes tem-
Maures de nos fourneaux ordinaires, sont deve-
nues totales. Un grand nombre de nos corps com-
posés ont été dissociés à ces températures élevées,
“ct, par contre, de nouvelles séries de combinaisons
“définies et cristallisées ont été obtenues. Nous
avons préparé ainsi des composés inconnus, pré-
sentant une grande stabilité, tels que les carbures,
les borures et les siliciures. La plupart de ces
“ nouveaux composés binaires peuvent aussi être
“ détruits en iout ou en partie si nous augmentons
- l'intensité du courant, c'est-à-dire la température.
- Quelques-uns de ces carbures nous présenteront |
une gamme bien nette de dissociation. Nous
retrouvons ainsi, aux environs de 3.000°, les mêmes
ois générales qui régissent la décomposition des
corps par la chaleur à des températures plus basses.
Lorsque nous avons voulu reproduire le dia-
mant’', nous avons bien vite reconeu que nos
recherches devaient s'étendre et embrasser l'étude
des différentes variétés de carbone”. Cette question,
ainsi généralisée, comprenait un chapitre intéres-
sant, qui était celui de la solubilité du carbone
dans les métaux en fusion. Et, comme un certain
nombre de ces métaux avaient un point de fusion
très élevé, nous avons entrepris des expériences
- au moyen du chalumeau à gaz oxygène et hydro-
gène.
Dans ces conditions, la fusion du métal en pré-
sence d’un excès de charbon se produit dans une
atmosphère riche en vapeur d'eau, c’est-à-dire
_oxydante. D'autre part, la combustion du charbon
et la vapeur de carbone fournissent un milieu
réducteur. De telle sorte que, si l’on n’atteint pas
une lempérature constante, il est impossible d’ob-
tenir un équilibre défini entre ces différentes
réactions.
De plus, on n'arrive pas, dans ces conditions, à
des réactions complètes, et les résultals sont varia-
bles d'une expérience à l’autre. C'est pour obvier
en partie à ces inconvénients que nous avons ima-
giné notre four électrique.
1 Morssax : Sur la préparation du carbone sous une forte
pression (1893). C. R., t. CXVI, p. 218.
? Morssan : Recherches sur les différentes variétés de
carbone. Ann de Chim. et de Phys. (1896), (1), t. VII,
p- 240-289; 289-306 : 466-559,
Avec cet appareil, nous opérons dans une atmo-
| sphère réductrice, et, si l'on utilise un courant
assez intense, on obtient très rapidement une
température constante, qui est celle de l’ébullition
de la chaux vive. Au contraire, si l’on place la
substance à étudier très près de l'arc, c'est-à-dire
du conducteur gazeux de vapeur de carbone qui
réunit les électrodes, la température s'élève avec
l'intensité du courant. Une réaction chimique va
nous le démontrer.
Avec un courant de 400 ampères sous 50 volts,
la réduction de l'acide titanique par le charbon
fournit un oxyde de couleur bleu indigo. Avec
300 ampères et 70 volts, on obtient une masse
fondue d’azoture jaune, tandis que la haute tempé-
rature d’un are de 1.200 ampères sous 70 volts
donne un carbure de titane exempt d'azote.
Avec un courant aussi intense, l’azoture de titane
ne peut plus se former; sa dissociation par la cha-
leur est complète et le carbure seul peut subsister.
Nous rencontrerons, en poursuivant cette élude,
d'autres exemples de combinaison, puis de décom-
position sous l'action d'un arc électrique de plus
en plus intense.
L — HisToRIQUE.
Jusqu'à ces dernières années, la chimie des car-
bures métalliques était très sommaire.
Nous devons rappeler tout d’abord que, en 1827,
Thénard' n'indique dans son Zrailé de Chimie,
comme composés du carbone et des métaux, que
les carbures de fer, qui, d’après lui, comprennent
surtout l'acier et le graphite. En 1826, Edmond
Davy avait signalé, dans la préparation du potas-
sium, sans qu'on y attachàt une grande impor-
tance, la formation d’un composé noir qui se
détruisait en présence de l’eau, en fournissant un
nouveau carbure d'hydrogène.
Nous arrivons maintenant aux recherches de
Hare*, Ce chimiste a chauffé, en 1839, sous l’action
d'un are fourni par la pile électrique, un mélange -
de sucre et de carbonate, d'oxyde ou de nitrate de
calcium. Il annonça avoir obtenu un carbure de
calcium, bon conducteur de l'électricité qui, frotté
sur le biscuit de porcelaine, prenait l'aspect de la
plombagine, et qui était inattaquable par l'acide
acétique et l'acide chlorhydrique. Ces propriétés
rapprochent plutôt le produit de Hare du graphite
que du carbure de calcium. Il n'en à pas donné
l'analyse.
Beaucoup plus el Cahours*
tard, Gerhardt
1 Tuénaro : Traité de chimie (1821).
2 Hare : Proceedings of the philosophical Sociely, 1839 et
l'Institut, du 10 septembre 1840, n° 350, p. 310.
# Gernaror et Canours : Recherches chimiques sur les
"948
signalèrent la formation d'un carbure d'argent
CAg, préparé sous forme d’une poudre noire amor-
phe par la calcination du cuminate d’argent.
En 1861, la question s'élargit au moment où
M. Berthelot publie son étude magistrale de l'acé-
tylène et des acétylures'. Ce savant découvre
l’acétylure de cuivre ; en le décomposant par l'acide
chlorhydrique, il obtient l'acétylène pur, et, en
chauffant dans ce gaz un métal alcalin, il prépare?
les composés métalliques carburés CHNa et C?Na’.
Cette dernière expérience est loujours accompa-
gnée d'une polymérisation partielle de l’acétylène,
etilse produit en même temps un dépôt noir de
charbon.
Peu de temps, après le début des recherches de
M. Berthelot, Wæœhler indiqua la première réaction
chimique pouvant produire du carbure de cal-
cium. En chauffant l’alliage de zinc et de cal-
cium préparé par Caron, dans une brasque de
charbon, il obtint une masse pulvérulente noire
renfermant un excès de charbon qui, au contact de
l’eau froide, dégageait un mélange de différents
gaz. Parmi ceux-ci, Wæhler a caractérisé qualila-
tivement l’acétylène. L'analyse complète du
mélange gazeux n’a pas été faite et le carbure de
calcium n’a pas été analysé.
MM. Troost et Hautefeuille * ont indiqué, de
leur côté, la préparation d'un carbure de manga-
nèse fondu CMn*, sans étudier longuement ses
propriétés et sans parler de sa décomposition par
l'eau.
Enfin, nous devons rappeler aussi le bel ensemble
de recherches publiées sur le rôle du carbone dans
les fontes et les aciers. À la suite d'un grand
nombre de travaux, parmi lesquels nous tenons à
citer ceux de Sir F. Abel, de Deering, de Muller,
d'Osmond et Wærth(1885), d'Arnolds et Read (1894),
de Mylius, Fœrster et Schweng (1896), qui est un
modèle de patientes recherches et d'habileté expé-
rimentale, ceux de Campbell (1896), de Juptner
(1896), on est arrivé à retirer de l'acier recuit ou
fondu un carbure cristallisé nettement défini, de
formule CFes.
II. — CARBURES MÉTALLIQUES.
Tel était l'historique de la question au moment
où nous avons commencé nos recherches. Tous les
huiles essentielles. Ann. de Chim. et de Phys. (1840) (3), t. I,
p- 16.
* BenrueLor : Synthèse de l’acétylène par la combinaison
directe du carbone avec l'hydrogène (1861). C. R., t. LIV,
p. 640 et 1042; et Recherches sur l'acétylène (1863). Ann.
de Chim. et de Phys. (3), t. LXVNII, p. 52.
* BerrueLor : Sur une nouvelle classe de radicaux métal-
liques composés (1866). Ann. de Chim. et de Phys. (4),
t. IX, p.385.
® Tnoosr et HAUTErEUILLE : Étude calorimétrique sur les
H. MOISSAN — LES CARBURES MÉTALLIQUES
chimistes, à cette époque, savaient que certains
oxydes étaient irréductibles par le charbon, et il
était logique de penser que, par une élévation plus
grande de température, la réaction deviendrait
possible, et que l’on préparerait ainsi certains
métaux. Il n’en est rien cependant, et nous allons
démontrer que les oxydes chauffés avec du charbon
à haute température ne fournissent le plus souvent
que le composé binaire du métal avec le carbone:
stable à la température à laquelle on opère.
Ces nouveaux composés, ces carburesmétalliques,
que l’on prépare et étudie facilement au laboratoire,
peuvent se diviser en deux grandes classes : La
première renferme les carbures non décomposables
par l’eau; ce sont les suivants :
Carbureïde fer: em: TR ER CFe®
—=%-Heichrome. MM IEEE C?Cr*
— TES LOUE VAS SU CCr*
—Hude MolyDAÈnE NRC CMo?
de TU SS ENC MENT CTu
— on tte VOTE AT à ACTU
— de vanadium . . . . . . . CVa
— JeATCOMUME CN ER RE CZr
—rhrdertitanc int. en ARE . CTi
La deuxième famille contient les carbures dé-
composables par l'eau froide, tels que vous les
voyez groupés dans ce tableau :
Carbure de thIUmMN. EF ETES C°Li?
—Waderpotassium M 0. C?K?
— de SOU CRC C?Na°
— MIE CALCIUM EU CCE
MIE SILODTIUMI Se NC C?Sr
JE DECYUULE- Ce C°Ba
—, Cie /CÉTIUR NE ee C?Ce
—de Janthane fee C?La
M delpres 0 MERE EN TE CéPr
—1\Wdenéodyme CCR CNd
—AMPTerSAMATIUDE EME C?Ssm
NV ECO EN ENS NE EN EMENUR CC»
— Mid ;deéthonium te ON C?Th
— 0 d'AluMINIUM 0e CAL!
"de SlUCINIUIN- -- Ce CGE
Hadermainsanese. MIE CMn°
Aura: Ne ce CAUr°
$ 1. — Carbures non décomposables par l’eau.
Parmi les carbures stables en présence de l’eau,
nous donnerons quelques détails sur les plus im-
portants.
1. Carbure de fer. — Le carbure de fer CFe’,
dont l'existence dans l'acier a été nettement établie
par de nombreux savants, peut se préparer avec
facilité au four électrique’. Nous avons déjà fait
remarquer que, en chauffant, dans notre four élec-
trique, du fer doux avec un excès de charbon de
sucre, la solubilité du carbone augmente nelte-
carbures, les siliciures et les borures de fer et de manga-
nèse (1816). Ann. de Chim. et de Phys., (5), €. IX, p. 6.
1 Motssan : Préparation du carbure de fer par union
directe du métal et du carbone (1897). C. /., t. CXXIV,
p. 716-722.
à
Ai
H. MOISSAN — LES CARBURES MÉTALLIQUES
ment avec la lempéralture, et, résultat inattendu,
lorsque le creuset de charbon esl très fortement
chauffé, la fonte devient visqueuse. Il est alors pos-
sible de retourner le creuset, sans rien laisser écou-
ler, mais quelques instants plus tard, grâce au
refroidissement, la fonte ne tarde pas à reprendre
£
M
Lu AITRES =
r
toute sa fluidité. Lorsque celte fonte se refroidit
lentement à l'air, elle ne renferme après l’expé-
rience que du graphite et 1 °/, de carbone combiné.
Il en est tout autrement si l’on refroidit avec rapi-
dité cette fonte dans l’eau. On réalise facilement
l'expérience à l’aide d’un creuset contenantenviron
300 grammes de fer chauffé au four électrique, en
présence d’un excès de charbon de sucre, avec un
courant de 1.200 ampères sous 60 volts. Après huit
minutes de marche, lorsque la distillation du fer
commence à se produire, on ouvre le four et le
creuset est plongé dans l’eau froide. Une violente
ébullition se fait aussitôt; il y a dissociation de l’eau
et dégagement d'hydrogène que l’on voit brûler
avec une flamme peu éclairante. Nous avons ici à
envisager deux phénomènes : ou bien la résistance
intérieure du culot métallique a été suffisante pour
permettre à la partie encore liquide d'augmenter de
pression en passant de l’état liquide à l’état solide,
et, dans ce cas, ilse produit du diamant. Ou bien, la
partie extérieure, qui est la première refroidie, s'est
craquelée, la fonte liquide intérieure est sortie par
les craquelures, il n'y a pas eu de pression et loute
la masseaprès refroidissement présente une cassure
nettement cristalline. Dans ce deuxième cas, le
culot estpresque entièrementformé decarbureCFe,
carbure très bien cristallisé que l’on sépare avec
facilité en traitant la masse par un acide étendu.
Les cristaux de carbure de fer sont très brillants,
mais très oxydables. Ils sont lavés rapidement à
l'alcool, puis à l’éther, et enfin séchés dans le vide.
Leur densité est de 7,07. Ils ne sont pas attaqués
par l'oxygène sec à la température ordinaire; mais,
réduits en poudre, ils prennent feu dans l'air
à + 150° et brûülent avec éclat dans l'oxygène à la
mème température. L'acide azotique monohydraté
ne les attaque pas. Chauffés en tube scellé avec de
l'eau pure ou saturée de chlorure de sodium à la
température de + 150°, ils ne produisent aucune
décomposition. Il n’y a pas formation de carbures
d'hydrogène liquides ou gazeux. Le carbure de fer
est relativement stable.
En résumé, cette nouvelle préparation du car-
bure de fer nous a semblé assez curieuse. Lorsque
l’on chauffe du fer pur et du charbon de sucre à la
haute lempérature du four électrique, puis qu'on
. laisse refroidir lentement le creuset, on ne trouve
dans le métal qu'une très petite quantité de car-
bone combiné, comme nous l'avons fait remarquer
précédemment. On obtient ainsi une fonte grise
solidifiable vers 1.150. Si le métal, à une tempéra-
ture de 1,300° à 1.400°, est coulé dans une lingotière,
il renferme, après refroidissement, du graphite et
une quantité plus grande de carbone combiné :
c'est la fonte blanche. Enfin, si l'on refroidit brus-
quement dans l'eau le fer saturé de carbone
à 3.000°, il se produit dans le métal une abondante
cristallisation et l’on peut en séparer un carbure
cristallisé et défini de formule CFe*, Ce carbure est
identique à celui de l'acier.
Tous ces faits peuvent s'expliquer simplement
en admettant que le carbure de fer peut se former
à une température très élevée, puis se décomposer
progressivement par une diminulion de tempé-
rature. On en retrouve une notable quantité dans
l'acier dont le point de fusion estélevé, un peu moins
dans la fonte blanche et très peu dans la fonte
grise. Dans toutes nos expériences, nous n'avons
envisagé que la formation .du carbure dans le
métal liquide.
2. Carbures de chrome. — Adressons - nous
maintenant à un autre métal, le chrome, que nous
pouvons préparer en grande quantité sous forme
de fonte au moyen du four électrique.
Le chrome, chauffé en présence de charbon, peut
donner naissance à deux carbures C'Crt et C°Cr° (").
Le premier se présente en aiguilles brillantes
mordorées, qui se rencontrent souvent à la surface
des lingots de fonte de chrome. Le deuxième est
formé de lamelles brillantes, qui se produisent
lorsque l’on chauffe le chrome en présence d'un
excès de charbon. Ces deux carbures, très stables,
à peu près iuattaquables par les acides, possèdent
une grande dureté. Nous ne nous arrêterons pas
aux propriétés de ces différents composés dont
l'étude chimique a été faite par nous d’une manière
aussi complète que possible, mais nous tenons
surtout à établir les relations qui les relient les
uns aux autres. Nous rappellerons que ces car-
bures peuvent être affinés au four électrique et
fournir un métal pur dont les propriélés sont
toute nouvelles, car il est très malléable, il peut se
limer avec facilité, prendre le poli du fer etne raye
mème pas le verre.
3. Carbure de molyhdène. — Le carbure de
molybdène CMo*, qui se prépare au four électrique
en chauffant le molybdène avec un excès de char-
bon, se présente en petits prismes allongés très
brillants, attaquables par l'acide nitrique.
4. Carbure de tungstène. — Le tungstène nous
a donné deux carbures métalliques. Le premier,
1 Morssan
: Nouvelles recherches sur le chrome (1894)
C. R, t. CXIX, p. 185-191.
950
H. MOISSAN — LES CARBURES MÉTALLIQUES
CTu nous l'avons obtenu au four électrique en
maintenant le tungstène liquide en présence d'un
excès de charbon‘. Le second a été préparé dans
notre laporatoire par M. Williams* en faisant
agir le carbone sur un mélange de fer et de tungs-
tène toujours au four électrique. Dans cette der-
nière préparation, on obtient des cristaux cubi-
ques, et ce carbure CTu peut se former parce
que l'addition du fer au tungstène abaisse le point
de fusion du métal. En résumé, le composé CTu se
produit à une température plus basse que le com-
posé CTu”. Et lorsqu'on chauffe fortement au four
électrique le carbure CTu, il donne le composé CTu*
en abandonnant du carbone.
>. Carbures doubles. — Nous devons rappeler
aussi que M. Williams * a obtenu le premier des car-
bures doubles tels que : CFe’. GMo°— CFe*. 3 CCr?,
etc., etc., dont quelques-uns ont été retrouvés par
MM. Carnot et Goutal dans les aciers et les ferro-
chromes, auxquels ils donnent des qualités spé-
ciales.
Dans cette série se trouvent les carbures de va-
nadium, de titane, de zirconium”, qui ont pour
formule générale CM, qui sont très bien cristallisés
el possèdent une stabilité remarquable. Ils se pré-
parent tous les trois au four électrique par union
directe des éléments et possèdent une propriété
physique importante : leur grande dureté.
$ 2. — Carbures décomposables par l’eau froide.
Les carbures de la deuxième classe, c'est-à-dire
ceux qui sont décomposables par l’eau froide, pré-
sentent aussi des propriétés curieuses.
1. Carbure de Lithium. — Nous avons pu pré-
parer le carbure de lithium CL par l’action du
carbone sur le carbonate de lithine au four élec-
triquef. Nous obtenons ainsi un corps transparent
parfaitement cristallisé, à réactions énergiques :
COSLi + 4 C— CLi + 3 CO.
On remarque tout de suite que sa préparation au
four électrique est plus délicate que celle des car-
4 Moissan : Recherches sur le tungstène (1896). C. AR.
t. CXXIII, p. 13.
= P. Wiccraws : Sur la préparation et les propriétés d'un
nouveau carbure de tungstène (1898). C. R.,t. CXXVI, p. 1722.
# P. Waccrams : Sur un carbone double de fer et de
tungstène ; et Sur la préparation, les propriétés des carbures
doubles de fer et de chrome, de fer et de molybdène (1898).
C. R., t. CXXNII, p. AOet p. 483.
4 Carxor et GouraL : Recherches sur l'état chimique des
divers éléments contenus dans les produits sidérurgiques.
Carbures doubles de fer et d'autres métaux (1899). C. R.,
t. CXXVIII, p. 207.
* Morssax : Le Four électrique (1897), p. 243, 250, 259,
5 Moissan Sur le carbure de lithium (1896). C. A.
t. CXXII, p. 362.
(
bures précédemment décrits. Quand on emploie une
quantité de carbonate de lithine suffisante et un i
arc électrique peu intense (400 volts sous 50 am-
pères), la préparation est assez facile; mais pour
peu que la température s'élève rapidement ou que»
l'expérience soit de trop longue durée, le carbure
obtenu est en partie décomposé et le rendement:
devient très faible.
Le carbure de lithium décompose l’eau froide en
donnant du gaz acétylène pur et de l'hydrate de
lithine. Un kilogramme de ce composé fournit
587 litres d’acétylène :
ŒLi + 2 H°0 — CH? + 2Li0H.
Ce carbure de lithium prend feu à la tempéra=m
ture ordinaire dans le gaz fluor. Si l'on examine
un appareil à fluor en marche, on peut voir qu'en
approchant un fragment de carbure du tube des
cuivre par lequel le fluor se dégage, il se produit
une incandescence très vive.
La même expérience peut également se repro-
duire avec le chlore. Si l'on prend un tube de verre
contenant une nacelle remplie de carbure de
lithium à la température du laboratoire, et que
l'on fasse arriver dans cet appareil un courant
rapide de chlore, tout de suite le carbure est porté
au rouge vif. La réaction est violente. |
_ Du reste, nous tenons à faire remarquer en pas-
sant que cette expérience est importante et ques
par l’action du chlore sur les carbures, nous pou-
vons préparer avec facilité les chlorures métalli=
ques. Cette réaction est générale. 1
Nous ajouterons que le carbure de lithium,
chauffé vers 300°, prend feu et brûle avec vivacité M
dans l'oxygène, dans la vapeur de soufre et de.
sélénium. C'est un réducteur d'une très grande
énergie.
2. Carbure de potassium. — Passons maintenant
à l'étude du carbure de potassium C°K°. M. Berthe=
lot en a indiqué l'existence. Il l’obtenait en chauf-
fant du potassium dans une cloche courbe remplie
de gaz acétylène. Nous avons pu préparer le mêmes
composé, en partant d’un corps cristallisé qui an
pour formule C°K?.C*H° et que l’on obtient par l'ac=m
tion de l’acétylène sur le potassammonium" :
3 C2H® + 2 AzH°K — C?K2CH° + 2 AzH° + CH*.
L'expérience peut se faire rapidement. Dans
une solution de potassammonium dans le gaz am-
moniac liquéfié, l'on amène un courant de gaz
acétylène pur à la température de — 40°. On voit
alors la couleur bleue disparaitre et il se dépose
en même temps un composé cristallin qui peul être M
1 Morssax : Action de l’acétylène sur les métaux ammo=
niums (1898). €. 2, t. CXXVII, p. 911. 4
H. MOISSAN — LES CARBURES MÉTALLIQUES
951
dissocié dans le vide à la température ordinaire.
Par suite de cette dissociation, il se dégage de
acétylène et il reste le carbure transparent C°K°.
a réaction précédente, qui se produit avec un
égagement régulier d’éthylène CH”, est un curieux
xemple d'hydrogénation de l'acétylène à la tem-
éralure de — 40°, sans formation de produits de
polymérisation.
Nous ajouterons que, par l’action sur les métaux
calins du gaz acétylène à froid, ou par l’action de
acétylène liquéfié avec ou sans pression, nous
avons obtenu les composés intermédiaires ou acé-
lènes sodés et potassés à l’état de pureté C°K°,C°
12 et C°Na°,C'H°. L'existence de ces composés avait
été déjà indiquée par M. Berthelot.
Par élévation de température, ces corps se dis-
ocient ; ils fournissent un dégagement d'acélylène
èt ils laissent comme résidu les carbures C°K° et
ENa’. Si l'on chauffe davantage, ces carbures sont
fomplètement décomposés en carbone et en métal.
Ces dernières expériences nous font comprendre
alcalins au four électrique.
3. Carbure de sodium. — Le même procédé de
préparation peut s'appliqueræu carbure de sodium
RE
lure sur un excès de gaz acétylène sec (Matignon,
1897 :).
4. Carbures alcalino-lerreux. — Nous arrivons
“maintenant aux carbures alcalino-terreux ?, Nous
“avons insisté précédemment sur les curieuses expé-
tiences de Wæhler*. En 1892, M. Maquenne', en
duisant le carbonate de baryte par le magnésium,
Lobtenu, mélangé à un excès de magnésie, un car-
bure de baryum impur qui, en présence de l’eau,
légageait de l'acélylène ne renfermant que 3 à
2°/, d'hydrogène. En 1893, M. Travers, en faisant
réagir le sodium sur un mélange de chlorure de
lcium et de charbon, avait obtenu une masse grise
contenant environ 16 °/, de carbure de calcium dé-
omposable par l'eau. Dès le début de nos recher-
ches au four électrique, en étudiant la fusion et la
olatilisation de la chaux, nous avions remarqué la
rmalion d'un carbure de calcium fusible à haute
Qui regarde l'industrie du carbure de calcium.
L : Préparation de l’acétylène par le carbure de
cium (1862). Annalen der Chemie und Pharma’,
CXXIV, p. 220.
# MAQUENNE : Sur une nouvelle préparation de l'a ylène
3). Ann. de Chim. et de Phys. (6), t. XXVIII, p. 257-270.
pourquoi nous n'avons pu obtenir les carbures
température. Voici ce que nous écrivions à ce su-
jet, le 12 décembre 1892, dans les Comptes rendus
de l'Académie des Sciences : « Si la température
atteint 3.000°, la matière même du four, la chaux
vive, fond et coule comme de l’eau. A cette tempé-
rature, le charbon réduit avec rapidité l’oxyde de
calcium, et le métal se dégage en abondance; il
s'unit avec facilité au charbon des électrodes, pour
former un carbure de calcium, liquide au rouge,
qu'il est facile de recueillir. »
Dans cette Note, nous indiquions doncnettement,
pour la première fois, la formation du carbure de
calcium au four électrique par l’action du charbon
sur l’oxyde de calcium. En 1894, nous complélions
cette étude, et nous publions les propriétés de ce
carbure de calcium cristallisé. Le produit ainsi
préparé avaitune apparence mordorée, une couleur
foncée et une densité de 2,2. Sa propriété carac-
léristique élait de se décomposer complètement,
en présence de l'eau froide, en produisant de
l'hydrale de chaux et un dégagement tumultueux
d'acétylène :
C?Ca + 2 H°0 — C°H° + Ca (OH).
Ce fut surtout cette réaction qui attira l'attention,
et, comme le gaz acétylène possède un pouvoir
éclairant très grand, cette préparation en quelques
années devint rapidement industrielle’. Cependant,
d'autres propriétés du carbure de calcium méritent
de fixer l'attention.
Dès nos premières recherches, nous avions
indiqué les propriétés réductrices du carbure de
calcium au moyen des expériences suivantes.
Nous placons du carbure de calcium au contact
d'acide chromique en fusion, et l'on voit tout de
suite se produire une ivcandescence très vive el
en même lemps de l'acide carbonique se dégager.
Si nous projetons maintenant un petit fragment
de carbure sur du chlorate de potassium en fusion,
le carbure est porté au rouge et la décomposition
se produit avec un grand dégagement de chaleur.
Voici un autre exemple. Nous avons disposé
dans un tube de verre un mélange en poudre
grossière de bioxyde de plomb et de carbure de
calcium. Nous chaufflons ce mélange. Aussitôt
la réduction se fait avec mise en liberlé de
! Cette industrie du carbure de calcium a pris, en peu de
temps, un grand développement en France. Jusqu'ici les
courants intenses produits par les chutes d'eau n'avaient
été utilisés que pour des électrolyses : préparation de l’alu-
minium et du chlorate de potassium. La fabrication du
carbure de calcium a appris aux industriels à manier la
haute température fournie par l'arc électrique et les a
préparés à poursuivre différentes applications de nos travaux,
telles que la préparation au four électrique du chrome, du
tungstène, des ferrochromes et des ferrosiliciums. Nous
sommes heureux de reconnaître que nos recherches scienti-
fiques ont ouvert la voie à une métallurgie nouvelle.
952
chaleur, car le tube de verre fond en quelques
instants.
Pour bien montrer que ces réactions peuvent
ètre très énergiques, broyons dans un mortier,
à la température ordinaire, un mélange de fluorure
de plomb et de carbure de calcium. Dès que le pilon
frotte sur les parois du mortier, la masse devient
incandescente et est projetée sur la table,
Nous ajouterons que celte réaction du carbure
de calcium sur un grand nombre d’oxydes nous a
fourni une nouvelle méthode de préparation des
carbures inattaquables par l’eau’.
Enfin, un autre point n'a pas tardé à fixer notre
attention. Si le carbure de lithium peut se préparer
au four électrique sous la forme d'un composé
absolument transparent, il n’y avait pas de raison
pour qu’il n’en fût pas de même pour le carbure
de calcium. Voici, en effet, un autre mode de pré-
paration de ce carbure, qui va nous donner un
composé cristallin et transparent?. Nous avons
dans un tube en U du calcium, ammonium à la
température de —40° et nous condensons à sa
surface un excès de gaz ammoniac. Puis, nous
faisons arriver, dans ce liquide bleu, un courant
d'acétylène pur et sec. On peut remarquer que
très rapidement la couleur bleue disparail ; il se
dépose aussitôt un corps cristallin incolore qui à
pour formule :
C2Ca, C?H°, 4 AzH.
Ce composé, par dissociation dans le vide à la
température de 100°, laisse une poudre blanche
qui a pour formule C'Ca. C'est le carbure de ceal-
cium pur et transparent.
Ce carbure de calcium transparent peut encore
être obtenu par union directe au rouge sombre du
noir de fumée avec le calcium cristallisé ?.
Nous avons préparé de même au four électrique
le carbure de strontium (Sr et le carbure de
baryum C?Ba. Ces carbures, que l’on peut obtenir
cristallisés, ont des propriétés identiques à celles
du carbure de calcium.
Nous avons parlé précédemment de la facile
décomposition par la chaleur des carbures alcalins.
Le phénomène est identique, bien qu'il se pro-
duise à une température plus élevée, pour les car-
bures alcalino-terreux *.
1 Morssan : Nouvelle méthode de préparation des car-
bures par l’action du carbure de calcium sur les oxydes (1897).
C. R., t. CXXV, p.839.
? Morssan : Action de l’acétylène sur les métaux ammo-
piums (1898). C. R., t. CXX VII, p. 911.
3 Moissan : Sur la couleur du carbure de calcium (1898).
C. R., t. CXXVII, p. 917; et Recherches sur le calcium et
ses composés (1899). Ann. de Chim. et de Phys. (1), t. XVIN,
p. 289.
* Morssan : Sur les conditions de formalion des carbures
alcalins, des carbures alcalino-terreux et du carbure de
magnésium (1898). C. R., t. CXXVI, p. 302.
H. MOISSAN — LES CARBURES MÉTALLIQUES
Voici, sur ce sujet, des expériences qui nous
paraissent concluantes : :
1° Lorsque nous avons préparé de petites quan:
tités de carbure de calcium avec des courants €
1.200 ampères sous 60 volts, il nous est arrivé,
l'expérience dure dix minutes, d'obtenir un résidu
formé de graphite pulvérulent ne contenant plus,
que des traces de carbure de calcium. Il n’y a pas
eu volalilisation du composé, car le carbone sous
forme de graphite en poudre est resté dans
creuset. Il est plus vraisemblable de penser que
l’on se trouve en présence d’une dissociation du
carbure, le calcium distillant avec facilité et le car
bone pulvérulent restant comme résidu.
2° Dans des expériences faites au moyen dt
tube froid de Deville et qui avaient pour but d’étu
dier la condensation de la vapeur de carbone, nous
n'avons jamais obtenu de condensation de carbure
de calcium. Si l’on chauffe, en effet, dans le fout
électrique, du carbure de calcium fondu, on n€
retrouve sur le tube de cuivre traversé par un cour
rant d’eau froide qui se trouve au milieu du fou
que de la poussière de graphite, de la chaux puk
vérulente et du calcium. Ce dernier, au contact d
l’eau, dégage de l'hydrogène dont la pureté a été
vérifiée par une analyse eudiométrique. !
5. Carbure d'aluminium. — Le carbure d'alumis
nium C'Al‘ se présente en belles lamelles hexago
nales transparentes, de couleur jaune, pouvanl
atteindre un centimètre de diamètre ‘. Ce nouveau
carbure ne décompose pas l’eau froide brusque
ment comme les carbures alcalins et alcalino:
et un gaz qui est du méthane pur. Nous avons and
lysé le gaz par combustion eudiométrique, nous
avons pris la densité, et, de plus, nous avons ét
tant d’un poids déterminé de ce carbure :
C'ALS + 12 H°0 — 3 CH: + 2[Al(OH)5].
Le carbure d'aluminium, comme les précédents
se prépare au four électrique par union directe
deux éléments. Par un procédé analogue, M. Lez
beau * a pu obtenir le carbure de glucinium, qu
lui aussi décompose l’eau froide en produisant de
l'hydrate de glucine et du méthane
CGE + 4H°0 — CH + 2GI(0H,
Les différents carbures définis et crislallisés que
nous avons passés en revue jusqu'ici ne fournissent
1 Moissan : Préparation du carbure d'aluminium cristal
lisé (1894). C. R., t. CXIX, p. 16.
2 Lengau : Sur le carbure de glucioium (1895). GC. Rs
t. CXXI, p. 496. 4
par leur décomposilion en présence de l’eau froide,
Qu'un seul carbure d'hydrogène, soit l'acétylène,
Soit le méthane. Nous allons nous trouver mainte-
nant en présence de réactions plus complexes.
6. Carbure de manganèse. — Le carbure de
manganèse CMn*° va être obtenu avec facilité et par
kilogrammes à la température du four électrique *.
Be carbure décompose l’eau froide lentement, et, si
lon recueille les gaz qui se produisent, on recon-
nait, ainsi que nous l'avons démontré en partant
d'un poids déterminé de ce composé, que la réac-
ion répond à l'équation suivante :
CMn* + 6 H°0 — CH‘ + H? + 3Mn(OH}.
Te 9
Nous recueillons dès lors un mélange à volumes
égaux d'hydrogène et de formène.
1. Carbure d'uranium. — Le métal uranium, que
nous avons pu préparer en grande quantité au four
électrique, et qui est devenu si cher aux physiciens,
“nous a donné’, en présence d’un excès de charbon,
un carbure de formule C‘Ur?, en prenant Ur — 240.
Ce carbure, dont on peut aisément faire une pré-
“paration, s obtient en chauffant au four électrique
500 grammes d'oxyde d'uranium et 60 grammes
de charbon.
… Le carbure d'uranium est difficile à fondre, et
“nous devons chauffer pendant dix minutes pour
“terminer la réaction. On remarquera que l'ampè-
“remètre placé à côté du four indique 1.000 am-
“pères, et le voltmètre 50 volts.
Nous ne nous arrêterons pas aux propriétés
curieuses de ce carbure d'uranium ; nous ne vou-
ons, pour le moment, que parler de son action
sur l’eau froide. Le carbure d'uranium crislallisé
décompose lentement l’eau froide, et l'on recueille
un mélange gazeux, complexe, ânélange renfer-
mant, tout à la fois, de l'acétylène, de l’éthylène,
du méthane et de l'hydrogène.
Si maintenant, après avoir fait l'analyse de ce
mélange, nous additionnons le carbone de la tota-
“lité de ces différents carbures d'hydrogène, nous
remarquons tout de suite qu'il nous manque envi-
ron les trois quarts du carbone du carbure d’ura-
nium. Eh bien! ce carbone, nous le retrouvons en
épuisant par l'éther l’eau au milieu de laquelle la
— décomposition s'est produite. Ce carbone qui nous
“ manquait est sous forme de carbures liquides et
… solides, et, si nous faisons une étude qualitative de
o carbures, nous voyons qu'ils contiennent des
composés salurés et non saturés.
> 4 Morssax : Sur le carbure de manganèse (1896). C. Æ.,
te CXXIT, p. 421.
. 2 Morssax : Etude du carbure d'uranium (1896). C, Z.,
À CXXIT, p. 214:
LS
4
Le
H. MOISSAN — LES CARBURES MÉTALLIQUES 953
La décomposition du carbure d'uranium par
l'eau froide est donc des plus complexes. Le car-
bone passe à l’état de carbures d'hydrogène gazeux,
liquides et solides, et nous verrons tout à l'heure
quel résultat nous pouvons en tirer au point de
vue de l'étude de certaines questions géologiques.
Nous ne voulons pas, dans cette rapide étude,
entrer dans le détail de toutes ces expériences.
Nous tenons néanmoins à rappeler qu'en utili-
sant cette méthode du four électrique nous avons
pu préparer un grand nombre de carbures cristal-
lisés et parfaitement définis.
8. Carbure de cérium. — Le carbure de cérium
C?Ce se présente en hexagones jaunes rougeûtres,
et il décompose lentement l'eau froide en déga-
geant un mélange d’acétylène, d'éthylène et de
méthane. Il donne aussi en même temps des car-
bures liquides saturés et non saturés *.
9. Carbure de lanthane. — De même, le carbure
de lanthane C?La nous fournira, en présence de
l’eau, de l'acétylène, de l'éthylène et du méthane,
et les quantités des différents carbures d'hydro-
gène ainsi obtenues seront voisines pour le lan-
thane etle cérium.
10. Carbure d'yltrium. — Le carbure d'yttrium
C°Y nous donnera loujours en présence de l’eau
froide les trois carbures fondamentaux et de l'H.
11. Carbure de néodyme et de praséodyme. —
Les deux carbures de néodyme et de praséodyme *
Ce et C‘Pr dégagent, dans les mêmes condi-
tions, les trois carbures fondamentaux sans hydro-
gène; il en est de même pour le carbure de sama-
rium* C'Sa; enfin, le carbure de thorium* C°Th
nous fournit tout à la fois de l'hydrogène, de l’acé-
Lylène, de l'éthylène et du méthane. Et il est à
remarquer que, parmi les carbures de la famille de
la cérite et de l’yttria, la production et la compo-
sition des différents carbures d'hydrogène formés
restent à peu près les mêmes pour des corps à pro-
priétés similaires.
En résumé, à la haute température du fourélec-
trique, un cerlain nombre de métaux, tels que l'or,
le bismuth, l'étain, ne dissolvent pas de carbone.
Le cuivre liquide n’en prend qu’une très petite
1 Morssax : Préparation et propriétés du carbure de
cérium (1896). C. R., t. CXXII, p. 351.
2 Morssax : Préparation et propriétés des carbures de
néodyme et de praséodyme (1900). C. R., t. CXXXI, p. 595.
3% Morssan : Etude du carbure de samarium (1900). C. Z.,
t. CXXXI, p. 924
4 Morssax et Eraro : Sur les carbures d’yttrium et de
thorium (1896). C. R., t. CXXII, p. 573.
954
quantité, suffisante déjà pour changer ses pro-
priétés et modifier sa malléabilité.
L'argent, à sa température d’ébullition, dissout
une pelite quantité de charbon, dont il abandonne
ensuite la plus grande partie, par refroidissement,
sous forme de graphite.
Cette fonte d'argent, obtenue à très haute tem-
pérature, présente une propriété curieuse : celle
d'augmenter de volume en passant de l’état liquide
à l’état solide. Ce phénomène est analogue à celui
que nous renconlrons avec le fer.
L'argent et le fer purs diminuent de volume en
passant de l’état liquide à l’état solide.Au contraire,
la fonte de fer et la fonte d'argent, dans les mêmes
corditions, augmentent de volume.
L'aluminium possède des propriétés identiques.
Les métaux du plaline, à leur température d’ébul-
lition, disolvent le carbone avec facilité et l’aban-
donnent sous forme de graphite avant leur solidifi-
cation. Ce graphite est foisonnant'.
Un grand nombre de métaux vont, au contraire,
à la température du four électrique, produire des
composés définis et cristallisés, les carbures mé-
talliques.
Nous avons pu préparer ces carbures par trois
méthodes différentes :
1° Par la réduction des oxydes par un excès de
charbon et par l’action directe du carbone sur les
métaux à la température du four électrique ;
2° Par la réaction du carbure de calcium sur
les oxydes et autres composés métalliques ;
3° Pour les métaux alcalins et alcalino-terreux,
par l’action de l’acétylène sur les ammoniums cor-
respondants, puis par dissociation de la combi-
naison ammoniacale ainsi obtenue.
IIT. — NOUVELLE THÉORIE DE LA FORMATION
DES PÉTROLES.
Un fait général se dégage des nombreuses re-
cherches que nous avons entreprises au four élec-
trique. Les composés qui se produisent à haute
température sont toujours de formule très simple,
et, le plus souvent, il n'existe qu’une seule combi-
naison.
La réaction qui nous a paru la plus curieuse dans
ces recherches est la production facile de carbures
d'hydrogène gazeux, liquides ou solides, par
l’action de l’eau froide sur certains de ces carbures
métalliques. Il nous à semblé que ces études pou-
vaient présenter quelque intérêt pour les géologues.
Les dégagements de méthane, plus ou moins pur,
qui se rencontrent dans certains terrains et qui
? Moissax : Préparation au four électrique de graphites
foisonnants (1895). C. Æ., t. CXX, p. 17.
H. MOISSAN — LES CARBURES MÉTALLIQUES
durent depuis des siècles, semblent bien avoir pour
origine l'action de l’eau sur le carbure d’alumi:
nium. Lu
Une réaction du même ordre peut expliquer la
formation des carbures liquides.
On sait que les théories relatives à la formation
des pétroles sont les suivantes : 1° production pat
la décomposition de matières organiques, animales
ou végétales; 2° formation des pélroles par réaction
purement chimique; théorie émise pour la première
fois par M. Berthelot, en 1866, et qui a fait
sujet d’une intéressante publication de M. Men
deleef; 3° production de pétroles par suite df
phénomènes volcaniques, hypothèse indiquée par
de Humboldt dès 1804. Enfin, nous devons ajouter
qu'en traitant par une solution d'acide chlorhy:
drique ou d'acide sulfurique des fontes et d
ferro-manganèses, Cloez, en 1874, a obtenu des
carbures d'hydrogène semblables à ceux que Pe
louze et Cahours avaient retirés des pélroles de
Pensylvanie. ;
En partant de 4 kilogrammes de carbure d'ura
nium, qui ont été décomposés par l'eau froide, nous
avons préparé, dans une seule expérience, plus de
100 grammes de carbures liquides. |
Le mélange ainsi obtenu est formé, en grande
partie, de carbures éthyléniques et, en petite quan?
tité, de carbures acétyléniques et de carbures
saturés. Ces carbures prennent naissance en pré”
sence d'une forte proportion de méthane et d'hy
drogène à la pression et à la température ordinaires
ce qui nous amène à penser que, quand la décom
position se fera à une température plus élevée, il
ne se produira que des carbures saturés analogues
aux pétroles.
M. Berthelot, en effet, a établi que la fixation die
recte de l'hydrogène sur un carbure non saturé
pouvait être produite par l'action seule de la cha®
leur.
L'existence de ces nouveaux carbures métalli=
ques, destructibles par l’eau, peut done modifier
les idées théoriques qui ont été données jusqu'ici
pour expliquer la formation des pétroles. l
Il est bien certain que nous devons nous mettre
en garde contre des généralisations trop hàtives.
Vraisemblablement, il existe des pétroles d'oris
gines différentes. À Autun, par exemple, les schistes.
bitumineux paraissent avoir été produits par la
décomposition de matières organiques.
Au contraire, dans la Limagne, l’asphalte im=
prègne toutes les fissures du calcaire d’eau douce
aquitanien, qui est bien pauvre en fossiles. Cet as=
phalte est en relation directe avec les filons de pé-=
périte (tufs basaltiques), par conséquent en rela="
lion évidente avec les éruptions volcaniques de la
Limagne.
H. MOISSAN — LES CARBURES MÉTALLIQUES
955
Un sondage récent, fait à Riom, à 1.200 mèires
» de profondeur, a produit l'écoulement de quelques
» litres de pétrole. La formation de ce carbure liquide
pourrait, dans ce terrain, être attribuée à l’action
- de l’eau sur les carbures métalliques.
Nous avons démontré, à propos du carbure de
calcium, dans quelles conditions ce composé peut
se brûler et donner de l'acide carbonique.
Il est vraisemblable que, dans les premières pé-
riodes géologiques de la Terre, la presque totalité
du carbone se trouvait sous forme de carbures mé-
talliques. Lorsque l’eau est intervenue dans les
réactions, les carbures mélalliques ont donné des
carbures d'hydrogène, et ces derniers, par oxyda-
tion, de l'acide carbonique.
* On pourrait peut-être trouver un exemple de
cette réaction dans les environs de Saint-Nectaire.
Les granits, qui forment en cet endroit la bordure
du bassin tertiaire, laissent échapper, d’une façon
continue et en grande quantité, du gaz acide car-
bonique.
Nous estimons aussi que certains phénomènes
volcaniques pourraient être attribués à l’action de
l'eau sur des carbures métalliques facilement dé-
composables.
Tous les géologues savent que la dernière mani-
festation d'un centre volcanique consiste dans des
émanations carburées très variées, allant de l’as-
phalte et du pétrole au terme ultime de toute oxy-
dation : à l’acide carbonique.
Un mouvement du sol, mettant en présence l’eau
et les carbures métalliques, peut produire un dé-
gagement violent de masses gazeuses. En même
temps que la température s'élève, les phénomènes
de polymérisation des carbures interviennent pour
fournir toute une série de produits complexes.
Les composés hydrogénés du carbone peuvent
donc se produire tout d'abord. Les phénomènes
d'oxydation apparaissent ensuite et viennent com-
pliquer les réactions. En certains endroits, une fis-
sure volcanique peut agir comme une puissante
cheminée d'appel. On sait que la nature des gaz
recueillis dans les fumerolles varie suivant que
l'appareil volcanique est immergé dans l'océan, ou
baigné par l'air atmosphérique. À Santorin, par
exemple, M. Fouqué a recueilli de l'hydrogène
libre dans les bouches volcaniques immergées,
tandis qu'il n'a rencontré que de la vapeur d’eau
dans les fissures aériennes.
L'existence de ces carbures métalliques, si faciles
à préparer aux hautes températures, et qui, vrai-
semblablement, doivent se rencontrer dans les
masses profondes du globe, permettrait donc d'ex-
pliquer, dans quelques cas, la formation des car-
bures d'hydrogène gazeux, liquides ou solides, et
pourrait être la cause de certaines éruptions
volcaniques.
IV. — ConcLusIons.
Nous ajouterons que le carbone de tous nos com-
posés organiques actuels a dû se trouver originai-
rement combiné aux métaux, sous forme de car-
bures métalliques. Il est vraisemblable, pour nous,
que ce sont ces composés qui peuvent subsister
dans les astres à température élevée. Nous ajoute-
rons que, pour cette même période, l'azote devait
se rencontrer sous forme d'azotures métalliques,
tandis que, vraisemblablement, l'hydrogène exis-
tait en grande quantité à l’état de liberté, dans un
milieu gazeux complexe, renfermant peu de car-
bures d'hydrogène. Le four électrique semble bien
réaliser les conditions de cette époque géologique
reculée.
Enfin, nous pouvons tirer un autre enseignement
de ces recherches. Nous avons démontré avec quelle
facilité la plupart de ces carbures pouvaient se for-
mer en grande quantité, à la haute température du
four électrique.
On remarquera, en outre, que certains décom-
posaient l'eau à la température ordinaire pour
produire les carbures d'hydrogène fondamentaux,
l'acétylène, le formène et l’éthylène, puis des car-
bures liquides saturés et non saturés, des carbures
solides, en un mot des produits complexes de po-
lymérisation.
Ces dernières réactions sont d'autant plus inté-
ressantes qu'elles se font toutes à froid, et nous
savons que les carbures d'hydrogène ainsi formés
sont les points de départ de toute la Chimie orga-
nique. |
Aucune étude n'établit aussi nettement l’étroite
liaison qui réunit la Chimie minérale à la Chimie
organique, aucun exemple ne démontre mieux
l'unité de la Science chimique.
H. Moissan,
de l'Institut.
Professeur de Chimie à la Sorbonne.
956
M. BUCQUOY — LA PESTE À BORD DU ‘: SÉNÉGAL ”
LA PESTE À BORD DU ‘ SÉNÉGAL”
UNE QUARANTAINE AU FRIOUL
ECTURE A L'ACADÉMIE DE MÉDECINE
Je crois répondre au désir de l'Académie en
venant apporter à celte tribune la relation de l’épi-
démie de peste qui s’est déclarée récemment à bord
du Sénégal et nous a obligés, un certain nombre de
nos confrères et moi, de subir une quarantaine au
lazaret du Frioul.
L'Académie se rappelle l'intéressante communi-
cation qui lui a été faite, au mois de mars dernier,
par notre collègue M. Proust, au sujet de la peste.
Il nous a montré comment cette maladie, qui règne
à Bombay depuis 1896, a, par le fait des communi-
cations par la navigation à vapeur, disséminé des
foyers dans les cinq parties du monde, et devient
par là un danger redoutable pour l'Europe. Ce
danger est plus grand et menace plus directement
la France depuis que le fléau atteint, comme c’est
actuellement le cas, des ports de la Médilerranée
avec lesquels notre pays est en relations conti-
nuelles.
Mais M. Proust a eu grandement raison quand il
a ajouté que ce danger pouvait être conjuré grâce
à l'application rigoureuse des mesures sanitaires
édiclées par les règlements, et qu'il y avait lieu
d'espérer que la peste serait facilement éteinte sur
place, dès qu'on s'opposerait à la formation de
foyers (Séances du 19 et du 26 mars 1901).
Mais les règlements, si bons qu'ils soient, n'ont
de valeur et d'efficacité que par la manière dont ils
sont appliqués. Or, une assez fâcheuse expérience,
à laquelle la Presse a donné un cerlain retentis-
sement, nous a mis en mesure d'apprécier comment
les services sanitaires sont armés pour parer aux
dangers d'une invasion de la maladie, et comment
sont appliquées les mesures préservatrices pres-
crites en pareil cas.
Le récit des faits dont nous avons été témoins, je
pourrais dire les victimes, permettra à l’Académie
de se rendre compte des lacunes regrettables que
j'aurai à lui signaler.
Tout le monde connait ici, au moins de réputa-
tion, les croisières organisées par M. Olivier, direc-
teur de la Revue générale des Sciences, avec un
zèle au-dessus de tout éloge, et grâce auxquelles
on peut utiliser ses vacances en faisant des voyages
aussi.instruclifs que récréatifs.
Ceite année, le programme élait des plus at-
trayants. Il comprenait Rhodes, Chypre, le Liban,
la Galilée, Jérusalem, avec retour par Candie et
l'ile de Malte. Aussi les adhérents furent nombreux,
et plus nombreux que d'habitude. Gent soixante-
quatorze passagers s'embarquaient lesamedi 14 sep-
tembre, à Marseille, sur le Sénégal, paquebot des
Messageries Maritimes que M. Olivier nolise habi=
tuellement pour ses voyages”.
Nouspartions souslesauspicesles plus favorables
Un certain nombre de passagers retrouvaient sur.
le Sénégal des compagnons des croisières précé-
dentes. On peut dire que la société était choisie.
Nous comptions parmi les membres de la croisière
un ancien ministre, M. Raymond Poincaré: un
membre de l'Institut, M. E. Picard; M. Diehl, pro-
fesseur à la Sorbonne, directeur scientifique de la
croisière ; des magistrats et des avocats distingués;
le peintre Clairin; plusieurs ecclésiastiques, et, chose »
intéressante dans les circonstances qui allaient se
produire, dix-septmédecins : avec moi, le D'Chauf-
fard et le D' Richardière, médecins des Hôpitaux;
le D' Demons, professeur de Clinique chirurgicale à
Bordeaux ; le D' Aubert, ancien chirurgien de l'Anti-
quaille de Lyon; M. Bernheim {de Nancy) ; un méde-
cin connu de La Haye, le D' de Zwaan; plusieurs
confrères de Paris et de la province, auxquels leur
nom etleursitualion donnaientune grande autorité.
J'ajoute que, presque tous, nous étions accompagnés
de nos familles, femmes et enfants.
Le dimanche 15, relâche à Ajaccio et départ le
soir, à 4 heures, pour l'ile de Rhodes, où nous
devions débarquer le jeudi matin.
Dans la matinée du lundi 16, surlendemain de
notre départ, par une mer calme, alors que tous
étaient tranquilles et tout à la joie d’une traversée
qui s'annoncait heureuse et des salisfactions qu'on
se promettait dans ce beau voyage, le D'Piotrowski,
médecin du bord, vint prier le D' Chauffard de voir
avec lui un homme de l'équipage qui lui donnait
quelque préoccupation.
C'était le second maître d'équipage, qui, depuis
deux jours, élait souffrant. La veille, on lui avait
trouvé des signes d'embarras gastrique et prescrit
ee RE RM €
1 En fait, la Zevue générale des Sciences ne loue pas le
bateau; elle entreprend la croisière avec le concours de la
Compagnie de navigation pour la partie maritime du
voyage. ND:ar ee
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{
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;
J
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une purgation ; mais, ce matin-là, le D° Piotrowski
mGonstatait qu'il avait une fièvre assez vive et, de
“dans l'aine gauche.
Cet homme, qui appartenait depuis longtemps
à l'équipage du Sénégal, était âgé de trente à trente-
trois ans et de constitution extrêmement robuste.
11 n'était pas couché, se sentait à peine malade et
demeurait jusque-là mêlé au reste de l'équipage.
- Cette adénite, qui ne reconnaissait pas de cause
raumatique, ni spécifique, et que le malade attri-
buait aux faligues qu'il avait subies avant le départ
du Sénégal, s'accompagnant d'une fièvre aussi
intense, parut aussi suspecte au D’ Chauffard qu'au
médecin du bord, et mon avis, qu'ils voulurent
bien me demander, fut absolument conforme au
leur.
La chose était assez sérieuse pour que nous dési-
rions d'autres lumières, et nous priàmes le D' De-
ons, de Bordeaux, de s'adjoindre à nous et de
faire l'examen chirurgical. Pas plus que nous, après
les plus minulieuses exploralions, M. Demons ne
- Le cas élait donc suspect, à supposer que ce ne
fûL pas un cas de peste confirmée. Dans ces condi-
tions, que fallait-il faire? Quel parti prendre au point
“de vue du voyage que nous commencions ?
- D'abord, pour le malade, pratiquer son isolement
“immédiat et faire, si possible, une injection desérum
antipesteux. Mais du sérum antipesteux, il n'y en
avait pas à bord, quoique le Sénégal fit le service
d'Alexandrie, port infecté, où la peste avait subi de
la recrudescence à la fin d'août, et où le bateau y
avait séjourné les deux jours réglementaires !
On m'avait signalé pour celle époque, à Alexan-
drie, onze cas de peste, dont six morts; rien
Pour la seconde question, fallait-il, en attendant
la confirmation ou l'infirmation du diagnostic pré-
sumé, continuer le voyage, ou,!dès ce moment,
retourner en arrière? La solution de la question
nous fut donnée par le Commandant et le médecin
du bord, qui nous rapportèrent des faits très pro-
bants ne laissant pas de doute que, ayant à bord un
malade atteint d'adénite, quelle que fût sa nature,
ous les ports de la Turquie nous seraient fermés.
Nous nous exposions donc à une navigation pro-
longée, désormais sans objet, et finalement à une
quarantaine probable, dans un lazaret turc, et dans
uelles conditions !
. Le plus sage était donc de regagner au plus tôt
n port français pour débarquer le malade, avec la
possibilité, si nos craintes n'étaient pas justifiées,
de repartir de là avec patenie nette et de recom-
mencer le voyage. Marseille était tout indiquée.
REVUE GÉNÉRALE DES SCIENCES, 1901,
M. BUCQUOY — LA PESTE A BORD DU ‘: SÉNÉGAL ” 957
C'est l'avis que nous avions émis, et en cela nous
étions d'accord avec le Commandant du Sénégal.
Mais nous avions à compter avec nos familles et
les passagers qui ne soupconnaient rien de ce qui
se passait. Avant de prendre une décision aussi
grave, nous crûmes devoir en référer à nos con-
frères, qui, convoqués par nous, sur l'exposé des
faits, furent unanimes à conclure au retour im-
médiat à Marseille.
IT
Je dois dire, à la louange de tous les passagers
du Sénégal, que ni la contrariété de voir manquer
un voyage très désiré, ni, surtout, l’idée d’avoir la
peste à bord, n’eurent sur leur moral l'influence
fâcheuse qu'on aurait pu redouter, Tout le monde
comprit qu'on se trouvait en présence d’une fatalité
qu'il fallait subir, que le mieux était de sortir le plus
tôt possible de ce mauvais pas sans s’exposer à de
fâcheuses éventualités.
Le Sénégal, qui arrivait aux iles Lipari, retourna
en arrière. Le soir, une conférence intéressante,
faite par M. Diehl sur les pays que nous ne devion
plus voir, occupa les esprits, et le lendemain
mardi 17, nous repassions au détroit de Bonifacio,
d'où le Commandant du Sénégal put avertir la direc-
tion des Messageries Maritimes que nous avions à
bord un cas suspect de peste et que le bateau reve-
nait à Marseille.
Notre arrivée à Marseille, ou plutôt au Frioul, fut
retardée par un brouillard épais dans la matinée
du mercredi 18. Nous étions attendus par le Service
sanitaire à à heures du matin; il était 11 heures
quand nous arrivaämes.
Vers L heure, visite du D' Jacques, chargé de la
visite des passagers, de l'examen du malade, et de
recueillir, pour l'examen bactériologique, du liquide
bubonique. Déjà, dans les quarante-huit heures qui
ont précédé, le Commandant du Sénégal avait pro-
cédé à la désinfection des locaux occupés par
l'équipage. Ceux-ci et les hommes eux-mêmes
avaient été lavés au sublimé, leurs effets désin-
fectés à l'étuve; aucune autre mesure nouvelle ne
fut prescrite.
En attendant le résultat des examens, les pas-
sagers restaient sur le Sénégal, dans les eaux du
Frioul, dans le voisinage d’un autre bateau des
Messageries qui terminait sa quarantaine deux
jours après, l'Ærnest-Simons.
Quelques heures après, nous reçûmes la visite
du D' Catelan, directeur du Service sanitaire de
Marseille, accompagné du D' Gauthier, chargé du
laboratoire de Bactériologie. Les premières re-
cherches sur frottis avaient donné des bacilles
pesteux, mais en petit nombre et mal caractérisés.
cs
958
M. BUCQUOY — LA PESTE À BORD DU ‘: SÉNÉGAL ?
Le cas, toutefois, ne paraissait pas douteux. On |
demanda des rats; on en trouva quelques-uns
bien vivants, qui furent emportés.
Les rats avaient été recherchés dès le début; on
ne trouvait pas de rats morts. Pour nous, dont
l'expérience en matière de peste était nulle, c'était
une circonstance à laquelle, dans ce cas douteux,
mais suspect, nous atlachions quelque impor-
tance.
Au reste, la chose n'était pas tellement claire,
même à notre arrivée au Frioul, que le D' Jacques,
qui avait soigné les pestiférés du Zaos et avait
déjà, comme son collègue, le D' Gauthier, contracté
la peste, n'eût émis lui-même des doutes sur la
nature de la maladie. C'était pourtant bien la peste.
Transporté tout de suite à l'hôpital de Ratoneau, le
malade recut, mais trop tardivement, les injections
qui lui avaient manqué jusque-là; la fièvre et le
délire se maintinrent et augmentèrent, et dans la
nuit du samedi au dimanche, il succombait.
Comment avait-il contracté la peste? Nous ne
comprenions pas que, parti de Marseille, port
indemne, après un séjour de dix-sept jours, retour
d'Alexandrie, il eût pris la maladie dans ce der-
nier port, l’incubation de la peste n'ayant qu'une
durée de quelques jours.
La question d'étiologie fut résolue le lende-
main de notre débarquement au lazaret et nous
eûmes la confirmation de l’origine de ce cas de
peste par les rats, quand on ouvrit la soute au
linge sale, où l'on trouva un certain nombre de
rals morts, dont je n'ai pas le chiffre officiel.
Nous sûmes aussi, par les recherches bactério-
logiques, que les rats vivants, quoique en appa-
rence bien portants, étaient tous infectés du
bacille pesteux. La même remarque avait déjà été
faite pour les rats du Laos.
L'explication la plus probable dans ce cas de
peste est donc celle-ci: On sait avec quelle facilité
les rats pénètrent par les cordages et les amarres
dans les bâtiments au mouillage. Pendant son
séjour à Alexandrie, le Sénéqal est resté deux
jours à quai et a pu embarquer ces agents d'infec-
tion, chez lesquels la maladie a évolué pendant son
retour à Marseille. C’est ainsi que des rats pes-
tueux ont infeelé le bateau, auquel cependant,
grâce à uñe inspection sanitaire insuffisante, on à
donné une patente nette sur celte considération
que le navire avait quitté Alexandrie depuis dix-
sept jours, et qu'il n'avait présenté aucun cas de
maladie.
De là cette aventure, probablement unique dans
l'histoire des quarantaines, d’un bateau partant
d'un port non infecté, et obligé de faire au départ
une quarantaine qu'on ne fait ordinairement qu'au
retour.
III
Je continue notre odyssée. Nous atlendions M
décision du Conseil de Santé et nous nous prép
rions à débarquer au lazaret. On n'était pas pressé
de nous y recevoir, car, me disait M. Catelan, il ve
bien des logements, mais pas de serviteurs. Or
nous arrivions 174etil yavait, pour tout ce monde
6 gens de service. Il fallait donc pourvoir à tot
ce qui était nécessaire, non seulement au loges
ment, mais à la nourriture et à l'entretien dur
nombre tout à fait inusité de passagers, et de pass
sagers de première classe.
Nous devions donc rester jusqu'au samedi su
le Sénégal, lorsque, le lendemain de notre arrivée
jeudi 19, un nouveau cas de peste se mamifest
chez un autre homme de l'équipage, qui fut immés
diatement débarqué et conduit à l'hôpital de Rato»
neau.
Plus heureux que son camarade, il put recevoïit
tout de suite les soins nécessaires et, en particulie
les injections de sérum de Yersin : il guérit. Les
journaux annoncçaient ces jours-ci sa convalescence
et sa guérison. k
Alors, la patience des passagers du Sénégal fut
bout. Déjà on s'expliquait mal qu'on nous laissé
un temps aussi long sur un bateau infecté sans nous
soustraire au danger de la contagion et sans nous
débarquer, ni qu'aucune des mesures de désinfec:
lion auxquelles on s'attendait ne fût prise immés
diatement, soit à l'endroit des passagers, soit pour
la désinfection du Sénégallui-même. Et voilà qu'un
nouveau cas de peste éclate à bord!
Des instances furent faites pour obtenir un débars
quement immédiat. Celui-ci ne pouvail se faire, 6
raison de l'heure tardive; il fut avancé de vingt
quatre heures, et, le vendredi 20, nous quittions le
Sénégal pour entrer en quarantaine au lazaret du
Frioul. Je n’ai pas besoin de vous dire avec quel
soulagement on abandonna le bateau infecté.
Ce fut donc le vendredi 20, à midi, que no
primes possession du Frioul. Depuis le mardi 4,
notre retour était signalé de Bonifacio. A la porte
de Marseille, qui offre toutes les ressources, près de
Toulon, qui pourrait par la Marine donner tout
personnel nécessaire, rien n’était prêt pour nous
recevoir. Personnel insuffisant, de sorte que ce
furent les hommes mêmes de l'équipage du Sénégal
qui durent transporter nos bagages dans n0S
chambres; pas de linge, de bougies, de savon, ni
d’autres objets indispensables. En un mot, pas de
service organisé.
Les journaux se sont beaucoup occupés de notre
triste aventure. Ce qu'ils ont dit de l’inconfort que
nous avons trouvé au Frioul est vrai et dépasse tout
ce qu'on pourrait supposer.
M. BUCQUOY — LA PESTE À BORD DU ‘‘ SÉNÉGAL ”
959
Je n'aborde pas ce côté de la question, car heu-
reusement la bonne humeur, l’entrain de nos com-
- pagnons d'infortune, le talent artistique de certains
d’entre eux nous ont aidés à passer sur bien des
desiderata.
Une fois au lazaret, nous n’entendimes plus parler
“de rien. Consigne sévère limitant nos promenades
—… une enceinte soigneusement fermée; un char-
mant confrère, le D'° Jacques, chargé de nous sur-
veiller et de nous soigner au besoin; puis, un pelo-
ton de neuf gendarmes pour nous garder et nous
empêcher d’enfreindre la consigne et de dépasser
les limites de notre internement.
Mais, par une bonne chance, la présence de
M. Poincaré parmi nous et ses bons rapports avec
M. Lutaud, préfet de Marseille, nous valurent des
adoucissements auxquels se refusait l'Administra-
tion sanitaire. Des promenades étendues dans l'ile
- déserte, mais des plus pittoresques, ont bien dimi-
nué les amertumes de notre quarantaine et charmé
nos ennuis.
Nos compagnons, nous médecins en particulier,
nous nous imaginions que, sortant d'un bateau
infecté, avec des bagages dont quelques-uns avaient
voisiné avec les rats-morts, nous aurions à subir
cerlaines épreuves de désinfection : il n'était ques-
ñ tion de rien.
& Le D' Jacques disait bien qu'il serait bon de se
pire inoculer, mais personne pour l'imposer el
_ faire valoir lés avantages de l’inoculation. Nous-
À mêmes, consultés par nos amis, nous étions fort
_embarrassés pour émettre un avis.
Cette situation se prolongeant, le samedi, après
en avoir causé avec mes confrères, j'envoyai au
D' Catelan un télégramme le priant de venir ré-
pondre lui-même aux questions qui nous élaient
adressées et donner des instructions positives sur
ce qu'il y avait à faire.
Sur la question des injections préventives el
préservalrices, l'avis de M. Catelan fut formel. Il
fallait les faire. Elles étaient, d’ailleurs, d'après lui,
sans inconvénients, et il nous affirmait que sur 7
ou 800 cas où il les avait vu praliquer, pas un seul
cas de peste ne s'était manifesté.
Pourquoi n’avaient-elles pas été conseillées tout
d’abord ? C’est, chose incroyable, qu'on n'avait pas
de sérum frais à Marseille ni au Frioul. Il en res-
tait encore une certaine quantité de l'épidémie du
Laos ; on en attendait de Paris depuis trois jours"!
1 La faute ne saurait, en aucune facon, être attribuée à
linstitut Pasteur : « Depuis l’année 1899, d'accord avec le
Ministre de l'Intérieur et le Conseil Municipal de Paris, a
- déclaré M. Roux, une provision de 10.000 doses de sérum
antipesteux est toujours gardée à la disposition des auto-
rités. »
A quoi M. Bucquoy a répondu : « Il n'en est que plus
étonnant que le Service de la Santé de Marseille n'en ait pas
Le soir même, on commenca les injections avec
ce qui restait de sérum, et, pour donner le bon
exemple, les médecins de la croisière furent les
premiers àse faire inoculer. Le lendemain, diman-
che, le sérum nouveau arrivait enfin, et, sur 174 que
nous étions, 165 subirent l'opération.
La visite du D° Catelan nous valut aussi quelques
mesures de désinfection, au moins pour la forme.
L'étuve était un peu redoutée. Les vêtements du
D' Demons et du D° Chauffard, qui avaient été plus
directement en contact avec le malade, sortirent de
l'étuve du Sénégal dans un état qui les rendait
immettables. La casquette du D° Demons, en par-
ticulier, est restée légendaire dans la croisière.
On n'exigea pas un pareil sacrifice pour les vête-
ments de nos compagnes; le linge de corps seul
passa à l’étuve, mais soumis à une température
convenable et suffisante.
Pour les autres vêtements, ils restèrent dans les
malles, qu'on désinfecta fermées, avec des pulvéri-
sations de sublimé.
Rien à dire sur ces mesures, si ce n’est, comme
vous le voyez, qu'elles ont été prises bien tardive-
ment, ne donnant pas aux personnes qui les voyaient
appliquer l'idée que l'Administration sanitaire les
considérait eomme bien nécessaires et même bien
utiles.
IV
Pendant ce temps-là, que devenait l'équipage du
Sénégal, toujours interné à son bord depuis notre
- retour au Frioul ? Il attendait !...
Je vais vous communiquer la lettre que m'écri-
vit, le 23 septembre, le D" Catelan, et qui vous
montrera, mieux que je ne pourrais le faire, l'état
moral de ces pauvres gens et les mesures prises à
leur égard :
Marseille, le 23 septembre 1901.
MONSIEUR Et TRÈS HONORÉ CONFRÈRE,
Je tiens à vous renseigner sur les mouvements qui
se produisent au port du lazaret du Frioul, et sur les
dispositions prises pour éteindre le foyer d’ infection du
Sénégal.
Comme il arrive à peu près toujours en ces circons-
tances, l'équipage du Sénégal a réclamé avec une insis-
tance dont la dépression morale donne la mesure —
et à laquelle Commandant et Compagnie se sont asso-
ciés, — a réclamé, dis-je, d'être débarqué à son tour.
Vous comprenez, Sans que j'aie besoin d'appuyer,
pourquoi j'ai refusé absolument de faire droit à cette
F requête.
Quoique les hangars de Ratoneau, sous lesquels il
eût été indiqué alors de placer l'équipage, puissent être
gardés par un cordon d'agents, ce sont là des précau-
tions illusoires de séparation ; malgré tout ce qu'on eût
pu faire, bientôt vous auriez vu ces ‘hommes passer par-
dessus foutes les barrières, et aller partout où on leur
eût interdit de pénétrer.
une provision suffisante pour tous les besoins qu'il peut
être appelé à satisfaire. » N. 0.1. D
M. BUCQUOY — LA PESTE A BORD DU ‘SÉNÉGAL ”
Après en avoir longuement conféré avec le directeur
et les agents de la Compagnie des Messageries Mari-
times, j'ai oblenu que la Compagnie envoyät un
deuxième paquebot, n'ayant pas, pendant cette der-
nière année, fréquenté les ports d'Egypte, dans les
eaux du port du Frioul: ce paquebot, l'Ortégal, doit
ètre prêt aujourd'hui lundi à aller se ranger auprès du
Sénégal. <
Un médecin spécial a été envoyé sur ce dernier na-
vire, pour y diriger, avec le concours du D' Piotrowski,
l'exécution des mesures prescrites, et pour lesquelles
des instructions écrites lui ont été remises.
Après vaccination au sérum antipesteux des hommes
de l'équipage, de tous les hommes, état-major com-
pris, et désinfection nouvelle et minutieuse des linges,
effets à usage, etc., etc., l'équipage du Sénégal passera
sur l'Ortégal.
Le Sénégal, qui aura, au préalable, débarqué sur cha-
lands ses 100 tonnes de marchandises, sera alors soumis
à une vaste et radicale opération de désinfection, qui
consiste à remplir, après avoir envoyé des jets de va-
peur brûlante dans toutes les capacités closes, tous les
compartiments intérieurs de vapeurs d'acide sulfureux.
Le paquebot, alors, restera de trente-six à quarante-
huit heures, avec toutes ses ouvertures, panneaux, sa-
bords, hublots, obturées avec soin, soumis à l'action
des vapeurs sulfureuses. Dès que l’imprégnation sera
suffisante, c'est-à-dire au bout de trente-six à quarante- |
huit heures, il sera un peu incliné, de facon à être mis
en travers du vent, et aéré aussi largement que pos-
sible.
Si les instructions sont bien suivies, et l'opération
bien exécutée, ce qu'il est permis d'espérer, pas un ron-
geur, pas un parasite ne pourra s'échapper.
C'est la meilleure des sauvegardes, car, il n'est pas
besoin dele dire, s'il y avait eu un va-et-vient incessant
entre le Sénégal et les établissements de la Quaran-
taine, ce qui eût été inévitable en débarquant l'équi-
page dans les hangars de Raloneau, personne ne pou-
vait plus répondre de rien.
En vous communiquant ces renseignements, afin que
vous ayez la bonté de n'en rien laisser ignorer aux
touristes, vos compagnons d'infortune, j'ai surtout eu
en vue de vous mettre à même d'apprécier l'emploi des
mesures de défense de la santé publique, et de protec-
tion pour les personnes internées,
D'ailleurs, à l'heure actuelle, sans être prophète, je
crois pouvoir vous affirmer que, parmi les passagers, il
n’y à plus la moindre probabilité d'une atteinte quel-
conque; que, de plus, il est fort probable qu'il en sera
de même dans l'équipage; enfin, l’aération déterminée
par les mouvements de l’atmosphère est le purifica-
teur par excellence, et vous êtes servis à souhaits en
ce moment.
Je vous prie d'agréer, Monsieur et honoré Confrère,
l'assurance de mes sentiments les plus dévoués.
D' CATELAN.
Ce ne fut que le mardi 24 que l’Ortégalparut dans
les eaux du Frioul, et le mercredi 25, c'est-à-dire
huit jours pleins après que notre retour avait été
signalé, qu'eut lieu le débarquement de l'équipage
du Sénégal. Fort heureusement, malgré toutes ces
lenteurs, les prévisions du D' Catelan ont été jus-
tifiées ; aucun cas nouveau ne s’est produit dans
cet équipage déjà suffisamment éprouvé.
Du côté des passagers du lazaret, tout continua
à aller bien, sauf quelques accidents intestinaux
dus au mauvais régime el à la mauvaise nourriture :
c'est ce qu'on appelait là-bas « la Frioularde ».
Plus tard, quelques-uns d’entre nous furent assez
éprouvés par l'injection anlipesteuse, dont les suites
rappelaient beaucoup ce que nous observons avec
les injections antidiphtéritiques. Je passe sur ces
détails. x
Je serai bref maintenant sur les derniers jours
de notre quarantaine. Malgré le bon état de santé
de tous et l'accomplissement de toutes les pres”
cripüions sanitaires, on tenait à nous garder dix
jours pleins à partir de notre débarquement au
Frioul, ce qui nous conduisait au lundi 30. Mar-
seille ne se souciait pas de nous recevoir. Il nous.
sembla que la mesure élait sévère; des instances
furent faites pour en abréger la durée. M. Poincaré
agissait auprès du préfet; de notre côté, nous récla®
mions l'intervention de notre collègue, M. Proust
C'est au préfet que nous dûmes notre libération:
le vendredi 27, après sept jours pleins de lazaret e
huit jours après le second cas de peste déclaré. On:
tenait, parait-il, beaucoup à nous garder, car
M. Proust, qui avait répondu en faveur de la libé=
ration après sept jours, eut sa dépêche gardée dans
les bureaux sanitaires; elle ne nous à jamais été
communiquée, et ce fut le préfet seul qui usa de
son autorité pour nous donner notre exeal. 4
Celui-ci nous fut remis avec un passeport régle=
mentaire de surveillance administrative limitée à
trois jours. La plupart d'entre nous passèrent à
l'étranger, et, de surveillance après notre arrivée à
Marseille, il ne fut jamais question. *
N
Telle est la relation exacle de la petite épidémie
de peste à bord du Sénégal qui nous a fourni l'oc=
casion d'expérimenter,par nous-mêmes, les mesures
protectrices employées contre le fléau qui depuis
longtemps menace l'Europe.
Bien loin de moi la pensée d’incriminer le Ser=
vice sanitaire dans la personne de nos confrères,
dont nous nous plaisons à reconnaitre la courtoi-
sie, la science et le dévouement. Au Frioul, pour là
construction duquel on a dépensé des somme
considérables, on manque de tout, faute d'argents
Et c'est au moment où la peste est à nos portes
qu'on peut invoquer une pareille excuse et qu'a
raie du budget les sommes nécessaires pour l’en:
tretien d'un lazaret à la porte de Marseille, plu
exposée que toute autre ville à recevoir des ports
de la Méditerranée des navires contaminés |
La question sera, je l'espère, portée devant un
autre assemblée plus compétente par M. Poincaré
Ici, et devant cette Académie gardienne de la sant
publique, il me reste à relever les fautes grave
qui ont été commises et les lacunes observées dans.
l'application des mesures sanitaires. À
La première faute capitale a été de nous eme
barquer sur un bateau à qui a manqué, avant le
M. BUCQUOY — LA PESTE A BORD DU
4
‘départ, une inspection sanilaire suffisante, aussi
ien de la part des Messageries Maritimes que du
Service de Santé lui-même. Si la cale et les soutes
avaient été visitées et convenablement explorées,
on aurait trouvé le corps du délit, et la patente
nette n'aurait pas été délivrée.Je n'ai pas à recher-
cher à qui incombent les responsabilités.
Un second fait, qui nous a particulièrement
émus, c'est le manque de sérum antipesteux à
“bord du Sénégal, sur un navire qui fait le service
des côtes de la Méditerranée et un séjour réglemen-
taire de quarante-huit heures à Alexandrie, port
depuis longlemps contaminé. À ses autres étapes
de Port-Saïd et de Beyrouth, le Sénéqal touchait
aussi à des ports qui n'avaient pas été à l’abri de la
peste. Dans le cas actuel, les conséquences ont été
déplorables, puisqu'il y a eu mort d'homme. Une
ou plusieurs injections faites au début chez notre
“malade alteint de peste bubonique, de forme en
apparence bénigne, lui eussent probablement sauvé
la vie, comme elles l'ont fait chez le second malade
contaminé.
Nous avons été aussi singulièrement étonnés
quand nous apprenions que, quatre jours après
- notre arrivée au Frioul, on manquait encore de
sérum pour nous faire, ainsi qu'à l'équipage du
Sénégal les injections préservatrices. Je ne crois
…— pas que ce soit de la faute de l’Institut Pasteur’.
“ Nya-t-il pas lieu aussi d'être surpris que le cas
… suspect étant reconnu véritablement pesteux, on ait
laissé sur le bateau infecté, pendant plusieurs jours,
les passagers, et plus longtemps encore, une semaine
entière, l'équipage du Sénégal déjà si éprouvé? On
répond que le débarquement n'était pas possible,
rien n’élant prêt pour nous recevoir et nous in-
terner. C'est précisément ce que nous sommes en
droit de reprocher, moins peut-être aux agents du
Service sanilaire qu'à ceux qui, en refusant les
crédits nécessaires, les mettent dans l'impossibilité
d'accomplir leur devoir.
Que dirai-je maintenant de l'installation au
Frioul? Lazaret ne dit pas un lieu de délices. Mais
puisqu'on a fait un grand établissement sanilaire,
ne serail-il pas sage de pourvoir à son entretien
et d'assurer son bon fonctionnement, et au lieu
de prendre pour modèles les lazarets de certains
pays répulés pour leur saleté et leur mauvaise ins-
tallation, imiter les Japonais, par exemple, qui ont,
parait-il, dans le lazaret de Nagazaki, pour les vic-
times des quarantaines, des hôtels de premier
ordre?
On objectera que les grandes épidémies sont
rares, et que des années se passent quelquefois
sans qu'on ait à utiliser ces lazarets. Rien n'oblige
- 4 Voir la note au bas de la page 959. N. D: L'R.
SÉNÉGAL ” 961
à v avoir des services permanents el coûteux;
mais pourquoi n'avoir pas ce que j'appellerai un
plan de mobilisalion qui permette, le cas échéant,
de pourvoir dans un bref délai, chose facile à la
porte de villes comme Marseille, Bordeaux, Dun-
kerque, aux nécessités matérielles des personnes
soumises aux quarantaines. Après la récente épi-
démie du Za40s, cette incurie semble incompréhen-
sible et sans excuse.
Quant aux mesures de désinfection, dont nous
n'avons pas à discuter la valeur, et qui sont régle-
mentées d’après les données de la science et de
l'expérience, est-il admissible qu'elles ne soient
pas appliquées immédiatement, dès le débarque-
ment des passagers et des bagages qui, venant
d'un bâtiment contaminé, peuvent infecter à leur
tour le lazaret qui devrait leur assurer la sécurité?
Ajouterai-je encore un fait-qui m'a stupéfié? La
veille de notre départ du Frioul, nous avions lu
dans les journaux que la peste élait à Naples. Le
D' Calelan, à qui j'en parlai, me dit qu'il avait vu
aussi cette nouvelle dans le journal, qu'alors il
s'était empressé de télégraphier à Paris, d'où la
chose lui fut confirmée, en lui disant de plus que la
peste était à Naples depuis un mois, mais qu'on le
tenait caché! Or, trois bateaux venant de Naples
sont arrivés ce jour-là à Marseille! À quoi donc
servent les agents consulaires?
VI
En faisant à cette tribune la relation de cette
fâcheuse aventure, ne croyez pas que je veuille
faire ici d'inutiles récriminations. Le hasard ayant
fait qu'un certain nombre de médecins des plus
autorisés, el avec eux des hommes distingués de
toute carrière, fort capables d'apprécier ce qui se
passait sous leurs yeux, aient pu constater par une
expérience personnelle combien le Service sani-
taire avait été défectueux dans l'épidémie du Sé-
négal, il était de mon devoir de porter, comme ils :
me l'ont demandé, ces faits à la connaissance de
l'Académie. Je crois faire œuvre d'utilité publique
en la saisissant de cetle question de protection
sanitaire et en la priant de formuler elle-même les
conclusions qui découlent des faits que je viens
d'exposer. Gardienne de la santé publique, c’est à
elle à réclamer de l'autorité les réformes qui s im-
posent dans l'application des mesures sanitaires.
Je ne terminerai pas sans remercier, au nom de
mes compagnons de quarantaine, l'Académie de
l'intérêt qu'elle a pris à notre infortune, et dont
sa Commission permanente, par l'intermédiaire de
notre collègue M. Motet, a bien voulu nous adres-
ser le touchant témoignage.
D' M. Bucquoy.
Membre de l'Académie de Médecine.
D' A. LOIR — LA DÉSINFECTION PAR L’ACIDE SULFUREUX
LA DÉSINFECTION PAR L’ACIDE SULFUREUX
RÉCENTES EXPÉRIENCES EN AMÉRIQUE ET EN ANGLETERRE
Il y a quelques semaines, une croisière organisée
par la Revue générale des Sciences, et composée
de nombreux touristes, quiltait Marseille à desti-
nation de la Palestine, à bord du paquebot le
Sénégal.
Le navire se trouvait à la hauteur des iles Lipari
lorqu'un cas de peste fut signalé parmi les hommes
de l'équipage. La croisière fut alors interrompue, et
le Sénégal ramené au lazaret du Frioul, à Mar-
seille, où les passagers durent subir la quarantaine
de rigueur.
Ce paquebot était rentré dix-sept jours aupara-
vant d’un voyage aux Echelles du Levant, au cours
duquel il avaittouché plusieurs ports contaminés.
Rentré à Marseille, il avait bien, paraît-il, subi la
désinfection prescrite par les règlements, mais
cette désinfection avait été insuffisante, car l’exa-
men bactériologique des rats vivants capturés dès
l’arrivée des touristes au Frioul, ainsi que des nom-
breux cadavres de rats trouvés dans la soute du
linge sale, démontra qu'ils étaient porteurs du
germe du terrible fléau.
Le mode de désinfection actuellement en usage
est défectueux, puisque, s'il fait périr les rats, il
ne fait pas disparaitre leurs cadavres et, par con-
séquent, ne détruit pas leurs parasites (puces, etc.),
qui sont le principal véhicule de la peste.
Le meilleur procédé à employer serait donc celui
qui, permettant de s'emparer des rats vivants, ren-
drait possible la destruction rapide et complète de
ces rongeurs et de leurs parasites.
Seul, un gaz asphyxiant serait capable de pro-
duire ces effets. Si ce gaz se trouvait être, en même
temps, un destructeur de microbes, son emploi
serait des plus avantageux pour la désinfection,
et aurait une grande importance au point de vue
de l'hygiène.
L'acide sulfureux pourrait rendre ce service, si,
toutefois, on trouvait une source de production
importante de ce gaz, dont les propriétés désinfec-
tantes sont connues.
Depuis longtemps, les avantages de la désinfec-
tion par l'acide sulfureux ont été signalés. Des
expériencés faites par Dujardin-Baumetz, Pasteur,
le D' Roux, et d’autres savants, ont attiré l’atten-
lion sur le pouvoir désinfectant de ce gaz.
L’emploi de l'acide sulfureux est réglementaire
dans l'armée; il a élé recommandé officiellement
par le Comité consultatif d'Hygiène publique de
France; il a été employé dans les dernières épi
démies pour la désinfection des chambres de cho-
lériques.
Les expériences faites par Vallin, Dujardin-
Baume{z, Pasteur, Sternberg, les résultats obtenus
pour la désinfection des salles de casernes ou
d'hôpitaux contaminés et des navires, prouvent,
comme le démontrent Legouest, Ollivier, Potier,
Raoul, la valeur que peut avoir ce gaz dans la
pratique.
Sternberg a constalé qu’il détruit les microco-
ques de l’érysipèle et de la septicémie puerpérale.
Vallin a stérilisé le virus du chancre mou, du far-
cin, du tubercule en le soumettant à l'action de ce
gaz. Il peut aussi rendre de grands services dans
les petites localités et dans les campagnes. Nous
ne dévons pas, fait observer Sternberg, rejeter
l'acide sulfureux avant d’être en mesure de recom-
mander à sa place quelque chose de meilleur pour
la désinfection des appartements et des navires.
M. Legouest dit que l'emploi de l'acide sul-
fureux comme agent de désinfection a été fait
dans l’armée. Les casernes sont désinfectées à
l'acide sulfureux, et les vêtements des galeux net-
toyés par ce procédé, en usage depuis longtemps
dans les lazarets. Ces opérations ont été praliquées
avec de la fleur de soufre, et la désinfection de
toute une caserne a coûté 250 ou 300 francs. Pour
désinfecter la caserne installée dans l’ancien Chà-
teau des Papes à Avignon, infectée par la fièvre
typhoïde, M. Czernicki a employé 30 grammes de
soufre par mètre cube. Le chiffre de 20 grammes
est, en général, considéré comme suffisant. M. Méhu
dit qu'il a plusieurs fois procédé à la désinfection
de salles d'hôpital à la suite d’épidémies de fièvre
puerpérale et de fièvre typhoïde, et que la maladie
n'a jamais reparu immédiatement après l'opération :
dans ces salles. Des expériences faites par M. Vallin
sur la literie, les châlits en fer, les vêtements et
objets d'équipement, les objets enveloppés dans
des matelas ou des couvertures de laine, ont
montré le grand pouvoir de pénétration du gaz sul-
fureux. Depuis la réoccupation des casernes, après
désinfection, aucun cas d’épidémie ne s’est produit.
Ce mode de désinfection avait donné de tels résul-
tats qu'il fut question de désinfecter loutes les
casernes à l'époque des grandes manœuvres ; ce
projet n’a pu avoir de suite, pour la raison qu'on
ne possède pas d'appareil permettant une applica-
“tion pratique du procédé. De nombreux inventeurs
ont cherché à faire des appareils producteurs de SO”;
le D: Gibier, entre autres, crut avoir résolu le pro-
Plème. Jusqu'à ces derniers temps, cependant,
Aucun système pratique n'avait réussi à s'imposer.
IT
L'acide sulfureux est obtenu habituellement par
Ja combustion du soufre. Trois procédés peuvent
Ctre utilisés pour la désinfection par l'acide sulfu-
reux; ce sont : la combustion du soufre, l'acide
Sulfureux liquéfié, la combustion du sulfure de car-
bone. Il est reconnu que la pénétration du gaz est
considérable, quelle que soit la méthode employée
pour le produire. Des papiers à réactifs, placés
dans l’intérieur de matelas ou d'armoires, dans des
pièces soumises à l'action de cet agent de désin-
fection, ont été atteints par lui.
Le procédé par la combustion ‘du soufre est le
plus simple et le moins coûteux. Pasteur conseillait,
afin d'éviter tout danger d'incendie, de se servir
d'un fourneau en terre réfractaire placé sur une
plaque de tôle, et dont les parois sont percées de
petits trous, pour faciliter la combustion.
On arrose la surface avec de l'alcool, que l’on
enflamme ensuite pour obtenir une combustion
égale sur toute la surface.
—…. On peut ainsi, disait Pasteur, produire la com-
“bustion complète de 20, 40 et 50 grammes de soufre
“par mètre cube.
L'emploi de l'acide sulfureux liquide anhydre
présente les mêmes avantages. Ce gaz, liquéfié par
. Raoul Pictet, de Genève, pour servir à l'in-
dustrie, se vend dans des siphons analogues à
eux d’eau de Seltz, et qui contiennent 750 grammes
d'acide sulfureux. Il faut employer, pour la désin-
feclion, un siphon par 20 mètres cubes. Ce gaz
n'a qu'un inconvénient : c’est de coûter fort cher,
La combustion du sulfure de carbone avait
élé signalée par M. Péligot comme pouvant pro-
duire une quantité importante d'acide sulfureux.
M. Ckiandi a inventé une lampe pour brûler ce
corps; mais ce procédé offre des difficultés dans la
fection la place qu'il devrait occuper.
f III
- Il y à quelques années, un appareil producteur
d'acide sulfureux par la combustion du soufre à
été inventé, en Amérique, par M. Clayton. Dans ce
D' A. LOIR — LA DÉSINFECTION PAR L’ACIDE SULFUREUX
963
système, le soufre est brûlé à l'intérieur d'un
cylindre constamment alimenté d'air au moyen
d’un ventilateur mû par un petit moteur à vapeur
ou à gaz. Ce ventilateur, relié par des conduites
aux chambres à désinfecter en aspire l'air, tandis
que les vapeurs d'acide sulfureux produites dans
le cylindre à combustion arrivent, sous pression
et par d’autres canaux, dans ces mêmes chambres.
Lorsque le gaz désinfectant a suffisamment séjourné
dans ces pièces, on arrête la combustion du soufre,
puis, au moyen du ventilateur, on chasse l'acide
sulfureux et on le remplace par de l'air sec.
Cette machine, dont la destination première était
de servir de pompe à incendie, a été rapidement
expérimentée pour la désinfection et la destruction
des animaux nuisibles. Les résultats obtenus ont
été tellement concluants que l'emploi de cet appa-
reil est entré maintenant dans la pratique. Ce sont
les expériences faites au moyen de cet engin pen-
dant ces dernières années en Amérique el en
Angleterre, que nous allons relater ici.
Aux États-Unis, on fumige les navires depuis
plusieurs années, en introduisant, dans les cales
qui renferment la marchandise, du gaz SO* au taux
de 10à17°/,, et cela sans le plus léger dommage
pour les bateaux. Depuis huit ans, les bateaux de
la Morgan C°, qui font le service de la Havane à
la Nouvelle-Orléans, subissent, tous les quinze
jours, du 4% mai au 31 octobre, la désinfection par
l'appareil Clayton. Le gaz sulfureux est générale-
ment maintenu dans les cales pendant vingt-quatre
heures, sans qu'il en résulte le plus léger inconvé-
nient pour l'équipage ni les passagers. Ce système
de fumigation a été employé pour empêcher l'intro-
duction de la fièvre jaune. Le but a été atteint et
les résultats satisfaisants qu'a donnés ce mode de
désinfection font eroire que le même procédé peut
ètre utilement employé contre la peste.
Des expériences faites en Amérique ont prouvé
que l'acide sulfureux avait une action efficace sur
les balles de peaux et les balles de coton. Une balle
de coton pressée hydrauliquement a été placée
dans une pièce où l’on produisait 16 °/, de SO”; les
résultats de l'expérience ont élé les suivants :
non seulement les touffes de coton du centre de la
balle dégageaient une forte odeur de gaz, mais,
quand on les trempait dans l'eau fraiche, la solu-
lion obtenue était suffisamment acide pour faire
passer au rouge le tournesol. Malgré la compres-
sion, le gaz avait donc bien pénétré dans toutes
les parties de la balle.
L'acide sulfureux ne sert pas seulement à détruire
les germes de maladies, mais encore toute sorte
de vermine (puces et autres insectes parasites,
ainsi que leurs œufs), et tue les rats, ces agents
redoutables de la propagation de la peste.
964
Dès le début du dégagement du gaz, les rats,
cherchant à fuir les vapeurs asphyxiantes, déser-
tent leurs cachettes et viennent mourir au-dessus
des sacs contenant les marchandises. Il est alors
aisé de s’en emparer pour les détruire. Ce moyen
offre l'avantage de ne pas laisser, dans la cale des
bateaux, de cadavres de rats, qui pourraient pro-
voquer une nouvelle infection, s'ils étaient conla-
minés par la peste.
De semblables expériences ont été faites sur
de nombreux paquebots. Un navire ayant eu
à son bord plusieurs cas de peste fut soumis à
la fumigation, qui détruisit des quantités de rats.
La disparition de ces animaux fut complète. Aucun
des navires désinfectés n’a subi de dommage, et
les cargaisons sont demeurées intactes.Des échan-
tillons de divers aliments ont élé soumis à une
-atmosphère de 10 °/, sans éprouver la moindre
altération. Un échantillon de thé, placé dans une
cabine pendant la fumigation du navire, a été
soumis à des experts sans que ceux-ci aient pu
trouver de différence entre l'échantillon exposé au
gaz et un échantillon, provenant du même colis, qui
n'avait pas été en contact avec le désinfectant. Il
en a été de même pour des échantillons de café.
À la suite d'expériences faites sur l'orge, pour
détruire les charancons, on a constaté aussi que,
pour un même échantillon, 96 grains sur 100 non
traités, et 90 sur 100 traités, avaient germé.
L'orge soumise à la fumigation reste, par consé-
quent, propre à malter.
- Plusieurs Compagnies anglaises de navigation
emploient maintenant lesdits appareils. Tout récem-
ment, l'Ormuz, navire contaminé par la peste,
ayant refusé de rester au Frioul (fin juillet 4901),
a été, en arrivant en Angleterre, désinfecté avec
succès par les appareils Clayton et a repris son
service de navigation après autorisation des auto-
rités sanitaires anglaises.
Au début, les armateurs redoutaient de voir les
bateaux et les cargaisons endommagés par l’aclion
de l'acide sulfureux ; mais ces craintes ont disparu
devant les résultats obtenus.
Le prix de revient du gaz est tellement minime
qu'il ne peut être pris en sérieuse considération.
De nombreuses expériences ont aussi été faites
pour montrer l'action de l'appareil en cas d'in-
D' A. LOIR — LA DÉSINFECTION PAR L'ACIDE SULFUREUX
cendie, et les Compagnies d'assurances acceptenk
maintenant des risques sur le coton et accordent
une réduction de 33 °/, sur les cargaisons des
baleaux transportant du charbon inflammable,
munis de l'appareil Clayton.
Des barils de sucre, de bois de sapin, ete., d'en:
viron huit pieds de hauteur, furent assemblés en
pile dans une chambre et saturés d'huile de pétrole
Un feu fut allumé et on le laissa brûler de toute son
intensité pendant trois minutes et demie environ
avec la porte de la chambre ouverte ; au bout de cê
laps de temps, le gaz fut introduit dans la chambre
et son effet sur les flammes fut immédiat, car
on les vit baisser très notablement. La porte un®
fois fermée, les flammes disparurent. Pendant
plusieurs minutes, en plaçant l'oreille près de a
porte, on entendit le craquement du bois.
Du jute en feu, trempé dans du pétrole, fut de
même éteint immédiatement; on obtint le même
résultat pour de petites balles de coton. Des chars
bons d'anthracite enflammés furent placés dans
une boîte en sapin, et celle-ci recouverte, en divers
endroits, par des couches de charbons bitumineux
On mitces matières en combustion et on y laissa
couver le feu durant vingt-quatre heures. Dès lim
troduction de l'appareil dans la chambre, le feu
élait étouffé et, au bout d’une heure et demie, riem
n'indiquait plus que le charbon continuàt
brûler.
Le charbon rempli de ce gaz n'offre aucun danger
de combustion spontanée et, de plus, il peut être
employé immédiatement, car il n'a subi aucune
altéralion.
En résumé, ces expériences prouvent que nous
sommes en présence d'un appareil capable de
produire de grandes quantités d'acide sulfureux
A un moment où l'Europe entière prend des me
sures de préservalion conlre une invasion toujours
possible du terrible fléau asiatique, il nous a paru
utile de faire connaitre les expériences de désinfecs=
tion qui ont eut lieu en Amérique pendant ces der
nières années. Ces expériences ont donné des ré
sultats très satisfaisants et prouvé que l’on possède
dans l'acide sulfureux convenablement emplo
uu agent de désinfection rapide et sûr.
D' À. Loir,
Directeur de l'Institut Pasteur de Tunis
E. MATHIAS — LA PRÉPARATION INDUSTRIELLE DES GAZ LIQUÉFIÉS
Dans un premier article, nous avons étudié les
"procédés de liquéfaction des gaz et les moyens de
les conserver à l’état liquide‘. Nous allons mainte-
“ nant examiner leurs principales applications et
indiquer les conditions de leur transport.
Les gaz liquéfiés ont une application directe,
commune à tous, le chlore excepté”, c'est la pro-
duction industrielle du froid. On sait le rôle im-
- mense que joue l'industrie du froid dans notre
civilisation, rôle qui grandit de jour en jour. C'est
- donc par celte application physique qu'il convient
; de montrer d'abord l'importance de plus en plus
considérable prise par les gaz liquéfiés. Leurs
applications autres que les applications frigorifi-
- ques varient beaucoup d'un corps à l’autre et sont
- surtout des applications chimiques; elles seront
étudiées en dernier lieu.
I. — PRODUCTION INDUSTRIELLE DU FROID
- PAR LES GAZ LIQUÉFIÉS*.
Les machines frigorifiques à gaz liquéfiés consti-
tuent le moyen le plus efficace et le plus écono-
mique de production du froid à l'heure actuelle ;
- leur supériorilé sur les machines frigorifiques à
+ air ou à alfinilé parait aujourd'hui incontestable.
. Le fonctionnement de ces machines est aisé à com-
. prendre ‘: une certaine quantité d'un gaz liquéfié
* quelconque, placée dans un réfrigérant, s'évapore
4 Voyez la Revue du 30 octobre 1901.
? Uniquement à cause de son action corrosive sur les
métaux et alliages usuels.
# J'ai beaucoup emprunté pour cette rédaction aux magis-
trales études de M. Gustave Richard : « Les machines fri-
gorifiques et leurs applications à l'Exposition Universelle
de 1889 », Revue lechnique de l'Exposition de 1889, 11° par-
tie, Industries Chimiques, t, 1, p. 109; Bernard, Paris, et
« Les machines frigorifiques », Revue de Mécanique, janvier
et mai 1897, Dunod, Paris.
# Leur théorie complète est au contraire malaisée à faire.
Elle a été donnée, pour la première fois, par Linde en 1870,
dans le Bayer Industrie und Gewerbeblatt, complétée par lui
en 1871, dans le même journal, et enfin, en 1875, dans le
Verhandlungen des Vereines für Gewerbefleiss Preussen.
M. Ledoux a publié, dans les Annales des Mines de 1878,
une théorie plus complète s'étendant à toutes les machines à
froid, et donné daus des Tables les coefficients thermiques de
l'acide sulfureux et de l'ammoniaque. Enfin, M. Zeuner a
| publié en 1881, dans le Zivilingenieur, une théorie des ma-
chines à gaz liquéfiés qui n'est autre que celle de Ledoux,
mise au point à l'aide de données plus récentes, et qui con-
tient en outre la théorie de la machine à acide carbonique
liquide.
L a Sn né id Le : e
965
LA PRÉPARATION INDUSTRIELLE
ET LES PRINCIPALES APPLICATIONS DES GAZ LIQUÉFIÉS
DEUXIÈME PARTIE : APPLICATIONS ET TRANSPORT
sous l'aspiration d'une pompe aspirante et fou-
lante; le gaz liquéfié, pour s’évaporer rapidement,
est obligé d'emprunter de la chaleur au corps qui
l'entoure, c'est-à-dire au réfrigérant. Les vapeurs
résullantes sont ensuite comprimées dans un /iqué-
facteur où elles repassent à l'état liquide, pendant
qu'un courant d’eau enlève la chaieur développée
par la compression des vapeurs, et ramène le li-
quide à sa température initiale. Le liquide retourne
alors, par l'intermédiaire d'un robinet régleur,
dans le réfrigérant où il est de nouveau aspiré, etc.
La même masse de gaz parcourt done un cycle
| fermé, et sert indéfiniment sans pertes si la ma-
chine est parfaite.
Une machine frigorifique contient donc trois
organes essentiels : le compresseur, le liquéfacteur
et le réfrigérant, auxquels on adjoint un organe
régleur appelé le détendeur.
Le compresseur peut être à simple ou à double
effet. — Lorsque le compresseur est à simple effet,
on le double le plus souvent, les deux cylindres
étant actionnés par une même manivelle, de facon
que l’un aspire pendant que l'autre refoule. Les
cylindres sont alors presque loujours verticaux, et
portent chacun deux soupapes coniques à ressort,
l'une d'aspiration, l’autre de refoulement, à leur
parlie supérieure; la boîle à éloupes se trouve, au
contraire, à la partie inférieure, où elle n’est jamais
au contact direct du gaz à comprimer que par les
fuiles du piston. Celui-ci est pourvu de plusieurs
segments, comme les pistons des machines à va-
peur, et est surmonté d'une couche d'huile, sans
cesse renouvelée pour éviter les émulsions, qui
pénèlre en partie dans la soupape de refoulement
et supprime les espaces nuisibles, tout en lubrifiant
le cylindre et en augmentant l'étanchéité du piston.
Lorsque le compresseur est à double effet, on le
place dans le prolongement de Ja tige du piston du
moteur à vapeur qui commande la machine frigori-
fique, el il est actionné par elle ; il est alors le plus
souvent horizontal. Dans ce cas, la boite à étoupes
doit se maintenir étanche, non seulement pendant
l'aspiration, mais encore pendant qu’elle supporte
la pression du refoulement. Dans ce but, on dis-
pose deux boites à étoupes entre lesquelles est un
espace communiquant avec l'aspirateur du com-
presseur. Les fuites provenant du refoulement,
que la première boite à étoupes n'a pu arrêter,
966
E. MATHIAS — LA PRÉPARATION INDUSTRIELLE DES GAZ LIQUÉFIÉS
sont arrêtées par la seconde qui n’a plus qu'à
vaincre la pression de l'aspirateur.
Les compresseurs à double effet sont, en Europe,
de beaucoup préférés aux autres, à cause de leur
prix moins élevé et de leur forme plus ramassée ;
mais ils s'usent plus vite parce que les cylindres
horizontaux s'ovalisent, ce qui exige des répara-
tions onéreuses. De plus, les boîtes à étoupes étant
plus compliquées absorbent plus de travail. Enfin,
en cas d'obstruction des cylindres, les accidents
des machines à double effet sont graves à cause de
la rigidité du lien qui rattache leur piston à celui
du moteur.
Les compresseurs verticaux sont plus encom-
brants, plus chers, mais ne s’ovalisent pas, et
durent beaucoup plus longtemps que les autres;
ils sont, de plus, faciles à conduire, ont des presse-
étoupes aisément élanches, et, à cause de leur
transmission par courroies, donnent lieu à des
accidents moins redoutables. Ce type de machines
domine aux États-Unis.
Dans toutes les machines frigorifiques, on combat
l’échauffement du compresseur dans la phase de
refoulement, soit au moyen d'une enveloppe d’eau,
soit plus efficacement par l'injection automatique
d'une petite quantité de gaz liquéfié, laquelle fonc-
tionne comme l'eau qui salure l'air dans les com-
presseurs à air (Voir p. 902).
Le liquéfacteur est constitué toujours par des
tubes métalliques droits ou courbes (serpentins)
parcourus par le gaz à liquéfier, et refroidis par une
circulation d'eau. Les tubes droits ont cet avantage
que, si quelques-uns s'obstruent, la machine conti-
nue de fonctionner; mais leur construction néces-
sile de nombreux joints, difficiles à faire, et qui
sont rarement étanches sous des pressions élevées.
Les serpentins réduisent au contraire au minimum
le nombre des joints, mais ils doivent être mulli-
ples, pour que l’obstruction de l’un d'eux n'arrête
pas le fonctionnement de la machine.
Le détendeur n’est, le plus souvent, qu'un robi-
net de réglage disposé entre le liquélacteur et le
rélrigérant, robinet que l'on commande à la main.
D'autres fois, le détendeur est commandé automa-
tiquement en utilisant la différence de pression qui
existe entre les deux organes qu'il réunit.
Le réfrigérant est l'analogue, en sens contraire,
du liquélacteur. Le gaz liquéfié, refroidi par une
rapide vaporisation, circule dans des tubes droits
ou des serpentins baignés dans un liquide incon-
gelable que des turbines agitent et forcent à circu-
ler méthodiquement d'un bout à l’autre du réfri-
gérant.
Proposons-nous maintenant de passer en revue
les principaux types de machines frigorifiques à gaz
liquéfiés ; si l'on considère que l'appareil Linde dé-
crit page 902 est en somme une machine frigorifique"
à air liquide et qu'il n’y a pas de machines à pro=
toxyde d’azole, à acétylène ou à chlore liquide, on
voit que, si l'on met à part l'acide carbonique, les
machines frigorifiques en question se réduisentaux"
machines à ammoniac, à chlorure de méthyle el"
à acide sulfureux liquides ; il y a lieu également de
dire quelques mots des machines à liquides mixtes:
S 1. — Machines frigorifiques à gaz ammoniac
liquéfié.
Au point de vue chronologique, on peut citer
les machines de « Carré » (1864), de « Linde » (1875),
de « Kilbourn » (1879), de « Lavergne » (1880), de
« Wood » et « Richmond » (1882), de « Fixary »
(1883), de « Puplett » (1884), de « Lebrun » (1887),
ammoniac
Linde à
Jiquélié. — A, compresseur horizontal à double elfet ac-
tionné directement par le moteur M; B, liquéfacteur; C,
cylindre frigorifique; D, manomètre indiquant la pression
dans le liquéfacteur; E, manomètre indiquant la pression
dans le serpentin de détente.
Fig. 4. — Machine frigorilique de
de « Rouart » (1889). Les types de machines à ammo-
niac créés aux Elats-Unis depuis 1889 sont extré-
mement nombreux: il suffira de citer les machines
« Frick », « Hercule », « Shou », « Ballantine »,
« Hesketh et Mariet » et celles de la « Arctic C2 », de
la « Case Refrigerating C°», de la « York Manufacto-
ring C», de la« Consolidated Ice Machine C° », ete.
Dans ces appareils, il est impossible d'employer
le laiton ou le bronze; toutes les pièces sont en
fonte, en fer ou en acier.
La machine « Linde » est une des meilleures ma-
chines à ammoniac actuelles (fig. 1). Son compres-
seur est horizontal, à double effet, accouplé au
volant du moteur par une bielle et une manivelle.
Le piston est à segments de fer, et s'applique sur les
deux fonds du cylindre avec une rigoureuse exac-
tilude, l'espace nuisible étant ainsi supprimé méca-
niquement, Le presse-étoupes, d'où vient presque
E. MATHIAS — LA PRÉPARATION
INDUSTRIELLE DES GAZ LIQUÉFIÉS
967
“oute la valeur de cette machine, est double, avec
Chambre intermédiaire remplie d'une huile miné-
rale incongelable qui forme joint hydraulique, cette
“chambre étant réunie à l'aspiration par un petit
u yau. Dans ces conditions, la seconde garniture
“ne supporte que la pression de l'aspira-
on (2 kilos) et n'a pas de gaz à retenir»
mais simplement de l'huile liquide‘.
Cette disposition supprime tout autre
graissage, car l'huile entraînée goutte à
goutte par la tige dans le cylindre est
finement pulvériséeet lubréfie les organes
intérieurs. Le réfrigérant et le liquéfac-
teur sont composés de serpentins en
NN
NN
CRE E.
AT 27
AN A
SA 7 AIG /4
A NEW D
\ 222224 2
= = +4
NS
SREIE
TZR AZ
S S
RS SNS Se.
PA
L
EE
9
Kis. 2. — Compresseur de la machine de Lavergne à gaz
ammoniac liquéfié.— A, soupape d'aspiration de l'ammo-
niac: À, tuyau d'alimentation du bain d'huile; S, soupape
du piston laissant passer, lorsque le piston descend, AzH*
et une partie notable de l'huile: R, soupape de refoule-
ment unique baignant dans l'huile et sans autre ressort
que l'ammoniac comprimé en B; R', tube de refoulement
_ aboutissant au condenseur; », anneau amortisseur des
chocs par compression de l'huile entre lui et la partie
- inférieure de B; /,{. purgeurs. La compression a lieu pen-
dant la montée du piston, l'huile redescendant en partie
entre les segments de la garniture du piston et les parois
du cylindre.
fer d'une seule pièce. Pour les pays tropicaux, où
les pressions de refoulement peuvent atteindre
4 Dresez : Observation sur la communication de M. G. Ri-
chard, relative aux machines à froid, Joe, cit.,pp. 301 à 305.
— Le brevet du presse-étoupes de Linde est tombé dans le
domaine public en 1890, et depuis cette époque il a été
adopté par la plupart des constructeurs de machines frigo-
rifiques.
|
|
|
13 et 14 kilos, M. Linde emploie des compresseurs
compound où lacompression est faite en deux temps.
Il y a lieu designaler un {ype marin, destiné aux
vaisseaux, lequel porte sur un seul socle le moteur
à vapeur et un compresseur compound. Le socle
DLOUUII/I/I0IIIIT
F2
Z : D
LZL
À
LL
NN
S
si
-
—
\ |
À
Î
Fig. 3.— Soupapes de la machine frigorifique à gaz liquéfié de Wood
et Richmond,
contient à l'intérieur le liquéfacteur, et sur ses
flancs d’un côté le condenseur à vapeur, et de
l'autre une pompe à eau puisant directement à la
mer. La machine « Linde » est très répandue en
Allemagne et en France.
Les machines de « Kilbourn » et de « Lavergne »
| sont verticales, à simple effet, avec deux compres-
seurs accouplés par manivelle à 180°; elles se distin-
guent par des détails de construction très remarqua-
bles en ce qui concerne les joints et les robinets.
Dans la machine de « Lavergne », très répandue
aux États-Unis, dont la figure 2 montre le compres-
seur, la couche d'huile qui surmonte le piston esl
très épaisse; les segments du piston n'étant pas
tout à fait étanches, la majeure partie de l'huile
s'écoule pendant la montée du piston entre sa gar-
| niture et les parois du cylindre, le reste passant,
par la soupape de refoulement, dans la circulation
de graissage. Cette disposition complète l'étanchéité
du piston, réduit les frottements, et dissipe la cha-
leur de compression du fluide.
La machine de « Wood » et « Richmond », répan-
due égalementaux États-Unis, est du même type que
les deux précédentes. Les soupapes d'aspiration et
de refoulement (fig. 3), disposées à la partie supé-
rieure des compresseurs, sont particulièrement
accessibles et faciles à régler du dehors. L’échauf-
fement des compresseurs est combattu par l’injec-
tion automatique d’ammoniac liquide pulvérisé.
Les remarquables machines « Fixary », si répan-
dues en France, sont de deux sortes : horizontales
et verticales. Les machines verticales dé faible
puissance sont à un cylindre, les plus puissantes
à deux; ces dernières machines sont caractérisées
968 E. MATHIAS — LA PRÉPARATION INDUSTRIELLE DES GAZ LIQUÉFIÉS
par les précaulions prises pour éviter loute espèce |
de fuite (fig. 4). En effet, les deux compres- |
seurs communiquent à la par-
tie inférieure par une nappe
d'huile D où les pistons vien-
nentbaigner. Lacouche d'huile
qui surmonte les pistons sup-
Dans les presse-éloupes, où circule l'huile refrois
die, les garnitures en coton, chanvre ou amiante:
prime tout espace nuisible ;
quant aux fuites qui se pro-
duisent par les garnitures des
pistons, elles viennent s'ac-
cumuler dans une chambre
d'équilibre E, placée entre les
deux cylindres et communi-
quant avec les soupapes d’as- EN ——
piration B par l'intermédiaire \
d'une soupape de refoulement ù
S qui s'ouvre dès que la pres- N
sion du gaz dépasse une cer- \
taine valeur.
Quant aux boites à étoupes,
Z
4
LLODOODOD)
|
77
él
TL TIL,
2/77/7127,
TTL
2
I
W,
elles sont entourées
d'une gaine d'huile —> =
aa qu'une dérivation
d'ammoniac liquide
d venant du réfrigé-
rant congèle en par-
tie : l'huile forme
EEK
4
N
papes de dégagement: a, 4, gaine d'huile autour de la tige de
alors autour de la
tige du piston un S, soupape de refoulement; B, B, soupapes d'aspiration: C, C, sou-
Joint pätleux absolu- piston: d, dérivation d'ammoniac liquide.
ment imperméable et
sans frottement. Ce joint se retrouve, mais beau-
coup plus utilement, dans les machines horizon-
tales à double
Ur
A *
Fig. 4. — Machine frigorifique Fixary à gaz ammoniac liquéfié.
— AÀ,A,compresseurs; D, nappe d'huile ; E, chambre d'équilibre ;
suffit done de remplacer l'eau évaporée pour assus
rer le service de la liquéfaction. Dans les pays tem=
effet, à peu près (4 RAF
seules construi-
tes aujourd'hui, noel :
dont la boite à | =,
étoupes est sou-
mise directe- [T} Pompe rl
ns =
ment à la pres- L=
sion de l'ammo-
niac comprimé.
Dans ce cas, on
au join de
re at AN
gueur un peu
plus grande que FBoppemans Se vanlage d’être fa
la course du pis- Fig. 5. — Forme primitive de la machine frigorifique Vincent à chlorure de cilement acces-
+ méthyle. — À, tuyau d'aspiration du chlorure de méthyle gazeux: B, refou- : :
ton, de manière lement au liquéfacteur D; E, serpentin; C, tuyau amenant le nt sibles sur tous,
- liquéfié au robinet de détente R du bac à glace 1: M, mouleaux; H, turbine côtés et fa
que les pie agitant le bain 1: R', robinet d'isolement; ab, circulation d’eau du liqué- les À 3
de la tige qui facteur. ciles à surveil
pénètrent dans
le compresseur ne voient jamais l'atmosphère. Les
pertes de gaz sont ainsi totalement supprimées.
Liquéfacteur
V 7 denseursont,sur
[1
Nr ser)
et à nettoyer. Il y a lieu de signaler une machine
Fixary, du type marin, créée récemment.
rayaient à la longue
la tige du piston du
compresseur ; On &
remplacé ces garni
tures par des bagues
métalliques à pans
coniques composées
d'un alliage malléa
ble de plomb, d'étai
et d'antimoine, les
quellesassurent, sans
qu'on ait à les rem
placer plus d’une fois
tous les deux ou trois
ans, l'étanchéité de
la garniture et sup
priment l'usure de la
tige du piston.’
Dans les machines
Fixary récentes, le
refroidissement du
gaz comprimé es
obtenu, non par
l'échauffement d'une
circulation d’eau,
mais par l’évapora-
tion d'une petile par
tie de l’eau qui tombe
en pluie sur les tube
du liquéfacteur ; il
n
pérés, ce sys
tème économise
les 8/10 de l’eau
consommée pa
les condenseurs.
à immersion €@
réduit la force
motrice pendant
tique, ces con=
les autres, l'a-
ler, à entretenir.
l
Ca E. MATHIAS — LA PRÉPARATION INDUSTRIELLE DES GAZ LIQUÉFIÉS
969
Enfin, la machine anglaise de « Puplett » a un
Condenseur horizontal et à double effel recevant,
omme celui de lamachine « Wood » et« Richmond »,
üne injection d'ammoniac liquéfié; elle est carac- |
Le réfrigérant se compose de serpentins de cui-
vre pour les gros appareils et d'un corps tubulaire
de même métal pour les petits, disposés au milieu
d'une bàäche en tôle contenant un liquide incongela-
ble. La figure
érisée par un
liquéfacteur
6 représente
la forme ac-
lune forme
tuelle donnée
spéciale.
par M. Douane
S2. — Machi-
à la machine
nes frigori-
ques à chlo-
rure de
. méthyle.
On peut ci-
ter la machi-
e « Vincent »
1880) (fig. 5),
actuellement
construitepar
“ Douane ».
Dans les mo-
‘dèles puis-
sants,les com-
presseurs
- sont doubles,
verticaux et à
simple effet;
comme dans
les machines
« Fixary » ils
; communi-
-quent entre
| eux par le bas
avec un espa-
ce libre sans
cesse en rap-
port avec l’as-
piration, dont
la pression est
d'une atmo-
sphère envi-
_ron. Les boi-
tes à étoupes, —
| protégées
d’ailleurs par
une cerlaine
. hauteur de glycérine, étant sollicitées à l'intérieur
- el à l'extérieur par des forces égales, les fuites
_ sont évitées.
Dans les machines de faible puissance, il n'y a
- qu'un cylindre compresseur dont le piston et les
organes conducteurs sont enfermés dans une cage
-en fonte entièrement close, L'arbre qui donne le
. mouvement au piston lraverse la paroi de la cage
en fonte par un presse-étoupes.
O0
RO EE à à nt né
Fig. 6. — Forme donnée par M. Douane à la machine Vincent à chlorure de
méthyle liquélié,
« Vincent ».
$S 3. — Machi-
nes frigori-
fiques à acide
sulfureux
liquide.
Parmi cel-
les-ei, on peut
citer les ma-
chines « Ree-
1865),
| « Pictet »
(4875), « Mac-
kay » (1888).
La machine
« Pietet », qui
est la princi-
pale, est ca-
| ractérisée par
un compres-
seur horizon-
tal à double
effet actionné
directement
ou indirecte-
ment par un
moleur à va-
peur (fig:9);.
Le compres-
| ce »
seurestà dou-
ble enveloppe
et parcouru,
ainsi que Ja
tige creuse du
piston, par un
courant d’eau.
Les presse-étoupes sont doubles, avec chambre inté-
rieure et récupération des fuites par l'aspiration du
compresseur, Comme dans la machine « Vincent »
la pression d'aspiration est très voisine de la pression
atmosphérique. Les soupapes sont silencieuses, très
en évidence, très étudiées; les soupapes de refoule-
ment sont munies d'amortisseurs. L'acide sulfureux
liquide, étant un lubréfiant, permet de supprimer le
graissage de tous les organes internes de lamachine.
970 E. MATHIAS — LA PRÉPARATION INDUSTRIELLE DES GAZ LIQUÉFIÉS
Le réfrigérant (fig. 7), tout en cuivre, se compose
de deux gros tubes horizontaux réunis latéralement
par deux tubes demi-circulaires et verticalement
par de nombreux tubes en U. L'ensemble plonge
dans une dissolution de chlorure de calcium. Le
presse-éloupes (fig. 8) se compose d'une boite
cylindrique remplie de bagues en matière plas-
tique que l’on a trempées dans de la paraffine pas
trop chaude.
Ces bagues, de 10 à 12 millimètres d'épaisseur,
embrassent exactement la tige du piston et entrent
juste dans la boite dans laquelle elles sont serrées
modérément au moyen de pièces de serrage b, c,
par l'intermédiaire de la bague métallique a. Les
machines « R. Pictet » sont très répandues en -
France et dans les pays chauds. | Fig. 8. — Presse-étoupes de la machine Pictet. — à, bagu
métallique: 2, e, e, pièces de serrage; d, tige de pistons
1, bagues en matière plastique trempées dans la paraffines
une certaine quantité d'acide carbonique liquide“
La question de la supériorité des machines à
« liquide Pictet » sur les autres a été jugée défini
tivement dans une série d'essais faite en 1890 à
$S 4. — Machines frigorifiques à liquides mixtes. |
C'est à MM. Tessié du Motay et Rossi qu'est due | Station d'essais de l'Asssociation polytechnique
l'idée d'employer les liquides mixtes résultant de | de Munich, comparativement avec une machine
l'absorption par l’éther de 50 °/, de son poids d'a- « Linde » à ammoniac ; la machine à
cide sulfureux ou de 6 °/, de son poids d'ammo- « liquide Pictet » avait, en moyenne,
niaque. L' un rendement de 25 °/, inférieur à celux
On obtient ainsi des liquides incolores fonc- KM de la machine à ammoniac liquéfié®?
tionnant comme un gaz liquéfié homogène, et (ep elle a été définitivement abandonnée.
n'ayant pas la fâcheuse propriété de facile inflam-
mation qui à fait abandonner les machines à éther. | $ 5.— Rendement des machines frigors
fiques à gaz liquéfiés.
Le rendement frigorifique est le rap=
port du nombre de calories absorbées
par le réfrigérant à l'équivalent calori-
fique du travail correspondant indi-
qué au compresseur. Si T, est la tem-
pérature absolue du compresseur et D,
la température absolue du réfrigérant,
la valeur théorique du rendement fri-
gorifique est donnée par a elle
augmente lorsque la température du
compresseur et la chute de tempéran
ture T,—T, diminuent, ensemble ou
séparément.
Si on laisse de côté les machines fris
gorifiques à liquides mixtes, les machines
décriles précédemment produisent en
moyenne de 2.500 à 2.900 calories néga=
tives, ou frigories, par cheval-heure
indiqué au compresseur, ce qui veub
Fig. 7. — Réfrigérant de la machine frigorifique Pictet à anhydride dire qu'en une heure et pour un cheval
sulfureux liquide, indiqué au compresseur, le réfrigérant
peut abaisser de 10° la température de
I y a aux États-Unis un très petit nombre de ces ! 250 à 290 kilos d’eau.
machines en fonctionnement.
Il y a lieu de citer la tentative faite par M. R.
Pictet pour élever le rendement des machines à
acide sulfureux liquide en mélangeant à ce corps |
|
| 1 C.-E. Guvxe : La Production du froid et ses récentes applis
| cations, Revue générale des Sciences, 1292, t. II, p. 635.
| ® Essais comparatifs de machines à froid exécutés à la
| Siation d'essais de l'Association Polytechnique de Munich}
E. MATHIAS — LA PRÉPARATION INDUSTRIELLE DES GAZ LIQUÉFIÉS 971
PE a distillati réalable de l’eau destinée à être
II. —— APPLICATIONS DES MACHINES FRIGORIFIQUES I stillation préalabl au destinée à êtr
À GAZ LIQUÉFIÉS congelée donne uné glace parfaitement stérilisée el
Une des applications Îles plus impor-
tantes est la fabrication de la glace; mais
les applications les plus nombreuses se
font soit par l'intermédiaire de l'air froid HE
et sec, soit par l'intermédiaire d'une sau-
mure refroidie sans cesse par la machine =
et qui circule d'une façon continue autour Ë
ou à l'intérieur des substances à refroidir. E
S {. — Fabrication de la glace. GMA
La fabrication de la glace, au moyen
d'une eau préalablement stérilisée par la AAEBE ÉEEEE
chaleur, est une véritable nécessité so-
Il est surabondamment démontré 1 ÉÉÉÉE E E
vières, des lacs ou des marais est un véri-
table réceptacle à microbes, les froids les =
plus intenses ne détruisant pas ces micro- à
organismes. Toute glace naturelle doit |
done être considérée comme suspecte, el |
la prudence la plus élémentaire consiste
à n'employer pour l'alimentation que de
la glace artificielle faite avec une eau sté-
rilisée.
La congélation d'une eau aérée donne
une glace opaque, légère et fondant vite:
cette glace, à cause des bulles d'air qu'elle
renferme et qui lui donnent son opacilé,
est plus hygiénique mais moins belle que
la glace transparente obtenue avec de l’eau
privée d’air. Comme cette dernière fond
moins vile et par suite se conserve plus
longtemps, et que le goût du publie con-
corde avec l'intérêt des industriels, on ne
fabrique guère pour la consommation que
de la glace transparente !.
pis
lyau men
ciale.
aujourd'hui que la glace naturelle prove-
nant de la congélation de l'eau des ri-
compresseur.
la gla
alion de
È
Le procédé le plus employé consiste à
refroidir une eau pure, privée d'air, ren-
fermée dans des mouleaux mobiles placés
dans des bacs où circule un liquide froid
incongelable (fig. 9). On peut procéder par
congélalion lente, comme dans la nature,
ou en agilant mécaniquement les mouleaux pour
faciliter le départ de l’air dissous; ces deux pro-
cédés sont aujourd'hui abandonnés comme exigeant
un matériel trop encombrant ou trop compliqué.
15
Plan de
piration de $
brochure de 87 pages, avec 21 planches. Imprimerie Chaix,
Paris, 1891.
! Il est assez curieux de constater que les cafés font excep-
tion à cette règle, en exigeant de l'industrie des carafes
frappées à glace opaque; il S'agit là uniquement d'une ques-
tion de visibilité, et aussi beaucoup d’une question d'habi-
tude. |! de combustible augmente le prix de revient dans
| très transparente; mais la dépense supplémentaire
972
E. MATHIAS — LA PRÉPARATION INDUSTRIELLE DES GAZ LIQUÉFIÉS
des proportions inacceptables. On a tourné la diffi- |
culté en utilisant, pour la stérilisation de l’eau, la
chaleur du moteur qui actionne la machine frigo-
rifique. À cet effet, M. Linde (fig. 10)chauffe la chau-
dière de son moteur avec une chaudière auxiliaire
qui produit de la vapeur à une température plus
élevée que la première; dès lors, cette vapeur se
condense dans la première chaudière tout en
échauffant de celle-ci. L'eau, ainsi condensée sous
pression, est amenée dans un récipient où règne la
pression atmosphérique et où elle abandonne, par
ébullition, l'air qu’elle contenait; elle passe ensuite
dans les mouleaux après avoir, dans un échangeur
de température, cédé une plus grande partie de sa
chaleur à l'eau qui doit alimenter les deux chau-
dières. La solution de M. Linde donne une glace
absolument par-
faite, mais con-
duit à un appareil
compliqué et coù-
teux.
La solution de
M. de Sloppani,
plusdirecte et plus
économique, con-
siste à utiliser la
vapeur d'échappe-
ment du moteur
& à
précédemment produisent de 25 à 29 kilos de glace
à l'heure par cheval indiqué au compresseur.
Mais ce sont là des machines industrielles à pro
duction énorme et économique. Les machines à glace
à très faible production ont, à un autre point de
vue, un très grand intérêt aussi, mais un intérêt
domestique et non industriel; elles permettent de
faire de la glace dans les endroits isolés (châteaux,
pleine campagne), où il est absolument impossible
de s'en procurer, quel que soit le prix qu'on y
mette. De telles machines domestiques s'imposent
tout particulièrement aux colonies, où l'emploi
quotidien de la glace pure est une nécessité plu
encore qu'un luxe.
La maison « Douane » s'est faite une spécialité de
ces sortes de machines; la plus remarquable esb
un appareil d’un
poids total de 58
kilos (fig. 11}, dé
montable en piè-
ces dont la plus
lourde pèse 30 ki-
los et qui, mû par
deux manœuvres
quelconques, don-
r ne,après un quark
d'heure de mar-
che, de 300 à 400
de la machine fri-
gorifique. Cette va-
peur, déjà partiel-
lementcondensée,
passe dans un sé-
parateur formé de
lames de tôle dis-
posées en chica-
nes où elle aban-
donne l'huile
Fig. 10. — J'abrication de la glace par
le procédé Linde. — À, chaudière à
haute pression; a, tuyau amenant la
vapeur formée à se condenser dans le
serpentin de la chaudière à basse
pression B: /, réducteur de pression; e, tuyau conduisant la vapeur de
A dans le récipient C, à la pression atmosphérique, où elle se met à
bouillir et expulse par g l'air qu'elle contient: h, tube amenant l'eau
distillée et privée d'air dans l'échangeur de température D, d'où la
pompe H l'extrait par le tube qg pour l'envoyer par r au service des
mouleaux; E, pompe aspirant l'eau froide par 7 et la refoulant dans le
serpentin P où elle s'échauffe et alimente ensuite par À la chaudière A
et par / la chaudière B; d, tuyau amenant la vapeur de B au moteur G
qui actionne toutes.les pompes: », sortie de la vapeur qui va à un
condenseur.
grammes de glace,
soit de 1.200 à
1.500 grammes en:
une heure. Cette
machine fonction=
ne au moyen d'un.
cycle chlorure de
méthyle (fig. 5,) M
Au point de vue
historique, elle esb
qu'elle avait en-
trainée; la vapeur achève ensuite de se liquéfier
dans un condenseur à surfaces où une pompe à
vide force l’eau à dégager l'air qu'elle avait dissous.
Elle passe de là dans les mouleaux après avoir
traversé un échangeur de température où l'on ré-
cupère la plus grande partie dela chaleur spécifique
de l’eau pour chauffer celle qui doit alimenter
la chaudière du moteur. La méthode de M. de Stop-
pani, adaptée ordinairement aux machines à ammo-
niac Fixary, a le très grand avantage de pouvoir
être appliquée aux machines frigoriliques de tous
les autres systèmes; mais elle donne une glace
moins pure que le procédé Linde.
Si l’on part en moyenne d’eau à + 20°, il faudra
lui enlever 20 + 80 — 100 calories par kilo pour
la transformer en glace; ce qui montre, d'après la
page 950, que les machines frigorifiques décrites
le perfectionne
ment de l’ancien appareil domestique de Vin
cent (fig. 12) lequel, grâce à ses formes ramas
sées eb à l'introduction du compresseur dan
l'enveloppe du condenseur, élait mû à bras
d'homme et donnait de 2 à 3 kilos de glace
l'heure.
$ 2. — Production de l’air froid.
On peut refroidir l'air par contact direct avec un.
liquide incongelable ou utiliser directement le réfris
gérant de la machine frigorifique. Dans le premier,
système, on fait passer l'air à travers des surfaces
mouillées par une saumure froide ou à lravers un,
ruissellement (systèmes d'Osenbruck et de Linde);
ou même une véritable pluie d’eau salée (systèmes,
Linde et Pictet). {1 y à alors un très grand contact
entre le liquide et l'air, et celui-ci se refroidit
E. MATHIAS — LA PRÉPARATION
INDUSTRIELLE
973
DES GAZ LIQUÉFIÉS
pendant que l'eau salée froide et fortement hygro-
“ seurs « Linde » à
A
métrique absorbe les gouttelelles de vapeur con-
densée ; comme celles-ci ont pour noyaux les cor-
puscules organiques ou inorganiques entrainés
mécaniquement par l'air, il s'ensuit que celui-ci se
purifie en même temps qu'il se dessèche et se
refroidit.
Les refroidis-
surfaces mouillées
se composent d’a-
xes horizontaux et
parallèles portant
chacun une série
de disques en tôle
espacés de quel-
ques centimètres
et dont la partie
inférieure plonge
dans un bac qui
contient le bain incon-
gelable d’eau salée. Par
une rotation lente, ces
disques se recouvrent
d'une mince couche
d'eau salée et forment
une série de canaux
étroits et paral-
lèles dans les-
quels l’air,
chassé par des
ventilateurs # Fig. 11,— Machine Douane à bras pour
hélice, se re- la fabrication domestique de la glace.
froidit.
Le refroidisseur « Rouart » se compose de toiles
métalliques verticales sur lesquelles circule une
dissolution de chlorure de magnésium.
Le seul inconvénient de ce système est que le
_ titre de la saumure va constamment en diminuant,
en même temps que son volume augmente, par
suite de l'absorption de l'humidité de l'air. Il faut
avoir soin de soulirer l'excès de liquide et d'ajouter
du sel, de manière à maintenir son titre constant.
Le second système, dans lequel tout liquide
incongelable est supprimé, conduit évidemment
à des appareils plus simples; mais il à un gros
défaut, c'est que l'air qui vient se refroidir au
contact du serpentin du réfrigérant de la machine
frigorifique abandonne en même temps, sous forme
de givre, l'humidité qu'il contient. Cette couche de
givre constitue un écran mauvais conducteur de la
chaleur qui annihile bientôt l'action réfrigérante
REVUE GÉNÉRALE DES SCIENCES, 4901.
du serpentin ;
grand nombre
il faut donc dégivrer celui-ci. Un
de solulions de ce problème ont été
proposees.
Un des plus simples consiste à munir le réfri-
gérant de plusieurs serpentins. indépendants el
pouvant être isolés les uns
des autres. Dès que l’un
est givré, on l'isole, le cou-
rant de gaz liquéfié inté-
rieur passant dans un autre serpentin, et l’on fait
fondre le givre par exemple au moyen de la chaleur
empruntée à l'air extérieur; mais ce moyen est lent
el peu
l'intérieur du serpentin givré un courant d'air
On peut aussi faire passer dans
chaud, ou même de vapeur d'eau. La société
« Linde » préfère utiliser le serpentin givré comme
dérivation momentanée du liquéfacteur de la ma-
chine ; la chaleur de vaporisation considérable dé-
gagée par les vapeurs d'ammoniaque au moment
de leur liquéfaction sous pression se transmet à
travers l'épaisseur du serpentin de fer, et le givre
fond aussitôt.
M. Fixary a eu l'idée d'opérer le dégivrement
du serpenlin isolé À en faisant passer d’abord sur
lui l'air chaud et humide qui doit ensuite aller se
refroidir sur le serpentin suivant B, refroidi, inté-
F, BOFFEMANS 550
Fig. 12.— Appareil domestique Vincent pour la fabrication
de la glace. — C, compresseur à simple effet; a, soupape;
C!, serpentin liquéfacteur; D, robinet de détente du bac à
glace G; A, indications en traits discontinus du tube par
lequel les vapeurs détendues du chlorure vont du bac à
glace à l'aspiration du compresseur.
rieurement par l’'ammoniaque liquide détendu; dès
lors, l'air fait fondre une partie du givre de A et
va ensuite se dessécher sur B. Lorsque À est ainsi
dégivré et que B ne fonctionne plus, on renverse,
par un jeu de robinets, la circulation de l'air qui
se fait alors de B sur À, tandis que l'ammoniaque
passe de nouveau à l’intérieur de A.
cl
Toutes les solutions du second système ont le
même inconvénient, c'est que l'air qui se refroidit
au contact des serpentins réfrigérants et qui dépose
son givre sur eux n'a pas, avec ces surfaces métal-
liques, le contact intime qu'il à avec ia saumure
liquide dans le premier système ; en particulier, les
poussières qu'il transporte avec lui ne paraissent
pas arrêlées d'une facon aussi efficace el l’on peut
se demander si la solution si élégante du dégivre-
ment donnée par M. Fixary n'a pas pour effet
d'augmenter le nombre des germes que contient
l'air. D'autre part, la nécessité, pour le machiniste
qui conduit l'opération de la réfrigération de l'air,
de surveiller l’état de givre ou de dégivrement des
serpentins réfrigérants nécessile une surveillance
qui ne peut être efficace que dans une installation
de petite ou moyenne importance, comme l’est,
par exemple, celle d'un navire frigorifique. La
méthode de refroidissement de l'air par surfaces
mouillées au moyen d'une saumure incongelable,
entièrement automatique, parait, au contraire, émi-
nemment applicable aux très grandes installations
frisgorifiques, comme celle des abattoirs de Magde-
bourg.
Les considérations relatives aux avantages et aux
inconvénients des deux systèmes d'obtention de
l'air sec et froid sont, en quelque sorte, justifiées
a posteriori par les derniers perfectionnements
apportés à la méthode Fixary, laquelle est actuel-
lement une combinaison heureuse des deux systè-
mes primitifs.
Les serpentias évaporateurs de la machine fri-
gorifique plongent partiellement dans le liquide
incongelable occupant le fond d'un réservoir et
partiellement dans l'air à refroidir, qu'un ventila-
teur fait circuler à la surface des serpentins.
D'autre part, une pompe aspire le liquide incon-
gelable dans le bas du réservoir et le refoule dans
des tubes perforés placés au-dessus des serpentins
d'où il ruisselle en pluie uniforme sur la surface de
ceux-ci. Ce bain salé, refroidi par la machine fri-
gorifique, empêche la formation du givre et
absorbe l'humidité dans l’air à refroidir.
Il ne saurait être question, pour le moment du
moins, de la production de l'air froid et sec au
moyen de l'air liquide; c’est une application pos-
sible, désirable même, qui viendra à son heure,
lorsque l'industrie de l’air liquide se sera géné-
ralisée.
Le grand intérêt de la production de l'air froid
est dans la conservation des malières alimentaires
fermentescibles par l'air froid sec’; comme appli-
cation de celui-ci, on peut citer : la conservation
1 L'air froid et humide n'empêche pas la putréfaction;
c’est pour cela qu'on ne peut pas conserver la viande de
boucherie au moyen de la glace.
E. MATHIAS — LA PRÉPARATION INDUSTRIELLE DES GAZ LIQUÉFIÉS
des viandes dans les abattoirs, leur transport par
bateaux frigorifiques *, le ravitaillement des places
fortes au moyen d’entrepôts frigorifiques, la con-
servation du lait, la conservation des graisses
destinées à la fabricalion de la margarine, la
conservation des cadavres en médecine légale.
L'air froëd et sec permet en outre de modérer et
de conduire à volonté la marche des fermentations
par levure basse {Saccharomyces cerevisiæ) dans
les brasseries *, de la fermentation par les mucors
dans les fromageries, de la croissance du ver à soie
dans les magnaneries, de la fermentation du vin
en Algérie, de la croissance en serre de certaines
plantes, comme le lilas blanc, qu'il y a intérêt à
obtenir très tardivement, etc.
$ 3. — Applications des machines frigorifiques
obtenues par circulation de saumures froides.
Elles sont extrêmement nombreuses; il suffira de
citer la solidification et le démoulage du chocolat, le
foncage des puits et des tunnels dans les terrains
aquifères par le procédé Poeltsch (1886), la décan-
tation des vins de Champagne et de Saumur cham-
pagaisés par congélation du dépôt, l'extraction du
sel des solutions concentrées par le procédé Conrad
Hirzel, la concentration par congélation des liqueurs
alcooliques, des jus sucrés ou des eaux minérales
(Châtel-Guyon), l'extraction des malières cireuses
contenues dans les parfums naturels, la congélation
et l'entretien des skating-ring, la fabrication de la
nitro-glycérine, etc.
III. — APPLICATIONS DES GAZ LIQUÉFIÉS
AUTRES QUE LE FROID INDUSTRIEL.
$S 1. — Applications de l’air liquide.
A côlé des applications purement physiques pro-
venant de sa très basse température (mesure de
différents phénomènes physiques à la température
du bain d'air liquide sous la pression de l’atmos-
phère) se place l'application médicale consistant
dans une projection d'air liquide sur la peau dans
le cas de certaines affections chirurgicales, d'ori-
gine microbienne, telles que l’abcès du pied, le
lupus, l’anthrax ; à l'anesthésie provoquée par le
froid succède, comme l’a constaté le D' Campbell
While, de New-York, une 2yperhémie persistante
qui favorise la phagocytose et amène finalement la
guérison de l'affection traitée‘; les projections d’air
1 Orrvier : Revue d'Hygiène (Valeur hygiénique des viandes
congelées), Revue gén. des Sciences, t. IX, p. 240.
2 Pgrrr : L'état actuel et les besoins de l'industrie de la
Brasserie, Revue gén. des Sciences, t. X, p. 9.
2 Corn : L'état actuel de l'industrie des vins de Cham-
pagne, Revue gén. des Sciences, t. X, p. 99.
4C. Linor, dans Zeitschrift der Vereines deutscher Inge-
nieure, t. XLIV.
à
=
L«
Mquide paraissent donc agir à la facon d'un ré-
- vulsif.
A l'emploi de l'air liquide comme force motrice
%e raltache ce qui suit :
On a pu voir fonctionner, à la récente Exposition
d'automobiles de New-York, comme aussi à Paris
vers la fin de l'Exposition Universelle, l'automobile
à air liquide de M. Tripler'; il offre une très grande
ressemblance avec les « autos » à pétrole, et un
homme seul le conduit sans difficulté. L'air liquide,
puisé au fond d’un réservoir L (fig. 13), passe
d'abord dans un serpentin de dilatation 1 ou déten-
deur où il se vaporise, puis dans un serpentin
horizontal MN appelé radiateur, placé au-dessous
de la voiture, où les vapeurs sont amenées à une
température voisine de la température atmosphé-
rique grâce au rapide renouvellement de l'air. L'air
passe ensuite dans un égalisateur de pression E
qui annule au-
tant que possi-
ble les varia-
_ tions brusques
de pression
lorsque, par
l'effet du robi-
net F dit de ra-
pide pression,
Le
E. MATHIAS — LA PRÉPARATION INDUSTRIELLE DES GAZ LIQUÉFIÉS 975
se prolonge sous forme de serpentin dans l'air
liquide et aboutit au robinet de rapide pression F;
le troisième conduit part du sommet de l'air gazeux
pour aboutir, d'une part, à un manomètre métal-
lique À sans cesse sous les yeux du conducteur, de
l’autre à une soupape de sûreté. Un robinet de
secours H permet de mettre, au besoin, ce conduit
en communication avec le serpentin de dilatation ];
enfin, le quatrième tube K n’est qu'un orifice ser-
vant au remplissage du réservoir.
La provision d'air liquide employée est suffisante
pour faire un parcours ininterrompu de 50 milles;
comme la « Tripler Liquid Air Company » s'engage
à fournir l'air liquide au prix de O0 fr. 75 le gallon,
il s'ensuit que l'automobile fait 1 mille avec une
dépense de 0 fr. 15.
A côté de l'automobile Tripler, citons celui de la
« Liquid Air Power and Automobile Company », de
Boston (Massa-
chusetts) (capi-
tal — 5.000.000
de dollars !). De
l'automobile,
n nous dirons
seulement ceci:
du réservoir
d'air liquide,
on admetdirec-
tement dans le
moteur l'air qui
vient du réser-
“voir, sans le
faire passer par
» l'égalisateur de
… pression. L'air
“ liquide, ainsi réchauffé, donne naissance à un
rent volume de gaz à la température ordinaire,
“ lequel peut faire marcher un moteur du genre de
“ ]a turbine de Laval. On peut faire à ce sujet toutes
“ les suppositions que l’on voudra, M. Tripler n'ayant
- rien livré de son moteur.
“ Le serpentin de dilatation est renfermé dans un
Bnindre métallique placé à côté du réservoir à air
- liquide dans la caisse de la voiture, derrière le
siège du conducteur.
Le réservoir à air liquide est en cuivre, d'une
“ contenance de 10 gallons (45 lit. 4) et à double
paroi, dont l'intervalle est rempli d'air et d'une
matière mauvaise conductrice de la chaleur. De la
partie supérieure du réservoir partent 4 tubes. Le
premier est un tuyau d'alimentation qui part du
fond du cylindre intérieur et porte l'air liquide
“ dans le serpentin de dilatation 1; le conduit voisin
4 D'après le Scientific American du 1‘ décembre 1900,
p. 243.
ÉFig. 13. — Organes de l'automobile Tripler à air liquide, — L, réservoir à air
= liquide; I, serpentin de dilatation ou défendeur; MN, radiateur; E, égalisateur
de pression; F, robinet de rapide pression; À, B, manomètres; C, tube con-
duisant l'air comprimé au moteur; D, robinet de réglage ; H, robinet de secours;
K, orifice de remplissage du réservoir L: G, J, tubes accessoires.
porté par la voi-
ture l'air estas-
piré puis refou-
lé dans des ser-
pentins chauf-
fés par des fils
qui s’enroulent
autour d'eux et
qui proviennent d'une dynamo mise en mouvement
par une turbine actionnée par l'air sortant des ser-
pentins. Le mouvement de l'induit de la dynamo
est transmis par des engrenages et des arbres aux
roues de derrière de la voiture. L'emploi de poulies
à rayon variable permet d'augmenter à volonté et
dans une proportion considérable l'effort commu-
niqué à l'engrenage de marche, ce qui est néces-
saire quand on veut monter une côte ou aller sur
des routes détrempées.
Alors que les applications de l'air liquide comme
réfrigérant restent fort circonscriles, ses applica-
tions comme force motrice, donnant lieu à des
machines légères sans combustible et sans flamme,
peuvent se multiplier sans qu'on puisse {axer cet
espoir de déraisonnable.
Il est intéressant de signaler les propriétés explo-
sives de l'air liquide en présence des carbures
d'hydrogène liquides, et les essais pratiques aux-
quels s’est livrée une commission officielle nommée
par le Gouvernement autrichien. On formait des
F Bcaqemans 5e.
976
E. MATHIAS — LA PRÉPARATION INDUSTRIELLE DES GAZ LIQUÉFIÉS
cartouches en faisant absorber à du kieselquhr
(marne siliceuse, terre d’infusoires) de l'huile mi-
nérale, et on saturait le tout avec de l'air liquide;
on portait ensuite les cartouches au fond de trous
profonds creusés dans le roc, et on les faisait détoner
à l’aide d'une capsule de fulminate de mercure.
Les expériences montrèrent que le mélange d'air
liquide et d'huile minérale est un explosif puissant,
mais moins efficace loutefois que la dynamite, le
fulmi-coton ou la gélatine explosive. Ce mélange
explosif est avantageux pour les mines, parce que
le transport des cartouches n’est pas dangereux
et que les gaz dégagés par l'explosion ne sont pas
vénéneux elirrespirables comme ceux que dégagent
les explosifshabituellement
employés. Les ratés eux-
mêmes ne sont pas dange-
reux, pour cette raison
qu'au bout de 15 minutes
> D | environles cartouches char-
LE gées ont perdu leur pouvoir
explosif, par suite de l’éva-
poration de l'air liquide.
Il suffit donc d'attendre ce
temps pour pouvoir enle-
ver sans danger une car-
touche qui a raté, ce qui
est toujours dangereux avec
les explosifs usuels. D’au-
tre part, l'efficacité d'une
cartouche saturée d'air li-
quide va en diminuant con-
a
Fig. 14 — Séparateur
d'oxygène et d'azote. —
À, arrivée de l'air com-
primé ; NO, liquéfacteur
à contre-courant; pb,
écoulement de l'air li-
quide; r,, robinet per-
mettant d'envoyer l'air
liquide dans le collec-
teur; r,, robinet pour
l'évacuation de l’oxy-
gène liquide ; n, sortie
de l'azote; 0, sortie de
l'oxygène ; c, d, ro-
binets.
stamment depuis le mo-
ment de la saturation jus-
qu'à l’évaporation complète
de l'air; par suite, son pou-
voir explosif est inégal, in-
connu à l'avance et, par
conséquent, impossible à
régler. La contre-partlie de
cetinconvénient sérieux est
que l’on n’a plus à craindre
le vol du corps explosif, vu
la rapidité avec laquelle se perd cette propriété.
L'essai d'application qui vient d'être signalé
conduit naturellement à insister sur la façon dont
s'opère l’évaporation de l'air liquide”. Au moment
de sa liquéfaction, l'air liquide a très sensiblement
la composition de l'air atmosphérique; lorsqu'il
s'évapore, il se produit une distillation fractionnée,
et l'azote, beaucoup plus volatil que l'oxygène,
s'échappe en quantité plus grande que celui-ci, de
sorte que les vapeurs sont plus riches en azote que
l'air atmosphérique, tandis que le liquide restant
1 Bay : Phil. Magazine, juin 1900.
est d'autant plus riche en oxygène que l'évaporation
dure depuis plus longtemps. C’est sur ce phéno-
mène qu'est fondé l'appareil ci-contre (fig. 14), con-
struit par le Professeur Linde pour la séparation -
automatique des deux composants de l’air et qu'il
faut, par la pensée, mettre à la place de l'échan-
geur F dans la machine à air liquide de la figure 4
de la première partie (page 903).
L'air comprimé, distribué en À à deux appareils
à contre-courant N et O, se rassemble de nouveau
en b, s'écoule par un serpentin placé dans le col-
lecteur, et arrive enfin par le robinet », dans ce
collecteur où une partie (principalement de l'oxy-
gène) reste liquéfiée, tandis que l’autre partie (prin-
cipalement de l'azote) retourne par le serpentin
extérieur de N,et sort en ». En se liquéfiant dans le
serpentin, l'air dégage sa chaleur de vaporisation,
et provoque l’évaporation de l’air liquide rassemblé
dans le collecteur. On règle le niveau du liquide
dans le collecteur au moyen du robinet 7, qui laisse
passer de l'oxygène liquide plus ou moins pur,
lequel va dans le serpentin extérieur O et sort en a:
après avoir refroidi l'air comprimé qui arrive. On:
manœuvre les robinets cet d de façon que la tem-
pérature de sortie des gaz de n et o soit inférieure
de quelques degrés seulement à la température de:
l'air comprimé en A. On peut obtenir ainsi en oum
mètré cube de gaz à 50 °/, d'oxygène par cheval-
heure; quant au gaz sortant par 2, il renferme, au.
début de la vaporisation, 92 °/, d'azote et 8
d'oxygène; la proportion de ce dernier gaz aug-
mente avec la durée de la vaporisation. La plus.
précieuse des applications de l'air liquide parait
êlre la préparation à bon marché des mélanges.
d'oxygène et d’azole riches en oxygène; on a
essayé, grâce à cet air suroxygéné, de simplifier
certaines préparations chimiques, celle de l'acide
sulfurique, par exemple; l'usine « Rhenania », en
parliculier, à fait des essais très sérieux qui ne
paraissent pas avoir très bien réussi. La conelusion
de tout cela est que, si l’air liquide est plein de
promesses pour l'avenir, il a, jusqu'ici, beaucoup
moins Lenu que promis.
$ 2. — Applications du chlore liquide.
Indépendamment de ses applications dans les
laboratoires de chimie pure, le chlore liquide est
utilisé dans l’industrie du papier, dans l'extraction
de l'or et dans l’industrie des produits organiques
et des matières colorantes'; il sert enfin pour les.
analyses métallurgiques et comme désinfectant.
$3. — Applications du chlorure de méthyle.
En dehors de la fabrication des produits méthy-
lés, le chlorure de méthyle sert encore à l'extraction …
1 Jausert: Dict. de Wurtz, 2e suppl., 39° fasc., p. 644.
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E. MATHIAS — LA PRÉPARATION INDUSTRIELLE DES GAZ LIQUÉFIÉS 97
des parfums ; il faut pour cela qu'il soit parfaite-
ment pur et qu'il ait été traité à l’état gazeux par
de l'acide sulfurique concentré, qui retient l'odeur
désagréable du liquide commercial. On procède
alors de la manière suivante : on remplit un vase
digesteur avec les fleurs dont on veut avoir le par-
fum ; on ferme l'appareil et on fait arriver du chlo-
rure de méthyle pur de manière à baigner les
fleurs ; après deux minutes de digestion, on fait
écouler par la partie inférieure du vase le liquide
qui filtre ainsi sur les fleurs, et on renouvelle le
liquide plusieurs fois de façon à épuiser méthodi-
quement les fleurs. Après la dernière opération, on
récupère le chlorure de méthyle retenu par celles-ci,
au moyen d'un courant de vapeur d'eau que l’on
condense, le gaz étant recueilli dans son gazomètre,
puis desséché et comprimé. Le chlorure de méthyle,
chargé de parfum, est rassemblé dans an vase que
l'on porte à 30° avec un courant d'eau et où on fait
le vide pour vaporiser le dissolvant; le parfum
reste associé à des matières grasses et cireuses
qu'il suffit de traiter par l'acool pour obtenir le
parfum absolument pur. Le chlorure de méthyle
évaporé est de nouveau condensé et rentre dans la
circulation.
Cette élégante méthode, due à M. Camille Vincent,
permet l'extraction des parfums trop altérables
pour être obtenus par distillation et qu'on recueille
ordinairement par dissolution à froid dans la
graisse, comme ceux du jasmin et de la violette’.
$ 4. — Applications de l'acide sulfureux liquide.
L'anhydride sulfureux pur est employé dans la
fabrication du sucre où il fonctionne comme un
excellent agent décolorant remplaçant avantageu-
sement le noir animal, et jouissant d’une action
antiseptique qui prévient les allérations et les
fermentations des jus sucrés et qui facilite leur
cristallisation pendant la cuisson.
L'acide sulfureux liquide est aussi employé pour
le blanchiment des matières animales, soies,
Jaines, plumes, éponges, colles, gélatines, ete., ou
végétales : coton, paille, objets en osier, herbes,
gomme arabique, ete. On l’emploie alors pour pré-
parer les dissolutions dans l’eau bouillie, d’un titre
déterminé, dans lesquelles on plonge les matières
à blanchir pendant un laps de temps variant de
huit à vingt heures.
L'anhydride sulfureux liquide est un puissant
agent de désinfection pour les locaux malsains ou
contaminés, les linges d’hôpitaux, ete., et de des-
truction des microbes et des insectes parasites. Il
est intéressant de constater que, dans la désin-
4 CamiLLe ViNcENT, dans La Nature, 8° année 1880, ler se-
mestre, p. 86.
fection des appartements contaminés, l'anhydride
sulfureux pur laisse intactes les dorures et les
parties métalliques, tout en ayant une grande force
de pénétration.
Les propriétés antiseptiques de ce corps sont
utilisées dans le traitement des vins pour suppri-
mer la « graisse » et arrêter les fermentations
anormales, pour la conservation des fruits confits
et de tous les liquides fermentés. Les dessécheurs
de morue s’en servent pour détruire le champignon
rouge qui cause la putréfaction des morues pen
dant le séchage ; il sert aux minotiers pour -détruire
les charançons des greniers à blé, en médecine pour
traiter la gale et certaines maladies de la peau, etc.
Enfin l’anhydride sulfureux liquide est souve-
rain pour l'extinction des feux de cheminée.
$ 5. — Applications du chlorure d’éthyle.
Ce corps sert en médecine pour l'anesthésie
locale. A cet effet, on brise la pointe effilée de l'am-
poule de verre qui le contient et on dirige le jet de
liquide sur la partie du corps dont on veut amener
l'insensibilité’. Le chlorure d'’éthyle est, en outre,
employé dans l'industrie des matières colorantes
artificielles et dans celle des produits pharmaceu-
tiques.
IV. — TRANSPORTS ET DOUANES.
On peut se demander comment il se fait que
l'industrie des gaz liquéfiés, si ulile à tant de points
de vue, se soit développée si tard en France, alors
qu'elle était florissante en Allemagne et que nous
étions tributaires de ce pays pour cette sorte de
produits. L'Administration française s'est cepen-
dant montrée assez libérale envers notre industrie
en ne frappant d'aucun droit particulier la fabri-
cation et la liquéfaction des gaz. Toutefois, elle fait
une différence entre les fabriques « de glace ou
de réfrigération » (pour employer la nomenclature
officielle) qui emploient l'anhydride sulfureux, et
celles qui emploient les autres gaz liquéfiés, le gaz
ammoniae y compris, les premières étant dans la
deuxième catégorie (émanations nuisibles), tandis
que les secondes sont en troisième catégorie.
L'emploi de machines frigorifiques à anhydride
sulfureux liquide dans les fabriques d'extraits de
parfums, comme celles de M. Chiris à Grasse et à
Moscou, démontre jusqu'à l'évidence qu'il y a lieu
de revenir sur cette classification remontant au
décret déjà ancien du 7 mai 1878. Mais là n'est pas
la vraie cause du trop lent développement de notre
industrie. L'étude des précautions excessives im-
4 L'Anhydride sulfureux liquéfié chimiquement pur, ses
propriétés et ses usages industriels. Compagnie indus-
trielle des procédés Pictet.
2 Monxer, dans Æevue de chimie industrielle, 1892, t. I,
p. 58.
978 E. MATHIAS — LA PRÉPARATION
posées pour le transport des gaz liquéfiés et la
véritable rançon exigée des producteurs par les
Compagnies de chemins de fer et de navigation
jetteront une assez vive lumière sur les entraves
apportées au développement de notre industrie par
ceux-là mêmes qui auraient intérêt à la protéger
et à l’encourager. Comme les questions indus-
trielles sont inséparables des questions écono-
miques, quelques renseignements fournis sur le
fonctionnement de Ja Douane à l'égard des gaz
liquéfiés ne paraîtront peut-être pas inutiles.
$ 1. — Transport des gaz liquéfiés.
Le transport par chemin de fer des gaz liquéfiés
est soumis à un règlement publié sous forme
d'Arrété en date du 42 novembre 1897, par les
ministres des Travaux Publics, de la Guerre et des
Finances. Si on laisse de côté: l'air liquide, quin'a
pas encore, au moins en France, donné lieu à un
transit, l'acide carbonique, qui sera traité à part,
et le chlorure d’éthyle qui n’est pas expressément
visé en tant que gaz liquéfié, on peut résumer ainsi
qu'il suit les prescriptions ministérielles relatives
au transport des gaz liquéfiés.
Le protoxyde d'azote, l’acétylène, le chlore
anhydre, le gaz ammoniac et l'anhydride sulfureux
liquides doivent être renfermés dans des récipients
en fer forgé ou en acier doux recuit; dans le cas
de l’'anhydride sulfureux, le récipient peut être en
cuivre ‘ ou en acier simplement doux. Dans le cas
unique du chlorure de méthyle, il n'est rien spé-
cifié sur la nature du vase, qui doit offrir, sous la
responsabilité du fabricant, une résistance suffi-
sante, el n'être rempli qu'aux neuf dixièmes. La
question de la résistance du récipient est très net-
tement explicitée pour les autres gaz liquéfiés.
Avant leur mise en service, ces récipients
devront être soumis, aux frais des intéressés, à
une épreuve officielle constatant qu'ils supportent,
sans fuites ni déformations permanentes, une pres-
sion par centimètre carré égale à 150 kilos” pour
le protoxyde d'azote et l'acétylène liquides, à
100 kilos pour le gaz ammoniac liquéfié, à 50 kilos
pour le chlore liquide, à 30 kilos pour l’acide sul-
fureux s’il s’agit de récipients en fer ou en acier, à
15 kilos pour le même corps s'il s’agit d'un réci-
pient en cuivre.Cette épreuve doit être renouvelée
tous les trois ans ; pour les récipients de cuivre ser-
vant à l’'anhydride liquide, l'épreuve n'est impo-
sée que tous les dix ans.
Chaque récipient doit porter une marque offi-
‘ Cette clause (et l'épreuve décennale à 15 kilos) n'est
valable que pour les (transports en France; elle n’est pas
encore insérée dans la Convention internationale de Berne
pour nos exportations.
* En plus de la pression atmosphérique.
INDUSTRIELLE DES GAZ LIQUÉFIÉS
cielle, placée à un endroit bien apparent, indi-
quant : la date de la dernière épreuve, le poids du
récipient vide et la Charge maxima en kilos qu'il
peut contenir et qui est limitée à 1 kilo de liquide
pour :
11 34 de capacité dans le cas du protoxyde d'azote.
A, 34 — — de l’acétylène liquide.
1, 86 — — de l’ammoniac liquide.
0, 09 = - du chlore liquide.
0, 08 — -- de SO* liquide.
Quand les récipients sont chargés en vrac, ils
doivent être peints en blanc et être confectionnés
de facon à ne pouvoir rouler, ou pourvus d’une
garniture extérieure remplissant ce but; de plus,
les soupapes et robinets doivent être protégés par
des chapes ou couvercles de même métal que les
récipients et vissés sur eux.
L'arrêté du 17 novembre 1897 range le protoxyde
d'azote et l’acétylène liquéfiés dans la première
catégorie, avec les explosifs de guerre, la poudre,
les obus chargés, la dynamite, la mélinite (article 3);
le chlore, l'ammoniaque, l'acide sulfureux liquides
et le chlorure de méthyle sont dans la deuxième ca-
tégorie avec les munitions de guerre, le phosphore,
le sulfure de carbone, les allumettes, ete. En vertu
des articles 153 et 157, tous les gaz liquéfiés sont
exclus des trains de voyageurs sur les lignes ou
sections de lignes où circulent des trains de mar-
chandises réguliers. Il ne leur est permis de cir-
culer dans les {rains mixtes que là où il n'y a pas
de trains de marchandises réguliers.
Une seule exception est faite pour le chlorure de
méthyle, qui peut être admis au transport par
grande vitesse, comme colis postal, par flacon con-
tenant 300 grammes au plus de chlorure de mé-
thyle, ce flacon étant isolé dans une caisse ne devant
contenir aucun autre produit.
L'esprit le moins prévenu ne peut qu'être frappé
de l’exagération des précautions prévues pour le
transport des gaz liquéfiés par l'arrêté du 12 no-
vembre 1897 ; l'effet de terreur que produisent ces
malheureux corps sur les personnes qui n'ont pas
eu l’occasion de les manier ou de les voir de près
est très curieux à constater. C'est par là que l'on
peut s'expliquer leur assimilation aux explosifs les
plus dangereux et aux corps les plus inflammables.
Qu'il faille prendre des précautions contre eux,
cela est évident; et celles qui se rapportent à la
résistance des récipients qui doivent les contenir
et au poids maximum de gaz liquéfié qu'un réci-
pient donné doit contenir sont très sages ; mais ces
précautions sont déjà très suffisantes, et l'exclusion
du transport par grande vitesse ne se peut com-
prendre, car il n'y a aucune assimilation possible
à faire entre le danger que font courir les explosifs
de guerre ou les corps inflammables comme le
U
,
|
|
E. MATHIAS — LA PRÉPARATION INDUSTRIELLE DES GAZ LIQUÉFIÉS
979
phosphore et les allumettes, et le danger moral des
gaz liquéfiés, l'acétylène liquide excepté. La suspi-
cion jetée involontairement, mais injustement, par
les ministres des Travaux Publies, de la Guerre et
des Finances sur les gaz liquéfiés autres que l'acé-
tylène, a eu un retentissement immédiat auprès des
Compagnies de chemins de fer, ces corps élant, sur
la plupart des réseaux, frappés d'une surtaxe de
transport pouvant alteindre dans cerlains cas
50 °/, en sus des prix de la première série. En Alle- |
magne, au contraire, SO* liquide, en raison de son
trafic élevé et pour développer son industrie, est
admis à voyager dans des wagons-citernes en fer,
d'une capacité égale à celle d’une quarantaine de
grosses bouteilles ordinaires et astreintes aux
mêmes conditions de résistances qu'elles.
A ceux qui douteraient encore de l'influence
néfaste jouée par les Compagnies de chemins de
fer à l'encontre du développement de l'industrie
française des gaz liquéfiés, il suffira de la citation
suivante. Comme nous l'avons rappelé plus haut:
« on s'est efforcé en France d'introduire le chlore
liquide dans l'industrie ; mais les efforts de la mai-
son Péchiney et Ci*, de Salindres, qui exploitait le
procédé de la « Badische Anilin und Sodafabrik »,ont
échoué gräceaux diflicultés que les administrations
de chemins de fer (le Paris-Lyon-Méditerranée en
particulier) ont opposées à l'expédition du chlore;
- ce mauvais vouloir des Compagnies françaises est
PAPE ETS
d'autant moins justifié, qu'en Allemagne le chlore
circule librement, et qu'on en expédie même en
Amérique‘ ». Les mêmes inconvénients se retrou-
vent auprès des Compagnies francaises de naviga-
tion, qui ne consentent à charger certains gaz
liquéfiés, et particulièrement l'anhydride sulfureux
liquide, que sur le pont et à un taux de fret majoré
. le plus souvent de 50 à 100 °/,. Auprès des Compa-
vit s'necatot LL obod d n . dé ittés cbr dE
gnies étrangères, les difficultés sont plus grandes
encore, et nombre d'elles, notamment les lignes
allemandes et anglaises, refusent absolument de
charger les gaz liquéfiés, ou ne les acceptent qu'en
limitant le poids des colis à 40 ou 60 kilos, et à un
fret dont le taux est majoré huit ou dix fois. Il est
inutile d’insister, l'opinion publique devant faire
justice de pareils errements.
$ 2. — Douanes.
Tous les gaz liquéfiés, quels qu'ils soient, figu-
rent au Tarif général des Douanes sous la rubrique
« Produits chimiques non dénommés », et sont
soumis à leur entrée en France à un droit uniforme
ad valorem de 5 °/, de la valeur totale, liquide et
enveloppe; en outre, et dans le but évident de
protéger notre industrie métallurgique, le récipient
1 Jaugerr, dans Dictionnaire de Würtz, 2e suppl., 39e fasc.,
p. 644.
métallique qui renferme le gaz liquéfié importé
est frappé d'un droit de 95 francs par 100 kilos.
Presque toujours, l'importeteur ne déclare que
la seule valeur du gaz liquéfié, laquelle est fort
variable avec son degré de pureté, et peut descen-
dre jusqu'à 15 ou 20 francs par 100 kilos. De plus, la
Douane se contente souvent de percevoir le droit
ad valorem de 5 °/, sur la valeur déclarée du gaz
liquéfié, sans tenir compte des droits très élevés
relatifs au récipient métallique qui le contient.
Cette générosité est doublement fâcheuse, car elle
paralyse notre industrie naissante, en favorisant
outrageusement l'importation étrangère, d'autant
que la réciprocité n'existe pas pour nous de la part
de l'étranger. Quand nous exportons notre anhy-
dride sulfureux pur en Autriche, par exemple, nous
payons un droit de 25 francs par 100 kilos de poids
brut, bonbonne comprise, ce qui, pour 100 kilos de
liquide, donne un droit de douane de 35 à 40 francs,
alors que l'importateur étranger paye un frane
pour 400 kilos de SO* valant 20 franes les 100 kilos !
Dans la question de la défense de notre indus-
trie contre l'industrie étrangère, le thermomètre
de la situation, si l’on peut s'exprimer ainsi, c'est
le quantum de l'importation annuelle donné par
une statistique bien faite. Il est fâcheux d'avoir à
constater que, dans l’état actuel des choses, cette
importation ne peut êlre connue exactement pour
les gaz liquéfiés; il en sera ainsi tant que l'Admi-
nistration des Douanes les rangera dans la caté-
gorie des « Produits chimiques non dénommés ».
Cette Administration rendrait à notre industrie
des gaz liquéfiés un service signalé, en explicilant
dans ses Tarifs les gaz liquéfiés avec leur nom, de
facon que l’on püût connaître, pour chacun d'eux,
le tribut annuel que nous payons à l'étranger.
V. — CONCLUSION.
La conclusion de ce long travail sera très courte.
Le développement normal de la science pure, c'est
la science appliquée ; un des plus beaux exemples
de cette évolution naturelle, c’est le développement
prodigieux pris par l'industrie des gaz liquéfiés.
Qu'est-ce que cette industrie, sinon ie laboratoire
de Chimie et le laboratoire de Physique transportés
dans l'usine? Grâce à elle, l'ingénieur est désor-
mais inséparable du chimiste et du physicien, el
inversement. L'industrie et la science pure ont
besoin l’une de l’autre; les innombrables applica-
tions des gaz liquéfiés démontrent surabondam-
ment la fécondité de leur union intime. Tout ce
qui gène ou relarde cette union va à l'encontre des
intérêts généraux de l'humanité, et doit être con-
damné ou rejeté par elle. E. Mathias,
Protesseur de Physique à la Faculté des Sciences
de l'Université de Toulouse,
980
BIBLIOGRAPHIE — ANALYSES ET INDEX
BIBLIOGRAPHIE
ANALYSES
1° Sciences mathématiques
Boehm (Karl). — Zur Integration partieller Dif-
ferentialsysteme. — 1 broch. iu-8 de 55 pages.
(Prix : 1,80 mk.) Teubner, éditeur. Leipzig, 1901.
Cet opuscule fournit une importante contribution à
la théorie des équations aux dérivées partielles. II se
rattache, quant à la méthode suivie, aux travaux fon-
damentaux de Cauchy, de Sophie Kowalevsky et de
M. Darboux. M. Boehm examine l'existence des inté-
grales d’un système d'équations aux dérivées partielles
en se bornant toutefois au problème de la détermina-
tion des coefficients des séries auxquelles se ramène
l'intégration. Il compare d’abord le nombre des déri-
vées d’un ordre quelconque au nombre des équations
qui les lient, et parvient à en déduire que les problèmes
d'intégration doivent être répartis en deux grandes
classes, suivant que le nombre m des équations est plus
grand que le nombre des fonctions à déterminer, ou ne
l'est pas.
Le cas particulier 11 —1 fait l'objet d'une étude très
approfondie, dans laquelle l’auteur montre que le
problème de l'intégration peut toujours être résolu.
Quant à la démonstration de la convergence de la
série qui forme la solution du problème, elle peut être
déduite des théorèmes donnés par M. Riquier; aussi
l’auteur se dispense-t-il de la reproduire dans son
travail.
Vient ensuite le cas d'un système de m équations
aux dérivées partielles à 22 fonctions inconnues et à »
variables indépendantes. Cette étude, qui se rattache
directement aux célèbres recherches de Sophie Kowa-
levsky, apporte une simplification dans les condi-
tions d’intégrabilité. C'est précisément à ce point de
vue que le travail de M. Boehm mérite d'être signalé à
ceux qui s'intéressent à la Théorie des équations aux
dérivées partielles. Feu,
Professeur à l'Université de Genève,
Baclé (L.), /ngenieur civil des Mines.— Les Plaques
de blindage. — 1 vol. in-4° de 236 pages, avec 200 fi-
gures.(Prix :10 fr.) Veuve Ch. Dunod, éditeur. Paris,
1901. :
Personne n'était mieux placé que l’auteur de ce tra-
vail pour présenter sous leur vrai jour, aux yeux du
public compétent, les nombreuses faces de la question
si intéressante et si actuelle de la fabrication des blin-
dages. M. Baclé est depuis fort longtemps attaché à la
maison Marrel frères, et auparavant il faisait partie de
la Ci° Châtillon et Commentry, deux des Sociétés fran-
çaises qui, en même temps que les usines du Creusot,
de Saint-Chamond et de Saint-Etienne, ont toujours
contribué à soutenir la bonne réputation francaise vis-
à-vis des firmes étrangères les plus renommées. Il a
donc eu sous les yeux tous les rapports dressés à la
suite des multiples expériences officielles qui ont eu
lieu à Gavres, à Ochta, à Portsmouth, à Indian Head,
à Meppen, etc.; souvent même il a assisté en personne
à ces épreuves grandioses, et, avec l'esprit de méthode
et le talent d'exposition que tout le monde reconnaît
au dévoué secrétaire des nombreux congrès ou com-
missions où les conditions de réception des matériaux
sont agitées, il a su coordonner des milliers de résul-
tats, les grouper sous une forme nullement aride pour
le lecteur, et en tirer des conclusions évidemment très
profilables au double point de vue métallurgique et
militaire.
Il est certain que la nécessité de fabriquer des pla-
ques d’acier d'une masse imposante, dures à la surface
ET INDEX
et néanmoins résistantes au choc, a obligé nos indus-
triels à perfectionner leur outillage et leurs méthodes
de travail, et que tous ces progrès ont profité même
aux consommateurs autres que la Marine ou la Guerre.
D'un autre côté, les problèmes posés aux métallur-
gistes une fois résolus, les ingénieurs des constructions”
navales et les marins ont dû modifier profondément
l'emménagement et la manœuvre des navires, sans comp-
ter l'artillerie qui s’est trouvée dans l'obligation d'amé-
liorer la puissance de ses moyens d'attaque. La question
des blindages a donc été le point de départ d’une
série de transformations dans un grand nombre de
branches du génie industriel de la seconde partie du
siècle dernier. Son étude rationnelle est par conséquent
capable d'intéresser vivement le monde des ingénieurs.
Après avoir dit un mot de ces formidables appareils
que l’on admire dans nos forges modernes, et qui sont
indispensables pour façonner les grosses plaques, après
avoir rappelé les noms si connus des chercheurs aux-
quels nous devons de mieux connaître les propriétés
des alliages métalliques, M. Baclé examine les change-
ments successifs qui se sont produits dans la matière
constitutive des blindages. Après le fer puddlé ordi-
naire, le métal compound, c'est-à-dire composé d'acier”
soudé au fer; puis, l'acier homogène, d'abord ordi-
naire, bientôt amélioré par le chrome, par le nickel,
par le chrome et le nickel à la fois ; enfin, l'acier rela-"
tivement doux cémenté et durci à la surface, autrement
dit le métal Harvey ou le métal Krupp. Des gravures
montrent les résultats au tir se rapportant à ces di-
verses qualités, et en font très bien ressortir les diffé-
rences essenlielles.
Mais, pour traduire dans un langage toujours compa-
rable les conditions très variées des expériences de
toutes les nations ainsi que leurs résultats, il fallait
avoir la clef des formules de perforation employées ;
aussi, M. Baclé passe ces formules en revue, les discute,
et montre combien elles deviennent complexes avec les.
métaux actuels. Il fait ensuite la comparaison des con-
ditions de recette appliquées aux divers types de blin-
dages et dans les différents pays : seule, l'épreuve du
tir permet d'apprécier les qualités du métal qui contri-
buent à lui donner la résistance à la perforation, et il
est bien regrettable à tous points de vue que cette
caractéristique n'ait pas une relation plus certaine avec
les autres ‘essais mécaniques, beaucoup moins coûteux,
tels que ceux de traction, pliage, choc, etc. On sait, par
exemple, que les conditions du tir d'épreuve sont plus
rigoureuses en France qu'en Angleterre. Pour appré-
cier impartialement les résultats, et en tirer des con-"
clusions certaines, il était donc indispensable de con-
naître et d'analyser point par point, comme l'a fait
M. Baclé, toutes les divergences qui existent dans les
cahiers des charges.
Nous retrouvons ensuite, combinés et formant un
tout, les divers articles de l’auteur, que nous avons lus
avec tant d'intérêt dans le Génie civil, et qui ont
trait à fous les essais officiels qui ont eu lieu depuis
1876 jusqu'à nos jours. De nombreux clichés émaillent
très heureusement le texte : c'est un résumé complet,
qui n'existe nulle part ailleurs, et qui montre bien
à la fois les progrès réalisés et les raisons de ces pro-
grès. |
‘ Après les plaques de navires, l'ouvrage de M. Baclé
traite des cuirassements métalliques appliqués dans les
forteresses de terre et des principaux essais qui sy
rattachent.
L'auteur résume ses conclusions d'une façon très.
saisissante, en démontrant que, pour traverser un blin-
kdage avec un projectile de 194, il faut une vitesse de
perforation de 385 mètres, si la plaque est en fer puddlé ;
«le 461 mètres, si elle est en acier ordinaire ; de 528 mè-
F3 es, si elle est en acier spécial au chrome-nickel; de
612 mètres, si l'acier précédent est en plus cémenté.
Ces quelques chiffres donnent une idée du chemin
arcouru #t des améliorations apportées dans la qua-
ité du métal. EuiLE DEMEXGE,
Ingénieur-Métallurgiste.
2° Sciences physiques
rémieu (Victor), Z1gén1eur agricole. — Recherches
expérimentales sur l’électrodynamique des corps
en mouvement (1hèse de la Faculté des Sciences
“de Paris). — 4 vol. in-8° de 120 pages. Gauthier- Vil-
lars, éditeur. Paris, 1901.
Soulenu et guidé par les conseils les plus précieux,
Slimulé par l'intérêt uénéral qu'ont excité ses pre-
mières publications, et par le désir de répondre aux
nombreuses objections qu'on lui a présentées, M. Cré-
mieu à consacré quatre ans d'une activité infatigable,
“servie par une grande habileté manuelle, à l'étude de
questions aussi fondamentales dans la théorie de
l'Electrodynamique que remplies de difficultés d'ordre
“expérimental. 3
HA Quoi qu'il doive advenir des conclusions formulées
“par M. Crémieu, la lecture de ce travail ne cessera
jamais de présenter la plus grande utilité au physicien
“qui voudra se familiariser avec les mesures de forces
“extrêmement petites et le maniement des potentiels
“élevés. L'auteur nous a conté, par le menu, l'histoire
“des nombreux insuccès, qui ont toujours précédé la
» réalisation satisfaisante de chaque dispositif, et il les a
- parfaitement expliqués chaque fois. Peut-être pourrait-
“on trouver qu'il n'était pas indispensable qu'il nous fit
“part des conséquences fâcheuses qu'avaient eues de
simples distractions; ne suffit-il pas d'avoir fait huit
- jours de laboratoire et d'avoir lu un seul Mémoire de
Physique pour comprendre, sans autres indications, que,
“si un auteur recommande telle précaution, c’est parce
“qu'il a pâti de l'avoir négligée d'abord? Enfin, si les
«détails précis ont toujours leur valeur, il est vraiment
“impossible de considérer comme autre chose qu'un
“ ornement littéraire un peu inutile des remarques comme
"celle de la page 47, où l’auteur nous parle des « diffi-
- cultés qui, une fois résolues, n'apparaissent plus que
. comme des enfantillages » et des insuccès dus « à mille
octites choses insignifiantes, si insigniliantes qu'on
. n'avait pas eu l'idée qu'elles pussent apporter de
- telles perturbations ».
- M. Crémieu expose d'abord comment il a tenté de
mettre en évidence les forces électrostatiques qui,
d'après Faraday et Maxwell, doivent prendre naissance
-en tout point de l'espace où, au moyen d'un circuit
métallique, on peut constater l'existence de forces élec-
-{romotrices d'induction; ce sujet n'avait jusqu'ici été
abordé que par M. Lodge, qui n'a fait connaitre que des
résultats incertains. M. Crémieu utilisele champ variable
produit par la rupture du courant dans deux bobines
montées sur un même noyau de fer soigneusement
tourné. Les bobines sont entourées d’un écran électro-
statique et leurs joues en regard portent des armatures
bien dressées, entre lesquelles est suspendue une cou-
ronne d'aluminium, divisée en deux parties suivant son
« diamètre. Au moyen d'un interrupteur spécial, on réa-
lise périodiquement les opérations suivantes, séparées
par des temps égaux : mise au sol de la couronne d’alu-
minium, le courant étant rompu ; fermeture du courant;
charge de la couronne; rupture du courant. L'effet
cherché serait celui de la rupture du courant sur la
. charge prise par la couronne. En fermant d'abord cette
couronne sur un galvanomètre, on constate que la
déviation maxima s'obtient avec cinq ou six interrup-
tions du courant par seconde et correspond à une
force électromotrice moyenne induite de 230.850 C. G.S.
-électromagnétiques, ce qui donnerait, sur la circonfé-
BIBLIOGRAPHIE — ANALYSES ET INDEX
981
rence moyenne du disque, dont le diamètre est 91 mil-
limètres, une force électrostatique de 81.10° volt-cen-
timètres.
La couronne d'aluminium est soutenue par un cadre
de verre, suspendu à un fil de quartz et supporté par un
flotteur, dont on supprime les mouvements génants en
le guidant verticalement et en donnant à la partie
voisine de la ligne de flottaison une forme qui assure
une grande stabilité. On peut donner à la couronne
une charge de 250 C. G. S. éls. sans rendre l'équilibre
instable. Dans ces conditions, le couple moteur calculé
exercerail, pour une rotation d'unradian, un travail de
3 ergs 10—1; la déviation attendue serait 2°38/, et cor-
respondrait à un déplacement de 94 millimètres par
une échelle divisée. M. Crémieu a cherché à la mettre en
évidence en faisant d’abord osciller à vide la couronne
d'aluminium; après avoir déterminé le zéro et le décré-
ment des oscillations, il faisait fonctionner le com-
mutateur ; il n'a jamais observé de changement dans
le régime des oscillations; d'où il conclut qu'un corps
électrisé, placé dans une région qui est le siège de
variations magnéliques, n'est soumis à aucune force
pondéromotrice.
Une objection très spécieuse a été élevée par M. H.-A.
Wilson contre l'interprétation du résultat négatif des
expériences; il observe que, dans la charge de la cou-
ronne d'aluminium, ilse produit un courant, soumis, de
la part du champ de l’électro-aimant, à une action égale
et de sigue contraire à celle que M. Crémieu cherchait
à mettre en évidence; l'existence de cette première
action n'étant pas douteuse, il résulterait de l'expé-
rience de M. Crémieu que l'effet électrostatique existe
bien réellement et compense l'effet électromagnétique.
La question est de savoir si, comme le pense M. Cré-
mieu, les trois pièces de fer qui réunissaient les deux
extrémités du noyau de son électro-aimant ne laissaient
échapper qu'une très petite partie des lignes de force
magnétiques.
Lorsque Rowland crut pouvoir conclure de ses
expériences de Berlin qu'un courant de convection
exercait son champ magnétique conformément à une
hypothèse de Maxwell, M. Lippmann montra que l’exis-
tence de ce champ entrainait comme conséquence
celle d’un champ électrostatique connexe d’un champ
magnétique variable. Le résultat négatif de l'expé-
rience précédente rendait douteux celui de l'expérience
de Rowland; M. Crémieu a cherché d'abord à vérifier
une autre conséquence du fait annoncé par le savant
américain.
Si un disque chargé mis en mouvement produit un
champ magnétique, on devra, en renversant le signe
de la charge, produire une force électromotrice
induite dans un circuit conducteur voisin. M. Crémieu
a fait tourner uu disque d'aluminium, entouré d'une
bobine annulaire de 13.000 tours de fil; le disque
est placé entre deux couronnes de fonte, qui, reliées au
sol, forment avec lui un conducteur et qui sont en
mème temps prolongées par d’autres pièces de fonte
qui enveloppent les bobines, de façon à renforcer nota-
blement l’action électromagnétique. La charge était
fournie par une batterie de 3.000 accumulateurs; la
vitesse était mesurée par une méthode stroboscopique.
On se servait du commutateur de facon à obtenir, s’il
avait un effet, une déviation permanente, dont la
valeur était déterminée à priori, au moyen d'une spire
témoin traversée par un courant de conduction d'in-
tensité égale à celle du courant de convection. Les
déviations obtenues n'ont jamais dépassé 7 millimè-
tres, au lieu de 37 millimètres, valeur calculée minima ;
leur sens n'était d'ailleurs pas toujours celui qu'on
aurait prévu.
De nombreuses objections présentées à M. Crémieu
l'ont amené à discuter son expérience: il a,d’abord
prouvé que la charge communiquée au disque n'allait
pas, comme le craignait M. Pellat, se coller aux lames
de verre qui isolaient les couronnes de fonte; il est
parvenu ensuite à supprimer ces lames de verre en re-
982
couvrant le disque d’une couche de caoutchouc, par
évaporation d'une solution dans la benzine. Sur le
conseil de M. H. Poincaré, le disque d'aluminium fut rem-
placé par un disque d'ébonite, doré suivant trois sec-
teurs isolés, pour être bien sûr que la charge était en-
traînée dans le mouvement; après une observation de
M. Blondlot, la face interne des couronnes de fonte fut
recouverte de mica sur lequel élaient collés des sec-
teurs de papier d’étain isolés, pour éviter l’entraîne-
ment possible de la charge induite. Sur une autre ob-
jection de M. Blondlot, on vérifia que l'effet magnétique
persistait encore, lorsqu'on remplacait la spire témoin
unique, traversée par un courant de conduction, par
une série de spires réparties sur tout le disque de façon à
produire un système aussi semblable que possible à la
nappe de courant de convection utilisée. Enfin, on s'est
assuré que la décharge ne devenait pas oscillante el
qu'elle s’effectuait bien complètement à chaque période
du commutateur. $
M. Crémieu conclut qu'un disque, tournant dans des
conditions telles qu'on est sûr qu'il entraine avec lui
toute charge électrique qu'on lui communique, ne donne
pas, quand on fait varier cette charge, les ellets d'in-
duction que donnerait un courant de conduction trans-
portant des quantités d'électricité égales et soumis à
des variations de même ordre.
Il convient d'ajouter que M. H. Pender vient de pu-
blier les résultats d'expériences basées sur le même
principe, qu'il a entreprises sous la direction de Row-
land et presque complètement achevées avant sa mort.
M. Pender croit avoir observé l'effet que l'expérience
fondamentale de Rowland permettait de prévoir et dont
M. Crémieu nie l'existence. Dix-sept déterminations
exécutées avec un disque plein lui out fourni pour y la
valeur 3,05.101°, les chiffres extrèmes élant 2,75 et 3,24;
quatre autres expériences faites avec des disques et des
armatures divisés en secteurs ont donné en moyenne
2,96. 10°, Il semble difficile, dans ces conditions, de
considérer la question comme définitivement résolue
dans le sens de M. Crémieu.
N'ayant pas constaté, par la méthode qui lui est
propre, l'existence du champ magnétique dû à la con-
vection électrique, M. Crémieu a répété l'expérience de
Rowland. On sait qu'outre les expériences de Berlin,
exécutées en 1879, le professeur de Baltimore en a fait
une seconde série, en collaboration avec Hutchinson,
et que Himstedt a ‘exécuté également des recherches
qui lui ont donné satisfaction, après que Lecher eut
tenté, sans succès, de revoir l'effet observé par Rowland.
Le disque en ébonite tourne à l'intérieur d’un bâti de
bronze, fermé presque complètement par des couronnes
de laiton, dont les faces internes sont recouvertes de
mica, sur lequel on a collé des secteurs d'étain de 60°,
reliés au sol. Le système astatique, enfermé dans un
tube de cuivre rouge, reste absolument insensible à la
rotalion du disque, bien que la déviation, pour un cou-
rantde convection voisin de 10-“ampères, eûtdù atteindre
de 50 à 70 millimètres. Dans les appareils de Rowland et
de Himstedt, le disque tournant n'était séparé de l’équi-
page magnétique que par une lame de métal collée sur un
diélectrique ; or, en supprimant l'enveloppe extérieure
de laiton fixée à son bâti, M. Crémieu a observé des
déviations dont le sens était toujours celui qui aurait
résulté de l’action du courant de convection, quoique
leur valeur crût beaucoup trop lentement avec l’inten-
sité. La discussion des conditions expérimentales con-
duit l’auteur à admettre que cette action est due aux
portions de courant de conduction qui prennent nais-
sance dans les secteurs fixes, quand les secteurs mo-
biles chargés défilent devant eux. Cette explication, qui
implique l'existence de courants de conduction ouverts,
a été corroborée par une expérience spéciale, exécutée
depuis, mais rendue malheureusement douteuse dans
son interprétation par les critiques de M, H. Pender et
de M. H. À. Wilson.
Pour répondre à une objection de M. Potier, qui
pensait que l'effet en question ne devait pas être
BIBLIOGRAPHIE — ANALYSES ET INDEX
recherché en dehors d’une enveloppe conductrice, à M
térieur de laquelle la perturbation due à la rotatio
du disque se trouverait localisée, M. Crémieu a modi
son appareil de facon à n'interposer, entre le disque
tournant et l'équipage magnétique, qu'une enveloppeté
papier grapbité, destinée à protéger les aimants contre
les actions électrostatiques. On obtient alors des dévia
tions qui, pour une certaine position des aimants,se
trouvent être très sensiblement égales à celles quo
avait calculées; mais ellessemblent encore être d’origin
électrostalique, car elles subsistent même quand
détache les petits barreaux aimantés de la lame de mit
qui les supporte et elies disparaissent quand on pro
tège l'équipage magnétique par une feuille d'étain
Enfin, cerlaines impulsions accidentelles, d'origine
certainement magnétique, semblent dues à des aigrettes
qui jaillissent, au moment de l'inversion de char
entre le disque et les armatures. M. Crémieu concl
qu'un disque tournant, chargé d'une manière constante,
ue produit pas le champ magnétique d'un courant de
conduction transportant la même quantité d'électricité
Cette conclusion, qui renverse l'interprétation que
Rowland, Hutchinson et Himstedt donnaient de leurs
expériences, n'est pas corroborée par M. E. P. Adams
qui vieut tout récemment d'annoncer qu'il avait observé
l'effet magnétique du mouvement de sphères chargées!
d'électricité, ,
Souhaitons que le mouvement suscité par les re=
cherches de M. Crémieu ne s’éteigne pas avant de
nous avoir apporté une réponse certaine et unanime
aux questions fondamentales de l'Electrodynamique des
corps en mouvement. AC"
3° Sciences naturelles
;
Laulanié (F.), Directeur et Professeur de Physio»
logie à l'Ecole nationale vétérinaire de Toulouse.
Eléments de Physiologie. 1°" et 2 fascicules®
Fonctions de nutrition. — 2 vol. in-8° de 620 pages,
avec 125 figures. (Prix : 18 fr.) Asselin et Houzeau
éditeurs, Paris. 1901.
Il est différentes manières d'exposer les éléments
d'une science. Les uns se trouvent satisfaits lorsqu'ils
sont parvenus à résumer clairement et exactement le
plus grand nombre de faits possible dans un ordre.
convenable : les autres sont en même temps préoccupés:
de dégager de ces faits particuliers quelque loi ©
quelque théorie fondamentale qui puisse leur servi
de lien. M. Laulanié est de ces derniers : dans son
ouvrage, les apercus généraux et synthétiques viennent
sans cesse s'ajouter à un exposé substantiel et docu-
menté des résuitats expérimentaux. Ces tendances
s'accusent dès les premières pages, non pas tant pa
les considérations en quelque sorte obligées sur les
conditions des phénomènes de la vie, que par un
préambule sur l'énergie, sur ses transformations dans
l'organisme et sur la nécessité d'introduire, ave
M. Chauveau, dans l'équation qui exprime ces trans
formations, le terme « travail physiologique », c’est-à=
dire le travail intérieur des lissus vivants « envisagé
en dehors de ses manifestations sensibles et utiles »n
M. Laulanié ne se borne pas à énoncer ces principes”
il montre aussi, à travers tout l'ouvrage, comment ils
trouvent leur application.
C'est aux fonctions de nutrition que les fascicules
parus sont consacrés : le premier, à l'alimentation, lan
digestion, l'absorption, le sang, la circulation et la res
piration; le second, aux sécrétions, à la nutrition et à
la chaleur animale.
L'étude des aliments embrasse leur composition chi=
mique, leur origine, leurs fonctions, la mesure de
l'énergie potentielle qui y est contenue et qui est représ
sentée par leur chaleur de combustion. Celle de: la
digestion débute par des notions générales sur les fer=u
ments solubles, sur les modifications qu'ils font subi
aux différents principes immédiats alimentaires et Se
poursuit par l'examen des digestions particulières , M
BIBLIOGRAPHIE — ANALYSES ET INDEX
983
buccale, gastrique, intestinale, c’est-à-dire des phéno-
nènes, tant mécaniques que chimiques, qui caractéri-
ent chacune d'elles. ;
… L'absorption digestive est traitée comme un cas par-
ticulier d'un acte très étendu qui relève des lois de
losmose et de la pression osmotique.
Les propriétés physiques et la composition chimique
lu sang, sa coagulation, son rôle comme milieu inté-
rieur, la pression osmolique du sérum, les effets des
Hhémorragies et des transfusions font l'objet de la qua-
irième partie.
Les phénomènes mécaniques de la circulation, les phé-
pomènes mécaniques et physico-chimiques de la respira-
# occupent la deuxième moitié du premier fasei-
ule.
Dans les chapitres relatifs aux sécrétions, par lesquels
Slouvre le second fascicule, l'auteur retient, d'une part,
celles qui éliminent des produits excrémentitiels, urine,
bile, sueur {excrétions),et, d'autre part, celles dont les
produits sont versés dans la circulation (sécrétions
internes). La formation des poisons dans l'organisme
et les moyens dont celui-ci dispose pour se protéger
Contre les auto-intoxications trouvent leur place ici.
L'étude de la nutrition proprement dite est conçue
d'après un plan large et compréhensif, et s'inspire à la
fois des enseignements de M. Chauveau et des recher-
hes personnelles de l'auteur sur l'énergétique animale.
C'est d'abord le bilan nutritif qui est dressé, suivant
que la ration est suffisante, insuffisante ou surabon-
dante; puis on voit comment les transformations subies
par les principes immédiats tendent vers deux résultats :
le Ja préparation des réserves alimentaires; 2° l'utilisa-
ion de ces réserves : comment celles-ci sont dépensées
“et à la rénovation de la matière vivante et à la produc-
ion du travail physiologique, celui du muscle étant
pris comme type, et enfin à la production de la chaleur,
onsidérée comme « le dernier terme» des transforma-
ons de l'énergie attachées à l’activité des tissus.
… Tel est le cadre dans lequel M. Laulanié a fait tenir
les fonctions de nutrition. Le tableau qu'il en présente
“est traité avec le même soin dans ses diverses par-
lies. Je signalerai particulièrement le chimisme respi-
ratoire, la chaleur animale, domaines de la Physiologie
que l’auteur à d’ailleurs contribué à enrichir, grâce à
“un outillage nouveau et ingénieux. Les principales
“questions, telles que la circulation, dont le texte est
“illustré de nombreux graphiques originaux, telles que
mes sécrétions, ont aussi recu les plus heureux dévelop-
pements, dans la mesure que comporte un traité élé-
mentaire. Seuls, quelques-uns des chapitres consacrés
äu chimisme de la digestion, à l'absorption digestive,
“au sang, auraient peut-être gagné à être un peu plus
détaillés pour se trouver en harmonie avec le reste de
ouvrage. Celui-ci ne s'en recommande pas moins, dans
Son ensemble, par toutes les qualités que l’on peut
demander à uu bon livre d'enseignement: choix éclairé
et groupement méthodique des matériaux employés,
mise en œuvre des acquisitions les plus récentes de la
ence; enfin, l'exposé, outre qu'il est clair et précis,
t fait en un langage expressif qui commande et retient
l'attention. E. WERTHEIMER,
Professeur de Physiologie
à la Faculté de Médecine de Lille.
Bourne (Gilbert-C.), Chargé du Cours d'Anatomie coni-
parée à l'Université d'Oxford. — An introduction
> to the study of the comparative Anatomy of
- Animals. Vol. I : Animal organisation. The Pro-
. tozoa and Cœlenterata. — 1 vo/. in-8° de 269 pages,
avec figures. (Prix : 6 fr. 25). George Bell and
Sons, éditeurs. Londres, 1901.
- Il s'agit ici d’un livre élémentaire, écrit pour les
jeunes étudiants qui abordent l'étude de la Zoologie;
mais l’auteur estime que le caractère élémentaire d'un
Ouvrage consiste seulement dans l'élimination des
matières les moins es-entielles et n'exclut pas les
“descriptions détaillées ni la discussion approfondie des
points les plus importants; la claire intelligence des
choses est à ce prix. Frappé de la difficulté qu'éprouve
l'étudiant novice à s’assimilér d'emblée les questions
ardues de structure et de division cellulaires, point de
départ habituel de l’enseignement, il juge préférable
de le mettre aux prises, d'abord avec un objet qui lui
soit familier, et l'ouvrage, comme le cours professé à
l’Université d'Oxford dont il est l'écho, s'ouvre par
une monographie de la Grenouille commune, pré-
cédée seulement d'une courte introduction sur les
échanges dont la matière vivante est le siège, et sur
les principes de la biologie des plantes et des animaux.
L'idée est très acceptable, mais on peut se demander
si, après les nombreuses monographies de Ecker, Vogt
et Yung, Marshall, etc.…., le besoin d'une nouvelle
étude descriptive, forcément sominaire, de la Grenouille
se faisait bien réellement sentir.
Le reste du volume est consacré aux Protozoaires et
aux Cœlentérés. Peut-être trouvera-t-on que ces der-
niers sont un peu sacrifiés; ils ne sont représentés que
par deux types appartenant tous les deux aux Hydraires
(Hydra et Obelia), tandis que, par exemple, six types
sont étudiés pour les seuls Flagellés. L'exclusion com-
plète des Spongiaires est également à regretter. Un
deuxième volume, dont la publication prochaine est
annoncée, sera consacré aux Métazoaires cœlomates.
G. Pruvor.
4 Sciences médicales
Ribard (D: Elisée). — La tuberculose est curable,
avec une préface du D° Maurice LeTuLrE. — 1 vol.
in-12, de 173 pages. (Prix : 2 fr.) C. Naud, éditeur.
Paris, 1901.
Voici un excellent petit ouvrage que nons devons
signaler ici, bien qu'il n'ait pas la prétention d'apporter
des faits nouveaux à la connaissance de la tuberculose.
C’est, avant tout, un livre de vulgarisation, qui s'adresse
au grand public, et contribuera très eflicacement à
répandre dans notre population cette idée, presque
neuve, et aujourd'hui scientifiquement établie, que,
prise à ses débuts, la tuberculose est curable.
L'auteur insiste principalement sur la tuberculose
pulmonaire. Il indique en quoi elle consiste, comment
on la prévient, commenton la reconnaitet comment on
la guérit. Il examine successivement toutes les causes
prédisposantes : l’affaiblissement de l'organisme, l'al-
coolisme, la mauvaise hygiène, etc. Il apprend ensuite
à la mère à « savoir regarder son enfant », examiner
son état général, l’état de ses yeux, de son visage, de
ses membres et de ses ongles, et appelle son attention
sur les malformations congénilales susceptibles de
jouer un rôle prédisposant dans la genèse de la mala-
die. Il insiste ensuite sur l'importance de la pesée, de
la taille, du développement de la poitrine et de la tête
chez l'enfant qui se développe mal ou se trouve déjà
atteint par la maladie. Les renseignements qu'il donne
sur les formes de début de la tuberculose, de la tuber-
culose pulmonaire (dyspepsie, diarrhée, anémie, chlo-
rose, amaigrissement, essoufflements, battements de
cœur, fatigue, polyadénites, névralgies variées, zona,
refroidissements, altérations de la voix, rhumes, bron-
chites, hémoptysie, etc.), seront, pour tous les éduca-
teurs, des plus précieux. ;
M. Ribard traite ensuite des devoirs du médecin à
l'égard du malade et de sa famille, des mesures préven-
tives et curatives qu'il doit imposer soit dans les sana-
toria, soit dans la famille. :
J1 faut souhaiter que ce petil livre, accessible à tous
les lecteurs, se répande le plus possible dans les famil-
les et les écoles. IESNOE
n
Comte (D' Albert). — Paralysie pseudo-bulbaire et
phénomènes laryngés (Æxtrait de « La Parole »,
n° 4 de 1901). 1 Drochure in-8° de 16 pages. Lihraï-
rie de « La Parole ». Paris, 1904.
987
ACADÉMIES ET SOCIÉTÉS SAVANTES
ACADÉMIES ET SOCIÉTÉS SAVANTES
DE LA FRANCE ET DE L'ÉTRANGER
ACADÉMIE DES SCIENCES DE PARIS
Séance du 21 Octobre 1901.
1° SCIENCES MATHÉMATIQUES. — M.J. Guillaume a mesuré
le diamètre de Jupiter à l'équatorial Brunner de l'Obser-
vatoire de Lyon. Les valeurs obtenues sont moindres
avec le plus fort grossissement qu'avec le plus faible;
c'est une conséquence des lois de la diffraction dans
les instruments d'optique. — M. P. Hatt étudie le pro-
blème de la jonction des deux extrémités d’un réseau
fermé de triangulation et indique les conditions d’une
compensation satisfaisante du réseau. — M. G.-A. Miller
présente quelques résultats nouveaux sur les groupes
de substitution. — M. P.-J. Suchar donne la forme que
doivent avoir les coefficients d’une équation différen
tielle linéaire de second ordre pour qu’elle soit de
deuxième ou de troisième espèce. — M. A. Demoulin
étudie deux classes particulières de congruences de
Ribaucour : celles qui sont formées desnormales d’une
surface et celles pour lesquelles le segment focal est
constant. — M. G. Kœnigs indique les propriétés des
chaines cinématiques secondaires.
2° Sciences PHYSIQUES. — M. G. Wallerant commu-
nique des formules, relatives aux variations de l’aiman-
tation dans un cristal cubique, qui reproduisent toutes
les particularités constatées expérimentalement par |
M. Weiss. — M. A. Ponsot a étudié comparativement |
la limite des réactions chimiques et celle du produit PV
dans les gaz: a) Les deux hypothèses : 1° PV tend vers
une valeur limite pour V infini; 2 il ya des réactions
chimiques entières, sont incompatibles; ) Les deux
hypothèses : 1° PV tend vers une valeur limite pour
V infini; 2 les réactions chimiques sont toujours limi-
tées, sont compatibles; c) Les deux hypothèses : 19 P— 0
pour une valeur de V très grande et les valeurs supé-
rieures de V; 2° il y a des réactions chimiques entières
et des réactions limitées, sont compatibles. — M. H. Im-
bert a obtenu, par réduction sulfureuse des dérivés
résultant de l'action des bases pyridiques sur les qui-
nones tétrahalogénées, l'acide pyridyl-monochlorhydro-
quinonesulfonique CÿH*Az.C'CI(SO*H)(0H)>.0H et l'acide
pyridyl-moncxydichlorhydroquinone CFH*Az.C‘CE(0H.
OH. Ce fait prouve que la fonction quinonique n’est pas
altérée dans les premiers produits de réaction. —
M. H. Fournier à oxydé divers carbures benzéniques
au moyen du bioxyde de manganèse et de l’acide sulfu-
rique. L'o-xylène donne 37 °/, d'aldéhyde o-toluique ; le
pseudo-cumène donne 22 °/, d'aldéhyde ; le p-cymène
donne très peu d’aldéhyde cuminique ; l'éthylbenzène
donne de l’acétophénone et de l’aldéhyde benzoïque. —
M. R. Dhommée a étudié les conditions de formation
de la benzylamine par l’action de l’ammoniaque sur le
chlorure de benzyle. La benzylamine se forme surtout
en présence d'un grand excès d'ammoniaque; lerende-
ment atteint 4%,5 °/, du chlorure de benzyle. —
M. R. Fosse à étudié l’amine qui dérive du binaphty-
lène glycol de Rousseau; c’est la bisdinaphtoxanthène-
amine : O.(C‘H‘)?.CH.AzH.CH.(C'‘H}-0. Les hydra-
cides fumants la décomposent en AzH“CIl et en mono-
chloro ou bromonaphtoxanthène. — MM. L. Vignon et
F. Gérin ont constaté que la d-arabite pentanitrée et la
rhamnite pentanitrée réduisent énergiquement la li-
queur de Fehling. Les auteurs expliquent les propriétés
réductrices de ces corps et des corps analogues en
admettant que l'acide nitrique éthérifie d'abord les
groupes CH.OH et oxyde le groupe CH°0H terminal en
CH(OH}; puis l'acide nitreux réagit sur ce dernier en
donnant un groupe isonitrique CH(OH)(0Az0) qui est
| et F. Perrin, en faisant réagir le trichiorure de phos*
| phore sur la glycérine, ont obtenu l'acide glycéropho
| D. Sulzer signalent un nouveau phénomène d'inerti
| rétinienne dont ils se proposent d'étudier les applicæ
| les Fougères comprenant les deux grands group
évidemment réducteur. MM. A. et L. Lumiè
phoreux OPH(OH)0C*H*(0H}. Il donne facilement dl
glycérophosphites avec les bases, la plupart solub
dans l’eau.
30 SCIENCES MM.
NATURELLES. André Broca ét
tions pratiques à la fatigue de la lecture. — MM. Lorte
et Hugounenq ont étudié les Poissons momifiés qu
se retrouvent en quantités considérables dans certaine:
nécropoles égyptiennes. Ce sont des Lates niloticusälk
étaient macérés dans les eaux fortement saumâtres d
lacs de natron, puis entourés d’une couche de vasen
chargée de substances salines. Ils sont si bien conservés
qu'ils renferment encore une forte proportion de m&
tières animales. — M.J. Bohn a reconnu que les trans
formations histolytiques présentées par les Annélid
à l'automne, et accompagnées de troubles circulato
et respiratoires d'origine toxique, auraient pour con
quences, soit la dissémination des œufs par une fon!
pélagique (épitokie), soit simplement l'expulsion dl
œufs par la rupture des téguments d'une forme rest
sédentaire {exotokie matricide). — MM. C. Vaney
A. Conte ont trouvé un individu d'A/hurnus mirande
Blanch. dont l'ovaire était complètement infesté par unt
nouvelle A/1crosporidie parasite, la Pleistophora me
randellæ. N y a des kystes de deux sortes, renfermant
des microspores et des macrospores. — M. L. Du
camp a étudié le dévéloppement de l'embryon chez Ie
Lierre (Hedera Helix). Dans la formation du cône radis
culaire, le cylindre central reste étranger au suspeñ
seur; celui-ci complète inférieurement l'écorce et don
naissance à la coiffe; les éléments supérieurs de cette
dernière sont fournis par la base de l'épiderme
embryonnaire. — MM. Ch. Dépéret et G. Carrière o
découvert à Robiac, près Saint-Mamert (Gard), un riche
gisement de Mammifères de l'Eocène supérieur.
rencontre le Lophiodon rhinocerodes Rütim.
L. Isselensis Cuvier, le Paloplotherium magnum Rütim
le P. lugdunense, le Pachynolophus Duval Pomel, l'An
chilophus Desmaresti, etc. — M. B. Renault montre que
Eusporangiées et Leptosporangiées ont eu, à l'époque
houillère, des gerres hétérosporés.
Séance du 28 Octobre 1901.
1° SCIENCES MATHÉMATIQUES. — M. P. Hatt a appliq
la méthode des moindres carrés au problème de
jonction d’un réseau trigonométrique fermé. — M. 2
S. Chessin donne la soiution du problème de la toupie
de Foucault (déterminer le mouvement d'un solide de
révolution homogène, fixé par un point de son axe
figure à la surface de la Terre, après lui avoir imprim
une rotation initiale de grande vitesse autour de @
axe maintenu immobile relativement à la Terre). IMy
arrive par la méthode dite des perturbations. Ë
20 SCIENCES PHYSIQUES. — M. G. Sagnac explique, pal
un phénomène de perspective, la production de rayons
lumineux divergents à 180° du Soleil, observée récem=
ment par M. Mascart. — M. Maurice Leblanc a étudié
la stabilité de marche des commutatrices dans divers
cas (branchement sur une batterie d’accumulateurs;
addition d’un survolteur à courants alternatifs). =
M. de Forcrand déduit de sa formule que la chaleur
tolale de combinaison Q est rigoureusement propo
tionnelle à T'; leur rapport, 30, est le même pour tous
les corps. Il en a calculé la limite inférieure pour un
certain nombre de corps; les résultats coucordent bien
‘avec l'expérience. — M. M. Berthelot a observé que,
“sous l'influence du rayonnement du radium, l'acide
bdique est décomposé en iode et oxygène el l'acide
mitrique en vapeur nitreuse et oxygène, réactions ana-
ogues à celles qui se passent sous l'influence de la
ümière solaire. Par contre, la transformation du S
Ctaédrique, dissous dans CS, en S insoluble, et l’oxy-
atiou de l'acide oxalique dissous par l'oxygène libre,
nt pas été opérées par le radium, quoique elles le
Soient par la lumière. — Le même auteur a mesuré la
quantité de chaleur dégagée dans la réaction de l'oxy-
éène libre sur le pyrogallate de potasse. La chaleur
dégagée est considérable, et va en diminuant, pour un
mème poids d'oxygène, à mesure que l'absorption aug-
ente. — M. Léon Guillet, en appliquant à l’'oxyde de
ivre la méthode qu'il a indiquée pour les acides
jungstique et molybdique, a pu isoler les trois combi-
naisons qui ont été signalées dans les études de M. Le
dhätelier : Cu°Al, CuAl, AlCu, la combinaison CuAl
étant obtenue mélangée avec 2 à 3 °/, d'un siliciure de
Quivre et d'aluminium. — M. P. Nicolardot a constaté
que, si l'on ajoute à une solution de chlorure ferrique
bouillante une solution d’un sulfate, tout le fer se pré-
Gipite à l’état de sulfate de fer condensé. Par ce moyen,
on peut séparer le fer des autres métaux quand la
solution n'est pas trop acide. — M. G. Denigès indique
deux procédés de détermination qualitative et quanti-
lative de traces d'antimoine en présence de fortes pro-
portions d'arsenic. L’un consiste dans la précipitation
“du Sb sur le platine par une lame d'étain, l’autre dans
la formation d'un sel double de césium recherché par
voie microchimique. — M. Em. Bourquelot a recherché,
dans les végétaux, le sucre de canne à l'aide de l’in-
vertine et les glucosides à l’aide de l’émulsine. Par ce
moyen, il a trouvé, dans le rhizôme du Serophularta
nodosa, 4 grammes de sucre de canne par kilog. et un
pu d'un glucoside lévogyre. Le péricarpe du Cocos
ataï et la graine d’asperge renferment le premier
25 grammes, et la seconde 15 grammes de sucre de
“canne par kilog. — MM. A. et L. Lumière et H. Bar-
bier ont déterminé l’alcalinité du sang, en le traitant
par un excès d'acide libre et titrant cet excès par l'iode
et l'iodure de potassium. Aucune méthode ne peut
donner avec exactitude l’alcalinité du sang; cette der-
nière se distingue toutefois par ses résultats constants.
3° SCIENCES NATURELLES. — M. F. Le Dantec expose
quelques-unes des considérations qui l'ont amené à
oncevoir l'existence de deux états de la substance
vivante chez les êtres sexués. — M. L. G. Seurat
rappelle les observations de Garner, antérieures de
“rente ans à celles de M. R. Dubois, sur la présence de
Distomes dans les perles des Mytilus; mais il pense
que les recherches récentes sur l’origine parasitaire
des perles des Moules ne donnent pas la solution du
“mode de formation des perles fines. — M. Willot a
observé que, sous l'influence de la chaleur et de l’hu-
midité, les femelles brunes mortes du Nématode de la
betterave se gonflent et que le canal vulvaire s'ouvre
mécaniquement et permet aux larves de sortir; dans
les années de sécheresse, les larves sont retenues à
l'intérieur. — MM. A. Laveran et F. Mesnil ont étudié
le Trypanosome du Rotengle; il possède une mem-
brane ondulante et un flagelle à chaque extrémité. Les
auteurs le nomment 7rypanoplasme. Le Brochet et la
Sole renferment aussi chacun un parasite spécial. Les
auteurs n'ont pas encore pu observer les formes de
division de ces Hématozoaires. — MM. Ch. Eug. Ber-
rand et F. Cornaille poursuivent l'étude des chaînes
libéroligneuses des Filicinées, de l'union et de la sépa-
ration des pièces libéroligneuses élémentaires et de
leurs conséquences. — M. M. Berthelot a examiné
une lampe préhistorique, trouvée dans la grotte de la
Mouthe, et formée d’une pierre creusée portant des
dessins. La masse noire située dans le creux est sem-
“blable au résidu de la combustion d’une matière ani-
male, suif ou lard, qui aurait servi à l'éclairage.
|
ACADÉMIES ET SOCIÉTÉS SAVANTES
985
ACADÉMIE DE MÉDECINE
Séance du 22 Octobre 1901.
M. Le Dentu présente un malade ayant subi la
laryngotomie totale, à la suite d'un rétrécissement
syphilitique infecté du larynx; il possède un larynx
artificiel, construit par M. CI. Martin (de Lyon). — Le
même auteur, à propos de la récente communication
de M. Ehrmann sur l'uranoplastie en deux temps, rap-
pelle qu'il a obtenu de bons résultats par l'opération
en un temps chez les adultes; ilest possible, cependant,
que l'opération en deux temps soit préférable chez les
jeuves enfants. — M. Rendu présente le rapport du
concours pour le Prix Civrieux. — M. Hallopeau com-
munique un rapport sur un travail du D' Butte relatif
au traitement du lupus tuberculeux par le perman-
ganate de potassium. Ce traitement amène rapidement
la cicatrisation des ulcères lupiques, l'affaiblissement
des nodules, ainsi que la disparition des saillies végé-
tantes et chéloïdiennes; mais son action ne s'exerce
sur les altérations profondes du derme que d'une ma-
nière insuffisante pour amener la guérison complète.
— M. E. Vallin lil le rapport sur le concours du Prix
Vernois. — M. E. Bourquelot commuuique le rapport
sur le concours du Prix Nativelle. — M. Poncet com-
munique un nouveau cas qui établit, d'une facon indis-
cutable, l'existence d'un rhumatisme articulaire aigu
d'origine tuberculeuse, simulant le rhumatisme aigu
ordinaire. — M. G. Dieulafoy apporte une observation
de gomme syphilitique du lobe frontal avec attaques
d'épilepsie jacksonienne ; l'épilepsie jacksonienne étant
généralement d'origine rolandique, ce fait coustitue une
grave atteinte à la doctrine des localisations cérébrales.
— M. M. de Fleury lit un mémoire sur la théorie du
sommeil.
Séance du 29 Octobre 1901.
M. P. Reclus présente le rapport sur le concours du
Prix Godard. — M. Kelsch communique le rapport sur
sur le concours du Prix Ricord. — M. Bucquoy entre-
tient l’Académie des cas de peste qui se sont déclarés
sur le Sénégal et de la quarantaine qui a suivi au
Frioul. Cette communication est reproduite in-extenso
dans ce même numéro (p. 956 et suiv.).
SOCIÉTÉ DE BIOLOGIE
du 49 Octobre 1901.
M. Ch. Féré à constaté qu'au cours de l’accumula-
tion de la fatigue, la suggestibilité augmente pendant
une période variable suivant l’état du sujet, puis ses
effets diminuent graduellement. Quand la suggestion
a produit une fois son effet, le travail sans suggestion
subit une dépression considérable. — M. A. Giard
rappelle que c’est J. Rostafinski (de Cracovie) qui, en
4877, a fait les premières expériences de mérogonie
et indiqué le technique à suivre. — M.E. Maurel à
reconnu que la chlorhydrate d'émétine, donné par la
voie hypodermique et aux doses thérapeutiques, produit
de la vaso-constriction et active la circulation normale;
il peut même la rétablir sur les points où elle a été
ralentie ou arrêtée artificiellement. — MM. E. Wer-
theimer el L. Lepage ont étudié les effets antagonistes
de l’atropine et de la pilocarpine sur la sécrétion pan-
créatique. — M. L. Maillard expose ses idées sur
l'autorégulation des pressions osmotiques de l'orga-
Séance
‘ nisme par la dissociation électrique et sur le rôle biolo-
gique des sels minéraux. — M. Gellé à observé que le
premier temps de la déglutition a lieu en même temps
qu'une inspiration plus ou moins forte; la respiration
est suspendue au deuxième temps, si rapide, de l'acte
d'avaler; puis une expiration immédiale s'impose. Elle
se fait par le nez; mais, dans certains cas pathologiques,
avec oblitération des voies nasales, elle se fait par la
voie buccale avec production de bruits insolites. —
MM. A. Laveran et F. Mesnil ont reconnu que le
986
ACADÉMIES ET SOCIÉTÉS SAVANTES
prétendu Trypanosome de l'huître (7ryp. Balbianii
Certes) est très vraisemblablement une bactérie, qui se
placerait à côté des Spirilles et des Spirochètes. —
M. Armand-Delille a constaté que l'introduction, au
niveau des méninges rachidiennes, du poison tubercu-
leux caséifiant est suivie d’une inflammation plastique
de ces membranes, très analogue à celle qu'on voit
survenir au Cours de certaines tuberculoses vertébrales.
— M. Dominici montre qu'il y a aucune contradiction
entre les deux processus évolutifs qui assurent la for-
mation du polynucléaire ordinaire. — Le même auteur
confirme la conception de M. Metchnikoff, concernant
la parenté qui existe entre les macrophages et les cel-
lules fixes du tissu conjonctif. MM. Auché et
Tribondeau ont obtenu une action antiseptique puis-
sante, en Thérapeutique chirurgicale, par l'association
de l'eau oxygénée et du permanganate de potasse. —
MM. Chemin et Tribondeau ont constaté que leschéma
anatomique du plexus brachial du Gibbon, singe qui
possède le bras le plus semblable au nôtre, diffère
très peu des schémas du plexus brachial humain.
SOCIÉTÉ ROYALE DE LONDRES
W. Duddell : Sur la résistance et les forces
électromotrices de l'arc électrique. — L'auteur,
dans un résumé historique, montre que plusieurs de
ses prédécesseurs n’ont pas réussi à mesurer la vraie
résistance et la force contre-électromotrice de l'arc
parce qu'ils ont fait leurs mesures après que les condi-
tions de l’arc eurent été modifiées par le courant
d'épreuve. Les méthodes (semblables à celle de Kohl-
rausch pour la mesure de la résistance d’un électro-
lyte) dans lesquelles un courant d'épreuye alternatif
est superposé à un courant continu (comme celle em-
ployée par Frith et Rodgers, qui trouvèrent que l'arc
a quelquefois une résistance négative) ont failli parce
que la fréquence du courant alternatif n'était pas assez
élevée.
Par des recherches préliminaires, l’auteur a été con-
duit à employer la méthode suivante : Soit un appa-
reil A possédant une résistance et une f. 6. m., mais
pas de self-induction, ni de capacité, et traversé par
un courant continu. On lui ajoute un courant d’épreuve
alternatif. Si l'appareil A possède une résistance vraie
et que la fréquence du courant d’épreuve soit telle que
les conditions de l'appareil n'en soient pas changées,
la résistance de A sera constante sur toute l'échelle de
variation du courant, et sera égale à l’impédance de A
pour le courant alternatif superposé. Un critérium pour
la constance de la résistance de À, c'est que le facteur
de puissance de A pour le courant alternatif soit égal à
l'unité. Donc, pour prouver que l'arc a une vraie résis-
tance et pour trouver sa valeur, il faut montrer
1° qu'il est possible de trouver une valeur de la fré-
quence du courant d'épreuve pour laquelle le facteur
de puissance de l'arc par rapport à ce courant soit
l'unité ; 2° que le facteur de puissance reste l'unité et
l'impédance constante, même si la fréquence est aug-
mentée ; 3° déterminer, dans ces conditions, la valeur
de l’impédance de l'arc qui est sa vraie résistance.
L'appareil de l’auteur se compose d’un alternateur,
d’un thermo-galvanomètre mesurant les trois voltages,
et d’une résistance étalon avec laquelle on compare
l'impédance de l’arc. Les mesures ont permis de cons-
tater que l'arc, aux basses fréquences, possède un fac-
teur de puissance négatif, ce qui indique qu’il fournit
de l'énergie à l'alternateur. L'existence de cette force
contre-électromotrice n'est pas en opposition avec le
principe de la conservation de l'énergie, car elle pro-
vient d'une transformation du courant continu fourni
à l'arc.
L'auteur a étudié l'influence de la variation du cou-
rant direct, de la longueur de l’arc et de la nature des
électrodes sur ces phénomènes. Il a reconnu que la
force contre-électromotrice se compose de deux parties
localisées aux ou près des contacts des électrodes avec
la colonne de vapeur. La force à l’électrode positive,
d'environ 17 volts, est opposée au flux du courant direct,
tandis que la force à l’électrode négative, d'environ
6 volts, est dans le sens du courant direct : c'est donc
une f. 6. m. directe.
L'auteur considère que la plus grande partie de ces
deux f. é. m. est due à des forces thermo-électriques:
Ce qui tendrait à le confirmer, c'est qu'il est possible
d'obtenir une différence de potentiel de 0,6 volt en
chauffant inégalement deux électrodes de carbone”
solides avec un chalumeau, le charbon le plus chaud
étant positif par rapport au plus froid. En employant
des charbons à mèche et en ajoutant des sels de potas-"
sium, on a élevé cette différence de potentiel à 4,5 volt."
Or, les différences de température qui existent dans
l'arc sont bien plus élevées que celles que donne un
chalumeau.
ACADÉMIE DES SCIENCES D'AMSTERDAM X
Séance du 28 Septembre 4901.
1° SCIENCES MATHÉMATIQUES. — M. J. de Vries : Sur Le
nombre des coniques reposant sur huit droites de
l'espace. À l'aide du principe de la conservation du
nombre, dû à M. Schubert de Hambourg, l'auteur
détermine le nombre (92) des coniques en question,
ainsi que l’ordre de plusieurs surfaces qui s'y rappor-
tent. — M. L. Gegenbauer, de Vienne : Contribution
a la théorie des restes biquadratiques. Communication
en rapport avec la fonction de Môbius-Mertens, des-
tinée à compléter et à simplifier des travaux analogues
de MM. Schering et Max Mandl. — M.J. C. Kapteyn
présente la thèse de M. W. de Sitter (Groningue),
intitulée : Discussion of heliometer-observations of
Jupiter’s Satellites.
29 SCIENCES PHYSIQUES. — M. W. H. Julius : Sur Ja
formation de lignes doubles dans le spectre de la chro-
mosphère par la dispersion anomale de la lumière pho-
tosphérique. Dans la séance du 24 février 1900 (voir
Rev. génér. des Sciences, {. XI, p. 563), l'auteur a
montré qu'il est possible d'interpréter un grand nombre
de phénomènes solaires en admettant que la lumière
nommée chromosphérique se compose essentiellement
d'une partie réfractée de la lumière photosphérique,
ayant subi une dispersion anomale dans les vapeurs
absorbantes du Soleil. D’après cette hypothese, les
longueurs d'onde des raies brillantes du spectre des
protubérances, de la chromosphère, du « flash », ne
peuvent pas être rigoureusement égales aux longueurs
d'onde des raies d'absorption correspondantes du
spectre de Fraunhofer. En effet, chaque raie brillante,
qui correspond à une raie d'absorption de longueur
d'onde À, se compose de deux groupes de radiations
dont les longueurs d'onde, toujours voisines de X, sont
un peu plus grande que À pour l’un et un peu plus
petite que À pour l’autre. Dans la présente note, l'auteur
se propose de préciser quelle sera, d’après sa théorie,
la distribution caractéristique de la lumière dans une
ligne chromosphérique, dans l'hypothèse que l'on à
exclusivement affaire à des rayons anomalement dis-
persés et que le spectre est fourni par la « chambre à
prisme ». La courbe de dispersion du gaz absorbant à
proximité d’une quelconque des raies absorbantes
prend la forme indiquée par la figure 1. Les abscisses,
mesurées sur XX, représentent les longueurs d'onde ;
l'abscisse du point O est égale à À. Une ordonnée zéro
signifie que l'indice de réfraction est égal à l’unité. Si la
partie considérée du spectre ne contient pas de raie
absorbante, la courbe de dispersion ne diffère qu'in-
sensiblement de la droite NN° parallèle à XX'. Dans le
cas contraire, où les rayons de longueur À subissent
une absorption assez considérable, la courbe montre le
caractère d'une hyperbole équilatère au centre O dont
NN' est une des asymptotes. Dans le spectre chromo-
sphérique, la lumière À fait défaut. Des rayons AHè
correspondant aux points à et a! du spectre normal nous
seront envoyés d’un anneau chromosphérique d'une
ACADÉMIES ET SOCIÉTÉS SAVANTES
jargeur assez considérable; les rayons À + 2ù, cor-
…respondant aux points b et l', prennent leur origine
dans un anneau chromosphérique plus étroit, etc. A
intérieur, ces anneaux sont limités par la photosphère.
240, À + 20, etc., dépendront des ordonnées de la courbe
de dispersion. Comme première approximation, on
peut supposer que ces largeurs sont proportionuelles
aux ordonnés a, a, — a!, a!,, b, b,— b', l', de cette courbe
par rapport à la droite NN'de dispersion normale.
Pour chaque espèce de rayons contenue dans la lumière
chromosphérique, la chambre à prisme projette une
“image de la lunule chromosphérique, de manière
qu'on obtient une infinité de lunules à côté l’une de
autre. La distribution de la lumière dans une quel-
conque de ces lunules nous fera connaître l'intensité
de la lumière de cette espèce émise par les différentes
parties de la lunule chromosphérique. Ordinairement,
une image monochromatique montrera donc la plus
grande intensité du côté convexe limité par le
bord de la Lune, tandis que du côté concave la lumière
S'eflacera par degrés insensibles. Mais les lunules cor-
15
AU
respondant à des espèces de rayons voisines empiète-
ront l’une sur l’autre, surtout s'il s'agit des deux groupes
de rayons dont une raie de la chromosphère est la
résultante. Donc cette superposition de deux images
donnera lieu à une distribution de lumière toute diffé-
rente de celle de la lumière simple, etc. Soit Z (fig. 2)
une partie du bord de la Lune au moment du second ou
du troisième contact d'une éclipse solaire. Représen-
tons la lumière composée fournie par la colonne Zz de
la chromosphère par son spectre horizontal parallèle
à la droite PP'; seulement, pour faciliter l'inspection de
ce que toutes les espèces de lumière contribuent à l'in-
tensité totale de l’image entière, au lieu de déposer ces
spectres sur la même parallèle nous représentons sur
des parallèles équidistantes PP', QQ', RR'... les spectres
correspondant à la lumière À, À Hô, À + 28, ete. Soit O
l’image du bord de la Lune correspondant à la lumière
parfaitement monochromatique d’une longueur d'onde.
Les rayons À étant absorbés, la droite PP! ne montre
rien. Eu QQ' nous trouvons d’abord la lumière X-, pour
laquelle le bord de la Lune se projette en aet qui s'étend
“tout en diminuant d'intensité jusqu'au point &, et
ensuite la lumière À + à s'étendant de la même manière
de a jusqu'à «!. Ainsi nous trouvons sur RR' les rayons
À-25 et À + 25 recouvrant respectivement les segments
bp et D! f', surSS'lesrayons À — 350 et À + 3 à recouvrant
…cyetc! y, etc. Comme les segments de droite aa — ul,
DB— D G,... représentent les largeurs des anneaux
chromosphériques correspondant aux espèces diffé-
rentes de rayons, ils sont proportionnels aux quantités
va, a, — à, d',, b, b, = D', }', de la figure 1. Donc les
er
lieux des extrémités «, 8... et «, 8... sont des courbes
dont la forme est liée intimement à celle de la courbe
de dispersion. De cette manière on trouve en quoi con-
tribuent toutes les ondes intermédiaires à l'intensité
Mie 22:
totale de l’image. Il va sans dire qu'il ne faut pas perdre
de vue que l'intensité de chaque espèce de lumière
diminue en procédant de gauche à droite, comme Île
montre la partie supérieure de Ja figure 3. Pour
obtenir enfin la distribution de la lumière dans la ligne
de la chromosphère, on n'a qu'à comprimer cette figure
dans le sens vertical. L'intensité résullante qu'on obtient
de cette manière est représentée par la partie inférieure
de la figure 3. Ce
spectre montre
une raie double
dont les deux
composantes s'ef-
facent lentement
de partet d'autre,
de manière que
l'espace intermé-
diaire contient
encore de la lu-
mière d’une in-
tensité assez con-
sidérable. Ce se-
rait donc une
épreuve éclatante
pour la vérité de
l'opinion de l’au-
teur, s'il se mon-
trait qu'en effet
toutes les raies
de la chromo-
sphère sont des
raies doubles du
caractère indi-
qué. Eh bien,
l'Expédition né-
erlandaise a eu
la chance d'ob-
tenir avec la chambre à prisme les premiers photo-
grammes ne laissant pas même une trace de doute par
rapport à ce point. Car tuutes les raies chromosphé-
riques qui s’y présentent sont des raies doubles. En
premier lieu, nous devons ce résultat important à l’ob-
servateur, M.Nyland, tant par la manière soigneuse dont
il a préparé le projet de l'observation avec la chambre à
prisme de Cooke que par la précision extraordinaire
Fig. 3.
988
ACADÉMIES ET SOCIÉTÉS SAVANTES
avec laquelle il a exécuté les manipulations nécessaires
avant et pendant l'éclipse. Mais probablement la cir-
constance, très regrettable, au reste, que le ciel était tant
soit peu couvert de nuages pendant l’éclipse, a exercé
à cet égard-ci une influence favorable. Car si la lumière
n'eut été affaiblie considérablement, les raies chromo-
sphériques se seraient montrées sur la plaque plus
intenses et en plus grand nombre, et alors le redouble-
ment aurait été peut-être aussi douteux que sur les
clichés obtenus auparavant. Comme les raies doubles ne
sont pas des objets limités distinctement, il est difficile
d'en évaluer la largeur. Seulement on peut pointer
les parties les plus claires des deux composantes et, à
l’aide du comparateur, en déterminer la distance. Cette
distance semble être inégale pour les raies doubles
différentes: d'après une évaluation provisoire, elle
varie entre 0,7 et 4,3 des unités d'Angstrôm. Des sys-
tèmes plus larges et plus étroits se succèdent l’un
l’äutre dans un ordre assez irrégulier; seulement en
général la distance des deux composantes diminue à
mesure qu'on s'approche du violet. Peut-être cette
circonstance est-elle importante pour les théories de
l'absorption. Peut-être les photogrammes obtenus par
l'Expédition néerlandaise, qui se prêtent si bien à faire
connaître le rôle joué par la dispersion anomale dans
la formation de la lumière chromosphérique, n'ont-ils
pas une (elle importance. En effet, l'auteur n'a re-
marqué nulle part une particularité dans la distribu-
tion de la lumière chez les raies doubles indiquant la
nécessité d'attribuer une une partie de cette lumière à
la radiation propre des gaz chromosphériques. Cepen-
dant sans doute ces gaz émettent dela lumière ; donc on
n'a qu'à se demander en quels cas et à quel degré l'in-
tensité de cette lumière propre peut être comparée à celle
de la lumière photosphérique réfractée anomalement.
Il serait à souhaiter que les spectrogrammes obtenus
par les autres expéditions fussent étudiés sous ce rap-
port. — Ensuite M. W. H. Julius présente au nom de
M. A. Smits: ltecherches avec le micromanomètre.
Suite d'une communication antérieure (voir /tev.
génér. des Sce., t. X, p. 887). L'auteur décrit d’abord
quelques améliorations apportées à son micromano-
mètre; ensuile il fait connaître les résultats de plusieurs
séries nouvelles d'expériences. Enfin il s'occupe du
désaccord entre les expériences d’après la méthode du
décroissement de la tension de la vapeur et celles d'après
l’abaissement du point de congélation; dans cette der-
nière partie, il défend la théorie de la dissociation due à
S. Arrhenius contre les attaques de M. Kahlenberg
(Journal of physical Chemistry, t. NV, p. 339), —
MM. S. Hoogewerff et W. A. van Dorp : Sur l'influence
de la position mutuelle des groupes d'atomes, sur le
cours des réactions. En 1894 et 1895, dans les dernières
années de sa vie, le Professeur Victor Meyer s'est
occupé dans un grand nombre d'études du retard
qu'éprouve la réaction de l'alcool méthylique et de
l'acide chlorhydrique dans les acides aromatiques dans
lesquels on a remplacé l'hydrogène des deux places
ortho par rapport au carboxyle par d'autres atomes
ou d’autres radicaux. Il cherche à expliquer ce retard
en supposant que ces”deux atomes nouveaux ou ces
deux radicaux s'opposent à la formation du groupe de
méthyle à cause de la place qu'ils occupent. D'après
les expériences des auteurs, publiées dans le ecuerldes
Travaux chimiques des Pays-Bas et de la Belgique,
t. XVIII, p. 211, et devancés en partie par une commu-
nication de MM. Klages et Allendorf et une communica-
tion de MM. Klages et Lickroth, l'hypothèse de Victor
Meyer que nous venons de citer exige d'être complétée.
Car ces expériences démontrent que le remplacement
des deux atomes d'hydrogène favorise d’autres réac-
tions. — M. H.W.Bakhuis Roozeboom présente: 1°la
première partie de son travail. Die heterogenen Gleich-
gewichte vom Standpunkte der Phasenlehre (Les équi-
libres hétérogènes du point de vue de la loi des phases),
et 2 au nom deM. W. E. Ringer la thèse Over mengsels
van zwavel en seleen (Sur des mélanges de soufre et de
sélénium).— M. C. A. Lobry de Bruyn présente, au nom
de M. G. van der Sleen, la thèse « Ueber die a-Oxy=
butensäure und ihre Umlagerungen » (Sur les acides
vinylglycoliques et leurs transpositions). +
39 SCIENCES NATURELLES. — M. W. Burck : Sur Je
stigmates excitables de Torena Fournieri et Mimulus.
lutens et sur les moyens préventifs contre la germi
nation de pollen étranger sur le stigmate. Suite d'uné
communication précédente (Rev. gén. des Se., t. XI
p. 1252). Chez les espèces examinées, le stigmate s8
compose de deux lamelles larges, divergentes sous unk
angle important dans l'état normal et se rapprochant”
l’une de l’autre jusqu'à ce qu'elles se couvrent après
excitation. Dans la nature, la fermeture de ces lamelles
est causée par un insecte qui vient chercher du miels
d'après la construction de la fleur, l’insecte ne peut pars
venir jusqu'au miel sans toucher ces lamelles. Ces
lamellesrestent fermées si l’insecte a déposé du pollens
dans le cas contraire, elles se rouvrent bientôt. Dans les
expériences de l’auteur sur la fécondation artificielle
de Torena Fournieri, les lamelles du stigmate se com
portaient de deux manières différentes, suivant que le
pollen avait été emprunté aux deux élamines longues
ou aux deux étamines courtes. Dans le premier cas, le
stigmate se rouvrit après quelques minutes; dans le
second cas, le stigmate restait fermé pour toujours. L'es-«
pèce Mimulus Fournieri se comporte tout à fait de la
mème manière. Un examen minutieux des stigmates de
ces deux plantes démontre que le côté intérieur des
lamelles estexcessivement irritable, de manière que les
lamelles se ferment par le moindre contact. Au con
traire, le côté extérieur deslamelles peut subir des Se
tations assez considérables sans que les lamelles se”
ferment. L'auteur suppose donc que le contact du côté
intérieur est accompagné d’une perte d’eau des cellules
turgescentes qui la composent, par laquelle ces couches
de cellules perdent en même temps leur tension. En
général, après quelques minutes la teneur en eau de ces»
couches est rétablie et le stigmate se rouvre. D'après ce
considérations, une autre cause doit être en jeu, si le
stigmate ne se rouvre pas. L'auteur la cherche dans une
action différente de l'humeur du stigmate sur le pollen,»
etc. etc. —M.A.-A.-W.'Hubrecht: Sur lagastrulation et
la formation du mésoblaste chez les Mammifères. L'au=
teur montre et explique un onzain de planches faisant
partie d’un mémoire sur l’ontogenèse de Tarsius SpeC=
trum qui paraîtra dans les publications de l’Académie.
— M. Th.-W. Engelmann : Sur l'influence négative=
ment isotrope du nerf pneumogastrique sur le cœur.
Dans le laboratoire de Donders (Utrecht), M. Nuel à
découvert et étudié l'influence affaiblissante du nerf
preumogastrique sur les contractions ducœur. En appli-
quant sa méthode de suspension du cœur de grenouille
et son pantokymographe aux contractions des oreil-
lettes du cœur de grenouille, le physiologiste de Berlin”
trouve qu’en qualité l'effet d'une excitation ne dépend
nullement du lieu où elle est appliquée, ou à la branche
principale du nerf, ou aux origines dans le cerveau, ou
aux oreillettes mêmes, ou même quand l'excitation, pre
nant naissance dans les entrailles, se propage au Cœur
par réflexion. Très peu de Lemps après une excitation
momentanée, les contractions diminuent graduelle=
ment en importance et en durée ; après quelque temps, «
les systoles ordinaires se rétablissent. L'intensité et lan
durée de la perturbation s'accroissent avec la force de
l'excitation. La durée de la période de l’affaiblissement
croissant est très constante, trois à quatre secondes à
peu près. Au contraire, la période régénératrice du
décroissement de l’affaiblissement peut surpasser une
minute même. La phase de la période du cœur aw
moment d'excitation n’exerce pas d'influence sensible,
etc.,etc. L'auteur fait circuler plusieurs cardiogrammes \
se rapportant à son sujet. P.-H. Scnoure.
Le Directeur-Gérant : Louis OLIVIER.
Paris. — L. MARETHEUXx, imprimeur, 1, rue Cassette.
12° ANNÉE
DIRECTEUR :
Ne 22
30 NOVEMBRE 1901
Revue générale
bS NClences
pures el appliquées
LOUIS OLIVIER, Docteur ès sciences.
Dimanche dernier a eu lieu, dans le grand
Amphithéâtre de la Sorbonne, une belle et louchante
cérémonie.
On célébrait le cinquantième anniversaire des
premiers travaux de M. Berthelot.
Au cours de celle cérémonie, que présidait
M. Loubet, président de la République, et dont un
Comité, composé des savants les plus éminents de
._ Luus les pays, avait pris l'iniliative, une médaille
commémoralive, gravée par Chaplain, a été offerte
à notre illustre compatriote.
La vaste salle du grand Amphithéâlre pouvait à
peine contenir tous ceux qui avaient lenu à appor-
Lér au Maitre vénéré le témoignage de leur respec-
tueuse admiralion. C'est qu'en effet M. Berthelot
est l’un des plus illustres savants dont s'honore
notre pays.
Ce n'est pas seulement la Chimie qui lui estrede-
vable, mais la Philosophie naturelle tout entière.
Doué d’une extraordinaire puissance de travail,
curieux de lout savoir, sa vive et pénétrante intel-
ligence le porta, dès l'adolescence, vers toutes les
grandes questions qui intéressent le monde phy-
sique et l'Humanité.
Tout jeune, il montra une aplitude remarquable
aux études’les plus variées et se passionna pour les
sciences de la Nature, l'histoire des civilisations et
la Philosophie. Au Concours général de 1846, il
obtint le prix d'honneur de Philosophie. Depuis, il
n'a cessé de mener de front les études générales,
tout en portant son effort particulier sur sa science
de prédilection : la Chimie.
Dans cette science, M. Berthelot s'esl principa-
REVUE GÉNÉRALE DES SCIENCES, 1901.
Adresser tout ce qui concerne la rédaction à M. L. OLIVIER, 22, rue du Général-Foy, Paris. — La reproduction et la traduction des œuvres et des travaux
publiés dans la Revue sont complètement interdites en France et dans tous les pays étrangers, y compris la Suède, la Norvège et la Hollande.
HOMMAGE À M. MARCELLIN BERTHELOT
lement adonné à la recherche des principes et des
lois; il ne s'est guère occupé d'application que
pour ia défense nationale; rappelons, à ce propos,
que c'est en partant des principes de Thermochimie
établis par M. Berthelot et des conceptions méca-
niques de M. Sarrau, que M. Vieille estarrivé à sa cé-
lèbre etglorieuse invention de la poudre sans fumée.
Quant à la Science pure, nous n'avons pas des-
sein d'énumérer ici celle longue suite de recherches
triomphales qui se rapportent à la Mécanique chi-
mique, à la Thermochimie, aux Equilibres chi-
miques, à la synthèse des matières organiques, à
la Biologie. Ces grands travaux sont aujourd'hui
classiques, et l'on peut dire que les principes géné-
raux qu'ils ont introduits dans le vaste domaine de
la Chimie animent actuellement toute cette science.
Quiconque la cullive, en quelque lieu du monde
que ce soit, est tributaire des méthodes créées par
M. Berthelot, des faits qu'il a découverts et des:
principes dominants et directeurs qu'il a dégagés
de l'expérience.
Aussi la grande manifestation de dimanche der-
nier n'a-t-elle pas été uniquement française. Toutes
les nations savantes avaient tenu à honneur de s'y
trouver représentées. De toutes les parties du
monde, anciens élèves du Maître ou ses confrères,
les plus hauts dignitaires de la Science, fiers de se
déclarer ses disciples, sont venus exprimer à
M. Berthelot leur respectueuse reconnaissance.
En s'associant pleinement à cetéclatanthommage,
la Zievue a la certitude de répondre au sentiment
unanime de ses savants collaborateurs et de ses
lecteurs.
22
990
CHRONIQUE ET CORRESPONDANCE
CHRONIQUE ET CORRESPONDANCE
$ 1. — Distinctions scientifiques
Les médailles de la Société Royale de Lon-
dres. — C'est aujourd'hui, dans sa séance annuelle,
que la Société Royale de Londres doit décerner les
cinq grandes médailles dont elle dispose.
La Médaille Copley est attribuée au Professeur 7. Wi1
lard Gibbs, membre étranger de la Société Royale,
pour ses beaux travaux de Physique mathématique.
L'une des Médailles royales est décernée à M. W. Z.
Ayrton, pour ses recherches sur l’Electricité; l’autre à
M. W. 7h. Blanford, pour ses travaux sur la distribution
géographique des animaux.
La Médaille Davy est attribuée à M. G. Liveing, pour
ses recherches dans le domaine de la spectroscopie.
Enfin, le titulaire de la Médaille Sylvester est l’un de
nos compatriotes, le Professeur Æenri Poincaré, mem-
bre étranger de la Société Royale, dont les grands tra-
vaux mathématiques n’ont pas besoin d’être rappelés
ici. Nos lecteurs trouveront, dans le présent fascicule,
une magistrale étude de l'illustre savant sur une ques-
tion qui passionne à l'heure actuelle le monde des phy-
siciens : l’Electrodynamique des corps en mouvement.
S 2. — Cristallographie
La méthode chronophotographique appli-
quée à l'étude de la genèse des cristaux. —
L'opinion généralement admise, relativement à la cris-
tallisation d'une solution, est que la séparation des
cristaux est précédée de la formation d'une nouvelle
phase liquide, dont plusieurs petites goutteleltes se
soudent entre elles, puis se modifient pour former les
cristaux.
Il a paru à MM. Th-W. Richards et E.-H. Archibald
que cette théorie est insuffisamment vérifite par l’ex-
périence, el ils ont eu l’idée ingénieuse ! d'appliquer à
l'étude de la naissance et du développement des cris-
taux la méthode chronophotographique, utilisée par
M. Marey pour l'analyse des phénomènes de courte
durée.
Leur appareil est un dispositif microphotographique
ordinaire, muni d'un oblturateur rotatif qui découvre
l'objectif pendant un temps égal au cinquième de la
durée de sa révolution : il permet, par exemple, de
prendre, en une seconde, dix épreuves, dont chacune
est posée _ de seconde. Pendant cette rotation, la pel-
licule photographique est régulièrement déplacée au
fond de la chambre noire. L'éclairage, qui doit être
très intense, d'autant plus que le grossissement est
plus considérable, est produit par la lumière solaire.
A signaler le procédé qui consiste à placer le liquide
entre deux nicols croisés, de telle manière que, quand
un cristal se forme (sauf s'il appartient au système
cubique), il apparaît en clair sur fond noir; dans ce
cas, on à trouvé prélérable de laisser la pellicule fixe,
et de faire glisser légèrement le porte-objet, avant
chaque ouverture de l’obturateur, par l'intermédiaire
d’une sorte d'échappement à ancre, mis en jeu par
l’obturateur lui-même. Mais il faut remarquer que ce
procédé ne permet pas de décider si l'apparition des
cristaux est ou non précédée de la formation de glo-
bules liquides, puisque ceux-ci, isotropes, ne rétabli-
ront pas la lumière éteinte par les nicols, et par consé-
quent ne seront pas photographiés. Aussi, les auteurs
opèrent plutôt en lumière non polarisée, et, dans la
plupart de leurs photographies, les cristaux se déta-
chent en sombre sur fond lumineux.
1 Phil. Mag. (6), t. 11, p. 488, Novembre 1901.
Avec un microscope grossissant 580 fois, et en agran=
dissant ensuite les clichés, on est parvenu à un gros
sissement de 4.000 diamètres: aucune épreuve nd
décelé l'existence de globules n'ayant pas la struclur®
cristalline. Si bien qu'il ressort de ce travail, plus in
téressant par son principe que par la certitude de sts«
résultats, les conclusions suivantes : |
Si, dans les solutions étudiées (solutions aqueuses
de substances ayant un point de fusion très supérieur
à la température des observations : BaCEÆ, AzOSNa,
SO'Cu, Nal, KI..), des globules liquides se forment
avant les cristaux, leur existence ne dure pas = d&
seconde, ou leur diamètre n'atteint pas ———
limètre.
Dès que la photographie donne une image, celle-ci
révèle la structure cristalline. Le diamètre des cristaux
croit d'abord très vite, puis beaucoup plus lentement,
suivant une loi très voisine de D°— À! :
LeMpo er nt
Diamètre D" "0
2
= Qr
1
0,57
a. Ari.
Il semble bien que, surtout au début de sa crois-
sance, alors qu'il n'est pas encore soumis à l'influence
des cristaux qui se développent dans son voisinage,
chaque cristal s'accroit en restant semblable à lui-
mème; et, d’après la loi précédente, son volume varie
proportionnellement au temps.
Encore une fois, une certaine indécision subsiste,
quant au problème que s'étaient posé les auteurs, mas
l'application du principe du cinématographe à la mi-
crophotographie semble devoir permettre quelques
progrès dans la connaissance intime de la matière et
de ses transformations.
Lane ve TENTE Pa À
os
$ 3. — Chimie industrielle
Le développementet l'état actuel de lIndus-
trie chimique en Suisse.— Deux faits principaux
ont caractérisé l’évolution de l’industrie chimique dans
le dernier quart du xix° siècle: d’abord, le développement
merveilleux de la chimie organique industrielle, matiè-
res colorantes, parfums etmédicaments; puis la part de
jour en jour plus grande prise par l'énergie électrique,
soit qu'elle fit découvrir des corps pour ainsi «lire nou-
veaux comme le carbure de calcium, soit qu'elle permit
dans des conditions plus avantageuses la préparation
de corps déjà connus, mais de consommation considéra=
ble, comme la soude et le chlore. — Ces transforma-
tions ont eu pour résultat des déplacements dans les
centres d'activité industrielle, et ces variations ont élé
l'objet de statistiques et d’études nombreuses pour les
grandes Puissances, comme la France, l'Allemagne et
l'Angleterre. Dans cetarticle, nous ferons rapidement la
même étude pour la Suisse, et nous verrons quelle est
à l’heure actuelle la situation de l'industrie chimique
dans ce pays. x
1. Grande industrie chimique. — La difficulté des
communications, la pauvreté en malières premières et
l'absence complète de charbon constituaient pour la
Suisse un ensemble de conditions défavorables qui
n'empêchèrent pas cependant vers la fin du xvrie siècle,
et surtout dans le commencement du xix°, la fondation
d'un certain nombre de petites usines produisant les
produits chimiques les plus nécessaires. Ce furent d'a-
bord les acides sulfurique, chlorhydrique, azotique,
puis, en 1827, la soude brute, et en 1845 la soude cris-
tallisée. — Dès 1850, la production considérable d’acide
chlorhydrique fit installer la fabrication du chlorure de
chaux. A l'heure actuelle, la production de ces diffé-
éncore insuffisante, ainsi que le montrent les chiffres
de l'importation et de l'exportation pour l'année 1900
Tableau 1).
rents produits, malgré son développement continu, est
|
|
|
Meceau [. — Importation et exportation des produits
|
“de la grande industrie chimique en Suisse en 1900.
IMPORTATIONS EXPORTATIONS
ee ol dl| CR
Quantités Valeur Valeur
en en en en
quintaux francs quintaux | francs
Quantilés
Carbonatedesoude
D Cristallisé . . .| 9.4: 61.321
Carbonate de soude
1.219 9.629
anhydre . . . .| 99.857 |1.148.355 183 1.913
MAcide sulfurique .| 65.249 | 473.055 | 1.882 | 24.232
IL Chlorure de chaux. 415 192.240 | 42.753 |164.158
| Soude et potasse
caustiques , .
21,913 839,190 1.025 | 30.724
. L'introduction en Suisse, vers 1850, des engrais arti-
ficiels et leur emploi toujours croissant permirent,
depuis 1862, la fondation d'usines destinées à celte pro-
duction; mais, devant la concurrence des produits
similaires allemands, un certain nombre de fabriques
durent disparaitre, ef l'exportation (18.125 quintaux),
est maintenant très faible devant l'importation (630,968
quintaux), composée surtout de superphosphates et de
Scories Thomas.
La distillation du bois, relativement prospère vers
4870-1880, alors que l’acétate de fer trouvait un écoule-
ment facile dans la teinture, à vu depuis la produc-
tion diminuer des 9/10 et, par suite, la fabrication d’acide
acétique et d’acétale de soude a complètement disparu.
Une conséquence de la faible production a été lim-
possibilité d'installer la fabrication de la créosote, qui
exige, pour être rémunératrice, de pouvoir traiter des
quantités considérables de goudrons.
Le sulfate de fer et les mordants de fer fabriqués
baguère en grandes quantités ont vu diminuer de beau-
>oup leur production depuis que le chlorure d'étain
est introduit dans la teinture de la soie. Par contre,
Pindustrie des sels d'étain a profité de celte transfor-
mation, et actuellement le tétrachlorure d'étain est
fabriqué dans un grand nombre d'usines, à Zurich,
Glaris, Uetikon, etc.
Le sulfate d'aluminium nécessaire aux leintureries
de coton, fabriqué jadis à Uelikon, vient maintenant
d’Allemayne, el le sulfate de cuivre que produisaient
presque toutes les premières usines suisses n'est plus
fabriqué maintenant, malgré sa consommation toujours
croissante dans la viticulture.
… 2. Industries électro-chimiques et électro-thermi-
es. — Les événements ne paraissent pas avoir justi-
tié les prédictions optimistes faites au début de ces
industries. La Suisse, disait-on, devait trouver dans les
nouveaux procédés une large compensation aux diffi-
cultés inhérentes à sa situation et au manque de
matières premières; ces difficultés devaient disparaitre
devant l'extraordinaire bon marché de l'énergie four-
nie par les torrents de ses montagnes, par ce que, poé-
tiquement, on appelait la houille blanche. En réalité, la
situation de ces industries est stationnaire depuis quel-
ques années; des innombrables usines qui, par exem-
ple, devaient fabriquer des millions de tonnes de
carbure, quelques-unes en restèrent à la période d'essai;
d’autres, tuées par l’avilissement des prix dû à une
concurrence acharnée, furent obligées de cesser la fabri-
cation, Actuellement, le prix du carbure est tombé
de 700 francs en 1896, à 200 francs la tonne, prise à
l'usine ; la majeure partie de la production annuelle,
CHRONIQUE ET CORRESPONDANCE
de 8.000 tonnes environ, est exportée dans tous les
pays du monde ; un millier de tonnes suffisent pour la
consommation personnelle du pays.
Quant à l'industrie de l'aluminium, représentée exclu-
sivement par l'Alumintum Industrie Aktiengesellschaft,
elle continue à se développer rapidement, ainsi que le
montre la production, passée de 1.500 tonnes, en 1899,
à 2.500 en 1900.
La préparation électrothermique du phosphore, entre-
prise à Chatelaine, a cessé et, à l'heure actuelle, on ne
trouve plus dans le commerce de phosphore obteou
par ce procédé.
Parmi les industries électrolytiques, celle des chlo-
rates est en pleine prospérité ; mais, pour la soude et
le chlore, les résultats ne paraissent pas encore défini-
üifs; on sait que l'énergie disponible dans les usines
suisses représente une production possible de 3.000 à
3.500 tonnes de soude à 70°, et de 7.000 tonnes envi-
ron de chlorure de chaux, mais on ignore quelle est la
production réelle ; l'influence de cette nouvelle indus-
trie ne s'est jusqu'à présent fat sentir que par une
augmentation dans les exportations de chlorure de
chaux. D'ailleurs, cette industrie rencontre en Suisse
une difficulté particulière, due à l'existence d'un impôt
prohibitif qui vient augmenter le prix relativement
élevé du sel nécessaire à celte fabrication.
3. Matières colorantes, produits pharmaceutiques et
produits divers. — La Suisse, surtout dans sa parlie
allemande, a suivi l'Allemagne pour ces industries, qui
sont à l'heure actuelle en pleine prospérité. Grâce à sa
merveilleuse situation au point de vue des transports,
Bâle est devenu le centre de cetle production. Depuis
le jour où, en 1859, fut installée la première usine
suisse de matières colorantes artificielles, la production
a cru sans cesse, et la valeur des produits fabriqués,
qui était de 7 millions en 1875, est passée à 16 millions
en 1896, pour atteindre 18-millions en 1899.
Un quinzième seulement de celle production ést
utilisé dans le pays; le reste est exporté dans le monde
entier, et principalement aux Etats-Unis.
Cette prospérité a eu-pour contre-coup immédiat la
disparition des extraits de bois, dont la valeur, de
1.647.000 francs en 1890, est tombée à 420.000 francs
en 1899.
Les laques et vernis, d'abord fournis par l'Angle-
terre et la Hollande, furent peu à peu, depuis 1860,
fabriqués à Berne, Bâle, Coire, etc., etc.; mais, la
facilité des transactions augmentant, les produits fran-
çais et allemands sont venus rendre plus dures les
conditions d'existence de ces industries.
Il en est de même des matières colorantes minérales,
pour lesquelles les produits français, surtout dans la
Suisse française, font une concurrence (très sérieuse
aux produits indigènes, grâce aux tarifs douaniers très
peu élevés.
Quant aux produits pharmaceutiques, photogra-
phiques, et aux parfums synthétiques, leur préparation
se développe rapidement, et l’analogie des recherches
nécessaires à la découverte de ces produits et à celle
des matières colorantes, a fait qu'un certain nombre
d'usines suisses ont réuni ces industries.
En résumé, la Suisse doit chercher de plus en plus à
restreindre ses importations de produits de la grande
industrie chimique, produits de consommation consi-
dérable, tels que les acides, la soude, etc., sans viser,
quant à ces matières, à une exportation que les frais de
transport et les droits de douane semblent lui inter-
dire complètement. Cette impossibilité d'exporter
n'existe plus, dès qu'il s’agit de substances chères et
susceptibles de supporter des frais de transport et de
douane : tels les matières colorantes, les produits phar-
maceutiques, les parfums, etc.
C'est d’ailleurs, nous l'avons vu, dans cette direction,
que, à l'heure actuelle, l’industrie chimique suisse
prend le développement le plus considérable.
Les chiffres et documents qui ont servi à cette étude
992
CHRONIQUE ET CORRESPONDANCE
sont empruntés à une brochure publiée par le D' Georg
Lunge et consacrée à l'histoire et au développement
des industries chimiques en Suisse. C. Marie,
Préparateur de Chimie appliquée
à la Facullé des Sciences de Paris.
S 4. — Zoologie
La parthénogénèse provoquée chez les
Echinodermes. — Dans une chronique précédente,
nous émettions le vœu que les expériences de Loeb
fussent reprises dans un de nos laboratoires maritimes,
aliu de lever les critiques de M. Viguier et de nous assu-
rer définitivement de la réalité d'un fait aussi curieux.
C'est chose faite maintenant, et M. Delage? vient de
montrer, dans un travail d'une précision et d’une clarté
qui ne laissent aucune prise au doute, que la parthéno-
génèse expérimentale des œufs d'Echinodermes est un
fait bien réel, dont on commence à entrevoir le dé-
terminisme.
Chez l'Asterias glacialis, un certain nombre d'œufs
sont naturellement aptes à se développer sans féconda-
tion, mais leur nombre semble varier beaucoup suivant
les individus ; telle Astérie donne jusqu'à 6 °/, d'œufs
qui, non fécondés, se segmentent plus ou moins com-
plètement; telle autre ne donne rien, pour des raisons
mal connues, mais qui tiennent probablement, non pas
à l'individu, mais à l’âge plus ou moins convenable des
œufs. Or, c'est précisémentlorsqueles œufs d'un individu
montrent une tendance au développement sans fécon-
dulion que les traitements expérimentaux réussissent le
mieux,etc'esttout nalurel; mais l'énorme disproportion
entre le taux pour cent des réussites naturelles et celui
des réussites expérimentales (de 5 à 80°/, de segmenta-
tions dont un nombre variable, jusqu'à 100°/,, atteignent
le stade de blastule nageante), ne laisse aucun doute
quant à la réalité de l'agent mis en œuvre. M. Delage a
obtenu des réussites avec les réactifs les plus variés,
solutions de KCI et de NaCI mélangées à l'eau de mer
(solutions hypertoniques), HCI en solution très faible
(0,01 °/,), et surlout avec le chlorure de manganèse, qui
a donné une fois jusqu’à 95 °/, de segmentations parthé-
nogeneéliques.
Chez les Asterias, il semble qu'un très grand nombre
des œufs qui se dév-loppent par parthénogénèse naturelle
ou provoquée n'éliminent qu'un seul globule polaire,
de sorte quelesagents qui déterminent la parthénogénèse
expérimentale asiraient en empêchant la formation du
second globule, et en plaçant ainsi l'œuf dans la condi-
lion de la parthénogénèse naturelle. Le second globule
polaire joue le rôle du spermatozoïde en laissant dans
l'œuf les matériaux (ovocentre, chromatine) qui lui font
défaut après l'expulsion de ce globule.
Enfin, M. Delage confirme ses résultats antérieurs au
sujet du nombre des chromosomes*. Les noyaux soma-
tiques des Strongylocentrotus et des Asterias ont nor-
malement dix-huit chromosomes; or, c'est ce même
nombre que l’on retrouve, soit dans l'œuf normalement
fécondé, soit dans l'œuf qui s'est développé par parthé-
nogénèse expérimentale, soit dans celui qui à subi la
fécondation mérogonique, et, cependant, dans le pre-
mier cas il renferme une chromatine mixte (9+9),
dans les autres une chromatine exclusivement mater-
nelle ou exclusivement paternelle. Il n’y a donc ni indi-
vidualité, ni permanence des chromosomes chez ces
espèces; leur nombre est l'effet d’une auto-régulation
sous la dépendance du cytoplasme qui entoure le noyau.
Aux géniales recherches de MM. Loeb et Delage, il
ne manque plus qu'une expérience, plus importante
peut-être que toutes les autres : ce serait de féconder
un œuf sans noyau d'une espèce donnée, par le sper-
matozoide d'une autre espèce (on sait que l'hybridation
1 Revue générale des Sciences, du 30 décembre 1900.
= Etudes expérimentales sur la maturation eytoplasmique
et sur la parthénogénése artificielle chez les Echinodermes.
Arch. Zool. exp. (3\,t. IX, 1901, p. 285.
* Voyez la Revue générale des Sciences, du 30 juillet 1900.
mérogonique est possible, MM. Loeb et Delage sac
cordent à le croire), et de voir quelle serait la forme dun
produit. S'il ressemble uniquement au père, c'est 4
démonstration finale et précise que le noyau est l’uniqueh
support de la transmission héréditaire ; s'il a quelques
caractères maternels, c’est que l’hérédité est transmises
par autre chose que le noyau, et toutes nos idées eb
théories sur l’hérédité sont à reviser. ’
Voyages aériens des Araignées. — Il &
bien connu que certaines Araignées peuvent être tram
portées par le vent, gräce à un fil de soie très ténw
qu'elles émettent par unelilière, et qui est entrainé p
le courant d'air ascendant qui part du sol; un fil d'un
mètre de long, d'après les expériences de M. Favierw
peut porter un lest d'un demi-milligramme, poids d'une
jeune Araignée. Depuis plusieurs années, M. Favier suit
à chaque printemps la dispersion d’un grand nombre
de nids de jeunes Araisnées (Epéires ou autres); en
quelques heures, par un temps favorable, un millier de
jeunes s’envolent du même nid, pour aller commence
au loin leurs travaux et leurs chasses; l’Araignée n'est
pas absolument passive, elle peut régler son ascension
au départ et en cours de route; il lui suffit d’augmenten
la longueur de son fil pour monter plus vite et de le
pelotonner pour atterrir. Il ne serait pas impossible que
certaines espèces hivernantes pussen£ accomplir, pat
ce procédé, une sorte d'émigration périodique. |
$ 5. — Physiologie
La formation de lacide urique chez les
Oiseaux. — On sait que la proportion des différents.
composés azotés de l'urine des oies subit une modifi
cation importante après l’ablation du foie, pendant les
quelques heures de la survie. Daus l'urine de l'oie nor
male, les 60 à 70 °/, de l'azote existent sous forme
d'acide urique, les sels ammoniacaux n’en contenanis
que 40 à 20 o/,. Dans l'urine de l’oie privée de foie
l'acide urique ne contient plus que 5 °/, de l'azolem
total; les sels ammoniacaux en contiennent 50 à 60 9/6
On est ainsi conduit à penser que, chez l'oie normale
une importante fraction, sinon la totalité de l'acide
urique urinaire, provient de +els ammoniacaux, dérivés,
des substances protéiques des tissus et transformés eus
acide urique par le foie (Minkowski). D
Toutefois, cette conclusion est sujette à uue objec=
tion : l'urine des oies vpérées contient du lactalen
d'ammoniaque en abondance; l'urine des oies nor
males n’en contient pas; on peut imaginer qu'à la suite
de l'ablation du foie il se produit anormalement, dans
l'organisme de l'oie, de l'acide lactique, et que la pré=
sence de cet acide détermine la production et l'élimi=
nation d'un composé anormal, comme l'introduction
d'un acide non combustible dans l'organisme des
Mammifères augmente la quantité des sels ammonias
caux de l'urine. sd
L'expérience de Minkowski devait donc être coms
plétée; il convenait de démontrer directement, sur un
foie d’oie extrait de l'organisme, la transformation dés
sels ammoniacaux en acide urique dans le sang chargé
de ces sels qu'on fait circuler dans ses vaisseaux. L'ex=
périence a été récemment faite par MM. K. Kowalewski ets
S. Salaskin®. Il résulte de cette expérience que le foie
de l'oie peut transformer en acide urique le lactate
d'ammoniaque et aussi l’arginine. LES
Cette expérience prévue, dont le résultat était
escompté, vient combler une lacune signalée de divers
côtés. Désormais, le parallèle est parfait entre, d’unes
part, le foie des Mammifères, qui transforme en uréen
les sels ammoniacaux, les acides amidés et les uratess
et, d'autre part, le foie des Oiseaux, qui transforme em
acide urique les sels ammoniacaux, les acides amidés
et l’urée. 1
= : L
1 Note sur les voyages aériens de certaines Araignées, Bull. ë
Soc. Entomol. de France, n° 14, 1904, p. 249. .
2 Zeitschrift für physiologische Chemie, XXXII, p. 210.
CHRONIQUE ET CORRESPONDANCE
$ Ü. — Géographie et Colonisation
Le chemin de fer du Yun-nan.— Le Yun-nan
St depuis longtemps considéré, à juste titre, comme
in prolongement naturel de l Indo-Chine vers le nord
b l'une des régions où, de celte colonie, nous avons
plus d'intérêt à étendre notre action écoriomique.
ussi, l'idée d'un chemin de fer de pénétration du
nkin vers cette partie de la Chine devait-elle néces-
sairement rencontrer d'unanimes adhésions.
Nous rappelons que, dès 1897, M. Guillemoto, ingé-
nieur des Ponts et Chaussées, commenca des études
Pour son établissement; mais la Mission fut d'abord
entravée par les autorités chinoises. Il fallut, pour la
reprise des travaux, que la Convention du 10 avril 1898,
renouvelant sur ce point celle du 24 juin 1895, concédât
à la France le droit de construire un chemin de fer
jusqu'à la capitale du Yun-nan. A la fin de 1898,
M: Guillemoto put achever les plans d’un tracé qui,
Suivant la rive gauche du Fleuve Rouge sur 65 kilo-
Mètres, emprunte ensuite un de ses aliluents, le Sin-
chien-ho, pour arriver sur le plateau de Monx risé et à
Yun-nan-sen.
C'est alors que, d’après les projets élaborés par
M. Doumer, gouverneur général de l'Indo-Chine, une
loi du 25 décembre 1898 autorisa l'émission d'un em-
runt de 200 millions pour la construction de chemins
de fer en Indo-Chine. La ligne de Haï-phong à Lao-kay
fut classée en premier rang, par ordre d'urgence, et
Ja loi autorisa la construction immédiate de celle de
Lao-kay à Yun-nan-sen, qui est le prolongement de la
‘première. On se souvient que la révolution chinoise
entraina le départ précipité du Yun-nan de notre
consul, M. Francois, et interrompit un certain temps les
études préparatoires ; elles ont pu être reprises depuis,
et une loi du 5 juillet 1901 à approuvé une convention,
conclue par le gouverneur général de l’Indo-Chine,
Pour la construction partielle et l'exploitation du che-
in de fer de Haï-phong à Yun-nan-sen.
La longueur totale de la ligne est de 475 kilomètres
environ. Jusqu'à Lao-kay, elle: comprend trois sections :
Haï-phong-Hanoï, Hanoiïi-Viétri, Viétri-Lao-kay. La pre-
Mmière doit être achevée avant le 1° avril 1903 et les
deux suivantes avant le 1e avril 1905. Aucune date
n'est prévue pour la ligne de Lao-kay à Yun-nan-sen,
mais l'infrastructure et les travaux d'art pourront être
commencés, tandis que la ligne se construira dans le
Tonkin.
Après Lao-kay, la voie franchit le Nam-ti, sur un
pont de 75 mètres, qui est l’un des ouvrages d'art les
plus importants de toute la ligne; elle suit presque
constamment la berge du Fleuve Rouge, jusque vers
Sin-kay, au confluent du Sin-chien-ho.
. Le tracé remonte le long de cet affluent du Fleuve
Rouge, qui d’abord coule avec une faible pente, dans une
vallée assez large ; le cours d'eau devient ensuite plus
rapide, et la vallée se rétrécit à ce point, qu'aux environs
de Tao-tsé, la rive gauche forme, eu certains endroits,
une muraille verticale de 60 mètres de haut, d'où descen-
dent en cascades de nombreux affluents. La ligne se
maintient à flanc de coteau; les ouvrages d'art sont
nombreux, mais de peu d'importance.
C'est ensuite, entre Tou-tou-peu et Ho-kia-{chay,
Jorsqu'il s'agit de franchir la coupure qui donne accès
. dans le cirque de Mong-tsé, que des difficultés se pré-
sentent. On a dù adopter un tracé contourné, et dans
cette section, les travaux d'art sont non seulement
rapprochés, mais relativement importants; cependant,
-le plus long tunnel ne dépasse pas 300 mètres. On
“entre à Ho-kia-tchay, dans la vallée du Si-kiang, dont
paraissent être tributaires les lacs sans écoulement
qui se trouvent dans le cirque de Mong-tsé.
La ligne sort de ce cirque par un seuil peu élevé et
0 le cours du Lin- -gan- ho, affluent du Si- kiang,
s ce dernier fleuve, qui coule aussi dans un cirque
Roue. On passe par un tunnel de 900 mètres, le plus
|
|
hi
{
+
long de toute la ligne, du bassin du Si-kiang dans celui
du Yang-tsé-kiang. La voie atteint en ce point son
maximum d'altitude, qui est de 1.880 mèlres environ.
A la sortie de ce tunnel, une descente en pente douce
amène au bord du grand lac, long de 50 kilomètres et
large de 10, à la pointe nord duquel est situé Yun-
nan-sen.
Aucune voie de pénétration au Yun-nan ne se pré-
sente dans des conditions plus favorables que celle-ci,
et les difficultés de construction de la ligne sont aussi
faibles que possible. La situation des Anglais est loin
d'être la même. Ils ont poussé leurs chemins de fer de
Birmanie, d'une part jusqu'à Myitkyina, dans la vallée
de l’'Iraouaddy, d'autre part jusqu’à Kun-long, près de
la frontière de Chine, dans la direction du Yuu-nan; ils
forment bien le projet de prolonger leur ligne de Kun-
Jong jusqu'au cœur du Yun-nan par Tali-fou, mais
ils se trouvent en présence de chaines de montagnes
dont la traversée, a-t-on dit, équivaudrait à sept fois
celle des Alpes. Quoi qu'il en soit, la partie qui resterait
à construire par nos voisins serait tout à la fois plus
difficile et plus longue que la totalité de notre ligne de
Hanoï à Yun-nan-sen.
Parvenus à Yuu-nan-sen, devrons-nous nous y arrè-
ter ou pousser plus loin notre pénétration? Occuper
Yun-nan-sen, c’est avoir le Yun-nan tout entier. Mais
le Yan-nan est, comme l'a fait remarquer M. Doumer,
« l'origine de toutes les hautes vallées ». Aussi est-il
convaincu que le chemin de fer du Yun-nan, prolongé
jusqu'à Siou-fou, sur le Yang-tsé-kiang, et de là, d’un
côté à Tchouang-king, sur le mème fleuve, de l’autre à
Tehing-tou, la capitale du Sé-tchouen, drainerait vers
le Tonkin les produits de la Chine centrale et aurait
chance de les détourner peut-être des voies anglaises
de Chang-hai et de Canton.
Pour le moment, il nous suffit de constater que la
ligne, même limitée au Yun-nan, présente un incon-
testable intérêt politique, qui est d'assurer la pro-
tection de nos possessions indo-chinoises en exerçant
une surveillance constante sur les provinces chinoises
voisines.
L'intérêt économique n'est pas moindre. Le sol du
Yun-nan est riche et fertile. Sans ètre abondante comme
dans les deltas du Mékong et du Fleuve Rouge, la cul-
ture du riz peut y être fortement accrue. Dans les ré-
gions insuffisamment irriguées, elle peut être remplacée
par celle du mais. Selon l'altitude, on cultive aussi le
sarrasin, l’avoine, l'orge, le Hé ou l'opium. Presque
toutes les plantes de nos jardins d'Europe viennent
avec facilité dans ces régions. La vigne existe un peu
partout à l’état siuvage au-dessous de 1.800 mètres, et
surtout vers 1.200 mètres. Par son climat, le Yun-nan
constitue un véritable sanatorium pour nos compatriotes
fatigués par les chaleurs torrides de la vallée.
Au point de vue minier, on a é{é exactement rensei- .
gné sur les ressources du Yun-nan par M. Leclère, in-
génieur en chef des Mines, qui, en 1897, a effectué plus
de 6.000 kilomètres à travers le haut Tonkin, le Yun-
nan, le Kouei-tcheou et le Kouang-si, et a procédé à
une étude géologique complète de ces régions. Sa con-
clusion est que tout le pays quis'étend du Fleuve Rouge
au Yang-tsé-Kiang est appelé à devenir l'un des pays
miniers les plus intéressants du globe.
Les principales richesses minérales du Yun-nan con-
sistent dans la houille, le cuivre et l’étain. On trouve
de la houille dans toute la région comprise entre le
Tonkin et le Fleuve Bleu, en passant par Yun-nan-sen.
Cette richesse houillère se trouve jointe à des gisements
de fer situés sur les bords mêmes du Fleuve Rouge et
à d'innombrables gisements de cuivre; ces derniers
sont exploités depuis plus d'un millier d'années, mais
il reste encore des gisements profonds qui peuvent être
traités par les méthodes modernes. Les mines d'étain
de la région de Mong-tsé sont exploitées activement par
une population d'environ trente mille individus.
Gustave Regelsperger.
994 H. POINCARÉ — À PROPOS DES EXPÉRIENCES DE M. CRÉMIEU
À PROPOS DES EXPÉRIENCES DE M. CRÉMIEU
La /'evue à rendu compte des récentes expé-
riences de M. Crémieu‘, qui, si elles étaient
confirmées par des recherches ultérieures, boule-
verseraient complètement nos idées sur l'Électro-
dynamique.
Pour faire comprendre à quel point les idées de
Crémieu sont révolutionnaires, il est nécessaire
d’abord de résumer succinetement toute l'histoire
de l'Électrodynamique el de remonter aux origines,
c'est-à-dire à Ampère.
Je suivrai dans cette exposition un ordre logique,
qui ne sera pas absolument d'accord avec l’ordre
historique.
I. — TuéorIE D'AMPÈRE.
Quand Ampère a étudié expérimentalement les
actions mutuelles des courants, il n’a opéré et il ne
pouvait opérer que sur des courants fermés.
Ce n’est pas qu'il niât la possibilité des courants
ouverts. Si deux conducteurs sont chargés d'élec-
tricité de nom contraire et si on les met en
communication par un fil, il s'établit un eourant
allant de l’un à l’autre et qui dure jusqu'à ce que
les deux potentiels soient devenus égaux. Dans les
idées qui régnaient du temps d'Ampère, c'était là
un courant ouvert; on voyait bien le courant aller
du premier conducteur au second, on ne le
voyait pas revenir du second au premier.
Ainsi, Ampère considérait comme ouverts les
courants de cette nature, par exemple les courants
de décharge des condensateurs ; mais il ne pouvait
en faire l’objet de ses expériences, parce que la
durée en est trop courte. *
On peut imaginer aussi une aulre sorte de
courant ouvert. Je suppose deux conducteurs, A et
B, reliés par un fil AMB. De pelites masses conduc-
trices en mouvement se mettent d'abord en contact
avec le conducteur B, lui empruntent une charge
électrique, quittent le contact de B, se mettent en
mouvement en suivant le chemin BNA, et, en
transportant avec elles leur charge, viennent au
contact de A et lui abandonnent leur charge; qui
revient ensuile en B en suivant le fil AMB.
On à bien là en un sens un circuit fermé,
puisque l'électricité décrit le circuit fermé BNAMB:
mais les deux parties de ce courant sont très
différentes : dans le fil AMB, l'électricité se déplace
à travers un conducleur fixe, à la façon d'un
! Voyez à ce sujet la Revue du 15 novembre 1901, t. XII,
P. J8T.
BNA, l'électricité est {ransporlée par un condue
teur mobile; on dit qu'elle se déplace par
conveclion.
Si, alors, le courant de convection est considéré
comme tout à fait analogue au courant de condues
lion, le circuit BNAMB est fermé ; si, au contraires
le courant de convection n'est pas « un vrai cou
rant », et, par exemple, n'agit pas sur les aimants
il ne reste plus que le courant de conduction AMBY
qui est ouvert.
Par exemple, si l'on réunit par un fil les deux
pôles d’une machine de Holtz, le plateau tournant
chargé transporte d’un pôle à l’autre par convee
tion de l'électricité, qui revient au premier pôle
par conduction à travers le fil.
Mais des courants de celle espèce sont très
difficiles à réaliser avec une intensilé appréciables
Avec les moyens dont disposait Ampère, on peut
dire que c'était impossible. L
En résumé, Ampère pouvait concevoir l’existences
de deux espèces de courants ouverts, mais il ne«
pouvait opérer ni sur les uns ni sur les autres
parce qu'ils étaient trop peu intenses où parce
qu'ils duraient trop peu de temps.
L'expérience ne pouvait done lui montrer que
l’action d'un courant fermé sur un courant fermé,
ou à, la rigueur, l’action d'un courant ferm : sur
une portion de courant, parce qu'en peul l'aire
parcourir à un courant un circuit /ermé CON ,10-ÉM
d'une partie mobile et d'une partie fixe. On jui
alors étudier les déplacements de la partie mobile
sous l’action d’un autre courant fermé.
En revanche, Ampère n'avail aucun moyen
d'étudier l’action d'un courant ouvert, soit sur um
courant fermé, soit sur un autre courant ouvert.
Le
L
;
1. Cas des courants fermés. — Dans le cas 4
l'action mutuelle de deux courants fermés, l’expé-=
rience révéla à Ampère des lois remarquablement
simples. |
Je rappelle rapidement ici celles qui nous seront
utiles dans la suite :
1° Si l'intensité des courants est maintenue
constante, et si les deux circuits, après avoir subi 1
des déplacements et des déformations quelconques, ?
reviennent finalement à leurs posilions initiales, le M
travail total des aclions électrodynamiques sera -
nul.
En d'autres termes, il y a un potentiel électro-
H. POINCARÉ — À PROPOS DES EXPÉRIENCES DE M. CRÉMIEU
995
ynamique des deux circuits proportionnel au
roduit des intensilés et dépendant de la forme et
e la position relative des circuits; le travail des
clions électrodynamiques est égal à la variation
e ce potentiel;
2% L'action d'un solénoïde fermé est nulle;
3° L'action d'un circuit C sur un autre circuit
oltaïque C! ne dépend que du « champ magné-
tique » développé par ce circuit C. En chaque point
de l’espace, on peut, en effet, définir en grandeur et
direction une certaine force appelée force magné-
tique et qui jouit des propriétés suivantes :
\
… à) La force exercée par C sur un pôle magnétique
est appliquée à ce pôle; elle est égale à la force
magnélique multipliée par la masse magnélique
du pôle;
D) Une aiguille aimantée très courle tend à
prendre la direction de la force magnétique, et le
couple qui tend à l'y ramener est proportionnel au
produit de la force magnétique, du moment
magnétique de l'aiguille et du sinus de l'angle
d'écart ;
ce) Si le circuit C'se déplace, le travail de l'action
. électrodynamique exercée par C sur C' sera égal à
l'accroissement du « flux de force magnétique » qui
lraverse ce circuit,
2. Action d'un courant fermé sur une portion de
courant. — Supposons que le cireuit C' se compose
- de deux parties, l’une fixe, l’autre mobile ; sur la
figure 4, la partie fixe sera représentée, par exemple,
par la ligne DBFMEAH,
tandis que la partie mo-
bile AB se déplacera de
facon que ses deux extré-
milés À et B glissent en
s'appuyant sur les deux
fils EAH et FBD.
Si un semblable cireuit
est soumis à l’action d'un
courant fermé C, la par-
lie mobile se déplacera
comme si elle subissait
l’action d'une force. Am-
père admet que la force
apparente à laquelle celle partie mobile AB semble
ainsi soumise, représentant l’action de C sur la
portion AB du courant, est la même que si AB était
parcouru par un courant ouvert qui s'arrêlerait en
A et en B, au lieu de l'être par un courant fermé
qui, après être arrivé en B, revient en À par le
chemin BFMEA à travers la partie fixe du cireuit,
Cette hypothèse peut sembler assez naturelle ;
néanmoins, elle ne s'impose pas, puisque nous
verrons plus tard que Helmholtz l’a rejetée. Quoi
qu'il en soit, elle permit à Ampère, bien qu’il n'ait
Fig. 1.
pu jamais réaliser un courant ouvert, dénoncer les
lois de l'action d’un courant fermé sur un courant
ouvert, ou même sur un élément de courant.
Les lois restent simples :
1° La force qui agit sur un élément de courant
est appliquée à cet élément ; elle est normale à
l'élément et à la force magnétique et proportion-
nelle à la composante de cette force magnétique
qui est normale à l'élément;
2° L'aclion d'un solénoïde fermé sur un élément
de courant reste nulle.
Mais il n'y a plus de potentiel électrodynamique,
c'est-à-dire que, quand un courant fermé et un
courant ouvert, dont les intensités ont été main-
tenues constantes, reviennent à leurs positions
initiales, le travail total n’est pas nul.
3. Rolations continues.— Parmi les expériences
électrodynamiques, les plus curieuses sont celles
où l'on à pu réaliser des rolalions continues et
qu'on appelle quelquefois expériences d’induction
unipolaire. Un aimant peut tourner autour de
son axe ; un courant parcourt d'abord un fil fixe,
entre dans l'aimant par le pôle N par exemple,
parcourt la moitié de laimant, en sort par un
contact glissant et rentre dans le fil fixe.
L'aimant entre alors en-rolalion continue sans
pouvoir jamais atteindre une position d'équilibre.
C'est l'expérience de Faraday.
Comment cela est-il possible? Si l’on avait affaire
à deux circuits de forme invariable, l’un fixe C;
l'autre C! mobile autour d'un axe, ce dernier ne
pourrait jamais prendre de rotalion continue ; eu
effet, il existe un potentiel électrodynamique; il y
aura donc forcément une posilion d'équilibre, ce
sera celle où ce potentiel sera maximum.
Les roialions continues ne sont done possibles
que si le circuit C’ se compose de deux parties :
l’une fixe, l'autre mobile autour d'un axe, comme
cela a lieu dans l'expérience de Faraday. Encore
convient-il de faire une distinction. Le passage de
la partie fixe à la parlie mobile ou inversement
peut se faire, soit par un contact simple (le même
point de la partie mobile restant constamment en
contact avec le même point de la partie fixe), soit
par un contact glissant (le même point de la partie
mobile venant successivement en contact avec
divers points de la partie fixe).
C’est seulement dans le second cas qu'il peut y
avoir rolation continue. Voici ce qui arrive alors :
le système tend bien à prendre une position
d'équilibre; mais, quand elle va être ätleinte, le
contact glissant met la partie mobile en communi-
cation avec un nouveau point de la parlie fixe; elle
change les conñexions, elle change donc les con-
ditions d'équilibre, de sorte que, la position d’é-
996
H. POINCARÉ — A PROPOS DES EXPÉRIENCES DE M. CRÉMIEU
quilibre fuyant, pour ainsi dire, devant le syslème
qui cherche à l’atteindre, la rotation peut se pour-
suivre indéfiniment.
Ampère admet que l'action du cireuit sur la par-
tie mobile de C' est la même que si la partie fixe
de C'n'exislait pas et si, par conséquent, le courant
qui circule dans la partie mobile élait ouvert.
Il conclut donc que l'aclion d'un courant fermé
sur un courant ouvert, ou inversement celle d'un
courant ouvert sur un courant fermé, peut donner
lieu à une rolalion continue.
Mais cette conclusion dépend de l'hypothèse que
je viens d'énoncer et qui, ainsi que je l'ai dit plus
haut, n'est pas admise par Helmholtz.
On peut se rendre compte d'une autre manière
des rotations continues qui doivent se produire
dans la théorie d'Ampère.
Envisageons l’action mutuelle d'un aimant recli-
ligne et d’un élément de courant E. Cette force
mutuelle sera appliquée à l'élément E el non pas
sur l'axe de l'aimant; son moment par rapport à
cel axe ne sera donc pus nul. Si, en particulier,
l'aimant est indéfini dans un sens, de telle façon
que, l'un des pôles étant très éloigné, l’action de
l’aimant se réduise à celle de l’autre pôle, nous
pourrons dire que la force mutuelle qui s'exerce
entre un pôle magnétique et un élément de cou-
rant n'est pas appliquée au pôle, mais à l'élément.
Si, au lieu d'un élément isolé, nous avions affaire
à un courant fermé, l'action du courant fermé se-
rait la résullante des actions de ses divers élé-
ments. Chacune des composantes serait appliquée
à l'élément correspondant, mais la résultante serait
appliquée au pôle, de sorte que son moment par
rapport à l'axe de l'aimant serait nul.
4. Action mutuelle de deux courants ouverts. —
En ce qui concerne l’aclion mutuelle de deux cou-
rants ouverts et, en particulier, celle de deux élé-
ments de courant, toute expérience fait défaut.
Ampère a recours à l'hypothèse. Il suppose : 1° que
l'action mutuelle de deux éléments se réduit à une
force dirigée suivant la droite qui les joint; 2° que
l’action de deux courants fermés est la résultante
des actions mutuelles de leurs divers éléments,
lesquelles sont, d'ailleurs, les mêmes que si ces élé-
ments élaient isolés.
Ce qui est remarquable, c'est qu'Ampère fait ces
deux hypothèses sans s'en apercevoir, puisque,
par une singulière illusion, il intitule son immortel
ouvrage : Théorie des phénomènes électrodynami-
ques, uniquement fondée sur l'expérience.
Quoi qu'il en soit, ces deux hypothèses, jointes
aux expériences sur les courants fermés, suffisent
pour déterminer complètement la loi de l’action
mutuelle de deux éléments.
Mais alors, la plupart des lois simples que nous
avons rencontrées dans le cas des courants fermés,
ne sont plus vraies.
D'abord, il n'y a pas de potentiel électrodynan
mique; il n'y en avait d’ailleurs pas non plus
comme nous l'avons vu, dans le cas d'un couran!
fermé agissant sur un courant ouvert. |
Ensuite, il n'y a plus, à proprement parler, de
force magnétique. 4
Et, en etfet, nous avons donné plus haut de cette
force trois définilions différentes : ,
1° Par l’action subie par un pôle magnétique;
2° Par le couple directeur qui oriente l'aiguille”
aimantée ;
3° Par l’action subie par un élément de courant,
Or, dans le cas qui nous occupe maintenant, non
seulement ces trois définitions ne concordent plus;s
mais chacune d'elles est dépourvue de sens, et en
effel :
1° Un pôle magnétique n'est plus simplement
soumis à une force unique appliquée à ce pôle.
Nous avons vu, en cfet, que la force due à l'action
d'un élément de courant sur un pôle n'est pas
appliquée au pôle, mais à l'élément; elle peut,
d'ailleurs, être remplacée par une force appliquée
au pôle et par un couple;
2° Le couple qui agit sur l'aiguille aimantée
n'est plus un simple couple directeur; car son
moment par rapport à l'axe de l'aiguille n’est pas
nul. 11 se décompose en un couple directeur pro-
prement dit et un couple supplémentaire qui tend
à produire la rotation continue dont j’ai parlé plus
haut;
3° Enfin, la force subie par un élément de cou-
rant n’est pas normale à cet élément.
En d'autres termes, l'unité de la force magné-
tique a disparu.
Voici en quoi consiste celte unité. Deux systèmes
qui exercent la même aclion sur un pôle magné-
tique, exerceront aussi la même action sur une
aiguille aimantée infiniment petite, ou sur un élé-
ment de courant, placés au même point de l'espace
où était ce pôle.
Eh bien, cela esl vrai si ces deux systèmes ne
contiennent que des courants fermés; cela ne
serait plus vrai, d'après Ampère, si ces systèmes
contenaient des courants ouverts.
Il suffil de remarquer, par exemple, que, si un pôle
magnétique est placé en À et un élément en B, la
direction de l'élément étant sur le prolongement
de la droite AB, cet élément, qui n’exercera aucune
aclion sur ce pôle, en exercera une, au contraire,
soit sur une aiguille aimantée placée au point A,
soil sur un élément de courant placé au point A.
5. Induction. — On sait que la découverte de
H. POINCARE — À PROPOS DES EXPÉRIENCES DE M. CRÉMIEU
997
l'induction électrodynamique ne larda pas à suivre
les immortels travaux d'Ampère.
Tant qu'il ne s'agit que de courants fermés, il
n y à aucune difficulté, et Helmholtz a même re-
. marqué que le principe de la conservalion de l'éner-
gie pouvait suffire pour déduire les lois de l'induc-
tion des lois électrodynamiques d'Ampère.
Le même principe permet encore cette déduction
dans le cas des courants ouverts, quoique, bien
entendu, on ne puisse soumeltre le résultat au
contrôle de l'expérience, puisque l'on ne peut réali-
ser de pareils courants.
Si l’on veul appliquer ce mode d'analyse à la théo-
rie d'Ampère sur les courants ouverts, on arrive
à des résultats bien faits pour nous surprendre.
D'abord, l'induction ne peut se déduire de la
variation du champ magnétique d’après la formule
bien connue des savants et des praticiens, et en
effet, comme nous l'avons dit, il n'y a plus à pro-
prement parler de champ magnétique.
Mais il y a plus. Si un circuit C est soumis à
l'induction d'un système voltaïque variable S; si
ce système $S se déplace et se déforme d'une ma-
nière quelconque, que l'intensilé des courants de
ce système varie suivant une loi quelconque, mais
qu'après ces variations, le syslème revienne fina-
lement à sa siluation iniliale, il semble naturel de
supposer que la force électromotrice moyenne in-
duite dans le circuit C est nulle.
Cela est vrai si le cireuit C est fermé et si le sys-
tème S ne renferme que des courants fermés. Cela
ne Serail plus vrai, si l’on accepte la théorie d'Am-
père, dès qu'il y aurait des courants ouverts. De
sorle que, non seulement l'induction ne sera plus
la variation du flux de force magnétique dans
aucun des sens habituels de ce mot, mais elle ne
pourra pas êlre représentée par la variation de
quoi que ce soil.
IT. — TuéortEe DE HELMuoLrz.
J'ai insisté sur les conséquences de la théorie
d'Ampère et de sa façon de comprendre l'action
des courants ouverts.
Il est difficile de méconnailre le caractère para-
doxal et artificiel des propositions auxquelles on
est ainsi conduit; on est amené à penser que « ça
ne doit pas être ca ».
On conçoit donc que Helmholtz ait été amené à
chercher autre chose. ;
Helmholtzrejette l'hypothèse fondamentale d’Am-
père, à savoir que l’action mutuelle de deux élé-
ments de courant se ramène à une force dirigée
suivant la droite qui les joint.
Il admet qu'un élément de courant n'est pas sou-
mis à une force unique, mais à une force et à un
couple. C'est même ce qui a donné lieu à la polé-
mique célèbre de Bertrand et d'Helmholtz.
Helmholtz remplace l'hypothèse d'Ampère par la
suivante : deux éléments de courant admettent
toujours un potentiel électrodynamique, dépen-
dant uniquement de leur position et de leur orien-
tation, et le travail des forces qu'ils exercent l'un
sur l’autre est égal à la variation de ce polentiel.
Dans le cas des courants fermés, seul accessible
à l'expérience, les deux théories concordent: dans
tous les autres cas, elles diffèrent.
D'abord, contrairement à ce que supposait Am-
père, la force à laquelle semble soumise la portion
mobile d'un courant fermé n'est pas la même que
cette portion mobile subirait si elle était isolée et
constituait un courant ouvert.
Revenons à la figure 1; dans la seule expérience
réalisable, la portion mobile AB n'est pas isolée,
mais fait partie d'un fermé ABFMEA.
Quand elle vient en A'B', le potentiel électrodyna-
mique total varie pour deux raisons : 1° il subit un
premier accroissement parce que le poteutiel de
A'B' par rapport au circuit C n’est pas le même que
celui de AB ; 2% 1l subit un second accroissement,
parce qu'il faut l'augmenter des potentiels des élé-
ments AA et B'B par rapport à C.
C'est ce double accroissement qui représente le
travail de la force à laquelle la portion AB semble
soumise.
circuit
Si, au contraire, AB étail isolée, le potentiel ne
subirait que le premier accroissement, et c'est ce
premier accroissement seulement qui mesurerait le
travail de la force qui agit sur AB.
En second lieu, il ne peut pas y avoir de rota-
tion continue sans contact glissant; et, en effet,
c'est là, comme nous l’avons vu à propos des cou-
rants fermés, une conséquence immédiate de
l'existence d’un potentiel électrodynamique. ;
Dans l'expérience de Faraday, si l’aimant est
fixe et si la partie du courant extérieure à l'aimant
parcourt un fil mobile, cette partie mobile pourra
subir une rotation con.inue. Mais cela ne veut pas
dire que si, l'on supprimail les contacts du fil avec
l'aimant et qu'on fit parcourir le fil par uo courant
ouvert, le fil prendrait encore un mouvement de
rotalion conlinue.
Je viens de dire, en effet, qu'un élément isolé ne
subit pas la même action qu'un élément mobile
faisant parlie d'un circuit fermé.
Autre différence : L'action d'un solénoïde fermé
sur un courant fermé cst nulle d'après l'expérience
et d'après les deux théories; son aclion sur un
courant ouvert serait nulle d'après Ampère; elle
ne serait pas nulle d'après Helmholtz.
D'où une conséquerce importante. Nous avons
donné plus haut trois définitions de la force magné-
998
H. POINCARÉ — À PROPOS DES EXPÉRIENCES DE M. CRÉMIEU
tique; la troisième n'a ici aucun sens puisqu'un
élément de courant n’est plus soumis à une force
unique. La première n'en a pas non plus. Qu'est-ce,
en effet, qu'un pôle magnétique? Cest l'extrémité
d'un aimant linéaire indéfini. Cet aimant peut être
remplacé par un solénoïde indéfini. Pour que la
définition de la force magnétique eût un sens, il
faudrait que l’action exercée par un courant ouvert
sur un solénoïde indéfini ne dépendit que de la
position de l'extrémité de ce solénoïde, c'est-à-dire
que l'action sur un solénoïde fermé fût nulle. Or,
nous venons de voir que ce n'était pas vrai.
En revanche, rien n'empêche d'adopter la
deuxième définition, celle qui est fondée sur la
mesure du couple directeur qui tend à orienter
une aiguille aimantée.
Mais, si on l’adopte, ni les effets d’induction ni les
effets électrodynamiques ne dépendront unique-
ment de la distribution des lignes de force de ce
champ magnétique.
IIT. — DirFriCULTÉS SOULEVÉES PAR CES TIHÉORIES.
La théorie de Helmholiz est un progrès sur celle
d'Ampère; il s’en faut cependant que toutes les
difficultés soient aplanies. Dans l’une comme dans
l’autre, le mot de champ magnétique n’a pas de
sens, ou, si on lui en donne un par une convention
plus ou moins artificielle, les lois ordinaires, si
familières à lous les électriciens, ne s'appliquent
plus: c’est ainsi que la force électromotrice induite
dans un fil n'est plus mesurée par le nombre des
lignes de force rencontrées par ce fil.
Et nos répugnances ne proviennent pas seule-
ment de ce qu'il est difficile de renoncer à des
habiludes invétérées de langage et de pensée. Il y
a quelque chose de plus. Si nous ne croyons pas
aux aclions à distance, il faut expliquer les phéno-
mènes éleetrodynamiques par une modification du
milieu. C'est précisément cette modification que
l'on appelle champ magnétique, et alors les effets
électrodynamiques ne devraient dépendre que de
ce champ.
Toutes ces difficultés proviennent de l'hypothèse
des courants ouverts.
On peut même présenter l'objection sous une
autre forme : Peut-il exister des courants ouverts ?
Cela dépend de la délinilion que l’on donne du
courant. Si par courant on entend seulement cou-
rant de conduelion, il est clair qu'il existe des cou-
rants ouverts; nous en avons cilé des éxemples.
Mais si l’on appelle courant ce qui agil sur le qalva-
nomètre, tous les courants sont fermés par défi-
nilion.
Et, en effet, si l’on décrit un petit contour entou-
rant le fil parcouru par le courant, celui-ci sera | devient le siège d’un phénomène particulier agis-
égal par définition à la force magnétique mesurée«
par la déviation de l'aiguille aimantée, ou plutôt à
la valeur moyenne de cette force le long de ce con=
tour.
Donc, si l’on a une aire quelconque, la SOMME
algébrique des intensités des courants qui traver=
sent cette aire sera proportionnelle au travail de
la force magnétique le long du contour qui limiles
cetle aire. Ge sera là la définition même du cou-
rant.
Imaginons alors qu'il existe un courant ouvert
AMB (fig. 2), et soit B une de ses extrémités. Soit
CPDQ un volume quel-
conque en forme de len-
tille, contenant B à son
intérieur. Sur la figure,
j'aurai en CPD la section
d'une des faces de la len-
tille et en CQD la section
de l’autre face.
La courbe qui sert de
contour commun à ces
deux faces coupe le plan
de la figure en C et en D.
Alors, le travail de la
force magnélique le long
de cette courbe CD sera proportionnel à la somme
des courants qui traversent la face CPD limitée par
cette courbe. Il ne sera donc pas nul, puisque celte
face est traversée par le courant AMB. D'autre
part, ce travail sera proportionnel à la somme des
courants qui traversent la face CQD limitée égale-
ment par cette courbe. Il sera donc nul, puisque
celle face n'est traversée par aucun courant.
Il y a donc contradiction, et, si l'on définit le
courant par le galvanomètre, il ne peut y avoir de
courant ouvert, et il ne s’agit pas de savoir si le
courant se ferme, mais comment il se lerme. On
peut appliquer cela en particulier à la théorie de
Helmholtz, et on voit alors que cette théorie revient
en somme à admeltre que les courants de conduc-
tion ouverts sont fermés par certains courants
auxiliaires dont l'expression est assez simple, el
qui ne sont pas sans analogie avec les courants de
déplacement de Maxwell.
C
Fig. :
IV. — Tuéorte DE MAXWELL.
Telles élaient les difficullés soulevées par les
{héories régnantes quand parut Maxwell, qui, d’un
trait de plume, les fit Loutes disparaitre. Dans ses
idées, en effet, il n'y a plus que des courants.
fermés.
Maxwell admet que, si, dans un diélectrique, le
champ électrique vient à varier, ce diélectrique
H. POINCARÉ — A PROPOS DES EXPÉRIENCES DE M. CRÉMIEU 999
sant sur le galvanomètre comme un courant et
qu'il appelle courant de déplacement.
Si alors deux conducteurs portant des charges
contraires sont mis en communication par un fil, il
règne dans ce fil pendant la décharge un courant
de conduction ouvert; mais il se produit en même
temps, dans le diélectrique ambiant, des courants
- de déplacement qui ferment ce courant de con-
duction.
On sait que la théorie de Maxwell conduit à
l'explication des phénomènes optiques, quiseraient
dus à des oscillations électriques extrêmement
rapides.
Au bout de vingt ans, les idées de Maxwell
recurent la confirmation de l'expérience. Hertz
parvint à produire des systèmes d'oscillations élec-
triques qui reproduisent toutes les propriétés de
la lumière et n’en diffèrent que par la longueur
d'onde, c’est-à-dire comme le violet diffère du
rouge. Il fit en quelque sorte la synthèse de la
lumière.
On pourrait dire que Hertz n'a pas démontré
directement l'idée fondamentale de Maxwell, l'ac-
tion du courant de déplacement sur le galvano-
mètre. C'est vrai dans un sens, et ce qu'il a montré
directement, en somme, c'est que l'induction élec-
tromagnétique ne se propage pas instantanément
comme on le croyait, mais avec la vitesse de la
lumière.
Seulement, supposer qu'il n'y a pas de courant de
déplacement et que l'induction se propage avec la
vilesse de la lumière; ou bien, supposer que les
courants de déplacement produisent des effets
d'induction et que l'induction se propage instanta-
nément, cela est la méme chose.
C'est ce qu'on ne voit pas au premier abord,
mais ce que l’on démontre par une analyse que je
ne puis même songer à résumer ici.
V. — EXPÉRIENCES DE ROWLAND.
Mais, je l'ai dit plus haut, il ÿ a deux sortes de
courants de conduction ouverts : Il y à d’abord
les courants de décharge d’un condensateur ou
d'un conducteur quelconque.
I] y a aussi les cas où des charges électriques
décrivent un contour fermé, en se déplaçant par
conduction dans une partie du circuit et par con-
vection dans l’autre partie.
Pour les courants ouverts de la première sorte,
la question pouvait être regardée comme résolue :
ils étaient fermés par les courants de déplacement.
Pour les courants ouverts de la deuxième sorte,
la solution paraissait encore plus simple; si le cou-
rant était fermé, ce ne pouvait être, semblait-il,
cela, il suffisait d'admettre qu'un « courant de con-
», c'est-à-dire un conducteur chargé en
mouvement, pouvait agir sur le galvanomètre.
Mais la confirmation expérimentale manquait. Il
paraissait difficile, en effet, d'obtenir une intensité
suffisante, même en augmentant autant que pos-
sible la charge et la vitesse des conducteurs.
Ce fut Rowland, un expérimentateur extrèême-
ment habile, qui le premier triompha ou parut
triompher de ces difficultés. Un disque recevait une
forte charge électrostatique et une très grande vi-
tesse de rotation. Un système magnétique astatique,
placé à côté du disque, subissait des déviations.
L'expérience fut faite deux fois par Rowland:
une fois à Berlin, une fois à Baltimore; elle fut
ensuite reprise par Himsteédt. Ces physiciens cru-
rent même pouvoir annoncer qu'ils avaient pu
effectuer des mesures quantitatives.
En fait, depuis une vinglaine d'années, la loi de
Rowland était admise sans contestation par tous les
physiciens.
Tout, d’ailleurs, paraissait la confirmer. L'étin-
celle produit certainement un effet magnétique ;
or, ne semble-t-il pas vraisemblable que la dé-
charge par élincelle est due à des particules arra-
chées à l’une des électrodes et transportées sur
l'autre électrode avec leur charge? Le spectre même
de l’étincelle, où l'on reconnait, les raies du métal de
l'électrode n’en est-il pas une preuve? L'étincelle
serait alors un véritable courant de convection.
D'un autre côté, on admet aussi que, dans un
électrolyte, l'électricité est convoyée par les ions
en mouvement. Le courant dans un électrolyte
serait donc aussi un courant de conveclion; or, il
agil sur l'aiguille aimantée,
De même pour les rayons cathodiques; Crookes
attribuait ces rayons à l'effet d’une matière très
subtile, chargée d'électricilé négative, et animée
d'une très grande vitesse; il les regardait, en d'autres
termes, comme des courants de convection. Or, ces
rayons cathodiques sont déviés par l’aimant. En
vertu du principe de l’action et de la réaction, ils
doivent à leur tour dévier l'aiguille aimantée.
Il est vrai que Hertz crut avoir démontré que les
rayons cathodiques ne convoient pas d'électricité
négative et qu'ils n’agissent pas sur l'aiguille ai-
mantée. Mais Hertz se trompait; d'abord Perrin à
pu recueillir l'électricité transportée par ces rayons
et dont Hertz niait l'existence ; le savant allemand
paraît avoir été trompé par des effets dus à l’action
des rayons X, qui n'étaient pas encore découverts.
Ensuite, et tout récemment, on à mis en évidence
l’action des rayons cathodiques sur l’aiguille ai-
mantée.
Ainsi, Lous ces phénomènes regardés comme des
veclion
que par le courant de convection lui-même. Pour | courants de convection, étincelles, courants élec-
1000
H. POINCARÉ — A PROPOS DES
EXPÉRIENCES DE M. CRÉMIEU
trolytiques, rayons cathodiques, agissent de la
même manière sur le galvanomètre et conformé-
ment à la loi de Rowland.
VI. — TuÉORIE DE LORENTZ.
On ne tarda pas à aller plus loin. D'après la
théorie de Lorentz, les courants de conduction eux-
mêmes seraient de véritables courants de convec-
tion : l'électricité resterait indissolublement alta-
chée à certaines particules matérielles appelées élec-
trons, ce serait la circulalion de ces électrons à
travers les corps qui produirait les courants vol-
taïques, et ce qui distinguerait es conducteurs des
isolants, c'est que les uns se laisseraient traverser
par ces électrons, tandis que les autres arrêteraient
leurs mouvements.
La théorie de Lorentz est très séduisante, elle
donne une explication très simple de certains phé-
nomènes dont les anciennes théories, même celle
de Maxwell sous sa forme primilive, ne pouvaient
rendre compte d'une facon satisfaisante, par
exemple, l’aberration de la lumière, l'entrainement
parliel des ondes lumineuses, la polarisation ma-
gnélique, l'expérience de Zeeman.
Quelques objections subsistaient encore. Les
phénomènes dont un système est le siège semblaient
devoir dépendre de la vitesse absolue de transla-
tion du centre de gravité de ce système, ce qui est
contraire à l’idée que nous nous faisons de la rela-
tivilé de l’espace. À la soutenance de M. Crémieu,
M. Lippmann à mis cette objection sous une forme
saisissante. Supposons deux conducteurs chargés,
animés d'une même vilesse de translation. Ils sont
en repos relatif; cependant, chacun d'eux équiva-
lant à un courant de conveclion, ils doivent s’alli-
rer, el on pourrait, en mesurant cetle altraclion,
mesurer leur vitesse absolue.
Non, répondaient les partisans de Lorentz; ce
que l’on mesurerait ainsi, ce n’est pas leur vitesse
absolue, mais leur vilesse relative par rapport à
l'éther, de sorte que le principe de relativité estsauf.
Quoi qu'il en soit de ces dernières objections,
l'édifice de l'Électrodynamique semblait, au moins
dans ses grandes lignes, définitivement construit;
tout se présentait sous l'aspect le plus satisfaisant;
les théories d'Ampère et de Helmholtz, faites pour
les courants ouverts qui n'existaient plus, ne sem-
blaient plus avoir qu'un intérêt purement histo-
rique, et on avait à peu près oublié les complications
inextricables auxquelles ces théories conduisaient.
VII. — PREMIÈRES EXPÉRIENCES DE M. CRÉMIEU.
C'est celte quiétude que les expériences de M.
Crémieu sont venues troubler. Ce jeune physicien
débuta par une expérience fort intéressante, dont
je ne parlerai pas ici parce qu'elle ne se rapporte à
notre sujet qu'indirectement et que cet article est
déjà trop long, mais qui le mit sur la voie de ses
recherches ultérieures en lui inspirant des doutes
sur les résultats de Rowland.
Dans les expériences de Rowland, l'appareil
astatique magnétique doit être très sensible et placé
tout près du disque tournant; on peut craindre dans
ces condilions des perlurbations, soit éleetrosla-
liques, à cause des forles charges que porte ce
disque, soit mécaniques, à cause des courants d’air
dus à sa rotation rapide.
D'un aulre côté, si un courant de convection
produit un champ magnétique, il doit produire éga-
lement des effets d’induction; et, au lieu d'observer
la déviation d'une aiguille astalique, on peut obser-
ver les courants induits par un courant de convec-
tion variable dans un cireuit voisin.
Pour mesurer ces courants induits, il faudra na-
turellement encore une aiguille astalique ; mais on
pourra l'éloigner autant qu'on voudra du disque
tournant et, par conséquent, des causes perlurba-
trices.
Dans ces conditions, les résultals obtenus furent
négalifs.
Le dispositif, toutefois, différait beaucoup de celui
de Rowland, et, avant d'aller plus loin, il importait
de reprendre les expériences du savant américain
dans des conditions identiques ou aussi peu difé-
rentes que possible. Les résultats restèrent négalifs
en géuéral, mais il faut reconnaitre qu'ils furent
beaucoup plus capricieux. Dans certaines séries, on
conslata des déviations de l'appareil astatique. Ces
déviations purent souvent être altribuées avec cer=
titude à une cause perturbatrice déterminée;
d'autres fois, elles restèrent sans explication salis-
faisante.
Si l'on considère toutefois que les résultats ont
été constamment négalifs dans de nombreuses
séries où le disque tournant était à découvert (au
moins dans la partie voisine de l'aiguille aimantée),
pourvu que cette aiguille fût mise à l'abri des per-
turbations électrostatiques par un lube de cuivre
formant écran; que, dans d’autres circonstances où
l'on avait observé une déviation de la plaque de
mica portant les aiguilles aimantées, cette déviation
subsistait encore quand les aiguilles aimantées
élaient enlevées, ce qui prouvait bien son origine
électrostalique, on sera frappé de l'importance de
ces perturbations électrostatiques et on sera porté
à accorder plus de confiance à la première forme
de l'expérience où ces perlurbations sontcomplète-
ment écarlées.
Remarquons pourtant que Rowland avait eu
soin d’enfermer son aiguille aimantée dans un lube
{
Pr
AP
H. POINCARÉ — A PROPOS DES EXPÉRIENCES DE M. CRÉMIEU
métallique formant écran et que les résultats
avaient été positifs. :
Les expériences de Crémieu peuvent sembler
convaincantes à ceux qui les ont vues; mais on ne
peut oublier pourtant que Rowland élait un expé-
» rimentaleur lout aussi habile, qu'il a montré ses
résultats à plusieurs savants éminents el que ces
savants ont été également convaincus.
Dans ces conditions, on hésite à se prononcer et
. on en vient à désirer qu'une sorte de liers arbilre
tranche définitivement la queslion. Quelques per-
sonnes avaientcommencé des recherches en Angle-
terre, mais elles ne paraissent pas les avoir poussées
jusqu'au bout.
De son côté, Rowland s'était remis au travail et
voulait reprendre les expériences de Crémieu et
les siennes. C'est alors malheureusement que la
mort est venue le surprendre. Certes, à n'importe
_ quel moment la mort d'un physicien aussi éminent
aurait été une perte crueile pour la Science, mais
elle estpour nous aujourd’hui doublement fâcheuse.
Qui pouvail mieux que lui découvrir la cause des
divergences entre les résullats du savant français
elles siens? Celui qui voudra les chercher mainte-
nant, eût-il même l'habileté de Rowland, ne pourra
connailre aussi bien que luiles détaile de son appa-
reil et la facon dont il a opéré autrefois.
VITT. — CRITIQUES DIVERSES.
Les critiques de Crémieu ont généralement suivi
une autre voie; ils n'ont pas contesté les résullals
expérimentaux; ils ont cherché plutôt à montrer
qu'on aurait pu les prévoir; que, loin d’être con-
traires à la loi de Rowland, ils en élaient une
confirmation indirecte.
La plupart de ces critiques se sont trop pressés;
la thèse de M. Crémieu vient seulement de pa-
ruitre, el jusque-là on ne connaissait que quelques
Notes succinctes insérées aux Comptes Rendus; il
en résulte que beaucoup des observations qu'on
avait cru pouvoir faire, ou bien ne se rapportaient
pas exactement aux expériences qui avaient été
réellement faites, ou bien étaient réfutées d'avance
par d'autres formes de ces mêmes expériences.
Quelques-unes de ces objections ont cependant
plus de portée; je ne puis les discuter ici en détail,
mais je voudrais, au moins, en indiquer l'esprit et
faire voir d’une façon générale ce qu'on peut en -
tirer.
On sait que Faraday a substitué le premier aux
anciennes idées classiques sur l'électricité une
facon entièrement différente d'envisager les choses.
Pour lui, la réalité véritable, ce n’est plus un
fluide électrique circulant dans des conducteurs,
mais une certaine modification du diélectrique qui
1001
cesse d’être purement inerle et devient le siège du
phénomène principal. Ge qui joue le premier rôle,
c'est done le « champ électrique », le « champ
magnétique » et la distribution des « lignes de
force ».
Ces conceptions, considérées d'abord comme
paradoxales, sont aujourd'hui familières à lLout le
monde, aux praticiens comme aux théoriciens.
C'est de Faraday que Maxwell procède directe-
ment; les théories qui sont sorties de celle de
Maxwell, par exemple celles de Hertz et de Lorentz,
dérivent donc des idées de Faraday. Mais cela ne
veut pas dire qu'il y a identité entre la pensée de
Faraday et celle de Lorentz.
La théorie de Lorentz est sortie de celle de
Faraday, mais beaucoup d'autres en auraient pu
sortir. La pensée de Faraday n'était qu'une forme
encore vague et indéterminée, une sorte de pâte
molle, qui pouvait se préciser de bien des ma-
nières. C'est justement ce qui en à fait la fécon-
dité.
En ce qui concerne la question de la convection
qui nous occupe maintenant, les parlisans de
Faraday n'admeltront pas qu'on identifie à un
courant vollaique un conducteur chargé en mou-
vement; cela serait croire que l'électricité est
quelque chose; cela serait, à leurs yeux, un maté-
rialisme grossier. Mais ils diront qu'un champ
magnétique doit se produire si les lignes de force
électrique sont en mouvement.
Les lignes de force, pour eux, ne sont pas, en
effet, de simples entilés mathématiques; ce sont
des objets réels, et c'est pourquoi ils croient s'en-
tendre eux-mêmes quand ils disent que ces objets
sont en repos ou en mouvement, de même que
les anciens électriciens croyaient s'entendre eux-
mêmes quand ils parlaient du mouvement de
l'électricité, qui pour eux était une chose.
Mais cela ne suffit pas; pour que celte considé-
ralion puisse servir à quelque chose, il faut savoir
reconnaitre si ces lignes sont en mouvement. Elles
peuvent se mouvoir, soit; mais comment saurons-
nous si elles se meuvent?
Le problème s'est posé d'abord à propos des
lignes de force magnétique, et a donné lieu à de
longues polémiques. Les lignes de force émanées
d'un aimant qui tourne, lournent-elles avec cet
aimant ou restent-elles immobiles? Selon la réponse
à cette question, il semblait, à en croire beaucoup
d'auteurs, que certains phénomènes, et en parli-
culier ceux de « l'induction unipolaire:», devaient
être très différents. J'ai montré ailleurs qu'il n'en
élait rien el que la question n'a pas de sens.
En ce qui concerne les lignes de force électrique,
au contraire, la question ne peut être éludée et,
suivant la solution qu'on lui donnera, on arrivera
1002
H. POINCARÉ — A PROPOS DES EXPÉRIENCES DE M. CRÉMIEU
à des conséquences absolument différentes. Un
courant vollaïque cireule dans un fil. Admettrons-
nous que les lignes de force qui aboutissent à ce
fil se déplacent de facon que leurs extrémités se
meuvent le long de ce fil, dans le sens du courant;
ou même devrons-nous admetlre deux systèmes
de ligues de force, les unes positives, les autres
négalives et se déplaçant en sens contraire? Il le
faut bien, si nous voulons rendre compte des
effets magnétiques du courant voltaïque, et si nous
croyons qu'un champ magnétique ne peut être dû
qu'au mouvement des lignes de force électrique.
Supposons maintenant un disque chargé tour-
nant; entrainera-t-il les lignes de force dans sa
rotation, ou resleront-elles immobiles? Aucune de
ces deux hypothèses ne peut être regardée comme
en contradiction avec les idées de Faraday; et
cependant, dans un cas, la loi de Rowland est
vraie; dans l'autre, elle est fausse.
Ce qui est gênant, c'est que chacune de ces
interprélations contradictoires peut, à son tour,
apparaitre comme la seule naturelle, suivant le
point de vue où on se place.
Faraday, Maxwell lui-même avaient beaucoup
laissé dans le vague. Leurs successeurs ont cherché
à préciser; quelques-uns croyaient y ètre parvenus,
el deux théories complètes s'étaient édifiées, celle
de Hertz et celle de Lorentz.
Chacune de ces deux théories prétendait prévoir
ce qui se passerait dans un cas quelconque. Elle
nous prédisait, en particulier, et sans ambiguïté,
ce que devaient donner les différentes expériences
de Crémieu; or, ce n’est pas ce qu'elles ont donné.
Donc, ou bien Crémieu s'est trompé, ce que des
expériences nouvelles pourront seules nous ap-
prendre, ou bien la théorie de Lorentz, comme
celle de Hertz sont fausses.
Mais, répond-cn, laissons Hertz et Lorentz de
côlé, et revenons à Faraday. Le résultat de Crémieu
est ce que la doctrine de Faraday nous permettait
de prévoir. Cela, c'est possible, car cette doctrine
est plastique et peut prendre bien des formes,
mais à ce compte elle permettait également de
prévoir le résultat contraire.
Il y aurait sans doute beaucoup à tirer des écrits
dont je parle. Mais à une condition: il aurait fallu
que l’auteur commencât par distinguer entre les
différentes interprétations possibles des vues de
‘araday, qu’il les définit avec précision, puis qu'il
s'attachât à discerner celles que l'expérience de
Crémieu confirme et celles qu’elle contredit.
Loin de là, la plupart du temps, il se borne à
constater, avec satisfaction, qu'elles ne sont pas
toutes contredites.
Ce qu'il n'a pas fait, il faut donc que le lecteur
le fasse pour lui. À ce prix, il pourra tirer du fruit
| de sa lecture; il n’en lirera aucun, au contraire,
s'il conclut simplement : « Ah! oui, ce que Crémieun
2 trouvé était facile à prévoir », et s’il croit ainsi
que
de Hertz et de Lorentz comme les autres.
| On comprend aisément la préoccupalion qui a
guidé ces criliques, dont beaucoup sont Anglais.
Évidemment, les publications de Crémieu ont jelé
l'alarme parmi les admirateurs de Maxwell; et
alors ceux-ci s'efforcent de démontrer que nous
ne serons pas réduits à abandonner les conquèêles
de Faraday et de Maxweli. Cela, je l'espère bien,
mais ce n'est pas de cela qu'il s'agit. k
J'ai cru devoir insister sur ces observalions,
parce quil serait à craindre que ces criliques, mal
comprises, ne fissent regarder comme inutiles ces
expériences nouvelles qui, selon moi, sont néces-
saires.
1. /nlluence des écrans. — D'après ce qui pré-
cède, on comprend pourquoi ces polémiques n'ont
pas donné tous les fruits qu'on en aurait pu
attendre. Je m'arréterai seulement sur un point.
Dans une des nombreuses séries d'expériences
qu'ila exécutées, M. Crémieu, qui continuait à avoir
des résultats exclusivement négatifs quand l’appa-
reil était enfermé dans une boîte métallique entiè-
rement close, obtenait, au contraire, des déviations
de l'aiguille aimantée quand il supprimait cette
boite.
A la vérité, ces déviations semblaient bien trop
faibles pour pouvoir être attribuées à l'effet Row-
land. Mais ce qui élait remarquable, c'est qu'elles
disparaissaient quand on interposait un écran
métallique.
Cette série où se sont produits ces effels inex-
pliqués, reste le point faible de l’œuvre de Cré-
mieu. l'explication donnée par M. Crémieu lui-
même ne tient pas debout; celles que j'ai proposées
moi-même, étincelles, etc., demeurent probléma-
tiques.
Quoi qu'il en soit, ces anomalies ont particuliè-
rement atliré l'attention de MM. Poddington el
Wilson, qui ont cherché à démontrer :
1° Que l'effet Rowland doit se produire toujours
en l'absence d'écran métallique, et ne disparait
que par suite de l’interposilion d’un écran;
2% Que si les déviations observées par Crémieu
sont plus faibles que les dévialions prévues, c'est
par suite d'erreurs d'expérience;
3° Enfin que cette disparition de l'effet Rowland
par l'inlerposition d'un écran est un phénomène
tout naturel et prévu par la théorie.
En ce qui concerne le premier point, M. Crémieu
répond qu'il à fait aussi plusieurs séries d'expé-
toutes les facons contradictoires de com-
prendre Faraday sont confirmées en bloc, celles
PS TT D TT ET
tonte jme
PS
iences où le disque chargé tournant était entière-
ment nu et sans aucune espèce d'écran métallique,
et que les résullals ont été nettement négatifs.
Melles sont les expériences relatées à la fin de sa
thèse et celles dont je parlerai plus loin sous la
rubrique : /éalisalion des courants ouverts.
Mais examinons le troisième point. Pourquoi ces
auteurs considèrent-ils la disparition de l'effet
owland comme un phénomène prévu par la
théorie? C'est parce qu'ils supposent qu'il doit se
produire dans l'écran un courant de conduclion
dont l'effet contre-balance exactement celui du cou-
rant de convection.
Mais est-ce bien cela que prévoit la théorie ?
Pour moi, cette question à un sens précis; par
-« la théorie », j'entends celle de Hertz ou celle de
Lorentz; parce que, si la pensée de Faraday peut
revêtir beaucoup d'autres formes, il n'y en a pas
jusqu'ici d'autre qu'on ait développée complèle-
ment et mise sur ses pieds.
Que prévoit donc la théorie de Hertz? (Car, pour
cette question particulière, celle de Lorentz con-
duirait au même résultat.)
Si nous avions un écran derrière lequel des
charges posilives se déplaceraient par convection,
dans un mouvement recliligne de translation, il est
clair qu'elles induiraient sur l'écran des charges
de nom contraire, qui se déplaceraient paral-
lèlement, mais par conduction, de sorte qu'il y
aurait compensation entre les deux sortes de cou-
rants.
. C’est ainsi que raisonnent MM. Poddington et
Wilson.
Mais si l'écran est circulaire et si les charges
mobiles sont entraînées dans un mouvement de
rolalion, voici ce qui arrive : les charges induites
sur l'écran restent toujours vis-à-vis des charges
mobiles el se déplacent avec elles; ce déplacement
se fait par conduction; mais ici ces charges induites
peuvent aller d’une position à une autre par deux
. chemins, par le plus court et en faisant le tour de
. la circonférence. Cela fera deux courants de con-
| duction, l'un direct, l’autre inverse.
Or, le calcul montre quil y a compensation
entre le courant de conduction direct et le courant
de conduction inverse, de sorte que le courant de
convection devrait rester seul, bien loin qu'il y ait
. compensation entre le courant de convection et les
. courants de conduction.
La théorie ne prévoit donc nullement la dispari-
_ tion de l'effet Rowland par l'interposition d’un
écran. Si donc les résultats de Crémieu n'étaient
. pas contredits par des expériences nouvelles, ils
auraient prouvé que la théorie est en défaut quand
_ même ils n'auraient pas démontré la non-exis-
| tence de l'effet Rowland.
H. POINCARÉ — A PROPOS DES EXPÉRIENCES DE M. CRÉMIEU
1003
2. Objection el expérience de M. Pender. —
L'objection de M. Pellat, reprise par M. Peuder,
est beaucoup plus sérieuse. Dans la plupart des
expériences, les secteurs mobiles comme les sec-
teurs fixes élaient recouverts d'une couche de
diélectrique (verre, caoutchouc ou ébonite). Si l'air
interposé entre ces deux couches diélectriques,
l’une fixe, l’autre mobile, n’était pas suffisamment
isolant, il pourrait se faire que les surfaces de
contact du diélectrique et de l'air prissent par
influence des charges contraires à celles des sur-
faces de contact du diélectrique et du métal.
Alors, le disque, en tournant, entraînerait à la fois
des charges positives et négatives dont les effets se
neutraliseraient.
M. Crémieu dit avoir vérifié qu'il n'en élait pas
ainsi, mais il a fait cette vérification sur les disques
au repos, et M. Pender se demande si cela est
encore vrai quand ils sont en mouvement.
Les pages qui précèdent élaient déjà composées
quand à paru, dans le numéro d'août du Philo-
sophical Magazine, la relation d’une expérience
de M. Pender, qui ne s’est pas borné à une critique
purement théorique.
Nous avons donc la satisfaction d'apprendre que
les expériences dont je signalais la nécessité sont
déjà commencées, et mieux encore, que Rowland,
avant de mourir, a pu en dresser le plan et assister
aux premiers essais.
M. Pender a repris l'expérience de Crémieu
sous sa première forme, c'est-à-dire qu'il a étudié
les courants induits produits par ia variation du
champ magnétique dû aux courants de convection.
Seulement, il s'est servi d'un disque lournant
analogue à celui qu'avait employé Rowland et non
pas à ceux qu'a employés Crémieu. C'est-à-dire que
ces disques n'étaient pas enfermés dans une boile
en fonte ; que les parties métalliques fixes et mo--
biles n'étaient pas recouvertes d'une couche de
diélectrique et n'étaient séparées que par de l'air.
Il fallait, par conséquent, les éloigner l’une de
l'autre, ce qui diminuait la capacité, et par consé-
quent l'intensité du courant de convection produit.
Dans ces conditions, les résultats ont été positifs,
ce qui est contraire aux idées de Crémieu.
Il faut évidemment attendre ce que M. Crémieu
répondra, et aussi de nouvelles expériences an-
noncées par M. Perder.
IX. — LE PROBLÈME DU COURANT OUVERT.
De nouvelles expériences sont encore néces-
saires.
M. Pender et M. Crémieu doivent les faire ect
hiver, chacun de son côté.
Supposons qu'à la suite de ces expériences les
100%
idées de M. Crémieu viennent à {riompher; sera-ce
là une solution définitive ? Non, la difficulté ne
fera que commencer. Sur les ruines des anciennes
théories, il faudra rebàtir.
Ce que j'ai dit au début fera comprendre aisément
la nature de cette difficulté. Va-t-on être obligé de
revenir à l'hypothèse des courants ouverts, et dans
ce cas ne va-t-on pas se trouver aux prises avec les
complications inextricables des théories, aban-
données, d'Ampère et de Helmholtz?
Dans les expériences où l’on fait simplement
tourner un disque chargé, la contradiction n'appa-
rait pas encore. La répartition des charges demeure
invariable, puisque chaque charge électrique, en
quittant un point del'espace, y est immédiatement
remplacée par une autre charge égale.
Le champ électrique ne change pas; le courantde
convection se ferme sur lui-même, il n’y a donc
pas de courant ouvert.
La difficulté commencerait, au contraire, si nous
avions affaire à une petite sphère isolée et chargée,
entraînée dans un mouvement de translation ou de
rotation, qui serait, par exemple, attachée sur la cir-
conférence d’un disque tournant, isolant et sans
charge. Alors, le point de l’espace où était la sphère
chargée est occupé un instant après par de la ma-
tière isolante dépourvue de charge. La répartition
des charges n'est plus invariable et la distribution
des lignes de force change à chaque instant. Il y
a dans le diélectrique ce que Maxwell appelle un
courant de déplacement.
Dans la conception Maxwell-Rowland, le circuit
complet, qui est fermé, se compose de courants de
déplacement et de courants de convection. Si
maintenant nous admettons que les courants de
convection sont sans action, il ne nous reste plus
que des courants de déplacement ouverts.
Malheureusement, il est à peu près impossible
d'opérer de la sorte, pour plusieurs raisons, et sur-
tout parce que la capacité d'une pareille sphère
serait beaucoup trop petite.
En revanche, on peut chercher à réaliser des
circuits fermés, composés de courants de convec- |
lion et de courants de conduction. Si les courants
de convection sont regardés comme sans action, il
restera alors un courant de conduction ouvert.
C'est la réalisation de ces courants ouverts qui
constilue, à proprement parler, le paradoxe.
Et, comme c'est en allant au devant des difficultés
qu'on peut espérer des résultats nouveaux, ce sont
ces courants ouverts qu'il importait de réaliser.
M. Crémieu a donc, sur mon conseil, fait deux
tentatives dans ce sens :
1. Première tentative.
Dans un premier
disposilif, on fait tourner un disque doré, dont la | tenir
H. POINCARÉ — À PROPOS DES EXPÉRIENCES DE M. CRÉMIEU
dorure est interrompue par une série de rainures
circulaires ; ces rainures, toutefois, ne règnent pas
sur toute la circonférence, de sorte que toutes les
parties de la dorure restent en communication
entre elles et peuvent être mises au sol. ‘
La figure 3 représente ce disque, lés parties
dorées étant couvertes de hachures. On voit que
sur la plus grande partie du disque, il peut y avoir
des courants circu-
laires, mais pas de
courants radiaux.
Vis-à-vis de ce dis-
quetournant,on place
un secteur métallique
fixe en communica-
tion avec une batterie
d'accumulateurs. Ce
secteur et la dorure
du disque tournant
vont former les deux
armatures d’un con-
densateur. Le secteur fixe va se charger posili-
vement, par exemple, et le disque mobile se char-
gera négativement par influence. Seulement, ces
charges négalives resteront toujours dans la par-
tie du disque qui est vis-à-vis du secteur fixe;
elles seront donc fixes dans l’espace; mais, comme
le disque qui les porte est en mouvement, elles
seront en mouvement relalif par rapport à ce
disque.
Les charges positives, étant fixes dans l’espace et
fixes par rapport au conducteur qui les porte,
ne produiront aucune action magnélique. Qu'ar-
rive-t-il maintenant dans le disque mobile?
Si les charges négalives étaient invariablement
fixées au disque, elles seraient enlrainées par le
mouvement de ce disque, ce qui constiluerait un
courant de convection. Ge courant ne serait contre-
balancé par rien si le disque était chargé, mais
parfaitementisolant; ou encore s’il élail formé d’un
très grand nombre de conducteurs très petits et
parfaitement isolés les uns des autres. Chacun de
ces pelits conducteurs conservera sa charge inva-
riable et l'entrainera avec lui; seulement, quand l’un
d'eux ne sera plus vis-à-vis du secteur fixe, sa capa-
cité diminuera, et, puisque sa charge n’a pas changé,
son potentiel augmentera. Il se produira donc des
différences de potentiel entre les différents petils
conducteurs.
Supposons maintenant que l'isolement de ces
petils conducteurs ne soit pas parfait; il se produira
entre eux des courants de conduction qui tendront
à diminuer la différence des potentiels, en rame-
nant les charges vis-à-vis du secteur fixe.
Les différences de potentiel qui pourront se main-
ainsi, seront évidemment d'autant plus
érandes que l'isolement sera meilleur; si nous pas-
sons enfin au cas de notre disque doré, la résistance
Dpposée aux courants de conduction sera très faible,
de sorte que ces différences seront extrèmement
betites el que la distribution s'écartera très peu de
la distribution statique.
« Les charges négatives sont donc soumises, d'une
part, à un courant de convection qui tend à les
écarter de leur position normale, vis-à-vis du sec-
teur fixe, et, d'autre part, à des courants de conduc-
lion qui les y ramènent sans cesse.
Comment sont distribués ces courants de con-
duction ? Les charges écartées de leur position nor-
Male peuvent y revenir par deux chemins, par le
plus court, ou en faisant le tour du disque; c'est ce
que j'appellerai le courant de conduction direct et
le courant inverse.
- Comme le premier chemin oppose beaucoup
moins de résistance que le second, il est clair que
le courant direct sera plus intense que le courant
inverse. Si, par exemple, le secteur fixe occupe la
sixième partie de la circonférence, le courant direct
sera égal aux - et le courant inverse au = du cou-
rant de convection.
Dans les idées de Rowland, que doit-il se passer ?
Nous aurons le courant de convection dont l’inten-
Sité sera par exemple 1, qui sera compensé en par-
lie par le courant de conduction directdont l'inten-
a
4 DA. d ë 1
silé est G’ l'intensité résultante sera &’ nous aurons
donc un effet sur l'aiguille aimantée, mais cet effet
sera assez faible.
Dans les idées de Crémieu, au contraire, le cou-
rant de convection n'agit pas; il semble qu'il doit
rester seulement le courant de conduction direct
égal à à el que l'effet produit doit être cinq fois plus
Srand que dans les idées anciennes.
Ces courants de conduction vont du bord aval
après le sens de la rotation) de la porlion du
lisque mobile qui est vis-à-vis du secteur fixe, au
bord amont de cetle même portion; ce seraient
donc des courants ouverts; de sorte qu'on aurait
réalisé le courant de conduction ouvert et que Cré-
Mier pouvait avoir l'espoir de vérifier ses vues par
une expérience donnant un résultat positif (la dé-
ialion devant être cinq fois plus grande que dans
land avait déjà essayé un dispositif analogue. En
» Cela est resté jusqu'ici inexpliqué. Crémieu pense
REVUE GÉNÉRALE DES SCIENCES, 1901.
ARÉ — À PROPOS DES EXPÉRIENCES DE M. CRÉMIEU
100%
que les courants qui ramènent les charges à leurs
positions normales ne sauraient être assimilés à de
véritables courants de conduction, qu'ils ne pro-
duisent pas de chaleur de Joule, qu'il ne se produit
pas, dans le disque, des différences de potentiel
même très faibles ; qu'enfin, c’est pour cela que ces
courants n'ont pas d'effet magnétique : mais je ne
saurais en aucune façon adopter cette manière de
voir.
Cette première tentative pour obtenir des cou-
rants ouverts avait donc échoué ; j’ajouterai cepen-
dant que M. Crémieu a, je crois, l'intention de la
reprendre en modifiantles dispositions des rainures
qui inlerrompent la dorure du disque.
2. Réalisation des courants ouverts. — Ce pre-
mier échec ne découragea pas M. Crémieu, qui, sur
mon conseil, essaya un dispositif différent.
La figure 4 représente ce dispositif schématique-
œ
Fig. 4.
ment. Elle est construite comme on le fait habituel-
lement pour les schémas destinés à faire com-
prendre le fonctionnement des machines de Hollz
ou de Wimshurst. Je veux dire que les disques tour-
nants ou fixes sont supposés remplacés par des cy-
lindres que la figure représente par leur section.
La partie essentielle de l'appareil est un plateau
d'ébonite tournant; sur la figure, nous supposons ce
plateau remplacé par un manchon cylindrique
dont la section droite est représentée couverte de
hachures. Ce plateau porte d'un côté des secteurs
d'étain «x, isolés les uns des autres. Un secteur
fixe SS/, placé près du disque tournant, est en COmM-
munication avec une source d'électricité.
Vis-à-vis des deux bords de ce secteur fixe, deux
balais B et B' frottent sur les secleurs d'étain x et
sur le plateau d'ébonite; ces deux balais sont reliés
par un fil B'MB.
222
1006
Le plateau tournant dans le sens de la flèche, le
secteur SS'est, par exemple, chargé positivement; le
secteur «, sur lequel frotte le balai B, va se charger
négalivement par influence et sa charge négative
lui viendra par le balai B et le fil B'MB. Ce secteur «,
entrainé par le mouvement du disque, quittera le
balai B et emportera sa charge.
Au bout d'un certain temps, il viendra au con-
tact du balai B'et, en mème lemps, il cessera d’être
en face du secteur SS', de sorte que sa charge néga-
tive cessera d'être retenue par l'influence de la
charge positive de SS'. Le secteur « va donc aban-
donner sa charge au balai B' et au fil B'MB.
Les secteurs « compris entre B et B' seront donc
chargés, les autres seront déchargés, les premiers
entraineront leur charge, ce qui constituera un
courant de convection ; les charges abandonnées au
balai B' reviendront au balai B par le fil B'MB, de
sorte que le circuit sera fermé par un courant de
conduction.
En réalité, M. Crémieu a reconnu que les choses
ne se passent pas d’une facon aussi simple, à cause
du rôle important joué par la PE de l’ébo-
nite; mais nous nous contenterons de cet aperçu.
L'expérience réussit parfaitement, beaucoup plus
neltement que celles des séries précédentes. Il était
facile de mesurer le courant de conduction B'MB
au galvanomètre et de constater que le courant de
convection n’agit pas sur l'aiguille aimantée ; cette
aiguille est déviée, au contraire, quand le fil de
retour B'MB est placé tout contre le plateau tour-
nant, landis que, dans ce cas, il devrait, d’après les
idées de Rowland, y avoir compensation entre
l'effet du courant de convection et celui du courant
de conduction.
M. Crémieu admet qu'il a réalisé un courant
de conduction ouvert.
Pourquoi, maintenant, a-t-on réussi de celte ma-
nière et avait-on échoué avec le dispositif que j'ai
d’abord décrit? C'est ce que M. Crémieu ne peut
expliquer.
X.— ExPÉRIENCE DE M. CARvALuUO.
Ainsi, le courant ouvert semble réalisé; nous
sommes en face du paradoxe ; il reste à le résoudre.
Nous ne pouvions croire à l'existence des cou-
rants ouverts, parce que nousn'arrivions pas à Con-
cevoir comment ils pourraient se comporter.
Maintenant, nous en avons un, Ou nous croyons
en avoir un ; nous n avons qu à regarder comment
il se comporte.
Va-t-il suivre les lois d'Ampère, ou bien celles de
Helmholtz, ou d'autres encore ?
D'après Ampère, nous l'avons vu, les courants
ouverts doivent produire des rotations continues
H. POINCARE — À PROPOS DES EXPÉRIENCES DE M.
CRÉMIEU
C'est là un critérium précieux. M. Carvalho a pro
posé de soumettre un aimant, dans des conditions
convenables, à l'action de ce que Crémieu croit être
un courant ouvert et de voir s'il tendra à prendré
une rotation continue. M. Crémieu a commencé des
essais dans ce sens. J'ai cru pouvoir sans indiscré:
tion dire un mot de ce projet, puisque tout le monde
en parle parmi les personnes qui s'intéressent à la
Physique.
Peut-être les difficultés techniques ne permet
tront-elles pas de faire l'expérience; mais, si ellë
peut se faire, je serais étonné que l'aimant se mil
à tourner; j'en serais étonné même si j'étais sûr
que l'effet Rowland n'existe pas.
J'ai dit plus haut, en effet, les invraisemblaho
auxquelles conduit la théorie d'Ampère.
Celle de Helmholtz pourrait être soumise à un cri
térium analogue. On pourrait chercher si un solé
noïde fermé peut subir une action de la part de
ces soi-disant courants ouverts.
Mais la théorie de Helmholtz, quoique plussatisfai
sante que celle d'Ampère, estencore bien invraisem
blable. Avec elle, je l'ai expliqué ci-dessus, il n'y
pas, à proprement parler, de champ magnétiques
Admetire cela, ce serait, pour le coup, renoncer àk
l'idée fondamentale de Faraday, à ce qu'elle con=
tient d’essentiel et non plus seulement à l’une des
nombreuses formes qu'on peut lui donner. |
J'aime mieux rappeler une remarque que j'a
faite plus haut : on peut définir les courants par
leur action sur le galvanomètre, et alors tous les:
courants sont fermés par définition. Il n'y a plus
dès lors qu'à rechercher comment un courant se
ferme. Dans le cas qui nous occupe, nous croyions
le savoir; mais, d’après M. Crémieu, ce ne seraib
pas comme cela. Il faut chercher autre chose; om:
le trouvera en étudiant systématiquement les dé
viations de l'aiguille aimantée dans le voisinage
de ces courants paradoxaux et, en particulier, près
des points où cessent les courants de conduction
C'est aussi ce que M. Crémieu a le projet de faire.
Quels que soientles résultats de ces expériences
nous aurons un champ magnétique et des courants
qui seront fermés; cela est certain, puisqu'il ny
là que des délinitions.
Cela reste vrai dans toutes les hypothèses, aussi
bien dans celles d'Ampère et de Helmholtz ques
dans les autres. Seulement, voici la différence : si
nous restons fidèles aux idées de Faraday, l'action |
pondéromotrice subie par un élément de courant
ne dépendra que de la force magnétique. Il n'e
serait plus ainsi dans les vues d'Ampère ou de
Helmholtz, et c'est pour cela que ces vues son
paradoxales.
J'arrêterai là ce trop long article, heureux si j'ai
pu faire comprendre l'importance des problèmes
soulevés par les recherches de M. Crémieu et la
alure des questions engagées dans le débat. Va-
t-on se trouver en face du paradoxe du courant
ouvert; va-t-on être obligé de chercher une nou-
elle explication des rayons cathodiques, des cou-
F. DIENERT — LES SOURCES DE LA CRAIE
1007
rants éleclrolyliques, de la polarisalion magné-
tique, du phénomène de Zeeman ? C’est ce que nous
saurons bientôt. H. Poincaré
* L
Membre de l'Institut et du Bureau des Longitudes,
Professeur d'Astronomie théorique
et mécanique céleste à la Sorbonne,
Quiconque rencontre une source s'y arrèle et
admire celte eau claire et limpide qui sourd de
Lerre à cet endroit. Le cadre pittoresque, quelque-
fois sauvage, du lieu attire le poète, qui en chante
es beautés. Le penseur, tout en se laissant aller à
une douce rêverie, s'efforce d'expliquer l’origine de
cette eau pure comme du cristal.
Nos ancêtres donnèrent, de la formalion des
sources, des théories souvent extravagantes. Ils
en reportèrent longtemps l'origine à de vastes ré-
servoirs, qu'ils plaçaient volontiers sous les monta-
gnes d’où l’eau des sources semblait provenir.
Quant à se demander par quel hasard la Nature
avait pu rendre élanches les parois de si vastes
éservoirs, aucun ne s'était arrêté devant celte
question.
Il vint un moment où l'on voulut expliquer l’ali-
mentlation de ces réservoirs, et ces explications
furent suivies d'hypothèses, aussi compliquées que
fantaisistes, que nous n'aborderons pas pour ne pas
lrop allonger notre sujet.
Quelques esprits curieux, avides de savoir ce que
devenaient les eaux fournies par les pluies, remar-
quèrent que tous les terrains ne les ulilisent pas
de la même façon.
Sur cerlains sols, après les grandes pluies, il se
forme des ruisseaux temporaires, qu'on n'observe
pas sur d’autres. Ces eaux, dites de ruissellement,
s'en vont rejoindre les thalwegs des vallées, puis
les rivières et les fleuves, enfin la mer. Elles seront
évaporées sous l'influence du soleil et retomberont
sous forme de pluie. Le cyele de leur transforma-
Lion est connu, il n'y a donc plus à s’en occuper.
Mais quand les eaux de ruissellement manquent,
que devient l’eau de pluie ?
- L'évaporation, l'absorption par les végétaux en
utilisent bien une partie; mais y a-t-il un excédent
qui tende à s'enfoncer de plus en plus dans la terre?
Les sources seraient toutes désignées pour expli-
quer l'évacuation de ces eaux, étant donné que,
chaque année, à la même époque, le niveau de la
nappe souterraine reste sensiblement le même.
Deux choses sont nécessaires à connaitre: la
quantité d'eau qui tombe actuellement sur un ter-
rain perméable à l’eau, et celle prise par les végé-
1
LES SOURCES DE LA CRAIE
taux par leurs parties aériennes. L’excédent de l’eau
disponible prendra le nom d'eau d'infiltration.
Au moyen d'un instrument très connu et fort
simple, le pluviomèlre, on-constale le volume
d'eau tombé dans une année. Aux environs de
Paris,un heclare reçoit par an environ 5.000 mètres
cubes d’eau. Si tout arrivait aux sources, il faudrait
6 hectares pour obtenir un débit moyen de 1 litre
par seconde environ pendant toute l’année, c’est-
à-dire de quoi satisfaire à l'alimentation de plus de
250 Parisiens pendant plus d'un an. Mais Paris
n'est pas l’un des lieux où il pleut le plus abon-
damment. Dans les pays de montagne, la quantité
d'eau tombée est souvent doublée. Nous savons
qu'elle n’est pas toute absorbée par le sol. Dans les
terrains argileux, les eaux de ruissellement entrai-
nent la plus grande partie de l’eau de pluie. Les
sables, les graviers, les grès, les calcaires, ete.,
donnent peu d’eau de ruissellement; la quantité
de celle-ci, essentiellement variable, augmentera
avec les grandes pluies où les averses, chaque
fois que l’arrivée de l’eau sera supérieure à son ab-
sorplion. Les terrains boisés, les cuvettes, en un
mot, lout ce qui tend à entraver la libre circulation
des eaux de ruissellement, laissent le temps à la
terre de les absorber et d'en diminuer la quantité.
Les études nombreuses faites sur l'évaporation
de l’eau par les sols et les végétaux (celles de
M. Dehérain entre autres) ont montré qu'ils étaient
incapables d'utiliser une aussi grande quanlité
d’eau. Il y a donc un excédent, variable suivant que
les eaux de ruissellement sont plus ou moins
abondantes, mais qu'on évalue en moyenne au
liers des eaux tombées annuellement.
Une certaine quantité de l’eau des pluies arrivera
donc à la nappe souterraine qui tendra à s'écouler
par les orifices spéciaux qui forment les sources.
Comment se fait l’infiltration ? Dans les terrains
sableux (sables, graviers, galets), l'eau trouve,
à travers les innombrables interstices de ces sols,
des chemins pour s'y infiltrer.
Les grès et certaines craies s’imbibent d'eau sans
pouvoir dépasser un certain taux d'humidité, au
delà duquel toute arrivée d’eau par la partie supé-
rieure est accompagnée de la mise en liberté d’une
1008
F. DIENERT — LES SOURCES DE LA CRAIE
égale quantité de liquide par la parlie inférieure.
Certains terrains ne sont perméables que parce
qu'ils sont fissurés. Les calcaires sont dans ce cas.
L'eau trouve passage à travers les fissures qu'elle
parvient à agrandir par érosion et dissolution. On
leur donne le nom de /ithoclases quand elles sont
petites, de diaclases quand elles sont grandes. Les
terrains fissurés sont souvent plus perméables que
Fig. 1. — Coupe schématique montrant la formation
d'une source d'affleurement A.
les terrains meubles comme les sables, car, en
s'engouffrant, l’eau rencontre moins de frottement
et acquiert plus de vitesse. L'écoulement souter-
rain de l’eau est plus abondant.
Suivons ces eaux d'infiltration. Elles vont s'infil-
trer dans le sol jusqu’au moment où, rencontrant
une couche imperméable", elles se metlront à ruis-
seler à sa surface. Les eaux de la nappe souter-
raine sont donc des eaux de ruissellement pro-
fondes. Comme ces dernières, elles vont suivre la
pente générale de la couche imperméable(fig. 1).
Supposons que la couche argileuse affleure en A
Cheminée [par ou sont
d'eau de] tæ
Fig. 2. — Coupe schématique d'une source de thalweg et,
en particulier, d'une source de la craie.
au niveau du sol; il y aura,en ce point, une zone
émissive ou de sources dites d’affleurement.
Il peut quelquefois y avoir une zone émissive
sans affleurement de couche imperméable. Les
1 En terrains calcaires, il y a quelques exceptions à celte
règle. Les belles recherches de M. A. Martel ont montré
qu'il existait souterrainement de larges diaclases parcou-
rues par de véritables rivières souterraines. Le lit de celles-
ci est également formé de calcaire qu'elles n'ont encore pu
entamer, A la longue, ces eaux arriveront à élargir une
fissure dans leur lit, elles s'engageront plus profondément
eu terre, et cela jusqu'au moment où elles pourront s'écouler
sur une zone imperméable.
sources de la craie, par exemple, sont formées par
l'affleurement du niveau de la nappe souterrain
ou niveau piézométrique avec le sol (fig. 2). Ces
sources sont dites de {halweg. Nous verrons plu
loin qu'elles sortent comme par une cheminées
l'étude ‘ détaillée de ce genre de sources va nous
retenir un cerlain temps.
I. — NATURE DES SOURCES DE LA CRAIE.
La craie est une roche qui s'imbibe légèrement,
comme les grès. Elle forme surtout des terrains
fissurés. Elle est friable, et l’eau peut l’attaquer
assez facilement. En s’infiltrant, les pluies exercent
sur elle une action mécanique de frottement pro-
duisant l'érosion, qui élargira un certain nombre
de fissures.
Sous l'influence du temps, certaines lithoclases
deviendront des diaclases. Les eaux circuleront de
plus en plus facilement dans ces espaces, et un
vérilable courant se dirigera vers les sources.
Les eaux des rivières ou des ruisseaux pérennes
de ces terrains produisent les mêmes effets avec
plus d'intensité. Le sol devient une véritable pas-
soire, ou bien il se forme une diaclase verticale,
véritable cheminée capable d’engloutir d'énormes
masses d’eau. Quelques-unes absorbent facilement
200 à 300 litres d'eau à la seconde. On donne à ces
trous le nom d'aven, de hétoire ou de gouflre sui-
vant les régions. Ce sont, dans ces conditions, des
béloires d'aflouillement.
De vastes galeries sont creusées souterrainement
par les eaux. Elles sont encore rares, celles que
l'homme a pu rencontrer et explorer à l'intérieur
de la craie. Récemment, M. Le Couppey en a
exploré un certain nombre dans la région de la
Vanne; la figure 3 représenie la coupe et le profil
d'une caverne qu'il a explorée. Celle-ci est parcourue
par un courant souterrain, el, comme dans les explo-
ralions si connues de M. À. Martel, on est arrêlé
brusquement parune chambre sans issue où l'eau
s’engouffre pour rejoindre probablement une autre
galerie plus profonde.
Supposons que, pour une cause quelconque, le
plafond de cette galerie ne soit pas assez solide
pour supporter la charge du sol silué au-dessus,
d'elle. Il y aura un effondrement, qui se manifestera
souvent à la surface sous la forme d’un entonnoir
plus ou moins ellipsoïdal ou arrondi. Ces entons=
noirs prennent le nom de fosses ou de mardelles
quand ils sont situés sur un plateau. Ils formenb
des béloires dits d'effondrement quand, s'étant
‘ Les courants souterrains que nous signalions à la note
précédente peuvent également donner naissance à des
sources quand la diaclase va rencontrer une faille qui la
mettra à jour. Ces sources sont, néanmoins, assez rares.
st in
F. DIENERT — LES SOURCES DE LA CRAIE
1009
ormés dans la vallée, ils peuvent recevoir les eaux
de ruissellement ou des ruisseaux. Les dimensions
e ces mardelles sont très variables. Je citerai
implement les deux plus grandes que je connaisse.
lles se trouvent près d'Évreux, en amont de la
commune de La Bonneville. Il y a la Fosse aux
Terriers, dont le diamètre est de 40 mètres et la
profondeur de 18, et le Champ Guérin, dont le
Joureette
12% cascade
17 de haut
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de haut au-dessus
de l'eau
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Trou de 0730
de profondeur
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7 U //
Lou
1% cascade
2 de haut
Lassage de 0735 060 de haut !
de haut au-dessus
contour ellipsoïde a un grand axe d'environ
100 mètres. Sa profondeur est de 18 mètres égale-
ment. Ces mardelles imposent par leurs vastes
dimensions.
_ Ce ne sont pas là des propriétés exclusives aux
terrains crétacés. Tous les calcaires sont suscep-
tibles de ces affouillements et de ces effondrements.
_ Les eaux de surface, pour alteindre la nappe
souterraine, suivront loutes les calégories de fis-
_sures qui se présenteront à elles : les lithoclases,
les diaclases, les béloires et les mardelles. L'impor-
7, Lt
LL
WW 7
2% rapude
variera avec leurs dimensions et les facilités que
l'eau trouvera pour s’écouler.
Les eaux de ruissellement arrivant dans les thal-
wegs rencontreront les béloires qui les absorbent.
Ces eaux ne suivent pas le chemin que nous indi-
querons plus loin, c'est-à-dire ne rejoignent la mer
que dans des conditions exceplionnelles, comme
les fontes brusques de neige. L'eau ne pouvant
Point d'arrivee de l'eau
Chambre
d ‘absorption
1
{
:
[
[
1
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13 ve rapide
L
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20 de haut
Galerie
1
Chambre
d'absorption
Lu
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de l'eau me 1 [l 7
Seascade ! W, LH 7
2720 de haut | me cascade W É WU
F o"50 de haut ! TT /
EL ë 2m£e " 17
rapuie Trou de 120 27 rapide / L ÿ L,
de profondeur / LL
WW
Fig. 3. — Puits et galcries de la Guinand (près Bœurs-en-Othe, Yonne), explorés par M. Le Couppey.
-être entièrement bue par le sol, une partie arrive
à trouver un lit peu perméable qui la conduit plus
loin que la zone émissive, c'est-à-dire la zone des
sources.
La nappe soulerraine de la craie reçoit des
quantités d'eau plus considérables que les sables.
Les sources qui en sortent acquièrent également
plus d'importance. Quand, dans les calculs, on
admet que le tiers seulement des eaux de pluie
arrive à la nappe, on reste bien au-dessous de la
réalité.
_ tance des volumes d'eau pris par chacune d'elles
Nous connaissons maintenant les fissures qui
1010
F. DIENERT — LES SOURCES DE LA CRAIE
conduisent l’eau à la nappe. Laissons pour l'instant
de côté les phénomènes de purification et suivons
l'eau à travers les fissures du sol.
La nappe souterraine de la craie ‘ repose sur les
argiles du Gault. L'épaisseur du Crélacé étant très
considérable, la craie est imbibée d'eau sur une
épaisseur dépassant quelquefois 400 mètres. Pour
une surface de plusieurs dizaines de kilomètres
carrés, on voit le volume d'eau énorme qu'emma-
gasine la craie.
En ne considérant que l'ensemble, cette nappe
s'écoule selon l'inclinaison générale de l’assise
argileuse ; mais, en examinant les détails, on s'aper-
çoit qu'il n’en est pas toujours ainsi.
Nous avons déjà rapporté plus haut l'exemple de
la galerie de la Guinard, parcourue par un courant
souterrain. On en connait deux autres plus anciens:
le courant des Boscherons (Eure), ainsi que le
courant du puits de Gaudreville (Eure), creusé
par M. Ferray sur l'emplacement d’une mardelle.
Tous ces courants communiquent avec des sources,
comme le démontrent les expériences à la fluo-
rescéine.
L’acide carbonique qui se dégage dans certains
cas contribue à l'agrandissement de ces galeries.
En Normandie, on dit qu'un puits est pouf quand
il renferme beaucoup d'acide carbonique. Les puits
ne sont poufs qu'à certaines époques. Le puits des
Boscherons, au fond duquel on trouve le courant,
est rempli d'acide carbonique au mois de juin.
Le séjour au fond est rendu impossible, les bougies
ne brûlant plus. Au bout de deux mois, l'aération se
rélablit. Voici l'explication de ce phénomène : La
craie est formée de carbonale de chaux, et par
places elle doit renfermer des bicarbonates. Ceux-ci
se décomposent, laissant dégager de l'acide car-
bonique, qui trouve dans la galerie du courant un
écoulement facile. Au moment des hautes eaux,
ce gaz n'a plus un dégagement aussi facile, car
le puits se remplit d'eau; il se forme, à un endroit
différent plus proche du puits, des bicarbonates?
qui se redécomposeront au moment où les eaux
baisseront, c'est-à-dire au mois de juin et don-
neront un dégagement de CO* abondant quand la
pression exercée par l’eau diminuera. Au bout de
quelques mois, le dégagement gazeux se régularise
et n'est plus assez abondant pour empêcher la
bougie de brûler.
1 La craie, prise comme un tout, est, en réalité, formée
de quatre couches géologiques distinctes : Le Cénomanien, le
Turouien, le Senonien el le Danien ou craie pisolithique.
Les sources de l'Avre sortent du Turonien, celles de la
Vanne et de la vallée du Loing et du Lunain sortent du
Sénonien.
* Les expériences de M. Schlæsing ont démontré que la
décomposition des bicarbonates était une réaction rever-
Sible, fonction de la pression de GO*.
La craie, comme lout calcaire, oppose des ré-
sistances très inégales à la dissolution. Le cas d
courant de la Guinand, qui se termine par une”
chambre où l’on voit l'eau se perdre par le fond,
montre neltement que l'eau a trouvé dans une
autre direction la craie la plus friable et la plus
facile à entamer.
Pour les diaclases plus petites, on peut faire la
mème observalion. Ainsi, à cerlaines places, les
puits sont alimentés par de larges fissures, l’eau
se renouvelle facilement et la température de ces
eaux est voisine de celle des sources siluées aux
environs”. À d'autres places, les puits sont ali-
mentés par des larmes, comme disent les puisa-
tiers, c’est-à-dire par de très fines fissures. Ceci
ne veut nullement prétendre qu'en creusant
plus profondément on n’arriverait pas à une forte
diaclase. Nous sommes persuadé du contraire,
comme nous avons pu nous en rendre comple
dans la région du Lunain.
En résumé, la direclion des courants souterrains,
tout en suivant approximalivement une direction
dans le sens de la pente des couches des argiles de
la base, dépend surtout de la résistance de la craie.
Il arrivera qu'un courant prenne la direction O.-E.
quand l'inclinaison de couche est nettement S.-N.
La connaissance des principaux courants à une
importance de tout premier ordre, car c'est surlout
par eux que les sources peuvent être contaminées.
La présence des mardelles, leur disposition par
rapport aux sources, peuvent êlre utiles du moment
qu'elles sont la manifestation superficielle des cou-
rants souterrains. Mais il n'y en a pas partout.
Quand le plateau est trop élevé, il est souvent
impossible d'en découvrir. Les effondrements, s'il
y en à, restent invisibles aux êlres humains.
Un autre moyen pourrait également nous ren-
seigner sur ladirection des courants : l'étude des
niveaux piézométriques, faite en notant l'allitude
de l’eau dans les différents puits à une époque
donnée.
L'eau s'écoulant ne peut que se diriger vers un
point plus bas de la nappe. Si l'abaissement de la
nappe est rapide, le courant le sera également. Si
done on trace sur une carte des lignes reliant
entre eux les puits dont le niveau de l’eau est à la
même allitude, nous pourrons dire quil y a un
courant là où les courbes sont le plus rapprochées.
1 En étudiant l’alcalinité des puits de la région de l'Avre
et en supprimant tous ceux qui recoivent de la surface des
eaux riches en calcaire et en chlore, comme les eaux de
fumiers (le dosage du chlore permet de faire cette élimi-
nation), on peut reconnaitre que souvent les puits dont les
eaux sont peu alcalines se trouvent groupés ensemble.
L'alcalinité de l'eau peut servir à apprécier approximati-
vement les diaclases qui alimentent un puits, la quantité
de CaO étant d'autant plus grande que les fissures sont
plus petites.
F. DIENERT — LES SOURCES DE LA CRAIE
IO{L
Malheureusement, les puits n'atleignent que la
partie supérieure de la nappe; les courants princi-
aux peuvent être plus profonds et échapper ainsi
à notre élude. IL faudrait pouvoir creuser les puits
e 20 à 30 mètres dans la nappe. On serait certain
d'avoir le niveau piézométrique réel, le seul inté-
ressant pour la recherche des courants, car on
aurait pu entamer la diaclase profonde si elle existe
à l'endroit du puits. Malheureusement, au point de
vue pécuniaire, ce serait une opération onéreuse.
Le niveau piézométrique, tel qu'on peut le déter-
miner, ne rend guère de services que si l'on examine
d'allure générale des courbes. On peut alors savoir
si une surface donnée concourt à l'alimentation
d'une source à éludier ; mais, quant à déterminer,
par ce moyen, aux environs de plusieurs sources,
es parties qui alimentent une source donnée, il
faut y renoncer, les puits examinés ne donnant
qu'un niveau fictif, qui peut monter si l’on vient à
les approfondir.
Nous indiquerons plus loin comment, dans cer-
{ains cas, on peut arriver à connaitre approxima-
livement la direction de ces courants quand les
moyens que nous venons de relaler font défaut.
Qu'il suffise de retenir, pour le moment, qu'il
existe souterrainement des diaclases formant quel-
quefois de grandes galeries qui vont drainer les
eaux el les amener aux sources.
Rien ne peut, en effet, faire mieux comprendre la
circulation de l'eau dans ces terrains fissurés que
-la disposition d’un drainage. Dans les deux cas, le
but à atteindre est identique : l'assainissement du
sol, sa non-saturation par l’eau; c'est la Nature qui
a agi dans l’un des cas, c’est l'homme dans l'autre.
Pour des raisons économiques et techniques,
l'homme dispose les drains suivant des règles don-
nées, à des profondeurs uniformes. On recherche
les lignes de plus grande pente pour y disposer les
canaux collecteurs, la sorlie de ceux-ci pouvant
être comparée à une source.
La Nature a ulilisé les parties les plus faciles à
entamer. Les canaux collecteurs sont souvent nom-
breux, placés à des profondeurs variables, non en
ligne droite, avec des solutions de continuité quand
- la roche leur opposait une trop grande résistance.
> Les grosses diaclases, à l'intérieur desquelles on
trouve les vilesses les plus grandes, drainent les
plus pelites en raison même du principe d'hydrau-
lique qui veut que l'abaissement du niveau piézo-
métrique soit d'autant plus grand que la vitesse du
courant est plus forte. Cel abaissement de niveau
“fait affluer l’eau des niveaux plus élevés. C’est, du
reste, sur ce principe que reposent les trompes
Les exemples des quelques galeries souterraines
qu on connait dans la craie, l'assimilation du dépla-
cement de la nappe à un vaste drainage donnent
une idée de la circulation souterraine de ces ler-
rains.
Les eaux d'infiltration arrivant à la nappe, puis
aux sources, ne prennent pas toutes des chemins
aussi faciles. Le lemps de leur apparilion aux
sources sera très variable. Trouvant de fines fis-
sures, il leur faudra plus de temps qu'à travers une
galerie. Les décantalions qui se produisent purifient
ces eaux; mais, comme elles n’ont lieu que lente-
ment, ne seront bien décantées que les eaux arrivant
avec une très faible vitesse. L'importance de la
connaissance des courants principaux se présente
pour la première fois dans le cours de cette étude.
Elle va être l’objet de nos conslantes préoccupa-
tions.
L'épaisseur considérable de la craie fait que le
niveau piézométrique de la nappe coupe le sol en
plusieurs endroits (fig. 4). Le schéma que nous
Fig. 4. — Coupe schématique montrant la succession des
zones émissives dans les terrains crayeux.
avons tracé montre la succession de zones émis-
sives plus ou moins étendues selon la configuralion
du sol.
C'est toujours par un phénomène d'érosion que
l’eau de la diaclase s’est fait jour. Une fissure s'est
agrandie verticalement et a formé une cheminée.
Existe-t-il bien une diaclase alimentant les
sources? Si l'on trouve des courants et des galeries
dans la craie, tout porte à croire qu’il y a des dia-
clases assez grandes alimentant les sources. On
peut se convaincre de leur existence en visitant les
travaux de captage exécutés par la Ville de Paris
dans la vallée du Lunain. Sur les conseils de M. l’in-
génieur des mines Janet, on a été prendre les eaux
dans leur gisement naturel, comme il esf preserit de
le faire quand il s’agit d'eaux minérales. Pour deux
sources, on à foré jusqu'à la craie de grands puits
bétonnés sur les parois et ayant l'un 4 mètres envi-
ron de diamètre et 9 de profondeur, l’autre 3250
de diamètre et 11 de profondeur. On est arrivé, dans
les deux cas, à rencontrer une cassure assez grande
de la craie par où l’eau arrivait principalement. On
l'apercoit facilement à travers la colonne d’eau
claire du puits.
1012
Notre comparaison de la circulation des eaux sou-
terraines à des drains et des sources à la sorlie de
l’eau d’un collecteur, se trouve justifiée.
Le débit des sources sera très variable, tout
comme le débit des collecteurs de drainage. En
période pluvieuse, l'élévation des eaux de la nappe
augmentera la charge d'eau aux sources. Le débit
augmente en mème temps qu'un certain approvi-
sionnement d'eau s'accumule dans le sol. En été, le
niveau baissera et quelquefois la source deviendra
béloire si le niveau piézométrique descend au-
dessous du niveau du sol. Les sources hautes,
c'est-à-dire situées dans la partie amont de la zone
émissive, tariront généralement les premières.
Quelquefois, il n'en est cependant pas ainsi. Des
sources siluées au milieu de la zone émissive tar-
rissent et divisent celle-ci en deux zones différentes
en été. Nous avons constaté ce phénomène dans la
vallée du Betz, affluent du Loing.
Le moment est venu d'apporter une démonstra-
tion de la communication réelle des eaux de
béloire avec les sources.
II. — EXPÉRIENCES AVEC LES MATIÈRES COLORANTES.
Dans l'impossibilité de suivre sous terre les
divers cours d’eau qui existent, on à imaginé,
depuis près de trente ans, une méthode très simple
pour savoir où se rendent les eaux qui se perdent.
On a coloré ces eaux au moyen de couleurs déri-
vées de la houille, et, parmi celles-ci, la fluorescéine
a donné les meilleurs résultats.
[Il ne faut pas chercher à déterminer par ce
moyen la limite extrème du périmètre d'alimen-
tation des sources. Il peut y avoir des diaclases pro-
fondes drainant des eaux avant séjourné assez
longtemps dans la nappe. Ces eaux, plus riches en
chaux et plus pures, sortent quelquefois, non dans
la zone émissive voisine, mais dans une zone émis-
sive inférieure. Ces diaclases ne sont pas les plus
dangereuses, du moment que leurs eaux ont acquis
par décantalion une purilicalion suffisante. Ce qu'il
est utile de connaître, c'est la direction que
prennent ces courants superficiels qui drainent les
eaux de surface s’engouffrant dans les bétoires. Le
périmètre qu'on déterminera ainsi formera une
zone dangeteuse, indispensable à surveiller étroi-
tement. Il est quelquefois nécessaire de suivre ces
eaux dans une zone émissive voisine pour recher-
cher les limites du périmèlre dangereux. Une
expérience récente, que j'ai faite dans la vallée de
Belz, affluent du Loing, avec l’aide toute dévouée
et intelligente de mon collaborateur M. Guillerd,
ingénieur agronome, a montré que l'eau engouf-
frée dans un bétoire situé à 1 kilomètre seulement
de sources réapparaissait encore à 9 kilomètres
F. DIENERT — LES SOURCES DE LA CRAIE
de là dans une zone émissive inférieure. Bien
entendu, l'intensité de la coloration allait en dimi=
nuant de la partie amont vers la partie aval.
La direction du courant indiquée par la fluores-=
céine n'implique pas une généralisation du résultab
aux diaclases voisines, la dureté de la craie étant
chose essentiellement variable, comme nous l'avons
vu plus haut.
La fluorescéine se décèle dans les eaux très
facilement, Au moyen du /uoroscope inventé par
M. Trillat, on arrive à la retrouver dans des dilu-
tions très faibles : un dix-milliardième environ.
L'instrument employé se compose de deux tubes
en cristal aussi homogène que possible et fermés
à leur partie inférieure par un bouchon noirci.M
Dans l’un de ces tubes, on introduit l'eau témoin
exempte de fluorescéine; dans l’autre, l’eau à exa-
miner. S'il y a de la fluorescéine, l’eau se projelte
en bleu verdàtre tandis que l’eau témoin est bleu
foncé.
Toutes les fluorescéines n'ont pas le même pou-
voir colorant. M. Marboutin a eu l’occasion d'exa="
miner un grand nombre d'espèces de fluorescéine
pour lesquelles la sensibilité au fluoroscope était
très variable. La fluorescéine en poudre est la plus
mauvaise. Le fabricant est obligé, pour la mainte-
nir sous cet élat, de la mélanger avec des matières”
inertes comme l'amidon ou le sulfate de soude.
L'introduction de la fluorescéine varie suivant
les circonstances :
Ou bien le bétoire est isolé. L'eau qui y arrive
s'engouffre entièrement. On introduit la fluores-
céine dans le trou, en plusieurs heures, de façon
à colorer un grand volume d’eau. Ou bien le bétoire
n'absorbe pas l’eau entièrement et se trouve noyé.
Si c'est un petit ruisseau, on peut, au moyen de
digues, l'isoler, et on est conduit au cas d’un bétoire »
isolé. Si c'est un fleuve ou une grande rivière, il faut,
comme, en 4877, M. Trinck fut obligé de le faire
pour les sources d’Aach, en communicalion avec
le Danube, jeter une grande quantité de matière
colorante dans la rivière. S'absorbe ce qui peut
être pris. L'expérience a réussi à M. Trink et plus
récemment à M. Marboutin. Il est nécessaire, néan-
moins, d'avoir des perles sensibles, sinon la fluo=
rescéine, arrivant trop diluée, peut échapper à
l'observaleur. |
Dans un puils ou un béloire ne recevant pas
d'eau, on verse la fluorescéine et on chasse la
matière colorante dans la élevant le
niveau piézométrique par l'arrivée d'eau qu'on
pompe au cours d’eau le plus proche ‘, 4
nappe en
4 La conduite d’une expérience avec la fluorescéine de-
mande beaucoup d'attention. Il faut procéder avec méthode
et employer un personnel auxiliaire assez nombreux. La
fluorescéine jetée, le but principal à observer est les
nn
F. DIENERT — LES SOURCES DE LA CRAIE
1013
- Nous avons adopté la règle suivante dans l'in-
troduclion de la fluorescéine : 2 kilos de matière
colorante pour un débit des sources de 1"° à la se-
conde, quand le béloire est à 8 ou 10 kilomètres
des sources. Nous augmentons celte quantité’ avec
la distance et le débit.
L'emploi de grandes quantités de couleur n'a
de recueillir de l’eau verte à son robinet. Pour les
sources non captées, il n'y à aucun inconvénient,
même aux endroits où sont installés des lavoirs.
Les habilants se persuadent rapidement que le
linge ne se tache pas et cette couleur les diverlil
très fort. Il est même ulile, quelquefois, de verser
beaucoup de fluorescéine. Certaines sources, rece-
Légende
Jources … —__. A (nes
:| Bctoires et betoires souces @
Mardelles.. _..... w | aw commencement de
—— || Juin 1899 révèle des
. a | LA ï
Lit perm® ou erevasse’ = | cas de fièvre typhoide
| Zays où d'engquete fiate —
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1" Hôme _Chaumondot
2m <haumeoncot
\
Myra Bluct
69 : La Chap eo
Bét® du Souci de
Charvigny
=.
® du Nouvet
© des Taies
Armentières
/
[Bois à
1
</Rohaire
\ | -Forli
SA à Cimetiére
Y/Sce de Lamblore
ornemans 5 pue Hautefeuitle = Fhris
Fig. 5. — Sources, bétoires et mardelles des bassins de l'Avre et de la Vigne.
d'inconvénients que pour les sources captées ser-
vant à l'alimentation des villes. Il est désagréable
sources. Dans la craie, les expériences effectuées jusqu'ic!
n'ont pas accusé de vitesses de courant, calculées d’après
la distance en ligne droite du bétoire aux sources, supé-
rieures à 330 mètres à l'heure et dans des régions {rès riches
en mardelles. On fait le plus généralement commencer
l'observation des sources en calculant la vitesse du courant
égale à 205 mètres à l'heure. Par surcroit de précautions,
avant de faire effectuer les prises régulièrement, on demande
à quelques personnes de regarder en passant la couleur des
sources quand elles ont l'occasion d'aller de leur côté. Avec
uvue vitesse supérieure à 200 mètres, la fluorescéine serait
visible à l'œil nu quand on en emploie des quantités assez
grandes.
D'autre part, les vitesses varient avec les sources. Ces chan-
gements, qui peuvent être considérables (la vitesse peut
varier comme 1 à 3), ne doivent pas être ignorés de l'expé-
rimentateur, qui s’en méfie. Eutre le bétoire et les sources,
on observe les puits. Il arrive quelquefois de les colorer;
Mais ce cas est rare. Si on a celte bonne fortune, ce sont
des points de repère précieux, qu'il ne faut pas négliger.
1 Cette quantité paraitra considérable à quelques expéri-
vant une grande quantité de ces eaux de bétoire,
prennent la plus grande partie de la couleur. Le res-
tant se dilue beaucoup et peut échapper au fluoro-
scope. La carte de la région de l’Avre (fig. 5) montre
l'emplacement des bétoires, des sources, et des
mentateurs qui ont préconisé les petites quantités afin
de s'éviter les récriminations, toujours désagréables, des pro-
priétaires dont les puits seraient colorés. M. Marboutin, qui,
en wars et avril 1900, a fait deux expériences à la fluores-
céine dans la région de l’Avre, craignait de colorer à peu
près tous les puits et avait introduit environ cinq fois moins
de fluorescéine que nous. Les résultats de ses expériences
semblaient confirmer ses craintes. Cet expérimeutateur
trouva un {rès grand nombre de puits colorés, ce qui lui
permit de tracer les courbes dites isochronochromatiques,
c'est-à-dire des lignes passant par les puits colorés à la
même heure. L'avantage de ces courbes était très grand.
On pouvait connaitre la direction générale des courants,
ceux-ci se manifestant aux endroits qui se coloraient le
plus rapidement. Malheureusement, ces résultats, tout inté-
ressants qu'ils puissent être, n'ont pu être retrouvés par
nous. Nous croyons que cette divergence dans les conclusions
101%
F. DIENERT — LES SOURCES DE LA CRAIE
mardelles. Les sources se trouvent aux environs
de Rueil et de Verneuil. Elles sont indiquées par
des ronds noirs €.
L'examen des mardelles ne nous donne, sur cette |
Les expériences à la fluorescéine exécutées dans
la région ont donné les résultats du Tableau I.
Les béloires sont en relalion avec des courants
qui ne communiquent pas avec toutes les sources.
TaBLeau |. — Expériences sur les communications des bétoires avec les sources.
| VITESSE
| NUMÉRO calculée à
du bétoire ÉPOQUE L l'heure
PRSCANGe BÉTOIRES SOURCES ATTEINTES (distance prise
indiqué sur de l'expérience en ligne droite
| la carte du bétoire
à la source)
mètres
L Juillet 1900. . ChennebTUN Ne MES - = eee Toutes les sources de Rueil. 133
Groupe du Nouvet ete
| S. des Ho s. à
9 : ; ES D.1des raviers. 5
2 Juillet 1900, . BOISSY-le-SEC- en. - CENSURE ET 2 133
S. de Launai . 3
S. des Trois- Mulets.
\ SE au Trou-d'eau . 158
ns Q , Re S. de la Rivière. . 158
3 Septembre 1900 MoruITers RER Rr. Loan AiT
R S. des Trois-Mulets. 147
{ Octobre 1900. Bétoire de la Vallée, près de Normanlel.l Toutrs les sources de Rueil. 84
(A dnone DS. 120
se G. du Nouvet. 115
5 Décembre 1000, ; Le Per bereene (sur l'Avre, en aval de) &° 4e Foisys et Risrel 113
Séint-Viclor) . + : +. . 0 QE de Pod à 108
S. de Launai et Trois-Mulets. 124
S:d'Erigny.. 2. 81
\ G. du Nouvet. . 14
6 Janvier 1901. . . .| Souci, près de Moussonvilliers . . S. des Foisys et Rivière. 80
S. de Launai . . . ë 18
: S. des Trois-Mulels : 18
G. du Nouvet. 138
| 1 Mars. 1901 . . . . .| Sorel (rue de Lépinai). . S. des Graviers. 138
| S. de Launai et Trois- Mulets. 138
Side tlamRiviere cer 2 208
8 Avril 1901 . Boullay-Sainte-Claire . . . . : SAM ETONeAUE ne
S. des Trois-Mulets. 208
: GATUANOUVEL A0 131
S: d'Erigny- . . : 133
4 Mai 1901. . . . . .| R. Sainte-Nicolle (bétoire de la vallé2) .< S. des Foisys et Rivière . 133
S. des Graviers. . . 133
S. de L ai et Trois- Mulets. 133
SAGOnOrTEE PE Jar 6!
9 Juin 1901 ROREITE MA RENE S. Poelay. . . 61
Toutes les sources de Rueil. 6!
|
carte, aucune indication précise de la direction des
courants se dirigeant vers les sources.
En allant du bord droit du bassin au bord gauche,
on constate qu'il y a :
lient à ce qu'étant au début de ses travaux, cet expérimenta-
teur ignorait encore qu'un certain nombre de puits, qu'il
pensait avoir colorés, l’étaient déjà préalablement en vert
par suite des infiltrations de fumier, etc., ce qui peut trom-
per le premier venu. Pour quelques puits, cette teinte n’a lieu
qu'à certaines heures, le matin par exemple, sans qu'on ait
pu connaître exactement la cause de ce changement.
La sensibilité dela fluorescéine, dans ces eaux, est générale-
ment moindre. La couleur même de l'eau colorée varie chez
quelques-uns. Une teinte légèrement jaune sale remplace la
teinte bleu verdâtre. Nous avons souvent adjoint aux deux
tubes du fluoroscope un troisième tube qui recevait de
l'eau témoin avec 2 gouttes d'une solution de fluorescéine
donnant le milliardième. C'était le tube de comparaison.
Quelques-uns des puits colorés ne sont alimentés que par
de fines diaclases, comme les expériences suivantes ont pu
le démontrer. Après avoir déterminé le volume d'eau se
trouvant dans le puits, nous y versions le soir une quantité
déterminée de fluorescéine, de façon à avoir à peu près la
dilution de 1/500.000.000.On prélevait un échantillon, on fai-
sait des prises trois fois dans la nuit. Le matin, on se ren-
dait compte de la disparition de la fluorescéine. Quelques-
uns de ces puits sont restés colorés plus de huit jours.
Nous avions eu soin d'opérer la nuit pour éviter les prises
d'eau faites pour les besoins de la ferme et qui auraient
troublé les résultats.
Toutes ces expériences ne seraient pas convaincantes si
une expérience décisive n'avait amené nos convictions. Une
expérience faite l'an dernier à Boissy-le-Sec (voir la carte),
dans un bétoire, avait donné comme vitesse moyenne 133 mè-
tres à l'heure ; une autre, faite au bétoire du Souci, à peu
près 80 mètres; à celui de Sorel, 135 mètres à l'heure ; à
celui de la Lambergerie, 110 mètres à l'heure, tandis que
celle exécutée à Rohaire, situé au milieu d'eux, n'a donné
qu'une vitesse moyenne de 68 mètres. Ce temps considérable
s'est manifesté aussi bien pour les sources de Rueil-la-
Gadelière que pour celles de Poelay et de Gonord. En période
sèche, les sources de Rueil sont seules atteintes. Il faut à
peu près autant de temps à la fluorescéine pour aller du
Souci aux sources, que de Rohaire aux sources. L'hypothèse
F. DIENERT — LES SOURCES DE LA CRAIE
1° À droite, une région communiquant avec
es sources Rivière, Trou-d'eau et Launai-Trois-
Mulets ;
- 2° Au milieu, une région communiquant avec
outes les sources de Rueil;
3° À gauche, une région communiquant avec
Erigny, le groupe du Nouvet et Foisys.
Dans l'expérience de la Lambergerie, la source
des Graviers, située cependant entre le Foisys et le
groupe du Nouvet, n’a pas élé atteinte.
Les sources du Breuil et de La Valette n’ont ja-
mais été colorées; elles ne recoivent done pas d’eau
des bétoires expérimentés. Il y a lieu de supposer
que les communications entre les différentes vallées
où circulent les ruisseaux se font surtout dans les
régions des mardelles. Le renseignement est peut-
êlre un peu flottant, mais suflisant, et on peut, en
alliant les expériences à la fluorescéine et l'em-
lacement de ces effondrements, avoir un ensemble
du régime souterrain de la région.
Nous avons cherché à savoir si une source taris-
ant l'été, la source Gonord, était en relation avec
d'autres sources. Au moyen de fluorescéine, il nous
été facile de le savoir. À ce moment, la source de
Poelay ne coulait pas; mais, au moyen de la pompe
élévaloire de la ville de Verneuil, on pouvait y pui-
ser à peu près 3 litres d’eau à la seconde. Pendant
quatre jours, on ne puisa pas d’eau à la source de
Poelay et, malgré la distance très faible (2 kil. 4)
qui sépare cetle source de la source Gonord, on
ne retrouva pas de coloration. Au bout de ce
temps, la ville de Verneuil ayant besoin d'eau, pré-
leva 3 lilres à la seconde, et le lendemain elle
était colorée. La diaclase qui fail communiquer ces
deux sources reste donc absolument sans commu-
nication avec d'autres émergences !.
La source du Breuil n’a donc aucune communi-
Calion avec la source Gonord ni celle de Poelay.
Dans aucune de nos expériences, elles ne furent
colorées.
de diaclases distinctes de celles communiquant avec le
béloire du Souci ou celui de Boissy, semble mieux répondre
aux résullats de nos expériences.
D'autre part, cetle expérience a été effectuée avec une
grande quantité de fluorescéiue (6 kil.\ pour un bétoire situé
-à 10 kilomètres des sources. Aucun des puits n'a été coloré.
Nous avons encore jelé de la fluorescéine dans le puits de
Ja mairie du Verneuil, et nous en avons chassé la couleur en
faisant arriver de l’eau pendant un mois consécutif, la
durée d'écoulement élant de deux heures par jour. Cette
couleur, n'ayant pas rencontré immédiatement de diaclases
- assez fortes, n’a pu étre retrouvée dans aucune source.
Malgré toute l'habileté de M. Marboutin, nous considérons
comme non démontrée l'existence des courbes isochrono-
Vonromatiques. Dans la vallée de l'Iton, nous avons eu des
. puits bien colorés. Mais jamais ils n'ont pu être en assez
grand nombre pour y tracer de telles courbes.
1 Dans une de ses expériences, M. Marboutin a trouvé la
Des expériences à la fluorescéine on peut dire :
1° Que, dans la majorité des cas, ce sont les
sources hautes qui, dans une zone émissive, recoi-
vent la plus grande quantité de la fluorescéine ;
2° Que certaines sources, même éloignées, peu-
vent communiquer entre elles. Les expériences
faites dans la région de l’Avre montrent bien, par
leurs résultats, des communications nombreuses
entre les diverses sources ;
3° D'après des expériences faites dans d’autres
régions, la vitesse de la fluorescéine a varié de
25 mètres à 330 mètres à l'heure. Seules des diaclases
peuvent être parcourues par de tels courants. Dans
la région de l’Avre, leurs directions peuvent être
connues approximativement._ Les sources sont bien
groupées et les diaclases principales se dirigent
des béloires vers Rueil, en hiver vers Verneuil
également;
4 La fluorescéire ne reparait pas entièrement
aux sources. On constate loujours une perte, qui
est souvent importante et qui, dans une expérience,
a atteint les 9/10.
La valeur de cette perte dépend d'une série de
facteurs, qui sont : la saison, l'arrivée continue ou
intermittente de l’eau, l’élat de la nappe souter-
raine. Chaque béloire a, à ce point de vue, une
valeur qui lui est propre.
L'arrivée continue de liquide produit une chasse
d'eau qui la force à rechercher le passage le plus
facile, c’est-à-dire des bétoires. L'arrivée inter-
miltente! permet à l’eau de s'écouler à travers
toutes les fissures. Comme à lravers les pelites
diaclases l'écoulement sera plus lent, la fluores-
céine aura le lemps de perdre sa coloration et
n'apparaîtra plus aux sources.
III. — EXPÉRIENCES A LA LEVURE DE BIÈRE.
La fluorescéine a des avantages nombreux; mais
elle a aussi quelques inconvénients. Etant soluble,
elle passe partout, même à travers les sables, les
graviers. Elle ne donnera aucun renseignement
sur l’épuralion des eaux dans le sol.
M. Miquel a préconisé l’emploi des cellules
vivantes, et en particulier des levures, pour recher-
cher si la filtration des eaux élait suffisante.
D'autre part, quand les fissures sont trop petites,
la fluorescéine ne peut être employée. Elle se dilue-
rait trop et échapperail à l’expérimentateur. Au
contraire, la levure se faufile facilement à travers
ces lithoclases (elle passe bien à travers certains
sables) et, drainée par les diaclases, arrive aux
sources.
1 Cette arrivée intermittente correspond à celle de l’eau
Source Gonord colorée et Poelay non colorée. Résultat | des pluies qui forment un ruisseau temporaire de faible
_ impossible d'après cette expérience.
|
Ë
"4
durée.
1016
F. DIENERT — LES SOURCES DE LA CRAIE
in employant ces cellules, j'ai pu démontrer la
communication de parties de ruisseaux dont l’ab-
sorption sur 4 mètre carré n'élait pas de 0100 à
la seconde.
Leur multiplication est facilitée en mélangeant
la levure à du sucre. La fermentation qui s'établit
gonfle les cellules de glycogène qui leur permettra
de végéter suffisamment dans le sol.
La recherche des levures se fait aux sources. On
ensemence l'eau dans du bouillon légèrement acide,
comme M. Miquel l’a indiqué, de façon à empé-
cher les ferments lactiques de se développer trop
vite.
Dans tous les endroits où la fluorescéine a donné
des résultats, la levure de bière en a également
fourni. Avec les quantilés considérables (10 à
50 kilos) qu'on emploie, on ne peut conclure de
leur présence aux sources que le sol ne pratique
pas une purification parlielle de ces eaux de
béloires.
Comme les fermentations sont plus ou moins
actives, nous pensons qu'une fermentation aclive
obtenue dans les ballons de culture indique une
communication facile sans filtration aucune. Au
contraire, les fermentations peu actives sont dues
à une difficulté rencontrée par les cellules dans
leur voyage souterrain.
IV. — PURIFICATION DES EAUX SOUTERRAINES. DES
DIFFÉRENTES SOURCES DE LA CRAIE AU POINT DE
VUE HYGIÉNIQE.
Nous avons déjà indiqué que les lithoclases,
opposant une résistance considérable au mouve-
ment de l'eau, permettaient à celle-ci de se dé-
pouiller par décantalion des nombreuses impuretés
qu'elle entraine dans son infiltration.
Un bétoire, au point de vue hygiénique, repré-
sente l'élément nocif par excellence. Il le sera
d'autant plus qu'il absorbera plus d'eau, et que
celle-ci aura recueilli les déjections humaines ou
l'eau des lavoirs.
Les eaux des terrains boisés peuvent s'infillrer
dans le sol; elles n'y apportent que rarement un
germe dangereux.
Les eaux des béloires peuvent être plus dange-
reuses en été qu'en hiver. Il existe, en effet, des
lavoirs qui vident leurs eaux usées tous les huit ou
quinze jours, eaux qui s'éliminent généralement
dans les bétoires. Ce sont elles qui peuvent être le
véhicule des germes typhiques. Les eaux des lavoirs
sont de magnifiques bouillons de culture et, par la
quantité de microbes qu'elles contiennent, elles
peuvent entrer en comparaison avec la masse de
levure employée dans nos expériences.
Les eaux de certaines sources de la craie ne sont |
la région de l'Avre, des appareils spéciaux permet
tant la mesure quolidienne du débit des source
et des ruisseaux de
la région amont qui Ni
s'infiltrent dans le 210
sol. 100
Nous avons uli- 0
lisé les résultats ob- state PR. so
lenus pendant les
mois de novembre Au
1900 et juillet 1901 1900
et nous avons tracé 900
les courbes compa- 800
ralives du débit des Es Tes Re SE
sources et celui des Fig. 6. — Débit des ruisseaux qui
ruisseaux. (Fig. 6
et 7)°.
Au mois de novembre, les eaux commencent à
remonter. Les ruisseaux augmentent de débit, les
sources beaucoup moins.
Au mois de juillet au contraire, et nous pouvons
ajouter le mois d'août, les sources baissent régu-
lièrement, les ruis-
s'infiltrent dans les béloires.
seaux ont approxi-
malivement le mé-
me débit.
Dans ces. deux ;
: à SOS MZOM2HA0
exemples, le rap- Novembre 1900
port des eaux dis ho
parues en amont 0
des sources el de
Ja 1400
ces dernières est
\ 1300
nviron de — si
AD 10 1200 EE EE
l’on ne suppose au- 00
rte.
cune pe ee rl
Leseaux dessour-
k À 900 lee |
ces sont done com-
LT WU 800
posées de deux par ne
lies distinctes au Juillet 1900
point de vue de la Fig. 1. — Débit des sources.
pureté :
1° Une quantité à d'eau provenant des bétoires
et qui arrive aux sources avec la fluorescéine
introduite : ce sont les eaux dangereuses.
2 Une quantité D d'eau ayant séjourné un
temps plus ou moins long dans la nappe, et qui ne
sort aux sources qu'après s'être dépouillée de la
plus grande partie de ses impuretés. Ce sont les
‘ On a pris les débits moyens d'une période de cinq
jours, de facon à éliminer les sauts brusques du débit des
ruisseaux, sauls dus à la marche intermittente des moulins.
F. DIENERT — LES SOURCES DE LA GRAIE
1017
lus pures ; elles fürment la majorité des eaux de
a craie.
- La valeur d'une source dépend donc du rapport
BU
a+ D
— 0, c'est-à-dire quand il n'y arrive que des
eaux de bétoire. La valeur de à croit avec le nom-
bre des bétoires, qui varie avec l'hiver et l'été.
Nous avons vu, en effet, qu'en saison pluvieuse,
grâce à l'élévation du niveau piézométrique, cer-
tains bétoires forment sources. Supposons que tous
Elle sera hygiéniquement nulle quand
* Zéro
de la pluie
12 du degré
à la fluorescéine, ne se troublent jamais l'hiver.
Pour celles-là, la valeur est sensiblement
li)
égale à l'unité. Elles sont situées parfois près de
sources qui se troublent, comme c'est le cas de la
source du Breuil ; le plus souvent, elles sont proté-
gées par d'immenses el hauts plateaux crayeux ou
encore recouverts de sable de Fontainebleau. Cette
disposilion se retrouve loujours pour les sources des
zones émissives les plus basses de la craie. Les
sources du Loing et du Lunain se présentent aussi
hydrotimétrique.
Zéro
des Bacteries
organique | |
Juilt
| Z° de la matière
Sbre [octbr® Note Dédre|Janv!|Févt"|Mars
Nov?re Déc'e |Janv AR
Al: t-
Mai | Juin | Juilt
18
1898
1899 h 1900
F Borpamang Je
métrique dressés par MA. Miquel et Lévy.
| Fig. 8. — Relations entre les graphiques de la pluie tombée, de la matière organique, des bactéries et du deçré hydroli-
les bétoires nuisibles sourdent l'hiver : la source
. deviendra bonne l'hiver. Certaines sources de la
vallée du Belz, affluent du Loing, sont dans ce
tas.
La saison fait varier également cette valeur de a.
. En hiver, au moment de la fonte des neiges, cer-
laines sources se troublent complètement, Ceci
tient à l'arrivée brusque de ces eaux pauvres en
chaux qui maintiennent en suspension de l'argile
_colloïdale. Comme, à ce moment, il arrive beaucoup
plus d’eau des bétoires, ainsi que nous allons le dé-
montrer bientôt, ces eaux troubles ont une grande
importance sur la pureté de l'eau des sources.
Certaines sources, comme par exemple celle du
Breuil (dans la région de l’Avre), qui a toujours
donné des résullats négalifs dans les expériences
k
siluées au bas d'une zone émissive; elles n'ont pas
été colorées par nos expertises. Si donc il n’y a pas
de bétoires dans les vallées en amont des sources,
ou si d'autres sources en amont reçoivent loules
ces eaux, on obtient des sources qui restent lim-
pides l'hiver. L'étude hygiénique de ces dernières
est utile à connaitre quand il s’agit de les faire
contribuer à l’alimentalion d'une ville. Elle ne peut
se faire que par comparaison avec celles des ré-
gions trouées, comme celles de l'Avre par exemple,
du fait que la fluorescéine ou la levure ne peuvent
être jetées nulle part.
Là où les expériences à la fluorescéine et à la
levure ne peuvent donner de résultats, l'emploi
des méthodes physiques, chimiques et microgra-
phiques est utile.
1018
F. DIENERT — LES SOURCES DE LA CRAIE
MM. Miquel et Lévy ont montré depuis longtemps
la relation qui existe entre l’eau tombée, le nombre
des microbes el la matière organique des sources
dans les régions de l’Avre et de la Vanne (fig. 8.)
On voit qu'aussitôt qu'arrive un afflux d'eau, le
calcaire des eaux s'abaisse rapidement, tandis que
la matière organique s'élève. Tout ceci ne témoigne
pas d'un long séjour des eaux dans le sous-sol.
froide arrivant aux sources devait, en effet, y ame” |
ner un abaissement nolable de la température. Get
abaissement atteint à peu près 1°, ce qui est enco !
faible; mais il ne faut pas oublier que le sol ren”
ferme un énorme volume d’eau ayant une tempé=
rature plus élevée, qui réchauffe ces eaux froides:
La température de la source du Breuil varie bie
moins. Son débit est également presque constant,
1500
1000
mn
Le]
=
ELU
|
IEEE
JA LU hu
S 10 1520 25
5 10 15 20 25
A LL
5 10 15 20 25 5 101520 25
SN i2
OcE Pre 1900 | Nov! 1900 | Déc Lre 1900| Janvier 1901] Février 1901] Mars 1901 | Avril 1901 | Mai 1901 | Juin 1901
F. BopfEMaNs 3Q
Fig. 9. — Graphiques comparés des quantités de pluie tombées et de la température de l'air
avec le débit total et la tempéralure des sources.
M. Miquel a montré, en outre, l’existence fréquente
du Pacillus coli". C'estsurtout aumomentdeshautes
eaux que cette augmentation se fait le plus sentir.
Le graphique de la figure 9 montre que l’a-
baissement de la tempéralure des sources se pro-
duit au moment des hautes eaux. C'est quand les
ruisseaux avaient le débit le plus élevé et quand
la température de l’air élait encore basse (7 à 8°)
que celle des sources diminuait et atteignait son
maximum d'abaissement. Un grand volume d’eau
! L'élévation du nombre des microbes est brusque. Il
semble qu'il y ait prolifération par suite de l'arrivée de la
uulière, suivie d'un décroissement rapide.
tandis que celui des sources de l’Avre passe de 600
à 2.000 litres.
En résumé, une source qui ne peut être étudiée
au moyen de la fluorescéine et de la levure de bière
peut encore l'être par comparaison en utilisant les
données fournies par la température, les variations
de compositions chimique et bactériologique et
par celles du débit. Quand celles-ci seront faibles,
on pourra admetlre que la source ne reçoit pas
ou peu d'eau de bétoires ; que la valeur hygiéni-
que __ est proche de l'unité. Au contraire, si les
varialions sont sensibles, il faudra rechercher les
|
|
F. DIENERT — LES SOURCES DE LA CRAIE
1019
bétoires, les mardelles causes de tout le mal.
La mardelle peut exister sans être nuisible. Les
- expériences effectuées sur des béloires ne recevant
-pas d'eau à l'époque où on les expérimentait, ont
montré que l’arrivée d'une vingtaine de mètres
- cubes d'eau n’amène aux sources qu'une faible
quantité d'eau (2 dans une expérience).
A plus forte raison, l'arrivée des eaux de pluie
dans ces mêmes effondrements produit généra-
lement un effet peu sensible sur la limpidité et les
caractères physiques et chimiques d'une source.
Une fosse d’aisances peut communiquer avec un
courant. La contamination nous échappe naturel-
lement jusqu'au moment où la présence du bacille
typhique nous avertit de ce fait grave.
Nos méthodes sont donc encore imparfaites.
Elles sont suffisantes dans la majorité des cas.
Maintenant, y a-t-il lieu de s'inquiéter outre
mesure des dangers que courent les sources cap-
tées dans la craie? Il n'y a guère qu'une partie des
microbes nuisibles engouffrés dans les bétoires qui
peuvent arriver aux sources. C’est quelquefois suf-
fisant et il y a lieu de se méfier de leur présence.
V. — ConNcLüsIONS.
Les faits que nous venons d'exposer vont nous
servir à lirer quelques conclusions uliles pour
l'utilisation de ces eaux.
Nous avons indiqué qu'il y avait deux sortes de
sources de la craie: les unes, comme celles de l’Avre,
qui reçoivent les eaux des bétoires; les autres,
comme celles du Breuil, dont les diaclases semblent
ne pas communiquer avec ces efflondrements. Ces
dernières sont les plus pures au point de vue
hygiénique, mais elles sont rares. Les premières
sont les plus nombreuses et les plus abondantes
comme débit; doivent elles être écartées? Tant
qu'on ne trouvera pas le moyen pralique de prendre
l'eau dans des diaclases profondes, que nous sup-
posons exisler el qui ne doivent pas communiquer
librement avec ces bétoires, il faut s'arrêter à
des moyens-termes. Audacieux serait celui qui
chercherait à atteindre une diaclase profonde ali-
mentée par les lithoclases des profondeurs et ali-
. mentant des sources éloignées.
Empêcher complètement les ruisseaux de s'en-
gouffrer demande la confection d’unlitimperméable
jusqu'à leur sortie de lazone émissive voisine, sinon
on s'expose à voir se produire tôt ou tard de nou-
veaux béloires d'affouillement.
On ne peut guère chercher qu’à en diminuer les
débits. Il faut également rendre leurs eaux moins
nuisibles en évitant l'arrivée des maladies hydriques
comme la fièvre typhoïde. La surveillance médicale
du périmètre dangereux de la source est nécessaire
si on veut la capter. Enrayer une maladie comme la
fièvre typhoïde, c’estdiminuer le nombre de germes
nuisibles pouvant accéder à la nappe. D'autre part,
la communicalion entre les fosses d’aisances et un
courant peut se produire, avons-nous dit, à l'insu
de tous. En temps normal, le mal n’est pas grand;
en temps d’épidémie, ilest considérable. Empêcher
son éclosion, c'est tuer le mal dans son œuf.
Le médecin, malheureusement, n'arrive pas lou-
jours au début de la maladie. Il faut compléter cette
surveillance par la recherche des bacilles patho-
gènes que l'eau peut contenir. Cette recherche est
encore aléatoire. On veut trouver l'épingle dans
une botte de foin (on prélève au maximum 10 litres
d'eau sur plusieurs milliers de mètres cubes que
donne la source). Cependant, quand on oblient des
résullais positifs, on a un prélexte pour faire
metlre les sources incriminées en décharge.
La vitalité du bacille typhique n'est que de
trente jours dans l’eau, d’après Chantemesse. À ce
moment, la source n’est plus nuisible et peut être
remise en circulation.
Tels sont les moyens auxquels toutes ces études
ont conduil. C'est le résumé approximatif des
conclusions de la Commission instituée à cet effet
par le Préfet de la Seine, et en particulier celles de
M. Duclaux, le rapporteur général des travaux de
cette Commission. Ces mesures exigent aussi l’in-
terdiction d'aller jeter au béloire des détritus de
toute sorte, et la désinfection obligatoire en cas de
maladies. La loi sur la santé publique, actuellement
pendante devant la Chämbre des Députés et votée
par le Sénat, viendra apporter une force nouvelle
aux mesures prises par la Ville de Paris.
F. Dienert,
Docteur ès sciences,
Chef du Service local de surveillance
des sources de la Ville de Paris
pour la région de l'Avre
et les sources environnantes,
1020 E. LAGUESSE — REVUE ANNUELLE D'ANATOMIE
REVUE ANNUELLE D’ANATOMIE
L. — GÉNÉRAUITÉS = L'ANATOMIE SECMENTANE, muscle ou la portion de muscle qu’elle irnerve.
Le professeur Louis Bolk, d'Amsterdam, vient
de publier une série de travaux fort intéressants
sur ce qu'il appelle l'Anatomie segmentale”. Nous
savons, dit-il en substance, que le corps des Vers
est, en général, décomposable en une série de seg-
ments ou anneaux (métamères, zoonites) tous sem-
blables, et dont chacun représente une sorte d’in-
dividu élémentaire dans l'individu complet. Tous
les animaux articulés sont bâtis sur le même type,
bien que les segments n'aient plus la même unifor-
mité. Nous savons enfin que, chez les Verlébrés, le
corps de l'embryon offre d'abord une disposition
métamérique analogue très marquée (protover-
tèbres, chaine ganglionnaire, etc...). Or, « mani-
feste ou occulte, le principe de la segmentation
‘existe dans tous nos systèmes, et le corps de
l'adulte, si compliqué qu'il soit, n'est pas moins
régulièrement segmenté que celui du plus jeune
embryon... L'Anatomie segmentale se propose de
rechercher quelle part a eue chaque segment en
particulier dans sa formation, à retrouver dans
notre organisation les lignes de démarcation entre
les segments. » La disposition métamérique de tel
ou tel système anatomique a déjà été étudiée;
mais, cé qui caractérise l'œuvre de Bolk, c'est pré-
cisément de rechercher les limites exactes de ces
métamères chez l'homme, et cela, comme on va le
voir, jusqu'en des points où l’on ne croirait guère
d'abord qu'on puisse songer à les établir, jusque
dans le squelette des membres par exemple.
Bolk part de cette hypothèse fondamentale que
les fibres nerveuses provenant d'une racine rachi-
dienne « restent en connexion avec les muscles
dérivés du myoltome isomère », se distribuent
dans les muscles ou porlions de muscles dérivées
du segment musculaire primitif de même numéro,
nées du même mélamère primitif. S'il en est
ainsi, il suffira d'abord de suivre chaque branche
nerveuse musculaire jusqu'à sa racine originelle,
pour savoir à quel métamère il faut rapporter le
Nous ne parlerons plus qu'incidemment de faits embryÿo-
logiques, une Revue annuelle d'Embryologie devant être
donnée par un autre collaborateur.
* L. Borx : Beziehungen zwischen Skelet, Muskulatur und
Nerven der Extremität. Morphologisehes Jarbuch:, t. XXI.
— Die Segmentaldiferenzirung des menschlichen Rumpfes
und seiner Extremiläten. Série de Mémoires in Morpholo-
gisches Jarbuch, 1898, 1899, 1900. — Sur la signification de
la Sympodie au point de vue de l'Anatomie segmenlale.
Discours prononcé au Cercle des médecins d'Amsterdam).
Overdruck uit Perrus Cawrer : Nederlandsche PBiydragen
tot de Anatomie, 1900.
C'est un travail que Féré, Herringham... avaient
déjà poussé assez loin, et que les méthodes exné-
rimentale (Lannegràce et Forgues, Sherrington) et
anatomo-clinique (Starr, Mills, Thorburn) étaient
venues confirmer. C'est un travail que Bolk re-"
prend en détail à l’aide de la seule dissection chez.
un jeune enfant d'environ trois ans; el, segment
par segment, avec la plus grande patience, il
dresse ainsi l'inventaire de nos muscles. Chemin
faisant, il confirme les lois déjà connues, à savoir,
que les troncs nerveux ne sont que des groupe-
ments secondaires de fibres d'origines les plus
diverses, qu'une racine fournit à plusieurs muscles,
et qu'un muscle est généralement divisible en
deux ou trois portions (souvent plus) innervées par
autant de racines différentes; en un mot, que la
distribution des fibres radiculaires est essentielle-
ment segmentaire.
Mais la partie véritablement originale est celle
où l’auteur arrive à montrer qu'il existe « une rela-
tion segmentale entre les muscles et le squelette
des membres »; c’est l'étude de la Sclérozonie. On
sait que chacun des membres naît comme une
sorte de prolongement latéral d'un groupe de
cinq à six mélamères successifs, et que ses
muscles, dérivés des protovertèbres ou myotomes
au voisinage de l'axe rachidien, ne s’éloignent
que peu à peu de cet axe, à mesure que le membre
grandit. Chaque musele définitif se forme généra-
lement de fragments empruntés à deux ou trois
myotomes différents.
Or, si l’on dessine sur un os les surfaces d'inser-
tion de ces muscles, avec le numéro du myotome
correspondant, on s’apercoit qu'on peut tracer une
série de lignes sinueuses séparant les surfaces
d'insertion des différents myotomes, lignes sensi-
blement parallèles à l'axe du membre. L'os iliaque,
par exemple, se trouve ainsi divisé en une série
de zones parallèles, que Bolk appelle les Scléro-
zones, limilées par les lignes d'insertion des fais-
ceaux musculaires dérivés de huit myotomes dif-
férents, du 20° au 27°,el ces zones sont régulièrement
échelonnées d’après leur numéro d'ordre, du bord
antérieur au bord postérieur de l'os.
Sur l’omoplate (fig. 4), nous retrouvons six sclé-
rozones analogues (du 3° au 8° segment). Sur les os
longs, les sclérozones sont de minces bandes,
d'inégale largeur, mais limitées par une ligne très
régulière; elles sont généralement doubles, cha-
cune d'elles se retrouvant sur la face ventrale el
sur la face dorsale de l'os. L'auteur se croit en
droit d'en déduire que le système musculaire
cquiert ses insertions définitives, ou plutôt ses
apporls avec le tissu squelettogène, avant la dif-
érenciation des unités musculaires, lorsqu'il est
encore sous forme de myotomes, et que vraisem-
blablement chacun de ceux-ci ne s'attache qu'à la
ortion du tissu mésenchy-
mateux du squelette déri-
vée de son propre segment.
« Le myotome est isomère de
sa sclérozone. »
Ceci permet, par consé-
quent, d'établir de quel seg-
ment prend naissance cha-
cun des éléments consti-
tuants du squelette d'un
membre, et Bolk peut recon-
struire, d’après la sclérozo-
nie, une esquisse du sque-
lette du membre inférieur
où chaque portion d'os se
trouve projetée sur la bande
segmentaire à laquelle elle
doit appartenir d’après sa
théorie (fig. 2).
Il n’est rien de tel, pour
juger d'une hypothèse nouvelle et un peu auda-
cieuse, que de lui imposer l'explication de quel-
“que fait obscur jusqu'ici. Bolk vient de le faire en
tentant l'explication de la sympodie, et la théorie
résiste merveilleusement à celte première épreuve.
On sait que les monstres sympodes, ou Sirènes,
ont le corps terminé par une sorte de colonne
conique : desinit in piscem. Cette colonne, due
à la soudure des membres inférieurs incom-
plètement développés, peut être longue, laisser
reconnaitre à l'état d'é-
bauches les formes des
membres constituants,
E. LAGUESSE — REVUE ANNUELLE D'ANATOMIE
Fig. 1. — Sclérozones de l'omoplate.
1021
cation ne rend pas compte de la symétrie parfaite,
el du manque de toute la partie médiane dans le
bassin des Apodes.
Pour Bolk, l’origine est tout autre. La sympodie
est une anomalie segmentaire. Les différents seg-
ments {marqués par les protovertèbres) apparais-
sent successivement d'avant
en arrière dans le tronc de
l'embryon, et, chez l'homme,
il s'en forme trente-six, dont
les trois derniers sont des-
tinés à disparaitre. Nous
avons vu que du 20° au 27°
ils contribuaient à l'édifica-
tion du membre inférieur.
Or, si l’on imagine que l'ap-
parition de nouveaux seg-
ments, ralenlie par une cause
pathologique à élablir, cesse
après formalion du 23°, le
membre impair, conslitué
per soudure des deux bour-
geons devenus voisins, aura,
d'après l’esquisse donnée
plus haut, un squelette iden-
- tique à celui qu'on trouve
chez les Sirènes apodes, c’est-à-dire un bassin
d'une seule pièce sans sacrum el sans petit bas-
sin, un fémur unique formé de deux moitiés
symétriques fusionnées, et un tronçon de tibia
constitué de mème. Si l'on suppose la segmenta-
tion arrêtée après le 24° métamère, le squelette
sera celui du monopode avec pelit nombre d'or-
teils; après le 25°, celui du monopode à grand
nombre d'orteils; après le 26°, celui du dipode.
Enfin, s'il manque seulement tout ou partie des 27°,
98: et 29° segments, il y aura bien deux membres,
mais absence, ou différencialion incomplète, anor-
male, des organes gé-
nitaux externes, de la
etse terminer par deux
pieds réunis seulement
vessie et du périnée,
par le talon (Dipodes
qui tirent leur origine
des Allemands, ou Sy-
de ces segments. Cela
mèles de Geoffroy
Saint-Hilaire).Elle peut
aussi, la soudure étant
_ plus complète, se ter-
miner par un seul pied
à nombre d’orteils très
variable (Monopodes, ou Uromèles). Elle peut enfin,
la fusion étant encore plus intime, être très courte
et terminée en pointe, réduite aux premiers seg-
ments d'un membre en apparence unique (Apodes,
‘ou Syrénomèles). On invoque généralement, pour
expliquer celte monstruosité, une compression des
membres par l'amnios trop étroit, mais cette expli-
REVUE GÉNÉRALE DES SCIENCES, 4901.
ig. 2. — Esquisse du squelette du membre
inférieur, d'après la sclérozonie.
explique également
leur absence totale
chez les Sirènes.
Bolk pense que celte
épreuve est concluante pour sa théorie, et que là
genèse métamérique du squelette des membres
est définitivement établie. Il est permis d'espérer,
en effet, que l'anatomie comparée ne fera que con-
firmer ces données, uniquement appuyées jus-
qu'ici sur l'anatomie humaine. Nous ne pouvons
quitter l'anatomie segmentale sans dire quelques
mots de la question, toujours très discutée, de /à
métamérie nerveuse dans la moelle épinière.
99**
1022
À certains slades du développement, et chez
certaines espèces surtout, la moelle épinière peut
offrir une série métamérique de renflements ou de
groupes cellulaires. Persiste-t-il un vestige de cette
segmentation dans le névraxe de l’homme adulte?
Les travaux dont nous venons de parler font pres-
sentir qu'une disposition de ce genre peut exister
pour la portion motrice.
Mais les recherches sur les localisations motrices
dans la moelle sont encore trop peu avancées pour
nous fournir des données nettes à ce sujet. Quel-
ques travaux, ceux de Van Gehuchten ‘ par exemple,
mettent en évidence, dans les renflements cervical
et lombaire, des centres d’innervation peu nom-
breux, qui jusqu'ici semblent correspondre plutôt
aux différents segments des membres (cuisse,
jambe, pied), qu'aux segments métamériques. On
a bien prononcé ici le mot métamère (voir plus
loin : Brissaud), mais avec une acception que Van
Gehuchten lui-même considère comme inexacte.
Les localisations sensitives ont provoqué, depuis
longtemps déjà, des recherches de même ordre, et
qui ont fait plus de bruit. Le véritable centre sen-
silif est le ganglion rachidien, et, par les méthodes
expérimentale, anatomique, ou anatomo-clinique,
Sherringlon, Herringham, Bolk ?, Allen Starr, etc.,
ont pu déterminer de facon plus ou moins précise
la limite des territoires cutanés (dermatomes, rhizo-
mères)innervés par chaque ganglion, territoires qui,
du reste, empiètentréciproquement l’un sur l’autre.
Mais on a voulu aller plus loin. La clinique a
montré, dans certaines affections viscérales, l’exis-
tence de bandes cutanées segmentaires d'hyperes-
thésie douloureuse et thermique. Au cours de cer-
taines affections médullaires, telles que la syringo-
myélie, on a observé aussi assez généralement un
aspect segmentaire dans les zones d'anesthésie,
partielle ou dissociée, qui caractérisent celte ma-
ladie. Dans le zona, l'éruption caractéristique peut
revêtir le même aspect. Or, dans lous ces cas, les
bandes segmentaires ne correspondent ni à la distri-
bution des nerfs, ni aux zones rhizomériques. Head
en Angleterre (1893-96), Brissaud”* en France ont été
amenés, par l'étude de ces cas, à admettre dans la
moelle sensitive l'existence d'unités segmentaires
dont la lésion ou l'excitation seraient mises en
évidence par l'apparition de ces zones cutanées.
Consiensoux ‘ donne un exposé de l’élat actuel de
1 Van GEeuvcurex et pe Bucn : Revue neurologique et
Journal de Neurologie, 1898. — Van GEnUCuTEN et NELIS :
La localisation motrice médullaire est une localisation seg-
mentaire. Journal de Neurologie, 1899.
? Dans le travail déjà cité : Segmentirunqg.…
% Buissaup : Lecons sur les maladies nerveuses, 2° Sie 1899,
et articles divers in Presse et Semaine médicale, 4896 à 1901.
Consrensoux : L'étude sur la métamérie du système ner-
veux elles localisations métamériques. Thèse de Paris, 41900.
E. LAGUESSE — REVUE ANNUELLE D'ANATOMIE
la question, el y ajoute un certain nombre d'0b-
servations personnelles. C'est avec raison, croyons= :
nous, qu'il insiste sur ce point : quelque sédui=M
santes que soient ces théories, il faut bien se
garder de les considérer actuellement comme vé-
rités anatomiques démontrées. Les zores dites
myélomériques de la peau, ou myélomères (Head),
paraissent bien correspondre à des localisations
sensitives médullaires, puisqu'elles ont des carac-
tères différents des zones rhizomériques, puisque
par exemple, elles n'empiètent jamais les unes sur
les autres. Mais il nous est difficile de comprendre,
à l'heure actuelle, la nature exacte de ces localisa-
tions, et jamais encore on n'a déterminé dans la
moelle les limites de noyaux sensitifs. De plus,
les symptômes qui ont servi à tracer les limites
des myélomères sont encore bien incomplèlement
étudiés, et correspondent rarement à des lésions
médullaires pures. Si bien que Head et Brissaud
ne s'accordent aucunement sur ces limites, aux
membres nelamment. Ici, en effet, pour expliquer
certaines lésions en gants, en manchettes, en
manches, Brissaud admet que chaque membre”
« comme un nouvel être, comme une branche entée
sur le tronc principal », possède une segmentation
propre, qu'il appelle mélamérie secondaire. Les
membres seraient « constitués par des métamères
de métamères (Houssay) », et leur axe nerveux,
bien que rudimentaire, aplati (au niveau des ren-
flements dorsal et lombaire), serait de même décom-
posable en segments nerveux autonomes. Quel que
soit l'avenir de celte dernière conception, il est à
peu près certain qu'elle est appelée à changer de
forme, et surtout de nom, tellement le mot méta-
mère se trouve ainsi dévié de sa signification pri-
mitive.
1542 sonne er ADN 5
at:
rrelhhr sd sr
En
Il. — Tissus ET SYSTÈMES.
S 1. — Les glandes. Différenciation protoplasmi- «
que dans les cellules sécrétantes et mécanisme
de l'élaboration.
De nombreux auteurs ont récemment étudié la
cellule sécrétante des glandes, particulièrement
des glandes séreuses, et, plus on l'étudie, plus
paraissent complexes sa structure et le mécanisme
de l'élaboration sécrétoire. Nous sommes déjà loin
du temps où l'on se contentait de dire de son pro-
toplasme (ou cytoplasme) qu'il était finement ou
grossièrement granuleux. Très souvent, dans la
cellule séreuse, le produit élaboré s'accumule sous
forme de grains de sécrétion isolables, de réac-
tions chimiques très variées; très souvent, en
outre, au stade qui précède immédiatement l’éla=
boralion de ce produit, on voit apparaitre dans le
protoplasme des portions différenciées sous forme M
lamelleuse, filamenteuse, etc... de réactions spé- 4
E. LAGUESSE — REVUE ANNUELLE D'ANATOMIE
ciales, et qui jouent manifestement un rôle actif
dans les transformations chimiques dont la cellule
est à ce moment le siège.
Depuis longtemps déjà, on avait signalé des stries
à la base de certaines cellules sécrélantes (rein,
pancréas), et Heidenhain avait pu même isoler des
sortes de bâtonnets correspondant à ces stries.
Plusieurs auteurs avaient, depuis, décrit plus com-
| plètement ces filaments, Eberth et K. Muller,
notamment (1892) dans le pancréas. D’après eux,
ils S'enrouleraient et se fusionneraient pour former
les corpuscules paranucléaires (paranuclei, noyaux
accessoires, Nebenkerne), sans paraitre jouer un
rôle dans le processus de la sécrétion. Parmi ces
» auteurs, il faut encore rappeler tout particulière-
- ment Altman, qui a décrit et figuré avec la plus
grande netteté, dans le pancréas et les glandes
_ salivaires notamment, des filaments parfaitement
. limités auxquels il attribue le rôle capital dans
l'élaboration définitive des grains de sécrétion. Les
vues théoriques particulières de cet auleur sur la
constitution générale du protoplasme avaient jeté
un certain discrédit sur ses descriplions; mais
Mouret a revu et figuré depuis, dans le pancréas,
moins nettement il est vrai, ces filaments « prézy-
mogènes ». Enfin, B. Solger (1894-96) avait attiré
l’attention sur la présence de « filaments hasaux »
dans la glande sous-maxillaire de l'homme.
Ce sont ces formalions qui viennent de provoquer
tout récemment de nombreuses recherches. Ch. Gar-
nier’, élève de Prenant, les étudia d’abord sommai-
rement, et, convaincu de leur rôle capital dans
l'acte sécréloire, il leur donna, d'accord avec M. et
P. Bouin, qui en trouvaient d’analogues dans cer-
laines cellules végétales, le nom de formations er-
gastoplasmiques, où d'ergastoplasme, c'est-à-dire
de plasma élaborateur par excellence. Prenant” à
développé cette idée dans un travail dont nous
avons déjà parlé ici,et décrit l’ergastoplasme parmi
les variétés de proloplasma supérieur douées d’une
activité spéciale. Enfin, Ch. Garnier a repris plus
récemment le sujet en détail. Pour lui, l'ergasto-
plasme se présente très généralement sous l'aspect
filamenteux, mais peut affeclter d'autres formes
(sphérules, par exemple). Admettant la théorie de
4 Cu. GARNIER : Les filaments basaux des cellules glandu-
laires. Bibliographie anatomique, 18917. — Contribution à
l'étude de la structure et du fonctionnement des cellules
glandulaires séreuses. Thèse Nancy, 1899 et Journal de
l'Anatomie, 1900. — Considérations générales sur l'ergasto-
plasme, protoplasme supérieur des cellules glandulaires.….
Journal de Physiol. et Path. gén., 1900.
? M. et P. Bouin : Sur la présence de filaments particu-
. liers dans le protoplasme de la cellule embryonnaire des
Liliacées. Bibliographie anatomique, 1898, et Archives
d'Analomie microscopique, 1899.
3 Prenant : Sur le protoplasma supérieur. Journal de
l’'Anatomie, 1899.
1023
la constitution réticulaire du protoplasma, il con-
sidère les filaments ergastoplasmiques comme des
portions différenciées de ce réseau, restées en con-
tinuité avec lui, mais épaissies, et ayant une élec-
ion particulière pour les couleurs basiques d’ani-
line (violet de gentiane notamment), dans les
colorations combinées. Ils tendent à se ramasser
vers la base de la cellule, autour du noyau, de pré-
férence au-dessous de lui, donnant souvent « l’idée
d'une corbeille qui contient à son intérieur la sphère
nucléaire », formant souvent aussi cun vérilable
feulrage de fibrilles chromatiques », qui rem-
plissent la zone basale de la cellule, et lui donnent
un aspect foncé et strié caractéristique. Dans toutes
les glandes étudiées (parotide, sous-maxillaire, la-
crymale, glandes de la base de la langue, pancréas),
et chez plusieurs espèces animales (homme, chien,
chat, hérisson, cobaye, rat), Ch. Garnier retrouve
les mêmes formations avec des caractères analo-
gues; mais elles sont particulièrement développées
dans les glandes salivaires séreuses du rat, dans la
sous-maxillaire de l'homme, et dans le pancréas de
la salamandre.
Suivant la glande aux différentes phases de son
activité, Garnier montre que l'ergastoplasmeabonde
au moment où la cellule vient d'excréter son maté-
riel de sécrétion et recommence à l'élaborer de
nouveau, qu'il diminue, jusqu’à disparaître parfois,
quand la cellule est rechargée de grains. Il en con-
clut au rôle actif de ce plasma particulier dans l'éla-
boration, mais sans trouver de relations directes
entre lui et les grains.
Ces observations ne sont pas isolées. Erik Muller!
décrit et figure dans les glandes salivaires des fila-
ments analogues, mais plus nettement limités, à
la manière d'Altman. Il dit seulement qu'ils aug-
mentent de nombre quand l'activité de la cellule
est exagérée, après pilocarpinisation par exemple.
Gianneili*, dans la cellule paneréatique, voit à la
base une substance « prézymogène », divisible en
massettes allongées qu'il figure très semblables aux
corpuscules de Nissl de la cellule nerveuse. Hans
Held?, dans les salivaires, retrouve les « filaments
végétatifs d'Altman », mais n'admet pas qu'ils re-
présentent un stade dans la formation de la sécré-
lion. Zimmermann‘, dans la glande lacrymale, le
pancréas, trouve les stries basales, mais les consi-
dère comme l'expression de systèmes de lamelles
parallèles, et non de filaments. Mathews, dans le
1 Erik Muirer : Drüsenstudien. Zeitschrift 1ür wissen-
schaftliche Zoologie, 1898. 1
2 Grannezut : Ricerche macroscopiche e microscopiche
sul pancréas. Siena, 1898.
3 Fjaxs Heco : Beobachtungen am tierischen Protoplasma.
Archives de Schulze, 1899.
5 Zimuermanx : Beiträge sur Kenntniss einiger Drüsen
und Epithelien. Archives de Schulze, 1898.
1024
pancréas’, considère tout le cytoplasme de la zone
. basale comme fibrillaire, et le figure comme à peu
près uniquement constitué par un buisson serré de
très longs filaments lisses, légèrement sinueux,
dirigés pour la plupart dans le sens de l'axe de
l'élément. Il constate l'augmentation manifeste de
la zone filamenteuse de la cellule après l’excrétion,
et la « dégénérescence » des filaments à mesure
qu'’apparaissent les grains de zymogène. Ceux-ci
naitraient done comme des « produits de décompo-
sition des filaments ». Enfin, Michaelis”, par le vert
Janus, arrive à colorer exclusivement, sur la cellule
vivante, dans les glandes salivaires et le pancréas,
des filaments courts sur la nature desquels il ne se
prononce pas, mais qu'il rapproche plutôt de ceux
décrits par Altman que des filaments basaux de
Solger. Dans d'autres glandes encore, on a retrouvé
des formations analogues.
Ainsi, dans les cellules principales des glandes
du fond de l'estomac, Zimmermann” a décrit, à la
base, les mêmes lamelles que dans le pancréas.
Bensley* y voit un cytoplasme très coloré,vaguement
fibrillaire, qu'il considère comme du « prozymo-
gène », et Cade* y retrouve l’ergastoplasme de Gar-
nier. L'un et l’autre observent aux différents stades
fonctionnels des variations analogues à celles dé-
crites plus haut. Cade montre, après certaines
lésions, et pendant l'hibernation, c’est-à-dire pen-
dant le repos absolu des glandes, la disparition pa-
rallèle de l’ergastoplasme et des grains de sécrétion.
Théohari® y distingue des filaments basophiles plus
nettement limités, et d'autres décomposables par-
fois en un chapelet de fines granulations neutro-
philes, qui, en grossissant, seraient destinées à
constituer les grains de sécrélion pepsinogènes.
Quand filaments et grains sont bien développés, la
muqueuse gastrique offre un pouvoir digestif
intense. L'ingestion d'iodure de potassium, qui
amène leur disparition, supprime en même temps
ce pouvoir digestif”. W. Carlier* donne une des-
cription se rapprochant de celle de Bensley.
Ainsi, encore Théohari” rapproche de l’ergasto-
! A. Maruews : The changes in structure of the pancreas
cell. Journal of Morphology, 1899.
? L. Micuaeus : Die vitale Färbung, eine Darstellungs-
methode der Zellgranula. Archives de Schulze, 1900. ;
3 ZIMMERMANN : loco citato.
* Bexscey : The structure of the mammalian gastrie glands.
Quarterly Journal of microscopical Science, 1898-1899.
5 Cape : Étude de la constitution histologique normale et
de quelques variations fonctionnelles et expérimentales des
éléments sécréteurs des glandes gastriques. Archives d'Ana-
tomie microscopique, 1901.
® Tnéonaur : Étude sur la structure fine des cellules de
l'estomac... Archives d'Anatomie microscopique, 4899-1900.
7? Taéonani et Vayas : C. R. de la Société de Biologie, 4900.
5 W. Caruter : Changes that occur in some cells of the
Newts stomach during digestion. La Cellule, 1899.
* Taéonan: : Etude sur la structure fine de l’épithélium des
tubes contournés du rein. Journal de l'Anatomie, 1900.
E. LAGUESSE — REVUE ANNUELLE D'ANATOMIE
plasme le réseau cytoplasmique à larges mailles
allongées et granulations nodales qu'il trouve dans
la cellule rénale, et fait de son existence la condi-
tion essentielle de l'intégrité de la fonction sécré-
toire.
Tous ces travaux mettent donc en évidence l’exis-
tence, dans le cytoplasme des cellules sécrétantes,
de portions différenciées qui semblent jouer un
rôle dans l'élaboration. Mais il existe encore un
certain désaccord dans la facon de comprendre le
rôle et la structure de ces portions.
Si, pour quelques-uns, l'ergastoplasme est cons-
titué par des filaments nettement limités, bien
individualisés (Altman), pour d’autres (Garnier),
ces filaments ont un certain flou, et se perdent
dans un réseau cytoplasmique. Pour Giannelli, ce
sont des massettes ; pour Zimmerman, ce sont des
lamelles ; pour Bensley, c’est une masse vaguement
striée; enfin, Cade emploie le mot ergastoplasme
comme synonyme de zone basale de la cellule en
bloc, pourvu que celle-ci soit vaguement striée et
vivement colorable. Le concept tend donc à perdre
de sa nelteté.
L'emploi, sur la cellule pancréatique et salivaire,
de la dissociation à l'acide osmique, de la fixation
aux mélanges chromo-acéto-osmiques forts, suivie
de coloration à l’hématoxyline au fer, nous à
permis de mettre en relief, dans le protoplasma
de ces éléments, et plus particulièrement à la base,
un certain nombre de filaments sinueux ou vermi-
cules, de bätonnets ou de grains à peine allongés,
peu serrés, assez généralement parallèles à l’axe
cellulaire, et dont le nombre augmente pendant la
période d'élaboration, surtout si l’activité glandu-
laire est surexcilée par une injection de pilocar-
pine. Ces filaments ou bätonnets sont très nettement
limités, parfois isolables dans les dissociations,
colorables sur la glande vivante par le vert Janus,
tout à fait analogues, par conséquent, à ceux
décrits par Altman, Érik Muller, Michaelis. Comme
ces auteurs, nous les voyons se délacher sur un
protoplasma d'aspect homogène, et dont rien ne
nous révèle la constitution réticulaire. Nous croyons
donc qu'il faut admettre l'existence de l’ergasto-
plasme et l'importance de son rôle dans l'élaboration
du produit de sécrétion, rôle assez oublié depuis
Altman, malgré la tentative de Mouret, et que
l'École de Nancy à remis en lumière. Mais il ya
lieu de se demander si les lrainées figurées par
Garnier sont toujours identiques aux filaments que
nous voyons. Nous ne le croyons pas. Le cyto-
| plasme basal de la cellule nous apparait souvent
! Livre Jubilaire de la Société de Biologie, 1899, et
XIIIe Congrès international de Médecine. Section d'Histo-
| logie, 1900 (Sur les paranuelei et le mécanisme de l’élabo-
ration dans la cellule pancréatique de la Salamandre.)
E. LAGUESSE — REVUE
ANNUELLE D'ANATOMIE 1025
lamelleux, et c'est parfois dans l'épaisseur même
de ces lamelles que nous apercevons les filaments
nettement limités et vivement colorés. D'autres
réactifs fixateurs nous les montrent plus estompés,
comme dans les dessins de Garnier, ne laissant plus
bien distinguer ce qui est filament, ce qui est
lamelle, ce qui est rétraction causée par le réactif.
Nous pouvons donc parfois désigner par le même
mot des choses différentes. Pour l'éviter, peut-être
serait-il préférable de comprendre sous la dénomi-
nation d’'ergastoplasme, qui tend à devenir chaque
. jour plus vague, l'ensemble du plasma élaborateur,
c'est-à-dire toute la portion du cytoplasme, com-
prenant parfois la zone basale entière, qui a subi
des modifications spéciales en vue de l'élaboration.
On réserverait alors un nom particulier aux bâton-
nets ou filaments nettement différenciés, ayant des
réactions spéciales sur le vivant, le nom d’ergasti-
dions par exemple {diminutif de spyusrns, ouvrier),
pourutiliserlemêmeradical.Ces ergastidions, héma-
téinophiles, sont pour nous l'agent par excellence
de l'élaboration, car ils deviennent moniliformes,
et dans chacun de leurs renflements (lardivement
égrenés) naît un grain de sécrétion safranophile.
Si nous n'avons point parlé jusqu'ici de l'origine
première des différenciations ergastoplasmiques,
c'est parce que celte question est liée à une autre
fort importante et dont il nous reste à parler : celle
de la participalion du noyau à l'acte sécrétoire. Il
y a longtemps que cette participation est soupçon-
née, démontrée même, pour certaines glandes.
En ce qui concerne les glandes séreuses, Ogala est
un des premiers qui aient cherché à en expliquerle
mécanisme. On sait que, pour lui, dans le pancréas,
à chaque nouvelle sécrétion se développe dans le
noyau un nouveau nucléole, ou plasmosome, qui
en sort par effraction, devient de ce fait un corpus-
cule paranucléaire (noyau accessoire, Nebenkern),
et se segmente aussitôt en granules, qui ne sont,
autre chose que les grains de zymogène. Cette con-
ception était par trop simple, et on dut bientôt
l'abandonner. Mais de nombreuses autres tenta-
lives furent faites. Quand l'attention se porta sur
l’ergastoplasme, on tendit bientôt de divers côtés
à le considérer comme un intermédiaire nécessaire
entre le noyau et le matériel de sécrétion, destiné
à porter à ce dernier certains éléments chimiques
que le premier seul possède.
Aïnsi, Ch. Garnier’, Prenant ‘le considèrent
comme un « intermédiaire entre les matériaux
plasmatiques et nucléaires », un agent spécialisé
pour les transformations chimiques comme le kino-
plasme pour le mouvement. Avant l'élaboration,
dit Garnier, « le noyau augmente de volume, puis
1 Mêmes Mémoires pour tous les auteurs cités.
|
son ou ses nucléoles plasmatiques s’hypertrophient,
et finalement cèdent de leur substance chroma-
tique par diffusion à l'intérieur du suc nucléaire » ;
la chromatine, s'en imprégnant, devient safrano-
phile à son tour. Les filaments basaux se rapprochent
du noyau et leur basophilie augmente, « car le
noyau peu à peu leurcède sa substance chromatique,
par exosmose vraisemblablement. » Souvent, les
filaments viennent « s'insérer, pour ainsi dire »,
sur le noyau; « ils drainent alors les produits
nucléaires au profit du cytoplasme ». Souvent, le
noyau commence par subir la division directe ou
amitose, et l’une des deux sphérules résultantes
disparaît complètement dans le processus d'élabo-
ration. Mathews raltache encore plus directement
l'ergastoplasme au noyau, Pour lui, en effet, cha-
cun des filaments dérive de ce dernier; on le voit
naitre à l’intérieur même d'une des massettes de
chromatine périphériques qui le sécrèle. La véri-
table substance élaboratrice serait la chromatine
nucléaire ; le filament ne formerait ensuite le maté-
riel de sécrélion que par une sorte de dégénération.
Cade, au contraire, ne croit pas à une intervention
aussi directe du noyau; la chromatine constituerail
plutôt, pour lui, un matériel de réserve où le cyto-
plasme puiserait, pendant le lravail de « ségréga-
lion », les substances nécessaires à sa régénération
et à un déploiement plus intense de son activité. Il
constate la présence d'amitoses et de caryolyses,
c'est-à-dire de destruction de noyaux au sein du
cytoplasme auquel ils apportent leur substance.
Enfin, Macallum ! (cellule pancréatique), et, à sa
suite, Bensley (cellule stomacale) ont constaté dans
l'ergastoplasme, ou « prozymogène », comme ils
l'appellent, la présence d'une certaine quantité de
fer organique larvé, qui proviendrait de la chroma-
tine nucléaire. ;
Quant aux corpuscules paranucléaires, que l'on
voit souvent apparaître et disparaitre au cours du
processus sécrétoire dans les cellules pancréa-
tiques et salivaires, disons seulement que, pour
Garnier, Mathews, qui les ont particulièrement
observés, ce ne sont que de simples agglomérations
tout à fait secondaires de filaments ergastoplas-
miques enroulés. Pourtant, d’après Garnier, ces
filaments peuvent, en outre, se fusionner, et, d'autre
part, à côlé des paranuclei d'origine cytoplas-
mique, il en existe d’origine nucléaire (noyaux
dégénérés après amitose) ou mixte. Pour lui, ce
sont des résidus de la dernière élaboration qui
seront utilisés lors de la sécrétion prochaine.
Les changements de volume et de colorabilité du
noyau, la production évidente, à certaines phases
de la sécrélion, de chromatine nouvelle, puis de
1! MacaLLum : Journal of Physiology, 1891.
1026
nucléoles aux dépens de celle-ci, ne nous laissent
pas de doute sur la participation du noyau à l'éla-
boration du produit de sécrétion. Mais nous ne
croyons pas, dans le pancréas tout au moins, à une
relation directe entre le noyau et le filament d’er-
gastoplasme (ergastidion). Au contact du noyau,
directement ou par l'intermédiaire de paranuelei,
paraissent se reformer à chaque sécrétion de nou-
velles lamelles cytoplasmiques, qui tirent évidem-
ment une partie au moins de leur substance de la
sphère nucléaire. C'est dans ces lamelles seulement,
déjà fusionnées ou encore distinctes, que nous
voyons s'individualiser les ergastidions, généra-
lement sous la forme de vermicules. Les paranuclei,
quand ils existent, nous semblent donc, comme
l’admettait Platner notamment, être des intermé-
diaires entre le noyau et le cytoplasme, portant au
second des substances dérivées de la chromatine.
Is peuvent se former de facons très diverses. Ainsi,
chez le chien, nous constatons, comme Garnier, de
vérilables amitoses limitées au noyau; l’un des
nouveaux noyaux étant destiné à dégénérer, et
revêtant à un moment donné, mais de facon peu
nette, l'aspect de paranucleus. Chez la salamandre,
cette forme ne s'observe que rarement. Le plus
souvent, la division du noyau est très inégale, et,
comme l'avait vu Platner, comme nous l'avions
constaté depuis longtemps chez la truite, il ne s’en
détache qu'une sorte de bourgeon ou de croissant.
Tantôt, comme l’a décrit ailleurs Vigier, un nucléole
seul, ou presque seul, paraît s’en dégager, au fond
d’une sorte d’encoche.
Mais ce n'est pas ici le lieu de développer ces
idées. Mentionnons simplement que, dans d'autres
glandes où ne semble pas intervenir l’ergasto-
plasme, plusieurs auteurs ont récemment signalé
de nouveaux faits de participation du noyau à la
formation du matériel de sécrélion. Ainsi Henry‘,
dans les cellules de l’épididyme, montre lesnoyaux
se multipliant par amitose, et croit qu'ils forment
directement, par mise en liberté des nucléoles, une
partie des « boules safranophiles » qui constituent
le produit de sécrétion. Ainsi, dans les cellules des
glandes à venin de la salamandre, M° Phisalix-
Picot” décrit la formation directe des grains de
venin dans l'intérieur du noyau, aux dépens de la
chromatine, tandis que P. Vigier”, dans celles du
triton, voit simplement les nueléoles excréter
d'énormes vacuoles qui viennent s'ouvrir dans le
* Henuy : Efude histologique de la fonction sécrétoire de
l'épididyme chez les Vertébrés supérieurs. Archives d'A na-
tomie microscopique, t. LI, 1899-1900.
© Mme Prisarix-Picor : Les glandes à venin de la Sala-
mandre terrestre. Thèse, Paris, et XIIIe Congrès interna-
tional de Médecine (Section d'Histologie), 1900.
* P. Vicrer : Le nucléole dans les glandes à venin du
Triton. Même Congrès, 1900, et Le Nucléole. Thèse Paris, 1900.
E. LAGUESSE — REVUE ANNUELLE D'ANATOMIE
cytoplasme pour lui apporter les matériaux néces-
saires à l'élaboration.
L'étude de tous ces phénomènes est très difficile,
el il est évidemment nécessaire que les faits ob-
servés soient confirmés par plusieurs observateurs
avant d'être définilivement admis: mais il paraît
certain, dès maintenant, que le noyau joue un rôle
bien manifeste dans la fonction sécrétoire de beau-
coup de cellules, et que les modes de son activité,
les aspects morphologiques sous lesquels elle se
manifeste, peuvent être très variés.
$ 2. — La graisse dans les tissus
autres que l’adipeux.
Le tissu adipeux a pour mission spéciale de
constituer une réserve de graisse où l'organisme
puise quand les circonstances de sa nubition
l'exigent, mais on sait que d’autres éléments peu-
vent en fabriquer, pour leurs besoins ou dans
d’autres buts. Voici quelques exemples nouveaux
ou plus complètement éludiés.
Bonne’ éludie les grosses gouttelettes grais-
seuses qui s'accumulent, pendant l’engourdisse-
ment hibernal, chez la grenouille, dans les gan-
glions rachidiens (Morat), pour disparaitre pro-
gressivement au printemps. Chaque goutteletle
est logée, non pas dans la cellule nerveuse,
comme on serait tout d'abord tenté de le croire,
mais dans une des cellules conjonctives de sa
capsule. Cette cellule, devenue globuleuse, dé-
prime à la périphérie l'élément nerveux. Ces
gouttelettes constituent « évidemment des maté-
riaux de réserve deslinés à être lentement con-
sommés », mais « la cellule nerveuse est trop
hautement différenciée pour se charger elle-même
du double courant d'apport et de consommation. »
(Bonne).
Sacerdotti * insiste sur ce fait que, dans la cellule
carlilagineuse, la graisse se rencontre de façon
normale, à peu près constante, et n'est pas, comme
on le croit souvent à tort, une production sénile.
Ce qui le montre bien, c'est son abondance chez
les rongeurs jeunes, et particulièrement chez le
lapin. Chez cet animal, il en existe dès la naissance
dans les cellules les plus périphériques des car-
lilages costaux. Elle envahit bientôt toute leur
épaisseur, et forme dans chaque élément une
énorme goutleletie, qui le remplit presque en en-
ler, refoulant et aplatissant le noyau, comme dans
la cellule adipeuse. Cette graisse n'est pas une
réserve utilisable par l’ensemble de l'organisme,
car elle ne diminue pas dans l’inanition. Ce serait,
pour l’auleur, une réserve individuelle de la cellule,
! Boxe : Société de Biologie, 1901, et Province médicale,
901.
“ SACERDOTTI : Archives de Virchow, t. CLIX, 1900.
E. LAGUESSE — REVUE ANNUELLE D'ANATOMIE
1027
s'accumulant par une sorte d'infiltration à l'état
dissous, ayant peu de tendance à disparaitre, parce
que la cellule consomme peu, dépense très peu
d'énergie. L'absence de nerfs, l'impossibilité pour
la cellule cartilagineuse d’entrer en relations
directes par voie réflexe avec les autres éléments
-de l'organisme, rendraient cette graisse inutilisable
pour ces éléments dans l'inanition.
Rappelons enfin que, dans la cellule glandulaire
séreuse, semblable accumulation de graisse peut
avoir lieu, moins abondante, mais assez marquée
pourtant, et semble servir également de réserve
individuelle ‘. Elle se produit chez la salamandre
(pancréas) quand la cellule, étant chargée de grains
de sécrétion, prête à fonctionner, le jeûne se pro-
longe un certain nombre de jours. Dans ce cas aussi,
il semble que la cellule, continuant à recevoir du
sang des matériaux en excès, n'a plus qu’à thésau-
riser.
N 3. — Les Clasmatocytes.
un
Voici longtemps déjà que le Professeur Ranvier
a décrit, pour la première fois, mais sans la figurer,
. la nouvelle variété decellules auxquelles il a donné
le nom de clasmatocytes. Pourtant, certains auteurs
ne les admettent point ou les passent sous silence;
d'autres continuent à les confondre avec les cellules
conjonclives. Aussi Ranvier revient aujourd'hui sur
ce sujet” en accompagnant ses descriptions de
nombreuses et belles figures. C’est dans le mésen-
tère du triton crèté que le clasmatocyte doit être
observé tout d'abord. Il y acquiert des dimensions
colossales et l'aspect étoilé caractéristique, avec
. larges prolongements dendritiques jamais anastlo-
mosés, irréguliers, moniliformes, chargés de
nombreuses granulations très réfringentes, et très
colorables par le violet de méthyle 5 B. Ce sont ces
. prolongements qui s’'égrènent pour mettre en liberté
les granules, vraisemblablement employés à la
nutrilion du tissu. Le corps et le noyau persistent,
et semblent pouvoir recommencer une nouvelle
évolution. C'est une sorte de glande unicellulaire
_mérocrine. La forme fondamentale des clasmato-
cytes est globuleuse; c'est sous cet élat qu'on les
rencontre dans la lymphe péritonéale ; leur forme
dans un tissu « résulte de l’action des éléments qui
les avoisinent, résistance ou irrilalion. » On les
retrouve facilement, mais moins nets, dans la
membrane d'enveloppe du sac périæsophagien de
la grenouille, dans le grand épiploon du lapin.
. Dans les régions très ajourées, réticulées, du grand
épiploon du cobaye, les cellules conjonctives fixes
sont absentes, ou plutôt uniquement représentées
1 On. Garniex : C. R, de la Société de Biologie, 1900, et
nous-même, dans le même recueil.
… 2 RANVIER Des clasmatocytes., Archives d'Anatomie
+ microscopique, t. IN, 1899-1900.
par l’endothélium. Tous les éléments inclus dans
les travées du réseau sont des clasmatocytes.
Injectez quelques gouttes de nitrate d'argent
dans la cavité péritonéale d'un lapin; vingt-quatre
heures après, tous les clasmatocytes du grand épi-
ploon auront fait retour plus où moins accusé à la
forme de leucocytes ordinaires. Faites la même
expérience avec le cobaye; quarante-huit heures
après, tous les clasmatocytes, par conséquent toutes
les cellules fixes des régions réticulées, auront dis-
paru et seront remplacés par des leucocytes; du
septième au huitième jour, ils reparaitront. Injee-
tez, dans la même cavité, de la poudre de vermillon
que les globules blancs accaparent avec tant de
facilité; vous constaterez qu'au bout d'un jour, les
leucocytes de la sérosité péritonéale et quelques-
uns des clasmatocytes de l’épiploon contiennent du
vermillon, qu'au bout de quatre jours beaucoup en
ont. De tous ces faits et d’autres bien connus (for-
mation de clasmatocytes in vitro), Ranvier se croit
en droit de conclure que les clasmatocytes ne sont
autre chose qu'une variété de leucocytes. Ils ont
perdu la propriété de se mouvoir pour acquérir
celle d'élaborer des substances nutritives: ils peu-
vent au besoin reprendre leur forme première de
leucocytes errants, contribuer aussi à la formation
du pus lors de l'inflammation. Les Wastzellen (ou
cellules engraissantes) d'Ehrlich sont une variété de
clasmatocytes.
D’après Jolly !, qui a particulièrement étudié ce
point, c'est seulement chez les Amphibiens que
clasmatocytes et Mastzellen offrent les mèmes réac-
tions et ont une évidente parenté. Dans le grand
épiploon des Mammifères au contraire, on trouve-
rait côte à côle, sous forme d'éléments parfaite-
ment distincts, clasmatocytes, Mastzellen et Plas-
mazellen d'Unna. L
Stassano et Haas *, de leur côté, ont observé, d'une
part, l'augmentation de nombre des clasmatocytes
et de leurs granulations en réchauffant et nourris-
sant la grenouille d'hiver; d'autre part, une diminu-
tion considérable du nombre de leurs granulations
après deux mois de jeûne et de refroidissement
dans la glace. Cette expérience vient donc à l'appui
de la théorie de Ranvier, et de celle d’'Ehrlich sur
les cellules granuleuses en général : ce seraient des
éléments amassant une réserve de matériaux
nutritifs probablement albuminoïdes.
Enfin, M Phisalix ? signale la grande abondance
des clasmatocytes dans le derme des salamandres,
où ils forment un véritable feutrage, et acquièrent
des dimensioas énormes.
! Joy : C. R. de la Société de Biologie, 1900, et Associa-
tion des Anatomistes, 1901.
= Srassano et Haas : C. R, de la Société de Biologie, 1900.
% Mme Pyisacix : C. R. de la Société de Biologie, 1900.
1028
III. — APPAREIL CIRCULATOIRE.
$ 4. — Le canal artériel.
Le canal arlériel, ce vaisseau qui, chez le fœtus
et le nouveau-né, unit l'artère pulmonaire à l'aorte,
était encore peu étudié. Gérard’ vient d’en faire
l'objet d'unemonographietrèscomplète. S'appuyant
sur de.très nombreuses observations personnelles,
il en précise la direction, les dimensions et la
situation exacte, ainsi que la topographie de toute
la région voisine chez le nouveau-né. Il montre
qu'avant Ja naissance, le diamètre du canal artériel
est égal, sinon supérieur, à celui des branches pul-
monaires droite et gauche. Au point de vue histo-
logique, le canal appartient aux artères du type
musculaire. L’oblitéralion physiologique commence
dès l'établissement de la respiration pulmonaire.
Mais, longtempsencore,le canal reste perméable aux
injections. L'oblitération histologique commence
dès les premiers jours, mais progresse lentement
« etest assez rarement définitive avant le quaran-
tième jour ». La tunique interne prolifère, en un
point de son pourtour particulièrement, et forme
une saillie qui, peu à peu, vient oblitérer complète-
ment la lumière. C’est assez tardivement (fin de la
première année) qu'a lieu l’accollement, la soudure
qui supprime définitivement celle-ci: et pendant
plusieurs années encore, dans le ligament artériel,
reste du canal atrophié, on trouve des vestiges des
différentes tuniques de celui-ci.
$. 2. — Les veinules de la rate.
On sait que les veinules de la rate ont pour uni-
que paroi, chez les Mammifères, une simple assise
de fines fibres annulaires espacées, réunies par
des anastomoses en une sorte de treillis, sur lequel
reposent directement les cellules endothéliales,
allongées selon l'axe du vaisseau.
Avec Henle, Frey, on avait considéré jusqu'ici
ces fibres comme de simples trabécules du réticu-
lum splénique ayant une orientation particulière.
D'après von Ebner”, ce seraient, au contraire, de
véritables fibres élastiques, reconnaissables à leur
réfringenee et à leur colorabilité par l'orcéine.
Elles seraient incluses dans une membrane conti-
nue de même nature, excessivement fine, qui les
réunit toutes entre elles. Schumacher * confirme la
description de von Ebner, non seulement chez
l'homme, mais chez plusieurs autres Mammifères
marmotte, singe, écureuil, lapin, rat, cobaye,
! GérarD : 1. Le canal artériel: 11. De l'oblitération du
canal artériel. Journal de l Anatomie, 1900.
* Von Ener : Ueber die Wand der capillaren Milzvenen.
\natomischer Anzeiger, t. XV, 1899.
*S, von SCaumACHER : Das elastische Gewebe der Milz.
Archives de Schulze, t. LV, 1900.
E. LAGUESSE — REVUE ANNUELLE D'ANATOMIE
chauve-souris, chien) ; pourtant, il ne retrouve
qu'avec difficulté la fine membrane continue, sauf
chez la marmotte, et fait des réserves sur l'imper-
méabilité des parois veineuses. Hæhl ‘ fait remar-
quer que les fibres en question ne se teignent que
difficilement par l’orcéine, et dans certaines condi-
tions seulement. Par l'ensemble de leurs réactions
colorées et leur résistance à la digestion par la
pancréatine, elles se rapprocheraient plutôt des
fibres conjonctives ordinaires collagènes. Hoyer*
fait les mêmes réserves à propos des réactifs colo-
rants. S'appuyant sur le développement, il croit
pouvoir revenir à l'ancienne conception : les fibres
annulaires sont des trabécules du réseau orientées.
Il montre que cette orientation ne s'établit que peu
à peu dans la rate du nouveau-né (à mesure que
s'élargissent les veines), grâce à une sorte d’étire-
ment transversal des mailles. Adaptées à une fonc-
tion nouvelle, obligées de suivre le mouvement
d'expansion du vaisseau, ces trabécules, simples
prolongements cellulaires densifiés, peuvent alors
subir une modification chimique. Elles s'imprégne-
raient d’élastine ou d'une substance voisine, et pren-
draient des propriétés qui les rapprochent des
fibres élastiques. Cette manière de voir, qui s'ac-
corde parfaitement, en somme, avecles observations
de von Ebner, nous parait être la plus rationnelle.
Ainsi s'expliquent l'épaisseur plus grande, la réfrin-
gence, la colorabilité et l'aspect particulier de ces
travées annulaires, toutes choses faciles à vérifier,
et qui avaient déjà altiré l’attention. C’est, sans
doute, un processus analogue qui serait capable
d'amener, dans les ganglions lymphatiques, la
transformation élastique du réticulum décrite par
Retterer*®. Quant à la fine membrane unissante de
von Ebner, Hoyer ne l’a pas retrouvée, et son exis-
tence reste encore un peu douteuse. Pourtant, plus
récemment, Weidenreich* la décrit de nouveau,
tout en y admettant par place des stomates arron-
dis; en ce qui concerne les fibres circulaires, il
parlage, en somme, l'opinion de Hoyer.
IV. — APPAREIL RESPIRATOIRE.
L'INNERVATION DU DIAPHRAGME.
L'innervation du diaphragme n’est pas exclusi-
vement réservée au nerf phrénique. Depuis long-
temps, Luschka à signalé l'intervention de filets
provenant des nerfs intercostaux; mais cette des-
‘ Horus : Ueber die Nalur der cireulären Fasern der capi-
laren Milzvenen. Anatomischer Anzeiger, t. XVII, 4900.
> H. Hoyer : Zur Histologie der capillaren Venen in der
Milz. Anatomischer Anzeïger, t. XVII, 1900.
3 Rerrener : Développement et évolution des ganglions
lymphatiques. C. R. de la Société de Biologie, 1900.
4 Wernenreion : Das Gefäisssystem der menschlichen Milz.
Archives de Schulze, t. LVII, 4901.
étonne attes s
OT TS
Cription, celle plus récente de Pansini, avaient été
resque complètement oubliées. Cavalié‘ reprend
ette étude et l’élargit, en s'appuyant sur l’Anato-
mie et la Physiologie comparées.
Au cours de l’évolution phylogénétique des
fertébrés, l'innervation du diaphragme s'est éta-
blie en trois étapes successives. À la première
(Vertébrés inférieurs), le muscle encore rudimen-
aire est uniquement sous la dépendance des nerfs
intercostaux. À la seconde (Oiseaux), le diaphragme
est plus développé, double même : les nerfs inter-
-costaux fournissent des filets à la portion coslale,
les ganglions dorsaux du sympathique aux deux
diaphragmes. À la troisième étape (Mammifères),
ces deux sortes de rameaux persistent, mais nous
assistons, en outre, à l'apparition d’un nouveau
nerf, hautement différencié et particulièrement
destiné au musele en question : c'est le nerf phré-
nique. Les filets intercostaux passent donc ici au
second rang, mais ce sont des vestiges encore im-
portants de l'état primitif, Chez l’homme, par
exemple, le territoire des intercostaux est limité
à la partie marginale du diaphragme: celui-ci
recoit d'eux cinq à six filets de chaque côté, prove-
nant des six derniers nerfs intercostaux.
V. — APPAREIL DIGESTIF.
$ 1. — Les cellules étoilées du foie.
Dans l’intérieur des lobules hépatiques, la trame
conjonclive de soutien est excessivement réduite.
Par l'emploi du chlorure d'or, Von Kupffer à décrit
- autrefois ce tissu comme constitué par un treillis
de très fines fibres grillagées, et par des cellules
étoilées que l'imprégnation détache en violet noir
sur fond clair. Or, Von Kupffer lui-même”, dans de
nouvelles recherches, montre que ces cellules étoi-
lées du foie ne sont point des éléments conjonctifs.
Elles font partie intégrante de la paroi même des
capillaires sanguins. Ce sont, par conséquent, des
cellules endothéliales, mais des cellules endothc-
liales particulières, non aplalies, qui proéminent
dans la lumière. Elles possèdent au plus haut degré
le pouvoir phagocytaire, englobent et retiennent au
passage les corps étrangers pulvérulents (encre de
Chine injectée, hématies, microbes) et par consé-
quent représentent un des éléments importants du
. foie, puisque celte glande est considérée à juste
titre comme une sorte de filtre que doivent traver-
ser les malériaux nutrilifs absorbés dans l'intestin
_ par la veine porte. Browiez® confirme les données
1 Cavauté : De l'innervation du diaphragme. Thèse, Tou-
louse, 1598.
3 C: von Kurrrer : Ueber die sogenannten Sternzellen der
Säuvethierleber. Archives de Schulze, t. LIV, 1899.
3 BROWICZ :
laren der Leberacini; Archives de Schulze, t. LV, 1900,
E. LAGUESSE — REVUE ANNUELLE D'ANATOMIE
Ueber intravasculaire Zellen in den Blutcapil- |
1029
de von Kupffer en faisant cette réserve : c'est que
pour lui, les cellules proéminentes ne feraient pas
partie, à proprement parler, de l’assise endothé-
liale, ne contribueraient jamais à former la lamelle
externe de cet endothélium. Elles représenteraient
une sorte de seconde assise, interne, discontinue,.
Ce n'est pas la première fois qu'on attribue aux
endothéliums le pouvoir phagocytaire; mais, en un
tel point et avec une telle netteté, cette constala-
tion acquiert un grand intérêt.
$ 2. — Les îlots de Langerhans dans le Pancréas.
Plusieurs travaux viennent de paraitre, en Italie
notamment, sur ces formations. On sait que ce
sont des groupes de cellules, parfois volumineux,
toujours assez nombreux, qui existent de façon
| constante dans le pancréas des Vertébrés, cellules
ordonnées en général non autour de lumières
excrélrices, comme celles des acini, mais autour
de vaisseaux capillaires dilatés. Gette disposition,
et d'autres raisons Lirées de l'histogénie, nous les
avaient fait considérer, dès 1893, comme des amas
cellulaires endocrines, c'est-à-dire comme les orga-
nites de la sécrétion interne récemment attribuée
au pancréas par les physiologistes.
Von Ebner, Renaut acceptent cette hypothèse
dans leurs Traités d'Histoiogie (1899). Diamare",
Massari’, W. Schulze, Tribondeau*, Gentès',
Jarotsky® l'acceptent également dans leurs Mé-
moires, apportent des faits nouveaux à l'appui, et
plusieurs d'entre eux se servent couramment des
termes ilots endocrines, tissu endocrine*. Au con-
traire, quelques auteurs, Giannelli notamment, la
rejettent.
Giannelli s'appuie sur deux ordres de faits sur-
tout. D'une part, il constate chez les Ophidiens,
dans les cordons cellulaires constitutifs des îlots, de
très fines lumières ou des fentes. Ce ne seraient
donc pas des cordons pleins : ils pourraient sécré-
ter une des parties constituantes du suc pancréa-
tique. D'autre part, suivant le développement chez
un Saurien (Seps Chalcides)", il a constaté que, dès
{ Dramare : Studii comparativi sulle isole di Langerhans
del pancréas. Journal international d'Anatomie, t. XVI,1899,
et Sul valore anatomico et morfologico delle isole di Lan-
gerhans, Anatomischer Anzeiger, 1899.
2 Massari Sul pancreas dei Pesci.
Lincei, 1898.
# TRIBONDEAU : Pancréas des Ophidiens. XIII Congrès
international de Médecine. Section d'Histologie, 1900.
* Genrës : Les ilots de Langerhans du pancréas. Thèse,
>ordeaux, 1901.
5 Jarorsky : Ueber die Veränderungen in der Grosse und
im Bau der Pancreaszellen bei einigen Arten der Inanition.
Archives de Virchow, t. CLVI, 1899.
5 Giacomini semble y arriver également aujourd'hui.
7 GYANNELLI Ricerche macroscopiche e microscopiche
sul pancreas (Siena), 1898. Sullo sviluppo del pancreas nella
Seps chalcides (Siena), 1899. — Sulla dispositione degli
Accademia dei
1030
E. LAGUESSE — REVUE ANNUELLE D'ANATOMIE
le début, les ilots, peu nombreux ici mais très gros,
apparaissent en un point précis, à l'extrémité dis-
tale de l’ébauche pancréatique dorsale, et restent
cantonnés pendant toute la vie au voisinage de ce
point. Il en serait à peu près de même chez les
Amphibiens. Il admet donc (et Massari, Diamare
sont d'accord avec lui sur ce premier point), que
ce sont des formations permanentes, restant toute
la vie ce qu'elles étaient chez l'emhryon. Il est
amené à en conclure que les îlots représentent une
portion rudimentaire de la glande, peu différen-
ciée et sans grande importance fonctionnelle ac-
tuelle. Il défendait encore récemment cette manière
de voir’. Oppel”, bien que très éclectique d’ailleurs,
soutient une opinion analogue.
Diamare, après avoir étudié Téléostéens, Rep-
tiles, Oiseaux et Mammifères, admet que les îlots
sont des formations permanentes, mais à fonction
endocrine. Ce sont de vrais corpuscules épithéliaux
du pancréas (Æpithelkürperchen), à rapprocher des
parathyroïdes, de la surrénale, de la pituitaire, et
ayant la structure caractéristique des glandes à
sécrétion interne. Chez les Sélaciens, il ne trouve
pas de véritables ilots de Langerhans formés de
cordons pleins ; mais les canaux excréteurs les plus
fins sont bordés de cellules granuleuses qui, par
leur aspect et leurs réactions, rappellent celles des
ilots. Il est tenté de considérer ces canaux comme
la forme primitive revêtue par le tissu endocrine
dans le pancréas des Vertébrés.
Un nouveau fait vient à l’appui de cette hypo-
thèse. Giacomini, qui a collaboré aux premiers tra-
vaux de Giannelli (4890), trouve par places chez la
Lamproie, dans un organe que sa structure et ses
rapports permettent de considérer comme le pan-
créas, des acini tout à fait différents par leur
structure des acini ordinaires. Ce sont de larges
vésicules, assez analogues à celles de la thyroïde,
et contenant parfois des hématies (à la facon de
certains ilots des embryons Mammifères.)
Giacomini considère ces vésicules comme les équi-
valents des ilots de Langerhans des Vertébrés supé-
rieurs.
L'existence, chez les Ophidiens, de figures de
transitionsnombreuses entre acini et cordonspleins,
la trace des remaniements évidents de la glande
par les vaisseaux, la présence d'ilots même dans
de
les portions provenant de l’'ébauche ventrale, nous |
permettent de continuer à croire que la plupart de
accumuli di Langerhans degli Anfibii..… Siena, 1899. (Acca-
demia dei Fisiocriti.)
1 GranNeLcr : Verhandlungen der Anatomischen Gesells-
chaft, Pavyia, 1900.
* Orrec : Verdauungs-Apparat, in Ærgebnisse der Anæ-
tomie, t. 1X, 1900.
* Giacomini : Sul Pancreas dei Petromyzonti..… Verhand-
lungen der anatomischen Gesellschaft, Pavia, 1900.
ces ilots ne sont pas des formations permanentes !M
L'existence de grains de sécrétion très nets, isola-
bles sur le vivant, accumulés au contact du vais-W
seau et non au voisinage de la lumière quand il en
persiste des vestiges (Ophidiens), nous confirme
dans l'idée qu'il s'agit ici d'organes à sécrétion
interne. Les données de Diamare sur les Sélaciens,
de Giacomini sur les Cyclostomes, s accordent
assez bien avec cette hypothèse. Si elles sont con-
firmées, elles nous montreront vraisemblablement
la sécrélion interne s’établissant chez les Vertébrés
inférieurs à l’aide des éléments dont elle peut dis-
poser, c'est-à-dire aux dépens de certaines portions
de l'arbre glandulaire creux; puis, peu à peu, la
lumière devenue inutile diminuant, s’atrophiant
(Ophidiens), enfin disparaissant complètement
(Mamuifères), à mesure que s'établit plus intime
le rapport avec les vaisseaux, à mesure que se fait
mieux sentir ce que Renaut appelle le rôle mode-
* lant de ceux-ci dans le remaniement de la glande.
Mais il ne faut pas oublier que nous ne connaissons
les ilots de Langerhans que depuis quelques
années, et que nous avons vraisemblablement
encore beaucoup à apprendre sur eux.
Nous ne pouvons mieux terminer ce court exposé
qu'en résumant les très intéressantes expériences
de M. W. Schulze, qui sont tout en faveur du rôle
endocrine des ilots. Chez une série de cobayes, cet
auteur isoie, par une ligature, un pelit fragment de
pancréas de facon à oblurer complètement ses
canaux excréteurs tout en respectant les vaisseaux.
Au bout de quelques jours, le tissu exocrine s’a-
trophie, est remplacé par du tissu conjonetif, mais
les ilots restent intacts et le sont encore après plus
de deux mois. Schulze en conclut que ce sont
des formations indépendantes du pancréas exo-
crine * au point de vue fonctionnel. On sait, dit-il,
gne l’extirpation lotale du pancréas produit le
diabète; l'atrophie qui suit la ligature du canal
excréteur ne le produit pas; done, ce sont les por-
tions de la glande résistant à cette atrophie, c’est-
à-dire les ilols, qui empêchent le diabète. Ce sont
eux qui versent dans le sang la sécrétion interne,
la sécrétion qui influe sur l’utilisation des matières
sucrées.
E. Laguesse,
Professeur d'Histologie
à la Faculté de Médecine de Lille.
! Bibliographie 1899; Société de Bio
logie, 1900.
= W. Scuurze : Die Bedeutung der Langerhanschen Inseln
im Pancreas; Archives de Schulze, t. LVI, 1900.
3 Exocrine, c'est-à-dire à sécrétion externe; endocrine, à
sécrétion interne.
anatomique,
BIBLIOGRAPHIE — ANALYSES ET INDEX
1031
4° Sciences mathématiques
chupmann (L.), Professeur à l'Université W'Aix-
la-Chapelle. — Die Medial-Fernrohre (Les Lu-
nettes astronomiques médiales). — 1 vol. in-8° de
“ 146 pages, avec %S figures dans le texte (Prix:
4 mk. 80.) Teubner, éditeur. Leipzig, 1901.
Dans cel ouvrage, l'auteur nous apporte une contri-
ution importante à la solution d’un problème qui
réoccupe de plus en plus le monde astronomique,
roblème qui peut être résumé par les considérations
uivantes :
L'installation d’une grande lunette astronomique,
lun grand équatorial par exemple, exige le concours
de plusieurs artistes, de plusieurs talents: le fondeur
de verre fournira un bioc de matière aussi grand et
ussi homogène que possible, le tailleur de verre ou
‘opticien apportera tout son savoir et toute son habi-
eté pour exécuter l'ohyeetif, partie essentielle de l'ins-
rument. Il faut yajouter le mécanicien, chargé de la
monture et de l’ajustage de toute la partie métallique,
et, enfin, n'oublions pas l'ingénieur-archilecte, à qui
incombe le soin de construire un bâtiment et une cou-
ole mobile destinés à abriter l'instrument. Or, ces
divers genres de travaux n'ont pas progressé dans la
même proportion; en particulier, la construction des
coupoles mobiles n’a pas pu suivre la fabrication d'ob-
ectifs de plus en plus grands, avec des distances foca-
es croissantes.
Cela surtout à cause du prix de revient; déjà, pour
les grands équatoriaux actuels, le prix de revient de la
coupole est considérablement plus élevé que celui de
l'objectif lui-même. Ainsi, pour le grand équatorial de
trente pouces de l'Observatoire impérial russe de Poul-
kowa, près Saint-Pétersbourg, les crédits absorbés pour
‘installation complète ont été de 300.000 roubles, tandis
que l'objectif taillé par Alvan Clark a coûté 32.000 dol-
lars. La longueur focale de cet instrument est de
14 mètres, et lorsqu'on sait que la lunette du grand
équatorial de l'Observatoire du Mont-Gros, près de Nice,
a 18 mètres de longueur, on peut se représenter la
dépense faite pour celte œuvre par M. Bischoffsheim, et
concevoir les difficultés techniques que les établisse-
ments Eilfel ont eues à surmonter pour construire la
coupole mobile qui abrite ce grand instrument.
Il résulte de ces faits que l’utilisation d'objectifs à
ouverture plus grande et à distance focale plus consi-
dérable, tels que les opticiens peuvent en produire, se
trouve forcément liée à la question de savoir comment
diminuer les dimensions d’une lunette, sans racourcir
en mème temps la longueur focale de son objectif.
Dans l'instrument proposé par M. L. Schupmann,
l'objectif est formé par une seule lentille de crown,
et, pour corriger les aberrations de couleur et de sphé-
ricité, un dispositif spécial se trouve placé dans le voisi-
nage du foyer de l'objectif. Cet appareil comprenant,
‘entre autres, un prisme droità réflexion totale, un miroir
concave et deux ou trois ménisques, il en résulle que la
partie optique de la nouvelle lunette participe à la fois
du réfracteur et du réflecteur. De là le nom de médial,
donné à cet instrument. D'autre part, une autre dispo-
sition, également proposée et calculée par l'auteur,
consiste à arrêter le cône des rayons lumineux venant
de l'objectif, au milieu ou aux deux tiers de son trajet,
par un miroir concave qui ramène ainsi le foyer avec
Son appareil de correction vers le centre de la lunette,
près du pilier. Il en résulte donc une sorte de lunette
risée, qui a pu recevoir le nom de hrachymédiale.
La valeur réelle des modifications proposées par
BIBLIOGRAPHIE
ANALYSES ET INDEX
l'auteur et calculées à grand renfort d'analyse et
d'équations, est bien difficile à apprécier, sil est un
domaine où le vieux proverbe allemand : « Probiren
geht über studiren » (Essayer vaut mieux qu'étudier)
soit vrai, c'est bien celui des applications de l'Optique.
Ii suffirait de rappeler que les objectifs les plus grands
et les plus parfaits qui existent ont été l'œuvre d'un
Alvan Clark: leurs surfaces n’ont pas été calculées de
toutes pièces, mais simplement laillées de manière à
fournir une image parfaite sous tous les rapports. A
première vue, le fait de supprimer la deuxième len-
tille de l'objectif paraît une simplification importante
puisqu'elle réduit de moitié le coût de l'objectif, mais
elle laisse entier l'inconvénient des longues distances
focales et des grandes coupoles, qui constitue, comme
nous l'avons vu, la plus grosse dépense d'une installa-
tion astronomique. Dans cet ordre d'idées, la lunette
dite brachymédiale remplit beaucoup mieux les condi-
tions du problème que nons avons à résoudre, puisque
la lunette elle-même est plus courte que la distance
focale de l'objectif qu'elle renferme. Rappelons aussi
que Littrow, dans son dialyte construit par Plüss|, avait
déjà enlevé la lentille de flint de l'objectif pour la
reporter vers le milieu de la distance focale de l’objec-
tif et que cette modification avait donné de bons résul-
tats. Sans insister sur l'inconvénient de faire cheminer
un faisceau lumineux à travers de nombreux milieux
et de lui faire subir une ou même deux réflexions sur
argent, il faut surtout relever le fait que, dans la con-
struction préconisée par M. L. Schupmann, la lentille-
objectif se trouve, en réalité, à l'extrémité d'un tube
élastique, tandis que l'appareil de correction se trouve
à l'extrémité opposée où au centre de l'instrument.
Que devient alors le centrage exact et permanent du
système optique dans toutes les positions de la lunette?
Quoi qu'il en soit, les calculs et les essais de l’auteur
méritent une sérieuse attention, et, si les résultats pra-
tiques viennent confirmer ses prévisions, il aura droit
à foute la reconnaissance du public astronomique en
général. INENOExX
Astronome à l'Observatoire de Genève.
2° Sciences physiques
Wagner (R.). et Fischer (F.). — Traité de Chimie
industrielle, 4° édition française, rédigée sur la
15° édition allemande, par le D' L. Gautier. —
2 vol. grand in-8°, avec très nombreuses figures
dans le texte. Tome I. (Prix : 30 fr.) Masson et
Cie, éditeurs. Paris, 1901.
L'ouvrage qui vient de paraître est une nouvelle
édition d'un livre dont la réputation n’est plus à faire.
IL est apprécié de tous ceux qui en ont fait usage; il est
classique en Allemagne. Pour tenir un pareil livre au
courant des progrès réalisés, il faut, à chaque édition
nouvelle, y faire les plus larges additions. Les auteurs
allemands l’ont fait avec beaucoup de soin, et le tra-
ducteur, le D‘ Gautier, a ajouté à leur texte de fort
utiles compléments.
La présente édition diffère donc beaucoup des pré-
cédentes, tant par son étendue que par sa physionomie.
L'ouvrage, primitivement composé d'un volume, en
comprend deux sous sa forme actuelle. Le premier
volume est seul publié jusqu'ici, le second devant
paraître au début de l'année prochaine.
Les questions exposées dans ce premier volume sont
le chauffage, l'éclairage, la métallurgie chimique, et la
fabrication des produits chimiques inorganiques.
On peut sisnaler comme caractéristique le développe
1032
BIBLIOGRAPHIE — ANALYSES ET INDEX
ment donné partout aux méthodes électriques em- | l'hypothèse est à la base de leurs méthodes. Aussi um
ployées à produire des réactions par voie sèche ou par
voie humide. La préparation ou le raffinage des
métaux, la décomposition des chlorures avec où sans
diaphragme pour la préparation de l'élément chlore ou
de l’alcali, s'y trouvent décrits dans leur état actuel.
L'industrie des explosifs y est étudiée dans ses traits
essentiels. L’acide sulfurique forme aussi uu important
chapitre, et les procédés par contact, dont l'importance
s'aflirme tous les jours davantage, y sont traités avec
quelque développement.
Pour donner une idée nette de l'allure rapide avec
laquelle les progrès ont été réalisés, les auteurs ont eu
l'heureuse idée, chaque fois qu'ils décrivent une
méthode ou un brevet, de noter entre parenthèses
l’année pendant laquelle ces dispositions ontété annon-
cées ou mises en œuvre. Peut-être eût-il été possible
même, entrant dans cette voie plus largement encore,
de donner l'indication complète des sources originales
où les questions sont étudiées dans le plus complet
détil. L'usage de les mentionner est devenu très
général, comme aussi l'usage d'indiquer, au début ou
à la fin d’un chapitre, quels sont les traités modernes,
français ou étrangers, que l’on peut utilement consulter
si l'on veut des renseignements plus complets.
Des tableaux stalistiques permettent de juger le
développement de chaque industrie et les abaissements
de prix que les perfectionnements successifs ont
permis de réaliser. Les tableaux relatifs à l'industrie de
aluminium en donnent un remarquable exemple.
L'abondance des renseignements réunis dans cet
ouvrage, et le soin avec lequel il a été tenu au courant
des progrès modernes, le rendent tout à fait utile à
ceux qui cherchent à perfectionner les méthodes, à
ceux aussi qui veulent étudier les développements de la
Chimie industrielle. LÉON PIGEON,
Professeur adjoint
à la Faculté des Sciences de Dijon.
Villon (A.-M.) et Guichard (P.). — Dictionnaire de
Chimie industrielle. Tome NI, fase. 26-27. (Prix :
2 fr. le fascicule.) — Bernard Tignol, éditeur. Paris,
1901.
Ce fascicule comprend, notamment, les articles: Li-
noléum, Magnésium, Malt, Manganèse, Mélasses, Mer-
cerisage, Mercure, Molybdène, Monazites, Mordants,
Mortier, Naphtaline, Nickel, Nitrates, Noirs, Opium,
et le commencement de l’article Or.
Molinié (Marcel). — Comment on obtient un cliché
photographique. — 1 vol. in-18 de 188 pages. (Prix:
2 fr. 75.) Brunel et Ci, éditeurs. Paris, 1901.
La plupart des petits Manuels de photographie n'of-
frent aucune valeur soit scientifique soit technique ; aussi
sommes-nous heureux de signaler ce volume, qui a le
grand et rare mérite d’avoir été écrit par un homme
compétent.
3° Sciences naturelles
Guède (H.). — La Géologie. — 1 vol. in-8° de 724 pa-
ges, avec 451 liqures dans le texte. (Prix : 8 fr.
Schleicher frères, éditeurs. Paris, 4901.
Ce petit livre peut être très utile en attirant, sur une
science relativement jeune et trop souvent négligée, l'at-
tention des hommessérieuxetinstruits. Malgré lesremar-
quables progrès qu'elle a réalisés depuis quelques années,
malgré l'intérêt philosophique et pratique qu'elle pré-
sente pour tous les esprits tant soit peu ouverts et
malgré la sagacité de sa méthode, la Géologie ne jouit
pas en France, auprès du grand publie et même dans les
milieux universitaires, de toute la considération qui lui
est due. Il nous suffira de citer l'appréciation suivante,
extraite d'un travail récent, publié dans une Revue des-
tinée aux officiers de notre armée des Alpes {: « Ses
docteurs les plus autorisés avouent eux-mêmes que
1 Cne Prnreau : L'épopée des Alpes, io Revue du Cercle mili-
taire, ete..., de Lyon, no 2 (1er Avril 1901).
profane ne peut-il que feuilleter avec discrétion Ie
théories géologiques, et doit-il se borner à transcrire
quelques-unes de leurs conclusions les mieux établies.
Cette opinion n’est que le reflet d'une manière de vo
qu'excuse seule l'ignorance complète dans laquelle on
été laissés pendant longtemps, en ce qui concerne les
questions géologiques, les hommes cultivés de notre
temps. En reprochant à la Géologie de coordonne
les faits d'observation par des hypothèses, on oublie
que c'est là précisément la méthode de toutes les
sciences inductives, et que la Physique et la Chimie
par exemple, que d’aucuns se plaisent à opposer aux
Sciences naturelles, vivent, elles aussi, sur des hypo
thèses; que sont, en effet, Les notions de l'éther, de là
constitution moléculaire des corps, des groupements
atomiques, et tant d'autres, sinon des hypothèses relianf.
rationnellement un grand nombre de faits observés”?
La moindre faveur que rencontrent auprès du publi@
les sciences géologiques tire son origine du fait que ces
sciences ont été, jusqu’à ces derniers temps, à peu près
exclues des programmes de l’enseignement secondaire
la plupart des personnes qui se montrent si méprisantes
à leur égard ne savent rien de leur méthode, des
résultats auxquels elles conduisent, du but qu'elles
visent et de l'intérêt qu'elles présentent. Ce singulie
état d'esprit paraît être trop souvent, surtout en pro
vince, entretenu, il faut bien le dire, par les représen-
tants plus ou moins attitrés des sciences rivales, qui
verraient avec un certain déplaisir l'enseignement de
la Géologie se développer aux dépens de budgets dont
elles avaient jusqu’à présent la plus grande part, eb
partager auprès des Pouvoirs publics des ressources et
des honneurs qui leur semblaient à tout jamais réservés
On comprendra dès lors.combien tous les amis de
notre science applaudissent à chaque tentative faite pour
faire pénétrer les notions géologiques dans les milieux
éclairés, et pour intéresser ce qu'on est convenu d'appe=
ler les « gens du monde » à l'histoire de notre Globe. M
Le livre de M. Guède n’est destiné, dit l’auteur, ni aux
savants, ni aux professeurs; il s'adresse à toutes les per
sonnes instruiles; son but est de leur inspirer « le res
pect et l'admiration pour une science dont l’utililé pra=
tique est démontrée par de plus autorisés que lui, et qui
recherche la solution du plus mystérieux problème qui
soit posé à l'esprit humain ». M. Guède s'est proposé de
présenter à ses lecteurs un ouvrage suffisamment débar=
rassé de l'appareil documentaire et technique qui rend
inaccessible ou fastidieuse à la plupart la lecture de cer-
tains traités classiques, mais cependant suffisamment
renseigné pour fournirune base solide à ceux qui désirent
se rendre compte et s'instruire, pour montrer aussi aux
« sceptiques et aux incrédules que tout n'est pas, en
Géologie, du ressort de l'imagination, qu’elle est une
science véritable », que sa méthode est remarquable
d'ingéniosité et que son but n'est en aucune façon,
comme on a voulu le faire croire, la satisfaction de quel",
que manie de collectionneur bonne à faire l'objet de
plaisanteries renouvelées de Toeppfer et à fouruir un
aliment facile aux railleries dés gens d'esprit. |
Considéré comme un résumé d'ouvrages plus com
plets, notamment du Traité de M. de Lapparent, le livres
de M. Guède mérite des éloges pour sa clarté et poux
la facon consciencieuse avec laquelle il a été élaboré.
Peut-être trouvera-t-on certains chapitres, très subs
tantiels, un peu trop concis, ce qui donne à l’ensemble
une certaine sécheresse et en rend la lecture difficile
pour les personnes habituées à l'allure ordinaire des
œuvres de vulgarisation. On regrettera aussi que le
nombre des illustrations ne soit pas plus élevé. Parmi
les 151 figures intercalées dans le texle, beaucoup,
notamment celles qui représentent des fossiles, sont
d'une très mauvaise exécution ‘, On peut aussi repro-
! Voir notamment les figures 44 (Spirifer), 77 (Trigonia
navis) et 89 (Nerinea), qui ne peuvent donner qu'une idée
fort imparfaite de ce qu'elles sont censées représenter.
her à l’auteur des érreurs de détails (ÆHoplites |!)
Misus, p. 576, etc), qui lui sont imputables, et d’autres
ui ne sont que la réédition d'inexactitudes contenues
dans les ouvrages dont il s’est servi. Il est à remarquer,
ën outre, d’une facon générale, que la citation des sour-
es n'est pas toujours faite avec discernement, et l’on
Sapercoit parfois trop clairement que M. Guède n'a pas
étudié lui-même le fond des questions qu'il expose. On
beut le louer, en revanche, d’avoir reproduit quelques-
unes des conclusions de la Paléontologie moderne, et
de contribuer ainsi à détruire dans le public un certain
ombre d'idées fausses citées fréquemment comme des
dogmes de la science moderne.
L'auteur reconnait que son livre ne contient pas
d'idées originales; aussi est-il difficile de lui faire des
ritiques qui ne retombent pas sur les ouvrages qu'il
le plus fréquemment utilisés. On y trouve, en effet,
sans peine la trace des savants dont il s’est inspiré:
ainsi qu'il est dit dans la Préface, l'autorité de M. de
Lapparent, dont il a pris le Traité classique pour guide,
estsouvent invoquée, et l’enseignement de la Sorbonne
semble également avoir eu quelque influence sur la
édaction du volume. M. Guède ne pouvait en vérité
ieux choisir ses Maîtres; aussi le pelit livre qu'il vient
de faire paraître constitue-t-il un essai de très bonne et
sérieuse vulyarisation, et trouvera-t-il sa place dans la
bibliothèque de toutes les personnes soucieuses de suivre
d'un peu près le mouvement scientifique actuel; il ren-
“ra également des services appréciables aux prolesseurs
de nos lycées, lorsque ceux-ci n'auront pas les loisirs
nécessaires pour consulter des ouvrages plus complets.
Enfin, il peut être recommandé, pour le début de leurs
études, aux étudiants qui se destinent à suivre l’ensei-
gnement de nos Facultés; ils y trouveront un premier
résumé des matières qu'ils sont appelés à approfondir
par la suite. W. KiLiaw,
Professeur de Géologie
à l'Université de Grenoble.
4° Sciences médicales
‘Gouget (A.), Médecin des Hôpitaux.— L’Insuffisance
_ hépatique. — { vol. 1n-8° de l'Encyclopédie scienti-
lique des Aide-Mémoire. (Prix, broché : 2 fr. 50;
cartonné : 3 {r.) Masson et Cie, éditeurs. Paris, 1901.
Un organe est dit insuffisant lorsqu'il n’est plus apte
à remplir normalement sa tâche; cette définition,
donnée par M. Gouget en tête de son ouvrage, délimite
nettement son sujet et la manière dont on doit l’en-
tendre actuellement.
. Il ne s’agit donc pas, dans l'espèce, d'une maladie
particulière, ni d’une phase ullime de désorganisation,
mais bien de toute déchéance fonctionnelle, grande
ou petite, de l'organe, et des causes multiples qui peu-
vent l’amener. D'ailleurs, dans la conception moderne
| de la Pathologie générale, lé mot d'insuffisance est
. employé el entendu de même pour tous les organes,
L'étude de l'insuffisance organique comporte une con-
naissance approfondie de la physiologie locale, et c'est
. pourquoi on peut seulementaujourd'hui esquisser, sinon
. établir, le tableau de l'insuffisance du foie : cette glande
n'est plus, comme autrelois, uniquement l'organe sécré-
teur de la bile. Les travaux des dernières années ont
montré que le foie a pour fonctions : 1° l'élaboration
de la bile ; 2° l'emmagasinement de la matière glycogène
_ et sa transformation en sucre, qu'il rend à l'organisme
_ au fur et à mesure de ses besoins; 3° la protection de
l'organisme contre les poisons du dehors et du dedans,
qu'il emmagasine ou qu'il transforme pour les éliminer.
Ces fonctions capitales s'’accomplissent dans la cel-
lule hépatique, et de l'intégrité de cette cellule dépend
le rôle physiologique normal du foie : done, étudier
l'insuffisance hépatique se ramène, en dernière analyse,
à étudier l'insuffisance de la cellule hépatique.
Or, les causes sont innombrables qui peuvent altérer
_ cette cellule; l’auteur classe les causes déterminantes
en mécaniques, toxiques, parasitaires, dyscrasiques et
BIBLIOGRAPHIE — ANALYSES ET INDEX
1033
nerveuses. Les causes toxiques sont de beaucoup les
plus fréquentes, comme le rôle physiologique du foie
pouvait le faire supposer à l'avance, depuis les poisons
minéraux comme le phosphore, jusqu'aux poisons orga-
niques, comme l'alcool et les toxines digestives ou autres.
C’est dans cette catégorie que doivent rentrer la plupart
des causes dites parasitaires, car c’est par les toxines
microbiennes que le plus grand nombre des infections
yicie le fonctionnement de la cellule hépatique et cause
ces insuffisances, parfois si brusques qu'on a pu em-
ployer pour elles l'expression d'asphyxie hépatique.
Nous ne pouvons suivre M. Gouget dans l'étude des
symptômes qu'il a classés par systèmes d'une façon par-
faitement claire et dont il fait l'interprétation eritique
avec une compétence marquée. Au lieu de se perdre
dans une infinité de formes cliniques, faciles à établir
suivant la prédominance symptomatique, l’auteur pré-
fère distinguer trois formes, d'après l'importance des
manifestations : une {orme latente, reconnaissable seu-
lement à l'examen de l'urine; une petite insuffisance,
« petits signes de l'hépatisme » ‘de Hanot observés au
cours d’une affection hépatique ou d'une maladie aiguë
ou chronique, indiquant une atteinte sérieuse des
cellules hépatiques; enfio, la grande insuffisance, décrite
autrefois sous le nom d'ictère grave, et dont la physio-
nomie a élé précisée par les travaux récents.
- Le traitement sera surtout prophylactique, et l'étude
des causes suffit à en établir les règles. Une fois consti-
tuée, l'insuffisance hépatique peut être enrayée tant
qu'il s'agit de forme latente ou petite. Pour cela, il faut
dépister la cause; puis s'adresser aux grands modifica-
teurs de la nutrition générale, iodures, alcalins, hygiène
alimentaire, cures hydrominérales appropriées, et
peut-être opothérapie. La grande insuffisance ne laisse
que peu d'espoir à la thérapeutique.
Le petit livre de M. Gouget se recommande par sa
clarté; il ne s'encombre pas d'un luxe d'érudition inu-
tile ; il constitue une suite naturelle au magistral volume
de M. H. Roger sur la Physiologie du foie, publié dans
la même Encyclopédie. Ray. Duranp-FARDEL,
Ancien chef de Clinique à la Faculté de Médecine.
5° Sciences diverses
Geoffroy-Saint-Hilaire (Etienne). — Lettres
écrites d'Egypte, recueillies et publiées avec
une Préface et des Notes, par le professeur E.-T.
Hamy. — 1 vol. in-16 de 280 pages. (Prix : 3 fr. 50.)
Hachette et Ce, éditeurs. Paris, 1901.
Etienne Geoffroy-Saint-Hilaire, membre de la Com-
mission des Sciences et des Arts que Bonaparte
emmenait en Egypte à la suite de l’armée, s’'embar-
qua à Toulon le 29 floréal an VI (18 mai 1793). IL revil
les côtes de Provence le 27 brumaire an X (18 novem-
bre 1801). Pendant ces trois ans et demi, il écrivit
régulièrement à sa famille, au directeur du Muséum
et aux professeurs ses collègues, à ses amis enfin, et
particulièrement à Georges Cuvier, avec qui il était
étroitement uni. Certaines de ces lettres, celles, en
particulier, que Geoffroy envoya pendant son voyage
en Haute-Egypte, sont perdues ou inaccessibles (il doit
y ea avoir notamment dans les Archives de l’Amirauté
anglaise). Cependant, grâce à des recherches prolon-
gées dans les Archives de la famille Geoffroy-Saint-
Hilaire, dans celles du Muséum, à la Bibliothèque de
l'Institut et dans d’autres dépôts encore, M. Hamy
en a recueilli soixante-six, qu'il vient de publier et
qui constituent pour l'histoire politique de l'Expédition
d'Egypte et pour l'histoire de la Commission des
Sciences une source précieuse de renseignements.
La lettre XIII contient un récit de la bataille d'Abou-
kir donnant quelques détails ignorés jusqu'ici. On
trouvera dans la lettre XV un récit de la formidable
insurrection qui éclata au Caire le 30 vendémiaire
an VII, coùta la vie à des officiers et même à des
savants, et fit courir à Geoffroy-Saint-Hilaire lui-même
un certain danger. Il vivait, en compagnie de plusieurs
1034
collègues, dans les maisons de Beys affectées par
Bonaparte à l'Institut d’Egypte.: Déjà, l'insurrection
arrivait jusqu à eux. Ils délibérèrent s'ils ne se reti-
reraient pas sur le quartier général. « Mais la crainte
de livrer au pillage la bibliothèque et les laboratoires
de Chimie nous a retenus, dit Geoffroy, et déterminés
à disposer nos maisons en une petite forteresse; nous
nous sommes assigné des postes. » Mais, avant que
les savants n'aient eu à faire usage de leurs fusils,
Lannes arriva et les délivra.
Geoffroy aimait déjà cet Institut d'Egypte, qui venait
d'être créé; il en espérait beaucoup et il y revient
souvent dans sa correspondance. Il avait fait partie
de la Commission chargée d'organiser cette Société
savante, qui fut fondée le 3 fructidor an VII. Dans une
lettre du 6 fructidor ‘, il en décrit ainsi l’organisation :
« Deux palais de Beys et deux autres maisons de riches
particuliers, toutes contiguës, logeront tous les savants
et artistes. Ces maisons nous fournissent peut-être plus
de commodités et au moins autant de magnificence qu'on
en trouve au Louvre. Un jardin immense, dont la
superficie équivaut à peu près à 35 arpents de France,
bien planté, avec nombre de terrasses élevées, où
jamais l’eau du Nil ne parvient dans les inondations,
est destiné à la Culture et à la Botanique. La salle
d'assemblée est déjà garnie des plus riches meubles
trouvés chez les mameloucks.» Il constitua une ména-
gerie avec les animaux curieux renfermés dans les
palais des Beys, dont la bataille des Pyramides avait
anéanti la puissance. « Mais, ce qui fait surtout l’am-
bition des membres de l’Institut, dit-il encore, c’est de
vous envoyer le premier volume de nos Mémoires avant
que celui de l'Institut de France ait paru. Nous travail-
lons, pour y réussir, avec constance. » Aucun des
membres de l'Institut national du Caire ne mit plus
de zèle que Geoffroy à en rendre les séances animées
et intéressantes. Dès l'ouverture, il lit un Mémoire sur
l'aile de Fautrüche, et il en préparait un autre sur le
Cynocéphale des anciens Egyptiens au moment où
éclata l'insurrection du 30 vendémiaire. Les événements
politiques entravent la régularité des travaux de l'Ins-
titut; mais, sitôt qu'il peut tenir séance, Geoffroy
apparait, un manuscrit à la main, et il lit, un jour, un
Mémoire sur le Zichir, et, le lendemain, un autre sur
le Fachhaca. I est animé d’une ardeur au travail que
rien ne peut éteindre. Et si, comme ses collègues,
quoique moins que ses collègues, il a des moments
d'angoisse et même de désespoir, en voyant sans
cesse ajourné l'instant du retour en France, il se res-
saisit bien vite, grâce à sa passion pour la Science.
Si Geoffroy souffrit beaucoup en Egypte, moralement
et même physiquement, puisqu'il fut atteint d'une
ophtalmie très grave, dont il conserva toujours des
traces, il y recueillit une quantité de notions nouvelles,
dont il bénéficia toute sa vie.
Geoffroy apparait, dans sa correspondance, non
seulement comme un savaut ardent à la recherche de
la vérité, mais aussi comme un fils très affectueux et
un ami attentif. Il écrit, le 23 pluviôse an IX, à son
père : « À l'exception de vous revoir tous, mes bons
parents, je n'ai rien ici à désirer... Qui me dédom-
magera de votre privation et de celle de toute la
famille ? » Il exprime son amitié à Cuvier de celte
facon délicate : « J'ai beaucoup vu de monde dans
mon grand voyage, mais je n'ai connu personne qui
pût par les brillantes qualités du cœur et de l'esprit
me faire oublier mon ancien ami. »
Il s'intéresse aux travaux et à la carrière de ses
collègues. Il s'inquiète de Dolomieu et déplore les
1 Pour les lettres XVII et XIX, la concordance entre les
dates du calendrier révolutionnaire et celles du calendrier
grégorien n'est pas exacte. Le 6 fructidor an VI correspond
au jeudi 23 août 1198. — Signalons aussi une contradic-
tion. L'arrêté créant l'Institut d'Egypte est donné p. vu
comme ayant été promulgué le 23 fructidor an VI, et p. 70,
note 4, le 3 fructidor an VI. C'est cette dernière date qui
est exacte.
BIBLIOGRAPHIE — ANALYSES ET INDEX
. auprès du général anglais en personne; peine perdue
inattendu. Hamilton, soudain effrayé de l’horrible res-
« injustes vexations qu'on lui a fait éprouver ». Ets
l'intérêt qu'il prend au décès de Daubenton est peus
être partiellement causé par l'espoir d'hériter de so
losement au Muséum, on excusera facilement, em
raison des tribulations subies par Geoffroy, ce léger
sentiment d'égoisme. )
Le courage constitue encore un des traits du caraë
tère de Geoffroy. Dans une circonstance critique, il
rendit, par son énergie, un immense service à son pays |
et à la Science. Un article de la capitulation signée p
le général Menou et quiabandonnait l'Egypte à l'arm
anglo-turque, stipulait que les manuscrits arabes, les
statues et les autres collections faites pour la République
francaise seraient considérés comme propriété pus
blique et mis à la disposition des généraux de l’armée
combinée. La chose s'était passée entre militaires, qui
considéraient ces caisses dans lesquelles les savants
francais avaient emballé leurs trouvailles comme un
bagage encombrant et de peu de valeur. Si le générah
anglais Hutchinson avait tenu à l'insertion de cet article
c'est qu'il agissait sous l'inspiration d’un certain littéra=
teur, W.-R. Hamilton, alors dans son camp, qui avait
jugé tout simple de récolter la moisson péniblements
préparée par d’autres. Nos savants dépouillés, ayant
sans succès représenté à Menou l'importance du dom
mage qu'il leur causait, décident d'aller s'expliquer
Hamilton vient de sa part les informer que la capi
tulation doit être exécutée dans toute sa teneur. Mais
alors, Geoffroy, se voyant privé, lui et ses collègues, dew
ce qu'ils n'avaient acquis qu'au prix d'un labeur
immense et de mille souffrances, est saisi d’une noble
indignation. Il déclare que les collections seront dé
truites plutôt que d'être livrées aux Anglais : «Il ne
sera pas dit qu'un pareil sacrifice ait pu s'accomplir.M
Nous brûlerons nous-mêmes nos richesses. C’est à la
célébrité que vous visez. Eh bien! comptez sur les sou-
venirs de l'Histoire : vous aurez aussi brülé une biblio-
thèque d'Alexandrie, » Ces paroles produisent un effet
ponsabilité qu'il encourt, reconnait la malhonnèteté de
l'acte qu'il allait commettre, se fait auprès du général M
Hutchinson l'avocat de la cause dont il était, il y a quel-
ques heures, l'adversaire irréductible, et le convainc.
Si les savants et les artistes français ont conservé et
rapporté les précieux cocuments qui leur ont permis
d'édifier cette œuvre grandiose qu’est la Description de
l'Egypte, c'est donc à Geoffroy Saint-Hilaire que la
France et la Science en sont redevables.
Comme on en peut juger, l’intèrêt intrinsèque de cette
correspondance est grand ; cépendant, la manière dont
elle est présentée en accroît considérablement la valeur.
Dans la Préface, M. Hamy nous fait suivre Geoffroy
depuis le moment où il consent, sur les instances de
Berthollet, à faire partie de l'Expédition, jusqu'au jour
(6 pluviôse au X) où il reprend sa place à l'assemblée
des professeurs du Muséum. Un appendice contient M
plusieurs morceaux qui complètent très heureusement L
les Lettres : un récit de Geoffroy sur la visite de Bona-
parte aux Pyramides, une conversation de Bonaparte M
sur « la dignité des sciences », tenuele 1°° fructidor an
VII, dans les jardins de son palais du Caire, avant son
départ pour la France. Enfin, pas un personnage ne
figure sans être introduit par quelques mots brefs, mais
précis : c’est un modèle de commentaires. On regrelte
seulement l'absence d’un index alphabétique.
M. Hamy a entouré les Lettres d'Etienne Geoffroy
Saint-Hilaire d'un appareil d'érudition dont l'abondance
et la sûreté n'étonneront aucun de ceux qui ont mesuré,
pour en avoir maintes fois bénélicié, l'étendue de ses
connaissances. C'est un plaisir de revivre, grâce à lui,
dans la société des Geoffroy Saint-Hilaire, des George
Cuvier, des Lacépède, des de Jussieu, dans le grand et
beau monde scientifique de la fin du xvune siècle.
Hexri DERÉRAIN,
Docteur ès lettres, s
Sous-Biblhothécaire de l'Institut.
ACADÉMIES ET SOCIÉTÉS SAVANTES
1035
ACADÉMIE DES SCIENCES DE PARIS
Séance du 4 Novembre 1901.
1° SCIENCES MATHÉMATIQUES. — M. Obrecht présente
1: GERS de la comète 1901 à, faites à l'Obser-
valoire de Santiago du Chili, et calcule les éléments de
Cette comète. — M. Birkeland a recherché si les pla-
nètes Mercure, Vénus et Jupiter exercent, par la gra-
vitation, une influence sur la fréquence des taches
solaires ; le résultat est négatif, et la cause de la période
undécennale doit être recherchée dans le Soleil même.
-— M. H. Poincaré étudie, au point de vue de l’aualy-
sis situs, certaines variétés fermées à quatre dimen-
sions qui sont formées par les points réels et imaginaires
d'une surface algébrique. — M. H. Poincaré présente
un Rapport sur Tes papiers laissés par Halphen. Ce sont
surtout des rédactions de Mémoires qui ont été publiés
ou des essais de rédaction. 11 n'y a que quelques Notes
inédites susceptibles d'être publiées par des recueils
… périodiques. — M. L. Raffy démontre les propositions
- suivantes : Si l’une des familles d'un réseau conjugué
persistant est plane, l’autre famille l’est aussi. Les
seules surfaces qui présentent un réseau conjugué
persistant, dont une famille est formée de courbes
planes, sont les surfaces de M. Goursat. — M. G. Mo-
reau détermine l'équation de la courbe adiabatique.
20 SCIENCES PHYSIQUES. — M. V. Raulin rappelle l'hy-
pothèse, qu'il a émise en 1866, d'une rotation du pôle
magnétique boréal autour du pôle terrestre, sur le
parallèle du 70°, qui s'effectuerait en 600 ans. L’obser-
. vation de la variation de la déclinaision et de l’'inclinai-
. son dans ces 35 dernières années confirme pleinement
. cette hypothèse. — M. H. Hervé décrit les expériences
d'aéronautique maritime récemment faites par le comte
de la Vaulx avec son ballon Le Méditerrancen. Le
- problème de la sécurité par l'emploi des méthodes de
stabilisation dépendante, et celui de la dirigeabilité
par un engin déviateur paraissent résolus. 1 reste à
réaliser l'équilibre indépendant sans communication
avec la surface liquide. — M. R. Blondlot communi-
que une méthode propre à déceler de très petites
charges électriques; on induit sur des conducteurs
semblables des charges égales et de signe contraire
qu'on communique plusieurs fois de suite à un con-
ducteur isolé; on mesure ensuite la charge de celui-ci
avec un électromètre idiostatique extrêmement sensi-
ble. —- M. H. Becquerel a observé quelques réactions
chimiques dues à l'influence du rayonnement du
radium. Ce sont, outre la coloration des verres, déjà
signalée par M. et M“ Curie, M. Berthelot, la trans-
formation du phosphore blanc en phosphore rouge, la
réduction du bichlorure de mercure en présence d'a-
- cide oxalique. L'action prolongée du rayonnement du
radium a Ôté aux graines de cresson la faculté de ger-
mer. — M. H. Moissan à constaté que le chlorure
d'ammonium en solution dans l’ammoniac liquéfié
s'électrolyse avec facilité; mais il ne fournit que de
l'hydrogène au pôle négatif et du chlore au pôle positif.
Ces expériences confirment, celles de M. Ruff sur l'io-
dure d'ammonium et la non-existence de l’'ammonium
en présence de iammoniac liquéfié. — M. H. Moissan
a observé également que le calcium-ammonium et le
lithium-ammonium réagissent sur le chlorure d’ammo-
nium en solution dans l’ammoniac liquéfié à — 80°;
mais, dans ces conditions, il y a mise en liberté d'am-
moniac et d'hydrogène, et le groupement AzH*, l’am-
monium, ne peut être isolé. — M. V. Thomas, en
faisant réagir le brome, en présence de l’eau, sur TI CI,
DE LA FRANCE ET DE L'ÉTRANGER
a obtenu un seul chlorobromure du IXT, à savoir
EIBSCE. Il cristallise en aiguilles et en lamelles mé-
langées, ou en lamelles seulement; les deux paraissent
d'ailleurs appartenir au même système cristallin. —
M. A. Clermont, en traitant un mélange d'alcool et
d'acide trichloracétique par H°SO' mouohydraté, a
obtenu l’éther trichloracétique. Additionné d'ammo-
niaque, ce dernier, se transforme en trichloracétamide.
— M. M. Delacre communique un certain nombre
d'expériences sur la pinacoline, qui le conduisent à
admettre que celle-ci correspond à un état d'équilibre
entre les deux formules :
(CH#}C.CO.CH* et (CH°)°.C — C.(CH*}°.
NA
0
— MM. E. Charon et D. Zamanos ont recherché la
constitution du picéol, phénol obtenu par dédoublement
de la picéine, glucoside du sapin épicéa. Il est identi-
que à la paraoxyacétophénone. Ils en ont préparé
l’oxime, l’hydrazone et la semicarbazone. — MM. F.
Bordas et de Raczkowski ont étudié les effets de la
congélation sur le lait. La partie supérieure du bloc est
presque exclusivement constituée par de la crème, tan-
dis que le centre et la base contiennent peu de beurre
et la majeure partie du lactose, de la caséine et des
sels. — M. V. Génin indique une méthode de calcul
du mouillage et de l'écrémage simultanés d'un lait
falsifié en tenant compte du volume spécifique du beurre
qui est sensiblement constant par rapport aux autres
caractéristiques du lait. — MM. Lépine et Boulud étu-
dient les sucres du sang, leur glycolyse et la formation
d'acide glycuronique conjugué dans diverses conditions.
— M. H. Lecomte a étudié la formation de la vanilline
dans les fruits du vanillier pendant leur préparation :
un ferment hydratant transforme la coniférine nais-
sante en alcool coniférylique et en glucose; puis une
oxydase transforme l'alcool coniférylique en vanilline.
— MM. J. Dybowski et Ed. Landrin ont retiré des
racines de l’/hoga, plante connue par ses propriétés
excitantes, un alcaloïde, l'ihoganeïne, cristallisé, inso-
luble dans l’eau, soluble dans l'alcool, F. 152°, de for-
mule probable CH°5Az"0®.
3° SCIENCES NATURELLES. — M. R. Bouiïlhac a observé
que le Nostoc et l'Anahæna, semés ensemble en solu-
üons nutritives et exposés à des radialions lumineuses
trop faibles pour décomposer l'acide carbonique, sont
incapables de végéter sans avoir une malière organique
à leur disposition; dans ce cas, le méthylal peut être
utilisé. M. L. Ducamp a étudié la formation de
l’ovule et du sac embryonnaire dans les Araïiacées et
les modifications dont le tégument est le siège. — M. P.
Lesage a constaté que les spores de Penicillium glaucum
placées sur l’eau ne germent pas quand elles sont frôlées
par un courant d'air alternativement sec et saturé de
vapeur d’eau, mais germent bien dans un mélange des
deux.
Séance du 41 Novembre 1901.
1° SCIENCES MATHÉMATIQUES. — M. Janssen fait savoir
qu'il a recu une dépêche du Caire lui annonçant que
l'observation de l'éclipse, du 11 novembre, par MM. de
la Baume-Pluvinel et Pasteur, a bien réussi. — M. Ed.
Maillet communique ses recherches sur les équations
différentielles rationnelles. — M. A. Davidoglou donne
une intégrale faisant connaitre le nombre exact de
racines communes à plusieurs équations.
29 SGIENCES PHYSIQUES. — M. R. Blondlot commu-
nique une série d'expériences dont le résultat est
1036
qu'il n'existe pas de déplacement électrique lors du
mouvement d'une masse d'air dans un champ magné-
tique. Ce résultat est contraire à la théorie de Hertz
sur l’électrodynamique des corps en mouvement, mais
conforme à celle de Lorentz. — M. A. Blondel indique
une méthode nouvelle pour l'étude de la parole et des
courants microphoniques. Elle consiste à amplifier les
courants microphoniques par la résonance électrique,
et à inscrire les courants amplifiés au moyen de l’oscil-
lographe. — M. H. Moïssan décrit une nouvelle mé-
thode de manipulation des gaz liquéfiés en tubes scellés.
— Le même auteur a fait réagir à 73° l'hydrogène sul-
furé liquide sur le lithium-ammonium et le calcium-
ammonium; il se produit de sulfure de Li ou Ba et il se
dégage de l'ammoniaque ou de l'hydrogène. L’ammo-
nium n'existe donc pas en présence de l'hydrogène sul-
furé liquide. — M. A. Chassy a étudié la formation de
l'ozone par le passage de l’effluve électrique dans l’oxy-
gène. La quantité d'ozone formée tend vers une limite
qui dépend uniquement de la température et non de
l'intensité du courant. — MM. A. Desgrez et V. Bal-
thazard signalent quelques modifications à leur appa-
reil pour la régénération de l'air confiné au moyen du
bioxyde de sodium. C
3° SCIENCES NATURELLES. — MM. P.-P. Dehérain et
C. Dupont étudient l’origine de l'amidon du blé. Ils
montrent que ce sont les tiges du blé restées encore
vertes, quand les autres parties de la plante sont déjà
jaunies, qui décomposent l'acide carbonique aérien et
élaborent les hydrates de carbone qui s'accumulent dans
le grain, sous forme d’amidon. Cette production tar-
dive d'amidon n’est abondante que si la dessiccation
des tiges n’est pas prématurée; les auteurs rappel-
lent qu'à Grignon, on à recueilli, en 1888, une récolte
surpassant celle de 1889 de 4 q. m. par hectare et que
cette notable différence était due à l'insuffisance de la
production d’amidon; en 1888, année pluvieuse, on
avait moissonné au milieu d’aout et le grain présentait
une composition normale, tandis que le blé ayant été
abattu trois semaines plus tôt pendant l'été brülant
de 1889, l'amidon n'avait pas eu le temps de se produire.
Louis BRuxET.
ACADÉMIE DE MÉDECINE
Séance du 5 Novembre 1901.
M. X. Delorme présente un rapport sur un mémoire
du Dr Coromilas (d'Athènes) relatif au traitement des
tuberculoses chirurgicales et de la tuberculose pulmo-
naire par le sulfure de carbone térébenthiné. Dans les
premières, l'auteur a obtenu de bons résultats qui sem-
blent tenir à ce que le sulfure de carbone est un
topique qui modifie d’une facon avantageuse les suppu-
rations. Pour la tuberculose pulmonaire, les résultats
sont moins certains; d'autre part, les injections pul-
monaires de ce corps peuvent provoquer des accidents
(suffocation, dyspnée). — M. Boinet communique cinq
cas de rupture de la rate chez des Paludéens pendant
un accès de fièvre intermittente ou un abcès pernicieux.
_— M. Ed. Schaer annonce la découverte, dans l'écorce,
le bois et la racine de gaïac, d’un nouveau constituant,
appartenant à la classe des saponines. — M. Pitres, à
propos de la récente communication de M. Dieulafoy,
pense qu'elle ne constitue qu’un exemple de plus à ajouter
à la longue liste des observations déjà connues dans
lesquelles l’épilepsie jacksonienne à été provoquéepar
une lésion siégeant en dehors de la zone motrice, mais
qu’elle ne porte aucune atteinte à la doctrine des
localisations cérébrales. M. Lucas-Championnière, à
propos de la même question pense que, dans des cas
analogues, on doit toujours intervenir par la trépana-
tion; alors même qu'on ne tomberait pas exactement
sur le siège de la tumeur, il se produirait une décom-
pression, qui aurait les meilleures conséquences. —
M. A. Proust répond aux critiques formulées par
M. Bucquoy à propos du cas du Sénégal. Des instructions
formelles ont été données depuis longtemps en vue de
ACADÉMIES ET SOCIÉTÉS SAVANTES
la destruction des rats sur les navires au point de vue
de la prophylaxie de la peste. Pour les navires, seuls
ceux qui transportent des émigrants sont tenus d'avoir
du sérum antipesteux à bord ; mais il y avait au FrioulM
une quantité suffisante de sérum pour inoculer tous les
passagers. Le débarquement et la désinfection eussent
dù être faits à l'ile de Pomègues, où se trouve tout la
nécessaire. En ce qui concerne l’organisation du Frioul,
elle ne s'est montrée insuffisante que par suite du grand
nombre de passagers du Sénégal, nombre qui ne se
présente pas dans les circonstances ordinaires. —
M. Debove rappelle que l'Etat a encaissé, comme taxes
sanitaires, de 1891 à 1900, 13.701.935 francs, tandis
qu'il n’a dépensé que 5.239.075 francs. Si les installa-
tions sanitaires laissent quelque chose à désirer, ce n'est
pas faute d'argent.
Séance du 12 Novembre 1901.
M. Périer communique les résultats d’une expérience
faite à la gare du Nord sur l'utilisation des crachoirs
placés à la demande de la Commission de la Tubercu-
lose. Il résulte des observations que la grande majorité
des passants crachent à terre au lieu d'utiliser les era-
choirs. — M. Magnan présente le rapport sur le Con-
cours du Prix Lorquet. — M. H. Monod revient sur la
question du Sénégal. L'inspection sanitaire officielle
des pavires au départ est d'une exécution extrêmement
“difficile. Le retard apporté au débarquement de l'équi-
page provient de ce qu'on n'a pu obtenir plus tot
un second bateau pour le transborder. M. L. Colin
exprime le vœu que, dans des cas analogues, toutes les
mesures soient prises pour assurer le débarquement
immédiat du personnel, équipage et passagers, du bàti-
ment infecté.
SOCIÉTÉ DE BIOLOGIE
Séance du 26 Octobre 1901.
MM. Guillemonat et G. Delamare ont recherché le
fer dans les ganglions mésentériques de divers animaux ;
la quantité est faible; elle diminue dans l’inanition et
augmente après la splénectomie. — M. Ch. Féré a cons-
taté des oscillations inverses du travail des deux mains
au cours de la fatigue. — M. E. Hédon à déterminé la
température de coagulation du sérum de chien dialysé;
à 1007, il n'est pas modifié; à 150°, il se coagule en
quelques minutes. — M. J. Audrain à observé que les
spermatozoidessont très fréquemment placés quatre par
quatre sur les cellules de Sertoli dans les tubes sémi-
nifères. — M. G. Meillière, sans nier l'influence mar-
quée que peuvent avoir les produits biliaires sur la
mesure de la tension superficielle des urines, pense
qu'il est prudent de ne pas accorder à cette dernière
une valeur diagnostique absolue. — Le même auteur
indique une méthode d'extraction des acides bilaires
des liquides organiques, et en particulier de l'urine. —
M. G. Weiss à constaté que le régime alimentaire
apporte rapidement des modifications importantes dans
la structure des organes de la digestion des animaux.
— M. Em. Bourquelot recherche, dans les végétaux,
le sucre de canne à l’aide de l'invertine et les glucosi-
des à l’aide de l’émulsine (p. 985). — MM. L. Grimbert
et G. Legros proposent, comme milieu de culture pour
les bacilles typhique et coli, au lieu du petit-lait tour-
nesolé de Pétruschky qui n'a pas grande valeur, une
solution peptonée de lactose pur parfaitement neutre
et additionnée de teinture de tournesol sensibilisée. —
MM. J. Camus et P. Pagniez ont constaté que l'éthéro-
bacilline a une action hémolysante sur les globules
rouges humains, action qui est empêchée par le sérum.
— M. Touche a pratiqué l'autopsie dans un cas d’apha-
sie motrice ; il existait, outre une lésion de la troisième
frontale, une lésion temporale et une lésion insulaire.
— M. Alezaiïs a étudié les dimensions du canal rachi-
dien chez un certain nombre de Mammifères. Elles
sont fonction de la mobilité de la région cousidérée et
aussi du volume de la moelle. — M. A. Chipault à
“pratiqué 57 cas de ponction sacro-lombaire dans une
intention thérapeutique; 9 fois la ponction est restée
blanche ; 25 cas ont donné un résultat nul, 14 un résul-
tat palliatif et seulement symptomatique, 9 un résultat
- curalif. — M. V. Balthazard a constaté que la teneur du
foie en lécithine s'accroît dans les infections, intoxica-
tions et aulo-intoxications. Une grande partie des léci-
thines hépatiques proviendraient de la destruction des
leucocytes du sang circulant, — M. J. Lefèvre démon-
tre l'absence de constante calorimétrique dans les
calorimètres déperditeurs; les résultats obtenus par
ces appareils sont doncentachés d'erreurs graves. Pour
graduer les appareils déperditeurs non rétrogradeurs,
» ou pour comparer des sources caloriques à l’aide de
ces appareils, il faut employer des sources constantes.
Séance du 2 Novembre 1901.
M. Ch. Féré a trouvé que la digitale et la spartéine,
qui ont une action durable sur l’activité automatique,
n'ont qu'une action éphémère sur l’activité volontaire.
— Le même auteur a constaté que la vue d’un objet en
mouvement détermine une excitation dont les effets
- sont pondérables. L'excitation est plus marquée à la
- main droite qu'à la main gauche. — MM. Emmerez de
+ Charmoy et P. Mégnin ont observé chez les poulets de
- l'île Maurice une nouvelle maladie parasitaire conta-
- gieuse; c'est une ophtalmie, provoquée par la présence
- de petits vers sous la membrane nictitante. Ces vers
| constituent une espèce nouvelle de Spiroptères : Spi-
» roptera Emmerezii.— M. J. Brault à fait l'examen du
) sang d'un certain nombre de paludiques avérés n'ayant
pas pris de quinine depuis longtemps, et il n'a pas
* trouvé l'hématozoaire de Laveran chez beaucoup d’en-
- tre eux. M. Laveran craint que la technique de
- M. Brault ne laisse à désirer. — M. J. Brault a constaté
que la diazoréaction d'Ehrlich est généralement nulle
dans la malaria et très franche dans la dothiénentérie ;
c'est un moyen assez précieux de diagnostic. — M. Eug.
Dupuy a remarqué une corrélation des états patholo-
giques de la thyroïde, de la prostate et de l'utérus. —
M. G. Rosenthal conseille, pour la séparation des
germes anaérobies cullivés en tubes de Zuber-Veillon,
la méthode d'isolement et de lavage dans une boîte de
Pétlri. — MM. Oddo et Darcourt ont étudié les troubles
des réactions électriques dans la paralysie familiale
périodique. — M. V. Henri a recherché la loi d'action
de la sucrase; elle correspond à la formule :
K=+ LE
08 a— x"
où a est la concentration de la solution de sucre au
début, et x la quantité intervertie dans un temps 4. —
Le mème auteur a vérifié les conséquences de cette loi
en faisant agir la sucrase sur un mélange de saccharose
et de sucre interverti. — M. F. Arloing a reconnu que
le sérum antituberculineux, introduit dans l'organisme
en même temps que l’agent microbien par la voie sé-
reuse, exerce une action favorisante certaine sur l’infec-
tion par le bacille de Koch en culture liquide homo-
gène.
SOCIÉTÉ CHIMIQUE DE PARIS
Séance du 8 Novembre 4901,
M. R. Delange a obtenu le dichlorométhènedioxy-
propylbenzèue en traitant le propylméthènedioxy-
benzène, produit de réduction du safrol, par le per-
chlorure de phosphore. Ge corps est, dans ses réactions,
comparable à un chlorure d'acide; il réagit sur les
alcools, les phénols, l'ammoniaque, les amines, etc. —
M. Wyroubof discute la théorie de M. Posternak sur
les colloïdes, et note qu'elle n’est applicable ni aux col-
loïdes organiques solubles, ni aux colloïdes solubles ou
insolubles d’origine minérale. Il fait voir, par l'exemple
du métaoxyde de thorium et de l'acide sulfochromique,
que la cause de la coagulation n’est pas la même dans
REVUE GÉNÉRALE DES SCIENCES, 1901,
ACADÉMIES ET SOCIÉTÉS SAVANTES
1037
tous les cas, que ce phénomène est dù à la formation
de corps insolubles très différents par leur caractère
chimique, mais qui ont tous une composilion cons-
tante et obéissent tous à la loi des proportions définies.
— M. le D' Posternak fait remarquer, en réponse à
M. Wyrouboff, que les colloïdes ne peuvent plus être
définis, à l'heure actuelle, comme des corps ne passant
pas à travers une membrane, vu la variabilité des phé-
nomènes osmotiques suivant la nature de la membrane
étudiée, comme cela nous a été révélé par les travaux
de Jolly, Pfeffer, Traube, Hamburger, Hedin, etc. Il
insiste ensuile sur /a relativité de la conception des
colloïdes et sur la nécessité qui en découle d'introduire
dans la définition des colloïdes l'indication du dissol-
vant par rapport auquel les propriétés physiques d'un
solide sont étudiées. Quant au rapport des matières
salines aux colloïdes minéraux et spécialement aux
oxydes des terres rares, M. Posternak se plaît à cons-
later qu'aucune des objections nombreuses contre
l'interprétation chimique des phénomènes de modifi-
cation d'état des colloïdes qu'il a développées dans son
mémoire, publié dans les Annales de l'Institut Pasteur,
n'a trouvé de réponse satisfaisante dans la communi-
cation de M. Wyrouboff. Aux faits plus anciens de
M. Béchamp, de MM. Zinder et Picton, viennent se
joindre ceux que M. van Bemmelen a publiés récem-
ment sur l'absorption des matières salines par l'acide
mélastannique, qui plaident résolument contre les idées
de MM. Wyrouboff et Verneuil sur Ja polymérisation
variable des oxydes condensés des terres rares et sur la
facullé que ces derniers posséderaient de former de
véritables sels avec les acides minéraux. — M. Mois-
san expose l'étude des combinaisons du fluor et du
soufre qu'il a faite en collaboration avec M. Lebeau. Il
décrit l'hexafluorure de soufre, les fluorures de sulfu-
ryle, de thionyle, et enfin le tétrafluorure de thionyle.
Il montre avec expériences à l'appui les propriétés
fondamentales de ces divers corps. — M. Béhal pré-
sente une note de M. L. Lindet sur le dosage de l’amidon
dans les graines des céréales, et deux de MM. Reverdin
et Crerieux sur l’action de l'acide nitrique sur la toluène
o.-nitro-p.-sulfamide-1.2.4 et la nitration du p.-sulfo-
chlorure de toluène et sur quelques dérivés du p.-sulfo-
chlorure de toluène et l'o.-nitro-p.-sulfochlorure de to-
luène. — MM. Darzens et Armingeat présentent une
note sur l'emploi du salicylate de sodium pour le dosage
des mélanges d’alcools terpéniques et de leurs éthers.
SOCIETE ROYALE DE LONDRES
1° SCIENCES MATHÉMATIQUES. .
G. H. Darwin : La figure pyriforme d'équilibre
d’une masse fluide en rotation. — L'auteur à repris
quelques-uns des résultats obtenus par M. Poincaré
daus son mémoire des Acta, avec des notations adaptées
à l'emploi de l'analyse harmonique. Ayant trouvé les
expressions générales des coefficients de stabilité,
celles des sept coefficients correspondant aux harmo-
niques du troisième degré, applicables aux éllipsoïdes
de Jacobi, sont réduites en intégrales elliptiques.
Un résultat numérique semble indiquer que, lorsque
l'ellipsoide s’allonge, il devient plus stable vis-à-vis des
déformations du troisième degré et d'ordres supé-
rieurs, et moins stable pour les ordres inférieurs du
même degré.
La solution numérique de l'équation obtenue en ré-
duisant à 0 le coefficient correspondant à la troisième
harmonique zonale montre que l’ellipsoïde critique de
Jacobi est tel que ses axes sont proportionnels à
0,65066 ; 0,81498 et 1,88583; la vitesse angulaire w et Ja
densité p du liquide sont reliées par l'équation
p? , . .
= — 0,142. L'ellipsoide est la figure stable la plus
longue des séries de Jacobi. Une figure de déformation
de cet ellipsoïde crilique par la troisième harmonique
zonale a été tracée par l’auteur. La figure pyriforme est
plus longue que ne le supposait M. Poincaré.
DD+**
1038
H. Poinearé : Sur la stabilité de l'équilibre des
figures pyriformes affectées par une masse fluide
en rotation. — J'ai publié autrefois, dans le Tome VIl
des Acta Mathematica, un mémoire où J'étudie diverses
figures d'équilibre nouvelles d'une masse fluide homo-
gène en rotation. Presque toutes ces figures sont insta-
bles; une d'elles cependant, qui est pyriforme, est (rès
probablement stable. Mais la preuve directe de cette sta-
bilité ne pourrait être obtenue que par de longs calculs.
Le but du présent travail est de faciliter ces calculs, en
donnant à la condition de stabilité une forme analy-
tique aussi simple que possible. La question cependant
reste indécise, parce que les formules analytiques n’ont
as été réduites en chiffres.
Il fallait d'abord obtenir une expression de l'énergie
de gravitation d'une pareille figure en poussant l'approxi-
mation plus loin qu'on ne l'avait fait jusqu'ici. L'emploi
des fonctions de Lamé peut conduire au résultat, mais
on se trouve en présence d'une petite üifticulté. Le
potentiel d’un ellipsoide, ou d'une couche ellipsoïdale,
affecte des formes analytiques différentes selon que le
point envisagé est à l’intérieur ou à l'extérieur de l’ellip-
soide. Il en résulte que dans chacune des intégrales il
faudrait donner à la fonction sous le signe /, tantôt
une forme pour les parties de la surface pyriforme qui
sont au-dessous de la surface de l’ellipsoide, tantôt une
autre forme pour les parties qui sont au-dessus. Mais
j'ai reconnu que cette difficulté est purement artificielle
et qu'on obtiendra encore un résultat final correct en
donnant à ces fonctions sous le signe /, soit foujours
la première forme, soit toujours la deuxième. En opé-
rant de la sorte, on commet une erreur sur chacune des
intégrales, mais ces erreurs se compensent complète-
ment dans la somme des intégrales.
Je me suis attaché ensuite à écrire l'inégalité qui
exprime la condition de stabilité, et à réduire aux inté-
grales elliptiques les plus simples toutes les intégrales
qui figurent dans cette inégalité.
20 SCIENCES PHYSIQUES.
B. D. Steele : La mesure des vitesses ioniques
en solutions aqueuses et l'existence des ions com-
plexes. — La méthode de mesure des vitesses ioniques
décrite par Masson à été étendue par l'auteur de telle
facon que, dans la nouvelle méthode, l'emploi d'une
solution de gélatine et d'indicateurs colorés n’est pas
nécessaire.
Une solution aqueuse du sel à mesurer est enfermée
entre deux cloisons de gélatine qui contiennent les ions
indicateurs en solution, l'appareil étant toujours
arrangé de facon à ce que la solution la plus lourde
soit placée au-dessous de la plus légère. Lors du pas-
sage du courant, les ions de la solution mesurée s’éloi-
gnent de la gelée, suivis à chaque extrémité par les
ions indicateurs; la limite est tout à fait visible à cause
de la différence de l'indice de réfraction des deux solu-
tions. La rapidité du mouvement des bords est mesurée
au moyen d'un cathétomètre, et le rapport des vitesses
des bords donne de suite le rapport des vitesses
ioniques.
On a trouvé que, pour la production et le maintien
d'un bon bord de réfraction, une certaine chute de po-
tentiel est nécessaire pour n'importe quelle paire de
solutions donnée, el cette étendue diffère beaucoup
suivant les différentes limites; par exemple, la limite
entre l'acétate et le chlorure de potassium est stable
pour une chute de potentiel de 0,82 volts, tandis que,
pour la stabilité de la limite sulfate de cadmium-sul-
fate de cuivre, un voltage de 2,54 volts est au moins
nécessaire.
On doit chercher l'explication de ceci non dans la
chute du potentiel dans la solution mesurée, à laquelle
les chiffres ci-dessus se rapportent, mais plutôt dans
le changement de la chute du potentiel en passant de
la solution indicatrice à cette dernière; il se relie pro-
bablement à la théorie des piles liquides de Nernst.
On a noté certaines régularités dans l'influence de
ACADÉMIES ET SOCIÉTÉS SAVANTES
différents sels sur les points de fusion des gelées et il
semble que cette influence est plus ou moins d’une na=
ture additive, dépendant de la nature de l’anion et du
cation. Parmi les anions, l'ion SO, a le maindre et les
ions I et AzO, le plus grand effet pour abaisser le point
de fusion. Parmi les cations, l'ion K a une influence
moindre que les ions Li ou Mg; ces relations sont
encore, cependant, seulement qualitatives.
Les valeurs pour le nombre de transport qui ont été
obtenues montrent une remarquable concordance avec
les nombres de Masson, tels qu'ils ont été mesurés dans
la gélatine, pour les chlorures de potassium et de s0-
dium. D'un autre côté, pour le chlorure de lithium.et le
sulfate de magnésium, il n'existe aucune ressemblance.
Pour tous les sels, une comparaison avec les chiffres
de Hittorf montre seulementune ressemblance approxi-
mative, presque aussi bonne que celle montrée par une
comparaison des chiffres pour le même sel, tels qu'ils
ont été mesurés par différents investigateurs par la
méthode indirecte de Hittorf.
De la connaissance de la résistance spécifique de la
solution mesurée il est possible de calculer la chute du
potentiel dans cette partie du système, et de là la
vitesse moyenne absolue U — x u, où x est le coefficient
de ionisation et u la vitesse ionique absolue.
Une ressemblance très frappante existe entre la
somme des vitesses d’anion et de cation et la somme
calculée d'après les chiffres de conductibilité de Kohl-
rausch. Les vitesses d’un grand nombre d'ions de dif-
férents sels à des concentrations différentes ont été
calculées, et la vitesse des ions hydrogène et hydroxyle .
a élé aussi mesurée, avec les résultats suivants :
TROUVÉ CALCULÉ
0,001435 0,00145
0,00158 0,00152
| OOU282 ) Le
00027 & 0,00280!
OH dans KOH 0,5 N.
NaOH 0,2 N
HA70;0,2N,
H —
Le rapport du courant mesuré par le galvanomètre
à celui calculé par la vitesse des bords de la manière
indiquée par Masson, n'est égal à l'unité que pour
quelques sels du type du chlorure de potassium ; pour
d’autres sels, cerapporta, dans quelques cas, une valeur
plus grande; dans d’autres, moindre que 1. La même
irrégularité a été auparavant indiquée par Masson pour
les solutions en gélaline des sulfates de magnésium et
de lithium. ;
Le travail a été fait pour expliquer cette déviation des
conséquences de la théorie, et aussi la difficulté que
Kohlrausch est incapable d'assigner aux éléments
dyades une valeur quelconque pour la vitesse ionique
spécifique, laquelle est la même quand elle est calculée
d'après les mesures de différents sels du même métal
(dans l'hypothèse, proposée tout d’abord par Hittorf, que,
dans les solutions conrentrées de ces sels, l’ionisation
a lieu de telle facon qu'il se forme des ions complexes
en plus des ions simples); la conclusion est tirée que,
dans tous les cas où quelque changement considérable
dans les chiffres du nombre de transport se produit
avec des changements dans la concentration, des ions
complexes sont présents en plus ou moins grande
quantité.
SOCIÉTÉ DE PHYSIQUE DE LONDRES
Séance du 25 Octobre 1901.
M. E. P. Harrison présente les résultats de ses
recherches sur les variations, avec la température, de
la force électromotrice et de la résistance du nickel, du
fer et du cuivre entre — 200 et Æ 1050. Les courbes
de la variation des f. 6. m. des couples cuivre-nickel
et cuivre-fer sont approximativement une droite et
une parabole respectivement. Les différences entre ces
courbes et une droite choisie dans le premier cas, une
parabole dans le second, ont été dessinées graphique-
ment en fonction de la température. Ces courbes de
: ACADÉMIES ET SOCIÉTÉS SAVANTES
1039
différences montrent que les variations maximum ont
lieu, pour le cuivre-fer, à 70°, 230° et 3709; la tempé-
rature d'inversion (la jonction froide étant à 0°) est de
536°, et le point neutre est à 2620C. Dans le cas du
éuivre-nickel, les variations maximum ont lieu à 70° et
3F00, el il parait y avoir un léger effet d'hystérèse à ce
dernier point; la température d'inversion ne se trouve
pas dans les limites de l'expérience, et il n'y a pas de
point neutre. La courbe de f. 6. m. pour un couple
mickel-fer jusqu'à 700° à été obtenue par addition des
deux courbes expérimentales précédentes; au-dessus
de cette température, des observations directes ont été
faites. Cette courbe est presque linéaire jusqu'à 9009; à
partir de ce point, il y a diminution de la f. 6. m. Les
courbes de la force thermoélectrique ont été déduites
des courbes de f. 6. m. par des tangentes. Pour le
‘cuivre-fer, la plus grande partie est composée de lignes
droites ; le reste est parabolique ; pour le cuivre-nickel,
ce sont des morceaux de lignes droites. La variation
du coefficient de Peltier pour le fer-cuivre est d'abord
“parabolique, puis en ligne droite; pour le cuivre-nickel,
elle est représentée par des fragments de paraboles.
La résistance du nickel augmente presque parabolique-
ment avec la température jusqu'à 370°, puis ensuite
beaucoup moins rapidement, et presque linéairement
jusqu'à 1050°. Pour le fer, la courbe de résistance para-
bolique va jusqu'à 8009, et se continue linéairement
jusqu'à 10500. L'auteur conclut que le changement
thermo-électrique du couple nickel-cuivre coïncide
approximativement avec le changement de résistance,
“tandis qu'il n'existe aucune particularité thermoélec-
trique pour le couple fer-cuivre, à la température du
changement de résistance du fer. — M. G. W. Walker
envoie un mémoire sur l’'asymétrie de l'effet Zeeman.
… M. Voigt avait prévu une asymétrie du triplet normal,
laquelle a été vérifiée par Zeeman, L'auteur a traité le
sujet mathématiquement, et il trouve que l'asymétrie
peut provenir d'un terme du second ordre dû au
champ magnétique. L'asymétrie serait d’aulant plus
distincte que le champ serait plus grand, ce qui est.
contraire à la théorie de Voigt. En donnant des valeurs
numériques aux symboles, on voit que l'effet est
excessivement faible. L'auteur pense que sa théorie
peut fournir l'explication de la non-résolvabilité d'une
ligne.
Séance du 8 Novembre 1901.
M. R.-A. Lehfeldt présente un voltamètre pour
courants faibles. L'instrument se compose d’un tube
- capillaire d'environ 25 centimètres de longueur, com-
plètement rempli de mercure, à l'exception d’une bulle
de solution de nitrate mercureux, d'environ 1 centimètre
- de long, placée près du milieu du tube. Pour employer
l'instrument, on le met dans la position verticale,
l'anode étaut au sommet; et la quantité d'électricité qui
le traverse est mesurée par le changement de volume
de chaque électrode. Dans une expérience d'essai, le
changement de volume a été mesuré au moyen d'un
micromètre ; il concordail à 0,6 % près avec la quantité
déduite du courant connu. fl est nécessaire que les
courants soient faibles pour éviler les complications
dues à la polarisation. — M. J. Buchanan envoie une
note sur un modèle, dû à MM. Fleming et Ashton, qui
imite la facon dont se comportentles diélectriques. L'ac-
tion de ce modèle dépend de la viscosité d'un liquide, et
les diagrammes qui en dérivent montrent par leur forme
que le mouvement du crayon qui les trace s'approche
de ce que l’on peut appeler « le mouvement d’un fluide
visqueux par diffusion ». En d'autres termes, les courbes
de déplacement obtenues par le modèle, etleurs courbes
de vitesse dérivées, sont de la même forme que les
graphiques de certaines solutions de l'équation bien
connue de Fourier :
dre rdar
FCO EE)
" Lord Kelvin a montré que le potentiel et le courant
en chaque point d'un fil de càble peuvent être exprimés
par des solutions appropriées de cette équation; la diffu-
sion de l'électricité dans le ou hors du diélectrique d’un
condenseur peut êlre traitée de la même manière par
l'emploi de solutions de cette équation. II semble donc
que le mouvement du modèle et ia diffusion de l’élec-
tricité dans un diélectrique soient soumis à une seule
et mème loi mathématique. L'auteur suppose que les
inventeurs pourraient obtenir des diagrammes d’hys-
térèse par le chargement cyclique des ressorts. —
M. J. Macfarlane Gray rappelle une théorie thermody-
namique qu'il a soutenue il y a vingt ans et dans
laquelle il suppose un éther granulaire sous forte pres-
sion. Elle explique aisément les propriétés des corps.
Chacun est caractérisé à l'état de vapeur par une cons-
tantenumérique, déduite d'observationsexpérimentales,
Celle de l'eau, d’après les dernières expériences de Lord
Rayleish sur le poids de l'hydrogène, est de 25,33776.
D'après l’auteur, l'eau commence à geler à 95° K., et la
variation de la chaleur spécifique de l’eau aux basses
températures est due à la chaleur latente de la glace;
la formation de particules de glace explique aussi le
changement du volume de l’eau quand elle est refroidie
jusqu'à son point de congélation.
SOCIÉTÉ ALLEMANDE DE PHYSIQUE
Séance du 18 Octobre 1901.
M. O. Lummer présente un nouveau photomètre et
pyromètre à interférences. {l'est basé sur l'emploi des
franges d'interférence de Herschell à la limite de la
réflexion totale, qui se produisent quand on place l’un
contre l'autre, suivant leur hypothéuuse, deux prismes
à angle droit et qu'on regarde dans la direction des
rayons réfléchis totalement une surface lumineuse dif-
fuse ou un disque mat. Comme les franges d’interfé-
rences en lumière transmise sont complémentaires de
celles en lumière réfléchie, elles doivent disparaître
quand les deux surfaces diffuses sont de même clarté.
L'emploi du photomètre comme pyromètre repose sur
la relation qui existe entre l'énergie photométrique d’un
corps et sa température, et qui a été établie par l'auteur,
Pringsheim, Planck, Rubens, Kurlbaum, ete, —M.F.F.
Martens : Sur les indices de réfraction du quartz et du
spath fluor. Sur un grand spectromètre de précision avec
dispositif pour la photographie spectrale. :
Séance du 1 Novembre 190i.
M. E. Lampe communique de nouvelles remarques
sur la question de la forme la plus favorable des pointes
de projectiles conforme à la théorie de Newton. Ses:
recherches montrent que, daus la pratique, on peut
remplacer la courbe minima de Newton par des hyper-
boles choisies convenablement, sans s'écarter de la
résistance mioimum de quantités appréciables. —
MM. E. Aschkinass et W. Caspari présentent leurs
recherches relatives à l'influence des rayons de Bec-
querel sur les substances organisées.
ACADÉMIE DES SCIENCES DE VIENNE
Séance du 10 Octobre 1901.
M. Ed. Suess est réélu président de l'Académie.
M. V. Uhlig est élu membre titulaire. M. M. Berthe-
lot est nommé membre d'honneur. MM. P. Forchhei-
mer, E. Lecher,J.Seegen, K. von Linde, G. Retzius
et Al. Kowalewski sont élus correspondants étrangers.
19 SCIENCES MATHÉMATIQUES. — M. E. von Oppolzer :
Théorie de la scintillation des étoiles fixes! — M. P.
R. Fischer : Démonstration du cinquième postulatum
d'Euclide.
20 SCIENCES PHYSIQUES. — M. R. Hoernes : Tremble-
ments de terre et lignes de choc en Styrie. — M. W.
Laska : Les tremblements de terre de Pologne (I). —
M. K. Przibram : Etudes photographiques sur les
décharges électriques. — M. W. Pauli et P. Rona
Recherches sur les modifications d'état physique des
ACADÉMIES ET SOCIÉTÉS SAVANTES
colloïdes. — MM. A. Smolka et Ed. Halla ont préparé
les chlorhydrates d'xetf-naphtylbiguanide en chauffant
pendant huit heures en tube fermé la dicyandiamide
avec les chlorhydrates d'x et f-naphtylamine et de l’al-
cool à 95 °/ Les briguanides sont mis en liberté
par la soude. Ce sont des bases donnant des sels avec
les acides, mais aussi avec le cuivre et le nickel.
3° SCIENCES NATURELLES. — M. R. von Wettstein
envoie du Brésil des renseignements sur le voyage
d'études botaniques dont il a été chargé par l’Académie
dans la région de Sao-Paulg. — M. F. Schaffer : Nou-
velles études géologiques dans le sud-est de l'Asie
Mineure. — M. R. Hoernes décrit de nouvelles Cérithes
du groupe du Clava bidentatatrouvées à Oisnitz (Styrie
moyenne) et fait quelques remarques sur la répartition
de ce groupe dans l’Eocène, l'Oligocène et le Miocène.
Séance du 47 Octobre 1901.
1° SCIENCES MATHÉMATIQUES. — M. E. Weiss commu-
nique ses observations des Laurentides dans les nuits
du 9 au 12 août. Les météores observés ont été de 55,
110 et 481; mais la plus grande partie appartenaient
aux Perséides. L'auteur décrit aussi un globe de feu
qui a été observé à Vienne, le 3 octobre, à 7 h. 25.
20 Scrences PHYSIQUES. — M. Zd. H. Skraup rappelle
que l'identité de la cinchonifine et de la cimchotine,
récemment annoncée par Jungfleisch et Léger, a déjà
été prouvée par Hesse, lui et ses élèves. — Le même
auteur a étudié les propriétés physiques de l’& et de la
G-1-cinchonive; elles sont si différentes qu'il n'est pas
possible que ces deux corps soientdes isomères optiques.
— MM. Zd. H. Skraup et R. Zwerger ont isolé, des
produits d’oxydation de la-i-cinchonine, un acide
dioxypipéridine butyrique et un acide pipéridine-car-
bouique chloré: il semblerait que l'«-1-cinchonine con-
tient un noyau pipéridique. — M. Ad. Franke a
préparé, par réduction du diacétonealcool, le méthyl-2-
pentane-2 : 4-diol ; il est isomère avec la pinacone, qui
possède bien la formule d'un tétraméthyléthylèneglycol.
— MM. J. Herzig et F. Wenzel ont préparé les éthers
carboniques de la phloroglucine par traitement des
acides phloroglucinecarboniques substitués ou non
avec le diazométhane.
30 SCIENCES NATURELLES. — M. Fr. Berwerth commu-
nique ses recherches sur les échantillons recueillis au
“ond de la Méditerranée orientale pendant les expédi-
tions de la Pola. Les sédiments sont composés : 1° de
restes organiques riches en chaux (petits Mollusques et
Foraminifères); 2° de fragments d'organismes siliceux
(Spongiaires et Radiolaires, plaques siliceuses d’origine
organique); 3 de divers minéraux et fragments de
pierres; les minéraux dérivent principalement des
vieux schistes cristallins ; 4° d’un précipité, qui n’est pas
exactement déterminable au microscope et qui forme
la plus grande partie du limon; il se compose d’une
partie calcaire (coquilles broyées) et d'une partie argi-
leuse.
ACADÉMIE DES SCIENCES D'AMSTERDAM
Séance du 28 Octobre 4901.
40 SCIENCES MATHÉMATIQUES. — M. P. H. Schoute :
Etude analytique d'une confiquration du D' C. Segre.
Première partie. Il s'agit d'une configuration dans l’es-
pace à quatre dimensions se composant de quinze points,
de quinze droites, de quarante-cinq plans et de quinze
espaces tridimensionaux. — M. J. de Vries présente, au
nom de M. $. L. van Oss : Le mouvement élémentaire
de l'espace FE, à quatre dimensions. L'auteur effectue
d'une manière tout à fait géométrique la réduction du
mouvement élémentaire de l'espace E, à deux rotations
autour de deux plans, normaux l’un à l'autre, en s'ap-
puyant sur la réduction connue du mouvement élé-
mentaire en notre espace. — M. H. G. van de Sande
Bakhuyzen présente, au nom de M. J. Stein, S. J. :
Discussion de la critique de M. J. C. Kapteyn sur Ja
méthode de détermination de l'Apex du mouvement so-
laire donnée par Airy. L'auteur rappelle que, dans
une communication à l'Académie en janvier 1901 (voir
Rev. gén des Se., t. XI, p. 224), M. Kapteyn a pré-
tendu que ni la méthode d’Airy, ni celle d'Argelander,
ne s'appuient entièrement sur l'hypothèse que les mou-
vements propres particuliers des étoiles fixes r'ont pas
de prédilection pour une direction déterminée. Au con-
traire, d'après M. Steyn, la méthode donnée par Airy
est en accord parfait avec cette hypothèse, même quand
on applique aux équations de conditions la théorie des
moindres carrés. De plus, d'après M. Steyn, les condi-
tions déduites de la méthode d’Airy par M. Kapteyn
sont inexactes. — M. J. C. Kapteyn rélule les consi-
dérations de M. Steyn en prétendant : 1° que les équa-
tions déduites par M. Steyn ne prouvent rien contre
ses considérations; et 2° que la critique directe de ses
déductions est inexacte.
29 SCIENCES PHYSIQUES. — M. CG, A. Lobry de Bruyn pré-
sente, au nom de M. N. Schoorl, la thèse « Verbin-
dingen van Suikers met Urea » (Combinaisons des
Sucres avec les Urées), et une communication : Sur les
dérivés uréiques (carbamides) des sucres. Suite d'une
communication antérieure (Æev. gén. des Se., t. XIT,
p. 151). Ici M. Schoorl s'occupe des poids moléculaire
et spécifique (216 et 1,480), de la chaleur de combustion
(6,736 cal. par molécule-gramme) et des propriétés chi-
‘ miques de la glucose-uréide (C,H,.0,.Az.C0.A7H,). Ont
été isolées la galactose-uréide, la mannose-uréide
(G,H,.0,.Az.CO.AZH, + C,H,.0,) et la lactose-uréide
(C,.H,.0,,.Az.C0.AZH, + 4,0).
30 NCIENCES NATURELLES. — M. J. L.C. Schroeder van
der Kolk : Le commencement d'une nouvelle carte
géologique des Pays-Bas. Exposé de ce qui a été fait
depuis 1898. Sont en préparation les planches couvrant
une bande dans la direction ouest-est formant à peu
près une tangente au Zuiderzee et la partie méridio-
nale d’une bande dans la direction nord-sud de De-
venter à Maestricht. — M. J. W. Moll : Sur l’hydrosi-
mètre. L'instrument servant à faire connaître la pres-
sion de l’eau dans les plantes (Üwp— eau, dot — choc)
se distingue des instruments antérieurs en ce quil
permet de tenir les deux colonnes de mercure aux
mêmes niveaux. Il se compose d'une bouteille de Ma-
riotte fixée à un tube en forme d'U par un serpentin
de caoutchouc, etc. — M. K. Martin présente : Report
on the geology of the Philippine Islands, by G.F. Becker,
followed by a version of « Ueber tertiäre Kossilien von
den Philippinen » 1895, by K. Martin (Rapport surla.
géologie des îles Philippines, suivi d’une translation de
« Sur les fossiles tertiaires des Philippines »)}. —
M. H. J. Hamburger présente les thèses de MM. G-: A.
van Lier : Die Durchlässigkeit der rothen Blutkür-
perchen für die Anionen von Natriumsalzen (La per-
méabilité des corpuscules rouges du sang pour les
anions de sels de soude), H. J. van der Schroef : Ueber
die Permeabilität von Leukocyten und Lymphdrüsen-
zellen für die Anionen der Natriumsalze (Sur la perméa=
bilité des leucocytes et des cellules des glandes lympha-
tiques pour les anions de sels de soude), D. G. Ubbels :
Vergleichende Untersuchungen von mütterlichem Blute,
fütalem Blute und Fruchtwasser (Examen comparatif
du sang maternel, du sang de fœtus et du liquide d'am-
nios). — M. J. W. van Bemmelen présente, au nom de
M. J. F. van Bemmelen : Der Schädelbau der Mono-
tremen (La structure du crâne des Monotrèmes). —
M. B. J. Stokvis présente 1°: Virchow und die nieder-
ländische Mediein (M. Virchow et la médecine en Hol-
lande), et 2° : Der kleine Virchow (Le petit Virchow).
P. H. Scnoure.
N. B. — Dans la Revue générale des Sciences du
15 novembre 1901, p. 133, colonne 2, ligne 20, au lieu
de : surfaces exposées au vent, traduction de wind-
schief Flächen, lire : surfaces gauches. S.
Le Directeur-Gérant : Louis OLIvIER.
Paris. — L. MARETHEUX, imprimeur, 1, rue Cassette.”
4
mt tatin tpm de...
12 ANNÉE
DIRECTEUR :
Ne 93
15 DÉCEMBRE 1901
Revue générale
Des SCienc
pures el appliquées
LOUIS OLIVIER, Docteur ès sciences.
Adresser tout ce qui concerne la rédaction à M. L. OLIVIER, 22, rue du Général-Foy, Paris. — La reproduction et la traduction des œuvres et des travaux
publiés dans la Revue sont complètement interdites en France et dans tous les pays étrangers, y compris la Suède, la Norvège et la Hollande. (
$ 1. — Distinctions scientifiques
Élection à l'Académie des Sciences de
Paris. — Dans sa séance du 25 novembre, l'Académie
a procédé à l'élection d’un membre dans sa Section
d'Anatomie et de Zoologie, en remplacement de M. de
Lacaze-Duthiers. La Section avait présenté la liste
suivante de candidats : en première ligne, M. Léon
Vaillant, professeur au Muséum; en seconde ligne,
MM. E. Bouvier, professeur au Muséum, Y. Delage, pro-
fesseur à la Sorbonne, el F. Henneguy, professeur au
Collège de France; en troisième ligne, MM. R. Blan-
chard, professeur à la Faculté de Médecine, F. Hous-
say. maitre de conférences à l'Ecole Normale, et
- E. Oustalet, professeur au Muséum.
._ Au premier tour de scrutin, le nombre des votants
tant 63,
M. Y. Delage a obtenu.
31 suflrages.
NN Int 0e fi CS 0
M. E. Bouvier CPE | —
En conséquence, M. Yves Delage a été déclaré élu.
Le nouvel académicien est l’un des plus éminents
- parmi les zoologistes contemporains. L'Anatomie com-
. parée et l’'Embryologie lui doivent quelques-unes de
| leurs plus précieuses acquisitions. Ses beaux travaux
sur le système circulatoire des Crustacés, sur le déve-
- loppement de la sacculine, la structure et l’évolution
- des Spongiaires sont aujourd'hui classiques. Ses
» recherches micrographiques expérimentales sur la fé-
- condation et les premiers développements de l'œuf ont
- mis au jour une série de faits de première importance,
- dont devra, désormais, tenir compte toute tentative
d'explication des phénomènes de reproduction et
d'hérédité.
- Depuis quelques années, M. Delage s’est principa-
- lement occupé des conditions mécaniques de l’évolu-
- tion de la celiule, des tissus et des appareils organiques
chez l'individu, et, tout en prenant lui-même une part
active à cet ordre de recherches, s’est appliqué à faire
connaitre en France les travaux que divers naturalistes
.de Suisse et d'Allemagne poursuivent dans cette direc-
‘on.
Professeur remarquable, M. Delage a su grouper
REVUE GÉNÉRALE DES SCIENCES, 1901.
CHRONIQUE ET CORRESPONDANCE
autour de sa chaire de nombreux auditeurs, et réussi
à former, dans son laboratoire, quelques élèves, dont
les thèses de doctorat ontété très justement appréciées.
Grâce aux ouvrages didactiques qu'il a publiés sur
l'ensemble de la Zoologie et qui permettent au débu-
tant d'aborder cette science selon la bonne méthode,
en allant du connu à l'inconnu, en étudiant — non plus
des exposés généraux, pour lui vides de sens, — mais
des faits concrets pour arriver progressivement aux
lois générales; grâce à l'Année biologique, qui, régu-
lièrement enregistre et précise les faits nouvellement
acquis dans tous les départements de la Biologie géné-
rale et spécialement de la Zoologie, l'enseignement
de M. Delage s'étend aujourd'hui bien au delà de la
Sorbonne et des laboratoires qui dépendent de sa
chaire : il porte ses fruits partout où la Zoologie est
cultivée et, loin même de nos frontières, contribue
puisamment au bon renom de notre science.
$ 2. — Mathématiques
L'étude des Mathématiques à l'Université
de Genève. — Les professeurs de Mathémathiques
de l'Université de Genève ont eu l'idée excellente de
rédiger pour leurs élèves une Note sur la facon d'étu-
dier, la marche à suivre et la peine à s'imposer pour
parvenir à une connaissance intelligente des Mathéma-
tiques supérieures. La question de méthode qu'ils agitent
offrant un intérêt absolument général, nous pensons
rendre serviceauxlecteursen résumanticileurs conseils,
Faisons d'abord remarquer, avec l'un de ces Maîtres.
notre savant collaborateur M. H. Fehr, que, pour suivre
avec fruit les cours de Mathématiques de l'Université, il
est nécessaire d’avoir compris l'Algèbre élémentaire,
les éléments de Géométrie, de Trigonométrie et de Géo-
métrie analytique enseignés dans les écoles secon-
daires !. Au sujet de l'intelligence précise de ces parties
de la Science, M. Fehr* écrit très justement :
! A ce propos, M. Febhr cite fort justement comme un
chef-d'œuvre de pédagogie mathématique, les Leçons de
Géométrie élémentaire de M. J. Hadamard.
? H, Feur : Les Lecons d'introduction et les Lecons de
revision dans l’enseignement secondaire supérieur, Znsei-
gaement mathématique, n° 5 de 1901.
23
1042
CHRONIQUE ET CORRESPONDANCE
« Quels que soient les programmes et les manuels
imposés par l'autorité scolaire, le maitre ne doit jamais
oublier que toutes les branches de l’enseignement
secondaire doivent contribuer à développer chez les
élèves la faculté d'attention et leur donner l'habitude
de travailler d'une façon rationnelle. 11 doit s’efforcer
de anettre en évidence les idées fondamentales et de
montrer les formes diverses sous lesquelles elles ont été
appliquées. A cet effet, quelques remarques faites pen-
dant le cours sont déjà d’une grande utilité. Mais il est
indispensable qu'en outre le maître consacre de temps
en temps une lecon à l'étude de questions générales
embrassant à la fois plusieurs chapitres, étude dans
laquelle il peut aborder soit le côté philosophique du
sujet, soit le développement historique.
« À côté de ces considérations d’un caractère philo-
sophique, les lecons générales doivent contenir quelques
indications quant au développement historique de la
branche étudiée. L'étude de chaque branche devrait se
terminer par un court aperçu historique présenté
sous la forme d’une simple causerie et limité aux faits
les plus importants. Les questions historiques inté-
ressent toujours vivement les élèves; ils tiennent à
savoir quels étaient les moyens de calcul dont se ser-
vaient les Anciens, à quelle époque remonte l'usage des
fractions décimales, comment les rapports trigonomé-
triques se sont introduits dans les calculs, etc., etc. Le
développement considérable qu'ont pris depuis une
vingtaine d'années les recherches sur l'Histoire des
Mathématiques, a donné lieu a de nombreuses publi-
cations; il existe aujourd'hui une série de manuels
d'Arithmétique, d’Algèbre, de Géométrie et de Trigono-
métrie contenant un chapitre ou simplement quelques
notes sur l'Histoire des Mathématiques. IL est donc
facile au maître de compléter ses connaissances dans ce
domaine afin d’en tirer parti dans son enseignement.
« Les lecons de revision se font assez généralement
dans l’enseignement secondaire; mais ce sont presque
toujours des revisions dans le sens étroit du mot :
répétition pure et simple des règles ou des théorèmes,
travail mécanique fait uniquement en vue des examens,
Pour que les leçons de revision soient d'une utilité
réelle, il faut qu'elles apportent des considérations nou-
velles, il faut qu'elles présentent le caractère d’une
lecon générale. La préparation aux examens, puisque
examens il y a, n'en sera que meilleure, et le but que
poursuit l'enseignement secondaire n'en sera que mieux
atteint.
« Dans ces lecons générales, on se bornera à l'étude
des notions fondamentales et de leurs conséquences
immédiates. On attirera l'attention des élèves sur les
formes, souvent très diverses en apparence, sous
lesquelles une même propriété à été utilisée; on fera
ressortir les liens quiexistent entre les divers chapitres
ainsi que les points de contact qui rattachent la théorie
étudiée à d'autres branches de la science. Il y aura lieu,
en outre, de passer en revue les applications les plus
importantes el d'insister sur les méthodes de résolution
auxquelles on peut avoir recours. »
Initiés à l'esprit des Mathématiques par un enseigne-
mentainsi compris, les élèves sont en état de poursuivre à
la Faculté l'étude des Mathématiques supérieures. Voici,
sur la marche qu'ils ont à suivre à cet effet à l'Univer-
sité de Genève, et sur la discipline qu'ils doivent s'impo-
ser, les indications et conseils que leur donnent MM. C.
Cailler, H. Febr et R. Gautier :
« Les cours de Mathématiques pures et appliquées qui
figurent dans les programmes de la Faculté se répartis-
sent en cours généraux, donnés par les professeurs
ordinaires, et en cours spéciaux, donnés par les pro-
fesseurs ou les privat-docents. Les cours de cette se-
conde catégorie sont destinés soit aux commençants,
soit aux étudiants plus avancés; leur objet peut varier
d’un semestre à un autre. Nous n’envisagerons ici que
les cours généraux. Ce sont les suivants: A/gébre,
Géométrie analytique (semestre d'hiver), Géométrie
descriptive et projective (semestre d'été), Calcul diffé-
rentiel et intégral, Mécanique rationnelle et Astro=
omie, avec les branches qui s'y rattachent.
« Nous ne conseillerions à personne de suivre à Ja
fois l'ensemble de ces cours, d'autant plus que la plu-
part des étudiants sont appelés à assister, en outre, à
certains cours appartenant aux sciences physiques ou
chimiques. Pour être faite d'une manière rationnelle,
l'étude des éléments des Mathématiques supérieures
doit étre répartie sur une période de deux ans.
« La première année doit ètre consacrée à l'A/gèbre#
et à la Géométrie?, qui constituent une première ini-"
tiation aux Mathématiques supérieures. Ces deux cours
figurent encore dans les programmes et règlements
d'examens, sous la dénomination incorrecte de « Ma-"
thématiques spéciales ». Chacun de ces cours comprend
trois heures pendant toute l’année (théorie, deux
heures; exercices, une heure). Seuls, les étudiants
sortis en très bon rang de la Section technique du
Gymnase, ou ayanl une préparation équivalente, peu-
vent, éventuellement, suivre en même temps les lecons
de Calcul différentiel et intégral. à
« Le Calcul différentiel et intégral et la Mécanique
rationnelle font l'objet de la seconde année d’études. IL
est affecté à chacune de ces branches cinq heures par
semaine (théorie, trois heures ; exercices, deux heures}.
« Relativement à l’Asfronomie et aux branches rat-
. fachées à cette science, nous faisons les remarques
suivantes :
« Le cours de Géographie physique, qui traite des
questions générales de morphologie et d'océanogra-
phie, et plus spécialement de météorologie, est un
cours qu'il sera bon de suivre pendant la première
année.
« Une fois en possession des notions fondamentales,
l'étudiant peut se livrer sans difficulté à une étude
approfondie de quelques-unes des branches des Ma-
thématiques supérieures. Il aura l’occasion de se fa-
miliariser avec les parties plus élevées de la science
en prenant part aux conférences et en suivant les
cours SpECIAUX. :
« Ces conférences, faites au début du semestre par
le professeur, puis, à tour de rôle, par les étudiants,
poursuivent un double but; ayant pour objet l'étude
des principes fondamentaux de telle ou telle branche
des Mathématiques supérieures, pures ou appliquées.
elles fournissent aux étudiants l’occasion de s'initier
aux travaux de recherches.
« Dès ce moment, le travail personnel, accompa-
gnant la lecture des ouvrages classiques, doit prendre
la place prépondérante. A cet effet, les étudiants trou-
veront, soit à la Bibliothèque mathématique de ? Uni-
versité, soit à la Bibliothèque publique, la plupart des
ouvrages et revues dont ils pourront avoir besoin.
« À côté de ces branches, qui forment le bagage
indispensable à tous ceux qui s'engagent dans le
domaine des sciences mathématiques, physiques ou
chimiques, l'étudiant ne doit pas perdre de vue le
développement de sa culture générale. À cet effet,
nous l’engageons à suivre régulièrement, dès la seconde
année si possible, au moins un cours de la Faculté des
Lettres et des Sciences sociales. 1 ne doit pas oublier
que la culture universitaire ne comprend pas seulement
l'étude approfondie destel ou tel domaine de la science,
mais, de plus, des vues générales sur l’ensemble des
connaissances humaines.
« En première ligne, nous devons signaler la PAr-
losophie et, de plus, pour ceux qui se destinent à
l'enseignement, la ?édagogre.
« Il nous paraît indispensable de faire suivre ces
conseils relatifs au choix des cours de quelques conseils
sur la méthode de travail. Le développement de l'esprit
1 Le programme d'Algèbre comprend, entre autres, les
théories suivantes : Déterminants; Dérivées et lutégrales
définies; Séries; Théorie générale des équations.
2 Géométrie analytique à deux et à trois dimensions;
Géométrie descriptive et projective.
hathématique ne peut se faire d'une facon rationnelle
que si l'étudiant fait preuve de volonté, de persévérance
ét d'initiative dans le travail. L’acquisition des connais-
ances mathématiques exige un effort constant. Une
fréquentation régulière, non seulement des cours, mais
tussi des lecons d'exercices est indispensable. Les
hotes prises au cours seront aussi brèves que possible;
elles devront toujours être revues et développées à la
maison, le jour même si possible. Pour ceux des étu-
diants qui font des Mathématiques leur principal
objet d'étude, ces notes devront souvent être complé-
fées à l’aide des traités classiques. Dans tous les cas, il
s'agit non pas d’accumuler des notes et de se livrer à
an simple travail de rédaction, au point de vue du soin
et de l'ordre dans le texte, mais, avant tout, d'un é#ra-
wail d'assimilation. C'est à ce moment-là que l'étudiant
se rendra compte s'il a compris l’enchaïnement des
idées et la méthode employée dans la démonstration.
S'il reste des points obscurs, il s'efforcera de les faire
disparaitre, et, en cas d'insuccès, il s'adressera le len-
demain, soit à un camarade, soit à son professeur, qui
sera toujours heureux qu'on lui signale les passages
pouvant offrir quelque difficulté.
« De plus, il est indispensable qu'à la fin de chaque
chapitre l'étudiant se livre à un fravail de revision,
qui lui permettra de se rendre compte d'une facon
précise des idées directrices auxquelles on a eu
recours, et qui, étendu à un ensemble de chapitres, lui
donnera une vue générale sur les questions développées
et sur les liens qui peuvent exister entre elles. Ce tra-
ail de revision devra être repris et développé pendant
les vacances; il devra être accompagné de nombreux
exercices. La résolution de quelques problèmes permet
souvent, mieux que toute revision, de constater les
Jacunes qui restent à combler.
Les cours universitaires ne fournissent pas un exposé
dogmalique de la branche traitée; d’ailleurs, le temps
accordé aux diverses théories ne le permettrait pas. Ils
doivent être envisagés comme un simple guide et
comme un stimulant pour l'étude personnelle. Ceux
qui poursuivront les études mathématiques, en fré-
“quentant les conférences et les cours spéciaux, se
feront peu à peu une idée générale de l’ensemble des
sciences exactes; ils seront mis à même de suivre le
développement de la science dans le domaine auquel
ils se sont plus spécialement consacrés et, plus tard,
pourront à leur tour contribuer à ses progrès. »
$ 3. — Astronomie
_ La carte du Ciel. — Sous les auspices de l'Acadé-
mie des Sciences, vient d'être publié le compte rendu des
séances de la Réunion du Comité international perma-
nent pour l'exécution de la Carte photographique du
Ciel. Conformément à la décision prise dans la ses-
sion de 1896, la nouvelle Conférence internationale
s'était tenue à Paris, en juillet 1900, pour poursuivre
Vexamen des mesures destinées à assurer le succès de
cette entreprise.
Les résultats acquis sont déjà nombreux, présentent
une valeur scientifique réelle, et, bien que ce grand tra-
vail soit inachevé, il faut faire remonter le mérite d’un
pareil monument scientifique à l'initiative hardie de
Mouchez et à la féconde sollicitude de Tisserand, qui
parvint à grouper tant de bonnes volontés et de talents.
Sans doute, comme en toute réunion un peu nom-
breuse, trop peut-être pour produire un travail effectif,
mon s'est fort congratulé mutuellement : cependant les
directeurs ou représentants des divers observatoires ont
présenté des Rapports sur l'état des travaux concernant
“la carte du Ciel et il est juste de reconnaître que la plu-
part des adhérents fournissent un travail effectif, On
dut déplorer pourtant la défection de l'Observatoire de
La Plata, de celui de Rio de Janeiro sous la direction de
A. Cruls, et de celui de Santiago avec M. Obrecht; mais, il
est vrai, leurs collègues sesontempressésdese distribuer
la besogne qui leur avait été primitivement attribuée
CHRONIQUE ET CORRESPONDANCE
et, de plus, de nouvelles initiatives fructueuses se sont
révélées avec M. Thome, directeur de l'Observatoire de
Cordoba, dans la République Argentine, et M. Legrand,
qui fonde un observatoire dans sa propriété, aux envi-
ron de Montevideo, avec le concours précieux du Gou-
vernement de l'Uruguay.
Il s'est encore fait place pour une bonne coopéra-
tion : certains observatoires sont remplis de bonne
volonté, quoique fort pauvres; d’autres, sans être
riches (!!), ont cependant des ressources plus étendues.
Les derniers se sont offert à prèter leur concours, soit
pour la mesure, soit au besoin pour la réduction des
clichés des moins favorisés de la fortune. Puis, sont
venues les questions plus techniques : choix du cata-
logue fondamental auquel seront rattachées les étoiles
de repère; utilité de déterminer ces étoiles par des
observations méridiennes, à une époque qui ne soil pas
trop éloignée de celle de la pose du cliché, etc... On
pourrait s'étonner que ces questions n'aient pas été
réglées dès l'origine : cela eut certes été préférable,
mais il faut convenir qu'il est impossible — ou du
moins fort malaisé — de régler à l'avance tout les petits
détails; au reste ceux-ci sont relativement moins im-
portants que ceux dont nous allons avoir à parler.
Pour la détermination des yrandeurs photogra-
phiques, par exemple, l'entente est loin d'être réalisée
en vue de l'adoption d'un procédé uniforme : c’est là
un inconvéoient, un défaut d'entente à regretter, mal-
gré tous les beaux rapports où chacun est venu dévelop-
per sa propre méthode. Puis, il reste encore les ques-
tions relatives à la publication des catalogues photo-
graphiques, les éléments qu'il serait désirable de four-
nir avec des coordonnées rectilignes, etc; quelques
observatoires ont déjà commencé la publication d'un
catalogue photographique, ont engagé des travaux
relatifs à cette publication et l’on en est encore à étu-
dier les diverses dispositions typographiques qu'il est
opportun de donner à ces documents. Ceci est une
erreur assez importante et, pour l'homogénéité même
de ce travail, on aurait dû s'entendre avant d'entamer
les publications proprement dites.
Sans nous arrêter à une enquête projetée sur le
nombre probable des étoiles pour les différentes zones,
nous devons, au moins, signaler la recherche, d’un inté-
rêt général, des mesures propres à assurer la conserva-
tion des clichés. M. Bouquet de la Grye signale le résul-
tat satisfaisant obtenu pour les plaques photographiques
du passage de Vénus, en 1882 : elles sont restées, depuis,
sans modifications sensibles et les seules précautions
prises pour conserver ces plaques ont consisté à les
maintenir dans un endroit sec, c'est-à-dire simplement .
à l'abri de l'humidité, mais non dans une atmosphère
complètement desséchée par des substances capables
d’absorber la vapeur d’eau, ce qui peut entrainer à se
craqueler les plaques soumises à une telle action.Voici,
d'ailleurs, la solution préconisée par M. L. Lumière :
lavage aussi complet que possible après le fixage, alu-
nage au moyen de l’alun de chrome, suivi d’un lavage
abondant, dessiccation et maintien des clichés à l'abri
de l'humidité. Contrairement à la pratique de certains
auteurs, il faut proscrire absolument l'emploi des ver-
nis dont les résines s’oxydent sous l'action de l'air, en
sorte que le vernis finit par se craqueler ; il faut éviter
l'application d'une couche de collodion normal sur le
cliché pour ne pas avoir à compter avec un dégagement
de vapeurs nitreuses, qui pourraient, à la longue, alté-
rer le pyroxyle lui-même ; quant à l'emploi du formol,
souvent préconisé, on peut dire que le formol a l’incon-
vénient de modifier la constitution de la gélatine et
d'en rendre la couche fragile et cassante. De même,
naturellement, il faut éviter de conserver les clichés
dans des boîtes métalliques, ou même de bois, herméti-
quement closes, car si de l'air saturé d'humidité s'était
trouvé une fois enfermé dans ces boîtes, on aurait à
redouter ensuite les effets fâcheux d'une condensation
de la vapeur d’eau sur le cliché, sous l'action d’un
abaissement de la température.
104%
Enfin, et cela surtout est le but important de cette
réunion, une Commission spéciale fut nommée pour
étudier la petite planète Eros; mais nous avons tenu
le lecteur au courant, au fur et à mesure, de cette
recherche particulière.
Étoile à fort mouvement propre. — L'étoile
1830 Groombridge est animée d’un mouvement extré-
mement rapide, qui lui permet de parcourir un degré
en cinq cents ans, et, si l'on adopte le chiffre de 0,14
pour sa parallaxe, sa vitesse perpendiculaire au rayon
visuel peut être estimée à 240 kilomètres par seconde.
11 paraît bien qu'un astre de l'hémisphère austral aille
encore plus vite, mais toute détermination numérique
est impossible, comme vitesse réelle, car sa parallaxe
est malheureusement inconnue.
En outre, d'après le Bulletin de Liek Observatory,
on vient de tenter à Lick la détermination de la vitesse
radiale de 14830 Groombridge à l'aide du spectrographe
Mills : quatre photographies spectrales s'accordent
pour faire estimer que cette étoile se rapproche de la
Terre avec une vitesse de 25 kilomètres par seconde.
La géographie de Mars. — Cette science fait
des progrès de jour en jour, de sorte qu'il est bien
légitime d'en dire un mot de temps à autre. Et cepen-
dant, la tâche n'est pas facile! De prime abord, le mot
de science risque en l'espèce de paraître bien pré-
somptueux; pourtant il n’est guère exagéré.
Certes, la connaissance de Mars rentre d’une manière
générale daus l’Astronomie : l'astronome doit en faire
des observations positionnelles, il doit chercher en-
suite à les enserrer dans des formules et déployer là
toutes les ressources de la Mécanique céleste. Mais la
géographie: de Mars? Ici le vulgaire — le vulgaire astro-
nome entendons-nous — en sait autant que le dilet-
tante : il connait les canaux et a entendu dire que des
pionniers laborieux les observaient sans cesse. Et, en
effet, il s'est formé un groupe d’observateurs zélés qui
se sont spécialisés dans l'observation de cette planète :
à cet égard, la propagande de M. Flammarion ne fut
pas saus entraîner un grand nombre d'amateurs, et,
lui-même, avec M. Antoniadi, continue des observa-
tions régulières à Juvisy.
Mais voilà où commence la difficulté : cette société
d'admirateurs de Mars n'a pas tardé à tout baptiser. La
moindre ligne, la plus petite nébulosité, tout point
brillant, toute zone noire, tout a un nom: c’est un
nouveau vocabulaire assez inextricable. Cependant, il
faut reconnaître que, du moins pour les adeptes, cette
géographie se développe très rapidement : elle est
purement descriptive, si l’on veut, mais la moindre
singularité superlicielle est immédiatement notée,
située, dénommée, et suivie dans ses moindres trans-
formations. .
Alors, comment rendre compte de toutes ces recher-
ches? Sans doute nous voyons bien que, dans un
observatoire officiel, à Meudon, M. Millochau poursuit
de telles études; mais, d'autre part, il faudrait tout un
article pour énumérer les amateurs, sür toute la
surface de la Terre, qui s'intéressent à celle question.
De plus, une nouvelle difficulté surgit si l'on veut ana-
lyser ces travaux si spéciaux, difficulté qui naît de ce
que les auteurs ont fini par acquérir un vocabulaire un
peu trop conventionnel à notre avis. Mais écoutons-les
plutôt en ce qui concerne les particularités de Mars à
son opposition de 4901 : Hesperia, facile, paraït se
continuer avec Ausonia; lac Mæris très diflicile;
Euphrate très faible et difficile; la fontaine Siloé n'est
pas très difficile: Deucalionis Regis très estompée ;
etc., etc.; il y en aurait un volume à écrire de la sorte,
et le lecteur ne serait pas trèsavancé, même sinous lui
disions encore où en étaient la grande Syrte, Nerigos,
le portus Sigeus, le Nilokeras, Hephæstus, l'Eunostos
et Cyclops — ces quelques termes n'étant destinés qu'à
donner une idée de la littérature marsienne.
Mars, cette année, présentait une opposition défec-
CHRONIQUE ET CORRESPONDANCE
. trichlorure de phosphore, puis de l’eau, les acides phé-
tueuse, à une très grande distance de la Terre, et son
diamètre apparent n’a pas dépassé 14,1; et, cepen=
dant, les observations sont loin d’avoir été infru
tueuses : on n’a pu relever aucun changement dans les
détails topographiques importants de la planète; Jes
canaux furent larges et souvent diffus, les lacs com
posés de points noirs entourés d’une pénombre, =
quelques-uns d'entre eux s'étant peut-être dédow
blés.
On a fait un relevé assez complet des terres qui blan
chissent avec l'obliquité ; les canaux avaient l'aspect de
chapelets de petites masses sombres et irrégulières
Enfin, la calotte polaire boréale a paru bien centrée
autour du pôle; on a suivi avec soin ses dimensions 4
fur et à mesure de la fonte des neiges et des glaces
parfois encore, on a pu noter de subites augmentations
dans son diamètre, d’un caractère particulier et qu'il
paraît vraisemblable d'attribuer à la présence de
masses nuageuses considérables.
Il nous est bien difficile malheureusement de donner
plus de détails tant que cette géographie restera aussi
peu classée au point de vue systématique, et, maintes
tenant que les efforts ont porté leurs fruits, maintenant
que l’on possède un grand nombre de faits et de des
criptions concordants, il serait à souhaiter qu'une
entente s'établit pour débaptiser toutes les petites locas
lités, et pour établir à nouveau une géographie de Mars
plus simple, mieux classée, qui serait accessible aux
semi-ignorants non spécialistes. À
$ 4. — Chimie
Action des chlorures de phosphore sur les
éthers aromatiques de la glycérine. — L'éther
symétrique
CHE — CH — CHÉ
oÙsns de ob
a été obtenu pour la première fois par Rüssing! à partir
de la dichlorhydrine. Un peu plus tard, Linderman®
prépara les éthers phényl et p-tolylique au moyen des
l'épichlorhydrine. Ces composés paraissent être les
seuls représentants des éthers aromatiques de la glycé=
rine qui ont été décrits jusqu'ici, et leurs propriétés.
sont incomplètement connues. En particulier quand,
sur l'éther diphénylique, on fait agir le pentachlorure
de phosphore, on obtient, d'après M. D. R. Boyd*, le
chlorure :
CIE — CH — CI
(LTÉE heal
OCHENCINNOCHE
Mais, si, au contraire, on emploie le trichlorure de phos-M
phore, il se forme un dérivé phosphoré, qui, traité par
l'eau, fournit à son tour un acide diphényloxyisopro=
pylphosphoreux. ;
Avee les éthers phényl-p-tolylique et di-p-tolylique
de la glycérine, on obtient également, par laction du
uyl-p-tolyl et ditolyl-oxyisopropylphosphoreux.
Cette réaction est quelque peu en désaccord avec less
observations de Jaroschenko * relatives aux alcools pri-
maires. Les acides phosphoreux ainsi obtenus sont des
corps sirupeux dont les sels sont assez instables.
$ 5. — Physiologie
Sur l’érepsine, diastase de l'intestin. — On
sait, grâce aux recherches de Salvioli, d'Hofmeister, de -
Neumeister, que les produits de la digestion des subs-
lances protéiques ne pénètrent pas dans le sang sous la
forme de protéoses ou de peptones. En effet, on ne peut
! Ber., 1886, t. XIX, p. 63.
2 Ber., 1891, t. XXLV, p: 2147.
5 D. KR. Bovp : Chem. Soc, t. LXXIX, p. 1221.
‘Chem. Centr., 1897, p. 333.
nanifester dans le sang la présence de ces substances,
nalgré la sensibilité des méthodes d'analyse que nous
ossédons, même au moment du maximum d'activité
e l'absorption intestinale; ce résultat négatif ne sau-
t être attribué à une transformation rapide des pro-
éoses et peptones du sang par un organe tel que le
die, par exemple, car les protéoses et peptones direc-
ent introduites dans le sang, passent en totalité
En mélangeant in vitro une solution de protéoses et
de peptones et du sang défibriné, et en y introduisant
des fragments d'intestin de chien, Neumeister a montré
que Les protéoses et peptones ne tardent pas à dispa-
tre dans ce mélange. Il en concluait que ces subs-
ces sont transformées par la muqueuse -intestinale
en substances albuminoïdes naturelles, la muqueuse
intestinale jouant vis-à-vis des peptones le même rôle
d'agent de synthèse qu'elle joue déjà vis-à-vis des pro-
duits de dédoublement des graisses.
. Dans un intéressant travail publié dans le Zertschrift
für physiologische Chemie, Otto Cohnheim arrive à des
conclusions toutes différentes. Répétant l'expérience
de Neumeister sur une solution de peptones peptiques,
soit en présence de sang défibriné, soit en l'absence de
sang détibriné, il montre que les peptones ne tardent
pas à disparaître : la liqueur soumise à la température
d'ébullition en présence de chlorure de sodium et
d'acide acétique, et débarrassée par filtration du volu-
aineux coagulum qui s'est produit (au moins dans le
mélange avec du sang défibriné), ne donne plus la
réaction si sensible du biuret : elle ne contient donc
plus de protéoses et de peptones. Mais cette même
liqueur donne avec l'acide phosphomolybdique un
abondant précipité d'aspect cristallin, contenant, sous
une forme chimique non déterminée par Otto Cohnheim,
Ja totalité de l'azote introduit primitivement sous forme
de peptone. Les protéoses et peptones sont donc trans-
formées par la muqueuse intestinale non pas en subs-
ances protéiques coagulables, mais en substances solu-
bles dans l’eau, aon coagulables par la chaleur, préci-
pitables par l'acide phosphomolybdique, n’appartenant
plus au groupe des protéoses, puisqu'elles ne donnent
plus la réaction du biuret,.
Cette transformation n'est pas un phénomène vital
Mié à la présence et à l'activité immédiate de la muqueuse
intestinale vivante. En effet, une macération d'iutestin,
débarrassée du tissu par filtration, détermine, dans une
solution de protéoses et de peptones, les mêmes trans-
formations que la muqueuse elle-même. On est ainsi
onduit à admettre dans la muqueuse intestinale et
dans ses macérations la présence d'une diastase.
En faisant agir cette diastase purifiée (sinon pure),
par des procédés qu'il est inutile de décrire ici, sur une
solution de protéoses et de peptones, Otto Cohnheim a
pu retirer de la liqueur des cristaux de leucine et de
tyrosine, et obtenir avec cette liqueur la réaction
colorée de Millon (caractéristique de la tyrosine, ou de
substances contenant le noyau tyrosine dans leur molé-
cule). On est ainsi conduit à se demander si les résultats
que nous venons de signaler ne doivent pas être rap-
portés à la présence de trypsine (transformant les albu-
minoides en acides amidés) dans la muqueuse intesti-
nale qui à servi à faire ces expériences; el cela,
d'autant plus, que la présence de trypsine en petite
quantité a été signalée dans la muqueuse intestinale
cinq jours après suppression de tout écoulement de suc
pancréatique. Otto Cohnheim démontre que l'agent de
a transformation intestinale des protéoses et peptones
m'est pas de la trypsine, mais un autre ferment soluble,
qu'il appelle l’érepsine : en effet, la trypsine peptonise
Ja fibrine, tandis que la diastase des macérations intes-
tinales, très active vis-à-vis des protéoses et peptones,
n'agit pas sur la fibrine.
L'érepsine est fabriquée par la muqueuse intestinale
CHRONIQUE ET CORRESPONDANCE
elle-même, car on la retrouve abondante dans les
macérations d’anses intestinales, isolées depuis plu-
sieurs Jours.
L'importance de ce travail n'échappera pas aux lec-
teurs, car la question de la destinée des protéoses et
peptones intestinales, qui était considérée comme
résolue par les travaux de Neumeister, se trouve de
nouveau posée.
$ 6. — Sciences médicales
Mesures sanitaires à bord des navires. —
M. le Professeur Bernheim, qui faisait partie de notre
XIIIe croisière, si malencontreusement arrêtée par la
peste, vient de faire connaître, dans la Revue Médicale
de l'Est, son appréciation sur l’organisation du lazaret
du Frioul. Il termine cet intéressant article en recom-
mandant l'étude des mesures sanitaires que voici :
« 4° Le procédé de désinfection totale des navires sera
réglementé, il doit être placé sous la surveillance effec-
tive ct continue d'agents compétents du Service sani-
taire. Des équipes spéciales, dont feront partie des hom-
mes de l'équipage, seront dressées à cette pratique et
instruites de facon à la réaliser suivant les règles de la
science;
« 20 Chaque navire devra être inspecté minutieuse-
ment dans loutes ses parlies avant son chargement et
une seconde fois avant l'embarquement des passagers;
« 3° Au moment de l'embarquement, chaque passager
et homme de l'équipage sera soumis à une inspection
médicale ;
« 4° Quand un navire a été infecté par une maladie
infectieuse ou contagieuse, il devra, après sa désinfec-
tion, rester en observation pendant un temps à déter-
miner et ne recevoir des passagers qu'après avoir été
habité pendant un certain temps par les hommes de
l'équipage, sans nouveau cas;
« 5° Chaque navire faisant de longs voyages devra
être muni d'appareils à désinfection. Le Service médical
y devra avoir à sa disposition du vaccin, des sérums
antipesteux, antidiphtérique, etc., en quantité suflisante.
Il devra être muni d’un petit laboratoire de bactériolo-
gie; le médecin du bord devra être familiarisé avec les
recherches élémentaires indispensables au diagnostic;
« 69 Aussitôt qu'un cas de maladie contagieuse se
présente à. bord, le malade sera isolé dans une cabine
prévue à cet effet; la désinfection des locaux jugés con-
taminés sera faite. Des inoculations préventives seront
pratiquées, s’il y a lieu, sur les passagers et les hom
mes de l'équipage;
« 7 S'il s'agit d’une maladie contagieuse dont le
caractère exige une désinfection radicale et un isole-
ment des passagers, telle que peste, choléra, typhus,
fièvre jaune, etc., le navire sera dirigé sans délai vers
un lazaret ;
« 8° Arrivé devant le lazaret, tout le personnel, équi-
page et passagers, sera immédiatement débarqué. Si
les locaux du lazaret sont occupés ou insuffisants, il
sera provisoirement transburdé sur un bateau ponton
où il séjournera jusqu'à ce que le lazaret soit prêt à le
recevoir. Les effets et colis sont laissés provisoirement
sur le navire; ne seront transbordés sur le baleau pon-
ton que les effets indispensables préalablement désin-
fectés ;
« 9° Le personnel du navire, aussitôt après son débar-
quement, avant de pénétrer dans les pavillons du laza-
ret, passera par un grand bâtiment à désinfection où
personnel et effets seront soumis à une désinfection
préalable, après laquelle seulement ils seront ‘admis à
entrer dans le lazaret;
« 10° Les locaux divers du lazaret seront aménagés
suivant les règles de l'hygiène et du confort; ils seront
toujours en état de recevoir. Ils seront périodiquement
inspectés par les agents du Service sanitaire, qui s’assu-
reront de son parfait aménagement. »
1046
ARMAND GAUTIER — MÉCANISME DE LA VARIATION DES RACES ET DES ESPÈCES
LES MÉCANISMES MOLÉCULAIRES
DE LA VARIATION DES RACES ET DES ESPÈCES
L'analyse rationnelle des faits matériels, contrôlée
sans cesse par le calcul et l'expérience, est la seule
route, route étroite et raboteuse, il est vrai, qui
mène sûrement à la vérité. L'étude du plus petit
phénomène, si elle était suffisamment analytiqueet
complète, nous conduirait à la connaissance des
lois de l'Univers, car, dans l'édifice admirable de la
Nature, tout se tient, s'équilibre et s’enchaine.
Cette pensée me revient à l'esprit quand je songe
au point de départ du présent travail. II a eu pour
origine l'examen du pigment des vins rouges;
l'étude attentive de ce pigment m’a logiquement
conduit à chercher l'explication des mystérieux
mécanismes qui président à l’évolution des êtres
vivants.
On connaît, dans le genre Vilis, une vingtaine
d'espèces à fleurs hermaphrodites, originaires de
l’'Ancien-Continent, et quinze environ à fleurs dioï-
ques ou polygames, dites Vignes américaines. A
elle seule, l'espèce Vitis vinifera fournit un nom-
bre considérable de variétés ou cépages : L. Portes
el Ruyssen, dans leur Traité de la Vigne”, en décri-
crivent 719; ils donnent, en plus, des indications sur
200 autres cépages américains. Le savant ampé-
lographe V. Pulliat, dans son exploilation de
Chiroubles, avait réuni près de 2.000 variétés de
vignes,
Quelle est l'origine de ces innombrables races,
et comment se fait-il que, dès qu'un végétal
est utile ou agréable à l'homme par ses fruits, ses
fleurs ou son feuillage, on voie se multiplier ses
variélés comme à plaisir et presque indéfiniment,
ainsi qu'il arrive pour la vigne, le pommier, le poi-
rier, l’oranger, le caféier, le tabac, le rosier, les
bégonia, ete.?
Pour le botaniste et le zoologiste, ce qui distingue
l'espèce, c’est un ensemble de caractères se répétant
chez un grand nombre d'individus, et pouvant se
transmettre héréditairement, sans que, de généra-
tion en génération, de semis en semis, ces carac-
tères communs, dits spécifiques, viennent à dispa-
railre. Toutefois, parmi les individus d'une même
espèce, des modificalions sensibles peuvent se pro-
duire permettant de les classer en variétés ou races ;
elles fontapparaître des caractères de second ordre
qui se différencient des premiers par leur variabilité
mème et quelquefois par leur manque de fixité. Ces
modifications secondaires peuvent s’accentuer ou
1 Paris, 1886. O. Doin, éditeur.
disparaitre après quelques générations ou semi
successifs, et la majeure partie des individus ain$
reproduits, perdant les caractères secondaires q
avaient fait distinguer les races, revient à l’un des
types stables de l'espèce ou des espèces prim
tives.
L'espèce est done variable dans une certaine
mesure, et l’on peut se demander :
1° Dans quelles conditions naissent et se pro
pagent les nouvelles races ;
2° En quoi consistent les variations ainsi sur
venues ;
3° Par quel mécanisme intime se produisent ces
transformations de races et d’espèces ?
On sait qu'on obtient généralement les races
nouvelles par deux procédés:
1° En accouplant deux variétés distinctes (Métis:
sage) ou deux espèces plus ou moins rapprochées
(Hyhridation). On réussit généralement, chez les
végélaux, en pollinisant une variélé ou une espèce
par le pollen d'une autre, recueillant les graines
qui en résultent, les semantet choisissant les pieds!
qui ont varié dans le sens qu'on désire pour les
reproduire ensuite indéfiniment par greffe ou pañ
bouture ;
2 En profitant des häasards heureux qui fonb
apparaitre de temps à autre des individus, où
parties d'individus, différents de ceux au milieu
desquels ils vivent, séparant ces sujets et les repro=
duisant, par accouplements réciproques s'il s'agit
des animaux, par greffe ou par bouture si l’on veut
conserver des variétés végétales. !
J'analyserai plus loin les conditions qui donnent
naissance à ces variations dites spontanées où de
hasard, el je ferai connaître un nouveau principe
de production de races, j'oserai presque dire, d'es=
pèces, principe resté à peu près ignoré ou presque
improductif jusqu'ici, mais dont la connaissance
semble devoir mettre en nos mains les plus puis-=
sants moyens d'action dont nous puissions dis=
poser pour modifier les êtres vivants.
Inutile de m'étendre sur la pollinisation entre
races ou espèces différentes; j'essaierai seulement
tout à l'heure d'analyser les effets que nous dési-
gnons sous les noms de métissage el d'hybridation:
Mais, si, dans cet ordre de faits, tout est enveloppé
de mystère, ce mystère s'accentue encore lorsque
v
ARMAND GAUTIER — MÉCANISME DE LA VARIATION DES RACES ET DES ESPÈCES
1047
la variation parait se produire comme d'emblée et
spontanément. On a longtemps cru qu'elle s’expli-
-quait, dans ces cas, par une sorte de relour au type
ancestral, par télégonie, par les hasards d’une
pollinisation venue de races ou d'espèces élran-
gères ayant primitivement agi sur la fleur, l’ovule
et la graine qui porte désormais en elle la raison
immédiate ou lointaine de la variation du végétal
- à venir. Mais on ne saurait expliquer ainsi, pour
prendre un exemple, la pousse d'un rameau d’Aralia
à feuilles simples se faisant tout à coup sur un
pied d’Aralia à feuilles profondément heptalobées,
ou l'apparition, sur un Zigustrum ovalifolium nor-
mal à feuilles opposées deux à deux, de branches
vigoureuses à feuilles verticillées. Or, ces faits de
varialions partielles et subiles et leurs analogues
sont aujourd'hui innombrables.
Pour tenter de les éclairer, il est indispensable
d'établir auparavant en quoi consiste essentielle-
ment la modification d’où résulte l'hybride ou le
mélis nouveau.
Lorsqu'un végétal varie et se transforme, en
partie ou en lotalité, en une race nouvelle, la taille
et le port, la forme et l'abondance de feuilles, des
rameaux et des racines, la couleur des fleurs,
l'aspect, le goûtetle parfum des fruits, leur richesse
en produils nutrilifs, leur précocité, l'hypertrophie
ou l’atrophie de certains organes secondaires, la
résistance de la plante au froid, à la chaleur, à la
sécheresse, à l'attaque des moisissures ou des In-
sectes, ele., tous ces caractères extérieurs, ou du
moins quelques-uns, se modifient plus ou moins,
et l’on croit généralement que la variation se résume
dans l’ensemble de ces changements presque tous
quantitatifs, de telle sorte qu'ilsemble qu'on pourrait
expliquer les modifications observées en admettant
quelanutrilion,devenue prépondérante, de telles ou
telles parlies du végétal, de tels ou Lels organes, est
l’origine de ces variations de formes. C'est là, du
moins, ce que jepensais, ettoutlemondecomme moi,
jusqu'en 1877. Mais j'ai montré, vers cette époque,
en étudiant les catéchines des Acacias, et surtout de
1878 à 1886, en faisant un long et minutieux examen
des malières colorantes produites par les différents
cépages", et, plus tard, en examinant les alcaloïdes
des tabacs, les tanins végétaux, les diverses albu-
mines animales, elc., que chaque fois qu'il y a va-
rialion el production d'une nouvelle race, non seu-
lement les caractères extérieurs, anatomiques et
histologiques, du nouvel être varient, mais encore
1 Voir : C. Rend. Acad. Sciences. t. LXXXIV, pp. 342 et 752;
t. LXXXIV, p. 668 et 1507; t. LXXXVII, p. 54. — Bull. Soc.
chim., {2}, t. XXVII, p. 496. — Article Vix, du Dictionnaire de
Chimie de Würtz, t. II, p. 691.— Mécanisme de la variation
des êtres vivants, par ARMAND GauUTier, en HouwmaGe 4 M,
CnevreuL, p. 39, et suiv. F. Alcan, éditeur, Paris, 1886.
que la structure et la composition même de ses plas-
mas, ou du moins des produits immédiats de leur
fonctionnement, varient parallèlement, aussi bien
dans les cellules destinées à la reproduction que
dans les cellules somatiques ou végétatives, dont
les plasmas et produits spéciliques sont tous frap-
pés de variation.
J'ai découvert ce principe et en ai donné les
preuves expérimentales, en particulier au cours de
mes recherches sur les matières colorantes des vins.
À celte époque, se fondant sur quelques observa-
tions très incomplètes de Mülder et sur un bon
Mémoire de A. Glénard, alors doyen de la Faculté
des Sciences de Lyon, on croyait que la matière
colorante des vins, l'œnocyanine de Mülder, l'æno-
line de Glénard, constituait une seule et même
substance pour tous les cépages à vins rouges, et
que la variété de coloris des diverses races de
raisins tenait à la quantité relative de ce pigment
et aux produits accessoires qui pouvaient l'accom-
pagner ou s'unir à lui, tels que les matières lanni-
ques ou colorantes secondaires, le fer, etc. Glénard
n'avait même pas cru devoir, dans son Mémoire !,
dire quel cépage lui avait fourni la matière colo-
rante des vins rouges qu'il avait éludiée sous le
nom d'œnoline. Je sus plus tard par lui qu'il l'avait
retirée, en 1858, du vin de Gamay que produit le
cépage bourguignon de ee nom. Il lui avait trouvé,
la composition CH!°0, que nous remplacerons par
la formule polymère de même composition G*°H*0".
Mais les recherches que je fis sur l'ænoline en 1878
m'ayantamenéàuneautrecomposition,en cherchant
la raison de cette différence et approfondissant ce
sujet, je finis par m'apercevoir que chaque cépag
possède une matière colorante spécifique, matière
qui lui est propre, et qu'on peut distinguer à la
fois par ses caractères chimiques et par sa compo-
silion centésimale. C’est ainsi que les cépages sui-
vants me fournirent les matières colorantes dont
j'inscris ici ïes formules :
L'Aramon . . . CHs02
Le Carignan . GEHMOES
Le Grenache . . CiH4020
Le Teinturier. . CH0%
C#H#02
C#H#072
Le Petit Bouschet
Le Gamay .
L'analyse très attentive de chacune de ces sub-
slances colorantes? permet donc de les différencier;
mais leur examen un peu précis suflirait déjà pour
enlever tous les doutes sur leur non-identité. Quel-
1 Anu. Chim. phys. [3], t. LIV, p. 366.
2 On remarquera que la plupart de ces formules sont
divisibles par 2 et souvent par 4, ce qui simplifie beaucoup
les difficultés de l'analyse. Ces substances se comportent
comme des acides-phénols complexes répondant à des sortes
de tanins colorés.
1048 ARMAND GAUTIER — MÉCANISME DE LA VARIATION DES RACES ET DES ESPÈCES
ques-unes sont solubles dans l’eau pure, comme
celles que donnent le Teinturier et le Petit-Bouschet;
les autres, et c’est le plus grand nombre, sont insc-
lubles. Les unes précipitent l'acélate de plomb en
bleu indigo, tels les pigments du Carignan ou du
Teinturier, elc.; d’autres en vert foncé, comme
celui de l’Aramon. Les unes sont aptes, après leur
préparation, à se polymériser et à devenir lente-
ment insolubles dans l'alcool, comme la couleur du
Carignan. Des matières colorantes satellites et
différentes à chaque cas, accompagnent les prinei-
pales en faible proportion; parmi elles, on en
distingue même d'azotées. En un mot, tous ces
pigments issus de races de vignes différentes cons-
tituent des espèces chimiques définies, caractéris-
tiques, diflérentes en chaque cépage”.
Les mêmes faits s’observent pour les tanins for-
més par les espèces de même famille végétale et
quelquefois pour ceux que fournissent des plantes
de même espèce, mais ron de même variété, et,
ce qui pourrait surprendre encore davantage, dans
un même végétal, comme le chêne, pour les tanins
de telles ou telles parties de la plante.
J’ai fait des remarques semblables pour les caté-
chines, corps intermédiaires entre les tanins.et les
pigments colorés : chaque acacia (Acacia calechu,
A.farnesiana, A.arabica, elc.) produit sa catéchine
spéciale, comme chaque cépage donne sa matière
colorante propre.
On peut généraliser encore et faire, pour les
essences hydrocarbonées, pour les camphres, les
alcaloïdes, etc., des observations analogues. Le
Pinus maritima des Landes donne un lérébenthène
C°H" déviant à gauche le plan de la lumière po-
larisée ; le Pinus australis de la Caroline fournit
une essence correspondante CH", de même com-
position, mais qui dévie à droite. Cerlaines varié-
tés de menthe poivrée présentent une curieuse
modification : elles portent à l'extrémité de leurs
rameaux non pas des fleurs purpurines en verti-
cilles interrompus à la base et formant des épis
obus, mais des grappes semblables aux sommités
du basilic après que sont tombés les pélales. Cette
variété de menthe poivrée, dile hasiliquée, peut
même n’apparailre que sur certains rameaux d’un
individu par ailleurs normal. Or, tandis que l’es-
sence produile par la menthe poivrée ordinaire est
lévogyre et d’une odeur agréable, celle qu'on
exlrait des plantes basiliquées, ou de leurs ra-
meaux, est dexlrogyre et présente une tout autre
odeur (E. Charabot et Ebray).
1! La coloration est si particulièrement spécifique de
chaque cépage que lorsqu'on pollinise le Aupestris avec le
chasselas rose, la couleur faiblement rosée de ce dernier
cépage se transmet de semis en semis jusqu'à la huitième
et neuvième génération.
Il faut maintenant faire un pas de plus. Re-
marquons que ces matières colorantes, ces tanins,
ces catéchines, ces essences, ces camphres, ces
alcaloïdes, etc., sont des produits directement issus
des transformations des plasmas cellulaires; et,
si les principes formés dans ces cellules ont
varié dans leur structure et leur compositions
il faut que les plasmas dont ils sont originaires
aient eux-mêmes varié sous l'action des causes;
quelles qu’elles soient, qui ont déterminé la varia=M
tion de la plante et l'apparition d'une race nou=«
velle.
Que les matériaux des plasmas vivants soient
différents entre eux suivant l'espèce ou même la
race, nous en avons la preuve chaque fois que nous
examinons soigneusement les substances albumi-
noïdes qui composent les plasmas de la cellule et
de son noyau. Nous savons aujourd'hui que ces
matières albuminoïdes, autrefois toutes confondues
entre elles, se différencient très sensiblement
dès qu’on passe d’une espèce à une autre, et, pour un
même individu, presque d'un état à un autre. Les
recherches sur les albumines de mêmes groupes
chimiques, mais appartenant aux espèces animales
les plus rapprochées, telles que le singe etl’homme,
lechevaletl’âne,etc.,etsurtoutlestravaux modernes
sur les antitoxines et les anticorps, sont venus
démontrer cette variation à peu près indéfinie. On.
a depuis longtemps remarqué qu'en passant d'un
animal à l’autre, l'hémoglobine du sang diffère
chaque fois, comme le démontrent ses formes cris-
tallines, ses propriétés secondaires et les hématè-
nes qui en dérivent (P. Cazeneuve). On sait depuis
longtemps que l'albumine de l'œuf d'oiseau, injectée
dans les veines d'un mammifère, est aussitôt rejelée
par les reins; elle ne peut entrer directement dans
la constitution des plasmas spécifiques de ces ani-
maux. Si le sérum du sang de brebis est convulsi-
vant pour les chiens et celui d’anguille ou de reptile
si puissamment toxique pour les animaux à sang
chaud, c'est que les albuminoïdes qui les compo-
sent, quoiqu'à peu près identiques de composition
el de propriétés générales, constituent, en réalité,
des espèces chimiques différentes, impropres à
s'assimiler directement par les cellules d'autres
êtres et à fournir les produits spécifiques dont ces
cellules ont besoin en chaque cas pour bien fone-
tionner.
Lors donc que, dans le végétal donton a constaté
la variation, les produits qui se forment changent
de composition, c'est que les plasmas dont ils dé-
rivent ont eux-mêmes varié, ceux du moins dont
ces produits sont directementissus. Or, la variation
des plasmas cellulaires entraine celle des cellules
qu'ils servent à construire. Il est, d’ailleurs, évident
que, dans ces cellules qui se modifient par hybrida-
EC nn. dd
ARMAND GAUTIER — MÉCANISME DE LA VARIATION DES RACES ET DES ESPÈCES
1049
tion ou pour toute autre cause, tous les principes
constitutifs essentiels n'ont pas nécessairement
arié, mais ceux-là ont dû êlre moléculairement
transformés qui sont particuliers à la famille ou à
l'espèce que l'on considère, qui servent à imprimer
à leurs membres un type spécifique et qui mani-
festent leur autonomie par la formation des pig-
-ments, lanins, glycosides, essences, alcaloïdes, etc.,
propres à chacun de ces groupes botaniques na-
turels.
Les modifications d'où résulte la formation des
races sont donc très profondes puisqu'elles attei-
gnent jusqu'aux molécules constitutives des plas-
mas spécifiques et noyaux celullaires ainsi que
leurs dérivés ou produits immédiats. À un examen
attentif, ces modifications se traduisent par la for-
malion de principes conslitulifs distincts, d'es-
pèces moliculaires chimiquement définies ; il n°y
a aucun doute, par exemple, que deux essences,
même de composition identique, l’une lévogyre,
l’autre dextrogyre, ne constituent deux espèces
chimiques. J'en dirai autant de deux matières
colorantes, l'une soluble, l’autre insoluble, et,
a fortiori, si l'une el l’autre répondent à des com-
posilions et à des propriétés différentes, comme il
arrive pour les pigments des divers cépages de
la Vitis vinifera.
Toutefois, si, comme je l'ai fait, on examine s'il
existe des rapports entre les divers composés homo-
nymes ainsi modifiés lorsque, l'espèce dontils sont
originaires subissant des variations, il s’est produit
une race nouvelle, on s'aperçoit que dans chaque
groupe homo nyme entrant dans la constitution de
l'être, de ses plasmas ou de ses produits (essences,
pigments, matières amylacées, substances pro-
téiques, elc.), la variation, tout en modifiant chaque
espèce de substances dans leurs détails secondaires,
leur conserve cependant à Loutesles caractères géné-
raux de la famille ou groupe chimique auquel ces
. substances appartiennent. Dans mes recherches sur
les matières colorantes de la Vitis vinifera, par
exemple, j'ai observé que lous les pigments des
cépages que j'ai étudiés jouissent d’une même cons-
tilution, de propriétés générales semblables, de
dédoublements parallèles sous l’action des réactifs;
qu'ils constiluent, en un mot, une famille chimique
naturelle. Les édifices qui constituent ces produits
tomplexes sont {ous bâtis sur un plan commun :
autour d’un noyau trivalent viennent se greffer trois
branches lalérales constituant des radicaux com-
plexes dérivant de la phloroglucine et des acides
protocatéchique et hydroprotocaltéchique. Ainsi
défini, cet édifice, tout en conservant sa structure
générale, peut varier, en chaque cépage, par intro-
duelion ou substitution, dans samoléeule primitive,
de radicaux secondaires différents (hydrogène, mé-
LR énû 74 id id nr à déni
| thyle, allyle, amidogène, etc.), radicaux qui, par leur
présence ou leurs substilutions réciproques, im-
priment aux pigments de chacune de ces variétés
leurs caractères différentiels accessoires. Mais les
molécules ainsi modifiées continuent d’appartenir
toutes à la même famille chimique. C'est à peu
près comme si,, dans une construction gothique
ou romane, on venait adjoindre des tourelles
ou des clochetons qui, sans toucher au plan
général de l'édifice, le modifieraient dans ses dé-
lails.
Il résulte de ce qui précède que la variation d’où
résulte l'apparilion d’une nouvelle race végétale
atteint non seulement les parties extérieures et
apparentes de la plante, maïs jusqu'aux molécules
chimiques spécifiques, intégrantes, de chacune de
ses cellules. Cette variation respecte, toutefois le
plus souvent, la structure générale des diverses
espèces chimiques conslitutives. De race à race,
elles varient seulement dans leurs détails secon-
daires, de sorte que, pour une même famille de
composés, les pigments par exemple, les termes
ainsi modifiés font tous partie d'une même famille
chimique, de même que les variétés végétales dont
elles proviennent appartiennent toujours à la même
espèce botanique.
Maintenant, dirons-nous que la race, en variant,
a fait varier les espèces chimiques constitutives,
ou plutôt ne conclurons-nous pas que c’est l'espèce
chimique et le protoplasma cellulaire d’où elle sort,
qui, en se modifiant, sous l'influence de causes à
déterminer, ont fait varier la race? Cette seconde
conclusion nous parait seule logique : Un êlre vivant
est ce qu'il est par ses organes, et chacun d'eux, à
son tour, totalise les fonctions de l’ensemble de ses
cellules spécifiques. Mais celles-ci ne fonctionnent
elles-mêmes qu'en raison des transformations qui
se produisent dans leurs plasmas, transformations
qui obéissent aux forces et lois physicochimiques
présidant à l'action réciproque des molécules et à
leurs associalions.
Dans chacun de ces proltoplasmas, ce qui pro-
duit le fonctionnement élémentaire, ce sont les
réactions muluelles des moléeules albuminoïdes
qui les constituent. Si celles-ci viennent à varier,
elles fonctionneront autrement, c'est-à-dire que,
dans ce protoplasma modifié de structure et de
composition chimiques, la nutrition, l’assimilation,
les réactions de toule sorte seront modifiées, et,
avec le protoplasma, variera l'élément cellulaire
auquel il appartient et l'organe tout entier dont cet
élément est l'unité primilive. L'ensemble de ces
modifications d'organes fonctionnels se totalisera
exlérieurement par la variation de l'être tout entier
et fera naïître le changement de race, à caractères
transmissibles ou non par hérédité.
1050
ARMAND GAUTIER — MÉCANISME DE LA VARIATION DES RACES ET DES ESPÈCES
IT
On vient de voir que les variations d'espèce et
de race ont pour origine les transformations des
molécules spécifiques des plasmas, d'où résultent
les modifications de fonctionnement de la cellule,
les variations des organes el, par suite, celle de
l'être tout entier. Il faut maintenant se demander
quelles sont les influences qui peuvent ainsi faire
varier, dans les êlres vivants, la nature des espèces
chimiques entrant dans leur constitution.
Examinons d'abord sous quelles influences et
conditions les êtres organisés se modifient.
D'après les idées de Lamark et de Darwin, les
plantes et les animaux reçoivent et totalisent, pour
ainsi dire, les impressions ou influences des milieux
où il vivent : climat, lerrain, alimentation, aide ou
concurrence vitale, etc., dont ils suivent les varia-
tions. Ils prospèrent et se modifient en vertu de
l'aptitude plus ou moins grande que possèdent
tels ou tels de leurs organes à s'adapter aux condi-
tions de ces milieux, et, grâce à la sélection na-
turelle, tout être puissant et bien organisé se subs-
titue peu à peu aux autres. Mais cette sélection
naturelle est une conséquence de la propriété
d'adaptation, et celle-ci présuppose l'aptitude de
certains organes à évoluer en harmonie avec les
conditions du milieu dont ces organes utilisent le
mieux possible les variations, Or, si ces variations
sont trop brusques, l’adaptalion n’a pas le Lemps
de se produire et l'être vivant, ne trouvant plus les
conditions d'existence adéquates au bon fonction-
nement de ses organes, souffre et disparait; et, si
ces variations sont très lentes, l'adaptation l'est
aussi et les variations restent à peu près insensi-
bles : témoins les espèces et même les races d’ani-
maux ayant pu vivre, presque sans varier, dans les
milieux les plus divers, dans les climats gelés de
l'Himalaya et les sables brûlants de l'Afrique, tels
que le bouquetin, la chèvre, le chien, le chat,
l’homme lui-même, dont les races, depuis des mil-
liers d'années, ont été à peine modifiées, ainsi
qu'en témoignent les dessins qui datent de l’âge
de la pierre polie et ceux des tombeaux de l’an-
cienne Egypte.
L'adaptation, qu'on ne saurait nier en principe,
n'est donc qu'unecause très secondaire de variations.
D'ailleurs, sa caractéristique essentielle est de faire
passer l'animal ou la plante qui se modifie par
une suite de transilions, de formes intermédiaires ;
or, les faits paléontologiques aussi bien que les his-
toriques, montrent qu'à l'état sauvage les variations
des plantes et des animaux, lorsqu'elles ont lieu,
se produisent brusquement, ou, du moins, sans
laisser trace de termes transilionnels, à moins
qu'on ne veuille appeler ainsi les espèces successives
qu'on peut assembler en genres et familles natu-
relles. Mais, entre chacune de ces espèces, le saut
est loujours brusque et l'on ne trouve générale-
ment pas d'intermédiaires. Dans les temps géolo-
giques, avec la Période secondaire commence le
vrai règne des Reptiles : eux, qui n'avaient eu que
quelques très rares précurseurs à la fin de la pé-
riode paléozoïque, foisonnent dès le début de lère
suivante en espèces innombrables, Comment admet-
tre que ces diverses espèces sont issues les unes
des autres par adaptations successives et sélection
et qu'elles n’ont eu cette étrange puissance de va-
rialion rapide, el sans transitions, que dans cette
période des temps? De même, au commencement
de l’Ere tertiaire, on voit se produire presque tout
à coup de nombreuses espèces de Mammifères ; jus-…
que-là, ils s'étaient bornés à quelques Marsupiaux
apparus vers la fin de la Période secondaire. En
même temps, dans le règne végétal, les palmiers et
les arbres à feuilles caduques succèdent rapide-
ment aux Gymnospermes. L'homme se rencontre
enfin, presque partout à la fois, à la fin du Ter-
liaire ou dés le commencement du Quaternaire; et
l'on en est encore a chercher le Pithécanthrope,
ce fameux terme de passage entre le Singe et
l'Homme.
Ces faits, observés depuis bien longtemps,
avaient donné lieu à l'hypothèse des créations sue-
cessives, hypothèse qui me parait inadmissible,
mais qui montre combien les philosophes natu-
ralistes avaient été frappés de l'observation uni-
verselle, dont on ne saurait méconnaitre la portée,
que les types intermédiaires que suppose l’adap-
tation n'apparaissent pas dans la Nature, et même
que les espèces dites d® transition sont bien loin de
se répartir dans l'ensemble des temps, tandis que les
types nouveaux foisonnent tout à coup à la fois,
ou se succèdent, au cours de certaines périodes
relativement très courtes.
Dans les temps historiques, comme je le disais
plus haut, pas plus que dans les temps géologiques,
les passages d'une espèce à l’autre par termes
insensibles n'ont été observés. Cependant, d'une
race à l’autre, les termes transitionnels existent
quelquefois, surtout chez nos animaux domesti-
ques; el de l'observalion, de quelques varialions
superficieles et sélectionnées qui ne peuvent même
pas permettre de suivre la filialion de race à race,
on à déduit le principe de l'évolution des espèces
par adaptation aux milieux. Mais les faits observés
démontrent que les grandes variations dérivent,
en général, non de changements continus et insen-
sibles, mais de modifications monstrueuses, ani-
males ou végétales, se produisant d'emblée et sans
transilion. De ces produits, dits spontanés ou de
hasard, sont issues, grâce à la sélection naturelle
|
:
À
La
ARMAND GAUTIER — MÉCANISME DE LA VARIATION DES RACES ET DES ESPÈCES 1051
ou artificielle, les races domestiqnes ou végélales
actuelles ‘.
Pour revenir aux Végétaux, les faits sont là
pour démontrer que leurs transformations im-
portantes ne sont généralement précédées d'au-
cun indice de variation. L'Aralia ordinaire à
feuilles heptalobées produit de temps à autre et
tout à coup, comme spontanément, des rameaux à
feuilles simples, que l’on peut propager par bou-
tures. C'est un cas de dimorphisme que rien ne
précède ni ne peut faire prévoir. Il en est de
même d'une foule d’autres semblables : La rose à
feuilles de chanvre a paru un jour sur l’un des
rosiers du Luxembourg. Sur un Ziqgustrum ovalifo-
lium à feuilles opposées, M. L. Henry, professeur
actuel à l'École d'Horticulture de Versailles, à
observé et décrit un rameau très vigoureux dont
les feuilles étaient verticillées quatre à quatre. Sur
un Sambucus nigra normal du Muséum de Paris, le
même savant horliculteur a remarqué la fascialion
d'une branche qui, reproduite par bouture, à
donné des sureaux fasciés dont les fleurs avaient
une corolle à 6 et 8 divisions, au lieu de 5 comme
dans les fleurs normales. Sur un lilas Varin, à
fleurs normalement bleu-violacé, il a observé, en
1901, une branche unique dont les fleurs étaient
celles du lilas Saugé, qui sont rouge, pourpre et sur
lequel à son tour Carrière a vu se développer, en
1876, une branche à fleurs entièrement blanches.
On sait depuis longtemps que certains saules pré-
sentent souvent des rameaux dits aberrants, à
feuilles opposées et non alternes, d’où sont nées les
variétés de saule ainsi conformées que l’on peut
reproduire par bouture.
Des observations semblables de variations d’or-
ganes ont été faites sur les Animaux. Je cilerai
comme exemples : larace algérienne des moutons à
quatre cornes, que, depuis, l’on reproduit par géné-
rations successives: celle des chiens bassets à
jambes torses; celles des bœufs Niala de la Répu-
blique Argentine portant un allongement mons-
trueux du maxillaire inférieur, race née sur place
et transmettant ses caractères particuliers à sa des-
cendance. Chez les Insectes, les variations tératolo-
giques des ailes, dit M. Giard, « apparaissent d'une
facon brusque, en discontinuilé avec l’état normal.
Si elles se maintiennent par hérédité, elles consti-
tuent des variélés nouvelles, parois même des
espèces ou des genres nouveaux, lorsque d’autres
caractères viennent à se modifier addilionnelle-
ment”. »
1 Je parle de races différant par des caractères tranchés,
squelettiques ou autres, et non pas seulement par quelques
caractères extérieurs tels que la longueur et la couleur des
poils, la forme des feuilles, etc.
= Sur un exemplaire de Pterodela pedicularia à nervation
Les faits analogues, bien observés par les natu-
ralisies de nos jours, sont innombrables. Ces
variations se produisent toutes sans étre annoncées
par des modifications préparatoires intermédiaires.
On les appelle des monstruosilés lorsqu'elles sont
isolées, isolées dans notre esprit en nos observa-
tions ; mais, si elles se perpétuent, si la variation
se conserve par semis ou copulation entre deux
êlres ayant également varié, elles créent la race et,
au besoin, deviennent l'origine d'une espèce nou-
velle.
Il nous faut montrer, maintenant, quel est dans
celte création de race et d’espèce, le poids des in-
fluences apportées par les milieux, l'adaptation et
la sélection, et celui des causes de variations qui
viennent d’autres origines.
Nous avons rappelé plus haut que les influences
dites lamarkiennes ou darwiniennes d'adaptation
au milieu ne provoquent jamais de variations
brusques. Les prétendues monstruosilés ont été
expliquées par Darwin, par l'hypothèse d'un
retour au type ancestral, de telle sorte que, loin
d'être l’origine de races ou d'espèces nouvelles, ces
monstruosilés en reduiraient le nombre en reve-
nant aux types primilifs. Nous verrons tout à
l'heure que telle n'est pas leur raison d’être, leur
signification, ni leurs effets.
En dehors de toute préoccupation d'École, l'ob-
servation a montré que les varialions brusques des
êtres vivants ont deux origines principales :
1° Les influences réciproques des cellules géné-
ralrices ou, pour nous en tenir aux Végétaux, la
pollinisalion entre races ou espèces différentes;
2° La spontanéité, du moins apparente, que je
remplacerai tout de suite par le principe de la
coalescence des plasmas, dont je donnerai tout à
l'heure la définition et l'explication.
La varialion par pollinisation entre races ou
entre espèces est trop évidente et trop connue pour
que je m'y arrêle longlemps. Son explication rentre
d'ailleurs, comme on va le voir, dans celui des
coalescences. Je rappelle seulement, ce que je.
disais plus haut, que la variation de race par
pollinisation se manifeste non seulement sur les
parties du végétal destinées à le reproduire, l’ovule
et la graine, mais aussi sur les cellules végétalives
et jusque sur les matériaux spécifiques constitutifs
de ces cellules. Je peux'en donner ici une démons-
doublement anormale (Actes de la Société scientilique du
Chili, & NV, p. 19, 1895). M. Giard ajoute : «Partant de la,
certains naturalistes ont prétendu que toutes les espèces
avaient une semblable origine et que l'action des facteurs
primaires ou secondaires de l'évolution devaient céder la
place à © tte nouvelle conception de la descendance des
êtres vivants par modifications tératologiques discontinues.
C'est là, pensons-nous, une interprétalion inexacte et exa-
gérée de ces faits. » Je ne puis être ici de l'avis de mon très
savant confrère.
1052
ARMAND GAUTIER — MÉCANISME DE LA VARIATION DES RACES ET DES ESPÈCES
tration parliculièrement probante et qui me parait
jeter une vive lumière sur la facon dont chaque
générateur participe à la formation de la race
nouvelle.
Il existe divers cépages créés, de 1842 à 1850,
grâce à une longue suite d'efforts intelligents, par
M. Bouschet de Bernard, savant viticulteur de
Montpellier. La variété aujourd'hui cultivée un peu
partout, dans le Midi de la France, sous le nom de
Pelit-Bouschet résulte du semis de graines obte-
nues en faisant agir le pollen de l'Aramon sur les
fleurs du Yeinlurier préalablement châtrées de
leurs étamines ‘. Le Petit-Bouschet descend done
par une filiation historique et régulière de deux
autres cépages, très différents d’ailleurs au point
de vue de leurs formes, de leur hâtivité, de l’abon-
dance de leurs fruits et de leur goûtet, plus encore,
de leurs matières colorantes; matières solubles
dans l’eau et très abondantes dans le Teinlurier,
insolubles et en faible proportion dans l'Aramon.
Dans quelle mesure les plasmas générateurs, mâle
et femelle, se sont-ils alliés pour former la nou-
velle race? Existe-t-il des rapports qui lient la
couleur du Petit-Bouschet à celle de l'Aramon et
du Teinturier? S'est-il confondu avec l'un d'eux ?
Ou plutôt en diffère-t-il, d'après cette loi que j'ai
plus haut établie, que, pour toute race nouvelle, les
principes spéciaux à la famille botanique à laquelle
celle race appartient sont constitués par des
espèces chimiques différentes ?
La question valait la peine d'être examinée de
très près. Je préparai donc et analysai avec grand
soin les malières colorantes principales de trois
cépages, el je trouvai que le pigment du métis,
c'est-à-dire du Petit-Bouschet, était exactement
l'intermédiaire, et, pour ainsi dire, la moyenne, de
ceux des deux ascendants :
CSESIO
cf 10()20
CH 020
Pigment de l’'Aramon (paternel). . . . .
Pisment du Teinturier (maternel).
Pigment du Petit-Bouschet (flia] .
Ce résultat est intéressant à divers points de vue.
Il démontre d’abord, comme nous le disions plus
haut, que la variation pollinique se fait sentir sur
toutes les parties de l'être et jusque sur ses ultimes
principes conslituants. Il montre surtout que les
malières spécifiques importantes, et certainement
aussi les substances albuminoïdes très complexes
des plasmas dont elles sont régulièrement issues,
sont en rapport très simple avec les substances
correspondantes des deux générateurs. Le pig-
ment du Petit-Bouschet est comme la somme, la
moyenne arithmétique, des pigments paternel et
maternel de l'Aramon et du Teinturier.
Fait qui m'a été de nouveau confirmé par le fils du
créateur de ce cépage.
Nous n'avons pas le droit d'en conclure que toutes
les qualités des ascendants se transmettenttoujours
ainsi par égale part. On sait que l'influence mater-
nelle introduit dans la graine, à l'état latent, l’apli=
tude à reproduire le port, le facies, la rusticité, la
fécondité du porte-ovule; le pollen étranger agit
sur la couleur, le goût, la forme de la fleur, du
fruit, de la graine. Mais celle-ci porte en elle, en
vertu de l’action pollinique, un principe de varia-
tion qui peut atteindre toutes les parties du végétal.
Ceci découle des faits rapportés plus haut et plus
encore des observations d'influence réciproque
qu’exercent les unes sur les autres, dès qu'on les
accouple, les cellules végétatives elles-mêmes
quand elles appartiennent à des races ou à des
espèces différentes, C'est ici le nœud de mon sujet.
III
‘Je viens de dire que chaque cellule d'un hybride
obtenu par pollinisation est constitué par des plas-
mas spécifiques‘ aptes à former des produits nou-
veaux témoignant quela varialion dont on n'observe
directement que les marques extérieures, a réelle-
ment frappé tous les malériaux spéciaux à l'espèce
ainsi modifiée. Plasmas et produits portent done
en eux la marque, l'impression, de l'agent féconda-
teur, cause première de la varialion. Mais de même
que la graine de la plante hybridée peut repro-
duire directement par semis un nouveau végétal,
chacun des bourgeons à feuilles de ce végétal porte
aussi en Jui l'impression, quelle qu'elle soit, de
l'agent fécondant qui a modifié la race primitive,
puisque le rameau qui sortira de ce bourgeon pro-
duira plus tard la fleur et enfin la graine qui, elle,
pourra reproduire l'hybride. L'organe essentielle-
ment végétatif, le bourgeon à feuilles, porte donc
dans ses plasmas vivants une forme moléculaire
dérivée de celle des plasmas mâle et femelle géné-
rateurs de la graine dont est sorti le végétal nou-
veau. Ainsi, dans ce bourgeon, la matière polli-
nique primilive et la substance spécifique de l'ovule
dont est sorti le végétal qui porte ce bourgeon
ont laissé leur marque et, virtuellement au moins,
leurs aplitudes. Partant de là, j'ai pensé que le
mariage des races, qui généralement se fait par
pollinisalion, pourrait résulter aussi peut-être de
l’accouplement des cellules végétalives, de la coa-
lescence de leurs plasmas”, et, généralisant aussitôt
cetle hypothèse, il m'a semblé que chaque fois
que les formes moléculaires internes, stéréochi-
! J'entends ici par ce mot plasmas toutes les parties des
cellules végétales ou animales propres à fonctionner et à se
reproduire, en un mot les protoplasmas de la cellule aussi
bien que ceux du noyau.
? De coalescere, S'accroitre en commun.
x
ARMAND GAUTIER — MÉCANISME DE LA VARIATION DES RACES ET DES ESPÈCES
1053
miques, de deux plasmas vivants, quelles qu’en
soient les origines, pourraient être assez sem-
blables entre elles pour admettre une liaison, une
alliance, un accroissement simultané ou coales-
cence, celle union devrait avoir pour conséquence
la modification partielle ou totale des cellules et,
avec elles, celle de l'être primitif qui en est
formé. Ce mariage des plasmas que déterminent
avant tout les hasards d’analogie de leur structure
interne, peut se concevoir d’ailleurs à priori entre
cellules d'espèces très différentes, et même entre
cellules appartenant à des règnes différents, végé-
tales, animales ou microbiennes, pouvant, d'autre
part, posséder des aptitudes très différentes.
Darwin observe, dans son célèbre ouvrage sur la
Variation des Espèces, que le greffage d’un bour-
geon de rameau à feuilles panachées sur une plante
de même espèce, mais à feuilles de couleur uni-
forme, suffit à produire quelquefois, sur d’autres
branches du sujet n'ayant pas subi la greffe, des
bourgeons d'où sortent des feuilles panachées et,
dans mon premier Mémoire sur le Mécanisme de
la variation des élres vivants, j'ajoute après avoir
cité cette observation :
« Jei le tissu cellulaire (le tissu végétalif) d'une
race végétale, et non plus son pollen, a suffi pour
hybrider au contact les tissus d'une race distincte.
Nous voyons clairement, dans ce cas, les causes
qui avaient produit l'hybridation.. agir notoire-
ment sur un autre individu par l'intermédiaire des
cellules d’un ascendant une première fois impres-
sionnées ou modifiées... Ces quelques exemples
nous montrent que ces varialions, et les influences
plus ou moins définitives qu'elles traduisent, ont
transmis à ces cellules (végétatives) l'aptitude à
reproduire les modilications de race lorsque les
circonstances sont favorables à celle transmis-
Sion. » ‘.
Or, si les cellules végétalives peuvent ainsi se
modifier gràce à leur influence directe réciproque,
cette coalescence des plasmas doit être une cause,
un principe de variation, bien autrement puissant
que le mélissage ou l’hybridation par les pollens.
La pollinisalion, en effet, réussit surtout entre
races de même espèce, quelquefois d'espèces dif-
férentes, mais assez rapprochées, tandis que l'on
sait depuis longtemps déjà (et les beaux travaux
de M. Lucien Daniel sont venus donner une
grande exlension à ces fails) qu'on peut réunir
par greffage ou coaplation non seulement des
races, mais des espèces, souvent même des genres
différents, elc., qui n'auraient pu se marier par
fécondation. Le. piment et la tomate, le navet et
! Hommage à M. Chevreul, p. 35 F. éditeurs,
Paris, 1886.
Alcan,
le chou sont dans ce cas : ils peuvent s'allier par
greffe et vivre ensemble. Il faut donc s'attendre
à voir ce mode d'application du principe de la coa-
lescence des plasmas donner naissance à des varié-
tés, sinon à des espèces nouvelles.
L'observation a démontré, chez les Animaux
comme chez les Plantes, que, lorsqu'un être infé-
rieur, d’une famille, quelquefois même d'un règne
différent, vit en symbiose sur un hôte, celui-ci se
modifie en modifiant à son tour son parasite. Il se
fait une adaptlalion, une modification réciproque
des cellules en contact direct, quelquefois même
de cellules lointaines et de l'être tout entier. Ces
modifications peuvent souvent se transmettre par
hérédité. De ces faits, il faut rapprocher ceux de
même ordre, mais d'une analyse moins compliquée,
relatifs à l’action, sur les animaux, des vaccins et des
microbes pathogènes dont les plasmas et diastases,
en vertu d'analogies d'aptitudes et de stucture
dont le détail nous échappe encore, sont aptes à
modifier l'être qu'ils atteignent en alliant leurs
plasmas aux siens. Or, la constitution de ces cel-
lules et plasmas vaccinaux ou pathologiques est si
spécifique qu'ils n'agissent que sur telle ou telle
espèce, telle ou telle race animale, quelquefois sur
telle ou telle partie d’un même êlre. C'est ainsi que
chez l’homme seul se produisent les graves modi-
fications de la syphilis, de la pellagre, de la lèpre,
du myxædème, sous l'influence d'organismes ou
plasmas pathologiques, donnant lieu à des modifi-
cations qui peuvent se transmettre héréditaire-
ment, eomme c'est le cas pour l'hérédo-syphilis
chez l'homme. Je rappellerai encore l’immunité,
plus ou moins prolongée, acquise aux animaux
dont les mères et les ascendants avaient été plus
ou moins complètement immunisés vis-à-vis de la
diphtérie, du tétanos, du charbon... (Chauveau,
Ebrlich, Vaillard, Wernicke, Dziergowski.)
Dans beaucoup de maladies microbiennes ou
parasilaires nous trouvons des êtres très inférieurs,
microbes, amibes, coccidies, protozoaires, elc.,
alliant leurs plasmas cellulaires, ou les toxines
albuminoïdes qui en dérivent immédiatement, aux
cellules et plasmas des animaux. Et, dans cette
alliance d'où résulte toujours une modification de
l'être envahi, il semble qu'il n'y ait d'autre limite à
la symbiose où coalescence de ces plasmas que la
mystérieuse constitution de ces milieux vivants qui
permet l'union entre deux êtres d'espèces souvent
très éloignées, quelquefois même appartenant à
des règnes différents.
Pour en révenir aux Végétaux, dans mon second
Mémoire sur le Âécanisme intime de la variation
des races !, j'expliquais les varialions rapides et
! Revue scicntilique, 6 février 1897, p. 164.
1054
ARMAND GAUTIER — MÉCANISME DE LA VARIATION DES RACES ET DES ESPÈCES
comme spontanées qui surviennent quelquefois
chez les Végétaux, par l'hypothèse de l'introduction
dans leur tissus, en raison de circonstances for-
luites et locales, de plasmas étrangers aptes à les
influencer. J’exprimais ainsi cette opinion :
« Je suis porté à penser que les modifications
rapides observées sur les végétaux peuvent être
dues, soit à l’action de certains pollens d'espèces
éloignées, soit plutôt à l’inoculation de matières
destinées à la reproduction, telles que celles qui se
rencontrent dans les spores et les bactéries, ma-
tières qui, grâce à un hasard heureux, une piqüre,
une blessure... sont mises en relation immédiale
avec Le proloplasma végétal qu'elles modifient
ensuile. En vertu de quelque mystérieuse analogie
qui nous échappe encore entre la constilution des
deux protoplasmas, ces matières destinées à la
reproduction d’autres types viennent modifier l’or-
ganisme récepteur, à peu près comme le virus vac-
cinal, le microbe de la fièvre typhoïde, le venin de
la vipère ou du cobra, modifient la constitution
tout entière et le développement de celui qui les
recoit, sans qu'il y ait une relation connue entre
l’origine, l'espèce, la constitution de ces substances
modificatrices et celle de l'être qu'elles impres-
sionnent. »
Ainsi directement introduite au sein des plasmas
vivants, la matière modificatrice spécifique produit
sur les cellules végétatives des réactions et trans-
formations non plus lentes et graduelles, mais
rapides, sans termes de transition, exactement
comme cela se passe lorsque le plasma germinatif
du pollen d’une espèce agit directement au contact
sur les substances spécifiques de l’ovule d'une autre
espèce et fait varier immédiatement les matériaux
et l'évolution de la graine qui en sortira.
Voici quelques exemples de ces changements
subits appelés, bien à tort, syontanés, et dus en
réalité non à des-retours ataviques, mais à l’action
des êtres inférieurs sur les Végétaux :
Sur un rosier à sépales glabres, un rameau à
roses mousseuses apparut il y a quelques années
au jardin du Luxembourg, à Paris. Or, en exami-
nant cette variété, on trouve toujours sur ses pieds
une certaine quantité de bedeguars à surface mous-
seuse, galles produites par la piqûre et l'inocula-
tion d'un Cynips qui semble bien communiquer au
rosier qui le porte, comme à la galle où il enferme
sa larve, la propriété de produire les singulières
excroissances mousseuses qui caractérisent celle
variété.
Je disais plus haut que dans la menthe poivrée
(Wentha piperita) la forme de l'inflorescence peut
se modifier. Certains rameaux prennent la dis-
posilion des sommités fleuries d’un genre voisin,
le basilic (Ocymum basilicum). Ces rameaux dits ha-
siliqués produisent dès lors une essence dextrogyre
d'odeur particulière etnon plus l'essence de menthe,
lévogyre que fournit le reste de la plante. Or,
MM. Charabot et Ebray ! ont établi, en 1898, que
celle varialion de la menthe poivrée est aussi due
à la piqûre d’un insecte. On prend ici sur le fait la
tendance au passage d’une espèce à une autre, et
presque d'un genre à un autre, sur le rameau du
végétal piqué par l'insecte et sur lui seul.
D'après M. Marin Molliard”, les fleurs du Matri-
caria inodora, lorsqu'elles sont atteintes par le
Peronospora Radii, prennent l'aspect des fleurs
doubles des Radiées. Beaucoup d'Ombellifères et de
Crucifères, sous l’action des Hémiptères et des Aca-
riens, offrent une virescence de Lous leurs organes
floraux.
Le même auteur vient d'observer plusieurs de
ces faits de variation subite dus à la coalescence
de plasmas étrangers, encore empruntés à des
Cryptogames, mais dont les effets se faisaient sen-
tir, non plus seulement in situ, comme dans les
cas précédents, mais à distance : au milieu de
nombreux pieds de Primula officinalis normaux,
M. Molliard eut l'occasion d’en remarquer trois
dont les fleurs étaient devenues pétaloïdes ; aucun
parasite ne fut trouvé sur la partie aérienne de ces
plantes, mais les radicelles de ces trois pieds, et
de ces pieds seuls, étaient envahies par le mycé-
lium d'une Dematiée. Une observation plus inté-
ressante encore fut faite sur un pied de Scabiosa
columbaria dont les étamines se changaient en
pétales; M. Molliard reconnut que ses racines
seules étaient envahies par de très nombreuses
galles d'Aeterodera radicicola. Iei l'expérience de
contrôle suivante fut faite, el elle enlève tous les
doutes: des pieds normaux de Scabiosa columbaria
furent repiqués sur le terrain envahi par l'Æetero-
dera précédent, et ces pieds présentèrent, dès la
lloraison, la monstruosité observée.
M. Molliard ajoute qu'il a pu se convainere que
la forme dioïque du Publicaria dyssenteriea
(Gaertner) décrite par M. Giard * est aussi due à
une associalion parasitaire intéressant les organes
souterrains du végétal.
Dans le même ordre d'idées, je pourrais encore
citer les faits de tuberculisalion des bourgeons
souterrains sous l'influence de l'infection des raci-
nes par des champignons endogènes. Tel est,
d'après M. N. Bernard’, le cas de la formalion des
tubercules de pomme de terre se développant
sous l'influence du Æusarium Solani, dont on
1 Bull. Soc. Chim. [3], t. XIX, p. 119.
? Recherches sur les cécidies Aorales, 1895.
* Bull. scientifique de France et de Belgique, &. XX, p. 53,
1889. ‘
? Complt. rend. Acad. Sciences, t. OXXXIT, p. 355.
|
}
1
:
|
trouve toujours les filaments et les spores dans
les cellules subéreuses de la surface des tubereules
sains, alors que les graines du végétal semées dans
“un terrain stérilisé, mais fertile, ne reproduisent
pas de pieds à tubercules. Il est permis de rap-
‘procher encore de ces faits les variations subies par
les Végétaux dans leurs fonction physiologiques et
leur réceptivité aux maladies, observées par M. J.
Beauverie et par M. J. Ray; je veux parler de l'im-
munilé acquise contre les maladies cryptogamiques
après innoculations préalables de vaccins consis-
tant dans la forme atténuée de Cryptogames di-
vers
L'envahissement du système radiculaire par les
Cryplogames infestant tous les sols cultivés donne,
très probablement, l'explication de la perte de
résistance des vignes sauvages des forèls de
l'Alsace, lesquelles, d'après les observations de
M. Obertin, quoique résistant indéfiniment aux ma-
ladies cryptogamiques et aux Insectes tant qu'elles
restent incultes, deviennent sensibles aux attaques
des parasites végétaux et animaux aussilôt qu'on
les soumet à la culture.
Toutes ces variations des végétaux se traduisant
par des changements analomiques des organes
végétatifs ou floraux, ou simplement modifications
de léurs fonctions, ne sont pas toujours aptes à se
conserver par semis successifs, quelquefois même
par boutures; mais elles ont ces caractères com-
muns, qu'elles se produisent subitement et sans
transition, et qu'elles peuvent frapper un seul indi-
vidu au milieu de tous les autres et même un seul
rameau sur le même individu. En un mot, la produc-
tion de ces variétés échappe aux règles de l’adapta-
tion, de la sélection, des modifications lentes et suc-
cessives. Chaque espèce de cellule conjointe, quelle
qu'en soit l’origine, ayant apporté avec elle ses prig-
cipes spécifiques, ses diastases, ses plasmas, elc.,
l'hybridalion ou plus simplement la variation naît
nécessairement ef immédiatement de cette associa-
tion de deux plasmas différents vivant en commun.
Nous venons de parler des effets, généralement
dus à d'heureux hasards, des venins, diastases et
plasmas étrangers inoculés aux Végétaux et em-
pruntés à des espèces souvent très éloignées, sous
forme de piqûres ou au cours d'une symbiose
cryptogamique et même animale. Mais les exemples
les plus frappants et les plus instructifs de l'appli-
cation du principe de la variation des races par
coalescence de deux plamas végétatifs, empruntés
à des espèces différentes, nous sont fournis par
l'étude de la greffe. Ici je m'appuierai en grande
partie sur les belles recherches de M. Lucien
Daniel, le distingué Chargé de Cours de la Faculté
1 Jbidem, t. CXXXII, p. 107 et 307.
ARMAND GAUTIER — MÉCANISME DE LA VARIATION DES RACES ET DES ESPÈCES 1055
des Sciences de Rennes, tout en ne concevant pas
comme lui cette cause de variations‘.
J'ai dit plus haut comment j'avais, en 1886°,
prévu et expliqué que de l'influence réciproque des
cellules végétatives vivantes amenées en contact
immédiat par piqûre, coaptation ou grefflage
pouvaient résulter des variétés nouvelles, comme
par une hybridation asexuée. En voici les preuves :
Que l'on porte, comme l'a fait M. L. Daniel, un
greffon d'aubergine sur un pied de tomate à fruit
côtelé rouge vif, et l’on obtiendra, sur ce pied de
tomate, à la fois des fruits allongés pyriformes
comme ceux de l’aubergine dont ils ont la couleur,
des fruits ovoïdes comme ceux du Solanum ovi-
gerum et des fruits aplatis, eôtelés, rappelant bien
la tomate par leur forme. C'est là une démonstra-
tion très sensible de l'influence du sujet porte-
greffe sur les produits sortis du greffon. Mêmes
remarques si l’on greffe le piment conique sur la
tomate rouge : on obtient ainsi des piments aplalis
ayant tout à fait l'aspect de la tomate. Encore ici,
les plamas du porte-grefle ont noloirement réagi
sur ceux du greffon, résultat d'autant plus intéres-
sant que le piment, qui appartient au genre Capsi-
cum, n'hybride pas son pollen avec l’ovule de la
tomate, qui appartient au genre Zycopersicum.
Si l'on greffe l’alliaire officinale sur le chou vert,
l'odeur alliacée, si caractéristique, de l’alliaire
diminue beaucoup et se mélange de l'odeur de
chou. Le rameau d'alliaire greffé sur chou parait
d'ailleurs se développer normalement; mais, si
l'on vient à semer les graines provenant de ce
rameau, on remarque des différences tranchées
dans l'appareil assimilaleur des descendants : les
feuilles en rosettes de ces alliaires sont plus nom-
breuses, plus pleines, à odeur d'ail bien plus atté-
nuée que dans les plantes normales. Les racines
beaucoup plus ramifiées, plus développées, épais-
ses, se rapprochent surtout, de celles du chou.
Ces différences s'accentuèrent après un nouveau
semis ; .la seconde génération présentait l’année
suivante un aspect trapu, des feuilles vertes
rapprochées, des inflorescences serrées (et
lâches et allongées comme à l'état normal),
odeur faible d'ail et de chou qui faisait de ces
alliaires greffées sur chou une variété bien distincte
résultant de l’action primitive du plasma végétalif
du chou porte-greffe sur le-greffon d'alliaire.
très
non
une
1 Voir plus particuliérement : La Variation dans la greffe
et l'hérédité des caractères acquis de M. Lucien Danier.
Paris, Masson, éditeur, 1899.—Voir aussi S. Joux, Le Jardin,
n° du 20 janvier 1899, p. 22. — D'après M. L. Daniel, les
variations dues à la greffe dépendraient bien plus du rap-
port entre la nutrition générale du sujet et du greffon, et
de ce qu'il nomme leur capacité fonctionnelle propre, que de
la nature, de la parenté, de l’analogie et aussi des difiéren-
ces spécifiques des sèves ou des plasmas cellulaires.
? Hommage à M. Chevreul. Passage cité, p. 35.
1056 ARMAND GAUTIER — MÉCANISME DE LA VARIATION DES RACES ET DES ESPÈCES
Le célèbre horticulteur de Nancy, M. Lemoine,
a souvent obtenu des variétés d’abutilons et de pas-
siflores à feuilles panachées, en greffant des bour-
geons d'espèces à feuilles vertes sur des pieds
d'espèces panachées. C'est l'inverse de l'observa-
tion de Darwin citée plus haut.
Nous multiplierions à volonté ces exemples
de l'influence du porte-greffe sur le greffon. L’hé-
rédité des variations spécifiques ainsi produites a
été établie par M. Daniel, par exemple, pour la
greffe du navet sur chou cabus, du chou rave sur
chou cabus, de l’alliaire sur chou, etc.
L'action des plasmas du porte-greffe sur le greffon
est done aujourd'hui indiscutablement établie.
Des remarques analogues ont été failes relative-
ment à l’action réciproque du greffon sur le sujet
qui le porte. J'en cilais plus haut un cas observé
par Darwin, mais l'exemple le plus frappant est
celui du néflier de Bronvaux, près Metz ‘. Il pro-
vient d'un néflier autrefois greffé sur aubépine.
Toute la partie de l'arbre sortie du greffon est bien
un néflier normal; mais, un peu au-dessous de la
greffe, le sujet, c'est-à-dire l'épine blanche, a donné
naissance à une branche de néflier qui diffère de la
partie greffée en ce qu'elle est épineuse et qu'au
lieu de porter des fleurs solitaires, celles-ci, au
nombre de 12 e! semblables à celles du néflier,
sont réunies en corymbe comme dans l'épine blan-
che. Les fruits de ce rameau sont de petites nèfles
aplaties ou allongées. Dans leur ensemble, ces
caractères sont donc bien intermédiaires entre
ceux des deux générateurs. Les graines sont
malheureusement stériles. Sur une autre branche
anormale poussée sur la précédente, les feuilles
sont plus grandes que celles de l’aubépine, lobées,
mais à lobes moins prononcés que dans l’aubé-
pine; les fleurs sont celles de l’aubépine, mais
de couleur rose; les fruits, de la grosseur et de la
forme de ceux de l'aubépine, sont bruns et velus
comme ceux de la nèfle.
M. L. Daniel? ayant greffél'/clianthus lætiforus,
sorte de Petit Soleil vivace, sur le Grand Soleil
(Hælianthus annuus), observa la plus remarquable
influence du greffon sur le sujet. L'/Zlianthus læti-
{lorus possède, à l’état naturel, une tige ligneuse
couverte d'un épiderme vertsombre avec nombreux
poils remplacés de bonne heure par des lenticelles
étendues, d'aspect caractéristique. Son pied porte
des rhizomes très développés qui se renflent en tu-
bercules gorgés d'inuline. Le Grand Soleil, plante
annuelle, possède une tige à moelle abondante,
1 Signalé au Congrès de la Sociélé nationale d'Horti-
culture par MM. Jou. Procès-verbal de la séance du 20 mai
1898, p. 17. Voir, à ce sujet, une note de M. L. Henny sur les
formes intermédiaires entre néllier et aubépine in Journ.
Soc. Agriculture de France, octobre 1599.
# Voir Comptes Rend., Acad. Sc., t. GXXXIV, p. 866.
très peu ligneuse, un épiderme vert pâle, des poils
persistants, pas de rhizomes. Les pieds d'Hælian-
thus annuus, greffés d'Hælianthus lætiflorus, furent
profondément modifiés : alors que les autres
Grands Soleils voisins étaient morts depuis long-
temps, les pieds greffés vivaient encore, fin octobre,
presque aussi verts qu'à la fin de l'été. La tige avait
pris l'aspect de celle de l’Æælianthus lætiflorus; elle
était d'un bois fort dur et deux fois et demie aussi
grosse que celle des Soleils ordinaires. Les poils
élaient tombés et avaient été remplacés par les len-
üicelles de l'A. Jætiflorus. Les racines étaient très
développées, à chevelu inextricable. Les rhizomes
à inuline n'avaient pas paru, la substance mère de
celle-ci ayant élé probablement changée en bois ef
fixée dans la lige.
Tous ces faits, rapprochés de ceux que j'exposais
plus haut sur l’action des inoculations par piqûres
d'Insectes, ou par parasilisme d'Animaux inférieurs
ou de Cryptogames agissant sur les Végétaux, me
paraissent dériver du principe de la coalescence
des plasmas, soit que les celluies végétatives restent
en place, soit qu'elles puissent émigrer, comme
cela se voit si souvent chez les Animaux. Mais, pour
que cette symbiose ou coalescence se réalise,
pour que la grefle réussisse et devienne l’origine
de variélés aptes à se reproduire par boutures ou
par graines, il faut que les plasmas aient des cons-
titutions semblables, qu'ils soient aples à se péné-
trer, que leurs molécules constitutives puissent se
remplacer au besoin. Or, cette aplitude, qui résulte
de leur structure intime, préexiste à leur rappro-
chement. Je ne puis donc être de l'avis de M. L.
Daniel quand ildit': «Pour qu'une greffe réussisse,
il faut et il suffit que les protoplasmas du sujet et
du greffon n'aient pas, à a suite de l'opération,
leurs propriétés chimiques et physiologiques modi-
fées au delà d'une limite délerminée qui annihile
les propriétés essentielles de la substance vivante ».
Quant à moi, je pense que, pour que l'association
et les modifications mutuelles se produisent, il faut
qu'il y ait similitude de structure, analogie suffisante
etpréexistante entre les plasmas vivants, essentiels,
des cellules végélatives des deux races ou espèces
qu'on essaie de rapprocher. Je dis analogie non
pas bolanique, mais tissulaire, structurale, chimi-
que. Si toutes les Chicoracées se greffent entre
elles, sauf les espèces qui forment de l'inuline sur
celles qui n’en forment pas, c'est que celles à inu-
line ont un protoplasme inverse, ou symétrique,
du protoplasma de celles qui n’en produisent point;
le premier est propre à faire naître des produits
tournant à gauche le plan de la lumière polarisée,
1 Los variations dans la greffe, p. 132. Masson, éditeur.
Paris, 1892.
ARMAND GAUTIER — MÉCANISME DE LA VARIATION DES RACES ET DES ESPÈCES 1057
des inulines à structure gauche; les seconds for-
ment des amidons à structure inverse lournant à
droile le plan de la lumière polarisée. La produc-
tion de l’inuline, en place d'amidon, chez certaines
Chicoracées, est la meilleure révélation de la struc-
ture inverse de leurs protoplasmas. Si l’on me
permet une comparaison un peu vulgaire, je dirais
que, pour que deux plasmas s'allient, il faut qu'ils
puissent s'emboîter; or, rien ne s'emboile plus mal
que deux hélices dextrogyre et sinistrogvre.
Je sais bien qu'on a reconnu que la coalescence
par greffage peut réussir, dans quelques cas, entre
espèces assez éloignées, pouvant même quelquefois
- appartenir à des familles différentes. Exemples : le
- chrysanthème (Chamomillées) et l'absinthe (Arté-
misces) se greffent sur le Soleil (/élianthées); le
fenouil (Sésélinées) et le panais (Peucédances) se
greffent sur la carotte (Daucinées), alors que, dans
la famille des Légumineuses, on ne peul parvenir à
greffer entre elles les plantes appartenant à deux
tribus différentes, et que dans les Chicoracées on
: ne réussit pas à souder celles à inuline à celles à
amidon*. Ceci paraîtrait contraire au principe de la
coalescence des plasmas, et le serait, en effet, si
. l'on pouvait affirmer que la classification bolanique*
est fondée sur la structure intérieure des organes
et plasmas, au lieu de l’êlre sur les formes exté-
rieures de la fleur *.
ILest possible, d’ailleurs, que ces faits négatifs
tiennent quelquefois à l’activité végétalive très dif-
férente du greffon et du sujet, qui ne permet pas
l'union intime ou l’utilisation des matières nutri-
. tives pouvant être parvenues à un degré différent
d'assimilabilité daus le greffon et dans le porte-
greffe. Tel me parait être le cas de la greffe, excep-
_tionnellement délicate, du cognassier sur poirier.
Il est certain que l’analogie des plasmas germi-
natifs et végétatifs des plantes qui peuvent se fé-
conder mutuellement ou s'unir par greflage est
liée aux analogies des structures de la fleur et de
la graine sur lesquelles est fondée la classification
botanique, puisque la pollinisation et le greffage
réussissent le plus souvent entre variétés d'une
même espèce ou entre espèces voisines Ÿ; mais
cette analogie des deux plasmas n'est pas une iden-
: Des faits semblables se remarquent du reste pour l'hybri-
dation pollinique; chez les Crucifères, Gaertner n'a jamais
-pu obtenir de croisements entre deux espèces différentes.
Chez les Solanées, on ne réussit jamais entre deux espèces
appartenant à deux genres différents, alors qu'on est certain
de l'analogie de la structure florale.
? Toutefois, il faut qu'il existe, en général, quelque rap-
port simple, quelque analogie mystérieuse entre les carac-
tères extérieurs de la fleur et la structure stéréochimique
des plasmas fécondatifs et végétatifs pour que ce soit le
plus souvent entre espèces voisines que s’allient les plasmas
générateurs et que réussissent les greffes.
_ * De même, chez les Animaux, l'analogie de structure des
. plasmas est liée à la structure anatomique. En ellet, les
REVUE GÉNÉRALE DES SCIENCES, 1901.
tité, et le rapport qui les unit en chaque cas peut
être plus ou moins étroit : M. L. Daniel a montré
qu'on peut greffer le chou sur l’alliaire, le chou sur
le navet, le piment sur la tomate, et réciproque-
ment; mais les fécondations du chou par l’alliaire
ou le navet, de la tomate par le piment ne réussis-
sent pas, pas plus que ne réussit celle du Soleil
par le chrysanthème ou l’absinthe, qui se gref-
fent cependant sur lui. Pour qu'il y ait coales-
cence, il faut avant tout (sans que ce soit toujours
une condition suffisante) que les plasmas cellu-
laires puissent, en vertu de l’analogie de leurs
structures, coexister, se remplacer l’un l’autre,
comme les substances isomorphes, sans être iden-
liques cependant entre elles, peuvent se remplacer
el coexister l’une à côté de l’autre, en proportions
variables, dans un même cristal.
Tout semble venir appuyer cette comparaison et
démontrer, en effet, que, dans la structure des
nouvelles races, les molécules issues des deux gé-
nérateurs s'associent d’abord sans se fusionner
en une molécule mixte. Elles paraissent se juxta-
poser, comme nous savons que se produit en
physiologie, la soudure des diastases aux corps
qu'elles modifient; en pathologie, l'union des
toxines aux antitoxines, des corps aux anticorps,
etc., etc. Sur le singulier rameau du néflier de
Bronvaux, on voit les branches de l'espèce nèfle
pousser à côlé des branches de l’épine blanche, et,
sur la même branche, les caractères des deux géné-
ralteurs peuvent encore se disjoindre. Dans les
greffes de piment sur tomate, on peut apercevoir
de semblables dissociations. Mèmes effets s’il s'agit
d'hybrides par pollinisalion, comme en témoignent
les fleurs panachées des deux couleurs des ascen-
dants, ou la diversité des individus sortis du semis
de graines issues d’un pied unique ayant reçu le:
pollen d'une autre variété. Tous les degrés de mé-
lange des plasmas générateurs se rencontrent géné-
ralement dans les sujets issus de ces mariages etils
peuvent même comporter le divorce des conjoints,
espèces voisines seules peuvent allier leurs plasmas fécon-
dateurs; et les plasmas végétatifs eux-mêmes, ceux du sang
en particulier, ne se fusionnent que dans les espèces à struc-
tures extérieures très rapprochées. C'est ainsi que, si l’on
injecte à un animal du sang d'une espèce différente, ces
sangs ne se fusionnent pas, et l'animal détruira ce sang
étrauger ou sera détruit par lui. Le sang de l'homme détruit
le sang de chien, de mouton, de lapin, de bœuf, et récipro-
quement. Au contraire, de mème que s'allient leurs plas-
mas générateurs, le sang de lièvre peut être injecté au
lapin, celui du rat à la souris, du chien au loup et'au renard,
du chat au jaguar, et réciproquement. Seuls les sangs des
singes anthropomorphes, chimpanzé, orang, gibbon, peu-
vent être mélangés au sang huwain, et le sang humain in-
jecté au chimpauzé; maisles sangs des singes platyrrhiniens
ne peuvent être injectés à l'homme sans être détruits. La
structure interne de leurs plasmas diffère donc trop de
celle du sang humain, comme diffèrent trop les structures
externes des animaux qui les fournissent,
23%
1058 ARMAND GAUTIER — MÉCANISME DE LA VARIATION DES RACES ET DES ESPÈCES
que l’on peut voir se séparer des diverses parties du”
végétal ou plus souvent à la suite de semissuccessifs.
La coalescence des plasmas végétalifs ou fécon-
dateurs semble done être comme un accouplement
où chaque espèce chimique conserve plus ou moins
longtemps sa personnalité, je dirais presque sa
liberté. Aussi cette coalescence ne suffit-elle pas
toujours à assurer la stabilité des races nouvelles.
Pour qu'elles se fixent, il faut que l'alliance soit
profonde et répétée, que les deux plasmas qui se
marient, se fusionnent enfin en une espèce unique.
A ce phénomène définilif qui fixe désormais la
race, contribuent la continuilé et la répétition des
influences, l’ensemble des forces physico-chimi-
ques réagissant dans la cellule, en particulier la
chaleur et la lumière, qui, en général, font tendre
les molécules constituantes vers des états d'équi-
libre de plus en plus stables. De deux molécules
plasmaliques assez rapprochées et déjà très insta-
bles par elles-mêmes, comme le sont tous les com-
posés albuminoïdes, dérive enfin une molécule
définitive nouvelle qui vient fixer la race ou l’es-
pèce en lui communiquant sa stabilité relative.
Concluons : Un être vivant varie parce que les
plasmas spécifiques de ses organes ont varié. Je l'ai
établi au début de cet article. Ces modifications
moléculaires sont généralement dues à l'action des
plasmas étrangers, fécondatifs ou végélatifs, que
des circonstances naturelles ou fortuites ont mis
en coalescence avec les cellules de l'être que l'on
considère. Cette coalescence ou accroissement en
commun est la conséquence de l'analogie de
fonctionnement de deux plasmas, elle-même corré-
lative de l'analogie de leur structure, et celle-ci
semble à son tour plus ou moins expressément en
rapport avec les formes extérieures de la fleur et
de la graine chez les plantes, avec la structure
anatomique chez l'animal. La race nouvelle
demeure variable, tant que les plasmas alliés
restent coaptés ou inlimement unis sans arriver,
grâce à la continuité de leur contact et à l’action
des agents extérieurs : chaleur et lumière surtout,
à former une molécule unique nouvelle, générale-
ment plus stable que celles des deux composants.
Sauf les cas où intervient la sélection artificielle,
c'est donc vers un état de stabilité toujours plus
grand que tendent les races et, à plus forte raison,
les espèces végétales et animales. La fixité de ces
dernières, démontrée par la grande difficulté
qu'elles ont de passer d’une espèce à une autre, est
la conséquence rationnelle de la fixité de la partie
commune de l'édifice moléculaire propre aux diffé-
rentes variétés de l'espèce, et de l'impossibilité
qu'on éprouve le plus souvent à faire passer ces
molécules spécifiques de leurs photoplasmas d’une
famille chimique à une autre famille.
TV
En appliquant maintenant ces vues à la produe=
lion de nouveaux cépages, il me semble qu'il x
aurait intérêt à tenter les essais suivants :
En ce qui touche aux influences dérivées des
plasmas reproducteurs, essayer des fécondations
par pollens de Vitis vinifera sur plants américains
puis sur les races qui découleraient successive-
ment de celte hybridation, de façon à produire;
sinon des cépages nouveaux, directement utilisables
par leurs fruits, au moins des porte-greffes modi-
fiés par le pollen européen et dès lors aptes à
se marier par greffage neutre et solide aux meil-
leurs cépages de vinifera sans que le porte-grefte
influence sensiblement le greffon en raison de la
modilicalion préalable de ses plasmas.
Pour ce qui est des influences réciproques du
greflon et du sujet, il semble qu'un premier gref-
fage, même à yrefle mixte, c'est-à-dire où la végé-
tation du porte-greffe est assurée par la conserva-
tion de quelques-uns de ses rameaux, ne confère
au greflon qu'une partie des aptitudes du sujet,
puisque nous avons vu que celui-ci est lui-même
#modifié par le greffon. Mais, si un œil de greffe pris
sur une branche déjà greffée sur un pied de race
étrangère, et qui par conséquent est déjà modifié lui-
même par la greffe qu'il a subie, est porté sur un
second pied de cette même race n'ayant jamais
subi de greffage, celui-ci communiquera au gref-
fon déjà impressionné une nouvelle modifica-
tion dans le même sens que le premier sujet; el,
sices grefles successives sur pieds vierges de race
pure se répètent une troisième, une quatrième
fois, elc., on accumulera sur le greffon de troi-
sième et quatrième portée les qualités du porte-
grefle. Telles seront, si l'on a bien choisi celui-ci,
la résistance au froid, à la sécheresse et aux
moisissures, la hâtivité, l'abondance du fruit, etc. ;
en même temps, on conférera à la race ainsi
modifiée une plus grande fixité.
Supposons que nous choisissions comme porle-
greffe un plant américain, bien résistant au phyl-
loxera, à la chlorose et aux moisissures, et pet où
pas foxé. Greflé d'un de nos bons cépages fran-
cais, il communiquera en quelque mesure à son
greflon certaines de ses qualités secondaires, peut-
être une parlie de sa résistance aux atteintes du
phylloxera. Le greffage d'un bourgeon emprunté à
ce rameau déjà impressionné, sur un autre pied
vierge américain de même race, accentuera Sans
doute encore la résistance acquise, et ainsi, de
greffe en greffe jusqu'à la quatrième ou cin-
quième opération. Que l'on sème alors la graine
du cépage français ainsi modifié par ces grefles
successives sur pieds vierges américains, il en
RE ES SE ns à à.
CH. MAURAIN — MAGNÉTISME ET COUCHES DE PASSAGE
1059
résullera des variélés nouvelles et l’on pourra
recueillir celles où se sont accumulées à la fois les
“propriétés du plant américain apte à la résistance
“au phylloxéra, et qui aura le mieux conservé au
fruit les qualités du plant français primilif.
Mais j'entre ici dans le domaine de la pratique et
je m'aperçois que je m'adresse à de savants agri-
culteurs, des œnologues éminents, des profes-
seurs de Viticulture, à qui je dois demander le
résultat de leur expérience plutôt qu'essayer de
suggérer mes idées et mes plans. En écrivant cet
article, mon but à été seulement de tenter
d'expliquer, d’après mes observations person-
nelles et celles des autres, combien profondes
sont les modifications que l’hybridation sexuelle
. introduit dans la constitulion, dans la trame
même du végélal, et comment le principe nou-
veau de la coalescence des plasmas explique les
» faits dits de variation spontanée et permet de les
rapprocher des hybridations par pollens d'espèces
ou de variétés différentes. Ce principe me parait
donner la raison à la fois des modifications dites
monstrueuses et de celles que les travaux des sa-
vants modernes sur les effets de la greffe sont
venus nous faire connaitre. L'étude méthodique,
expérimentale, des modifications produites par les
piqüres d’Insectes, la symbiose des Bactéries, des
moisissures, des parasiles de toute espèce, les ino-
culations de toxines ou de plasmas divers, et sur-
tout les hybridations par greffe entre espèces voi-
sines ou éloignées, constilue un vaste domaine plein
de promesses pour l'avenir. Il me semble qu'éclai-
rés par le principe de la coalescence des plasmas,
qui permet de tenter et d'expliquer les alliances
les plus lointaines et les plus imprévues, horticul-
teurs ou viliculteurs ne seront désormais plus obli-
gés, en dehors des variations obtenues par polli-
nisation et semis, d'attendre de hasards plus ou
moins heureux, mais toujours rares et incertains,
la production de races nouvelles que, sans le prin-
cipe de la coalescence, on ne savait comment expli-
quer, diriger, imiter ou provoquer’.
Armand Gautier,
de l'Académie des Sciences,
Professeur à la Faculté de Médecine de Paris,
Le magnétisme a été, depuis une vingtaine d'an-
nées, l'objet de nombreux travaux ; mais, si ceux-ci
ont mis en évidence beaucoup de résultats nou-
veaux ebont conduit en particulier à de notables
améliorations dans l'industrie électrique, il en est
assez peu qui aient contribué activement à une
connaissance plus intime des actions magnétiques
_ et de leur mécanisme. J'ai essayé d'augmenter cette
catégorie d'expériences en étudiant non pas les pro-
priétés de substances magnétiques ordinaires, mais
celles de substances magnétiques en formation et
. soumises à la force magnétique pendant leur for-
. mation même. Il élait naturel d'employer des
|
dépôts électrolytiques. Le sujet est loin d’être nou-
veau, car, dès 1860, Beetz! constata qu'on obtient
. ainsi facilement la saturation magnétique, résultat
favorable à la théorie de l'aimantation de Weber :
mais je ne crois pas que, depuis cette époque, ce
genre d'expériences ait été repris,
J’indiquerai d'abord brièvement le principe des
recherches : On sail que, pour aimanter un morceau
de fer, il faut le soumettre à une force magnétique
ou, comme on dit habituellement, le placer dans
un champ magnétique, c'est-à-dire dans un espace
4 Beerz : Pogg. Ann., t. CXI, p. 107-121 ; 1860.
MAGNÉTISME, COUCHES DE PASSAGE
ET ACTIONS À PETITE DISTANCE
où agissent des forces magnétiques produites soit
pas des aimants, soit par des courants électriques.
On appelle intensité du champ la valeur de la
force au point considéré. Le cas le plus favorable
pour obtenir des résultats nets est celui où Le champ
est uniforme, c'est-à-dire où la force y est cons-
tante en grandeur et en direction. Dans mes expé--
riences, le dépôt électrolytique de fer s’opérait dans
un champ magnétique uniforme, d'intensité connue,
et un magnélomètre permettait de connaitre à
chaque instant l’aimantation acquise par le dépôt.
1° J'ai mesuré l’aimantation des dépôts pour diffé-
rentes valeurs du champ magnétique agissant pen-
dant leur formation; puis, les dépôts une fois for-
més, j'ai étudié l’action exercée sur leur aimantation
par un champ magnétique variable, c’est-à-dire que
j'ai construit leurs courbes d'hystérésis.
29 Au début de la formation de chaque dépôt se
produit une perturbalion qui ne peut être attribuée
qu à la cause suivante : les propriétés magnéliques
d'une substance ne prennent une valeur définie
qu'à une certaine distance de la surface. J'ai déter-
miné l'épaisseur limite correspondante en effec-
4 Mémoire lu le 16 novembre 1901, au Congrès interna-
tional de l'hybridation de la Vigne, tenu à Lyon,
1060
CH. MAURAIN — MAGNÉTISME ET COUCHES DE PASSAGE
tuant des dépôts de fer sur différents métaux,
argent, cuivre, laiton, or, platine; j'ai étudié aussi
des dépôts de nickel.
3° Lorsque le dépôt de fer est effectué sur une
électrode d'un métal magnétique préalablement
aimantée elle-même, l’aimantation de l'électrode
entraine une aimanlation du dépôt de même sens
que la sienne, et cette action magnétisante au con-
tact est si active qu'elle l'emporte sur l’action d'un
champ magnétique de sens contraire, agissant en
même temps. J'ai étudié en détail cette nouvelle
action magnélisante.
4° J'ai cherché comment varie cette action ma-
gnétisante de l’électrode quand, au lieu d'effectuer
le dépôt directement sur l’électrode aimantée, on
recouvre d'abord celle-ci d’une couche très mince
d'un métal non magnélique, c'est-à-dire que j'ai
étudié le rayon d'activité de celte action magnéli-
sante.
Ce sont ces différents points que je vais examiner ;
je n'entrerai pas ici dans les détails techniques ! et
j'exposerai surtout les résultats, en indiquant l'in-
térêt qu'ils présentent au point de vue général.
I. —— ACTION DU CHAMP MAGNÉTIQUE SUR LES DÉPOTS
ÉLECTROLYTIQUES.
Les dépôts électrolytiques sont effectués à l'inté-
rieur d'un long tube de verre vertical: les cathodes
sont des tiges cylindriques disposées suivant l’axe
du tube ; l’anode est une carcasse cylindrique en
fils de platine, qu'on peut faire glisser le long dela
paroi du tube; le champs magnétique est produit
par un courant électrique circulant dans une bobine
dont les spires entourent directement le tube de
verre ; le magnétomètre est disposé près du tube.
$ 1. — Aimantation acquise par les dépôts pendant
leur formation.
Supposons qu'on produise un dépôt, les condi-
tions de l’électrolyse restant bien constantes, et le
champ magnétique ayant aussi une valeur fixe.
Sur l'échelle divisée qui recoit un rayon lumineux
réfléchi par le miroir du magnétomètre, on
observe un mouvement de la tache lumineuse : la
déviation de cette tache à partir de sa position ini-
liale mesure, à un moment quelconque, l'aimanta-
tion totale du dépôt; si donc l'épaisseur de celui-ci
croit proportionnellement au temps, et si l'aiman-
tation acquise par chaque parcelle a une valeur
constante, la courbe qui représente des déviations
de la lache en fonction du temps doit être une
ligne droite, et le coefficient angulaire de cette
droite mesure l'intensité de l'aimantalion acquise
1‘ On pourra les trouver dans le Journal de Physique el
l'Eclairage Electrique.
par le dépôt dans cette expérience. C’est bien ce
que donne l'expérience, sauf cependant au début
de chaque dépôt : il se produit là une perturbation
dont je parlerai plus loin; les courbes ont, près de
l'origine, une partie légèrement courbe, mais le
reste est une ligne droite, ce qui permet de mesurer
l'intensité d’aimantation de chaque dépôt.
En effectuant une série de dépôts de fer dans
des conditions identiques, et en faisant varier seu-
lement le champ magnétique dans lequel est pro-
duit le dépôt, on obtient une série de valeurs de
l'intensité d'aimantalion, et on peut ainsi tracer
une courbe représentant l'intensité d’aimantation
des dépôts en fonction du champ. C’est la courbe A
de la figure 1‘; pour qu'on puisse la comparer
facilement avec la courbe d'aimantation ordinaire,
j'ai déterminé celle-ci pour le même fer. Pour cela,
i H
10 20 30 yo 50
Fig. 1.— Jntensilé d'aimantation d'un dépôt électrolytique
en fonction du champ magnétique. — À, pendant sa for-
mation: B, après sa formation.
j'ai effectué un dépôt dans les mêmes conditions
que les précédents, mais dans un champ magné-
tique aussi faible que possible, c’est-à-dire en fai-
sant passer dans la bobine un courant de sens et
d'intensité Lels qu'il compensàl aussi exactement
que possible la composante verticale du champ
terrestre ; laimantation acquise par ce dépôt est
très faible : après sa formation, on peut alors l'ai-
manter à la manière ordinaire, en faisant croitre le
champ magnélique produit par la bobine; on
oblient ainsi la courbe B. On voit que la courbe
d'aimantation des dépôts monte beaucoup plus vite
que la courbe ordinaire; elle n’a, d'ailleurs, pas
la mème allure : elle ne présente pas de point d'in-
flexion, et sa croissance est très rapide dès l’ori-
4 Dans cette figure, et dans les figures 2 et 3, les abscisses
représentent les valeurs du champ en gauss (unité électro
magn. C. G. S.), et les ordonnées les valeurs de l'intensité
d'aimantatien en unités arbitraires. La forme de la courbe B
vérifie, ce qui est bien connu, que le fer électrolytique se
comporte comme un acier dur.
_ Lhstitt bise dis, sé.
ine ‘ ; dans chaque expérience donnant un point
P
- de la courbe À, le champ correspondant agit à
chaque instant pendant la formation même du
- dépôt; on doit donc considérer cette courbe comme
donnant l’aimantation la plus grande que puisse
atteindre le fer étudié sous l'action d'un champ
» agissant seul. C'est, si l'on veut, une courbe nor-
male d'aimantation.
$ 2, — Courbes d’hystérésis des dépôts obtenus
dans un champ magnétique.
Un dépôt de fer ayant été formé dans un champ
H,, on peut, en prenant certaines précautions sur
lesquelles je n'insiste pas ici, étudier l'influence
sur son aimantalion d'une variation du champ
magnétique.
D'abord, en ramenant le champ à 0, on constate
que l’aimantation rémanente est très sensiblement
égale à celle acquise par le dépôt pendant sa for-
mation; cette aimantation est d’ailleurs moins
sensible aux chocs que celle des aimants ordi-
naires; les aimants obtenus ainsi sont donc de
très bons aimants permanents; mais il est difficile
d'en obtenir d’un peu épais.
Les courbes des figures 2 et 3 indiquent suffi-
samment l’action de cycles du champ magnétique ;
on voit que l’hystérésis est très intense; on remar-
quera l'allure de la branche AB, correspondant à
l’action d’une augmentation du champ à partir de
H,, qui n'est pas celle des courbes d’aimantation
ordinaires. Un champ magnétique négatif croissant
reste longtemps sans aclion sensible sur l'aiman-
.
Fig. 2. — Courbe d'hystérésis d'un dépôt électrolytique
obtenu dans un champ magnétique.
lalion du dépôt; pour une certaine valeur du
champ, son action augmente brusquement et ren-
verse bientôt cette aimantation. Lorsqu'on est ar-
rivé à cette période de variation rapide et qu'on
1 C'est pourquoi, quand on cherche à obtenir un dépôt
non aimanté, en compensant le champ terrestre, la compen-
sation n'étant jamais parfaite, il se produit toujours une
certaine aimantation dans un sens ou dans l’autre.
CH. MAURAIN — MAGNÉTISME ET COUCHES DE PASSAGE
1061
fixe un moment le champ, on conslate un trainage
magnétique considérable, c'est-à-dire une varia-
tion rapide d’abord, puis de plus en plus lente, de
l’action du dépôt sur le magnétomètre; ce lrainage
a ceci d'intéressant qu'il a lieu pour des valeurs
élevées du champ magnétique.
Les propriétés révélées par ces courbes presque
Ï
— -+
i
1
|
rite x BASE
30 2u 18 12 6 (o] 6. H,12 18 24 30
Fig. 3. — Courbe d'hystérésis d'un dépôt électrolytique
obtenu dans un champ magnétique.
rectangulaires sont bien particulières aux dépôts
obtenus dans un champ magnétique notable, car
les courbes d'hystérésis obtenues avec des dépôts
identiques, mais préparés, comme il a été dit plus
haut, dans un champ presque nul, ont une forme
ordinaire, bien plus arrondie.
En résumé, les caractères de l'aimantation ac-
quise par les dépôts formés dans un champ magné-
tique sont d'être très élevée, relativement à celle
obtenue par les procédés ordinaires (évidemment,
pour les valeurs du champ qui n'entrainent pas la
saturation par ces procédés), el très lenace.
II. — PROPRIÉTÉS MAGNÉTIQUES DE COUCHES
TRÈS MINCES DE FER.
J'ai dit plus haut que les courbes qui représen-
tent la marche du magnétomètre en fonction du
temps pendant la formation d'un dépôt de fer sont
des droites, sauf près de l’origine ; elles commen-
cent par une partie courbe, concave vers le haut
(fig. 4, courbe C; on n’a figuré qu'une partie de la
droite, pour donner plus d'importance dans la
figure à la partie courbe); l'interprétation nalu-
relle de ce fait est que l'intensité d’aimantation
acquise par les premières couches est plus faible
que l'intensité bien définie acquise par les couches
qui se déposent lorsque l'épaisseur du dépôt a dé-
passé une certaine valeur; la forme de la portion
iniliale de la courbe, qui se raccorde sans coude
brusque avec la portion rectiligne, montre que
l'intensité d'aimantation croit à mesure que l'épais-
seur du dépôt se rapproche d'une valeur limite, à
1062
partir de laquelle lintensité devient bien dé-
finie. On pourrait penser que cette perturbation
initiale ne correspond pas à une varialion des pro-
priétés magnétiques, mais à un trouble dans le
début de l'électrolyse ; une discussion approfondie,
que je ne reproduirai pas ici, montre que cette
hypothèse est inadmissible. D'ailleurs, une preuve
suffisante résulte d’un fait qu'il me reste à indi-
quer : la partie initiale courbe est très netle pour
les champs assez faibles, de quelques gauss ; mais,
si l'on effectue le dépôt dans un champ plus intense,
elle est moins marquée, et, si la valeur du champ
est telle que l'aimantation soit dans la région de
saturalion, c’est-à-dire si celle valeur dépasse
douze ou quinze gauss, la partie courbe disparait
pratiquement, c’est-à-dire qu'alors les premières
couches s’aimantent à saturation comme les cou-
Temps
Fig. 4. — Intensité d'aimantation d'un dépôt électrolytique
près de l'origine, — C, fer; C', nickel.
ches suivantes: la différence des propriétés ma-
gnétiques n'apparait que lorsqu'on opère dans
des champs pour lesquels la saturation n’est pas
atteinte. Or, pour revenir à l'hypothèse faite tout
à l'heure, si la partie courbe provenait d'un
trouble dans l'électrolyse, il n'y aurait pas de
raison pour qu'elle disparaisse pour certaines va-
leurs du champ.
J'ai déterminé la valeur de l'épaisseur limite à
partir de laquelle commence à se former une couche
de fer de propriétés magnéliques bien définies, en
opérant pour des valeurs convenables du champ,
et en déduisant l'épaisseur de chaque dépôt de sa
masse. J'ai pris comme supports des dépôts de diffé-
rents mélaux, pour rechercher l'influence possible
de la nature du support. Voici les moyennes des
résultats obtenus pour chacun de ces métaux, en
uy (millionièmes de millimètre).
Dépôts sur argent. 79 pu
— CUIVLE NE NE NU
— TALONS A PR TENNEE ArON
= L00 AE A ES Te D ERRAE 2: L
— Platine ten ONCE
CH. MAURAIN — MAGNÉTISME ET COUCHES DE PASSAGE
La moyenne de toutes les déterminations est à
très peu près 83 ve: eu égard aux difficultés des
expériences, les nombres obtenus avec ces diffé-
rents supports s'accordent suffisamment, et il
semble bien qu'on puisse conclure des résultats
précédents que la nature du métal pris comme
support est sans influence.
Les expériences du même genre relatives au
nickel conduisent à des courbes dont la partie
iniliale a, au contraire de celles correspondant au
fer, un coefficient angulaire plus élevé que la partie
rectiligne (exemple : courbe C, fig. 4); il en résulte
que l'intensité d’aimantation est plus grande pour
les premières couches que pour les couches sui-
vantes; l'épaisseur à partir de laquelle commence à
se former une couche de propriélés magnétiques
définies est beaucoup plus grande que pour le fer,
environ 200 uv.
Des résultats précédents, que faut-il conclure,
relalivement à l'épaisseur des couches de passage?
Dans cette Revue’, M. Vincent a exposé el inter-
prété les expériences se rapportant à ce sujet. J'y
renverrai le lecteur; mais, pour indiquer nette-
ment l'état de la-question, je résumerai ici les
faits, dont plusieurs ont été acquis postérieure-
ment au travail de M. Vincent, en les séparant de
l'interprétation. Plateau” constate que la tension
superficielle de membranes savonneuses reste
constante quand leur épaisseur a été diminuée jus-
qu'à A1A4uu (il n'a pas opéré sur des couches plus
minces). MM. Reinold et Rucker * reprennent ces
expériences et montrent que l'épaisseur à partir
de laquelle la tension superficielle commence à
varier est comprise entre 45 et 96 uw. M. Quincke
cherche quelle épaisseur d’un certain corps solide
il faut appliquer sur une surface de verre pour
que la hauteur d'un liquide soulevée par capilla-
rité le long de cette paroi (ou l'angle de raccorde-
dement) prenne la valeur correspondant à ce corps
intermédiaire ; il trouve celle épaisseur limite :
pour le système verre-argent-eau. . . . . . . . > bäuu,2.
— verre-iodure d’argent-mercure. — 59.
— verre-sulfure d'argent-mercure. = ASuÿ,3
— verre-collodion-mercure. . . . 80.
'
M. Vincent” trouve, comme résultat d'expériences
faites avec le plus grand soin, que des lames minces
d'argent ne renferment une couche intérieure de
conductibilité électrique bien définie que quand
leur épaisseur est supérieure à 50 mr.
1 G. Vixcenr : Revue gén. des Sciences, t. X, p, #18; 1899,
2 PLareau : Statique des liquides, t. 1, p. 204-211.
3 Reno et Rucker: Phil. Trans. Roy. Soc. London,
1881, 1883, 1886, 1893.
1 G. Quincke : Pogg. Ann., t. CXXXVII, p. 402-414; 1869.
s G. Vincenr : Loc. cit. et Ann. de Ch. et de Ph., t. XIX,
p. 421-516; 1900.
M. Vincent déduit des résultats précédents qu'il
existe deux couches de passage, une sur chaque
face, ayant une existence objective, dont les épais-
eurs ont une somme voisine de 50 ur, et il émet
l'hypothèse‘ que celte épaisseur est la même pour
tous les corps.
- M. Moreau à obtenu, plus récemment, des résul-
Mats qui appuient l'hypothèse précédente : il mesure
l'effet Hall sur des lames d'argent de différentes
épaisseurs, et trouve que la couche intérieure pour
laquelle le coefficient de l'effet Hall a une valeur
définie n'apparaît que quand l'épaisseur des lames
dépasse 50 ey; puis, il opère sur des lames d'argent
recouvertes de nickel par électrolyse, et mesure soit
l'effet Hall, soit la conductibilité électrique de l’en-
semble : en calculant ce qui, daus chaque mesure,
doit se rapporter à l’argent, il trouve par différence
. ce qui correspond au nickel; les résultats relatifs à
ce métal sont les mêmes que pour l'argent, c'est-à-
dire que les deux procédés conduisent à une épais-
seur limite de 50 y.
Enfin, parmi les expériences du même genre, on
doit ranger la suivante : M. H. Weber* a cherché
pour quelle épaiseur d'huile répandue sur l'eau la
tension superficielle devient constante, et a trouvé
145 vu (en indiquant que cé résultat est un peu
trop fort, à cause d'un détail d'expérience).
Il faut remarquer qu'en s'adressant à d'autres
propriélés physiques, on obtient des résultats dif-
férents : ainsi, l'indice de réfraction de l’iodure
d'argent garde une valeur pratiquement constante,
mème à des épaisseurs très inférieures à 50 eg; si
cette quantité varie avec la profondeur, sa variation
est soit Lrès faible, soit localisée dans une couche
d'épaisseur très petile par rapport à 50 vv; la densité
semble se comporter de même”.
Voici maintenant des résultats obtenus en utili-
sant les propriétés optiques" : M. Mascart’ trouve
que la valeur de l'incidence principale, dans la
réflexion sur le verre argenté, croit d'une manière
continue avec l'épaisseur d'argent, et qu'elle n'a
pas alteint encore une valeur définitive pour une
LS ÉTÉ RS né de cn éd
1 M. Bouass> avait déjà interprété de mème les résultats
de M. Quincke (Ann. de Ch. et Ph., (5), t. XXVIIL, p. 172;
1893). M. Quincke les interprète autrement : il pense que les
nombres qu'il trouve donnent le rayon d'activite moléculaire.
= G. Moreau : J. de Physique, (3), X, p. #18; 1901.
# H. Weser : Drude's Ann. d. Physik, t. IV, p. 106-719;
1901.
4 D'après l'auteur, ce résultat indiquerait que la valeur du
. 3 5
rayon d'activité moléculaire est — , résultat qui lui semble
bien s'accorder avec celui de M. Quincke.
* Ces faits résultent de l'accord qui existe entre les résul-
tats de mesures d'epaisseurs par différentes méthodes, où
interviennent ces deux quan'ités.
5 On doit reconnaitre que l'interprétation de ces résultats
- est particulièrement délicate.
1 E. Mascarr : C. R. de l'Acad. des Sciences, t. LXXNI, !
p. 866; 1873.
CH. MAURAIN — MAGNÉTISME ET COUCHES DE PASSAGE
1063
épaisseur d'environ 138 u'. M. Wiener” a montré
que la varialion de phase éprouvée par la [lumière
dans Ja réflexion normale sur une couche d'argent
devient constante dès que l'épaisseur de la couche
atteint 42 us. M. Meslin', en opérant sur des lames
dorées, a constaté que l'incidence principale croit
d’abord avec l'épaisseur d’or, a un maximum pour
29 y, puis un minimum pour 4lux, puis augmente
de nouveau; il a constaté aussi que la variation
de phase dans la transmission croil d’une manière
continue avec l'épaisseur d’or, celle-ci ayant varié
de 6 à 9% vu, sans avoir atteint encore de valeur
définitive.
M. Oberbeck" s'estadressé aux forces électromo-
trices entre un métal et un liquide; ilcherche pour
quelle épaisseur minimum de zine, par exemple,
recouvrant une lame de platine, la force électro-
motrice entre la lame et une solution d’un sel de
zinc où elle est plongée prend la valeur constante
correspondant à une lame de zinc compact; iltrouve,
pour cette épaisseur limite, des valeurs oscillant
entre ? et 3 uv pour le zinc, 1 à 2 y pour le cadmium,
el inférieures à 4 eg pour le cuivre.
Enfin, mes propres résullats montrent que la
variation des propriétés magnétiques se fait encore
d'une manière différente, qui dépend de la nature
du métal et de la valeur du champ magnétique.
Il me semble donc que l’altribulion aux couches
de passage d’une existence objective avec une épais-
seur constante n'est pas suffisamment justifiée;
ce qui est hors de doute, c'est que dans les couches
superficielles les propriétés physiques varient, à
cause des actions moléculaires; maisilne paraît pas
probable que ces actions aient sur les diflérentes
propriélés physiques une influence tellequ'une dis-
continuité se produise toujours à la même profon-
deur, quel que soit le corps, et je crois que, dans la
considération des couches de passage, il faut tenir
compte el de la nature du corps et de celle de la pro-
priélé physique considérée.
III. — ACTION MAGNÉTISANTE DE CONTACT.
Dans les expériences relatées jusqu'ici, la cathode
recevant le dépôt était d'un métal non magnéti-
que, et l’aimantation du dépôt se faisait sous l’action
d’un champ magnétique restant constant pendant
toute sa formation. Supposons maintenant que la
cathode, tout au moins sa surface, soit d’un métal
magnétique, et préalablement aimantée, et que le
champ extérieur soit, au contraire, aussi faible que
‘ M. Mascart évalue les épaisseurs en fraction de la lon-
sueur d'onde de la partie la plus brillante du spectre; la
plus grande épaisseur correspond à la fraction 0,23.
2 O. Wrexer : Wied. Ann., t. XXXI, p. 669; 1887.
3 G. MEsux : Ann. de Ch. et de Ph., (6), t. XX, p. 56; 1890.
4 A. Osenvecx : Wäed. Ann., t. XXXI, p. 338-359; 1881.
106%
possible : l'expérience montre qu'alors les couches
déposées par électrolyse prennent, sous l’action de
la cathode aimantée, une aimantation de même
sens que celle de la cathode, et peu inférieure, en
général, à celle-ci. De plus, si, pendant la forma-
tion du dépôt, on fait agir un champ, qui, agissant
seul, entrainerait une aimantation de sens inverse
à celle de la cathode, l’action magnétisante de la
cathode l'emporte sur celle de ce champ inverse,
c'est-à-dire que les couches qui se déposent s’ai-
mantent dans le sens de l'aimantation de la
cathode. On peut
opérer ainsi avec
un champ magné-
tique inverse de
plus en plus in- |
tense : l’action de
la cathode sur les
premières couches
En
magnetometre
RE "mn, de l'echelle
va
CH. MAURAIN — MAGNÉTISME ET COUCHES DE PASSAGE
!
|
|
et devient même négalive au bout d'un certain
temps si le champ négatif est assez intense; dans
ce dernier cas, on peut observer une action cu
rieuse : ces couches à aimantation négative agis-
sent à leur tour sur les couches antérieures : leur
action s'ajoute à celle du champ négalif et arrive
à un certain moment, si on les laisse s'accroilre, à
renverser de proche en proche l’aimantation des
couches antérieures; il se produit alors un trainage
énergique, et bientôt s'est établie dans toute la
masse une aimantation négative déterminée, dont
l'intensité dépend
de Ja valeur du
champ.
Ces résultats me.
paraissentêtre
une sorte de vé-
rification expéri- M
mentale des hy-.
Ts, s
déposées l’em-
porte toujours sur
celle du champ
et cela jusqu'à ce
que le champ in-
pothèses de M.
Ewing! sur les
liaisons magnéti-
ques des parli-.
cules* et éclairer
verse soit assez
intense pour ren-
verser l’aimanta-
tion même de la
cathode *.
On peut donc
dire que l’action
de la cathode sur
l'aimantation des
couches qu'elle re-
coit reste toujours .
prépondérante.
Ce qui précède
x 1 > _ ? d
se rapporte à l'ai- Fig. 5. — Intensités d'aimantation des depôts obtenus dans un champ tion d'un champ *
mantation des pre- magnétique sur cathode aimantée recouverte de couches d'or de diverses sur un noyau ma.
épaisseurs, — En a, dépôt direct sur cathode aimantée; en b, dépôt sur
mières couches dé-
posées sur la ca-
thode aimantée ;
si le champ négatif est considérable et qu'on
continue le dépôt électrolytique, l'aimantation
posilive des couches successives diminue lentement
‘ Dans ces expériences, j'utilisais comme cathodes des
dépôts de fer sur laiton, obtenus dans un champ magnéti-
que, comme il a été dit plus haut; nous avons vu que leur
aimantalion est très stable, résiste à des valeurs considé-
rables d'un champ inverse, et cède brusquement quand ce
champ atte nt une certaine valeur : lorsque, dans les expé-
riences actuelles, on arrive à cette région critique du champ,
des phénomènes de traînage se produisent dans les couches
primitives, et l'indication du magnétomètre ne permet plus
de voir ce que devient l'aimantation des nouvelles couches;
d'ailleurs, bientôt l'aimantation des couches primitives
étant devenue négative par suite de ce traînage, son action
de contact devient de même sens que celle du champ négatif.
cathode non aimantée; entre deux, dépôts sur couches d'or d'épaisseurs
données en millimètres.
a le mécanisme de
l'hystérésis ; l'in-.
fluence directrice
qui s'exerce dans
mes expériences
entre les particu-
les voisines existe
aussi dans un «
noyau magnétique
quelconque, et.
cause, au moins
en grande partie,
le retard dans l'ac-
gnétique; cette
action directrice,
et par suite l'hys-
lérésis, se manifestent d'une façon particulière-"
ment marquée quand il y a déjà une direction
d'orientation générale des particules, c'est-à-dire
quand le noyau est aimanté; dans mes dépôts,
où l'orientation a été aussi complète que possible,
l'hystérésis est aussi extrêmement intense. Les
phénomènes de lrainage correspondent aux cas
où ces actions cèdent de proche en proche, après.
une impulsion due à une varialion du champ; dans
! J.-A, Ewixc : Revue gén. des Sciences, t. Il, p. 737, 1891;
et, pour plus de détails : Magnetic Induction in LZron,
London, 1894. S
2 Sans préjudice, évidemment, des liaisons moléculaires
d'autre nature.
les conditions ordinaires, on les constate le plus
“facilement quand un champ faible agit sur un
noyau primilivement non aimanté, parce que,
comme il n'y à pas alors d'orientation générale,
les actions directrices intérieures sont faibles, et
une légère action initiale suffit pour les troubler
de proche en proche.
IV. — RAYON D'ACTIVITÉ DE L'ACTION
MAGNÉTISANTE « DE CONTACT ».
L'action magnétisante dont il vient d'être parlé
. est une action moléculaire, comme celles qui inter-
viennent dans les phénomènes capillaires, ou
comme les actions directrices qui s'exercent dans
l'accroissement des cristaux. L'occasion était favo-
rable d'essayer d'obtenir des renseignements sur
le rayon d'activité d’une action moléculaire déter-
minée. J'ai cherché comment varie l’action de Ja
cathode aimantée lorsqu'au lieu d'y déposer direc-
tement les couches magnétiques on commence
par recouvrir la cathode d’une couche d’un métal
non magnétique. J'ai utilisé des couches d'or, de
cuivre et d'argent déposées par électrolyse, et dont
l'épaisseur était déduite de leur masse. Pour que
les résultats fussent comparables, j'ai fait toutes les
expériences dans les mêmes conditions; celles qui
m'ont paru les plus favorables sont d'opposer à
l'action de cathodes fortement aimantées (prépa-
rées toujours de même) celle d'un faible champ
(1 g, 65) de sens inverse à celui de l’aimantation
de la cathode; de cette façon, en augmentant gra-
duellement l'épaisseur de la couche non magnéli-
que intermédiaire, l’action du champ inverse
devient de plus en plus forte par rapport à celle de
la cathode, et finit par l'emporter complètement.
Le meilleur moyen de représenter les résullals
est de construire, à partir d'une même origine,
les courbes représentant pour les différentes expé-
riences la déviation du magnélomètre en fonction
du temps, compté à partir du commencement du
dépôt. Le coefficient angulaire d’une telle courbe
représente à chaque instant, comme nous l'avons
déjà vu, la valeur de l’aimantation des couches
déposées pendant cet instant, et l’ordonnée repré-
sente l'intégrale de l’aimantalion de la couche
totale déposée depuis le début de l'expérience. Je
ne reproduis ici que les courbes correspondant
à des couches intermédiaires d'or (fig. 5) et de
cuivre (fig. 6). Dans chaque figure, la courbe a
est celle obtenue en effectuant le dépôt de fer
directement sur la couche aimantée, sans aucun
intermédiaire; la courbe À est celle obtenue au
contraire en effectuant le dépôt sur une cathode
de laiton, auquel cas le dépôt s'aimante sous
l’action unique du même champ négalif qui
CH. MAURAIN — MAGNÉTISME ET COUCHES DE PASSAGE
1065
s'exerce dans. toutes ces expériences. Entre ces
deux courbes extrêmes s'échelonnent celles qui
sont obtenues pour différentes épaisseurs de la
couche d'or ou de cuivre intermédiaire, les nombres
placés à côté de chaque courbe indiquant en uy
(millionaièmes de millimètre) l'épaisseur correspon-
dante. Les abscisses des courbes donnent le lemps
en minules; l'épaisseur de fer déposée par minute
était d'environ 38 ve.
On voit que, pour une couche intermédiaire de 20
à 25vy, le coefficient angulaire est déjà notable-
ment diminué; pour 304 l'allure est complète-
|Péviatior #
Fig. 6. — Intensités d'aimantation des dépôts obtenus dans
un champ magnétique sur cathode aimantée recouverte de
cuivre de diverses épaisseurs, — En a, dépôt direct sur
cathode aimantCe; en b, dépôt sur cathode non aimantée;
entre deux, dépôt sur couches de cuivre d'épaisseurs
données en millimètres.
ment modifiée : les premières couches de fer
seulément s’aimantent dans le sens de l'aiman-
tation de l’électrode; bientôt l'action du champ de
sens inverse l'emporte et le coeflicient angulaire
change de signe, sa valeur absolue augmentant
peu à peu; pour les épaisseurs plus fortes, l'action
du champ inverse l'emporte dès le début, et la
courbe tend vers celle obtenue quand la cathode
est entièrement formée d'un métal non magné-
tique ‘.
4 On peut remarquer que la partie initiale troublée qui
a servi plus haut à étudier les propriétés des premières
couches n'apparait pas dans les courbes où dowine l’action
magnétisante de l'électrode ; elle réapparait quand les
1066
CH. MAURAIN — MAGNÉTISME ET COUCHES DE PASSAGE
Les courbes des deux faisceaux eorrespondant
à l'or et au cuivre s’échelonnent à peu près de
même’; lorsque les couches intermédiaires sont
d'argent, on obtient encore des courbes de même
allure, s'échelonnant entre à et D, mais la valeur
trouvée pour l'épaisseur d'argent qui produit une
certaine modification est notablement plus grande
que celle d'or ou de cuivre produisant le même
effet. Je ne crois pas qu'il faille conclure de ce
dernier résullat que la nature de la couche inter-
médiaire influe sur le mode de transmission de
l’action de la cathode aimantée : les couches inter-
médiaires d'argent sont plus difficiles à obtenir ré-
gulières que celles d’or ou de cuivre, etla mesure de
leur épaisseur comporte moins de précision. C'estle
parallélisme des résultats obtenus avec l'or et le
cuivre qui semble au contraire à retenir. D'ailleurs,
il serait bien extraordinaire que cette couche non
magnétique joue dans la transmission d'une action
magnétique un rôle où intervienne autre chose que
son épaisseur.
L'interprétation rationnelle des résultats précé-
dents est que l’action magnétisante de l’électrode
se fait sentir à de faibles distances, à travers les
couches intermédiaires, mais décroit très vite
quand la distance augmente. On pourrait objecter
qu'il est possible que ces couches si minces pré-
sentent des trous, par lesquels se réaliserait le
contact immédiat des nouvelles couches de fer
avec la cathode aimantée; l'action de celle-ci
serait de moins en moins forte parce que la sur-
face des trous diminuerait, à mesure que la masse
intermédiaire augmente. Je ne crois pas cette
hypothèse admissible : d’abord, l'examen attentif
des dépôts intermédiaires semble montrer qu'ils
sont bien continus; de plus, la modification régu-
lière des courbes s'expliquerait difficilement dans
l'hypothèse des trous; enfin, dans plusieurs expé-
riences faites en amalgamant la couche intermé-
diaire, j'ai obtenu des courbes tout à fait analogues
aux précédentes *.
couches intermédiaires sont assez épaisses pour que cette
aclion soit faible devant celle du champ magnétique.
! La grande difficulté qu'il y a à rendre les expériences
exactement comparables et les difficultés expérimentales
elles-mêmes, ne permettaient guère d'espérer une concor-
dance plus complète.
? Il est c-pendant possible qu'il y ait, par accident,
quelques trous, dont l'influence aurait peut-être une part
dans la forme de la première parlie de certaines courbes
Ces expériences donnent ainsi des renseigne=
ments sur la variation avec la distance d’une
aclion moléculaire, action un peu particulière, il
est vrai; on ne possédait guère jusqu'ici à ce sujel
que des renseignements indirects, obtenus en inter
prétant les résultats expérimentaux que j'ai résumés
plus haut à propos des couches de passage‘; je
ferai ici une remarque analogue à celle que j'ai
faite à propos des couches de passage : on ne doit
pas parler, à mon avis, du rayon d'activité molé-
culaire en général, mais d’un rayon d'action dans
chaque cas; ainsi, il semble que la distance à
laquelle l'attraction des molécules les unes sur les
autres est sensible dépende de la nature du corps;
M. Brillouin” à montré que cette distance doit être
beaucoup plus grande pour les corps isotropes
que pour les cristaux, et que, pour ces derniers, elle
est en relation avec leur symétrie; il y a d’autres
rayons d'action à considérer, par exemple celui de
action des molécules sur l’éther, qui intervient
dans les propriétés optiques, et celui dont il s'agit
ici, relalif aux actions magnétiques ?.
En somme, ces expériences ont conduit à quel-
ques résultats nouveaux concernant les propriétés
magnétiques, et ont permis d'explorer un peu les
phénomènes relatifs aux aclions à petite distance;
ces phénomènes sont encore bien peu connus; on
n'aura de chances d'en trouver les lois que quand
on aura rassemblé un grand nombre de faits; les
recherches précédentes apportent à cette œuvre
une modeste contribution.
Ch. Maurain,
Maître de Conférences
à la Faculté des Sciences de Rennes.
correspondant à des couches intermédiaires d'or, qui pa-
raissent un peu surélevées par rapport à l’ensemble.
1 Voir l’article de M. Vixcewr, dans la Revue générale des
Sciences, t. X, p. #18, 1899.
2 M. Brizzoui : Ann. de Ch. et de Ph. (1), t. NI, p: 540;
1895.
3 Il serait fort intéressant de faire des expériences du
genre de celles-ci sur l'accroissement des crislaux, c'est-
à-dire de chercher à recouvrir un cristal de couches étran-
gères assez minces pour qu'en le plongeant ensuite dans
un bain nourmsseur, le cristal continue à s'accroilre dans
son ensemble, puis de couches assez épaisses pour qu'elles
se comportent comme un support quelconque, et sur les-
quelles se formeraient de petits cristaux indépendants. Maïs,
d'après les raisonnements de M. Brillouin, les premières
couches devraient être beaucoup plus minces que celles
réalisées ici. Quelques essais que j'ai tentés dans cette voie
ne m'ont donné aucun résultat.
|
-
|
qu'ils ont de changer de forme et de se mouvoir.
Tantôt, cette propriélé semble appartenir à tout
l'individu; tantôt, certaines parties de cet individu
se différencient et sont plus spécialement destinées
à la locomotion et aux divers mouvements. Dans
ce dernier cas, ces organes portent le nom de
muscles; les muscles présentent dans la série
. animale la plus grande variété. Cette variété est due
à la grande diversité de mouvements que les
muscles doivent produire : chacun a une fonction
physiologique différente et, par suite, une autre
structure tant au point de vue macroscopique
qu'au point de vue histologique. Il est, en effet, un
principe qui doit aujourd'hui dominer toute l'Ana-
tomie et la Physiologie, c’est le principe de l'adap-
tation fonctionnelle. Le muscle permet, d'une
facon relativement facile, d'étudier la relation qui
existe entre la structure d'un organe et sa fonction,
et nous ferons notre possible, dans cet article, pour
faire apparaître cette relation. Nous arriverons
aisément à ce résullat dans quelques cas particu-
liers, sans pouvoir toutefois poser de lois géné-
rales, trop de points de ce champ immense restant
encore inexplorés.
Il importe, au début d’une étude pareille, de
bien déterminer les limites du cadre dans lequel
nous désirons rester. Il ne semble pas qu'il y ait
lieu d’y faire rentrer tous les tissus susceptibles de
changer de forme : il faudrait, pour cela, y com-
prendre les globules blancs du sang, par exemple.
En effet, si l'on observe au microscope un globule
blanc ayant une forme sphérique au moment où
l’on vient de le déposer avec une goutte de lymphe
sur une lame de verre, on le voit bientôt se
déformer spontanément, pousser des prolonge-
ments appelés pseudopodes qui s'allongent et se
rétractent et à l'aide desquels le globule se
déplace. Si l’on désirait éludier de la facon la plus
complète les phénomènes du mouvement dans la
vie, on ne pourrait se limiter à la Zoologie; il
faudrait en sortir pour pénétrer dans le domaine
de la Botanique. Il existe, en effet, des plantes qui,
sous l'influence d'une excitation extérieure, sont
susceplibles de mouvoir certaines de leurs parties;
c'est ainsi que nous voyons la Sensitive (J/imosa
pudica) replier ses feuilles quand on vient à les
toucher. D’autres plantes, en grand nombre, ouvrent
ou ferment leur corolle à diverses heures de la
D' G. WEISS — LE MUSCLE DANS LA SÉRIE ANIMALE
1067
LE MUSCLE DANS LA SÉRIE ANIMALE
PREMIÈRE PARTIE : DISPOSITION ET ARCHITECTURE DES MUSCLES
+ Une des conditions les plus essentielles de l'exis- ! journée. Certains Cryptogames, enfin, peuvent se
tence des êlres organisés réside dans la faculté
déplacer dans le milieu ambiant, soit en rampant à
la surface de corps solides, soit en nageant dans
l’eau; telles sont la fleur de tan et quelques algues
unicellulaires.
Les Protozoaires n'exécutent leurs déplacements
que grâce à un mouvement pareil à celui du glo-
bule blanc, et appelé mouvement amæboïde, ou à
leurs cils vibratiles. Ces cils vibratiles, uniques ou
multiples, parfois en très grand nombre, sont de
pelits prolongements filamenteux exécutant une
série d’oscillations et faisant progresser le petit
êlre microscopique dans un milieu liquide, comme
les mouvements des rames ou de la godille font
avancer une barque à la surface de l’eau. Les cils
vibratiles ne se rencontrent pas seulement chez les
organismes inférieurs : on les retrouve dans toule
la série animale. Mais ils ont alors un autre rôle
que de permettre à une cellule de se déplacer;
ils agitent le milieu ambiant, y produisent des
courants et entraînent les particules solides pour
les rejeter hors de certaines cavités. C'est ainsi que
les bronches, pour ne citer qu'un exemple, sont
tapissées par un épithélium à cils vibratiles qui
orientent vers l'extérieur la marche de la moindre
poussière qui s'y est introduite accidentellement.
Les cils vibratiles sont les organes différenciés
du mouvement les plus rudimentaires ; aussi,
certains expérimentaleurs ont-ils entrepris leur
étude, ainsi que celle des mouvements amœboïdes,
dans le but d'éclaircir le phénomène encore si
mystérieux de la contraction musculaire. Ces
organismes, étant à la base de l'échelle des êtres,
semblaient, par suite de leur simplicité anatomique,
se présenter sous la forme la plus schématique à
l'expérimentalion physiologique. Mais ces espé-
rances n'ont pas été couronnées de succès; pas un
progrès n’a élé fait de cette facon dans la physio-
logie du muscle. Ce résullat aurait pu être prévu.
Si, en effet, un organisme est idéalement simple, si
aucune de ses parties n’est différenciée, c'est qu'un
même substratum doit être le siège de loutes les
fonclions de cet organisme. Toutes ces fonclions
sont mélangées, et, quand on veut étudier l'une
d'elles, on se {rouve en contradiction avec ce prin-
cipe fondamental qui dit à l’expérimentateur de
toujours commencer par isoler le plus possible le
phénomène objet de ses recherches. Il vaut bien
mieux, au contraire, s'adresser à des individus
hautement différenciés, chez lesquels chaque
1068
D' G. WEISS — LE MUSCLE DANS LA SÉRIE ANIMALE
fonction est neltement localisée dans un organe
spécial. En particulier pour ce qui regarde l'étude
du muscle, nous pouvons dire que les recherches
ont toujours été d'autant plus fécondes qu’elles ont
porté sur un musele plus spécialisé dans sa fonction
et plus compliqué en apparence.
Les mouvements amæboïdes sont généralement
d'une grande lenteur ; il faut suivre un globule
blanc sous le microscope pendant plusieurs
minutes pour le voir changer de forme d'une
façon appréciable. Les oscillations des cils vibratiles
sont, au contraire, très rapides, et divers auteurs
ont fait remarquer que celte rapidité des mouve-
ments est loujours liée à une disposition fibrillaire
des tissus. Celle conclusion s'appuie sur un grand
nombre de faits, dont nous pouvons citer d'autres
exemples sans sortir du groupe des Protozoaires.
Quand on ramasse les feuilles qui nagent à la sur-
face d’un bassin et qu'on les place dans un cristalli-
soir contenant de l’eau, il suffit, au bout de quelques
jours, d'examiner au microscope une goutte de cette
eau pour y trouver une foule d'Infusoires. Parmi
eux, on distingue facilement des Vorticelles, ressem-
blant à une fleur en corolle rattachée à un support
fixe par une tige portant ici lenom de style. Ce style
est allongé, parfois légèrement flexueux, mais il
suffira de donner un léger choc sur la lame porte-
objet ou sur le pied du microscope pour voir le
style se rétracter brusquement en hélice. Un
moment de repos suffira pour qu'il se déroule
lentement, et l’on pourra recommencer l'expérience.
Un examen soigné du style de la Vorticelle permet
de constater que son axe est composé d’un fais-
ceau de fibrilles, et c'est à leur présence qu'il faut
attribuer la rapidité du mouvement de rétraction.
Il importe de remarquer que cette rapidité de
mouvement est sous l'influence d’autres conditions
que la structure anatomique ; ainsi, elle varie
beaucoup avec la température, comme l'ont fait
remarquer tous les auteurs qui se sont occupés de
celle question. En plaçant les Infusoires dans de
l'eau froide, tous les mouvements sont très lents ;
à mesure que l'on chauffe, on les voit s’accé-
lérer; ils passent par un maximum, puis dimi-
nuent de nouveau et s'éteignent définitivement
pour une température variable suivant les espèces.
Mais, comme nous le verrons plus loin, l'influence de
la chaleur sur le mouvement s'étudie d’une facon
beaucoup plus simple et plus précise sur les muscles
des animaux supérieurs ; nous n’insisterons donc
pas davantage sur la locomotion des Protozoaires
et nous passerons immédiatement aux Métazoaires.
L’élude du muscle dans la série animale n'a en-
core jamais été entreprise d'une facon systémalique,
ni au point de vue anatomique ni au point de vue
physiologique. Il n'existe que des monographies
structure histologique, c'est-à-dire la facon dont.
plus ou moins complèles sur les muscles de tel ow
tel animal; très souvent, leur auteur a complètement
négligé tout un côté de la question. Nous allons
faire tous nos efforts pour réunir et classer le
principaux documents épars dans la science; il
subsistera malheureusement bien des lacunes.
Il ne semble pas que la meilleure marche à suivre
soit de prendre successivement les diverses espèces
animales et de faire une étude complète de tous
leurs muscles ; une pareille méthode pourrait con
venir pour un dictionnaire ou un ouvrage destiné
à fournir des documents, mais serait déplorable
dans une étude ayant pour but de donner une vue
d'ensemble sur la disposition et la fonction des
muscles dans la série animale.
Nous allons, en premier lieu, diviser notre sujet
suivant les divers points qu'il s'agit d'étudier :
4° Nous examinerons d'abord la facon dont less
muscles sont construits, indépendamment de leur
les différentes fibres sont disposées les unes par
rapport aux autres pour répondre le mieux possible
aux besoins de la fonction de chaque muscle, sui=.
vant le rôle qu'il doit jouer dans l'organisme dont
il fait partie ; L
2° Nous décrirons comment varie la structure
histologique du muscle dans la série animale ;
3 Nous rechercherons s'il est possible, avec les
documents que nous possédons actuellement, d'éta=,
blir une relation entre la fonction physiologique
des divers muscles et leur structure histologique;
4 Nous verrons par quels stades passe le muscle «
des Vertébrés pour atteindre le degré élevé de per-
feetion qu'il possède.
I. — DiSPOSITION DES FIBRES MUSCULAIRES.
Tous les muscles sont composés de fibres ou de
cellules plus ou moins allongées. Ces fibres sont
agencées de telle sorte que leur disposition est,
dans chaque cas particulier, la plus favorable pour |
l'effet à obtenir. Autrement dit, dans tout muscle,
les fibres sont groupées de facon à ce que ce muscle
soil parfaitement adapté à sa fonction.
Toute l'architecture des muscles est réglée par.
les deux principes suivants : :
1° Dans un musele, la partie fibrillaire contractile
est d'autant plus longue que ce musele doit se rac-
coureir davantage au moment de sa contraction;
2° Dans un muscle, le nombre de fibres placées
côte à côte et agissant simultanément pour ajouter
leur effet de traction est d'autant plus considérable
que l'effort à développer par le muscle au moment …
de sa contraction est plus grand.
Le premier de ces deux principes résulte deceque
toute fibre musculaire se raccourcit, au moment de
;
eee
|
simple petit problème de mécanique animale.
À
1
sa contraction, d'une fraction déterminée de sa va-
eur, variable bien entendu suivant la nature de la
fibre musculaire. Cette fraction semble varier entre
95 °/, et 60 °/,. Supposons, pour fixer les idées,
qu'une certaine espèce de fibre musculaire se rac-
courcisse de 50 °/, de sa longueur au moment de
sa contraction la plus énergique. Pour obtenir un
déplacement de un centimètre, il faudra un muscle
ayant 2 centimètres de longueur de fibre. Si nous
voulons un raccourcissement de 2 centimèlres, ces
fibres devront avoir 4 centimètres, et ainsi de suite.
C'est ce qui est exprimé par le premier principe.
Quant au deuxième principe, il n’y a pas lieu d'y
insister ; il est évident que, chaque fibre ne pouvant
exercer qu'une traction déterminée, il faudra d'au-
tant plus de fibres que l'effort total à développer
est plus considérable. De même qu'un cheval ne
pouvant trainer qu'un poids déterminé, si ce poids
devient deux fois, trois fois, etc., plus grand, il
faudra employer deux, trois, etc., chevaux.
Ces principes sont ralionnels; s'ils sont observés
dans la structure des muscles, ces muscles seront
aussi rationnels. Mais il pourrait arriver qu'il n'en
soit pas ainsi, que, par exemple, un muscle con-
tienne un nombre de fibres trop grand et pêche
ainsi par excès de force, qu'il y ait prodigalité de
malière, comme, pour conserver la comparaison
» faite plus haut, il y aurail prodigalité en attelant |
quatre chevaux à une voiture légère destinée à un
culaires soient trop longues pour le mouvement à
produire, c'est-à-dire, en résumé, que le muscle ne
soit pas adapté à sa fonction de la façon la plus éco-
nomique. Il y a donc lieu de rechercher si l'adapta-
tion fonctionnelle est bien réalisée. D'après cer-
tains auteurs, la disposition d’un grand nombre de
muscles de l'homme et des animaux serait très dé-
fectueuse: la fonction n'aurait pas sur l'organe
l'influence qu'on lui attribue généralement. Le con-
trôle de celte assertion a une portée plus grande
qu'il ne semble au premier abord ; les conclusions
que l'on pourra en tirer ne se limitent pas à un
4
J
cheval. Il pourrait arriver aussi que les fibres mus-
Si les fibres de tousles muscles étaient identiques
entre elles, la vérification d'une bonne
adaplalion fonctionnelle serait chose rela-
tivement simple; maisil n'en est pas ainsi,
et, pour bien faire saisir la difficulté du
problème, nous allons prendre une com-
paraison.
Soit un fil métallique, d'acier par exem-
ple, de 1 millimètre carré de section; al-
longeons-le, par traction, de B en B' (fig. 1).
La réaction du fil ne sera pas la même à
toutes les phases de l'allongement. Au début,
quand la longueur sera encore voisine de AB, la
A
B
sl
Fig:
D‘ G. WEISS — LE MUSCLE DANS LA SÉRIE ANIMALE
1069
réaction sera faible; mais, à mesure que la lon-
gueur du fil augmentera, la réaction du fil ira
aussi en augmentant pour prendre une certaine va-
leur en B'. Si nous prenons une série de fils iden-
tiques, il faudra toujours les allonger de la même
quantité pour arriver à la même réaction; ais il
n'en est plus de mème si les fils sont de longueur
différente; dans chaque cas, l'allongement doit alors
être proportionnel à la longueur du fil. Si, au lieu
de prendre des fils d'acier, on prend des fils de
mélaux différents, de cuivre, de fer, de pla-
line, eic., les choses se compliquent encore. Pour
des fils de même longueur, il faudra des allonge-
ments variables pour arriver à la même réaction,
et si, en même temps que la nature de la matière, on
change la longueur des fils, les allongements suivent
une loi compliquée résultant à la fois de l'influence
des deux éléments variables. Si l'un de ces éléments
nous est inconnu, il nous est impossible d'appré-
cier l'effet produit par l’autre. Ainsi, si nous savons
qu'un certain fil d'acier de 1 mètre de longueur
exerce une traction de 2 kilos quand on l’allonge
de 1 millimètre, nous saurons qu'un autre fil sem-
blable au premier, mais n'ayant, par exemple, que
50 centimètres, exercera sa réaction de 2kilos pour
un allongement de 0"",5, Mais, si l’on nous de-
mande quelle sera la réaction d’un fil de cuivre de
Own, 5 de longueur pour un allongement de One 5,
nous ne pourrons pas répondre à cetle question
d'après ces seules données.
Il en est de mème pour les muscles. Considérons
une fibre musculaire AB (fig. 2), au
moment de sa contraction ; si elle est A
libre, elle se raccourcira en AB": mais,
s'il se trouve un obstacle en B", elle
exercera sur cet obstacle une trac-
tion, comme si l’on avait allongé un
fil élastique AB'en AB". B'
Prenons maintenant une autre fibre
musculaire a), de même nature que la
précédente, n'en différant que par la B
longueur. Si cette fibre se contractait
librement, elle prendrait la longueur
ab', se raccourcissant dans le même rapport que
l'avait fait AB; et, pour qu'elle exerce contre un
obstacle 2" le même effort que le faisait AB contre
B”, il faut que cet obstacle se trouve en un point b"
de ah divisant 4) dans le même rapport que B'le
faisait pour AB.
Nous pouvons nous résumer en disant :Pour que
plusieurs fibres musculaires exercent la même trac-
tion au moment de leur raccourcissement, il faut
que le déplacement du point mobile soit propor-
tionnel à la longueur de la fibre.
Mais cela-n'’est vrai que si les deux fibres muscu-
rt (0
nc
Ci —
LTAMPE
. laires sont de même nature. Si, au moment de
1070
leur contraclion, elles tendent à se raccourcir de
fractions différentes de leur longueur, on ne peut
plus prévoir quel doit être le rapport entre les dé-
placements qu'elles produisent, pour une parfaite
adaptation.
C'est là ce qui rend si difficile la vérification
exacte de l'adaptation fonctionnelle des muscles.
Si toutes les fibres étaient identiques entre elles,
il suffirait de prendre une série de muscles à fibres
parallèles et de rechercher si toujours l'amplitude
du mouvement qu'ils ont à exercer est proportion-
nelle à la longueur des fibres. Mais nous savons
que le coefficient de raccourcissement des divers
muscles varie beaucoup, de 25°}, à 60 °/, suivant
certains auteurs. Ces chiffres ont été trouvés sur
les Mammifères ; en sortant de cette classe d’ani-
maux, on trouverait des écarts peut-être encore
plus considérables.
Maintenant que nous avons exposé les difficultés
de la question, nous allons suivre les étapes suc-
cessives qui ont permis de montrer que le principe
de la bonne adaptation fonctionnelle pouvait être
admis comme une vérilé. Déjà, Borelli‘ avait
remarqué ce fait que les muscles destinés à produire
de grands déplacements de leurs points d'attache
avaient une grande longueur de fibre musculaire.
Tels sont, par exemple, le sterno-mastoïdien et sur-
tout le couturier.
De plus, divers auteurs : Fick, Gubler, Henke,
Hueter se sont occupés de la relation qui existe
entre la longueur des fibres d'un muscle et sa
fonction, mais sans bien comprendre le rôlé de
l'adaptation. C'est M. Marey, qui, le premier, a
donné la vérilable signification de ce fait et l’a bien
étudié. Il a d'abord montré, par divers exemples
d'Anatomie comparée, que dans des muscles homo-
logues on voit la fibre musculaire s'allonger aux
dépens du tendon ou inversement, suivant que
l'amplitude des mouvements provoqués par ces
muscles est plus ou moins grande.Comme exemple
particulièrement frappant, il cite l'ensemble des
muscles formant la patte d’oie, c'est-à-dire le cou-
lurier, le droit interne et le demi-tendineux.
Ces muscles s'insèrent par leur extrémité supé-
rieure au bassin, par leur extrémilé inférieure au
tibia. Dans les flexions de la cuisse sur le bassin
el de la jambe sur la cuisse, ces muscles devront
se raccourcir beaucoup; aussi ont-ils une très
grande longueur de fibre musculaire. Mais, en
y regardant de plus près, on voit que, chez
l'homme, où l'insertion inférieure se fait très près
du genou, le couturier, par exemple, est muni
d'un prolongement tendineux assez long. Chez les
singes, on voit simultanément celle insertion se
D' G. WEISS — LE MUSCLE DANS LA SÉRIE ANIMALE
faire de plus en plus bas, et, par suite de la plus
grande amplitude qui en résulte pour le déplace=
ment de l'extrémité inférieure du muscle, la fibre
musculaire s'allonger aux dépens du tendon. Enfin,
chez les quadrupèdes comme le coaïta, où celte
insertion descend encore, le tendon disparait com:
plètement,
IL n'est pas nécessaire de sorlir de l'espèce
humaine pour pouvoir faire des observations du
même genre. Le mollet du nègre n'est pas pareil à
celui du blanc; au lieu de se composer d’un ventre
charnu très gros prolongé par un tendon d'Achille
fort long, on y voit les fibres musculaires descendre
très bas et former une masse de section moindre
que chez le blanc. M. Marey en a conclu que les
gastrocnémiens du nègre, ayant une puissance de
traction moindre que chez le blanc, mais étant
susceptibles de produire un grand déplacement,
doivent agir sur un plus grand bras de levier, c’est-
à-dire que la saillie postérieure du calcanéum, où
se fixe le tendon d'Achille, doit être plus prononcée
chez le nègre que chez le blanc. Ces prévisions
furent pleinement vérifiées, car des mesures com-
paralives montrèrent que le rapport des longueurs :
du calcanéum chez le nègre et chez le blanc est
de 7 à5.
Si réellement la différence entre ces deux mollets
tient à l'adaptation du muscle à sa fonction, en
transformant le calcanéum d'un nègre ou d'un
blane, cette modification doit entrainer un change-
ment parallèle dans les muscles correspondants.
M. Marey fit une expérience de ce genre sur le
lapin. Le calcanéum de cet animal est très proémi-
nent, il est analogue à celui du nègre; en en faisant
une résection, on le transforma en calcanéum de
blanc; puis. après avoirlaissé vivre l'animal pendant
un an, on le sacrifia, et l’on compara la forme de
ses gastrocnémiens du côté opéré et du côté normal.
La différence fut frappante : l'expérience était abso-
lument démonstlrative. Le mouvement était devenu
moins ample, les fibres musculaires s'étaient rac-
courcies en se transformant partiellement en ten-
don. Au point de vue de l'augmentation de section,
la démonstration ne fut pas probante; mais il faut -
tenir compte du traumatisme par suite duquel le
musele ne se trouvait pas dans des conditions de
fonctionnement normal. Il serait désirable de faire
l'expérience inverse, conduisant à un allongement
de la fibre musculaire aux dépens du tendon;
malheureusement, la greffe qu'elle nécessiterait
paraît très difficile à réaliser.
Ces expériences ont été reprises sur le chat par
Joachimsthal !. ln réséquant un centimètre de
calcanéum, il obtint le même résultat que Marey,
{ Boneuur : De motu animalium.
Arch, {. Phys., 1896, p. 338.
1 JOAGHIMSTHAL :
sito. à
us on ne dd +
an. LL.
D: G. WEISS -— LE MUSCLE DANS LA SÉRIE ANIMALE
1071
allongement et épaississement du tendon, mais
pas d'augmentation de section du muscle.
Le hasard de la clinique offrit à cet expérimen-
tateur un cas analogue. Une jeune fiile de 18 ans,
affligée d'un pied bot congénital, avait été traitée
dans son enfance par le chirurgien Julius Wolf à
l'aide d’un appareil orthopédique. A l'âge où la vit
* Joachimsthal, elle paraissait absolument guérie, son
pied ayantla mème apparence et la même fonclion
que le pied sain; seulement, ilsemblait, au premier
abord, qu'elle eût une atrophie considérable de la
jambe.
Un examen plus approfondi fit voir qu'elle avait
un calcanéum extrêmement court et que la masse
- musculaire s'élait localisée au quart supérieur de
la jambe où elle formait une forte saillie, le reste
élant occupé par un tendon d’Achille extrèmement
long.
W. Roux a fait un grand nombre d'observa-
tions sur l'homme pour répondre aux objections
de certains auteurs qui se demandaient si, dans la
comparaison faite entre divers muscles, la prédo-
minence plus ou moins grande de la fibre muscu-
laire sur le tendon ne tenait pas à une influence
héréditaire ou à une différence dans le coefficient
de raccourcissement des divers muscles, point dont
nous avons signalé l'importance plus haut. Dans
ses recherches, Roux compara les diverses fibres
d'un même muscle, et, dès lors, ces objections per-
- dirent leur valeur.
En premier lieu, il fit remarquer que lorsqu'un
muscle s’insère par ses deux extrémités sur des
aponévroses tendineuses, les mêmes accidents se
reproduisent, en sens inverse, à ses deux extrémités.
C'est-à-dire que, si à l’une des insertions quelques
fibres musculaires se trouvent raccourcies par suite
d'un empiètement du tendon,
elles rattrapent leur longueur
en empiétant elles-mêmes de
la même quantilé sur l'autre
aponévrose tendineuse (fig. 3).
Ceci se présente avec une ré-
gularité telle qu'on ne peut
l'attribuer au hasard: chaque
fibre prend, par adaptation, la
* même longueur que les fibres
voisines, parce qu'elle est de même espèce, et qu'au
moment de la contraction du muscle elle se rac-
courcit de la même quantité.
Si un muscle a plusieurs chefs, la longueur des
fibres qui les composent est la même si l'amplitude
du raccourcissement pour les divers chefs est la
même.Au contraire, s'iln'en est pas ainsi, elle varie
suivant la loi de proportionnalité que nous avons
indiquée plus haut,
Enfin, et ici il ne peut plus êlre question d'in-
Fig. 3.
fluence héréditaire, s'il se produit des anomalies.
ou des muscles surnuméraires, toujours cette loi
est respectée.
Roux tira aussi de la pathologie fonctionnelle
des preuves de l'adaptation. Il eut l’occasion de
disséquer deux individus ayant une ankylose
partielle de la colonne vertébrale par mal de
Pott. La diminution de mobilité fut accompagnée
d'un raccourcissement des fibres museulaires du
transversaire épineux au profit des tendons. Ces
faits sont analogues à ceux que nous avons rap-
portés plus haut, et Roux put parfaitement distin-
guer au microscope, dans le tendon nouvellement
formé, des vestiges des anciennes fibres muscu-
laires. ;
Enfin, Roux se proposa de faire une statistique
très étendue, portant sur la longueur de fibre d'un
muscle susceplible de présenter, d'un individu à
l'autre, des mouvements d'amplitude très différente.
Il choisit pour cela le carré pronateur. Les fibres
de ce muscle sont parallèles entre elles, et, par
suite, faciles à mesurer. De plus, l'amplitude des
mouvements qu'il produit est très variable d'un
individu à l’autre. Il sert à faire tourner le radius
autour du cubitus, et l'amplitude de cette rotation
est souvent limitée par une ankylose plus ou moins
prononcée du coude. En dehors de cela, elle varie
suivant la profession des gens; ainsi, elle est parti-
culièrement grande chez les escrimeurs. Roux
mesura, sur 1 bras différents, la valeur de l'angle
dont le radius pouvait tourner autour du cubitus,
et compara les résullats de ces mesures à la lon-
gueur de fibre du carré pronaleur correspondant.
La conclusion fut absolument frappante: plus la
rotation était limitée et plus on voyait la partie
tendineuse du muscle empiéter sur la fibre muscu-
laire. Il y avait une concordance très satisfaisante :
entre les valeurs déterminées expérimentalement
et les valeurs que l’on caleulait après avoir mesuré
l'angle de rotation, en attribuant à tous ces mus-
cles un même coefficient de raccourcissement au
moment de leur contraction.
Enfin, une dernière question se pose. Il existe,
aussi bien dans le corps de l’homme que dans celui
des animaux, des muscles dont les diverses fibres
ne sont pas égales entre elles; cela arrive quand
ces fibres ne sont pas parallèles, oubien quand, au
inoment de leur contraction, elles ne se raccour-
cissent pas toutes de la même quantilé, par suile
de la disposition spéciale de leurs insertions. Il y
avait lieu de se demander si, dans ce cas, nous
retrouvons encore les lois de l'adaptation fonction-
nelle et si, par suite, ces lois sont absolument
générales.
Cette vérification avait d'autant plus de valeur
que, dans un même muscle, on na pas à craindre
1072
D' G. WEISS — LE MUSCLE DANS LA SÉRIE ANIMALE
la variabilité du coefficient de raccourcissement
d'une fibre à l'autre, et si, dans un musele de
structure un peu compliquée, on retrouve la pro-
portionnalité de la longueur de la fibre à la gran-
deur du déplacement, on ne pourra pas l'attribuer
à un pur hasard. Cette recherche peut donc être
très démonstrative; voici comment je m'y suis pris
pour la faire.
Supposons qu'un muscle s'insère par une de ses
extrémités à un os long AB (fig. 4), et par l’autre
extrémité à un point GC; ce
muscle aura par là même
une forme triangulaire, et
ses diverses fibres ne se-
ront pas parallèles entre
elles. Au moment où le
muscle se contractera, AB
étant supposé rester fixe,
le point C se déplacera sur la ligne CD et viendra en
C! par exemple; la fibre CD se sera raccourcie de
CC’, mais la fibre BC, qui sera venue en BC’, aura
subi un raccourcissement BC—BC' moindre que CC’:
par conséquent, si le muscle est bien adapté, la
fibre dirigée suivant BC devra avoir une longueur
moindre que CD. Une démonstration géométrique
très simple permet de faire voir que, si DC est la
longueur de la fibre centrale, toutes les autres
fibres vont en diminuant de plus en plus à mesure
qu’elles s'écartent de DGet qu'on peut les limiter
par un cercle décrit sur CD comme diamètre, ainsi
que le représente la figure. La partie musculaire
est alors représentée par la surface ombrée, la par-
tie tendineuse par la surface claire. Il est évident
qu'il peut se trouver en C une portion tendineuse,
elle devra alors être limitée par un deuxième cercle.
Enfin, surde muscle ainsi constitué, on peut dépla-
cer une fibre quelconque dans sa propre direclion
pourvu qu'elle reste de longueur constante, c'est-
à-dire que la partie tendineuse devra augmenter
d’un côté autant qu'elle diminue de l'autre; on
peut alors arriver à des formes très variables de
tendons terminaux.
Pour rechercher si ces considér ations théoriques
se vérifiaient dans la Nature, je n'ai pu trouver de
muscle triangulaire, mais l'opération peut se faire
sur un muscle penniforme. Dans un pareil muscle,
les fibres ont, en effet, des directions variées;
si on les transportait toutes parallèlement à elles-
mêmes, de façon à faire coïncider’ leurs insertions
inférieures en un point, on aurait un muscle trian-
gulaire qui devrait suivre la loi que nous venons
d'indiquer.
On peut done, sur un muscle penniforme, faire
des mesures de longueurs de fibre nécessaires à la
vérification de la loi. Sans entrer dans le détail des
opérations, je dirai que cette vérification se fait
d'une facon très satisfaisante. Dans une première
série de recherches, j'avais rencontré quelques
exceptions; mais, depuis, j'ai reconnu qu’elles
tenaient à une conception fausse de certains
muscles qui ne sont penniformes qu'en apparence,
et que j'ai nommés muscles pseudo-penniformes."
Voici, enfin, un exemple de muscles à fibres
presque parallèles entre elles, mais de longueur
variable. Il s’agit du brachial antérieur. La figure 5
montre plus clairement que
toute descriplion qu'au moment
où l'avant-bras tourne autour du
coude en se fléchissant sur le
bras, les fibres antérieures su-
bissent une plus grande varia-
tion de longueur que les fibres
postérieures. Ces fibres anlé-
rieures sont aussi plus longues
en valeur absolue; mais un calcul élémentaire »
montre que, pour une parfaite adaptation du mus-.
cle, un pelit tendon devrait empiéter de plus en
plus sur les fibres musculaires à mesure que l'on
se porte davantage d'avant en arrière, et il est
facile de déterminer les dimensions de ce pelit
tendon triangulaire. Dans ce cas encore, on trouve
une vérification remarquable; les écarts entre les
prévisions du calcul el les déterminations expéri-
mentales rentrent dans la limite des erreurs que
l'on est forcément exposé à commettre dans des
mesures de ce genre.
En résumé, nous pourrons conclure de cet en-
semble de faits que le premier principe d'une
bonne adaptalion fonctionnelle se trouve vérifié,
et que, toutes choses égales d’ailleurs, la longueur
d'une fibre musculaire est toujours proportionnelle
à la grandeur du déplacement qu'elle doit pro-.
duire.
Quant au second principe, d'après lequel il faut
un nombre de fibres musculaires d'autant plus
grand que l'effort à développer est plus considé-
rable, il est difficile de le vérifier d'une facon pré-
cise. La force développée par un même muscle est,
en effet, extrèmement variable, et ce n’est qu'ap-
proximalivement que l'on peut consiater que ce
second principe est généralement satisfait.
Nous allons voir maintenant comment ces deux
principes trouvent leur application dans la suce
ture des divers muscles de l’économie. ;
Fig. 5.
II. — ARCuITECTURE DES MUSCLES.
Dans la description des diverses formes que
peuvent prendre les muscles dans la série animale,
nous allons faire une première division. Nous con-
sidérerons en premier lieu les muscles qui s'in-.
sèrent sur des pièces fixes, comme le squelette des.
D' G. WEISS — LE MUSCLE DANS LA SÉRIE ANIMALE 1073
Vertébrés ou les coquilles des Mollusques, et qui
sont destinés à mouvoir ces pièces les unes par
rapport aux autres. Puis, nous passerons aux
muscles destinés à changer la forme générale du
corps d'un animal ou d'un de ses organes.
$ 1. — Muscles prenant insertion sur
des pièces fixes.
Le muscle le plus simple que nous puissions
imaginer se compose de fibres parallèles entre
elles, et se terminant par un tendon ou s'insérant
directement sur les pièces à mouvoir. Chaque fibre
» agit dans la direction du déplacement qu'elle est
; destinée à produire, et ajoute son action à celle
des fibres voisines. Ces muscles sont généralement
» destinés aux mouvements de grande amplitude;
aussi sont-ils du type long à section relativement
réduite. L'exemple que l’on en cite le plus souvent
est le couturier.
Nous avons déjà vu que, chez l'homme, ce cou-
lurier prenait son insertion inférieure sur le tibia
- au moyen d’un tendon, et que l’on vovait ce tendon
disparaître à mesure que l'insertion s'éloignait
du genou chez les singes el les quadrupèdes. Cet
exemple n'est pas unique; si nous comparons le
bras d'un singe au bras d'un homme, nous voyons
la même modification se produire. Chez les singes,
l'insertion au cubitus et au radius des muscles flé-
chisseurs du bras s'éloigne de plus en plus du
coude, de sorte qu'au moment de leur contraction
ces muscles, agissant plus loin de l'axe de rotation
du levier, ont plus d'action sur lui, etc’est ainsi que
peut s'expliquer la force considérable de ces ani-
maux, malgré leur apparence parfois très grêle.
Chaque fois que l'on verra se produire un grand
déplacement, on retrouvera le muscle à fibres paral-
lèles, que ce soit le sterno-mastoïdien de l'homme
ou le muscle rétracteur des cornes de l’escargot.
Bien entendu, lorsque ce mouvement devra être
accompagné d'une grande force, sa section aug-
mentera et pourra varier suivant les individus.
C'est ce qu'il est aisé de constater, par exemple, sur
le biceps de l'homme.
Il arrive que l'effort à développer devienne par
trop considérable; cela à lieu quand l'une des
insertions du muscle est très voisine de l'articula-
tion. Il faut alors le concours simultané d'un grand
nombre de fibres, et, en restant dansle type de mus-
cle que nous venons d'étudier, on arriverait à des
masses énormes. Mais, dans ce cas, l'amplitude du
mouvement est, la plupart du temps, très réduite et
divers artifices permettent de réduire le volume du
muscle.
Considérons le masséter de l'homme. En mesu-
rant la distance de ses insertions et la grandeur du
mouvement à produire, on en conclut que, si les
nn. dde he ne
REVUE GÉNÉRALE DES SCIENCES, 4901.
fibres musculaires s'étendaient d’une insertion à
l'autre etavaient le même coefficient de raccourcisse-
ment que les autres muscles de l’économie, la lon-
gueur de ces fibres serait environ trois fois trop
grande pour une bonne adaptation fonctionnelle,
Chaque fibre devrait donc n'occuper que le tiers de
la longueur et être prolongée
par des tendons, comme l'in-
dique la figure 6. Dans ces con-
ditions, le muscle n'atteindrait
sa puissance que grâce à des
dimensions transversales très
considérables.
Voici à l’aide de quel artifice Fig. 6.
la difficulté est éludée. Les fibres
musculaires se groupent par petits ventres ayant
chacun le tiers de la longueur totale du muscle.
Les petits ventres, prolongés chacun par deux ten-
dons, se disposent de facon à occuper des hau-
teurs différentes, pour ne pas addilionner leurs
épaisseurs (fig. 7). Malgré cela, bien entendu, ils
ajoutent leurs efforts au moment de la
contraction. Le masséter a donc, en
réalité, une longueur de fibres trois fois
moindre que celle qu’il semble avoir au
premier abord, mais sa section utile est
trois fois plus grande que sa section
Fig. 1. apparente.
Pour certains muscles, cette disposi-
tion est poussée encore plus loin ; les ventres mus-
culaires sont plus petits et plus nombreux. C'est
ainsi que le muscle ischio-coccygien est composé
de petits groupes de ladimension d’un grain de blé,
le coccyx étant un os très peu mobile.
Les exemples du dispositif que nous venons de
décrire sont assez rares; on ne les trouve que lors-
que l’espace à franchir entre les deux insertions
est restreint. Quand le mouvement doit, au con-
traire, être transmis à un organe assez éloigné de
l'insertion supérieure du muscle, que ce muscle
est silué dans un segment de membre et que son
tendon doit franchir des articulations dans une
section assez réduite, on voit ap-
paraitre le muscle penniforme.
Ce muscle penniforme n'est ce-
pendant pas si éloigné du précé-
dent qu'il semble généralement.
Je vais au contraire montrer qu'il
en dérive directement et peut
alors affecter deux dispositions
en donnant soit le muscle penni-
forme vrai, soit ce que j'ai ap- P
pelé le muscle pseudo-penni- Fio: 8.
lorme.
Considérons un ventre musculaire ab (fig. 8), pro-
longé de chaque côté par deux petits Lendons ac el
23°*
107%
D' G. WEISS — LE MUSCBE DANS LA SÉRIE ANIMALE
bd; puis, placons de chaque côté de ce groupe une
série de groupes semblables, en allongeant peu à peu
le tendon supérieuret diminuant le tendon inférieur ;
nous aurons institué un muscle analogue à ceux aue
j'ai décrits, mais qui occupera un espace très con-
sidérable pour l'effet qu'il produira, avec des inser-
tions énormes mn, pq. Pour transformer l'insertion
inférieure en un tendon long qui pourra passer par-
dessus des articulations, il faut coller ensemble tous
les petits tendons partiels, tels que b d, c'est-à-dire
rapprocher de la ligne médiane tous les points ana-
logues à 2. Si l’on fait la même opération pour les
tendons supérieurs, de facon à faire un tendon
s'insérant en € à une surface restreinte, on aura un
muscle pseudo-penniforme. Si, au contraire, les
petits groupes musculaires prennent leur insertion
supérieure à distance de la ligne ca, sur un os
parallèle à c4 ou sur des aponévroses résistantes,
nous aurons le muscle penniforme vrai. Ces deux
espèces de muscle se rencontrent dans le corps de
l’homme et des animaux. Si on leur applique les
principes d'adaptation fonctionnelle que j'ai exposés
plus haut, on trouve que, dans le muscle penniforme
vrai, les fibres latérales doivent être plus courtes
que la fibre centrale ; dans le muscle pseudo-penni-
forme, c’est la fibre centrale qui doit être légèrement
plus courte que les fibres latérales. L'expérience
vérifie ces prévisions, et c’est la confusion entre les
muscles penniformes et pseudo-penniformes qui,
pendant longtemps, ne m'avait pas permis d’expli-
quer certaines anomalies que j'avais rencontrées
dans la vérification du principe d'une parfaite
adaptation de l’organe à la fonction.
Dans un muscle penniforme, les fibres étant
inclinées sur la direction du mouvement à produire,
la force développée par chacune d'elles ne se
transmet pas intégralement au tendon. Si l’on con-
sidèré deux fibres 4h, 4'h placées à la même hau-
teur dans un muscle (fig. 9), chacune de ces deux
fibres exercant, par exemple,
une traction de 1 gramme, il ne
résultera pas de leur aclion si-
4 multanée- une force de 2 gram-
€ # mes dans la direction ch du
PR | tendon.
+ La résultante est variablefsui-
ue vant l'angle que ces fibres font
ig
entre elles. L'expérience montre
que cet angle n’esl jamais su-
périeur à 50° ou 60° et, dans ce cas, les 2 grammes
se réduisent à 1,7 ou 1,8. Il y a donc un léger
déchet, mais il est largement compensé par le
nombre de fibres entrant en jeu, plus grand que
si le musele était à fibres parallèles entre elles.
Parfois, un muscle penniforme ne suffit pas, la
force à développer devenant par trop grande; ily a
alors un groupement de muscles penniformes don-
nant au premier abord une structure très compli-=
quée. C’est ainsi que le deltoïde de l'homme, qui
agit sur un très court bras de levier et qui, dans les”
mouvements d'élévation du bras, permet cependant
de soulever des poids considérables, est composés
d'une vingtaine de petits muscles penniformes se
groupant à leur partie inférieure sur un tendon
unique. Le schéma de la ;
ligure 10 rend compte de
la disposition des fibres les
unes par rapportaux autres
dans ce muscle.
Bien entendu, le tendon
inférieur peut être plus ou
moins réduit, et l'insertion
du muscle se faire même
directement sur l'os; le
grand fessier se trouve à
peu près dans ce cas.
Parfois, l'insertion d'un muscle sur un os s'étend
plus ou moins : il en résulte que l’action de ce mus-
cle ne se résume pas en une simple traction exer-
cée en un point, comme cela se produit lorsqu'il est
prolongé par un tendon, et que l'étude devient un
peu plus délicate.
Nous avons déjà vu que, pour le brachial anté-
rieur, les diverses fibres parallèles entre elles
n'avaient pas la même longueur et qu'elles étaient
ramenées à leur dimension rationnelle parune partie
tendineuse. Un réglage de ce genre se produit
fréquemment; un des plus beaux exemples que
l’on puisse en citer est celui du trapèze et du grand
dorsal, où l'on voit de vastes aponévroses pro-
longer la nappe musculaire jusqu’à l'épine dorsale.
D'autres fois, on voit intervenir un autre artilice;
les points d'insertion des diverses fibres musculaires
se répartissent d’une façon assez étrange au pre-
mier abord. Considérons le grand pectoral, qui
prend son insertion fixe sur la clavicule, le ster-
num et les côtes et son insertion mobile sur
l’'humérus. Si ces fibres suivaient les trajets indi-
qués sur la figure 11 et qui, au premier abord,
semblent s'imposer, ou si elles
s'inséraient toutes en un même
point de l'humérus, on voit
qu'au moment de l'élévation du
bras les fibres supérieures voi-
sines de ab ne subiraient pres-
que aucun allongement, tandis
que les fibres inférieures voisi- d
nes de cd seraient considérable- Fig. 11.
ment étirées. Pour les fibres
supérieures, les choses pourraient s'arranger; elles
s'adapteraient en prenant un tendon, mais la lon-
gueur des fibres voisines de cd'est forcémentlimitée.
a
e b
D' G. WEISS — LE MUSCLE DANS LA SÉRIE ANIMALE
1075
Si, au contraire, les fibres voisines de la clavicule
s'insèrent sur l'humérus en
un point éloigné de l'articu-
lation, et que les fibres infé-
rieures s'insèrent très près
de cette même articulation,
comme cela est représenté
sur la figure 12, l'écart entre
les allongements des diverses
fibres au moment de l’éléva-
tion du bras va beaucoup di-
hinuer, et leur parfaite régulation se fera facile-
a
\
ù
$ 2. — Muscles destinés à changer la forme
générale du corps ou d’un organe.
- Nous allons maintenant examiner la disposition
les muscles qui n'ont pas pour but de rapprocher
n de l’autre deux points mobiles.
En premier lieu, nous trouvons les sphincters,
es muscles orbiculaires et semi-orbiculaires. Dans
es cas, tantôt un même muscle fait le tour d'un
rifice qu'il est chargé de clore en se fermant sur
üi-même, tantôt il y a deux muscles semi-orbi-
ulaires qui viennent s'insérer aux deux extrémités
lun diamètre sur un raphé médian. Les fibres de
es muscles offrent toujours la disposition la plus
imple ; si on les coupait en un point, on aurait, en
es ouvrant, un muscle à fibres parallèles: il n'y a
lonc pas lieu d'insister sur leur structure.
Je n'ai pas non plus à signaler de disposition
emarquable des fibres dans les muscles comme
8 diaphragme ; mais il n'en est plus de même quand
ous arrivons aux parois musculaires destinées à
lore plus ou moins complètement une cavité.
Parfois, nous trouvons alors des fibres muscu-
aires orientées dans toutes les directions, qui
ompriment également le contenu de la cavité
ans tous les sens en cherchant à en réduire le
olume. C'est ce qui a lieu pour la vessie. D’autres
is, comme dans le tube digestif, ces fibres pren-
ent des directions bien déterminées etse répartis-
ent en couches. Dans ces organes de forme
longée, nous trouvons alors, d’une façon à peu
rès constante, une couche de fibres circulaires
lestinées à faire varier le calibre de l'organe, et
me couche longitudinale, agissant en sens inverse
le la précédente en même temps qu'elle fait varier
à longueur de divers segments de l'organe. Cette
disposition se retrouve dans la paroi du corps d'un
grand nombre d'animaux, par exemple de certains
Vers.
Chez ces animaux nous voyons les couches
musculaires se modifier d’une façon très remar-
quable quand l'effort à développer
par elles devient plus ou moins im- =
portant.
Dans le cas le plus simple, une
couche est composée par une simple
rangée de fibres ou même de fibril -
les; nous verrons plus loin la dis-
tinction qu'il y a lieu de faire entre
ces deux termes. Ce cas est représenté en a (fig. 13).
Quand cette rangée de fibres ne suffit pas, on la
voit se replier comme en . Puis, chacun des plis
ainsi formés peut donner lieu à des plis secon-
daires, Lerliaires, etc. De plus, il faut remarquer
que ces replis, au
lieu d'être formés
par des fibres pa-
rallèles entre elles,
peuvent contenir de
véritables petits
muscles pennifor-
mes. On conçoit
alors la complica-
lion que peut at-
teindre la structure
de la paroi muscu-
laire de certains ani-
maux, dont nous
donnons ci-contre
un échantillon (fig.
14), et l'on com-
prend la force con-
sidérable qui peut être développée ainsi.
Nous trouvons aussi dans le cœur une disposi-
tion qui mérite d'être signalée. Ici, il n’y a plus de
direction générale des fibres, mais des enroule-
ments très compliqués, dont la description ne
semble pas avoir sa place ici et pour laquelle nous
renvoyons aux traités d'Anatomie.
Fig. 13.
Fig. 14. — a, Coupe à travers la
musculature d’un Septum de Sa-
gartia parasitica perpendiculaire
à l'axe longitudinal des fibrilles
basales ; — b, cellule de l'épithe-
lium musculaire d'une Actinie.
Dans une deuxième partie, nous étudierons l'his=
tologie’du musele et la contraction musculaire.
D' G. Weiss,
Ingénieur des Ponts et Chaussées,
Professeur agrégé à la Faculté de Médecine de Paris
1076
A. ÉTARD — REVUE ANNUELLE DE CHIMIE PURE
REVUE ANNUELLE
Pendant longtemps, les ouvrages de Chimie se
sont bornés, dans notre pays, à reproduire, d’après
les ouvrages précédents, des procédés et des idées
trop anciens pour nous inslruire réellement de
l'état des choses, qui varie sans cesse autour de
nous. Il en est résulté que la Science écrite, au lieu
de précéder le mouvement industriel, qu'elle a
mission de guider, s'est trouvée souvent dépassée
par ce dernier. Depuis quelques années cependant,
une réaction semble se produire : des livres vrai-
ment neufs ont paru, parmi lesquels il faut
citer ceux de Moissan, Duclaux, Béhal, Maquenne,
Lefèvre, etc., qui nous ont permis de lire, ailleurs
que dans les ouvrages étrangers, les idées de nos
propres auteurs. Pourquoi de si rares écrivains?
demande-t-on. Parce que ceux qui sont chargés
de tâches professionnelles trop longues sont obligés
d'utiliser à expérimenter le temps qui leur reste.
La mise au point d'un livre demande, de la part
des plus instruits, un travail soustrailt au labora-
toire et qui n’a pas de compensation sérieusement
rémunérée. La coutume, peut-être bonne en litté-
rature, d'offrir au public un grand nombre de pro-
ductions, semble avoir imposé aux éditeurs l'idée,
quand ils ne peuvent choisir, d'emplir quand même
leurs magasins d’une quantité incroyable de livres
relatifs aux sciences. Cette forme de surproduelion
sans nécessité uniformise le prix du travail, qu'il
soit bon ou mauvais. Il y a là une tendance fâcheuse
de la librairie française, contre laquelle il serait
utile de réagir dans l'intérêt de la Science.
Dans un autre ordre d'idées, signalons le progrès
considérable dû à l'introduction, dans les plus ré-
cents laboratoires, tels que ceux de l'Institut Pas-
teur, de la mécanique moderne sous la forme
d'usine. Pour essayer d'avancer dans l'étude des
problèmes qui se posent sans cesse, il faut main-
tenant abandonner la Chimie du verre de montre
et du tube à essai, d'où rien ne se tire.
Ce que l’on a pu dire l’année dernière au sujet
de l'Exposition dans ses rapportsavecles recherches
de Chimie se continue. On se remet seulement à
ces recherches lentes du laboratoire, qui exigent le
calme de l'esprit et non pas le souci des cristalli-
salions d'apparalt.
Mais, même dans ces conditions, la Chimie, dans
son ensemble, n'avance qu'à la suite de quelques dé-
couvertes saillantes et slimulantes; celles-ci, après
des années heureuses, se font rares en ce moment.
DE CHIMIE PURE
Le temps qui suit les démonstrations positives
importantes devrait être consacré aux recherche
susceptibles d’en engendrer d’autres, et non à
fabrication surabondante de dérivés tout à fall
dépourvus d'intérêt. Il semble que les travaux d
Chimie facile, sans raison, sans but, soient exécuté
uniquement pour conserver la pagination des jour
naux techniques; ils deviennent des annexes de l'in
dustrie de la librairie. En même temps, la bibliogræ
phie des grandes questions naturelles estsubmer
à son ordre alphabétique dans le nombre considi
rable des fascicules, et une très notable partie di
temps dont dispose un homme pour la recherche
efficace, seule créatrice de faits, est absorbée à M
poursuite de documents antérieurs. Quelques archi
vistes instruits se feraient un métier enviable &
allant proposer chaquesemaine dansleslaboratoire
un historique impartial des questions que les savanlss
traitent, ainsi qu'on propose des produits chimiques
Dans l’état actuel, nul ne peut assurer que ces
qu'il fait soit absolument neuf, tant on à ditd
choses générales et bien observées au cours &
xIx° siècle et lant les travaux présents dépenden
de tout cela à un degré plus ou moins éloigné. Less
incessantes redites sur les sujets en vogue ne cauw
sent d'autre mal que de perdre du temps — ce EL |
se compte. [ei encore, un bibliographe instruit d'unem
science donnée vaudrait un professeur dans chaque
centre d'étude.
Un chimiste ne peut concevoir l'ambition
modifier utilement la science en traitant de mille
façons la molécule du thiophène. Un bibliograph®
rendrait service en classant à la suite tous les faits
minimes qui découlent indéfiniment de celte étude
Et en aucune science ces dispositions ne seraie
indifférentes, car elles se compliquent vite, et les
errements anciens sont caducs malgré la persis
tance des hommes à faire toujours comme autrefois
Si, dans ce qui précède, il s'agit de simplifier um
moyen de travail, il est évident que le livre, autm@
puissant instrument, ressentirait les bons effets
d’une nouvelle orientalion. ‘1
IT
Les propriétés générales des gaz ont été poussées
fort loin, surtout depuis les travaux d’Amagat et dl
Van der Waals, en conservant l'idée qu'ils son
des atomes matériels plus ou moins lourds «
volumineux. Ces idées se reporlent aujourdh
sur les liquides d’abord, puis sur les solides. L
liquides sont devenus accessibles à des investig
A. ÉTARD — REVUE ANNUELLE DE CHIMIE PURE
1057
lions de poids moléculaires précises, et dès lors on
reconnu qu'ils n'avaient pas la simplicité que
eur attribuent les anciennes formules chimiques.
Yapeur, est un agrégat moléculaire à l’état liquide,
Pt sa formule est alors au moins double (H°0)° et
nême, lorsqu'elle présente le phénomène bien
connu du maximum de densité ou de contraction
— %, il ne semble plus que ce soit de l’eau sim-
ple, mais une solution de glace dans de l’eau elle-
inême complexe. Depuis les travaux de Ramsay
et Shields, c'est ainsi que les recherches de poids
on aires sont de plus en plus conçues, et nous
sentons le retentissement que peut avoir sur les
“rendements de la chimie organique la facon dont
es réactions se trouvent engagées à l'origine. Nous
sentons mieux l'influence des conditions, des arli-
lices spéciaux et des migrations dès que nous
savons que les matières engagées peuvent être
mises en jeu dans des points très variables avant
u après leur désagrégation physique.
. La matière solide, étudiée avec plus de minutie
qu'autrefois, montre que les éléments sont doués
d'une individualilté bien plus accentuée qu'on ne
“| avait pensé en exagérant la notion utile de famil-
les naturelles. Si notre esprit élait plus pénétrant
“et plus dégagé des cadres théoriques, nés le plus
pouvent d'une simple affirmation ancienne, il aurait
“attaché de l'importance à ce fait que les matériaux
Eu groupe de la chaux ont une relation étroite avec
L. actions lumineuses. Depuis longtemps, le phos-
phore de Homberg, le phosphore de Canton, connus
plus tard sous le nom de sulfures phosphorescents,
savaient alliré, très passagèrement, l'altention. Et
c'est par une voie tout à fait indépendante de ces
observations que M. et M%° Curie ont séparé de ce
mème groupe de la chaux une matière lumineuse :
le radium.
Localisé avec du baryum dans des minéraux
uranifères, le radium y existe en si faible quantité
qu'on estime qu'il faudrait traiter 5.000 kilos (cinq
lonnes) de résidu d'urane pour obtenir 1 gramme de
1 :
5.000.000 : Il ne faudrait pas moins
de 30.000 francs pour obtenir ce métal extraordi-
e. il n'y a pas au budget de l'Etat de sommes
affectées aux grandes surprises de la science, ainsi
| qu'il en est pour la conservation des choses d’art.
Pour être un idéal plus récent de la beauté, la
science n'en est pas moins un idéal aussi élevé. Il
est à souhaiter, si les pouvoirs publics ne peuvent
augmenter leurs charges ou les distribuer d'autre
façon, que les dons privés viennent en aide à ceux
qui s'emploient à conserver l'éclat scientifique de
otre passé. Les quelques centigrammes de sels
radifères que possèdent actuellement M. et
radium pur, soit
M®° Curie montrent déjà que le radium a un poids
atomique supérieur à 200, et un pouvoir radiant
dépassant un million de fois celui de l’uranium.
Le spectre établi par M. Demarcay donne toute
sécurité; il est spécifique et ne laisse plus voir que
quelques faibles raies du baryum.
Les rayons de H. Becquerel émis par le radium
n'ont paru avoir tout d'abord que des propriétés
assez faibles. Maintenant que le radium à peu
près pur.est connu dans la série
Ca Sr Ba Ra,
on lui reconnait des actions à distance qui mon-
trent aux yeux l'inséparabilité de la matière et de
l'énergie, leur continuilé encore indéfinissable. Un
milligramme de sel de radium dans dix grammes
d'eau forme une solution incolore, qui a élé scel-
lée dans un ballon de verre gros comme le poing.
On est tenté de croire que de toute évidence rien
ne se passera. Les choses vont bien ainsi les pre-
miers jours, mais peu à peu tout le verre du ballon
s'illumine dans la nuit, puis une tige de verre en
contact s'illumine aussi et porte la lumière à un
second ballon semblable qui ne contient rien et
serait toujours resté invisible. Bien des opinions
ont élé émises sur l'émission permanente de ces
lumières. Il n'est pas douteux pour moi que le
radium ne soit un élément organisé à la façon
d'un transformateur. Une goulte minime de sa
malière se trouve toujours placée dans le puissant
champ magnétique et calorifique du Globe et change
ces forces en d'autres de nature lumineuse et même
d'ordre biologique, puisque MM. H. Becquerel et
Curie ont reçu des brûlures étendues pour avoir
porté dans la poche extérieure de leur vêtement
une boite contenant quelques centigrammes de sels
radifères. N'est-ce pas là le verre ardent qui con-
centre les puissances de la Nalure ?
De notre lemps, plusieurs questions de Géologie
se posent qui ne peuvent être résolues que par la
Chimie minérale. M. Fouqué, analysant le milieu en
aclivité de Santorin, a trouvé, à n'en pas douter, de
l'hydrogène dans les roches éruptives de ce milieu.
La certitude n’est pas la même en ce qui concerne
la présence de ce gaz dans les granites primitifs.
Depuis longtemps” on a fourni des analyses des gaz
du granite. Elles sont complexes, sans compter
l’'anhydride carbonique provenant des inelusions
visibles. Plus récemment, M. A. Gautier a repris
celte question et, trouvant beaucoup d'hydrogène, il
s’est aperçu bientôt que ce gaz provenait, pour une
large part, des métaux introduits par les appareils
de pulvérisation métalliques qui s'usent. D'autre
part, il est reconnu que certains granites contien-
1 W.-A. Ticoex : Chem. News, 1897.
1078
nent des inclusions bitumineuses qui, à la chauffe,
doivent donner des gaz variés. Il paraît done bien
peu probable que les masses granitiques contien-
nent de l'hydrogène susceptible de jouer un rôle?
d’être défini et localisé.
La recherche des quantités minimes et l’appré-
ciation de leur rôle est la plupart du temps un
sujet de surprise pour nos esprits habitués à voir
directement de grands amas de matière. M. W.
Ackroyd a recherché une des causes permanentes
de la présence du chlore dans les eaux fluviales.
De nombreuses analyses combinées à des observa-
tions météorologiques ont montré que le vent de
mer porte le sel à de grandes distances et le dépose
par tonnes sur les comtés d'Angleterre. C'est ainsi
que, par sa science, l'homme peut concevoir des
causes el des temps dont sa vie très courte avait
négligé l'intérêt dans les siècles passés. Pasteur a
laissé quelques étincelles de son génie dans l'esprit
des travailleurs récents, qui cherchent par les ac-
tions petites et lentes à mieux comprendre les
grands phénomènes.
L'océan paraît encore tenir en dissolution un
grand nombre de métaux, parmi lesquels l'argent
et l'or, qu'on cherche en ce moment à extraire par
des moyens pratiques.
Ainsi, de plus en plus, le chimiste des ballons
de verre, du tableau noir et des formules se pé-
nètre de l'esprit du naturaliste qui observe, en
somme, la Nature telle qu'elle est faite et dont tout
dépend. La Chimie minérale ne peut être isolée
des autres sciences connexes. M. Moissan, qui l’a
conduite plus loin que la plupart des hommes, n'a
pas manqué de la lier à la Géologie dans sa décou-
verte des earbures et de la formation du dia-
mant.
Assurément, la destruction barbare de la biblio-
{hèque d'Alexandrie fut une perte humaine: mais
la conservation des vieux livres ailleurs que dans
les cabinets d'Histoire est un autre malheur. Les
documents modernes bien contrôlés doivent seuls
entrer dans les jeunes esprits, et un seul fait actuel
efface pour les chercheurs les nombreux volumes
que devront sérier les historiens scientifiques.
À ce point de vue, tout ce qu'on a pu écrire sur
le quartz ou acide silicique prend une autre appa-
rence. C'étail autrefois une matière essentiellement
ignée; maintenant, de plus complètes observations
nous montrent le quartz bipyramidé enchevèêtré
dans des gypses ou recouvrant des calcaires ré-
cents qui ne peuvent supporter la chaleur. Bien
plus, M. Ditte' a montré que l’anhydride sulfu-
rique pouvant dériver des pyrites et le chlorure de
sodium engendrent un chlorure de pyrosulluryle
L'ONRSNCX AT
A. ÉTARD — REVUE ANNUELLE DE CHIMIE PURE
et d’or au contact de ce métal. Le produit de cettk
réaction se décompose facilement en un véritablen
quartz aurifère semblable à celui de la Nature
Avec le temps, des solutions inappréciables
silice peuvent donner à froid de gros cristaux dé
quartz. Nous avons incontestablement le quart
limpide et bien cristallisé dans le bassin de Paris
il provient des quelques centigrammes de silice
par litre reconnus dans les eaux vulgaires.
Dans le groupe des terres rares, les seuls travaui
qui comptent — mais ils comptent beaucoup — on!
été publiés par M. E. Demarçay !, qui, écartant à
masse considérable des terres demi-rares, telles
que lanthane, ancien didyme, cérium et yttriums
a pu se procurer quelques kilogrammes des oxydes
rares parmi les rares. Sans préjuger des matériaux
de la profondeur, il n'est parvenu à la surface du
globe que de bien minimes quantités de ces oxydes
et ils forment une série tellement homogène qu'il
a fallu à l’auteur bien des années pour arriver à
une séparalion. Pour ces terres les plus rares, en
aucun pays il n’a été fait un effort aussi continu
el fructueux que celui que nous devons à MM. De
marçay et Lecocq de Boisbaudran. Toutes les sépa
rations ne sont pas encore faites, et l'on ne sait
encore le nombre des éléments qui sortiront de
ce groupe. Nulle part en ce moment, à la suite
des travaux de nos savants, on ne peut trouver
commercialement des curiosités chimiques telle
qu'on les expose dans quelques vitrines de Paris :
sels et métaux cristallisés purs sont apparus d'u
coup, en grandes masses, à l'Exposition de 1900.
Les travaux récents nous démontrent l'existence
de beaucoup d'éléments nouveau-venus : métaux
précédemment irréductibles, série de l'argon, terres”
rares nouvelles, corps radiants. Les esprits pré-
venus veulent trouver une place raisonnable dans
la Table de Mendeleef à ces envahisseurs gènants,
mais n'y parviennent guère; je crains que plusieurs
regrettent l'indiserétion trop progressive de ces
découvertes qui viennent briser la charpente pro-
visoire de la Table coutumière.
Il n'y a pas un rapport commensurable entres
l'hydrogène et l'oxygène. Si le premier est exacte
ment 1.000, par convention, le second ne sera pas.
16.000. Alors s’est élevée une copieuse controverse
qui a conduit la majorité à prendre le nombre 46.
exact pour commune mesure dans les analyses, Il
ne fallait pas une aussi grande somme de travail
pour des chiffres praliques, car l'hydrogène reste
toujours à la base des poids atomiques; il les dé-
finit par la convention des densités de vapeur, et
peu importe que, dans de rares calculs, l'oxygène
soit entier et l'hydrogène fractionnaire, puisque le
{ C.R., t CXXX et CXXXI.
A. ÉTARD — REVUE ANNUELLE DE CHIMIE PURE
1079
rapport est fixe. Il y a quelque byzantinisme dans
ces préoccupations que l’on rend graves.
Dans la science, des théories qui semblent fon-
damentales deviennent spontanément caduques.
L'atomicilé n’est plus qu’une question d'empirisme
pralique, souvent utile, il faut le dire. Mais au fond,
sans paradoxe, tous les éléments ont toutes les
- atomicités; ils font ce qu'ils peuvent dans des con-
ditions déterminées ou ce qu'ils veulent pour être
au mieux dans le milieu où la Nature les met. C'est
ainsi que le fluor est monoatomique, car il forme
H— F1], et le soufre diatomique H°=S, ou tétrato-
mique S=0*, et tout cela n'est pas très stable.
M. Moissan parait s'inquiéter peu de ces règles, car
il a découvert récemment avec M. Lebeau un hexa-
fluorure de soufre S Fl°, qui est la plus stable des
« combinaisons de cette série. Le fluorure de soufre
« est résistant à ce point qu'on l'eût pris il y a vingt
… ans pour l'azote, dont il a les propriétés nulles à
… premier examen. Pour l’enseignement surtout, une
grande réforme s'impose tendant à élaguer les cer-
- titudes traditionnelles.
É III
* MM. Perkinet Thorpe’ produisent un Mémoire de
soixante pages sur les méthodes de synthèse de ce
qu'ils nomment des cycles pontés. Par exemple,
la formule du camphre, selon Bredt, est un héxa-
- gone ponté :
:
<
3 1H
| : # ï Il
| CHE CIF CH3—C— CH
À | ec < l
A à ‘Ha x
$ CHE re 1104 Xe Il
| É # uE lu
4 : ns à "4 Ke 3
|
| pr CH
; Camphre. Paracymène.
Quand le pont se rompt vers le haut du schéma,
on conçoit qu'il se fasse du paracymène. Le travail
est des plus riches en expériences et trop spécial
. pour être résumé. J'ai tenu seulement à signaler
cette expression de corps pontés, afin que si elle
fait fortune on la puisse trouver ici. Il faut voir
. en cela plus que cette faible satisfaction. Il n'y a
_ plus de formules limitées à un hexagone où un
autre polygone simple. Depuis longtemps, après les
formules d’alcaloïdes de Einhorn, elles ont été
déerites dans la Revue. Ces formules organiques
représentent plus largement la complexité des
conformalions chimiques, et c'est encore bien peu.
Les noms des corps obtenus par les auteurs sont
fort compliqués, même pour des chimistes, etencore
ddlud
laits.)
1 Chem. Soc., 1901, Juin.
onl-il eu un instant l’idée de les augmenter tous
du préfixe ysL tiré du mot grec pont. On ne
ferait pas mieux en voulant appliquer la théorie
de l'excès du mal, pour démontrer que la Chimie,
comme les Mathématiques, s'écrit, mais ne se parle
pas en conversation. Dès qu'une matière devient
utile, il suffit de lui donner un nom commode: c'est
le cas de l’antipyrine. En réalité, les formules, dont
s'effraient les commencants, constituent une litté-
rature essentiellement polymorphe. Le même pay-
sage ne sera pas peint de même par dix paysagistes
également remarquables. Ces maitres tireront de
la même réalité des toiles grises, violettes ou
jaunes. Qu'on m'excuse pour cette image ; la Chimie
n’a pas une rigidité mathématique et c’est bien la
servir que de tàcher de la voir sous ses aspects
infiniment variables.
Malgré le nombre considérable d’exécutants
qu'il y à en Allemagne, il est remarquable de voir
la vogue des conceptions verbales, de l'ivresse des
mots.
Les dissertations de nomenclature sont suivies,
et je relève encore les noms de norcarane, de bis-
cyclane, de spirocyclane, de phénoxozone, etc...
bons à donner une apparence de profonde science
à ceux qui les répéteront à propos, avant qu'ils ne
tombent dans l'oubli. En France et en Angleterre,
avec moins de travailleurs, ce romantisme ou celte
scholastique tendent à disparaitre et les jeunes
reprennent la tradition par preuves serrées des
fondateurs de la Chimie.
En Chimie, quand un élément subit une action
d'ordre très général comme celle de la polarisa-
tion lumineuse, il y a lieu de croire que tous les
éléments, s'ils peuvent former des combinaisons de
même ordre, agiront de même; il s’agit de mettre,
si possible, les éléments en posture de subir les”
lois générales. Assurément, sans préparation, toute
matière obéit à la loi fondamentale de la chute des
corps. Mais si a priori tout corps simple est sus-
ceptible de prendre l'orientation plus délicate de
Le Bel, Van’t Hoff, il faut le mettre dans cet état
d'orientation. É
Parmi les plus récentes recherches en ce genre,
se trouvent celles de MM. Pope et Peachey * sur le
soufre. De même qu’un carbone asymétrique en-
gendre la rotation, de mème le soufre saturé dis-
symétriquement donne le pouvoir rotatoire; Lel est
le cas du corps :
2 gs — 2 2
C'He, /CH*—CO*H\* à
S£ PtCL,
a “cr
du type des sulfines découvertes par Cahours. Un
petit nombre de lois générales, souvent ignorées
1 Chem. Soc. Joura., t. LXXVII, p, 1072.
10S0
d'ailleurs, suffisent à nous rendre les choses d'une
incompréhensible complication.
Les mêmes auteurs décrivent un composé qui
ne doit sa rotation droite qu'à de l’étain :
n(CH®, CHF, CHF, 1).
Malgré l'afflux des mémoires hérissés de for-
mules, — d’ailleurs toujours les mêmes, — il n'y
a que peu de grandes questions à l'étude, mais
celles-là sont durables au point qu'il faut s’excuser
d'en reparler toujours.
Les corps terpéniques ont lassé bien des cou-
rages sans que la synthèse du térébenthène ou du
camphre ait avancé. Il devient de plus en plus
certain que, dans cette série plus qu'ailleurs, les for-
mules sont mobiles. On sait qu'auprès d'une la-
cure, entre deux carbones consécutifs des migra-
tions isomères se peuvent produire L'’acide iodhy-
drique peut agir de deux facons sur un propylène :
CH?= CH — CH° + HI = CH°I — CH? — CHE où CHE — CHI — CHS
TN EN D Te -
Propylène. lodopropane. lodopropane II.
Mais des actions physiques telles que la chaleur
peuvent faire passer l’iode de la situation I au
point IL. Il y a relation de voisinage immédiat et
un chassé-croisé possible de H et de [. Une chose
plus surprenante a été relatée dans les travaux de
Blanc et de Perkin : une chaîne fermée pentagonale
pourrait s ouvrir pour recevoir un radical étranger
et devenir un hexagone. Pour nous borner à un
schéma : sans mots, nous aurions la suite :
F- R
Hs LA CREME © a
RAR ne te Lea
DA N7/ \/ NF
PentagOnC. > ]Jlexagone.
L'étude du mécanisme des réactions, chose capi-
lale, gagnera à ce que de semblables faits soient
souvent démontrés, et cela contribuera à rendre
impossible l'effort stérile de mémoire où nous con-
duit une nomenclature parlée. Cette mobilité des
formules qui‘tend à se faire jour explique pourquoi,
pendant quelque temps, nous pensons savoir enfin
les formules terpéniques, et, bientôt après, elles nous
semblent bien incertaines. Par les faits particuliers
les plus étroits, il convient de s'élever à des no-
lions générales, puis laisser dans les livres pou-
dreux les corps inutiles aux noms compliqués qui
encombreront l'Histoire.
Dans la série si incertaine du camphre,
MM. Wagner et Brykner ‘ ont découvert un car-
bure nouveau, le bornylène, qui selon eux est, plus
que le camphène, apte à se convertir en camphre
ou en bornéol. C'est un éthylène substitué.
! Berichte, t. XXXIII.
. A. ÉTARD — REVUE ANNUELLE DE CHIMIE PURE
Les formules du type de Bredt, pontées, sont :
CH [0]
RS AN
Fe. N A ù
CHE CH° CH? CH
[cu-6-cn° [ens-6-cr
CH° co CH? CH
à £ à PA
à C A 2x li 74
|
CH° CHS
Camphre. Bornylène.
Dans le groupe des alcaloïdes, autre sujet d'im-
portance, car ils sont aussi liés à la vie des végé-
taux, on ne sait pour quelle raison, il semble que
la mobilité soit moins grande. Les formules des
poisons sont fort complexes; mais au moins, quänd
on arrive à les connaitre, elles conservent une sta-
bilité assez grande. IL n’est pas sans intérêt de
mettre sous les yeux de lecteurs éclairés une de
ces formules; cela montre avec quel degré de com-
plication la chimie organique représente des corps
naturels qui sont loin de passer pour très com-
plexes. Selon MM. A. Pictet et B. Athanasescu, la.
laudanosine est un produit de réduction du chlo-
rométhylate de papavérine, et voici sa formule :
CH CHE
PONION
CHOC RU RAUES
(En een
CHIO "CNCHNAZCEe CH — CH
NON : 4
CI CH CH —C
NS 4
N oc #
a
tuée ÉAHOCS
Si de telles formules sont nécessaires pour mon-
trer où en est l'écriture chimique de notre époque,
on conçoit qu'il soit fastidieux de multiplier ces
dessins quand il s'agit de corps secondaires qui ne …
remuent pas les idées d'ensemble ni les intérêts
techniques.
Très habitué à voir le point de départ des réac-
tions et le résultat, il est rare que le chimiste ait
une idée de la succession parfois longue des actes
accomplis. Et d’ailleurs, nombre de méthodes sont
également bonnes. Nous faisons, nous, de l'acide
lartrique en formant des dérivés succiniques
bromés à 140° dans des vases résistants ; la Nalure
le fait tranquillement à froid sans autant de fracas.
Pour imiter le résultat final d'une action vivante,
il semble que nous prenions à tâche de gaspiller.
de la matière, de l'énergie et du temps.-Dans la.
recherche des méthodes naturelles que se proposent
de plus en plus les physico-chimistes et les biochi=
mistes, M. G. Bertrand a observé un cas curigux 24
la cause du bleuissement des champignons, qui,
bleuissent parce qu'ils contiennent une sorte d'ali-
zarine rouge, le bolétol. Ge bolétol .reste rouge à.
l'air, mais, addilionné d’une trace d'une. diastase, il
se combine aussitôt à l'oxygène et devient,bleu. »
A. ÉTARD — REVUE ANNUELLE DE CHIMIE PURE
1081
La nature de ces diastases n'est pas chimique-
ment fixée ; elles meurent le plus souvent à chaud, si
tant est qu'une matière chimique dissoute ait une
vie à perdre, et pourtant elles sont toujours là en
traces comme le deus ex machinä qui résout les
transformations de la chimie cellulaire. Comme on
n'est pas en élat d'écrire la formule de constitution
d'une diastase ou d'une toxine avec le degré
d'approximation du développement de la simple et
vulgaire laudanosine ci-dessus, la chimie biolo-
gique ne donne que des résullats très lents. Beau-
coup de temps a été perdu à discuter sur des albu-
. mines variées, acidalbumine, alcalialbumine, hé-
. mialbumine albumoses el histones diverses,
peptones diverses, points de coagulation divers,
nucléines diverses et mixtes. Il ne faut pas cher-
cher dans ces malières, si elles ne cristallisent pas,
de l'homogénéité des caractères chimiques perma-
nents. Elles sont biologiques. Les colorations, les
diflérences d'aspect peuvent être de bons signes
chimiques, mais on n'a pas encore constitué une
véritable chimie avec ces malériaux. La certitude
d'identité, l'analyse élémentaire et la cryoscopie
sont souvent décevantes dans ces cas.
Un homme qui à fait ses preuves dans l’art de
reconstituer les matières de la vie, E. Fischer, a
repris un peu de notre ignorance par la racine.
Après Braconnot et Schutzenberger, il n'étudie
pas les albuminoïdes : il tâche d’abord de les dissé-
quer en bon anatomiste. Son travail sur une
espèce déterminée, la caséine, est surtout l'exposé
d'une méthode d'analyse de ces sirops noirs
qu'on obtient après toute hydrolyse souvent mal
conduite. De là, par des distillations fractionnées,
l’auteur sépare une leucine, un acide glutamique
C°H*A20*, un aminovalérique et un acide pyroli-
dine-carbonique. Ge sont ces recherches qui nous
apprendront comment les choses sont réellement
faites et nous laissent espérer une explication
logique des albuminoïdes pour un avenir encore
lointain.
Cette voie me parait la seule bonne, et je pense
avoir constitué une méthode moins longue pour
doser quelques-uns des principes des dérivés de
l'activité du proloplasme ou protoplasmides. En
tout cela, il n’est pas question, bien entendu, des
albuminoïdes vivants, 22 silu, alors qu'entre eux
ils peuvent se dissoudre ou se coaguler, maintenir
la santé ou causer la mort par suite de leurs évo-
lutions chimiques. À
La dissection préalable des albuminoïdes, fut
aussi étudiée par Miescher poursuivie par
Kossel, et de nombreux travaux faits à leur
imitation paraissent indiquer que les bases hexo-
niques (argynine, lysine, etc...) nous donneront
le secret des albumines. On n'a jamais les secrets
de science tout entiers ; les générations futures ne
se trouveront pas sans ouvrage. Si loin que se
pousse, en Chimie biologique, la question des bases
hexoniques, elle sera probablement toujours la
chimie d’une fonclion physiologique spéciale : celle
des matières à évolution rapide et passagère de la
reproduction. En concevant la Chimie au service
de l'anatomie comparée el des tissus, nous arri-
vons à l'idée juste de la complication des études
d'albuminoïdes, du temps qu'elle exigera et des
surprises qu'elle nous réserve.
el
A. Etard,
Examivateur de sortie à l'École Polytechnique,
Chef des Travaux chimiques
à l'Institut Pasteur.
1082
BIBLIOGRAPHIE — ANALYSES ET INDEX
BIBLIOGRAPHIE
ANALYSES ET INDEX
1° Sciences mathématiques
Walras (Léon). — Eléments d'Économie politique
pure ou Théorie de la richesse sociale, 4° édition.
4 vol. 1n-8° de 492 pages, avec 5 planches. (Prix :
7 fr. 50). Æ. Rouge, 24, rue Haldimand, Lausanne
et F. Pichon, éditeur, 24, rue Soufflot, Paris, 1901.
L'application des sciences mathématiques aux con-
naissances d'ordre économique et sociologique est
relativement moderne. Elle s’est cependant constituée
en peu de temps, de manière à former un corps de
doctrine, qui a reçu le nom de Chrématistique. Cournot
paraît être l’un des premiers qui aient abordé ce sujet;
puis, dans le domaine particulier des assurances, l'ac-
tuariat, n6 en Angleterre, n’a pas tardé à prendre un
peu partout une importance sans cesse grandissante.
Cette importance était déjà sérieuse, il y a plus de vingt-
cinq ans, lorsque M. Léon Walras publia pour la
première fois ses travaux sur la science des richesses,
dont l'ouvrage actuel est une réédition mieux coor-
donnée. Il fut un chef d'Ecole et un créateur; de nom-
breux disciples ont continué et développé son œuvre,
et propagent la science nouvelle à laquelle il a donné le
nom d'£conomie politique pure. Par là, il entend l'étude,
par des moyens mathématiques, des faits économiques
qui dépendent de la nature même de l’homme, mais
non pas de sa volonté.
C’est là une tentative qui a rencontré et qui ren-
contrera des sceptiques. Les Mathématiques, dit-on
souvent, ne s'appliquent pas à tout. C’est vrai; mais la
méthode mathématique peut utilement s'appliquer à
tout ce qui est susceptible de mesure; et elle ne con-
duira jamais à des déceptions, àla conditionexpresse de
ne pas lui demander ce qu’elle ne saurait donner, et de
n'y voir qu'un moyen de transformation rigoureux, per-
mettant de raisonner avec plus de facilité et de sûreté,
une fois posées nettement les prémisses et les défini-
tions initiales. Quoi qu'on en puisse penser, les écono-
mistes surtout auraient tout à gagner en s'inspirant
des idées de M. Walras. À une étude qui n’a descientifique
que l'apparence et dans laquelle la rhétorique joue le
grand rôle, ils substitueraient une doctrine logique et
bien assise. Il faudrait pour cela que les économistes
fussent un peu mathématiciens ; mais beaucoup le sont
déjà, dans une mesure largement suffisante, et les
efforts de M. Walras et de son Ecole n’y ont pas peu
contribué.
Dans sa forme actuelle, le livre dont il s’agit se com-
pose de huit sections, dont il nous suffira de présenter
ici une sorte de sommaire. De pareils sujets se prêtent
mal à l'analyse, à moins de développements très con-
sidérables; et rien ne saurait suppléer à la lecture.
Section 1. — Définitions et principes. L'auteur déve-
loppe ici les considérations d'où est sortie l'Economie
politique pure.
Section II. — Echange de deux marchandises entre
elles sur un marché où existe la libre concurrence
absolue.
Sections IT, IV, V. — Echange d'un nombre quel-
conque de marchandises entre elles sur un même
marché; prix des services et des produits; prix des
capitaux.
Section VI. — Théorie mathématique de la circulation
el de la monnaie,
Section VII. — Lois de variation des prix dans une
société progressive.
Section VIT. — Modifications qui se produisent
lorsque l'hypothèse de la libre concurrence absolue
cesse d’être admissible.
Dans tous ses développements, l'auteur s'aide alterna-
tivement des ressources algébriques et graphiques.
C'est à ces dernières qu'il semblait avoir donné la pré-
férence dans ses travaux primitifs.
Ce livre mérite même d'attirer l'attention des lecteurs
qui ne croient pas à l'Economie politique, en tant que
science, parce qu'ils estiment que jamais les hypothèses
premières ne sont applicables dans la pratique. Il est,
en effet, permis de soutenir que, dans la période de
l'humanité que nous traversons, la répartition et la cir-
culation des richesses n’ont d’autres causes que l’écra-
sement du plus faible par le plus fort, la violence
exercée par celui-ci contre celui-là; et que la concur-
rence libre n'existe pas entre un homme dépouillé de
tout et un autrearmé jusqu'aux dents. Mais si l’on peut
espérer un ayenir meilleur, on n'y atteindra que par de
patientes études, par la mise en lumière de la vérité; on
y. arrivera d'autant plus vite que se seront multipliées
davantage des recherches analogues à celles auxquelles
M. Walras à consacré sa vie. C.-A. LAISANT.
Examinateur à l'École Polytechnique.
2° Sciences physiques
Busquet (R.), Professeur à l'Ecole industrielle de
Lyon, Ingénieur de l'Eclarage de la Ville de Lyon.
— Traité d’Electricité industrielle. — 2 vol. 11-12
de 496 et 536 pages, avec 274 et 288 figures. (Prix,
cartonné : 10 fr.) J.-B. Baïllière et fils, éditeurs.
Paris, 1901.
Le livre de M. Busquet n’est pas, comme l'excellent
petit livre de M. Janet, uue simple /ntroduction ou
Exposé des principes de l'Electricité industrielle. Il
veut être un Zraité véritable, présentant d'une part les
éléments fondamentaux de la théorie, sans aborder les
théories complètes telles que les peut donner, par
exemple, avec les ressources ordinaires du calcul, le
livre justement classique de M. Eric Gérard, et conte-
nant d'autre part une description assez détaillée de
nombreux types de dynamos, de moteurs, de lampes,
de systèmes de traction, d'appareils télégraphiques et
téléphoniques.
Il se distingue donc des deux types d'ouvrages que
nous venons de citer, et comble à cet égard une lacune.
Il est appelé à rendre des services, non seulement à
des élèves ingénieurs ou à des personnes qui veulent
s'initier à l'électricité industrielle, mais même à tous
ceux qui en connaissent les principes et les appliquent
couramment, et qui trouveront là, sous un format com-
mode, un nombre jamais excessif, mais suffisant, de
descriptions et de données concrètes.
Les théories élémentaires sont clairement et assez
complètement exposées. À cet égard, il ne faut pas trop
prendre à la lettre les déclarations contenues dans la
préface. M. Busquet déclare qu'il ne fera pas de « Ma-
thématiques transcendantes », contrairement à ses de-
vanciers qui s’adressaient à des personnes « ayant des
connaissances relativement élevées ». Or, nous savons
trop ce que les gens du monde, et même les élèves qui
viennent de terminer ieurs études secondaires, en-
tendent par les «Mathématiques transcendantes ». Ces
déclarations pourraient donc nous faire craindre que
l'auteur ne nous donnât pas un livre sérieux. Nous
voyons pourtant que, — même dans le texte en gros
caractères, qu'on nous annonçait « dépouillé de for-
mules et de calculs », — l'auteur donne, avec la
démonstration, la formule d'Hopkinson sur le circuit
magnétique, ou l'expression de Ja f. 6. m. d’une dynamo
Gramme (la formule des trois N). Sans doute, il a rai-
|
.
|
|
tite tte. e-
BIBLIOGRAPHIE — ANALYSES ET INDEX
1083
son de ne pas écrire pour les lecteurs qui trouveraient
que c’est là de la « Physique mathématique ». Mais ne
peut-on pas dire qu'il ne tient pas toutes les promesses
de sa préface ? Il n'y a lieu que de l'en féliciter.
Pourquoi aussi parler des transformations et de la
conservation de l'énergie, sans donner aucune notion de
la dégradation de l'énergie ? Cela aussi peut se faire sans
aucun appareil mathématique, et a l'avantage de ne
pas vulgariser sous une forme incomplète et fausse une
idée capitale. Et l'intérêt de l'électricité industrielle
peut-il être le même pour quelqu'un qui n'a pas, même
vaguement, l'idée que les divers seus de transforma-
tions de l'énergie ne sont pas équivalents?
En ce qui concerne l'exécution matérielle, si les
figures représentant des appareils sont en général bien
faites, quelques-unes des figures théoriques (voir, par
exemple, les fig. 49, 67 du tome I) gagneraient à être
tracées et gravées d'une touche un peu plus légère.
Je ne voudrais pas que ces petites critiques fissent
le lecteur se méprendre sur ma pensée, qui est que le
Traité de M. Busquet est un livre utile, ne faisant pas
double emploi avec d'autres livres français, et destiné
à rendre de sérieux services. BERNARD BRUNHES,
Directeur de l'Observatoire du Puy de Dôme,
à Clermont-Ferrand.
Pozzi-Escot (M.-E.).— Traité d'Analyse théorique
‘ et pratique des substances minérales par les mé-
thodes volumétriques et colorimétriques.— 1 vo/.
in-18 de 244 pages. (Prix : 2 fr. 50), V'e Ch. Dunod,
éditeur, Paris, 1901.
Par leur facilité et leur rapidité d'exécution, que
n'exclut pas la rigueur des résultats, les méthodes volu-
métriques acquièrent chaque jour une importance plus
grande aussi bien dans l'analyse industrielle que dans
l'analyse scientifique. — Grâce à elles, en effet, l'indus-
triel ou le commerçant peuvent être mis presque
immédiatement au courant des résultats cherchés et
donner ainsi, condition essentielle, une solution immé-
diate à la question pendante.— Grâce à elles aussi, ont
pu se résoudre les difficiles problèmes de la saturation,
de la chloruration, etc., etc.
Rassembler les différentes méthodes disséminées
dans des ouvrages volumineux, unifier les modes opé-
ratoires, variables souvent avec chaque opérateur, en un
mot mettre tout chimiste en état d'employer avec
rapidité et correction les méhodes volumétriques
claires et rigoureuses, c'était certainement faire œuvre
utile; et nous devons tout d'abord remercier très sin-
cèrement M. Pozzi-Escot d’avoir bien voulu entre-
prendre cette tâche et le féliciter ensuite hautement
pour la facon dont il a su s'en acquitter.
L'ouvrage est divisé en deux parties :
La première, consacrée tout spécialement à l'étude
des instruments et principes théoriques relatifs aux
méthodes volumétriques, donne tous les renseigne-
ments techniques indispensables et nécessaires pour
aborder utilement l'étude de ces méthodes.
La deuxième partie traite de l'application de ces
méthodes à l'analyse des métalloïdes et métaux les plus
courants.
Par le choix judicieux et éclairé que l’auteur a su
faire des procédés employés, cet ouvrage constitue une
œuvre véritablement sincère et documentée et qui a,
dès maintenant, sa place marquée dans la bibliothèque
de ceux qui s'intéressent à l'Analyse chimique.
C. PouLenc,
Docteur ès sciences.
3° Sciences naturelles
+Jadin (Fernand). — Contribution à l'étude des
Simarubacées. (Thèse de la Faculté des Sciences
de Paris). — 1 vol. in-8° de 106 pages, avec figures
et une planche. Masson et Ci, éditeurs. Paris, 4901.
A côté des grandes familles naturelles, dont per-
sonne ne conteste l'autonomie et l'homogénéité, s’en
trouvent d'autres qui, tout en présentant des caractères
communs, renferment des genres dont les affinités
sont à tel point douteuses qu'ils sont placés dans des
groupes voisins quandils ne sont pas ballottés dans des
familles très éloignées les unes des autres. Il faut dès
lors chercher des faits tirés de la morphologie interne,
pour grossir lè nombre des caractères pouvant fixer la
place de tel ou tel genre dans la classification. Cette
méthode anatomique, féconde en résultats heureux, a
été appliquée à la famille des Simarubacées, dont
M. Jadin a fait une étude aussi magistrale dans les vues
générales, que minutieuse dans l'observation des faits.
L'auteur, après avoir fait l'histoire de cette famille et
examiné les vicissitudes par lesquelles elle a passé,
établit ses recherches sur la classification d'Engler, qui
admet 28 genres. ,.
On accepte volontiers une manière de voir étayée
par une étude portant sur 109 espèces d'une famille
qui en comprend 138, surtout quand elle est faite
comme celle de M. Jadin. Après avoir indiqué les carac-
tères morphologiques, l'habitat, le nombre des espèces
connues et celles sur lesquelles ont porté ses recherches,
l'auteur donne avec abondance de détails fous les carac-
tères anatomiques des différentes espèces. Une étude si
bien conduite fait regretter d'autant plus l'absence de
remarques qu'on aurait pu tirer des racines, organes
qui ne figurent que rarement dans les herbiers.
Enfin, en condensant les nombreux faits accumulés
dans la troisième partie, M. Jadin donne un apercu
général de la famille dans le deuxième chapitre de son
travail. Il passe en revue les caractères tirés de la
morphologie externe, et, après avoir constaté le peu de
fixité que présente la formule florale, qui du reste ne
peut être établie tant au point de vue des sépales et des
pétales qu'à celui des étamines, il dit, après avoir parlé
du gynécée : « On voit donc qu'au sujet de la soudure
« et du mode d'être des carpelles et des styles, il n'ya
« rien de fixe, et que l’on trouve toutes les manières
« d'être dans les Simarubacées », et conclut : « Nous
« voyons qu'en dehors du caractère général tiré des
« ovules suspendus épitropes, il n’y a pas un seul carac-
« tère constant tiré de la morphologie externe des Sima-
« rubacées. L'épitropie des ovules n'existe même pas
« toujours chez toutes les plantes rangées parmi les
« Simarubacées, car les ovules sont apotropes dans le
« genre A/varadoa ».
L'auteur est alors amené à faire l'étude approfondie
de la morphologie interne. Cette partie donne à l'œuvre
de M. Jadin le caractère remarquable d'une laborieuse
érudition, et, grâce aux données anatomiques, certains
points douteux sont éclaircis. L'auteur indique fes
genres pourvus de canaux sécréteurs périmédullaires ;
ce sont : Simaruba, Simaba, Oldyendea, Hannoa, Eu-
rycoma, Brucea, Picrasma, Picrolemma, Ailanthus,
Soulamea, Picrocardia, Amaroria. Quelques genres
renferment des canaux sécréteurs et des sclérites :
Simaruba, Oldyendea, Hannoa, Eurycoma, Simaba.
D'autres ne renferment que des sclérites: Mannia,
Hyptiandra, Quassia, Castela. Enfin, un caractère très
constant, mais qui se retrouve dans d’autres familles, est
tivé du péricycle, qui est composé de plusieurs assises
de cellules, dont les plus externes constituent, en tout
ou en partie, une zone de protection; cette couche est
représentée dans les nombreux schémas qui illustrent
ce travail.
Se basant sur ce fait que, dans l'examen des carac-
tères anatomiques, les genres /rvingia, Klainedoxa et
Picrodendron doivent toujours être cités à part, M.Jadin
pense que, « si on les maintient dans cetfe famille, il
faut les opposer à toutes les autres Simarubacées, et les
considérer tout au moins comme une sous-famille ».
Après une revue des genres Soulamea et Picrocardia,
M. Jadin croit pouvoir identifier le Picrocardia de
Radikofer au Soulamea. Le caractère tiré des feuilles
simples ou composées ne peut pas entrer en ligne de
compte puisqu'une même branche peut porter les deux
sortes de feuilles, comme le prouve une belle planche
1084
BIBLIOGRAPHIE — ANALYSES ET INDEX
annexée au travail; d'autre part, le genre Soulamea
comprend des espèces à fleurs trimères, tétramères et
pentamères, et, qui plus est, il n’y a pas de caractères
anatomiques différeutiels entre ces deux genres.
Grâce aux caraclères analomiques spéciaux des
Suriana (« poils glanduleux externes sur la tige et sur
« les feuilles, écorce interne formée de cellules plus
« petites que celles de l'écorce externe, pétiole avec un
« faisceau ouvertetne recevant qu'un faisceau de la tige,
« slomates silués sur les deux faces, tissu palissadique
« bien développé sur les deux côtés de la feuille »),
M. Jadin se range à l'opinion de Baillon, basée sur des
caractères de morphologie externe, et pense « qu'il
faut considérer la tribu des Surianées de Baillon
comme une famille spéciale, ayant des affinités d’une
part avec les Simarubacées, et d'autre part avec les
Géraniacées ».
Enfin, après avoir constaté que les amas fibreux qui
sont constamment placés dans la région péricyclique
chez les Simarubacées sont placés sous l'épiderme
chez les Holacantha, auteur pense qu'on doit le consi-
dérer comme constituant à lui seul la famille des Hola-
canthacées.
Néanmoins, pas plus que la morphologie externe, la
morphologie interne ne peut fournir un caractère cons-
tant susceptible de caractériser cette famille.
Un mérite réel est d’avoir recueilli de nombreux
matériaux, accumulé une masse considérable d’observa-
tions nouvelles et précises, etles avoir fait concourir à
caractériser les espèces botaniques, et à rectifier les
opinions de certains auteurs, tout en donnant un argu-
ment de plus à celles qui n'étaient pas suffisamment
justifiées.
Mais, si, après des travaux impartiaux et à tel point
documentés, les limites des familles restent toujours
fluctuantes, il faut nécessairement penser que nos
connaissances des temps géologiques encore très incom-
p'ètes doivent intervenir pour établir le cadre de nos
classifications trop étroites et toute subjectives, afin de
lui faire contenir le plan grandiose et sublime de la
Création. L. LAURENT.
Docteur ès Sciences,
Professeur aux Cours coloniaux
de la Chambre de Commerce,
Préparateur de Botanique
à la Faculté des Sciences de Marseille.
Sanson (André), Professeur honoraire à l'Ecole
nationale de Grignon et à l'Institut National Agrono-
mique. — L'Espèce et la Race en Biologie géné-
rale. — 1 vol. in-8° de 320 pages. (Prix : 1 fr. 50)
Schleicher frères, éditeurs. Paris, 1901.
En dépit des flots d'encre qu'elle a fait couler et de
la somme incroyable de travaux qu'elle a suscités, la
grande question de l'espèce et de la race est une de
celles qui sont et demeurent indéfiniment ouvertes.
C'est qu'en effet elle n’est pas susceptible d’une solu-
tion simple, directe, mathématique. Et pourtant, il est
permis de constater que la discussion du problème,
dans ses grandes lignes, s'est montrée singulièrement
favorable aux doctrines transformistes, si bien qu'elle
a perdu beaucoup de son intérêt primitif. Nous en
sommes même arrivés à ce point que la publication
des questions relatives à ce sujet nous laisse souvent
une impression de monotonie quelque ‘peu décevante.
Mais l'ouvrage que vient de publier M. Sanson sort
franchement de cette banalité courante, et c'est pour-
quoi ilretient d'emblée l'attention, comme toute œuvre
qui porte une empreinte vraiment personnelle.
Et bien personnelles, en effet, sont les idées de l'au-
teur, qui les a défendues avec ardeur dans son ensei-
nement, mais qui les développe ici avec plus d’am-
pleur, et les affirme avec plus de vivacité que jamais.
M. Sanson se propose essentiellement de déterminer
la notion de l'espèce et celle de la race. A son avis,
c'est là une question fondamentale pour les biologistes,
el c'est à leur intention évidemment qu'il à entrepris
la publicalion de son ouvrage. Bien des auteurs déjà
se sont essayés à cette détermination, bien des efforts
ont été dépensés pour donner simplement une défini-
lion de l'espèce, et nous savons tous combien peu
satisfaisants ont été les résultats de ces efforts. Au fond,
il faut en convenir, il s'est toujours agi de décider si
les espèces sont fixes, ou si elles possèdent une
variabilité illimitée. Et c'est là tout simplement la
base du grand problème de l'origine des espèces.
Or, M. Sanson se défend à chaque page de vouloir
se mêler en rien aux controverses que soulève cette
question d'origine. Mais, en fait, il s'occupe surtout de
rassembler tous les documents et tous les arguments
qui lui paraissent plaider en faveur de la fixité des
caractères spécifiques.
Sans nous arrêter à ce procès de tendances, nous
chercherons à montrer en quelques mots comment
l’auteur entend les termes d'espèce et de race. Les
deux éléments sur lesquels on a fait reposer, jusqu'à
présent, la notion d'espèce sont, comme on le sait,
l'un d'ordre morphologique, la ressemblance, l'autre
d'ordre physiologique, la filiation, et les naturalistes
se sont efforcés de les combiner dans des mesures
variables, attribuant tel degré de prééminence à l’un
ou à l'autre.
M. Sanson dissocie, au contraire, ces deux éléments,
appliquant le premier à l'espèce, et le second à la race.
Il s'ensuit que les deux termes espèce et race se
réfèrent, selon lui, à un même ensemble d'objets,
considérés à des points de vue différents : celui d’es-
pèce est simplement l'expression d'une forme définie
ou d'un modèle, et celui de race implique l'idée de
descendance. D'où il conclut que, « dans l’ensemble
des êtres vivants, il n'y a ni plus ni moins de races que
d'espèces, chacune des espèces étant le type naturel de
la race qui la représente au moment actuel ».
On voit, somme nous le disions, que ce sont là des
vues bien personnelles. A la vérité, nous ne découvrous
pas quels avantages théoriques ou pratiques offrirait la
substitution de ces idéesauxidéesgénéralement admises.
Mais la lecture de l'ouvrage n’en est pas moins des
plus instructives. Il y a là une accumulation remar-
quable de documents de la plus haute valeur, heureu-
sement groupés en vue d'une argumentation toujours
habile; et l'auteur les met en jeu avec une rare puis-
sance de dialectique, renforcée par le sentiment qu'il
nous impose de sa profonde sincérité; et surtout il sait
passer les faits au crible d’une critique serrée, nous
montrant combien il faut être réservé avant d'accueillir
comme avérées telles données que des hommesillustres
ont pourtant acceptées les yeux fermés.
Aussi, quelque jugement qu'on porte sur les doc-
trines de M. Sanson, le nouvel ouvrage qu'il vient de
produire ne peut manquer de forcer l'attention, et
certes plus d'un naturaliste en pourra tirer avantage.
A. RAILLIET,
Membre de l'Académie de, Médecine,
Professeur d'Histoire naturelle à l'Ecole d'Alfort.
Guiart (Jules). — Contribution à l'étude des Gas-
téropodes Opisthobranches et en particulier des
Céphalaspides (These de la Faculté des Sciences
de Paris). — 1 vol. in-8° de 220 pages, avec figures er
planches. Le Bigot frères, éditeurs. Lille, 1904.
M. Guiart, dans sa thèse, ne s’est pas limité à l’une
des questions particulières que peut offrir le groupe
des Opisthobranches. Il vise à l’étudier dans son
ensemble et sous tous ses aspects. Une introduction
comprend d'abord un historique des travaux antérieurs,
puis la synonymie de quelques espèces. Une première
partie (p. 33-60) est consacrée à la Biologie (l'auteur
emploie ce mot au sens que lui donnent les auteurs
allemands ; Zthologie serait plus précis) de quelques
types. On y trouvera réunis notamment des renseigne-
ments utiles pour la recherche de ces animaux. Une
seconde partie (p. 62-158) est intitulée Morphologie et
subdivisée en les chapitres suivants : Extérieur el com-
plexe palléal; tube digestif; système nerveux et
PR PS OPEN
BIBLIOGRAPHIE — ANALYSES ET INDEX
1085
organes des sens; structure des centres nerveux;
organes reproducteurs. Une troisième partie enfin, dite
Ontogénèse et Phylogénèse, expose quelques traits du
développement de la Philine et diverses considérations
sur l’origine etles relations mutuelles des Opisthobran-
ches. Disons seulement de ces dernières que M. Guiart
se rallie à l'opinion d’après laquelle les Opisthobranches
sont des Gastéropodes ayant subi une détorsion, et qu'il
n'en fait (en y juignant les Pulmonés) qu'une subdivi-
sion des Monotocardes.
Les titres mêmes des parties et chapitres ci-dessus
énumérés iudiquent que l'auteur à touché à de très
nombreuses questions particulières sur un sujet déjà
Jargement fouillé avant lui, sur lequel même plusieurs
travaux synthétiques de grande valeur ont déjà été
publiés. Je me contenterai de citer ici celui de Pel-
seneer !, auquel M. Guiart rend d’ailleurs pleine justice,
et qui offre de la morphologie comparée des Opistho-
branches un tableau si moderne, si ample, si clair, en
même temps que si concis. À reprendre le sujet d'une
manière aussi compréhensive, on ne peut guère y
ajouter que des détails. Sans doute, M. Guiart apporte
à divers égards un contingent notable de faits nou-
veaux, mais, en l'état de nos connaissances sur les
Mollusques, il eût été mieux inspiré, il me semble, de se
borner à l’une des questions qui occupent seulementun
chapitre dans son travail. Je choisirai, pour l'altester,
son chapitre sur le système nerveux, qui présente bien
des remarques intéressantes, qui l'eussent été plus
encore, si elles avaient été poussées davantage. A côté
de l'Actæon, dont ia chiastoneurie a été mise en évi-
dence par Bouvier el Pelseneer, M. Guiart montre les
restes de cet élat de la chaîne nerveuse viscérale chez
la plupart des Bulléens et une partie des Aplysiens. Il
y précise l'homologation des disers ganglions. Une
étude plus complète, étendue à plus de types, appuyée
sur l'étude histologique des centres, aurait constitué
un progres notable dans la morphologie comparée du
groupe tout entier. De mème,une étude précise et assez
complète du développement, fût-ce d'une forme unique,
aurait élayé plus solidement des comparaisons ou des
interprétations avancées au sujet de divers organes.
La thèse de M. Guiart n’en sera pas moins utilement
consultée pour les faits anatomiques nombreux qu'elle
renferme et les figures très claires qui aident à les
comprendre.
M. CAULLERY,
Professeur de Zoologie
à la Faculté des Sciences de Marseille.
4° Sciences médicales
Delpeuch (Armand), Médecin de l'Hôpital Cochin.
— La Goutte et le Rhumatisme. — {/n vol. in-8° de
680 pages, avec 10 planches hors texte. (Prix car-
tonné : 20 fr.) G. Carré et C. Naud, éditeurs. Paris,
1900.
Des circonstances indépendantes de notre volonté ne
nous ont pas permis de rendre compte en temps voulu
de cet intéressant travail de Delpeuch; aussi cette ana-
lyse, en signalant les remarquables qualités qu'on
rencontre tant dans ce travail que dans les pages con-
sacrées par le même auteur à l'étude du rachitisme
ou de la période prœpubère, ne pourra-t-elle qu'aviver
les regrets causés par la perte de ce distingué collègue.
De fait, on trouve dans ce livre un mélange d’apti-
tudes et de dons, qui, à ce degré, se trouvent rarement
réunis chez une seule personne. — Cette lecture révèle
un esprit clinique qui manque quelque peu dans les
publications de cet ordre, mème dans celles de Darem-
berg, même dans l’œuvre incomparable de Littré :
Delpeuch est plus médecin, tout en se montrant huma-
niste éminent, historien érudit, botaniste instruit.
* Recherches sur divers Opisthobranches. Mém. Cour. Ac.
R. des Sciences Belgique, 1894. :
C’est ainsi, qu'à ce point de vue, il nous apprend que,
sous le nom d’hermodacte, de bulbe sauvage ou encore
de surendjan, on a, depuis le 1ve siècle, utilisé des
végétaux qui ne sont autres que le colchique; toutefois,
au point de vue de la cueillette, de la conservation, de
la dessiccation de ces produits, les Anciens procédaient
autrement qu'on ne le fait aujourd'hui. Ces différences
suffisent pour expliquer certaines variations dans les
résultats enregistrés, car on conçoit sans peine que là.
fraîcheur ou la vétusté, en d’autres termes l’âge d'une
plante, puisse influencer, sinon la nature, du moins
l'activité de ses différentes propriétés.
Sans quitter le domaine de la Thérapeutique, on
s'aperçoit que cette notion de matière médicale n’est
pas la seule qui établisse des analogies entre les prati-
ques des temps anciens et les conseils formulés à
l'heure présente. Il fallait, en effet, dès l'Antiquité, prati-
quer la créophagie et l’œnoposie, autrement dit la con-
sommation des viandes et des vins ; on devait cultiver
la philoponie, en fréquentant la palestre; on recom-
mandait en somme l'exercice physique, un exercice
modéré. Ajoutons, à ces conseils, l'usage des bains, le
séjour dans des stations thermales sulfureuses, l'emploi
du sable chaud, l'exécution des frictions, des onc-
tions, la mise en jeu de l'électricité, et on sera conduit
à se demander où se trouve, au point de vue des prin-
cipes, la nouveauté, quand on parle de courants de
haute fréquence, des applications locales de la chaleur,
du gant de crins, de l'hydrothérapie, ete.
La médication comprenait aussi l'ingestion des tisa-
nes sudorifiques ou diurétiques; on poussait à l'éli-
minalion comme on le tente de nos jours sous
l'influence des idées d'aulo-intoxication; enfin les sels
calcaires, la poudre d'os ne réponident-ils pas aux
procédés mis en jeu pour combattre la dyscrasie
acide?
Toutefois, pour intéressantes que soient ces données,
ces analogies, le grand, le vrai mérite de ce livre,
ce qui fait de l’auteur un véritable historien de la
Médecine, c’est qu'en étudiant la goutte, Delpeuch nous
montre, au travers des âges, l’évolution des ilées, le
plus souvent en progrès, faisant quelquefois faasse
route, pour revenir au point de départ. — Aidés par de
belles figures, nous pénétrons dans les écoles, chez les
médecins, chez les malades; nous suivons la fortune
oscillante des théories; nous voyons naître la doctrine
de l’'humorisme, nous apprenons que, bien avant
Baillou, gouite et rhumatisme étaient choses dis-
tinctes. — Chemin faisant, on entrevoit, tout au moins,
une allusion aux poisons de l’organisme, aussi bien
qu'aux toxines. =
L'histoire d’une maladie ne doit pas, en effet, se
borner à laire connaître uniquement les notions spé-
ciales au processus en vue; elle à éxalement pour
but de meltre en évidence la marche uénérale des
idées, des conceptions pathologiques, s'efforcant plus
particulièrement de placer en lumière l'influence de
ces conceptions sur la manière de comprendre le mal
étudié et, par une sorte de choc en retour, le reflet de
ce mal sur la philosophie médicale de l'époque.
Aussi, pour mener à bien une telle entreprise, il est
nécessaire de disposer des qualités les plus diverses;
au liltérateur, à l’érudit, au critique, il faut adjoindre
le clinicien, le technicien; s’il n’est pas indispensable
d’être capable d'exécuter soi-même des recherches de
laboratoire, encore est-il désirable que l'écrivain con-
naisse parlaitement les méthodes expérimentales, soit
apte à raccorder les notions du passé aux théories qui
nous passionnent. Û
La lecture du livre de Delpeuch, tout en révélant
l’'éminente ulilité d'une pareille œuvre, est bien de
nature à faire saisir quelle variété d'aptitudes doit pos-
séder un historien de la Médecine.
A. CHARRIN,
Professeur remplaçant au Collège de France,
Agrégé à la Faculté de Médecine
de Paris.
1086
ACADÉMIES ET SOCIÉTÉS SAVANTES
ACADÉMIES ET SOCIÉTÉS SAVANTES
DE LA FRANCE ET DE L'ÉTRANGER
ACADÉMIE DES SCIENCES DE PARIS
Séance du 18 Novembre 1901
La Section d'Anatomie et Zoologie présente la liste
suivante de candidats pour la place laissée vacante par
le décès de M. de Lacaze-Duthiers. En première ligne,
M. L. Vaillant; en deuxième ligne, MM. E. Bouvier,
Y. Delage et F. Henneguy: en troisième ligne,
MM. R. Blanchard, Houssay et Oustalet.
1° SGIENGES MATHÉMATIQUES. — M. Perrotin a observé
cette année à Nice une recrudescence sensible dans la
chute d'étoiles filantes des Perséides. Le maximum a eu
lieu entre les 41 et 12 novembre. — M. D. Eginitis a
constaté le même fait à Athènes. Le radiant de l’es-
saim présente un déplacement très sensible. —
M. E. Picard poursuit l'étude des périodes des inté-
grales doubles dans la théorie des fonctions algébri-
ques de deux variables. — MM. E. Raverot et P. Belly
décrivent un loch manométrique différentiel dont le
fonctionnement est fondé sur l'emploi simultané du
tube de Pitot et du tube jaugeur de Darcy et Bazin.
20 Sciences PHYSIQUES. — M. H. Becquerel décrit une
modification dans l'emploi du thermomètre électrique
pour la détermination des températures souterraines
au Muséum d'Histoire naturelle. Elle est basée sur l'ap-
plication de la loi des températures successives, réa-
lisée à l’aide d’une graduation mobile. — M. Compan a
étudié les lois du rayonnement aux basses tempéra-
tures. Celle de Dulong et Petit ne s'applique que de
0 à 2000. Celle de Stefan s ‘applique le mieux depuis la
température d° ébullition de l'air liquide jusqu'à 302°;
toutefois, de 150° à 300°, elle donne des vitesses un peu
trop fortes. Celle de Weber ne s'applique pas aux basses
températures; mais, à partir de 100°, elle prendrait
l'avantage sur celle de Stéphan et représenterait mieux
le phénomène. — M. H. Moissan, en faisant réagir le
chlorure ou l'iodure d'ammonium en solution “dans
l'ammoniac anhydre sur l’amalgame de sodium, a
obtenu une masse métallique dans laquelle l’hydro-
gène et l’'ammoniac se trouvent à l’état de combinaison
stable à 39°. Cette masse métallique, par sa décompo-
sition à la température ordinaire en présence de l’eau,
augmente de trente fois son volume et dégage deux
volumes de gaz ammoniac pour un d'hydrogène. —
M. Fern. Meyer à reconnu qu'on peut transformer
totalement une quantité d’or donnée en chlorure auri-
que bien cristallisé par l’action du chlore liquide,
grâce à la différence de solubilité du chlorure dans le
chlore à chaud et à froid. Il existe une seule combi-
naison moins chlorurée que Au CF, qui est Au CI.
M. Ch. Marie a étudié l'acide dioxyisopropylhy pophoë
phoreux, obtenu dans la réaction de H*PO? sur l'acé-
ie Il est monobasique et donne des dérivés diacétylé
et dibenzoylé; L répond done à la formule : (CH*}?
C (OH). PO (OH).C (OH) (CH*}. Il est analogue à l'acide
dioxybe nzylphosphinique. — M. Bongert à étudié l’ac-
tion de quelques chlorures d'acides sur les sodacétyla-
célates de méthyle et d’éthyle. — M. A. Trillat a
appliqué la méthode d’oxydation par action de contact
aux alcools non saturés de la série grasse et aroma-
tique. L'alcool allylique a donné de l’acroléine ; l’isoeu-
génol a été transformé partiellement en vanilline. —
M. N. Floresco a trouvé qu'il existe une relation entre
le foie, la peau et les poils, au point de vue de la teneur
en fer et en pigments. Le foie, la peau des animaux à
poils foncés contiennent presque le double de la quan-
tité de ler et de pigments que ceux à poils blancs.
39 SCIENCES NATURELLES. — M. Ant. Pizon propose
une théorie mécanique de la vision basée sur le rôle
des granules pigmentaires. Ceux-ci emprunteraient
leur énergie à la lumière, sous la forme d’un mouve-
ment vibratoire qu'ils fransmettraient à leur tour aux
cônes ou aux bâtonnets avec lesquels ils se trouvent
en contact; l'ébraulement moléculaire ainsi reçu par
les cellules visuelles n'a plus qu'à se propager le long
du nerf optique jusqu'aux centres nerveux encépha-
liques. — MM. Ed. Toulouse et N. Vaschide ont con-
staté qu'il existe une certaine relation entre la pres-
sion radiale et la pression capillaire chez les aliénés,
lesquelles varient généralement dans le même sens.
L'hypertension accompagne les états d’agitation; lhy-
potension, les états de calme et de dépression. —
M.L. Roos conclut d'une série d'observations qu'il est
inexact que l'alcool, même à haute dose, s'il est ingéré
sous la forme de vin, précipite l'évolution de la tuber-
culose chez le cobaye, et peut-être aussi chez l'homme.
— MM. Camichel et Mandoul ont étudié les colora-
Rs bleue et verte de la peau de certains Vertébrés.
La première est due à un pigment noir; la seconde à
un pigment noir et un pigment jaune. Ces pigments ont
les mêmes propriétés optiques que les milieux troubles
artificiels. Ils constituent un acte de äéfense de l'orga-
nisme contre les radialions nuisibles. — M. R. de
Sinéty a constaté chez les Orthoptères, au cours des
cinèses spermatocytiques, une double division longitu-
dinale. Il a étudié également le chromosome spécial
chez les Phasmes et les Locustiens. — M.S. Jourdain
rappelle que les perles des Mollusques ne peuvent être
formées que par le manteau. Elles sont sujettes à des
maladies spontanées ou acquises, ces dernières étant
produites par le contact prolongé avec la peau, dont
les sécrétions acides et les matières sébacées agissent
d'une manière nuisible. — M. L. Daniel compare, au
point de vue anatomique, le greffage, le pincement et
la décortication annulaire. — M. Jean Friedel a con-
staté que l'assimilation chlorophyllienne est beaucoup
plus faible en automne qu'au printemps ou en élé, sur-
tout pour les feuilles. — M. P. Termier a étudié les
micaschistes, les gneiss, les amphibolites et les roches
vertes des schistes lustrés des Alpes occidentales. Pour
lui, celles de ces roches qui ne sont pas de nature érup-
tive certaine sont des sédiments originairement ana-
logues aux autres, mais modifiés, plus profondément
que les autres, par des roches intrusives; et alors ces
dernières sont postérieures au dépôt de la plupart des
schistes lustrés; elles peuvent être éogènes.
Séance du 25 Novembre 1901.
M. Fouqué rappelle la cérémonie qui à eu lieu à la
Sorbonne à l'occasion du cinquantenaire scientifique de
M. Berthelot. — M. Berthelot remercie l'Académie de
la part qu'elle a prise à cette cérémonie. — L'Acadérnie
procède à l'élection d'un membre dans sa Section
d'Anatomie et Zoologie, en remplacement de M. de
Lacaze-Duthiers. M. Ÿ. Delage est élu. — M. Gouy est
ensuite élu comme Correspondant dans la Section de
Physique, en remplacement de M. Raoult. — Enfin,
l'Académie présente, à M. le Ministre du Commerce, la
liste suivante de candidats pour la chaire vacante de
Mécanique au Conservatoire des Arts et Métiers
1° M. Ed. Sauvage; 2° M. Petot. — M. le Secrétaire
ce pétuel annonce le décès de M. Kowalewsky, Corres-
pondant pour la Section d'Anatomie et de Zoologie.
19 SCIENCES MATHÉMATIQUES. — M. A. Davidoglou re-
cherche le nombre de racines communes à plusieurs
équations. — M. J. Armengaud indique une méthode
graphique permettant d'étudier les circonstances de la
|
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-
|
l
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ACADÉMIES ET SOCIÉTÉS SAVANTES
1087
marche d'un aérostat dirigeable par l'examen de la |
projection de sa trajectoire sur le sol.
20 SCIENCES PHYSIQUES. — M. E. Mathias a déterminé
la distribution régulière de la déclinaison et de l’incli-
maison magnétiques en France au 1°" janvier 1896 au
moyen de formules du second desré à cinq ou six termes
établies pour la région de Toulouse. Les résultats con-
cordent assez bien avec les observations de M. Mou-
reaux. — M. A. Lafay indique une application de la
chambre claire de Govi à la construction d'un compa-
rateur pour règles-étalons à bout. — M. R. Blondlot à
vérifié expérimentalement qu'une masse d'air qui est
le siège d'un déplacement électrique ne subit aucune
action de la part d'un champ magnétique. — M. G. A.
Hemsalech a déterminé expérimentalement, par la
méthode d'Anderson, les coefficients de self-induction
des bobines qui lui ont servi dans ses expériences sur
les spectres d'étincelles; les valeurs obtenues sont
notablement plus petites que celles déduites du calcul.
— M, E. Baud a constaté qu'il existe, outre les spi-
nelles chlorés, des composés AlCIS.3NaCl et Al?CI°.3KCI,
et très probablement aussi des cryolithes chlorées,
ABCIS.6NaCl et APCIS.6KCI. Ces derniers corps ne repré-
sentent pas les termes ultimes de la combinaison de
AlCI avec les chlorures alcalins; mais, il est difficile
d'établir thermiquement l'existence ét la composition
exacte des composés supérieurs, parce que la chaleur
dégagée par la fixation des dernières molécules devient
trop faible. — M. Guntz à préparé une grande quan-
tité d’amalgame de baryum et, en chauffant ce dernier
vers 1000 dans un tube de porcelaine au moyen d’un
fil traversé par un courant électrique, il a volatilisé le
mercure et obtenu le baryum métallique pur. C'est un
. corps mou, fusible au rouge sombre, volatil au rouge
vif, s'oxydant fortement à l'air, décomposant l’eau et
l'alcool. — MM. G. Urbain et H. Lacombe, en dissol-
vant l'hydrate de glucinium dans l'acide acétique dilué,
puis en traitant la masse concentrée par l'acide acé-
tique cristallisable, ont obtenu des cristaux fusibles
à 2830—840 et distillant sans décomposition à 330°—31°
sous la pression normale. La densité de vapeur conduit
au poids moléculaire 405, correspondant à un com-
posé [CH*CO*]"GI0, dans lequel le glucinium est diato-
mique et a le poids atomique 9. — M. V. Henri à
déterminé la loi d'action de la sucrase sur le saccha-
rose (voir page 1037). — M. M. Delépine à constaté que
les aldéhydes et l’acétone réagissent d'une facon fort
régulière vis-à-vis de l'acide sulfurique fumant. Ils
fixent un certain nombre de SO* pour engendrer des
acides à sels stables en milieu acide ou neutre, mais
très sensibles aux alcalis qui brisent la chaine carbonée
en deux tronçons. — M. A. Richard a préparé la mo-
nochlor- et la mono-bromacétone en faisant passer un
courant électrique à travers un mélange d'HCI ou d'HBr
et d’acétone. — M. P. Carré a étudié l’éthérification de
l'acide phosphoreux par la glycérine et le glycol. La
limite d'éthérilication est d'autant plus élevée que la
quantité de glycérine ou de glycol en présence est plus
grande. On obtient les acides glycérophosphoreux
(OH}2PO.CH?.CHOH.CH°OH et glycophosphoreux (OH)?
PO.CH°.CH°OH, dont l’auteur a préparé les sels de ba-
ryum.— M. R. Fosse a constaté que le dinaphtoxanthy-
drol et le xanthydrol, traités par HBr et l'alcool bouillant,
donnent de l’éthanal et régénèrent le dinaphtoxanthène
et le xanthène. — MM. A. Haller et Ed. Heckel ont
retiré d'une plante du genre Tabernaemontana, origi-
naire du Congo où on la nomme /2o4a, un alcaloïde
lévogyre, de formule provisoire C*H#%A720*, qu'ils
nomment 1bogine. Les écorces des tiges contiennent,
en outre, un autre produit cristallisé qui n’a pu être
analysé. — M. G. Champenois a retiré, de la graine
d'Aucuba japonica L., une grande proportion de sucre
de canne, accompagné d’un glucoside. En outre, la
graine contient, constituant son albumen corné, une
galactane, une mannane et une pentane donnant, par
hydrolyse, du galactose, du mannose et un pentose,
qui paraît être de l’arabinose. — M. G. Bertrand a
étudié la transformation de la glycérine en sucre par le
tissu testiculaire, observée par M. Berthelot, et a re-
connu que ce n'est ni le tissu, ni ses produits solubles
qui produisent cette transformation, mais bien des
microbes, apportés, selon toute vraisemblance, par le
testicule lui-même.
3° SCIENCES NATURELLES. — M. J. Gaule a observé
l'augmentation des globules rouges du sang qui se
produit dans les ascensions en ballons. Des prépara-
tions faites à de grandes hauteurs lui ont montré qu'il
y a vraiment formation de globules nouveaux et que ce
phénomène se produit avec une très grande rapidité.
— M. Marage communique les résultats d’un traite-
ment scientifique de la surdité, qui consiste en une
sorte de massage fait avec les vibrations que l'oreille
est destinée normalement à recevoir. — M. G- Loiïsel
montre que la cellule de Sertoli est une cellule germi-
native modifiée dont le rôle est de sécréter périodique-
ment une substance qui exerce une action chimiotac-
tique positive sur les spermatides en voie de transfor-
mation. C'est sous l'influence de cette action que les
spermatozoïdes acquièrent la forme spéciale adéquate à
leur action. C'est elle qui détermine là disposition des
spermatozoïdes en faisceaux et la direction uniforme
de ces faisceaux. — M. M. Harroy a répété les expé-
riences de M. I. Friedel sur l'assimilation chlorophyl-
benne en dehors de la matière vivante et n'a obtenu
que des résultats négatifs. — M. P. Termier a fait de
nouvelles observations géologiques sur la Chaîne de
Belledonne. Il semble que la région méridionale soit
restée, avant comme après l’époque stéphanienne, rela-
tivement tranquille. — M.E. Ray Lankester envoie un
dessin colorié de l'échantillon unique d'Okapi (Okapia
Johnstoni) rapporté de l'Afrique centrale par sir H.
Johnston. Le crâne de ce nouveau mammifère rappelle
celui des girafes. — M. A. Gaudry présente, en même
temps, la restauration du squelette de l’Æelladotherium
trouvé à Pikermi. dont l'Okapi paraît être le descen-
dant direct. — MM. Lortet et Gaillard ont examiné
plus de mille momies d'oiseaux envoyées d'Egypte. Les
unes, qui sont des momies d'oiseaux de proie, renfer-
ment un grand nombre d'individus; les momies d'ibis
ne contiennent qu'un seul indvidu. L'ibis noir des
anciens Egyptiens est l'ibis falcinelle de nos jours.
Louis BRUNET.
ACADÉMIE DE MÉDECINE
Seance du 19 Novembre 1901.
M. J. V. Laborde présente un appareil nouveau, dû
à M. F. Dussaud, pour l'écriture et la notation chiffrée .
et médicale chez les aveugles. — M. P. Reclus com-
munique le rapport sur le concours du prix Laborie.
— M. E. Roux lit le rapport sur le concours du prix
Audiffred. — M. Yvon présente le rapport sur le con-
cours du prix Buignet. — M. J. V. Laborde examine la
question de l’épilepsie jacksonienne et des localisations
cérébrales, et arrive aux conclusions suivantes : 1° Si
le siège et la localisation, soit organiques, soit fonc-
tionnels, des phénomènes moteurs, d'ordre convulsif
(convulsion ou épilepsie partielle), ou de nature para-
lytique, prédominent dans la région cérébrale dite
psycho-motrice, région rolandique, ils n’y sont pas
exclusivement confinés dans une limite fixe et infran-
chissable ; ils peuvent s'étendre aux régions antérieures
(cerveau frontal) et postérieure (cerveau pariéto-occi-
pital), surtout dans les conditions de lésions secon-
daires ou extensives; 2° Il en résulte qu'au point de
vue des déductions pratiques, notamment des applica-
tions chirurgicales ou de la trépanation, la recherche
de la lésion, même dans les cas où l'indication symp-
tomatique semble la plus localisée, ne doit pas se
borner strictement à la zone motrice ou rolandique
proprement dite, mais s'étendre suffisamment au delà
de cette limite, prédominante mais non exclusive. —
M. G. Dieulafoy signale quatre nouveaux cas d’épi-
lepsie jacksonienne d'apparence classique, où la lésion
1088
ACADÉMIES ET SOCIÉTÉS SAVANTES
siégeait à la partie inférieure du lobe frontal. Pour lui,
l'ancienne conception de l’épilepsie jacksonienne a
perdu de sa valeur, car nous n'avons aucun moyen de
distinguer les épilepsies d’origine rolandique de celles
d'origine frontale.
‘Séance du 26 Novembre 1901.
L'Académie procède à l'élection d'un membre dans
la Section d'Hygiène publique, Médecine légale et
Police médicale. M. Josias est élu. ;
M. Landouzy donne lecture du Rapport général sur
les épidémies en France et aux colonies en 1900. —
M, Bouchard présente le rapport sur le concours du
prix Portal. — M. Motet lit le rapport sur le concours
du prix Herpin. — M. Raymond pense que l’épilepsie
partielle peut n'avoir aucune valeur localisatrice; elle
n'apporte done, en elle-même, aucun argument pour ou
contre la doctrine des localisations cérébrales. Il en est
de même des paralysies qui accompagnent les attaques,
si elles sont post-paroxystiques. Le diagnostic ne peut
être fait que le jour où se montrent des troubles men-
taux. NS
SOCIETE DE BIOLOGIE
Séance du 9 Novembre 1901.
M. J. Cluzet a vérifié sur l’homme la loi d’excitation
des nerfs et des muscles établie par M. G. Weiss. —
M. M. Nicloux a mesuré la quantité d'oxyde de carbone
qui se trouve dans le sang des chiens à Paris et à la
campagne; chez les premiers, elle est toujours plus
élevée, généralement double. — Le même auteur a placé
une carpe dans de l’eau renfermant un peu de sang de
chien oxycarboné. Le sang de la carpe s'enrichit bientôt
en oxyde de carbone. — M. R. Dubois signale des faits
qui lui semblent de nature à faire admettre que le som-
meil des végétaux est produit par le même mécanisme
que celui des animaux, c'est-à-dire par accumulation
d'acide carbonique dans les tissus (autonarcose carbo-
nique). — MM. B. Auché el Le Couturier ont constaté
que les injections intra-hépatiques d'acide phénique
pur déterminent des lésions très intenses de nécrose
cellulaire. La réparation de ces lésions consiste dans la
formation d’un tissu fibreux qui infiltre de plus en plus
le lobe de néervse et en amène la disparition progressive.
— M. L. Meunier indique une nouvelle méthode de
recherche quantitative de la pepsine dans le suc gas-
trique. Dans la digestion, la pepsine parait atteindre
son maximum au bout d’une heure. — M. M. Arthus
propose un nouveau réactif qualitatif et quantitatif du
fibrinferment: le plasma de sang de chien fluoré à 3 °/s.
Ce dernier se coagule quand on lui ajoute soit du fibrin-
ferment préparé par les procédés classiques, soit une
liqueur contenant du fibrinferment, telle que le sérum
sanguin. — MM. Dargein et Tribondeau ont trouvé,
dans un cas de kyste hydatique du foie,une leucocytose
nette avec éosinophilie élevée et abaissement léger du
taux des polynucléaires neutrophiles. L'hémodiagnostic
semble appelé &« jouer un rôle dans la recherche de la
nature des tumeurs hépatiques.
M. J. Jolly est élu membre titulaire de la Société.
Séance du 16 Novembre 1901.
M. Alezais a étudié les muscles du membre posté:
rieur du Kangourou (Macropus Bennetti). Les insertions
musculaires ont une tendance marquée à réduire leur
étendue et les muscles à se fusionner ou à s'unir. —
M. G. Loiïsel étudie la formation des spermatozoïdes
chez le moineau, puis le rôle de la cellule de Sertoli
dans la spermatogenèse (voir p. 1087). — M. E. Maurel
a constaté que, pour le lapin comme pour l'homme,
les leucocytes sont plus sensibles au chlorhydrate d'émé-
tine que les hématies. Mais les hématies du lapin sont
plus sensibles à cet agent que les nôtres. — M. R. Lé-
pine a remarqué que l'état graisseux du foie coïncide
avec l'existence d’une forte proportion de lécithine dans
cet organe et de phosphore incomplètement oxydé dans
l'urine. — M. H. Emery indique un procédé permel-
tant de différencier le bacille typhique du colibacille
dans l'eau. — M. Foveau de Courmelles a reconuu
que la lumière chimique (lumière de l'arc voltaïque) à
une action curative profonde sur les tuberculoses et
spécialement la tuberculose pulmonaire. — M. J.
Brukner a constaté que la cellule sympathique, comme
toute cellule nerveuse, présente des phénomènes de
réaction après la résection ou l’arrachement du cordon.
Chez le chat, la chromolyse est faible lorsque la section
a lieu au-dessous du ganglion supérieur, tandis qu'elle
est très marquée après l’arrachement du bout supé-
rieur. — MM. A. Gilbert et P. Lereboullet signalent
trois cas de pleurésie ayant eu pour origine une infec-
tion biliaire. La pleurésie siégeait à droite et provient,
d’après eux, d'une propagation directe par voie lympha-
tique. — M. P. Lereboullet a reconnu, d'après l'état
du sérum et des urines, que l'ictère simple du nouveau-
né est un ictère biliphéique avec cholémie évidente,
mais ordinairement sans cholurie.
Séance du 23 Novembre 1901.
M. A. Laveran a examiné de nombreux Culicides
envoyés de Hanoï. Parmi eux, se trouve une forte pro-
portion d'Anopheles, qui va en diminuant dans la saison
salubre, et une nouvelle espèce, Panoplites Seguini. —
Le même auteur à recu d’autres Culicides provenant du
Haut-Tonkin. Parmi eux se trouvent aussi de nombreux
‘ Anopheles, et en particulier une espèce nouvelle, Ano-
pheles Vincenti. — M. J. Lépine a constaté la présence
d'une sensibilisatrice dans l'urine de typhiques. Elle
n'apparaitqu'avec laréaclion agglutinante. — M.E. Mau-
rel à expérimenté l'émétine sur le congre, la grenouille,
le pigeon et le lapin. Les éléments anatomiques exa-
minés se sont placés dans les mêmes ordres de sensi-
bilité
relations de la paralysie alterne de l'acoustique avec les
lésions protubérantielles. — MM. Gilbert et Herscher
ont constaté que l’évolution de la tuberculose coïncide
avec une diminution dela coloration du sérum sanguin;
cette hyposérochromie peut avoir une certaine impor-
tance diagnostique. — M. Hénocque a observé, dans
une ascension en ballon, une augmentation rapide,
presque immédiale, de la quantité d'oxyhémoglobiue
du sang, en même temps qu'une augmentation de l’ac-
tivité de la réduction. — M. J. Jolly a constaté que les
corps étrangers absorbés par le protoplasma sont
capables de déprimer plus ou moins profondément le
noyau, de changer ainsi sa forme, et peut-être même
d'être incorporés par lui en le pénétrant complètement.
— M. D. Courtade à reconnu que l'augmentation
d’excitabilité du nerf par les courants à haute tension
ne se produit plus quand le nerf n’est pas dénudé,
parce qu'il s'établit des courants dérivés passant dans
les tissus et daus le nerf. — M, J. Noé a observé que la
résistance du hérisson à l’inanition est maximum en
hiver et minimum en été; il est probable que tous les
hibernants se comportent de même. — M. L. Bruandet
a étudié un certain nombre de lésions de coccidiose
expérimentale. Pour lui, la coccidie est avant tout un
parasite épithélial.
SOCIÉTÉ FRANÇAISE DE PHYSIQUE
Séance du 15 Novembre 1901.
M. Ed. Fouché fait une communication sur l'état
actuel de l'éclairage par l’acétylène dissous. Dès l’année
1896, MM. Claude et Hess eurent l'idée de faire appel à
la solubilité de l’acétylène dans les liquides pour ob-
tenir une accumulation de ce gaz dans des récipients
portatifs avec beaucoup moins de pression que n'en
exige la liqué action. Ils espéraient ainsi, avec raison,
diminuer les dangers que pouvait présenter le gaz liqué-
fié, dont la pression à 37° est déjà de 68 atmosphères
(pression critique). A cet effet, tous les liquides connus
furent expérimentés et pour chacun d'eux on détermina
le coefficient de solubilité correspondant. Parmi les
divers corps, l'acétone fixa particulièrement l'attention
et de toxicité. — M. M.-E. Gellé étudie les!
eat"
des inventeurs et leur parut le mieux approprié à
l'emploi qu'ils avaient en vue, parce que son point
d'ébullition (56°) n’est pas trop bas, et qu'il se prépare
industriellement d'une facon courante. C'est avec ces
données qu'a été fondée la Compagnie Française de
l'Acétylène dissous (14 janvier 1897), ayant comme
programme la transformation des premières idées théo-
riques en un procédé véritablement pratique. — Disso-
lution de l'acélylène dans l'acétone. Les études qui ont
été faites tout d’abord sur les propriétés de la dissolu-
tion de l’acétylène dans l’acétone ont conduit à un cer-
- fain nombre de résultats intéressants. Le coefficient de
- solubilité (24 à 15°) varie d’une manière importante
- avec latempérature. MM. Berthelot et Vieille ont montré,
entre autres, quesi la pression absolue était de 16 kil. 17
à 2°8 de température pour un récipient contenant
- une quantité de liquide un peu inférieure à la moitié
de son volume, cette pression devenait 33 kil. 21 pour
la température de 509,5. De ces expériences, et d'autres
faites ultérieurement dans le laboratoire de la Compa-
gnie Française, et qui se sont trouvées parfaitement
d'accord avec les précédentes, on a pu déduire que,
dans les conditions usuelles de remplissage et de fonc-
tionnement, la pression initiale augmentait approxima-
< 1 RSR
tivemenf de 30 P degré d'élévation de température.
L'acétylène à l’état de dissolution dans l'acétone pré-
sente un phénomène remarquable : sa densité, déter-
minée par M.Claude, serait dans ces conditions 0,71 à
15°, tandis que, d'après M. Pictet, celle de lacélylène
n’est que de 0,42. Si l'on rapproche cette condensation
importante des phénomènes de sursaturation que la
dissolution présente à un degré extrêmement élevé, on
est tenté de se demander s'il s’agit bien là d'une simple
dissolution, et si quelque autre action ne viendrait pas
s'y joindre. Sous l'influence de la chaleur, le liquide
constitué par l’acétylène ef l'acétone augmente naturel-
lement de volume. Le coefficient de dilatation a été
trouvé égal à 0,0015; celui de l’acétone pur est aussi
0,0015. I s'ensuit que l'acétylène dans la dissolution
aurait également le même coefficient de dilatation,
tandis que pour l’acétylène liquide, dans les limites or-
dinaires de la température ambiante, ce coefficient est
environ 0,007, soit presque cinq fois plus grand. La
présence de l'eau dans l’acétone diminue le coefficient
de solubilité dans des proportions plus fortes que celles
qui correspondraient à la diminution de concentration
de la liqueur. Aussi importe-t-il d'employer de l’acétone
aussi concentré que possible (pratiquement 99) et de
n'y introduire que de l’acétylène parfaitement sec, —
Æxplosibilité de la dissolution. Les propriétés explo-
sives de l’acétylène comprimé sont considérablement
modifiées par le fait de l'incorporation du gaz à l’acé-
tone. La question à été étudiée par MM. Berthelot et
Vieille, qui ont démontré que jusqu’à la pression de
10 kilos la solution était parfaitement stable, mais qu'à
20 kilos on pouvait, dans certaines circonstances, faire
décomposer à la fois l’acétylène libre au-dessus du
liquide, le gaz en dissolution et l'acétone lui-même. Il
résulte de là que cette méthode d'accumulation de l’acé-
tylène, sous des pressions voisines de 10 kilos, présente
un avantage considérable sur la simple compression ou
la liquéfaction, puisqu'il n’y a d’explosible que la très
faible quantité de gaz surmontant le liquide, laquelle
ne pourrail jamais donner, en cas de décomposition,
qu'une pression décuple de la pression initiale, environ
100 kilos. Les récipients en fer résistent facilement à
une telle pression, tandis qu'ils sont infailliblement
brisés par la décomposition de l’acétylène liquide don-
nant lieu à des pressions de plusieurs milliers d’atmo-
sphères. — Matières poreuses. Cependant le procédé
dans ces conditions n’était pas industriellement appli-
cable. La possibilité d’une décomposition interne, même
sans rupture des récipients, était inadmissible. En outre,
pour certaines applications, l'éclairage des chemins de
fer en particulier, il y avait lieu de redouter la présence
d'un liquide combustible qui, dans une collision, pour-
REVUE GÉNÉRALE DES SCIENCES, 1901.
ACADÉMIES ET SOCIÉTÉS SAVANTES
1089
rait se répandre sur les décombres, s’enflammer el
accroitre la gravité de l'accident. En outre, la disso-
lution de l'acétylène et son dégagement pendant l'em-
ploi ne se font régulièrement qu'à la condition d’agiter
le liquide, ce qui est un inconvénient lorsqu'on à
affaire à desrécipients volumineux et pesants. Tous ces
inconvénients ont été supprimés à l’aide d’un unique
artilice, consistant à remplir complètement les récipients
avec une matière poreuse à grains fins, d'une résistance
suffisante. Des essais multiples, faits à des pressions
allant jusqu'à 35 kilos, ont montré que l’on rendait ainsi
inexplosibles, non seulement le gaz libre, mais aussi
la dissolution. La décomposition provoquée en un point
des récipients ainsi garnis ne se propage qu'à uue dis-
tance insigniliante, er produisant un surcroit de pres-
sion à peine égal à la pression initiale. Le rôle de la
matière poreuse dans ce cas est analogue à celui que
joue la terre d’infusoires dans la dynamite. En outre,
ces matières poreuses onf l'avantage de supprimer toute
possibilité d'écoulement de liquide; elles facilitent Ja
dissolution et suppriment les phénomènes de sursa-
turation. M. Fouché présente deux échantillons de
matières poreuses actuellement employées : une brique
très légère (densité 0,5, porosité 0,80) qui sert pour
l'acétylène dissous ; un aggloméré, formé de ciment
et de braise (densité 0,3, porosité 0,80). Ce dernier
est plus économique, mais n'est applicable qu'à l’acé-
tylène comprimé sans acétone, ce liquide étant dé-
composé peu à peu par la chaux. Des récipients ainsi
préparés ont été expérimentés au Laboratoire des Pou-
dres et Salpêtres et les résultats obtenus, conformes à
ceux indiqués ci-dessus, ont permis à l'Administration
d'autoriser l'exploitation du procédé, sous la condition,
bien facile à remplir, que les tubes d’aciermisen contact
avec le public seraient éprouvés à 60 atmosphères. Un
nouvel aggloméré au charbon, mais ne contenant pas
de chaux, est actuellement à l'étude. Beaucoup moins
coûteux que la brique, il permettra, en outre, d'utiliser
des récipients du genre de ceux qui servent au trans-
port de l'oxygène ou de l'acide carbonique et qui coù-
tent trois fois moins cher que les modèles adoptés jus-
qu'à présent par la Compagnie française de l'Acétylène
dissous. Ce perfectionnement, d'une importance consi-
dérable, permettra au procédé de prendre tout son
essor. — Appareils générateurs, récipients et brüleurs.
Les récipients actuellement utilisés ont les capacités de
2 litres, 12 litres, 100 litres. La quantité de gaz qu'on
peut pratiquement accumuler dans ces appareils est de
cent fois leur volume pour la pression normale de
10 kilos. Le gaz qui s'échappe de la dissolution à une.
pression constamment variable, Cette pression doit être
régularisée par un détendeur. Les autres appareils
accessoires sont la soupape de garantie à mercure,
grâce à laquelle la pression ne peut jamais s'élever
outre mesure dans les canalisations, et le compteur du
type sec ou du type humide. L'acétylène est préparé
sans pression dans un appareil à chute de carbure,
évitant les rentrées d'air. Il s'accumule dans un gazo-
mètre, d'où une pompe l’aspire en lui faisant traverser
un épurateur et un sécheur. Le gaz comprimé est en-
voyé dans des récipients de grand volume, garnis de
briques et d'acétone, jouant le rôle d’accumulateurs.
Les récipients à charger sont mis en communication
avec ces accumulateurs ; ils recoivent ainsi de l’acéty-
lène saturé de vapeur d'acétone; grâce à cet artifice,
l'épuisement de l'acétone dans les tubes servant au
transport du gaz est considérablement ralenti. Les ré-
cipients, une fois chargés, sont transportés chez le
consommateur, chez qui on les laisse jusqu'à épuise-
ment. Les becs ordinaires à acétylène consommant
1 litres 5 à 8 litres par carcel, on a cherché, dans un
but d'économie, à réaliser l'éclairage par l’incandes-
cence, ce qui présentait des difficultés sérieuses en
raison de la très grande explosibilité des mélanges d'air
et d'acétylène. M. Fouché montre plusieurs modèles
de becs Sirius devenus maintenant d’un usage courant,
produisant de 11 à 50 carcels sous 30 centimètres de
CET
1090
ACADÉMIES ET SOCIÉTÉS SAVANTES
pression, avec une consommation de 2 litres 5 à3 litres
au plus par carcel-heure. — Quantité de lumière accu-
mulée. Les chiffres de consommation par carcel-heure
indiqués ci-dessus permettent de comparer l’acétylène
dissous à d'autres modes d'éclairage portatif. On trouve
ainsi que { kilo de récipient en fer, pouvant contenir
33 litres d’acétylène, donne 40 à 45 bougies-heures avec
des becs ordinaires, et 110 avec l’incandescence, tavdis
que 4 kilo d’accumulateur électrique ne donne que
10 bougies-heures avec l'incandescence et 30 avec l'arc.
Le gaz portatif, à raison de 40 litres par carcel-heure,
est cinq fois moins lumineux que l’acétylène; en
outre, sous la même pression, le volume accumulé est
dix fois moindre que pour l’acétylène dissous; de
sorte qu'en fin de compte, sous le même volume et la
même pression, on emmagasine cinquante fois plus
de lumière avec l'acétylène dissous qu'avec le gaz
portalif. — Applications. L'application la plus indiquée
de l’acétylène dissous consiste dans l'éclairage des voi-
tures de chemins de fer. Elle n’a eu lieu encore en
France qu'à titre d'essais; mais elle s'organise actuel-
lement dans plusieurs pays étrangers. Des tramways
(Funiculaire de Belleville) sont exclusivement éclairés
par ce système depuis plusieurs années. L'application
aux automobiles commence à se développer. Comme
éclairages mobiles, il faut citer encore les chantiers,
les fêtes foraines, les théâtres forains, ete. Enfin, les
éclairages fixes pour maisons de campagne, ateliers,
magasins, etc.,sontde plus en plus appréciés. M. Fouché
montre les résultats qu'on peut obtenir en augmentant
la pression du gaz dans les becs à incandescence, jus-
qu'à 2 mètres et même au delà. L'éclat intrinsèque du
manchon augmente considérablement, et c'est ainsi
qu'au Dépôt des Phares, on a constaté que cet éclat
atteignait 4 carcels par centimètre carré, tandis que le
gaz d'huile et le pétrole ne permettent que d'obtenir
respectivement 2,5 et 3 carcels. Il y a donc là un pro-
grès important. Le plus petit bec Sirius dans les lan-
ternes à projection, avec 37 carcels, dépasse la lumière
oxyhydrique; ce même bec, par une injection centrale
d'oxygène, arrive à fournir 60 carcels. L'incandescence
d'un bâton de magnésie a pu être réalisée en diluant
l'acétylène avec de la vapeur d’éther; l’incandescence
obtenue, expérimentée pratiquement sur un cinémato-
graphe, a été trouvée très franchement supérieure à
ce qu'on peut obtenir avec le chalumeau oxyéthérique.
— M. G. Claude, au sujet des belles recherches de
MM. Berthelot et Vieille sur l'explosibilité de l'acétylène
dissous, fait remarquer que l’atténuation probable des
propriétes explosives de l’acétylène par le fait de sa
dilution dans un liquide inerte, a été l'une des raisons
qui l'ont conduit, avec son collaborateur M.Hess, à l’éla-
boration d’un système d'emmagasinement conçu avant
tout dans le but de diminuer les dangers du nouvel
éclairant. Il rappelle à ce propos que la Note pré-
sentée à l'Académie des Sciences, le 28 mars 1897, par
M. d'Arsonval au nom des inventeurs, mentionne le
fait de l’incandescence d'un filde platine immergé dans
une solution d'acétylène dans l’acétone sous 2 à 3 at-
mosphères. Relativement à l'observation de M. Fouché
sur les phénomènes de sursaluration gazeuse qui feraient
penser que l’acétylène dissous es, mieux qu'une disso-
lution, M. Claude donne le résultat d'expériences per-
sonnelles qui viendraient à l'appui de cette manière de
voir. En étudiant la solubilité de l’acétylène dans les
divers liquides organiques, l’auteur a été à même de
constater cette loi remarquable : Dans les limites de
précision de la méthode d’expérimentation, la solubilité
dans les différents termes d'une même famille chimique
de liquides organiques (alcools, éthers formiques, éthers
acéliques, etc.) est directement proportionnelle au
nombre de molécules contenues dans l'unité de poids
du liquide essayé, c'est-à-dire inversement proportion-
nelle au poids moléculaire. N n’en résulte pas qu'il y
ail, dans ces dissolutions, combinaison à proprement
parler, puisque le poids d’acétylène fixé à chaque molé-
cule est proportionnel à la pression; mais il semble
pourtant y avoir quelque chose de mieux défini que
dans d’autres cas, celui, par exemple, des dissolutions
d'oxygène, pour lequel la même loi n'a pu être re-
trouvée.
SOCIÉTÉ ROYALE DE LONDRES
G. H. F. Nuttall : Le nouvel essai biologique
du sang et son importance au point de vue de la
classification zoologique. — Pendant l’année qui
vient de s’écouler, la question des antisérums a fait
l'objet de nombreuses recherches. Dans le Journal of
Hygiene, j'ai décrit les méthodes de préparation et
leur technique, et j'ai donné une littérature complète
du sujet. Je rappelle brièvement la façon dont les
antisérums sont produits : Supposons que nous désirons
obtenir un anti-sérum pour le sang humain; nous
injectons du sang humain dans le péritoine d’un lapin.
Après environ cinq injections, données à des intervalles
de trois jours au plus, le lapin est saigné jusqu’à ce
que mort s'en suive et son sérum sanguin est recueilli.
On trouve que le sérum de ce lapin a acquis la remar-
quable propriété de produire une précipitation immé-
diatement après son introduction en petite quantité
dans une dissolution de sérum sanguin humaiu. Si on
le laisse se reposer, la substance précipitée se dépose
au fond du tube.
Jai maintenant essayé plus de 230 sangs obtenus
d'animaux de toutes les classes des Vertlébrés avec
un antisérum pour le sang humain, et j'ai obtenu
partout des résultats négatifs à la seule exception du
sang des singes. D'une facon analogue, si des lapins
sont traités avec le sang d’un cheval, d'un chien, d'un
bœuf, d'un mouton, ete., les antisérums formés
produisent des précipitations seulement dans les sus
des animaux dont on avait employé le sang pour le
traitement, ou à un degré moindre dans les sangs des
animaux qui sont leurs proches alliés.
On a saisi l'importance de cette épreuve au point
de vue mécico-légal, et on pourra l’employer d’une
facon certaine à la recherche des crimes. Tandis que
Uhlenhuth a prouvé que des taches de sang séchées
peuvent être employées pour cette épreuve, en ayant
soin de les dissoudre, j'ai montré que le sang humain
putréfié depuis deux mois est capable de donner une
réaclion avec son antisérum homologue. J'ai, de plus,
montré que le sang humain peut être découvert dans
une solution où chaque sang se trouve seulement dans
une quantité de 1/500 ou 1/600.
Comme il a été élabli plus haut, les seuls sangs qui
donnent une réaction semblable à celle du sang humain,
ont été les sangs de différentes espèces de singes.
Depuis que mes derviers mémoires ont paru, j'ai eu
l'occasion d'essayer dix-huit sortes de sang de singes.
La réaction obtenue avec du sang de singe diffère seu-
lement par l'intensité de celle obtenue avec celui d’un
sujet humain. Le sang de singe donne une plus faible
réaction que le sang humain avec l’antisérum pour
le sang humain.
Acceptant la classification des Primates donnée par
Flower et Lydekker, nous trouvons qu'ils ont été
classés en deux groupes: les Zemuroidea (Lémuriens)
et Anthropoidea (Hommes et singes). Comme cela a été
établi par les auteurs nommés, l'idée que les Lémuriens
appartiennent aux Primates est tout à. fait tradition-
nelle ; ils pensent qu'ils devraient peut-être être groupés
dans un ordre distinct. Il y a des faits pour et contre
cette idée. Prenant les Anthropoidea, nous les trouvons
divisés en cinq familles : Aapalidæ, Cebidæ (Singes du
Nouveau Monde), Cercopithecidæ, Simiidæ (Singes de
l'Ancien Monde), et Zlominidæ (Homme). D'après
Darwin, les singes de l'Ancien Monde sont en quelque
mesure plus étroitement reliés aux Æominidæ que
ceux du Nouveau Monde. Et c’est un fait frappant,
mis en lumière par les essais que j'ai faits, que les
singes du Nouveau Monde donnent une réaction moins
marquée avec l'antisérum pour le sang humain que
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ACADÉMIES ET SOCIÉTÉS SAVANTES
1091
les singes de l'Ancien Monde. D'un autre côté, l'épreuve
a donné un résultat négatif, quand elle a été appliquée
au sang de deux espèces de Lémuriens (L. xantho-
mystax, L. Ruffrons).
Voici les dix-huit sangs de singes essayés : Hapali-
dés (Hapale pygmaæa, Midas « dipus), Cebidés (My-
cetes seniceulus, Ucaria rubicunda, Cebus A SE
Cercopithécidés (Macacus assamiensis, M. cynomol-
qus, M. rhesus, M. ocreatus, Cercopithecus Campbelli,
C. patas, C. diana, C. Lalandi, C. melogenys, C. calli-
tricha, Semnopithecus entellus), Simidés (le Chim-
panzé, Anthropopithecus troglodytes, et l'Orang-Outang,
Simia salyrus).
Tous ces sangs ont réagi avec l’antisérum pour le
sang humain : les sangs des singes du Nouveau Monde
peu, et les sangs des Hapalidæ le moins de tous.
J'essaie en ce moment d'estimer quantitativement les
différences dans le degré de réaction obtenu.
Quand j'ai fait des expériences avec l'antisérum
pour le sang de chien, les seuls sangs, à part celui du
chien domestique, qui réagirent, re ceux CARRE
Canidae (C. aureus, C. mesome Ja, C. procyonides,
cerdo). D'une facon analogue , ne pour 1e
sang de cheval a donné seulement une réaction avec le
sang du cheval et de l'âne.
Les antisérums pour le sang de bœuf et de mouton
ont donné des réactions, lesquelles indiquent l'exis-
tence d’une « parenté sanguine » entre certains des vrais
Ruminants. Tandis que l’antisérum pour le sang de
bœuf agit puissamment sur le sang d’un bœuf et d'au-
tres membres de la race bovine, il produit aussi des
réactions, mais à un degré moindre, avec les sangs de
plusieurs espèces de la race ovine (mouton et chèvre)
avec le sang de plusieurs espèces de daims, d'antilope
et de gnou. L'antisérum pour le saug de mouton a
donné avec le sang de chèvre une réaction presque
aussi puissante qu'avec le sang de différentes espèces
de mouton; et il a aussi produit des réactions moindres
avec les sangs des autres Ruminantsci-dessus mention-
tionnés. Les expériences précédentes, qui ont élé
exécutées sur une grande échelle, indiquent avec cerli-
tude que nous possédons dans cette épreuve une aide
des plus précieuses pour l'étude de la classification des
animaux. Je m'occupe en ce moment de produire de
l'antisérum pour le sang de singe, un sujet éminem-
ment pratique. Mais, comme dans le cas de l'antisérum
pour le sang de bœuf, qui agit puissamment sur le sang
de bœuf et faiblement sur le sang de mouton, et vice
versa, nous serons capables aû moyen de l'antisérum
pour le sang humain et de l’antisérum pour le sang de
singe de différencier le sang de l’homme et du singe
d'une facon concluante. Ce faitn'aurait guère d° applica-
tion pratique dans ce pays, mais cela peut être un sujet
de grande importance au point de vue médico-légal
dans les pays où il y a des singes. Ainsi j'ai reçu récem-
ment uue lettre de M. E.-H. Hankin, d'Agra, me disant
qu'un cas s'était présenté à lui, dans lequel il appa-
raissait essentiel de faire une épreuve pour déterminer
si certaines taches de saug étaient faites par le sang
humain ou de singe. Dans de tels cas, il serait néces-
saire de préparer un antisérum pour le genre ou l'es-
pèce de singes dominant dans la contrée.
Plus l'antisérum obtenu est puissant, plus grande
est sa sphère d'action sur les sangs des espèces voi-
sines. Par exemple, un faible antisérum pour le sang
humain n'a produit aucuue réaction avec le sang des
Hapalidi, tandis qu'un puissant antisérum produisit
une réaction et prouva ce que Je me permets d'appeler
la « parenté sanguine », à défaut d'une meilleure ex-
pression.
En ce qui concerne l'antisérum pour le sang humain,
je puis dire que je l'ai produit avec succès dans des
lapins, par des injections d’exsudat pleurétique hu-
main conservé dans une bouteille avec du chloroforme,
pendant cinq à six mois.
D'une facon analogue, du vieux sérum antidiphté-
rique de cheval, conservé pendant deux ans et sept
mois dans le laboratoire, au moyen de tricrésol, donna
aussi un antisérum pour le sang de cheval.
L'antisérum produit dans ces cas était plus faible
que celui qui est produit par des injections de sérum
frais. Des dissolutions de ces vieux liquides conservés
ont donné les réactions caractéristiques avec leur anli-
sérum homologue. J'ai aussi trouvé que les antisérums
peuvent ètre conservés pendaut des mois dans du chlo-
roforme, quoiqu'il n’y ait pas de doute qu'ils perdent
de leur force. De l'antisérum qui avait été conservé
pendant plus de sept mois dans des tubes capillaires
scellés avait encore de l'efficacité, quoique moins puis-
sant.
Gràäce à l'amabilité de M. Frank E. Beddard, F.R.S
prosecteur de la Société des Jardins zoologiques, et à
de nombreux amis qui mont généreusement aidé en
m'envoyant des spécimens de sangs des différentes
parties du monde, j'ai peu à peu réuni ensemble un
matériel considérable pour l'étude. Chaque fois qu'il a
été possible, les sérums liquides m'ont été envoyés
conservés dans du chloroforme. Les sérums desséchés,
d'un autre côté, sont envoyés sur des feuilles de papier
à filtrer pur, sur lequel les dates appropriées sont notées
au crayon.
Les résultats de l'investigation montrent la nécessité
qu'il y a à ne pas limiter le travail aux Vertébrés seuls,
et beaucoup de questions naturellement en suggèrent
d’autres, dont la solution peut être obtenue au moyen
d'une épreuve biologique. La supposition semble jus-
tifiée que nous serons capables, par exemple, dans une
date future, de déterminer les différences chimiques
dans le sang des différentes races d'homme. Nous
n'avons plus besoin de nous baser seulement sur les
caractères morphologiques pour différencier les es-
pèces.
SOCIÉTÉ DE PHYSIQUE DE LONDRES
Séance du 22 Novembre 1901.
M. W. Cassie décrit une nouvelle forme de spectros-
cope à bras fixe et à transmission multiple. — Le même
auteur présente ensuite un mémoire sur la mesure du
module d'Young. L'appareil employé consiste en une
aiguille horizontale (un barreau à grand moment d'iner-
lie) supportée par une suspension bifilaire constituée
par le fil dont le module de tension est à déterminer.
On observe les périodes des oscillations de tangage, de
roulis et bifilaires de ce système, et on obtient une
expression pour le module de tension qui ne contient
d'autres mesures que le poids de l'aiguille et les pério-
des d'oscillation. Le dispositif nécessaire et le moyen
d'éliminer les erreurs résiduelles sont décrits pour deux
formes d'appareils. L'une d'elles ne demande qu’une
simple moyenne de mesures statiques; on pend un
petit poids à l'aiguille à des distances mesurées du cen-
tre, on calcule la différence des tensions produites dans
les fils et on observe avec un miroir et une échelle l'in-
clinaison de l'aiguille qui en résulte. — M. P.Chappuis
envoie la seconde partie de son mémoire sur la thermo-
métrie des gaz. MM. Holborn et Day ont publié récem-
ment, dans un travail sur le thermomètre à air, les
résultats d'une nouvelle détermination de la dilatation
de la porcelaine de Berlin entre 0° et 1.000°. L'auteur
avait déjà attiré l'attention sur le fait qu'une |partie de la
divergence trouvée entre les mesures de Callendar et
Griffiths et celles de Harker et lui-même pour le point
de fusion du soufre peut être attribuée à l'indécision
des valeurs admises pour la dilatation de la porcelaine.
L'auteur examine donc comment ces résultats sont
modifiés par l'introduction de la valeur de la dilatation
trouvée par MM. Holborn et Day. Le point d'ébullition‘
du soufre est abaissé de 4459, 2 à 4449, 7, résultat qui
se rapproche beaucoup de celui de Callendar et Griffiths.
M. Chappuis a recalculé d'autre part la différence entre
l'échelle d'azote non corrigée et l'échelle théorique; la
différence entre les valeurs actuelles et celles données
précédemmeut est trop faible pour avoir une importance
1092
ACADÉMIES ET SOCIËÈTÉS SAVANTES
pratique. M. H.-L. Callendar explique sa satisfaction de
voir que l'application de la correction de MM. Holborn
et Day aux résultats de M. Chappuis donne, pour le
point d'ébullition du soufre, une valeur (4449, 7) si pro-
che de celle (4440, 5) qu'il a donnée en 1890 avec M. Grif-
fiths. La concordance est encore plus grande qu'elle ne
le parait, car la différence restante de 2/10 de degré
s'explique par la différence d'échelle des thermomètres
à pression constante et à volume constant, d'après la
théorie de Joule et Thomson. M. Chappuis n’a pas rap-
pelé dans sa note les travaux de Bedford sur la dilata-
lion de la porcelaine de Bayeux. Une comparaison des
résultats montre que ceux de Bedford s'accordent bien
avec ceux d'Holborn et Day de 200 à 600°; mais les deux
diffèrent de ceux de M. Chappuis entre 0° et 80° quand
on fait l’extrapolation; il est possible que la dilatation
de la porcelaine entre 0° et 100° soit anomale.
SOCIÉTÉ DE CHIMIE DE LONDRES
Communications reçues pendant les vacances.
MM. R. Meldola et J.-V. Eyre communiquent de
nouvelles recherches sur la dinitro-0-anisidine. Dans la
diazotation de celle-ci par l'acide nitreux, il suffit d’une
petite quantité de ce dernier pour amorcer la réaction;
le groupe nitré éliminé dans la réaction continue le
processus de la diazotation. — M. J. Mac Crae a pré-
paré le tartrate d’éthyle et d'octyle secondaire, et ses
dérivés diacétylique et dibenzoylique. La rotalion mo-
léculaire est semblable à celle des tartrates diéthy-
liques correspondants. Ce fait vérifie la loi de Guye
d'après laquelle, lorsque la substitution a lieu en un
point suffisamment éloigné du G asymétrique, la rota-
tion varie peu. — M. A. Mac Kenzie à constaté que
l’éthérification de l'acide 3-nitrophtalique ne suit pas
Ja loi de Meyer. Il se forme les éthers acides isomères
« et 8, et dans certains cas l’éther neutre. — MM. F.-G.
Pope et J.-M. Hird ont préparé la 3-nitrotolyl-4-hy-
drazine et un certain nombre de ses dérivés. — M. T.-A.
Henry a déterminé les constituants de la résine de
sandaraque, exsudée par le Callitris quadrivalvis ou
le L. verrucosa. Les deux variétés sont constituées par
un mélange d'acides résineux et de terpènes, sépa-
rables par dietillation à la vapeur. Parmi les terpènes,
on a isolé le d-pinène et un diterpène, bouillant à 265°,
saturé: L'un des acides résineux a la formule C?°H*°0*,
F. 1710, et ressemble à l'acide d-pimarique de Vester-
berg, mais il est inactif. Réduit par HI, il donne un
diterpène, C*H®; par oxydation, il fournit de l'acide
acétique et probablement de l'acide trimellitique. Le
second acide a vraisemblablement la formule C*°H“0° ;
il est.appelé acide callitrolique; chauffé dans le vide,
il se décompose en CO? et un diterpène identique à
celui qui existe dans la résine, — MM. $. Ruhemann
et E. Wragg ont poursuivi l'étude de l’action des phé-
nols sur le chlorofumarate et le phénylpropiolate
d'éthyle. Avec l’eugénol, on obtient l'eugénoxvfumarate
d'éthyle, qui n'a pu être condensé en dérivé de la
pyrone. Avec le #-xylénol, on obtient le m-xylénoxy-
fumarate d’éthyle, dont on peut préparer la 6 : 8-dimé-
thyl-1 : 4-benzopyrone, F. 800-810, et le B-m-xylénoxy-
cinnamate d’éthyle, qui donne le w-xylénoxystyrène.
L'acide crotonique ne peut jouer le rôle des acides fu-
marique ou propiolique pour l'obtention de produits
de condensation cycliques. — MM. J. Walker et J.-S.
Lumsden, en faisant réagir HBr sur l'acide undécylé-
nique, ont obtenu l'acide w-bromoundécylique CH°Br,.
(CH?}. CO'H, F. 51°, — Les mêmes auteurs ont préparé
l'acide normal-décanedicarboxylique par l’électrolyse
de l'acide pimélique. — M. D.-R. Boyd a étudié l’ac-
tion du tri- et du pentachlorure de phosphore sur
l'éther symétrique du diphénylglycérol et certains com-
posés analogues. — MM. A. Harden et S. Rowland
ont étudié l’autofermentation et la liquéfaction de la
levure pressée. L’élévation de la température diminue
le temps nécessaire à la liquéfaction de la levure, et
augmente la quantité de CO? dégagée. De l'alcool se
produit en même temps, et le phénomène apparait
comme une simple fermentation alcoolique du glyco-
gène de la cellule. L'examen microscopique confirme
ces conclusions. En présence d'oxygène, l’autofermen-
tation s'accompagne de phénomènes d’oxydation; la
quantité de CO? et la chaleur dégagées augmentent
notablement. — MM. C.-H. Burgess et D.-L. Chapman
ont examiné les corps décrits par Michaelis et Pitsch,
puis Michaelis et von Arend, comme sous-oxydes de
phosphore, et y ont trouvé une grande quantité d'hy-
drogène. Ils considèrent ces corps comme du phosphore
amorphe rouge souillé de composés hydrogénés. —
MM. G.-T. Beilby et G.-G. Henderson ont étudié
l'action de l’ammoniaque sur le platine, l'or, l'argent,
le cuivre, le fer, le nickel et le cobalt à des tempéra-
tures allant de 400° à 900°. Dans chaque cas, l’effet
physique de ce traitement à été la désintégration com-
plète du métal, et la décomposition d’une grande partie
de AzHS en ses éléments. La cassure du métal devient
spongieuse comme s'il avait été soumis au refroidisse-
ment en état d’eflervescence active. Les auteurs attri-
buent ces effets à la formation et à la dissociation
d'azotures métalliques. — MM. G.-G. Henderson et
R..-H. Corstorphine, en condensant le benzyle avec la
dibenzylcétone en présence de KOH, ont obtenu la té-
traphénylcyclopenténolone, F. 2089. Oxydée avec pré-
caution, elle fournit de l'acide benzoïque et un com-
posé C#H#%0, qui est peut-être l'isobenzyle. Réduite
par HI et le phosphore rouge, elle donne le tétraphé-
nyleyclopenténol, F. 1629. Ce dernier, soumis à une
nouvelle réduction, fournit un mélange de deux hydro-
carbures, C#H* et C*H#, qui sont le 1 : 2: 4:5 -tétra-
phénylcyclopentène (f) et le 1:2:4:5-tétraphényley-
clopentane (IE) :
CSH5.G — G(CSH') CORP. CI. CH (CF)
| CH | HE
CSHS. CH. CH (cts) / CH, CH. CH (C1)
(1) (IT)
— M. W.-H. Hurtley a préparé les douze chlorodi-
bromo- et dichlorobromobenzènes prévus par la théorie.
Les composés asymétriques ont été préparés des ani-
lines dihalogénées en remplaçant un groupe aminé par
le chlore ou le brome, suivant la méthode de Gatter-
mann, ou en éliminant le groupe aminé des anilines
trihalogénées asymétriques. Les composés symétriques
et vicinaux ont été obtenus des anilines trihalogénées
symétriques ou vicinales en éliminant également le
groupe aminé. Tous les trichlorobromobenzènes sont
solides; les vicinaux cristallisent en tables rhombiques,
les symétriques en longs prismes, et les asymétriques
en pelits prismes courts. Tous sont très solubles dans
le benzène, l’éther, le chloroforme, moins dans l'al-
cool.
Séance du 31 Octobre 1901.
M. Armstrong fait une conférence sur le professeur
Fraukland, ancien président de la Société.
Le Directeur-Gérant : Louis OLIVIER.
Paris. — L. MARETHEUXx, imprimeur, 1, rue Cassette.
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7
12° ANNÉE
N° 24
30 DÉCEMBRE 1901
Revue générale:
Dés Sciences
pures el appliquées
DIRECTEUR :
LOUIS OLIVIER, Docteur ès sciences.
Adresser tout ce qui concerne la rédaction à M. L. OLIVIER, 22, rue du Général-Foy, Paris. — La reproduction et la traduction des œuvres et des travaux
publiés dans la Revue sont complètement interdites en France et dans tous les pays étrangers, y compris la Suède, la Norvège et la Hollande.
CHRONIQUE ET CORRESPONDANCE
$ 1. — Astronomie
L’étoile temporaire de Persée. — MM. Flam-
marion et Autoniadi ont fait, à l'Observatoire de Juvisy,
une observalion fort intéressante, qui n’a pas tardé à
susciter une discussion {rès instructive : il s'agit d’une
photographie de la Nova de Persée, obtenue avec la
pose relativement courte de 30%, Or, au lieu de pré-
senter un petit disque lumineux, entouré de rayons et
d'une légère nébulosité, — comme dans le cas ordi-
naire, — l'image offre un aspect sui generis, que l’on
peut comparer à celui d'une lache solaire résullant
d'une courle exposilion : noyau noir, entouré d’une
pénombre de même largeur et très foncée, à contour
net, mais irrégulier, et portant le diamètre apparent de
l’astre à 2! environ. Le fait n'était pas accidentel ; il fut
vérifié; puis, avec une pose de 320", la plaque mit en
évidence une deuxième auréole nébuleuse, laissant voir
à son travers d’autres étoiles, et portant à 6/ le dia-
mètre total de l’image.
Ces circonstances exceptionnelles, propres à la Nova
de Persée, vont puissamment servir à l'histoire de la
transformation des étoiles temporaires — et peut-être
aussi des étoiles variables.
La grandeur visuelle de l'étoile était alors de 6,5 et
bien inférieure à sa grandeur photographique, contrai-
rement à ce qui s'était précédemment présenté; de
même, l’ancienne coloration orangé rougeàtre avait
fait place à une teinte blanc violacé, ce qui importe
vivement au point de vue de la lumière émise, c'est-
à-dire des transformations physiques subies par l’astre.
D'ailleurs, les observations faites à Lick ont montré
que cetle nouvelle étoile nous envoie, depuis quelque
temps, les radiations caractéristiques des nébuleuses
planétaires, ce qui rapproche la Nova des nombreuses
étoiles temporaires qui ont évolué en nébuleuses.
Cependant le contour de cette nébulosité offre la
même forme optique que l’image d'une étoile quel-
conque; sou contour est net, son éclat sensiblement
uniforme, contrairement à la luminosité dégradée et
aux bords indécis d'une nébuleuse ordinaire. De plus,
un choc ou une explosion auraient-ils pu procurer si
rapidement un développement aussi considérable?
Tout cela a conduit MM. Flammarion et Antoniadi à
REVUE GÉNÉRALE DES SCIENCES, 1901,
penser que la nébulosité n’était pas objective, mais que
« l’action actinique de l'étoile temporaire de Persée
sur la couche sensible était tout à fait différente de
celle des autres étoiles. » Cette observation doit être
rapprochée de celle qu'avait déjà faite M. Ellis, de
Greenwich : cet astronome avait remarqué que l’image
de la Nova de Persée était moins nette que celle des
autres étoiles.
Ainsi, si cetastre présente des radiations lumineuses
différentes de celles des étoiles normales, peut-être
d'une plus grande réfrangibilité, il faudra rechercher
la cause de cette singularité dans l'objectif lui-même,
non corrigé par les radiations particulières à la Nova.
Les expériences furent immédiatement reprises à
Heidelberg par le Dr Max Wolf, en variant les condi-
tions de pose, en obturant l'objectif par une demi-lune,
ce qui conduisit à une nébulosité semi-cireulaire, etc.;
le phénomène fut bien vérifié et, puisque aucune autre
étoile, même des plus brillantes, ne possède cette au-
réole, il parait évident à l’auteur que la Nova doit
rayonner une lumière particulièrement intense, une
sorte de lumière d'une nature spéciale, pour laquelle
l'objectif n’est pas corrigé, et pour laquelle le cercle de
dispersion possède effectivement un diamètre d’en-
viron 6’.
Et, en effet, l'œil est surtout impressionnable par
le bleu, l'indigo et le violet, et, en même temps, la
plaque au bromure d'argent a son maximum de sen-
sibilité pour ces radiations; de plus, les radiations
ultra-violettes sont fort atténuées par l'absorption
‘: atmosphérique, de sorte que les objectils se trouvent suf-
fisamment achromatisés. Mais il s’en faut, par exëmple
pour l’étincelle électrique et quelques métaux, que
certains objets n'émettent pas des radiations fort dif-
férentes, et c'est presque toujours dans le violet que
sont les radiations les plus intenses. Dans ces condi-
tions, le foyer violet, ou ultra-violet, peut se trouver
fort en arrière de la plaque el, y déterminer une trace
circulaire; il serait alors préférable d'opérer avec un
miroir, et non un objectif, encore que l'argent ait le
grand défaut de devenir transparent pour les radia-
tions ultra-violettes. M. Cornu préconise cette expé-
rience : elle fut réalisée par Roberts, qui montre que
les réflecteurs ne fournissent pas l’auréole singulière,
24
1094!
CHRONIQUE ET CORRESPONDANCE
Au reste, cette nouvelle étoile de Persée paraît net-
tement se transformer en nébuleuse : Mue Fleming
put établir à ce sujet d’intéressantes comparaisons.
M. Deslandres est le premier qui ait observé dans son
spectre la raie verte caractéristique des nébuleuses.
Ainsi, l’'auréole n'est pas dépendante de l'étoile; elle
correspond à une radiation ultra-violette intense,
comme cela résulte bien encore des travaux de Wolf
et de Gothard. Ce dernier observateur à également trou-
vé, dans le spectre de la Nova, une raie ultra-violette,
commune chez les nébuleuses.
La question n'est pas définitivement élucidée, et,
cependant, l'observation de MM. Flammarion et Anto-
niadi a, du moins, prouvé que cette étoile est tout excep-
tionnelle, et, puisqu'elle est en état de rapide transfor-
malion, l'étude continue et soigneuse de l’astre ne sau-
rait être que du plus haut intérêt pour la cosmogonie
ou la constitution stellaire. À
Observation des étoiles filantes. — La So-
ciété Astronomique de France a entrepris, depuis long-
temps, l'observation systématique des étoiles filantes
et ne cesse d'accumuler des documents à cet égard; il
est juste de dire que, en dehors de tous les membres
actifs de la Société, l'Observatoire de Juvisy a pris une
part active dans ce programme : les principaux obser-
vateurs sont, dernièrement, MM. Antoniadi, Blum,
Senouque, Touchet et Chrétien.
Ayant relevé cette année un grand nombre d’obser-
vations, il fallait déterminer les pôles des trajectoires,
calcul assez long au point de vue rigoureux, mais que
l'on peut réaliser d’une manière suflisante par un pro-
cédé graphique; après quoi, il faut grouper ces pôles
sur un ou plusieurs grands cercles dont les pôles seront
précisément les radiants ou anti-radiants des météores.
M. Tarry a pu signaler de la sorte un nouveau radiant
dans Cassiopée; et un radiant peu actif a été relevé
dans Pégase.
Des observations furent faites simultanément à Juvisy
et à la Croix-de-Berny; 16 % des météores observés
purent être sûrement identiliés et, de cette facon, on
pouvait déterminer les coordonnées, les hauteurs des
points d'apparition et de disparition, ainsi que la lon-
gueur des trajectoires. Les résultats sont assez intéres-
sants, sans sortir cependant des données déjà connues :
les hauteurs de disparilion sont inférieures aux hau-
teurs d'apparition. Cependant, quelques-uns des résul-
tats sont assez singuliers: un météore est apparu à
15 kilomètres de hauteur, pour disparaitre à 13 kilo-
mètres, après une trajectoire très courte; cette hauteur
d'apparition est très faible, beaucoup plus que d'habi-
{ude el, en outre, ce météore fut véritablement très
éphémère. Celui qui apparut le plus haut était à 119 ki-
Jomètres, hauteur fréquente. Enfin, l'un d'eux eut une
fort belle trajectoire de 84 kilomètres : il apparut à
75 kilomètres de hauteur, pour disparaître à 14 kilo-
mètres, C’est là une chute considérable sur la Terre.
Il n'y à qu'à souhaiter que l’on continue d'une ma-
nière systématique des observations intéressantes, qui
doivent être très nombreuses pour porter des fruits
réels, — et en féliciter l'initiative privée.
$ 2. — Physique
La loi de la distribution régulière des élé-
ments magnétiques en France. — Depuis plu-
sieurs années, M. E. Mathias, professeur de Physique à
la Faculté des Sciences de Toulouse, s'est livré à une
étude détaillée de la distribution du magnétisme dans
la région toulousaine, et il est arrivé, par l'examen de
nombreuses observations, à l’intéressant résultat que
voici : Les différences entre les éléments magnétiques
(composante horizontale, déclinaison, inclinaison) d'un
endroit X de la région de Toulouse et les éléments
correspondants déterminés à l'Observatoire de Toulouse
sont exclusivement fonction des différences de longi-
tude et de latitude géographiques de l'endroit X et de
l'Observatoire de Toulouse. Si l’on désigne par (A long.)
et (A lat.) ces différences, la différence (X-Toulouse)
sera-représentée par une relation de la forme :
x(A long.) +y(A lat.),
x et y élant des constantes numériques convenables.
Ce résultat, déjà si important, a été généralisé encore
par M. Mathias, qui a reconnu, tout au moins en ce qui
concerne la composante horizontale dn magnétisme,
que la formule linéaire valable pour la région toulou-
saine s'applique à toute la France et permet de retrou-
ver, avec des différences inférieures aux erreurs d'ob-
servation, la plupart des nombres que M. Moureaux a
donnés dans son « Réseau magnétiqne de la France
au 1 janvier 1896 » (les anomalies exceptées, bien
entendu).
Pour les deux autres éléments, M. Mathias a été
moins heureux, en ce sens que les formules linéaires de
la région toulousaine ont dû être remplacées par des
formules du second degré à cinq ou six termes, de la
forme :
x + y(Along.) + z(Alat.) + u(Along.}
+ v(Along.)(A lat.) — L(A lat.)*.
Toutefois, les formules ainsi obtenues sont valables
non seulement pour toute la France continentale, mais
aussi pour la Corse.
Déviation magnétique provoquée par les
rayons €cathodiques. — Dans l'étude magistrale
qu'il vient de consacrer aux proslèmes que soulèvent
les expériences de M. Crémieu, rapprochées du résultat
classique de Rowland, M. Poincaré‘ a fait une rapide
allusion aux actions magnétiques que peuvent exercer
les rayons cathodiques. Ces actions avaient été niées
par Hertz, qui avait exploré, à l’aide d’une aiguille sus-
pendue à uv fil, le champ maguétique au-dessus d’un
tube plat, à l’intérieur duquel le courant pouvait être
dirigé entre des électrodes diversement placées. IL
trouva ainsi que le champ est tel qu'on peut le déduire
de la position respective des électrodes, et que les
rayons cathodiques rectilignes sont sans action appré-
ciable.
Jusqu'à ces derniers temps, et tout en admettant la
théorie fondée sur l'expérience de Rowland, on avait
cherché à expliquer, comme un pis-aller, le résultat
négalf de Hertz par le peu d'intensité du champ pro-
duit par les rayons. 5 ,
L'expérience vient d'être reprise par M. de Geitler,
qui, pour soustraire l'aiguille à l'action compensatrice
de l’afflux cathodique, c'est-à-dire du courant de retour
partant des points frappés par les rayons, a eu l'heu-
reuse idée de la placer à l'intérieur du flux cathodique
lui-mème. Un tube de Crookes, de 60 centimètres de
longueur et de # centimètres de diamètre, est muni, à
chaque extrémité, d'une électrode plane, perpendicu-
laire à l'axe du tube, et de deux petites électrodes sou-
dées dans des tubulures latérales. L'aimant, de 11 mil-
limètres de longueur, est suspendu à un tube vertical,
en laiton mastiqué au tube de Crookes, supprimant les
actions électrostatiques, et susceptible d’être déplacé
de manière à amener l'aiguille à des distances diverses
de son axe.
Les expériences ont été faites en prenant comme
cathode l’une des électrodes planes des extrémités, et,
comme anode, soit l’autre électrode plane, soit les fils
voisins de la cathode. Dans toutes les expériences pour
lesquelles on avait placé l'aiguille à une faible distance
de l'axe, elle éprouvait une déviation bien nette, dans
le sens indiqué par la théorie de Grookes, el d'un ordre
de grandeur comparable à ce qu'aurait donné un cou-
rant équivalent au flux total d'électricité parcourant le
tube. Lorsque, au contraire, l'aiguille était éloignée de
1 I. Porncané : À propos des expériences de M. Crémieu.
Revue générale des Sciences du 30 novembre 1901, t. XI,
pages 994 et suivantes.
dt né
CHRONIQUE ET CORRESPONDANCE
1095
l'axe, l'effet s’atténuait de plus en plus, pour s'annuler
quand elle se trouvait complètement en dehors de
l'afflux cathodique.
Cette expérience semble donc démontrer la réci-
procité de l’acliôn du champ magnétique et des rayons
cathodiques, et fait disparaître définitivement la con-
tradiction que l'expérience de Hertz avait laissée en
quelque sorte inexplicable.
Propriétés électriques des alliages de
cuivre et de cobalt. — Le nickel et le cobalt pré-
sentent de si parfaites analogies chimiques qu'il est par-
ticulièrement intéressant d'examiner comparativement
leurs propriétés physiques, soit à l’état isolé; soit en
combinaison avec d'autres métaux.
On connait bien, et on utilise, depuis quelques années,
les propriétés singulières des alliages de nickel et de
cuivre dont la résistivité électrique passe, vers 40 % de
nickel, par un maximum élevé, avec un coefficient de
variation sensiblement nul.
M. Reichardt vient de rechercher si les alliages de
cuivre et de cobalt suivent des lois analogues. Ces
alliages, d'une préparation difficile, étaient, pour la plu-
part, durs et cassants, surtout dans les hautes teneurs
en cobalt. Ces derniers montraient, même, à l'œil nu,
des grains séparés, rouges ou gris, témoignant du peu
d'homogénéité de l'alliage. Ils présentaient aussi de
nombreuses fissures, eL il fut impossible de les étirer à
la filière. Les alliages pauvres en cobalt étaient plus
homogènes, et susceptibles, bien qu'avec beaucoup de
peine, d’être mis sous la forme de fils.
Partant du cuivre, la courbe de la résistivité monte
d'abord très rapidement, atteignant le sextuple de
l'ordonnée au départ, pour une teneur de 3 % en co-
balt; puis, l'ascension se produit plus lentement, avec
une inflexion vers 40 %, et une brusque montée après
80 %, le point extrême, correspondant au cobalt pur,
étant atteint par une courbe descendante. Il ne faut
pas oublier, toutefois, que les défauts d'homogénéité,
des fissures et les piqures de l'alliage ont pu augmenter
considérablement les résistivités trouvées.
Le coelficient de variation baisse rapidement, pour
atteindre 0,00077 à 3 % de cobalt, puis monte lente-
ment jusque vers 90 %, où il est égal à 0,00167; enfin,
s'élève brusquement au coefficient du cobalt.
Le pouvoir thermo-électrique en connexion avec le
caivre s'élève {rès rapidement pour les plus faibles
traces de cobalt, et passe, vers 3 %, par un maximum
égal à 32 microvolts environ par degré, c’est-à-dire de
1/5 environ au-dessous du constantan, très employé
Alepuis quelques années comme l’un des éléments des
couples lhermo-électriques. Comme cet alliage est
beaucoup moins résistant et-plus réfractaire que le
constantan, il pourrait sans doute rendre quelques ser-
vices dans l'emploi des couples pour la mesuré des
températures, ou pour la production du courant élec-
trique.
$ 3 — Métallurgie
Fondation Andrew Carnegie. — M. Andrew
Carnegie, l’éminent vice-président de l’/ron and Steel
Institute, vient de faire don à cette Société des fonds
nécessaires pour que, tous les ans, son Conseil puisse
distribuer une ou plusieurs bourses en vue de perfec-
tionner la métallurgie du fer et de l'acier.
Les candidats sont admis sans aucune distinction
soit de sexe, soit de nationalité. Ils devront être âgés de
Moins de trente-cing ans; leur demande devra être
adressée, sur bulletin spécial, au Secrétaire de l'Institut,
avant la fin du mois de mars 1902.
Le but de ces bourses est de permettre aux étudiants
squi ont lerminé les études préparatoires ou qui ont fait
un stage dans des élablissements industriels, de se
livrer à des recherches sur la métallurgie du fer et de
V'acier et sujets s’y rapportant, en vue d'aider au pro-
grès de celte métallurgie et à l'application industrielle
qu'il comporte. Il n’est apporté aucune restriction en ce
qui concerne l'établissement où les recherches se pour-
suivront : université, école ou usine, pourvu que cet
établissement soit organisé et outillé de facon à per-
mettre les recherches métallurgiques.
La bourse sera attribuée pour une année; mais le
Conseil pourra, à sa discrétion, la renouveler s'il le juge
bon, au lieu d'en faire une attribution nouvelle, Le
résultat des recherches sera communiqué, sous forme
de Mémoire, à l’/ron and Steel Institute et sera sou-
mis à l’Assemblée générale annuelle des membres. Dans
le cas où le Conseil jugerait que le Mémoire est d’un
mérite suffisant, la médaille d’or Andrew Carnegie sera
attribuée à l’auteur. La médaille ne sera pas décernée
si, dans une année quelconque, le Mémoire n’en justifie
pas l'attribution.
$ 4. — Chimie
Altération des métaux Sous Finfluence des
gaz. — MM. Beilby et Henderson, désireux, dans un
but industriel, de faire passer du gaz ammoniac dans
des tubes métalliques portés au rouge, furent fort gènés
par la désagrégation bien connue que subit le métal,
qui devient friable et fragile au point que le tube n'est
plus capable de supporter son propre poids. ls furent
amenés à étudier de près cette action, et, dans une
communication qu'ils viennent de faire à la Sociélé Chi-
mique de Londres!, ils mettent au point une théorie du
phénomène, déja fort ancienne puisque Ampère en
indiqua le principe, mais qui acquiert un intérêt tout
spécial à celte époque où les phénomènes de catalyse
et les actions de contact préoccupent un grand nombre
de chimistes.
Rappelons d'abord les faits : un métal, soumis à l’ac-
tion d’un rapide courant de gaz ammoniac dans un tube
de porcelaine vernissée chauffé à une température infé-
rieure au point de fusion du métal, subit les modifica-
tions suivantes : son volume s'accroît, sa texture de-
vient sponsieuse, poreuse, semblable à celle d’un corps
fondu dont la masse à été traversée par de nombreuses
bulles de gaz. L'aspect même de la masse iudique sans
ambiguité qu'elle a passé par l'état liquide, ou, au
moins, par un état de semi-fluidité; en effet, au micros-
cope, le métal semble formé de particules grossière-
ment sphéroïdales, et des fils de métaux différents, sou-
mis ensemble à l'expérience, sont retrouvés soudés.
Quant au gaz ammouiac, qui supporte, cependant, sans
décomposition la température de 850°, il est toujours
décomposé en présence des métaux, quoique la tempé-
rature varie entre 400° et S00 : le gaz sortant est à peu
près formé de { volume d'azote pour 3 volumes d'hy-
drogène. Malgré cette composition, il est bien certain,
d'après l'aspect ci-dessus décrit, qu'il a dù se former une
combinaison chimique plus fusible que le méial Jui-
même,
MM. Beilby et Henderson, répétant une expérience
déjà faite en 1829 par Despretz?, ont pu, en effet, éta-
blir que, dans des circonstances convenables, le gaz
ammoniac donne avec le métal un azoture : la transfor-
malion du métal en azoture n’est à peu près complète
que pour le fer, qui devient l’azoture FetAz2, etencore ce
composé ne se produit-il que dans des conditions assez
limitées : il faut, avant tout, un très grand excès d’am-
moniac, et, de plus, une température favorable, variable
avec l’état d'agrégation du métal*. Cet azoture est très
facilement décomposé dans un courant d'hydrogène, ce
‘ Journ. Chem. Soc., t. LXXIX, p. 1245; Nov. 1902.
2? Ann. Chim. Phys., (2),t. XLIL, p 122.
3 Despretz, qui indique aussi (/oc. cit.) la formation d'un
azoture, ne se placait vraisemblablement pas dans les meil-
leures conditions pour avoir une transformation complète,
puisqu'il trouve que le poids du fer augmente en moyenne
de 7,7 °/,, alors que MM. Beiïlby et Henderson ont trouvé
10,59 0/, et que la formule Fe*A* correspond à 11,13 0/4.
Il estcurieux de rappeler que, dans ce Mémoire, Despretz
se demande si l'azote et l'hydrogène ne sont pas des come
posés oxygénés !
1096
qui explique la nécessité de ïexcès d’ammoniac,
Si, pour d’autres métaux que le fer (cobalt, nickel,
cuivre, argent, or, platine, aluminium, laiton...), on n'a
constaté qu'une formalion incomplète ou même nulle
d'azoture!, il est permis de supposer qu'on a opéré hors
des conditions de stabilité d’un tel composé. En tout
cas, on à toujours observé la désagrégation du métal,
que les auteurs, se basant sur les faits expérimentaux
précédents, expliquent de Ja manière suivante :
L'ammoniac attaque la surface du métal en donnant
un azoture, stable à cause de la présence de gaz ammo-
niac, en excès par rapport à l'hydrogène résultant de
la décomposition; cet azoture, fusible, pénètre dans le
métal, et l'attaque tend à se faire dans une région
moins superficielle, où l'ammoniac est plus rare, et
l'hydrogène plus abondant, si bien qu'à une certaine
profondeur l'azoture sera décomposé aussitôt que
formé. Les gaz résultant de la décomposition se déga-
gent à travérs l'azoture fluide et produisent la texture
bulleuse ci-dessus décrite.
Sans vouloir établir un lien entre deux études net-
tement différentes, on ne peut s'empêcher de songer,
à propos de ces expériences et de cette théorie, aux
Mémoires que M. Berthelot a publiés récemment* sur
les origines de la combinaison chimique. Ce savant a
constaté qu’en chauffant en tube scellé de l'argent avec
de l'oxygène, on obtient une petite quantité d'oxyde
d'argent, variable avec la température, mais toujours
faible, tandis que le métal est remarquablement mo-
difié: sa surface prend un aspect filamenteux, « lanu-
gineux », qui dénote une profonde désagrégation.
Pour expliquer ce phénomène, M. Berthelot fait inter-
venir la formation et la décomposition ultérieure de
l'oxyde d'argent; mais, de plus, rappelant que, dans
l'expérience célèbre qui montre que le sulfure de car-
bone se forme et se décompose dans les mêmes condi-
tions de température, le carbone régénéré est du gra-
phite, alors qu'on est parti du carbone amorphe, ilpense
que cetaspect particulier de l'argent est celui d'unevariété
allotropique de ce métal, et il appuie cette opinion sur
des mesures thermochimiques. Peut-être pourrait-on
étendre cette hypothèse au cas qui nous occupe, et
peut-être serait-elle particulièrement facile à contrôler
par l’expérience.
Quoi qu'il en soit, l'importance des « équilibres mo-
biles » dans l'explication des réactions croît de jour en
jour. Les expériences que nous venons de rapporter
s'expliquent, comme tant d’autres, par la formation, en
un point, d'un produit qui se décompose en un point
voisin, sous l'influence de variations locales très faibles :
variations de température, dans bien des cas; variations
de concentration en hydrogène, dans le cas étudié par
MM. Beilby et Henderson.
Ajoutons, pour terminer, que ces chimistes ont l’in-
tention d'étendre leurs recherches à l’action des diffé-
rents gaz sur les métaux, et espèrent étudier les ques-
tions de l’occlusion des gaz par les métaux, et de la
perméabilité des métaux pour les gaz.
Quelques propriétés curieuses de l’anhy-
dride sulfurique. — L'anhydride sulfurique est
un corps relativement commun dans nos laboratoires,
et cependant, bien qu'il ait fait l’objet de nombreuses
recherches depuis cinquante ans, les savants sont loin
d'être d'accord sur l'explication de ses propriétés.
On sait que l'anhydride sulfurique existe sous
deux modifications. La plus ordinaire, celle qui se
trouve dans le commerce, consiste en une masse solide
de petites aiguilles blanches ramiliées, à l'aspect
soyeux, ressemblant à de l'amiante. L'autre est cons-
tituée par de gros prismes brillants et (transparents,
qui se séparent par refroidissement du liquide quel’on
? Ce qui n'empêche pas la décomposition notable de l'am-
moniac, toujours en proportion beaucoup plus grande que
ce qui serait nécessité par la formation de l'azoture.
* Ann, Chim. Phys., (1), t. XXIL; Mars 1901.
CHRONIQUE ET CORRESPONDANCE
| obtient par la distillation de l’anhydride dans certaines
conditions.
Les propriétés de ces deux modificalions diffèrent
considérablement. Tandis que la dernière fond déjà à la
température des laboratoires (à 18° d’£près Marignac!,
à 16° d’après Schultz-Sellack ?, à 14°,8 d’après R. We-
ber ?), la forme amiantique ne possède pas de point
de fusion propre ; par échauffement, elle passe direc-
tement à l'état gazeux. R. Weber a observé que des
traces d'humidité favorisent la formation de la modifi-
cation fibreuse, tandis qu'en l’absence absolument com-
plète d’eau il a pu conserver sans modification, depuis
une dizaine d'années, dans des tubes scellés, la forme
liquide à ‘la température ordinaire. Weber suppose donc
que la forme amiantique est une combinaison hydratée
de l’anhydride, opinion qui est couramment admise.
Marignac, cependant, a constaté la transformation de
la forme liquide en forme fibreuse dans des condilions
où il est impossible que l'humidité intervienne, ce qui
lui fait considérer l'opinion de Weber comme « repo-
sant sur une pure hypothèse * ».
Schultz-Sellack a comparé le phénomène à Ja trans-
formation de l'acide cyanhydrique en acide cyanurique ;
pour lui, la forme fibreuse est une modification poly-
mère de la forme liquide. Marignac croyait äe même à
\ l'existence d’une isomérie, et W. Ostwald® à celle d'une
dimorphie. On voit que les opinions des chimistes
diffèrent beaucoup, et qu'il y avait matière à de nou-
velles recherches sur une question aussi controversée.
M. R. Schenck les a entreprises récemment à l'Uni-
versité de Marburg, et, en même temps qu'il a misen
lumière des propriétés extrêmement curieuses de l’anhy-
dride sulfurique, il a apporté, à la solution du pro-
blème de sa constitution, des faits qui paraissent déci-
sifs®.
La forme liquide de l’anhydride sulfurique possède
une propriété intéressante, déjà signalée par Buff?,
puis par Schultz-Sellack : c'est la grandeur anormale
de son coefficient de dilatation, égal à environ les deux
tiers de celui des gaz, fait excessivement rare parmi les
liquides. M. R. Schenck l'a déterminé à nouveau pour
divers intervalles de température, et il a obtenu les
résultats suivants :
INTERVALLE COEFFICIENT
de température de dilatation
EM EM ENTER PENSION re 0,0023 (!)
SH0 ROIS RCE ñ 0,0030
GO PANCETRD ES PAR NC EE 0,0031
180 SUD OR TEE de 0,0028
800,3 100°,0. ATOUT 0,0028
Des coefficients de cet ordre n’ont été observés que
pour les gaz condensés, et aux environs du point eri-
tique. Or, le poiut critique de l’anhydride sulfurique,
déterminé par M. Schenck, est à 2169, c'est-à-dire à une
température bien supérieure à celle des détermina-
tions précédentes.
Une autre caractéristique de la dilatation de l’anhy-
dride sulfurique est la suivante : chez les liquides, on
observe généralement un accroissement du coefficient
de dilatation avec la température; or, ici ce coeflicient
présente un maximum entre 35° et 78, puis il diminue
jusqu'à 1009. Au-dessus de 1009, il augmente de nou-
veau, et la dilatation arrive à dépasser de beaucoup
celle des gaz aux environs du point critique; mais des
mesures exactes n'ont pu être faites, le dilatomètre
n'étant pas construit pour les hautes pressions atteintes.
Une autre particularité de l'anhydride sulfurique,
LINE SARA UE EPST EUR TRIO ARE ES
1 Arch. des Sc. phys. et nat., t. LIT, p. 256.
2 Poggendorffs Ann., t. CXXXIX, p. 480; Ber., t. I;
». 215.
Poggendorffs Ann.,t. CUIX, p. 315.
Arch. des Se. phys. et nat., t. LNIII, p. 228.
Grundlinien der anorg. Chemie, p. 292
sn a > ©
Annalen der Chemie, t. COCXVI, p.
Le
Annalen der Chemie, suppl, t. LV, p. 151.
CHRONIQUE ET CORRESPONDANCE
1097
VU UV | | |ÎUÎVÎ V ———"—]—"”"”"———”—…—…"—”…"”"”"”"”"”"”"”"…”…"…"…"…"…"…."’."….…"….….….….-.….….-
c’est qu’il présente, aux environs de 35°, des actions
thermiques retardées. Les déterminalions précédentes
ont été faites généralement à température descen-
dante; le dilatomètre était porté d'un bain plus chaud
dans un bain plus froid. A 78et à 60°, l'équilibre est
vite atteint; au bout de vingt à vingt-cinq minutes, le
volume ne varie plus. Mais à 35°, au bout de deux
heures, la contraction n'est pas encore terminée. Evi-
demment, on ne se trouve plus là en présence d'un phé-
nomène purement thermique. Dans le liquide refroidi,
ii se passe un phénomène chimique produisant une
diminution de volume.
Mais, ce qu'il y a de plus remarquable, c’est que la
vitesse de cette réaction est considérablement aug-
mentée par l'addition de traces d'acide sulfurique con-
centré. Voici quelques chiffres, qui montrent le temps
nécessaire pour oblenir une contraction donnée en
l'absence et en présence de l'acide sulfurique :
GRANDEUR
de la contraction
SANS AVEC
addition d'acide sulfurique
0,035 em* en 11 minutes. 6 minutes.
0,048 cm en 23 — 9 -—
0,058 cm? en 53 = 11 —
C'est là un exemple de réaction catalytique pure,
comparable à la transformation du phosphore blanc en
phosphore rouge à basse température sous l'influence
de petites quantités d'iode. Il semble donc bien que
nous sommes en présence d'une polymérisation. Pour
élucider la question, M. R. Schenck a procédé à des
déterminations de poids moléculaire en utilisant la
méthode de Ramsay et Shields, basée sur la valeur du
coefficient de température de l'énergie superficielle
moléculaire. On sait que ce coefficient À a une valeur
d'environ 2,12 pour les liquides à molécules simples,
et quil diminue proportionnellement à la polyméri-
sation. Voici la valeur de ce coefficient pour l'anby-
dride sulfurique liquide :
INTERVALLES
de température ke
HP OT ANS 008 D. Dirt eue ta te l;a0
SAT GER ROMA PAR EE
GOLF EE eo LPO RCE 1,86
TAC AIS CRE ARE ES 2,30
On voit qu'aux basses températures, il existe une
polymérisation appréciable ; le nombre des molécules
polymères diminue avec la température, et, vers 78°,
le liquide ne renferme plus que des molécules simples.
Ces faits permettent à M. Schenck d'expliquer aiusi
la facon dont se comporte l'anhydride sulfurique
liquide. Dans ce dernier, on se trouve en présence
d’un, équilibre entre des molécules simples et poly-
mères, équilibre dépendant de la température. Le
passage d'un état à l’autre est accompagné d'une
modification de volume. Aux hautes températures, la
vitesse de transformation est rapide; aux basses tem-
pératures, elle devient très faible, et l'équilibre peut
mettre un temps considérable à s'établir, ce qui ex-
plique les actions thermiques prolongées. L'addition
d'acide sulfurique augmente la vitesse de transforma-
tion et permet l'établissement d'un équilibre assez
rapide aux basses températures.
On peut aussi considérer l'anhydride sulfurique liquide
comme une solution de la forme polymère dans la
forme simple. Suivant que la concentration de la pre-
mière sera plus ou moins grande que sa solubilité, la
substance polymère se déposera ou entrera en solution.
La limite entre ces deux phénomènes est située entre
250 et 27°. M Schenck admet que la forme solide poly-
mère est dentique avec la modification fibreuse ordi-
naire de l'anhydride sulfurique. La forme cristallisée
prismatique transparente, fondant à 149,8, est l'anhy-
dride solide non polymérisé".
1 M. R. Schenck ne donne aucune indication, dans son
En ce qui concerne l’anhydride liquide préparé par
R. Weber, qui est conservé depuis de nombreuses
années, et donne toujours, par refroidissement, la [orme
prismatique, et non la forme fibreuse, il faut se rap-
peler que, d'après l'auteur lui-même, les moindres
traces de catalysateur ont été soigneusement éloignées.
La vitesse de transformation de la forme simple dans
la forme polymère est donc excessivement faible aux
basses températures et le liquide contient fort peu de
cette dernière. Il n’en est donc jamais saturé, quel que
soit l'abaissement de température, et le refroidisse-
ment provoque toujours la cristallisation du solvant
sous la forme prismatique, dé même qu'une solution
saline donne toujours de la glace pure.
$ 5. — Botanique
Influence nocive de traces de cuivre sur
la germination des graines. — Les botanistes
physiologistes ont obtenu des résultats discordants en
cherchant à faire germer les graines dans l'eau distil-
lée : tantôt le développement s'est fait dans l’eau dis-
tillée comme dans l'eau de fontaine (contenant des
sels en dissolution), tantôt le développement a été re-
tardé et rapidement arrèlé, sinon totalement supprimé
par l’eau distillée. M. J. Bæœhm avait conclu de ses re-
cherches sur ce sujet que les graines ne germent pas
dans l’eau distillée parce que celle-ci manque d'un
élément, indispensable à leur développement, repré-
senté, d’après 1e botaniste viennois, par les composés
calciques.
MM. Dehérain et Demoussy, dans une Note fort inté-
ressante qu'ils viennent de publier dans les Annales
Agronomiques, démontrent l'inexactitude des conclu-
sions de Bæhm et donnent l'explication des divergences
d'opinion des divers auteurs.
En cherchant à faire germer des graines de lupia
blanc ou jaune dans l’eau distillée dont ils disposaient,
ils ont vu que le développement de la plantule est très
rapidement arrêté, et que les racines, notamment, ne
sy forment pas sensiblement, Ils distillent alors leur
eau distillée dans un appareil de verre, et recueillent
le premier tiers, puis le second tiers, qui passent à la
distillation, puis le troisième tiers non dislillé res-
tant dans la coinue. En déposant à la surface de
l'eau de ces trois fraclions des graines de lupin, ils
ont vu le développement se faire normalement à la
surface de l'eau des deux premiers tiers, mais non à
la surface de l’eau restée dans la cornue. L'arrêt de
développement dans l’eau distillée primitive tient donc
à la présence dans cetle eau d’une substance toxique
pour la plante, et non à l'absence dans l’eau distillée
d'un élément indispensable.
L'analyse chimique ne permet pas de déterminer la
nature de cette substance; mais, comme l'eau distillée
dont disposaient MM. Dehérain el Demoussy avait
été préparée au moyen d'un appareil en cuivre, ces
botanistes ont recherché si l'arrèt de développement
ne devait pas être rapporté à la présence de traces de
cuivre dans l’eau distillée. À cet effet, ils placent pen-
dant quelques jours de l’eau distillée dans des vases
de verre, d'argent, de plomb et de cuivre, puis intro-
duisent ces eaux dans les tubes à germination et dépo-
Mémoire, sur la formule possible de l'anhydride polymérisé.
M. G. Oddo, dans une Note publiée postérieurement dans la
Gazzetta chimica italiana, t. XXXI, [nu], p. 158 et suiv.,
apporte une contribution nouvelle à ce sujet. Il a, déterminé
le poids moléculaire des deux formes solides, cel'e qui cris-
tallise en prismes transparents, et celle qui existe sous
forme d'aiguilles soyeuses, par la méthode cryoscopique,
en prenant comme dissolvant l’oxychlorure de phosphore.
Pour la premiére, il a obtenu des valeurs variant entre 75,4
et 18,1, qui correspondent à la formule simple SO*, Pour la
secorde, il a obtenu des valeurs variant entre 157,5 et
170,05, qui correspondent à une formule double S*0f, La
forme fibreuse est donc une forme dimèére ; M. Oddo lui
donne le nom d'anhydride disulfurique.
1098
CHRONIQUE ET CORRESPONDANCE
sent les graines de lupin à la surface. Les plantules se
développent partout, excepté dans l'eau qui a été en
contact avec le cuivre. MM. Dehérain et Demoussy es-
timent que la quantité de cuivre contenue dans cette
eau est certainement inférieure à un dix-millionième.
Si l’on ajoute à cette eau cuivreuse des composés cal-
ciques, si surtout on dépose du carbonate de chaux à
la surface des radicules d’une petite plante en voie de
développement, on annihile l'effet toxique du cuivre.
Ainsi s'expliquent les résulta s de J. Bæhm : ce bota-
niste, pour éviter la présence, dans son eau distillée, de
traces de chaux pouvant provenir du verre des réci-
pients, conservait son eau distillée dans un vase de
cuivre argenté.
Il convient de rapprocher les faits intéressants que
nous venons de signaler des observations de Nægeli,
qui a montré que les spyrogyres périssent dans l’eau
où a séjourné une pièce d'or, et cela par le cuivre de
l'alliage des monvaies, car les spyrogyres vivent dans
une eau où a séjourné de l'or pur; et, surtout, des
observations classiques de Raulin, qui à montré que
l'Aspergillus niger ne se développe pas dans le liquide
de Raulin contenu dans les vases d'argent.
On ne saurait trop signaler ces faits, qui montrent la
sensibilité infiniment grande des réactifs biologiques;
surtout à une époque où tant d’études se poursuivent
sur les diastases et les toxines, infiniment petits pro-
duisant des actions infiniment grandes. M. A.
8 6. — Littérature scientifique
A propos de l'apparition de quelques pé-
riodiques nouveaux. — Il vient de se fonder suc-
cessivement, dans l’espace de trois mois, trois nouveaux
périodiques consacrés à la publication de travaux dans
l'ordre des sciences anatomiques (Anatomie, Histolo-
gie, Embryologie). Ces trois périodiques s'appellent :
4° Petrus Camper (journal anatomique hollandais);
20 The American Journal of Anatomy ;
3 Archivio italiano de Anatomia e di Embriologia.
Prochainement, doit paraître un quatrième journal,
celui-là polonais : les Archives polonaises de Biologie.
J'ai inscrit, sur le registre déposé à la Bibliothèque uni-
versitaire pour les demandes d’achats de livres, les
trois périodiques nouveaux en question, et j'y joindrai
bientôt le journal polonais qui va paraître, accomplis-
sant ainsi un devoir universitaire, en même temps que
contraint par la nécessité, qui m'oblige à ne rien
ignorer de ce qui peut se faire dans l’ordre de recher-
ches que je poursuis. Ces trois ou quatre publications
nouvelles sont le produit d'un sentiment bien naturel
de nationalisme scientifique, et par cela même très
excusable. Il n’en est pas moins regrettable de constater
que le sentiment nationaliste qui leur a donné nais-
sance a remplacé celui qui aurait dû seul inspirer une
procréation nouvelle de périodiques scientifiques, le
sentiment de la parfaite adaptation du produit aux
besoins généraux. N'était-ce pas assez pour les savants
aux abois, obligés de faire face à tout ce qui paraît, de
s'exposer à ignorer les nombreux travaux, souvent très
intéressants pourtant, enterrés dans les Bulletins de
telle Société d’'Osnabruck ou de Carpeniras? Et le par-
ticularisme de clocher va-t-il se compliquer du patrio-
tisme de drapeau? La liste des périodiques anatomi-
ques, et, en général, des journaux scientifiques, doit-elle
égaler un jour celle des nationalités et des sous-natio-
nalités distinctes? Nous faudra-t-il, étudiant le pigment
de la cellule nerveuse ou les phénomènes de la seg-
mentalion de l'œuf, entasser sur notre table de travail
après les avoir à grands frais alignés dans notre
Bibliothèque universitaire, les trente ou quarante pé-
riodiques anatomiques correspondant aux différentes
nations où l’Anatomie est cultivée?
Il y a, cependant, un groupement plus utile et plus
rationnel des travaux scientifiques et, particulièrement,
anatomiques que celui qui consiste à les répartir en
catégories américaine, hollandaise, italienne, etc. Et,
au lieu d'aller chercher, à grands frais et avec quelles
peines, les travaux relatifs à la segmentation de l'œuf
dans trente ou quarante périodiques nationaux diffé-
rents, on serait heureux de les trouver tous dans un
journal anatomique spécial, consacré exclusivement à
l'étude de cette question particulière et, au besoin, des
questions immédiatement connexes. Ce qui rend si
longue et si pénible la recherche bibliographique, in-
dispensable cependant à une époque où, pour faire un
progrès, il faut s'être assuré qu’on est bien sur la limite
du terrain déjà exploré, c’est moins la multiplicité des
travaux que leur fâcheuse dissémination et l'absence
de tout groupement rationnel. Il est grand temps qu'on
se soucie de mettre dans les matériaux scientifiques
un ordre scientifique. On voudrait voir se fonder,
Gans l’ordre anatomique, des journaux spéciaux con-
sacrés l’un à la cellule nerveuse, un autre aux glandes
et à la sécrétion, un troisième aux phénomènes de
maturation et de fécondation de l’œuf, etc., et donnant
chacun, dans un recensement quinquennal, l’état de la
Science pour la spécialité du journal. Il appartiendrait
au Congrès international des Académies de prendre
l'initiative d'une telle réforme, ou tout au moins
d'émettre un vœu dans ce sens. Sans qu'il soit d’ail-
leurs besoin, peut-être, d'un règlement scientifique
international, plus difficile encore à faire accepter qu'à :
édicter, il entrerait bientôt dans les mœurs des savants
de limiter leurs recherches bibliographiques aux re-
cueils spéciaux, et l’on se sentirait bien vite aulorisé
moralement à négliger tout auteur dont le travail n'y
figurerait pas ou n'y serait pas représenté par un ré-
sumé ‘. Il existe déjà, du reste, dans le domaine bio-
logique, quelques périodiques spéciaux, pas encore
peut-être assez spécialisés à notre gré. Tels sont : /a
Cellule, journal dont le contenu a d’ailleurs débordé
hors des limites. de. son premier programme ; les
Archiv für Entwicklungsmechanik, la Zeitschrift für
Morphologie und Anthropologie; 1 y a le Névraxe, ete.
On pouvait espérer, après l'apparition de ces jour-
naux spéciaux, une prochaine et complète dénationa-
lisation de la science biologique et de ses produits, et
voici que la poussée subite de plusieurs journaux na-
tionaux confondant, sous une couverture commune,
tous les résultats, pourvu qu'ils portent l’estampille
nationale, recule plus loin encore l'espoir de voir un
jour se réaliser le classement purement scientifique
des productions scientifiques. Malgré le bon vouloir
avec lequel on doit accueillir toute nouvelle publica-
tion, il est difficile, cette fois, d’être tout à fait satisfait,
parce qu'ilest difficile de croire à un vérilable progrès.
A. Prenant,
Professeur à l'Université de Nancy.
‘ Les Jahresberichte, les Ergebnisse, l'Année biologique
ne remplissent qu'imparfaitement le desideratum, puisqu'ils
ne nous donnent que des analyses et ne nous livrent les
résultats des auteurs que sous le bénéfice de la confiance
accordée aux analyseurs.
H. LE CHATELIER — L'INDUSTRIE ET LES PROGRÈS DE LA SCIENCE PURE
1099
DU ROLE DES PRÉOCCUPATIONS INDUSTRIELLES
DANS LES PROGRÉS DE LA SCIENCE PURE
Dans un article précédent de cette même Revue”,
j'ai étudié l'influence de l'enseignement des Sciences
pures sur les progrès de l'Industrie. Je voudrais
aborder aujourd'hui une question en quelque sorte
inverse : celle de la répercussion des préoccupa-
tions industrielles sur les progrès de la Science
pure. Mon but est de combattre le sentiment,
aujourd'hui très général en France, que la Science
pure doit rejeter loin d'elle toute préoccupation des
applications pratiques, qu'elle doit s'isoler de l'in-
dustrie comme d’une promiscuité compromellante.
Tout notre enseignement scientifique est orienté
dans cette direction fàcheuse, tous nos corps sa-
vants sont imbus du même esprit. Un exemple
entre mille servira à préciser cette siluation. Il ÿ à
quelques années, un certain nombre d'industriels,
groupés autour de Scheurer-Kestner, firent don à la
Société Chimique de Paris d’une centaine de mille
francs en vue de la création d'une Section de Chi-
mie appliquée. L'argent fut bien acceplé: mais,
après une courte tentative, le projet de créer celle
Section dut être abandonné devant la résistance
des membres de la Société, que ces questions pra-
tiques laissaient, pour le moins, indifférents.
Il n'y a pas de pays, aujourd'hui, où cet antago-
nisme entre la Science pure et la Science appliquée
soil aussi profond qu'il l’est en France; maisil n’en
a pas été toujours ainsi. À la fin du siècle dernier,
l'Académie des Sciences de Paris marchait à la tête
du mouvement industriel; elle était consultée par
les particuliers et les Pouvoirs publics sur toutes
les applications de la Science. Il n’y a, pour s’en
convaincre, qu'à lire les innombrables Rapports
industriels de Lavoisier, qui forment les trois quarts
des six gros volumes consacrés à la réimpression
de ses OEuvres complètes.
Ce rapprochemeut entre l’industrie et la Science
a été extrémement fécond; les préoccupations
d'ordre pratique, en maintenant forcément l'atten-
lion tournée vers l'observation des phénomènes
nulurels, obligent l'homme, en quelque sorte mal-
gré lui, à voir les lois du monde matériel et à ne
pas laisser son esprit se concentrer exclusivement,
comme il est porté à le faire, sur ses propres ima-
ginations. L'étude historique du développement des
sciences est, à ce point de vue, très intéressante et
peut mériter quelques instants d'attention.
1H. Le Career : Revue gén. des Sciences du 15 février
1898, t. IX, p. 98 et suiv. :
Dans les siècles passés, la Géométrie estnée, per-
sonne ne le contestera, du besoin de lever les plans
exacts des propriélés et d’autres nécessilés sem-
blables. Nous voyons, en effet, jusqu'au siècle der-
nier, les Éléments d'Euclide entremêlés de méthodes
pour l'arpentage des terres, le tracé des fortifica-
tions. De même, la Mécanique est née du besoin
des hommes de se construire des machines pour le
transport des fardeaux ou pour la défense des
places de guerre. L'exemple d’Archimède au siège
de Syracuse est un souvenir historique trop connu
pour yinsister. Le développement de la Physique
théorique et celui de ses applications ont suivi {a
même marche parallèle. Huygens et Fresnel sont
aussi connus par leurs études pratiques sur la
construclion des microscopes, des télescopes, des
phares, que par leurs travaux d'Optique théorique.
Nous devons nos connaissances les plus précises
sur les propriétés générales des gaz aux études
entreprises par Regnault pour perfectionner la ma-
chine à vapeur. Cet appui mutuel de la Science pure
et de la Science appliquée a été plus complet encore
dans le cas de l'électricité, et c’est la raison des pro-
grès inouïs de celte science depuis un quart de
siècle. Tous les électriciens sont à la fois savants,
industriels et commerçants, et tout d'abord le plus
grand d’entre eux, Lord Kelvin, dont les brevets
sont exploités par une Société industrielle ayant
des agences dans tous les pays.
La Chimie, de mème, et peut-être d’une façon
plus évidente encore, est née de préoccupations pra-
tiques : son premier développement s'est entière
ment fait dans les officines des pharmaciens et dans
les ateliers des fondeurs en mélaux. On peut
se demander pourtant si le perfectionnement des
méthodes rudimentaires de l'Alchimie, si le dé-
veloppement magnifique de la Chimie moderne
se sont poursuivis dans les mêmes conditions que
la première éclosion de cette science. C’est la ques-
tion que je voudrais discuter dans ces quelques
pages.
Les grandes étapes du développement de là
Chimie moderne sont, en laissant de côté les tra-
vaux des savants vivant encore aujourd'hui :.
1° L'institution de la Chimie pondérale et la dé-
couverte de ses lois, avec la connaissance de la com-
position de l’air et de l’eau, toutes dues au génie de
Lavoisier ;
2° La découverte des principes fondamentaux de
la science de l'Énergie, par Sadi-Carnot;
1100
H. LE CHATELIER — L'INDUSTRIE ET LES PROGRÈS DE LA SCIENCE PURE
3° Celle de la dissociation, par H. Sainte-Claire-
Deville ;
4° Et, enfin, la Microbiologie, par Pasteur.
Les travaux de tous ces savants ont élé l’objet
d’études et de publications assez nombreuses pour
que l’on puisse déterminer avec quelque précision
la filiation de leurs idées et reconnaître la part
qu'y ont eue les préoccupations industrielles,
I. — LAVoisiEr.
Les OEuvres complètes de Lavoisier sont, comme
nous l'avons déjà dit, composées, pour les trois
quarts, d’études industrielles. Mais y avait-il
simplement, par le fait de ses obligations profes-
sionnelles, coexistence dans son esprit entre les
préoccupations industrielles et les préoccupations
scientifiques, ou bien corrélation directe et réelle
entre ses différents travaux? L'ordre dispersé
adopté dans la publication de ses OEuvres rend
l'étude de cette question un peu pénible. Il est
possible, cependant, d'arriver à un résultat très
précis. Il faut commencer par rétablir l’ordre
chronologique réel des différentes études, et ce
n’est pas celui de leur publication, souvent long-
temps différée ; il faut s'attacher, avant tout, à la
lecture des Notices industrielles, beaucoup plus
instruclives, au point de vue qui nous occupe, que
celle des Notices purement scientifiques. Esprit
philosophique, participant au mouvement des
idées générales de la fin du xvin° siècle, il s’atta-
chait, dans ses travaux de science pure, à diviser
et à subdiviser toutes les questions, ne traitant
dans chaque Mémoire que d'un seul objet et ne
l’envisageant qu'à un seul point de vue. Cette mé-
thode rend la lecture de ses Mémoires parliculiè-
remenl facile et attrayante; mais, par contre, elle
masque la filiation réelle des idées. Dans les
études industrielles, d'un caractère nécessaire-
ment synthétique, il embrasse les sujets dans tout
leur ensemble, les examine sous toutes leurs faces
et donne libre cours aux réflexions qu'elles lui ont
suggérées. C’est là que l’on voit naîlre des idées
scientifiques dont l’origine serait restée inconnue,
si nous ne possédions que les publications défini-
tives de Lavoisier. Voici, par exemple, une de ces
indications : dans une étude sur la valeur mar-
chande des cendres salpêtrées, ramassées par les
chiffonniers et les cendriers, on lit :
« … Je n'avais d'abord pour objet, en entreprenant
ce travail, que de répéter pour ma propre instruction,
sur la cendre des salpêtriers de Paris, ce que MM. Mon-
tet, Venet el du Coudray avaient fait sur celle de
lamarise, el je ne supposais pas qu'il pût en résul-
ter rien qui méritât d'attirer l'attention de l'Acadé-
mie, Mais, insensiblement, m'étant trouvé conduit à des
résultats très inattendus et mon travail s'étant trouvé
lié avec des faits intéressants relatifs à la théorie des
doubles affinités, j'ai été obligé de le diviser en deux
Mémoires. »
Quel est le second Mémoire annoncé ici? Il se
raltache certainement aux études de Lavoisier sur
les sels: mais il m'a été impossible de trouver au-
cune indication correspondante dans les Mémoires
purement scientifiques. [l n'en est pas moins cer-
tain qu'un Mémoire semblable a élé inspiré par
une étude sur la valeur des cendres ramassées par
les chiffonniers.
Voici un second exemple, où l'enchainement
successif des idées peut être suivi plus loin. Un
volume entier des OEuvres de Lavoisier est consa-
cré à des Notes résumant de nombreux voyages
faits à travers la France en vue de la description
minéralogique du pays et de la reconnaissance de
ses richesses naturelles. Parmi ces Notes, il s’en
trouve une de 1764 consacrée à la description des
plâtrières de Paris. L'année suivante, en 1765,
parait le premier Mémoire purement scientifique :
il est consacré à l'étude de la forme cristalline et à
celle de la composilion chimique du gypse. Iln'y
est pas question des visites d'usines de l'année
précédente; mais, qui voudrait se refuser à ad-
mettre une corrélation entre ces deux faits?
Parmi les recherches de Lavoisier, trois des plus
imporlantes concernent :
La composition de l’air et les phénomènes de
combustion ;
La composition de l’eau et la nature du gaz in-
flammable ;
Les études sur la chaleur.
Nous allons, sur ces trois questions capitales,
chercher à suivre la genèse des idées du fondateur
de la Chimie.
$ 1. — Composition de l'air et combustion.
L'Académie avait, en 1764, mis au concours une
étude sur les meilleurs systèmes de lanternes à
employer pour l'éclairage des villes. Lavoisier en-
voya, en 1766, pour ce concours, un Mémoire qui
obtint une mention honorable. Il se borne, dans
cette première étude, à diseuter « la construction
des cages de lanternes, la figure la plus avanta-
geuse des réverbères, les proportions les plus con-
venables des réservoirs. » 4
Mais, dès l'introduction du Mémoire, il se préoc-
cupe de la question de la combustion et il annonce
l'intention de l’étudier ultérieurement plus à loi-
sir :
« … Quant aux expériences que je m'étais propo-
sées sur les huiles et les matières combustibles, j'ai été
obligé d'en remettre la plus grande partie à un autre
temps. L'unique objet que je me propose étant de con-
courir au bien de mes concitoyens, le terme fixé par
l'Académie ne sera pas, pour moi, celui de leur ètre
utile ».
H. LE CHATELIER — L'INDUSTRIE ET LES PROGRÈS DE LA SCIENCE PURE
1101
Dans les publications suivantes, il n'est plus
question de malières combustibles proprement
dites et l’on pourrait croire que Lavoisier s’en est
momentanément désinléressé. Pour s'assurer qu'il
n'en est rien, il suffit de se reporter à ses Notes de
laboratoire, publiées par M. Berthelot. Dans un
programme d'expériences inscrit en tête d'un de
ses registres, le 20 février 1772, il conclut ainsi :
« .… Les opérations par lesquelles on peut arriver à
fixer de l'air sont : la respiration, la végétation, dans
quelques circonstances la calcination, enfin quelques
combinaisons chimiques. C’est par ces expériences que
j'ai cru devoir commencer, »
Dès cette époque, il a une idée nette de ce que
doit être la combustion. Laissant provisoirement
de côté les matières organiques, huile, suif, parce
que leur combustion ne donne que des produits
volatils d'une élude plus difficile, il s'adresse
d’abord aux corps minéraux brûlant également
avec flamme, comme le phosphore, le zinc, ou se
transformant seulement lentement en chaux. Dans
le courant de l'année 1772, il reconnait l'augmen-
lation de poids du phosphore et la diminution cor-
rélative de la quantité d'air. Même observation sur
la calcination des mélaux et, en particulier, sur
celle de l’étain. Dès le 1° novembre 1772, il s'était
assuré la propriélé de celte découverte mémorable
en déposant à l’Académie un pli cacheté relatant
les résullats de ses expériences.
.Il semble maintenant que l'on soit bien loin des
réverbères; mais, en 1777, parait, après une série
de Mémoires sur la calcinalion des Mélaux et la
respiration des Animaux, une dernière Note, rela-
tive, celle-là, à la combustion des chandelles. C'est
elle qui clôt la longue série de recherches, sur la
composition de l'air et les phénomènes de combus-
tion, de respiration. Ces recherches sur les chan-
delles ne sont pas, aux yeux de Lavoisier, une
conséquence indirecte el peu importante de ses
études antérieures. Elles ont, au contraire, dans
ses préoccupations une place dominante : c’est, en
effet, dans ce Mémoire que, non content de résu-
mer l’ensemble des résultats acquis, il trace le
programme de recherches nouvelles qui vont le
conduire à la découverte de la composition de l’eau
et à ses recherches magistrales sür la chaleur.
Cette conclusion mérite d’êlre citée : Loutes les
prévisions qu'il veut soumeltre au contrôle de
l'expérience vont être reconnues fausses, et c’est de
la reconnaissance de cette erreur que sortira l’une
de ses plus grandes découvertes :
« …. Je pourrais pousser beaucoup plus loin toutes
ces conséquences; mais, je suis obligé de suspendre le
développement de cette théorie jusqu'à ce que j'aie
prouvé, d'une part, l'existence de la matière du feu
dans les fluides aériformes, et que j'aie fait voir, d'autre
part, comment on peut former l'acide crayeux aéri-
forme en combinant l'air inflammable avec la base
de l'air éminemment respirable. »
Il croit donc à ce moment que l'acide carbonique
(acide crayeux) résulte de la combustion de lhy-
drogène. Il croit à la matérialité de la chaleur. Ce
sont encore des expériences industrielles qui vont
le mettre sur le chemin de la vérité.
$ 2. — Composition de l’eau.
Les premières études de Lavoisier sur l'eau re-
montent au voyage qu'il fit à travers la France pour
en dresser la statistique minéralogique. Partout, il
se préoccupe de la nature et de la qualité des eaux,
tant des eaux polables que des eaux minérales,
mais surtout des premières. Il en donne la raison
en tête d'un Mémoire sur les eaux de la Franche-
Comté, rédigé vers 1768, c'est-à-dire antérieure-
ment au commencement de ses travaux scienti-
fiques :
« … S'il est intéressant pour la société de connaître
la nature de ces eaux salutaires, dont les effets surpre-
nants ont élé tant de fois célébrés dans les fastes de la
médecine, il ne l’est pas moins de conuaitre celles qui
sont employées tous les jours pour les besoins de la vie.
C'est d'elles, en effet, que dépendent la force et la
santé des citoyens, et, si les premières ont quelquefois
rappelé à la vie quelques têtes précieuses à l'Etat, ces
dernières, en rétablissant continuellement l’ordre et
l'équilibre dans l’économie animale, en conservent tous
les jours un beaucoup plus grand nombre. L'examen
des eaux proprement minérales n’intéresse donc qu'une
petite porlion languissante de la sociélé, tandis que
l'étude des eaux ordinaires intéresse la société tout
eutière, et principalement cette partie active dont les
bras sont, en même temps, et la force et la richesse
d'un Etat. »
Quelques années plus tard, des préoccupations
pratiques autres que celle de la santé humaine le
ramènent encore vers l'étude de la nature des eaux ;
il s'agit, celte fois, de la santé des plantes, de leur
végélation. On sait que les questions agricoles l'in-
téressaient vivement ; il consacrait une part impor-
tante de son temps à l’amélioralion de ses pro-
priétés de Fréchiné, dans le Vendômois.
On admettait alors, sur la foi d'observations mal
interprétées, que les plantes se développent aux
dépens de l’eau. Comment l’eau peut-elle donner
naissance à tous les éléments que l’on rencontre
dans les végétaux, aux cendres minérales, aux ma-
tières empyreumatiques combustibles, à la base de
l'acide crayeux ? Dans les recherches entreprises à
cette époque, c'est-à-dire vers 1171, Lavoisier arrive
à démontrer que les résidus minéraux que pré-
sentent toutes les eaux naturelles ne sont pas un
des constituants essentiels de l'eau : on les fait dis-
paraître sans modifier d'une façon appréciable Les
propriétés de l'eau, en distillant celle-ci dans des
vases en métal inaltérable ; c'est donc, en réalité, le
1102
H. LE CHATELIER — L'INDUSTRIE ET LES PROGRÈS DE LA SCIENCE PURE
sol qui fournit à l’eau, et, par son intermédiaire,
aux plantes, les éléments minéraux.
Il ne parvient pas, à cette époque, à reconnaitre
dans la composition de l’eau l'existence d’un élé-
ment combustible. C’est seulement onze ans plus
tard, en 1783, qu'il observe la formation d’eau pure
dans la combustion de l'hydrogène. Les impuretés
de son hydrogène, en lui donnant de l’acide carbo-
nique, de l'acide sulfureux, l'avaient jusque-là con-
firmé dans l'opinion erronée que la combustion de
l'hydrogène, comme celle du soufre, du phosphore,
devait donner un corps acide. Quoi qu'il en soit, il
conclut de cette expérience que l'eau n'est pas un
corps simple, un élément, s'altaquant ainsi à un
des fondements les plus solides de l'ancienne
Chimie. Celle hypothèse est très vivement com-
battue : c'est à qui proposera des interprétations
différentes pour conserver à l'eau son ancienne
simplicité.
Lavoisier multiplie les expériences : il obtient de
l’eau en réduisant les oxydes métalliques par le gaz
inflammable. Mais,au fond, c’est toujours la même
expérience, c'est, sous une autre forme, la synthèse
de l’eau. Il faudrait faire l'analyse de celte eau,
montrer que l’on peut en extraire l'hydrogène, et
toutes les tentatives failes restent infructueuses.
Cette preuve décisive est enfin donnée dans le Mé-
moire classique sur la composilion de l’eau, que
Lavoisier et le Commandant du Génie Meusnier
présentèrent en 1784 à l’Académie. Mais, si nous
n'avions que ce Mémoire, nous serions bien embar-
rassés pour établir les circonstances précises qui
accompagnèrent la découverte de l'analyse de l’eau.
IL n'y est fait aucune allusion aux conditions sui-
vantes, que nous trouvons, au contraire, men-
lionnées lout au long dans un discours de rentrée
prononcé par Lavoisier dans une séance publique
de l’Académie :
« … Tel était l'état de nos connaissances sur la dé-
composition et la recomposition de l’eau, lorsque nous
nous trouvàmes insensiblement engagés, M. Meusnier
et moi, à reprendre cette question sous un autre point
de vue, pendant l'hiver de 1783 à 1784. La commission
dont nous fûmes chargés par l'Académie, d'après l’ordre
du Roi, pour le perfectionnement des machines aéro-
statiques, nous conduisait nécessairement à des recher-
ches sur les moyens les plus économiques de faire de
l'air inflammable en grand, etil était naturel que nous
nous attachassions à le tirer de l'eau, où nous avions
déjà de si fortes raisons de croire qu'il existait en grande
abondance.
« Le fer par voie humide m'ayant donné des signes
d'une action non équivoque sur l’eau, nous résolûmes,
M. Meusnier et moi, de suivre celte indication.
« En faisant passer de la vapeur dans un canon de fusil
rouge et incandescent, l’eau s’y décompose en entier
etiln’en ressort aucune partie parl’ouverture inférieure
du canon; le principe oxygène de l’eau s’y combine
avec le fer, et le calcine, en même temps que le prin-
cipe inflammable aqueux passe dans l’état aériforme. »
définitivement
La nature de l’eau était ainsi
établie. Il n'y avait plus que quelques pesées à faire
pour avoir la composition pondérale de l’eau, et
cela fut fait de suite.
$ 3. — Chaleur.
Après avoir étudié au point de vue purement chi-
mique le phénomène de la combustion, Lavoisier
n'avail pas encore résolu d’une façon complète le
problème qu'il s'était posé dans sa première étude
sur les réverbères, et qu'il avait délimité à l’occa-
sion de ses recherches postérieures sur les chan-
delles. Il n'avait encore fait aucune étude du phé-
nomène calorifiqué qui accompagne la combustion.
Les circonstances dans lesquelles il se mit défini-
tivement à l'étude sont indiquées en tête du Mé-
moire où il relate ses expériences sur l’efet comparé
des différents combustibles :
« … L'Administration des Finances ayant désiré, en
1779, de connaître le rapport des droits imposés sur
les différents combustibles, j'ai été obligé, pour satis-
faire aux différents éclaircissements qui m'étaient de-
mandés, de faire quelques expériences sur les effets
comparés des bois. Comme elles peuvent être de
quelque utilité pour les arts, je crois devoir en rendre
compte à l'Académie et les consigne dans ses Mé-
moires, »
Aucune recherche ne peut avoir un but plus
terre à terre, plus pratique que celle-là. Les pro-
cédés mis en œuvre n'ont pas un caractère plus
scientifique : le pouvoir calorifique comparatif est
déterminé en pesant la quantité d’eau évaporée
dans une même chaudière par des poids égaux
des différents combustibles. Ce Mémoire est publié
en 1781 ; or, en 1780, Lavoisier et Laplace avaient
commencé leurs expériences avec le calorimètre à
glace. Il est bien difficile de supposer que le rap-
prochement de ces deux séries de recherches
théoriques et pratiques a élé purement fortuit.
C'est certainement l'imperfection de la chaudière
comme appareil calorimétrique qui a conduit La-
voisier à la découverte d'une méthode dont la pré-
cision toute scientifique n’a pas été dépassée au-
jourd’aui.
Vers la même époque, Lavoisier et Laplace
poursuivaient ensemble leurs recherches, non
moins célèbres, sur la dilatation des corps solides.
Dans ce cas, ils ne dissimulent pas les préoccupa-
tions praliques qui les ont sollicités; bien au con-
traire, ils les développent tout au long en tête de
leur Mémoire :
« … La propriété qu'ont les corps d'occuper un vo-
lume différent, suivant le degré de température auquel
ils se sont élevés, est un obstacle qui se rencontre
presque à chaque pas dans la Physique et dans la pra-
tique des arts, toutes les fois du moins que l’on veut
arriver à un grand degré de précision. Ces difficultés
n’ont pas seulement lieu à l'égard des solides; elles
sout plus grandes encore à l'égard des liquides, car ces
bé.
H. LE CHATELIER — L'INDUSTRIE ET LES PROGRÈS DE LA SCIENCE PURE
1103
derniers, ne pouvant garder leur forme par eux-
mêmes, et devant être contenus dans des vases ou des
capacités quelconques formées de matières solides, les
observations qui ont été faites jusqu'ici sur leur dilata-
bilité ne présentent que des résultats mixtes, dans les-
quels se compliquent, et la dilatation du vase et celle
du fluide qui y est contenu.
« Les machines dont nous nous servons pour me-
surer le temps, et de l'exactitude desquelles dépend la
perfectibilité de l’Astronomie, sont également assujet-
ties à des variations qui dépendent de la dilatabilité
des corps. Ces considérations, et beaucoup d'autres
qu'il serait trop long de détailler, nous ont fait sentir,
dès 1781, à M. Laplace et à moi, combien il serait im-
portant de faire une suite d'expériences exactes sur la
dilatabilité des substances qui s’emploient le plus com-
munément dans les arts et la Physique, telles que le
verre et les métaux. »
On pourrait continuer longtemps ainsi l'histo-
rique des différentes circonstances qui ont pro-
voqué les recherches théoriques de Lavoisier; elles
ont toujours eu pour objet explication d'un phé-
nomène d'une ulililé incontestable.
Les chimistes, ses contemporains ou ses succes-
seurs, Berthollet, Gay-Lussac, Thénard, qui ont
contribué avec lui à la fondation de la Chimie mo-
derne, avaient exactement la même tournure d’es-
prit pratique. Toujours préoccupés des applications
utiles de la Science, ils ont laissé leur nom à des
perfectionnements de l'Industrie chimique, en
même temps qu'à des lois générales d'une haute
portée scientifique.
II. — SAvI-CARNOT.
En suivant l'ordre chronologique, la première
découverte, après celles de Lavoisier, qui ait été le
point de départ, bien lointain il est vrai, d'une im-
portante évolution dans le domaine de la Chimie,
a été l’immortel ouvrage de Sadi-Carnot sur la
Puissance motrice du Feu. La Thermodynamique
en est découlée, et de la Thermodynamique est
née la Mécanique chimique moderne, Nous ne pos-
sédons pas, sur Sadi-Carnot, de documents aussi
nombreux que sur Lavoisier; sa biographie même
a élé à peine esquissée. Mais, il n'y a pas besoin
de recherches bien longues pour être renseigné
sur les préoccupations industrielles qui l'ont guidé.
Il n'y a qu'à lire les trois pages par lesquelles dé-
butent les Zé/lexions sur la puissance motrice du
Feu et sur les machines propres à développer
celte puissance :
« Personne n'ignore que la chaleur peut être la cause
du mouvement, qu'elle possède même une grande
puissance motrice. Les machines à vapeur, aujourd'hui
si répandues, en sont une preuve parlante à tous les
yeux.
« C'est à la chaleur que doivent être attribués les
grands mouvements qui frappent nos regards sur la
Terre. C’est à elle que sont dues les agitations de l’at-
mosphère, l'ascension des nuages, la chute des pluies
et des autres météores, les courants d’eau qui sillon-
nent la surface du Globe, et dont l'homme est parvenu
à employer pour son usage une faible partie, enfin les
tremblements de terre; les éruptions volcaniques re-
connaissent aussi pour cause la chaleur.
« C'est dans cet immense réservoir que nous pou-
vons puiser la force mouvante nécessaire à nos besoins.
La Nature, en nous offrant de toutes parts le combus-
tible, nous a donné la faculté de faire naître, en tous
temps et en tous lieux, la chaleur et la puissance mo-
trice qui en est la suite. Développer cette puissance,
l’approprier à notre usage, tel est l’objet des machines
à feu.
« L'étude de ces machines est du plus haut intérêt;
leur importance est immense; leur emploi s'accroît
tous les jours; elles paraissent destinées à produire
une grande révolution dans le monde civilisé.
« Déjà, la machine à feu exploite nos mines, fait
mouvoir nos navires, creuse nos ports, nos rivières,
forge le fer, faconne le bois, écrase les grains, file et
ourdit nos étolfes, transporte les plus pesants far-
deaux, etc. Elle semble devoir un jour servir de moteur
universel et obtenir la préférence sur la force des ani-
maux, les chutes d'eau et les courants d'air. Elle a, sur
le premier d2 ces moteurs, l'avantage de l'économie,
sur les deux autres l'avantage inappréciable de pouvoir
s’employer en tous temps et en tous lieax, et de ne
jamais souffrir d'interruption dans son travail. »
Pendant plusieurs pages encore, Sadi-Carnot
continue à développer ces considérations prali-
ques : il montre les services que les machines à
feu ont déjà rendus à l'Angleterre, et il cherche à
prévoir les services, beaucoup plus grands encore,
qu'elles sont appelées à rendre à l'humanité tout
entière. Et c'est de ces préoccupations inléressées
qu'est sortie la plus ‘parfaite des sciences édifiées
par les hommes, celle qui, par sa généralité el
ses abstraclions, peut être considérée comme la
science pure par excellence, modèle dont tendent
à se rapprocher, sans jamais arriver à l'égaler,
toutes les théories scientifiques.
Celle préface utilitaire n'est pas une simple
entrée en matière, dont il ne sera plus question
ensuile, une concession faite aux goûts de l'époque.
Après avoir édifié toute la théorie de la production
de la puissance motrice aux dépens de la chaleur,
Sadi-Carnot revient aux applications, qui l'intéres-
sent avant tout. Les dix dernières pages de son
Mémoire, qui en contient soixante en tout, sont
consacrées à la discussion et à la comparaison des
différents types de machines à vapeur en usage :
machines à haute pression et à basse pression,
machines de Woolf, à deux cylindres, machines à
air, machines à alcool, elc. Et il conclut son Mé-
moire par une petite dissertation sur le sens pra-
tique en industrie, que bien des praticiens pour-
raient méditer avec profit :
« … On ne doit pas se flatter de mettre jamais à
profit toute la puissance motrice des combustibles.
Les tentatives que l’on ferait pour approcher de ce
résultat seraient même plus nuisibles qu'utiles, si
elles faisaient négliger d'autres considérations impor-
tantes. L'économie du combustible n’est qu'une des.
conditions à remplir par les machines à feu; dans
beaucoup de circonstances, elle n’est que secondaire,
110%
elle doit souvent céder le pas à la sûreté, à la solidité,
à la durée de la machine, au peu de place qu'il lui faut
occuper, au peu de frais de son établissement, etc.
Savoir apprécier, dans chaque cas, à sa juste valeur,
les considérations de convenance et d'économie qui
peuvent se présenter, savoir discerner les plus impor-
tantes de celles qui sont seulement accessoires, les
balancer toutes convenablement entre elles, afin de
parvenir, par les moyens les plus faciles, au meilleur
résultat, tel doit être le principal talent de l'homme
appelé à diriger, à coordouner entre eux les travaux de
ses semblables, à les faire concourir vers un but utile,
de quelque genre qu'il soit. »
On pourra faire remarquer que les dévelop-
pements de la science de l'Énergie ont suivi une
tout autre voie que celle qui a conduit à sa
découverte première. Cetle stience est devenue le
domaine à peu près exclusif des mathématiciens ;
mais, développer n’est pas créer, et, d'autre part,
il n’est pas prouvé que l'intervention de Clausius
n'ait pas retardé d’un demi-siècle l'épanouissement
complet de la découverte de Sadi-Carnot.
III. — IT. Sainte-CLAIRE-DEVILLE.
Pour passer de la théorie des machines à feu à
la mécanique chimique, il restait encore un grand
chemin à parcourir : il fallait reconnaitre la réver-
sibililé des phénomènes chimiques; c’est à M. H.
Sainte-Claire-Deville qu’en revient l'honneur.
Il est essentiel, au point de vue de l'historique
de celte découverte, de distinguer, — ce que l’on
ne fait pas habituellement, — deux stades dans le
développement des idées de son auteur, de se ren-
dre compte qu'il a successivement donné au même
mot de dissocialion deux sens essentiellement
différents. Dans une conférence faile, en 1859,
devant la Société de Genève, il s'exprime ainsi :
« … La force répulsive de la chaleur ne produit pas
seulement des phénomènes chimiques: on la montre
tantôt venant en aide à l'affinité, comme dans la com-
binaison des gaz, tantôt en détruisant les effets,
comme dans la décomposilion des oxydes d'or, des
oxydes d'argent, du chlorure d'azote, de l’ammoniaque,
elc, etc., ce qui constitue bien le phénomène de disso-
cialion ».
Le mot de dissocialion est ici synonyme de
décomposition, et aucun des exemples cités ne
rentre dans la catégorie des véritables phénomè-
nes de dissociation, c’est-à-dire des réactions
réversibles, suivant le sens que IH. Sainte-Claire-
Deville à finalement laissé à ce mol. Il continue
ensuite :
« .… Mais il faut ajouter que la dissociation s'observe
également dans certains corps dont les éléments désu-
nis à haute température peuvent se combiner de nou-
veau à une température plus basse ».
I n'y a encore là rien de nouveau : on savait,
par exemple, depuis Lavoisier, que la pierre à
H. LE CHATELIER — L'INDUSTRIE ET LES PROGRÈS DE LA SCIENCE PURE
plâtre perd son eau par la chaleur et que la com-
binaison de l'eau avec le plâtre cuit se reproduit à
la température ordinaire pendant le durcissement
du mortier. Deville continue :
« .…. On n'avait pas encore observé ces phénomènes.
d'une facon générale, parce qu'ils ne laissent aucune
trace lorsqu'on revient aux conditions de température «
au milieu desquelles se termine forcément toute expé-
rience tentée avec le feu et les appareils ordinaires de
la Chimie. La plupart du temps, on ne peut reconnaitre
la dissociation qu'en ayant recours à un appareil
spécial ».
C'est là, à cette époque, la seule idée nouvelle
impliquée dans le mot de dissociation, la fréquence
plus grande qu'on ne le supposait des phénomènes
renversables, dont on connaissait cependant déjà
de si nombreux exemples. C'est un acheminement,
si l’on veut, vers la réversihilité, mais ce n’est pas
la réversibilité. Il n’est pas encore fait mention de
l’analogie complète entre le phénomène physique
de vaporisalion et celui de dissocialion. Pour
passer de la nolion, bien connue, des réactions
renversables à celle, entièrement nouvelle, des
réactions réversibles, il y avait un pas immense à
franchir, un effort intellectuel considérable à
fournir.
Voyons dans quelles conditions cet effort a élé
fourni; et, pour cela, ouvrons une parenthèse. A
cette époque, vers 1860, Sainte-Claire-Deville et
Debray avaient, depuis plusieurs années déjà, en-
trepris leur étude capitale sur la métallurgie du
platine. Dans une conférence faite, en 1861, devant
la Société Chimique, Debray rend compte en ces
termes des motifs qui les avaient poussés à entre-
prendre ce travail : :
« .… Le platine des vases, mis hors de service par
une cause quelconque, ne vaut pas plus que le minerai
lui-même par suite de la dépréciation que subit le
métal. Elle est telle qu'un de ces vases, du prix de
80.000 francs, dans lequel on concentre chaque jour
4.000 kilogrammes d'acide sulfurique, n’est plus vendu
que 50.000 ou 60.000 francs quand il est mis hors de
service, ce qui arrive d'ailleurs assez souvent.
« On comprendra alors les raisons qui nous ont
engagés, H. Ste-Claire-Deville et moi, à chercher des
méthodes de fusion du platine, ainsi que le moyen de
traiter les minerais par voie sèche. Nous avons supposé
que la solution d’un tel problème, en supprimant la
cause de déprécialion que subit la valeur du platine,
permettrait d'étendre le cercle trop restreint des appli-
cations d’un métal précieux à tant de titres et beau-
coup moins rare qu'on ne le croit communément, »
Ce sont là des préoccupations bien industrielles,
accentuées encore par de nombreuses prises de
brevets. Mais quel rapport ont-elles avec la disso=
ciation ? Continuons à citer l'introduction de la
lecon de Debray :
«… Chercher des méthodes de traitement du platine
par voie sèche, c'est, en définitive, chercher le moyen
de produire des hautes températures pour les appli=
N
|
H. LE CHATELIER — L'INDUSTRIE ET LES PROGRÈS DE LA SCIENCE PURE
1105
quer à un but spécial; aussi me proposerai-je, dans la
première partie de cette leçon, d'examiner avec vous les
principes généraux qui peuvent guider les chimistes
dans cette étude; je montrerai ensuite qu'ils sont par-
faitement d'accord avec ce qu'indique la pratique, en
faisant fonctionner devant vous les appareils que nous
avons imaginés pour fondre et couler des quantités
pour ainsi dire illimitées de platine. »
Puis, Debray développe son calcul bien connu sur
la température de la flamme du chalumeau oxhy-
drique, qui assigne à cette température la valeur
de 6.800°. 11 donne, en même temps, les résultats
d’une série d'expériences très bien faites sur le
point de fusion du platine, et le fixe aux environs
de 2.000°. Debray ne parait pas s'étonner de la
disproportion énorme qu'il trouve ainsi entre la
température calculée pour le chalumeau oxhydri-
que et celle observée pour la fusion du platine.
Mais, cette contradiction avait frappé Sainte-
Claire-Deville et c’est elle qui l'a conduit à la
notion précise de la dissociation réversible. Se
trouvant tous les jours, pendant ses expériences
sur le platine, remis malgré lui en présence de la
même difficullé, sa pensée était constamment
ramenée sur le même fait et obligée d'en chercher
l'explication. Dans ses deux lecons sur la dissocia-
tion, professées en 1864 devant la Société Chimique
el qui sont restées classiques, on trouve le résul-
tat final de l’évolution de ses idées sur cet impor-
tant sujet. Prenant comme point de départ et
reproduisant le calcul de Debray, il oppose à ce
résultat théorique le résultat expérimental que lui
ont donné des mesures de la quantité de chaleur
contenue dans le platine porté à la plus haute
température que peut donner le chalumeau oxhy-
drique, et il s'exprime ainsi :
« .… D'après ces expériences, on peut affirmer que
la température de combinaison de l'hydrogène et de
l'oxygène à équivalents égaux n'excède pas 2.500°. »
Sans suivre les développements assez obscurs
qui accompagnent cette expérience, arrivons tout
de suite au résultat. H. Sainte-Claire-Deville attribue
cet écart entre la température observée et a tem-
pérature calculée à la dissociation de la vapeur
d'eau. À celte occasion, il affirme pour la pre-
mière 1ois la réversibilité et cherche même à en
démontrer la nécessité par un raisonnement à
priori qu'il vaut mieux passer sous silence, Voici
le commencement du passage en question :
« … Dans les développements qui précèdent, j'ai
admis implicitement que le point fixe de la combinaison
de l'hydrogène et de l'oxygène et le point fixe de la
décomposition de l'eau sont identiques, comme les
points fixes d'ébullition et de condensation. Il est im-
possible de concevoir qu'il en soit autrement, surtout si
l'on considère que la chaleur représente un mouve-
ment et que le carré de la vitesse avec laquelle vibrent
les molécules'en exprime l'intensité ou la valeur ther-
mométrique.
« L'action étant égale à la réaction dans fout pro-
blème de Mécanique, on pourra ou admettre la propo-
sition, ou la démontrer comme suit, »
Sautons la prétendue démonstration, et arrivons
à un énoncé plus précis encore de la réversibilité :
« .… En somme, tous ces raisonnements se fondent
sur ce que la transformation de la vapeur d’eau en un
mélange d'oxygène et d'hydrogène est un véritable
changement d'état correspondant à une température
fixe et que cette température est la même quand on
passe d'un état à un autre, dans quelque sens que se
fassent les changements. »
Sur celte simple affirmation, non démontrée,
s'est élevée une nouvelle branche de la Chimie:
c'est la métallurgie du platine qui en a élé l'occa-
sion el qui a fourni au génie de H. Sainte-Claire-
Deville les aliments indispensables pour manifester
sa puissance, comme l'avaient fait pour Lavoisier
les innombrables opérations industrielles aux-
quelles ses fonctions l'obligeaient de s'intéresser.
IV. — PASTEUR.
On comptera certainement, au nombre des plus
grandes découvertes du xiIx° siècle, dans un
domaine empiétant un peu sur celui de la Chimie,
la création de la Microbiologie, due aux travaux de
Pasteur. Ici, l'intervention des préoccupations prati-
ques est évidente, Pasteur, dans tous ses Mémoires,
la proclame presque à chaque ligne.
Fils d'un petit tanneur d'Arbois, il ne s'était pas
désintéressé, pendant son séjour à l'Ecole Nor-
male, des travaux de la maison paternelle, comme
le montrent les recettes perfeclionnées sur le tan-
nage des peaux qu'il engage les siens à essayer.
Cependant, à sa sortie de l'Ecole Normale, Pasteur
avait débuté par des travaux de Crislallographie
d’un caractère purement scientifique. Ses études
sur l'acide tarlrique, cerlainement très remarqua-
bles, n'auraient pas suffi pourtant à faire passer
son nom jusqu'à une postérité bien reculée. Mal-
gré le grand retentissement qu'elles eurent au
moment de leur publication, elles ont aujourd'hui
un peu perdu de leur intérêt. Sa gloire incontes-
table date de ses recherches visant des buts prati-
ques : Fabrication du vinaigre, traitement des
maladies des vins et des vers à soie, fabrication
de la bière, mesures prophylactiques contre les
épidémies charbonneuses, vaccination contre la
rage, etc. Ces questions s'éloignent un peu du
domaine de la Chimie. Il suffira de les mentionner
ici el de renvoyer, pour le reste, à l'ouvrage de
M. Vallery-Radot, qui donne une idée si nelte de
l'enchainement scientifique des idées de Pasteur,
etmontre le rôle qu'a joué dans leur développement
sa préoccupation conslante de travailler à des étu-
des utiles à ses concitoyens.
1106
H. LE CHATELIER — L'INDUSTRIE ET LES PROGRÈS DE LA SCIENCE PURE
Je me contenterai de rappeler ici l’origine des
recherches sur la fermentalion alcoolique. Pasteur
Lerminait ses études sur l'acide tartrique, quand il
fut envoyé comme professeur à la Faculté des
Sciences de Lille, qui venait d’être fondée et dont
il devint bientôt le doyen. Le Ministre de l'Ins-
truction publique, en lui confiant ce poste, lui
explique ce que l’on attend de lui: il ne s'agit pas
tant de donner un enseignement scientifique très
élevé à des auditeurs encore problématiques que
d'attirer vers la nouvelle Faculté de nombreux
auditeurs. Et, à ce sujet, on n’est pas sans quelques
inquiétudes, dans un pays où les préoccupations
industrielles très intenses ne laissent peut-être pas
grand temps pour penser à la Science. Voici ce que
le Ministre lui écrit :
« … Que M. Pasteur se tienne cependant toujours
en garde contre l'entrainement de son amour pour la
Science, et qu'il ne perde pas de vue que l'enseigne-
ment des Facultés, tout en se maintenant à la hauteur
des théories scientifiques, doit néanmoins, pour pro-
duire des résultats utiles et étendre son heureuse
influence, s'approprier les plus nonibreuses applicalions
aux besoins réels du pays auquel il s'adresse. »
Fidèle à la consigne, Pasteur se met aussitôt en
relation avec les industriels, il organise des visites
d'usines pour ses élèves, et se met à étudier les
applications de la Science avec l’ardeur qu'il avait
consacrée jusque-là à la Science pure.
C’est dans ces condilions qu'il fut amené à étudier
la fermentation alcoolique. J'emprunte la citation
suivante à M. Vallery-Radot :
« … Dans l'été de 1856, un industriel de Lille,
M. Bigo, dont l'usine était située rue d'Esquermes, avait
éprouvé celte année-là, comme beaucoup d’autres, de
grands mécomptes dans la fabrication de l'alcool de
betteraves. 11 vint demander conseil au jeune doyen.
La perspective de rendre service, de communiquer le
résultat de ses remarques aux nombreux auditeurs qui
se pressaient dans l’étroit amphithéätre de la Faculté,
d'observer minutieusement les phénomènes de la fer-
mentation, qui le préoccupaient à un si haut degré, fit
accepter à Pasteur ces demandes d'expériences. Presque
chaque jour, il faisait des stations prolongées à l’usine
de la rue d'Esquermes. De retour au laboratoire, où il
n'avait à sa disposition qu'un microscope d'étudiant
et une étuve des plus sommaires, chauffée au coke, il
examinait les globules dans le jus de fermentation, il
comparait le jus de betterave filtré et non filtré, il se
livrait à des hypothèses qui le stimulaient, sauf à les
abandonner dès qu'un fait s’imposait... Il arrive enfin
à constater au microscope que les globules étaient ronds
quaud la fermentation était saine, qu'ils s’allongeaient
quand l’altération commençait, et qu'ils étaient allongés
tout à fait quand la fermentation devenait lactique.
Cette méthode très simple nous permit, dit le fils de
M. Bigo, d'éviter les ennuis de la fermentation qu'on
avait fréquemment jadis. »
Et cette étude industrielle a été le point de
départ d’une des plus belles découvertes du siècle
qui vient de finir,
V. — AUTRES EXEMPLES.
La même démonstration pourrait être conlinuée
en s'adressant à des travaux scientifiques d’impor-
tance moindre, mais qui ont cependant contribué
au plein épanouissement des sciences dont nous
venons d'étudier la naissance. On pourrait, par
exemple, montrer le rôle qu'ont aujourd’hui les
laboratoires métallurgiques dans les progrès de la
Chimie. C'est d'eux que sont sorties nos connais-
sances les plus précises sur les combinaisons mu-
tuelles des métaux, sur les solutions solides, etleur
rôle est loin d’avoir été négligeable dans les progrès
de la Mécanique chimique. Pendant ce temps, un
trop grand nombre de laboratoires scientifiques,
fidèles observateurs de la tradition, s'arrêtent à
répéter indéfiniment les mêmes expériences ou à
discuter, après tous les philosophes de l'Antiquité
et du Moyen-Age, sur la constitution intime de la
matière. Mais il faut se borner, et je m'arrêterai là.
NI. — ConcLusIoNs.
Quelle conclusion doit-on tirer de cetteétude? Il
en faut une, car tout effort doit avoir un but. Per-
sonne cerlainement n'aurait la folle prétention de
tracer un programme aux génies qui pourront en-
core, dans l'avenir, bouleverser nos connaissances
par quelque nouveau saut en avant; le génie ne
s'organise pas. Mais il est permis de penser qu'une
méthode de travail si précieuse pour les grands
esprits ne serait peul-être pas mauvaise pour les
esprits de plus petite envergure. N'y aurait-il pas
lieu de Lirer parti de cette action bienfaisante des
préoccupations pratiques pour en faire profiter
notre enseignement? On dit, et cela avec beaucoup
de raison, que l’enseignement scientifique fausse
parfois le jugement, qu'il donne une tournure d’es-
prit exactement opposée à ce que l’on appelle le
sens pratique, qu'il prépare insuffisamment à la
lutte pour l'existence.
Si celte méthode analytique est indispensable
pour la découverte des lois naturelles, elle n’est
pas moins nécessaire pour leur enseignement, et
personne ne voudrait renoncer au point de vue
abstrait qui prédomine aujourd'hui dans l’ensei-
gnement scientifique. On ne peut nier cependant
que cette habitude, donnée à l'esprit par une édu-
cation longtemps prolongée, de ne jamais envisager
les faits que par un seul point de vue à la fois, pré-
sente, en regard de ses avantages, de très sérieux
inconvénients. On se laisse facilement aller à attri-
buer aux phénomènes réels et complexes une sim-
plicité absolument contraire à la vérité. Dans leur
étude, on les envisagera par un seul côté, qui
! souvent ne sera pas le plus important, mais celui
mie aout
vs
H. LE CHATELIER — L'INDUSTRIE ET LES PROGRÈS DE LA SCIENCE PURE
sur lequel l'attention aura été le plus fortement fixée
par des circonstances accidentelles. C'est ainsi que
l'impression profonde laissée par l'enseignement
de la Mécanique rationnelle, qui reçoit un déve-
loppement exceptionnel en raison du degré de
perfection auquel celte science est arrivée, con-
duira trop souvent les conslructeurs à faire
abstraclion des qualités des métaux qu'ils em-
ploient. Ou bien encore, dans le choix d'une
machine thermique, oubliant les conseils si sages
donnés par Sadi-Carnot, on ne se préoccupera que
du rendement théorique de la machine, en ignorant
toutes les considérations si imporlantes à faire
entrer en ligne de compte, qui se rapportent au
frottement, à la facilité d'entrelien, ele.
On pourrait atténuer dans une large mesure cette
iufluence désastreuse de l’enseignemeut scienti-
fique abstrait et analytique en le faisant suivre et
même en l’accompagnant d’un enseignement con-
cret et synthétique, c'est-à-dire en faisant l'applica-
tion à quelques phénomènes réels, soit naturels,
soit industriels, des notions scientifiques acquises
dans la première partie de l’enseignement. 11 n’est
pas question ici, bien enlendu, de réintroduire
dans les traités didactiques de Chimie les préten-
dues notions pratiques qui les ont trop longtemps
encombrés. On intercalait à tort et à travers des
recettes empiriques sur la Chimie analylique, la
Métallurgie, qui déconcertaient les élèves par leur
contradiction absolue avec les notions scientifiques
qu'elles coudoyaient et qu'elles semblaient sur
tous les points convaincre d’inexaclitude. Il ne
s'agit pas d'introduire dans la mémoire quelques
connaissances soil disant pratiques, mais simple-
ment de faire comprendre en quoi consistent les
problèmes d'ordre pratique et de laisser entrevoir
la méthode qui peut être appliquée à leur étude.
Le sens pralique est, en effet, cette tournure
d'esprit qui, du premier coup d'œil, vous fait voir
dans un phénomène donné quelles sont loutes les
circonstances si variées dont il dépend et vous fait
rapidement discerner celles qui aurontune influence
prépondérante sur le résultat cherché. Par exemple,
dans une usine, devant un four qui chauffe mal, on
pensera à la fois aux causes possibles suivantes :
mauvaise qualilé du charbon, conduite défectueuse
au feu par le chauffeur, insuffisance du tirage due
à une obstruction des passages de fumée, rentrée
d'air par des fissures des maçonneries, action du
vent sur la cheminée, etc. Mais, dès le premier
instant, on se préoccupera de la composilion de l’at-
mosphère du four, on fera tout de suite une analyse
des fumées, parce que c'est, avant tout et presque
exclusivement, de cette composition que dépend la
température obtenue. Si, au contraire, on manque
de sens pratique, on se figurera à priori que c'est
1107
une (quelconque des causes accessoires mentionnées
plus haut qui est en jeu, par exemple la qualité
du charbon, et, pendant des jours, des semaines,
on s'entêtera à varier la nature des charbons em-
ployés, sans obtenir aucun résullat.
Pourquoi l’enseignement actuel ne développe-
til pas cet esprit pratique, qui n'est qu'une des
formes du bon sens, el comment pourrait-il le
faire ? Les phénomènes nalurels sont infiniment
nombreux, et, si l'on voulait les éludier directe-
ment, on ne pourrait y arriver que pour une pro-
portion relativement bien faible d'entre eux. Mais
l'on a remarqué, et c’est là le point de départ de
toutes les sciences, que les phénomènes naturels
complexes ne sont que la résultante d'uné série de
phénomènes élémentaires relativement peu nom-
breux et d’une nalure beaucoup plus simple. En ne
considérant
rels, qu'un seul point de vue à la fois, el faisant
abstraclion de tous les autres, on à créé une série
de sciences particulières, relatives à ces différents
points de vue : Chaleur, Electricité, Chimie, ete. IL
suffit ensuite de combiner de loutes les façons pos-
sibles les différents
sciences nous donnent la connaissance pour arri-
ver indirectement à la connaissance complète des
phénomènes naturels, et de le faire d’une façon
beaucoup plus rapide que ne l'aurait permis leur
étude directe.
Supposons, par exemple, que l’on choisisse le
haut-fourneau : il est tout à fait inutile de détailler
les profils, les dimensions, les compositions des
lits de fusion et autres détails semblables. Mais on
s’attachera à montrer le rôle des phénomènes chi-
miques et, en particulier, celui des équilibres si
curieux qui se produisent au sommet du haut-four-
neau lors de la dissociation de l’oxyde de carbone,
vers la partie moyenne pendant la réduction de
l'oxyde de fer, et vers le bas dans les échanges
qui se font entre le métal et le laitier fondu. Puis,
abordant le rôle de la science de l'Énergie, on mon-
trera comment la puissance motrice disponible dans
le charbon est utilisée pour séparer le fer de l'oxy-
gène, en discutant les causes des pertes énormes
résultant soit du refroidissement par les parois, soit
de l'énergie emportée par les fumées, et, à cette occa-
sion, on passera en revue les procédés multiples
employés pour récupérer cette dernière perte. Ce
sera ensuite le tour de la mécanique des fluides, qui
intervient dans la circulation de l'air par les tuyères,
à travers les malières en pelits fragments qui rem-
plissent le four. Il y aura à faire entrer en ligne
de compte la nécessité d’avoir une enveloppe pour
le four, en indiquant les complications de toute
nature qu'entraine la présence des parois du four
en raison de certaines de leurs propriétés physi-
ainsi, dans les phénomènes natu-
faits élémentaires dont ces
1108
ques. Puis, on passera en revue quelques-uns des
innombrables phénomènes accidentels qui jouent
un si grand rôle dans le succès de toute opération
industrielle, par exemple la présence des impu-
retés soufre et phosphore qui passent dans la fonte
ou celle des poussières entraînées par les gaz. Ce
sera ensuite le tour de l’utilisation des sous-pro-
duits, par exemple celle des laitiers servant à la
fabrication des pavés artificiels et du ciment, utili-
sant ainsi tantôtleurs propriétés mécaniques, lantôt
leus propriétés chimiques. Enfin, il est indispensa-
ble de donner quelques idées sur le prix de revient,
sans la considération duquel les raisons d’être de
tous les dispositifs employés dans l’industrie sont
incompréhensibles. Pourquoi, sans cela, quand on
veut avoir du fer pur, commencer par préparer une
GASTON LOTH — L'ORGANISATION DE
L'ENSEIGNEMENT ITALIEN EN TUNISIE
matière aussi impure que la fonte? Cela semble
une absurdité.
Deux ou trois exemples semblables, convenable-
ment choisis, suffiraient pour montrer comment on
doit mettre en œuvre les différentes sciences abstrai-
tes que l'on a passé de si longues années à s’assimiler
et qui semblent souvent ensuite impropres à tout
usage.
Cette proposition de faire accompagner l’ensei-
gnement de sciences abstraites et analytiques par
un enseignement concret et synthétique n'a, d’ail-
leurs, rien de bien nouveau: c'est, à peu de chose
près, ce que Lavoisier avait déja proposé il y a
plus d'un siècle.
H. Le Châtelier,
Ingénieur en Chef des Mines,
Prufesseur de Ghinie minérale au Collège de France.
L'ORGANISATION DE L'ENSEIGNEMENT ITALIEN
EN TUNISIE
On sait qu’au moment de notre prise de posses-
sion du sol tunisien, nous avons pris l'engagement
formel de respecter les contrats antérieurement
passés entre le Bey et les Puissances étrangères.
Bénéficiant de cette clause du traité de Kassar-Saïd
(12 mai 1881), l'Italie a pu, pendant quinze ans, con-
server el même développer toutes les institutions
qu'elle avait fondées dans la Régence. En 1896,
toutefois, de nouveaux actes diplomatiques passés
entre les gouvernements de Rome et de Paris ont
ramené à de plus justes proportions les droits de
l'Italie et de la France dans la Régence, en consa-
crant définilivement cerlains privilèges réclamés
par la nation protectrice, à l'exclusion de toute
autre Puissance. Du coup disparurent les postes
ilaliennes. L'émotion ressentie par la bourgeoisie
italienne de Tunisie fut très vive, mais atténuée
cependant par la perspective de conserver, long-
temps encore, des écoles nationales fonctionnant
en dehors de l’organisation universitaire créée par
la France. Tous les efforts de nos voisins tendent,
depuis lors, à maintenir en élat de prospérité leurs
institutions scolaires de la Régence, dernier rem-
part de l'ifalianilé. Au moment même où un groupe
important de la colonie italienne de Tunis vient
de fonder une université populaire, il ne sera
pas indifférent au public scientifique français
d'avoir quelques renseignements sur la manière
dont fonctionnent, parallèlement à la Direction de
l'Enseignement public de la Régence, les écoles
entretenues là-bas, à grands frais, par le royaume
d'Italie.
C'est en 1831 que M. Pompée Sulema, émigré
politique livournais, venu à Tunis avec sa sœur
Esther, ouvrit dans cette ville la première école
italienne, où furent aussitôt inserils 15 garçons et
7 filles. Sulema réussit à mériter, en peu de
temps, la confiance des familles européennes et vit
accourir dans son école plus d'élèves qu'il ne pou-
vait en espérer. Il se décida alors à s'associer à un
Français, l'abbé Bourgade, qui prit la direction
de l'établissement et put l'agrandir grâce à une
subvention du roi Louis-Philippe. Le fond de l’en-
seignement était l'ilalien, mais on donnait quel-
ques notions de français, d'arabe et les premiers
éléments du latin et du grec ‘.
Cependant, lesIsraélites éprouvaient une certaine
aversion à envoyer leurs fils dans une institution
dirigée par un prêtre. Pour calmer leurs appréhen-
sions, M. Morpurgo ouvrit, en 1840, avec le con-
cours de MM. Salone et Luisada, une nouvelle école
élémentaire, deslinée surtout aux Israélites. Les
choses restèrent en l’état jusqu'en 1863, époque où
M. Gambarotta, consul d'Italie, employa ses efforts
à doter la colonie de Tunis d'une école convenable-
ment installée. L'intervention de ce fonctionnaire
était la conséquence de la circulaire adressée, peu
de temps auparavant, par le ministre des Affaires
étrangères du jeune royaume d'Ilalie à tous les
consuls du Levant, pour attirer leur attention sur
4 GT Ltaliani in Tunisi, Roma, 1899.
GASTON LOTH — L'ORGANISATION DE L'ENSEIGNEMENT ITALIEN EN TUNISIE
D £lles servent, disait-il, à ré-
-pandre une instruction pratique et réglée selon les
circonstances particulières, et maintiennent dans |
nos colonies l'esprit national, en empéchant les
- émigran(s italiens, à mesure que les générations se
* succèdent, de se détacher peu à peu de la patrie.
- A peine est-il besoin d'ajouter qu'en s'ouvrant
“aussi aux jeunes gens des autres nations el aux
- indigènes, ces institutions sont un légitime moyen
d'influence morale *.…
Le ministre lerminait en assuranl qué le Gouver-
nement royal était décidé à venir en aide à toutes les
- entreprises privées ayant pour but de fonder des
écoles. Il prescrivait, en conséquence, une vaste
enquête sur les établissements d'instruction dans
le Levant.
Fort de l'appui de son Gouvernement, M. Gam-
barolta obtint du bey Mohammed-Es-Saddok la con-
cession d'un terrain à Tunis, sur lequel fut bâtie
une école, inaugurée le 4 janvier 1864 en présence
des notables de la colonie italienne. Elle prit le nom
de Collegio italiano, et la direction en fut confiée à
M. Natia, aidé de MM. Sulema, Onetto et Luisada,
instituteurs italiens. Le Gouvernement italien ac-
corda au nouvel élablissement une subvention
annuelle. En 1870, pour compléter les études com-
mencées dans les classes élémentaires de ce collège,
fut fondée une École technique, d'où sont sortis de
nombreux jeunes gens entreprenan(s, qui sont au-
jourd'hui des industriels et des commerçants esti-
més et forment une partie des notables de la colonie
italienne.
Enfin, en 1887, dans le but de donner à leurs
enfants une instruction, soit classique, soit com-
merciale, en même temps qu'une éducalion natio-
nale, plusieurs pères de famille fondèrent par
actions le Convilto italiano, pensionnat italien à la
direction duquel fut appelé de Milan un ancien
officier, M. le comte Tito Cybeo *. Cette institution
devint la pépinière des écoles secondaires et recut
les jeunes gens des familles italiennes les plus
notables de Tunis et de l'intérieur de la Régence.
IT
Pour le succès de ces diverses entreprises, les
Ilaliens n'ont jamais reculé devant aucun sacrifice.
En 1891, quand il s’agit de créer un « Liceo », ils
souscrivirent avec le même empressement toules
les sommes nécessaires pour doter l'établissement
du personnel et du matériel indispensables”. Trois
{ Bollettino del Ministero degli Aff. Est. (Anno 1863).
? Macuuez ;: L’Enseignement public en Tunisie, Tunis,
1900.
% MacnuEL : Op. cit.
REVUE GÉNÉRALE DES SCIENCES, 1901.
1109
l'importance morale et politique des institutions | membres de la colonie contribuèrent, à eux seuls,
pour une Somme de 50.000 lires. Des dépenses con-
sidérables furent engagées pour l'adaptation des
locaux et l'achat du matériel scolaire et scientifique.
On fit venir d'Italie, par les soins du Ministère des
Affaires Étrangères, toutun corps de professeurs.
Il fallait, toutefois, compter avec les progrès de
l'influence française, progrès assez rapides pour
que l'essor du « Convitto » fût bientôt arrêté et que
les actionnaires de cet établissement, après avoir
dépensé plus de 100.000 francs en dix ans, fussent
contraints, en mai 1897, de décider sa fermeture.
Les membres du corps enseignantitalien de Tunisie,
donnant alors un admirable exemple de dévoue-
ment à la chose publique, décidèrent d'assumer,
pour leur propre comple, la gestion du Convitto et
de prêter gratuitement leur collaboration à son
directeur.
De son côté, l'Etat italien avait pris à sa charge le
« Liceo-ginnasiale » et l'école « Tecnico-commer-
ciale ». Il avait, en outre, considérablement déve-
loppé l’enseignement primaire, qui comprend ac-
tuellement six écoles élémentaires de garçons, six
écoles el cours complémentairse de filles, trois cours
du soir et quatre asiles. Tous ces établissements
dépendent directement du Ministère des Affaires
Étrangères. Le tableau 1 ci-joint en indique la
répartition sur le sol tunisien avec le dénombre-
ment de la population scolaire tel qu'il a élé établi
par les soins des autorités consulaires‘.
La comparaison des chiffres ci-dessus peut don-
ner lieu à d’intéressantes remarques. A noter, tout
d'abord, que le chiffre des inscrits pendant l'année
scolaire 1899-1900 ne s'élève guère au-dessus de
5.000, en y comprenant 809 auditeurs inscrits aux
cours du soir, soit à peine le quart de la popula-
tion enfantine ilalienne, qui n'est pas moindre de
20.000. Si l’on considère que les écoles francaises
ont reçu, la même année, plus de 4.000 enfants de
nalionalité italienne, on est amené à constater que
environ 10.000 enfants ou jeunes gens restent
encore dépourvus de toute instruction.
Les traités de 1896 ont bien reconnu l'existence
des écoles italiennes, mais ont stipulé qu'on n’en
pourrait ouvrir de nouvelles ?. Il appartient donc au
gouvernement du Protectorat de donner asile dans
ses élablissements à tous les jeunes Italiens qui ne
peuvent trouver place dans les écoles royales. La
question est d'autant plus facile à résoudre que les
fils d'agriculteurs et d'ouvriers italiens viennent
“ Bollettino del Ministero degli Affari esteri. Août 1900.
? On remarquera, dans le tableau de répartition des écoles,
qu’en 1837-98 s'ouvraient à Tunis deux nouvelles écoles de
garcons, un asile et un cours du soir, qu'en 1898-99 un cours
du soir est inauguré à Sousse, un autre à Sfax et trois cours
du soir complémentaires à l'école de filles de J'unis.
24*
1110
volontiers trouver des maîtres français. Il suffi-
rait d'avoir un assez grand nombre d'écoles franco-
européennes pour que notre enseignement primaire
füt définitivement victorieux !.
Il ya moins à se préoccuper des établissements
italiens d'enseignement secondaire, dont la déca-
dence est manifeste et qui luttent péniblement
contre nos institutions similaires. Le récent décret
qui oblige les avocats étrangers, exerçant en Tu-
TagLeau |. — Répartition et Population des Écoles royales italiennes en Tunisie.
GASTON LOTH — L'ORGANISATION DE L'ENSEIGNEMENT ITALIEN EN TUNISIE
écoles enfantines et élémentaires, payante dans les
écoles secondaires. Des sections payantes peuvent
êlre aussi organisées dans les écoles élémentaires:
L'enseignement des langues étrangères, sauf les
langues arabe el française, est facultatif et payanb
dans les écoles secondaires et élémentaires.
Les taxes sont établies par le ministre des
Affaires Étrangères, après avis du consul général
de Tunis, qui a autorité sur toutes les écoles des
DÉSIGNATION DES ÉCOLES
1895-1806 | 1896-1807 | 1897-1898 | 1898-1899 | 1899-1900
Ecoles secondaires.
| Tunis : Liceo e ginnasio « Vittorio Emanuele IL», . . . . . 64 55 69 68 65
| — Tecnico-Commerciale « Umberto I». . . , . . . . . . . . 89 82 69 T0 61
HORS RÉ ER DR RE 153 137 138 138 126
Ecoles élémentaires de garçons.
Tunis : Ecole « Principe di Napoli ». . . : +: .… D LP 871 1.053 503 510 523
— rc IGOvannaMelt PERRET » » 447 420 520
— RE QUIMDENOALN MEN REIN en EC IMC E » » 141 71 220
| — CorsorSeralel(Pcole duisoir) PER ETES CEE » » 516 533 540
IStasetecoletléementére desarcons PER EC PE 50 47 47 49 98
Sousse tEcolerélémentaire de garcons. AN 106 113 132 132 152
— COURSES CITE ER EE CE UE LE » » » 162 142
La Goulette : Ecole élémentaire de garcons... . . . . . . . . . . . 84 19 95 98 75
— CORTE SOI NN EN ES ER ET » » » 126 127
Do tal M AMAR LE 1.292 1.881 2.107 2391
| Ecoles élémentaires de filles.
| Tunis : Ecole « Margherita di Savoia » . . . . . . . . . dre 845 887 700 5350 620
— Cours complémentaire craint CN NC » » » 11 102
| — _ RER CIrAMOMOIO NTM EULE AU bP ER EE » » » 19 40
| — Cours profes Sonnel EN ET » » » 50 50
TRE Ecole unriSMC0lo nue EEE APS IE RENE » » 400 420 480
La Goulette : Ecole élémentaire de filles , . . . . . . . . . . . . 149 128 136 108 125
Sfax raEcoletélementalre delle PNR CT CC 61 #7 140 189 19%
| Sousse : Ecole élémentaire de filles”. +... ... . 1. 132 140 147 150 170
Total ER RE MT AU E 1841751) 1.242 1.523 1.497 1.781
Asiles (Giardini d'infanzia). ENT =.
Tunis : Asile « Giuseppe Garibaldi » . . . . . : . « . . . à. . . 546 661 308 308 332
Asilet«Krancesco/Crispl » "1.000. IMMO » » 240 271 282
SOS MA SIENNE PME ES TR NS PES. V0 LUE 160 160 150 160 182
DalRomettes ASIE eee Nr eee N-Ne C 90 82 127 149 156
HE nee 2 à ‘o re ee 796 903 825 888 952
Total général... . 3.237 3.574 4.367 4.630 5.256
NUMBRE D'ÉLÈVES INSCRITS
nisie, à prendre leurs grades dans les Universités
françaises contribuera à nous donner une siltua-
tion tout à fait prépondérante à cet égard.
IT
Devenues gouvernementales en 4889, et complè-
tement réorganisées par les décrets de 1894°, les
écoles italiennes dè Tunisie sont toutes laïques.
En principe, l'instruction est gratuite dans les
‘ Revue générale des Sèiences, 15 juillet 1900.
? Bollett.del Aün. degli Aff.est., décret du 12 avril 1894.
son district et sur tous les fonctionnaires exerçant
dans ces écoles. Le consul doit veiller à ce que la
colonie continue à s'intéresser à la prospérité des
écoles et à ce que les familles y envoient leur
enfants. Il approuve aussi les délibérations des.
Conseils de discipline, et peut augmenter ou dimi=
nuer les peines prononcées contre les élèves. C'est
à lui qu'incombe le soin d’administrer les fond
consacrés à chaque école, de payer les traitements
et rémunérations diverses du personnel, de rece-
voir les rapports trimestriels et annuels des direc=
teurs, de les transmettre à l'inspecteur général en*
résidence à Rome et chargé par le ministre de
GASTON LOTH — L'ORGANISATION DE L'ENSEIGNEMENT ITALIEN EN TUNISIE
Affaires Étrangères de visiter tous les deux ans les
écoles de Tunisie.
Le consul est aidé dans sa làche par la dépu-
tation scolaire, sorte de Conseil consultalif de huit
membres, choisis dans le corps universitaire ou
Tagceau Il. — Lycée : trois classes correspondant
à nos classes de lettres.
NOMBRE D'HEURES
PAR SEMAINE
MATIÈRES ENSEIGNÉES
lreclasset| 2° classe | 3° classe
]
Italien. .
Latin .
Grec
Ce à CE
Histoire du Moÿen- “Age et mo-
derne... St.
Géographie historique :
Philosophie .
Mathématiques . . .
Physique et Chimie .
Histoire naturelle et Géogra-
phie physique. . . :
Langue arabe . . . .
Langue française
Q2 19 19 re © CS # Qt
Us RO 19 = Ce
19 © 19
19 © 19
parmi les notables de la colonie. En principe, les
pouvoirs de celle assemblée sont très étendus,
puisqu'elle donne son avis sur le choix des ma-
tières à enseigner, qu'elle a qualité pour suspendre
d'office, de leurs fonctions, les maitres indignes,
Tagzeau HI. — Gymnase : cinq classes correspondant
à nos classes de grammaire et élémentaires.
NOMBRE D'HEURES
| MATIÈRES ENSEIGNÉES x
{re 2e 3e 4° 5°
classe | classe | classe | classe | classe
Langue italienne. . . 7 6 6 6 5
IBtITEL CU. » 3 5 5 5
grecque. » » » » 4
— francaise. . 4 3 3 3 3
| Es ATAD En 0e 4 3 3 3 3
HISIOLE ER LC 2 2 2 2 2
Géographie moderne. 2 2 ?) » »
ancienne. » » » 1 1
Mathématiques. s 2 2 2 2 2
Botanique et Zoologie. » » » 3 3
BICHDUTE + 0e ee 2 2 » » »
qu'elle assiste aux examens et a droit d'inspection.
En réalité, les « députés » forment un simple trait-
d'union entre les écoles et la colonie, dont ils
représentent les intérêts el dont ils expriment les
vœux. Les vérilables maitres de la direction à
1 Le numérotage des classes se fait dans un ordre inverse
au nôtre : la prima liceale est notre troisième, et la terza
liceale notre rhétorique ; la prima ginnasiale correspond à
notre huitième, et la quinta ginnasiale à notre quatrième.
Voir En Sicile, ouvrage publié sous la direction de Louis
Olivier. Paris, Flammarion, 1901.
Atil
imprimer à l'enseignement sont toujours les chefs
d'établissements, assistés des professeurs.
Au lycée-gymnase de Tunis, placé sous l'autorité
d'un preside ou proviseur, on applique le pro-
gramme que résument le tableau IT et II.
Avant de passer du gymnase au lycée, les élèves
subissent, comme en Italie, les épreuves de la
licenza ginnasiale ; à la fin du cycle des études du
lycée, ils subissent, dans l'établissement même, les
épreuves de la licenza liceale, c'est-à-dire du bac-
calauréat. Le jury d'examen, présidé par le provi-
seur, est composé des professeurs du lycée, aux-
quels peut être adjoint un membre de la députation
scolaire. Le consul assisle aux examens à titre de
commissaire du Gouvernement. Il doil être présen
TaBceAU IV. — Ecole technique-commerciale.
NOMBRE D'HEURES
MATIÈRES ENSEIGNÉES
{re 9" De
classe | SES classe! cla
Langue italienne.
— francaise.
METRE À
— anglaise et allemande .
Histoire . 7 - ‘
Géographie. . .
Mathématiques. . . .
Comptabilité et tenue des livres.
Sciences LE et vaturelles.
DESSIN ACCES
Ecriture .
Histoire et Géographie commer-
ciale des colonies :
C9 == NO 19 C9 © QE
N2 ©5 NO Co C0 > N9 ND C0 C9 QE
9 V9 NO QUO 2 = NO 9 C9 + UE
IN # N
Notions d'Economie politique.
Arithmétique commerciale .
Notions commercialessur les pro-
duits des trois règnes et Chimie
appliquée aux pEOGUE com-
merciaux . PRE NA LCA CL
quand sont ouvertes les enveloppes renfermant les
textes d'épreuves ‘ envoyées par le Ministère de
l'Instruction publique.
Le programme des matières enseignées dans
l'École technique commerciale correspond à celui
de nos établissements d'enseignement moderne et
de nos écoles primaires supérieures (Tableau I).
C'est surlout dans l’enseignement élémentair
qu'on peut constater le souci du Gouvernement
italien d'approprier ses programmes aux exigences
locales. En effet, si les matières enseignées dans
les écoles de Tunisie restent les mêmes que dans
les écoles d'Italie, le nombre d'heures assigné à
chaque matière est laissé à la convenance du direc-
teur. Celui-ci peut régler son horaire à sa guise, de
façon à réserver une partie du temps pour l'étude
du français et de l'arabe. Dans les 4° et 5e classes,
1 Une composition italienne, une version latine et une
version grecque.
1112
GASTON LOTH — L'ORGANISATION DE L'ENSEIGNEMENT ITALIEN EN TUNISIE
six heures par semaine sont ainsi consacrées à la
langue francaise et deux heures à la langue arabe.
Les programmes sont semblables pour les filles et
pour les garçons.
Pour les cours du soir organisés à Tunis, Sousse
et La Goulette, il n'existe aucun programme offi-
ciel. Le corps enseignant est libre du choix des
méthodes à appliquer et des matières à enseigner.
Cependant, les résultats obtenus ne sont pas bril-
lants et les 809 audileurs inserits en 1899-1900
paraissent surtout destinés à gonfler les effectifs
scolaires. Un projet de réorganisation de ces
cours, publié récemment par un journal ilalien de
Tunis, prévoit l'établissement d’un cours pratique
de langue française.
IV
En raison du zèle dont ils font preuve dans
l'accomplissement de leur lâche et de leur ardent
patriotisme, les professeurs et maitres élémen-
taires jouissent d’un grand crédit auprès de leurs
concitoyens. Mais leur situation matérielle n’est
pas en rapport avec leur autorité morale. Nommés
au concours, pourvus des mêmes grades et sou-
mis aux mêmes conditions d'avancement que leurs
collègues d'Italie, les professeurs du « Liceo » ont
un modeste traitement, qui varie de 2.400 à
3.000 lires ; ceux du « Ginnasio »’et del’ « École Tec-
nico-Commerciale » reçoivent de 2.100 à 2.700 lires.
Dans l’enseignement primaire, les traitements de
début sont de 1.100 lires, et ne s'élèvent pas au-des-
sus de 4.600 lires. Diverses'indemnilés de résidence
et logement, variant de 400 à 1.000 lires, s’ajoutent,
il est vrai, aux chiffres qui précèdent, mais, d'une
facon générale, les maitres italiens ne sont pas
suffisamment rémunérés pour faire face aux exi-
gences de la vie coloniale.
En revanche, le personnel de l’enseignement
élémentaire jouit, en Tunisie, de certains privi-
lèges inconnus aux instituteurs de la péninsule.
Tandis que ces derniers dépendent du Conseil mu-
nicipal de la commune où ils enseignent, les maïi-
tres tunisiens sont directement ralltachés au Minis-
tère des Affaires Étrangères et peuvent être envoyés
dans toutes les écoles royales du Levant. Il en
résulte que les instituteurs italiens de la Régence
sont généralement supérieurs à leurs collègues
d'Italie. Presque tous ont visité la Grèce, les Bal-
kans, l'Asie Mineure ou l'Egypte et connaissent le
monde musulman. La mémoire de Crispi restera
longtemps populaire parmi eux, car c'est à ce mi-
aistre qu'est due l'organisation actuelle des écoles
italiennes à l'Étranger. Un grand nombre d’entre
eux parlent correctement la langue francaise; tous
la lisent et se plaisent dans le commerce de nos
grands auteurs des trois derniers siècles. Hôtes
assidus des bibliothèques de Tunis, ils recherchent
volontiers la société des professeurs français, qui
n'ont qu'à se louer de leur tact et de leur courtoi-
sie. Ce mutuel échange de bons procédés n'em-
pêche pas de lulter, de part et d'autre, avec une
persévérante énergie, pour la propagation de la
langue et des idées nationales. À la section tuni-
sienne de « l'Alliance française », les professeurs
italiens opposent une section de la « Dante Ali-
ghieri ». À nos « Cantines scolaires » correspond
leur « Patronato scolastico », qui a distribué, l'an
dernier, aux écoliers, 63.721 portions, dont
23.712 gratuites, 9.986 semi-gratuites, les autres
payantes.
v
Si l’enseignement secondaire italien recule de-
vant les progrès de nos institutions similaires,
l'enseignement primaire témoigne encore d'une
vitalité surprenante. Il importe donc que nous ne
négligions rien pour attirer à nous les fils d'étran-
gers qui vivent sur le sol tunisien. À Tunis même,
nous ne pouvons, faute de place, admeltre dans
nos établissements tous les Italiens qui en font la
demande. C'est une situation profondément regret-
lable. L'école doit être, pour rous comme pour
nos voisins, un des principaux facteurs de la
colonisation. « C’est elle, disait un journaliste
tunisien !,
générations fulures, et les fera participer à ce
patrimoine de langue, de culture intellectuelle,
qui conservera l'âme italienne aux .
d'idées et de sentiments qui constitue l’ifalia=\
nile. C'est dans les écoles que doit germer un
idéal nouveau, plus élevé et plus pur, de grandeur
et de prospérité pour notre patrie. » Méditons
ces paroles et n'oublions pas que l'instituteur
français a été, en Tunisie, un des meilleurs ouvriers
de la première heure. Les résultats obtenus par les:
Italiens dans l'enseignement élémentaire, le souci
qu'ils ont de la prospérité de leurs écoles, nous
indiquent bien qu’il faut résolument continuer dans"
la voie suivie jusqu’à présent, en créant, partout
où cela est nécessaire, de nouvelles écoles franco-
européennes, qui hâteront l'absorption, l'assimila-"
tion des masses étrangères par nos compatriotes
de la Régence.
Gaston Loth,
Professeur au Lycée de Tunis.
1 L'Unione, numéro du 24 mai 1898.
D: G. WEISS — LE MUSCLE DANS LA SÉRIE ANIMALE
1113
LE MUSCLE DANS LA SÉRIE ANIMALE
DEUXIÈME PARTIE : HISTOLOGIE DU MUSCLE, CONTRACTION MUSCULAIRE
Dans une première parlie', nous avons étudié la
disposilionetl'architecture desmuseles. Nous allons,
dans la deuxième partie, envisager leur histologie
et le mécanisme de la contraction musculaire.
I. — HiSTOLOGIE DU MUSCLE.
Dans ce qui précède, nous avons étudié les dis-
positions qu'affectent les fibres musculaires dans
la constilulion du muscle, quelle que soit, d'ailleurs,
la structure intime de ces fibres musculaires. Nous
allons, maintenant, rechercher en quoi ces fibres
peuvent différer les unes des autres suivant les
divers animaux el.les organes.
J'ai déjà dit que je ne considérais pas les Proto-
zoaires comme devant rentrer dans celte élude,
car nous n'y trouvons pas d'organe différencié
pouvant, à proprement parler, porter le nom de
muscle, et les quelques indications que j'ai don-
nées dans la première partie me paraissent suf-
fisantes.
Il n'a pas encore été fait de bonne classification
de la fibre musculaire basée sur son histologie.
Pour êlre complet, le plus simple serait donc de
prendre successivement les diverses espèces ani-
males, et de décrire leurs muscles; mais, en opé-
rant ainsi, on serait exposé à de nombreuses répé-
titions.
Un animal ne possède pas, en effet, une seule
espèce de fibres musculaires, mais un nombre
très variable, et si certaines structures sont presque
caractéristiques d’un animal délerminé, d'autres se
montrent aux degrés les plus variables de l'échelle
des êtres.
Pendant longtemps, sous l'inspiration des idées
de Bichat, on avait classé les muscles en muscles
de la vie de relation, ou muscles soumis à la vo-
lonté, et muscles de la vie organique ou muscles
soustraits à l’aclion de la volonté. En même temps,
on était presque amené à considérer les premiers
comme équivalents aux muscles striés et les se-
conds comme équivalents aux muscles lisses,
parce que, chez l'homme et la plupart des Verté-
brés, il en est généralement ainsi.
Il avait, cependant, fallu mettre à part le cœur,
qui est un muscle strié, mais n’est pas soumis à
l’action de la volonté.
Bientôt, l'inexactitude de cette classification
1 Voyez la Revue générale des Sciences du 15 décembre
1901, no 23, t. XII, p. 1067 et suiv.
apparut avec trop d'évidence pour pouvoir se
maintenir.
L'Histologiecomparée nousapprend,eneffet, que,
chezles divers animaux, les muscles ayant des fonc-
tions analogues peuvent être indistinctement striés
ou non. Nous voyons des classes d'animaux où
tous les muscles, volonlaires ou non, sont lisses; il
en est ainsi chez les Mollusques, où ce n’est que
très exceptionnellement que nous voyons appa-
raitre la fibre striée. Chez les Arthropodes, au
contraire, c'est le muscle strié qui est la règle; le
muscle lisse ne se rencontre que très rarement, et
encore seulement d’une façon passagère. Même
chez les Vertébrés, où l’on avait admis que la dis-
tinclion ancienne pouvait se conserver, il n’en est
rien; chez la tanche, le muscle de l'intestin est en
partie strié, et il nous suffira d'ajouter que l'œso-
phage de l’homme contient des fibres striées pour
montrer que la division en muscles de la vie de
relation ne peut se conserver comme base d’une
classification histologique, même chez un seul
animal.
Un autre phénomène vient encore compliquer
les choses. Eimer a montré qu'un même musele
peut être tantôt strié, tantôt lisse. Nous verrons
que les muscles des ailes de certains Insectes pré-
sentent la striation transversale à son état de dé-
veloppement le plus parfait. La mouche se trouve
dans ce cas, et on oblient des préparations admi-
rables en enlevant un petit fragment du muscle des
ailes, sur une mouche d'été bien vivace, après fixa-
tion par l'alcool au tiers.
Il suffit d'en faire une dissociation, de colo-
rer à l'hématoxyline et de monter au baume de
Canada. En examinant avec un bon objectif la pré-
paration ainsi faile, on voit sur les fibres une stria-
lion transversale très nette, sur laquelle je revien-
drai plus loin. Mais, le résultat n’est plus le même
si l’on opère sur une mouche en état de sommeil
hibernal. Les mêmes muscles n'ont plus qu'une
slriation très imparfaile, qui peut même disparaitre
complètement sur certaines fibres.
Eimer a attribué ce fait à l'inactivité, et un de
ses élèves, Vosseler, a justifié cetle hypothèse par
un grand nombre d'observations.
Vosseler a d’abord montré que, si la mouche d’hi-
ver était transportée dans un endroit chaud, de
facon à lui faire reprendre son activité, on voyait
peu à peu reparaitre la striation d'été. L'expé-
rience inverse fut moins concluante, les mouches n
1114
D' G. WEISS — LE MUSCLE DANS LA SÉRIE ANIMALE
supportant généralement que fort mal un abais-
sement de température en dehors de certaines
périodes.
Pillet avait aussi signalé l'absence de striations
chez un Coléoptère trouvé au début du printemps,
pendant les journées encore froides; mais il avait
mal interprété la signification de ce fait.
Vosseler fait encore remarquer que, chez certains
Insectes, les ailes s’atrophient, qu'il en résulte la
disparition d'une fonction, et que les muscles qui
en étaient chargés perdent leur striation, comme
la mouche en état d’hibernation.
Enfin, Vosseler signale un fait très intéressant
sur les araignées, où certains muscles perdent leur
striation et la reprennent pendant différentes pé-
riodes de la vie de l'animal. Ces changements se
produisent au commencement et à la fin de la
ponte et semblent en relation avec la variation de
fonelion ou, plutôt, d'effort à développer chez la
femelle dans ses diverses conditions.
Entre l’état de striation parfaite de la mouche d’élé
el l’état d'homogénéité absolue, il y a forcément des
stades intermédiaires. Dans ce cas particulier, ces
slades ne conslituent que des états passagers ;
mais, dans un grand nombre d'autres, nous les
retrouvons à l’état permanent et nous ne pouvons
alors les faire entrer ni dans la classe des muscles
lisses, ni dans celle des muscles slriés; il faut
établir une catégorie intermédiaire, celle des mus-
cles imparfailement striés.
En dehors de l'état de striation ou de non-stria-
lion des fibres musculaires, nous aurons à consi-
dérer la façon dont les fibrilles élémentaires sont
distribuées dans la fibre. Un autre élément atlirera
aussi. notre attention, c'est le noyau. On sait, en
effet, que tout Lissu vivant est conslilué par des
cellules; par suite, il y a un ou plusieurs noyaux.
On avait signalé des cellules sans noyaux, mais les
travaux récents ont montré que c'élait là une vaine
apparence, l’élément nucléaire n'étant pas tou-
jours localisé en une masse et pouvant, dans cer-
lains cas, affecter un caractère diffus.
Dans l'histologie comparée du muscle, on ne
tarda pas à reconnaître qu'il y a lieu d'établir une
distinction entre les éléments musculaires ne con-
tenant qu'un seul noyau et ceux qui en contiennent
un nombre plus ou moins grand.
Depuis que Külliker a isolé la cellule musculaire
lisse, tous les histologistes s'accordent pour recon-
naître que, dans le premier cas, on a affaire à des
cellules possédant chacune un noyau.
Dans le second cas, l'accord n'est pas aussi
parfait. Certains auleurs pensent que l'élément
musculaire représente une cellule dont les noyaux
se sont multipliés, alors que d'autres croient que
lon se lrouve en présence de la fusion de
plusieurs cellules en un tout. Cette dernière opi-
nion disparait peu à peu devant la première.
Quelle qu'en soit l’origine, il n'en est pas moins
vrai que certains éléments musculaires ont, pendant
toute leur existence, l'apparence d’une cellule plus
ou moins allongée et ne contenant qu'un seulnoyau,
tandis que d'autres éléments prennent la forme
d’une fibre et contiennent un nombre indéterminé,
parfois très grand, de noyaux. C’est en se basant
sur ces faits que Eimer a cherché à établir une
classification complète des muscles, en faisant
d'abord une grande division entre les cellules mus-
culaires et les fibres musculaires, puis créant de
nouvelles subdivisions suivant la strialion et sui-
vant que les muscles sont ou non soumis à l’action
de la volonté.
On obtient, de cette façon, le tableau suivant :
I. — Cellules musculaires.
Non volontaires.
Volontaires.
( Non volontaires.
‘ | Volontaires.
Non volontaires.
; Volontaires.
APATISSES RE
2. Imparfaitement striées . .
3. Striées..
Il. — J'ibres musculaires.
lise Non volontaires.
Volontaires.
Non volontaires.
Volontaires.
Non volontaires.
Volontaires.
2. Imparfaitement striées . . .
JS Ne SEP EEE
Cette classification permet évidemment d'assigner
une place à un muscle quelconque; mais je ne vois
pas à cela grand avantage, cette classification étant
absolument arbitraire et conduisant à ce résultat
que des muscles, très voisins au point de vue phy-
siologique, seront dans des catégories totalement
différentes, alors qu'une même subdivision con-
tiendra des muscles n'ayant nullement la même
fonction. Du reste, certaines classes sont complè-
tement ficlives; d’autres, comme celle des cellules
lisses ou celle des fibres striées volontaires, sont
tellement surchargées qu'à elles seules elles absor-
bent presque toule l'étendue de nos connaissances.
— D'ailleurs, où mettre ces éléments signalés par
Eimer lui-même, qui sont tantôt lisses, tantôt
striés?. Comment reconnaitre qu'une fibre est
imparfaitement striée? Nous voyons bien quand
une cellule ou une fibre est parfaitement lisse; nous
voyons aussi quand elle est striée, mais il me
parait difficile de déterminer la limite entre une
striation parfaite el une strialion imparfaite.
La seule classification rationnelle devrait avoir
pour base l'Embryologie, mais nos connaissances
sur le développement du muscle dans la série
animale sont encore trop restreinles pour que ce
travail puisse se faire.
:
D: G. WEISS — LE MUSCLE DANS LA SÉRIE ANIMALE
1115
En parcourant les divers ouvrages de Zoologie, ou
les Mémoires spéciaux, on constate que si l’on peut
actuellement se rendre compte de la disposition des
muscles chez les divers animaux, il est, dans la
plupart des cas, impossible de trouver un rensei-
gnement précis sur l'histologie de ces muscles, à
part quelques cas très particuliers.
Je pense donc qu'actuellement, pour donner une
idée du muscle dans la série animale, le mieux
est de se contenter d'une répartilion en trois
groupes :
a) Le premier groupe comprendra les muscles
lisses ;
b) Dans un second groupe, je placerai les muscles
qualifiés par Vosseler d'imparfaitement striés;
ce) Dans le troisième groupe se trouvent les mus-
cles striés, c’est-à-dire considérés comme tels par
tous les anatomistes.
A propos de chacun de ces groupes, je dirai dans
quelle classe d'animaux on les rencontre.
$ 1. — Muscles lisses.
Nous rencontrons le premier organe différencié
pouvant porter le nom de muscle chez l'hydre
Fig. 4. — Cellule neuro-musculaire de l'hydre d'eau douce.
d'eau douce. La paroi musculaire du corps de ce
polype se compose d'une seule couche de fibrilles,
des tenlacules
2. — Cellules épithélio-musculaires
de Sagartia parasitica (d’après Hertwig).
Fig.
qui sont une dépendance de la couche épithéliale,
et que Kleinenberg a le premier signalée. Si, après |
fixation, on dissocie un fragment de celte couche,
on constate que chaque cellule épithéliale se con-
tinue à sa partie
inférieure par des
prolongements fu-
siformes, qui cons-
tiluent l'élément
moteur du corps
(fig. 1).Get ensem-
ble, que pendant
longtemps on a
Fig. 3.
— Myoblastes d'une Méduse
Aurelia).
appelé à tort cellule neuro-musculaire, porte main-
tenant le nom plus exact de cellule épithélio-mus-
Fig. 4. — Cellule musculaire d'un Nématoïde.
culaire. Chez l'hydre d'eau douce, la partie proto-
plasmique renfermant le noyau est extrêmement
développée, la partie
différenciée en élément
contractile est, au con-
traire, très réduile.
La partie protoplas-
mique peut s'allonger
plus ou moins, perpen-
diculairement à la di-
rection de la partie mus-
culaire, et donner ainsi
à l’ensemble la forme T.
Dans le cas dela figure 2,
qui représente des cel-
lules épithélio-muscu-
laires des tentacules de
Sagarlia parasilica, on
voit, en outre, un cil vi-
bratile surmonter la par-
lie protoplasmique.
D'autres fois, au con-
traire, l'élément muscu-
laire prend de plus en
plus d'importance, et le
protopläsma, contenant
toujours le noyau, seré-
duit de plus en plus.C'est
ce que montrent les deux
figures 3 et 4.
Il reste finalementune
cellule musculaire lisse
Ne
Fig. 5. — Deux cellules mus-
culaires de l’ectoderme du
plateau buccal d'Anthea
cercus (d'après Herlwig).
avec un amas laléral de protoplasma entourant le
noyau.
La cellule musculaire peut être assez courte
1116
D' G. WEISS — LE MUSCLE DANS LA SÉRIE ANIMALE
comme dans les cas que nous venons de citer, ou
prendre une longueur considérable, qui en fait une
vérilable fibre.
C'estce que nous rencontrons, par exemple, dans
l'ectoderme du plateau buccal d’Anthea cereus re-
présenté par la figure 5.
Mais la forme la plus répandue, celle que nous
trouvons à profusion chez les Vertébrés et chez les
Mollusques, consiste en une cellule allongée conte-
nant, vers son milieu,
un noyau entouré d'un
peu de proloplasma.
Parfois, la substance
contractile paraît alors
parfaitement homo-
Fig. 7. — Segment d'une
libre musculaire à fibrille
spiralee de Sepiola Ron-
deleti (d'apr. Bellowitz).
gène; mais, plus sou-
vent, on distingue une
Striation longitudinale,
qui peut devenir ex-
trèmement apparente.
C'est généralement
cette forme que l’on a
en vue lorsqu'on parle
de cellule musculaire
lisse (fig. 6). Sur une
coupe transversale, elle peut affecter des formes très
différentes. Tantôt, la section est plus ou moins
ronde ou polygonale; tantôt, elle est aplatie. Chez
certains Mollusques gastéropodes, la partie proto-
plasmique se prolonge beaucoup dans l'axe, et
l'on a alors une sorte de fourreau contractile rem-
pli de protoplasma. Si, parfois, ces cellules lisses
sont assez courtes pour être faciles à observer dans
toute leur longueur et pouvoir même être conte-
nues tout entières dans le champ du microscope,
d'autres fois, en particulier chez certains Vers,
elles s'allongent beaucoup, donnant de véritables
Fig.6.— Cellules musculaires
lisses de l'intestin du lapin
apres macération pendant
vingt-quatre heures dans la-
cide azotique à 20 0/0. (350
diam.)
fibres, et présentent toujours alors un point de”
ruplure.
Ces éléments musculaires lisses présentent sou-
vent des apparences qui pourraient faire
croire à une striation. Il se produit, par-
fois, des varialions d’é-
B paisseur sur le cours de
la cellule qui peuvent
donner cet aspect; cela
peuts'observer,parexem-
ple, chez les Mollusques, |
où j'ai vu des cas qui me
faisaient douter de l’ab-
sence de strialion. En se-
cond lieu, il peut arriver
À
Fig.” 8. — libre LE É
jamelleuse de que la striation longitu-
Protula intesti- 2 Re
A Eee dinale prenne, par suite
ble de la fibre; d'une sorte de torsion,
B,striation vraie ; re L
+ que cette fibre UNE disposilion spiralée
: présente lors- (fig. 7). La disposition
; quon-lobserye are" :
a à un fort gros- Striée obliquement que
ë sissement. l'on aperçoit alors n'a
4}
rien de commun avec la
striation transversale dont nous parlerons
4 maintenant.
i $ 2. — Muscles imparfaitement striés.
Certaines cellules musculaires doivent
être rangées parmi les muscles imparfai-
tement: striés, si toutefois cette division
est à conserver. La figure 8 représente, à
deux grossissements différents, une cellule mus-
culaire de Protula intestinum, où l'on voit très
neltement une fine siriation presque perpendicu-
laire à l'axe longitudinal. Cette striation, parfois
complètement transverse,se rencontre chez d’au-
Fig. 9. — Fragment de fibre musculaire chez Anthophora
parietina, presque entièrement lisse. — PI, tige de sarco-
plasma sur le bord extérieur de la fibre; N, réseau fibril-
laire entre les fibres M; K, noyaux. (Agrand. 700.)
tres Vers encore. Malgré sa régularilé et sa net-
teté, elle n'a rien de commun avec la striation des
muscles volontaires des Mammifères,
J'ai déjà dit que l'on passait par degrés insensibles
"E'PETTS
D: G. WEISS — LE MUSCLE DANS LA SÉRIE ANIMALE
du muscle imparfaitement strié au muscle parfai-
tement strié.
Cela ressort clairement de la série des figures 9
à 13, où l’on passe peu à peu d’une striation pres-
Fig. 10. — La même, chez le Dytiscus après coloration sur
le vivant par le bleu de méthylène. — A, partie lisse de la
fibre; B, places avec substances sombres (colorées en bleu)
et claires séparées. (Agrand. 700.)
que douteuse à un muscle analogue à ceux que
nous regardons d'habitude comme parfaits.
{
{
\,1)
ll
|
js L
(
(
| \A
“\
\
Fig. 11. — Fragment d'une fibre musculaire en éventail de
Bombyx hypnorum. — M, substance musculaire se per-
dant en B daus le tissu conjonctif ; CK, noyaux sans mem-
brane ; K, noyaux normaux ; Leu, leucocytes. (Agrand. 700.)
Ces divers muscles se rencontrent surlout, à l'état
de cellules, dans l'intes-
tin de quelques Arthro-
podes et, dans le cœur
de beaucoup d'Insectes,
à l'état de fibres dans
l'intestin et dans les
organes reproducteurs.
Nous rappelons aussi
ici que divers muscles
du tronc des Araignées
rentrent dans cette ca-
légorie et ont une stria-
tion très variable dans le temps.
Fig. 12. — J'ragment de fibre
musculairede Vespa vulga-
ris. — K, noyaux dans la
tige centrale de sarcoplas-
ma. Les lignes sombres de
la striation transversale
sont partiellement divisées
en deux. (Agrand. 460).
1117
$ 3. — Muscles parfaitement striés.
Le muscle strié se présente sous les formes les
plus variables. Tantôt, l'élément musculaire est une
cellule; tantôt, c’est une fibre. La cellule se ren-
contre dans le cœur des Vertébrés, ainsi que l'a
montré Weissmann. Ce sont ces cellules qui, en se
Fig. 13. — Le méme, chez Apis mellifica. — La striation
transversale, très développée, ne se poursuit pas partout
et disparait à la division de la fibre en 2 ou 3 branches.
Z, disque intermédiaire; Q, disque principal; J, subs-
tance isotrope. (Agrand. 460.)
placant bout à bout, constituent les fibres du cœur.
Elles ont des formes très variées el contiennent
généralement un où deux noyaux.
Les figures 14 et 15, représentant la cellule mus-
culaire de l'homme et celle de la grenouille, donnent
Fig. 11. — Cellules musculaires du myocarde de l'homme
atteint de myocardite segmentaire. — À, B, C, D, E, F, G,
H, cellules musculaires cardiaques de diverses formes ; g,
granulations ambrées remplissant le fuseau de proto-
plasma axial qui contieut le ou les noyaux.
une idée des diversités de forme de ces éléments,
dont il serait inutile de mulliplier les exemples.
Mais c'est dans la fibre musculaire striée que
nous allons trouver le plus de variété. Van Gehuch-
ten, dans deux Mémoires très importants, a décrit
sa façon de concevoir la fibre musculaire striée;
celte conception est complètement différente de
celle de l'ensemble des anatomistes; elle ne nouS
1118
D' G. WEISS — LE MUSCLE DANS LA SÉRIE ANIMALE
ne TR Pa TR RS PR I CA Seed UM NE
parait pas conforme à la réalité des faits, etnousne
l'adopterons pas.
Dans cette catégorie, au point de vue qui nous
occupe en ce moment,
il y a lieu d'établir une
première distinction et
de répartir les fibres
striées en deux groupes.
1° groupe. — Type
du muscle des ailes des
Coléoptères.
2° groupe. — Type
du muscle volontaire
des Vertébrés.
Cette division est né-
cessaire pour l'expo-
silion des faits, ainsi
qu'on le verra dans la
suite.
Fig. 15. — Cellules museu-
laires du ventricule de la
grenouille, isolées après
l'action de la potasse à 409/,.
?T groupe. — Si l’on
prend un fragment du musele de l'aile d'un dyti-
que, convenablement fixé, el qu'on en fasse des
coupes lrarsver-
sales, on aura
au microscope
une image repré-
sentée par Ja
figure 16. On voit
une série de
champs, sur la
périphérie des-
quels se trou-
vent les noyaux
et qui sont bien
séparés les uns
des autres. Si
l’on se sert d'un
grossissement plus fort, on constate que chacun de
es champs contient une grande quantité de petites
laches circulai-
res ayant fixé la
malière coloran-
Le; entre elles se
trouve du proto-
plasma granu-
leux et peu co-
loré (fig. 17). Ces
petites taches
sont les coupes
transversales de
fibrilles muscu-
laires. Pour voir
ces fibrilles mus-
culaires en long, il suffit de prendre un petit frag-
ment de muscle fixé et de le dissocier aux ui-
Bande claire
intermédiaire
Disque large M
épais, opaque.
Bande ou strie
ds
obscure.
Fig. 16. — Coupe transversale d'un
muscle de l'aile du Dytique.
(Grand. 100.)
Cloison médiane intermédiaire. Strie de Hensen.
Cloison limitante.
Fig. 19. — Segment musculaire d'une fibrille des muscles jaunes du Dytique
à l’état de repos. Extension. (Grand. 3.500) (d'après Tourneux.)
guilles ; les fibrilles se séparent facilement les
unes des autres, grâce au protoplasma dans lequel
elles sont noyées.
Pour avoir une très belle préparation, le mieux
est, après fixation, de colorer à l’hématoxylineet de
monter au baume de Canada. Il faut
ensuite observer avec un objectif
assez puissant et de bonne qualité.
On constate que chaque fibrille se
compose d’une série de disques al-
ternativement colorés et non colo-
rés. Sur une fibrille non colorée, ces
disques apparaissent moins nette-
ment, alternalivement clairs et gris ;
c'est pour cela qu'on les appelle
disque clair et disque sombre.
Sur une bonne préparation, on
voit ensuite facilement que le disque
clair est partagé en deux par une
ligne très fine, qui porte des noms très variables,
dont le plus commun, en France, est celui de disque
mince.
Enfin, sur les fibres bien tendues, en observant
Fig. 11.— Coupe
transversale
d'un faisceau
des muscles
de l'aile
du Dytique.
(Grand. 600.)
avec soin une
. CM: hLÉE très bonne pré-
Eause ; cloison dansersate (Blegah; como paralion(fig18),
Meque inturedalie (Pradorieu Enpel rame) { VOL WOI LE OURS
disque sombre
est plus clair en
sarégion moyen-
nequ'àses extré-
mités, par suite
de ce que l’on
appelle la strie
intermédiaire de
Hensen, du nom
de l'anatomiste
qui, le premier,
l'a signalée. Nous donnons (fig. 19) une figure
schémalique sur laquelle nous indiquons les prin-
cipaux synonymes des parlies qui
constituent la fibrille musculaire du
dytique.
Dans toute fibrille musculaire, on
retrouve les détails que nous venons
de décrire; mais il arrive que les
choses se compliquent, le disque
sombre épais et le disque mince pou-
vant être accompagnés de disques
accessoires.
C'est, par exemple, ce que nous
rencontrons dans le musele de la
patte du lucane-cerf. Dans le tableau
que nous donnons ci-après, nous montrons, d'après
Renaut (Traité d'Histologie, p.639), quelle est alors
la succession des disques que nous rencontrons en
Fig. 18.
Fibrille de
l'aile de l'Hy-
drophile.
(2.000 diam.)
D' G. WEISS — LE MUSCLE DANS LA SÉRIE ANIMALE
1119
- allant d'un disque mince au disque mince suivant.
Pour mieux permettre la comparaison, nous don-
nons aussi la formule de la fibrille de l’aile du
dytique, c'est-à-dire le cas le plus simple. La diffé-
rence des caractères d'impression servant à ce ta-
bleau a pour but de mettre en évidence l'impor-
tance plus ou moins grande des parties auxquelles
se rapportent les différentes indications :
| 19 DISQUE MINCE;
Simple. 2 Bande claire;
30 DEMI-DISQUE ÉPAIS;
(Ex. : Muscle MO- / %0 Strie intermédiaire de Hensen;
teur de l'aile des } 30 Dewr-nisoue frais;
Insectes.) 6° Bande claire;
10 DISQUE MINCE;
19 DISQUE MINCE PRINCIPAL;
20 Bandelette claire intercalaire
du disque mince;
30 Disque mince accessoire ;
4° Bande claire principale:
50 Disque épais accessoire;
Complexe. 6o Bandelette claire intercalaire
du disque épais;
(Ex. : Muscle des / DISQUE ÉPAIS PRINCIPAL;
pattes du Eucane- | 8 Bandelelte claire intercalaire
|
|
\
SEGMENT CONTRACTILE.
cerf) du disque épais;
90 Disque épais accessoire ;
109 Bande claire principale;
119 Disque mince accessoire;
122 Bandeletite claire intercalaire
du disque mince;
130 DISQUE MINCE PRINCIPAL,
La structure du musele de l’aile du dytique se
retrouvé chez tous les Coléoptères et chez un certain
nombre d'autres Insectes, mais elle n’est pas géné-
rale; ainsi, le muscle de l'aile de certains papillons,
de la libellule, de la sauterelle, se rapporte à notre
second groupe.
Ces fibrilles que nous venons d'étudier ne sont
pas aussi indépendantes les unes des autres que
nous l'avons pour ainsi dire admis jusqu'ici. Ran-
vier a, en effet, montré sur l'hydrophile qu'il existe
des anastomoses entre elles. Renaut a retrouvé le
même fait chez le xylocope. C'est à cet insecte que
se rapporlte la préparation représentée sur la
figure 20. Ceci a fait supposer à Ranvier que ce que
- nous avons considéré jusqu'ici comme l'élément le
plus simple du muscle, élait décomposable en
fibrilles encore plus simples. M. Tourneux m'a
donsé la photographie d'une préparation qui vien-
_drait à l'appui de cette manière de voir. Celte pré-
paration, provenant de l'aile d'un dytique, a subi
une compression sur la lamelle. Il en est résulté un
écrasement de trois fibrilles, qui leur a donné une
striation longitudinale des plus neltes, semblant
bien correspondre à une décomposition possible en
fibrilles plus simples. Malheureusement, ce hasard
heureux de préparalion n’a pu être reproduit.
2 groupe. — Si nous prenons un fragment de
muscle volontaire d’un Vertébré, que nous le fixions
par l'alcool et que nous pratiquions une disso-
ciation rapide, nous obtiendrons une préparation
qui n’a plus du tout le même aspect que les précé-
dentes.
Nous ne voyons plus les fibrilles isolées les unes
des autres, à moins d'employer des artifices de
préparation spéciaux. Ces hbrilles sont réunies en
ce que l’on appelle un faisceau primitif entouré
d’une enveloppe, le sarcolemme, qui ne s'est pas
rompue.
On peut séparer ces fibrilles en fixant un frag-
ment de muscle par l'acide picrique pendant
24 heures, et le maintenant ensuile deux jours dans
Fig. 20. — Fibres (cylindres primitifs) du muscle moteur
des ailes du xylocope. — A, cylindres primitifs sans
anastomoses: e, disque épais; 2», disque mince; BC,
cylindres primitifs anastomosés en Det donnanten E une
autre anastomose qu'on ne peut suivre dans la prépa-
raliou.
l'eau distillée à 70° (Renaut). On constate alors
qu'elles sont beaucoup plus fines que dans le
muscle des ailes des Insectes. La figure 21 donne
une idée de la dimension des dernières subdivi-
sions que l’on peut obtenir chezle lapin; il est bon,
pour s'en rendre compte, de la comparer à la
figure 20, qui représente le muscle de l'aile du
xylocope à la même échelle.
Ces fibrilles élémentaires se réunissent en un
premier groupement, nommé cylindre primilif de
Leydig. Un certain nombre de ces cylindres réu-
nis et entourés d'un sarcolemme forment le faisceau
primitif ou fibre musculaire. On se rend bien
compte de cette disposition sur une coupe en tra-
1120
D' G. WEISS — LE MUSCLE DANS LA SÉRIE ANIMALE
99
Lie
vers, comme celle représentée par la figure La
Fig. 21. — Dissociation d'un muscle blanc de lapin. — ff, ff,
faisceaux fibrillaires montrant nettement les disques
minces et épais et la configuration des disques épais; —
fe, une fibrille élémentaire dégagée et montrant aussi les
disques minces.
coupe des cylindres primitifs forme ce que l’on
appelle les champs de Cohnheim.
Fig. 22. — Coupe transversale très mince d'un musele blanc
du lapin, pour montrer les champs de Cohnheim et la
distribution du protoplasma au sein du faisceau primitif.
— FF, faisceaux primilifs coupés en travers ; {e, travées
de tissu conjonclif qui les unissent et les séparent; Cp,
cylindres primitifs de Leydig, séparés par des espaces
occupés par le protoplasma hyalin et incolore ; p, espaces
protoplasmiques et confluente protoplasmique de figures
stellaires; ep, cercles minuseules répondant à la section en
travers des faisceaux fibrillaires. (400 diam.)
Lcs faisceaux primitifs sont séparés les uns des
autres par du tissu conjonctif, et leur réunion"
forme un nouveau groupe, le faisceau secondaire.
Puis, on a des faisceaux tertiaires, el ainsi de suite
Jusqu'au muscle entier.
Sur la coupe que nous avons représentée, on
IL
=.
AN
Fig. 23. — à, Coupe à travers deux fibres musculaires (extré-
mités) de Dyticus marginalis; — b, fragment de la coupe
après l'aclion d'acides dilues. Entre les crêtes primaires
de sarcoplasma, on voit de petites crêtes secondaires qui
limitent la coupe de fibrilles simples.
n'aperçoit pas les noyaux. La position de ces
noyaux varie suivant la nature du muscle auquel
on à affaire. Tantôt, ils sont localisés immédia-
FE
MS
HS
Fig. 24. — Coupe de libres musculaires strices transversa-
lement chez la Musca domestica. — A, faible grossis-
sement; B. fort grossissement; Ms, co'onnettes museu-
laires en forme de bandes (faisceaux fibrillaires); Sp,
sarcuplasma (d'après Schiel'erdeker.)
tement sous le sarcolemme; c'est ce qui se pro-
duit dans les museles de l’homme, ou les museles
blancs du lapin. Tantôt, ils sont répandus dans toute
l'épaisseur du faisceau primilif,
comme chez la grenouille. Tan-
tôt, enfin, ils sont localisés en
file dans l'axe, comme dans le
muscle de la palte du dytique.
Ce type de muscle se re-
trouve avec quelques variantes
chez tous les Vertébrés, dans la
patte des Insectes, dans le mus-
cle de l'aile d’un certain nom-
bre d'entre eux et chez lous les aulres Arthro-
podes. On trouve aussi le muscle strié dans les
autres classes d'animaux. Suivant les cas, la dispo- »
sition des fibrilles, des noyaux et du protoplasma
dans le faisceau primitif est très variable, et, pour
Fig. 25, — Coupe de
libres muscu-
laires de l'aile de la
Libellule.
D' G. WEISS — LE MUSCLE DANS LA SÉRIE ANIMALE
*
1121
LS
- eu donner une idée, le mieux est de reproduire ici
- quelques coupes (fig. 23 à 98).
À
J'ai déjà dit que l’on connaissait des striations
Fig. 26. — Coupe à travers deux fibres musculaires des na-
geoires d'hippocampe. — MS, faisceaux fibrillaires (colon-
nettes musculaires); Sp, sarcoplasma (d'après Rollett).
obliques de la fibre musculaire. Cette disposition a
été décrite avec soin par von Daday chez les Ostra-
codes; je n'y insiste pas davantage, car la véritable
signilication de
Ce n’est pas faute de travaux et de théories sur ce
sujet, car aucun phénomène physiologique n'a
provoqué autant de recherches, ni inspiré autant
d'explications différentes.
Je ne rappellerai pas les diverses théories émises :
une simple énumération ne serait d'aucun intérêt,
et une étude quelque peu sérieuse m'entrainerait
beaucoup trop loin. Aussi, je m'en tiendrai aux
faits.
Nous ne possédons pas, actuellement, les docu-
ments nous permettant de suivre la contraction
musculaire à travers la série animale. Quelques
animaux ont été étudiés d’une façon très détaillée ;
ils sont rares, et des classes entières n'ont, pour
ainsi dire, élé l'objet d'aucune expérimentation.
MM. Jolyet et Sellier ont entrepris de combler cette
lacune, et ont commencé la publication d’un recueil
de graphiques appelé à rendre les plus grands
services à Lous ceux qui voudront étudier la Phy-
siologie compa-
Cr FAI 5a Q
cette strialionne De SEE à rée du muscle.
me parait pas # Eu LERE UE 1h me Cependant,
; ] le >, À # RL ORESEe> F
encore bien éta- / ds 3 LG, AE NET avec les maté-
blie. x . sn Et | Re } riaux que nous
| }-2 dE À « A ù a 52
= - 1 Me 7 ve SU À possédons déjà,
PCT CONS \ À SL À 2,, nous allons pou-
Ô h y ZX 1/k 7) ae É
TRACTION MUS- A PE Re donner voe
eu D (Es idée générale as-
me sez exacte des
Fig. 28. — A, couturier de la grenouille. — B, muscle blanc du lapin (grand iété =
Nous avons adduvteur). — C, muscle rouge du lapin {demi-tendineux). (1.000 diam.). — proprièlés phy
étudié la struc-
ture du musele
sans rien préjuger de ses propriétés physiologi-
ques.
Sous certaines influences, excilalion volontaire
ou excitalion artificielle, ce muscle peut changer
n, NOYAUX; M,
— Ms
S E —— =
ue
Fig. 217. — Coupe de fibres musculaires de la ligne latérale
g
de la carpe (d’après Külliker.) — Ms, faisceaux fibrillaires ;
Sp, sarcoplasma.
de forme, c'est-à-dire se contracter. Cette contrac-
üon consiste en une diminution de longueur du
muscle avec augmentation de la section transver-
sale, sans modification appréciable du volume.
Les causes et le mécanisme intime de la contrac-
tion musculaire sont actuellement encore inconnus.
faisceaux fibrillaires.
siologiques du
muscle dans la
série animale. Tous les observateurs ont été frappés
par la force considérable que développe un muscle
au moment de la contraction. Sans doute, le recrute-
ment de notre marine est trop important en Pro-
vence pour que nous puissions ajouter pleine foi à
ce récit des matelots qui prétendent que les grands
béniliers (Tridacna gigas) peuvent, en fermantleurs
valves, couper les cäbles d’une ancre; mais il n’en
est pas moins vrai que ces animaux développent
une force surprenante, suffisante pour mutiler une
main qu'ils viendraient à pincer,
Plateau raconte que, chez la Aya arenaria, il suf-
fit de casser un peu la coquille au voisinage de la
charnière pour la voir s'effondrer sous l'effort des
muscles adducteurs. Dans un travail du même
auteur, nous trouvons que le hanneton peut trainer
un poids égal à quatorze fois celui de son corps,
l'abeille un poids vingt-trois fois plus lourd qu'elle
même.Moi-même, j'ai vu, avec M. Carvallo, un gas-
trocnémien de grenouille, ne pesant que 0 gr. 9,
soulever 3.500 grammes. Ces phénomènes dyna-
miques du muscle contrastent étrangement avec
ses autres propriétés physiques.
Si nous ouvrons la pince fraiche d'un crabe, de
1122
D' G. WEISS — LE MUSCLE DANS LA SÉRIE ANIMALE
facon à mettre à nu le muscle adducteur qui la |
remplit presque en entier, nous devons être frappés
du peu de consistance de ce muscle. Au lieu de
trouver, comme il semble qu'on devrait s’y altendre,
en songeant à la force énorme avec laquelle le
crabe ferme sa pince, un organe difficile à extirper
et à arracher, nous découvrons un tissu beaucoup
plus mou que la chair des Vertébrés; c'est presque
une vérilable gelée. Le même fait se présentera
chez les Insectes, et nous constatons ce fait étrange
que les animaux dont les muscles ont été reconnus
comme les plus puissants ont la chair la plus
molle. Ceci paraît au premier abord paradoxal;
mais il faul songer qu'il n'y à aucun rapproche-
ment à faire entre la résistance à l'allongement
d'un muscle au repos et d'un muscle en contrac-
lion. Si l’on isolait un muscle de crabe, on consta-
terait certainement qu'à l'état d'inactivité, il s’al-
longe beaucoup pour une faible traction, et il
semblerait qu'il n'est capable de soutenir qu'un
poids très faible, mais il n’en serait plus de même
pendant la contraction. Ce fait n'a pas loujours été
bien compris, et c'est en partie à cela que lient le
désaccord entre les diverses expériences faites sur
ce sujet. Suivant la manière dont un muscle est
exeilé, on trouve des chiffres très différents pour la
force-limite qu'il peut développer. Ainsi, Fick a
montré, sur l'homme, que la contraction volontaire
est toujours supérieure, comme effet produit, à
toute excitation artificielle.
Aussi, il n’est pas étonnant de voir la plupart des
auteurs attribuer au muscle de l'homme une force,
par centimètre carré, supérieure à celle des autres
animaux, de la grenouille par exemple; c'est que,
dans le premier cas, on opérait avec la contraction
volontaire: dans le second, avec une contraction
provoquée artificiellement. Une cause d'erreur s'in-
troduit aussi dans ce genre d'expériences par suite
de Ja difficulté qu'il y a à mesurer la section trans-
versale des museles, d'aulant plus que, très sou-
vent, les muscles sur lesquels on opère ne sont
pas à fibres parallèles.
Aussi, si nous possédons beaucoup de documents
permettant d'apprécier plus où moins la force d’un
groupe de muscles, nous sommes, d'un autre côté,
fort mal renseignés sur cette force musculaire rap-
portée à l'unité de section, ce qui serait vraiment
important pour la comparaison des muscles dans
la série animale. Pour montrer le désaccord qui
existe, à ce point de vue, entre les divers auteurs,
il nous suffira de dire que Weber a trouvé que le
musele de l'homme pouvait exercer un effort de
1.000 grammes par centimètre carré environ. Kos-
ter et d’autres ont donné des chiffres variant entre
6.000 et 8.000 grammes.
De mème, pour la grenouille, Weber estime à
692 grammes la force par centimètre carré, Rosen-
thal à 3:000 grammes, et moi-même avec M. Car-
vallo, en appliquant la méthode de calcul de Weber,
nous avons trouvé 19.000 grammes.
Voici la série donnée par Plateau :
Moyenne générale chez l'homme. RE EL 150.
Mollusques lamellibranches. 4.545 —
— — CTEN OUI EN TE EMI 2.000 —
— — CRANES ES Ce A . + 1.008 —
Le chiffre donné pour la grenouille me parait
certainement trop faible. Je ne puis porter de juge-
ment motivé pour les Mollusques lamellibranches,
n'ayant pas d'expérience sur ce point; mais le
chiffre donné par Plateau pour le crabe me semble
bien faible, étant donné la force de ces animaux.
Les arguments donnés par cet auteur pour
défendre son chiffre ne me paraissent pas con-
cluants.
Il m'est arrivé de mettre un crayon entre les
pinces d’un homard de taille moyenne; le bois
fut écrasé, et cet effet ne me paraît pas compatible
avec le chiffre de Plateau. Je répèle qu'il y aurait
grand intérêt à ce qu'un même auteur comparät
à nouveau la force absolue des muscles dans les
diverses espèces animales, en employant autant
que possible des procédés identiques.
A côté de la force de contraction du musele,
nous devons aussi considérer sa résistance à la
rupture. Or, nous avons trouvé, M. Carvallo el moi,
qu'un muscle de grenouille peut, en se contractant,
soulever encore le poids qui va le rompre. Suppo-
sons, par exemple, qu'un gastrocnémien de gre-
nouille se rompe sous un poids de 4 kilo; si, au
moment où l'on accroche ce poids, on excile le
muscle, il peut donner de légères secousses. Il
arrive même que ce soient ces secousses qui pro-
voquent la rupture.
Mais voici un fait qui me paraît avoir la plus
grande imporlance. Prenons un muscle, un gas-
trocnémien de grenouille, par exemple. Faisons-lui
exercer une certaine traction sur un dynamomètre;
cette traction sera de 500 grammes, je suppose.
Cela fait, cherchons sous quelle charge se produit
la rupture du muscle à l’état de relâchement; elle
pourra être de 4.000 grammes. Si, maintenant, nous
cherchions à rompre le muscle pendant sa contrac-
tion, il faudrait un poids de 1.000 grammes, plus
500 grammes représentant l'effort que le muscle
est capable de développer. Cette vérification peut -
se faire en opérant sur le gastrocnémien symé-
trique de celui qui a servi à déterminer la charge
de rupture à l’état de relächement. Ceci démontre
d'une façon indiscutable l'exactitude de cette pro-
position, sur laquelle M. Chauveau a tant insisté, et
que l’on peut formuler ainsi :
« La force développée par un muscle qui se con=
D' G. WEISS — LE MUSCLE DANS LA SÉRIE ANIMALE
1123
tracte ne résulte pas d'une modification des pro-
priélés du muscle à l’état de repos, mais est pro-
duite par un phénomène nouveau, qui n'existe pas
dans le muscle inactif, et dont ce muscle n’est, pour
ainsi dire, que le support. »
Celte manière de voir concorde aussi parfaite-
ment avec les idées de Pflüger et de Fick, sur les
origines de la contraction musculaire.
Pour rendre plus claire la proposition que j'ai
énoncée, je ferai une comparaison; mais, bien
entendu, je ne veux nullement, dans l'exemple que
je vais prendre, élablir même une simple analogie
avec les causes de la contraction musculaire. Sui-
vant les théories de Pflüger et de Fick, qu'il n’y a
pas lieu de développer ici, je crois que la cause pre-
mière de la contraction musculaire est un phéno-
mène purement chimique; l'exemple que je cite est,
au contraire, du domaine purement physique; je le
prends parce qu'il me semble plus simple pour ce
qui nous occupe.
Pour allonger d'une certaine quantité un ressort
à boudin, il faut une certaine force ; admettons que
ce soit 1.000 grammes. Ce ressort à boudin nous
représente le muscle reläché. Faisons passer un
courant électrique dans le ressort; les diverses
spires vont s'attirer les unes les autres, le ressort
se contractera, et, pour l'allonger au mème point
que précédemment, il faut exercer une traction de
1.000 grammes, plus ce qui est nécessaire pour
vaincre l'attraction des spires due au passage
du courant. Cette seconde force pourra être de
500 grammes, par exemple.
Ce sont ces 500 grammes qui représentent la force
développée par le ressort qui se contracte. Cette
force est complètement indépendante de la rigidité
du ressort, du diamètre et de la nature du fil, et,
par suile, n’est nullement liée aux propriétés phy-
siques de ce ressort. Elle résulte exclusivement d'un
phénomène nouveau dont le ressort n'a élé que le
support.
On conçoit maintenant pourquoi il n'y a aucune
relation entre la force énorme que peut développer
un muscle et sa consistance à l'état de repos, pour-
quoi aussi l'étude de la force que peuvent exercer
les divers muscles dans la série animale serait un
des éléments les plus importants de la physiologie
comparée du musele et apporterait une contribution
importante à la connaissance des origines, de la
contraction musculaire.
Malheureusement, cette étude n’a pas été faite
d'une facon assez suivie. j
Jusqu'ici, les efforts des divers expérimentateurs
se sont surtout portés sur l'application de la mé-
thode graphique à la contraction musculaire.
Le premier myographe est dû à Helmholtz. Mal-
gré de nombreuses imperfections, cet instrument
permit à son illustre inventeur de découvrir les phé-
nomènes les plus importants de la contraction mus-
culaire. Aujourd'hui, presque chaque expérimenta-
teur a son myographe; en France, c’est le modèle
de Marey qui est le plus employé.
Un myographe consiste essentiellement en un
levier mobile autour d'un axe, dont la pointe
inscrit ses déplacements sur un papier enfumé. En
général, on relie l'extrémité du muscle dont on veut
enregistrer les mouvements au levier myogra-
phique par un fil attaché à une certaine distance
de l'axe de rotation. Très près de cet axe, on fixe un
autre fil supportant un poids tenseur et chargé de
ramener le levier lorsque le muscle s'allonge. On a
ainsi un myographe dit isotonique, ce qui veut dire
que, pendant toute la durée des opérations, la ten-
sion exercée sur le muscle est constante. Dans
d’autres cas, le muscle exerce sa traction au voisi-
nage de l'axe de rotation, le levier étant ramené
par un ressort. Dans ce cas, le musele ne se raccour-
cit pour ainsi dire pas; le myographe est dit iso-
métrique.
Parfois aussi, le levier repose sur la face latérale
du muscle, dont on enregistre alors le gonflement.
Quand on fait une excitation brève du muscle,
soit directement, soit par l'intermédiaire du nerf,
on enregistre, par un des procédés que nous venons
d'indiquer, ce que l’on appelle une secousse mus-
culaire, c'est-à-dire que, sur le graphique, on cons-
tate que le muscle s'est raccourci en se gonflant,
puis à repris sa forme primitive. En général, il n'y
a pas de plateau, c'est-à-dire que le raccourcisse-
ment maximum n'est pas durable. ;
Je reviendrai plus loin sur la forme de cette
secousse; Mais, auparavant, il y a une remarque
importante à faire.
Si nous provoquons la contraction musculaire en
excitant le muscle par l'intermédiaire de son nerf,
la secousse se produit, en même temps, en tous les
points du muscle. Il en est de même si une exci-
talion électrique traverse le muscle dans toute sa
longueur. Mais Aeby, le premier, et beaucoup
d’autres auteurs depuis lui, ont montré qu'en por-
tant l'excitation en un point de l'extrémité du
muscle, la contraction, d’abord localisée au point
excité, se propage comme une onde tout le long
du musele.
Ce phénomène a été désigné sous le nom d'onde
musculaire; il a été constaté sur des muscles très
différents. Aeby, Marey, d'autres encore, ont mesuré
sa vitesse de propagation sur le muscle de gre-
nouille. Hermann a fait la même détermination chez
l'homme, Romanes chez la méduse. Une expérience
d'Engelmann permet de constater la marche de
cette onde à l'œil nu. Il suffit, pour cela, de prendre
un uretère de lapin ; cet organe se comporte comme
1124
D' G. WEISS — LE MUSCLE DANS LA SÉRIE ANIMALE
une seule fibre musculaire, mais, étant composé de
cellules lisses, les mouvements s’y produisent très
lentement, et il suffit de pincer une de ses extrémités
pour voir une onde partir du point excité et par-
courir l'uretère dans toute sa longueur. On peut
aussi suivre la marche d'une onde musculaire sur un
muscle d'Insecte. Il suffit, pour cela, d'arracher une
patte à un hydrophile et de faire tomber sur une
lame de microscope la goutte du liquide qui
s'échappe de la plaie. Dans cette goutle, on dissocie
délicatement un fragment de muscle pris dans le
premier article de la patte; il faut, dans cette opéra-
tion, froisser le moins possible les fibres muscu-
laires. On met un couvre-objet et on borde à la
paraffine. En examinant cette préparation, on ne
tarde pas à voir des fibres admirablement striées
être parcourues par l'onde. Cet onde se propage
assez lentement pour être vue, mais trop rapide-
ment pour que l'on puisse suivre les modificalions
de striation qui l’accompagnent.
Voici un tableau emprunté à L. Hermann et qui
donne les vitesses de propagation de l'onde mesu-
rées par divers expérimentateurs
OBJECT, VITESSE AUTEUR
Ilomme vivant. . . . 10-13" L. Hermann,
Chien et lapin (Muscle
ISOLÉ) FN rire 2-6 Bernstein et Steiner.
Grenouille (muscle
150]0) ENT ee 1-1,2 Aeby, V. Bezold, En-
gelmann, Place,etc.
scie GRAS RO 3-5 Bernstein, Valentin,
s Hermann.
Tortue (muscle isolé). 0,57 Aeby.
GARE LME OL EUC 1,8 Hermann.
Cœur 0,1 Marchand.
I ANOME ENS 0,07-0,049 Engelmann.
Uretère . 0,025 Engelmann.
MÉduse 3,1: uen 0,5 Romanes.
Certains auteurs ont pensé que la contraction d'un
muscle dans son entier résultait d'une superposi-
tion d'ondes. Le phénomène de l'onde serait ainsi
absolument fondamental. D'autres expérimenta-
teurs croient, au contraire, que, dans la plupart des
cas, il ne se présente que sur le muscle fatigué ou
altéré. Laulanié, en examinant des larves de Core-
thra pluvicornis, dont la cuticule transparente per-
met d'examiner au microscope les muscles vivants,
a conclu de ses observations que, pendant toute la
période où la larve est en bon état, les muscles se
contractent dans leur totalité d’un seul coup, et
que l'on ne voit apparaitre d'onde se propageant
d'une extrémité à l'autre qu'au moment où les
mouvements se ralentissent par suite du dépérisse-
ment de l'animal. J'ai essayé sur divers objets,
dont le plus favorable m'a semblé être le muscle
hyoglosse de la grenouille, de faire des chronopho-
tographies de la fibre musculaire, pendant sa con-
traction. J'ai obtenu de très bonnes épreuves avec
; des temps de pose de 1/5000 de seconde, mais Je
n'ai jamais pu voir d'onde.
Quoi qu'il en soit, lorsqu'on provoque la contrac-
tion du muscle par une excitation très brève por-
tant soit sur le muscle lui-même, soit sur le nerf,
on obtient ce que l’on appelle une secousse museu-
laire, c'est-à-dire que le muscle se raccourcit brus-
quement el reprend ensuite sa longueur primitive.
Si le muscle a élé fixé à un myographe, on enre-
gistre une courbe comme celle qui est représentée
sur la figure 29. La
branche ascendante
correspond à ce que
certains auteurs appel-
lent la période d’acti- Fig. 29.
vité croissante, la bran-
che descendante à ce qu’ils appellent la période
d'activité décroissante.
Avant d'aller plus loin, il faut signaler ce fait très
important, c'est que le muscle ne commence pas à
se ‘contracter aussitôt que l'excitalion s'est pro-
duile; il s'écoule un certain temps, mis en évidence
pour la première fois par Helmholtz, et appelé
temps perdu ou période d’excitation latente, entre
le moment de l'excitation et le commencement de
la réponse. Ce phénomène est absolument général
dans l'organisme, quel que soit l’organe en jeu. Si
la lumière tombe sur la rétine, il faut un certain
temps pour que l'œil la perçoive. De même, il
s’écoule un certain intervalle entre le moment où
l’on fait une piqûre au doigt, et celui où a lieu la
perception.
Je m’abstiens de décrire les procédés qui ont été
employés pour mesurer cette période latente du
muscle; ces mesures sont délicates et exigent de
grandes précaulions pour ne pas êlre entachées
d'erreurs.
Les divers auteurs qui se sont occupés de cette
question ont obtenu, pour le même muscle, des
résultats assez variables ; malgré cela, il ressort clai-
rement de l’ensemble des résultats que nous possé-
dons une loi fort simple. La période latente d'un
muscle est d'autant plus grande que les mouve-
ments produits par ce muscle sont plus lents. Ainsi,
pour le muscle de grenouille, on admet générale-
ment qu'il commence à se contracter 0"O1 après
l'excitation, tandis qu'il faut, pour la même opé-
ration, 0"3 au muscle de limaçon, et qu'au con-
traire, chez les Insectes, la période latente devient
forcément très courte puisque, chez certains d’entre
eux, les coups d'ailes peuvent se succéder à un
intervalle de 0003.
Diverses circonstances peuvent, d’ailleurs, influer
sur cette période latente ; elle varie, en effet, avec la
grandeur de l'excitation, avec le poids tenseur,
avec la fatigue du muscle. Mais le facteur le plus
D' G. WEISS — LE MUSCLE DANS LA SÉRIE ANIMALE
important est la température. Si l'on passe de 20°
- à 0°, on voit la période latente d'un muscle de gre-
nouille devenir quatre ou cinq fois plus longue à
basse température. Richet à montré que, si l’on
porte sur un muscle une première excitation restant
sans effet, une deuxième excitation pourra être
accompagnée d'une réponse à période latente plus
courte que de coutume, car elle pourra tomber
à 0003 chez la grenouille.
Enfin, remarquons que ce qui devrait à propre-
ment parler ètre considéré comme la période latente
du muscle, c'est l'intervalle qui s'écoule entrel'exci-
tation et le moment où le muscle entre en activité.
Or, le moment où le muscle entre en activité n’est
pas celui où sa forme extérieure se modifie. Par
suite de l'inertie de la matière et de l’élasticité de
certaines parties constituantlemusele, il s'écoule un
certain intervalle entre'ces deux phénomènes; aussi,
plus on cherche à réduire ces deux causes d'erreur,
plus la période latente mesurée est petite. Certains
auteurs prétendent même qu'elle se réduirait à zéro
si l’on pouvail la mesurer sur les éléments con-
tractiles isolés du muscie.
Passons maintenant à la secousse proprement
dite; là encore nous lrouvons de grandes diffé-
rences entre les muscles des divers animaux, et
même entre les divers muscles d’un même animal.
Bien entendu, je ne fais pas allusion, en ce moment,
à la différence qui existe entre les muscles lisses
et les muscles striés, car, depuis fort longtemps,
c'est un fait reconnu que les premiers se distin-
guent des seconds par la lenteur de leur secousse.
En 1873, Ranvier fit une observation de la plus
baute importance. Depuis fort longtemps, les ana-
tomistes avaient constlalé, chez les Vertébrés, la
présence de deux espèces de muscles striés, les
muscles rouges et les muscles blancs, mais ils n’en
avaient pas compris la signification. La distinction
entre muscles rouges et muscles blancs est particu-
lièrement nette chez le lapin domestique. Il est, en
effet, aisé de constater que, si la plus grande partie
de la chair de cet animal se distingue par sa cou-
leur pâle de celle des autres animaux, il y a cepen-
dant quelques muscles de couleur très foncée, par
exemple le demi-membraneux ou le solaire. La
même distinction peut se faire chez la poule, entre
les muscles des ailes qui sont blancs, et ceux des
paltes qui sont rouges. M. Ranvier a montré que
cette différence analomique élait accompagnée
d’une distinction fonctionnelle importante. Si, par
une excitation électrique, on provoque la contrac-
tion de ces divers muscles, on voit les muscles
blancs donner une secousse extrêmement rapide;
le muscle rouge, au contraire, se contracte lente-
ment, comme s’il présentait les symptômes de la
fatigue. Il est facile de prendre des tracés de ces
REVUE GÉNÉRALE BES SCIENCES, 4901,
deux espèces de muscles, et l'on constate que la
secousse du muscle rouge est environ quatre ou
cinq fois plus longue que celle du muscle blanc.
Par contre, le premier a un avantage sur le second,
c'est qu'il se fatigue beaucoup moins vite, de telle
sorte que l’on peut dire que le muscle blanc sert à
produire les mouvements rapides, le muscle rouge
servant aux efforts soutenus.
En 1878 parut un travail, trop longtemps ignoré,
de Coutance. Déjà, R. Blanchard avait bien établi
que le muscle adducteur du Pecten contenaii
deux sortes de fibres, des fibres lisses et des fibres
siriées, formant deux masses nettement séparées.
Coutance montra que l’une de ces masses, celle
qui était composée de fibres striées, produisait des
mouvements beaucoup plus rapides que l’autre,
dont la caractéristique élait la force et l’effort sou-
tenu. Il avait résumé les conclusions de ses recher-
ches dans la formule suivante: Le muscle strié
ramène la valve, le muscle lisse la maintient fer-
mée ». De plus, Coutance avait montré que cette
différence fonctionnelle se retrouve chez un grand
nombre de Mollusques acéphales, même chez ceux
où il n’y a pas à faire de distinction entre un groupe
de fibres striées et un groupe de fibres lisses dans le
muscle adducteur des valves.
Puis, Richet montra 'chez l'écrevisse, en 1879,
l'adaptation remarquable à la fonction du tissu
museulaire. La locomotion rapide de l’écrevisse se
fait à l’aide de la queue, qui lui sert comme d’une
rame; dans ce but, cetle queue est munie de mus-
cles se contractant très rapidement. Les pincesne se
ferment que lentement, mais avecune grande force ;
aussi, le musele qui les fait mouvoir donne-t-il une
secousse plus longue que le muscle de la queue ;
nous retrouvons les mêmes différences qu'entre les
muscles rouges et blancs; mais, ici, la fonction de
chacun d'eux est très séparée et les phénomènes
d'adaptation sont bien mis en évidence.
Enfio, il résulta d’un travail de Cash que, même
chez un animal comme la grenouille ou le crapaud,
où il ne semble pas qu'il doive y avoir entre les
divers muscles de différence fonctionnelle bien
grande, chaque muscle a une forme de secousse
déterminée, si bien qu'à la seule inspection du tracé
on peut dire quel estle muscle sur lequelil a été pris.
Grützner a expliqué cela en supposant, dans tous
les muscles, la présence de deux espèces de fibres
musculaires, les unes à contraction rapide, les
autres à contraction lente. Suivant les nécessités
fonctionnelles, il y aurait dans un muscle prédo-
minence de l’une ou de l’autre espèce de ces fibres,
et la forme de la secousse serait modifiée.
Chez les Insectes, on trouve aussi des muscles à
secousse rapide ou lente. Rollett a pris des
tracés sur divers Coléoptères, entre autres sur
24"*
1126
l'hydrophile, le hanneton et le dytique, et ses gra-
phiques nous font voir que les deux premiers de
ces trois Insectes ont des muscles à secousse lente
comparables aux muscles rouges du lapin, le dyti-
que donnant une secousse plus brève. Ces expérien-
ces ne se rapportent qu'aux muscles des paltes;
malheureusement, on n’a pu encore expérimenter
sur ceux des ailes, qu'il serait cependant si utile
d'étudier physiologiquement comme on l’a fail ana-
tomiquement.
Nous avons donc vu que non seulement la rapi-
dité de la secousse varie d’un animal à l’autre, sui-
van{ qu'il a, d'une facon générale, des mouvements
plus ou moins lents, mais encore que les divers
muscles d'un même animal s'adaptent à sa fonction
particulière. Il est encore bon de citer cet exemple
intéressant, signalé par Me Pompilian, de la période
latente du musele rétracteur des cornes de l’escar-
got, très courle par rapport à celle des autres
muscles du corps.
Je n'ai pas encore parlé d’un facteur qui à une
influence de premier ordre sur ce genre de phéno-
mènes, c’est-à-dire de la température. Marey, le
premier, a mis cette aclion en évidence sur le
muscle de la grenouille. Plus la température est
basse, et plus sont longues la période latente et la
secousse elle-même. Tous les muscles de la série
animale sont soumis à cette loi ; aussi, lorsque l’on
fait des comparaisons de tracés, faut-il tenir grand
compte de ce facteur.
Si l'on ajoute que la gran leur de l'excitation etle
poids tenseur modifient aussi la forme du tracé de
la secousse, on comprendra combien il est difficile
de mettre en parallèle les résultats de recherches
des divers auteurs sur tel ou tel animal. Comment
comparer les tracés de Richet sur l'écrevisse à ceux
de Rolett sur les Insectes ou à ceux de Cash sur la
grenouille et le crapaud? C'est pour cette raison,
je le répète, que MM. Jollyet etSelliernous rendront
un service considérable en publiant une série de
tracés, pris dans les mêmes conditions, sur divers
animaux.
Lorsqu'au lieu de faire une excitation unique,
on la répète périodiquement, on voit les secousses
se succéder; mais, si elles se rapprochent trop les
unes des autres, elles se fusionnent de plus en plus,
et, pour une fréquence suffisante, on a un raccour-
cissement permanent ou tétanos physiologique. Le
mot de fusion des secousses n'est pas très heureux,
la secousse est un phénomène tout à fait artificiel;
et ce n’est pas simplement la succession d’un certain
nombre de secousses qui produit le raccourcisse-
ment du muscle à l’état de tétanos. Il est très aisé
de se rendre compte de ce fait. Portons, soit sur
un muscle, soit sur un nerf moteur, une excitation
très faible; nous n'aurons sans doute aucune
D' G. WE£ISS — LE MUSCLE DANS LA SÉRIE ANIMALE
réponse, mais faisons croître peu à peu l'excitation;
il arrivera un moment où le muscle donnera une
très légère secousse : nous serons à l'excitation
minimale ou au seuil de l'excitation. À partir de ce
moment, la hauteur de la secousse croît rapidement,
pour atteindre un maximum qu'elle ne dépassera
pas. Il est un muscle, le cœur, pour lequel toute
excitation, ou bien est insuffisante à produire la
moindre réponse, ou bien donne la secousse maxi-
male; il n'y a pas d’intermédiaire. Pour les autres
muscles, il n’en est pas ainsi; mais l'intervalle entre
le commencement de la réponse du muscle et la
secousse maximale est très resserré; il faut une
graduation très précise de l'excitation pour avoir
une série de secousses croissantes.
Il ne faut pas se tromper sur le mot de secousse
maximale : il semblerait 4 priori qu'elle doive cor-
respondre au plus grand raccourcissement dont le
muscle est capable ; or, il n’en est rien. Le muscle
ne peut pas donner de secousse plus haute, quelle
que soit la grandeur de l’excilation, mais à une con-
dition, c'est que cette excitation soit unique.
Si elle vient à se répéter avec une certaine pério-
dicité, on constate que, pendant un temps parfois
très long, chaque secousse est légèrement plus
haute que la précédente, et la série forme une sorte
d'escalier, d’où le nom qui lui a été donné : « die
Treppe, l'escalier ».
Si, maintenant, nous passons au tétanos, nous
aurons un raccourcissement beaucoup plus grand
encore.
Cela prouve que ce ne sont pas les conditions
mécaniques du musele qui s'opposent à ce que la
secousse dépasse une cerlaine hauteur, mais que
celte limite tient à la nature de l'excitation. On
voit done que l'étude de la secousse musculaire,
quoique étanttrèsimportante, ne nous renseignera
jamais parfaitement sur la fonction physiologique
du muscle des divers animaux. Elle y apporte
toutefois une contribution considérable, car, de la
longueur de la secousse, on peut prévoir la facilité
plus ou moins grande avec laquelle se produira le
tétanos; il faut, en effet, une répétition d'autant plus
fréquente des excitations que la secousse est plus
courte, et les trois phénomènes : période latente,
longueur de la secousse et production du tétanos,
marchent sensiblement parallèlement.
Certes, l'étude de la contraction musculaire
chez les divers animaux est très imporlante, mais
la comparaion des résultats est extrèmement dif-
ficile par suite de la différence de structure qui
existe entre ces muscles. Mais nous savons que,
pendant le développement des embryons, leurs
organes et leurs tissus subissent une série de
transformations représentant les divers stades que
l'on trouve chez les animaux placés plus bas dans
D: G. WEISS — LE MUSCLE DANS LA SÉRIE ANIMALE
1127
l'échelle des êtres. Pour cette raison, j'ai pensé
qu'il y aurait intérêt à étudier la contraction mus-
culaire chez les embryons de Mammifères. J'ai
entrepris ces recherches sur le fœtus de cobaye, en
collaboration avec M. Carvallo.
Les recherches de Patrizzi sur le Zombyx mori
ne rentrent pas dans cet ordre de faits, car le ver,
la chrysalide et le papillon sont, à ce point de vue,
des animaux différents.
Avant nous, Soltmann avait trouvé que le muscle
du nouveau-né se contracte lentement, comme celui
de l'adulte lorsqu'il est fatigué.
Meyer, expérimentant sur le chien, avail aussi
donné des tracés extrêmement allongés de la
secousse,
Nous n'avons pas observé pareille chose sur le
cobaye à terme, qui donne une secousse sensible-
ment aussi rapide que l'animal adulte.
Pour opérer avec les fœtus très jeunes, il faut
opérer avec beaucoup de précautions, en plaçant
la mère dans un bain d'eau salée, à 7 °/, de
chlorure de sodium, à la température du corps,
c'est-à-dire à 38° environ. Le fœtus doit être con-
servé sous le liquide pendant toute l'opération.
On constate alors que plus l'animal est jeune et
plus la secousse que donne son gastrocnémien est
allongée. En faisant varier la température, on voit,
qu'elle agit comme sur tous les muscles. De même,
la période latente augmente et le tétanos se pro-
duit d'autant plus facilement que l'on refroidit da-
vantage l’eau du bain.
On voit qu’au point de vue physiologique il se
produit une transformation continue et progressive
dans le muscle; c’est par gradation lente que l’on
passe du muscle le plus lent au muscle le plus ra-
pide, et, à la seule inspection de la fonction d’un
muscle, on peut en déduire très approximative-
ment la période latente, la longueur de la secousse,
la facililé avec laquelle se produit le tétanos.
L'architecture des muscles est soumise à des lois
connues aujourd'hui et nous avons vu que tous les
muscles ont une disposition rationnelle de leurs
fibres.
C'est l'histologie comparée des muscles qui est
la moins avancée, et l'on n’a pu encore établir
aucun lien précis entre la structure de la fibre
musculaire et ses propriétés fonctionnelles ; c'est
sur ce point, semble-t-il, que devrait porter l'effort
des chercheurs ‘.
D' G. Weiss,
1 génieur des Ponts et Chaussées,
Professeur agrégé
à la Faculté de Médecine de Paris.
1 Dans la première partie de cet article, on a donné par
erreur, pour représenter la complication que peut atteindre
la structure de la paroi musculaire de certains animaux, une
coupe de Sagartia parasilica (fig. 14, page 1035). Cette com-
plication eût dù étre figurée par une coupe de Protula
protusea.
1128
G. LOISEL — REVUE ANNUELLE D'EMBRYOLOGIE
REVUE ANNUELLE D’EMBRYOLOGIE
En inaugurant ici une Revue annuelle d'Embryo-
logie, nons devons dire tout d'abord en quoi
consistera ce travail et comment nous avons l'in-
tention de le comprendre.
Dépuis longtemps déjà, la tendance des sciences
morphologiques est de plus en plus tournée vers
l'Embryologie : l'Anatomie descriptive, de même
que l’Anatomie comparée, sont devenues tribu-
taires de l'histoire du développement de l'homme
et des animaux; pour beaucoup de zoologistes, la
Systématique ‘apparait comme devant être une
application rationnelle de l’Embryologie, et les
grandes questions d'Embryologie générale, si pas-
sionnantes, s'imposent tous les jours davantage à
l'esprit des jeunes savants, aussi bien botanistes
que zoologistes.
Les revues générales d’ ee ou de Zoologie
qui paraissent ici même, chaque année, se res-
sentent un peu de cet esprit particulier des sciences
biologiques. Venant après elles, notre premier de-
voir sera donc d'éviter de faire un double emploi
avec elles. |
Cependant, nous ne pouvons pas oublier que
l'Embryologie est une science complète, indépen-
dante des autres parties de la Biologie. Son but est,
en effet, nettement déterminé et, si elle a pris
quelques-unes de ses méthodes à l'Histologie, ses
principales lui appartiennent bien en propre.
L'Embryologie ne peutplus être considérée, main-
tenant, comme un simple chapitre de la Physiologie,
ainsi que le comprenait l'enseignement de la Sor-
bonne au siècle qui vient de finir. C’est également
davantage qu'une science morphologique, comme
on la trouve définie dans le célèbre Traité de
Külliker. Son rôle est beaucoup plus grand, car elle
doit montrer quelle est l’origine des êtres vivants,
comment se constituent les organes et de quelle
façon arrivent à fonctionner les organismes adultes.
L'Embryologie, appelée encore Æmbryogénie
ou Ontogénie, peut se diviser en Embryologie ani-
male et Embryologie végétale; mais, vue dans son
ensemble, elle comprend les parties’ suivantes :
d’abord, la connaissance des éléments sexuels, de
la fécondation et des premiers stades de dévelop-
pement; ensuite, l'étude de l'embryon proprement
dit, qui doit être envisagé successivement au point
de vue statique et au point de vue dynamique. Dans
le premier cas, nous avons l’hislogenèse, l'organo-
genèse et la morphogenèse; dans le deuxième cas,
nous avons l'étude des formes larvaires et des mé-
tarnorphoses, la connaissance des rapports que
l'embryon affecte avec le milieu dans lequel il vit,
et laphysiogenèse, qui comprend l'histoire de l'évo-
lution des fonctions organiques. Chacune de ces
parties peut se subdiviser elle-même en étude
des types normaux et en étude des (ypes anor-
maux ou féralologie.
Enfin, couronnant tous ces différents points de
vue, se trouve l’Æmbryologie générale, qui cherche
à tirer les lois du développement, et qui étudie les
grands problèmes de la vie s’y rapportant : héré-
dité, hybridité, télégonie, origine des sexes, etc.
Par là, l'Ontogénie est reliée à l’autre science sœur,
la Phylogénie, qu'on appelle encore Science de la
Descendance ou de l Évolution.
Tel est le vaste champ dans lequel nous aurons
à glaner; champ vaste, non seulement par son
étendue, mais encore par le nombre de produits
qu'il fournit chaque année. Quelques-uns nous
échapperont sans doute et, parmi eux, peut-être
des plus importants. Aussi serions-nous très re-
connaissant à tous les embryologistes de nous
envoyer, au bureau de la Revue, un tirage à part
de leurs Mémoires.
Naturellement, nous n'avons pas l'intention de
rendre compte, chaque fois, de tous les travaux de
l'année qui parviendront à notre connaissance.
Nous choisirons, parmi eux, ceux qui formeront un
ensemble sur un sujet donné, reportant les autres à
une revue ultérieure. C'est ainsi qu'il pourra nous.
arriver de parler de Mémoires déjà vieux de deux
ou trois ans. Si l'actualité y perd, l'intérêt même:
de nos.lecteurs y trouvera son compte, nous l'es-
pérons.
I. — SUR LA FÉCONDATION
1. Recherches sur la Fécondation chez les Ani-
maux. — En 1889, Boveri! avait montré que des.
ovules privés de leur noyau, puis fécondés, s'étaient
développés comme des ovules complets. Ces expé-
riences furent reprises occasionnellement par Mor-
gan en 1896, puis par Ziegler en 1898; elles l'ont
été surlout, depuis trois ou quatre ans, par Delage,
dans des conditions précises et plus démonstra-
tives.
Boveri et Morgan expérimentaient un peu à l’a-
veuglelte, en secouant tout simplement des œufs
dans un tube de verre, et Ziegler opérait sur des
œufs fécondés. Delage * mérotomise directement
ÿ Boverr : Merogonie (Y. DELAGE) und Ephebogenesis.
(B. Rawxrz), neue Namen für eine alte Sache. Anat. Anz.,
1901, t. XIX, p. 156-172.
? Decace (Y.) : Etudes sur la mérogonie. Arch. Zool.
expér., 1899, t. ve p. 383-417, avec 11 fig. — Embryons sans
noyau maternel. . R. Ac. Se., Paris, 10 octobre 1898
G. LOISEL — REVUE ANNUELLE D'EMBRYOLOGIE
1129
les œufs vierges auxquels il s'adresse et peut arri- groupe subit les changements suivants : la capsule
ver, ainsi, à faire agir les spermatozoïdes sur des
fragments non nucléés, représentant seulement,
dit-il, la 37° partie de l’ovule primitif".
D'un autre côté, Boveri, Morgan et Ziegler ne
s'étaient adressés qu'à des œufs d’oursin, alors
que Delage expérimente sur des œufs d'Echinoder-
mes (Sirongylocentrotus lividus), de Mollusques
(Dentale entale) et de Vers (Lanice conchylega).
Dans ces conditions, il obtient des larves avec plus de
facilité, même, qu'avec des œufs entiers conservés
comme témoins. Il arrive ainsi à se faire une opi-
nion, un peu particulière, de la fécondation. « Le
phénomène essentiel de la fécondation, conclut-il,
n'est pas la fusion des noyaux spermatique et ovu-
laire dans l'œuf, mais bien l'union d’un noyau sper-
matique (accompagné de son spermo-centre) avec
une cerlaine masse de cytoplasme ovulaire. »
C'est ce phénomène essentiel que reproduiraient
ses expériences, phénomène auquel il donne le
nom de mérogonie où fécondation mérogonique.
Cependant, si la mérotomie employée par Delage
est une méthode supérieure au secouage de l'œuf,
elle reste toujours soumise au même reproche de
brutalité qu'on a appliqué avec raison à la méthode
de Boveri. Le nouveau procédé suivi celte année
par Rawilz ? est, certes, beaucoup plus rationnel,
quoiqu'il ne soit pas davantage exempt de reproches
comme le pense l’auteur.
Pour ses expériences, Rawitz prend d’abord des
espèces très éloignées l’une de l’autre, comme une
Holothurie et un Oursin, de manière à éviter tout
croisement possible. Ensuite, il plonge les élé-
ments séminaux des espèces choisies dans une solu-
tion de chlorure de magnésium et de borax addi-
tionnée ou non de phosphate de chaux.
Dans ces solutions, les spermatozoïdes, enlevés
directement du testicule, müûrissent promptement,
c'est-à-dire acquièrent leurs mouvements caracté-
ristiques ; c'est ce que Rawitz appelle maturation
artificielle de semence. Quant aux œufs, les uns ne
changent pas, d’autres meurent, el un troisième
4 Giard vient de faire connaître à la Société de Biologie
(Pour l'histoire de la Mérogonie. C. R. Soc. Biol., Paris,
49 oct. 1901) un travail de J. Rostafinski, paru en 1877: Sur
Ja divisibilité de l'œuf (dividua ovi natura) et sur la fécon-
dation chez les Alques. Dans ce Mémoire, non seulement
le professeur de Cracovie « pose de la facon la plus nette le
problème de la mérogonie », mais encore il se sert des
« diverses techniques qui ont été suivies depuis, par les
embryogénistes, pour sectionner l'œuf animal. »
Dans la:même communication, Giard signale un travail
fout nouveau de Hans Winkler (Ueber Merogonie und Be-
fruchtuag, Jahrbücher f. wiss. Botanik, 1901, Bd. XXVI,
‘Heft 4), qui a fait, sans grand succès, du reste, d'autres expé-
riences de mérogonie sur des végétaux.
? RawirZz (B) : Versuche über Ephebogenesis. Arch. f.
Entw. mech., 1901, t. XI, p. 206-221, avec 1 pl. — Neue Ver-
-ssuche über. Éphebogenesis. Arch. f. Entwickelungsmech.,
4901, t. XII, p. 454-470, avec 1 pl.
ovulaire se fend et rejette tout son contenu; alors
l’ovule, en se contractant, expulse son noyau et
devient comparable à un cytode d'Heckel. C'est
sur ces cytodes d'Oursin que Rawitz fait agir de la
semence d'Holothurie. Après avoir pénétré dans
leur intérieur, les spermatozoïdes grossissent et
prennent l'aspect d’un pronucléus; puis, ils se divi-
sent et déterminent ainsi un premier élevage du
cytode; d’autres élevages semblables suivent; mais,
à chaque fois, la quantité de chromatine contenue
dans les blastomères diminue, de sorte que les der-
niers blastomères paraissent être sans noyau. Ce
phénomène s'arrêle de bonne heure, après le stade
morula ou blastula par exemple, puis l'œuf meurt.
En résumé, dit Rawitz, ces expériences montrent
que de la semence mâle apportée sur un solinerte,
mais approprié, peut donner d'elle-même nais-
sance à un nouvel organisme. C'est confirmer, par
là même, une hypothèse que Giard à émise il y à
deux ans ‘ en vue d'expliquer les résultals obtenus
par Boveri, Morgan, Ziegler et Deiage.
Pour Giard, on n'aurait pas affaire, dans les
expériences de ces auteurs, au développement nor-
mal d'un morceau d'œuf fécondé par un spermalo-
zoïde. Ce serait tout simplement le développement
du spermatozoïde lui-même, qui trouverait, dans
le fragment d'œuf, l'énergie suffisante pour croître
et se diviser; autrement dit, on aurait affaire à une
sorte de parthénogenèse mâle, à une éphébogenèse
(pn60, adolescent), dit Rawitz, analogue à celle
qui avait élé observée, à la même époque, par
Siedlecki, sur l’Adelea ovata, et, par Klebs, chez des
plantes inférieures.
Cette opinion, outre qu'elle fait rentrer les nou-
veaux faits observés dans les lois connues de la
Biologie, explique certains résultats paradoxaux
obtenus par Delage. Ainsi, Delage ayant obtenu,
dans ses expériences de mérogonie, plus d'em-
bryons que dans ses expériences de contrôle où
les œufs étaient gardés entiers, Giard pense que
ces derniers n'étaient pas encore complètement
mûrs; dans ces conditions, ils devaient phagocyter
les spermatozoïdes qui seraient venus pour les fé-
conder; au contraire, les fragments d'ovules énu-
cléés, ne pouvant plus exercer cette phagocytose,
auraient laissé le noyau mâle se développer à leurs
dépens. .
L'interprétation de (Giard permet encore de com-
prendre les phénomènes observés par Héron-
4 Grarp (A.) : A propos de la parthénogenèése artificielle
des œufs d'Echinodermes. C. R. Soc. Biol., Paris, 4 août
1900. — Sur le développement parthénogénétique du mi-
crogamète des Métazoaires. G. R. Soc. Biol. de Paris, séance
du 4 novembre 1899. — Parthénogenèse du macrogamète et
du microgamète des organismes pluricellulaires. Cinquan-
tenaire de la Société de Biologie, Paris, 1900, p. 654-667.
1130
G. LOISEL — REVUE ANNUELLE D'EMBRYOLOGIE
Royer, en 1883, et par Millardet, en 1894; ces sa-
vants ayant obtenu des hybrides à caractères
paternels exclusifs ou au moins prédominants, il
est probable, en effet, que le pronucléus mâle seul
se serait développé, alors que le pronucléus femelle
aurait dégénéré.
Une autre hypothèse, qui rappelle le quadrille
des centres de Fol, a été donnée par Le Dantec ‘
pour expliquer la mérogonie. Dans la fécondation,
Le Dantec admet deux actes complètement dis-
tincts : 1° une attraction entre deux karyoplasmes
sexués (copulation des pronucléus) ; 2° une attrac-
tion entre cytoplasmes également sexués, l'un
mâle, représenté par le spermocentre (proto-
plasma mâle), l’autre femelle, l’ovocentre (proto-
plasma femelle), qui ne setait plus figuré dans
l’ovule mür, mais y résiderait néanmoins sous
forme diffuse. A l’état normal, il y aurait donc une
fécondation protoplasmique en même temps qu'une
fécondation nucléaire ; dans les cas de mérogonie,
le premier acte subsisterait seul, et suffirait pour
amener le clivage de l'œuf.
Dans une noteultérieure, Delage ? revient sur ses
expériences pour discuter et rejeter les interpréta-
tions de Giard et de Le Dantec. Il affirme de nou-
veau sa conviction que le phénomène essentiel de
la fécondation est « la substitution d'un noyau
mâle au noyau femelle dans le protoplasma ovu-
laire ». C'est là, en définitive, donner une nouvelle
forme à la conception ovulaire de Boveri, qui refu-
serait à l'ovule l’excitabilité cinétique.
Malheureusement, pour la conception de Boveri,
au moins, Conklin * vient de montrer, d’une façon
très nette, que l’ovule mür possède toujours son
centrosome (à l'état figuré) et que ce dernier joue
un rôle, aussi important que le spermocentre, dans
le phénomène de la fécondation. Conklin reconnaît,
en outre, que le quadrille des centres n'existe pas
comme il l'admettait encore en 1894; «il avait été
induit en erreur, dit-il, par une lobulation ou
même une fragmentation de la sphère qui se pro-
duit dans certains cas ». Voir également, sur ce
sujet, un travail de Smallwood #, que nous n'avons
pu nous procurer.
Toutes ces recherches morphologiques sont cer-
tainement très intéressantes ; mais, à elles seules,
! Le Danrec (F.) : Centrosome et fécondation. C. R. Ac.
Se., 1899, t. CXXVIIT, p. 1341-143. — L'équivalent des deux
sexes dans la fécondation: Rev. gén. des Sc. pures et appli-
quées, A899, t. X, p. 854-863.
? DeraGe (Y.) : Sur l'interprétation de la fécondation mé-
rogonique et sur une théorie nouvelle de la fécondation
normale. Arch. Zool. expér., 1899, t. VII, p. 511-527.
% Conkui (E.-G.) : Centrosome and sphere in the Matura-
tion, Fertilization and Cleavage of Crepidula. Anat. Anz.,
1901, &. XIX, p. 280-287, avec 8 diagrammes.
* Smazzwoon : The centrosome in the Maturation and
lertilization of Bulla, Biological Bull., 1904, t, I, p. 4,
elles ne pourront nous renseigner exactement sur
la nature de la fécondation, ni sur les points si
importants qui s’y rattachent. Il faudra, de toute
nécessité, que l’on cherche à acquérir des idées plus
exactes sur la physiologie des éléments sexuels et,
en particulier, sur les transformations chimiques
qui se font dans l’intérieur de l’ovule et dans les
noyaux sexuels. Ces questions sont difficiles, im-
possibles à résoudre de bien longtemps encore;
mais il faut quand même les aborder, sans s’ef-
frayer du peu de résultats que l’on obtiendra tout
d’abord. C'est pour cela que nous tenons à signaler;
ici, quelques essais qui sont en rapport avec ces
idées. é
Nous citerons d’abord une étude de Yves et
Marcel Delage‘ sur les relations qui existent entre la
constitution chimique des produits sexuels et celle
des solutions capables de déterminer la parthéno-
genèse, puis deux notes, l'une de Piéri?, l’autre
de Winkler *, qui signalent la présence, dans le
spermatozoïde, d’une sorte de ferment soluble,
pouvant agir sur l’ovule lors de la fécondation et
de la segmentation. C'est en secouant fortement,
pendant un quart d'heure, des œufs d’Echinides
dans un verre contenant de l’eau distillée que Piéri
a obtenu un liquide sous l'influence duquel des œufs
vierges se sont segmentés et ont atteint le stade
morula. C'est également sur des œufs de Cælentérés
(Sphærechinus granularis et Arbacia pustulosa)
que Winkler a opéré. Dans une première série
d'expériences, il met du sperme dans de l’eau dis-
tillée, filtre au bout d'un quart d'heure et ajoute de
l'eau de mer en remuant constamment; dans une
seconde série, il ajoute, à de l’eau de mer, 20 °/, de
sel, ce qui suffil pour tuer les spermatozoïdes.
Dans les deux cas, il a vu un petit nombre d'œufs
montrer des signes de segmentation, d’abord régu-
lière ,pour les deux premiers clivages, ensuite irré-
gulière.
Ces essais sont évidemment purement empiriques
et, par là même, soat sujets à des critiques assez
sérieuses; mais ils ont l'avantage d'attirer l’atten- :
tion des savants sur celte question. Déjà un phy-
siologiste de profession, R. Dubois, a commencé
des recherches plus ralionnelles sur le même sujet;
dans une Note à la Société de Biologie ‘, il arrive
1 Derace (Yves et Marcel) : Sur les relations entre la
constitution chimique des produits sexuels et celle des solu-
tions capables de déterminer la parthénogenèse. C. R. Ac. Sc.,
2% décembre 1900. 4
Prent (J.-B.) : Un nouveau ferment soluble : l’ovulase.
Arch. Zool. expér., 1899, t. VII, notes p. xxIx.
3 WikLer (Hans) : Ueber die Furchuog unbefruchteter
Eier unter der Einwirkuug von Extraktivstoffen, aus dem
Sperma. Wachr. K. Ges. Wiss., Gottingen Maln. phys.
KI., 4900, 187-193; C. R. in Zool. Centrabl., 1900, t, VII,
p. 551-552.
4 Dunois (R.) : Sur la spermase et l'ovulase, C. R. Soc
Biol., 3 mars 1900.
G. LOISEL — REVUE ANNUELLE D'EMBRYOLOGIE
1131
également à admetlre, dans le spermatozoïde,
l'existence d’une zymase et, dans l'œuf, celle d’une
substance, au moins, qui serait modifiable par la
zymase spermalique.
Cela est à rapprocher du ferment diastasique que
Muller et Masuyama ont découvert dans l'œuf de
poule. Malheureusement, la question vient d'être
reprise tout dernièrement par Loeb? et par
Gies? sur les éléments sexuels d’Arbacia et, cette
fois, elle a été résolue négativement. Loeb n’a ob-
tenu aucun résultat en faisant agir quelques fer-
ments variés sur l'œuf vierge ; de même, pour Gies,
aucun fait bien observé ne montrerait l'existence
d'une substance zymogène dans le spermatozoïde.
2. Recherches sur la Fécondalion chez les Vé-
gétaux. — Ces travaux nous conduiraient à parler
des dernières recherches sur le clivage de l'œuf,
puis des théories actuelles sur la fécondation; mais,
auparavant, nous devons dire deux mots des dé-
couvertes, si importantes, faites chez les végétaux,
presque au même moment, par Nawaschin * et par
Guignard”. Ces deux savants ont montré que les
phénomènes qui se passaient lors dela fécondation,
chez les Angiospermes, étaient plus complexes qu'on
ne l'avait cru jusqu'ici. En effet, tandis qu'un des
deux noyaux mâles du boyau pollinique se fu-
sionne avec l’oosphère pour former l'œuf fécondé,
l'autre noyau, généralement le dernier, s’unit avec
le noyau secondaire du sac embryonnaire pour
former le noyau de l’albumen. L'ensemble de la
fécondation se composerait donc, chez ces végétaux,
de deux phénomènes distincts : l’un qui donnerait
naissance à l'embryon, l’autre qui formerait les
substances de réserve destinées à la nourriture de
cet embryon.
Depuis, d'autres recherches faites par Guignard”,
4 Mueer (J.) et Masuyaua (M.) : Ueber ein diastatisches
Ferment im Hühnerei. Zeitschr. f. Biol., t. XXXIX, p. 541-559.
? Logs (J.) : Experiments on artificial parthenogenesis in
Annelids (Chætopterus) and the nature of the process of fer-
tilization. Amer. Journ. of. Physiol., 4901, t. IV, p. 423-459,
avec à fig.
$ Gres (J.William) Do Spermatozoa contain enzime
having the power of causing developpement of matura ova?
Amer. Journ. of Physiol., 1901, t. VI, p. 53-76.
4 Navascun (S.) : Resultate einer Revision der Befruch-
luogsvorgänge bei Lilium Martagon und Fritillaria tenella.
Bull. Ac. imp. Sc., Saint-Pétersbourg, 1898, t. IX, n° 4,
p. 371-382.
5 GuicnarD (L.) : Sur les Anthérozoïdes et la double co-
pulation sexuelle, chez les végétaux angiospermes. Æev.
gén. de Bot. (Bonnier), 1899,t. XI, p. 128-135, 1 pl.
6 GuiGnanD : Sur l'appareil sexuel et la double féconda-
tion chez les Tulipes. ©. R. Ac. Se., 1900, €. CXXX, p. 681-685. —
L'appareil sexuel et la double fécondation dans les Tulipes.
Ann. Sc. nat. (Bot.), 1900, t. XI, p. 365-387, avec 3 pl. — Nou-
velles recherches sur la double fécondation chez les végé-
tauxangios permes.C. A. Ac. Se.,1900,t. CXXXI, p.153-160. —
La double fécondation dans le maïs. Journ.de Bot., 1901, t.XV.
— La double fécondation dans le Naias major. 1d.
par Ethel Thomas ‘, par Land *, par Ethel
Sargant*, qui donne une bonne bibliographie de
la question, et surtout les expériences de de
Vries, dont nous parlerons plus loin, sont venues
confirmer cette découverte et l’étendre à un grand
nombre de plantes de genres ou de familles diffé-
rents: Cependant, E. Strasburger‘, passant en
revue et discutant toutes les recherches faites sur
ce sujet, arrive à une conclusion quelque peu con-
traire à celle de Nawaschin et de Guignard. Pour
lui, la formation de l’endosperme ne serait pas
nécessairement précédée de la fusion de deux
noyaux, et, d’un autre côté, celte fusion pourrait
se faire sans être nécessairement suivie de la for-
mation de réserves nutritives. Ainsi, chez les Or-
chidées, où, dès 1877, il aurait montré l'existence
d'une double copulation de noyaux se faisant dans
le sac embryonnaire, il ne se forme pas d'endo-
sperme, et cette absence est due lout simplement,
dit-il, à ce que l'embryon des Orchidées n'a pas
besoin de substances de réserve pour se déve-
lopper.
D'un autre côté, Juel (cité par Guignard) a
montré que, chez une plante parthénogénétique,
l’Antennaria Alpina, Valbumen se forme sans qu'il
y ait fusion préalable des noyaux polaires, et, pour
Webber, chez le maïs, celte formation peut se
faire avant la fécondation.
Strasburger propose de séparer les deux ordres
de phénomènes sous les noms d'imprégnation gé-
néralive (union d'un des noyaux mâles avec l’oos-
phère) et d'imprégnalion végétative (union du
second noyau mâle avec un des noyaux polaires ou
avec le noyau secondaire, ou encore fusion des
deux noyaux polaires entre eux). Pour lui, le pre-
mier phénomène serait de beaucoup le plus impor-
tant, car il comporterait seul la transmission des
propriétés héréditaires. Ces dernières conclusions
sont certainement trop absolues, comme vont nous
le montrer les expériences si intéressantes qui ont
été faites sur l'hybridation du maïs.
Il y a trois ans, en 1899, de Vries” eut l'idée
1 Taouas (Ernez N.) : Double fertilization in a Dicoty-
ledon, Caltha palustris. Ann.of Bot., 1900, t. XIV, p.527-535,
avec 1 pl.
2 LanD (W.-J.-G.) : Bol. Gaz., 1900, t. XXX, p. 252-260, avec
2rpl:
3 SanGanT (ErueL) : Recent Work on the Results of Fertili-
zation in Angiosperms. Ann. of. Bot., 1900, t. XIV, p. 689-712.
4 STHASBURGER (Edouard) Einige Bemerkungen zur
Frage nach der « Doppelten Befruchtung » bei den Angio-
spermen. Bot. Zeit., 1900, t. LVIII, 2e abth., p. 293-316.
5 GuiGnarD : Loc. cil.
5 Wegser (H.-J.) : Xenia, or the immediate effect of
pollen, in Maize. U. S. Departement Agrieul. (Div. Veg.
Phys. und Path.), Bullet. no 22, Washington, sept. 1900,
11 pages et 4 pl.
1 Vries (Hugo de) : Sur la fécondation hybride de l’en-
dosperme chez le maïs. Rev. gén. de Bot.(Bonnier), 1900,
1132
de féconder un plant de maïs sucré avec du pollen
de la variété ordinaire, à amidon. Il obtint ainsi de
jeunes pieds qui donnèrent des épis à grains diffé-
rents : les uns, opaques, renfermant de l’amidon,
les autres, translucides, renfermant du suere. De
Vries remarqua, en même temps, que chaque grain,
dans lequel l’'endosperme présentait les caractères
du parent mâle, renfermait un embryon hybride;
par contre, ceux où l'endosperme montrait les ca-
ractères du parent femelle renfermaient un embryon
de race pure.
Ces expériences, qui donnent la démonstralion
très élégante du phénomène de xénmie !, ont été
reprises sur d'autres variélés de maïs et confirmées
par Webber (/oc. cit.). Ce savant fait remarquer, en
outre, que le second noyau mâle peut probablement
entrer dans le sac embryonnaire sans s'unir avec
aucun noyau polaire. Dans ce cas, il peut se diviser
isolément, de même que les noyaux polaires; alors,
l’'endosperme renfermerait deux sortes d'éléments :
les uns à caractères paternels, les autres à carac-
tères maternels.
Sans traiter cette année la question de l’hybri-
dité, nous rappellerons un autre travail de Webber
sur les hybrides de Citrus ?. Dans les graines
polyembryonnaires qui sont le résultat de l'hybri-
dation, Webber a vu qu'un seul de ces embryons
montrait quelques traces de parent mâle, tandis
que tous les autres ressemblaient au parent fe-
melle. Il pense que l'hybride vrai dérive de l’oos-
phère fécondé, et tous les autres, d'embryons
adventifs formés dans le nucelle. Mais quelle est
l'origine de ces embryons adventifs eux-mêmes ?
C'est là un point d'autant plus inléressant à re-
prendre qu'il a, peut-être, quelque analogie avec
la polyspermie chez les animaux *.
Dangeard * répond à cette question en donnant
une nouvelle interprétation des phénomènes repro-
ducteurs chez les Phanérogames.
Pour ce botaniste, les huit cellules du sac em-
bryonnaire auraient la valeur de gamètes femelles.
Deux de ces gamètes, qu'il appelle mésodes, se
fusionneraient pour former le noyau secondaire.
Lors de la fécondation, ce dernier s'unirait à un
&. XII, p. 129-137, avec 1 pl. — Sur la fécondation hybride de
l'albumen. C. R. Ac. Se., 1899, t. CXXIX, p. 973-975.
1 On sait que, sous ce nom, Focke a désigné, en 1881,
l'influence exercée, par le pollen, sur les caractères héréditai-
res du fruit ou de la graine, en même lemps que sur ceux
de l'embryon.
? Wesser (H.-J.) : Bot. Gaz., 1900, t. XXIX, p. 141.
“ La polyspermie est encore une question que nous
réservons pour plus tard. Nous signalerons cependant, à ce
propos, un travail de Nicolas, qui vient de démontrer sa
réalité chez l'orvet (Archiv d'Anat. micr. Paris, 1900, p. 457-
589, avec 1 pl.).
* DaxGearo (P.-A.) : Sur une nouvelle interprétation des
phénomènes reproduteurs chez les Phanérogames. Congrès
sociét. sav., Paris, 1900. C. R., p. 176.
G. LOISEL — REVUE ANNUELLE D'EMBRYOLOGIE
gamète mâle pour former un albumen, auquel Dan-
geard attribue la valeur d’un embryon monstre;
des gamètes femelles restant, l'un forme l'œuf, les
autres (antipodes et synergides) constituent un
supplément d’aliment pour l'embryon.
Celte nouvelle interprétation permet de com-
prendre le développement des synergides et des
antipodes sans le concours d’un noyau mäle et sans
parthénogenèse.
Dans les expériences de mérogonie, un morceau
d'œuf anucléé uni à un gamète mäle suffit pour
fournir un embryon. Si la gamète mâle peut être
fécondé par du cytoplasme femelle, rien n'empêche,
il semble, dit Dangeard, qu'un gamèle femelle
puisse être fécondé également par un fragment de
cyloplasme mäle : ainsi s'explique peut-être l'exis-
tence des embryons surnuméraires dans le Mimosa
Denhardi, le Lilium Martagon, V'Allium odo-
rum, etc. Ce seraient des cas d’antophagie réduite,
de mérogamie.
IL. — SUR LE CLIVAGE DE L'OVULE
ET LA PARTIHÉNOGENÈSE ARTIFICIELLE.
Dans un important Mémoire paru il y a deux
ans, O. Schultze * a repris cette question déjà
vieille de savoir quand apparait la symétrie bilaté-
rale chez l'embryon de Æana fusca.
Ses conclusions sont qu'il n'y a pas de période
fixe pour l'apparilion de celte symétrie : elle peut
exister dans l'œuf non fécondé (bien que cela ne
soit pas absolument certain); elle peut apparaitre
au moment où commence la segmentation, pendant
sa durée, ou, seulement, quand apparaît la ligne
primilive.
Le point d'entrée du spermatozoïde dans l'œuf
est généralement opposé au futur blastopore.
La traînée de pigment formée par le passage du
spermatozoïde occupe souvent approximativement
le plan de symétrie, mais des dévialions sont fré-
quentes, et il n’est nullement évident qne ce plan
soit déterminé par le spermalozoïde.
En général, le premier sillon de segmentation
coïncide avec le plan médian de l'animal futur.
Cependant, ce n’est pas là une règle absolue, comme
le veut Roux, et des embryons normaux peuvent
provenir d'œufs dans lesquels le premier sillon de
segmentalion n'avait pas correspondu au plan de
symétrie.
Tout ce qu'on peut dire, écrit Schultze, c'est que,
dans beaucoup de cas, la segmentation consiste en
£ Scnurze (0.) : Ueber das erste Auftreten der bilatera-
len Symmetrie im Verlauf der Entwicklung. Arch. f. mikr.
Anat., 1900, t. LV, p. 171-201, avec 2 pl. et 2 fig. — Die bila-
terale Symmetrie des Amphibieneies, Verhandl. der Anate
Gesellsch., mai 1899, p. 23-29.
Le
G. LOISEL — REVUE ANNUELLE D'EMBRYOLOGIE
un groupement symétrique de cellules, se faisant
autour du plan médian de l'organisme en dévelop-
pement. Mais c’est loin d'être une loi absolue, et il
est toujours impossible de déterminer, par avance,
quelles seront les relations entre le plan de fécon-
dation ou le plan de premier clivage et la symétrie
de l'organisme futur.
Dans un travail que l'on trouve à la suite du pre-
mier, Schullze‘ reprend cette autre question de
savoir si la liberté de l’œuf de grenouille, dans
son enveloppe, est une condition essentielle du dé-
veloppement. Deux méthodes peuvent être em-
ployées pour cela : 4° celle de Pflüger, qui consiste
à féconder l'ovule dans une simple goutte d’eau
spermatisée, de manière que l'enveloppe d'albumine
grossisse très peu, et à suivre le développement dans
une chambre humide; 2° celle de Roux, qui place
l'œuf fécondé entre deux lames de verre, soumises
à une pression suffisante pour empêcher le mouve-
ment libre de l'œuf à l'intérieur de ses enveloppes.
Les deux méthodes ont donné à Schultze les
mêmes résultats. Il a vu que l'œuf mourait promp-
tement quand il ne pouvait suivre les lois de la
pesanteur, dans le cours de son développement.
Placez le pôle animal en bas, l'œuf peut atteindre la
fin de la gastrulation, mais jamais former un sillon
médullaire. Le tube nerveux ne peut donc se déve-
lopper dans l'hémisphère incolore de l'œuf.
À côté de cesexpériences, nous rappellerons celles
de Hertwig ?, qui a éludié l'influence &e la force
centrifuge sur le développement de l'œuf de gre-
nouille (Æana fusca). À un certain degré (déterminé
expérimentalement), cette force produit une sépa-
ration plus nette entre les substances légères et
lourdes de l'œuf; il en résulte que le clivage se fait
seulement au pôle animal de l’ovule. De plus, dans
le cours de la segmentation, l’œuf prend un carac-
tère tout à fait particulier, qui conduit directement
au type méroblastique. Ainsi, une portion indivise,
contenant le vitellus, occupe la moilié des deux tiers
de l'œuf, le reste étant formé par un blastoderme
avec un blastocæle. La ressemblance est encore
augmentée par la formation d’une couche spéciale
de mérocytes (noyaux vitellins), au-dessous du blas-
toderme.
Du reste, si l'œuf est retiré en temps convenable
de ces conditions parliculières, il peut reprendre
le cours normal de son développement et donner
un embryon parfaitement conformé.
Les divers facteurs qui agissent sur le clivage
1 ScuuLrzE (0.) : Ueber die Nothwendigkeit der freien
Entwicklung der Embryo. Arch. f. mikr. Anat., 1900, t. LV,
p. 202-230, avec 1 pl. et 6 fig.
2 HernwiG (0.) : Beiträge zur experimentellen Morpholo-
gie und Entwicklungsgeschichte. Arch. f. mikr. Anat., 1899,
t. LIT, p. 415-444, avec 2 pl.
1133
de l'œuf continuent à être le sujet d’études des
embryologistes. Nous citerons, d’abord, l'effet des
gaz, éludié par Samassa ! : sur les œufs de gre-
nouille, l'hydrogène a une influence plus délétère
que l'azote; alors que ces deux gaz tuent les œufs
d'Ascaris, la présence ou l'absence d'oxygène ne
parait pas influencer le clivage des œufs de gre-
nouille pendant les quatre premiers jours; au con-
traire, pour les œufs d'Ascaris, l'oxygène pur em-
pêche le développement; une pression de deux
atmosphères et demie l’arrèle et tue l'œuf vers le
onzième jour.
Ce sont, ensuite, les observations de O. Schultze’,
qui montrent qu'un froid continu de 0° ralentit
beaucoup le développement de l'œuf, sans l'arrêter
complètement cependant; puis celles de Bataillon”,
qui modifie la marche de la segmentation en modi-
fiant la pression osmotique des milieux où sont
placés les œufs; celles de Häcker”, qui voit, dans
l'œuf de Cyclops, les cinèses cellulaires se trans-
former en amilose, sous l'influence d’une solution
d'éther à 5 °/, agissant sur l'œuf pendant deux à
trois heures. Nous citerons encore des essais assez
curieux, qui montrent la possibilité de faire déve-
lopper, en partie du moins, un ovule fécondé de
poule, privé de son albumen, et transporté dans un
albumen de canard.
Mais, depuis quelques années, c'est surtout à
l'œuf non fécondé que s'adressent les expérimen-
tateurs. Nous ne pouvons guère que citer ici les
travaux de Læb”, sur l'action du chlorure de
magnésium, repris et confirmés encore tout récem-
ment par Wilson ‘, qui s'est adressé à des œufs
anucléés en même temps qu'à des œufs entiers;
ceux de Morgan”, et de Giard*, sur l’action de diffé-
1 Samassa (P.) : Verh. Nat. Med. Ver. Heidelberg, 1898;
t. VI, p. 1-16.
2 ScuucrZE (0.) : Ueber die Einwirkung niederer Tempe-
ratur auf die Entwicklung der Frosches. Anal. Anz., 1899,
t. XVI, p. 144-152.
3 BaraiLLoN (E.) : La pression osmolique et les grands
problèmes de la Biologie. Archiv f. Entwickelungsmech.
der Organismen, 1901, t. XI, p. 149-18%, avec 1 pl.
4 Hacker (VaL.): Mitosen im Gefolge Amitosen-ähnlicher
Vorgänge. Anal. Anz., 1900, &. XVIL, p. 9-20, avec 6 fig.
5 Loge (J.) : Further experiments on artificial Partheno-
genesis and the nature of the process of fertilization. Am.
Journ. of Physiol., 1900, t. IV, p. 118-184. — On the artificial
production of normal larvae... Ann. Journ. of Physiol.,
avril 1900.
8 Wicson (E.-B.) : Experimental Studies in Cytology.
I. A cytological Study of Artificial Parthenogenesis in Sea-
Urchin Eggs. Arch. f. Entwickelungsmech., 1901, t. XII,
p- 529-596, avec 7 pl. et 12 fig.
7 MorGan (T.-H.) : The action of salt-solutions on the
upfertilized and fertilized Eggs of Anbacia and of other
Animals. Archiv f. Entwickelungsmech., 4899, t. VII,
p. 448-536.
8 Grarn (A.) : Développement des œufs d'Echinodermes
sous l'influence d'actions kinétiques anormales (solutions
salines et hybridation). C. ZÆ. Soc. Biol. :de: Paris,
12 mai 1900. ë
1134
rentes solutions salées; ceux de Bataillon ‘, con-
firmés en partie par les recherches de M®° Rondeau-
Luzeau ?, qui fait jouer un rôle très considérable à
la pression osmolique, dans tous les cas où l'on
traite des œufs, fécondés ou non, par des solutions
équiosmotiques de sels ou de sucre.
Nous citerons, enfin, les travaux de Herbst*, qui
étudie le rôle des substances inorganiques néces-
saires au développement des larves d’oursin, et les
essais de Herneguy ‘ sur des œufs vierges de
grenouilles soumis à l'action de diverses substances.
Ces œufs se sont segmentés; mais, dans aucun des
blastomères ainsi formés, Henneguy n’a pu trouver
denoyaux.Aussi conclut-il que, danssesexpériences,
« il ne s’agit que d'une fragmentation du vitellus,
non accompagnée de multiplication de noyaux, et
simulant une véritable segmentation. »
III. — THÉORIES NOUVELLES DE LA FÉCONDATION.
Ces expériences, de même que celles dont nous
avons parlé plus haut, ont conduit naturellement
les auteurs à rechercher quel était le rôle du sper-
matozoïde dans la fécondation.
A la suite de ses premières expériences, Lœb *
avait conclu trop hâtivement que le spermatozoïde
agissait en introduisant, dans l'œuf, cerlains ions
métalliques ÿ. Devant les critiques faites à celte idée
par Bataillon”, Giard, Yves et Marcel Delage #,
Viguier ”, etc., et aussi à la suite de nouvelles
expériences, Læœb !° a modifié depuis sa théorie.
Il admet maintenant, comme Bataillon, que les
solutions capables de produire le développement
4 BaraïLLON (E.) : La segmentation parthénogénétique
expérimentale chez les Amphibiens et les Poissons. C. R.
Acad. Sc. de Paris, 9 juillet 4900.
? Ronpeau-Luzeau (Mme) : Action des solutions isotoni-
ques de chlorures et de sucre sur les œufs de Æana fusca.
C. R. Soc. Biol. de Paris, 21 avril 1904.
% Hergsr (C.) : Uber die zur Entwickelung der Seeigellarven
nothwendigen anorganischen Stolfe, ibre Roll und ihre Ver-
tretbarkeit. Arch. f. Entwickelungsmech., 1901, t. XI.
* HexneGuy (F.) : Essais de parthénogenèse expérimentale
sur les œufs de grenouille. C.R. Soc. Biol. Paris, 30 mars 1901
et Assoc. des Anal., Lyon, 1901, p. 24-27.
# Amer. Journ. of Physiol., 1899.
“ D'après Arrhenius et Ostwald, les corps dissons dans
l'eau seraient{toujours décomposés en élémentshypothétiques,
les ions. Si l’on fait passer un courant électrique dans une
solution, une partie des ions (cathion), représentant le métal
des sels et des bases ou l'hydrogène des acides, se porterait
à l'électrode négative; l'autre partie, c'est-à-dire le reste de
la combinaison (anion), se dégagerait à l'électrode positive.
1 BaAraILLoN (E.) La segmentation parthénogénétique
expérimentale chez les Amphibiens et les Poissons. C. A.
Ac. Se., Paris, 9 juillet 1900.
Locle
® Vicuier : Hermaphroditisme et parthénogenèse chez
les oursins. C. R. Ac. Se. de Paris, 2 juillet 1900. — La
théorie de la fertilisation chimique des œufs de M. Lœb.
Id., 9 juillet 4900.
Lose : Artificial Parthenogenesis in Annelids (Chætop-
terus). Science, August 1900.
G. LOISEL — REVUE ANNUELLE D’EMBRYOLOGIE
de l’œuf agissent par pression osmotique en sous-
trayant de l’eau de l’ovule. Il peut se faire aussi,
dit-il, que la perte d’eau altère les processus chi-
miques de l’œuf, de façon à donner naissance à la
formation d’une subtance qui agirait catalytique-
ment en accélérant le processus de la segmen-
talion. Ce serait ainsi qu'agirait le spermatozoïde
dans la fécondation normale; il aurait pour rôle de
charrier à l'œuf des substances catalytiques !, telles
par exemple que les ions de polassium, spécifiques
pour l'œuf du Chætoptère.
L'année dernière, Giard ?, reprenant les expé-
riences de Lœb, arrivait à cette conclusion que
l’excitalion de l'œuf déterminée par les solutions
salines serait due principalement à l’action déshy-
dralante des sels sur les plasmas ovulaires et à
l'hydratation subséquente lorsque l'œuf est remis
dans l’eau de mer pure. Ce sont ces idées, dont
nous trouvons la première manifestation en 1894*,
que Bataillon et Delage ont reprises et complétées
hypothéliquement pour les étendre au rôle du sper-
matozoïde dans la fécondation.
Bataillon * laissant de côté, comme Lœb et
Giard, la valeur propre de l'élément mâle en tant
que substratum de l'hérédité et ne considérant
qu'une condition physique du développement, pro-
pose cette théorie : « L’œuf mûr posséderait, dit-il,
un excès de pression osmotique, dû à la non-élimi-
nation ou à l'élimination incomplète des globules
polaires et des fluides qui les accompagnent. La
fécondation interviendrait alors pour rétablir un
certain équilibre, comme la déshydratation dans les
expériences de parthénogenèse expérimentale; le
spermatozoïde aurait donc pour rôle de restituer à
l'œuf une certaine hypertonie en déshydratant son
proloplasma. »
C'est ce même rôle déshydratant que Delage
attribue au spermatozoïde. Pour cet auteur, l'ovule
serait fécondable seulement lorsque son sue
nucléaire aurait diffusé dans le cytoplasme, c'est-à-
dire au moment même où se prépare le rejet des
globules polaires ; il y aurait donc, dit-il, une ma-
turation protoplasmique. La diffusion du suc nu-
5
1 Ostwald appelle ainsi des substances accélérantes de
processus chimiques qui pourraient se faire sans elles, mais :
beaucoup plus lentement.
? Grarp (A.) : Sur la pseudogamie osmotique (tonogamie).
C. R. Soc. Biol., Paris, 5 janv. 1901.
3 À. Grarn : L'anhydrobiose ou ralentissement des phéno-
mèpes vitaux sous l'influence de la déshydratation progres-
sive. Compt. rend. soc. Biol. Paris, 16 juin 1894.
# BaralLLoN (E.) : Etudes expérimentales sur l'Evolution
des Amphibiens. — Les degrés de maturation de l'œuf et la
Morphogenèse. Arch. f. Entwickelungsmech., 1904, t. XII,
p. 610-655, avec 31 fig.
ü DeLace (Y.) : Sur les théories de la fécondation, Rev.
aénér. des Sc. pures et appliq., 18 oct. 1901. — Sur la ma-
turation cytoplasmique et sur le déterminisme de la par-
thénogenèse expérimentale. C.R. Acad.Sc., 1904, t, GXXXIH,
p. 346-349.
G. LOISEL — REVUE ANNUELLE D'EMBRYOLOGIE
cléaire serait nécessaire peut-être pour empêcher
l’œuf de se développer parthénogénétiquement, mais
sûrement pour fournir au pronucléus mâle l'eau
nécessaire à son évolution dans l'œuf. En dehors de
son rôle amphimixique, qui assure à l'être nouveau
les avantages d’une double lignée ancestrale, le
spermatozoïde agirait donc encore comme un
déterminant de l’'embryogenèse de cet être; celte
action n'aurait plus rien de mystérieux, puisqu'elle
serait celle d’une solution hypertonique déshy-
dratant le protoplasma.
En somme, ce qui ressort le mieux de toutes ces
études, c'est que l’'embryogénie d'un être doit avoir
pour point de départ une série d’hydratations et de
déshydratationssuccessives du eytoplasme ovulaire.
D'autres déterminants peuvent et doivent exister
sans aucun doute, mais celui-ci est actuellement le
seul à peu près démontré. Et, quant à aller jusqu'à
employer, avec certains auteurs, les expressions de
fertilisation chimique, d'embryons au sel, d'em-
bryons au sucre, d'embryons lithiques, ete., nous
pensons, avec Bataillon, que cela ne signifie pas
grand'chose, car toutes les actions obtenues dans
ces expériences fondamentales ne montrent vrai-
ment rien de spécifique. C'est ainsi, par exemple,
que des solutions sucrées ont donné à Bataillon,
sur l'œuf de grenouille, la même gastrula atypique
que celle obtenue par Gurwitsch avec le chlorure
de lithium.
Ces faits et d'autres encore, tels que les résultats
contradictoires obtenus par Morgan, Delage et
Wilson !,montrent qu'il ne faut pas abandonner trop
vite le laboratoire pour venir s'isoler dans le cabinet
de travail. « Il est dangereux, dans les sciences, de
conclure trop vite », disait un ancien professeur de
la Sorbonne, Gratiolet. « Quand on raisonne d'après
un nombre insuffisant d'observations, il est facile,
avec un peu d'esprit, d'imaginer quelque système
auquel ces observations s'accordent; ce sont là
jeux de finesse et de patience qui peuvent séduire
l'imagination, mais qu'une saine méthode ré-
prouve. »
Quoi qu'il en soit, les recherches dont nous
venons de rendre compte ont soulevé quelque peu
le voile qui recouvre encore le phénomène de la
fécondation; elles ont ouvert une voie nouvelle aux
travailleurs de laboratoire aussi bien qu'aux pen-
seurs, et, par ce qu'elle a donné jusqu'ici, cette voie
parait devoir être excessivement féconde dans
l'avenir.
1 En 1895, Morgan trouvait qu'un fragment d'œuf sans
noyau, fécondé par un seul spermatozoïde, se divisait en pré-
sentant seulement la moitié du nombre normal de chromo-
somes. En 1898, Delage voyait, au contraire, des morceaux
d'œufs anucléés présenter le nombre entier de chromosomes.
Or, cette année même, Wilson trouve des faits qui concor-
1135
IV. — INDIVIDUALITÉ DES ÉLÉMENTS SEXUELS CONTI-
NUANT A SE MANIFESTER PENDANT LE CLIVAGE.
En 1891, Boveri émettait cette hypothèse que,
dans toutes les cellules qui dérivait d’un œuf
fécondé, la moitié des chromosomes conserve
toujours les caractères maternels et l'autre moitié
les caractères paternels. L'année suivante, Hacker’,
puis Rückert*, en 1895, venaient confirmer cette vue,
si originale, en montrant que les noyaux germi-
natifs du Cyclops ne se fusionnent pas lors de la
fécondation, et gardent même leur individualité
respective pendant une période considérable du
clivage de l'œuf. Quelque temps après, en 18%,
Herla*, puis Zoja*, en 1895, observaient les mêmes
faits jusqu'au stade 12 de la segmentation de l'œuf
d'Ascaris. Enfin, cette année même, G. Con-
klin vient apporter une nouvelle preuve à l’hy-
pothèse de Boveri. Il voil, en effet, chez la Crepidula
plana, les noyaux des blastomères montrer une
cloison de séparation qui les divise en deux par-
ties distinctes contenant chacune un nucléole. C’est
surtout au moment de la lélophase de chaque
division que celte cloison s'observe neltement;
mais, dans quelques cellules, on peut la voir aussi
pendant la prophase et même pendant la période
de repos.
Il n'est évidemment pas possible d'affirmer que
ces noyaux bipartis représentent la continuation
des individualités mâle et femelle distinctes l’une
de l’autre. Conklin le croit cependant pour plu-
sieurs raisons, dont voici les principales :
Lors du premier clivage de l'œuf fécondé, les
noyaux germinatifs ne fusionnent pas; ils restent
nettement distincts pendant la plus grande partie
de la cinèse, ou, plutôt, leur ensemble forme un
noyau double dont la partie supérieure est d'ori-
gine ovulaire et la partie inférieure d’origine sper-
malique.
Pendant les clivages suivants, et cela jusqu'au
stade de 29 blastomères au moins, le faisceau
central des cinèses apparaît toujours dans le sillon
dent avec ceux de Morgan; les œufs vierges d'oursin qu'il
soumet au chlorure de magnésium ne se divisent plus, en
effet, qu'avec 18 chromosomes, au lieu de 36.
1 Hacker (V.) : Die Eibildung bei Cyclops und Canthoca-
motus, Zool. Jahrb., 1892, t. V.
2 Ruckerrt (J.) : Ueber das Selbstandigbleiben der vaterlichen
und mutterlichen Kernsubstanz während der ersten Entwick-
lung der befruchteten Cyclops-Eien. Archiv {ür mikr. Anal.
1895, t. XIV.
8 Her La (V.) : Etudes des variations de la mitose chez l'Asca-
ride negalocéphale, Archiv. Biol., 1893, t. XIIT.
4704 (R).: Sulla independanza della cromatina paterna e
materna nel nucleo delle cellule embryonale., Anat. Anz.,
1895, t. XI.
5 Coxxin (E.-G.): The individuality of the germ nuclei
during the cleavage of the egg of Crepidula. Biolsgical Bull.;
1901, t. IT, p. 257-265, avec 16 fig.
1136
G. LOISEL — REVUE ANNUELLE D'EMBRYOLOGIE
de séparation des doubles noyaux. Cela semble
bien indiquer que les deux parlies distinctes,
observées dans les noyaux doubles filles, dérivent
directement des parlies correspondantes du noyau
mère.
Ces observalions, quelque importantes qu'elles
soient, ne permettent pas encore de transformer
l'hypothèse de Boveri en loi. Elles doivent attirer
seulement l'attention des embryologistes pour voir
si l’on peut retrouver les mêmes faits partout, dans
toutes les séries des êtres vivants. C'est la même
réflexion que nous ferons à propos d’une Note très
détaillée de Beard! sur la continuité morpholo-
gique des cellules germinatives dans le dévelop-
pement embryonnaire.
Nous attendrons la publication complète du
Mémoire de Beard pour en parler avec détails.
Disons seulement que l’auteur semble apporter ici
des preuves sérieuses de la continuité du plasma
serminatif (théories de Jæger, Nussbaum et Weiss-
mann). Il a vu, en effet, l'œuf fécondé de Raja se
diviser en pelites et en grosses cellules. Les pre-
mieres se multiplient activement pour former le
Corps du poisson; les secondes, d’abord inactives,
sont incluses au milieu des premières et forment le
lesticule ou l'ovaire: quelques-unes de ces cellules
germinatives embryonnaires peuvent s'égarer et,
au lieu de se réunir au complexus génital, peuvent
elln se loger dans n'importe quel tissu somatique ;
d'où, pour Beard, l'origine de certains kystes der-
moïdes et des inclusions fœtales.
V. — LES DÉRIVÉS DES FENTES BRANCHIALES.
Depuis 1895, époque à laquelle Jacoby ? donna
un résumé critique de cette question, un certain
nombre de travaux sont venus essayer de combler
les points laissés encore en litige.
Si l’on considère ces travaux dans leur ensemble,
nous pouvons tout d’abord, avec Maurer*, grouper
les dérivés des fentes branchiales de la facon sui-
vante :
ES Ceux que l’on rencontre chez tous les Ver-
tébrés et qui coexistent avec un appareil viscéral
fonctionnant (Poissons et jeunes Batraciens); ce
sont : le corps thyroïde proprement dit (lobe mé-
dian), les corps post-branchiaux ou iobes latéraux
du corps thyroïde et le thymus ;
2° Ceux qui se forment seulement chez les Ver-
{ BEARD (J.) : The morphological inui
U .() : e g continuity of the
germ-cells in Raja batis. Anal. Anz., 1900 €. XVIII D. 465-485.
Æ tu 1) Historisch-kritische Betrachtungen über
1e Entwickelung der Ki arm-Deri 1
PR 8 der Kiemendarm-Derivate. Inaug. Diss.
* Maure (F.) : Die Schilddrüse, Th
4 î Ê se, yus und andere
Schlundspaltenderivate bei der Eidechse. Morph. Jahrb.
1899, t. XX VII, p. 119-172 avec 3 pl. et 4 fig.
tébrés à respiration aérienne (Batraciens adultes,
Sauropsidés et Mammifères). Ces dérivés appa="
raissent après la transformation du mode respira=
toire et représentent des vestiges de l'appareil
branchial; ce sont les glandes carotides et les
corpuseules ou nodules épithéliaux, appelés
encore glandules thyroïdiennes.
A. Le corps thyroide des Vertébrés adultes
est décrit par les auteurs comme étant un com-
plexus de trois organes qui présentent chacun une
origine distincte : a) un organe médian (/Ayroïde
médiane ou corps thyroïde proprement dit), qui
dérive d’une évagination impaire et médiane du …
plancher de la bouche; b) deux organes latéraux,
qui proviennent directement (#Lyroïdes latérales)
ou immédiatement (corps post-branchiaux) de la
quatrième fente branchiale *. à
Chez les Vertébrés inférieurs et chez les
Oiseaux, ces trois formations restent toujours com-
plètement distinctes les unes des autres. Il en est
de même chez l'Echidné, où Maurer * a vu les pre-
mières fentes s'ouvrir pendant quelque temps, et, à
un moindre degré, chez la musaraigne (Nicolas) et
chez le campagnol (Roud).
Chez les Mammifères supérieurs, la thyroïde
médiane bourgeonne de plus en plus par le bas
pour aller se fusionner avec les deux bourgeons
latéraux qui restent toujours très petits; chez
l'homme (Tourneux et Verdun‘), elle apparait
chez l'embryon long de 3 millimètres, et s'isole du
plancher de la bouche à partir de 6 millimètres;
d’abord massive, cette formation épithéliale se
transforme en un réseau de cordons pleins anasto-
mosés, chez l'embryon long de 14 millimètres. Pour
ces auteurs, de même que pour Simon ‘, les thy-
roïdes latérales prennent part, quoique dans une
faible mesure, à la formation de la thyroïde adulte.
Pour d'autres embryologistes, au contraire, les
thyroïdes latérales ne participeraient pas réelle-
ment à la constitution définitive du corps thyroïde;
elles disparaîtraient complètement, ou bien persis-
leraient, sous la forme de kystes ou de vésicules
épithéliales, donnant parfois l'aspect, sur les
coupes, d'un canal central de la thyroïde (Nicolas*,
1 Chez les Vertébrés inférieurs, les corps post-branchiaux
sont encore décrits sous le nom de corps supra-péricardi-
ues.
: 2 Maurer (F.) : Die Schlundspalten-Derivate von Echidna.
Anat. Anz. Verhandl. der Anat. Gessellsch., 1899, t. XVI,
p. 88-101 avec 10 fig.
3% Tounneux (F.) et VerouN (P.) : Sur les premiers déve-
loppements de la thyroïde, du thymus et des glandules
parathyroïdiennes chez l'homme. Journ, Anat. et Physiol.,
1897, t. XXXIII, p. 305-325, avec 3 pl.
* Simon : Thyroïde latérale et glandule thyroïdienne chez
les Mammifères. Thèse de Nancy, 1896. À }
# Nicoras : Recherches sur les vésicules à épithélium cilié
annexées aux dérivés branchiaux, avec quelques remarques
G. LOISEL — REVUE ANNUELLE D EMBRYOLOGIE
1137
Kohn ‘, Soulié et Verdun ?, Verdun * et Roud”).
B. Le {hymus se forme, chez les Poissons, par la
fusion de 5 (Téléostéens) ou 7 (Sélaciens) nodules
épithéliaux, qui dérivent, chacun, de la partie dor-
sale d’une fente branchiale correspondante”. Chez
les Urodèles, on retrouve encore la même origine,
mais les trois dernières ébauches persistent seules
pour former le thymus adulte. Chez les Anoures,
Maurer, puis Bolau° ont vu que la deuxième fente
seule servait à former le thymus, mais qu'on pou-
vait rencontrer aussi lrois ou qualre ébauches pla-
cées en ligne droile les unes à la suite des autres.
Chez les lézards, on trouve ? un état intermé-
diaire entre ce qui existe chez les Ichtyopsidés
et les Vertébrés supérieurs. Comme chez les pre-
miers, il se forme d’abord trois thymus, provenant
respectivement des trois premières fentes. De ces
trois thymus, l'antérieur disparait bientôt, les deux
autres persislent, rappelant, ce qui existe chez les
Anamniotes; mais c'est le troisième qui prend le
plus grand développement, surtout du côté ven-
tral,‘ce qui nous conduit directement au grand
thymus ventral des Mammifères. En somme, si le
thymus antérieur du lézard correspond entière-
ment au thymus antérieur des Ichthyopsidés, son
thymus postérieur ne correspond au thymus pos-
térieur des Ichthyopsidés que dans sa portion dor-
sale; sa parlie ventrale est une formation nouvelle,
qui apparait chez le lézard pour la première fois,
et qui va prendre son complet développement chez
les Mammifères.
Chez l'homme, le thymus débute sous la
forme de deux tubes (canaux thymiques), qui pro-
longent, directement en bas, les troisièmes poches
branchiales. Ces canaux se détachent du pharynx
chez un embryon long de 14 millimètres, puis leur
sur les glandules parathyroïdes.
1896, p. 171-183, avec 6 fig.
1 Koun (A.): Studien uber die Schilddrüse. I].
mikr. Anal, 1897, t. XLVIII, p. 398-429, avec 1 pl.
? Souuté (A.) et Veroux (P.) : Sur les premiers développe-
ments de la glande thyroïde, du thymus et des glandules
satellites de la thyroïde chez le lapin et chez la taupe.
Jourh. Anat. et Physiol., 1897, t. XXXIII, p. 604-633, avec
pl. et 15 reconstructions.
? Verpux (P.) : Evolution de la 4° poche branchiale etdela
thyroïde latérale:chez le chat. Id., 1898, t. XXXIV, p. 265-304,
avec 1 pl. et 12 fig.
‘4 Roup (A.) : Contribution à l'étude de l'origine et de l'évo-
lution de la thyroïde latérale et du thymus chez le campa-
gnol. Bull. Soc. vaud, des Sc. nat., 1900, t. XXXVI, p. 239-300
avec 5 pl.
5 Chez la raie, Beard décrit un thymus rudimentaire qui
prendrait naissance sur le spiracle. C'est ce corps que van
Bemmelen avait décrit, en 1885, sous le nom de « follicule
vésiculèire ventral du spiracle ». — A Thymus-Element of
the SRnte in Raja. Anat, Anz., 1900, t. XVIII, p. 359-363.
® Bozau (H.): Glandula thyreoidea und g gli indula thy nus der
Amphibien. Zool. Jahrb., 1899, t. XII, p. “657-740 avec 11 fig.
7 Maurer (F°): Anat. Auz. , Verhaudl. Anat. Ges., XIe Vers,
1898, €. XIV, p. 256-61. ”
* 8 F, Toureux et P. VERDUN :
Bibliogr. Anat, Nancy,
Arch. f.
Loc. cit.
extrémité inférieure bourgeonne en bas et en
dedans. Bientôt, les canaux thymiques se transfor-
ment en cordons épilhéliaux pleins, qui se fusion-
nent entre eux dans le courant du troisième mois.
Enfin, chez un embryon long de 29 millimètres,
on voit ces cordons fragmentés en lobes distincts
par suite de la prolifération des tissus conjonctivo-
vasculaires ambiants.
Tous ces travaux concordent pour nous montrer
que le thymus des Mammifères est une formalion
ventrale nouvelle, qui provient uniquement de la
troisième fente*.
Pour Roud, les différences entre le thymus ven-
tral des Mammifères et celui des autres Vertébrés
seraient beaucoup plus grandes. D'après cet auteur,
le thymus des Vertébrés inférieurs serait repré-
senté, chez les Mammifères, par une double série
de nodules épithéliaux dorsaux, qui proviendraient
également du fond des poches branchiales. Quant
au véritable thymus des Mammifères, il dériverait,
non plus de l’endoderme, mais d'un diverticule
ectodermique qui, en s’enfoncant, irait s'accoler à
l'extrémité de la troisième poche, mais sans com-
muniquer avec elle. Dans cette idée, il n'y aurait
donc plus d'homologation possible entre le thymus
des Mammifères 'et celui des Vertébrés inférieurs.
A côté de ces travaux purement morphologiques,
nous trouvons à signaler des travaux d'histogenèse
qui viennent compléter heureusement l'histoire du
thymus. Malheureusement, nous n'’allons plus trou-
ver, là, le même accord chez les auteurs.
Depuis l'époque ou Külliker montra, pour la pre-
mière fois, que le thymus provenait de la prolifé-
ration de l'épithélium d'une poche branchiale,
deux opinions ont apparu en ce qui concerne la
constitution définitive de l'organe.
Dans son ensemble, le thymus adulte paraît :
formé d’un réticulum conjonctif contenant des
leucocyles, des vaisseaux sanguins et des corpus-
cules de Hassal *. Or, pour Külliker, les leucocytes
proviennent de la transformation des cellules épi-
théliales; pour His et Stieda, au contraire, les
leucocytes du thymus sont des éléments immigrés,
venant du mésoblaste où ils se sont formés.
Les recherches que le D' Beard a poursuivies
depuis 1894 chez les Poissons *, sont venues con-
firmer l’opinion de Külliker en même temps qu'elles
ouvrent un jour nouveau sur les fonctions du
thymus.
l'homme proviendrait aussi de la quatrième. — Ueber das
Vorkommen eines Thymussegmentes der vierten Kiemen-
tasche beïm Menschen. Anat. Anz., 1900,t. XVII, p. 161-170,
avec 5 fig. |
2 Bocau: Loc. cit.
8 BeanD (J.) : The Developpement and probable Function
of the Thymus. Anat. Anz.; 1894, {. IX, p. 416-486; voir
également : The Lancet, 1899, t. XXI, p. 11.
1138
G. LOISEL — REVUE ANNUELLE D'EMBRYOLOGIE -
A l'époque où les leucocytes apparaissent dans
le corps de l'embryon, il n'y a de formé, dit Beard,
nirate, ni glande rectale, ni aucune sorte de struc-
ture lymphoïde. Seul, le thymus est déjà en voie
de développement et ses éléments épithéliaux se
transforment en leucocytes. Celte transformation
se faisant de plus en plus activement, il arrive un
moment (embryons de /?aja batis longs de 28 milli-
mètres et au-dessus) où les bords du thymus se
brisent en certains endroits. « Alors, écrit le
D' Beard, poussés par leurs instincts héréditaires,
les leucocytes continuent à sortir en foule de l'or-
gane où ils ont pris naissance; ils deviennent des
cellules errantes, qui vont se disperser dans toutes |
les parties de l'organisme embryonnaire. »
Les recherches de Gulland avaient déjà montré
que les premiers leucocytes apparaissent chez
l'embryon, dans le voisinage du thymus; celles de
Beard vont plus loin, en montrant que c’est dans le
thymus lui-même, qu'il faudrait aller chercher la
source originelle de tous les leucocytes de notre
corps.
A l'appui de ces idées, toule singulières qu'elles
paraissent, nous devons signaler une Note de Nus-
baum et Prymak! sur les premiers stades du
thymus de Salmo fario et de Carassius vulgaris.
Ces auteurs voient, dans les ébauches thymiques,
un grand nombre de noyaux lymphoïdes qui pro-
viendraient, disent-ils, de l’épithélium de la mu-
queuse pharyngienne, dans sa région branchiale.
Pour eux, comme pour Beard, il se produirait, dans
les stades ultérieurs, une émigration de leucocytes
du thymus dans les tissus environnants.
Si nous passons maintenant aux dérivés qui
n'existent que chez les Vertébrés à respiration
aérienne, les glandes carotides et les glandules
thyroïdiennes, nous voyons encore que les auteurs
sont loin de s’accorder toujours sur les homologies
de ces dérivés.
C. Les glandes carotides apparaissent la pre-
mière fois chez les Batraciens urodèles; chez les
Anoures, on trouve souvent en plus, dans leur voi-
sinage, des restes variés de branchies internes.
Ces glandes se forment tantôt aux dépens de la
deuxième fente, comme chez l'Echidné, tantôt
aux dépens de l’origine du thymus, c’est-à-dire de
la troisième fente, comme chez le lézard *.
D. Les glandules thyroïdiennes sont, en général,
au nombre de deux de chaque côté. Les unes:
glandes parathyroïdiennes ou parathyroide, se for-
ment aux dépens de la quatrième fente branchiale
ou de l’ébauche latérale de la thyroïde; elles se re-
4 Nussaum (J.) and Prymak (Th). : Zur Entwickelungs-
geschichte der lymphoiden Elemente der Thymus bei den
Koochenfischen. Anat. Anz., 1901, t. XIX, p. 6-19 avec 4 fig. des Mittelohrraumes, des äusseren Gehürganges und des
2 Maurer : Loc. cit,
trouvent, chez l’adulle, sur les côtés de la glande
thyroïde. Elles apparaissent chez l'embryon hu=
main long de 8 à 14 millimètres; d'abord mas-
sives, on les trouve décomposées en cordons dis"
tincts au stade de 24 millimètres. Les autres
glandules évoluent de la même façon, chez
l’homme du moins, mais elles accompagnent les
canaux thymiques; ee sont les glandes thymiques
où parathymus.
Tout dernièrement, Hammar ‘ vient de donner
le résumé d’un Mémoire sur la morphologie géné-
rale des fentes branchiales chez l’homme, mémoire
qui paraîtra au complet dans les Archiv für mi=.
kroskopische Analomie. 4
Hammar montre que les prolongements ventraux
des fentes se développent de très bonne heure =
celui de la première fente est celui qui s’avance le
plus loin vers la ligne médiane; les prolonge-.
ments ventraux des troisième et quatrième fentes
forment l'ébauche du thymus et des thyroïdes laté="
rales.
Les prolongements dorsaux apparaissent l'un
après l’autre, en allant d'avant en arrière : celui de
la première fente, le plus long de tous, chez un
embryon longde3 millimètres ;celuidelideuxième,
plus court, à 5 millimètres; celui de la troisième, à.
peine visible, à 8 millimètres; enfin la quatrième
poche ne fournit aucun prolongement.
Dans le courant du premier mois (embryon de
3 millimètres), on voit le prolongement dorsal de la
première fente s'organiser pour former l'oreille
moyenne.Quantaux autres prolongements dorsaux,.
leur régression commence à la fin de la quatrième
semaine.
VI. — SUR LES MÉTAMGRPHOSES.
Par un reste, peut-être, de l’ancienne idée qui
faisait de la larve et de l’imago des Insectes deux »
êtres distincts, on n’a pas assez montré jusqu'ici
que les métamorphoses sont, dans leur ensemble,
l'achèvement, momentanément retardé, de la seg-
mentation initiale, achèvement auquel s'ajoutent,
d'ailleurs, des phénomènes d'histolyse plus ow
moins considérables. On n'avait étudié que les
types extrêmes, soit à métamorphoses très com-=
plètes et compliquées d'accélération embryogé-
nique, soit à métamorphoses presque nulles. Il
élait intéressant d'examiner des cas intermédiaires;
c’est ce qu'ont fait plusieurs zoologistes dans ces.
dernières années.
Nous trouvons, tout d'abord, l'importantMémoire
{ Hamwar (J. Aug.) : Zur allgemeinen Morphologie der
Schlundspalten des Menschen. Zur Entwickelungsgeschichte
laukenfellesbeimMenschen. Anat Anz., 1901, t. XX, p. 134-114
G. LOISEL — REVUE ANNUELLE D'EMBRYOLOGIE
d'Anglas ‘ sur les métamorphoses de la guêpe et
de l'abeille, dont il a déjà été parlé ici même*. Chez
ces Insectes, Anglas a montré que la métamor-
phose véritable, c'est-à-dire la destruction d'anciens
organes, ne se produisait que pour l'intestin moyen,
les tubes de Malpighi, les glandes de la soie et
quelques muscles. L'hypoderme est conservé et
passe de la larve à l’adulte, contrairement à ce que
décrit Viallanes chez les Muscides; il en est de
même pour les bourgeons des palles et des ailes,
pour l'æœsophage et le rectum, pour le tissu adipeux
et pour un certain nombre de muscles (extenseurs
du corps, muscles intestinaux). Ces derniers or-
ganes subissent toutefois une histolyse partielle.
Cependant, le tissu adipeux subit des vicissitudes
complexes, à cause probablement de son rôle de
réserve nutritive, étudié dernièrement par Ber-
lese *. Une partie de ce tissu rentre bien en
régression, mais chez l'adulte, peu après l’éclosion,
Anglas retrouve encore des cellules d’origine lar-
vaire ou, au moins, des noyaux adipeux. Et, à
propos de ces noyaux, une remarque générale s'im-
pose : lorsque de gros éléments histiques larvaires
subsistent chez l'adulte, ils subissent une transfor-
mation (par division, bourgeonnement ou fragmen-
tation) qui les ramène aux dimensions, toujours
petites, des éléments imaginaux.
Une des parties les plus intéressantes du Mé-
moire d’Anglas est celle qui traite de l’histolyse.
Jusqu'à présent, suivant les lypes étudiés, les
auteurs décrivaient soit une simple régression
chimique (Korotneff, Karawaiew), soit une active
phagocytose (Kowalewsky, von Rees, etc.) pour
expliquer l'histolyse. De même que Rengel, chez le
Tenebrio, Anglas retrouve également ici les deux
processus, et cela avec de nombreux intermé-
diaires, qui lui font croire que ces deux modes
d'histolyse ne sont pas aussi opposés qu'on le
croyait. Dans l’histolyse des glandes de la soie et
dans celle des tubes excréteurs, par exemple, il
voit bien des leucocytes intervenir, en nombre
souvent considérable, vers les organes en régres-
sion, se tenir à leur voisinage ou même pénétrer à
leur intérieur, mais il ne les voit jamais englober
de fragments tissulaires. Ils ne phagocytent pas,
et, pourtant, ils prennent une part manifeste à
l'histolyse, car celle-ci s'accélère et se termine
1 AxaLas (J.) : Observations sur les métamorphoses internes
de la guêpe et de l'abeille. Bullet. scient. de la France et de
la Belgique, 1900, t. XXIV, p.111 avec 5 pl. — Quelques remar-
ques sur les métamorphoses internes des Hyménoptères.
Bullet. Soc. Entom. de France, 1904, p.104. — C. R. Soc. Biol.,
. Paris, 27 janv. 1900.
? Kourer : Revue annuelle de Zoologie, Revue générale
des Sciences du 28 févier 1901, p. 180.
# BerLESE (A): Osservazioni su fenomeni che awengono
durante la ninfosi degli iuretti metabolici. Rivista di Pato-
log. veg., Florence, 1899, t. VIII, p. 1-155, avec 42 fig. et 3 pl.
1139
vite à leur approche ; Anglas pense que ces leuco-
cvtes excrètent un ferment qui va dissoudre les
tissus en histolyse et propose le nom de /yocytose
pour exprimer ce phénomène de digestion extra-
cellulaire. Est-ce là le même ferment que celui qui
agit dans les digestions intra-cellulaires ? Non,
d’après Metchnikoff ‘. Chez les Mammifères, le
ferment exlra-cellulaire proviendrait, en effet,
d'après ce savant, de leucocyles dégénérés. Il en
est peut-être de même chez les Insectes ; il serait
toutefois imprudent de conclure des uns aux autres,
car les Chitinophores ont une spécialisation cellu-
laire trop différente de celle des Vertébrés.
Les recherches d’Anglas arrivent à restreindre
considérablement le rôle de la phagocytose dans la
mélamorphose de la guêpe et de labeille. C'est
également la conclusion à laquelle sont arrivés
depuis, ou en même temps : Terre *, Henne-
guy *, Berlese *, Vernon Kellog 5, Vaney et
Conte*. Un certain nombre de ces auteurs, même,
tels que Berlese, Vaney el Conte, affirment que les
phénomènes d’histolyse ont lieu, dans les cas étu-
diés par eux, sans qu'il y ait, à aucun moment,
intervention de phagocytose. Si l'on compare ces
résultats à ceux obtenus antérieurement chez
d’autres animaux, voici comment on peut grouper
actuellement les différents processus de la méta-
morphose.
On trouve d’abord, comme point de départ el
phénomène essentiel de la métamorphose, une
altération préalable des tissus destinés à dispa-
raîitre. Cette altération résulte elle-même (Giard’,
Bataillon *, Anglas, Terre) des mauvaises conditions
physiologiques (asphyxie, inanilion, non-fonction-
nement) dans lesquelles se trouvent placés les
tissus à un moment donné de leur existence. Elle
pourrait résulter aussi, d'après Metchnikoff et
Perez, de sécrétions internes de l'organisme méta-
1 Mercankorr : L'état actuel de la question de l’immunité
dans les maladies infectieuses. Aer. genér. des Sciences,
30 nov. 1900.
2 TERRE (L.) : Métamorphose et phagocytose. 1d. — Sur
l'histolyse du corps adipeux chez l’Abeille. Zd, — Sur l'his-
tolyse musculaire des Hyménoptères. Zd. janvier 1900 et
Bullet. Soc Entom., 1900, n° 2, p. 23.
3 HenxeGuy (F.) : Le corps adipeux des Muscides pendant
l'histolyse. C. R. Acad. Se., 1900, t. CXXXI, p. 908.
4 BerLese : Rivista di Patolog. veq., Florence, 1900-1904,
t. X et XI, p. 151-444 avec 57 fig. et 8 pl.
5 Vernon L. KELLOG : Phagocytosis in the post-embryonic
Development of the Diptera. American Naturalist, 1904,
t. XXXV, p. 363-368 avec 2 fig.
5 Vaxey (C.) et Cowre (A.) : Sur des phénomènes d'histo-
lyse et d’histogenèse accompagnant le développement des
Trématodes endoparasites de Mollusques terrestres. C. R.
Acad. Se., 1900, t. CXXXII, p. 1062-1064.
1 Giarn (A.) : Sur le déterminisme de la métamorphose.
Id., 10 février 1900.
8 BATAILLON (L.) :
17 mars 1900.
Le problème des métamorphoses. Id.,
1140
bole. Pour Metchnikoff', l'allération consisterait
seulement en ce que le tissu qui va entrer en his-
tolyse cesserait de sécréter une substance protec-
trice vis-à-vis des phagocytes. C'est également
l'opinion à laquelle arrive Roule, à la suite de ses
recherches sur les Phoronidiens*. Pour Perez’, la
métamorphose serait une « crise de malurité géni-
tale ». Au moment de leur achèvement, les glandes
sexuelles déverseraient dans le liquide cavitaire
des stimulines ; les leucocytes, surexcités par ces
produits, iraientalors attaquer et manger les tissus
larvaires, qui, eux-mêmes, auraient été influencés
par d’autres produits (également hypothétiques)
des glandes génitales. Cette opinion a été com-
battue, depuis, avec des arguments qui paraissent
irréfutables, par Bataillon ‘, par Roule et surtout
par Giard”°.
Quoi qu'il en soit, il faut bien remarquer que
l'altération préalable des tissus n’est pas toujours,
à son début du moins, accompagnée de modifica-
tions structurales appréciables, par conséquent non
décelables au microscope (voir Giard, loc. cit.). Dans
certains cas, cette altération conduit à une nécro-
biose chimique, qui suffit, à elle seule, pour amener
l'histolyse des tissus. Mais, en général, elle n'est
que le point de départ d'activités cellulaires spé-
ciales : la Zyocytose et la phagocytose.
La /yocylose se présenterait dans les cas de
métamorphoses partielles ou suffisamment lentes,
telles que celles des Hyménoplères. Elle pourrait
être produite, d'après Anglas, non seulement par
des leucocytes, mais encore par les éléments des
tissus en voie de développement, sur les organes
1 Mercuxorr: Année biologique pour 1891, parue en oc-
tobre 4899, p. 254-255.
2 Rouze (L.) : Considérations générales sur l'histolyse pha-
gocytaire. 1d,
3 Perez (Ch.) : Sur la métamorphose des Insectes. Bullet.
Soc. Entom. de France, 21 déc. 1899, p. 398-402.— Sur quel-
ques points de la métamorphose des Fourmis. Zd. 21 janv.
4901, p. 22-25. — Sur l'histolyse musculaire chez les Insectes.
CU. R. Soc. Biol., Paris. 6 janv. 1900.
“ BaraiLLoN : La théorie des métamorphoses de M. Ch.
Perez, Bull. Soc. Entom. 1900, p. 58-62.
5 Roue (L.) : Remarques sur la métamorphose de la larve
Actinotroque des Phoronidiens. — 12 mai 1900.
5 Granp (A.): La métamorphose est-elle une crise de matu-
rité génitale? Bullet. Soc. Entom., 1900, n° 3, p. 54.
G. LOISEL — REVUE ANNUELLE D'EMBRYOLOGIE
larvaires dont l'équilibre chimique serait rompu
(par exemple, à la suite de l'arrêt de leur fonc-
tion) ; c'est ce qui se produirait à la fin de la vie.
larvaire et pendant la nymphose. Nous nous trou-
verions donc ici en présence d’un phénomène
général, qui se passerait au cours du développe-
ment embryonnaire chaque fois qu'un organe est
supprimé ou modifié, ou bien quand un élément
usé est résorbé sur place.
« La phagocytose, dit Giard, apparait nettement,
dans la métamorphose, comme un phénomène
cœnogénétique. » Très peu importante, et parfois
même absente dans le cas de métamorphose par-
tielle, elle n'atteindrait son maximum que là où la
métamorphose serait plus complète ou plus rapide,
par exemple chez les Diptères cycloraphes, chez
certains Crustacés parasites, chez les larves urodè -
les d’Ascidies, parlout, en somme, où le métabo-
lisme est intense. Quant aux phagocytes, ils
seraient d'origine diverse : leucocytaire (Batail-
lon, Metchnikoff, etc.), musculaire (myophages,
phagocytes myoblastiques) (Metchnikoff, Terre,
etc.), ou encore proviendraient de la somatopleure
de la paroi du corps larvaire (Roule).
Tous ces travaux ont fait faire un grand pas au
problème des métamorphoses ; ils ne l'ont pas
résolu entièrement cependant. Comme nous le
disions plus haut, le développement post-embryon-
paire des êtres qui présentent des mélamorphoses
n'est que la suite du développement embryonnaire
lui-même. Ce qu'il faut expliquer, ce n'est pas
pourquoi se produit la métamorphose, mais pour-
quoi le développement embryonnaire s'est trouvé
retardé. Ce retard étant plus ou moins considéra-
ble, il existe tous les intermédiaires, suivant les
types considérés, entre la transformation et la
métamorphose. La cause en est, sans doute, chez
les Insectescomme chez les Echinodermes, dans une
adaptation transitoire de la larve à un mode de vie
spécial. Chez les Batraciens et chez les Tuniciers, il
en serait de même, sauf qu'ici le stade larvaire
représente vérilablement un élat ancestral auquel
fait suite une adaption nouvelle. G. Loisel,
Docteur èssciences et en médecine,
Préparateur aux Facultés des Sciences
et de Médecine de Paris.
BIBLIOGRAPHIE — ANALYSES ET INDEX
BIBLIOGRAPHIE
ANALYSES ET INDEX
1° Sciences mathématiques
Fricke (D' Robert). — Kurzgefasste Vorlesungen
über verschiedene Gebiete der hôheren Mathe-
matik mit Berücksichtigung der Anwendungen.
— 1 vol. 1u-8° de 1x-520 pages, avec 102 figures dans
le texte. (Prix, broché : 1# mk.) Teubner,. éditeur.
Leipzig, 1901.
M. Fricke appartient à ce groupe de savants qui se
sont donnés pour tâche de favoriser le plus possible
l'union des Mathématiques pures et des autres Sciences.
Leur influence s’est exercée surtout en Allemagne;
aussi voit-on, depuis quelques années, les Universités
d'outre-Rhin ouvrir leurs portes à quelques branches
techniques, afin de permettre aux étudiants de prendre
contact avec les applications.
En composant cet ouvrage, l’auteur s’est précisément
proposé de mettre en lumière cette solidarité intime
qui unit les Mathématiques aux autres Sciences. Il y à
pleinement réussi, grâce au choix des sujets théoriques
et des applications empruntées aux domaines les plus
divers.
Cet ouvrage s'adresse à ceux qui, possédant le Calcul
différentiel et intégral, désirent s'initier aux théories
fondamentales de l'Analyse supérieure et à leurs appli-
cations. Il est destiné non seulement aux étudiants,
mais encore aux physiciens et aux ingénieurs qui cher-
chent à compléter leurs connaissances dans le domaine
des Mathématiques supérieures.
Le premier chapitre (p. 1-23) est consacré à la série
de Fourier. L'auteur se borne aux notions les plus
importantes; il les applique au problème des cordes
vibrantes et à une question de la théorie de Chaleur.
Le second chapitre (p. 24-74) contient un intéressant
aperçu de la théorie des fonctions sphériques et cylin-
driques; où y trouve, comme application des fonctions
sphériques, un problème emprunté au domaine de
l'Electrostatique. Quant aux fonctions cylindriques, on
sait qu'elles interviennent, entre autres, en Astronomie,
dans le célèbre problème posé par Kepler et résolu par
Bessel, problème qui a pour objet la détermination de
J'anomalie excentrique d'une planète à l'aide de son
anomalie moyenne. C’est également ce sujet qui a été
choisi par l’auteur.
Dans le chapitre m1 (p. 75-172) sont exposés les
principes fondamentaux de la théorie des fonctions
d'une variable complexe. Is embrassent les théorèmes
classiques de Riemann, de Green, de Cauchy, la notion
de prolongement analytique, la série de Laurent, etc.,
et conduisent tout naturellement à la £héorie des lonc-
tions elliptiques, qui fait l’objet du chapitre suivant
{p. 173-283). Dans cet espace relativement restreint
se trouve exposé, avec une remarquable simplicité,
l'ensemble des notions fondamentales de cette théorie,
L'auteur examine successivement les fonctions de
Weierstrass, les séries de Fourier, puis la théorie des
fonctions elliptiques d'après Jacobi. Le chapitre se
termine par une série de tables numériques. ;
Les applications des fonctions elliptiques sont réunies
dans un chapitre spécial (p. 284-337). Les problèmes
sont empruntés à la Géométrie, la Géodésie, la Physi-
que mathématique et la Mécanique. Ils ont pour objet:
application aux polygones de Poncelet, d’après Jacobi;
trigonométrie sphérique et fonctions elliptiques; lignes
géodésiques d’une ellipsoïde de révolution; quadriques
homofocales et coordonnées elliptiques; application à
la théorie de la chaleur: pendule sphérique; mouve-
ment d'un corps rigide autour d'un point fixe,
REVUE GÉNÉRALE DES SCIENCES, 1901.
Les deux derniers chapitres se rattachent directemen t
au chapitre relatif à la théorie des fonctions d'une
variable complexe, dont ils forment une application à la
fois importante et intéressante. Ils sont consacrés à la
théorie des équations différentielles. L'un est relatif
aux équations différentielles linéaires (p. 338-424),
tandis que le dernier (p. 424-514) renferme les proprié-
tés les plus importantes de la théorie des équations aux
dérivées partielles du premier ordre et leur applica-
tion en Dynamique d'après Lagrange, Hamilton el
Jacobi. :
Dans un second volume, M. Fricke examinera, au
même point de vue, un certain nombre de théories em-
pruntées à l’Algèbre et à la Géométrie. H. Fer,
Professeur à l'Université de Genève.
2° Sciences physiques
Plumandon (J.-R.), WMétéorologiste à l'Observatoire
du Puy de Dôme. — Les Orages et la Grêle. — Un
vol. in-8° de 192 pages, avec 27 figures, de l'Ency-
clopédie scientifique des Aide-Mémoire. (Prix: bro-
ché, 2 fr. 50; cartonné 3 fr.). Masson et Ci, éditeurs.
Paris, 1901.
La grêle est un des fléaux les plus redoutés par
l'Agriculture. Annuellement, les pertes qu'elle occa-
sionne en France varient de 40 à 134 millions de
francs. En dix années, cela représente un milliard en-
viron. Les départements du Rhône et du Gers, avec
leurs départements voisins, sont les deux centres les
plus éprouvés en France par les orages à grêle. Le
dommage peut y atteindre annuellement une moyenne
de 1450 à 350 francs par hectare. On voit l'intérêt qui
s'attache à la connaissance de cet hydrométéore et aux
tentatives qui sont faites pour diminuer ses ravages.
En ce moment, la lutte contre la grêle par le tir du
canon, est pratiquée avec un grand enthousiasme dans
l'Europe occidentale.
M. Plumandon, dans l'introduction de son livre,
expose le caractère scientifique des expériences, mais
fait toutes ses réserves sur l'efficacité réelle du tir, en
raison surtout de la hauteur ordinairement considérable
des nuages qui produisent la grêle. À cet égard, l'au-
teurest beaucoup moins confiant dans le succès que
M. Houdaille, dont nous avons signalé ici le livre récent,
qui traite de la même question.
Les 15.000 stations de tir qui opèrent dans l'Italie
septentrionale accumulent des essais d'où pourront
sortir des conclusions générales. Nous pensons, comme
l'auteur, qu'il est tout à fait téméraire, actuellement,
d'affirmer l'impossibilité absolue de l’action du canon.
Instruit par vingt-cinq années d'observations au Puy
de Dôme, M. Plumandon a écrit un ouvrage très per-
sonnel, en se servaut surtout de l'étude monographique
de cas météorologiques qui se sont présentés à lui, et
qu'il figure par des cartes. Il insiste sur la production
de la grêle, la répartition et la marche des orages.
On aimerait peut-être trouver quelques exposés géné-
raux plus synthétiques, mais la méthode employée
a l'avantage de familiariser le lecteur avec l'interpré-
tation des cartes du Service météorologique.
Epson Gain,
Maitre de Conférences
à la Faculté des Sciences de Nancy.
Guichard (P.), Vice-Président de la Société de
Pharmacie de Paris.-- Analyse chimique et Puri-
fication des eaux potables. vol. in-S° de
200 pages, avec 10 figures dans le texte, de l'Ency-
— 1
OLD!
1142
clopédie scientifique des Aide-Mémoire. (Prix : bro-
ché, 2 fr. 50; cartonné, 3 fr.) Gauthier- Villars,
éditeur. Paris, 1901.
Dans cet ouvrage, M. Guichard nous expose l'état
actuel d’une question très importante, celle des eaux
d'alimentation, en laissant de côté, toutefois, le côté bac-
tériologique, qui est traité dans un autre volume de la
même collection. Après avoir défini les caractères de
l’eau potable, il décrit les méthodes d'analyse des impu-
retés minérales de l’eau, méthodes qui laissent peu à
désirer aujourd'hui. Puis, il passe à l'étude des matières
organiques ; ici, au contraire, nous devons constater
avec l’auteur que tout est encore à faire. Et cependant,
cette partie de l'Hydrologie est de beaucoup la plus
importante au point de vue de l’'Hygiène. Pourquoi ?
Parce que, si l'analyse bactériologique permet de con-
firmer le danger actuel et déclaré, l'analyse chimique
convenablement outillée nous permettrait de prévoir
le danger futur et latent, ce qui serait bien préférable.
Il faudrait seulement, pour cela, que les chimistes, au
lieu de s'attacher à caractériser les produits de désas-
similation des microbes, ptomaïnes, toxines, etc., ce
qui n’est, en somme, qu'un complément de l'analyse
bactériologique, portassent leurs efforts sur l'étude
des matières alimentaires pour les microbes et spécia-
lement, cela va sans dire, pour les pathogènes aquatiles
que tout le monde a présents à l'esprit. N’est-il pas évi-
dent que la valeur hygiénique d’une eau est en raison
inverse de son aptitude comme milieu de culture? Et
ne faut-il pas admettre que, du moment qu'une eau
réunit, par la composition de ses impuretés, toutes
les conditions pour être contaminée, elle le sera fata-
lement avec la fréquence et dans la mesure déter-
minée par ces conditions ? D'ailleurs, en attendant les
lumières de la Chimie, peut-être pourrait-on recourir à la
voie de l’expérimentation directe: une concentration de
l'eau à froid, suivie d’ensemencements méthodiques et
de séjours à l'étuve, voilà la base d'une méthode d’ana-
1yse biologique éminemment simple et pratique et dont
les enseignements ne seraient certes pas à dédaigner.
Passons maintenant, avec M. Guichard, à l'examen des
procédés d'épuration des eaux. Ces procédés, on le
sait, sont de deux sortes : mécaniques (filtres) et chi-
miques. M. Guichard a raison de déclarer qu'il ne faut
pas les placer sur lemême plan. Pour les raisons indi-
quées plus haut, il est clair que les procédés chimiques,
qui sont à même de détruire non seulement les microbes,
mais les matières organiques indispensables à leur
existence, doivent avoir le pas sur les filtres. Et cela
d'autant plus que nous possédons aujourd'hui de très
bons procédés d'épuration chimique, notamment le
procédé par l'ozone, qu’on s'étonne de ne pas voir entrer
plus rapidement dans la pratique. Parmi les filtres, il
faut établir une distinction entre les grands filtres pour
l'alimentation des villes et les filtres domestiques. La
faillite des premiers est une chose avérée; ces filtres
ne devraient être conservés que comme adjuvants de la
purification chimique. Au contraire, les filtres domes-
tiques sont des appareils rationnels ; placés au robinet
du consommateur, ils doivent, s'ils sont bien choisis et
bien entretenus, délivrer une eau microbiologiquement
pure et qui n’a plus le temps de se repeupler avant d'être
bue. D'ailleurs, le filtre Chamberland a fait ses preuves;
les filtres à plaques de cellulose, comme le filtre Pot-
levin, sont aussi des appareils dignes de confiance.
L'ouvrage de M. Guichard est complété par une qua-
trième partie destinée plutôt aux ingénieurs. Ce sont
des renseignements statistiques et des conseils sur
l’'amenée de l'eau des villes. Il n'eût peut-être pes été
superflu d'insister sur la nécessité de conserver la frai-
cheur de l'eau dans les réservoirs et les conduites. On
fait encore, à l'heure actuelle, des: réservoirs exposés
en plein soleil, parfois même métalliques, et on ne
parait pas se douter qu'emmagasiner du calorique dans
l’eau, cela revient exactement au même que d'y verser
du bouillon à microbes, Dr Réri,
Attaché à l'Institut Pasteur.
BIBLIOGRAPHIE — ANALYSES ET INDEX
3° Sciences naturelles
Pawlow (Prof. J.-P.) — Le travail des Glandes
digestives. (Traduction française par MM. N. PAcHON
ET J. SABRAZËS). — 1 vol. in-8° de 288 pages. (Prix :
4 fr.) Masson et Cie, éditeurs, Paris, 4901.
MM. Pachon et Sabrazès ont eu l'heureuse idée de
donner une traduction francaise des remarquables
lecons du professeur Pawlow sur le travail des glandes
digestives, publiées en russe en 1897, et traduites en.
allemand en 1898. Dans un article : «Les travaux récents
sur les sécrétions gastrique et pancréatique », publié
dans la Revue générale des Sciences du 15 juillet 1899,
j'ai résumé les principaux Mémoires de Pawlow et de
ses collaborateurs, et montré comment les recherches
des savants russes avaient totalement modifié nos
vieilles conceptions de la digestion. C’est, en effet, une
véritable révolution qui s'est accomplie dans le domaine
de la digestion, dans le cours des dix dernières années.
Les médecins ne doivent pas ignorer les travaux de
l'Ecole de Pawlaw; ils seront heureux de pouvoir lire en
français ces lecons faites par Pawlow lui-même, dans
lesquelles les faits nouveaux et les doctrines qui en
découlent sont exposés avec une maitrise à laquelle ne
pouvait prétendre la sommaire analyse que j’en ai pré-
cédemment donnée.
Dans la préface écrite pour l'édition française, Pawlow
se réjouit de voir ses lecons « traduites dans cette
langue que, dit-il, m'apprirent jadis à connaître, —
alors que je faisais mon apprentissage de physiologiste,
— les sublimes et immortelles lecons de Claude Ber-
nard, ce modèle classique et inimitable ». C'est avec
raison que Pawlow évoque le souvenir de Claude Ber-
nard, car ses expériences et ses lecons rappellent, par
leur enchainement, leur méthode et leur arrangement,
la manière de notre grand physiologiste. Le lecteur qui
lira ces pages verra avec une merveilleuse netteté
« comment se développe devant lui une idée directrice
et comment elle s'affirme par des expériences solides et
harmoniquement enchainées ».
Cette idée directrice qui domine l'œuvre de Pawlow,
c'est l'idée de la spécificité des excitations de la
muqueuse digestive. « Il n’est plus douteux actuelle-"
ment, dit-il, que toute la physiologie de la digestion
est dominée par ce principe fondamental, à savoir que
le travail de chacun des divers organes dont elle dépend
est mis en jeu par des excitants spécifiques, et qu'il
résulte de là des phénomènes d'adaptation d’une finesse
remarquable ».
Deux méthodes peuvent être suivies dans l'étude de
la digestion. On peut rechercher la facon dont sont éla-
borées les matières alimentaires brutes, à chaque étape
du canal digestif, et c’est ainsi qu'ont procédé Brücke,
Ludwig, etc.; — ou bien, on peut déterminer quelle est
la quantité de réactif digestif sécrétée pour chacun des
aliments en particulier, et, pour ceux-ci en totalité,
quelle est la nature des divers réactifs, et à quel
moment ils sont déversés dans le canal digestif : c’est
la méthode adoptée par Pawlow. Avant lui, sans doute,
les physiologistes avaient essayé d'aborder le problème
de la digestion par cette même méthode, mais ils.
s'étaient heurtés à des difficultés techniques qu'ils
n'avaient pas su tourner. C’est grâce aux perfectionne-
ments qu'il a apportés à la technique opératoire que
Pawlow a pu aller plus loin que ses devanciers. « On
dit souvent, et non sans raison, que la science pro-
gresse par à-coups, et que chaque impulsion corres-
pond à un progrès réalisé dans les méthodes techniques. «
Chaque pas en avant de la méthode nous élève à un
niveau d'où nous découvrons un horizon plus vaste et
des points de vue auparavant invisibles ». :
Les conditions à remplir pour pouvoir faire une
étude rigoureuse de la digestion sont les suivantes : M
obtenir les sucs digestifs en tout temps, sinon des faits …
importants passeraient inapercus; — recueillir les sucs
digestifs à l'état de pureté parfaite, sinon certaines.
modifications de leur composition ne sauraient être
BIBLIOGRAPHIE — ANALYSES ET INDEX
appréciées; — déterminer la quantité de ces sucs; —
enlin n'opérer que sur des animaux dont le canal
digestif fonctionne régulièrement et dont la santé est
parfaite. Pawlow est parvenu à réaliser des opérations
satisfaisant, chez le chien, à tous ces desiderala. On lira
avec intérêt la description de la fistule pancréatique
permanente, de l’æsophagotomie, de la fistule gas-
trique, de la préparation du petit estomac fundique, et
des conditions et précautions spéciales à réaliser pour
que les animaux opérés puissent être conservés en état
de santé parfaite. Pawlow insiste, avec grande raison,
sur l'intérêt qu'il y a à substituer, pour l'étude de nom-
breuses questions physiologiques, des procédés chirur-
gicaux permettant la conservation de l'animal, aux pro-
cédés d'interventions sanglantes dont certains savants
‘ont tort de se contenter. Tout laboratoire de Physiolo-
gie devrait posséder une importante annexe chirurgi-
cale, où les opérations pourraient être faites avec la
précision et l’aseptie actuellement réalisées dans la
Chirurgie humaine.
Pawlow et ses élèyes ontétabli, avec une remarquable
petteté, que le travail des glandes digestives est infini-
ment complexe et infiniment élastique, tout en étant
extrêmement précis et présentant un caractère très net
d'adaptation à la nature et à la quantité des aliments
ingérés. La quantité des sucs gastriques et pancréatiques
déversés dans le tube digestif varie avec la nature des
aliments; elle diffère notablement selon que l'animal
a ingéré du pain, du lait, de la viande, des graisses; la
qualité des sucs digestifs, c'est-à-dire leur richesse en
ferments actifs, varie avec) la nature des substances
ingérées. Les glandes digestives se comportent d'une
manière en quelque sorte intelligente. Le suc qu’elles
déversent est, au point de vue de sa quantité et de sa
qualité, celui qu'exigent précisément la quantité et la
nature des aliments; le liquide qu'elles sécrètent est
juste celui qui est le plus apte à la transformation des
aliments ingérés. Les glandes digestives adaptent pro-
gressivement leur sécrétion, au point de vue qualificatif,
à l'alimentation du sujet: lesucpancréatique d'un animal
nourri d'amidon en abondance est au plus haut point
amylolylique; celui d’un animal nourri en abondance
‘de viande est au plus haut point protéolytique, etc.
C'est dans l’innervation des glandes digestives que
doit être recherché leur pouvoir d'adaptation. Les
nerfs sécrétoires des glandes salivaires sont connus, et
‘personne n'en conteste l'existence et la nature exclu-
sivement sécréloire. Mais les nerfs sécrétoires des
glandes gastriques et pancréatiques étaient mis en
-doute par la majorité des physiologistes, ou tout
au moins leur existence restait à démontrer; à côté de
-faits en faveur de l'existence de nerfs sécrétoires, on en
pouvait citer d’autres, non moins démonstratifs, en
faveur de l'absence de ces nerfs. Pawlow reprend la
question et, par des expériences d'une remarquable
précision, il établit de facon indiscutable l'existence des
nerfs sécrétoires de l'estomac et du pancréas; il
montre que ces nerfs sécrétoires agissent soit à la
facon de nerfs sécrétoires proprement dits, soit à Ja
facon de nerfs trophiques; il signale des faits qui prou-
vent que ces nerfs secrétoires et trophiques sont doublés
de nerfs fréno-sécrétoires et de nerfs fréno-trophiques,
ces derniers constituant des freins à côté du moteur,
dont ils adoucissent le fonctionnement et suppriment les
à-coups. Reprenant l'analyse et présentant la critique
des recherches de ses devanciers, Pawlow montre pour-
quoi leurs expériences ne pouvaient fournir de résultats
salisfaisants, .et comment elles devaient être modifiées
pour en donner de définitifs et d'indiscutables,
L'existence de ces nerfs sécrétoires est démontrée
par les effets observés à la suite de leur section et de
leur excitation. Mais, quand, comment, pourquoi sont-
ils mis en jeu dans le cours normal des processus phy-
siologiques ? Pawlow répond à cette question : des exci-
-tations spéciales, produites en un point spécial du tube
‘digestif, déterminent une réaction glandulaire limitée
à une glande ou généralisée, produisant un suc en
1143
quantités et de qualités variables, selon là nature et le
siège de l'excitation (principe de l’excitabilité spécifi-
que de la muqueuse digestive). Et la plus grande partie
des lecons de Pawlow expose l’ensemble des faits dé-
montrant le bien-fondé de cette proposition.
Pawlow démontre que la sécrétion gastrique normale
est provoquée par deux groupes ditférents d’excita-
tions, des excitations psychiques, qu'on a coutume de
désigner sous le nom d'appélit, et des excitations chi-
miques. Chez l'animal affamé, la vue, l'odeur d'aliments
agréables fait apparaître la sécrétion du suc gastrique ;
dans l'expérience du repas fictif (repas pris par un
chien œsophagotomisé, les aliménts tombant au de-
hors par la fistule œsophagienne, à mesure qu’ils sont
ingérés), la sécrétion gastrique apparaît comme consé-
quence de l'excitation gustative de la muqueuse buc-
cale. Cette sécrétion, que Pawlow appelle la sécrétion
psychique ou sécrétion d’appétit, présente une durée,
des propriétés, un pouvoir digestif qui lui sont pro-
pres, qui la caractérisent et qui se présentent avec
une remarquable identité chez les divers animaux,
pourvu que l'alimentation ingérée soit identique dans
tous les cas qualitativement et quantitativement. Les
caractères et la durée de celte sécrétion] varient, au
contraire, avec la nature de l'alimentation : sa quantité
et son pouvoir digestif sont maximum pour le repas
de viande, ils sont moindres pour le repas de lait. Les
glandes gastriques réagissent donc d'une facon cons-
tante et déterminée, selon la nature de l'excitation
portée sur la muqueuse buccale.
Les glandes gastriques sécrètent encore sous l’in-
fluence d’excitations chimiques portées sur la muqueuse
gastrique elle-même ; et celte sécrétion, dite sécrétion
chimique, différente, par l’ensemble de sescaracières, de
la sécrétion psychique, varie,elle aussi, selon la nature
et la quantité des substances excitantes: elle est surtout
déterminée par les substances extractives contenues
dans la viande ; elle se produit aussi, moins abondante
il est vrai, sous l'influence des produits de la digestion
peptique du pain et du lait. L'amidon, incapable par
lui-mème de provoquer une sécrétion chimique, aug-
mente considérablement l’activité peptique d'une sé-
crétion chimique engendrée par une substance efficace ;
les graisses diminuent le pouvoir peptique de cette sé-
crétion chimique. Ici encore, on retrouve avec une
netteté extrème la variété infinie des réactions, corres-
pondant chacune à une excitation donnée, et la cons-
tance absolue des réactions, quand les conditions expé-
rimentales sont constantes.
Les excitations mécaniques de l’estomac,auxquelles,.
avant Pawlow, on rapportait la cause sécrétoire des
glandes gastriques, sont, par contre, absolument ineffi-
caces. L'estomac ne réagit, au point de vue sécrétoire,
qu'à certaines excitations rigoureusement déterminées
quant à leur qualité et à leur point d'action.
En étudiant la sécrétion pancréatique, on retrouve
des faits analogues. La sécrétion pancréatique apparaît
essentiellement sous l'influence d'excitations produites
sur la muqueuse duodénale par les liquides acides
issus de l'estomac; de sorte que la sécrétion pancréa-
tique est normalement la conséquence nécessaire de la
sécrétion gastrique. Elle est produite immédiatement
par l’action des acides sur le duodénum, et médiate-
ment par les excitations psychiques de l'appétit et de
la gustation, puisque ces dernières provoquent la pro-
duction d'un suc gastrique fortement acide, L'amidon
ne peut engendrer une sécrétion pancréalique, mais il
augmente le pouvoir amylolytique d'une sécrétion exis-
tante ; les graisses déterminent par elles-mêmes la pro-
duction du suc pancréatique, et augmentent le pouvoir
lipasique d’une sécrétion existante.
Les résultats obtenus par Pawlow auront, comme il
le dit, « pour effet de bannir l'opinion grossière et in-
féconde que le canal digestif est universellement exci-
table par n'importe quel agent mécanique, chimique,
thermique, sans compter avec les particularités de cha-
cune des tâches que la digestion doit remplir. Dans
114%
BIBLIOGRAPHIE — ANALYSES ET INDEX
l'état actuel des faits, ces agents, quand ils intervien-
uent activement, doivent être considérés comme des
conditions favorables ou empêchantes, mais non comme
les acteurs normaux et déterminants du travail digestif
sécrétoire. Au lieu d’une représentation fruste, d'un
semblant de connaissance grossière, nous avons main-
lenant l’esquisse d’un mécanisme plein d'art, qui,
comme fout ce que nous connaissons dans la Nature,
témoigne d’une finesse exquise et d’une adaptation in-
üime des phénomènes à leur but ».
Les faits établis par Pawlow ne doivent pas rester la
propriété des seuls expérimentateurs; les pathologistes
et les thérapeutes auront grand intérêt à les connaitre.
Ces faits justifient des pratiques instinctives et empi-
riques que la Médecine moderne a trop souvent et
trop complètement abandonnées. C’est l'appétit ‘qui est
le primum movens des sécrétions digestives; c'est par
l'appétit que la sécrétion gastrique est amorcée; c'est
par l'appétit que la sécrétion pancréatique est indirec-
tement provoquée. Il faut donc chercher par tous les
moyens possibles à conserver l'appétit intact, quand il
existe; il faut chercher à le réveiller, quand :l som-
meille. Ainsi sont justifiés les condiments el les amers,
qui ont été avantageusement employés autrefois; ils
doivent reprendre, dans la Thérapeutique, le rôle impor-
tant qu'ils n'auraient jamais dû perdre.
Dans un dernier chapitre, spécialement écrit pour
l'édition francaise, Pawlow résume les travaux faits dans
son Institut pendant les trois dernières années. Il montre
comment la bile exerce une action de renforcement sur
les actions diastasiques pancréatiques; il décrit dans
l'intestin et dans le suc intestinal uu ferment, l’entéro-
kinase, qui renforce lui aussi, de façon colossale, l'ac-
tivité digestive du suc pancréatique. Il termine par des
données intéressantes sur la pathologie expérimentale
et sur la thérapeutique expérimentale de l'estomac.
Cette trop sommaire analyse est insuffisante pour
donner une idée exacte du grand nombre de faits im-
portants exposés dans l'ouvrage de Pawlow; mais elle
suffira, j'espère, pour engager le lecteur à lire avec tout
le soin qu'il mérite ce bel ouvrage sur le travail des
glandes digestives, l'un des plus importants qui aient
été écrits en Physiologie dans le cours des dernières
années, le plus important sans aucun doute par ses
conséquences théoriques et pratiques.
Maurice ARTHUS,
Chef de Laboratoire à l'Institut Pasteur de Lille.
4 Sciences médicales
Marro (Antoine). — La Puberté chez l’homme et
chez la femme. (Traduit de l'italien par le D' J.-P.
Mæoici, Préface du D Mana). — À vol. in-8 de
536 pages, avec planches et 4 figures dans le texte.
(Prix : 10 fr.) Schleicher frères, éditeurs. Paris, 1904.
« C’est avec plaisir, écrit M. Magnan dans la préface
de ce livre, que je me permets de présenter aux lecteurs
français le beau travail du D' A. Marro sur la puberté,
considérée dans ses rapports avec l’Anthropologie, la
Psychiâtrie, la Pédadogie et la Sociologie. Le vaste champ
qu'ouvrait à l’auteur sa vie professionnelle et scienti-
fique, d'abord comme praticien, puis comme médecin
de prisons et, enfin, comme médecin des asiles d’aliénés,
expert judiciaire, directeur du laboratoire et professeur
de Psychiâtrie, lui a permis de recueillir une riche
moisson d'observations et d'expériences qui, ajoutées
aux enquêtes particulières qu'il a faites dans différents
pensionnats, donnent à son livre une valeur pratique
exceptionnelle. La puberté y est étudiée sous toutes
ses faces : anatomique, physiologique, pathologique,
morale et sociale ; c'est le travail le plus considérable
et le plus parfait qui ait été publié jusqu'ici sur cette
intéressante question. »
M. Marro établit d’abord ce qu'est la puberté : il nous
moutre l'importance que les peuples anciens, surtoutles
Grecs et les Romains, attachaient à cette période de
transition où l'enfant se dépouille et se transforme pour
passer le seuil de la véritable vie, la vie sociale,
L'auteur étudie ensuite l'apparition de l'époque pubère
dans les deux sexes, ainsi que les causes qui accélèrent
le développement de la puberté : climat, température,
race, constitution, conditions hygiéniques. IL soumet
à une pénétrante analyse chacune des profondes trans-
formations qui s’accomplissent pendant cette période
évolutive de l’existence et il passe successivement en
revue les modifications physiques, locales et générales,
dont s'accompagne le développement des organes
sexuels, l'accroissement du corps, les caractères de cet
accroissement dans les deux sexes, envisagé surtout
dans certains appareils, dans certains organes plus
spécialement modifiés.
Puis, M. Marro étudie les phénomènes qui accom-
pagnent l'aptitude à la génération ; il en détermine les
conditions biologiques, notamment, chez la femme,
Papparition de la menstruation. Il fait ressortir son
influence active sur le cerveau, l'excitation cérébrale
réflexe qui en est la conséquence avec l'accroissement
de l’émotivité, l'apparition d'impulsions instinctives, de
sentiments et de penchants nouveaux. Il montre cette
maturité sexuelle inséparable non seulement de modi-
fications psychiques particulières poussant parfois à de
graves excès (onanisme et ses conséquences), mais
encore d'un état métabolique de l'organisme, quiréclame
des viscères un surcroît de travail pour fournir les élé-
ments, albumine, sels, etc., nécessaires au développe-
ment général du corps et qui, par suite, diminue Ja
force de résistance et favorise une plus grande morbi-
dité. Un chapitre tout entier est consacré à la recherche
des relations étroites qui unissent l’évolution de la
puberté à celle de l'appareil génital et aux théories
diverses qui ont été émises pour expliquer les phéno-
mènes de la puberté.
Vient ensuite l'étude de la puberté chez les dégénérés,
et c'est ici que l'éminent aliéniste de Turin va mettre à
notre disposition les nombreux et précieux matériaux
qu'il a recueillis dans sa vie professionnelle.
Chez les sujets normaux, tous les efforts de l’orga-
nisme, toutes les modifications psychiques qui se pro-
duisent au moment de la puberté peuvent s'accomplir
sans trop grands dommages; mais il n'en est plus de
même chez les prédisposés, chez les dégénérés. La pu-
berté est, en quelque sorte, une pierre de touche devant
les causes perturbatrices, multiples, qui peuvent inter-
venir à celte période de la vie; elle est le réactif révé-
lateur fréquent de la dégénérescence mentale. Toute
la symptomatologie psycho-pathologique de la puberté
est la reproduction fidèle des psychoses des dégé-
nérés, avec les tendances obsédantes et impulsives, les
alternatives d’excitalion et de dépression, leur brus-
querie, leur périodicité, etc. Les arrèts de développe-
ment eux-mêmes, leur intensilé sont en rapport avec
le plus ou moins de surcharge héréditaire. L'hérédité
rayonne sur toutes ces manifestations et les domine.
Après avoir envisagé les causes de la dégénérescence
et formulé de sages préceptes d'hygiène physique et
morale, M. Marro est naturellement conduit à s'occuper
des jeunes délinquants des prisons, si proches parfois
des jeunes irresponsables de nos asiles. Ces deux caté-
gories d’antisociaux sont monnaie de la même pièce,
et, quand on peut établir l'équation généalogique des
cas, on remonte généralement à un (ronc commun, sur
lequel deux rameaux voisins ont abouti, l’un au crime,
l’autre à la folie, sous l'influence parfois du même
réactif sexuel et à l’occasion de la puberté. L'alcool à
son tour, égale, tantôt alternativement, tantôt isolé-
ment, crime et folie, et l'alcoolisme par hérédité
s'éveille aussi en même temps que l'apparition de la
phase pubère.
« En résumé, conclut M. Magnan, cette magnifique
étude de la puberté, dans laquelle abondent de curieux
documents, n'intéresse pas seulement les physiolo-
gistes, les psychidtres, mais les magistrats, les anthro-
pologistes, et tous les médecins pourront y puiser
d'utiles renseignements. » J. D.
ACADÉMIES ET SOCIËTÉS SAVANTES
ACADÉMIES ET SOCIÉTÉS SAVANTES
DE LA FRANCE ET
ACADÉMIE DES SCIENCES DE PARIS
Séance du 2 Décembre 1901.
4° SCIENCES MATHÉMATIQUES. — M. P. Painlevé, étu-
diant les singularités essentielles des équations diffé-
rentielles, montre que, moyennant une transformation
algébrique, on peut toujours ramener un système
d'équations différentielles algébriques réelles à un
autre système réel qui ne présente plus de singularités
essentielles mobiles, et cela sans changer la variable
indépendante. — M. L. Raffy éludie la déformation
des surfaces, et en particulier celle des quadriques,
en se servant des équations aux asymptotiques.
M. A. Pellet montre que la recherche des racines
négatives d'une équation se ramène à la recherche des
racines positives de celle qu'on oblient en changeant
le signe de l’inconnve dans la première; on a ainsi une
méthode permettant d'avoir loutes les racines réelles
d'une équation. — M. G. Tzitzéica présente quelques
remarques sur le nombre des racines communes à plu-
sieurs équations. — M. E. Carvallo montre, par l'ex-
périence de la roue de Barlow, que les équations de
Lagrange ne sont pas toujours applicables aux phéno-
mènes électrodynamiques, notamment dans le cas des
conducteurs à deux ou trois dimensions. Cette expé-
rience semble confirmer les deux principes fondamen-
taux de Maxwell : L'énergie d’un système de courants
est une énergie cinétique; les forces électrodynamiques
et les forces electromotrices d’induction sont des forces
d'inertie. — M. D. Eginitis communique ses observa-
tions des Léonides, faites à Athènes, du 14 au 16 no-
vembre. Il a constaté un déplacement assez sensible en
ascension droite du radiant principal.
2° SCIENCES PHYSIQUES. — M. A. Lafay indique une
application de la chambre claire de Govi à la réalisation
d'un appareil vérificateur des règles et des plans. —
M. H. Pellat propose d'évaluer en valeur absolue les
très basses températures en se basant sur le phénomène
Peltier, observé au moyen d’un couple thermo-élec-
trique fer-zinc. — M. H. Bagard indique un procédé
général qui donne infailliblement une décharge dis-
ruptive dans les électrolytes sans avoir recours aux
moyens puissants. Il faut d'abord employer des con-
ducteurs à très faible surface, par exemple des fils mé-
talliques. La décharge est produite par deux bouteilles
de Leyde isolées, dont les armatures internes sont re-
liées à une machine électrique et à un excitateur à
boules, et les armatures externes aux fils métalliques
plongés dans le liquide. — M. C. Tissot a étudié l’étin-
celle produite par l’excitateur de Hertz par le procédé
du miroir tournant. Les images des étincelles succes-
sives ne sont pas rigoureusement équidistantes; le pre-
mier intervalle est toujours plus considérable que les
autres; il dépend de la distance explosive et augmente
avec elle, — MM. P. Curie et A. Debierne ont pour-
suivi l'étude de la radio-activité induite, provoquée par
des sels de radium. Dans une enceinte fermée, l’acti-
vité induite limite est indépendante de la pression et
de la nature du gaz de l'enceinte; elle dépend seule-
ment de la quantité de radium introduit à l’état de so-
lution. — M. A. de Hemptinne a constaté que les
substances radio-actives commencent à provoquer la
luminescence des gaz à une pression plus élevée que
les vibrations électriques. — M. L. Guillet a obtenu,
par l’action de l’aluminium sur l'acide stannique, des
culots métalliques dont il a pu isoler deux combinai-
sons définies, se présentant en cristaux très nets; elles
correspondent aux formules Al*Sn et AlSn. — M. H.
DE L'ÉTRANGER
Imbert montre que les dérivés provenant de l’action
des bases pyridiques sur les quinones télrahalogénées
doivent être représentés par la formule C*H°Az. C°CI0?.
OH. Le noyau pyridique est donc lié par un seul car-
bone au noyau quinonique, et l’oxhydryle contenu
dans ces dérivés ne peut dès lors se trouver que dans
ce noyau. — MM. E. Heckel et F. Schlagdenhauffen
ont analysé la racine de l’Z/ondo, lierre du Gabon
(Dorstenia Kleineana). L'extrait pétroléique laisse dé-
poser de fines aiguilles de composition C'*H°0", à odeur
de coumarine. La racine renferme encore une forte
proportion de résines. — M. G. Dubat a déterminé la
composition des hydrates de carbone de réserve de
l’albumen des graines du Petit Houx. A l'hydrolyse on
obtient : mannose 27,92 %, glucose 27,64 %, sucre in-
terverti 13,61 %, pentoses 0,68 %. Les hydrates de car-
bone de réserve sont donc : du saccharose, des man-
nanes, des dextranes et un peu de pentosanes. — M. E.
Fleurent a constaté que les blés durs contiennent au
moins 2,5 % d’albumen de plus que les blés tendres ;
ils sont aussi plus riches en gluten. Le gluten des biés
durs renferme une proportion sensible de conglutine
(jusqu'à 15 %).
3° SCIENCES NATURELLES. — M. J. Vallot a étudié les
modifications que subit l'hémoglobine du sang sous
l'influence de la dépression atmosphérique dans les
ascensions de montagne ou en bailon. On constate
toujours une diminution de la durée de la réduction
lorsqu'on s'élève. — MM. J. Tissot et Hallion ont
éludié la respiration à diverses altitudes pendant une
ascension en ballon. La quantité absolue d'air qui entre
dans le poumou diminue considérablement lorsque l’al-
titude augmente. Mais, en même temps, la proportion
d'oxygène absorbé et de CO* exhalé pour cent s’ac-
croit. Aussi l'intensité absolue des échanges respira-
toires en une minule reste la même à toutes les alti-
tudes (jusqu'à 3.500 mètres au moins). —M.N. Gréhant,
après avoir fait respirer à un chien un mélange conte-
vaut de l'oxyde de carbone, le place soit dans l’air
pur, soit dans l'oxygène pur. Dans le second cas, on
constate une disparition beaucoup plus rapide de
l'oxyde de carbone dans le sang. — MM. A. Char-
rin et G. Delamare, eu soumettant des générateurs
à diverses intoxicalions, plus spécialement à des in-
toxicalions par toxines microbiennes, ont vu se re-
produire chez les descendants des anomalies de plus
en plus variées, dont quelques-unes rappellent exacte-
ment les désordres produits par les bacilles chez
l'homme. — M. L. Bordas à constaté que les piqûres
du Latrodectus 13-guttatus Rossi ou Malmignatte ne
sont nullement mortelles pour l'homme et les gros
animaux, comme on le croit communément; elles
n'amènent qu'une légère inflammation, suivie de fortes
démangeaisons. Par contre, elles produisent sur cer-
tains Insectes, Mouches, Coléoptères, Orthoptères, une
sorte de paralysie suivie rapidement de mort. — M. H.
Joffrin a étudié deux maladies des feuilles de Chrysan-
thèmes, qui aboutissent toutes deux à une flétrissure
partielle ou totale, et à la chute de la feuille. L'une est
de nature vermiculaire; elle est due à un Nématode du
genre T'ylenchus. L'autre est de nature cryptogamique;
elle est due à un champignon nouveau du genre Sep-
toria, que l’auteur nomme Septoria varians. — M. Em.
Laurent a reconnu que la mort des branches de pui-
rier à la suite du développement des baies, des graines
et des plantules de Gui à leur surface, est due à un
principe toxique contenu dans la plante parasite et qui
n'a pu encore être isolé. — M. E. Fournier signale la
généralité des phénomènes de capture des cours d’eau
1146
ACADÉMIES ET SOCIÉTÉS SAVANTES
superficiels par les cours d’eau souterrains dans les
régions calcaires. Ainsi la Loue est le produit d'un
double captage de rivières superficielles, le Doubs et
le Drugeon. — M. P. Termier étudie les trois séries
cristallophylliennes des Alpes occidentales : la série
antéhouillère, la série permo-carbonifère et la série
mésozoïque. Le métamorphisme de ces trois séries est
vraisemblablement d'origine purement plutonienne. —
M. St: Meunier signale de nouvelles expériences de
striage artificiel des galets, par voie de dénudation
souterraine.
Séance du 9 Décembre 1901.
L'Académie présente, à M. le Ministre de l'Instruction
publique, la liste suivante de candidats pour la chaire de
Culture vacante au Muséum : 1° M. J. Costantin;
2° M. Bois.
1° SCIENCES MATHÉMATIQUES. — M. H. Poincaré pré-
sente quelques considérations sur les connexions des
surfaces algébriques. — M. A. Demoulin établit l'exis-
tence, sur l’hélicoïde minimum, d’une double infinité
de réseaux conjugués persistants de première espèce.
— M. Ed. Maillet démontre l'existence de deux ensem-
bles distincts de nombres tous transcendants, qui ont
la puissance du continu. — M. C. Flammarion com-
munique les observations des Perséides qui ont été
faites en août à l'Observatoire de Juvisy et à la station
auxiliaire d’Antony. Les observations simultanées de
quelques métléores en ces deux points ont permis de
déterminer leur hauteur. L'étoile filante la plus basse
est apparue à 15 kilomètres de hauteur et la plus élevée
à 119. — M. H. Deslandres communique une méthode
simple, basée uniquement sur des observations de
temps, pour déterminer la vitesse propre des aérostats
dirigeables. Appliquée aux expériences de M. Santos-
Dumont, elle donne une vitesse de 72,60 à 8,10. —
M. J, Armengaud communique un tracé donnant, avec
une approximation de 1/20° au moins, la {rajectoire
sur le sol de l’aérostat dirigeable de M. Santos-Dumont,
dans l'épreuve du 19 octobre. Pour lui, la vitesse propre
de l’aérostat a atteint 8m,50 à 9 mètres.
20 SciENCES PHYSIQUES. — M. Th. Moureaux a constaté
que, si les courbes magnétiques actuelles à l'Observa-
toire du Parc Saint-Maur ont pu être ramenées à une
finesse relative par l'emploi d’amortisseurs, le champ
terrestre y est néanmoins perturbé depuis l'établisse-
ment du réseau de tramways électriques à trolley de
l'Est parisien, et les troubles se manifestent non seule-
ment sur la variation diurne, mais encore sur la valeur
absolue des éléments magnétiques. — M. Th. Tomma-
ina cominunique une nouvelle série d'observations
d’orages lointains par auscullation au moyen de l'élec-
troradiophone: II lui a semblé que certains éclairs sont
dus à des décharges non oscillantes, car l'électroradio-
phone n’en donnait aucun signe perceptible. — M. A.
d’Arsonval indique quelques moyens pour la produc-
tion et le maintien des basses températures. Avec la
neige d'acétylène ou d'acide carbonique en solution
dans l’acétone, on arrive facilement à —115°; au-dessous,
il faut avoir recours à l’air liquide qu’on conserve dans
des vases à double paroi plongés dans un bain de gazo-
line. — M. H. Becquerel a reconnu que des produits
uraniques, dont la radioactivité avait été affaiblie par
des précipitations et des cristallisations, ont regagné
spontanément, après dix-huit mois, leur activité pre-
mière. — M. M. Berthelot à poursuivi l’élude de la
décomposition de l’anhydride iodique par le rayonne-
ment du radium; celle-ci n’a lieu que lorsque le radium
n’est pas entouré de papier noir, c'est-à-dire dans des
conditions où la phosphorescence intervient. — M. O:
Boudouard à obtenu irois combinaisons définies d’alu-
minium et de magnésium : Al Mg*, AI Mg, Al'Mg. La pre-
mière est isolée} du culot 30 A1 — 70 Mg par attaque à
\ZHACI à 10°/,, la seconde des culots 40 AI — 60 Mg et
par une attaque semblable; la troisième du culot 70 AL
— 30 Mg par atlaque à HCI à 10 °/4. — M. H. Gautier a
préparé des alliages de strontium et de zinc en faisant
agir du sodium sur un mélange de chlorure ou d'iodure
de strontium et de chlorure de zinc. On obtient de la
, même facon des alliages de cadmium et de strontium.
— M. P. Lebeau a constaté que les fontes siliceuses
renferment tout le silicium à l'élat combiné sous la
forme du siliciure SiFe?. Ce composé étant très soluble
dans un excès de fer donne facilement une masse
homogène par refroidissement. Il ne pourra apparaitre
à l’état isolé que lorsqu'il sera en proportion supérieure
à celle que devra renfermer une solution saturée dans
le fer, vers son point de solidification. — M. Marcel
Guédras prépare rapidement l'alcool trichlorobutylique
en chauffant un mélange de chloroforme et d'acétone
en présence de potasse.
3° SCIENCES NATURELLES. — M. J. Mayet a réalisé la
transmission du cancer de l'homme au rat blanc. De
la non-identité histologique entre le produit inoculé et
le néoplasme produit, il conclut que le cancer n'est pas
un tissu histologiquement defini, mais un mode de
réaction des éléments anatomiques divers sous leurs
formes diverses, provoqué par la cause encore in-
connue qui le réalise. — M. A. Mossé montre que,
dans les diabètes, la pomme de terre est un aliment
qui non seulement peut être permis mais uliie, suscep-
tible d'être avantageusement substitué au pain, dans
des proportions suffisantes pour maintenir l’équiva-
lence de la ration alimentaire. — MM. J. Tissot et
Hallion ont déterminé les gaz du sang à différentes
altitudes dans une ascension en ballon. La quantité
totale de.gaz contenue dans le sang augmente avec
l'altitude, mais celle d'azote diminue.—M.J.P.Langlois
a reconnu que les Reptiles à peau imperméable pré-
sentent de la polypnée thermique quand leur tempé-
rature atteint 39°, et que les rayons caloriques frappent
directement la tête. Cette polypnée entraîne une cer-
taine perte d’eau et intervient comme facteur de la
régulation thermique ; la polypnée ne peut s'établir que
si l’hématose est parfaite. — M. F. Houssay a étudié
les variations du jabot et du gésier chez la poule en
fonction du régime alimentaire. On constate une réduc-
tion énorme du poids et du volume de ces organes
quand on passe du régime granivore au régime carni-
vore. La longueur du tube digestif et des cæcums
diminue aussi. — Me M. Loyez a étudié les transfor-
mations de la vésicule germinative chez les Sauriens.
Les chromosomes ne disparaissent jamais complète-
ment; les nucléoles prennent une grande imporlancé
et peuvent êlre considérés comme les éléments essen-
tiels de l’activité de la vésicule germinative pendant la
période de formation du vitellus. — MM. L. Vialleton
et G. Fleury ont étudié la structure des ganglions Iym-
phatiques de l’oie; ils peuvent être comparés à un gan-
glion de mammifère inachevé. — M.G. André a étudié la
nutrition de la plantule aux dépens de ses cotylédons
chez le Haricot d'Espagne germant dans un bon sol de
culture. La plantule emprunte aux cotylédons une
grande partie des substances minérales et la presque
totalité de sa matière organique; mais ce dernier
emprunt diminue rapidement dès que la fonction
chlorophyllienne commence à s'exercer. — M. Em:
Marchal a observé que la formation des nodosités chez
le Pois est empêchée par la présence des nitrates alca+
lins, des sels de potassium et de sodium; elle est, au
contraire, favorisée par les sels de calcium et de ma-
gnésium. — MM. Ch. Eug. Bertrand et F. Cornaille
poursuivent l'étude des propriétés des chaînes libéro-
liyneuses des Filicinées (élargissement et rétrécisse:
ment d'une chaîne; addition d'un divergeant). —
M. G. Delacroix a constaté que l'agent de la nouxelle
maladie de la pomme de terre qui sévit depuis deux
ans est une bactérie, qu'il nomme Bacillus solanincola.
Il en a fait des cultures et, par inoculation, a reproduit
la maladie, Cette bactérie attaque également la tomate,
— M. A. Lacroix a reconnu que les enclaves homœæo-
gènes des andésites à haüyne forment une série pétro-
graphique remarquablement continue, comprenant les
roches grenues suivantes : microtinites à noséane;
à
{
ACADÉMIES ET SOCIÉTÉS SAVANTES
1147
RE mmmergtiete
gabbro amphibolique pauvre en haüyne, gabbro amphi-
bolique très riche en haüyne, hornblendile et pyroxé-
nolite. Cette série présente une analogie frappante avec
les roches grenues basiques formant le cortège habituel
des syénites néphéliniques. — MM. Capitan et Breuil
présentent quelques reproductions de dessins paléoli-
thiques gravés sur les parois de la grotte des Comba-
relles. Ces dessins représentent des Equidés, des Bovi-
dés, des Rennes et des Mammouths.
Louis BRUNET.
ACADÉMIE DE MÉDECINE
Séance du 3 Décembre 1901.
M. Duguet présente ur rapport sur un mémoire du
D: Roustan concernant une épidémie de grippe obser-
vée à Cannes et dans ses environs. Cetle épidémie a
éclaté subitement au mois d'avril et a frappé plus de
400 personnes; elle a fait 21 victimes. — MM. A. Robin,
M. Binet et Dupasquier ont étudié les échanges res-
piraloires aux hautes altitudes, d'après les données
recueillies dans une ascension en ballon par l'un d’entre
eux. En résumé, pendant l'ascension : 1° Le pouls s'est
accéléré; 2° la fréquence de la respiration a augmenté
proportionnellement à l'altitude; 3° la capacité respi-
ratoire a diminué en raison inverse de l'altitude; 4° les
proportions des gaz ont baissé pour CO* et augmenté
pour l'oxygène; 5° la ventilation pulmonaire a pro-
gressé; 6° les échanges gazeux se sont accrus et plus
particulièrement l'oxygène absorbé par les tissus; 7° le
quotient respiratoire a beaucoup baissé. — M. Ch. Fer-
netrappelleles bons effets de la strychnine comme agent
thérapeutique dans l'alcoolisme (delirium tremens,
alcoolisme chronique, etc.) et dans l’adynamie ner-
veuse, — M. A. Chipault donne lecture d’un mémoire
sur la pathogénie de la contracture post-hémiplégique.
— M. H. Barré lit un travail sur les germes du froment
et le problème de la tuberculose.
Séance du 10 Décembre 1901.
M. le Président annonce le décès de M. de Nencki,
correspondant étranger. :
M. Porak présente le Rapport pour 1901 de la Com-
mission permanente de l'Hygiène de l'enfance. — M. A.
Mossé examine l'emploi de la pomme de terre dans les
diabèles sucrés et les complications diabétiques. —
MM. Champetier de Ribes et Baudron communiquent
une observation de dystocie par kystes hydatiques pen-
dant le travail. Ils ont eu recours à l'opération césarienne
suivie d'hystérectomie abdominale; ils ont extrait ainsi
un enfant vivant, et les suites de l'opération ont été
excellentes pour la mère,
SOCIÉTÉ DE BIOLOGIE
Séance du 30 Novembre 1901.
MM. L. Camus et E. Gley ont observé des pertes de
poids considérables chez des Hérissons en état d'hiber-
nation. — MM. Moreul et Rieux ont retrouvé, dans un
grand nombre de cas de dysenterie, endémique ou épi-
démique, le bacille déjà signalé par M. Roger. Il res-
semble au bacille colicommum ; il est colorable par les
couleurs d'aniline, mais ne prend pas le Gram. — MM.
L.Ingelrans et M. Dehon ont constaté que: 1° l’uro-
toxicité va diminuant ou reste stationnaire chez les
typhoïdiques traités par les bains chauds; 2° elle
augmente graduellement chez ceux traités par les bains
froids; 3° elle s'accroit notablement chez les malades
soumis au régime des boissons abondantes. — M. M.
Arthus à trouvé que le sang ne contient pas de fibrin-
ferment au moment de la prise; il y apparait peu après,
mais se développe surtout dans les moments qui précè-
dent la coagulation spontanée. — M. G. Delamare a
observé, chez un lapin tuberculeux, une paralysie
ascendante aiguë, avec lésions médullaires, névritiques
et musculaires, qu'il attribue aux poisons élaborés par
le bacille de Koch. — MM. Hallion et Tissot ont étudié
l'influence des variations rapides d'altitude sur les phé-
nomènes de la respiration à l’état de repos (voir p. 1145)
et sur la quantité des gaz du sang. — M. P. Bonnier a
reconnu que l'oreille ne s'accommode que lentement à
une grande variation d'altitude, par exemple dans une
ascension en ballon. C’est là.la source directe du
malaise des hauteurs. — MM. Calugareanu et V. Henri
ont étudié les variations du sang de chien pendant une
ascension en ballon. Ils ont constaté une augmentation
considérable du nombre des globules; la composition
en eau, en azote et en fer n'a presque pas varié. —
M. J. Jolly, dans les mêmes conditions, a constaté une
augmentation des globules rouges avec l'altitude, et de
grandes oscillations des globules blancs, le maximum
correspondant toutefois à l'altitude maxima. — MM. R.
Lépine et Boulud ont observé la présence d'acide gly-
curonique dans le foie du chien et du cobaye post
mortem. — M. F. Tissot a reconnu que les pus de
nature tuberculeuse sont caractérisés par une propor-
tion de mononucléaires double ou même triple de celle
des pus septiques, et presque huit fois plus forte que
celle des pus blennorragiques. — M. R. Blanchard
communique des observations sur quelques moustiques.
— M. Ch. Pérez a étudié les phénomènes de la n,"0-
phose chez la Fourmi rousse. — M. J.-A. Sicard à
constaté que l'existence de l'aspect sanguinolent Cu
liquide céphalo-rachidien n'est pas toujours une preuve
certaine de l'hémorragie du névraxe; elle peut provenir
tout simplement de la piqûre d'une veine faite au cours
de la ponelion. Par contre, la coloration jaunâtre ou
jaune-verdâtre du liquide céphalo-rachidien est un
signe de grande valeur pour reconnaitre ces hémor-
ragies. — M. J. Lépine à reconnu que l'injection de
mucine de limace stimule la défense de l'organisme chez
les animaux tuberculeux. La mucine de limace, à l’état
frais, possède également des propriétés hémolytiques
remarquables, mais fugitives.
SOCIÉTÉ FRANÇAISE DE PHYSIQUE
Séance du 8 Décembre 1901.
M. A. Cornu décrit une nouvelle méthode pour la
détermination des trois paramètres optiques d'un cris-
tal par le réfractomètre. La détermination des trois
indices et des trois axes principaux d’un cristal, si im-
porlante à la fois en Optique, en Minéralogie et en
Pétrographie, est longue et difficile par la méthode des
prismes, qui exige la taille de faces planes rigoureuse-
ment orientées. Elle devient théoriquement très Simple
lorsqu'on opère par réflexion totale dans un milieu
suffisamment réfringent, car une seule face plane,
orientée d'une manière quelconque, fournit alors toutes
les données nécessaires. Mais la détermination des trois
directions principales est restée jusqu'ici hérissée de
calculs inabordables pour la pratique courante. M. A.
Cornu, qui a fait, au réfractomètre d’Abbe, de nom-
breuses observations sur divers cristaux, a été amené
à faire l'étude géométrique directe de la réflexion totale
sur une surface cristalline et a été conduit ainsi à des
relations analytiques d’une simplicité inespérée qui
facilitent considérablement la solution du problème.
M. A. Cornu rappelle d'abord le principe de l'emploi du
réfractomètre à réflexion totale tel que l’a indiqué en
dernier lieu Soret. La face cristalline étudiée est appli-
quée par l'intermédiaire d'une couche. d'un -liquide
convenable sur la face plane horizontale d'un hémis-
phère de verre très réfringent qui peut tourner autour
d'un axe vertical. En faisant varier, à l’aide de ce mou-
vement. de rotation, l'azimut du plan d'incidence au-
tour de la normale à la face cristalline, on trouve
quatre azimuts principaux pour lesquels l'angle de
réflexion totale I estmaximum ou minimum, Les va-
leurs principales extrêmes I, et L de l'angle de réfle-
xion totale correspondent aux deux indices extrêmes
de réfraction 2, et n. : mais il faut choisir, entre Îles
angles I, et I, des deux autres azimuts, l'angle I, qui
1148
ACADÉMIES ET SOCIÉTÉS SAVANTES
a ———_——————]
correspond à l'indice moyen », pour pouvoir rejeter
la quatrième valeur de 1 qui fournirait un indi-
ce supplémentaire v dépendant de la taille de la face
cristalline. De là une complication dans l’ancienne
méthode. L'existence du quatrième azimut principal,
correspondant à l'indice supplémentaire v, n'est plus,
dans la méthode de M. A. Cornu, qu'une source de vé-
rilication. M. A. Cornu expose les parties principales
de son étude géométrique directe de la réflexion totale
sur une surface cristallline’. Cette étude est fondée
sur la construction de la surface de l'onde, qui permet
d'obtenir un point de la normale en ce point en par-
tant de l’ellipsoide de Fresnel dont les axes 4, b, e sont
les inverses des indices principaux », n,, n-. Il rappelle
d'abord les conditions auxquelles conduit la construc-
tion d'Huygens pour l'existence du rayon efficace dans
la réflexion totale, et la relation :
(4) P'Sin TR;
entre l’angle I de réflexion totale, l'inverse R de l'in-
dice N du milieu extérieur, et la distance p de l'origine
à la tangente à la section de l'onde par la face cristal-
line. La forme de cette section de surface de l'onde se
trouverait géométriquement définie comme enveloppe
par sa podaire si l'on connaissait les angles I de réfle-
xion totale correspondant aux divers azimuts. Mais,
sans passer par l'étude de cette podaire, M. A. Cornu
détermine géométriquement, en projection stéréogra-
phique, les quatre rayons vecteurs de la surface de
l'onde, qui sont en même temps les paramètres p cor-
respondants de la podaire et correspondent, par suite,
aux quatre azimuls principaux. La même projection
stéréographique fait reconnaitre immédiatement les
trois rayons vecteurs, de longueur maximum ou mini-
mum, qui fournissent par leurs inverses les trois in-
dices principaux »,, »,, 1, puis le quatrième rayon
vecteur, maximum ou minimum aussi, qui correspond
au quatrième azimut principal et fournit l'indice sup-
plémentaire v. M. A. Cornu montre très simplement
que, si «, $ et y sont les angles que fait la normale à la
face cristalliue avec les trois directions principales,
l'indice y satisfait à la relation :
(2) V— n°x COS? 4 + n°? COS? R + n°: cos° y,
qui permet à la fois de calculer v*, de distinguer sans
ambiguité n, de v et d'obtenir une précieuse vérifica-
tion. La projection stéréographique déjà utilisée fournit
encore les trois relations qui définissent les angles «,
B, y, connaissant les angles que font entre eux les trois
premiers azimuts principaux A, B, C, relations qui
sont du type : d
k ANS EE
(3) cos? a — cotg AB cotg CA,
avec la relation : cos*x-cos®f+cosy—1 comme vérifi-
cation. L'azimut D du plan d'incidence correspondant
à l'indice supplémentaire v est déterminé à son tour par
trois autres relations du type :
(4) tg AD = tg BC
Cette méthode de calcul rend très praticable la déter-
minalion des indices priocipaux d'un cristal par l'ob-
servation de la réflexion totale sur une seule face cris-
talline. M. A. Cornu l'a vérifiée par de nombreuses
observations au réfractomètre Abbe. Parmi les corps
cristallisés étudiés par lui, l'acide tartrique présente
une biréfringence assez grande pour permettre une
vérification vraiment efficace. M. A. Cornu a trouvé
pour valeurs des indices principaux de l'acide tartri-
que :
Dx — 1,49606,
en NEO TR, TES A D AP EE 2 bel dr D VE ARS QURE
‘ Voir : Comptes rendus, t. CXXXIII, p. 125 (15 juillet
1901), et p. 463 (16 septembre 1901).
ny= 1,53573, n:—1,60554,
avec une erreur possible inférieure au dix-millième.
L'angle de réfraction conique, qui n'atteint pas 2° avec
l'aragonile, s'élève pour l'acide tartrique à 4°, En ter-
minant sa communication. M. A. Cornu fait projeter
par M. Pellin le phénomène de réfraction conique
obtenu avec un cristal d'acide tartrique de 23 milli-
mètres d'épaisseur, mobile autour de deux axes rectan-
gulaires. Ensuite est vérifiée la polarisation si curieuse
de l'anneau lumineux correspondant à cette réfraction
conique à l’aide d’un analyseur biréfringent formé
également d'un cristal tartrique; cet analyseur a
été construit par M. I. Werlein. Une dernière expé-
rience projetée devant la Société consiste à plonger un
cristal non taillé d'acide tartrique du commerce dans
une cuve à faces parallèles renfermant de l'essence de
girofle dont l'indice 1,53 se trouve être sensiblement
identique à l'indice moyen de l'acide tartriqué. Entre
la lanterne de projection et la cuve est disposé un petit
écran percé d'un assez grand nombre de trous qui
définissent autant de pinceaux étroit de rayons et dont
les images, dédoublées par le cristal, sont formées sur
l'écran de projection. En tatonnant un peu, on parvient
à trouver une position du cristal telle que l'une de ces
nombreuses images doubles se transforme daus le
petit anneau lumineux qui caractérise la réfraction
conique. M. Pellat dit qu'il lui a semblé que la pro-
jection de la réfraction conique ne devait être exacte-
ment ni l'intérieure, ni l'extérieur M. A. Cornu dit qu'en
effet ce n'est exactement ni l’une ni l'autre en projec-
tion et qu'on se rapproche seulement de la réfraction
conique intérieure. Mais on peut la réaliser exactement
dans l'observation au microscope en pointant à travers
le cristal l’image d’un petit trou; l'expérience peut se
faire avec une lame de clivage de bichromate de potasse
en utilisant le fait que l'axe optique est normal à la
face de clivage. M. A. Cornu rappelle que le pouvoir
rotatoire de l'acide tartrique ne se présente pas dans
les cristaux suivant le sens des axes optiques. Il a pu
vérifier le fait au cours de ses expériences. — MM. Fo-
veau de Courmelles et G. Trouvé présentent de
nouveaux appareils d'étude et d'utilisation des diver-
ses radiations lumineuses. Pour avoir une quantité
suffisante de lumière sans recourir à de grandes sour-
ces d'énergie et en isoler les radiations calorifiques
lumineuses ou chimiques, ils utilisent la réflexion
parabolique ; ils séparent des autres les radiations à
étudier et les concentrent ensuite sur des surfaces
réfléchissantes : tronc de cône concentrateur où miroir
concave réfléchissant une seconde fois les rayons paral-
lèles qu'il recoit et les envoyant en avant sur une sorte
de surface focale; on les dirige ainsi sur le milieu à
étudier ou irradier : corps électrisés, champ du micros-
cope.. Leurs premiers appareils, présentés à l'Institut
le 24 décembre dernier par M. Lippmann, ont été
modifiés et perfectionnés. Les rayons calorifiques sont
lamisés à travers un disque en verre rouge, la lumière
éclairante à travers un disque jaune, la lumière chimi-
que à travers des lamelles de quartz. Quand la chaleur
doit être supprimée, une intense circulation d'eau
froide a lieu autour de l'appareil et entre les quartz, où
elle doit être très limpide. Les sources d'énergie lumi-
neuse peuvent être diverses et sont interchangeables :
lampe à incandescence, ordinaire ou à charbon spécial,
arc voltaique, acétylène, métaux... Les auteurs signa-
lent les actions thérapeutiques remarquables oblenues
sans brülures ni phlyctènes, à l'Hôpital Saint-Louis,
avec leurs rayons ultra-violets, contre le lupus, l'épithé-
lioma, les tuberculoses diverses et même pulmonaire,
avec où sans compression de la région traitée, par
une lampe à arc de 10 ampères irradiant 10 minutes,
à 70 volts par exemple (5 ampères à 85 volts donnant
parfois aussi le même résultat), aiors qu'il faut 75 à
80 ampères et des séances de 80 mivutes avec l'appareil
de Finsen de Copenhague.
DR
ACADÉMIES ET SOCIÉTÉS SAVANTES
SOCIÉTÉ CHIMIQUE DE PARIS
Séance du 22 Novembre 1901.
MM. Bouveault et Bongert exposent les résultats
qu’ils ont obtenus dans l’action de l'acide nitrique
fumaut sur l'éther acétylacétique. Le produit ainsi
formé est un produit de déshydratation et de polymé-
risation de l’éthér nitroacétique :
CO2C2H° 2 CO°C2H° 2
(i JEAN ) 210
CAz0 CH2 — 170?
dont la formation a dû précéder la sienne. Les auteurs
l'ont, en effet, obtenu dans l’action des acides minéraux
sur l'éther nitroacélique. Les amines bisubstiluées
réagissent sur ce produit de condensation en donnant
de l'alcool, un uréthane bisubstitué et un sel de l'amine
et d'un acide nouveau, suivant l'équation :
CO®C2I15\ ? CO — AzR°
| ) + 3 AZHR?— |
CAz0 CEA7207H — AzHR?
+ AzR? — COC: HP.
+ CH°O
Ces sels, qui ont été préparés à l’aide de la diméthy-
lamine, de la diéthylamine et de la pipéridine, sont très
bien cristallisés,; traités par les acides, ils fournissent
les acides correspondants à la forœule :
CO — AzR°?
Le 4!
qui sont aussi très bien cristallisés et dont la consti-
tution semble être :
COAZR?
| AZ
Cle
Ils se proposent de continuer ces expériences. —
M. H. Moissan entretien la société des tentatives qu'il
a faites pour isoler l'ammonium (voir p. 1035 et 1086). —
M. Delépine a montré antérieurement que le trioxy-
méthylène et l'anhydride sulfurique s'unissent pour
engendrer le sulfate de méthylène SO CH? I à
cherché à étendre cette réaction aux aldéhydes é/hy-
lique et propylique; elle est tout autre et conduit à des
acides disulfonés :
CH (SO*H} — CHO et CH°—C(S0*H} — CHO.
L'acétone engendre un acide trisulfoné :
CH (SO:H)2 — CO — CHE (SH).
La constitution du premier acide est établie par son
identité avec l'acide déjà connu ayant cette formule;
celle des deux autres, par leur dédoublement par les
alcalis, ce qui engendre, avec l'acide propanol-2.2-
disulfonique, de l'acide formique et de l'acide éthyl-
idène-disulfonique, et avec l'acide acétone-1.3.3-trisul-
fonique, les acides méthionique et acétosulfonique.
Ces divers acides prennent, d’ailleurs, naissance dans
la réaction, à côté des produits fondamentaux. —
M. R. Fosse montre que les dérivés halogénés du
xanthène possèdent les mêmes propriétés que celles
qu'il a déjà fait connaître pour le dinaphtoxanthène.
En particulier le bromoxanthène réagit sur l'alcool
comme le bromodinaphtoxanthène; il y a élimination
_d'hydracide, formation de xanthène et d'éthanol suivant
la réaction :. ‘
Spri £ arts
Br— CH Gus >0 + HO = HBr+ CHO +. CH Gate 0:
1149
M. Fosse se réserve d'établir, par un très grand
nombre d'exemples, les deux lois suivantes : 1° les
dérivés monohalogénés de la série du xanthène,
obtenus soit par l’action des halogènes sur les xan-
thènes, soit par les hydracides sur les xanthydrols, se
comportent comme des sels basiques et donnent des
sels doubles avec plusieurs réactifs des alcaloïdes (sels
de Pt, Hg, etc.); 2° ces mêmes corps réagissent sur
l'alcool comme les sels de diazoïques : ils r-génèrent le
carbure correspondant, transforment l'alcool en aldé-
hyde et donnent de l'hydracide. M. Fosse se réserve de
vérifier si ces lois s'appliquent à la série du pyrane et
de transformer en xanthènes ou pyranes, par sa réac-
tion, diverses xsanthones ou pyrones.
SECTION DE NANCY
Séance du 11 Décembre 1901.
M. Guntz décrit l'appareil qu'il emploie pour chauffer
les tubes de porcelaine au moyen d’une résistance en
fil in de platine et indique les conditions dans les-
quelles il faut se placer pour obtenir du baryum pur,
métal qui n'avait pas encore été obtenu, par distillation
de l'amalgame de baryum dans le vide. En appliquant
la même méthode à l'amalgame de strontium, il a ob-
tenu l'hydrure de ce métal, qu'il compte obtenir égale-
ment pur dans les mêmes conditions que le baryum.
Les expériences sout en voie d'exécution. — MM. P.
Th. Muller et Ed. Bauer, continuant l'étude physico-
chimique des dérivés isonitrosés, ont mesuré la réfrac-
tion et la dispersion d’un certain nombre de ces com-
posés depuis l’acétoxime jusqu'à l'acide isonitrosocya-
nacétique en passant par des molécules qui renferment
des radicaux de plus en plus négatifs : oxime de l'acide
et de l'éther pyruvique, acide isonitrosomalonique
et son éther méthylique,isocitrosométhylcétone, isoni-
trosocamphre, éther isonitrosoacétylacétique, ete. Ils
ont constaté que la différence entre l'expérience et la
théorie, nulle pour l'acétoxime, va en croissant à me-
sure que le radical qui accompagne le groupement
— AzOH devient plus négatif. L'exagération atteint plus
de deux unités pour la réfraction moléculaire de l'acide
isonitrosocyauacétique. — M. E. Blaise fait une com-
muuicalion sur la synthèse des fonctions primaires au
moyen des dérivés organométalliques et en particulier
de la fonction alcool primaire au moyen des dérivés
organométalliques et du trioxyméthylène.
SOCIÉTÉ ROYALE DE LONDRES
EI. MetchnikofF : Sur le processus du blanchis-
sement des cheveux. — Quoique le fait du blanchis-
sement des cheveux nous soit (très familier, son méca-
nisme n'a pas encore été dévoilé. Les auteurs de travaux
sur les cheveux et la dermatologie avouent leur igno-
rance sur ce sujet.
Ayant entrepris une étude sur le processus atrophique
et spécialement sur l’atrophie sénile, mon attention a
été appelée sur l’atrophie du pigment des cheveux, si
fréquente chez les vieilles personnes.
Des observations sur des cheveux gris, ou sur des
cheveux commencant à devenir gris, m'ont montré que
l’atrophie du pigment est due à l'intervention de pha-
gocytes des cheveux.
Ces cellules ont un seul noyau et leur aspect, très
différent l’une de l’autre, est dû à de nombreuses pro-
longations amæboïdes de leur protoplasma. Elles pro-
viennent de la partie médullaire des cheveux et pénè-
trent dans la couche corticale, où elles absorbent les
granules pigmentaires qu'elles enlèvent ensuite des
cheveux.
Si nous examinons des cheveux dont une partie est
déjà blanche et l’autre encore pigmentée, nous trou-
vons une grande quantité de ces phagocytes. Ils possè-
dent des prolongations très développées et pénètrent
entre les cellules kératiques de la couche périphérique.
Dans les cheveux tout à fait blancs, les phagocytes
1150
remplis de pigment deviennent de plus en plus rares,
et généralement disparaissent complètement.
Ainsi, il est incontestable que les phagocytes des che-
veux absorbent le pigment granulaire de la couche
corticale et le transportent autre part; le résultat est le
blanchissement complet de ces cheveux. Si l’on observe
la racine des cheveux commencant à devenir blancs,
on trouve souvent une grande quantité de phagocytes
remplis de pigment.
Le blanchissement des poils de vieux chiens a lieu
par le même mécanisme. Nous trouvons également ici
un grand nombre de phagocytes possédant de nom-
breuses prolongations et remplis de granules pigmen-
taires.
Le rôle joué par les phagocytes dans le blanchisse-
ment des cheveux explique beaucoup de phénomènes
observés il y a longtemps, mais qui n'avaient pas encore
été suffisamment compris. ‘Ainsi le fait de cheveux
devenant blancs en une seule nuit ou en quelques jours
peut être expliqué par l'accroissement d'activité des
phagocytes des cheveux, rendus capables ainsi de trans-
porter le pigment dans un temps si court.
Le mécanisme du blanchissement des cheveux par
l'intervention des phagocytes permet de classer ce cas
d’atrophie sous les lois générales d'atrophie de parties
solides de l'organisme.
SOCIÉTÉ ALLEMANDE DE PHYSIQUE
Séance du 45 Novembre 1901.
MM. E. Hagen et H. Rubens communiquent leurs
recherches sur le pouvoir de réflexion des métaux pour
les rayons ultra-violets. Leur méthode consiste à com-
parer photométriquement un objetlumineux (fil de pla-
tine incandescent) avec son image réelle de même
grandeur, obtenue par un miroir concave constitué par
la substance à examiner; l'observation des rayons ultra-
violets se fait au moyen d’un oculaire fluorescent, Le
pouvoir de réflexion de l’argent diminue rapidement
au-dessous de la longueur d'onde 450 uy et passe par
un minimum de#°/, pour À — 300 yy. Donc, tandis que
l'argent est le meilleur métal réfléchissant pour les
rayons visibles, il possède, pour les rayons ultra-violets
de 250 — 350 puy, le pouvoir de réflexion le plus faible
parmi tous les métaux examinés. L'or et le cuivre pré-
sentent aussi un minimum du pouvoirréfléchissant dans
l'ultra-violet, mais il est beaucoup moins marqué que
pour l'argent. Le platine, le nickel et le fer se com-
portent à peu près de même pour tous les rayons; les
courbes du fer et du nickel sont remarquablement pa-
rallèles, comme on l'a déjà observé dans le spectre
infra-rouge. Le magnalium présente un pouvoir de
réflexion remarquablement élevé, presque constant
entre À— 700 et À—385 puy. Au-dessous, il diminue
lentement, mais il est encore de 67 °/, pour À = 251 pu.
— On sait que, dans un espace rempli de rayons sans
direction prépondérante, un corps est soumis, d'après
les lois de Maxwell, à une pression égale de tous les
côtés. Il n’est pas impossible que cette loi se modifie
pour les corps en mouvement, car à priori il doit
tomber sur le côté antérieur une plus grande quantité
d'énergie que sur le côté postérieur. M. M. Thiesen
a entrepris de calculer, non directement d'après la
théorie électromagnétique, mais d'après les lois du
rayonnement, la résistance que rencontre ainsi un corps
en mouvement qui se trouve en équilibre de radiation
avec le milieu environnant. Celle résistance, qu'il
appelle résistance de frottement, est très faible. A la
surface de la Terre, elle n’atteint qu'une valeur d’'en-
viron 1.000 kilos et son influence sur la durée de l’année
serait une diminution de 4°*3 X 10-#Ti, Par. contre,
pour les molécules d’un gaz elle pourraitatteindre, aux
hautes températures, une valeur de l’ordre de la pesan-
teur, ce qui conduirait à modifier la loi de Maxwell-
Boltzmann sur la répartition de la vitesse des molé-
cules, si les considérations précédentes sont valables
pour les molécules,
ACADÉMIES ET SOCIÉTÉS SAVANTES
SOCIÉTÉ DE CHIMIE DE LONDRES
Séance du 7 Novembre 1901.
M. W. Ramsay a constaté que, si l’on ajoute H?0® à
un mélange d'acide sulfurique et de permanganate de
potasse, tout l'oxygène actif se dégage, tandis que, si
l'on ajoute du permanganate à un mélange de H°0*
et d'acide sulfurique, il ne se dégage qu'une partie de
l'oxygène, car ni l'acide persullurique, ni l'acide de
Caro ne sont complètement attaqués par le permanga-
nate. Si l’on substitue l'acide acétique à l'acide sulfu-
rique, la quantité d'oxygène dégagé correspond exacte-
ment à celle de permanganate ajouté, dans l’un et dans
l’autre cas. Ces faits ne confirment pas la production
d'un oxyde supérieur de l'hydrogène. — M. G-W.-F.
Holroyd a réduit la nitro-urée par électrolyse dans
une solution aqueuse de chlorure d’ammonium et a
obtenu la semicarbazide avec un rendement de 60 °/..
— M. H.-A.-D. Jowett a trouvé, parmi les produits.
d'oxydation de l'isopilocarpine par le permanganate, à
côté des acides acétique et pilopique, un peu d'acide:
propionique et un nouvel acide C8H{0", nommé homo-
pilopique. L’acide pilopique correspond bien à la for-
mule CH10*; il fond à 104; il est dextrogyre. L'acide
homopilopique bout à 235°-237° sous 20 millimètres; il
est également dextrogyre. L'auteur à préparé de nom-
breux dérivés de ces deux acides. L'acide pilopique,
fondu avec KOH à haute température, fournit de l'acide
butyrique normal; l'acide homopilopique, dans les
mêmes conditions, donne de l'acide «-éthyltricarbal-
lylique. Ces deux acides possèdent donc vraisemblable-
ment les schémas suivants :
C?H5.CH — CH.CO'H
CO.0.CH°
CHS.CH — CH.CH?.CO®H
|
CO.0.CH®
— Le même auteur a fait la synthèse de l'acide
a-éthyltricarballylique de la facon suivante : Le cyana-
cétate d’éthyle sodé, condensé avec l’«-bromobutyrate
d'éthyle, donne le $-éthylcyanosuccinate d’éthyle. Le
dérivé sodé de ce dernier, condensé avec le bromacétate
d'éthyle, fournit l'«éthyl-B-cyanotricarballylate d'éthyle.
Enfin, l'hydrolyse de ce dernier livre l'acide «-éthyltri-
carballylique, fondant à 1570 — M. K.-J.-P. Crton, en
traitant un grand nombre d'acides gras monobasiques
avec un excès de chlorure de benzoyle en présence d'am-
moniaque et de soude, a obtenu les amides de ces acides
en même temps que de la benzamide. En subslituant
la méthylamine à l'ammoniaque, on obtient les méthyl-
amides. Si les acides gras et le chlorure de benzoyle
sont chauftés d'abord ensemble à 100-120° pendant trois
heures avant le traitement par l'ammoniaque, le ren-
dement en amide est augmenté et peut aller jusqu'à
750/,. Quand les acides possèdent des groupes hydroxyle
ou amine, ceux-ci sont en même temps benzoylés. —
MM. P.-F. Franklandet R.-C. Farmer ont trouvé que
le peroxyde d'azote liquide est un excellent dissolvant,
généralement inerte, pour les composés organiques.
Seuls, les corps hydroxylés sont transformés en dérivés
nitrés, et les amines diazotées. C'est un corps qui ne
produit pas la dissociation électrolytique. Sa constante
ébulliscopique est 13,7; quelques déterminations ont
montré que les acides acétique et benzoïque dissous
avaient des molécules doubles. — M. E. G. Clayton a
analysé une incrustation provenant de la Galerie de
pierre de la Cathédrale de Saint-Paul. Elle renferme
une forte proportion de sulfate de chaux. Celui-ci pro
vient certainement de l'action des pluies chargées
d'acide sulfureux et sulfurique émanés par les che-
minées des nombreuses usines voisines. — Le même
auteur publie quatre analyses d'asbeste, dont l’une
d'origine anglaise, et dont la composition ne diffère pas
beaucoup de celle des autres. — M. W.-H. Perkin, en
traitant le diméthylacétoacétate d'éthyle par l'acide
nitrique concentré, a obtenu un produit fondant à 65°
et qui semble correspondre à la formule suivante :
2
ACADÉMIES ET SOCIÉTÉS SAVANTES 1151
O.Az : G.CO.C(CH*}°.CO°CH*
O.Az : G.CO.C(CH*}°. CO®CH*
Ce composé, réduit par l’étain et HCI, donne deux
composés isomères incolores, C#H*0%Az*, fondant à
1540 et 173°, et un composé jaune, C#H‘05Az?, fondant
à 170°. Ce dernier se dissout dans la potasse en se
transformant en un acide C'®H‘*0Az?, fondant à 214°,
— M. H.-O. Jones a observé, chez plusieurs com-
posés azotés substitués, le déplacement du radical
benzyle par le groupe méthyle; par contre, les groupes
éthyle, propyle, isobutyle, allyle n’ont aucune action
sur les corps benzylés. L'action particulière du méthyle
est due à sa grande mobilité.
ACADÉMIE DES SCIENCES D'AMSTERDAM
Séance du 30 Novembre 1901.
19 SCIENCES MATHÉMATIQUES. — M. P. H. Schoute :
Etude analytique d'une configuration du D' C. Segre.
Seconde partie. Lieu des plans coupant quatre droites
données arbitrairement dans l'espace E, à quatre di-
mensions. Transformation du système de coordonnées,
employé par l’auteur en celui dont s’est servi M. G. Cas-
telnuovo. Paraphrase sur la question : la configura-
tion de Segre est-elle unique en son genre ?— M. E. F.
van de Sande Bakhuyzen présente au nom de M. C.
Sanders : Détermination astronomique de la longitude
et de la latitude à la côte occidentale d'Afrique; 4° In-
struments. Déterminations du temps. Marche du chro-
nomètre ; 2° Détermination de la latitude de Chiloango
à l’aide de hauteurs circumméridiennes ; 3 Corrections
de la latitude de San-Salvador et d'Ambriz (voir /tev.
gén. des Se. t, XI, p. 224); # Détermination provisoire
de la longitude de Chiloango.
20 SciENCES PHYSIQUES. — M. P. Zeeman : Quelques
observations sur le pouvoir résolvant d'un spectros-
cope à échelons. Cette communication est en relation
intime avec une étude récente publiée dans le Livre
jubilaire de Bosscha (Areluves néerlandaises, série 2,
t. VI, p. 319). La radiation verte très intense du mer-
cure (À — 5460), du thallium (À 5440), du cadmium
(= 5086). La meilleure série de «tests». Il semble,
d’après les observations de l’auteur, qu'il soit possible
de construire un spectroscope à échelons conformé-
ment aux exigences théoriques. — Ensuite M. Zeeman
présente au nom de M. J. W. Giltay : L'action de la
bobine d'induction dans les appareils téléphoniques.
Première partie. Aussitôt que Hughes publia l'invention
du microphone, cet appareil bien simple attira l’atten-
tion générale. Partout on l’expérimenta. On reliait le
microphone à un couple d'éléments Leclanché et à un
téléphone et on transmettait ainsi le son d'une montre
en marche par le microphone au téléphone. Seulement
aussitôt qu'on voulut mettre à profit le microphone
dans la pratique téléphonique, on remarqua que, sur
des fils conducteurs d'une résistance quelque peu im-
portante, le son produit était trop faible. Alors Edison
et en même temps Hoorweg ont indiqué un moyen
simple pour surmonter cet obstacle : au lieu d'inter-
caler le microphone dans le circuit, on le place avec
les éléments dans le fil primaire d’une petite bobine
d'induction. Les extrémités du filsecondaire sont mises
en communication avec les deux extrémités du fil con-
ducteur ou avec ce fil et avec le sol. En choisissant
d’une manière convenable les enroulements secondaires,
le courant ondulant des éléments est transformé dans
un courant alternatif de potentiel beaucoup plus haut,
ce qui permet de téléphoner sur des circuits d'une ré-
sistance beaucoup plus considérable qu'auparavant. En
exceptantles téléphones fonctionnant à des distances de
quelques centaines de mètres, on ne trouve à présent
plus d'appareil téléphonique sans bobine d'’induction.
Les bobines dont on se sert ordinairement portent
quatre couches de fil primaire, chaque couche se com-
posant de 90 tours, l'épaisseur du fil étant d'ordinaire
millimètre. Le fil secondaire a d'ordinaire une épais-
wi
{
seur de n millimètre et 3.000 tours. A l’intérieur de la
bobine se trouve un noyau de fer. La pratique a prouvé
qu'une bobine pareille donne les meilleurs résultats
dans la plupart des cas. La littérature sur le choix de
la bobine est extrêmement rare, ce qui semble démon-
trer qu'on n’a presque pas expérimenté sur ce sujet. Le
manuel connu de MM. Preece et Stubbs contient unetable
faisant connaître les résultats de quelques expériences
comparatives faites par M. Abrezol. Le microphone Blake
fut mis en communication avec des bobines d’induction
différentes et chaque fois on {observait l'intensité et la
clarté du son; seulement, à en juger par ce qu'en disent
MM. Preece et Stubbs, les chiffres de cette table n’ont
pas la moindre valeur; en effet, à la question où se
trouve la description originale de ces expériences,
M. Preece a répondu qu'il regrettait d’avoir oublié d’où
lui étaient venu ces chiffres. D'ailleurs, l'évaluation du
rapport de l'intensité de deux sons par l'ouie étant déjà
assez critique, on ne saurait se représenter comment
on doit tradaire en chiffres les différents degrés de
clarté. Donc M. Giltay s’est efforcé d'examiner expéri-
mentalement si un accroissement du nombre des tours
primaires au-dessus du nombre ordinaire ne mène pas
pas à un renforcement ou à une amélioration du son
téléphonique. A cette fin 1l se servait de dix bobines
différentes dont les propriétés principales peuvent être
déduites du tableau I :
Tagceau I. — Garactéristiques des bobines.
RÉSISTANCE | RÉSISTANCE
du du fil
fil primaire | secondaire
en ohms en ohms
NOMBRE
des couches
de fils
primaires
MARQUE NOMBRE
des bobines des tours
QT OT 19 N9 © © Où On 2 Go
D pe be Le
Les bobines marquées À possèdent un noyau de fer ;
celles marquées B en sont dépourvues. Pour faciliter
le langage, l'auteur parle de bobine d'ordre supérieur
ou inférieur à mesure que le nombre des tours pri-
maires est grand ou petit. Toujours il employa le télé-
phone Hunnings-Cone, dont la résistance s'élève à
3,5 ohm. Au lieu de comparer les actions des bobines
différentes par l'ouie, l’auteur s’est servi de l’électro-
dynamomètre de Bellati (Wied. Aun., nouvelle série,
t. XXV, p. 325, 1885), dont la forme extérieure à bien
changé depuis son invention. Le résultat des expé-
riences, dont il nous est impossible de faire connaître
les détails, est déposé dans les tableaux IL et III.
Tapzeau IL — Résultats des expériences.
BOBINES
Intensité du courant
induit, celle de la bo-
bine 3 A étant prise
comme unité. . »« .
1,507| 1,429] 1,114|0,818
1152. ACADÉMIES ET SOCIÉTÉS SAVANTES
TagLeAu III. — Résultats des expériences.
BOBINES
A
Valeur du rapport +:
Effet utile du fer, celui
de la bobine 3 étant
pris comme unité. 0,4
On voit donc que l'intensité du courant d'induction
atteint bientôt une valeur maximum et que l'effet utile
du noyau de fer diminue à mesure que l'ordre de la
bobine augmente. — M. C.-A. Lobry de Bruyn présente
au nom de M. J.-J. Blanksma : Sur l'influence de plu-
sieurs atomes et groupes d'atomes sur la transformation
de sulfures aromatiques en sullones. En chauffant au
bain-marie du sulfure de picryle avec de l'acide nitrique
de poids spécifique 1,52, on retrouve, en diluant avec
de l’eau, la substance originale; au contraire le sulfure
de tétranitrodiphényle (1 : 3 : 4) est transformé par un
même traitement tout à fait dans la sulfone correspon-
dante. La formule du sulfure de picryle contenant
quatre groupes nitro en position ortho par rapport à
l'atome de soufre, on peut supposer que l'atome de
soufre est protégé contre l'action oxydante de l'acide
nitrique par ces quatre groupes nitro, ce qui présen-
terait donc un cas d'obstacle stérique. Ainsi l’auteur
s’est posé les deux questions suivantes : 1° Peut-être
l'atome de soufre est-il protégé déjà d’une manière
satisfaisante contre l'action oxydante de l'acide nitrique
par la présence de deux groupes nitro attachés en
position ortho au noyau du benzène ?29 Y a-t-il d'autres
atomes ou groupes d’atomes exerçant une influence
pareille? Le résultat des expériences de l’auteur peut
être mis dans la forme suivante : La formation de sul-
fone ne se présente pas dans les cas :
X x
A0 Led Dao,
AzO? Az0* \
où X remplace AzO® ou CAz ou CH'; au contraire, elle
se présente chez
AzO? AzO? AzO?
A1 > Danone et dam Dscne
WuwAzO:
L'auteur continue ses recherches sur d’autres atomes et
groupes d’atomes comme Cl, Br, COOH et aussi sur {rois
groupes en position ortho. — M. H. Kamerlingh Onnes
présente au nom de M.W.-H. Keesom : Contributions à la
connaissance de la surface % de van der Waals (N).
L'indépendance des constantes du point de plissement
et de la teneur dans le cas de mélanges binaires dont
une des deux substances prévaut. D'abord l’auteur dé-
montre que les variations de température et pression
critiques au point de plissement dues à la présence de
petites quantités de la seconde substance dépendent
exclusivement des deux quantités :
ARLES ne
Ce TER Rx FES)
ce qui le ramène à unerelation trouvée,ennovembre 1897,
par van der Waals même (Aev. génér. des Sc., t. IX,
p- #3). Ensuite, il compare ses formules avec les résul-
tats d'expériences sur des mélanges dus à Amagat et
Verschaffelt, Enfin, à l’aide des états correspondants, il
déduit une expression pour la variation du volume au
point de plissement avec la teneur. Chemin faisant, il
indique une erreur commise par M. Dieterici (Drude’s
Annalen, &. V, p. 51-88, mai 1901) dans la déduction de
son équation d'état.
SCIENCES NATURELLES. — M. C. Winkler présente,
aussi au nom de M. G. van Rynberk, une étude: Sur
la fonction et la structure des atomes dermiques du
torse. Des vivisections, ingénieusement inventées et
parfaitement exéculées par L. Türck en 1856 sur des
chiens et par Ch. S. Sherrington, de 1893 à 1900,
sur des singes, forment la base de la connaissance phy-
siologique actuelle de l’innervation du derme par les
racines postérieures. en nous faisant connaitre la posi-
tion de ces champs de racines sur le torse et les extré-
mités. D'un autre côté, M. L. Bolk est parvenu, en 1897,
à des résultats analogues à l’aide d'une dissection mi-
nutieuse des nerfs chez l'homme et le singe. Et aussi
l'expérience pathologique de lésions organiques des
racines postérieures et des perturbations qui les accom-
pagnent, enregistrées par MM. J. Ross, A. Starr,
W. Thorburn, Kocher, H. Head, R. Wichmann, a mené
à une topographie des atomes dermiques en harmonie
avec les résultats de Türck, Sherrington et Bolk. Mais,
quoique tous les investigateurs soient parfaitement
d'accord en ce qu'ils considèrent les atomes dermiques
comme des unités, ils ne nous apprennent presque rien
par rapport à la constitution de ces unités et à la manière
dont elles fonctionnent. Cependant, la supposition que
la racine postérieure est une unité n'est pas intuitive,
car elle se compose de plusieurs faisceaux (chez les ani-
maux d'expériences de l’auteur de quatre à sept fais-
ceaux), de manière que cette question se pose : ces fais-
ceaux de racine, dont l'atome dermique forme le champ
commun d'innervation, ne peuvent-ils pas faire valoir
autant de droits à être considérés comme les unités
essentielles? En tout cas, on désire savoir comment
chaque faisceau de racines se comporte envers l’atome
dermique entier, et cela d'autant plus que d'autres
expériences de l'auteur exigent qu'on poursuive l’ana-
lyse des atomes dermiques. De plus, le problème de
savoir, si chaque faisceau de racines possède dans
l'atome dermique un champ d'innervation qui lui est
propre et, dans l'affirmative, si ces champs de faisceaux
de racines y sont rangés Cranio-caudalement ou bien
dorso-ventralement, peut être résolu par l'expérience.
A l’aide de ses expériences — trop spéciales pour être
décrites ici — l’auteur trouve : 1° Il faut distinguer
dans l'atome dermique entre un champ noyau, de forme
triangulaire, dont la base se trouve au côté dorsal et le
sommet au côté ventral, et le reste, situé de part et
d'autre, qu'on peutnommer champ marÿinal. Le champ
noyau est le siège de sensibilité ; 2° Le champ noyau
contient deux points de sensibilité maximale; 3° Chaque
faisceau de racines peut faire valoir son influence sur le
champ noyau tout entier. — Ensuite M. Winkler présente
au nom de M. L.-L.-J. Muskens : Observations sur
la physiologie et la pathologie des mouvements et des
positions forcés et de déviations correspondantes de
l'innervation des globes de l'œil. — M. A.-A.-W. Hu-
brecht présente au nom de M. J. Th. Oudemans :
Etude sur la position de repos chez les Lépidoptères.
Sont nommés rapporteurs : MM. Hubrecht et P.-P.-C.
Hoek. — M. J.-M. van Bemmelen présente au nom de
M. J. Lorié : Description de quelques percements de
sol nouveaux. HI. Percements le long du canal de Gand
à Terneuzen.Sont nommés rapporteurs : MM. van Bem-
melen et G. van Diesen. — Est nommé membre de la
commission géologique : M. C. Lely. — MM. B.-J.
Stokvis présente sa brochure : « De l’albumiuurie
considérée au point de vue de l'assurance sur la vie », et
au nom de M. E. Cohen : « Vorträge für Aerzte über
physikalische Ghemie » (Lecons de chimie physique
pour des médecins). — M. J.-D. van der Waals présente
au nom de M. R.-D.-M. Verbeek « Geologische be=
chryving van de Bandaeilanden » (Description géolo-
gique des îles Banda). P. H. Scuoure.
Le Directeur-Gérant : Louis OLIVIER.
Paris. — L. MARETHEUX, imprimeur, 1, ruëé Cassette,
TABLE ANALYTIQUE DES MATIÈRES
CONTENUES DANS LE TOME XI DE LA REVUE GÉNÉRALE DES SCIENCES PURES ET APPLIQUÉES
(DU 15 JANVIER AU 30 DÉCEMBRE 1901)
I. — CHRONIQUE ET CORRESPONDANCE
Astronomie, Géodésie, Météorologie et Métrologie.
Valeur absolue des éléments magnétiques au 1° jan-
EE ESS ST RER REC E CP 112
HRRe OMC CIACODILE A EU 07 CRE AN 202
La nouvelle étoile de Persée. : … . … . . . . . . .… . . 297
Revision de l'arc de méridien de Quito. . . . . . . . 249
La variabilité de la planète Eros. . . . . . . . . ... 396
Le sidérostat et la photographie stellaire . . . . . . . 502
Eclipse du 1er satellite de Jupiter. - . . . . . . . .. 503
L'éclipse de soleil du 182ma1901% 0 2. .2:1.,0 553
LE NOR OT SP ES PERRET 553
L'éclipse du 4° satellite de Jupiter. . . . . . . . . . 553
Mañpremiereicomete de AIDES. rem 554
Variations de la température à diverses hauteurs. . . 554
La Météorologie au sommet de la Tour de 300 mètres. 641
Anciens journaux météorologique. . . . . . . . . . . 685
Daformation des petites planètes... ...10. .. 129
Système cométaire résultant de la désagrégation de
ÉCOLES SN ROE TEE a RE Ta nPe Lente Mel PoNE 719
La constitution physique du Soleil. . . . . . . . . . 823
LE RG EN EE OI E 824
La troisième Conférence internationale du mètre. . . 893
Un changement à longue période des taches solaires. 941
LE, ne Co COR PER RE ART EN EE 1043
Etoile à fort mouvement propre . . . . . . . . . . . 1044
SéoptaphiedeMers EEE EC AU TS LEA 10#%
létonettemppraine de Persée" nn. 1093
Observation des étoiles filantes. . . . . . . . . . . . 1094
Botanique et Agronomie.
Orxvier (Louis). — L'enseignement de la Botanique
HORS NÉS UNIV SILES 2 MU Tee elfe Ne tete 89%
Répin (Dr Ch.). — La culture de la Morille. . . . . . . 595
DAPCHIP SATA OÎE DEL EU A Me den ere ec ee Le one 113
L'Institut agricole de l’Université de Nancy. . . . . . 687
Influence nocive de traces de cuivre sur la germina-
HONTE OLAINER RES eue Pen ui Meet cUebele 1097
Bibliographie scientifique.
Projet de création d'un Dictionnaire technique en trois
ÉTAT PP Eu ue DOTE MR ES 998
À propos de l'apparition de quelques périodiques nou-
NOTE SEE En EMA ie ot O0 era re 1098
Chimie.
MaRie (Ch.). — Sur un nouveau facteur intervenant dans
la solubilité des corps solides. . ... . . . . . . . 686
— Le développement et l'état actuel de l'Industrie
CUITE EI SUIS SÉ UE MENE NU CNE E T e
Rocques (X.). — La stérilisation et le transport des
MOIS ARLES eee Se ours ee eme bee 59
La grandeur moléculaire et la densité de la vapeur du
OUEST TR che Le tehe seen el miens ele Ue
REVUE GÉNÉRALE DES SCIENCES, 1901.
La diastase de la fermentation gallique. . . . . . ° 10.59
Synthèse de l'acide isocamphoronique . . . . . . . . 59
Conférences de l'Institut Pasteur : Les falsifications des
alcools et enux=devie CM NS . 143
Composition chimique des pétroles roumains. . . . . 156
Action de l’éther méthylmalonique sodé sur l’oxyde
MES NO NE ete TN EUR, CARS PL 2 OU 156
Le gaz à l'eau et ses applications. . . . . . . . . . . 203
L'analyse sdes sucres or ET M ee hr eee + 204
Méthode de séparation du glucose d'avec le mallose. . 300
La constitution de la cinchonine et de la quinine. . . 250
Formation de composés aromatiques à partir du gluta-
conate d'éthyle et de ses dérivés. . . . . . . . . 351
Une réaction analogue à celle de Cannizzaro dans la
SÉLIEN PTE OS Se Re Et de EE 351
Sur le phéno-o-cétoheptaméthylène et ses dérivés. . . 397
Découverte de nouveaux alcaloïdes dans le tabac. . . 556
La distribution des prix à l'Institut de Chimie appli-
DÉC DA ER ct ete Vol ee 64%
La production électrothermique du ferro-silicium. . . 644
Condensation de la phényl-éthylcétone avec la benzal-
CORRE SD ET et EU ME ON a ae 64%
Le cellose, un nouveau sucre tiréde la cellulose. . . . 644
Un grand perfectionnement dans la fabrication du gaz
GENE NT SAT arch aie an er 686
Extraction des cyanures dans les usines à gaz . . . . 687
Programme des prix de la Société Industrielle de
Mulhouse por As RER EP RE 119
Nouvelles recherches sur l'affaiblissement des clichés
PHOtOgTAPRIQUESE RME PIC RENE 826
La méthode chronophotographique appliquée à l'étude ;
detlargenese desinstaller lt Le 990
Synthèse complète de l'acide apocamphorique (campho-
PYAAUP)EME RNA RAS RAT TERRE 943
Action des chlorures de phosphore sur les éthers aro-
matinesmelalslveérine,. ere CO Ce CE 104%
Altération des métaux sous l'influence des gaz, . . . 1095
Quelques propriétés curieuses de l’anhydride sulfu-
HR SO ce NES AE OR JEU fs 1096
Congrès.
A. B. — Le Congrès international de Sociologie colo-
ET ER RE NS RP EE ee EE RU 94%
Le cinquième Congrès international des physiologistes 206
1er Congrès égyptien de Médecine . . . . . . . . . . 180
Le Congrès britannique de la tuberculose tenu à
Londres dui22/au 26/juillet 190 EN ee
Distinctions scientifiques.
Académie des Sciences de Paris. Elections :
M. Humbert
M. Zeiller
M. Y. Delage
Académie royale des Lincei de Rome. Election d'un
savant français : M. Emile Picard . . , . . . . .
25
29565
249
39%
453
502
1041
641
1154
TABLE ANALYTIQUE DES MATIÈRES
La séance annuelle de l'Académie des Sciences de Paris 1
Lamédaille d’or Swammerdam.. 1.1. 153
Les médailles de la Société Royale de Londres . . . . 990
Enseignement.
Lorser (Gustave). — Sur l'enseignement de l’'embryologie
en France. Réponse à M. le professeur Nicolas . . 251
Nicozas (A.). — Sur l’enseignement de l’embryologie à
lanvereite deNaney CSN RE 4
Ozrvier (Louis). — L'enseignement de la Botanique dans
JESMODLVENENESS EN ET TE AC E 894
Conférence surilalcoolisme terre CU 398
Institut Pasteur. Cours d'Analyse et de Chimie appli-
QuéeraslAyBlene ee CCI IE CEE 731
Géographie, Colonisation et Voyages.
A. B. — Le Congrès international de Sociologie colo-
IN RE TE M no . 944
CLozeL (M.). — La pénétration dans la Côte d'Ivoire. : 596
DEHÉRAIN (Henri. — Voyage de M. Hugues Le Roux
daus l'Ethiopie occidentale. . RO 00
I. L. — La consommation du thé et du café dans
QUElQUES PAYS MN RM RE EC TIR 254
REGELSPERGER (Gustave). — Les explorations du major
Gibbons et du capitaine Lemaire; le haut Zambèze
CRIE AU TICONTOME PET RC CS NE A AT 252
La miss IOn bentante EDEN ME CCRE 645
— Les expéditions antarctiques angl: aise et allemande 827
— Le chemin de fer du Yun-nan. . . . .: …. . . . . . 993
Fondation du prix du commandant Lamy. . . . . . . 6
Erection d'un monument à Paul Blanchet. . . . . AR URA
La production du caoutchouc. . . . . . UE AUDIT
Institut de Médecine coloniale. . . . . . SRE)
Les limites du Gulf Stream dans l'océan Arctique. 2 AONTSD
DATE RASE Te d'OS 945
VOYAGES D'ÉTUDE DE LA REVUE
Croisière en Finlande: .- .: .: .: .: .: ... PETROLE CIDRE 393
=ibiyres auire CUP Er Tee Ds PUS NET
Croisière en Syrie et Palestine. LS RTS REA de 504
= NDAYTES SA TE RE CNE RS PC RM LD
Géologie et Paléontologie.
L'origine des nitrates dans les cavernes. . . . . SAN
L'Association géologique de Londres en Auvergne HS
Mathématiques.
Une nouvelle propriété de la sphère. Les surfaces
pseudo-sphériques et la Géométrie non euclidienne 201
L'étude des Mathématiques à l'Université de Genève. . 1041
Mécanique.
Guiccaume (Ch.-Ed.). — Un point d'histoire de la loco-
MOFONNIETIENTE- UN EU ee CN 503
La locomotive moderne et son avenir. . . . . . . . 202
Le chemin de fer électrique sous-fluvial de Liverpool à à
Birkenhedl ee RE ee Lt Ur 685
La destruction des ordures et la production de l'énergie
CleCIRIQUEr Eee me Te NE A EE CN CR 825
L' FRpIS de l'aluminium comme conducteur pour
l'éEleCLOCILÉELN ENS N A CUS Eodé Re TNT Ed il
Mines et Métallurgie.
DEMenGE (E.). — Essai des métaux à la flexion par choc
delbarreaux etes PRE TS AN M Per ce 942
HozcarD (A.). — Théorie de la dureté des métaux et des
ALES RAR NON CO OO D er, 455
L ’aluminothermie RÉ DS US TEE Lo DOC 3
Recherches récentes sur l'élasticité des métaux. . . . 153
Les lignes superficielles qui apparaissent dans le sciage
des MÉlAUR a ne PCIe A EI ee 28
La production électrothermique du ferro-silicium.. . . 65
De l'utilisation des gaz de hauts-fourneaux . . . . . , 593
Fondation Andrew Carnegie . . . . . . . . . 4095
Nécrologie.
BERGERONAJUIES) RE OR IE 57
CHATINE(ATQlPRE) ER EE RE EEE 57
Cornu (Maxime) par L-2Mancin te RENE ER 453
Hernre (Charles) MpartP APPEL ERNEST 109
HR sCH(AGQINhe) RSR RE EN ER 395
LAcAzE-Duraiers (Henri de)..." "MN LHNDSD
Noroexsk1ôL (Adolf Erik), par Henri Dehérain . . . . 718
POoraAINt(P=-Ch-) "parle DA Naquez APN NE RE ES ail
RAOOLT (EME) RE RE PE ET 394
R'ONDANDI (HE ANRT ERP ENS ENENrAE sis NP ON
FAIT Ale Prof APETE) NE BEEN MEN TR 685
Tarm(le Prof); parlLucien Poincaré PER 111
Mort des professeurs Potain et Hermite. . . . . . . . 57
L'explorateur Serpa Pinro, par Henri Dehérain. . . . 111
Mort du professeur et explorateur Nordenskiüld . . . . 129
Physique.
Janer (Paul). — La lampe à incandescence et le cou-
PAR alter aiR NN ER REE ENETE 155
Nouvelle détermination de la vitesse de la lumière à
Observatoire deNice EVE PS RER RE
La loi de Cailletet et Mathias et la densité critique . . 5
La lampe à iocandescence et le courant alternatif. . . 5
Nouvelle méthode pour la cristallisation des solutions,
en particulier des solutions de substances albumi-
HÉNEUS ES AN Motel MMS CCI 155
Les expériences de Niepce de Saint-Victor et les rayons
deBECQUErEl ES NE RCE 154
Le rayonnement calorifique des étoiles PSS Mer)
La réflexion et la réfraction du son. . . . . . . . . . 349
Identité du spectre de l'aurore polaire et du spectre
Catbodique te M EME ONE EC EC RNRNERS 349
Propriétés diélectriques des électrolytes. . . . . . . . 505
Le déplacement des bandes d'absorption dans les so-
lides en fonction de la température … . . . . . . . 555
Une nouvelle relation entre les raies spectrales . . . . 894
La loi de la distribution régulière des éléments magné-
tiques ’/enFrance SP TER RE TE . 1094
Déviation magnétique provoquée par les rayons ‘catho-
diques es ET MNT ET MER RNA 1094
Propriutée électriques des alliages de cuivre et de
CODEN EEE TT À DALEE .409ÿ
Sciences médicales et Hygiène publique.
Les sanatoria d'arrondissement : le futur sanatorium
de Versailles: Same NET 5
Opinions des médecins sur les sanatoria populaires. . 61
La cryoscopie du sang dans la fièvre typhoide . . . 114
Influence de l'oxygène sur les convulsions strych-
DIQUES 0e M NC EN SRE CAES 157
Le sanatorium de l'arrondissement de Versailles . . . 252
La préparation des produits opothérapiques. . . . . . 301
La différenciation cellulaire et les tumeurs . . . . . . 398
Les helminthes comme agents inoculateurs des bac-
LÉTLES Ne PS MEN CRM MERE 456
Le stérilisation domestique de l'eau d'alimentation . . 687
Le passage des microbes à travers les filtres . . . . . 131
Institut Pasteur : Cours d'Analyse et de Chimie appliquée
dlAYPIÈN ES EC CERN RON ENERRE 731
Jer Congrès égyptien de Médecine. 180
Le Congrès britannique de la tubérculose tenu à Lon-
dres du22/aut267 0e AIDE ERP EEE 862
Mesures sanitaires à bord des navires .: . . . . . . . 1045
Sociétés savantes.
CODIÉNEDCEISCIENUE EEE RE 64
Réception en l'honneur du professeur A. Agassiz. . . 158
Délégation pour l'adoption d'une langue auxiliaire
internationales a 4 PA QE ONE 254
L'Association des PAT tOmis tes DEN RNA 353
Zoologie, Anatomie et Physiologie.
Introduction de la Mante religieuse aux Etats-Unis. . 4
Nouvelles études sur la bile. . . . € Ne: CH
La fécondation chimique des œufs d'Oursin. LR TON PRO 11%
La ration d'entretien dans les pays chauds. . . . . . . 156
TABLE ANALYTIQUE DES MATIÈRES 1155
Hermaphrodisme et parthénogenèse chez les Néma- Le lait utérin chez quelques poissons. . . . . . . . . 645
ONCE 0 2) CNP EE DD MONET ONE 20# | De la double spécificité des sérums précipitants. . . . 730
MES RACUDISAPTÉCIDILANES PAU ee eo dous 205 | Recherches sur la coagulation du sang et les sérums
DEMIADOTRLONENAE Se DIArrIEz LR UE EN 300 anticORDUIAN EEE MENTON ALT RNA 862
Comment les fleurs attirent les insectes. . . . . . . . 352 | Notes sur des Nautiles vivants... "0. , : 1. 943
Albumines du sang d'homme et du sang de singes. . . 353 | Les relais des réflexes. . . . + .… . de AR 04 943
Punsutfieunvesslycolyiique RAR 1 2000 353 | La formation de l'acide urique chez les Oiseaux. . . 992
Sur la myologie des Rongeurs. . . . . . . . . . . . 397 | Voyages aériens des Araignées. . .. . . . . . . . . 992
La théorie de Schenk sur la détermination volontaire La parthénogenèse provoquée chez les Echinodermes. 992
NT NE TERME EEE EAN RAR: CRE 505 | Sur l’érepsine, diastase de l'intestin . : : : . : . . . 104%
II. — ARTICLES ORIGINAUX
Astronomie, Géodésie et Météorologie,
CALLANDREAU (0.). — Revue annuelle d'Astronomie. . . 712
Mascart (Jean). — Les éclipses et la constitution
physique du Soleil :
ire partie : Théorie des éclipses et résultats des
DDSPINELDNS MENTALE MO NS CN SON PEN
2e partie : La constitution physique du Soleil et
Méchipseldume28eman Ann Cut ir 7e Ne 210
Tonnixr DE QuarenGur (Ces.). — L'unification des calen-
duersiGrégorienpet Julien .1. 4.00. 0 2 175
Botanique et Agronomie.
LARBALÉTRIER (A.). — L'état actuel et les besoins de la
culture des prairies naturelles et des pâturages en
IDR UNE) MEME OR OM ac, à MR EE EM RS TEEN . 836
Lezé (R.). — La laiterie française et ses récents progrès. 82
Rocques (X.). — L'état actuel et les besoins de l’indus-
trie des conserves alimentaires en France :
APDAN DEAR DTIC AO EE CN Re 699
2e. partie: Production, hygiène..." 751
Trapur (Dr). — L'état actuel de la culture de l'Olivier
GANT CAMERA ELU ME ET CE
— Le crin de Tampico et la culture des Agave uni-
viltata et heteracantha en Algérie. . . . . . . .. 233
Chimie.
BouLcanGer (E.). — L'emploi des Mucédinées en distil-
4 x QUE DE TOR RON PRESSE AERE 689
Caararor (Eugène). — L'état actuel de l’industrie des 524
pantume antficiels MERE CUITE, 524
ErarD (A.). — Revue annuelle de Chimie pure .
Hazcer (A,). — La fabrication de l'acide sulfurique au
moyen des procédés par contact. . . . . . . GES Par
— L'indigo naturel et l’indigo artificiel :
ire partie : Production de l'indigo naturel . . . , 255
2° partie : Fabrication de l'indigo artificiel . . . 323
HorcarD (A). — Les principes de l'analyse électroly-
AE a te RE os ONCE SEE TEE 9%
Moissan (H.)..— Les carbures métalliques. . . . . . . 946
Hommage à M. Marcellin Berthelot. . . . . . . .. 989
Chirurgie, Médecine, Hygiène, Microbiologie
médicale.
Bucouoyx (M.). — La peste à bord du Sénégal. Une qua-
MON ÉAITETeUEETOUl RE SN ERREUR 956
Gaurier (Armand). — La médecine expérimentale. . . 354
GLey (E.). — La pathogénie du goitre exophtalmique. 897
Harraanx (Dr Henri). — Revue annuelle de Chirurgie. 881
Lenoy (D' Raoul). — L'alcoolisme dans l'Eure au
D LPS CA RME EL Ta Cp AR EN EL 646
LérTiexne (Dr A.). — Revue annuelle de Médecine. . . 923
Loir (Dr Adrien). — Pasteur à Arbois. A l'occasion de
linauguration de saïstatue MM NN 821
— La désinfection par l'acide sulfureux. . . . . . . 962
Mercanxorr (E.). — Les poisons cellulaires (cyto-
CORTE S) PAT re ee Tee MERE TA Las LU Re 42e T
Ricaer (Charles). — La tuberculose expérimentale. . . 302
Rome (R.). — La tuberculose en France. . . . .. . v06
VurLcemin (Paul). — Les blastomycètes pathogènes . . 732
Enseignement.
L'organisation de l'Enseignement italien en Tunisie. . 1108
Géographie et Colonisation.
Arcrowskt (Henryk). — L'Expédition antarctique belge. 87
Brcuox (Marcel). — Le commerce extérieur de la France
AURERONSIE CIE MAN A EU AER NOT CERN RER ES 759
Cureau (Dr). — Notes sur l'Afrique équatoriale :
LA DAPHC nOÉSPTADRIE SU Te 558
2epartie * EtlinôgTaphié. . 1. een 598
GkRvAIS-COURTELLEMONT. — La France en Afrique 874
Launay (L. DE). — Un projet d'empire colonial francais
SOUS» DS CAVE AR SUR PET NS EN TT ee 41%
Géologie, Paléontologie et Gristallographie.
Boyer (Jacques). — L'état actuel de l'industrie du
MerDRé En ETANCER Re Ce EN LE
Direnert (F.). — Les sources de la craie. . . . . . . . 1007
Fouqué'(F.-A.). — L'Etna. . . . : . . . RE RENE ci 65
FRienez (Georges) et be LAPPARENT (A.). — Sur les con-
ceptions de Hauy, de Mallard et de M. de Wallerant
COS GE CEE en OS 572
GLANGEAUD (Ph.). — Le VIII Congrès géologique inter-
DAUONEl RTE CD a le
Lapearent (A. DE). — L'évolution des doctrines cristal-
JO APRIQUES EE SEM EN EN NO 07
— (V. G. FRIEDEL).
WaLLeranr (Fréd.). — Sur certaines conceptions en
CriS(AlO TAPER EME ET EP Re 671
Mathématiques.
Hiceerr (Dr). — Problèmes mathématiques . , . . : . 168
KoEn16S (G.). — La philosophie des Sciences, d'après
MAG derFreyoinelen remis. en SES NES
PERRIER (Lt). — Pascal, créateur du Calcul des probabi-
lités et précurseur du Calcul intégral. . . . . . . 182
Pérrovrren (Michel). — Les analogies mathématiques
ePlatphlosophiematurelle "ane ET ne 626
Tanxery (Paul). — Galilée et les principes de la Dyna-
Fr) CE EN EME CT LRO - M nent 330
Mécanique appliquée et Génie civil.
ANspAcx (L.). — Les discussions récentes sur la théorie
destmaghines a svapeune1s tue AIN IAE 313
Lecornu (L.). — Les régulateurs en 1900 . . . .:. . 125
SAUVAGE (Ed.). — Les locomotives à la fin du xixe siécle. 412
Physiologie.
Cxon (E. pe). — Les glandes régulatrices de la circula-
LEA 0) OL ETES TNT Sn SNS EE ie NN DATE 829
Frenerico (Léon). — Revue annuelle de Physiologie, . 797
Gaurier (Armand). — L'existence normale et le rôle de
l'ansenicichez les animaux Eee EE NE ENE 207
— Les mécanismes moléculaires de la variation des
TACES MEL ILES T ESPÈCES NT ee TEEN NN 1046
41156
TABLE ANALYTIQUE DES MATIÈRES
HuGouxENQ (D' L.). — La oomposition chimique du
fœtus humain et de l'enfant nouveau-né
Nozr (Dr P.).— La pression usmotique en Physiologie :
Are partie : Sang et lymphe® "#7".
2e partie: Absorption intestinale et sécrétions
glandulates PEN EC NET EEE
Vascnipe (N.). — Les travaux du IVe Congrès interna-
tional del PEYCHOlO Ie MEME ONE EEE
— et Vurpas (CL). — La vie biologique d'un anencé-
RE EE NRC
Vurpas (CL.) (V. Vascuine).
Physique.
BLcocamanx (Rudolf). — Une nouvelle théorie de la télé-
Sraphie dite sans Al PEN EC IE ROUEN
Bon (André). — L'inscription directe des courants
électriques variables :
1re partie : Les oscillographes actuels. . .
2e partie : Applications des oscillographes à
létuderde/larcélectrique RE
Boury (E.). — Les gaz envisagés comme diélectriques.
BrizLouIn (Marcel). — Joseph Bertrand. Son enseigne-
ment atColese deRrance. Et Le EURE
GuiLLaAuME (Ch.-Ed.). — Les lois du rayonnement et la
théorie des manchons à incandescence :
ire partie : Les principes. . «+ ...
28, partie: Les Applications."
Marnras (E.). — La préparation industrielle et les prin-
cipales applications des gaz liquéfiés :
MonerteralIqUé ec DONNE CNRC Ce
2e partie : Applications et transport des gaz
ROUÉRES RE A EE CN RE Ne
Mauraix (Ch.). — Magnétisme, couches de passage et
actions à petite HfStante ne NC AE EE ET
Poincaré (I1.). — A propos des expériences de M. Cré-
VOTE BE Le Or datt eLo Ne a cbr) dieu
TET
° SCIENCES MATHÉMATIQUES
Mathématiques.
ANpoyEer (H.). — Lecons sur la théorie des formes et
la Géométrie analytique supérieure. . . . . . . .
Boeun (K.).— Zur Integration partieller Differential-
SYSTEM R US Ne ee Le de loNene Ce ele ne lents
BrauNmuuL (A. von). — Vorlesungen uber Geschichte der
Moiconomeirie ErStELITENE NE CO PEUT
Bou (A). — Sur les équations différentielles simulta-
nées et la forme aux dérivées partielles adjointe
URSS PETIS) ERP ECTS Ce
Exesrrom (G.). — Bibliotheca mathematica
ExceL (P.). — Sophus Lie
EsranAvE (E.). — Contribution à l'étude de l'équilibre
élastique d'une plaque rectangulaire mince dont
deux bords opposés au moins sont appuyés sur un
Cadre IThESELde PATIS) 6. Le le DENON
Fricke (R.). — Kurzgefasste Vorlesungen über verschie-
dene Gebiete der hôheren Mathematik mit Berück-
sichtigung der Anwendungen . .... .. . ..
HOFEMANN (J. GC. V.). — Samrlung der Aufsgaben des
Aufgaben- Repertoriums der ersten 25 Bänden der
Zeitse hrift für mathematischen und naturwissen-
schaftlichen Untérricht "Ne CN ee
HozzmuLLer (G.).— Die Ingenieur Mathematik in elemen-
tarer Behandbung. T II : Das Potential und seine
Anwendung . . D ESS RS CR RE UE RE
Laussepar (CIA.). Recherches sur les instruments, les
méthodes et le dessin topographiques. Tome I,
1er partie : Iconométrie et métrophotographie. . .
ManxsioN (Dr P.). — Elemente der Theorie der Determi-
DANTEN. EL. Eh Arme te Ma R taie) 1e EL re taie ie: Ne
Murer (F.). — Vocabulaire mathématique francais-
alle nt et allemand-français. . . . +. À
491
236
811
381
673
Sciences diverses.
Le CHATELIER. — Du rôle des RÉOCEtRAMOnE indus-
trielles dans les progrès de la Science pure. . . .
Zoologie et Anatomie.
Cuéxor (L.). — L'évolution des théories transformistes.
DELAce (Yves). — Les théories de la fécondation. . . .
LAGugssE (E.). — Revue annuelle d’Anatomie
Lorser (G.). — Revue annuelle d'Embryologie. . . . .
PETTIT rate — Les matériaux de l'Histologie com-
parée. Instructions pour les explorateurs
Sainr-Remy (Dr). — Les idées actuelles sur la valeur
morphologique des feuillets germinatifs. . . . . .
Taourer (J.). — L'étude du plankton dans les eaux
francaises CC
Weiss (G.). — Le muscle dans la série animale :
ire partie Disposition et architecture des
MUSCIES EE NE EN TRE EE
2% partie : Histologie du muscle. Contraction
MUSCOIAÏTE EN CR
XXX. — Le cinquième Congrès international de Zoo-
IH EME NE .
Revues annuelles.
CALLANDREAU (O.). — Astronomie LE DS EM c : à2 VE
ETARD(A:) Chimie eee PRE RENE
Freperico (Léon). — Physiologie
Hartmann (Dr Henri). — Chirurgie
Korarer (R) = "/Zoolopie ARE EEE
LaGugssE (E.). — Anatomie te V. |: 0 SN SERRE
LÉTIENNE (Dr A). Médecine" "OM CR
Loisez (G.). — Embryologie
— BIBLIOGRAPHIE
Nerto (E.). — Vorlesungen über Algebra
Roccer et Fouserr. — Cours d' Algèbre
RussELL (B.-A.-W.). — Essai sur ‘les fondements de la
Géométrie
SERRET (J.-A.). — Lehrbuch der Differential und Inte-
gralrechoung. Band II : Integralrechnung. . . . .
VipaL (CL). — Pour la géométrie euclidienne . . : : -
Warras (L.). — Eléments d'Economie politique pure
ou Théorie de la richesse sociale
Festschrift zur Feier der Enthüllung des Gauss-Weber
Denkmals Grundlagen der Geometrie, von
Hilbert. — Grundlagen der Elektrodynamik, von
Wiechert-Ae CN RENE MERE RER
Astronomie et Météorologie.
Anpré (Ch.). Traité d'Astronomie stellaire. IL :
Etoiles doubles et multiples. Amas stellaires.
LancasTER (A.). — Annuaire météorologique de l'Obser-
SAR te de Belgique pour 1901 . . . . . . .
NiesTEN (L.). — Annuaire astronomique de l'Observa-
ue : al de Belgique :
OBrEcur ( coya Anuario del Observatorio astronomico
de Se CCE ER bas Lee
Scaupmanx (L.). — Die Medial-Fernrohre
Bureau des Longitudes, Annuaire pour l'année 1901. .
Thermodynamique, Mécanique générale
et Mécanique appliquée.
BacLé (L.). — Les plaques de blindage. . - . . . . .
Carvazzo. — Théorie du mouvement du monocycle et
dela bicyclette PCR EEE
Davinogcou (A.). — Sur l'équation des vibrations trans-
versales des verges élastiques (Thèse de Paris). .
1099
264
339
491
850
886
236
1082
168
931
769
711
583
1031
440
886
-
TABLE ANALYTIQUE DES MATIÈRES
Facss (de). — Les travaux publics du Protectorat fran-
PENSE ANT SRE CRE E
Forest (F.) et Noacnar (H.). — Les bateaux sous-ma-
rins. Tome II : Technologie RARES LP AE
GAGET (M.). — La navigation : sous-marine. . -. + ..
GrarriGNy (Henry de). — Les nouveaux ascenseurs . .
LAVERGNE (Gérard). — Manuel théorique et pratique de
antomanlesurToute EN 0 CNE
Loir (M.) et bE CaquEeray. — La Marine et le progrès.
Les luttes de l'avenir par la science, par les millions.
RATEAU (A.).— Traité des turbomachines. Fasc. 1 : Gé-
néralités. Turbines hydrauliques et leur régulari-
SD DS NE EME NE CENT 6 M ni LS
SENCIER (G.) et DeLASALLE (A.). — Les automobiles élec-
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TABLE ANALYTIQUE DES MATIÈRES
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É 0 » »
IV. — ACADÉMIES ET SOCIÉTÉS SAVANTES DE LA FRANCE
#
ET DE L'ÉTRANGER
Le 5 : Séances des 20-27 juillet LIFRPRESSE EE ASE
Académie des Sciences de Paris Le 5-12 octobre RL) De VS ES E 937
— 19 _— RE EE GE 986
Séances des 10-17-24 décembre 1900 . . . . , . . . — 2%6octobre-2 novembre — . . . . . + . . 1036
— 31 décembre 1900 -7 janvier 1904. . . . . . . — 9-16-25 — RATES Me) Eee 1088
— 44-21-28" janvier 1901, msn à | — 30 _ CS NE PE le 1147
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L- k TE es RP PAPIER AC Société française de Physique
— 25 — —
— 9-15-22 avril NE TA OIONN Séances des 21 décembre 1900-4 janvier 41901 . . . . . 52
— 2)avril6 mai ES ENTRE T — 18 janvier 1901 . # 105
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Académie Médecine Société Chimique de Paris
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— 8-15 — ÉTAPE E 937
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— 19-26 — ne PET RER ER Re 1087
= 2— 6 = 4
RE Er LT | Communications : 682, 127, 115, 818, 858, 891, 938, 986, 1037,
1090, 1149.
Société de Biologie
Séances des 24 novembre 8-15-22 décembre 1900 . . . 51 SCIE ONEe A ER CRLC Eee COLE
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— 19-26 janvier? février Re RARE 196 | Séances des 44 décembre) 4900. + - . . -. op)
— 9-16 février PR TEL Cd PS 245 — CEE 0 LCI ES MERE 150
— 23février-2 mars NM TOR Ve 291 — 8 février EL RQ NE 247
— 9 mars DES 1 NICE 34% 22 — EC MN SL 293
— 16-23 — AS La 20 EVE 388 — 22 mars ÉD AR NOR do 389
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— 27 avril-4 mai NE NPA US 549 10 mai RE AC OL SE, 591
— 11-18 — ES 0 ON ÉRAE 589 31 — — fre CHE TT 683
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— Ler-15 juin NE UE A 680 — 28 — pe EN ce Ps 116
— 22-29 — EE ON 724 — 9ÿoctobre-8 novembre — : . . : . . . . 1038
— 6-13 juillet PE DE NL EE 817 — 22 — ARE EE ‘HER 1091
1160
TABLE ANALYTIQUE DES MATIÈRES
Société de Chimie de Londres
Séances des Grdécemhre O0 0 55
— 13-20 — EU Vie Podle Vel 107
— 20 décembre 1900-17 janvier 1901 . .:. . . 150
— MAMTEYTIEL = EMA EEE TEE 247
—— — — HI (SUILE) NE 294
— 21 — ES eee UT 347
— | mars Er INR NE 390
— 21 — Ra PE RL dE 449
— 28 mars-18 avril ee MERE À 500
— — (suite) F0 551
2 mai PR ET EL S 592
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6 juin AL oRO NOR ONE C 684
— 20 — TA 0 br MES 128
= — — HSE) MAN 776
= — — — (suite). . . . . 818
Communications recues pendant les vacances. . . . . 1092
Séances des SAMOCTODre M ME EE DC 1092
— novembre — NN Te 1150
Société allemande de Physique.
Séances des 18 octobre-1®r novembre 1901 . . . . . . 1039
— 15 — = MN nr ae 1150
Académie des Sciences de Vienne.
Séances des 10-17 octobre 1901
Académie des Sciences d'Amsterdam.
Séances des 29Kdécembre MOINS
— — — —u(suite) RE
_ 26 janvier A0 RTE
— _ — (suite) ARR
— 23 février en EE de ©
— — ne — (Suite) ICE
— 30 mars TN RER
__ 20 avril TO MEL 0
Communications récente MEME RER
Séances des 2BNBEPLEMETEN NN EN IE
= 28 MOCIoDre NET EE
— 0 novembre NU TRE
Académie Royale des Lincei.
Séances de décembre 1900
— janvier-mars 1901
TABLE ALPHABÉTIQUE DES AUTEURS"
A.0B., 915.
Abadie (J.), 638.
Abell (R.-D.), 640.
Abelous (J.- L.), FUTUR
Abraham, 105.
A. C., 812, 982.
Achard (Ch.), 52, 147, 197, 291, 389, 447,
497, 550, 681, 724, 7937.
Ackroyd (W.), 551.
Adhémar (R. d'), 195.
Adrian, 141.
Adriani (J.-N.), 152.
ResmAnpone, 152.
Agardh (J.), 194.
Aken (Mit E. van), 820.
Albarran, 8171.
Alezais (H.), 286, 1088.
Alezaïs (R.), 243, 1036. €
Aloy Us. 288.
Altermaun, 149.
Amalitzky, 289.
Andoyer (H ), 10%, 491.
André (Ch.), 243, 288, 343, 815,431.
André (G.), 50, 496, 619, 936, 1246.
Angeli, 392.
Angelico, 392.
Anglade (D.), 857.
Anglas (d.), 193.
Angot (A.), 194, 195.
Anspach (ENS 313 à 323.
Anthony (R.), 245
Antoine (G.), 149.
Aoust, 681.
Apert (Dr), 64.
HUE ee
Appell (P.), 45, 110, 815
Arago Fél, 104.
Arbuckle (W.), 151.
Arcangeli, 152.
Argtowski (Henryk), 51, 82 à 94, 290,
344
A deen (J.-G.), 148.
Ardin-Delteil, 52.
Arloing (F.), 680, 681, 124, 817, 1031.
Arloing (S.), a 150.
Armengaud (J , 1085,
Armingeat, 1631.
Armstrong (H.-E.), 150, 640, 818, 1092.
Arsonval (A. d'), 123, 852, 1146.
Artault (S.), 197.
Arthus (M.), 1088, 1144, 1147.
Aschkinass (E.), 1039.
Ashton (A.-W.), 683.
Aston (B. Cracroft), 56
Aston (F.-W.), 390.
Astruc (A.), 722, 123, 891.
Athanasiadis (J.), 113.
Athias, 550.
Aubel (ee van), 587.
nel (P.), 681.
Auché (B.), 817, 986, 1087.
Audrain (I), 1036.
Auerbach (B.), 546.
1146.
1 Les noms imprimés en Caractères
gras sont ceux des auteurs des articles ori-
ginaux.
res chiffres gras reportent à ces ar-
ticles
Auger, 107, 723, 126.
Aupetit (A.), 855.
Autonne {L.), 289, 548, 113, 851, 886.
Babès (A.), 246.
Babes (V.), 124.
Babinski (J.), 196.
Backlund (D.), 194.
Bagard (H.), 1145.
Bailhache, 244.
Baillaud, 288, 497.
Baker (T.-J.), 858.
Bakhuis-Roozeboom (H.-W.), 988.
Bakker (G.), 199.
Balachowsky (D.), 6178.
Balestre (M.), 149, 680.
Balland, 496, 773.
Ballet (Gilbert), 61.
Balthazard (V.), 246, 1036, 1037.
Baly, 389, 116.
Barbier (Ph.), 496.
Barbieri (N.-A.), 816.
Barbour (W.), 728.
Bari (L. ) 246, 817.
Bardier (E.), 817.
Barette, 388, 589.
Barié (E.), 103.
Barjon (F.), 291, 724,
Barré (H.), 1147
Barth (Fr.), 61
Basili, 152.
Bassot, 104.
Bast (O. de), 45.
Bataillon (E.), 387, 497.
Bather (P.-A.), 720.
Baud (A.), 678, 679.
Baud (E.), 147, 343, 1087.
Baud (L.), 288.
Baudron, 1147.
Bauer (Ed.), 1149.
Baume-Pluvinel (de la), 587.
Bausor (H.-W.), 390.
Baylac (J.), 589.
Bayrac (P.), 195, 244, 445.
Beaulard (F.), 816.
Beauverie (J.), 148, 723.
Bechterew ie v.), 286.
Becker (G.- 1040.
Becquerel (H.), 243, 386, 587, 588, 173,
1035, 1086, 1146.
Bébal (A ae 49, 54, 106,
299, 293.
Behrens (H.), 820.
Beilby (G.-T.), 1092.
Beille Fe 4 618.
Bell (C.-A.), 716.
Belly (P.). 1086.
Belzung (E.), 584.
Bemmelen (J.-F. van), 1040.
Bemmefen (J.-M. van), 152, 248.
Bénard (H.), 289.
Beneden (Ed. van), 679.
Benoist (L.), 195, 288, 386, 498, 725.
Benoit, 724.
Bensaude (R.), 196.
Béranger-Féraud, 51.
Berger (Paul), 149, 245, 499.
Bergeron (J.), 471, 51, 57.
Bergouignan (P.), 857.
107, 195, 244,
Bernard (L.). 246.
Bernard (R.), 196.
Bernheim (S.), 193.
Bertainchand (S.), 497.
Berthelot (A.), 856.
Berthelot (D.), 590, 591.
Berthelot (M,), 50, 146, 194, 195, 290,
L 381, 445, 587, 588, 637, 678, 619, 722,
1173, 856, 936, 937, 985, 1039, 1086,
1146.
Bertini, 392.
Bertrand (C.-E.), 936, 985, 1146.
Bertrand (G.), 107, 143, 145, 247, 286,
382, 637, 618, 619, 718, 4087.
Bertrand (J.), 50.
Bertrand (Léon), 148.
Berwerth {F.), 1040.
Bes (K.), 107, 818.
Besnier (E.), 588.
Besson (A.),679.
Beulaygue (L.), 344
Bevan (E.-J.), 241.
Beyerinck (M.-W.), 392, 820.
Bezançon (F.), 52.
Bianchi, 152.
Bichon (M.), 259 à 767, 855.
Bierry, 497, 857.
Biétrix (E.), 497.
Bigart, a 246.
Bigot (A.), 675.
Bigourdan (G.),
3:
pijl (H.-C.), 819, 820.
Billard (A.), 857, 936.
Billet (A.), 344, 857.
Binet (M.), 343, 388, 1147.
Birkeland, 1035.
Bisserié, 291.
Blaise (E.-E.),
499, 1149.
Blakesley (Th.), 241. :
Blanc (G.), 101, 243, 292, 492, 499, 722.
ont + 714, 816, 1086, 1147.
Blanksma (J.-J.), 151, 1152.
Bleicher, OT
Bloc (R. Salvador), 639.
Bloch (E.), 445.
Blochmann (Rudolf), 134 à 434.
Blondel (A.), 612 à 626, 659 à
674, 726, 851, 1056.
Blondlot (R.), 1035, 1087,
Bodroux (F.), 147, 588.
Bœckel (J.), 148.
Boehm ( KT 980.
Boggio, 392.
Boblin (K.), 9
Bobhn (G.), La, Seat, 984.
Boinet, 245, 714.
Bois, 1146.
Bollemont (de), 679.
Bone (W.-A.), 728.
PBongert (A.), 343, 446,
1149.
Bonne (C.), 550.
Bonnet (A.), 387, 931.
Bonnier (G.), 104, 146.
Bonnier (J.), 103.
Bonnier (P.), 196, 588, 723, 1147.
Bordas (F.), 1035.
Bordas (L.), 588, 637, 680, 1145.
Bordier, 386,549
Borel (E.), 289, 445.
497, 548, 678, 122, 723,
105, 106, 244, 387, 446,
619, 123, 172,
1162
TABLE ALPHABÉTIQUE DES AUTEURS
Borgman (J.), 50.
Bornet, 105, 194.
Borrel, 197.
Bortolotti, 392.
Bosc (F.), 149.
Bose (R.-C.-L.), 552,
Bouchard (Ch.), 1088.
BOUOURrE o ), 50, 588, 591, 1146
Boufté (F.), 856.
Bougault, 346, 386, 446.
Bouïlhac (R.), 722, 1035.
Bouin (M. ) 634.
Boulé (L.), 980.
Boule (M. ï 674.
Boullanger (E.), 689 à 698.
Boulud, 290, 172, 1035, 1147.
Bounhiol, 588.
Bouquet de la Grye, 105, 587.
Bourcet (P.), 588, 679.
Bourne (G.-C.), 983.
Bourquelot(E.),
Boussinesq (J.), 637, 815, 936.
Boutroux (P.), 194.
Bouty (E.), 33 à 40, 105, 773.
Bouveault NL 50,
123, 114
Bouvier fe ES 289, 290, 307, 936, 1086.
Bowlby (A.), 933.
Boyd (D.-R.), 1092.
Boyer Dacties) 236, 4
811.
Boys (C.-V.), 247, 389.
Bra (M.), 49.
Branca (A.), 389, 448.
Brand (J.), 3 LEA
Branly (Ed. }, 58
Brauer, 386.
Brault (J.), 1037.
Brauner (Bohuslav), 451.
Braunmühl (A. van), 236.
Bredig (G.), 244, 289.
Brenans (P.), 387, 591, 772
Bresson (A.), 1.
Breuil (H.), 891, 1147.
Bricard (R.), 445.
Broca (A.), 197, 387, 445, 551.
Brillouin (M.), 104, 145 à 424, 717,
768.
Broca (A.), 98%.
Brocard, 638.
BrϾck (van der), 812.
Brouardel (P.), 61, 437.
Brown (H.), 56.
Bruandet, 638, 1088.
Brukuer (J.), 1088.
Brun (H. de), 149, 447, 174.
Bruvel (L.), 145.
Brunet (Louis), 50
24%, 200, 344, 441, 498,
123, 113,-816, 857,
1147.
Brunhes (B.), 46, 24%, 344, 550, 772.
Bruni, 152.
Bruno (A.), 194.
Brunon, 388.
Brunschvicg, 103.
Brunton (Sir Lauder), 682.
Buchanan Qi 1039.
Büchner (E.-H.). 347.
Bacquoy (M.), 9356 à 96GA, 985.
Budin, 196, 680, 724
Buhl (A.), 195, 711.
Bujor (P.), :
Bunel . 588.
Burck (W.), 988.
Bureau, 388, 445, 588, 723.
Burgatti, 152.
Burgess, 176, 1092,
Busquet (R.), 1082.
Butte, 985.
Cade (A:), 291, 724
Caiïlletet (L.), 496. ,
Callandreau (0.;, 742 à 716.
Callendar {H.-L.), 247, 389, 499, 1092.
Calugareanu, 447 , 680, 1147.
289, 291, 815, 985, 1036.
243, 343, 634, 679,
110, SA à 290,
), 105, 106, 148, 496,
549, 588, 637,
937, 1036, 1087,
Calverley (J.), 933.
Cambier (R.), 631.
Camichel (Ch.), 49, 195, 244, 445, 1086.
Camus (J.), 291, 817, 1036.
Camus (L.), 104, 148, 191, 246, 291, 447
817, 854, 937, HAT.
Capitan (L.), 389, 891, 1147
Caqueray (G. de), 99.”
Cardamatis (J.-P.), 51.
Carette (H.), 50.
Carles (P.), 856.
Carnot (A.), 107, 245, 588.
Carnot (P.), 549.
Carré (P.), 1087.
Carrière (G.), 389, 638, 815, 817, 984.
Cartaud, 292, 587, 815.
Carter ( W.), 390, 640.
Carvallo (E.), 544, 638, 1145.
Caspari (W.), 1039.
Cassaet (E.), 681, 724, 817.
Cassie (W.), 1091.
Castel (du) ,149, 290, 774.
Castex (E.), 938.
Cathelin (F.), 550, 589, 681, 817.
Catois (E.), 813
Catta (J.-D.), 8
Caubet (F.), 50, Aix
Caullery (M.), 1
1085.
Causse (H.),50, 122.
Cavalié (M.), 389,
Cavalier (J.), 588.
Caven (R.-M.), 248.
Cazeneuve (P.), 195, 243.
Chabrié (C.),
Chaleix-Vivie, 389.
Chalon (J.), 888.
Chalon (P.-F.), 383.
Champenois (G.), 1087.
Champetier de Ribes, 1141.
Champigny (A.), 725.
Chantemesse, 680.
Chapman (E.-M.), 218.
Chapmain (D.-L.), 1992.
Chapmaun (A.-C.), 55.
Chapot-Prévost, 148, 388.
Chappuis (P.), 1091.
Charabot (G.), 46, 117, 524 à 534,
634, S56.
Charlier (F.), 589.
Charon (E.), 1035.
Charpentier (A.), 243, 290, 344, 387, 496.
Charpentier (H.), 584.
Charpy A), 281.
Charpy (G.), 142, 382.
Charrin (A.), #0, 147, 196, 289, 496, 548,
12204112 807410851445:
Chassevant (A.), 62, 291.
Chassy (A.), 1036.
Chatain (Adolphe), 57, 146, 149.
Chatin (J.), 588.
Chattaway (F.-D.), 150, 347, 640.
Chauveau (A.-B.), 49, 104, 146, 147, 148,
446, 619,772, 832.
Chauveau (C.), 494.
Chauveaud (G.), 146, 722.
Chauvel, 549, 680, 774.
Chavanne, 712.
Chavasse, 680, 774.
Chavastelon (R.), 618.
Chavigny, 724.
Chemin, 101, 986.
Chéneveau (C.), 815.
Chessin (A.-S.), 984.
Chevalier (A.), 445.
Chevalier (le R. P.), 55.
Chevallier (H.), 50
Chevrotier, 141.
Chipault (A.), 680, 681, 1036, 1147.
Choffardet (P.), 105.
Choffat (P.), 51, 286, 387.
Choquet (J.), 589.
Chree, 591.
Christiani, 51.
Chroustchoff (P.), 446.
Ciamician, 392,
Clairin, 195.
Claude (H.), 857,-891.
8,197, 549, 589, 937, 938,
Clautriau (feu G.), 674, 769.
Clavière (J.), 541.
Clayton (E.-G.), 1150.
Clerc (A.), 724.
Clermont (A.), 1035.
Clozel (M.), 597.
Cluzet (J.), 52, 197, 389, 4088.
Cohen Œ, ), 192, 347, 820, 1152.
Cohen (J. -B.), 56, 552.
Col, 588.
Coles (S.-W.), 859.
Colin (L.), 196, 245, 345, 1036.
Collie (J.-N.), 552, 728.
Collomb (A.), 388.
Collot, 816.
Cololian, 724.
Colson (A.), 50, 244
Compan, 1086.
Comte (A.), 983.
Contarini, 392.
Conte (A.), 496, 984.
Contremoulins (G.), 446.
Convert (F.), 102.
Coops (G.-H.), 392.
Coppet (de), 418, 548.
Corbino (0.-M.), 856.
Cord (E.-G.), 143.
Cornaille (F.), 936, 985, 1146.
Cornil, 344, 548, 7172.
Cornu (A.), 292, 496, 551, 594, 725, 172;
891, 1147, 1148.
Cornu (M.), 453.
Coromilas, 1036.
Corstorphine (R.-H.), 1092.
Cosserat (E.), 712, 113, 815, 816, 856.
Cosserat (F.), 112,713, 815, 816, 856.
Costantin, 445, 549.
Costantin (J.), 1146.
Costomiris, HAT.
Cotte (J:),
Cottou, 551, 774.
Coulon (J.), 195, 772.
Coupin (H.), 290, 589, 638, 680.
Courmont (J.), 10 246.
Courmont (P.)
Courtade (D. ‘ "386. 857, 1088.
Cousin (P.), es
Coutière (H.), 4
DRE ee (F.), ét
Couvreur (E.), 817
+ 619, 936.
Craciuou (DL. 1548:
Crae (J.-Mac), 151, 176, 1092.
Crémieu (V.), 52, 195, 246, 497,498;
587, 589, 81.
Crepieux, 1037
Crespin (J.), 145.
Crompton (H.), 450.
Cros (C.-F.), 247
Crosslay (A.-W.), 776.
Cuénot (L.), 41, 7103, 193, 264 à 269,
341, 890.
Culmann, 345.
Cureau (Dr), 558 à 571,598 à G14.
Curie (P.), 288, 386, 498, 588, 815, 1145.
Cyon (G. de), 589, S28 à S35.
Dainelli. 392.
Dakin (H. D.), 552.
Dalfsen (B.-M. van), S19.
Damien, 346, 725.
Dargeard (A.), 381.
Daniel (L.), 51, 1086.
Darboux (G.), 289.
Darcourt, 1037.
Dardant (A.), 491.
Dargein, 1088.
Darwin (G. -H.), 1037.
Darzens, 1037. :
Dastre (A), 150, 24
David (P.), 112.
Davidoglou, 886, 936, 1035, 1086.
Davidson, 386.
Dawson (H.-M.), 56, 151, 7176.
Debierne (A.), 288, 386, 815, 1145.
Debove, 51, 447, 1036.
6, 448.
TABLE ALPHABÉTIQUE DES AUTEURS
Décombe {L.), 496, 772, 815.
Decrock (E.), 341.
Dedekind, 104.
Defacqz (Éd. ), 405, 147.
Dehérain (H.), 112, 557, 719, 779, 1034.
Dehérain (P.-P.), 289, 1036.
Dehon (M. 1147.
Delacre (M), 1035.
Détierois. (r.), 388, 856, 1146.
Delage (M.), 50, 243. 815.
Delage (V, 50, 812, 816, 864 à 874,
1086.
Delagenière, 291.
Delamare (G.), 722
1145, 1147.
Delange (R.), 107, 446,
123, 126, 1037.
Delasalle (A.), 633.
Delépine M. ), 105,495,
637, 1149.
Delsado (J.-F-.N.), 286.
Delille (A.), 986.
Delorme, 4417, 549, 1036.
Delpeuch (A.), 1085.
Demarcay (E.), 49, 678.
Demartres, 723.
Demenge (E.), 142, 339, 441, 491, 584,
943, 981.
Demerliac (R.), 679.
Demoulin (A.), 497, 815, 984, 1146.
Demoussy, 289.
Denigès (G.), 985.
Deniker (J.), 615.
Denoyès, 122, 712.
Densusianu (Mlle), 197, 724
Dépéret (Ch.), 984.
Derôme (J.), 343.
Desaint (L.), 497.
Descours-Desacres, 244.
Descudé (M.), 497, 679, S16.
Desfosses (P.), 814, 935.
Desgrez (A.), 107, 6178, 681, 1036.
Deslandres (H.), 195, 288, 289, 638, 619,
1146.
Desmots (H.), 548, 591.
Devaux (H.), 344, 441, 722
Dévé (F.), 197. 389, 681.
Dewar (J.), 858, 938.
Dezautière, 713.
Dhommée (R.), 984.
Dickinson Go AS
Dickson (L.-E.), 679.
Didsbury (G.), 679.
Dienert Ta) 41007 à 1049.
Dieulafoy (G.), 245, 290, 985, 1087.
Divers (E.), 500, 728.
Dixon (A.-E.), 56, 390.
Dobbie (J.-J), 55, 640.
Doléris, 149.
Dominici (H.), 549, 986,
Donder (T. de), 857.
Dongier (R.), 105, 292.
Dootson (F.-W.), 684.
Dopter (Ch.), 389, 589.
Doran (R. E.), 640.
Dorchain (A. ), 636.
Dorp (W.-A. van), 988.
Doué, 722.
Douxami (H.), 289.
Dowzard (E.). 552.
Doyon, 811.
Drake del Castillo (E.), 773
Dubard (M.), 588.
Dubat (G.), 1145.
Duboin (A.), 387.
Dubois (R.}, 197, 243, 245, 246,
344, 586, 724, 937, 1088.
Duboscq (0. ), 856.
Dubreuil (L.), 243.
Ducamp (L.), 984, 1035.
Duclos, 51.
Ducretet, 104.
Duddell (W.), 986.
Dugast (J.), 887.
Duguet, 1147
Duhem (P.), 49, 147, 194, 2
1446, 496, 548, 587, 936.
Dulac (H.), 496, 548, 815.
, 817, 937, 938, 1036,
497, 499, 682,
386, 446, 449,
294;
13, 289, 343,
Dumont (J.), 243, 679.
Dunstan (W.-R.), 56, 500, 938.
Dupaigne, 149.
Duparc (L.), 445, 5
Dupasquier, 1141.
Dupont (C.), 1036.
Duport (H.), 105, 343.
Duprat (C.), 81.
Dupuy (E.), 1037.
Durand-Fardel (Ray.), 61, 1033.
Dussaud (F.), 123, 1087.
Dybowski (J.), 1035.
Dyer (C.-S.), 684.
49, 637, 122, 891, 937.
E
E.-A., 544.
Easterfeld (Th. Hill), 56.
Eginitis (D.), 49, 1086, 1145.
Egger (Max), 681.
Egorov (D. Th.), 146, 195, 288, 619.
Ehrmann, 931.
Elder (H.-M.), 241.
Emery (H.), 1088.
Emmerez de Charmoy, 1037.
Enestrüm (G.), 440.
Engel, 448, 682, 811.
Engelmann (Th. W.), 988.
Enriques (F.), 194.
Esclangon (E.), 172.
Estanave (E.), 45.
Etard (A.), 134, à 440,
à 4081.
Everdingen jumior (E. van), 108.
Everett (J.-D.), 247.
Eyre (J.-V.), 684, 1092.
548, 1076
F
Fabre-Domergue, 497.
È ‘abry (Ch.), 587, 172.
Fages (de), 190.
Farabeuf, 447.
Farmer (R.-C.), 640, 1150.
Fauquet, 344, Ts
Favrel (G. ), 105, 446, 588.
Febr (H.), 339, 381, 494, 886, 980, 1141.
Félizet (6. }s 389, 448.
Fenizia (C.), #1.
Fenton (H.-J.-H.), 247, 248, 639, 728.
Féré (Ch.), 149, 388, 680, 681, 124, S17,
857, 938, 1036, 10317.
Fernbach (A.), 50.
Fernet (Ch.), 1141.
Ferrand (L.), 112.
Ferrier (J -F.), 725, 851.
Finot (J.), 814.
Fischer (F.), 1031.
Fischer (H.), 289, 387.
Fischer (P.-R.), 1039.
Flahault (C.), 341, 38%, 442, 493, 585.
Flamand (G.-B.-M.), 722.
Flammarion (C.), 244, 856, 1146.
Fleming, 683.
Fleurent (E.), 631, 1145.
Fleury (G.), Ee
Fleury (M. de), 7
Fliche (P.), 290.
Floresco (N.), 1086.
Flot (Léon), 104.
Flusin (G.), 104, 491.
Fochier, 441.
Fonzes-Diacon, 50.
Forchheimer (P.), 1039.
Forcrand (R. de), 147, 289, 343, 445,
112, 113, 816, 891, 936, 984.
Forel (F.-A.), 498, 812.
Forest (F.), 283.
Forster (M.-0.), 56, 500, 552, 592, 640,
128; 116.
Fosse (R.), 343, 386, 449, 497, 682, 723,
8517, 984, 1087, 1149.
Foubert (E .), 811.
Fouché (Ed.), 1088.
Foulerton (A-G.-R)), 860.
123, 985.
1163
Fouqué (
Fouquet,
Fournier (E.), 1145.
Fournier (H.), 984.
Fournier (L.), 245, 291, 548.
Fournier [vice-amiral), 104.
Foveau de Courmelles, 50, 1088, 1148.
Fowler (G.-J.), 56.
Franca (C.), 291, 550, 589.
Franche (Ch.), 747.
Franchimont (A.-N.-P.), 820.
Francillon (Mie M.), 857.
Hrancoïs-Franck, 723.
Franke (A.), 1040.
Frankland (P.-F.), 390, 1150.
Fredericq (Léon), 79% à 840.
Frémont (Ch.), D 292, 856.
Frenkel (H.) 52, 197, 817.
Freundler (P. ), 54, 548, 588, 726.
Fricke | R). 1041.
Friedel (J.), 196, 497, 522 à 57%,
1086. /
Frouin (A.), 446, 448, 680.
F.-A.), 65 à 84, 104, 1086.
0.
G
Gaget, (M.), 768.
Gaïllard, 147, 197, 497, 937, 1087.
Gain (Ed.}, 370, 852, 1141.
Galavielle, 196, 681.
Galezowski, 549.
Gallardo !A.), 550.
Galtier, 723.
Gamgee (A.), 892
Gariel, 852.
Garnier (Ch.), 150.
Garnier (Jules), 146.
Garnier (L.). 245, 291, 389.
Garnier (M.), 549.
Garrigou (F.), 104, 768, 773.
Garsed (W.), 552.
Gasnes (Dr Georges), 64
Gastine (Gr), 891.
Gaube (J.), 196, 588.
Rneete .), 245.
A A.), 1087.
Gaule (J ji 1087.
Gautié, 246.
Gautier (Armand), 104, 407, 146, 448,
20% à 2145, 288, 346, 354 à 358,
386, 446, 448, 123, 937, 1046 à 1059.
Gautier (H.), 104, 1146.
Gebhardt (F. de), 680.
Gegenbauer (L.), 986.
Gellé (M. E.), 52, 150, 196, 985, 1088.
Géneau de Lamarlière (L.), 445.
Génin (V.), 1035.
Genoud, 194, 288.
Genvresse (P. 243, 290.
Geoffroy- Saint-Hilaire (E.), 1033.
Gérard (E.), 147, 197, 851.
Gérardin (Aug.), 141.
Gérin (F.), 966, 937, 984.
Gerland (E.
Gervais - Courtellemont, S34 à
ss0.
Giard (A. AS 9, 124, 856, 985.
Gibbs W!
Gibrat, 388.
Giglio-Tos, 238.
Gilardoni (H.), 680.
Gilbert (A.), 61, 245, 34
Gilbody (A. W.), 107.
Gildmeister (E.), 46.
Gilet, 549.
Gilletta de Saint-Joseph, 149, 680,
Giltay (J.-W.), 41151.
Girard (A. Ch.), 245, 637.
Girard (J.), 314, 857.
Girod (P.), 671.
Glangeaud (Ph.), 143, 148,
169, 712, 9AA à 922.
Glazebrook (T.), 54.
Gley (E.), 52, 62, 246,
89% à 904, 1147.
Gnezda (J.),:936.
Golosceano, 344,
4, 447, 681, 1088.
|
196, 674,
443, 448, BIT,
116%
TABLE ALPHABÉTIQUE DES AUTEURS
Gonnessiat (F.), Pi
Goodrich (E. ide
Goodwin | W.), re
Gordan (P.), 78.
Gorini, 152, 392.
Gostling (Mlie A.), 639.
Gouget (A.), 4033.
Chsidie (E.), ), 500.
Gouré de Villemontée, 285.
Goursat (Ed.), 289.
Gouy (G.), 815, 1086.
Gowland Hopkins (P.), 859.
Graffigny (H. de), 339.
Gramme (Z.), 146.
Grammont (A. de), 52, 887.
Grand-Moursel, 246.
Granger (A.), 497, 499.
Gravaris, 816.
Gray (T.), 552.
Grégoire (E.), 6179.
Gregory (J.-W.), 720.
Gréhant (N.) , 289, 1145
Griffon (V.), se 149, 380, 681.
Grignard {À . 195, 288$, 343, 381, 449,
Fe (Ed.), Si
Grimbert (L.), 52,
Gros, 937.
Grossard, 818.
Groves (C.-E.), 500.
Guëède (H.), 1032.
Guédras (M.), 1146.
Guéniot, 149,
Guerbet, 148, 247, 343, 815.
Guglielmo, 392.
Guiart (J.), 389, 855, 1084.
Guichard (C.), 49, 106, 194, 243
Gnichard (M.), 49.
Guichard (P.), 101, 1032, 1141.
Guillaume (Ch. Ed.), 150, 192, 197,
231, 285, 3858 à 368, 422 à 434,
440, 497, 499, 504, 551, 583.
Guillaume (J.), 49, 288, 289, 723, 984.
Guillemard (H.), 631.
Guillemonat, 496, 712, 1036.
Guillet (L.), 497, 587, 815, 985, 1145.
Guilliermond, l'A, 548, 173.
Guillon (J. M), un
Guinchant, 244.
Guinon (Louis), 64.
Guiraud, 246.
Güntz (R.), 446, 1087, 1149.
Gutton (C.), 288.
Guye (Ch.-E.), 856.
Guye (Ph.-A.), 390, 496, 545, 618, 619.
Guyon, 51, 290.
Guyon (J.-F.), 389, 857.
Guyot, 386, 499, 679.
Guyou (E.), 49, 343.
343, 389, 449, 1036.
Hachet-Souplet (P.), 4
Hacks, 549.
Hadamard (J.), 289.
Haga (T.), 798.
Hagen (E.). 1050,
Hall (H.), 347.
Halla (E.), 1040.
Haller (A.), 159 à 16%, 243, 255 à
264, 292, 323 à 330, 7386, 499, 633,
674, 678, 679, 123, 1087.
Halliburton (W.- -D.), 7175.
Hallion, 52, 638, 1145, 1146, 1147.
Hallopeau, PA 290, 713, 937, 985.
Hamonet (J.), 194, 195, 289, 346, 386,
448.
I),
(
19
Hamy (M.), 678, 932.
Hanriot (M.) , BA, 147, 148, 196, 197, 290,
387, 447.
Harden ds , 450, 1092,
Harlay (V
Harrison ( ), 1038.
Harroy (M.), 1087.
Hartley we: -N.), 55, 640.
Hartmann (I.), SS1 à 885.
Hartog (Ph.-J.), 56.
), 45€
Ÿ'o8
E.-P.
)
Hartmann (H.), 342, 814.
Hartog (M.), 289.
Harvey (A.-W.), 639.
Hatfield (H.-S.), 684.
Hatt, 289, 984.
Haug (E.), 193, 286, 383, 769.
Hayem (G.), 196, 548.
Hébert (A.), 107, 243, 290, 492, 771, 856.
Heckel (Ed.), 680, 1087, 1145.
Hédon {E.), 291, 344, &AT, 171, 815, 1036.
Helbronner (A. \, 722.
Hele-Shaw (H.-S.), 587.
Helot (J.), 584 …
Hemptinne (A. de), 1145.
Hemsalech (G.-A.), 445, 446, 496, 886,
1087.
Henderson (G.
Henneguy (F.
Hénocque (A.), 52, 1088.
Henri (V.), 150, 196, 388, 447, 680, 817,
1037, 1087, 1147.
Henriet (H.), 446.
Henry (L.), 723.
Henry (T.-A.), 938, 1092.
Hérissey (H.), 289, 291, 722, 815.
Hermite (Gh.), 57, 109, 146.
Herscher, 681, 1088.
Hertha Avrton, 938.
Hervé (H.), 1035.
Hervieux, 196, 291,
Herzig (J.), 1040.
Heurteaux, 680.
Hewitt (J.-T.), 407, 776.
Hilbert, 168 à 474,
Hill (A.-C.), 390, 818.
Hiorns (A.-H.), 142.
Hird (J.-M.), 1092.
Hobbs (J.), 550.
Hvernes (R.), 1039, 1040.
Hoffmann (Fr.), 46.
Hoffmann (J.-C.-V.), 440.
Hollard (A.), 94 à 98, 285, 340, 456.
Holleman (F.), 152.
Holmes (J.), 776.
Holhoyd (G.-W.-F.). 1150.
Holsbær (H.-B. j 151.
Hoogerverff (S.), 988.
Horstman mt (H.-J.), 55
Houdaille (F.), 852.
Houssay (K.), 194, 889, 1086, 1146.
Hubrecht (A.-A.-W.), 988.
Huchard, 291, 589, 937.
Hugot (Ch.), 46
Hugounenq, 984.
Hugounenq (L.), 146,
44, 549.
Hulot (J.), 857.
Humbert (G.), 146, 249, 289, 343, 856.
Hunter (A.-E.), 451.
Hurtley (W.-H.), 1092.
Hurwitz (A.), 243, 618.
Hyndman (H.-H.-F.), 391,
G.), 1092.
j 441, 1086.
)
519, 588, 937.
4335 à 439,
Imbert (A.), 344, 448.
Imbert (H.), 7112, 984, 1145.
Ingelrans (L.), 1147.
Innes (W.-Rose), 107.
Irvine (J.-C.), 532, 728.
Istrati, 723.
J
Jaccoud, 548.
Jacob de Cordemoy (H.), 194.
Jacobson, 638.
Jacquemin Ion 588.
Jacquemin (P.), 634.
Jacquet (L.), 63, 680, 721.
Jadin (F.), 1083.
Janet (Paul), 156, 246.
Janssen (J.), 195, 288, 290, 548, 856,
1035.
Japp (F.-R.), 776.
Jaubert (G.- -F.), 105, 146, 387.
Jaubert (J.), "87.
Javal (A
JD
Jeans (J.-H.), 727.
ne (E.), 197, 890.
Jerdan (D.-S.), 728.
Joannis (A.), 4
Job (A.), 53,1
Joffrin (H. h ne
Johnson (K. 816.
Jolly (J.), ce ‘loge, 1147.
Jollyman (W.-H.). 294, 390.
Jones (H.), 248, 339, 1150.
Jonquières (de), 386, 856.
Jordan (C.), 146.
Josias, 1088.
Josué (0O.), 684.
Jouarre, 388.
Jougnet, 49, 343.
Jouniaux, 587, PisS 713.
Jourdain (S.), 749, 244, 291, 448, 1086.
Jousset de Bellesme, 194.
Jouve, 247, 448, 497, 591.
Jowett (H.-A.-D.), 450, 1150.
Julius (W.-H.), 986.
Julliard (C.), 681, 937.
Jullien, 723.
Jumelle (H.), 110.
Jungfleisch, 51, 243, 387, 858.
Jurie (A.), 857.
Justin de Lisle, 723.
d.), 638.
1144.
K
Kamerlingh Onnes (H.), 391, 819.
Kantor RE 147.
Kapteyn (J.-C.), 1040.
Kapteyn (W.), 818.
Keesom (W.-H.), 1152.
Kelsch, 816, 985.
Kemp (P.-H. van der), 392.
Kennedy (R.), 818.
Kenzie (A.-Mc), 1092.
Kilian (W.), 549, 1033.
Kilkelly, 933.
Kipping (F.-S.), 107, 294, 347, 451, 716.
Kleerekooper (Mile E.), 152
Kleyn (A.), 820.
Kling (A.), 1173.
Kluyver (J.-C.), 390.
Kæhler (R.), 49, 180 à 489.
KϾnig (E.), 446.
KϾnig (R.), 241.
Koœnigs (G.), 49, 368 à 373, 71,
816, 856, 891, 936, 98%.
Kohnstamm (P.), 819.
Korda (D.), 551.
Küvessi, 290, 388, 445, 588.
Kowalensky (A.), 1039.
Kowalewsky, 1086.
Kowalski (J. nel 122.
Krause (M.), 4 b
Kronecker, “AT.
Kunckel d'Herculaïs (J.), 387. l
Lacaze-Duthiers ({. de), 113, 816.
Lacombe (H.), 1087.
Lacroix (A.), 148, 196, 244, 1146.
Ladenburg, 723. :
Lafay (A.), 1087, 1145.
Lagatu (H.), 492, 684.
Lagrange (E.), 148, 196, 588.
Lagrile, 246, 589.
Lagnesse, 589, 1020 à 1030.
Laignel- Lavastine, 539, 817.
Laisant (C.-A.), 1082.
Lambert (M.), 245, 291, 389.
Lamey (Dom), 244.
Lamothe (de), 631.
Lampe (E.), 1039.
Lancaster (A.), 769.
Lancereaux (E.), 51, 291, 388, 548, 680,
114.
l
7 :
Laborde (J.-V.), 149, 196, 291, 388, 447, |
549, 588, 638, 680, 723, 1087.
TABLE ALPHABÉTIQUE DES AUTEURS 1165
L .nder (G.-D.), 450.
Landerer (J.-J.), 194.
Landouzy, 61, 290, 1088.
Landrin (S.), 1035.
Langelaan (J.-W.), 820.
LAB (de), 549, 677.
Langlois (J.-P.), 1146.
Lannelongue, 147, 148, 243, 497, 937.
Lansac (B.), 680,
Lapicque (LeY, 6178, 681.
.Lapierre (Ch.), 817.
Lapparent (A. de), 244, 399 à 443,
527 à 525, 588.
Lapworth (A.), 150, 248, 347, 552, 684.
Laquerrière, 112.
Larbalétrier (A.), 836 à 846.
Larguier des Bancels, 817.
Larmor (J.), 811.
Larroche (J.), 448.
Larroque (F.), 195, 24%, 387, 548, 722.
Larter (A.-T.), 818.
Laska (W.), 1039.
Lasne (H.), 548.
Lauder (A.), 55, 640.
Laugier, 62.
Laulanié (F.), 982.
Launay (L. de),
Launois (L.), 19
Laurent (Em.), 1145.
Laurent (L.), 1084.
Lauriol (P.), TS 639.
Lauroy (L.), 8
D ARSRe ant ‘colonel A.), 811.
Laval (Ed.), 4
Laveran nai ‘54, 149, 246, 389, 447,
453, 548, 550, 680, 724, 7112, 857, 931,
985, 1088.
Lavergne (G.), 141, 382, 633.
Lawrence (W.), 390.
L. B., 613, 852.
Lebeau (P.), 243, 288, 343, 449, 1146.
Lebesque (H.), 496.
Leblanc (M.), 984.
Le Bon (G.). 291, 389.
Le Cadet, 288.
Lécaillon (A.), 289.
Lecène, 550, 724.
Le Châtelier (H.),
Lecher (E.), 1039.
Leclainche (E.), 196.
Leclercq, 638.
Lecomte, 549, 1035.
Lecornu (L.), 125 à 434.
Le Couturier, 1088.
Le Dantec (F.), 985.
Le Dentu, 51, 290, 985.
Ledoux (P.), 344.
Leduc (S.), 288, 387, 6178.
nee (T.-H.), 151
Lees (F.-H.), 449.
Lefebvre (P.), 548.
Lefèvre (A.), :
Lefèvre (J.), 448, 681, 1037.
Lefèvre (L.), 613.
Léger, 150, 243, 3817, 588, 637, 126, 856,
858
102, 444 à 422.
418,1099 à 41108.
Legrand (E.), 195.
Legros (G.), 52, 447, 550, 724, 1036.
Lehfeldt, 121, 1039.
Leidié, 126, 932. :
Lelieuvre, 548.
Lely (C.), 1152.
Lemaitre (A.), 547.
Lémeray, 104.
Lemoine, 54, 549.
Lemoult (P.), 447, 198, 386, 445.
enton (W.-H.), 684.
Leod (H.-Mac), 500.
Léon (G.), 637.
Lepage (L.), 817, 985.
Lepierre (Ch. ), 123:
Lépine (J.), 1147.
Lépine (R.), 290, 772, 1035, 1088, 1147.
Lereboullet (P.), 344, 447, 681, 1088.
Léri, 817.
Lermoyez (M.), 242.
Le Roy, 51.
Leroy (E), 340.
Leroy (R.) 646 à 6359.
Le Roy de Méricourt (A.), 891.
Lesage (A.), 811.
Lesage (J.), 586.
Lesage (P.), 112, 1035.
Lesieur (Ch.), 197, 246, 857,
Leslie (Mile C. de), 936.
Lesné (E.), 448.
Lesne (P.), 381.
Le Sourd (L.), 52, 124, 937.
Lespieau, 498, 936.
Leteur (F.), 722.
Létienne (A.), 145
Letulle (M.), 149, 245.
Leven (G.), 197, 447.
Levi-Civita, 392.
Lévy (L.), 6174.
Lévy (Maurice),
Leys (Ai.), 496.
Lewin (L.), 931.
Lezé (R.). S2 à 86.
Liapounoff (A.), 49, 147, 387.
Liégeois, 447.
Lier (G.-A. van), 1040.
Ligondès (R. du), 146.
Limpach (L.), 728.
Linde (K. von), 1039.
Lindet (L.), 103, 194, 58
Linossier (6) 294, 47.
Liouville (R.), 856.
Lippmann (G.),
Livache (Ach.), 549.
104, 105.
Livon, 723.
Lloyd (L.-L.), 294.
L. U., 144, 383, 983.
LϾper, 52, 246, 291, 389, 447, 550, 681,
817.
Lœw (P.), 441.
Loewy, 244, 497, 589, 857.
Loir (A.) 494, 821 à 823, 962 à
964.
Loir (M.), 99.
Loisel (G .), 50, 195, 246, 252, 291, 344,
494, 8571, 1087, 1088, 1128 à 1440.
Lombard (A), 441, 549.
Lo Monaco, 152, 392.
’ Longo, 392.
Lorentz TE à 107, 295.
Lorié (J.), 1152.
Lorin (H. ), 718.
Lortet, 194, 288, 984, 1087.
Loth (G.), 191, 1408 à 4442.
Louguinine (W.), 146.
Louise, 446.
Lourbet (J.), 495.
Lovwry (T.-M.), 818.
Loyez (Mile M.), 1146.
Lucas-Championnière, 51, 245,290, 1036,
Lucet, 549.
Lugeon (M.), 105.
Luizet (M.), 288, 343, 548.
Lulofs (P.-K.), 392, 820.
Lumière (A.), 147, 290, 984, 985.
Lumière (L.), 141, 290, 984, 985.
Lummer (0), 1039.
Lumsden (J.-S.), 4092.
Lutz (L.), 448, 674, 710.
Lymann, 551.
M. A., 1096.
Macé de Lépinay (J.), 112.
Macfarlane Gray (J. ), 1039.
Machat (J.), 145.
Mack (Ed.), :
Mackenzie (J. E.), 684.
Madan (H.-G.), 640.
Magalhaes (P.-S. de), 937.
Magnan, 1036.
Magnus, 62.
Mabheu (J.), 445.
Maige (A.), 383, 857.
Mailhe (A.), 587, 619, 126, 113.
Maillard de ), 446, 985.
Maillet (Ed.), AE, 288, 289,
445, 496,
1035, 1146.
Maire (R.), 51, 387.
Mairet, 52.
Maitland (W.), 776.
Malassez (L.), 243.
Maldès, 815,
Maltézos (C.), 386.
Manceau (E.), 146.
Mancini (E.), 152, 392.
Mandoul, 1086.
Mangin L. je 2e 445, 454, 815, 857.
Manouélian (Y.), 245, 638.
Mansion (P.), “U.
Manuelli, 152,
Manzetti, 392.
Maquenne (L.), 46, 192, 340, 446, 449
631, 679.
Marage ! (R.\, 62, 496, 637, 1087.
Marboutin (F.), 196.
Marceau (F.), 681.
March (F.), 343, 722.
Marchal (E.), 1146.
Marchand (L.), 344,
Marchis (L.), 343.
Maréchal (G.) , 441.
Marenghi, 392.
Marès, 587.
Marey (E.), 587, 852.
Marey (J.), 41.
Marie (A.), 494.
Marie (Ch.), ï 686, 992, 10$6.
Marillier (L.), 385, 443, 495,
Marinesco (G.), 50, 389.
Marion (H.), 495.
Marlatic, 149.
Marquis (R.), 147.
Marro (A.), 1144.
Martelli, 132.
Martens Le 2),
Martin (G ), 776.
Martin (J.), 497, 552.
Martin (K.), 1040.
Martin (L.), 496.
Martin du Magny, 723.
Martine (G.), 722.
Martonne (E. de),
Martre, 122, 112.
Mascart (E.), 146.
Mascart (Jean), 243 à 222, 270 à
282, 387, 891.
Massol (G.), 386, 679, 815.
Masson (H.), 944, 293.
Masson (O.), 552.
Mathias (E.), 195, 902 à 914, 965
à 979, 1087.
Mathieu (L.), 383.
Mathis, 52, 681,
Matignon (C.), 53, 105, 815.
Matruchot (L.), 51, 245.
Mauclaire, 724.
ire à 41066.
Maupas. 678.
246, 291, 448, 589, 817,
388,589, 124
671, 171.
196, 498.
Maurain (Ch.
Maurange (G.),
Maurel (E. 1192,
857, 985, 1088.
Mavrojannis, 496.
Mayet, 50, 51, 197, 1146.
Maziarski (S.), 344.
Mégnin (P.), 245, 857, 1037.
Meillère (G.), 216, 291, 448,
Meldola (R.), 500, 684, 4092.
Meldrum (N.), 176.
Mellor (J.-W.), 56, 107.
Ménard (V.), 342
Mendelssohn, 678.
Menegaux (A.), 8517.
Méray (Ch.), 445.
Mercadier (E.), 891.
Merklen (P.), 245, 448.
Meslin (G.), 7173.
Mesnager, 618.
Mesnil (F.), 197, 344, 389, 549, 589, 724,
112, 937, 938, 985.
Metchnikoff (El.),
Metz (G. de), 816.
Meunier (L.), 1088.
Meunier (Stan.), 244,245, 445, 446, 1146.
Meyer F.), 1086.
Meyrat (P.), 491.
1036.
3 à 45, 344, 1149.
1466
TABLE ALPHABÉTIQUE DES AUTEURS
Michaux (P.), 245.
Michel (P.), TS
Michie (A.-J.),
Miers (H.-A.), 107. 500.
Milandre (Ch.), 583.
Mildred Gostling, 211.
Milian, 449, 196, 291, 4
124, 938.
Miller (G.-A.), 445, 984. .
Millosevich, 152, 392.
Mills (W.-S.), 552.
Minet (A.), 284.
Minguin (J.), 619, 123.
Minkowski (H.), 105.
Miquel (P.), 618.
Mittag-Léflier (G.), 386,637, 816.
Mizzoni (A.), 938.
Modzelewski (J. de), 122:
Moir (G.), 500.
Moissan (H.), 107, 243, 288, 122, 726,
946 à 955, 1035, 1036, 1037, 1086,
1149.
Moitessier (J.), Le
Molinié (M.), 10:
Molinier, 446, 4 ue
Moll (J.-W 5» ses 1040.
Molliard (M.), 51, 245, 936, 937.
Monckton ere (S.), 860.
Moncorvo, 816.
Monfet(L.), 52.
Monod (Henri), 245, 1036.
Monot (G.-H.), JE
Montangerand (L.), 288, 289.
Montessus de Balore (F. de), 851.
Montille (Mile $S. N. de), 383.
Moody (H.-R.), 640,
Moore (B.), 859.
Morache (G.),-14%.
Morat (J.-P.), 550.
Moreau, 588, 1035.
Moreigne (H.), 589.
Morel, 811.
Morel-Lavallée, 549.
Moreul, 1147.
Morize (H.),.498, 1723.
Morris (G.-H.), 116.
Mossé (A.), 637, 1146, 1147.
Motais, 123.
Motet, 1088.
Mott (F.-W.),.115.
Moty, 388.
Mouchet, 290, 680.
Mouneyrat (A), 441.
Moureaux (Lh.), 105, 1146.
Moureu, 107, 387, 446, 449,
548, 591,682, 123, 126.
Mourey (Ch.), 145.
Moussu, 147, 196, 289.
Moutard (Th.), 259.
Mouton (H.), 113, 857.
M. P., 814.
Müller (F.), 673.
Muller (P. Th.), 496, 1149
Müntz(A.), 245, 710.
Muratet, 52, 104.
Muskens (L.-L.-J.), 1152.
Napias (H.), 549.
Naville (A.), 935.
Naylor (W.-A.-H.), 684.
Negreano (D.), 631.
Neil (Chr.-A. -C), 392
Nencki (de), 1141.
Netter, 49, 52.
Netter (L. \, 681.
Netto (E.) 339.
Neville (A.), 640.
Newth (G.-S.), 684.
Nicloux (M.),197, 678, 681, 122, 124, 1088.
Nicolai (C. 820:
Nicol: rot , 985.
Nicolas (A.)
Nicolas (J.), "149, 150, 297
Nicolle (M.), 385.
Nietzki, 633.
;1, 549, 638, 680,
497, 499,
Nigdell Axelos (E.), 197.
Nimier (H.), 41.
Noalhat (H.), 283.
Nobécourt (P.), 52, 197, 245, 938.
Nocard (Ed.), 196, 388, 550.
Nodon (A.), 386.
Noé, 152, 1088.
Nolf (P.),, 459 à 422, 535 à 543.
Nordenskiüld (A.-E.), 856.
Nordmann (C.), 816.
Normand (A.), 289.
Noufflard (Ch.), 143.
Nuttall (G.-H.-F.), 1090.
[e)
Oates (W.-H.), 500.
Obrecht (A.), 583, 1035.
Ocagne te d'), 381.
Oddo | 858 1037.
ane de Coninck, 50, 104, 146, 148,
812.
Ogawa (M.), 728,
Okell (J.), 150. -
Olivier (Louis), 583, 896.
Olmer (D.), 589.
Onimus, 680.
Onnes, 151, 452
Oppenheim (R.), 389, 817.
Oppenheimer (C.), 382.
Oppolzer (K. eo 1039.
Orton (K.-J.-P.), 150, 341, 640, 1150.
Oss (S.-L. van), 1040.
Ostwald (W.), 545.
O’Sullivan ( de). 128.
Oudemans (J.-
Oustalet, ee
Ouvrard (L.), 194.
Owen Jones {IL.), 55.
.=C.), 294,
P
Pachon, 51. :
Padé (H.), 386, 445.
Pagniez, 391, 817, 1036.
Paillard (J.), 124.
Paillot R. ), 50, 548, 587.
Painlevé (B.), 49, 4445:
Pakes (W.-C.-C.), 294, 390, 450.
Paliatseas (Ph.-G.), 55
Pampaloni, 392. -
Panas, 388, 549.
Panichi, 152.
Papadaks | (A.), 44
Papin (E.), 851.
Paquier (V. ), 148, 492:
Park (J.), 584.
Parker (W.-H.), 859.
Parmentier (F.), 588, 119, 723.
Pasquier (du), 817.
Pasteur, 821.
Patterson (T.-S.), 151, 390.
Paulesco, 680, 774.
Pauli (W.), 1039.
Pavillard (J.), 932.
Pavlicek, 451.
Pawlow (J.-P.), 1142.
Pearce (K.), 445, 631, 122, 891, 937.
Péchard (E.), 290.
Pégot, 818.
Pélabon (H.), = 386, 637.
Pellat (H.), 105, 448, 548, 551, 590, 638,
1145, 1148.
Pellegrin (J.), 197.
Pellet (A.), 1145.
Pelletier (Me M.), 936.
Pérez (Ch.), 1147.
Périer, 1036.
Perkin (A EC: 551.
Perkin (W.-H.), 592, 1150.
Perkin junior (W.-H), 56, 294, 390.
Perman (E.-P.), 390.
Permilleux, 150.
Pérot (A.), 581, 712.
Perrier (E.), 390, 44.
Perrier (Lieut. ), 4 AS? à 490.
.)s
Peugniez, 441.
497, 820, 1152.
Perrier (R.), 444.
Perrin (E.), 290, 98%.
Perrin (Marius), 586, 812.
Perrot (F.-L.), 496.
Perrotin, 146, 936, 1086. -
Petit (A.),-107.
Petit (G.). 172.
Petit (P.), 340.
Petot (A.), 856, 936, 1086.
Petrovitch (M, le 626 à 632.
Pettit (A.), 291, 94 à 296, 517, 857.
Peyrot, 196.
Phillips (H.-A.), 107.
Phisalix (C.), 49, 54, 62, 497, 681.
Phragmen (E.), 631.
Picard (Emile), 105, 445, 1086.
Pickard (R.-H.), 390, 640.
Pictet (A.), 446.
Pidoux (J.), 1031.
Piéchaud, 388. 4
Pigeon (L.), 382, 932..
Pivard, 196, 173.
Pinois, 52.
Pinoy; 149, 197.
Piolet (le R. P.), 143.
Pitres (A.), 638, 1036.
Pizon (Ant.), que 1086.
Plicque (A.-F.)
Rand (d. 'RY 114
Pochettino, 392.
Poincaré (A,), 49, 497.
Poincaré (H.), 105, 146, 243, 994 à
400%, 1035, 1038, 1146.
Poincaré (L.), 247, 118.
Poiré (P.), 44
Poisson (G.),
Polaillon, 51.
Policard (A. c) 550, 681.
Pollak (Ch.), 637, 125.
Poncet (A), 114, 857, 985.
Ponsot 49, 197, 386, 637, 619, 816, 984.
Pope (F. cs DE 1092.
Pope (W.-J.), Fe En 640.
Popoff, 104.
Porak, 149, 1147.
Portes, 680.
Portier, 50, 857.
Posternak, 1037.
Potain (P.-Ch.)
Potter (C.), NA
Pottevin (H.), 50, 343.
Pouchet (G:), 891, 936.
Pouget (J.), 382.
Poujol (G.), 448.
Poulain (A.), 681, 818.
Poulenc (C.), 1083.
Poupinel (G.), 61.
Pouret, 106, 150.
Pourquier (P.), 445.
Pozerski, 149, 150.
Pozzi-Escot (E.), #
Prenant (A.), 241,
Presas (J.), 549.
Prey Jz: (G.), 820.
Proust (A.), 388, 447, 1039.
Pruvot (G.), 121, 983.
Przibram (K.), 1039.
Pugnat (A.), 441
Pujade (P.), 11
Purdie (P.), 50
4.
891.
, 51; 105, 110, 148, 149.
15, 4%. 718, 1083.
49%, 635, 814, 1098.
1.
il
00,
Q
Qaarenghi (T. de), 4175 à 180.
Quennessen, 126.
Queva (C.), 340.
Quinton (R.), 195, 244
Rabaud (Et.), 24
Rabut, 637, 618.
Raczkow ski LE
Raffy (L.),
\, 1035.
1035, 1145.
TABLE ALPHABÉTIQUE DES AUTEURS
Raillet, 52, 291, 549, 1684.
Rambaud, 105, 587, 856.
Ramond (F.), 851.
Ramsay (W.), 684, 1150.
Ransome (A.), 860.
Raoult, 445.
Rappin, 724.
Rataud (E.), 197.
Rateau (A.), 381...
Raulin (V.), 1035.
Ravaut, 52, 681.
Ravaz (L.), 387.
Raveau, 198, 639.
Raverot (E.), 1086.
Rav CT) SL EE
Ray (P.-C.), 552.
Ray-Lankester (E.}, 1081.
Raymond (F.), 174, 1088.
Reclus (Paul), 388, 985, 1087.
Recoura, 631.
Regaud (Cl.), 196, 291, 448, 550, 681.
Regelsperger, 254, 645, 821, 993.
Régnier (L.-R.), 6179.
Rehns (J.), 245, 389, 724.
Reinders (G.), 152.
Rémy, 447, 681.
Renault (B.), 194, 445, 984.
Renaut, 291.
Rendu (H.), 123, 985.
Rengade (E.), 104, 264.
Répin, 385, 596, 1142.
Retterer (E.), 817.
Retzius ( s) 71039.
Reverdin, 1037.
Reynaud Ne 243.
Reynolds (J. Emerson), 500.
Rey-Pailhade (de), 52, 638.
Rheins, 146. -
Rhodes (Herbert), 682
Ribard (E.), 983.
Ribaucourt (Ed. de), 196, 586.
Ribaut (H.), 447, 549.
Ribière, 195, 343.
Ribot, 51.
Ricco (A.), 195, 392.
Richard ({A.), 1087.
Richardière (H.), 61
Richardson (A.), 684.
Richaud (A.), 142.
Riche, 51.
Richelot, 723.
Richer (Paul), 62
Richet (Charles), 61, 104, 302 à 314,
548, 681, 124, 933.
Ricome (H.), 51
Rieux, 1141.
Ringer (W.-E.), 988.
Riquier, 446.
Rispal, 344.
Rivet, LE
Rivière (E.), 936.
RO LA JS 387, 446.
Robertson (W.), 592, 776.
Rotoe (A.), de 196, 245, 343, 388, 588,
4
Rocques (X.), 383, 595, 699 à 342
718, 351 à 258, 769, 888.
Rocquigny (Ge de), 719.
Rodet (A. ), 196.
Rodier (E.), 49.
Rodriguez, 49.
Roger (Ed.), 50.
Roger (H. ), 817.
Rolland ! (CN 244.
Rollet (P.), 811.
Romburgh (P: van}, 151.
Romme (R.),
677, 890.
Rona (P.), 1039.
Rondeau-Luzeau (Muc), 44
Roos (L.), 244, 1086.
Rosati, 152.
Rose-Innes (J:)5:592:
Rosensthiel, 446.
Rosenthal (G.), 124, 1037.
Rosin, 726.
Rossard (F .), 243,
Rosset (G.), 449, 550.
6, 549.
63, 193, 506 à 524,
1167
Rothé (E.), 6178.
Rothschild (H. de), 677, 681.
Rotschy (A.), 446.
Rouchon (G.), 614.
Rousseaux (E.), 245, 710.
Roussel, 724.
Roustan, 1147.
Rouvière, 122, 772.
Rouville (E. de), 341.
Roux (E.), 446, 449, 1087.
Roux (J.-Ch.), 724, 931.
Rowland qe ), 548, 1092.
Rubeus (H.), 1050.
Rücker (A.-W.), 55.
Ruhemann (S W. , 390, 128, 1092.
Russell (B. “A. -W.), 850.
Ryan (H:):1552-
Rynberk (van), 392, 1152.
S .
Sabanejelf, 726.
Sabatier {P.), 148, 289, 386, 5817, 591,
619, 816.
Sabine (W.-C.), 106.
Sabrazès, 52, 104, 344, 441, 550, 680,
681.
Sacquépée (E.), 857.
Sagnac (E.), 53, 498, 639, 125, 984.
Saint-Hilaire (E.), 241.
Saint-Martin (L. G. de), 389.
Saint-Rémy, 105, 578 à 582.
Saint-Yves Ménard, 290.
Salmon (J.), 245.
Salomon, 651.
Sambuc, 100.
Sand (H.-J.-S.), 49.
Sande Bakhuyzen (E.-F. van de), 818.
Sande Bakhuyzen (H.-G. van de), 294,
818, 819.
Sanders (C.), 1151.
Sanson (A.), 1084.
Sarrasin (E.), 812.
Sarrau (E.), 856.
Sauvage (Ed.), 472 à 482, 1086.
Saux (G.), 681, 124, 817.
Sazirac (R.), 678.
Scalfaro, 392.
Schaër, 680, 1036.
Schaffer (F.), 1040.
Schalkwijk (J.-C.), 451, 199, 819.
Schlagdenhauffen (F.), 1145.
Schlesinger (i 105.
Schmit{ (Ch.), #41.
Schæsing (Th.), 549.
Schæsing fils (1h.), 548.
Schoorl (N.), 151, 1040.
Schoute (P.-H.), 108, 132, 200, 296, 348,
392, 4 32, 820, 1040, 115 si, 41152.
Schouten ÉTAT 392, 820.
Schreinemakers (F.-A.-H.), 392.
Schræder van der Kolk (J.-L.-C.), 452,
1040.
Schryver (S.
Schuh (F.
Schulten h de), 679.
Schupmann (L.), 1031.
Scott (A.), 55, 130, 500.
Scrini (E.), 549.
Sébert, 445.
Seegen (J.), 1039.
Séguier (de), 496.
Seligmann-Lui, 722.
Sell (W.-J.), 684.
Semenow (J.), 581, 113.
Sencier (G.), 633.
Senderens (J.-B.), 148,
816
-B.), 449.
289, 587, 59,
Senier (Alf.), 107, 150.
Sergent (E.), 938.
Serpa Pinto, 111.
Serret (J.-A.), 586.
Servant, 381.
Seurat (L.-G.), 985
Severi, 152.
Severin (E.-C:),
Sevestre, 937.
Seyewetz (A.), 122.
Siacci (F.), 548, 856.
Sicard, 52, 448, 4992, 550, 638, 1147.
Siedlecki (M.), 148, 197.
Sigaud, 193.
Silva Basto (A.-J. da), 673.
Simionescü (CEE 680, S1S.
Simmonds (C.), 302.
Simon (L.-J.), 243, 244, 289,
937.
Simond (P.-L.), 246, 550,
Simonin (J.), 447.
Sinéty (R: de), 1086.
Sitter (W. de), 986.
Skraup (Zd.-H.), 1040.
Slatineano (A.), 937.
Sleen (G. van der), 820, 988,
Smits (A.), 200, 819, 958.
Smolka (A.), 1040.
Sodeau (W.-H.), 56, 684.
Sommelet, 293.
Soret (A.), 388.
Soury (J.), 41.
Sprankling (C.-H.-G.), 107.
Stadt Kzn (E. van de), 820.
Stanvievitch ( G.-M.), 816.
Stassano (H.), 119, 289,
128; 815.
Sieele (B.-D.), 151, 1038.
Stefani (de), 392.
Stein (J.-W. “JA. , 819, 1040.
Stekloff (W. 857:
Stéphan (P.), os.
Sterba (J.), 713. S15.
Stern (A.-L.), 640,
Stevenson (T.), 500. ,
Stiles (Ch. Wardell), 149.
Stokvis (B.-J.), 392, 1040, 1152.
Strasburger, 104.
Struever, 392.
Suarez de Mendoza, 549.
Suchar (P.-J.), 936, 984,
Suchard (E.), 246, 389.
Suchster (A.), 54.
Sudboroug (J.-J.),
Suess (E.), 1039.
Sully (J.), 384.
Sulzer (D.), 984.
Surmont (H.), 549.
Suzor (R.), 447.
Sy, 105, 587, 856, 857.
Syers (H. W.), 116.
449, 933,
386, 550, 679,
390, 451.
qi
Tacchini, 152, 392.
Tailleur (P.), 549.
Tannery (Paul), 330 à 338.
Tarbouriech (J.), 122.
Tarchanoff (J. de), 149, 447, 173.
Tarible, 146, 148.
Tedonue, 392.
Téjer (L.), 49.
Teodoresco (E -C.), 341.
Termier (P.), 1086, 1087, 1146.
Testenoire, 148.
Théohari (A.), 246.
Thévenin (A.), 856.
Thiesen (M.), 1050.
Thomas (A.), 447.
Thomas (P.), 815.
Thomas (V.), 50, 146, 38
1035.
Thompson (S.-P.), 247, 721.
Thomson (J.-J.), 100.
Thorpe (T.-E.), 716.
Thoulet (J.), 41 à 44, 51
Thorpe(J.-F.), 592.
Threlfall (R.), 55, 389.
Tichomirow, 680.
Tiffeneau, 293.
Tilden (W.-A.), 500.
Tissier, 343, 387, 548.
Tissot (C.), 386, 1145.
Tissot (K.), 1147.
Tissot (J.), 679, 772
Titherley (A.-W.),
, 497, 618, 126,
19%, 290.
, 1145, 1146, 1147.
34
29%.
9 *
1168
Tombeck (D.), 192.
Tommasina (Th.),
Tooth (H.), 933.
Topsent ( E. ), 147.
Touane (de la), 105.
Touche, 680, 1036.
Toulouse (E.), 1086.
Tourneux (F.), 724, 817.
Tourneux (J.-P.), 817.
Tournouër (A.), 146.
Tourtoulis-Bey, 290,
Toxopens (A.), 107.
Trabut, 146 à 34, 148, 233 à
Traumüller (K.), 256.
Trémolières (F.), 721.
19%, 290, 1146.
Tribondeau, 52, 196, 246, 818, 986, 1088.
Triboulet (L.), 63.
Trillat, 147, 548, 678, 1086.
Troisier, 723.
Trouvé (G.), 50, 446, 1148.
Tsvett (M.), 141.
Tucker (S.-A.), 640.
Tuffier, 52, 149, 549,
Turchini, 445.
Turpain (A.), 587.
Tutton (A.-E.), 892.
Tzitzeica (G.), 497, 856, 1145.
Ubbels fe -G.). 1040.
Ublig (V.), 1039.
Urbain (E), 141.
Urbain (G.), 147, 1087.
Urbain (V.), 195.
V
Vaillant (G.), 816.
Vaillant (L.), 817, 1086.
Valckenier Suringar (J.), 152, 248.
Valdiguié (A.), 448.
Valeur (A.), 101, 347, 387.
Vallée (H.), 196, 343.
Vallery-Radot (R.), 635.
Vallier (E.), 637, 113, 816.
Vallin (E.), 51, 441, 985.
Vallot (J.). 1145.
Vaney (C.), 496, Y84.
Van t Hotï (J.-H.), 237
PARIS. — L. MARETHEUX, IMPRIMEUR,
589, 638, 724,
TABLE ALPHABÉTIQUE DES AUTEURS
235.
938.
Vaquez (H.), vi 111.
Varnier (H.)
Vaschide (N lee3 à 233,
373 à 230, 589, 638, 723, 124, 815,
851, 936, 1086. 3
Vasseur, 244.
Vaullegeard (A.). 854.
Verbeck (R.-D.-M.), 1152.
Vermorel (V.), 891.
Verneuil (A.), 588.
Vernière (A.), 674.
Vialleton (L.), 1146.
Vidal, 52, 236, 492.
Vigier (P.), 387, 813.
Vignon (L.), 936, 937, 984.
Vignon (P.),50, 344, 386, 588, 722
Vigreux (Ch.), 583.
Viguier (C.), 637, 172.
Villard (P.), 100, 725.
Villari (E.), 293.
Villavecchia, 285.
Ville (J.), 124.
Villon (A.-M.), 101, 1032.
Vincent (H.), 344, 389.
Violle (J.), 679.
Viré (A.), 143.
Vitzou (A.-N.), 936.
Vries (J. de), 451, 986.
Vuillemin (P.), 588, 232 à 754,888,
933.
Vurpas (CIl.), 290, 344, 343 à 380,
388, 123, 815, 857.
W
Waals (J.-D. van der), 296, 391, 451.
Wagner (Ro 1031.
Wahl (A.), 50, 243, 343, 496, 491.
Waleswood, 52.
Walker (J.), 247, 851, 891, 1039, 1092.
Wallace (C.), 933.
Waller (A.-D.), 497, 549, 940.
Wallerant (F.), 49, 148, 674 à 672,
984.
Walras (L.), 1082.
Watson, 55, 241.
Weil (E.), 124, 817.
Weill (G.-A.), 724.
Weingarten, 392.
Weiss (E. )s 1040,
Weiss (G.), 344, 388, 448, 496, 549,
226, 290,
550, 589, 681, 724, 724, 713, 852, 1036,
1067 à 4075, 1143 à 1127.
Weiss (P.), 104, 105, 191, 446.
Went (F.-A. F.-C.), 200.
Wenzel (F.), 1040.
Wertheimer (E.), 245, 444%, 589, 817, 857,
983, 985.
Wettstein (R. von), 1040.
White (S.-A. pa Fe
Whiteley (C. E.)
Widal (F.), 724, ire 937.
Wiechert | E.) .), 168.
Wiener, 52,
Willot, 985.
Wilson (C. T. R.), 858.
Wilson (H. A.), 721.
Wilson (L. P.). 150.
Wind (C. He 348.
Winkler (C),1159%
Wintrebert (L. ), 381.
Wlaeff, 197, 388, 680.
Wolff (J.), 104.
Woltf ( és K.), 819.
Vote ), 498, 247, 293, 500.
ee (E.), ) ie.
Wyone (W: -P.), 592.
Wyrouboff, 106, 499, 591, 1037.
x
XXX, 846 à 849.
#
Y
Young (C.), 500.
Young (S.). 592.
Yvon, 291, 1087.
YXYXY, 100.
Z
peeal (P.-A.), 589.
Zaky (A.), 618, 681, 857, 891.
en (D. js 1033.
Zaremba RÉ ), 105, 679.
Zeiller (R.), 445, 496.
P (P. -) 1151.
Zeuner GE ), 497.
Zolla (D.), 144 net 120.
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